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Full text of "Revue des études ethnographiques et sociologiques"

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EEVÜE  DES  ÉTUDES 

ETHNOGRAPHIQUES 

ET  SOCIOLOGIQUES 


PUBLIÉE   SOUS   LA   DIRECTION   DE 


ARNOLD   VAN   GENNEP 


PREMIÈRE    AVimÉlWi 
1  OOS 

avec  26  planches  bors  texte 


PARIS 
LIBRAIRIE   PAUL   GEUTHNER 

68,  RÜB  ICAZARINB,  68 

1908 


JUN     6  1924  Q  M 

EEVUE  DES  ÉTUDES 

ETHNOGRAPHIQUES 

ET  SOCIOLOGIQUES 


PUBLIÉE   SOUS   LA   DIRECTION   DE 


ARNOLD  VAN  GENNEP 


li«    1    I  SOMMAIRE 

pages 

J.  G.  P&AZBR  :  St  George  and  the  Parilia 1 

Maurice  Dblafossb  :  Le  peuple  Siena  ou  Senoufo 16 

Charles  Borsux  :      Les  poteries  décorées  de  l'Egypte  prédy- 

nasüque.    .    / 33 

Analyses  :  J.  B.  Pratt,  The  psychology  of  religious  belief^ 
(GoBLBT  d'Alvihlla)  ;  Koch-Grünbbrg,  Südamerika' 
nisehe  Felszeichnungen  (A.  van  Gbnmbp)  ;  G.  Jacob, 

Geschichte  des  Schattentheaters  {id.) 

53 

Nouées  bibliographiques 59 

Sommaires  des  Revues 61 

Chronique 63 


PARIS 
LIBRAIRIE   PAUL   GEUTHNER 

68,  RUB  MAZARINE,  68 

Janvier  1908 


PROGRAMME 

de  la  Revue  des  Études  Ethnographiques  et  Sociologiques. 
Intematloiiale.  MensoeUe. 


Le  titre  de  cette  nouTelle  Revae  en  indique  assez  le  but,  à  la  fois  descriptif 
et  théorique.  Les  matières  seront  réparties  suivant  quatre  rubriques  :  1^  Mémoires 
et  articles  de  fond  ;  2*»  Descriptions  d'objets,  courtes  communications,  correspon- 
dance ;  3^  Bibliographie  ;  4®  Renseignements  concernant  les  personnes,  les  institu- 
tions, les  congrès,  etc. 

Par  sociologie,  nous  entendons  Tétude  de  la  vie  en  société  des  hommes  de  tous^ 
les  temps  et  de  tous  les  pays  ;  par  ethnographie,  plus  spécialement  la  description 
de  leur  ciyilisation  matérielle.  Le  champ  de  la  Revae  est  donc  vaste.  L'on  y 
admettra  également  des  travaux  sur  Tarchéologie,  le  droit  comparé,  la  science 
des  religions,  l'histoire  de  l'art,  etc.,  et  l'on  y  fera  appel  aux  brauches  spéciales 
comme  régyptologie,  Tassyriologie,  Torientalisme,  etc.  L'anthropologie  proprement 
dite,  ou  étude  aoatomique  des  variétés  humaines,  ne  rentrera  dans  notre  cadre  que 
dflJis  la  mesure  où  elle  permet  de  définir  le  rapport  qui  pourrait  exister  entre  des 
races  déterminées  et  leurs  civilisations  :  il  en  sera  de  même  pour  la  linguistique, 
dans  la  mesure  où  elle  permet  de  déterminer  révolution  des  institutions  et  des 
idées.  Il  se  dessine  d'ailleurs,  ces  temps  derniers,  une  direction  nouvelle  en  linguis- 
tique à  laquelle  la  ReTue  des  Étades  Btlmographiqaes  et  Sodologique» 
compte  collaborer  effectivement. 

D'une  manière  générale,  la  première  rubrique  sera  consacrée  de  préférence  aux 
travaux  traitant  des  influences  qu'ont  exercées  les  unes  sur  les  autres  les  diverses 
civUisations,  à  des  tableaux  de  cycles  culturels  déterminés,  à  des  essais  de  classi- 
fication des  phénomènes  sociaux  et  à  des  études  comparées  ou  monographiques. 

La  deuxième  rubrique  intéressera,  nous  l'espérons,  les  conservateurs  des  musées 

Srovinciaux  de  France  :  il  existe,  dans  un  très  grand  nombre  de  villes  de  province, 
es  collections  ethnographiques,  dont  quelques-unes  fondées  dès  le  XVIU*  siècle 
renferment  des  objets  rares,  parfois  même  devenus  introuvables.  Souvent  les  fonds 
manquent  pour  la  confection  de  catalogues  complets  et  la  Revae  offrira  l'occasion 
de  constituer  ces  catalogues  peu  à  peu.  Des  richesses  demeurent  encore  ignorées 
que  nous  désirerions  contribuer  à  faire  connaître  au  monde  savant. 

Mous  suivrons,  entre  autres,  d'aussi  près  que  possible  le  mouvement  scientifique 
en  pays  slaves,  les  travaux  russes,  polonais,  tchèques,  ruthènes,  bulgares,  etc. 
manquant  d'un  organe  français  qui  les  mette  en  valeur  comme  ils  le  méritent.  De 
même,  nous  rendrons  compte  avec  soin  des  travaux  hongrois,  roumains,  grecs,  etc. 
Nous  attribuerons  une  grande  importance  à  la  rubrique  Bibliographie,  qui  com- 
prendra des  analyses  critiques,  de  courts  compte-rendus,  les  sommaires  des  revues 
et  des  collections^ 

A  la  Revue  sera  annexée  une  Collection  d'Études*  Ethnographiques  et 
Sociologiques  :  monographies  descriptives  illustrées,  documents  inédits,  études 
d'ensemble,  etc. 

La  langue  de  la  Revue  sera  de  préférence  le  fraiiçais  ;  mais  l'anglais,  l'alle- 
mand et  l'italien  y  seront  également  admis.  Les  honoraires  seront  de  1  fir.  25  = 
1  mk  =  1  sh,  la  page,  les  illustrations  comptant  comme  texte.  Les  auteurs  auront 
droit  à  25  tirages  à  part  pour  les  Mémoires  et  Articles  et  à  10  pour  les  Communi- 
cations, Descriptions  d'objets,  etc. 

Adresser  les  lettres  et  manuscrits  à  M.  A.  van  Gennep,  56,  rue  de  Sèvres^ 
Clamart,  près  Paris,  Seine,  et  les  livres,  revues,  imprimés  de  toute  sorte  et  abon- 
nements à  M.  Paul  Geuthner,  libraire-éditeur^  68,  Rue  Mazarine,  Paris  (VI*),  au 
nom  de  la  Revue  des  Études  Ethnographiques  et  Sociologiques. 

PRIX  DE  L'ABONNEMENT 

France  :  20  frs.  Etranger  :  22  frs. 

Abonnement  de  luxe^pour  donateurs ^  avec  planches  sur  papier  spécial  :  150  /r. 


1908.]  FRAZER    :    ST   GEORGE   AND   THE   PARILIA.  [P.  1^ 

ST.  GEORGE  AND  THE  PARILIA  *. 

by  J.  6.  Frazbb  (Cambridge). 


In  the  course  of  the  preceding  investigation  we  found  reason  to  assume  that 
the  old  Latin  kings,  like  their  brethren  in  many  parts  of  the  world,  were  charged 
with  certain  religious  duties  or  magical  functions,  amongst  which  the  maintenance 
of  the  fertility  of  the  earth  held  a  principal  place.  By  this  I  do  not  mean  that 
they  had  to  see  to  it  only  that  the  rain  fell,  and  that  the  corn  grew  and  trees  put 
forth  their  fruit  in  due  season.  In  those  early  days  it  is  probable  that  the  Italians 
were  quite  as  much  a  pastoral  as  an  agricultural  people,  or,  in  other  words,  that 
they  depended  for  their  subsistence  no  less  on  their  flocks  and  herds  than  on  their 
fields  and  orchards.  To  provide  their  cattle  with  grass  and  water,  to  ensure  their 
fecundity  and  the  abundance  of  their  milk,  and  to  guard  them  from  the  depreda- 
tions of  wild  beasts,  would  be  objects  of  the  first  importance  with  the  shepherds 
and  herdsmen  who,  according  to  tradition,  founded  Rome  ;  ^  and  the  king,  as  the 
representative  or  embodiment  of  the  deity,  would  be  expected  to  do  his  part 
towards  procuring  these  blessings  for  his  people  by  the  performance  of  sacred 
rites.  The  Greeks  of  the  Homeric  age  thought  that  the  reign  of  a  good  king  not 
only  made  the  land  to  bear  wheat  and  barley,  but  also  caused  the  flocks  to  multiply 
and  the  sea  to  yield  fish.' 

In  this  connection,  accordingly,  it  can  be  no  mere  accident  that  Rome  is  said 
to  have  been  founded  and  the  pious  king  Numa  to  have  been  born  on  the  twenty- 
first  of  April,  the  day  of  the  great  shepherds'  festival  of  the  Parilia.'  It  is  very 
unlikely  that  the  real  day  either  of  the  foundation  of  the  city  or  of  Numa's  birth 
should  have  been  remembered,  even  if  we  suppose  Numa  to  have  been  an  histori- 
cal personage  rather  than  a  mythical  type  ;  it  is  far  more  probable  that  both  events 
were  arbitrarily  assigned  to  this  date  by  the  speculative  antiquaries  of  a  later  age 


♦  Cet  article  est  tiré,  avec  la  permission  de  Messieurs  Macmillan  et  Cie.  de  la  troisième 
édition  sous  presse  du  Golden  Bough  du  même  auteur. 

1  See  Varro,  De  re  rustica,  ii.  1.  9  sq,  «  Romanorum  veropopulum  apastoribus  esse 
ortum  guis  non  dicit  f  n  etc.  Amongst  other  arguments  in  favour  of  this  view  Varro  refei'S 
to  the  Roman  names  derived  from  cattle,  both  large  and  small,  such  as  Porciics,  «  pig- 
man  >»,  Omnvus^  «  sheep-man,  n  Caprilius,  «  goat-man,  »  Equitius\  ••  horse-man,  »  Tauriu^y 
«  bull- man,  »  and  so  forth.  On  the  importance  of  cattle  and  milk  among  the  ancient  Aryans 
see  O.  Schrader,  Beallexihon  der  Indogermanischen  Altertumskunde^  pp.  541  s^.,  689 
sqq.^  913  sqq. 

«  Homer,  Od.,  XIX.  109-114. 

*  As  to  the  foundation  of  Rome  on  this  date  see  Varro,  Be  re  rustica,  ii.  1.  9  ;  Cicero, 
De  divinatione,  ii.  47.  98  ;  Festus,  s.  v.  «  Parilibus,  n  p.  236,  ed.  C.  0.  Müller  ;  Pliny,  Nat. 
Bist,  xviii.  247  ;  Propertius,  v.  4.  73  sq.  ;  Ovid,  Fasti,  iv.  801-806  ;  id.,  Metam.  xiv.  774  sq.  ; 
Velleius  Paterculus,  i.  8.  4  ;  Eutropius,  i.  1  ;  Solinus,  i.  18  ;  Censorinus,  De  die  natali,  xxi. 
6  ;  Probus  on  Virgil,  Qeorg.  iii.  1  ;  Schol.  Veronens.  on  Virgil.  /.  c.  :  Dionysius  Hallcarnas. 
Ant.  Rom.  i.  88  ;  Plutarch,  Romuliis,  12  ;  Dio  Cassius,  xliii.  42  ;  Zonaras,  Annals,  vii.  3  ; 
Joannes  Lydus,  De  mensibus,  i.  14,  iv.  50.  As  to  the  birth  of  Numa,  see  Plutarch,  Numa,  3. 
The  festival  is  variously  called  Parilia  and  Palilia  by  ancient  writers,  but  the  form  Parilia 
«eems  to  be  the  better  attested  of  the  two.  See  G.  Wissowa,  s.  v.  «  Pales,  n  Roscher's 
Lexikon  der  griech.  und  röm.  Mythologie,  iii.   1278. 


J>.  2.]  .    R    .    E    •    E    •    S    •  [1908. 

on  the  ground  of  some  assumed  fitness  or  propriety.  In  what  did  this  fitness  or 
propriety  consist  ?  The  belief  that  the  first  Bomans  were  shepherds  and  herdsmen 
would  be  reason  enough  for  supposing  that  Rome  was  founded  on  the  day  of  the 
shepherds*  festival,  or  even  that  the  festival  was  instituted  to  commemorate  the 
event.^  But  why  should  Numa  be  thought  to  have  been  born  on  that  day  of  all 
days  ?  Perhaps  it  was  because  the  old  sacred  kings,  of  whom  he  was  the  model, 
had  to  play  an  important  part  in  the  ceremonies  of  the  day.  The  birthdays  of 
the  gods  were  celebrated  by  festivals  ;  the  kings  were  divine  or  semi-divine  ;  it 
would  be  natural,  therefore,  that  their  birthdays  should  be  identified  with  high 
feasts  and  holidays.  Whether  this  was  so  or  not,  the  festival  of  the  Parilia  presents 
so  many  points  of  resemblance  to  some  of  the  popular  customs  discussed  in  these 
volumes  that  a  brief  examination  of  it  may  not  be  inappropriate  in  this  place.' 

The  spring  festival  of  the  twenty-first  of  April,  known  as  the  birthday  of 
Rome,^  was  deemed  second  in  importance  to  none  in  the  calendar.^  It  was  held 
by  shepherds  and  herdsmen  for  the  welfare  and  increase  of  their  flocks  and  herds.^ 
The  pastoral  deity  to  whom  they  paid  their  devotions  was  Pales,  as  to  whose  sex 
the  ancients  themselves  were  not  at  one.  In  later  times  they  commonly  spoke  of 
her  as  a  goddess  ;  but  Varro  regarded  Pales  as  masculine,^  and  we  may  follow  bis 
high  authority.  The  day  was  celebrated  with  similar  rites  both  in  the  town  and 
the  country,  but  in  its  origin  it  must  have  been  a  strictly  rural  festival.  Indeed, 
it  could  hardly  be  carried  out  in  full  except  among  the  sheepfolds  and  cattle-pens. 
At  some  time  of  the  day,  probably  in  the  morning,  the  people  repaired  to  the 
temple  of  Vesta,  where  they  received  from  the  Vestal  Virgins  ashes,  blood,  and 
bean-straw  to  be  used  in  fumigating  themselves,  and  probably  their  beasts.  The 
ashes  were  those  of  the  unborn  calves  which  had  been  torn  from  their  mothers' 
wombs  on  the  fifteenth  of  April  ;  the  blood  was  that  which  had  dripped  from  the 
tail  of  a  horse  sacrificed  in  October.'''  Both  were  probably  supposed  to  exercise  a 
fertilising  as  well  as  a  cleansing  influence  on  the  people  and  on  the  cattle  ;  for 
apparently  one  effect  of  the  ceremonies,  in  the  popular  opinion,  was  to  quicken  the 
wombs  of  women  no  less  than  of  cows  and  ewes.^  At  break  of  day  the  shepherd 
purified  his  sheep,  after  sprinkling  and  sweeping  the  ground.    The  fold  was 


1  Dionysius  of  Halicamassus  (Ant  Rom.  i.  88)  hesitates  between  these  two  views.  With, 
truer  historical  insight  Plutarch  (Romultùs^  12)  holds  that  the  rustic  festival  was  older 
than  the  foundation  of  Home. 

*  For  modern  discussions  of  the  Parilia,  see  L.  Preller,  Römische  Mythologie,^  i.  4ia 
sqq.  ;  J.  Marquardt,  Römische  Staatsverwaltung,  iü.*  207  sq.  ;  W.  Mannhardt,  Antike 
Wald'  und  Feldkulte,  pp.  309-317  ;  W.  Warde  Fowler,  Roman  Festivals,  pp.  79-85  ;  G.  Wis- 
sowa,  *.  V,  «  Pales,  »  Roscher's  Lexikon  der  griech.  u.  röm.  Mythologie,  iii.  coli.  1276- 
1280  ;  id.,  Religion  und  Cultus  der  Römer,  p.  165  sq. 

3  Cicero,  De  divinatione,  ii.  47.  98  ;  Ovid,  Fasti,  iv.  8C6  ;  Calendar  of  Philocalus,  quoted 
by  W.  Warde  Fowler,  op.  cit.  p.  79  ;  Probus  on  Virgil,  Georg,  iii.  1  ;  Plutarch,  Romulu^^ 
12  ;  Zonaras,  Annals,  vii.  3. 

*  Dionysius  Halicarn.  Ant.  Rom.  i.  88. 

5  Festus,  s.  r.  «  Pales,  n  p.  222,  éd.  C.  0.  Müller  ;  Dionysius  Halic.  l.  c. 
®  Servius  on  Virgil,  Georg,  iii.  1.  See  also  Amobius,  Adversu^  Nationes,  iii.  40  ;  Martia- 
nus  Capella,  i.  50. 
7  Ovid.  Fasti,  iv.  637-640,  731-734  ;  Propertius,  v.  1.  19  sq. 
«  Tibullus,  ii.  5.  91  sq.  — 

«  Et  fetus  matrona  dabit,  natusque  parenti 
Oscula  comprensis  aurions  eripiet.  n 


1908.]  FRAZER    :    ST   GEORGE   AND   THE    PARILIA.  [P.  3. 

decked  with  leafy  boughs,  and  a  great  wreath  was  hung  on  the  door.*  The  purifi- 
cation of  the  flocks  apparently  consisted  in  driving  them  over  burning  heaps  of 
grass,  pine-wood,  laurel,  and  branches  of  the  male  olive-tree.*  Certainly  at  some 
time  of  the  day  the  sheep  were  compelled  to  scamper  over  a  fire."  Moreover,  the 
bleating  flocks  were  touched  with  burning  sulphur  and  fumigated  with  its  blue 
«moke.^  Then  the  shepherd  offered  to  Pales  baskets  of  millet,  cakes  of  millet,  and 
pails  of  warm  milk.  Next  he  prayed  to  the  god  that  he  would  guard  the  fold  from 
the  evil  powers,  including  probably  witchcraft  ;^  that  the  flocks,  the  men,  and  the 
dogs  might  be  hale  and  free  from  disease  ;  that  the  sheep  might  not  fall  a  prey  to 
wolves  ;  that  grass  and  leaves  might  abound  ;  that  water  might  be  plentiful  ;  that 
the  udders  of  the  dams  might  be  full  of  milk  ;  that  the  rams  might  be  lusty,  and 
the  ewes  prolific  ;  that  many  lambs  might  be  born  ;  and  that  there  might  be  much 
wool  at  shearing.^  This  prayer  the  shepherd  had  to  repeat  four  times,  looking  to 
the  east  ;  then  he  washed  his  hands  in  the  morning  dew.  After  that  he  drank  a 
bowl  of  milk  and  wine,  and,  warmed  with  the  liquor,  leaped  over  burning  heaps 
of  crackling  straw.  This  practice  of  jumping  over  a  straw  fire  would  seem  to  have 
been  a  principal  part  of  the  ceremonies  :  at  least  it  struck  the  ancients  themselves, 
for  they  often  refer  to  it.^ 

The  shepherd's  prayer  at  the  Pariiia  is  instructive,  because  it  gives  us  in  short 
a  view  of  the  chief  wants  of  the  pastoral  life.  The  supplication  for  grass  and 
leaves  and  water  reminds  us  that  the  herdsman  no  less  than  the  husbandman 
depends  ultimately  on  vegetation  and  rain  ;  so  that  the  same  divine  powers  which 
cover  the  fields  of  the  one  with  yellow  corn  may  be  conceived  to  carpet  the  mea- 
dows of  the  other  with  green  grass,  and  to  diversify  them  with  pools  and  rivers  for 
the  refreshment  of  the  thirsty  cattle.  And  it  is  to  be  borne  in  mind  that  in  coun- 
tries where  grass  is  less  plentiful  than  under  the  soft  skies  of  northern  Europe, 
sheep,  goats,  and  cattle  still  subsist  in  great  measure  on  the  leaves  and  juicy  twigs 
of  trees.^  Hence  in  these  lands  the  pious  shepherd  and  goatherd  cannot  afford  to 
ignore  or  to  offend  the  tree-spirits,  on  whose  favour  and  bounty  his  flocks  are 


*  Ovid,  Fasti^  iv.  735-738.  In  his  account  of  the  festival  Ovid  mentions  only  shepherds 
and  sheep  ;  but  since  Pales  was  a  god  of  cattle  as  well  as  of  sheep  (Arnobius,  Adverstis 
Naiiones,  iii.  23),  we  may  suppose  that  hei'ds  and  herdsmen  equally  participated  in  it. 
Dionysius  (I.  c.)  speaks  of  fouiiooted  beasts  in  general. 

«  So  Mr.  W.  Warde  Fowler  understands  Ovid,  FasH,  iv.  735-742. 
3  Ovid,  Fasti,  iv.  805  sq, 
^  Ovid.  Fastij  iv.  739  sq. 
5  Ovid,  Fasiiy  iv.  747  *g.— 

«  Consule,  die,  pecori  pariter  pecorisqite  magistris  : 

Effugiat  staJbulis  noxa  repulsa  meis.  » 
With  this  sense  of  noxa  compare  id,  vi.  129  sg.,  where  it  is  said  that  buckthorn  or  haw- 
thorn «  tristes  pellere  posset  a  foribus  noxas.  » 

*  Ovid,  Fasti,  iv.  763-774.  The  prayer  that  the  wolves  may  be  kept  far  from  the  fold  is 
mentioned  also  by  TibuUus  (ii.  5.  88). 

^  Ovid,  Fasti,  iv.  779-782  ;  Tibullus,  ii.  5.  89  sq.  ;  Propertius,  v.  U 19,  v.  4.  77  sq.  ;  Persius, 
i.  72  ;  Probus  on  Virgil,  Oeorg.  iii.  1. 

8 1  owe  this  observation  to  F.  A.  Paley,  on  Ovid.  Fasti,  iv.  754.  He  refers  to  Virgil, 
Oeorg.  ii.  435.  Eel.  i.  30  ;  Theocritus,  xi.  73  sq.  ;  to  which  may  be  added  Virgil,  Georg,  iii. 
300  sq.,  320  sq.  ;  Horace,  Epist.  1. 14. 28  ;  Colimiella,  De  re  ncstiea,  vii.  3.  21,  xi.  2.  83  and 
99-101  ;  Cato,  De  re  rustiea,  30.  From  these  passages  of  Cato  and  Columella  we  learn 
that  the  Italian  farmer  fed  his  cattle  on  the  leaves  of  the  elm,  the  ash,  the  poplar,  the  oak, 
the  evei^green  oak,  the  fig,  and  the  laurel. 


p.  4.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

dependent  for  much  of  their  fodder.  Indeed,  at  the  Parilia  the  shepherd  made 
elaborate  excuses  to  these  divine  beings  for  any  trespass  he  might  unwittingly 
have  committed  on  their  hallowed  domain  by  entering  a  sacred  grove,  sitting  in  the 
shadow  of  a  holy  tree,  or  lopping  leafy  branches  from  it  with  which  to  feed  a 
sickly  sheep.^  In  like  manner  he  craved  pardon  of  the  wateroymphs,  if  the  hoofe 
of  his  cattle  had  stirred  up  the  mud  in  their  clear  pools  ;  and  he  implored  Pales 
to  intercede  for  him  with  the  divinities  of  springs  «  and  the  gods  dispersed  through 
every  woodland  glade.  »* 

The  Parilia  was  generally  considered  to  be  the  best  time  for  coupling  the 
rams  and  the  ewes  ;  '  and  it  has  been  suggested  that  it  was  also  the  season  when 
the  flocks  and  herds,  after  being  folded  and  stalled  throughout  the  winter,  were 
turned  out  for  the  first  time  to  pasture  in  spring.^  The  occasion  is  an  anxious 
one  for  the  shepherd,  especially  in  countries  which  are  infested  with  wolves,  as 
ancient  Italy  was.^  Accordingly  the  Italian  shepherd  propitiated  Pales  with  a 
slaughtered  victim  before  he  drove  his  flocks  afield  in  spring  ;  ®  but  it  is  doubtful 
whether  this  sacrifice  formed  part  of  the  Parilia.  None  of  the  ancient  authors 
who  expressly  describe  the  Parilia  mention  the  slaughter  of  a  victim  ;  and  in 
Plutarch's  day  a  tradition  ran  that  of  old  no  blood  was  shed  at  the  festival.^  But 
such  a  tradition  seems  to  point  to  a  contrary  practice  in  after  times.  In  the 
absence  of  decisive  evidence  the  question  must  be  left  open  ;  but  modern  analogy^ 
as  we  shall  see,  strongly  supports  the  opinion  that  immediately  at  the  close  of  the 
Parilia  the  flocks  and  herds  were  driven  out  to  graze  in  the  open  pastures  for  the 
first  time  after  their  long  winter  confinement.  On  this  view  a  special  significance 
is  seen  to  attach  to  some  of  the  features  of  the  festival,  such  as  the  prayer  for 
protection  against  the  wolf  ;  for  the  brute  could  hardly  do  the  sheep  and  kine 
much  harm  so  long  as  they  were  safely  pent  within  the  walls  of  the  sheepcote  and 
the  cattle-stall. 

As  the  Parilia  is  said  to  have  been  celebrated  by  Romulus,  who  sacrificed  to 
the  gods  and  caused  the  people  to  purify  themselves  by  leaping  over  flames,^  some 
scholars  have  inferred  that  it  was  customary  for  the  king,  and  afterwards  for  his 
successor,  the  chief  pontiff,  or  the  King  of  the  Sacred  Rites,  to  offer  sacrifices  for 
the  people  at  the  Parilia.^  The  inference  is  reasonable  and  receives  some  confir- 
mation, as  we  shall  see  presently,  from  the  analogy  of  modern  custom.  Further, 
the  tradition  that  Numa  was  born  on  the  day  of  the  Parilia  may  be  thought  to 
point  in  the  same  way, 'since  it  is  most  naturally  explicable  on  the  hypothesis  that 
the  king  had  to  discharge  some  important  function  at  the  festival.  Still,  it  must 
be  confessed  that  the  positive  evidence  for  connecting  the  Roman  kings  with  the 
celebration  of  the  twenty-first  of  April  is  slight  and  dubious. 

On  the  whole  the  festival  of  the  Parilia,  which  probably  fell  at  or  near  the 


1  Ovid,  Fasti,  iv.  749-754. 
«  Ovid,  Fasti,  iv.  757-760. 
8  Columella,  De  re  rtistica,  vii.  3-11. 

*  The  suggestion  was  made  by  C.  G.  Heyne  in  his  commentary  on  Tibullus,  ii.  5.  88. 
^  0.  Keller,  Thiere  des  classischen  Alterthums  (Innsbruck,  1887),  pp.  158  sqq. 

®  Calpurnius,  BucoL  v.  16-28. 
^  Plutarch,  Romuliis,  12. 

*  Dionysius  Halicam.  Ant,  Rom.  1.  88. 

»  This  is  the  view  of  J.  Marquardt  {Römiscfie  Staatsverwaltung^  iii.*  207),  and  Mr.  W- 
Warde  Fowler  {Roman  Festivals,  p.  83,  note  1). 


1908.]  FRAZER    :    ST   GEORGE   AND   THE    PARILIA.  [p,  5, 

time  of  taming  out  the  cattle  to  pasture  iu  spring,  was  designed  to  ensure  their 
welfare  and  increase,  and  to  guard  them  from  the  insidious  machinations  or  the 
open  attacks  of  their  various  enemies,  among  whom  witches  and  wolves  were 
perhaps  the  most  dreaded. 

Now  it  can  hardly  be  a  mere  coincidence  that  down  to  modern  times  a  great 
popular  festival  of  this  sort  has  been  celebrated  only  two  days  later  by  the  herds- 
men and  shepherds  of  eastern  Europe,  who  still  cherish  a  profound  belief  in  witch- 
craft, and  still  fear,  with  far  better  reason,  the  raids  of  wolves  on  their  flocks  and 
herds.  The  festival  falls  on  the  twenty-third  of  April  and  is  dedicated  to 
St.  George,  the  patron  saint  of  cattle,  horses,  and  wolves.  The  Esthonians  say 
that  on  St.  George's  morning  the  wolf  gets  a  ring  round  his  snout  and  a  halter  about 
his  neck,  whereby  he  is  rendered  less  dangerous  till  Michaelmas.  But  if  the  day 
should  chance  to  be  a  Friday  at  full  moon,  or  if  before  the  day  came  round  any 
person  should  have  been  so  rash  as  to  thump  the  dirty  linen  in  the  wash-tub  with 
two  beetles,  the  cattle  will  run  a  serious  risk  of  being  devoured  by  wolves.  Many 
are  the  precautions  taken  by  the  anxious  Esthonians  on  this  day  to  guard  their 
herds  from  the  ravening  beasts.  Thus  some  people  gather  wolfs  dung  on  the 
preceding  night,  burn  it,  and  fumigate  the  cattle  with  it  in  the  morning.  Or  they 
collect  bones  from  the  pastures  and  burn  them  at  a  cross-road,  which  serves  as  a 
charm  against  sickness,  sorcery,  and  demons  quite  as  well  as  against  wolves. 
Others  smoke  the  cattle  with  asa  faetida  or  sulphur  to  protect  them  against  witch- 
craft and  noxious  exhalations.  They  think,  too,  that  if  you  sew  stitches  on 
St.  George's  morning  the  cubs  of  the  wolves  will  be  blind,  no  doubt  because  their 
eyes  are  sewed  up  by  the  needle  and  thread.  In  order  to  forecast  the  fate  of  their 
herds  they  lay  eggs  or  a  sharp  weapon,  such  as  an  axe  or  a  scythe,  before  the 
doors  of  the  stalls,  and  the  animal  which  crushes  an  egg  or  wounds  itself  will 
surely  be  rent  by  a  wolf  or  will  perish  in  some  other  fashion  before  the  year  is  out. 
So  certain  is  its  fate  that  many  a  man  prefers  to  slaughter  the  doomed  beast  out  of 
hand  for  the  sake  of  saving  at  least  the  beef. 

As  a  rule  the  Esthonians  drive  their  cattle  out  to  pasture  for  the  first  time  on 
St.  George's  Day,  and  the  herdsman's  duties  begin  from  then.  If,  however,  the 
herds  should  have  been  sent  out  to  graze  before  that  day,  the  boys  who  look  after 
them  must  eat  neither  flesh  nor  butter  while  they  are  on  duty  ;  else  the  wolves 
will  destroy  many  sheep,  and  the  cream  will  not  turn  to  butter  in  the  chum. 
Further,  the  boys  may  not  kindle  a  fire  in  the  wood,  or  the  wolfs  tooth  would  be 
fiery  and  he  would  bite  viciously.  By  St.  George's  Day,  the  twenty-third  of  April, 
there  is  commonly  fresh  grass  in  the  meadows.  But  even  if  the  spring  should  be 
late  and  the  cattle  should  have  to  return  to  their  stalls  hungrier  than  they  went 
forth,  many  Esthonian  farmers  insist  on  turning  out  the  poor  beasts  on  St.  George's 
Day  in  order  that  the  saint  may  guard  them  against  his  creatures  the  wolves.  On 
this  morning  the  farmer  treats  the  herdsman  to  a  dram  of  brandy,  and  gives  him 
two  copper  kopecks  as  «  tail-money  »  for  every  cow  in  the  herd.  This  money  the 
giver  first  passes  thrice  round  his  head  and  then  lays  it  on  the  dunghill  ;  for  if  the 
herdsman  took  it  from  his  hand,  it  would  in  some  way  injure  the  herd.  Were  this 
ceremony  omitted,  the  wolves  would  prove  very  destructive,  because  they  had  not 
been  appeased  on  St.  George's  Day.  After  receiving  the  «  tail-money  n  some 
herdsmen  are  wont  to  collect  the  herd  on  the  village  common.  Here  they  set  up 
their  crook  in  the  ground,  place  their  hat  on  it,  and  walk  thrice  roand  the  cattle, 
muttering  spells  or  the  Lord's  Prayer  as  they  do  so.    The  pastoral  crook  should 


p.  6.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

be  cut  from  the  rowan  or  mountain-ash  and  consecrated  by  a  wise  man,  who  carves 
mystic  signs  on  it.  Sometimes  the  upper  end  of  the  crook  is  hollowed  out  and 
filled  with  quicksilver  and  asa  fodida^  the  aperture  being  stopped  up  with  resin» 
Some  Esthonians  cut  a  cross  with  a  scythe  under  the  door  through  which  the  herd 
is  to  be  driven,  and  fill  the  furrows  of  the  cross  with  salt  to  prevent  certain  evil 
beings  from  harming  the  cattle.  Further,  it  is  an  almost  universal  custom  in 
Esthonia  not  to  hang  bells  on  the  necks  of  the  kine  till  St.  George's  Day  ;  the  few 
who  can  give  a  reason  for  the  rule  say  that  the  chiming  of  the  bells  before  that 
season  would  attract  the  wild  beasts.^ 

In  the  island  of  Dago  down  to  the  early  part  of  the  nineteenth  century  there 
were  certain  holy  trees  from  which  no  one  dared  to  break  a  bough  ;  in  spite  of  the 
lack  of  wood  in  the  island  the  fallen  branches  were  allowed  to  rot  in  heaps  on  the 
ground.  Under  such  trees  the  Esthonians  used  to  offer  sacrifices  on  St.  George's 
Day  for  the  safety  and  welfare  of  their  horses.  The  offerings,  which  consisted  of  an 
egg,  a  piece  of  money,  and  a  bunch  of  horse-hair  tied  up  with  a  red  thread,  were 
buried  in  the  earth.*  The  custom  is  interesting  because  it  exhibits  St.  George  in 
the  two-fold  character  of  a  patron  of  horçes  and  of  trees.  In  the  latter  capacity 
he  has  already  met  us  more  than  once  under  the  name  of  Green  George.' 

In  Russia  the  saint  is  known  as  Yegory  or  Yury,  and  here,  as  in  Esthonia,  he 
is  a  patron  of  wolves  as  well  as  of  flocks  and  herds.  Many  legends  speak  of  the 
connection  which  exists  between  St.  George  and  the  wolf.  In  Little  Russia  the 
beast  is  known  as  «  St.  George's  Dog,  »  and  the  carcasses  of  sheep  which  wolves 
have  killed  are  not  eaten,  it  being  held  that  they  have  been  made  over  by  divine 
command  to  the  beasts  of  the  field.^  The  festival  of  St.  George  on  the  twenty- 
third  of  April  has  a  national  as  well  as  an  ecclesiastical  character  in  Russia,  and 
the  mythical  features  of  the  songs  which  are  devoted  to  the  day  prove  that  the 
saint  has  supplanted  some  old  Slavonian  deity  who  used  to  be  honoured  at  this 
season  in  heathen  times.  It  is  not  as  a  slayer  of  dragons  and  a  champion  of 
forlorn  damsels  that  St.  George  figures  in  these  songs,  but  as  a  patron  of  farmers 
and  herdsmen  who  preserves  cattle  from  harm,  and  on  whose  day  accordingly  the 
flocks  and  herds  are  driven  out  to  browse  the  fresh  pastures  for  the  first  time  after 
their  confinement  through  the  long  Russian  winter.  «  What  the  wolf  holds  in  ita 
teeth,  that  Yegory  has  given,  »  is  a  proYerb  which  shows  how  completely  he  is 
thought  to  rule  over  the  fold  and  the  stall.    Here  is  one  of  the  songs  : — 

We  have  gone  around  the  field 
We  have  called  Yegory  .  .  . 
«  0  thou^  our  brave  Yegory^ 
Save  our  cattle^ 

In  the  field  J  and  beyond  the  fields 
In  the  foresty  and  beyond  the  forest^ 
Under  the  bright  moon^ 


Ï  Boecler-Kreutzwald,  Ber  Ehsten  abergläubische  Gebräuche,  Weisen  und  Gevoohn- 
heiten,  pp.  82-84, 116-118;  F.  J.  Wiedemann,  Au^  dem  inneren  und  äusseren  Leben  der 
Ehsten,  pp.  332,  356-361  ;  Hoizmayer,  «  Osillana,  n  Verhandlungen  der  gelehrten  Estni- 
schen Gesellschaft  zu  Borpat,  vii.  (1872),  p.  61. 

*  F.  J.  Wiedemann,  op.  cit,  p.  413. 

3  The  Golden  Bough,  2  d.  ed.,  I.  209  sqq. 

^  W.  R.  S.  Ralston,  Russian  Folktales,  pp.  344, 345, 


1908.]  FRAZER    :    ST   GEORGE   AND   THE    PARILIA.  [P.  7. 


Under  the  red  sun^ 
From  the  rapaciow  wolf^ 
From  the  cruel  hear^ 
Frofn  the  cunning  beast.  » 
A  White-Russian  song  represents  St.  George  as  opening  with  golden  keys,  proba- 
bly the  sunbeams,  the  soil  which  has  been  frost-bound  all  the  winter  : — 
Hohf  Jury^  the  divine  envoy  ^ 
Has  gone  to  God^ 
And  having  taken  the  golden  keys, 
Has  unlocked  the  moist  earth. 
Having  scattered  the  clinging  dew 
Over  White-Russia  and  aU  the  world. 
In  Moravia  they  «  meet  the  Spring  »  with  a  song  in  which  they  ask  Green 
Thursday,  that  is,  the  day  before  Good  Friday,  what  he  has  done  with  the  keys, 
and  he  answers  :  «  I  gave  them  to  St.  George.    St.  George  arose  and  unlocked  the 
earth,  so  that  the  grass  grew— the  green  grass.  »    In  White-Russia  it  is  customary 
on  St.  George's  Day  to  drive  the  cattle  afield  through  the  morning  dew,  and  in 
little-Russia  and  Bulgaria  young  folk  go  out  early  and  roll  themselves  in  it.'    In 
the  Smolensk  Government,  when  the  herds  are    being  sent  out  to  graze  on 
St.  George's  Day,  the  following  spell  is  uttered  : — 
«  Deaf  man,  deaf  man,  dost  thou  hear  us  ?  n 
«  I  hear  not.  n 

«  God  grant  that  the  wolf  may  not  hear  our  cattle  !  » 
«  Cripple,  cripple,  canst  thou  catch  us  ?  n 
«  /  canfu>t  catch,  a 

«  God  grant  that  the  wolf  may  not  catch  our  cattle  !  n 
«  Blind  man,  blind  man,  dost  thou  see  us  ?  v 
«  I  see  not  » 

«  God  grant  that  the  wolf  may  not  see  our  cattle  !  »' 
But  in  the  opinion  of  the  Russian  peasant  wolves  are  not  the  only  foes  of 
cattle  at  this  season.  On  the  eve  of  St.  George's  Day,  as  well  as  on  the  night  before 
Whitsunday  and  on  Midsummer  Eve,  witches  go  out  naked  in  the  dark  and  cut 
chips  from  the  doors  and  gates  of  farmyards.  These  they  boil  in  a  milk-pail,  and 
thus  charm  away  the  milk  from  the  farms.  Hence  careful  housewives  examine 
their  doors  and  smear  mud  in  any  fresh  gashes  they  may  find  in  them,  which 
frustrates  the  knavish  tricks  of  the  milk-stealing  witch.  Not  to  be  baffled,  how« 
ever,  the  witches  climb  the  wooden  crosses  by  the  wayside  and  chip  splinters  from 
them,  or  lay  their  hands  on  stray  wooden  wedges.  These  they  stick  into  a  post  in 
the  cattle-shed  and  squeeze  them  with  their  hands  till  milk  flows  from  them  as 
freely  as  from  the  dugs  of  a  cow.  At  this  time  also  wicked  people  turn  themselves 
by  magic  art  into  dogs  and  black  cats,  and  in  that  disguise  they  sack  the  milk  of 
cows,  mares,  and  ewes,  while  they  slaughter  the  bulls,  horses,  and  rams.' 


^  W.  R.  S.  Ralston,  Songs  of  the  Russian  People,  pp.  229-231. 

>  W.  R.  S.  Ralston,  op.  cit.,  p.  389.  French  peasants  of  the  Vosges  Mountains  believe 
that  St.  George  shuts  the  mouths  of  wild  beasts  and  prevents  them  û*om  attacking  the 
flocks  which  are  placed  under  his  protection  (L.  F.  Sauvé»  Le  folk-lore  [des  Hautes-  Vosges^ 
p.  127). 

*  W.  R.  S.  Ralston,  op.  cit.,  p.  319  sq. 


p.  8.]  '    R    *    E    ^    E    >    S    •  [1908. 

The  Ruthenians  of  Bukowina  and  Galicia  believe  that  at  midnight  before 
St.  George's  Day  (the  twenty-third  of  April)  the  witches  come  in  bands  of  twelve 
to  the  hills  at  the  boundaries  of  the  villages  and  dance  there  and  play  with  fire. 
Moreover,  they  cull  on  the  mountains  the  herbs  they  need  for  their  infernal 
enchantments.  Like  the  Esthonians  and  the  Russians,  the  Ruthenians  drive  their 
cattle  out  to  pasture  for  the  first  time  on  St.  George's  Day  ;  hence  during  the  pre- 
ceding night  the  witches  are  very  busy  casting  their  spells  on  the  cows  ;  and  the 
farmer  is  at  great  pains  to  defeat  their  fell  purpose.  With  this  intent  many  people 
catch  a  snake,  skin  it,  and  fumigate  the  cows  with  the  skin  on  the  eve  of  the 
saint's  day.  To  rub  the  udders  and  horns  of  the  cows  with  serpent's  fat  is  equally 
effective.  Others  strew  meal  about  the  animals,  saying,  «  Not  till  thou  hast 
gathered  up  this  meal,  shalt  thou  take  the  milk  from  my  cow  So-and-so.  n  Fur- 
ther, sods  of  turf,  with  thorn- branches  stuck  in  them,  are  laid  on  the  gate-posts  ; 
and  crosses  are  painted  with  tar  on  the  doors.  These  precautions  keep  the  witches 
from  the  cows.  If,  however,  a  beast  should  after  all  be  bewitched,  the  farmer^s 
wife  drags  a  rope  about  in  the  dew  on  the  morning  of  St.  George's  Day.  Then  she 
chops  it  up  small,  mixes  salt  with  it,  and  scatters  the  bits  among  the  cow's  fodder» 
No  sooner  has  the  afflicted  animal  partaken  of  this  compound  than  the  spell  is 
broken.' 

The  Huzuls  of  the  Carpathian  Mountains  believe  that  when  a  cow  gives  milk 
tinged  with  blood,  or  no  milk  at  all,  a  witch  is  at  the  bottom  of  it.  Those  male- 
ficent beings  play  their  pranks  especially  on  the  eve  of  St.  George's  Day  and  on 
Midsummer  Eve,  but  they  are  most  dangerous  at  the  former  season,  for  on  that 
night  they  and  the  foul  fiends  hold  their  greatest  gathering  or  sabbath.  To  steal 
the  cows'  milk  they  resort  to  various  devices.  Sometimes  they  run  about  in  the 
shape  of  dogs  and  smell  the  cows'  udders.  Sometimes  they  rub  the  udders  of  their 
own  cows  with  milk  taken  from  a  neighbour's  kine  ;  then  their  own  cows  yield 
abundant  milk,  but  the  udders  of  the  neighbour's  cows  shrivel  up  or  give  only 
blood.  Others  again  make  a  wooden  cow  on  the  spot  where  the  real  cows  are 
generally  milked,  taking  care  to  stick  into  the  ground  the  knife  they  used  in 
carving  the  image.  Then  the  wooden  cow  yields  the  witch  all  the  milk  of  the 
cattle  which  are  commonly  milked  there,  while  the  owner  of  the  beasts  gets 
nothing  but  blood  from  them. 

Hence  the  Huzuls  take  steps  to  guard  their  cows  from  the  machinations  of 
witches  at  this  season.  For  this  purpose  they  kindle  a  great  fire  before  the  house 
on  the  eve  of  St.  George's  Day,  using  as  fuel  the  dung  which  has  accumulated 
during  the  winter.  Also  they  place  on  the  gate-posts  clods  in  which  are  stuck  the 
branches  consecrated  on  Palm  Sunday  or  boughs  of  the  silver  poplar,  the  wood  of 
which  is  deemed  especially  efficacious  in  banning  fiends.  Moreover,  they  make 
crosses  on  the  doors,  sprinkle  the  cows  with  mud,  and  fumigate  them  with  incense 
or  the  skin  of  a  snake.  To  tie  red  woollen  threads  round  the  necks  or  tails  of  the 
animals  is  also  a  safeguard  against  witchcraft.  And  in  June,  when  the  snow  has 
melted  and  the  cattle  are  led  to  the  high  mountain  pastures,  the  herds  have  no 
sooner  reached  their  summer  quarters  than  the  herdsman  makes  «  living  fire  »  by 
the  friction  of  wood  and  drives  the  animals  over  the  ashes  in  order  to  protect  themt 
against  witches  and  other  powers  of  evil.    The  fire  thus  kindled  is  kept  constantly 


^  R.  F.  Kaindl,  <<  Zauberglaube  bei  den  Rutenen  in  der  Bukowina  und  Galizien,  »  Globus^ 
Ixi.  (1892),  p.  280. 


1908.]  FRAZER    :    ST    GEORGE    AND    THE    PARILIA.  [P.  9. 

burning  in  the  herdsman's  but  till  with  the  chilly  days  of  autumn  the  time  comes  to 
drive  the  herds  down  the  mountains  again.  If  the  fire  went  out  in  the  interval  it 
would  be  an  ill  omen  for  the  owner  of  the  pastures.^ 

In  some  parts  of  Silesia  the  might  of  the  witches  is  believed  to  be  at  the 
highest  pitch  on  St.  George's  Day.  The  people  deem  the  saint  very  powerful  in 
the  matter  of  cattle-breeding  and  especially  of  horse-breeding.  At  the  Polish 
village  of  Ostroppa,  not  far  from  Gleiwitz,  a  sacrifice  for  horses  used  to  be  offered 
at  the  little  village  church.  It  has  been  described  by  an  eye-witness.  Peasants 
on  horseback  streamed  to  the  spot  from  all  the  neighbouring  villages^  not  with  the 
staid  and  solemn  pace  of  pilgrims,  but  with  the  noise  and  clatter  of  merrymakers 
hastening  to  a  revel.  The  sorry  image  of  the  saint,  carved  in  wood  and  about  an 
ell  high,  stood  in  the  churchyard  on  a  table  covered  with  a  white  cloth.  It  repre- 
sented him  seated  on  horseback  and  spearing  the  dragon.  Beside  it  were  two 
vessels  to  receive  offerings  of  money  and  eggs  respectively.  As  each  farmer  gallo- 
ped up,  he  dismounted,  led  his  horse  by  the  bridle,  knelt  before  the  image  of  the 
saint,  and  prayed.  After  that  he  made  his  offering  of  money  or  eggs,  according  to 
bis  means,  in  the  name  of  his  horse.  Then  he  led  the  beast  round  the  church  and 
churchyard,  tethered  it,  and  went  into  the  church  to  hear  mass  and  a  sermon. 
Having  thus  paid  his  devotions  to  the  saint,  every  man  leaped  into  the  saddle  and 
made  for  the  nearest  public-house  as  fast  as  his  horse  could  lay  legs  to  the  ground.* 

The  Saxons  of  Transylvania  think  that  on  the  eve  of  St.  George's  Day  the 
witches  ride  on  the  backs  of  the  cows  into  the  farmyard,  if  branches  of  wild  rose- 
bushes or  other  thorny  shrubs  are  not  stuck  over  the  gate  of  the  yard  to  keep 
them  out.'  Beliefs  and  practices  of  this  sort  are  shared  by  the  Bounianians  of 
Transylvania.  They  hold  that  on  St.  George's  Day  the  witches  keep  their  sabbath 
in  sequestered  spots,  such  as  woodland  glades,  deserted  farmsteadings,  and  the 
like.  In  Walachia  green  sods  are  laid  on  the  window-sills  and  on  the  lintels  of 
the  doors  to  avert  the  uncanny  crew.  But  in  Transylvania  the  Roumanians,  not 
content  with  setting  a  thorn-bush  in  the  doorway  of  the  house,  keep  watch  and 
ward  all  night  beside  the  cattle  or  elsewhere,  to  catch  the  witches  who  are  at  work 
stealing  the  milk  from  the  cows.  Here,  as  elsewhere,  the  day  is  above  all  the 
herdsman's  festival.  It  marks  the  beginning  of  spring  ;  the  shepherds  are  prepa- 
ring to  start  for  the  distant  pastures,  and  they  iLsten  with  all  their  ears  to  some 
wiseacre  who  tells  them  how,  if  the  milk  should  fail  in  the  udders  of  the  sheep, 
they  have  only  to  thrash  the  shepherd's  pouch,  and  every  stroke  will  fall  on  the 
witch  who  is  pumping  the  lost  milk  into  her  pails.^ 

The  Walachians  look  on  St.  George's  Day  as  very  holy  ;  for  they  are  mainly  a 
pastoral  folk,  and  St.  George  is  the  patron  of  herds  and  herdsmen.  On  that  day 
also,  as  well  as  on  the  day  before  and  the  day  after,  the  Walachian  numbers  his 
herd,  beginning  at  one  and  counting  continuously  up  to  the  total.    This  he  never 


1  R.  F.  Kaindl,  Die  Huzulen,  (Vienna,  1894),  pp.  62  sq.,  78,  88  sq.  ;  id.,  «  Zauberglaube 
bei  den  Huzulen,  »  Globus,  Ixxvi.  (1899),  p.  233. 

«  F.  Drechsler,  Sitie,  Brauch  und  Volksglaube  in  Schlesien,  i.  106  sq.  Tlie  authority 
quoted  for  the  sacrifice  is  Tiede,  Merkwürdigkeiten  Schlesiens  (1804),  p.  123  sq.  It  is  not 
expressly  said,  but  we  may  assume,  that  the  sacrifice  was  offered  on  St.  George's  Day. 

3  J.  Haltrich,  Zur  Volkskunde  der  Siebenbürger  Sachsen  (Vienna,  1885),  p.  281. 

^  W.  Schmidt,  Las  Jahr  und  seine  Tage  in  Meinung  und  Brauch  der  Romanen  Sieben- 
bürgens (Hermannstadt,  1866),  pp.  9, 11.  It  does  not  appear  whether  the  shepherd's  pouch 
(«  Hircentaschen  »)  in  question  is  the  real  pouch  or  the  plant  of  that  name. 


p.  10.]  •    R    •    E    •    E    •    s    •  [1908. 

does  at  any  other  time  of  the  year.  On  thia  day,  too,  he  milks  his  sheep  for  the 
first  time  into  yesseis  which  have  been  carefully  scoured  and  are  wreathed  with 
flowers.  Then  too  a  cake  of  white  meal  is  baked  in  the  shape  of  a  ring,  and  is 
rolled  on  the  ground  in  sight  of  the  herd  ;  and  from  the  length  of  its  course  omens 
are  drawn  as  to  the  good  or  bad  luck  of  the  cattle  in  their  summer  pastures.  If 
the  herd  is  owned  by  several  men,  they  afterwards  lay  hold  of  the  ring,  and  break 
it  among  them,  and  the  one  who  gets  the  largest  piece  will  have  the  best  luck. 
The  milk  is  made  into  a  cheese  which  is  divided  ;  and  the  pieces  of  the  cake  are 
given  to  the  shepherds.  In  like  manner  the  wreaths  of  flowers  which  crowned  the 
pails  are  thrown  into  the  water,  and  from  the  way  in  which  they  float  down-stream 
the  shepherds  presage  good  or  evil  fortune.* 

The  Bulgarians  seem  to  share  the  belief  that  cattle  are  especially  exposed  to 
the  designs  of  witches  at  this  season,  for  it  is  a  rule  with  them  not  to  give  away 
milk,  butter,  or  cheese  on  the  eve  of  St.  George's  Day  ;  to  do  so,  they  say,  would 
be  to  give  away  the  profit  of  the  milch  kine.*  They  rise  very  early  on  the  mor- 
ning of  this  day,  and  wash  themselves  in  the  dew,  that  they  may  be  healthy.*  It 
is  said,  too,  that  a  regular  sacrifice  is  still  offered  on  St.  George's  Day  in  Bulgaria. 
An  old  man  kills  a  ram,  while  girls  spread  grass  on  which  the  blood  is  poured 
forth. ^  The  intention  of  the  sacrifice  may  be  to  make  the  herbage  grow  abundantly 
in  the  pastures.  Amongts  the  South  Slavs  the  twenty-third  of  April,  St.  George's 
Day,  is  the  chief  festival  of  the  spring.  The  herdsman  thinks  that  if  his  cattle 
are  well  on  that  day  they  will  thrive  throughout  the  year.  He  crowns  the  horns 
of  his  cows  with  garlands  of  flowers  to  guard  them  agaiost  witchcraft,  and  in  the 
evening  the  garlands  are  hung  on  the  doors  of  the  stalls,  where  they  remain  until 
the  next  St.  George's  Day.  Early  in  the  morning  of  that  day,  when  the  herdsman 
drives  the  cows  from  the  byres,  the  housewife  takes  salt  in  one  hand  and  a  potsherd 
with  glowing  coals  in  the  other.  She  offers  the  salt  to  the  cow,  and  the  beast 
must  step  over  the  smouldering  coals,  on  which  various  kinds  of  roses  are  smoking. 
This  deprives  the  witches  of  all  power  to  harm  the  cow.  On  the  eve  or  the  mor- 
ning of  the  day  old  women  cut  thistles  and  fasten  them  to  the  doors  and  gates  of 
the  farm  ;  and  they  make  crosses  with  cow's  dung  on  the  doors  of  the  byres  to  ward 
off  the  witches.  Many  knock  great  nails  into  the  doors,  which  is  thought  to  be  a 
surer  preventive  even  than  thistles.  In  certain  districts  the  people  cut  thistles 
before  sunrise  and  put  some  on  each  other's  heads,  some  on  the  fences,  the  win- 
dows, the  doors,  and  some  in  the  shape  of  wreaths  round  the  necks  of  the  cows,  in 
order  that  the  witches  may  be  powerless  to  harm  man  and  beast,  house  and  home- 
stead, throughout  the  year.  If,  nevertheless,  a  witch  should  contrive  to  steal 
through  the  garden  fence  and  into  the  byre,  it  is  all  over  with  the  cows.  A  good 
housewife  will  also  go  round  her  house  and  cattle-stalls  early  in  the  morning  of 
the  fateful  day  and  sprinkle  them  with  holy  water.  Another  approved  means  of 
driving  the  witches  away  is  furnished  by  the  froth  which  is  shot  from  the  spokes 
of  a  revolving  mill-wheel  ;  for  common-sense  tells  us  that  just  as  the  froth  flies 
from  the  wheel,  so  the  witches  will  fly  from  our  house,  if  only  we  apply  the  remedy 
in  the  right  way.    And  the  right  way  is  this.    On  the  eve  of  St.  George's  Day  you 


^  A.  and  A.  Schott,  Walachische  Maerchen,  p.  299  iq. 

^  A.  Strausz,  Die  Bulgaren,  p.  287. 

^  A.  Strausz,  op.  cit^  p.  337. 

*  W.  R.  S.  Ralston,  Songs  of  the  Rtissian  People,  p.  230. 


1908.]  FRAZER    :    ST   GEORGE   AND   THE   PARILIA.  [P.  H, 

must  send  a  child  to  fetch  froth  from  the  mill,  three  stones  from  three  cross-roads, 
three  twigs  of  a  blackberry  bush,  three  sprigs  of  beech,  and  three  shoots  of  a  wild 
Tine.  Then  you  insert  the  plants  in  a  buttered  roll,  put  the  stones  in  the  fire, 
boil  the  froth,  toast  the  buttered  roll  oyer  the  glowing  stones,  and  speak  these 
words  :  «  The  blackberry  twigs  gather  together,  the  beeches  pull  together,  but  the 
foam  from  the  wheel  shakes  all  evil  away.  »  Do  this,  and  no.  witch  will  then  be 
able  to  charm  away  the  milk  from  your  cows.^ 

Thus  on  the  whole  the  festival  of  St.  George  at  the  present  day,  like  the 
Parilia  of  ancient  Italy,  is  a  ceremony  intended  to  guard  the  cattle  against  their 
real  and  their  imaginary  foes,  the  wolves  and  the  witches,  at  the  critical  season 
when  the  flocks  and  herds  are  driven  out  to  pasture  for  the  first  time  in  spring. 
Precautions  of  the  same  sort  are  naturally  taken  by  the  superstitious  herdsman 
whenever,  the  winter  being  over,  he  turns  his  herds  out  into  the  open  for  the  first 
time,  whether  it  be  on  St.  George's  Day  or  not.  Thus  in  Prussia  and  Lithuania, 
when  the  momentous  morning  broke,  the  herd-boy  ran  from  house  to  house  in  the 
village,  knocked  at  the  windows,  and  cried  :  «  Put  out  the  fire,  spin  not,  reel  not, 
but  drive  the  cattle  out  !  »  Meantime  the  herdsman  had  fetched  sand  from  the 
church,  which  he  strewed  on  the  road  by  which  the  beasts  must  go  from  the  farm- 
yard. At  the  same  time  he  laid  a  woodcutter's  axe  in  every  doorway,  with  the 
sharp  edge  outwards,  over  which  the  cows  had  to  step.  Then  he  walked  in  front 
of  them,  speaking  never  a  word,  and  paying  no  heed  to  the  herd,  which  was  kept 
together  by  the  herd-boys  alone.  His  thoughts  were  occupied  by  higher  things,  for 
he  was  busy  making  crosses,  blessing  the  cattle,  and  murmuring  prayers,  till  the 
pastures  were  reached.  The  axe  in  the  doorway  signified  that  the  wolf  should  flee 
from  the  herd  as  from  the  sharp  edge  of  the  axe  ;  the  sand  from  the  church  beto- 
kened that  the  cattle  should  not  disperse  and  wander  in  the  meadows,  but  should 
keep  as  close  together  as  people  in  church.* 

The  first  day  in  spring  on  which  the  cattle  are  turned  out  into  the  forest  to 
graze,  for  during  the  long  and  dreary  northern  winter  they  are  confined  almost 
wholly  to  their  stalls,  has  been  from  time  immemorial  a  great  popular  festival  in 
Sweden.  The  time  of  its  celebration  depends  more  or  less  on  the  mildness  or 
severity  of  the  season.  For  the  most  part  it  takes  place  about  the  middle  of  May. 
On  the  preceding  evening  bonfires  are  kindled  everywhere  in  the  forest,  because 
so  far  as  their  flickering  light  extends  the  cattle  will  be  safe  from  the  attacks  of 
wild  beasts  throughout  the  summer.  For  the  same  reason  people  go  about  the 
woods  that  night  firing  guns,  blowing  horns,  and  making  all  kinds  of  discordant 
noises.  The  mode  of  celebrating  the  festival,  which  in  some  places  is  called  the 
feast  of  flowers,  varies  somewhat  in  different  provinces.  In  Dalsland  the  cattle 
are  driven  home  that  day  from  pasture  at  noon  instead  of  at  evening.  Early  in 
the  morning  the  herd-boy  repairs  with  the  herd  to  the  forest,  where  he  decks 
their  horns  with  wreaths  of  flowers  and  provides  himself  with  a  wand  of  the  rowan 
or  mountain-ash.  During  his  absence  the  girls  pluck  flowers,  weave  them  into 
a  garland,  and  hang  it  on  the  gate  through  which  the  cattle  must  pass  on  their 
return  from  the  forest.    When  they  come  back,  the  herd-boy  takes  the  garland 


*  F.  S.  Krauss,  Volksglaube  und  religiöser  Brauch  der  Südslaven^  pp.  125-127  ;  id., 
Kroatien  und  Slavonien  (Vienna,  1889),  p.  105  sq, 

*  Tettau  und  Temme,  Die  Volkssagen  Osipreussens,  Litthauens  und  Westpreussens, 
p.  263. 


p.  12.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

from  the  gate,  fastens  it  to  the  top  of  his  wand,  and  marches  with  it  at  the  head 
of  his  beasts  to  the  hamlet.  Afterwards  the  wand  with  the  garland  on  it  is  set  ap 
on  the  muck-heap,  where  it  remains  all  the  summer.  The  intention  of  these 
ceremonies  is  not  reported,  but  on  the  analogy  of  the  preceding  customs  we  may 
conjecture  that  both  the  flowers  and  the  rowan- wand  are  supposed  to  guard  the 
cattle  against  witchcraft.  A  little  later  in  the  season,  when  the  grass  is  well  grown 
in  the  forest,  most  of  the  cattle  are  sent  away  to  the  säter^  or  summer  pastures,  of 
which  every  hamlet  commonly  has  one  or  more.  These  are  clearings  in  the 
woods,  and  may  be  many  miles  distant  from  the  village.  In  Dalecarlia  the  depar- 
ture usually  takes  place  in  the  first  week  of  June.  It  is  a  great  event  for  the 
pastoral  folk.  An  instinctive  longing  seems  to  awaken  both  in  the  people  and  the 
beasts.  The  preparations  of  the  women  are  accompanied  by  the  bleating  of  the 
sheep  and  goats  and  the  bellowing  of  the  cattle,  which  make  incessant  efforts  to 
break  through  the  pens  near  the  house  where  they  are  shut  up.  Two  or  more 
girls,  according  to  the  size  of  the  herd,  attend  the  cattle  on  their  migration  and 
stay  with  them  all  the  summer.  Every  animal  as  it  goes  forth,  whether  cow, 
sheep,  or  goat,  is  marked  on  the  brow  with  a  cross  by  means  of  a  tar-brush  in 
order  to  protect  it  against  evil  spirits.  But  more  dangerous  foes  lie  in  wait  for  the 
cattle  in  the  distant  pastures,  where  bears  and  wolves  not  uncommonly  rush  forth 
on  them  from  the  woods.  On  such  occasions  the  herd-girls  often  display  the 
utmost  gallantry,  belabouring  the  ferocious  beasts  with  sticks,  and  risking  their 
own  lives  in  defence  of  the  herds.' 

The  foregoing  customs,  practised  down  to  modern  times  by  shepherds  and 
herdsmen  with  a  full  sense  of  their  meaning,  throw  light  on  some  features  of  the 
Parilia  which  might  otherwise  remain  obscure.  They  seem  to  show  that  when  the 
Italian  shepherd  hung  green  boughs  on  his  folds,  and  garlands  on  his  doors,  he  did 
so  in  order  to  keep  the  witches  from  the  ewes  ;  and  that  in  fumigating  his  flocks 
with  sulphur  and  driving  them  over  a  fire  of  straw  he  intended  to  interpose  a  fiery 
barrier  between  them  and  the  powers  of  evil,  whether  these  were  conceived  as 
witches  or  mischievous  spirits. 

But  St.  George  is  more  than  a  patron  of  cattle.  The  mummer  who  dresses 
up  in  green  bough  on  the  saintes  day  and  goes  by  the  name  of  Green  Geoi^e^ 
clearly  personifies  the  saint  himself,  and  such  a  disguise  is  appropriate  only  to  a 
spirit  of  trees  or  of  vegetation  in  general.  As  if  to  make  this  quite  clear,  the 
Slavs  of  Carinthia  carry  a  tree  decked  with  flowers  in  the  procession  in  which 
Green  George  figures  ;  and  the  ceremonies  in  which  the  leaf-clad  masker  takes  a 
part  plainly  indicate  that  he  is  thought  to  stand  in  intimate  connection  with  rain 
as  well  as  with  cattle.  This  counterpart  of  our  Jack  in  the  Green  is  known  in 
some  parts  of  Russia«  and  the  Slovenes  call  him  Green  George.  Dressed  in  leaves 
and  flowers,  he  appears  in  public  on  St.  George's  Day  carrying  a  lighted  torch  in 
one  hand  and  a  pie  in  the  other.  Thus  arrayed  he  goes  out  to  the  cornflelds, 
followed  by  girls,  who  sing  appropriate  songs.  A  circle  of  brushwood  is  then 
lighted,  and  the  pie  is  set  down  in  the  middle  of  it.  All  who  share  in  the  cere- 
mony sit  down  around  the  fire,  and  the  pie  is  divided  among  them.  The  observance 
has  perhaps  a  bearing  on  the  cattle  as  well  as  on  the  cornfields,  for  in  some  parts 


^  L.  Lloyd,  Peasant  Life  in  Sweden,  pp.  246-251  ;  A.  Kuhn,  Herabkunft  des  Fetters, 
p.  163  sq. 
«  See  The  Golden  Botigh^  I.  209  sqq. 


1908.]  FRAZER    :    ST    GEORGE    AND   THE    PARILIA.  — -—^ 


of  Russia  when  the  herds  go  out  to  graze  for  the  first  time  in  spring  a  pie  baked 
in  the  form  of  a  sheep  is  cat  up  by  the  chief  herdsman,  and  the  bits  are  kept  as  a 
cure  for  the  ills  to  which  sheep  are  subject.^ 

Even  when  we  have  said  that  St.  George  of  Eastern  Europe  represents  an  old 
heathen  deity  of  sheep,  cattle,  horses,  wolves,  vegetation,  and  rain,  we  have  not 
exhausted  all  the  provinces  over  which  he  is  supposed  to  bear  sway.    According 
to  an  opinion  which  appears  to  be  widely  spread,  he  has  the  power  of  blessing 
barren  women  with  offspring.    This  belief  is  clearly  at  the  root  of  the  South 
Slavonian  custom,  whereby  a  childless  woman  hopes  to  become  a  mother  by 
wearing  a  shirt  which  has  hung  all  night  on  a  fruitful  tree  on  St.  George's  Eve.* 
Similarly,  a  Bulgarian  wife  who  desires  to  have  a  child  will  strike  off  a  serpent's 
head  on  St.  George's  Day,  put  a  bean  in  its  mouth,  and  lay  the  head  in  a  hollow 
tree  or  bury  it  in  the  earth  at  a  spot  so  far  from  the  village  that  the  crowing  of 
the  cocks  cannot  be  heard  there.    If  the  bean  buds,  her  wishes  will  be  granted.^ 
It  is  natural  to  suppose  that  a  saint  who  cau  bestow  offspring  can  also  bring 
fond  lovers  together.    Hence  among  the  Slavs,  with  whom  St.  George  is  so  popular, 
his  day  is  one  of  the  seasons  at  which  youths  and  maidens  resort  to  charms  and 
divination  in  order  to  win  or  discover  the  affections  of  the  other  sex.    Thus,  to 
take  examples,  a  Bohemian  way  of  gaining  a  girl's  love  is  as  follows.    You  catch  a 
frog  on  St.  George's  Day,  wrap  it  in  a  white  cloth,  and  put  it  in  an  ant-hill  after 
sunset  or  about  midnight.    The  creature  quacks  terribly  while  the  ants  are  guawing 
the  flesh  from  his  bones.     When  silence  reigns  again,  you  will  find  nothing  left  of 
the  frog  but  one  little  bone  in  the  shape  of  a  hook  and  another  little  bone  in  the 
shape  of  a  shovel.    Take  the  hook-shaped  bone,  go  to  the  girl  of  your  choice,  and 
hook  her  dress  with  the  bone,  and  she  will  fall  over  head  and  ears  in  love  with 
you.    If  you  afterwards  tire  of  her,  you  have  only  to  touch  her  with  the  shovel- 
shaped  bone,  and  her  affection  will  vanish  as  quickly  as  it  came.^    Again,  at 
Ceklinj,  in  Grnagora,  maidens  go  at  break  of  day  on  St.  George's  morning  to  a  well 
to  draw  water,  and  look  down  into  its  dark  depth  till  tears  fill  their  eyes  and  they 
fancy  they  see  in  the  water  the  image  of  their  future  husband.^    At  Krajina,  in 
Servia,  girls  who  would  pry  into  the  book  of  fate  gather  flowers  in  the  meadows  on 
the  eve  of  St.  George,  make  them  up  into  nosegays,  and  give  to  the  nosegays  the 
names  of  the  various  lads  whose  hearts  they  would  win.    Late  at  night  they  place 
the  flowers  by  stealth  under  the  open  sky,  on  the  roof  or  elsewhere,  and  leave 
them  there  till  daybreak.    The  lad  on  whose  nosegay  most  dew  has  fallen  will  love 
the  girl  most  truly  throughout  the  year.    Sometimes  mischievous  young  men 
secretly  watch  these  doings,  and  steal  the  bunches  of  flowers,  which  makes  sore 


^  W.  R.  S.  Ralston,  Russian  Folktales,  p.  345. 

*  F.  S.  Krauss,  Volksglaube  und  religiöser  Brauch  der  Südslaven,  p.  35. 

^  A.  Strausz,  Die  Bulgaren,  pp.  337,  385  sq.  There  seems  to  be  a  special  connection 
between  St.  George  and  serpents.  In  Bohemia  and  Moravia  it  is  thought  that  up  to  the 
twenty-third  of  April  serpents  are  innocuous,  and  only  get  their  poison  on  the  saint's  day. 
See  J.  V.  Grohmann,  Aberglauben  und  Gebräuche  atùs  Böhmen  und  Mähren^  §§  326,  580, 
pp.  51, 81  ;  W.  Müller,  Beiträge  zur  Volkskunde  der  Deutschen  in  Mähren,  p.  323.  Various 
other  charms  are  effected  by  means  of  serpents  on  this  day.  Thus  if  you  tear  out  the  tongue 
of  a  live  snake  on  St.  George's  Day,  put  it  in  a  ball  of  wax,  and  lay  the  ball  under  your 
tongue,  you  will  be  able  to  talk  down  anybody.  See  J.  V.  Grohmann,  op,  cit.,  §§  576, 1169, 
pp.  81, 166. 

*  J.  V.  Grohmann,  op.  cit.,  §  1463,  p.  210. 

5  F.  S.  Krauss,  Sitte  und  Brauch  der  Südslaven,  p.  175. 


p.  14.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

hearts  among  the  girls.^  Once  more,  in  wooded  districts  of  Bohemia  a  Czech 
maiden  will  sometimes  go  out  on  St.  George's  Eye  into  an  oak  or  beech  forest  and 
catch  a  young  wild  pigeon.  It  may  be  a  ring-dove  or  a  wood-pigeon,  but  it  must 
always  be  a  male.  She  takes  the  bird  home  with  her,  and  covers  it  with  a  sieve 
or  shuts  it  up  in  a  box  that  nobody  may  know  what  she  is  about.  Having  kept 
and  fed  it  till  it  can  fly,  she  rises  very  early  in  the  morning,  while  the  household 
is  still  asleep,  and  goes  with  the  dove  to  the  hearth.  Here  she  presses  the  bird 
thrice  to  her  bare  breast,  above  her  heart,  and  then  lets  it  fly  away  up  the  chimneyi 
while  she  says  : — 

«  Out  of  the  chimney  J  dove^ 

^Vi  fly  f^o^  *«"«• 
Take  me^  dear  Hans,  my  hve^ 

None^  none  so  dear. 
Fly  to  your  rocks,  fair  dove, 

Fly  to  your  lea. 
So  may  I  get,  mv  love, 

None,  none  out  thee.  »* 

In  the  East,  also,  St.  George  is  reputed  to  be  a  giver  of  offspring  to  barren 
women,  and  in  this  character  he  is  revered  by  Moslems  as  well  as  Christians.  His 
shrines  may  be  found  in  all  parts  of  Syria  ;  more  places  are  associated  with  him 
than  with  any  other  saint  in  the  calendar.  The  most  famous  of  his  sanctuaries  is 
at  Kalat  el  Hosn,  in  Northern  Syria.  Childless  women  of  all  sects  resort  to  it  in 
order  that  the  saint  may  remove  their  reproach.  Some  people  shrug  their  shoul- 
ders when  the  shrine  is  mentioned  in  this  connection.  Yet  many  Mohammedan 
women  who  desired  offspring  used  to  repair  to  it  with  the  full  consent  of  their 
husbands.  Nowadays  the  true  character  of  the  place  is  beginning  to  be  perceived, 
and  many  Moslems  have  forbidden  their  wives  to  visit  it.*  Such  beliefs  and 
practices  lend  some  colour  to  the  theory  that  in  the  East  the  saint  has  taken  the 
place  of  Tammuz  or  Adonis.'^ 

But  we  cannot  suppose  that  the  worship  of  Tammuz  has  been  transplanted  to 
Europe  and  struck  its  roots  deep  among  the  Slavs  and  other  peoples  in  the  eastern 
part  of  our  continent.  Rather  amongst  them  we  must  look  for  a  native  Aryan 
deity  who  now  masquerades  in  the  costume  of  the  Cappadocian  saint  and  martyr. 
Perhaps  we  may  find  him  in  the  Pergrubius  of  the  Lithuanians,  a  people  who 
retained  their  heathen  religion  later  than  any  other  branch  of  the  Aryan  stock  in 
Europe.  This  Pergrubius  is  described  as  «  the  god  of  the  spring,  »  as  «  he  who 
makes  leaves  and  grass  to  grow,  »  or  more  fully  as  <  the  god  of  flowers,  plants, 
and  all  buds.  »  On  St.  George's  Day,  the  twenty-third  of  April,  the  heathen 
Prussians  and  Lithuanians  offered  a  sacrifice  to  him.    A  priest,  who  bore  the  title 


1  F.  S.  Krauss,  op.  cit.,  p.  175  sq. 

*  Reinsberg-Dûringsfeld,  Fest-Kalender  aus  Böhmen,  p.  104,  sq.  ;  J.  V.  Orohmann,  op. 
cit.,  §  554,  p.  77. 

3  S.  J.  Curtiss,  Primitive  Semitic  Religion  To-day,  p.  83  sq.,  118  sq. 

^  S.  Baring-Gould,  Curious  Myths  of  the  Middle  Ages,  pp.  278  sqq.  The  authority  for 
this  identiflcation  is  the  nominal  translator,  but  real  author,  of  the  work  called  The  Agri- 
culture of  the  Nahataeans.  See  D.  A.  Chwolson,  Veber  Tammuz  und  die  Menschenvereh- 
rung hei  den  alten  Babyloniem  (St.  Petersburg,  1860),  p.  56  sq.  Although  The  AgricuU 
iure  of  the  Nahataeans  appears  to  be  a  forgery,  the  identification  of  the  oriental  St.  George 
with  Tanmiuz  may  nevertheless  be  correct. 


.1908.]  FRAZER    :    ST   GEORGE   AND   THE   PARILIA.  [P.  15. 


of  WurschaU^  held  in  his  hand  a  mug  of  beer,  while  he  thus  addressed  the  deity  : 
•  Thou  drivest  away  the  winter  ;  thou  bringest  back  the  pleasant  spring.  By  thee 
the  fields  and  gardens  are  green,  by  thee  the  groves  and  the  woods  put  forth 
leaves.  »  According  to  another  version,  the  prayer  ran  as  follows  :  «  Thou  drivest 
the  winter  away,  and  givest  in  all  lands  leaves  and  grass.  We  pray  thee  that  thoa 
wouldst  make  our  corn  to  grow  and  wouldst  put  down  all  weeds.  »  After  praying 
thus,  the  priest  drank  the  beer,  holding  the  mug  with  his  teeth,  but  not  touching 
it  with  his  hands.  Then  without  handling  it  he  threw  the  mug  backward  over  his 
head.  Afterwards  it  was  picked  up  and  filled  again,  and  all  present  drank  out  of 
it.  They  also  sang  a  hymn  in  praise  of  Pergrubius,  and  then  spent  the  whole  day 
in  feasting  and  dancing.^  Thus  it  appears  that  Pergrubius  was  a  Lithuanian  god 
of  the  spring,  who  caused  the  grass  and  the  corn  to  grow  and  the  trees  to  burst 
into  leaf.  In  this  he  resembles  Green  George,  the  embodiment  of  the  fresh  vege- 
tation of  spring,  whose  leaf-clad  representative  still  plays  his  pranks  on  the  very 
same  day  in  some  parts  of  Eastern  Europe.  Nothing,  indeed,  is  said  of  the 
relation  of  Pergrubius  to  cattle,  and  so  far  the  analogy  between  him  and  St.  George 
breaks  down.  But  our  accounts  of  the  old  Lithuanian  mythology  are  few  and 
scanty  ;  if  we  knew  more  about  Pergrubius  we  might  find  that  as  a  god  or  personi- 
fication of  spring  he,  like  St.  George,  was  believed  to  exert  all  the  quickening 
powers  of  that  genial  season  —  in  other  words,  that  his  beneficent  activity  was  not 
confined  to  clothing  the  bare  earth  with  verdure,  but  extended  to  the  care  of  the 
teeming  flocks  and  herds,  as  well  as  to  the  propagation  of  mankind.  Certainly  it 
is  not  easy  to  draw  a  sharp  line  of  division  between  the  god  who  attends  to  cattle 
and  the  god  who  provides  the  food  on  which  they  subsist. 

Thus  Pergrubius  may  perhaps  have  been  the  northern  equivalent  of  the 
pastoral  god  PaJes,  who  was  worshipped  by  the  Romans  only  two  days  earlier  at 
the  spring  festival  of  the  Parilia.  It  will  be  remembered  that  the  shepherds 
prayed  to  Pales  for  grass  and  leaves,  the  very  things  which  it  was  the  part  of 
Pergrubius  to  supply.  Is  it  too  bold  to  conjecture  that  in  rural  districts  of  Italy 
Pales  may  have  been  personated  by  a  leaf-clad  man,  and  that  in  the  early  age  of 
Rome  the  duty  of  thus  representing  the  god  may  have  been  one  of  the  sacred 
functions  of  the  king  ?  The  conjecture  at  least  suggests  an  excellent  reason  for 
the  tradition  that  Numa,  the  typical  priestly  king  of  Rome,  was  born  on  the  day 
of  the  Parilia. 


1  J.  Maeletius  (Menecius),  «  De  sacriflciis  et  idolatria  veterum  Borussorum  Livonum 
allarumque  vicinarum  gentium,  n  Mitteilungen  der  Litterarischen  Oesellschaft  Maswia, 
Heft  8  (LOtzen,  1902),  pp.  185, 187,  200  sq.  ;  id,,  in  Scriptures  rerum  Livonicarum,  ii.  (Riga 
and  Leipsic.  1848),  pp.  389,  390  ;  J.  Lasicius,  «  De  dus  Samagitarum  caeterorümque  Sarma- 
tarum,  »  ed.  W.  Mannhardt,  in  Magazin  herausgegeben  von  der  Lettisch-literarischen 
Gesellschaft,  xiv.  (1868),  p.  95  sq.  The  first  form  of  the  prayer  to  Pergrubius  is  from  the 
Latin,  the  second  from  the  German,  version  of  Maeletius's  (Jan  Malecki's)  work.  The  des- 
cription of  Pergrubius  as  «  he  who  makes  leaves  and  grass  to  grow  »  («  der  lest  wachssen 
laub  unnd  gras  »)  is  also  from  the  German.  According  to  M.  Traetorius,  Pergrubius 
was  a  god  of  husbandry  (Deliciae  Prussicae,  p.  25). 


p.  16.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 


LE  PEUPLE  SIÉNA  OU  SÉNOUFO 

par  Maubiob  Delafossb  (Côte  d'Ivoire). 


ObgerYatlons  prélimliudres. 

Il  a  été  jusquUci  dit  très  peu  de  chose  sar  le  peuple  Siéua  ou  Sénoufo.  Sa 
bibliographie  se  réduit,  à  ma  couuaissance,  aux  quatre  publications  suivantes,  dont 
trois  ne  traitent  qu'accidentellement  du  peuple  qui  nous  occupe  : 

V  ly  Tautain.  —  Le  Bioulad(mgou  d  le  Sénéfo  (dans  la  Hevue  d'ethnographie^ 
tome  VI,  1887).  r-  hauteur  parle,  d'après  des  renseignements  recueillis  en  pays 
mandingue,  des  Sénoufo  ou  Siéna  de  la  fraction  Nord. 

2"*  L.  (3.  BrNGBB.  —  Du  Niger  au  golfe  de  Guinée  par  le  pays  de  Kong  et  le 
Mossi.  —  Paris,  2  vol.  gr.  in  8,  1892.  —  L'auteur  parle  de  visu  de  plusieurs  sous- 
tribus  des  fractions  Nord  (Siènérhé,  Folo)  et  nord -est  (Mbouin,  Eomono),  d'une 
sous-tribu  de  la  fraction  sud  (Guimini)  et  de  quelques  sous-tribus  dont  le  rattache« 
ment  au  peuple  Siéna  n'est  pas  encore  prononcé  (Kièfo,  Dorhossiè,  Karaboro). 

3®  M.  Delafosse.  —  Vocabulaires  comparatifs  de  plus  de  60  langues  ou  dior 
ledes  parles  à  la  Côte  divoire  et  dans  les  régions  limitrophes.  —  Paris  1904,  in  8, 
—  Le  chapitre  VI  traite  de  la  langue  Sénoufo  et  est  précédé  de  quelques  notes 
ethnologiques  et  géographiques  qui  renferment  d'ailleurs  un  certain  nombre 
d'erreurs,  corrigées  dans  les  pages  qui  vont  suivre. 

4®  Gouvernement  Général  de  l'A.  O.F.  —  La  Côte  d'Ivoire  (Notices  publiées 
à  l'occasion  de  l'Exposition  Coloniale  de  Marseille).  —  Paris  1906,  gr.  in  8.  —  Cet 
ouvrage  contient  une  étude  rapide  sur  les  Siéna  ou  Sénoufo  du  cercle  de  Dabakala 
par  M.  l'administrateur  Salvan  et  une  étude  surtout  historique  sur  les  Siéna  du 
cercle  de  Korhogo  par  l'auteur  de  ces  lignes. 

L'ouvrage  publié  en  1902  par  MM.  GloEel  et  Villamur  sur  les  Coutumes 
indigènes  de  la  Côte  d Ivoire  est  à  peu  près  muet  en  ce  qui  concerne  les  Siéna  ou 
Sénoufo,  qui  avaient  été  englobés  à  tort  parmi  les  populations  Mandé  ou  Man- 
dingues. 

Les  notes  qui  vont  suivre  sont  fort  incomplètes  et  ne  sont  souvent  que  l'indi- 
cation de  recherches  à  faire.  Mais,  étant  donné  le  peu  publié  jusqu'à  ce  jour  sur 
les  Siéna  et  l'intérêt  que  présente  ce  peuple  pour  l'ethnographie  soudanaise,  je  n'ai 
pas  cru  inutile  de  livrer  ces  notes  au  public,  ne  serait-ce  que  pour  fournir  un  guide 
à  ceux  qui  pourront  aller  plus  au  fond  des  choses. 

Mes  observations  ont  été  recueillies  durant  deux  séjours  et  plusieurs  voyages 
dans  le  cercle  de  Bondoukou  (Côte  d'Ivoire)  et  la  partie  de  la  colonie  anglaise  du 
Gold-Coast  voisine  de  la  Volta  Noire,  en  1902-03,  et  pendant  quarante  mois  succes- 
sifs de  séjour  et  de  voyages  dans  les  cercles  de  Korhogo  et  de  Dabakala  (C!ote 
d'Ivoire),  en  1904,  1905,  1906  et  1907.  A  ceux  qui  s'étonneraient  qu'après  un 
aussi  long  séjour  en  pays  Siéna  la  récolte  soit  aussi  maigre,  je  ferai  observer  : 
1®  que  je  n'avance  que  ce  dont  des  observations  répétées  m'ont  rendu  à  peu  près 
certain,  2^  que  mes  fonctions  officielles  me  laissaient  très  peu  de  loisirs  pour  des 
travaux  même  aussi  indispensables  que  les  études  ethnographiques. 


Planche  I. 


1908«]  DBLAFOSSE    :    LB   PEUPLE   SIÊNA   OU   SÉNOUFO.  [P.  17. 

1.  —  Le  nom. 

Le  mot  Sénùufo  est  une  appellation  étrangère  venant  des  Mandingues  du  Haut- 
Niger:  ces  derniers  appellent  la  langue  du  peuple  qui  nous  occn^e  séné-Tcan  ou 
siénorkan  (langue  des  Séné  ou  Siéna)  et  par  suite  ils  disent  des  gens  parlant  cette 
langue  :  ou  séné-kan  fo  (ils  parlent  la  langue  séné)  ou  simplement  ou  séné  fo  (ils 
parlent  séné)^  d'où  est  venue  l'appellation  Sénéfo  (D^  Tautain),  Sénofo  ou  Sénoufo 
(M,  Binger). 

C'est  à  tort  que,  dans  mes  Vocabulaires  comparatifs  (note  de  la  page  192) 
j'avais  hasardé  comme  possible  l'étymologie  sœnoforho  (salutation  de  midi  dans 
certains  dialectes  siéna).  Je  crois  aussi  qu'il  convient  de  rejeter  l'étymologie 
proposée  par  M.  Binger  :  ou  séné  fo^  ou  siénau  foj  ou  sénou  fo^  voulant  dire  en 
mandingue  «  ceux  qui  disent  siène  pour  signifier  un  homme  »  ;  bien  que  «  homme  « 
se  dise  en  effet  sien  ou  shien  (prononciation  intermédiaire  entre  les  mots  français 
«  sien  »  et  «  chien  »)  dans  certains  dialectes  siéna,  il  semble  que  l'étymologie 
expliquée  plus  haut  est  plus  vraisemblable. 

On  pourrait  maintenir  le  vocable  Sénoufo^  actuellement  le  plus  répandu  parmi 
les  EuropéenSi  d'autant  plus  que  le  peuple  dont  il  est  question  ne  semble  pas 
toujours  se  connaître  un  nom  générique.  Cependant  il  apparaît  bien  que  ce  nom 
existe  et  qu'il  est  le  mot  Séné  ou  mieux  Siéna  employé  par  la  plupart  des  Mandin- 
gues pour  désigner  la  langue  ;  on  retrouve  ce  mot  dans  le  nom  de  la  sous-tribu  du 
Eénédougou,  celle  des  Sénérhè  ou  Siénérhè  {Siène-réde  M.  Binger),  et  aussi  dans 
le  terme  de  Siénormana  par  lequel  les  Siéna  du  centre  semblent  désigner  l'ensemble 
de  leur  nation  et  des  divers  dialectes  de  leur  langue. 

Je  propose  donc  d'adopter  l'appellation  Siéna^  qui  est  au  moins  le  radical  du 
véritable  nom  de  ce  peuple. 

J'ai  dit  que  les  Mandingues  du  Haut-Niger  l'appellent  communément  Sénofo 
ou  Sénoufo  ;  les  Dioula  lui  appliquent  généralement  la  désignation  légèrement 
méprisante  de  Bambara^  qui  correspond  au  Kafir  des  musulmans  Arabes,  au 
Barbare  des  Grecs  et  au  Gentil  de  la  Bible,  englobant  un  grand  nombre  de  peuples 
ethniquement  fort  différents  les  uns  des  autres  et  qui  n'ont  de  commun  que  de  ne 
pas  pratiquer  la  religion  musulmane  ;  les  Âbron  et  les  Assanti  appellent  les  Siéna 
Tantara  ou  Banda-fo^  les  Koulango  les  appellent  Oan,  les  Baoulé  les  appellent 
Kanga  comme  presque  tous  les  Soudanais  et,  par  dérision,  nomment  Alahon-fié^ 
Jcon  (qu'on  pourrait  traduire  par  «  les  presque  nus  »)  les  Siéna  fort  peu  vêtus  du 
Centre  et  du  Nord-Ëst, 

2.  —  L'habitat. 

Les  Siéna  habitent,  soit  seuls,  soit  mélangés  à  des  Mandingues  et,  à  l'extrême 
sud-est,  à  des  Koulango  et  des  Abron,  l'immense  région  soudanaise  comprise  à  peu 
près  entre  les  confins  sud  du  district  de  Dienné  au  nord  et  le  parallèle  de  Bondou- 
kou  au  sud,  entre  le  méridien  de  Bougouni  à  l'ouest  et  celui  de  Bobo-Dioulasso  à 
l'est,  et  se  continuant  à  l'extrême  sud-est  par  un  territoire  qui  va  grosso  modo  de 
Bondoukou  au  coude  de  la  Volta  Noire. 

De  plus,  ces  mêmes  Siéna,  excellents  agriculteurs  mais  guerriers  médiocres 
en  général,  ont  été  de  tout  temps  le  point  de  mire  des  conquérants  chasseurs  d'escla- 
ves tels  que  Tiéba  et  Babemba,  Fakaba  et  Mango-Mamadou,  Mori  Touré,  Samori, 
etc.,  et,  vendus  et  revendus,  se  sont  trouvés  répaadus  en  grand  nombre  dans 
presque  toutes  les  provinces  de  l'Afrique  Occidentale. 


p.  18.]  •    R    •    E    *    E    ^    S    •  [1908» 

Dans  plusieurs  des  pays  dont  ils  forment  la  grosse  majorité  de  la  population, 
les  Siéna  ont  été  placés  à  diverses  reprises  sous  la  domination  plus  ou  moins  effec- 
tive d'étrangers  de  famille  mandingue  qui  se  sont  infiltrés  parmi  eux  et  les  ont 
dominés,  soit  par  la  force  des  armes,  soit  par  la  supériorité  de  leur  intelligence  et 
de  leur  état  politique,  religieux  et  social. 

Un  certain  nombre  de  Siéna,  surtout  parmi  les  membres  de  Tancienne  aristo- 
cratie, ont  adopté  le  costume  et  les  noms  de  famille  des  Mandingues  musulmans, 
parfois  leur  religion,  afin  de  conserver  ainsi  la  première  place  dans  la  société 
nouvelle  ;  la  langue  mandingue  s*est  répandue  parmi  eux,  des  alliances  nombreuses 
ont  eu  lieu  et  les  enfants  issus  de  ces  alliances  ont  été  marqués  souvent  du  tatouage 
propre  à  certaines  tribus  Siéna  (trois  cicatrices  en  éventail  sur  chaque  joue)  :  c'est 
là  Torigine  de  la  confusion  que  Ton  a  faite  souvent  entre  Mandingues  et  Siéna^ 
entre  étrangers  dominateurs  et  vassaux  autochtones,  confusion  encore  augmentée 
par  rhabitude  déplorable  que  nous  avons  prise  de  désigner  sous  le  nom  de  Bambara 
les  gens  parlant  la  langue  mandingue  alors  que,  dans  le  pays  qui  nous  occupe  en 
ce  moment,  ce  nom  désigne  précisément  au  contraire  les  gens  de  langue  et  de 
civilisation  non  mandingues^  c'est  à  dire  les  Siéna.  Au  triple  point  de  vue  anthropo- 
logique et  surtout  ethnographique  et  linguistique,  la  différence  est  profonde  entre 
la  famille  Mandingue  et  la  famille  Siéna  ou  Sénoufo. 

Le  pays  habité  par  les  Siéna  est  partout  de  même  nature  et  procède  du  type 
dit  «  soudanais  »  :  pays  de  savanes  et  de  forêts  peu  épaisses  alternant  les  unes  avec 
les  autres,  riche  en  ruisseaux  et  rivières  qui  donnent  naissance  à  de  vastes  prairies- 
marécageuses  lors  de  la  saison  des  pluies  mais  dont  beaucoup  se  dessèchent  à  partir 
de  janvier;  d'une  façon  géoérale,  le  pays  des  Sieoa  est  mieux  arrosé,  même  en 
saison  sèche,  que  celui  des  Agni,  leurs  voisins  du  sud.  L'altitude  est  relativement 
élevée,  le  pays  étant  composé  de  hautes  vallées  de  divers  bassins  importants 
(Bagbê  ou  Bagoé,  Bafing,  Baoulé  ;  Léraba-Gomoé,  Nzi-Bandama,  affluents  du  haut 
Sassandra  et  de  la  Yolta  Noire  moyenne)  et  de  massifs  montagneux  assez  sérieux 
qui  donnent  naissance  à  ces  diverses  vallées  et  les  séparent  les  unes  des  autres. 

Au  sud,  les  Siéna  ne  dépassent  pas  la  limite  septentrionale  extrême  de  la 
zone  proprement  forestière  ;  à  l'ouest  comme  au  nord,  ils  n'atteignent  pas  la  vallée 
du  Niger  proprement  dite,  à  Test  ils  s'arrêtent  à  celle  de  la  Volta  qu'ils  ne  pénè* 
trent  réellement  que  dans  l'extrême  pointe  qu'ils  poussent  à  l'est  de  Bondoukou. 

3.  —  L'histoire. 

Nous  n'avons  aucun  document  sur  Torigine  et  l'histoire  ancienne  des  Siéna.  Les 
géographes  Arabes  sont  muets  sur  ce  peuple.  A  vrai  dire,  ils  nous  parlent  bien 
d'une  population  fort  primitive,  à  peu  près  nue,  ayant  même  la  réputation  d'être 
anthropophage,  qui  habitait  à  l'est  du  Haut-Niger  et  était  en  relations  commercia- 
les avec  les  Mandingues  du  royaume  de  Mali  ou  Melli  ;  ces  derniers  l'auraient 
même  conquise  à  diverses  reprises  ou  tout  au  moins  auraient  fait  chez  elle  d& 
fructueuses  incursions  en  vue  de  se  procurer  des  esclaves.  Ibn-Batouta,  Aboulféda, 
Edrisi  donnent  à  cette  population  le  nom  de  Lamîam  ou  Lenilem.  Mais,  quoique  la 
plupart  de  ce  qu'ils  nou9  disent  de  ces  Lamlam  puisse  s'appliquer  aux  Siéna,  on 
ne  peut  en  aucune  manière  affirmer  que  c'est  bien  des  Siéna  qu'ils  ont  voulu  nous- 
'  parler  ;  très  probablement  même  cette  appellation  de  Lamlam  s'appliquait  à  tous^ 
les  peuples  primitifs  qui  bordaient  les  Mandingues  au  sud  et  à  l^est  et  correspondait 


1908«]  DBLAFOSSB    :    LB   PEUPLE   SIÉNA   OU   SÉNOUFO.  [P,  19. 

aux  désignations  aussi  vagues  qu'inexactes  de  Barbares,  de  Kafir,  de  Bambara, 
etc.*. 

Une  légende  qui  m'a  été  racontée  par  des  anciens  de  Korhogo  (Siéna  du  Cen- 
tre) dit  que  le  premier  ancêtre  des  Siéna  a  été  créé  par  Dieu  dans  le  pays  actuel 
4es  Siéna.  Mais  chaque  tribu  ou  sous-tribu  revendique  Thonneur  d'avoir  eu  son 
territoire  choisi  pour  lieu  de  cette  création.  Tout  ce  que  nous  pouvons  conjecturer 
en  nous  basant  sur  cette  légende,  c'est  que,  d'une  façon  générale,  les  Siéna  seraient 
les  autochtones  de  leur  pays  actuel  ou  au  moins  d'une  bonne  partie  de  ce  pays. 

D'après  une  autre  légende  recueillie  par  M.  Binger  près  de  Nièlé  ou  Nouellé 
chez  les  Folo,  cette  ville  aurait  été  fondée  à  une  époque  fort  reculée  par  des 
«chasseurs  presque  blancs  venus  du  Nord,  vivant  à  l'état  nomade  et  chassant  avec 
des  chiens.  Un  jour,  ils  coupèrent  les  feuilles  d'un  arbre  et  les  présentèrent  au 
•chef  du  pays  (un  chef  Siéna  selon  toute  probabilité),  demandant  à  se  fixer  près  de 
cet  arbre.  Ils  y  fondèrent  un  village  qu'ils  appelèrent  NoueUé^  ce  qui  voulait  dire 
dans  leur  langue  «  qui  nous  est  donné  ».  Plus  tard  ces  mêmes  gens,  dont  le  nom 
aurait  été  Naupé  ou  Nampau^  auraient  fondé  Eaouara  dans  la  même  province. 
<2uelle  que  soit  la  partie  de  vérité  renfermée  dans  cette  légende,  on  ne  trouve  pas 
trace  actuellement  de  ces  Noupé  :  Niêlé  est  habitée  par  des  Siéna  et  Kaouara  par 
des  Mandingues  Dioula. 

Kong  ou  mieux  Kpon*  aurait  été  fondée,  également  d'après  M.  Binger,  en 
même  temps  à  peu  près  que  Dienné,  c'est  à  dire  vraisemblement  au  XI^  siècle. 
Son  fondateur  était  un  chef  Siéna  de  la  tribu  Nafâna  et  ses  premiers  habitants 
furent  des  Siéna  Nafana  et  peut-être  aussi  des  Siéna  d'autres  tribus  ou  sous-tribus, 
dont  les  quelques  descendants  vivaut  encore  à  Kpon  sont  appelés  Fcdafàla.  Ce  chef 
fondateur  de  Epon  avait,  d'après  une  légende  que  j'ai  recueillie  à  Korhogo,  un 
esclave  nommé  Nenguéy  lequel  était  principalement  chargé  de  veiller  aux  planta- 
tions de  son  maître.  Ce  dernier,  fort  satisfait  des  services  de  Nengué,  l'affranchit, 
lui  donna  une  femme  et  des  biens  et  lui  permit  d'aller  s'établir  en  quelque  endroit 
où  il  serait  son  propre  maître. 

D'après  une  tradition  légèrement  différente  recueillie  à  Niofouin  chez  les 
Kassembélé  par  M.  l'administrateur  Terrassen  de  Fougères,  c'est  à  la  mort  du 
fondateur  de  Kong  et  par  le  successeur  de  ce  dernier  que  Nengué  et  sa  famille 
auraient  été  affranchis. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Nengué  (prononcez  Nenge^  avec  un  g  dur),  s'avançant  vers 
l'ouest,  se  serait  établi  dans  un  pays  alors  désert,  au  pied  d'une  montagne  appelée 
Korhoge  ou  Korrogo^  et  y  aurait  fondé  un  village  qui  prit  le  nom  de  la  montagne. 
Nengué  devint  l'ancêtre  d'une  famille  qui  prit  le  nom  de  Soroo  (voir  plus  loin)  et 
qui  passe  pour  la  plus  noble  des  familles  Siéna  ;  il  devint  aussi  l'ancêtre  d'une  tribu 
qui  prit  le  nom  de  Kiemharha. 


^  Ngorho,  située  chez  les  Siéna  de  la  sous-tribu  Folo,  serait,  d*après  M.  Binger,  la  plus 
vieille  ville  du  pays  Siéna.  Cet  auteur  l'identifie  avec  le  Ghana  ou  Ghanata  des  géographes 
arabes,  se  basant  sur  quelques  particularités  mentionnées  par  El-Bekri  (bois  sacrés,  chieus 
de  garde,  tamtam  dit  déba  ou  dcLba)  ;  il  la  rapproche  aussi  du  Gago  ou  Gogo  de  Léon  TAf ri- 
cain. n  semble  bien  prouvé  actuellement  que  Ghana  n'est  autre  que  Dienné  :  Ghana  est 
décrit  par  les  auteurs  arabes  comme  située  sur  une  île  avoisinaut  le  Niger,  ce  qui  convient 
parfaitement  à  l'île  du  Dienné-ri,  mais  nullement  à  Ngorho  ;  quant  à  Gogo,  capitale  des 
Sonrhaî  sur  le  Niger,  ce  ne  peut  être  que  Gao. 

*  C'est  à  Mungo-Park  que  nous  devons  PoHhographe  Kcng^  généralement  adoptée 
aujourd'hui  :  ce  voyageur  a  transcrit  l'articulation  kp  par  un  simple  A  et  a  ajouté  un  g 
final  qui  n'a  pas  plus  de  valeur  que  celui  des  orthographes  anglaises  Peking^  Tong-King^  etc» 


P,  20>] >    R    '    E    *    E    ^    S  j^ [1908> 

Après  la  mort  da  chef  de  Kong  qui  avait  affranchi  Nengué,  les  Nafäna,  jaloux 
de  la  situation  prospère  de  Tancien  esclave  et  de  sa  famille,  seraient  venus  lui  faire 
la  guerre.  Mais  Nengué  les  aurait  repoussés  au  delà  même  de  Kong  (XI*  ou  XII*  siè- 
cle), tellement  que  la  plus  grande  partie  des  Naf&na  aurait  émigré  dans  la  région  où 
devait  plus  tard  (XIV*  ou  XV*  siècle)  s'élever  Bondoukou,  et  où  habitaient  alors  des 
Mandé- fou  de  la  tribu  des  Gbin.  Les  Nafâna  furent  rejoints  dans  ce  pays  à  des 
époques  successives  par  des  Dégha  venus  du  Gourounsi,  des  Koulango  venus  de  la 
région  de  Bouna  qui  construisirent  les  premières  cases  de  Gotogo  ou  Bondoukou^ 
et  des  Mandingues  Noumou,  Huéla,  Ligbi  et  Dioula,  qui  donnèrent  à  Bondoukou  sa 
prospérité  et  son  renom.  Enfin,  vers  le  milieu  du  XV*  siècle,  arrivèrent  des  Agni- 
Assanti  de  la  tribu  des  Abron,  qui,  accueillis  en  amis  par  les  Nafâna  alors  maîtres 
du  pays,  firent  régner  bientôt  leur  domination  politique  sur  tous  ces  éléments 
hétérogènes.  Actuellement  les  Nafâna  habitent  toujours  la  même  région,  où  ils  sont 
connus  de  leurs  voisins  sous  les  noms  de  Pantara^  Ouandara^  Vandra^  et  l'un  de 
leurs  chefs  est  encore  considéré  à  Bondoukou  même  comme  le  «  maître  du  sol  ■• 

Postérieurement  à  la  fondation  de  Korhogo  et  à  Texode  des  Nafâna  vers  la 
Volta,  il  y  eut  parmi  les  Siéna  un  certain  nombre  de  discordes  civiles  entre  les 
tribus  et  sous-tribus  qui  se  multipliaient  au  fur  et  à  mesure  que  la  population 
devenait  plus  nombreuse  et  allaient  coloniser  les  parties  encore  désertes  du 
territoire. 

C'est  ainsi  qu'une  partie  des  descendants  de  Nengué,  qui  résidait  auprès  de  la 
montagne  Komboro^  proche  de  celle  de  Korhogo,  ne  trouvant  pas  assez  de  terres 
disponibles  pour  subvenir  à  ses  besoins,  émigra  plus  an  sud  et  fonda  une  série  de 
villages  dont  le  plus  ancien  fut  appelé  KombarchKaha  (village  du  Komboro),  en 
souvenir  de  la  montagne  patrie  première  de  ses  fondateurs  :  ce  fut  l'origine  de  la 
sous-tribu  des  Nafarha.  Une  autre  partie  des  descendants  de  Nengué,  pour  un 
motif  analogue  sans  doute,  s'en  fut  dans  le  nord-est,  traversa  le  Bandama,  et  fonda 
le  village  de  Félékessé-Kaha^  du  nom  de  Fétékessé,  chef  de  cette  migration  :  ce 
fut  l'origine  de  la  sous-tribu  des  Niarhafolo. 

Après  l'exode  de  la  majorité  des  Nafâna  vers  la  Volta,  la  ville  de  Epon  ou  Kong 
était  demeurée  en  la  possession  de  Siéna,  soit  des  Nafâna  demeurés  là,  soit  des 
gens  d'autres  tribus  qui  y  habitaient  déjà,  soit  des  compagnons  de  Nengué  qui  s'y 
seraient  installés  après  en  avoir  chassé  les  Nafâna.  Quoi  qu'il  en  soit,  ces  Siéna  de 
Kong,  appelés  Fàlafala^  jouissaient  d'une  certaine  autorité  s'étendant  jusqu'au  delà 
du  Bandama,  puisque,  d'après  des  traditions  recueillies  dans  le  district  de  Korhogo, 
les  tribus  de  ce  district  payaient  redevance  aux  chefis  de  Kong  et  les  consultaient 
pour  la  désignation  de  leurs  propres  chefs.  Cette  sorte  de  vassalité  se  continua  après 
la  prise  de  Kong  par  les  Dioula,  ces  derniers  devenant  alors  les  suzerains,  et  ne 
prit  fin  qu'au  moment  des  conquêtes  de  Tiéba  et  de  Babemba,  qui  firent  passer 
l'hégémonie  de  Kong  à  Sikasso. 

Ce  n'est  que  bien  après  l'époque  de  Nengué  que  des  Mandingues  de  la  triba 
Dioula  vinrent  s'établir  aux  environs  de  Kpon,  à  Télenguéra,  limbala,  Borhoman- 
Dougou,  puis,  plus  tard,  à  Kpon  même.  Ils  durent  accepter  tout  d'abord  la  suze- 
raineté des  chefs  Siéna.  Ce  n'est  qu'à  la  fin  du  XVIU*  siècle  ou  au  commencement 
du  XIX*  que,  profitant  d'une  dispute  survenue  au  marché,  les  Dioula  des  familles 
Ouatara,  Baro  et  Dao  s'emparèrent  de  la  ville,  massacrèrent  les  che£s  Falafala  et 
demeurèrent  les  midtres.  (Tradition  recueillie  à  Kong  par  M.  Binger,  puis  par 
moi-même).  II  resta  cependant  à  Kong  quelques  fiimilles  Fala&la  qui  y  habitent 
encore. 


1908.]  DELAFOSSE    :    LB   PEUPLE   SIÉNA   OU    SÉNOUFO.  [P.  21* 

Les  Dioula  étendirent  ensuite  leur  domination  sur  les  pays  situés  au  nord  de 
Epon  et  habités  par  des  Siéna  des  sous  tribus  Pala  (ou  Kpalagba),  Sikolo,  Komooo^ 
etc.  Ils  proToquèrent  ainsi  Tezode  vers  Touest  d'une  partie  de  la  population  au» 
tochtone  qui,  sous  la  conduite  du  père  ou  de  l'oncle  de  Sémignian,  chef  actuel  des 
Paîa,  alla  s'établir  à  l'ouest  de  la  Lokonon,  sur  un  territoire  qui  lui  fut  cédé  par 
le  chef  des  Niarhafolo. 

Je  passe  sous  silence  les  guerres  de  tribu  à  tribu,  de  village  à  village,  aussi 
fréquentes  que  peu  meurtrières,  qui  n'eurent  que  fort  peu  d'influence  sur  la  civili- 
sation et  les  mœurs  des  Siéna.  Les  sous-tribus  Siéaérhè  et  Folo  semblent  avoir 
joué  un  rôle  prépondérant  dans  ces  luttes  intestines,  grâce  à  l'influence  que  surent 
acquérir  certains  de  leurs  chefs  (Daoula,  fondateur  de  Sikasso,  mort  en  1877,  et 
ses  successeurs  Tiéba  —  ou  mieux  Kièba  —  et  Babemba,  chez  les  Siéuérhè  ;  Fan, 
Pégué,  Ouahirimé  et  Bilaogolo,  chefs  successifs  de  Niêlé  depuis  1880  ;  Niamana, 
Niarhalemba,  2ïbbo,  chefs  successifs  de  Mbégué  de  1880  à  1889,  chez  les  Foio). 

L'infiltration  Mandingtie  dans  le  pays  des  Siéna  eut  au  contraire  sur  ces  der- 
niers une  influence  indéniable.  Elle  fut  tantôt  pacifique  et  tantôt  guerrière. 

Les  Diotda^  établis  depuis  longtemps  au  Ouorodougou  (régions  de  Kani, 
Mankouo,  etc.),  plus  récemment  à  Bobo-Dioulasso,  à  Kong,  à  Odienné,  et  devenus 
politiquement  prépondérants  dans  ces  divers  pays  depuis  le  XVIIP  siècle  environ, 
se  répandirent  peu  à  peu  parmi  les  Siéna,  se  livrant  au  commerce  du  sel,  des 
bœufs,  des  colas  et  des  esclaves,  opérant  quelques  conversions  à  l'islamisme,  assez 
rares  d'ailleurs,  et  inculquant  aux  riches  des  goûts  somptuaires,  en  particulier  en 
ce  qui  concerne  le  vêtement  et  l'habitation.  Il  n'y  eut  guère  d'immigration  Dioula 
proprement  dite  que  sur  la  périphérie  du  territoire  Siéna  et  encore  se  réduisit-elle, 
sauf  du  côté  de  Kong,  à  la  fondation  de  quelques  villages  ;  ailleurs  les  Dioula  ne 
pénétrèrent  qu'isolément,  voyageant  le  plus  souvent,  se  fixant  parfois  et  attirant 
auprès  d'eux  quelques  compatriotes.  Cette  pénétration  toute  pacifique,  qui  respec- 
tait par  principe  les  coutumes  et  l'organisation  politique  des  autochtones,  fut  une 
source  de  prospérité  matérielle  pour  les  pays  où  elle  se  produisit,  mais  n'amena 
pas  de  changements  notables  dans  la  civilisation  indigène,  sauf  dans  le  rayon 
immédiat  des  centres  Dioula.  Souvent  au  contraire  les  coutumes  des  Siéna  furent 
adoptées,  au  moins  en  partie,  par  les  Dioula  établis  au  milieu  d'eux. 

Tout  autre  fut  le  résultat  des  conquêtes  politiques  des  Ouatara  de  Kong  chez 
les  Siéna  de  la  haute  Comoé  et  du  Guimini  (vulgairement  Djimini),  des  conquêtes 
guerrières  des  Konatè  de  Boron  chez  les  Siéna  du  sud-ouest,  des  Touré  d'Odienné 
chez  les  Noholo,  des  Touré^  de  Marabadiassa  chez  les  Takponin,  et  de  celles  des 
bandes  cosmopolites,  mais  composées  surtout  de  Mandingues,  qui,  à  la  suite  de 
Kièba,  de  Babemba,  de  Samori,  désolèrent  les  provinces  des  Bamâna,  des  Siénérhè, 
des  Tagba,  des  Folo,  des  Kadlé,  des  Niéné,  etc.  Tout  autre  aussi  fut  le  résultat  de 
l'immigration  plus  ancienne  et  considérable  qui  conduisit  des  Mandingues  du 
Ouassoulou  dans  le  voisinage  ou  sur  le  territoire  même  des  Siénérhè,  des  Noholo, 
des  Niéné.  Ces  conquêtes  et  cette  immigration  amenèrent  des  modifications  notables 
dans  les  mœurs  et  la  civilisation  des  tribus  ainsi  soumises  à  la  loi  ou  au  contact 
intime  des  Mandingues.  Fut-ce  à  l'avantage  des  Siéna  ?  je  ne  le  pense  pas.  Ces 
guerres  et  invasions  contribuèrent  à  étendre  le  domaine  de  la  langue  Mandingue 
au  détriment  de  la  langue  Siéna  et  celui  de  la  religion  musulmane  au  détriment  de 
la  religion  indigène,  à  développer  l'usage  des  vêtements,  à  généraliser  l'emploi  du 


Ouatara,  Konatè,  Touré  sont  des  noms  de  familles  Dioula. 


p.  22.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908* 

fbsil  aux  dépens  de  Tare,  à  faire  entourer  certains  Tillages  de  fossés  et  de  murs 
qui  d'ailleurs  ne  les  sauvèrent  que  bien  rarement  du  pillage,  enfin  à  faire  perdre 
à  beaucoup  d'indigènes  le  goût  de  Tagriculture  pour  leur  inculquer  celui  du  métier 
des  armes.  Dans  cette  sorte  d'évolution,  la  somme  des  inconvénients  semble  l'avoir 
emporté  sur  celle  des  avantages,  et  encore  j'ai  passé  sous  silence  l'appauvrissement 
du  pays,  et  la  diminution  de  la  population  due  aux  massacres  et  aux  captures 
d'esclaves. 

Je  n'entrerai  pas  dans  le  détail  de  ces  guerres  et  invasions,  dont  la  plupart 
ne  remontent  pas  au  delà  de  1850  environ  :  le  récit  de  ces  razzias  n'aurait  qu'on 
intérêt  purement  historique,  parfois  même  simplement  chronologique  et  il  n'a  rien 
à  voir  avec  l'ethnographie. 

Après  la  prise  de  la  ville  de  Sikasso  et  celle  de  la  personne  de  Samori  par  nos 
troupes  (mai  à  septembre  1898),  la  paix  française  vint  redonner  aux  Siéna  une 
partie  de  leur  ancienne  indépendance  politique  et  permit  à  leur  civilisation  de 
progresser  normalement  sous  certaines  réserves  d'ailleurs  nullement  négligeables. 
Jusqu'à  présent,  les  modifications  culturelles  dues  à  notre  occupation  seraient 
minimes,  s'il  n'y  avait  pas  à  compter  l'abolition  de  la  traite  des  esclaves  et,  depuis 
une  époque  plus  récente,  la  non-reconnaissance  officielle  de  l'état  de  servage  : 
deux  réformes  qui,  fatalement,  amèneront  peu  à  peu  un  changement  assez  notable 
dans  la  vie  sociale  et  familiale  des  indigènes  ;  la  seconde  surtout  tendra  à  l'établis- 
sement progressif  de  la  propriété  individuelle  au  détriment  de  la  propriété  collec- 
tive ;  il  se  peut  fort  bien  aussi  que  cette  révolution,  inspirée  par  ce  que  nous 
croyons  être  un  sentiment  humanitaire  et  égalitaire,  arrive  à  doter  les  indigènes 
de  la  plaie  du  paupérisme,  qu'ils  avaient  ignorée  dans  leur  société  primitive.  Il  est 
au  moins  intéressant,  pour  l'observateur  impartial,  de  constater  que  les  mêmes 
idées,  qui,  en  France,  tendent  à  la  lutte  contre  le  capital  et  à  l'établissement  d'une 
forme  plus  ou  moins  imparfaite  de  collectivisme,  se  manifestent  dans  nos  colonies 
d'Afrique  selon  une  voie  diamétralement  opposée  :  ce  phénomène  serait  inexplicable 
s'il  n'avait  malheureusement  une  explication  trop  naturelle  dans  notre  ignorance 
absolue  des  mœurs,  de  la  constitution  sociale  et  des  conditions  réelles  de  la  vie  de 
nos  sujets  noirs,  dans  notre  indéracinable  tendance  à  consulter  sur  ce  qui  convient 
aux  Nègres  un  membre  d'une  institution  savante  ou  un  orateur  de  réunions 
publiques,  assurément  instruits  et  éloquents  mais  fort  peu  compétents,  de  préfé- 
rence aux  personnages  moins  illustres  mais  mieux  documentés,  enfin  dans  la 
fatuité  qui  nous  porte  invinciblement  à  juger  des  autres  peuples  d'après  ce  qu'est 
le  nôtre  et  à  considérer  notre  civilisation  comme  la  seule  capable  d'assurer  le 
bonheur  d'une  fraction  quelconque  de  l'humanité,  quels  que  soient  son  milieu  et 
sa  race. 

4.  —  Les  fk^ctions  on  tribus  et  les  sous-trlbus. 

J'ai  dit  (page  193  de  mes  Vocabulaires  Comparatifs)  que  le  peuple  Sénoufo  ne 
parle  en  réalité  qu'une  langue  unique  :  on  en  pourrait  inférer  qu'il  ne  forme 
qu'une  seule  tribu.  Il  se  divise  cependant  en  un  certain  nombre  de  «  fractions  v 
qui,  historiquement  et  politiquement,  ne  sont  pas  des  «  tribus  *,  mais  qui  ont  dû  à. 
une  époque  antérieure  constituer  chacune  une  ou  deux  tribus  véritables  et  dont 
chacune  est  actuellement  composée  de  sous-tribus  possédant  des  apparences  exté- 
rieures généralement  semblables,  un  état  de  civilisation  analogue,  des  dialectes 
très  voisins  les  uns  des  autres,  et  ayant  subi  des  influences  étrangères  identiques,. 


1908«]  DBLAFOSSB    :    LB   PEUPLE   SIÊNA   OU   8ÊN0UF0.  [P«  28. 

tandis  que  ces  mêmes  fractions  se  distinguent  les  unes  des  autres  par  des  diver- 
gences assez  notables  dans  les  apparences  extérieures,  Tétat  de  civilisation,  la 
langue,  l'origine  des  influences  étrangères.  Cette  division,  à  la  fois  ethnographique 
et  linguistique,  se  touve  être  en  même  temps  géographique,  et  il  y  a  lieu  de  penser 
que  le  milieu  naturel  n'a  pas  été  indifférent  à  ce  fractionnement. 

Nous  avons  cinq  fractions  ainsi  définies,  comprenant  chacune  —  sauf  la  cin- 
quième —  plusieurs  sous- tribus  qui  se  divisent  elles-mêmes  parfois  politiquement 
en  provinces  ou  cantons.  La  cinquième  ne  renferme  qu'une  sous-tribu,  à  laquelle 
on  peut  sans  inconvénient  conférer  le  titre  de  «  tribu  n. 

Ces  fractions  n'ont  pas  de  noms  indigènes,  la  tribu  qui  leur  a  autrefois  donné 
naissance  s'étant  tellement  subdivisée  dans  la  suite  des  temps  qu'elle  ne  forme  plus 
qu'une  partie  médiocre  du  tout,  si  même  elle  n'a  pas  entièrement  disparu.  Je  les 
appellerai  tout  simplement  fractions  :  1^  du  Nord^  2°  Centrale^  3^  du  Sud,  4^  du 
Nord-Estj  5^  du  Sud-Est,  La  première  habite,  d'une  façon  générale,  le  bassin  du 
haut  Bagbê  (Bagoé),  la  deuxième  celui  du  Haut-Bandama,  la  troisième  celui  du 
Haut-Nzi,  la  quatrième  celui  de  la  haute  Léraba-Comoé,  la  cinquième  celui  de  la 
Volta  Noire  moyenne. 

V  La  fraction  du  Nord  comprend  les  dix  sous-tribus  :  —  des  Bamâna  (région 
de  Eoutiala),  que  les  Mandingues  appellent  Bamâna-Sénoufo  (Bamâna  de  langue 
Siéna)  pour  les  distinguer  des  Bamâna-Mandéfo  (Bamâna  de  langue  mandingue), 
lesquels  sont  les  Bamâna  ou  Bambara  de  Ségou  et  du  Kaarta  ;  —  des  Siénérhè 
(région  de  Sikasso  ou  Kéoédougou),  qui  furent  peut-être  la  tribu  initiale  de  la  frac- 
tion ;  —  des  Tagba  (Tagoua  sur  les  cartes,  entre  Sikasso  et  Bobo-Dioulasso)  ;  — 
des  KadU  ou  Kanndéré  (canton  de  Tengréla)  ;  —  des  Pongala  ou  Ponga  (canton 
de  Kassiré)  ;  —  des  Pomporo  (appellation  probablement  étrangère,  cantons  de 
Nafadié  et  de  Londiougo)  ;  —  des  Niéné  (cantons  de  Eouto,  de  Kolia,  de  Tombou- 
gou,  du  Niodougou)  ;  —  des  Ténéouré  (canton  de  Boundiali)  ;  —  des  Zona  (canton 
de  Kébi)  ;  —  et  des  Noholo  ou  Naoulou  (canton  de  Séguélo).  —  Les  trois  premières 
sous-tribus  habitent  les  cercles  de  Koutiala,  Sikasso  et  Bobo-Dioulasso  (Haut- 
Sénégal  et  Niger),  les  cinq  suivantes  le  district  de  Tombougou  du  cercle  de 
Eorhogo  (Cote  d'Ivoire)  et  les  deux  dernières  le  district  d'Odienné  du  même 
Cercle^ 

2*  La  fraction  centrale  comprend  les  dix  sous-tribus  :  —  des  Folo  ou  Foro 
(cantons  de  Ngorho  ou  du  Folo-na  dans  le  cercle  de  Bobo-Dioulasso  et  de  Mbégué 
et  Niêlé  dans  le  cercle  de  Eorhogo),  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  Mandin- 
gues du  canton  du  Folo  (district  d'Odienné)  et  qui  semblent  participer  à  la  fois  de 
la  fraction  Nord  et  de  la  fraction  Centrale  ;  —  des  Kiembarha  ou  Kiegharha 
(cantons  de  Nganndana,  intercalé  au  milieu  des  Folo,  et  de  Eorhogo  ou  Eoroko), 
qui  furent  sans  doute  la  tribu  initiale  de  la  fraction  ;  —  des  Nafarha  ou  Nafagha 
(cantons  de  Eomboro-dougou,  Sinématiali,  Earakoro,  Eâgbolo-dougou  et  Gbambélé- 
dougon)  ;  —  des  Tafiré  ou  Tafilé  (canton  de  même  nom)  ;  —  des  Ko  folo  (cantons 
de  Guiembé,  Diko-dougou  et  Eadioha)  ;  —  des  Qhannzoro  (cantons  de  Eiémou, 
Eafiné  et  Téninndiéri)  ;  —  des  Kafibélé  ou  Eafigué  ou  Eafougolo  (cantons  de 
Sirhâsso  et  Eannorhoba)  ;  —  des  Kassembélé  (cantons  de  Eatiali,  Niofouin  et 
Siempurgo)  ;  —  des  Qbâto  (cantons  de  Nafon,  Nganahoni  et  Térikiélé)  ;  —  et 


1  II  y  aurait  lieu  de  rechercher  si  le  domaine  des  Siéna  ne  8*étend  pas  encore  au  nord 
du  cercle  de  Koutiala  et  ne  comprend  pas  les  Sénou-Houmbéré  et  les  Sénou-Bangasso  qui 
habitent  â  l'est  et  au  sud-est  du  Massina. 


p.  24.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

enfin  des  Niarhafolo  (canton  de  Félékessé-dougou),  qui  semblent  participer  à  la 
fois  de  la  fraction  centrale  et  de  la  fraction  nord-est.  —  A  part  le  canton  Folo  de 
Ngorho,  tous  les  cantons  énumérés  ci-dessus  sont  situés  dans  le  cercle  de  Korhogo 
(Côte  dl voire)  et  tous  aussi  dans  le  district  même  de  Korhogo,  sauf  ceux  de  Siem- 
purgo,  Nganahoni  et  Yérikiélé,  situés  dans  le  district  de  Tombougou. 

3®  La  frtiction  sttd  ne  comprend  que  deux  sous-tribus  —  qui  mériteraient 
peut-être  mieux  le  nom  de  «  tribus  »  —  très  importantes  l'une  et  l'autre  :  —  celle 
des  Takponin  ou  Tagbona  (Tagouano  ou  Tagouana  sur  les  cartes  :  cantons  de  Longo, 
Niangbo,  Niankarama-dougou  et  Foundébougou  dans  le  cercle  et  district  de 
Korhogo,  cantons  de  Katiola,  Fourougoula  et  Katiara  dans  le  cercle  de  Dabakala, 
Côte  dlvoire)  ;  —  et  celle  des  Chiimini  (Djimini  sur  les  cartes,  cantons  de 
Dabakala,  Sokala  ou  Sokola,  Finassîgui-dougou  et  Kafon-dougou,  tous  situés  dans 
le  sud-est  du  cercle  de  Dabakala).  Les  Tillages  situés  au  nord-ouest  de  la  fraction 
sud  semblent  participer  en  même  temps  de  la  fraction  centrale. 

4?  La  fraction  Nord-Est  comprend  les  quatre  sous-tribus  :  —  des  Pala  ou 
Kpalagha  (Pallakha  des  cartes,  canton  do  môme  nom  dans  le  cercle  de  Korhogo)  ; 

—  des  Sikolo  (canton  de  même  nom  au  nord  de  Kong  dans  le  cercle  de  Dabakala)  ; 

—  dos  Komono  (nord-est  de  Kong,  à  cheval  sur  les  cercles  de  Dabakala  et  de  Bobo- 
Dioulasso)  ;  —  et  des  Falafàla  (reste  des  autochtooes  do  Kong).  —  Il  serait 
important  de  rechercher  s^il  ne  faudrait  pas  y  ajouter  tout  ou  partie  des  tribus  ou 
sous-tribus  :  des  Karàhoro  (région  de  Lorhognilé,  cercle  de  Bobo-Dioulasso),  des 
Mboum  ou  Gouin  (région  de  Léra,  même  cercle),  des  Dorhossiè  (à  Test  des  Karabora 
et  des  Mbouin,  même  cercle),  des  Kièfo  ou  Tiéfo  (entre  les  Dorhossiè  et  les  Sia  ou 
Bobo-Dioula,  même  cercle),  et  enfin  des  Totissia  et  des  Tourouka  (région  sud  de 
Bobo-Dioulasso),  toutes  tribus  ou  sous-tribus  dont  TidentificatioD  n'est  pas  faite 
encore  et  qui  semblent  participer  à  la  fois  de  la  fraction  nord-est  des  Siéna  et  de 
la  famille  Bobo-Mossi-Lobi-Gourounsi. 

5®  La  fraction  Sud-Est  ne  comprend  que  la  seule  tribu  des  Nafâna  ou  Nafanra, 
appelés  Bambara  ou  encore  Ouandara  ou  Vaudra  par  les  Mandingues,  Pantara  ou 
Banda-Fo  par  les  Abron,  Gan  par  les  Koulango,  et  qui  habitent  la  région  Bondoukou- 
Oûrigué-Tambi  dans  le  cercle  de  Bondoukou  (Côte  d'Ivoire)  et,  dans  la  colonie 
anglaise  du  Gold-Goast,  la  région  Kassa-Louha-Banda-Samgba  (rive  droite  de  la. 
Volta).' 


^  C'est  par  suite  d'une  erreur  provenant  d'une  similitude  de  noms  que,  page  196  de  me& 
Yocabulaires  Comparatifs,  j'ai  dit  que  la  tribu  Siéna  des  Nafâna  se  serait  répandue  vers 
l'ouest  jusqu'au  Konian  et  qu'on  en  rencontrerait  des  représentants  sur  la  rive  droite  du 
haut  Bandama,  dans  le  Ouorodougou  et  près  d'Odienné  :  il  n'existe  pas  de  Nafâna  sur  le 
haut  Bandama,  mais  des  Nafarha  ;  quant  aux  Nafâna  du  Ouorodougou  et  du  district 
d'Odienné,  ce  sont  des  Mandingues  et  non  des  Siéna  ;  on  trouve  encore  ce  nom  de  Nafâna 
donné  à  un  canton  Dioula  voisin  de  Kong  (peut-être  en  souvenir  des  anciens  fondateurs  de 
Kong)  et  au  canton  Siéna  de  Papara  ou  de  Nafadié.  Je  disais  aussi  qu'on  rencontrait  des 
Nafâna  ou  Ouandara  autour  de  Ouandarama  (Guimini)  ;  c'est  inexact  -  il  se  peut  que  Ouan- 
darama  doive  son  nom  aux  Ouandara,  mais  actuellement  on  n'y  trouve  pas  de  représen- 
tants de  cette  tribu. 

Puisque  je  viens  de  relever  ces  erreurs,  je  veux  profiter  de  l'occasion  qui  se  présente  à 
moi  de  corriger  plusieurs  autres  inexactitudes  se  rencontrant  pages  194  et  196  du  même 
ouvrage. 

A  propos  du  dialecte  NoholOj  j'ai  dit  qu'il  était  parlé  par  les  autochtones  «  de  la  région 
et  de  la  ville  d*Odienné  »  ;  il  faut  lire  «  de  la  région  située  â  Test  et  au  sud-est  d'Odienné  ». 
-4  J'ai  dit  que  les  Noholo  avaient  comme  voisins  :  à  l'est  et  au  sud  «  des  Nafâna,  Sénoufo^ 


1908«]  DELAFOSSE    :    LE   PEUPLE   SIÉNA    OU   SÊNOUFO.  [P.  25. 

Chacune  des  cinq  fractions  du  peuple  Siéna,  comme  je  le  disais  plus  haut,  a 
subi  des  influences  étrangères  d'une  origine  différente  et  par  suite  a  revêtu  un 
aspect  ethnographique  spécial  :  la  fraction  nord  a  subi  Tinfluence  mandingue, 
principalement  par  l'intermédiaire  des  Mandingues  proprement  dits  ou  Malinké 
(proprement  Mandenga)  et  des  Ouassoulounka  qui  s'y  rattachent  de  fort  près  ;  la 
fraction  sud  a  subi  aussi  l'influence  mandingue,  mais  par  l'intermédiaire  des  Dioula, 
et,  à  un  degré  minime,  l'influence  agni-assanti  par  l'intermédiaire  des  Baoulé  ; 
la  fraction  nord-est  a  subi  l'influence  Bobo-Lobi-Gourounsi  et,  à  un  degré  bien 
moindre,  l'influence  Dioula  ;  la  fraction  sud-est  a  subi  des  influences  très  diverses 
(Eoulango,  Mandingue)  mais  surtout  agni-assanti  par  l'intermédiaire  des  Àbron  et 
des  Assanti. 

Quant  à  la  fraction  centrale,  c'est,  de  toutes,  en  raison  de  sa  situation 
géographique,  celle  qui  a  été  le  moins  influencée  et  où  la  civilisation  indigène 
s'est  conservée  le  plus  purement  :  tout  au  plus,  près  des  gros  centres,  peut-on 
trouver  des  traces,  faibles  d'ailleurs,  d'une  influence  mandingue  assez  récente. 

6.  —  Fractions  et  sons-tribiis  étudiées. 

Les  observations  consignées  dans  la  présente  étude  ont  été  recueillies  chez  les 
Nafâna  (fraction  sud-est),  chez  les  tiuimini  et  Takponin  (fraction  sud),  chez  les 
Falafala,  Sikolo  et  Pala  (fraction  nord-est),  chez  les  Tafiré,  Niarhafolo,  Folo, 
Nafarha,  Eiembarha,  Kofolo,  Gbannzoro,  Kassembélé,  Kafibélé,  Gbâto  (fraction 
centrale),  et  chez  les  Ténéouré,  Niéné,  Zona  et  Noholo  (fraction  nord),  c'est  à  dire 


comme  eux  »  ;  il  faut  rayer  le  mot  «  Nafâna  »  ;  —  au  nord  «  des  Foulbé  et  des  Mandé- 
Ouassoulounka  »,  il  faut  metti'e  «  des  Mandé-Foulanka  ou  Ouassoulounka  »  ;  —  à  Touest 
«  des  Mandé- Konianka  *»,  il  faut  mettre  ^  des  Mandé-Nafàna  ».  —  La  phrase  suivante 
«  Parmi  les  Noholo  habite  la  tribu  Mandé-Tan  des  Ouoguiéné-nka,  apparentée  aux  Guio- 
mané  ou  Guiomandé  ou  Maou,  qui  exerce  la  suprématie  n  est  triplement  erronée,  géogra- 
phiquement,  ethnologiquement  et  politiquement,  et  doit  être  supprimée,  ainsi  que  la 
dernière  du  même  paragraphe  «  les  Noholo  ne  sont  pas  tatoués  »,  également  inexacte. 

J'avais  mentionné  «  le  dialecte  Na-ndaga^  parlé  par  une  partie  des  autochtones  du 
Kourodougou,  dans  la  région  qui  s*étend  entre  Sarhala  et  Marabadiassa,  au  nord  des  Mouin 
et  sous  la  tutelle  des  Dioula  de  la  famille  Sia  »  ;  cette  assertion  est  inexacte  :  il  est  fort 
probable  que  la  région  en  question  était  autrefois  peuplée  de  Siéna  ;  on  en  trouve  des 
traces  dans  beaucoup  de  noms  de  lieux  ;  mais  actuellement  Télément  mandingue  semble  se 
manifester  seul  ;  de  plus  cette  région  ne  s'étend  pas  jusqu'aux  Mouin  et  ne  comprend  pas 
les  Sia,  qui  en  sont  séparés  par  le  Koyarhadougou  (canton  de  Mankono)  et  qui  semblent 
bien  ne  pas  être  des  Dioula.  A  la  place  de  ce  dialecte  Nandaga  fort  hypothétique,  il  aurait 
fallu  mentionner  le  dialecte  Nafarha  et  les  dialectes  connexes  de  la  fraction  centrale. 

Dans  le  paragraphe  relatif  aux  Folo^  j'avais  mis  que  ces  derniers  «  habitent  des  deux 
côtés  du  haut  Bandama,  les  régions  de  Kouton  (Kouto)  et  de  NiêJé,  entre  les  Tagba  au  nord, 
les  Nafàna  et  les  Kpalarha  au  sud,  les  Toronké  à  l'ouest  et  les  Mbouin  et  Karaboro  à  l'est  »  ; 
cette  phrase  renferme  beaucoup  d'inexactitudes  :  les  Folo  ne  se  rencontrent  pas  sur  la  rive 
droite  du  haut  Bandama,  ni  à  Kouto  qui  est  chez  les  Niéné,  n'ont  ni  Nafâna,  ni  Kpalarha, 
ni  Toronké,  ni  Karaboro  comme  voisins  au  moins  immédiats,  mais  bien  des  Nafarha,  Kiem- 
barha  et  Kassembélé  au  sud,  des  Pomporo  et  Kadlé  à  l'ouest,  des  Mbouin  et  Niarhafolo 
à  Pest. 

Page  196,  j'ai  avancé  «  qu'il  conviendrait  de  rattacher  au  dialecte  Nafàna  celui  des 
Boron,  autochtones  sénoufo  de  la  région  de  Sarhala,  et  celui  des  GbàtOy  autochtones 
sénoufo  de  Koro  et  du  Kaladiandougou  »  ;  tout  cela  est  faux  :  Boron  est  le  nom  d'un  village 
Mandingue  situé  au  nord  de  Sarhala  et  non  celui  d'une  tribu  Siéna  ;  quant  aux  Gbâto.  ils 
n'habitent  ni  à  Korp  ni  dans  le  Kaladiandougou  (pays  Mandingues)  et  leur  dialecte  se  rap- 
proche de  celui  des  Nafarha  et  non  de  celui  des  Nafâna. 


P,  26.] •    R    •    Ë    •    E    •    S    •  [1908. 

dans  toutes  les  sous-tribas  habitant  la  Côte  d'Ivoire  (KomonOi  Eadlé,  Pomporo  et 
Pongala  exceptés)  ;  ces  obsenrations  ont  été  approfondies  surtout  en  ce  qui  concerne 
la  fraction  centrale,  dont  j'ai  pu  visiter  à  diverses  reprises  toutes  les  tribus  sans 
exception  et  au  centre  de  laquelle  j'ai  fait  le  plus  long  séjour. 

Les  observations  ne  portant  pas  mention  d'un  nom  de  8ous*tribu  ni  indication 
d'une  fraction  spéciale  sont  communes  à  toutes  les  sous-tribus  observées.  Gelies 
s'appliquant  seulement  à  une  ou  plusieurs  sous-tribus  ou  localités  en  portent 
l'indication. 

Je  n'ai  pas  visité  personnellement  les  sous-tribus  Radié,  Pomporo,  Pongala, 
Tagba,  Siénérhè,  Bamâna  (toutes  situées  dans  la  fraction  nord)  ni  les  sous-tribus 
Komono  et  Mbouin  de  la  fraction  nord-est  ;  aussi  ai-je  utilisé  quelques  indications 
de  M.  Binger  concernant  certaines  de  ces  sous-tribus,  ainsi  que  celles  que  m'ont 
fournies  de  nombreux  indigènes  habitant  leur  territoire  et  que  j'ai  rencontrés  à 
Kong,  à  Korhogo,  à  Tombougou,  à  Odienné  et  ailleurs. 

6.  —  Ijes  caïuotères  physiques. 

Les  Siéna  sont  en  général  de  haute  taille  (Nafarba  et  Pala  notamment),  peu 
musclés  (Nafarha  en  particulier),  quoique  robustes  à  l'ordinaire.  Cependant  on 
trouve  aussi  parmi  eux  des  gens  trapus  (Ouimini). 

Le  teint  varie  du  brun  clair  au  brun  très  foncé  (Gbâto  notamment),  plus 
souvent  foncé  que  clair. 

Le  système  pileux  est  en  général  peu  abondant  et  la  barbe  ne  vient  aux  hom- 
mes qu'à  un  âge  assez  avancé  ;  cependant  on  voit  beaucoup  de  gens  barbus  chez 
les  Gbâto. 

Les  individus  de  teint  clair  à  cheveux  rouges  se  rencontrent  dans  beaucoup  de 
localités,  sans  paraître  plus  nombreux  dans  telle  sous-tribu  que  dans  telle  autre. 
Il  en  est  de  même  des  albinos  et  des  nains,  ces  derniers  très  rares.  J'ai  vu  des  gens 
à  cheveux  rouges  un  peu  partout  ;  j'ai  remarqué  quelques  albinos  complètement 
blancs  chez  les  Kiembarha,  les  Nafarha  et  les  Noholo  ;  j'ai  vu  des  nains  dans  deux 
villages  Nafâna  (Oûrigué  et  Louhà  ou  Boue). 

Les  femmes  sont  généralement  laides  et  souvent  mal  conformées. 

Hommes  et  femmes  ont  les  pieds  grands  et  plats,  les  mains  larges,  le  nez  assez 
long  mais  large,  les  lèvres  grosses. 

La  j:ète  en  général  est  aplatie  sur  les  tempes  et  haute  du  menton  au  front,  le 
cou  étant  le  plus  souvent  mince  et  allongé  ;  les  tètes  rondes  et  les  cous  courts  sont 
plus  rares. 

Rien  en  somme  de  bien  caractéristique  et  qui  puisse  faire  reconnaître  un 
Siéna  au  premier  coup  d'œil. 

7.  —  Ija  ohevelore. 

Les  modes  de  coiffure  sont  assez  variés.  Beaucoup  d'hommes  se  rasent  com- 
plètement la  tète,  d'autres  portent  les  cheveux  longs  tressés  en  nattes  courtes, 
d'autres  se  rasent  les  côtés  et  ramènent  les  cheveux  du  milieu  en  cimier,  d'autres 
ne  conservent  qu'une  mèche  sur  l'occiput  à  laquelle  est  presque  toujours  attaché 
un  talisman,  d'autres  se  plaquent  les  cheveux  avec  de  la  bouse  de  vache  (quelques 
cas  observés  chez  les  Niarhafolo  et  les  Pala)  ;  d'autres  enfin  —  peut-être  le  plus 
grand  nombre  —  laissent  croître  librement  leurs  cheveux,  se  contentant  de  les 
raccourcir  quand  ils  deviennent  trop  longs.  Les  musulmans  se  rasent  très  généra- 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE   PEUPLE   SIÉNA    OU   SÉNOUFO.  [P.  27» 

lement  la  tète.  Dans  le  sud-ouest  de  la  fraction  centrale  (Gbâto  et  Kafibélé),  on 
▼oit  beaucoup  d'hommes  se  faire,  à  l'imitation  des  Mandingues  dn  Eourodougou, 
une  grosse  natte  au-dessus  de  chaque  tempe  et  une  sur  la  nuque. 

Les  femmes  portent  en  général  les  cheveux  coupés  courts,  souvent  elles  se 
rasent  complètement  la  tète  ;  certaines  portent  les  cheveux  longs  et  les  tressent  en 
grosses  nattes  à  Timitation  des  femmes  Dioula,  ou  encore  se  construisent  un  cimier 
en  ramenant  leurs  cheveux  sur  un  boudin  d'étoffe  placé  entre  le  front  et  la  nuque 
ou  d'une  oreille  à  l'autre  (mode  de  coiffure  emprunté  aux  femmes  mandingues  du 
Haut-Niger). 

Il  ne  semble  pas  que  ces  divers  modes  de  coiffure  constituent  des  particula- 
rités tribales  ni  sociales,  car  on  les  rencontre  souvent  dans  le  même  canton  et  dans 
la  même  classe  de  la  société.  La  coquetterie  individuelle,  la  mode  du  moment,  les 
influences  extérieures  et  religieuses  semblent  être  les  principaux  facteurs  de  cette 
diversité^ 

Il  y  aurait  lieu  de  rechercher  si  certaines  circonstances  de  la  vie,  telles  que  le 
deuil,  ne  commandent  pas  tel  ou  tel  mode  de  coiffure  :  je  n'ai  recueilli  aucune 
indication  à  cet  égard. 

8.  —  Les  mutilations. 

Dents.  —  Certains  Siéna  (hommes  et  femmes)  ont  les  canines  ou  les  premières 
molaires  limées  en  pointe,  mais  cette  déformation  est  assez  rare  et  semble  emprun- 
tée à  une  population  étrangère  (peut-être  aux  Mandé-Fou  du  sud  du  Cercle  de 
Séguéla).  D'autres  ont  les  deux  incisives  médianes  de  la  mâchoire  supérieure  écar- 
tées vers  le  bas,  déformation  commune  à  un  grand  nombre  de  peuples  africains. 
Mais  en  général  les  dents  ne  sont  pas  déformées. 

Oreilles^  lèvres j  nez.  —  Les  hommes  se  percent  parfois  le  lobe  des  oreilles  et 
y  introduisent  un  cordon  de  cuir  orné  de  cauries  (fractions  centrale  et  nord-est). 
Les  femmes  se  percent  très  souvent  les  oreilles  et  y  introduisent  un  cordon  de  cuir 
ou  de  cotonnade,  une  ficelle  ornée  de  cauries  ou  de  perles,  des  anneaux  de  cuivre, 
parfois  d'argent  ou  d'or  ;  quelquefois  tout  l'ourlet  de  l'oreille,  du  haut  jusqu'en 
bas,  porte  une  série  de  petites  boucles  de  cuivre. 

Dans  un  grand  nombre  de  cantons,  surtout  dans  les  fractions  centrale  et  du 
nord-est,  moins  souvent  dans  la  fraction  nord,  les  femmes  se  percent  la  lèvre 
inférieure  et  y  plantent  un  bâtonnet  de  quartz  tourné  la  pointe  en  bas,  ou  bien  une 
pierre  ronde,  une  paille,  une  pointe  de  fer,  d'étain  ou  d'argent.  Parfois  les  narines 
supportent  chacune  un  petit  anneau  de  cuivre  (observé  par  M.  Binger  chez  les 
Siénérhè  et  par  moi-même  chez  les  Nafarha).  Ces  mutilations  des  lèvres  et  du  nez 
semblent  ne  pas  exister  dans  les  fractions  sud  et  sud-est*. 

Cicatrices  et  scarifications.  —  Le  seul  mode  de  tatouage'  usité  chez  les  Siéna 
est  le  tatouage  par  incisions  de  la  peau  :  ces  incisions,  pratiquées  à  l'aide  d'une 
pointe  de  couteau,  affectent  tantôt  la  forme  d'une  ligne  de  longueur  variable,  tantôt 
celle  d'un  point  ;  l'incision  est  abandonnée  à  elle-même,  parfois  on  y  met  une 
poudre  destinée  à  produire  une  boursouflure  lors  de  la  cicatrisation.  Les  cicatrices 


^  M.  Binger  signale  les  Mbouin  comme  se  rasant  la  tète  et  dit  que,  chez  les  Dorhossiè, 
les  hommes  tressent  leurs  cheveux  tandis  que  les  fenmies  les  rasent. 

^  D'après  M.  Binger,  chez  les  Mbouin,  ce  sont  les  hommes  et  non  les  femmes  qui  se 
percent  la  lèvre  inférieure  et  y  introduisent  une  pointe. 

8  Le  mot  est  impropre,  puisqu'il  n'est  pas  fait  usage  de  matières  colorantes.  (Ed.). 


p.  28.]  •^  R    •    E    >    E    *    S    * [1908. 

sont  plus  ou  moins  larges  selon  la  profondeur  de  l'incision  ;  les  unes  apparaissent 
en  creux  (c'est  le  cas  le  plus  général  pour  les  incisions  linéaires  de  longueur  appré- 
ciable), les  autres  en  relief  (c'est  le  cas  des  points  et  des  incisions  linéaires  courtes). 

On  rencontre  bien  des  peintures  faites  à  Taide  de  terres  colorées  ou  de  suie, 
mais  elles  ne  sont  employées  que  dans  des  cas  spéciaux  (cérémonies  religieuses  ou 
funéraires),  et  ne  peuvent  être  considérées  comme  des  tatouages,  car  elles  sont 
faites  à  même  la  peau. 

La  coutume  des  incisions  épidermiques  était  autrefois  universelle  chez  les 
Siéna,  d'après  les  anciens.  Depuis  l'arrivée  des  Dioula  dans  le  pays,  elle  a  diminué 
beaucoup,  les  Dioula  de  race  pure  n'étant  pas  incisés  et  les  musulmans  déconseillant 
le  marquage  comme  une  offense  à  Dieu  dans  la  personne  de  sa  créature. 

On  trouve  actuellement  chez  les  Siéna  et  dans  la  même  sous-tribu  des  marques 
très  diverses  :  les  plus  fréquentes  sont  trois  raies  en  éventail  sur  chaque  joue  ou 
trois  raies  verticales,  parfois  les  deux  ;  beaucoup  d'indigènes  ne  sont  pas  marqués 
du  tout.  C'est  par  pure  coquetterie,  disent  les  indigènes,  que  les  parents  adoptent 
pour  leurs  enfants  telle  ou  telle  forme  ou  l'absence  complète  de  mutilations  :  il  n'y 
aurait  là  aucune  marque  ethnique. 

Cependant  il  arrive  que  certain  mode  d'incision  épidermique  domine  dans  une 
fraction  ou  une  sous-tribu  donnée.  Voici  les  observations  que  j'ai  faites  à  cet  égard, 
mais  qui  n'ont  rien  d'absolu  ;  j'y  ai  ajouté  celles  de  M.  Binger.  Sauf  indication 
contraire,  les  marques  décrites  sont  communes  aux  deux  sexes. 

1®  Fraction  Nord.  —  Siénérhè  et  Tagba  (M.  Binger)  :  trois  incisions  de  quatre 
centimètres  de  long  environ  de  chaque  côté  de  la  bouche,  s'écartant  légèrement  en 
é?entail  sur  les  joues  ;  certains  ont  en  outre  une  entaille  de  chaque  côté  du  nez  et 
quelquefois  deux  ou  trois  entailles  de  deux  centimètres  de  chaque  côté  des  yeux  ; 
quelques  hommes  ont  des  incisions  sur  le  ventre  ;  les  femmes  en  ont  le  ventre  et 
la  poitrine  couverts. 

Nohoh  et  Zona.  —  Incision  la  plus  répandue  :  une  virgule  sous  chaque  œil  et 
trois  séries  superposées  de  très  petites  entailles  verticales  sur  chaque  tempe  (fig.  1). 
On  trouve  aussi  la  suivante  :  trois  cicatrices  verticales  très  fines  sur  chaque  tempe 
et  une  autre  au  milieu  du  front  (fig.  2  et  3).  Beaucoup  d'indigènes  ne  portent 
aucune  incision. 

2^  Fraction  Centrale.  —  Gbâto  :  les  gens  marqués  ne  sont  pas  toujours  les  plus 
nombreux  ;  incisions  les 'plus  fréquentes  :  trois  petites  entailles  verticales  sur 
chaque  tempe  au-dessus  de  l'oreille  (fig.  4),  ou  bien  une  raie  verticale  au  milieu 
du  front  (fig.  5). 

Kassemhélé.  —  Deux  ou  trois  virgules  sous  chaque  œil  (fig.  6),  en  plus  de  trois 
cicatrices  verticales  ou  en  éventail  sur  chaque  joue,  lesquelles  n'existent  pas 
toujours.  Plusieurs  indigènes  —  des  chefs  notamment  —  ne  sont  pas  marqués  du 
tout. 

Nafarha  et  Kienibarha.  —  Incisions  les  plus  fréquentes  :  trois  cicatrices  par- 
tant de  la  commissure  des  lèvres  et  s'écartant  en  éventail  sur  la  joue  (fig.  8),  ou 
bien  trois  cicatrices  horizontales  minuscules  à  la  commissure  des  létres  (fig.  9)  ; 
on  trouve  aussi  trois  longues  cicatrices  verticales  sur  chaque  joue  (fig.  10).  Un 
certain  nombre  de  gens  ne  sont  pas  marqués. 

Niarhafolo.  —  Mêmes  marques  que  chez  les  Nafarha,  mais  en  plus,  souvent, 
de  nombreux  points  en  relief  sur  le  front  et  les  tempes  (fig.  11).  Les  femmes  sont 
couturées  de  cicatices  rectilignes  en  relief  et  de  points  également  en  relief  formant 
des  dessins  divers,  sur  la  poitrine,  le  ventre,  le  dos,  les  flancs,  les  bras,  les  cuisses. 


1908«]  DELAFOSSE    :    LB   PEUPLE   SIÉNA    OU   SÉNOUFO.  [P.  29» 

Tafiré,  —  Trois  cicatrices  assez  courtes  partant  de  la  commissure  des  lèvres 
et  s'écartant  en  éventail  sur  chaque  joue  ;  la  plupart  ont  en  outre  deax  lignes 
horizontales  de  points  entre  l'œil  et  Toreille  (fig.  12)  et  six  incisions  formant  un 
double  éventail  autour  du  nombril  (fig.  13). 

3^  Fraction  Nord-Est.  —  Pala  et  Sikolo  :  trois  cicatrices  longues  et  larges 
partant  de  la  commissure  des  lèvres  et  s'écartant  en  éventail  jusque  près  de 
Foreille  (fig.  14)  ;  fréquemment  on  voit  en  outre  des  points  en  relief  sur  le  front  et 
entre  Tœil  et  l'oreille,  ainsi  que  des  incisions  autour  du  nombril. 

Mbouin  (M.  Binger)  :  une,  deux  ou  trois  très  petites  entailles  à  chaque  coin 
de  la  bouche. 

KomonOy  Dorhassie  et  Kièfo  (M.  Binger)  :  incision  de  tête  des  Pàla^  avec  une 
petite  cicatrice  à  hauteur  de  Tune  des  narines  et  douze  incisions  rayonnant  autour 
du  nombril. 

4®  Fraction  Sud.  —  Takpanin  :  trois  cicatrices  assez  courtes  partant  de  la  com- 
missure des  lèvres  et  s'écartant  en  éventail  sur  la  joue  (fig.  15)  ;  une  très  notable 
partie  de  la  population  ne  porte  aucune  marque. 

Guimini  :  même  marque  que  les  Takponin,  mais  le  nombre  des  gens  non 
marqués  est  bien  plus  restreint. 

6°  Fraction  Sud-Est.  —  Nafâna  :  marques  fort  rares,  ou  consistant  seulement 
en  quelques  points  en  relief  à  la  nuque  et  entre  Toeil  et  Toreille,  à  Timitation  des 
Agni-Assanti. 

On  a  discuté  le  point  de  savoir  si  ces  marques  n'avaient  pas  un  lien  avec  la 
division  en  clans  ou  familles  :  M.  Binger  suppose  que  les  trois  raies  en  éventail 
représentent  les  moustaches  des  félins,  et  on  serait  tenté  de  les  rapporter  à  la 
même  origine  que  le  nom  de  famille  des  Soroo,  qui  signifie  «  panthère  »,  ce  fauve 
étant  en  effet  le  principal  animal  sacré  de  cette  famille  (voir  plus  loin).  Mais  un 
obstacle  assez  sérieux  vient  se  dresser  à  rencontre  de  cette  hypothèse  :  c'est  que  la 
même  marque  se  rencontre  chez  les  Yéo  (famille  de  l'antilope  rayée),  les  Tî4Ô 
(famille  du  sanglier),  etc.,  alors  que,  d'autre  part,  beaucoup  de  Soroo  n'ont  pas  les 
trois  raies  en  éventail  et  portent  une  marque  différente. 

Circoncision  et  excision.  —  La  circoncision,  très  antérieure  à  Tislam,  existe 
dans  certaines  sous-tribus  et  non  dans  d'autres  ;  dans  la  même  sous-tribu  il  y  a 
des  circoncis  et  des  incirconcis,  sans  raison  apparente.  En  général  on  circoncit  les 
garçons  chez  les  non  musulmans  à  un  fige  plus  avancé  (vers  douze  ans)  que  chez 
les  musulmans.  L'opération  s'accompagne  de  cérémonies  qu'il  conviendrait  d'étu- 
dier; elle  est  faite  par  des  hommes  spéciaux  et  dans  des  lieux  spéciaux.  — 
M.  Binger  note  les  Siénérhè  et  les  Dorhossiè  comme  étant  circoncis,  les  Eomono 
comme  ne  l'étant  pas. 

L'excision  de  l'extrémité  du  clitoris  semble  universelle  chez  les  Siéna,  sauf 
en  ce  qui  concerne  les  Nafâna,  chez  lesquels  l'influence  Agni-Assanti  tend  à  faire 
disparsdtre  cette  coutume.  Elle  est  faite  par  des  femmes  spéciales  sur  les  fillettes  à 
peu  près  nubiles,  et  s'accompagne  de  cérémonies  qu'il  conviendrait  d^étudier.  — 
Chez  les  Siénérhè  (M.  Binger),  les  femmes  ne  sont  excisées  qu'après  la  naissance 
de  leur  premier  enfant. 

9.  —  Les  maladies. 

Les  plus  redoutables  et  les  plus  fréquentes  sont  la  variole,  les  maladies  d'yeux, 
le  trypanoBOmiase  (vulgairement  «  maladie  du  sommeil«,  appellation  fort  impropre). 


P>  80>] >    R    *    Ë    *    E    *    S    ^ [1908. 

la  blénorrhagie,  les  affections  des  bronches,  et  enfin  la  fièvre  dite  paludéenne  ou 
malaria.  La  dysenterie,  la  tuberculose  et  la  syphilis  existent  aussi,  mais  dans  de 
moindres  proportions.  Les  maladies  de  peau  et  la  lèpre  se  rencontrent  assez  souvent 
mais  sont  moins  fréquentes  que  chez  les  peuples  habitant  la  forêt. 

(Voir  plus  loin,  «  hygiène  et  thérapeutique  »,  pour  la  façon  de  traiter  ces 
maladies). 

Gomme  affections  nerveuses,  il  convient  de  noter  diverses  sortes  d^aliénation 
mentale,  notamment  une  relativement  fréquente  et  qui  est  remarquable  en  ce 
qu'elle  n'apparaît  chez  le  sujet  que  de  façon  intermittente  et  se  manifeste  alors, 
chez  les  gens  les  plus  doux  à  Thabitude,  par  la  manie  du  meurtre. 

.10.  —  Le  vôtement. 

Le  vêtement  varie  beaucoup  selon  que  Tinfluence  étrangère  —  mandingue  sur- 
tout —  a  été  plus  ou  moins  grande. 

Dans  la  fraction  du  centre,  moins  influencée  et  qui  a  conservé  plus  que  les 
autres  les  coutumes  primitives,  le  vêtement  usuel  des  hommes  se  compose  le  plus 
souvent  d'une  bande  de  cotonnade  indigène  très  étroite,  presque  un  cordon,  passée 
entre  les  cuisses,  prise  sous  une  ficelle  servant  de  ceinture,  et  retombant  devant 
et  derrière.  C'est  ce  vêtement  sommaire  que  les  Européens  appellent  communé- 
ment bil-aj  du  mot  mandingue  bilan  ou  biîa.  Parfois  il  se  compose  d'une  bande  de 
cotonnade  qui  est  roulée  d'abord  autour  de  la  taille  et  ensuite  passée  entre  les 
cuisses  et  ramenée  à  la  partie  formant  ceinture.  D'autres  fois  la  bande  formant 
ceinture  supporte  en  avant  une  sorte  de  petit  tablier  de  quatre  centimètres  de  large 
qui  se  termine  par  un  cordon  venant  s'attacher  à  la  ceinture  au  dessus  des  fesses. 
—  Les  femmes  portent  une  bande  plus  étroite  encore,  parfois  une  véritable  ficelle, 
pénétrant  entre  les  fesses  et  arrêtée  devant  et  derrière  à  la  ceinture,  laquelle  se 
compose,  soit  d'une  ficelle  ou  d'un  cordon  de  cuir,  soit  le  plus  souvent  d'une  série 
de  cordons  de  cuir  formant  une  bande  de  six  à  douze  centimètres  de  largeur.  En 
général  elles  portent  en  outre  un  paquet  de  feuilles  attaché  à  la  ceinture  par  devant 
et  ne  retombant  pas  plus  bas  que  la  jointure  des  cuisses  ;  ce  paquet  de  feuilles  est 
souvent  remplacé  par  des  fraoges  de  cuir  ;  quelquefois  un  second  paquet  de  feuilles 
est  suspendu  sur  les  fesses. 

Dans  la  fraction  sud  et  une  partie  au  moins  de  la  fraction  nord-est  (Pala, 
Sikolo,  Komono),  le  bila  des  hommes  est  généralement  large  et  très  long,  atteignant 
parfois,  quand  il  est  déployé,  les  dimensions  d'une  grande  serviette  de  bain,  et  des 
franges  le  terminent  à  chaque  extrémité  ;  il  est  passé  sous  la  ficelle  de  ceinture  et 
retombe  devant  et  derrière  jusqu'à  hauteur  des  genoux  ;  la  partie  passée  entre  les 
cuisses  ne  s'applique  pas  exactement  contre  les  parties  à  cacher,  mais  demeure 
flottante.  Les  hommes  de  la  fraction  sud  portent  souvent  en  outre  un  pagne  enroulé 
autour  du  corps  et  rejeté  sur  l'épaule  gauche,  laissant  le  bras  droit  entièrement 
libre,  ou  bien  la  blouse  courte  qui  sera  décrite  plus  loin  ;  souvent  aussi,  ils  rem- 
placent le  bila  par  une  culotte  large  avec  ceinture  à  coulisse  et  descendant  jus- 
qu'aux genoux,  qui  se  porte,  soit  seule,  soit  accompagnée  de  la  blouse  courte  ou 
du  pagne.  On  rencontre  aussi  le  pagne,  la  blouse  courte  et  la  culotte  dans  la  frac- 
tion nord-est,  mais  beaucoup  plus  rarement.  Le  pagne  est  excessivement  rare  dans 
la  fraction  centrale  ;  la  culotte  et  la  blouse  courte  s'y  voient  de  temps  en  temps.  — 
Dans  les  mêmes  fractions  (sud  et  nord-est),  les  femmes  portent  presque  toutes  un 
pagne  allant  de  la  ceinture  au  bas  des  genoux,  sans  vêtement  intime  par  dessous. 


1908.]  DELAFOSSE    :    LB   PEUPLE   SIÉNA    OU    SÉNOUFO.  [P.  31, 

Cependant  les  ceintures  de  cuir  et  les  feuilles  se  rencontrent  souvent  aussi  dans  la 
fraction  nord-est  (plusieurs  villages  Pala,  et,  d'après  M.  Binger,  les  Mbouin  et  les 
Dorhossiè^ 

Dans  la  fraction  nord,  on  rencontre  encore  le  bila  étroit  des  hommes  et  le 
cordon  des  femmes  qui  dominent  dans  la  fraction  centrale,  mais  l'usage  de  la 
blouse  courte,  surmontant  soit  le  hila  soit  la  culotte,  et  celui  du  pagne  chez  les 
/emmes,  est  très  généralisé. 

Dans  la  fraction -sud-est,  les  hommes  ont  adopté  en  général  le  tablier-caleçon 
des  Koulango  (fort  bien  décrit  par  M.  le  D'  Maclaud  dans  ses  Notes  sur  les  Pakhaîla^ 
dans  YAnthropologie)^  et  portent  presque  tous  en  outre  le  pagne  rejeté  sur  l'épaule, 
à  la  façon  des  Âgni-Assanti.  —  Les  femmes  portent  le  pagne  noué  à  la  ceinture, 
soit  seul,  soit  doublé  en  dessous  du  vêtement  intime  des  femmes  Agni-Assanti 
(pièce  d'étoffe  pliée  en  bande  épaisse  et  large  de  trois  doigts,  s'appliquant  étroite- 
ment contre  les  parties  à  cacher  et  maintenue  devant  et  derrière  par  une  cein- 
ture de  perles  ou  une  simple  ficelle). 

En  voyage  ou  en  représentation,  les  Siéna  du  Centre  ajoutent  souvent  à  leur 
hila  la  blouse  courte  en  cotonnade  indigène,  composée  de  deux  carrés  d'étoffe  cousus 
sur  les  côtés  et  aux  épaules,  avec  un  trou  en  haut  pour  la  tête  et  un  trou  de  chaque 
côté  pour  les  bras  ;  cette  blouse  tombe  jusqu'au  nombril,  parfois  un  peu  plus  bas. 
Parfois  elle  se  compose  d'un  simple  rectangle  au  milieu  duquel  on  a  ménage  un  trou 
pour  pas&er  la  tête  et  dont  les  deux  moitiés  retombent  sur  chaque  face  du  buste, 
sans  couture  sur  les  côtés.  Parfois  aussi  elle  est  agrémentée  de  manches  fort 
courtes,  allant  à  peine  jusqu'au  coude.  —  Comme  coiffure,  ils  portent  très  géné- 
ralement un  chapeau  conique  en  paille  tressée  à  bords  le  plus  souvent  très  larges  : 
parfois,  surtout  chez  les  agriculteurs  travaillant  aux  champs  et  chez  les  musiciens, 
ce  chapeau  atteint  les  dimensions  d'un  parapluie.  Les  femmes  vont  tète  nue,  sauf 
les  femmes  riches  qui,  dans  les  grandes  occasions,  se  recouvrent  la  tête  d'un 
foulard  noué  sur  la  nuque.  —  Comme  chaussures,  hommes  et  femmes  en  voyage 
portent  souvent  des  sandales  de  cuir  non  tanné,  mais  ils  vont  pieds  nus  la  plupart 
du  temps.  Parfois,  en  temps  de  pluie,  ils  portent  des  sortes  de  soques  en  bois 
formés  d'une  semelle  reposant  sur  deux  montants,  très  analogues  à  ceux  qu'on 
rencontre  en  Extrême-Orient.  —  Pour  en  finir  avec  la  fraction  centrale,  j'ajou- 
terai qu'un  certain  nombre  de  femmes,  les  jours  de  fête  ou  lors  des  grandes  occa- 
sions, ajoutent  à  leur  cordon,  au  lieu  de  feuilles,  un  pagne  court  attaché  à  la 
ceinture. 

L'usage  des  sandales  est  commun  à  toutes  les  fractions  Siéna.  —  Celui  du 
chapeau  de  paille  conique,  nu  ou  orné  de  plumes,  est  commun  aux  fractions  du 
Nord,  du  Centre,  du  Nord-Est  et  du  Sud.  Dans  cette  dernière,  cependant,  on 
rencontre  aussi  le  chapeau  à  fond  hémisphérique  et  à  bords  relevés,  en  usage  chez 
les  Dioula  et  les  Haoussa.  Ces  deux  sortes  de  chapeaux  sont  munis  d'un  cordon  en 
ficelle  ou  en  cuir  qui  sert  de  mentonnière  quand  le  chapeau  est  sur  la  tête,  et  qui 
permet  de  porter  le  chapeau  sur  le  dos,  suspendu  au  cou,  lorsqu'on  veut  avoir  la 
tête  libre.  —  En  outre  du  chapeau,  l'usage  d'un  bonnet  en  cotonnade  est  assez 
répandu,  notamment  dans  les  fhictions  nord  et  sud  :  c'est  le  plus  souvent  le  bonnet 


^  M.  Binger  nous  apprend  que,  chez  les  Dorhossiè,  les  hommes  enferment  leur  membre 
dans  un  étui  ou  doigt  de  gant  en  cotonnade,  comme  font  la  plupart  des  Lobi,  Birifo,  etc., 
et  que,  chez  les  Kièfo,  ils  vont  complètement  nus,  comme  font  beaucoup  de  Birifo, 
Dagàri,  etc. 


p.  32.]  •    R    •    Ë    -    E    •    S    • [1908> 

dont  roavertare  est  formée  par  deux  pointes,  dit  bonnet  «  à  gueule  de  caïman  », 
importé  par  les  Mandingues  du  Haut-Niger  ;  mais  on  rencontre  aussi  dans  la  frac- 
tion sud  le  bonnet  napolitain  des  Dioula.  Lies  gens  portant  le  bonnet  ne  Tenlevent 
point  pour  mettre  leur  chapeau.  —  L'usage  d^une  coiffure  quelconque  est  assez 
rare  dans  la  fraction  sud-est  ;  on  y  rencontre  cependant  des  chapeaux  de  feutre 
de  fabrication  européenne  et  Ton  y  Toit  des  hommes  portant  au  soleil  une  pièce 
d'étoffe  pliée  comme  une  serviette  et  simplement  posée  sur  le  sommet  de  la  tête. 

Chez  les  Siéna  mandicisés,  les  gens  riches  remplacent  la  veste  ou  blouse  courte 
par  une  sorte  de  dalmatique  de  même  forme  générale  mais  tombant  jusqu'aux 
genoux,  avec  de  larges  ouvertures  pour  les  bras  ou  des  manches  aussi  larges  que 
longues,  ou  encore  complètement  ouverte  sur  les  côtés  ;  sur  le  devant  est  ménagée 
une  poche  vaste  et  profonde  s'ouvrant  à  hauteur  de  la  poitrine.  Les  mêmes  portent 
généralement  la  culotte  large  et  leurs  femmes  portent  toujours  le  pagne. 

Tous  les  vêtements  dont  il  a  été  question  jusqu'ici,  à  de  très  rares  exceptions 
près,  sont  confectionnés  avec  des  tissus  de  fabrication  indigène,  tissés  soit  par  des 
Siéna,  soit  par  des  Dioula  ou  d'autres  Mandingues. 

Les  gens  très  riches  et  les  musulmans  portent  le  costume  généralisé  chez  tous 
les  Noirs  musulmans  de  l'Afrique  Occidentale  :  dalmatique  ou  gandoura  dite  boubou^ 
culotte,  souvent  haïk,  burnous  ou  cafetan,  bonnet  blanc  en  tronc  de  cône  souvent 
finement  brodé,  bonnet  napolitain  ou  «  à  gueule  de  caïman  *  brodé  en  couleurs 
vives,  ou  bien  chéchia  de  feutre  rouge,  avec  ou  sans  turban,  babouches  ou  bottes 
de  fabrication  mandingue,  haoussa  ou  sénégalaise.  Les  tissus  européens,  y  compris 
la  soie  et  le  velours,  entrent  fréquemment  dans  la  confection  de  ces  costumes  de 
luxe. 


REES,  1908 


Planche  II. 


NOHOLO      et 


h^5 

ZONA 


R^4  Rg5 

GBÂTO 


Fi^  6  Fi^  7 

KAS5EMBELÉ 


Kl  EMBARHA  et  NAFARHA 


NiARHAFOLO 


TAPIRE 


TAKPONINetGUIMINI 

CICATRICES  ..   SCARIFICATIONS 


1908.]    BOREÜX  :  POTERIES  DÉCORÉES  DB  l'ÉGYPTE  PRÉDYNASTIQUE.    [P.  33. 


LES  POTERIBS  DÉCORÉES  DE  L'EGYPTE 
PRÉDYNASTIQUE 

par  Charles  Boreux  (Paris). 


Les  représentations  figurées  sur  les  vases  appartenant  à  Tépoque  égyptienne 
prédynastique  ont  donné  lieu  déjà  à  bien  des  interprétations.  En  général,  comme 
les  poteries  décorées  trouvées  à  Negadeh  et  à  Ballas'  —  surtout  si  on  y  joint 
celles  provenant  de  Diospolis  parva*,  ainsi  que  la  fresque  peinte  d'Hiérakonpo- 
lis*  —  constituent  une  série  importante  et  suffisamment  complète,  il  a  paru 
légitime  à  ceux  qui  les  ont  étudiées  de  tirer  tout  de  suite  de  cette  étude  des  conclu- 
sions d'ensemble.  A  ces  témoins  inespérés  d'un  très  lointain  passé  on  a  d'autant 
plus  demandé  qu'on  avait  plus  longtemps  attendu  leur  témoignage.  Bien  mieux,  on 
a  d'ordinaire  fait  bon  marché  de  l'intérêt  artistique  que  ces  représentations  pou- 
vaient offrir,  pour  s'attacher  uniquement  à  leur  valeur  documentaire  :  et  parce  que 
les  vases  de  Negadeh  nous  font  connaître  uo  type  d'art  représentatif  du  goût  égyp- 
tien à  une  certaine  époque,  on  a  voulu,  par  eux,  essayer  d'atteindre  toute  l'Egypte 
de  cette  époque,  reconstituer  son  état  politique  et  retrouver  ses  croyances  religieu- 
ses, en  un  mot  la  ressusciter. 

On  ne  saurait  évidemment  condamner  «  a  priori  »  de  semblables  conclusions  : 
mais  peut-être  n'est-il  pas  inutile  d'interroger  ces  vases  une  fois  de  plus. 

I 

On  a  depuis  longtemps  signalé  l'étroite  relation  qui  unit  leurs  représentations 
aux  «  graffiti  »,  et,  d'une  façon  générale,  aux  représentations  gravées  sur  les  parois 
de  rochers.  Pour  bien  comprendre  les  peintures  des  vases  de  Negadeh,  il  est  donc 
nécessaire  d'étudier  ces  dessins  rupestres  par  lesquels,  dans  tous  les  pays,  se  mani- 
feste l'éveil  artistique  des  populations  primitives  :  on  s'aperçoit  assez  vite  que  ce 
qui  caractérise  ces  dessins,  c'est  le  choix  du  sujet,  d'abord  ;  c'est  ensuite  et  surtout 
la  façon  très  particulière  dont  ce  sujet  est  mis  en  œuvre. 

Les  sujets  des  «  graffiti  »  sont  toujours  empruntés  à  la  nature  proche,  c'est-à- 
dire  à  cette  nature  qu'un  homme,  si  grossier  qu'on  le  suppose,  est  forcé  de  voir  et  de 
sentir»  parce  qu'il  l'a  constamment  sous  les  yeux.  Un  «  graffito  n  est  une  repro- 
duction partielle  du  paysage  de  tous  les  jours,  de  l'horizon  familier  qui  finit  par 
faire  partie  de  l'existence  même  :  c'est  la  seule  forme  d'art  à  laquelle  puissent 
s'élever  des  peuples  ou  des  individus  qui,  déjà  capables  de  voir,  ne  savent  pas 
encore  interpréter  ce  qu'ils  voient.  Or  ce  qui  frappe  des  hommes  dont  toute  la  vie 
se  passe  en  plein  air,  au  milieu  d'une  nature  tour  à  tour  clémente  ou  hostile,  c'est 
l'arbre  qui  les  protège  ou  le  fauve  qui  les  menace  :  dans  un  pays  comme  TEgypte 


^  Et  aussi  à  Abydos,  Gebeleîn,  El  Amrah  etc.  Ces  vases  sont  de  couleur  jaune  et  ornés  de 
peintures  rouges.  —  Pour  la  bibliographie,  cf.  Capart,  Les  Débuts  de  Vkrt  en  Egypte^ 
pp.  7-8.  —  Des  reproductions  coloriées  d'un  certain  nombre  de  ces  vases  se  trouvent  dads 
de  Morgan,  RecTierches  sur  les  origines  de  VEgypte  T.  I^  planches  iV-IX. 

«  Pétrie,  Diospolis  parva,  pi.  XVI  et  XX. 

3  Quibell  et  Green.  —  HieraJwnpolis,  II,  pi.  LXXV  sqq. 


F.  34.]  *    R    ^    E    >    E    >    s    •  [1908» 

ce  sera  encore  le  fleuve,  qui  semble  remplir  toute  la  vallée,  avec  les  montagnes, 
qui  la  ferment.  La  guerre  aussi,  et  la  chasse  jouent  naturellement  un  grand  rôle 
dans  les  représentations  rupestres  ;  la  maison  au  contraire  n'y  apparaît  presque 
jamais,  peut-être  parce  que  la  hutte  primitive  est  une  maison  de  fortune  qui,  dépla- 
cée à  tout  instant,  ne  fait  pas  partie  du  décor  habituel  ;  Thomme  lui-même  ne  figure 
qu'accessoirement,  et  le  plus  souvent  luttant,  soit  contre  ses  ennemis,  soit  contre 
des  bêtes  féroces.  —  La  faune  d^abord  et  avant  tout,  puis  la  flore,  puis  Teau  et  les 
rochers,  les  armes  de  toute  sorte,  et  enfin  les  bateaux,  tels  sont  les  motifs  habituels 
que  reproduisent  indéfiniment  les  «  graffiti  9. 

La  technique,  aussi,  est  toujours  la  même,  qu'il  s'agisse  des  gravures  sur 
roches  du  Sud-Oranais',  ou  des  sculptures  taillées  par  les  Boschimans  dans  les 
parois  de  leurs  cavernes^.  Un  effort  pour  composer  les  scènes  plutôt  qu'une  com- 
position véritable,  une  méconnaissance  complète  des  lois  de  la  perspective  et  des 
dimensions  relatives  des  objets,  ces  traits  sont  communs  à  toutes  les  représentations* 
rupestres  :  mais  ce  qui  caractérise  surtout  cet  art  primitif,  c'est  la  recherche,  sinon 
du  détail,  au  moins  d'un  détail,  de  celui-là  même  qui  est  essentiel  dans  un  être  ou 
dans  un  objet,  parce  qu'il  lui  donne  une  physionomie  particulière,  et  qu'il  permet 
de  le  distinguer  très  facilement  des  autres.  Les  peuples  jeunes  ont  une  vision  un 
peu  grosse,  que  l'habitude  n'est  pas  venue  affiner  encore  ;  ils  ont  toujours  besoin 
de  points  de  repère  pour  s'orienter.  Aussi,  de  même  que,  dans  la  nature,  ils  ne 
voient  qu'un  certain  nombre  de  choses,  ils  n'aperçoivent  ces  choses  elles-mêmea 
que  par  certains  côtés  :  et  ce  sont  ceux-là  seuls  qu'ils  essaient  de  fixer. 

Quelques  exemples  suffiront  à  illustrer  ce  procédé  qu'on  pourrait  définir  Vexor- 
gération  du  ou  des  détails  caractéristiques  au  détriment  de  tous  les  autres.  —  Une 
peinture  de  chasse'  nous  montre  un  animal  assez  informe  et  pourtant  très  aisé- 
ment reconnaissable  à  la  saillie  de  ses  épaules  :  c'est  un  hippopotame.  A  Morhar* 
un  autre  animal,  d'une  anatomie  déconcertante,  a  été  gratifié  d'une  longue  queue 
spiralée  :  ce  n'en  est  pas  moins  une  girafe,  dont  on  a  pu  dire  qu'elle  était  «  frap- 
pante de  vérité  »  parce  que  le  dessinateur  a  très  bien  rendu  la  disproportion  qui 
existe  edtre  la  longueur  du  cou  et  l'exiguité  de  la  tête.  De  même  un  éléphant  se 
résume  tantôt  en  une  énorme  oreille  retombante  dont  les  membres  de  devant  ont 
l'air  de  n'être  que  le  prolongement^,  tantôt,  comme  à  Tazina^,  en  une  immense 
trompe  (qui  ressemble  d'ailleurs  plutôt  à  une  massue)  et  en  deux  pieds  démesuré- 
ment élargis  à  leur  base.  I/es  bovidés  de  Thyout^  sont  toujours  nettement  distin- 
gués par  la  forme  de  leurs  cornes  :  qu'importe  que  celles-ci  soient  plantées  si  bas 
sur  le  front  d'un  buffle,  qu'elles  paraissent  sortir  de  ses  yeux  ?  Il  suffit  que  ce  soient 
bien  là  des  cornes  de  buffle.  Et  ainsi  de  suite*.  Des  animaux  qui  marchent  (ou 


1  Bonnet,  Les  gravures  sur  roches  du  Sttd-Oranais^  dans  la  Remce  <r Ethnographie^ 
Vm,  pp.  149  sqq. 

2  Grosse,  Les  Débuts  de  VArt^  pp.  147  sqq. 

s  Tirée  de  Fréd.  Christol,  Au  sud  de  V Afrique^  et  reproduite  dans  V Anthropologie^  1900» 
page  78. 

*  Bonnet,  I.  c.  flgure  6. 

s  Bonnet,  1.  c.  ligure  3. 

«  Au  sud-ouest  de  Oéry ville.  —  V.  Gsell,  Les  monuments  antiques  de  V Algérie  I,  44 
^figure  11).  —  Cf.  aussi  le  groupe  des  cinq  éléphants  gravés  sur  les  rochers  de  THadjar 
Jifahisserat  (Bonnet,  1.  c.  page  157). 

7  Au  nord-est  d*Aïn-Sefra.  —  V.  Gsell  1.  c.  figure  10  et  page  43, 

^  V.  p.  ex.,  dans  les  carnets  rapportés  par  G.  Benedite  d'une  mission  au  Sinai^  les  gra- 
Yures  rupestres  représentant  dlflërents  animaux,  notamment  le  chameau  (pour  ainsi  dire 


1908.]    BOREUX  :  POTERIES  DÉCX)RÉES  DE  l'ÉGYPTE  PRÉDYNASTIQUE.    [P.  36. 

plutôt  qui  courent  :  il  s'agit  d'une  scène  de  chasse)  lèvent  si  haut  les  pattes  de 
devant,  que  ces  pattes  sont  parallèles  au  sol'  :  mais  Texemple  le  plus  curieux 
est  peut-être  une  représentation  du  sud  de  F  Afrique*  où  des  hommes  jouent  le 
principal  rôle.  D^ordinaire  les  hommes,  dans  les  gravures  rupestres,  sont  extrême- 
ment schématisés  ;  les  membres,  et  souvent  même  le  tronc,  se  réduisent  à  de  sim- 
ples lignes  :  c'est  seulement  le  mouvement  des  bras  —  généralement  levés  en  Fair 
en  signe  d'adoration,  ou  d'émotion  triste  ou  joyeuse  —  qui  anime  ces  vagues  sil- 
houettes et  leur  donne  la  vie  en  les  di£ferenciant.  Ici  nous  avons  affaire  à  des 
tireurs  :  ils  présentent  cette  particularité  de  n'avoir  pas  de  tête,  et,  chose  singulière, 
on  ne  s'en  aperçoit  pas  tout  de  suite  en  les  regardant.  C'est  que,  malgré  soi  on  est 
attiré  par  leur  arc,  un  arc  énorme  qui  ne  peut  laisser  aucun  doute  sur  l'occupation 
à  laquelle  ils  se  livrent  :  à  côté  de  cet  arc  tout  disparaît,  la  tête  elle-même  devient 
en  quelque  sorte  un  accessoire  insignifiant  et  inutile.  Il  est  probable  que  de  très 
bonne  foi  l'artiste  ne  la  voyait  même  pas  :  et  ce  n'est  qu'à  la  réflexion  qu'on  remar- 
que soi-même  cet  oubli. 

II 

Ce  qui  est  vrai  pour  les  gravures  du  Sud-Oranais  l'est  aussi  pour  les  peintures 
australiennes'  ou  pour  celles  des  Boschimans^  ;  et  toutes  les  préoccupations 
habituelles  de  l'art  rupestre  se  retrouvent  également  dans  l'art  de  Negadeh. 

Que  distinguons-nous  en  effet  sur  les  vases  prédynastiques  ?  Un  assez  petit 
nombre  de  motifs  purement  linéaires,  et  un  très  grand  nombre  d'ornements  em- 
pruntés directement  à  la  nature.  Ceux-là  ne  sont  pas  toujours  très  faciles  à  identi- 
fier :  ceux-ci,  au  contraire,  en  général,  se  reconnaissent  du  premier  coup  d'œil. 
Que  les  spirales  disposées  symétriquement  sur  les  parois  des  vases  D  67a  et 
D  67c^  soient  une  imitation  du  calcaire  nummulitique^,  c'est  possible  ;  que  les 
réseaux  réguliers  de  lignes  brisées  qu'on  remarque  sur  les  vases  D  45,  D  50,  D  51^ 
etc.,  représentent  des  cordes  entourant  le  col  ou  la  panse,  c'est  très  probable  ;  mais 
que  les  animaux  peints  sur  les  vases  D  50,  D  51,  D  55'  et  tant  d'autres  soient 
des  autruches,  cela  est  sûr.  Après  l'autruche  qui  parait  être  l'animal  proféré  des 
artistes  de  Negadeh,  le  type  le  plus  souvent  reproduit  est  la  gazelle'  ;  le  croco- 
dile, au  contraire,  n'apparaît  qu'exceptionnellement''.  —  L'eau  est  figurée  par 


réduit  à  sa  bosse  —  n««  477,  478,  706,  754)  et  Tantiiope  (caractérisée  exclusivement  par  ses 
cornes  ^  n^  510,  667).  —  Voir  aussi  une  représentation  typique  de  guerriers  combattant 
(page  44  du  supplément). 
1  Grosse,  1.  c.  planche  III. 

*  L'Anthropoiogie,  1900,  page  76. 

3  Voyez  surtout  les  peintures  des  cavernes  du  Glenelg,  dans  Grosse,  1.  c.  pp.  126  sqq. 

*  Fritsch,  Die  Eingebomen  Süd-Aft'ihas  dans  Grosse,  1.  c.  pp.  138  sqq. 
5  Pétrie,  Naqada  and  Ballas  pi.  XXXV. 

«  Id.,  id.  p.  40.  —  Cf.  Schweinfurth,  Ornamentik  der  ältesten  Cültur-Epoche  JEgyp- 
tens,  page  397. 

7  Pétrie,  1.  c.  pi.  XXXV. 

8  Id ,  id.  —  Cf.  aussi  pi.  LXVI,  3,  8,  9,  10  et  pi.  LXVII,  11-14  —  et  encore  Diospolis 
parva  pi.  XVC  53  c,  54  et  55  a. 

»  Naqada,  XXXIV.  D  36  c,  47  —  LXVI,  2  ;  LXVII,  11,  15,  16,  17  —  et  Hierakonpolis  II, 
pL  76-78. 

10  Naqadà,  LXVII,  12.  ^  Notons  encore  un  animal  assez  trapu,  avec  des  pattes  courtes, 
une  longue  queue  et  un  museau  pointu,  qui  figure  à  plusieurs  reprises  sur  la  fresque 
d'Hierakoupolis  (H  pi.  76-78). 


P,  36,] *    R    >    E    «    E    *    S    •  [1908. 

des  séries  de  lignes  ondalées  et  parallèles'  ;  les  montagnes,  par  des  cônes  séparés 
les  uns  des  aatres*,  ou  réunis  de  façon  à  former  une  véritable  chaine^.  Mais 
ce  sont  surtout  les  arbres  et  les  bateaux  qui  forment  Télément  le  plus  constant  de 
la  décoration.  Nous  aurons  Toccasion  de  reyenir  sur  les  uns  et  les  autres  :  disons 
tout  de  suite  cependant  que  deux  variétés  d^arbres  seulement  sont  représentées^» 
et  que  les  bateaux,  différenciés  par  la  présence  ou  Tabsence  de  rames^,  sont  tous 
surmontés  de  deux  cabines  dont  l'une  supporte  une  enseigne*.  Au  milieu  de  ce 
décor  de  plein  air  Thomme  joue  un  rôle  assez  effacé  :  à  Negadeh  deux  personnages 
sont  debout  sur  la  cabine  d'un  bateau'^  ;  ou  bien  des  femmes  sont  représentées 
les  bras  levés,  dans  une  attitude  qui  rappelle  celle  de  la  danse^  ;  à  Hierakonpolis 
des  hommes  combattent  soit  avec  d'autres  hommes,  soit  avec  des  animaux*.  Les 
scènes  de  chasse  sont  naturellement  très  nombreuses  :  gazelles  prises  au  piège'^ 
ou  emmenées  captives'*,  autruches  qu'un  lien  retient  enchainées  par  lespattes'* 
ou  par  le  milieu  du  corps*',  tous  les  poncifs  de  Tart  préhistorique  se  retrouvent  à 
Negadeh'*. 

Ils  y  sont  traités  de  façon  identique.  Parmi  les  raisons  qui  ont  empêché  quel- 
ques savants  d'admettre  la  présence  de  bateaux  sur  les  vases  qui  nous  occupent'^, 
quelques-unes  sont  tirées  de  ce  que  les  rames  de  ces  soi-disant  bateaux  sont  beau- 
coup trop  nombreuses,  ou  bien  de  ce  qu'elles  devraient  partir  de  la  ligne  supérieure 
de  la  coque  et  non  de  la  partie  inférieure  ;  ou  encore  de  ce  que  la  plupart  ne 
sauraient  atteindre  le  niveau  de  Teau,  étant  donnée  la  forme  infléchie  du  bateau. 
Mais  c'est  là  méconnaître  les  lois  auxquelles  l'art  rupestre  obéit  inconsciemment. 
A  Ksar  el  Ahmar'*  une  femme  a  des  mains  munies  chacune  de  six  doigts  :  faut-il 
donc  en  conclure  que  ce  ne  sont  pas  des  mains  ?  Personne  n'y  songerait  sérieuse- 
ment ;  et  puisque  l'effet  général  est  rendu,  un  ou  deux  doigts  supplémentaires  sont 
une  erreur  sans  importance.  De  même  il  est  indifférent  que  les  bateaux  de  Negadeh 
aient  jusqu'à  cinquante  rames  et  plus  :  l'artiste  primitif  a  vu  la  barque  en  gros, 
il  a  été  frappé  par  ce  long  corps  recourbé  qui  semble  avancer  sur  ses  rames  comme 
un  insecte  sur  ses  pattes  :  et  c'est  cette  silhouette  qu'il  a  dessinée,  pas  si  maladroi- 
tement après  tout.  Dans  toutes  les  représentations  de  Negadeh  on  retrouve  cette 
même  façon  naïve  de  copier  la  nature.  La  tête  des  autruches  est  figurée  par  un 


i  Naqada,  LXVII,  12. 

«  Id.,  id.  14  et  15. 

^  Id.,  id.  13. 

^  Elles  sont  le  plus  souvent  réunies  sur  chaque  vase.  V.  p.  ex.  Naqada  LXVI,  6,  9» 
10  etc. 

s  Encore  convient-il  de  remarquer  que  tous  les  bateaux  peints  sur  vases  possèdent  des 
rames  :  seuls,  ceux  qui  décorent  la  tombe  d'Hierakonpolis  en  sont  dépourvus. 

^  Ces  enseignes  n'apparaissent  pas  sur  les  bateaux  d'HierakonpouIis. 

7  Naqada,  pi.  LXVI,  7. 

«  Id.  LXVn,  14. 

»  Hierakonpolis  H,  planche  76. 

w  Id.,  id. 

»  Naqada,  LXVII,  17. 

w  Id.,  id.  12  et  13. 

w  Id.  LXVI,  10. 

^^  Il  faut  y  ajouter  les  armes,  représentées  par  de  longs  bâtons  recourbés  que  des  hommes 
tiennent  presque  à  bout  de  bras  (Hierakonpolis  II,  pL  LXXVI),  et  aussi  par  des  boucliers 
plantés  en  terre  (Schweinfurth,  Ornamentik,  page  399.  —  Cf.  infra). 

*5  Cecil  Torr,  dans  l'Anthropologie,  IX  —  et  V.  Loret  dans  la  Revue  EgyptologiqiLe  X. 

1Ö  Au  sud-ouest  de  Géry  ville.  —  V.  Gsell  1.  c.  I,  page  45. 


1908.]    BOREÜX  :  POTERIES  DÉCORÉES  DE  l' EGYPTE  PRÉDYNASTIQUE.    [P.  37. 

miauBcuIe  crochet,  et  leur  cou  est  beaucoup  trop  allongé  ;  mais  toiyours  le  corps 
présente  ce  dos  bombé,  si  caractéristique  de  Tanimal.  Ou  bien  les  gazelles  sont 
différenciées  par  la  forme  de  leurs  cornes'  ;  et  le  tombeau  d'Hierakonpolis  nous 
fournit  un  exemple  très  intéressant  de  gazelle  à  cornes  lyriformes*.  Des  membres 
réduits  à  des  lignes  grêles  et  une  tète  en  forme  de  boule  n'empêchent  pas  des 
hommes  assis  sur  leurs  talons  d'être  d'un  mouvement  très  juste*  ;  d'autres 
brandissent  des  armes  qu'il  n'est  pas  toujours  facile  de  déterminer^,  mais  on  ne 
saurait  douter  que  ce  sont  là  des  combattants.  Il  serait  facile  de  multiplier  ces 
exemples.  Nous  avons  vu  que  l'art  des  «  graffiti  »  se  résumait  en  une  vision  très 
grosse  de  la  nature  :  c'est  cette  même  vision,  un  peu  élargie,  qui  caractérise  l'art 
de  Negadeh.  Les  sujets  traités  sont  plus  nombreux,  mais  ils  sont  traités  de  façon 
semblable  :  c'est  toujours  cette  même  recherche  confuse  du  pittoresque,  et  cette 
sorte  d'impuissance  à  voir,  dans  les  objets  environnants,  autre  chose  que  le  profil 
général  ou  le  détail  essentiel. 

m 

Tel  qu'il  est,  cet  art  rudimentaire  doit  cependant  avoir  un  sens,  ou  alors  il  ne 
mériterait  plus  d'être  appelé  de  ce  nom.  On  l'a  interprété  loogtemps  comme  un 
art  purement  décoratif,  mais  l'opinion  ne  paraît  guère  avoir  prévalu,  et  un  des 
derniers  savants  qui  se  sont  occupés  de  la  question  a  pu  écrire  :  «  On  a  à  peu  près 
abandonné  aujourd'hui  l'idée  que  ces  images  aient  jamais  pu  être  de  la  décoration 
pure  :  nul  ne  croit  plus  que  de  pareilles  images,  toujours  pareilles  dans  leurs 

éléments  essentiels, aient  été  laissées  à  la  fantaisie  des  peintres^   ».  D'une 

façon  générale,  les  arguments  invoqués  en  faveur  de  cette  thèse  peuvent  se  rame- 
ner à  deux  seulement,  et  qui  sont  assez  contradictoires,  semble-t-il  :  on  dénie  à 
l'art  de  N^adeh  son  intention  décorative,  ou  bien  parce  que  cet  art  est  trop  primi- 
tif, ou  au  contraire  parce  qu'il  témoigne  d'une  civilisation  relativement  avancée. 

Dans  le  premier  cas  on  explique  par  la  seule  magie  imitative*  toutes  les 
gravures  rupestres,  et  par  suite  toutes  les  poteries  prédynastiques.  Si  les  vases  de 
N^[adeh  ressemblent  étrangement  aux  «  graffiti  »  du  Sud-Oranais  par  exemple, 
c'est  que  les  artistes  de  l'Egypte  primitive  et  ceux  du  nord-ouest  de  l'Afrique  pour- 
suivaient un  but  analogue  :  ils  voulaient,  en  peignant  un  objet,  créer  véritablement 
cet  objet,  et,  par  une  sorte  de  résurrection,  se  le  rendre  favorable  à  l'avenir.  — 
En  réalité,  et  sans  vouloir  nier  ces  «  principes  fondamentaux  de  la  magie  »'',  que 
les  progrès  de  l'ethnographie  et  les  travaux  de  Frazer  ont  fondés,  dans  ces  dernières 


1  •  Les  unes  ont  les  corner  recourbées  (n«"  2,  15,  16),  les  autres  les  cornes  en  spirale  n 
(n^  11,  17)  (Pétrie,  Naqada,  page  49). 

«  Planche  LXXVI. 

'  HierakonpolU  II,  planche  LXXVII,  en  bas  à  gauche. 

^  Id.,  id.  LXXVI,  en  bas  à  droite. 

5  G.  Poucart,  Sur  la  décoration  des  vases  de  la  période  dite  de  Neggadèh  —  dans  les 
Comptes  rendus  de  V Académie  des  Inscriptions^  1905, 1,  page  259. 

^  V.  Capart,  1.  c,  pp.  207  sqq.  L'auteur  applique  aux  «  graffiti  n  égyptiens  les  idées 
exposées  par  S.  Reinacb  dans  un  article  intitulé  «  VArt  et  la  Magie  à  propos  des  peintures 
et  des  gravures  de  Vàge  du  Renne  ».  —  A  propos  de  la  distinction  entre  les  animaux  dési-- 
râbles  et  les  autras,  il  fait  d'ailleurs  les  objections  nécessaires,  et  les  résout  en  supposant 
que,  si  certains  animaux  <>  undesirable  •  ont  été  représentés  par  Fart  primitif  égyptien» 
c'est  parce  que  c'étaient  des  animaux  déjà  divinisés. 

■^  Capart,  1.  c.  page  208. 


F.  38.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

anoées,  sur  des  bases  d'ailleurs  très  solides,  il  est  sans  doute  permis  de  penser 
qu'on  en  abuse  un  peu  parfois.  Ils  peuvent  aider  à  comprendre  pourquoi  certaines 
peintures  se  rencontrent  au  fond  de  grottes  obscures  :  ils  n'expliquent  pas  néces- 
sairement pourquoi  la  plupart  des  ^  graffiti  »  de  la  Haute  Egypte  sont  gravés  à 
Fair  libre,  sur  la  paroi  extérieure  et  très  visible  de  rochers  qui  n'ont  rien  de  mys* 
térieux.  Dès  lors  pourquoi  ces  «  graffiti  »  —  tracés  généralement  sur  le  côté  du 
rocher  où  l'artiste  se  trouvait  à  l'ombre  ^  n'auraient-iis  pas  été  surtout,  pour 
l'homme  primitif,  une  manière  d'occuper  sa  flânerie  d'un  instant,  et  d'utiliser,  pour 
essayer  de  se  reconnidtre  dans  le  désarroi  de  ses  premières  impressions  d'art,  le 
seul  et  unique  album  qu'il  eût  alors  à  sa  disposition  ?  D'ailleurs  les  dessina 
rupestres  présentent  de  très  grandes  analogies  avec  les  marques  de  poteries  :  or, 
quelle  que  soit  la  signification  que  l'on  doive  attribuer  à  ces  marques^  il  est  bien 
difficile  de  croire  que  la  magie  imitative  y  joue  un  rôle  quelconque,  et  que  le 
graveur  ait  désiré  créer  en  si  grand  nombre  des  reptiles,  des  lions  et  des  hippo* 
potames*,  c'est  à  dire  des  animaux  nuisibles  pour  la  plupart.  Dès  lors  si  ces 
marques  doivent  plutôt  s'expliquer  comme  un  essai  de  décoration,  pourquoi  les 
«  graffiti  »  ou  les  peintures  de  Negadeh,  qui  trahissent  la  même  technique^, 
s'expliqueraient-ils  différemment  ? 

On  objecte  qu'à  Negadeh,  ces  peintures  décorent  des  vases  funéraires^. 
Parce  que  ces  vases,  recueillis  en  même  temps  que  des  arcs,  des  instruments  de 
pèche,  des  palettes,  etc.  constituent  la  première  ébauche  de  ce  qui  deviendra,  aux 
époques  postérieures,  le  mobilier  funéraire,  on  en  conclut  qu'ils  sont  l'œuvre  d'un 
peuple  assez  civilisé  (puisqu'il  a  déjà  des  idées  sur  la  vie  d'outre  tombe)  ;  que,  dès 
lors,  les  peintures  qui  les  ornent  doivent  avoir  pour  but  d'illustrer  des  idées 
funéraires,  ou,  pour  le  moins,  de  traduire,  sous  une  forme  figurée,  quelques  idées 
religieuses  très  simples.  Mais  le  raisonnement  est  assez  surprenant.  La  destination 
d'un  objet  peut  bien  lui  imposer  une  certaine  forme  :  on  ne  voit  pas  pourquoi  elle 
lui  imposerait  forcément  une  certaine  décoration.  Ou  alors  on  se  trouverait  conduit 
à  rechercher,  sur  tous  les  vases  funéraires  de  toutes  les  époques,  quels  symboles 
peuvent  bien  se  cacher  derrière  leurs  représentations  :  il  y  aurait  lieu  de  «  traduire  » 
la  céramique  égyptienne  tout  entière,  et  il  faudrait  attribuer  un  sens  mystérieux 
aux  poissons  et  aux  fleurs  de  lotus,  à  tout  ce  décor  d'eau  et  de  plantes  qui,  aux 
époques  thébaines  par  exemple,  constitue  le  fond  principal  de  l'ornementation.  La 
vérité  est  que  le  vase,  même  funéraire,  prête  aussi  peu  que  possible  aux  peinture» 
symboliques.  Par  ses  dimensions  ordinairement  restreintes,  mais  surtout  par  sa 
forme  toujours  nettement  limitée  et  précise,  le  vase  est  la  «  matière  décorative  » 
par  excellence  ;  aux  plus  anciennes  époques  c'est  en  outre  le  premier  objet  que 
l'homme  se  sente  à  la  fois  désireux  et  capable  d'embellir.  Même  il  semble  qu'il  y 
soit  fatalement  conduit  par  son  esthétique  très  spéciale.  Nous  avons  eu  déjà 
l'occasion  de  noter  que  les  représentations  rupestres  n'étaient  le  plus  souvent  que 
des  silhouettes,  et  nous  avons,  pour  expliquer  le  fait,  invoqué  cette  sorte  de  vision 
incomplète  qui  paraît  être  l'apanage  des  peuples  encore  très  jeunes.  Mais  cette 


1  Nous  ne  nous  occupons  ici  que  des  marques  représentant  des  figures  d*animaux  ou 
d'objets  :  nous  laissons  de  côté  les  marques  à  formes  géométriques,  où  Pétrie  a  'pu  retrouver 
les  éléments  des  alphabets  creto-égéens. 

*  Naqada,  planche  LI. 

8  II  suffit  de  comparer  p.  ex.  les  arbi^es  en  forme  d'éventail  (Naqada^  LXVI,  5,  7,  etc.) 
avec  la  marque  51  (Id.  pi.  LU)  et  les  arbres  à  feuilles  i^tombantes  avec  la  marque  74. 

^  Foucart,  1.  c.  page  259. 


1908.]    BOREÜX  :  POTERIES  DÉCORÉES  DE  l'ÊGYPTB  PRÊDYNASTIQUE.    [P.39. 

Tifiion  elle-même,  après  avoir  donné  naissance  à  Tart,  ne  tarde  pas  à  Torienter 
dans  une  direction  nouvelle.  Dire  que»  soit  paresse,  soit  impuissance,  Thomme 
primitif  s'habitue  à  ne  pas  voir  les  choses  exactement  comme  elles  sont,  mais  à 
n'en  reproduire  qu'on  contour  ou  un  détail  caractéristiques,  et  à  le  reproduire 
indéfiniment,  c'est  dire  que,  d'instinct,  l'homme  primitif  est  un  décorateur.  Quand 
la  figure  n'est  pas  ou  quand  elle  cesse  d'être  une  copie  de  la  nature,  elle  devient 
un  motif  d'ornementation  :  et  ce  n'est  plus  alors  qu'un  thème,  qui  se  développe 
suivant  des  lois  uniformes,  en  se  stylisant  de  plus  en  plus. 

En  d'autres  termes  le  vase  est,  après  le  rocher,  l'album  naturel  où  l'homme 
s'essaie  à  reproduire  la  nature  qui  l'entoure  :  seulement  la  forme  très  particulière 
de  cet  album  oblige  celui  qui  l'utilise  à  interpréter  ses  modèles.  Par  là  s'expliquent 
la  plupart  des  particularités  qu'on  observe  sur  les  poteries  de  Negadeh.  D'abord  la 
composition  est  le  plus  souvent  absente.  Le  vase  D  55'  nous  montre  bien  une 
troupe  d'autruches  figurées  à  égale  distance  de  deux  chaînes  de  montagnes  :  et  sur 
un  outre  vase*  on  voit  des  autruches  encore,  réunies  cette  fois  par  groupes  de  quatre 
et  alternant  régulièrement  avec  des  bateaux  tous  semblables.  Mais  ce  sont  là  des 
cas  assez  exceptionnels  :  même  à  HierakonpoUs,  sur  cette  fresque  qui  semble,  à 
première  vue,  trahir  un  certain  souci  et  un  sens  réel  de  la  composition,  les  deux 
bateaux  de  droite  et  de  gauche  ne  se  rattachent  par  aucun  lien  apparent  aux  quatre 
bateaux  du  centre  :  et,  quant  aux  autres  scènes,  une  étude  attentive  montre  qu'elles 
ont  été  réparties  au  hasard  des  places  disponibles^.  Le  même  procédé  est  constant 
è.  Negadeh.  Le  plus  souvent  on  a  l'impression  que  le  dessinateur  s'était  proposé  de 
réaliser,  dans  l'arrangement  des  scènes,  une  certaine  symétrie  :  mais  la  dimension 
du  vase,  la  saillie  de  l'anse  ou  telle  autre  raison  est  venue  contrarier  son  plan 
primitif  ;  et  il  devient  dès  lors  impossible  de  reconstituer  celui-ci,  même  dans  ses 
lignes  générales.  Au  reste  l'artiste  lui-même  le  perd  bientôt  complètement  de  vue  ; 
il  utilise  un  motif  pour  remplir  un  coin  resté  vide,  et  ce  motif  lui  en  suggère  un 
autre,  qu'il  intercale  de  la  même  façon  :  au  bout  de  peu  de  temps  il  en  résulte  une 
inextricable  confusion,  un  enchevêtrement  d'êtres  et  de  choses  au  milieu  duquel  il 
n'est  pas  toujours  facile  de  se  reconnaître.  Seul  un  zèle  décoratif  poussé  à  l'excès 
peut  expliquer  pourquoi  une  autruche  est  comme  perchée  sur  le  sommet  d'un 
arbre^,  ou  paraît  diriger  avec  ses  pattes  le  gouvernail  d'un  bateau^  :  vouloir 
chercher  un  sens  caché  à  de  semblables  représentations  serait  s'exposer  à  de 
cruelles  méprises. 

Bien  des  détails  qui  paraissent  ainsi  surprenants,  parce  qu'on  veut  à  toute 
force  leur  attribuer  une  valeur  documentaire,  se  comprennent  au  contraire  tout 
naturellement  pour  peu  qu'on  songe  aux  conditions  dans  lesquelles  travaillent  des 
décorateurs.  Ceux  de  Negadeh,  en  particulier,  n'avaient  à  leur  disposition  qu'un 
assez  petit  nombre  de  poncifs  ;  d'autre  part  leur  technique  était  encore  assez 
rudimentaire  ;  il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'à  force  de  répéter  perpétuellement  les 
mêmes  motifs,  ils  les  aient  parfois  confondus,  ou  qu'ils  les  aient  trahis  en  voulant 
les  traduire.  L'habitude  entrtdne  vite  l'inattention  et  le  meilleur  moyen  de  surmon- 
ter une  difficulté  est  encore  de  la  supprimer.  Deux  variétés  d'arbres  sont  repré- 


i  Naqada  pi.  XXXIV. 

2  Id.,  pi.  LXVn,  12.  —  Ce  vase  a  été  trouvé  à  Abydos. 

3  Hierakonpolis  II,  page  21  :  «  The  scenes  seem  to  have  been  put  where  there  waa 
room  for  them,  after  the  larger  designs,  such  as  the  boats,  had  been  drawn  ». 

*  Naqada,  LXVI,  3. 
5  Id.  LXVII,  14. 


P,40,] ^    R    *    E    *    E    ^    S    > [1908, 

dentées  à  Negadeh  :  que  Tone  reçoive  les  attributs  réservés  d'ordinaire  à  Taotre', 
il  faut  rendre  responsable  de  cette  confusion  la  main  seule  du  décorateur.  De 
même  Tespèce  de  vase  dans  lequel  Tun  de  ces  arbres  est  habituellement  planté^ 
s'échange  souvent  avec  un  autre  objet'  ;  nous  devons  présumer  que  celui-ci  est 
un  vase,  lui  aussi,  quelles  que  soient  d'ailleurs  les  formes  étranges  qu'il  puisse 
revêtir  quelquefois^.  Les  ornements  figurés  à  Tavant  des  bateaux  et  que  l'on  a 
appelés  les  enseignes  de  proue^,  représentent  des  palmes,  ou  des  branches,  tantôt 
isolées*,  tantôt  réunies  par  groupes  de  deux''  ou  de  trois*  ;  au  delà  de  ce  nom- 
bre l'artiste  a  voulu  égayer  un  peu  la  monotonie  de  tous  ces  rameaux  parallè- 
les, et  il  en  a  rempli  les  intervalles  par  des  séries  de  petites  lignes'  ;  il  a  ensuite 
appliqué  machinalement  le  procédé,  même  quand  il  s'agissait  seulement  de  repro- 
duire le  motif  des  deux  branches  ;  et  le  type  ainsi  obtenu,  qui  n'est  pourtant  qu'un 
motif  végétal  stylisé,  risquerait  d'être  pris  pour  une  banderoUe^^,  si  la  comparaison 
avec  d'autres  vases  ne  nous  permettait  pas  de  suivre  ainsi  les  étapes  successives  de 
sa  transformation.  —  De  même  encore  l'espace  laissé  vide  entre  les  rames,  dans 
les  représentations  de  bateaux,  a  été  quelquefois  interprété  comme  une  porte  ;  et 
l'on  a  pu  édifier  toute  une  théorie  rien  qu'en  se  basant  sur  ce  détail.  Il  feiut  y  voir 
seulement  la  trace  d'une  esthétique  décorative  qui  différait  suivant  les  artistes.  La 
plupart  trouvaient  l'effet  meilleur  ainsi  ;  d'autres  au  contraire  jugeaient  préférable 
de  ne  pas  rompre  la  ligne  harmonieuse  des  rames,  et  les  faisaient  pendre  sans 
solution  de  continuité  tout  le  long  du  bateau,  depuis  la  proue  jusqu'à  la  poupe". 
Il  se  peut  même  que  ces  différences  proviennent  de  raisons  purement  matérielles  : 
très  probablement  l'espace  vide  représente  un  arrêt  momentané  du  travail,  le  repos 
d'un  instant  que  la  main  s'accordait,  les  rames  de  l'avant  une  fois  peintes,  avant 
de  passer  aux  rames  d'arrière.  Les  unes  et  les  autres  en  effet  (sans  doute  pour  mieux 
épouser  la  forme  du  vase)  sont  ordinairement  dirigées  dans  deux  sens  opposés  ;  et 
si  quelques  artistes  étaient  assez  habiles  pour  ménager  insensiblement  la  transition^ 
la  plupart,  en  revanche,  étaient  obligés  de  lever  un  peu  la  main  et  d'en  changer  la 
position,  afin  de  lui  donner  une  direction  nouvelle.  Il  arrive  que  le  changement 
s'opère  d'une  façon  assez  maladroite,  et  que  le  plan  des  rames  de  proue  forme  avec 
celui  des  rames  de  poupe  un  angle  beaucoup  trop  accentué  ;  si  vraiment  nous  avions 
affaire  à  des  portes,  beaucoup  d'entre  elles  affecteraient  la  forme  d'une  pyramide 
tronquée^*. 

On  le  voit,  sous  quelque  aspect  qu'on  envisage  ces  représentations,  on  se  trouve 
toujours  conduit  à  la  même  conclusion  :  nous  sommes  ici  en  présence  d'un  art  tout 
à  fait  analogue,  par  son  fond  et  par  sa  forme,  à  l'art  rupestre,  un  peu  plus  laiige 
seulement  et  trahissant  une  intention  décorative  plus  manifeste  et  plus  précise. 


I  Id.  LXVI,  2. 
«  Id.  LXVI,  10. 

3  Id.,  id.  9  et  8  (vase  du  milieu). 
*  Naqada,  LXVU,  14. 
5  De  Morgan,  Recherches^  n,  92. 

«  Naqada,  LXVI,  2,  5,  7  —  et  LXVII,  13.  La  branche  elle-même  se  subdivise  parfois  ea 
deux  autres  (LXVI,  3, 10  —  et  LXVn,  14)  ou  même  en  trois  (LXVI,  4  et  LXVn,  11). 
'  Id.  XXXIV,  45  et  LXVI,  10. 
8  Diospolis  parva  XVI,  41  b. 
«  Naqada  LXVI,  6. 
w  Id.  8,  9  et  LXVII,  12. 

II  Naqada,  LXVI,  6  et  9. 

"  Id.  LXVI,  10.  . 


1908.]    BOREUX  :  POTERIES  DÉCORÉES  DE  l'ÉGYPTE  PRÉDYNASTIQUE.    [P.  41, 

IV 

Est-ce  à  dire  que  cet  art  ne  saurait  nous  fournir  aucune  indication  sur  TEgypte 
prédynastique  et  sur  les  hommes  qui  Thabitaient  ?  Ce  serait  aller  trop  loin.  Puisque 
le  grand  procédé  de  Tart  primitif  est  de  reproduire  la  nature  dans  ce  qu'elle  a  de 
caractéristique,  on  est  en  droit  d'espérer  qu'un  grand  nombre  des  objets  figurés  à 
Kegadeh  se  laisseront  plus  ou  moins  identifier  :  et  si  on  les  identifie  en  efiet,  il  est 
légitime  de  s'appuyer  sur  les  résultats  obtenus  pour  essayer  de  pénétrer  un  peu 
cette  très  lointaine  époque. 

Ce  sont  surtout  des  renseignements  ethnographiques  que  nous  avons  chance  de 
recueillir  ici.  Quels  étaient  les  hommes  qui  nous  ont  laissé  ce  précieux  témoignage 
de  leur  séjour  à  Negadeh  ?  Est-il  possible  de  déterminer  exactement  le  pays  d'où 
ils  Tenaient?  Si  leur  art  peut  nous  fournir  quelques  données  sur  eux,  il  ne  peut 
guère  nous  fournir  que  celles-là.  Les  animaux  ou  les  arbres  qui  les  entouraient,  les 
armes  dont  ils  se  servaient  à  la  guerre  ou  à  la  chasse,  le  décor  habituel  où  s'écoulait 
leur  vie,  voilà  autant  d'indices  qui  peuvent  servir  à  préciser  leur  origine  ;  et  voilà 
en  tout  cas  les  seuls  témoins  qu'il  nous  soit  possible  d'interroger. 

Malheureusement  quelques-uns  se  récusent,  et  certains  détails  ne  se  prêtent  à 
aucune  interprétation  satisfaisante.  Il  faut  ranger  dans  cette  catégorie  les  signes  en 
forme  de  crochets  ou  de  zigzags  qui  constituent  à  Negadeh  un  des  éléments  constauts 
de  la  décoration'.  De  même  les  deux  motifs  représentés  sur  un  vase  d'Abydos,  à 
droite  et  à  gauche  d'un  crocodile',  sont  peut-être  des  variantes  grossières  de 
l'animal'  :  mais  peut-être  aussi  sont-ce  des  objets  dont  l'usage  a  disparu  depuis 
longtemps,  et  que  des  modernes  ne  sauraient  reconnaître.  Quant  à  certaines  figures 
assez  bizarres,  ordinairement  placées  au  dessous  des  bateaux,  il  n'est  pas  bien  sûr 
que  ce  soient  des  boucliers.  On  les  avait  d'abord  assimilées  à  des  mâts  munis  de 
leur  voile*  :  on  pourrait  aussi  bien  être  tenté  d'y  reconnaître  une  hutte,  vue  par 
en  dessus,  et  dont  les  deux  côtés  s'appuieraient  sur  une  longue  perche  courant 
parallèlement  au  sol.  Mais  la  voile,  quand  elle  apparaît  à  cette  époque,  affecte  une 
forme  carrée,  au  lieu  d'une  forme  rectangulaire^  ;  d'autre  part  les  artistes  de 
Negadeh  ignorent  la  perspective,  et  reproduisent  toujours  leurs  modèles  soit  do 
face,  soit  de  profil.  Il  est  donc  très  vraisemblable  que  nous  avons  affaire  à  des 
boucliers  de  peaux,  montés  sur  un  bâton  planté  en  terre^  ;  mais  enfin  ce  n'est  là 
qu'une  hypothèse,  dont  nous  retiendrons  surtout  que  de  semblables  boucliers  se 
rencontrent  encore  chez  les  Dinka,  les  Bari  et  autres  peuplades  de  la  région  du 
Haut  Nil. 

D'autres  motifs  encore  demeurent  assez  énigmatiques.  On  ne  peut  que  faire  des 
conjectures  à  propos  d'un  objet  singulier  qui  rappelle,  au  moins  par  sa  silhouette 
générale,  la  table  d'offrandes  de  l'Egypte  historique,  et  qui  représente  peut-être 


^  M.  Foucart  (I.  c.  page  274)  y  voit  des  indications  numériques.  Il  serait  toiit  aussi  pos- 
sible —  et  d'ailleurs  aussi  aventuré  —  d'y  voir  une  façon  de  représenter  le  sol  (l'eau  est 
déjà  figurée  à  Negadeh  par  des  séries  de  lignes  brisées),  une  ébauche  de  ce  qui  deviendra 
le  signe  des  teri'ains  dans  l'écriture  hiéroglyphique  et  surtout  hiératique.  Il  est  plus  vi*ai- 
semblable  que  ce  sont  des  ornements. 

*  Naqada,  LXVn,  18. 

'  Foucart,  1,  c.  p.  271.  ~  Le  motif  de  gauche,  tout  au  moins,  s'oppose  absolument  à 
une  semblable  interpi*étation. 

*  NctqcLda,  page  49. 

5  Capart,  1.  c.  page  116.  —  Cf.  Budge,  History  of  Egypt,  I,  80. 
^  Schweinfürth,  Ornamentik,  page  399. 


p.  42.] 


R 


£ 


£ 


[1908. 


en  effet  un  support  sur  lequel  a  été  étenda  un  lit  de  branchages  ou  de  feuilles^ 
Deux  sortes  de  récipients  rectangulaires,  invariablement  figurés  des  deux  côtés  du 
bouclier*,  pourraient  bien  être  des  carquois  ;  les  crochets  qui  les  terminent' 
auraient  alors  servi  à  les  fixer  soit  sur  l'épaule,  soit  à  la  ceinture.  Mais  certains 
ornements  carrés,  tantôt  munis^  et  tantôt  dépourvus^  de  frange,  d'autres  eocore 
(par  exemple  ces  objets  allongés  qui  sont  placés  quelquefois'  juste  au  dessous 
des  bateaux)  résistent  à  toute  explication.  Èofin  même  la  faune  n'est  pas  bien 
concluante.  L'autruche  et  la  gazelle  sont  des  animaux  très  communs,  et  qui  ont  dû, 
à  toutes  les  époques,  abonder  aussi  bien  dans  la  vallée  du  Nil  que  dans  les  régions 
situées  plus  au  sud. 

Au  contraire  la  flore  est  extrêmement  intéressante.  Des  deux  espèces  végétales 
représentées  à  Negadeb,  Tune  au  moins  a  pu  être  identifiée  avec  une  quasi  certi- 
tude :  c'est  Taloès^.  On  sait  que  les  aloès,  qui  appartiennent  à  la  famille  des 
liliacées,  se  présentent  sous  la  forme  tantôt  de  petites  plantes  acaules,  tantôt  de 
grands  végétaux  arborescents.  Dans  ce  dernier  cas,  les  feuilles  commencent  presque 
à  la  base  de  Tarbro  ;  les  plus  rapprochées  du  sol  sont  ramassées  autour  de  la  tige, 
et  semblent  l'enfermer  dans  un  cercle  très  resserré  ;  les  autres  s'épanouissent 

largement  à  droite  et  à  gauche,  et 
de  leur  masse  émerge  une  hampe 
florale  très  haute, au  long  de  laquelle 
les  fleurs  sont  disposées  soit  en  grap« 
pes,  soit  en  épis*.  C'est  évidemment 
cette  dernière  variété  qui  est  figurée 
ici.  (Fig.  l)Le  motif  a  été  très  stylisé, 
naturellement  ;  Tamour  de  la  symé- 
trie a  même  parfois  donné  naissance  à 
deux  hampes  florales  au  lieu  d'une*  ; 
mais  tous  les  éléments  essentiels  de 
la  plante  sont  fidèlement  reproduits  : 
le  cercle  formé  par  les  feuilles  du 
bas,  quand  il  est  apparent,  est  rendu 
d'une  façon  toute  géométrique^^,  et 
toujours  le  contraste  du  feuillage  et 
de  la  fleur,  celui-là  très  épais,  celle- 
p,^  j  ci  très  grêle,  est  fort  heureusement 

vase  de  Negadeh  (Musée  du  Louvre).  observé.  £n  OUtre  il  faut  noter   que 


»  Naqada,  LXVU,  14. 
«  Id.  LXVI,  6,  9. 

3  Ces  crochets  sont  très  visibles  sur  certains  vases.  V.  p.  ex.  Naqada  LXVI,  10.  Sur  un 
autre  vase  (id.,  id.  9)  un  groupe  de  quatre  autruches  a  été  si  malenconti-eusement  intercalé 
dans  la  composition  que  l'une  d'elles  semble  prise  dans  ce  carquois  comme  dans  un  piège. 

4  Naqada  LXVI,  7. 

5  Id.,  id.  9. 

«  Id.,  id.  7.  —  Peut-être  faut-il  voir  dans  ces  objets  des  massues  analogues  à  celles  dont 
se  servaient  les  habitants  de  Fount,  et  qui  sont  repi^oduites  dans  Chabas,  Etudes  sur  rAnti- 
quite  Historique,  page  163. 

^  Cette  découverte  est  due  à  Schweinfurth,  Ornamentik,  page  392. 

8  V.  p.  ex.  Bâillon,  Dictionnaire  de  Botanique  I,  page  120  (figure). 

»  Naqada  LXVI,  6,  et  LX  VIF,  14.  —  Cette  dernière  représentation  nous  montre  peut-être 
aussi  le  fruit  de  Tarbre. 

1Ö  Par  un  simple  rond,  d'où  part  la  hampe  florale.  Id.  LXVI,  8,  9, 10. 


1908.]     BOREUX  :  POTERIES  DÉCORÉES  DE  l'ÉGYPTE  PRÉDYNASTIQUE.    [P.  43. 


les  aloès  de  Negadeh  sont  plantés  dans  des  vases',  ce  qui  tendrait  à  prouver  qu'ils 
n'appartiennent  pas  à  la  flore  spontanée  de  TEgypte*.  De  fait  on  ne  les  rencontre 
plus  à  répoque  historique*  ;  il  est  donc  probable  qu'ils  auront  été,  à  une  date  très 
ancienne,  importés  d'un  autre  pays,  et  que  les  efforts  tentés  pour  les  acclimater 
n'auront  pas  réussi.  Ce  pays  même,  semble-t-il,  peut  être  assez  exactement  précisé. 
Il  est  difficile  de  dire  si  la  plante  qui  nous  occupe  ici  est  l'aloès  vulgaire^  ou  Taloès 
sucotrin  :  mais  comme  l'un  est  originaire  de  l'Afrique  orientale,  l'autre  de  l'île  de 
Socotora  et  des  bords  méridionaux  de  la  mer  Rouge^,  on  voit  que,  de  toutes  façons, 
nous  nous  trouvons  en  présence  d'une  flore  apparentée  à  celle  du  futur  pays  de 
Pount. 

La  seconde  espèce  figurée  sur  les  vases  estégalement  très  caractéristique.  (Fig.  2) 
Sa  silhouette  générale  évoque  immédiatemeot 
l'arbre  qui  dans  l'écriture  hiéroglyphique 
deviendra  plus  tard  le  signe  du  sycomore  ; 
et  la  disposition  symétrique  des  branches, 
leur  direction  constante  de  bas  en  haut,  enfin 
leur  diminution  progressive  à  mesurequ'elles 
s'éloignent  du  pied,  tous  ces  détails  ne  font 
que  confirmer  une  semblable  interprétation. 
Or  le  sycomore  de  l'époque  pharaonique  a 
été  assimilé®  au  Mimusops  Shimperi  Höchst, 
lequel  croît  naturellement  en  Abyssin  ie  et 
dans  les  régions  avoisinantes  ;  en  sorte  que 
les  poteries  de  Negadeh  pourraient  très  bien, 
ici  encore,  nous  avoir  conservé  le  souvenir 
d'un  essai  d'acclimatation,  cette  fois  cou- 
ronné de  succès.  L'hypothèse  est  d'autant 
plus  séduisante  que,  tout  comme  les  aloès, 
ces  sycomores  sont  figurés  dans  des  vases^. 
Peut-être  même  avons-nous  affaire  à  une 
variété  spéciale  de  sycomore,  celle-là  même 
dont  les  habitants  de  Pount  extrayaient  le  parfum  ant?.  On  sait  qu'à  Deïr  el 
Bahari^  ces  sycomores  à  parfum  sont  rapportés  dans  des  couffes  par  les  Egyptiens 
venus  en  expédition  au  pays  de  Pount  :  au  tombeau  de  Rekhmara^^  ils  figurent 


PI«.  2. 
Vase  de  Negadeh  (Musée  du  Louvre). 


^  Ces  vases  affectent  la  forme  cylindrique  ou  la  forme  cordiforme.  V.  Naqada,  passim. 

«  Schweinfurth,  1.  c.  p.  392. 

'  L'aloès  n'est  pas  mentionné  dans  la  Flore  pharaonique  de  V.  Loret. 

*  C'est  l'opinion  do  Schweinfurth  (l.  c.  page  392),  lequel  rappelle  à  ce  sujet  que  dans 
tout  rOrient,  on  emploie  l'aloès  vulgaire  pour  se  préserver  du  mauvais  œil. 

'  Bâillon,  1.  c.  page  120. 

«  Par  Schweinfurth  (Loret,  La  Flore  pharaonique^  pages  61-62). 

7  V.  p.  ex.  Naqada,  LXVI,  10,  où  l'on  distingue  nettement  le  vase,  et  l'extrémité  du 
tronc  qui  y  est  enfoncée  :  mais  souvent  ce  vase  se  réduit  à  une  espèce  de  crochet. 

^  L'arbre  qui  produit  Vanti  est  généralement  désigné  aujourd'hui  sous  le  nom  de 
«  sycomore  à  parfum  »  (Chabas,  Etudes  sur  VAnt.  Bist.  p.  159.  —  Maspero,  De  quelques 
navigations,  p.  21  —  et  Naville,  Deir  el  Bahari  111,  page  15)  —  Hamy  (Ettcde  sur  les  pein- 
tures  ethniques  d'un  tombeau  thébain,  page  23)  en  fait  «  une  térébinthacée  du  genre  ôos- 
toellia,  le  boswellia  Carteri  »  (Virey,  Le  tombeau  de  Rehhmara,  page  31). 

»  Deir  el  Bahari,  pi.  LXXIV. 

io  Virey,  l.  c.  pi.  IV. 


p.  44.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

aufifli  parmi  les  tributs  envoyés  à  Touthmès  III  par  ces  mêmes  habitants  de  Fount. 
Si  Ton  compare  ces  représentations  avec  celles  de  Negadeh,  on  ne  peut  pas  ne 
pas  être  frappé  de  la  ressemblance  :  dans  les  trois  cas,  c^est  la  même  silhouette 
d'arbre,  mieux  précisée  seulement  sur  les  monuments  de  la  XVIIP  dynastie'. 

On  pourrait  sans  doute  appuyer  encore  sur  d'autres  arguments  ce  rapproche- 
ment entre  Pount  et  Negadeh*  ;  mais  il  convient  d'arriver  maintenant  à  toute 
une  catégorie  de  représentations  qui  ont  donné  lieu  déjà  à  de  nombreux  commen- 
taires :  nous  voulons  parler  des  bateaux.  Quelques  savants,  comme  on  sait,  ont 
refusé  d'admettre  que  ce  fussent  des  bateaux,  et  ils  les  ont  interprétés  comme  des 
kôms  primitifs,  entourés  d'une  palissade  et  surélevés  sur  un  talus*.  Il  semble 
qu'à  cette  théorie,  maintes  foi  réfutée  déjà^  la  découverte  de  la  tombe  d'Hiera- 
konpolis  eût  dû  porter  un  coup  décisif*  ;  mais,  puisqu'on  la  trouve  reprise  à  nou- 
veau dans  des  ouvrages  tout  récents^,  il  convient  de  lui  opposer  un  document  qui 
n'a  pas  encore  été,  croyons-nous,  utilisé  jusqu'à  présent,  et  qui  clôt  le  débat  d'une 
manière  définitive.  Que  le  dessin  reproduit  ci-contre'^  représente  un  bateau,  per- 
sonne ne  saurait  le  contester  ;  et  que  ce 
bateau  soit  absolument  du  type  des  ba- 
teaux de  Negadeh,  il  suffit  d'un  coup  d'œil 
pour  s'en  assurer. 

Il  a  été  relevé  sur  un  rocher*  :  et 
par  là  s'affirme  une  fois  de  plus  l'étroite 
parenté  qui  unit  l'art  de  Negadeh  aux 
Fiff-  s.  a  graffiti  »  rupestres.  Celui-ci  est  de  date 

Dessin  rupestre  relevé  par  M  Sayce,  entre  Assouan     ,  . 

et  Komombos.  pl^s  récente,  mais  il  est  traite  tout  comme 

aux  époques  antérieures  :  et  le  document, 
ajouté  à  tous  ceux  que  nous  fournissent  les  vases,  nous  permet  de  nous  faire  des 
bateaux  prédynastiques  une  idée  suffisamment  exacte.  II  faut  se  les  représenter 
(Fig.  4)  sous  la  forme  de  ces  barques  légères  que  les  Egyptiens  de  l'époque  historique 
employaient  encore  pour  la  chasse  au  marais.  Ils  étaient  constitués  par  des  bottes 
de  roseaux  ou  de  papyrus  qu'on  serrait  fortement*  et  qu'on  relevait  à  Tavant  et 


^  Et  plus  allongée  :  à  Negadeh,  si  l'arbre  est  plus  large,  c'est  pour  une  raison  de  déco- 
ration :  il  s'harmonise  mieux  ainsi  avec  la  panse  renflée  du  vase. 

2  C'est  ainsi  qu'on  a  pu  ralever  à  Negadeh,  à  propos  des  types  de  femmes  représentés, 
des  traces  de  cette  stéatopygie  qui  caractérise,  à  Deir  el  Baharl,  les  femmes  du  pays  de 
Pount  (Schweinfurth,  Ornamentik,  page  400). 

3  Cecil  Torr  et  V.  Loret  (cf.  plus  haut). 

^  On  trouvera  cette  réfutation  résumée  dans  Capart,  1.  c.  pp.  201  sqq. 

5  HierakonpolUy  II  planche  LXXV. 

6  V.  Loret.  V Egypte  au  temps  du  totémisme  pp.  24-25. 

7  II  est  tiré  de  J.  de  Morgan,  Catalogue  des  monuments  et  Inscriptions  de  VEgypte 
antique  I,  page  203. 

8  Entre  Assouan  et  Kom-Ombos.  Le  relevé  est  dû  au  Prof.  A.  H.  Sayce. 

9  «  Les  joncs  ou  les  roseaux  étaient  placés  dans  le  sens  de  Taxe  de  Tembarcation  :  aux 
deux  extrémités  les  divera  éléments  étaient  reliés  entre  eux  par  un  fort  nœud,  tandis  que 
des  liens  très  rapprochés  les  uns  des  autres  traversaient  la  coque  tout  entière  normalement 
à  son  axe,  en  reliant  entre  elles  toutes  les  tiges.  Le  bateau  ainsi  construit  était  formé  d'une 
véritable  natte  qui  n'eût  pas  été  suffisante  si  l'épaisseur  des  nattes  n'eût  été  triplée  ou 
quadruplée,  si  des  armatures  de  bois  n'étaient  venues  maintenir  l'ensemble  rigide,  et  si  un 
enduit  n'avait  été  appliqué  pour  rendre  l'embarcation  imperméable  »  (de  Morgan.  Recher» 
cheSy  II  page  92).  —  «  Un  spécimen  en  albâtre  provenant  des  tombes  royales  d'Abydos 
montre  clairement  cette  technique  »  (Capart,  1.  c.  p.  192).  —  Seul  l'original  du  bateau 
d' Assouan  pourrait  avoir  été  un  bateau  en  bois. 


08.]     BOREUX  :  POTERIES  DÉCORÉES  DE  L^ÉGYPTE  PRÉDYNASTIQUE.    [P.  45. 


irrière,  afin  que  rembarcation,  n'ayant  qu'un  faible  tirant  d'eau,  pût  naviguer 
les  fonds  les  plus  bas'.  Il  est  à  présumer  que  ces  bateaux  n'étaient  pas  pon- 
:  ils  supportaient  deux 
^tructions  qui  sont  quel- 
tois,  mais  très  exception- 
iement'  réunies  par  une 
re  transversale,  et  entre 
.quelles  est   ménagé    un 
..ace  vide,  destiné  à  faci- 
r    rembarquement'.    A 
rakoD  polis  la  voile  est 
cote,  ainsi  que  les  rames: 
Negadeh    au    contraire, 
rtiste,  dans  une  intention 
orative^,  a  multiplié  le 
mbro    des    rames    d'uue 
on  presque  indéfinie.  Des 
inches   sont    plantées    à 
ivant  du  bateau*,  ombra- 
an  t  parfois^  un  abri  qui 
viendra,  aux  époques  dy- 
tstiques,  le  chàteau-gail- 
ird  du  pilote*^  ;  au  centre 
')  la  barque  ou  sur  Tune 
es  constructions  du  milieu 
a  mât  se  dresse,  surmonté  d'une  enseigne.  Enfin  une  aocre  pend  quelquefois  à 
extrémité  de  la  proue',  et  nous  possédons  un  exemple  de  rames-gouvernails  atta- 
hées  à  la  poupe'. 

Tous  ces  détails  ne  paraissent  pas  bien  symboliques  :  et  pourtant  c'est  princi- 
palement sur  les  bateaux  qu'on  a  voulu  s'appuyer  pour  attribuer  un  sens  mystique 
aux  peintures  de  Negadeh.  On  est  parti  de  l'idée  que  ces  bateaux  représentaient 
la  sortie  processionnelle  du  dieu  dans  sa  barque,  et  on  en  a  conclu  par  analogie 
que  tous  les  autres  motifs  reproduits  sur  les  vases  illustrent  en  quelque  sorte  le 
mobilier  funéraire  d'un  peuple  qui  ne  le  figurait  pas  encore  sur  des  murailles,  mais 


Flg.  4 
Vase  de  Negadeh  (Musée  du  Louvre). 


^  Cf.  la  représentation  d'un  bateau  préhistorique  à  El-kab  dans  Capart,  1.  c.  page  198. 
—  Quelquefois  l'avant  seul  est  relevé,  mais  il  l'est  alors  d'une  façon  démesurée  {Hierahon- 
polis  n,  pi.  LXXVII). 

*  Trois  seulement  des  bateaux  d*Hierakonpolis  présentent  cette  particularité.  —  Cf. 
aussi  Naqada  LXVII,  14. 

'  Cet  espace,  sur  quelques  bateaux  d'Hierakonpolis  est  colorié  autrement  que  le  reste 
de  la  coque  :  il  faut  peut-être  y  voir  l'indication  d'une  planche  par  laquelle  on  montait 
dans  le  bateau.  A  Assouan  la  coque  est  pei*cée  en  cet  endroit  par  un  véritable  sabord  :  ce 
serait  alors  l'ouverture  qui  aurait  servi  à  assujettir  cette  planche. 

^  Cf.  plus  haut. 

^  L'idée  que  ces  branches  peuvent  avoir  été  une  façon  de  dénombrer  certains  jours  de 
fêtes  (Foucart,  1.  c.  page  270)  paraît  tout  à  fait  insoutenable. 

«  HierakonpolU  U  pi.  LXXV. 

7  Deïr  el  Bahari,  III  pi.  LXXUI.  —  Cf.  Wilkinson  I,  224. 

«  Naqada,  LXVI,  10  ;  Diospolis  parva  XVI,  41  b  j  Hierakonpolis  II,  pi.  LXXV. 

»  Naqada,  LXVH,  14. 


p.  4e.]_ ^R    -    E    -    E    >    s    « [1908, 

le  traçait  seulement  sur  des  objets  votifs.  En  dernière  analyse  les  vases  déeorés  ne 
seraient  que  «  Téquivalent  des  demandes,  des  scènes  et  des  objets  que  la  stèle  des 
âges  postérieurs  figurera  sur  les  parois  du  tombeau  »^  —  En  réalité  on  ne  voit 
pas  très  bien  comment  de  telles  prémisses  peuvent  entraîner  une  telle  conclusion  : 
et  cette  conclusion,  tout  au  moins,  est  contredite  immédiatement  par  ces  représen- 
tations d'époques  plus  récentes  sur  lesquelles  on  veut  la  fonder.  Car  les  représen- 
tations murales,  à  partir  du  moment  où  on  les  voit  apparaître,  se  caractérisent  par 
ce  qu^on  pourrait  appeler  leur  immutabilité.  Les  peintures  ou  les  bas  relieb  qui, 
sur  les  parois  des  chapelles  funéraires,  racontent  pour  le  défunt  toute  Thistoire  de 
Toffrande,  se  déroulent  toujours  d'une  façon  constante  et  identique  ;  les  différentes 
scènes  se  suivent  dans  un  ordre  éternellement  le  même,  et  se  composent  d'un 
certain  nombre  de  sujets  dont  les  plus  essentiels,  au  moins,  se  retrouvent  invaria- 
blement, même  quand  le  graveur,  faute  de  place,  a  été  obligé  de  se  borner.  L'inté- 
rêt du  double  exigeait  en  effet  la  fixité  d'une  décoration  qui  demeurait  avant  tout 
rituelle  ;  et  Ton  comprend  qu'il  ne  fallût  rien  oublier  de  ce  qui  devait  assurer  sa  vie 
d'outre  tombe.  Mais  à  Negadeh  on  ne  trouve  aucune  trace  d'une  semblable  préoccu- 
pation. Certains  motifs  qui  apparaissent  sur  un  vase  ont  disparu  sur  un  autre  ;  tel 
détail,  figuré  très  souvent  à  telle  place,  en  occupe  non  moins  souvent  une  toute 
différente.  La  seule  fantaisie  de  l'artiste  semble  avoir  présidé  au  choix  des  scènes 
comme  aussi  à  leur  arrangement*  ;  et  ce  désordre  dont  on  ne  saurait  rendre 
compte  si  l'on  admet  qu'il  s'agit  de  représentations  liturgiques,  s'explique  au  con- 
traire  très  bien,  nous  l'avons  vu,  par  des  raisons  purement  ornementales. 

Il  faut  noter,  en  outre,  que  les  vases  du  type  négadien  ne  se  retrouvent  plus 
dans  les  tombes  thinites,  où  cependant  les  représentations  murales  ne  sont  pas 
encore  en  usage  ;  ces  mêmes  tombes,  en  revanche,  ont  fourni  toute  une  série  de 
monuments  qu'il  est  bien  intéressant  de  comparer,  au  point  de  vue  qui  nous  occupe, 
avec  les  vases  de  Negadeh  :  nous  voulons  parler  des  tablettes  d'ivoire  ou  de  bois 
recueillies  à  Abydos  par  Amelineau  et  FI.  Pétrie*.  L'exécution  de  ces  tablettes 
est  souvent  grossière,  et  l'interprétation  qu'il  convient  de  leur  donner  demeure 
assez  incertaine.  Ces  monuments  sont-ils  destinés  à  commémorer  des  donations 
faites  par  un  roi  à  l'occasion  de  la  fondation  d'un  temple?^  Ou  bien  conser- 
vent-ils seulement  le  souvenir  des  premières  fêtes  Sed  célébrées  en  Egypte? 
L'essentiel  est  que  nous  sommes  sûrs  ici  d'avoir  affaire  à  de  véritables  représenta- 
tions :  et  nous  en  sommes  sûrs  parce  que  toutes  les  fois  que,  sur  ces  tablettes,  un 
certain  nombre  de  motifs  se  trouvent  associés,  ils  sont  toujours  associés  de  la  même 
façon.  Deux  bateaux,  un  palais  (?),  un  bâton  entouré  d'une  peau  de  bête,  enfin  un 
cartouche  royal,  ces  quatre  éléments  d'une  des  tablettes  du  roi  Aha^  se  retrouvent 
tous  sur  une  autre,  et  s'y  retrouvent  disposés  dans  un  ordre  exactement  sembla- 
ble^ De  même,  au  troisième  registre  de  l'une  et  l'autre  de  ces  tablettes,  l'analo- 


1  Foucart,  l.  c.  page  277. 

*  Par  exemple  M.  Foucart  (1.  c.  page  275)  attache  la  plus  grande  importance  aux  quatre 
gazelles  de  couleurs  différentes  qui  sont  figurées  à  Hiérakonpolis  (II,  planche  LXXVI)  au 
dessus  d'une  des  barques,  et  il  y  voit  «  les  quatre  espèces  d'antilopes  ou  gazelles  du  sacri- 
flee  canonique.  »  —  Mais  alors  pourquoi  d'autres  gazelles,  au  nombre  de  cinq^  sont-elles 
figurées  prises  au  piège,  à  côté  de  la  barque  voisine? 

3  Elles  ont  été  étudiées  par  F.  Legge  dans  les  Proceedings  of  the  Society  ofBihl.  Arch. 
vol.  XXVill  et  XXIX. 

^  C'est  la  conclusion  à  laquelle  aboutit  Legge. 

5  Tablette  n»  3  de  Legge.  —  C'est  la  figure  5  de  Pétrie,  Royal  Tombs  H,  pi.  III  A. 

«  Tablette  n«  3  de  Legge.  —  C'est  la  figure  6  de  Pétrie,  RoyalTombs  n  pi.  m  A. 


1908.]     BOREUX  :  POTERIES  DÉCORÉES  DE  l'ÉGYPTE  PRÉDYNASTIQUE.    [P.  47. 

gie  est  complète  entre  les  trois  barques  qui  s'en  vont  vers  la  même  enceinte  fortifiée, 
au  milieu  de  laquelle  se  tient  le  même  ibis'.  Il  serait  facile  de  multiplier  ces 
rapprochements*. 

Le  procédé  négadien  est  tout  autre,  nous  l'avons  vu  :  c'est  donc  sûrement 
mésinterpréter  les  bateaux  de  Negadeh  que  de  les  interpréter  partout  comme  des 
barques  processionnelles.  Et  puisque  les  deux  éléments  du  problème  sont  d'une 
part  les  deux  constructions  jumelles  élevées  au  milieu  de  chaque  bateau,  de  Tautre 
les  enseignes  dressées  sur  Tune  d'elles  ou  le  plus  souvent  entre  les  deux,  il  nous 
fietut  maiatenant  examiner  ces  éléments  Tun  après  l'autre. 

Le  premier  a  été  expliqué  très  ingénieusement'  comme  une  «  figuration  de 
l'idéogramme  du  temple  »,  une  forme  primitive  du  bekhen^  c'est-à-dire  du 
pylône  :  les  deux  cabines,  avec  la  barre  transversale  qui  les  réunit,  ne  représente* 
raient  pas  autre  chose  que  le  naos  de  la  barque  divine.  —  En  réalité  cette  barre 
transversale  n'apparaît  qu'exceptionnellement,  nous  l'avons  vu,  à  Negadeh,  et 
même  à  Hierakonpolis^  ;  et  quant  aux  cabines,  on  remarque  vite,  en  les  étudiant 
d'un  peu  près,  qu'elles  sont  traitées  exactement  comme  les  objets^  qui  accom- 
pagnent d'ordinaire  les  représentations  de  boucliers,  et  aussi  comme  les  vases  non 


Fiff.  5. 
Bateau  de  passage  de  Calcutta  [Musée  de  la  Marine,  No  1M6). 

cordiformes  dans  lesquels  sont  plantés  les  aloès  :  dans  les  trois  cas  il  apparaît 
clairement  que  la  technique  est  la  même.  Autour  de  quatre  montants  dont  on 


1  Id.,  id. 

2  Comparez  par  exemple,  sur  les  tablettes  n«»  2,  5  et  8  de  Legge,  la  scène  où  est  repré- 
senté le  roi  mesurant  Tenceinte  du  futur  temple. 

s  Foucart,  1.  c.  page  262.  —  Nous  laissons  de  côté,  bien  entendu,  la  théorie  suivant 
laquelle  les  deux  cabines  seraient  deux  tours  encadrant  une  porte  (Loret  1.  c).  Cette  théorie 
n'est  qu'un  aspect  de  la  théorie  plus  générale  qui  refuse  aux  bateaux  de  Negadeh  le  carac- 
tère de  bateaux. 

*  Cf.  plus  haut. 

5  Ces  objets  sont  peut-être  des  carquois.  —  Cf.  plus  haut. 


p.  48.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [190& 

aperçoit  distinctement  les  sommets'  (on  n^en  voit  que  deux  parce  que  les  cabines 
sont  figurées  de  face)  un  assemblage  de  joncs  on  de  papyrus  forme  les  quatre  côtés 
d'une  yéritable  boîte,  dont  les  dimensions  varient  suivant  les  cas,  mais  qui  semble 
toujours  destinée  à  recevoir  et  à  conserver  quelque  chose,  ici  des  flèches,  là  des 
arbres  ou,  quand  il  s'agit  de  bateaux,  des  provisions  de  toute  nature.  Les  peintures 
de  Negadeh  nous  rendent  vraisemblablement  les  bateaux  usagers  des  Egyptiens 
prédynastiques,  bateaux  de  voyage  et  de  transport  à  la  fois,  qui  après  leur  avoir 
permis  d'arriver  dans  le  pays,  leur  permettaient  encore  d'y  subsister,  et  de  com- 
muniquer de  tribu  à  tribu.  La  dualité  des  cabines,  aujourd'hui  encore,  caractérise 
la  barque  de  transport  chez  un  très  grand  nombre  de  peuples  ;  et  les  collections 
ethnographiques  sont  riches  en  modèles  de  bateaux  qui  par  leur  silhouette  générale 
(fig.  5),  rappellent  singulièrement  les  bateaux  de  Negadeh*.  En  Egypte  même,  les 
bateaux  de  transport  de  l'ancien  Empire  sont  munis  d'une  cabine,  moins  étroite 
que  celles  de  Negadeh,  mais  de  forme  tout  à  fait  semblable'.  La  difficulté,  pour 
les  hommes  primitifs,  de  bâtir  des  constructions  à  la  fois  larges  et  solides  les  a 
obligés  à  en  élever  deux  au  lieu  d'une^  ;  mais  la  destination  est  la  même  dans 
l'un  et  l'autre  cas.  D'ailleurs,  comme  les  bateaux  des  plus  anciennes  époques  trans- 
portaient en  même  temps  des  hommes  et  des  marchandises,  celles-ci  étaient  sans 
doute  renfermées  dans  l'une  des  cabines,  et  ceux-là  dans  une  autre  ;  ou  peut-être 
Tune  d'elles  était-elle  spécialement  réservée  au  hai*em,  en  vertu  d'une  coutume  qui, 
sous  la  12®  dynastie  par  exemple,  subsistait  encore  en  Egypte^. 

Et  peut-être  aussi,  dans  certains  cas,  tels  qu'une  fête  de  clan  ou  une  émigratioa 
en  masse,  la  cabine,  puisqu'elle  recevait  tout,  recevait  aussi  le  fétiche  du  clan. 
Mais  s'il  est  possible  d'interpréter  de  la  sorte  une  des  représentations  d'Hierakon- 
polis®,  celle-ci  reste  unique  entre  toutes  les  représentations  de  la  période  prédy- 


^  Ces  sommets  sont  d'abord  de  forme  pointue  ou  arrondie,  ou  même  ont  Tapparence 
d*un  crochet  :  mais  ils  se  stylisent  de  plus  en  plus  et  unissent  par  s'épanouir,  comme  à 
Hierakonpolis,  en  un  large  cercle,  quelquefois  double. 

*  La  différence  consiste  surtout  en  ce  qu'un  seul  toit  couvre  les  deux  cabines.  —  V.  p.  ex., 
au  musée  de  Manne  du  Louvre  (outre  le  bateau  reproduit  ici),  les  n»«  1227  (Bateau  du 
Bengale),  1245  (Bateau  de  transport  du  Gange),  et  1278  (Pirogue  du  Bengale).  —  Cf.  aussi 
un  certain  nombre  de  bateaux  de  TRxtreme  Orient  (entre  autres  n"*  1185,  Sampan  de  Fou- 
Tcheou). 

«  LDH,  104  et  surtout  II  62. 

^  La  barre  transversale  qui  les  réunit  quelquefois  ne  serait  donc  qu'une  barre  de  sou- 
tien. 

5  BeniHasan  1  29  (tombeau  de  Chnoum-hotep).  Il  est  à  remarquer  qu'un  des  bateaux 
d'Hierakoupolis  nous  montre  deux  cabines  de  forme  différente,  dont  l'une  parait  cachée 
par  des  peaux  de  bétes,  ou  par  des  ornements  de  couleurs  très  vives.  Ce  bateau  (qui  d'ail- 
leurs n'est  pas  du  type  des  autres)  pourrait  bien  avoir  été,  soit  un  bateau  de  chef,  soit  un 
bateau  de  harem. 

^  Il  s'agit  d'une  barque  où  Tune  des  cabines  supporte  un  naos  {Hterakonpolis,  II,  pi. 
LXXVI.  —  Cf.  Foucart  1.  c.  p.  264).  —  Quant  au  «  graflito  -  d' Assouan,  qui  repix)duit  assez 
exactement,  au  moins  dans  sa  composition  générale,  la  fresque  d'Hierakoupolis  (dans  i*une 
et  l'autre  représentation,  plusieurs  bateaux  de  même  type  sont  accompagnés  d'un  autra,  de 
type  différent)  l'inscription  qui  l'accompagne  nous  apprend  seulement  qu'il  a  été  «  fait  par 
le  divin  père,  scribe  de  la  salle  divine  du  temple  de  Khnoum,  TTiot-em-heb  ».  Ce  qui  pourrait 
faire  croire  que  nous  avons  affaire  ici  à  une  scène  d'adoration,  c'est  que  trois  massues  se 
dressent  à  Tavant  du  bateau.  Or  la  triplification  du  signe  de  la  massue  sert,  à  l'époque 
ptolémaïque  au  moins,  à  exprimer  le  nom  d'Horus  (cf.  von  Bergmann,  EteroglyphUche 
Inschriften,  page  21,  note  2  et  planche  XXVIII,  1).  —  Les  deux  cabines  du  bateau  se  pro- 
longent à  droite  et  &  gauche  par  une  tente  qui  va  d'un  côté  jusqu'à  la  poupe,  de  l'autre 


1B08«]    BORBüX  :  POTERIES  DÉCORÉES  DE  l'ÉGYPTE  PRÉDYNASTIQUE.    [P.  49^ 

nasüque.  On  objecte,  il  est  vrai,  qu'à  Negadeh  le  dieu  est  présent  sur  tous  les 
bateaux,  puisque  sou  euseigae  y  figure'.  Eu  réalité  rien  n'autorise  à  croire  que 
les  enseignes  de  poupe  soient  des  enseignes  divines.  Au  contraire  les  découvertes 
faites  dans  ces  dernières  années  sur  le  terrain  du  totémisme  égyptien*  entraînent 
cette  conclusion  que  TEgypte  préhistorique  n'a  connu  que  «  rinsigne-nom,  l'insigne* 
attribut  ethnique  »*,  et  que  cet  insigne  a  été  élevé  seulement  plus  tard  à  la 
dignité  d'insigne-dieu.  Les  hommes  qui  peuplaient  les  bords  du  Nil  aux  environs 
de  N^;adeh,  en  arborant  tel  ou  tel  insigne  à  l'arrière  d'un  bateau,  voulaient  seule- 
ment affirmer  que  ce  bateau  était  monté  par  des  membres  de  tel  ou  tel  clan,  et  au 
cas  de  rencontre  avec  d'autres  bateaux,  se  faire  connaître  tout  de  suite  pour  des 
amis  ou  des  ennemis^. 

L'étude  de  ces  insignes  ne  va  pas  sans  quelques  surprises^.  Si  l'on  se  reporte  au 
tableau  ci-jointe,  on  est  frappé  d'abord  par  ;la  ressemblance  qu'offrent  quelques- 
unes  de  ces  représentations  avec  certaines  représentations  de  nomes  de  l'époque 
historique  :  et  le  fait  n'a  rien  de  surprenant  puisque  les  nomes,  en  somme,  ne 
sont  que  la  survivance  de  clans  primitif  privilégiés,  lesquels  ont  fini  par  triompher 
de  clans  rivaux,  et  les  ont  supprimés  en  les  absorbant.  Mais  alors  on  devrait 
s'attendre  à  retrouver  dans  les  insignes  de  Negadeh  les  nomes  qui  constitueront 
plus  tard  la  région  de  Negadeh  ou  les  régions  voisines,  et  à  ne  retrouver  que  ceux- 
là.  Or  tel  n'est  pas  le  cas,  comme  il  est  facile  de  s'en  convaincre  en  examinant  ces 
insignes« 

nxxTnff 

10  11  12  13  14  15  16  17  18 

Flg.  6. 

BQseIgnes  de  poupe. 

Le  n^  1  représente  le  totem  d'un  clan  qui,  suivant  toute  vraisemblance,  vivait 
primitivement  au  pied  de  la  montagne,  en  un  endroit  où  celle-ci  formait  deux 

presque  jusqu'à  la  proue.  Les  personnages  sont  au  nombre  de  quatre:  deux  hommes  qui 
élèvent  le  signe  (?)  et  qui  sont  suivis  par  un  chien  (?)  ;  un  ôti*e  étrange,  au  crâne  en  forme  de 
pointe,  qui  tient  dans  ses  mains  une  canne  (cf.  peut-être  le  bâton  tenu  par  deux  des  person- 
nages d'Hierakonpolis,  II,  LXXVI)  ;  enfin  un  homme  qui  tient  l'hiéroglyphe  de  Pombre  ?uiïbiû 
au  bout  de  son  unique  bras.  Même  s'il  s'agit  vraiment,  dans  ces  deux  exemples,  d'une 
scône  religieuse,  ces  analogies  peuvent  signifier  seulement  qu'aux  époques  historiques, 
l'esprit  traditionnaliste  des  Egyptiens  leur  avait  fait  conserver,  pour  en  faire  la  barque 
processionnelle  du  dieu  Hortes,  la  barque  usagêre  primitive  de  loui-s  ancêtres  Eoriens.  Les 
bateaux  d' Assouan,  vraisemblablement,  ne  repi*ésentent  qu'une  tradition  archaïque,  conti- 
nuôe  ft  dessein  dans  une  circonstance  toute  spéciale. 
«     i  Poucart,  1.  c.  pp.  264  sqq. 

*  Ces  découvertes  sont  dues  ä  M.  V.  Lorot.  Elles  illustrent  de  la  façon  la  plus  claire 
•  beaucoup  de  faits  qui  resteraient  inexplicables  autrement. 

*  Loret,  V Egypte  au  temps  du  totémisme,  p.  28. 
4  Cf.  de  Morgan,  Recherches  II,  page  93. 

s  Cette  étude,  a  été  faite  déjà  par  Budge,  (Gods  of  the  J^fpptùms  h  p.  90)  et  par  Poucart 
.  (1.  c.  pp.  263  sqq.).  Pour  ce  dernier  ces  Iniignss  sont  exclusivement  des  insignes  divins. 
0  Ce  tableau  est  emprunté  à  Budge,  History  of  Egypt  I,  page  78. 


p.  50.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

pointes.  A  l'époque  dynastique,  ce  clan  forme  le  12*  nome  de  la  Haute  Egypte. 
Pour  des  raisons  analogues,  d'autres  clans  tiraient  leur  nom  de  trois,  quatre  ou 
cinq  sommets  qu'ils  ayaient  habituellement  sous  les  yeux  et  qui  les  protégeaient 
(n^  13, 14  et  16)  :  mais  ces  totems  ont  disparu  aux  époques  postérieures  :  seul  le 
premier  des  trois  s'est  conservé  sous  la  forme  divinisée  àkau^  :  en  tout  cas  le 
souvenir  de  son  rôle  ethnique  s'est  perdu. 

Au  contraire  les  n^"  4  et  11  se  retrouvent  facilement  dans  les  7*  et  8*  nomes  de 
la  Basse  Egypte  (Métélitès  et  Phténéotès)  symbolisés  chacun  par  un  harpon  ;  ils 
représentent  peut-être  le  dédoublement  d'un  clan  qui  avait  pour  totem  deux  harpons 
réunis  :  ce  seraient  alors  ces  deux  harpons  superposés  qui  seraient  figurés  à  Negadeh 
sous  le  n*  12. 

Le  n^  10  rappelle  tout  de  suite  à  l'esprit  les  deux  flèches  qui  caractérisent  les 
4«  et  5*  nomes  de  la  Basse  Egypte  :  la  seule  différence  consiste  en  ce  que  le» 
enseignes  de  ces  nomes  nous  montrent  les  deux  flèches  croisées  sur  un  bouclier  et 
formant  avec  lui  une  espèce  de  trophée.  Mais  si  les  boucliers  relevés  sur  les  vases 
de  Negadeh  sont  bien  des  boucliers  en  effet*  Tinsigne  n*  6  n'est  lui  aussi  qu'un 
bouclier,  un  peu  plus  stylisé  seulement  et  placé  dans  le  sens  horizontal'.  Nous 
aurions  donc  affaire  cette  fois  à  deux  clans  originairement  distincts  (le  clan  des 
deux  Flèches  d'une  part,  et  le  clan  du  Bouclier  de  l'autre)  qui  se  seraient  par  la 
suite  confondus  en  un  seul.  Mais  le  souvenir  d'un  dualisme  primitif  paraît  ne  s'être 
jamais  complètement  éteint,  et  aux  époques  historiques,  le  nome  du  Trophée  se 
subdivise  encore  en  «  Trophée  du  Nord  n  et  «  Trophée  du  Midi  n. 

De  même  si  nous  avons  identiflé  exactement  la  seconde  des  deux  variétés 
d'arbres  figurées  à  Negadeh^,  l'insigne  n^  17  devient  un  sycomore,  et  représente 
dès  lors  l'arbre  des  20*  et  21*  nomes  (Heraclaéopoiitès  et  Arsinoitès)^  ou  celui 
des  13*  et  14*  nomes  (Lycopolitès  antérieur  et  Lycopolitès  postérieur)*  de  la 
Haute  Egypte.  —  L'insigne  n*  9  qui  représente  un  poisson  paraît  être  la  forme 
archaïque  du  läUure  (16*  nome  de  la  Basse  Egypte,  ou  nome  Mendesios),  de  même 
que  l'insigne  n^  7  est  la  forme  archaïque  du  9*  nome  de  la  Haute  Egypte  (nome 
Panopolitès)^.  —  L'insigne  n*  8  est  sans  doute  le  prototype  de  l'arc  qui  sert  plus 
tard  à  désigner  le  1*'  nome  de  la  Haute  Egypte  (nome  Ombitès)  :  le  clan  de  l'Arx^ 
ayant  absorbé  le  clan  de  l'Eléphant,  le  totem  de  ce  dernier  (insigne  n*  15)  a  dû  se 
résigner  à  symboliser  seulement  la  capitale  du  nome  ainsi  formé«  —  L'insigne  n*  5 
peut  être  interprété  comme  une  paire  de  cornes  exprimant  sous  une  forme  abrogée 
l'idée  de  taureau  (on  sait  que  le  taureau  est  l'emblème  du  6*  nome  de  la  Basse 
Egypte,  nome  Xoitès)  et  l'insigne  n*  3  représente  peut-être  la  massue,  c'est-à-dire 


1  Cette  remarque  est  due  à  M.  Poucart  (1.  c.  p.  266). 

«  Cf.  plus  baut. 

>  Au  lieu  d'être  planté  en  terre  :  c'est  pourquoi  le  b&ton  de  soutien  &  disparu. 

^  Cf.  plus  haut. 

B  On  désigne  ordinairement  l'un  et  l'autre  par  les  noms  de  •  Laurier>Ro6e(?)|dupérieur  » 
et  «  Laurier-Rose  (?)  inférieur  «• 

^  On  les  appelle  communément  le  «  Térébinthe  inférieur  »  et  le  «  Têrébinthe  supérieur» 
<Cf.  Hamy  1.  c). 

7  Cf.  les  statues  de  Coptes,  dans  Pétrie,  Coptos  pi.  m.  Le  mérite  de  oe  rapprochement 
rerient  à  Foucart,  l.  c.  p.  265.  —  Mais  il  ne  s'ensuit  pas  que  le  signe  soit  «  l'équivalent  de 
la  figuration  du  dieu  Min.  »  Il  représente  en  réalité  un  totem  qui,  à  une  époque  postérieure,, 
a  été  divinisé  sous  la  forme  et  le  nom  de  Min. 


1908.]    BORBUX  :  POTERIES  DÊCORÉBS  DB  l'ÉGYPTE  PRÉDYN ASTIQUE.    [P,  61« 

on  des  nombreux  clans  ayant  pour  totem  le  faucon^  ;  les  n^  2  et  18,  par  contre, 
ne  prêtent  à  aucun  rapprochement*. 

Quelques  insignes  encore, -qui  ne  figurent  pas  dans  le  tableau  jusquUci  consulté, 
donneraient  lieu  à  des  remarques  intéressantes  :  c'est  ainsi  qu'un  oiseau  figuré 
au-dessus  d'une  sorte  de  demi-cercle  pourrait  évoquer  Horus  sur  son  perchoir,  et, 
par  suite,  le  2*  nome  de  la  Haute  Egypte  (nome  Apollinopolitès)*.  Mais  les  exem- 
ples énumérés  suffisent  à  prouver  que  les  bateaux  de  Negadeh,  par  leurs  insignes, 
nous  donnent  comme  en  puissance  toute  la  géographie  de  la  future  Egypte  :  le 
Saîd  et  le  Delta,  Elephantine  et  Saïs,  en  un  mot  toutes  les  divisions  de  l'Egypte 
historique,  voilà  ce  que  nous  rendent  des  représentations  qui  sont  nettement 
d'époque  prédynastique. 


U  y  a  là  en  yérité  un  problème  assez  troublant  ;  pour  le  résoudre,  il  faut  néces- 
sairement admettre  que  les  vases  de  Negadeh  sont  l'œuvre  des  conquérants  horiens, 
et  contemporains  de  leur  arrivée  en  Egypte.  Car  s'ils  dataient  d'une  époque  anté- 
rieure, on  ne  comprendrait  pas  comment  la  plupart  des  insignes  figurés  sur  ces 
vases  ont  pu  devenir,  par  la  suite,  les  enseignes  de  nomes  ayant  pour  dieu  Horus 
ou  l'un  des  dieux  du  cyde^  ;  au  lieu  que  s'ils  datent  de  l'invasion,  on  s'explique 
très  bien  que  certains  de  ces  insignes  aient  pu  donner  naissance  à  des  enseignes 
de  nomes  non-horiens^.  Les  Horiens  trouvèrent  les  Séthiens  établis  en  Egypte*, 
et  ne  purent  s'y  établir  eux-mêmes  qu'après  des  guerres  interminables.  Au  cours 
de  ces  guerres  beaucoup  de  clans  ont  eu  le  temps  d'être  ballottés  d'un  parti  à 
l'autre,  et  de  rompre  le  lendemain  l'alliance  qu'ils  avaient  contractée  la  veille''. 
Il  est  naturel  qu'au  bout  d'un  certain  temps  il  en  soit  résulté  une  très  grande 
confusion,  et  qu'après  l'unification  de  l'Egypte,  beaucoup  de  tribus  horiennes, 
fixées  définitivement  dans  des  régions  assez  éloignées  de  celle  par  où  le  clan  du 
Faucon  avait  jadis  pénétré  dans  la  vallée  du  Nil,  n'aient  plus  gardé  de  leur  véri- 
table origine  qu'un  souvenir  lointain  et  très  vague. 

Les  détails  relevés  sur  les  vases  de  Negadeh  ne  contredisent  pas  cette  théorie  • 


1  La  massue  paraît  avoir  été  à  l'origine  un  attribut  particulier  aux  clans  horiens«  Aux 
plus  anciennes  époques  renseigne  du  chacal  (c'est-à-dire  du  plus  grand  allié  du  faucon)  est 
traversée  par  la  massue  (E.  Meyer,  dans  TA.  Z.  XLI,  104).  —  Un  peu  plus  tard,  la  palette 
de  Nar-Mer  nous  montre  le  roi  (complètement  identifié  avec  le  faucon,  puisqu'il  ne  fait  que 
répéter  le  geste  de  Toiseau)  brandissant  cette  même  massue. 

*  L'insigne  n«  18  est  le  même  rameau  qu'on  retrouve  à  Tavant  des  bateaux, 

3  Dtospoliê  parva  XVI,  41  b. 

4  2*  nome  de  la  Haute  Egypte  et  6*  nome  de  la  Basse  Egypte  (divinité  :  Horus)  ;  12* 
(Anubis),  13«  (Ap-ouaïtou)  et  14"  (Hathor)  nomes  de  la  Haute  Egypte  (cf.  Brugsch,  Oeoçra- 
phie  des  aUen  Aegyptens  I  pp.  130  sqq.)  —  20*  nome  de  la  Haute  Egypte  (divinité  :  Hars- 
faafl). 

5  9*  nome  de  la  Haute  Egypte  (Min)  ;  4«  et  5*  nomes  de  la  Basse  Egypte  (Neith).  —  Le 
1«'  nome  de  la  Haute  Egypte  se  subdivisait  en  sous-nomes  qui  adoraient  les  dieux  les  plus 
vailôs,  parmi  lesquels  un  Horus  et  un  Set  (Brugsch,  1.  c.  pp.  131-132). 

^  «  D'après  la  légende,  Osiris,  assassiné  par  Seth,  fut  vengé  par  Horus...  Il  est  donc 
certain  que  l'inyasion  séthienne  eut  lieu  avant,  l'invasion  horienne  (Loret,  L'Egypte  au 
temps  du  totémisme,  page  37). 

7  C'est  ainsi  qu'on  TOit  sur  les  palettes  par  exemple,  le  clan  du  Scorpion  et  le  dan  de 
Min  passer  des  Séthiens  aux  Horiens  (Loret,  V Egypte  au  temps  du  totémisme^  page  43). 


p.  62.] .    a    .    E    .    E    .    S    . [1908, 

Beancoapy  D0U8  PaTons  yu,  trahissent  one  proyenance  méridionale^  et  permettent 
des  rapprochements  avec  ce  pays  de  Pount  que  les  Egyptiens  de  t'epoqae  histo- 
rique nommaient  encore  d'un  nom  assez  mystérieux  et  dont  ils  sembhdent  bien 
reconnaître  les  habitants  pour  leurs  ancêtres  prédynastiques'.  Même  on  a  pu 
soutenir'  que  la  plante  du  Sud,  n'était  qu'une  forme  de  l'aloès  negadien,  défi* 
nitivement  stylisé^  ;  et  l'hypothèse,  qui  paraît  tout  à  fait  plausible,  vient  encore 
confirmer  l'opinion  suivant  laquelle  l'art  de  Negadeh  serait  l'art  de  ces  Horions 
qui,  aux  époques  primitives,  ont  étendu  leur  domination  sur  tout  le  sud  de 
l'Egypte. 

Mais  ils  l'ont  ensuite  étendue  sur  l'Egypte  tout  entière  :  dès  lors  pourquoi  leur 
art  s'est-il  à  ce  point  perdu,  qu'on  n'en  retrouve  plus  la  trace  qu'à  Negadeh  ou 
dans  les  régions  immédiatement  voisines  ?  Ici  encore  ce  sont  les  vases  eux-même» 
qui  nous  donnent  le  mot  de  l'énîgme.  Ils  peuvent  bien,  par  un  détail  de  flore^ 
fournir  une  indication  d'origine  :  mais  tout  symbole,  et  même  toute  pensée  est 
absente  de  leurs  représentations.  Nous  avons  vu  que  l'art  do  Negadeh,  pour  le 
fond  comme  pour  la  forme,  se  révèle  identique  de  tous  points  à  l'art  rupestre  ; 
essai  décoratif  d'une  race  encore  barbare,  il  s'est  évanoui  tout  de  suite  au  contact 
d'une  civilisation  plus  avancée  que  celle  qu'il  exprimait  lui-même.  Le  Sud  a  pu 
vaincre  le  Nord  par  la  force  des  armes  ;  mais  le  Nord  a  pris  sa  revanche  sur  un 
autre  terrain.  Et  le  bateau  gravé  sur  les  rochers  d' Assouan  est  véritablement  sym- 
bolique ;  il  peut  bien  exalter  le  triomphe  d'Horus  et  de  la  triple  massue  :  dans  son 
archaïsme  sans  doute  intentionnel,  il  ne  garde  jamais  que  la  valeur  et  la  portée 
d'un  «  graffito  n  assez  grossier. 


^  Aux  arguments  déjà  donnés  on  peut  en  ajouter  un  autre»  tiré  de  la  forme  du  naos 
figuré  à  Hierakonpolis.  (Pour  cette  forme  cf.  Erman,  Die  ägyptische  Religion,  ligure  3).  Ce 
naos  représente  le  temple  primitif  particulier  au  sud  de  V^ypte  ;  le  schema  en  sert 
encore  aux  époques  classiques,  à  déterminer  les  «  atourou  »  du  Sud. 

Enfin  il  faut  noter  que  Negadeh  est  situé  presque  en  face  de  Koptos  (c'est-à-dire  au 
débouché  du  Ouadi-Hammamat,  qui  est  la  route  du  pays  de  Pount)  et  non  loin  de  Denderah 
où  eut  lieu  la  grande  bataille  livrée  à  Set  par  Horus  et  ses  forgerons.  —  Cf.  Maspero. 
Etudes  de  Mythologie  U  pp.  313  sqq  —  et  Na ville,  Mythe  éC Horus,  planches  12-19). 

«  Naville,  Deir  el  Dahari  m,  11.  —  Cf.  Budge,  History  of  Egypt,  I  page  46. 

'  Cette  théorie  est  due  à  Schweinfurth  (Omamsntih  pp.  392-396).  —  Of.  les  observations 
de  L.  Borchardt  à  ce  s\]get  (id.,  id.). 

*  C'est  un  aloès  réduit  à  sa  hampe  florale,  à  la  moitié  du  cercle  formé  par  les  feuilles  d» 
la  base,  et  aux  rangées  extrêmes  des  feuilles  du  milieu* 


1908.]  ANALYSES.  [P.  53. 


ANALYSES. 


James  Bissbtt  Peatt.  Tlie  Psychology  of  Heligious  Belief.  —  Un  vol.  iQ-12  de 
IX-327  pages.  New-York,  Macmillaa,  1907. 

Les  recherches  les  plus  récentes  en  psychologie  s'attachent  à  faire  ressortir 
l^importance  de  TactiYité  émotiye  qui  constitue  Tarrière  plan,  le  fond,  le  support 
de  nos  idées  et  de  nos  perceptions  conscientes.  C'est  dans  cette  région  profonde, 
obscure,  «  linùnale  •  entre  les  phénomènes  de  la  pleine  conscience  et  de  Tineen- 
science,  que  les  psychologues  de  Técole  si  brillamment  représentée  aux  Etats-Unis 
par  M.  William  James,  tendent  actuellement  à  placer  la  principale  source  du  senti- 
ment religieux.  Un  de  ses  adeptes,  M.  J.-B.  Pratt,  professeur  assistant  de  Philoso- 
phie au  Williams  College,  vient  de  publier  sous  le  titre  Psychology  of  Beligious 
Belief  un  Tolume  intéressant  et  suggestif,  où,  recourant  à  l'anthropologie  et  à  l'his- 
toire des  religions  non  moins  qu'à  la  psychologie,  il  cherche  à  établir  quelles  sont 
les  Traies  bases  de  la  croyance  au  divin. 

Après  avoir  exposé  de  quelle  façon  les  phénomènes  qui  se  passent  dans  la 
■  frange  «  de  la  vie  consciente  représentent  «  la  forme  primaire  de  la  conscience  », 
il  fait  ressortir  l'existence  de  trois  types  de  croyances,  qu'il  dénomme  respective- 
ment :  religion  de  crédulité,  religion  de  sentiment  et  religion  de  raison,  en  ajoutant 
que  ces  trois  formes  passent  l'une  dans  l'autre  et  même  coexistent  en  proportions 
diverses,  au  cours  du  développement  religieux  chez  les  nations  et  même  les  indivi- 
dus. C'est,  du  reste,  ce  qu'il  s'efforce  de  confirmer  par  des  exemples  empruntés  aux 
croyances  des  non-civilisés,  aux  religions  respectives  des  Hindous,  des  Juifs  et  des 
chrétiens,  enfin  à  la  psychologie  religieuse  de  l'enfant  et  de  l'adulte  dans  la  société 
actuelle.  A  voir  la  façon  dont  il  s'est  acquitté  de  cette  partie  de  sa  tache,  on  doit 
regretter  qu'il  n'ait  pas  étendu  son  analyi>e  aux  autres  religions  qui  présentent 
certainement  des  phases  analogues  telles  que  les  religions  de  l'Egypte,  de  la 
Mésopotamie,  de  la  Perse,  de  la  Chine,  de  la  Grèce. 

En  d'autres  termes  la  croyance  religieuse  se  présente  comme  : 

1^  Une  crédulité  primitive  qui  tient  pour  vrai  ce  qui  lui  est  donné  comme  tel, 
soit  par  la  tradition,  soit  par  une  première  impression  des  sens.  —  Telle  est  la 
croyance  du  jeune  enfant  qui  néanmoins  transforme  nécessairement  les  matériaux 
transmis  par  l'adulte.  —  Telle  est  également  la  caractéristique  des  peuples  sauvages, 
qui  tiennent  pour  réelles  non  seulement  leurs  traditions  tribales,  mais  encore  les 
▼isions  du  sommeil.  —  On  la  retrouve  dans  les  mjrthes  de  l'Inde  védique  et,  bien  que 
déjà  moins  accentuée,  dans  les  traditions  du  peuple  juif.  —  Elle  domine  chez  nous 
pendant  les  premiers  siècles  du  moyen-âge  ;  elle  tend  à  disparaître  de  nos  jours. 

2^  Un  assentiment  raisonné,  qui  cherche  des  motifs  pour  donner  aux  objets  un 
caractère  de  réalité.  —  Ce  type  de  croyance  n'implique  pas  seulement  les  théories 
religieuses  qu'on  formule  ou  qu'on  admet  à  la  suite  d'une  argumentation,  mais 
encore  les  conclusions  du  raisonnement  qui  conduit  à  accepter  les  enseignements 
d'une  autorité  extérieure  tenue  pour  plus  compétente  ou  mieux  informée.  Déjà, 
chez  les  non-civilisés,  le  raisonnement  pénètre  dans  la  croyance  avec  la  multiplica- 
tion des  esprits,  ensuite  ayec  la  création  de  dieux  abstraits  ou  de  divinités  créatri-» 


p.  54.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908* 

ces.  —  Dans  Finde,  nous  voyons  le  doute  provoquer  les  arguments,  dès  Tépoque  da 
Big-Veda  ;  et,  de  raisonnement  en  raisonnement,  Tesprit  hindou  aboutit  au  monis- 
me des  Oupanishads.  —  Chez  les  Juifs,  Texpérience  historique  de  la  nation  engendre 
une  philosophie  de  Thistoire,  qui  conduisit  également  vers  Tunité  divine  ;  seulement, 
les  Juifs  n'étaient  pas,  comme  les  brahmanes,  une  race  de  logiciens  et  de  rationa- 
listes par  excellence  ;  ils  avaient  Torgueil  racial  très  développé  ;  enfin  ils  attachaient 
plus  d'importance  à  la  conception  morale  qu'à  la  conception  métaphysique  de  la 
Divinité.  C'est  pourquoi  leur  théologie  prit  la  forme  monothéiste,  plutôt  que  pan- 
théiste. —  Dans  le  christianisme,  bien  que  de  bonne  heure  quelques  esprits  cultivés 
aient  cherché  à  justifier  la  croyance  par  des  raisonnements,  c'est  surtout  au  XVIIP 
siècle  que  l'usage  exclusif  des  méthodes  rationnelles  a  prévalu  tant  chez  les  défen- 
seurs de  l'orthodoxie  que  chez  leurs  adversaires  de  l'école  déiste.  —  De  nos  jours, 
on  a  observé  que  l'enfant  commence  à  raisonner  ses  croyances  vers  l'âge  de  10  ans 

(ou  même  plus  tôt en  Amérique.).  De  15  à  18,  il  s'occupe  de  toutes  autres 

choses.  Mais  alors  s'ouvre  une  seconde  période  de  scepticisme,  plus  raisonnée  cette 
fois,  qui,  chez  les  uns,  se  prolonge  jusqu'à  la  vieillesse,  et,  chez  les  autres,  fait 
place,  vers  30  ans,  à  un  travail  de  reconstruction. 

3^  Une  aspiration  de  l'organisme  ou  le  résultat  d'une  intuition.  —  Chez  les 
non-civilisés,  la  >  religion  de  sentiment  »  assume  en  général  une  forme  extravagante, 
presque  pathologique.  Ce  sont  les  phénomènes  de  possession,  les  manifestations 
désordonnées  des  excitations  artificielles,  toutes  les  pratiques  du  shamanisme.  Ce 
type  inférieur  se  retrouve  chez  les  Yogis  de  l'Inde  et  même  chez  les  nabis  dlsraêl, 
ces  ancêtres  des  prophètes.  On  le  constate  encore  dans  les  danses  orgiaques  des 
mystères  grecs,  les  superstitions  démoniaques  du  moyen-âge,  les  rites  frénétiques 
de  certaines  sectes  médiévales  et  même  contemporaines,  voire  dans  certaines  scènes 
des  revivais  anglo-saxons.  Mais,  à  côté  de  ces  manifestations  violentes  et  anomales^ 
la  religion  de  sentiment  revêt  fréquemment  une  forme  subjective  plus  sobre  et  plus 
profonde  :  c'est  le  désir  ardent  de  communion  mystique,  le  sentiment  de  l'identité 
avec  l'Ëternel.  Encore  absente  chez  les  peuples  primitifs,  cette  forme  supérieure 
se  révèle  dans  les  passages  les  plus  élevés  des  Oupanishads  ;  dans  les  discours  des 
prophètes  juifs  de  la  grande  période  ;  dans  les  effusions  des  mystiques  occidentaux, 
depuis  François  d'Assise  et  Thérèse  d'Ahumada  jusque,  en  dehors  du  christianisme 
révélé,  Emerson  et  Maeterlinck. 

On  serait  tenté  de  croire  que  cet  état  psychique  constitue  de  nos  jours  un 
phénomène  exceptionnel.  Cependant  telle  n'est  pas  la  conclusion  de  l'enquête  que 
M.  Pratt  a  poursuivie  dans  son  entourage  et  qu'il  serait  intéressant  de  rapprocher 
de  la  consultation  analogue  organisée,  cette  année  même,  par  le  Mercure  de  France 
dans  le  public  lettré  d'Europe.  L'enquête  de  M.  Pratt  a  le  mérite  d'être  à  la  fois 
plus  localisée  et  plus  précise.  Les  questions  qu'il  y  posait  étaient  au  nombre  de  dix, 
sans  compter  leurs  subdivisions.  En  voici  les  principales  :  «  Qu'entendez- vous  person* 
«  nellement  par  religion  ?  —  Qu'entendez- vous  par  Dieu  ?  —  Qu'est-ce  qui  vous  fait 
«  croire  en  Dieu  ?  —  Priez- vous  et  pourquoi  ?  —  Croyez-vous  à  l'immortalité  person* 
«  nelle  ?  —  Acceptez-vous  la  Bible  à  titre  d'autorité  ?  n  Sur  550  circulaires  envoyées 
M.  Pratt  obtint  83  réponses  :  57  provenant  de  personnes  réalisant  «  le  type  ordi«* 
naire  des  gens  qui  vont  à  l'église  (churchgoers)  »  ;  26  transmises  par  des  Intellec- 
tuels (gradués,  savants,  professeurs,  etc.).  —  Je  me  bornerai  ici  à  relever  deux 
détails  qui  jettent  un  certain  jour  sur  l'état  actuel  de  la  religion  aux  Etats-Unis  : 
1^  Il  parait  que  39  (y  compris  presque  tous  les  Intellectuels)  rejettent  la  Bible  à 
titre  d'autorité.  2^  D'autre  part,  56  déclarent  avoir  plus  ou  moins  éprouvé  les  senti* 


1908.]  ANALYSES.  [P.  55« 

ments  d'aspiration  et  de  communion  mystiques  que  Fauteur  assigne  comme  bases 
à  la  religion  ;  40  fondent  même  exclusivement  sur  ce  fait  la  justification  de  leur 
religiosité.  M.  Pratt  &it  observer  ajuste  titre  :  «  Que  56  personnes  sur  83  croient 
fermement  avoir  été  en  communication  avec  Dieu,  c'est  un  fait  profond  •.  Je  Tad- 
mets  volontiers,  tout  en  ajoutant  qu'il  faut  tenir  compte  des  467  qui  n'ont  pas  envoyé 
de  réponse,  en  grande  partie  sans  doute  parce  qu'ils  n'avaient  rien  à  dire.  —  En 
outre  il  ne  faut  pas  méconnaître  qu'il  s'agit  là  d'un  milieu  protestant,  américain,  et 
que  le  résultat  eût  été  probablement  tout  autre  dans  les  pays  catholiques  du  vieux 
inonde.  Ce  mysticisme  était,  du  reste,  fort  gradué.  Il  évoluait  d'une  émotion  esthéti- 
que analogue  à  celle  que  provoquent  les  beautés  de  la  nature  jusqu'à  la  conversa- 
tion courante  avec  un  Etre  personnel  et  mystérieux,  dont  l'influence  agissait  à  la 
fois  comme  un  réconfortant  et  un  stimulant  moral. 

L'auteur  estime  que  ces  intuitions  constituent  «  la  seule  source  d'où  la  religion 
peut  tirer  sa  vie  en  ces  jours  de  naturalisme  et  d'agnosticisme,  d'indifférence  ou 
d^hostilité  ».  Cest  que,  à  ses  yeux,  les  vieux  arguments  classiques  à  l'appui  de 
l'existence  de  Dieu  sont  en  train  de  perdre  leur  prestige  et  leur  validité,  tandis  que 
la  religion  de  sentiment  continue  à  représenter  avec  une  force  irrésistible  :  l'héritage 
accumulé  du  passé  —  la  conscience  organique  de  la  race  —  le  réservoir  de  l'héré- 
dité —  la  sagesse  instinctive  souvent  supérieure  à  tous  nos  raisonnements  —  le 
facteur  déterminant  de  notre  caractère  et  de  notre  personnalité  —  notre  lien  avec 
l'ensemble  de  la  nature  et  les  lois  du  cosmos.  —  Je  le  veux  bien,  mais  en  fait,  si 
cet  «  arrière-plan  »  est  le  réservoir  des  expériences  et  des  impressions  accumulées 
dans  la  suite  des  générations,  il  est  susceptible  de  s'ouvrir  également  aux  influences 
sceptiques  de  notre  époque  qui  peuvent  rapidement  en  altérer  le  caractère.  On  peut 
se  demander,  d'ailleurs,  si  l'auteur  n'a  pas  été  entraîné  à  trop  déprécier  le  rôle  de 
rintelligence.  Si  celle-ci,  comme  il  l'admet,  est  la  dernière  née  de  l'évolution,  il 
£eint  bien,  à  moins  d'y  voir  un  élément  régressif,  qu'elle  constitue  un  organe  mieux 
adapté  à  la  recherche  de  la  vérité  et  dès  lors  les  conceptions  qu'elle  nous  fournit 
doivent  comporter,  jusqu'à  preuve  du  contraire,  une  validité  supérieure  à  celle  de 
l'intuition.  Cette  dernière  peut  devancer,  provoquer  et  même  guider  le  raisonnement 
dans  une  certaine  mesure  ;  mais  la  raison  doit  avoir  le  dernier  mot  et  c'est  elle  que 
les  psychologues  prennent  pour  juge,  alors  même  qu'ils  concluent  à  sa  propre  infé- 
riorité. 

L'auteur,  au  début  du  volume,  met  en  scène  un  habitant  de  Mars  qui,  descendu 
sur  la  terre  pour  étudier  le  genre  humain,  se  rend  parfaitement  compte  de  nos  arts 
et  de  nos  industries,  mais  qui,  comme  il  ne  possède  pas  notre  ^  arrière-plan  »  hérédi- 
taire, n'arrive  pas  à  comprendre  comment  la  presque  totalité  des  hommes  dans  le 
présent  et  le  passé  ont  pu  croire  à  un  Etre  qu'ils  n'ont  jamais  vu  et  dont  ils  ne 
savent  rien  de  certain.  —  Or  de  deux  choses  l'une  :  ou  bien  le  Martien  est  incapable 
de  raisonner,  et  alors  il  ne  comprendra  rien  de  notre  civilisation,  si  même  il  a 
quelque  curiosité  de  la  connaître.  Ou  bien  il  est  un  être  doué  de  ce  que  nous  enten- 
dons par  raison,  et  alors  il  n'y  a  aucun  doute  qu'il  ne  comprenne  —  si  même  il  no 
les  a  déjà  formulés  —  les  syllogismes  par  lesquels  l'esprit  humain  essaye  de  justi- 
fier —  à  tort  ou  raison  -^  sa  croyance  en  l'existence  d'une  Cause  première  et  d'une 
Cause  finale,  d'un  absolu  qui  sert  de  support  au  relatif  et  d'un  Pouvoir  qui  travaille 
pour  l'ordre  de  l'univers.  Ici,  à  défaut  de  la  conscience  marginale,  c'est  la  raison 
qui  nous  fournirait  un  lien  cosmique  avec  notre  frère  extra-planétaire. 

Ces  réserves  n'enlèvent  rien  aux  mérites  d'un  ouvrage  qui  mérite  d'être  recom* 
mandé  à  tous  ceux  qu'intéressent  les  progrès  de  la  psychologie  religieuse.  L'auteur 


P,  66,] *    R    >    E    ^    E    >    S    > [1908> 

déclare,  dana  sa  Préface,  qa'il  a  voalu  écrire  à  la  fois  pour  les  spécialistes  et  pour 
le  public.  Il  a  réussi  à  ce  double  point  de  vue  et  ce  n'est  pas  un  mince  compliment 
que  de  reconnaître  à  toutes  les  parties  du  livre  des  qualités  de  clarté  et  de  style 
trop  souvent  négligées  par  les  spécialistes  de  la  science  mentale« 

GOBIiBT  d'AlYIELLA. 

* 
*      m 

jy  Thsojdob  Eogh-Gbühberq.  Südamerikanische  Fels$eiehnungen.  —  Gr.  8^  de 
92  pages  et  29  planches.  Berlin,  £.  Wasmuth,  1907. 

L'auteur  a  rapporté  de  son  voyage  d'exploration  dans  lo  Brésil  nord-occidental 
une  ample  moisson  ethnographique  dont  il  a  publié  déjà  des  fragments,  notamment 
un  livre  sur  Tart  des  Amérindiens  du  Brésil.  Le  présent  volume  n'est  pas  unique- 
ment descriptif  ;  on  y  trouvera  (section  I)  un  excellent  exposé  de  tout  ce  qui  a  été 
publié  à  propos  des  gravures  sur  rochers  si  fréquentes  dans  l'Amérique  du  Sud  ;  la 
section  II  renferme  la  description  des  pétroglyphes  recueillis  par  l'auteur  ;  et  la 
section  III  une  discussion  rapide  et  précise  des  diverses  théories  émises  à  propos 
de  l'origine,  de  la  destination  et  de  la  date  de  ces  sculptures.  Cette  discussion  résout 
définitivement  la  plupart  des  problèmes  qui  se  posent. 

On  a  voulu  voir  dans  ces  dessins  soit  des  témoignages  d'une  ancienne  civilisa- 
tion, supérieure  à  celle  des  Indiens  d'aujourd'hui,  soit  des  sortes  d'avertissements 
inscrits  à  demeure  pour  faire  savoir  aux  générations  postérieures  que  tel  endroit 
est  poissonneux,  tel  autre  dangereux,  etc.  ;  M.  Ehrenreich  les  regardait  en  partie 
comme  des  sortes  de  bornes  ;  d'autres,  en  majorité,  voyaient  en  eux  une  écriture 
figurative.  Aucune  de  ces  théories  ne  convient  à  M.  Koch- Grünberg.  Il  insiste,  avec 
Martius  et  Goudreau,  sur  Tabsolue  identité  de  ces  figures  avec  celles  que  dessinent 
encore  les  Indiens  actuels  sur  les  parois  de  leurs  cases,  ou  dont  ils  ornent  leurs 
tissus  et  leurs  ustensiles.  Dans  la  grande  généralité  des  cas,  les  dessins  sur  rochers 
n'ont  pas  d'autre  sens  que  les  dessins  sur  objets  :  ce  sont  des  productions  d'ordre 
uniquement  esthétique,  sans  utilité  directe  ou  profonde. 

Les  théories  rejetées  doivent  l'être  d'autant  plus  que  la  difficulté  principale, 
technique  celle-ci,  est  aisément  intelligible.  Les  pétroglyphes  sont  incisés  très 
profondément,  d'où  Ton  a  supposé,  soit  leur  grand  fige,  soit  leur  valeur  sociale» 
Mais  les  Indiens  ont  l'habitude,  chaque  fois  qu'ils  ont  le  temps,  et  ils  l'ont 
toujours,  de  suivro  les  lignes  incisées  avec  une  pierre  pointue.  L'auteur  a  constaté 
ceci  lui-même.  Et  cet  acte  est  lui  aussi  esthétique  :  il  a  pour  but  de  faire  mieux 
ressortir  de  nouveau  le  dessin  sur  le  fond  sombre  de  la  roche.  C'est  ainsi  que  la 
profondeur  s'accroit  insensiblement.  Un  cas  fort  net  est  fourni  par  l'inscriptioa 
MB  1891,  incisée  par  Maximiane  Boberto,  compagnon  de  Stradelli  :  les  Indiens  la 
grattent  elle  aussi  et  déjà  les  traits  sont  relativement  profonds. 

Les  planches  contiennent,  classées  d'après  leurs  affinités,  les  figures  relevées 
par  M.  Koch-Griinberg  ;  on  les  comparera  utilement  aux  dessins  publiés  par  l'auteur 
dans  s^  Anfänge  der  Kunst  im  Urwald. 

Dans  son  ensemble,  l'argumentation  de  M.  Eoch-Griinberg  est  décisive,  sans 
doute,  d'autant  plus  qu'elle  est  le  résultat  d'une  enquête  sur  place  de  deux  années. 
Cependant,  peut-êtro  cette  explication  des  dessins  comme  le  résultat  d'une  sort& 
de  jeu  esthétique  est-elle  insuffisante  pour  les  figures  de  personnages  porteurs  de 
xnasques  (cf.  pp.  53  et  suiv.  avec  les  photos  et  les  dessins).  On  ne  peut  s'empêcher 
de  penser  aux  peintures  et  sculptures  des  Australiens,  chez  qui  précisément  l'acte- 


1908.]  ANALYSES.  [P.  57. 

«  inutile  ■,  de  simple  portée  esthétique,  apparaît  comme  rare.  A  plusieurs  reprises, 
l'auteur  prémunit  contre  le  danger  des  généralisations  :  n'en  a-t  il  pas  commis  ici 
une  trop  rapide  à  son  tour  ?  Il  est  en  effet  difficile  de  concevoir  que  la  représenta- 
tion figurée  d'objets  sacrés,  comme  le  sont  les  masques,  puisse  être  accomplie  pour 
ainsi  dire  par  n'importe  qui,  pour  s'amuser  seulement.  Combien  y  a-t-il  de  gamins 
chez  nous  qui  «  s'amusent  »  à  dessiner  sur  les  murs  des  Christs  en  croix,  des  vête- 
ments  sacerdotaux,  des  objets  du  culte  ?  De  même,  représenter  un  démon  puissant 
comme  Popäla  (p.  64)  ne  saurait  avoir  été  un  acte  indifférent,  sans  portée  aucune. 
Il  faut  sans  doute  se  garder  de  voir  trop  compliqué  :  mais  il  y  a  danger  tout  autant 
à  voir  trop  simple. 

Aux  questions  que  je  lui  ai  posées  à  ce  sujet,  M.  Kocb-Grünberg  a  bien  voulu 
me  répondre  que  du  moins  les  masques  perdaient  tout  caractère  sacré  dès  qu'on 
s'en  était  servi  rituellement.  Par  suite  les  dessiner  sur  un  rocher  ne  serait  qu'un  acte 
sans  portée  magico-religieuse.  Pour  les  détails,  je  renvoie  à  l'intéressant  article  de 
l'auteur  sur  les  Danses  masquées  des  Indiens  du  haut  Rio  Negro  et  du  Yapurà 
(Archiv  für  Anthropologie^  Neue  Folge,  IV,  4, 1906).  On  y  relèvera  ce  fait,  jusqu'ici 
noté  seulement  avec  la  même  certitude  pour  les  Australiens  :  que  l'objet  cérémoniel 
doit  être  neuf  à  chaque  rite  nouveau  ;  de  même  que  les  Australiens  construisent  de 
nouveaux  nurtunja  ou  waninga  pour  chaque  acte  de  la  cérémonie,  quand  bien 
même  les  objets  naturels  représentés  seraient  identiques,  de  même  les  Amérindiens 
observés  par  M.  Koch-Grünberg  n'utilisent  chaque  masque  qu'une  seule  fois  puis 
le  brûlent  ou  s'en  servent  comme  récipient,  ou  encore  le  donnent  ou  le  vendent.  Il 
y  a  dans  ces  deux  cas  un  problème  qui  se  pose  :  comment  l'objet  cérémonie!  peut-il 
ainsi,  sans  rite  spécial,  passer  du  domaine  sacré  au  domaine  profane  ;  le  rite  de 
sacralisation  étant  connu,  comment  le  rite  de  désacralisation  nous  demeure-t-il 
ignoré,  si  même  il  existe  ? 

Il  semblerait  donc  que  pour  les  représentations  figurées  de  masques  et  de 
personnages  porteurs  de  masques,  l'interprétation  «  par  le  jeu  »  de  M.  Eoch- 
Griinberg  doive  être  admise.  Mais  pour  celle  des  démons,  on  peut  encore  supposer 
que  leur  représentation  n'est  terrible  et  sacrée  que  pour  certains  groupes,  non  pour 
d'autres,  tout  comme  la  croix  ou  le  croissant  sont  respectés  par  les  uns  et  indiffé- 
rents pour  les  autres. 

Quoiqu'il  en  soit,  le  livre  de  M.  Koch-Grünberg  est  à  la  fois  une  excellente 
monographie  des  pétroglyphes  sudaméricains,  et  un  traité  de  portée  théorique 
générale  par  les  problèmes  qui  s'y  trouvent  analysés  et  souvent  résolus. 

A.  YAK  GeNIOBP. 

m 
m       * 

J.  Jacob.  Geschichte  des  Schaùtentheaters.  —  In-16,  159  pages.  Berlin,  Mayer  und 
Müller,  1907.  —  4  Marks. 

Qn  ne  trouvera  pas  ici  une  histoire  détaillée  et  complète  des  ombres  chinoises, 
comme  on  s'y  attendrait  d'après  le  titre,  mais  une  série  d'études  monographiques 
sur  les  modifications  et  les  migrations  de  cette  sorte  de  théâtre  populaire,  ainsi  que 
sur  les  pièces  qu'on  y  a  représentées.  Comme  son  nom  français  l'indique,  il  nous 
vient  de  Chine  ;  la  première  mention  date  du  XI*  siècle  ;  on  la  trouve  dans  le 
ThofhSÖUf  ou  Histoire  des  Trois  Royaumes.  M.  Jacob  expose  ensuite  rapidement 
les  variations  des  ombres  chinoises  et  des  marionettes  dans  les  Indes  néerlan- 
daises, à  Ceylan  et  dans  l'Inde,  où  la  première  mention  de  ce  théâtre  remonte  au 
VP  siècle. 


P>  58.] >    R    *    E    ^    E    >    S    * [1908> 

Ici  une  observation  est  nécessaire  :  il  ne  faudrait  pas  confondre  la  date  d^inven- 
tion  d'un  jeu,  d'une  institution,  d'une  coutume  avec  celle  du  document  le  plus  ancien 
où  il  en  est  parlé.  Non  que  M.  Jacob  feusse  absolument  cette  confusion  :  encore  ne 
sait-on  au  juste  la  valeur  exacte  qu'il  attribue  à  ces  questions  de  date.  Bien  que  les 
mentions  hindoues  soient  antérieures  aux  chinoises,  M.  Jacob  en  effet  soutient  la 
théorie  de  Torigine  extrême-orientale,  et  la  renforce  en  rappelant  (cf.  entre  autres 
pp*  150  et  suiTantes)  le  grand  nombre  d'inventions  (échecs,  dames,  cerfs-volants  et 
peut-être  cartes  à  jouer,  etc.)  que  l'Occident  doit  à  l'Extrême-Urient. 

Puis  vient  une  deuxième  observation,  également  importante.  M.  Jacob  traite 
comme  une  espèce  unique  à  la  fois  les  ombres  chinoises  et  les  marionettes,  bien 
que  la  différence  de  technique  puisse  avoir  sa  portée  propre.  On  pourrait  sans  doute 
prétendre  que  l'usage  de  l'écran  n'est  qu'une  invention  secondaire,  en  regardant 
comme  stade  intermédiaire  (cf.  p.  12)  le  procédé  javanais  :  les  femmes  sont  placées 
devant  l'écran  et  les  hommes  derrière  ;  de  sorte  que  les  femmes  voient  des  ombres 
chinoises  et  les  hommes  des  marionettes.  Quoiqu'il  en  soit,  cette  question  technique 
ne  doit  pas  être  perdue  de  vue  dans  la  défense  d'une  théorie  de  l'emprunt,  non  plus 
que  d'autres,  comme  la  construction  des  figurines. 

La  littérature  spéciale  ne  fournit  ici  aucun  argument.  Epique  en  Extrême 
Orient,  dramatique  chez  les  Turcs  et  les  Arabes,  lyrique  en  France  de  nos  jours 
(Chat- Noir,  etc.),  elle  a  évolué  chez  divers  peuples  suivant  des  règles  et  des  formes 
sur  lesquelles  M.  Jacob  donne  de  fort  instructifs  renseignements  (cf.  tout  le  cha- 
pitre II,  avec  analyse  de  pièces  arabes  et  turques,  traduction  de  passages  typiques, 
etc.). 

Malgré  l'argumentation  serrée  de  M.  Jacob,  on  se  demandera  pourtant  si 
l'invention  des  ombres  chinoises  et  des  marionettes  est  partie  d'un  centre  d'origine 
pour  rayonner  ensuite  dans  l'Asie  et  l'Europe,  ou  si,  comme  je  crois  plus  vraisem* 
blable,  ces  deux  modes  ont  été  d'abord  distincts  et  inventés  chacun  par  diverses 
populations,  indépendamment.  A  ce  point  de  vue,  l'étude  des  cérémonies  religieuses 
telles  que  les  exécutent  avec  des  sortes  de  poupées  les  Amérindiens  septentrio- 
naux ne  manque  pas  d'intérêt  (cf.  les  publications  du  Bureau  of  Ethnology,  du 
Field  Columbian  Museum  de  Chicago,  etc.)  ;  il  y  aurait  lieu  aussi  d'étudier  le  rôle 
rituel  des  poupées  proprement  dites,  aujourd'hui  tombées  au  rang  de  jeu  d'enfant, 
tout  comme  Guignol.  Là  où  des  poupées  étaient  utilisées  dans  les  cérémonies 
sacrées,  leur  utilisation  profane,  c'est  à  dire  l'invention  du  théâtre  de  marionettes, 
était  chose^possible  et  naturelle  (cf.  les  poupées  égyptiennes,  grecques,  etc.).  D  est 
donc  à  souhaiter  que  M.  Jacob  continue  ses  recherches  et  élargisse  son  enquête  en 
la  portant  sur  le  terrain  proprement  ethnographique. 

A.  VAN  Gbnnbp. 


1908.]  NOTICES   BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  59* 


NOTIGES  BIBLIOGRAPHIQUES. 


E.  H«  GiDDiMGS  :  Readings  in  descriptive  and  historical  sociology  ;  iQ-16,  553  pages, 
New- York,  Macmillan.  —  Maouel,  destiné  aux  étudiants,  formé  d'extraits 
d'ouvrages  théoriques  ou  descriptifs  et  classés  suivant  un  schéma  dont  on 
trouvera  la  justification  dans  les  travaux  précédents  de  Tauteur  :  Principles 
of  Sociology  et  Inductive  Sociology.  Malgré  leur  précision  apparente,  je  doute 
que  les  subdivisions  de.  M.  Giddings  permettent  une  classification  réelle  des 
faits  sociaux  ;  elles  sont  trop  calquées  sur  les  classifications  des  sciences  natu- 
relles, pas  assez  malléables.  £n  général  les  extraits  sont  bien  choisis  ;  les 
explications  qui  les  relient  sont  par  contre  souvent  trop  affirmatives  et  résolvent 
volontiers  des  problèmes  dont  Tétude  commence  à  peine. 

William  I.  Thomas  :  Sex  and  Society,  Studies  in  the  social  psychology  of  sex  ; 
in-16,  325  pages,  Chicago,  The  University  Press.  —  Recueil  d'articles  sur  la 
psychologie  sociale  do  la  sexualité  parus  dans  TAmerican  Journal  of  Sociology, 
la  Psychological  Review  et  la  Zeitschrift  für  Soeialwissenschaft  :  I  différences 
organiques  des  sexes  ;  II  le  sexe  et  le  contrôle  social  primitif  ;  III  le  sexe  et 
le  sentiment  social  ;  IV  le  sexe  et  l'industrie  primitive  (étude  sommaire, 
d'après  des  sources  de  première  main,  de  la  séparation  sexuelle  du  travail)  ; 
V  le  sexe  et  la  morale  primitive  ;  VI  la  psychologie  de  l'exogamie  (explique 
l'institution  par  la  tendance  du  mâle  à  «  préférer  du  nouveau,  du  non-familier, 
du  non-analysé  »)  ;  VII  la  psychologie  de  la  pudeur  et  du  vêtement  ;  le  carac- 
tère adventice  de4a  femme  ;  l'intelligence  de  la  femme  et  des  races  inférieures. 

Giuseppe  Belluoci  :  Il  fetieismo  primüivo  in  Italia  e  le  sue  forme  di  adattamento  ; 
in-16,  158  pages,  Perugia,  Unione  tipografica  cooperatrice,  4  lire.  —  M.  Bel- 
lucci  a  réuni  peu  à  peu  une  admirable  collection  d'amulettes  italiennes,  dont 
l'intérêt  principal  tient  à  ce  qu'on  y  voit  côte  à  côte  des  amulettes  actuelle- 
ment encore  en  usage  et  d'autres,  identiques,  datant  de  Tantiquité  classique 
et  même  proto  ou  préhistorique.  Le  volume  qu'il  vient  de  publier  contient  un 
grand  nombre  de  figures  où  se  trouvent  juxtaposées  les  deux  catégories.  Et 
l'on  se  rend  compte  ainsi  nettement  de  la  persistance,  à  travers  les  siècles  et 
les  civilisations,  des  vieilles  pratiques  magico-religieuses.  Le  mot  fétichisme 
est  employé  par  l'auteur  avec  son  acception  classique,  consacrée  par  de  Brosses, 
Tylor,  etc.,  mais  inexacte  :  en  présence  des  faits  mêmes,  M.  Bellucci  se  voit 
d'ailleurs  conduit  (p.  7)  à  distinguer  un  fétichisme  «  primitif  »  d'un  fétichisme 
"  dérivé  ».  En  fait  le  fétichisme  n'est  pas  une  «  religion  v,  ni  un  ■  système 
religieux  «. 

BiOHABD  Ain)BEE  :  Scapulimantia.  Extrait  (pages  143-165)  du  Boas  Memorial 
volume^  New- York.  —  M.  R.  Andrée  est  passé  maître  dans  l'art  d'accumuler 
des  parallèles  et  de  les  classer  d'une  manière  instructive  ;  il  a  ainsi  peu  à  peu 
détruit  un  grand  nombre  de  points  de  vue  qu'on  peut  appeler  «  nationalistes  », 
en  montrant  que  les  aires  de  dispersion  et  la  possibilité  d'inventions  identiques 
indépendantes  excluent  tout  droit  à  assigner  à  telle  ou  telle  coutume  ou  à  tel 
on  tel  objet  un  lieu  d'origine  unique.  Dans  son  travail  actuel,  cependant,  il 


p.  60.]  •    R    •    E    •    E    •    8    •  [1908. 

prouve  que  I'omoplatoscopie  tout  en  étant  plus  répandue  qu^on  ne  croyait, 
et  quoique  utilisée  aussi  par  des  populations  non  pastorales,  a  été  inventée 
d^abord  par  les  Mongols  et  s^est  de  là  transmise  jusqu'au  Maroc  et  en  Europe« 
On  ne  la  rencontre  ni  dans  TAfrique  centrale  et  méridionale,  ni  dans  TAsie 
méridionale,  et  pour  TAmerique  il  n'existe  qu'un  seul  témoignage,  peu  expli- 
cite. Je  signale  à  M.  Andrée  les  bonnes  descriptions,  avec  dessins,  de  Eatanov, 
Oëerh  Mimisinshago  Okruga  (Kazan)  pp.  37-39  et  de  Potanin,  Oöerki  Sièvero- 
Zapadnoi  MangoUi^  II,  (1881)  pp.  88*91. 

£.  Hoffmanit-Keateb  :  FrucMbarkeiisriien  im  schweigerischen  Volhsbrauch  ; 
Extrait  (pages  238-269)  des  Archives  Suisses  des  Traditions  Populaires^  1907. 
—  Excellent  complément,  peut-être  un  peu  trop  court  seulement  pour  la 
description  des  rites,  aux  travaux  do  Mannhardt,  Frazor  et  Preuss  sur  les 
démons  et  les  rites  de  la  fécondation  et  de  la  multiplication  des  végétaux,  des 
animaux  et  des  hommes. 

J.  G.  Fbazeb  :  Folk-lore  in  the  Old  Testament  ;  Extrait  (pages  101-174)  des 
Anthropological  Essays  presented  to  E.  B.  Tylor^  2  oct.  1907.  Oxford.  — 
M.  Frazer  explique  à  Taide  de  la  méthode  dite  «  anthropologique  »  un  certain 
nombre  de  passages  obscurs  de  TAncien  Testament  :  1  <"  la  marque  de  Caïn 
était  destinée  à  le  rendre  méconnaissable  pour  Tombre  de  sa  victime  ;  2?  de 
Tancien  caractère  sacré  des  chênes  et  des  térébinthes  en  Palestine  ;  3®  Le  caim 
de  Jacob  et  de  Laban  ;  4»  l'adversaire  de  Jacob  sur  les  bords  du  Jabbok  était 
le  dieu  du  torrent  ;  5^  dans  son  discours  à  David,  Abigail  fait  allusion  à  la 
possibilité  de  Textériorisation  de  Tâme  ;  6''  le  précepte  «  ne  pas  cuire  un 
chevreau  dans  le  lait  de  sa  mère  »  correspond  à  un  tabou  sympathique  ;  cet 
acte  aurait  pour  effet  de  tarir  le  lait  de  la  chèvre  ;  bonne  discussion  sur  les 
soi-disant  «  cultes  pastoraux  »  ;  7®  les  gardiens  du  seuil  :  discussion  sur  les 
raisons  du  caractère  sacré  et  saint  du  seuil  ;  8**  le  «  péché  du  recensement  »  : 
compter  les  gens  c'est  attirer  sur  eux  des  calamités  (Galla,  Lapons,  etc.) 

E.  Sidney  Habtland  :  Concerning  the  rite  at  the  temple  of  Mylitta  ;  t6.  pp.  189- 
202.  —  L'auteur  distingue  avec  soin  entre  les  rites  de  Mylitta  (chaque  femme 
une  fois  dans  sa  vie  devait  s'offrir  à  un  étranger  et  accepter  sa  pièce  d'argent), 
d'Ileliopolis  (des  vierges  se  prostituaient  à  des  étrangers)  et  d'Arménie  (con- 
sécration comme  prostituées  à  Anaïtis  des  vierges  nobles  par  leur  famille)  ; 
et  c'est  avec  raison  qu'il  refuse  d'y  voir  des  rites  en  connexion  avec  d^anciennes 
formes  de  mariage  (communiste,  tribal,  etc.)  ou  de  les  rattacher  à  l'exogamie. 

Gbobg  Fbiedebici  :  Der  Trânengruss  der  Indianer  ;  8®,  22  pages,  Leipzig,  Sim- 
mel,  1  mark.  —  Débute  par  une  réfutation  et  une  mise  au  point  des  opinions 
erronées  de  R.  B.  SchuUer,  de  Santiago  de  Chile,  dans  son  analyse  d^un  précé- 
dent article  (Globus,  LXXXIX,  p.  30  sqq.)  de  G.  Friederici  sur  la  «  salutation 
par  les  larmes  »  ;  puis  viennent  des  compléments  à  ce  même  article,  d'où 
ressort  que  la  coutume  en  question  est  constatée  pour  les  Athapascans  ;  le 
bassin  du  Mississipi  ;  le  Texas  ;  quelques  Etats  de  TEst  ;  puis,  dans  l'Amérique 
Centrale,  pour  les  Caraïbes  insulaires  ;  et  dans  l'Amérique  du  Sud,  pour  les 
Charrûa,  Lengua,  Tupi,  Guarani,  Tapuya,  Zaparo,  Caraïbes  des  Guyanes  et 
peut-être  Araucans.  En  outre  des  renseignements  fragmentaires  ou  peu  expli- 
cites font  penser  que  cette  coutume  était  bien  plus  répandue  encore  dans  les 
trois  Amériques.  A.  t.  G. 


1908.]  SOMMAIRES   DES   REVUES.  [P.  61* 


SOMMAIRES  DES  REVUES. 


JoTTBNAii  OF  THB  AuTTHBOPOLOGiCAL  iNâTiTUTB.  3  HaDOver  Square,  Londres. 
T.  XXXVIl  (1907),  fasc.  1-2,  Jan?..Juin,  15  shill.  Dedication  to  E.  B.  Tylor  ; 
W.  Gowlaod,  Pre8idefU*8  Address ^  The  burial  mounds  and  dolmens  of  the 
early  emperors  of  Japan;  D.  J.  Ganningham,  The  head  of  an  aboriginal 
Australian  ;  Q.  A.  S.  Northcote,  The  nilotic  Kavirondo  ;  H,  Balfour,  The  fric- 
tion'drum;  J.  Roscoe,  The  Bahima^  a  Cow-tribe  of  Enkole  in  the  Uganda 
Protectorate  ;  C.  H.  Stigand,  Notes  on  the  natives  of  Nyassaland^  (N.-E,  Rho- 
desia and  Portugease  Zambezia)^  their  arts^  customs  and  mode  of  subsistence  ; 
E.  Torday  and  T.  A.  Joyce,  On  the  ethnology  of  the  southrwestem  Congo  Free 
State  ;  J.  Jette,  On  the  medicine-men  of  the  TevCa  ;  W.  I^.  Hildeburgh,  Chinese 
methods  of  cutting  hard  stones  ;  Greenwell,  Notes  on  a  collection  of  brome 
weapons^  implements  and  vessels  found  at  Khindmdn  to  the  west  ofKermdn  in 
south-east  Persia  by  Maj.  P.  Molesworth  Sykes  ;  E.  Naville,  The  origin  of 
egyptian  civilisation. 

AsTHSOPOS.  Dir.  P.  W.  Schmidt,  Mödiing  près  Vienne,  Autriche  ;  abonnement 
18  francs.  T.  II  (1907),  fesc.  6.  A.  Bourlet,  Les  'Chay  (fin)  ;  J.  Meier,  Mythen 
und  Sagen  der  Admiralitätsinsulaner  (suite)  ;  Bruns,  Notes  sur  les  croyances 
et  les  pratiques  religieuses  des  Malinké  fétichistes  (finj;  L.  Cadière,  Philoso- 
phie populaire  annamite  (suite)  ;  L.  Besse,  Un  ancien  document  inédit  sur  les 
Toda  ;  R.  A.  Durand,  Christian  influence  on  african  folk-lore  ;  P.  Gamboué, 
Notes  sur  quelques  mœurs  et  coutumes  malgaches  ;  L.  Dantzenberg,  Alcunos 
apuntos  bibliograficos  a4ierca  de  las  Ungual  de  las  Americas  meridional  y 
central  ;  E.  Bougier,  Maladies  et  médecines  à  Fiji  autrefois  et  aujourd'hui 
(fin)  ;  V.  M.  Egidi,  La  tribu  di  Tanata  (fin)  ;  6.  A.  Adams,  Die  Banoho  und 
Bapuihu  in  Kamerun  ;  W.  Schmidt,  Die  geheime  Jünglingsweihe  der  Karesan- 
Insulaner  ;  W.  Schmidt,  Les  sons  du  langage  et  leur  représentation  dans  un 
alphabet  linguistique  général  (fin  ;  ce  Mémoire  paratt  aussi  en  allemand)  — 
Miscellanea  —  Bibliographie  :  W.  Lehmann,  Ergebnisse  und  Aufgaben  der 
mexikanischen  Forschung  (W.  Schmidt)  et  Tradition  des  anciens  Mexicains 
(E.  Jonghe);  Th.  Eoch-Grünberg,  Südamerikanische  Felszeichnungen  (W. 
Schmidt)  et  In^neriypen  aus  dem  Amazonasgebiet  (id.)  ;  S.  H.  Ray,  Rep. 
Cambridge  Torres  Straits  Expedition^  Linguistics  (id.)  —  Revue  des  Revues. 

Rbtite  de  L^EbsTOiBB  DBS  RELIGIONS.  Dir.  J.  Réville,  éd.  E.  Leroux,  28,  rue 
Bonaparte,  Paris;  abonnement  25  francs.  T.  LVI  (1907)  n^"  2,  Sept.-Oct. 
J.  Réville,  Les  Origines  de  VEucharistie  (suite)  ;  6.  Ferrand,  Textes  magiques 
malgaches  ;  Bibliographie  :  Dennett,  At  the  back  of  the  black  man^s  mind 
(A.  van  Gennep)  ;  B.  Bœntsch,  Altorientalischer  und  israelitischer  Monotheis- 
mus (Ad.  Lods)  ;  P.  Fiebig,  Altjüdische  Gleichnisse  und  die  Gleichnisse  Jesu 
(id.)  ;  BoUand,  De  evangelische  Josua  (G.  Dupont)  ;  W.  B.  Smith.  Der  vor- 
christliche Jesus  (E.  Picard)  ;  J.  H.  Genetsen,  liechtwaardigmaking  bij  Pau- 
lus (id.)  ;  L.  Saltet,  Les  réordinations  (R.  Génestral)  ;  G.  Lassen,  Die  Schöp- 
fung (Ad.  Lods)  ;  M.  Löhr,  Sozialismus  und  Individualismus  im  Alten  Testor 


p.  62.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 


ment  (id.)  ;  W.  L.  Hare,  Die  BeUgian  der  Griechen  (Gh.  Werner)  ;  G.  Giemen, 
Die  Entstehung  des  Neuen  Testaments  (Eng.  Picard)  ;  Imbart  de  La  Tour, 
Questions  d'histoire  sociale  et  religieuse  (P.  Alphandéry)  ;  I  Fioretti  di  San 
Francesco  (id.)  ;  Révélations  de  Sainte  Oerirude  (id.)  ;  E.  H.  Michand,  Les 
enseignements  essentiels  du  Christ  (id.)  ;  P.  Saintyves,  Le  miracle  et  la  criti- 
que scientifique  (id .)  ;  J.  de  Bonnefoy,  Vers  Vunité  de  croyance  (id.)  ;  Ghronique. 

VBBSLAOBN  en  MEDBDSEIiINaEK  DBB  EONIMELUKB   AkADBHIB  YAK  WbTBNBOHAF- 

PBN,  Apdebling  Lbttbbkukdb.  Amsterdam,  J.  Müller.  Série  IV,  Part. 
YIII,  1907.  Verslagen;  Mededeelingen  :  G.  G.  Uhlenbeck,  Karàkteristiék der 
Baskische  Grammatica  ;  A.  Kluy?er,  Over  het  woordt  Massicot  als  naam  van 
eene  verfstof;  D.  G.  Hesseling,  De  koinè  en  de  oude  dialekten  van  GrieUand  ; 
G.  Heymans,  De  geschiedenis  als  wetenschap  ;  J.  Oppenheim,  De  suprématie 
der  grondwet  ;  A.  G.  Eruyt,  De  indonesische  rechter  in  het  hiernamaals  ; 
H.  Kern,  Vaifulya^  VetuUa^  Vetulyaka  ;  J.  Verdam,  Over  het  woord  Schaats  ; 
id.,  Over  het  woord  Zerk. 

Bévue  des  Tbaditions  Populaibes.  Dir.  P.  Sébillot,  éd.  E.  Guilmoto,  6,  rue  de 

Mézières,  Paris  ;  abonnement  15  francs.  T.  XXII  (1907),  n^  10,  Oct.  A.  Yer-  | 
moloff,  Les  traditions  populaires  en  Russie  (suite)  ;  R.  Basset,  Les  météores 
(suite)  ;  L.  Pineau,  Les  plus  jolies  chansons  des  pays  Scandinaves  (suite)  ;  Yves  1 
Sébillot,  A.  Bout,  A.  Uarou,  J.  Frison,  Mythologie  et  folk-lore  de  Venfance  \ 
(suite)  ;  A.  Uarou,  Le  folk-lore  du  O.-D.  de  Luxembourg  ;  L.  Desaivre,  Rites  i 
et  usages  funéraires  (suite)  ;  E.  Edmond,  R.  le  Bouzic,  Pèlerins  et  pèlerinages 
(suite)  ;  J.  Frisoi^  Contes  et  légendes  de  Basse-Bretagne  (suite)  ;  L.  Desaivre,  | 
Les  traditions  populaires  et  les  écrivains  poitevins  (suite)  ;  Paul  Sébillot,  Né- 
crologie :  Gh.  Hercouet  ;  Bibliographie  :  J.  G.  Frazer,  Questions  (P.  Sébillot)  ; 
P.  du  Châtelier,  Les  époques  préhistoriques  dans  le  Finistère  (id.).  Notes  et 
Enquêtes.  Réponses. 

The  JouBNAii  of  Amebigak  Fole-Lobe.  Dir.  A.  F.  Ghamberlain,  Worcester, 
Mass  ;  abonnement  3  dollars.  T.  XX,  u?  LXXVIII,  Juillet-Sept.  1907.  G.  Bird 
Grinnell,  Some  early  cheyenne  myths  ;  Clark  Wissler,  Some  dakota  myths 
(suite)  ;'G.  H.  Toy,  The  queen  of  Sheba;  W.  J.  Wintemberg,  Alsatian  witch 
stories;  G.  Staniland  Wake,  A  widespread  boy -hero  story  ;  J.  R.  Swanton, 
A  concordance  of  american  myths  ;  A.  F.  Ghamberlain  and  I.  G.  Ghamberlain, 
Record  of  American  Folk-Lore  ;  Notes  and  Queries  ;  Bibliographie  :  Fublicor 
tions  of  the  Folke  Lore  Society^  T.  LV  et  LIX  (A.  F.  Ghamberlain)  ;  A.  van 
Gennep,  Tabou  et  Totémisme  à  Madagascar  et  Mythes  et  Légendes  d* Austra- 
lie (id.). 

JoüBNAL  OF  THE  Afbioan  SOCIETY.  The  Imperial  Institute,  Kensington,  Londres  ; 
abonnement,  une  guinée.  T.  VI,  n*^  3,  Oct.  1907  (n*  XXV).  P.  H.  G.  Powell- 
Gotton,  Notes  on  a  journey  through  the  great  Ituri  forest  ;  H.  Jonhston,  The 
basis  for  a  comparative  grammar  of  the  bantu  languages  ;  G.  Meinhof,  Note 
on  the  above  ;  H.  Johnston,  Additional  note  ;  H.  Nathan,  Reminiscences  of 
Mary  Kingsley  ;  Adebiyi  Tepowa,  A  short  history  of  Brass  and  its  people. 
Editorial  notes.  Bibliographie  :  Wallis  Budge,  The  Egyptian  Sudan  ;  L«  Des- 
plagnes.  Le  plateau  central  nigérien  (N.  W.  Thomas)  ;  Passarge,  Die  Busch^ 
manner  der  Kalahari  ;  II.  H.  Keane,  Stanford's  Africa^  T.  I.  ;  K.  Axenfeld, 
Der  JEthiopismt4S  in  Süd-Afrika. 


1908.]  CHRONIQUE.  [P,  63^ 


CHRONIQUE. 


Les  cours  et  conférences  à  l'Ecole  d'Anthropologie,  16  rue  de  l'Ecole  de  Méde- 
cine, seront  pour  Tannée  1907-1908  répartis  comme  suit  : 

GooTB  :  Aifn*HB0P0L0GiB  PBiHiBTOBiQUB  :  M.  L.  Capitan.  Les  Bases  des  études 
préhistoriques  (suite),  Industrie^  Art. 

EthhoiiGOib  :  M.  Georges  Her?é.  Histoire  de  V Ethnographie  (état  et  progrès  de  la 
science  au  XV IIP  siècle). 

AifrrHBOPOLOOiB  zoologiqüb  :  M.  P.-O.  Mahoudeau.  Origine  de  l'Homme.  L*ordre 
des  Primates^  les  Simiens  (fin),  les  Anthropoïdes  et  les  Hominiens. 

Ahthbopolooib  PHY8I0L0GIQÜB  :  M.  L.  Manouvrier.  Physiologie  psychologique 
(sentiments^  émotions^  attention^  volonté). 

Tbchkolooib  ethnographiqos  :  M.  Adrien  de  Mortillet.  Etude  comparée  des 
industries  primitives  anciennes  et  modernes.  Les  armes ^  leur  classification  et 
leur  évolution  (suite). 

SodOLOGiB  :  M.  6.  Papillault.  Le  rôle  social  de  la  femme^ 

GioGBAPHiE  ANTHBOPOLOGIQUE  :  M.  Frauz  Schrader.  Les  conditions  géographiques 
de  divers  groupes  humains. 

EIthkogbaphie  :  M.  S.  Zaborowski.  Origines  des  nations^  langues^  mesurs.  Le 
Pourtour  de  la  Méditerranée  :  Sicile,  Italie,  Grèce,  etc. 

Pbotohistoibb  obibntalb  :  m.  R.  Dussaud.  Vile  de  Chypre  aux  âges  du  cuivre 
et  du  hronsse. 

EoTHiroiioaiE  oénbbale  :  M.  J.  Huguet.  Les  hommes  à  la  surface  du  sol.  Races  et 
groupements.  Influence  des  mïUeux. 

Emhbyogbkib  bt  anatomib  :  M.  E.  Rabaud.  L'encéphale  et  plus  particulièrement 
le  cerveau  (constitution,  évolution,  morphogénèsé). 

Paléontologib  HTTiffAiinB  (cours  complémentaire)  :  M.  R.  Verneau.  Les  dernières 
races  quaternaires  de  VEurope. 

Gonlërences  :  M.  le  D^  R.  Anthony.  Le  cerveau  chez  l'homme  d  chejt  les  singes. 

M.  le  ly  Dubreuil-Chambardel.  Les  variations  anatomiques,  leur  caractère  héréd^ 
taire  et  leur  influence  en  pathologie. 

IL  le  D^  A.  Marie.  Psychopathologie  comparée  (les  aliénés  dans  Thistoire,  dégéné- 
rescence des  meneurs  du  peuple). 


M.  J.  6.  Frazer  yient  de  publier,  sous  les  auspices  de  TUniversicé  et  du  Musée 
Archéologique  et  Ethnologique  de  Cambridge  une  brochure  intitulée  :  Questions 
on  ihe  Customs,  Beliefs,  and  Languages  of  Savages  (in-12  de  51  pages).  Ce  ques- 
tionnaire est  un  développement  de  celui  que  M.  Frazer  fit  circuler  il  y  a  quelques 


iV«Wi 


P.  64.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

années  et  qui  lui  yalut  des  réponses  scientifiquement  si  utilisables  (notamment  du 
Bév.  J.  Roscoe)  qu'il  a  cru  nécessaire  d'en  préparer  une  édition  refondue.  Gomme 
on  peut  s'y  attendre,  les  paragraphes  les  mieux  traités  sont  ceux  qui  intéressent 
davantage  M.  Frazer  lui-même  :  Toi^ganisation  sociale  et  religieuse,  les  règles  des 
rapports  sexuels,  les  rites,  les  croyances  cosmologiques,  eschatologiques,  Fani- 
misme,  le  démonisme,  le  totémisme,  la  magie,  le  tabou,  etc.  Ces  «  questions  « 
sont  d'ailleurs  plutôt  destinées  à  servir  d'aide-mémoire  aux  observateurs  que  de 
cadre  à  remplir  intégralement.  Pour  en  recevoir  des  exemplaires  on  peut  s'adresser 
à  M.  Frazer,  Trinity  College,  ou  à  M.  von  Hügel,  Directeur  du  Musée,  Cambridge. 


CATALOGUES. 


List  und  Francke,  Leipzig,  N»  390.  Die  aussereuropäischen  Erdteile  in  Geschichte,  Geogra- 
phie und  Altertümern  ;  Anthropologie,  Ethnographie,  Occultismus.  2741  N«*. 

B.  Seligsberg.  Bayreuth,  N«  279.  Bibliothek  des  Folkloristen  und  schwäbischen  Dialekt- 
dichters Prof.  G.  Seufler  ;  Poetische  Litteratur  der  europäischen  Völker  ;  Deutsche 
Mundarten  ;  Sagen,  Märchen,  Sprichwort,  Rätsel,  Volkskunde  ;  Kultur-  und  Sittenge- 
schichte, etc.  3330  No». 

A.  Geering,  Bale,  N«  137.  Bthliotheca  historico-geographica,  III;  Allgemeine  Geographie 
und  aussereuropäische  Länder  ;  Reisen,  Volkskunde  ;  Nachtrag  zu  allen  3  Geschichts- 
katalogen ;  1116  N*». 
—   —  Antiqtiarischer  Anzeiger,  N^  197.  Kulturgeschichte,  Länderkunde,  Socialwissen- 
schaft,  Sprachwissenschaft,  Theologie,  etc.  ;  993  N«*. 

P.  Geuthner,  Paris,  Ephémérides  Bibliographiques^  N<»  13.  Histoire  des  Religions,  Numis- 
matique ;  roiîent  (Histoire  de  l'art,  Archöologie,  Histoire,  Littératures,  Philologie, 
Voyages  ;  Assyriologie  ;  Egyptologie)  ;  livres  d'occasion,  A-Z.  N«»  3443  à  3993. 

J.  Gamber,  Paris,  N®  39.  Bibliothèques  de  feu  Ulysse  Robert  et  feu  Albert  Réville.  Histoire 
des  Religions  et  de  la  civilisation  ;  judaica,  americana  ;  histoire  littéraire  ;  suppléments 
aux  cat.  précédents.  2763  +  844  N«>«. 

Von  Zahn  und  JsBnscb,  Dresde,  N«"  203.  Kultur-  und  Sittengeschichte,  Volkskunde,  Costüm- 
kunde,  Fi*auenlcben,  Gauner,  MOnchtum»  Sexuelles,  Spiele»  etc.  3265  N<^. 

Ernst  Carlebach,  Heidelberg,  N«  287.  Allgemeine  Geschichte  und  Hülfswissenschaft^n, 
Geographie,  Volkskunde,  Kulturgeschichte,  Rechts-  und  Staatwissenschaften,  N<»  2371 
à  3230  dont  70noB  éditions  prinoeps  des  œuvres  de  Lassalle. 


Ze  Gérant  :  Pauii  Gbüthhbb. 


PAUL  GEliTHNEB,  RDE  MAZARINE.  68,  PARIS  (6^) 


MAGLER  (F.).  Histoire  de  Pbarmani  Asman,  traduite  de  rArméaien  sur 
le  Ms.  conservé  à  la  Bibliothèque  Nationale,  86  pp.  îfi-8  (T.)  1906        2  fr.  50 

Le  RomAO  ou  l'histoire  de  Pharmani  Asman  est  un  das  plus  curieux  documents  de  poésie 
profane  dans  ia  littérature  ancienne  de  l'Arménie.  CTest  une  version  arménienne  d'un  origi- 
nal persan  ou  pehlvi  perdu  dans  le  genre  de  la  Braut&hrt  allemande.  On  retrouve  aon 
sujet  dans  les  poèmes  du  Moyen-âge  (Prise  d'Orange,  Rother,  Ortnit,  Hugdietrich,  Gudrun, 
etc.).  La  ressemblance  entre  ces  récits  et  le  récit  arménien  est  frappante.  Tiré  à  50  ezempl. 

MONTGOMERY  (J.).  The  Samaritans  ;  the  earliest  Jewish  sect, 

their  history,  theology  and  literature,  2  cartes,  13  pi.  et  12  ill.,  tn-8,  taiU, 
1907,  net 10  fr.  50 

Table  of  contents  :  Re-discovery  of  the  Samaritans  :  The  land  of  Samaria  and  the  city 
of  Sbechem  ;  The  modern  Samaritans  ;  Origin  of  the  Samaritan  sect  ;  The  Samaritans 
under  the  Hellenic  empire  ;  The  Samaritans  under  the  Roman  Empire  ;  The  Samaritans 
under  Islam;  Geographical  distribution  of  the  Samaritans  ;  The  Samaritans  in  apocryphical 
literature,  the  New  Testament,  and  Josephns  ;  The  Samaritans  in  the  Talmud  and  other 
rabbinical  littérature  ;  Talmudic  booklet,  Mas^eket  Kutim;  Theology  of  the  Samaritans; 
The  Samaritan's  gno&ticism  ;  The  languages  and  literature  of  the  Samaritans  ;  Bibliogra- 
phy, indexes. 

The  only  existing  treatises  on  this  subject  greatly  lack  in  detail  and  completeness  of 
reference  :  they  are  also  for  the  most  part,  largely  technical,  while  the  older  material  is 
stored  away  in  works  that  are  no  longer  on  the  market  ami  which  are  rare  in  libraries. 
Throughout  this  work  the  author  has  corroborated  his  statements  by  painstaking  referenoet 
to  the  sources,  which  give  a  mine  of  information  concorning  a  subject  often  treated  dis- 
cursively rather  than  with  exactness.  (Author's  advertisement.) 

MOTTRIER  (J.).  L'Art  au  Gauoase,  2''  éd.  nomb.  fig.  203  pp.  gr.  in-S, 
1907 12fr.  00 

Arts  religieux  :  Architecture,  sculpture,  orfèvrerie,  émaux,  peintures,  manuscrits, 
broderies. 

Arts  industriels  :  Poterie,  verrerie,  orfèvrerie,  nielles,  émaillerie,  bijouterie,  glyptiqu«, 
costumi>.s,  armes,  habitation,  mobilier,  tapis,  tissus,  étoffes,  bronzes. 

SCHREINER  (A.).  Abrégé  de  Thistoire  d'Annam,  2^  éd.,  revue  et 
augmentée  de  la  période  comprise  entre  1858  et  1889,  587  pp.  gr.  in*8, 

1906 30fr.  00 

Les  premiers  temps  —  Luttes  pour  l'indépendance  —  l'empire  au  pouvoir  des  Chua  — 
Les  Nguyen  —  Occupation  française  —  Amiraux  gouverneurs  —  Gouverneurs  civils  — 
traités  conclus  par  la  France  avec  l'Annam,  le  Cambodge,  la  Chine,  le  Siam  —  tableaux 
chronologiques  :  noms  des  souverains  d'An  nam.  Tableau  chronologique  des  souverains  de 
l'Annam,  des  chua  Trinh,  des  chua  Nguyen,  des  Mac,  des  souverains  de  la  Chine,  des 
gouTerneurs  français,  résidents  supérieurs,  etc. 

BROGKELMANN  (C).  Grundriss  der  vergleichenden  Orammatik 
der  semitisohen  Sprachen  (in  2  Baenden)  Band  I  :  Laut-  und  Formen- 
lehre jrr.  *n-8, 1907. 

Parus  :  Lief.  1  :  pp.  1  à  128,  Juin  1907,  net  6  fr.  50  —  Lief.  S  :  129  à  240,  août  1907,  net  6  fr. 

Le  prix  de  souscription  est  net.  Après  achèvement,  il  sera  augmenté  de  25  <*/o. 

«  In  diesem  Grundriss  sollen  die  neueren  Forschungen  zur  vergleichenden  Grammatik 
der  semitischen  Sprachen  zusammengefasst,  nach  den  Grundsätzen  moderner  Sprachpsy- 
chologie erweitert  und  zu  einem  volibtändigen  System  ausgebaut  werden.  Das  Ziel  der 
Forschung  ist  nicht  mehr  wie  bei  den  Begründern  der  indogermanischen  Sprachwissen- 
■cbaft  die  Rekonstruktion  einer  Ursprache,  sondern  aas  wissenschaftliche  Verständnis  des 
Baues  der  einzelnen  Sprachen,  das  aber  eben  nur  durch  Vergleichung  der  verwandten 
Idiome  gewonnen  werden  kann.  In  erster  Linie  soll  die  Grammatik  der  semitischen  Lite- 
ratursprachen dargestellt  werden.  Da  aber  ihre  Entwicklung  nur  durch  die  Analogie  der 
Vorgange  in  den  lebenden  Sprachen  verstanden  werden  kann,  so  mussten  die  neueren 
Dialekte  in  weitestem  Um&ng  zur  Vergleichung  herangezogen  werden. 

Le  tome  I  comprend  la  phonétique  et  la  morphologie,  le  tome  II  la  syntaxe. 

GARROS  (G.).  Les  usages  de  Gochinchine  recueillis  et  commentés,  3  ta- 
bleaux hors  texte,  XII,  476,  7,  10  pp.  m-8,  Saigon,  1905  .        .        25  fr.  00 
Usages  relatifs  à  la  propriété  bâtie  —  usages  relatifs  à  la  propriété  rurale  :  coutumes 
indigènes  —  usages  commerciaux  (importations,  exportations,  opérations  de  banque,  com- 
merce chinois,  etc.)  —  usages  maritimes. 

GIRON  (Noël).  Légendes  coptes.  Fragments  inédits,  publiés,  tra- 
duits, annotés,  par  N.  G.,  avec  une  lettre  à  l'auteur  par  £.  Revillout. 

VIII,  81  pp.  gr.  >»»-8,  1907 5  fr.  00 

/;  Entretien  d*Eve  et  du  serpent  --  II  :  Le  sacrifice  éC Abraham  —  HI  :  Histoire  de 
Marina  —  lY  :  Mistoire  des  filles  de  Zenon  —  V  :  Histoire  de  la  fille  de  V empereur 
Basüisque. 
L'introduction  est  un  essai  sur  l'origine  des  légendes  coptes. 


PAUL  GEUTHNBI.  BUE  lAZAIINE.  68.  PARIS  (6') 


VIROIXBAUD  (Ch.)  L'Astrologie  Gbaldéenne  t  Le  Uvre  intitulé 
«  enuma  (Änu)  ilu  Bel  »^  publié,  transcrit  et  traduit,  in-foh^  1907. 

Ont  paru  :  Fase.  2  :  TeaOê  cunéiforme  :  Shamoêh  (le  Soleil),  52  pL  1907, 7  fr.  50 

—  Faac.  4  :  Texte  cunéiforme  :  Adad  (l 'atmosphère),  1907,  6  fr. 

—  Fasc.  6  :  Transcription  :  Sbamash  (le  Soleil),  1905»  5  fr. 

BABYIjONIAGA  —  Etudes  de  philologie  assyro-babylonienne,  publiées  sons  la 
direction  de  Gh.  ViroUeaud,  première  année  (complète)  2  pi.  293  pp.  (6  tàsc.) 
gr.  tn-8,  Paris,  Geuthner,  1906-1907,  net 20  fr.  00 

La  premiôre  année  vient  d'être  terminde.  Elle  contient  let  articlei  suivants  : 
Langdon  (S.).  La  syntaxe  du  verbe  sumérien.  —  Prolegomenon  to  Sumerian  lezicogra* 
phy.  —  The  particle  ma. 

Yiroüeaua.  Pronostics  sur  Tissue  de  diverses  maladies  av.  2  pi. 

—  —     Sur  le  traité  d'extispicine  qui  porte  le  titre  de  SElUMMA  SHA.  TAB. 

—  —     Table  des  formes  verbales  contenues  dans  le  premier  supplément  à  la  lista 

de  Bruennow. 

—  —     Nouveaux  fragments  inédits  du  British  Museum.  • 

—    —  Idem,  2*  année,  1907-8.  Abonnement 18  fir.  00 

Paru  fasc.  2  :  Sayce  (A.-H.).  The  Cappadocian  cuneiform  tablets.  —  Streck  (Max).  Lexi- 
kalische Studien  I.  Die  Wurieln  hSttu  und  hädu,  —  Bommel  (Priti).  Der  sechskdpfige 
Drache  von  Jamutbal.  —  Dyneley  (J.  Prince).  Note  sur  le  nom  Gilgames. 

En  préparation  :  Fasc.  2-3  :  Langdon  (S.).  Sumerian  compound  verbe  and  loan  words.  — - 
Streck  (M.).  Lexikalische  Studien  II.  —  YiroUeaud  (G.).  De  quelques  textes  divinatoires.  — • 
Ce  fascicule  aura  4  planches  hors  texte. 

DUSSAUD  (R.).  Li*tle  de  Ghypre,  partioollèrement  aux  ftgres  da 
oiiivre  et  da  bronze,  42  fig.,  63  pp.  in-8  (T.)  1907  .        3  fr.  00 

Ce  travail  constitue  un  manuel  des  antiquités  chypriotes  antérieures  A  l'époque  grecque 
classique. 

FERRAND  (G.).  Madagascar,  1 1  Essai  de  phonétlqae  comparée  da 
malais  et  des  dialectes  malgaches,  environ  320  pp,  ifi^8,  Paris, 
Geuthner,  1908,  net 12  fr.  50 

L*auteur,  qui  depuis  longtemps  s*occupe  de  l'étude  de  l'histoire  et  des  littératures  des 
peuples  musulmans  s'est  récemment  attacné  spécialement  au  domaine  des  langues  malaises. 
Fendant  son  séjour  à  Madagascar  il  a  pu  recueillir  un  certain  nombre  de  Mss.  malayo- 
malgaches  dont  Tétude  forme  la  base  du  présent  travail.  Sauf  quelques  extraits  ces  Mss. 
sont  encore  inédits. 

I/enquéte  de  philologie  comparée  qu'a  faite  l'auteur  lui  a  fourni  dee  résultats  tout  A  fiiit 
inattendus.  La  comparaison  des  langues  malayo-malgaches  avec  le  sanskrit  hä  a  réoélé 
V existence  d*un  élément  sanscrit  dans  tous  les  dialectes  malgackes  sans  exception  aucune. 
De  ce  fait,  la  date  de  la  migration  malaise  sort  du  vague  des  conjectures  :  les  Malais 
immifçrés  étant  hindouisés,  n'out  pu  quitter  riodoné^ie  qu'après  le  commencement  de  notre 
ère.  On  trouve  ainsi  par  des  etymologies  certaines,  des  indications  relativement  précises 
sur  leur  type  culturel  et  linguistique.  Cette  question  sera  plus  amplement  traitée  dans 
Madagascar  tome  II,  qui  sera  spécialement  consacré  aux  miçrations  successives  des  MaiaiSy 
Arabes^  Persans  et  à  la  pseudo-migration  juive. 

Dans  cet  essai  de  phonétique  comparée  figurent  des  formes  empruntées  à  33  dialectes 
(29  dialectes  modernes.  1  vocabulaire  Antambahwaka  ancien,  1  vocabulaire  Anakara,  les 
dictionnaires  de  Flacourt  (dialecte  sud-oriental]  et  Houtman  [Betsimisaraka  ancien]  et  aux 
Mss.  de  la  Bib.  Nat.|.  La  comparaison  du  malais  et  de  ces  différents  dialectes  a  permis 
d'établir  les  bases  a'une  phonétique  malgache.  Dans  la  pltmart  des  ccu^  les  courbes^ 
notamment  celles  des  diphtongues  aboutissant  à  la  monoptuongue  présentent  autant 
d'intérêt  pour  la  phonétique  malayo-^nalgache  que  pour  la  phonStiaue  générale.  Comme 
Tun  des  nombreux  résultats  obtenus  de  ces  études  phonétiques  signalons  particulièrement 
la  loi  nouvelle  de  formation  des  verbes  transitifs  et  intransitifs. 

HERZ  BEY  (M.).  Gatalogae  raisonné  des  monaments  exposés  dans 
le  Musée  National  de  Fart  arabe,  préoédé  d'un  aperçu  de  l'histoire  de 
Tarchitecture  et  des  arts  industriels  en  I^ypte,  2«  éd.,  8  pi.,  et  64  fig.,  LXXII, 
351  pp.  pet.  in-Sj  1906,  net 8  fr.  00 

Plâtres  —  Pierres  de  taille  —  Msrbres  —  Boiseries  et  ivoire  —  Métaux  ^  Céramique  — 
Tissus  —  Cuirs  —  Reliures  —  Tables  votives  —  Verrerie. 

MAGLER  (F.).  Mosaïque  orientale.  I.  Epigraphica  —  2.  Historica.  1  pi.  et 
8  fig.,  90  pp.,  gr.  în-8,  Paris,  Geuthner,  1907     .        .        .        .         6  tr.  00 

Contient  :  I.  Epigraphica  :  Une  inscription  punique  au  Musée  archéologique  de  Genève 
—  L*inscription  syriaque  de  Sainte-Anne  de  Jérusalem  —  L'inscription  arabe  du  brancard 
de  Sahwet  el-Khidr  —  Note  sur  l'inscription  arménienne  de  la  cathédrale  de  Bourges  — 
Note  sur  quelques  écussons  relevés  à  Mtlnster  dans  le  Haut -Valais, 

n  Historica  :  Notice  syriaque  d'un  Ms.  arménien  —  Documents  relatif  à  l'imprimerie 
arménienne  établie  à  Marseille  sous  le  régne  de  Louis  XIV  —  Requête  de  Ovanèe  Oglou 
Kivork,  et  Carabet  frères  (1778).  —  Index. 

L'un  des  articles  des  plus  intéressants  sont  les  Documents  (inédits)  sur  Timprimerie 
arménienne  en  France  au  XVII*  siècle  publiés  d'après  un  Ms.  de  la  Bibliothèque  nationale« 


REVUE  DES  ÉTUDES 

ETHNOGRAPHIQUES 

ET  SOCIOLOGIQUES 


PUBLIÉE   SOUS   LA   DIRECTION   DE 


ARNOLD   VAN   GENNEP 


No   1ê  t  SOMMAIRB 

Pages 

Andrew  Lang  :         Exogamy 65 

Maurice  Delafossb  :  Le  peuple  Siôna  ou  Sénoufo  (suite)    •    .     79 
Gabriel  Pbrrand  :    Note  sur  le  calendrier  malgache  et  le 

Fandruana 93 

Analyses  :  R.  von  Lichtenberg,  Beiträge  jmr  ältesten  Qe- 
schichte  von  Kyproa  (A.  J.  Rbinach)  ;  R.  Dussaud, 
LHle  de  Chypre  particulièrement  aux  âges  du  cui- 
vre et  du  bronze  (id.);  B.  Pbchubl-Lobschb,  Yolks- 
hunde  von  Loango  (A.  v.  G.)  ;  Fr.  S.  Krauss,  Dos 
Geschlechtsleben  der  Japaner  (id.)  ;  Q.  Fribdbrici, 

Die  Schi ffährt  der  Indianer  {ïù,) 106 

l^otiçes  bibliographiques  (C  Mondon-Vidailhet,  A.  J.  Rbi- 
nach, A.  v.  G.) 117 

Sommaires  des  Revues 186 


PARIS 
LIBRAIRIE   PAUL   OEUTHNER 

68,  RUB  MAZARINE,  68 

Février  1908 


PROGEAMME 

de  la  Bévue  des  Études  Ethnographiques  et  Sociologigues 
Intarnatioiiala,  Mensiiell« 


Le  titre  de  cette  Douvelle  Revne  en  indique  assez  le  but,  à  la  fois  descriptif 
et  théorique.  Les  matières  seront  réparties  suivant  quatre  rubriques  :  1®  Mémoires 
et  articles  de  fond  ;  2*"  Descriptions  d'objets,  courtes  communications,  correspon- 
.dance  ;  3^  Bibliographie  ;  4^  Senseignements  concernant  les  personne«,  les  inatitu* 
tionSy  les  congrès,  etc. 

Par  sociologie,  nous  entendons  Tétude  de  la  rie  en  société  des  hommes  de  tous 
les  temps  et  de  tous  les  pays  ;  par  ethnographie,  plus  spécialement  la  description 
de  leur  civilisation  matérielle.  Le  champ  de  la  Revue  est  donc  vaste.  L'on  y 
admettra  également  des  travaux  sur  Tarchéologie,  le  droit  comparé,  la  science 
des  relirions,  l'histoire  de  l'art,  etc.,  et  l'on  y  fera  appel  aux  branches  spéciales 
comme  régyptologie,  Tassyriologie,  rorientalisme,  etc.  L'anthropologie  proprement 
dite,  QU  étude  anatomique  des  variétés  humaiDOs,  ne  rentrera  daus  notre  cadre  que 
dans  la  mesure  où  elle  permet  de  définir  le  rapport  qui  pourrait  exister  entre  des 
races  déterminées  et  leurs  civilisations  ;  il  en  sera  de  même  pour  la  linguistique, 
dans  la  mesure  où  elle  permet  de  déterminer  révolution  des  institutions  et  des 
idées.  Il  se  dessine  d'ailleurs,  ces  temps  derniers,  une  direction  nouvelle  en  linguis- 
tique à  laquelle  la  Revue  des  Études  Ethnographiques  et  Sociologiques 
compte  collaborer  effectivement. 

D'une  manière  générale,  la  première  rubrique  sera  consacrée  de  préférence  aux 
travaux  traitant  des  influences  qu'ont  exercées  les  unes  sur  les  autres  les  diversea 
cirilisations,  à  des  tableaux  de  cycles  culturels  déterminés,  à  des  essais  de  classi- 
fication des  phénomènes  sociaux  et  à  des  études  comparées  ou  monographiques. 

La  deuxième  rubrique  intéressera,  nous  l'espérons,  les  conservateurs  des  muséea 

Srovinciaux  de  France  :  il  existe,  dans  un  très  grand  nombre  de  villes  de  prorince, 
es  collections  ethnographiques,  dont  quelques-unes  fondées  dès  le  XVIEL'^  siècle 
renferment  des  objets  rares,  parfois  même  devenus  introuvables.  Souvent  les  fonda 
manquent  pour  la  confection  de  catalogues  complets  et  la  Revue  offrira  l'occasion 
de  constituer  ces  catalogues  peu  à  peu.  Des  richesses  demeurent  encore  ignorées, 
que  nous  désirerions  contribuer  à  faire  connaître  au  monde  savant. 

I<lous  suivrons,  entre  autres,  d'aussi  près  quo  possible  le  mouvement  scientifique 
en  pays  slaves,  les  travaux  russes,  polonais,  tchèques,  ruthènes,  bulgares,  etc. 
manquant  d'un  organe  français  qui  les  mette  en  valeur  comme  ils  le  méritent.  De 
même,  nous  rendrons  compte  avec  soin  des  travaux  hongrois,  roumains,  grecs,  etc. 
Nous  attribuerons  une  grande  importance  à  la  rubrique  Bibliographie,  qui  com- 
prendra des  analyses  critiques,  de  courts  compte-rendus,  les  sommaires  des  revues, 
et  des  collections. 

A  la  Revue  sera  annexée  une  Collection  d'Études  Ethnographiques  et 
Sociologiques  :  monographies  descriptives  illustrées,  documents  inédits,  études 
d'ensemble,  etc. 

La  langue  de  la  Revue  sera  de  préférence  le  français  ;  mais  l'anglais,  l'alle- 
mand et  l'italien  y  seront  également  admis.  Les  honoraires  seront  de  1  fir.  25  =£ 
1  mk  «=  1  sh.  la  page,  les  illustrations  comptant  comme  texte.  Les  auteurs  auront 
droit  à  25  tirages  à  part  pour  les  Mémoires  et  Articles  et  à  10  pour  les  Communi- 
cations, Descriptions  d'objets,  etc. 

Adresser  les  lettres  et  manuscrits  à  M.  A.  van  Gennep,  56,  rue  de  Sèvres^ 
Clamart,  pi  es  Paris,  Seine,  et  les  livres,  revues,  imprimés  de  toute  sorte  et  abon- 
nements à  M.  Paul  Geuthner,  libraire-éditeur,  68,  Rue  Mazarine,  Paris  (VI*),  au. 
nom  de  la  Revue  des  Études  Ethnographiques  et  Sociologiques. 

PRIX  DE  L'ABONNEMENT 

France  :  20  frs.  Etranger  :  22  frs. 

Abonnement  de  luxe^  pour  donateurs^  avee  planches  sur  papier  spécial  :  160  fr^ 


1908.]  LANG  :    EXOGAMY.  [P»  SB. 


EXOGAMY. 

by  Andbew  Lang  (Londres). 


More  than  forty  years  have  passed  since  M'  Lennan,  in  his  Primitive  Marriage 
(1865)  first  introduced  the  word  «  Exogamy  »,  and  investigated  exogamous  rules 
as  they  exist  in  savage  society.  Yet  there  is  no  approach  to  agreement  among  inqui- 
rers into  the  origin  of  these  rules,  and  the  circumstances  in  which  they  may  have 
arisen.  Looking  at  exogamy  as  it  is  found  among  the  very  backward  tribeä  of  Aus- 
tralia, we  ask,  out  of  what  sets  of  people  is  a  man  legally  bound  to  marry  ?  First, 
he  must  marry  out  of  his  actual  nearest  kin  by  consanguinity.  Nowhere  may  a 
man  wed  his  widowed  mother,  his  sister,  or  the  daughter  of  his  wife.  Again,  each 
tribe  (except  a  few  in  which  the  system  has  broken  down),  is  divided  into  two  main 
exogamous  and  intermarrying  sections,  or  «  phratries  »,  usually  bearing  names 
which,  when  they  can  be  translated,  are  names  of  animals.  A  man  in  Crow  phratry 
must  marry  out  of  it,  into  Eagle  Uawk  phratry,  and  vice  versa.  All  the  women  in 
his  own  phratry,  within  three  generations,  are  spoken  of  by  him,  as  «  mothers  *, 
«  sisters  n,  or  «  daughters  »,  and  he  may  not  marry  any  of  them.  In  the  opposite 
phratry  he  may  only  marry  women  of  his  own  age-grade,  or  generation,  these 
are  noa  to  him,  and  he  to  them  ;  they  are  his  potential  spouses. 

Again  each  man  or  woman  belongs  to  one  or  other  of  the  many  «  totem  kins  », 
that  is  kinships,  (real  or  supposed;,  each  of  which  bears  the  name  of  an  animal, 
plant,  or  other  object  in  nature,  and  regards  the  object  with  varying  degrees  of 
affection  and  respect.  In  all  totemistic  societies  (except  the  Arunta  «  nation  ■)  a 
man  must  not  marry  a  woman  of  his  own  totem  name.  In  Australia,  and  in  Ameri- 
can tribes,  with  phratries,  the  totems  are  so  arranged  in  the  two  phratries,  that 
the  same  totem  never  occurs  in  both.  As  there  are  thus  no  women  of  his  own  totem 
in  the  phratry  into  which  a  man  is  bound  to  marry,  he  cannot  marry  a  woman  of 
his  own  totem. 

This  condition  of  law  prevails  among  many  tribes  which  reckon  descent  and 
inheritance  in  the  female  line,  all  persons  being  of  their  mothers'  phratry  and  totem. 
But,  in  some  tribes  with  female  descent,  and  in  almost  all  tribes  with  male  descent, 
the  two  phratries  are  each  divided  into  two  or  four  named  «  matrimonial  classes  », 
and  every  one  must  marry  out  of  his,  or  her  matrimonial  class,  into  one  such  class 
in  the  opposite  phratry.  The  more  complex  organisation,  (or,  at  all  events,  the  use 
of  special  names  to  distinguish  the  tour  or  eight  matrimonial  classes),  is  certainly 
later  than  the  simpler  organisation. 

All  attempts  to  find  the  origins  and  causes  of  these  rules  are  impeded  by  the 
fluctuating  nature  of  the  evidence  ;  or  confused  by  the  discoveries  of  facts  hitherto 
unknown.  Up  to  1899,  we  knew  no  totemistic  society  in  which  men  were  not  obli- 
ged to  marry  out  of  their  own  totem  kins  ;  no  totemistic  society  in  which  totem 
names  were  not  hereditary.  But,  in  1899,  Messrs.  Spencer  and  Gillen  published  the 
results  of  their  researches  in  Central  Australia.  (Native  Tribes  of  Ceiitral  Austra* 
liß*)  They  discovered  that  the  Arunta,  the  Upirra»  the  Unmatjera  and  the  Kaitish 


p.  660  •    R    •    E    •    E    •    S    •      [1908, 

tribes,  in  the  parched  centre  of  the  Australian  continent,  presented  totems  of  a 
character  hitherto  unheard  of.  The  Arunta  had  no  names  for  their  phratries,  and 
but  each  phratry,  (or  rather  each  main  exogamous  division),  contained  four  «  ma- 
trimonial classes  »  —  members  of  each  such  ■  class  ■  must  marry  out  of  it,  into 
the  appropriate  class  in  the  opposite  division.  These  classes  were  inherited  on  the 
male  side.  So  far,  the  tribe  was  of  the  most  highly  complicated  typo  of  social  orga- 
nisation that  has  been  evolved  from  the  original  simple  phratriac  type.  The  com- 
plex AruDta  type  is  common  in  north  and  central  Australia. 

But  the  novel  feature,  previously  unknown  to  science,  is  that,  while  each 
member  of  the  Arunta  nation  has  his  or  her  «  totem  name  »,  —  that,  usually,  of 
some  plant  or  animal,  —  these  names  are  not,  as  everywhere  else,  hereditary  ;  the 
chiidren  may  bear  totem  names  which  are  neither  those  of  their  father  nor  of  their 
mother. 

Moreover,  contrary  to  universal  rule,  the  same  totem  names  may,  and  do, 
exist  in  both  main  exogamous  divisions,  and  even  in  the  same  matrimonial  class. 
Thus  the  tie  which,  among  the  Arunta,  unites  persons  of  the  same  totem  name  is 
not,  as  elsewhere,  a  tie,  real  or  supposed,  of  common  blood.  A  man  of  the  Wild 
Cat  totem  is  connected  with  other  Wild  Cats,  merely  in  so  for  as  all  of  them  are 
members  of  local  clubs  or  societies,  which  perform  magic  ti\,Q&  (It^tiehiuma)  for  the 
Wild  Cats,  or  other  animals,  plants,  and  so  forth. 

Again,  by  the  necessity  of  the  case,  the  Arunta  totems  are  not  exogamous. 
A  man  may  marry  a  woman  of  his  own  or  any  other  totem,  because,  he  being  in 
class  A,  women  of  his  totem  may  be  in  class  C,  into  which  he  is  legally  bound  to 
marry.  In  no  other  known  totemic  society  can  a  woman  of  the  legal  intermarrying 
class  be  of  the  same  totem  as  that  of  a  man  in  the  class  which  lawfully  marries 
with  hers* 

Now  it  is  easy  to  see  bow,  among  the  Arunta,  and  nowhere  else,  the  same 
totem  may  exist  in  two  classes,  and,  of  course,  in  both  main  intermarrying  divi- 
sions, and  so  must  cease  to  be  exogamous.  Messrs.  Spencer  and  Gillen  have  them- 
selves explained  the  phenomena  in  a  way  which  leaves  nothing  to  be  desiredi 
though  Mr.  Spencer,  later,  changed  his  opinion. 

The  natives  themselves  say  that,  originally,  «  in  the  Alcheringa  »  the  totems 
Were  divided,  as  they  are  everywhere  else,  so  that  the  same  totem  never  occurred 
in  both  main  exogamous  divisions,  (and,  in  that  case,  totems  must,  as  elsewhere, 
at  that  time,  been  exogamous.)' 

This  native  opinion,  of  course,  is  of  no  historical  value,  indeed  the  Arunta 
have  contradictory  myths.  But,  supposing,  argumenti  gratia^  that  the  totems  of 
the  Arunta  were  once  divided  into  the  exogamous  phratries,  as  everywhere  else, 
Mr.  Spencer  shows  us  how  they  ceased  to  be  so,  and  ceased  to  be  exogamous. 
«  Owing  to  the  system  according  to  which  totem  names  are  acquired,  it  is  always 
possible  for  a  man  to  be,  say,  a  Purula  or  a  £uYnara^  »  (that  is,  of  A  phratry), 
«  and  yet  a  Witchetty  »,  (a  sort  of  grub,  by  totem),  though,  originally,  in  one 
native  opinion,  all  persons  of  that  totem  were  confined  to  phratry  B  (Bulthara- 
Kumara.)* 

Thus  it  is  «  the  system  according  to  which  totem  names  are  acquired  »,  among 
the  Arunta,.  namely  by  chance,  not  by  heredity,  that  scatters  the  same  totems 
among  both  main  exogamous  divisions,  whereby  they  cease  to  be  exogamous« 


*  Native  Tribes  of  Central  Auêtralia^  pp.  125, 18Ô.  —  «  Ibidi,  pp.  125j  126» 


1908.]  LANG  :    EXOGAMY.  [P.  67. 

A  man  of  A  division,  must  marry  into  B  division.  But  there,  among  the  Arunta, 
he  may  find  a  woman  of  his  own  totem,  and  her  he  may  marry.  Nowhere  else  is 
this  possible. 

The  Arunta  system  of  acquiring  totem  names,  which  makes  the  possibility, 
must  undeniably  be  relatively  recent.  Had  it  existed  ever  since  the  main  exogamous 
divisions  arose,  the  necessary  consequence  would  have  been  to  scatter  all  totem 
names  as  equally  as  possible  between  the  two  exogamous  divisions.  For  the  totem 
names  were  not  hereditary  ;  but  were,  (according  to  Mr.  Frazer's  theory)  as  we 
shall  see,  allotted  first  by  mere  chance,  later,  by  locality  ;  therefore,  when  the 
tribe  was  divided,  the  totem  names  would  occur  as  equally  as  chance  permits,  in 
both  divisions. 

It  is  as  if  we  supposed  that  a  card  was  dealt  to  each  of,  say,  a  thousand  per« 
sons.  Divide  these  persons  into  two  sets  of  five  hundred.  There  will  be,  roughly 
speaking,  about  as  many  diamonds,  hearts,  spades,  and  clubs,  in  the  possession  of 
one  half  of  the  persons  as  of  the  other.  Certainly  there  is  not  likely  to  be  a  propor- 
tion of,  say,  ten  hearts  and  ten  spades  in  division  A  ;  and  of  ten  clubs  and  ten 
diamonds  in  division  B  ;  while  division  A  has  only  a  proportion  of  three  clubs  and 
three  diamonds,  and  division  B  has  only  a  proportion  of  three  hearts,  and  three 
spades. 

But  the  supposed  fortuitous  distribution  of  totem  names,  among  the  Arunta, 
has  somehow  assigned  «  the  great  majority  »  of  each  totem  name  to  one  or  other 
of  the  two  main  exogamous  divisions.  Chance  distribution,  (as  in  the  case  of  the 
cards),  could  not  produce  this  result,  especially  as  there  are  ten  scores  (201)  of 
totem  names.  Consequently,  among  the  Arunta,  chance  distribution  has  only  begun 
to  modify  a  system  in  which,  not  «  the  great  majority  »,  but  the  whole,  of  each 
totem  name  was  in  one  or  the  other  of  the  two  main  divisions.  The  Arunta,  there- 
fore, have  passed  through  a  stage  in  which  their  totems  were  so  arranged  that  the 
same  totem  never  appeared  in  both  exogamous  divisions  :  and  at  that  time,  neces- 
sarily, their  totems  were  exogamous,  as  everywhere  else. 

This  argument  is  of  mathematical  certainty,  it  is  not  a  matter  of  opinion.  Yet 
this  argument  is  ignored  by  those  who  hold  that  the  present  Arunta  system  of 
totemism  is  the  most  primitive  known  to  science.  Olher  facts  corroborate  our  view, 
which  needs  no  corroboration.  Any  one  can  make  the  experiment  with  the  thousand 
cards  as  often  as  he  pleases.  But  he  must  remember  that,  in  the  case  of  the  Arunta 
totem  names,  there  are  not,  as  in  the  case  of  the  cards,  merely  four  suits,  there 
are  two  hundred  and  one  suits,  two  hundred  and  one  totem  names.'  Yet  «  the 
great  majority  of  any  one  totem  belong  to  one  moiety  »  (or  to  the  other)  «  of  the 
tribe  ».  No  mathematician  will  say  that  this  can  be  the  result  of  the  present  system, 
which  allots  the  names  by  chance.  If  further  corroboration  is  needed,  the  natives, 
even  now,  recognise  the  «  right  »  and  the  «  wrong  »  division,  or  class,  for  each 
totem  :  thus  it  is  distinctly  «  wrong  »  for  a  totem  to  be  in  both  divisions  ;  and 
therefore  to  be  not  exogamous.  The  wrong,  the  breach  of  rule,  is  caused  by  the 
wayward  spirits.  A  Lizard  spirit  who  knows  that  he  ought  to  enter  and  bo  born 
from  a  woman  of  the  Bulthara  class,  has  such  «  a  strong  predilection  for  fat  wo^ 
men  »,  that  he  deliberately  enters  into  and  is  borne  by  a  fat  woman  of  the  Kumara 
class.  When  born  he  is  «  in  the  wrong  class  »,  right  and  wrong  are  thus  recogoised 
by  the  Arunta  as  by  all  other  totemists.  They  remember  the  universal  rule,  tho 


i  Ifarffiem  Tribes  of  Central  Atcstralia^  pp.  767-T73. 


p.  68.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

same  totem  must  never  be  in  both  exogamous  divisions.  Thus  it  is  quite  undeniable 
that  Arunta  totemism  has  been  exogamous,  and  that  the  present  non-exogamy  of 
Arunta  totems  is  a  late  aberration. 

1  repeat  that  the  «  wrong  »  is  wrought  in  the  following  manner.  An  Arunta 
gets  his  totem,  not  hereditarily,  (like  all  other  totemists),  but  thus  :  the  myth  avers 
that  ancestors,  half  human,  half  bestial,  of  the  Dream  Time,  (AUheringa)  died, 
and  «  went  into  the  ground  »  at  certain  known  places,  called  Oknanikilla.  Their 
spirits,  all  of  one  totem,  haunt  the  decorated  stone  plaques,  called  Churinga  Nanja^ 
which  the  ancestors  left  at  the  place  where  they  died.  When  a  woman  first  feels 
the  life  of  the  babe  within  her,  she  believes  that  one  of  these  local  totemic  spirits 
has  entered  her.  Her  husband  may  be  an  Emu  by  totem,  and  his  «  right  »  class  is 
either  Furula  or  Kumara.  But,  if  she  first  feels  the  life  of  her  child  in  a  spot 
haunted  by  spirits  of  the  Witchetty  Grub  totem,  her  child  is  a  Witchetty  Grrub. 
Where  his  mother  became  conscious  of  her  pregnancy,  her  child's  original  chti- 
ringa  nanja  is  sought  for  and  is  found.  The  «  right  »  division  for  Witchetty  Grub, 
is  the  Bulthara-Panunga  division.  But  the  child  inherits  his  father*s  division  (Puru- 
la- Kumara)^  so  he  is  of  that  division  —  the  «  wrong  »  division  ;  for  the  «  right  % 
division  of  the  Witchetty  Grubs  is  Bulthara-Pununga.  Consequently,  though  him- 
self a  Witchetty  Grub,  he  may  marry  a  woman  who  is  also  a  Witchetty  Grub,  in 
the  BuUhara  Panunga  division,  into  which  he  must  marry. 

Thus,  as  Messrs.  Spencer  and  Gillen  say,  «  it  is  the  idea  of  (I)  spirit  individuals 
associated  with  churinga  (2),  and  resident  in  certain  definite  spots,  that  lies  at  the 
root  of  the  present  totemic  system  of  the  Arunta  tribe',  n 

These  two  ideas  are  found  thus  combined  only  in  the  Arunta  nation,  including 
the  Kaitish  tribe,  and  only  there  do  the  same  totems  get  into  both  exogamous 
main  divisions,  and  consequently  cease  to  be  exogamous.  Yet,  even  now,  the  pro- 
cess is  so  far  from  being  complete,  that  «  the  great  majority  of  any  one  totem 
belong  to  one  moiety,  »  (or  the  other)  «  of  the  tribe.  » 

Moreover  though,  among  the  Kaitish,  the  beliefs  have  scattered  the  same 
totems  in  both  exogamous  divisions,  the  tribesmen  very  rarely  take  advantage  of 
the  resulting  license  to  marry  into  their  own  totems.  The  law  now  permits  such 
unions,  but  the  old  sentiment  of  totemic  exogamy  still  forbids  such  unions  :  at 
least,  they  rarely  occur*. 

In  these  circumstances,  it  is  not  easy,  for  me  it  is  impossible,  to  resist  the 
inference  that  the  Arunta  rule,  with  consequent  non-exogamy  of  totems,  can  be 
nothing  but  a  relatively  recent  innovation,  which  has  not  yet  produced  all  its 
necessary  results.  We  are  shown  by  Mr.  Spencer  exactly  how  the  innovation  arose  ; 
how  it  is,  in  a  sense,  regarded  as  «  wrong  n,  and  how  it  has  not  yet  produced  its 
necessary  effect,  the  scattering  of  all  totems  indiscriminately  through  both  main 
exogamous  divisions. 

Mr.  Frazer,  however,  has  very  ingeniously  invented  another  theory.  Be  sup* 
poses  that,  at  a  period  when  the  facts  of  procreation  were  not  understood,  (as 
among  the  Arunta  they  are  not,)  but  when  mankind  had  invented  the  doctrine  of 
spirits,  and  of  reincarnation,  a  woman,  when  first  conscious  of  the  life  of  a  child 
within  her,  explained  the  circumstance  by  the  hypothesis  that  a  spirit,  emanating 
from  any  object  which  caught  her  eye,  or  from  the  emu  or  yam  or  other  food  of 
which  she  had  just  eaten,  was  incarnated  in  her.  She  therefore  called  the  child  Emu^ 

i  i^i  r.  Ce  Am  p.  ISd.  -  *  Northern  2Wft^f ,  p.  17Si 


1908«]  LANG  :    EXOGAMY.  [P.  69f 

or  Kangaroo,  or  Yam,  or  whatever  it  might  be,  and  it  was  regarded  as  esscDtially 
a  Yam,  Kangaroo,  or  Emu.  Mr.  Strehlow,  a  German  misâonary  amoog  ihe  Arimta, 
has  since  found  that  this  belief  actually  exists  in  some  parts  of  the  tribe.  {Globus. 
May  9.  1907.) 

Next,  in  Mr.  Frazer's  theory,  certain  totems  came  to  be  assigned,  as  they 
are  at  the  present  day,  to  certain  districts,  and  each  child  receives  its  totem  in 
the  way  already  described,  and  each  man  does  magic  for  his  own  totem. 

Next,  all  over  the  totemistic  world  except  among  the  Arunta,  totems  became 
hereditary'.  This  was  natural  enough  but  how  did  the  totems  also  become  exoga» 
mous  ?  If  I  understand  Mr.  Frazer's  theory,  he  holds  that  among  all  totemic  peoples 
except  the  Arunta  nation,  totems  had  become  hereditary,  either  in  the  female  or 
male  line,  before  «  the  tribe  was  split  up  into  two  intermarrying  moieties.  »  (F.  iï. 
p.  461)  The  object  ofthat  division  was  to  prevent  the  children  of  the  same  mother 
from  intermarrying.  «  Each  tribe  was,  in  fact,  divided  into  two  halves,  all  the 
children  of  the  same  mother  being  assigned  to  the  same  half;  and  the  men  of  each 
half  were  obliged  to  take  their  wives  from  the  other  half,  n  {F.  E.  p.  459). 

Let  us  say  that  there  were  two  hundred  totem-names,  (two  hundred  and  one 
are  now  known  among  the  Arunta.)  The  legislator,  in  tribes  with  hereditary 
totems,  would  place  mothers  of  a  hundred  totem  names,  with  their  children,  in  one 
division  ;  the  mothers  of  the  other  hundred  totems  in  the  other.  Thus,  as  all  folk, 
by  the  new  law,  must  marry  out  of  their  divisions,  they  must  necessarily  marry 
out  of  their  totem  kins. 

This  was  a  large  piece  of  legislation  for  a  primitive  age  ;  and  it  would  have 
sufficed  to  declare  that  children  of  the  same  mother  must  never  intermarry.  The 
actual  rule  cut  a  man  off,  not  only  from  his  mother's  daughters,  but  from  half  the 
women  of  his  tribe.  However,  though  such  over  wide  legislation  does  not  seem 
prima  facie  probable,  it  would  produce  the  existing  state  of  affairs  in  tribes  with 
phratries,  female  descent,  and  hereditary  totems,  where  totems  were  hereditary. 

The  Arunta,  however,  as  I  understand  Mr.  Frazer,  had  not,  like  all  other 
tribes,  made  totems  hereditary  before  they  instituted  phratries.  Any  mother  with 
six  children  might  have  children  of  six  different  totems.  The  plan  must  therefore 
have  been  to  put  half  the  mothers,  with  their  children,  in  division  A  ;  and  the  other 
half,  with  their  children,  in  division  B.  The  totems  would  be  scattered  as  equally 
as  possible  through  both  divisions,  and  men  might  marry  women  of  their  own 
totems  in  the  opposite  divisions  ;  but  as  every  man  was  always  in  the  same  division 
as  his  mother's  daughters,  no  man  could  ever  marry  his  sister.  These  arrangements 
in  a  tribe  with  non-hereditary  totems,  would,  of  course,  produce  the  actual  state 
of  Arunta  marriage  law.  Men  could  marry  women  of  their  own  totems.  But  Mr. 
Frazer  has  not  explained  how,  on  his  theory,  the  great  majority  of  any  given  Arunta 
totem  is  in  one  or  the  other  «  class  »  or  exogamous  moiety,  and  why  the  natives 
recognise  a  «  right  »  moiety  for  each  totem.  Chance  could  not  cause  these  facts, 
which  can  only  be  explained  as  late  deviations  firom  the  universal  type  of  totemic 
exogamy. 

The  question  about  the  social  condition  of  the  Arunta,  —  whether  they  are  to 
be  r^arded,  on  the  whole,  as  socially  advanced,  or  as  extremely  backward,  or, 
again,  as  advanced  on  the  whole,  but  unprecedentedly  backward  in  one  or  two 
details,  has  cansed  much  controversy. 


I  Fortnightly  Review.  September  1905,  pp.  455-457, 


p.  70.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Mr.  Frazer  himself  regards  «  group-marriage  »,  (by  which  he  seems  to  mean 
the  Dieri  system  of  pirrauru,  with  its  allotment  of  «  secomlary  spouses  »)  as  more 
primitive  than  individual  marriage.  He  writes  that  progress  in  Australia  towards 
a  higher  form  of  social  and  family  life  «  is  marked  by  two  great  steps  ;  individual 
marriage  has  been  substituted  for  group  marriage,  and  paternal  descent  of  the 
totem  has  prevailed  over  maternal  descent,  as  well  as  over  an  even  older  mode  of 
transmitting  the  totem  which  still  survives  among  the  Arunta  and  Kaitish.  »  {F.  li. 
p.  452). 

If  these  ideas  are  correct  the  condition  of  the  Arunta  is  strangely  anomalous. 
They  have  made  the  great  step  from  group  marriage  to  individual  marriage,  while 
retaining  what  is  spoken  of  as  the  oldest  extant  mode  of  transmitting  the  totem. 
Again,  Mr.  Frazer  later  doubts  whether  his  other«  great  step  »,  the  paternal 
descent  of  the  totem,  is  any  kind  of  step  at  all,  for  if  the  transition  from  the  con- 
ceptional  »  (Arunta)  «  to  the  hereditary  form  of  totemism  was  eflPected  in  the  man- 
ner in  which  it  seems  to  be  actually  taking  place  among  the  Central  Australian 
tribes,  it  is  clear  that  the  change  could  be  made  just  as  readily  to  paternal  as  to 
maternal  descent.  »  (F.  H»  p.  462). 

To  this  point  I  shall  return  ;  but  it  appears  that,  in  Mr.  Frazer's  opinion, 
any  tribes  which  began  by  adopting  paternal  descent  of  the  totem  had  already 
instituted  individual  marriage.  Thus  he  says  that  the  Central  Australian  tribes, 
while  explicitly  deoying  that  the  child  is  begotten  of  the  father,  regard  the  father 
«  as  the  consort,  and  in  a  sense  the  owner  of  the  mother,  and  therefore  as  the 
owner  of  her  progeny....  In  short  it  seems  probable  that  a  man^s  children  were 
viewed  as  his  property  long  before  they  were  recognised  as  his  offspring.  »  (F.  jB. 
pp.  462*463).  All  this  could  only  occur  where  individual  marriage  was  an  institution. 

We  thus  reach  the  position  that  tribes  may  have  made  the  great  step  to  indi- 
vidual marriage  and  paternal  ownership  of  children,  without  having  recognised 
the  father^s  part  in  procreation  ;  while  tribes  with  female  descent,  do  recognise 
the  procreative  part  of  the  wife's  husband  ;  yet  do  not  always  acknowledge  pater- 
nal ownership  of  children. 

Can  anything  seem  more  paradoxical  ?  Among  the  Arunta,  the  father  is  not 
recognised  as  procreator  of  the  children,  yet  he  "  has  their  marriage  »  at  his 
disposal. 

Among  the  tribes  with  female  descent  of  the  totem,  and  no  sub-classes,  on 
the  Murray  river,  «  they  believe  that  the  daughter  is  of  the  father  solely,  being 
only  nurtured  by  her  mother,  «  yet  »  the  father  has  nothing  to  do  with  the  bestowal 
of  his  daughter  »,  according  to  Mr.  Cameron^ 

The  Wolgal,  with  female  descent  of  the  totem,  recognised  paternal  procreation, 
and  for  that  reason  gave  to  the  father  the  disposal  of  his  daughter.  (Ibid.  p.  198) 
Members  of  an  unnamed  tribe  of  female  descent  told  Mr.  Uowitt  that  «  a  woman 
is  only  a  nurse  who  takes  care  of  a  man's  children  for  him  ».  (Ibid,  p.  284). 

It  seems  clear  tome  that  the  non-recognition  of  physical  paternity  is  not 
necessarily  a  survival  of  pristine  ignorance  of  physiology,  but  is  a  logical  conse- 
quence of  the  Central  Australian  philosophy  of  eternal  reincarnation  of  spirits. 
Where  that  philosophy  does  not  prevail,  among  tribes  which  have  not  made  the 
great  step  to  paternal  descent  of  the  totem,  the  paternal  function  is  recognised. 
No  philosophy  of  spiritual  reincarnation  has  obscured  the  knowledge  of  the  &cts. 


Howitt,  Native  Tribes  ofSouth-East  Australia,  p.  195, 


1908»]  LANG  :    EXOGAMY.  [P».7i, 

Even  among  the  Arunta,  in  their  wildest  feasts  of  license,  «  the  actual  father  9 
of  a  girl  may  not  approach  her,  says  Mr.  Spencer,  while  all  other  men  except  her 
actual  brothers  have  this  privilege^ 

If  the  mother's  husband,  among  the  Arunta,  was  never  recognised  as  more 
than  the  owner  of  her  children,  what  can  be  the  cause  of  this  prohibition  of  pater« 
nal  incest  ?  The  present  denial  of  procreation  by  the  Arunta,  has  not,  it  seems, 
destroyed  a  prohibitive  rule  which  must  have  been  passed  at  a  time  when  the 
blood  kinship  of  father  and  daughter  was  as  much  recognised  as  it  now  is  in  tribes 
with  female  descent. 

These  facts  appear  to  me  to  militate  against  the  theory  that  the  Arunta 
B  conceptional  •  totemism  is  the  primitive  form.  It  rests  on  an  animistic  theory  of 
life,  and  of  evolution,  which  can  scarcely  be  deemed  «  primitive.  «  and  cannot 
aafely  be  assumed  to  have  been  universal.  (See  Anthropological  Essays.  (1907) 
pp.  210-218.)  Mr.  Frazer,  however,  argues  that  «  both  the  hereditary  kinds  of 
totemism,  the  paternal  and  the  maternal,  can  be  derived  from  it  >,  (from  the  local 
Arunta  forms)  «  whereas  it  can  hardly  be  derived  from  either  of  them  » .  (F.  B, 
p.  454) 

But  the  Arunta  form,  in  which  the  totem  is  derived  from  one  or  another  set 
of  totemic  spirits  haunting  the  assumed  place  where  a  child  was  conceived,  could 
easily  succeed  to  hereditary  totemism.  Let  us  assume  that  the  Arunta  inherited 
totems  in  the  male  line,  before  they  elaborated  their  present  philosophy  of  endless 
reincarnation  of  primal  spirits  attached  to  stone  churinga  nanja  marked  with  the 
blazons  of  the  totems.  Let  them  next  elaborate  that  philosophy.  If  they  were  to  be 
consistent  reasoners  they  must  either,  like  the  Umbaia  and  Gnanji,  retain  the 
hereditariness  of  totems  by  supposing  that  spirits  of  the  husband's  totem  follow 
his  wife,  wherever  she  goes,  and  that  no  other  spirit  can  enter  her  with  safety  to 
her  life*  ;  or  they  must  do  what  they  have  done,  —  abandon  hereditary  totemism. 
One  plan  was  just  as  easy  as  the  other.  Adopting  the  theory  of  reincarnation,  the 
Umbaia,  Gnanji  and  Urabunna  have  retained  hereditary  totemism,  by  aid  of  their 
myths  ;  while  the  Arunta,  apparently  under  the  influence  of  their  peculiar  belief 
in  churinga  nanja ^  have  sacrificed  the  hereditary  character  of  their  totems.  Tet» 
as  we  have  shown,  this  step  has  not,  even  now,  distributed  the  totems  equally  in 
both  exogamous  divisions  of  the  tribe.  Probably  the  Arunta  will  be  extinct  before 
that  result  has  been  archieved. 

Leaving  at  this  point  the  problem  of  Arunta  totemism,  we  turn  to  the  ques- 
tion, why  did  the  legislators,  in  Mr.  Frazer's  theory,  desire  to  prohibit  marriages 
between  children  of  the  same  mother  ?  Mr.  Frazer  suggests  that,  conceivably,  such 
unions  were  deemed  injurious  to  the  parties  concerned.  There  is  no  evidence  for 
the  existence  of  this  belief,  and,  granting  that  it  existed,  the  fact  would  only  raise 
another  question,  how  did  the  belief  come  to  be  entertained  ?  Manifestly  it  must 
have  been  the  sanction  attached  to  a  taboo  on  such  marriages. 

The  taboo,  working  automatically,  will  cause  death  or  danger  to  brothers  and 
Bisters  who  intermarry.  But  there  must  have  been  an  antecedent  objection  to  such 
unions,  and  that  objection  must  have  suggested  the  taboo.  What  could  be  the 
origin  of  the  antecedent  objection  ? 

We  make  no  advance  towards  a  solution  of  our  problem.  Again,  as  we  have 


1  This  paternal  Incest  was  permitted  among  the  Kumandaburi,  says  M'  O'Donnéll« 
N.  T.  Ä  JT-  A.,  p.  W,  -  *  Nwthm^  Trihes,  pp.  léWTê. 


P,  72.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

already  said,  as  the  relations  of  broterhood  aad  sisterhood  were,  by  Mr.  Fraier's 
theory  recognised,  it  would  have  been  enough  for  the  legislator  to  forbid  unions  ot 
brothers  and  sisters.  He  had  no  need  to  make  a  much  more  sweeping  rule,  invol- 
ving, as  it  does,  many  persons  who  were  notoriously  not  «  born  of  the  same  womb  ;  » 
persons  who,  so  far,  were  not  even,  in  the  wide  «  classificatory  »  sense  of  the  words, 
brothers  and  sisters  in  the  phratry,  for  they  could  not  be  so,  before  phratries  were 
instituted. 

Taming  from  Mr.  Frazer's  hypothesis  to  that  of  Mr.  Spencer,  our  chief  autho- 
rity on  the  Arunta  tribe,  we  find  that  the  two  theories  are  irreconcilable'.  Mr.  Spen- 
cer believes  that  there  were  no  rules  prohibitive  of  marriage,  till,  for  some  reason 
which  he  does  not  profess  to  understand,  the  legislator  divided  the  community  into 
the  two  elogamous  intermarrying  sections.  But,  as  to  the  method  of  the  division, 
Mr.  Spencer  differs  toto  cœlo  from  Mr.  Frazer.  In  Mr.  Frazer's  opinion,  the  legisla- 
tor merely  wished  to  prevent  unions  of  brothers  and  sisters  uterine,  which  he  did 
by  setting  x  mothers  and  their  children  on  one  side,  and  all  the  other  mothers  with 
their  children  on  the  other  side  of  the  dividing  line. 

Mr.  Spencer,  on  the  other  hand,  must  suppose  that  the  legislator  wanted  to 
prevent  members  of  the  totem  societies  in  the  tribe  from  intermarrying  into  their 
own  and  many  other  totem  kins  for  that  was  the  result  of  the  legislation.  Why  he 
wanted  to  do  that  we  cannot  guess  ;  but  what  he  did  was  to  arrange  half  the  totems 
on  one  side,  half  on  the  other  side,  of  the  dividing  line,  forbid  any  marriages  within 
the  two  sides,  and  command  all  men  and  women  to  marry  into  the  side  opposite 
their  own. 

This,  of  course,  is  the  usual  rule  in  the  simplest  types  of  tribal  organisation. 
But  the  legislator  partially  failed,  says  Mr.  Spencer,  to  achieve  his  purpose,  and  a 
small  minority  of  each  totem  society,  in  each  case,  is  now  in  the  phratry  opposite 
to  that  which  contains  the  great  majority  of  its  members  and  so  a  man  may  marry 
into  his  own  totem. 

The  cause  of  this  failure,  Mr.  Spencer  had  explained,  as  we  saw,  in  his  first 
volume.  Native  Tribes  of  Central  Australia.  1899.  The  anomaly,  elsewhere  unex- 
ampled, is  due  «  to  the  system  according  to  which  totem  names  are  acquired  »,  a 
system  which,  as  we  have  demonstrated,  is  relatively  recent. 

But,  in  1905,  Mr.  Spencer  explained  the  facts  by  a  new  theory,  supposing  that 
large  unruly  local  totem  societies  disobeyed  the  legislator,  and  dragged  with  them 
into  their  own  phratry  small  groups  of  their  neighbours  whom  the  legislator  had 
assigned  to  the  opposite  phratry.  Thus  the  Wild  Cats,  say,  were  allotted  to  phratry 
A,  the  White  Bats  were  allotted  to  phratry  B.  A  large  local  group  of  Wild  Cats, 
however,  among  the  Arunta,  dragged  a  small  neighbouring  group  of  White  Bats 
with  them,  into  phratry  A.  Consequently  most  White  Bats  are  now  in  phratry  B, 
but  a  few  are  in  phratiy  A. 

Manifestly  we  can  see  no  reason  why  among  the  Arunta  set  of  tribes,  alone  of 
mankind,  this  unruliness  flourished  unchecked.  Mr.  Spencer's  original  explanation, 
on  the  other  hand,  is  certainly  correct,  for  examples  of  the  process  of  getting  «  into 
the  wrong  class  »  actually  occur  in  daily  life,  under  stress  of  the  Arunta  method 
of  acquiring  totem  names. 

Meanwhile  Mr.  Spencer^s  new  theory  suggests  no  motive  which  could  induce 
the  legislator  to  arrange  one  set  of  totems  on  one  side,  and  a  different  set  on  the 


1  Spencer's  «  Report  of  Australian  Association  for  the  advancement  ot  Science,  n  1905. 


1908*]  LANG  :    EXOGAMY.  [P,  73« 

other  side  of  the  dividing  line.  It  would  scarcely  be  possible  to  do  this,  and  also,  as 
in  Mr.  Frazer's  theory,  to  keep  each  family  of  brothers  and  sisters  on  one  or  the 
other  side  of  the  dividing  line.  For,  by  Mr.  Frazor's  theory,  every  child  in  a  family 
might  be  of  a  different  totem,  and  some  of  their  totems  would,  probably,  on 
Mr.  Spencers  theory  be  arranged  on  one  side  of  the  line,  some  on  the  other. 

n. 

It  is  my  hope  that  my  theory,  of  the  evolution  of  Australian  exogamy,  as  stated 
in  The  Secret  of  the  Totem^  encounters  no  logical  difficulty.  It  may  be  entirely 
erroneous,  but  I  think  that  it  is  consistent  with  itself,  and  suggests  natural  human 
motives,  verae  causae^  for  every  step  in  the  evolution  of  Australian  marriage  rules, 
as  far  as  we  know  these  rules. 

Unlike  most  other  theorists,  I  do  not  begin  by  examining  the  two  main 
exogamous  divisions,  or  phratries,  in  the  tribe.  Like  Mr.  Frazer,  I  begin  at  the 
other  end  of  the  scale,  namely  at  the  consanguineous  family,  recognised  as  such  in 
the  maternal  line.  Thus  Mr.  Frazer  holds  that  the  legislator,  in  the  first  place, 
desired  to  prohibit  marriages  between  brothers  and  sisters,  children,  in  each  case, 
of  the  same  mother.  But  I  do  not  postulate,  in  the  beginning,  a  tribe,  with  legislators 
and  legislative  assemblies  :  I  start  from  the  family  group  of  the  mother,  her  children, 
and  the  male  who  habitually  associates  with  them. 

I  looked  for  the  first  origin  of  marriage  rules,  in  the  usual  source  of  savage 
law  :  the  interests  of  the  dominant  seniors.  These  seniors  I  found  in  the  sires  of 
small  fiunily  groups.  On  the  Darwinian  hypothesis,  these  sires  would  have  harems 
of  as  many  females  as  they  could  keep,  probably  not  exclusive  of  their  own 
daughters  ;  and  like  stallions,  would  expel  from  their  camps  their  young  sobs,  as  they 
reached  puberty.  Even  if  this  appear  too  bold  a  conjecture,  it  is  at  least  plain  that 
the  adult  male,  or  males,  of  small  nomadic  &mily  groups,  would  find  a  sufficient 
cause  for  prohibiting  the  amours  of  young  brothers  and  sisters.  These  amours  would 
inevitably  provoke  murderous  jealousies,  and  so  destroy  the  peace  of  the  fire-circle. 
A  young  man's  enemies  would  be  they  of  his  father's  fire-circle.  The  idea  of  jealousy 
I  borrowed  from  the  book  of  Mr.  J.  J.  Atkinson,  Primal  Law^  a  work  in  which  he 
sketched  the  gradual  evolution  of  the  smallest  family  groups  into  larger  combina- 
tions. {Primal  Law  is  in  the  same  volume  as  my  Social  Origins,  Longmans,  London, 
1902). 

I  then  showed  how,  in  my  opinion,  totemism  might  arise  in  such  communities. 
Le  Blason  Populaire^  (as  M.  Gaidoz,  in  his  book  of  that  name,  has  shown,)  among 
many  European  peasants,  and,  as  I  added,  in  ancient  Israel,  and  among  American 
barbaric  tribes,  nearly  emancipated  from  totemism,  confers  sobriquets,  in  Europe 
usually  names  of  animals,  on  the  people  of  each  village  or  small  district.  Why  the 
people  of  one  Cornish  village  are  Mice,  of  another.  Cuckoos,  of  a  third,  Grubs,  and 
80  on,  nobody  knows. 

These  European  group  sobriquets  are  not  a  survival  of  totemism,  but  they 
indicate  a  popular  tendency  to  give  such  group  sobriquets,  out  of  which  totemism 
may  have  arisen.  Suppose  that,  in  the  remote  past,  early  savage  local  groups 
acquired  such  nicknames.  In  time,  when  they  had  adopted,  and  become  accustomed 
to  the  namesi  they  would  fall  under  the  fascination  of  the  names.  That  a  mystic 
rapport  between  the  name  and  the  thing  named  is  intensely  strong,  is  an  universally 
admitted  &ct  of  early  reasoning'.  This  reasoning  would  induce  the  animal-named 


Ct  for  example,  Tylor,  Early  EUtory  of  Manhind,lpf.  126-128, 1870. 


P,  74.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908* 

groups  to  regard  their  aDimal  namegivers  as  in  strong  rapport  with  themselves  in 
each  case.  They  would  finally  look  on  their  animal  as  a  potent  kinsman,  or  ancestor, 
or  friend,  or  benefactor,  as  they  do  ;  and  the  usage  of  abstaining  from  shedding  his 
blood,  or  eating  him,  with  other  such  observances,  would  come  into  existenco. 

When  I  wrote  The  Secret  of  the  Totem  I  supposed,  with  Dr.  Durkheim'  that 
the  taboo  against  shedding  the  totem^s  blood  might  comprise  a  taboo  against 
marriage  between  a  man  and  a  maiden  of  this  or  that  totem  kin.  My  theory,  to 
summariie  it  very  briefly,  ran  thus,  (1)  the  will  of  the  Sire,  or,  (as  family  groups 
increased,  and  included  sire's  brothers  with  their  children),  of  the  sires,  forbade 
marriage  within  the  family  group. 

(2)  Such  groups  received  animal  names. 

(3)  The  rule  was  now  :  No  marriages  between  members  of  the  local  group  of 
animal  name,  say  Grow. 

(4)  The  males  of  Grow  local  group  violently  captured  women  from  any  of 
several  accessible  local  groups,  —  Eagle  Hawk,  Bee,  Duck,  Wallaby,  Iguana,  — 
and  the  males  of  these  groups  captured  women  from  each  other  and  from  the  Grows. 

(5)  The  children  of  Eagle  Hawk,  Wallaby,  Bee,  Iguana,  and  other  women, 
bom  into  Grow  group,  were  known,  for  the  sake  of  distinction,  by  the  names  of 
their  mother's  local  groups.  There  were  thus  Eagle  Hawks,  Bees,  Wallabys,  Iguanas, 
in  Grow  local  group  :  and  Crows,  Bees,  Wallabys,  and  Iguanas  in  Eagle  Hawk  local 
group,  and  so  on  with  the  others.  (This  was  the  theory  of  Mr.  M.  Lennan). 

Here  the  objection  occurs,  if  distinctive  names  were  thought  desirable,  why 
were  they  not  either  matronymics  or  patronymics  ?  Thus  if  a  woman  from  Wallaby 
group  was  carried  into  Grow  group,  and  bore  children  there  to  a  Grow  man,  named, 
say,  Broken  Nose,  why  were  the  children  not  simply  styled  «  Broken  Nose's  sons, 
or  daughters  ?»  or,  —  let  the  woman's  individual  name  be  Trim  Ankles,  —  as 
«  Trim  Ankles'  sons  or  daughters  ?  » 

I  have  no  answer  to  make,  except  that  I  am  unaware  of  any  Australian  or 
other  savage  tribe  in  which  such  patronymic  or  matronymic  names  as  correspond 
to  our  Johnsons  and  Dicksons  and  Dobsons  exist.  Nor  do  we  hear  that  they  follow 
the  old  Border  practice,  in  which  Halbcrt,  son  of  Simeon  Armstrong,  is  «  Sym's 
Hah,  9  or  David,  son  of  Halbert  Elliot,  is  «  Hab's  Dob.  »  It  may  be  suggested  that 
the  savage  aversion  to  using  the  names  of  individuals,  (cf.  Tylor,  Early  History 
of  Mankindj  pp.  142-145)  bars  the  use  of  patronymics  and  matronsrmics.  At  aU 
events,  in  totemistic  tribes  with  female  descent,  a  woman's  children  have  the  name 
of  her  totem  kin. 

But  let  us,  for  argument's  sake,  suppose  that  here  I  am  wrong.  Suppose  the 
women  of  Iguana,  Bee,  and  other  groups,  captured  by  Crow  or  Eagle  Hawk,  become, 
with  their  children,  Grows  and  Eagle  Hawks.  Let  us  see,  later,  what  would  result 
from  that  experiment  in  hypothesis  making;  at  present  we  adjourn  its  consideration. 

(6)  We  now,  by  the  theory,  have  local  groups  of  animal  names,  each  such 
group  containing  members  who,  by  female  descent,  also  bear  other  animal  names, 
those  of  their  mother's  original  local  groups. 

(7)  Each  local  group  is  thus  full  of  persons  who  are  members,  by  female  descent, 
of  other*and*otherwise  named  local  groups.  The  groups,  therefore,  gradually  cease 
to  be  hostile.  Let  any  two  of  them,  say  Eagle  Hawk  and  Grow,  make  a  treaty  of 
peace  and  intermarriage,  and  we  have  two  phratries^  Eagle  Hawk  and  Crow, 


^  L'Année  Sodoloçiqtie,  vol.  1,  p.  6. 


1908.]  LANG  :    EXOGAMY.  [P.  75. 

{Mukwara  and  Kilpara)^  each  including  several  totem  kios,  namely  the  descen* 
dants  of  mothers  brought  in  from  the  other  local  groups  of  various  names. 

(8)  But  it  is  obvious  that  each  of  these  two  phratries,  Eagle  Hawk  and  Grow, 
will  naturally  include  members  of  totem  kins  by  descent,  as  Wallaby,  Iguana, 
Duck,  Bee,  which  are  also  represented  in  iho  other  phratry.  Bee,  in  Eagle  Hawk 
phratry,  must  marry  out  of  it,  into  Crow  phratry.  But  may  he  marry  a  Bee  woman 
in  Crow  phratry  ?  Probably  he  may  not  ;  he  must  not  marry  into  a  kin  of  his  own 
kin's  animal  name,  whether  by  locality  or  by  descent.  If  this  were  so,  it  was 
necessary  to  rearrange  the  totems,  so  that  one  set  was  exclusively  in  Crow  phratry, 
the  other  set  exclusively  in  Eagle  Hawk  phratry.  This  process,  a  process  of  conscious 
legislation,  necessarily  cut  a  man  off  from  marriage  with  a  woman  in  his  own 
phratry,  whatever  her  totem  might  be. 

This  is  a  brief  summary  of  the  earlier  part  of  the  scheme  presented  in  The 
Secret  of  the  Totem.  It  provides,  at  least,  human  and  intelligible  motives  for  the 
enforcement  of  the  exogampus  rule  in  the  supposed  family  groups  :  the  motive  was 
«  the  interest  of  the  strongest  ».  It  suggests  that  the  earliest  rule,  ■  no  marriage 
within  the  family  fire-circle  »,  survived  into  larger  groups,  the  development  of 
which  is  traced  by  Mr.  Atkinson  in  his  Primal  Law.  It  shows  how  these  groups 
may  have  received  the  names  of  animals,  plants,  and  other  objects  ;  how,  under 
the  influence  of  early  superstitious  ideas  about  names,  the  name-giving  object  came 
to  be  regarded  as  a  potent  and  sacred  ancestor,  kinsman,  protector,  or  friend  ;  and 
it  suggests  that  the  old  exogamous  rule  of  the  anonymous  local  group  was  continued 
by  the  animal-named  group  when  its  eponymous  animal  developed  into  a  totem.  It 
explains  the  phratries  as  the  result,  not  of  an  unmotived  partition  of  a  community 
hitherto  destitute  of  marriage  rules,  but  as  a  combination,  in  the  interests  of  peace, 
union,  and  strength,  of  groups  hitherto  hostile  and  exogamous. 

As  was  natural  and  desirable,  many  objections  to  my  theory  have  been  raised. 
I  have  especially  to  thank  for  their  criticisms  Dr.  Durkheim  (L  Année  SociologiqiAe^ 
Vol.  IX,  pp.  400-404,)  M.  A.  van  Gennep,  {Mythes  et  Légendes  d'Australie^)  and 
Mr.  Spencer  {Report  of  the  Australian  Society  for  the  Advancement  of  Science.  1W)6) 
I  have  carefully  considered  all  these  and  other  criticisms,  and  prepared  replies  to 
them,  but  here  I  wish  to  consider  a  difficulty  which  has  not,  to  my  knowledge, 
been  made,  by  others,  a  subject  of  speculation.  In  their  second  volume,  {Northern 
Tribes  of  Central  Australia^  p.  71)  Messrs.  Spencer  and  Oillen  write  that,  among 
the  Northern  Urabunna,  «  men  of  one  totem  can  only  marry  women  of  another 
special  totem  ».  This,  at  least  «  appears  to  be  the  case  n. 

The  statement  is  not  made  in  a  tone  of  complete  conviction,  but  Mr.  Howitt 
says  that,  according  to  Mr.  Spencer,  the  Urabuuna  informants  were  very  firm  on 
this  points  Unluckily  we  are  not  told  how  the  English  inquirers  communicate  with 
the  Urabunna.  Do  they  speak  Urabunna,  or  do  they  employ  an  Arunta  interpreter, 
and  does  he  translate  the  Urabunna  statements  into  Arunta  for  Mr.  Spencer's 
benefit,  or  into  «  pidgeon  English  ?  »  Mr.  Spencer  now  and  then  reports  textually 
sayings  by  one  native  or  another,  and  they  are  usually  given  in  pidgeon  English» 
It  is  really  a  pity  that  we  are  not  told  how  the  inquirers  communicate  with  the 
various  tribes. 

In  this  question  of  the  limitation  of  one  totem  in  Kirarawa  phratry  to  marri- 


i;N.}T.  S.IE.  A.,  p.ilSS. 


P>  7e>] •    R    •    E    •    E    •    s    •      [1908, 

age  with  one  totem  only  in  Matfhurie  phratry,  miauoderstandiDgs  might  easily 
arise.  The  Dieri  have  only  one  word,  murduy  both  for  phratry  and  for  totem  :  only- 
one  word  serves  for  both  among  the  Urabunna  and  other  adjacent  tribes.  If,  then, 
among  the  Urabunna  and  their  neighbours,  there  exist  a  kind  of  «  sub-phratries  », 
within  the  two  main  divisions,  and  if  these  sub-phratrics  couiain  three  or  four 
totems  apiece,  and  bear  animal  names,  (such  as  Dingo  and  Water  hen)  a  native 
might  say  that  the  Dingo  murdu  marries  only  into  the  Water-hen  murdu.  Yet  his 
meaning  might  be  that  Water-hen  and  Dingo  were  «<  classes  »  not  totem  kins,  that 
each  stood  for  and  contained  several  totems,  and  thus  one  totem  kin  in  one  [ihralry 
would  not  be  restricted  to  marriage  with  only  one  totem  in  the  other  phratry.  Tho 
murdus  meant  might  be  a  germinal  form  of  «  sub-classes  ». 

That  this  misunderstanding  has  not  really  occurred,  may  perhaps  be  iufcrrcd 
from  the  statements  of  Mr.  Hewitt's  informant,  Mr.  O'Donnell.  Speaking  of  many 
tribes  of  primitive  organisation,  (with  female  descent,  no  «  sub-classes,  »  and  two 
phratries),  who  dwell  between  the  Dieri  and  the  Burkiuji  of  tho  Darling  River, 
Mr.  Hewitt  reports  that  what  we  may  call  «  one  totem  to  olo  totem  marriage  »  is 
the  rule  among  them.  We  are  not  told  in  what  language  Mr.  O'Doonell  communi- 
cates with  the  little  known  tribes  in  question,  (ioformation  on  this  importaot  point 
is  as  rare  as  radium),  but  it  is  not  very  probable,  though  it  is  conceivable,  that  the 
same  misunderstanding  of  what  the  natives  say  has  occurred  here,  and  also  in  the 
case  of  the  northern  Urabunna. 

New  and  close  inquiries  ought  to  be  made,  for  if  our  information  about  the 
rule  of  «  one  totem  to  one  totem  marriage  »  be  correct,  all  our  theories  must  be 
reconsidered.  The  situation  is  full  of  surprizes.  If,  among  the  Northern  Urabunna 
the  men  of  one  totem  kin  may  marry  into  but  one  totem  kin  in  the  phratry  not 
their  own,  wives  must  be  scarce  with  them.  We  have  no  statistical  information,  but 
we  can  scarcely  estimate  the  whole  Northern  part  of  the  Urabunna  tribe,  even  ia 
its  best  days,  at  more  than  a  thousand  souls.  Say  that  there  are  twenty  totems  in 
the  two  phratries,  (not  an  over  estimate),  this  gives  not  more  than  fifty  members 
in  each  totem  kin  ;  allowing,  for  the  sake  of  argument,  that  all  the  kins  were  equally 
populous,  which  is  never  the  case.  If  there  be  twenty  marriageable  men  in  a  totem 
kin,  their  choice  is  limited  to  the  women  of  their  own  agegrade  (noa  or  nupa 
women),  in  the  one  totem  kin  open  to  them  in  the  phratry  not  their  own.  The 
females  of  the  senior  and  junior  agegrades  are  barred  to  them.  All  this  is  grievous 
to  the  Urabunna. 

In  what  circumstances  would  reasoning  men,  who  had  enjoyed  greater  libeity, 
limit  themselves  so  stringently  ?  If  the  Urabunna  once  lived  under  the  rule  of  the 
Dieri,  and  many  other  tribes,  by  which  a  man  may  marry  into  any  of  the  totems  in 
the  phratry  not  his  own,  what  conceivable  motive  could  induce  the  Urabunna  to 
reduce,  by,  say,  nine  out  often,  their  hopes  of  a  happy  matrimonial  settlement? 

It  is  not  in  nature  that  men  should  ever,  without  apparent  motive,  have  intro* 
duced  this  rule,  if  they  once  had  their  choice  out  of  the  women  of  perhaps  ten  totem 
kins. 

Moreover,  if  their  motive  is  said  to  have  been  a  conscientious  desire  to  avoid 
unions  with  «  too  near  flesh  »,  they  went  strangely  to  work,  for  their  kin  and  the 
kin- to  which  they  now  restricted  themselves,  must,  in  three  generations  have  beco- 
me very  «  near  flesh  »  indeed,  -*  most  closely  consanguineous. 

What  were  the  Water-hens  to  hope  for,  if  their  intermarrying  kin,  the  Din- 
goes, became  extinct,  as  totem  kins  sometimes  do  ?  Mr.  Hewitt  thinks  that  the  one 


1908.]  LANG  :    EXOGAMY.  [P.  77. 

totem  to  one  totem  rule  is  later  thaa  the  phratry  to  phratry  rule',  but  he  do^  not 
gire  reasons  for  his  opiuiooi  which  seems  contrary  to  human  nature« 

This  thing  is  plain,  in  tribes  with  the  one  totem  to  one  totem  rule,  there  are 
as  many  exogamous  divisions,  or  phratries,  as  there  are  totem  kins.  Each  linked 
pair  of  exclusively  intermarrying  totem  kios,  say  Water-hen  and  Dingo,  is  as  much 
a  phratry  as  Muhcara  and  Kilpara^  £agle  Hawk  and  Grow  ;  except  that  this 
phratry  of  Water-hen  or  Dingo  has  no  other  totem  kins  within  it. 

The  words  Kirarawa  and  Matthurie^  the  phratry  names,  have  now  no  meaning 
to  the  Urabunna  ;  they  do  not  denote  two  totem  kins  in  opposite  divisions.  The 
northern  Urahnona,  aud  their  neighbours  eastward  of  the  Dieri  till  we  reach  the 
Barkinji,  have  as  many  pairs  of  phratries  as  they  have  pairs  of  totems,  and  their 
professed  phratry  names,  among  the  Urabunna,  are  mere  meaningless  titles  for  two 
series  of  practical  exogamous  and  intermarrying  phratries. 

What  purpose,  as  regards  marriage  laws  is  served  by  Kirarawa  and  Matthurie  ? 
Let  these  words  be  forgotten,  and  Water-hen  kin  will  go  on  marrying  into  Dingo 
kin,  and  nowhere  else,  and  each  linked  pair  of  totems  will  do  the  like,  for  ever. 

What  explanation  can  be  given  of  this  state  of  law  ?  Will  Mr.  Howitt,  for 
example,  say  that  the  ancestors  of  the  northern  Urabunna  were  once  an  «  undi^» 
de'l  commune  9,  with  no  rules  restrictive  of  marriage,  and  that  a  medicine  man 
proclaimed  a  vision  from  a  supernormal  being,  and  a  command  that  the  tribe  should 
be  bisected  into  two  exogamous  intermarrying  phratries  ?  Will  he  say  that,  thinking 
they  could  not  have  too  much  of  a  good  thing,  the  Urabunnas  next  divided  each 
phratry  into  eight  or  ten  totem  kins,  and  made  each  pair  of  totem  kins  exogamous 
and  intermarrying? 

lie  will  not  say  that  they  did  this  in  the  first  enthusiasm  of  a  great  idea.  He 
says  that  the  rule  is  later  than  the  Dieri  rule,  —  the  ordinary  rule,  —  whence  it 
follows  that  the  north  Urabunna,  for  no  conceivable  reason  except  a  passion  fpr 
segmentation,  not  early  checked,  passed  on  to  a  self-denying  ordinance. 

My  own  theory  is  equally  helpless.  By  my  hypothesis,  each  animal*named 
local  group  contained  many  members,  by  femalo  descent,  of  several  other  groups. 
Thus  Malthurie  and  Kiraratca^  wien  combined  in  alliance,  would  each  contain 
several  totem  kins.  But  why  should  these  kins  arrange  to  intermarry,  exclusively | 
by  one  and  one  ? 

This  question  ray  theory,  as  it  stands,  cannot  possibly  answer. 

I  must  throw  overboard  my  notion  that  captured  women,  brought  into  an  ani« 
tnal-named  local  group,  say  Crow,  retained  the  names  of  the  groups  from  which 
they  were  stolen,  (as  Iguana,  Bee,  Rat,  Kangaroo),  and  bequeathed  theni  to  their 
children.  I  must  suppose  that,  in  group  Crow,  all  members,  born  in  it,  or  dragged 
into  it,  were  Crows. 

Let  that  be  granted,  and  we  have  several  hostile  and  exogamous  groups  of 
animal  name,  capturing  wives  from  each  other. 

Next  say  that  two  groups,  for  example  Mukwara  and  Kilpara^  (Eagle  Hawk 
and  Crow)  first  of  all  make  peaceful  connubium^  with  exogamy.  Suppose  then,  that 
Water-hen  and  Dingo  next  do  the  same  thing,  peacefully  intermarrying,  (as  at  pre- 
sent among  the  Northern  Urabunna,  only  with  each  other).  Other  pairs  of  totem|i 
follow  suit. 

Bat  while  each  group  is  at  peace  with  its  linked  groupi  conceivably  each  pair 

\  X,  Té  &  B,  Am  p.  1S9, 


p.  78.]  •    R    .    £    .    E    .    S    .  [1908. 

continued  to  capture  women  from  the  other  groups,  by  acts  of  war.  If  so,  things 
were  not  very  much  more  peaceful  and  comfortable  than  they  had  been  of  old. 

The  best  remedy  for  this  was  that  all  the  groups  should  range  themselves 
either  under  Eagle  Hawk  or  Grow,  either  under  Black  Cockatoo  or  White  Cockatoo, 
either  under  Bumble  Bee  or  ordinary  Bee,  to  choose  well  known  phratry  names. 
Water-hen  would  enter  under  the  Crow,  Dingo  under  the  Eagle  Hawk  colours  :  the 
groups  would  not  e?en  need  to  sacrifice  their  group  names.  But,  in  a  truly  conser- 
vative spirit,  Water-hen  still  kept  marrying  into  Dingo  alone,  Crow  into  Eagle 
Hawk  alone.  They  secured  tribal  peace,  union,  and  strength,  but  did  not  enlarge 
their  matrimonial  field  of  choice. 

Of  course  this  appears  a  very  stupid  arrangement,  but  nobody  can  call  it  im- 
possibly stupid,  for  it  is  the  arrangement  in  which,  as  Mr.  Howitt  and  Mr.  Spencer 
tell  us,  many  tribes  are  living  to  this  day. 

It  is  not  only  a  stupid,  but  an  almost  incredibly  disadvantageous  condition  of 
things.  For  tribes  thus  constituted,  from  the  northern  Urabunna  to  the  Barkinji, 
it  is  necessary  that  the  numbers  of  totem  kins  in  each  phratry  must  always  be  even 
numbers.  If  there  is  an  odd  totem  kin,  it  must  be  a  mateless  totem  kin,  consisting 
mainly  of  maids  and  bachelors  !  Or  the  whole  kin  must  adopt  the  totem  of  some 
other  kin,  and  we  do  not  learn  that,  in  Australia,  even  an  individual  can  change 
his  totem. 

The  state  of  affairs  reported  by  Mr.  Spencer,  and  by  Mr.  Howitt  on  the  autho- 
rity of  Mr.  O'DonncIl,  is  thus  so  extraordinary,  that  wo  wonder  why  our  authorities 
lay  such  slight  stress  on  the  phenomena,  and  why  they  do  not  try  to  explain  them. 
By  the  effect  of  female  descent,  the  Water-hen  kin  must  now  consist  entirely  of 
Dingoes,  and  Dingo  must  have  only  Water-hen  members.  If  all  Water-hen  men 
marry  only  Dingo  women,  all  their  children  are  Dingoes  ;  and  all  the  children  of 
Dingo  men  are  Water-hens,  by  female  descent,  except  when  a  northern  Orabunna 
man  marries  an  Arunta  woman,  (as  is  not  uncommon),  and  his  children  by  her 
take  her  totem,  say  Grub,  or  Iguana,  or  Laughing  Boy. 

Now,  if  that  totem  was  not  previously  enrolled  among  the  Northern  Urabunna 
totems,  clearly  the  children  cannot  marry  among  the  Urabunna,  for  they  are  of 
an  odd  totem^  without  a  mated  totem  in  their  tribe,  and  must  seek  wives  and  hus- 
bands among  the  Arunta.  If  tribes  began  on  the  one  totem  to  one  totem  principle, 
most  of  them  have  emancipated  themselves  from  it.  The  rule  is  only  reported  as 
existing  among  tribes  of  confessedly  primitive  organisation,  and  but  little  known. 
Even  the  Dieri  no  longer  observe  the  rule.  That  rule,  it  will  be  seen,  if  arrived  at 
as  I  provisionally  suggest,  automatically  prevents  the  same  totem  from  appearing 
in  both  phratries.  The  thing  cannot  possibly  occur,  for,  as  Water-hen  was  already 
exogamous,  intermarrying  with  Dingo,  when  it  joined  the  alliance,  each  member 
of  the  pair  naturally  went  into  a  different  side,  or  division,  and  so  with  all  the  rest. 
There  was  no  need  for  a  legislative  rearrangement  of  the  totems,  placing  one  set 
in  one  a  different  set  in  the  other  phratry,  as  suggested  in  The  Secret  of  the  Totem 
(pp.  171-173). 

A  simpler  process,  involving  less  of  conscious  legislation,  is  now  suggested  ; 
provisionally,  of  course,  for  we  need  more  conclusive  evidence  as  to  the  actual 
existence  of  the  one  totem  to  one  totem  rule  If  it  exists,  it  is  clearly  the  earliest 
form,  and  the  most  disadvantageous  form,  of  tribal  organisation  that  has  yet  been 
#NOvered. 


1908«]  DBLAPOSSB    :    LB    PEUPLB   SIÉNÂ    OU    SÉNOUFO.  [P.  79* 


LE  PBUPLE  SIÉNA  OU  SÉNOUFO 

par  Maurice  Délai* osse  (Côte  d'Ivoire). 
(Suite). 


11.  —  La  parure. 


Le  métal  qui  domiae  dans  la  parure  varie  selon  les  régions  :  c'est  l'or  chez  les 
Nafâoa  en  contact  avec  les  Abron  et  les  Assanti,  Targent  chez  les  sous-tribus  en 
relations  fréquentes  avec  les  Mandingues  (Guimini,  Noholo,  etc.)  et  chez  tous  les 
gens  riches,  le  plomb  ou  Tétain,  le  fer  et  surtout  lo  cuivre  chez  les  Siéna  demeurés 
les  plus  primitifs  (tractions  du  Centre  et  du  Nord-£st  notamment).  L'or  provient 
des  mines  de  TAbron,  du  Donkira  et  du  Lobi  ;  l'argent  est  fourni  par  nos  pièces  de 
monnaie  ;  le  fer  est  de  fabrication  indigène  ;  les  autres  métaux  sont  d'importation 
européenne  et  les  indigènes  se  les  procurent  auprès  des  commerçants. 

Les  bijoux  d'or  et  d'argent  ne  sont  pas  à  décrire  ici,  étant  de  fabrication 
étrangère  et  se  rapportant  aux  civilisations  agni-assanti  et  islamo-mandingue.  Je 
ne  parlerai  donc  que  des  autres. 

Dans  la  fraction  centrale,  presque  tous  les  indigènes,  hommes  et  femmes,  por- 
tent au  cou,  soutenu  par  une  ficelle  formant  collier,  un  petit  carré  de  bois  sur 
lequel  s'applique  un  bijou  de  cuivre  plat,  représentant  un  ou  deux  serpents,  un 
crocodile,  un  homme,  et  beaucoup  d'autres  sujets  ;  on  m'a  donné  du  port  de  cet 
ornement  diverses  raisons  se  rapportant  à  la  religion,  à  la  caste,  à  la  thérapeutiquOi 
mais  je  n'ai  pu  obtenir  aucune  certitude  à  cet  égard  et  le  sujet  est  à  étudier. 

Les  hommes  et  les  femmes  de  toutes  les  fractions  portent  très  souvent  des 
bracelets  en  cuivre  uni  et  des  anneaux  de  cou  de  pied  de  même  métal  et  de  forme 
ronde  ;  les  femmes  ont  aussi  des  anneaux  de  cou  de  pied  en  cuivre  ayant  la  forme 
de  deux  accents  circonflexes  accolés  par  leurs  cxirémités,  les  sommets  reposant 
sur  les  chevilles.  Des  femmes  de  la  fraction  nord-est  (Pala  notamment)  et  des  sous* 
tribus  voisines  (Niarhafolo  et  Folo)  portent  sur  le  devant  do  la  jambe  une  tige  de 
cuivre  plate,  droite  ou  contournée  comme  un  serpent,  retenue  au-dessous  du 
genou  et  à  hauteur  des  chevilles. 

Le  plomb,  Tétain,  le  fer  sont  fréquemment  employés  en  bracelets  et  anneaux 
de  jambe.  Les  hommes  portent  souvent  au-dessus  du  coude  des  anneaux  de  cuir| 
de  bois,  parfois  d'ivoire. 

Les  cauries  sont  usitées  comme  parure  chez  les  hommes  et  les  femmes,  surtout 
chez  ceux  allant  à  peu  près  nus,  enfilées  à  des  ficelles  et  portées  en  turban,  en 
sautoir,  en  collier,  en  jarretière,  en  ceinture,  etc.  Les  perles  en  verroterie  sont 
d^un  emploi  peu  répandu,  sauf  chez  les  femmes  riches  et  surtout  celles  des  fractions 
sud  et  sud-est,  qui  en  portent  en  collier,  ceinture,  etc.  Mais,  par  contre,  on  ren*' 
contre  assez  firéquemment  des  colliers  et  ceintures  en  perles  de  pierre  (quartz  blano 
en  général)  de  fabrication  indigène  ou  en  perles  de  cornaline  ou  d'agathe  venant 
du  Nord  et  peut-être  de  fabrication  berbère  ;  les  hommes  même  portent  souvent 
une  ou  plusieurs  de  ces  perles  suspendues  au  cou.  Ces  perles  de  cornaline  ou 
d^agathe  sont  assurément  anciennes  et  on  n'en  trouve  pas  à  l'état  neuf  ;  elles  sont 
possièrement  taillées,  généralement  en  forme  d'hexaèdre  allongé  ou  de  cigare  à 


p.  80.]  -R-E-E-S*  [1908. 

facettes»  plus  rarement  en  forme  d'hexaèdre  aplati  ;  elles  valent  dans  le  pays  de 
0  fr.  50  à  1  fr.  la  pièce  et  sont  d'autant  plus  rares  et  plus  chères  qu'on  s'avance 
vers  le  sud.  —  Les  pierres  ou  perles  amaigris  (aggry  heads)  sont  inconnues,  sauf 
chez  les  Nafâna  touchant  aux  Abron  et  chez  les  Guimini  et  Takponin  touchant  aux 
Baoulé. 

J'ai  mentiooné  plus  haut  les  ornements  des  oreilles,  des  lèvres  et  du  nez.  Je 
ne  parlerai  pas  ici  des  vêtements  et  parures  de  danse  ni  de  ceux  et  celles  spéciaux 
à  certaines  cérémonies  religieuses,  qui  seront  examinés  en  temps  et  lieu. 

Mais  il  me  faut  parler  de  la  canne^  qui  consiste  le  plus  souvent  en  un  bâton 
vulgaire  et  qui  n'est  guère  portée  que  par  les  chefs  et  les  hommes  âgés,  et  surtout 
de  la  trousse  dont  ne  se  séparent  jamais  les  Siéna  aisés,  surtout  ceux  du  centre  et 
de  l'ouest  ;  c'est  une  réunion  d'objets  bizarres  :  un  cure-oreilles,  un  cure-nez,  un 
cure-dents,  une  ou  plusieurs  palettes  pour  prendre  dans  la  tabatière  le  tabac  à 
priser,  uu  pinceau  pour  introduire  ce  tabac  dans  les  narines,  le  tout  en  fer  ou  en 
cuivre,  et  suspendu  au  cou  par  une  chaîne  de  même  métal  (commun  aux  Mandin- 
gues  et  à  certains  iMandé-fou  —  Lo,  Ouobe,  etc.  —  du  cercle  de  Séguéla). 

12.  —  Les  soins  de  propreté. 

Les  Siéna  en  général  sont  sales,  sauf  les  gens  riches  ou  islamisés,  qui  se  lavent 
assez  souvent  et  ont  presque  toujours  des  vêtements  très  propres,  sauf  aussi  une 
partie  des  Guimini  et  Takponin  du  sud,  ainsi  que  des  Mafàoa,  qui  ont  appris  la 
propreté  des  Agni-Assanti  et  se  savonnent  tous  les  jours,  souvent  deux  fois,  tout  le 
corps  à  l'eau  cbaudc. 

Les  autres  sont  plus  ou  moins  sales,  mais  le  sont  presque  toujours.  Beaucoup 
ne  se  lavent  le  corps  que  lorsqu'ils  ont  l'occasion  de  traverser  une  rivière  profonde, 
mais  alors,  quelque  étrange  que  cela  puisse  paraître,  ils  semblent  y  prendre  un 
certain  plaisir.  Les  femmes,  qui  vont  puiser  l'eau  et  ont  par  suite  plus  d'occasions 
de  s'y  baigner,  semblent  se  laver  plus  souvent  que  les  hommes.  Beaucoup  de  ces 
derniers,  surtout  en  saison  sèche  et  particulièrement  en  voyage,  dorment  presque 
toujours  à  même  le  sol  et  sont  couverts  d'une  couche  de  poussière  qu'ils  ne  cher- 
chent même  pas  à  secouer  ;  ils  deviennent  gris  ;  la  pluie  et  la  sueur  forment  des 
sillons  noirs  très  visibles  sur  l'ensemble  grisâtre  de  la  peau.  Cette  dernière  esc 
rugueuse  et  s'écaille  durant  la  saison  sèche,  car  les  Siéna  ne  se  la  graissent  pas, 
comme  les  Agni-Assanti  par  exemple,  pour  la  conserver  souple.  Les  enfants  sont 
couverts  d'une  véritable  couche  de  poussière  et  de  boue,  et  malgré  cela  les  maladies 
de  peau  sont  plus  rares  chez  eux  que  chez  les  enfants  tenus  si  propres  des  Agni- 
Assanti. 

Les  quelques  vêtements  des  primitifs  (bila^  cordon  des  femmes,  blouse  courte) 
sont  lavés  si  peu  souvent  qu'ils  prennent  une  teinte  indéiinissabie  ne  permettant 
pas  de  découvrir  leur  couleur  initiale. 

Les  villages  aussi  sont  très  sales  :  les  ordures  et  les  eaux  ménagères  sont 
répandues  partout,  à  la  porte  même  des  cases,  ou  dans  les  trous  semés  à  travers  le 
village  et  où  a  été  prise  l'argile  destinée  à  construire  les  maisons.  Les  excréments 
des  animaux  domestiques  émailient  partout  le  sol  et  ne  sont  que  bien  rarement 
enlevés,  pour  être  reportés  d'ailleurs  seulement  quelques  pas  plus  loin.  Seule  la 
bouse  de  vache  est  recueillie,  parce  qu'elle  sert  à  faire  un  enduit  pour  les 
murailles  et  certains  ouvrages  en  vannerie  et  est  utilisée  aussi  par  les  Mandingues 
pour  la  préparation  de  Tindigo« 


REES.  1908 


Planche  III. 


Q  ^Ç-^^^ï^O  -.Q  Q^^ 


/-^./y  /■^i'^  F^.E/ 

CoTirtrucüüTL   d&r  murs    d&r  cases  SIfNA 


Fiö.EZ.^2as'&  Fié.  Z 3.  ~  Coupe  Fia.  Z^—ElèrVation, 

Uwe-  SIENA  üropremenl   elite  ou.  öl- culm/iriaue 


t'iß.Za  Fi^.Z6  Fi^.Zî  Fc£.Z8 

Ecore  Couve 

CcLse   MAUME    oiu  caf&  rondes 


fig  zs 

EléooctioTi- 


(C) 


!        CF 


REES,  1908 


Planche  IV. 


J^^.  30..  BocJ-e  J^  StCou^e,  médiane  T^  J2..  EU^xxdioTi^ 

Case  recta/^uZxire    à    toiture  e/vpaUle    6l  deux  pans 


lié  35—    Joupe 


'É 


TiJ  «^4  -  Coufje  mAdiane 


Fva  3S.^     ElezycdioTi^ 
Case     recia/TÂuloÀre-  cl  ÙKÙire  plaie 


1^.37 
ßcxse  d'u^rie^  cctsey    oCe- 


Type  de  mctison  soudctn/xzfe  à  terjxifSe 


1908«]  DELAFOSSE    :    LE   PEUPLE   SIEN  A    OU   SÉNOUFO.  [P.  81* 

- 

Kintérieur  des  babitotions  seul  est  à  pea  près  propre,  poussière  et  fumée 
mises  à  part,  et  est  balayé  assez  souvent. 

Les  Siéna  n'ont  pas  de  fosses  d'aisance  ni  d'endroits  spéciaux  pour  vaquer  à 
leurs  besoins  naturels,  sauf  en  certains  villages  Nafâna  qui  ont  emprunté  ce  luxe 
aux  Abron.  Ils  font  leurs  besoins  n'importe  où,  tout  autour  des  villages,  dans 
rherbe,  sur  le  bord  des  chemins  ;  dans  le  jour,  ils  s'abritent  à  peu  près  dans  les 
hautes  herbes  ou  les  broussailles,  la  nuit  ils  s'installent  en  terrain  découvert.  Les 
abords  des  villages  sont  immondes. 

Les  épis  de  maïs  dépouillés  de  leurs  grains,  des  bâtonnets,  des  poignées 
d'herbes,  des  paquets  de  feuilles  servent  aux  Siéna  de  serviettes  hygiéniques.  Ils 
s'accroupissent  pour  aller  à  la  selle,  mais  urinent  debout,  les  femmes  aussi  bien 
que  les  hommes,  à  l'exception  des  musulmans  qui  s'accroupissent  toujours  pour 
uriner.  Comme  tous  les  Noirs  que  je  connais,  ils  se  servent  uniquement  de  la  main 
gauche  pour  approcher  les  parties  du  corps  servant  à  rejeter  Turine  ou  les  matières 
fécales,  et  uniquement  de  la  droite  pour  manger. 

Ils  mangent  avec  la  main  comme  tous  les  Noirs  ;  quelques  gens  riches  seule- 
ment se  servent  de  cuillers  en  bois  ou  faites  de  petites  calebasses  sectionnées  dans 
le  sens  de  la  longueur,  ou  encore  de  cueillers  européennes  en  fer  ou  en  étain  ;  mais 
on  n'utilise  jamais  la  fourchette  ni  le  couteau.  Les  Siéna  lavent  en  général  leurs 
doigts  avant  de  les  porter  au  plat,  qui  est  commun  pour  tous  ceux  qui  mangent 
ensemble  ;  ils  se  lavent  généralement  aussi  la  bouche  avant  et  après  manger.  Le 
repas  fini,  ils  se  sucent  les  doigts  et  les  essuient  après  un  mur,  un  pilier  de  case, 
ou  sur  leur  propre  peau  ;  parfois  ils  se  lavent  les  doigts  après  comme  avant  le  repas. 
Ils  prennent  la  nourriture  farineuse  (riz,  pâte  de  mil,  etc.)  avec  les  doigts,  mais  en 
général  ils  n'en  forment  pas  des  boulettes  et  la  ramènent  simplement  sur  la  paume 
de  la  main,  où  ils  la  recueillent  avec  la  langue. 

Gomme  presque  tous  les  Noirs,  les  Siéoa  crachent  loin  d'eux,  sur  le  sol  ou  sur 
les  murs,  envoyant  avec  dextérité  un  long  et  mince  jet  de  salive  par  l'action  com- 
binée de  la  langue  et  des  dents  serrées.  Ils  se  mouchent  en  appuyant  un  doigt  sur 
la  narine  opposée  à  celle  à  vider  et  en  projetant  le  liquide  au  dehors  par  une 
contraction  du  nez  ;  ils  ramassent  avec  l'index  ce  qui  n'est  pas  tombé  à  terre  et 
s'essuient  ensuite  l'index  sur  un  mur  ou  un  morceau  de  bois. 

Les  gens  en  contact  avec  les  Mandingues  ou  les  Agni-Assanti  se  nettoient  les 
dents  avec  les  petites  branches  mâchonnées  de  certains  arbres  ou  arbustes,  notam- 
ment d'un  arbre  ressemblant  extérieurement  au  karité.  Mais  beaucoup  de  Siéna, 
surtout  dans  les  campagnes,  ne  se  les  nettoient  que  rarement  et  les  ont  souvent 
jaunes  et  gâtées  ;  les  dents  gâtées  ne  font  pas  défaut,  d'ailleurs,  à  ceux  qui  se  les 
nettoient  journellement  :  c'est  un  préjugé  très  faux  que  celui  attribuant  aux  Nègres 
le  privilège  d'avoir  d^excellentes  dents. 

13.  —  L'habitatton. 

On  rencontre  chez  les  Siéna  cinq  types  principaux  de  huttes,  cases  ou  maisons 
iservant  à  l'habitation. 

1^  Case  siéna  proprement  dite  ou  case  bi^ylindrique  à  toit  ovoïde.  —  Cette 
case  se  compose  de  deux  parties.  On  a  d'abord  un  mur  cylindrique  de  1  m.  75  à 
û  m.  de  hauteur,  construit  en  briquettes  d'argile  crue  séchées  au  soleil  et  mainte- 
nues ensemble  au  moyen  d'argile  mélangée  d'eau  et  battue  à  l'aide  des  pieds  ;  la 
<Usposition  et  l'arrangement  des  briques  varient  :  tantôt  ce  sont  des  briquettes 


p.  82.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908» 

ovales  placées  sur  un  plan  vertical  mais  inclinées  à  45^  environ  et  formant  des 
coaches  d'inclinaisons  opposées,  avec  de  petits  morceaux  d'argile  durcie  ou  parfois 
de  petites  pierres  ou  des  résidas  de  minerai  de  fer  fondu  intercalés  entre  les  cou- 
ches (fig.  16)  ;  tantôt  ces  mêmes  briquettes  sont  disposées  pareillement,  mais  les 
couches  se  succèdent  sans  interruption  (fig.  17)  ;  tantôt  les  briquettes  ovales  sont 
disposées  de  façon  à  ce  que  Tinclinaison  varie  de  l'une  à  la  suivante  dans  la  même 
couche,  les  couches  successives  se  touchant  par  leurs  angles  de  manière  à  figurer 
des  losanges  entre  les  briquettes,  losanges  qui  sont  remplis  d'argile  non  façonnée 
(fig.  18)  ;  tantôt  ce  sont  des  briquettes  plates  en  dessous  et  convexes  en  dessus, 
alignées  horizontalement  Tune  au  bout  de  l'autre  et  l'une  au  dessus  de  l'autre,  le& 
couches  étant  séparées  par  des  morceaux  d'argile  durcie  ou  de  petites  pierres 
(fig.  19)  ;  tantôt  ce  sont  des  briquettes  analogues  à  celles  qui  viennent  d'être  décri- 
tes, mais  les  couches  se  succèdent  sans  interruption  et  le  centre  de  chaque  briquette 
repose  sur  les  extrémités  de  deux  briquettes  de  la  couche  inférieure  (fig.  20)  ;  tan- 
tôt ce  sont  des  briquettes  à  peu  près  sphériques  disposées  simplement  par  couches 
successives  séparées  l'une  de  l'autre  par  une  couche  d'argile  (fig.  21)  ;  parfois  le 
mur  repose  sur  une  assise  de  pierres  (granite  ou  latérite),  maintenues  ensemble  à 
l'aide  du  même  mortier  d'argile  qui  sert  à  maintenir  les  briques.  Le  mur  une  fois 
achevé,  il  est  revêtu  intérieurement  d'un  enduit  d'argile  ;  l'extérieur  est  parfois 
crépi,  mais  non  poli,  et  souvent  les  briquettes  y  demeurent  à  nu  ;  quelquefois^  mais 
très  rarement,  l'intérieur  et,  plus  rarement  encore,  l'extérieur  sont  blanchis  à  l'aide 
d'une  sorte  de  kaolin  qu'on  trouve  près  de  certains  ruisseaux  ou  dans  leur  lit  même  ; 
le  plus  souvent  l'intérieur  est  enduit  d'un  mélange  de  terre  et  de  cendre  ou  de  bouse 
de  vache.  Le  cylindre  a  de  deux  à  quatre  mètres  de  diamètre,  rarement  plus^ 

Accolé  à  ce  mur  cylindrique  en  est  un  autre,  plus  bas  que  le  premier,  con- 
struit de  même  ;  les  trois  quarts  du  cylindre  seulement  sont  achevés,  en  sorte  qu'on 
a,  en  avant  du  mur  principal,  une  sorte  de  croissant. 

Dans  le  mur  cylindrique  complet  on  a  ménagé  une  ouverture  assez  étroite, 
rectangulaire  ou  plus  ou  moins  ovoïde,  donnant  sur  la  face  concave  du  croissant 
et  reposant  sur  un  seuil  de  30  à  50  centimètres  de  haut,  en  sorte  que,  pour  y 
pénétrer,  il  faut  lever  la  jambe  et  courber  la  tête  ;  cette  ouverture  n'est  pas  munie- 
de  cadre,  au  moins  sur  les  côtés,  sauf  exception,  mais  elle  est  surmontée  d'un& 
planche  grossière  ou  d'une  couche  de  bâtonnets  encastrés  dans  le  mur  et  destinés 
à  soutenir  la  partie  de  muraille  construite  au-dessus  de  l'ouverture  ;  le  mur  formant 
seuil  est  généralement  nu,  mais  parfois  il  est  revêtu  d'une  planche  épaisse  qui^ 
constitue  la  base  du  cadre  de  l'ouverture. 

A  gauche  ou  à  droite  de  l'ouverture,  un  mur  droit  de  même  hauteur  que  le 
mur  cylindrique  s'avance  depuis  la  paroi  de  l'ouverture  jusqu'au  centre  du  cylindre  ; 
il  est  destiné  à  isoler  de  l'entrée  la  place  réservée  pour  s'y  coucher.  Il  convient  dé- 
noter cependant  que  ce  mur  n'existe  pas  toujours. 

Le  mur  entourant  le  croissant  antérieur  est  également  percé  d'une  ouverture 
qui  fait  vis-à-vis  à  celle  du  mur  cylindrique  ;  cette  ouverture  est  en  général  on 


i  Pour  dessiner  sur  le  sol  le  cercle  que  doit  formw  la  base  du  cylindre,  on  se  sert  d'une- 
corde  mesurant  la  longueur  que  l'on  veut  donner  au  diamètre  du  cylindre  ;  les  deux  bouts, 
de  cette  corde  sont  attachés  ensemble  et  on  la  tend  ensuite  d*un  bâtonnet  â  un  autre  ;  l'un, 
des  bâtonnets  est  maintenu  fixe,  la  pointe  âchée  en  terre,  par  un  opérateur,  tandis  qu'un 
second  opérateur,  tirant  sur  la  corde  au  moyen  de  l'autre  bâtonnet,  trace  avec  colui-d  sur- 
le  sol  une  circonférence  dont  le  premier  bâtonnet  marque  le  centre. 


1908«]  DELAFOSSE    :    LE   PEUPLE   SIÉNA   OU   SÉNOUFO.  [P.  83» 

peu  plus  large  et  un  peu  moins  élevée  au-dessus  du  sol  que  Touverture  de  la  cham- 
<bre  inlérieure. 

Le  sol,  à  Tintérieur  de  la  case,  est  battu  et  recouvert  d'un  enduit  de  bouse 
^e  vache. 

La  toiture,  ou  tout  au  moins  sa  charpente,  se  compose,  comme  la  maçonnerie, 
-de  deux  parties  :  la  première,  en  forme  de  cône  très  bas,  recouvre  le  mur  cylin- 
^ique  ;  elle  est  faite  de  morceaux  de  bois  attachés  ensemble  à  l'extrémité  supé- 
rieure du  cône,  très  serrés  les  uns  contre  les  autres,  et  reposant  sur  la  partie  supé- 
rieure du  mur,  qu'ils  ne  dépassent  pas  ;  la  deuxième  partie  est  faite  de  morceaux 
de  bois  allant  du  sommet  de  la  première  toiture  au  bord  supérieur  du  mur  en 
croissant,  ce  qui  fait  que  la  charpente  du  toit  est  double  au-dessus  de  la  partie  du 
•cylindre  embrassée  par  le  croissaot.  Sur  les  bois  sont  placées  des  tiges  de  mil  ou 
de  maïs,  ou  de  la  grosse  paille  genre  roseau,  disposées  les  racines  en  bas  ;  puis, 
par  dessus,  sont  fixées  des  herbes  longues  et  plates,  ayant  à  peu  près  la  configu- 
ration de  très  longues  feuilles  de  chiendent,  ou  plus  rarement  des  herbes  minces 
présentant  l'aspect  d'une  paille  assez  fine,  disposées  la  racine  en  haut,  par  couches 
^successives  dont  les  premières  placées  sont  celles  du  bord  inférieur  du  toit  et  les 
dernières  celles  du  sommet  ;  ces  herbes  sont  assez  grossièrement  attachées,  à  l'aide 
de  lianes  que  l'on  fait  passer  en-dessous  de  la  charpente  ;  quand  on  est  arrivé  au 
sommet  du  toit,  deux  larges  touffes  d'herbes  sont  placées  en  croix  sur  la  pointe  du 
^ne  et  leurs  extrémités  rabattues  et  attachées  au  reste  de  la  toiture.  La  couver- 
ture de  paille  dépasse  très  peu  le  mur  cylindrique  ;  elle  dépasse  davantage  le  mur 
en  croissant.  L'ensemble  de  cette  couverture,  épaisse  de  20  à  30  centimètres, 
présente  la  forme  de  la  moitié  supérieure  d'un  œuf  que  l'on  aurait  sectionné  du 
gros  au  petit  bout,  forme  due  à  ce  que  le  sommet  —  par  suite  de  la  disposition  de 
la  charpente  —  se  trouve  placé,  non  pas  au  centre  de  la  construction,  mais  au 
centre  du  cylindre  qui  n'en  forme  que  la  partie  postérieure  ;  la  pente  est  naturel- 
lement très  faible  du  côté  le  plus  allongé  (fig.  22,  23  et  24). 

Les  ouvertures  sont  fermées  la  nuit,  ainsi  que  durant  l'absence  des  habitants, 
^u  moyen  de  portos  en  bois  ou  en  vannerie.  Les  premières,  généralement  réservées 
à  garantir  Feutrée  de  la  chambre  cylindrique,  sont  taillées  d'une  seule  pièce  dans 
ces  énormes  contreforts  qui  sont  la  partie  aérienne  des  racines  du  Bomhax  ou 
fromager  :  elles  sont  munies  sur  un  côté  de  deux  montants  courts  enfoncés  dans 
la  maçonnerie,  l'un  au-dessus,  l'autre  au-dessous  de  l'ouverture,  et  formant  ainsi 
•un  double  pivot  ;  la  porte  s'ouvre  à  l'intérieur  et  est  plus  grande  que  le  cadre  de 
l'ouverture  ;  on  la  maintient  fermée  intérieurement  à  l'aide  d'un  bâton  que  l'on 
passe  dans  un  anneau  de  cuir  fixé  au  centre  de  la  porte  et  que  l'on  appuie  sur 
deux  crochets  fichés  dans  le  mur  à  droite  et  à  gauche  de  l'ouverture  ;  si  l'on  veut 
4a  fermer  extérieurement  —  pour  indiquer  l'absence  du  propriétaire  et  empêcher 
les  chiens,  moutons,  etc.  d'y  pénétrer  durant  cette  absence  —  le  bâton  est  placé 
^n  dehors  et  simplement  appuyé  sur  le  cadre  de  Touverturo  en  travers  de  la  porte  ; 
parfois,  une  planche  grossière  formant  le  bas  de  l'ouverture  est  munie  d'une  sorte 
•de  rainure  où  le  battant  de  la  porte,  préalablement  soulevé,  vient  s'encastrer. 

Les  portes  en  vannerie  consistent  en  un  rectangle  tressé  à  l'aide  de  paille- 
roseau,  de  rotin  ou  de  lamelles  de  raphia  et  enduit  de  bouse  de  vache  pour  ne  pas 
•laisser  passage  au  vent  ni  à  la  pluie  ;  ces  portes,  employées  aussi  bien  pour  la 
chambre  intérieure  que  pour  le  croissant  extérieur,  sont,  ou  bien  suspendues  par 
le  haut  à  un  crochet  en  bois  fiché  en-dedans  et  au-dessus  de  l'ouverture,  ou  sim- 
iplement  posées  sur  le  sol  et  appuyées  contre  le  cadre  ;  on  les  maintient  fermées 


F.  84.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [^®*^®*^ 

au  moyen  d'un  bâton  transversal  comme  il  a  été  dit  pour  les  portes  en  bois  :  la 
porte  est  placée  extérieurement  si  on  veut  la  fermer  à  Tintérieur,  intérieurement- 
si  on  veut  la  fermer  à  Textérieur.  Souvent,  lorsque  le  propriétaire  s'absente,  il 
dresse  simplement  la  porte  contre  le  cadre  de  Touverture,  à  l'extérieur,  et  la  main- 
tient à  l'aide  de  quelques  grosses  pierres  placées  contre  sa  base. 

Ce  type  de  case  se  rencontre  chez  les  Siéna  peu  ou  non  pénétrés  par  une  civi* 
lisation  étrangère  ;  il  domine  de  façon  presque  exclusive  dans  la  fraction  centrale- 
et  se  rencontre  accidentellement  dans  les  fractions  Nord,  Nord-Est  et  Sud,  surtout 
dans  les  parties  qui  avoisinent  la  fraction  centrale  (Zona,  Niéné,  Pala,  villages 
nord  du  Takponin  et  du  Guimini). 

2^  Cckse  dite  Malinké  ou  case  cylindrique  à  toit  conique,  vulgairement  case- 
ronde.  —  La  maçonnerie  se  compose  d'un  mur  cylindrique  de  1  m.  75  à  2  m.  50 
de  haut  et  de  3  à  5  mètres  de  diamètre,  construit  en  briquettes  et  en  mortier 
d'argile  de  la  façon  décrite  pour  la  case  bi-cylindrique,  parfois  en  couches  d'argile 
molle  sans  intervention  de  briquettes,  parfois  aussi  en  morceaux  de  bois  verticaux, 
soudés  ensemble  avec  de  Targile  ;  ce  mur  est  crépi  à  l'intérieur  et  la  plupart  du 
temps  aussi  à  l'extérieur,  et  assez  souvent  blanchi  sur  ses  deux  faces  à  l'aide  du 
kaolin  dont  j'ai  parlé  plus  haut,  ou  bien  revêtu  intérieurement  d'un  enduit  de  bouse- 
de  vache.  Le  sol  intérieur  est  battu  et  généralement  enduit  de  bouse  de  vache 
(fig.  2Ö). 

Assez  souvent,  un  mur  droit  part  du  mur  cylindrique,  à  droite  ou  à  gauche 
de  la  porte  d'entrée  et  s'avance  jusqu'au  centre  du  cylindre  ;  parfois  il  se  continue- 
plus  loin,  après  avoir  décrit  un  angle,  et  rejoint  presque  la  paroi  du  mur  cylin- 
drique opposée  à  la  porte,  laissant  entre  elle  et  lui  un  passage,  et  formant  ainsi 
une  Téritable  chambre  séparée  du  reste  de  la  case  (fig.  26). 

L'ouverture  servant  à  l'entrée  est  de  forme  rectangulaire,  assez  souvent  aussi, 
elle  a  à  peu  près  la  forme  d'une  urne  légèrement  renflée  au  premier  tiers  en  partant 
du  bas  ;  le  seuil  est  élevé  de  20  à  60 J^ centimètres  au-dessus  du  sol.  Parfois  de 
petites  ouvertures  rondes  ou  ovales  de  10  à  20  centimètres  de  diamètre,  sont 
ménagées  de  distance  en  distance  le  long  de  la  partie  supérieure  du  mur  (deux,, 
trois  ou  plus),  servant  en  quelque  sorte  de  fenêtres. 

Le  toit,  conique,  est  en  général  construit  à  part,  par  terre,  et  posé  d'une 
seule  pièce  sur  le  mur,  lorsqu'il  est  achevé.  La  charpente  est  en  nervures  de  raphia, 
ou  en  bambous,  ou  en  morceaux  de  bois,  selon  les  ressources  du  pays,  réunis  au 
sommet  du  cône  par  des  cerceaux  de  rotin  et  de  place  en  place  par  des  cercles, 
parallèles  de  rotin  auxquelles  les  poutrelles  sont  fixées  à  l'aide  de  liens  en  écorce 
de  lianes.  Sur  la  charpente,  on  dispose  de  l'herbe  sèche,  soit  une  herbe  fine  res- 
semblant à  de  la  paille  et  arrangée  en  longs  paillassons  qui  sont  déroulés  sur  la 
charpente  en  couches  parallèles  superposées,  l'extrémité  supérieure  des  herbes- 
tournée  vers  le  haut,  soit  une  herbe  plate  et  plus  large  fixée  sur  la  charpente  par 
petites  bottelettes,  l'extrémité  supérieure  des  herbes  tournée  vers  le  bas.  Dans  les^ 
deux  cas  on  commence  la  couverture  par  la  base  du  cône  et  on  attache  Therbe  au 
moyen  de  fibres  de  lianes  qui  sont  passés  au  travers  de  la  toiture  au  moyen 
d'une  sorte  de  grosse  alêne  en  bois.  Au  sommet  du  cône,  on  place  un  chapeau 
pointu  en  paille  tressée,  construit  à  part,  surmonté  généralement  d'une  tige  de 
bois  formant  flèche,  ou  de  trois  tiges  figurant  un  trépied  tourné  vers  le  ciel,  oa 
encore  d'un  ornement  en  bois  ou  en  fragment  de  calebasse  représentant  un  crois» 
sant,  un  poisson,  un  oiseau,  etc.,  ou  enfin  de  cornes  de  bœuf  ou  d'antilope.  Une 
fois  le  toit  achevé,  on  le  pose  sur  le  mur,  en  le  maintenant  parfois  à  Tabri  de» 


1908«]  DELAFOSSB    :    LE   PEUPLE   SIÉNA   OU    SÊNOUFO.  [P.  85» 

tornades  à  l'aide  de  grands  crochets  angulaires  en  bois  dont  une  branche  repose 
contre  la  bce  intérieure  du  mur  et  dont  l'autre  pénètre  dans  Tun  des  liens  d'attache 
de  la  toiture.  En  cas  d'incendie,  on  renverse  le  toit.  Ce  dernier  dépasse  de  30  à 
SO  centimètres  le  bord  supérieur  du  mur  ;  parfois  il  forme  autour  de  la  case  une 
sorte  d'auvent  ou  de  verandah  et  alors  des  piliers,  plantés  en  terre  parallèlement 
au  mur  et  à  75  centimètres  environ  de  sa  base,  supportent  la  base  de  la  toiture. 
Le  plus  souvent  on  n'a  aucun  pilier  à  l'intérieur  de  la  case  (tig.  27^  ;  cependant, 
snrtout  lorsque  la  case  est  très  large  et  que  la  charpente  du  toit  est  en  bois,  la 
toiture  serait  peu  solide  si  son  sommet  n'avait  pas  de  point  d'appui  et  de  plus  elle 
serait  trop  lourde  et  trop  peu  maniable  pour  pouvoir  être  transportée  du  sol  sur  le 
mur  :  dans  ce  cas,  un  pilier  en  bois  est  planté  en  terre  au  centre  de  la  case,  les 
poutrelles  de  la  charpente  sont  fixées  au  sommet  de  ce  pilier  et  la  toiture  est  âûte 
sur  place  (fig.  28). 

Ce  type  de  case  (fig.  29)  se  rencontre  chez  les  Siéna  ayant  subi  l'influence 
mandingue  ;  il  domine  dans  les  fractions  nord  et  sud,  et  se  rencontre  assez 
firéquemment  dans  la  fraction  nord-est  (Pala  notamment),  et  accidentellement 
dans  les  fractions  centrale  (Niarhafolo,  Folo,  Gbannzoro)  et  du  sud-est.  —  Les 
portes  sont  analogues  à  celles  décrites  pour  la  case  du  premier  type. 

3^  Case  rectangulaire  à  toiture  en  paille  à  deux  pans.  —  Les  murs  sont  cons- 
truits en  briquettes  ou  simplement  en  couches  superposées  d'argile  molle,  ou  plus 
souvent  en  clayonnage  de  bois  rempli  d'argile  (système  de  muraille  dit  «  tapade  »). 
Toujours  crépis  intérieurement,  les  murs  ne  le  sont  qu'exceptionnellement  à  l'ex- 
térieur ;  souvent  même  on  aperçoit  le  clayonnage  de  bois.  Parfois  les  murs  sont 
partout  crépis  et  recouverts  d'argile  blanche.  Une  ouverture  rectangulaire  est 
ménagée  sur  l'une  des  grandes  faces  ;  on  la  ferme  à  l'aide  d'une  porte  en  bois  ou 
en  vannerie  analogue  à  celles  décrites  pour  la  case  du  1^  type,  ou  encore  à  l'aide 
d'une  sorte  de  store  en  lamelles  de  raphia  ou  en  grosse  paille,  qui  peut  à  volonté 
se  rouler,  maintenu  en  haut  par  un  crochet  en  bois  qui  pend  de  la  muraille,  ou 
descendre  jusqu'à  terre.  Quelquefois  les  autres  faces  du  rectangle  sont  percées 
d'ouvertures  carrées  de  30  à  60  centimètres  de  côté,  que  Ton  peut  fermer  à  Taide 
de  stores  identiques. 

Très  souvent  la  case  renferme  deux  chambres,  plus  rarement  trois,  se  suivant 
dans  le  sens  de  la  longueur  du  rectangle.  Elles  sont  séparées  l'une  de  l'autre  par 
un  mur  coupant  le  rectangle  dans  le  sens  de  sa  largeur  et  percé  d'une  ouverture 
en  son  milieu  ou  bien  à  son  extrémité  la  plus  éloignée  de  la  porte  d'entrée  de  la 
case,  laquelle  est  unique. 

La  charpente  de  la  toiture  est  en  nervures  de  raphia,  en  bambous  ou  en 
poutrelles  de  bois,  disposés  suivant  deux  plans  inclinés  sur  l'horizontale  et  se 
eoupant  au  faite,  et  liés  ensemble  suivant  des  lignes  horizontales  parallèles  à  l'aide 
de  rotins,  de  lattes  de  raphia  ou  de  nervures  de  palmier  à  huile  fixés  aux  pou- 
trelles au  moyen  de  fibres  de  lianes.  Cette  charpente  est  recouverte  d'herbe  plate, 
plus  rarement  d'herbe  fine.  La  toiture  dépasse  les  deux  grandes  faces  du  mur  de 
fagon  à  former  une  sorte  d'auvent  souvent  assez  large,  surtout  sur  la  façade  de 
devant,  et  soutenu  alors  par  quelques  piliers.  Elle  est  un  peu  plus  longue  que  la 
muraille,  en  sorte  qu'elle  protège  un  peu  les  côtés  et  le  sommet  des  murailles 
latérales,  lesquelles  ont  la  forme  d'un  carré  surmonté  d'un  triangle. 

Cette  toiture  repose  sur  une  poutre  faîtière  horizontale  qui  s'appuie  sur  deux 
piliers  à  fourche  encastrés  chacun  au  centre  des  murs  latéraux,  et  de  plus,  si  la 
case  est  de  grande  dimension,  sur  un  ou  deux  piliers  médians  encastrés  dans  le  ou 


p.  86.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

les  murs  de  séparation  des  chambres.  Ces  murs  ne  montent  pas  jusqu'au  faîte  et 
s'arrêtent  à  la  hauteur  des  murs  de  £E^^de  ;  seuls,  les  murs  latéraux  se  terminent 
en  triangle  et  supportent  le  faite  et  les  pans  de  la  toiture. 

Le  sol  intérieur,  exhaussé  au-dessus  du  sol  environnant,  est  battu  et  souvent 
enduit  de  bouse  de  vache. 

Ce  type  se  rencontre  presque  uniquement  chez  les  Nafana,  où  il  domine  pres- 
que partout  ;  on  le  trouve  pourtant  quelquefois  chez  les  Guimini,  et  accidentelle- 
ment chez  les  autres  sous-tribus.  C'est  en  somme  la  case  Agni-Assanti  des  bassins 
de  la  Comoé  et  de  la  Tano,  plus  grossièrement  construite  (fig.  30,  31  et  32). 

IjOs  Dioula  du  Guimini  et  du  pays  de  Kong  possèdent  bien  aussi  une  case 
rectangulaire,  mais  beaucoup  plus  vaste  et  d'une  tout  autre  apparence,  qui  est  un 
intermédiaire  entre  la  case  Agni-Assanti  et  la  maison  soudanaise  à  terrasse.  Elle 
n'est  jamais  habitée  par  des  Siéna. 

4^  Case  rectangulaire  à  toiture  plate.  —  Ce  type  est  assez  original.  Le  bâtiment 
est  un  parallélipipède  rectangle,  souvent  très  long,  partagé  en  deux,  trois,  quatre, 
cinq  et  même  parfois  six  chambres  parallèles,  au  sol  plus  bas  que  le  sol  extérieur, 
avec  verandah  étroite  courant  le  long  de  la  façade  antérieure,  et  toiture  plate  très 
basse,  si  basse  qu'il  est  impossible  à  un  homme  de  taille  moyenne  de  se  tenir  debout 
à  l'intérieur  de  la  case.  Les  murs  sont  en  briquettes,  en  argile  non  &c<>i^née  ou 
encore  en  palissade  de  bois  recouverte  d'argile,  très  généralement  crépis  sur  les 
deux  faces  et  souvent  blanchis  au  kaolin.  Chaque  chambre  est  munie  d'une  porte 
donnant  sur  la  verandah  ;  les  diverses  chambres  communiquent  de  plus  l'une  avec 
l'autre  au  moyen  de  portes  percées  à  l'une  quelconque  des  extrémités  des  murs  de 
séparation.  La  verandah  est  en  général  bordée  extérieurement  d'un  petit  mur 
d'appui. 

La  toiture  est  faite  de  poutres  transversales  reposant  sur  les  murs  de  façade  et 
sur  les  poutres  qui  joignent  l'un  à  l'autre  les  piliers  de  bois  de  la  verandah  ;  ces 
poutres  transversales  supportent  de  minces  poutres  longitudinales  étroitement 
serrées  les  unes  contre  les  autres.  Par  dessus  ces  dernières  sont  placées  des  tiges 
de  sorgho,  de  mil  ou  de.  maïs  ou  encore  d'herbes-roseaux.  Enfin  sur  le  tout  repose 
une  couche  peu  épaisse  d'argile  blanchâtre.  La  surface  extérieure  du  toit  présente 
l'aspect  d'une  terrasse  très  légèrement  convexe  ou  plus  exactement  d'une  route  en 
dos  d'âne  très  aplati  ;  on  ne  monte  pas  sur  ces  terrasses  ;  l'herbe  y  pousse  et  parfois, 
vu  le  peu  d'élévation,  les  chèvres  vont  y  brouter.  (Fig.  33,  34  et  35). 

Ce  type  se  rencontre  presque  uniquement  dans  la  fraction  nord-est,  où  il  existe 
soit  seul  soit  concurremment  avec  la  case  ronde  et  la  case  bi- cylindrique  (Pala, 
Sikola,  Falafala,  Komono).  Il  semble  se  rapprocher  beaucoup  des  cases  Bobo 
décrites  par  M.  Binger  et  se  retrouve  chez  les  Dégha  ou  Guiamou  de  certains 
quartiers  d'Assafoumo  ou  Guioboué,  village  d'origine  Gourounsi  situé  près  de 
Bondoukou.  M.  Binger  signale  ce  type  de  case  chez  les  Dorhossiè,  à  côté  de  quelques 
cases  rectangulaires  à  toitures  de  paille  ;  chez  les  Kièfo,  d'après  le  même  auteur, 
on  rencontre  les  grandes  maisons  à  terrasse  et  à  étage  des  Lobi,  Dagâri,  etc.,  dites 
soJcala. 

5®  Maison  à  terrasse,  dite  maison  sotédanaise.  —  Ce  type  se  compose  d'un 
bâtiment  à  base  rectangulaire  ou  carrée,  avec  murs  en  briquettes  ou  briques  cuites 
au  soleil,  murs  plus  épais  à  la  base  qu'au  sommet,  en  sorte  que  leur  face  intérieure 
est  verticale  tandis  que  la  face  extérieure  est  plus  ou  moins  inclinée  sur  l'horizontale, 
donnant  ainsi  à  la  construction  un  aspect  pyramidal.  Les  portes  d'entrée  —  il  y  en 
a  souvent  plusieurs  par  bâtiment  —  sont  rectangulaires  ou  trapézoïdales,  avec  seuil 


1908«]  DBLAFOSSB    :    LB   PBUPLB   SIÊNA   OU   SÊNOUPO.  [P«  87» 

peu  élevé.  On  a  parfois  de  très  petites  ouvertures  rectangulaires  ou  triangulaires 
servant  de  fenêtres. 

La  toiture  forme  terrasse.  Sa  charpente  est  analogue  à  celle  des  cases  à  toiture 
plate  décrites  précédemment,  mais  il  n^y  a  ni  paille  ni  tiges  quelconques  entre  la 
-charpente  et  la  couche  d'argile  et  cette  dernière,  beaucoup  plus  épaisse,  est  remplie 
de  cailloux  destinés  à  la  rendre  compacte  et  résistante, et  a  été  soigneusement  battue. 
La  terrasse  est  plate,  mais  assez  inclinée  pour  permettre  Técoulement  des  eaux, 
qu'assurent  des  gargouilles  en  bois  ou  en  terre  cuite.  Tout  autour  de  la  terrasse  est 
un  parapet  que  surmontent  de  place  en  place,  en  général,  des  cônes  ou  pyramides 
-de  terre  de  20  à  50  centimètres  de  hauteur  ;  souvent  les  angles  de  la  maison  ou  les 
portes  sont  surmontés  de  pyramides  atteignant  de  un  à  deux  mètres. 

La  maison  est  entièrement  crépie  à  l'aide  de  terre  grise  et  souvent  recouverte 
•en  outre  d'un  revêtement  d'argile  blanche  ou  jaunâtre.  Dans  beaucoiy)  de  localités, 
•on  revêt  l'extérieur  d'un  enduit  formé  d'argile  grise  ou  blanche  et  d'une  infusion 
de  racines  faisant  office  de  colle,  enduit  qui  résiste  assez  bien  aux  pluies. 

Une  échelle  construite  à  l'extérieur  contre  l'une  des  faces  latérales  donne  accès 
à  la  terrasse  :  elle  est  faite  de  barreaux  de  bois  encastrés  dans  deux  montants  en 
terre  faisant  corps  avec  le  mur  et  rappelle  les  échelles  verticales  donnant  accès  aux 
wharfs  et  jetées  maritimes.  Parfois  on  a  à  l'intérieur  une  échelle  analogue  ou  une 
•grossière  échelle  en  bois  et  alors  la  terrasse  est  percée,  au  sommet  de  cette  échelle, 
4'une  ouverture  étroite  entourée  d'un  rebord  qui  empêche  l'eau  de  pluie  de  se 
déverser  en  cascade  dans  la  maison: 

Il  existe  quelquefois  un  étage  ou  mieux  une  sorte  de  tourelle  où  l'on  accède 
par  un  escalier  intérieur  en  terre,  généralement  bâti  dans  un  seul  plan,  parfois 
•coudé  à  angle  droit. 

Les  portes  extérieures  sont  presque  toujours  en  bois  ;  elles  possèdent  quelque- 
fois des  loquets  et  des  sortes  de  serrures  en  bois  qui  s'ouvrent  et  se  ferment  à  l'aide 
de  longues  clefs  à  crochets  également  en  bois. 

Ce  type  (fig.  36)  ne  constitue  jamais  à  lui  seul  un  village  en  pays  Siéna,  mais  il 
-se  rencontre  assez  fréquemment,  notamment  dans  les  gros  centres  et  les  régions  où 
habitent  des  musulmans  Dioula,  ainsi  que  dans  certaines  sous-tribus  du  district  de 
Tombougou,  même  là  où  les  musulmans  sont  fort  rares  (Kassembélé,  Gbâto,  Niéné, 
Kadlé,  etc.). 

On  voit  à  Félékessé-dougou  (Niarhafolo)  et  à  Eorhpgo  (Eiembarha)  deux'  con- 
structions à  étage  et  à  terrasse  d'un  aspect  réellement  architectural,  avec  fenêtres 
à  toutes  les  chambres,  murs  en  briques  moulées,  etc.  Ces  deux  «  châteaux  »,  bien 
-que  bâtis  sur  l'ordre  et  sur  les  plans  de  deux  chefs  Siéna  (feu  Nahouon  à  Félékessé- 
dougou  et  Gbon  à  Korhogo),  ont  eu  pour  architectes  des  gens  de  Dienné  embauchés 
tout  exprès,  et  n'ont  rien  à  voir  avec  l'ethnographie  des  Siéna.  On  en  peut  dire  autant 
des  mosquées  à  minarets  pyramidaux  qui  s'élèvent  dans  plusieurs  villages  où  les 
•musulmans,  presque  tous  mandingues  d'ailleurs,  sont  en  nombre  relativement  con- 
sidérable. 

J'ai  décrit  ci-dessus  les  types  proprement  dits  d'habitation  qui  se  rencontrent 
-chez  les  Siéna.  Mais  il  y  a  beaucoup  de  modèles  intermédiaires,  s'écartant  plus  ou 
moins  du  type  primitif  ou  procédant  à  la  fois  de  deux  ou  même  trois  types.  C'est 
ainsi  que,  dans  des  villages  où  domine  la  case  bi-cylindrique,  on  trouve  des  cases 
-cylindriques  à  toit  conique,  mais  basses  de  sommet  et  couvertes  de  même  façon  que 
les  cases  à  toit  ovoïde  ;  parfois  elles  renferment  une  chambre  intérieure  carrée  sur 
"^ois  de  ses  faces,  la  quatrième  étant  la  paroi  même  du  cylindre  (fig.  37)  ;  souvent 


p.  88.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

aussi  elles  ne  renferment  ni  chambre  ni  mur  de  séparation  à  Pintérieur  et  servent 
alors  généralement  de  cuisines,  plutôt  que  d'habitations  proprement  dites.  —  Oa 
rencontre  souvent  aussi  des  cases  à  toit  conique,  mais  sans  mur,  ou  pourvues  seule- 
ment d'un  mur  d'appui  ou  d'une  main-courante  n'ayant  que  50  centimètres  environ 
au  dessus  du  sol,  la  toiture  reposant  alors  sur  un  cercle  de  lianes  entrelacées  que 
supportent  des  piliers  verticaux  :  ce  sont  des  cases  de  réunion  ou  des  ateliers  de 
forgerons.  —  On  voit  encore  des  cases  cylindriques  pourvues  de  deux  ouvertures  se 
faisant  face  :  ce  sont  en  général  des  écuries. 

Parmi  les  cases  bi-cylindriques,  certaines  ont  le  croissant  extérieur  dépourvu 
de  murs  ou  entouré  seulement  d'une  main-courante  :  ce  sont  en  général  des  case& 
destinées  aux  femmes  ;  la  verandah  en  croissant  sert  de  cuisine. 

Là  où  domine  la  case  rectangulaire  à  toiture  en  paille  à  deux  pans,  on  trouve 
aussi  des  cases  cylindriques  et  de  plus  des  cases  carrées  à  toit  conique^  intermédiaire 
évident  entre  les  premières  et  les  secondes.  (Observé  dans  plusieurs  villages  Nafâna^ 
notamment  à  Kassa,  Dikrou  et  Louha  ou  Boue,  dans  le  Gold-Coast). 

On  peut  dire  d'ailleurs  que,  dans  presque  tous  les  villages,  môme  dans  des  vil- 
lages ne  comptant  qu'une  dizaine  de  cases  et  à  plus  forte  raison  dans  les  gros  cen- 
tres, on  trouve,  à  côté  d'un  type  dominant,  deux  ou  trois  autres  types  distincts, 
sans  parler  des  types  intermédiaires.  Dans  des  villages  de  culture  du  nord  de  la 
fraction  sud  (Sédala  dans  le  canton  Takponin  de  Niangbo,  Pessan-kaha  dans  le 
Guimini  nord,  et  autres  villages  situés  sur  la  route  de  Pessan-kaha  à  Tafiré-sôba), 
j'ai  vu  côte  à  côte  des  cases  cylindriques,  des  cases  bi-cylindriques,  des  cases  rec- 
tangulaires à  toit  en  paille  à  double  pente,  des  maisons  à  terrasse  et  enfin  des  gre- 
niers à  toit  plat,  c'est  à  dire  la  réunion  de  tous  les  types  de  construction  qu'on  peut 
rencontrer  chez  les  Siéna.  Dans  le  canton  desPala,  j'ai  vu  fréquemment  des  cases 
cylindriques,  des  cases  rectangulaires  à  toit  plat  et  des  cases  bi-cylindriques  dans 
le  même  village,  bien  que  le  premier  de  ces  types  domine  dans  certaines  localités 
Pala  et  le  second  dans  certaines  autres,  sans  que  l'on  en  puisse  déterminer  la  raison. 

On  ne  peut  donc  pas  donner  un  type  d'habitation  comme  caractéristique  du 
peuple  Siéna  :  tout  au  plus  peut-on  dire  que  la  case  bi-cylindrique  à  toit  ovoïde 
semble  être  autochtone  et  que  les  autres  types  sont  d'origine  étrangère  (mandingue 
sans  doute  pour  la  case  cylindrique,  agni-assanti,  pour  la  case  rectangulaire  à  toiture 
à  deux  pans,  Bobo  ou  Gourounsi  (?)  pour  la  case  à  toit  plat,  berbéro- soudanaise  (?) 
pour  la  maison  à  terrasse).  On  peut  encore  compléter  cette  détermination  assez 
vague  par  une  détermination  négative  :  il  est  certains  types  d'habitation  qu'on  ne 
trouve ^'a^nai^  chez  les  Siéna  ;  parmi  ceux-là,  je  citerai  :  la  grande  sokala  à  terras- 
ses et  tourelles  des  Lobi,  Birifo,  Dagâri,  etc.  ;  la  case  circulaire  ou  rectangulaire 
avec  cour  intérieure  qu'on  trouve  chez  les  Agni  de  l'ouest  (Mango,  Baoulé),  chez  les 
Abè  et  Abidji,  chez  certains  Mandé- Fou  voisins  du  Bandama  (Gouro)  ;  la  case  rec- 
tangulaire à  parois  en  nattes  (certaines  tribus  de  Kroomen  ou  Erou)  ou  en  nervures 
de  raphia  sans  mortier  d'ai^Ie  (beaucoup  de  tribus  habitant  près  de  la  mer)  ;  la 
case  cylindrique  à  plafond  et  à  toiture  conique  très  pointue  (Mandé-Fou  et  Erou- 
Bakoué  des  bassins  du  Sassandra  et  du  Gavally)  ;  la  case  ovale  d'un  certain  nombre 
d'Agni  de  l'ouest  (Baoulé)  ;  la  hutte  de  paille  en  forme  de  ruche  des  Foulbé  nomades. 

Là  où  domine  la  case  bi-cylindriqne,  on  compte  en  général  un  peu  moins  d'«n 
habitant  par  case,  jeunes  enfants  non  compris  (proportion  établie  de  façon  indis» 
cutable  par  de  nombreux  recensements)  :  la  raison  de  ce  fait,  qui  peut,  au  premier 
abord,  paraître  bizarre,  consiste  en  ce  que  chaque  chef  de  famille  Siéna  fait  cons- 
truire en  général  une  case  distincte  pour  chacun  des  membres  adultes  de  sa  famille^ 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE   PEUPLE   SIÉNA   OU   SÊNOUFO.  [P.  89. 

(femmes  et  serfs  compris),  en  ce  qu'il  existe  beaucoup  de  cases  dans  lesquelles  on 
ne  couche  pas  (cuisines,  ateliers,  cases  de  réunion),  enfin  en  ce  que  le  môt&e  indi- 
vidu possède  souvent  une  case  dans  son  village  et  une  autre  dans  un  hameau  de 
culture. 

Ijà  où  domine  la  case  ronde,  la  proportion  est  un  peu  plus  forte,  atteignant 
presque  toujours  un  habitant  adulte  par  case  et  parfois  un  habitant  et  un  tiers  ;  cela 
tient  à  ce  qu'il  existe  moins  de  cases  affectées  spécialement  au  travail  des  femmes, 
la  cuisine  se  faisant  davantage  en  plein  air. 

La  proportion  va  de  2  à  3  adultes  par  case  là  où  domine  la  case  rectangulaire 
à  toiture  à  deux  pans. 

Pour  les  cases  à  toit  plat  et  les  maisons  à  terrasse,  on  ne  peut  établir  aucune 
proportion,  les  dimensions  de  ces  cases  et  le  nombre  de  leurs  chambres  étant  trop 
variables. 

Je  dois  dire  maintenant  un  mot  des  greniers  ou  magasins.  Outre  les  provisions 
accumulées  dans  les  cases  d'habitation  et  notamment  dans  les  cases  réservées  aux 
'  femmes  et  les  cuisines,  et  contenues  dans  des  récipients  que  nous  examinerons  au 
chapitre  «  ameublement  »,  les  Siéna  ont,  pour  conserver  leurs  céréales  (riz,  mil, 
soigho,  ignames')  des  greniers  ou  magasins  indépendants  des  habitations  et  souvent 
en  nombre  plus  considérable  que  ces  dernières. 

Ces  greniers  appartiennent  à  trois  types  que  j'appellerai  les  types  cylindrique 
(fig.  38),  ovoïde  (fig.  39)  et  rectangulaire  (fig.  40).  Tous  les  trois  sont  recouverts 
d'un  toit  conique  léger  construit  comme  les  toits  des  cases  rondes  et  que  l'on  enlève 
pour  puiser  dans  le  magasin  ;  parfois  cependant,  notamment  dans  la  fraction  nord- 
est  et  dans  son  voisinage,  on  trouve  des  greniers  à  toiture  plate  en  bois  et  paillé 
recouverts  de  terre,  maintenue  à  l'aide  d'une  pierre  posée  sur  sa  partie  centrale. 
Les  greniers  des  trois  types  sont  construits,  comme  les  cases,  en  briquettes  crues  ou 
simplement  en  argile  molle  non  façonnée  (notamment  ceux  du  type  ovoïde)  et  sont 
crépis  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur,  souvent  enduits  de  bouse  de  vache,  et  parfois 
blanchis  extérieurement.  Ils  sont  séparés  du  sol  par  de  grosses  pierres  sur  lesquel- 
les ils  reposent  (trois  pierres  pour  les  greniers  cylindriques  et  ovoïdes,  quatre  pour 
les  rectangulaires),  ou  par  quelques  dalles  grossières  supportant  un  cadre  de  bois 
(greniers  rectangulaires).  Lies  greniers  paraissent  en  général  être  plus  soignés  et 
plus  ornementés  que  les  cases,  surtout  chez  les  Siéna  du  centre  à  cases  bi-cylindri- 
ques,  qui  manifestent  ainsi  leur  affection  pour  tout  ce  qui  touche  à  l'agriculture  et 
à  ses  produits  ;  presque  tous  portent  sur  une  ou  plusieurs  de  leurs  faces  des  figures 
en  relief,  parfois  coloriées,  représentant  le  plus  souvent  une  tête  ou  des  cornes  de 
bœuf;  beaucoup  possèdent,  un  peu  au  dessous  du  toit,  une  ouverture  rectangulaire 
encadrée  dans  un  motif  d'ornementation  en  relief,  ouverture  qui  permet  de  puiser 
dans  le  grenier  ou  d'y  introduire  des  céréales  sans  soulever  la  toiture,  (fig.  41). 

Les  greniers  cylindriques  et  rectangulaires  varient  en  hauteur  de  1  à  3  mètres 
et  parfois  plus  ;  quelques*uns  sont  de  véritables  tours,  un  peu  plus  étroites  au 
sommet  qu'à  la  base  (cas  observé  à  Félékessé-dougou,  chez  les  Niarhafolo).  Ceux 


^  Le  mais  est  conservé  généralement  en  bottelettes  suspendues  à  la  branche  d*un  baobab 
ou  d*un  fromager,  à  proximité  des  villages  de  culture,  les  épis  demeurant  entourés  de  leur 
gaine  et  pendant  la  pointe  en  bas.  Les  arachides  sont  enfermées  dans  des  feuilles,  en 
paquets  ayant  la  forme  et  la  taille  d'une  grosse  citrouille,  maintenus  par  un  réseau  de 
liens  et  suspendus  au  toit  à  Pintérieur  des  cases.  Les  haricots  se  conservent  en  général 
dans  des  uines  ou  jarres  placées  dans  les  cases. 


p.  90.]    >    R    >    E    >    E    ^    S    ^ [1908. 

qui  dépassent  la  haateur  d'homme  sont  pourvus  d'une  échelle  analogue  à  celle 
décrite  à  Toccasion  des  maisons  à  terrasse.  La  largeur  varie  de  1  à  2  mètres,  ou 
plus  dans  le  cas  d'une  très  grande  hauteur.  —  Les  magasins  ovoïdes  sont  plus  ou 
moins  renflés,  plus  ou  moins  vastes,  mais  n'atteignent  jamais  de  très  grandes 
dimensions. 

Tous  ces  magasins  ou  greniers  sont  épars  dans  les  villages,  parmi  les  cases  et 
autour  d'elles  ;  on  en  trouve  aussi  au  milieu  des  champs,  en  dehors  de  tout  lieu 
d'habitation  même  temporaire.  Les  trois  types  se  rencontrent  fréquemment  dans 
la  même  localité. 

Un  mot  maintenant  sur  la  conformation  et  l'aspect  des  villages.  Les  cases  et 
greniers  sont  disposés  de  façons  diverses,  mais  le  plus  souvent  à  l'aventure,  for- 
mant des  groupes  compacts  où  il  est  impossible  de  trouver  trace  d'un  plan  défini 
d'avance  et  épousant  les  sinuosités  du  terrain  sans  qu'on  ait  cherché  à  y  remédier. 
Cependant  certains  villages  de  médiocre  dimension  affectent  une  forme  circulaire  : 
les  cases  extérieures  sont  disposées  sur  une  circonférence  et  réunies  les  unes  aux 
autres  par  un  petit  mur  en  briquettes,  en  sorte  qu'on  a  un  cercle  où  ne  donne  accès 
qu'une  seule  ouverture  ménagée  dans  le  mur,  ouverture  que  l'on  ferme  la  nuit  au 
moyen  de  souches  ou  de  fascines  ;  bien  entendu,  les  pprtes  des  cases  sont  toutes  à 
l'intérieur  du  cercle,  sans  nécessairement  faire  face  au  centre  ;  au  lieu  que  l'inté- 
rieur du  cercle  soit  vide,  comme  il  arrive  dans  beaucoup  de  villages  soudanais,  il 
est  en  général  rempli  d'un  fouillis  sans  ordre  de  cases  et  surtout  de  greniers. 

Dans  d'autres  villages  plus  vastes,  on  a  des  quartiers  distincts.  Ces  quartiers 
sont  parfois  isolés,  séparés  les  uns  des  autres  par  de  vastes  étendues  de  terrain 
cultivé  ou  de  pâturages,  et  par  les  bois  ou  bosquets  sacrés  dont  il  sera  question  au 
chapitre  «  religion  »  ;  d'autres  fois  ils  font  corps  les  uns  avec  les  autres,  séparés 
seulement  par  des  ruelles  tortueuses  et  de  largeur  fort  inégale,  ou  par  des  places 
quelquefois  très  vastes  et  plantées  d'immenses  arbres  (ficus,  fromagers,  StereuUa 
Cordifolia^  etc.),  à  l'ombre  desquels  travaillent  les  tisserands  et  se  tiennent  les 
marchés.  Chaque  quartier  est,  soit  ouvert  —  c'est-à-dire  sans  enceinte  d'aucune 
sorte  groupant  ensemble  les  cases  qui  le  composent  — ,  soit  fermé  par  des  murs 
réunissant  ensemble  les  cases  extérieures  du  quartier,  ou  encore  (surtout  dans  les 
pays  de  l'ouest  où  habitent  des  Mandingues  pêle-mêle  avec  des  Siéna)  par  des 
palissades  faites  de  paillassons  ou  d'épines. 

Le  chef  a  souvent  un  quartier  considérable,  entouré  d'un  mur  assez  haut  qui 
réunit  ensemble  les  façades  postérieures  de  toutes  les  habitations  de  la  périphérie, 
dans  lequel  on  n'a  accès  que  par  une  porte  unique,  en  général  s'ouvrant  dans  une 
sorte  de  vestibule  :  c'est  là  ce  que  nous  appelons  communément  un  tata,  du  mot 
mandingue  tannda  ou  tata,  qui  signifie  simplement  «  mur  ».  Ces  iota  sont  de 
véritables  dédales  de  ruelles,  de  cours,  de  vestibules,  où  s'entassent  en  chaos  cases 
et  greniers,  et  où  il  est  à  peu  près  impossible  à  un  étranger  de  s'orienter,  les  murs 
et  les  toits  très  rapprochés  les  uns  des  autres  empêchant  d'apercevoir  aucun  objet 
extérieur  qui  puisse  servir  de  point  de  repère. 

Les  villages  Siéna  sont  bâtis  en  rase  campagne  et  sont  entourés  le  plus  géné- 
ralement de  champs  cultivés  ou  de  pâturages  ;  ils  ne  se  dissimulent  à  la  vue  qu'à 
l'époque  où  le  mil  est  assez  haut  pour  cacher  les  maisons. 

Pour  se  garantir  des  hordes  dévastatrices  des  Fakaba,  Babemba,  Samori  et 
autres  pillards  de  moindre  envergure,  beaucoup  de  villages  Siéna  ne  reculèrent  pas 
devant  un  travail  énorme,  consistant  à  entourer  le  village  entier  d'un  et  quelque- 
fois de  deux  murs  d'enceinte,  garnis  extérieurement  d'un  fossé.  Ces  fortifications^ 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE   PEUPLE   SIÉNA    OU    SÉNOUFO.  [P.  91. 

faites  sans  doute  sur  le  modèle  —  bien  réduit  d'ailleurs  —  de  celles  édifiées  à 
Sikasso  par  Tiéba  vers  1880  et  complétées  plus  tard  par  son  successeur  Babemba, 
n'ont  pas  souvent  servi  à  grand  chose,  les  Siéna  ayant  préféré  le  plus  fréquemment 
évacuer  leur  village,  plutôt  que  d'essayer  d'y  soutenir  un  siège.  Actuellement  on 
n'en  trouve  plus  guère  que  des  vestiges  ou  des  ruines  que  personne  ne  songe  à 
relever  ni  à  réparer. 

Ces  murs  d'enceinte  semblent  n'avoir  existé  que  dans  les  fractions  du  nord  et 
du  centre,  les  seules  ayant  eu  des  relations  suivies  avec  les  rois  de  Sikasso.  J'en  ai 
observé  des  restes  encore  assez  considérables  à  Eorbogo  et  Tiorho-Niarha-dougou 
(Eiembarha),  à  Sirhâsso  (Kafibélé),  à  Nganahoni  (Gbâto),  à  Sienso  et  Dienguélé 
(Noholo),  et  dans  quelques  autres  localités  ;  on  m'en  a  signalé  un  grand  nombre 
dans  le  nord  du  district  de  Tomboagou  ainsi  que  chez  les  Folo,  où  il  a  môme  existé 
des  camps  fortifiés,  en  dehors  de  tout  village. 

Les  murs  sont  fort  minces,  dépassant  rarement  80  centimètres  d'épaisseur  au 
sommet  (ils  sont  un  peu  plus  larges  à  la  base).  Us  ont  de  2  à  4  mètres  de  hauteur, 
sont  faits  de  mottes  d'argile  superposées  et  maintenues  par  un  revêtement  de  même 
nature,  et  affectent  dans  leur  ensemble  une  forme  serpentine  qu'on  leur  a  donnée 
pour  maintenir  leur  équilibre  et  qui,  à  l'observateur  placé  assez  loin  du  village, 
produit  Vapparence  d'une  série  de  tours  cylindriques  soudées  ensemble  par  des 
murailles  de  même  hauteur.  Le  sommet  est  en  général  hérissé  de  petits  cônes  placés 
de  distance  en  distance  et  ressemblant  à  des  créneaux,  mais  qui  ne  pouvaient  avoir 
aucune  utilité,  attendu  que  nul  chemin  de  ronde  n'existait  permettant  à  des  tireurs 
de  s'abriter  derrière  ces  cônes.  On  ne  voit  pas  de  meurtrières,  en  sorte  que  les 
assiégés  ne  pouvaient  tirer  sur  les  assiégeants  qu'en  montant  sur  les  toitures  des 
maisons,  à  moins  de  lancer,  un  peu  au  hasard,  des  flèches,  dont  la  trajectoire  peut 
être  très  recourbée.  Le  mur  était  percé  d'une  ou  de  deux  portes,  situées  chacune 
dans  une  sorte  de  tourelle  très  étroite  coupée  à  moitié  par  un  mur  intérieur,  de 
façon  à  ne  livrer  passage  qu'à  une  personne  à  la  fois  et  à  interdire  l'accès  du  village 
aux  cavaliers. 

Tout  le  long  du  mur  d'enceinte,  à  l'extérieur,  court  un  fossé  généralement 
très  bien  creusé,  profond  d'un  à  deux  mètres,  lai^ge  d'autant,  parfois  davantage,  et 
qui  se  remplit  d'eau  à  la  saison  des  pluies,  à  condition  qu'on  l'y  aide  un  peu  par 
de  grossières  canalisations.  Parfois,  comme  à  Korhogo,  à  Sienso,  à  Dienguélé,  une 
rivière  voisine,  coulant  toute  l'année,  permettait  de  remplir  le  fossé  en  toute  saison 
an  moyen  d'un  barrage  primitif  et  facile  à  établir. 

A  la  base  des  murs,  du  côté  de  l'intérieur  de  l'enceinte,  on  voyait  parfois  des 
statues  en  terre  (peut-être  des  idoles  ?)  ;  j'en  ai  vu  deux  sur  les  ruines  du  mur 
d^enceinte  de  Dienguélé  (Noholo). 

Ce  dernier  village  présente  un  type  très  original  de  double  mur  d'enceinte,  le 
mur  intérieur  renfermant  le  village,  et  le  mur  extérieur  séparé  du  premier  par  de 
vastes  étendues  cultivées  que  traverse  une  rivière  coulant  en  toute  saison.  Le  mur 
extérieur  n'avait  pas  moins  de  5  à  6  kilomètres  de  tour  et  s'adossait  à  l'est  et  à 
l'ouest  à  de  hautes  collines  rocheuses  et  boisées,  très  difficilement  accessibles.  Tout 
cela  aurait  dû  rendre  le  village  imprenable  pour  des  ennemis  n'ayant  pas  d'artille- 
rie, les  habitants  pouvant  d'ailleurs  supporter  assez  longtemps  le  siège  pour  décou- 
rager les  assaillants,  grâce  aux  champs  enfermés  entre  les  deux  enceintes,  aux 
troupeaux  qu'on  y  pouvait  entretenir,  à  l'eau  que  l'on  avait  à  volonté.  C!es  fortifica- 
tions, cependant,  qui  avaient  coûté  des  milliers  de  journées  de  travail,  ne  servirent 
de  rien  aux  malheureux  indigènes  de  Dienguélé  :  peu  confiants  dans  la  protection 


p.  92.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1 

de  leurs  murs  et  dans  leur  force  de  résistance,  ils  avaient,  à  Tannonce  de  Ta 
des  bandes  de  Fakaba,  caché  leurs  femmes  et  leurs  enfants  dans  les  grott 
montagnes  qui  avoisinent  le  village  ;  un  Dioula  qui  se  trouvait  parmi  eux 
le  secret  de  ces  asiles  à  Fakaba  et  y  guida  ses  guerriers  ;  ayant  entendu  1 
d'^roi  que  poussèrent  les  femmes  surprises  par  Tennemi,  les  gens  de  Die 
sortirent  de  leur  enceinte  pour  courir  à  la  défense  de  leurs  mères,  de  leurs  é  j 

et  de  leurs  enfants,  tombèrent  dans  une  embuscade  et  furent  à  peu  près  to  ' 

ou  faits  prisonniers.  Presque  partout,  pour  des  raisons  diverses,  les  murs  d'ei  I 

furent  aussi  inutiles  et  les  grottes  des  montagnes  sauvèrent  plus  de  Siéna  de  ]  i 

ou  de  la  captivité  que  les  fortifications  si  péniblement  édifiées^ 

Je  dois  dire  un  mot  des  villages  de  culture.  Ce  sont  tantôt  des  villages 
nents,  habités  toute  Tannée  par  les  fermiers  ou  serfs  d^un  notable  et  ne  so 
guant  pas  des  villages  ordinaires,  tantôt  des  hameaux  construits  de  même  c 
que  les  petits  villages  permanents,  mais  habités  seulement  au  moment  d 
travaux  des  champs  ;  ces  villages  sont  surtout  remarquables  par  le  nombre 
incroyable  des  greniers  qui  les  entourent. 

On  voit  aussi  dans  les  champs  des  huttes  grossières  en  herbes  sèch< 
branches  d'arbres  qui  ne  servent  d'abri  que  tout  à  fait  temporairement,  ei 
pluie  ou  lorsque  Turgence  des  travaux  force  les  agriculteurs  à  passer  la  nuit  ^    . 
les  champs  ;  ce  sont  de  grossières  toitures  coniques  posées  à  même  le  sol  ou  des  toits 
à  pente  unique  plus  rudimentaires  encore,  qui  d'ailleurs  ne  durent  pas  plus  d'une 
saison. 

L'ornementation  des  cases  est  assez  rare  et  en  tout  cas  fort  rudimentaire  chez 
les  Siéna.  J'ai  mentionné  déjà  l'ornementation  des  greniers  et  certains  motifs 
architecturaux  qui  décorent  les  maisons  à  terrasse.  Les  cases  bi-cylindriques  sont 
dépourvues  de  toute  ornementation  quelconque,  ainsi  que  les  cases  à  toit  plat.  On 
voit  parfois  des  cases  cylindriques  dont  les  murs  sont  peints  en  rouge  et  en  noir  ou 
ornés  de  dessins  coloriés  ou  de  figures  en  relief,  mais  ces  cases  sont  généralement 
habitées  par  des  étrangers.  Chez  les  Nafâna,  les  murs  intérieurs  des  cases  rectan- 
gulaires sont  parfois  peints  en  noir  jusqu'à  mi  hauteur  (à  l'aide  de  charbon  pilé 
délayé  dans  de  l'eau)  ;  on  en  voit  aussi  décorés  de  bandes  rouges,  blanches,  bleues, 
noires  ou  d'un  pointillé  de  ces  diverses  couleurs  (le  rouge  est  obtenu  avec  une 
argile  ferrugineuse,  le  blanc  avec  du  kaolin,  le  bleu  avec  de  l'indigo,  le  noir  comme 
il  vient  d'être  dit)  ;  on  y  remarque  encore  des  figures  en  relief  (fig.  42  et  43)  ;  mais 
ces  diverses  ornementations  paraissent  empruntées  aux  Abron  et  aux  Assanti,  de 
même  que  les  motifs  surmontant  le  cône  des  cases  cylindriques  et  les  cônes  ou 
pyramides  des  maisons  à  terrasse  semblent  empruntés  aux  Mandingues. 

Je  ne  parle  pas  ici  des  sculptures  ou  reliefs  d'ordre  religieux,  qui  ne  rentrent 
pas  dans  l'ornementation  de  l'habitation. 


^  n  ne  faudrait  pas  inférer  de  cela  que  les  Siéna  habitassent,  même  temporairement, 
des  grottes  et  des  cavernes  ;  ils  en  usent  seulement  — •  quand  il  s'en  trouve  dans  leur  voisi- 
nage —  en  cas  de  gueiTes  ou  de  razzias.  J'ajouterai  môme  que,  bien  qu'une  bonne  partie  du 
territoire  Siéna  soit  assez  montagneuse,  les  villages  ne  sont  jamais  bâtis  sur  les  montagnes 
et  sont  toujours  éloignés  d'un  kilomètre  au  moins  de  la  base  des  montagnes  ou  collines  les 
plus  proches.  J'ai  vu  cependant  une  exception  :  le  petit  village  de  Dogniégué  chez  les 
Noholo,  entre  Ngapié  et  Kouokoun  sur  la  route  de  Tombougou  à  Odienné,  est  bâti  sur  le 
flanc  même  d'une  montagne,  mais  d'ailleurs  à  l'endroit  où  ce  flanc  vient  s'appuyer  sur  la 
plaine. 


REES.  1908 


ri.AXCHE   V. 


Tù^.  38..  Srenier  t^Iindnaue  Fid  33..ßrefiLer  ovoidc  FiS.  4û..Greru£r  redcutquUare 


'Ti^.  4-1 
Moüf  d'orTiemmlaiùn  d'unefinäre  dejrenieroooiià  àSuOROOEOO-WMEk  <  PALA) 


F^.  4-3 

Jfj'arure.F  crv  reà^  (£ècorani  lé  mur  iTitérieur  <£'un£  ccùtfe  cU-  XASiSA. 
C  Vi^la^  MEM  MtuJ  7W71  loin  delà  nre  droiée  de  IcL  MaJoi/yi  en,  ffŒJJ'CQAST ) 


1908.]      PBRRAND  :  LB  CALENDRIER  MALGACHE  BT  LB  PANDRUANA.      [P.  93« 


NOTE  SUR  LE  CALENDRIER  MALGACHE  ET  LE 

FANDRUANA 

par  Gabbibl  Febband  (Stuttgart). 


Le  Galendbibb  des  Malgaches  dû  Sud-Est. 

Deux  séries  de  noms  de  mois  sont  en  usage  à  Madagascar.  L'une  reproduit  les 
noms  arabes  des  douze  signes  du  zodiaque.  L'autre,  la  plus  ancienne,  est  d'origine 
indienne  : 


Malgache 
J^ara- masai' 
Asard-he* 
Vairavatra 
Asutri 
Eaisiha 
ywlàrsircf 


Sanskbit  ; 


Malgache  : 

Sanskrit 

Fusa 
Maka 
Tsiahia  ou  Hiahia 

pauça 
mägha 
jyaiçiha 

Fisàka-msLsaii^  j 
Fisaka-ye^        \ 

vaiçakha 

Vulam-ftîto* 

? 

asodha 

bhâdrapada 
caitra 
karttïka 

çïrsa  in  märga-cirsa  ou 
ciras  in  mrga-ciras 

Dans  le  sud-est  de  Madagascar  l'année  compte  douze  mois  à  28  jours.  Les 
colons  arabes  qui  ont  islamisé  cette  région  n'ont  imposé  ni  leurs  noms  de  mois  ni 
leur  calendrier.  La  série  sanskrito-malgache  a  été  conservée  et  chacun  des  28  jours 
du  mois  a  reçu  le  nom  arabe  de  l'une  des  28  mansions  lunaires.  Flacourt  en  a,  le 
premier,  donné  la  liste,  mais  il  leur  attribue  une  valeur  purement  astrologique. 
L'indication  est  partiellement  inexacte  :  c'est  avant  tout  un  véritable  calendrier 
-emprunté  à  l'astronomie  arabe^. 

D'après  la  méthode  empirique  adoptée  par  As-Sûsi  et  d'autres  auteurs  arabes, 
c'est-à-dire  en  divisant  les  28  mansions  lunaires  par  12,  celles-ci  se  trouvent 
réparties  également  entre  chaque  signe  du  zodiaque.  <  Sachez,  dit  As-3i^li  que 
chacun  des  signes  du  zodiaque  a  deux  mansions  et  un  tiers,  savoir  : 

Dans  Ahhamal^  le  Bélier  :  I  aS-iarataîn^,  les  deux  marques,  a  ß  y  <^u  Bélier  ; 
II  ehbotain^  le  petit  ventre,  s  $  ip  du  Bélier  ;  et  un  tiers  de  III  afh-tharayyâ^  les 
Pléiades. 

Dans  Atk'thaûr^  le  Taureau  :  les  deux  tiers  des  Pléiades,  IV  ad-dabarânj  celui 
qui  vient  derrière,  oc  du  Taureau,  et  deux  tiers  de  V  airhakda  (ainsi  appelée  parce 


1  Utt.  :  le  petit  Asara.  —  *  Litt.  :  le  grand  Amra.  —  »  Litt.  :  le  mois  de  Sira^  —  *  Litt,  i 
le  petit  Fisaka.  —  *  Litt.  :  le  grand  Fisaka.  —  «  Litt.  :  le  mois  de  Bita. 

"^  Les  noms  des  mois  et  des  28  jours  de  chaque  mois  ont,  en  effets  une  valeur  astrologique 
Hlistincte  de  leur  valeur  chronologique.  Cf.  G.  Ferrand,  Un  chapitre  d'astrologie  arabica^ 
^malgache  d'après  le  ms.  8  du  fonds  arahico-malgache  de  la  Bibliothèque  Nationale  de  PariSy 
in  Joum.  Asiat,  septembre-octobre  1905,  p.  193-273. 

^  LecbifiGre  romain  est  un  numéro  d'ordre  qui  sera  ^produit  devant  la  forme  arabioo* 
malgache  du  nom  des  mansions  lunaires. 


p.  94.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

qu^elle  ressemble  à  la  protubérance  ronde  qui  se  trouve  à  la  partie  supérieure  du 
poitrail  du  cbeval,  en  arabe  al-hàkda)^  X  9  f  '  d'Orion. 

Dans  AUdjaûzâf  les  Gémeaux  :  un  tiers  de  ahhakda  ;  VI  aUhancCa^  la  marque 
que  Ton  imprime  sur  le  cou  des  chameaux,  y  (  <1^  Oémeaux  et  VII  odz-darâ ,  le 
braS|  a  ß  des  Gémeaux. 

Dans  A8'$ar{Uân^  le  Cancer  :  VIII  an-nathra^  le  dessous  du  nez,  ß  y  S  de 
TEcrevisse  ;  IX  aUtarf^  le  regard,  X^  de  TEcreTisse,  \  du  Lion  ;  et  un  tiers  de  X 
alrdjahha^  le  front,  a  ij  y  Ç  du  lion. 

Dans  AV-asady  le  lion  :  les  deux  tiers  de  at-djabha  ;  XI  ae-Bobra^  Tépaule  ou 
la  crinière  du  Lion  ;  et  les  deux  tiers  de  XII  (is-sarfa,  litt,  changement,  elle  est 
ainsi  appelée  à  cause  de  la  disparition  de  la  chaleur  à  son  lever  et  du  froid  à  soa 
coucher,  ß  du  Lion. 

Dans  AVadgrâ^  la  Vierge  ou  Gérés'  :  un  tiers  de  as-sarfa  ;  XIII  al-*atrfc?â, 
le  hurleur*,  ß  y  ^  s  de  la  Vierge  ;  XIV  as-simak^  le  soutien,  ce  de  la  Vierge. 

Dans  AUmizân^  la  Balance  :  XV  aUghafr,  le  yoile',  f  i  a  de  la  Vierge  ;  XVI 
ae-eubânâ^^  oc  ß  de  la  Balance  ;  et  un  tiers  de  XVII  al4klil^  le  diadème^,  ß  S  tc  du 
Scorpion. 

Dans  AVakrab,  le  Scorpion  :  les  deux  tiers  de  aliklil  ;  XVIII  al-kaXb^  le  cœur^ 
a  du  Scorpion  ;  et  les  deux  tiers  de  XIX  aj-iaula,  la  queue',  X  v  du  Scorpion. 

Dans  AUkaûSf  le  Sagittaire  :  un  tiers  de  aëëaûla  ;  XX  an-nâHm^  les  autruches^ 
(les  quatre  qui  sont  à  la  pointe  de  la  flèche,  à  la  poignée,  à  Textrémité  méridionale 
de  Tare  et  auprès  du  membre  droit  antérieur  de  la  bètc  [le  Centaure],  sont  appelées 
par  les  Arabes  les  Autruches  qui  arrivent,  an-naâm  altvarida^  parce  quUls 
comparent  la  voie  Uctée  à  un  fleuve  où  ces  bétes  viennent  s'abreuver),  Y^sTjacprC 
du  Sagittaire  ;  XXI  albalda^  Ç  0  iv  S  7  u  du  Sagittaire. 

Dans  Alrdjadt^  le  Capricorne  :  XXII  sa^d  ads-dzâblk  (tout  près  de  la  boréale, 
se  trouve  une  petite  étoile  sans  éclat  qui,  disent  les  Arabes,  est  le  mouton  qui  vient 
d'égorger  la  grande  ;  de  là  son  nom),  a  ß  du  Capricorne  ;  XXIII  sa^d  hula^  (elle  est 
appelée  halia\  dit  Easwini,  celle  qui  avale,  parce  qu'elle  semble  avaler  sa  Toisine 
qui  a  moins  d'éclat  et  lui  avoir  pris  la  lumière),  v  s  du  Verseau  ;  et  un  tiers  de 
XXIV  sa^d  aa-scCûdj  la  fortune  des  fortunes,  ß  Ç  du  Verseau. 

Dans  Ad  daîû^  le  Verseau  :  les  deux  tiers  de  sa^d  as-sdäd;  XXV  sà*d  al- 
akhbia^  la  fortune  des  tentes  (ainsi  appelée  parce  que  lors  de  son  apparition,  les^ 
insectes  se  cachent  dans  la  terre  à  cause  du  froid),  y  ^  it  i]  du  Verseau  ;  et  deux 
tiers  de  XXVI  fargh  cd-awwal^  le  premier  fargh  (partie  de  la  cruche  entre  les  deux 
aoses  par  laquelle  on  la  vide),  a  ß  de  Pégase. 

Dans  Al-hûti  les  Poissons  ;  un  tiers  de  fargh  al-atatoal;  XXVII  fcirgh  cUh-^hânt^ 
le  second  fargh^  y  de  Pégase  et  a  d'Andromède  ;  et  XXVIII  bain  aUhût,  le  yentre 


1  Le  nom  du  6*  mois  malgache  Asumbula^  est  emprunté  à  l'arabe  CLS-sunbula^  TEpi. 

2  Ces  étoiles  font  partie  de  la  Vierge  et  se  trouvent  à  côté  de  son  épaule  droite.  Les- 
Arabes  les  comparent  «  à  des  chiens  qui  poursuivent  le  Lion  de  leurs  aboiements.  » 

•'  D'après  Kazwini,  on  l'appelle  le  voile  parce  qu'à  son  apparition  la  terre  semble  couvrir 
d'un  voile  sa  verdure  et  sa  beauté. 

*  Les  deux  Pinces  du  Scorpion. 

^  «  Autour  (d'al-iklil)  est  une  rangée  d'étoiles  qui  ornent  comme  un  diadème  cet  asté^ 
risme  si  bien  disposé.  —  Les  gens  en  ont  fait  le  signe  de  reconnaissance  de  la  mansion^ 
qu'ils  appellent,  à  cause  de  cela,  le  àtadême  ». 

'   *  On  appelle  cette  mansion  Saûla^  parce  qu'un  certain  nombre  de  ses  étoiles  sont  relevées- 
«omme  une  queue« 


1908«]   PBRRAND  :  LB  CALENDRIER  MALGACHE  BT  LB  PANDRUANA.   [P.  96« 


<la  poisson  (mansion  lunaire  composée  d'un  grand  nombre  d'étoiles  formant  le 
•contour  d'un  poisson  dont  la  queue  serait  du  côté  de  ITemen  et  la  tête  dans  la 
direction  de  la  Syrie),  étoiles  diverses  avec  ß  d'Andromède^  ». 

A  Madagascar,  pour  supprimer  les  fractions  de  mansions,  on  a  attribué  trois 
mansions  aux  1*^,  4*,  7*  et  10*  signes  du  zodiaque  et  deux  à  chacun  des  huit  autres  : 

Alahamadi*.       I  Asorutin'  Adimizana.     XV  Alukufura 
II  Alobutin           ^  XVI  Azubana 

m  Azuriza  XVII  Alikilili 

Adauru.  IV  Adobora  Alakarabu  XVIII  Alakalibi 

V  Alahaka  XIX  Asaola 

Adizauza.         VI  Alahena  Alakosi.  XX  Anahimu 

VU  Azera  XXI  Alibalada 

Asurutani.    VIII  Anasara  Adidzadi.     XXII  Sada-zabe 

IX  Atarafi  XXIII  Sada-bulaga* 

X  Alizaba  XXIV  Sada-sudi 

Alahasati.        XI  Azubora  Adalu.         XXV  Sada-alakabia* 

XII  Asarafa  XXVI  Fara'-alimukadimu^ 

Asumbula.    XIII  Alahaua^  Alahutsi.   XXVII  Fara-alimukaru' 
XIV  Asimaka  XXVIII  Batan-alohotsi 

Les  noms  arabes  des  28  mansions  lunaires  modifiés  conformément  aux  lois  de 
la  phonétique  malgache  sont  ainsi  devenus  les  noms  des  28  jours  du  mois.  Mention- 
nés en  même  temps  qu'un  jour  de  la  semaine,  ils  tiennent  lieu  du  quantième  que 
les  textes  arabico-malgaches  indiquent  très  rarement  par  un  chiffre. 

Les  noms  des  jours  de  la  semaine  ont  été  également  empruntés  à  Tarabe.  Je 
q'ai  pas  encore  retrouvé  trace  des  noms  de  jours  de  la  semaine  qui  étaient  en 
usage  antérieurement  à  la  colonisation  arabe. 


Arabe  :  al-ahad^  dimanche, 
al'iihnîny  lundi, 
ath-thalaihâ^  mardi, 
al-arbaà^  mercredi, 
alrkhamîSj  jeudi, 
al-djumda^  vendredi, 
aS'Sabt^  samedi, 


Malgache 


alahadi, 

alaisinainù 

talata, 

alarubia^ 

alakamisi^ 

asaibutsi. 


^  Les  mansions  lunaires  des  Arabes,  texte  arabe  en  vers  de  Mohammed  el-Moqri  traduit 
-et  annoté  par  A.  de  6.  Motylinski,  Alger,  1899,  in-8<>,  p.  68-69.  Les  notes  ayant  trait  à  cette 
citation  sont  également  empruntées  A  l'ouvrage  précité,  passim. 

*  Les  noms  des  douze  mois  malgaches  reproduisant  les  noms  arabes  des  signes  du  zodia- 
que, sont  cités  en  dialecte  Merina,  le  dialecte  malgache  le  plus  répandu. 

'  Pour  les  noms  malgachisés  des  28  mansions  lunaires  des  Arabes,  cf.  G.  Ferrand,  Un 
chapitre  éCastrologie  arabico-malgache,  loc.  cit.  et  les  auteurs  cités. 

^  Les  13*  et  14«  mansions  de  la  liste  donnée  par  Flacourt  (loc.  ciU  p.  174)  ne  sont  pas  à 
leur  place.  Ce  sont  exactement  les  î^*  et  26«. 

'  La  forme  malgache  bulaga  provient  de  la  transformation  fréquentes  du  '  ain  en  ghain^ 
d'où  bulagh,  en  malgache  bulaga,  pour  bula  '. 

*  Le  A^  arabe  devient  h  en  inalgache. 

^  Contrairement  à  l'exemple  précédent,  au  lieu  de  fargh,  c'est  la  forme  farà*  qui  est 
passée  en  malgache.   . 

*  De  l'arabe  fora'  al-mohaddim. 

*  De  l'arabe  fara^  alrtnuahhir. 


F.  96.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908> 

D*après  les  indications  qui  précèdent,  la  date  :  andru  alatsinaini  nahuidahaka 
nahu  vula  Maka^  doit  se  trsîduire  :  le  jour  do  lundi,  alahaka  «=  6®  jour  du  mois  de 
Maka,  autrement  dit  :  le  lundi  5  Maka. 

Les  années  malgaches  de  336  jours  furent  groupées  par  cycle  de  7  ans  ou  semai- 
ne d'années,  chaque  année  portant  le  nom  d'un  jour  de  la  semaine.  «  Les  années,  dit 
Flacourt,  se  comptent  par  les  jours  de  la  semaine,  sçavoir  :  Tannée  du  Dimanche, 
celle  du  Lundy  et  ainsi  en  continuant.  L'année  1650,  ils  (les  Malgaches  du  sud-est} 
la  comptaient  pour  Tannée  du  Vendredy  en  laquelle  ils  faisaient  la  circoncision^  ». 

Les  Malgaches  sud-orientaux  n'ont  malheureusement  pas  numéroté  leurs 
cycles  ;  la  concordance  de  leurs  indications  chronologiques  avec  notre  année  solaire 
n'est  donc  possible  que  lorsque  les  témoignages  de  voyageurs  européens  nou& 
permettent  de  l'établir. 

Dans  son  Histoire  de  la  grande  isle  Madagascar  (chap.  LXII,  p.  343),  Flacourt 
donne  une  indication  précieuse  qui  m'a  servi  de  base  pour  établir  la  concordance  du 
calendrier  malgache  Antanosi  avec  le  nôtre.  «  Le  vingt-troisième  d'Aoust  (1653), 
premier  (jour)  de  la  lune  (du  mois  de)  Hiahia,  tous  les  Rohandries  {Roandriany 
princes)  se  baignèrent  après  avoir  accomply  leur  jeusne  à  leur  mode,  qui  est  que 
pendant  la  lune  (du  mois  de)  Maca  (Maka)  qu'ils  nomment  cette  année  Ramavaha*,. 
et  les  Arabes  Ramaddan,  ils  ne  boivent  point  de  vin,  et  ne  mangent  point  depuis  le 
Soleil  levant  jusques  au  Soleil  couchant,  la  nuict  ils  mangent  et  boivent  tant  qu'ils 
veulent,  à  l'exception  du  vin  qui  leur  est  deffendu  n.  Dans  les  tables  qui  suivent, 
le  premier  jour  du  mois  de  Maka  correspond  au  26  juillet  1653  et  le  28  Maka  au 
22  août.  La  première  de  ces  dates  est  exactement  celle  du  1*' jour  de  Ramadan  de 
Tan  1063  de  Thégire.  Il  y  a,  en  1653,  concordance  accidentelle  entre  la  date  du 
jeûne  musulman  et  celle  du  jeûne  des  Malgaches  islamisés.  Ceci  explique  la  remar- 
que de  Flacourt  :  par  suite  de  cette  coïncidence  exceptionnelle,  les  Malgaches  sud- 
orientaux  ont  appelé  Ramavaha  =:  Ramadan,  le  mois  de  Maka,  ce  qui  revient  à 
dire  qu'ils  ont  donné  au  mois  de  jeûne  malgache  le  nom  du  mois  de  jeûne  arabe. 
Autre  remarque  très  importante  :  le  mois  de  Maka  se  termine  le  22  août,  le  mois 
de  Ramadan  le  24  août,  deux  jours  plus  tard.  Ramadan  a,  en  effet,  30  jours  tandis 
que  le  mois  malgache  n'en  a  que  28. 

D'après  les  indications  précédentes,  j'ai  établi  une  table  de  concordance  dea 
mois  et  années  Antanosi  et  grégoriennes  pour  la  période  comprise  entre  le  23  mai 
1637  et  le  4  juillet  1670.  C'est  à  cette  époque  qu'ont  vécu  à  Madagascar  Gauche, 
Flacourt,  François  Martin,  les  premiers  missionnaires  Lazaristes  dont  nous  possédons 
les  relations  et  La  Case  dont  les  chroniques  indigènes  racontent  les  campagnes. 
La  table  de  coocordance  a  été  continuée  jusqu'en  1907  de  façon  à  pouvoir  être 
utilisée  pour  les  textes  arabico-malgaches  anciens  et  modernes.  D'après  les  concor- 
dances grégoriennes  indiquées  par  Flacourt,  les  mois  Antanosi  commencent  un 
samedi. 

Année  dn  Wendredl 
Asaramasai^ 
AsaraliO     . 
Vatiavatra. 
Asutri. 
Hatsiha 
Vulasira     . 


23  mai  1637 

Fusa 7  novembre 

20  juin 

Maka 5  décembre 

18  juillet 

Hiahia            Rama4ân  1047  H,    2  Janvier  168a 

15  août 

Fisakamasai    17  janv.-15  fév.    30  janvier 

12  septembre 

Fisakave    ....          27  février 

10  octobre 

Vulambita ....          27  mars 

1  Histoire  de  la  grande\isle  Madagascar^  Paris,  1661,  in-4*,  p.  177. 

*  Forme  malgache  de  Tarabe  Ramatfân. 

•  La  date  grégorienne  est  celle  du  l««"  de  chaque  mois. 


1908«]      FBRRAND  :  LB  CALENDRIER  MALGACHE  BT  LE  PANDRUANA.      [P«  97* 


Asaramasai 
Asarabe     . 
Vatravatra. 
Asutri. 
Hatsiha 
Yulasira     . 


Asaramasai 
Asarabe     • 
Vatravatra 
Asutri. 
Hatsiha 
Vulasira     . 


Asaramasai 

Asarabe 

Vatravatra 

Asutri. 

Hatsiha 

Vulasira    . 


Asaramasai 

Asarabe 

Vatravatra 

Asutri. 

Hatsiha 

"Vulasira     . 


Asaramasai 
Asarabe 
Vatravatra. 
Asutri.       * 
Hatsiha 
Tulasira     . 


Jkaatte  da  ll^anieill 

24avrir            Fusa      .       .       .       .  9  octobre 

22  mai              Maka     .       .       .       .       ,  6  novembre 

19  juin              Uiahia 4  décembre 

17  juillet           Fisakamasai  Rama4ân  1048 H,  i""^  Janvier  1639 

14  août             Fisakave          6janv.-4fév.  29  janvier 

11  septembre    Vulambita     .       .       .    '   •  '   26  février 

Année  da  Dimanehe 


26  mars 
13  avril 
21  mai 
18  juin 
16  juillet 
13  août 


Fusa 10  septembre 

Maka 8  octobre 

Hiahia 5  novembre 

Fisakamasai  Rama4ân  1049  H,  3  décembre 
Fisakave  26  déc.-24  janv.  31  décembre 
Vulambita    ....       28  janvier  1640 


Annie  da  Londl 

25  février  Fusa 

24  mars  Maka     . 

21  avril  Hiahia   . 

19  mai  Fisakamasai . 

16  juin  Fisakave 

14  juillet  Vulambita   Rama4ân  1050  H, 

15  déc.-13  janv. 

Année  da  Mardi 


26  Janvier  1641  Fusa 

23  février  Maka     . 

23  mars  Hiahia   . 

20  avril  Fisakamasai . 

18  mai  Fisakave 

15  juin  Vulambita    Ramadan  ia51  H, 

4  déc.-2  janv. 

Année  da  Mereredi 


28  décembre 
25  Janvier  1642 
22  février 
22  mars 
19  avril 
17  mai 


Fusa 
Maka     . 
Hiabia   . 
Fisakamasai 
Fisakave 
Vulambita 


Année  da  Jeadi 


Asaramasai  Rama4ân  1052  H,  29  novembre 


23  nov. 


22  déc. 


Asarabe 
Vatravatra. 
Asutri. 
Hatsiha 
Vulasira     . 


Asaramasai 

Asarabe    RamarjAn  1053  H, 

Vatravatra  13  nov.-12  déc. 

Asutri 

Hatsiha      «... 
Vulasira     .       •       .       • 


27  décembre 
24  Janvier  1643 

21  février 
21  mars 
18  avril 


Fusa 
Maka     . 
Hiahia   . 
Fisakamasai 
Fisakave 
Vulambita 


Année  da  WendredI 


31  octobre 
28  novembre 
26  décembre 
23  Janvier  1644 
20  février 
19  mars 


Fusa 
Maka     . 
Hiahia   . 
Fisakamasai 
Fisakave 
Vulambita 


11  août 
8  septembre 
6  octobre 
3  novembre 
1  décembre 

29  décembre 


13  juillet 

10  août 
7  septembre 
5  octobre 
2  novembre 

30  novembre 


14  juin 

12  juillet 
9  août 
6  septembre 
4  octobre 

l«'  novembre 


16  mai 

13  juin 

11  juillet 
8  août 
5  septembre 
3  octobre 


16  avril 
14  mai 
11  juin 

9  juillet 

6  août 

3  septembre 


p.  98.] 


R 


£ 


[1908. 


Année  ém 


Asaramasai 

Asarabe     RamajAn  1054  H, 

Vatpavatra  l«'nov.-30nov. 

Asutri 

Hatsiba      .       .       •       • 
Yulasira     .       •       •       . 


I«'  octobre 
29  octobre 
26  novembre 
24  décembre 
21|tiivl 
18  février 

Aanie  da 


Fusa 

Maka 

Hiahia  . 

Pisakamasai 

Pisakave 

Vulambita 


Asaramasai  ...     2  septembre 

Asarabe     ....      80  septembre 
Vatravatra.  Rama4àn  1055  H,  28  octobre 
Asutri  21  oct.-19  nov.    25  novembre 

Hatsiha      ....       23  décembre 
Vulasira     • 


Fusa 
Maka 
Hiahia   . 
Pisakamasai 
Pisakave 


20  Itnvler  164«    Vulambita 


Asaramasai 

Asarabe      .... 

Vatravatra. 

Asutri        Ramadan  1056  H, 

Hatsiha        11  oct.-^  nov. 

Vulasira     .... 


4  août 

1*'  septembre 
29  septembre 
27  octobre 
24  novembre 
22  décembre 


Fusa 

Maka 

Hiahia  . 

Pisakamasai 

Pisakave 

Vulambita 


Année  en  Mardi 


Asaramasai       .       .       .  6  juillet  Fusa      . 

Asarabe     ....  3  août  Maka     . 

Vatravatra.       ...  31  août  Hiahia  . 

Asutri 28  septembre  Pisakamasai 

Hatsiha      Ramadan  1057  H,  26  octobre  Pisakave 

Vulasira       30  8ept.-29  oct.  23|novembre  Vulambita 


Année  dn  Mercredi 


Asaramasai 

Asarabe      .... 

Vatravatra.       , 

Asutri 

Hatsiha      Rama4àn  1058]H, 
Vulasira       19  sept.-18  pet. 


6  juin 

4  juillet 
1«'  août 
29  août 
26  septembi*e 
24  octobre 


Fusa      , 

Maka 

Hiahia    . 

Pisakamasai 

Pisakave 

Vulambita 


18  mars 

15  avril 

13  mai 

10  juin 
8  juillet 
5  août 


17  février 
17  mars 
14  avril 
12  mai 
9  juin 
7  juillet 


19  Janvier  1647 

16  février 
16  mars 
13  avril 
limai 
8  juin 


21  décembre 
18  Janvier  I64r 
15  février 
14  mars 
11  "avrîl 
9  mai 


21  novembre 
19  décembre 
16  Janvier  1649^ 
13  février 
13  mars 
10  avril 


Année  dn  Jendl 


Asaramasai       .       , 
Asarabe      .... 
Vatravatra. 

Asutri 

Hatsiha      Ramadan  1059  H, 
Vulasira         8  8ept.-7  oct. 


Asaramasai 

Asarabe 

Vatravatra. 

Asutri. 

Hatsiha 


8  mai 

SJjuin 

3  juillet 
31  juillet 
28  août 
25  septembre 


Fusa 

Maka 

Hiahia   . 

Pisakamasai 

Pisakave 

Vulambita 


Année  da  Vendredi 


9  avril 
7  mai 
4  juin 
2  juillet 
30  juillet 


Vulasira      Ramadan  1060  H,  27  août 


Fusa 
Maka 
Hiahia  . 
Pisakamasai. 
Pisakave 
Vulambita     , 


28  août-26  sept. 


23  octobre 
20  novembre 
18  décembre 
15  Janvier  165(h 
12  février 
12  mars 


24  septembre* 
22  octobre 
19  novembre 
17  décembre 
H  Janvier  1651i 
11  février 


1908*]      FBRRAND  :  LB  CALENDRIER  MALGACHE  BT  LB  PANDRUANA.      [P.  99* 


itanie  da  Saneill 


Asaramaaai 
Asarabe 
Vatravatra. 
Asutri. 
Hataiha     • 
Vulaaira    • 


Asaramasai 
Aaarabe 
Vatravatra, 
Asutri. 
Hatsiha     . 
Vulaaira    . 


Asaramasai 
Asarabe  • 
Yatrayatra. 
Asutri. 
Hatsiha  . 
Vulaaira    « 


Asaramasai 
Asarabe  • 
Vatrayatra. 
Asutri. 
Hatsiha  . 
Vuiasira    • 


Asaramasai 
Asarabe  . 
Vatravatra 
Asutri. 
HatÂba  . 
Vuiasira    • 


Asaramasai 
Asarabe  . 
Vatravatra 
Asutri. 
Hatsiha  • 
Vuiasira    .. 


Asaramasai 
Asarabe  • 
Vatravatra 
Asutri* 
Hatsiha  . 
Vuiasira    • 


11  mars 

8  avril 
6  mai 
3JUÜ1 
1«  Juillet 

29  Juillet 

Jkmmèe  ém 

10  février 

9  mars 
6  avril 
4mai 
!•'  juin 

29  Juin 


Fusa 

Maka 

Hiahia 

Fisakamasai 

Fisakave 

Vulambita 


Ramadan  1061  H, 
18  août-16  sept. 


Fusa 
Maka 
Hiahia 
Fisakamasai . 
Fisakave 
Vulambita     . 


Rama4ÂD  1062  H. 
6  août-4  sept. 


iUnie  ém  EmaM 


11|aiivi6r1653 

8  février 
8  mars 
Saviii 
3  mai 
31  mai 


Fusa 

Maka        Rama4ânl063  H, 
Hiahia       26  Juiilet-24  août 
Fisakamasai.       .   •   . 
Fisakave       .       .       .  •    . 
Vulambita    .... 


Ammèe  en  Mardi 


13  décembre 
10  ianviar  1654 

7  février 

7  mars 

4  avril 

2  mai 


Fusa 

Maka 

Hiahia        Raixia4&n  1064  H, 
Fisakamasai  16  juill.>14  août 
Fisakave       .       .       .       . 
Vulambita    .... 


26  août 
23  septembre 
21  octobre 
18  novembre 
16  décembre 
13  Janvier  1662 


27  juillet 
24  août 
21  septembre 
19  octobre 
16  novembre 
14  décembre 


28  juin 
26  juillet 
23  août 
20  septembre- 
18  octobre 
15  novembre 


30  mai 
27  juin 
25  juillet 
22  août 
19  septembre 
17  octobre 


Aaaée  da  Mercredi 


14  novembre  Fusa i*r  mai 

12  décembre  Maka     .       ,       .       •       .       29  mai 

9  Janvier  1656  Hiahia 26  Juin 

6  février  Fisakamasai  Rama4ân  1065  H,  24  Juillet 

6  mars  Fisakave  5juillet-3août  21  août 

3  avril  Vulambita     •       .       »       .       ISseptembm 


Aaaie  da  Jeadi 


16  octobre 
13  novembre 
11  décembre 

8  Janvier  1656 

5  février 

4  mars 


Fusa  . 
Maka  . 
Hiahia  . 
Fisakamasai 
Fisakave 
Vulambita 


l«f  avril 
.     , .       .       29  avril 
27  mai 
Ramadan  1066  H,  24  juin 
23  juin-22  juillet  22  juillet 
19  août 


Aaaée  da  WeadredI 


16  septembre  Fusa      .       .       •       .       ,        3  mars 

14  octobre  Maka 31  mars 

11  novembre  Hiahia 28av]-il 

9  décembre  Fisakamasid.       .  .  26  mai 

6  janvier  1657  Fisakave     Ilama4ân  1067  H,  23  Juin 

3  février  Vulambita    13  juin-12  juiUet  21  juillet 


p.  100.] 


E 


£ 


[1908. 


Amiée  da  Swnedl 


Asaramasai 

Aflarabe 

Vatravatra 

Asutri. 

Hatsiba 

Yulasira     . 


Asaramasai 
Asarabe  » 
Vatravatra 
Asutri.  , 
Hatsiha 
Yulasira     . 


Asaramasai 
Asarabe     . 
Vatravatra 
Asutri. 
Hatsiha 
Vulasira     . 


18  août 

15  septembre 

13  octobre 

10  novembre 
8  décembre 
6  lanvlor  1668 


Fusa 

Maka 

Hiahia  . 

Fisakamasai 

Fisakave 

Vulambita 


Ramadan  1068  H, 
2  juin-1«  juillet 


2  février 
2  mars 

30  mars 

27  avril 

25  mai 

22  juin 


Année  ém  Dlmaiiehe 


20julll^ 

17  août 

14  septembre 

12  octobre 
9  novembre 
7  décembre 


Fusa 
Maka     . 
Hiahia  . 
Fisakamasai . 
Fisakave 
Vulambita 


Aanée  do  Eioiidl 


21  juin 
19  Juillet 
16  août 
13  septembre 
11  octobre 
8  novembre 


Fusa 
Maka     . 
Hiahia   . 
Fisakamasai 
Fisakave 
Vulambita 


Anne  du  Mardi 


Asaramasai  Rama4àn  1070  H,  22  mai  Fusa      . 

Asarabe  llmai-Ojuin     19  juin  Maka     . 

Vatravatra.       .       .       •       17  juillet  Hiahia  . 

Asutri 14  août  Fisakamasai 

Hatsiha      ....       11  septembre  Fisakave 

Vulasira     ....        9  octobre  Vulambita 

Année  du  Mereredl 

Asaramasai  Ramadan  1071  H,  23  avril  Fusa 

Asarabe        30  avril-29  mai    21  mai  Maka     . 

Vatravatra.       .       .       .       18  juin  Hiahia   . 

Asutri 16  juillet  Fisakamasai 

Hatsiha      ....       13  août  Fisal<:ave 

Vulasira     ....       10septembi*o  Vulambita 

Année  du  Jeudi 

Asaramasai       .       .       .       25  mars  Fusa 

Asarabe       Rama4ân  1072  H,  22  avril  Maka     . 

Vatravatra    20  avril-19  mai    20  mai  Hiahia   . 

Asutri 17  juin  Fisakamasai 

Hatsiha      ....       15  juillet  Fisakave 

Vulasira     ....       12  août  Vulambita 

Année  dn  Wendredi 

Asaramasai       ...       24  février  Fusa 

Asarabe     ....       24  mars  Maka     . 

Vatravatra  Ramadan  1073  H,  21  avril  Hiahia    . 

Asutri  9avril-8mai      19  mai  Fisakamasai 

Hatsiha      ....       16  juin  Fisakave 

Vulasira     .       .       .       .       14  juillet  Vulambita 


4|aiivlerfe69 

1«"  février 
l*''mai*8 
,       .       .       29  mars 
26  avril 
Rama4ân  M)69  H,  24  mai 
23  mai-21  juin 


6  décembre 
3  Janvier  166a 

31  janvier 
28  février 
27  mars 
24  avril 


6  novembre 
4  décembre 
1  ianvier  1661 

29  janvier 

26  février 

26  mai*s 


8  octobre 
5  novembre 
3  décembre 
31  décembre 
28  Ianvier  1662^ 
25  février 


9  septembro 
7  octobre 
4  novembre 
2  décembre 
30  décembre 
27  Janvier  1663: 


11  août 
8  septembre 
6  octobre 
3  novembre 
1"  décembre^ 

29  décembre 


Id08«]     FERRAND   :  LE  CALENDRIER  MALGACHE  ET  LE  PANDRUANA.    [P,  101. 


Asaramasai 

Asarabe     ....       23  février 
Vatravatra  Rama4ân  1074  H,  22  mars 
Asutri  28  iiiar8^26  avril    19  avril 

Hatsiba      ....       17  mai 
Vulatsira     .       .       .       .       14  juin 


Jkmmie  da  HmaÊtM 
26  laiivier  f  664    Fusa 


Asaramasai 

Asarabe     .... 

Vatravatra 

Asutrî     Rama4ân  1075  H» 

Hatsiba    18  mai-s-lG  avril 

Vulasira     .... 


Asaramasai 

Asarabe     .... 

Vatravatra 

Asuti-i 

Hatsiba     Ramadan  1076  H, 
Vulasira      7  mars-5  aviil 


Asaramasai 

Asarabe     .... 

Vatravatra 

Asutri 

Hatsiba     Rama4àD  1077  H, 
Vulasii*a     25  f év.  •  26  mars 


Asaramasai 
Asarabe     . 
Vatravatra. 
Asutri. 
Hatsiba 
Valasira    Rama#n  1078  H, 
14  février-14  mars 


Asaramasai 
Asai*abe     . 
Vati-avatra. 
Asutri. 
Hatsiba 
Vulasii*a    . 


Asaramasai 

Asarabe 

Vatravatra 

Asutri 

Hatsiba 

Vulasira    . 


Maka 
Hiabia    . 
Fisakamasai 
Fisakave 
Vulambita 

iijuiée  dn  Pfi«The 


27  décembre 
24|aiivtor1666 

21  février 
21  mars 
18  avril 
16  mai 


Fusa 

Maka 

Hiabia  . 

Fisakamasai 

Fisakave 

Vulambita 


Année  dn  Eiudi 


28  novembre 
26  décembre 
23  Janvier  1666 
20  février 
20  mare 
17  avril 


Fusa 
Maka     . 
Hiabia   . 
Fisakamasai 
Fisakave 
Vulambita 


JüBBie  da  Mardi 


30  octobre 
27  novembre 
25  décembre 
22ianvtor1667 
19  février 
19  mars 


Fusa 
Maka     . 
Hiabia  . 
Fisakamasai 
Fisakave 
Vulambuta 


Année  dn  Mereredi 


1*'  octobre 
29  octobre 
26  novembre 
24  décembie 
21  Janvier  1668 
18  février 


Fusa 

Maka 

Hiabia   . 

Fisakamasai 

Fisakave 

Vulambita 


Année  du  Jeudi 


1«'  septembre 
29  septembre 
27  octobre 
24  novembre 
22  décembre 


Fusa 
Maka 
Hiabia   . 
Fisakamasai 
Fisakave 


Ramadan  1079  H, 
2  f évrier-3  mars 


19  Janvier  1669  Vulambita 
Année  dn  Wendredl 


3  août 
31  août 
28  septembre 
26  octobre 
23  novembre 
21  décembre 


Fusa 

Maka 

Hiabia 

Fisakamasai 

Fisakave 

Vulambita 


Hama<}àn  1060  H, 
23  ianvier-21  février 


Année  dn  Suiedi 


12  juillet 

9  août 

6  septembre 

4  octobre 

l«' novembre 
29  novembre 


13  juin 

Il  juiriet 
8  août 
5  septembre 
3  octobre 

31  octobre 


15  mai 

12  juin 

10  juillet 
7  août 
4  septembre 
2  octobre 


16  avril 
14  mai 
11  juin 
-  9  juillet 

6  août 

3  septembre 


17  mars 
14  avril 
12  mai 
9  juin 
7  juillet 
4  août 


16  février 
16  mars 
13  avril 
11  mai 
8  juin 
6  juillet 


18  Janvier  1670 
15  février 
15  mars 
12  avril 
10  mai 
7  juin 


Asaramasai 


5  juillet 


p.  102.] 


R 


E    •    E 


S 


[1908. 


Da  S  aoftt  1669  au  31  mai  1901,  il  s'est  écoulé  36  cycles  de  7  années  de 
886  jours  chacnne.  .En  partant  du  1*  asaramasai  de  l'année  du  Tendredi  =» 
S  août  1669,  le  1*'  asaramasai  de  chaque  année  du  vendredi  suivante  correspond 
aux  dates  grégoriennes  ci-dessous  : 


11  janvier 

1676 

23  décembre 

1733 

8  décembre 

1791 

22  novembre 

1849 

18  juin 

1682 

l«^jum 

1740 

17  mai 

1798 

l"mai 

1856 

25  novembre 

1688 

9  novembre 

1746 

25  octobre 

1804 

9  octobre 

1862 

5mai 

1695 

18  avril 

1753 

4  avril 

1811 

18  mars 

1869 

13  octobre 

1701 

26  septembre 

1759 

11  septembre 

1817 

26  août 

1875 

22  mars 

1706 

5mars 

1766 

19  février 

1824 

2  février 

1882 

30  août 

1714 

.  12  août 

1T72 

29juUlet 

1830 

12juiUet 

1888 

6  février 

1721 

20  Janvier 

1779 

5  janvier 

1837 

20  décembre 

1894 

lôjuiUet 

1727 

29  juin 

JkMM 

1785 

15  juin 
WemärtM 

1843 

30  mai 

1901 

Du  30  mai 

l  1901 

au  30  avril  1902. 

Awiée  ém  HmaêtM 

Du  1*'  mai  1902  au  1*'  avril  1903. 

Auée  ém  DÜMUMhe 

Du  2  avril  1903  au  2  mars  1904. 

Ammèe  ém  Ëjmméï 

Du  3  mars  1904  au  1*^  février  1905. 

Anaiée  ém  Mardi 

Du  2  février  1905  au  3  janvier  1906. 

Année  ém  Mercredi 

Du  4  janvier  1906  au  5  décembre  1906. 

Année  ém  JeadI 
Du  6  décembre  1906  au  6  novembre  1907. 


Année  ém  WendredI 

Al 

■née  ém  Sunedil 

Asaramasai.       .               7  novembre  1907 

8  octobre 

Asarabe 

5  décembre 

Asarabe 

5  novembre 

Vatravatra  . 

2|tiivler190e 

Vatravatra  . 

3  décembre 

Asutri  . 

30  janvier 

Asutri  .       . 

31  décembre 

Hatsiha 

27  février 

Hatsiha 

.       .       28|aiivltr1909 

Vulasira 

26  mars 

Vulasira 

.       .       25  février 

Fusa     . 

23  avril 

Fusa    . 

25mars 

Maka    . 

21  mai 

Maka    . 

22  avrU 

Hiabia  . 

18  juin 

Hiahîa  . 

20  mai 

10  juillet 

Fisakamasai 

.       .       17  juin 

Fisakave 

13  août 

Fisakave 

.       .       .       15  juillet 

Vulambita 

10  septembre 

Vulambita 

12  août-8  septemb« 

Un  texte  Aûtaimuni',  récemment  publié  par  M.  Ë.-F.  Gautier,  m^a  permis 
d^ utiliser  les  tables  de  concordance  et  d'en  vérifier  Texactitude. 

Voici  les  indications  chronologiques  relevées  dans  ce  document  : 

Année  dn  Dlnanehe. 

P.  129  :  mercredi  Asaratan*  du  mois  do  Maka.  lire  :  jeudi  (!*'  des  3  jours  de)- 
Asaratan  du  mois  de  Maka  ^s  8  Maka. 


1  Un  manuscrit  arcUnco-malgache  sur  les  campagnes  de  La  Case  dans  l^Imoro^  de  1659' 
d  i663  par  E.-F.  Gautier  et  H.  Froidevaux,  in  Notices  et  extraits,  t  XXXIX,  p.  31-177. 

<  Les  noms  malgaches  dérivés  des  noms  arabes  des  signes  du  zodiaque  sont  ici  en  dialecte 
sud-oriental  qui  diffère  sensiblement  du  Meriiui,  le  dialecte  de  la  région  dont  Tananarive 


1908.]    FERRAND  :  LE  CALENDRIER  MALGACHE  ET  LE  FANDRUANA.    [P.  103, 

P.  129  :  luQdi  Alahaka  ss  lundi  5  (Hiahia).  Pour  ce  jour  et  les  quatre  suivauts 
le  nom  du  mois  n'est  pas  indiqué,  mais  il  s'agit  du  mois  qui  vient  après  Maka, 
c'est-à-dire  de  Hiahia. 

P.  129  :  mardi  Alahaka.  Lire  :  mardi  Alahana.  Le  scribe  a  confondu  les  noms 
des  b^  et  6*  mansions  lunaires  :  Alahaka  et  Alahana.  Mardi  Alahana  =  6  (Hiahia). 

P.  130  :  mercredi  Aladira.  Lire  :  mercredi  Alazera  ou  Azera  =  mercredi  7 
(Hiahia).  Le  scribe  a  mis  par  erreur  au  dessous  du  d  arabe  le  point  diacritique  qui 
doit  se  trouver  au  dessus  de  cette  lettre,  pour  représenter  le  son  (Z0,  en  arabico- 
malgache  jer. 

P.  132  :  samedi  et  dimanche  =:  10  et  11  (Hiahia). 

Année  dn  Liundl« 

P.  132  :  samedi  Alidzadi  de  Hatsiha  =:  samedi  (3*  jour  de)  Alidzadi  =:  24 
Hatsiha. 

P.  133  :  Alidzadi  =  samedi  24  Hatsiha,  Adaluvi'  =«  dimanche  25  et  lundi  26, 
Alubutsi  =  mardi  27  et  mercredi  28  Hatsiha,  Alahamali  »jeudi  1*%  vendredi  2 
et  samedi  3  Vulasira,  Asoru*  a=  dimanche  4  et  lundi  5  ;  Alidzuna,  erreur  de  gra- 
phie pour  Alidzuza  =  mardi  6  et  mercredi  7,  jeudi  Asaratan  »»  8  Vulasira. 

P.  133  :  mardi  Alakosi  de  Vulasira  =  mardi  20  Vulasira. 

P.  134  :  lundi  Adaluvi  de  Vulasira  »»  lundi  26  Vulasira. 

Année  eu  Mardi. 

P.  138  :  vendredi  Asaratan  de  Hatsiha  =  vendredi  9  Hatsiha. 

P.  139  :  Alidzaba  =  samedi  10  Hatsiha,  Alahasadi'  =  dimanche  11  et  lundi  12, 
Asumbula  »=:  mardi  13  et  mercredi  14,  Alimiza^  »s  jeudi  15,  vendredi  16  et  samedi 
17,  Alakarabu  =  dimanche  18  et  lundi  19,  Alakosi,  s=  mardi  20  et  mercredi  21, 
jeudi  Alidzadi  ==  jeudi  22  Hatsiha. 

Année  du  Mereredi. 

P.  147  :  mardi  Alahasadi.  Lire  :  lundi  Alahasadi  =  lundi  12,  ou  mardi  Asum* 

bula=s  mardi  13. 

Année  dn  Jendt. 

P.  152  :  mardi  Alahaka.  Lire  :  mardi  Alahana  =  mardi  6.  Même  erreur  de 
graphie  que  ci-dessus,  année  du  Dimanche. 

Voici  comment  je  suis  arrivé  à  établir  les  équivalences  précédentes.  Le  texte 
dit,  par  exemple,  p.  132, 1.  2  :  au  mois  de  Hatsiha  de  Tannée  du  lundij  samedi^ 
destin  de  Alidzadi  ;  p.  133, 1.14:^  lakosi  mardi  du  mois  de  Vulasira.  Le  mois  de 
Hatsiha  précède  immédiatement  celui  do  Vulasira. 

D'après  le  tableau  des  28  mansions  lunaires,  Alidzadi  a  3  jours  ;  Alakosi,  2. 
La  mention  expresse  que  Alidzadi  coïocide  avec  un  samedi  et  Alakosi  avec  un 
mardi,  indique  qu'il  s'agit  seulement  d'un  des  trois  jours  d'Alidzadi,  d'un  des  deux 


est  la  ville  principale.  11  y  a  lieu  de  faire  remarquer  que  les  noms  malgaches  en  question 
ue  sont  pas,  dans  le  cas  présent,  en  fonction  de  noms  de  mois,  mais  de  noms  de  signes  du 
zodiaque  auxquels  sont  attribuées  tantôt  deux,  tantôt  trois  mansions  lunaires.  Enfin,  les 
mansions  lunaires  représentent  chacune  un  des  28  jours  du  mois  et  tiennent  lieu  de  quan- 
tième. 
^  Ou  Adalu. 

*  Il  est  intéressant  de  constater  que  l'arabe  ath-thaûr  est  devenu  Asoru  en  dialecte  sud- 
oriental  et  Adauru,  en  Merina. 

.^  En  Merina  Alahasaii. 

*  £n  Merina  Adimizana. 


p.  104.]  -    R    -    E    *    E    '    S    * [1908. 

jours  d'Alakosi,  et  non  d'une  période  do  trois  et  de  deux  jours.  Pour  que  le  scribe 
n'ait  pas  précisé  dayantage,  il  faut  que  Texpression  :  Älakosi  mardi  du  mois  de 
VuUuira  soit  une  formule  concrète,  connue  de  tous  et  d'une  précision  parfaite.  Elle 
est,  en  effet,  très  claire  :  il  faut  lire,  comme  je  Tai  iudiqué  :  samedi  Alidsadi  de 
Hatsiha  ^^  samedi  2é  Hatsiha  ;  mardi  Älakosi  de  Vulasira  —  mardi  20  Vulasira. 
L'étude  du  texte  publié  par  Gautier  m'a  amené  à  conclure  que  Tannée  du 
dimanche  commençait  un  jeudi  et  que  chaque  mois  avait  28  jours  ;  par  conséquent, 
tous  les  mois  de  Tannée  du  dimanche  et  des  années  précédentes  et  suivantes  com- 
mencent  également  un  jeudis  Sur  trente-sept  dates  relevées  dans  le  texte  précité, 
trente-trois  concordent  exactement  avec  ces  indications,  deux  dates  inexactes  sont 
de  simples  erreurs  de  graphie  {Alahaka  pour  Alahana  ;  p.  129  et  130,  Alahaha 
est  la  mansion  lunaire  indiquée  pour  deux  jours  différents  ;  cf.  la  même  erreur  p. 
152)  ;  deux  seules  dates  enfin,  p.  129,  diffèrent  d'un  jour.  On  peut  donc  consi- 
dérer celles-ci  comme  des  erreurs  matérielles  du  rédacteur  :  trente-trois  et  même 
trente-cinq  dates  concordantes  sur  trente-sept  suffisent,  il  me  semble,  pour  établir 
l'exactitude  des  tables  de  concordance.  La  preuve  est  du  reste,  facile  à  faire  :  si  les 
mois  avaient  plus  de  28  jours  et  commençaient  par  un  autre  jour  que  le  jeudi,  toute 
concordance  des  dates  malgaches  entre  elles  disparaîtrait.  Gautier  admet,  au  con- 
traire, que  les  Antaimuru  du  XVII*  siècle  avaient  un  calendrier  identique  à  celui 
des  Merina  du  XIX%  c'est-à-dire  l'année  de  354  jours  répartie  en  12  mois  ayant 
respectivement  le  nombre  de  jours  suivants  :  30  +  29  +  29  +  30  -|-  29  -|-  29  + 
30  +  29  -|-  29  -j-  30  +  29  +  31  =  354  jours.  L'erreur  est  manifeste.  Si,  par 
exemple,  samedi  Alidzadi  de  Tannée  du  lundi  =  24  Hatsiha,  le  29,  dernier  jour  du 
même  mois,  sera  un  jeudi  et  le  premier  de  Vulasira,  le  mois  suivant,  un  vendredi. 
Asaratan  et  Alakosi  correspondent  à  une  date  immuable  qui  ne  peut  être  que  le  8, 
9  ou  10  et  le  20  ou  21.  Le  1*'  Vulasira  étant  un  vendredi,  le  8  sera  également  un 
vendredi,  le  9  un  samedi  et  le  10  un  dimanche  :  le  texte  dit  p,  \Zi^  jeudi  ;  le  20  et 
le  21  de  Vulasira  seront  un  mercredi  et  un  jeudi  :  le  texte  dit  p.  133,  mardi.  Si 
Hatsiha  avait  30  jours  au  lieu  de  29,  l'écart  augmenterait  de  24  heures.  Pour  que 
les  indications  du  texte  concordent  avec  le  jour  correspondant  à  la  mansion  lunaire 
qui  indique  le  quantième,  il  faut,  je  le  répète,  que  tous  les  mois  commencent  un 
jeudi  et  n'aient  que  28  jours  de  durée.  A  l'appui  de  cette  restitution,  Flacourt 


1  Dans  ses  Notes  sur  Vécriture  Antaimoro  (Alger,  1902,  in-8»,  t.  XXV  des  PuMicatloDS 
de  l'Ecole  des  Lettres  d'Alger),  Gautier  a  publié  un  texte  extrait  du  môme  manuscrit 
arabico-malgache  qui  contient  les  quatre  indications  chronologiques  suivantes  :  p.  48$ 
samedi  au  commencement  d* Alakosi  ;  p.  51,  vendredi  Adaiuvi  ;  p.  56,  lundi  Adabaran  ;  p.  63, 
vendredi  Alahasadi.  Les  deux  premières  dates  et  la  quatrième  doivent  se  lire  :  samedi  20, 
vendredi  26  et  vendredi  12  ;  les  noms  de  mois  ne  sont  pas  indiqués,  mais  d*api<ès  le  contexte 
(p.  67)  l'année  en  question  est  une  année  du  mercredi.  Les  trois  dates  ci-dessus  impliquent 
un  lundi  comme  premier  jour  du  mois  et  non  un  jeudi.  Ceci  tendrait  à  démontrer  que 
toutes  les  tribus  du  Sud-Est  n*avaient  pas  un  calendrier  unique  et  que  certains  groupe- 
ments commençaient  le  mois  un  lundi,  d'autres  un  jeudi  les  Antanosi  (vide  supra)  un  samedi. 
La  troisième  date  est  à  rectifier  soit  en  jeudi  Adabaran  =  jeudi  4,  soit  en  lundi  Anasara  « 
lundi  8  Quoi  qu'il  en  soit,  le  principe  du  calendrier  sud-oriental  :  Tannée  de  336  jours  divisée 
en  12  mois  d*égale  durée,  n*est  en  rien  atteint  par  cette  divergence.  Que  le  mois  commence 
un  samedi,  un  jeudi  ou  un  lundi,  il  faut  de  toute  façon  qu'il  n'ait  que  28  joura.  Pour  le  cas 
présent,  trois  dates  sur  quatre  confirment  la  théorie  nouvelle.  Il  y  a  lieu  d'ajouter  que  le 
texte  publié  dans  les  Notes  sur  VéctHture  Antaimoro  a  trait  à  une  gueri*e  entre  deux 
cliefs  indigènes  ;  il  forme  un  tout  par  lui-même  et  n'a  aucun  rapport  avec  les  campagne» 
de  La  Case. 


1908«]     FERRAND  :  LE  CALENDRIER  MALGACHE  ET  LE  FANDRUANA.     [P.  105. 

fournit  un  argument  décisif.  «  Le  jeusne  (du  Ramadâo,  dit-il  p.  67,  n'a  point  de 
mois  réglé,  et  se  fait  tantost  en  un  mois  tantost  en  un  autre,  suivant  la  Constitution 
et  la  qualité  de  l'année,  ce  qu'ils  (les  indigènes)  observent  par  les  cours  de  la  Lune 
et  des  estoilles  ».  Si  Tannée  des  Malgaches  sud-orientaux  avait  eu  354  jours  au 
XVIP  siècle,  elle  aurait  été  égale  en  durée  à  l'année  musulmane  :  le  jeûne  annuel 
aurait  donc  toujours  eu  lieu  pendant  le  même  mois,  comme  le  Ramadan  islamique. 
Mais  il  est,  au  contraire,  «  tantost  en  un  mois  tantost  en  un  autre  ».  C'est  qu'il  n'y 
a  pas  concordance  entre  l'ère  musulmane  et  l'ère  malgache,  par  conséquent  l'année 
malgache  sud-orientale  n'a  pas  354  jours. 


p.  106.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 


ANALYSES. 

Rbinhold,  FREmxRB  YON  LiCHTBNBBsa.  Beiträge  ssur  ältesten  Geschichte  von 
Kypros.  —  In-8^,  79  pages  et  9  planches.  Berlin,  Peiser,  1906. 

Les  plus  anciens  documents  écrits  qui  nous  soient  parvenus  sur  Chypre  sont 
les  passages  des  Annales  de  Thoutmes  III  (1515-1461)  où,  après  les  grandes  victoires 
du  roi  en  Syrie,  on  voit  le  prince  d'Asiy  ou  Asebi  lui  envoyer  des  lingots  de  cuivre 
et  de  plomb,  des  essences  et  des  bois,  des  bœufs  et  des  esclaves,  des  dents  d^éléphant 
et  de  la  pierre  bleue  qui  est  sans  doute  ce  lapis  lazuli  artificiel  que  les  Grecs 
nommèrent  kyanos.  Bien  que,  dans  le  butin  de  Mageddo,  figurent  des  chars  dorés 
et  argentés  d^ Asebi,  M.  de  L.  cherche  à  établir  quUl  n'y  a  eu  ni  conquête,  ni  même 
suzeraineté  égyptienne  en  Chypre  ;  le  monarque  chypriote,  comme  plus  tard  le 
souverain  Lagide  ou  l'empereur  romain,  est  propriétaire  des  mines  de  cuivre  et  en 
envoie  le  produit  en  Egypte,  demandant,  en  retour,  des  barres  d'or  ou  d'ai^gent. 
Un  siècle  plus  tard,  les  tablettes  d'el-Amarna  montrent  encore  les  rois  d'Alasia 
expédiant  à  leur  frère  le  Pharaon  de  5  à  500  talents  de  cuivre  et  leurs  ministres 
ajoutant  «  à  titre  de  cadeau  5  talents  de  bronze,  3  de  cuivre,  1  dent  d^éléphant  » 
pour  leurs  collègues  d'Egypte.  Ici  encore  il  n'y  aurait  pas  tribut  puisqu'on  voit  un 
prince  chypriote  expliquer  à  Aménophis  III  (1427-1392)  dans  des  termes  qui  ne 
paraissent  guère  à  M.  de  L.  convenir  à  un  vassal,  que,  loin  de  prendre  part  aux 
razzias  des  Sukki  en  terre  égyptienne,  ses  sujets  voient  chaque  année  sa  ville  de 
Sihru  pillée  par  ces  corsaires,  et  qu'il  sait  réclamer  énergiquement  la  restitution 
des  biens  d'un  négociant  chypriote  décédé  en  Egypte. 

Après  avoir  précisé  ainsi,  dans  cette  première  partie  de  son  travail,  les  données 
égyptiennes  déjà  mises  en  œuvre  par  W.  Max  MtlUer  sur  Asiy-Alasia,  M.  de  L. 
cherche  à  trouver,  dans  les  découvertes  archéologiques,  un  fondement  solide  pour 
l'hypothèse  esquissée  par  Ohnefalsch-Richter  :  la  civilisation  primitive  de  Chypre 
devrait  être  étroitement  rapprochée  de  celle  de  Troie  et  toutes  deux  ne  seraient  que 
des  manifestations  particulièrement  brillantes  de  la  grande  civilisation  néolithique 
de  la  Hongrie  descendue  en  Asie-Mineure  avec  les  Thraco-Phrygiens.  Après  s'être 
développée  à  Chypre  pendant  un  millier  d'années  dans  un  état  puissant  et  unifié, 
cette  civilisation  aurait  cédé  peu  à  peu,  à  partir  du  XIV«  siècle,  devant  les  attaques 
des  Achéens  en  qui  M.  de  L.  voit,  avec  Reisch  et  Doerpfeld  notamment,  les  porteurs 
de  la  civilisation  proprement  mycénienne.  Dès  1200,  ces  envahisseurs  ont  morcelé 
l'île  entre  les  cités  que  Ramsès  UI  énumère  à  Medinet-Habu  au  nombre  de  celles 
des  peuples  de  la  mer  qu'il  prétend  avoir  obligé  à  se  soumettre  :  Ithal  (Idalion), 
Salomaski  (Salamine),  Kathium  (Kition),  Sali  (Soli),  Maquas  (Akamas),  Kerena 
(Kerynia),  etc.  ;  vers  1100,  à  la  place  des  rois  commerçants  d'Alasia  qui  correspon- 
daient avec  les  Pharaons,  le  prêtre  d'Ammon  et  les  Phéniciens  qui  l'accompagnent, 
jetés  par  une  tempête  sur  les  côtes  de  Chypre,  trouvent  un  peuple  hostile  qui  ne 
les  comprend  que  par  voie  d'interprète. 

S'il  parait  avéré  que  Chypre  a  été  conquise,  au  temps  des  Ramessides,  par  une 
population  nouvelle,  M.  de  L.  n'a  pu  établir  de  façon  aussi  certaine  que  la  population 
antérieure  était  d'origine  thraco- phrygienne  et  non  égéenne,  au  sens  où  l'on  emploie 
ce  terme  pour  désigner  la  population  de  la  Crète  dans  la  r*  moitié  du  II"»*  millénaire* 


1908.]  ANALYSES.  [p.  J  07. 

Les  arguments  archéologiques  sur  lesquels  M.  de  L.  se  foode  sont  loin  d'être 
décisifs  :  s'il  est  vrai  qu'on  ne  trouve  qu'en  Hongrie,  à  Troie  et  en  Chypre  certains 
vases  en  forme  de  couronne  ou  en  forme  de  marmite  et  d'autres  pots  dont  la  panse 
ronde  est  surmontée  par  deux  goulots  parallèles  ou  qui,  en  outre  d'un  col  renversé 
vers  l'anse,  ont,  au  milieu  de  la  panse,  un  bec  par  où  l'eau,  introduite  par  le  col, 
pouvait  être  versée  goutte  à  goutte,  le  hasard  des  fouilles  peut  mettre  au  jour  une 
céramique  semblable  en  Grèce  ou  en  Crète.  Quant  à  ces  poignards  de  cuivre  en 
forme  de  feuille  de  laurier  dont  la  nervure  centrale  se  prolonge  en  une  longue  tige 
destinée  à  s'enfoncer  dans  la  matière  même  du  manche  et  qui  ont  toujours  semblé 
caractéristiques  de  la  civilisation  chypriote,  s'il  est  vrai  que  Hissarlik  et  la  Hongrie 
en  ont  livré  de  semblables,  il  est  facile  de  se  convaincre  que,  d'une  part,  à  Chypre 
même,  ce  poignard  est  issu  du  poignard  triangulaire  primitif  par  allongement 
progressif  de  sa  languette  supérieure  et  que,  d'autre  part,  en  Hongrie,  comme  en 
Italie  ou  en  Ibérie,  en  Gaule  ou  en  Suisse,  en  Egypte  ou  en  Phénicie.  les  poignards 
de  type  chypriote  sont  des  produits  d'imitation,  sinon  d'importation^  En  tout  cas, 
si  l'on  tient  à  leur  trouver  un  centre  de  diffusion  continental,  convient-il  de  réserver 
son  opinion  jusqu'à  ce  que  nous  soyions  mieux  renseignés  sur  la  civilisation  du 
centre  et  du  nord  de  l'Asie  Mineure  au  temps  de  l'empire  hittite'.  Non  seulement  la 
poterie  qu'on  y  rencontre  rappelle-t-elle  étroitement  la  céramique  nupénienne, 
mais  un  aussi  bon  connaisseur  des  choses  de  Chypre'  que  M.  I.  L.  Myres  a  pu 
proposer  récemment  de  chercher  autour  des  mines  des  Chalybes  le  centre  de 
dispersion  de  ce  javelot  métallique,  la  sigynna  ohsidéros^  qui  aurait  donné  son 
nom  aux  Sigynnes  qu^'Hérodote  connaît  en  Hongrie  tandis  qu'Aristote  cite  encore 
ce  nom  de  sigynne  comme  désignant  une  arme  particulière  à  Chypre. 

Sans  aborder  cette  question  tant  débattue  des  rapports  entre  les  Ehêtas  et  les 
Kefti  des  documents  égyptiens,  M.  de  L.  pense  que  ce  dernier  nom,  qu'on  a  cherché 
successivement  à  localiser  en  Cilicie  ou  en  Phénicie,  en  Chypre  ou  en  Crète,  ne  se 
rapporte  pas  à  tel  ou  tel  pays  particulier  :  les  Kefti  ou  Keftiou  désigneraient,  pour 
les  Egyptiens,  l'ensemble  des  populations  maritimes  des  côtes  syriennes  et  des  îles 
du  large  avant  l'apparition  des  Pouloushati,  Shardana,  Aquaionscha  et  autres 
envahisseurs  du  Nord.  Ce  serait  un  demi-siècle  à  peine  avant  leur  invasion  (v.  1450) 
que  les  fameuses  peintures  des  tombes  thébaines  de  Bekhmara  et  de  Senmut,  le 
ministre  et  l'architecte  de  Thoutmès  III  et  d'Amenhotep  II,  nous  montreraient, 
sons  le  nom  de  Kefti,  le  défilé  des  diverses  populations  comprises  sous  ce  nom.  En 
conformité  avec  la  théorie  indiquée  plus  haut,  M.  de  L.  veut  voir  en  ces  Kefti, 
non  des  tributaires  venant  prêter  hommage,  mais  des  alliés  venant  échanger  les 
produits  de  leur  industrie  et  l'on  peut  remarquer,  à  l'appui  de  cette  thèse,  que 
certains  de  ces  Kefti,  à  la  différence  des  Nègres  du  Koush  ou  des  Sémites  du 
Lotanou,  ont  le  carquois  à  gauche  et  le  poignard  mycénien  sur  Tépaule  droite, 
attitude  qui  ne  conviendrait  guère  à  des  sujets  ou  des  feudataires.  Parmi  ces  Kefd, 
M.  de  L.  vou^lrait  reconnaître  commo  des  gens  de  Chypre  ceux  qui  portent  les 
dents  d'éléphant  achetées  en  Syrie  et  les  barres  jaunâtres  et  verdâtres  qui  provien- 
draient des  mines  du  mont  Troodos.  Il  aurait  pu  les  rapprocher  du  saumon  de  cuivre 
trouvé  à  Enkomi,  la  première  Salamine  de  Chypre,  marqué  du  si  chypriote  ce  qui 
l'a  fait  considérer  dès  1900  par  M.  Evans  comme  ayant  une  valeur  monétaire. 


'  (X,  mon  article  pt^to  dans  le  Dictionnaire  des  Antiquités^  t.  IV,  p.  762. 

«  £.  Pottier,  Bull  de  Corr,  Bell.  1907,  p.  129. 

^  Anihropoiogical  Essays  presented  to  E.  B.  Tylor^  1907,  p.  265. 


P,  108.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Depuis  on  en  a  rapproché  les  saomons  semblables  provenant  da  Hagia  Triada  en 
Crète,  Mycènes,  Chalcis  en  Eubée  et  Serra  Ilixi  en  Sardaigne'  ;  lenr  poids  moyen, 
variant  de  27  à  37  kg.,  serait  celui  du  shekel  babylonien  léger  en  usage  alors  en 
Egypte  et  telle  tablette  de  Knossos  représentant  60  lingots  de  ce  genre  suivis  par 
un  dessin  en  forme  de  balance  répété  52  fois  et  une  fois  à  moite  exprimerait,  selon 
M.  Evans,  ce  fait  que  60  lingots  sont  égaux  à  52  1/2  talents  ;  ce  serait  aussi  une 
monnaie  divisionnaire  que  ces  fragments  d*or  ou  d'argent  arrondis  ou  allongés  et 
marqués  parfois  de  signes  dont  on  a  retrouvé  des  spécimens  tant  à  Enkomi  qu'à 
Knossos  et  que  M.  Evans  compare  aux  plus  anciennes  statères  lydiennes  ou  phocéen- 
nes. Enfin  ces  tètes  de  taureau  en  bronze  remplies  de  plomb  découvertes  à  Knos* 
SOS  figureraient  à  titre  de  poids  sur  les  inventaires  de  ce  palais  comme  entre  les 
mains  de  certains  Kefti  du  tombeau  de  Rekhmara*. 

Ainsi,  pour  ce  qui  touche  aux  poids  et  monnaies,  comme  pour  le  reste  de  sa 
civilisation,  Alasîa,  loin  de  se  tenir  à  part  du  monde  égéea  pour  se  rapprocher  de 
Troie  et  de  la  Hongrie,  parait  apartenir  à  la  même  civilisation  qui  a  dominé,  au 
début  du  II"*®  millénaire,  dans  les  îles  et  sur  les  côtes  grecques  et  qui  a  pénétré  en 
Syrie  et  en  Egypte. 

Les  arguments  d'ordre  linguistique  que  M.  de  L.  reprend,  après  Dîîmmler,  ne 
sont  guère  plus  probants  :  sans  doute  on  nous  parle  de  Teukroi  à  Salamine  de 
Chypre  et  de  Teukroi  qu'un  roi  de  Salamine,  Teukros,  aurait  amenés  en  Troade  ; 
les  Gerginoi  descendraient  des  premiers,  les  Gergithes  des  seconds.  Mais  M.  Hall', 
après  Pétrie  et  Maspéro,  n'a-t-il  pas  montré  qu'il  fallait  reconnaître  dans  ceux-ci 
les  Gergésiens  de  la  Bible  et  les  Girgashi  qui  s'allient  avec  les  Khètas  contre 
Ramsès  II,  dans  ceux-là  les  Tchakaray,  qui  attaquent  l'Egypte  sous  Bamsès  III 
avec  les  Thuirsha  et  les  Shardana.  Si  même  l'on  n'admet  pas  ces  identifications, 
M.  de  L.  n'a-t-il  pas  reconnu  dans  cette  fondation  de  Salamine,  attribuée  à  l'épo- 
nyme  des  Teukroi,  —  dont  les  Teukrides,  rois-prêtres  d'Olba,  conservent  le  nom  sur 
la  côte  cilicienne  opposée  —  l'un  des  faits  qui  marquent  la  conquête  d'Alasia  par  les 
peuples  de  la  mer,  occupants  du  second  palais  remanié  de  Knossos  ?  Bien  qu'il  les 
considère  comme  les  destructeurs  de  la  civilisation  thraco-phrygienne  de  l'île,  il 
admet  que  son  nom  primitif  d'Alasia  n'a  pas  seulement  survécu  dans  le  vocable 
d'Alasiôtas  porté  par  un  Apollon  de  Chypre,  mais  il  voudrait  que  le  souvenir  de 
son  téménos  ait  subsisté  dans  la  localité  Cretoise  d'Alassos  ou  d'Alassa.  Cette 
terminaison  en  aeroç,  comme  le  suffixe  vGoç  qui  devait  exister  dans  la  forme  première 
du  nom  des  Gergithes,  est  pourtant  l'une  de  celles  dont  Fiek^  a  essayé  d'établir  le 


1  A. .).  Evans,  Journal  of  the  Anthrop  Inst,  1900,  p.  215  ;  Pigorini,  Bollet,  di  Paletnologia 
Ital ,  1904,  p.  91  ;  A.  J.  Reinach,  Revtce  d.  Etudes  Grecques,  1905,  p.  83  ;  R.  Dussaud,  12.  de 
VEc,  d' Anthrop,,  1907,  p.  186. 

*  A.  J.  ICvans,  Corolla  Numismatica,  1906,  p.  336.  M.  R,  Dussaud,  loc.  cit.  p.  189  a  fait 
justice  de  la  théorie  de  Ussauer  selon  laquelle  les  bipennes  en  cuivre  perforées  des  tombes 
préhistoriques  d'Allemagne,  de  Suisse  ou  de  France  seraient  des  lingots  envoyés  de  Chypre 
en  lots  enrtlés  ;  ce  sont  des  haches  votives  comme  on  en  a  trouvé  dans  la  caverne  du  Diktè 
et  sur  une  amphore  de  Curium.  \ 

3  H.  R.  Hall,  Oldest  civilisation  in  Greece,  1901,  p.  151. 

^  Cf.  A.  Fick,  Nordgriechische  Ortsnamen^  1905,  p.  153.  Cf.  0.  Hoffmann,  Orientalische 
Litteratur-Zeitung  1907.  p.  45.  Des  noms  comme  Assos,  Amamassos,  Limassos,  Apaises 
ou  comme  Sinda,  Lapathos,  Tembros,  Tréméthous  sont  probablement  d'origine  asianique,  - 
comme  Hylai  est  Magnète,  Asinô  Dry  ope,  Gérénia  Messénien,  Bassai  Arcadien  etc.  Sur  la 
toponomastique  chypriote,  Tune  des  plus  curieuses  qui  soient  par  la  superposition  des 
conquêtes  franques,  vénitiennes  et  turques  sur  les  vieux  fonds  helléniques  et  préhellé» 


1908.]  ^    ANALYSES.  [P*  109» 

■■■'■   ■■         '■    - ■■— '■'■" ..I........ .II» Ill         ■  I  I  ii.iii» 

-caractère  hittite  et  qui  se  retrouvent  en  si  grand  nombre  dans  le  sud  de  l'Asie- 
Mineure.  On  ne  saurait  donc  tirer  parti  des  Teukriens,  des  Gergithiens  ou  d'Alassos 
pour  montrer  Torigine  thraco-phrygienne  de  la  première  population  de  Chypre, 
alors  que  les  uns  et  les  autres  n'apparaisBent  pas  avant  le  XIV*  siècle  sur  les  côtes 
4isiatiques  et  dans  la  mer  Egée.  —  Sans  prétendre  tirer  aucune  conclusion  de  cet 
examen  critique  de  la  thèse  soutenue  par  M.  de  L. ,  il  faut  reconnaître  que  les 
•pièces  versées  par  lui  au  débat  ne  permettent  guère  de  conclure  en  faveur  de 
Torigine  thraco-phrygienne  —  et,  partant,  aryenne  —  de  la  civilisation  cypriote. 

Â.  J.  Beinaoh. 

Rens  Dussaüd.  Vile  de  Chypre  partieulièrement  aux  âges  du  Cfiivre  et  du  broHMe* 
In  8«,  65  p.  et  42  figures.  (Extrait  de  la  Bévue  de  VEeole  ^Anthropologie^ 
mai-juillet  1907,  tirage  à  part  en  dépôt  à  la  librairie  Qeuthner). 

Au  contraire  de  M.  de  L.,  M.  Dussaud  est  un  partisan  convaincu  de  Thypo- 
thèse  égéenne^  hypothèse  qui  suppose  une  race  qu'on  ne  va  pas  toujours  jusqu^à 
-considérer  comme  libyenne,  mais  qu^on  tient  en  tout  cas  pour  antérieure  à  Tarrivée, 
<sar  les  rives  de  la  mer  Egée,  des  populations  indo-européennes  et  sémitiques.  Cette 
position,  que  M.  D.  a  prise  si  nettement,  est  d'autant  plus  importante  que,  spécia- 
liste des  choses  de  Syrie  et  de  Phénicie,  il  devait  être  tenté  de  reconnaître  dans 
les  peuples  de  ces  régions  ces  intermédiaires  qu'on  a  si  longtemps  voulu  voir  en 
•eux  entre  les  civilisations  du  Nil  et  de  la  Mésopotamie  et  celle  du  futur  monde 
{[rec.  Mais,  rejetant  dès  1905  cette  hypothèse  dont  les  fouilles  de  Crète  ont  achevé 
4e  montrer  l'impossibilité,  M.  D.  écrivait^  :  •  Quand  on  ne  connaissait  en  fait 
<l'antiquités  Cretoises  que  les  boucliers  votifs  de  la  grotte  de  l'Ida,  on  pouvait  sup- 
poser une  forte  action  de  la  Phénicie  sur  le  développdment  de  la  civilisation  mycé- 
üienne.  Les  découvertes  postérieures  ont  montré  que  c'est  une  erreur.  Après 
MM.  Milchhoefer  et  S.  Reinach,  M.  Evans  a  rejeté  l'influence  phénicienne  et  l'on 
peut  dire  que  cette  discussion,  dans  laquelle  on  a  dépensé  de  part  et  d'autre  tant 
4e  science  et  de  talent,  est  définitivement  close  ».  Une  fois  admis  le  principe  de 
Tinfluence  exercée  en  Syrie  par  les  Egéens,  il  s'agit  de  vérifier  cette  thèse  par  son 
application  aux  grands  faits  archéologiques  :  M.  D.  n'a  pas  tardé  à  montrer  que  les 
alphabets  sud-sémitiques,  le  sabéen  notamment,  se  rapprochaient  bien  plutôt  du 
^ec  archaïque  que  du  phénicien  et  que  c'est  de  Gaza,  la  capitale  de  ces  Philistins 
qui  sont  venus  de  Crète,  que  l'alphabet  égéen  a  dû  se  répandre  dans  la  Syrie  méri- 
dionale* ;  c'est  peut-être  aussi  par  Gaza,  au  temps  où  les  Pulushaii  y  apportèrent, 
avec  son  premier  nom  de  Minoa,  le  culte  de  2^us  Krétagénès,  que  s'est  répandue 
•cette  céramique  mycénienne  que  les  fouilles  ont  rencontrée  dans  la  3"*  ville  de 
Tell-el-Hesi  qui  se  place  vers  1450-1350  avant  notre  ère  ;  de  là  aussi  ces  petits 
bronzes  qui  représentent  un  personnage  coiffe  d'un  haut  bonnet,  un  pagne  autour 
des  reins,  un  bouclier  au  bras  gauche  et  brandissant  une  arme  de  la  main  droite 
dont  M.  D.  a  catalogué  quinze  exemplaires  :  1  à  Mycènes,  1  à  Tirynthe,  1  en  Thes- 


niques.  on  trouvera  beaucoup  de  renseignements,  malheureusement  mal  ordonnés,  dans  le 
ToTcwvupiixov  ttJc  KiSnpov  de  S.  Ménardos  (Athènes,  1907)  qu'on  peut  compléter  déjà  pour  ce 
qui  touche  aux  noms  de  lieux  en  saint  ~  il  y  a  plus  de  60  Hagios-Oiorgios  —  par  le  travail 
du  P.  H.  Delehaye,  Analecta  Bollandiana,  1907,  p.  267. 

1  Qu^estions  Mycéniennes^  dans  la  Revue  de  V Histoire  des  Religions^  1905,  T.  LI,  p.  52. 

<  Cf.  Dussaud,  Journal  Asiatique^  1904, 1,  p.  357  et  Les  Arabes  en  Syrie  avant  Vlslam^ 
<1907)  p.  85. 


p.  110.]  •    R    •    E    •    E    •    s    •  [*®°^ 

salie,  1  en  Crète,  3  en  Phénicie,  8  en  Chypre,  qui  semble  être  leur  centre  de  diffu- 
sion. Ce  rôle  joué  par  Chypre  dans  la  transmission  à  TOrient  cananéen  des  produits 
du  monde  égéen  a  amené  M.  D.  à  étudier  particulièrement  la  grande  île  dans  c& 
cours  d'archéologie  orientale  et  préhellénique  qu'il  fait  depuis  1902  à  TEcole  d'An- 
thropologie. Bien  qu'elle  ne  soit  guère  plus  longue  que  l'opuscule  de  M.  de  L.,  la 
brochure  où  M.  D.  a  résumé  les  cinq  conférences  qu'il  a  consacrées  en  1907  à 
l'étude  de  la  civilisation  mycénienne  en  Chypre  nous  apporte  des  résultats  autrement 
probants  :  par  une  étude  précise  de  l'art  primitif  de  Chypre,  il  met  en  évidence  la 
prédominance  artistique  que  la  grande  île  exerce  sur  la  Phénicie  et  la  Philistie 
durant  tout  le  2°°*  millénaire.  C'est  aux  mines  de  cuivre  du  Mont  Troodos  que  se 
développe  ce  type  de  poignard  en  feuille  de  saule  à  tige  très  allongée  dont  on  con- 
naît des  spécimens  en  Phénicie  ;  c'est  là  aussi  que  se  perfectionne  cette  poterie 
géométrique  qui  importe  en  Palestine  ses  vases  à  engobe  blanc  où  se  détachent  les 
ligues  droites  ou  sinueuses  d'un  décor  noirâtre  jusque  là  inconnu  en  Syrie  ;  c'est 
de  Chypre  enfin  que  vient  cette  déesse  nue  qu'on  a  considérée  comme  une  Ishtar- 
Astarté  jusqu'à  ce  que  S.  Reinach  eût  démontré  que  l'art  oriental  a  toujours  repré- 
senté vêtue  sa  déesse  de  la  fécondité  et  que  seul  l'art  égéen  l'a  représentée  dans^ 
sa  nudité.  Tout  en  admettant  les  résultats  essentiels  de  ce  travail  paru  en  1895, 
M.  D.  a  pu  observer  que  les  fouilles  de  Crète  avaient  montré  depuis  la  Déesse  aux 
serpents  ou  à  la  colombe  de  la  Crète  minoenne,  non  pas  nue,  mais  habillée  de  la 
jupe  à  volants  et  du  corsage  collant  s'arrêtant  sous  les  seins  saillants  qui  suffisent 
à  marquer  la  fécondité  de  la  déesse.  Aussi  peut-on  se  demander  si  l'art  égéen  a 
vraiment  connu  la  déesse  nue.  A  Chypre,  en  tous  cas,  on  la  trouve  d'abord  sous 
forme  d'un  rectangle  allongé  figurant  le  corps  au  dessus  duquel  un  rectangle  plus  | 

petit  figure  la  tète  ;  des  lignes  incisées  marquent  les  traits  du  visage,  les  plis  de  la  j 

robe  sous  les  seins  et  à  la  ceinture,  les  bras  descendant  vers  la  taille  ;  ensuite  le 
nez  et  les  oreilles  se  détachent  en  relief,  deux  trous  profonds  marquent  les  yeux, 
deux  rondeurs  proéminentes  les  seins  sous  lesquels  se  rejoignent  des  mains  grossiè- 
rement modelées  ;  mais  toujours  des  incisions  figurent  la  robe  au  dessus  de  la  taille. 
Au  dessous,  le  corps  finit  en  cette  gaîne  informe  qui  survivra  dans  l'Hermès  clas- 
sique ;  comme  le  phallos  au  dessus  de  la  gaine  de  l'Hermès,  le  kteis  marque  le  sexe 
sous  la  taille  de  l'idole  plate,  mais  qui  n'en  est  pas  moins  habillée  comme  en 
témoignent  les  lignes  incisées.  Enfin,  par  un  dernier  progrès  de  cet  art  grossier,  en 
même  temps  que  les  oreilles  ressortent  en  saillies  énormes  que  percent  des  anneaux,, 
et  que,  sous  l'arcade  sourcilière,  deux  ronds  coocentriques  figurent  un  œil  déme- 
suré, la  gaîne  inférieure,  gardant  sous  la  taille  sa  largeur  primitive,  descend,  en 
s'amincissant  de  part  et  d'autre,  de  ces  flancs  robustes  vers  des  chevilles  étroites,, 
tandis  qu'une  incision  médiane  sépare  les  deux  jambes  allongées  l'une  contre 
l'autre.  Comment  représenter,  sur  cette  figurine  désormais  modelée  en  ronde  bosse, 
l'ample  et  rigide  robe  de  la  déesse  ?  Comment,  si  on  voulait  le  figurer,  ne  pas  voiler 
par  là  le  sexe  de  l'idole  ?  Pris  entre  la  nécessité  religieuse  de  marquer  le  sexe  et 
l'impossibilité  matérielle  de  le  recouvrir  en  même  temps  des  vêtements  hiératiques, 
«  on  aboutit  à  cet  étrange  compromis  de  figurer  le  sexe  par  les  mêmes  traits  incisés 
qui  dessinent  les  plis  du  vêtement  »  puis,  de  ces  «  idoles  au  caleçon  »  —  car  ces- 
lignes  triangulaires  qui  marquent  la  taille,  loin  do  vouloir  faire  ressortir  le  sexe, 
prétendent  le  cacher  —  par  la  négligence  de  l'artiste  qui  oublie  peu  à  peu 
rimportance  religieuse  de  ces  lignes,  se  dégage  la  déesse  qui  paraît  nue  parce 
'qu'aucune  incision  n'interrompt  plus  le  modelé  de  son  corps.  Cette  transformation^ 
paraît  achevée  au  XI'  s.,  époque  où  commence  le  grand  essor  de  la  Phénicie,  profi- 


1908.] ANALYSES.  [P.  111. 

tant  da  désordre  où  Tinvasion  dorienne  rejette  le  monde  grec.  Colonisée  bientôt 
par  Sidon,  Chypre,  avec  le  décor  géométrique  de  sa  poterie  inspirée  de  celle  du 
Dipylon  et  la  palmetto  peut-être  assyrienne  de  ses  patères,  donnait  sa  déesse  nue 
ÜUX  Phéniciens  comme  article  de  leur  commerce  de  pacotille.  C'est  ainsi  que  celle- 
ci  a  pu  passer  pour  représenter  leur  Ishtar,  comme  les  boucliers  de  Tlda  ou  les 
-coupes  de  Caere  ont  été  considérés  comme  de  fabrication  phénicienne  ;  on  recon- 
naît seulement  aujourd'hui  que,  élaborées  en  Chypre  par  la  combinaison  d'éléments 
orientaux  avec  les  traditions  égéennes,  ces  œuvres  d'art  ne  sont  phéniciennes  que 
d'exportation  et  que  «  l'art  industriel  phénicien,  si  brillant  soit-il,  n'est  que  le  pro- 
longement en  terre  asiatique  de  l'industrie  cypriote  »,  art  d'exportation  qui,  à  la 
&çon  de  l'alphabet  phénicien,  n'est  qu'une  lointaine  filiale  du  monde  égéen. 

A.  J.  Rbinach. 

£.  Pechubl-Loebchb.  Volkskunde  von  Loango  (2*  fasc.  du  T.  III  de  Die  Loango" 
Expedition).  —  4*^,  482  pages.  Stuttgart,  Strecker  und  Schröder,  1907,  24  Mks. 

On  attendait  avec  quelque  impatience  l'apparition  de  ce  volume  :  la  Loango- 
Expedition,  envoyée  par  la  Société  Allemande  pour  l'Exploration  de  T Afrique 
Equatoriale,  et  qui  comprenait  Bastian,  Güssfeldt,  Falkenstein  et  Pechuël-Loesche, 
remonte  à  1873-1876.  En  outre  il  a  paru  ces  dernières  années  plusieurs  travaux  sur  les 
populations  entre  TOgowé  et  le  Congo,  les  plus  importants  étant  ceux  de  £.  Dennett 
{Seven  years  among  the  Fjort  ;  Notes  on  the  Folk-lore  of  the  Fjort  et  surtout  At  the 
Back  of  the  Black  Mah*s  Mind,  Londres,  Macmillan,  1906).  Déjà  le  livre  de 
Bastian  (Die  Deutsche  Expedition  an  der  Loango-Küste^  léna  1875,  2  vol.)  avait 
posé  quelques  problèmes  importants,  bien  qu'il  contînt  moins  des  observations 
.personnelles  qu'une  utile  mise  au  point  des  travaux  antérieurs  (de  Degrandpré, 
Proyart,  Barbot  et  Casseneuve,  etc.)  Mais  l'intérêt  pour  les  populations  du  Loango 
et  des  régions  voisines  a  surtout  été  éveillé  par  les  observations  et  les  théories  de 
Dennett'  dont  la  valeur  a  besoin  d'un  contrôle  qu'on  espérait  obtenir  par  la  publi- 
cation des  recherches  des  Allemands. 

En  fait,  on  n'a  rien  perdu  pour  attendre,  M.  Pechuël-Loesche  étant,  depuis 
1876,  allé  une  deuxième  fois  au  Loango,  ayant  parcouru  diverses  colonies  allemandes 
d'Afrique  et  s'étant  assuré  le  concours  de  plusieurs  missionnaires  et  colons.  Son 
volume  a  gagné  ainsi  en  exactitude  et  l'on  y  trouvera  une  exposition  détaillée  du 
droit  et  de  la  religion  des  Bafiote  (Fjort)  dont  les  Bavili  de  Dennett  sont  une 
fraction,  celle  qui  vit  dans  la  région  côtière,  et  qui  par  suite  doit,  suivant  la  remar- 
que de  Pechuël-Loesche,  être  regardée  comme  davantage  contaminée  par  la  pro- 
pagande plus  de  quatre  fois  séculaire  des  missionnaires.  Dennett  a  eu  pour 
informateur  principal  leur  chef  actuel  (on  ne  saurait  lui  donner  aujourd'hui  son 
ancien  titre  du  roi-dieu),  le  Ma-Luango  :  diaprés  lui,  il  y  aurait  un  système  de 
correspondances  entre  les  fonctions  du  roi,  les  départements  administratifs,  les 
lieux  sacrés,  les  animaux  et  les  végétaux  sacrés,  les  phénomènes  naturels.  On  ne 
trouve  rien  de  tel  dans  la  monographie  allemande,  mais  seulement  des  enumerations 
et  des  descriptions  détaillées  de  coutumes,  de  rites,  de  croyances,  «  de  fétiches  » 
plus  ou  moins  spécialisés,  de  lieux,  d'animaux  et  de  végétaux  sacrés,  avec  une 


;.  1  On  trouvera  des  comptes-rendus  critiques  de  ces  théories  dans  la  Revue  des  Idées  ^  1907 
jpp.  59-68,  V Année  Sociologique^  T.  IX,  pp.  305-311  et  la  Revue  de  V Histoire  des  Religions^ 
T.  LVI,d90if)  pp.  219-225. 


p.  112.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [*J??^ 

discussion  sar  quelques  restes  de  totémisme  (p.  466-7).  De  même,  les  institution» 
juridiques  y  sont  décrites  aTec  assez  de  minutie,  mais  leur  lien  intime  n'est  pas 
déterminé.  Il  semble  que  c'est  faute  d'avoir  saisi  la  dépendance  de  Pethnographie 
vis-à-vis  de  la  sociologie,  que  Pechufil-Loesche  n'a  pas  fait  de  recherches  précisé* 
ment  sur  le  problème  posé  par  Dennett.  A  priori,  dans  toute  société,  le  lien  de 
correspondance  entre  les  éléments  constitutifs  existe  ;  dans  la  nôtre,  malgré  la  plus> 
grande  multiplicité  des  nuances  do  détail,  on  le  découvre  asses  aisément.  Les 
sociétés  chinoise,  tibétaine,  etc.  fournissent  une  matière  d'observation  encore  plus> 
commode. 

Que  d'ailleurs  M.  Dennett  ne  puisse  être  entièrement  dans  le  faux,  c'est  ce  que 
montre  non  seulement  l'existence  d^  systèmes  de  même  type  que  le  sien  chez  les 
Australiens  et  les  Amérindiens^  mais  encore  que  Pechuêl-Loesche  a  découvert 
chez  les  Bafiote  un  système  d'ordre  géocentrique  :  la  terre  est  regardée  comme  la 
Mère  de  toutes  choses,  le  roi  comme  unique  possesseur  de  la  terre  ;  les  individus  et 
les  groupes  sont  catégorisés  d'après  leur  dépendance  vis-à-vis  de  la  terre  ;  les 
serments  se  font  «  par  la  terre  «,  etc.  (cf.  pp.  194  sqq  ;  212,  223,  277,  285,  etc.). 
Pechuël-Loesche  n'est  pas  éloigné  de  regarder  ce  système  comme  la  base  fondamen- 
tale de  l'organisation  sociale  des  Bafiote. 

Mais  si  l'on  se  reporte  au  livre  de  Dennett,  on  constate  que  le  système  géo* 
centrique  n'est  chez  les  Bavili  qu'une  fraction  d'un  tout  plus  vaste  :  la  fraction 
du  Léopard*,  qui  associée  à  la  fraction  du  Crabe  (la  Mer)  constitue  la  section  II 
(Nkala-ngo)  du  système  total  (Dennett,  p.  102)  ;  sous  l'idée  de  Terre  se  subsume- 
raient  les  solides,  la  justice,  l'intelligence,  les  herbes,  le  cœur,  la  maternité 
(ib.  p.  109)  puis  le  groupe  des  lieux  sacrés  appelé  Tchibwinji,  un  groupe  de  rivières, 
d'arbres,  de  présages,  etc. 

Il  semble  donc  qu'un  système  complet  existe  aussi  chez  les  Bafiote  de  l'inté» 
rieur,  système  auquel  Pechuêl-Loesche  s'est  heurté  et  dont  il  n'a  vu  qu'une  frac- 
tion, assez  systématisée  déjà  pour  attirer  son  attention  et  provoquer  son  étonne- 
ment,  tout  comme  il  s'est  heurté  à  un  autre  système  de  classification,  le  totémisme^ 
qu'il  a  mal  compris  aussi  parce  qu'il  n'en  a  étudié  que  les  formes  extérieures.  Il 
est  difficile  de  déterminer,  actuellement,  si  la  classification  totémiste  concorde  ou 
non  chez  les  Bantous  avec  un  système  plus  général,  dont  des  traces  se  rencontrent 
d'autre  part  dans  la  langue  (classes  dites  nominales). 

Le  fait  le  plus  remarquable  de  discordance  entre  les  deux  auteurs,  c'est  que 
Dennett  a  constaté,  sur  la  foi  du  Ma-Luango,  une  hiérarchie  des  attributions  (aux 
six  titres  du  roi  correspondent  six  administrations  qui  se  partagent  le  gouvernement 
de  toutes  les  choses  sociales  tant  juridiques  et  économiques  que  politiques),  hiérar- 
chie qui  se  rencontre  aussi  chez  les  Bini  du  Niger  (cf.  Dennett,  tableau  pp.  240-241),. 
alors  que  Pechuël-Loesche  ne  donne  dans  ses  chapitres  I  et  II  qu'une  répartition 
de  ces  attributions  non  strictement  codifiée.  C'est  ainsi  qu'il  parle  longuement,  et 
à  plusieurs  reprises,  des  Messagers-du-roi,  les  Mafuka^  qui  sont  les  courtisans  n*  6 
de  Dennett  ;  mais  il  ne  montre  pas  la  place  exacte  des  1 1  autres,  qu'il  énumère 
un  peu  au  petit  bonheur. 


1  Cf.  E.  Durkheim  et  M.  Mauss,  De  çpieîques  systèmes  primitifs  de  classification.  Année- 
Sociologique,  T.  VI  (1903). 

<  Pechuêl-Loesche  a  d'ailleurs  fort  bien  vu  le  caractère  spécial  du  léopard  et  il  donne  de» 
oérémooies  de  purification  auxquelles  est  soumis  Tindividu  qui  en  a  tué  un,  une  descriptioa 
minutieuse  de  grande  portée  théodque. 


1908.]  ANALYSES.  [P.  11 3» 

Pechuêl-Loesche  semble  avoir  encore  rencontré  une  autre  catégorie,  celle  du 
feu  :  du  moins  sa  description  des  rites  et  son  analyse  de  leur  rapport  avec  d'autres 
phénomènes,  tant  naturels  que  sociaux  (cf.  p.  172  sqq.)  rapprochée  des  descriptions 
et  des  interprétations  de  Dennett  donne  assez  cette  impression  qu'on  a  affaire  ici  à 
on  fragment  de  système.  La  catégorie  du  feu  comprendrait  d'après  Dennett  : 
Tamour,  l'union,  le  mariage,  la  lumière,  la  chaleur  et  le  froid,  la  matrice,  l'odeur  ; 
or  PechuëULoesche  note  la  relation  entre  les  rites  du  feu  et  les  actes  sexuels  dans 
leur  sens  soit  physique,  soit  social.  Sans  doute,  l'idée  d'assimiler  la  production  du 
feu  par  friction  simple  ou  avec  l'ignitérébrateur  à  l'acte  sexuel  peut  s'expliquer 
directement  par  l'analogie  des  gestes,  et  ceci  d'autant  mieux  que  cette  assimilation 
est  à  peu  près  universelle.  Mais  les  analogies  ainsi  formulées  par  diverses  popula- 
tions appartiennent  au  processus  psychique  qui  conditionne  la  formation  de  tout 
système  de  classification. 

C'est  entre  autres  par  les  détails  sur  la  vie  sexuelle  des  Bafiote  que  le  volume 
allemand  se  distingue  du  volume  anglais,  auquel  il  apporte  ainsi  d'utiles  et  impor- 
tants compléments  ;  p.  467  on  trouvera  une  bonne  discussion  sur  la  distinction  que 
tracent  les  Bafiote,  comme  tant  d'autres  demi-civilisés,  entre  la  parenté  physique 
et  la  parenté  sociale  ;  p.  162  sqq.,  des  renseignements  utiles  sur  la  société  spéciale 
formée  par  les  femmes  à  l'intérieur  de  la  société  générale,  et  sur  le  rôle,  surtout 
Jadis,  de  leur  chef,  la  Makunda;  pp.  198,  238,  242-4,  sur  l'évolution  du  matriarcat 
dans  les  familles  princières. 

£nfin  il  y  aura  lieu  de  tenir  compte  des  descriptions  détaillées  données  dans 
le  chap.  Ill  des  diverses  divinités,  elles  aussi  hiérarchisées,  mais  dont  cependant 
la  classification  n'est  pas  suffisante.  PechuëULoesche  a  conservé  l'ancien  terme  de 
•  fétiche  I»  ;  mais,  et  en  ceci  il  vient  définitivement  affermir  la  position  de  Den- 
nett, il  reconnaît  :  1°  que  le  fétichisme  n'est  ni  une  religion,  au  sens  vague  du  mot, 
ni  un  système  religieux  bien  défini  ;  2^  mais  qu'il  est  une  conception  dynamiste  du 
monde  ;  il  s'agit  nettement  de  puissances,  ou  mieux,  de  formes  spéciales  que  prend 
la  puissance  magico-religieuse  immanente  en  toutes  choses,  c'est  à-dire  le  mana 
{cf.  pp.  347,  350,  353,  et  les  définitions  p.  354).  Cette  puissance  est  transportable, 
assimilable  ;  des  actes  la  créent,  d'autres  actes  l'anéantissent  ;  et  des  individus 
spéciaux  apprennent  à  s'en  servir,  à  l'appliquer  dans  la  vie  quotidienne,  ou  à  la 
rendre  inoffensive. 

Mais,  comme  le  remarque  l'auteur  (p.  353)  :  on  a  progressé  au  Loango.  Dans 
te  cas  spécial  il  faut  entendre  que  le  mana  ne  se  présente  déjà  plus  à  l'observateur 
sous  une  forme  pour  ainsi  dire  brute  et  confuse  :  il  a  été  dissocié  en  de  nombreux 
éléments,  tous  animés  d'une  vie  propre,  et  c'est  à  cette  dissociation  que  correspond 
la  multiplicité  des  «  fétiches  n  doués  d'attributs  spéciaux.  Ils  se  groupent  plus  ou 
moins  grossièrement,  dans  leur  domaine  propre,  suivant  deux  catégories  :  les  bien- 
faisants et  les  maléficients.  C'est  ce  qu'avait  aussi  reconnu  Dennett  qui  nomme 
Tidongdisme  le  système  bon,  et  nkiciisme  le  mauvais  ;  de  même  PechuëULoesche  se 
donne  quelque  peine  pour  distinguer  la  puissance  de  Nzambi,  bonne,  de  celle  de 
BûQssi,  mauvaise  ;  et  les  deux  ethnographes  tendent,  Dennett  avec  plus  de  préci- 
sion, à  nommer  religion  le  mana  bénéficient,  magie  le  mana  maléficient,  ce  qui 
certes  est  exact  d'un  point  de  vue  extérieur  et  populaire  mais  inadmissible  à  con- 
sidérer le  mécanisme  interne,  qui  est  exactement  le  même  qu'il  s'agisse  de  l'une 
ou  de  l'autre  force. 

Enfin  Pechuël-Loesche  a  pris  un  soin  tout  spécial  d'énumérer  le  plus  possible 
de  tschina  {töina)yO\i  interdictions.  Il  voit  commo  de  juste  qu'ils  correspondeni 


p.  114.]  •    R    •    E    •    E    •    8    •  [1908-. 

aux  tabtrns  mélano-polynésieiis  ;  il  note  encore  que  le  mot  de  tiina  s'appliqae  tan- 
tôt à  des  interdictions  proprement  magico-religieuses,  tantôt  à  de  simples  défenses 
d'ordre  juridique.  Cette  distinction  repose  sur  l'acte  auquel  se  rapporte  le  tHna  ^ 
une  lacune  importante  du  livre  est  que  les  sanctions  consécutives  à  la  violation  des 
deux  catégories  de  tèina  n^ont  pas  été  décrites  avec  une  précision  suiBBsante  ;  car 
Tétude  des  sanctions  permet  de  découvrir  si  une  interdiction  actuellement  juri- 
dique, par  ex.  le  tabou  de  propriété,  n'a  pas  eu  des  débuts  uniquement  magico- 
religieux  ;  et  la  signification  primitive  de  Tinstitution,  p.  ex.  de  la  propriété,  est 
alors  obtenue  sans  chance  d'erreur. 

Je  signalerai  encore  à  M.  Pechuël-Loesche  une  autre  lacune,  et  ceci  surtout- 
avec  Tespoir  qu'il  pourra  la  combler,  puisqu'il  avertit  dans  sa  courte  Préface  qu'il 
ne  donne  dans  le  présent  volume  qu'une  partie  des  matériaux  qu'il  a  recueillis. 

En  effet  la  valeur  du  tëitM  en  tant  que  rite  négatif  n'est  pas  déterminée.  Ceci 
tient  à  ce  que  Pechuël-Loesche  a  exposé  séparément  les  actes  positifs  magiques 
et  religieux  puis  en  une  autre  partie  du  livre  les  interdictions  prises  toutes« 
ensemble  et  considérées  en  dehors  de  la  vie  sociale,  ou  même  magico-religieuse,. 
totale.  Ainsi  les  deux  aspects  du  culte,  inséparables  dans  la  théorie  tout  autant  que 
dans  la  pratique,  sont  artificiellement  écartés  l'un  de  l'autre,  et  leurs  rapport» 
intimes  deviennent  impossibles  à  établir.  11  y  aurait  lieu  aussi  d'étudier  le  rapport 
de  tèina  avec  les  conceptions  cathartiques,  tiina  correspondant  dans  certains  cas  à- 
impur  ;  d'où  l'ensemble  complexe  des  rites  de  purification,  bien  exposés  dans  la 
description  des  rites  funéraires,  mais  pas  assez  dans  celle  des  autres  rites  et  céré- 
monies. 

La  masse  de  matériaux  fournis  par  M.  Pechuël-Loesche  est  considérable,  et  il 
n'était  possible  ici  que  d'en  examiner  quelques-uns.  Du  moins  aurai-je,  je  l'espère, 
fait  comprendre  l'intérêt,  non  seulement  au  point  de  vue  descriptif  spécial,  mais- 
aussi  pour  la  théorie  générale,  de  cette  monographie  qui  compte  comme  l'une  des 
plus  importantes  qu'on  connaisse  sur  un  groupement  africain  bien  délimité. 

A.  VAN  Gennep. 
*      * 

Fbiedbich  s.  Kbauss.  Das  Geschlechtleben  in  Glattben^  Sitte  und  Brauch  der 
Japaner,  —  4*^,  161  pages,  LXXX  planches.  Leipzig,  Deutsche  Verlagsactien- 
gesellschaft,  1907,  30  marks. 

L'étude  de  la  signification  sociale  de  la  sexualité  a  fait  ces  années  dernières- 
des  progrès  importants  grâce  aux  efforts  combiués  de  savants  divers  par  leur 
spécialité  ordinaire  :  Havelock  Ellis  avant  tout  psychologue  et  médecin,  Iwan  Bloch,, 
médecin  spécialement  syphiligraphe  et  psychiatre,  Fr.  S.  Erauss,  bien  connu  comme 
folk-loriste  et  ethnographe,  pour  ne  citer  que  les  auteurs  de  travaux  d'ensemble  ;  des 
périodiques  comme  le  Jahrbuch  für  sexuelle  Zwischenstufen  et  VAnthropophyteia 
traitent  spécialement  des  questions  sexuelles  considérées  du  point  de  vue  ethnogra- 
phique et  sociologique,  mais  non  plus  seulement  tbéologique,  éthique  ou  médicaL 
Ce  point  de  vue  ayant  acquis  enfin  la  suprématie,  on  s'étonne  qu'il  ait  fallu  atten- 
dre jusqu'au  début  du  XX«  siècle  pour  que  cette  idée  très  simple,  et  naturelle, 
soit  venue  aux  savants  de  considérer  les  effets  sur  la  vie  sociale  de  la  fonction  de- 
reproduction  avec  la  même  indépendance  de  jugement  qu'on  avait  fait  jusqu'ici  des 
effets  sociaux  de  la  fonction  de  nutrition. 

La  période  actuelle  de  l'étude  sociologique  de  la  sexualité  se  caractérise,  on 
«'y  attend,  par  la  mise  en  ordre  et  l'explication  plus  ou  moins  approfondie  de& 


1908.]  ANALYSES.  [P.  115. 

-documents  ethnographiques  accumulés,  plutôt  au  hasard,  par  les  observateurs  anté- 
rieurs. Ensuite  seulement  pourront  venir  des  enquêtes  systématiques  dont  l'objet 
.sera  d'abord  de  combler  les  lacunes  d'information  signalées  par  les  travaux  parus 
dès  maintenant.  En  ce  sens  la  présente  monographie  de  Fr.  S.  Krauss  est  d'une  grande 
utilité  :  on  y  constate  que  la  vie  sexuelle  a  pris  au  Japon  une  grande  variété  de  formes, 
lesquelles  sont  ici  décrites,  mais  dont  on  ignore  les  effets  profonds  sur  Torganisation 
sociale.  Ainsi  le  chap.  Ill  est  consacré  à  la  filiation  masculine  et  à  la  famille 
patriarcale  :  mais  les  documents  sont  si  rares  et  si  peu  détaillés  qu'on  ne  peut  se 
rendre  un  compte  exact  de  l'évolution  de  cette  institution  au  Japon.  De  même 
Tr.  S.  Krauss  a  réuni  dans  le  chap.  IV  les  documents  qui  se  rapportent  à  l'union 
temporaire  où  il  veut  voir  une  survivance  du  matriarcat,  théorie  que  cependant  il 
«st  aussi  impossible  de  démontrer  que  de  nier.  Le  V*  chap,  est  consacré  à  l'uranisme, 
le  VI*  donne  la  description  des  divers  procédés  et  instruments  employés  pour 
l'obtention  du  plaisir  solitaire,  le  VII®  est  une  intéressante  étude  de  Tart  erotique 
au  Japon  :  petits  livres  pour  l'instruction  des  fiancées,  caricatures,  art  erotique 
populaire,  etc.  La  sexualité  a  joué  un  rôle  considérable  dans  l'art  japonais  et  sans 
jamais  aucune  arrière-pensée  «  perverse  n,  l'acte  sexuel  étant  pour  les  Japonais 
un  acte  normal,  qu'on  peut,  qu'on  doit  même  varier  ;  les  organes  sexuels,  des  organes 
dont  on  doit  affiner  la  sensibilité,  tout  comme  en  Europe  on  raffine  l'acte  de 
nutrition  ;  mais  le  ■  gourmet  »  sexuel  chez  nous  est  d'ordinaire  méprisé  et  honni. 

Enfin  la  conclusion  du  livre  est  une  étude  du  rôle  sexuel  du  renard  dans  la 
littérature  populaire  japonaise.  Gomme  illustrations,  comme  descriptions  et  comme 
explications  générales,  dénuées  de  tout  préjugé  éthique  ou  théologique,  le  livre  de 
Fr.  S.  Krauss  est  de  premier  ordre.  Le  seul  point  sur  lequel  il  fait,  je  crois,  fausse 
route  —  en  suivant  d'ailleurs  Buckley  (de  Chicago)  —  c'est  quand  il  parle,  chap.  II, 
du  culte  soi-disant  rendu  par  les  Japonais  aux  organes  sexuels  de  l'homme  et  de 
la  femme.  Mais  les  arguments  qu'il  donne,  à  propos  des  bornes  phalliques  entre 
autres,  ne  valent  pas  mieux  que  ceux  qu'on  apporte  en  faveur  d'un  culte  du 
phallus  dans  l'antiquité  classique  à  propos  des  hermès  et  des  priapes.  Bien  mieux, 
les  faits  qu'il  cite,  et  ceux  fournis  par  M.  Buckley,  prouvent  nettement  que  les  rites 
japonais  sont,  comme  l'avait  bien  vu  Ashton,  magiques  et  pas  autre  chose  :  on  utilise 
rituellement  la  représentation  des  organes  sexuels  pour  obtenir  de  la  nature  l'exé- 
cution de  la  fonction  à  laquelle  ils  répondent,  fonction  de  fécondation  et  de  repro- 
duction des  plantes,  des  animaux  et  des  hommes.  Il  va  de  soi  que  les  ex-voto 
sexuels  ne  sont  pas  l'indice  d'un  culte  phallique.  L'introduction  du  livre  est  d'ordre 
comparatif. 

Les  planches,  quelques-unes  d'une  fantaisie  déconcertante,  montrent  comment 
les  Japonais  ont  réussi  à  rendre  esthétique  la  représentation  même  des  actes  les 
plus  charnels  :  dans  l'un  des  «  livrets  de  fiancée  »  il  y  a  des  paysages  de  fond  qui 
correspondent  à  l'état  d'âme,  si  je  puis  dire,  des  acteurs  ;  dans  un  autre,  l'état 
d'âme  se  marque  par  les  diverses  contorsions  autour  de  son  perchoir,  d'un 
perroquet,  et  le  livret  s'appelle  «  Les  oiseaux  »  ;  le  plus  intéressant,  comme 
combinaison  do  réalisme  dans  les  acteurs  et  d'idéalisme  dans  les  paysages,  est  le 
livret  intitulé  «  L'île  des  Femmes  ». 

A.  YAN  Gennep. 

* 
«      « 


p.  lié.]  •    R    •    E    •    E     •    s    •  [1908. 

Geobo  Fbebdbbici,  Die  Schiffahrt  der  Indianer.  —  8®,  130  p.,  ill.  Stuttgart,  Stre- 
cker et  Schröder,  1907,  4  M. 

Ce  volume  est  le  premier  fascicule  d'une  collection  nouvelle,  Stiidien  und 
Forschungen  zur  Menschen-  und  Völkerkunde^  placée  sous  la  direction  scientifique 
de  M.  Georg  Buschau,  le  fondateur-directeur  du  Zentralblatt  für  Anthropologie^ 
Ethnologie  und  Urgeschichte.  Ce  genre  de  collections  est  comme  on  sait  d^un  usage 
très  répandu  en  Allemagne  et  ceci  pour  presque  toutes  les  disciplines,  mais  surtout 
pour  les  questions  théologiques  et  religieuses  d^une  part,  et  de  Tautre  pour  les  ques- 
tions économiques  ;  puis  les  philologues  ont  adopté  le  même  système,  et  aussi  les 
linguistes,  notamment  les  arabisants.  En  ce  sens  la  publication  d'après  un  plan  qui 
a  fait  ses  preuves  de  monographies  ethnographiques  de  dimensions  variables  et 
paraissraot  à  intervalles  irréguliers  (Zwanglose  Hefte)  est  un  symptôme  qui  vaut 
d'être  sigaalé  :  il  siguifîe  que  Tethnographie  et  en  général  les  sciences  de  Thomme 
acquièrent  un  rang  de  plus  en  plus  important,  en  Allemagne,  parmi  les  diverses 
branches  de  la  connaissance. 

11  ressort  du  Programme  que  les  revues  spéciales  allemandes  sont  encombrées 
de  travaux  qui  se  rapprochent  davantage  de  la  monographie  que  de  l'article  et  qu'il 
vaut  mieux  par  suite  publier  isolément.  La  collection  ne  comprendra  que  des  tra- 
vaux d'au  moins  6  feuilles  in  8°,  les  uns  comparatifs,  les  autres  spéciaux  et  traitant 
d'anthropologie  pure,  de  préhistoire,  d'ethnographie  et  d'ethnologie.  Parmi  les 
Études  annoncées,  je  relève  celle  de  Lasch  sur  le  serment  chez  les  divers  peuples, 
celles  de  Kohlbrugge  sur  la  psychologie  des  Javaûais  et  sur  la  descendance  de 
l'homme,  celle  de  Hahne  sur  le  problème  des  éolithes,  celle  de  Vierkandt  sur  les 
bases  de  l'ordre  social  chez  les  demi- civilisés,  etc. 

Si  plusieurs  des  études  promises  marquent  une  tendance  théorique,  le  premier 
fascicule  par  contre  n'est  guère  que  descriptif.  Ceci  ne  doit  d'ailleurs  pas  ôtie  pris 
en  mauvaise  part  :  un  critique  a  reproché  à  M.  Friederici,  à  propos  de  sa  monogra- 
phie sur  le  scalp  (1906)  de  se  «  donner  une  peine  digne  de  sujets  meilleurs  n.  On  ne 
conçoit  pas,  étant  donné  Tétat  actuel  de  l'ethnographie,  la  raison  d'être  d'un  tel 
reproche  :  ce  qu'il  nous  faut  avant  tout,  mainteuant,  ce  sont  d'abord  des  études 
approfondies  directes,  entreprises  avec  toute  la  rigueur  nécessaire  chez  les  demi- 
civilisés  encore  observables.  A  défaut,  il  nous  faut  des  monographies  approfondies 
sur  des  sujets  bien  délimités.  Puis  seulement  viennent  les  synthèses  plus  ou  moins 
partielles  et  autant  que  possible  explicatives,  mais  dont  l'auteur  doit  toujours 
prendre  garde  à  ne  considérer  son  travail  que  comme  un  essai  destiné  à  guider  les 
enquêteurs,  mais  non  à  imposer  des  points  de  vue  ni  des  schémas  définitifs. 

M.  Friederici  décrit  d'abord  en  détail  les  divers  types  de  radeaux,  de  pirogues, 
de  canots  et  de  bateaux  construits  par  les  Indiens  des  trois  Amériques.  Puis  vien- 
nent :  un  chapitre  sur  «  l'esprit  marin  »  des  Amérindiens,  et  des  chapitres  sur 
l'utilisation  des  canots  «  dans  la  paix  et  la  guerre,  la  joie  et  la  douleur  ».  Chemin 
faisant,  Fauteur  parle  de  la  cartographie  amérindienne  et  de  l'usage  rituel  des 
canots  :  ce  dernier  point  méritait  d'être  exposé  plus  en  détail. 

Mais  le  but  de  M.  Friederici  était  avant  tout  d'étudier  un  fait  d'ordre  techno- 
logique, et  il  l'a  fait  avec  un  soin  digne  d'éloges  ;  sa  documentation  est  proprement 
étonnante.  Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui,  d'ailleurs,  qu'il  prend  rang  parmi  les  meil- 
leurs ethnographes  allemands.  La  technologie  est  par  excellence  le  domaine  scien- 
tifique de  ses  compatriotes,  et  aussi  des  savants  américains.      A.  tan  Gennbp. 


1908.]  NOTICES   BIBLIOGRAPHIQUES,  [P.  1174 


NOTICES  BIBLIOGRAPHIQUES. 


J.  F.  SnbliiEman.  Verslag  1906 ,  Museum  voar  land  en  volkenkunde,  te  Rotterdam^ 
S"",  33  pages.  —  A  signaler  dans  ce  33*  Rapport  annuel  du  Musée  Ethnogra- 
phique de  Rotterdam  les  acquisitions  du  Loango  (statuettes  avec  cloas  fichés, 
reproduites  en  frontispice,  etc.)  et  une  discussion  sur  le  fétichisme  (p.  29-30). 
M.  Soellemann  a  également  publié  dans  la  revue  Hct  huis  oud  en  nieuiv 
(10  pages,  4*)  un  article  bien  illustré  sur  des' nattes  artistiques  de  Halmaheira 
et  dans  la  revue  de  Aarde  en  haar  volJcen  n^  27  un  travail  sur  les  curieuses 
poteries  des  îles  de  Kei. 

£abl  Psnka.  Die  Entstehung  der  neoUthischen  KuUur  Europas.  8®,  29  pages, 
Leipzig,  Thüringische  Verlags-Anstalt  (Beiträge  zur  Rassenkunde^  Heft  2). 
L'auteur  expose  pour  le  grand  public  instruit  ses  idées  bien  connues  sur  la 
région  de  départ  (Schleswig,  Jutland,  îles  danoises)  des  Aryens  et  de  leur  civili- 
sation, qui  est  la  civilisation  néolithique  ;  de  là,  ils  Font  emportée  dans 
TËurope  centrale,  où  elle  s'est  superposée  à  la  civilisation  paléolithique  :  mais 
Tune  ne  provient  pas,  par  transformation,  de  l'autre;  tous  les  arguments 
invoqués  pour  combler  «  Tabime  entre  le  paléolithique  et  le  néolithique  » 
sont  sans  valeur.  Sans  valeur  aussi  serait  la  théorie  de  l'origine  orientale  du 
néolithique. 

Herkunft  der  alten  Völker  Italiens  und  Griechenlands  wie  ihrer  Kultur  (ib. 

Heft  5).  —  L'auteur  reprend,  à  propos  des  ouvrages  récents  de  Hirt  et  de 
Modestov,  la  question  de  la  race,  de  la  langue  et  de  la  civilisation  des  Ligures 
et  des  Illyriens,  qu'il  rattache,  contre  Hirt  et  Modestov,  aux  Indo-Germains. 
Quant  aux  Etrusques,  ils  étaient  métissés  dès  une  haute  antiquité  :  comme 
Otfried  Müller,  M.  Penka  regarde  le  peuple  étrusque  comme  un  mélange  de 
Tyrrhéniens  venus  d'Asie  Mineure  et  de  Retiens  venus  de  l'Allemagne  du  Sud  ; 
anthropologiquement,  ils  sont  une  combinaison  d'éléments  sémitiques,  aryens 
et  mongoloïdes  (ce  mot  désigne  les  brachycéphales  bruns).  Si  le  premier  tome  de 
Hirt  appelle  nombre  de  critiques,  le  volume  de  Modestov  est,  pour  M.  Penka, 
«  en  majeure  partie  manqué  »,  et  l'on  ne  doit  s'en  servir  qu'avec  la  plus  grande 
prudence.  Le  grand  mérite  de  M.  Penka,  c'est  qu'il  s'efforce  de  tenir  également 
compte  des  données  archéologiques,  anthropologiques,  historiques  et  linguisti- 
ques du  problème,  effort  bien  rare  chez  les  préhistoriens.  A.  y.  0. 

L.  Hahn.  Rom  und  Ramanismus  im  griechisch-römischen  Osten  bis  auf  die  Zeit 
Hadrians.  Leipzig,  Dieterich,  1906.  In  8®,  XVI-278  p.  —  Trop  longtemps,  au 
gré  de  M.  Hahn,  on  a  encadré  l'histoire  du  premier  siècle  de  l'Empire  entre 
les  deux  vers  tant  répétés  :  Graeciâ  capta  ferum  victorem  cepit  et  Syris  in 
Tiberim  deftuxit  Orontes.  Sans  doute,  dans  le  domaine  intellectuel  comme 
'  dans  le  domaine  religieux,  ce  sont  les  conceptions  et  les  sentiments  de  la  Grèce 
puis  de  l'Orient  qui  ont  pénétré  peu  à  peu  le  monde  romain  depuis  César  jus- 
qu'à Hadrien  ;  mais,  à  côté  de  cette  conquête  spirituelle  dont  les  belles  leçons 
de  Franz  Cumont  sur  Les  Religions  orientales  ,dans  h  Faganisme  fomain 
yienhent  de  préciser  les  étapes,  il  j  a  eu«  dans  le  lipmaine  matériel,  une  priso  > 


p.  118.]  ♦    R    >    E    «    E    *    S    » [1908^ 

en  possession  du  monde  grécoH>rientaI  par  la  civilisation  romaine  dont  Tim- 
portance  n'est  guère  moindre.  Née  du  fait  même  de  la  conquête,  c'est  par 
les  fonctionnaires,  les  négociants  et  les  soldats  romains  qu'elle  s'est  d'abord 
affirmée  :  convenius  et  canabae^  colonies  et  camps,  ont  été  partout  des  centres- 
efficaces  de  romanisation.  Non  seulement  l'armée,  la  finance  et  le  personnel 
gouvernemental  parlent  latin,  mais,  comme  le  latin  est  la  langue  des  empereurs, 
le  droit  romain  devient  le  droit  impérial  et  le  scire  latine  la  condition  nécessaire 
à  être  citoyen  de  Rome  et  à  gravir  le  cursus  lèonorum.  Non  seulement  la  toge 
remplace  le  chiton,  le  denier  le  drachme,  le  mille  le  stade,  mais,  dépassant  ces 
institutions  officielles,  le  goûc  romain  a  bientôt  fait  d'introduire  l'amphithéâtre 
à  côté  du  théâtre  et  les  gladiateurs  à  côté  des  lutteurs  ;  bien  plus,  le  culte 
impérial  vient  dominer  toutes  les  religions  de  l'Orient  et  la  littérature,  —  où 
l'admiration  de  Rome  va  croissant  de  Polybe  à  Denys  d'Halicarnasse  et  de  Stra- 
bon  à  Plutarque,  —  s'imprègne  de  plus  en  plus  des  formes  et  des  mots  latins^ 
Le  christianisme  même,  commencé  dans  l'horreur  de  la  Babylone  romaine,  à 
mesure  qu'il  se  dégage  de  ses  origines  judaïques,  se  rapproche,  d'abord  de  l'es- 
prit grec,  puis  de  l'esprit  latin.  Quand  la  persécution  de  Néron  et  le  martyre 
de  Pierre  et  de  Paul  ont  sanctifié  Rome,  au  temps  même  où  disparaissait  la 
ville  sainte  des  judéo-chrétiens,  c'est  la  capitale  du  monde  romain  qui  remplace- 
Jérusalem  comme  capitale  du  monde  chrétien  et,  dans  la  lettre  de  Clément  aux 
Corinthiens,  qui  confirme  et  complète  l'organisation  de  ce  citoyen  romain  que 
St-Paul  n'était  pas  en  vain,  c'est  déjà  la  discipline,  la  hiérarchie  et  la  centra- 
lisation de  Rome  qui  s'imposent  à  la  miUtia  Christi  ;  bientôt,  régularisant  et 
canalisant  sans  cesse  le  flot  tumultueux  des  sources  orientales  du  christianisme,, 
elles  vont  l'organiser  assez  puissamment  pour  qu'il  puisse  devenir  la  religion  de 
l'Empire.  —  Touchant  à  tant  de  questions  délicates,  dont  beaucoup  attendent 
encore  un  travail  approfondi,  M.  H.  n'a  pu  qu'indiquer  pour  chacune  le  sens^ 
où  il  lui  semble  qu'on  devrait  chercher  la  solution  ;  et  cette  solution,  vers  la-^ 
quelle  convergent  toutes  les  parties  de  son  brillant  essai,  se  résume  dans  l'épi- 
graphe qu'il  a  tirée  de  l'inscription  gravée  orgueilleusement  par  quelque  Romain 
de  la  décadence  sur  les  roches  de  Wadi-Mukatteb  en  plein  massif  du  Sinaî  : 
Cessent  Syri  ante  Latinos  Eomanos  (C.  I.  L.,  III,  86).      A.  J.  Reinagh. 

Ferdinand  Gcldstbin.  Die  sociale  Xhreistufentheorie.  Extrait  (18  pages)  de  la. 
Zeitschrift  für  Socialwissenschaft^  T.  X  (1907).  —  Critique  rapide  de  la 
théorie  périmée  des  trois  stades  économiques  par  lesquels  aurait  passé  l'huma- 
nité (chasse,  élevage,  agriculture),  avec  apport  d'un  point  de  vue  personnel  : 
le  demi-civilisé  qui  fait  de  l'élevage  n'agit  pas  ainsi  dans  un  but  d'utilité,  mais- 
simplement  pour  thésauriser,  le  bétail,  le  chameau,  la  chèvre,  la  Yolaille,  et 
peut-être  le  mouton  étant  regardés  comme  des  objets  de  valeur  en  soi,  en 
dehors  de  toute  idée  de  valeur  d'usage.  Go  mémoire  constitue  donc  une 
contribution  à  l'étude,  absolument  négligée  ju<qu'ici,  de  la  notion  de  valeur 
chez  les  demi-civilisés,  Schurtz  dans  ses  études  sur  la  monnaie  ayant  manquo^ 
de  définitions  économiques  sures.Cette  manie  de  thésaurisation  n'a  pu  donner, 
d'après  M.  Goldstein,  naissance  à  un  élevage  d'utilité  (agriculture,  industries). 
Aux  exemples  qu'il  cite,  on  pourra  ajouter  celui  que  fournit  l'élevage  du  cheval 
chez  les  anciens  Arabes  et  chez  quelques  Turco*Mongols,  élevage  qui  n'a  pour 

i  M.  Hahn  a  repris  la  question  des  influences  latines  sur  le  gi^ec  dans  un  mémoire  inséré- 
dans  le  X*  Supplementband  du  Phitologus  (1907). 


1908.]  NOTICES   BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  119. 

but  Di  la  monte,  m  le  trait.  Le  tort  de  Tautear,  c'est  de  ne  pas  rechercher  les 
raisons  de  cette  «  thésaurisation  »,  raisons  d^ordre  magico-religieux  exposées 
par  Robertson  Smith  {The  religion  of  the  Semites)^  J.  G.  Frazer  (The  Golden 
Bough)  et  avec  quelque  exagération  par  Jevons  (Inérodiiction  to  the  science 
of  Religion).  La  manie  définie  par  M.  Goldstein  a  certes  joué  un  rôle  dans  le 
développement  de  Thumanité,  mais  pour  des  motifs  intelligibles,  et  non  avec 
Tampleur  quUl  tend  à  lui  attribuer.  L'intérêt  quo  portent  de  plus  en  plus  les 
économistes  allemands  à  l'ethnographie  est  un  symptôme  intéressant  à  signaler. 

RiCHABD  Andbee.  Ethnologische  Betrachtungen  über  die  Hockerbestattung.  Extrait 
(pp.  283-307)  de  V Archiv  für  Anthropologie^  1907,  4"»,  2  planches. 

Il  est  devenu  banal  d'affirmer  que  pour  comprendre  les  coutumes  des  grou- 
pements préhistoriques,  protohistoriques  et  même  de  Tantiquité  classique,  il 
faut  leur  comparer  celles  on  usage  chez  les  demi-civilisés  actuels.  Mais  encore 
faut-il  que  cette  comparaison  soit  étendue,  détaillée  et  critique.  C'est  à  un 
travail  de  ce  genre  qu'est  consacré  le  mémoire  de  M.  Andrée.  II  reprend,  avec 
rérudition  qu'on  lui  connait,  le  problème  do  la  signification  réelle  d'un  rite 
funéraire  spécial,  celui  qui  consiste  à  donner  au  cadavre  la  position  accroupie. 
Il  montre  d'abord  que  ce  rite  est,  actuellement  encore,  bien  plus  répandu  qu'on 
ne  croit,  et  sans  prétendre  que  la  liste  qu'il  a  dressée  soit  même  complète. 
L'énumération  des  populations  où  M.  Andrée  a  rencontré  le  rite,  soit  comme 
rite  général,  soit  comme  rite  spécial  (âge,  sexe,  classe  sociale,  etc.)  vaut  d'être 
donnée  ici  :  1^  Amérique  :  Aléoutes,  Eskimo,  Colombie  britannique,  Yuki  de 
Californie,  Mound  Indians,  Mexique  (Maya),  Guatemala,  Brésil,  Colombie, 
Paraguay,  Pérou  et  Bolivie  ;  2®  Europe  paléolithique  et  surtout  néolithique, 
Egypte  ancienne  ;  3®  Afrique  :  Hottentots,  Bantous  Méridionaux,  du  Congo  et  de 
l'Afrique  Occidentale,  Calabar  ;  4""  Asie  antérieure  préhistorique,  Inde  ancienne, 
Andamanes,  Malacca,  Indonésie,  Philippines,  Japon  ;  5"^  en  Australie,  le  rite 
est  très  répandu  ;  6®  Papous,  Mélanésiens  et  Polynésiens  :  Carolines,  Nouvelle- 
Guinée,  Iles  Salomon,  Nouvelle-Calédonie,  Fiji,  Nouvelle-Zélande,  Tahiti,  etc. 
—  Dans  le  détail,  le  rite  varie  :  on  enterre  le  cadavre,  on  l'attache  sur  une 
claie,  on  l'introduit  dans  une  urne  funéraire,  etc.  Quelles  sont  maintenant  les 
causes  du  rite  ?  Avant  tout  M.  Andrée  juge  (p.  283)  qu'on  ne  doit  pas  admettre 
une  cause  unique,  car  les  divers  groupements  demi-civilisés  actuels  varient 
eux-mêmes  sur  le  sens  qu'ils  lui  attribuent.  Quelques-uns  prétendent  qu'ils 
préfèrent  ce  rite  par  manque  de  place,  d'autres  par  paresse.  Par  contre  il 
n'existe  aucune  preuve  directe  qu'on  dispose  ainsi  le  mort  parce  que  c'est  la 
position  de  repos  des  vivants  (opinion  de  Virchow  et  de  Wilken,  de  Letourneau, 
de  Eöhl,  de  Ferrer^  etc.,  et  qu'il  faut  rejeter).  Le  plus  souvent  on  a  expliqué  le 
rite  en  le  prétendant  une  imitation  de  la  position  du  fœtus  dans  le  sein  de  sa 
mère',  tels  Peter  Kolben,  0.  Peschel,Wo8insky,  A.  Dieterich;  mais  déjà  Fritsch, 
Virchow,  Heierli,  Kohi,  avaient  rejeté  cette  interprétation  ;  M.  Andrée  la  dis- 
cute à  fond  :  il  ne  trouve  pas,  parmi  les  diverses  explications  des  demi-civilisés 
actuels,  celle  dont  il  s'agit,  ce  qui  s'explique  par  leur  ignorance  absolue  quant 
à  la  position  exacte  du  fœtus.  Nous  rencontrons  donc  ici  un  cas  typique  de 
transposition  :  Tattribution  aux  «  sauvages  »  de  connaissances  scientifiques 
qui  ne  sont  même  en  Europe  que  très  récentes.  De  plus,  et  c'est  là  l'un  des 

^  Interprétation  que  je  trouve  répétée  encore  sans  discussion  critique  par  J.-F.  Hewitt» 
Primitive  traditional  hûtory,  T.  I,  p.  218,  T.  II,  pp.  823-4. 


p.  120.]  •    R    •    E    •    E    -    S    •  [1808. 

arguments  principaux  des  partisans  de  Texplication  analogique  en  question» 
loin  d'être  assuré  d'un  ■  repos  étemel  «  comparable  à  celui  de  Tenfant  non 
encore  né,  le  cadavre  accroupi  est  le  plus  souvent  exhumé  au  bout  d'un  certain 
temps  ;  par  suite  sa  «  renaissance  •  est  impossible.  Il  ne  reste  donc  qu'à  se 
rallier  à  Texplication  la  plus  simple,  et  qui  est  aussi  celle  que  donnent  de  leur 
coutume  la  grande  majorité  des  demi-civilisés  :  on  donne  au  mort  la  position 
accroupie  pour  Tempôcher  de  revenir  et  de  faire  du  mal  aux  vivants.  Ce  n'est 
pas  tant  la  position  accroupie  qui  importe,  mais  le  fait,  jusqu'ici  regardé  trop 
souvent  comme  secondaire  par  les  théoriciens,  que  le  mort  est  attaché^  lié^ 
rendu  incapable  de  se  mouvoir.  Lier  le  mort,  non  pas  seulement  replié  sur 
lui-même  de  force,  mais  aussi  allongé  est  l'un  des  rites  funéraires  les  plus 
répandus  ;  dans  cette  catégorie  rentre  l'emploi  de  bandelettes,  de  filets,  etc. 
—  Je  crois  que  l'opinion  de  M.  Andrée,  étayée  d'un  grand  nombre  de  preuves, 
doit  être  admise,  d'autant  que  l'acte  de  lier  est  lui-même  contraignant,  surtout 
avec  des  nœuds,  dont  la  vertu  directe  est  bien  connue.  Peut-être  n'est-ce  pas 
seulement  l'âme  du  mort  qu'on  lie  ainsi,  mais  aussi  la  contagion  qui  émane  de 
lui  ;  car  la  mort  et  l'impureté  qu'elle  entraîne  sont  le  plus  souvent  regardées 
comme  transmissibles  par  contact  et  à  distance.  Autrement  dit,  le  rite  peut 
être  non  seulement  à  base  animiste,  mais  aussi  à  base  dyoamiste.  Il  va  de  soi 
que  la  tombe,  qu'elle  soit  un  trou,  un  cercueil,  un  tombeau  ou  une  urne,  n'a 
que  pour  but  aussi  de  mettre  les  vivants  à  l'abri  du  mort  et  de  la  mort. 

R.  P.  Delattbe.  Le  Culte  de  la  Sainte  Vierge  en  Afrique  d'après  les  Monuments 
Archéologiques.  8^,  232  pages,  Paris,  Société  St-Augustin  et  Lille,  Desclée, 
De  Brouwer  et  Gie.  5  fr.  —  A  force  de  fouilles  et  de  patientes  recherches,  le 
P.  Delattre  a  établi  que  le  culte  de  Marie  était  à  la  fois  plus  ancien  et  plus 
répandu  dans  l'Afrique  du  Nord  qu'on  ne  croyait  ;  il  le  fut  surtout,  semble- t-il, 
dans  l'ancien  diocèse  de  Carthage,  à  en  croire  le  grand  nombre  de  monuments 
qui  ont  été  retrouvés  en  Tunisie,  et  pour  la  plupart  conservés  aujourd'hui  au 
musée  Lavigerie.  Ce  sont  quelques  bas-reliefs,  des  statuettes  et  des  carreaux 
de  terre  cuite,  des  plombs  de  bulle  antérieurs  au  VIU^  siècle  ;  puis,  datant 
de  la  période  arabe,  des  médailles,  des  statuettes,  et  quelques  monnaies  et 
jetons  d'importation  européenne.  Plusieurs  planches  et  un  grand  nombre  de 
dessins  illustrent  cette  étude  d'une  érudition,  comme  toujours,  très  sure. 

£.  Destaing.  Fêtes  et  coutumes  saisonnières  chez  les  Beni-Snous.  Extrait 
(pp.  245-284)  de  la  Revue  Africaine^  1907.  A.  Jourdan,  Alger.  —  L'auteur, 
déjà  connu  par  divers  travaux  importants,  est  l'un  des  principaux  berbéri- 
sants  de  cette  pléiade  de  savants  qui  se  groupe  à  Alger  autour  de  M.  René 
Basset.  La  présente  étude  complète  celle  sur  VEnnayer  publiée  par  M.  Des- 
taing en  1905,  dans  la  même  revue.  Le  texte  est  donné  in  extenso,  traduit  et 
expliqué  par  des  notes  linguistiques,  folk-loriques  ou  comparatives,  surtout 
d'après  des  ouvrages  arabes.  La  description  des  divers  rites  est  donnée  en 
détail  :  ils  sont  pour  la  plupart  sympathiques  et  ont  pour  objet  essentiel  d'as- 
surer de  bonnes  récoltes,  la  chute  de  la  pluie,  le  succès  dans  l'élevage  des 
moutons,  etc.  Remarquez  dans  l'Ennayer  les  déguisements  (en  lion,  en  cha- 
meau) et  dans  l'En-Nisan,  les  rapports  de  la  pluie  et  de  la  baraka  (sainteté, 
bénédiction).  Les  mêmes  rites  qui  assurent  la  productivité  de  la  terre,  assurent 
la  fécondité  des  femmes.  La  majeure  partie  des  rites  décrits  ont  leurs  parallèles 
«  exacts  un  peu  partout  sur  le  globe  ;  le  nombre  des  rites  négatifs  (ou  tabous), 
est  considérable. 


1908.]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.121* 

I.  Bbllon.  Kultus  und  Kultur  der  Tschi-Neger  im  Spiegel  ihrer  Sprichwörter. 
Basier  Missionsstudien,  fasc.  33,  pet.  d*',  92  pages.  Bale,  Missionsbuchhand- 
lung, 1,25  fr.  —  Le  procédé  qui  consiste  à  décrire  la  vie  d'une  population  en 
prenant  pour  base  ses  proverbes  est  assez  dangereux  :  il  risque  de  donner  des 
idées  fausses,  parce  que  les  proverbes,  dictons,  locutions  sont  des  témoignages 
pour  ainsi  dire  fossiles,  des  immobilisations  de  modes  do  sentir,  de  penser  et 
d'agir  qui  ont  varié  avec  les  générations  et  l'état  général  ou  local  de  leurs  civi- 
lisations. Sous  leur  forme  immuable  ils  transmettent  ce  qui  est  mort  depuis 
longtemps.  D'où  ces  contradictions  plus  ou  moins  accusées  et  ces  flottements 
que  connaissent  bien  tous  ceux  qui  ont,  fut-ce  en  passant  seulement,  feuilleté 
un  recueil  parémiologique.  Aussi  ne  s'étonnera-t-on  pas  que  le  tableau  de  la 
pensée  et  do  la  vie  des  Tschi  (Côte  d'Ivoire)  tracé  par  M.  Bellen  ne  concorde 
que  rarement  avec  ce  que  nous  ont  appris  de  ces  populations  des  observateurs 
plus  spécialement  ethnographes  et  psychologues.  D'une  manière  générale, 
cependant,  ce  livre  n'est  pas  sans  utilité,  surtout  pour  les  sections  qui  décri- 
vent la  vie  matérielle,  familiale,  juridique  et  politique.  Sur  la  religion  et 
l'éthique,  M.  Bellen  ne  donne  que  peu  de  renseignements  :  mais  peut-être  sa 
qualité  de  missionnaire  Ta-t-elle  empêché  de  pénétrer  fort  avant  sur  ce 
point. 

Paul  Hebmant.  Les  coutumes  familiales  des  peuplades  hahifant  TÉtat  Indépendant 
du  Congo.  8**,  76  pages,  Bruxelles,  Vanderauwera  et  Cie,  1906.  —  Ce  mémoire 
n'est  aucunement  théorique,  et  pour  cause  :  les  renseignements  qu'on  possède 
actuellement  sur  les  institutions  des  indigènes  du  Congo,  tant  belge  que  fran- 
çais, sont  trop  fragmentaires  pour  permettre  de  s'en  faire  une  idée  juste. 
M.  Hcrmant  a  donc  dépouillé  un  assez  grand  nombres  de  sources,  qu'il  a 
complétées  par  quelques  renseignements  inédits,  et  il  a  classé  les  faits  provi- 
soirement sous  huit  rubriques  :  1°  Pygmées,  2°  Nilotes,  3°  A-Zandé,  4*>  Bantous 
du  Bas-Congo,  5**  Région  du  Sud-Est,  6°  Région  orientale  du  Haut-Congo, 
V  Entre  l'Oubanghi  et  le  Congo,  8®  Région  du  Kwango.  Chacune  de  ces 
rubriques  se  subdivise  en  plusieurs  paragraphes  où  sont  décrites  :  la  technique, 
l'organisation  politique,  enfin  les  coutumes  familiales.  Par  endroits,  on  croit 
comprendre  que  l'auteur  verrait  volontiers  un  lien  génétique  entre  l'organisation 
économique  et  le  système  matrimonial.  Le  principal  mérite  de  ce  mémoire  est 
qu'il  offre  un  point  de  départ  sufl&sant  pour  des  enquêtes  directes  futures,  les 
détails  à  enquêter  et  les  lacunes  étant  signalés. 

D.  Angel  Baebeba.  Lo  que  son  y  lo  que  dében  ser  las  posesiones  espaholas  del 
golfo  de  Guinea.  8^,  46  pages,  4  planches,  1  carte,  Madrid,  Ed.  Arias,  1907. 

L'auteur,  ancien  gouverneur  général  intérimaire  de  la  Guinée  Espagnole, 

affirme  que  cette  colonie  est  dans  une  situation  lamentable.  Sur  le  continent, 
l'autorité  de  l'Espagne  n'est  que  nominale,  et  les  indigènes  y  sont  ou  en  révolte 
ouverte,  ou  paresseux  ;  et  à  Fernando-Po,  où  les  conditions  sont  un  peu 
meilleures,  tout  développement  ultérieur  est  arrêté  faute  de  voies  de  commu- 
nication et  de  main-d'œuvre.  Parmi  les  remèdes  préconisés  par  iM .  Barrera,  on 
notera  :  l'établissement  de  postes  militaires  nombreux  et  des  encouragements 
aux  missions  catholiques  su/  le  continent,  et  la  fondation  d'une  douzaine  de 
postes  de  police  à  Fernando-Po  «  afin  d'amener  les  Bubi  à  travailler  »  et  les 
empêcher  «  d'aller  vivre  comme  des  brutes  dans  les  bois,  où  la  famille  est  un 
mythe  •.  A-  ^-  ^' 


p.  122.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908* 

^ 

J.  Faitlovitoh.  Proverbes  abyssins^  traduits ^  expliqués  et  annotés ^  8^,  86  pages. 
P.  Geuthner,  Paris,  5  francs.  —  Si,  comme  on  dit,  les  proverbes  sont  la  sagesse 
des  nations,  ils  sont  aussi  un  des  traits  caractéristiques  de  leur  génie.  On  peut 
les  comparer  à  ces  fleurs  sauvages,  poussées  dans  les  brousses  désertiques,  au 
parfum  particulièrement  pénétrant.  Quelques  peuples  n^ont  même  d'autre 
littérature  que  ces  phrases  souvent  obscures,  presque  toujours  frustes,  ou 
leur  mentalité  s'épanouit  sans  effort.  Les  nègres  les  plus  arriérés  de  l'Afrique 
nous  en  offrent  des  exemples  intéressants  ;  mais,  de  même  que  leur  mentalité 
diffère  profondément  de  la  nôtre,  les  produits  qu'elle  donne  ont  un  cachet 
particulier,  dont  la  saveur  nous  échappe  et  dont  la  moralité  reste  souvent 
difficile  à  pénétrer. 

Les  Abyssins  ont  sur  la  plupart  des  peuples  africains  cet  avantage,  fort 
appréciable  pour  nous,  que  leur  état  d'esprit  se  rapproche  du  nôtre.  N'ayant 
rien  de  commun  avec  les  Nègres  qui  les  avoisinent  que  la  couleur  fort  brune 
de  leur  teint,  ils  ont  les  traits  physiques  des  Européens  et  par  leur  religion, 
comme  par  leur  éducation,  qui  en  est  la  conséquence  naturelle,  ils  se  rappro« 
chent  énormémentj^de  nous.  Devenu  chrétien  au  IV*  siècle  de  notre  ère,  le 
peuple  abyssin  a  amalgamé,  sous  l'influence  du  christianisme,  des  populations 
d'origine  très  diverse,  que  la  religion  a  marquées  d'un  cachet  particulier.  Or, 
nul  n'ignore  que,  chez  les  peuples  d'Europe,  ceux  même  qui  croient  s'être 
(]éli?rés  complètement  de  toute  subjection  religieuse,  n'en  subissent  pas  moins 
l'influence  atavique  d'un  état  d'esprit  plusieurs  fois  séculaire.  A  plus  forte 
raisoa,  un  peuple  gardo-t-il  cette  empreinte  lorsque  la  foi  est  encore  vivante 
au  sein  des  familles. 

Les  institutions  politiques  et  sociales  exercent  une  aussi  grande  influence 
sur  ces  effluves  de  l'esprit  national.  Il  y  a  beaucoup  à  apprendre  dans  les 
proverbes  abyssins,  même  au  point  de  vue  de  la  géographie  et  des  mœurs.  Ces 
bouts- rimes,  si  j'ose  m'exprimer  ainsi,  résument  parfois  bien  des  pages  de  nos 
géographies.  En  voici  un  exemple  recueilli  par  M.  Guidi  : 

«  Gondar  pour  le  gouvernement^  ;  —  le  Dambyà  pour  la  culture  ;  —  le 
«  Wolqaj^t  pour  les  vêtements  ;  —  le  Godjam  pour  les  chevaux  ;  —  le  Choâ 
«  pour  les  burnous  de  laine  ;  —  le  Tigré  pour  les  artilleurs*  ;  —  le  Semên  pour 
«  le  vont*  ;  —  le  Waldebbâ  pour  le  bien  de  l'âme*  ;  —  Aksoum  pour  se  sancti- 
«  fier*  ;  —  Debra-Damo  pour  s'y  faire  moine  ;  —  Massaouah  pour  les  manteaux 
«  de  soie  ;  —  Adouah  pour  les  tuniques  ;  —  le  Wagarâ  pour  la  course*.  » 

Voilà,  résumés  en  quelques  mots,  des  renseignements  politiques,  géographi- 
ques, industriels  et  religieux.  Tout  cela  est  rimé  en  petits  vers  de  cinq  syllabes 
et  reste  profondément  gravé  dans  l'esprit  des  enfants. 

Les  incidents  ordinaires  de  la  vie  publique  sont  résumés  ainsi  en  de  petits 
dictons.  Mais  le  plus  grand  nombre  des  proverbes  concordent  avec  les  idées 
sous  une  forme  souvent  très  différente.  Il  suffit  pour  s'en  convaincre  de  lire  le 
recueil  des  Proverbes  abyssins  publiés  par  M.  Faïtlovitch,  qui  les  a  rapportés 
d'un  voyage  en  Abyssinie.  Ce  recueil  enrichit  sensiblement  la  collection  com- 
mencée par  le  P.  Stahl  et  d'Abbadie,  amplement  continuée  par  le  savant  italien, 


^  Gondar  était  la  capitale  politique  du  pays  avant  Addis- Ababâ.—  «  Le  Tigré  est  une  pépi- 
nière de  guerriers.  —  ^  Le  Semën  est  le  pays  le  plus  élevé  de  PEthiopie.  —  *  Le  Waldebbâ 
est  rempli  de  couvents.  —  ^  Aksoum  est  la  .ville  sainte  de  TEthiopie.  —  ^  C'est  un  pays  de 
plaines. 


1908.]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  123. 

M.  I.  Guidi,  et  à  laquelle  nous  avons  ajouté  personnellement  quelques  broutilles, 
dans  le  Journal  Asiatique.  Gela  fait  plus  de  300  proverbes  on  dictons,  qui 
permettent  de  se  rendre  compte  de  l'esprit  général  du  peuple  abyssin. 

Gomme  chez  tous  les  peuples  orientaux,  cet  esprit  est  généralement  tourné 
vers  la  subtilité,  ce  qui  rend  parfois  assez  difficile  l'interprétation  de  leurs 
proverbes.  M.  Faïtlovitch  y  est  généralement  parvenu  avec  bonheur  ;  il  a  eu 
d'ailleurs,  dans  cette  tâche,le  concours  de  quelques  Abyssins,ce  qui  n'est  jamais 
à  mépriser,  lorsqu'on  veut  reproduire  avec  exactitude  le  sentiment  qui  les  a 
inspirés. 

Nous  en  conseillons  la  lecture  à  ceux  de  nos  lecteurs  que  ces  questions  de 
P^olklore  sont  capables  d'intéresser.  G'est  peut-être  dans  les  proverbes  qu'on 
saisit  le  mieux  la  pensée  populaire,  dont  ils  sont  en  géoéral  l'émanation  la 
plus  originale. 

Le  livre  de  M.  Faïtlovitch  a  été  publié  avec  le  plus  grand  soin,  ce  qui  en  rend 
la  lecture  facile.  Il  est  en  outre  précédé  d'une  notice  sur  la  langue  abyssine 
ou  amharique,  où  sont  résumés  les  détails  les  plus  intéressants  concernant  cet 
idiome,  l'un  des  plus  importants  de  l'Afrique,  car  il  est  la  langue  officielle 
d'une  dizaine  de  millions  d'hommes  ;  —  on  ne  saurait  évaluer  à  moios  la 
population  de  l'empire  actuel  d'Ethiopie.  G.  Mondon-Vidaelhet. 

AV.  Planebt.  Australische  Forschungen  :  I  Aranda-Grammatik  Extrait  (pages 
551-566)  de  la  Zeitschrift  für  Ethnologie,  Beriin,  Behrend.  —  M.  Planert  a 
obtenu  de  M.  Wettengel,  missionnaire  chez  les  Aranda  (ou  Arunta)  et  Dieri  de 
l'Australie  centrale  un  certain  nombre  de  renseignements  sur  la  grammaire  de 
ces  populations,  ainsi  qu'un  vocabulaire  et  quelques  textes.  Mais  quelle  que 
soit  la  bonne  volonté  de  l'informateur  européen,  mieux  vaut  avoir  aiFaire  à 
des  indigènes,  et  il  serait  utile  qu'on  pût  envoyer  M.  Planert  poursuivre  sur 
place  des  investigations  approfondies  :  aucun  linguiste  spécialisé  n'est  encore 
allé  en  Australie,  bien  que  la  connaissance  exacte  des  langues  australiennes 
soit  de  première  importance.  Les  quatre  textes  publiés  et  traduits  sont  fort 
intéressants:  ils  rentrent  dans  la  catégorie  des  productions  littéraires,  juridiques 
et  rituelles  que  nous  ont  fait  connaître  Spencer  et  Gillen,  W  et  Miss  Howitt, 
etc.  Dans  le  premier,  M.  Planert  a  eu  tort  de  traduire  crinja-kuna  par  Teufel  ; 
il  s'agit  d'un  démon  de  type  connu.  Dans  le  2*  on  trouve  une  variante  du  thème 
de  l'arbre  qui  touche  au  ciel.  Le  3*  est  un  règlement  juridique  :  défenses  de  tuer 
et  sanctions.  Le  4?  enfin  est  un  recueil  de  tabous  concernant  des  animaux, 
mais  sans  explication  aucune  du  sens  (totémique  ou  non)  des  interdictions. 

W.  E.  Roth.  North-Queensland  Ethnography,  Bulletin  n®  9  :  Burial  ceremonies 
and  disposal  of  the  dead.  Extrait  (pages  365-403)  des  Records  of  the  Australian 
Museum^  T.  VI,  1907-8.  —  Quiconque  s'est  occupé  des  Australiens  estime  à 
leur  valeur  les  Bulletins  de  M.  Roth,  aujourd'hui  juge  en  Guyane  anglaise. 
Les  collections  de  M.  Roth  ayant  passé  au  Musée  de  Sydoey,  c'est  ce  dernier 
qui  continuera  la  publication  des  Bulletins,  dont  les  manuscrits  sont  terminés. 
On  regrettera  que  le  Musée  n'ait  pas  continué  la  série  dans  le  format  primi- 
tif (4®).  Pour  le  détail,  l'exactitude  et  la  prudence  des  informations,  le  présent 
mémoire  ne  le  cède  en  rien  aux  précédents.  La  plupart  des  rites  funéraires, 
qui  varient  avec  la  tribu,  le  clan,  l'âge,  le  sexe  et  la  postiion  sociale  du  mort, 
ont  pour  objet  de  le  venger  et  de  mettre  à  l'abri  de  ses  tentatives  malfaisantes 
les  survivants.  Cependant,  certains  détails  demeurent  incompréhensibles  et 


p.  124.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

seule  une  étude  comparative  des  rites  funéraires  dans  toute  TAustalie  pourrait 
mettre  sur  la  voie  de  leur  interprétation  exacte.  Sept  planches  et  plusieurs 
dessins  dans  le  texte  illustrent  le  mémoire,  où  Ton  trouvera  entre  autres  des 
compléments  utiles  au  travail  de  M.  R.  Andrée  sur  la  Hocher bestaUung. 

AiiFBED  Seabcy.  In  Australian  Tropics.  S"",  374  p.  1  carte,  56  pi.  London,  Kegan 
Paul,  Trench,  Trübner  &  O".  1907.  10  sh.  6.  —  Récits  vifs  et  amusants  d'ex- 
plorations dans  les  régions  maritimes  du  Territoire  Septentrional  de  TAustralie 
du  Sud,  habitées  par  les  tribus  dites  de  Port-Darwin,  de  Port-Essington,  de  Daly- 
Rivor  et  do  Fitzmaurice  :  p.  58,  177-8,  échange  d'enfants  entre  tribus  amies  ; 
250-4,  288,  rite  de  répartition  commune  de  la  responsabilité  individuelle  en 
cas  de  meurtre.  Enfin  l'auteur  cite  des  cas  étonnants  de  cruauté  des  Blancs  à 
l'égard  des  Noirs  et  confirme  ainsi  les  Rapports  de  W.  E.  Roth  (1906)  et  les 
renseignements  de  H.  Klaatsch  sur  ce  point. 

Thob.  g.  Thbum.  Hawaiian  Folk-Tales.  8®,  284  pages,  16  phototypies,  Chicago, 
A.  C.  Me  Clure  et  Co.  1907,  3  dollars.  —  L'occupation  par  les  Etats-Unis  de 
Hawaii  aura,  semble-t-il,  pour  l'ethnographie,  cet  avantage  de  procurer  aux 
recherches  sur  la  civilisation  et  le  folk-lore  indigènes  des  moyens  pécuniaires 
et  des  éditeurs  suffisants.  Déjà  le  Bureau  of  Ethnology  de  Washington  s'occupe 
des  indigènes  de  Cuba,  et  il  a  été  créé  aux  Philippines  un  Bureau  of  Ethnology 
spécial  :  nul  doute  que  les  Américains,  ne  s'intéressent  aussi  bientôt,  avec 
l'ardeur  qui  les  caractérise,  aux  populations  polynésiennes  et  mélanésiennes, 
Hawaii  leur  servabt  de  prétexte.  En  ce  sens  le  livre  de  M.  Th.  G.  Thrum  est 
symptomatique.  C'est  un  recueil  de  traditions  soit  seulement  traduites  (par 
Téditeur,  le  rév.  A.  0.  Forbes,  M"'"  E.  M.  Nakuina,  M.  K.  Nakuina  etc.)  soit 
commentées  (par  le  rév.  C.  M.  Hyde,  le  D^  N.  B.  Emerson,  etc.),  recueil  qui 
n'a  pas  la  prétention  de  donner  une  vue  d'ensemble  ni  systématique  de  la 
production  littéraire  sacrée  des  Hawaiiens,  mais  seulement  de  préserver  de 
l'oubli  définitif  un  certain  nombre  de  récits  légendaires  visiblement  anciens. 
Le  chapitre  XXV  est  une  collection  de  contes  et  de  croyances  relatifs  aux 
poissons  ;  un  glossaire  des  termes  indigènes  termine  le  volume,  dont  les  illus- 
trations représentent  surtout  les  sites  dont  il  est  question  dans  les  légendes. 

N.  N.  PANTdSOW.  Materialy  k  izuceniiu  narièiiia  Taraniei  Hiiskago  okruga.  Li- 
vraisons I  (1897)  à  IX  (1907).  8°.  Kazan,  Imprimerie  de  l'Université  (en  vente 
chez  l'auteur,  à  Vierny,  Turkestan  russe).  —  M.  Pantoussoff  est  l'un  des 
savants  russes  qui  connaissent  le  mieux  l'Asie  centrale,  sur  l'archéologie, 
l'histoire  et  l'ethnographie  de  laquelle  il  a  publié  déjà  un  nombre  assez  consi- 
dérable de  travaux*.  Dans  la  série  de  fascicules  intitulée  Maiériaux  pour 
Vétude  du  dialecte  des  Taranii  (Tarantchi)  du  district  de  VHi  il  donne  des 
documents  intéressant  con  seulement  la  linguistique,  mais  aussi  l'histoire  des 


1  Entre  autres  je  signalerai  sa  publication  de  V Histoire  des  souverains  de  la  Kachgarie 
due  au  raulla  Musa  ben  Aïsa  (1905),  ses  Maténaux  pour  Vétude  du  dialecte  des  Kirghizes- 
Kazaks  (4  fascicules),  etc.  puis  un  mémoire  intéressant,  sur  l'emploi  de  la  croix  sur  certains 
monuments  anciens  en  Kachgarie  [Sliêdy  Khristianstwa  v  nadmogilnykh  kirgizskihh 
pamiatnikakh  po  r.  Kohâalu,  avec  1  planche  ;  Société  russe  de  géographie,  section  d'Omsk, 
1903)  :  la  croix  est  le  tamga  du  clan  des  Kucu,  répandus  dans  les  Turkestan  russe  et  chinois, 
et  M.  Pantoussoff  n'est  pas  loin  d'admettre  que  c'est  là  une  preuve  de  leur  ancienne  conver- 
sion au  christianisme  :  mais  il  resterait  à  déterminer  d'où  vient  ce  clan,  dont  l'arrivée  dans 
le  Turkestiin  russe  date  seulement  de  400  ans  environ. 


1908.]  NOTICES   BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  126. 

religions  et  le  folk-lore  ;  dans  tous  on  trouvera  le  texte  Tarantchi  et  la  traduc- 
tion russe.  Le  fasc.  1  est  Ténumératiou  des  jours  fastes  et  néfastes  ;  le  fasc.  2 
un  recueil  d'énigmes  et  de  devinettes  ;  le  fasc.  3,  la  liste  des  années  fastes  et 
néfastes.  Les  Tarantchi  ont  accepté  le  cycle  chinois  des  animaux,  cycle  égale- 
ment en  usage,  d'après  M.  Katanov,  qui  a  préfacé  les  Matériaux^  chez  les  Mon- 
gols, les  Ouriankhai,  les  Turcs  Altaîens,  les  Téléoutes,  les  Kirghizes  et  les  Turcs 
du  Tian-Shan.  Ces  cycles  adaptés  ont  été  étudiés  par  E.  Ghavannes,  Le  cycle 
turc  des  Douée  Animaux,  T'oung-Pao,  1906.  Le  4"*  fascicule  donne  60  présages 
fondés  sur  la  conduite  des  animaux  et  29  présages  d'après  divers  phénomènes 
naturels  (tonnerre,  éclipses,  couleur  du  ciel,  comètes,  arc-en-ciel,  étincelles  du 
feu,  etc.)  ;  ces  présages  sont  pour  la  plupart  fondés  sur  un  raisonnement  ana- 
logique ;  il  est  remarquable  qu'aucun  des  présages  animaux  ne  présente  de 
nuance  totémiste,  alors  que  le  totémisme  a  été  sans  aucun  doute  un  système 
religieux  autrefois  répandu  chez  les  Turco-Mongols.  Le  5*  fascicule  est  le  recueil 
des  prières  et  des  incantations  que  prononcent  les  bakii  (bakshi  =  kirghize 
baksi)  Tarantchi  :  ce  sont  d'anciens  chamanes  tombés  au  rang  de  sorciers-gué- 
risseurs et  de  plus  islamisés  du  moins  dans  les  rites  oraux,  sinon  dans  les 
gestes  ;  ils  font  en  effet  usage  d'une  bannière  qui  correspond  exactement,  comme 
le  remarque  M.  Patkanof  dans  sa  Préface,  au  tronc  de  bouleau  des  chamanes 
de  Sibérie  ;  les  divinités  que  le  chamane  invoque  ont  été  remplacées  par  Allah 
et  des  saints  musulmans  ;  le  totem-protecteur  par  Satuk-Bugru-Ehan,  introduc- 
teur légendaire  de  Tlslam  dans  l'Asie  Centrale.  Dans  le  6*  fascicule  on  trouvera 
une  poésie  sur  Yakoub-Bek,  souverain  de  Kachgarie  et  les  événements  de  son 
temps.  Le  7*  est  la  Clef  des  Songes  tarantchi,  au  nombre  de  235  ;  la  qualité  de 
bon  ou  de  mauvais  augure  des  animaux  est  difficile  à  comprendre  sans  notes 
explicatives  ;  à  remarquer  que  le  prçcédé  d'interprétation  est  presque  toujours 
analogique  direct,  mais  très  rarement  analogique  inverse,  comme  c'est  si  souvent 
le  cas  ailleurs  :  pourtant  pour  les  Tarantchi,  voir  un  voleur  dans  la  maison, 
c'est  signe  de  gain  (p.  40).  Les  fascicules  8  et  9  sont  consacrés  aux  jeux  des 
Tarantchi  adultes  et  enfants  Le  maïlise  est  une  sorte  de  main  chaude,  qu'on 
accompagnait  de  chants  rythmés  alternativement  chantés  par  le  chœur  des 
jeunes  gens  et  celui  des  jeunes  filles  ;  ce  jeu,  très  répandu  encore  pendant 
l'occupation  chinoise,  disparait  de  plus  en  plus  sous  l'influence  de  l'Islam  ;  les 
strophes  parlent  soit  de  boire  de  l'eau  de  vie,  soit  d'amour,  et  en  termes  libres  ; 
le  bababut  est  une  ronde  enfantine  alternée  ;  le  bàï-bermcts^  une  variante 
de  la  mère  et  ses  enfants  ;  le  rnükü-rnuküjäng  est  notre  cache-cache  ;  le 
mäeräp  est  une  sorte  de  divertissement  collectif,  avec  lectures  pieuses,  musique, 
danses,  etc.  Les  Matériaux  de  M.  Pantoussof  fournissent  comme  on  voit  des 
documents  intéressants  dans  plusieurs  directions,  et  l'on  espère  qu'il  en  conti- 
nuera la  publication  et  décrira  successivement  les  institutions,  les  rites  matri- 
moniaux, funéraires,  etc.  des  Tarantchi.  A.  v.  G. 


rr-^tMk-iffr 


P.  126.] 


R 


Ë 


E 


[1908. 


SOMMAIRES  DES  REVUES. 


RiviSTA  Italiana  di  SocaoLOGiA.  Dir.  C.  Ca- 
vafflieri,  G.  Sergi,  E.  Tedeschi;  éd.  Fi'a- 
telli  Bocca,  adm.  8  Via  Venti  Settembre, 
Rome  ;  ab.  14  lire.  T.  XI  (1907).  Fasc.  IV-V, 
Juillet-Octobre. 

E.  Catellani.  V Africa  nuova  e  il  diritto 
publico  africano. 

R.  Livi.  La  schiavitù  medioevale  e  la 
sua  influenza  sui  caratteri  antropo- 
logici  degli  Italiani. 

P.  Doraldo.  //  trattamento  del  delin- 
quente  e  la  scienza  modema, 

F.  Squillace.  Di  alcuni  problemi  della 
sociologia. 

F.  Carli.  11  personalismo  e  la  Chiesa. 

Analyses  :  N.  Pinkas.  Ba^  Problem  des 
yormalen  in  der  Nationalökonomie 
et  C.  Supiiio.  Le  crisi  economiche  (A. 
I^oria).  —  R.  Caggese.  Classi  e  comuni 
rurali  nel  medio  evo  italiano,  T.  I, 
(G.  Luzzatto).  —  A.  Martin.  La  crise 
du  clergé  (A.  Lepri).  Rassegna  deile 
publicazioni  ;  notizie. 

BiJDRAGEN  TOT  DE  TAAL,  LAND  EN  VOLKEN- 

KUNDE  VAN  Nederlandsch-Indië.  Institut 

Royal  des  Indes  Néerlandaises,  La  Haye. 

Série  VII,  Partie  VI  (T.  LX  de  la  collection 

complète  (1907),  Liv.  1-2;  prix  variable, 

d'après  le  nombre  de  feuilles  et  de  planches. 

E.  van  Dam  van  Isselt.  Mr.  J.  van  Dam 

en  zijae  tuchtiging  van  Makassar  in 

iößO. 

H.  Kern.  Een  oudjavaansche  oorkonde 

gevonden  op  de  helling  van  den  Katoi, 

C.  Snouck  Hurgronje,  Aanteekeningen 

op  G.  P,  Rouffaer's  opstel  over  At- 

J(>hsche  soeltanzegels. 

H.  H.  Juynboll.  Nieuwe  bijdrage  tot  de 

hennis    van  het    Mahàyânisme  op 

Java. 

A.  Kern.  Eenige  soendasche  fabels  en 

ve7'telsels. 
E.  J.  van  den  Berg  et  J.  H.  Neumann.  De 

Batoe  Kemang  nabij  Medan,  ^ 
J.  A.  Loeber  Jr.,  Het  spinneweb-môtiéf 

op  Timor. 
Ph.  S.  van  Ronkel.  Een  maleisch  con- 
tract  van  iGOO. 


M.  C.  Schaddée.  Bijdrage  toi  de  hennis 
van  den  godsdienst  der  DajaÄs  van 
Landah  en  Taj  an, 

Martine  Tonnet.  De  godenbeelden  aan 
den  buitenmuur  van  den  Çivatempel 
te  Tfandi  Prambanan  en  de  vermoe- 
delijke  leeftijd  van  die  tempelgroep, 

N.  Adriani.  BreukinJCs  bijdrage  tot 
eene  Gorontalo'sche  spraakkunst 

H.  Kern.  Austronesisch  en  Austroa^ia* 
tisch, 

H.  Kern.  Bet  vooord  voor  pauw  in  san- 
tali,  mon  en  indonesisch, 

H.  de  Vogel  Hzn.  Mededeelingen  betref- 
fende Sidenreng,  Rappang  en  Soepa, 

Ph.  S.  van  Ronkel.  Catalogua  der  Ma- 
leische Hs,  van  het  K,  /.  v,  T.  L,  en 
Ykkde  V,  N,  L 

Archiv  für  Religionswissenschaft.  Dir. 
A.  Dieterich,  éd.  B.  G.  Teubner,  Leipzig  ; 
ab.  16  Mk.  T.  XI  (1907-8),  fasc.  1. 

A.  van  Gennep.  Le  rite  du  refus, 

L.  Radermacher.  Schelten  und  Fluchen, 

A.  Nagel.  De?^  chinesische  Küchengott 
(Tsan-Kyun), 

H.  Osthoflf.  Etymologische  Beiträge  zur 
Mythologie  und  Religionsgeschichte, 

R.  Hirzel.  Der  Selbstmord. 

Berichte  :  Fr.  Kaufmann.  Altgermani- 
sche Religionen, 

W,  Caland.  Indische  Religion  (1904- 
1906). 

Mitteilungen  und  Hinweise  : 

Lindsay  Martin.  Ein  neuer  Baustein 
zur  Religionsgeschichte, 

N.  Terzaghi.  Die  Geisselung  des  Helles- 
pontos. 

R.  Eisler,  Das  Pferderennen  als  Ana- 
logiezauber zur  Beförderung  des 
Sonnenlaufs, 

Th.  Zachariae.  Einem  sterbenden  das 
Kopfkissen  icegziehen, 

Brandt.  Das  Pflugfest  in  Hollstadt, 
A-  Ostheide.  Zu  Archiv  IX,  i  ff, 

C.  N.  Becker.  Arabischer  Schiffszauber ^ 

A.  Dieterich.  Dika. 

L.  Deubner.  Zu  Kosmas  und  Damian. 


1908«] 


SOMMAIRES   DES   REVUES. 


P.  127.] 


Kevue  des  traditions  populaires.  Dir.  Paul 
Sébillot,  éd.  P.  Ouilmoto,  5  rue  de  Mézières, 
Paris.  Ab.  15  f.  1907  n^  11  (novembre). 

Paul  Sébillot.  Le  Folh-Lore  en  sommeil, 
L  Les  Eoangiles  des  Qtceiiouilles. 

Paul  Sébillot.  Le  Folk-Lore  à  r Acadé- 
mie des  Inscriptions, 

René  Basset.  La  fraternisation  par  le 
sang. 

J.  Frison,  Alfred  Harou.  Mythologie  et 
folk-lore  de  l'enfance, 

René  Basset.  Les  Taches  de  la  lune. 

Léon  Pineau.  Les  plus  jolies  chansons 
des  pays  Scandinaves. 

Yan  Kergwened.  Légendes  contempo- 
raines, 

Alfred  Harou.  Les  Pourquoi, 

René  Basset.  Contes  et  Légendes  de 
r  Extrême  Orient, 

Jacques  Rougô.  Le  Folh-Lore  de  la 
Touraine, 

J.  Frison.  Contes  et  Légendes  de  Basse- 
Bretagne, 

Âlfi'ed  Harou.  Vos  qui  chante. 

Baron  de  Maricourt.  Le  chat  qui  parle, 
conte  de  Valois, 

René  Basset.  Les  Empreintes  merveil- 
leuses, 

Alfred  Harou.  Rites  et  usages  funé- 
raires. 

P.  S.  Traditions  et  superstitions  de  la 
Haute-Bretagne, 

Alfred  Harou.  Le  Folh-Lore  du  Grand- 
duché  de  Luxembourg, 

Achille  Robert.  Sid  ali  Tatar,  légende 
arabe. 

Léo  Desaivre.  Les  traditions  populaires 
et  les  écrivains  poitevins. 

Bibliographie  :  Léonhart  Frischlin.  Deut- 
sche Schwanke  (René  Basset).  —  F. 
Hahn.  Bliche  in  die  Geisteswelt  des 
heidnischen  Volks  (id.).  —  Paul  Daba- 
len.  Pratiques  médicales  populaires 
dans  les  Landes  (Paul  Sébillot).  —  Le- 
vezier.  Recueil  de  pronostics  nor- 
mands et  français  (id.).—  Jean  Bertot. 
En  allant  vers  Vonibre  (id.). 

Notes  et  Enquêtes.  —  Réponses. 

Hessische  BLäTTER  für  Volkskunde.  Dir. 
K.  Helm  et  H.  Hepding,  Giessen  ;  éd.  B.  G. 
Teubner,  Leipzig.  T.  VI  (1907),  liv.  2. 
0.  Knoop.  Die  Princessin  mit  der  Nadel 

im  Kopf 
Id.  Polnische  Märchen  aus  der  Provinz 

Posen. 
W.  Lenz.  Vom  Tod  :  Sitten,  Gebräuche 
und   Anschauungen,   besonders   im 
Lumdatal. 
Kleinere  Mitteilungen  :  A.  van  Gtonnep. 


Ueber  neue  Erscheinungen  auf  dem 
Gebiete  dei*  Ethnologie  und  Soziologie 
der  australischen  Eingeborenen,  bei 
Gelegenheit  von  Northcote  W.  Tho- 
mas, Kinship  organizations  and 
group  marriage  in  Australia. 

H.  Hepding.  Begräbnishosten. 

Analyses  :  R.  Wallaschek.  Anfänge  der 
Tonkunst  (H.  Siebek).  —  K.  F.  Baltus. 
Märchen  aus  Ostpreussen  (0.  Knoop). 
—  H.  Glöde.  Märhisch'pommersche 
Volkssagen,  Erzählungen,  Sitten  und 
Gebräuche  (id.).  —  E.  Kurtz.  Volkslie- 
der aus  der  Toskana  (R.  Petsch).  — 
G.  Doncieux.  Le  Romancero  Popu- 
laire de  la  France  (W.  Küchler).  — 
A.  Struck.  Makedonische  Fahrten  (H. 
Hepding).  Hessennunst,  III  (id  ).  — 
F.  Hofifmann  et  B.  Rölffel.  Beiträgelzur 
Glockenkunde  des  Hessenlandes  (Ba- 
der). —  A.  Bonus.  Isländerbuch,  I,  (K. 
Helm).  —  E.  Siecke.  Drachenkätnpfe 
(id.).  —  Gerlach.  Die  Stundenlieder  der 
Alt-Lauchheimer  Nachtwächter  (id.). 

Questionnaire,  par  M.  von  Leonhardi, 
sur  le  rhombe  en  Allemagne. 

Archives  suisses  des  Traditions  Popu- 
laires. Dir.  Ed.  Hofl&nann-Krayer  et  Max. 
Reymond.  Bale,  8  Augustinergasse;  Ab. 
8  frs.  1903,  livr.  3-4. 

F.  G.  Stebler.  Die  Hauszeichen  und 
Tesslen  der  Schweiz. 

A.  Rossat.  Prières  patoises  recueillies 
dans  le  Jura  bernois. 

E.  Hoffmann-Krayer.  Fruchtbarkeits- 
riten im  Schweizerischen  Volks- 
brauch. 

John  Meier.  Kleinigkeiten. 

Mélanges  :  Ch.  de  Roche.  La  chanson 
du  guet  de  nuit. 

J.  Blicher.  Sennereigerätschaften  einer 
Obwaldner  Alpkütte. 

A.  Dettling.  Kuhreihen, 

J.  Schneebeli.  Das  Spräggelen  im  Bezirk 
Affoltem, 

E.  A.  Stückelberg.  Alte  Galgen, 

Comptes-rendus  :  A.  Ledieu.  Contribu- 
tion (Hoffmann-Krayer).  —  Fr.  Hottei»- 
roth.  Die  nassauischen  Volkstrachten 
(id.).  —  S.  Singer.  Schweizer  Märchen 
(id.).  —  J.  Hunziker.  Das  Schweizer- 
haus (id.).  —  J.  Jegerlebner.  Was  die 
Sennen  einzahlen.  —  0.  Böckel.  Psy- 
chologie der  Volksdichtung  (id.).  — 
Fr.  Heiermann.  Teil  bibliographie  Qt 
Aberglaube  (id.).  —  F.  S.  Steller.  Am 
Lötschberg  (id), 

Bibliogi^aphie  suisse  pour  1906;  corri- 
genda. 


F.  128.] 


R 


£ 


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S 


[1908. 


Rbyub  Intbrnationalb  DBS  Etudbb  Bas- 
ques. Dir.  J.  de  Urquijo  ;  éd.  P.  Creuthner, 
Paris,  Ab.  12  fr.  T.  I  (1907)  fasc.  VI. 
H.  Schuchardt.  La  Declinadùn  Ibèrica. 
T.  de  Aranzadi.  Problenuu  de  Ethno- 

ffrafia  de  los  Vascos  (fotograbados). 
P.  Lhande.  VEmigrcUion  Basque. 
Hiriart-Urruty.  Hilak  hiL 
S.  Albizuri.  Euzkerearen  aidez. 
J.  Vinson.  Spécimens  de  variétés  dialeo 

tales  basques. 
J.  de  Urquijo.  Notas  de  Bibliografia 

Vasca.  m.  Exercicio  Spirituala, 
G.  Laoombe.  Louis  Etcheverry. 
M.  de  Arriandiaga.  Euzkera  ala  Eus- 

hera. 
A.  Campion.  Segunda  defensa  del  nomr 

bre  antiguo,  castizo  y  légitima  de  la 

lengua  de  los  Bashos,  contra  el  so- 

îîado  Euzkera. 
F.  Fita.  La  Vasconia  Romana. 
Bibliografia.  Table.  Errata. 

L'Homme  préhistorique.  Dir.  D'  Chervin  et 

A.  de  Mortillet,  éd.  Schleicher  frères,  61 

Rue  des  Saints-Pères,  Paris;  Ab.  10  frs. 

T.  V  (1907)  n«  11,  novembre  : 

H.  Martin.  Nouvelle  coupe  de  la  Quina. 

Tabariès  de  Grandsaignes.  Recherches 

de  Mangez  sur  les  barqties  monaxyles. 

Denix.  Fouilles  aux  alignements  du 

Bois-Hude. 
Fouilles  et  découvertes  ;  nouvelles  ;  né- 
crologie ;  livres  et  revues  :  Pro  Alesia; 
R,  E.  E.  S.  —  Fr.  Pérot.  Légendaire 
des  eaux  minérales  thermales  du 
centre  de  la  Gaule. 

Id.  n»  12  (décembre). 

N.  Gabillaud.  De  Chàtillon-sur-Sèvre  à 
Chalet,  monuments  et  objets  préhisto- 
riques. 

P.  de  B.  La  station  préhistorique  de 
Beaurepaire-sur-  Oise. 

A.  Pialat.  La  Grotte  du  Taï  ; 

Congrès  préhistorique  de  France,  session 
d'Autun,  1907. 

Fouilles  et  Découvertes  ;  Nouvelles  ;  Né- 
crologie. 


Livres  et  Revues  :  Hue,  Musée  Ostéolo- 
gique.  —  S.MuUer.  V Europe  préhis- 
torique (Charles  Schleicher). 

Musées  départementaux. 

Babtloniaca.    Dir.    Ch,    Virolleaud;    éd. 
P.  Geuthner,  Paris.  Ab.  18  fr.  T.  n  (1907-8) 
fascU. 
St.  Langdon.  Syntax  of  compound  verbs 

in  Sumerian. 
Id.  Sumerian  loan^oords  in  Babylo- 
nian. 
Id.  Lexicographical  note  :  natu,  galädu- 

galätu. 
Ch.  Virolleaud.  De  quelques  textes  divi* 

natoires. 
Analyses:   L.    W.    King,    Babylonian 
Chronicles  (St.  Langdon). 

BUrXETINS  BT  MÂMOIRBS  DE  LA  SOCIBTB  D*AN- 
THROPOLOGIE  DE  PARIS.  1907.  PSSC.  3. 

G.  Cîourty.  Sur  les  pétroglyphes  à  tra- 
vers le  monde. 

Zaborowski.  A  propos  de  Vorigine  son- 
danienne  des  Malgaches. 

Salle.  Les  funérailles  chez  les  Betsileo. 

L,  Manouvrier.  Les  crânes  et  ossements 
du  dolmen  de  Menouville  (Seine-et- 
Oise). 

Zaborowski.  Relations  primitives  des 
Germains  et  des  Finnois. 

Nippgen.  Origine  et  époque  des  emr 
prunts  d'anciens  mots  germaniques 
par  les  langues  finnoises  baltiques, 

A.  Laville.  Au  sujet  d'un  instrument 
recueilli  dans  une  carrière  à  Ville- 
neuve-Saint- Georges. 

Lieutenant  Picard.  Observations  sur  les 
Mahafalys. 

Alexandre  Schenk.  Les  populations  de 
la  Suisse  depuis  la  période  paléoli- 
thique jusqu'à  répoque  gallohelvéte. 

S.  Wateff.  Taxihes  pigmentaires  chez 
les  enfants  Bulgares. 

Louis  Lapicque.  Tableau  général  des 
poids  somatique  et  encéphalique  dans 
les  espèces  animales, 

E.-T.  Hamy.  Deux  crânes  de  Oualolos» 


REVUE  DES  ÉTUDES 

ETHNOGRAPHIQUES 

ET  SOCIOLOGIQUES 


PUBLIÉE   SOUS   LA    DIRECTION   DE 


ARNOLD  VAN   GENNEP 


Mo   8   t  SOMIIAIRE 

Pages 
A.  VAN  Gbnnbp  :  Une  nouvelle  écriture  nègre  ;  sa  portée  théo- 
rique  129 

Oaudbfroy-Dbmonbynbs  :  Rites,  métiers,  noms  d'agent  et 

noms  de  métier  en  arabe 140 

A.  Wernbr  :  Some  notes  on  the  Bushman  race 145 

Mauricb  Dblafossb  :  Le  peuple  Siéna  ou  Sénoufo  (suite)    .    .    151 
Oabribl  Fbrrand  :  Note  sur  le  calendrier  malgache  et  le 

Fandruana  (suite) 160 

Analyses  :  Hüntinoton,  The  Puise  of  Asia  (A.  v.  G.)  ;  Fynn, 
T%e  American  Indian  as  a  product  of  environment 
(id.)  ;  FAÏTLOvrrcH,  Proverbes  abyssins  (R.  Basset); 
Galtibr,  Coptica^rabicay  I  (id.)  ;  Burrows,  T?^ 
Discoveries  in  Crete  et  Mosso,  Sscursioni  nel  Medi- 

terraneo{k.3.KBisACE) 165 

Notices  bibliographiques  (M.  Delafossb,  0.  Fbrrand.Ch.  Mon- 

tbu,,  a.  v.  G.) 179 

Sonmiaires  des  Revues 189 

Chronique 192 


.       PARIS 
LIBRAIRIE   PAUL   GEUTHNER 

68,  RUB  MAZARINE,  68 

Mars  1908 


PROGRAMME 

de  la  Bévue  des  Etudes  Ethnographiques  et  Sociologiques 
Inteniationale,  MensaeUe 


Par  sociologie,  nous  entendoDS  Tétude  de  la  vie  en  société  des  hommes  de  tous 
les  temps  et  de  tous  les  pays  ;  par  ethnographie,  plus  spécialement  la  description 
de  leur  civilisation  matérielle,  he  champ  de  la  Revue  est  donc  vaste.  L'on  y 
admettra  également  des  travaux  sur  Tarchéologie,  le  droit  comparé,  la  science 
des  religions,  l'histoire  de  l'art,  etc.,  et  l'on  y  fera  appel  aux  branches  spéciales 
comme  Tégyptologie,  Tassyriologie,  Torientalisme,  etc.  L'anthropologie  proprement 
dite,  ou  étude  anatomique  des  variétés  humaines,  ne  rentrera  dans  notre  cadre  que 
dans  la  mesure  où  elle  permet  de  définir  le  rapport  qui  pourrait  exister  entre  des 
races  déterminées  et  leurs  civilisations  ;  il  en  sera  de  même  pour  la  linguistique, 
dans  la  mesure  où  elle  permet  de  déterminer  révolution  des  institutions  et  des 
idées.  Il  se  dessine  d'ailleurs,  ces  temps  derniers,  une  direction  nouvelle  en  linguis- 
tique à  laquelle  la  Revue  des  Études  Ethnographiques  et  Sociologiques 
compte  collaborer  effectivement. 

Mous  suivrons,  entre  autres,  d'aussi  près  quo  possible  le  mouvement  scientifique 
en  pays  slaves,  les  travaux  russes,  polonais,  tchèques,  ruthènes,  bulgares,  etc. 
manquant  d'un  organe  français  qui  les  mette  en  valeur  comme  ils  le  méritent.  De 
même,  nous  rendrons  compte  avec  soin  des  travaux  hongrois,  roumains,  grecs,  etc. 
Nous  attribuerons  une  grande  importance  à  la  rubrique  Bibliographie,  qui  com- 
prendra des  analyses  critiques,  de  courts  compte-rendus,  les  sommaires  des  revues 
et  des  collections. 

La  langue  de  la  Revue  sera  de  préférence  le  français  ;  mais  l'anglais,  l'alle- 
mand et  l'italien  y  seront  également  admis.  Les  honoraires  seront  de  1  fr.  25  =s 
1  mk  =  1  sh.  la  page,  les  illustrations  comptant  comme  texte.  Les  auteurs  auront 
droit  à  25  tirages  à  part  pour  les  Mémoires  et  Articles  et  à  10  pour  les  Communi- 
cations, Descriptions  d'objets,  etc. 

Adresser  les  lettres  et  manuscrits  à  M.  A.  van  Gennep,  56,  rue  de  Sèvres, 
Clamart,  près  Paris,  Seine,  et  les  livres,  revues,  imprimés  de  toute  sorte  et  abon- 
nements à  M.  Paul  Geuthner,  libraire-éditeur,  68,  Bue  Mazarine,  Paris  (VP),  au 
nom  de  la  Revue  des  Études  Ethnographiques  et  Sociologiques. 

Abonnement  pour  un  an  :  France  :  20  frs.  —  Etranger  :  22  frs. 
Abonnement  de  luxe,  planches  sur  Japon  :  160  frs.  —  Années  écoulées  30  frs. 


MO  1  :  Janvier  190e  :  J.  G.  Frazbr  :  St  George  and  the  Parilia.  —  Maurice  Delafossb  :  Le 
peuple  Siéna  ou  Sénoufo.  -  Charit  Boreux  :  Les  poteries  décorées  de  l'Egypte  prédy- 
nastique. —  Analyses  :  J.  B.  Pratt,  The  psychology  of  religious  belief  {Goblet  d'Al- 
viELLA);  Koch-Grünberg,  Südamerikanische  Felszeichnungen  (A.  van  Gennep);  G. 
Jacob,  Geschichte  des  Schattentheaters  (id.).  —  Notices  bibliographiques.  —  Sommaires 
des  Revues.  —  Chronique. 

N«  2  :  Février  190e  :  Andrew  Lang  :  Exogamy.  —  Maurice  Delafosse  :  Le  peuple  Siéna  ou 
Sénoufo  (suite).  -  Gabriel  Ferrand  :  Note  sur  le  calendrier  malgache  et  le  Fandniana. 

—  Analyses  :  R.  von  Lichtenberg,  Beiträge  zur  ältesten  Geschichte  von  Ej^pros  (A.  j! 
Reinach)  ;  R.  Düssaud,  LHle  de  Chypre  particulièrement  aux  âges  du  cuivre  et  dû 
bronze  (id.);  E.  Pechuël-Loesche,  Yolkshunde  von  Loango  (A.  v.  G.)  ;  Fr.  S.  Krauss, 
Las  Geschlechtsleben  der  Japaner  (id.)  ;  G.  Frdbderici,  Die  Schiffahrt  der  Indianer  (id.)! 

—  Notices  bibliographiques  (C  Mondon-Vidailhbt,  A.  J.  Reinach,  A.  v.  G.).  —  Sommai- 
res des  Revues. 


REES,  1908 


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1908.]  VAN    GENNEP    :    UNE    NOUVELLE    ÉCRITURE    NÈGRE.  [P.  129. 


UNE  NOUVELLE  ÉCRITURE  NÈGRE  ;  SA  PORTÉE 

THÉORIQUE 

[>ar  A.  VAN  Gennep  (Clamait). 


On  ne  connaissait  jusqu'ici  qu'un  seul  système  d'écriture  dont  on  fût  sûr  qu'il 
a  été  inventé  par  des  Nègres  :  récriture  vaï.  Cette  écriture  a  été  l'objet  de  maintes 
études  et  de  maintes  discussions,  qu'on  trouvera  exposées  et  critiquées  dans  un 
article  de  Maurice  Delafosse^. 

Tout  récemment,  M.Göhring^,  missionnaire  au  Kamerun,  a  annoncé  la  création, 
dans  une  région  relativement  peu  éloignée  de  celle  où  habitent  les  Vaï,  d'un  sys- 
tème d'écriture  qui  se  rapproche  de  celui  des  Vaï  sur  quelques  points,  tout  en  s'en 
éloignant  beaucoup  sur  d'autres.  Cette  invention  est,  semble-t-il,  restée  inaperçue  ; 
du  moins  je  ne  sache  pas  qu'on  en  ait  mis  en  lumière  les  caractères,  qui  sont  tels 
que  la  question  compliquée  de  l'origine  de  l'écriture  et  des  alphabets  se  trouve 
subitement  avancée  d'un  grand  pas.  €ur  quelques  éléments  secondaires  du  problèmOi 
cependant,  les  deux  articles  de  M.  Göhring  ne  donnent  pas  de  renseignements.  Je 
lui  ai  donc  écrit,  et  il  a  bien  voulu  répondre,  avec  une  obligeance  dont  je  tiens  à  le 
remercier  ici,  aux  questions  que  je  lui  posais. 

La  région  de  Bamum,  dans  le  Kamerun  allemand,  est  actuellement  gouvernée 
par  un  jeune  roi,  Njoya,  doué  de  beaucoup  d'initiative.  Il  s'était  fait  remarquer  déjà 
à  plusieurs  reprises  par  des  innovations  intelligentes  et  c'est  sur  son  ordre  et  sous 
sa  direction  qu'a  été  combinée  la  nouvelle  écriture.  Sous  le  règne  de  son  père 
vinrent  dans  le  Bamum  un  certain  nombre  de  marchands  haoussa,  qui  apportèrent 
avec  eux  des  livres  écrits  en  arabe  :  cette  vue  éveilla  l'intérêt  du  jeune  Njoya, 
alors  âgé  de  seize  ans.  Il  acheta  très  cher  sept  de  ces  livres,  dont  un  Qoran. 
M.  Göhring  obtint  du  roi  de  les  envoyer  à  Bale  pour  les  faire  examiner  par  des 
arabisants  «  qui  essaieront  de  déchiffrer  cette  écriture  ancienne^  ». 

Il  eût  semblé  naturel  que  le  jeune  Njoya  apprit  simplement  l'écriture  arabe, 
pour  la  répandre,  après  son  avènement,  dans  ses  Etats.  Mais  il  se  refusa,  en  partie 
par  orgueil,  en  partie  par  xénophobie,  à  adopter  cette  écriture  étrangère,  de  même 
que  plus  tard  il  ne  voulut  pas  de  l'écriture  «  européenne  »,  importée  par  les  mis- 
sionnaires et  les  fonctionnaires  coloniaux.  Mais  il  se  résolut  à  doter  son  peuple 
d'une  écriture  nouvelle. 

Il  réunit  un  certain  nombre  de  ses  soldats  et  ordonna  à  chacun  «  d'inventer  un 


*  Maurice  Delafosse.  Les  Vaï;  leur  langue  et  leur  système  (T écriture.  ExtcaÀt  (43  pages) 
de  V Anthropologie^  T.  X  (1899).  L^écriture  vaï  est  linéaire  et  cursive. 

*  Der  König  von  Bamum  und  seine  Schrift,  Der  Evangelische  Heidenbote,  T.  LXXX 
{I901)n^e,pi>.  il'42;  Die  Bamum-Schrift,  ib.  1907,  n»  11,  pp.  83-86.  On  trouvera  repro- 
duites ici  les  deux  planches  publiées  par  M.  Göhring  dans  VEv.  Heidenbote;  j'ai  traduit  en 
français  les  mots  allemands  et  numéroté  les  colonnes  et  les  signes  pour  faciliter  le  manie- 
ment de  la  seconde.  On  trouvera  en  outre  dans  le  n«»  2  de  1908  du  même  journal  quelques 
signes  Bamum  reproduits  à  une  plus  grande  échelle. 

'  J'ignore  le  résultat  de  Texamen;  mais  de  toutes  manières  je  doute  qu'il  puisse  fournir 
des  éclaircissements  sur  la  technique  de  l'alphabet  de  Njoya,  sauf,  si  dans  le  nombre  des 
manuscrits  s'en  trouvaient  de  «  magiques  »,  pour  quelques  signes  dont  je  parlerai  plus  loin* 


^nn. 


P.  130.1  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

signe  spécial  pour  chaque  mot  monosyllabique,  et  pour  les  mots  polysyllabiques, 
autant  de  signes  différents  que  le  mat  contiendrait  de  syllabes  » .  Il  compara  tous 
les  signes  ainsi  obtenus  entre  eux,  «  les  simplifia  ou  les  compliqua  à  son  idée  ». 

L'écriture  une  fois  fixée,  le  roi  en  organisa  l'enseignement  ;  il  acheta  aux  mis-      ^ 
sionnaires  des  ardoises  et  se  mit  à  instruire  en  personne  ses  sujets.  Pour  les  exercer,      £^ 
il  échange  avec  eux  dos  lettres.  Vers  le  milieu  de  1907  il  y  avait  déjà  dans  la  capi- 
tale Fumban  (à  tort  désignée  par  les  Européens  sous  le  nom  de  Bamum),  plus  de 
600  indigènes  capables  de  lire  et  d'écrire.  En  outre  le  roi  a  commencé  des  archives  ;     ^ 
il  inscrit  les  recettes  et  les  dépenses  sur  des  livres  spéciaux,  etc.  -«^ 

Tels  étaient  les  premiers  renseignements  publiés.  11  en  ressortait  quatre  faits  < 

importants  :  1*^  Tinventcur  est  un  chef,  c'est-à-dire  un  individu  qui  a  un  intérêt     ?^ 
plus  direct  à  pouvoir  écrire  et  lire  ;  2**  l'idée  de  l'invention  lui  a  été  suggérée  par 
la  vue  d'écritures  importées,  arabe  et  latine  .  3^  il  a  fait  appel,  pour  Tinvention 
matérielle,  à  un  nombre  assez  grand  d'individus  et  ne  s'est  réservé  que  la  codifica-    ^«^ 
tion  de  ces  inventions  individuelles  ;  4**  il  a  préféré  l'écriture  syllabique  à  l'écriture 
alphabétique  d'une  part,  ou  idéographique  complète  de  l'autre. 

L'examen  de  la  planche  VI  donnait  cependant  à  penser  que  ces  inventions 
individuelles  ont  été  soumises  à  des  règles.  Le  fait  par  exemple  que  Ü  ==  homme^    - 
y  est  représenté  par  un  homme  les  bras  écartés  faisait  supposer  que  les  autres   .^  ' 
signes  doivent  avoir  aussi  un  sens  figuratif.  Ce  sens  était  impossible  à  découvrir      / 
à  l'aide  du  texte  traduit  (le  paier),  qui  renferme  en  majorité  des  mots  abstraits.    Z- 
Plus  tard,  M.  Göhring  a  donné  la  liste  complète  des  signes,  au  nombre  de  350,  qui 
constituent  le  système  du  Bamum  (pi.  VII)  :  on  y  constate  un  grand  nombre  d'idéo-   ^    ^ 
grammes,  dont  les  suivants  m'ont  été  affirmés  et  expliqués  par  M.  Göhring  dans  sa  ^ 
lettre  : 

> 

Col.    8  n**  1 1    viser  :  un  arc  avec  une  flèche  ;  ^<^ 

—  8  —  14    poule  :  corps  avec  deux  jambes  ; 

—  8  —  17    serpent  ; 

—  9  —    4    lit  :  cadre  du  lit  ; 

—  9  —  16    panier  ;  ,y^ 

—  9-18    pot;  Z7 

—  11—6  perles  :  deux  perles  fixées  à  un  fil  ;  y 

—  11  —    7  tabouret  :  pour  s'asseoir  ;  ^ 

—  12  —  10  gaîne  :  pour  les  couteaux  ;  p"^ 

—  12  —  14  ventre  :  on  voit  le  cou,  la  tête  et  les  jambes,  mais  la  partie  du  K,   -* 

corps  désignée  spécialement  est  exagérée  ; 

—  12  —  16    soleil;  ^ 

—  12  —  17    couteau  :  dans  la  gaîne  col.  12,  n**  10  ;  *^ 

—  9  —  25  oreille  ; 

—  9  —  26  tambourin  ; 

—  1  —  13  champignon  ; 

—  2  —  17  oiseau  :  volant  ; 

—  13  —  20    instrument  de  musique,  violon,  guitare  ; 

—  7  —  10    poches,  pochettes  ; 

—  16  —  19    fil,  corde  ; 

—  6  —    1    assiette,  plat  ; 

—  14  —    1    gens  ; 

—  6  —   9    en  haut  :  sur  les  gens  j 


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Planche  VII 

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1908.]  VAN    GENNEP    :    UNE    NOUVELLE    ÉCRITURE    NÈGRE.  [P.  131. 


Col.    2  u^    9    cuire  :  sorte  de  trépied  en  fer  sur  lequel  ou  pose  le  pot  pendant 
la  cuisson  ; 
tombe  ; 

œil  :  les  deux  yeux  ; 
lune. 

On  pourrait  aisément  compléter  cette  liste;  et  j'ai  indiqué  par  l'abréviation 
(iJ.)  dans  le  tableau  suivant^  les  signes  qui  me  paraissent  être  à  coup  sûr  des  idéo- 
grammes directs. 


1  — 

9 

2  — 

1 

13  — 

13 

Col.  1. 

14  être  enceinte 

11  5 

15  dourah 

12  dormir 

1  [Début  de  la  ligne] 

16  moutons  (id.) 

13  soir 

2  [Fin  de  la  ligne] 

17  oiseau  (id.) 

14  hanches 

3  Banane  (id.) 

15  salut 

4  craindre 

Col.  3. 

16  avoir  fini 

5  soir 

17  et 

6  construire  une  maison 

,    1  vous 

lier  (id.) 

2  dire 

Col.  5. 

7  venir 

3  tomber 

8  [syllabe] 

4  oublier 

1     6 

9  tombe  (id.) 

5  circoncire 

2    7 

10  rester  longtemps  a^sis 

6  tue-le  1 

3     8 

11  ôter  qque  chose  de 

7  mon  défunt  père  I  = 

4    9 

12  ami 

serment 

5  10 

13  champignon  (id.) 

8  crayon  (id.) 

6  sorte  de  danse  (id.) 

U  oncle 

9  ils 

7  bois  à  brûler  (id.) 

15  champ  (id.) 

10  cheval  (id.) 

8  forge 

16  travailler 

11  cornes  (id.) 

9  mon,  ma 

17  pluie  (id.) 

12  a 

10  ma  maison 

18  prendre,  tenir 

13  laver 

11  tenir 

14  boire 

12  choisir  parmi 

Col.  2. 

16  cour  (id.) 

13  battre  la  brousse 

16  époux 

14  sauter 

1  œil  (id.) 

15  feu 

2  flèche  (id.) 

Col.  4. 

16  bufle  (id.) 

3  gronder,  injurier 

4  enfanter 

1  enfant  (id.) 

Col.  6. 

5  être  fou 

2  échelle  (id.) 

6  fort 

3  je 

1  assiette,  plat  (id.) 

7  être  enthousiasmé 

4  appartenir  à 

2  éléphant  (id.) 

8  payer  une  dette 

5  deux  dix  (orteils?)  =  20 

3  ta  maison 

9  cuire  (id.) 

6  fossé  do  circonvallation 

4  eau  (id.) 

10  en  haut 

7  1 

5  terre  (id.) 

1 1  commettre  Tadultère 

8  2 

6  refuser 

12  garder  [des  bestiaux] 

9  3 

7  maïs  (id.) 

13  sentir,  sentir  mauvais 

10  4 

8  conserver,  cacher 

1  La  ligne  d'écriture  au  bas  de  la  planche  signifie  :  (signe  de  début)  son  nom  NdSoya, 
Pa-mum  ma  Fu-mbân  fsigne  de  terminaison),  c'est-à-dire  :  Njoya,  Pamum  à  Fumban  (noms 
du  roi,  du  pays  et  de  la  capitale). 


p.  132.] 

•    R    •    E    •    E    •    S 

[1908. 

9  en  haut,  ciel 

11  viser  (id.) 

5  briser  en  ouvrant 

10  CO 

12  dire  (au  roi) 

6               ? 

11  aplanir  (à  la  hache) 

13  donner 

7  noir 

12  écouter 

14  poule  (id.) 

8  entendre 

13  derrière  (prép.) 

15  bois  de  palmiers  exploi- 

9 vieux 

14  devant       (») 

té  pour  le  vin  de  pal- 

10 arbre 

15  quoi? 

me  (id.) 

11  poser  sur,  mettre  (un 

16  laisser,  quitter 

16  épouser 

bonnet,  etc.) 

17  serpent  (id.) 

12  poivre  (id.)     . 

Col.  7. 

18  combien? 

13  midi  (id.) 

19  enfants,  gens  (id.) 

14  plume  (id.) 

1  nager 

20  poison  à  flèches 

15  écrire 

2  veodre 

21  revenir,  retourner 

16  ordonner,  défendre 

3  [syllabe] 

17  médecine,  remède 

4  [négation,  avec  le  verbe                 Col.  9. 

18  caisse 

être] 

19  canot 

5  en  vain 

1  bateau  (id.) 

20  partager 

6  après 

2  battre  du  tambour  (id.] 

21  et 

7  cœur 

3  pierre  (id.) 

22  frères 

8  céder,  remercier 

4  lit  (id.) 

23  sorte  de  légume  (id  ) 

9  ils 

5  montagne  (id.) 

24  tenir,  attraper 

10  poche  (id.) 

6  jour  férié  et  sacré 

25  penser 

11  cadavre  (id.) 

7  carquois  (id.) 

26  dos  (id.) 

12  termite  à  ailes  (id.) 

8  gomme  (id.) 

27  va-t-en  ! 

13  faire 

9  huile  de  paimo 

14  suspendre  à  uu  clou  (id  )10  Tinsensé 

Col.  11. 

15  introduire 

11  fumier 

16 

12  œuf  (id.) 

1  un  homme  (générique) 

17  couper 

13  funérailles 

2  ferme  (id.) 

18  beaucoup 

14  discourir,  bavarder 

3  déposer 

19  non 

15  aider 

4  crier,  pleurer 

20  noix  de  Kola  (id.) 

16  panier  (id.) 

5  répondre 

21  m 

17  sorte  d'abcès 

6  perles  (id.) 

22  cercueil  (id.) 

18  pot  (id.) 

7  tabouret,  chaise  (id.) 

23  [syllabe] 

19  ê:ro  fatigué 

8  poison 

24  se  reposer 

20  vite 

9  couper 

25  mourir 

21  Dieu 

10  bras  (id.) 

22  poisson 

11  pisang(id.) 

Col.  8. 

23  mesurer 

12  brûler  (maison) 

24  aujourd'hui 

13  s'en  aller 

1  ne  pas  être  présent 

25  oreille  (id.) 

14  viande 

2  long 

26  tambourin  (id.) 

15  lOX  10.000=100.000 

3  regarder 

27  fer 

16  jeu,  jeu  do  dés,  (id.) 

4  chèvre  (id.) 

17  neveu 

5  vin  de  palme 

Col.  10 

18  compter 

6  [syllabe] 

19  hache 

7  atteindre,  réussir 

1  adulte  (id.) 

20  aiguille  (id.) 

8  plante  qu'on  sème 

2  nous 

21 

9  [syllabe] 

3  calebasse 

22  germer  (id.) 

10  prêter  à  gages 

4  à  vous,  à  eux 

23  sorte  d'arbre 

1908.]             VAN    GENNEP    :    UNE    NOUVELLE    ÉCRITURE    NÈGRE.             [P.  133, 

24  là-bas 

15  cancer  (maladie) 

17  miel 

25  ici 

1 6  démolir  (une  maison  etc 

^)18  fumer  (du  tabac) 

17  aller  se  promener 

19  année 

Col.  12. 

18  sorte  de  mets 

19  cime  de  palmier 

20  chanter 

1  blanc 

20  violon 

Col.  16. 

2  pioche,  pelle 

3  os 

4  i 

Col.  14. 

1  grande  cour  (quartier) 

2  ? 

3  perto,  dommage 

5  chercher  • 

1  gens 

6  doux, sucré 

2  planter    des    céréales 

,    4  guerre,  combat 

7  serrure,  fermer  (id.) 

etc.  (id.) 

5  rôtir 

8      ? 

3  être  plein 

6  toi,  tu 

9  vêtement,  habits 

4  haricot  (id.) 

7  limon,  boue 

10  gaine  (id.) 

5  aller 

8  voler  (prendre) 

11  chose,  objet 

6  tout,  tous 

9  peau,  cuir 

12  travailler 

7  lance  (arme) 

10  mamelle 

13  propriétaire  d'une  cour  8  appelle-le 

1 1  rêve,  rêver 

(maison)  (id.) 

9  sel 

12  porter 

14  ventre  (id.) 

10  caurie 

13  gobelet 

15  bouche  (id.) 

11  à  lui 

14  frapper 

16  soleil  (id.) 

12  hippopotame 

15  être  perdu 

17  couteau  (id.) 

13  don, cadeau 

16  maison 

18  amulette  (id.) 

14  bois,  forêt 

17  mon 

19  apprendre 

15  [particule] 

18  ils 

20  ils 

16  petit  chef 

19  fil,  corde  (id.) 

21  bœuf  à  bosse 

17  couvrir    (la    maison 

22  vivre 

d'herbes) 

Col.  17. 

23  manger 

18  son  (possessif)  (?) 

24  farine 

19  être  (verbe)  (?) 

1  tu,  toi 

25  cou 

2  être  doué,  intelligent 

26  faim 

Col.  15. 

3  sorte  d'arbre   dont  le 
fruit  est  comestible 

Col.  13. 

1  longue  pipe 

4  jeune  fille  qui  garde  les 

2  aider  à  sortir  de 

chevaux 

1      ? 

3  ambassade 

6  hutte  d'herbes  (id.) 

2  sorte  d'abcès 

4  [syllabe] 

6  [syllabe] 

3  assiette 

5      ? 

7  pied,  jambe  (id.) 

4  semaine 

6  alligator 

8  truffe  (id.) 

5  clef  (id.) 

7  dehors,  en  plein  air 

9  fouet  (id.) 

6  cheveu 

8  mauvais,  abimé 

10  rouge,  brun,  jaune 

7  nuit,  sombre 

9  bière  de  doura 

Il  furieux,  en  colère 

8  visage  (id.) 

10  mon 

12  100 

9  voir,  regarder 

11  ville,  pays 

13  1.000 

10  rire 

12  cour  devant  la  maison 

14      ? 

11  10.000 

13  mets,  manger  (id.) 

15  tête  (id.) 

12  faire  lever  en  frappant 

14  marché  (emplacement) 

16  vent,  orage 

le  sol  de  son  bâton 

(id.) 

17  rasoir  (id.) 

13  lune  (id.) 

16  roi 

18  voir,  regarder 

14  riche,  richesses 

16  beau,  bon 

19  [signe  terminal] 

p.  134.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

On  sera  peut-être  porté  à  reconnaitre  à  bien  d^autres  sigues  qu'à  ceux  marqués 
(id.)  uoe  valeur  idéographique  directe.  Mais  l'examen  d'idéogrammes  certains, 
comme  celui  de  l'œil  (col.  2,  n*  1),  do  la  tète  (col.  17,  n^  15),  de  l'œuf  (col.  9, 
n*  12)  doit  rendre  prudent  :  les  soldats  de  Njoya  et  Njoya  lui-même  ont  tu  et 
rendu  les  objets  d'une  manière  plutôt  déconcertante,  au  moins  pour  des  Européens. 
L'écart  entre  notro  dessin  et  notre  vision  d'une  part,  et  ceux  de  ces  Nègres  est 
surtout  frappant  si  on  examine  par  exemple  les  idéogrammes  égyptiens,  dont 
quelques-uns  seulement  nous  causent  d'abord  un  certain  étonnement,  qui  se  dissipe 
assez  vite.  Il  faut,  pour  trouver  une  vision  et  des  procédés  de  représentation 
comparables  à  ceux  de  Njoya  recourir  aux  pictogrammes  amérindiens  par  exemple. 
Même  les  dessins  égyptiens  archaïques,  graffiti  ou  marques  sur  poteries^  sont, 
comme  lignes,  plus  proches  de  nos  habitudes.  On  peut  en  dire  autant  des  signes 
idéographiques  en  usage  dans  diverses  écritures  anciennes  de  la  Méditerranée 
orientale. 

Ainsi  les  animaux  sont  ici  rarement  représentés  complets  :  le  mouton  (col.  2, 
n^  16)  est  difficile  à  reconnaître  ;  de  la  chèvre  (col.  8,  n^  4)  on  ne  voit  que  la  tête 
et  les  cornes  ;  du  poulet  (col.  8,  n^  14)  que  le  corps  et  les  pattes  ;  de  l'hippopotame 
(col.  14,  n^  12),  de  l'éléphant,  (col.  6,  n®  2)  et  du  crocodile  (col.  15,  n*»  6)  qu'une 
sorte  de  schéma,  qui  représente  peut-être  une  projection  du  dos,  vu  d'en  haut. 

Les  objets  ovales  deviennent  triangulaires  :  l'œuf  (col.  9,  n®  12),  le  visage 
(col.  13,  n*»  8),  la  bouche  (col,  12,  n^  15). 

Remarquables  encore  sont  les  signes  représentant  des  êtres  humains  (col.  11, 
n*  1  ;  col.  8,  n®  19  ;  col.  11,  n*  17  ;  col.  14,  n*"  1  ;  col.  1,  n*  14).  De  même  les  signes 
représentant  des  végétaux  nous  déroutent  (col.  10,  n°  10  ;  col.  17,  n®  3),  mais  les 
graines  gardent  leur  forme  :  col.  6,  n®  7  (épi  de  maïs,  vraisemblablement)  ;  col.  10, 
n^  12  (grain  de  poivre)  ;  col.  14,  n®  4  (haricot). 

Il  existe  une  tendance  assez  nette  à  la  duplication  et  à  la  triplication.  Je 
laisse  de  côté  les  signes  représentant  des  organes  (col.  2,  n^  1,  l'œil  ;  col.  16,  n^  10 
la  mamelle)  ou  des  membres  (col.  17,  n""  7  la  jambe  ;  mais  cf.  col.  11,  n^  10,  le 
bras),  où  le  redoublement  s'explique,  bien  qu'il  ne  soit  guère  nécessaire.  Par 
contre  les  autres  cas  de  redoublement  (col.  1,  n^'  3,  4,  5,  6,  7,  10,  11,  12  ;  col.  2, 
n^«  2,  3,  4,  5,  6,  7,  8,  ;  col.  3,  n*«  4,  6,  7,  13,  14,  16  ;  col.  5,  n^  7,  11;  col.  6,  n^  4, 
5,  6,  9,  10,  12,  13,  14  ;  col.  7,  n*^-  2,  4,  5,  6,  11,  13  ;  col.  8,  n««  6,  9,  10,  12,  18  ; 
col.  9,  n*>  21  ;  col.  10,  n«»  4,  7,  9,  16, 17  ;  col.  11,  n«-  8, 12,  22  ;  col.  12,  n<«  1,  9, 
11,  12,  19,  20  ;  col.  13,  n«-  3,  4  ;  col.  14,  n«  3,  8,  9,  13,  15,  17,  18  ;  col.  15, 
n*  2,  3,  8,  11,  12,  13,  14,  15,  18  ;  col.  16,  n«"  1,  2,  Ö,  6,  7,  9,  14,  18,  19; 
col.  17,  n*»"  2,  3,  6,  10,  11,  14,  16)  et  de  triplication  (col.  2,  n«  14,  15  ;  col.  5, 
n«-  9,  12  ;  col.  6,  n^  8,  16  ;  col.  7,  n«  10, 12, 16  ;  col.  9,  n«  20  ;  col.  11,  n«  13, 17  ; 
col.  12,  n~  2,  4,  8,  22  ;  col,  13,  n«>»  7,  17  ;  col.  14,  n°»  5,  13  ;  col.  15,  n*»  5  ;  col.  16, 
n®  3  ;  col.  17,  n^  1)  ne  sont  guère  intelligibles  a  priori,  même  en  admettant  que  le 
but  de  Njoya  ait  été  d'éviter  toute  amphibologie.  Le  redoublement  s'explique  peut- 
être  pour  les  signes  col.  4,  n*^  5  (2  fois  10  ;)  et  17  (et  ;  cf.  col.  10,  n«  21)  ;  col.  5,  n**  6 
(une  sorte  de  danse,  peut-être  à  directions  alternées)  et  10  (maison  peut-être  à 
deux  corps)  ;  col.  6,  n®  9  (en  haut  :  des  gens  sur  des  gens,  d'après  M.  Göhring)  ; 
col.  7,  n®  17  (couper  :  le  double  signe  peut  avoir  pour  but  de  représenter  le  section- 
nement ;  cf.  encore  col,  10,  n~  5,  13  ;  col.  13,  n**  16)  et  18  (beaucoup)  ;  col.  16, 
n®  12  (porter,  peut-être  avec  les  deux  bras,  ou  sur  les  deux  épaules)  ;  col.  17,  n**  9 

1  Cf.  entre  autres  J.  Capart,  Les  Débuts  de  VArt  en  Egypte,  Bruxelles,  1904,  flg.  101. 


1908.]  VAN    GENNEP    :    UNE    NOUVELLE    ÉCRITURE    NEGRE.  [P.  135. 

(fouet,  peut- être  à  deux  lanières)  et  15  (tête  ;  sommet  du  crâne,  nez  et  yeux  ; 
peut-être  le  dessin  est-il  renversé  :  sourcils,  yeux  et  bouche,  ou  menton).  Peut- 
être  le  signe  pour  «  être  enceinte  »  (col.  2,  n®  14)  représente-t-il  la  figure,  les  seins 
et  le  ventre  de  la  femme  ;  maLs  cela  est  peut  probable. 

D'une  manière  générale,  la  duplication  et  lu  triplication  d*un  signe  simple 
atteignent  surtout  les  signes  ayant  à  désigner  des  abstractions  :  qualités,  actions, 
conditioos,  etc.  Pour  retrouver  le  lien  originel  du  dessin,  du  son  et  du  sens,  il 
iaudra  donc  dans  tous  ces  cas  ne  prendre  comme  poiut  de  départ  de  Tenquète  que 
le  signe  simple  fondamental.  Il  est  probable  que  ces  modifications  sont  Tœuvre  de 
Njoya.  Ainsi  deviendrait  intelligible  cette  phrase  du  Heidenbote^  p.  42,  col.  2  : 
"  il  mit  à  répreuve,  avec  soin,  les  ilossins  qu'on  lui  avait  apportés,  les  simplifia  ou 
les  compliqua  à  son  idée  ». 

C'est  chose  connue  que,  sauf  pour  des  individus  très  conscients,  et  très  maîtres 
de  leur  main,  le  renouvellement  d'une  technique  ou  d'un  motif  ornemental  est  des 
plus  difficiles.  Les  recherches  sur  le  dessin  des  enfants  ont  démontré  que  la  faculté 
d'invention  est  au  début  très  limitée  :  si  par  exemple  on  a  donné  à  un  enfant  un 
modèle  consistant  en  un  cercle,  un  trait  vertical  et  quatre  traits  obliques  pour 
représenter  un  être  humain,  il  éprouvera  une  grande  difficulté  à  se  débarrasser  de 
ce  schéma  ;  il  pourra  compliquer  les  extrémités,  mettre  un  carré  sur  le  cercle  pour 
indiquer  un  chapeau,  etc.  Mais  il  ne  lui  viendra  pas  à  Tidéo  de  dessiner  de  lui-même, 
en  partant  de  Tobservation  directe,  un  profil  ou  un  trois-quarts,  ni  à  croiser  les 
bras  sur  la  poitrine,  etc.  Ce  processus  est  tout  aussi  marqué  chez  les  demi-civilisés, 
bien  qu'il  n'ait  guère  attiré  encore  l'attention  des  esthéticiens,  sauf  sous  sa  forme 
supérieure,  en  tant  que  caractère  typique  d'arts  ou  de  motifs  spéciaux  (art  égyptien, 
mycénien,  etc.  ;  méandre,  arabesques,  etc.  ;  écoles). 

C'est  donc  en  obéissant  sans  le  savoir  à  une  tendance  esthétique  et  psychique 
générale  que  le  roi  Njoya  a  sous  prétexte  d'unification  doublé  ou  triplé  la  plupart 
des  signes  simples.  Et  ce  procédé  une  fois  trouvé,  il  n'a  pu  s'en  débarrasser.  Dans 
un  certain  nombre  de  cas,  le  roi  a  obtenu  des  arrangements  symétriques^  mais 
sans  qu'on  puisse  constater  cependant  une  tendance  à  la  symétrie  proprement  dite, 
et  encore  bien  moins  à  la  géométrisation.  D'autre  part,  l'allure  générale  des  écri- 
tures arabe  et  européenne  (latine  ou  gothique)  n'a  pas  influé  sur  celle  de  l'écriture 
bamum. 

Quelques  idéogrammes  (du  cheval,  col.  3,  n®  10  ;  de  la  chèvre,  col.  8,  n^  4  ;  du 
serpent,  col.  8,  n**  17  ;  du  crocodile,  col.  15,  n®  6)  présentent  cette  particularité  d'être 
verticaux  et  non,  comme  on  s'y  attendrait,  horizontaux^.  Ce  quart  de  conversion 
est  en  général  un  phénomène  assez  rare,  sauf  si  les  idéogrammes  représentent  des 
objets.  Il  est  par  contre  courant  dans  les  écritures  chinoises  archaïques''^. 


*  Dans  sa  lettre,  M.  Göhring  a  de  même  dessiné  le  serpent  debout,  preuve  que  telle  est  bien 
la  direction  normale  de  ces  signes. 

*  Cf.  des  cas  de  ce  genre  dans  F.  H.  Chalfant,  Early  Chinese  writing,  Mem.  of  the  Carne- 
gie Museum,  T.  IV,  n«  1,  Pittsburgh  1906  :  signes  1  (éléphant),  2  (tigre),  4  (cheval),  7  (chien), 
8  (poisson),  10  (tortue),  12  (oiseau  à  longue  queue),  etc. 

M.  Chalfant  a  par  hypothèse  redonné  â  ces  signes,  dans  la  colonne  consacrée  aux  v  formes 
originelles  probables  »,  la  direction  horizontale.  Mais  cette  supposition  est  inutile,  comme  le 
prouve  l'écriture  bamum. 

Voir  pour  d'autres  cas,  ib.  p.  33  sqq.  les  idéogrammes  relevés  sur  écailles  et  os  gravés, 
trouvés  (au  nombre  de  plus  de  3000  fragments)  en  1899  près  do  Wei-Hui-Fou  (Honan)  et  qui 
portent  à  ce  qu'il  semble  les  plus  anciens  caractères  chinois  connus. 


p.  136.]  •    R    •    Ë    •    E    •    S    •  [1908. 

J'avais  demandé  à  M.  Göhriog  de  chercher  comment  les  divers  signes  avaient  été 
inventés  et  pour  quelles  raisons  chaque  individu  avait  représenté  tel  son  par  tel 
signe  de  préférence  à  tel  autre  signe.  Cette  question  portait  moins,  il  va  de  soi, 
sur  les  signes  présentant  une  valeur  idéogrammatique  directe  que  sur  les  autres, 
d'une  interprétation  plus  difficile,  surtout  à  distance.  Ainsi  la  syllabe  si  signifiant 
oiseauy  (col.  2,  n^  17),  la  représentation  de  ce  son  par  un  oiseau  devait  se  présenter 
d'elle-même  à  l'esprit  de  l'inventeur.  Et  dans  ce  cas  l'intervention  du  roi  Njoya  ne 
pouvait  agir  que  dans  des  limites  assez  restreintes,  les  retouches  n'ayant  à  porter 
que  sur  des  détails  d'ordre  plutôt  ornemental  et  esthétique. 

11  semblerait,  si  l'on  examine  les  réponses  des  indigènes  à  M.  Göhring,  que 
l'utilisation  scripturale  de  Tidéogramme  n'a  pas  été  atteinte  consciemment.  «  J'ai 
interrogé  les  gens,  m'écrit-il  et  ils  m'ont  répondu  :  nous  avons  fait  ainsi  sans  trop 
savoir  pourquoi^  n.  Or  j'avais  demandé  en  même  temps  à  M.  Göhring  sî  les  Nègres 
du  Bamum  font  usage  de  marques  de  propriété.  A  plusieurs  reprises,  j^ai  proposé 
de  chercher  dans  cette  institution  l'origine  des  alphabets.  A  mon  sens,  les  alphabets 
arabes  sont  le  résultat  d'un  choix  fait  parmi  les  anciens  t^asm  ;  l'alphabet  de 
rOrkhon  vient  des  anciens  tamga;  les  alphabets  runiques,  tant  Scandinaves  que 
finnois  et  slaves,  proviennent  des  marques  entaillées.  N'ayant  pas  de  preuves  direc- 
tes que  tel  a  été  le  processus  primitif,  j'espérais  en  trouver  une  enfin  au  Kamerun. 
Or  M.  Göhring  est  très  affirmatif  ;  il  m'écrit  :  «  Il  n'existe  ici  ni  marques  tribales, 
ni  marques  de  propriété,  sauf  que  tous  les  originaires  du  Bamum  portent  une  cica- 
trice verticale  sur  le  front  »,  au  dessus  de  la  racine  du  nez. 

Maurice  Delafosse  m'avait  dit  de  même  que  les  Vaï  ne  font  pas  usage  de 
marques  de  propriété  et  que  l'origine  de  l'écriture  vaï  demeure  inconnue.  Il  est 


*  Voici  d'ailleurs  la  lettre  que  m'a  écrite  M.  Göhring  : 

Bamum,  Post  Bamenda,  25/10,  07. 

Ihren  Brief  vom  5.  7'*°  habe  ich  erhalten.  Sie  interessiren  sich  für  unsere  neue  Bamum- 
Schrift  und  fragen  :  «  Wie  sind  die'  Zeichen  (Runen  etc.)  entstanden?  Warum  hat  jeder 
Soldat  dieses  anstatt  jenes  Zeichen  gewählt  ?  n 

Das  ist  eine  recht  schwierige  Frage.  Ich  habe  die  Leute  ausgefragt  und  zur  Antwort 
erhalten  :  «  Das  haben  wir  eben  so  gemacht,  warum  wissen  wie  selber  nicht  ».  Nach  länge- 
rem Forschen  bin  ich  jedoch  zu  dem  Resultat  gekommen  :  Die  Zeichen  sind  bildliche 
{malerische)  Barstellungen  von  Gegenständen.  Zum  Beweis  meiner  Behauptung  setze  ich 
einige  Zeichen  hierher  :  [Suit  la  liste  des  idéogrammes  citée  plus  haut  p.  130-131]. 

Bei  sinnlich  wahrnehmbaren,  also  bei  konkreten  Gegenständen  ist  das  sofort  klar  und 
einleuchtend.  Wie  steht's  nun  aber  bei  Âbstrakta  ?  Da  habe  ich  auch  eine  ErklâLrung  :  die 
Leute  haben  eben  nirgend  ein  Zeichen  gemacht,  ohne  viel  dabei  zu  denken,wie  sie  mir  auch 
selbst  versichert  haben. 

Stammeszeichen  oder  Eigentumszeichen  linden  sich  hier  nicht  ;  ausser  dass  alle  durch 
Geburt  abstammenden  Bamum  eine  Narbe  tragen  über  die  Stime  [marque  analogue  à  celle 
des  Gbato  de  la  Côte  dlvoire,  REES-  PI.  II,  flg.  5]. 

Wie  die  Leute  zu  den  Zeichen  [col.  7,  n^  18  ;  col.  3,  w  4  ;  col.  10,  n<»  1  et  col.  11,  n»  13] 
gekommen  sind,  weiss  ich  nicht  ;  vielleicht  haben  sie  hier  mit  einem  Malam,  d.  h.  Schrift- 
gelehrten  der  Haussa  conferiert  ». 

C'est  la  première  fois  qu'il  est  donné  aux  ethnographes  de  pouvoir  suivre  dans  le  détail  la 
genèse  d'un  système  d'écriture  ;  et  l'on  ne  saurait  assez  prier  M.  Göhring  d'en  surveiller  de 
près  l'évolution.  Le  procédé  de  Njoya  fournit  un  argument  inattendu  en  faveur  des  théories 
de  Wimmer  sur  la  création  de  Palphabet  runique  par  «  un  homme  de  génie  inconnu  »,  le 
«  Maître  des  Runes  n  Cf.  mon  article  A  propos  de  Vorigine  des  runes,  Revue  des  Traditions 
Populaires,  1906,  pp.  73-78,  où  je  fais  cependant  remarquer  que  cet  inventeur  génial  a  dû 
puiser  dans  un  fonds  commun  de  signes,  marques  de  propriété  ou  autres.  En  tous  cas  Njoya 
est  le  «  Maître  des  Runes  »  du  Bamum. 


1908«]  VAN    GENNEP    :    UNE   NOUVELLE   ÉCRITURE   NÈGRE.  [P.  137. 

en  tout  cas  certain  que  ni  Talphabet  vaï,  ni  l'alphabet  de  Njoya  ne  sont  des 
décalques  ou  des  adaptations  d'autres  écritures  connues^ 

Quant  aux  signes  désignant  des  idées  abstraites,  leur  origine  et  leur  sens  sont 
plus  difficiles  encore  à  déterminer.  Les  recherches  de  M.  Göhriog  ue  Tont  conduit 
sur  ce  point  qu'à  recevoir  cette  réponse  :  que  pour  inventer  ces  sigues,  «<  il  a  fallu 
beaucoup  penser  s.  Rien  cependant,  dans  leur  facture,  ne  différencie  ces  signes  des 
idéogrammes  certains,  ni  une  plus  grande  complexité,  ni  une  plus  grande  géomé- 
trisation, sinon  la  duplication  et  la  triplication  de  signes  simples  dont  il  a  été 
parlé  ci-dessus. 

L'enquête  devient  donc  ici  fort  délicate.  Mais  un  fait,  d'ordre  il  est  vrai  plutôt 
psychologique,  doit  être  mis  en  avant  :  pas  plus  que  Njoya,  qui  n'a  inventé  une 
écriture  que  pour  avoir  vu  écrire  des  Haoussa  et  des  Européens,  les  soldats  n'ont, 
je  crois,  à  proprement  parler  créé  des  sigoes.  Création  et  invention  sont  doux  termes 
qu'il  te  faut  jamais  prendre  que  dans  un  sens  limité,  relatif.  Le  progrès  ne  se  fait 
pas  par  créations  successives,  mais  par  perfectionnements  de  détails  et  par  trans- 
positions. Le  cas  extraordinaire,  incroyable  même,  serait  que  les  soldais  eussent, 
subitement  et  par  ordre,  acquis  une  connaii^sance  du  dessin  telle  que  les  signes 
tracés  par  eux  fussent  intelligibles  à  leurs  compatriotes  et  à  leur  roi.  D'avoir  fait 
■  sans  guère  y  penser  »  les  idéogrammes,  cela  signifie  je  crois  que  les  inventeurs 
avaient  traditionnellement  coutume  d'attribuer  à  ces  dessins  une  signification 
déterminée.  Tel  serait  en  effet  le  cas  si  les  signes  provenaient  de  marques  de 
propriété.  Cette  hypothèse  devant  être  rejetée,  il  s'en  présente  une  autre  :  un 
certain  nombre  de  signes  ne  seraient-ils  pas  la  reproduction  de  motifs  ornementaux 
courants  ?  Une  étude  approfondie  de  l'art  ornemental,  sur  cases,  ustensiles,  armes, 
étoffes,  etc.  dans  la  région  de  Bamnm  donnerait  peut-être  cette  fois  la  clef  du 
problème. 

Ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  hypothèses  n'est  formulée  ici  à  tout  hasard,  comme 
le  prouvent  entre  autres  les  passages  suivants  d'une  intéressante  étude  sur  les 
marques  et  tatouages  dos  insulaires  de  Timor  récomment  publiée  par  M.  Riedel^  : 

«  Les  habitants  de  Timor,  pour  indiquer  leurs  droits  de  propriété,  utilisent 
des  moyens  secrets  et  prohibitifs,  mala  ou  signes,  qu'on  cache,  avec  une  crainte 
héréditaire,  aux  voisins  et  aux  étrangers  et  où,  d'après  la  croyance  populaire, 
résident  des  puissances  surnaturelles,  à  savoir  les  qualités  répressives  de  membres 

décédés  du  clan On  utilise  ces  signes  pour  marquer  des  arbres  et  parmi  eux, 

ceux  qui  contiennent  des  ruches  sauvages,  puis  les  chevaux,  les  bœufs  de  trait.... 
ces  mêmes  signes  sont  utilisés  sur  les  i^ëlimuts  et  autres  vêtements  de  fabrication 
domestique,  en  jaune,  en  rouge  ou  en  noir.  Chaque  ligne  de  chacun  de  ces  signes 
a  un  sens  secret,  connu  seulement  des  membres  mâles  de  la  famille,  agnats  du 
propriétaire  originel.  Mais  actuellement,  il  n'est  plus  possible  d'en  obtenir  une 

explication  exacte Les  marques  héréditaires  de  famille  et  territoriales  sont 

également  tatouées  sur  les  femmes et  c'est  d'après  les  tatouages  sur  ses  joues, 

son  menton  et  ses  seins  qu'on  reconnaît  à  quel  clan  appartient  une  femme  ». 

Il  ressort  de  ces  passages  que  le  même  signe  est  à  la  fois  :  P  ulo  marque  collec- 


'  Cf.  pour  Talpliabet  vaï,  Delafosse,  loc,  cit.,  pp.  32  36;  les  rares  analogies  relevées  entre 
quelques  caractères  vaï  et  quelques  caractères  berbères  ne  sont  pas  autre  chose  que  des 
coïncidences  fortuites. 

*  J.  G.  F.  Riedel,  Prohibilieve  Teekensen  Tatuage  vormen  op  hei eiland  Timor ^  Extrait 
de  la  Tijdschrift  r.  h.  Bat  Gen.  t?.  K.  en  W.,  XLIX,  3-4, 1907,  av.  2  planches. 


p.  138.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

live  de  propriété  territoriale  et  mobilière  ;  2®  une  marque  de  clan  et  de  descen- 
dance ;  3^  un  motif  ornemental.  Gomme  forme,  les  signes  reproduits  par  M.  Kiedel 
ittr  sa  première  planche  tiennent  à  la  fois  de  l'idéogramme  et  du  signe  alphabéti- 
forme. 

Cette  utilisation  d^un  même  dessin  comme  marque  de  propriété  et  de  parenté 
et  comme  motif  ornemental,  et  toujours  avec  la  valeur  magico-religieuse  du  tabou 
n'est  pas  un  phénomène  rare  :  il  est  au  contraire  de  règle  chez  un  grand  nombre  de 
populations  dcmi-civiiisces.  Il  se  pourrait  donc  qu^en  cherchant,  on  fiuisso  par  con- 
stater qu'un  certain  nombre  des  signes  reproduits  par  les  soldats  de  Njoya  étaient 
déjà  antérieurement  d'un  usage  courant  comme  motiâ  d'ornementation. 

On  remarquera  que  des  dessins  de  ce  genre,  présentant  parfois  une  certaine 
ressemblance  ayec  les  idéogrammes  bamum,  se  rencontrent  au  Dahomey,  au 
Benin,  au  Loango  et  en  d'autres  régions  guinéennes.  Les  explorateurs  ont  négligé 
jusqu'ici  de  faire  de  tous  ces  signes  des  relevés  complets  ;  ils  se  sont  le  plus 
souvent  contentés  d'en  parler  comme  d'ornements  ou  de  symboles  d'une  certaine 
valeur  magico-religieuse.  Cependant  quelques  ethnographes  ont  jugé  que  l'étude 
de  ces  signes  conduirait  à  des  résultats  intéressants.  L'invention  de  l'écriture  bamum 
fournit  un  motif  de  plus  pour  que  tous  ces  «  symboles  »  soient  relevés  avec  soin. 
Ici  encore  on  constatera  certainement  l'existence  de  règles  à  la  fois  psychologiques, 
esthétiques  et  techniques,  probablement  identiques  à  celles  qui  président  à  la 
figuration  des  symboles  amérindiens  (Huichol,  Indiens-Pueblos,  Dakota,  Sioux,  Bel- 
la-CooIa,  etc.). 

Nous  nous  trouvons  donc  en  présence  d'un  double  groupe  d'éléments  dont  il 
s'agit  de  détermina  le  lien  possible  :  1®  au  Bamum,  il  existe  une  série  de  signes, 
quelques-uns  idéogrammatiques,  qui  ne  sont  employés  que  pour  représenter  des 
sons  ;  2^  ailleurs,  dans  les  régions  voisines,  et  chez  un  très  grand  nombre  d'autres 
peuples,  il  existe  des  séries  de  signes,  quelques-uns  aussi  idéogrammatiques,  qui  ont 
une  valeur  magico-religieuse,  juridique  et  esthétique.  Il  y  a  lieu  sans  doute  de  ne  pas 
généraliser,  en  passant  par  exemple  d'une  population  à  une  autre  fort  éloignée  ;  il 
faut  d'abord  étudier  chaque  cas  séparément.  Mais,  et  c'est  là  la  grande  utilité  de 
la  méthode  comparative,  on  doit  essayer  de  déterminer  les  rapports  de  dépendance 
de  chaque  institution  considérée  abstraction  faite  des  conditions  de  temps  et  de  lieu. 
Il  suffirait  que  ce  lien  de  dépendance  entre  les  deux  groupes  d'éléments  dont  j'ai 
parlé  fût  constaté  au  Bamum  pour  que  la  question  des  origines  des  écritures  et  des 
alphabets  fit  un  progrès  considérable. 

Il  apparait  provisoirement  comme  inutile  de  tenter  l'interprétation  critique  de 
chacun  des  360  signes  du  roi  Njoya.  Quelques-uns  cependant  attirent  spécialement 
l'attention.  Ainsi  la  croix  représente  une  aiguille^  la  croix  branchue  la  flèche  (on 
▼oit  nettement  que  le  signe  est  obtenu  par  la  combinaison  de  quatre  flèches)  ;  une 
sorte  de  triskele  (fylfot)  veut  dire  s'en  aller  (est-ce  la  représentation  d'un  chemin 
duquel  en  part  un  autre,  c'est-à-dire  la  représentation  d'un  carrefour  ?  Le  carrefour 
se  représente  au  Loango  par  une  croix).  La  polygénèse  de  la  croix  ne  saurait  faire 
de  doute,  pour  peu  qu'on  étudie  ce  signe,  non  pas,  comme  on  l'a  fait  jusqu'ici, 
isolément,  mais  en  même  temps  que  tous  les  autres  signes  utilisés  par  le  môme 
peuple.  Des  emprunts,  comme  de  juste,  sont  cependant  toujours  possibles  :  le  signe 


^  De  valeur  magique  ésotérique,  fait  très  important  pour  Tétude  théorique  des  débuts  de 
l'art  ornemental,  et  qui  peut  servir  aussi  d'indication  pour  les  recherches  sur  l'art  omemen- 
tal.des.Nègres. 


1908.]  VAN    GENNEP    :    UNE    NOUVELLE    ÉCRITURE    NÈGRE.  [P.  139, 

pour  100  (col.  17,  Q''  12)  est  nettement  le  prétendu  «  sceau  de  Salomon  »  et  provient 
sans  douto  de  quelque  grimoire  magique  importé  par  les  Haoussa,  ou  a  été  copié 
sur  une  amulette  musulmane.  On  le  retrouve  inscrit  dans  un  cercle  (col.  9.  tx°  6) 
pour  désigner  un  jour  férié,  c'est-à-dire  sacré. 

Quelques-uns  des  signes  bamum  ont  peut-être  une  valeur  idéographique 
indirecte.  Je  veux  dire  qu'on  a  pu  rendre  par  exemple  une  syllabe  en  représentant 
un  objet  dans  le  nom  duquel  entre  cette  syllabe  ;  soit,  avec  des  mots  français  :  un 
tablier  pour  rendre  la  syllabe  ta  puis  le  mot  abstrait  agitation  ;  une  voiture  pour  la 
syllabe  tu  et  le  mot  abstrait  vertu.  Les  signes  pour  faim  (col.  12,  n*'  26),  travailler 
(col.  1,  n®  16  et  col.  12,  n®  12)  frapper  (col.  16,  n^  14),  etc.  représentent  bien,  à  ce 
qu'il  semble,  des  objets  concrets,  dont  le  lien  cependant  avec  ces  mots  n'est  pas 
manifeste.  C'est  peut-être  à  la  recherche  de  mots  répondant  à  un  tel  desideratum 
que  les  indigènes  faisaient  allusion  alors  qu'ils  répondaient  à  M.  Göhring,  que  pour 
trouver  les  signes  se  rapportant  à  des  abstractions  «  il  leur  a  fallu  beaucoup  penser  n. 

Ici  encore  il  faut  attendre  ;  nous  ne  savons  d'ailleurs  pas  si,  chose  peu  probable, 
les  350  signes  de  la  planche  VI  rendent  toutes  les  syllabes  sans  exception  du  dia- 
lecte bamum. 

Il  importait  en  ce  moment  surtout  d'attirer  l'attention  sur  l'invention  de 
Njoya  et  sur  la  découverte  de  M.  Göhring,  alors  que  toute  la  question  des  origines 
et  des  débuts  de  Técriture  vient  d'être  renouvelée  par  les  découvertes  récentes  en 
Egypte,  en  Crète,  à  Chypre,  etc.  de  systèmes  d'écritures  archaïques.  Si  l'invention 
de  l'alphabet  vaï  —  le  seul  alphabet  proprement  nègre  connu  jusqu'ici  —  demeurait 
obscure,  du  moins  dans  le  cas  présent  aucune  idée  d'emprunt  ni  de  contamination, 
sauf  pour  quelques  rares  signes  isolés,  ne  saurait  venir  à  l'esprit.  Njoya  est 
venu  montrer  comment  peut  naître  une  écriture,  fait  considérable  puisqu'il  nous 
oblige  à  rejeter  un  grand  nombre  d'hypothèses,  mais  à  en  accepter  d'autres  préci- 
sément regardées  jusqu'ici  comme  les  plus  improbables  ;  il  nous  fournit  un  cas 
remarquable  d'expérimentation  en  matière  ethnographique,  autrement  intéressant 
que  l'écriture  de  Sequoia.  Et  l'expérience  n'est  pas  près  d'être  terminée  :  il  sera» 
on  l'espère,  possible  à  M.  Göhring  de  suivre  de  près  la  transformation  de  cette 
écriture,  qui  tendra  forcément  à  se  modifier  très  vite  sous  l'influence  des  individus 
et  à  prendre  un  caractère  cursif  —  à  moins  que  le  roi  Njoya  n'ait  l'idée  de  faire 
fondre  des  caractères  et  de  fixer  ainsi,  au  moins  relativement,  les  hiéroglyphes  de 
son  invention. 


) 


/yyW^ 


p.  140.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 


LINGUISTIQUE  ET  SOCIOLOGIE. 

I 
Rites,  métiers,  noms  d'agent  et  noms  de  métier  en  arabe. 

par  Qaüdbfboy-Demombynes  (Paris). 


Parmi  les  idées  que  M.  Meillet  a  déjà  semées  dans  le  champ  lioguistique^,  il 
en  est  une  qui  semble  prête  à  faire  lever  une  moissoo  particulièrement  abondante 
d^obseryations  nouvelles  :  c^est  que  la  linguistique,  vue  sous  un  certain  angle,  est 
un  fait  social,  c'est-à-dire  que  certains  phénomènes  ne  sont  point  la  conséquence 
des  conditions  physiques  imposées  à  Thomme  par  la  structure  de  ses  organes  par 
exemple,  mais  résultent  du  caractère  de  sociabilité  inhérent  à  la  race  humaine. 
En  conséquence,  Texplication  de  ces  phénomènes  ne  devra  point  être  cherchée 
dans  les  conditions  d'une  psychologie  individuelle  discutable,  mais  dans  celles  d'une 
psychologie  sociale  éclairée  par  l'histoire.  C'est  un  tout  petit  fait  de  ce  genre 
que  l'on  va  essayer  d'indiquer  ici. 

Dans  toute  société  primitive,  certains  actes  magiques  ou  religieux,  entourés 
de  rites  très  formalistes,  ont  dû  être  accomplis  sur  un  individu  à  certaines  époques 
de  sa  vie  par  des  personnes  que  leurs  relations  sociales  avec  cet  individu  rendaient 
spécialement  aptes  à  remplir  ce  rôle  ;  il  en  est  ainsi,  par  exemple,  du  lavage  rituel 
des  morts  par  les  membres  de  leur  famille  dans  le  monde  musulman,  des  lamenta- 
tions proférées  par  les  femmes  autour  du  cadavre,  etc.  L'élargissement  du  cadre 
social  et  la  complexité  particulière  de  relations  que  créait,  dans  des  agglomérations 
humaines  importantes,  le  voisinage  d'individus  n'appartenant  pas  au  même  grou- 
pement primitif,  amenèrent  les  Arabes  à  un  état  de  civilisation  où  l'étude  des  rites 
sociaux  est  remplacée  dans  la  vie  du  commun  des  hommes  par  d'autres  préoccu- 
pations ;  tout  en  respectant  les  rites  et  en  conservant  la  croyance  en  leur  caractère 
obligatoire,  la  société  nouvelle  arrive  à  en  confier  l'exécution  à  des  individus  les 
ayant  spécialement  étudiés  et  se  faisant  de  leur  accomplissement  une  sorte  de 
profession  ;  c'est  ainsi  que  chez  les  Arabes  modernes  des  villes,  le  laveur  des 
morts  et  la  pleureuse  sont  des  professionnels,  qui,  moyennant  salaire,  satisfont  à 
des  gestes  rituels  que  la  famille  du  défunt  connaît  mal  et  qu'elle  répugne  à  remplir 
elle-même.  Cette  évolution  de  la  fonction  sociale  devra  se  manifester  dans  la 
langue,  si  celle-ci  renferme  des  catégories  grammaticales  qui  se  prêtent  à  cette 
transformation  ;  on  sait  que  les  langues  sémitiques,  l'arabe  en  particulier,  possè- 
dent pour  l'observation  d'un  phénomène  de  cet  ordre  des  instruments  d'une  parfaite 
précision. 

L'arabe  en  effet  connaît  une  forme  de  substantif  verbal  pour  désigner  l'individu 
qui  exécute  l'action  exprimée  par  les  trois  consonnes  radicales  d'un  verbe,  forme 
qui  peut  être  représentée  par  c^âcHc^  ;  mais  si  l'individu  répète  cet  acte,  qu'il 
devienne  pour  lui  une  habitude,  une  profession,  la  forme  de  substantif  employée 


ï  Cf.  entre  autres  travaux  de  A.  Maillet  :  Comment  les  mots  changent  de  sens.  Année 
sociologique,  T.  IX  (1906)  et  VÉtat  acttcel  des  études  de  linguistique  générale^  Revue 
des  Idées,  1906,  pp.  296-308. 


19Q8.]  G.-DEMOMBYNES    :    LINGUISTIQUE   ET   SOCIOLOGIE.  [P.  141. 

deyiendra  c^acHHi^  ;  e^est  ainsi  que  de  hamil,  «  celai  qui  porte  i»,  on  arrive  à 
hammàl,,  «  porte-faix  ».  Donc  si,  dans  les  circonstances  indiquées  précédemment, 
la  langue  a  suivi  l'évolution  sociale,  on  devra  trouver,  dans  la  période  ancienne, 
une  forme  c^äc^ic^^  et  dans  une  période  postérieure  une  forme  c^ac^c^äc^, 

La  période  ancienne  est  ici  celle  des  débuts  de  Tislamisme,  c'est-à-dire  du 
septième  siècle  de  notre  ère,  et  il  peut  sembler  qu'il  y  ait  quelque  présomption  à 
raisonner  sur  la  langue  que  Ton  parlait  à  cette  époque  à  Médine  ou  à  Goufa.  Mais 
si  nous  ignorons  à  peu  près  tout  de  sa  phonétique,  nous  connaissons  bien  sa  mor- 
phologie. Ce  n'est  point  en  effet  une  langue  châtiée  et  artificielle  que  nous  livrent 
les  traditionnistos  et  les  grammairiens  de  la  période  classique,  c'est  le  langage  de 
tous  les  jours,  celui  de  la  tente  et  de  la  rue.  Pour  le  traditionniste  qui  veut  résoudre 
une  question  de  droit  conformément  aux  prescriptions  du  prophète,  pour  le  gram- 
mairien qui  veut  préciser  une  question  de  syntaxe,  pour  Thistorien  qui  veut  rappeler 
un  fait  célèbre,  ce  n'est  point  un  texte  qu'il  faut  chercher  à  reproduire,  c'est  une 
phrase  du  prophète,  accompagnée  souvent  des  propos  les  plus  divers  de  ceux  qui 
l'approchaient,  c'est  le  vers  du  poète  et  un  commentaire  vivant  donné  d'un  mot  par 
un  contemporain,  c'est  le  récit  d'un  témoin  oculaire  ;  et  jamais  le  style  indirect  ne 
viendra  travestir  l'expression  reproduite  ;  nous  sommes  toujours  en  face  du  propos 
même,  de  la  parole  vivante.  Quels  que  soient  les  remaniements  que  ces  «  textes  n 
aient  parfois  subi,  on  peut  dire  que  les  recueils  des  traditions  prophétiques  ou 
hadithf  les  poésies  anciennesde  forme  si  familière  en  général,  et  les  recueils  his- 
toriques livrent  les  secrets  de  la  langue  parlée  à  l'époque  classique,  et  que  ces  livres 
et  les  admirables  dictionnaires,  tels  que  le  Lisän  el  Arabj  où  des  érudits  ont  pos- 
térieurcmeiit  classé  une  quantité  énorme  de  vocables,  nous  permettent  des  recher- 
ches et  des  constatations  assez  précises  pour  autoriser  des  comparaisons  avec  la 
langue  actuelle.  La  langue  de  l'époque  classique  connaît  les  deux  formes  de  sub- 
stantif qui  ont  été  indiquées  plus  haut  ;  la  langue  actuelle  se  sert  de  l'une  et  de 
l'autre.  Cherchons  donc  si,  par  une  différence  d'expressions,  elles  vont  marquer 
l'évolution  sociale  que  nous  avons  signalée. 

D'après  la  législation  musulmane  ou  sounna^  le  lavage  des  morts  est  un  acte 
rituel  très  compliqué,  qui  est  suivi  d'un  ensevelissement  rituel  et  qui  doit  être 
accompli,  soit  par  le  conjoint  du  mort,  soit  par  un  de  ses  proches  dont  la  liste  est 
soigneusement  dressée  par  la  loi,  d'après  un  ordre  déterminé.  Mais  sous  les  influen- 
ces sociales  qui  ont  été  indiquées  précédemment,  les  musulmans  des  villes  cessèrent 
bientôt,  pour  la  plupart,  d'accomplir  eux-mêmes  sur  les  membres  de  leur  famille 
des  rites  funéraires,  dont  ils  négligeaient  de  s'instruire  et  dont  l'exécution  impar- 
faite pouvait  avoir  pour  leur  vie  éternelle,  comme  pour  celle  du  défunt,  les  plus 
terribles  conséquences.  Ce  furent  des  fouqdha^  des  hommes  pieux  et  savants  dans 
les  rites,  qui,  formaat  une  sorte  de  confrérie  d'ensevelisseurs,  se  chargèrent  désor- 
mais des  funérailles  ;  mais  ils  semblent  n'avoir  point  eu  toujours  une  compétence 
parfaite,  et  surtout  ils  se  consacrèrent  sans  doute  uniquement  aux  obsèques  des 
grands  personnages.  Un  ouvrage  fort  intéressant  du  XIV""  siècle,  le  Madkhal 
d'Ibn  el  Hadj^,  qui  est  le  traité  des  choses  qu'un  bon  musulman  ne  doit  pas  faire, 
dit  en  effet  :  Parmi  ces  hommes,  «  il  en  est  qui  connaissent  bien  les  principes,  mais 
qui  ne  savent  pas  les  appliquer  ».  L'auteur  conseille  donc  à  tout  fidèle  qui  veut 
être  enterré  correctement,  de  désigner  par  mesure  testamentaire  le  personnage 


1  Kitäbou  el  Madkhal  par  Abou  'Abd  Allah  Mohammed  el  Abdéri  Ibn  el  lladj  :  le  Caire 
1320  hég.,  3  vol.  —  Voy.  t.  ill,  p.  9  et  suiv. 


p.  142.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [^^^1: 

pieux  qui  de  ses  propres  mains,  pratiquera  sur  lui  les  rites,  ou  qui  du  moios  en 
suryeillera  scrupuleusement  Texécution.  Ce  personnage,  accomplissant  un  acte 
religieux  qui  lui  sera  aussi  profitable  à  lui-même  qu'au  défunt,  s'il  est  vraiment  un 
brave  homme,  mm  *ahli  Ikhaïri  waç  çalâhi,  n'attendra  sa  lécompense  que  de  la 
faveur  divine.  Ibn  el  Hadj  constate  avec  regret  que  cet  espoir  est,  pour  la  plupart 
des  laveurs  de  morts,  un  billet  à  trop  lointaine  échéance,  et  qu'ilj  ont  pris  l'habi- 
tude de  s'approprier  les  vêtements  du  défunt  ;  pour  éviter  cette  soustraction,  les 
familles,  avant  de  livrer  les  cadavres  au  laveur,  les  dépouillent  de  tous  leurs  habits 
et  les  laissent  ainsi  dans  un  état  de  nudité  que  réprouve  la  loi  musulmane,  comme 
les  mœurs.  Ibn  el  Hadj,  très  opportuniste,  pense  donc  qu'il  serait  préférable  de  ne 
point  s'en  tenir  strictement  aux  principes  et  d'accorder  aux  laveurs  un  salaire,  en 
leur  interdisant  formellement  de  s'approprier  les  vêtements  des  morts. 

En  présentant  ces  observations,  l'auteur  désigne  constamment  le  laveur  par  le 
mot  ghâsil^  qui  est  la  forme  classique  et  juridique  du  nom  d'agent.  Mais,  tout-à- 
coup,  jetant  un  nouveau  coup  d'oeil  vers  la  réalité  et  parlant  do  la  situation  lamen- 
table où,  de  son  temps,  les  mœurs  sont  parvenues  à  Fez,  il  raconte  que  les  laveurs 
de  morts  peuvent  y  être  divisés  en  deux  catégories;  Tune  est  composée  de  gens 
instruits  et  consciencieux  qui,  sans  rétribution,  lavent  selon  les  rites  les  musulmans 
morts  après  une  vie  pieuse  et  respectée;  quant  aux  autres,  qui  lavent,  moyennant 
salaire,  le  reste  de  la  population,  ce  sont  des  gens  sans  moralité  et  sans  instruction, 
qui  appartiennent  à  la  plus  basse  classe.  Et  devant  ce  détail  précis,  d'une  réalité 
immédiate,  il  emploie  la  forme  de  nom  de  métier,  ghassâlin,  et  fournit  ainsi  la 
preuve  que,  de  son  temps,  la  langue  avait  déjà  suivi  l'évolution  de  l'institution 
sociale.  Au  Maghreb,  à  l'heure  actuelle,  c'est  en  effet  la  forme  ghassäl  qui  est  géné- 
rale^ et,  la  fonction  sociale  est  salariée  et  peut  être  considérée  partout  comme  un 
métier.  Ailleurs  il  ne  semble  pas  que  l'évolution  se  soit  faite,  et  le  laveur  de  mort, 
même  habituel  et  professionnel, est  vosié  ghâs il.  Eu  Egypte,  où  un  texte  d'Ibn  lyas 
(XV®  siècle),  donne  ghasila'^^  en  parlant  d'une  femme  qui  parait  bien  une  profession- 
nelle, il  semble  qu'on  emploie  encore  aujourd'hui  un  nom  d'agent,  celui  de  la 
seconde  forme  verbale  monghassiP,  Dans  les  proverbes  de  Burckbardt^,  c'est  aussi 
ghcLsila  que  l'on  trouve;  mais  un  proverbe  peut  conserver  une  expression  vieillie. 

L'évolution  parallèle  de  l'institution  sociale  et  de  la  langue  est  plus  difficile  encore 
à  observer  dans  le  cas  des  pleureuses  funèbres.  Les  lamentations  accompagnées  de 
gestes  rituels  que  les  femmes  font  entendre  autour  du  cadavre  non  encore  inhumé 
et  auxquelles  elles  joignent  son  éloge  funèbre,  constituent  une  vieille  cérémonie  de 
la  vie  arabe,  où  Mahomet  craignait  d'entendre  invoquer  d'anciens  dieux  et  qu'il 
s'efforça  d'abolir  ;  mais  il  ne  put  y  réussir,  car  cinq  femmes  seulement,  dit  un  hadith 
de  Oumm  Atiyya^',  se  décidèrent  à  lui  obéir,  et  la  coutume  est  restée  aussi  vivante 
parmi  les  Arabes  modernes  et  les  Arabisés  qu'elle  Tétait  à  l'époque  antéislamique  : 


*  Voir  notamment  Desparmet  :  Enseignement  de  Varahe  dialectal  :  t.  II,  p.  257.  — 
Dictionnaire  de  Bbaussibr,  etc. 

*  En  840  (1436),le  sultan  défend  aux  femmes  de  sortir  dans  la  rue  la  nuit;  «quand  Xdighcuila 
voudra  sortir  de  nuit  pour  aller  laver  un  mort,  elle  prendra  une  feuille  de  eireulation  chez 
le  préfet  de  police  (mohtasib)  et  elle  la  portera  sur  son  bandeau  de  front,  cousue  à  son  voile, 
podr  qu'on  sache  bien  qu'elle  est  ghasila,  »  Ibn  lyas,  Histoire  d'Egypte,  cité  par  Dozy  in 
Diction,  des  noms  de  vêtements,  p.  29. 

8  Lane  :  Modem  Egyptians,  5«  édit.  1860,  p.  513. 

*  BuRCKHARDT  :  Arabic  proverbs,  2«  éd.  1875,  n^  412. 

5  El  Bokhari  ;  Les  traditions  Islamiques,  trad.  Houdas  et  Marçais.  Paris  1903,  I,  p.  422. 


1908.]  G.-DEMOMBYNES    :    LINGUISTIQUE    ET    SOCIOLOGIE.  [P.  143. 

il  ne  parait  pas  possible  d^ailleurs  de  tracer  des  limites  à  l'étendue  géographique  de 
cet  usage.  Les  lamentations  sont  des  actes  rituels,  accomplies  par  les  femmes  de  la 
famille  et  de  la  fraction  de  tribu  qui  forme  une  unité  et  un  groupe  distinct  de  tentes  ; 
mais  reloge  du  mort  exige  des  qualités  d'improvisation,  des  dons  poétiques  qui  ne 
sont  point  accordés  à  toutes  les  femmes  au  même  degré  ;  et  chaque  groupement 
social  eut  Dcccssaircmeut  une  ou  plusieurs  improvisatrices,  qui  preoaient  tout 
naturellement  la  première  placo  dans  les  cérémonies  funèbres,  et  chez  lesquelles 
Texécution  de  Tacte  rituel  tournait  à  Thabitude,  sioon  au  métier.  L'éloge  funèbre 
devint  par  le  génie  de  quelques-unes  un  genre  littéraire,  et  tout  le  monde  arabe 
connaît  el  Khansa,  qui  fit  durant  toute  sa  vie  Téloge  de  ses  frères  Sakhr  et  Moawia 
tués  dans  d'anciennes  querelles  et  dont  le  Ehalifo  'Omar,  fatigué  de  l'entendre 
pleurer,  cherchait  sans  doute  à  calmer  l'enthousiasme  poétique  en  lui  disant  qu'elle 
déplorait  avec  raison  le  trépas  de  païens  morts  avant  la  mission  du  prophète  et 
voués  aux  feux  tie  Tcnfer^.  La  langue  classique  ne  parait  avoir  laissé  aucune  trace 
du  caractère  d'habitude  que  la  lamentation  funèbre  a  dû  prendre  chez  certaines 
femmes,  et  c'est  la  forme  de  nom  d'agent  nâïha  et  nädiba,  au  pluriel  nawaih  et 
nawädS)  qui  seule  se  trouve  dans  les  textes.  Le  kiidbou  el  màhasin  wal  addäd^ 
attribué  à  cl  Djahiz  et  remontant  tout  au  plus  au  dixième  siècle,  ne  fait  aucune 
allusion  aux  pleureuses  de  son  temps  et  désigne  les  émules  d'el  Khansa  par  le  nom 
d'agent,  au  pluriel  «  sain  »  nädibäV^,  Ihn  el  Hadj,  qui,  au  quatorzième  siècle,  expose 
en  détail  dans  son  madkhal  les  rites  des  lamentations  funèbres  et  qui  les  réprouve, 
semble  ne  connaître  que  les  pleureuses  appartenant  à  la  famille  du  mort  ou  aux 
maisons  parentes  ou  voisines;  il  emploie  aussi  le  nom  d'agent  naïhat^.  Dans  un  texte 
d'ibn  lyas,  on  trouve  encore  nädiha^  bien  qu'il  semble  qu'il  s'agisse  d'esclaves 
professionnelleb^.  Dans  l'arabe  moderne,  le  nom  de  métier  est  général  :  il  existe 
en  Orient,  en  Egypte,  en  Algérie,  au  Maroc  :  c'est  nadddbät^  nawwâhat^  ou  encore 
waççafatj  c'est-à-dire  celles  qui  «  décrivent  »  les  mérites  du  mort^.  Mais  il  faut 
établir  une  distinction  :  ces  expressions  ne  désignent  que  les  pleureuses  à  gages  qui 
viennent  renforcer, pour  ainsi  dire,le  bataillon  des  parentes  qui  continuent  à  pratiquer 
les  rites  funèbres  :  quant  à  ces  dernières,  il  semble  qu'elles  ne  soient  désignées  par 
aucun  substantif;  on  exprime  l'acte  qu'elles  accomplissent  par  un  verbe  à  un  mode 
personnel. 

Ces  observations,  un  peu  vagues,  posent  une  question,  plutôt  qu'elles  ne  la 
résolvent.  Des  exemples  comme  ceux  qui  précèdent  sont  trop  peu  nombreux  et 
trop  peu  précis  pour  permettre  une  généralisation.  Il  faudrait  se  demander  pourquoi 
des  mots  qui  désignent  un  métier  ou  une  habitude,  comme  läjir^  <<  un  marchand  », 
fâriSf  «  un  cavalier  »  ont  gardé  la  forme  du  nom  d'agent  ;  pourquoi  un  mot  tel  que 


*  Le  livre  des  beautés  et  des  antithèses  y  attribué  à  el  Djahiz,  éd.  Van  Vloten.  Leyde. 
1898,  p.  188. 

*  Ibid.  p.  186  suiv. 

3  Un  texte  de  Bokhari  (éd.  du  Caire,  t.  Il,  p.  27,  et  trad.  Houdas  et  Marçais,  t.  II,  p.  72) 
parlant  du  salaire  des  esclaves  pleureuses,  emploie  toujours  näihät. 

*  «Quand  mourut  el  Melik  el  Moayyad...  on  ne  trouva  pas  dans  sa  maison  un  caleçon 
(mizar)  pour  couvrir  les  parties  naturelles  du  cadavre;  on  prit  alors  le  caleçon  de  Tune  des 
pleureuses  (aljawäri  nnäthät)n;  cité  par  Dozy,  Diet,  des  noms  de  vêtements.  Amsterdam, 
1845,  p.  39. 

5  Voir  Dictionnaires  do  Bocthor  et  de  Beaussier  ;  —  Daumas,  Vie  arabe,  p.  137  ;  — ^ 
Cohen-Solal,  Mots  iisuels,  p.  89;  —  Desparmet,  op.  ci7.  p.  254;  —  Doutté,  Merrahech,  l, 
p.  355,  etc. 


p.  144.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [*®°8- 

qäbila^  «  one  sage-femme^  »,  n'est  point  devenue  qabbala  quand  l'acte  devenait 
nettement  un  métier^.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  serait  intéressant  d'essayer  de  constater 
le  principe  supposé  de  la  concordance  entre  la  langue  et  le  fait  social  dans  la 
géographie  linguistique  et  sociologique  du  monde  arabe,  c'est-à-dire  d'examiner  si, 
parmi  les  habitants  d'une  ville  soumise  à  des  mœurs  qui  s'écartent  de  vieilles 
coutumes,  des  noms  de  métier  ne  désignent  point  des  personnes  qui,  chez  des  tribus 
campagnardes,  peu  transformées  depuis  quatorze  siècles,  portent  des  noms  ayant 
conservé  la  forme  du  nom  d'agent.  On  pourrait  ainsi  saisir  sur  le  vif  des  modifica- 
tions lioguistiques,  dont  les  conditions  sociales  pourraient  être  observées  avec  une 
précision  que  ne  permet  point  l'étude  des  textes. 


^  Voy.  sur  ce  mot,  notam.  Desparmet,  op.  cit.  p.  8. 

*  Nourrice  qui  était  en  arabe  classique  mour(jtfa,  nom  d'agent  de  la  quatrième  forme 
est  devenue  rcujUfä'a  déjà  dans  Ibn  Qounfoud  (15*  siècle),  in  J.  A.  1851,  1. 1,  p.  55.  d.  1. 
(trad.  Cherbonneau). 


REES,  1906 


Planohb  VIII 


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1.  «  Portuguese  Angoni  «,  i.  e.  from  beyond  the  Portuguese  border  which  runs  N-S.  along 
the  Kirk  Mountains.  —  Photo  taken  at  Mandata  by  Mr.  Jamieson. 


2.  «  Angoni  n  girl,  sifting  meal.  —  Photo  by  J.  Gray  Kunje  (Blantyre). 


REES,  1908 


Planche  IX 


3.  «  Angoni  »  ticld  workers  (boys  and  girls)  at  the  Lunzu, 
near  Blantyre.  —  Photo  by  Mr.  .lamieson. 


4.  «  Angoni  n  Held  workers.  —  Photo  by  Mr.  Jamieson  (Blantyre). 


1908.]  WERNER    :    SOME    NOTES    ON    THE    BUSHMAN    RACE.  [P.  145. 


SOME  NOTES  ON  THE  BUSHMAN  RACE 

by  Miss  A.  Webneb  (Londres). 


Comparatively  little  is  known,  even  now,  of  the  South  African  Bushmen, 
though  the  researches  of  Schinz,  Passarge  and  Stow,  not  to  mention  the  late 
W.  H.  J.  Bleek  and  Miss  Lucy  Lloyd  (much  of  whose  most  valuable  material  is  un- 
fortunately still  in  MS)  have  done  something  to  correct  the  misconceptions  current 
with  regard  to  that  remarkable  people.  Statements  unthinkingly  copied  by  one 
«  popular  V  writer  from  another  —  such  as  that  the  Bushmen  are  destitute  of  even 
the  rudiments  of  government  and  tribal  organisation,  that  family  ties  and  family 
affection  are  all  but  unknown  to  them,  that  they  may  be  taken  as  representing 
the  very  lowest  level  of  «  primeval  savagery  »,  that  their  language  scarcely  attains 
the  level  of  articulate  speech  are  now  shown  to  have  little  or  no  foundation. 

It  may  be  taken  as  certain  that  the  Bushmen  were  (if  we  leave  out  of  account 
the  doubtful  traditions  of  an  earlier  race  referred  to  by  the  late  Dr.  Stow')  the 
aborigines  of  South  Africa,  and  occupied  as  nomadic  hunters  the  whole  of  what  is 
now  the  Cape  Colony.  It  would  seem  that  Ihey  had  not,  at  the  time  of  Van 
Riebeek's  landiog,  been  entirely  displaced  by  the  later  Hotteotot  immigrants,  for 
we  find  that  the  latter  were  continually  at  war  with  the  ((  Sonqua  »  (Bushmen), 
and  it  is  probable  that  one  of  the  tribes  mentioned  in  the  early  records  (the 
Hessequa)  were  either  Bushmen,  or  a  mixed  race,  partly  Bushman  and  partly 
Hottentot*.  The  Bushmen  are  now,  as  a  separate  race,  virtually  extinct  in  this  part 
of  the  country.  They  are  still,  however,  to  be  found,  in  comparatively  large,  though 
diminishing  numbers,  in  the  Kalahari,  where  Dr.  Passarge  estimates  them  at, 
roughly  speaking,  about  3000.  For  the  outlying  districts,  in  the  absence  of  even 
the  imperfect  data  on  which  the  above  computation  is  based,  it  is  impossible  to 
arrive  at  even  an  approximate  number,  but  it  is  probable  that  the  total  may  be 
somewhere  between  5000  and  10000  souls.  The  latest  Transvaal  Government 
Report  on  Native  Affairs  states  that  there  are  some  Bushmen  in  the  Wolmarans- 
stad  and  Ermelo  districts,  besides  the  few  scattered  ones  still  to  be  found  in  the 
Orange  River  and  Cape  Colonies.  Among  other  erroneous  notions  with  regard  to 
the  Bushmen  is  that  which  assumed  them  to  have  no  tribal  differences,  but  to  be 
alike,  in  language  and  otherwise,  wherever  found.  The  remarkable  uniformity  of 
their  habits,  weapons,  implements,  &c,  arising  from  the  similar,  if  not  identical 
conditions  under  which  they  live,  gives  some  colour  to  this  idea;  and  their  language 
was  for  many  years  so  little  studied,  that  uniformity  in  this  respect  was  more  or 
less  taken  for  granted.  Dr.  Bleek  and  Miss  Lloyd,  it  is  true,  became  aware  of 
dialectic  differences  even  in  the  small  number  of  Bushmen  accessible  to  them,  but 
the  subject  has  been  very  little  followed  up,  and  as  late  as  1897  we  find  that  a  tra- 
veller who  discovered  the  existence  of  Bushmen  beyond  the  Okavango,  did  not  think 
it  worth  his  while  to  take  down  any  words  of  their  language. 


^  Races  of  South  Africa,  pp.  SO,  80. 
•  Id.  ib.,  pp.  244,  248. 


p.  146.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [^®^®* 

Dr.  Passarge  has  collected  yocabularies  of  no  less  than  six  Bushmen  dia- 
lects, some  of  which,  at  least,  are  certainly  entitled  to  rank  as  distinct  languages. 
In  all,  we  may  reckon  some  29  or  30  tribes  for  the  Kalahari  region,  not  counting 
the  Cape  Colony  Bushmen  (who  call  themselves  Khuai),  those  previously  moDtionep 
in  the  Transvaal,  and  one  or  more  extinct  tribes  in  Basutoland  and  elsewhere.  It  is 
possible  that  the  so-called  Vaalpens  of  the  Transvaal  are  also  a  Bushman  tribe,  as 
their  language,  according  to  the  latest  information,  contains  click-sounds  and  can 
be  understood  by  Bushmen  from  the  Cape  Colouy. 

Dr.  Passarge  considers  that  the  Kalahari  Bushmen  belong  to  two  stocks,  one 
speakiog  (with  dialectical  variations)  the  ^Aikwe,  the  other  the  '^Aukwe  language. 
These  languages  are  so  different  that  not  only  is  each  unintelligible  to  the  speakers 
of  the  other,  but  little  or  no  similarity  can  be  traced  in  their  word-roots.  There 
may  possibly  be  a  third  stock  further  south,  comprising  the  southern  '^Kung, 
Ma^gwikwe  and  Hei  ^Guin,  but  too  little  is  yet  known  about  these  tribes  to  speak 
with  any  certainty. 

Considering  the  relatively  large  area  occupied  by  the  Aikwe  and  Aukwe  lan- 
guages, the  variety  of  language  among  the  southern  Bushmen,  as  reported  by  Hahn 
seems  truly  remarkable.  Passarge^s  explanation  is  probably  the  right  one  :  —  I.  c.  iz. 
that,  lying  in  the  line  of  the  great  tribal  migrations,  fragments  of  dismembered 
and  displaced  peoples  were  crowded  together  at  the  extremity  of  the  continent. 
«  In  der  Kalahari  dagegen,  dem  Gebiete  der  relativen  Ruhe  und  Stagnation,  haben 
sich  die  grossen  Völker  erhalten^  n. 

But,  when  we  speak  of  the  Bushmen  as  virtually  extinct  we  must,  as  above, 
add  the  qualification,  «  as  a  separate  race  ».  They  have  left  their  mark  on  the 
population  of  South  Africa  both  by  way  of  friendly  intermarriage  and  forcible 
incorporation  of  captive  women  and  children  in  the  conquering  tribe. 

The  Tamaha,  or  Red  People  are  said*  to  be  a  mixture  of  Bechuana  and 
Bushmen  ;  the  «  Tambukis  »  of  Cape  Colony  are  a  blend  of  Bantu  and  Bushmen' 
and  individuals  or  families  showing  evidences  of  Bushman  descent  are  frequently 
met  with  among  Bantu  tribes.  The  family  of  Nondenisa,  in  the  Noodsberg  district 
of  Natal  (belonging  to  one  of  the  Zulu  tribes  settled  in  that  country)  followed  up  to 
a  comparatively  recent  time  the  Bushman  custom  of  amputating  the  last  joint  of 
the  little  finger  on  one  hand^.  This  was  formerly  done  by  the  Tambukis,  and 


^  P.  30. 

«  Stow,  p.  427. 

^  stow,  129,  160-70.  They  were  a  division  of  the  Abatembu  tribe  who  intermarried  with 
the  Bushmen  tribe  of  ^Tarabu'ki.  «  Isolated  fugitives  from  the  various  advancing  branches 
first  came  in  contact  with  the  aboriginal  Bushmen  occupying  the  country,  then  came  small 
detached  clans  far  in  advance  of  the  main  body,  too  few  in  number  to  appear  in  any  other 
guise  than  that  of  friends  and  suppliants.  During  this  phase  of  the  intercout*se  between 
the  various  races,...  friendly  relations  were  maintained,  and  a  half-casie  race  with  various 
gradations  of  intermixture  sprang  up  at  the  different  points  of  contact.  » 

*  Stow,  p.  129.  This  «  was  almost  universal  among  the  Bushman  tribes  ».  It  «  was 
performed  with  a  sharp  stone,  »  and  was  believed  to  ensure  their  happiness  after  death. 
Other  authorities  state  that  it  was  believed  to  increase  the  general  strength  of  the  body. 
Dr.  Passarge  does  not  mention  it  as  in  use  among  the  Kalahari  Bushmen.  —  I  may  add  that 
the  present  representative  of  the  Nondenisa  family  above  referred  to  says  that  his  father 
considered  the  mutilation  too  bai^barous,  and  discontinued  it,  substituting  three  parallel 
soars  on  the  cheek.  My  acquaintance  and  his  children,  the  elder  ones,  at  any  rate,  all  bore 
this  last  mark. 


1908.]  WERNER    :    SOME    NOTES   ON    THE    BUSHMAN    RACE.  [P.  147, 

seems  to  be  derived  from  the  Bushmen,  wherever  found.  It  is  practised  by  the  Hill 
Damara,  who,  if  not  partly  Bushman  by  descent,  have  at  least  adopted  some  Bush- 
man habits. 

These  mixed  races  have,  unlike  the  pure  Bushman,  who  has  never  been 
anything  but  a  hunter,  taken  to  agriculture  —  in  the  case  of  the  Hill  Damara  in  a 
very  elementary  form,  but  still  suflBcient  to  mark  an  advance. 

It  has  often  struck  me  that  there  must  be  a  considerable  proportion  of  Bushman 
blood  in  the  so-called  «  Ângoni  »  of  the  western  districts  of  Nyasaland.  The  real 
Angoni,  of  course,  are  the  Zulu  conquerors  who  came  from  the  south  during  the 
first  half  of  the  last  century  ;  but  the  name  is  also  applied  to  the  various  tribes  who 
became  incorporated  with  them  in  the  course  of  their  wanderings,  and  also  to  their 
Ânyanja  and  other  subjects.  Many  of  these  Anyaoja  west  of  the  Shire  River,  while 
speaking  the  same  language  as  the  the  Mang'anja  of  the  Shire  Highlands  and  the 
river  banks,  who  are  typical  Bantu,  differ  very  considerably  from  the  latter  in  phy- 
sical type.  They  are  small  and  wiry,  (whereas,  among  the  Mang^anja,men  of  six  feet 
are  not  uncommon),  but  are  dark  brown  instead  of  beiug  yellow  like  the  Bushmen. 
1  should  say  also,  though  on  this  point  I  would  not  like  to  speak  confidently  without 
further  observations,  that  in  some  individuals  the  hair  exhibits  a  tendency  to  the 
floconné  or  «  pepper-corn  »  growth  so  characteristic  of  Hottentots  and  Bushmen. 
As  in  most  cases,  the  depth  of  colouring  varies  to  some  extent  in  different  families, 
or  even  between  different  members  of  the  same  family  ;  and  I  remember  one  girl 
who  was  noticeably  light-complexioned,  but  without  any  tinge  of  yellow  ;  it  was 
rather  as  if  the  brown  had  been  bleached,  so  may  have  been  purely  accidental. 

These  «  Aogoni  »  are  often  found  working  on  plantations  at  Blantyre,  and 
very  good  specimens  are  frequently  to  be  met  with  in  the  gangs  of  carriers 
(«  tenga-tenga  men  t)  employed  in  the  transport  of  goods  and  passengers  between 
KatuDga's  and  Blantyre  or  Matope.  As  a  good  deal  of  intermarriage  with  Yaos  took 
place  some  twenty-thirty  years  ago,  in  consequence  of  the  Angoni  raids  into  the  Shire 
Highlands,  there  would  be  a  greater  variety  of  types  in  the  present  generation,  but 
in  1893-4  the  one  above  referred  to  was  still  very  marked.  A  curious  contrast  was 
afforded  by  a  few  men  of  what  has  been  called  the  Ndotic  type  —  tall  and  thin, wit  h 
immensely  long  legs,  and,  if  I  can  trust  my  recollection,  of  a  somewhat  lighter 
shade  of  brown  than  their  neighbours.  These  described  themselves  as  coming,  so 
far  as  one  could  make  out,  from  the  Matengo  country,  north  of  the  Uovuma,  where 
they  had  attached  themselves  to  a  band  of  the  Augoni  on  their  return  migration 
southward. 

These  »  Angoni  »  live  by  cultivating  the  soil,  and  during  the  dry  season  hire 
themselves  out  for  plantation  or  carrier  work  as  aforesaid.  Men  as  well  as  women 
work  in  breaking  up  the  ground  and  sowing  the  seed  ;  the  subsequent  weeding  is 
chiefly  done  by  the  women.  But  they  are  also,  to  a  certain  extent,  hunters.  A  man 
here  and  there  possesses  a  flint-lock  or  percussion-cap  gun,  and  bows'  (disused  by 
the  Yaos)  are  in  common  use,  with  iron  arrows  for  war  and  blunt  wooden  ones  for 
killing  birds.  They  set  pitfalls  and  traps  for  game,  and  also  hunt  with  dogs.  But 
they  are  also,  as  Passarge  says  of  the  Bushmen*,  «  collectors  »,  though  not  in  so 
systematic  a  fashion  as  if  this  were  their  only  resource.  All  sorts  of  plant,  known 


^  1  have  noticed  some  bows,  at  least,which  have  the  string  attached  at  one  end,  but  only 
wound  round  the  other,  for  convenience  in  tightening  up,  as  mentioned  by  Passargo,  p.  5di 
'  «  Der  Buschmann  ist  heutzutage  in  erster  Linie  Sammier»  nicht  mehr  Jäger.  »  P.  57* 


p.  148.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

to  them  as  good  to  eat  kukadza  njcHa^  —  «  in  the  time  of  hunger  ■  —  are 
sought  for  in  the  bush  and  on  the  open  plain,  during  that  interval  at  the  beginning 
of  the  rains  when  the  last  season^s  corn  is  finished,  and  the  new  is  not  yet  ready. 
Locusts  and  wild  figs,  both  despised  by  the  more  prosperous  dwellers  on  the  other 
side  of  the  Shire  (who  say  of  both  these  articles  of  diet  «  the  Angoni  eat  them  1  i 
in  a  tone  which  implies  «The  Angoni  would  eat  anything  1  »)  —  beetles,  caterpillars, 
white  ants,  wild  honey  —  all  is  fish  which  comes  to  their  net.  For  cultivation,  the 
iron  hoe  is  in  general  use,  but  the  digging-stick  of  the  Bushmen  (nchokoto)  seems 
to  be  known  by  tradition.  As  to  their  moral  character,  they  possess  the  good 
qualities  ascribed  to  the  Bushmen  by  those  who  have  had  the  means  of  knowing 
them  best,  with  the  additional  advantage  of  the  traioing  gained  through  generations 
of  agricultural  life.  They  are  kindly,  cheery,  faithful  and  hardworking  ;  very 
patient  under  difficulties  and  hardships,  not  of  great  muscular  strength  but 
with  marvellous  powers  of  endurance.  They  have  warm  family  afftc-  tions,  and 
the  modest  simplicity  of  their  women  is  very  pleasing. 

They  live  in  round  huts,  made  of  posts  interwoven  with  grass,  and  covered 
with  a  conical  thatched  roof.  This  type  of  hut  (as  distinguished  from  the  hemisphe- 
rical huts  of  the  Zulus,  Hereros  and  others,  and  the  rectangular  constructions  to  be 
found  in  some  parts  of  the  Congo  basin)  seems  to  prevail  throughout  East  Equato- 
rial Africa,  and  as  far  south  as  Delagoa  Bay.  I  am  not  aware  whether  the  exact 
limits  of  these  three  types  of  architecture  have  been  worked  out. 

The  domestic  animals  kept  by  the  «  Angoni  »  are  goats,  a  few  sheep  (ihe  native 
fat-tailed  kind),  fowls,  pigeons,  the  paria  dogs  which  pick  up  a  living  somehow 
about  the  kraal  and  the  hunting  dogs  previously  mentioned,  which  are  of  a  better 
breed  and  better  cared  for,  but  not  possessed  by  every  one.  The  fashion  of  shaving 
the  head  in  patterns,  leaving  tufts  and  ridges  of  short  hair,  rather  than  building  up 
the  hair  into  a  more  or  less  complicated  structure  is  practised  by  the  Bantu  all 
over  this  part  of  Africa.  Passarge^  speaks  of  it  as  common  among  the  Kalahari 
Bushmen.  A  fashion  which  I  was  accustomed  to  hear  spoken  of  as  specially  «  Angoni» 
was  that  known  as  Tcu  teka  mimu^  —  the  head  is  shaved  on  both  sides,  leaving  a 
crest  running  along  the  median  line  of  the  skull  down  to  the  nape  of  the  neck.  The 
hair  on  this  crest  is  allowed  to  grow,  and,  when  long  enough,  separated  into  tails 
which  are  tightly  bound  round  with  palm  fibre.  Passarge  says  (1.  c).  «  Man  sieht 
auch  Leute,  deren  Kopf  bis  auf  einen  Schopf  über  der  Stirn  oder  einem  Kamm  in 
der  Winkel linie  des  Scheitels  glatt  rasiert  ist  »  —  but  does  not  mention  any  further 
treatment. 

Two  or  three  interesting  points  are  to  be  noted  in  connection  with  ornaments. 
Bangles  cut  out  of  hide  are  frequently  worn  both  by  Bushmen  and  Angoni,  and  I 
also  obtained  some  specimens  of  the  plaited  grass  rings  which  Passarge  speaks  of 
(pp.  90-91).  He  says  that  he  at  first  took  them  for  brass  rings,  and  thinks  other 
observers  may  have  done  so  too,  as  «  in  der  ganzen  Literatur  finde  ich  keine 
Erwähnung  dieser  originellen  Schmuckgegenstände.  Leutnant  Gentz  ist  der  einzige 
der  sie  sah  und  auch  sammelte  ».  It  is  uncertain  whether  these  were  made  in  imita- 
ation  of  brass  wire  bangles,  or  if  the  latter,  which  are  very  popular  among  the  Bush- 
men as  well  as  other  natives,  have  tended  to  replace  them.  Passarge  who  thinks 
them  of  great  importance  from  an  ethnographical  point  of  view,  inclines  to  the  latter 
view  ;  the  former  may  perhaps  be  supported  by  the  Zulu  etymology  of  the  word 

»  P*3ô. 


1908.]  WERNER    :    SOME    NOTES   ON    THE   BUSHMAN    RACE.  [P.  149. 

umpekambedu  which,  according  to  Coleaso's  Dictionary  meaos  «  the  indigo  plant, 
80  called  because  children  dye  armlets  of  grass  with  indigo,  then  dry  them  in  the 
sun  (peJca)  and  so  imitate  izimhedu  (brass  rings)  with  them  »  All  depends  here  on 
whether  the  word  uhedu  (singular  of  izimhedu)  originally  meant  rings  of  brass,  or 
was  only  transferred  to  them  when  they  superseded  rings  of  some  oth  r  material. 
I  have  not  been  able  to  verify  the  «  indigo  »  plant  which,  from  the  context  would 
seem  to  be  used  for  a  yellow  dye  ;  the  rings  I  obtained  both  in  Nyasaland  and  Natal 
were  not  dyed  ;  and  this  agrees  with  Passarge's  description  :  «  Diese  Grasringe 
sind,  wenn  neu,  hellgelb  glänzend.  Namentlich  die  Gräser  des  Flussgebiets  liefern 
prachtvolle  Ringe,  die  besonders  von  den  Sklavenkindern  gefertigt  und  getragen 
werden  n.  He  describes  them  as  «  spiralig  geflochten  «.  Those  made  by  children  in 
Natal  were  spirally  twisted,  like  a  rope,  but  not  plaited,  but  those  made  by  the 
«  Angoni  »  children  at  Ntumbi  (Upper  Shire  District  of  Nyasaland)  were  very 
neatly  plaited  round  a  central  core,  probably  of  grass  stalks.  The  men  were  also 
very  neat-fingered  in  making  little  reed  combs  to  be  worn  in  the  hair,  of  the  same 
kind  which  are  seen  throughout  Nyasaland  ornamented  with  bead- work.  The  Angoni, 
however,  used  to  ornament  theirs  with  a  kind  of  mosaic  in  slips  of  black  and  white 
grass  stuck  on  with  gum. 

Glass  beads  of  European  origin  are  now  so  universal  throughout  Africa  that  we 
are  apt  to  forget  that  there  was  a  time  when  the  natives  were  without  them.  The 
Afigoni  now  know,  so  far  as  I  am  aware,  no  other  kind  ;  but  I  have  sometimes  won- 
dered whether  they  did  not  in  former  times  produce  home-made  beads  like  the 
letsa}  of  the  Bushmen.  The  only  trace  I  have  been  able  to  find  of  such  manufacture, 
if  it  ever  existed,  is  in  the  discs  attached  as  rattles  to  the  musical  instrument 
called  sansi^  which  are  chipped  out  of  the  shell  of  the  Achatina  snail,  and  their 
edges  ground  smooth  on  a  stone.  Stow's  description*  of  the  ostrich- egg-shell  beads 
made  by  the  Bushmen  recalled  to  my  mind  a  number  of  these  shell  discs  in  a  more 
or  less  unfinished  state,  which  I  once  found  at  Ntumbi,  and  which  are  now  in  the 
Ethnological  Museum  at  Cambridge. 

I  do  not  know  whether  to  class  among  small  arts  which  may  have  been  handed 
down  to  these  Angoni  by  their  possible  Bushman  ancestors  the  making  of  string  bags 
by  a  process  best  described  as  netting  without  a  knot  :  a  row  of  loops  is  first  made 
and  increased  by  passing  the  end  of  the  string  through  each  one,  going  round  and 
round  till  the  desired  size  is  reached.  I  never  saw  a  bag  so  made  by  an  adult,  nor 
a  specimen  of  more  than  a  few  inches  in  length  ;  the  art  seemed  to  be  chiefly  prac- 
tised as  a  pastime  by  children.  It  is  interesting  to  note  that  when  I  showed  one  of 
these  bags  to  the  Ituri  pygmies  who  were  recently  in  England,  they  recognised  it 
at  once,  and  said  that  they  made  the  same  kind  at  home. 

A  musical  instrument  known  as  mtangala,  of  which  a  specimen  is  now  in  the 
Cambridge  Museum  resembles  the  bushman  goraj  but  is  of  still  simpler  construc- 
tion. It  is  merely  a  straight  reed  about  two  feet  long,  with  a  string  attached  to  one 
end  and  wound  round  the  other,  so  that  it  can  be  tightened  or  loosened  at  pleasure. 
One  end  is  held  in  the  mouth  and  the  string  made  to  vibrate  with  the  finger  ;  there 
is  no  quill  as  in  the  gora.  I  have  since  heard  from  Miss  M.  E.  Woodward  that  the 
instrument  is  common  at  Likoma,  but  only  played  by  women.  My  specimen,  the 
only  one  I  ever  saw,  was  obtained  from  a  girl.  This  might  suggest  that  the  ancestors 
of  the  Angoni  were  a  Bantu  clan  who  had  taken  Bushwomen  as  wives. 


^  Passarge  pp.  84-86.  Moletsa  is  a  Sechwana  word  —  the  Bushmen  call  them  *  Khore. 
*  Pp.  «3, 52, 139. 


p.  150.]  •    R    •    E    •    E     •    S    •  [1908. 

Another  instrumeot,  if  it  can  be  so  called,  is  mentioned  by  Dr.  Passarge  :  the 
bull-roarer,  the  Nodiwu  of  the  Amaxosa.  Of  this  he  only  saw  one  specimen,  in  the 
possession  of  a  slave-child  among  the  Batauana,  who  was  clearly  of  Bushman 
origin.  It  was  known  to  the  Bushmen  who  accompanied  the  traveller,  and  is  also 
known  to  the  Ituri  Pygmies,  who  call  it  tora.  With  them,  as  with  the  Amaxosa,  it 
is  a  toy  for  children  ;  but  in  the  latter  case  there  are  traces  of  a  former  religious 
significance,  which  it  apparently  still  possesses  among  the  Yoruba.  The  distribu- 
tion and  use  of  this  instrument  in  Africa  has  still  to  be  studied. 

A  subject  which  would  repay  further  study  is  the  possible  connection  between 
the  Zinyau  dance  of  the  Anyanja,  and  the  Nadro  of  the  Bushmen.  An  excellent 
photograph  and  description  of  this  dance,  as  witnessed  at  Mikorongo,  are  given  by 
M.  Edouard  Foa  in  La  Traversée  de  V  Afrique^  pp.  40  et  seq.  The  animal  masks  are 
well  shown  in  the  illustration,  and  should  be  compared  with  Stow's  account  of  the 
Nadro  (pp.  45-46  —  pp.  97-98;  cf.  also  pp.  82-83  and  111  &c.)  Mr.  Sutherland 
Rattray  says  :  «  The  Chinyau .,.  is  undoubtedly  in  some  way  connected  with 
totemism...  this  custom  has,  no  doubt,  near  mission  stations  and  anywhere  where 
the  natives  have  become  partly  civilised,  lost  all  its  original  significance,  and 
become  just  a  dance  in  which  men  dress  up  as  animals  and  dance  ^  for  the  fun 
of  the  thing  v,  as  the  account  in  Dr.  Scott^s  Dictionary  shows,  and  which  any  half- 
civilised  native  will  tell  you  is  all  that  is  meant  by  it.  The  Zinyau  dance  is  con- 
stantly heard  all  over  the  Angoniland  plateau,  and  can  be  easily  distinguished  by 
the  particularly  weird  cadence  of  the  songs  which  are  sung.  The  following  is  all  the 
writer  has  been  able  to  discover  about  it  :  It  is  danced  in  connection  with  a  fune- 
ral, always  when  there  is  no  moon,  or  before  the  moon  rises.  In  connection  with  it 
there  is  a  mystic  society  and  only  members  of  this  society  can  be  present  at  the 
dance.  Any  one  not  a  member  was  instantly  killed  if  found  intruding.  New  mem- 
bers wishing  to  join  the  society  had  to  undergo  all  sorts  of  ordeals,  some  amounting 
to  torture,  some  revolting,  and  some  frequently  resulting  in  death,  and  all  this  to 
impress  on  the  novice  the  necessity  of  secrecy  with  regard  to  all  that  he  saw  and 
heard.  The  society  had  a  cryptic  language  and  a  pass-word  with  a  countersign.  r> 

At  the  dance  «...  different  men  (members  of  the  society)  dressed  up  as  animals 
and  danced  about  (women  were  allowed  to  be  present  as  they  are  supposed  to  be 
«  foolish  n  and  «  easily  deceived  »)  ..  The  idea  in  the  whole  affair  seems  to  be  to 
make  people  think  the  animals  are  real  animals,  and  that  one  is  the  dead  man 
risen  from  the  grave  and  reincarnated.  »  (pp.  178-179).  According  to  other  autho- 
rities, however,  this  dance  takes  place  at  the  initiation  of  young  people,  and  not  at 
funerals.  It  is  possible  that  practice  varies  locally  in  this  respect.  We  were  given 
to  understand  at  Ntumbi,  that  girls  were  not  «  danced  »,  i.  e.  that  no  initiation 
ceremonies  took  place  there.  Certain  dances  whieh  went  on  at  night,  and  may  have 
been  connected  with  funeral  celebrations,were  described  to  us  as  unyago  (=chinyau). 

These  few  notes  have  no  pretension  to  do  more  than  indicate  some  lines  on 
which  I  think  further  inquiriesi  might  be  puroned. 


*  The  works  referred  to  in  the  foregoing  are  : 

Stow  (G.-W.)  The  Native  Races  of  South  Africa.  London  (Sonnenschein)  1905. 
Passarge  (Prof.  Dr.  Siegfried).  Die  Buschmänner  der  Kalahari.  Berlin  (D.  Reimer)  1907. 
Rattray.  (R.  S.).  Some  Folk-lore,  Stories  and  Songs  in  Chinyairja.  London  (S.P.C.K.)  1907. 
Foa  (Edouard).  Bu  Zambêze  au  Congo  Français.  La  Traversée  de  V Afrique.  Paris 
(Plon-Nourrit  et  Cie.)  1900. 


I 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE   PEUPLE   SIÉNA    OU    SÉNOUFO.  [P,  151. 


LE  PEUPLE  SIÉNA  OU  SÉNOUFO 

par  Maubice  Delafossb  (Côte  d'Ivoire). 

(Suite). 


14.  —  L'ameublemeat. 

Les  meubles  propremeDt  dits  sont  rares  et  peu  compliqués. 

Chez  les  Siéua  noo  islamisés  et  n'ayaut  pas  subi  d^iofluence  étraugère,  le  lit 
est  souvent  absent  :  on  couche  sur  le  sol  même  de  la  case,  parfois  sur  une  natte 
assez  grossière  en  paille  d'herbe  ou  en  lamelles  de  nervures  de  raphia  ;  cependant 
on  rencontre  aussi  (fractions  centrale  et  du  nord- est)  un  lit  fait  d'une  seule  pièce 
do  bois,  très  étroit,  ressemblant  à  un  banc  très  bas,  pourvu  de  quatre  pieds  massifs, 
avec  Tune  des  extrémités  relevée  comme  un  avant  de  bateau  et  servant  dWeiller. 
On  trouve  aussi  de  petits  billots  do  bois  sur  lesquels  ceux  qui  couchent  par  terre 
appuient,  non  pas  la  nuque  —  car  les  Noirs  ne  dorment  pas  sur  le  dos  en  général  — 
mais  le  côté  de  la  mâchoire.  Dans  les  fractions  sud  et  sud-est,  les  nattes,  plus 
fines,  sont  en  feuilles  de  raphia  et  on  les  recouvre  souvent  d'une  sorte  de  couver- 
ture faite  de  Técorce  d'un  ficus  frappée  et  étendue  à  coups  de  maillet  ;  dans  les 
mêmes  fractions,  comme  partout  où  Tinfluence  mandingue  a  pénétré,  on  trouve 
parfois  de  véritables  lits,  bas  mais  assez  larges,  en  nervures  de  raphia,  avec  l'endroit 
de  la  tète  surélevé  :  on  les  recouvre  de  tissus  épais  en  coton,  de  fabrication  indi- 
gène, et  parfois  de  couvertures  de  fabrication  européenne.  Chez  les  Nafâna,  comme 
chez  les  Abron  leurs  voisins,  on  dispose  en  général  plusieurs  pagnes  sur  la  natte 
avant  de  s'y  étendre. 

Les  sièges  sont  très  rares  là  où  les  influences  mandingue  ou  agni-assanti  ne  se 
sont  pas  fait  sentir  et  consistent  le  plus  souvent  en  une  pièce  de  bois  cylindrique, 
sorte  de  billot  à  surface  légèrement  concave,  reposant  sur  trois  ou  sur  quatre  pieds 
grossiers.  La  plupart  du  temps  les  Siéna  s'asseoient  par  terre,  ou  sur  leurs  talons, 
ou  sur  un  rondin  de  bois  ou  une  pierre,  ou  encore  sur  le  manche  d'une  houe  posée 
de  façon  à  ce  que  l'angle  de  l'emmanchure  s'ouvre  vers  le  sol  ;  les  femmes  au 
marché  s'asseoient  sur  leurs  corbeilles  renversées.  —  Chez  les  Nafâna,  on  trouve 
les  tabourets  rectangulaires  des  Abron,  à  siège  incurvé  et  à  pied  central  ouvragé  ; 
on  y  voit  aussi,  sur  beaucoup  de  places  publiques,  trois  minces  troncs  d'arbre 
reposant  sur  des  fourches  verticales  et  étages  de  façon  à  ce  qu'on  puisse  appuyer 
les  pieds  sur  le  bois  inférieur,  le  derrière  sur  celui  du  milieu  et  le  dos  sur  celui  du 
haut  ;  cette  sorte  de  banc  orne  également  les  places  de  plusieurs  villages  Siéna  des 
autres  fractions,  mais  il  est  beaucoup  moins  répandu  que  chez  les  AgniAssanti.  — 
Chez  les  Guimini  et  les  Takponin,  on  trouve  le  tabouret  rectangulaire  sans  pied,  à 
intérieur  évidé  ou  non  et  à  poignée  sur  le  côté,  en  usage  au  Baoulé,  ainsi  que  des 
chaises  en  nervures  de  raphia  à  dossier  très  incliné  et  des  tabourets  carrés  également 
en  raphia  mais  avec  siège  en  paille.  —  Enfin,  partout  où  a  pénétré  soit  l'influence 
mandingue  soit  l'influence  agni-assanti,  on  rencontre  l'universelle  petite  chaise 
basse  au  siège  fait  d'une  planche  polie  reposant  sur  quatre  pieds  très  courts  et 
pourvue  d'un  dossier  formé  d'un  morceau  de  bois  incurvé  que  soHtiennent  deux 


p.  152.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

montants  prolongeant  en  haut  les  pieds  de  derrière.  Les  chefs  en  déplacement  se 
font  toujours  escorter  d'uo  jeune  garçon  —  souvent  l'un  de  leurs  fils  —  portant  une 
chaise  de  ce  modèle  ou  encore  une  chaise  pliante  en  bois  et  fer  ou  une  chaise 
cannée  de  fabrication  européenne. 

On  aperçoit  parfois  chez  les  gens  riches  des  hamacs  en  ficelle  de  raphia,  tressés 
comme  des  filets,  que  Ton  suspend  sous  un  arbre  ou  sous  Tauvent  de  la  case  et 
dans  lesquels  on  fait  la  sieste  ;  mais  ce  luxe  est  excessivement  rare  chez  les  Siéna 
non  mandicisés. 

Comme  meubles  correspondant  aux  coffres  absents,  on  doit  citer  les  grandes  et 
petites  calebasses  sphériques  pourvues  d'un  col  en  bois,  en  écorce  ou  en  cuir,  sur 
lequel  s'adapte  un  couvercle,  ainsi  que  les  urnes  et  divers  récipients  en  poterie  qui 
garnissent  le  bas  dos  murs  de  chaque  case  à  l'intérieur,  reposant  souvent  sur  des 
socles  en  terre  construits  a4  hoc^  et  qui  vont  parfois  se  superposant  les  uns  aux 
autres  jusqu'à  la  toiture.  Il  faut  y  ajouter  les  sacs  en  vannerie  et  en  cuir  pendus 
aux  poutrelles  du  toit. 

Certains  récipients  sont  spéciaux  aux  voyageurs  :  ce  sont  des  gourdes  et 
calebasses  de  formes  et  contenances  diverses,  qu'on  se  suspend  à  l'épaule  au  moyen 
d'une  ficelle  de  chanvre  ou  de  raphia,  et  qui  renferment  de  la  farine  de  mil  destinée 
à  être  mélangée  à  l'eau  de  boisson  pour  la  rendre  nutritive,  des  cauries  pour  les 
menus  achats,  etc.  ;  c'est  encore  la  peau  de  bouc  ou  d'antilope  en  forme  d'outre 
que  l'on  porte  en  sautoir  ou  pendue  à  l'épaule  et  qui  sert  de  valise  au  voyageur 
quelque  peu  fortuné  ;  c'est  enfin  la  petite  sacoche  en  cuir  ouvragé  de  fabrication 
étrangère  (Mandingues  du  Nord,  Haoussa,  etc.)  où  Ton  enferme  les  objets  précieux 
(monnaie  française,  talismans,  papiers  délivrés  par  l'administration,  etc.).  Chez  les 
gens  portant  le  costume  musulman,  la  vaste  poche  située  sur  le  devant  de  la  robe 
(dalmatique  ou  gandoura),  et  qui  va  de  la  poitrine  aux  genoux,  tient  facilement 
lieu  de  valise  ;  le  fond  rabattu  du  bonnet  malinké  ou  dioula  sert  également  de 
réceptacle  à  la  tabatière,  à  divers  papiers,  à  des  médicaments,  au  bâtonnet  à 
nettoyer  les  dents  quand  il  n'est  pas  passé  sur  l'oreille,  etc. 

Le  foyer j  qu'il  soit  situé  dans  la  case  ou  au  dehors,  se  compose  de  trois  pierres 
entre  lesquelles  sont  passés  les  morceaux  de  bois  à  brûler,  disposés  comme  les 
rayons  d'une  roue,  et  sur  lesquelles  repose  la  marmite,  toujours  à  fond  sphérique 
ou  ovoïde.  Chez  les  Siéna  les  moins  primitifs,  les  pierres  sont  souvent  remplacées 
par  les  mottes  d'argile  durcie  en  forme  de  cône  ou  de  moitié  d'œuf  qu'on  trouve 
universellement  employées  chez  les  Agni-Assanti  et  fréquemment  chez  les  Man- 
dingues. 

Dans  un  certain  nombre  de  localités  —  notamment  dans  le  nord  de  la  fraction 
sud,  dans  la  fraction  nord-est  et  dans  le  nord-est  de  la  fraction  centrale  —  on  voit, 
accolé  au  mur  extérieur  de  la  case,  sous  l'auvent  que  forme  le  bord  du  toit,  ou, 
plus  rarement,  à  l'intérieur,  une  sorte  d'établi  en  argile  durcie  à  la  surface  duquel 
est  encastrée  une  dalle  de  granite  préalablement  polie  par  les  pluies  ;  une  autre 
pierre  de  granite,  également  polie,  et  de  forme  vaguement  cylindrique  ou  cubique, 
tenue  des  deux  mains  par  les  femmes,  leur  sort  à  réduire  en  farine  les  grains  posés 
sur  la  dalle  de  l'établi.  Cette  sorte  de  meule,  qui  remplace  avantageusement  le 
mortier  à  pilon,  n'est  qu'exceptionnelle  chez  les  Siéna,  tandis  qu'elle  est  générale 
chez  les  populations  de  la  haute  Volta  (Lobi,  Dagâri,  etc.). 


1908«]  DELAFOSSE    :    LE   PEUPLE   SIÉNA    OU   SÉNOUFO.  [P.  ±53. 

16.  —  Les  ustensiles  de  ménage  et  de  cuisine 

D'abord  les  poteries  :  elles  sont  en  général  de  forme  sphérique  ou  sphéroïdale, 
brunes  et  assez  grossières  dans  les  fractions  du  nord  et  du  centre  ;  yentrues^  noires 
et  plus  fines  dans  les  fractions  du  nord-est,  du  sud  et  du  sud-est.  La  coloration 
brune  est  obtenue  par  la  cuisson,  la  coloration  noire  au  moyen  du  suc  de  certains 
fruits.  Les  poteries  des  Siéna  sont  généralement  fort  sobres  d'ornements  :  souvent 
elles  n'en  ont  aucun,  souvent  on  se  contente  d'un  ou  de  deux  légers  filets  en  creux 
entourant  le  col  du  vase,  parfois  le  bord  des  plats  et  des  assiettes  est  comme  gaufré, 
ou  orné  de  dessins  géométriques  en  creux  (triangles,  losanges,  points  et  traits)  ;  ce 
n'est  que  très  rarement  qu'on  observe  des  figures  en  relief,  et  elles  sont  alors  fort 
grossières. 

Certaines  poteries  ne  sont  pas  destinées  à  aller  au  feu  et  servent,  soit  à  con- 
server l'eau  ou  les  grains  dans  les  cases  (immenses  jarres  sans  col  contenant  de  10 
jusqu'à  50  litres  et  plus),  soit  à  puiser  l'eau  dans  les  rivières  et  les  fontaines 
(jarres  plus  petites,  à  col  assez  allongé  et  évasé  par  en  haut,  ou  sphériques  avec 
ouverture  assez  étroite  et  sans  col),  soit  à  tenir  lieu  de  plats  et  d'assiettes  (écuelles 
aplaties,  compotiers  à  pied  qui,  debout,  servent  de  plat,  et,  renversés,  servent  de 
couvercles).  D'autres  poteries,  mieux  cuites,  sont  faites  en  vue  d'aller  au  feu  :  ce 
sont  les  immenses  marmites  où  se  prépare  la  bière  de  grains,  et  les  marmites 
spbéroïdales  ä  col  court  et  évasé  ou  sans  col,  de  dimensions  plus  modestes,  qui 
servent  à  cuire  les  aliments  ;  il  n'existe  pas  de  couvercles  proprement  dits,  mais 
on  fait  usage  souvent,  pour  en  tenir  lieu,  d'une  seconde  marmite  renversée  sur  la 
première,  ou  d'un  plateau  en  vannerie  qui  sert  habituellement  de  van  ou  de  séchoir. 

On  trouve  aussi  des  plats  en  hois  noirci,  en  forme  d'écuelles  ou  d'assiettes 
creuses  sans  bords,  et  des  plateaux  de  bois  circulaires  servant  à  la  préparation  du 
cousscouss,  et,  incidemment,  à  supporter  les  charges  des  femmes  en  voyage,  mais 
ces  plateaux  ne  se  rencontrent  guère  chez  les  Siéna  non  mandicisés. 

Les  calebasses  desséchées  puis  vidées  jouent  un  rôle  considérable  dans  la  vie 
domestique  des  Siéna,  moins  cependant  que  dans  celle  des  Mandingues.  On  trouve 
la  grande  calebasse  sectionnée  en  demi  sphère  qui  sert  à  laver  le  linge  et  les 
aliments,  et  dans  laquelle  on  dépose  les  galettes  de  pâte  de  mil  ou  de  maïs  ou  le 
riz  après  cuisson  ;  elle  est  utilisée  aussi  comme  malle  par  les  femmes  en  déplace- 
ment, au  moyen  d'un  filet  qui  embrasse  et  la  calebasse  et  ce  qu'elle  contient  et  se 
noue  au  sommet  de  l'édifice.  On  trouve  encore  des  calebasses  de  même  forme,  mais 
plus  petites,  servant  d'écuelles,  de  verres  à  boire,  de  cuiller  à  puiser  Teau  dans  les 
fontaines  ou  les  grandes  jarres,  etc.  ;  des  calebasses-gourdes  servant,  les  grosses  de 
bouteilles,  les  petites  de  poires  à  poudre  ;  de  minuscules  calebasses  sphériques 
servant  de  tabatières  ;  des  calebasses  rondes  munies  de  couvercle  précédemment 
décrites  au  chapitre  de  l'ameublement  ;  d'autres  calebasses  également  munies  de 
couvercle,  mais  plus  petites,  servant  à  enfermer  du  tabac,  de  la  graisse,  etc.  ; 
enfin  des  petites  calebasses  à  col  très  allongé  qui,  sectionnées  en  deux  suivant  la 
longueur,  font  office  de  cuiller  à  pot  ou  de  vase  à  boire^ 

Un  instrument  de  cuisine  fort  répandu  est  un  agitateur  en  bois  servant  à 
remuer  la  bouillie  de  mil  ou  de  maïs  en  ebullition  :  c'est  un  bâtonnet  de  40  à  50 


^  La  petite  gourde  à  mince  col  allongé  et  souvent  recourbé  qui  sert  chez  les  Agni- 
Âssanti  aux  injections  rectales  ne  se  rencontre  que  chez  les  Siéna  des  fractions  sud  et  sud- 
est  en  contact  intime  avec  des  Baoulé,  des  Nguié  (Mango-Foué)  ou  des  Abron. 


p.  154.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

centimètres  de  loog,  terminé  par  une  sorte  de  palette  en  forme  de  pelle  (fig.  44). 
On  voit  aussi  un  agitateur  formé  d'une  tige  do  plante  arborescente  ou  d'arbuste  au 
sommet  de  laquelle  on  a  conservé,  sur  Tespace  de  trois  à  quatre  centimètres,  les 
branchettes  latérales  ;  cet  agitateur,  qui  ressemble  eu  [ilus  grand  à  celui  doat  usent 
les  Anglais  des  tropiques  pour  préparer  le  cocktail,  sert  parfois  à  la  cuisine,  mais 
est  surtout  employé  pour  remuer  la  bière  de  mil  et  pour  agiter  la  teinture  d'indigo. 

Les  couteaux  sont,  soit  des  couteaux  droits  de  fabrication  indigène  en  forme 
de  poignard  effilé  à  double  tranchant  et  à  manche  court,  soit  des  matchetes  ou  des 
couteaux  droits  de  fabrication  européenne. 

Les  balais  sont  faits,  les  uns  de  minces  branches  d'un  arbuste  spécial  (analogues 
à  nos  balais  de  genêt),  les  autres  de  paille  d'herbe  fine  réunie  en  un  long  et  mince 
cylindre. 

En  vannerie  on  a  :  des  vans  ellipsoïdaux,  servant  aussi  à  faire  sécher  au  soleil 
des  champignons,  légumes  et  condiments  ;  des  sacs  ;  des  corbeilles  de  formes  diver- 
ses, dont  la  plus  originale  se  compose  d'un  fond  plat  carré  ou  rectangulaire  pourvu 
de  quatre  anses  circulaires  formant  les  quatre  faces  de  la  corbeille  :  on  entasse  les 
objets  sur  le  fond  et  l'on  maintient  l'échafaudage  en  attachant  les  anses  l'une  à 
l'autre  au  moyen  d'une  ficelle  ;  c'est  cette  corbeille  dans  laquelle  les  fimm(s  trans- 
portent au  marché  les  céréales,  légumes,  etc.  ou  les  rapportent  des  plantations  ; 
au  marché,  elles  vident  leur  corWille,  en  étalent  le  contenu  à  terre,  la  renversent 
sur  ses  anses  et  s'assoient  sur  l'envers  du  fond  comme  sur  un  siège. 

Il  me  faut  aussi  mentionner  les  corbeilles  de  forme  hémisphérique,  générale- 
ment enduites  de  bouse  de  vache,  qui  servent  à  transporter  les  céréales  et  graines 
qu'on  ne  saurait  entasser  dans  la  corbeille  à  anses  (mil  en  gerbes  ou  en  grains,  riz, 
haricots,  etc.).  On  en  use  aussi  pour  abriter  les  poules  pourvues  déjeunes  poussins 
contre  les  entreprises  des  milans. 

Les  cages  à  poules ,  qui  servent  à  transporter  la  volaille  le  matin  dans  les  champs 
et  à  l'en  rapporter  le  soir,  ou  à  la  transporter  aux  marchés,  sont  en  général  des 
sortes  de  corbeilles  hémisphériques  ou  à  peu  près  coniques,  faites  d'arceaux  de  bois 
disposés  verticalement  et  maintenus  entre  eux  à  l'aide  de  ficelles  formant  des  lignes 
horizontales  ;  la  base  est  en  vannerie  ou  en  filet  grossier  ;  près  de  la  base  est  ména- 
gée une  ouverture  étroite  que  ferme  un  petit  arceau  de  bois  supportant  un  treillage 
de  ficelle.  Ces  cages  à  poule  sont  portées  sur  la  tète,  ou,  plus  souvent,  à  deux  à  la 
fois,  suspendues  par  le  sommet  aux  deux  extrémités  d'un  bâton  que  l'on  porte  sur 
l'épaule. 

Le  décorticage  du  riz,  l'écrasement  des  ignames  bouillies  et  la  mise  en  farine 
des  grains  de  mil,  maïs,  haricots,  etc.,  se  font  dans  le  mortier  de  bois  universel 
dans  l'Afrique  nègre,  au  moyen  de  longs  pilons  à  deux  têtes  ;  les  feames  pilent 
seules  ou  à  deux,  parfois  à  trois,  alternant  alors  les  coups  de  pilon  sur  un  rythme 
fort  régulier  ;  on  mouille  de  temps  en  temps  l'extrémité  du  pilon  en  la  trempant 
dans  l'eau  (dans  le  cas  d'écrasement  d'aliments  cuits),  pour  empêcher  la  pâte  de 
s'accumuler  et  de  gêner  ainsi  l'opération.  Les  mortiers  des  Siéna  sont  lourds  et 
grossiers.  Parfois,  on  use,  pour  la  préparation  de  la  farine,  de  la  meule  sur  établi. 
(Voir  au  chapitre  U). 

Les  graines  oléagineuses,  les  feuilles  et  écorces  ou  racines  servant  de  médica- 
ments, les  feuilles  de  tabac,  etc.,  s'écrasent  sur  une  grosse  pierre  de  granite  bien 
polie,  plate  ou  légèrement  concave,  posée  à  terre,  à  l'aide  d'une  petite  pierre  ronde 
de  quartz  ou  de  granite  ou  encore  d'un  rouleau  de  bois  dur,  que  l'on  tient  des  deux 
mains,  accroupi  ou  agenouillé  par  terre. 


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REES,  1908 


PliANCHE  X 


OUTILS   eiUSTENdlLLS 


Flo.  44..  O^UoUeur  en  ioLrjooiôr  Ice  ccusùve- 


Fur  A- 6.-  OroJtde  Hotce 


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1908.]  DELAFOSSE    :    LE    PEUPLE   SIÉNA    OU    SÉNOUFO.  [P.  155. 

En  général,  les  Siéoa  n'ont  d'autre  moyen  de  s'éclairer  la  nuit  que  d'aviver, 
en  soufflant  dessus,  le  feu  qui  couve  sans  cesse  dans  les  cases,  au  moins  dans  celles 
des  femmes,  ou  d'y  allumer  des  torches  primitives  faites  de  brins  de  paille  réunis 
en  forme  de  balai  cylindrique,  brins  de  paille  qui  sont  souvent  empruntés  à  la  toi* 
ture  de  la  case.  Cependant,  surtout  dans  les  pays  d'influence  mandingue,  on  fait 
souvent  usage  de  lampes  de  fer  fabriquées  par  les  forgerons  Siéna  ou  Mandingues  : 
ces  lampes  consistent  en  une  sorte  d'écuelle  accolée  par  le  bord  à  Textrémité  supé- 
rieure d'une  tige  de  fer  dont  le  bout  inférieur  est  pointu  et  se  fiche  dans  le  sol 
(fig.  45)  ;  Técuelle  est  remplie  de  beurre  de  karité  ou  de  iama  dans  lequel  trempe 
une  grossière  mèche  de  coton  ;  l'un  des  bouts  de  cette  mèche  est  amené  sur  le  bord 
de  l'écuelle  et,  enflammé,  répand  une  lueur  assez  vive  mais  fuligineuse  et  fort  mal 
odorante. 

Les  Siéna,  comme  tous  leurs  voisins  d'ailleurs,  ne  connaissent  ou  tout  au  moins 
n'emploient  aucun  moyen  artificiel  d'allumer  le  feu.  Ils  disent  qu'à  l'origine  le  feu 
a  été  donné  à  leurs  premiers  ancêtres  par  un  incendie  produit  par  la  foudre  ;  depuis, 
dans  chaque  famille,  on  a  soigneusement  conservé  le  feu  en  l'entretenant  nuit  et 
jour  à  l'aide  d'essences  de  bois  qui  font  peu  de  flamme  et  peu  de  fumée,  se  con- 
sument lentement,  mais  s'éteignent  fort  difficilement  ;  lorsqu'on  se  déplace  pour 
quelque  durée  et  qu'on  sait  ne  pas  trouver  de  feu  là  où  l'on  doit  séjourner  ou  cam- 
per —  par  exemple,  quand  on  va  aux  plantations  et  qu'on  doit  y  cuire  le  repas  ou 
y  coucher,  ou  bien  quand  une  longue  étape  sans  village  force  le  voyageur  à  coucher 
sur  le  bord  de  la  route  —  on  emporte  quelques-uns  de  ces  tisons  avec  soi  ;  les  Siéna 
les  tiennent  à  la  main,  le  bout  embrasé  tourné  vers  le  sol,  et  les  agitent  de  temps  à 
autre  pour  entretenir  la  combustion  ;  lorsqu'il  fait  froid,  ils  les  tiennent  presque 
appuyés  contre  leur  poitrine  entre  leurs  bras  croisés  ;  souvent  les  chefs  qui  se  sont 
adonnés  à  Tusage  de  la  pipe  se  font  suivre  d'un  jeune  garçon  porteur  d'un  tison.  Si, 
dans  une  famille,  on  a  laissé  éteindre  le  feu,  on  va  en  chercher  dans  la  famille  voi- 
sine ;  il  arrive  parfois  que,  dans  un  petit  hameau,  les  feux,  laissés  au  dehors  en 
raison  de  la  température  trop  chaude,  ont  tous  été  éteints  par  la  pluie  durant  la 
nuit  :  un  homme  est  alors  délégué  pour  se  rendre  au  village  le  plus  proche  et  en 
rapporter  du  feu. 

Bien  que  moins  répandues  que  chez  les  peuplades  côtières,  les  armes  à  feu  sont 
assez  connues  des  Siéna,  sous  la  forme  de  fusils  à  pierre,  pour  qu'ils  sachent  qu'on 
peut  obtenir  du  feu  en  frappant  un  caillou  de  silex  ou  de  quartz  contre  un  morceau 
de  fer  et,  si  le  silex  n'existe  pas  chez  eux  autrement  que  sous  la  forme  des  pierres 
à  fusil  d'importation  européenne,  le  quartz  est  assez  commun  ;  mais  ce  procédé 
nécessite,  pour  produire  une  flamme  utilisable,  soit  une  matière  très  sèche  et  facile- 
ment inflammable  comme  de  l'amadou,  soit  de  la  poudre,  deux  choses  qu'on  ne 
trouve  pas  partout  et  dont  beaucoup  d'indigènes  sont  démunis  ;  aussi,  exception 
faite  des  chasseurs  qui  utilisent  parfois  leur  fusil  et  leur  poudre  pour  allumer  du 
feu  dans  la  brousse,  le  seul  procédé  usité  chez  les  Siéna  est  la  conservation  du  feu. 
Je  ne  cite  que  pour  mémoire  quelques  gens  riches  qui  font  usage  des  allumettes 
européennes  dites  suédoises,  assez  répandues  parmi  les  Mandingues  aisés. 

16.  —  Les  outils  et  ustensiles  divers. 

1**  Outils  et  ustensiles  de  culture.  —  Bien  que  les  Siéna  soient  avant  tout  et  par 
dessus  tout  des  cultivateurs,  leurs  outils  de  culture  ne  sont  ni  plus  variés  ni  plus 
perfectionnés  que  ceux  des  peuples  a  voisinants.  Le  labourage  se  fait  avec  la  grande 


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houe  pour  les  terres  neuves  et  avec  la  petite  houe  ou  houe  commune  pour  les  terres 
déjà  ameublies.  La  grande  houe  (fig.  46)  se  compose  d^uno  pelle  ou  plaque  de  fer 
mince,  très  large,  de  la  forme  d*un  rectangle  arrondi  à  la  partie  inférieure  et  légè- 
rement convexe,  mesurant  environ  35  centimètres  de  long  sur  25  de  large,  emman- 
chée dans  une  sorte  de  trident  aplati  en  bois,  dont  deux  dents  recouvrent  la  partie 
convexe  do  la  lame  et  dont  la  dent  médiane  recouvre  la  partie  concave  ;  ce  trident 
continue  en  quelque  sorte  la  lame  et  lui  donne  une  dimension  plus  grande  encore  ; 
il  se  termine  par  un  coude  aigu  auquel  fait  suite  le  manche  proprement  dit,  lequel 
est  très  incliné  sur  le  plan  de  la  lame  et  n^est  pas  sensiblement  plus  long  que  cette 
dernière  ;  lo  trident,  le  coude  et  le  manche  ne  forment  qu^un  seul  morceau,  taillé 
dans  un  bloc  de  bois  dur.  Cette  houe,  exclusivement  de  fabrication  indigène,  se 
manie  à  deux  mains,  entre  les  jambes  écartées  du  laboureur,  et  son  maniement 
demande  un  certain  entraînement.  Ses  dimensions  permettent  d^enlever  d'un  seul 
coup  une  quantité  de  terre  considérable  et  d'arriver  très  rapidement  à  la  confection 
de  ces  buttes  énormes  qui  remplacent  en  général  les  levées  de  terre  bordant  nos 
sillons  et  sur  lesquelles  les  Siéna  plantent  ou  sèment  leurs  céréales.  Cet  outil  est 
répandu  chez  tous  les  Siéna,  bien  que  dans  la  fraction  Sud-Est  il  soit  plus  rare  que 
la  petite  houe. 

Cette  dernière,  commune  à  tous  les  Noirs  de  TAfrique  Occidentale,  se  compose 
d'une  lame  presque  plate,  en  forme  de  demi-ellipse,  mesurant  de  15  à  20  centimè- 
tres seulement  de  long  sur  10  à  12  de  large,  et  terminée  à  sa  partie  supérieure  par 
une  pointe  qui  vient  s'enfoncer  dans  le  trou  d'un  manche  droit,  faisant  avec  la  lame 
un  angle  moins  aigu  que  celui  que  fait  le  manche  de  la  grande  houe  (fig.  47).  Le 
manche  est  toujours  de  fabrication  indigène,  mais  la  lame  est  parfois,  au  moins 
depuis  quelques  années,  d'importation  européenne.  Cette  houe  se  manie  comme 
celle  précédemment  décrite,  mais  souvent  on  n'emploie  qu'une  seule  main.  Elle 
sert  surtout  pour  planter  des  tubercules  ou  pour  biner  une  terre  précédemment 
labourée. 

A  ces  deux  ustensiles,  il  faut  ajouter  :  une  sorte  de  maillet  en  bois,  en  forme 
de  crosse  grossière,  qui  sert  à  casser  les  mottes  de  terre  ;  une  hache  à  lame  très 
étroite,  rappelant  assez  un  gros  ciseau  à  froid  placé  sur  le  côté,  emmanchée  comme 
la  petite  houe,  mais  dans  un  manche  plus  long  s'ouvrant  presque  à  angle  droit  et 
fortement  renflé  à  l'extrémité  où  vient  s'adapter  la  lame  :  cette  hache  sert  à  abattre 
les  arbres,  à  enlever  les  souches,  et  aussi  à  fendre  le  bois  à  brûler  ;  une  serpette 
toute  petite  en  forme  de  croissant  peu  incurvé,  à  manche  très  court,  qui  sert  à  cou- 
per l'herbe  ou  les  plants  de  mil  repiqués  et  à  faucher  le  riz  ;  enfin  un  plantoir  en 
bois,  que  l'on  emploie  pour  semer  certaines  graines  et  surtout  pour  repiquer  le  riz 
et  le  mil. 

2°  Outils  et  ustensiles  de  construction,  —  Plusieurs  outils  ou  ustensiles  servant 
à  la  construction  des  habitations  ont  été  déjà  décrits  au  paragraphe  précédent  on 
au  chapitre  traitant  de  l'habitation  ;  tels  sont  :  la  houe  (grande  et  petite)  avec 
laquelle  on  ramasse  l'argile  et  prépare  le  mortier  ;  la  hache  dont  on  se  sert  pour 
couper  les  piliers,  fourches  et  divers  bois  de  charpente  ;  les  grandes  poteries  dans 
lesquelles  on  apporte  l'eau  pour  délayer  l'argile. 

Il  faut  y  ajouter  le  matchete  ou  coupe-coupe,  outil  universel  et  par  la  quantité 
des  Noirs  qui  s'en  servent  et  par  ses  usages  multiples  :  c'est  en  somme  notre  sabre 
d'abattis,  c'est-à-dire  une  lame  large  de  4  à  6  centimètres,  longue  de  30  à  40,  légè- 
rement relevée  à  la  pointe,  et  pourvue  d'un  manche  très  court  ;  les  indigènes  en 
fabriquent,  mais  je  crois  que  le  plus  grand  nombre,  au  moins  actuellement,  est 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE   PEUPLE   SIEN  A    OU   SÉNOUFO.  [P.  157. 

importé  d^Eorope.  Ce  coupe-coupe,  habilement  manié,  sert  à  couper  de  petits 
arbres,  à  les  écorcer,  à  préparer  les  bois  de  charpente,  à  pratiquer  des  mortaises, 
etc. 

Pour  certaines  charpentes  plus  soignées,  pour  Téquarrissage  des  cadres  de 
porte  et  Taplanissement  des  portes  elles-mêmes,  on  se  sert  de  petites  herminettes 
de  fabrication  indigène,  qui  ressemblent  à  de  petites  houes  de  largeur  très  réduite 
ou  à  des  haches  dont  la  lame  aurait  subi  une  conversion  de  90  degrés.  Souvent 
d'ailleurs  le  même  outil  sert  tantôt  de  hache  et  tantôt  d'herminette  suivant  la  façon 
dont  on  dispose  la  lame. 

A  ces  quelques  outils,  il  convient  d'ajouter  encore  une  pique  en  fer,  de  fabri- 
cation indigène,  qui  sert  à  forer  les  trous  où  Ton  enfoncera  les  piliers,  mais  qu'on 
remplace  souvent  par  un  simple  coupe-coupe,  et  enfin  des  sortes  de  battoirs^  faits 
d'un  morceau  de  bois  aplati  en  dessous  et  pourvu  d'un  manche  très  court,  battoirs 
qui  servent  à  tasser  et  durcir  le  sol  des  cases  de  la  même  façon  qu'on  en  usait 
chez  nous  pour  le  sol  des  routes  avec  les  «  dames  »  ou  «  demoiselles  »  avant 
l'invention  des  rouleaux  (fig.  48). 

Ce  sont  les  pieds  qui  servent  à  pétrir  l'argile  et  les  mains  (|ui  servent  à  façonner 
les  briquettes,  placer  le  mortier  et  crépir  les  murs.  Pourtant  on  se  sert  aussi  de 
petits  balais  de  paille  pour  étendre  la  terre  blanche  ou  l'enduit  de  bouse  de  vache. 

3^  Outils  et  ustensiles  servant  à  divers  usages.  —  Le  couteau,  soit  le  couteau 
droit  d'importation  européenne,  soit  le  couteau  légèrement  recourbé  de  fabrication 
indigène,  sert  chez  les  Siéna  comme  partout  à  de  nombreux  usages,  y  compris 
les  travaux  de  vannerie,  sculpture  sur  bois,  cordonnerie,  etc.  L'herminetto,  déjà 
décrite,  sert  à  la  construction  des  pirogues  et  aux  gros  travaux  de  sculpture  sur  bois, 
les  détails  et  le  finissage  étant  faits  au  couteau. 

Je  dois  mentionner  le  maillet  à  encoches  qui  sert  à  la  préparation  des  couver- 
tures en  écorce  de  ficus  :  c'est  un  cylindre  de  bois  dans  lequel  on  a  pratiqué  de 
multiples  entailles  et  qui  est  prolongé  par  un  manche  court  ;  on  en  frappe  Técorce 
d'un  ficus  spécial  jusqu'à  ce  qu'elle  devienne  une  sorte  de  pâte  fibreuse,  et  on 
arrive  ainsi  à  souder  les  unes  aux  autres  des  plaques  d'écorce  et  à  confectionner 
des  couvertures  très  vastes  qui  ont  presque  l'apparence  et  la  malléabilité  d'un  tissu 
grossier.  Je  dois  dire  d'ailleurs  que  cette  industrie  ne  semble  pas  indigène  chez 
les  Siéna  et  ne  se  rencontre  que  dans  les  fractions  fortemeut  imprégnées  d'élé- 
ments Mandingues  ou  Agni-Assanti. 

Lies  ustensiles  des  amateurs  de  tabac  sont  :  la  pipe  en  bois,  très  peu  répandue, 
sauf  chez  les  indigènes  aisés  qui  alors  se  servent  de  pipes  européennes,  et  sauf 
aussi  dans  l'extrême  nord  est,  où  a  pénétré  la  pipe  à  très  long  tuyau  des  peuples 
de  la  haute  Volta  ;  (M.  Binger  la  sigoale  chez  les  Dorhossiè)  ;  —  la  fabaiière^ 
beaucoup  plus  fréquente,  qui  se  compose  le  plus  souvent  d'une  petite  calebasse  de 
la  forme  et  de  la  grosseur  d'une  mandarine,  fermée  par  un  bouchon  de  bois  que 
l'on  enlève  au  moyen  d'un  petit  cordon  de  cuir  ;  dans  les  fractions  sud  et  sud-est, 
on  se  sert  aussi,  à  l'imitation  des  Baoulé  et  des  Abron,  d'une  coquille  de  très 
gros  escargot  ;  —  enfin  la  trousse  du  priseur^  décrite  précédemment,  et  dont  la 
pièce  la  plus  curieuse  est  le  petit  pinceau  qui  sert  à  approcher  des  narines  le  tabac 
que  Ton  aspire  ensuite. 

Les  outils  et  ustensiles  spéciaux  aux  métiers  proprement  dits  —  c'est-àdira 
ceux  des  tisserands,  teinturiers,  potiers,  forgerons,  bijoutiers,  cordonniers  —  seront 
décrits  an  chapitre  traitant  des  industries. 


p.  158.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

17.  —  Les  armM  et  les  engins  de  cluuBtse  et  de  poche« 

Il  oe  semble  pas  que  les  Siéna  aient  jamais  eu  de  grandes  dispositions  pour 
les  expéditions  guerrières  ;  aussi  leur  armement  a  toujours  été  rudimentaire,  et 
plutôt  compris  pour  la  défense  que  pour  Tattaque.  Ils  n'ont  connu  qu'assez  tard 
les  armes  à  feu,  dont  Tusage  s'est  surtout  répandu  lors  des  expéditions  de  Kiéba, 
de  Uabemba  et  de  Samori. 

Actuellement  le  fusil  se  rencontre  à  peu  près  partout,  mais  est  surtout  com- 
mun dans  les  fractions  Sud  et  Sud-Est  :  c'e&t  le  fusil  à  pierre  d'importation 
européenne,  qu'il  me  paraît  inutile  de  décrire  ici  ;  je  dois  noter  cependant  que 
souvent  la  crosse  et  le  lût  primitifs,  ayant  été  brisés  ou  biûlés,  ont  été  remplacés 
par  des  artisans  indigènes  ;  parfois  même  on  rencontre  des  chiens,  des  vis  et  d'autres 
pièces  fabriquées  par  des  forgerons  du  pays.  Généralement  les  indigènes  protègent 
le  fût  en  l'encastrant  dans  un  revêtement  d'écorce  et  ils  recouvrent  la  batterie 
d'une  gaine  de  cuir  qui  garantit  le  bassinet  en  cas  de  pluie. 

On  ne  rencontre  que  rarement  chez  les  Siéna  la  ceinture-cartouchière  des 
Agni-Assanti^  qui  n'a  guère  pénétré  que  dans  les  fractions  Sud  et  Sud-Est,  et  qui 
renferme  toute  une  série  de  petits  étuis  de  bois  contenant  chacun  une  charge  de 
poudre.  En  général ,4es  Siéna  usent  d'une  poire  à  poudre  faite  soit  d'une  gourde, 
soit  d'une  corne  de  bélier.  —  Comme  projectiles,  ils  emploient  des  morceaux  de 
plomb  ou  de  fer,  ou  encore  de  petits  cailloux  très  durs  à  arêtes  vives.  —  La  poudre 
est  soit  d'importation  européenne,  soit  —  surtout  dans  la  fraction  centrale  — 
de  fabrication  indigène. 

L'arc  se  rencontre  partout,  sauf  dans  la  fraction  Sud-Est,  où  les  Nafâna 
semblent  l'avoir  complètement  abandonné.  Ailleurs  il  est  employé  concurremment 
avec  le  fusil,  et  même  plus  que  ce  dernier  dans  les  fractions  Centrale  et  du  Nord-Est. 
(M.  Binger  l'a  rencontré  chez  les  Mbouin,  taudis  qu  au  contraire  il  signale  l'usage 
du  fusil  chez  les  Dorhossiè).  L'arc  des  Siéua  est  de  taille  moyenne,  fait  de  bois 
très  dur,  et  pourvu  en  guise  de  corde  d'une  lamelle  de  rotin.  Les  flèches  sont  faites 
d'une  tige  d'herbe-roseau  dans  l'une  des  extrémités  de  laquelle  a  été  enfoncée  une 
courte  tige  de  fer  terminée  par  une  pointe  plus  ou  moins  barbelée  ;  la  pointe  est 
maintenue  adhérente  au  roseau  à  l'aide  d'une  ligature  en  tibre  de  raphia  généra- 
lement recouverte  d'un  enduit  de  caoutchouc  ;  on  obtient  cet  enduit  en  cassant  une 
branchette  fraîche  de  liane  à  caoutchouc  et  en  enroulant  autour  de  la  ligature  le 
fil  ténu  de  latex  qui  se  forme  à  la  cassure.  On  empoisonne  généralement  la  pointe 
des  flèches  qui  servent  à  la  guerre  en  la  trempant  dans  une  mixture  dont  la  compo- 
sition ne  m'est  pas  connue,  mais  dont  l'un  des  éléments  actifs  serait,  m'a-t-on 
assuré,  le  suc  d'un  Strophantus.  —  Les  flèches  sont  renfermées  dans  un  carquois 
cylindrique  en  cuir,  court  et  étroit,  qui  se  porte  sous  l'aisselle  gauche,  suspendu  à 
Tépaule.  —  L'équipement  de  Tarcher  se  complète  d'un  bracelet  de  cuir  épais  porté 
au  poignet  gauche  et  destiné  à  amortir  le  choc  en  retour  de  la  corde  de  l'arc. 

Tout  guerrier  et  tout  chasseur,  qu'il  soit  armé  du  fusil  ou  de  l'arc,  porte  tou- 
jours en  outre  un  coupe-coupe  passé  dans  la  ceinture,  enfermé  ou  non  dans  une 
gaine  de  cuir.  En  cas  d'attaque  corps  à  corps,  une  fois  le  fusil  déchargé  ou  la  flèche 
lancée,  ce  coupe-coupe  devient  une  arme  véritable.  —  Dans  la  même  catégorie 
d'armes,  il  me  faut  mentionner  Vépée  droite  à  poignée  en  croix,  que  portent  souvent 
les  notables  et  les  riches,  plutôt  d'ailleurs  comme  ornement  de  parade  que  commo 
arme,  et  qui  a  été  introduite  chez  les  Siéna  par  les  Mandingues.  —  Plus  originales 
sont  les  haches  de  guerre^  répandues  surtout  dans  les  fractions  Nord,  Centrale  et 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE    PEUPLE   SIÉNA   OU    SÉNOUFO.  [P.  ±59. 

Nord-Est,  et  qui  se  composent  d^une  lame  coudée  à  un  ou  deux  angles,  emman- 
chée dans  une  sorte  de  courte  massue  souvent  hérissée  de  pointes  de  fer,  en  sorte 
que  le  côté  du  manche  est  à  peu  près  aussi  dangereux  que  le  côté  de  la  lame 
(fig.  49  et  50)  ;  ces  haches  se  portent  sur  l'épaule  ;  leur  forme  spéciale  et  la  précau- 
tion que  l'on  a  prise  de  ne  rendre  tranchante  que  l'extrémité  de  la  lame  leur  per- 
mettent de  se  maintenir  d'elles-mêmes  sur  l'épaule. 

Enfin  il  existe  des  armes  entièrement  en  bois  :  d'abord  la  massue,  ou  casse-tête, 
en  forme  de  crosse  épaisse  à  manche  assez  court,  qui  se  porte  à  Tépaule  comme  la 
hache  de  guerre  et  sert  comme  elle  à  frapper  l'ennemi  à  la  tête  (fig.  51  et  52)  ;  cette 
massue  est  répandue  chez  tous  les  Siéna,  quoique  moins  fréquente  chez  ceux  du 
Sud  et  surtout  du  Sud-Est.  —  Ensuite  le  sabre  de  bois^  qui  m'a  paru  être  spécial  à 
la  fraction  Nord- Est  et  surtout  à  la  soustribu  des  Pala  :  c'est  une  lame  de  bois 
aplatie  et  plus  ou  moins  recourbée,  dont  la  tranche  convexe  a  été  amincie  jusqu'à 
devenir  aussi  tranchante  qu'une  lame  d'acier  :  entre  les  maius  des  jeunes  Pala, 
cette  lame  de  bois  est  une  arme  dangereuse,  aussi  bien  pour  l'ennemi  que  pour  le 
gibier  qui  se  laisse  approcher.  On  se  sert  de  cette  arme  comme  d'un  sabre  ordi- 
naire ;  on  ne  la  lance  pas  comme  un  boomerang.  Elle  est  faite  d'un  bois  très  dur, 
légèrement  jaunâtre,  proveoant  d'un  arbre  dont  j'ignore  le  nom  (fig.  53  et  54), 

A  la  chasse,  outre  les  diverses  armes  que  je  viens  de  décrire,  les  Siéna 
emploient  encore  :  de  grands  filets  à  mailles  énormes  dans  lesquels  ils  réussissent 
à  capturer  des  antilopes  de  moyenne  taille  ;  des  collets  en  rotin  ou  en  ficelle,  très 
analogues  à  ceux  de  nos  braconniers  ;  des  trappes  faites  d'une  motte  d'argile  que 
supporte  un  léger  bâtonnet  reposant  sur  un  support,  système  dont  le  poids  de  l'ani- 
mal s'introduisant  dans  la  fosse  de  la  trappe  détermine  le  déclanchement. 

Je  dois  signaler  encore  des  pièges  à  hyène  que  j'ai  observés  à  l'entrée  de 
plusieurs  villages  de  la  fraction  centrale  et  de  la  fraction  nord  :  ils  se  composent 
d'une  sorte  de  couloir  construit  à  l'aide  do  pierres  plates  plantées  debout  sur  les 
deux  côtés  et  l'une  des  faces  ;  l'autre  face  demeure  ouverte  pour  permettre  à  l'hyène 
de  s'introduire  dans  le  couloir,  où  l'attire  une  proie  disposée  contre  la  paroi  du 
fond  ;  une  énorme  pierre  plate  est  placée  au-dessus  du  couloir,  reposant  sur  quatre 
bâtons  que  l'animal  doit  fatalement  bousculer  en  entrant  dans  le  couloir,  ce  qui 
fait  tomber  sur  son  dos  la  pierre  en  question.  L'hyène  n'est  pas  tuée  par  la  chute 
de  cette  pierre,  mais  elle  est  parfois  assommée  et  se  trouve  en  tout  cas  emprisonnée  : 
ses  hurlements  de  douleur  attirent  les  habitants  du  village,  qui  l'achèvent  à  coups 
de  matchete  ou  à  coups  de  fusil.  Le  piège  a  juste  au  total  les  dimensions  néces* 
saires  pour  donner  accès  à  une  hyèoe  de  grande  taille,  soit  1  m.  50  environ  de 
haut  sur  2  m.  de  long.  L'apparence  générale  est  celle  d'un  petit  dolmen  ou  plutôt 
d'une  petite  allée  couverte,  mais  la  destination  ne  fait  pas  de  doute. 

Les  Siéna,  habitant  udo  région  qui  n'est  guère  arrosée  que  par  des  cours  d'ean 
temporaires  ou  par  la  partie  supérieure  de  fleuves  d'ailleurs  très  bas  en  saison  sèche, 
s'adonnent  peu  à  la  pêche.  Cependant  les  riverains  des  cours  d'eau  les  plus  impor- 
tants capturent  du  poisson  au  moyen  de  nasses  et  engins  divers  faits  généralement 
de  raphia  ou  de  rotin,  ou  de  filets  qui  se  placent  en  général  sur  des  ouvertures 
aménagées  dans  des  barrages  de  raphia.  Ils  disposent  aussi  dans  le  lit  des  rivières 
des  palissades  formant  labyrinthe,  à  l'intérieur  desquelles  les  gros  poissons  se 
trouvent  prisonniers,  et  ils  harponnent  alors  ces  poissons  à  l'aide  de  longues  piques 
de  bois. 


p.  160.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 


NOTE   SUR   LE   CALENDRIER  MALGACHE   ET   LE 

FANDRUANA 

par  Gabbiel  Fbbbakd  (Stuttgart). 

(SuHe). 


II. 
Calekdbieb  des  Malgaches  du  Nobd-Oüest  et  des  Comobiens. 

Au  XIX*  siècle,  Taimée  musulmane  de  354  jours  et  le  cycle  de  sept  ans  sont  en 
usage  sur  la  côte  Nord-Ouest  de  Madagascar  et  aux  îles  Gomores.  «  Les  Comorois,  dit 
Vincent  Noel,  divisent  le  temps  par  période  de  sept  années  lunaires.  La  première 
année  de  chaque  période  est  celle  du  vendredi,  jour  saint  des  musulmans  ;  la 
seconde,  celle  du  samedi,  et  ainsi  de  suite  jusqu^à  celle  du  jeudi,  qui  est  la 
septième.  L'année  1836  était  celle  du  mercredi^  s.  La  date  d'un  traité  conclu  en 
1619  entre  des  Jésuites  portugais  et  le  roi  de  Majunga,  et  Touvrage  de  Guillain  sur 
la  côte  occidentale  de  Madagascar  confirment  l'indication  de  Noel  en  ce  qui  concerne 
les  Malgaches  du  Nord-Ouest.  La  concordance  des  années  malgache  et  musulmane 
rend  facile  la  vérification  des  dates  en  question''^.  Elles  ont  trait  dans  l'ouvrage  de 
Guillain,  à  la  période  comprise  entre  septembre  1821  et  mai  1839.  Les  Gomoriens 
et  Malgaches  du  Nord-Ouest  se  servent  d'un  calendrier  à  noms  de  mois  bantous  et 
arabes.  L'année  commence  et  finit  en  même  temps  que  l'année  musulmane,  mais 
âawwâl  et  les  mois  suivants  ont  perdu  leur  nom  arabe  qui  a  été  remplacé  par  un 

nom  bantou  signifiant  :  1*'  mois,  2*  mois,  3*  mois,  etc.  c'est-à-dire  1%  2%  3*  mois 

après  Ramadan. 

Au  XVIP  siècle,  des  Jésuites  portugais  furent  autorisés  par  le  roi  du  pays  à 
résider  pendant  un  an  à  Majunga.  L'acte  officiel  qui  mentionne  l'autorisation  accor- 
dée aux  missionnaires,  a  été  publié  en  traduction  française  par  MM.  A.  et  6. 
Grandidiei^.  Il  est  ainsi  daté  :  «  ces  conventions  (entre  les  Jésuites  et  le  roi  mal- 
gache) ont  été  établies  au  mois  fungàlo^  le  sixième  jour  de  la  lune,  de  l'an  Juma 
atano  molongo  antini  peti  nerufi^  c'est-à-dire  le  4  novembre  1619  ».  Le  sens  des 
quatre  derniers  mots  en  italique  m'est  inconnu  :  il  est  possible  que  les  traducteurs 
aient  mal  lu  l'original.  Le  commencement  est  au  contraire  très  clair  et  facile  à 
rectifier.  Il  faut  lire  :  funguo  wa  (bi)li  (2*  mois  après  Ramadan,  c'est-à-dire  Dzû'l- 
t:a'da),  le  sixième  jour  (de  la  troisième  décade)  de  la  lune  de  l'année  dyuma  tanu 
(année  du  mercredi).  La  date  grégorienne  correspond  au  11*  mois  de  l'année  1028 
de  rhégire,  dzûl-ka'da,  qui  commence  le  10  octobre  1619.  Le  6*  jour  de  la  troisième 
décade  =  26  dzû'l-ka'da  =  4  novembre  1619,  ainsi  que  l'indique  le  document  pré- 
cité. J'ai  supposé  qu'en  1619  les  Malgaches  du  Nord-Ouest  comptaient  par  années 


1  Recherches  sur  les  Sahkalava  (sic)  in  Bull.  Soc.  Geog.  de  Paris,  n*»  115,  juillet  1843, 
p.  50  note  1. 

*  Toutes  les  dates  musulmanes  sont  empruntées  aux  tables  de  concordance  de  Wüstenfeld. 

8  Collection  des  ouvrages  anciens  concernant  Madagascar^  t.  II,  Paris,  1904,  in-  8®, 
p.  325,  note  %  in  fine. 


1908.]     FERRAND  :  LE  CALENDRIER  MALGACHE  ET  LE  FANDRUANA.     [P.  161« 

de  351  jours,  c^est-à-dire  par  années  musulmanes.  Cette  conjecture  s'est  pleinement 
vérifiée. 

En  partant  de  la  date  précédente  :  26  dzuU-ka'da  1028  H^  =  4  novembre  1619, 
Tannée  1028  de  rfaégire  est  une  année  du  mercredi.  Elle  commence  le  19  décembre 
1618  et  se  termine  le  7  décembre  1619.  1029  H  =  8  décembre  1619  à  25  novembre 
1620,  est  donc  Tannée  du  jeudi.  L^année  du  vendredi,  1030  de  Thégire,  commence 
le  26  novembre  1620.  Â  partir  de  cette  date,  les  années  du  vendredi  correspondent 
aux  années  musulmanes  et  grégoriennes  ci-dessous  : 

Amiics  du  Vendredi. 

1030  H  =  26  novembre  1620  —  15  novembre  1621. 

1037  H  =  12  septembre  1627  —  30  août  1628. 

1044  H  =  25  juin  1634  —  16  juin  1635. 

1051  H  =  12  avril  1641  —  31  mars  1642. 

1058  II  =  27  janvier  1G48  —  14  janvier  1649. 

1065  II  =  11  novembre  1654  —  30  octobre  1655. 

1072  II  ==  27  août  1661  -  15  août  1662. 

1079  H  =  11  juin  1668  —  31  mai  1601). 

1086  H  =  28  mars  1675  —  15  mars  1676. 

1093  H  =  10  janvier  1682  —  30  décembre  1682. 

1100  Ü  =  26  octobre  1688  —  14  octobre  1^89. 

1107  U  =  12  août  1695  —  30  juillet  1696. 

1114  II  =  28  mai  1702  —  17  mai  1703 

1121  H  =  13  mars  1709  —  1  mars  1710. 

1128  H  --=  27  décembre  1715  —  15  décembre  1716. 

1135  H  =  12  octobre  1722  —  30  septembre  1723. 

1142  H  —  27  juillet  1729  —  10  juillet  1730. 

1149  U  =  12  mai  1736  -  30  avril  1737. 

115Ü  H  =  25  février  1743  —  14  février  1744. 

1163  H  =  11  décembre  1749  —  29  novembre  1750. 

1170  n  =  26  septembre  1756  -  H  septembre  1757. 

1177  II  =  12  juillet  1763  —  30  juin  1764. 

1184  H  =  27  avril  1770  -  15  avril  1771. 

1191  II  =    9  février  1777  -  29  janvier  1778. 

1198  II  =  26  novembre  1783  —  13  novembre  1784. 

1205  II  =  10  septembre  1790  —  30  août  1791. 

1212  H  =  26  juin  1797  —  14  juin  1798. 

1219  H  =  12  avril  1804  —  31  mars  1805. 

1226  H  =  26  janvier  1811  —  15  janvier  1812. 

1233  H  =  11  novembre  1817  —  30  octobre  1818. 

Année  du  Samedi. 

1234  H  =  31  octobre  1818. 

Année  dn  Dimanche. 

1235  H  =  20  octobre  1819. 

Année  da  I^nndi. 

1236  H  =  9  octobre  1820. 

1  H  =  hégire. 


p.  162.1  R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Année  du  Mardi  ^  1 9S7  II. 

Cjmmcucc  le  28  septembre  1821. 

p.  67  :  FongouamoiiHsi  {fungv>o  wa  munsi^  1°*^  mois)  =  Sawwâl  =  21  juio  au 
19  juillet  1822^ 

Finit  le  17  septembre  1822. 

Année  du  Mercredi  -=^  I  «3S  II. 

Commeucc  le  18  sepitmbre  1822. 

p.  70  :  Fongomisita  (fnnguo  wa  sita,  C  mois)  =  Ribî'  1«'  =  IG  novombro- 
lôdéceiiibic  1ÖJ2 

Finit  le  6  septembre  lb23. 

Année  da  Jeudi  --  1 1B99  II. 

CommeLCC  le  7  septembre  1823. 

p.  78  :  11*"  jour  de  Fongouamounsl  (fungiw  wa  munsi^  1"  mois)  =  17  Sawwâl 
=  15  juiu  1824.  Guillain  dit  inexactement  :  2  juillet  1824^. 
Finit  le  25  août  1824. 

Année  da  Vendredi  ^  I  *^  iO  II. 

Commence  le  2G  août  1824. 

p.  94  :  Fongouàkendra  (fonguo  wa  kendra^  9**  mois)  =  Djumâdâ  II  =  21  jan- 
\ier  ~  18  février  1825. 
Finit  le  15  août  1825. 

Année  da  «amedi  =  I  ^  1 1  II. 

Commence  le  16  août  1825. 

p.  107  :  9  liamazan  =  9  Ramadan  =  17  avril  1826.  Guillain  dit  inexactement  : 
15  avril. 

Finit  le  4  août  1826. 

Année  da  Dimanche  ==  I  9419  H. 

1242  11  =  5  août  1820-24  juillet  1827. 

Année  da  Landl  ^  I  «43  II. 

1243  H  =  25  juillet  1827-13  juillet  1828. 

Année  da  Mardi  =  I  944  H. 

Commence  le  14  juillet  1828. 

P.  115  :  Djumâdâ  II  =  9  décembre  18286  janvier  1829. 

P.  115-116  :  ir  jour  de  la  lune  Hamal  du  calendrier  swahili  ^  avril  1829 
d'après  Guillain.  Le  mois  musulman  correspondant  est  Sawwâl^  =  6  avril-4  mai 
1829. 

Finit  le  2  juillet  1829. 

Année  da  AlercredI  =  1945  II. 

1245  H  =  31  juillet  1829-21  juin  1830. 


^  Cette  date  et  les  suivantes  ont  été  relevées  dans  l'ouvrage  de  Guillain,  Documents  sur 
r  histoire,  la  géographie  et  i<?  commerce  de  la  partie  occidentale  de  Madagascar^  Paris, 
1845,  in-  8«. 

2  Les  tables  de  concordance  de  W'üsteiifeid  n'ont  été  publiées  qu'en  1853,  postérieurement 
au  travail  de  Guillain.  Les  erreurs  que  j'ai  relevées  sont  donc  facilement  explicables. 

^  Il  est  intéressant  de  con-tator  quo  le  cil«  uilrlor  swahili  comme  celui  des  Morina 
(vide  infra)  contient  la  môme  équivalence  :  IJamal  ==  Merina  :  Alahamadi^  le  Bélier  du 
Zodiaque  =  Sawwâl. 


1908.]     FERRAND   :  LE  CALENDRIER  MALGACHE  ET  LE  FANDRUANA.     [P.  163. 

Année  da  Jeudi  --  1  9  16  II. 

1246  H  ==22  juin  1830-11  juin  1831. 

Année  da  WendredI  =  I  !$  17  II 

CommeDce  le  12  juin  1831. 

P.  118  ;  le  30  août,  fin  du  mois  de  Fonjouasita  (fonguo  wa  sita,  6**  mois). 
Lire  :  21  fonguo  tva  sita  =  21  Rabî'  Y^  =  30  août  1831. 

P.  119  :  Mercredi  de  Fongouasaha  (fonguo  wa  saba^  V  mois)  ==  6  Rabî'  II  == 
14  septembre  (et  noa  13  septembre)  1831. 

P.  121  :  mois  de  èebani  -^  Sa'bân  =  5  jaQvier-2  février  1832. 

Fiait  le  30  mai  1832. 

Année  da  Siamedl  ==  I  ^1 S  H. 

Commence  le  31  mai  1832. 

P.  121  :  mardi,  17°  jour  de  Fongouatano  (fonguo  tva  tano,  5®  mois)  =  17  Çafar 
=  16  juillet  (et  non  15  juillet)  1832.      • 
Finit  le  20  mai  1833. 

Année  da  Dimanche  ==  1  !t  19  II. 

1249  H  =  21  mai  1833-9  mai  1834. 

Année  da  iiondi  =  I  ^50  II. 

1250  H  =  10  mai  1834-28  avril  1835. 

Année  da  Mardi  =  I  «  5 1  II. 

Commence  le  29  avril  1835. 

P.  128  :  1"  Radjab  =  23  octobre  (et  non  10  octobre;  1835. 

P.  130  :  8  Eamazan  =  8  Ramiulân  =  28  (et  non  27)  décembre  1835. 

P.  130  :  26  Fongouapiïi  (fonguo  tea  pili,  2*  nioisj  =  26  Dzû'l-ka'da  =  14  (et 
non  13)  mars  1836. 

P.  131  :  17  Fongouatano  (fonguo  tra  tano^  5  mois.  Lire  :  3®  mois  ;  le  5®  mois 
correspondrait  à  ^^far  1252  H  =  année  du  mercredi)  =  17  Dzû'l-hidjdja  =  4  (et 
non  5)  avril  1836. 

Finit  le  17  avril  1836. 

Année  da  Mercredi  =^  I  959  II. 

1252  H  =  18  avril  1836  6  avril  1837. 

Année  da  JeadI  =  I  953  II. 

Commence  le  7  avril  1837. 

P.  132.  Guillain  dit  :  Dans  le  couraut  du  mois  de  Fongouani  {fonguo  wa  ne, 
4*  mois)  de  Tannée  Djumatauo,  avril  1837.  Lire  :  fonguo  wa  ne  de  Tannée  dyuma 
sua  =  Moharram  =  7  avril-6  mai  1887.  Dyuma  tano  est  Tannée  du  mercredi 
qui  fie  it  le  6  avril  1837. 

P.  135,  Guillain  dit  :  16®  jour  de  la  lune  Znlhadja  de  Tanuéo  Arba  (du  mercredi), 
1254  de  Thégire,  11  mars  1838.  Lire  :  16  D/û'l-hidjdja  de  Tannée  Kamisi  (du  Jeudi) 
1253  H  =  13  mars  1836.  L'(  rreur  est  évidente  car  1254  de  Thégire  ne  commence 
que  le  27  mars. 

Finit  le  26  macs  1838. 

Année  da  WendredI  =  I  95  i  II. 

Commence  le  27  mars  1838. 

P.  135  :  V'  Djumâdâ  V'  =  23  (et  non  24)  juillet.  Guillain  dit  :  de  Tannée 


p.  164.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Tsélaiséf  cW-à-dire  du  mardi.  G^est  sans  aucun  doute  année  du  vendredi  qu'il 
faut  lire. 

P.  136  :  27  Sawwâl.  D'après  Guillain  :  4  novembre  1838.  Au  lieu  de  27  Sawwâl, 
lire  :  16  Sa  bâo  =  4  novembre. 

P.  186  :  20  Ramazan  =  20  Ramadan  =  7  (et  non  6)  décembre  1838.  Cette 
date  qui  vient  quelques  lignes  après  la  précédente,  confirme  la  rectification  ci-dessus. 

P.  137  :  20  Dzû'l-hidjdja  =  6  mars  1839. 

Finit  le  16  mars  1839. 


Aimée  du  iiaiiiedi  ^  I  «55  II. 

Commence  le  17  mars  1839. 

P.  138  :  vers  le  milieu  du  mois  de  Forigouatano  (fonguo  tva  iano)  de  Tannée 
Djuma  (munsi,  du  samedi),  dans  les  premiers  jours  do  mai  1839.  Funguo  na  tano, 
lo  Ö«  mois  =  Çafar  =  16  avril-14  mai  1839. 

Finit  le  4  mars  1810. 

Année  da  Dlmanehe. 

1256  H  =  5  mars  1840  22  février  1841. 

Année  da  liandl. 

1157  H  «=  23  février  1841-11  février  1842. 

Année  da  Mardi. 

1258  11  =  12  février  1812-31  janvier  1843. 

Année  da  Mereredl 
1269  11  =  1*^^  février  1843-21  janvier  1844. 

Année  da  Jeadi. 

1260  H  =  22  jaiiVier  1844-9  janvier  1845. 

Années  da  WendredI« 

1261  11  =  10  janvier  1845-29  décembre  1845. 
1268  H  =  27  octobre  1851  14  octobre  1852. 
1275  H  ==  Il  août  1858-30 juillet  1859. 
1282  II  =  27  mai  1865-15  mai  1866. 

1289  H  =  Il  mars  1872  28  février  1873. 
1296  II  =  26  décembre  1878-14  décembre  1879. 
1303  H  =  10  octobre  1835-29  septembre  1886. 
1310  H  =  26  juillet  1892-14  juillet  1893. 
1317  H  =  12  mai  1899-30  avril  1900. 
1324  H  =  26  février  1906-13  février  1907. 

La  concordance  de  toutes  les  dates  relevées  dans  le  document  portugais  et  les 
ouvrages  de  Noel  et  de  Guillain  nous  attestent  qu^au  début  du  XVIP  siècle,  les  Mal- 
gaches du  Nord-Ouest  avaient  adopté  déjà  le  calendrier  musulman  à  noms  de  mois 
bantous  et  arabes,  alors  que  les  indigènes  du  Sud- Est  comptaient  à  cette  él)oque 
par  années  de  336  jours  à  noms  de  mois  sanskrito-malgacbes. 


1908.]  ANALYSES.  [P.  165. 


ANALYSES. 


E.  Huntington.  The  Pulse  of  Asia,  a  journey  in  Central  Asia  illustratitig  the 
geographic  ha^is  of  history.  —  In  8",  415  pages,  nombreuses  cartes  et  planches. 
Londres,  A. Constable; Boston  etNew-York,  Houghton,  Mifflin&C*».  1907. 14  sh. 

Le  livre  de  M.  Huntington  est  une  précieuse  contribution  à  la  science  des 
milieux,  ou  ethologie.  Cette  science  est  de  date  récente,  bien  que  l'idée  soit 
déjà  ancienne  d'admettre  un  rapport  de  cause  à  effet  entre  l'habitat  d'uu  peuple 
d'une  part,  et  de  Tautre  sa  civilisation  et  sa  psychologie.  Un  moment  même,  l'in- 
Huence  du  milieu  naturel  avait  été  exagérée  ;  puis  vint  une  réaction.  Le  résultat 
de  cette  oscillation  a  été  que  vers  la  fin  du  siècle  dernier  on  a  constaté  la  néces- 
sité de  reprendre  la  question  sur  de  nouvelles  bases,  plus  larges  et  comparatives. 
Surtout  le  départ  avait  été  maladroit  :  on  avait  voulu  dès  l'abord  déterminer  les 
influences  réciproques  des  individus  ou  des  groupements  humains  et  de  leurs 
milieux  d'après  Texamen  des  formes  qu'elles  revêtent  en  Europe,  où  précisément 
la  complexité  de  ces  interactions  est  de  nature  à  fausser  l'observation  et  les 
résultats. 

En  ce  domaine  encore,  c'est  à  l'ethnographie  qu'il  a  fallu  recourir.  On  a 
commencé  par  transposer  aux  demi-civilisés  les  méthodes  et  les  généralisations 
qui  avaient  si  mal  réussi  à  propos  des  civilisés.  Cette  transposition  pure  et  simple 
de  formulés  générales  a  conduit  comme  de  juste  à  des  échecs.  Le  livre  récent  de 
M.  Fynn  sur  les  Indiens  américains  en  tant  que  produits  de  leurs  milieux,  analysé 
ci-dessous,  est  un  exemple  des  inconvénients  de  cette  manière  de  faire.  Ainsi 
s'explique  aussi  le  peu  d'importance  et  de  validité  de  l'anthropogéographie  telle 
que  l'ont  élaborée  Ratzel  et  ses  disciples.  Tout  ce  qui  subsiste  de  la  masse  de 
travail  ainsi  dépensée,  c'est  la  conscience  fort  nette  qu'ont  acquise  à  la  fois  les 
géographes,  les  historiens,  les  ethnographes  et  les  sociologues  qu'il  faut  reprendre 
la  question  méthodiquement.  Dans  nombre  de  monographies  ethnographiques 
récentes,  on  trouve  des  chapitres  consacrés  à  la  description  détaillée  du  pays,  de 
sa  géologie,  de  son  orographie,  de  son  hydrographie,  de  sa  climatologie,  etc. 

D'autre  part,  les  géographes,  du  moins  quelques-uns  d'entre  eux,  ont  compris 
que  leur  science  ne  saurait  être  uniquement  descriptive  :  elle  se  doit  d'être  aussi, 
et  surtout,  explicative,  c'est-à-dire  qu'elle  doit  avoir  pour  objet  de  déterminer  les 
relations  de  cause  à  effet  entre  la  nature  physique  et  la  nature  animée  (faune, 
flore,  humanité).  C'est  cette  conception  nouvelle  de  la  géographie  que  met  en 
pratique  M.  Huntington. 

Pendant  quatre  années  de  séjour  en  Turquie  d'Asie  et  trois  années  d'explo- 
rations en  Asie  Centrale  (Turkestan  russe  et  chinois,  bassin  du  Tarini  et  du 
Lob-Nor,  monts  Nan-shan  et  Kwen-lun,  Kashmir,  Perse),  il  a  observé  concurem- 
nient  le  pays  et  ses  habitants  en  se  plaçant  toujours  à  son  point  de  vue  de  géo- 
graphe moderne.  Déjà  le  choix  de  cette  région  a  une  signification  propre  :  quand 
bien  même  l'Asie  Centrale  ne  serait  pas,  comme  on  le  croyait  naguère,  le  berceau 
de  l'humanité,  elle  a  joué  dès  le  début  des  temps  historiques  un  rôle  important. 
Les  explorations  récentes  ont  confirmé  d'anciens  témoignages  :  les  régions  au- 


p.  166.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [^®°8- 

jourd'hui  arides  étaicuit  autrefois  le  sirjxe  de  rivilisatious  avancées.  Ainsi  l'étude 
entreprise  par  M.  Himtington  devait  jiort^T  aussi  sur  le  pjrssé  ;  et  des  facilités 
particulières  lui  ont  été  otfeites  sur  ce  poiut  par  sa  C()naboration  à  l'expédition 
Punipelly.  L'un  des  mérite  s  de  son  livre  <  st  <le  démontrer,  par  l'examen  des  con- 
ditions physiques  actutlies,  que  la  dessication,  jusqu'ici  supjmsée  seulement,  s'est 
bieù  produite,  mais  non  pas  progressiv euK  nt.  Il  y  a  eu  des  i)ériodf  s  de  dessi- 
cation, suivies  de  périodes  d'humi<lité,  jiheuomene  comparable  à  la  succession 
des  périodes  glaciaires  et  interjrlaciaires. 

Aux  périodes  d'humiilité  out  répondu  d<*s  périodf^s  de  peuplement,  de  civilisa- 
tion, de  bien-être,et  des  immigrations;  aux  ]>ériodes  d(»  sécheresse,  des  émigrations, 
des  dt^générescences  culturelles,  d(\s  arrêts  d'évolution.  La  civilisation  pastorale  et 
nomade  répond  aux  conditions  d'aridité,  la  civilisation  agricole  et  sédentaire  aux 
conditions  d'humidité.  Et  les  mêmes  peuples  ont  dans  la  même  région  passé  tour 
à  tour,  ceci  en  ligne  générale,  par  l'agricultuie  et  le  nouiadisme.  Je'  renvoie  au 
livre  de  M.  Huntington  pour  les  détails  :  on  y  trouvera  notamment  (chap.  V.)une 
étude  intéressante  de  la  civilisation  kirghize  considérée  dans  sa  dépendance  à 
l'égard  du  milieu  physique»,  les  hauts  plateaux,  et  une  autre  sur  les  Chanto  des 
plaines  du  Turkestan. 

L'antithèse  entre  montagnards  vt  gens  de  la  plaine  se  marque  dans  l'Asie 
Centrale  avec  une  netteté  tout  autre  que  dans  nos  pays  d'Europe,  du  moins  de 
l'Europe  occidentale  :  car  les  populations  de  s  Carpathes  comparées  à  celles  des 
plaines  danubiennes  offrent  un  sujet  d'étuele»  tout  aussi  typique.  On  a  écrit  sur  ce 
point  bien  des  banalités.  M.  Huntiugton  au  moins  donne  des  observations  neuves 
qui  permettent  des  conclusions  précisées.  De  plus  il  évite  ce  défaut  si  répandu  de 
ne  voir  dans  la  civilisation  te)ute  entière  el'un  groupement  que  le  résultat  d'un 
seul  facteur,  p.  ex.  du  milieu  jdiysique.  Ce  de^-nier  ne  conditionne  en  fait  que  la 
civilisation  nuitérielle  proi)rement  dite  (la  technologie),  puisTorganisation  écono- 
mique :  mais  il  ne  sem])le»  pas  avoir  eu  d'influence  sur  l'organisation  matrimo- 
niale, juridique,  politique  ou  religieuse. 

Ceci  doit  être  retenu,  et  Ton  regre^ttera  même  que  M.  Huntington  n'ait  pas 
assez  insisté  sur  la  limitation  que  subit  le  principe  explicatif  d'ordre  géographique. 
Ce  principe  vaut  pour  la  vie  économique,  mais  (^n  partie  seulement  pour  le  tempé- 
rament individuel  et  collectif,  et  nullement  ])our  tous  h's  éléments  qui  constituent 
chaque  type  de  civilisation.  C'est  C(»  qu'aurait  aisément  démontré  à  M.  Huntington 
une  étude  plus  approfondie,  d'après  les  monographies  des  ethnographes  russes, 
des  divers  groupements  de  nomades  de  la  Sibérie  et  du  Turkestan. 

Pour  acquérir  une  idée  exacte  de  l'influence  du  milieu  d'un  peuple  sur  sa 
civilisation  entière,  l'examen  des  parallélisme's  ne  suftit  pas  :  tout  aussi  nécessaire 
est  celui  des  discordances.  Il  existe  certainement,  entre  les  peuples  qui  vivent 
dans  des  régions  arides,  des  ressemblances,  et  même  des  identités,  p.  ex.  entre 
les  Kirghizes  nomades  et  les  Touaregs  nomades  ;  mais  le  facteur  climatique 
et  phy Biographique  n'explique  certes  i)as  les  diflerences  considérables  d'organi- 
sation familiale,  politique  et  sociale  qui  existent  entre  ces  deux  groupements. 
Matériellement,  «  l'homme  de  nature  «  dépend  sans  doute  davantage  de  la  nature, 
que  le  civilisé  :  mais  cette  dépendance,  il  la  sent  moins  ;  ou  plutôt  il  la  nie.  L'un 
des  résultats,  à  première  vue  paradoxal,  les  plus  intéressants  de  l'ethnographie, 
ces  années  dernières,  c'est  d'avoir  reconnu  que  loin  de  modeler  son  organisation 
sociale  sur  la  nature,  le  demi-civilisé  se  représente  la  nature  comme  modelée  sur 
l'organisation  sociale. 


1908.]  ANALYSES.  [P.  167. 

En  définitive,  M.  Hiintiufrton  explique,  jnec  une  nuiîtrise  qu'on  louera,  ce 
qu'il  y  a  de  proprement  mécanique  dans  révolution  individuelle  (t  collective. 
C'est  là  un  grand  progrès  pour  la  science,  et  qui  tend  même  à  nu  ttre  sur  la  voie 
d'une  interprétation  nouvelle  de  Thistoire  universelle. 

Son  étude  approfondie  de  la  ^^éo'^rapliic^  de  TAsie  Centrale  conduit  M.  Hun- 
tington à  trois  constatations  :  1"  le  milieu  physique  a  ntral-asiatique  (  st,  par  rap- 
port aux  mœurs  [au  sens  restreint  indiqué  ci-(h  ssus]  clans  la  relation  de  cause  à 
effet;  2'  pendant  les  temps  liistoriquc^s  (2000  ans  au  moins)  le  climat,  qui  est 
rélénient  le  plus  important  du  milieu  j)hy>ique,  a  Hihi  des  modifications  impor- 
tantes ;  3®  les  modifications  du  climat  ont  causé  des  modifications  correspondantes 
dans  la  répartition,  les  mœurs  tt  le  tfm})éran;rnt  d(  s  hommes.  D\m  suit  que  le 
climat  est  l'un  des  facteurs  fondamentaux  de»  rhis1(»ir(»  de  Thumanité.  L'Asie 
Centrale  n*est  pas  en  effet  une  re^gion  singulière  ou  ahcrranlc,  si  je  puis  dire  ;  elle 
est  au  contraire  le  cas  le  i)lus  ne't  d'un  tyi)e  géograidiiepie  hien  déterminé,  le^  type 
du  pays  aride  et  désertique.  Les  conclusions  ol)tenu(  s  pour  l'Asie  Centrale  sont 
donc  applicables  aux  autres  re'^gions  de  même  type*  :  Perse,  Arabie^  Afrique  du 
Nord,  Afrique  Australe*,  Australie^,  e»tc.,  où  se  sont  e'^galeme^nt  succédé  des  alter- 
natives d'humidité  et  de  elessication.  A  ces  alternatives  correspondent,  comme  il 
a  été  dit,  des  flux  et  des  reflux  de  populations  et  de\^  oscillatiems  de  civilisation. 
Tour  à  tour  l'Asie  Centrale  a  attiré  et  repoussé  des  vagues  humaines,  et  ainsi 
s'expliquent  ces  vastes  mouvements  qu'on  nomme  les  Grandes  Invasions.  J'ajou- 
terai que  c'est  peut-être  par  des  oscillations  climatériques  de  l'Asie  Centrale  que 
s'expliquent  les  vicissitudes  subies,  pendant  6000  ans,  par  la  Mésopotamie*.  La 
dégénérescence  de  l'Egypte,  la  mort  de  l'Afrique  du  Nord,  l'apauvrissement  et 
l'abandon  de  la  Syrie,  l'état  staticmnaire  de  l'Europe  méridionale,  etc.  (chacun 
complétera  aisément  cette  enumeration),  autant  de  phénomènes  dont  la  cause 
fondamentale  n'est  autre  que  la  dessication.  Le  principe  explicatif  de  M.  Hun- 
tington fournit  même  une  solution  ne)uvelle  d'un  problème  qui  nous  touche  de  plus 
près  :  d'où  vient  le  rapide  développement  économique»,  à  partir  du  Moyen-âge,  de 
l'Europe  Centrale  ?  Bien  des  théories  ont  été  formulées  à  ce  propos  :  on  a  mis  en 
avant,  tour  à  tour,  le  facteur  racial  (invasions),  le  facteur  politique  et  social 
(romanisation),  le  facteur  religieux  (moines  défriclieurs)  ;  on  a  parlé  de  l'augmen- 
tation de  la  population,  du  déboisement,  etc.  Mais  M.  Huntington  fait  remarquer 
qu'au  moment  de  la  conquête  romaine  l'Europe  Centrale  était  un  pays  humide, 
par  suite  couvert  d'une  végétation  très  dense,  telle  que  que  seules  des  populations 


^  Cf.  L  Gaidi,  BoUetlino  délie  lingue  e  lelterature  semitiche  (Extr.  de  la  Rwisia  degli  siudi 
orientally  T.I)  p.  369,  rendant  compte  d'un  travail  de  L.  Caetani  di  Teano. 

*  L'étude  de  cette  question  pour  TAfrique  australe  est  facilitée  par  l'excellente  monographie, 
toute  récente,  de  S.  Pasaarge,  Südafrika,  eine  Landes-  Volks-  und  Wirtschaftshunde,  Leipzig, 
Quelle  et  Meyer,  1907. 

3  Pour  rAustralie,  dont  M.  Huntington  ne  parle  pas,  et  à  Thistoire  comme  à  l'ethnographie  de 
laquelle  nombre  de  conclusions  et  de  suggestions  exposées  ci-dessus  s'appliquent  exactement, 
▼oirles  premiers  chapitres  de  Spencer  et  Gillen,  The  Native  Tribes  of  Central  Australia^  The 
Northern  Tribes  of  Central  Australia  et  de  Howitt,  The  Native  Tribes  of  South  and  South- 
East  Australia,  puis  les  travaux  de  J.  W.  Gregory,  notamment  The  Dead  Heart  of  Australia. 
Cependant  la  portée  réelle,  pour  l'ethnographie  et  la  sociologie  australiennes,  du  principe  clima- 
tologique  et  géographique  de  M.  Huntington  ne  pourra  être  apprécié  qu'après  plusieurs  cam- 
pagnes de  fouilles  en  Australie  Centrale. 

^  On  trouvera  un  exposé  dramatique  en  sa  concision  de  ces  vicissitudes  dans  le  petit  livre  de 
H.  Winckler,  Die  babylonische  GeisteskuHur,  Leipxig,  Quelle  et  Meyer,  1907,  pp.  14-41. 


p.  168.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [^^^®* 

très  nombreuses  eussent  pu  la  défricher  ;  encore  cette  végétation  aurait-elle 
repoussé  aussitôt  ;  si,  cependant,  au  cours  des  Aj^es  elle  a  été  vaincue  par  riiouinie, 
malgré  la  faible  densité  de  la  population,  cVst  que  des  modifications  importantes 
du  clinmt  se  sont  produites  pendant  le  Moyen-a«re.  La  dessiccation  progressive 
qui  a  tué  la  civilisation  d(*  l'Afrique  du  Nord  a  créé  celle  de  l'Europe  Centrale. 

Bien  mieux  :  ce  ne  sont  pas  seulement  ces  grandes  oscillations  du  climat, 
mais  même  les  oscillations  de  moindre  ampleur  (p.  ex.  les  cycles  dits  de  Brück- 
ner) qui  influent  sur  Tétat  général  de  la  civilisation  et  sur  Thistoire  universelle. 
Si  la  pluie  manque,  cVst  pour  Tlnde  et  la  Cliine^  entières,  la  famine.  Et  peut-ètr<» 
une  période  de  plusieurs  années  consécutives  d(*  sécliei'(*sse  sera-t-elle,  plus  qu'un 
événement  proprement  politique,  la  cause  profonde  du  choc  futur  entre  l'Europe 
et  l'Extrême-Orient. 

Quoi  qu'il  puisse  être  de  l'avenir,  le  passé  du  moins  de  Thumanité  s'anime 
d'une  vive  clarté  à  la  lumière  du  principe  de  M.  Huntington.  Son  livre  a  pour  but 
de  poser  que  la  géographie,  au  sens  qu'il  donne  à  ce  mot,  est  la  base  de  l'histoire. 

Ce  point  de  vue,  qu'il  s'agit  maintenant  d'appliquer  dans  le  détail  à  d'autres 
régions  et  à  d'autres  population,  est  de  nature  à  vivifier  l'ethnographie  tout  autant  que 
l'histoire.  Bien  mieux,  c'est  aiLX  ethnographes  qu'il  ap^xirtient,  par  des  enquêtes 
nouvelles,  plus  encore  qu'aux  géographes  et  aux  historiens,  de  faire  l'épreuve  du 
principe  de  M.  Huntington  et  de  rechercher  jusqu'à  quel  point  certaines  formes 
d'organisation  sociale  sont  des  moyens  de  lutte  contre  les  influences  physiogra- 
phiques  et  surtout  climatériques.  J'ajouterai  enfin  qu'il  est  en  tout  cas  un  pro- 
blème ethnographique  et  historique  du  plus  haut  intérêt  dont  le  livre  et  le  point 
de  vue  de  M.  Huntington  permet  de  proposer  une  solution  simple  et  précise  :  celui 
des  causes  des  Grandes  Invasions.  Que  le  point  de  déj)art  de  ces  invasions  a  été 
l'Asie  Centrale,  cela  est  hors  de  doute.  Non  pas  que  les  populations  germaniques 
et  slaves  soient  toutes  venues  de  ce  point  unique  :  mais  elles  ont  été  forcées  de 
se  déplacer  sous  la  pression  de  populations  plus  orientales  qu'elles.  C'est  par  une 
série  de  heurts  se  transmettant  de  proche  en  proche  qu'elles  ont  été  projetées  les 
unes  contre  les  autres,  avec  une  force  variable.  Mais  quelle  était  la  raison  du  heurt, 
uo  plutôt  des  heurts  initiaux  ?  On  a  prétendu  le  plus  souvent  que  cette  cause  pre- 
mière était  la  surpopulation.  Les  groupements  turco-mongols  se  seraient,  aux  pre- 
miers siècles  de  l'ère  chrétienne,  multipliés  dans  une  proportion  trop  grande  pour  la 
puissance  productive  du  pays.  Il  y  aurait  eu  comme  un  écoulement  de  surplus  de 
population.  Au  facteur  principal  on  en  adjoignait  d'autres,  tout  aussi  hypothé- 
tiques :  guerres,  epizootics,  etc.  Jusqu'à  ces  années  dernières  on  ignorait  que  les 
vastes  plaines  du  Turfan,  de  la  Kachgarie,  etc.  eussent  été  autrefois  des  centres 
de  civilisation.  Cette  découverte  et  la  preuve  que  fournit  M.  Huntington  du  pro- 
cessus de  dessication  donnent  la  clef  du  problème. 

L'Asie  Centrale  a  pu  nourrir,  jusque  vers  le  début  de  l'ère  chrétienne,  des 
populations  relativement  non\breuses  :  mais  elles  se  sont  vues  obligées  peu  à  pen 
de  quitter  des  régions  qui  devenaient  de  plus  en  plus  arides.  Des  migrations  lentes 


1  Je  ne  sais  si  la  théorie  de  M.  Huntington  est  applicable  à  la  Chine  :  en  ce  cas  le  triste  état 
des  canaux  et  des  grands  travaux  anciens  d'irrigation  ne  doit  plus  être  donné  comme  une 
preuve  d'impôritie  du  peuple  chinois  ou  de  ses  gouvernants  ;  le  cas  serait  le  môme  qu*en  Pales- 
tine, dans  l'Arabie  méridionale  etc..  Que  pouvait,  surtout  sans  nos  moyens  modernes  de  lutte 
contre  la  nature,  le  Chinois,  le  Juif  ou  TÂrabe  contre  un  tel  changement,  progressif  et  inaperçu, 
sinon  dans  ses  conséquences  extrêmes  ! 


1908.]  ANALYSES.  [P.  169. 

se  sont  donc  produites,  qui  ont  opéré  sur  les  populations  voisines  des  poussées  de 
plus  en  plus  fortes  au  cours  des  âges.  Le  changement  de  climat  rendait  nécessaires 
ces  déplacements,  et  empêchait  absolument  tout  retour  en  arrière.  Ils  ne  se  sont 
pas  tous  produits  dans  la  même  direction,  mais  en  rayonnant.  Le  retrait  des  habi- 
tants de  TAsie  Centrale  s'est  opéré  autant  du  côté  de  la  Chine,  que  du  côté  de  la 
Mongolie,  de  la  Sibérie  méridionale,  du  Caucase,  de  la  Perse,  de  l'Afghanistan  et 
peut-être  de  Tlnde.  Il  n'y  a  donc  pas  eu  de  surpopulation,  mais  bien  une  pression 
inéluctable  de  populations  en  danger  de  i)érir  sur  d'autres,  soit  sédentaires  soit 
nomides.  Tant  que  les  déplacements  se  sont  opérés  dans  des  régions  où  la  vie 
demeurait  possible,  sinon  aisée,  le  processus  a  pu  être  semi-pacifique  :  mais  cer- 
tains groupements  se  sont  trouvés  acculés  à  des  régions  peu  habitables,  par  suite 
du  froid,  de  Taridité  locale,  du  manque  de  pâturages,  de  la  condition  marécageuse 
du  sol,  etc.  Ce  sont  ces  populations-là  qui  ont  dû  se  frayer  par  la  force  une  route 
nouvelle,  et  ce  sont  elles  qu'on  a  vu  envahir  la  Russie  méridionale  et  l'Europe 
Centrale. 

Cette  explication  est  la  seule  qui  rende  compte  de  la  durée  et  de  la  périodicité 
des  grandes  invasions  :  elles  cessèrent  dès  que  les  régions  de  l'Asie  Centrale 
atteintes  par  la  sécheresse  eussent  été  toutes  évacuées.  Les  déplacements  de 
populations  ol)servés  depuis  en  Sibérie  et  au  nord  du  Caucase  n'ont  eu  ni  la  même 
ampleur,  ni  le  menu*  caractère  de  nécessité.  On  a  même  pu  voir  vers  la  fin  du 
XIX**  siècle  des  groupements  sibériens,  surtout  Kirghizes,  ignorants  des  causes 
physiques  qui  nécessitèrent  les  migrations  de  leui's  pères,  dessiner  un  retour  vers 
TAsie  Centrale  ;  de  même  on  i)eut  constater  de  nos  jours  un  déplacement  vers  le 
même  lieu  des  populations  du  hinterland  Chinois.  Mais  la  nature  impose  à  de  tels 
retours  une  barrière  invincil)le,  malgré  Taide  qu'ai)porte  aujourd'hui  à  ces  sortes 
d'entreprises  la  science  de  l'ingénieur. 

Cet  essai  d'explication  de  mouvements  de  peuples  constatés  historiquement 
montre  comment  on  p(nit  tirer  parti  des  enquêtes  climatologiques  et  géographiques 
de  M.  Huntington.  Il  me  semble  que  tout  aussi  féconde  serait  leur  application  à 
rétude  des  mouvements  de  populations  au  Soudan.  Notamment  le  problème  peul 
s'éclaire  alors  d'une  manière  nouvelle.  Ce  n'est  pas  le  lieu  de  développer  l'argu- 
ment :  à  mon  sens,  il  ne  faut  pas  chercher  le  point  de  départ  des  migrations  peul 
dans  le  Soudan  Egyptien  ou  l'Abyssinie,  mais  bien  dans  les  régions  centrales  du 
Soudan  saharien,  aujourd'hui  atteintes  par  la  dessication.  On  sait  combien  ce 
processus  de  dessication  est  rapide,  même  actuellement,  par  le  remarquable  rétré- 
cissement annuel  du  lac  Tchad.  Tous  les  explorateurs  qui  ont  été  quelque  temps 
en  contact  avec  les  Peuls  ont  éprouvé  la  sensation  confuse  d'avoir  à  faire  à  des 
déracinés  de  sorte  supérieure.  Pasteurs  et  nomades,  ces  gens  gardent  comme 
IVmpreinte  d'une  civilisation  antérieure  déjà  fixée  et  élaborée.  Peut-être  l'explo- 
ration méthodique  du  Soudan  saharien  nous  résers^e-t-elle  des  suprises  analogues 
à  celle  que  nous  cause  la  découverte,  en  pleins  sables  central-asiatiques,  de  cen- 
tres anciens  d'une  civilisation  stable. 

Quoiqu'il  en  puisse  être  de  cette  suggestion,  on  voit  dès  à  présent  la  portée, 
pour  l'histoire  et  l'ethnographie, des  recherches  et  du  principe  de  M.  Huntington  : 
son  livre  sur  les  pulsations  de  VAsie  est  à  lire  avec  soin,  et  à  méditer. 

A.  VAN  Gennep. 

* 


p.  170.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

A.  J.  Fynn.  The  American  Indian,  as  a  product  of  environment,  with  special  refe- 
rence to  the  Pueblos.  —  pet.  ft**,  275  [)ages,  8  planches.  Boston,  Little,  Brown 
&  C«,  1907. 

Que  le  milieu  physique  exerce  une  influence  sur  Fhomme,  soit  isolé  ou  groupé, 
cela  n'est  pas  discutable.  Mais  cette  proposition  générale  n'a  aucune  valeur  expli- 
cative. Ce  qu'il  s'agit  de  déterminer  c'(\«^t  la  modalité  et  la  quantité  de  cette 
influence  ;  et  c'est  précisément  ce  qui  n'a  été  fait  encore  en  détail  pour  aucuo 
groupement,  sauf  pour  quelques  tribus  de  l'Asie  Centrale  par  M.  Huntington.  Pour 
de  telles  recherches,  on  ne  saurait  débuter  par  l'étude  d'un  peuple  européen,  où 
les  interactions  anthropologiques,  culturelles,  sociales,  politiques,  économiques, 
compliquent  les  phénomènes  à  définir.  D'où  les  échecs  qu'éprouvèrent  successi- 
vement, dans  la  deuxième  moitié  du  siècle  dernier,  ceux  qui  prétendirent  expli- 
quer les  divers  tempéraments  collectifs  et  les  divers  modes  de  civilisation  par 
divere  milieux  naturels. 

Le  problème  intéressant  du  rapport  entre  le  milieu  d'une  part,  la  civilisation 
et  le  développement  intellectuel  de  l'autre,  problème  fondamental  de  l'ethologie, 
ne  sera  résolu  que  par  Tétude  préalable,  à  ce  point  de  vue,  des  populations  demi- 
civilisées  :  c'est-à-dire  par  l'application  des  méthodes  ethnographiques  et  socio- 
logiques. Il  ne  semble  pas  que  M.  Fynn  ait  vu  toute  la  portée  de  son  titre,  car  il 
accepte  volontiers  des  généralisations  périmées,  sans  se  douter  qu'on  doit  faire 
table  rase  de  presque  tout  ce  qui  a  été  écrit  jusqu'ici  sur  ce  sujet  par  des  théo- 
riciens et  fonder  à  nouveau  Tethologie,  sur  des  bases  nouvelles. 

La  tentative  de  M.  l'^rni  n'^n  ^st  pas  moins  intéressante  et  instructive.  Il 
montre  d'abord  comment  les  diverses  tribus  amérindiennes  se  répartissent,  soit 
en  pays  de  montagnes  ou  de  plaines,  dans  des  régions  arides  ou  bien  arrosées,  et 
comment  l'organisation  sociale,  plus  ou  moins  lâche  ou  serrée,  tend  à  concorder 
avec  la  facilité  ou  la  difiiculté  des  communications,  de  l'agriculture  et  de  l'indus- 
trie. De  plus  il  a  bien  choisi  le  groupement  qu'il  voulait  étudier  spécialement  : 
les  Indiens  Pueblos.  Il  décrit,  toujours  du  point  de  vue  ethologique  :  leurs  terri- 
toires, leurs  demeures,  leurs  villages,  leur  nourriture,  leurs  vêtements,  leur  orga- 
nisation politique  et  sociale,  leurs  systèmes  d'éducation,  leurs  industries,  leurs 
arts,  leurs  sciences,  leur  religion,  leurs  danses  et  leurs  cérémonies.  Ces  descrip- 
tions sont  fondées  en  majeure  partie  sur  les  publications  du  Bureau  of  Ethnology 
et  du  Field  Museum  de  Chicago  ;  mais  M.  Fynn  a  contrôlé  et  complété  les  obser- 
vations de  ses  prédécesseurs  par  des  enquêtes  directes,  entreprises  au  cours  de 
plusieurs  séjours  dans  l' Arizona. 

M.  Fynn  constate  un  grand  nombre  de  concordances  entre  le  milieu  naturel 
d'une  part  et  de  l'autre  l'organisation  et  surtout  la  civilisation  matérielle  des 
Pueblos.  Mais  il  n'a  pas  assez  insisté  sur  la  portée  économique  des  cérémonies, 
ni  sur  la  relation  entre  la  division  de  l'univers  en  orients  et  la  localisation  des 
clans  et  des  demeures.  Ces  concordances  de  détail  ont  également  été  constatées 
déjà  pour  la  plupart  des  peuples  :  il  va  de  soi  que  p.  ex.  l'abondance  d'arbres  ou 
la  présence  de  pierres  conditionnent  le  matériau  des  maisons  ;  de  même,  l'abon- 
dance du  bison,  ou  ailleurs  des  poissons,  déplace  le  centre  technologique,  etc.  ; 
dans  certains  cas,  toute  l'organisation  sociale  et  religieuse  a  pour  pivot  un  cycle 
déterminé  d'occupations,  comme  chez  les  Toda  de  l'Inde,  où  ce  pivot  de  la  vie 
sociale  est  la  laiterie. 

M.  Fynn  n'arrive  pas,  en  dehors  de  ces  constatations  superficielles,  à  des 


1908.]  ANALYSES.  [P.  171i 


résultats  inii)()rtauts.  Ils  no  pourraient  d'ailleurs  être  obtenus  qu'après  une  étude 
parallèle  des  réactions  du  ^'roupe  humain  sur  le  milieu  naturel.  Dans  le  cas  actuel, 
cette  réaction  s(^  manjue  surtout  par  ce  fait  (jue  les  Indiens  Pueblos  se  font  de 
rrnivers  une  conception  modelée  sur  leur  ortranisation  sociale. 

Le  contenu  du  livre  ne  répond  donc  pas  exactement  à  son  titre  :  mais  c'est 
un  excellent  manuel,  un  bon  tableau  de  la  vie  économique  et  sociale  de  l'un 
des  groupements  amérindiens  les  j)lus  intéressants  ;  un  index  bibliographique,  où 
numquc  nt  malheureuscMuent  les  dates  et  le  lieu  de  jaiblication,  fournit  à  chacun 
(Fauteur  s'adresse  davantage  au  grand  public  instruit  qu'aux  spécialistes)  le  moyen 
d'entreprendre  des  n*ch(M*ch(»s  personnelles  plus  approfondies. 

A.  VAN  Gennep. 


Jacques  Faïtlovitch.  Proverbes  abyssins^  traduits,  annotés  et  expliqués.  Paris, 
(leuthner,  1907,  86  p.  in-8. 

On  a  dit  ([ue  les  proverbes  étaient  la  sagesse  des  nations  :  on  a  dit  aussi  qu'ils 
fournissaient  à  la  paresse*  de  Tesprit  un  nombre  de  phrases  stéréotypées  évitant 
à  la  masse  la  fatigue  do  penstu*  et  de  s'exprimer  d'une  façon  personnelle.  L'une 
et  Tautre  ojûnion  ont  leur  part  de  vérité  :  il  nVn  faut  pas  moins  reconnaître  que 
les  proverbes  ont  conservé  une  tournure  particulièn*  d'expression  qui  peut  bien 
être  devenue  banale  mais  qui,  à  un  moment  donné,  n'en  a  pas  moins  été  origi- 
nale. Le  fait  niêmc^  d'avoir  été  conservés  sans  altération  donne  aux  proverbes, 
au  point  de  vue  de  la  langue,  une  vahMir  tout<»  particulièn*. 

L'amarina  en  eflet,  ne  remonte  pas  haut,  du  moins  sous  sa  forme  écrite.  Il  a 
sans  doute  existé  avant  (pfon  en  ti*ouv(»  des  traces  dans  la  littérature  écrite,  et 
certainement  avant  le  XIII'"  siècle,  dat»  assignées  par  M.  Faïtlovitch  pour  la  sup- 
pression du  ghee^z  comme  langue  ])ailée.  Il  a  donné,  dans  son  introduction  (p.  23, 
note  1,  24  note»  1,  26-27,  note  1)  une  liste  des  publications  en  amarina  ou  relati- 
ves à  cette  langue,  mais  (dh»  (»st  loin  d'être  complète^  Ainsi  les  premiers  spéci- 
mens de  gramnmire  amarina  furent  doimés  bien  avant  Ludolf  par  Achilles  Vene- 
rius  dans  ses  Chaldcœ  seu  uJ'Jthiojneœ  Imguœ  institut iones^.  Comme  textes  d'une 
haute  importance  en  raison  de  leur  ancienneté  relative,  il  fallait  mentionner  les 
chants  populaires  sur  divej's  princes  :  signalés  par  Zotenberg'^,  ils  ont  été  repris 
par  Praetorius'*,  publiés  in  extenso  par  (luidi''  et  étudiés  en  partie  par  Pereira®. 
Déjà  la  langue  du  Marha-  Ewur  traduit  de»  Touvrage  copte  du  patriarche  Deme- 
trius XII,  est  très  fortement  mélangée  d'amariùa  et  ce  dernier  présente  des  for- 
mes archaïques,  plus  régulières  que  les  modernes"^.  La  liste  de  M.  Faïtlovitch 
est  singulièrement  incomplète  :  puisqu'il  y  fait  figurer  les  traités  de  Jacobis,  de 


*  Je  ne  lui  reprocherai  pas  de  n'avoir  pas  cité  des  pauvretés  comme  Piano,  Raccolte  délia  Jrasi 
più  usuali  in  amàrico,  Rome,  1887,  in  18  ;  ou  Scolart,  Frasario  amarica  oromona,  Naples, 
1888,  in  12,  ou  AUori,  Piccolo  dizionavio  eritreo-italiano-arabo-amarico^  Milan,  1896,  ou  Mahler, 
Praktische  Qrammatik  der  amharischen  Sprache^  Vienne,  1906,  in  8. 

«  Rome,  1830,  in  8,  p.  43-46. 

'  Cataloffue  des  manuscrits  éthiopiens  de  la  Bibliothèque  Nationale  de  Paris^  Paris,  1877, 
in  4,  p.  218-219. 

-*  Amharische  Sprache,  Halle,  1879,  in  4,  p.  499-502. 

^  Le  Canzoni  Geez-amarina,  Rome,  1889,  in-8. 

^  Cançâo  de  Gaîavdevos,  Lisbonne,  s.  d.,  in  4. 

7  Cf.  Guidi,  Il  Marha-'Ewur,  Rome,  1896,  in  8. 


P.172.]  •    R    •    Ë    •    E    •    S    •  [1908. 

Coulbeanx  et  d'Iseuberg^  (en  partie)  et  de  Flad-  p.  23,  24  uote  4,  il  n'y  avait  pas 
de  raison  pour  ne  pas  mentionner  les  suivants  :  Tëmhërta  Kërstyân,  Rome  1900  ; 
Evangelia  saneta.,.  in  linguam  amharicam  (version  d'Abou  Ramsis)^,  le  Psalic- 
rium  Davidis,  aethiopici  et  amharici*,  les  Einsiola  Apostohmm  aethiopici  et 
amharici°,  le  Novum  Tesianientum  en  aniharique,  version  d'Abou  Roumi**  ;  la 
Bible  en  amliarique''.  La  liste  des  grannnaires  contient  des  lacunes*^  ;  je  n\v  trouve 
pas  El  Malhat  cl  Djallyah  livm'rifat  el  loghat  cl  habachyah  par  Mikhayil  Djird- 
jir  El  Habachi'»,  ni  le  Manuel  pratique  de  langue  abyssine  de  Perruchon^",  ni  la 
(wrammatica  linrjua  amariha  d'Afework".  Vai  môme  t(MUi)s  que  M.  Faïtlowitch 
publiait  ses  Proverlies,  paraissaient  trois  ouvrages  importants  qu'il  ne  pouvait 
évidemment  citer  dans  sa  Bibliographie  :  Guidi,  Leggende  storiche  in  Abissittia^^  ; 
id.,  Strafe  e  brcvi  testi  amarici^^  et  Mittwoch,  Proben  aus  amharischnn  Volks- 
kmundc^*. 

L'auteur  passe  aussi  en  revue  les  travaux  relatifs  aux  autres  langues  sémiti- 
ques d'Abyssinie,  et  là  encore,  il  est  incomplet.  Ainsi  à  la  liste  qu'il  donne  des 
ouvrages  parus  sur  le  tigré  (p.  13,  note  I),  il  faut  ajouter  Nöldeke,  Ein  neuer 
Tigre- Text^'",  Enno  Littmann,  En  Sang  pu  Tigre-Spraket^^  ;  id.,  Die  pronœnina 
im  Tigre^'^  ;  id.,  Das  Verbum  der  Tigre  Sprache^^  ;  A.  H.  C.  pour  apprendre  aux 
enfants  à  lire  le  Tigré^^  ;  Evangelium  enlight  Markus  pa  Tigre  Spraket^^  ;  Cam- 
perio,  Manuale  tigre-italiano^^  ;  Gallina,  Indovinelli  Tigray^^.  Pour  le  tigraï  ou 
tigrina  :  Evangelia  sacra,  trad,  en  tigrina  par  le  Debter  a  Matheos  et  publiés  par 
Krapp3  j  Ghebre-Medhin  Dignei,  Apohghi  cd  Ancddoti  in  lingua  tigrihna'^*  ; 
L.  de  Vito,  Esercizi  di  lettura  in  lingua  tigrigna^'  ;  Fasha  Gherghis,  Notizie  del 
viaggio  d'un  Etiopico  dalV  Etiopia  alV  Italia^^  ;  Schweinfurt,  Abyssinischc  Pflan- 
sennamen^'^  ;  Conti-Rossini,  Leggende  tigray,  dans  les    Note  etiopiche^^  ;  Enno 


^  La  Geografya  yamëdêi"  tëmhirt  d'Isenberf^  a  eu  une  ^e'onde  é.lition  à  S.  ChiiscKona,  1872. 
Lfs  ouvrages  suivants  d*Isenberg  ne  »ont  pas  indiqués  :  Amharic  Spelling  hook,  Lon<lies,  1840, 
in  8;  Amharic  Cntechism,  Londro.«,  1841,  in  8;  Adnmbratio  historiae  mundi,  Londres,  1842, 
in  8;  L*turgia,  (Common  prayer  book)  una  cum  psalicrio  amharico,  Londrep,  1842,  in  8. 

^  A  l'ou\rage  cité  de  Flad,  il  fallait  ajouter  The  God  of  Israel  in  the  God  of  Salvation.  S.  Cris- 
chona,  18G6.  in  18;  Proofs  from  the  Old  Testament  that  Jesus  of  Nazareth  is  th**  son  ofGods^ 
S.  Criscbona  1867,  in  18 

3  Ed   Pell  Piatt,  Londrep,  1824.  in  4.  —  -«  Bale,  1872,  in-8.  —  *  Bale,  1878,  in  8. 

ß  Bale,  1870,  in  8.  —  ^  3  parties  in  8.  S.  Criscbona,  1871-1873. 

^  La  grammaire  anibariqne  de  M.  Tiuidi  a  eu  en  1892  une  seconde  édition  trôs  angm^'ntée. 

^  Le  Qaire,  1289  bôg.,  in  8.  —  C'est  plu'At  une  série  de  vocabulaires  accompagnée  dr'  dialogues 
et  d'anecdote!". 

1^  Paris.  1898,  in  8,  2«  édition  très  augmentée  sous  le  titre  de  :  Aperçu  grammatical  de  la 
langue  amharique,  Louvain,  1899,  in  8. 

î^  Rome.  1905,  in  8. 

1«  Rivista  degli  Studii  Orientali,  T.  I,  p.  5-30.  Rome,  1907. 

^8  Mittheilungen  des  Seminars  für  Orientalische  Sprachen  zu  Berlin.  T.  X,  2«  r^rtie,  Berlin, 
1907,  p.  167-184. 

Ï*  Mittheilungen  ibid,  p.  18&-241. 

15  Zeitschrift  für  Assyriologie,  t.  XVI,  p.  65-78. 

1^  Up^ala,  s.  d.,  in  8.—  Malgié  le  titre  suédois:,  Tinfroduction  et  la  traduction  sont  en  allemand. 

*7  Zeitschrift  für  Assyriologie,  t.  XIII,  p.  188  31ô. 

ï8  Zeitschrift  für  A&^yriologie,  t.  XIII,  p.  134-178;  t.  XIV,  p.  1-102. 

1»  M'kullo,  1889.  —  20  M'kullo,  1889.  -  "  Rome,  1893,  in  18.  —  ««  UOriente,  1894,  p.  28-33. 

"  S.  Crischona,  1886,  in  12.—  ^  Rome,1902,  in  8.—  ^  Rome,  1894,  in  8.—  ^  Rome,  1895,  in  8. 

"  Berlin,  1893,  in  4.  —  ««  Rome,  1897,  in  8,  p.  3-13. 


1908.]  ANALYSES.  [P.  173. 

Littiiiann,  Specimens  of  popular  Literature  of  Modern  Abyssinia^.  Pour  le  Gou- 
ragiié  (p.  IG),  hi  première  conuaissance  de  ce  dialecte  est  due  au  vocabulaire, 
aux  paradigmes  et  au  texte  recueillis  par  Mayer  et  publiés  après  la  mort  de 
l'auteur  par  Krai)f  :  Kurze  Wo  y  ter  Sammlung  in  eiiglish,  deutsch,  amharisch,  galla- 
nisch,  guraguesch'^,  et  enfin  pour  le  Harari  (p.  16,  note  2)  l'ouvrage  de  Builon, 
First  footsfrj s  in  East  Africa^  renferme  une  grammaire  et  un  vocabulaire  de 
cette  langue. 

C'est  à  la  suite  d'une  mission  eu  Abyssinie,  spécialement  en  vue  d'une  en- 
quête sur  les  populations  falacha,  que  M.  Faïtlovitch  a  rapporté  ces  proverbes*. 
La  traduction  est  correcte,  et  à  l'occasion,  l'auteur  a  fait  des  rapprochements 
avec  des  collections  semblables  (Guidi,  Praetorius).  On  peut  y  joindre  les  suivants 
empruntés  au  recueil  de  Mittwoch  paru  en  même  temps  que  celui  de  M.  Faïtlo- 
vitch : 

Proverbe  4  (F),  dans  M  =  n"  81  (M.)  avec  cette  variante  pour  la  2^  partie  : 
il  n'y  a  i)as  d'appréciature  an  dessus  du  juge. 

Pr.  19  (F)  =  14  (M.)  avec  un  commentaire  phis  étendu. 

Pr.  83  (F)  -    8  (M.) 

Pr.  40  (F)  =  13  (M.)  avec  une  variant(\ 

Pr.  96  (F)  -=    3  (M.)  avec  un  commentaire. 

P.I.  98  (F)  =  10  (M.) 

J'ai  insisté  sur  les  lacunes  que  présente  la  bibliographie  de  M.  Faïtlovitch, 

mais  je  dois  reconnaître  que  son  ouvrage  est  une  utile  contribution  à  l'étude  de 

la  société  abyssine  et  qu'il  rendra  des  services  à  celui  qui  plus  tard  fournira  un 

Corpus  d(»s  proverbes  amarinas.  Cette  publication  est  de  bon  augure  pour  les 

suivant(»s.  René  Basset. 

* 
*     * 

Emile  Galtier.  Coptica-arahica^  iasc.  I.  Le  Caire,  1906,  Lnprimerie  de  l'Institut 
français  d'archéologie  orientale,  78  p.  in-4,  9  fr. 

J'ai  eu  j)récédemment  l'occasion  de  signaler  dans  la  Rfvue  des  Traditions 
jfojni'aires  un  ouvrage  de  M.  E.  Galtier,  intéressant  au  point  de  vue  du  folk-lore'*. 
Celui  (pli  vient  de  paraître,  quoique  n'étant  i)as  exclusivement  consacré  à  la  litté- 
rature* populaire,  n'en  conti(Mit  pas  moins  de  précieuses  contributions.  Dans  la 
j)arti('  intitulée  Arabica^  Fauteur  étudie  le  recueil  de  sentences  attribuées  à  des 
sagt^s  *^ivc<,,  composé  par  Abou'l  Faradj  l)en  Hindou  et  cpii  mérite  d'être  rappro- 


*  Journal  of  the  American  oriental  Society,  t.  XXIII»  p.  51-55.  —  On  peut  ajouter  Â  celte  liste, 
pour  la  compléter,  des  publications  dont  M.  Fbïtiovitch  n'a  pu  avoir  connaissance,  puisqu'elles 
ont  paiu  en  même  lemps  que  la  sienne  ou  même  depuis  :  Conti  Rossii  i,  Racconti  e  canti  bileni, 
Parii»,  1907,  in  8  p.  27-34,  textes  amariùi,  et  p.  34-64,  textes  tigiô.  Enno  Littmann,  Canzone 
tigre,  Rivista  degli  Studi  Orientalin  t.  I,  p.  211-215. 

*  Bale,  1876,  in  8.  —  ^  Londres,  1856,  in  8. 

^  Deux  au'res  publications  relatires  â  cette  mi.-sion  ont  déjà  paru  :  Notes  d*un  voyagechez  les 
Falachas,  Pari?,  Leroux,  1905;  Mota-Musé  (\sl  mort  de  Moïse),  apocryphe  éthiopien  traduit  en 
fiançiis,  Pari.«,  Geuthner,  1906.  —  Aux  légendes  arabes  ayant  trait  à  la  mort  de  Moïse  et  indi- 
quées p.  6,  note  1,  il  fallait  ajouter  H)(h  Tha'alibi,  Qisa^  el  Anhyà  (Le  Qaire,  1298  hég.,  in  4, 
p.  215-218);  Gitlnbaum,  Neue  Beitraege  zur  Semitischen  Sagenkunde  (Leiden,  1893,  p.  183-185)  ; 
Monadjàt  Mousa,  texte  arabe  (Beyrouth,  s.  d.,  in  8.  p.  23-26). 

5  Contribution  à  r étude  de  la  littérature  arabe  copte.  Le  Qaire,  1905,  in  4.  Cf.  Revue  des 
Traditions  populaires,  juin  1906,  p.  265-267. 


p.  174.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [^®*^^- 

che  de  la  V*  partie  du  Djawid'an  Â  hired'  d'ibn  Miskawoih^  et  du  recueil  éthio- 
pien connu  sous  le  nom  de  Mash'afa  l'ahibâh'^.  A  côté  des  nuixinies  attribuées  à 
des  philosophes  grecs,  se  trouvent  des  fabl(\s  :  ainsi  celle  de  la  liesacc^  est  mise 
dans  la  bouche  de  Demosthenes,  puis  vient  une  série  d'autres  :  ic  renard  et  la 
lionne^  ;  le  loup  et  la  grue'»  ;  le  chevreau  et  le  loui)^  ;  la  vipère  et  le  fagot  d'épi- 


^  Cf.  la  notice  du  texte  arabe  que  J'ai  donnée  dans  la  préface  de  mon  ôiition  de  la  ver-^icn 
arabe  du  Tableau  de  Cébès  (Alger,  1898,  in  8,  p.  9-13).  Une  traduction  persane  (celle  du  Taqi  ed- 
din  Moh'ammed,  el  An-adjàni  ?)  a  été  lithographiôe  à  Téhéran  en  1294  hég. 

'  Cf.  les  ixtrairs  donnés  par  Dillmann.  Chrestomathia  aethiopica^  Leipzig,  1866,  in  8,  p.  40-55 
ei  le  mémoire  de  Corn  ill,  Das  Buch  der  loeisen  Philosophen,  Leipzig,  1875,  in  8. 

^  Outre  la  fabla  ésopique  publiée  par  Halm  et  citée  par  M.  Galtier,  il  y  est  fait  allusion  par 
Plutarque  (  Vie  de  Crassus,  XXXII)  à  l'occasion  des  contes  milésiaqucs  trouvés  par  Suréna  dans 
les  bagages  de  l'armée  de  Crassus.  Cf.  aussi  Phèdre  (L.  W.  f.  10);  Avianus(f.  XIV),  un  apologue 
de  Tab  jô  Pior  (De  vitis  patrum.  L.  III  §  136  ap.  Migne  Patrologia  latina  T.  73,  col.  783.  Paris, 
1879  g^  in  8)  ;  Perse  (Sut.  IV  v.  24)  :  Sed  praecedenti  spectatur  mantica  tergo. 

Erasme  y  fait  allusion  (Eloge  de  la  folie,  trad.  Develay.  Paris  1876,  in  8,  p.  86)  ainsi  que  Sha- 
keh-p^are  (Coriolan,  acte  II,  se.  1).  C'est  la  fable  VII  du  livre  I  de  La  Fontaine,  qui  a  été  uiise  en 
vers  latins  par  C.  Lebeau  [Carmina^  Paris,  1782,  in  8,  L.  III,  p.  134-136).  Cf.  aussi  Delboulle, 
Les  Fables  de  La  fontaine,  Paris,  1891,  in  12,  p.  13-14. 

*  Cf.  les  rapprochements  indiqués  dans  mon  Loqmàn  berbère^  Paris,  1890,  in  12,  p.  Cl  et 
Chauvin,  Bibliographie  des  ouvrages  arabes,  T.  III.  Liège  ol  Leipzig,  1899,  in  8,  p.  29. 

5  Cf.  outre  la  fable  ésopique  mentionnée  :  Weber,  Indische  Studien,  III,  350-351  ;  Wagener, 
Essai  sur  les  rapports  entre  les  apologues  de  VInde  et  de  la  Grèce,  Bruxelles,  s.  d.  in  4,  p.  49-50, 
117;  DelaLoubôre,  Du  royaume  de  Siam,  Paris,  1891,  2  v.  in  12,  T.  II,  p.  25-26  ;  Pallegoix, 
Description  du  royaume  thaï.  Paris,  1854,  2  v.  in  12,  T.  II,  p.  20;  Gabrias,  Quatrains,  39.  Le 
loup  et  la  grue;  Apbthonios,  fdb.  25;  Phèdre,  L.  I,  f.  8,  Lupus  et  Grus  ;  Romulus  L.  I,  f.  8 
(Hervieux,  Fabulistes  latins,  T.  II,  Paris,  1884,  in  8,  p.  180);  Romulus  de  Berlin,  f.  8  (Hervieux, 
op.  laud.  p.  250-251);  Walter  l'Anglais,  f.  7.  De  Lupo  a  Grue  (Hervieux,  op.  laud,  p.  429); 
Romulus  d'Oxford,  f.  7,  Lupus  et  Ciconia,  (Hervieux.  op.  laud.  p.  367);  Romulus  de  Vienne, 
II,  7.  De  Lupo  et  Grue  (Hervieux,  op.  laud.  p.  287);  Komulus  de  Nilant  f.  9,  Quod,  unus  quidam 
Lupus  ossa  roderet,  unum  ex  ossibus  fauabus  ejus  inhacsit.  (Hervieux,  op  laud,  p  334);  Fabu- 
lae  Phadriana  I,  9,  Lupus  et  Grus  (Hervieux,  op.  laud.  p.  149);  Adhômar  de  Chabann'es,  f.  64 
(Hervieux.  op,  laud.  Lupus  et  Grus  (Hervieux,  op.  laud.  p.  144)  ;  Anonyme  de  Nevelet,  f.  8; 
Romulus  de  Berne  f.  4.  Lupus  et  Grus  (Hei  vieux,  op.  laud.  p.  342);  Alexandre  Ntquam,  Aller 
Aesopus  f.  1.  De  Lupo  et  Grue  (Hervieux,  op.  laud.  p.  787;  E.  Du  Môril,  Poésies  inédites  du 
moyen  âge.  Paris,  1854,  in  8,  p.  176);  Jacques  de  Vitry,  Exempla  (éd.  Crane.  Londres,  1890, 
p.  61)  n®  136;  Rhylmicae  fabulae.  L.  I,  f.  9  (ap.  Wright,  Sdectio7is  of  latin  stories);  Vincent 
de  Beauvais,  Speculum  historiale^  L.  III.  f.  5,  Lupus  et  Grus  (Hervieux,  op.  laud,  p.  236); 
Mari  •  de  France,  f.  7  (E.  Warucke,  Halle,  1898,  in  8,  p.  26-28)  ;  Robei  t,  Fables  inédites  des  Xlhy 
XlIPet  XrV^  siècles,  (Pari?,  1825,  2  v.  in  8).  T.  I,  p.  193;  Ysopet  de  Lyon.  éd.  Foersler  (Alt 
französische  Bibliothek  T.  V,  Heilbronn.  1882,  in  12),  fable  VIII,  Dou  lou  et  de  la  grue,  p.  13-14; 
Nicole  Bozon,  Contes  moralises  n®  72.  Quod  divites  modica  dayit  et  raro  (éd.  Toulmin  Smith 
et  Meyer,  Paris,  1889,  in  8,  p.  91-92);  Ruiz  de  Hita,  copia  242,  Ensieniplo  del  Lobe,  e  de  la  Cabra 
a  de  La  Grulla  (ap,  Sanchez.  Poesias  castellanas  anteriores  al  Siglo  XV.  Paris,  1842,  p.  442- 
443);  Libro  de  losGatos,  §  2.  Enxemplo  del  Lobo  con  la  ciguena  (a p.  P.  de  Gayangos.  Escritores 
en  prosa  anteriores  al  siglo  XV  (Madrid,  1859,  in  8,  p.  543)  ;  Brou. yard.  Summa  praedicantium, 
6,  IV,  16  ;  KWchof jWendunmuth,  7,  42  ;  Steinhöwel,  Jüsop,  (éd.  Oesterley,  TObingeo,  1873, in  8) 
L.  I,  f.  8,  Von  dem  wolf  und  krauch,  p.  89;  Corrozet,  fable  VI.  Du  Loup  et  de  la  Gi-ue  (Fables 
d'Esope  mises  en  vers,  Paris,  1882,  in  8,  p.  17-18);  Hugo  von  Triemberg,  Renner  f.  14;  Guicciar- 
dini,  Dötti  et  fabli  notabili  (Lyon,  1808,  in  12,  p.  198),  Il  Lupo  ed  il  Ginl  ;  Parma,  Fables,  56, 
Lupus  et  Grus;  Nicoiaus  Pergamenus,  Dialogus  creaturarum.  Dial,  117,  De  sienia  et  taxa  (ap. 
Graesse,  Die  beiden  ältesten  latehiischen  Fabelbücher  des  Mittelalters,  Tübingen,  1880,  in  8, 
p.  272)  ;  Decourdemanche,  Fahles  turques^  f.  68,  Le  Loup  et  la  Cigogne^  (Paris,  1882,  in  18, 
p.  140-141)  ;  G.  Le  Noble.  Contes  et  fables  (Paris,  1700.  2  v,  in  12,  T.  I,  p.  i.v-31),  f.  8,  Dm  Loup 
et  delà  Grue,  C'est  la  fable  IX  du  L.  III  de  La  Fontaine.  Cf.  aussi  La  Fontaine,  éd.  Régnier 
T.  I  (Paris,  1883,  in  8),  p.  228-229  ;  Chauvin,  Bibliographie  des  ouvrages  arabes,  T.  lu,  p.  19. 

^  A  ajouter  aux  versions  indiquées  par  V.  Chauvin  (Bibliographie  des  ouvrages  arabes,  T.  III, 
p.  56)  le  ms.  3462  de  la  Bibliothèque  Nationale  de  Paris,  £»•  arabe,  f.  76  (f.  119)  Le  boite  et  le  loup. 


1908.]  ANALYSES.  [P.  175, 

nes  ;  le  renard  et  la  ronce"^.  On  trouve  plus  loin  la  traduction  française  et  le  texte 

espagnol  d'un  récit  en  aljaraiado  (espagnol  écrit  en  caractères  arabes),  intitulé 

Le  bain  de  Zarieb.  C'est  le  développement  d'une  anecdote  arabe  qu'on  trouve 

Behâ  ed  din  El  Auiili^.  Elle  est  suivie  d'une  version  de  la  légende  de  la  ruse  de 

Didon  (la  peau  coupée  en  lanières),  appliquée  à  la  construction  de  la  mosquée 

de'Amr  au  Vieux  Qaire.  C'est  une  recension  à  ajouter  à  celles  qui  ont  été  énu 

mérées  dans  la  Revue  des  Tradiiiom  populaires .  Enfin  le  dernier  article  qui  se 

rapporte  au  iblk-lore  traite  de  la  croyance  à  la  résurrection  partielle  des  morts 

qui  aurait  lieu  une  fois  par  an  aux  environs  du  Qaire. 

On  voit  l'intérêt  que  présente  le  premier  fascicule  des  Copiica- Arabica  de 

M.  E.  Galtier.  Il  faut  espérer  que  le  second  ne  se  fera  pas  attendre  et  que  nous 

aurons  une  fois  de  plus  l'occasion  de  reconnaître  la  sagacité  et  l'érudition  de 

l'autour,  au  grand  profit  du  folk-lore.  René  Basset. 

* 
*     * 

Ronald  M.  Burbows.  The  Discoveries  in  Crete  and  their  bearing  on  the  history  of 
ancient  civilisation.  Londres,  Murray,  1907,  in-8<*,  XVI-236  p.  et  4  planches. 

Angelo  Mosso.  Escursioni  nel  Mediterraneo  e  gli  scavi  di  Creta.  Milan,  Treves, 
1907,  gr.  in-8^  290  p.  2  planches  et  187  illustrations». 

Les  découvertes  de  Crète,  qui  ont  si  profondément  modifié  les  opinions  reçues 
sur  la  préhistoire  du  monde  grec,  ne  sont  encore  connues  que  par  les  rapports 
des  explorateurs  imprimés  dans  des  périodiques  peu  accessibles  ou  par  telles 
études  plus  approfondies  sur  certaines  questions  d'archéologie  ou  d'histoire  reli- 
gieu.se,  études  pareillement  insérées  dans  des  Revues  spéciales.  Si  le  public  français 
a  pu  se  tenir  au  courant  de  ces  découvertes  par  les  articles  de  M.  S.  Reinach  dans 
V Anthropologie  a\ixquels  on  doit  ajouter  ceux  de  MM.  R.  Dussaud  et  E.  Pottier,  il 
ne  paraît  pas  en  avoir  été  de  même  en  Angleterre  où,  cependant,  l'exposition  d'art 
Cretois  en  1903  au  Burlington  House,  puis  l'installation  par  M.  Evans  lui-même 
des  collections  de  doubles  et  de  copies  à  l'Ashmolean  d'Oxford,  ont  éveillé  le  plus 
vif  intérêt  ;  aussi  M.  Burrows,  professeur  de  grec  à  Cardifi*,  a-t-il  cru  opportun  de 
donner  aux  scholars  de  son  pays  un  aperçu  d'ensemble  non  tant  sur  le  détail 
même  des  fouilles  de  Crète  que  sur  les  données  nouvelles  qu'elles  apportent  et 
les  problèmes  qu'elles  posent.  Parfaitement  au  courant  de  tout  ce  qui  a  été  écrit 
à  ce  sujet*  et  secondé  d'ailleurs  par  les  fouilleurs  de  Knossos,  MM.  Evans  et 
Mackenzie,  et  par  les  meilleurs  spécialistes  anglais  —  MM.  Hall,  Myres,  King  et 

^  C'.  Cliauvin,  Bibliographie  des  outrages  arabes^  T.  III  (p.  75);  à  qui  il  faut  »jouter  le  nis. 
3462  de  la  Bibl.  Nat.  de  Paris,  i^*  arabe,  f.  9  ot  82,  et  Abou'l  Ma*uli  Moh'ammed  ben  'Abdoun, 
Tacî^^Atra^,  dont  la  fable  est  citée  d'aprôs  le  msF.  de  Londres  dans  laCbrestomathie  arabe  de 
Durand  et  Cheikho  (Elementa  grammaticae  arabicae^  Beyrouth,  1897,  p.  319). 

2  Kechkoul,  Le  Qaire,  1316,  bôg.  in  4,  p.  73. 

3  Cet  ouvrage  vient  de  parairre  en  anglais  sous  le  titie  :  The  palaces  of  Crete  and  their  buil- 
ders, sans  modificatiop  sinon  un  plus  beau  papier  et  une  couverture  cartonnée  :  d'où  27  frs  au 
lieu  de  8  !  Sur  les  fouilles  italiennes  décrites  par  M.  Mosso  voir  en  dernier  lieu  Pernier,  Ausonia, 
1907,  pp.  109-120. 

^  Cimme  omissions  importantes  je  ne  vois  à  sij^naler  que  les  articles  do  R.  Weill  dans  la 
Revue  archéologique  de  1903  et  de  1904  sur  la  question  de  l'ôcriture  linéaire  et  le  vase  de 
Phaestos;  ceux  de  S.  Reinach  dans  \ Anthropologie^  l'étude  de  Miss  E.  H.  Hall  ^ur  Part  décoratif 
de  l'âge  du  bronze  en  Crète  (Philadelphie,  1907),  IVxcellent  résumé  sur  l'état  des  découvertes  en 
Crôte  publié  par  S.  A  Xanthoudidis  dans  rAÔT,va  de  1904,  les  Neue  Darstellungen  a  myke- 
nischeryy  Gesandten  de  W.  M.  Müller,  et  les  Beiträge  ...  su  Kypros  de  K.  von  Lichtenberg  dans 


p.  176.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Conway  —  il  lui  a  été  posssible,  non  seulement  d'exposer  correctenient,  mais 
même  de  préciser  et  de  développer  les  opinions,  parfois  assez  fuyantes,  que  ces 
savants  ont  dispersées  dans  leurs  différents  écrits.  Un  excellent  index  aidant,  on  se 
trouve  en  présence  d'un  véritable  répertoire  de  ce  qui  a  été  dit  sur  la  plupart  ties 
questions  créloises  jusqu'en  mai  1907  :  le  palais  de  Knossos  est-il  le  labj-rintlie  du 
Minotaure  V  les  Keftî  de  la  tombe  ilv  Rekhmara  sont-ils  des  Cretois  ?  les  Etéo- 
crétois  descendent-ils  des  Cretois  de  Minos  V  la  religion  primitive  en  Crète  est-elle 
aniconique  ?  quelles  sont  les  influences  égyptiennes  ou  babyloniennes  en  Crète  et 
quelles  sont  les  influences  Cretoises  en  Egypte  ?  le  palais  d'Alkinoos  représente-t-il 
celui  de  Minos  et  la  Pliaeacie  n'est-elle  pas  une  Crète  idéalisée?  les  Achéens 
ont-ils  détruit  la  civilisation  minoenne  ou  ont-ils  seulement  précipité  sa  décadence? 
la  langue  dans  laquelle  sont  écrites  les  tablettes  Cretoises  est-elle  indo-euro- 
péenne ?  — M.  B.  ne  s'est  pas  contenté  de  poser  ces  questions  (avec  moins  de  clarté 
souvent  qu'on  n'eût  désiré  ;  il  n'a  pas  résisté  au  plaisir  de  s'étendre  en  deux  longs 
chapitres)  d'abord  sur  la  chronologie  égyptienne  pour  maintenir  en  définitive  la 
XII*  dynastie,  contemporaine  du  Moyen  Minoen  II,  à  2700-500,  date  intermédiaire 
entre  le  3400  de  Pétrie  et  le  2000  de  Ed.  Meyer;  puis  sur  la  poterie  néolithiqm* 
à  spirales  pour  opposer  sans  grand  profit  la  théorie  de  l'origine  égéenne  à  celle 
de  l'origine  indo-européenne.  A  côté  de  ces  digressions,  qui  l'ont  empêché 
d'approfondir  aucune  des  questions  posées,  on  doit  aussi  regretter  les  vives  polé- 
miques où  l'auteur  se  laisse  entraîner  contre  VValdstein  qui  aurait  voulu  faire 
descendre  l'art  minoen  jusqu'au  VIP  siècle  ou  contre  Rouse  qui  cherche  le 
Labyrinthe  à  Gortyne,  contre  Doerpfeld  qui  verrait  des  Cariens  dans  les  fondateurs 
de  la  civilisation  minoenne  ou  contre  Lang  qui  suppose  que  l'auteur  primitif  de 
l'Iliade  ne  connaissait  que  le  bronze  pour  armer  ses  héros.  Ce  sont  là  autant  de 
théories,  ou  bien  dont  il  a  été  fait  assez  justice  pour  qu'il  soit  inutile  d'y  revenir 
comme  celles  de  Rouse  ou  de  Waldstein,  ou  bien  qui  sont  trop  complexes  pour  qu'on 
puisse  prétendre  les  démolir  en  dix  pages  comme  celles  de  Ed.  Meyer,  Lang  ou 
Doerpfeld.  Sans  doute,  ces  discussions,  impétueusement  menées,  contribuent-elles 
à  rendre  brillant  et  vivant  le  livre  de  M.  B.  ;  mais  elles  l'ont  empêché  d'être 
complet  ou  même  clair  sur  bien  des  points  essentiels  et  enlèvent  malheureusement 
beaucoup  à  sa  valeur  scientifique.  Alors  qu'il  eut  été  facile  à  M.  B.,  avec  sa 
connaissance  approfondie  de  la  matière,  de  donner  dès  maintenant  un  pendant  à 
l'excellent  ouvrage  de  Tsountas  et  Manatt,  The  Mycenean  Age  (Londres,  1897), 
son  livre,  peut-être  trop  rapidement  composé,  risquerait  —  n'étaient  l'index  et  la 
bibliographie  très  commodes  qui  l'accompagnent  —  de  ne  pas  faire  avancer 
beaucoup  plus  l'étude  de  la  Crète  minoenne*  que  ne  peuvent  le  faire  les  notes  et 


Vorderasiatische  MiUeilungen  de  1904  et  1906.  Je  ne  sais  si  M.  B.  a  pu  encore  connfaUie  le 
travail  de  M.  Pottier  dans  le  Bulletin  de  Correspondance  Hellénique^  1907,  p.  129,  les  articles 
du  p.  Lagrange  dans  la  Reitue  Biblique  de  1907,  les  travaux  de  M.  Dussaud  sur  Chypre,  le 
Canaan  du  P.  Vincent  (Paris,  1907)  et  le  premier  fascicule  à'Orchomenos  par  H.  Bulle  (Leipzig, 
1907).  En  tout  cas  il  est  impossible  de  comprendre  pourquoi  M.  B.  a  encombré  sa  bibliographie 
de  livres  qui  ont  aussi  peu  de  rapport  avec  la  Crète  que  Chadwick,  Origin  of  the  English  Nation ^ 
MeTsteihans,  Grammatik  der  attischen  Inschriften,  Passow,  Tragoudia  Romaiika  et  une 
disaine  dautres  de  môme  ordre  tous  désignés  par  des  abréviations  qui  forment  de  véritables 
logogriphes  :  Rhys,  W  P.  (=  The  Welsh  People  !),  Pick,  H.  0.  V.  S.  (=  Die  homerische  Odyssee 
in  der  Ursprünglichen  Sprachform  !)  Que  dire  aussi  de  phrases  de  ce  genre  qui  veulent  caracté- 
riser la  conquête  achôenne  en  Crète  (p.  100)  «  For  Crete  the  sack  is  ^Egospotami,  Late  Minoan  III, 
th9  long  months  that  culminate  in  the  surrender  of  Athens  ;  the  sack  is  Leipzig,  Late  Minoan  III, 
the  slow  closing  in  on  Paris  that  leads  up  to  the  abdication  of  Napoleon  »  !  ! 


1908.].  ANALYSES.  [P.  177. 

impressions  de  voyage  réunies  par  M.  Mosso.  On  pouvait  espérer  davantage  de 
Térudition  et  du  talent  de  M.  Burrows. 

Physiologiste  et  sociologue,  le  professeur  Mosso  s'est  passionné  de  bonne 
heure  poiu*  les  découvertes  de  Crète  :  dès  1902,  dans  son  beau  livre  Mens  sana 
in  corpore  sano,  il  célébrait  et  regrettait  cette  éducation  pliysique  qui  faisait  des 
femmes  comme  des  hommes  du  temps  do  Minos  de  si  souples  toréadors  et  des 
boxeurs  si  puissants.  Bientôt,  sur  les  pas  de  Sergi,  il  commençait  à  mesurer  les 
plus  anciens  crânes  mis  à  jour  en  Etrurie  ou  dans  le  Forum  et  se  déclarait  à  sou 
tour  contre  la  théorie  indo-germanique  "  inventée  par  les  philologues  allemands.  « 
Il  n'y  a  pas  de  race  aryenne  :  au  moins,  dans  le  bassin  de  la  Méditerranée  ne 
trouve-t-on,  à  l'origine,  que  des  «  Méditerranéens  « .  Au  printemps  1906,  M.  Mosso  est 
donc  allé  chercher  en  Crète  des  documents  pour  ses  recherches  sur  les  crânes  et 
squelettes  préhistoriques  et  pour  ses  analyses  des  armes  de  cuivre  et  de  bronze. 
Il  n'a  pas  seulement  visité  et  suivi  les  fouilles  en  compagnie  de  leurs  directeurs, 
Evans,  Pernier  ou  Xanthoudidis,  mais,  avec  l'émotion  du  néophyte,  il  a  lui-même 
dégagé  des  tombes  aux  environs  de  Phapstos  et  fait  creuser  dans  le  Palais 
un  puits  de  5  mètres  au  fond  duquel  il  a  eu  le  bonheur  de  rencontrer,  avec 
des  tubes  d'os  qui  auraient  embouché  des  flûtes  préhistoriques,  une  masse 
(le  fer  météorique  à  côté  d'une  statuette  féminine  en  terre  cuite  tatouée 
d'une  croix  sur  le  flanc  gauche  ;  ainsi  se  confirme  l'interprétation  que  les 
fétiches  de  pierre  à  peine  anthropoïdes  de  la  Villa  Royale  de  Knossos,  avaient 
permis  de  donner  de  la  légende  crétoiso  selon  laquelle  Kronos  aiu'ait  dévoré  son 
tils  sous  forme  d'ime  grosse  pierre  emmaillotée.  Comme  en  Syrie  et  en  Cappadoce, 
la  Terra  Mater  et  son  fils,  le  dieu  de  la  foudre,  auraient  été,  en  Crète,  adorés  d'abord 
sous  les  espèces  de  ces  bolides  tombés  du  ciel  ou  considérés  comme  tels.  — 
D'autres  sondages  ont  permis  à  M.  M.  de  constater  que,  tandis  que,  à  Knossos  il 
faut  creuser  à  10  ou  12  m.  pour  atteindre  le  sol  vierge,  à  Phaestos,  elle  est  mise 
à  nu  par  lui  puits  de  5  m.  dans  le  grand  coidoir  des  magasins  et  à  1  m.  à  peine 
dans  la  cour  du  Palais.  Il  n'en  résulte  pas  seulement,  comme  Ta  vu  M.  M.,  que 
les  constructeurs  du  Palais  ont  dû  niveler  une  surface  qui  paraissait  plate  jus- 
qu'ici ;  mais,  le  calcul  qui,  à  Knossos,  a  fait  assigner  une  antiquité  de  12  à  14000 
ans  au  premier  établissement  néolithique  s'en  trouve  compromis  puisque  la  même 
céramique  noire  lisse  qui  caractérise  cette  période  se  rencontre  à  Phaestos  à  une 
profondeur  qui,  d'après  le  même  calcul,  ne  remonterait  qu'à  5000  ans  avant  notre 
ère  ;  il  faudrait  ainsi  admettre  que,  à  Tépoque  de  la  civilisation  «l'Abydos  en 
Egypte,  la  Crète  était  encore  en  plein  âge  néolithique. 

A  côté  de  résultats  semblables,  M.  M.  nous  apporte  plus  d'un  renseignement 
nouveau  sur  ces  fouilles  italiennes  encore  si  mal  connues.  Il  est  notamment,  le 
premier  à  publier  ce  chef  d'œuvre  qui  ne  le  cède  qu'à  la  coupe  des  moisson- 
neurs, (fig.  33-4),  la  coupe  de  steatite,  déjà  connue  par  une  description  de  Paribeni 
(Rendicantiy  1903,  p.  324)  où  un  chef,  dont  la  chevelure  abondante  descend 
jusqu'au  ceinturon,  appuyé  sur  une  lance  aussi  haute  que  lui,  parait  donner  des 
ordres  à  un  lieutenant  qui,  plus  petit,  les  cheveux  ramenés  sur  la  tête,  l'épée  au 
creux  de  l'épaule  droite,  les  transmettra  aux  soldats  alignés  derrière  lui  dont  le 
grand  bouclier  ne  laisse  passer  que  les  pied  s  guêtres  et  la  tête  chevelue.  A  la  Pa  tela 
de  Priuia,  M.  M.  annonce  la  découverte  eu  1906  par  M.  Pernier  d'une  stèle 
où  un  guerrier  «  gigantesque  y>  à  la  targe  ronde  et  à  knémides  se  dresse  devant 
la  figure  suppliante  d'un  homme  vêtu  à  la  mycénienne,  peut-être  un  conquérant 
acheo-dorien  donnant  l'aman  à  quelque  étéo-crétois. 


p.  178.]  •    R    •     E    •     E    •    S    •  Ç.^^^^- 

N'étant  pas  archéologue,"  M.  M.  se  contente  de  mentionner  de  pareilles 
découvertes  ;  il  se  plait  surtout  à  insister  sur  ce  qui  intéresse  en  lui  le  naturaliste. 
Ainsi,  Ton  apprend  que  le  taureau  des  fresques  Cretoises  est  très^  près  du  Bos 
primif/enius  et  la  chèvre  de  la  Capra  aegagrus  ;  que  les  poissons  volants  se  voient 
encore  dans  la  mer  de  Crète  ;  que  le  chat,  qu'on  croyait  d'origine  égyptienne, 
figure  déjà  sur  une  fresque  de  Hngia  Triada,  une  porcelaine  de  Knossos  et  une 
terre  cuitt*  de  Gouriiia^  et  que  la  colombe,  que  Helm  faisait  venir  de  Syrie  au 
V*  sièclf ,  a  j)lutôt  pris  sou  vol  de  Dodone  pour  envahir  TA  sie  et  l'Afrique  ;  que  le 
châtaignier  dinde  no  p(ut  être  d'aussi  lointaine^  provenance  que  l'indiquerait  son 
nom  puisqu'on  le  reconnaît  sur  un  vast*  de  Kamarès  et  qu(»  h»  murex,  qui  jouo  un 
si  grand  rôle  dans  l'art  miuof  n,  témoigne  que  la  pourpre  a  été  connue  en  Crète 
bien  avant  de  l'être  en  Phénicie  ;  que  l'huih»  d'olive  l)riilait  dans  les  lampadères 
en  steatite  des  palais  crétois  et,  enfin,  que  le  peuple  qui  fit  de  si  grandes  choses 
avec  Minos  aurait  été  C()mi)osé  e^n  moyenne  de  dolicocéphales  à  cheveux  noirs  et 
peau  brune,  hauts  de  I  m.  60  à  en  juger  par  h»  squelett(»  d'une  larnax  d'Artsa 
(cf.  les  mesures  crAniologiques  deDuckworth  bien  exposées  par  Burrows,  p.  165-8). 
Tout  cela  c^st  dit  un  i)eu  pêle-mêle,  au  milieu  de  (Inscriptions  poétiques  et  de 
considérations  philosophiques,  et  l'enthousiasme  sincère  qui  anime  tout  l'ouvrage 
en  rend  la  lecture  particulièrement  attrayant(\  Il  no  manquera  pas  de  gagner, 
en  Italie,  des  amis  et  drs  appuis  à  ces  fouilles  qui,  à  interpréter  avec  M.  Mosso 
un  vers  fameux,  seraient  presque  nationales  pour  le  peuple  d'Enée  : 
Mons  lâaeus  uhi  et  gentis  cunabula  nostra  ? 

A.  J.  Reinach. 


1  M.  M.  ne  cite  que  ce  dernier  monument.  J*ajou(e  la  porcelaine  votive  de  Knofsos  d'après 
Evans,  Annual^  IX,  p.  77  et  la  fresque  d*H.  Triada  d*aprôs  les  Monumenti  Anlichi,  XIII,  p.  57. 
Le  chat  de  la  fresque  comme  ceux  des  poignards  de  Mycônes,  parait,  d'ailleurs,  au  milieu  d'un 
paysage  tout  égyptien  ;  mais  on  sait  que  Bast,  la  déesse  Chatte,  viendrait  de  Libye  selon  Wiede- 
mann. C'est  de  là  qu'elle  a  pu  gagner  la  Crôte  comme  l'Egypte.  M.  M.  conclut  à  tort  de  l'absence 
du  cheval  en  Crète  au  caractère  non-aryen  de  sa  population.  On  pourrait  opposer  le  même  fait 
aux  théories  d'origine  libyenne  vers  lesquelles  il  incline  avec  raison,  d'autant  plus  que  Ridgeway 
a  montré  récomment  que  tous  les  chevaux  du  bassin  oriental  de  la  Méditerranée  étaient  de  race 
libyenne  {Origin  and  influence  of  thoroughbred  horse,  1905);  on  peut  ajouter  qu'on  reconnaît 
Ikisément  un  cheval  barbe  poité  sur  un  navire  crétois  (Annuah  XI,  fL%,  7). 


1908.]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P,  179. 


NOTIGES  BIBLIOGRAPHIQUES. 


Eduard  Meyer.  Uehej^  die  Anfänge  des  Staats  und  sein  Verhaltniss  zu  den  Geschlechts- 
verbänden  und  zum  Volkstum  i>itzungsberichte  der  K.  Preussisclien  Akademie  der 
Wissenschafton,  hist.  phil.  Classe,  p.  1907,  XXVII,  8'S  31  pages  —  Ce  mémoire  fournit 
une  preuve  importante,  étant  donné  le  rang  scientirtque  de  l'auteur,  des  progrès  de 
Tethnographie  dans  des  milieux  jusqu'ici  plutôt  réfractaires.  L'auteur  de  la  célèbre 
«  Histoire  de  l'Antiquité  »  admet  en  effet  que  pour  comprendre  les  institutions  antiques, 
une  connaissance  suffisante  des  résultats  généraux  de  l'ethnographie  est  nécessaire. 
Non  qu'il  admette  ces  résultats  :  il  les  critique  môme  avec  quelque  violence  ;  mais  c'est 
déjà  là  un  hommage.  Sur  plusieurs  points  il  a  raison,  notamment  quand  il  se  refuse  à 
admettre  la  théorie  qui  fait  de  l'Etat  une  résultante  de  l'évolution  convergente  de 
groupements  d'abord  autonomes  et  petits  ;  il  objecte  à  bon  droit  que  dans  les  sociétés 
peu  évoluées  on  constate  un  entassement  et  une  pénetiation  de  groupes  souvent  plus 
larges  que  l'Etat  (gi'oupes  totémiques,  groupes  matrimoniaux,  etc.).  De  môme  sa 
démonstration  de  l'indépendance  du  mariage  (acte  social)  et  de  l'union  (acte  purement 
physique  est  à  retenir.  Les  quelques  erreurs  de  détail  (M.  Meyer  admet  la  promiscuité 
primitive,  australienne,  etc.  p.  ex.)  n'enlèvent  que  peu  de  force  aux  arguments  exposés. 
Par  contre  on  admettra  malaisément  que  l'Etat  ne  soit  qu'un  fait  psychologique,  la 
conscience  qu'ont  les  individus  et  les  groupements  faecondaires  de  n'exister  que  par 
rapport  à  un  tout  *.  L'Etat  est  une  réalité  sociale  au  même  titre  que  chacun  de  ces 
groupements,  et  tous  ne  se  conçoivent  que  par  rapport  à  la  seule  réalité  vivante, 
l'individu. 

M.  G AiDOZ,  Introduction  à  Vctude  de  V ethnographie  politique  (Extrait,  44  pages,  de  la 
Revue  Internationale  de  V  Enseignement, l^fi}.  —  Enumeration  intéressante  des  grands 
groupements  qui  se  sont  constitués  au  XIX«  siècle,  analyse  de  leurs  oppositions,  de  leurs 
antagonismes  et  de  leurs  connexions.  L'auteur  montre  bien  comment  l'évolution  induS' 
trielle  amoindi-it  le  principe  de  nationalité  en  face  du  principe  nouveau  de  classe  et 
comment,  parallèlement  à  cette  tians  format  ion,  une  autre  se  dessine,  fort  complexe  : 
l'opposition  entre  les  nations  à  civilisation  capitaliste  européenne  et  les  nations  fortes  eu 
réserves  de  «  bras  à  bon  marché  ».  Puis  vient  un  chapitre  sur  la  dissociation  nécessaire 
entre  le  senthnalisme  et  les  nécessités  politiques.  La  conférence  se  termine  par  une 
revue  rapide  des  divers  pa?2s  (pangermanisme,  etc.)  et  des  réflexions  sur  le  panmongo- 
lisme,  le  plus  redoutable  de  tous  :  **  La  crainte  réciproque  entre  Blancs  et  Jaunes  sera 
le  principe  de  la  sagesse  et,  si  elle  peut  se  maintenir,  ce  soia  le  bienfait  de  l'humanité.  » 

Be  Vétude  des  traditions  populaires  ou  folk-lore  en  France  et  à  V Étranger,  Extrait 

(2^  i^^ge^)  ÙQ^  Krplorations pyrénéennes,  [^\x\\q{\x\  trimostriel  de  la  Société  Ramond, 
1907.  —  Conférence  pi'ononcéo  devant  un  public  composé  plutôt  de  naturalistes  et  qui 
devrait  ôtro  répandue  en  grand  nombre  pour  attirer  à  l'étude  du  folk-lore  plus  de 
partisans  actifs  en  province.  On  notera  un  bon  historique  du  développement  de  ces 
études  en  France  ;  le  rôle  de  J.  J.  Ampère  et  l'influence  sur  Napoléon  III  de  l'Allemand 
Firmcnich,  puis  le  défaut  d'enthousiasme  du  Comité  des  Travaux  Historiques  sont  bien 
mis  en  lumière.  M.  Gaidoz  regrette  avec  raison  qu'il  n'y  ait  pas  davantage  d'études 
historiques  ou  comparatives  de  folk-lore  en  France  ;  «  par  là  s'explique  son  infériorité 
à  regard  de  l'Allemagne  et  de  l'Angleterre  ».  La  place  de  cette  dernière  est  bien  carac- 
térisée, de  môme  que  celle  de  l'Allemagne  ;  pour  l'Amérique,  M.  Gaidoz  oublie  les  tra- 
vaux et  la  revue  de  M.  F.  H.  Chamberlain  ;  et  si  les  publications  de  F.  S.  Krauss  reçoi- 
vent l'éloge  qui  leur  revient,  il  reste  en  revanche  des  lacunes  :  aucune  mention  n'est 
faite  ni  de  M.  Hoffman n-K rayer  et  de  ses  collaborateurs  aux  Archives  Suisses  des  Tra- 

^  Cf.  d'ailleurs  pour  un  exposé  détaillé  des  points  de  vue  de  M.  Meyer,  Revue  des  Idées, 
1907,  pp.  1130-1138.  j^ 


p.  180.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

ditions  populaires^  ni  de  M.  Polivka  et  des  Tchèques,  ni  de  M.  Kaarie  Krolm  et  des  Fin- 
landais, ni  des  Hongrois,  ni  des  nombreux  et  savants  folk-loristes  russes.  Dire  des 
missions  protestantes  qu'elles  «  fournissent  peu  à  Tethnographie  >»,  cela  semble  étrange, 
étant  donnée  Timportance  des  travaux  des  missionnaires  anglais  et  allemands  sur  les 
populations  africaines,  océaniennes  et  extrême  oiientales. 

C*  GoBLEr  d'Alviella.  De  quelques  récentes  thèses  transactionnelles  dans  Vhistoire  des 
religions.  Extrait  (30  pages)  des  Bulletins  de  l'Académie  Royale  de  Belgique,  1907.  — 
Des  thèses  de  cet  ordre  n*ont  plus  guère  dans  les  milieux  scientiöques  qu'une  action 
superficielle  ;  mais  elles  agissent  encore  sur  le  public  cultivé  et  M.  Goblet  d*Alviella  a 
rondu  service  en  montrant  les  faiblesses  et  les  illogismes  des  tlièses  de  Jordan,  de 
l'ratt,  (le  .levons,  de  l'alibô  Loisy,  et  aussi  de  René  Worms.  La  méthode  comparative 
est  telle  que  si  on  veut  rappliquer  à  des  fins  apologétiques,  elle  se  retourne  contre 
ceux-là  mômes  qui  prétendent  ainsi  la  faire  dévier  de  son  objet  propre. 

Albkrt  h  Kl  l  wig.  Ein  eigenartiger  Di  ebsaber glaube  in  Europa  und  Asien;  Appetitliche 
Zauber  tränke  ;  Der  böse  Blick  als  Mordmotio  ;  das  Ameisenbad  ala  üeihniilcl  ; 
Regenwurmmedizin  ;  Erbschlüssel  und  siebentes  Buch  Mosis,  Tirages  à  part  de 
VArchio  für  KriminalanVwopologie  und  Kriminal  Statistik,  1907.  —  M.  Hell  wig  s'est 
donné  pour  spécialité  de  rocheicher  quels  sont,  dans  les  crimes  et  délits  qui  se  com- 
mettent en  £ul^^pe,  les  éléments  d'ordre  folk-lorique  et  traditionniste.  Que  ces  éléments 
soient  nombreux  et  variés.  C'^st  ce  qu'on  devine  aisément.  Leur  étude  uniquement  scien- 
tifique est  insuffisante  :  .M.  ilelLwig  voudrait  que  les  juges  eussent  des  idées  plus  exactes 
de  ce  qu'est  la  <<  sui>ei  stition  »,  et  c'est  in  leur  intention  qu'il  analyse,  et  explique  par 
des  lapprochements,  un  certain  nombre  de  détails  dont  la  signiticaiion  réelle  a  été 
méconnue  par  les  tribunaux.  Telle  la  coutume  des  voleurs  de  déposer  leur  excréments 
à  l'endroit  du  vol  :  ce  n'est  là  ni  la  suite  d'un  malaise  physiologique«  ni  un  geste  d'offense 
à  l'égard  du  volé  ou  de  la  justice,  mais  bel  et  bien  un  rite  magique  de  défense  :  la 
croyance  est  que  le  voleur  ne  saurait  être  atteint  tant  que  ses  excisemen  ts  sont  encore 
chaud:«.  Cette  coutume  est  aussi  répandue  au  Japon.  M.  Hellwig  montre  dans  les  courts 
articles  cités  ci-dessus»  comme  dans  ses  travaux  antérieurs,  que  les  codes  et  les  tribu- 
naux sont  à  la  fois  trop  sévères  pour  des  actes  accomplis  en  vertu  d'une  pression  tradi- 
tionnelle (un  homme  ayant  déposé  dans  un  certain  sens  après  consultation  d'une  table 
tournante  fut  condamné  à  8  mois  de  prison  :  il  ne  méritait  guère  que  huit  jours,  sa 
responsabilité  étant  limitée  par  l'autosuggestion)  et  pas  assez  sévères  lorsque  l'indi- 
vidu en  jeu  fait  métier  dutiliser  et  d'augmenter  la  crédulité  d'autrui  (cartomanciennes, 
sorciers,  «  sages  de  village  n,  etc.).  Les  codes  européens,  sauf  le  code  autrichien,  ne 
font  pas  mention  du  «  crime  de  superstition  »,  parce  que,  après  la  Révolution  française, 
on  a  prétendu,  théoriquement,  la  superstition  abolie.  11  n'en  est  pas  ainsi,  et  M.  Hellwig 
réclame  même  une  «  loi  spéciale  »  qui  donnerait  aux  juges  une  action  plus  efficace  dans 
cette  direction. 

Frédéric  Macler.  Mosaïque  orientale  ;  I.  Epigraphica  ;  II  Historica.  8»,  90  pages, 
Paris,  Paul  Geuthner,  1907.  —  M.  Macler  décrit  d'abord  des  écussons  qu'il  a  relevés  à 
Münster,  dans  le  Haut- Valais,  et  qu'il  a  identiflôs;  ils  présentent  un  certain  intérôt 
pour  l'étude  de  l'héraldisation  en  Suisse  des  marques  de  propriété  et  de  famille  (Haus- 
marken) ;  puis  sont  reproduites  et  commentées  :  une  ;inscription  punique  du  Musée 
archéologique  de  Genève,  une  inscription  syriaque  de  Sainte  Anne  à  Jérusalem,  une 
inscription  arabe,  une  inscription  arménienne  de  la  cathédrale  de  Bourges.  La  seconde 
partie  renfeiiuo  «Une  notice  syriaque  d'un  manuscrit  arménien  »  et  des  recherches 
intéressantes,  d'après  des  documents  inédits,  sur  l'imprimerie  arménienne  établie  à 
Marseille  sous  le  règne  de  Louis  XIV  et  sur  la  requête  (traduite)  de  Ovanès  Ogloii 
Kivork  et  Carabet  frères.  Un  index  très  détaillé  termine  le  volume. 

Hugo  Winckler.  Die  babylonische  Geisteskullur  in  ihren  Beziehungen  zur  Kulturen t- 
Wickelung  der  Menschheit.  In-lC,  152  pages,  1  planche,  Coll.  Wissensehaft  und  Bil- 
dung, n«  15,  Leipzig,  Quelle  et  Meyer,  1907. 1  mk.  25.  —  Bien  que  ce  petit  livre  ne  soit 
pas  destiné  spécialement  aux  ethnographes,  mais  plutôt  au  grand  public  cultivé,  on 
leur  en  recommandera  la  lecture,  à  la  fois  parce  qu'ils  y  verront  en  quel  dédain  l'ethno- 
graphie est  tenue  par  M.  Winckler  (elle  l'est  plus  encore  par  ses  disciples),  et  parce  que 
le  tableau  de  l'évolution  des  civilisations  babyloniennes  y  est  présenté  de  main  de 
maître  sous  une  forme  vivante  et  enthousiaste.  Le  désaccord  entre  M.  Winckler  et  les 


1908.]  NOTICES   BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  181. 

ethnographes  repose  sur  un  postulat  :  «  Nous  regardons,  dit  Tauteur  (p.  51)  tout  le 
système  (  Weltanschauung)  babylonien  comme  quelque  chose  de  fini  dont  on  i>eut 
suivre  la  formation  au  cours  des  temps  historiques....  Il  ne  s'agit  pour  nous  que  de 
déterminer  ce  que  l'humanité  qui  croyait  en  ce  système  y  mettait,  ot  comment  il  a 
rayonné  ensuite  de  tous  côtés..  Pour  en  comprendre  la  formation....  il  faut  considérer 
le  système  comme  un  tout  Uni,  tel  qu'il  était  juste  avant  que  les  sources  historiques 
nous  le  fassent  connaître.  C'est  pourquoi  nous  n'avons  pas  à  en  préciser  les  stades 
antérieurs  à  partir  desquels  il  s'est  développé  :  par  l'intégration  du  monde  animal 
sous  la  forme  du  totémisme,  du  monde  des  esprits  aériens  sous  celle  du  culte  des  morts, 
ni  de  toutes  les  autres  formes  supposées  de  début  {aile  die  vermeifiilichen  Ursprünge).  » 
Autrement  dit,  M.  Winckler  n'étudie  le  système  raagico-religieux  babylonien  que  sous 
sa  forme  astrale,  et  à  partir  du  moment  où  il  a  revêtu  cette  forme  plus  spécialement. 
C'est  son  droit  :  il  peut  limiter  son  sujet  comme  bon  lui  semble,  et  tout  le  re»te  du 
volume  est  en  effet  consacré  à  une  excellente  exposition  do  ce  sujet  ainsi  limité.  Mais 
il  tombe  dans  le  parti-pris  dès  qu'il  dit  de  la  forme  choisie  qu'elle  est  la  forme  essen- 
tielle et  principale.  L'adjectif  intercalé,  [supposé,  vermeintlich',  indique  ce  parti-pris, 
qui  s'affirme  dans  la  phrase  suivante  :  «  Tout  ceci  [c'est-à-dire  ces  formes]  est  autant 
que  le  reste  compris  dans  le  système,  et  Ton  peut  tout  autant  formuler  le  problème  : 
jusqu'à  quel  point  tous  ces  phénomènes  sont-ils  chez  les  peuples  moins  civilisés  des 
restes  du  système  assyro-babylonien  dégénéré?  »  A  première  vue,  cette  phrase  est 
assez  vague,  et  la  seconde  partie  semble  contredire  la  première,  ou  du  moins  M.  NA'inck- 
1er  avoue  que  le  système  contient  aussi  autre  chose  que  la  <<  forme  n  astrale.  Mais  les 
disciples  de  M.  Winckler  ont,  comme  c'est  si  souvent  le  cas,  exagéré  la  pensée  du  maître, 
et  en  ont  ainsi  dévoilé  la  tendance  profonde  :  l'école  astrale,  avec  M.  Stucken,  M.  Siecke, 
etc.,  veut  prouver  que  tous  les  systèmes  magico-religieux  des  demi-civilisés  actuels  et 
anciens  (c'est-à-dire  des  populations  de  la  Méditerranée  orientale)  ont  reçu  des  Baby- 
loniens une  doctrine  cohérente,  qui  ensuite  a  dégénéré.  Ils  se  fondent  en  premier  lieu 
sur  des  similitudes  dans  les  croyances  et  les  rites  relatifs  aux  astres,  puis  sur  des 
parallèles  isolés,  plus  ou  moins  adroitement  extraits  de  leurs  milieux.  Ils  donnent  ainsi 
un  bel  exemple  d'incompréhension  des  règles  de  la  méthode  comparative,  laquelle  ne 
consiste  pas  en  simples  juxtapositions  sans  aucune  ciitique  approfondie  des  documents 
ni  des  faits.  Il  semblerait  que  pour  cette  école  d'assyriologues  et  de  folk-loristes,  tout 
le  travail  accumulé  par  l'école  anglaise  et  par  l'école  française  ces  vingt  dernières 
années  soit  resté  lettre  morte.  Lorsqu'un  assyriologue  est  au  courant  des  progrès 
récents  de  l'hiérologie,  comme  l'est  par  exemple  M.  Bezold,  un  scrupule  lui  vient,  très 
puissant,  de  regarder  Babylone  comme  la  matrice  de  toutes  les  magies  et  de  toutes  les 
religions,  anciennes  et  modernes,  car  il  voit  aisément  que  les  similitudes  de  croyances 
et  de  rites  s'expliquent  par  leur  but  môme  (voyez  l'uniformité  des  rites  destinés  à  faire 
tomber  la  pluie),  par  la  matière  utilisée  et  par  le  mécanisme  psycho-physiologique  et 
mental  identique  dans  les  grands  traits  chez  tous  les  hommes.  Si  encore  M.  Winckler 
avait  le  mérite  de  l'originalité  !  Point  :  on  reconnaît  la  vieille  théorie  théologique,  mais 
déplacée.  Ce  ne  sont  plus  le  peuple  Juif  ni  la  Bible  qui  sont  la  source  de  toutes  les  reli- 
gions :  oe  sera  donc  Babylone  ! 

Jacques  Flach.  Le  code  de  Eammourabi  et  la  constitution  originaire  de  la  propriété 
dans  V ancienne  Chaldée.  Extrait  (20  pages)  de  la  Reçue  Historique,  1907,  t.  XCIV. 

La  propriété  collective  en  Chaldée  et  laprétendue  féodalité  du  code  de  Eammourabi. 

Extrait  (80  pages)  de  la  Revue  Historique,  1907,  t.  XCV.  —  Le  code  de  Hammourabi  n'a 
guère  été  étudié  jusqu'ici  que  par  des  linguistes  ;  M.  Flach,  juriste  et  surtout  historien 
des  institutions,  ayant  constaté  dans  leurs  traductions  et  dans  leurs  commentaires  des 
«  impossibilités  »  s'est  mis  à  l'œuvre  :  il  a  appris  Fassyriologie  ;  et  dans  ses  deux 
mémoires  il  rectifie  un  certain  nombre  d'erreurs  de  ses  devanciers,  qui  font  espérer  de 
lui  une  étude  complète  de  ce  code  à  tant  d'égards  si  important.  Il  montre  dans  le  pre- 
mier mémoire  le  caractère  sacré  de  la  propriété  familiale  en  Chaldée,  qui  se  marque 
entre  autres  par  la  sainteté  des  kudurru,  bornes  comparables  aux  hermès.  M.  Flach 
revient  sur  cette  question  dans  son  second  mémoire  ;  il  montre  notamment  le  lien 
intime  entre  le  contrat  d'une  part  et  de  l'autre  le  sceau  et  le  kudurru  ;  on  rapprochera 
sa  discussion  pp.  7-8  de  la  théorie  de  M.  MeiUet  sur  Mitra  =  dieu-contrat.  La  deuxième 
partie  du  mémoire  rectifie  les  interpétations proposées  par  Hrozny  (Wiener  Z.  f.  d, 
Kunde  d.  Morgenlandes,  1907)  des  inscriptions  de  l'obélisque  de  ManiStu-su. 


p.  182.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Edith  H.  Hall.  Ttie  decorative  art  of  Crete  in  the  bronze  age,  40,  47  pages,  69  fig.,  3  pi., 
Philadelphie,  J.  C.  Winston  C«.  —  L'auteur  s'est  donné  pour  but  de  contrôler,  en  utili- 
sant les  dernières  trouvailles  en  Crête,  l'exactitude  de  la  théorie  de  Furtwangler,  en 
1878,  qui  prétendait  qu'à  rexcei)tion  de  la  spirale  et  de  quelques  motifs  dérivés  du 
tissage,  tous  les  motifs  ornementaux  sur  vases  avaient  été  originairement  des  repré- 
sentations d'objets  naturels.  On  remarquera  l'intérêt,  pour  les  ethnographes,  do  la 
discussion  de  Miss  Hall,  bien  que  l'art  crétois  soit  déjà  loin  d'être  «  primitif  ».  L'étude 
comparée  de  tous  les  motifs  rencontrés  lui  fait  admettre  plusieurs  catégories  :  L  dessins 
imitatifs  ;  a)  naturalistes  purs  ;  h)  naturalistes  (îonventionnels  ;  c)  naturalistes  stylisés  ; 
d)  sacrés  ;  II.  dessins  non-imitatifs  :  a]  simples,  b)  compliqués.  On  possède  des  docu- 
ments sur  l'évolution  de  l'art  ornemental  crétois  pendant  plus  de  2000  ans  ;  et  l'on  con- 
state que  les  motifs  des  périodes  minoennes  archaïques  sont  géométriques,  que  les 
dessins  naturalistes  n'apparaissent  que  pendant  le  minoen  moyen  et  évincent  peu  à 
peu  les  dessins  géométriques  :  ce  n'est  donc  que  pour  cette  période  que  l'opinion  de 
Furtwangler  est  exacte,  et  pour  les  périodes  postérieures,  où  en  effet  la  stylisation  des 
motifs  naturalistes  a  ramené  au  motif  géométrique.  On  pourrait  sans  doute,  mais  miss 
Hall  ne  l'a  pas  fait,  penser  que  les  motifs  «  géométriques  »•  primitifs  sont  eux-mêmes 
naturalistes  ;  E.  Grosse,  Haddon  et  d'autres  ont  montré  que  tel  est  souvent  le  cas.  Mais 
ce  serait  vouloir  forcer  l'évidence  :  d'une  manière  générale,  le  dessin  géométrique  et  le 
dessin  naturaliste  sont  synchroniques,  aussi  «  primitifs  »  l'un  que  l'autie  ;  le  plus  qu'on 
puisse  dire,  c'est  que  souvent  le  dessin  géométrique  sur  poteries  est  imitatif  des  combi- 
naisons obtenues  dans  la  vannerie  et  le  tressage. 

Jean  Capart.  Vart  et  la  par tn^e  féminine  dans  V ancienne  Egypte.  S*»,  20  pages,  flg.,  Bru- 
xelles, Vromant  et  C'e.  —  Les  fouilles  en  Kgypte  ont  mis  au  jour  un  grand  nombre 
d'objets  de  toilette  qui  prouvent  un  souci,  picsque  comparable  à  celui  des  Japonais, 
de  rendre  artistiques  même  des  ustensiles  destinés  à  de  petits  usages  quotidiens. 
M.  Capart  indique  rapidement  dans  le  texte,  mais  surtout  par  de  nombreuses  illustra- 
tions, et  bien  réussies,  comment  la  nécessité  de  styliser  l'ornementation  n'a  pas  fait 
perdre  aux  artistes  égyptiens  leur  sincérité  et  leur  souplesse. 

0.  Maspéro.  Causeries  d'Egypte.  8°,  360  pages,  Paris,  E.  Guilmoto,  s.  d.  [1907],  7  fr.  50.  — 
M.  Maspéro  a  eu  l'excellente  idée  de  réunir  en  volume  les  «  causeries  n  qu'il  avait 
données  au  Journal  des  Débats  de  18<)3  à  1907.  Ce  sont  soit  des  comptes- rendus  de 
fouilles  ou  de  livres,  soit  l'exposition  pour  le  grand  public  cultivé,  de  problèmes  égyp- 
tologiques  intéressants.  Par  leur  forme  littéraire,  ces  causeries  sont  bien  faites  pour 
sortir  l'égyptologie  de  cet  isolement  auquel  les  spécialistes  condamnent,  souvent  par 
leur  faute,  l'objet  de  leurs  études  ;  ils  n'ont  point  droit  ensuite  à  se  plaindre  des  défor- 
mations que  font  parfois  subir  aux  faits  et  aux  théories  des  vulgarisateur  qui  ne  sont 
que  cela.  Cette  exposition  littéraire  ne  doit  d'ailleui's  pas  tromper  :  M.  Maspéro  ne  res- 
sasse pas  des  banalités,  mais  il  donne  des  généralisations  dont  seul  l'appareil  i*este 
invisible,  et  ne  se  fait  pas  faute  d'exprimer  des  idées  personnelles  et  des  théories  nou- 
velles. C'est  pour  cette  raison  que  ce  volume  est  également  nécessaire  aux  égyptologues 
et  aux  ethnographes,  sans  compter  qu'ils  y  pourraient  suivre  l'évolution  des  opinions  de 
M.  Maspéro  lui-môme  sur  divers  points  théoriques.  Comme  de  juste,  la  plupart  des 
causeries  traitent  de  sujets  d'ordre  technologique  ou  religieux,  A.  v.  G. 

Général  L.  de  Beylié,  Prome  et  Samara,  Voyage  archéologique  en  Birmanie  et  en  Méso- 
potamie. Publications  de  la  société  française  des  fouilles  archéologiques,  t.  I,  gr.  8", 
146  pages,  IX  pi.,  100  flg.  E.  Leroux,  Paris.  —  Journal  de  voyage  vif  et  amusant,  où 
l'on  trouve  quelques  notes  d'ethnographie  (p.  6.  12,  41,  5:^,  70)  et  de  bonnes  photogra- 
phies de  types  birmans,  kurdes,  etc.  L'intérêt  du  livre  réside  surtout  dans  la  partie 
archéologique,  rapports  sur  les  fouilles  de  l'auteur  à  Prome  et  à  Samara.  Prome  était 
la  capitale  de  la  principauté  des  Plu,  tribu  venue  du  Tibet;  elle  fut  détruite  au  XI«,  au 
profit  de  la  nouvelle  capitale.  Pagan.  La  récolte  du  général  de  Beylié  a  été  des  plus 
intéressantes  :  je  noterai  que  les  chapelles  bouddhiques  ont  leurs  voûtes  construites 
d'après  les  procédés  persans  et  mongols,  que  plusieurs  tablettes  votives  sont  nettement 
tibétaines  et  que  les  deux  inscriptions  recueillies  sont  écrites  en  caractères  encore  indé- 
chiffrés, identiques  à  ceux  d'une  inscription  découverte  par  l'auteur  à  Pagan  en  1906. 
Ses  fouilles  â  Samara  ont  permis  au  général  de  Beylié  de  relier  l'architecture  des  Aché- 


1908«]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  183« 

iBénides  à  rarchitectuie  des  monumeüts  postùriours  à  l'iiéf^ire  et  de  déteriuinor  les 
cauractèi'ea  jusqu'ici  inconnus  de  rarchitecturo  sissanido.  \1.  d:  Bevlié  est  l'auteur 
d'une  œuvre  importante,  V Architecture  hindoue  en  Kctrcme  Orient  (  lî)07)  :  en  ôtudian  t 
l'architecture  musulmane,  en  Asie  Mineure,  en  Syrie,  en  Igypte,  il  lui  arrive,  dans 
son  Journal  de  voyage,  de  signaler  des  inlluenccs  chinoises  et  liindoues  (cf.  entre 
autres  p.  74),  "  absolument  curieuses  ».  La  détermination  exacte  d'influences  de  cet 
ordre,  d'un  bout  de  l'Asie  à  l'autre,  est  un  sujet  d'un  grand  intérêt  pour  les  ethno- 
graphes. 

A.  Meillet.  Le  dieu  indo-iranien  Mitra.  Extrait  (11)  pages)  du  Journal  Asiatique,  1907.  — 
Des  recherches  approfondies  de  ISI.  Meillet  il  ressort  que  le  dieu  indo-iranien  Mitra 
n'est  pas  originairement  une  force  naturelle  divinisée  (p.  ex.,  comme  on  le  croyait,  le 
soleil),  mais  bien  un  phénomène  social,  et  divinisé  :  le  contrat.  Il  faut  entendre  que 
Mitra  est  à  la  fois  le  contrat  et  la  puissance  immanente  du  contrat  (acte  religieux, 
fait  avec  des  rites  bien  déterminés).  11  se  pourrait  do  même  que  Varuna  soit  la  «  loi  » 
divinisée.  Ces  conclusions  sont  obtenues  par  l'analyse  des  mots  mitra  et  vartma  ;  et  si 
Ton  ne  connaissait  à  la  fois  la  science  de  M.  Meillet  en  ces  matières,  et  la  prudence  do 
ses  raisonnements,  on  croirait  volontiers  au  paradoxe.  La  divinisation  d'un  phénomène 
social  comme  le  «  contrat  »  ou  d'une  notion  comme  la  «  loi  »  (divine,  s'entend)  semblerait 
appartenir  plutôt  à  un  stade  très  avancé  du  développement  religieux.  Mais  tel  est  en 
effet  le  cas  pour  ces  noms  de  divinités  :  ce  sont  probablement  des  héritages  d'un  passé 
fort  lointain,  qui  commence  à  se  dévoiler  si  la  découverte  de  M.  Winckler  de  Varuna, 
Indra  et  Mitra  sur  des  inscriptions  mitani  de  Boghaz-Keui  (cf.  Oriental.  Litteraturzeit. 
1908)  86  confirme.  A.  v.  G. 

M.  LoNGWORTH  Dames.  Popular  poetry  of  the  Daloches,  Vol.  1  (traduction)  de  XL- 
204  pages,  vol.  II  (textes)  de  224  pages  in-8°.  Londres,  Royal  Asiatic  Society,  1907. 15  sh. 
les  2  volumes.  —  Les  poésies  populaires  publiées  par  M.  Longworth  Dames  appar- 
tiennent au  folklore  du  Béloutchistan  septentrional.  L'auteur  les  a  divisées  en  six 
catégories  :  I.  poésies  épiques  anciennes  ayant  trait  aux  guerres  et  aux  migrations  des 
Béloutchis  ;  II.  poésies  postérieures  sur  les  guerres  intertribales  ;  III.  ballades  roman- 
tiques ;  IV.  chansons  d'amour  et  chansons  lyriques  ;  V.  poésies  religieuses  et  didac- 
tiques, légendes  sur  les  saints  ;  VI.  petites  poésies,  chansons  pour  endormir  les  enfants, 
énigmes  rimées  et  devinettes. 

D'après  les  poésies  de  la  première  catégorie  (p.  1-57  de  la  traduction),  les  Béloutchi 
formaient  autrefois  un  groupement  composé  de  plusieurs  tribus  soumises  aux  familles 
ou  clans  Rind  et  Lachàri.  Us  émigrèrent  à  une  date  indéterminée  dans  les  plaines  de 
riiide  par  la  passe  du  MouUà  et  les  passes  voisines.  Peu  après,  un  chef  Rind,  Mir  Tchâ- 
kour,  et  un  chef  Lachàri,  Mir  Gwaharâm,  s'éprirent  tous  deux  de  la  belle  Gohar. 
Celle-ci  repoussa  Gwaharâm  et  se  réfugia  auprès  de  Tchâkour.  Vers  la  même  époque, 
à  la  suite  de  l'injuste  attribution  à  un  cavalier  Rind  du  prix  de  la  course  réellement 
gagnée  par  un  Lachâii,  les  contribules  du  véritable  vainqueur  razzient  des  chameaux 
appartenant  à  Gohar.  Tchâkour  entre  en  campagne  pour  venger  l'insulte  faite  à  sa 
bien-aimée,  mais  il  est  battu  et  s'enfuit  à  Kandahar.  A  l'exception  des  4  poésies  sur 
Bâlàtch,  les  36  autres  de  la  première  catégorie  constituent  ce  qu'on  pourrait  appeler  le 
cycle  de  Tchâkour,  c'est-à-dire  les  traditions  populaires  ayant  trait  aux  faits  et  gestes 
de  cet  ancien  chef  et  de  ses  partisans  et  alliés. 

Les  poésies  de  la  seconde  catégorie  (p.  58-110)  sont  au  nombre  de  18.  Quelques-unes 
ßont  très  intéressantes,  d'autres  ne  sont  guère  que  des  listes  de  noms  de  guerriers. 
La  section  III  ne  contient  que  6  poésies.  La  première  est  une  curieuse  version  béloutchi 
de  la  célèbre  histoire  arabe  de  Leila  et  de  Kaïs  ben  Molawwah  des  Beni-*Amir,plus  connu 
sous  le  surnom  de  Madjnoun  (le  fou),  parce  que  son  amour  pour  Leïla  lui  fit  perdre  la 
raison.  La  langue  de  ces  ^  ballades  romantiques  »  est  simple,  claire,  exempte  des  formes 
corrompues  qui  abondent  dans  les  poésies  de  la  section  II  et  du  pédantisme  de  certaines 
chansons  d'amour  (p.  XXV).  Dans  la  quatrième  catégorie  (p.  124-133),  ont  été  comprises 
les  chansons  d'amour  et  chansons  lyriques  qui  ont  un  caractère  plus  lyrique  que  des- 
criptif (p.  XXVI).  Cinq  de  ces  poésies  sont  attribuées  à  l'illustre  poète  Djâm  Dourrak 
qui  vivait  à  la  cour  du  Khân  de  Kilàt  vers  le  milieu  du  XVIII«  siècle.  La  cinquième 
catégorie  contient  21  pièces  d'inspiration  musulmane  (cf.  le  commencement  des  poésies 
p.  144  et  146  :  Lakcharàn  fils  de  Sumêlân  chante  ; il  glorifie  Dieu  et  le  Pro- 


p.  184.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

phéte^  il  glorifie  les  i2  Imâms,  etc  ..,  qui  ont  un  caractère  chiite  ti^ès  net  ;  —  cf.  égale- 
ment les  légendes  sur  *Alî  p.  161  :  Salut  à  toi  'Ali,  roi  des  hommes,  tu  es  certainement 
le  Maître  de  notre  foi).  Le  conto  intitulé  Moïse,  le  fal^ir^  le  moullâ,  la  gazelle  et  le 
serpent  (p.  153),  est  une  amusante  satire  contre  le  pharisaïsme  du  clergé  musulman. 
Un  pieux  moullâ  est  informé  par  Moïse,  qui  le  tient  de  Dieu  lui  même,  qu'il  sera  damné, 
malgré  ses  jeûnes  et  ses  nombreuses  prières  (ce  faux  dévot  est  un  simple  pharisien 
sans  foi  sincère).  Au  contraire,  le  fakir  ivrogne  sera  sauvé  parce  qu4l  croit  sans  res- 
triction à  la  toute-puissance  do  Dieu  qui  «  peut  faiie  passer  cent  chameaux  chargés 
par  un  chas  d'aiguille  (p.  155)  n.  La  fin  do  l'histoire  est  décevante.  En  appienant  qu*ii 
est  damné,  le  moullà  brise  l'écuelle  contenant  Teau  destinée  aux  ablutions  rituelles. 
Une  goutte  d'eau  abreuve  une  fourmi  altérée  et  ce  bienfait  involontaire  vaut  à  son 
auteur  d'être  compté  parmi  les  élus  :  Dieu  se  ravisant,  juge  le  moullâ  digne  du  ciel 
parce  qu'il  a  rendu  service  à  la  fourmi.  On  a  évidemment  réuni  en  un  seul  deux  contes 
moraux  qui  n'ont  aucun  rapport  l'un  avec  l'autre.  Dans  le  premier,  le  prêtre  sans  fui 
est  damné  et  ie  fakir  ivrogne  mais  croyant,  sauvé  ;  dans  le  second,  le  service  involon- 
taire rendu  à  lu  fourmi  vaut  le  ciel  au  moullà.  La  moralité  des  deux  contes  va  de  soi  : 
la  foi  vaut  mieux  que  les  œuvres  :  un  bienfait  même  inconscient,  est  méritoire  aux 
yeux  de  Dieu.  Enfin,  la  sixième  catégorie  (p.  182-204)  contient  74  petites  pièces  de  un  à 
quatorze  vers,  la  seconde  (de  42  vers)  exceptée. 

Le  premier  volume  (traduction)  comprend,  en  outre,  une  introduction  (sources  impri- 
mées et  inédites  d^s  poésies,  caractère  de  la  poésie  béloutchi,  classification  des  poésies, 
métrique,  manière  do  chanter  ces  poésies,  leur  ancienneté,  système  de  transcription 
des  phonèmes  béloutchi)  et  une  coui*te  note  explicative  en  tête  de  chaque  pièce  ;  le 
second  volume  se  termine  par  une  note  sur  la  langue  poétique  du  dialecte  biéloutchi 
septentrional  (p.  180-191),  un  glossaire  des  mots  rares  et  désuets,  un  index  des  noms 
propres  et  des  noms  géographiques,  et  un  index  général. 

Cette  rapide  analyse  de  la  Popular  poetry  of  the  Baloches  montre  l'importance  de 
ces  deux  volumes  ;  ils  présentent  autant  d'intérêt  pour  le  linguiste  et  l'historien  que 
pour  le  folkloriste.  M.  Longworth  Dames  qu'un  long  séjour  au  Béloutchistan  a  fami- 
liarisé avec  la  langue,  les  mœurs  et  les  coutumes  des  indigènes,  est  l'un  des  rares  spécia- 
listes qui  pouvaient  mener  à  bonne  fin  une  œuvre  aussi  délicate  et  diflScile.  On  doit  l'en 
féliciter  sans  restriction  et  savoir  gré  à  la  Folklore  Society  et  à  la  Royal  Asiatic 
Society  d'avoir  assuré  la  publication  de  cet  important  travail. 

Gabriel  Fbrrand. 

Fr.  Hirth.  Chinese  metallic  mirrors.  Extrait  (55  pages)  du  Boas  Memorial  volume,  New- 
York,  1906  ;  8",  planches  —  Un  vieux  proverbe  (dynastie  des  Shang,  1766-1122  av.  J.-C.) 
implique  que  pour  voir  son  image,  on  se  regardait  dans  l'eau  ;  les  miroirs  métalliques 
existaient  en  673,  comme  ornements  de  ceinture,  et  étaient  utilisés  dès  le  IV«  siècle  av. 
J.-C.  pour  la  toilette.  Auparavant,  et  comme  substituts  de  l'eau,  on  avait  utilisé  des 
miroirs  de  jade  et  même,  semble- t-il,  des  miroirs  de  pierre  et  de  brique  polies.  Pen- 
dant la  dynastie  des  Chou,  on  fixa  les  proportions  du  cuivre  et  de  l'étain  de  divers 
objets  de  bronze,  cloches  et  urnes  cérémonielles,  haches,  lances,  lames  de  sabi^e,  têtes 
de  flèche,  miroirs  ;  on  fit  aussi  des  miroirs  de  bronze  contenant  de  petites  quantités 
d'argent,  et  des  miroira  de  fer.  Quant  aux  miroirs  de  verre  (surtout  de  verre  vert)  on 
en  importa  en  Chine  dès  une  haute  antiquité,  probablement  de  Syrie.  Les  miroirs 
métalliques  furent  très  recherchés  au  Japon  et  peut-être  les  miroirs  dits  ■  scythiques  n 
sont-ils  originaires  de  Chine,  ou  imités  de  modèles  chinois.  Les  miroirs  chinois  étaient 
d'ordinaire  circulaires  et  petits,  de  manière  à  ne  réfléchir  que  le  visage  ;  dans  ce  but  on 
les  faisait  convexes.  On  s'en  servait  pour  la  toilette,  comme  objet  cérémoniel  (dans  ce 
cas  le  miroir  était  concave  et  mettait  le  feu  à  des  herbes  sèches,  etc.\  contre  le  mau- 
vais œil  et  toutes  sortes  d'influences  maléficicntes,  en  médecine,  comme  instruments 
prophétiques,  pour  «  faire  chanter  les  oiseaux  »,  etc.  Fort  intéressante  est  la  discussion 
de  M.  Hirth  sur  l'ornementation  des  miroirs  anciens,  qui  diffère  essentiellement  de 
celle  des  vases  sacrés  du  temps  des  Chou.  M.  Hirth  est  d'avis  que  les  campagnes  du 
général  Chang  K'ien  (126  av.  J.-C.)  divisent  nettement  la  civilisation  chinoise  tout 
entière  en  deux  périodes,  préchangkiénique  et  postchangkiénique.  De  ces  campagnes  en 
effet  date  l'influence  hellénique  qui  se  marque  p.  ex.  sur  les  miroirs  par  le  motif  de  la 
grappe,  ou  celui  des  cercles  concentriques  ;  bien  d'autres  motifs,  végétaux  ou  animaux, 


1908.]  NOTICES   BIBLIOGRAPHIQUES.  [P*  186« 

dénotent  une  influence  hellénique,  et  plus  exactement  bactrienne.  La  description 
détaillée  et  critique  de  miroirs  du  Musée  Guimet  fournit  à  M.  Hirth  Toccasion  dlnter- 
pi'étcr  un  certain  nombre  de  motifs  ornementaux  et  de  compléter  nos  connaissances 
sur  les  «  miroirs  magiques  »,  étudiés  surtout  par  St.  Julien  (1847)  et  F.  Jagor  {Zeitschrift 
fü7^  Ethnologie,  Verhandl.  1898.)  Un  index  très  détaillé  termine  le  mémoire. 

G.  M.  Stenz.  Beiträge  zur  Volkskunde  Sud- Shantungs,  herausgegeben  und  eingeleitet 
von  A  Conrady.  Veröffentlichungen  des  städtischen  Museums  für  Völkerkunde 
zu  Leipzig,  fasc.  I,  4«,  116  pages,  19  planches  et  fig.,R.  Voigtländer,  Leipzig,  1907. 
8  Marks.  —  Dans  sa  Préface,  M.  Conrady  constate  avec  quelque  mélancolie  que  le 
nombre  des  monographies  consaciées  à  l'ethnographie  des  groupements  actuels  de  la 
Chine  ne  dépasse  guère  celui  des  doigts  de  la  main.  Pourtant  des  monographies  de  ce 
genre  seraient  d'autant  plus  utiles  que.  grâce  à  la  base  religieuse  de  l'organisation 
sociale  et  au  conservatisme  chinois,  elles  permettraient  de  comprendre  et  d'expliquer 
nombre  de  documents  historiques  importants.  En  outre,  nulle  part  au  monde  il  n'est 
possible  de  remonter  avec  autant  de  sécurité  le  cours  des  temps  et  de  déterminer  l'évo- 
lution, [tendant  de  nombreux  siècles,  des  diverses  croyances  et  coutumes.  M.  Conrady 
a  cent  fois  raison  :  l'ethnographie  chinoise  est  de  première  nécessité,  et  tant  qu'elle 
n'aura  pas  été  mieux  étudiée,  on  ne  pourra  tenter  avec  quelque  chance  de  succès  une 
synthèse  de  l'évolution  culturelle  de  l'humanité  ;  elle  nous  réserve  peut-être  des  sur- 
prises, et  c'est  d'elle  surtout  qu'on  attend  une  meilleure  possibilité  de  formuler  des  lois 
ethnographiques  et  sociologiques. 

M.  Conrady  convie  au  travail  les  sinologues,  trop  volontiers  spécialisés  dans  la 
recherche  historique.  On  espère  que  son  appel  sera  entendu  :  d'ailleurs,  si  les  Euro- 
péens continuent  à  se  désintéresser  do  l'ethnographie  chinoise,  nul  doute,  à  en  juger 
d'après  leur  récente  orientation,  que  les  Japonais  ne  se  mettent  bientôt  à  la  besogne  : 
et  les  ethnographes  devront  aux  dix  ou  douze  langues  qu'il  leur  faut  déjà  connaître, 
ajouter  le  japonais,  et  mériteront  le  reproche  d'avoir  dédaigné  l'un  des  domaines  ethno- 
graphiques les  plus  importants  et  les  plus  riches. 

La  monographie  du  Père  Stenz  n'a  pas  l'ampleur  de  celle  de  M.  Grube  sur  la  vie  popu- 
laire à  Pékin,  sur  le  plan  de  laquelle,  d'ailleurs,  elle  a  été  conduite.  Il  a  étudié  succes- 
sivement :  les  coutumes  iwpulaires  d'après  les  divers  jours  de  Tannée  ;  les  rites  de  la 
naissance  et  de  la  première  enfance  ;  les  rites  des  fiançailles  et  du  mariage  ;  les  rites 
funéraires.  Un  certain  nombre  do  rites  et  d'observances  actuels  ont  été  rapprochés  de 
ceux  dont  font  mention  les  textes  chinois  ;  en  outre  M.  Conrady  a  indiqué  les  ressem- 
blances et  les  différences  entre  les  coutumes  du  Shantung  méildional  et  celles  qu'ont 
signalées  d'autres  observateurs  comme  MM.  Grube  et  de  Groot.  Si  Ton  ajoute  que  le 
Père  Stenz  a  publié  dans  TAnthropos,  T.  I,  une  étude  détaillée  sur  le  paysan  du  Shan- 
tung, on  ne  pourra  faire  moins  que  de  le  regarder  comme  Tun  des  pionniers  de  l'eth- 
nographie des  Chinois.  Avec  ces  deux  travaux,  il  facilite  leur  besogne  aux  autres 
enquêteurs  :  notamment  les  consuls  en  Chine  des  diverses  puissances  européennes  sont 
impardonnables  de  se  désintéresser  autant  de  la  vie  locale. 

On  trouvera  enfin  dans  la  préface  de  M.  Conrady  une  étude  du  plus  haut  intérêt  sur  les 
rapports  du  rite,  du  mot  et  de  la  représentation  figurée  du  sens,  qui  constitue  une  utile 
contribution  à  l'étude  sociologique  de  la  langue,  et  qui  complète  le  travail,  davantage 
d'ordre  psychologique,  de  E.  Chavannes  sur  Le  Symbolisme  du  décor  chinois, 

QiSBERT  CoMBAZ.  Sépuîtures  impériales  de  la  Chine.  Tirage  à  part  (85  pages)  des  Annales 
de  la  Société  d'Archéologie  de  Bruxelles,  1907,  Vromant  et  Cie,  Bruxelles.  —  Intéres- 
sant mémoire,  illustré  de  37  figures  et  de  IX  planches  excellentes.  Par  une  étude  des 
croyances  (d'après  De  Groot)  et  de  l'art  (d'après  E.  Chavannes)  chinois,  Fauteur  a  rendu 
intelligibles  un  certain  nombre  de  détails  architecturaux.  A  signaler  pp.  27  33,  une 
discussion  bien  conduite  sur  les  portiques  d'honneur,  sujet  qui  mériterait  une  étude 
ethnographique  générale  :  la  forme  rudimentalre  du  portique  est  l'éciiafaudage  formé 
de  deux  poteaux  verticaux  en  supportant  un  horizontal  qui  marque  en  Afrique  le 
tabou  de  passage.  La  «  valeur  symbolique  »,  comme  dit  M.  Combaz,  des  portiques 
extrême-orientaux  est  connue  :  il  faudrait  seulement  en  connaître  la  signification 
exacte.  A.  v.  G. 


p.  ise,]  •   R   •   E  •   E  •   s   •  [^^^^* 

D.  Macdonald.  The  oceanic  languages ^  their  grammatical  structure,  vocabulary  and 
oriffin.  Iü-8°,  XVI.352  pages  et  2  cartes.  Londres,  Henry  Fiowde,  1907.  10  s.  6  d.  net  — 
Dans  un  précédent  travail  {Oceania  :  Linguisiical  and  Anthropological,  Londres, 
1889),  le  Rév.  Maodonald  croyait  avoir  montré  que  «  l'ancienne  langue  mère  océanienne 
était  une  branche  delà  famille  sémitique  au  même  titre  que  Téthiopien,  Thimyaiite, 
l'arabe,  l'hébreu,  le  syriaque,  le  chaldéen,  le  phénicien  et  l'assyiien  (p.  14)  »».  On  sait 
ce  qu'il  faut  penser  de  cette  prétendue  parenté  que  rien  ne  justitie.  Cett«  théorie  insou- 
tenable a  été  reproduite  et  développée  dans  le  présent  volume.  Pour  donner  une  idée 
des  rapprochements  que  Fauteur  considère  comme  décisifs,  je  citerai  seulement  les 
exemples  suivants  : 

p.  28  :  Arabe  sit  ta  et  Malgache  enina,  six  ;  Ar.  sab' a  et  Malg.  fitu^  Javanais  piiu, 
sept  ;  Ar.  hhamsa  et  Marquésan  hima,  Malg.  limi^  dimi.  Maori  rima,  cinq  ;  Ar.  tis^a 
et  Malg.  sivi^  Maori  iwa  neuf  ; 

p.  29  :  Ar.  arba'alun  (le  ta  final  qui  avait  été  négligé  dans  les  exemples  précédents, 
est  utilisé  dans  celui-ci)  et  Malais  ampat^  Malg.  efatra,  quatre  ;  Araméen  j^erah,  pira 
et  Malais  buwah,  Malg.  vua,  fruit 

La  transcription  de  certains  phonèmes  indonésiens  est  tcut-à-fait  inattendue.  L*fi 
vélaire  est  représenté  par  un  g  surponctué  ;  les  tr  et  ts  malgaches  par  t  et  s,  alors  qu'ils 
se  composent  très  nettement  celui-là  d'une  occlusive  et  d'une  vibrante,  celui-ci  d'une 
occlusive  et  d'une  sifflante.  La  morphologie  comparée  des  langues  malayo-polyné 
siennes  présente  de  graves  inexactitudes.  Ainsi  -tana  et  -tan  sont  donnés  comme  des 
«  formative  suffixes  ».  Or,  Malais  surätan  =  sural  +  suffixe  an  et  non  sura  +  tan  \ 
parallèlement,  Malgache  surâtana  =  süratra  (issu  d'un  ancien  sûrat)  +  suffixe  ana 
et  non  sura  +  tana.  Môme  observation  pour  les  suffixes  rana^  fana,  hana,  mana,  etc. 

Les  indications  ayant  trait  au  dialecte  d'Efatedes  Nouvelles-Hébrides  sont  intéres- 
santes et  utiles  ;  le  vocabulaire  pourra  en  être  consulté  avec  fruit.  Mais  il  s'agit  de 
linguistique  pure  et  c'est  un  sujet  qui  n'entre  pas  dans  le  cadre  de  la  Revue.  Rien,  au 
contiaire,  n'est  à  retenir  de  la  théorie  sur  l'unité  d'origine  des  langues  océaniennes  et 
sémitiques.  La  lecture  des  magistrales  études  de  Kern  aurait  sans  doute  dissuadé  le 
Rév.  Macdonald  d'entreprendre  le  travail  qu'il  vient  de  publier- 

Gabriel  F£Rrand. 

R.  Sutherland  Rattray.  Some  folklore  stories  and  songs  in  Chinyanja,  toith  english 
translation  and  notes,  In-18,  224  p.  London,  Soc.  Prom.  Christ.  Knowl.  1907.  — 
Ce  petit  livre  marque  surtout  un  progrès  considérable  dans  nos  connaissances  jusqu'ici 
peu  étendues,  du  totémisme  bantou.  On  trouvera  à  la  note  47  (pp.  174-179)  une  liste  des 
clans  Anyanja,  avec  l'explication  de  leur  nom  ;  môme  les  Européens  ont  été  introduits 
dans  la  classification  :  les  Anyanja  les  regardent  comme  constituant  le  clan  totémique 
du  fourmilier  car  «  pour  répondre,  nous  disons  Ye  sere  =  Yes  sir,  sere  étant  le  fourmi- 
lier, Ye  l'interjection  d'appel  ».  Le  tabou  de  tuer,  blesser,  détruire  l'objet  ou  l'animal 
dont  on  porte  le  nom  est  absolu  ;  il  en  est  de  môme  de  la  règle  exogamique  ;  ce  toté- 
misme semble  à  base  réincarnationiste  (cf.  encore  la  note  21,  pp.  197-8  sur  le  culte  des 
morts  et  la  note  10  p.  207  sur  les  7nzimu).  Il  existe  une  danse  qui  semble  en  relation  avec 
le  totémisme,  dite  zinyau,  et  des  «  sociétés  secrètes  »  avec  langage  secret,  sur  les  rites 
d'initiation  desquelles  l'auteur  ne  donne  malheureusement  pas  grands  details.  Quant 
aux  textes  recueillis  et  traduits,  ils  se  rapportent  surtout  à  des  coutumes  (ordalies, 
funérailles,  funérailles  d'un  chef  Angoni,  cérémonie  unamwali,  dont  la  description 
n'est  pas  ti*ès  développée,  rites  de  la  naissance,  du  mariage,  prières,  etc.),  excellent 
pixxîédé  à  double  fin.  On  attend  maintenant  de  l'auteur  une  monographie  suivie  des 
populations  Anyanja  et  Angoni  du  British  Central  Africa  Protectorate.        A.  v.  G. 

R.  P.  H.  Greffier.  Guide  de  la  conversation  en  quatre  langues  français-volof-diola- 
sérêr.  Nouvelle  édition.  In-32, 295  pages.  St  Joseph  de  Ngasobil  (Sénégal),  Mission  catho- 
lique, 1907.  —  Fruit  d'une  longue  pratique,  cet  ouvrage  contient  assurément  de  nom- 
breux et  utiles  renseignements  ;  mais  son  emploi  est  à  peu  près  exclusivement  limité 
aux  rapports  avec  les  noirs  qui,  vivant  dans  l'entourage  immédiat  des  Français  et 
surtout  des  missionnaires,  se  trouvent,  de  ce  fait,  teintés  d'une  certaine  civilisation 
européenne.  De  plus,  Tinsuflisancc  de  la  partie  grammaticale  empoche  le  débutant, 
pour  qui  ce  guide  pai^ait  être  fait,  d'adapter  les  exemples  indiqués  aux  circonstances 


1908.]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  187. 

diverses  de  la  vie  courante.  A  remarquer,  aussi,  que  le  vocabulaire,  qui  aurait  gagné  à 
cire  mieux  condensé,  ne  fait  môme  pas  allusion  aux  religions  indigènes.  Le  Guide  de 
la  Convei^sation  français-volof,  (In  32  de  167  pages,  ibidem,  1907)  du  môme  auteur  est 
un  extrait  du  livre  pi'ôcédent.  augmenté  de  quelques  règles  grammaticales  et  d'une  très 
courte  fable.  Ch.  Monteil. 

Lieutenant  L.  Desplagnes.  Le  Plateau  Central  Nigérien.  8<»,  504  pages,  236  flg.  sur 
119  planches,  Paris,  1907,  E.  Larose,  12  fr.  —  Il  est  assurément  regrettable  que  M.  le 
lieutenant  Desplagnes  ait  gâté  les  résultats  fort  intéressants  d'un  beau  voyage  en 
croyant  devoir  sacritter  à  la  manie  de  Tétymologie  par  des  rapprochements  accumulés 
do  syllabes  ou  même  de  simples  consonnes.  Cette  manie  fâcheuse  est  assez  répandue  et 
elle  a  conduit  des  hommes  de  talent  et  des  travailleurs  consciencieux  à  formuler  des 
conclusions  aussi  bizarres  qu'inattendues.  C'est  elle,  par  exemple,  qui  a  amené  M.  le 
général  Frey  à  prétendre  que  M.  Bingei*,  dans  sa  si  remarquable  exploration  de  la 
Boucle  du  Niger,  n'aurait  pas  compris  ses  guides  Mandingues  parce  qu'il  ignorait  la 
langue  annamite  ;  c'est  elle  encore  qui  a  permis  à  M.  le  capitaine  Figeac  de  découvrir 
que  les  Pélasges,  puis  les  Peuls,  descendraient  d'Apollon,  pour  l'unique  raison  que 
chacun  de  ces  trois  mots  renferme  un  P  et  un  L.  (J'ignore  d'ailleurs  pourquoi  les  Polo- 
nais sont  exclus  de  cette  descendance.)  J'en  passe  et  des  meilleurs,  et,  si  j'ai  rappelé 
ces  deux  noms,  c'est  que  M.  Desplagnes  s'appuie  sur  leur  autorité. 

Je  dois  avouer  que  j'ai  été  moi-même  tenté  autrefois  de  m'adonner  quelque  peu  à 
celte  manie,  mais  c'était  là  un  péché  de  jeunesse  dont  je  crois  m'être  corrigé  avec  l'âge, 
en  apprenant  peu  à  peu  que  coïncidence  de  sons  ne  signifie  pas  communauté  d'origines. 

11  me  semble  en  tout  cas  que,  lorsqu'on  veut  baser  un  système  sur  l'étymologie,  il  serait 
au  moins  nécessaire  de  connaître  les  langues  auxquelles  on  emprunte  ses  exemples. 
M.  Desplagnes  en  a  emprunté  à  une  cinquantaine  d'idiomes,  tant  méditerranéens  que 
soudanais,  et  qu'il  mêle  les  uns  aux  autres  avec  un  sans-gêne  réellement  surprenant. 
Or,  pour  ne  citer  que  des  langues  dont  j'aie  quelque  droit  de  parler,  il  ignore  certaine- 
ment l'arabe  et  le  mandingue,  auxquels  pourtant  il  a  constamment  recours. 

En  ce  qui  concerne  Tarabe,  je  ne  reviendrai  pas  sur  l'extraordinaire  façon  dont  il  écrit 
le  nom  des  sectateurs  de  Abd-el-Ouahhàb,  l'attention  du  public  ayant  été  attirée  déjà  sur 
cette  bizarre  fantaisie.  Trouver  un  rapport  étymologique  entre  le  nom  des  Otmhhabites 
et  celui  des  Ouankoréow  Ouangara  n'est  pas  plus  saugrenu  que  de  rappix)cher,  pai* 
exemple,  des  Bouddhistes  les  Boudouma  du  lac  Tchad.  J'ai  eu  entre  les  mains  le  livre 
d'un  fou  qui  était  bourré  de  rapprochements  étymologiques  -  tirés  de  la  langue  univer- 
selle n  (?  î),  rapprochements  analogues  à  ceux  dont  est  hérissé  le  livre  de  M.  Desplagnes. 
Ce  dernier  d'ailleurs  puise  avec  une  élégante  facilité  dans  toutes  les  langues,  sans  les 
nommer,  interprétant  telle  syllabe  d'un  mot  dans  un  dialecte  et  telle  autre  syllabe  du 
même  mot  dans  un  second  dialecte,  avec  une  désinvolture  tout  au  moins  puérile.  S'il 
avait  connu  le  Mandingue,  il  n'aurait  pas  avancé  que  mori  —  qui  signifie  «  musulman  n 
en  cette  langue  —  fût  le  pluriel  de  moro  (ou  mieux  morho,  avec  un  r  gras)  qui  signifle 
«  homme  n  et  fait  ynorho-lou  au  pluriel  ;  il  n'aurait  pas  davantage  cherché  dans  le  nom 
d'une  imaginaire  famille  Bo  l'étymologie  de  l'appellation  Bobo,  simple  onomatopée  qui 
signifie  «  bègue  n  chez  les  Mandingues  et  par  laquelle  ces  derniers  désignent  un  peuple 
qui  se  donne  à  lui-môme  divers  noms  selon  ses  diverses  tribus  mais  qui  repousse  le 
nom  de  Bobo  comme  un  sobriquet  injurieux. 

Je  ne  puis  relever  toutes  les  fantaisies  de  ce  genre  qui  remplissent  les  82  pages  de  la 
![•  partie  et  les  35  pages  de  la  IV«,  et  qui  émaillent  encore  çà  et  là  le  reste  du  volume  : 
il  y  faudrait  consacrer  tout  un  ouvrage  aussi  volumineux  que  celui  de  M.  Desplagnes 
lui-môme,  et  véritablement  ce  serait  là  besogne  inutile. 

Tout  cela,  je  le  répète,  est  regrettable,  car  la  première  partie  du  livre,  consacrée  à 
l'étude  des  vestiges  archéologiques  relevés  et  recueillis  par  l'auteur,  et  la  troisième 
partie,  qui  est  une  monographie  très  étendue  des  Habbé,  auraient,  dégagées  du  fatras 
historico-étymologique  dans  lequel  elles  se  trouvent  ensevelies,  fourni  la  matière  d'une 
excellente  et  utile  monographie  d'ethnographie  soudanaise.  Malheureusement,  quand 
on  a  lu  le  roman  des  Ma,  des  Oua  et  des  Sa,  des  Rouges,  des  Blancs  et  des  Noirs,  on  ne 
peut  se  défendre  d'un  certain  scepticisme  à  l'endroit  du  reste  du  volume. 

A  tout  prendre  d'ailleurs,  ce  livre  mérite  de  trouver  place  dans  les  bibliothèques  :  il 
renferme  eu  effet  236  photographies  pour  la  plupart  très  curieuses  et  très  instructives 


p.  188.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

et  toutes  fort  bien  reproduites,  une  excellente  carte  du  nord  de  la  Boucle  du  Niger, 
une  très  bonne  note  minéralogique  de  M.  le  professeur  Lacroix,  une  étude  cràniologîque 
de  M.  le  Docteur  Hamy,  et  une  très  intéressante  contribution  au  folklore  nigérien  due 
à  M.  rinterprète-principal  Dupuis.  Toute  la  partie  proprement  descriptive,  où  M.  Des- 
plagnes  relate  ses  observations  ethnographiques  sur  les  populations  des  plateaux  et 
colline?  avoisinant  le  Niger  moyen,  est  la  première  étude  sérieuse  et  documentée  que 
nous  possédions  sur  ces  intéressantes  peuplades,  et  Ton  doit  être  reconnaissant  à 
M.  Desplagnes  de  ravoir  fournie.  .M.  Delafosse. 

Kl).  DB  Jonche.  Les  Sociales  secrètes  au  Bas-Congo.  Extrait  (74  pages)  de  \siRevif3  des 
questions  historiques^  oct.  1907.  Bruxelles.  —  Pour  la  documentation,  il  n'y  a  qu'à 
dire  du  Lien  de  ce  petit  mémoire.  Les  sources  ont  été  toutes  dépouillées  avec  soin, 
comparées  et  critiquées.  Mais  pour  le  classement  des  faits  et  pour  leur  interprétation, 
il  faut  faire  des  réserves.  L'auteur  n'a  pas  vu  quel  est  le  sens  réel,  profond,  des  céré- 
monies dites  d'initiation,  ni  le  rôle,  dans  les  sociétés  générales,  de  sociétés  spéciales 
comme  celles  qui  sont  dites  «  secx*ètes  ».  La  première  phrase  déjà  implique  un  postulat  : 
«  Les  cérémonies  qui  consacrent  au  Bas-Congo  l'époque  de  la  puberté...  .  ».  Il  faudrait 
cesser  enfin  de  regarder,  avant  toute  démonstration,  les  rites  d'initiation  comme  iden- 
tiques à  des  lites  de  la  puberté.  On  ignoi*e  l'âge  vrai  de  la  puberté  chez  les  Nègres  du 
Bas  Congo,  comme  d'ailleurs  chez  la  plupart  des  demi-civilisés  ;  en  quoi  les  cérémonies 
congolaises  sont- elles  sexuelles?  En  réalité  il  y  a  une  puberté  physiologique  et  une 
puberté  sociale^  comme  il  y  a  une  parenté  physique  et  une  parenté  sociale,  une 
maturité  physique  et  une  maturité  sociale^  etc.  Il  ne  faut  pas  confondre. 

M.  de  Jonghe  a  raison  de  rejeter  les  interprétations  de  Frobenius,  fantaisistes,  et 
celles  de  Schurtz,  proprement  métaphysiques.  Mais  il  a  eu  tort  de  se  refuser  à  recon- 
naître que  l'élément  central  des  rites  étudiés  n'est  autre  que  la  dramatisation  de  la 
mort  après  la  résurrection  du  novice. 

Partout^  chez  les  Australiens  comme  dans  V Eglise  catholique  {baptême^  ordina- 
tion^ prise  de  voile),  dans  les  mystères  de  P antiquité  comme  dans  les  divers  rites 
du  sacrifice,  dans  les  cérémonies  du  mariage,  de  la  mort,  etc,  c'est  cette  même  idée 
de  mort  à  un  état  antérieur  (au  monde  profane,  ou  à  la  société  enfantine,  etc)  et 
de  renaissance  à  un  monde  nouveau  {monde  sacré,  clause  d'âge  nouvelle,  état  de 
mariage,  etc.)  qui  est  dramatisée. 

Ce  point  de  vue  très  simple,  et  qui  permet  de  s'orienter  rapidement  parmi  la  masse 
des  faits  rituels,  est  d'une  grande  importance  théorique. 

Le  mérite  de  M.  de  Jonghe  c'est  de  permetti^e,  par  sa  collection  de  faits  de  détail, 
une  démonstration  lîgoureuse,  pour  les  cérémonies  d'initiation  du  Bas-Congo,  du  point 
de  vue  brièvement  indiqué  ci  dessus.  D'abord  le  novice  est  brutalement  séparé  de  la 
société  profane  (intoxication,  flagellation,  peintures  corporelles);  puis  il  est  agrégé  à  la 
société  sacrée;  enfin  il  est  réintroduit  dans  la  société  profane  :  l'initié  ne  reconnaît  d'abord 
personne,  il  ne  sait  pas  manger,  se  fait  porter,  bref  se  conduit  comme  un  nouveau-né 
(cf.  pp.  55-56).  L'initié  meurt  deux  fois  et  renaît  deux  fois.  Enfin  M.  de  Jonghe  n'a  pas 
vu  que  les  interdictions  (tabous)  sont  des  rites  négatifs,  équivalents  des  rites  positifs, 
et  leur  contrepartie.  A.  van  Gennep. 


1908.] 


SOMMAIRES   DES   REVUES. 


[P.  189. 


SOMMAIRES  DES  REVUES. 


MàN  [A   monthly    record  of  anthropoloaiccU 

science).  Anthropological  lastitute,  3  naoo- 

ver  Sqaare,  Londres.  Ab.  10  sh.  T.  VIII,  n«  1 

(Janvier  1908). 

F.  R.  Barton.  Note  on  stone  pestles  from 

British  New  Guinea» 
T.  A.  Joyce.  Note  on  the  relation  of  the 
bronse  heads  to  the  carved  tusks,  Benin 
City, 
W.  L.  H.  Duckworth.  Report  on  a  human 
cranium  f)rom  a  stone  cist  in  the  isle  of 
Man. 
M.  Ë.  Cjnninjrham.  Notes  on  excavations 
at  Olivers  Camp  near  Dsvizes,  ^Viltshi' 
re  ;  fig. 
Analyses  :  G.  Murray,  The  rise  of  the  greek 

epic  (A.  Lang). 
Anthropological  notes. 

Globus  [lUusirierte  Zeitsehriß  für  Länder-  und 
Völkerkunde.  Dir.  H.  Singer  et  R.  Andrée. 
Brunswick,  Fr.  Vieweg  et  fils.  4®  Hebdoma- 
daire. Ab.  24  mks.  1908.  N"»  1,  2  Janvier. 

Koch -Grün  berg.  Der  Fischfang  hei  den  In- 
dianern Nordwestttrasiliens. 

Pöch,  Wanderungen  im  nördlichen  Teile 
von  Süd-Neumecklenhurg, 

Aus  den  Ergebnissen  <Ur  Ostkamerun- 
Grenzexpedition . 

Fischer.  Paparudà  und  Scaloian. 

Zur  Frage  nach  dem  Alter  der  Ruinen 
Rhodesias, 

BQcherschau  :  Holm,  Aus  Mexiko.  —  Fro- 
benius»  Im  Schatten  des  Kongostaates.  — 
Gallien),  Neuf  ans  à  Madagascar,  — 
Hettner,  Grundlage  der  Länderkunde, 
1.  Band  :  Buropa. 

Kleine  Nachrichten  :  Zur  Geschichte,  Geo- 
graphie und  Bedeutung  von  Trinidad, 
—  Dispkignes  neue  Forschungen  über 
die  Vorgeschichte  des  Nigergebiets.  -^ 
Die  letzten  lebenden  Sprachreste  der  Na- 
tik' Indianer. 

N«  2,  9  Janvier. 

Koch-GrOnberg.  Der  Fischfang  bei  den  In- 
dianern Nordwestbrasiliens,  (Schlusz.). 

Freise.  Bergbauliche  Unternehmungen  in 
Afrika  v>ährend  des  Altertums. 

Struck.  Zur  Kenntnis  des  G â Stammes 
(GoldkOste).  I. 

BQcherschau  :  Diener,  Reise  in  das  moder- 
ne Mexiko.  —  Clemenz,  Schlesiens  Bau 
und  Bild.  —  Ott,  Bevölkerungsstatistik 
in  der  Stadt  und  Landschaft  Nürnberg 
in  der  ersten  Hälfte  des  d5.  Jahrhun- 
derts. 

Kleine  Nachrichten  :  Djs  häusliche  Leben 
in  Uganda.  —  Die  Sigynnen  des  Hero* 
dot.  ^  Die  heiligen  Eichen  und  Terebin- 
then  der  Hebräer.  —  Die  Mission  L^n- 


fant.  —  RoiUe  C.  dementis  durch  Süd- 
china, —  Zu  dem  Artikel  A.  van  Gennep's 
«  Ein  eigentiimlicher  Wettermantel  ». 

N«  3,  16  Janvier. 

von  Koenigswald.  DieBotokuden  in  Süd' 
brasilien. 

Die  Insektenwachs- Industrie  in  Ssetseh- 
wan. 

Baldacci.  Die  Slawen  von  MoUse, 

Der  heutige  8%harahandel, 

BOcherschau  :  Ferdinand  von  Richthofens 
Tagebücher  aus  China, 

Kleine  Nachrichten  t  Strümpels  zweite  Rei* 
se  durch  Süd-Adamaua.  —  Die  Steinzeit 
in  Marokko,  —  Die  wirtschaftliche  Ent- 
wickelung  Angolas,  —  John  Frederick 
Mann  f.  —  Geheimbünde  der  Neger. 

N«  4,  23  Janvier. 

Baldacci.  Die  Slawen  von  Molise  (Schlusz.) 

Die  Selenka- Expedition  nach  Trinil. 

Tetzner.  Zur  litauischen  Sprichwörteiyoe- 
sie. 

Kleine  Nacli richten  :  Die  Feuerpumpe.  — 
Prähistorische  Funde  in  Versien.  —  Die 
Steinschneidearbeiten  der  Chinesen,  — 
Der  iß  internationale  Amerikanisten- 
kongress,  ^  v.  Lusehan  über  Rassenver- 
^wandtschaften  der  Hottentotten. — Louis 
Gentils  Reisen  in  Marokko  1907,  —  Zu 
dem  Aufsa'Z  «  Dis  Rumänen  in  der  Bu- 
kowina $>.  —  Historische  Ueberlieferun- 
gen  und  prähistorische  Funde  wie  Brut- 
plätze des  Kranichs  zur  Jetztzeit  in 
Deutschland  —  Zeitschrift  «  La  Misce- 
lanea  n  in  Santo  Domingo. 

N»  5,  30  Janvier. 

Gengier.  Fränkische  Vogelgeschichten, 

S  mend.  Negermusik  und  Musikinstrumen- 
te in  Togo. 

Moreira.  Zur  Kennzeichnung  der  Farbi* 
gen  Brasiliens. 

Winternitz.  D.  H,  Müllers  Beiträge  zur 
südarabischen  Volkskunde, 

Bucherschau  :  Friea\\,Bämdütsch  als  Spie- 
gel bernischen  Volkstums.  2.  Band.  — 
Tauber,  Nnie  Gebirgsnamen-Forschun- 
gen.  —  Scenz,  Beiträge  zur  Volkskunde 
Süd-Schantungs,  —  Forrer,  Reallexikon 
der  prähistorischen,  klassischen  und 
frühchristlichen  Altertümer,  —  Bielen- 
stein,  Die  Holzbauten  und  Holzgeräte 
der  Letten.  1.  Teil. 

Kleine  Nachrichten  :  Ethnologische  Be- 
trachtungen über  Hockerbestattung.  — 
Entdeckung  der  Lage  der  alten  Haupt- 
stadt des  Ghanatareiches.  —  Steinzeitli- 
che Funde  in  Dänemark.  —  Fewke's 
Forschungen  über  die  Eingeborenen  von 
Porto  Rico.  —  Zum  antikeii  Weinhan» 


p.  190.] 


R 


Ë 


E 


[1908. 


del. — Die  deutsche  Küste  als  Siedelungs- 
gebiet,  —  Häufigheit  des  Storches  in 
Deutschland, 

N«  6.  6  Février. 

Woi&seiiberg.  Das  neugaborenp.  Kind  bei 
den  südrussischen  Juden. 

Die  Zustande  in  Rhodesia. 

Smond ^Ntgermustk  und  Musikinstrumen- 
te in  Togo.  (Schlusz). 

Die  Schouteninseln. 

BQcherscIiau  :  Wissenschaftliche  Ergebnis- 
se der  Expedition  Fiichner  nach  China 
und  Tibet.  X.  BJ.  1  Teil.  —  Musil,  Ara- 
bia Pelraea.  II.  Edom.  1.  Teil.  —  Siein- 
inann  Einführung  in  die  Paläontologie. 
2.  Aufl.  —  Riehl.  Die  Pfälzer.  3.  Afl  — 
üayef.  La  cixilisation  pharaonique.  2. 
aiirt. —  von  Itierinj^.  Archhelenis  und  Ar^ 
chinoiis,  —  Preise.  Geschichte  der  Berg- 
bau- und  Hüttentechnik.  I.  Band. 

Kl-^ine  Nachrichten.  Die  elsä.^Sischen 
Trachten.  —  Die  soziale  Dreistufentheo- 
rie. —  Ausarabungen  auf  der  Insel  Bah- 
rain. —  Karte  von  Teilen  der  Bezirke 
Ossidinge  y  B  amend  a  und  Dschang.  — 
Die  Saharadurchquerungen  Dubois*  und 
der  Mission  Arnaud- Cor  tier,  —  Iw- 
tschenkos  Beobachtungen  in  der  Kirgi- 
Sênsteppe  und  in  der  Steppe  ton  'i  w  ke- 
stan.  —  Zum  Artikel  ^  Ein  eigentüm- 
licher Wettermantel  n.  —  Die  anthropo  • 
logische  Frage  Aegyptens, —  Geburt  und 
Tod  bei  den  Wasuaheli,  —  Physische 
Anthropologie  der  Elsasz- Lothringer.  — 
üsseglios  Heise  im  Küstengebiet  stoischen 
Beira  und  der  Sambesimündung.  — 
Eine  alte  chinesische  Beschreibung  des 
wandelnden  Blattes  (Phy  Ilium).  — 
Evans*  kretische  Ausgrabungen. 

Rkvub  DB  l'Ecole  d'Anthropologie  de  Paris. 
T.  XVIII,  Fasel  (Janvier  1908).  Ed.  F.  Alcan. 
B*>  S*  Germain.  Ab.  10  fr. 
Zaborowski.  Les  introducteurs  du  cuivre 
sur  la  côte  orientale  de  V Espagne  et  en 
Sicile, 
F.  Ameghino.  Les  documents paléo- anthro- 
pologiques du  Sud  américain  et  le  pro- 
cessus écolutif  des  primates. 
Bibliographie  :  Maraghiannis»  Antiquités 
Cretoises,  —  A.  Mosso,   Escursioni  nel 
Mediterraneo  e  gli  scavi    di  Creta    et 
R.  M.  Burrows,  The  discoveries  in  Crete 
(K.  Dussaud). 

Z  ENTRA  BLATT  FÜR  ANTHROPOLOGIE.    Dir.  Georg. 

Buschan  ;  od.   Fr.   Vieweg,  Brunswick,  Ab. 

15  marks. 
Section  III  :  Ethnologie  et  ethnographie  ; 
analyses  critiques  de  :  Schneider,  Mu- 
schelgélditudien  (von  Luschan).  —  vou 
Luschan,  Ueber  Boote  aus  Baumrinde 
(Buschan).  —  Fr.  S.  Krauss.  Anthropo- 
phyteia  (I.  Näcke).  —  J.  Wassilieff. 
Croyances  des  Votiaks  (en  russe)  (Viéra 
Kbàruziû).  —  E.  Pechuel-Loesche,  Vo/Äs- 
kunde  von  Loaugo  (B.  Ankermann).  — 
R.  E.  Dennett.  At  the  back  of  the  black 
man* s  mind  (id.).  —  Passarge,  Die 
Buschmänner  der  Kalahari  (v.  Luschan). 
—  Kurt  Breysig,  Die  Völker  ewiger  Ur- 
zeit, T.  I.  (G.  Fnederici).  —  G.  B.  Gordon. 
The  serpent  motive  in  the  ancient  art  of 


Central  Amertca  and  Mexico  (W.  Leh- 
mann). —  J.  L.  Pic,  Die  Urnengräber 
Böhmens  (H.  Seger).  —  K.  Buchfela.  Die 
Lausitser  und  schlesischen  Brandgräber 
in  Böhmen  (id  ) 

Rkvlk   DK    l'Histoire    des    Religions,   1907. 
T.  LVI,  fasc.  3. 

G.  Raynaud.  Tlaloc. 

M.  Goguel.  La  nouvelle  phase  du  problème 
synoptique  (1899-1907). 

H.  Norero.  Le  dernier  ouvrage  de  M,  Wundt 
en  tant  que  contribution  à  la  psycho - 
login  religieuse. 

Revue  des  livres  :  I  Analyses  et  comptes 
rendus  ;  M.  Jastrow.  Die  Religion  Baby- 
lonifns  und  Assyriens  (Jean  Kéville).  — 
D.  Völter.  Aegypten  und  die  Bibel  (Aâ. 
Lod*).  —  R.  Düssaud.  Les  Arabes  en 
Syrie  avant  l* Islam  (id  )  —  H.  Gnmme. 
Dus  israelitische  Pfingstfest  und  der  Ple- 
jadenkult  (Ad.  J.  Reuiach).  —  G.  Gundel. 
De  stellarum  appellatione  et  religione 
romana  (\à.)  -  G.  Hölscher.  Der  Saddu- 
zäismus  (Kd.  Montei).  —  W.  G.  Allen. 
A  critical  and  exegetical  commentary 
of  the  Gospel  according  to  S,  Matthew 
(M.  Goguel;.  —  P.  Sainty  veii.  Les  saints 
successeurs  des  dieux  (Jean  Ré  vi  lie).  — 
L.  Serba'.  Les  assemblées  du  clergé  de 
France  (Rod.  Reuss). 

II.  Notices  bibliographiques, 

1®  E.  Behrens.  Assyrisch-babylonische 
Bnefe  kultischen  Li  halts  aus  der  Sargo- 
nidenseit  (L.  Delaporte)  —  2^  K.  Frank. 
Bilder  und  Symbole  babylonisch-assyris- 
cher Götter  (id.)  —  3<»  J.  E.  Harrison, 
The  religion  of  ancient  Greece  (J.  Tou- 
lain).  —'40  H.  Thôdenaî,  Pompéi  (id.)  — 
ÏP  S.  Eitrem.  Der  homerische  Hymnus 
an  Hermes  (K.  Poisson).  —  6«>  N.  P. 
Vlachos.  Some  aspects  of  the  religion  of 
Sophokles  {\ii ,)  —  7<»J.  Blecher.  De  exti 
spicio  capita  tria  (id.) —  S'*  Ausgewählte 
Mischnatractate  in  deutscher  Ueberset- 
2ung  (Jean  Réville).  —  9^  W.  Staerk. 
NeiUestament liehe  Zeitgeschichte  (id.)  — 
10°  W.  Staeik.  Die  Entstehung  des  Alten 
Testaments  (Ch.  Mercier).  —  11°  G.  Holïz- 
mann.  Christus  (Ed.  Montet).  —  12«  A. 
Audollent.  Defixionum  tabellae(â.  Tou- 
tain).  —  13°  P.  Monceaux.  Histoire  litté- 
raire de  V Afrique  chrétienne^  T.  Ill 
(id.)  —  14°  n.  Keck  end  or  f.  Mohammed 
und  die  Seinen  (Ed.  Montet).  —  15'»  C. 
Laireille.  Joseph  de  Maistre  et  la  Papauté 
(Rod.  Reuss). 

Revue  des  traditions  populaires.   T.  XXII 
(1907)  fasc.  V2. 

Denis  Bressan  ;  Paul  Sôbillot.  Moitié  de 

coq. 
Alfred  Harou.  Légendes   sur  V origine  de 

C  homme. 
Paul  Sébillot.  Légendes  contemporaines, 
Mazeret.  Superstitions  gersoises» 
Alfred  Harou.  Coutumes  de  Noël,  —Singu- 
lières manières  de  prêter  serment. 
F.  D.  Pèlerins  et  pèlerinages, 
Alfred  Harou.  Les  redevances  féodale». 


1908.] 


SOMMAIRES    DES   REVUES. 


[P.  191. 


Ed.  Rdmont.  Coutumes  de  mariage. 

A.  Dagnef.  Croyances  et  Légendes  du  Mor- 
bihan. 

H.  de  Kerbeuzec;  O.C  Théologie  populaire, 

H.  do  Kerbeuzec;  Baron  du  Roure.  Les 
chasses  fantastiques. 

Alfred  Harou.  Le  folk-lore  du  Grand 
duché  de  Luxembourg. 

Bibliographie  :  Ernest  Myrand,  Nocls  an- 
ciens de  la  Nouvelle  France  (P.  S.)  — 
E.  T.  H^my.  Les  debuts  de  Lamarck  (id.) 

Notes  et  Enquôte». 

Kklbti  Szkmlk.  (Revue  orientale  pour  les  études 
ouralo-altaïf^ues).  Dir.  I.  Kûnos  et  B.  Mun- 
kàcsi.  Leipzig,  Harrassowitz,  Ab.  8  marks. 
T.  VIII,  fdsc.  1. 
I.  Kùno.s.  Türkisches  Volksschauspiel. 

B.  Munkâcsi.  Die  Weltflottheiten  der  wogu- 
lischen Mythologie  (II). 

0.  Mô-zâros.  Matériaux  sur  les  croyances 
populaires  iurques-osmanli  (en  hongrois) 

Analyse««  :  Futterer,  Durch  Asien{^.  Hart- 
mann). 

MèlangeF. 

Mkdrdrbungkn  van  wbgb  het  nbdrri.andsgub 
Zkndeunggknootschap.    (Bijdrage    tot    de 
hennis  der  sending  en  der  taal-land-  en  vol- 
kenkunde  van  Nederlandsch-Indië).  Dir.  G. 
Poensen  ;  éd.  M.  Wyt  en  zonen,  Rotterdam. 
T.  LI  (19(n). 
Section  Ethnographie  seulement  : 
W.  Dunnebier.  De  sending  in   Bolaäng- 
Mongondow. 

S.  Luinenburg.  Javaansche  radsels. 

J.  H.  Meerwaldf.  Gebruiken  der  Bataks  in 

het  maatschappelijk  leven  (3»  suite). 
S.  Luinenburg.  Jets  over  ila-ila  bij  den 

Javanen. 
J.  Louwerier.  Een  noodkreet  ten  behoeve 

van  i^eduwen  en  weezen  in  deMinahassa. 

Journal  dp  trb  African  Society.  Ed.  Macmil- 
lan  et  C».  Ab.  1  livre  st.  T.  VII  (fasc.  XXVI. 
Janvier  1908). 
Major   Melden.    Noies   on   Sudanese    in 

Uganda. 
J.  H.  Venning.  Rhodesian  ruins. 
K.  Meinhof.  Codification  of  native  law. 
Cap.  F.  F.  W.  Byng  Hall.  The  Okpoto  and 

Igara  tribes. 
A.  Werner.  Native  affairs  in  South-Africa. 
F.  Swanzy.  A  french  voyage  to  West- Africa. 
Editorial  notes  (A.  Werner). 
Bibliographie  :  A.  Werner.  The  natives  of 
of  British  Central  Africa  (H.  H.  John- 


ston). —  B.  Alexander.  From  the  Niger 
to  the  Nile  (an).  —  G.  Mc.  Call  Theal. 
History  and  Ethnography  of  South- 
AMca  (an).  —  F.  Rosen.  Eine  deutsche 
Gesandtschaft  in  Abessinien  (an.). 

Journal  dk  la  Société  des  Américanistbs  db 
Paris.  Nouvelle  série.  T.  IV.  Fasc.  1.  (1907) 
Ed.  Leroux.  Ab.  20  fr. 
E.  T.  Hamy.  Le  bas  relief  de  Vhôtel  du 

Brésil  au  musée  départemental  d'anti' 

guiles  de  Rouen. 
E.  Salone.  Les  sauvages  du  Canada  et  les 

maladies  importées  de  France  au  XVII^ 

siècle  et  au  X  VI li*  siècle  :  la  picote  et 

V  alcoolisme. 
L    Diguet.  Le  peyote  et  son  usage  rituel 

chez  les  Indiens  du  Nayarit. 
H.  Bcuchat  et  D'  Rivet.    Contribution  à 

l'étude  des  langues  Colorado  et  cayapa 

{République  de  l'Equateur). 
H.  CorJier.  Bahia  en  1847:  deux  lettres  de 

M.  Forlh-Rouen. 
De  Charoncey.   Textes  et  documents  :  in' 

structions  du  colonel  don  Fernando  de 

la  Concha. 
Bulletin  critique  (£.  de  Jonghe,  D'  Rivet, 

H.  Beuchat.) 
Melanges  et  nouvelles   :    Anse    Berthin, 

b'  (xaillard  dd  Tiremois.    H.   Beuchat» 

J.  de  Kergorlay,  E.  de  Jonghe. 

L'uoMMB  PRÉHISTORIQUE.  T.  VI.  Fasc.  1  (Jan- 
vier 1908). 
L.  Schaudel.  Revêtements  de  cabanes  du 

musée  de  Chambéry. 
P.  Baudet.  Dolmens  de  V Aisne. 
H.  Müller.  Les  outils  préhistoriques. 
Bibliographie  :  Lortet  et  Gaillard.  La  faune 

momifiée  de  V ancienne  Egypte  (Ë.  Hue). 
Musées  départementaux  (A.  Loppé). 

—    Fasc.  2  (Février). 
M.  Dumas.  Dalle  sculptée  de   St   Victor 

(Gard). 
0.  Häuser.  Fouilles  dans  la  Dordogne, 
M.  Baudouin.  Menhir  du  Bourg  de  Saint- 

Mayeux. 
Musées  départementaux  (A.  Loppé;. 

Bulletin  de  la  Société  Belgb  dr  QAoorapuib. 
Bruxelles.   Dir.   E.  Cammaerts.   Ab.   15  fr. 
T.  XXXI  (1907)  n«  6. 
P.  Clerget.  Les  communications  transaU 

pestres. 
J.  Denucé.  Les  îles  Lequios  {Formose  et 

RiuKiu)  et  Ophir. 
Bibliographie  :VanOverbergh  et  De  Jonghe, 
Les  Bangala  (L.  Delardrier). 


p.  192]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 


CHRONIQUE. 


Expedition  scientifique  en  Nouvelle-Guinée  Allemande  —  Après  eu  lente 
des  ministères  prussiens  de  ilnstruction  publique,  de  la  Marine  et  des  Affaires 
étrangères,  une  expédition  scientifique  a  été  chargée  d^onquêtes  uniquement  ethno- 
logiques et  ethnographiques  en  Nouvelle  Guinée  allemande.  Elle  a  été  placée  sous 
la  direction  du  médecin  de  marine  Stephau,  auquel  on  doit  déjà  plusieurs  monogra- 
phies ethnographiques  ;  il  emmène  comme  collaborateurs  M.  Edgar  Waiden,  attaché 
au  Musée  ethnographique  de  Berlin,  M.  Otto  Schiaginhaufen,  assistant  au  Musée 
anthropologique  de  Dresde  et  M.  Richard  Schilling,  photographe.  Le  Norddeutscher 
Lloyd  a  fait  des  conditions  de  transport  spéciales,  de  même  que  la  Neu  Guinea 
Kompagnie  ;  la  Marine  a  chargé  le  croiseur  Planet  de  garantir  la  sécurité  des 
explorateurs,  et  Tappui  effectif  du  Gouverneur  de  la  Colonie,  le  D^  Hahl,  est  assuré  ; 
enfin  la  publication  officielle  Marine-Rundschau  donnera  à  partir  de  1908  des  ren- 
seignements périodiques  sur  les  progrès  de  l'expédition.  Etant  donnée  Timportance 
d'une  exploration  approfondie  de  la  Nouvelle- Guinée  pour  les  sciences  anthropolo- 
giques, cette  entreprise  allemande  ne  peut  qu'être  encouragée,  d'autant  plus  qu'elle 
incitera,  on  l'espère,  les  Gouvernements  anglais  et  hollandais  à  ne  pas  rester  scien- 
tifiquement en  arrière  pour  les  régions  néo-guinéennes  qui  leur  appartiennent. 

Création  d'un  Service  Bthnographique.  —  Grâce  à  l'initiative  de  M.  F. 
Dubief,  ancien  ministre,  de  M.  Gervais,  rapporteur  du  budget  du  Ministère  des 
Colonies  à  la  Chambre  et  de  M.  Saint-Germain,  rapporteur  de  ce  même  budget  au 
Sénat,  il  vient  d'être  créé  à  l'Office  Colonial  du  Ministère  des  Colonies  un  Service 
Ethnographique^  chargé  de  recueillir  et  de  publier  les  documents  concernant  la  vie 
sociale  des  indigènes  des  diverses  Colonies  françaises.  Il  est  entendu  que  le  Service 
prendra  progressivement  de  l'extension. 


CATALOGUES. 


L.  Horstmann.  Göttingen.  No  38.  Kultur-  und  Sittengeschichte.  I4ö8  No». 

Von  Zahnet  Jœnsch,  Dresde,  N«  205.  National-Œkonomie,  Staats-  und  Social  Wissenschaften, 
Politik,  Statistik.  2490  N»«. 

K.  W.  Hiersemann.  Leipzig,  N«  348.  Ostasien,  Australien,  Océanien.  1183  N^s. 

List  und  Francke,  Leipzig,  No  397.  Historische  Hilfswissenschaften,  Kulturgeschichte, 
Volkskunde.  3407  No«. 

J.  Baer,  Francfort  s/M.,  No  554.  Folklore  :  Allgemeine  Werke  und  Zeitschriften,  Sagen  und 
Mythenkundc,  Märchen,  Legenden,  Volkslieder,  Sprichwörter,  Riltsel,  Aberglaube, 
Zauberwesen,  Hexen wahn,  Nachtrag.  1000  N©?. 

H.  Kesler,  Ulm,  No  306.  Geschichte  und  Geographie  :  erste  Abteilung  :  Anthropologie,  Ur- 
geschichte, Allgemeine  Kirchen-,  Literatur-  und  Kunstgeschichte,  Geographie,  Alte 
Geschichte.  2024  Nos. 

P.  Geuthner,  Paris,  No  30.  Science  des  religions  :  Philosophie  de  la  religion,  Religions  et 
mythologie  comparées,  Religions  de  l'AntiquiJbô.  de  l'Orient,  d'Amérique  et  des  peuples 
non  civilisés,  le  Christianisme,  0 riens  christianus,  Scriptores  chrîstiani  orientales. 
3121  Nos. 

Le  Gérant  :  Paul  Geuthnbb. 


REVUE  DES  ÉTUDES 

ETHNOGRAPHIQUES 

ET  SOCIOLOGIQUES 


PUBLIÉE   SOUS   LA   DIRECTION   DE 


ARNOLD   VAN  GENNEP 


Mo«   4-5   t  SOMIIIAIRE 

Pages 

W.  E.  Roth  :  Cratch-cradle  in  British  Guiana 193 

A.  Bel  :  Lsl  population  musulmane  de  Tlemcen 200 

G.  Ferrand  :  Le  calendrier  Malgache  et  le  Pandruana  (fin)    .    226 

M.  Delafosse  :  Le  peuple  Siôna  ou  Sônoufo  (suite) 242 

Communications  :  I,  A.  van  Gbnnep,  WenVEncj/clopcedia eth- 
nographica  ;  n,  0.  Fbrrand,  Le  destin  des  quatre 
éléments  dans  la  mairie  malgache  :  m«  GaudefbIot- 
Demoicbynbs,  Métiers  et  noms  de  métiers  en  arabe  .  276 
Analyses  :  K.  Hirzbl,  Themis,  Dike  und  Verwandtes  (P.  Hu- 
TBLiN;  :  J.  Watson,  The  philosophical  basis  of  reli- 
gion (G.  d'Alviella)  ;  L.  von  Pbtraztcei,  üeber  die 
Motive  des  Handelns  (P.  Huvei^in)  ;  R.  Hildebrandt, 
Recht  und  Sitte  (A.  v.  G.)  ;  Fr.  Boas,  Anthropology 
(id.)  ;  Fr.  Nik.  Finck,  Die  Sprache  der  armenischen 
Zigeuner  (A.  Mbillet)  ;  N.  Giron,  Légendes  coptes 
(R.  Basset)  ;  J.  Laoranoe,  La  Crète  ancienne  (A.  J. 

Reinach) 279 

Notices  bibliographiques  par  :  R.  Basset,  H.  Beughat,  M.  De- 
lafosse, A.  T.  G.,  P.  HüVEUN,  A.  Mbillet»  a  J.  Rbi- 

NACH,  Th.  Smolbnski 300 

Sommaires  des  Revues 314 

Chronique  :  Congrès  de  l'été  1908 320 


PARIS 
LIBRAIRIE    PAUL   OEUTHNER 

68,  RUE  MAZARDCE,  68 

Avril-Mai  1908 


EXTRAIT  DU  PROGRAMME 

de  la  Revue  des  Etudes  Ethnographiques  et  Sociologiques 
Intematioiialey  Menanelle 


Par  sociologie,  nous  entendons  Tétude  de  la  Tie  en  société  des  hommes  de  tous 
les  temps  et  de  tous  les  pays  ;  par  ethnographie,  plus  spécialement  la  description 
de  leur  civilisation  matérielle.  Le  champ  de  la  Revne  est  donc  vaste.  L'on  y 
admettra  également  des  travaux  sur  Tarchéologie,  le  droit  comparé,  la  science 
des  religions,  l'histoire  de  l'art,  etc.,  et  l'on  y  fera  appel  aux  branches  spéciales 
comme  Tégyptologie,  l'assyriologie,  l'orientalisme,  etc.  L'anthropologie  proprement 
dite,  ou  étude  anatomique  des  variétés  humaines,  ne  rentrera  dans  notre  cadre  que 
dans  la  mesure  où  elle  permet  de  définir  le  rapport  qui  pourrait  exister  entre  des 
races  déterminées  et  leurs  civilisations  ;  il  en  sera  de  même  j^ur  la  linguistique, 
dans  la  mesure  où  elle  permet  de  déterminer  l'évolution  des  institutions  et  des 
idées,  n  se  dessine  d'ailleurs,  C€s  temps  derniers,  une  direction  nouvelle  en  linguis- 
tique à  laquelle  la  Revue  des  Études  Ethnograpliiqaes  et  Sociologiqaes 
compte  collaborer  effectivement. 

Nous  attribuerons  une  grande  importance  à  la  rubrique  Bibliographie,  qui 
comprendra  des  analyses  critiques,  de  courts  compte-rendus,  les  sommaires  des 
revues  et  des  collections. 

La  langue  de  la  Revue  sera  de  préférence  le  français  ;  mais  l'anglais,  l'alle- 
mand et  l'italien  y  seront  également  admis.  Les  honoraires  seront  de  1  fr.  25  =»= 
1  mk  =  1  sh.  la  page.  Les  auteurs  auront  droit  à  25  tirages  à  part  pour  les  Mémoi- 
res et  Articles  et  à  10  pour  les  Communications,  Descriptions  d'objets,  etc. 

Adresser  les  lettres  et  manuscrits  à  M.  A.  van  Gennep,  56,  rue  de  Sèvres, 
Glamart,  près  Paris,  Seine,  et  les  livres,  revues,  imprimés  de  toute  sorte  et  abon- 
nements à  M.  Paul  Geuthner,  libraire-éditeur,  68,  Bue  Mazarine,  Paris  (V^P),  au 
nom  de  la  Revue  des  Études  Etlmographiques  et  Sociologrlques. 
Abonnement  :  France  :  20  /r.  —  Etranger  :  22  fr.  —  'Années  écoulées  30  fr. 

M»  1  :  Janvier  1906  :  J.  G.  Frazer  :  St  George  and  the  Parilia.  —  Maurice  Delafosse  :  Le 
peuple  Siéna  ou  Sénoufo.  —  Charles  Boreux  :  Les  poteries  décorées  de  l'Egj'pte  prédy- 
nastique. —  Analyses  :  J.  B.  Pratt,  The  psychology  of  religious  belief  (Goblet  d'Al- 
viBLLA)  ;  Koch-Grûnberg,  Südamerikanische  Felszeichnungen  (A.  van  Gennep)  ;  G. 
Jacob,  Geschichte  des  Schattentheaters  (id.).  —  Notices  bibliographiques.  —  Sommaires 
des  Revues.  —  Chronique. 

Mo  2  :  Février  1908  :  Andrew  Lang  :  Exogamy.  —  Maurice  Delafosse  :  Le  peuple  Siéna  ou 
Sénoufo  (suite).  —  Gabriel  Ferrand  :  Note  sur  le  calendrier  malgache  et  le  Fandruana. 

—  Analyses  :  R.  von  Lichtenberg,  Beiträge  zur  ältesten  Geschichte  von  Kypros  (A.  J. 
Reinach)  ;  R.  Düssaud,  Vile  de  Chypre  particulièrement  aux  âges  du  cuivre  et  du 
bronze  (id.);  E.  Pechuël-Loesche,  Volkskunde  von  Loavgo  (A.  v.  G.)  ;  Fr.  S.  Krauss, 
Das  Geschlechtsleben  der  Japaner  (id.)  ;  G.  Friederici,  Die  Schiffahrt  der  Indianer  (id.). 

—  Notices  bibliographiques  (C  Mondon-Vidailhet,  A.  J.  Reinach,  A.  v.  G.).  —  Sommai- 
res des  Revues. 

No  8  :  Mars  1908  :  A.  van  Gennep  :  Une  nouvelle  écilture  nègre  ;  sa  portée  théorique.  — 
Gaudefroy-Demombynes  :  Rites,  métiers,  noms  d'agent  et  noms  de  métier  en^arabe.  — 
A.  Werner  :  Some  notes  on  the  Bushman  race.  =  Maurick  Delafosse  :  Le  peuple  Siéna 
ou  Sénoufo  (suite).  —  Gabriel  Ferrand  :  Note  sur  le  calendrier  malgache  et  le  Fan- 
druana (suite).  —  Analyses  :  Huntington,  The  Puise  of  Asia  (A.  v.  G.)  ;  Ftnn,  r%e 
American  Indian  as  a  product  of  environment  (id.)  ;  Faïtlovitch,  Proverbes  abyssins 
(R.  Basset)  ;  Galtier,  Coptica-arabica,  I  (id.)  ;  Burrows,  The  Discoveries  in  Crete  et 
Mosso,  Escursioni  nel  Méditerranée  (A.  J.  Reinach).  —  Notices  bibliographiques 
(M.  Delafosse,  G.  Ferrand,  Ch.  Monteil,  A.  v.  G.).  —  Sommaires  des  Revues.  — 
Chronique. 


1908.] 


ROTH  :   «  CRATCHtCRADLE  m  in  british  GUIANA. 


[P.  193* 


«  GRATCH*CRÀDLE  »  IN  BRITISH  GUIANA 

by  Walter  E.  Roth  (British  Guiana). 


In  the  course  of  certain  ethnological  investigations  that  are  now  engaging 
my  attention  on  the  Poraeroon  and  Moruca  Rivers,  British  Guiana,  I  have  met 
with  the  game  of  «  cratch-cradle  n  which,  so  far  as  I  am  aware,  has  not  hitherto 
been  recorded  from  this  Colony.  The  following  notes  derived  from  amongst  the 
Aru-ak  or  Ara-wak  (Ark.)  and  VVarrau  (War.)  Indians  may  accordingly  prove 
of  some  interest.  It  is  the  latter  tribe  which  has  supplied  me  with  far  the  larger 
number  of  illustrations. 

The  game  itself  is  known  as  Ashinakotahu  (Ark.)  and  nioi-i  waka-waka 
(War.),  the  former  term  denoting  a  joining-  binding-  or  fastening-together,  the 
latter  word  literally  indicating  finger  (moho)-string. 

It  is  played  by  children  of  both  sexes,  rarely  by  adults,  though  I  am.  informed 
by  some  of  the  older  Indians  that  they  can  well  remember  seeing,  several  years 
ago,  many  of  the  elder  natives  on  Wakapoa  Creek  (a  branch  of  the  Pomeroon  R.) 
invariably  carrying  the  string  round  their  necks,  and  making  figures  with  it  even 
while  carrying  on  a  conversation.  Only  in  one  case,  that  of  the  «  Sting-Ray  » 
(Fig.  12),  have  I  seen  two  strings  brought  into  requisition,  when  of  course  two 
players  are  necessary.  In  certain  of  the  figures,  eg.  the  «  Silk-Cotton  »  tree  (Fig. 
15)  and  the  Canoe  (Fig.  2)  there  is  an  evolution  of  one  ideogram  out  of  another 
without  removal  of  the  string  from  the  hands,  very  much  after  the  manner  in 
which  the  European  form  of  the  game  is  played. 

The  following  notes  will  help  to  make  the  illustrations  clearer  : 


Fig.  1.  Mosquito.  Yu-wau-o  (Ark.) 


Fig.  2.  A  «  dug-out  «  canoe,  the 
corial  of  the  Colonists,  shewing 
two  seats. 


p.  194.] 


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[1908. 


Fig,  3.  Another  representation  of 
the  preceding,  before  the  seats 
are  inserted,  and  supposed  to  be 
viewed  from  above.  Without  ta- 
king  the  string  off  the  hands,  this 
figure  is  successively  developed 
into  the  two  subsequent  ones. 


Fig.  4.  The  old  form  of  canoe  or 
present-day  «  bateau  «  of  the 
Colonists.  The  bow  and  stem  are 
cut  off  abrupt,  and  the  gaps  filled 
with  a  more  or  less  triangle-sha- 
ped piece  of  wood. 


Fig.  5.  Honey,  or  rather  the 
aperture  in  the  hollow  tree- 
trunk  or  branch  whence  it  is 
extracted.  This  representation 
of  a  hollow  tree  is  parallelled 
in  North  Queensland  where  a 
similar  ideogram  is  symbolic 
not  only  of  honey,  but  of  an 
opossum,  such  a  situation  con- 
stituting its  sleeping-place  by^ 
day  [see  W.  E.  Roth.  North 
Queensland  Ethnography  ^BulL 
^0  4.  PI.  VIII,  fig.  6  ;  PI.  IX, 
fig.  1]. 


Fig.  6.  Crab.  As  the  player's  right 
hand  is  gradually  extended  further 
and  further,  so  the  crab  starts  to 
crawl  along.  This  regular  marching 
of  the  crabs  during  August,  Septem- 
ber and  October  from  the  riverbanks 
onto  the  flats  is  always  anxiously 
awaited  for  by  the  Indians  with  a 
view  to  replenishing  the  larder  and 
changing  the  menu. 


1908.] 


ROTH  :   c(  CRATCH-CRADLB  »  IN  BRITISH  GÜIANA.  [P.  195. 


Fig.  7.  The  nest  of  the  Korri-Korri 
(War.),  a  bird  which  I  have  nei- 
ther seen  nor  identified  more  than 
that  it  is  «  a  sea-bird,  is  red  all 
over,  and  has  feet  like  a  fowl  ». 
It  is  said  to  be  peculiar  however 
in  the  marked  regularity  with 
which  the  twigs  composing  the 
nest  are  fixed  relatively  to  one 
another. 


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Fig.  8.  Snake. 


Fig.  9.  The  yawahu  of  the  Aruaks, 
the  «  jumbi  »  of  the  Negroes.  This 
is  the  spirit  of  a  deceased  person 
who  can  see  everything  and  can 
travel  any  where  :  he  is  lience 
generally  described  as  being  all 
eyes  and  legs.  I  have  seen  this 
figure  made  by  both  tribes  of 
Indians,  but  always  with  the 
string  looped  on  itself. 


Fig.  10.  A  simpler  form  (War.)  of 
the  preceding,  shewing  legs  and 
eyes  alone. 


p.  196.] 


E    -    E 


L1908» 


Fig.  11.  The  wabu-kai-i  (War.)  lit. 
rat-trap.  This  is  a  game  identical 
with  what,  as  boys  in  our  London 
school,  we  used  to  practise  on 
the  unwary  :  directly  the  new- 
comer put  his  finger,  as  requested, 
into  the  loop,  the  string  was  slip- 
ped ofl'both  thumbs  and  the  digit 
tightly  gripped. 


Fig.  12.  Tliehu-e(War.)or  -  >tiug- 
ray  «  fish.  Two  people  mani- 
pulate the  two  endless  strings 
simultaneously. 


Fig.  13.  The  conical  wicker-work 
fish-trap,  known  as  «  mas 
-war  r  to  both  Indians  and 
Colonists  though  it  is  possible 
that  the  term  maybe  of  African 
origin.  [See  Stedman.  Exfedi-- 
Hon  to  Surinam.  1796.  Vol.  II 
p.  228]. 


Fig.  14.  Intended  to  shew  the  more 
or  less  convex  thatched  roof  of  a 
«  beuab  »,  a  structure  composed 
of  corner  uprights  supporting  a 
palm-leaf  roof  for  temporary  shel- 
ter from  sun,  rain,  or  dew.  Though 
"  benab  «  is  a  word  used  through- 
out the  colony,  it  is  either  a 
corruption  of  the  Aru-ak  term 
[to]banna-bohu  lit  leaf-stick,  or 
an  abbreviated  form  of  the  War- 
rau  name  naba-kobahi 


1908.] 


ROTH  :   «"CRATCH-CRADLE  »  IN  BRITISH  GUrANA.  [P.  197* 


Fig.  15.  The  "  Silk-Cotton  «  tree 
of  the  Colonists,  a  species  of 
Eriodendron.  Although  repre- 
sented in  the  ideogram  by  its 
flanges,  it  is  'only  fair  to  state 
that  many  another  tree  is  sup- 
ported in  similar  fashion  by 
natural  buttresses.  On  the  other 
hand,  this  particular  tree  is 
believed  to  have  attached  to  it 
a  certain  superstitious  venera- 
tion derived,  more  or  less 
doubtfully,  from  African  sour- 
ces [see  Bkett.  Indian  tribes 
of  Guiana,  1861,  p.  369]. 
Without  removal  from  ofiF  the 
hands,  this  figure  (War.)  is 
successively  developed  into  the 
two  following  ones. 

Fig.  16.  A  bird's-uest  in  the 
Silk-cotton  tree. 


Fig.  17.  By  slipping  off  the  two 
middle  loops  on  either  side, 
they  will  each  curl  up  more 
or  less,  so  as  to  represent, 
according  to  different  Indians, 
either  tlie  four  eggs  or  the  four 
younglings  about  to  leave  the 
nost. 


Fig.  18.  Two  ^  islands  »  joined 
])y  a  log  (War.)  When  these 
Indians  speak  english  they  use 
the  word  «  island  r  to  express 
any  piece  of  land,  even  a  few 
yards  square,  surrounded  in 
its  entirety  by  a  creek  or 
swamp. 


P«  198.] 


R    •    E    •    E    •    S 


[1908. 


Fig.  19.  A  swamp  or  i-na  (War.) 
with  a  felled  log  thrown  across. 


Fig.  20.  The  Mauritia  flexuosa 
palm,  the  ohi-ju  (War.)  or  i-te 
(Ark.)  A  fibrous  plant  of  great 
economic  value  locally. 


Fig.  21.  A  turtle,  waku  (War.) 


Fig.  22.  A  palm  with  long  radia- 
ting roots,  perhaps  the  Iriartia 
exorrhiza^  mu-anuru  (War.),, 
bo-ba  (Ark.) 


1908«]  ROTH  :  oc  CRATCH-CRADLB  »  IN  BRITISH  GUIANA.  [P«  199« 


1 

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1 

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Fig.    23.   Butterfly,    waro-waro 
(War.) 


Fig.    24.    The   moon,    wauaiku 
(War.) 


p.  200.]  •    R    •    fi    •    E    •    S    •  [1908. 


LA  POPULATION  MUSULMANE  DE  TLEMGEN. 

par  A.  Bel  (Tlemcen). 


Ttemcen,  rancieaae  Pomaria  des  Romains,  qui  fut  au  moyen-âge  la  capitale 
d^un  royaume  musulman,  a  déjà  fait  couler  beaucoup  dienere.  Les  géographes  arabes 
ont  décrit  et  vanté  son  opulence  et  les  avantages  de  son  admirable  situation,  les 
chroniqueurs  ont  retracé  les  fastes  de  sa  monarchie,  les  poètes  ont  chanté  sa  beauté 
et  la  gloire  de  ses  rois,  les  hagiographes  ont  écrit  l'histoire  merveilleuse  de  ses  grands 
et  illustres  saints  dont  les  nombreux  et  blancs  tombeaux,  objets  de  pieuses  visites, 
constellent  la  verdoyante  campagne  tlemcenienne. 

Depuis  que  Tlemcen  est  devenue  française,  les  savants,  les  touristes,  les  admi- 
rateurs de  cette  vieille  cité  musulmane  ont  écrit  les  résultats  de  leurs  recherches 
et  de  leurs  observations  dans  un  grand  nombre  d'ouvrages,  dans  des  brochures  et 
des  articles  de  Revues  et  de  Journaux.  Il  serait  déplacé  d'en  faire  ici  une  enume- 
ration, même  sommaire^. 

On  se  bornera  à  remarquer  que  le  dialecte,  quelques  traits  des  mœurs,  des 
croyances,  certaines  légendes  des  Tlemceniens  ont  fait  l'objet  de  publications 
interessantes^  ;  mais  aucune  étude  d'ensemble  de  la  société  musulmane  de  Tlemcen 
dans  sa  vie  publique  et  privée,  dans  ses  croyai.ces  et  ses  mœurs,  dans  ses  habitudes 
religieuses  et  intellectuelles,  économiques  et  sociales,  n'a  paru  jusqu'à  ce  jour. 
Cependant,  cette  société  qui,  par  certains  côtés  de  sa  civilisation  nous  reporte  à 
notre  moyen-âge,  est  bien  digne  de  retenir  notre  attention.  Il  est  temps  de  noter  les 
particularités  de  ces  musulmans  tlemceniens  d'aujourd'hui,  les  principaux  traits  de 
leurs  usages  et  de  leurs  croyances,  remontant  à  une  haute  antiquité,  avant  que 
l'influence  de  notre  présence  parmi  eux  et  le  contact  de  notre  civilisation  les  ait  fait 
disparaître. 

Pas  plus  au  point  de  vue  ethnique,  qu'au  point  de  vue  de  la  vie  matérielle  et 
intellectuelle,  la  population  dont  il  va  être  ici  question  ne  forme  une  individualité 
nettement  originale.  Elle  ressemble  certes  beaucoup  à  la  majeure  partie  de  la 


^  J'ai  donné  la  liste  de  ces  publications  dans  un  Guide  de  Tlemcen  qui  paraîtra  prochainement 
sous  les  auspices  de  la  Société  de  Géographie  du  département  d'Oran. 

*  Citons  par  exemple  :  Marçais,  Le  dialecte  arabe  parlé  à  Tlemcen  (Paris,  1902)»  dont  la 
2«  partie  donne  des  renseignements  abondants  et  variés  sur  les  mœurs,  croyances,  etc..  ;  une 
bonne  étude  dfes  Aïssâoua  à  Tlemcen  (Châlons  s.  M.,  1900)  de  E.  Doutté  qui  a  exposé  aussi 
certains  traits  de  la  vie  religieuse  et  matérielle  des  Tlemceniens  dans  ses  Marabouts  (Paris,  1900) 
et  Merrakech  (le»"  fasc,  Paris,  1905)  ;  une  brochure  utile  sur  les  usages  de  droit  coutumier  dans 
la  région  de  Tlemcen  (Tlemcen,  1906)  est  due  à  ÂBOU  Bbkr,  qui  a  écrit  aussi  plusieurs  articles 
sur  le  Rebate  la  Tebia,  les  Marabouts  guérisseurs  à  Tlemcen,  dans  le  Bull,  de  la  Soc,  de  Géog, 
d'Oran  et  la  Revue  africaine  ;  quelques  bons  renseignements  aussi  dans  un  Récit  en  dialecte 
tlemcenien  t\e  Abd  el  Azlz  Zenagui  (Paris,  1904)  ;  M.  G.  Dkmombynes.  dans  sa  brochure  sur  les 
cérémonies  du  mariage  chez  les  indigènes  de  V Algérie  (Paris,  1901)  a  parlé  du  mariage  À  Tlemcen  ; 
M.  E.  Destaing  dans  ses  Fêles  et  coutumes  saisonnières  chez  les  Béni  Snoûs^  et  UEn-Nayyer 
(dans  la  Revue  africaine)  a  mentionné  dans  les  notes  un  certain  nombre  de  coutumes  tlemce- 
niennes.  L'auteur  de  ces  lignes  a  lui-même  noté  quelques  unes  des  coutumes  tlemceniennes, 
dans  La  Djâzya  (extrait  du  Jour,  asiat,  Paris,  1903)  et  Quelques  rites  pour  obtenir  la  pluie  (Alger, 
1905). 


1908.]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE   TLEMCEN.  [P.  201. 

population  musulmaoe  algéneone,  formée  à  quelques  exceptions  près,  d'éléments 
hétérogènes  yenus  à  des  époques  diverses  s^allier  à  Télément  primitif  berbère. 

Toutefois,  les  auteurs  arabes  du  moyen-âge  disent  yolontiers  que  les  Tlemce- 
niens,  par  leur  genre  de  vie,  par  leur  goût  pour  Tétude,  par  les  industries  auxquelles 
ils  se  livrent,  par  leur  piété  même,  par  leurs  qualités  propres,  ont  une  allure 
particulière  qui  les  différencie  des  autres  musulmans. 

«  Les  habitants  de  Tlemcen,  dit  Tun  de  ces  écrivains,  portent  sur  leur  visage 
«  l'expression  de  leurs  qualités  ;  ils  se  distinguent  des  tribus  qui  les  entourent...  » 

«  Tlemcen,  écrit  un  autre  (XIV®  siècle  de  J.-C.)  est  la  patrie  d'une  foule 
«  d'hommes  de  bien  et  d'honneur,  de  personnes  sûres  et  respectables,  de  gens 
«  hounêtes  et  religieux....  Pour  la  plupart,  les  habitants  de  Tlemcen  s'adonnent  à 
<<  l'agriculture  et  à  la  fabrication  des  haïks  en  laine  ;  ils  excellent  dans  la  confection 
«  des  vêtements  fins....  C'est  ce  qui  a  valu  aux  Tlemcenieos  la  réputation  dont  ils 
«  jouissaient  jadis  et  qu'ils  ont  encore  à  présent.  Les  produits  de  l'industrie 
^  tlcmcenienno  sont  vendus  sur  les  marchés  les  plus  reculés  de  l'Orient  et  de 
«  rOccident.  Ajoutez  à  cela  que  Tlemcen  est  une  pépinière  de  savants  réputés  pour 
«  leur  enseignement  remarquable,  et  de  saints  bien  connus  pour  leur  profonde 
«  piété.  » 

Au  XVP  siècle  enfin,  Léon  TAfricain  donne  des  renseignements  succincts,  mais 
originaux  sur  les  «  écolierîj,  marchands,  soldats  et  artisans  »  de  Tlemcen. 

Cette  population  de  citadins  musulmans  a  conserve  aujourd'hui  encore,  une 
physionomie  qui  lui  est  propre  et  dont  on  va  essayer  de  marquer  les  traits  principaux. 

Ce  n'est  d'ailleurs  qu'une  esquisse  sommaire  de  cette  société  indigène  que  l'on 
a  voulu  tracer  dans  les  quelques  pages  qui  suivent. 

MM.  Perdrizet  et  Chantron,  professeurs  au  Collège  de  Tlemcen,  sont  les  auteurs 
des  clichés  photographiques  reproduits  ici.  Je  les  remercie  vivement  du  concours 
si  utile  qu'ils  m'ont  aiosi  apporté. 

Quant  aux  nombreux  musulmans  tlemceniens,  de  toutes  les  classes  de  la  société, 
qui  m'ont  toujours  documenté  avec  empressement  sur  les  mœurs  locales,  depuis 
huit  ans  que  je  suis  ici,  il  me  serait  bien  diSicile  d'en  faire  une  enumeration 
complète  ;  je  préfère  leur  adresser  à  tous  un  collectif  et  cordial  merci,  avec  l'assu- 
rance de  ma  sympathie  bien  sincère. 


Les  groupes  ethniques  musulmans. 

En  1902,  on  comptait  13321  musulmans  à  Tlemcen  (intra  muros)  et  24175, 
dans  la  commune  entière  ;  le  recensement  de  1906  donne  les  chiffres  de  14567  pour 
la  ville  et  de  25533  pour  la  commune. 

Les  musulmans  tlemceniens  peuvent  se  diviser  en  trois  catégories  principales,, 
au  point  de  vue  ethnique. 

1^  Les  Hadar  (au  sing.  masc.  liadri  ;  on  trouve  aussi  le  pluriel  hadriyîn)  ou 
«  citadins  »  qui  sont  des  Berbères  arabisés,  c'est-à-dire  plus  ou  moins  mélangés  de 
sang  arabe. 

Les  Hadar  habitent  les  quartiers  Nord-Est  et  Est  de  la  ville  (fig.  2).  Ce  sont 
eux  que  les  géographes  appellent  les  Maures.  Us  sont  le  produit  des  croisements 
successifs  de  l'élément  berbère  autochtone  avec  les  divers  conquérants  qui  se  sont 
succédés  dans  TAfrique  septentrionale.  Ce  n'est  pa&  dans  les  plaines  de  Tell,  et 


p.  202.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

encore  moins  dans  les  villes,  qu'il  faut  chercher  des  représentants  du  pur  sang 
arabe  ou  berbère  !  Aussi  bien  ne  doit*on  pas  se  risquer  à  affirmer,  comme  certains 
ont  cru  pouvoir  le  faire,  qu^on  trouve  à  Tlemcen  des  Arabes  ou  des  Berbères  de 
pure  race.  Il  est  bien  plus  probable  au  contraire,  que  Berbères  et  Arabes  réunis  ici, 
depuis  bientôt  treize  siècles,  par  une  commune  religion,  Tlslàm,  ont  contracté 
entre  eux  des  unions  continuelles.  Dans  les  Hadar  de  Tlemcen  il  faut  voir  surtout 
le  produit  du  croisement  de  ces  deux  peuples.  L'influence  berbère  domine  ;  on  la 
retrouve  non  seulement  dans  le  type  ethnique  des  individus,  mais  encore  dans  le 
dialecte  arabe  qulls  parlent,  ainsi  que  dans  les  croyances  et  les  mœurs  populaires. 

Parmi  les  Hadar  tlemceniens  se  trouvent  les  descendants  de  nombreux  Maures 
andalous,  qui  abandonnèrent  la  péninsule  ibérique  aux  XIV*  et  XV*  siècles  pour 
venir  se  fixer  dans  la  capitale  des  Béni  Zeïyàn.  Ce  sont  ceux-là  qui  ont  dû  importer 
à  Tlemcen  et  dans  l'Afrique  septentrionale  ces  chants  grenadins  dont  résonnent 
encore  les  cafés  maures  et  que  Ton  nomme  r'arnata  (nom  de  Grenade)  à  cause  de 
leur  origine. 

2®  Les  Koulouglis  (prononcé  qprour'li  au  sing,  et  qprour^lân  ou  qprour'liyîn^ 
au  pluriel)  sont  le  produit  du  croisement  des  Turcs  avec  les  femmes  indigènes.  Us 
sont  généralement  blancs  de  peau,  leqr  teint  est  coloré,  leur  figure  ronde  et 
pleine  ;  ils  ont  souvent  les  yeux  bleus  ou  clairs  et  les  cheveux  châtains  ou  blonds. 
Leur  physionomie  est  ouverte  et  intelligente. 

Le  quartier  qu'habitent  les  Koulouglis  est  situé  à  TOuest  et  au  Sud-Ouest  de 
la  ville.  Quelques-uns  demeurent  aussi  dans  la  partie  Sud-Est  de  Tlemcen  et  dans 
les  jardins  autour  de  la  ville. 

Hadar  et  Koulouglis  n'ont  jamais  vécu  en  bonne  intelligence.  Au  moment  de  la 
conquête  française  ils  étaient  en  guerre  ouverte  les  uns  avec  les  autres  et  les 
Koulouglis  se  sont  mis  aussitôt  du  côté  des  Français.  Aujourd'hui,  grâce  à  Tautorité 
de  l'administration  française  et  à  son  rôle  pacificateur,  les  deux  clans  vivent  en 
assez  bons  rapports  Tun  avec  Tautre  ;  mais  une  inimitié  latente  existe  encore 
cependant  entre  les  membres  d'un  çof  et  ceux  de  l'autre.  Koulouglis  et  Hadar 
habitent  comme  on  l'a  vu  des  quartiers  distincts  (à  de  bien  rares  exceptions  près)  ; 
ils  se  fréquentent  assez  peu  et  s'unissent  très  rarement  par  le  mariage. 

Les  Hadar  disent  volontiers  :  «  Les  Koulouglis  sont  vêtus  de  cabans  ;  ils  portent 
«  des  souliers  bien  cirés  ;  mais  il  n'est  parmi  eux  ni  chérif,  ni  marabout  I  s 

Ou  bien  encore  :  «  Les  Koulouglis  sont  une  race  de  mulets,  la  géhenne  leur  est 
réservée  1  » 

Et  aussi  :  «  Les  Koulouglis  sont  des  esclaves  et  les  Hadar  leurs  Seigneurs,  s 

De  leur  côté,  les  Koulouglis,  pour  ne  pas  rester  en  retard,  ont  décoché  aux 
Hadar  quelques  dictons  satiriques  dans  le  genre  de  celui-ci  :  «  Les  Koulouglis, 
«  ô  Madame,  quels  beaux  noms^  ils  ont  !  leur  nuque  est  blanche  comme  l'albâtre  ; 
«  ils  portent  des  turbans  enroulés  I  Les  Hadar,  ô  Madame,  quels  vilains  noms  sont 
«  les  leurs  I  leur  nuque  est  de  la  couleur  des  sauterelles  ;  ils  portent  des  haillons 
«  méprisables.  » 

S''  Les  Nègres^  qui  viennent  en  général  du  Touat  et  du  Soudan,  ne  sont  pas 
nombreux  à  Tlemcen  et  s'emploient  surtout  au  service  des  musulmans  aisés.  Tous 


^  On  sait  que  le  nom  de  rindividu  joue  un  rôle  important  dans  les  croyances  populaires  des 
peuples  barbares  ;  il  en  va  encore  ainsi  pour  les  musulmans  de  l'Afrique  septentrionale.  Sur  le 
pouToir  magique  du  nom  on  peut  consulter  par  exemple  Fkazbr,  Rameau  d*or,  trad.  fr.  I.  369» 
372  et  pass.  (Paris,  1903)  et  DouttA,  Merrahech,  1«'  fasc.  Paris  1905,  p.  342  et  suiv. 


1908.]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE   DE   TLEMCEN.  [P,  203. 

parlent  Tarabe,  mais  dans  tears  fêtes  religieuses,  ils  font  encore  usage  de  dialectes 
soudanais,  que  les  musulmans  blancs  nomment  ^t«enaouî^a(guinéen).  Leur  religion 
est  la  religion  musulmane  fortement  imprégnée  de  croyances  païennes  qui  s'expri* 
ment  par  des  rites  magiques  très  anciens  et  plus  ou  moins  influencés  par  Tlslâm. 
Les  Nègres  ont  conservé  encore  vivace  le  souvenir  de  leur  ancienne  situation 
d'esclaves.  Beaucoup  se  considèrent  comme  une  marchandise  humaine  et  non 
comme  des  hommes  libres.  C'est  ainsi  du  reste  quMls  sont  encore  traités  au  Maroc. 
Aussi  bien  le  musulman  blanc  nomme- t-il  le  nègre  'abd^  c'est  à  dire  «  esclave  » 
tandis  que  celui-ci  ne  Tappelle  que  sidi  «  monseigneur  ». 

A  Tlemcen  les  nègres  recherchent  très  peu  Tinstruction  aussi  bien  musulmane 
que  française  ;  il  est  très  rare  qu'ils  envoient  leurs  enfants  dans  les  écoles. 

Les  Mozabites,  si  nombreux  dans  la  plupart  des  villes  de  TAIgérie,  n'ont  à 
Tlemcen  aucun  représentant. 

IL 

La  vie  religieuse. 

Tlemcen  passe  pour  être  encore  aujourd'hui  l'un  des  principaux  foyers 
d'orthodoxie  musulmane  de  l'Algérie.  Cette  orthodoxie  se  traduit  par  une  observance 
assez  stricte  des  cérémonies  du  culte  et  du  rituel  musulman.  Mais  l'LsIâm  est  ici 
—  comme  dans  toute  l'Afrique  septentrionale  —  dans  toutes  les  classes  de  la  société, 
surtout  chez  les  femmes  et  les  gens  du  peuple,  très  imprégné  de  magie  et  de 
sorcellerie  et  de  croyances  animistes. 

A)  L^Islâm  orthodoxe.  —  Si  la  foi  musulmane  est  ici  très  vivace  —  beaucoup 
plus  certes  que  chez  les  populations  des  villes  du  littoral  ou  chez  les  ruraux  qui 
ignorent  la  loi  religieuse  et  ne  pratiquent  guère  avec  exactitude  que  le  jeûne  de 
ramadan  —  cette  foi  sincère  n'exclut  pas  une  certaine  tolérance  dans  les  rapports 
avec  les  non-musulmans.  Toutefois  les  musulmans  de  Tlemcen  ne  permettraient 
pas  à  un  de  leurs  coreligionnaires  de  se  mettre  ostensiblement  en  opposition  avec 
sa  loi  religieuse  ;  par  exemple,  un  musulman  qui  romprait  publiquement  dans  la 
journée  le  jeûne  de  ramadan  serait  maltraité,  je  l'ai  constaté  déjà  de  mes  propres 
yeux.  Le  musulman  qui  ne  suit  pas  strictement  les  prescriptions  de  l'Islam  est  ici 
médiocrement  considéré,  et  si  ses  coreligionnaires  lui  font  parfois  bonne  figure, 
c'est  par  prudence  ou  parce  qu'ils  ont  besoin  de  lui,  mais  au  fond  ils  le  méprisent 
comme  un  renégat. 

Une  semblable  intransigeance  religieuse  se  retrouvait,  il  n'y  a  pas  si  longtemps, 
dans  la  société  catholique  française  ;  et  des  catholiques,  assez  peu  convaincus, 
allaient  encore,  il  y  a  peu  d'années,  assister  aux  offices  religieux  pour  ne  pas 
tomber  dans  le  mépris  public. 

Les  cérémonies  publiques  de  la  religion  orthodoxe  sont  à  Tlemcen,  comme 
dans  toute  l'Algérie,  le  monopole  presque  exclusif  des  hommes.  Bien  rares  sont  les 
quelques  vieilles  femmes  qui  vont,  à  la  mosquée,  faire  la  prière  du  vendredi  et  des 
jours  de  fête  ;  les  jeunes  femmes  n'y  sont  pas  admises.  La  religion  de  la  femme  se 
réduit  en  général  au  culte  des  saints  et  à  la  croyance  naïve  aux  esprits  malfaisants 
dont  elle  se  protège  par  des  rites  magiques. 

Les  fonctionnaires  du  culte,  à  la  tête  desquels  setrouve  le  Mufti,  sont  attachés 
aux  nombreux  mosquées  et  oratoires  de  Tlemcen  et  des  environs.  Deux  mosquées- 
cathédrales  se  trouvent  dans  la  ville,  l'une,  la  Grande  Mosquée,  est  fréquentée  par 


p.  204.]  •    li    •    E    •    E    •    S    •  [1908* 

les  Hadar,  l'autre  la  Mosquée  de  Sidi-Brahim,  reçoit  surtout  les  Koulouglis.  Beau- 
coup de  Tlemceoiens  vont  aussi  faire  la  grande  prière  du  veudredi  à  la  Mosquée  de 
Sidi  Bou  Medièn  à  El-Eubbâd. 

L'éducation  religieuse  est  dounée  dans  la  famille  par  les  parents  —  le  père 
surtout  —  à  leurs  enfants.  On  se  borne  à  apprendre  à  Tenfant  à  faire  les  ablutions 
rituelles  et  les  prières.  Lorsque  le  fils  atteint  Tage  de  7  ans,  le  père  Tinvite,  mais 
sans  l'y  forcer,  à  faire  les  prières  quotidiennes,  mais  ce  n'est  en  réalité  que  vers 
rage  de  douze  à  treize  ans  que  le  fils  est  astreint  à  prier  ;  il  y  a  d'ailleurs  bien  des 
parents  qui  s'en  désintéressent.  Pour  le  jeûne  de  ramadan,  les  parents  se  montrent 
très  exigeants  vis-à-vis  de  leurs  enfants.  Aussi  n'est-il  pas  rare  de  voir  ici  des 
bambins  de  dix  ans  jeûner  comme  père  et  mère  pendant  le  mois  de  ramadan  ;  c'est 
contraire  à  la  loi  musulmane  qui  n'oblige  au  jeûne  que  l'enfant  pubère. 

Tout  l'enseignement  religieux  se  réduit  donc  à  la  connaissance  sommaire  du 
rituel  musulman. 

L'enseignement  du  Coran,  que  relativement  peu  d'enfants  reçoivent,  se  donne 
dans  plusieui*s  écoles  à  TIemcen.  Gomme  partout  ailleurs,  cet  enseignement, 
encombré  de  cérémonies  magiques  ayant  pour  but  de  faciliter  la  mémoire  de 
l'étudiant,  consiste,  de  la  part  de  l'instituteur,  à  taire  apprendre  de  mémoire  et 
sans  les  comprendre  les  sourates  du  Coran. 

La  prière  à  la  mosquée  est  beaucoup  plus  une  question  de  forme  qu'un  acte 
de  foi.  Le  fidèle  doit  avoir  soin  d'observer  aussi  exactement  que  possible  le  rituel 
prescrit  :  il  ne  saurait  être  en  état  d'impureté  légale,  et  doit  même  choisir  l'emplace- 
ment qu'il  occupe  à  la  mosquée.  11  ne  faudrait  pas,  par  exemple,  croit-on,  que 
l'imam  soit  célibataire,  la  prière,  faite  sous  sa  direction,  n'aurait  aucune  valeur  ; 
certains  évitent  aussi  de  se  trouver  à  prier  devant  un  boucher,  car  la  prière  ainsi 
faite  ne  serait  pas  agréée  par  Allah. 

Un  grand  nombre  de  Tlemceniens  sont  afiiliés  aux  confréries  religieuses.  Parmi 
celles  qui  comptent  le  plus  d'adeptes,  on  citera  les  confréries  des  Qadriyîn  (7  moqad- 
dems  et  2  zaouïas),  des  Tayyebiyin,  des  Aïssâoua,  des  Derqaoua,  des  Kerzâziya, 
dos  Tidjâniya.  Les  femmes  y  sont  également  affiliées,  mais  elles  tiennent  leurs 
réunions  séparées  des  hommes,  et  ont  à  leur'tête  une  moqaddema,  qui  est  d'ordinaire 
la  femme  du  moqaddem  de  la  confrérie.  Les  confréries  religieuses  à  TIemcen  et  les 
réunions  qu'elles  donnent  n'offrent  rien  de  particulier  ;  elles  ont  les  mêmes  rites, 
les  mêmes  récitations  pieuses,  les  mêmes  danses  que  les  sections  des  mêmes  ordres, 
dans  les  autres  villes  maghribines. 

Malgré  la  grande  place  que  la  religion  orthodoxe  occupe  dans  l'existence  du 
TIemcenien,  on  est  surpris  qu'elle  soit  si  peu  étudiée.  C'est  peut-être  ce  qui  fait 
que  le  musulman,  ignorant  en  général  tout  ce  qui  constitue  la  partie  dogmatique  et 
morale  de  sa  religion,  la  rabaisse  à  la  valeur  d'une  formule  ou  d'un  rite. 

Dieu  est  Un  et  Tout-Puissant,  Mohammed  est  Son  Prophète,  le  Coran  est  Sa 
Parole,  voilà  ce  que  doit  savoir  tout  musulman  ;  c'est  aussi,  à  peu  près,  ce  que 
contient  la  profession  de  foi  musulmane.  On  le  ressasse  à  l'enfant  dès  son  plus  bas 
âge.  Il  suffira  pour  mériter  le  ciel  de  suivre  ponctuellement  les  -  prescriptions 
rituelles,  qui,  avec  la  profession  de  foi,  forment  les  bases  et  les  piliers  de  la  religion. 
On  le  méritera  plus  sûrement  encore  par  des  prières  surérogatoires,  des  jeûnes 
fréquents,  un  ascétisme  austère.  C'est  pourquoi,  la  plupart  des  vieillards,  préparent 
avec  soin  leur  vie  future  par  un  redoublement  d'ardeur  à  prier,  à  jeûner,  à  réciter 
des  oraisons. 

Les  fêtes  orthodoxes  de  l'Islam  ont  lieu  à  TIemcen  en  grande  pompe.  Elles  se 


1908.]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE<  TLEMCEN.  [P.  SOÇ» 

traduisent,  en  général,  en  dehors  des  cérémonies  obligatoires,  par  des  distributions 
de  vivres  aux  pauvres  par  les  musulmans  aisés.  Ces  fêtes  étant  ici  très  entachées  de 
fétichisme  et  de  croyances  animistes,  on  en  parlera  plus  loin. 

B)  Croyances  et  superstitions  étrangères  à  i^Islâm.  —  L'Islam  orthodoxe 
n'est  pas  encore  parvenu,  à  Tlemcen,  à  détrôner  à  son  profit  et  à  anéantir  les 
anciennes  croyances  primitives  et  les  vieux  rites  païens.  Dans  toutes  les  classes  de 
la  société,  les  musulmans  sont  demeurés  fidèles  aux  vieux  cultes  et  aux  antiques 
croyances  de  leurs  ancêtres.  Ces  cultes,  ces  usages  pieux  sont  quelquefois  à  peine 
islamisés,  d'autres  fois  ils  se  sont  conservés  intacts,  et  malgré  Tinterdiction  formelle 
qu'en  a  proclamé  Tlslâm.  Dans  le  peuple,  pour  les  femmes  et  les  enfants  surtout,  la 
véritable  divinité  est  le  marabout  dont  on  peut  toucher  le  sanctuaire  et  auquel  ou 
peut  parler,  sacrifier  des  victimes,  brûler  des  parfums.  D'ailleurs  si  le  marabout 
est  d'ordinaire  représenté  par  le  tombeau  d'un  prétendu  saint  homme,  aux  cendres 
duquel  on  adresse  ses  prières  (fig.  3)  souvent  aussi  l'objet  du  culte  consiste  dans  ua 
corps  quelconque  (pierre,  arbre,  source,  etc.).  On  citera  seulement  ici,  à  titre 
d'exemple,  un  caroubier  —  auquel  on  donne  la  vague  nom  de  Rjâl  el-Kherrauba  — 
sur  le  chemin  d'El-Eubbâd,  au  pied  duquel  on  dépose  de  petits  cailloux  et  l'on 
brûle  de  l'encens  ;  des  chiffons  sont  attachés  aux  branches  de  l'arbre  par  les  fidèles. 
Près  de  Tlemcen,  sur  le  plateau  de  Lalla  Setti,  se  trouve  la  source  de  Fawwâra  que 
les  musulmans  du  voisinage  vénèrent  sous  le  nom  de  Sidi  Ras  eU  Aïn  et  où  l'on 
brûle  de  l'encens.  Pour  certains,  sans  doute,  le  saint  est  considéré  comme  un  puis- 
sant intercesseur  auprès  de  Dieu  —  comme  dans  la  religion  catholique  —  mais 
pour  la  masse  du  peuple,  pour  le  cerveau  borné,  qui  a  besoin  de  se  représenter  la 
divinité  sous  une  forme  concrète,  pour  celui  qui  veut  voir  et  toucher  son  dieu,  le 
saint  constitue  la  vraie  divinité  ;  on  lui  rend  un  culte,  on  la  prie,  on  l'implore,  on 
lui  fait  des  sacrifices  de  victimes. 

D'une  manière  générale,  pour  le  Maghrib,  le  «  maraboutisme  »  et  les  mani- 
festations auxquelles  il  donne  lieu  a  été  exposé  dans  une  remarquable  étude,  très 
claire  et  très  substantielle,  de  M.  E.  Doutté.  Nous  ne  saurions  mieux  faire  que  de 
renvoyer  à  ce  beau  travail  quiconque  voudra  se  documenter  sérieusement  sur  la 
question^. 

Le  culte  des  saints  à  Tlemcen  ne  diffère  pas  au  fond  de  celui  auquel  se  livrent 
avec  une  foi  si  ardente  tous  les  musulmans  du  Maghrib. 

On  remarquera  cependant  que  sous  le  rapport  des  saints,  Tlemcen  jouit  d^une 
faveur  toute  spéciale.  C'est  par  centaines  qu'on  pourrait  compter  les  tombeaux 
sacrés  do  marabouts,  tant  à  Tlemcen  que  dans  la  banlieue. 

Actuellement  on  ne  pourrait  citer,  dans  la  région  de  Tlemcen,  aucune  famille 
maraboutique  et  aucun  saint  vivant,  jouissant  d'une  réelle  influence  et  d'une 
renommée  de  sainteté  et  de  puissance*.  Un  marabout  célèbre  dans  le  pays  tlemce- 
nien.  Si  Mohammed  Bou  Sif,  vivait  encore  à  Beni-Saf  il  y  a  environ  trois  ans  ;  il 
jouissait  d'une  grande  réputation  à  Tlemcen  et  dans  tout  l'arrondissement  ;  son 


'  Noies  sur  Vlslâm  maghribin  :  Les  marabouts^  extrait  de  la  Revue  de  THist.  des  Helig.  tom. 
XL  et  XLI  (Paris,  1900)  ;  voir  aussi  E.  Doutté,  L'Islam  algérien  en  Van  i900  (Alger,  1  vol.  in-8), 
chapitres  V  et  IX. 

Une  excellente  étude  d'ensemble  sur  le  culte  des  saints  dans  llslâm  est  celle  de  M.  I.  Goldziher, 
Die  Heiligenverehrung  im  Islam  dans  ses  Muhammedan.  Studien,  {2  vol.  in-8,  Halle,  1890) 
t.  n.  p.  275  à  378. 

-  *  On  ne  saurait  citer  ici  aucune  famille  dans  le  genre  de  la  maison  d'Ouazzân  par  exemple,  et 
aucun  puissant  marabout  comparable  À  Sid  Ahmed« ben  Tekkouk  de  Mostaganem. 


p.  206.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

tombeau  est  aujourd'hui  uo  lieu  de  pèlerinage,  mais  le  moqaddem  qui  a  remplacé 
Bou  Sîf  est  loiu  de  jouir  du  crédit  du  marabout  défunt.  Les  quelques  familles 
maraboutiques  de  Tlemceo  et  des  eovirons  sont  respectées  sans  doute,  mais  aucune 
ne  jouit  d'une  vénération  bien  remarquable^. 

Ici  comme  ailleurs ,  les  moqaddems  (gardiens)  des  tombeaux  de  saints 
tlemcenieos  ont  hérité  d'une  partie  de  la  vénération  accordée  au  marabout  ;  ils  sont 
les  intercesseurs  souvent  indispensables  entre  le  fidèle  et  le  saint,  et  interprètent 
d'ordinaire  les  volontés  du  marabout  qu'ils  représentent. 

Peu  de  tombeaux  de  marabouts  ont  ici  un  moqaddem  résidant  à  côté  du 
sanctuaire  ;  la  plupart  de  ces  moqaddems  demeurent  dans  la  ville  et  se  rendent  au 
tombeau  du  saint  qu'ils  représentent,  aux  jours  de  visite  des  fidèles.  Lorsqu'une 
victime  est  offerte  par  un  fidèle  à  un  saint,  c'est  le  moqaddem  qui  Tégorge  ;  il  reçoit 
pour  sa  part,  la  tète  et  les  pattes,  la  peau  et  les  viscères,  ainsi  qu'un  quartier  de  la 
viande^.  Si  la  victime  n'est  qu'un  coq  ou  une  poule,  le  moqaddem  reçoit  dix 
centimes.  Les  moqaddems  des  santuaires  les  plus  importants  sont  aujourd'hui 
nommés  par  l'administration  française  sur  la  proposition  du  mufti.  La  fonction  de 
moqaddem  est  honorifique  et  souvent  lucrative. 

Pour  le  Tlemcenien,  le  monde  est  peuplé  d'êtres  invisibles,  mais  qui  peuvent 
cependant  prendre  des  formes  définies,  même  la  forme  humaine^.  Ces  êtres  sont  les 
djinns  {djinn  et  au  pluriel  djenaûn).  La  croyance  aux  djinns  est  du  reste  admise  par 
rislâm  orthodoxe.  Ces  génies  sont  des  êtres  souvent  dangereux.  U  faut  se  concilier 
leur  bienveillance  ou  les  écarter  de  sa  personne  ou  de  sa  maison  si  l'on  veut  éviter  de 
graves  malheurs.  De  là  de  nombreux  rites  magiques,  des  sacrifices  spéciaux,  des 
formules  particulières,  le  tout  destiné  à  chasser  ou  à  se  rendre  favorables  ces 
esprits.  Le  Tlemcenien  se  gardera  bien  de  prononcer  même  le  nom,c^'mn  on  djenaûn, 
de  ces  êtres  redoutables  ;  il  les  appelle  hadouk  en-nâs  «  ces  gens-là  »  ou  ehmaume- 
nîn,  el-moslimînf  «  les  croyants  n,  «  les  musulmans  ».  Des  formules  musulmanes 
appropriées  aux  circonstances,  des  versets  du  Coran,  des  invocations  à  ÂUah, 
servent  à  éloigner  les  djinns,  de  même  que  chez  les  catholiques  un  signe  de  croix, 
un  recours  en  Dieu,  suffit  pour  se  protéger  des  atteintes  de  Satan. 

Les  hagiographes  nous  apprennent  que  tel  ou  tel  savant  et  saint  professeur 
avait  lo  don  d'enseigner  la  science  religieuse  aux  hommes  et  aux  djinns  en  même 
temps.  Sidi  Ya'qoub,  dont  le  tombeau  est  près  de  Tlemcen,  était,  nous  disent-ils, 
de  ce  nombre.  Go  cite  couramment  aujourd'hui  à  Tlemcen  le  cas  d'un  musulman, 
mort  il  y  a  quelques  mois,  qui  outre  sa  femme  légitime  avait  aussi  pour  épouse  une 
djinniyîa  (djinn  du  sexe  féminin). 

La  magie  est  aussi  à  Tlemcen  très  en  vogue.  Nos  musulmans  en  sont  encore  à 
cet  âge  de  la  crédulité  humaine  où  la  magie  vit  en  bonne  harmonie  avec  la  religion. 
Ce  que  l'on  ne  peut  obtenir  par  la  religion  en  s'adressant  à  Dieu,  on  tente  de 


^  Il  faut  faire  toutefois  une  exception  en  faveur  des  familles  maraboutiques  du  village  de  Arn 
el-Hout  (à  quelques  kilomètres  au  nord  de  Tlemcen)  qui  descendent  d'un  certain  cherif  nommé 
Abdallah  ben  Mançoùr  (f  en  890  Hég.).  Les  descendants  actuels  de  ce  saint  reçoivent  des  offrandes 
pieuses  de  plusieurs  familles  tlemceniennes  et  de  quelques  tribus  de  la  région,  notamment  de  la 
fraction  des  Béni  *Ad  (pros  d'Aïn  Fezza,  commune  mixte  de  Sebdou). 

'  Le  moqaddem  de  Sidi  Bou  Mediôn  garde  d'ordinaire  pour  lui  la  victime  tout  entière. 

3  Ces  êtres  extraordinaires  apparaissent  généralement  de  nuit,  mais  il  est  des  Tlemceniens  qui 
affirment  avoir  vu  Tergou  en  plein  Jour.  Tergou  est  Tune  des  apparitions  les  plus  communes  à 
Tlemcen  et  nombreux  sont  les  Tlemceniens  qui  assurent  Tavoir  vu.  Sur  l'une  de  ces  apparitions 
cf.  Marçais,  Le  dialecte  arahe^  p.  254  et  suiv. 


1908.]  BEL    :    LA   POPULATION    MUSULMANE   DE   TLEMCEN.  [P.  207* 

Tobteair  par  la  magie,  en  forçant  la  nature  ou  les  esprit»,  par  des  rites  spéciaux 
qui  provoquent  l'effet  attendu.  La  croyance  au  pouvoir  des  amulettes  et  des  sorciers 
est  géoérale^.  Chacun  croit  aussi  à  la  réalité  des  apparitions  qui  surviennent  dans 
les  songes. 

Les  remarques  que  Ton  vient  de  faire  sur  les  habitudes  religieuses  des  Tlemce- 
niens  s'appliquent  aussi  bien  à  tous  les  musulmans  de  TAfrique  septentrionale.  Nous 
verrons  maintenant  comment  se  manifestent,  pour  Tlemcen,  ces  croyances  diverses, 
dans  les  fêtes  publiques  et  dans  les  principaux  actes  et  cérémonies  de  la  vie  privée. 

C)  Les  fêtes  et  cérémonies  publiques.  —  On  commencera  par  les  fêtes  de 
rislâm,  en  ne  signalant,  dans  les  pratiques  orthodoxes,  que  celles  qui  revêtent  à 
Tlemcen  un  caractère  local  qui  les  distingue  du  rituel  musulman.  On  indiquera 
surtout  les  croyances  et  coutumes  locales  relatives  à  ces  fêtes. 

1^  'Achoûr  (ou  *  Achoûra)  tombe  le  10  du  mois  de  moharrem.  Cette  fête  musul- 
mane marque  l'anniversaire  de  divers  événements  bibliques  et  de  certains  faits 
mémorables  de  Tlslâm.  A  Tlemcen  1"  Achoûr  représente  plus  particulièrement  pour  le 
peuple  Tanoiversaire  de  la  mort  d'ËUHoçaïn  fils  d'Ali  et  de  Fatima,  par  conséquent 
petit-fils  du  Prophète,  qui  fut  tué  à  la  bataille  de  Kerbela  61  de  Thégire).  Pendant 
le  mois  qui  suit  T' Achoûr,  les  chérifs  (descendants  du  Prophète)  devraient  porter 
le  deuil,  ne  pas  changer  de  vêtement,  et  ne  se  faire  raser  la  barbe  ni  les  cheveux  ; 
mais  les  chérifs  de  Tlemcen  ne  suivent  plus  guère  cet  usage.  La  loi  musulmane 
recommande  au  musulman  d'abandonner  le  jour  d'*  Achoûr  le  dixième  (el-*ochr)  de 
son  bien  aux  pauvres.  Dans  la  pratique,  il  n'en  est  rien.  Le  Tlemcenien  fait  bien  ce 
jour  là  des  aumônes  aux  pauvres,  mais  la  plus  grande  partie  de  l'argent  dépensé 
est  consacrée  par  lui  à  acheter  des  cadeaux  à  sa  femme  et  à  ses  enfants. 

On  choisit  de  préférence  le  jour  d'*Achoûr  pour  la  circoncision  des  enfants.  Le 
henné  acheté  ce  jour-là  est  un  véritable  talisman  ;  il  est  précieusement  conservé  à 
la  maison  et  sert  à  soigner  les  malades  dans  le  courant  de  l'année.  C'est  pourquoi 
il  se  fait  à  Tlemcen,  pour  1"  Achoûr,  un  grand  commerce  de  henné.  On  pourrait 
rapprocher  de  ces  croyances,  celles  qui  s'attachent  dans  nos  campagnes  au  rameau 
béni  pendant  la  messe  du  jour  des  Rameaux.  Nombreux  sont  aussi  chez  nous  les  gens 
qui  croient  que  les  plantes  sauvages  ramassées  le  jour  de  l'Ascension  font  des 
tisanes  merveilleuses  pour  guérir  toutes  sortes  de  maladies. 

A  Tlemcen,  le  jour  d"  Achoûr  les  forgerons  distribuent  gratuitement  de  petits 
anneaux  de  cuivre.  L'anneau  acquis  ce  jour-là  et  que  l'on  met  à  son  doigt,  ou 
l'anneau  de  pied,  que  l'on  porte,  protège  également  contre  les  atteintes  de  certaines 
maladies^  surtout  du  ^ain. 

Pendant  toute  la  journée  d" Achoûr,  l'eau  de  Tlemcen  jouit  des  mêmes 
propriétés  curatives  que  celle  du  saint  puits  de  Zemzem,  à  La  Mekke. 

Voici  encore  quelques  autres  croyances  relatives  aux  grâces  attachées  à 
certaines  actions  faites  par  le  tlemcenien  le  jour  d^Achoûr^.  Celui  qui  fait  ses 
ablutions  ne  tombe  pas  malade  dans  l'année  ;  celui  qui  se  met  du  koheul  (sulfure 


1  £q  ce  qui  concerne  la  croyance  (i^ônôrale  au  mauvais  œil  {eî-^atn)  et  les  procôdôs  pour  s'en 
débarrasser,  à  Tlemcen,  Je  renvoie  à  ma  note  dans  La  Djàzya^  parue  dans  le  Journal  asiatique 
1903,  p.  359  et  suiv.  tir.  &  pt.  p.  178  et  suiv. 

2  On  croit  par  exemple,  que  l'anneau  de  cuivre  mis  ce  Jour-là  au  petit  doigt  de  la  main  droite 
protège  contre  les  maladies  des  doigts. 

3  Quelques  unes  de  ces  actions  recommandées  pour  le  Jour  d'Achoûr  figurent  au  nombre  des 
doute  actions  que  conseillent  de  faire  pour  l'Achour  certains  commentateurs  de  Mohhtaçar 
de  Khelil  (Cf.  Second  sixième  du  commentaire  deKhirchi,  publié  à  Fâs»  1285  de  TH.,  page  80.) 


p.  208.]  •    R    •    E    •_£    •    S    •  [1908. 

d'aotimoine)  aux  yeux,  n'aura  pas  de  maux  d'yeux  durant  l'année  ;  celui  qui  prend 
en  pitié  un  orphelin  en  demandant  que  Dieu  l'assiste,  en  retirera  une  grande 
récompense  ;  celui  qui  jeûne  ce  jour-là,  jouira  des  mêmes  grâces  que  s'il  avait 
jeûné  pendant  un  mois  ;  celui  qui  fait  une  aumône,  c'est  comme  s'il  avait 
fait  une  aumône  sept  cents  fois  plus  importante.  La  partie  ensanglantée  de  la  chemise 
de  Tenfant  circoncis  le  jour  d'' Achoûr  est  précieusement  conservée  par  les  parents  ; 
c'est  un  talisman  qui  met  à  Tabri  de  toute  condamnation  en  justice. 

Le  jour  d^'Achoûr  est  ici  considéré  comme  étant  le  premier  jour  de  Tannée. 

2^  Le  Moâled  (maûlidun-nabî^  anniversaire  de  la  naissance  du  Prophète) 
tombe  chaque  année  le  12  du  mois  de  rabi'-el-aouel.  Les  pauvres  reçoivent  à  cette 
occasion  des  vivres  et  des  aumônes. 

Le  jour  du  Moûled,  chaque  fiancé  doit  envoyer  à  sa  fiancée  des  cadeaux 
consistant  en  quelques  pièces  d'or  ou  un  vêtement,  une  pièce  montée  faite  de  pâte 
sucrée  (fanîd)  en  forme  de  candélabre  et  une  ou  deux  douzaines  de  petites  bougies 
en  cire  coloriée.  La  pièce  de  biscuit  est  ofiPerte  avec  un  joli  foulard  neuf  en  soie  de 
couleur  (tnendil)  qui  la  recouvre. 

Le  Moûled  est  surtout  la  fête  des  enfants,  qui,  vêtus  de  beaux  habits  neufs, 
parcourent  les  rues,  lancent  des  pétards,  pour  «  faire  parler  la  poudre  »  et  chantent 
des  couplets  dans  le  genre  du  suivant  :  «  Ah  !  Mouloûd,  Mouloûd  I  c'est  la  naissance 
du  Prophète  I  Et  les  anges  dans  les  cieux  se  réjouissent  de  la  naissance  du  Prophète  ! 
ô  Aïcha  I  ne  dors  pas,  cette  nuit  va  naître  le  Prophète,  ainsi  que  la  Planche  (divine), 
le  Livre  (Coran),  la  Nouvelle  Ecriture,  ô  Madame  I  ...  etc....  » 

Les  zaouïas  (loges)  des  confréries  religieuses  sont  ouvertes  toute  la  nuit  au 
public  ;  on  y  mange  et  Ton  y  entend  de  la  musique.  Le  lendemain,  les  fillettes, 
parées  de  leurs  riches  costumes,  de  colliers  de  pièces  d'or  (ou  de  cuivre  pour  les 
pauvres),  de  bijoux,  se  promènent  en  ville  et  se  font  admirer  ;  elles  recommencent 
le  septième  jour  qui  est  appelé  jour  de  ichouïcha.  Le  huitième  jour  enfin,  les  enfants 
vont  se  promener,  à  pied  et  en  voiture,  sur  le  chemin  de  TIemcen  à  EUEubbâd, 
tandis  que  les  membres  des  confréries  religieuses,  montent,  bannières  déployées  et 
musique  en  tête,  en  pèlerinage  au  tombeau  de  Sidi  Bou  Medièn,  le  saint  patron  de 
TIemcen  (fig.  4  et  5). 

Cette  fête  était  célébrée  en  grande  pompe  à  TIemcen  au  temps  de  ses  rois. 
Des  festins,  des  fêtes  musicales  réunissaient  au  palais  du  Sultan  un  très  nombreux 
public,  et  des  poètes  déclamaient  de  longues  pièces  de  vers  de  leur  composition, 
en  l'honneur  du  Prophète^. 

3^  L"aïd  eç-çrHr  «  la  petite  fête  »,  qui  est  V'aid  el-Fitr  «  fête  de  la  rupture  du 
jeûne  »  de  la  loi  musulmane,  est  celle  qui  marque  la  fin  du  mois  de  ramadan. 
A  TIemcen  elle  dure  trois  jours.  La  veille  de  la  fête,  annoncée  par  le  crieur  public, 
par  ordre  du  cadi,  après  le  coucher  du  soleil,  chaque  chef  de  famille  distribue  aux 
pauvres,  conformément  à  la  prescription  canonique,  quatre  modd  en-nebî  (de  la 
capacité  d'environ  un  demi  litre  pour  chaque  modd)  de  blé  ou  d'orge,  par  tête  de 
personne  que  compte  sa  famille.  Celui  qui,  au  jour  de  la  fête,  n'est  pas  en  état  de 
donner,  mesure  la  quantité  de  sable  qu'il  devrait  donner  en  blé  ou  en  orge,  et 
la  met  de  côté  pour  distribuer  aux  pauvres  l'équivalent  en  blé  ou  en  orge  dès  qu'il 
a  les  moyens  de  le  faire. 

Le  premier  jour  de  la  fête  commence  par  une  grande  prière  publique  avec 


^  Sur  la  fête  du   Moûled  et  les  côrômonies  de  la  naissance  chez  les  tlemceDiens,  voyez 
W.  Marçais,  Le  dialecte  arabe  parlé  à  TIemcen^  1  vol.  in-8»  Paris,  1902,  p.  274  à  281. 


RKES,  1908 


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REES,  1908 


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1908.]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE   DE   TLEMCEN.  [P.  209* 

^ermoD,  vers  hait  heures  du  matin.  Cette  prière  doit  avoir  lieu,  selon  la  loi  musul- 
mane, dans  un  endroit  découvert  (appelé  Moçalla)  en  dehors  de  la  ville  ;  mais  à 
Tlemcen  elle  se  fait  à  la  mosquée 

Pendant  les  trois  jours  de  T' aïd,  la  plupart  des  musulmans  tlemceniens  chôment  ; 
tous,  en  costume  de  fête,  se  promènent,  flânent,  et  font  des  visites  à  leurs  parents^ 
et  amis.  On  s'aborde  alors  en  se  disant  :  «  Que  votre  fête  soit  bénie  I  »  la  réponse 
<est  généralement  :  «  Mon  Dieu,  accordez-nous  à  tous  votre  pardon  !  »  Les  femmes 
font  des  pâtisseries  que  Ton  offre  aux  visiteurs. 

Le  second  jour  de  la  fête,  vers  dix  heures  du  matin,  les  enfants  vont  jouer  sur 
le  chemin  d'£l-Eubbâd,  et  ceux  d'entre  eux  qui  ont  quelques  sous  en  poche  se 
paient  des  sucreries  et  se  font  traîner  dans  des  voitures  de  place,  qui  vont  et  viennent 
le  long  du  cimetière  musulman.  Ce  jour  là,  les  confréries  religieuses  se  rendent  en 
pèlerinage  au  tombeau  de  Sidi  Bou  Medièn  (fig.  6). 

Le  3**  jour  de  la  fête,  les  mêmes  confréries  religieuses,  surtout  celles  des 
Aïssâoua,  des  Tayyebiyîn,  et  les  Nègres,  vont  visiter  les  tombeaux  des  marabouts 
d'Aïn  el-Hoût,  petit  village  indigène  à  quelques  kilomètres  au  Nord  de  Tlemcen 
{tig.  7).  Une  foule  de  musulmans  et  d'enfants  les  y  accompagne  et  Ton  ne  remonte  à 
Tlemcen  que  le  soir^. 

4""  VAïd  el'kebîr^  «  la  grande  fête  »,  est  la  fête  des  sacrifices  ;  elle  tombe  le 
10  du  mois  de  dzou-1-hijja  (mois  du  pèlerinage)  et  dure  trois  jours.  La  veille  même 
{jour  de  '  Arafa)  est  fête  chômée  à  Tlemcen.  Le  premier  jour  vers  huit  heures  du 
matin  a  lieu  la  prière  de  la  fête  à  la  Mosquée,  comme  pour  TAïd  eç-çr'îr.  A  Tissue 
de  la  prière,  le  mufti  égorge  un  mouton  sur  le  seuil  de  la  mosquée  ;  c'est  le  signal 
du  commencement  des  sacrifices. 

Chacun  des  fidèles  rentre  chez  lui  pour  y  égorger  le  mouton  du  sacrifice  rituel 
orthodoxe. 

Le  sang  de  la  victime  est  recueilli  dans  un  plat  où  Ton  a  eu  soin  de  mettre 
quelques  morceaux  de  sel  grossier  et  deux  ou  trois  tiges  de  thym.  Il  est  de  vieilles 
Tlemceniennes  qui  savent  tirer  des  augures  de  Texamen  de  ce  sang  coagulé.  Eu  tous 
cas,  si  le  lendemain  le  sang  laissé  dans  le  plat  s'est  recouvert  de  goutelettes  d'eau, 
on  peut  être  certain  que  Tannée  sera  pluvieuse.  Lorsque  le  sang  du  sacrifice  de 
T'aïd  est  desséché,  on  le  conserve  précieusement  à  la  maison,  car  il  est  employé 
à  divers  usages  et  sert  notamment  à  calmer  les  grands  vents^. 

On  garde  avec  soin  aussi  le  gros  intestin  du  mouton,  après  Tavoir  fait  sécher  au 
soleil,  car  des  fumigations  faites  avec  un  morceau  de  cet  intestin  jeté  sur  les  charbons 
d'un  brasero  sont  un  remède  infaillible  contre  les  vertiges  et  les  lourdeurs  de  tête. 

Certains  Tlemceniens  savent  aussi  tirer  des  augures  de  Texamen  de  Tomoplate 
du  mouton  sacrifié. 

Si  le  chef  de  famille  possède  un  jardiu,  un  verger,  il  ne  manquera  pas  de 
suspendre  les  cornes  du  mouton  de  Taïd  aux  arbres  de  sa  propriété  ;  cette  mesure 
assurera  une  bonne  récolte  de  fruits. 


^  Pour  la  fête  qui  suit  immédiatement  le  mariage  d'une  Jeune  fille  les  parents  mâles  dô  celle-ci 
«6  réunissent  chez  elle«  Quand  ils  y  sont  tous,  la  jeune  femme  vient  les  voir  ;  la  figure  recouverte 
entièrement  d'un  voile  de  soie,  elle  embrasse  successivement  la  täte  de  chacun  d'eux.  Chacun  de 
ceux-ci  lui  &it  cadeau  de  quelques  pièces  de  monnaie. 

'  Sur  ces  processions  à  Sidi  Bou  Mediôn  et  à  Aïn  el-Hoùt  et  surtout  pour  les  scènes  des  ÂïsBa- 
oua,  voir  Ë.  Doutté,  Les  Aïssaoûa  à  Tlemcen,  Chalons  s.  M.,  Martin,  1900,  1  broch.  de  32  p. 

'  Sur  la  divination  par  le  sang,  l'omoplate  et  sur  certaines  coutumes  relatives  à  cette  fête  ches 
les  Rahâmna  marocains,  voir  les  détails  donnés  par  B.  Doutt6,  Merràhech^  Paris  1905,  fasc.  I 
du  T.  I,  p.  368,  369. 


p.  210.]  .  ß  •  ja  •  E  •  b  •  [i9oa* 

Le  moutoQ  sacrifié  pour  l"Aïd  el-kebtr  ne  doit  être  ni  borgne,  ni  aveugle,  ni 
boiteux,  ni  avoir,  en  un  mot,  aucun  défaut  apparent.  11  doit  être  mangé  tout  entier 
par  les  personnes  composant  la  famille  ;  et  Ton  ne  doit  ni  en  donner,  ni  en  vendre. 
La  peau  elle-même  doit  être  conservée  dans  la  maison.  Une  pièce  de  ce  mouton, 
comprepant  la  queue  et  les  reins,  est  salée  et  séchée,  pour  n'être  mangée  qu'au  jour 
de  TÂcboûr.  Le  jour  d'Achoûr,  le  chef  de  famille  découpe  cette  pièce  de  viande, 
préalablement  cuite  avec  du  «  kouskous  »  ;  il  distribue  les  morceaux  ainsi  obtenu» 
à  raison  de  un  par  individu  que  compte  de  la  famille,  y  compris  les  chiens  et  lea 
chats  de  la  maison,  et  garde  pour  lui-même  la  queue  que  nul  autre  ne  doit  manger 
que  lui. 

A  côté  de  ces  grandes  fêtes  d'origine  musulmane,  il  en  est  d'autres,  moina 
importantes  et  qui  n'ont  pas  toutes  par  leur  origine,  pas  plus  que  par  les  croyances 
et  les  rites  qui  s'y  rattachent,  un  caractère  de  pure  orthodoxie.  Ce  sont  les  NefqaSy 
dont  quelques-unes  sont  recommandées  par  la  tradition  islamique,  et  dont  les  près* 
criptions  sont  marquées  par  les  commentateurs  du  droit  canonique  par  les  mots  : 

A  Tlemcen,  le  soir  de  la  nefqa  (annoncée  la  veille  par  le  cadi),  a  lieu  un  repas 
avec  de  la  viande.  Ce  soir  là,  le  chef  de  famille  doit  distribuer  de  la  viande  et  de 
la  nourriture  aux  pauvres  de  son  voisinage.  Pour  que  les  grâces  attachées  au  jour 
de  la  nefqa  soient  encore  plus  nombreuses,  le  TIemcenien  complète  souvent  cette 
fête  par  le  jeûne  strict  de  toute  la  journée,  comme  pour  un  jour  de  ramadan  ;  les 
vieillards  surtout,  et  les  vieilles  femmes  —  qui  étant  plus  près  que  d'autres  du  tom- 
beau, désirent  se  préparer  une  sainte  mort  —  ne  manquent  pas  de  jeûner  pour  les 
nefqas. 

Les  nefqas  sont  aussi  à  Tlemcen  des  fêtes  en  l'honneur  des  morts  récents  de  la 
famille.  Ces  jours  là,  les  femmes  vont  au  cimetière  visiter  la  tombe  des  parents  ; 
elles  reçoivent  à  la  maison  la  visite  des  amies  et  parentes  ;  on  pleure  en  commun 
en  retraçant  les  mérites  des  disparus,  car  on  croit  que  ce  jour-là  Tâme  du  défunt 
revient  à  la  maison  ;  on  fait  aussi  un  repas  en  commun,  sorte  de  repas  funéraire 
(comme  aux  3®  et  7*  jours  qui  suivent  l'enterrement).  Chaque  visiteuse  doit  appor-- 
ter  avec  elle  un  cadeau  qui  consiste  dans  un  objet  comestible.  Il  semble  bien  que 
ce  cadeau  constitue  la  part  contributive  de  chacun  au  repas  funéraire,  auquel  doit 
prendre  part  l'âme  du  défunt.  Celui  qui  n'apporterait  pas  son  offrande  pourrait  être 
en  butte  à  la  colère  de  l'âme  du  mort.  Et  ce  qui  marque  bien  le  caractère  de  cette 
offrande,  c'est  la  formule  que  chaque  femme  emploie  en  apportant  son  cadeao 
•o^  J^  öAo  fiJufc  «  ceci  est  une  aumône  pour  (l'âme  d')  un  tel  ». 

Les  nefqas  n'existent  pas  chez  les  musulmans  ruraux,  qui  ne  fêtent  guère  que 
leurs  saints  locaux  dans  une  grande  réunion  appelée  tc^a' (2a  ayant  lieu  généralement 
une  fois,  quelquefois  deux,  par  an.    . 

II  y  a  douze  nefqas  par  an  à  Tlemcen,  soit  : 

Deux  nefqas  à  l'occasion  de  l'Achoûr  (le  jour  d'Achoûr  et  le  lendemain).  La 
première  est  appelée  nefqeirélrqqMîd^  «  nefqa  de  la  viande  séchée  »,  parce  que 
c'est  ce  jour-là  que  la  famille  mange  la  pièce  du  mouton  de  T'aïd'-el-kebir,  desséchée 
et  conservée  dans  ce  but  (V.  ^xx^vk^" Aïd  eUTcehir),  La  seconde  est  Idknefqd-el^ 
kham^  parce  que  l'on  mange  de  la  viande  fraîche. 

Deux  nefqas  à  l'occasion  du  Mouled  (le  1'  et  7®  jour  de  la  fête).  Pendant  la 
nuit  qui  suit  ces  nefqas  on  allume  quelques  petits  cierges  dans  la  chambre  princi- 
pale et  on  les  laisse  brûler  jusqu'au  bout.  Les  enfants  allument  aussi  des  bougies 


1908.]  BEL    :    LA   POPULATION   MUSULMANE   DE   TLEMCEN.  [P.  211» 

«qu'ils  portent  sar  des  candélabres  en  bois  ou  en  pâtisserie  (tsriyia).  On  mange  aussi 
<:es  jours- là  des  pâtisseries  spéciales  (fanid)  en  forme  de  pièces  montées. 

Deux  nefqas  ont  lieu  pendant  le  mois  de  redjeb  (le  15  et  le  27).  Elles  ont  pour 
4>ut,  disent  les  TIemceniens,  de  se  préparer  pieusement  au  jeûne  du  mois  sacré  de 
ramadan,  qui  lavera  le  musulman  de  ses  péchés. 

Deux  nefqas  ont  lieu  pendant  le  mois  de  cha*ban  (le  15  et  le  27).  Elles  ont  le 
même  but  que  les  précédentes.  La  nefqa  du  27  de  ce  mois  a  ici  une  très  grande 
importance,  car  c'est  à  cette  date  que  TArbre  des  destinées  humaines,  au  Ciel,  laisse 
tomber  des  feuilles  qui  représentent  autant  de  vies  humaines  ;  les  mortels  dont  la 
me  correspond  à  Tune  des  feuilles  tombées  mourront  dans  l'année.  Pour  savoir  si 
l'on  est  du  nombre  de  ces  derniers,  il  suffit,  dans  la  nuit  qui  suit  la  nefqa,  do  se 
placer  entre  la  lumière  d'un  quinquet  posé  au  milieu  de  la  chambre  et  le  mur  ;  si 
la  longueur  de  l'ombre  projetée  contre  le  mur  est  plus  courte  que  la  taille  de  l'ex- 
périmentateur, c'est  signe  de  mort. 

C'est  aussi  dans  cette  nuit  du  27  cha'bân  que  les  djinns  sont  attachés  par  les 
anges,  pour  un  mois  entier  ;  mais  il  ne  faut  pas  néanmoins  éveiller  la  colère  de  ces 
mauvais  esprits.  Les  TIemceniens  y  arrivent  par  des  pratiques  spéciales  et  des 
sacrifices  à  certains  marabouts  locaux,  chefs  des  djinns^. 

Deux  nefqas  ont  lieu  pendant  le  mois  de  ramadan  (le  16  et  le  27).  Celle  du  27 
^est  la  plus  importante  de  toutes  les  nefqas  fêtées  à  Tlemcen. 

Deux  nefqas  enfin  ont  lieu  à  l'occasion  de  VEn-Naïr.  L'En-Naïr  est  encore 
une  survivance  d'une  très  ancienne  fête  dans  l'Islam  actuel.  C'est  l'anniversaire  du 
l' janvier  (januarius)  de  l'année  julienne.  Célébré,  avec  des  rites  à  peine  différents, 
par  les  musulmans  de  toute  l'Afrique  septentrionale,  l'En-Naïr  tombe  à  Tlemcen  le 
12  janvier  (l' janvier  de  l'année  julienne).  C'est  une  fête  agraire,  pour  les  détails 
de  laquelle  je  renvoie  à  l'article  de  M.  Destaing^,  dans  lequel  on  trouvera,  en 
notes,  tous  renseignoments  utiles  sur  l'En-Naïr  à  Tlemcen. 

Pour  l'uno  des  deux  nefqas  de  l'En-Naïr,  à  Tlemcen,  on  doit  no  manger  que 
des  fruits,  du  pain,  des  œufs  durs  ;  c'est  la  nefqei-èlrkermoûs^  «  nefqa  des  figues  ». 

Ce  jour-là,  comme  cadeau  à  sa  future  femme,  le  fiancé  doit  envoyer  un  iîfoûr 
^petite  table  ronde  et  basse)  chargé  de  figues,  noix,  dattes,  grenades,  amandes, 
ceufs,  petits  pains,  le  tout  recouvert  d'un  foulard  de  soie.  Les  parents  de  la  fiancée 
renvoient  le  tîfaûr  couvert  de  beignets  (sfendj)  et  un  pot  de  miel. 

Les  TIemceniens  ont  encore  quelques  autres  fêtes  et  cérémonies  publiques  aux* 
quelles  il  n'est  pas  possible  d'attribuer  une  origine  musulmane,  malgré  les  rares 
formules  islamiques  et  les  quelques  rites  musulmans  dont  on  a  cru  devoir  les  orner. 
Nous  citerons  seulement  les  principales  : 

V  La  fête  (oui  Ad)  de  ch^hh  Snoussi  qui  a  lieu  chaque  année.  Cette  oua'da 
•consiste  en  un  repas  commun,  offert  par  les  TIemceniens  aux  pauvres  et  aux  étran- 
gers, au  cimetière  musulman,  dans  le  voisinage  du  tombeau  du  saint  Cheikh  Snoussi 
(fig.  8).  Le  menu  du  repas  se  compose  de  kouskous  et  de  viande  de  mouton.  Cette 
fête  est  un  sacrifice  pieux  offert  au  saint  marabout,  pour  obtenir  de  lui,  ou  par  son 
intermédiaire,  que  la  pluie  nécessaire  aux  récoltes  ne  vienne  pas  à  manquer. 


^  Pour  ees  rites  et  lacrifices,  ainsi  qae  pour  la  nefqa  du  27  ramadan,  on  pourra  consulter  les 
renseignements  fournis  par  M.  Abd-bl-Aziz  ZRNàOui,  dans  une  note  de  son  article  intitulé  Rédt 
•en  dialecte  Uemcenien,  in  Joum.  asiat.,  1904  p.  101-102,  et  t.  à  pt.,  p.  61-62. 

*  E.  Dbstaino,  VEnnayer  chez  les  Béni  Snoiis^  dans  la  Retue  afHcaine  n<»  256  (l*  trimestre 
1905)  p.  51  et  suiv.  —  On  lira  aussi  de  fort  intéressants  détails  sur  VJnnàfr  chei  les  Rabâmna 
du  Maroc  dans  l'ouvrage  de  M.  E.  Doorrâ,  Merrakech,  &sc.  I»  p.  373  et  s. 


p.  212.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [^^^^* 

L'époque  de  la  fôte  n'est  pas  fixe,  mais  c'est  toujours  en  hiver,  quand  les  céréales 
sont  en  herbe. 

2^  EIrLatîf  ou  Tolb  elrLatîf  (tolb  eti^ou  chez  les  ruraux)  est  une  cérémonie, 
ou  plutôt  une  série  de  cérémonies,  dont  les  rites  ont  pour  but  de  provoquer  la  pluie 
en  temps  de  sécheresse.  A  Tlemcen,  comme  dans  le  reste  de  TAfrique  septentrionale 
et  dans  bien  d'autres  pays,  ces  cérémonies  donnent  surtout  lieu  à  des  manifestations 
du  culte  des  saints  et  à  des  rites  magiques  intéressants  et  bien  éloignés  de  VIstisqa 
de  rJslam  orthodoxe,  qui  en  renferme  cependant  déjà  une  part  appréciable'. 

3"  La  '  Ancra  qui  correspond  à  nos  «  feux  de  la  St- Jean  »  est  la  fête  du  solstice 
d'été,  comme  TEn-Naïr  représente  la  fête  du  solstice  d'hiver.  A  Tlemcen  pour  la 
Ancra,  on  brûle  des  sept  plantes  suivantes  :  rue,  thym,  graine  de  cerfeuil,  camo- 
mille, geranium,  pouliot  et  mélisse,  et  l'on  se  livre  à  des  cérémonies  magiques  que 
Ton  retrouve  plus  ou  moins  accentuées  dans  toute  l'Afrique  septentrionale*. 

4®  La  Derdeba^^  fêtée  par  les  nôtres  tlemceniens,  est  encore  ici  une  fête 
agraire,  qui  a  lieu  chaque  année,  mais  à  date  variable,  généralement  en  été 
(en  1907,  la  fête  a  eu  lieu  en  septembre).  Après  avoir  fait  la  quête  en  ville  (fig.  9),  la 
confrérie  des  nègres  (confrérie  de  Sidi  Blâl)  achète  un  taureau  et,  s'il  y  a  assez  d'ar- 
gent, un  bélier  et  un  bouc.  Le  jour  de  la  fête,  le  taureau,  dont  la  tête  et  les  cornes 
ont  été  revêtues  de  brillantes  étoffes,  suivi  du  mouton  et  du  bouc,  est  conduit  pro- 
cessionnellement  et  en  musique  (joueurs  de  qerqâhou  et  de  tebel),  auprès  du  tombeau 
de  Sidi  Ya  qoûb  (à  1  km.  à  l'Est  de  Tlemcen)  (fig.  10).  On  brûle  du  benjoin  autour  des 
victimes  avant  de  les  sacrifier.  Lorsque  le  taureau  a  la  gorge  coupée  il  est  abandonné 
et  peut  encore  faire  quelques  pas  ;  selon  qu'il  fait  plusieurs  pas,  peu  ou  pas  du  tout 
l'année  sera  bonne,  médiocre  ou  mauvaise.  Il  est  des  nègres  qui  boivent  du  sang 
chaud  du  taureau,  d'autres  qui  s'en  mettent  un  peu  sur  le  front,  entre  les  deux  sour- 
cils, d'autres  qui  en  conservent  comme  une  panacée.  A  l'occasion  de  cette  fête 
beaucoup  de  musulmans  viennent  pour  faire  sacrifier  des  poules  par  le  sacrificateur 
nègre  (qui  dans  cette  circonstance  est  d'ordinaire  le  caïd  des  nègres)  pour  chaque 
poule  sacrifiée,  le  sacrificateur  reçoit  une  pièce  de  0,10  centimes.  Les  nègres  seuls 
et  les  musulmans  qui  sont  affiliés  à  la  confrérie  de  Sidi  Blâl,  doivent  manger  la 
viande  du  taureau  et  des  deux  autres  victimes  ;  tout  autre  croirait  faire  une  faute 
grave  en  en  absorbant  un  morceau. 

D)  Les  fêtes  et  les  cérémonies  privées.  —  On  ne  saurait  prétendre,  dans  ce 
court  chapitre,  vouloir  étudier  toutes  les  cérémonies  qu'accomplit  le  Tlemcenien 
pour  se  concilier  les  djinns  et  les  marabouts  ou  pour  se  protéger,  lui  et  les  siens 
contre  leurs  redoutables  atteintes.  On  se  bornera,  pour  cette  fois,  à  indiquer  les 
principales  circonstances  dans  lesquelles  ont  lieu  ces  rites  et  quels  ils  sont  : 

l®  Naissance  et  rites  relatifs  à  Venfant  en  bas-âge^.  —  Une  femme  mariée  et  qui 

^  Pour  ces  cérômonies  et  pour  TOuaMa  de  cheikh  Snoussi,  je  renvoie  à  mon  étude  :  Quelques 
rites  pour  obtenir  la  pluie  en  temps  de  sécheresse^  Alger.  Fontana,  1  brocb.  in-8,  54  pp.,  p.  22 
et  suiv.  ;  Voyez  aussi  E.  Doutté,  Merrakech,  fasc.  I,  p.  382  et  suiv. 

*  Pour  des  détails  sur  la  'Ançra  chez  les  Beni-Snous,  à  Tlemcen  et  en  divers  autres  lieux  du 
département  d'Oran,  voir  Destaing,  Fêtes  et  coutumes  saisonnières  chez  les  Béni  8noiks 
dans  Revue  africaine,  n»  262,  p.  261  et  s.  ;  sur  la  'Ancra  chez  les  Raf^anma,  voir  Doutté,  Mer- 
rakech,  I,  377  et  suiv. 

3  Sur  les  derdebars  (sic)  des  nôgres  voir  Andrsws,  Les  fontaines  des  génies  (Alger,.  I903> 
p.  20  et  suiv. 

^  Les  usages  relatifs  à  la  naissance,  à  la  circoncision,  au  mariage,  au  décès,  à  Tlemcen  ont 
été  exposés  au  point  de  vue  du  caractère  de  certain«  d'entre  eux  de  mutualité  obligatoire,  par 
M.  Abou  Bekr,  Usages  de  droit  coutumitr  dans  la  .région  de  Tlemcen,  Tlemcen  1906,  1  broch» 
in-8,  p.  91  et  suivantes. 


1908«]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE   TLEMCEN.  [P.  213^ 

n'a  pas  d'enfant  fait  tous  ses  efforts  pour  devenir  mère.  Elle  s'adresse  à  certaines 
ibibas  «  femmes- médecins  »  qui  ont  le  secret  de  mixtures  souveraines  contre  la 
^stérilité.  La  tbiba  prépare  la  mixture  que  la  patiente  avale  ou  qu'elle  se  place  dans 
le  vagin.  Le  remède  magique,  ordinairement  employé  pour  cette  dernière  opération, 
consiste  en  une  pâte  formée  de  djaûea  daqqa  {espèce  de  poivre),nä6^a(  mélisse) ,^iyoti 
^mentha  pulegium),  et  cervelle  de  chameau  ;  le  tout  bien  pilé  est  mélangé  avec  un 
peu  d'eau  de  lavande  (ater)  et  du  beurre  fondu,  vieux  de  trois  ans.  La  pâte  ainsi 
faite  est  enfermée  dans  un  petit  sachet  de  laine  que  l'on  place  ensuite  dans  l'endroit 
indiqué  ci-dessus.  L'opération  doit  recommencer  plusieurs  jours  de  suite.  D'ailleurs 
«ne  femme  saura  si  elle  doit  avoir  des  enfants  en  se  mettant  dans  le  vagin  une 
tète  d'ail  chaude  et  légèrement  écrasée  ;  si  Todeur  de  l'ail  se  répand  à  ce  moment 
par  sa  bouche,  c'est  un  indice  certain  qu'elle  ne  sera  pas  stérile. 

Un  bon  remède  contre  la  stérilité  consiste  dans  certaines  formules  écrites 
•(avec  du  çmaq  ou  de  l'eau  de  safran)  ;  les  caractères  d'écriture  ainsi  tracés  sont 
lavés  avec  de  l'eau  que  doit  boire  ensuite  la  femme  (ou  quelquefois  le  mari).  Le 
(aleb  qui  a  fait  ce  remède  ne  reçoit  le  prix  convenu  que  si  l'opération  a  produit 
l'effet  désiré. 

Un  autre  moyen  consiste  à  consulter  une  gu^zzàna  (chiromancienne)  qui 
indique  à  la  femme  le  marabout  auquel  elle  doit  adresser  ses  prières.  La  femme 
^oit  aller  visiter  ce  marabout  un  certain  jour  de  la  semaine,  pendant  sept  semaines 
de  suite  ;  elle  doit  en  outre  faire  sa  visite  avant  le  lever  du  soleil,  parce  que  l'âme 
•du  marabout  rentre  dans  le  tombeau  lorsque  le  jour  arrive. 

a)  Grossesse,  L'enfant  est  un  être  faible  qui  offre  une  proie  facile  aux  mau- 
irais  esprits  ;  il  faut  le  protéger,  alors  même  qu'il  est  encore  dans  le  sein  de  sa 
mère.  Les  pratiques  auxquelles  doit  s'astreindre  la  mère  (et  même  aussi  le  père) 
ont  lieu  généralement  pendant  le  V  mois  de  la  grossesse,  elles  ont  toutes  un  carac- 
tère magique.  Nous  citerons  seulement  les  suivantes  :  Pendant  le  V  mois  de  la 
grossesse,  la  mère  va  cueillir  7  feuilles  d'un  certain  laurier-rose  et  d'une  certaine 
façon  ;  elle  les  conserve  à  la  maison,  les  pile  et  les  mélange  avec  un  peu  d'huile. 
L'onguent  ainsi  obtenu  sert  à  enduire  le  corps  du  nouveau-né  et  le  protégera  contre 
les  mauvaises  influences. 

Une  poule  noire  achetée  par  la  mère  (le  V  mois)  est  élevée  à  la  maison  jusqu'au 
Jour  de  l'accouchement  et  mangée  alors  par  la  mère  d'une  certaine  façon.  Si  la 
poule  a  abandonné  la  maison  avant  la  naissance  de  l'enfant,  elle  a  emporté  avec  elle 
les  esprits  malins  qui  menaçaient  l'enfant  ;  c'est  pourquoi  parfois  cette  poule  après 
être  restée  quelque  temps  à  la  maison  est  emportée  par  une  vieille  femme  qui  la 
lâche  dans  le  quartier  juif. 

Un  oignon  acheté  par  la  mère  et  jeté  par  elle  dans  le  quartier  juif,  après 
qu'elle  y  a  piqué  101  grains  d'orge,  produit  le  même  effet. 

Il  est  intéressant  de  noter  que  ces  objets,  dont  la  mère  s'est  servie  pour  un 
i^harme  de  ce  genre,  deyiennent  pour  elle  taboues  ;  elle  ne  devra  plus  en  acheter 
avec  son  argent,  mais  les  faire  acheter,  si  elle  en  a  besoin,  par  d'autres  personnes^. 

b)  Accouchement.  La  malade  est  généralement  assise  par  terre  sur  le  fond 
d'un  grand  plat  à  kouskous  retourné.  L'accoucheuse  (qâbla)  est  aidée  par  une 


^  On  trouvera  des  détails  sur  ces  eoatumes  tlemceniennesy  daDs  rartiele  de  M.  àbou-Bbrr» 
Za  Tebia  ou  Mauvais  génies  ravisseurs  d'enfants  en  bas  ùge  (dans  le  Bulk  de  la  Soc,  de  Géog» 
dOran,  t.  XXV,  fasc.  CIV,  1905). 


p.  214.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908.. 

auxiliaire  (cheddâda)  qui  soutient  la  malade  par  les  épaules.  Pour  faciliter  l'opé- 
ration, la  qâbla  chante  s^v*3^  a^^  ^  \^^  s-iW^J^  \t  Ä^US\  «  Anges,  ô  mes  amis  t 
montrez-moi  la  figure  de  l'absent  I  »  et  la  Cheddâda  répond  Sjjü^  ^  SjljüV}  Sjuü\ 
aU^  \2  Sjjü\  iSjb  uté.j\  dU\  juL£  (^  a  Souffrance  sur  souffrance  ;  mais  la  souffrance  vient 
de  Dieu  I  soulage  cette  souffrance  ô  mon  Dieu  I  ». 

On  a  eu  soin  dans  la  maison  pour  rendre  l'accouchement  plus  facile,  d'ouvrir 
portes  et  fenêtres,  cadenas  et  serrures.  Ce  rite  de  magie  sympathique  est  répanda 
chei  beaucoup  de  primitifs^. 

Pour  faciliter  l'accouchement,  le  mari  doit  se  laver  les  doigts  du  pied  droit  et 
faire  boire  cette  eau  à  sa  femme. 

La  délivrance  (ster)  et  le  cordon  ombilical  sont  de  vrais  talismans.  Le  père 
garde  soigneusement  la  délivrance,  qui  a  été  séchée  au  soleil  ;  c'est  un  porte-bon- 
heur. La  mère  conserve  le  morceau  du  cordon  ombilical,  resté  adhérent  à  l'enfant^ 
qui  tombe  de  lui-même  avant  le  7*  jour  ;  elle  s'en  sert  comme  d'un  puissant  remède 
pour  guérir  son  enfant  du  rhume  de  poitrine  (en  le  lui  attachant  en  guise  d'amulette 
sur  la  poitrine  quand  l'enfant  est  enrhumé)  et  des  maux  d'yeux  (en  le  passant  légè- 
rement sur  les  paupières  de  l'enfant,  après  l'avoir  préalablement  amolli  en  le  trem- 
pant dans  l'eau  tiède).  La  sage-femme  enterre  secrètement  la  partie  du  placenta 
qui  n'est  rejetée  qu'en  dernier  lieu  par  la  mère  (kholâç). 

La  naissance  d'un  garçon  est  accueillie  par  des  cris  joyeux  (sept  youyous) 
poussés  par  les  femmes,  tandis  que  la  naissance  d'une  fille  ne  donne  lieu  à  aucun 
cri  de  joie. 

Le  jour  de  la  naissance  on  offre,  à  tous  les  amis  qui  viennent  à  la  maison,  de 
la  isaqneitsa  (pâte  de  semoule  avec  de  l'huile,  du  miel  et  du  sel,  cuite  dans  une 
casserole  en  terre).  La  mère  mange  beaucoup  de  cette  pâte. 

Le  3*"  jour  a  lieu  un  repas  en  commun,  au  milieu  du  jour,  entre  parents  et 
amis  (hommes  à  part  et  femmes  à  part).  L'accoucheuse  change  ce  jour-là  les  langes 
de  l'enfant,  l'enduit  de  henné,  lui  met  du  koheul  aux  yeux. 

c)  Collation  du  nom.  Le  7"  jour  on  donne  un  nom^  à  l'enfant.  Pour  cette 
cérémonie,  le  père  convie  ses  amis,  tue  un  mouton  quand  il  le  peut  et  l'on  fait  un 
festin.  Souvent  aussi  on  tue  une  poule,  si  l'enfant  est  un  garçon,  ou  un  coq,  si  l'en- 
fant est  une  fille  ;  on  en  fait  du  bouillon  que  boit  la  mère.  Ce  jour-là  l'enfant  est 
lavé  et  revêtu  d'habits  neufs  ;  l'accoucheuse  lui  enduit  de  henné  les  mains  et  les 
pieds,  puis  lui  fait  tendre  la  main  et  les  visiteuses  y  déposent  des  pièces  de  monnaie 
qui  sont  destinées  à  la  mère. 

Le  soir  de  ce  jour,  l'enfant  ne  doit  plus  coucher  dans  son  berceau  pendant 
33  nuits  ;  on  l'installe  par  terre  sur  un  petit  matelas  (offert  par  la  grand'mère 
maternelle  ou  une  parente  de  la  mère).  L'accoucheuse,  avant  de  déposer  l'enfant 
sur  ce  matelas,  marque  avec  sa  main,  contre  le  mur  à  la  tête  de  l'enfant  sept  points 
de  henné  en  ligne  droite,  et  allume  à  côté  de  lui  une  bougie  de  cire  verte. 

Les  cérémonies  qui  accompagnent  la  naissance  se  terminent  par  un  grand  repas 
le  40^  jour,  qui  est  celui  où  l'on  remet  le  jeune  enfant  dans  son  petit  berceau. 
Quand  il  fait  beau  ce  repas  se  fait  de  préférence  à  la  campagne,  dans  les  jardins 
d'amis. 


^  Voir  par  exemple  Prazbr,  Le  Rameau  (Tor,  trad.  fr.  1. 1,  Paris  1903,  pp.  319  et  suiv. 
•    '  Le  nom  de  Bou  Medièn  (oa  plus  communément  EUKaoutH)  est  trôs  commun  chez  les  Tlem- 
ceniens,  à  cause  du  saint  patron  de  la  ville,  Sidi  Bou  Medièn  eUK^oûts. 


1908«]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE   TLEMCEN.  [P.  215» 

  partir  de  ce  moment  l'enfant  est  encore  soumis  à  de  nombreuses  pratiques 
magiques  qui  n'ont  pas  seulement  pour  objet  de  le  protéger,  mais  aussi  de  le  débar- 
rasser des  mauvais  génies  qui  ont  pu  malgré  tout  pénétrer  en  lui. 

Ainsi  par  exemple  si  Tenfant  pleure  souvent,  on  Temmène  en  pèlerinage  au 
tombeau  de  Si-1-R'omâri.  La  mère  couche  Tenfant  sur  la  dalle  du  tombeau,  implore 
la  pitié  du  saint,  brûle  une  bougie  blanche  et  un  peu  d'encens  ;  elle  recommence 
pendant  3  jours  et  rapporte  un  peu  de  terre  du  tombeau,  qui  suspendue  dans  un 
4sachet  au  cou  de  Tenfant  doit  le  guérir. 

A  Tenfant  de  trois  ou  quatre  ans  qui  ne  parle  pas  encore,  on  fait  avaler  un 
bouillon  préparé  avec  7  langues  d'animaux  divers  et  on  lui  en  fait  aussi  manger  la 
'Chain  On  peut  aussi  dans  le  même  but  lui  faire  boire  quelques  gorgées  d'eau  de  la 
baignoire  des  tourterelles  que  gardent  les  moqaddems  des  tombeaux  de  Sidi  Ahmed 
Belhassen,  Sidi  Lahsen  ben  Makhloûf  ou  de  Sidi-Dàoudi. 

L'amulette  la  plus  en  vogue  àTlemcen  pour  garantir  l'enfant  contre  les  inflnen- 
-ces  néfastes  est  une  petite  main  en  or  ou  en  argent  qu'il  porte  sur  lui.  La  main 
•est  quelquefois  remplacée  par  les  cinq  fèves  (d'une  gousse  qui  n'en  contenait  pas 
plus  de  cinq)  que  l'on  met  dans  un  petit  sachet  de  cuir  de  forme  carrée  (une  fève 
•dans  chacun  des  angles  du  carré  et  la  cinquième  au  milieu). 

2^  La  circoncision  se  fait  en  général  pour  le  jour  de  'Achoûr,  alors  que  l'enfant 
•est  âgé  de  sept  à  huit  ans  environ.  La  veille  on  lui  enduit  de  henné  les  mains  et  les 
pieds  et  on  le  revêt  d'habits  neufs.  C'est  un  hadjjêm  «  celui  qui  pratique  les 
saignées  »,  (ce  métier  est  exercé  à  Tlemcen  par  les  coiffeurs). qui  est  chargé  de  la 
•circoncision  ;  il  vient  à  la  maison  (plus  rarement  on  porte  l'enfant  chez  lui)  et  prend 
d'abord  part  à  un  repas  avec  le  père  et  ses  amis.  Ce  repas  consiste  d'ordinaire  en 
un  grand  plat  de  viande  rôtie  au  four.  Le  repas  fini,  le  hadjjêm  s'assied,  tandis  que 
son  aide  (son  fils  habituellement)  lui  présente  l'enfant,  qu'il  circoncit  avec  des 
ciseaux  ;  on  saupoudre  la  plaie  d'un  peu  de  henné  pilé,  on  couche  l'enfant  auquel 
les  invités  remettent  quelques  pièces  de  monnaie  destinées  au  père.  La  fête  se  fait 
parfois  en  musique.  Le  soir  ou  le  lendemain  les  femmes  amies  de  la  maison  viennent 
■à  leur  tour  voir  le  nouveau  circoncis  et  chacune  lui  remet  quelques  pièces  de  mon- 
naie destinées  à  la  mère  ;  on  entend  de  la  musique,  on  danse  ou  l'on  regarde  danser 
•et  la  fête  est  terminée. 

L'enfant  doit  rester  couché  pendant  3  jours  ;  il  est  conduit  au  bain  maure  le 
1 5*  jour. 

La  prépuce  a  été  soigneusement  ramassé  par  le  hadjjêm,  dans  un  plat  conte- 
nant un  peu  de  poudre  de  henné  ;  le  hadjjêm  l'emporte  et  doit  l'enterrer  lui-même 
•en  un  lieu  qu'il  ne  révélera  à  personne. 

3*^  Le  mariage.  —  Bien  qu'aucune  cérémonie  religieuse  ne  soit  prescrite  par 
l'LsIâm  pour  le  mariage,  les  coutumes  variées  auxquelles  donne  lieu  l'union  légale 
de  l'homme  et  de  la  femme  chez  les  musulmans  maghribins  sont,  comme  on  le 
4saitj  chez  la  plupart  de  ces  populations  tenues  pour  de  véritables  obligations  reli- 
gieuses. Les  pratiques  du  mariage  à  Tlemcen  sont  très  entachées  de  rites  magiques, 
^ont  on  se  bornera  ici  à  exposer  brièvement  les  principaux^. 


^  M.  E.  DoüTTft  (in  Merrakech  fasc.  I,  p.  331  n.  2)  a  donnô  la  liste  des  principales  publications 
fournissant  des  détails  sur  les  oérômonies  du  mariage  dans  l'Afrique  du  Nord  ;  depuis,  il  a  paru 
une  description  assez  complote  du  mariage  à  Sfax  de  M.  K.  Nabbbsbubrr  Aus  dem  Leben  der 
^rabtsehen  Bevolkerunç  in  Sfax^  Leipzig»  1907,  p.  4  à  20  ;  pour  Tlemcen,  voir  surtout  Zbnagui^ 
loc,  cit.  p.  33  et  s»  (Joum.  asicU.  p.  73  et  s.)  ;  Q,  Dbmombtnbs,  Zoc.  cit,  pass«  et  Abou  Bbrr,  loc.  cit,^ 
p.  97  et  suiv. 


p.  216.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Lorsque  les  parents  ont  convenu  de  marier  deux  enfants  (un  cousin  avec  sa 
cousine  généralement),  il  faut  d^abord  passer  le  contrat'.  La  cérémonie  a  d'ordinaire 
lieu  à  la  mosquée,  en  présence  de  parents  et  amis  (hommes  seulement)  :  c'est  la 
fâtha.  Deux  ou  trois  jours  après,  parfois  le  même  jour,  a  lieu  la  cérémonie  dite 
ehhonna-Ç'Çrîra.  Le  père  du  fiancé  doit  préparer  à  cette  occasion  pour  les  parents 
do  la  jeune  fille  un  ou  deux  tifoûrs  chargés  de  henné,  d'arachides,  de  fruits,  d'un 
pain  de  sucre  (marocain),  d'une  pièce  de  soie  (foûta)  et  faire  jeter  des  arachides 
aux  enfants  dans  la  cour  de  la  maison.  Il  invite  en  outre  les  amis  à  manger  et  leur 
fait  servir  du  kouskous  au  beurre  et  au  sucre  (seffa)  et  d'autres  plats  selon  ses 
moyens. 

Les  négresses,  servantes  de  la  maison,  emportent  les  ttfoûrs  et  autres  cadeaux 
à  la  maison  de  la  fiancée,  ainsi  qu'un  pot  de  lait  (couvert  d'un  foulard  de  soie)  des- 
tiné à  être  bu  exclusivement  par  la  tiaucée,  le  train  de  derrière  d'un  mouton  ou 
un  mouton  entier,  et  deux  cierges  en  cire  verte^.  Les  parents  de  la  fiancée 
doivent  donner  à  manger  aux  négresses  du  miel  et  du  pain  blanc  ;  c'est  d'un  bon 
effet  pour  le  bonheur  du  futur  ménage. 

Ce  jour-là  et  la  nuit  suivante  sont  fêtés  à  la  maison  de  la  fiancée.  On  invite 
amies  et  parentes  ;  on  mange,  on  fait  de  la  musique,  on  danse,  et  chacune  des  per- 
sonnes présentes  donne  quelques  pièces  de  monnaie  à  la  fiancée.  Pendant  la  nuit, 
une  femme,  dont  c'est  le  métier  (on  la  nomme  à  Tlemcen  Bents  Kolîla)  badigeonne 
au  henué  (ofiert  par  le  père  du  fiancé)  les  mains  et  les  avant-bras  de  la  fiancée.  Ce 
qui  reste  du  henné  reçu  en  cadeau  ce  jour-là,  ainsi  que  les  fruits  et  le  sucre,  est  j 

partagé  entre  toutes  les  invitées^.  i 

Quelques  mois  après,  a  lieu  une  fête  analogue,  on  l'appelle  élrhannarUkbîra  ; 
mais  l'une  de  ces  deux  fêtes  suffit  et  l'autre  peut  être  remplacée  par  une  somme 
d'argent  donnée  par  le  père  du  garçon  au  père  de  la  fille. 

A  partir  du  moment  où  les  jeimes  gens  sont  fiancés  par  les  parents  (la  fâtha  a 
lieu  d'ordinaire  environ  un  an  avant  le  mariage),  le  fiancé  doit  envoyer  des  cadeaux 
à  sa  future  femme  (surtout  à  l'époque  d'En-Naïr  et  des  deux  *Aïds). 

Le  versement,  partiel  ou  total,  de  la  dot  par  le  père  du  fiancé  se  fait  en 
argent  ou  en  bijoux  et  généralement  à  la  mosquée,  de  huit  jours  à  un  mois  avant 
le  mariage  ;  il  a  lieu  en  présence  de  parents  et  d'amis. 

L'avant-veille  du  mariage  (yoûm  eiriechlil)^  la  fiancée  va  au  bain  maure  avec 
ses  amies,  aux  frais  du  père  du  fiancé. 

La  veille  a  lieu  un  grand  repas  et  une  soirée  musicale  chez  le  fiancé  ;  c'est  ce 
qu'on  nomme  loûchi. 

Le  matin  du  mariage,  qui  peut  se  faire  n'importe  quel  jour,  sauf  le  jeudi  et  le  i 

vendredi,  le  fiancé  va  se  faire  raser  chez  le  coiffeur,  avec  ses  amis,  et  paie  pour 
tous  ;  il  les  ramène  déjeuner  avec  lui  à  la  maison.  L'après-midi,  ils  vont  tous  ensem- 


^  Souvent  les  parents  décident  de  marier  Tun  à  l'autre  deux  enfants  encore  au  berceau.  Le 
jour  où  Ton  prend  cette  décision,  le  pore  du  garçon  envoie  environ  1  kilog.  de  feuilles  de  henné 
dans  un  foulard  de  soie  au  pore  de  la  fillette.  C'est  ce  qu'on  appelle  honnet-ettsbéts^  le  henné 
de  la  promesse  («a»ljjï^£jL^). 

*  Le  plus  grand  de  ces  deux  cierges  est  conservé  pour  élre  allumé  dans  la  chambre  naptiale,  la 
nuit  du  mariage  ;  l'autre  est  brûlô  la  nuit  même  dans  la  chambre  de  la  fiancée. 

'  La  fiancée  doit  se  cacher  à  son  père  et  à  ses  parents  mâles  à  partir  du  Joor  de  la  Î&xIja. 
Jusqu'au  3"^  jour  après  la  fête  de  tionnaççr'ira.  Il  en  est  de  môme  du  fiancé,  vis-à-Tis  de  son  pére^ 
de  sa  mère,  de  ses  frères  plus  âgés,  etc.  ;  il  va  généralement,  pendant  cette  période  d'interdic* 
tion,  habiter  chez  des  amis. 


1908.]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE   TLEMCEN.  [P.  217» 

ble  au  bain  maure,  où  le  fiaocô  devra  mettre  ses  habits  de  noce^  et  n'en  ressortent 
qu^à  la  tombée  de  la  nuit. 

Ce  même  jour  les  parentes  et  amies  des  familles  des  fiancés  font  des  visites 
aux  mères  de  ceux-ci  et  leur  donnent  quelques  pièces  de  monnaie.  On  mange  des 
raisins  secs,  de  la  viande  et  du  miel  ;  et  Bents  Kolila  fait  la  toilette  au  henné  de  la 
mariée  en  lui  traçant  des  dessins  géométriques  de  henné  aux  deux  pieds  (jusqu'à 
mi-mollet)  et  aux  deux  mains  (jusqu'au  coude). 

Dans  l'après-midi,  les  parents  de  la  fiancée  envoient  à  la  maison  du  futur  mari 
de  leur  fille,  pour  être  mis  dans  la  chambre  nuptiale,  les  matelas  et  paillasses,  des 
couvertures,  le  cierge  (de  honna  ç-çr'îra),  un  coffre  en  bois  ou  une  armoire. 

Puis,  avant  le  coucher  du  soleil,  la  mariée  se  rend  à  pied  chez  son  mari  avec 
quelques  parentes  et  amies  qui  lui  font  cortège  et  poussent  des  youyous.  A  partir 
du  moment  où  la  jeune  tille  quitte  la  maison  de  ses  parents,  elle  ne  doit  plus  par- 
ler ni  se  retourner,  jusqu'à  ce  que  son  mari  soit  seul  avec  elle. 

Arrivée  chez  ses  beaux-parents,  la  fiancée  est  remise  à  Bents  Kolîla  qui  lui 
maquille  la  figure  (pomettes  en  rouge,  une  raie  de  7  points  blancs  et  rouges  sur  le 
front,  un  trait  rouge  ou  blanc  de  haut  en  bas  au  milieu  du  menton).  Ainsi  parée, 
les  cheveux  épars  dans  le  dos,  la  tète  seulement  couverte  d'une  châchiya,  couverte 
de  ses  plus  riches  bijoux  (parmi  lesquels  est  une  petite  main  (khamsa)  en  or),  la 
mariée  est  exposée,  les  yeux  fermés,  dans  la  cour  de  la  maison  nuptiale  ;  les 
parentes  et  amies  viennent  l'admirer  et  lui  disent  :  (.^^U4t4\  y  ^«U  j^uJ^  «  que  (Dieu) 
et  les  Jchamsa  (mains)  te  protègent  1  » 

La  mariée  est  ensuite  introduite  dans  la  chambre  nuptiale,  assise  sur  une 
chaise,  le  visage  couvert  d'un  foulard  en  soie,  une  négresse  (Djellâsa)  assise  à 
ses  côtés  ;  elle  doit  demeurer  là  sans  parler  et  les  yeux  fermés. 

A  la  tombée  de  la  nuit,  le  marié,  accompagné  de  ses  amis,  sort  du  bain,  on  le 
fait  monter  par  la  droite  (hors  montoir)  sur  un  cheval  tourné  du  côté  du  sud  (qibla). 
Trois  des  amis  du  marié  tiennent,  pendant  la  .marche,  le  cheval  par  la  tête  et  par 
chacun  des  étriers.  Et  le  cortège  s'avance,  précédé  d'un  orchestre  à  corde  (âliyîn) 
et  suivi  d'un  autre  orchestre  {tfibbâlîn)^  éclairé  par  la  lueur  des  bougies  des  tsriyîa^ 
et  de  feux  de  Bengale.  Dans  cette  promenade  du  marié  à  travers  la  ville,  on  fait 
de  courtes  haltes  devant  les  sanctuaires  des  marabouts  qui  se  trouvent  sur  le  pas- 
sage, et  le  marié  leur  demande  mentalement  leur  protection.  Pendant  tout  le  trajet, 
il  ne  doit  ni  parler,  ni  se  retourner*. 


^  Les  vêtements  de  mariage  d'un  Tlemcenien  doivent  être  entièrement  neufs;  ils  ne  se  composent 
que  des  plôces  suivantes  :  une  châchiya  ou  calotte  rouge,  une  chemise  {qemedfa\  deux  gilets 
(mqàfel),  un  paletot  (r*olila\  une  culotte  blanche,  des  pantoufles  sans  talon  et  Jaunes  (blàr'i)^ 
un  bernons  blanc,  à  glands  bleus  ou  blancs  en  soie.  Il  ne  doit  avoir  ni  ceinture,  ni  turban,  ni 
corde  en  poil  de  chameau.  La  coulisse  qui  serre  sa  culotte  à  la  ceinture  esX  en  coton  de  couleur  et 
ses  extrémités  doivent  pendre  hors  de  la  culotte.  Le  marié  ne  doit  pas  non  plus  boutonner  ses 
gilets  et  son  paletot. 

*  La  Uriyia  est  un  candélabre,  qui  est  ici  en  bois  peint,  formé  de  plusieurs  planchettes  parallèles 
réunies  par  une  tige  de  bois  qui  les  traverse  en  leur  milieu.  Les  tariyia  du  mariage  aont  louées 
par  le  mari  et  doivent  être  déposées  dans  la  chambre  nuptiale  pendant  7  jours  à  partir  du 
mariage.  Les  bougies  qui  garnissent  les  tsriyla  sont  aussi  achetées  par  le  marié  et  ce  qui  reste 
après  avoir  garni  les  tsriyla  est  distribué  aux  enfants  de  la  famille,  sauf  7  qui  sont  données  à 
7  marabouts  et  %  au  bain  maure. 

'  Cette  interdiction  au  marié  et  à  la  mariée  de  parler  et  de  se  retourner  est  due  à  ce  qu'on  craint 
pour  ces  Jeunes  gens  de  graves  maléfices.  C'est  surtout  à  ce  moment  que  les  mariés  sont  suscep- 
tibles d'être  ensorcelés  par  des  rites  de  magie  sympathique.  A  ce  propos  on  lira  des  détails  très 
curieux  dans  l'article  de  M.  Abou  Bbrb,  Er-R^bat  ou  moyen  de  nouer  VaiffuiUeUe  (dans  BuU. 
de  la  Sœ.  de  Qéog.  d^Oran^  avril-Juin  1906  p.  169  et  suiv.) 


p.  2 18.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Le  marié  descend  de  cheval  devant  la  maison  de  son  père,  entre  en  courant, 
donne  dans  la  cour  un  violent  coup  de  pied  à  un  seau  en  bois  dans  lequel  les 
femmes  ont  mis  un  œuP  et  pénètre  dans  la  chambre  nuptiale,  où  la  djellâsa  le 
laisse  seul  avec  sa  femme. 

A  partir  de  ce  moment  la  musique  fait  grand  bruit  dans  la  maison,  et  la 
djellâsa  attend,  à  la  porte  de  la  chambre,  le  pantalon  de  la  mariée. 

Le  marié,  après  une  prière  de  deux  reJccia^  s'approche  de  sa  femme,  toujours 
immobile,  lui  découvre  le  visage,  lui  essuie  la  figure,  lui  marche  sur  le  pied^  et 
la  soulève  de  sa  chaise  ;  il  lui  enlève  ses  vêtements,  sans  toucher  au  pantalon  qui 
n'est  retiré  et  remis  par  le  mari  à  la  négresse,  que  lorsqu'il  est  taché  de  sang. 

Lorsque  le  pantalon  ensanglanté  est  remis  à  la  djellâsa,  la  musique  cesse,  les 
femmes  poussent  des  youyous  et  les  jeunes  parentes  de  la  mariée  entrent  auprès 
d'elle  la  féliciter.  Pendant  ce  temps,  la  négresse  présente  le  pantalon  au  père  et 
à  la  mère  du  marié  et  aux  invités  présents  ;  chacun  lui  donne  quelque  argent  ; 
puis  elle  va  rapidement  le  remettre  aux  parents  de  la  mariée,  qui  l'attendent  avec 
impatience,  et  la  récompensent. 

Cette  première  nuit  se  nomme  lUet-edäkhoul  «  la  nuit  de  Tentrée^  ■• 

La  journée  du  lendemain,  appelée  çobàh  «  matinée  »  est  remplie  par  la  visite 
des  parents  et  amis  à  la  maison  nuptiale.  Chaque  visiteur  dépose  dans  un  plateau 
de  cuivre,  placé  devant  l'orchestre  des  musiciens  {âUyîn)^  son  cadeau  au  marié 
(de  5  à  50  francs)^  et  tout  le  monde  est  invité  à  faire  un  repas  dont  le  menu  inva- 
riable est  préparé  par  les  parents  de  la  mariée. 

Le  lendemain  de  ce  jour  (appelé  tseqiyîl  «  soirée  »)  a  lieu  la  visite  des  femmes, 
parentes  et  amies,  qui  passent  l'après-midi  à  la  maison  nuptiale.  On  y  mange  (aux 
frais  des  parents  du  marié),  on  fait  de  la  musique  et  Ton  danse.  Ce  jour-là,  le 
marié  emmène  ses  amis  passer  la  journée  à  la  campagne  (aux  cascades  d'El-Ourit) 
ou  au  calé  maure. 

Pendant  les  sept  jours  qui  suivent  le  mariage,  les  garçons  d'honneur  et  amis 
intimes  du  marié  passent  toutes  leurs  journées  avec  le  marié  et  prennent  tous 
leurs  repas  chez  lui. 

C'est  le  7*  jour  (sâbd)  que  le  marié  et  sa  femme  doivent  abandonner  leurs 
vêtements  de  mariage  ;  ils  peuvent  s'habiller  comme  tout  le  monde  et  doivent 
mettre  une  ceinture. 

Le  jour  de  sâba'  les  amis  de  la  famille  sont  encore  invités  à  midi  et  l'on  donne 
un  grand  repas  de  tous  points  semblable  à  celui  du  jour  de  çobah  avec  seulement, 
en  supplément,  des  gâteaux  appelés  meqroût. 


^  Dès  que  le  marié  a  donné  le  coup  de  pied,  les  femmes  se  précipitent  pour  voir  si  l'œuf  a  été 
cassé,  car  ce  serait  un  mauvais  présage  s'il  ne  Tétait  pas.  Lorsque  le  marié  entre  dans  la  chambre 
nuptiale,  il  y  trouve  une  de  ses  parentes  qui,  avec  un  mouchoir  lui  essuie  la  figure.  Le  marié 
doit  faire  ses  efi'orts  pour  prendre  ce  mouchoir,  que  la  femme  défend  de  son  mieux.  Si  le  marié 
réassit  à  lui  enlever  le  mouchoir,  c'est  un  heureux  présage  ;  sinon,  il  doit  lui  offrir  de  l'argenr, 
pour  faire  des  mchâhed  (petits  gâteaux  au  beurre  et  au  miel),  et  la  femme  lui  remet  le  mouchoir 
en  échange. 

^  Il  sera  sûr,  par  ce  moyen,  d'être  le  maître  dans  son  ménage. 

3  Les  ordures  balayées  dans  la  chambre  nuptiale  pendant  les  7  jours  qui  suivent  la  lilet 
ed-dkhoûl  doivent  être  laissées  dans  un  coin  de  la  chambre.  C'est  le  7*  Jour  seulement  que  l'on 
peut  les  enlever  et  laver  la  chambre. 

^  Le  nom  de  chaque  donateur  et  la  somme  donnée  sont  soigneusement  notés.  Cette  somme 
doit  être  rendue  par  le  marié  au  donateur  dans  les  mômes  circonstances,  si  elle  ne  constitue  pas 
déjà  une  restitution. 


1908»]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE   TLEMCEN.  [P.  219. 

L'après-midi,  le  marié  se  rend  solennellement  au  café  maure  ;  il  est  suivi  de 
tous  les  amis  de  la  famille  et  un  orchestre  d'aliyîn  ferme  le  cortège.  On  prend  le 
thé  aux  frais  du  marié. 

La  mariée  a  reçu  en  cadeau  de  son  mari,  la  veille  ou  Tavant-veille,  une  paire 
de  ciseaux,  un  peigne,  un  ruban  de  soie  pour  les  cheveux,  un  flacon  de  parfums. 
Tous  ces  objets  sont  neufs  et  la  mariée  les  emploie  ce  jour-là  à  se  coiffer  (elle  se  sert 
des  ciseaux  pour  se  tailler  les  cheveux  sur  le  devant  du  front).  Bents  Kolîla  lui 
maquille  les  joues  avec  du  vermillon. 

Le  15^  jour  est  un  grand  et  dernier  jour  de  fête.  La  mariée,  pour  la  première 
fois  depuis  le  mariage,  va  au  bain  maure  et  y  convie  ses  parentes  et  amies  de  tout 
âge.  Le  marié  paie  les  frais  de  ce  bain  maure,  pour  tout  le  monde,  et  fait  offrir  à 
toutes  les  invitées  des  gâteaux  et  du  café.  Après  le  bain,  on  revient  à  la  maison  où 
Ton  fait  un  grand  festin  et  Bents  Kolîla  vient  encore  ce  soir-là  maquiller  la  mariée, 
exactement  comme  le  soir  du  mariage. 

On  a  vu  que  les  jeunes  mariés,  à  certains  moments,  pendant  la  période  du 
mariage  doivent  s^interdire  certains  gestes,  certains  objets,  certaines  attitudes.  Us 
doivent  aussi  s'abstenir  de  voir  leurs  parents  et  d'être  vus  par  eux  pendant  un 
temps.  Le  marié,  à  partir  de  la  veille  du  mariage  jusqu'au  7®  jour  après,  doit  éviter 
de  se  montrer  à  ses  parents  et  à  ceux  de  sa  femme  plus  âgés  que  lui  (père,  mère, 
tante,  oncle,  sœurs  et  frères  aînés,  beau- père,  belle-mère,  etc.).  La  mariée,  de 
quatre  jours  avant  le  mariage  à  la  première  fête  de  T'aïd  qui  le  suit,  ne  doit  se 
montrer  à  aucun  de  ses  parents  mâles  plus  âgés  qu'elle.  Elle  peut  toutefois,  à 
partir  d'un  mois  après  le  mariage,  voir  son  beau-père.  A  la  première  entrevue  que 
le  marié  ou  la  mariée  ont  avec  leurs  parents,  après  cette  période  d'interdiction, 
ils  doivent  leur  embrasser  le  front  et  la  main  droite,  en  signe  de  soumission. 

Pendant  plusieurs  années,  les  deux  mariés  ne  peuvent  rester  ensemble  en  pré- 
sence de  l'un  ou  l'autre  de  leurs  parents  plus  âgés  qu'eux.  Si  un  parent  plus  âgé 
entre  en  leur  présence,  l'un  des  deux  doit  immédiatement  se  cacher  ou  disparaître. 

4®  Décès  et  culte  des  morts.  —  A  côté  du  rituel  musulman,  prescrit  pour  les 
funérailles  —  dont  on  n'a  guère  conservé  que  le  lavage  du  cadavre  et  la  prière  des 
funérailles  —  on  retrouve  à  Tlemcen,  comme  dans  tant  d'autres  pays  musulmans 
et  non  musulmans,  des  rites  anciens  ayant  surtout  pour  objet  de  protéger  les 
vivants  contre  les  atteintes  de  l'âme  du  mort  ;  celle-ci,  en  effet  pourrait,  mécon- 
tente de  la  façon  dont  le  corps  a  été  traité  après  la  mort,  venir  tourmenter  les 
vivants. 

Chez  les  Tlemceniens,  dès  qu'une  personne  (homme  ou  femme)  meurt,  les 
femmes  de  la  maison  du  mort  poussent  des  cris  de  douleur  et  s'écorchent  le 
visage^  On  fait  alors  venir  une  femme  (c'est  d'ordinaire  une  prostituée  ou  une 
femme  de  mauvaises  mœurs),  nommée  ehermâta,  qui  procède  à  la  toilette  des 
parentes  du  défunt,  les  revêt  de  vêtements  noirs  et  les  enveloppe  dans  de  vieux 
tapis  retenus  par  de  morceaux  de  corde  et  des  chevilles  en  bois.  Puis  les  femmes 
ainsi  accoutrées  forment  le  cercle  dans  la  cour  de  la  maison.  La  chermafa  se  tient 
au  milieu  d'elles  et  pousse  des  cris  et  des  lamentations  auxquelles  répondent  les 
femmes  de  la  maison.  Toutes  ont  le  visage  découvert*. 

^  On  sait  que  cette  coutume  est  formellement  réprouvée  par  llslârn. 

^  Lorsque  le  mort  est  un  enfant  de  moins  de  trois  ans  ou  un  vieillard,  la  chermafa  est  génôra- 
lement  supprimée,  et  les  cérémonies  funèbres  sont  un  peu  simplifiées.  La  chermafa  est  payée  de 
cinq  à"  dix  francs,  par  une  des  plus  proches  parentes  du  défunt.  Les  dépenses  des  funérailles 
sont  généralement  supportées  par  les  parents  du  côté  paternel.  (Cf.  Abou  Bbkr,  usages  de  drcU 
coût.,  p.  111). 


p.  220.]  •    R    •    E    •    E     •    S    •  [190S- 

Les  voisines  viennent  aussi  se  ranger  dans  la  cour,  contre  les  murs,  et  pleurent 
silencieusement  en  se  tenant  la  face  couverte  par  le  haïk. 

Lorsque  le  mort  est  un  homme,  ce  sont  des  hommes  qui  pratiquent  le  lavage 
rituel  du  cadavre,  tandis  que  des  toi  bas  chantent  la  Borda^  et  récitent  du  Coran. 
On  brûle  du  benjoin  autour  du  cadavre  et  dans  la  chambre  mortuaire^.  Le  corf:» 
est  ensuite  enveloppé  dans  un  linceul  blanc  après  qu'on  Ta  revêtu  d'une  chemise 
et  d'une  culotte  blanche  et  qu'on  lui  a  aspergé  la  barbe  et  les  cheveux  d'eau  de 
lavande  ('ater). 

Pour  une  femme,  c'est  une  laveuse  de  morts,  qui,  moyennant  deux  ou  trois 
francs,  doit  pratiquer  le  lavage  du  cadavre,  faire  la  toilette  de  la  morte^,  lui  asperger 
les  cheveux  d'eau  de  lavande.  On  ne  récite  pas  le  Coran  et  l'on  ne  chante  pas  la 
Borda  pendant  cette  opération.  Le  cadavre  de  la  femme  est  ensuite  placé  dans  un 
cercueil  de  bois,  peint  extérieurement  en  jaune  (au  safran)  ;  la  tête  repose,  dans 
le  cercueil,  sur  un  oreiller  bourré  de  henné  et  contenant  au  moins  deux  amulettes^. 

Le  corps  de  l'homme  dans  le  linceul,  étendu  sur  une  natte  de  palmier  nain, 
ou  le  cercueil  de  la  femme,  sont  exposés  dans  la  chambre  mortuaire.  Les  femmes 
se  réunissent  autour  pour  crier  et  se  lamenter. 

L'enterrement  a  lieu,  le  plus  souvent,  moins  de  24  heures  après  le  décès. 
A  l'heure  convenue  (généralement  au  milieu  du  jour  ou  au  commencement  de 
l'après  midi)  les  amis  de  la  famille  (hommes  seulement)  se  réunissent  devant  la 
maison  mortuaire,  ainsi  que  les  toi  bas.  Les  parents  du  défunt  font  sortir  le  corps 
sur  une  civière  {tCach)^  tandis  que  les  femmes,  qui  poussent  des  cris  de  douleur, 
cherchent  à  s'opposer  à  la  sortie  du  cadavre.  La  civière  mortuaire  est  emportée 
au  cimetière  sur  les  épaules  des  personnes  du  cortège  qui  se  disputent  la  faveur 
de  porter  le  mort  un  instant.  Le  cortège  s'avance  d'un  pas  rapide,  tandis  que  les 
tolbas  chantent  la  Borda  ;  après  chaque  couple  de  vers,  l'assistance  chante,  sur  le 
même  ton,  la  chahâda  (profession  de  foi  du  musulman)^ .  Au  cimetière  a  lieu  la 
prière  des  fuûérailles,  conformément  au  rituel  orthodoxe.  Cependant  si  l'enterre- 
ment a  lieu  un  vendredi,  la  prière  des  funérailles  a  lieu  à  la  grande  mosquée  et 
non  au  cimetière.  Le  corps  est  ensuite  descendu  dans  le  tombeau.  Les  poignées  de 
terre  jetées  dans  la  tombe  par  les  assistants,  le  repas  funéraire  au  retour  de  l'enter- 
rement ont  lieu  à  Tlemccn  et  sont  conformes  au  rituel  orthodoxe  des  funérailles. 

Le  soir  de  l'enterrement,  au  coucher  du  soleil,  des  tolbas  viennent  réciter  du 
Coran  dans  la  chambre  mortuaire  ;  ils  recommencent  le  lendemain  et  le  surlende- 
main et  prennent,  quand  ils  out  fini,  un  repas  (kouskous  à  la  viande)  avant  de 
partir.  Ils  vont  également  le  lendemain  matin  et  les  deux  jours  suivants,  bien  avant 


^  Ce  poôme  à  la  louange  du  Prophète,  par  le  Cheïkh  El-Bouçiri,  est  ici  le  véritable  chant  funèbre. 

^Jamais  on  ne  suit  le  coriôge  en  biûlant  des  parfums  comme  cela  avait  lieu  dans  l'Arabie 
antéislamique,  et  même  encore  après  l'Islam. 

3  Dans  le  cercueil,  la  femme  est  revêtue  de  ses  habits  les  plus  riches  ;  mais  elle  ne  porte  aucun 
bijou  et  n*a  pas  de  cbâchiya  sur  la  tête  ;  ses  cheveux  sont  ôpars  ;  elle  est  roulée  dans  un  suaire 
blanc.  La  loi  musulmane  blâme  cependant  foi  mollement  la  coutume  d'enterrer  les  morts  avec  de 
belles  étoffes. 

^  Ces  amulettes  (sou  '  aldt)  se  paient  très  cher,  de  dix  à  quinze  francs  au  moins.  Quelquefois 
des  amulettes  du  même  genre  sont  déposées  dans  la  tombe,  à  côté  du  corps  de  l'homme.  Cette 
coutume  a  pour  but,  disent  les  Tlemceniens,  d'aider  au  défunt  à  supporter  les  souffrances 
d'outre-tombe. 

^  Voir  des  détails  sur  ce  point  et  la  notation  musicale  de  cet  air  ap.  E.  Douttâ,  Merrakech^ 
fasc.  I,  pp.  360  à  363, 


1908«]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE    TLEMCEN.  [P#  221» 

le  lever  du  soleil,  réciter  également  quelques  chapitres  du  Coran,  au  cimetière  sur 
la  tombe  du  défunt  (fig.  11). 

Le  lendemain  de  Tenterrement,  avant  le  lever  du  soleil,  ainsi  que  les  deux 
jours  suivants,  les  femmes  de  la  maison,  les  proches  parentes  du  défunt  et  les 
amies  intimes,  vont  au  cimetière  où  elles  restent,  une  bonne  partie  de  la  matinée, 
à  pleurer  sur  la  tombe. 

Pendant  les  sept  jours  qui  suivent  Tenterrement,  les  parents  et  amis  viennent 
à  la  maison  mortuaire  et  apportent,  en  guise  d'offrande,  du  café,  du  sucre,  de  la 
nourriture. 

La  troisième  nuit  après  l'enterrement  se  nomme  lilet-elrr'erîba  ;  toutes  les 
proches  parentes  viennent  la  passer  dans  la  chambre  mortuaire  et  pleurent.  La 
croyance  très  répandue  ici,  est  que  Tâme  du  défunt  demeure  pendant  ces  trois 
jours  dans  la  chambre  mortuaire,  au  dessus  de  la  porte.  Dans  beaucoup  de  familles, 
on  porte  le  matin  qui  suit  la  lilet  el-r'erîba  du  kouskous  à  la  viande  aux  tolbas, 
qui  sont  sur  la  tombe  ;  ceux-ci  répandent  sur  le  tombeau  les  reliefs  de  ce  repas 
qui  leur  est  offert. 

On  croit  aussi  que  pendant  quarante  jours  Tâme  du  mort  revient  visiter  la 
maison  un  moment  avant  le  lever  du  soleil  et  visite  aussi  le  tombeau.  Mais  après 
le  quarantième  jour,  Tâme  ne  revient  plus  guère  au  tombeau  que  de  temps  à  autre, 
surtout  les  jours  des  nefqas  et  des  grandes  fêtes,  les  jeudis,  les  lundis  ou  les  ven- 
dredis. C'est  pourquoi  ces  jours-là  les  femmes  vont  visiter  la  tombe. 

C'est  le  quarantième  jour  après  l'enterrement  que  l'on  place  sur  la  tombe  les 
deux  pierres  funéraires  (l'une  à  la  tête  et  l'autre  aux  pieds)  (fig.  12).  Les  to' bas, 
les  parents  et  les  amis  sont  conviés  à  cette  occasion  à  un  repas,  qui  a  lieu  sur  la 
tombe,  et  dont  les  reliefs  sont  abandonnés  aux  pauvres. 

£n  dehors  de  ces  cérémonies,  le  culte  des  morts  se  manifeste  chez  les  femmes 
par  de  fréquentes  visites  qu'elles  font  sur  la  tombe.  Beaucoup  d'entre  elles  répandent 
même  de  temps  à  autre  de  l'eau  et  des  miettes  de  pain  ou  de  nourriture  sur  le 
tombeau,  en  pensant  que  si  les  oiseaux  ou  les  fourmis  mangent  cette  nourriture,  le 
mort  en  ressentira  un  adoucissement.  On  plante  quelquefois  des  fleurs  sur  les 
tombes,  et  on  ménage  une  petite  écuelle  dans  laquelle  peuvent  venir  boire  les 
oiseaux. 

Les  jours  de  nefqa,  on  fait  souvent  un  plat  de  kouskous  à  la  viande,  spéciale- 
ment destiné  au  défunt  récent,  et  on  le  donne  au  premier  mendiant  qui  vient  à  la 
porte^.  Les  femmes  marquent  aussi  leur  douleur  en  conservant  pendant  plusieurs 
jours  le  déguisement  que  leur  a  fait  la  chermâta  et  en  ne  faisant  aucune  toilette 
de  corps. 

La  veuve  qui  s'est  remariée  ne  doit  plus  prononcer  le  nom  de  son  ancien  mari 
devant  le  nouveau  ou  devant  les  parents  de  son  second  mari;  elle  doit  aussi  s'abstenir 
de  retourner  sur  la  tombe  de  son  premier  mari. 

5^  Quelq[ues  mots  sur  les  croyances  tlemceniennes  relatives  aux  Djinns. 
—  Les  croyances  des  musulmans  tlemceniens  se  rapportant  aux  esprits  et  aux  saints, 
ainsi  que  les  manifestations  populaires  par  lesquelles  elles  se  traduisent,  ressem- 
blent au  fond  à  celles  que  l'on  rencontre  chez  tous  les  indigènes  nord-africains  ; 
c'est  à  peine  si  parfois  elles  en  diffèrent  par  quelques  minces  détails  de  forme. 


^  De  leur  côtô,  les  mendiants  demandent  toujours  l'aumône  au  nom  des  parents  disparas  du 
inaitre  de  la  maison,  ou  au  nom  des  marabouts  les  plus  réputés  de  la  région,  ou  encore  au  nom 
d'Allah. 


p.  222.]  •    R    •    £    •    R    •    S    •  [1908. 

Le  culte  des  morts  et  les  croyances  relatives  à  Tame  dans  sa  survie  ne  se 
séparent  pas  facilement  du  culte  des  esprits  dont  Timagination  du  primitif  a  peuplé 
le  monde.  Entre  le  djinn,  Tesprit  d'un  mort  ou  d'un  marabout  défunt,  Tâme  de  la 
victime  d'un  meurtre  (dont  Tombre  réapparaît  parfois  à  Tendroit  du  meurtre),  il 
n'y  a  pas  de  distinction  bien  marquée  pour  le  Tlemcenien.  Tout  cela  constitue  pour 
lui  le  monde  invisible  des  esprits.  Ces  esprits  ne  sont  pas  essentiellement  méchants; 
ils  sont  comme  Thomme,  plus  ou  moins  irascibles  ;  c'est  pourquoi  Ton  se  garde  de 
leur  donner  la  moindre  cause  de  colère,  en  évitant  de  les  blesser  au  physique  et  au 
moral. 

Bien  qu'invisibles,  les  djinns  ont  cependant,  pour  le  Tlemcenien,  une  place 
dans  l'espace.  Aussi  craint-on  de  les  blesser,  quand  on  jette  de  Teau  chaude  ou  un 
corps  dur  par  exemple,  ou  bien  en  marchant  dans  les  endroits  affectionnés  par  eux, 
comme  les  flaques  de  sang,  les  tas  d'ordures,  les  ruisseaux  (surtout  pendant  la  nuit), 
etc...^ 

C'est  également  pour  ne  pas  attirer  leur  attention  ou  leur  colère  que  le  Tlem- 
cenien —  la  femme  surtout  —  évite  de  prononcer  leur  nom  et  emploie  des  eulogies 
pour  les  désigner. 

Les  djinns  sont  partout,  mais  ils  affectionnent  plus  particulièrement  les  lieux 
sombres  et  humides,  les  grottes  et  les  cavernes,  les  étuves  des  bains  maures^,  les 
sources,  les  fontaines,  bassins  et  puits,  les  endroits  où  l'on  fait  du  feu,  les  ruines, 
les  dépots  de  fumier  ou  d'ordures,  les  latrines,  le  sang  répandu  dont  ils  font  leur 
nourriture  préférée^  ;  ils  aiment  aussi  à  respirer  l'odeur  du  benjoin,  et  les  Tlemce- 
niennes  leur  en  offrent  autant  qu'aux  marabouts  et  à  l'âme  des  morts. 

Les  djinns  sont  de  toutes  les  couleurs  et  ils  ont  une  préférence  marquée  pour 
les  objets  de  la  même  couleur  qu'eux  ;  on  Us  nomme  Lahmar,  Laçfar^  ....  «  le 
rouge  n,  «  le  jaune  »,  ....  et  on  leur  donne  encore  beaucoup  d'autres  noms  dont  on 
n'essaiera  pas  d'apporter  ici  une  nomenclature,  même  sommaire^. 

Comme  les  hommes,  les  djinns  sont  des  deux  sexes,  les  uns  mâles,  les  autres 
femelles  ;  ils  ont  aussi  diverses  religions,  les  uns  sont  musulmans,  d'autres  chrétiens^ 
d'autres  juife,  etc.. 

Ils  peuvent  prendre  toutes  les  formes.  Telle  ou  telle  légende  tiemcenienne 
nous  montre  le  djiun  apparaissant  sous  l'aspect  d'un  chat  noir,  d'un  chien,  d'un 
bouc,  d'une  chèvre,  d'une  gazelle,  d'un  âne,  d'un  taureau,  d'une  vache,  d'un 


^  Quand  on  commet  une  action  qui  pourrait  blesfer  un  djinn,  il  faut  prononcer  l'invocation  à 
Allah  «  bismiUàh  errahmàn  errahim  n  qui  a  l'avantage  de  forcer  le  djinn  k  s'écarter.  C'est  peut- 
ôtre  pour  ne  pas  blesser  les  djinns  qui  sont  assez  souvent  au  seuil  des  maisons  ou  des  chambres, 
que  le  Tlemcenien  évite  soigneusement  de  s'y  asseoir  (sauf  cependant  les  jours  d'enterrement). 

^  On  cite  tel  bain  maure  à  Tlemcen,  dans  Tétuve  duquel,  lorsque  personne  ne  s'y  trouve,  on 
entend  le  bruit  des  seaux  de  bois  qui  s'entrechoquent,  bousculés  par  les  djinns. 

3  C'est  la  pirtie  de  la  victime  qu'on  leur  offre  quand  on  fait  un  sacrifice.  C'est  dans  le  but  de 
se  concilier  les  djinns  qu'on  leur  offre  le  sang  des  victimes,  et  non  pour  les  chasser  comme  l'ont 
cru  certains  auteurs  (voyez  par  ex.  Monchicourt  ^  in  RevxM  tunisienne,  n®  de  Janvier  190S,  p.  16). 

*  Une  enquête  sommaire  nous  a  permis  de  constater  que  certains  noms  des  djinns  des  nègres, 
dont  M.  Andrews  (ioc.  cit.  p.  26  et  suiv.)  a  donné  une  courte  liste,  sont  aussi  connus  des  nègres 
de  Tlemcen.  Un  poème  marocain  que  l'on  chante  à  Tlemcen  dans  certains  cafés  maures  et  qui 
commence  par  les  mots  sd  dât  el  qalà  el-hânij  donne  les  noms  d'une  douzaine  de  4iinns  connus 
à  Tlemcen,  et  réputés  parmi  les  plus  redoutables  (des  *afrit).  Le  poète  dit  les  avoir  chargés  de  la 
garde  de  sa  maîtresse.  —  Sur  le  culte  des  djinns  à  Tanger,  on  pourra  consulter  Salmon,  in 
Archives  marocaines,  t.  II,  p.  262  et  s.  (Paris,  1904). 


1808.]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE    TLEMCEN.  [P.  223* 

serpent^,  d'un  homme  même  ;  tandis  que  les  marabouts  apparaissent  plutôt  sous 
la  forme  d^un  lion. 

Le  Tlemcenien  qui  dort  seul  dans  sa  chambre,  pour  se  protéger  des  djinns 
pendant  la  nuit,  place  d'ordinaire  sous  son  oreiller  un  couteau  ouvert  et  un  morceau 
de  galette,  et  dépose  à  ses  pieds  un  vase  plein  d'eau.  Pour  être  mieux  défendu 
encore,  il  mettra,  à  sa  tête  et  à  ses  pieds,  ainsi  qu'à  sa  droite  et  à  sa  gauche,  des 
morceaux  de  papier  sur  lesquels  un  (aleb  a  tracé  quelques  yersets  du  Coran, 
d'ordinaire  la  sourate  GXII.  Cela  ne  suffit  pas  toujours  pour  être  garanti. 

On  terminera  ces  courtes  remarques  sur  les  djinns  tlemceniens  par  l'exposé 
d'une  cérémonie  courante  à  Tlemcen  pour  connaître  l'avenir  par  leur  intermédiaire. 
Les  détails  de  cette  cérémonie  permettent  de  comprendre  assez  bien  la  conception 
que  le  Tlemcenien  se  fait  des  djinns.  Cette  cérémonie  nommée* oehet-élrfêl  «  la  soirée 
(ou  le  souper)  du  bon  augure  »  se  pratique  du  reste  ailleurs  qu'à  Tlemcen  et  avec 
des  rites  quelquefois  un  peu  différents^. 

'Öchet  el-fêl  consiste  en  un  repas  nocturne  que  l'on  offre  aux  djinns  et  à  la 
suite  duquel  on  interroge  ces  mêmes  djinns  sur  le  sort  réservé  à  telle  ou  telle 
personne  à  laquelle  on  s'intéresse  et  qui  se  trouve  dans  telle  ou  telle  situation. 

Cinq  ou  six  femmes,  parentes  ou  amies  entre  elles,  s'entendent  pour  accomplir 
les  cérémonies  de  'öchet  el-fêl.  Deux  d'entre  elles  sont  chargées  de  faire  les  invita- 
tions aux  djinns,  dans  l'après  midi  ;  elles  se  rendent  d'abord  dans  les  étuves  de 
sept  bains  maures  et  dans  chacune  elles  déposent  un  peu  d'orge  et  trois  ou  quatre 
clous  de  fer  à  cheval,  en  disant  : 

«  Maîtres  de  ce  lieu  (djinns)  I  prenez  ce  grain  pour  donner  à  manger  à  vos 
«  montures,  et  ces  clous  pour  les  ferrer.  Soyez  les  bienvenus,  vous  et  vos  chevaux, 
«  ainsi  que  le  sol  sur  lequel  vous  marchez  I  Vous  êtes  invités  cette  nuit  dans  telle 
«  maison^.  » 

Cette  invitation  est  renouvelée  auprès  de  sept  tas  d'ordures  (ou  dans  sept 
écuries),  de  sept  fontaines,  de  sept  fours,  de  sept  bouches  d'égouts  ;  mais  en  ces 
lieux,  les  femmes  ne  déposent  ni  orge,  ni  clous,  et  suppriment  la  première  phrase 
dite  dans  les  bains  maures. 

Les  invitations  terminées,  il  faut  préparer  le  repas,  qui  consistera  en  un  bon 
plat  de  kouskous  au  sucre  (seffa),  La  farine  doit  être  achetée  dans  un  magasin 


1  C'est  pour  une  grande  part  à  cette  croyance  que  Ton  doit  attribuer  la  répugnance  ou  la 
Tônération  (ce  qui  s'exprime  souvent  de  la  môme  façon)  de  nos  indigènes  pour  certains  animaux 
et  pour  leur  chair.  On  trouvera  une  liste  de  ces  animaux  pour  quelques  tribus  tunisiennes  dans 
la  Revue  tunisienne  (n^  de  janvier  1908,  p.  12  et  suiv.).  Beaucoup  de  Tlemceniens  affirment  qu'on 
a  vu  autrefois  dans  Tôtuve  d*un  bain  maure  (celui  qui  passe  pour  ôtre  le  plus  ancien  des  bains  de 
Tlemcen  et  que  l'on  nomme  hammam  eç-çebbûrHn\  un  énorme  serpent  qui  n'était  autre  qu'un 
djinn,  le  maître  du  lieu.  On  m'a  assuré  encore  qu'un  djinn,  sous  la  forme  d'un  nôgre,  apparaît 
souvent  anx  abords  de  la  mosquée  de  Sidi  Brahim,  en  pleine  ville,  surtout  dans  les  latrines  de 
cette  mosquée.  Les  légendes  qui  courent  ici  sur  des  apparitions  de  djinns  ou  esprits  similaires 
sont  très  nombreuses. 

'  Une  cérémonie  analogue  et  de  même  nom  se  pratique  à  Fez  ;  elle  est  exposée  sommairement 
par  E.  AUBIN,  Le  Maroc  (Taujour^hm,  Paris  1905,  1  vol.  in-8,  p.  314.  —  Cpn.  Cbrteux  et  Car- 
NOY,  r Algérie  traditionnelle,  Paris  1884, 1. 1,  p.  83-84. 

^  Parfois,  an  lieu  de  convoquer  les  djinns  dans  la  maison  de  Tune  des  femmes,  on  les  convoque 
à  tel  ou  tel  marabout.  C'est  généralement  à  Lalla  Setti  que  les  femmes  convient  les  djinns  pour 
la'ochetei-fél. 

Quand  la  convocation  est  faite  pour  une  maison  située  en  ville,  il  faut  que  cette  maison  donne 
sur  une  rue  et  ne  se  trouve  pas  dans  une  impasse. 


p.  224.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

ouvrant  du  côté  du  sud  et  avec  l'argent  obtenu  en  demandant  un  sou  à  plusieurs 
parents  ou  amis  célibataires  ou  sans  enfant. 

Lq  kouskous  est  préparé,  à  la  maison  dans  laquelle  aura  lieu  le  repas,  par 
une  jeune  fille  vierge  et  réputée  pour  ses  bonnes  qualités  ;  celle-ci  doit  rouler  la 
farine  de  la  main  gauche  (tandis  qu^elle  se  roule  d^ordinaire  de  la  main  droite)  et 
ne  pas  j  mettre  de  sel.  Pendant  toute  cette  préparation  elle  ne  doit  pas  dire  un 
seul  mot,  et  bien  se  garder  surtout  de  prononcer  Thabituel  bismiuâh  «  au  nom 
d^Allâh  1  0  en  commençant  son  travail,  parce  qu'elle  chasserait  ainsi  tous  les  djinns. 

Une  fois  le  plat  de  kouskous  préparé,  la  jeune  fille  met  la  couvert  des  djinns, 
toujours  sans  dire  un  mot.  Â  cet  effet,  elle  étend  dans  la  chambre  destinée  à 
recevoir  les  djinns  un  tapis  de  laine  aux  couleurs  variées,  ou,  à  défaut,  des  foulards 
de  soie  de  toutes  les  couleurs^  ;  sur  le  tapis,  autant  que  possible  au-dessous  d^une 
fenêtre,  elle  dépose  le  plat  de  kouskous  recouvert  d'un  foulard  de  soie. 

Au  crépuscule,  à  l'heure  de  la  prière  du  Maghreb,  la  jeune  fille  qui  a  préparé 
le  repas  des  djinns,  ainsi  qu'une  de  ses  amies,  vierge  comme  elle  —  ayant  chacune 
à  la  main  un  foulard  de  soie  (l'une  tient  un  foulard  rouge,  l'autre  un  jaune)  qu'elle 
agite  —  parcourent  le  couloir  qui  donne  accès  dans  la  maison  et  la  cour  intérieure 
en  disant  :  «  Que  la  paix  soit  avec  vous  et  avec  la  terre  sur  laquelle  vous  marchez  ! 
Soyez  les  bienveuus  I  n 

£t  le  repas  des  djinns  est  censé  commencer.  Bien  entendu,  personne  ne  doit 
demeurer  dans  la  chambre  des  djinns,  ni  chercher  à  voir  ce  qui  s'y  passe.  Au 
surplus,  pendant  toute  la  durée  des  préparatifs  et  du  repas,  aucun  homme  ne  doit 
demeurer  dans  la  maison.  S'il  y  a  dans  cette  maison  de  tout  jeunes  garçons  on  peut 
les  y  laisser,  mais  à  condition  toutefois  de  tracer  à  chacun  d'eux,  avec  du  koheul, 
une  raie  verticale  entre  les  deux  yeux,  au  milieu  du  menton  et  sur  le  coup  de  pied 
droit. 

Vers  le  milieu  de  la  nuit,  généralement  après  minuit,  lorsque  la  ville  est 
silencieuse  et  que  tout  le  monde  est  endormi,  les  femmes  qui  ont  offert  le  repas  aux 
djinns  se  préparent  à  aller  les  interroger. 

Cette  seconde  partie  de  la  cérémonie  a  lieu  sur  la  ten'asse  de  la  maison  dans 
laquelle  a  lieu  le  repas,  ou  bien,  si  c'est  au  sanctuaire  de  Lalla  Setti  ou  d'un  autre 
marabout,  à  côté  de  ce  sanctuaire. 

Les  femmes  se  rendent  donc  en  silence  sur  la  terrasse,  munies  d'une  provision 
de  benjoin  et  de  boulettes  de  graisse^.  Elles  brûlent  du  benjoin  et  se  parlent  à  voix 
basse  pour  se  communiquer  les  questions  qu'elles  veulent  poser  aux  djinns. 

La  femme  chargée  par  ses  compagnes  d'interroger  les  djinns,  lance  une 
boulette  de  graisse  avec  force,  droit  devant  elle,  en  disant  : 

«  fêl  yâ  fel'fêl  yâ  miartaq  sêia  qfêl  » 

«  semmdni  halfêl  men  foum  ouletis  el-halêl  » 

«  ô  Fêl  I  ô  toi  qui  est  dans  le  Fêl  I  ô  toi  qui  peux  briser  sept  cadenas  1  Fais-moi 
tt  entendre  un  Fêl  (bon  augure)  par  la  bouche  des  honnêtes  filles  (c'est-à-d.  des 
«  djinns)  !  » 


>  C'est  pour  que  chaque  djinn  vienne  s'asseoir,  pour  le  repas,  sur  la  couleur  qui  correspond  à 
la  sienne« 

^  Ces  boulettes  de  la  grosseur  d'une  noisette  sont  préparées  par  lea  femmes  elles-mêmes,  avec 
des  graines  pilées  de  nielle  (sénoud^)  et  de  la  graisse  des  rognons  d'un  mouton  égorgé  comme 
victime  le  Jour  de  T^aïd  el-keblr. 


1908.]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE   TLEMCEN.  [P.  225* 

Elle  ajoute  aussitôt  ces  mots  : 

«  hûdi'ala  flên  »  ou  «  hâdi 'ala  fléna  » 

«  celle-ci  (cette  boulette)  est  pour  un  tel  ou  pour  une  telle  ». 

£u  môme  temps  quWle  prononce  ces  mots  avec  le  nom  de  la  personne  pour 
laquelle  elle  consulte  le  sort,  elle  doit  dire  mentalement  ce  qu^elle  désire  connaître 
relativement  à  cette  personne  ;  par  exemple  tel  malade  guérira-t-il,  tel  jeune 
bomme  ou  telle  jeune  fille  se  marieront-ils,  tel  prisonnier  sera-t-il  bientôt  mis  en 
liberté,  tel  individu,  absent,  en  voyage  ou  en  pèlerinage  par  exemple,  revien- 
4rit-t-il  bientôt,  etc.... 

Cette  opération  faite,  toutes  les  femmes  présentes  prêtent  Toreille  pour  entendre 
la  réponse  des  djinns. 

Lorsqu'on  interroge  les  djinns  à  propos  de  la  guérison  d'un  malade,  ce  malade 
guérira  certainement  si  Ton  entend  de  joyeux  youyous  ;  il  doit  bientôt  mourir  si 
Ton  entend  des  cris  de  douleur  comme  ceux  que  poussent  les  femmes  à  la  mort  d'un 
parent. 

Quand  on  veut  savoir  si  tel  individu  se  mariera,  les  djinns  invisibles  feront 
«ntendre  immédiatement  le  bruit  des  orchestres  qui  accompagnent  un  marié  le  jour 
<le  sa  noce,  pour  indiquer  que  le  mariage  se  fera. 

S'il  s'agit  d'un  prisonnier,  de  joyeux  youyous  annonceront  sa  prochain 3  déli- 
vrance, ou  bien  le  bruit  sinistre  de  portes  qui  se  ferment  lourdement,  de  chaînes 
•qui  grincent,  indiquera  que  le  malheureux  prisonnier  est  loin  d'être  mis  en  liberté^. 

Pour  un  absent  enfin,  on  entendra  comme  le  bruit  des  pas  de  chevaux  et  le 
roulement  d'une  voiture  et  ce  sera  l'assurance  du  prochain  retour  de  l'absent  ;  ou 
bien,  si  l'on  n'entend  rien,  on  pourra  tirer  mauvais  augure  de  ce  silence  des  djinns. 

II  parait  que  lorsque  les  djinns  ont  répondu,  c'est  qu'ils  sont  contents  du  festin 
qu'on  leur  a  offert,  et  en  redescendant  de  la  terrasse,  les  femmes  qui  se  rendent 
dans  la  chambre  du  repas  des  djinns,  trouveront  le  kouskous  entièrement  absorbé 
«t  le  plat  renversé. 

Lorsque  les  djinns  ne  répondent  pas  aux  questions  qui  leur  sont  posées,  on 
pense  que  Ton  a  dû  négliger  l'un  des  rites  nécessaires  à  la  réussite  de  l'opération,  et 
qu'ils  ne  se  sont  pas  rendus  à  l'invitation.  D'ailleurs  on  retrouve  dans  ce  cas  le  plat 
de  kouskous  intact  dans  la  chambre  où  on  l'avait  placé  ;  il  faut  alors  recommencer 
la  cérémonie  un  autre  jour  en  prenant  plus  de  précautions. 


^  D'ordinaire,  quand  il  s'agit  d  an  prévenu  easoeptible  d'une  condamnation  à  la  prison,  les 
femmes  se  rendent  en  pèlerinage  au  tombeau  (haouîta)  de  Sldi  Hadld,  au  N-B.  de  Tlemcen,  en 
dehors  et  non  loin  du  rempart  actuel.  Ce  pèlerinage  a  lieu  un  vendredi.  Au. moment  où  les 
mueddins  font  le  premier  appel  à  la  prière  du  ^ohour  (vers  midi),  les  visiteuses  dôposent  sur  le 
tombeau  iept  cadenas  fermés  et  s'en  vont  ;  elles  reviennent  quand  la  prière  est  finie  (vers  une 
heure  ou  une  heure  et  demie)  et  ramassent  les  cadenas  ;  si  les  sept  cadenas,  ou  quelques  un« 
d'entre  eux,  se  sont  ouverts  pendant  leur  absence,  c'est  un  indice  certain  que  l'inculpé  auquel 
on  s'intéresse  ne  fera  pas  de  prison,  ou  s'il  y  est  déjà,  qu'il  en  sortira  bientôt. 


p.  226.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 


NOTE   SUR   I.E   CALENDRIER  MALGACHE  ET  LE 

FANDRUANA 

par  Gabbibl  Febbakd  (Stuttgart). 

(Suite). 

m. 

Lb  OALBNDBIBB  BBS  MbBINA  BT  LB  FaKBBVANA^. 

«  Alahamadi,  dit  Ellis,  is  invariably  the  first  month  in  the  Malagas!  year  ; 

this  in  1821  occurred  in  June  (lire  :  July)  ;  in  1829  in  the  month  of  April The 

Malagas!  year  consits  of  354  days,  namely  : 

12  months  of  28  days  each 336 

And  additional  or  intercalary 18 

The  18  intercalary  are  added,  by  allowing  one  day  between  every  month  as  its 
viniana  (destiny),  and  one  day  extra  to  each  of  four  months  in  the  year,  and  twa 
at  the  close  of  the  year,  determined  by  the  mode  of  calculating  which  the  Malagas! 
adopt  in  tixinfj  their  great  annual  fest  or  Fandruana^.  » 

Ignorant  Torigine  du  calendrier  Merina,  Ellis  a  seulement  constaté  que  l'année 
comptait  4  mois  de  30  jours,  7  de  29  jours  et  un  de  31  jours  =  354  jours.  Voici 
l'historique  du  calendrier  en  question.  Les  Merina  ont  eu  Tannée  de  12  mois  du 
type  sanskrito-malgache  à  28  jours  chacun  ==  336  jours.  Lorsqu'ils  ont  été  islamisés 
ainsi  qu'en  témoignent  la  série  des  noms  de  mois  du  type  Alahamadi  et  les  noms 
de  jours  actuellement  en  usage,  ils  ont  adopté  en  même  temps  ou  postérieurement 
à  leur  islamisation.  Tannée  lunaire  musulmane  de  354  jours.  Pour  faire  concorder 
l'ancienne  ère  avec  la  nouvelle,  ils  ont  ajouté:  1®  un  jour  intercalaire  à  chaque 
mois  ;  2**  un  autre  jour  intercalaire  aux  l®"",  4',  7*  et  10*  mois  ;  3**  deux  jours 
épagomènes  au  12®  mois.  Ces  18  jours  supplémentaires  sont  donc  répartis  de  la 
façon  suivante:30  (=28  -f- 1  +  1),  29  (=  28+1),  29  (=  28+1),  30  (=28+1+  1), 

29  (=  28+1),  29  (=  28+1),  30  (=  28  +  1  +  1),  29  (=  28  +  1),  29  (=  28  +  1), 

30  (=  28  +  1  +  1),  29  (=  28  +  1),  31  (=  28  +  1  +  2).  Ainsi  détaillée.  Tannée 
Merina  à  354  jours  est  très  nettement  le  développement  d'une  année  antérieure  de 
336. 

Les  Merina  ont  établi  une  correspondance  entre  les  12  mois  et  les  points 
cardinaux.  D'après  la  figure  ci-dessous  empruntée  à  Touvrage  d'Ellis^,  les  12  mois 
sont  inscrits  sur  la  rose  des  vents  dans  Tordre  :  nord-est,  est,  sud-est,  sud,  sud-ouest, 
ouest,  nord-ouest  et  nord. 

Le  carré  ci-dessus  représente  la  maison  malgache.  «  Le  plan  de  toute  ancienne 
case  chez  les  Merina,  dit  le  Père  de  La  Vaissière,  étant  un  parallélogramme  un  peu 
allongé,  oiienté  du  Nord  au  Sud  avec  porte  et  fenêtre  à  l'occident,  fut  considéré 
comme  une  sorte  de  projection  de  la  sphère  céleste,  pouvant  correspondre  assez 
exactement  par  ses  angles  et  ses  cloisons  aux  différentes  positions  occupées  par  le 
soleil  dans  les  12  mois  de  Tannée,  et  participant  du  même  coup  à  chacune  de  leurs- 
destinées  (au  destin  astrologique  de  chaque  mois)^  ». 


»  Litt,  le  bain,  —  *  History  of  Madagascar,  Londres,  1838,  in-  8»,  1. 1,  p.  446. 
8  loc,  cit.  p.  447, 1. 1.  —  ^  Vingt  ans  à  Madagascar,  Paris,  1885,  in-  8o,  p.  273. 


1908.]     FERRAND  :  LE  CALENDRIER  MALGACHE  ET  LE  FANDRUANA.     [P.  227. 


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Nord 

Vava) 

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Vudi  ) 

Ouest 

Est 

Vava 

Alakarabu 
Vudi 

Sud 

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Vudi 


Adizauza  { 


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Les  1",  4®,  7®  et  10^  mois  «  ont  trois  jours  »,  disent  les  Malgaches.  Il  faut 
entendre  qu'à  chacun  des  signes  du  zodiaque  qui  ont  donné  leur  nom  à  ces  quatre 
mois,  correspondent,  d'après  la  théorie  arabico- malgache  (R  •  E  *  E  •  S  -,  p.  95),  trois 
mansions  lunaires.  Les  Merina  ont  donné  à  chacune  les  noms  de  :  vava^  bouche 
(les  Antaimuru  appellent  la  l^''*  mansion  ïuAa,  tête^),  c'est-à-dire  ouverture, 
commencement  ;  vuntu,  litt.  :  enflure  ;  fara^  dernier,  final.  Les  huit  autres  mois 
«  ont  deux  jours  »  dont  le  premier  est  appelé  également  vava^  et  le  second  viidi^ 
partie  postérieure,  le  derrière.  Ces  termes  ont  un  sens  magique.  Ils  signifient  que, 
dans  le  premier  cas,  l'influence  astrologique  du  signe  du  zodiaque  commence  le 
1"  jour  ;  s'enfle,  atteint  son  maximum  le  2«  jour  ;  et  décroît  et  se  termine,  le  3*  ; 
dans  le  second  cas,  l'influence  du  signe  du  zodiaque  s'exerce  en  croissant  pendant 
le  premier  jour  et  eu  décroissant  pendant  le  second. 

Toujours  d'après  Ellis,  les  30  jours  du  mois  d'Alahamadi  sont  respectivement 
«oumis  aux  influences  astrales  suivantes  : 


Alahamadi 


Asurutani 


Vava    1er  jour 
Vuntu  2e    — 
Para    3«    — 

Vava   séjour 
Vuntu  9e  — 
Para  10«  — 


Adauru  ^ 


Alahasati 


Vava  4e  jour 

Vudi  5e  — 
Vava  lie  jour 

Vudi  12e   — 


Adizauza 


Asumbula 


Vava  6e  jour 

Vudi  7e  — 
i  Vava  13e  jour 

(  Vudi  14e  — 


1  Cf.  E.-F.  Gautier,  Notes  sur  Vécrittire  AtUaimoro,  Paris,  1902,  in-8,  p.  48. 1. 10. 


p.  828.] 


E 


E 


[1908. 


Vava   ISejour  /VavalSejour  /Vava20ejour 

Adimizana    Vuntu  16«   —       Alakarabu }  Alakausi  | 

Fara    17«  —  (  Vudi  19«  —  (Vudiîl«  — 

Vava   22« jour  /Vava 25« jour  iVava27eiour 

Adidzadi    Vuntu  23«  —  Adalu  I  Alahutsil 

Fara    24«  -  (  Vudi  26«  —  (  Vudi  28«  —  ^ 

Les  29®  et  30*  jours  du  mois  d^Âlahamadi  sont  soumis  à  Tinfluence  du  signe 
du  zodiaque  qui  donne  son  nom  au  mois,  en  Pespèce  à  celle  du  Bélier.  J'ai  tenu  à 
reproduire  cette  division  des  jours  du  mois  au  point  de  vue  astrologique  pour 
montrer  combien,  en  toute  circonstance,  Tancienne  division  du  mois  en  28  jours, 
c'est-à-dire  l'ère  de  336  jours,  se  retrouve  facilement  dans  l'ère  postérieure. 

Les  mois  Merina  correspondent  respectivement  aux  mois  musulmans  suivants: 

X.  Sawwâl,  29  jours. 

%l.  Dzû'l-ka'da,    SO  — 

XIL  Dzû'l-hidjdja,  29  — 

I.  Mbharram,     30  — 

IL  Safâr,  29  — 

:    IIL  Rabr  l^,        30  - 

IV.  Rabr  II,  29  — 

V.  Djumâdâ  I",  30  — 

:     VI.  Djumâdâ  II,   29  — 

:  VIL  Radjab,  30  — 

VIII.  Sa'bân,  29  — 

:     IX.  Ramadan,       30  — 

Cette  concordance  nous  est  attestée  de  façon  certaine  par  plusieurs  témoi- 
Rainandriamampandry,  l'ancien  gouverneur  de  Tamatave,  Tun  des  Merina. 
les  plus  intelligents  que  j'aie  connus,  l'indique  dans  un  petit  livre  en  malgache, 
publié  en  1896  à  Tananarive  et  intitulé  :  Tantara  sy  fomban-droeana  nangoninor 
sy  nalaha-dRainandriamampandry^  Histoires  et  coutumes  des  ancêtres  qui  ont  été 
réunies  et  mises  en  ordre  par  Rainandriamampandri  (p.  99).  L'auteur  ne  donne 
pas  les  raisons  pour  lesquelles  Alabamadi  correspond  à  Sawwâl  ;  il  les  ignorait 
sans  doute.  Je  le  cite  sans  en  tirer  argument  en  faveur  de  l'identification  précé- 
dente. Je  dois  à  l'obligeance  de  M.  le  major  Estèves  Pereira,  le  savant  orientaliste 
portugais,  communication  de  deux  lettres  officielles  adressées  par  le  gouverneur 
Merina  de  Majunga  au  gouverneur  de  la  colonie  portugaise  de  Mozambique.  La 
première,  en  arabe,  est  datée  du  11  Safar  1249  de  l'hégire  =  30  juin  1833;  la 
seconde  en  merina,  est  en  date  du  14  Alahasati  1833  =  14  Çafar  1249  =  3  juil- 
let 1833.  Les  deux  lettres  invitent  les  Portugais  à  établir  des  relations  commerciales 
avec  Majunga  ;  elles  sont  signées  :  Ranaivu,  gouverneur  Merina  en  résidence  dans 
le  grand  port  de  la  côte  Nord-Ouest.  Très  vraisemblablement,  ces  deux  lettres  qui 
ont  le  même  objet,  ont  été  expédiées  ensemble.  La  lettre  en  arabe  est  plus  détaillée 
que  la  lettre  en  merina  ;  mais  celle-ci  rédigée  dans  la  langue  du  signataire,  est  le 
vrai  document  officiel.  Le  gouverneur  de  Mozambique  avait  à  sa  disposition  un 
interprète  arabe  ;  il  n'est  pas  certain  qu'il  eût  aussi  un  interprète  malgadie.  La 
lettre  officielle  en  langue  orientale  est  fréquemment  accompagnée  d'une  traduction 


I. 

Alabamadi, 

30  jours 

H. 

Âdauru, 

29    — 

III. 

Adizauza, 

29    — 

IV. 

Asurutani, 

30    — 

V. 

Alahasati, 

29    — 

VI. 

Asumbula, 

29    — 

VIL 

Adimizana, 

30    — 

VIII. 

Alakarabu, 

29    — 

IX. 

Alakausi, 

29    — 

X. 

Adidzadi, 

30    — 

XI. 

Adalu, 

29    — 

XII. 

Alubutsi, 

31    — 

1  loc.  cit.  1. 1,  p.  449. 


1908.]     FERRAND  I  LE  CALENDRIER  MALGACHE  ET  LE  FANDRUANA.     [P,  229# 

^ans  une  tierce  langue  familière  aux  deux  correspoudauts  ou  à  leurs  traducteurs, 
lorsqu'il  s^agit  de  correspondance  entre  fonctionnaires  orientaux  et  agents  diplo- 
matiques ou  coloniaux  européens.  G^est  le  cas,  par  exemple,  au  Siam  où  les  lettres 
émanant  du  ministère  royal  des  Affaires  Etrangères  sont  expédiées  en  double,  en 
«iamois  et  en  traduction  anglaise.  Le  texte  malgache  et  sa  traduction  ou  sa  para- 
phrase en  arabe  sont  donc  parfaitement  conformes  aux  usages  diplomatiques  :  les 
Merina  ont  toujours  eu  la  prétention  puérile  de  ne  rien  ignorer  des  exigences  du 
protocole. 

Alahasati  correspondrait  donc  à  Çafar.  Gomme  les  mois  merina  et  musulmans 
se  succèdent  dans  un  ordre  immuable,  la  concordance  précédente  impose  celle 
<l^Aluhutsi  avec  Ramadan  et  de  Alahamadi  avec  Sawwâl.  Ces  concordances  entraî- 
nent par  conséquent  celles  du  l^'  Alahamadi  avec  le  1'^  Sawwâl,  c^est-à-dire  de  la 
grande  fête  musulmane  de 'id  al-fiir  ou' id  as-saghir  avec  la  grande  fête  malgache 
du  Fandruana,  Gette  identification  extrêmement  importante  ne  me  parait  pas 
douteuse. 

un  sait  on  quoi  consiste  le  jeûne  du  Ramadan  :  le  musulman  ne  doit  prendre 
ni  aliment  ni  boisson,  ni  fumer,  ni  respirer  des  parfums,  ni  même  avoir  de  relations 
avec  ses  femmes  depuis  Taube  (litt.  :  depuis  le  moment  où  il  est  possible  de  dis- 
tinguer un  fil  blanc  d'un  fil  noir^)  jusqu'au  coucher  du  soleil.  Ge  doit  être  un 
mois  de  pénitence,  de  recueillement  et  de  prières. 

La  plus  ancienne  description  du  jeûne  malgache  nous  est  fournie  par  Flacourt. 
^  Ghapitre  XXL  Jbusne  ou  RAMAVAHA^  autbembnt  dit  MIAFOUTGHE». 
Ge  jeusne  n'a  point  de  mois  réglé,  et  se  fait  tantost  en  un  mois  tantost  en  un 
un  autre,  suivant  la  Gonstitution  et  qualité  de  Tannée,  ce  qu'ils  (les  Malgaches 
sud-orientaux)  observent  par  le  cours  de  la  Lune  et  des  estoilles,  j'en  descriray  la 
façon  que  Ton  a  veu  pratiquer  à  un  Roandrian  (prince)  nommé  Dian  Machicore^, 
qui  fut  le  premier  jour  de  la  lune  de  Novembre  qu'ils  nomme  Sacavei  (Sakave)'\ 
Dès  trois  heures  du  matin,  Dian  Machicore  avec  toute  sa  famille  mangea  du  ris 
cuit  à  la  façon  du  païs,  et  d'une  espèce  de  confiture  faite  avec  miel  et  ris  nommée 
Toubihé.  Il  ne  fit  aucun  repas  toute  la  journée  jusques  à  minuit,  le  long  de  laquelle 
il  fut  assis  sur  son  angarate^  qui  est  une  espèce  de  table,  devant  sa  principale 
porte,  où  personne  n'oseroit  s^asseoir  que  luy,  ayant  mis  tous  ses  gens  à  Tentour 
de  luy,  assis  à  terre  sur  des  nattes,  et  les  entretenant  comme  ses  ancestres  avoient 
accoustumé  de  célébrer  les  jours  de  jeusne;  puis  il  fit  venir  le  joueur  (Therravou^, 
qui  est  un  violon  à  une  seule  corde,  lequel  chante  en  jouant  du  violon,  les  hauts 
faits  de  ses  ancestres  et  de  tous  les  Grands  du  païs.  Deux  heures  après,  tous  ses 
gens  s'en  allèrent  quérir  une  brassée  d'herbes,  qu'ils  jetteront  devant  sa  porte  et 
crièrent  tous  d'une  voix  :  Dria^  Dria^  Dria,  Roandrian  Tacalounau^^  et  luy 

»  Cf.  le  Korân  U  183. 

^  Forme  malgacbisée  de  Parabe  Ramc^ân, 

^  Jeûner  =  mi,  préfixe  verbal  -\-afiUche,  jeûne,  action  de  jeûner.  Cf.  Malais  ipuwäsa 
<iérivé  lui-même  du  Sanskrit  :  upavâsa.  C'est  une  des  survivances  caractéristiques  de  la 
migration  malaise  hindouisée  qui  a  colonisa  la  grande  île  africaine  vers  les  premiers  siècles 
•de  notre  ère.  Cf.  à  ce  sujet  :  G.  Ferrand,  Essai  de  phonétique  comparée  du  malais  et  des 
dialectes  malgaclies,  Paris,  1908,  in-  8». 

^  Pour  Andrian  Maéikoro  ou  Andria-Maéikoro, 

*. Forme  aphérésée  de  Fïsaka-ve, 

«  Cf.  Malais  Herbàb  probablement  dérivé  de  Tarabe  ràbâb. 

^  «  Seigneur^  Seigneur^  Seigneur^  Seigneur,  nous  rows  souhaitons  bonheur^  traduit  Fla- 
court (toc.  cit.)  p.71.  Il  faut  traduire  :  Salut,  salut,  salut  1  Seigneur,  (que  cela  soit)  ton  amu- 


p.  230.]  •    R    •    R    •    E    •    S    •  [1908. 

s'écrie  semblablement  :  Tacalounareo  coa  Hanareo^.  Gela  fait,  ils  firent  sonner 
toutes  les  ansives^  ou  cors  du  village,  et  trois  Aeoulahfi  ou  tambour  qui  son- 
nèrent ensemble  une  espèce  de  son  qui  a  quelque  cadence.  Sur  l'entrée  de  la 
nuict,  ils  escoutèrent  tous  Vherravou  deux  heures  durant  ;  après  cela  tous  les 
Anacandrian^  vindrent  s'asseoir  sur  VAngarate^  et  luy  estant  dans  sa  maison 
leur  distribua  du  toubibé,  lequel  après  avoir  mangé  ils  dirent  ces  mots  :  Brian 
Ulis  aminanhahar^j  c'est-à-dire  :  saluons  le  diable  et  Dieu  ;  car  ils  font  tou- 
jours passer  le  Diable  devant  Dieu^  ;  puis  ils  se  retournèrent  devers  Dian  Machi- 
core  et  luy  dirent  :  Driay  Dria^  Dria,  Boandrian^  nous  vous  saluons  Seigneur. 
Minuit  estant  venu,  ils  firent  chauffer  de  Peau  bien  chaude,  et  s'en  lavèrent 
avec  une  herbe  pillée  nommée  tamboure^  ou  bethel,  et  d'une  autre  herbe  puante 
appelée  ZamaJo^  ;  puis  en  maschèrent  pour  se  rendre  les  dents,  gencives  et 
lèvres  bien  noires  selon  la  coutume  de  tous  les  grands  et  petits  :  mais  le  ftim- 
boure  se  masche  avec  la  chaux  vive,  et  une  graine  qui  s'appelle  Voafcntsi^ 
ou  Voadourou^j  et  les  Matatanois^^  avec  TArreca  qu'ils  appellent  Four<»i 
Fourou^^.  ils  firent  apporter  de  l'eau  chaude,  dont  ils  se  lavèrent  les  jambes 
et  les  pieds.  Dian  Machicore  se  fist  apporter  une  poulie  cuitte  au  ris  et  fit  sortir 
tous  ceux  qui  estoient  dans  sa  maison,  et  demeura  tout  seul,  il  prit  une  cuillerée 
de  ris  et  avant  que  la  manger  il  dit  :  que  les  François  et  autres  estrangers  me 
puissent  bien  apporter  de  For,  de  l'argent,  du  corail  et  autres  denrées.  A  la 
deuxiesme  cuillerée,  il  dit  :  que  Dieu  m'envoye  bien  du  ris,  des  Ignames,  des 
fèves  et  autres  fruits  de  la  terre.  A  la  troisiesme  cuillerée,  il  souhaita  qu'il  vint 
bien  souvpnt  des  navires  luy  apporter  des  richesses.  Après,  il  fit  venir  sa  femme  et 
ses  enfants  manger  avec  luy  et  s'alla  coucher.  Cependant  qu'il  dormoit,  tous  ceux 
de  sa  maison  chantoient,  eXYHerravou  jouoit  toute  la  nuit.  Le  lendemain  matin, 
il  s'en  alla  à  Fansbere^^  qui  est  le  village  du  roy  nommé  Dian  Ramach^',  pour 


lette^  ion  préservatif  {coniTe  le  mal).  Takalu  est  vraisemblablement  le  malais  taiüiah  amu-^ 
lette,  préservatif.  Dria  -=  Kavi  :  çriya,  bonheur,  prospérité,  salut,  du  sanskrit  çriya, 

1  D'après  Tinterprétation  précédente  :  que  ce  soit  également  un  préservatif  pour  vous. 

'  Antsiva,  grand  coquillage  dont  on  sonne  comme  d'une  trompe.  Les  sonneries  û^antsiva 
sont  une  prérogative  princière. 

'  HazU'lahi  litt.  :  bois  mâle,  espèce  de  tambour. 

*  Anak'andrian,  litt.  :  als  de  prince. 

^  Andriam-Bilisi  amin^Aiiahari^  litt.  Monseigneur  le  Diable  avec  Dieu.  Bilisi  est  la 
forme  malgachisée  de  l'arabe  Ihîis^  StaßoXoc  Anahari  =  aûa,  préfixe  des  noms  divins  et 
royaux  et  fiari,  le  jour,  le  soleil  divinisé;  litt,  le  Seigneur  Soleil. 

^  c'est-à-dire  :  ils  craignent  et  honorent  davantage  le  génie  ou  dieu  du  Mal  que  le  bon  génie. 

7  Tamburu,  bétel.  Cf.  Sanskrit  :  iâmbula, 

*  «  Zamaîe^  dit  Flacourt  (loc.  cit,  p.  128),  c'est  une  rampe  qui  est  extrêmement  puante  et 
toutes  fois  bien  recherchée  par  les  habitants  pour  le  mesme  effect  (noircir  les  lèvres,  la 
bouche  et  les  gencives)  et  pour  guérir  les  ulcères  des  gensives  ;  ceux  qui  en  ont  mangé 
sentent  si  puant  qu'il  est  impossible  de  souffrir  leur  haleine  qui  sent  plus  mauvais  que  la 
fiente  humaine  la  plus  corrompue  ;  et  ce  néant  moins  entre  eux  ils  ne  sentent  point  cela, 
ainsi  qu'en  France  ceux  qui  ont  mangé  de  Tail  ne  sentent  point  ceux  qui  en  ont  mangé 
aussi.  Les  Nourrices  maschent  cette  herbe  pour  en  frotter  les  gencives  des  petits  enfants, 
afin  de  leur  appaiser  la  douleur  des  dents  qui  commence  à  leur  sortir  ». 

*  «  Voafontsi  ou  Yoadourou,  dit  Flacourt  (loc,  cit.  p.  123;,  c'est  le  fruit  de  la  plante  du 
balizier,  des  feuilles  duquel  on  couvre  les  maisons  ». 

^0  Indigènes  du  bassin  oriental  du  fleuve  MatataAa,  le  Matitanana  des  cartes  modernes. 
"  Furufuru,  Cf.  Farabe  f auf  al  ou  füfaU 
"  Fandzahira  d'après  les  textes  anciens. 
^3  Andi'ian  Ramaka. 


1908.]     FERRAND  :  LE  CALENDRIER  MALGACHE  ET  LE  FANDRUANA.     [P.  23 !• 

le  visiter  et  pour  luy  rendre  hommage  ainsi  que  firent  tous  les  autres  Roan- 
drian  du  païs  qui  sont  de  la  lignée  des  Zufferamini^,  et  luy  firent  des  présents 
de  vin  de  miel,  d'ignames,  de  volailles  et  autres  fruits  de  la  terre,  et  ainsi  que 
Dian  Machicore  s'en  allèrent  tous  se  présenter  devant  luy,  et  lui  crièrent  :  Dria^ 
Dria^  Dria^  Roandrian  ;  et  Dian  Ramach  leur  respondit  :  Tœalounarreo,  Fali' 
nasareo  Aho^,  c'est-à-dire  :  je  vous  souhaite  du  bonheur,  je  me  reconlmande 
à  vous  autres  ».  Et  ne  mangèrent  de  tout  le  jour.  Ils  coupèrent  la  gorge  à  un  bœuf, 
et  celuy  qui  le  tua,  arrosa  tous  les  Roandrian  du  sang  de  la  beste,  qui  dirent  : 
Dria,  Dria^  Dria^  prirent  leurs  enfants  et  les  firent  toucher  à  la  gorge  du.  bœuf, 
<;royant  que  cela  les  exempteroit  de  maladie  toute  Tannée.  Celuy  qui  tailla  toute 
la  beste  en  morceaux,  en  prit  un  morceau  quUl  jota  à  costé  droit  et  dit  :  c'est  pour 
le  diable  ;  et  un  autre  morceau  qu'il  jetta  à  gauche  et  dit  :  c'est  pour  Dieu'. 
Il  distribua  toute  la  viande  aux  Roandrian  qui  en  prirent  du  poil  qu'ils  attachèrent 
à  leur  col  ou  sur  leurs  testes,  et  dirent  :  issa,  roë^  télloUy  effats^  limi,  onem  (sic), 
fitou^  vahUy  siviy  faulo*  et  le  répétèrent  par  trois  fois,  puis  chantèrent  par  trois  fois  : 
^iàlea  zaho,  mialea  zàho^  midlea  zaho'*.  Le  lendemain,  Dian  Machicore  s'en 
retourna  en  son  village  qui  s'appelle  Gocombe  (comme  firent  tous  les  autres  Roan- 
drian, chacun  dans  leurs  villages)  où  estant  il  fit  apporter  deux  sines  (sini)  ou 
cruches  de  vin  et  de  miel,  et  en  respandit  deux  tasses  sur  son  Angarata  (sic),  et 
dit  pareillement  :  voilà  pour  le  diable  ;  et  de  Tautre  :  voilà  pour  Dieu  ;  après,  en 
fit  boire  à  tous  les  Roandrian  et  Anacandrian  qui  estoient  présens,  et  à  tous  les 
Nègres  et  esclaves.  Cela  fait,  il  s'en  alla  avec  tous  ses  gens  dans  le  champ  de  ris 
le  plus  proche,  et  dit  que  Dieu  luy  avoit  bien  fait  naistre  du  ris,  et  derechef  tua 
une  beste  et  en  couppa  un  morceau  qu'il  jetta  dans  le  champ  en  disant  que  ce  n'est 
<}ue  pour  Dieu  qui  luy  a  bien  donné  du  ris,  et  en  fit  cuire  (du  bœuf)  en  salaza^ 
ou  carbonnade  un  autre  petit  morceau  qu'il  donna  à  un  sien  captif,  lequel  le  passa 
par  dessus  la  teste  de  sa  femme  et  de  ses  enfants,  en  disant  par  cinq  fois  :  issa^ 
roéy  tellouy  effais^  limij  enem^  fitou,  valouj  sivi^  foulou^  ;  puis,  il  s'en  vint  et 
dit  à  son  père  ces  mots  :  Dria  Racaüa  zaho  tay  vare  izo  Ri  soiia^y  c'est-à-dire  : 
je  vous  salue,  mon  père,  je  viens  de  voir  le  Ris  qui  est  beau.  Lorsque  le  ris  com- 
mença à  grener,  il  dit  :  Terac^^  c'est-à-dire  :  il  est  germé.  Et  quand  le  Ris  fut 
grand  et  prêt  à  cueillir,  il  fit  mener  une  vache  noire  dans  le  champ,  la  sacrifia  et 
la  fit  manger  à  ses  esclaves,  et  en  fit  jetter  une  partie  dans  le  champ,  en  estant 


^  Zafi'Ramini  ou  Zafin-Dramini,  les  descendants  de  Ramini.  Après  plusieurs  tentatives 
infructueuses,  j'ai  pu  enlln  identifier  le  nom  de  cet  ancêtre  éponyme  des  tribus  sud-orien- 
tales :  Ramini  signifie  le  Sumatranais,  l'indigène  de  Sumatra  ;  et  son  doublet  féminin 
Raminia,  la  Sumatranaise,  Cf.  à  ce  sujet,  G.  Ferrand,  Les  îles  Ràrnny,  Lâmery,  Komor, 
Wâhioâk  des  géographes  arabes  et  Madagascar  in  Jout*nal  Asiatique,  novembre- 
•décembrê  1907. 

*  p.  71  du  même  ouvrage  :  falissanaho,  au  pluriel  falissanareo.  Probablement  pour  : 
iahalunareo  falinareo  aho,  je  (vous  souhaite)  des  préservatifs  et  des  tabous  (contre  le  mal), 

3  Toutes  les  pratiques  religieuses  malgaches  ont  pour  objet  d'écarter  d*abord  les  maléfices 
4u  dieu  du  mal.  Le  dieu  bon,  le  bon  génie  n'est  invoqué  qu'en  second  lieu. 

^  un,  deux,  trois,  quatre,  cinq,  six,  sept,  huit,  neuf,  dix. 

5  Peut-être  pour  miaîa  zaho,  je  me  retire,  je  m'en  vais. 

^  Gril  pour  boucaner  la  viande. 

7  Vide  supra  note  4. 

"  Dria  raiho  zaho  tam-bari  izo  ri  sua,  litt.  :  Salut,  6  mon  père  ;  j'étais  au  riz,  il  (rt) 
«st  beau. 

»  Teraha,  litt.  :  né. 


p.  232*]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

celle  qui  y  estoit  auparavant,  et  fit  dire  sur  le  Ris  :  Dria^  Dria^  Dria^  roandria^ 
ahi  (lire  obi)  iombouc  anahanhcure^^  c'est-à-dire  :  nous  te  saluons  Seigneur, 
toutes  choses  croissent  de  Dieu  ;  puis  après,  les  Nègres  apportèrent  pour  le  tribut 
chacun  4  paniers  de  ris  et  30  ignames,  les  uns  plus,  les  autres  moins.  Tous  ces  jours 
de  cérémonie  achevez  qui  durèrent  toute  la  Lune,  ils  s'assemblèrent  au  village  soit 
Roandrian  soit  esclaves,  où  ils  firent  Tezercice  de  la  Sagaye  qu'ils  nomment 
Mitavan^.  Ce  fait,  chacun  s'en  alla  chez  soy  manger  tout  le  saoul  pendant  trois 
jours  et  trois  nuicts,  lesquels  finis,  ils  firent  encor  le  Miiavan,  et  derechef  chacun 
s'en  retourna  chez  soy,  en  disans  comme  par  action  de  grace  que  Dieu  leur  avoit 
donné  du  ris,  et  respandirent  tous  chacun  devant  leur  porte  un  peu  de  ris  et  ainsi 
se  finit  le  Miafoutche  ou  Jeusne,  pendant  lequel  si  quelqu'un  a  mérité  la  mort, 
ils  ne  le  tuent  point  mais  le  mènent  à  la  rivière  et  l'estouffent  dans  l'eau,  ainsi 
que  Dian  Ramach  fit  faire  à  un  de  mes  nègres  au  commencement  de  la  guerre,  ne^ 
voulant  pas  ce  mois  là  espandre  du  sang^,  crainte  de  souiller  le  Ramavaha,  ce 
que  les  Turcs  et  Arabes  nomment  Ramaddan  (Ramadan)^  n.  «  Chapitre  LXIP. 
Le  vingt-troisième  d'Aoust,  premier  (jour)  de  la  lune  (du  mois  de)  Uiahia,  tous  les 
Roandries  (Roandrian)  se  baignèrent  après  avoir  accomply  leur  jeusne  à  leur  mode 
qui  est  que  pendant  la  lune  (du  mois  de)  Maca  (Maka),  qu'ils  nomment  cette  année 
Ramavaha,  et  les  Arabes  Ramaddan  (Ramadan),  ils  ne  boivent  point  de  vin  et  ne 
mangent  point  depuis  le  Soleil  levant  jusques  au  Soleil  couchant;  la  nuict,  ils 
mangent  et  boivent  tant  qu'ils  veulent,  à  l'exception  du  vin  qui  leur  est  deffendu. 
Le  lendemain,  après  s'estre  lavez,  ils  célèbrent  leurs  Missavats^  ». 

Chez  les  Taimuru  ou  Antaimuru,  la  fête  annuelle  du  Fandniana  est  ainsi  célé- 
brée à  la  fin  du  XIX*  siècle  :  «  This  tribe  of  Malagasi,  dit  un  document  indigène, 
who  inhabit  a  part  of  the  south-eastern  coast  of  Madagascar,  keep  this  annual  fes- 
tival, as  do  the  Hova  (Merina)  and  other  tribes,  and  they  take  great  care  to  observe 
the  proper  time  without  any  alteration,  in  the  manner  now  to  be  described  .... 
They  abstain  from  rum-drinking  for  a  month  before  the  festival,  whatever  may  be 
the  occasion,  and  wherener  they  may  be.  But  they  also  get  in  a  stock  of  rum  ;  those 
who  have  sugar-cane  crushing  it  and  distilling  the  juice,  and  those  who  have  none 
doing  this  work  for  those  who  have  and  dividing  the  produce  with  them.  And  those 
who  cannot  do  either  of  these  things  buy  rum,  for  as  the  Fandruana  is  coming, 
how  ashamed  they  will  be  if  they  have  none  to  drink  then.  Many  people  also  buy  a 
quantity  to  sell  again  at  a  profit  as  rum  is  always  dear  at  that  time  n. 

«  The  time  of  the  festival  is  about  the  new  moon,  but  two  or  three  days  after 
the  exact  date.  So  that  if  the  Fandruana  is  to-morrow,  the  king  bathes  first  to-day^ 
a  blessing  being  invoked  before  going  down  into  the  water,  and  should  the  king  be 
attacked  by  a  crocodile,  then  the  Fandruana  is  not  observed  by  the  people.  And 
this  is  also  the  case  should  any  other  misfortune  occur.  Should  nothing  of  the  kind 
happen,  however,  and  the  time  be  propitious,  people  are  chosen  to  watch  the  water 
where  the  bathing  is  to  be  on  to-morrow.  They  reason  of  this,  they  say,  is  lest  the 
water  should  be  bewitched,  and  so  injury  or  death  be  caused  ». 


^  Dria  Roandrian  obi  tumbuka  amtn'Âûahari,  litt.  :  Salut,  ô  Seigneur,  toutes  {choses> 
croissent  par  Dieu. 
^  En  malgache  moderne,  tavan,  tavana^  signifient  seulement  saïUs^  bonds. 

*  Cette  interdiction  de  verser  le  sang,  réduite  il  est  vrai  à  quelques  jours,  étaient  récem^ 
ment  encore  en  usage  chez  les  Merina,  vide  infra. 

^  Loc,  cit.  p.  67-70. 
5  LOC,  CiL  p.  343-344. 

*  En  Merina,  misautra,  remercier,  faire  des  actions  de  grâces. 


1908.]     FERRAND  :  LE  CALENDRIER  MALGACHE  ET  LE  FANDRUANA.     [P.  233» 

«  At  cock  crow  they  all  go  together  in  a  body  and  bathe,  first  pouring  the  water 
over  the  head  three  times,  also  over  the  back,  letting  it  pour  down  from  the  right 
shoulder,  and  then  they  plunge  into  the  water.  This  done  they  go  home,  every  one 
then  cooking  what  food  they  may  have,  though  it  may  be  only  sweet-potato  leaves, 
and  calling  their  family  to  partake  ;  and  when  they  have  eaten,  then  they  drink 
the  rum  they  have  obtained  during  the  month  of  abstinence.  And  oh,  what  a  quan- 
tity is  drunk,  and  what  drunkeness  there  is  !  so  that  they  have  no  sense  left  ». 

«  The  children  sing  in  the  village,  carrying  with  them  rum  in  a  bottle,  and 
some  go  to  visit  the  chief  with  a  present  of  rum,  who  again  gives  rum  to  all  who 
visit  him.  And  the  unmarried  girls  go  round  singing  at  the  houses  of  the  young  men, 
these  latter  giving  rum,  up  to  two  or  four  bottles,  to  the  young  girls.  This  singing 
and  amusement  goes  on  for  three  or  four  days,  or  even  for  a  week,  together  with 
rum- drinking  ». 

«  People  from  one  village  also  go  about  to  sing  at  other  villages,  and  the  people 
at  these  visit  their  visitors  in  return  ;  and  the  chief  entertainment  supplied  is  still 
tuaka  (rum),  so  that  a  caskful  is  often  drunk  at  a  time,  or  two  or  three  demijohns. 
Each  village  choses  a  chief,  who  has  to  bathe  the  king  at  Ivato^.  This  completes 
the  ceremonies  of  the  Fandruana^  for  very  few  oxen  are  killed  at  the  time  ;  but  if 
any  one  does  buy  an  ox  for  killing,  it  is  very  dear,  if  he  himself  kills  it.  The  reason 
of  their  not  allowing  their  slaves  or  the  people  generally  to  slaughter  oxen  is,  they 
say,  because  these  do  not  know  how  to  worship,  and  so  they  kill  without  giving 
thanks  or  performing  the  proper  ceremonial^  n. 

«  With  regard  to  the  customs  observed  at  the  festival  in  places  by  the  sea-shore, 
the  time  when  the  rice  is  ripe  is  the  time  for  keeping  it.  So  the  young  men  and  the 
young  women  talk  together  and  say  :  we  will  bathe  in  the  sea.  So  all  the  women 
plait  hats  for  the  men,  but  they  are  not  given  one  by  one,  but  the  hats  are  arran- 
ged in  the  Government  house,  and  the  older  ones  choose  the  first.  And  the  youths 
in  return  give  geese  and  ducks,  and  fowls  and  fish,  as  well  as  rice.  Then  the  elder 
ones  arrange  the  others,  one  of  the  youths  doing  this  for  his  companions,  and  one 
of  the  young  women  doing  the  same  for  her  friends.  And  the  older  people  in  the 
village  provide  oxen  for  them  all,  an  they  sing  and  amuse  themselves  on  the 
sea-shore.  This  goes  on  for  a  week,  if  the  provisions  last  as  long,  and  when  they  go 
home  they  wear  flowers  as  ornaments  on  their  heads.  Their  fathers  and  mothers 
meet  them  at  the  gate  of  the  village  and  escort  them  to  the  Oovernment  house, 
where  they  again  dance  and  sing  before  they  break  up^  ». 

Ellis  qui  nous  a  transmis  d'intéressantes  informations  sur  les  Merina  du  com- 
mencement du  XIX**  siècle,  décrit  ainsi  la  fête  du  Bain.  «  The  most  important  and 
popular  festival  celebrated  in  Madagascar,  is  that  of  the  new  year,  in  which  the 
sovereign  acts  a  conspicuous  part.  The  Malagasi  year  commences  with  a  national 
feast  or  lustration  called  mandru^  to  bathe,  or  fandruana,  bathing.  It  receives  this 
designation,  because  bathing  constitutes  one  principal  part  of  the  ceremony  ;  but 
the  whole  is  not  always  observed  with  equal  formality.  In  the  early  part  of  Rada- 
ma's  reign  (1810-1828),  he  adhered  more  strictly  to  the  ancient  national  observances 
than  during  the  last  two  or  three  years.  The  following  description  of  the  feast  is 
taken  from  observations  made  in  1821  ». 


^  Village  de  la  rive  gauche  du  fleuve,  non  loin  de  son  embouchure. 
*  Tout  récemment  encore  rabattage  des  animaux  était  une  des  prérogatives  nobiliaires. 
3  T?ie  Fandruana  or  annual  festival  of  the  Taimuru  translated  from  a  native  ms.  by 
J.  Sibree.  Antananarivo  Annual  and  Madagascar  Magazine^  Tananarive,  1898,  p.  149-150. 


F.  234.] *    R    *    E    «    E    *    S    •  [1908. 

« Tho  Malagasi  year  consists  of  twelve  months,  and  an  additionnai  day 

to  each  month  which  is  supposed  to  precede  the  fist  day  of  the  new  moon.  The 
ceremonies  commence  on  the  day  after  the  termination  of  the  last  month  in  the 
year,  and  are  continued  through  a  great  part  of  the  night  and  of  the  next  or  new 
year's  day.  The  design  of  the  feast  appears  to  be  simply  the  celebration  of  the  new 
year.  For  about  a  week  previous  to  the  commencement  of  the  general  ceremonies, 
the  sovereign  and  royal  family  abstain  from  all  animal  food.  On  the  day  before  the 
Fandruana^  many  of  the  principal  people  crowd  towards  the  palace-yard  with 
present  for  the  king  as  voluntary  donations,  and  as  expressions  of  joy  in  the  anti- 
cipation of  the  new  year.  These  presents  consist  of  fuel,  mats,  silver,  charms,  etc. 
The  hasina}  is  always  paid  in  money.  About  sunset,  on  the  eve  of  the  new  year, 
the  sovereign,  who  presides  as  priest  during  all  the  ceremonies,  kaving  entered  the 
royal  house,  called  Mdhitsfi^  there  sacrifices  a  cock,  intimating  that  the  blood  of 
this  animal  is  the  last  shed  in  the  year,  and  that  with  it  thanksgivings  are  offered 
for  the  past  twelve  months,  and  blessings  supplicated  for  the  next.  From  this  place, 
decorated  with  a  splendid  scarlet  robe,  and  accompanied  by  his  guard,  the  king 
proceeds  to  the  lapa^y  or  house  called  BesakanaK  At  this  time  the  whole  country 
is  illuminated.  Every  village,  every  hut,  has  its  torch  or  bonfire,  "which  may  be  seen 
from  the  capital  (Tananarive)  to  the  distance  of  thirty  miles  or  upwards.  The  king 
having  entered  Besakana,  and  taken  his  seat,  the  several  nombers  of  the  royal 
family  take  theirs  also,  according  to  precedence.  He  then  retires  to  the  north  east 
part  of  the  house^,  which  is  partitioned  off  for  the  occasion,  where  he  bathes, 
exclaiming,  with  laughter  and  vivacity,  that  the  water  is  cold.  On  coming  out  of 
^  the  bath,  he  repeats  :  Samba,  samba^^  nu  tratra  hariva  tauna^  Happy,  happy,  we 
have  reached  the  eve  of  the  year*^.  All  presents  then  exclaim  iTarantära  /,  reach 
a  good  old  age.  At  this  moment  the  cannons  are  fired,  and  the  king,  having  brought 
with  him  from  the  bath  a  horn  filled  with  water  considered  sacred,  pours  a  little 
into  his  hand,  and  sprinkles  all  present  within  reach,  after  which  he  resumes  his 
seat,  all  continuing  to  repeat  :  Trarantitra  !  He  then  receives  the  hasina^  from 
members  of  his  family,  and  from  any  foreigners  who  may  be  present.  During  this 
part  of  the  ceremony,  three  culinary  vessels  are  brought  in,  and  placed  upon  a  fire 
arranged  and  attended  by  a  person  appointed  to  that  office.  They  contain  rice  and 
beef  ;  the  latter  being  the  portion  kept  specially  from  the  fandruana  of  the  last 
year.  Some  rice  and  honey  are  then  placed  on  silver  dishes,  a  portion  of  the  beef 
on  the  rice,  and  the  whole  is  then  handed  round,  that  each  individual  may  take  a 
small  quantity.  In  taking  it,  every  one  repeats  the  word  samba^  happy  or  blessed, 
as  before,  placing  also  a  little  rice  and  honey  upon  his  head,  and  repeating  nearly 
the  same  words  :  Samba,  samba  Andriamanitra  Andriananahari  ;  blessed,  blessed 


^  Somme  d'argent  donnée  au  souverain  ou  à  son  représentant  en  signe  d'allégeance. 

*  Litt.  :  le  juste. 
3  Palais. 

^  La  grande  barrière, 

^  L'angle  nord-est  d'une  maison  est  sous  rinfluence  d'AIahamadi,  le  Bélier  du  zodiaque, 
qui  est  spécialement  propice  au  roi  et  aux  nobles. 

^  Litt.  :  hommage  (à  Dieu).  Cf.  le  malais  sembah^  révérence,  hommage,  adoration. 

7  La  véritable  invocation  est  :  hu  arivu  tratry  ni  tauna,  qu'on  atteigne  mille  ans  (de  vie). 
C'est  un  souhait  de  longévité. 

*  Tribut  d'allégeance  payé  en  espèces. 


1908«]     FERRAND  :  LE  CALENDRIER  MALGACHE  ET  LE  FANDRUANA.     [P.  235^ 

be  the  lord  god^.  This  custom  is  called  taiau^f  and  signifies  perfect  concord  amoogst 
the  parties  concerned.  The  assembly,  after  this,  breaks  up,  and  the  court-yard  is 
deserted  by  the  dense  crowd.  All  then  bathe  ;  every  parent  acting  the  part  of  priest 
for  his  own  household,  and  performing  on  a  small  scale  what  had  just  been  com- 
pleted by  the  king.  Weeping  for  their  friends  and  relations  who  may  have  died 
during  the  past  year,  then  follows  ;  and  the  whole  country  becomes  a  Ramah,  where 
lamentations  and  mourning  are  heard  in  every  house.  Heads  of  families  recount 
also  to  their  households  the  deeds  of  former  days  —  the  origin  and  honours,  the  ex- 
ploits and  fame,of  their  ancestors  —  and  thus,  by  tradition,  perpetuate  the  memory 
of  men  and  actions  which  must  otherwise  pass  into  oblivion  n . 

«  The  king  has  one  particular  bullock  for  himself  and  his  family,  which  is  kil-r 
led  soon  after  sunset,  just  when  the  old  year  has  expired^.  The  people, however, are 
noc  allowed  to  kill  their  until  the  following  morning.  It  is  a  custom  strictly  adhered 
to,  that  the  bullocks  killed  on  this  occasion  should  all  be  good  ones  ;  that  of  the 
king's  particularly,  must  be  free  from  all  blemish,  and  of  the  most  perfect  symme- 
try. If  it  is  a  lame,  has  any  sore,  has  the  end  of  the  thail  cut  off,  has  one  of  its  horns 
turned  up  and  the  other  down,  or  if  it  has  a  spot  on  one  side  without  having  a 
similar  one  on  the  other,  it  is  deemed  wholly  unfit  for  the  purpose  ;  for  in  the  view 
of  the  natives,  this  bullock  is  the  representative  of  all  the  others,  and,  before  it  is 
killed,  is  presented  or  dedicated  to  god  by  a  prayer  which  the  king  offers  on  the 
occasion.  The  person  who  kills  the  bullock  must  also  be  properly  qualified.  He  must 
be  without  any  spot  or  blemish  on  his  body,  and  both  his  parents  must  be  living, 
otherwise  he  cannot  be  allowed  to  make  the  sacrifice,  as  it  were,  in  the  presence  of 
the  deity  ». 

«  Towards  the  close  of  the  day  previous  to  the  festival,  multitudes  may  have 
been  seen  washiog  their  clothes  and  mats  at  every  pond,  or  brook,  or  spring  in  the 
neighbourhood  ;  and  during  the  evening,  the  people  bathe  themselves  and  one 
another.  Well  would  it  be,  if  such  a  practice  prevailed  once  every  week,  instead  of 
only  once  in  the  year.  About  this  time,  several  of  the  king's  own  bullocks  are 
driven  into  the  court-yard,  to  be  subsequently  killed  and  distributed  as  dsfoka,  or 
annual  presents,  among  his  attendants.  Next  morning,  by  break  of  day,  a  great 
number  of  cattle  belonging  to  the  people  are  driven  into  the  court- yard.  The  king 
makes  his  appearance  at  the  sacred  stone,  a  coarse  block  about  twelve  or  eighteen 
inches  square,  planted  in  the  ground,  near  Besakana.  A  speckled  heifer,  previously 
selected  as  fit  to  be  offered  in  sacrifice,  is  then  killed  near  the  stone,  and  before 
being  perfectly  dead,  a  small  pièce  is  cut  out  of  the  rump,  which  the  king  receives, 
and  with  it  touches  is  forehead,  the  tip  of  his  tongue,  and  right  knee,  generally 
saying  :  «  I  have  tasted  of  the  blessings  of  the  year  ;  may  we  continue  to  enjoy 
them  and  taste  the  same  at  the  expiration  of  this  (new  year)  ».  Part  of  this  sacrifice 
is  then  put  aside,  and  kept  for  the  next  annual  festival  ;  which  the  Malagasi  have 
a  method  of  preserving  perfectly  sweet  and  palatable,  although  no  salt  is  permitted 
to  be  used  in  keeping  it.  The  animal  being  next  cut  up,  small  fires  are  kindled 


^  Hommage  à  Andriamanitra  (litt.  :  le  seigneur,  manitrUy  bon  par  excellence.  On  traduit 
inexactement  manitra  par  odoriférant,  parfumé  :  c'est  un  véritable  contre-sens.  Je  publierai 
prochainement  une  note  à  ce  sujet)  et  Andriananahari  (le  Aiiahari  de  Flacourt>,  litt.  :  Art' 
driana,  le  prince  ;  Awa,  seigneur  ;  hari,  soleil. 

<  Litt,  ce  qui  est  placé  au  dessus  ou  action  déplacer  au  dessus, 

3  Comme  les  Arabes,  les  Malgaches  considèrent  la  journée  terminée  au  moment  du  cou- 
cher du  soleil. 


p.  236.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

before  the  royal  tombs  ia  the  court-yard,  and  small  pieces  of  this  sacred  beef  arc 
fixed  OQ  pieces  of  wood,  and  put  into  the  fire  by  the  sovereign  himself,  as  a  sort 
of  burnt-offering  to  his  departed  ancestors.  After  this,  the  king  enters  the  palace, 
where  he  changes  his  apparel,  and,  again,  coming  out,  approaches  the  tomb  of 
Andriamasinavaluna^,  holding  two  rods  in  his  hand.  He  supplicates  that  chieftain  of 
former  times  as  having  «  gone  to  god,  and  seeing  him,  and  talking  with  him  to 
intercede  with  god  in  his  behalf,  and  to  prosper  his  kingdom,  to  grant  him  success 
in  arms,  to  extend  his  dominion,  and  to  confer  happiness  on  him  and  on  his 
subjects  n.  He  then  leaves  the  capital  (Tananarive)  and  visits  Ambuhimanga*, 
accompanied  by  few  attendants.  At  the  tomb  of  his  father  (Andrianampuinimerina 
1787  ?*1810)  he  performs  similar  ceremonies  and  supplicates  similar  favours.  This 
visit  is  sometimes  omitted,  but  not  when  there  is  a  prospect  of  any  important 
military  expedition  being  undertaken  ». 

tt  The  cattle  having  now  been  driven  by  their  respective  owners  or  their  servants 
out  of  the  court-yard,  where  it  is  supposed  they  received  some  benefit  from  the  king's 
sacrifices,  prayers  and  benedictions,  the  whole  town  and  country  become  one  vast 
slaughter-house....  From  ten  to  fifteen  thousand  bullocks  are  usually  killed  on  this 
occasion  ....  Of  all  that  are  killed  in  the  town,  the  allotted  portion,  the  rump,  is 
presented  to  tbe  sovereign  ;  and  in  the  country,  the  same  portion  is  presented  to  the 
chiefs  and  nobles.  It  is  usual  for  the  sovereign  to  distribute  a  large  number  of  cattle 
himself,  especially  if  about  commencing  an  expedition.  In  1821,  the  number  given 
by  Radama  I  was  not  less  than  two  thousand.  By  a  general  edict  the  people  are 
forbidden  to  kill  aoy  bullocks  for  a  few  days  previous  to  the  feast,  and  for  a  week 
or  ten  days  afterwards  ». 

«  In  the  course  of  the  afternoon  of  the  great  feast-day,  the  beef  is  cut  up  into 
small  pieces  and  cooked.  It  is  then  placed  on  rice  and  handed  round  in  each  family 
to  any  friends  and  acquaintance  who  may  be  present....  The  whole  of  the  first 
month  of  the  year  is  called  Vulam-padina,  or  sacred  month,  and  is  not  unfrequently 
occupied  by  an  interchange  of  visits,  to  partake  of  each  family's  ä^aia.  Friends 
often  travel  a  very  considerable  distance  on  such  occasion,  to  prove  their  attachment 
and  respect.  Radama  I  was  in  the  habit  of  inviting  his  family  and  nobles  to  eat  dzaka 
with  him,  and  in  return  he  went  and  partook  of  theirs.  The  act  of  eating  dzaka 
with  any  one  is  by  the  Malagasi  considered  as  a  pledge  of  amity  —  a  sacred  test 
and  bond  of  mutual  friendship  and  concord^  ». 

Chez  les  Antanosi  du  XVIP  siècle,  les  prescriptions  islamiques  concernant  le 
jeûne  sont  encore  partiellement  observées  ;  les  Antaimuru  du  XIX*  siècle  s'abstien* 
nent  d^alcool,  mais  pendant  le  Ramadan  seulement.  Les  Merina  et  les  autres 
Malgaches  modernes  ont  réduit  le  mois  de  jeûne  à  une  simple  abstinence  de  viande 
pendant  quelques  jours.  La  proclamation  au  peuple  d'un  ancien  souverain  Merina, 


1  Ce  souverain  régnait  vers  la  tin  du  XVII«  siècle  ou  le  commencement  du  XVIII*.  Le 
Père  Abinal  le  fait  régner  de  1667  à  1687,  le  Père  Malzac  de  1675  à  1710,  A.  Jully  de  1705 
à  1725,  Mullens  vers  1720,  Tacchi  de  1730  à  1750,  M.  A.  Grandidier  de  1696  à  1740.  Cf. 
A.  Grandidier,  V origine  des  Malgaches,  Paris,  1901,  in-4°,  p.  79,  note,  et  p.  82. 

*  L'ancienne  ville  sainte  qui  contenait  les  tombes  royales. 

*  Loc.  cit.  1. 1,  p.  360-366.  Cf.  également,  James  Sibree,  The  Faiidroana  or  new  year's 
festival  of  the  Malagasy,  Antananarivo  Annual  and  Madagascar  magazine,  Tanana- 
rive, 1900,  p.  489-496.  La  fete  du  Fandruana  sera  ultérieurement  étudiée  en  détail  au 
point  de  vue  religieux  et  ethnographique.  La  présente  note  n'a  d'autre  but  que  d^établir 
son  identification  avec  la  fête  musulmane  qui  suit  le  jeûne  du  Rama4än  pendant  la  période 
historique,  c'est-à-dire  du  xvi«  siècle  à  nos  jours. 


1908.]     FERRAND  :  LE  CALENDRIER  MALGACHE  ET  LE  FANDRUANA.    [P.  237* 

à  roccasioQ  du  Fandruana^  qui  nous  a  été  conservée  dans  les  Tantara  ny  Andriana\ 
en  fait  mention  :  <»  Voici  ce  que  je  vous  fais  savoir,  dit  le  roi,  ô  Ambanilanitra^  et 
voici  l'ordre  que  je  vous  donne.  Ce  sera  (bientôt  le  jour  du)  Fandrttana.  Celui  qui 
tuera  un  animal  (litt.  :  une  chose  vivante)  cioq  jours  avant  et  cinq  jours  après, 
enfreindra  (mes  ordres  ;)  il  sera  réduit  en  esclavage  (ainsi  que)  sa  femme  et  ses 
enlaots.  Qu'on  ne  se  baigne  pas,  qu'on  ne  tue  ni  bœuf  ni  aucun  animal  cinq  jours 
avant  ni  cinq  jours  après.  Lorsqu'on  pourra  mettre  à  mort  des  animaux,  qu'on  ne 
tue  ni  oiseaux  ni  poulet.  Je  vous  donnerai  ce  qu'il  faudra  tuer  (je  vous  fournirai  les 
animaux  qu'on  pourra  tuer).  Si  quelqu'uo  eofreint  cet  ordre,  tue  bœuf,  porc  ou 
mouton,  je  lui  couperai  (sic)  la  tête^  ».  Voici  d'autre  part  en  traduction  littérale, 
d'aprè«  Ny  Gazety  Malagasy^ y  la  proclamation  de  Ranavaluna  III  à  son  peuple  à 
l'occasion  du  Fandruana  de  1884  : 

«  Moi,  Ranavaluna  qui  règne,  par  la  grâce  de  Dieu  et  la  volonté  du  peuple, 
reine  de  Madagascar  et  protectrice  des  lois  de  mon  pays,  etc.,  etc.,  etc.  (sic*^)  ». 

«  Voici  ce  que  je  vous  dis,  ô  Ämbanilaniira.  Par  la  bénédiction  de  Dieu, 
Tanoiversaire  de  ma  naissance  et  de  mon  couronnement  est  revenu,  ce  jour  que  j'ai 
décidé  être  un  jour  de  réjouissance  sera  celui  du  Fandrtuina.  Comme,  par  la 
bénédiction  de  Dieu,  Moi  et  vous  Ambanilanitra  nous  sommes  (encore)  vivants, 
nous  nous  réjouirons  eosemble  à  l'occasion  du  Fandruana,  le  premier  depuis  le  jour 
de  mon  avènement.  Remercions  (en)  Dieu  n. 

■  Puisque  vous  êtes  réunis  ici  (sur  la  place)  d'Anduhalu,  à  l'endroit  saoctifié 
par  les  douze  rois,  ainsi  que  je  vous  y  ai  convié  ;  que  vous  avez  été  fidèle  au  reudez- 
vous  fixé  par  Moi,  Ranavaluna  qui  règne,  et  que  vous  êtes  arrivés  au  jour  prescrit 
pour  votre  venue,  je  vous  en  remercie  ô  mes  parents  ;  je  vous  en  remercie,  ô  Amba- 
nilanitra^  parce  que  en  vous  j'ai  un  père  et  une  mère,  puisque  je  vous  ai,  o 
Ambanilanitra,  Car  il  faut  que  je  sois  vraiment  la  remplaçante  (de  mes  ancêtres) 
Andrianampuioimerina®,  Radama  F,  Rabudunandrianampuinimerina^,  la  reine 
Rasuherina®  et  Ranavaluna  IP^.  (En  voyant)  ce  que  vous  avez  fait,  ô  Ambanilanitra^ 

^  Histoire  des  rois  de  Vlmerina,  Tananarive,  1873, 1. 1  de  la  1"  éd.  le  seul  paru. 

^  Litt.  :  ceux  qui  sont  sous  le  ciel.  Dans  les  proclamations  royales,  le  peuple  était  appelé 
Ambanilanita  ou  Ambaniandru  (ceux  qui  sont  sous  le  jour). 

3  Lac.  cit.  p.  46-47. 

^  «  La  gazette  Malgache  »,  journal  officiel  de  Tancien  gouvernement  royal  de  Madagascar. 

^  Cette  formule,  grotesque  sous  toutes  les  latitudes,  était  aussi  peu  appropriée  que  pos- 
sible à  l'ancienne  royauté  malgache.  Il  y  a  lieu  de  dire  à  sa  décharge,  que  Tadoption  lui  en 
fut  recommandée  par  des  étrangers.  Le  parti  européen  hostile  au  développement  de  notre 
influence,  avait  imaginé  de  faire  passer  les  Meiina  pour  des  protestants  convaincus,  d'admi- 
rables chrétiens  ouverts  à  toutes  les  idées  de  droit,  d'honneur  et  de  justice.  L'Europe  ne 
devait  donc  pas  tolérer  que  la  France  fît  la  conquête  d'un  pays  aussi  bien  pensant.  On 
inventa  alors  la  formule  ci-dessus  pour  les  proclamations  royales.  L'ancien  protocole  s'in- 
quiétait peu  de  la  grâce  de  Dieu  et  de  la  volonté  du  peuple  ;  les  souverains  de  Tananarive 
s'exprimaient  ainsi  :  «  Moi,  roi  de  la  terre  et  du  ciel ».  On  inventa  bien  d'autres  cocas- 
series pendant  les  trente  années  qui  précédèrent  notre  installation  à  Madagascar  ;  j'espère 
avoir  les  loisirs  de  les  conter  un  jour. 

«  A  régné  vers  1787?-1810. 

^  A  régné  de  1810  à  1828.  Fils  du  précédent. 

^  Veuve  de  Radama  P'  également  appelée  Ranavaluna  P«.  Elle  régna  de  1828  à  1861. 
Andrianampuinimerina  avait  expressément  proclamé  ses  droits  au  trône  dans  le  cas  où 
elle  survivrait  à  son  mari.  Le  nom  de  son  âls,  Radama  II  (1861-1863)  n*est  jamais  mentionné 
dans  la  liste  des  souverains.  Il  régna  21  mois  et  fut  étranglé  le  12  mai  1863. 

»  Veuve  de  Radama  II.  Elle  régna  de  1863  à  1868. 

10  Elle  a  régné  du  7  juillet  1868  au  14  juiUet  1883. 


p.  238.]  •     R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

j'ai  confiance  (en  vous).  Vivez  (longtemps),  soyez  bien,  soyez  bons,  que  Diea  vous 
bénisse  ». 

«  Que  Dieu  nous  bénisse,  que  nous  puissions  voir  (de  nombreux)  anniversaires  » . 
«  En  ce  qui  concerne  le  Fandruana  : 

I.  Vendredi,  21  novembre,  le  seizième  jour  prochain  à  compter  de  celui-ci, 
aura  lieu  le  bain.  Le  lendemain,  samedi,  on  tuera  les  bœufs. 

II.  Le  soir  de  Vendredi,  jour  du  bain,  on  pourra  tuer  des  fu  tsi  aritra^  ;  mais 
les  animaux  à  quatre  pattes  n'en  faites  pas  des  fu  tsi  ariira  (c'est-à-dire  :  ne  les 
tuez  pas). 

III.  §  1.  Lundi  est  le  dernier  jour  pendant  lequel  on  pourra  tuer  des  bœufs. 
Personne  ne  devra  faire  couler  le  sang  depuis  cette  date,  à  l'exception  de  celui  des 
fu  tsi  aritra  du  vendredi  soir,  jour  du  bain.  Samedi  est  le  jour  où  on  abattra  des 
bœufs,  mais  il  est  interdit  de  tuer  d'autres  animaux  que  les  bœufs.  Après  samedi, 
personne  ue  peut  tuer  de  bœufs  ou  d'autres  animaux  jusqu'à  jeudi  (27  novembre). 
C'est  seulement  à  partir  de  ce  jeudi  qu'on  pourra  de  nouveau  faire  couler  le  sang. 

§  2.  La  chair  des  bœufs  tués  jusqu'au  dernier  jour  (avant  le  Fandruana  où  il 
est  permis  de  le  faire  =^17  novembre)  ne  doit  pas  être  mélangée  et  vendue  avec 
celle  (des  bœufs  tués  pour)  le  Fandruana,  on  ne  doit  pas  faire  de  tsangan'afu-  ; 
elle  doit  être  consommée  avant  le  vendredi,  jour  du  bain. 

§  3.  On  ne  doit  pas  faire  souffrir  les  bœufs*. 

IV.  Le  temimpandruana*  est  fixé  à  un  quart  de  piastre  (=  I  franc 25 es) pour 
le  fils  aîné,  uu  huitième  de  piastre  pour  les  autres  enfants  et  un  seizième  de  piastre 
pour  le  plus  jeune  fils.  Ces  indications  ont  trait  aux  veuves,  aux  pauvres,  aux  gens 
ftgés,  aux  orphelins.  Si,  en  présence  des  chefs  féodaux  (litt.  :  les  seigneurs  des 
domaines  féodaux  et  les  chefs  du  pays),  vous  ne  donnez  pas  à  chacun  sa  part  ;  s'il 
y  en  a  qui  prennent  de  force  (la  part  des  autres),  que  les  (plus)  forts  prennent 
(toute)  la  viande  (distribuée  à  l'accasion  du  Fandruana)  ;  plus  encore,  s'il  y  en  a 
qui  emploient  la  fraude  ;  si  quelqu'un  ne  partage  pas  équitablement  l'argent  du 
temim-pandruana,  je  le  déclare  fautif  et  coupable. 

V.  §  1.  Le  vudi'hena^  ue  doit  être  partagé  qu'au  palais  royal. 

§  2.  La  peau  des  bœufs  que  vous  tuerez,  ô  Ambaniandru^j  je  ne  la  prendrai 
pas  pour  ce  premier  anniversaire  de  mon  avènement.  Le  suif,  l'huile  de  pied  de 
bœuf,  je  ne  les  prendrai  pas  non  plus. 

VI.  Aujourd'hui,  jeudi,  date  de  cette  proclamation,  commence  la  collecte  du 
ha^ina  qm  est  de  cinq  centimes  par  personne. 

Je  vous  le  dis  pour  que  vous  l'entendiez  et  le  sachiez. 

«  Failes  bien  attention  à  mes  paroles.  Ma  loi  est  arrivée  jusqu'à  vous,  car  je 
ne  la  cache  pas.  Si  vous  la  transgressez,  les  AntiW  me  le  feront  savoir.  Si  les  Antili 


1  Litt.  :  cœur  sans  patience.  Nom  donné  aux  volailles  qu'on  est  autorisé  à  manger  la 
veille  du  jour  où  il  sera  permis  de  tuer  des  bœufs. 

«  Litt.  :  feu  debout.  Signal  indiquant  qu41  y  a  du  bœuf  à  vendi'e. 

3  Les  bœufs  sont  généralement  tués  assez  cruellement. 

.  *  Litt.  :  décorations  du  bain.  Nom  donné  à  la  somme  réunie  en  famille  pour  l'achat 
d'un  bœuf,  à  roccasion  du  Fandruana. 

5  Litt.  :  le  derrière  de  la  viande  (le  derrière  du  bœuf).  Partie  réservée  au  souverain  et 
aux  seigneurs  féodaux. 

•  Litt.  :  ceux  qui  sont  sous  le  jour. 

'^  Sorte  de  fonctionnaires.  Litt.  :  ceux  qui  sont  en  sentinelle. 


1908.]     FERRAND  :  LE  CALENDRIER  MALGACHE  ET  LE  FANDRUANA.     [P.  239» 

font  autrement  (qu'ils  ne  doivent  faire)  et  ne  veillent  pas  (à  Texécution  de  la  loi)^ 
faites-le  moi  savoir  ». 

«  Que  Dieu  vous  bénisse  pour  que  vous  soyiez  raisonnables  et  observateurs  des 
lois,  pour  que  vous,  vos  femmes  et  vos  enfants  soient  prospères.  Que  progresse  dana 
mon  royaume  la  justice  (ou  :  la  vérité)  basée  sur  Tévangile  de  Jésus-Christ,  que 
toute  chose  vaine  (litt.  :  chose  vide)  disparaisse.  Que  Dieu  soit  mon  maître  et  le 
vôtre,  ô  Afnbanilanitra}^ 

A  dit 
Banavaluna  qui  règne, 
la  Reine  de  Madagascar, 
etc.  etc.  etc. 

Ces  paroles  sont  vraiment  celles  de  Ranavaluna  qui  règne,  la  reine  de 
Madagascar, 

A  dit 
Rainilaiarivuni . 
Premier  Ministre  et  Commandant  en  chef  de  Madagascar,  etc.  etc.  etc.^ 

(Fait)  dans  le  palais,  le  6  novembre  1884s  ». 

Du  XVIP  siècle  à  la  fin  du  XIX*,  l'évolution  du  jeûne  est  bien  marquée.  Les 
Antanosi  contemporains  de  Flacourt  jeûnent  effectivement  ;  les  Antaimuru  s'abstien- 
nent seulement  de  rhum  ;  les  Merina,  enfin,  ne  mangent  pas  de  viande  de  boucherie 
pendant  une  dizaine  de  jours.  Chacune  de  ces  périodes  de  jeûne  total  ou  partiel  est 
suivie  d'une  grande  fête  dite  fête  du  Bain.  L'assimilation  du  Fandruana  avec  la 
fête  musulmane  de  'îd  as-saghîr  me  parait  ainsi  nettement  établie^. 

Le  récit  d'Ëllis  contient  un  passage  particulièrement  intéressant.  «  Le  premier 
mois  de  l'année,  dit-il,  (c'est-à-dire  le  mois  de  Alahamadï)  est  appelé  vulam-padivia 
ou  le  mois  sacré  (plus  exactement  :  le  mois  où  on  s'abstient  de  certaines  choses,  le 
mois  pendant  lequel  certaines  choses  sont  fadl^  tabouées;*^  ».  Fadina  est  l'exact 
équivalent  de  l'arabe  moJmrram^  défendu,  prohibé,  inviolable  :  c'est  le  nom  du 
premier  mois  de  l'année  musulmane.  Si  Tépithète  malgache  avait  pour  but  de 
rappeler  l'interdiction  d'abattre  des  animaux  pendant  les  premiers  jours  diAlàhon 
fnadi,  elle  devrait  s'appliquer  également  au  mois  précédent,  Aluhutsi  =  Rama-- 
doHj  pendant  les  derniers  jours  duquel  cette  interdiction  est  aussi  en  vigueur  : 
mais  ce  n'est  pas  le  cas.  Comme  les  autres  Malgaches,  les  Merina  ont  eu  l'année 
de  336  et  la  série  des  noms  de  mois  sanskrito-malgaches.  En  adoptant  l'islam,  les 
Merina  ont  remplacé  la  série  d'origioe  indienne  par  la  série  arabico- malgache 
rappelant  les  noms  arabes  des  signes  du  zodiaque.  Asaramasai  est  devenu  Alahor 
modi  correspondant  à  Moharram.  Cette  équivalence  a  donné  naissance  au  doublet 
milam-padina  qui  traduit  exactement  l'arabe  moharram  et  ne  peut  par  conséquent 
s'appliquer  qu'au  premier  mois  de  l'année  malgache.  L'année  Merina  n'ayant  que 


^  L'esprit  de  cette  proclamation  royale  est  d'inspiration  occidentale.  Cf.  la  précédente, 
extraite  des  Tantara  ny  Andriana  qui  est,  au  contraire,  nettement  malgache. 

*  En  anglais  dans  le  texte  de  la  proclamation  :  Prime  minister  sy  commander-in-chief. 

3  Ny  Gazety  Malagasy,  n»  36  du  7  novembre  1884.  La  disposition  typogi»aphique  des 
signatures  est  identique  à  celle  de  l'original. 

-*  Cette  identification  n'a  trait  qu'à  la  période  comprise  entre  le  xvi«  siècle  et  la  fin  du  xk«. 
Il  est  évident  que  les  Malgaches  célébraient  antérieurement  une  fête  annuelle  sur  laquelle 
nous  n'avons  aucune  renseignement  historique.  Les  rites  anciens  ont  été  seulement  mis  en 
harmonie  avec  la  fête  musulmane. 

5  Vide  supra  p.  236. 


p.  240.]  _      _^    ^    *_?    \J^^    ?    *  [1908. 

336  jours  de  durée,  par  conséquent  vague  par  rapport  à  Tannee  musulmane  de  354, 
Alahamadi,  dès  la  seconde  année  de  cette  réforme  onomastique  (qui,  dans  ma 
conjecture,  aurait  précédé  la  réforme  chronologique),  était  en  retard  de  18  jours 
sur  Tannée  musulmane,  puis  de  86,  puis  de  54....  En  d'autres  termes,  Alahamadi 
correspondait  successivement  à  tous  les  mois  musulmans,  dans  le  sens  du  douzième 
au  premier.  Pendant  cette  période,  la  fête  du  Fandruana,  identifiée  avec  ^id  as- 
saghtTy  devait  avoir  lieu  également  dans  tous  les  mois,  comme  chez  les  Antanosi  du 
XVII*  siècle^.  Vers  la  fin  du  XVP  siècle  ou  dans  les  premières  années  du  XVIP,  le 
roi  Merioa  Ralambu  décréta,  dit  la  tradition,  que  le  Fandruana  aurait  lieu  le 
1*'  Alahamadi  «  parce  que  son  destin  était  celui  de  Alahamadi  «,  c'est-à-dire 
parce  qu'il  était  né  sous  Tinfluence  d'Alahamadif  le  Bélier  du  zodiaque.  Il  va  de 
soi  que  la  tradition  ne  doit  pas  être  prise  à  la  lettre  :  Ralambu  n'institua  pas  le 
Fandruana^  mais  il  en  fixa  seulement  la  célébration  au  mois  d' Alahamadi.  Très 
vraisemblablement,  ce  prince  transforma  Tannée  malgache  de  336  jours  en  année 
de  354  sur  le  modèle  de  Tannée  musulmane.  Alahamctdi  correspondait  à  cette 
époque  au  1*'  Sawwâl  et  la  concordance  s'est  ainsi  maintenue  dans  la  suite.  Je 
ne  vois  pas  d'autre  explication  vraisemblable  du  triplet  Alahamadi  =  Vulam- 
padina  »=  Moharram  correspondant  chronologiquement  au  1*'  Sawwâl. 

La  réforme  attribuée  à  Ralambu,  s'est  maintenue  intacte  jusqu'en  1864.  A  cette 
époque,  sous  le  règne  de  la  reine  Rasuherina,  le  Fandruana  aurait  dû  avoir  lieu  le 
jeudi  10  mars  «  1*'  Sawwâl.  «  The  observances  connected  with  the  feast  of  the 
new  year,  dit  Ellis,  extend  over  a  number  of  days,  or  even  a  longer  period,  but 
especially  three  days  —  the  day  before  the  close  of  the  year,  the  evening  of  the 
last  day  of  the  year,  and  the  first  day  of  the  new  year,  which  is  the  great  day  of 
the  feast.  It  was  fixed  by  the  diviners  that  the  coming  year  should  Ix^in  on  the 
first  Sunday  in  March  (lire  :  in  Alahamadi)^  consequently  the  observances  com- 
menced CD  the  friday^  ».  Alahamadi  commença  donc  le  dimanche  13  Mars  avec 
un  retard  de  trois  jours  :  le  P'  Alahamadi  eut  lieu  le  4  Sawwâl  au  lieu  du  1*'  de 
ce  mois.  En  1883,  d'après  Ny  Gazety  Malagasy  (n<»  5  du  25  Août  1883),  lundi 
5  Alahamadi  =  6  Août,  donc  1  Alahamadi  =  2  Août,  mais  1^  Sawwâl  1300  H  = 
5  Août.  L'année  malgache  est  toujours  en  retard  de  trois  jours  :  le  comput  du 
temps  n'a  pas  varié  depuis  1864.  En  1884,  la  cérémonie  du  bain  royal  eut  lieu  le 
21  novembre  au  soir  ;  le  lendemain,  22,  jour  anniversaire  de  naissance  de  la  reine 
Ranavaluna  IIP,  fut  décrété  fête  nationale  à  l'exemple  des  gouvernements  monar- 
chiques européens.  Dès  lors,  la  date  du  bain  royal  est  définitivement  fixée  au 
21  novembre  de  chaque  année  et  celle  de  l'ancienne  fête  du  1^'  Alahamadi,  au 
jour  suivant.  Le  calendrier  lunaire  arabico-malgache  continue  à  être  en  usage  dans 
le  peuple,  mais  le  calendrier  grégorien  est  adopté  par  la  cour  et  le  gouverne- 
ment Merina.  Le  Fandruana  n'est  plus  célébré  depuis  notre  prise  de  possession 
de  la  grande  île  africaine  :  il  a  été  supprimé  par  arrêté  du  gouverneur  général. 


1  Vide  supra  p.  229,  la  remarque  de  Flaeourt  à  ce  sujet. 

*  W.  Ellis,  Madagascar  revisited^  Londres,  1867,  in-8<>,  p.  383. 

3  D'après  un  avis  inséré  dans  le  n<*  12  de  Ny  Gazety  Malagasy  du  l«'  Décembre  1883,  la 
reine  est  née  le  22  novembre  1861,  est  montée  sur  le  trône  le  13  juillet  1884  et  s'est  montrée 
au  peuple  pour  la  première  fois  le  22  novembre  1883. 


1908«]     FERRAND   :  LE  CALENDRIER  MALGACHE  ET  LE  PANDRUANA.     [P«  241« 


Les  publications  des  missions  française  et  anglaise  ne  s'accordent  pas  sur  la 
durée  des  mois  de  Tannée  lunaire  malgache.  Les  almanachs  pour  1894  présentent 
les  divergences  suivantes  : 


Catholique  français. 


Anglais^ 


Adidzadi 

Adalu 

Aluhutsi 

Alahamadi 

Adauru 

Adizauza 

Asurutani 

Alahasati 

Asumbula 

Adimizana 

Alakarabu 

Alakausi 


7  janvier, 
6  février, 

8  mars, 
;  6  avril, 
:    6  mai, 

:    4 juin, 

;    3  juillet, 

;    2  août, 
31  août, 
29  septembre, 
29  octobre, 
28  novembre, 


30  jours 

30  — 

29  — 

30  — 
29  — 

29  — 

30  — 
29  — 

29  — 

30  — 
30  — 
29  — 


7  janvier,  30  jours 

6  février,  29  — 

7  mars,  30  — 
6  avril,  30  — 
6  mai,  29  — 
4  juin,  29  — 
3  juillet  30  — 
2  août,  29  — 

31  août,  29  — 

29  septembre,  30  — 

29  octobre,  29  — 

27  novembre,  30  — 


i  Publication  de  la  Friends'forelgn  mission  association. 


p.  242.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 


LE  PEUPLE  SIÉNA  OU  SÉNOUFO 

par  Maubicb  Delafossb  (Côte  d'Ivoire). 

(Suite). 


18.  —  L'agricoltare. 

L*agriculturè  est  Toccupatioa  principale  des  Siéna.  Dans  les  régions  où  ils  sont 
demeurés  les  plus  primitifs,  comme  dans  la  fraction  nord-est  et  chez  la  plupart  des 
tribus  de  la  fraction  centrale,  on  peut  même  dire  que  Tagriculture  est,  avec  la 
chasse,  la  seule  raison  d'être  des  indigènes.  Partout,  sauf  là  où  les  Mandingues  ont^ 
par  leur  nombre,  une  influence  prépondérante,  on  aperçoit  des  champs  vastes,  bien 
travaillés,  bien  alignés,  bien  entretenus.  Là  où  la  population  est  dense,  comme 
dans  les  environs  de  Korhogo  et  dans  le  territoire  des  Nafarha,  la  «  brousse  »  a 
complètement  disparu,  sauf  dans  les  endroits  où  la  roche,  aiBeurant  le  sol,  rend 
toute  culture  impossible.  Tous  les  espaces  utilisables  ont  été  utilisés  ;  on  rencontre 
même  des  essais  primitifs  de  drainage  et  de  canalisation  qui  ont  demandé  de  réels 
efforts,  largement  compensés  d'ailleurs  par  les  belles  récoltes  que  donnent  les 
rizières.  Les  collines  même  et  les  flancs  des  montagnes  sont  couvertes  de  cultures,, 
et,  seuls,  les  rochers  nus  ne  portent  pas  trace  de  travail  humain. 

Toute  Tannée,  on  travaille  aux  champs  et  tout  le  monde  y  travaille  selon  ses 
aptitudes,  hommes,  femmes  et  enfants.  Les  Siéna  se  livrant  au  commerce  de 
colportage  sont  une  exception,  sauf  dans  les  sous-tribus  mandicisées  des  fractions 
nord  et  sud,  et  en  réalité  il  n^  a  que  la  caste  d'ailleurs  peu  nombreuse  des  artisans 
proprement  dits  qui  ne  s'adonne  pas  exclusivement  à  Tagriculture.  C'est  pourquoi, 
malgré  leur  nature  soumise  et  facile,  les  paysans  Siéna  n'aiment  pas  beaucoup 
s'engager  comme  porteurs  ou  travailleurs  pour  une  durée  un  peu  longue  et  en 
dehors  do  leur  pays  :  la  nature  de  leur  sol  en  effet  et  leur  système  de  cultures  ne 
permet  pas  qu'un  champ  soit  abandonné  pendant  une  période  de  plusieurs  semaines 
sans  que  la  récolte  annuelle  ait  à  en  souffrir. 

Le  labourage  se  fait  à  l'aide  de  la  grande  et  de  la  petite  houes  décrites  au 
chapitre  16.  Les  herbes  sont  au  préalable  soit  brûlées,  soit  le  plus  souvent  arrachées 
et  laissées  sur  le  sol  où  elles  se  dessèchent  et  pourrissent  en  partie.  La  terre  végétale, 
d'une  faible  épaisseur  en  général,  est  ramenée  en  tas  à  l'aide  de  la  houe,  de  façon  à 
former  soit  des  buttes  coniques  de  0  m.  50  à  1  mètre  de  haut,  soit  des  sortes  de  levées 
continues  de  hauteur  moins  considérable.  Les  ignames  et  le  manioc  se  plantent 
toujours  dans  des  buttes,  ainsi  que  divers  légumes  ;  le  mil,  le  maïs,  l'arachide,  se 
sèment  soit  sur  des  buttes,  soit  sur  des  levées  ;  le  riz  en  général  se  sème  dans  les 
sillons  qui  séparent  les  levées  ou  les  alignements  de  buttes,  et  qui  se  convertissent 
en  ruisseaux  lors  des  grandes  pluies  ;  on  le  repique  ensuite  sur  les  levées.  (Je  parle 
ici  du  riz  dit  «  de  montagne  n,  le  riz  de  rizière  étant  toujours  repiqué  dans  des 
terrains  bas  et  inondés).  Lorsqu'une  butte  a  été  ensemencée,  on  recouvre  son 
sommet  d'une  pierre  ou  d'un  paquet  de  feuilles  pour  empêcher  la  pluie  de  décou- 
ronner le  sommet  et  de  venir  pourrir  la  semence  ;  parfois  même,  notamment  chez 
les  Nafarha,  chaque  butte  une  fois  ensemencée  est  surmontée  d'une  sorte  de  cha- 
peau en  terre  blanche  façonné  à  la  main  et  durci. 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE    PEUPLE   SIÉNA    OU    SÉNOUFO.  [P.  243« 

Pour  empêcher  l'appauvrissement  du  sol,  on  alterne  les  cultures  de  saison  en 
«aison  dans  le  même  champ  et  même,  lorsque  la  population  n'est  pas  trop  dense 
dans  la  région,  on  laisse  les  champs  en  friche  une  année  sur  trois.  Lorsque  le  peu 
-de  terrain  disponible  ne  permet  pas  ce  procédé,  les  indigènes  n'hésitent  pas  à 
abandonner  leur  village  et  à  le  transporter  parfois  à  20  kilomètres  ou  plus,  dans 
une  région  à  peu  près  déserte  ou  abandonnée  depuis  longtemps.  Chez  les  Pala  et 
les  Niarhafolo,  ce  système  est  poussé  à  un  point  tel  que  les  indigènes  peuvent  à  la 
rigueur  être  considérés  comme  des  nomades,  ne  demeurant  souvent  pas  trois  années 
de  suite  dans  le  même  endroit.  Ce  procédé,  rendu  nécessaire  par  l'absence  presque 
totale  de  calcaire  dans  le  sol  de  cette  partie  de  l'Afrique,  n'a  pas  peu  contribué  à 
empêcher  la  civilisation  des  Siéna  de  progresser  ;  il  s'oppose  en  effet  à  la  constitu- 
tion de  gros  centres  permanents  qui  pourraient  à  la  longue  devenir  des  foyers  de 
progrès. 

Ailleurs,  il  existe  bien  de  gros  villages  permanents,  presque  des  villes.  Mais 
-chaque  famille  de  ces  centres  possède  à  10,  15,  20,  30  kilomètres  de  Ih  un  hameau 
où  elle  demeure  la  plus  grande  partie  de  l'année,  où  certains  de  ses  membres 
habitent  même  continuellement,  et  autour  duquel  sont  ses  cultures.  Système  un 
peu  analogue  à  celui  des  grands  seigneurs  d'autrefois  qui  allaient  se  montrer  à  la 
<^ur  et  possédaient  un  hôtel  dans  la  capitale,  tandis  que  leurs  serfs  faisaient  valoir 
les  propriétés  territoriales  qu'ils  avaient  en  province  et  dont  ils  tiraient  leurs 
revenus. 

Ces  diverses  circonstances  sont  très  importantes  à  connsdtre.  Si  on  les  ignore, 
on  ne  peut  comprendre  exactement  l'organisation  politique  et  sociale  des  Siéna,  ni 
se  rendre  compte  que  des  hameaux  très  éloignés  d'un  centre  donné  dépendent 
cependant  de  ce  centre  et  non  pas  d'un  autre  beaucoup  plus  rapproché.  Ce  sont  au 
contraire  ces  circonstances  qui  expliquent  Téparpillement  des  Siéna,  le  morcelle- 
ment de  leurs  sous-tribus,  la  variation  énorme  que  présente  la  densité  de  la  popula- 
tion selon  la  degré  de  richesse  du  sol,  enfin  la  présence  de  nombreuses  ruines  qui 
sont  loin  de  provenir  toutes  du  passage  d'un  conquérant  dévastateur  et  les  change- 
ments considérables  que  subissent  en  quelques  années  la  répartition,  la  nomenclature 
et  la  situation  des  petites  localités. 

J'ai  dit  plus  haut  que,  pour  la  culture  du  riz  blanc  ou  riz  de  rizière, 
{vulgairement  «  riz  de  marigot  »),  les  Siéna  pratiquaient  des  drainages  et  des 
canalisations  ;  parfois  même  ils  détournent  complètement  le  lit  d'une  rivière  et  la 
font  s'épandre  dans  une  vaste  rizière  préparée  à  l'avance.  Ce  riz  est  semé  dans  des 
sillons  fréquemment  arrosés  ou  dans  des  terrains  légèrement  marécageux  ;  une  fois 
levé,  il  est  repiqué  à  la  main  dans  le  lit  même  des  rivières  ou  dans  les  zones 
d'épandage,  après  qu'on  a  ameubli  le  terrain  à  la  houe.  Les  rizières  qui  donnent 
les  plus  belles  récoltes  sont  celles  établies  en  pleine  eau  courante. 

Le  riz  gris  ou  rosé,  dit  «  riz  rouge  a  ou  «  riz  de  montagne  »,  se  sème  également 
dans  des  sillons,  mais  se  repique  dans  des  terrains  non  inondés,  préalablement 
dépourvus  de  toute  végétation  étrangère. 

Le  petit  mil  est  également  repiqué,  mais  en  partie  seulement.  C'est  à  dire  qu'on 
le  sème  à  poignées,  et  qu'une  fois  la  touffe  de  tiges  bien  levée,  on  arrache  la 
moitié  au  moins  de  ces  tiges  afin  de  dégêner  les  autres,  puis  on  coupe  les  feuilles 
terminales  des  tiges  ainsi  arrachées  et  on  les  repique  ensuite  par  petites  touffes. 

Les  espèces  végétales  les  plus  communément  cultivées  par  les  Siéna  sont  les 
suivantes  :  le  petit  mil  (nombreuses  variétés,  répandu  partout,  surtout  dans  les 
fractions  nord,  centrale  et  nord-est)  ;  le  maïs  (également  répandu  partout,  et  d'autant 


p.  244.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908» 

plus  abondant  que  les  Mandingnes  sont  plus  nombreux  dans  la  contrée  ;  il  s'accom- 
mode mieux  que  le  mil  des  terrains  légèrement  sablonneux)  ;  Vigname  (nombreuses 
yariétés,  répandue  surtout  dans  les  fractions  sud-est,  sud,  centrale  et  nord-est, 
moins  commune  et  de  moins  bonne  qualité  à  mesure  qu'on  s'avance  vers  le  nord  ; 
elle  réclame  un  sol  assez  riche  et  semble  l'épuiser  assez  vite)  ;  le  manioc  (deux 
espèces  :  l'une,  vénéneuse  lorsque  le  tubercule  n'a  pas  été  soumis  à  la  fermentation» 
se  rencontre  fort  rarement  ;  l'autre,  que  l'on  peut  sans  danger  aucun  consommer 
même  crue,  est  beaucoup  plus  cultivée  et  présente  au  moins  deux  variétés)  ;  le 
sorgho  ou  gros  mil   (cultivé  surtout  en  vue  de  la  nourriture  des  chevaux,  et 
seulement  là  où  il  existe  des  chevaux,  sauf  cependant  dans  certaines  parties 
de  la  fraction  nord-est,  où,  à  l'exemple  de  leurs  voisins  de  la  haute  Volta,  les 
indigènes  le  cultivent  pour  leur    consommation    personnelle)  ;  le  petit  sorgho 
ou  petit  mil  à  grappes,  (cultivé  seulement  autour  de  quelques  villages,  surtout 
dans  la  fraction  centrale  et  la  fraction  nord)  ;  le  riz  gris  ou  rosé  ou  riz  de  mon- 
tagne (qu'on   rencontre  surtout  dans  les  fractions  centrale  et  nord,  mais  qui 
existe  aussi  dans  plusieurs  parties  des  autres  fractions)  ;  le  rijs  blanc  ou  riz  de 
rizière  (cultivé  sur  une  très  grande  échelle  dans  la  fraction  centrale  et  à  un  degré 
moindre  dans  les  fractions  nord-est,  nord  et  sud,  inconnu  ^  je  le  crois  du  moins  — 
dans  la  fraction  sud-est)  ;  le  haricot  (plusieurs  variétés,  les  unes  noires,  les  autres 
rouges,  toutes  rampantes,  cultivées  un  peu  partout)  ;  Varachide  (se  rencontre  dans 
toutes  les  fractions  en  plus  ou  moins  grande  abondance,  surtout  dans  celles  du  centre 
et  du  nord-est  ;  affectionne  les  terrains  sablonneux)  ;  V arachide-haricot  (cultivée 
seulement  sur  une  échelle  assez  médiocre)  ;  Varachide  sans  coque  (que  je  n'ai 
rencontrée  que  dans  la  fraction  nord-est  et  la  partie  orientale  de  la  fraction  centrale, 
sans  pouvoir  affirmer  pourtant  qu'elle  soit  inconnue  ailleurs)  ;  les  calebasses  (nom- 
breuses variétés,  les  unes  comestibles,  les  autres  servant  seulement  à  confectionner 
des  ustensiles,  les  premières  cultivées  partout,  les  secondes  fréquentes  surtout  dans 
la  fraction  nord)  ;  la  patate  (cultivée  auprès  de  presque  tous  les  villages,  mais  sur 
une  échelle  assez  restreinte)  ;  le  gingembre  (que  je  n'ai  vu  cultivé  que  dans  la 
fraction  centrale)  ;  divers  légumes  et  condiments  (cultivés  partout  autour  des  villages, 
et  parmi  lesquels  je  citerai  des  sortes  d'aubergines  amères,  le  gombo,  différentes 
feuilles  comestibles,    plusieurs  variétés  de  piment,  des  concombres  à  graines 
oléagineuses). 

Comme  cultures  non  vivrières,  je  dois  mentionner  celles  :  du  coton  (trois 
variétés  au  moins,  l'une  à  bourre  grisâtre,  la  seconde  à  bourre  rousse,  la  troisième 
à  bourre  blanche  ;  la  dernière  peu  répandue  sauf  là  où  les  Mandingues  sont  établis, 
les  deux  autres  se  rencontrant  à  peu  près  partout,  surtout  dans  les  fractions  du 
centre  et  du  sud)  ;  du  tabac  (cultivé  dans  toutes  les  fractions)  ;  d'une  sorte  de  chanvre 
dont  les  fibres  sont  utilisées  pour  fabriquer  des  cordes  et  que  Ton  cultive  surtout 
dans  la  fraction  centrale. 

Il  existe  aussi  des  espèces,  arborescentes  pour  la  plupart,  qui  constituent  ce 
que  j'appellerais  volontiers  des  demi-cultures,  c'est  à  dire  qu'elles  ont  été  à  l'origine 
importées  et  plantées  par  la  main  de  l'homme,  mais  qu'elles  ont  été  ensuite  aban- 
données à  elles-mêmes.  Ces  espèces  peuvent  sembler  à  première  vue  spontanées, 
mais  on  a  la  preuve  du  contraire  en  constatant  qu'on  ne  les  rencontre  que  dans  les 
plantations  ou  les  anciennes  plantations,  ou  à  proximité  des  villages  ou  des 
emplacemeuts  d'anciens  villages  ;  on  peut  même  assister  de  nos  jours  à  la  mise  en 
terre  de  plusieurs  de  ces  plantes  et  aux  soins  que  prennent  les  indigènes  pour 
assurer  et  faciliter  leur  reproduction.  Dans  cette  catégorie  se  rangent  :  Varbreà 


1908*]  DELAFOSSB    :    LE    PEUPLE   SIENA    OU    SÉNOUFO.  [P.  245. 

ieurre  (se  en  mandinguei  vulgairement  kariié  du  mot  marka  khari-ié  qui  signifie 
«  beurre  de  khari  »)  ;  le  finsan  (ainsi  appelé  par  les  Mandingues,  donne  un  fruit 
dont  la  pulpe  est  comestible  et  oléagineuse)  ;  le  néié  ou  néré  (ainsi  appelé  par  les 
Mandingues,  ses  graines  sont  entourées  d'une  pulpe  qui  sert  à  la  préparation  du 
condioQient  bien  connu  sous  le  nom  mandingue  de  soumbara)  ;  le  baobab  (dont  les 
fruits  renferment  une  pulpe  connue  vulgairement  sous  le  nom  de  «  pain  de  singe  a 
€t  utilisée  pour  agrémenter  le  goût  de  Peau  de  boisson)  ;  le  palmier  à  huile  (que 
Ton  ne  rencon^e  guère  que  dans  les  parties  méridionales  de  la  fraction  sud  et  de  la 
fraction  nord,  ainsi  que  dans  la  fraction  sud-est,  et  dont  les  indigènes  retirent  et 
-du  vin  de  palme  et  de  Thuile  de  palmistes)  ;  le  citronnier  (abondant  surtout  dans 
les  fractions  sud-est  et  sud,  moins  fréquent  dans  les  autres)  ;  le  papayer  (que  Ton 
rencontre  un  peu  partout,  mais  en  moins  grande  abondance  et  donnant  des  fruits 
de  moindre  qualité  à  mesure  qu'on  s'avance  vers  le  nord)  ;  le  bananier  (deux 
espèces  :  celle  donnant  la  grande  banane  légume,  cultivée  seulement  dans  quelques 
localités,  surtout  dans  les  fractions  sud-est  et  sud,  et  celle  donnant  la  petite  banane 
fruit,  plus  généralement  répandue)  ;  Vananas  (abondant  et  savoureux  surtout  dans 
le  sud  et  dans  l'ouest,  souvent  stérile  dans  le  centre,  le  nord  et  l'est). 

Depuis  une  époque  toute  récente,  on  peut  ajouter  à  cette  liste  la  liane  à 
^caoutchouc,  dont  la  culture  et  l'entretien  ont  été  entrepris  en  beaucoup  de  localités 
du  pays  Siéna,  notamment  dans  la  fraction  centrale,  sous  l'impulsion  des  autorités  . 
françaises. 

Il  existe  aussi  dans  la  région  nombre  d'espèces  végétales  qui  croissent  et  se 
reproduisent  spontanément,  sans  que  l'intervention  humaine  apparaisse  en  quoi  que 
<^  soit,  mais  dont  certaines  parties  sont  recueillies  et  utilisées  par  los  indigènes. 
A  cette  catégorie  appartiennent  :  le  tama  (arbre  croissant  au  bord  des  cours  d'eau, 
surtout  dans  les  fractions  centrale  et  nord,  et  dont  les  fruits  donnent  un  beurre 
végétal  analogue  au  karité)  ;  la  liane  à  caoutchouc  (répandue  surtout  dans  les  ter- 
rains argilo-ferrugineux  et  moyennement  boisés,  abondante  dans  les  fractions  cen- 
trale et  nord-est,  existe  aussi  dans  les  autres  fractions  ;  les  Siéna,  sauf  ceux  dos 
fractions  sud  et  sud-est,  s'adonnent  peu  en  général  à  l'extraction  du  caoutchouc  et 
abandonnent  cette  industrie  à  des  étrangers,  notamment  à  des  Mandingues  du 
Ouassoulou)  ;  le  palmier  raphia  (répandu  dans  certaines  vallées  des  fractions  sud- 
est,  sud  et  nord,  plus  rare  dans  les  fractions  centrale  et  nord-est  ;  ses  feuilles  servent 
à  la  confection  des  nattes,  des  chapeaux,  etc.,  et  ses  nervures  à  la  construction  des 
toitures,  à  la  fabrication  des  corbeilles,  des  nasses,  etc.)  ;  la  liane  à  indigo  (assez 
<M)mmune  dans  la  fraction  sud,  plus  rare  dans  les  autres  ;  ses  jeunes  pousses  servent 
à  la  préparation  d'une  teinture  très  analogue  à  Tindigo,  universellement  employée 
dans  la  Boucle  du  Niger  pour  la  coloration  du  coton  et  des  tissus  en  diverses 
nuances  de  bleu)  ;  le  carapa  (qu'on  rencontre  au  bord  de  certains  cours  d'eau,  dans 
les  fractions  sud-est,  sud  et  centrale,  moins  dans  les  deux  autres  ;  ses  fruits  servent 
à  fabriquer  un  savon  excellent)  ;  le  rotin  ou  palmier-liane  (très  commun  dans  les 
bas-fonds  marécageux  ;  sert  à  de  multiples  usages  en  construction,  en  vannerie, 
^tc.)  ;  le  caïlcédra  (énormément  répandu  dans  les  savanes  ;  on  détache  son  écorce 
pour  en  faire  des  ruches  et  aussi  pour  recouvrir  les  passerelles  de  fortune  en  ron- 
dins de  bois  que  l'on  jette  sur  les  rivières).  A  cette  liste  fort  incomplète,  j'ajouterai 
une  foule  de  végétaux  dont  j'ignore  les  noms  même  vulgaires  et  qui  sont  utilisés 
par  les  Siéna,  les  uns  pour  leur  bois  (bois  de  construction,  bois  d'ébénisteric,  bois 
de  chauffage),  les  autres  pour  leurs  fruits  comestibles  (le  ntaba  ou  Sterculia  Cordi- 
folia  entre  autres,  ainsi  que  le  petit  dattier  épineux),  d'autres  encore  pour  les' 


p.  246.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908«. 

propriétés  médicinales  de  leurs  feuilles,  de  leurs  fruits,  de  leurs  racines  ou  de  leur 
écorce,  ou  pour  leurs  propriétés  comestibles  (certaines  plantes  herbacées,  certaines 
feuilles,  des  champignons  divers),  enfin  les  herbes  et  roseaux  divers  utilisés  pour 
une  foule  d^usages. 

Il  serait  fort  désirable  qu'un  spécialiste  dressât  la  liste  de  tous  les  végétaux 
utilisés  à  un  titre  quelconque  par  les  Siéna  et  établit  de  façon  précise  quels  sont 
ceux  qui  furent  importés  et  quels  sont  ceux  que  Ton  peut  à  coup  sur  considérer 
comme  indigènes  :  je  n'ai  malheureusement  ni  la  compétence  ni  la  documentation 
nécessaires  pour  traiter  cette  question  à  fond,  et  je  n'ai  pu  fournir  que  dea 
données  que  d'autres  compléteront,  préciseront  et  rectifieront  au  besoin. 

Je  crois  utile  d'indiquer  approximativement  quels  sont  les  travaux  agricoles 
auxquels  se  livrent  les  Siéna  suivant  les  saisons  de  l'année.  D'une  façon  générale, 
la  saison  sèche  dure  de  décembre  à  fin  mars,  et  la  saison  des  pluies  de  juin  à  fia 
novembre,  avec  une  saison  dont  la  tenue  est  très  variable  et  qui  dure  d'avril  à  fin 
mai.  L'époque  la  plus  sèche,  celle  où  soufile  l'harmattan,  va  de  fin  décembre  à  fin 
février  :  c'est  aussi  le  moment  où  la  température  tombe  le  plus  bas  (4-  10^  au  lever 
du  soleil,  comme  minimum)  et  monte  le  plus  haut  (-f-  35®  vers  une  heure  après- 
midi,  comme  maximum).  Les  coups  de  vent  violents  et  les  tornades  se  produisent 
généralement  en  mai  et  en  septembre-octobre  ;  les  plus  gros  orages  ont  lieu  en  juil- 
let-août, bien  que  souvent  cette  période  marque  une  certaine  accalmie  dans  les 
pluies,  août  surtout  ;  les  plus  fortes  pluies  tombent  en  septembre-octobre.  Enfin  la 
moyenne  de  la  température,  qui  est  annuellement  de  25**  environ,  est  le  plus  souvent 
la  plus  élevée  en  mars  (27<'  à  28'')  et  la  plus  basse  en  juillet-août  (22<'  à  23'').  Toutes 
ces  indications  naturellement  sont  données  à  titre  général,  d'après  trois  années^ 
consécutives  d'observations,  mais  les  exceptions  peuvent  être  fréquentes. 

En  décembre  et  janvier,  on  coupe  les  hautes  herbes  qu'on  laissse  pourrir  ou 
sécher  sur  place,  on  laboure  les  terrains  et  on  plante  les  premières  ignames. 

En  février  et  mars,  on  continue  les  labours  et  on  achève  d'ameublir  les  terrains 
qui  n'avaient  été  que  préparés  durant  la  période  précédente. 

Dès  les  premières  pluies  d'avril,  on  sème  le  maïs,  ainsi  que  les  légumes  et  con* 
diments  divers,  puis,  en  mai,  on  sème  le  coton  et  les  arachides  et  l'on  plante  le 
manioc. 

En  juin  et  juillet,  on  récolte  les  ignames  plantées  en  décembre,  et,  dans  les 
terrains  où  elles  se  trouvaient  et  qu'on  a  labourés  à  nouveau,  on  sème  le  soi^ho, 
le  mil  et  les  haricots.  C'est  aussi  à  la  fin  de  cette  même  période  qu'on  commence  k 
récolter  le  maïs  semé  en  avril  et  qu'on  en  sème  pour  la  seconde  fois. 

En  août  et  septembre,  ou  plus  exactement  lorsque  commencent  les  dernières 
pluies,  on  sème  le  riz,  on  repique  le  mil,  on  bine  et  désherbe  les  champs,  on 
repique  le  riz,  on  récolte  le  maïs  semé  en  juin,  on  arrache  le  manioc  et  les  ara- 
chides. 

En  octobre  et  novembre  on  récolte  successivement  le  mil,  le  sorgho,  les  hari*^ 
cots,  les  ignames  plantées  en  juin,  le  riz  gris,  le  riz  blanc  et  enfin  le  coton. 

19.  —  L'élevage. 

Les  Siéna  possèdent  quelques  bestiaux,  mais  en  nombre  assez  restreint  et  ne 
sont  pas  des  éleveurs  à  proprement  parler,  car,  sauf  là  où  ils  ont  subi  profondément 
l'influence  mandingue,  ils  ne  prennent  aucun  soin  de  leurs  troupeaux.  La  volaille 
au  contraire  est  très  abondante  et  est  l'objet  de  soins  continuels. 


1908.]  DELAFOSSB    :    LE    PEUPLE   SIÉNA    OU   SÉNOUFO.  [P.  247. 

Les  animaux  domestiques  que  Ton  rencontre  en  pays  Siéna  sont  le  bœuf,  le 
mouton,  la  chèvre,  le  chien  et  le  chat.  Tous  servent  à  l'alimentation,  bien  que  le 
chien  et  le  chat  ne  soient  pas  proprement  des  animaux  de  boucherie  :  les  chiens, 
très  nombreux,  sont  conservés  comme  gardiens  des  villages  et  des  plantations,  et 
les  chats,  plus  rares,  sont  élevés  en  vue  de  la  destruction  des  rats  ;  mais,  à  Tocca- 
fiion,  on  ne  dédaigne  pas  leur  chair. 

Les  hceufs  appartiennent  à  trois  races  distinctes  :  Tune,  qui  paraît  indigène  et 
qu'on  rencontre  dans  toute  la  Côte  d'Ivoire  jusqu'à  la  mer  et  dans  la  Boucle  du 
Niger  jusqu'au  Mossi  inclus,  est  basse  sur  pattes,  râblée,  à  cornes  petites,  de  pelage 
habituellement  blanc  ou  noir  ou  tacheté  de  blanc  et  de  noir  ;  c'est  celle  qui  donne 
la  viande  la  meilleure  ;  elle  existe  dans  toutes  les  fractions,  mais  semble  abonder 
surtout  dans  les  fractions  sud  et  centrale.  En  second  lieu  on  a  une  race  plus  grande, 
à  longues  cornes,  de  robe  fauve  ou  brune,  qui  parait  provenir  de  l'ouest  et  qui  a  des 
représentants  surtout  dans  l'ouest  des  fractions  centrale  et  nord  ;  elle  semble 
s'acclimater  parfaitement  au  pays  et  son  union  avec  la  race  indigène  a  donné  des 
produits  de  type  intermédiaire  ;  sa  chair  est  bonne  et  elle  a  plus  de  lait  que  la  race 
indigène.  (Les  Siéna  d'ailleurs  ne  traient  pas  leurs  vaches,  exception  faite  de  quel- 
<][ues  chefs  riches  et  mandicisés  qui  font  traire  les  leurs  par  des  bergers  mandingues, 
sarakolé  ou  foula).  Enfin  on  trouve  parfois,  surtout  dans  la  fraction  nord,  des  repré^ 
sentants  du  bœuf  à  bosse  des  Foula,  de  robe  grise  ou  brune  ;  cette  dernière  race 
vit  assez  mal  et  sa  chair  est  médiocre  ;  elle  n'est  jamais  utilisée  par  les  Siéoa  pour 
le  portage,  non  plus  d'ailleurs  que  les  deux  autres  races. 

A  part  les  chefs  et  les  notables  aisés,  les  Siéna  ont  peu  de  bœufs  :  il  existe 
beaucoup  de  villages  qui  n'en  possèdent  pas  un  seul,  et  si  on  en  voit  parfois  des 
troupeaux  de  plusieurs  centaines  de  tètes  dans  les  prairies  qui  avoisinent  les  gros 
centres,  il  ne  faut  pas  oublier  que  la  plus  grande  partie  de  ces  troupeaux  appartient 
à  des  étrangers,  soit  à  des  Mandingues  résidant  dans  le  pays,  soit  à  des  Foula  ou 
à  des  Sarakolé  voyageurs  qui  les  ont  amenés  pour  les  vendre.  Les  Siéna  qui  possèdent 
des  bœufs  les  laissent  paître  librement  autour  des  villages  ;  le  seul  soin  qu'ils  en 
prennent  est  de  les  ramener  le  soir  dans  des  cases  ou  dans  des  parcs  pour  les 
mettre  à  l'abri  des  hyènes  et  des  panthères. 

Ijes  moutons  et  surtout  les  chèvres  sont  plus  abondants  que  les  bœufs.  Les 
premiers  appartiennent  presque  exclusivement  à  la  race  indigène,  petite,  à  poils 
rudes  et  droits,  à  chair  assez  bonne  ;  on  rencontre  parfois  des  moutons  hauts  sur 
pattes,  efflanqués,  à  chair  médiocre,  amenés  par  les  Maures,  et  plus  rarement 
encore  des  moutons  à  laine  du  Massina  ou  des  moutons  frisés,  très  blancs,  qu'on 
nomme  «  moutons  d'Israël  »  ;  mais  les  moutons  des  Maures  et  ceux  du  Massina 
vivent  assez  mal  et  sont  tués  en  général  aussitôt  achetés  ;  quant  aux  moutons 
illsraël,  les  femmes  des  chefs  aiment  à  en  posséder  dont  elles  se  font  suivre  comme 
par  un  chien.  Seuls  ces  derniers  sont  châtrés,  et  par  les  Mandingues  ou  les  Sarakolé 
-qui  les  ont  introduits  dans  le  pays.  Mais  les  Siéna  ne  châtrent  ni  les  taureaux,  ni 
les  béliers,  ni  aucun  animal. 

Les  chèvres  appartiennent  à  deux  races  :  la  race  du  sud,  petite,  râblée,  forte, 
de  poil  fauve  en  général,  répandue  partout  ;  et  la  race  du  nord,  haute  sur  pattes, 
élégante  et  fine,  de  robe  grise  tachetée  de  noir  et  de  blanc,  répandue  surtout  dans 
la  fraction  nord. 

Les  Siéna  ne  prennent  aucun  soin  de  leurs  moutons  ni  de  leurs  chèvres  ;  dans 
le  jour,  ils  vaguent  parmi  le  village  et  aux  alentours,  broutant  l'herbe  naissante, 
les  jeunes  feuilles  et  les  détritus  ménagers  ;  la  üuit,  ils  se  réfugient  sous  les  auvents^ 
ou  dans  les  cases  vides. 


p.  248.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Les  chiens^  fort  nombreux,  sont  eo  général  petits,  de  couleur  fauve,  avec  des 
oreilles  droites  ;  quelques-uns  sont  noirs,  d'autres  ont  le  pelage  tacheté  de  Thyène. 
Ils  aboient  à  tout  venant,  surtout  la  nuit,  mais  sont  peureux  et  peu  redoutables. 
Ils  accompagnent  leurs  maîtres  aux  plantations.  Us  sont  le  plus  souvent  couverte 
de  tiques. 

Les  chats  sont  le  plus  souvent  gris  avec  des  bandes  noires  ;  on  en  voit  parfois 
de  blancs  et  même  de  rougeâtres.  Ils  sont  assez  peu  casaniers,  changent  souvent 
de  maître  et  vont  la  nuit  à  la  maraude,  ainsi  d'ailleurs  que  les  chiens. 

Les  chèvres,  les  chiens  et  les  chats  semblent  s'accommoder  parfaitement  du 
climat  et  on  ne  signale  pas  d'épidémies  parmi  eux.  Les  moutons  résistent  assez 
bien,  mais  pourtant  une  assez  grande  mortalité  sévit  parfois  sur  eux  à  la  suite  des> 
grandes  pluies.  Il  en  est  de  même  des  bœufs,  qui  semblent  souffrir,  plus  que  les 
autres  animaux,  des  épizooties  qui  désolent  de  temps  à  autre  certaines  localités. 
Les  mouches  tsétsé  sont  assez  communes  auprès  des  cours  d'eau  dans  la  plus  grande 
partie  du  pays  Siéna  :  j'ignore  si  elles  sont  pour  quelque  chose  dans  ces  épizooties. 

Il  semble  bien  en  tout  cas  que  c'est  à  l'une  d'elles  qu'est  due  la  propagation 
de  la  trypanosomiase  du  cheval,  qui,  connue  des  Mandingues  sous  le  nom  Aesoumà 
(maladie  du  froid),  décime  les  chevaux  sur  une  très  vaste  échelle  à  la  saison  des 
pluies  :  très  peu  des  chevaux  qui  voyagent  en  cette  saison  et  qui  ont  à  traverser  des 
cours  d'eau  résistent  ;  ceux  qui  demeurent  au  village  ou  au  pâturage  durant  la 
saison  pluvieuse  durent  parfois  quelques  années,  mais  un  cheval  qui  vit  dans  le 
pays  depuis  cinq  ans  est  une  rareté,  et  il  est  plus  rare  encore  de  voir  une  jument 
mettre  bas  un  poulain  viable  ou  résister  à  l'accouchement.  Aussi  le  pays  des  Siéna 
ne  peut  en  aucune  façon  être  considéré  comme  un  pays  d'élevage  pour  le  cheval. 
Cependant,  surtout  depuis  quelques  années,  un  certain  nombre  de  chefs  et  de 
notables  tiennent  à  se  payer  le  luxe  de  posséder  un  ou  plusieurs  chevaux,  dont  ils 
se  servent  d'ailleurs  rarement,  mais  dont  ils  abusent  lorsqu'ils  s'en  servent.  On  n'en 
rencontre  pour  ainsi  dire  pas  dans  les  fractions  sud-est  et  sud,  mais  il  en  existe 
un  certain  nombre  dans  les  fractions  centrale,  nord-est  et  nord.  Tous  sont  amenés 
du  nord  par  des  Dioula  ou  des  Sarakolé,  la  plupart  du  temps  de  la  région  de  Ségou 
et  de  Banamba.  En  général,  les  Siéna  qui  ont  des  chevaux  en  prennent  le  plus 
grand  soin,  veillant  eux-mêmes  au  pansage  et  à  la  préparation  de  la  nourriture,, 
les  logeant  dans  des  cases  bien  aérées,  et  chauffées  par  les  temps  humides,  faisant 
pour  eux  des  plantations  de  sorgho,  les  soignant  dès  qu'ils  sont  malades.  D'autre 
part,  lorsqu'ils  les  montent,  ils  ne  craignent  pas  de  les  fatiguer  outre  mesure,  de 
leur  mettre  la  bouche  et  les  flancs  en  sang,  de  les  arrêter  brusquement  lorsqu'ils 
sont  lancés  au  triple  galop,  etc. 

Us  se  servent,  pour  monter  à  cheval,  de  selles  de  bois  recouvertes  de  cuir 
fabriquées  par  des  Mandingues  ou  provenant  du  Mossi  ou  du  Niger,  d'étriers  très 
étroits  d'ouverture  mais  à  semelle  longue  et  incurvée,  de  mors  à  pointe  ou  à  palette 
et  de  guidons  en  cuir  tressé.  Gomme  éperons,  ils  emploient  de  simples  pointes  de 
fer  fixées  par  une  courroie  au  talon  nu  du  cavalier.  Tout  cela  est  d'importation 
étrangère  et  offre  peu  d'intérêt  en  ce  qui  concerne  l'ethnographie  des  Siéna. 

J'ai  dit  plus  haut  que  la  volailh  était  très  abondante  et  qu'elle  était  l'objet  de 
beaucoup  de  soins.  Il  n'est  pas  de  petit  village  Siéna  qui  ne  possède  des  quantités 
souvent  considérables  de  poulets  et  surtout  de  pintades  ;  les  fractions  centrale  et 
nord-est  sont  les  plus  riches  à  cet  égard.  Les  poulets  sont  petits,  de  chair  assez 
coriace  ;  les  coqs  n'ont  pas  de  plumes  retombantes  à  la  queue  ;  une  maladie  fort 
contagieuse,  ressemblant  à  celle  qu'on  appelle  la  <:  pépie  n  dans  nos  campagnes^ 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE    PEUPLE    SIÉNA    OU    SÊNOUFO.  [P,  249. 

exerce  sur  eux  de  grands  ravages  à  la  saison  sèche.  Les  pintades  domestiques,  qui 
sont  analogues  aux  nôtres,  résistent  très  bien  au  contraire  et  ne  semblent  pas 
sujettes  à  cette  maladie  ;  les  Siéna  les  obtiennent  en  ramassant  dans  la  brousse  des 
œufs  de  pintades  sauvages,  qu'ils  font  couver  par  des  poules  :  les  oiseaux  qui 
sortent  de  ces  œufs,  au  lieu  d'avoir  les  pattes  noires  des  pintades  sauvages,  ont  les 
pattes  jaunes  et  portent  quelques  plumes  blanches  aux  ailes,  ce  qui  ne  se  rencontre 
pas  chez  leurs  mères  et  sœurs  de  la  brousse  ;  parfois,  au  bout  de  plusieurs  généra- 
tions domestiques,  on  obtient  des  oiseaux  entièrement  blancs.  Les  pintades  même 
domestiquées  n'aiment  pas  pondre  dans  les  cases  ni  pondre  tous  les  jours  au  même 
endroit  ;  elles  n'aiment  pas  non  plus  couver  leurs  œufs  :  aussi  les  femmes  les  suivent 
lorsqu'elles  les  voient  s'écarter  du  village  pour  pondre,  ramassent  les  œufs  qui,  sans 
cela,  deviendraient  la  proie  des  serpents  ou  des  mangoustes,  et  font  couver  ces 
œufs  par  des  poules. 

Les  Siéna  construisent  pour  leurs  volailles  des  poulaillers  en  terre  ou  en 
briquettes  tantôt  adossés  à  la  case,  tantôt  (surtout  dans  la  fraction  nord-est)  bâtis 
à  part  comme  les  greniers.  Le  soir,  on  y  enferme  les  poules  en  les  y  attirant  au 
moyen  de  quelques  grains  de  maïs  jetés  devant  l'ouverture  et  en  les  glissant  une  à 
une  à  la  main  par  cette  ouverture,  que  Ton  obstrue  ensuite  à  l'aide  de  rondins  de 
bois.  Les  pintades  souvent,  ne  couchent  pas  dans  les  poulaillers,  mais  vont  se 
percher  sur  les  toits  des  cases  ou  sur  les  arbres  qui  avoisinent  le  village.  Lorsque 
les  hommes  se  rendent  aux  travaux  des  champs,  ils  emportent  avec  eux  leurs 
volailles  en  les  enfermant  dans  des  sortes  de  corbeilles  hémisphériques  à  fond  plat  : 
deux  de  ces  corbeilles  étant  suspendues  aux  deux  extrémités  d'une  perche,  le 
cultivateur  met  cette  perche  en  équilibre  sur  son  épaule  et  transporte  ainsi  sa 
basse-cour  dans  ses  plantations.  Là,  on  rend  la  liberté  aux  poulets,  qui  picorent 
les  vers,  larves  et  insectes  que  le  paysan  met  au  jour  en  retournant  la  terre  avec 
sa  houe  :  on  obtient  ainsi  un  double  résultat,  celui  d'engraisser  la  volaille,  et  celui 
de  détruire  bon  nombre  d'ennemis  de  Tagriculture.  De  plus,  les  Siéna  vont  fréquem- 
ment chercher  des  fragments  de  termitière  qu'ils  apportent,  leurs  alvéoles  encore 
pleines  de  termites,  devant  les  poulaillers,  où  ils  les  concassent  avec  leurs  maillets 
en  forme  de  crosse  :  les  poules  et  les  pintades  dévorent  les  termites,  qui  constituent 
pour  la  volaille  une  excellente  nourriture.  Cette  chasse  aux  termites  pour  la  volaille 
est  pratiquée  dans  tous  les  pays  Siéna,  mais  nulle  part  sur  une  échelle  aussi  vaste 
que  dans  la  fraction  nord-est  :  j'ai  vu  chez  les  Pala  nombre  de  sentiers  fort  bien 
frayés  qui  ne  servent  pas  à  autre  chose  qu'à  aller  chercher  des  fragments  de 
termitière  pour  la  volaille. 

Outre  les  poules  et  les  pintades,  on  rencontre  souvent  aussi  chez  lesSiéna  de  gros 
canards^  et  parfois  des  pigeons  pour  lesquels  des  pigeonniers  sont  améoagés  contre 
la  partie  supérieure  des  murs  des  cases.  J'ai  vu  aussi,  mais  seulement  chez  les  Pala 
et  dans  un  seul  village,  des  sortes  d'oies  brunes  qui  m'ont  paru  être  un  intermédiaire 
entre  l'oie  proprement  dite  et  le  canard. 

Un  élevage  auquel  les  Siéna  s'adonnent  beaucoup,  surtout  dans  les  fractions 
centrale  et  nord* est,  est  celui  des  abeilles.  Us  fabriquent  des  ruches  en  vannerie  ou, 
le  plus  souvent,  en  écorce,  utilisant  pour  cela  l'écorce  du  caïlcédra,  qui  se  détache 
aisément  par  fractions  cylindriques  embrassant  tout  le  tronc  ;  on  retire  ces  fractions 
en  y  pratiquant  une  incision  verticale  tout  du  long,  et  on  reconstitue  ensuite  le 
cylindre  à  l'aide  de  trois  liens  en  rotin,  puis  on  le  place  dans  la  fourche  d'un  arbre. 
Les  abeilles  viennent  «'y  installer,  et,  le  moment  venu,  on  les  chasse  de  nuit  au 
moyen  de  torches  fumeuses,  et  on  retire  le  miel  et  les  rayons.  Le  miel  est  consommé 


p.  250.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

par  les  indigènes  et  forme  même  un  article  de  vente  très  commun  sur  les  marchés  ; 
la  cire  est  en  partie  utilisée  par  les  bijoutiers  pour  faire  des  bijoux  à  la  méthode 
de  la  cire  perdue,  et  en  partie  vendue  aux  maisons  de  commerce  européennes.  Cet 
élevage  des  abeilles  avait  été  signalé  déjà  par  M.  Binger  chez  les  Dorhossiè  :  je  Tai 
vu  pratiquer  chez  les  Guimini,  chez  les  Takponin,  chez  les  Pala,  et  chez  toutes  les 
sous-tribus  de  la  fraction  centrale. 

20.  —  La  noarriture,  les  boissons,  les  excitants  et  les  parftims. 

Gomme  la  plupart  des  Nègres  de  civilisation  peu  développée,  les  Siéna  sont  à 
la  fois  sobres  et  gloutons,  en  ce  sens  qu'ils  se  nourrissent  de  peu,  sans  paraître  en 
souffrir,  lorsqu'ils  ne  peuvent  faire  autrement,  mais  qu'ils  se  rattrapent  avec 
voracité  chaque  fois  qu'ils  en  trouvent  l'occasion  ;  d'autre  part  ils  semblent  -ne 
pouvoir  se  livrer  de  façon  suivie  à  aucun  travail  fatigant  s'ils  n'absorbent  pas  une 
quantité  assez  considérable  de  nourriture. 

Ils  n'ont  pas  d'heures  réglées  pour  leurs  repas,  mangeant  lorsque  la  nourriture 
est  prête»  parfois  une  seule  fois  par  jour,  le  plus  souvent  deux,  fréquemment  trois 
ou  quatre  fois.  En  général,  lorsqu'ils  résident  chez  eux  et  sont  maîtres  de  leur 
temps  et  de  leurs  occupatious,  ils  font  un  repas  dans  la  matinée  et  un  autre  plus 
sérieux  un  peu  avant  la  tombée  de  la  nuit.  S'ils  visitent  quelqu'un  et  le  trouvent 
en  train  de  manger,  ils  partagent  généralement  le  repas  de  leur  hôte,  sur  l'invita- 
tion qui  leur  en  est  faite  par  ce  dernier,  même  s'ils  viennent  de  manger  chez  eux 
ou  sont  sur  le  point  de  le  faire. 

Les  hommes  mangent  à  part  et  sont  servis  les  premiers  ;  les  femmes  mangent 
ensuite  et  les  enfants  ont  pour  eux  un  plat  mis  à  part.  Cependant  les  tout  jeunes 
en&nts  mangent  avec  leur  mère,  et  les  adolescents  partagent  souvent  le  repas  des 
adultes.  Fréquemment  les  femmes  se  font  pour  elles  une  cuisine  différente  de  celle 
qu'elles  servent  aux  hommes  et  la  mangent  à  une  autre  heure  que  celle  du  repas 
des  hommes. 

Les  repas  se  prennent  en  plein  air,  devant  la  case,  lorsqu'il  fait  beau  ;  s'il 
pleut,  on  les  prend  dans  la  case  ou  plus  souvent  sous  l'auvent  ou  dans  l'avant-case, 
quand  il  en  existe.  Lors  des  travaux  des  champs,  le  repas  du  matin  est  souvent 
cuisiné  au  village  et  porté  ensuite  à  la  plantation  par  les  jeunes  femmes  ou  les 
petites  filles.  Si  les  travaux  de  la  saison  retiennent  toute  la  famille  aux  champs 
durant  la  journée  entière,  les  femmes  préparent  le  repas  sur  la  plantation  même, 
dans  une  hutte  ad-hoc^  au  moyen  de  marmites  et  de  provisions  apportées  le  matin 
du  village  ou  conservés  dans  la  hutte  tant  que  durent  les  travaux. 

Les  serfs  prennent  en  général  leurs  repas  avec  leurs  maîtres  et  mangent  au 
même  plat.  Cependant  les  notables  se  font  parfois  servir  à  part  et  invitent  un  ou 
deux  de  leurs  parents,  amis  ou  serfs  préférés  à  manger  avec  eux,  tandis  que  les 
autres  hommes  de  leur  famille,  nobles  ou  serfs,  mangent  à  un  autre  plat.  J'ai  dit 
plus  haut,  à  propos  des  soins  de  propreté,  comment  les  Siéna  absorbent  leurs 
aliments. 

La  base  de  la  nourriture  est,  comme  partout,  un  farineux  :  selon  la  contrée  et 
la  saison,  c'est  le  mil,  l'igname,  le  maïs,  le  riz,  le  manioc  ou  les  haricots.  Le 
mil,  le  maïs  et  les  haricots  sont  d'abord  réduits  en  farine,  soit  dans  un  mortier, 
soit  sur  la  meule  fixe  que  j'ai  décrite  plus  haut,  et  cette  farine  est  cuite  à  l'eau 
dans  une  marmite  de  façon  à  former  une  bouillie  très  épaisse,  presque  pâteuse, 
que  l'on  retire  avec  une  cuiller  de  bois  ou  de  calebasse  et  que  Ton  dispose  sur  un 


1908*]  DELAFOSSE    :    LE    PEUPLE    SIEN  A    OU    SÉNOUFO.  [P,  251» 

plat  creux,  par  morceaux  ayant  la  forme  de  grosses  lentilles  de  lunettes  astrono- 
miques. L'igname  et  le  manioc  sont  coupés  en  gros  morceaux,  cuits  à  l'eau,  puis 
réduits  en  pâte  dans  le  mortier  ;  la  ménagère  façonne  à  la  main  de  grosses  boules 
de  cette  pâte,  qui  sont  disposées  sur  un  plat.  Quant  au  riz,  une  fois  décortiqué^ 
il  est  cuit  à  Teau  et  servi  en  grains  entiers,  mais  agglomérés  ensemble  en  une  sorte 
de  gâteau  un  peu  pâteux.  Quel  que  soit  l'aliment  farineux  employé,  on  n'y  met 
jamais  de  sel,  et  il  n'est  jamais  servi  mélangé  à  de  la  viande  ni  à  de  la  sauce. 

La  viande  est  chez  les  Siéna  un  aliment  de  luxe,  dont  les  gens  aisés  seuls  usent 
journellement  et  dont  le  menu  peuple  ne  mange  pas  tous  les  jours.  Mais,  et  sans 
doute  à  cause  même  de  sa  rareté,  elle  est  prisée  par  tous  à  un  très  haut  degré. 
Lorsque  la  générosité  d'un  chef  ou  une  chasse  fructueuse  permet  de  manger  de  la 
viande  à  satiété,  ce  sont  des  frémissements  et  même  des  cris  de  joie  parmi  toute 
la  population. 

Tout  ce  qui  est  chair  d'ailleurs  est  bon  aux  Siéna,  quelle  que  soit  l'espèce  de 
l'animal  dont  cette  chair  provient,  quel  que  soit  le  morceau  et  quel  que  soit  l'état 
de  conservation  de  la  viande.  C'est  ainsi  qu'outre  la  chair  des  animaux  domestiques 
(bœuf,  mouton,  chèvre,  et  même  chien  et  chat),  de  la  volaille  et  du  gibier  propre- 
ment dit,  les  Siéna  mangent  très  volontiers  les  rats,  les  serpents,  les  oiseaux  de 
proie,  les  chauves-souris,  certaines  larves  et  certaines  chenilles,  les  termites  ailés, 
les  grandes  sauterelles,  etc.  Les  crapauds  et  les  grenouilles  cependant  m'ont  semblé 
être  un  objet  de  répulsion  et  je  n'en  ai  jamais  vu  manger. 

Dans  un  animal,  les  Siéna  ne  laissent  rien  perdre  :  les  intestins,  à  peine 
débarrassés  des  matières  à  demi  ou  entièrement  digérées  et  grossièrement  lavés,  la 
peau,  une  fois  les  poils  enlevés  par  un  passage  à  la  flamme,  même  la  corne  des 
pieds  quand  elle  n'est  pas  par  trop  dure  et  les  os  quand  ils  ne  sont  pas  par  trop 
gros,  tout  trouve  son  emploi  culinaire.  Les  intestins  forment  même  un  morceau  de 
choix. 

J'ai  vu  des  Siéna  manger  sans  aucune  répugnance,  et  d'autre  part  sans  en 
paraître  indisposés,  des  viandes  en  état  de  putréfaction  réelle. 

Le  poisson  est  très  prisé,  surtout  lorsqu'il  a  été  séché  ;  cependant  on  le  mange 
aussi  à  l'état  frais,  si  tant  est  qu'on  puisse  appeler  frais  certains  poissons  morts 
souvent  depuis  plus  d'un  jour  et  qui  répandent  une  odeur  nauséabonde^. 

Lorsque  les  Siéna  ont  peu  de  viande  à  leur  disposition,  ils  la  font  cuire  avec 
un  condiment  ou  une  sauce,  et  elle  est  servie  dans  un  plat  creux  avec  sa  sauce,  en 
même  temps  que  l'aliment  farineux  mais  à  part  :  chacun  de  ceux  qui  mangent  au 
même  plat  prend  alors  avec  ses  doigts  une  boulette  de  l'aliment  farineux,  trempe 
cette  boulette  dans  la  sauce  et  l'absorbe  ;  lorsque  la  sauce  est  finie,  on  se  partage 
la  viande,  qui  avait  été  au  préalable  coupée  en  menus  morceaux  avant  d'être  mise 
à  cuire.  Si  la  viande  fait  défaut,  on  mange  l'aliment  farineux  en  le  trempant  dans 
une  sauce  maigre. 


*  Le  riz  est  généralement  décortiqué  au  pilon,  par  les  femmes,  au  fur  et  à  mesure  des 
besoins.  Il  en  est  quelquefois  de  môme  du  mil,  mais  en  général  ce  dernier  est  décortiqué  ou 
séparé  de  Tépi  au  fléau  par  les  hommes,  sur  une  aire  battue  préparée  auprès  du  village  ou 
dans  la  plantation,  parfois  sur  un  grand  rocher  plat.  On  use  aussi  quelquefois  de  ce  procédé 
pour  le  riz. 

^  Je  parlerai  plus  loin  des  aliments  dont  certaines  familles,  certains  clans,  certains  indi- 
vidus ne  mangent  pas,  pour  des  raisons  d'ordre  religieux  ou  autre.  Lorsque  je  dis  que  les 
Siéna  mangent  de  toutes  les  viandes,  cela  doit  s'entendre  de  la  généralité  du  peuple  :  cer- 
tains Siéna  ne  mangent  pas  de  certaines  viandes,  mais  il  n'est  pas  une  viande  dont  une 
partie  au  moins  des  Siéna  ne  mange  pas. 


p.  252.]  •    Il    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Lorsqu^au  contraire  oq  se  trouve  avoir  de  la  viande  en  abondance,  une  partie 
seulement  est  cuite  pour  le  repas  par  la  ménagère.  Le  reste  est  séché  devant  une 
flamme  de  paille  ou  de  menu  bois,  enfilé  par  morceaux  sur  une  baguette  de  bois 
fichée  verticalement  en  terre  devant  le  feu,  ou  même  posé  directement  sur  le  feu, 
en  sorte  que  cette  viande  est  fumée  autant  que  rôtie.  Une  partie  est  dévorée  séance 
tenante,  chaude  plutôt  que  cuite.  Le  reste  est  conservé  pour  les  jours  suivants.  Les 
Siéna  allant  en  voyage  emportent  souvent  avec  eux  de  ces  brochettes  de  viande 
séchée,  qui  répandent  une  odeur  épouvantable,  odeur  dont  ils  ne  semblent  éprouver 
aucune  gêne. 

J'ai  parié  tout  à  Theure  des  sauces  :  elles  sont  assez  variées,  moins  cependant 
chez  les  Siéna  que  chez  leurs  voisins  du  sud.  Les  divers  légumes  que  j'ai  énumérés 
au  chap.  18  —  arachide-haricot,  arachide  sans  coque,  calebasses  comestibles, 
patates,  aubergines,  et  surtout  le  gombo  et  les  diverses  variétés  de  feuilles  comes- 
tibles —  entrent  dans  la  composition  des  sauces,  principalement  des  sauces  maigres. 
Le  sel  entre  toujours  dans  les  sauces,  du  moins  lorsqu'on  en  possède,  car  cette  den- 
rée est  chère  et  rare  chez  les  Siéna,  bien  que  les  communications  plus  faciles  per- 
mettent aujourd'hui  l'importation  du  sel  marin  provenant  d'Europe  ou  de  sel  du  Cap 
Vert  qui  reviennent  moins  cher  que  le  sel  gemme  du  Sahara,  autrefois  le  seul  connu 
des  Siéna.  Les  condiments  sont  aussi  presque  une  nécessité  :  ce  sont  les  piments 
divers,  le  poivre  sauvage,  et  surtout  le  sounibara  fait  avec  la  pulpe  des  fruits  du 
nâe,  produit  nauséabond  lorsqu'il  est  crû,  mais  au  goût  duquel  on  s'habitue 
facilement.  On  use  également  du  gingembre. 

Les  oléagineux  entrent  pour  une  grande  part  dans  la  confection  des  sauces, 
surtout  lorsque  les  légumes  font  défaut.  L'huile  ou  beurre  de  se  ou  karité,  qu^on 
retire  des  fruits  de  l'arbre  à  beurre  par  ebullition  et  décantation,  la  pâte  d'arachides 
ou  de  graines  de  courge  grillées  puis  écrasées,  le  beurre  de  tama  obtenu  de  même 
façon  que  le  kariié^  Thuile  de  palmistes  dans  les  contrées  où  croit  le  palmier  à  huile, 
sont  les  principaux  corps  gras  employés  pour  la  confection  des  sauces.  Il  faut  y 
ajouter  les  graisses  animales  retirées  du  bœuf,  du  mouton  et  de  la  chèvre. 

En  général  les  repas  des  Siéna  ne  comprennent  qu'un  seul  service  :  l'aliment 
farineux  et  la  sauce,  celle-ci  avec  ou  sans  viande.  Parfois  on  sert  en  outre  une  sorte 
de  brouet  de  mil  ou  d'ignames  qui  peut  à  la  rigueur  correspondre  à  ce  que  nous 
appelons  le  potage.  Quant  au  dessert,  il  est  inconnu,  ou  du  moins  il  n'accompagne 
pas  les  repas  proprement  dits  ;  mais,  à  des  heures  quelconques  de  la  journée,  il 
arrive  que  les  indigènes  mangent  des  fruits  (bananes,  ananas,  papayes,  fruits 
sauvages  divers  qui  se  vendent  sur  les  marchés  et  parmi  lesquels  les  fruits  des  lianes 
à  caoutchouc  et  lianes  analogues  figurent  au  premier  rang).  Dans  les  villages  un 
peu  populeux,  dans  les  localités  situées  sur  les  grandes  routes  des  caravanes  et  aussi 
sur  presque  tous  les  marchés,  des  femmes  préparent  des  beignets  de  farine  de  mil 
frits  dans  l'huile  de  karitc\  que  les  passants  achètent  pour  quelques  cauries  et  dont 
ils  se  montrent  très  friands  ;  les  gourmets  les  mangent  en  les  trempant  dans  du  miel. 
Une  autre  friandise  très  appréciée  des  voyageurs  est  un  brouet  de  farine  de  mil  crue 
délayée  dans  l'eau  et  mélangée  à  du  miel. 

La  boisson  ordinaire  des  Siéna  est  l'eau  ;  ils  ne  sont  pas  plus  difficiles  sur  la 
qualité  de  l'eau  que  sur  celle  de  la  viande,  et  pour  cause  :  dans  certaines  parties 
de  la  fraction  centrale  (Kiembarha  et  Nafarha)  et  d'une  façon  générale  dans  les 
pays  faisant  partie  du  bassin  de  la  Sassandra,  il  existe  des  rivières  coulant  toute 
l'année  et,  auprès  des  montagnes,  des  sources  donnant  en  toute  saison  une  eau  pure 
et  excellente  ;  mais  ce  ne  sont  là  que  d'heureuses  exceptions,  et,  dans  la  majeure 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE   PEUPLE    SIENA    OU    SÉNOUFO.  [p.  253. 

partie  du  pays  Siéna,  notamment  dans  les  bassios  de  la  Comoé  et  du  Niger  et  dans 
la  partie  orientale  du  bassin  du  Bandama,  tous  les  cours  d'eau  —  les  fleuves  et 
quelques  très  grosses  rivières  exceptés  —  sont  complètement  à  sec  à  partir  de 
janvier  environ  jusqu'en  juin,  et  le  reste  de  Tannée  ils  roulent  une  eau  le  plus 
sonvent  bourbeuse.  Durant  la  saison  sèche,  la  majeure  partie  des  indigènes  n'a  à  sa 
disposition  qu'une  eau  blanchâtre,  parfois  une  véritable  bouillie  d'argile,  que  l'on 
obtient  en  creusant  des  trous  dans  le  lit  desséché  des  ruissoaux. 

Cependant  les  Siéna  ont  besoin  de  boire  beaucoup  ;  ils  ne  boivent  jamais  durant 
les  repas  et  avalent  quelques  gorgées  d'eau  seulement  à  la  fin  ;  mais  dans  le  courant 
de  la  journée,  surtout  s'ils  se  livrent  à  un  travail  fatiguant  ou  s'ils  marchent  aux 
heures  de  soleil,  ils  ont  besoin  d'absorber  une  grande  quantité  de  liquide. 

Lorsque  l'eau  est  rare  et  mauvaise,  on  y  remédie  en  y  mélangeant  du  «  pain 
de  singe  »  (pulpe  du  fruit  de  baobab)  ou  du  jus  de  citron,  qui  donnent  à  l'eau  un 
goût  acidulé  ;  la  pulpe  du  tamarin  est  employée  dans  le  même  but,  là  où  cet  arbre 
existe  (fractions  nord  et  nord-est  notamment,  et  la  partie  nord  de  la  fraction  cen* 
traie).  Les  Siéna  en  voyage  emportent  presque  toujours  avec  eux,  dans  une  calebasse 
suspendue  à  l'épaule,  de  la  farine  de  mil  qui,  délayée  dans  l'eau  de  boisson,  donne 
un  peu  de  goût  à  cette  dernière  et  présente  en  outre  l'avantage  de  la  rendre 
nutritive  ;  souvent,  dans  les  villages,  on  offre  aux  voyageurs  de  l'eau  ainsi  mélangée 
de  farine. 

Enfin  les  Siéna  sont  grands  amateurs  de  la  bière  de  mil  ou  de  maïs  connue  des 
Mandingues  sous  le  nom  de  ndoro  ou  dolo.  Une  bonne  partie  du  grain  récolté  sert 
à  la  préparation  de  cette  boisson,  qui  s'obtient  en  cuisant  le  mil  ou  le  maïs  dans 
d'immenses  marmites  remplies  d'eau  :  après  de  nombreuses  heures  d'ébuUition,  on 
décante  le  liquide  et  on  le  laisse  refroidir  et  fermenter  dans  des  jarres  ;  souvent  on 
donne  du  piquant  à  cette  préparation  en  y  mélangeant  du  piment.  Les  Siéna  aiment 
à  boire  le  doh  chauffé  et  fermenté  au  soleil  ;  les  Européens  le  préfèrent  froid  et 
rassis,  car  alors  il  rappelle  assez  la  bière.  C'est  surtout  dans  les  fractions  nord-est, 
centrale  et  nord  que  l'on  fait  usage  du  dolo  ;  bien  que  cette  boisson  soit  assez  peu 
alcoolisée,  les  Siéna  s'enivrent  souvent  en  en  buvant,  tant  à  cause  des  quantités  for- 
midables qu'ils  en  absorbent  qu'à  cause  de  leur  inaccoutumance  à  l'alcool  fort. 
L'ivresse  causée  par  le  dolo  est  d'ailleurs  légère  et  ne  dure  pas  longtemps. 

Dans  les  fractions  sud-est  et  sud,  et  dans  la  partie  sud-ouest  de  la  fraction 
nord,  on  use  du  vin  de  palme  concurremment  avec  le  dolo.  On  le  retire  du  palmier 
à  huile,  en  sectionnant  ce  dernier  au  ras  du  sol  et  en  perforant  ensuite  le  tronc 
abattu,  dans  les  fractions  sud-est  et  sud,  à  Timitation  de  la  méthode  employée  par 
les  Agni-Assanti  ;  —  en  incisant  le  sommet  du  tronc  de  l'arbre  demeuré  debout, 
dans  la  fraction  nord,  à  l'imitation  de  la  méthode  employée  par  les  populations  de 
la  Haute-Guinée  et  que  les  Baoulé  eux-mêmes  emploient  pour  le  vin  de  rônier. 

Dans  certains  villages,  j'ai  vu  aussi  préparer  une  liqueur  alcoolique  obtenue 
par  la  fermentation  de  miel  délayé  dans  l'eau  (hydromel). 

Quant  aux  alcools  d'origine  européenne  (tafia  et^m  de  traite),  si  répandus  parmi 
les  populations  de  la  côte  et  de  la  grande  forêt,  ils  sont  presque  inconnus  chez  les 
Siéna  (fraction  sud-est  et  partie  de  la  fraction  sud  exceptées).  Tout  au  plus  quelques 
chefs  se  sont-ils  adonnés  à  l'absinthe,  et  encore  n'ont-ils  pris  cette  habitude  que 
poussés  par  des  Européens  irréfléchis  et  ne  s'y  livrent-ils  que  de  loin  en  loin.  On 
peut  dire  que  la  plaie  de  l'alcoolisme  n'a  pas  encore  atteint  le  peuple  Siéna  et  il  est 
facile  aux  autorités  françaises  d'empêcher  qu'elle  ne  l'atteigne. 
•    Comme  excitants,  je  n'en  connais  que  deux  qui  soient  employés  par  les  Siéna  : 


p.  254.]  ^       •    R    •    E    >    E    '    S    * [1908. 

la  cola  et  le  tabac.  Le  colatier  n'existe  pas,  ou  ne  se  rencontre  que  tout  à  fait 
occasionneilemeat,  en  pays  Siéna,  mais  on  le  cultive  à  la  lisière  de  la  grande  forêt 
chez  les  Assanti,  les  Ntakima,  les  Abron,  les  Ngan  du  Mango  et  du  Guiaœmala, 
les  Baoulé,  toutes  populations  limitrophes  des  fractions  sud-est  et  sud  des  Siéna. 
De  plus,  beaucoup  de  caravanes  du  nord  qui  vont  acheter  les  cola  des  Lo  et  des 
Bêté  aux  marché  de  Boron,  Sarhala,  Mankono,  Kani,  etc.,  traversent  en  s^en 
retournant  les  fractions  centrale,  nord  et  nord-est  du  pays  Siéna,  et  beaucoup  de 
colporteurs  payent  avec  des  colas  leurs  dépenses  de  nourriture  et  d'hospitalité. 
Aussi  la  cola  est  relativement  abondante  et  les  Siéna  aisés  en  usent  assez  fréquem- 
ment, la  mâchonnant  comme  une  chique  de  tabac.  Cependant  ils  en  sont  beaucoup 
moins  friands  que  les  Mandingues  et  les  riverains  du  Niger  et  du  Sénégal. 

Quant  au  tabac,  il  est  cultivé,  sur  une  plus  ou  moins  grande  échelle,  dans  tout 
le  pays  Siéna,  et  de  plus  il  s'y  importe  une  quantité,  assez  restreinte  d'ailleurs,  de 
tabac  américain  introduit  par  les  commerçants  européens.  Le  plus  souvent,  le  tabac 
est  prisé  ou  chiqué  :  dans  les  deux  cas,  les  Siéna  se  servent  de  tabac  en  poudre, 
obtenu  en  desséchant  les  feuilles  sur  une  plaque  de  métal  chaufifée  au  feu  et  en  les 
écrasant  ensuite  sur  une  pierre  plate  au  moyen  d'une  pierre  ronde  ;  souvent,  on 
mélange  au  tabac  un  peu  de  sel  de  soude  obtenu  de  la  manière  suivante  :  on  réduit 
en  cendres  des  pelures  de  banane  ou  des  écorces  de  certains  arbres,  puis  on  place 
ces  cendres  dans  un  petit  sachet  disposé  au-dessus  d'une  plaque  de  fer  placée  sur 
des  charbons  ardents,  et  on  verse  de  l'eau  chaude  qui  filtre  à  travers  la  cendre  et 
vient  tomber  goutte  à  goutte  sur  la  plaque  où  elle  s'évaporise,  laissant  un  petit 
cristal  de  seP. 

Les  Siéna,  surtout  ceux  de  la  fraction  centrale,  prisent  en  général  le  tabac, 
non  pas  en  le  portant  à  leur  nez  avec  les  doigts,  mais  au  moyen  d'une  sorte  de  balai 
minuscule  dont  j'ai  parlé  plus  haut  et  dont  les  brins,  imprégnés  de  tabac,  sont 
approchés  de  l'ouverture  des  narines. 

Pour  chiquer,  on  se  verse  dans  le  creux  de  la  main  un  peu  de  tabac  en  poudre, 
on  le  ramasse  avec  la  langue  et  on  en  forme,  à  l'aide  de  cette  dernière,  une  petite 
boule  qui  est  ramenée  entre  la  joue  et  la  mâchoire.  Parfois  cette  boule  est  déposée 
par  la  langue  sur  la  lèvre  inférieure,  où  elle  demeure  pendant  plusieurs  heures. 

Peu  de  Siéna  fument  le  tabac  :  cependant  la  pipe  n'est  pas  inconnue,  surtout 
dans  les  fractions  sud-est,  sud  et  nord-est.  Dans  ce  cas  le  tabac  est  fumé  brut, 
c'est-à-dire  en  feuilles  non  coupées  ou  simplement  déchirées  en  quelques  gros  frag- 
ments dont  on  n'a  même  pas  retiré  les  nervures  ;  aussi,  pour  entretenir  la  combus- 
tion, on  est  obligé  de  laisser  un  charbon  allumé  sur  la  pipe,  par  dessus  le  tabac,  et 
le  fumeur  aspire,  avec  la  fumée,  une  certaine  quantité  d'acide  carbonique  et  même 
un  peu  d'oxyde  de  carbone. 

Les  Siéna,  dont  la  toilette  corporelle  est  la  moindre  préoccupation,  ne  semblent 
pas  être  grands  amateurs  de  parfums.  Ils  vivent,  sans  en  paraître  incommodés,  au 
milieu  des  pires  odeurs,  que  répandent  dans  leurs  cases  le  soumbara^  le  karité 
rance,  les  viandes  putréfiées,  la  bouse  de  vache,  la  fiente  des  volailles,  etc.,  sans 
parler  de  la  fumée  produite  par  les  feux  de  cuisine.  Quelques  femmes  de  gens  riches 
et  de  gros  notables  font  bien  usage  parfois  de  certaines  écorces  balsamiques,  à 
l'imitation  des  femmes  Mandingues  ou  Agni-Assanti,  mais  c'est  là  une  bien  rare 
exception,  et  le  chapitre  des  «  parfums  n  peut  se  résumer  par  le  mot  '  néant  ». 


1  Dans  quelques  localités  de  la  fraction  nord-est,  où  les  gens,  très  pauvres,  ne  peuvent 
acheter  de  sel  véritable,  j'ai  vu  préparer  de  la  même  manière  un  grossier  sel  de  soude  que 
les  indigènes  emploient  pour  saler  leurs  aliments. 


1908*]  DELAFOSSE    :    LE    PEUPLE   SIÉNA    OU   SÉNOUFO.  [P.  255. 

21.  —  Les  voles  et  moyens  de  transport. 

Les  chemins  en  pays  Siéaa  peavent  se  classer  en  deux  catégories  :  l'une 
comprend  des  sentiers  aménagés  ou  du  moins  améliorés  par  la  main  de  Thomme, 
l'autre  ne  comporte  que  des  pistes  tracées  dans  les  labours  ou  les  terrains  incultes 
par  le  passage  répété  d'un  certain  nombre  d'individus,  simples  foulées  qui  peu  à 
peu  se  sont  transformées  en  sentiers.  Les  chemins  réunissant  entre  eux  les  villages 
de  quelque  importance  ou  conduisant  aux  marchés  ou  aux  plantations  appartiennent 
à  la  première  catégorie  ;  on  a  primitivement  utilisé  une  simple  piste,  mais  on  l'a 
améliorée  en  redressant  un  peu  le  tracé,  en  élargissant  à  la  houe  le  sentier  primitif, 
parfois  en  aménageant  de  grossières  passerelles  sur  les  cours  d'eau  ou  en  jetant  un 
tronc  d'arbre  en  travers  de  leur  lit,  enfin  en  enlevant  de  temps  à  autre  les  hautes 
herbes  qui  croissent  sur  les  bords  du  chemin  et  tendent  à  l'obstruer  lorsque  la 
pluie  et  le  vent  les  couchent  à  terre.  Ces  routes  sont  assurément  grossières  ;  souvent, 
à  force  d'être  creusées  par  le  passage  répété  des  hommes  et  l'écoulement  des  eaux  de 
pluie,  elles  se  transforment  en  ornières  profondes  et  étroites  où  l'on  a  peine  à  poser 
les  deux  pieds  :  les  passants  alors  créent  une  nouvelle  piste  sur  le  bord  de  l'ancienne 
ornière  et  ainsi  se  fait  peu  à  peu  un  nouveau  sentier.  En  général  cependant  les 
routes  qui  conduisent  aux  principaux  centres  et  celles  surtout  qui  mènent  aux  points 
où  l'on  va  puiser  l'eau  sont  suffisamment  larges  et  assez  bonnes  pour  la  marche.  Je 
ne  parle  pas  des  routes  de  trois  à  six  mètres  de  large,  souvent  bordées  de  fossés  et 
pourvues  de  passerelles  permanentes,  que  l'administration  française  a  créées  et 
entretient  entre  les  différents  postes  ainsi  qu'entre  les  gros  centres  commerciaux  : 
ce  sont  d'ailleurs  les  indigènes  qui  ont  fait  et  qui  entretiennent  ces  routes,  sur 
Tordre  des  autorités,  et  ils  s'y  entendent  assez  bien,  mais  ils  n'en  avaient  pas  eu 
l'idée  avant  notre  intervention. 

Pour  le  passage  des  grosses  rivières  et  des  fleuves  où  la  largeur  du  lit  et  la 
rapidité  du  courant  rendent  la  construction  de  passerelles  à  peu  près  impossible, 
les  Siéna  se  servent  de  pirogues.  Ces  embarcations,  creusées  dans  un  tronc  de 
fromager  à  l'aide  du  feu  d^abord  et  d'une  herminette  ensuite,  sont  les  plus  gros- 
sières que  j'aie  rencontrées  en  Afrique  ;  lourdes,  mal  équilibrées,  souvent  équarries 
plutôt  qu'incurvées,  presque  toujours  coudées  ou  sinueuses,  elles  ne  pourraient 
aucunement  servir  pour  un  voyage  même  de  fort  courte  durée  ;  elles  ne  peuvent 
être  utilisées  que  pour  la  traversée  des  cours  d'eau  sur  lesquelles  elles  se  trouvent, 
et  encore  ne  faut-il  pas  trop  les  charger.  Les  gens  qui  les  conduisent  sont  d'ailleurs 
absolument  ignares  en  fait  de  navigation  et,  la  plupart  du  temps,  n'ont  pas  d'autres 
instruments  qu'une  perche  grossière  ou  une  pagaie  plus  grossière  encore.  On  ne  se 
sert  de  ces  pirogues  que  quand  on  ne  peut  pas  faire  autrement  :  dès  que  la  hauteur 
des  eaux  le  permet,  on  passe  à  gué,  en  utilisant  les  rochers  répandus  en  certains 
endroits  en  travers  du  lit.  Ces  pirogues  n'existent  pas  partout  et,  à  la  saison  des 
hautes  eaux,  les  voyageurs  sont  obligés  souvent  de  faire  un  long  détour  pour  ren- 
contrer un  bac. 

Nous  venons  de  voir  quelles  sont  les  voies  de  communication  :  toutes  primitives 
qu'elles  soient,  elles  sont  suffisantes  pour  assurer  le  trafic  pourtant  relativement 
important  qui  existe  dans  le  pays,  tout  ce  trafic  ou  presque  se  faisant  par  porteurs 
humains. 

On  a  beaucoup  médit  du  portage  en  France  ces  dernières  années  ;  on  en  a 
parlé  comme  d'une  coutume  barbare,  comme  d'une  forme  d'esclavage,  que  noua 
aurions  introduite  en  Afrique  et'  imposée  aux  malheureux  Nègres.  Cela  prouve 


p.  256.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1®^^* 

simplement  qu^oa  aime  à  parler  ea  France  de  ce  qu^on  ne  connaît  pas.  Les  plus 
anciens  géographes  et  voyageurs  qui  nous  aient  parlé  des  Nègres  du  Soudan  — 
Hérodote  chez  les  Grecs,  El  Bekri  ches  les  Arabes  —  ont  raconté  que,  une  fois 
passé  le  Sahara,  comme  les  chameaux  et  les  chevaux  ne  résistaient  pas  au  climat, 
les  indigènes  transportaient  eux-mêmes  leurs  fardeaux  sur  leur  tète  et  cela  à  de 
très  longues  distances.  Il  en  a  toujours  été  ainsi,  et  les  Siéna  trouvent  aussi  naturel 
de  porter  sur  la  tète  une  charge  d^une  trentaine  de  kilos  que  nous  trouvons  naturel 
de  porter  à  la  main  une  canne  ou  uu  parapluie.  La  seule  modification  que  nous 
ayons  apportée  a  été  de  réduire  au  maximum  de  25  kilos  les  charges  transportées 
à  tète  d'homme  pour  le  compte  de  l'administration  et  de  remettre  un  salaire  aux 
porteurs  que  nous  employons,  tandis  que  les  habitants  portent  pour  leur  propre 
compte  des  charges  pesant  parfois  jusqu'à  50  kilos  et  que  les  che£s  indigènes  qui 
emploient  des  porteurs  ne  paient  pas  ces  derniers.  Cela  n'empêche  pas  que,  pour 
les  humanitaristes  en  chambre,  nous  sommes  et  serons  toujours  les  barbares  qui 
martyrisent  les  malheureux  Nègres. 

Les  hommes  et  les  femmes  transportent  également  des  fardeaux.  Généralement 
ce  sont  les  femmes  qui  portent  aux  plantations  la  nourriture  des  travailleurs  et  en 
rapportent  les  céréales  et  produits  agricoles  divers  ;  ce  sont  elles  aussi  qui  trans- 
portent ces  produits  sur  les  marchés  pour  les  vendre  :  dans  les  deux  cas,  elles  se 
servent  des  corbeilles  décrites  plus  haut,  qu'elles  placent  sur  un  coussinet  de  coton- 
nade indigène,  de  pagne  d'écorce  ou  simplement  d'herbes  tordues,  lequel  coussinet 
est  posé  sur  le  sommet  de  la  tète.  Ce  sont  encore  les  femmes  qui  vont  puiser  Teau 
à  la  rivière  ou  à  la  fontaine  et  qui  vont  chercher  dans  la  brousse  le  bois  à  brûler  : 
la  jarre  contenant  l'eau  et  le  fagot  do  bois  se  portent  également  sur  la  tète. 

Les  hommes  d'autre  part  transportent  aux  plantations  les  volailles  et  les  outils 
de  culture  et  rapportent  à  la  maison  les  fragments  de  termitière  destinés  aux  poules. 
Ce  sont  eux  aussi  qui  transportent  les  bois  de  construction  et  les  bottes  de  paille 
dont  on  fera  les  toitures. 

Dans  les  déplacements  de  quelque  durée  et  dans  les  voyages  ayant  un  but 
commercial,  les  hommes  portent  en  général  les  fardeaux  les  plus  lourds  et  les 
produits  ou  denrées  destinés  à  la  vente,  tandis  que  les  femmes  se  chargent  des 
vivres  de  route  et  des  ustensiles  de  ménage  et  de  cuisine.  Elles  se  servent  alors 
souvent  d'un  large  plateau  de  bois  ou  d'une  immense  calebasse  sur  lequel  ou 
laquelle  sont  entassés  les  divers  objets  constituant  la  charge,  le  tout  maintenu 
ensemble  par  un  filet  noué  sur  le  sommet  du  fardeau.  Ce  système  a  été  emprunté 
aux  Mandingues.  Les  hommes  empruntent  parfois  aussi  à  ces  derniers  une  sorte  de 
long  panier  en  lattes  de  raphia,  ayant  la  forme  d'un  demi  cylindre,  et  dans  lequel 
sont  placés,  maintenus  à  l'aide  d'une  corde,  les  objets  à  transporter. 

On  aperçoit  quelquefois  en  pays  Siéna  des  ânes  et  pluâ  rarement  des  bœufs  à 
bosse  employés  comme  animaux  de  transport,  mais  ce  ne  sont  jamais  des  Siéna  qui 
les  emploient  :  seuls  les  Maures,  les  Foula,  les  Sarakolé  et  les  Dioula  se  servent 
d'animaux  pour  leurs  transports.  Quant  aux  chevaux,  les  Siéna  en  usent,  comme 
je  Tai  dit  plus  haut,  mais  seulement  comme  bêtes  de  selle,  et  encore  est-ce  là  un 
luxe  réservé  aux  riches  et  aux  grands  chefs. 

Lorsqu'ils  voyagent  pour  leur  propre  compte,  les  Siéna  font  des  étapes  fort 
irrégulières,  selon  qu'ils  ont  ou  non  des  amis  ou  des  parents  dans  les  villages  de  la 
route,  selon  la  saison,  la  nature  du  pays,  etc.  Aussi  leur  façon  d'apprécier  les  dis- 
tances par  le  nombre  des  «  journées  »  de  marche  est^Ue  très  incertaine  :  tel  individu 
compte  cinq  jours  d'un  point  à  un  autre  alors  qu'un  second  individu  n'en  comptera 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE    PEUPLE    SIENA    OU    SÉNOUFO.  [P.  257. 

<}ue  trois  entre  les  mêmes  points.  En  général  ils  partent  dès  quHI  fait  jour,  c'est-à- 
dire  une  demi-heure  environ  avant  le  lever  du  soleil  et  marchent  sans  interruption 
jusque  vers  huit  heures  du  matin,  ce  qui  fait  environ  trois  heures  de  marche 
représentant  à  peu  près  quinze  kilomètres.  Ils  font  alors  une  courte  halte,  mangent 
un  peu  ou  absorbent  de  la  farine  délayée  dans  de  Teau,  et  repartent  pour  une  heure 
environ.  Ils  se  reposent  durant  les  heures  chaudes  du  jour,  et  marchent  une  heure 
•encore  dans  la  soirée,  s'arrètant  vers  5  heures  dans  la  localité  où  ils  passeront  la 
nuit.  C'est  là  la  journée  de  marche  normale,  qui  représente  de  25  à  30  kilomètres. 
Lorsque  la  lune  permet  la  marche  nocturne,  les  Siéna  en  profitent  volontiers,  soit 
pour  allonger  Tétape  après  le  coucher  du  soleil,  soit  pour  partir  de  meilleure  heure 
le  matin,  suivant  la  phase  de  la  lune.  Mais  ils  ne  le  font  guère  que  lorsqu'ils  sont 
«n  nombre,  n'aimant  pas  voyager  seuls,  ou  même  à  deux  ou  trois,  durant  la  nuit, 
par  crainte  des  hyènes,  des  éléphants  et  aussi  des  esprits  malfaisants. 

En  arrivant  au  village  où  ils  désirent  passer  la  nuit,  les  voyageurs  vont  deman- 
der l'hospitalité  à  un  ami  ou  un  compatriote,  s'il  s'en  trouve  dans  ce  village,  ou 
sinon  à  un  notable  auquel  ils  ont  été  recommandés  ou  qui  a  la  réputation  do  bien 
accueillir  les  étrangers.  L'hôte  ainsi  choisi  fait  préparer  quelque  nourriture  pour 
les  voyageurs  :  c'est  souvent  pour  ces  derniers  le  reul  repas  proprement  dit  de  la 
Journée.  La  nuit  est  passée  dans  une  case  mise  à  leur  disposition,  ou  sous  un  hangar, 
ou  même  à  la  belle  étoile  s'il  fait  beau.  Le  lendemain,  avant  de  repartir,  les 
voyageurs  remettent  à  leur  hôte  quelques  colas  ou  des  cauries,  ou  encore  un  peu 
de  monnaie,  pour  l'indemniser.  Si  cependant  l'hôte  est  un  parent,  on  ne  lui  paie 
pas  son  hospitalité,  car  il  sera  lui-même  traité  de  façon  analogue  lorsque  les 
•circonstances  l'amèneront  dans  le  village  de  son  parent. 

22.  —  Le  commeree  et  les  monnaies. 

J'ai  dit  plus  haut  que  les  Siéna  étaient  un  peuple  essentiellement  agricole.  Ils 
ne  s'adonnent  pas,  comme  certaines  tribus  Mandingues  et  notamment  celle  des 
Dioula,  au  commerce  proi)renient  dit,  ou  ne  le  font  qu'exceptionnellement,  et  alors 
presque  toujours  pour  le  compte  et  sous  la  direction  de  Dioula  résidant  en  leur 
pays. 

Le  principal  commerce  chez  eux  est  purement  local  et  se  réduit  à  la  vente 
des  produits  agricoles.  Ces  produits  eux-mêmes  se  vendent  rarement  en  gros, 
chaque  famille  ayant  ses  champs  et  produisant  à  peu  près  ce  qui  est  nécessaire  à 
sa  propre  consommation.  Cependant  il  arrive  que  l'année  a  été  mauvaise  dans  une 
région  ou  que  tel  champ  n'a  pas  donné  ce  qu'on  en  attendait  ;  il  arrive  aussi  que  le 
même  produit  n'arrive  pas  à  maturité  partout  à  la  fois,  que  certaine  famille  n'a 
pu  se  livrer  à  des  travaux  agricoles  étendus  parce  que  plusieurs  de  ses  membres 
étaient  en  voyage  ou  malades.  Enfin  il  faut  compter  aussi  avec  les  étrangers 
résidant  momentanément  dans  une  localité  et  qui  n'y  ont  point  de  cultures,  avec 
les  voyageurs  de  passage,  etc.  Tout  cela  nécessite  un  certain  échange  et  a  amené 
la  création  de  marchés  peu  importants  mais  fort  nombreux,  surtout  dans  les  fractions 
centrale  et  du  nord-est,  où  la  population  est  plus  dense,  et  dans  la  fraction  nord 
où  les  étrangers  peu  cultivateurs,  les  Dioula  en  particulier,  sont  plus  nombreux. 

Ces  marchés  se  tiennent,  non  seulement  dans  les  gros  villages,  mais  aussi  dans 
de  très  petites  localités  choisies  en  raison  de  leur  situation  centrale  par  rapport 
aux  villages  environnants.  Chez  les  Nîarhafolo  et  les  Pala,  j'ai  même  vu  des  marchés 
se  tenir  régulièrement  en  des  endroits  éloignés  de  plusieurs  kilomètres  de  tout  lieu 
habité. 


'y 


Pr258".]  •    R    •    E    •    E    •    s    •  [1908. 

Les  marchés  ont  lieu  à  date  fixe  daos  chaque  localité  ou  chaque  endroit 
réservé  à  cet  usage  ;  lorsque  le  marché  est  éloigné  de  tout  village,  le  lieu  où  il  se 
tient  porte  un  nom  spécial.  Dans  la  fraction  sud-est  et  dans  certaines  parties  de  la 
fraction  nord,  le  marché  revient  chaque  semaine  au  même  jour,  soit  le  dimanche,, 
soit  le  lundi,  etc.  Mais  dans  la  majeure  partie  du  pays  Siéna  et  en  tout  cas  dans 
toute  rétendue  de  la  fraction  centrale  et  chez  les  sous-tribus  des  autres  fractions  qui 
Tavoisineut,  le  marché  revient  tous  les  six  jours^  ce  qui  pourrait  faire  croire 
qu'autrefois,  avant  Tintroduction  de  certaines  coutumes  mandingues  et  notamment 
du  calendrier  musulman,  la  semaine  Siéna  devait  ne  compter  que  six  jours^. 

Dans  les  deux  cas,  on  s'est  arrangé  pour  que  deux  localités  voisines  n'aient 
pas  leur  marché  le  même  jour.  Cela  permet  aux  vendeurs  et  aux  acheteurs  de  se 
rendre  successivement  dans  les  divers  marchés  voisins. 

Sur  les  petits  marchés,  on  ne  trouve  que  quelques  produits  agricoles,  princi* 
paiement  des  légumes,  des  herbes  comestibles  et  des  condiments,  toutes  choses 
apportées  et  vendues  par  les  femmes,  qui  disposent  leur  marchandise  en  petits  tas 
dont  chacun  se  vend  cinq,  dix,  quinze  ou  vingt  cauries,ce  dernier  chiffre  représentant 
en  général  un  demi-sou  de  notre  monnaie.  On  y  trouve  aussi  parfois  des  poteries, 
vendues  par  des  femmes,  du  tabac  en  poudre  et  des  houes,  vendus  par  des  hommes. 
Plus  rarement  des  hommes,  presque  toujours  des  étrangers,  y  vendent  des  bandes 
de  cotonnade  enroulées,  des  pagnes,  et  des  menus  articles  de  fabrication  européenne 
(couteaux,  verroterie,  allumettes,  etc.).  Sur  les  marchés  des  gros  villages,  on 
rencontre  les  mêmes  produits,  mais  eu  plus  grandes  quantités,  et  en  outre  on  y 
vend  des  fagots  de  bois  à  brûler,  du  sel,  des  colas,  de  la  volaille,  de  la  viande  au 
détail,  des  bestiaux  sur  pied,  des  étoffes,  des  objets  en  cuir  et  en  vannerie,  des 
ignames,  du  riz,  du  mil,  du  maïs,  de  la  bière  de  mil,  des  beignets  chauds,  etc.  etc. 

Certains  marchés  ont  une  spécialité  :  on  va  à  tel  marché  pour  y  acheter  des 
poteries,  à  tel  autre  pour  la  volaille,  à  tel  autre  pour  les  outils  en  fer,  etc. 

Tous  les  marchés,  sauf  là  où  les  autorités  françaises  ont  fait  construire  des 
bâtiments  ad  hoc,  se  tiennent  à  Tombre  de  grands  arbres,  sur  une  place  un  peu 
isolée  des  habitations.  On  reconnaît  facilement  ces  emplacements,  même  lorsqu'ils 
sont  vides,  à  ce  que  le  sol  a  été  rendu  poussiéreux  par  les  continuels  piétinements, 
et  aussi  à  un  grand  nombre  de  pierres  noircies  qui  servent  aux  vendeuses  à  construire 
des  foyers  auprès  desquels  elles  se  chauffent  lorsque  les  matinées  sont  fraîches. 

C'est  vers  midi  qu'en  général  les  marchés  battent  leur  plein.  Ils  sont  alors 
extraordinairement  bruyants,  par  suite  du  caquetage  des  femmes  :  acheteuses  et 
vendeuses  rivalisent  à  qui  criera  le  plus  fort  et  parlera  le  plus,  si  bien  qu'il  est  fort 
difficile  de  s'entendre.  Les  disputes  sont  nombreuses  et  le  marchandage  se  fait  en 
grand  :  des  discussions  fort  animées  durent  un  quart  d'heure  ou  plus,  qui  ont  pour 
objet  la  valeur  d'un  centime. 

Bien  que  les  Siéna  non  maudicisés  se  livrent  peu  au  grand  commerce,  il  arrive 
cependant  que,  tentés  par  les  bénéfices  qu'ils  voient  réalisés  par  les  Dioula,  certains 
vont  de  temps  en  temps  au  loin  vendre  des  produits  de  leur  pays.  C'est  surtout  dans 
les  fractions  sud  et  nord  que  les  Siéna  s'adonnent  de  plus  en  plus  au  commerce  de 
colportage,  à  l'imitation  des  iMandingues.  Ils  vont  dans  le  sud,  chez  les  Âgni  du 
Baoulé,  du  Mango,  du  Ndénié,  transportant  des  charges  de  karité^  de  soutnbaray 
de  piment,  de  poteries,  de  houes  indigènes,  de  poules  et  pintades  vivantes,  parfois 


^  Les  Avikam  ou  Brignan,  population  côtière  dont  le  centre  est  Grand-LAhou,  ont, 
m'a-t-on  assuré,  une  semaine  de  six  jours. 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE    PEUPLE    SIÉNA    OU    SÉNOUFO.  [P,  269» 

de  riz  ot  de  maïs.  D'autres  exportent  du  caoutchouc,  qu'ils  vont  vendre  dans  les 
factoreries  du  sud,  à  Tiassalé  et  à  Aboisso. 

Au  retour,  ils  rapportent  soit  de  l'argent,  soit  des  articles  de  fabrication 
européenne  pour  leur  usage  personnel,  soit  encore  du  coton  du  Baoulé  ou  des  colas 
du  Mango.  Mais  en  général  ils  ne  font  pas  le  commerce  d'importation  proprement 
dit,  qu'ils  laissent  aux  mains  des  Dioula  et  de  leurs  compatriotes  mandicisés,  ainsi 
qu'à  celles  des  Maures,  Foula,  Sarakolé  qui  viennent  du  Haut-Sénégal  :  ces  derniers 
importent  du  nord  en  pays  Siéna  le  sel  en  barres  du  Sahara,  des  bœufs,  des  moutons, 
•des  chèvres,  des  couvertures  en  laine  et  en  coton,  des  objets  de  cuir  ;  du  sud,  les 
Dioula  et  les  Guimini  mandicisés  rapportent  du  cuivre  et  des  tissus  et  objets  divers 
<ie  fabrication  européenne. 

La  monnaie  universellement  répandue  chez  les  Siéna  consiste  en  ces  coquillages 
univalves  que  nous  nommons  cauries  et  qui,  dès  le  XI*  siècle,  d'après  les  géographes 
arabes,  étaient  importés  au  Soudan  des  pays  méditerranéens  et  utilisés  comme 
monnaie  par  les  Nègres  de  la  vallée  du  Niger.  Le  cours  des  cauries  est  variable 
d'un  pays  à  l'autre,  et,  dans  le  même  pays,  selon  leur  abondance  ou  leur  rareté. 
En  général,  chez  les  Siéna  du  sud-est,  on  a  adopté  le  cours  de  I.OOO  cauries  pour 
un  franc,  basé  sur  ce  qu'on  appelle  en  mandingue  le  «  cent  musulman  r  —  silamia" 
kyémé  —  ou  cent  cauries  à  la  centaine  ;  dans  les  fractions  sud,  nord-est  et  centrale, 
le  cours  est  généralement  de  800  cauries  pour  un  franc,  parce  qu'on  y  compte  au 
«  cent  malinké  n  —  mali-n-kyémé  — ■  ou  quatre-vingts  cauries  à  la  centaine  ;  enfin, 
dans  certains  parties  de  la  fraction  nord,  on  use  du  «  cent  bamana  »  —  hamana-^ 
kyémé  —  soit  soixante  cauries  seulement  à  la  centaine  et  alors  on  n'a  que  600  cau- 
ries pour  un  franc.  Lorsque  les  cauries  deviennent  rares,  les  Dioula  qui  les  ont  peu 
à  peu  accaparées  les  remettent  en  circulation  en  faisant  monter  le  cours  du  «  cent 
musulman  »  au  «  cent  malinké  n  ou  même  au  «  cent  bamana  ». 

Avant  même  notre  occupation  du  pays  Siéna,  les  pièces  de  cinq  francs  en 
argent  y  étaient  connues.  Depuis  que  nous  sommes  installés  dans  cette  région,  notre 
monnaie  d'argent  s'y  est  très  répandue,  surtout  les  pièces  de  5  francs  et  celles  de 
50  centimes.  Les  pièces  de  1  franc  sont  plus  rares  ;  celles  de  2  francs  sont  peu 
prisées  des  indigènes  ;  quant  à  celles  de  20  centimes,  elles  sont  inconnues.  Notre 
monnaie  de  billon  commence  seulement  à  se  répandre,  et  il  n'en  existe  en  pays 
Siéna  qu'une  infime  quantité.  La  monnaie  de  nickel  serait,  je  crois,  assez  appréciée, 
mais  elle  n'a  pas  fait  encore  son  apparition.  Les  Siéna  ont  emprunté  aux  Man- 
dingues  leurs  appellations  et  leur  façon  de  compter  en  ce  qui  concerne  notre  mon- 
naie :  ils  appellent  la  pièce  de  cinq  francs  dàlassi  (dollars,  thalers)  ou  doromé  (de 
l'arabe  dirhem,  drachme)  ;  «  cent  francs  »  se  dit  ioko  «  vingtaine  n  (20  pièces  de 
5  francs)  et  «  mille  francs  »  se  dit  sila  «  double  centaine  »  (200  pièces  de  5  francs). 

La  poudre  d'or  n'est  usitée  comme  monnaie  que  chez  les  Nafâna  du  Sud-Est 
voisins  des  Abron  et  encore  elle  l'est  fort  peu  et  de  moins  en  moins.  Là  où  on  s'en 
sert  encore,  on  fait  usage  de  la  terminologie  employée  par  les  Agni-Assanti  et 
basée  sur  le  poids  et  non  sur  la  valeur.  La  terminologie  arabe  par  mithkâl  est  con- 
nue des  Dioula  mais  ignorée  des  Siéna. 

23.  —  Les  industries. 

Les  industries  pratiquées  en  pays  Siéna  doivent  se  diviser  en  deux  catégories  : 
l«"  celles  auxquelles  se  livrent  indistinctement  des  individus  appartenant  à  n'impoite 
quelle  caste  ;  2^  celles  qui  sont  exclusivement  aux  mains  d'une  caste  particulière 
{voir  plus  loin  le  chapitre  qui  traitera  des  «  castes  »). 


p.  260-]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908» 

Daos  la  première  catégorie  se  classent,  outre  les  industries  ménagères  et 
agricoles  dont  il  a  été  question  précédemment,  les  industries  plus  spéciales  du 
filage  du  coton,  du  tissage,  de  la  teinture,  de  la  vannerie,  de  la  fabrication  de  la 
poudre,  du  savon,  des  huiles,  du  soumbara,  de  l'indigo,  de  la  bière  de  grains,  des 
sandales,  du  tabac.  Certaines  de  ces  industries  sont  pratiquées  par  les  femmes 
(filage,  fabrication  du  savon,  des  huiles,  du  soumhara^  de  la  bière  de  grains)  ; 
d'autres  ne  sont  pratiquées  que  par  les  hommes  (tissage,  fabrication  de  la  poudre, 
confection  des  sandales,  préparation  du  tabac)  ;  d'autres  enfin  sont  pratiquées 
indisiinctement  par  les  deux  sexes  (teinture,  préparation  de  Tindigo,  vannerie). 

Dautre  part,  il  est  bon  d'observer  que  plusieurs  des  industries  précitées 
(tissage  et  teinture  notamment)  ne  sont  pratiquées  qu'exceptionnellement  par  des 
Siéna,  et  seulement  —  à  quelques  exceptions  près  —  par  des  Siéna  plus  ou  moins 
mandicisés.  La  plupart  du  temps  les  tisserands  et  les  teinturiers  sont  des  étrangers, 
les  tisserands  des  Dioula,  les  teinturiers  des  Uioula,  des  Sarakolé  ou  Marka  et 
quelquefois  des  Haoussa. 

Les  femmes  procèdent  de  la  façon  suivante  à  la  confection  du  fil  de  coton.  Le 
coton  étant  sorti  de  sa  coque,  on  en  retire  les  graines  en  les  chassant  de  la  bourre 
au  moyen  d'une  tige  de  fer  que  l'on  roule  à  deux  mains  sur  la  bourre  placée  elle- 
même  sur  une  pierre  plate  ;  les  graines  se  trouvent  ainsi  chassées  en  avant  et  sont 
ensuite  retirées  à  la  main.  Gela  fait,  on  carde  le  coton  au  moyen  d'une  sorte  de 
petit  arc  que  l'on  tient  d'une  main,  tandis  que  de  l'autre  main,  on  tire  la  bourre 
sur  la  corde  de  l'arc.  Récemment  les  Européens  ont  introduit  des  cardes  à  main, 
sorte  de  brosses  en  fils  métalliques,  dont  l'usage  se  répand  de  plus  en  plus.  Une 
fois  cardé,  le  coton  est  enroulé  autour  d'une  tige  de  bois  que  la  fileuse  tient  de  la 
main  gauche  ;  de  la  main  droite,  elle  saisit  et  étire  un  brin  de  coton  se  détachant 
de  la  quenouille  et  l'enroule  sur  l'extrémité  supérieure  d'une  aiguille  de  bois  qui 
porte  à  son  extrémité  inférieure  une  sorte  de  boule  pesante  en  terre  cuite  et  que 
le  mouvement  des  doigts  de  la  main  droite  fait  tourner  rapidement,  comme  un  toton 
ou  une  toupie,  sur  le  fond  d'une  assiette  de  bois.  Le  coton,  étiré  entre  la  main 
gauche  qui  soutient  la  quenouille  et  la  main  droite  qui  retient  et  fait  tourner  la 
tige  du  toton,  s'allonge  et  se  transforme  en  un  fil,  lequel  s'enroule  autour  de  l'ai- 
guille du  toton.  Pour  faciliter  le  glissage  du  fil  entre  les  doigts  de  la  main  droite, 
les  femmes  se  mettent  à  ces  derniers  une  poudre  blanche  fabriquée  avec  des  o» 
pulvérisés  et  comprimés  ensuite  en  un  petit  pain  ressemblant  à  un  pain  de  blanc 
de  guêtre. 

Le  fil  est,  après  cela,  déroulé,  puis  enroulé  de  nouveau  autour  d'une  tige  de 
bois,  de  façon  à  former  de  grosses  pelotes  cylindro-coniques.  Lorsqu'on  veut  l'uti- 
liser pour  le  tissage,  on  le  tend  en  le  faisant  passer  autour  de  quatre  pieux  fichés 
en  terre  et  disposés  en  forme  de  quadrilatère  très  allongé. 

Les  femmes  fabriquent  aussi  du  fil  de  fibres  de  feuilles  d'ananas  et  du  fil  d'une 
sorte  de  chanvre,  qui  servent  à  confectionner  des  ficelles  et  des  cordes,  notamment 
des  ficelles  pour  ceintures. 

Le  savon  se  fabrique  soit  avec  l'huile  de  carapa  (ou  touUmcouna),  soit  avec 
l'huile  de  kariié  ou  de  iama^  mélangée  à  de  la  lessive  de  cendre.  Oe  sont  les  fem- 
mes qui  se  livrent  à  cette  fabrication.  Le  savon  de  carapa,  plus  dur  que  les  autres, 
se  conserve  mieux  et  est  de  beaucoup  supérieur  ;  on  le  fabrique  surtout  dans  les 
fractions  sud  et  sud-est.  Il  se  fait  en  pains  affectant  la  forme  d'un  énorme  cigare 
très  renflé  en  son  milieu  ;  ces  pains  sont  entourés  de  feuilles  larges  et  ficelés  avec 
de  la  paille,  et  peuvent  ainsi  se  transporter  au  loin,  ou  se  conserver  longtemps,. 


1908*]  DELAFOSSE    :    LE    PEUPLE    SIENA    OU    SÉNOUFO.  [P.  26 !• 

suspendus  aux  poutres  des  toitures.  Le  savon  de  karité  ou  de  tama  est  pâteux  et 
on  est  obligé  de  le  mettre  dans  des  assiettes  ou  des  terrines  ;  on  le  fait  surtout  dans 
les  fractions  centrale,  nord-est  et  nord.  Dans  cette  dernière  on  fabrique  aussi  du 
«avon  avec  Thuile  de  palme  :  c'est  le  moins  bon  de  tous. 

Les  huiles  ou  beurres  végétaux  sont  également  préparés  par  les  femmes/ 
L'huile  de  carapa'ne  sert  qu'à  faire  du  savon.  Celles  extraites  du  Jcarité,  du  tama, 
de  Tarachide  et  des  palmistes  servent  à  la  fois  pour  la  consommation  alimentaire 
et  pour  les  usages  industriels.  Toutes  s'obtiennent  à  peu  près  de  la  même  façon  : 
par  ebullition  des  fruits  et  décantage.  L'huile  de  karité  et  l'huile  de  tanui,  une  fois 
refroidies,  prennent  la  consistance  du  beurre  ;  l'huile  d'arachide  et  Thuile  de  palme, 
peu  répandues  d'ailleurs  chez  les  Siéna,  demeurent  au  contraire  liquides,  ou  tout 
au  moins  se  figent  simplement  sans  durcir. 

Le  sùumbara,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  est  un  condiment  d'odeur  très 
repoussante  quand  il  est  cru>  mais  de  saveur  assez  agréable  lorsqu'il  est  cuit  dans 
les  sauces  ;  les  femmes  le  préparent  en  faisant  fermenter  la  pulpe  contenue  dans 
les  gousses  du  nété  (arbre  ressemblant  au  tamarin  et  dont  le  nom  scientifique  est 
Farhia  Biglobosa)  et  en  soumettant  ensuite  cette  pulpe  fermentée  à  une  manipu- 
lation dont  je  ne  connais  pas  le  détail.  Il  revêt  alors  la  forme  de  petites  boules 
brunes,  légèrement  poisseuses,  qui  peuvent  se  conserver  assez  longtemps  et  se 
transporter  fort  loin,  à  condition  de  les  exposer  de  temps  en  temps  à  l'air  et  au 
soleil. 

J'ai  parlé  plus  haut  de  cette  autre  industrie  féminine  qui  consiste  à  fabriquer 
la  hière  de  mil  ou  de  maïs. 

Le  tissage  a  été  introduit  chez  les  Siéua,  à  une  date  relativement  récente,  par 
los  Dioula,  mais  cette  industrie  s'est  beaucoup  moins  développée  chez  les  Siéna  — 
■ceux  de  la  fraction  sud  exceptés  —  que  chez  leurs  voisins  méridionaux  les  Baoulé, 
<}ui  l'ont  reçue  également  des  Dioula,  au  moins  selon  toute  vraisemblance.  Les 
tisserands  Siéna  opèrent  comme  tous  les  tisserands  nègres  de  l'Afrique  Occidentale 
et  se  servent  des  mêmes  instruments  :  métier  à  lamelles  suspendu  à  une  pièco  de 
bois  reposant  sur  deux  fourches,  navette  évidée  en  forme  de  pirogue,  levier  à 
pédales  permettant  de  croiser  alternativement  les  deux  rangées  de  lamelles  du 
métier  ;  les  fils  sont  tendus  au  moyen  d'une  grosse  pierre  reposant  sur  le  sol  en 
avant  du  tisserand  j  et  ce  dernier  est  assis  sur  un  tréteau  grossier  placé  en  arrière 
de  celui  supportant  le  métier,  de  façon  à  ce  que  les  pieds  du  tisserand  viennent 
s'appuyer  sur  les  pédales.  Cet  attirail  est  installé  en  général  à  l'ombre  des  grands 
arbres  qui  se  dressent  sur  les  places  des  villages  ou  encore  sous  des  abris  de  feuil- 
lages construits  tout  exprès.  Les  lais  de  cotonnade  obtenus  sont  des  bandes  de  10 
à  15  centimètres  de  large  ;  on  en  coud  un  certain  nombre  ensemble  pour  arriver 
à  la  largeur  exigée  pour  les  pagnes  ou  les  vêtements.  Je  n'insiste  pas  davantage 
sur  cette  industrie,  qui  a  été  maintes  fois  décrite,  et  qui,  chez  les  Siéna  comme 
chez  les  autres  Noirs,  est  l'apanage  exclusif  des  hommes. 

La  fabrication  de  la  poudre  est  assez  originale,  au  moins  telle  qu'elle  est  pra- 
tiquée chez  les  Siéna  ;  elle  m'a  semblé  être  chez  eux  localisée  à  la  fraction  centrale 
et  à  la  partie  sud  de  la  fraction  nord.  Cette  même  industrie  d'ailleurs  est  plus 
répandue  chez  les  Mandingues  habitant  au  sud  des  Siéna  de  l'ouest  et  chez  les 
Mandé-fou  de  la  même  région  (les  Lo  notamment).  Cette  poudre  est  obtenue  par 
un  mélange  de  salpêtre  et  de  charbon  de  bois  pulvérisé,  sans  addition  de  soufre. 
Le  salpêtre  provient  d'une  sorte  de  terre  verte  qui  ne  se  trouve  que  dans  certaines 
régions  et  que  l'on  vend  sur  plusieurs  marchés  ;  cette  terre,  généralement  humectée 


P.2e20  •    R    •    E    •    E    •    s    •  [1908> 

avec  de  Turine  pendant  plusieurs  jours,  est  ensuite  lavée  ;  la  boue  résultant  de  ce 
lavage  est  filtrée  dans  une  pièce  de  cotonnade  et  Teau  de  filtrage  est  traitée  par 
ebullition  d'abord,  par  évaporalion  ensuite  :  on  obtient  ainsi  de  petits  cristaax 
blancs  qui  sont  du  salpêtre.  Le  mélange  du  charbon  et  du  salpêtre  s'opère  dana 
une  sorte  de  creuset  naturel  qui  n'est  autre  chose  qu'un  bloc  de  granit  dans  lequel 
Taction  séculaire  de  la  pluie  a  formé  une  concavité  appréciable  :  une  pierre  ronde 
que  Ton  tient  à  la  main  remplace  le  pilon.  Cette  poudre  s'allume  assez  difficilement 
et  supporte  mal  l'humidité  ;  mais,  bien  sèche,  elle  brûle  bien  et  a  à  peu  près  autant 
de  force  d'expansion  que  la  poudre  de  traite  importée  d'Angleterre  et  d'Allemagne» 
£lle  n'est  pas  fabriquée  par  des  professionnels  :  chaque  chasseur  fabrique  lui-même 
sa  poudre  ;  par  suite,  elle  ne  fait  pas  l'objet  d'un  commerce,  ou  tout  au  moins  ne 
fait-elle  Tobjet  que  d'un  commerce  très  restreint  et  tout  à  fait  local. 

Il  en  est  de  même  des  sandales^  j'entends  des  sandales  grossières  qui  se  com- 
posent simplement  d'une  pièce  do  peau  séchée  et  non  tannée,  avec  un  cordon  de  cuir 
attaché  en  avant  et  qui,  passant  entre  le  gros  orteil  et  le  doigt  suivant,  se  relie  sur 
le  pied  à  deux  autres  cordons  attachés  de  chaque  côté  de  la  sandale.  Chaque  honmie 
&brique  lui-même,  au  moyen  d'un  couteau  et  d'une  peau  de  mouton  ou  de  chèvre,, 
ses  sandales  et  celles  des  membres  de  sa  famille  qui  en  portent  :  les  artisans  se 
réservent  les  travaux  de  cuir  un  peu  plus  compliqués. 

J'ai  décrit  plus  haut  la  préparation  du  tàbdc  en  poudre  :  je  n'y  reviendrai 
donc  pas  ici. 

La  teinture  est,  comme  le  tissage,  d'importation  étrangère  et  relativement 
récente.  Les  Siéna  ne  s'y  livrent  guère  que  dans  la  fraction  sud,  laissant  ailleurs- 
cette  industrie  aux  mains  des  Dioula  et  autres  étrangers.  Les  hommes  et  les  femmes 
s'y  livrent  également.  La  seule  couleur  connue  des  teinturiers  Siéna  est  le  bleu  de 
nuances  diverses,  allant  du  bleu  pâle  au  noir  presque  absolu  ;  elle  est  exclusivement 
obtenue  des  pains  dits  d'indigo,  préparés  avec  les  jeunes  pousses  d'une  liane  qui 
n'a  aucun  rapport  botanique  avec  l'indigotier  mais  qui  fournit  la  même  couleur.. 
Ces  pains  sont  dissous  dans  l'eau,  en  plus  ou  moins  grande  proportion  selon  qu'on 
veut  obtenir  des  nuances  plus  ou  moins  foncées.  Le  liquide  de  teinture  est  placé 
dans  de  vastes  poteries  enterrées  jusqu'au  col,  dans  lesquelles  on  met  à  tremper  le 
fil  de  coton  ou  la  pièce  d'éto£fe  à  teindre  ;  parfois,  ces  poteries  sont  remplacée» 
par  des  sortes  de  cuves  cylindriques  en  argile  dont  la  surface  interne  a  été  cuite 
au  moyen  de  feux  de  charbon  de  bois  entretenus  à  l'intérieur.  Les  teinturiers  se 
servent,  pour  agiter  leur  teinture,  de  grandes  baguettes  de  bois  terminées  par  quatre 
ou  cinq  dents  divergentes  disposées  comme  les  branches  d'une  étoile.  On  teint 
généralement  le  fil  de  coton  avant  de  le  tisser,  et  c'est  ainsi  qu'en  mariant  le  fil 
resté  blanc  et  les  fils  teintés  de  diverses  nuances,  les  tisserands  arrivent  à  obtenir 
des  dessins  qui  ne  manquent  ni  d'élégance  ni  de  bon  goût.  Parfois,  on  teint  les- 
pagnes  une  fois  qu'ils  sont  terminés,  et  alors  on  obtient  des  dessins  assez  originaux 
et  des  nuances  fondues  d'un  effet  spécial,  en  serrant  fortement  certaines  parties  du 
pagne  au  moyen  d'une  ficelle,  de  façon  à  ce  que  la  teinture  pénètre  d'autant  moins 
le  tissu  qu'il  se  trouve  serré  davantage  :  ce  procédé  n'est  employé,  à  ma  connais-^ 
sance,  que  chez  les  Takponin  et  les  Guimini  du  sud  et  a  été  emprunté  par  eux  aux 
Baoulé.  Les  fils  ou  tissus  nouvellement  teints  répandent  une  odeur  très  forte  et 
bleuissent  au  moindre  contact  les  objets  qui  les  touchent  ;  après  quatre  ou  cinq 
lavages,  l'odeur  disparaît  et  la  teinture  ne  s'en  va  plus  que  très  difficilement,  au 
moins  si  l'on  a  eu  affaire  à  un  bon  teinturier. 

Les  pains  dits  d'indigo  sont  préparés  indistinctement  par  les  hommes  et  les- 


1908.]  DBLAFOSSB    :    LB   PEUPLB    SIÉNA    OU    SÊNOUFO.  [P,  263» 

femmes,  et  non  pas  par  ceux  qai  se  livreot  à  Tindustrie  de  la  teinture,  mais  par  Ies> 
habitaats  des  régions  où  pousse  la  liane  à  indigo,  laquelle  n'existe  pas  partout. 
J'ignore  les  détails  de  la  préparation  des  pains  d'indigo  ;  je  sais  seulement  qu'on 
y  met  en  général  de  la  bouse  de  vache  pour  agglomérer  la  matière  tinctoriale, 
laquelle  se  compose  de  pousses  et  bourgeons  de  liane  à  indigo.  On  obtient  ainsi 
des  sortes  de  galettes  légères,  d'une  odeur  très  caractéristique,  qui  font  dans  tout 
le  Soudan  Occidental  l'objet  d'un  commerce  important.  Les  Siéna  n'en  fabriquent 
qu'une  assez  faible  quantité,  qui  ne  suffit  pas  même  aux  besoins  locaux,  puisqu'on 
•en  importe  du  Baoulé  de  grandes  provisions. 

La  vannerie  n'est  pas  une  industrie  réservée  à  une  caste  spéciale,  au  moins 
•chez  les  Siéna.  Il  y  a  à  la  vérité  des  gens  plus  experts  que  d'autres  en  l'art  de 
tresser  des  nattes  et  des  paniers,  de  confectionner  des  corbeilles  ou  des  chapeaux, 
et  ces  gens  font  de  la  vannerie  leur  métier,  tandis  que  d'antres  moins  habiles  ne 
s'y  livrent  qu'exceptionnellement  et  seulement  pour  répondre  à  leurs  propres 
besoins.  Mais  les  vanniers  de  métier  eux-mêmes  se  recrutent  indistinctement  dans 
toutes  les  castes.  Ce  sont  en  général  des  hommes,  bien  qu'on  rencontre  parfois  des 
femmes  se  livrant  à  la  confection  des  nattes  et  des  paniers.  L'outillage  des  vanniers 
Siéna  n'est  pas  compliqué  :  il  se  compose  en  général  uniquement  d'un  couteau. 
€e  couteau  sert  à  couper  les  feuilles  de  raphia,  les  tiges  de  rotin,  les  herbes  et  les 
branches  de  bois  qui  fournissent  la  matière  première  ;  il  sert  aussi  à  diviser  les 
feuilles  de  raphia  en  fines  lamelles  longitudinales  qui,  une  fois  séchées,  serviront  à 
tresser  les  nattes,  les  sacs,  les  chapeaux  ;  sectionnées  de  même  en  lamelles,  les 
nervures  de  raphia  se  convertiront  en  stores  ;  sectionnées  en  deux  parties  suivant 
leur  longueur,  les  minces  tiges  de  rotin  deviendront  des  liens  servant  à  attacher 
ensemble  les  diverses  parties  des  paniers  et  des  corbeilles  ;  les  tiges  d'herbes  servi- 
ront à  confectionner  des  paniers  des  nattes  grossières  ;  les  branches  de  bois  fourni- 
ront les  anses  des  corbeilles  ou,  façonnées  en  planches  grossières,  le  fond  des 
mômes  corbeilles. 

Nous  arrivons  maintenant  aux  industries  qui  sont  l'apanage  exclusif  des  castes 
d'artisans  :  celles-là  sont  plus  développées  chez  les  Siéna  que  les  industries  dont  il 
vient  d'être  parlé,  elles  y  sont  moins  abandonnées  à  des  mains  étrangères,  et  cer- 
taines d'entre  elles,  celle  du  fer  entre  autres,  si  elles  ne  sont  pas  indigènes,  paraissent 
tout  an  moins  exister  chez  les  Siéna  de  temps  immémorial.  Ce  sont  les  industries 
du  fer,  du  bois,  du  cuir,  de  l'argile  et  celle  du  cuivre  :  les  quatre  premières  sont 
pratiquées  par  la  même  caste,  celle  que  nous  appelons  en  général  la  «  caste  des 
forgerons  »  et  qui  porte  le  nom  de  naumau  en  langue  mandingue  (j'ignore  son  nom 
siéoa)  ;  ce  sont  les  hommes  qui  travaillent  le  fer,  le  bois  et  le  cuir,  et  ce  sont  les 
femmes  qui  travaillent  l'argile.  Quant  à  l'industrie  du  cuivre,  elle  est  réservée  à 
une  caste  spéciale,  qui  semble  n'appartenir  originairement  ni  au  peuple  Siéna  ni 
au  peuple  Mandingue,  mais  qui  est  installée  depuis  fort  longtemps  en  pays  Siéna  et 
parle  tantôt  la  langue  Siéna,  tantôt  la  langue  Mandingue,  tantôt  les  deux  :  c'est 
la  caste  des  LorhOj  dans  laquelle  les  hommes  seuls  sont  artisans,  les  femmes  ne 
s'occupant  que  du  ménage  et  des  travaux  agricoles. 

L'industrie  du  fer  est,  de  toutes,  la  plus  répandue  chez  les  Siéna  :  elle  comprend 
à  la  fois  la  fabrication  du  métal  et  ses  diverses  utilisations.  Il  semble  qu'autrefois, 
sur  toute  l'étendue  du  pays  Siéna,  on  fabriquait  du  fer  à  l'aide  du  minerai  qui 
abonde  dans  toute  la  région  ;  depuis  une  vingtaine  d'années  et  surtout  depuis  notre 
installation  dans  le  pays,  le  fer  brut  et  travaillé  provenant  d'Europe  a  été  importé 
en  si  grandes  quantités  et  il  a  atteint  un  prix  relativement  si  minime  que  Tindustrie^ 


p.  264.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •         [1908> 

métallurgique  iodigène  a  été  fortement  battue  en  brèche.  Eile  a  à  peu  près  dis- 
paru, au  moins  en  c^  qui  concerne  la  fabrication  du  métal,  dans  les  fractions  sud-est 
et  sud,  et  a  certainement  diminué  d'importance  dans  les  autres  fractions,  bien  que 
les  besoins  de  Babemba  et  de  Samori  en  armes  de  toutes  sortes  aient  redonné 
momentanément,  de  1889  à  1898  euTiron,  une  activité  passagère  à  cette  industrie. 
Actuellement  elle  est  encore  vivace  dans  la  fraction  centrale,  dans  la  fraction  nord- 
est,  et  dans  une  faible  partie  de  la  fraction  nord.  Tantôt  les  forgerons  Siéna  qui 
fabriquent  le  fer  forment  des  villages  à  part,  tantôt  ils  constituent  seulement  un 
quartier  dans  un  village  habité  pour  le  reste  par  des  gens  d'autres  castes  (par 
exemple  à  Kiémou  chez  les  Gbannzoro  et  à  Sienso  chez  les  Noholo). 

Le  minerai  de  fer,  extrait  du  sol  au  moyen  de  piques  en  fer  et  de  houe» 
épaisses,  est  concassé  à  Taide  de  blocs  de  granit  et  mélangé,  dans  des  hauts-four- 
neaux que  je  décrirai  un  peu  plus  loio,  avec  du  charbon  de  bois.  Ce  dernier  est 
préparé  par  les  mêmes  forgerons  qui  s'en  serviront  pour  traiter  le  minerai  de  fer. 
Leur  méthode  de  préparation  du  charbon  est  absolument  identique  à  celle  de  nos 
charbonniers  de  France  :  des  branches  d'arbre  de  petite  dimension  sont  entassées 
les  unes  sur  les  autres,  par  couches  disposées  en  alternant  à  chaque  couche  le  sens 
des  branches,  de  façon  à  former  un  tas  de  2  mètres  de  hauteur  sur  4  mètres  environ 
de  diamètre,  de  forme  à  peu  près  hémisphérique  ;  ce  tas  est  recouvert  d'herbe  et 
de  mottes  de  terre  ;  on  l'allume  par  le  bas  et  le  tout  se  consume  lentement,  la 
fumée  filtrant  à  travers  la  couche  d'herbes  et  de  terre.  Le  charbon  une  fois  obtenu, 
on  le  transporte  au  quartier  des  forgerons  :  une  partie  servira  à  préparer  le  fer^ 
une  autre  partie  à  alimenter  le  feu  des  forges. 

Les  hauts-fourneaux  revêtent,  selon  les  régions,  des  formes  assez  diverses;  En 
général,  ils  se  composent  d'un  cône  d'argile  arrondi  à  son  extrémité  supérieure  ; 
à  la  base  ont  été  ménagées  trois  ou  cinq  ouvertures  semi-circulaires  ;  une  autre 
ouverture  a  été  aménagée  au  sommet.  Souvent,  le  cône  porte  en  son  milieu  deux 
appendices  qui  m'ont  semblé  figurer  des  mamelles  et  qui  n'ont  aucune  utilité 
pratique  :  sans  doute  c'est  un  symbole  dont  il  faudrait  chercher  l'origine  dans  le 
culte  spécial  aux  forgerons  (fig.  55).  L'ouverture  supérieure  sert  à  verser  dans 
l'intérieur  du  cône  le  minerai  et  le  charbon.  Les  ouvertures  du  bas  servent  d'abord 
à  allumer  le  feu  et  à  l'activer  par  le  courant  d'air  qu'elles  établissent  de  concert 
avec  l'ouverture  supérieure.  Lorsque  le  feu  est  bien  pris  et  que  son  action  commence 
à  se  faire  sentir  sur  le  minerai,  on  dispose  contre  chacune  des  ouvertures  du  bas 
une  sorte  de  tube  cylindro-conique  en  argile  épaisse,  dont  on  soude  les  bords  contre 
ceux  de  l'ouverture  correspondante  du  haut-fourneau  au  moyen  d'un  revêtement 
d'argile  grasse.  Parfois  (fig.  56)  à  chaque  ouverture  du  haut-fourneau  correspondent 
deux  tubes  encastrés  dans  une  sorte  de  trappe  qui  s'adapte  à  cette  ouverture.  Le 
fer  contenu  dans  le  minerai  entre  en  fusion  sous  l'action  du  charbon  incandescent 
et  tombe  peu  à  peu  à  la  base  du  haut  fourneau,  d'où,  grâce  à  la  pente  qui  a  été 
ménagée,  il  s'écoule  dans  les  tubes  d'argile  ;  là,  il  se  refroidit  et  se  solidifie. 

On  laisse  le  feu  achever  de  se  consumer  et  ensuite  on  retire  les  tubes  et  on  les 
brise.  De  chacun  d'eux  on  retire  une  barre  d'un  for  très  impur,  chargé  de  scories 
de  charbon,  et  présentant  un  peu  l'aspect  extérieur  d'une  éponge  :  ce  morceau  de 
métal  est  trempé  dans  l'eau,  puis  transporté  sur  une  dalle  de  granite  où,  durant 
des  heures  et  des  heures,  un  forgeron  le  frappe  avec  un  bloc  de  granite  poli,  jusqu'à 
ce  que  le  fer  lui-même  devienne  lisse  et  poli.  On  le  porte  alors  au  rouge  sur  un  feu 
de  charbon,  on  le  trempe  dans  l'eau  froide  alors  qu'il  est  bien  rouge»  puis  on  le 
martèle  à  l'enclume  et  il  est  alors  bon  à  employer.  Le  fer  ainsi  préparé  doit  assu- 


t.909*l        DELAFOSSE  :  LB  PEUPLE  SIÉNA  OU  SÉNOUFO.       [P.  265« 

rément  conteoir  une  certaine  quantité  de  charbon  et  constitue  une  sorte  d'acier 
plutôt  que  du  fer  pur.  Tel  qu'il  est,  en  tout  cas,  il  suffit  à  tous  les  usages  auxquels 
l'emploient  les  forgerons  Siéna.  Quant  aux  scories  de  minerai,  elles  renferment 
encore  du  fer  après  l'opération,  mais  elles  ne  sont  pas  utilisées,  sauf  quelquefois 
CQmme  pierres  à  bâtir,  les  forgerons  ayant  l'habitude  de  s'en  servir  pour  former  la 
base  des  murs  de  leurs  habitations  et  de  leurs  ateliers. 

Les  outils  de  forge,  très  primitifs,  sont  analogues  à  ceux  des  Noumou  Man- 
dingues,  bien  souTent  décrits  :  une  pierre  de  granite  sert  d'enclume,  une  barre  de 
fer  de  marteau  ;  une  tige  de  fer  pour  agiter  le  feu,  une  paire  de  pinces  fort  gros- 
sières, un  soufflet  double  en  peau  posé  à  terre  et  qu'un  enfant  manœuvre  en  soule- 
vant alternativement  chaque  peau^  complètent  l'attirail.  Il  faut  y  ajouter  encore 
quelques  pointes  de  fer  servant  à  forer  des  trous,  et  c'est  à  peu  près  tout.  Cet 
outillage  si  primitif  permet  cependant  aux  forgerons  Siéna  de  transformer  leurs 
blocs  de  fer  en  houes,  en  couteaux,  en  pointes  de  flèche  ;  très  légèrement  perfec- 
tionné, il  leur  a  permis,  au  moment  des  guerres  de  Samori,  de  fabriquer  pour  ce 
dernier  des  chiens  de  fusil,  des  gâchettes,  des  baguettes,  et  même  des  ressorts  à 
boudin  et  des  culasses  entières  copiées  sur  les  culasses  de  nos  fusils  modèle  1874  ; 
j'ai  vu  et  tenu  entre  mes  mains  plusieurs  fusils  de  ce  modèle  dont  toutes  les  pièces, 
sauf  le  canon,  avaient  été  fabriquées  par  des  forgerons  Siéna  :  il  y  avait  assurément 
bien  des  défauts  dans  ces  armes,  surtout  en  ce  qui  concerne  le  fini  des  pièces  : 
néanmoins  on  pouvait  tirer  avec  ces  fusils,  ce  qui  est  bien  un  résultat  appréciable. 
On  m'a  même  affirmé  que  des  canons  de  fusil  avaient  été  également  fabriqués  par 
des  forgerons  Siéna,  en  deux  pièces  semi-cylindriques  accolées  ensuite  et  soudées 
au  rouge  métal  contre  métal  :  mais  je  n'ai  pas  vu  de  ces  canons  et,  s'il  en  a  été  fait, 
je  doute  qu'ils  aient  pu  être  utilisés  ;  les  rayures  en  tout  cas  devaient  être  fort 
irrégulières  et  ne  pouvaient  que  contrarier  la  vitesse  du  projectile  au  lieu  de  l'accé- 
lérer. D'autre  part,  j'ai  vu  ces  mêmes  forgerons  fabriquer  pour  les  Européens, 
d'après  un  modèle  ou  même  un  simple  dessin  accompagné  d'explications  verbales, 
des  pièces  de  rechange  pour  fusils  de  chasse,  des  mors,  des  étriers,  des  boucles, 
des  pointes,  des  vis,  des  charnières,  des  pentures,  des  clefs,  etc. 

L'industrie  du  bois^  très  répandue  également  chez  les  Siéna,  n'y  existe  qu'à 
un  stade  beaucoup  plus  primitif.  Les  artisans  ébénistes,  dont  l'outillage  ne  se 
compose  guère  que  d'une  herminette  et  d'un  couteau,  fabriquent  surtout  les  mortiers 
pour  piler  les  céréales,  les  pilons,  les  tabourets,  les  lits  en  bois,  les  fûts  de  fusil, 
les  manches  de  couteaux  et  d'outils  divers  ;  ce  sont  eux  aussi  qui  confectionnent 
les  sabres  de  bois  et  casse-têtes  dont  j'ai  parlé  plus  haut,  ainsi  que  les  arcs  et  les 
Mèches.  Enfin  ils  sculptent  des  statuettes,  des  masques,  des  figurines  qui  servent 
pour  les  danses  ou  pour  les  cérémonies  religieuses  et  dont  le  travail  dénote,  sinon 
un  sens  artistique  bien  développé,  au  moins  un  louable  souci  de  rendre  les  détails 
tout  en  les  exagérant. 

L'industrie  du  cuir  est  très  peu  développée,  ou  du  moins  elle  est  abandonnée 
par  les  Siéna  aux  artisans  de  famille  Mandingue  établis  parmi  eux,  et  qui  fabriquent 
des  carquois,  des  fourreaux  de  sabre,  des  étuis  pour  talismans,  des  babouches, 
parfois  même  des  bottes  et  des  selles.  Cette  industrie  peut  être  considérée  comme 
étrangère. 

L'industrie  de  Vargile  au  contraire,  est  relativement  développée.  Gomme  je 
l'ai  dit  plus  haut,  ce  sont  les  femmes  de  la  caste  des  artisans  qui  s'y  livrent  exclu- 
sivement. Elles  vont  chercher  la  terre  grise,  la  transforment  en  une  pâte  épaisse  et 
la  tournent  entre  leurs  doigts  sur  un  plateau  de  bois  posé  sur  le  sol  jusqu'à  ce 


p.  266.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908.' 

que  la  pate  ait  pris  la  forme  du  vase  à  fabriquer  ;  les  potières  Siéaa  ont  uue  grande 
habileté  à  mouler  la  pâte  outre  leurs  doigts  agiles  et  savent  se  servir  du  simple 
plateau  de  bois  comme  d'un  tour.  Les  formes  une  fois  obtenues  sont  disposées  sur 
une  couche  de  sable  où  on  les  laisse  sécher  un  peu.  Ensuite  elles  sont  cuites  dans 
des  fours  d'argile  très  primitifs,  ou  le  plus  souvent  sous  une  couche  de  cendre  que 
recouvre  un  feu  ardent.  Divers  procédés  sont  employés  pour  polir  et  vernir  les 
poteries,  mais  je  ne  les  connais  pas  exactement.  On  trouvera  plus  haut  la  description 
des  divers  vases  que  Ton  rencontre  chez  les  Siéna. 

Les  bijoux  de  cuivre  (pendentifs,  anneaux,  etc.)  sont  fabriqués  par  des  artisans 
de  la  caste  spéciale  des  Larho^  au  moyen  de  métal  acheté  aux  commerçants  euro- 
péens. Le  procédé  de  fabrication  est  à  peu  près  le  même  que  celui  des  forgerons  : 
le  métal  est  ramolli  au  feu,  puis  martelé  sur  Tendume  jusqu'à  ce  qu'il  ait  reçu  la 
forme  désirée  ;  des  rayures  et  des  relieâ  sont  obtenus  à  l'aide  d'une  pointe  de  fer 
sur  le  métal  ramolli  par  l'action  du  feu.  Cependant,  les  Lorho  obtiennent  aussi  des 
objets  par  le  procédé  de  la  cire  perdue  :  ils  confectionnent  avec  de  la  cire  le  modèle 
du  bijou  qu'ils  veulent  faire,  entourent  ce  modèle  d'argile  en  ménageant  au  sommet 
une  ouverture  en  forme  d'entonnoir,  et,  par  cette  ouverture,  versent  le  cuivre  en 
fusion  au  moyen  d'une  sorte  de  creuset  en  terre  muni  d'un  long  manche  de  fer  et 
de  bois  ;  le  métal  en  fusion  fait  fondre  et  s'évaporer  la  cire  et  prend  sa  place  ;  il  ne 
reste  plus  qu'à  briser  le  moule  d'argile  et  l'on  a  le  bijou. 

24.  —  La  chasse  et  la  poche. 

Je  ne  crois  pas  qu'il  existe  chez  les  Siéna  une  caste  spéciale  de  chasseurs  ou 
de  pêcheurs,  en  tout  cas  je  n'en  ai  jamais  entendu  parler.  J'ajouterai  même  que  les 
chasseurs  et  pêcheurs  professionnels,  c'est  à  dire  se  livrant  exclusivement  à  la 
chasse  ou  à  la  pêche,  sont  fort  peu  nombreux  parmi  les  Siéna  non  mandicisés.  Il 
existe  cependant  quelques  chasseurs  de  métier  dans  les  régions  de  population 
clairsemée,  riches  en  forêts  et  en  gibier,  notamment  dans  certaines  parties  du 
Guimini,  du  Takponin,  du  Tafiré,  du  Pala,  du  Niarhafolo,  du  Folo.  Il  existe 
également  quelques  pêcheurs  de  métier  le  long  de  la  Gomoé,  du  Bandama,  du 
Bagbê.  Mais  il  est  à  remarquer,  au  moins  pour  les  chasseurs,  que  la  plupart  des 
professionnels  sont  des  Mandingues  ou  des  Siéna  mandicisés. 

D'une  façon  générale,  les  Siéna  riverains  des  cours  d'eau  importants  se  livrent 
à  la  pêche  lorsque  les  eaux  se  retirent  (commencement  de  la  saison  sèche),  et  ils 
font  sécher  le  produit  de  leur  pêche  qu'ils  envoient  vendre  par  leurs  femmes  sur  les 
marchés.  Mais  cette  industrie  est  chez  eux  fort  peu  développée,tout  à  fait  primitive 
et  n'occupe  qu'une  partie  restreinte  de  la  population. 

En  ce  qui  concerne  la  chasse,  on  peut  dire  que  presque  tous  les  Siéna  sont 
chasseurs,  mais  qu'ils  ne  le  sont  qu'occasionnellement.  Chaque  fois  qu'ils  se  rendent 
aux  champs,  ils  emportent  leurs  fusils  ou  leurs  arcs  et,  s'ils  aperçoivent  du  gibier 
ou  relèvent  des  traces  fraîches,  ils  se  livrent  à  la  chasse  avec  un  succès  d'ailleurs 
fort  relatif.  Durant  la  saison  sèche  et  lorsque  les  travaux  agricoles  subissent  un 
temps  d'arrêt,  beaucoup  de  Siéna  habitant  des  petits  villages  isolés  s'adonnent  à  la 
chasse  de  façon  plus  suivie,  soit  en  pratiquant  isolément  la  chasse  à  l'affût,  soit  en 
se  réunissant  par  bandes  de  10  à  50  hommes  pour  faire  des  battues  ou  cerner  le 
gibier  que  des  rabatteurs  mettent  en  fuite  en  fouillant  les  buissons  et  en  mettant  le 
feu  aux  herbes  sèches. 

D'une  façon  générale,  les  Siéna  ne  tirent  le  gibier  qu'au  posé,  surtout  s'il  s'agit 
de  gibier  à  plumes. 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE   PEUPLE   SIÉNA   OU    SÉNOUFO.  [P.  267. 

Daps  le  Gaimini,  j'ai  vu  des  geius  utiliser  pour  la  chasse  des  chiens  dressés  à 
fouiller  les  buissons  et  à  débusquer  le  gibier. 

Les  Siéna  chassent  peu  la  grosse  bête,  exception  faite  cependant  pour  l'hippo* 
potame,  dont  les  mœurs  font  une  proie  relativement  aisée  pour  le  chasseur  à  Taffût. 
Presque  tous  les  chasseurs  d'éléphants  sont  des  Mandingues  du  Ouassoulou.  Les 
antilopes,  d'espèces  fort  variées  du  reste,  constituent  le  principal  gibier  des 
chasseurs  Siéna. 

Je  dois  signaler  ici  des  greniers  à  gibier  que  j'ai  observés  en  plusieurs  régions 
du  pays  Siéna,  notamment  chez  les  Folo,  les  Niarhafolo  et  les  Takponin  :  ce  sont 
de  petits  greniers  analogues  aux  greniers  à  céréales,  mais  édifiés  en  pleine  brousse, 
sur  des  affleurements  granitiques  qui  les  mettent  à  l'abri  des  termites.  Les  chasseurs, 
qui  s'établissent  parfois  durant  deux  à  trois  semaines  loin  de  tout  lieu  habité, 
sèchent  au  feu  le  produit  de  leurs  chasses  au  fur  et  à  mesure  qu'une  nouvelle  pièce 
de  gibier  est  abattue,  et  enferment  la  viande  dans  ces  magasins  jusqu'à  ce  que  la 
période  de  chasse  soit  terminée  :  ils  emportent  alors  le  tout  dans  leurs  villages  et  le 
mettent  en  vente. 

26.  —  La  masiqne  et  la  danse. 

Les  musiciens  appartiennent  en  général  à  une  caste  spéciale  ;  les  danseurs  au 
contraire  sont  rarement  des  professionnels,  sauf  pour  ce  qui  regarde  les  danses 
religieuses,  et,  dans  ce  dernier  cas  seulement,  ils  appartiennent  à  une  caste  spéciale. 
Quant  aux  chanteurs  de  métier  ou  de  caste,  ils  n'existent  pas,  à  ma  connaissance 
du  moins,  chez  les  Siéna  :  on  en  rencontre  il  est  vrai,  surtout  dans  l'entourage  des 
cheft,  et  des  deux  sexes,  qui  appartiennent  à  la  catégorie  connue  des  Européens 
du  Soudan  sous  le  nom  de  ■  Griots  »,  mais  ce  sont  tous  des  étrangers,  soit  des 
Mandingues,  soit  des  Ouolofs. 

Instruments  de  musique.  —  Ils  sont,  comme  l'art  musical  des  Siéna,  peu 
perfectionnés  et  n'offrent  à  ma  connaissance  rien  de  particulièrement  intéressant 
qui  les  distingue  des  instruments  de  musique  répandus  dans  tout  le  Soudan« 
Cependant,  je  signalerai  des  sortes  de  harpes^  en  usage  chez  les  Niéné  et  autres 
sous-tribus  du  district  de  Tombougou,  et  qui  se  composent  d'une  vaste  calebasse, 
servant  de  caisse  de  résonnance,  surmontée  d'une  perche  haute  de  deux  mètres 
environ  le  long  de  laquelle  sont  tendues  les  cordes  :  j'ai  entendu  des  orchestres 
composés  de  cinq  à  six  harpistes  qui  arrivaient  à  jouer  des  mélopées  réellement 
harmonieuses  et  agréables  à  l'oreille,  quoique  fort  monotones. 

La  guitoâre  commune,  sorte  d'arc  terminé  en  bas  par  une  calebasse  et  suppor- 
tant trois  à  sept  cordes  d'inégale  longueur,  est  fort  répandue  dans  la  fraction  nord. 

Dans  toutes  les  fractions,  mais  surtout  dans  celle  du  centre,  on  rencontre 
partout  le  xylophone  soudanais  vulgairement  appelé  «  halafan  »  par  les  Européens, 
des  mots  mandingues  balan  fo  (jouer  du  «  balan  »,  ce  dernier  mot  étant  le  nom 
mandingue  de  l'instrument  en  question).  Le  «  balafon  »  est  universellement  connu  : 
il  se  compose  d'un  cadre  trapézoïdal  en  bois  léger  sur  lequel  sont  fixées  des  touches 
de  bois  d'inégale  longueur,  des  calebasses  vides  étant  suspendues  au-dessous  des 
touches  pour  augmenter  la  résonnance  ;  l'instrument  se  porte  suspendu  à  l'épaule 
par  une  corde  et  vient  reposer  contre  le  bas-ventre  du  musicien  ;  ce  dernier  frappe 
les  touches  au  moyen  de  deux  baguettes  terminées  par  une  boule  de  caoutchouc 
plein.  Certains  «  balafon  »  donnent  jusqu'à  douze  notes  différentes,  ce  qui  permet 
à  l'artiste  une  certaine  fantaisie.  Le  son  n'en  est  pas  désagréable,  surtout  entendu 
d'assez  loin. 


F.  268]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Parmi  les  instruments  à  vent,  je  citerai  les  flûteSj  donnant  de  trois  à  six  notes, 
et  les  carnes^  olifants  et  trompes  de  bois^  qui  donnent  une  ou  deux  notes  seulement, 
mais  avec  lesquels  on  arrive  à  constituer  des  orchestres  harmoniques  en  donnant  à 
chaque  musicien  une  corne  ou  trompe  de  note  spéciale.  Certains  airs  joués  par  les 
orchestres  de  flûtes  ou  de  trompes  ne  manquent  ni  d'élégance  ni  d'agrément  : 
malheureusement  ces  airs«e  composent  toujours  d'une  phrase  musicale  unique  et 
très  courte  que  les  musiciens  répètent  interminablement,  ce  qui  ne  parait  pas 
fatiguer  les  oreilles  indigènes  mais  est  peu  agréable  aux  oreilles  européennes. 

Tous  les  instruments  que  je  viens  de  passer  en  revue,  quoique  primitifs, 
méritent  le  nom  d'instruments  de  musique  puisque  soit  seuls,  soit  combinés  plusieurs 
ensemble,  ils  peuvent  produire  une  harmonie.  Mais  ils  sont  moins  répandus,  je 
dirai  même  moins  essentiels,  chez  les  Siéna,  que  les  instruments  que  l'on  pourrait 
appeler  «  instruments  de  rythme  »  et  qui  ne  servent  en  effet  qu'à  rythmer  une 
danse,  une  marche  ou  un  chant,  parfois  même  qu'à  faire  du  bruit.  Ces  instruments, 
dans  nos  orchestres  européens,  sont  peu  nombreux  et  constituent  ce  que  nous 
appelons  la  «  batterie  »  ;  cbez  les  Siéna,  comme,  il  me  semble,  chez  tous  les  Nègres, 
ils  constituent  la  partie  principale  do  tout  orchestre,  quand  ils  ne  constituent  pas 
tout  l'orchestre  à  eux  seuls.  Ce  sont  :  les  tambours  hémisphériques  que  l'on  frappe 
de  la  main  ;  les  tambours  cylindriques  que  l'on  frappe  avec  des  baguettes  ;  les 
tambours  bi-couiqucs,  que  l'on  tient  sous  le  coude  gauche  et  dont  les  peaux  sont 
reliées  l'une  à  l'autre  par  des  cordes  que  l'on  peut  serrer  ou  relâcher  à  volonté  à 
l'aide  du  coude,  ce  qui  fait  que  le  marteau  de  bois  que  l'on  tient  de  la  main  droite 
peut  donner  deux  notes  différentes  ;  les  gourdes  recouvertes  d'un  filet  chargé  de 
cauries  et  qui,  secouées,  rendent  un  bruit  de  castagnettes  ;  les  clochettes  de  fer  ; 
les  cylindres  de  fer  évidés  le  long  desquels  on  frotte  une  tige  de  même  métal  ;  enfin 
les  anneaux  et  pendeloques  de  ferraille  que  l'on  suspend  au  pourtour  des  tambours, 
au  manche  des  guitares,  à  la  caisse  de  résonnance  des  harpes,  au  poignet  des 
joueurs  de  »  balafon  »,  aux  jambes  des  musiciens,  et'qui,  en  s'entrechoquant  grâce 
aux  vibrations  de  l'instrument  ou  aux  mouvements  du  musicien,  produisent  un 
cliquetis  fort  apprécié,  semble-t-il,  des  auditeurs. 

Musiciens.  —  Les  hommes  seuls  font  usage  de  tous  ces  instruments  de 
musique  ou  de  rythme.  Je  ne  connais  qu'un  seul  instrument  dont  jouent  les  femmes  : 
il  se  compose  d'une  courge  fort  longue,  ressemblant  à  un  très  grand  concombre,  qui 
a  été  évidée  et  dont  Tune  des  extrémités  a  été  sectionné^  ;  dans  certaines  danses 
que  j'ai  observées  chez  les  Siéna  de  la  fraction  centrale  et  qui,  sans  doute,  se 
retrouvent  dans  d'autres  fractious,  les  femmes  et  surtout  les  fillettes,  tout  en  dan- 
sant et  chantant,  frappent  contre  la  paume  de  leur  main  gauche  l'extrémité  sec- 
tionnée de  cette  courge  tenue  légèrement  de  la  main  droite,  ce  qui  produit  un  son 
grave  dont  la  modalité  varie  selou  la  taille  de  la  courge. 

Chaque  chef  de  village  ou  de  canton  entretient  une  ou  plusieurs  troupes  de 
musiciens  qui  l'accompagnent  dans  ses  déplacements  et,  en  temps  ordinaire, 
donnent  des  divertissements  au  public  et  font  danser  les  habitants. 

Le  nombre  des  musiciens  qui  composent  ces  troupes,  leur  habillement,  leur 
recrutement  varient  avec  la  richesse  des  chefs  et  avec  leurs  goûts.  Les  chefs  pauvres 
se  contentent  de  quelques  tambours  et  de  quelques  trompes.  Les  chefs  riches,  sur- 
tout dans  les  fractions  du  centre  et  du  nord,  ont  jusqu'à  cinq  ou  six  orchestres  diffé- 
rents, comprenant  chacun  une  dizaine  d'exécutants,  et  composés,  l'un  de  joueurs 
de  «  balafon  »,  l'autre  de  joueurs  de  tambours,  le  troisième  de  flûtistes,  le  quatrième 
de  joueurs  de  trompes,  etc.  En  général,  les  joueurs  de  trompe  n'ont  pas  de  costume 


1908«]  DELAFOSSE    :    LE    PEUPLE   SIÉNA    OU    SÉNOUFO.  [P.  269« 

particulier  ;  les  joueurs  de  tambour  et  de  «  balafon  n  se  distinguent  le  plus  souvent 
par  d'immenses  chapeaux  de  paille  atteignant  parfois  les  dimensions  d'un  parapluie  ; 
une  chose  à  noter  chez  les  joueurs  de  tambour  hémisphérique,  c'est  qu'ils  déposent 
sur  le  devant  de  la  peau  de  leur  instriunent  un  pâté  d'une  sorte  de  poix  dont  ils 
s'humectent  les  doigts  de  temps  en  temps  pour  éviter  que  le  frappement  répété  de 
leurs  mains  sur  le  tambour  ne  détermine  des  ampoules.  Les  flûtistes  sont  générale- 
ment vêtus  d'une  veste  rouge  et  coiflFés  d'un  chapeau  demi-circulaire  rappelant  un 
peu  la  forme  des  coiffures  que  portaient  les  dandys  du  Directoire,  chapeau  dont  les 
faces  sont  ornées  de  petites  glaces  encastrées  dans  du  drap  rouge  et  dont  le  pourtour 
est  orné  de  cauries  et  de  houppettes  ;  un  ou  plusieurs  joueurs  do  tambour  à  cordes, 
habillés  de  même,  accompagnent  toujours  les  flûtistes,  et  chantent  pendant  que  ces 
derniers  jouent. 

Les  chants.  —  Le  chant  accompagne  assez  souvent  la  musique  instrumentale 
et  la  danse,  moins  souvent  pourtant  chez  les  Siéna  que  chez  leurs  voisins  du  sud 
(Agni-Âssanti)  et  que  chez  les  Mandingues.  Ces  chants  sont  tous  monotones,  très 
primitifs  comme  musique,  très  courts  et  d'un  ton  généralement  mélancolique. 

Ils  se  divisent  en  soli,  exécutés  par  l'un  des  musiciens  de  l'orchestre  ou  l'un 
des  danseurs,  en  chœurs  chantés  par  l'un  seulement  des  sexes,  et  en  chœurs  chan- 
tés par  tous  les  assistants,  hommes  et  femmes.  Comme  je  le  disais  plus  haut,  il  n'y 
a  pas  —  je  le  crois,  du  moins,  —  de  chanteurs  de  profession  ni  de  hérauts  analogues 
aux  «  griots  »  parmi  les  Siéna  proprement  dits.  Mais  dans  chaque  orchestre  existe 
généralement  une  sorte  de  chef  de  musique  qui  indique  à  ses  co-exécutants  l'air  à 
jouer  et  qui,  souvent,  fait  le  tour  de  l'assemblée  en  chantant  sur  cet  air  soit  des 
paroles  connues,  soit  une  improvisation  de  son  crû  motivée  par  les  circonstances. 
Parfois,  c'est  un  personnage  de  l'assistance  qui  remplit  ce  rôle  :  il  chante  alors  une 
sorte  de  mélopée,  en  l'accompagnant  de  force  gestes  et  jeux  de  physionomies.  Le 
plus  souvent  l'assistance  reprend  cet  air  en  chœur,  et  les  femmes  battent  la  mesure 
en  frappant  des  mains,  tandis  que  l'orchestre  fait  rage  et  que  les  danseurs  évoluent 
à  l'intérieur  du  cercle  formé  par  les  spectateurs-chanteurs.  Ces  chœurs  sont  exécu- 
tés tantôt  à  l'unisson,  tantôt  en  parties,  sans  que  rien,  semble-t-il,  ait  été  convenu 
à  cet  égard.  Les  voix  ne  sont  pas  agréables,  mais  elles  sont  justes  en  général,  et  il 
est  rare  qu'on  entende  de  fausses  notes. 

J'ai  entendu  chez  les  Guimini  des  chœurs  de  femmes  fort  mélancoliques,  mais 
d'assez  bonne  tenue  musicale.  Je  crois  d'ailleurs  que  les  chœurs  de  femmes  seules,  qui 
généralement  ne  sont  accompagnés  par  aucun  instrument  de  musique^  sont  supé- 
rieurs aux  chœurs  exécutés  indistinctement  par  les  deux  sexes  pour  accompagner 
les  danses. 

Les  paysans  agrémentent  parfois  leurs  travaux  agricoles  de  chants  qui  rappel- 
lent —  d'assez  loin  —  les  tyroliennes  des  montagnards  alpins.  Lorsqu'un  chef  fait 
exécuter  de  gros  travaux  pressés,  tels  que  le  défrichement  d'un  champ,  le  battage 
du  grain,  la  construction  d'une  maison,  il  excite  souvent  le  zèle  des  travailleurs  à 
l'aide  d'un  orchestre  de  tambours  et  de  «  balafons  »,  que  les  travailleurs  eux-mêmes 
accompagnent  parfois  de  leurs  chants. 

Les  chants  des  cérémonies  religieuses  et  funèbres  sont  d'un  caractère  musical 
plus  relevé  en  général  que  les  chants  ordinaires,  mais  sont  cependant  fort  primitifs 
encore  et  tous,  au  moins  pour  qui  n'entend  pas  les  paroles,  sont  empreints  d'un  ton 
de  mélancolie  fort  caractéristique. 

Les  danses,  —  Il  y  a  chez  les  Siéna  des  danses  qu'on  pourrait  appeler  générales, 
auxquelles  prennent  part  les  individus  de  tout  sexe,  de  tout  âge  et  de  toute  classe  : 


P.270*]  •    It    •    K    •    E    •    S    •  [1908. 

elles  ont  lieu  sur  les  places  publiques,  à  roccasion  d'uu  évènemeot  marquant  tel 
qu^une  fête  locale,  le  passage  d'un  personnage  de  marque,  etc.  Un  orchestre  s'in« 
stalle  le  long  du  mur  d'une  case  ou  à  l'ombre  d'un  arbre,  un  cercle  se  forme  et  les 
danseurs  é?oluent  au  centre  du  cercle,  tandis  que  les  assistants  chantent  et  battent 
des  mains.  Le  plus  souvent  un  jeune  homme  se  détache  de  l'assistance,  indique  à 
L'orchestre  un  air  de  son  choix,  et  danse  seul  sur  le  rythme  de  cet  air,  exécutant 
des  sauts  plus  ou  moins  agiles,  des  volte-faces,  des  pirouettes,  des  glissements  sur 
les  doigts  de  pieds,  et,  s'il  est  vêtu  de  vêtements  amples,  agrémentant  ses  mou- 
▼ements  en  développant  les  étoffes  qui  le  couvrent  à  la  façon  de  la  Loîe  Fuller  et 
de  ses  imitatrices.  Quelquefois  deux  hommes  dansent  ensemble,  se  faisant  vLs-à-vis. 
D'autres  fois,  une  femme  sort  du  cercle  et  trottine  à  pas  menus  en  soulevant  ses 
seins  ou  en  faisant  des  grâces  avec  ses  bras.  Souvent  un  danseur  et  une  danseuse 
se  font  vis-à-vis  ou  tournent  l'un  autour  de  l'autre.  On  voit  aussi  des  théories 
d'hommes  faire  le  tour  du  cercle  à  la  queue  leu-leu,  suivies  de  théories  de  femmes, 
parmi  lesquelles  les  plus  vieilles  sont  celles  qui  se  démènent  et  minaudent  le  plus. 
De  tout  jeunes  enfants  même  prennent  part  à  ces  réjouissances  et  provoquent,  par 
leur  souplesse  ou  leur  gentillesse,  les  cris  d'admiration  de  leurs  parents,  de  leurs 
mères  surtout.  Lorsqu'un  danseur  s'est  particulièrement  distingué,  l'un  des  mem- 
bres de  Torchestre  s'approche  de  lui  et  le  suit  dans  ses  évolutions  en  activant  le  jeu 
de  son  instrument  ;  dans  le  mémo  cas  aussi,  l'un  des  amis  du  danseur  se  détache 
de  l'assistaoce  et  vient  lui  saisir  le  bras  droit,  qu'il  élève  au-dessus  de  sa  tête  ;  cela 
se  fait  surtout  pour  honorer  un  chef  ou  un  fils  de  chef  qui  montre  à  la  fouie  ses 
talents  chorégraphiques.  S'il  s'agit  d'une  danseuse  habile  ou  de  noble  extraction, 
on  l'honore  de  la  même  manière,  ou  bien  en  jetant  un  pagne  sur  l'une  de  ses 
épaules. 

Il  existe  aussi  des  danses  auxquelles  ne  prennent  part  que  les  femmes  :  elles 
ont  lieu  le  plus  souvent  à  la  tombée  de  la  nuit,  une  fois  les  soins  du  ménage  termi- 
nés, ou  plus  tard  encore,  au  clair  de  la  lune.  Ces  danses  ont  plus  de  caractère  que 
les  danses  auxquelles  tout  le  monde  prend  part  ;  souvent  elles  consistent  en  de 
véritables  jeux,  les  femmes  se  laissant  à  tour  de  rôle  tomber  en  arrière  sur  les  mains 
de  leurs  compagnes,  ou  se  frappant  deux  à  deux  derrière  contre  derrière,  ou  sautant 
en  l'air  par  pirouettes  gracieuses.  Ces  danses  sont  toujours  accompagnées  de  chants 
et  de  battements  de  mains,  mais  en  général  il  n'y  a  pas  d'instruments  de  musique 
pour  en  marquer  le  rythme,  exception  faite  des  longues  courges  dont  j'ai  parlé  plus 
haut  et  qui  d'ailleurs  ne  sont  usitées  que  dans  certaines  danses.  Parfois  cependant, 
une  ou  deux  femmes  rythment  le  chant  et  la  danse  en  frappant  sur  une  calebasse 
qui  a  été  renversée  sur  une  autre  calebasse  plus  grande  et  remplie  d'eau. 

On  remarque  encore  des  danses  spéciales  à  la  caste  des  artisans.  C'est  ainsi 
que  j 'ai  vu  à  Korhogo  (Kiembarha)  les  forgerons  du  lieu  exécuter  une  danse  fort 
curieuse  qui  met  en  valeur  tous  les  muscles  de  chaque  danseur,  notamment  ceux 
de  la  poitriae  et  des  cuisses.  A  Boundiali  (Téuéouré),  j'ai  assisté  aussi  à  une  danse 
de  forgerons  caractérisée  par  de  véritables  tours  d'acrobatie,  notamment  des  cul- 
butes, des  marches  sur  les  mains,  etc.  Chez  les  Ouimini,  j'ai  vu  des  artisans  se 
livrer,  au  son  des  instruments  et  selon  uq  rythme  parfait,  à  un  simulacre  de  lutte  à 
mains  plates,  et  des  femmes  d'artisans  exécuter,  non  pas  la  danse  du  ventre,  mais 
une  danse  des  fesses  tout  à  fait  extraordinaire. 

Quant  aux  danses  funèbres  et  aux  danses  religieuses,  je  n'ai  pu  en  observer 
que  fort  peu  chez  les  Sléna,  et  ce  sont,  plutôt  que  des  danses  proprement  dites,  des 
cérémonies  dont  je  parlerai  plus  loin  à  propos  des  funérailles  et  de  la  religion. 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE    PEUPLE    SIÉNA    OU    SÉNOUFO.  [P.  271. 

Je  ne  crois  pas  qu'il  existe  chez  les  Siéna  des  danseurs  professionnels  ;  j'en  ai 
Yu,  il  est  vrai,  chez  les  Noholo,  mais  il  m'a  semblé  que  c'était  là  une  importation 
étrangère,  les  danses  exécutées  étant  tout  à  fait  semblables  à  celles  auxquelles  se 
livrent  les  danseuses  et  danseurs  professionnels  de  Kimbérila,  village  mandingue 
voisin  d'udienné  qui  est  célèbre  dans  toute  la  contrée  par  son  corps  de  ballet. 

Je  ne  parlerai  pas  ici  des  costumes  spéciaux  à  certains  danseurs  ni  des  masques 
de  danse,  ces  costumes  et  ces  masques  m'ayant  paru  réservés,  chez  les  Siéna  non 
mandicisés,  à  certaines  cérémonies  religieuses  ou  dérivant  tout  au  moins  de  la  reli- 
gion. 

Toutes  les  danses  dont  j'ai  parlé  ont  lieu  la  nuit  aussi  bien  que  le  jour  :  elles 
ont  même  lieu  de  préférence  la  nuit,  d'abord  parce  que  nulle  occupation  n'empêche 
alors  de  s'y  livrer  ou  d'y  assister,  ensuite  parce  que  la  chaleur  est  moins  forte  que 
pendant  le  jour.  Lorsque  la  lune  est  dans  tout  son  éclat,  les  danses  battent  leur 
plein  et  durent  jusqu'à  ce  que  l'astre  disparaisse  ;  lorsqu'il  n'y  a  pas  de  lune,  on 
y  supplée  à  l'aide  de  feux  de  paille,  qui  produisent  d'ailleurs  plus  de  fumée  que  de 
lumière. 

Les  vieillards  et  les  notables  assistent  parfois  aux  danses  publiques,  mais  n'y 
prennent  pas  part,  les  femmes  exceptées.  Il  arrive  cependant  que  de  jeunes  chefs 
ne  résistent  pas  au  plaisir  de  faire  admirer  leur  agilité,  mais  c'est  considéré  par 
le  peuple  comme  une  faiblesse  de  leur  part  et  un  manque  de  tact.  Quant  aux 
danses  purement  féminines,  seuls  parmi  le  sexe  fort  les  jeunes  gens  se  permettent 
d'y  assister  de  près. 

26.  —  La  sculpture  et  la  peinture. 

Si  la  musique  est  peu  développée  chez  les  Siéna,  la  sculpture  et  la  peinture  le 
sont  moins  encore.  Le  premier  de  ces  arts  existe  à  peine  à  l'état  infantile,  repré- 
senté par  les  grossières  statuettes  de  bois,  les  bijoux  et  statuettes  de  cuivre  que 
fabriquent  diverses  catégories  d'artisans,  et  par  les  représentations  d'argile  plus 
grossières  encore,  figurant  soit  des  êtres  humains,  soit  des  crocodiles,  qui  décorent 
plusieurs  bois  sacrés.  C'est  surtout  dans  la  confection  des  masques  religieux  que  se 
révèle  l'art  indigène,  et  encore  cet  art,  rustique  dans  l'exécution,  conventionnel 
dans  l'invention,  est-il  tout  à  fait  grossier. 

Quant  à  la  peinture,  autant  dire  qu'elle  n'existe  pas,  même  à  l'état  de  peinture 
décorative,  les  revêtements  polychromes  observés  sur  quelques  murs  des  cases 
Nafâna  ou  Noholo,  imités  d'ailleurs  des  procédés  Assanti  ou  Mandingues,  étant 
trop  informes  pour  mériter  qu'on  leur  accorde  une  idée  d'art  quelconque. 

27.  —  La  poésie  et  la  littérature. 

Comme  tous  les  Noirs  même  les  plus  primitifs,  les  Siéna  ont  une  littérature 
orale  dans  laquelle  les  chants  représentent  la  poésie  et  où  la  prose  est  représentée 
par  les  fables,  les  proverbes,  les  légendes  historiques  et  religieuses.  Comme  je  l'ai 
dit  plus  haut,  je  ne  crois  pas  qu'il  existe  chez  les  Siéna  de  ces  bardes  de  profession, 
à  la  fois  poètes,  acteurs  et  même  improvisateurs,  tels  qu'on  en  rencontre  chez  les 
Mandingues  et  autres  peuples  du  Soudan.  Mais,  en  ce  qui  concerne  les  chants, 
l'improvisation  du  public  ou  de  quelques  individus  particulièrement  doués  joue  un 
grand  rôle,  et  le  fonds  poétique  se  renouvelle  sans  cesse.  La  tradition  au  contraire 
a  un  rôle  prépondérant  en  ce  qui  regarde  les  fables,  les  proverbes  et  les  légendes, 
lesquelles  se  transmettent  de  génération  en  génération.  A  la  vérité,  chaque  conteur 


p.  272.]  •    Il    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

ajoute  quelques  détails  de  son  crû  ou  donne  un  tour  spécial  au  conte  traditionnel, 
mais  le  fonds  demeure  le  même. 

Je  regrette  de  ne  posséder  aucun  document  me  permettant  de  donner  une  idée 
du  folk-lore  siéna;  je  n'ai  pu  étudier  suffisamment  la  langue  pour  recueillir  des  échan- 
tillons de  cette  littérature  orale  que  les  interprètes,  tous  étrangers,  dénaturent 
singulièrement  en  la  traduisant.  Je  dois  me  contenter  de  signaler  à  ceux  qui  auront 
Toccasion  de  vivre  en  contact  avec  les  Siéna  Timportance  qu'il  y  aurait  à  recueillir 
de  la  bouche  des  indigènes  le  plus  graod  nombre  possible  de  fables,  de  proverbes 
et  surtout  de  légendes. 

28.  —  Létiquette  et  la  politesse. 

Ici  encore,  je  ne  puis  donner  que  des  indications  générales,  faute  d'avoir  eu 
avec  les  Siéna  un  contact  assez  intime  pour  pouvoir  pénétrer  le  sens  de  certaines 
maoifostations  extérieures  et  de  certaines  formules,  aussi  bien  que  pour  pouvoir 
distinguer  ce  qui  appartient  en  propre  aux  autochtones  de  ce  qui  a  été  importé  du 
dehors. 

Il  m'a  paru  que  l'étiquette  et  le  protocole  étaient  beaucoup  moins  compliqués 
et  moins  sévères  chez  les  Siéna  que  chez  les  Agni-Assanti  et  même  que  chez  les 
Mandingues,  moins  formalistes  cependant  que  les  populations  du  Baoulé,  de  l'Abron 
et  de  l'Assanti.  Dans  l'entourage  des  grands  chefs  cependant,  on  observe  un  proto- 
cole qui  a  ses  rites  définis  quoique  difficilement  définissables. 

Je  ne  reviendrai  pas  sur  les  règles  do  savoir-vivre  concernant  l'absorption  de 
la  nourriture,  règles  dont  j'ai  parlé  déjà  au  chapitre  des  «  soins  de  propreté  ». 

Les  Siéna  accordent  en  général  de  grandes  marques  de  respect  aux  chefs  et 
aux  vieillards,  évitant  de  les  coudoyer,  s'inclinant  lorsqu'ils  sont  obligés  de  passer 
devant  eux  de  façon  à  les  frôler,  se  levant  sur  leur  passage,  leur  offrant  un  siège 
s'ils  les  voient  demeurer  debout,  etc.  Dans  un  cortège,  il  est  d'usage  que  les  per- 
sonnages les  plus  considérables  soient  placés  les  derniers. 

Les  salutations  sont  moins  compliquées,  aussi  bien  comme  gestes  que  comme 
formules,  que  chez  les  Mandingues  et  surtout  les  Agni-Assanti  ;  cependant  il  existe 
'  un  certain  nombre  de  formules  différentes,  selon  l'heure  de  la  journée  et  les 
circonstances  do  la  rencontre.  D'une  façon  générale,  c'est  toujours  l'arrivant  qui 
salue  le  premier,  quels  que  soient  son  âge,  son  rang  social  et  son  sexe.  Lorsque 
deux  personnes  se  croisent  dans  une  rue  ou  sur  un  sentier,  c'est  celle  du  rang  le 
moins  considérable  qui  salue  la  première,  en  faisant  place  au  personnage  salué  : 
les  serfs  saluent  les  nobles,  les  enfants  saluent  les  adultes,  les  adultes  les  vieillards, 
les  femmes  saluent  les  hommes.  Dans  le  cas  d'une  visite,  le  visiteur  salue  le  pre- 
mier ;  on  lui  rend  son  salut,  on  lui  offre  un  siège  et  on  lui  demande  les  nouvelles  ; 
s'il  s'agit  d'un  voyageur,  on  ne  lui  demande  les  nouvelles  qu'après  lui  avoir  offert 
de  se  rafraîchir. 

Les  hommes  saluent  généralement  en  levant  le  coude  droit  à  hauteur  du 
menton,  les  femmes  en  faisant  une  génuflexion,  le  dos  tourné  à  la  personne  qu'elles 
saluent.  Les  musulmans  saluent  en  se  posant  la  main  droite  sur  la  poitrine  et  en 
prononçant  des  formules  empruntées  aux  langues  arabes  et  mandingues  ;  souvent 
on  salue  les  musulmans  notables  en  se  prosternant  devant  eux  et  en  appuyant  le 
front  sur  le  bas  de  leur  <«  boubou  n  ;  cette  coutume  est  même  employée  par  des 
Siéna  non  musulmans  quand  ils  saluent  un  chef  très  influent. 

Dans  plusieurs  régions,  on  rend  hommage  à  l'autorité  d'un  chef  ou  à  la  respec- 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE    PEUPLE   SIÉNA    OU   SÉNOUFO.  [P.  273# 

tabilité  d'un  notable  en  lui  saisissant  le  poignet  droit  et  en  l'élevant  au  dessus  de 
sa  tête. 

29.  —  L'hygiène,  la  thérapeutique  et  la  chirurgie. 

C*est  là  un  chapitre  dont  Tétude  mériterait  de  tenter  les  médecins  européens 
appelés  à  résider  en  pays  Siéna  :  outre  que  cette  étude  serait  fort  intéressante  au 
point  de  vue  de  la  science  pure,  je  suis  absolument  persuadé  qu'elle  fournirait  des 
enseignements  précieux  à  la  thérapeutique  tropicale. 

L'hygiène  proprement  dite  semble  peu  développée  :  il  est  fort  rare  que  les 
Siéoa  prennent  des  précautions  contre  le  froid  et  contre  l'humidité,  qui  pourtant 
sont  les  plus  grands  ennemis  de  leur  santé  générale.  L'hygiène  de  l'alimentation, 
celle  de  l'enfance  en  bas-âge,  paraissent  aussi  être  plutôt  négatives.  Les  règles 
d'hygiène  concernant  l'état  de  grossesse  semblent  être  plus  strictement  suivies,  et  les 
accouchements  m'ont  paru  s'opérer  dans  d'assez  bonnes  conditions,  sous  la  direction 
de  iemmes  âgées  qui  exercent  la  profession  de  sages- femmes  et  qui  ne  manquent 
ni  d'expérience  ni  de  bon  sens. 

La  thérapeutique,  par  contre,  semble  avoir  atteiot  un  degré  relativement 
élevé.  Les  Siéna  font  un  usage,  qui,  daos  mon  incompétence,  m'a  paru  judicieux, 
d'un  très  grand  nombre  de  médicaments  tirés  par  la  plupart  de  matières  végétales 
ou  empruntés  plus  rarement  aux  règnes  animal  et  minéral.  J'ai  pu  constater  l'effi- 
cacité de  beaucoup  de  médications  indigènes,  et  c'est  là  que  nos  médecins  auraient 
à  apprendre  s'ils  voulaient  se  donner  la  peine  d'observer  attentivement  et  renoncer 
à  un  dédain  préconçu  pour  tout  ce  qui  n'appartient  pas  à  la  matière  médicale  du 
<:odex.  Il  est  vrai  que,  dans  la  fagon  dont  les  indigènes  exercent  les  suins  médi- 
caux, il  y  a  presque  toujours  deux  parts  fort  différentes  :  l'une,  purement  médicale, 
consiste  en  Tapplication  à  une  maladie  donnée  d'un  médicament  réel,  dont  l'effica- 
cité a  été  établie  par  une  longue  expérience  ;  l'autre  part  relève  du  charlatanisme 
et  a  son  origine  dans  la  nécessité  où,  de  par  la  nature  humaine,  le  médecin  se 
trouve  d'en  imposer  à  son  malade  :  il  ne  peut  se  contenter  de  lui  appliquer  un 
remède,  il  lui  faut  en  outre  agrémenter  cette  application  de  quelques  recomman- 
dations aussi  extraordinaires  qu'inutiles  ou  de  quelques  talismans  en  lesquels  le 
malade  aura  beaucoup  plus  foi  qu'en  le  remède  lui  même.  C'est  ainsi  que  l'appli- 
cation de  certaines  pâtes  sur  la  poitrine  m'a  paru  agir  efficacement  contre  le  rhume, 
de  la  même  manière  qu'agirait  une  application  de  teinture  d'iode  ;  mais  le  malade 
aurait  peu  de  considération  pour  le  médecin  qui  appliquerait  ces  pâtes  d'une 
manière  quelconque,  sans  tracer  avec  elles  sur  la  peau  du  patient  des  dessins 
compliqués  et  bizarres.  Je  ne  serais  pas  d'ailleurs  loin  de  croire  que  le  médecin 
indigène,  qui  tient  sa  science  uniquement  de  la  tradition  et  ne  raisonne  pas  son 
empirisme,  soit  lui  même  persuadé  que  le  rite  selon  lequel  le  remède  est  appliqué 
est  absolument  nécessaire  pour  obtenir  la  guérison  du  malade. 

J'ai  dit  qu'il  y  a  des  sages-femmes  de  profession.  Il  existe  aussi  quelques 
médecins  profeseionnels,  dont  plusieurs  appartiennent  à  la  caste  des  sorciers  ou 
des  prêtres,  plusieurs  à  la  caste  des  artisans,  mais  dont  la  plupart  n'appartiennent 
à  aucune  caste  spéciale.  Il  existe  des  médecins  des  deux  sexes  et  qui  soignent 
indifféremment  les  malades  des  deux  sexes,  saufen  ce  qui  concerne  les  soins  relatifs 
k  la  grossesse  et  à  la  parturition,  lesquels  sont  en  général  l'apanage  des  médecins 
du  sexe  féminin. 

En  dehors  de  ces  médecins  professionnels,  on  rencontre  beaucoup  d'individus 
des  deux  sexes  qui,  soit  par  leur  expérience  personnelle,  soit  par  une  expérience 
transmise  dans  leur  famille  de  génération  en  génération,  ont  acquis  la  connaissance 


p.  274.]  ^    R    •    E    •    E    •    S    •  [^^^®* 

de  certaiüB  remèdes  applicables  à  certaioes  maladies  spéciales.  Tel  individu  par 
exemple  soigne  les  maladies  d'yeux,  tel  autre  soigne  les  désordres  intestinaux,  tel 
autre  la  tuberculose,  etc.  On  vient  de  fort  loin  consulter  ces  praticiens,  qui  se  font 
ainsi  avec  leur  spécialité  un  assez  joli  revenu. 

Lorsqu'il  s'agit  de  maladies  graves,  le  client  reste  en  pension  chez  son  médecin 
jusqu'à  guérison  complète  et  ne  le  paie  qu'une  fois  guéri.  S'il  vient  à  mourir  pen- 
dant le  traitement,  sa  famille  paie  le  médecin,  mais  les  honoraires  sont  alors  fort 
réduits. 

A  côté  de  ces  praticiens  qui  sont  en  réalité  des  médecins  véritables,  il  existe 
un  grand  nombre  de  purs  charlatans,  qui  vendent  très  cher  aux  naïfs  des  talismans 
de  leur  fabrication  dont  la  vertu  médicale  est  absolument  nulle  et  que  n'accompa- 
gne aucune  médication  réelle.  Mais  la  foi  des  indigènes  en  ces  talismans  est  au 
moins  aussi  grande  que  la  confiance  qu'ils  ont  dans  les  remèdes  véritables  dont 
l'expérience  a  démontré  l'efficacité.  Ces  talismans  —  dans  la  vertu  desquels  le 
charlatan  qui  les  fabrique  et  les  vend  croit  peut-être  lui-même  —  se  composent  en 
général  de  cornes  d'animaux,  de  bracelets  ou  bijoux  en  cuivre  représentant  des 
serpents  ou  des  objets  spéciaux,  de  queues  d'animaux,  d'anneaux  en  peau  de  ser- 
pent, enfin  de  petits  sachets  de  cuir  ou  de  coton  renfermant  un  papier  sur  lequel 
est  écrite  en  arabe  une  formule  magique.  L'éclectisme  religieux  lé  plus  complet 
règne  en  matière  de  talismans  :  les  prêtres  de  la  religion  indigène  et  les  musulmane 
lettrés  en  fabriquent  également,  les  musulmans  en  demandent  volontiers  aux  prê- 
tres païens  et  les  païens  paient  très  cher  des  amulettes  à  formules  islamiques.  La 
remise  d'un  talisman  s'accompagne  presque  toujours  de  recommandations  compli- 
quées et  parfois  d'un  véritable  régime  alimentaire  à  suivre  :  c'est  ainsi  que  j'ai  vu 
un  charlatan  Kiembarha  traiter  une  fillette  atteinte  de  la  maladie  du  sommeil  en 
lui  faisant  porter  à  chaque  poignet  un  serpent  de  cuivre  et  lui  défendant  de  manger 
du  riz  de  rizière.  Lorsqu'il  s'agit  d'un  talisman  écrit  par  un  musulman,  il  est  géné- 
ralement prescrit  au  malade  de  prononcer  certaines  formules  de  prières  à  des  jours 
donnés  ou  même  d'écrire  ces  formules  sur  la  planchette  usitée  pour  apprendre  à 
écrire,  de  laver  la  planchette  avec  de  l'eau  et  de  boire  cette  eau  ensuite. 

Tous  les  talismans  n'ont  pas  un  but  médical.  Beaucoup  sont  demandés  et 
acquis  pour  obtenir  des  faveurs  spéciales,  soit  négatives,  soit  positives,  telles  que 
celles  de  ne  pas  être  blessé  à  la  guerre,  de  tuer  beaucoup  de  gibier,  de  ne  pas  être 
empoisonné  par  son  ennemi,  de  gagner  au  jeu,  d'être  vaillant  dans  les  luttes  amou- 
reuses, etc.,  etc.  Certains  indigènes  sont  presque  littéralement  couverts  de  talis- 
mans dout  chacun  est  sensé  avoir  une  vertu  spéciale,  vertu  en  laquelle  les  intéressés 
ont  une  fui  inébranlable. 

La  chirurgie  n'est  pas  inconnue  des  Siéna  :  j'en  puis  au  moins  citer  deux 
exemples  typiques.  J'ai  observé  le  premier  chez  les  Pala,  au  village  du  chef  Nanguio> 
(NangyoJ  :  j'ai  vu  là  un  homme  auquel  on  avait  sectionné  la  jambe  au  dessous  du 
genou  (t  qui  marchait  à  l'aide  d'une  véritable  jambe  de  bais,  très  analogue  à  la 
classique  Jambe  de  bois  de  nos  invalides  ;  on  m'a  dit  que  cet  homme  avait  été  blessé- 
au  pied  par  une  flèche  empoisonnée  et  qu'on  lui  avait  sauvé  la  vie  en  amputant  le 
membre  atteint  ;  l'opération  avait  eu  lieu  trois  ou  quatre  ans  avant  le  jour  où  je 
rencontrai  cet  homme  ;  il  était  d'un  âge  assez  avancé,  se  portait  fort  bien  et  ne 
ressentait  aucune  douleur. 

Quaut  à  l'autre  exemple,  je  l'ai  observé  en  1906  àKorhogo.  Gbon,  chef  de 
Korhogo,  avait  acheté  récemment  d'un  étranger  (un  Mandingue,  m'a-t-on  dit)  le 
secret  d'une  opération  destinée  à  arrêter  la  marche  de  cette  terrible  maladie  vul- 
gairement connue  sous  le  nom  de  «  maladie  du  sommeil  »  et  appelée  par  les  méde-- 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE   PEUPLE   SIÉNA   OU    SÉNOUFO.  [P*  275. 

-eins  actuels  «  trypaoosomiase  de  Thomme  ».  On  sait  que,  dans  ses  débuts,  cette 
maladie  se  manifeste,  eutre  autres  symptômes,  par  le  gonflement  et  Tinduration  de 
<îertaines  glandes  du  cou  et  de  la  nuque.  A  tort  ou  à  raison  — je  laisse  aux  spécia- 
listes le  soin  de  se  prononcer  —  les  indigènes  de  TAfriquc  Occidentale  prétendent 
que  le  germe  de  la  maladie  est  au  début  localisé  dans  ces  glandes  ;  partant  de  ce 
principe,  certains  affirment  que,  si  Ton  enlève  ces  glandes  à  temps,  on  peut  sauver 
le  malade  ou  tout  au  moins  retarder  de  plusieurs  années  la  marche  de  la  maladie. 
Voici  comment  opérait  le  frère  du  chef  Gbon,  que  ce  dernier  avait  chargé  d'exploi- 
ter le  secret  payé  800  francs,  m'a-t-on  dit,  au  Mandingue  qui  en  était  détenteur  : 
après  avoir  soigneusement  ausculté  le  cou  du  patient  et  avoir  reconnu  quelles 
étaient  les  glandes  gonflées  par  la  maladie,  l'opérateur  frottait  la  peau  recouvrant 
•ces  glandes  à  Taide  de  feuilles  d'une  sorte  de  ficus  qui  sont  rugueuses  comme  da 
papier  de  verre  ;  ce  frottement  enlevait  la  peau  et  mettait  la  glande  à  nu  ;  prenant 
alors  du  latex  de  caoutchouc  fraîchement  recueilli,  il  l'appliquait  sur  la  glande  et 
le  recouvrait  ensuite  d'un  tampon  de  coton.  Au  bout  de  trois  jours,  il  faisait  revenir 
le  patient  :  le  caoutchouc  s'était  coagulé  et  formait  un  tout  avec  la  glande  ;  saisis- 
sant alors  ce  corps  compact  à  l'aide  de  ses  doigts,  l'opérateur  tirait  violemment  et, 
avec  le  bloc  de  caoutchouc,  amenait  la  glande  à  extraire.  Un  pansement  fait 
simplement  avec  de  l'huile  de  palme  et  du  coton,  et  renouvelé  tous  les  jours, 
amenait  en  une  semaine  environ  la  cicatrisation  de  la  plaie.  J'ai  vu  opérer  ainsi  des 
<]uantités  d'individus.  Parfois,  l'opérateur  enlevait  le  môme  jour  cinq  ou  six  glandes 
au  même  malade,  qui  souffrait  assurément,  mais  ne  semblait  se  ressentir  aucunement 
des  suites  de  l'opération  au  bout  d'une  quinzaine  de  jours.  Gbon  faisait  payer 
7  fr.  50  par  malade  opéré,  quel  que  soit  le  nombre  des  glandes  extirpées. 

30.  Les  connaissances  scientifiques. 

Ce  que  je  viens  de  dire  de  la  pratique  de  la  médecine  et  de  la  chirurgie  semble 
indiquer  chez  les  Siéna,  ou  tout  au  moins  chez  certains  d'entre  eux,  une  connais- 
sance relative  du  corps  humain  et  des  conditions  de  la  vie.  Ce  que  j'ai  dit  plus  haut 
<le  l'agriculture  et  des  industries,  notamment  de  l'industrie  du  fer  et  de  la  fabrica- 
tion de  la  poudre,  pourrait  autoriser  à  leur  accorder  une  certaine  science  des  lois 
physiques.  Cependant  on  peut  aussi  soutenir  avec  quelque  raison  que  ce  ne  sont  là 
•que  des  données  expérimentales  acquises  par  tradition  ou  provenant  d'un  emprunt 
initial  purement  empirique  fait  à  une  population  étrangère,  sans  que  les  Siéna  aient 
même  la  notion  de  la  cause  dont  ils  obtiennent  mécaniquement  l'effet. 

D'autre  part,  j'ai  pu  m'apercevoir  qu'ils  avaient  des  données  proprement  spécu- 
latives sur  la  formation  du  monde,  le  cours  du  soleil  et  des  astres,  le  régime  des 
^ents  et  des  saisons,  l'origine  de  la  pluie,  de  la  grêle,  de  la  foudre,  etc.  Il  ne  s'agit 
plus  là  de  manipulations  pratiques  qu'un  bon  ouvrier  peut  accomplir  avec  succès 
tout  en  demeurant  parfaitement  ignorant  des  raisons  pour  lesquelles  il  réussit.  Il 
s'agit  bien  cette  fois  de  science  véritable.  Je  n'ai  que  des  données  fort  vagues,  et 
trop  incomplètes  pour  que  je  songe  à  les  exposer  ici,  sur  la  manière  dont  les  Siéna 
expliquent  les  phénomènes  énumérés  plus  haut.  Je  sais  seulement  qu'ils  les  expli- 
quent et  j'en  déduis  que  leur  esprit  n'est  pas  absolument  rebelle  aux  conceptioas 
scientifiques. 

Il  serait  fort  intéressant  de  rechercher  quelles  sont  leurs  conceptions  à  cet  égard 
et  de  quelle  manière  ils  sont  arrivés  à  les  avoir.  Pour  l'instant  je  me  contente  de 
signaler  cette  lacune  dans  mes  données  sur  l'ethnographie  de  ce  peuple  et  de 
formuler  le  vœu  qu'elle  soit  comblée.  (A  suivre.) 


p.  276.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

.11,     I  --«- ■  ■        '  '  ■   — "—  ■■—   ■ 

COMMUNICATIONS. 

I. 

Vera  r  «  Enoyolopœdia  Ettanographioa  » 

par  A.  VAN  GxNNBP. 


A  propos  de  :  Gyn.  van  0 verbergh  et  Bd.  de  Jooghe,  Les  Bangala  (458  p.)  et  Les  MayomJbe 
(470  p.).  T.  I  et  II  de  la  Collection  de  Monographie$  Ethnographiques,  Bruxelles,  1907, 
Institut  International  de  Bibliographie  ;  10  fr.  par  vol. 

Il  n*est  pas  un  seul  ethnographe,  je  pense,  qui  n*ait  été  k  maintes  reprises  saisi  d'un 
véritable  désespoir  en  face  de  la  multiplicité  et  de  la  complexité  des  matières  qui  font  l'objet 
de  ses  études.  Âu  début  surtout,  on  passe  par  de  mauvais  moments.  Les  autres  sciences  sont 
axées  depuis  plus  ou  moins  longtemps  ;  le  débutant  y  trouve  à  sa  disposition  des  manuels,  des 
dictionnaires,  des  encyclopédies  ;  il  peut  suivre  des  cours,  où  le  professeur  expose  la  méthode 
propre  à  la  science  choisie,  fait  le  départ  des  travaux  utiles  et  de  ceux  qui  sont  à  négli- 
ger, trace  Thistorique  de  la  science  entière  ou  de  ses  subdivisions,  critique  les  théories  et  en 
montre  l'enchaînement.  En  ethnographie,  rien  de  pareil,  mais  seulement  une  masse  énorme 
de  descriptions  qu'il  s'agit  de  dépouiller  soi-même,  où  on  se  perd  si  on  n'a  pas  d'idées  géné- 
rales préalables,  mais  qu'on  interprète  souvent  mal,  si  on  possède  ces  mêmes  idées  généra- 
les. Puis,  dès  qu'on  veut  traiter  une  question  quelconque,  large  ou  étroite,  on  se  heurte  aux 
difficultés  matérielles  :  où  consulter  tous  les  livres  nécessaires,  comment  visiter  toutes  les 
collections  qu'il  faudrait,  ne  serait-ce  que  pour  savoir  s'il  s'y  trouve  des  documents  utiles  ? 
Sans  compter  qu'il  faut  commencer  par  appi*endre  quatre  ou  cinq  langues,  au  minimum. 

Et  il  n'est  pas  un  ethnographe  qui  n'ait  i*évé  d'une  vaste  Encyclopédie,  où  tous  les  docu- 
ments seraient  republiés  in  extenso,  œuvre  énorme  sans  doute,  mais  qu'on  voit  réalisable  à 
condition  de  s'arrêter  aune  date  déterminée,  mettons  1880  ou  1900.  Les  grandes  collections 
américaines  sur  les  Philippines,  celle  de  la  Hakluyt  Society,  le  Lexikon  de  Roscher,  puis  le 
Pausanids  et  le  Golden  Bough  de  J.-G.  Prazer  sont  des  approximations  dont  on  doit  ici 
tenir  compte.  Une  telle  Encyclopœdia  Ethnographica,  possible  seulement,  il  va  sans  dire, 
par  coopération  internationale,  éviterait  les  longues  recherches  dans  les  bibliothèques 
publiques  et  permettrait  à  chacun  de  ne  plus  placer  sur  ses  rayons  que  les  traités  de  portée 
théorique  et  les  publications  postérieures  &  la  date  choisie.  Comme  l'ethnographie  n'a  pris 
un  réel  essor  que  depuis  une  vingtaine  d'années,  on  voit,  après  un  peu  de  réflexion,  que 
l'Encyclopédie  proposée  serait  à  tout  prendre  moins  volumineuse  et  moins  chèi*e  qu'il  ne 
parait  à  première  vue.  Etant  donné  que  les  corps  officiels  (Instituts,  Académies,  etc.)  portent 
encore  peu  d'intérêt  à  l'ethnographie,  il  faut  tout  attendre  ici,  ou  presque,  de  l'initiative 
privée,  tant  des  Sociétés  d'Anthropologie  et  d'Ethnographie  que  des  individus  mêmes. 

Combien  en  définitive  *ce  pian  est  réalisable,  c'est  ce  que  montre  la  publication  pai* 
M.  Cyrille  van  Overbergh,  avec  la  collaboration  de  M.  de  Jonghe,  des  deux  monographies 
citées,  auxquelles  feront  suite  plusieurs  autres.  Les  auteurs  s'en  tiennent  aux  populations 
du  Congo.  Ont  été  décrits  déjà  les  Bangala  et  les  Mayombe  ;  puis  viendront  les  Basonghe,  etc. 

La  genèse  de  cette  Collection  de  Monographies  Ethnographiques  est  connue  :  ellea 
datent,  en  principe,  du  Congrès  mondial  de  Mons  (1905).  Une  Commission  Internationale  prit 
des  mesures  provisoires  et  entreprit  des  démarches  préparatoires  en  vue  de  la  ci'éation  d'une 
Conférence  Internationale  qui  arrêtera  les  bases  d'une  organisation  permanente.  L'un  des 
membres  les  plus  actifs  du  Congrès  et  de  la  Conférence,  M.  Halkin^  publia,  sous  les  aus- 
pices de  la  Société  Belge  de  Sociologie,  un  Questionnaire,  dont,  malgi^  ses  lacunes,  on  ne 
peut  que  louer  l'utilité. 

La  meilleure  preuve  qu'on  en  puisse  donner,  ce  sont  les  réponses  obtenues.  Etant  donné 
que  ce  sont  des  savants  belges  qui  ont  inauguré  ce  mouvement,  il  est  naturel  que  les  enquêtes 
aient  porté  d'abord  sur  les  indigènes  de  l'Etat  Indépendant.  On  reporta  sur  fiches  les  rensei- 
gnements déjà  connus  relatifs  à  ces  populations,  on  classa  les  fiches  d'après  le  Question- 
naire, on  imprima  à  plusieurs  exemplaires  les  résultats,  et  on  envoya  à  des  personnes 
résidant  pai*mi  les  populations  à  enquêter  et  d'une  culture  suffisante,  ces  épreuves,  avec 
prière  de  compléter  les  renseignements  imprimés.  Ainsi  ont  été  faites,  par  collaboration,  les 

^  On  doit  à  M.  Halkin  une  monographie.  Quelques  peuplades  du  district  de  Vudé  (BruxelIes»^ 
1907),  conçue  sur  le  plan  du  Questionnaire. 


1908.]  COMMUNICATIONS.  [p,  277» 

Monographies  dont  il  s*agît-  M.  Cyrille  van  Overbergh  étant  Directeur  général  do  i*Ensei- 
:gnement  supérieur,  a  pu  obtenir  plus  aisément  qu'un  autre  les  compléments  désirés  :  mais 
on  ne  voit  pas  pourquoi  en  d'autres  pays,  et  je  pense  surtout  à  TAngleterre  et  à  la  France, 
les  corps  et  les  personnages  officiels  n'adopteraient  pas  le  même  procédé.  Les  Allemands 
43ont  assez  actifs  dans  le  domaine  ethnogi*apliiquo  pour  qu'on  n'ait  pas,  non  plus  qu'aux 
Américains,  de  conseils  à  leur  donner. 

Ces  Monographies  belges  sont  d'autant  plus  un  acheminement  à  VEncyclopœdia 
Ethnographica  que  les  documents  sont  donnés  in  extenso,  et  non  traduits  en  français,  que 
la  bibliographie  est  aussi  complète  que  possible,  que  les  pages  sont  détachables,  et  qu'on  a 
laissé  de  nombreux  blancs,  pour  insertion  des  compléments  ultérieurs.  Je  ne  sais  si  beaucoup 
<i'ethnographes  détacheront  les  pages  :  étant  donné  le  classement  des  matières»  les  volumes 
âont  faciles  à  consulter.  Ce  classement  est  d'ailleurs  basé  sur  les  caractères  extérieurs,  mais  • 
non  sur  le  sens  interne  des  faits  :  ainsi,  dans  le  volume  sur  les  Bangala,  pp.  399-400  on  lit  : 
«  F.  Vie  sociale  ;  e)  organisation  politique  ;  177  ;  «<  Le  chapeau  [lukusu)  on  peau  de  singe  ou 
•de  léopard  était  réservé  aux  chefs.  Dans  les  réunions,  l'orateur  s*en  affublait.  Quand  le  chef 
boit,  ses  esclaves  se  lèvent,  battent  des  mains  ou  agitent  des  sonnettes,  yt  Hanolet,  Belgique 
<Mlon,.  III  (1897),  244  a  ».  Il  est  évident  que  ce  passage  n'a  rien  à  voir  avec  l'organisation 
politique^  sinon  en  ce  qu'il  y  est  question  du  chef  ;  mais  on  y  trouve  une  indication  de 
totémisme  (le  léopard,  totem  des  familles  principales,  comme  au  Loango  ;  cf.  en  outre  les 
théories  de  Sidney  Hartland  sur  le  totémisme  des  Bantous,  Folk-Lore,  1901,  pp.  30et  suiv.), 
puis  une  règle  d'étiquette  en  rapport  avec  la  sainteté  du  chef,  laquelle  se  communique  à 
tous  ses  actes  (voir  le  Golden  Bough  de  J.-G.  Frazer  et  mon  Tabou  et  Totémisme  à  Mada- 
gascar), QoQi  pour  dire  qu'on  ne  saurait  se  contenter  de  classer  les  tiches  une  fois  détachées 
d'après  les  titres  donnés  dans  la  monographie  même  ;  ou  de  chercher  sous  tel  ou  tel  titre 
spécial,  sans  lire  les  volumes  en  entier.  De  même,  la  terminologie  laisse  à  désirer,  comme 
le  prouve  l'usage  comme  titre  de  section  des  mots  fétiche  et  fétichisme,  mots  qu*on  devrait 
décidément  éviter  d'employer  à  l'avenir,  puisqu'il  s'agit  de  croyances  et  d'actes  magico- 
religieux  nullement  spéciaux  à  l'Afi'ique  occidentale  et  centrale. 

Il  n'y  aurait  pas  d'inconvénient,  je  crois,  à  ce  que  le  choix  des  termes  servant  de  titre 
fût  conforme  aux  progrès  incessants  de  la  théorie,  quitte  à  expliquer  en  note,  pour  les 
enquêteurs  locaux,  le  sens  exact  des  mots  propres  à  la  terminologie  ethnographique,  ceci 
surtout  pour  frayer  la  voie  à  des  recherches  nouvelles  sur  des  sujets  peu  connus  souvent 
<lans  leur  détail. 

Chaque  volume  se  termine  par  une  carte,  due  à  MM.  Macs  et  Viaene.  Cette  question  des 
cai*tes  sera  difficile  à  résoudre  lorsqu'il  s'agira  de  créer  VEncyclopœdia  Eihnograpica  ;  il 
faudra,  je  crois,  publier  un  volume  spécial  où  seront  roproduites  les  cai-tes  anciennes  et 
dressées  des  cartes  nouvelles.  Quant  aux  illustrations,  M.  Cyr.  van  Overbergh  n'en  a  pas 
admis  dans  ses  monographies,  mais  il  renvoie,  au  début  de  chaque  volume,  à  celles  qui  se 
trouvent  insérées  dans  les  publications  antérieures,  et  surtout  dans  les  Annales  du  Mtisée 
du  Congo.  On  ne  pourra  rotenir  dans  VEncyclopœdia  que  la  représentation  de  types  et 
4*objet8  caractéristiques.  ^^^^^^._ 

n. 

Le  destin  des  quatre  ôléments  dans  la  magie  malgache 

par  Gabriel  Fbbbakd  (Stuttgart). 


Lorsque  j'ai  publié  le  texte  magique  ayant  trait  au  destin  faste  ou  néfaste,  suivant  les 
^roonstances,  des  trois  feux,  trois  terres,  trois  vents  et  trois  eaux  *,  je  n'avais  aucun 
renseignement  sur  cette  croyance  que,  à  ma  connaissance,  mentionne  seul  le  manuscrit  8 
du  fonds  arabico-malgache  de  la  Bibliothèque  Nationale  de  Paris*  J'en  ai  récemment 
retrouvé  l'origine  :  elle  a  été  empruntée  à  l'astrologie  musulmane.  Il  va  sans  diro  que  les 
quatre  éléments  devaient  figurer  dans  les  4tes  magiques  antérieurs  à  l'islamisation  de 

^  La  croyance  au  caractère  redoutable  du  léopard  existe  aussi  chez  les  Mayombe  :  lobserva- 
tien  est  classée,  dans  le  volume  qui  leur  est  consacré,  sous  la  rubrique  «  chasse  »  (p.  169.) 

^  Un  chapitre  d*astrologie  arabico-^nalgache  in  Journal  Asiatique,  septembre-octobre  1905, 
p«  269  273.  Par  destm,  il  faut  entendre  l'influeiiee  magique  des  Aanstons  lunaires  ou  des  signes 
^u  zodiaque  sur  les  quatre  éléments.  '.--,,: 


p.  278.]  •    R    •    E    •    B    •    8    •  [1908. 

Madagascar  ;  mais  ce  n'est  qu'une  coqjecture  vraiatmblable.  En  Teapèee,  les  formules  teUeSr 
qu'elles  nous  sont  parvenues  dans  le  document  piréoité  sont  ovidenment  d'origine  musul*^^ 
mane. 

<<  Les  (28)  mansions  (lunaires) dit  Motylinski,  ont  tenu  également  une  plaoe^ 

importante  dans  l'astrologie  judiciaire.  Les  aut«ui«  qui  en  traitent  indiquent  presque 
tous,  après  les  avoir  décrites,  leur  nature  et  leur  influence.  Sept  d'entre  elles  sont  de  nature 
ignée.  {nàriyya)y  sept  de  nature  aqueuse  (màvfiyya)^  sept  de  nature  aérienne  {hawâïyya) 
et  sept  de  nature  terrestre  (tarâJtnyya),  Neufs  sont  funestes,  défavorables  ou  maligne» 
(fi  ghâyya,  nahU  anrfiahs),  d'autres  favorables  ou  bénignes  (^*i<f),  et  certaines,  mixtes 
{mumtazicy)  »  ^ 

Dans  l'astrologie  malgache,  les  sept  mansions  de  nature  ignée  deviennent  les  trois  feux  : 
celles  de  nature  aqueuse,  les  trois  eaux  ;  celles  de  nature  aérienne,  les  trois  vents  et  oellea 
de  oature  terrestre,  les  trois  terres.  Cette  divergence  s'explique  sans  difficulté.  Au  lieu  de 
rapporter  aux  ^S  mansions  lunaires  l'influence  magique  sur  les  quatre  éléments,  soit  sept 
mansions  par  élément,  les  Malgaches  ont  dû  l'attribuer  aux  douze  signes  du  zodiaque, 
soit  trois  signes  par  élément.  L'expression  malgaehé  :  dettin  d€9  trois  feicx^  trois  eatcx^  etc., 
devrait  donc  être  interprétée:  destin  des  tr^is  (signée  du  zodiaque  =  sept  mansions 
lunaires  régissant  la)  terre,  F  eau,  etc.  Cette  hypothèse  est  d'autant  plus  vraisemblable  que 
d'après  les  anciens  astronomes  arabes,  les  28  mansions  lunaires  étaient  en  relations  intimes 
avec  les  signes  du  zodiaque.  «  Sachez,  dit  As-Sikll,  que  chacun  des  signes  du  zodiaque  a 
deux  mansions  et  un  tiers  »  <.  L'auteur  arabe  indique  ensuite  la  répartition  des  28  man- 
sions dans  chacun  des  douze  signes.  Trois  signes. du  zodiaque  représentent  donc  trois  fois 
deux  mansions  et  un  tiers,  c'est-à-dire  sept  mansions.  Cette  parfaite  concordance  ne  me  parait 
pas  laisser  place  au  doute. 

Le  texte  malgache  sur  le  destin  des  quatre  éléments  a  été  publié  et  traduit  dans  le 
Journal  AsiatiqtLC  ;  il  est  inuüle  de  le  reproduire  ici.  Cette  note  a  seulement  pour  but  d'in- 
diquer Torigine  de  cette  croyance  qui,  autant  que  je  sache,  ne  s'est  pas  conservée  dans  la 
magie  arabico-malgache  moderne. 

D'après  l'identiflcation  précédente  et  à  titre  d'exemple,  le  texte  doit  être  interprété 
ainsi  :  «  (avec)  le  destin  des  trois  feux  (c'est-à-dire  des  trois  signes  du  zodiaque  de  nature 
ignée  :  le  Bélier,  le  Taureau  et  les  Gémeaux),  (si)  on  va  faire  la  guerre,  faire  du  commerce, . 
construire  (une  maison),  (r)inaugurer  (quand  elle  est  terminée),  et  qu'on  voie  du  feu  (on)  que 
la  chaleur  du  soleil  soit  intense,  donne  suite  à  tes  projets  (:  c'est  un  signe)  faste  ». 


m. 

Métiers  et  noms  de  métiers  en  arabe 

par  Gadbeprot-Dbmombyneb  (Paris). 


M.  W.  Marçais  m'envoie,  au  sujet  du  petit  article  qui  a  été  publié  dans  le  numéro  de 
mars  de  la  Revue,  une  longue  lettre  qui  est  à  la  fois  trop  technique  et  trop  âunllière  pour 
que  je  puisse  la  reproduira  ici.  M.  Marçais  y  indique  :  que  la  forme  c^ac^c^äl,  au  sens  de 
nom  de  métier,  lui  parait  être  rarissime  en  ancien  arabe  et  que  les  exemples  connus  sont 
d'origine  étrangèra  ;  -r-  que  cette  forme  est  fréquente  en  ancien  arabe  au  sens  de  partidpo 
intensif  ;  —  que  sous  l'influence  araméenne,  la  forme  c^ac^c^àî,  nom  de  métier  issu  d*un 
substantif,  a  pénétré  de  bonne  heure  dans  la  langue  ;  —  qu'au  m«  siècle  de  l'hégire,  l'emploi 
du  nom  dé  métier  a  commencé  à  se  développer  très-largement  en  arabe,  jusqu'à  prandre 
actuellement  une  importance  de  plus  en  plus  grande.  C'est  à  partir  de  cette  date  (m*  siècle 
de  l'hégire)  que  M.  Marçais  propose  de  commencer  à  se  servir  de  l'explication  que  j'af 
supposée  possible  et  dont  il  accepte  le  principe.  —  Je  prévoyais  la  discussion  sur  Tancienneté^ 
de  c^ad^c^äl,  nom  de  métier  ;  mais  en  l'abordant  j'aurais  CTaint  de  sortir  du  cadra  de  la 
Revue,  et  aussi  je  ne  me  sentais  nullement  armé  pour  résoudra  la  question.  J'espèra  que 
M.  Marçais  la  reprendra  ailleurs  en  lui  donnant  toute  son  ampleur  linguistique;  nous 
essayerons  alors  de  déterminer  nettement  le  rôle  de  l'évolution  sociale  dans  le  développe- 
ment des  noms  de  métier  en  arabe. 


^  Les  mansions  lunaires  des  Arabes,  tejtß  arabe  en  Ters  de  Mohammed  el-Moqri  traduit  et 
annoté  par  A.  de  C.  Motylinski.  Alger,  1899,  in-8,  p.  ix. 

^  Les  mansions  lunaires  des  Arabes ,  loc.  cit.,  p.  68«  Cf.  le  fascicule  2  de  la  Revue  p.  93. 


1908.]  Analyses.  [P,  279. 


ANALYSES. 


BuBOixF  HiBZEL.  Themis,  Dike  und  Verwandtes,  Ein  Beitrag  zur  Geschichte  der 
Bechtsidee  bei  den  Griechen.  —  Leipzig,  1907,  un  vol.  gr.  in-S**,  445  pp. 
10  marks.  S.  Hirzel  edit. 

Parmi  les  travaux  préliminaires  qui  doivent  servir  à  la  constitution  d'une 
i(ociologie,  il  en  est  peu  de  plus  importants  que  ceux  qui  se  proposent  d'analyser 
scientifiquement  les  conceptions  populaires  relatives  au  droit.  D  s'agit  de  recher- 
<5her,  dans  la  littérature  et  le  folk-lore  aussi  bien  que  dans  les  formules,  les  sym- 
boles et  le  rituel  proprement  juridiques,  les  idées  plus  ou  moins  nettes,  plus  ou 
moins  conscientes,  que  les  hommes  d'un  milieu  défini  se  sont  faites  de  ce  qu'on 
jitemme  la  justice  et  le  droit,  de  classer  ces  idées,  d'en  scruter  les  origines  et  les 
destinées,  d'étudier  leurs  variations  et  leurs  déviations  avec  les  causes  d'où  elles 
procèdent,  en  un  mot  de  faire  l'histoire  de  la  conscience  sociale  (religieuse, 
morale  et  juridique)  de  ce  milieu.  L'entreprise  n'est  pas  nouvelle.  On  l'a  souvent 
tentée,  mais  peut-être,  à  l'origine,  avec  des  ambitions  trop  vastes  pour  y  réussir 
pleinement  :  c'était  au  temps  où  Kreutzer  écrivait  sa  Symbolique  du  droit,  et 
AOchelet  ses  romantiques  Origines  du  droit  français.  Mais,  depuis  cette  époque, 
les  chercheurs  ont  restreint  leurs  prétentions  ;  à  la  phase  des  synthèses  univer- 
selles a  succédé  la  phase  des  monographies  analytiques.  Cette  méthode  plus  sûre 
nous  fournit  dès  maintenant  des  matériaux  éprouvés.  Les  monographies  dont 
nous  disposons  sont  dues  ordinairement  à  des  philologues  ou  à  des  historiens.  Il 
faut  constater  à  regret  que  les  juristes  professionnels  se  désintéressent  trop  de 
ces  études  :  ce  qui  explique  pourquoi  le  droit  romain,  sûr  qui  ils  prétendent  ime 
«orte  de  monopole,  reste  si  en  retard  à  cet  égard  sur  les  autres  droits,  et  pourquoi 
nul  n'a  fait  pour  lui  ce  qu'a  fait  Grimm  pour  le  droit  germanique  par  exemple. 
Le  droit  grec,  au  contraire,  est  un  de  ceux  qui  ont  le  plus  largement  profité  de 
l'orientation  scientifique  nouvelle  :  en  l'espace  de  quelques  années,  on  a  vu 
paraître  les  livres  de  Bonucci  (Ija  legge  comune  nel  pensiero  greco,  1903),  de  Levi 
{Dditto  e  pena  nel  pensiero  dei  Greei,  1903),  de  Rudolf  Hirzel  ('Aypafoç  vojaoç. 
Abh.  der  sâchs.  Gesellschaft  der  Wissenschaften  ;  XX  ;  —  Der  Eid,  1902),  de 
Glotz  (La  solidarité  de  la  famille  dans  le  droit  criminel  en  Grèce,  1904  ;  L'ordalie 
dans  la  Grèce  primitive,  1904  ;  Etudes  sociales  et  juridiques  sur  V  antiquité  grecque, 
1906)  ;  et  voici  que  paraissent  presque  simultanément,  en  France,  VEssai  sur  le 
développement  historique  de  la  notion  de  droit  naturel  dans  Vantiquité  grecque^  de 
Burle  (1908),  et  la  Themis,  Dike  und  Verwandtes  de  Hirzel  (1907),  dont  nous 
•devons  spécialement  nous  occuper. 

La  méthode  de  M.  Hirzel  est  exclusivement  philologique.  Pour  préciser  le 
-contenu  des  représentations  collectives  relatives  au  droit,  malgré  la  variété  et  la 
complexité  qu'elles  affectent  selon  les  temps,  les  lieux  et  les  races,  M.  H.  entre- 
prend d'analyser  le  développement  sémantique  des  principaux  mots  (9i(i.iç,  SU>j, 
^e^^c,  vo(iLOÇy  etc.)  par  lesquels  ces  représentations  s'expriment  ;  il  suit  ces  mots 
pas  à  pas,  depuis  le  temps  des  poèmes  homériques  jusqu'au  temps  du  déclin  de 


J».280.]  ^R    •    E    ^    E    »    S    >  [1908» 

la  littérature  attique,  et  il  s'eflForce  de  reconstituer  chaînon  par  chaînon  tout 
l'enchaînement  des  concepts  auxquels  ils  ont  successivement  ou  simultanément 
correspondu.  Un  résumé  du  livre  de  M.  H.  suffira  à  donner  un  aperçu  de  cette 
méthode  et  des  résultats  auxquels  elle  conduit. 

Les  plus  anciens  et  les  plus  généraux  des  mots  à  étudier  sont  Oé^i;  et  {(xtj.  Les 
Grecs  ont  divinisé  sous  les  noms  de  Thémis,  et,  plus  tard,  de  Dikè,  deux  concepts 
juridiques  importants.  C'est  à  eux  que  M.  H.  consacre  la  majeure  partie  de  ses 
recherches. 

Dans  Homère,  Thémis  est  surtout  la  déesse  du  ban  conseil.  Conseillère  de 
Zeus,  elle  est  aussi,  comme  déesse  des  oracles,  la  conseillère  des  hommes  ;  elle 
inspire  les  décisions  qu'on  prend  dans  l'àyopà,  et  préside  aux  graves  entretiens 
des  banquets.  Plus  tard,  elle  passe  du  conseil  à  l'acte  ;  elle  devient  la  déesse  du 
bon  secours.  Le  nom  commun  Oépitç  reflète  les  mêmes  idées.  On  désigne  originai- 
rement du  nom  de  Oé(jii<rTeç  les  bons  conseils  donnés  par  les  dieux  ou  par  les 
hommes.  Il  y  a  des  OéjAi<rre;  divines,  qui  se  manifestent  exceptionnellement,  par 
les  oracles,  à  tous  les  mortels,  et  ordinairement,  par  révélation  directe,  à  certains 
mortels  privilégiés  (chefs,  rois,  etc.)  ;  il  y  a  aussi  des  8é(Jii<TT£ç  humaines  :  ce  sont 
les  décisions  d'intérêt  général  que  prennent  les  chefs,  ou  les  réponses  que  formu* 
lent  les  juges  quand  on  les  consulte  ;  c'est,  plus  tard,  la  loi  elle-même  :  d'abord 
la  loi  non-écrite,  expression  de  la  volonté  des  dieux,  ou  des  chefs  inspirés  par  les 
dieux  ;  puis  aussi,  mais  à  une  époque  très  récente,  la  loi  écrite.  Par  l'eflfet  d'un 
lent  développement,  le  mot  6£(xtç  devient  synonyme  du  mot  Oeojjiiç,  dont  il  se  dis- 
tinguait nettement,  et  avec  qui  il  n'est  point  lié  étymologiquement,  malgré  une 
opinion  trop  répandue.  La  déesse  du  bon  conseil  devient  ainsi  la  déesse  du  droit 
(p.  1-56). 

Le  sens  primitif  de  Suct)  est  obscur,  son  étymologie  incertaine.  En  rappro- 
chant StxY]  de  Seixvivai  (=  lat.  dicere  :  montrer,  révéler),  et  en  utilisant  les  données 
du  droit  comparé  sur  la  révélation  de  la  coutume  par  des  experts-diseurs-de-droit, 
on  a  parfois  traduit  îfao]  par  coutume.  Mais  cette  interprétation  s'accorde  mal 
avec  le  témoignage  des  textes.  La  JbcTj  est  bien  plutôt  la  sentence  judiciaire.  Le 
juge  homérique  ne  se  borne  point,  en  eflfet,  à  enregistrer  passivement  la  coutume  ; 
il  est  investi  de  la  toute  puissance,  ainsi  qu'en  témoigne  le  bâton  symbolique 
(oxîjTrrpov)  qu'il  porte  à  l'instar  du  roi,  et  il  peut  faire  dans  sa  sentence  œuvre 
personnelle.  S'interposant  entre  les  parties  en  lutte,  il  joue  le  rôle  d'un  juge  de 
camp,  et  le  geste  par  lequel  il  sépare  les  combattants,  soit  en  étendant,  soit  en 
jetant  entre  eux  son  bâton,  soit  en  en  frappant  un  coup,  porte  à  proprement  parler 
le  nom  de  Sixt]  (de  Swceîv,  frapper).  La  Sbtij  est  droite  (iOeta  Sfxij)  ou  oblique  (<ixoXià 
î(x>]),  et  la  sentence  est  impartiale  ou  partiale,  selon  que  le  jet  du  bâton  sépare 
également  ou  inégalement  les  plaideurs.  De  ce  sens  découlent  toutes  les  accep- 
tions postérieures  de  Stx>]  :  peine  ;  vengeance  ;  droits  et  obligations  Sunt  partie  à 
un  litige  ;  droit  en  général  ;  équité  ;  coutume  ;  prétention  portée  en  justice  par  un 
demandeur  ;  cmnpositUm  pour  délit. 

Le  juge  de  l'époque  la  plus  ancienne  n'a  qu'à  décider  lequel  des  deux  plai- 
deurs dit  vrai,  et  lequel  ment.  Même  quand  les  pouvoirs  du  juge  s'élargissent,  les 
notions  de  térité  et  de  droit  demeurent  unies.  AIxtj  et  'ÂX^Oeioe  sont  toutes  deux 
filles  de  Zeus.  Pour  sauvegarder  cette  union  idéale  contre  les  leçons  de  l'expé- 
rience, qui  relève  plus  d'un  désaccord  entre  le  droit  et  la  vérité,  on  imagine  un 
droit  pur,  qui  est  le  droit  vrai,  et  qu'on  nomme  Véquité  (éTçisixéç).  Par  là,  là  &xij 
se  différencie  de  la  Oé|i.i;  :  elle  vise  le  passé  et  tend  à  découvrir  la  vérité  ;  la  Oéjiic 
Tise  l'avenir  et  tend  à  réaliser  une  utilité. 


1908.]  ANALYSES.  [P.  281^ 

On  pourrait  croire  que  la  Sixnj  ainsi  conçue  n'est  qu'une  notion  théorique,  et 
qu'elle  ne  représente  qu'un  idéal  sans  espoir  de  réalisation.  Il  n'en  est  rien.  Le 
contraste  qu'on  a  voulu  relever  entre  elle  et  le  jtis  romain,  qui  seul  reposerait 
sur  une  idée  de  puissance,  est  plus  apparent  que  réel.  La  vérité  qui  se  révèle 
dans  la  Xtxnj  est  une  vérité  qui  tend  nécessairement  à  se  traduire  en  acte.  En  droit 
criminel  tout  au  moins,  l'exécution  est  liée  de  si  près  à  la  sentence  que  S(x>)  finit 
par  désigner  la  peine^  et  Dikè,  la  bienveillante  divinité  du  droit,  devient  la  déesse 
impitoyable  de  la  peine  et  de  la  vengeance.  En  ce  sens  on  distingue  le  droit  que 
sanctionne  Dikè  dans  le  monde  infernal  du  droit  que  sanctionne  Thémis  dans  le 
monde  céleste.  Mais  le  contraste  n'est  jamais  absolu.  On  ne  peut  jamais  opposer 
Oéfxiç  et  SbcTj  comme  les  termes  d'une  division  bipartite  englobant  tout  le  droit, 
Oéjiiç  comprenant  le  droit  religieux,  et  Sîxy)  le  droit  laïc. 

Avec  le  temps,  la  5îx>]  l'a  emporté  sur  la  8é|xi;.  C'est  la  SUt]  qui  donne  son 
nom  à  \di,  justice  (St)caio<iûvij).  La  justice,  inconnue  encore  de  l'époque  homérique, 
est  la  vertu  de  l'époque  nouvelle.  Elle  consiste  d'abord  à  restituer  à  chacun  ce 
qui  lui  appartient,  et,  plus  largement,  à  exécuter  les  engagements  pris  ;  elle  con- 
siste aussi  à  infliger  aux  délinquants  des  châtiments  égaux  à  leurs  infractions 
(système  du  talion).  Plus  tard,  elle  s'élargit  ;  elle  consiste  alors  à  accomplir  son 
devoir  social.  L'idée  de  l'utile  se  joint  ainsi  à  celle  du  juste,  et  le  droit  passe 
désormais  pour  fondé  sur  un  contrat  conclu  dans  l'intérêt  commun.  L'idée  du 
contrai  social  domine  tous  les  esprits  en  Grèce,  au  V**  et  au  IV*  siècles  :  le  droit 
s'humanise  dans  ses  sources  mêmes. 

Ainsi  conçue,  la  StxT}  pénètre  partout.  Au  dessus  de  la  société  humaine,  elle 
conquiert  la  société  des  dieux.  Au-dessous,  elle  conquiert  la  société  animale  (la 
cité  —  TcoXiç  —  des  animaux,  qu'on  modèle  à  l'image  des  cités  humaines)  et  la 
nature  tout  entière.  Il  existe  un  droit  de  la  nature,  qui  n'est  autre  chose  que  l'ordre 
et  l'harmonie  du  monde  (xoojloç)  (p.  56-228). 

A  l'idée  de  droit  se  joint  indissolublement  l'idée  à^ égalité.  Dès  une  antiquité 
reculée,  la  balance  est  l'emblème  de  la  justice.  Les  préoccupations  égalitaires 
jouent  im  rôle  plus  important  en  Grèce  que  partout  ailleurs  (sauf  peut-être  dans 
la  France  moderne).  Ces  préoccupations  se  développent  progressivement  dans  la 
vie  publique.  La  société  homérique  se  fonde  encore  sur  l'inégalité.  Mais  de  bonne 
heure  Athènes  s'efforce  vers  ri<Tovo[jL(a,  c'est-à-dire  vers  l'égalité  des  lois  pour  tous 
et  vers  l'égalité  de  tous  devant  la  loi,  —  plus  tard,  vers  la  participation  de  tous  à 
la  souveraineté.  Le  souci  de  la  liberté  ne  se  manifeste  qu'après  le  souci  de  l'égalité. 
Cependant  le  sentiment  de  l'indépendance  nationale  s'exalte  au  cours  des  guerres 
médiques,  et  entraîne  avec  lui  le  sentiment  de  la  liberté  civique,  puis  de  la  liberté 
morale.  L'indépendance  devient  une  vertu.  Par  l'essor  de  l'idée  de  liberté,  l'idée 
d'égalité  gagne  en  profondeur.  De  la  combinaison  des  deux  idées  naît  le  régime 
démocratique.  Les  préoccupations  égalitaires  gagnent  même  la  vie  privée.  Tous 
les  hommes  prétendent  jouir  des  mêmes  droits  privés  (droits  de  famille,  de  pro- 
priété, etc.). 

Les  aspirations  égalitaires  trouvent  pourtant  des  adversaires.  A  vrai  dire, 
ceux-ci  n'osent  guère  heurter  de  front  le  vœu  général  ;  ils  ne  proclament  point 
encore  la  «  morale  des  maîtres  «  ni  le  «  droit  des  surhommes  ».  Mais  il  y  a  des 
philosophes  (les  épicuriens)  qui  prennent  à  revers  l'idée  égalitaire,  en  prétendant 
substituer  à  la  notion  d'une  égalité  mathématique  et  absolue  la  notion  d'une  égalité 
proportionnelle  et  relative,  variable  avec  les  individus.  Cette  égalité  proportion- 
nelle assure  le  concours  harmonique  de  tous  les  éléments  sociaux  en  un  tout  bien 


P;3S2.]  •R*E*E*S-  [1908> 

ordonné  ;  et  le  mot  x<SapLOç  sert,  par  une  extension  de  sens,  à  désigner  ce  tout,  que 
l'on  conçoit  comme  une  œuvre  d'art,  le  fruit  de  l'ingéniosité  et  de  l'expérience 
humaines.  La  recherche  des  moyens  propres  à  réaliser  le  x6<j(jloç  donne  naissance 
à  la  théorie  politique.  Elaborée  d'abord  par  les  despotes  qui,  en  serrant  leurs 
intérêts  propres,  servent  souvent  aussi  ceux  de  leurs  sujets,  elle  traduit  plus  tard 
les  aspirations  du  peuple  même.  On  va  jusqu'à  imaginer  l'état  comme  un  être 
vivant.  Cette  conception  nouvelle  de  l'état  en  tant  que  xo<j(xoç  dispute  la  préémi- 
nence à  l'ancienne  conception  contractuelle,  comme  la  notion  de  l'égalité  propor- 
tionnelle la  dispute  à  la  notion  de  l'égalité  mathématique. 

Les  mêmes  fluctuations  se  prolongent  dans  le  monde  des  dieux.  Ancienne- 
ment, c'est  contre  les  manquements  à  l'égalité  mathématique  que  réagit  la  jalou- 
sie ((pOdvoç)  des  dieux  ;  plus  tard,  c'est  contre  les  manquements  à  l'égalité 
proportionnelle  que  réagit  leur  v£(Ae(rtç.  —  On  transporte  enfin  l'idéal  égalitaire 
dans  la  nature.  On  la  conçoit  comme  soumise  aux  règles  d'une  distribution  symé- 
trique dans  l'espace,  ou,  tout  au  moins,  d'un  mouvement  symétrique  dans  le 
temps  (d'un  rythme).  L'égalité  devient  une  panacée  (p.  225-320). 

A  côté  de  là  oé{i.iç,  décision  des  dieux  ou  des  chefs,  et  de  la  XUtj,  décision  du 
juge,  apparaît  une  autre  source  de  droit,  la  loi.  Deux  expressions  grecques  diffé- 
rentes correspondent  à  notre  mot  loi.  Ce  sont  6eap.(iç  et  v<S[j.oç. 

0e9[4.<i;  paraît  désigner  un  ordre  durable  :  tel  est  notamment  l'ordre  de  vie 
établi  par  le  mariage  entre  l'épouse  et  l'époux.  En  ce  sens  Demeter  OEcjioipipoc 
préside  à  la  fois  aux  mariages,  aux  travaux  réguliers  des  champs,  aux  fondations 
des  villes  (par  l'union  de  groupements  jusque  là  autonomes)  ;  la  notion  du  Oeapoç 
est  liée  au  culte  de  cette  divinité.  Dans  une  acception  ptUs  large,  Oeopioç  désigne, 
surtout  en  matière  religieuse,  certains  ensembles  cohérents  de  règles  adaptées  à 
un  but  :  ce  que  nous  appelons  des  institutions.  Enfin  Oe(S(iL6ç  désigne  encore  le 
fonds  des  principes  que  développent  et  complètent  les  lois  proprement  dites 
(v6|jL0i).  En  Attique,  le  sens  de  6s(7[x.6;  se  précise.  On  nomme  Hza\L6%  le  corps  de 
droit  qui  se  forme  peu  à  peu,  au  cours  des  années,  et  que  fixent  les  thesmothètes  : 
les  systèmes  juridiques  de  Dracon  et  de  Solon  sont  qualifiés  de  Bsc[J(.o(.  Obligatoires 
seulement  dans  le  principe  par  l'effet  d'un  serment,  les  Oe^oC  ont  été,  dès  le 
temps  de  Dracon,  sanctionnés  par  des  peines  civiles.  Le  Oe<?(x6ç,  tout  en  s'inspi- 
rant  de  l'esprit  de  la  Stx>],  ne  se  confond  point  d'ailleurs  avec  elle,  pas  plus  qu'il 
ne  se  confond  avec  la  coutume.  Mais  le  Oeoji-iç  peut,  avec  le  temps,  prendre  lui- 
même  un  caractère  coutumier.  L'assentiment  des  intéressés  pendant  un  long  délai 
transforme  le  Oe(r[x6ç,  simple  expression  d'une  volonté  souveraine,  en  loi  propre- 
ment dite,  en  v<5|jloç  (p.  321-358). 

NöfJLo;.  —  Les  Grecs  ont  vécu  longtemps  sous  l'empire  de  la  coutume  ;  ils  l'ont 
toujours  honorée  d'un  respect  particulier,  tenant  les  usages  (18>])  pour  les  mani- 
festations naturelles  du  caractère  (tjOo;)  propre  à  chaque  état.  INöjjlo;  désigne  un 
ensemble  d'usages  et  de  coutumes.  Ainsi  les  poètes  épiques  entendent  uniquement 
par  v(S(i.oç  la  façon  de  vivre  propre  à  chaque  espèce  d'animaux,  ou  à  chaque  société 
humaine,  et  qui  caractérise  cette  espèce  ou  cette  société.  De  même  chaque 
famille  a  son  v<5(x.o<  particulier,  lié  à  ses  traditions  ancestrales  (wdcTpia).  C'est  au 
nom  de  ces  v6(jloi  que  se  produisent  toutes  les  résistances  qu'on  oppose  aux  inno- 
vations des  OsdfiLoi.  Mais,  eu  vieillissant,  les  6e<r|jLoC  deviennent,  par  Paccoutu- 
mance  générale,  des  v6(;.ou  Ainsi  à  Athènes,  la  constitution  de  Solon  devient  si 
bien,  en  moins  d'un  siècle,  une  Tudcrpioç  TîoXiTeia,  que,  lorsque  les  Pisistratides 
l'abolissent,  il  n'y  a  qu'une  voix  pour  en  réclamer  le  rétablissement.  Dès  lors> 


1908.]  ANALYSES.  [P.  283. 

par  la  force  des  choses,  vdjAOC  change  de  sens  :  c'est  désormais  un  ordre  sanctionné 
par  la  contrainte  publique.  Et,  comme  il  faut  bien  un  mot  pour  désigner  la  cou- 
tume, c'est  le  mot  lOo^  qui  se  spécialise  dans  cette  acception.  La  notion  du  voaoç 
et  de  son  pouvoir  souverain  s'élargit  et  pénètre  partout.  On  en  vient,  surtout  sous 
l'influence  des  sophistes,  à  parler  de  lois  des  diverses  sciences  et  des  divers  arts. 
La  loi  sert  de  mesure  à  la  justice  :  ce  qui  est  légal  est  juste.  Lorsqu'on  n'arrive 
pas,  malgré  tout,  à  réaliser  l'accord  de  la  loi  positive  avec  l'idée  qu'on  se  fait  du 
juste,  on  imagine  du  moins,  pour  y  parvenir,  une  loi  non  écrite  (àypaçoç  vofAOç), 
dont  le  contenu  diffère  du  contenu  de  la  loi  positive,  mais  dont  la  notion  formelle 
est  la  même.  Ainsi  le  v6p.oç  prend  la  première  place  parmi  les  sources  du  droit. 
Comme  la  Sucij,  qui  a  débordé  la  sphère  des  intérêts  humains,  le  vojxoç  finit 
par  s'étendre  à  toute  la  nature.  L'idée  d'une  loi  de  la  nature  (y uffscoç  v<5(i.oç)  se 
rattache  à  la  conception  fataliste  d'un  ordre  nécessaire  (àvdcyxTj),  que  les  philo- 
sophes et  les  théologiens  ont  également  contribué  à  faire  admettre.  Le  philo- 
soplie  Heraclite  donne  à  cette  doctrine  l'impulsion  décisive  en  attribuant  à  toutes 
les  lois  humaines  et  naturelles  un  fondement  unique,  la  volonté  divine,  qui  régit 
le  monde  entier  comme  une  seule  et  grande  cité.  Les  théologiens  la  fortifient  en 
subordonnant,  par  souci  d'unité  et  d'harmonie,  l'activité  de  tous  les*dieux  à  la  force 
régulatrice  du  destin,  de  la  Moira.  L'épicurisme  même,  qui,  dans  son  principe, 
répugne  aux  spéculations  fatalistes,  puisqu'il  oppose  à  l'àv^Y^'l  ^®  hasard  et  la 
volonté,  ne  demeure  pas  toujours  conséquent  avec  lui-même,  —  ainsi  qu'en 
témoigne  le  poème  de  Lucrèce.  D'ailleurs  ràvc*.y)CTfj  primitive  n'a  rien  d'une  néces- 
sité inéluctable  ;  les  lois  naturelles  se  laissent  fléchir  ;  le  soleil  lui-même  s'arrête 
parfois  dans  sa  course.  Mais  peu  à  peu  la  rigueur  du  principe  fataliste  s'accentue  ; 
la  nécessité  s'assujettit  irrésistiblement  le  monde.  Alors  seulement  la  nature 
devient  le  modèle  et  la  source  du  droit  positif.  Une  autre  influence  coopère  à  ce 
développement  :  c'est  la  croyance  à  un  lien  de  sympathie  qui  rend  solidaires  l'un 
de  l'autre  la  nature  et  l'homme.  Par  la  compassion  que  la  nature  témoigne  aux 
injustices  humaines,  les  lois  qui  répriment  ces  injustices  prennent  un  caractère 
universel  et  sacré  (p.  35MI1). 

On  peut  se  rendre  compte,  par  le  résumé  qui  précède,  combien  M.  H.  remue 
d'idées  intéressantes.  Dans  toutes  les  questions  qu'il  touche,  il  apporte  les  vues 
les  plus  ingénieuses  et  les  plus  fines,  appuyées  sur  la  documentation  la  plus 
abondante.  Je  ne  crois  pas  qu'on  trouve  ailleurs,  sur  ces  questions,  un  ensemble 
plus  complet  de  références  aux  sources  grecques.  M.  H.  est  un  philologue  cons- 
ciencieux et  averti  ;  et,  ce  qui  donne  à  son  travail  tout  son  prix,  c'est  aussi  un 
écrivain  clair,  précis,  élégant. 

Pourquoi  faut-il  qu'avec  tant  de  qualités  il  gâte  souvent,  par  un  parti-pris  de 
méthode,  les  résultats  de  son  effort  ?  Le  cas  de  M.  H.  fournit  vraiment  un  bon 
exemple  de  l'impuissance  d'une  discipline  isolée,  telle  que  la  discipline  philolo- 
gique, à  maîtriser  toute  la  vérité.  M.  H.  semble  se  piquer  de  n'être  que  philologue  ; 
bien  plus,  il  affecte  de  n'être  que  philologue  allemand  :  c'est,  comme  on  sait,  être 
philologue  deux  fois.  Jamais  il  ne  fait  paraître  la  moindre  teinture  de  sociologie, 
et,  notamment,  d'histoire  comparative  des  religions  ou  du  droit.  J'entends  bien 
que,  pour  un  homme  aussi  intelligent  et  aussi  cultivé  que  M.  H.,  cette  lacune  n'est 
point  fortuite,  et  je  sens  bien  que  M.  H.  ne  se  passe  des  synthèses  provisoires  dont 
nous  disposons  que  parce  qu'il  les  tient  pour  insuffisamment  sûres. 

Le  malheur  est  qu'une  méthode  unilatérale  et  analytique  est  bien  moins  sûre 
encore.  Livré  à  la  seule  interprétation  des  mots  pour  parvenir  aux  choses,  sans 


p.  284.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908» 

guide  pour  le  choix  des  questions  que  les  mots  doivent  résoudre,  il  aboutit  très 
souvent  à  des  résultats  arbitraires.  Si  Sixt]  désigne  le  geste  par  lequel  le  juge  sépare 
de  son  bâton  les  parties  qui  vont  en  venir  aux  mains,  comment  ce  mot  en  vient-il 
à  désigner  la  sentence  ?  Arrêter  la  lutte  n'est  pas  résoudre  le  point  ligitieux,  ni 
dire  qui  a  raison,  qui  a  tort  :  c'est  si  vrai  que,  dans  certaines  civilisations  (à  Rome, 
p.  ex.),  le  magistrat  qui  sépare  les  parties  ne  se  confond  point  avec  le  juré  qui 
les  juge.  Tout  l'enchaînement  des  sens  de  SixTj  repose  donc  sur  une  idée  préconçue. 
Il  eu  est  de  même  pour  la  plupart  des  biographies  sémantiques  que  M.  H.  nous  pré- 
sente. En  y  regardant  de  près,  le  classement  des  témoignages  relatifs  à  tel  ou  tel 
mot  révèle  beaucoup  d'artifice.  L'Iliade  connaît  pareillement  Tfaémis  —  déesse  du 
bon  conseil  et  Thémis  —  déesse  du  bon  secours  ;  et  cependant,  aux  yeux  de  M.  H., 
Théniis-déesse  du  bon  conseil  est  l'aînée  de  Thémis-déesse  du  bon  secours.  Peut- 
être  a-t-il  raison,  peut-être  a-t-il  tort.  Mais  la  seule  méthode  philologique  ne  four- 
nit pas  le  critérium,  que  la  comparaison  sociologique  fournirait  peut-être.  De 
même  encore,  telle  idée  passe  pour  acquise  tardivement  parce  que  cette  acquisi- 
tion tardive  cadre  mieux  avec  un  système  préconçu  :  ainsi  la  notion  d'un  droit 
propre  aux  animaux  résulterait  d'une  extension  récente  de  la  8ix7]  (p.  212  et  sqq.  ). 
Mais  le  tabou  des  bêtes  de  labour  (p.  216,  3)  est  certainement  ancien,  en  Grèce 
comme  ailleurs  (Cf.  pour  Rome,  Plin.,  //.  N.  VIII.  45;  Val.  Max.,  \ïll,  1), 
puisqu'il  se  rattache  à  des  cérémonies  religieuses  anciennes.  J'ai  à  peine  besoin 
de  fiiire  remarquer  d'ailleurs  que  M.  H.  ne  prononce  à  ce  propos  ni  le  mot  tabou, 
ni  le  mot  MéniismCy  et  (ju'il  semble  ignorer  que  Frazer  a  écrit  des  pages  sugges- 
tives sur  les  Bouphonia. 

Faut-il  s'étonner  dès  lors  si,  du  point  de  vue  étroit  où  il  se  place,  M.  H.  n'ar- 
rive pas  à  des  conclusions  vraiment  fermes  et  solides?  A  grand  peine  panient-il, 
en  juxtaposant  patiemment  de  minuscules  touches  assez  Houes,  —  et  encore  avec 
quelles  hésitations,  et  combien  de  reprises  !  —  à  marquer  dans  son  tableau  des 
conceptions  juridiques  grecques,  un  certain  contraste  entre  la  Oê|âiç  (=  bon  con- 
seil) et  la  SiîcYj  (=  sentence  judiciaire),  —  alors  que  la  moindre  étude  de  droit 
comparé  Teut  convaincu  que  ce  contraste  correspond  à  l'opposition  primordiale 
et  universelle  du  droit  familial  (eu  entendant  par  là  le  droit  de  caractère  public 
qui  régit  la  vie  intérieure  des  groupes  sociaux  primitifs,  fondés  sur  la  communaut^^ 
de  sang  et  de  culte)  et  du  droit  interfamilial  (en  entendant  par  là  le  droit  de 
caractère  privé  qui  régit  les  rapports  de  ces  groupes  entre  eux).  Cette  conclusion 
ressort  notamment  des  beaux  travaux  de  Glotz.  Mais  M.  H.  semble  ignorer  les 
travaux  de  Glotz,  comme  il  ignore  aussi  ceux  de  Bonucci  et  de  Levi  que  j'ai  cités 
plus  haut,  comme  il  ignore  toute  la  littérature  sociologique^  et  toute  la  littérature 
du  droit  comparé,  comme  il  ignore  encore,  sur  le  terrain  même  des  études  hel- 
léniques, la  Critique  des  traditions  religieuses  chez  les  Grecs,  de  Decharme,  la 
Philosophie  de  la  feature  y  de  C.  Huit,  la  Némésis,  de  Tournier,  la  Tychè,  d'Allègre, 
le  Problème  du  devenir  dans  la  philosophie  grecque  de  Rivaud,  les  études  de 
Francotte  siir  le  Décret  et  la  loi  à  Athènes,  etc.,  etc.  Je  cite  au  hasard  de  la  plume, 
et  j'en  oublie  !  J'ai  peine  à  croire  que  tant  d'omissions  ne  soient  pas  volontaires. 
Il  faut  regretter  que,  par  l'emploi  d'une  méthode  étroite,  le  livre  à  la  fois  sédui- 
sant et  décevant  de  M.  H.  doive  nous  fournir  des  matériaux  plutôt  que  des  résul- 
tats. Paul  Huveltn. 


^  P.  ex.  les  Idées  égalitairei  de  Bougie,  qui  eussent  fourni  de  précieases  suggestions  pour  le 
pages  228*320  du  livre  de  M.  H. 


1908.]  ANALYSES.  [P.  285. 

John  Watson,  The  philosophical  basis  of  Religion.  1  vol.  in-8**  de  485  pages. 
Glascow,  J.  Maclehose,  1907. 

Œuvre  originale  et  non  dépourvue  de  profondeur,  abstraction  faite  de  la 
question  de  savoir  si  elle  nous  apporte  une  solution  aussi  entièrement  neuve  et 
satisfaisante  que  semble  le  croire  l'auteur.  Celui-ci  n'hésite  pas  à  déclarer  que,  ou 
bien  il  faut  construire  la  philosophie  de  la  religion  sur  des  bases  exclusivement 
rationnelles,  ou  bien  il  faut  s'abstenir  de  raisonner  sur  le  sujet,  et  nous  devons 
reconnaître  qu'il  reste  jusqu'au  bout  fidèle  à  son  principe.  —  Tour  à  tour  il  soumet 
à  sa  critique  tranchante  non  seulement  les  vues  de  ceux  qui,  comme  le  cardinal 
Newman,  les  «  modernistes  >;  catholiques  et  un  certain  nombre  de  protestant» 
contemporains,  s'efforcent  de  faire  une  large  part  à  la  raison,  tout  en  maintenant, 
pour  suppléer  à  l'insuffisance  de  cette  dernière,  l'autorité  soit  de  l'Eglise,  soit 
des  Pères,  soit  de  l'Ecriture,  mais  encore  les  thèses  des  philosophes  qui  ont 
cherché  à  expliquer  les  rapports  entre  l'homme  et  la  Divinité  —  avec  Kant,  en 
opposant  la  raison  pratique  à  la  raison  pure  ;  —  avec  Herbert  Spencer,  en  procla- 
mant notre  impuissance  absolue  à  pénétrer  au-delà  des  symboles  ;  —  avec  le 
gros  des  idéalistes,  en  niant  toute  réalité  objective  en  dehors  de  la  science  ;  — 
avec  les  néo-réalistes,  en  affirmant  la  corrélation  exacte  des  objets  et  de  leur 
représentation  dans  la  conscience  ;  —  avec  les  panthéistes,  en  confondant  le 
monde  en  Dieu;  — avec  les  néo-psychologues  de  l'école  de  William  James,en  pré- 
sentant la  Religion  comme  un  simple  phénomène  de  sentiment,  engendré  dans  la 
conscience  «  subliminale  «,  laquelle  nous  rattache  à  toute  la  chaîne  des  impres- 
sions héréditaires  et  à  l'ensemble  de  l'univers  ;  —  avec  les  mystiques,  en  comptant 
sur  une  intuition  extrarationnelle  pour  réaliser  la  perception  du  divin  —  enfin, 
avec  Harnack  et  ses  disciples,  en  réduisant  la  religion  à  la  moralité  pratique  et 
la  philosophie  de  la  Religion  à  son  histoire.  —  Non  moins  intéressants  sont  les 
chapitres  où  l'auteur  condense  lui-même  l'histoire  de  la  pensée  religieuse  depuis 
Platon  et  Philon.  Il  y  fait  surtout  ressortir  avec  netteté  la  part  qui  revient  aux 
gnostiques  des  premiers  siècles  dans  la  formation  de  la  théologie  chrétienne  et 
on  ne  peut  s'étonner  de  la  faveur  avec  laquelle  il  les  traite,  quand  on  réfléchit 
que,  en  somme,  son  point  de  vue  est  le  même  :  l'appel  à  la  seule  raison  pour 
construire  la  théologie,  —  en  tenant  compte,  bien  entendu,  du  progrès  scientifi- 
que qui  remplace,  par  des  données  certaines,  les  spéculations  fantaisistes  du 
gnosticisme. 

Mais  ce  n'est  pas  tout  de  démolir  ;  l'auteur  veut  rebâtir  pour  son  compte. 
Faisant  largement  usage  de  la  méthode  éclectique  pour  recueillir  chez  ses  devan- 
ciers ce  que  chacun  a  professé  de  juste  et  de  logique,  il  en  arrive  à  proposer  un 
système  qu'il  qualifie  d'Idéalisme  constructif.  Il  cherche  d'abord  à  établir  que 
Tunivers  n'est  pas  une  simple  juxtaposition  de  phénomènes  unis  par  des  rapports 
fortuits,  mais  bien  la  manifestation  d'une  intelligence  suprême.  En  effet,  si  la 
nature  entière  est  soumise  à  des  lois  fixes,  ces  lois  ne  sont  pas  les  mêmes  pour  le 
monde  intellectuel  que  pour  le  monde  physique.  Ici  prédomine  exclusivement  la 
loi  de  la  conservation  de  l'énergie  ;  là,  les  êtres  conscients  se  reconnaissent  un 
but  en  eux-mêmes.  Le  principe  ultime  qui  seul  peut  rendre  compte  de  l'univers, 
c'est  la  Raison.  C'est  celle-ci  qui  nous  amène  graduellement  à  constater  :  l*'  que 
les  rapports  des  phénomènes  constituent  des  lois  fixes  ;  2®  que  l'unité  de  dévelop- 
pement implique  une  unité  organique  ;  3**  qu'il  existe  des  êtres  ayant  conscience 
de  leurs  relations  avec  le  reste  de  l'univers  ;  4*^  que  ces  êtres  conscients  font  eux- 


p.  286.]  •    Il    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

mêmes  partie  de  l'univers  et  qu'ils  sout  tenus  de  considérer  celui-ci  coaiuie  IVx- 
pression  d'un  principe  absolument  rationnel.  Ce  principe,  c'est  Ténergie  divine 
dont  la  présence  continue  est  indispensable  à  la  production  de  n'importe  quel 
phénomène.  Nous  sommes  ainsi  ramenés,  peut-être  par  des  voies  rajeunies,  au 
fameux  axiome  de  Hegel  qui  fait  de  Thomme  un  être  fini  prenant  graduellement 
conscience  de  sou  essence  en  tant  qu'être  absolu.  M.  Watson,  toutefois,  refuse  do 
sacrifier  à  la  notion  de  T Absolu  soit  la  liberté  humaine,  soit  même  la  réalité  au 
moins  relative  du  fini,  de  l'imparfait  et  du  mal.  Le  fini  est  pour  lui  un  mode 
éternel  de  Tinfini.  une  étape  constante  vers  l'idéalisation  dont  le  dernier  t<*rme 
est  la  communion  avec  l'absolu.  Le  mal  ne  doit  pas  être  considéré  comme  une 
limitation  ou  une  négation  absolue  ;  il  n'existe  qu'afin  d'être  surmonté  et,  en  un 
certain  sens,  il  est  inséparable  du  bien.  Quant  à  l'argument  que  la  perfectif)u 
absolue  de  l'enseuible  est  incompatible  avec  la  liberté  des  parties,  il  répond  qu'«»n 
peut  concevoir  une  forme  supérieure  d'unité  qui  se  concilierait  avec  la  spontanéité 
des  éléments  constitutifs.  Ainsi,  expose-t-il,  la  Société  est  un  organisme  composé 
d'individus  dont  l'activité  est  nécessaire  à  l'ensemble,  mais  où  l'idée  de  l'ensem- 
ble est,  eu  outre,  présente  chez  chacun  et  y  devient  un  mobile  d'action,  conforme 
à  l'intérêt  général.  A  plus  forte  raison  doit-il  eu  être  ainsi  de  la  société  univer- 
selle sub  specie  actcrni. 

Il  serait  hors  de  propos  de  discuter  ici  cette  thèse  qui  a  ses  côtés  séduisants, 
mais  qui  ne  manquera  pas  de  soulever  des  objections,  en  vertu  de  l'assimilation 
que  l'auteur  prétend  établir  entre  la  raison  humaine  et  le  principe  des  choses. 
On  répondra  peut-être  qu'il  est  ditficile,  sans  tomber  dans  l'anthropomorphisme, 
de  conclure  d'un  princii)e  qui  nous  paraît  rationnel  à  l'existence  absolue  d'une 
Personiuilité  raisonnante  et  que  la  nuirche  de  l'esprit  vers  l'unité  ne  lui  permet 
pas  de  s'arrêter,  tant  qu'il  n'est  })as  arrivé  à  statuer  l'unité  de  loi  pour  tous  les 
phénomènes  de  l'univers,  y  compris  les  manifestations  de  la  raison  et  de  la 
conscience.  Goblet  d'Alviei^la. 

*     * 

L.  VON  Petrazycki.  Ueher  die  Motive  des  Handelns  und  über  das  Wesen  der  Moral 
und  des  Hechts.  Trad,  du  russe  en  allemand  par  P.  Balson.  64  p.  in-8^,  Berlin. 
H.  W.  Müller,  1907,  1  mark  50. 

Les  travaux  de  M.  de  Petrazycki  sont  toujours  intéressants.  On  n'ignore  pas 
que  le  père  de  la  CivilpolUih  a  introduit  dans  la  circulation  bon  nombre  de 
théories  généralement  incomplètes  et  fragiles,  mais  également  suggestives  et 
ingénieuses.  Le  mémoire  qu'il  consacre  aux  motifs  de  Vactian  fournit  un  bon 
échantillon  de  sa  manière  :  c'est  un  effort  intéressant,  mais  décevant,  pour  fonder 
une  fois  de  plus  la  morale  et  le  droit  sur  la  psychologie  individuelle. 

L'impuissance  des  tentatives  antérieiu-ement  faites  dans  le  même  sens  pro- 
vient, selon  M.  de  P.,  de  la  mauvaise  classification  des  faits  de  conscience  qu'a 
adoptée  la  psycliologie  traditionncvUe.  La  division  tripartite  de  ces  faits  en  faUs 
représentatifs,  faits  affectifs  et  faits  volitifs,  a  le  tort  d'omettre  certaines  manifes- 
tations psychiques,  à  la  fois  passives  et  actives  qui  sont  les  appétits  (faim,  soif, 
appétit  sexuel,  etc.)  M.  de  P.  prétend  séparer  ces  manifestations  passives-actives 
(sous  le  nom  i'impuhions  ou  iTcmotions)  des  manifestations  purement  passives, 
qui  sont  les  sentiments,  et  des  manifestations  purement  actives,  qui  sont  les 
volitions.  Les  émotions  ainsi  définies  constituent  les  mobiles  essentiels  de  Tacti- 


1908.]  ANALYSES.  [p.  287» 

vite  humaine.  Jamais  cette  activité  ne  procède,  du  moins  directement  et  immé* 
diatement,  des  facteurs  hédonistiques  (recherche  du  plaisir,  fuite  de  la  douleur) 
ou,  plus  généralement,  des  facteurs-  téléologiques  auxquels  on  veut  souvent  la 
rattacher.  L'émotion  d'où  procède  l'action  peut  avoir,  il  est  vrai,  sa  source  dans 
une  représentation  téléologique,  mais  celle-ci  ne  constitue  alors  que  la  source 
médiate  et  indirecte  de  l'action;  elle  peut  au«si  avoir  sa  source  dans  la  repré- 
sentation de  l'acte  même  à  accomplir  :  car  la  représentation  de  certains  actes 
(un  mensonge,  un  meurtre,  un  bienfait,  etc.)  peut  susciter  directement  et  immé- 
diatement en  nous  des  réactions  émotionnelles  aussi  spontanées  que  celles  de  la 
faim  ou  du  désir  sexuel.  On  dit,  dans  un  cas,  qu'il  y  a  motivation  téléologique,  et, 
dans  l'autre,  qu'il  y  a  motivation  de  principe. 

Il  existe  plusieurs  sortes  de  motivations  rentrant  dans  les  motivations  de 
principe  :  telles  sont  les  règles  de  la  bienséance  ;  telles  sont  surtout  les  émotions 
éthiques  ou  émotions  du  devoir.  Celles-ci  présentent  des  traits  distinctifs  remar- 
quables :  elles  affectent  un  caractère  transcendant  et  mystique  ;  elle  se  comportent 
comme  des  impératifs,  restrictifs  de  notre  liberté.  Parmi  ces  émotions,  on  peut 
citer  :  celles  que  suscite  la  croyance,  si  répandue,  à  des  lois  obligatoires  et  éter- 
nelles; la  représentation  des  sujets  des  devoirs,  des  conditions  d'exercice  de  ces 
devoirs,  des  faits  qui  déterminent  les  normes,  etc.  Les  obligations  ne  sont  donc 
que  des  projections  idéales  issues  de  notre  conscience  :  peu  importe  leur  contenu.; 
peu  importe  que  l'obligé  ait  de  la  raison  ou» de  la  volonté. 

Ces  obsen^ations  générales  s'appliquent  au  droit.  Nos  droits  n'ont  pas  leur 
source  dans  notre  volonté  ou  notre  intérêt,  mais  dans  une  sorte  particulière 
d'obligations  d'autrui  envers  nous.  Tout  droit  se  ramène  à  une  obligation  qui  pèse 
sur  autrui  à  notre  profit.  Dans  toutes  les  langues,  la  terminologie  juridique  révèle 
cette  conception.  —  Des  obligations  d'autrui  qui  forment  notre  droit,  il  faut  dis- 
tinguer les  devoirs  d'autrui  qui  ne  nous  donnent  pas  de  droit  :  ce  sont  les  devoirs 
moraux.  Il  y  a  donc  deux  sortes  de  normes  imperatives  (ou  principes  éthiques)  : 
celles  qui  commandent  une  certaine  attitude  (=  normes  imperatives  stricto  sensu^ 
et  celles  qui,  en  outre,  attribuent  à  quelqu'un  le  bénéfice  de  cette  attitude 
(=  normes  imperatives-attributives).  Ces  dernières  sont  celles  que  nous  appelons 
normes  morales. 

La  conscience  de  l'obligation  morale  et  la  conscience  de  l'obligation  juridique 
présentent,  dans  leurs  éléments  intellectuels  et  émotionnels,  beaucoup  de  traits 
communs,  mais  aussi  beaucoup  do  contrastes;  dans  les  éléments  intellectuels  de 
la  conscience  juridique  figurent  la  représentation  de  ce  que  l'une  des  parties  doit 
à  l'autre  et  la  représentation  des  deux  parties  à  Tobligation,  tandis  que  dans  les 
éléments  intellectuels  de  la  conscience  morale  ne  figure  aucune  représentation 
d'objet  ni  de  sujet;  au  point  de  vue  émotionnel,  la  conscience  d'im  droit  provoque 
chez  son  titulaire  une  impulsion  motrice  que  ne  provoque  point  la  conscience 
d'une  règle  morale. 

Telle  est  la  thèse  dont  M.  de  P.  étudie,  dans  le  reste  de  sa  brochure,  les 
corollaires  possibles  :  p.  ex.  en  ce  qui  concerne  la  théorie  des  sujets  du  droit 
(spécialement  des  personnes  morales),  eu  ce  qui  concerne  les  rôles  respectifs  de 
la  conscience  morale  et  de  la  conscience  juridique  dans  l'action  individuelle  et 
sociale,  etc.  Il  est  inutile  de  le  suivre  dans  l'exposé  de  ces  corollaires;  on  a  pu 
suffisamment  apercevoir  le  vice  initial  du  principe.  L'analogie  alléguée  entre  cer- 
tains instincts  liés  à  des  fonctions  physiologiques,  et  les  émotions  que  suscitent 
en  nous  les  faits  moraux  et  juridiques,  ne  saurait  se  défendre  :  à  peine  est-il  besoin 


P,  288]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

de  remarquer  que  ces  émotions  n'ont  rien  d'universel  et  de  nécessaire,  qu'elles 
n'existent  point  partout,  ni  toujours,  ni  au  même  degré  chez  tous  les  hommes. 
L'histoire  et  l'observation  directe  —  que  M.  de  P.  néglige  également  de  consul- 
ter, —  établissent  surabondamment  que  la  réaction  émotionnelle  appulsive  ou 
répulsive  que  peut  soulever  un  meurtre,  un  mensonge,  un  bienfait,  varie  selon  les 
milieux  sociaux,  et  que,  par  conséquent,  elle  n'est  point  innée,  mais  acquise;  elle 
n'existerait  point  sans  le  milieu  social  qui  Timpose  à  l'individu.  C'est  parce 
qu'elle  s'impose  à  lui  du  dehors  que  la  norme  qui  y  correspond  a  ce  caractère  de 
transcendance  et  cette  autorité  imperative  que  M.  de  P.  constate  sans  les 
expliquer,  P.  Huvelin. 

* 

R.  HiLDEBEAND.  Rccht  und  êSMc  auf  den  primitiveren  tcirischa filichen  Kulturstu- 
fen. 2"  ed.  augm.  8",  189  pages,  léna,  G.  Fischer,  1907,  5  marks. 

M.  Hiklebrand  est,  comme  on  sait,  l'un  des  représentants  les  plus  fervents  de 
la  théorie  économique  en  tant  qu'explicative  de  la  formation  et  du  développement 
des  institutions.  Sa  position  s'est  dessinée  avec  plus  de  précision  encore  dans  la 
deuxième  édition  de  son  livre,  où  l'on  trouvera  surtout  développée  la  section 
traitant  de  l'organisation  politique,  économique  et  juridique  des  Germains.  C'est 
dlailleurs  la  partie  qui  avait  été  critiquée  avec  le  plus  de  violence,  surtout  par  les 
historiens  allemands,  qui  ont  montrtV  à  ce  sujet  plus  de  nationalisme  que  de 
science. 

Le  débat  a  cette  portée  méthodologique,  que  les  historiens  ne  veulent  com- 
parer des  documents  et  des  faits  que  dans  leur  ordre  chronologique  local,  au  lieu 
que  M.  H.  prétend  au  droit  de  les  comparer  dans  leur  ordre  chronologique  cultu- 
rel. C/est  ainsi  qu'il  rapproche  de  l'organisation  agraire  germanique,  l'organisa- 
tion agraire  hindoue  d'après  surtout  Baden-Powell.  Pour  les  ethnographes,  la 
méthode  de  M.  H.  apparaît  comme  normale;  ils  ne  comprenneut  même  que  diffi- 
cilement l'opposition  des  historiens  allemands.  Et  surtout  l'on  remarquera  que 
M.  H.  ne  compare  pas,  comme  si  souvent  l'école  anthropologique  anglaise  ou 
française,  pour  le  simple  plaisir  d'accumuler  des  parallèles  :  «  il  ne  suffit  pas  de 
comparer  les  divers  phénomènes  relevés  dans  les  domaines  du  droit  et  de  la  cou- 
tume chez  les  divers  peuples  en  divers  temps  ;  il  faut  encore  les  grouper  d'après 
des  degrés  déterminés  de  civilisation.  » 

Mais  c'est  cette  sériation,  justement,  qui  est  l'œuvre  difficile;  et  Ton  ne  sau- 
rait dire  que  sur  tous  les  points  de  détail  M.  H.  y  ait  réussi.  Il  a  raison  de 
regarder  la  vie  économique  comme  la  base  même  de  toute  vie  sociale  :  l'étude 
cependant  de  cette  vie  économique  ne  rend  compte  que  d'un  très  petit  nombre  de 
phénomènes;  elle  n'explique  ni  tout  le  droit,  ni  toute  la  religion,  ni  tout  l'art,  ni 
toute  l'organisation  domestique  ou  politique,  comme  le  prouve  le  fait  par  exemple 
des  juxtapositions  de  sociétés  particulières  (classes  d'âge,  groupes  totémiqties, 
phratries,  etc.)  au  sein  ou  à  travers  des  sociétés  générales. 

L'exposition  des  divers  systèmes  économiques  de  début  est  bien  conduite. 
On  trouvera  dans  le  volume  de  M.  H.  la  meilleure  critique  qu'il  y  ait  de  la  théorie 
des  trois  stades,  cueillette  (chasse  et  pêche)  élevage  et  agriculture,  et  de  toutes 
les  théories  secondaires  connexes.  Ces  trois  stades  peuvent  ou  non  suivre  dans 
l'ordre  indiqué,  et  dériver  ou  non  l'un  de  l'autre.  On  ne  voit  pas  pourquoi  M.  H., 
qui  ignore  les  travaux  de  Jevons,  de  Frazer,  de  Marillier,  etc.  refuse,  pour  le 
plaisir  d'être  en  désaccord  avec  Hahn,  d'admettre  que  la  domestication  ait  pu 


1908.]  ANALYSES.  [P.  289. 

^voir  par  endroits  une  origine  religieuse.  De  même  il  ne  voit  dans  la  laiterie  qu'un 
fait  économique,  au  lieu  que  chez  les  Toda  de  Tlnde  (cf.  H.  Rivers,  The  Toda), 
chez  les  Masaï  (cf.  Merker,  Die  Masaï)  elle  est  proprement  un  ensemble  d'actes 
rituels,  le  lait  étant  bien  nourriture,  mais  nourriture  sacrée. 

Il  semble  que  la  question  germanique  ait  trop  absorbé  M.  H.  pour  lui  permet- 
tre de  se  documenter  ici  plus  à  fond  que  dans  sa  première  édition  :  ainsi  pour  les 
Australiens,  il  eût  été  nécessaire  de  consulter  Spencer  et  Gillen,  et  Howitt,  pour 
éviter  au  moins  des  affirmations  comme  celle  de  la  p.  4  sur  la  répartition  du 
travail  entre  les  sexes;  M.  H.  aurait  vu  que  Thomme  ne  se  contente  pas  de  com- 
battre et  de  dominer,  mais  qu'il  prend  sa  part  dans  l'industrie  commune  :  il 
fabrique  les  armes,  les  engins  de  pêche,  etc.,  opération  compliquée,  longue  et 
délicate  ;  en  outre,  et  c'est  là  son  travail  le  plus  pénible,  il  exécute  les  innom- 
brables cérémonies  religieuses,  fait  qu'aucune  des  sources  de  M.  H.  (Grey,  Eyre, 
Ourr)  ne  pouvait  faire  supposer. 

Sur  le  mariage  par  rapt,  M.  H.  en  est  encore  à  ce  vieux  point  de  vue,  qu'il 
5'agit  d'une  forme  de  mariage  proprement  dite.  Il  serait  temps  qu'on  comprenne 
que  le  rapt  n'est  qu'un  rite,  analogue  à  celui  du  soulèvement  par  dessus  une  pierre 
{qu'on  a  voulu  expliquer  comme  une  survivance)  et  que  dans  toute  cette  catégorie 
d'actes  il  ne  faut  voir  qu'im  rite  de  désagrégation  de  la  femme  vis-à-vis  de  son 
groupe  primitif,  rite  suivi  ensuite  de  rites  d'agrégation  au  groupe  nouveau.  Ces 
rites  n'ont  rien  d'économique. 

M.  H.  a  raison  de  ne  pas  admettre  la  promiscuité  primitive  ;  il  élargit  trop  le 
^ens  de  «  matriarcat  »  ;  il  exagère  l'importance  de  la  jalousie,  sentiment  indivi- 
duel et  qui  ne  saurait  être,  malgré  aussi  A.  Lang,  à  la  base  d'une  institution. 

Toute  la  seconde  partie  est  un  commentaire  approfondi  des  passages  de 
Tacite  et  de  César.  Le  chapitre  IV  traite  des  débuts  de  la  propriété  foncière  ; 
l'argument  fondamental  est  qu'il  faut  distinguer  entre  propriété  et  possession 
foncière  :  celle-ci  seule  existe  chez  les  demi-civilisés  et  existait  chez  les  Germains 
tant  sous  sa  forme  individuelle  que  sous  sa  forme  collective.  M.  Hildebrand  a 
SUT  ce  point  raison  contre  ses  nombreux  adversaires.  A.  van  Gennep. 

* 
*    * 

Jbakz  'Qoâ&.  Anthropology,  8®,  28  pages,  New-York,  Columbia  University  Press, 
1908. 

Dans  cette  conférence  faite  à  l'Université  de  New-York,  M.  Boas  marque 
magistralement  la  situation  actuelle  de  ranthropojogie,  le  mot  pris  dans  son  sens 
large  de  science  de  l'homme.  Elle  utilise  à  la  fois  la  méthode  biologique,  la 
méthode  psychologique  et  la  méthode  sociologique.  Son  avenir  est  immense,  non 
pas  en  tant  que  science  proprement  dite  mais,  par  suite  de  la  spécialisation  pro- 
gressive nécessaire,  en  tant  que  point  de  vue  et  que  méthode.  Au  point  de  vue 
biologique  :  il  est  acquis  que  l'homme  doit  être  considéré  comme  un  animal 
•domestique,  d'où  sa  tendance  à  la  variabilité.  Au  point  de  vue  ethnologique  :  il 
existe  deux  types  extrêmes,  la  race  nègre  et  la  race  mongole,  dont  tous  les  autres 
types  sont  des  mutations  récentes,  la  variété  blanche  n'ayant  été  au  début  qu'in- 
signifiante ;  mais  on  ignore  le  lieu  de  toutes  les  races  actuelles  avec  la  race 
quaternaire  d'Europe  ;  depuis  leur  formation,  les  variétés  ont  montré  une  grande 
stabilité  ;  mais  on  ignore  l'action  réelle  du  milieu  physique  sur  la  race.  Il  n'est 
point  prouvé  que  le  système  nerveux  se  soit  développé  et  perfectionné  chez  les 


1^.290.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908^ 

diverses  variétés  depuis  leur  formation  ;  et  il  est  impossible  de  prétendre,  si  Ton 
tient  compte  de  l'amplitude  des  différences  à  l'intérieur  de  chaque  catégorie, 
qu'une  race  soit  supérieiu'e  physiquement  à  d'autres. 

L'anthropologie  physique  tient  surtout  compte  des  différences  ;  l'anthropologie 
psychologique,  des  ressemblances.  Dans  cette  direction  ont  influé  autant  Darwin 
et  la  théorie  evolutionniste  que  Bastian  et  la  théorie  du  Völkergedanke.  Mais 
l'une  et  l'autre  théories  ne  sont  plus  admissibles  sous  leur  forme  simple.  Lesi-imi- 
litudes  sont  frappantes  dans  l'organisation  sociale,  dans  la  technologie,  dans  l'art, 
dans  la  religion  ;  d'où  l'on  a  conclu  :  P  à  l'unité  fondamentale  de  l'esprit  humain; 
2®  à  l'exactitude  de  la  théorie  evolutionniste,  allant  de  l'inférieur  et  du  simple  au 
supérieur  et  au  complexe.  Mais  à  mesure  qu'on  examine  de  près  les  civilisations 
dites  inférieures,  on  constate  avec  celles  dites  supérieures  des  points  de  contact 
nombreux,  qui  s'expliquent  en  partie  par  des  emprunts  mais  aussi  —  et  M.  Boas 
n'a  pas  fait  allusion  à  ceci  —  en  partie  par  l'identité  des  échelles  de  valeurs  :  il  y 
a  lieu  de  tenir  compte  des  transvaluations  qui  nous  ont  été  imposées  par  le  sys- 
tème romain  classique  et  par  le  système  chrétien.  En  outre,  on  constate  que  les 
soi-disant  formes  de  début  sont  souvent  plus  complexes  et  les  formes  dites  d'arrivée 
plus  simples.  Ceci  se  remarque  notamment  dans  l'organisation  sociale  (systèmes 
de  classification),  dans  la  musique,  dans  le  langage. 

Quant  à  la  théorie  "  psychologique  »  de  Bastian,  elle  a  subi  aussi  des  modifi- 
cations à  mesure  qu'on  connaissait  mieux  les  «  systèmes  philosophiques  n  des 
demi-civilisés.  A  mon  sens,  Terreur  fondamentale  de  Bastian  a  été  de  vouloir  intro- 
duire de  force  dans  nos  cadres  logiques  les  mentalités,  caractérisées  par  d'autres 
logiques,  des  demi-civilisés,  et  ceci  précisément  pour  n'avoir  pas  tenu  compte  des 
dissemblances.  L'avenir  de  l'ethnographie,  maintenant  que  les  ressemblances  ont 
été  définies  (le  Golden  Bough  tout  entier  de  J.  G.  Frazer  est  par  exemple 'une 
codification  des  ressemblances),  est  dans  la  dissociation  des  éléments  en  vue  d'une 
définition  des  différences  :  il  y  a  lieu  dorénavant,  en  théorie  générale,  de  marquer 
le  typique  mais  non  plus  tant  le  commun. 

Cependant  M.  Boas  a  bien  fait  de  citer  Bastian  comme  chef  de  tendance  : 
c'est  un  grand  méconnu,  et  non  pas  sa  faute,  mais  par  la  faute  même  de  l'ethno- 
graphie au  sens  large,  universel  même  qu'il  donnait  à  ce  mot.  Il  a  voulu  synthéti- 
ser par  des  paroles  un  macrocosme  d'une  complexité  à  peine  imagiuable.  Par  des^ 
paroles  :  et  on  l'a  accusé  de  ne  pas  savoir  écrire  !  En  fait,  Bastian  devient  intel- 
ligible à  mesure  qu'on  sait  davantage.  Savoir  autant  que  lui  est  impossible  :  aussi 
ses  livres  ne  sont-ils  faits  que  pour  ceux  qui  ont  des  années  et  des  années  d'études 
comparatives  derrière  eux.  En  outre,  l'ethnographie  n'était  pas  pour  Bastian  une 
sèche  nomenclature,  mais  la  description  du  drame  même  de  l'humanité. 

M.  Boas  enfin,  parle  rapidement  de  la  portée  pratique  de  «  l'anthropologie  », 
qui  détruit  les  exclusivismes  et  les  préjugés  et  qui,  sous  l'impulsion  de  l'école  de 
Galton,  —  mais  ici  Ton  fera  des  réserves  sur  les  postulats  éthiques  et  sociaux  de 
cette  école  —  peut  indiquer  aux  générations  futures  les  voies  à  suivre  pour 
atteindre  une  plus  grande  perfection  physique  et  mentale,  relativement. 

A.  VAN  Gennep. 

* 


1908.]  ANALYSES.  [P.  29 il 

Fr.  Nik.  Finck.  Bk  Sprache  der  armenischen  Zigeuner,  Extr.  131  p.  4',  des 

Zapiski  de  l'Ac.  des  Sc.  de  St-Pétersbourg,  cl.  hist.-phil.  T.  VIII,  n«  5,  (1907), 
JouBNAL  OF  THE  Gypsy  Lobe  Society,  New  Ser.  T.  I,  fasc.  1,  Liverpool,  6  Hope 

Place,  Juillet  1907. 

La  Gypsy  Lore  Society,  qui  avait  interrompu  le  cours  de  ses  publications 
s'est  reformée  récemment  et  a  commencé  une  nouvelle  série  de  son  Journal.  Le 
premier  fascicule  de  oette  nouvelle  série  renferme  plusieurs  articles  dont 
l'un  de  M.J.Sampson,  sert  surtout  à  mettre  au  point  l'état  actuel  du  problème  de 
la  langue  tsigane  et  dont  le  plus  original  et  le  plus  neuf  est  celui  de  M.  Finck  sur 
le  parler  des  tsiganes  arméniens.  M.  Finck  a  publié  d'autre  part  un  travail 
détaillé  sur  la  même  question  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  de  St-Pétersbourg. 
Les  recherches  de  M.  Finck  aboutissent  à  des  résultats  qui  sont  importants 
à  plusieurs  points  de  vue. 

L'étude  de  M.  Finck  ne  repose  pas  sm'  des  observations  nouvelles  et  person- 
nelles, mais  l'auteur  a  rassemblé  tous  les  témoignages  déjà  recueillis  sur  la 
langue  des  tsiganes  arméniens,  témoignages  dont  les  uns  étaient  dispersés  dans 
des  recueils  d'accès  difficile, dont  les  autres  étaient  inédits.  Et  surtout  il  a  mis  en 
<euvre  ces  matériaux  jusqu'ici  non  classés  avec  ime  méthode  sure  et  rigoureuse 
qui  lui  a  permis  d'en  tirer  des  conclusions  importantes  et  neuves. 

Le  parler  des  tsiganes  arméniens  se  distingue  de  tous  les  autres  parlers 
tsiganes  jusqu'ici  étudiés  par  ceci  qu'il  n'a  pas  de  grammaire  particulière  mais 
seulement  un  vocabulaire  qui  lui  est  propre.  Tous  les  éléments  grammaticaux  du 
tsigane  arménien  sont  des  formes  de  l'arménien  moderne  occidental  (type  nor- 
mal de  la  plupart  des  parlers  arméniens  de  Russie),  non  seulement  le  dictionnaire 
<'t  la  conjugaison,  pour  lesquels  c'est  de  toute  évidence  mais  aussi  les  petits  mots 
accessoires  comme  al,  «  aussi  n,  les  éléments  de  formation  comme  an,  premier 
terme  des  composés  pour  exprimer  la  négation,  le  verbe  "  être  n  entier,  Turticle,  les 
conjonctions,  etc.  Le  nom  de  nombre  ochty^  «  sept  «  est  une  forme  du  karabagh 
(ce  que  n'indique  pas  M.  Finck;  il  y  aurait  du  reste  intérêt  à  examiner  le  voca- 
bulaire des  tsiganes  arméniens  en  le  rapprochant  du  vocabulaire  en  partie  si 
énigmatique  des  parlers  arméniens  actuels).  Une  forme  comme  katel  **  où  n,  est 
siu'prenante  :  le  second  élément  doit  être  le  mot  tel^  «  lieu  »  mais  ce  mot  se 
prononce  /ey  depuis  longtemps  et  la  forme  tél^  qui  reproduit  une  prononciation  de 
rarménieu  classique,  est  au  premier  abord  inexplicable.  En  dehors  de  ces  élé- 
ments pm'eraent  formels,  le  tsigane  arménien  ne  renferme  à  peu  près  aucun  mot 
arménien  ;  ou  s'il  en  présente  quelques-uns  qui  sont  sans  doute  d'origine  armé- 
nienne, il  les  a  déformés,  de  manière  à  les  rendre  méconnaissables  :  xmor,  thunt 
sont  remplacés  par  amor  "  levain  »,  nunt^  "  papier  «;  mozi,  «  veau  w,  reçoit  un 
suffixe  et  devient  moztan,  «  l)œuf  »»  ;  caclel,  «  couvrir  »  est  remplacé  par  caczi 
karel.  En  principe,  aucun  des  mots  qui  expriment  des  choses  précises  et  qui  ne 
soient  pas  de  simples  outils  grammaticaux  n'est  un  terme  arménien  sous  sa  forme 
usuelle  et  immédiatement  reconnaissable.  On  est  en  présence  d'une  langue  dont 
la  grammaire  (au  sens  le  plus  large)  est  purement  arménienne,  et  dont  le  voca- 
bulaire est  tout  entier  arménien. 

Le  tsigane  arménien  n'est  donc  pas  une  langue  véritable.  Il  est  plutôt  com- 
parable à  un  argot.  Mais  il  est  différent  de  l'argot  au  point  de  vue  historique.  En 
effet  le  vocabulaire  du  tsigane  arménien  est  celui  d'une  population  d'origine 
étrangère;  il  est  constitué  essentiellement  de  mots  hindous,  tout  comme  plusieurs 
autres  parlers  tsiganes.  La  population  qui  l'a  constitué  s'est  donc  arménisée  assez 
pour  ue  pa;5  conserver  de  grammaire  hindoue  mais  a  continué  à  former  un  groupe 


p.  292.]       *    R    >    E    ♦    E    *    8    * [1908. 

isolé  qui  avait  intérêt  à  n'être  pas  compris  de  tous  et  qui  a  gardé  son  Yocabulaire. 
Il  serait  intéressant  de  savoir  quelles  conditions  ont  déterminé  un  état  de  choses 
aussi  curieux  et  aussi  rare  ;  malheureusement  le  travail  de  M.  Finck  ne  porte  que 
sur  la  langue  et  ne  fournit  aucune  donnée  sur  les  gens  qui  la  parlent,  ni  sur  leur 
situation  sociale.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  observe  ici  un  cas  très  impartant  au  point 
de  vue  de  la  linguistique  générale.  On  connaissait  des  langues  qui,  gardant  leur 
grammaire,  empruntent  plus  ou  moins  complètement  un  vocabulaire  étranger  ;  on 
a  ici  un  idiome  qui,  perdant  sa  grammaire  et  empruntant  celle  des  peuples  au 
milieu  desquels  vivent  sans  doute  en  parasites  les  tsiganes  arméniens,  se  sert  de 
son  vocabulaire  pour  en  faire  le  fond  d'une  sorte  d'argot.  Maintenant  que  ce  type 
de  faits  est  signalé  on  en  trouvera  peu1>étre  d'autres  exemples;  mais  il  semble 
que  celui-ci  soit  le  premier  de  ce  genre. 

L'étude  de  M.  Finck  est  d'autre  part  importante  au  point  de  vue  de  l'histoire 
des  Tsiganes.  On  admet  d'ordinaire  que  les  divers  dialectes  tsiganes  forment  une 
unité  remontant  à  un  seul  type.  De  bonne  heure  il  y  a  eu  une  séparation  des 
Tsiganes  asiatiques  et  des  Tsiganes  européens;  les  parlers  de  ces  derniers  com- 
prennent, outre  un  fond  hindou  qui  parait  être  le  même  que  celui  des  Tsiganes 
asiatiques,  des  éléments  arméniens  et  grecs  qui  attestent  un  passage  des  Tsiganes 
sur  des  territoires  de  langue  arménienne  et  hellénique.  On  s'attendrait  donc  k 
voir  dans  les  Tsiganes  arméniens  une  sorte  d'arrière-garde  demeurée  sur  un  ter- 
ritoire par  où  ont  passé  autrefois  les  Tsiganes  qui  se  sont  dispersés  sur  l'Europe. 
Or  les  choses  se  présentent  tout  autrement.  M.  Pischel  a  constaté  depuis  long- 
temps que,  au  lieu  de  conserver  dans  le  nom  de  la  main  (skr.  hasta)  le  groupe  — 
st  — ,  comme  le  font  sans  exception  tous  les  parlers  tsiganes  d'Europe  et  d'Asie, 
le  tsigane  arménien  a  ime  forme  hath^  ath  qui  repose  sur  la  forme  prâkrite  kattho 
et  qui  représente  un  autre  type  dialectal  hindou  que  la  forme  à  —  si  —  (propre 
à  un  petit  groupe  du  Nord-Ouest).  De  même,  en  face  de  ëero,  *<  tête  »  du  tsigane 
ordinaire,  qui  rappelle  le  skr.  çirsa  — ,  le  tsigane  arménien  a  sis  qui  repose  sur  une 
forme  du  type  prâkr.  Sîsam,  Dans  l'ensemble,  les  mots  du  tsigane  arménien 
paraissent  assez  différents  de  tous  ceux  des  dialectes  tsiganes  ordinaires. 
M,  Finsch  n'en  a  pas  facilité  l'examen  parce  qu'il  ne  note  pas  les  formes 
tsiganes  existant  par  ailleurs  en  regard  de  chaque  forme  arménienne;  mais 
sa  conclusion  semble  certaine.  Il  résulterait  de  là  que  le  tsigane  arménien 
provient  d'une  émigration  hindoue  différente  de  celle  qui  a  fourni  les  autres 
dialectes  tsiganes  et  représente  un  autre  dialecte  de  l'Inde, 

Mais  les  points  de  contact  entre  les  deux  formes  de  tsigane  sont  nombreux, 
et  il  n'aurait  pas  été  superflu  de  les  mettre  en  évidence.  Par  exemple  les  sonores 
aspirées  sont  représentées  par  des  sourdes  :  le  tsigane  européen  pfcrdZ,  «  père  r, 
maintien  d'un  groupe  jpAr  représentant  l'ancien  bhr;  le  tsigane  arménien  phaly 
avec  élimination  de  r,  ce  qui  concorde  avec  le  traitement  — th —  du  groupe — st — • 
L'aspirée  éuigmatique  de  tsig.  arm.  anJchor  «  noix  «  ne  se  trouve-t-elle  pas  dans 
la  forme  tsig.  eur.  ^ikhor?  L'w  de  tsig.-eur.  &tt^  «  beaucoup  »  rappelle  celui  de 
tsig.  arm.  huhn.  Et  en  revanche,  il  est  permis  de  douter  que  la  forme  jpo/titr  du 
tsig.  allemand,  imité  de  patiw  «  honneur  »,  tienne  à  une  substitution  de  u  en  i 
comme  l'indique  M.  Finck,  p.  62;  il  s'agit  simplement  de  la  forme  pafcr  courante 
arménienne  dans  la  flexion  de  la  dérivation.  M.  Finck  a  posé  le  problème  des 
rapports  entre  le  tsigane  arménien  et  les  autres  dialectes;  mais  il  ne  Ta  pas  traité 
et  a  seulement  fourni  les  éléments  arméniens  de  la  question.  Par  là  même  il  a 
cependant  apporté  à  l'étude  du  tsigane  une  contribution  d'une  importance  capi- 
tale. A.  Meillet. 


1908;]  ANALYSES.  [P.  298i; 

Noel  Gibon.  Légendes  coptes,  fragments  inédits,  publiés,  traduits  et  annotés^ 
avec  une  lettre  à  l'auteur  par  M.  Eugène  Revillout,  8**,  80  pages,  Paris^ 
P.  Geuthner,  1907. 

Les  découvertes  et  les  progrès  en  égyptologie  ont  fait  justice  de  bien  des 
idées  fausses  qu'on  avait  sur  la  civilisation  égyptienne.  Ainsi  la  prétendue  aver- 
sion des  Egyptiens  pour  la  mer  a  été  démentie  par  le  récit  des  aventures  d'un 
prédécesseur  de  Sindbâd  le  marin^.  La  même  chose  est  arrivée  pour  la  littérature 
copte  où  Ton  a  trouvé  des  contes  et  des  légendes,  d'une  invention  bien  pauvre  et 
d'un  style  bien  prosaïque  en  réalité,  mais  enfin,  des  œuvres  qui  montrent  que  les 
Coptes  n'ont  pas  été  dépourvus  d'imagination^.  Les  unes,  comme  le  fragment 
du  roman  d'Alexandre^,  ou  celui  de  Cambyse*  sont  empruntées  à  l'antiquité  clas- 
sique, mais  la  plus  grande  partie  appartient  aux  littératures  juive  ou  chrétienne^. 
Cî'est  à  cette  seconde  catégorie  que  M.  Giron  a  empininté  les  matériaux  de  ce  livre 
où  il  a  réuni  cinq  fragments  de  légendes,  dont  les  deux  premières  seulement, 
contrairement  à  ce  que  dit  le  titre,  sont  entièrement  inédites,  la  quatrième  l'est 
en  partie,  enfin  la  troisième  et  la  cinquième  ont  été  complètement  publiées. 

Le  premier  fragment  (Entretien  du  démon  et  d'Eve)  est  trop  court  pour  qu'on 
puisse  le  juger  et  le  comparer  aux  traditions  apocryphes  sur  le  même  sujet  : 
toutefois  le  résumé  que  Weil  a  donné  de  ces  dernières*  me  paraît  autrement  vif 
que  ce  que  nous  donne  M.  Giron  de  ce  qui  nous  reste  de  la  narration  copte. 

Le  fragment  II  (Le  sacrifice  d'Abraham)  présente  plus  d'originalité.  Le 
dialogue  concis  du  verset  7  du  chap.  XXII  de  la  Genèse  est  développé  en  une 
conversation  malicieuse  où  Isaac  emploie  tous  les  arguments  pour  sauver  sa  vie''* 

Le  fragment  III  (Histoire  de  Marina)  n'est  nullement  inédit.  Il  se  compose 
de  deux  morceaux  de  la  légende  de  S^*  Marine,  publiés,  le  premier  d'après  un 
manuscrit  d'Oxford^  le  second,  d'après  un  manuscrit  de  Paris.  Or  tous  deux  avaient 
déjà  paru  avec  une  traduction  française  par  les  soin&  de  M.  Hyvernat^.  Cette 
dernière  édition  est  d'ailleurs  préférable  à  celle  de  M.  Giron  en  ce  qu'elle  donne 
la  disposition  du  texte  du  manuscrit  de  Paris,  ce  qui  permet  de  se  rendre  compte 


'  1  Cf.  Golônischeff.  Sur  un  ancien  conte  égyptien^  Berlid,  1881,  in  8  ;  J.  M.  Esteves  Pereira, 
•0  naufragOy  Coïmbra,  1901,  in  4;  Maspôro,  Contes  égyptiens,  Paris  1882,  petit  in  8,  p.  137-148. 
Cf.  sur  Tensemble  de  cette  littérature  Tintroduction  de  ce  dernier  ouvrage  p.  1-lxxx  et  aussi 
WiedemanUp  Die' Unter haltungslitteratur  der  alten  ^ypter,  Leipzig,  1902,  in  8,  et  la  traduc- 
tion anglaise  de  Hutchinson,  Populär  literature  in  ancient  Egypt,  Londres  1902,  in  12.  On  y 
retrouvera  les  idées  émises  dans  Tintroduction  de  M.  Giron  qui  n'a  pas  cité  cee  ouvrages. 

*  Cf.  comme  tableau  d^ensemble,  l'histoire  de  la  littérature  copte  de  Leipoldt  dans  la  Geschichte 
der  christlichen  Literaturen  des  Orients^  Leipzig  1907,  in  8,  p.  121-183. 

'  Cf.  0.  von  Lemm,  Der  Alexanderroman  bei  den  Kopten^  S.  Pétersbourg  1903.  in  4. 

^  Möller,  Zu  den  Bruchstücken  des  koptischen  Kambysesroman^  Zeitschrift  für  œgyptische 
Sprache,  T.  XXXIX,  p.  113-116;  H.  Schäfer^Bruchstück  eines  hoptischen  Romans  über  die 
Eroberung  ^yptens  durch  Kambyzes  dans  les  Sitzungsberichte  d,  hgl,  Preuss,  Akad.  d.  Wis- 
senschaften, 1899,  p.  727-744. 

^  M.  Amélineau  a  publié  sur  le  même  sujet  ses  Contes  et  légendes  de  l'Egypte  chrétienne 
{Paris  1888,  2  v.  pet.  in  8).  Mais  bien  qu'il  ait  négligé  absolument  d'indiquer  ses  sources,  on 
peut  admettre  que  la  très  grande  majorité,  sinon  la  totalité  de  ses  récits,  est  traduite,  non  du 
copte,  mais  de  Tara  be. 

0  Biblische  Legenden  der  Muselmänner^  Frankfurt  a.  M.  1845,  in  12,  p.  20-27. 

^  Dans  le  Midrach  et  chez  les  Musulmans,  le  dialogue  est  tout  autre  et  modifié  par  Tinterven- 
lion  de  Satan.  Cf.  Grünbaum,  Neue  Beiträge  zur  semitischen  Sagenkunde,  Leiden  1893,  in  8^, 
p.  113-116. 

«  Revue  de  l'Orient  chrétien,  T.  VU,  1902,  p.  136-152.  * 


p.  294.]  •    R    •    E    •    K    •    S    •  [1908> 

de  son  état  et  de  la  valeur  des  restitutions  qu'a  tentées  le  nouvel  éditeur.  Le  seul 
mérite  de  ce  dernier  est  d'avoir  donné  le  verso  du  f^  qui  nous  fournit  la  date  de 
640  de  Tère  des  martyrs  =  924  de  J.  C.  Par  l'examen  de  l'écriture,  M.  Hyyemat 
était  arrivé  à  une  conclusion  semblable  quoique  moins  précise  (X*  siècle).  Quant 
à  la  légende  de  S**  Marine  (la  jeune  fille  portant  des  habits  d'homme  et  accueillie 
comme  un  moine  dans  un  couvent^,  «'entendant  attribuer  la  paternité  d'un  enfant 
naturel,  ne  protestant  pas  par  humilité,  l'élevant,  et  reconnue  seulement  pour 
une  femme  après  sa  mort),  M.  Giron  n'a  trouvé  d'autre  point  de  comparaison 
qu'un  chapitre  de  la  Légende  dorée  de  Jacques  de  Voragine.  C'est  insuffisant,  et  ce 
recueil  du  XIIP  siècle  aurait  dû  être  remplacé  par  d'autres  plus  anciens  qui 
auraient  servi  de  base  à  une  discussion  sur  la  source  de  la  légende  :  ainsi  la  ver- 
sion  grecque,  dont  une  des  recensions  remonte  aussi  au  X*  siècle^,  et  la  version 
syriaque  publiée  par  M.  Nau*  qui  considère  cette  légende  comme  ayant  été  trans- 
posée primitivement  en  grec  ou  traduite  du  syriaque  en  grec*.  La  tradition 
locale  place  encore  aujourd'hui  à  Kanoubine  (KoivöSiov),  près  de  Tripoli  de  Syrie^ 
le  couvent  où  habitait  la  sainte  dont  le  tombeau  est  encore  vénéré  de  nos  jours. 

Le  fragment  IV  (Histoire  des  filles  de  Zenon)  complète,  mais  non  entièrement, 
les  fragments  coptes  qu'avaient  publiés  MM.  Amélineau*  et  de  Rossi*.  Les  lacunes 
sont  comblées  à  l'aide  d'une  version  arabe  empruntée  au  Synaxaire  et  traduite 
par  le  premier"^.  Il  eût  été  intéressant  de  la  comparer  soit  à  la  version  syriaque^ 
soit  à  la  version  carchounie  dont  il  existe  plusieurs  manuscrits*  et  qui  a  été  ana- 
lysée par  M.  Sachau^o.  Dans  cette  dernière,  la  femme  du  roi,  qui  n'est  nommée 
ni  dans  le  copte,  ni  dans  Tarabe,  est  appelée  »  Chams  el  Monir  n. 

Le  fragment  V  n'est  pas  inédit  :  c'est  la  reproduction  d'extraits  donnés  par 


1  Cf.  une  liste  d'exemples  de  ce  genre  dans  les  Ada  sanctorum^  Janvier«  T.  I,  p.  258. 

*  Cf.  L.  Clugnet,  Yie  de  Si*  Marine,  texte  grec,  Revue  de  FOrient  chréUen.  T.  VI,  1901^ 
p.  572-5«B. 

'  Histoire  de  Sf*  Marine^  Revue  de  VOrieni  chrétien^  T.  VI,  p.  276-290. 

^  Elle  existe  d'ailleurs,  bien  avant  la  date  de  la  rédaction  copte,  dans  la  version  syriaque  du 
Paradisus  Pairum,  publiée  par  le  P.  Bedjan,  Acta  martprum  et  sanetùrwn  T.  Vil,  Paris  1897,. 
p.  272.  Or  cette  compilation  fut  faite  au  vu«  siècle  par  Enanjesu  et  la  version  copte  ne  date  que 
du  X«.  Un  des  manuscrits  représentant  la  première  série  des  recensions  latines  est  du  ix*  siècle. 
Cf.  L.  Clugnet,  Vie  de  S^  Marine,  texte  latin,  Revue  de  VOrient  chrétien^  T.  VI,  1901,  p.  357- 
358.  Je  ne  parle  pas  des  versions  arabes  publiées  par  MM.  Guidi  et  Blochet  (Revue  de  VOrie^vt 
chrétien,  T.  VII,  1902,  p.  245-276)  non  plus  que  du  texte  éthiopien  tiré  du  Synaxaire  et  publié  par 
M.  Esteves  Pereira  (Revue  de  VOrient  chrétien,  T.  VIII,  1903,  p.  614)  :  elles  sont  toutes  postô> 
Heures  au  copte  ainsi  que  les  versions  françaises  et  allemandes. 

5  Histoire  des  deux  filles  dé  V empereur  Zenon,  extr.  des  Proceedings  of  the  Society  of  BibU'^ 
cal  archaeology,  fév.  1888. 

®  Frammento  relativo  alla  vita  di  S,  Harüme,  Metnqrie  délia  reale  Ac,  di  Torino,  1888, 
2«  série.  T.  XXXVIII,  p.  282.  M.  Amélineau  (Rapport  sur  les  travaux  faits  en  égyptologie  de 
1889-1891^  Woking  1893,  in  8  p.  15)  mentionne  un  article  où  M.  0.  von  Lemm  compare  cette 
légende  au  conte  de  la  princesse  de  Boukhten  :  je  n'ai  pas  eu  ce  travail  sous  les  yeux. 

7  La  \ersion  du  Synaxaire,  trad,  par  Wüstenfeld  (Synaxarium,  das  ist  Heiligen-Malènder^ 
Gotha,  1879,  in  8, 2«  partie,  p.  252-254)  est  beaucoup  plus  concise. 

8  Wright,  Catalogue  of  the  syriac  Manuscripts  in  the  British  Museum,  Londres,  3  v.  in  4, 
1872.  T.  Ill,  n«  DCCCCXVIII,  4  h  (p.  1046)  ;  n»  DCCCC,  25  (p.  1110),  où  les  personnages  se  nom- 
ment Marie  et  Théodose;  DCCCCLIV,  4lp.  1118);  DCCCCLVIII,  10  (p.  11121). 

*  Uni,  Catal,  cod.  orient.  Bib.  Bodleianœ,  T.  I  cod.  syr.  et  carchuni.  n?90, 1;  Sachau,  Ver. 
keichniss  der  syrischen  Randschr,  mu  Berlin.  Berlin  1899,  2  v.  in  4.  T.  I,  n^CXI,  10;  n»  CXII„ 
l;T.IIii<»CCXLV,4. 

10  Op. /awrf.  T.  I  p.  381882. 


19O80  ANALYSES.  [P.  295» 

2oegaa^.  Le  sujet  est  assez  singulier  :  un  patriarche  d'Alexandrie  qui  a  été  diacre 
à  Constantinople  répète,  pour  l'édification  de  ses  auditeurs,  le  récit  qui  lui  a  été 
fait  par  son  oncle  Dorothée,  eunuque  des  empereurs.  L'impératrice,  femme  de 
Bâsilisque,  s'aperçoit  au  bain  que  sa  fille  est  enceinte.  Héliodore,  patriarche  de 
Constantinople,  attribue  le  fait  à  l'opération  du  S.  Esprit  et.il  est  appuyé  par 
-des  évêques  gagnés  à  sa  cause.  L'empereur  s'adresse  à  Théodose,  patriarche 
d'Alexandrie,  qui  envoie  Paphnuce,  évèque  d'Ausem  pour  réfuter  Héliodore 
devant  l'empereur.  Celui-ci  est  directement  intéressé  à  la  question,  car  si  sa  fille 
-est  reconnue  coupable,  il  sera,  en  vertu  d'une  loi  imaginée  par  le  conteur,  déposé 
et  ses  biens  seront  confisqués.  Le  récit  s'arrête  au  milieu  du  débat  entre  Héliodore 
et  Paphnuce.  Il  est  probable  que  la  discussion  se  terminait  par  la  défaite  du 
premier,  pour  la  plus  grande  gloire  de  l'Egypte  :  peut-être  même  un  miracle 
faisait-il  reconnaître  Héliodore  comme  complice  ;  l'enfant  proclamait  son  père. 
Mais  ce  ne  sont  que  des  conjectures  et  il  serait  à  désirer,  comme  le  dit  M.  Giron, 
qu'un  hasard  fît  retrouver  un  manuscrit  complet  de  cette  histoire. 

En  somme,  par  la  publication  de  son  livre,  l'auteur  a  rendu  service  aux 
études  coptes  et  aux  recherches  qui  ont  les  légendes  pour  objet  ;  mais  on  peut 
regretter  qu'il  ne  soit  pas  suffisamment  au  courant  de  la  littérature  du  sujet  : 
cette  partie  de  son  travail  devra  être  reprise.  René  Basset. 

* 

M.  J.  I1A6&AN6B.  La  Crète  ancienne,  —  In-S**,  155  pages,  1  planche  et  95  figures. 
Paris,  LecoflFre,  1908. 

Sous  ce  titre  imprécis,  le  P.  Lagrange  ne  nous  donne  pas  seulement,  comme 
le  prétend  trop  modestement  son  avant-propos,  ses  impressions  d'une  visite  faite 
en  octobre  1906  aux  ruines  de  Knossos  et  de  Phaestos  ;  c'est,  sinon  une  synthèse 
complète  dont  le  moment  est  loin  d'être  encore  venu,  du  moins  un  essai  de  mise 
au  point  des  résultats  acquis  sur  l'architecture  et  l'aménagement  des  palais  crétois, 
les  conceptions  religieuses  de  leurs  constructeurs  et  les  origines  mêmes  de  ces 
constructeurs  et  de  leur  civilisation. 

Dans  la  description  des  palais,  qui  résume  très  clairement  les  rapports  des 
explorateurs,  je  ne  ferai  de  réserves  ici  que  sur  deux  questions  chronologiques. 
M.  L.  place  vers  1500  l'incendie  par  des  envahisseurs  des  seconds  palais  de 
Knossos  et  de  Phaestos  et  la  fin  du  Minoen  récent  II  ;  comme  l'invasion  dorienne 
ne  peut  guère  avoir  eu  lieu  avant  le  XI*  s.,  resteraient  ainsi  4 siècles  pour  le  Minoen 
récent  III  qui  correspond  à  la  civilisation  mycénienne  de  la  Grèce  continentale. 
Cependant,  les  seconds  palais  fournissant  des  synchronismes  pour  toute  la  durée 
de  la  XVin®  dynastie,  on  ne  voit  pas  pourquoi  on  placerait  leur  fin  avant  celle 
de  cette  dynastie,  1350  selon  Meyer  et  Breadsted.  C'est  sous  le  5®  roi  de  la  d}Tiaâ- 
tie  suivante  que  les  Aqaïousha  apparaissent  pour  la  première  fois  dans  l'histoire, 
vers  1220  ;  alliés  des  Libyens,  il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  la  Crète  était  le  point 
de  départ  de  leurs  expéditions  comme  elle  l'est  de  la  razzia  qu'Ulysse  raconte  à 
Eumée.  Ce  serait  donc  entre  1350  et  1220,  je  crois,  que  se  placerait  l'occupation  de 
la  Crète  par  les  Achéens  déjà  maîtres  de  Mycènes  et  les  remaniements  du  2*  palais 
de  Knossos  dont  on  n'admet  plus  la  destruction  soudaine.  Dans  cette  hypothèse, 
les  4"',82  de  profondeur  qu'occupent  les  débris  qui  s'étendent  à  Knossos  depuis 
la  transformation  du  2'"*  palais  jusqu'au  début  même  de  la  civilisation  minoenne 

^  Catalogus  codieum  copticorum  (reprod.  anast.).  Leipzig  1903,  in  4,  n«  CLXVn»  p.  283-267» 


P.296.] >    R    «    E    *    E    »    S    ' [1908. 

(contemporaine  des  premières  dyn.  égytiennes),  représenteraient  un  peu  plus  de 
2  millénaires,  3500-1300,  soit  une  accumulation  d'environ  2", 40  par  millénaire. 
En  appliquant  cette  même  progression  aux  6'",43  que  remplissent  à  Knossos  les 
couches  de  l'âge  de  pierre,  on  est  loin  d'arriver  aux  12  ou  14.000  ans  avant  notre 
ère  que  le  P.  L.  admet  pour  leur  origine  à  la  suite  de  M.  Evans  qui  compte 
1  m.  par  millénaire  ;  le  néolitique  crétois  débuterait  vers  6550,  ce  qui  paraît  bien 
être  la  date  également  de  l'origine  de  la  civilisation  néolithique  en  Egypte. 

Au  chapitre  de  la  religion,  il  y  aurait  beaucoup  plus  de  rémarques  à  faire. 
Sans  doute,  le  P.  Lagrange  a  bien  étudié  les  deux  catégories  de  lieux  de  culte,^ 
cavernes  profondes  comme  celles  de  l'Ida  ou  du  Diktè  ou  petites  chapelles  que 
le  roi-prêtre  crétois  fait  réserver  dans  son  palais  ;  il  a  bien  mis  en  évidence  la 
prédominance  d'une  divinité  féminine  dont  il  faudrait  distinguer  deux  aspects 
essentiels  :  la  déesse  nue,  les  bras  croisés  sous  les  seins  qui,  lorsqu'elle  est 
accompagnée  de  colombes,  serait  plus  particulièrement  la  déesse  de  la  fécon- 
dité, Ariadnè  généralement  identifiée  à  Aphrodite  ;  la  déesse  vêtue,  coiffée 
ou  non  du  poloSy  les  seins  saillants  au-dessus  de  sa  ceinture  serrée  et  de 
sa  robe  à  volants,  la  pofnia  thérôn  qu'accompagnent  des  lions  ou  des  serpent«, 
celle  que  les  Crétois  auraient  appelée  Britomartis-Diktynna  et  que  les  Grecs 
auraient  identifiée  à  Demeter,  Artemis  ou  Hécate.  A  côté  de  ces  deux  types 
de  déesses,  il  y  aurait  eu  un  grand  dieu  de  la  foudre  que  l'on  devrait  imaginer, 
sur  le  modèle  des  Zeus  de  Labranda  et  de  Dolichè,  debout  sur  un  taureau, 
la  bipenne  à  la  main,  un  aigle  pour  attribut.  A  côté  de  ces  divinités  à  figure 
humaine,  le  P.  L.  admet,  comme  legs  d'une  période  antérieiu-e,  le  culte  des  pierres 
levées  ou  des  blocs  tombés  du  ciel,  celui  de  certains  arbres  et  de  certains  ani- 
maux à  moitié  anthropomorphisés  comme  le  Triton,  le  Minotaure  ou  le  Sphinx. 
Mais  ce  ne  seraient  là,  à  la  grande  époque  minoenne,  qu'autant  de  symboles,  au 
même  titre  que  la  croix  simple  ou  gammée,  la  hache  double  ou  le  bouclier  en 
forme  de  8,  la  rosace  et  le  nœud,  les  protomes  et  cornes  de  taureaux,  certains 
poissons  et  coquillages.  En  effet,  le  P.  L.  serait  disposé  à  attribuer  aux  Minoens 
une  pensée  religieuse  déjà  très  élevée  :  dans  les  scènes  où  des  hommes  dansent 
en  arrachant  un  arbre,  <*  l'arbre  déraciné  marque  la  fin  d'une  vie  humaine  n  ; 
sur  les  vases  où  des  animaux  divers  semblent  sortir  d'un  poulpe  ou  d'un  arbre, 
il  faudrait  recourir  à  l'hypothèse  de  M.  F.  Houssay  qui  y  verrait  une  représen- 
tation de  la  genèse  par  créations  successives,  une  sorte  de  palingénésie  univer- 
selle ;  sur  d'autres  vases  où  un  grand  volatile  paraît  enlever  un  poisson  «  l'oiseau 
au  milieu  de  la  mer,  porté  par  le  poisson,  est  l'âme  qui  traverse  l'océan  céleste 
pour  aboutir  au  céleste  séjour.  Elle  va  bientôt  toucher  au  pollen,  nourriture 
des  bienheureux  ;  dans  un  second  panneau,  deux  autres  âmes  sont  déjà  arrivées  ; 
elles  s'en  rassasient,  pendant  que  le  poisson,  son  rôle  terminé,  gobe  un  coquil- 
lage, n  Sur  un  sarcophage  de  H.  Triada  des  oiseaux  symboliseraient  également 
l'âme  du  mort  auquel  on  offrirait  une  barque  pour  traverser  l'Océan  céleste  ; 
sur  un  autre  sarcophage,  ce  seraient  encore  des  défunts  se  rendant  au  séjour 
suprême  que  les  deux  personnes  enlevées  dans  les  airs  par  un  char  que  traînent 
deux  griôous.  En  un  mot,  c'est  tout  le  symbolisme  des  catacombes  que  le  P.  L. 
croit  pouvoir  appliquer  à  l'interprétation  des  monuments  religieux  de  la  Crète. 

Malgré  tout  ce  qu'on  peut  dire  des  influences  syriennes  ou  égyptiennes  en 
Crète,  de  semblables  spéculations  ne  me  paraissent  pas  mieux  faites  pour  expli- 
quer les  conceptions  religieuses  de  la  Crète  que  les  extravagances  de  la  r€Ugkm& 
preellenica  de  M.  Milani,  où  tout  est  symbole  dactylique  et  phallique  !  Sans 


i908.]  ANALYSES.  [P.  297* 

pouvoir  reprendre  en  détail  le  développement  du  P.  L.,  sa  faiblesse  ne  se  corn- 
prend  que  trop  bien  si  l'on  remarque  que  toute  explication  entachée  de  totémisme 
est  aussi  sévèrement  bannie  de  son  exposé  de  la  religion  Cretoise  qu'elle  Test 
de  ses  Etudes  sur  les  Religions  sémitiques  (1903).  Il  serait  facile  de  montrer,  au 
contraire,  combien  les  découvertes  archéologiques  ont  apporté  de  précisions  et  de 
confirmations  à  ce  que,  déjà,  le  seul  examen  de  la  mythologie  Cretoise  pouvait 
laisser  entrevoir  de  fétichisme  primitif  sous  ses  trois  espèces  litholâtrique,phytolâ- 
trique  et  zoolâtrique.  Ce  sont  le  saule  sacré  de  la  grotte  de  Zeus  sur  l'Ida  et  le  pla- 
tane ou  le  pilier  qui  marqueraient  son  tombeau  à  Knossos;  ce  sont,  sur  l'Ida  encore 
ou  sur  le  Diktè,  ces  pierres,  tombées  du  ciel,  pierres  à  foudre  qui  semblent  des  frag- 
ments de  la  hache  du  tonnerre  ou  blocs  oblongs  qui  évoquent  grossièrement  la 
forme  d'un  bouclier,  autour  desquels  les  Kurètes  et  les  Daktyles  dansent  en 
entrechoquant  des  boucliers  ou  des  haches  ;  c'est  là  un  moyen  bien  connu  de 
conjurer  le  tonnerre,  comme  le  saut  dans  la  mer  de  Britomartis  —  la  douce 
vierge  —  rappelle  ce  rain-charm  qu'est  la  plongée  d'une  vierge  dans  une  eau  pure 
et  comme  la  fuite  éperdue  de  cette  déesse  poursuivie  par  Minos  est  un  écho  de  la 
Wilde  Jagd,  Dans  la  grotte  du  Diktè,  qui  dépendait  sans  doute  de  Lyttos,  on 
assignait  pour  mère  ou  pour  nourrice  à  cette  pierre  emmaillotée  (que  Rhéa,  dan» 
la  légende  postérieure,  aurait  oflFerte  à  Kronos  comme  son  fils),la  chèvre  du  Diktè, 
Diktynna,  sans  doute  le  totem  des  Lyttiens  ;  fils  de  cette  chèvre,  Zeus  a  pour 
vêtement,  puis  pour  bouclier,  la  peau  de  chèvre,  Végide  ;  le  tonnerre  roule  quand 
il  l'agite  comme  la  foudre  éclate  s'il  brandit  sa  bipenne.  A  Milatos,  c'est  la  louve 
qui  aurait  nourri  le  dieu  et  il  semble  qu'il  ait  été  interdit  de  chasser  le  loup  dans 
certaines  régions  de  la  Crète^.  Dans  la  grotte  de  Psychro,  Zeus  se   serait  uni  à 
Europe,  une  des  formes  de  la  génisse  sacrée,  pour  engendrer  Minos.  Issus  de  cette 
union,  les  rois-prêtres  de  la  dynastie  minoenne   conservaient  naturellement  le 
culte  du  taureau.  Il  est  probable  qu'ils  nourissaient  perpétuellement  dans  le 
Labyrinthe  cet  Apis  crétois  qu'est  le  Minotaure  et,  que,  de  même  que  le  Pharaon, 
ils  laçaient  le  taureau  sacré  dans  des  fêtes  solennelles.  Pour  resserrer  les  liens  de 
sang  entre  le  taureau  et  son  peuple,  la  reine,  costumée  en  génisse,  devait  s'unir 
à  lui,comme  les  femmes  de  Memphis  se  découvraient  pendant  quarante  jours  devant 
Apis  ou  comme  la  basilissa  athénienne  s'unissait  ime  fois  l'an  à  Dionysos-Taureau, 
dans  ces  cérémonies  du  houkoleion  qu'on  a  rapprochées,  par  l'intermédiaire  de  la 
Crète,  des  mystères  d'Isis  et  d'Osiris.  Quoiqu'il  en  soit  de  cette  hypothèse,  c'est 
par  un  rite  pareil  que  s'explique  dans  tous  ses  détails  la  légende  de  Pasiphaè. 
Faut-il  rappeler  encore  cette  danse  du  géranos  qui  implique  l'existence  d'un  clan 
de  la  Grue,  comme  les  taurobolies,  kriobolies  ou  élaphébolies  doivent  provenir  de 
clans  du  Taureau,  du  Bélier,  du  Cerf?  Faut-il  ajouter  la  déesse  aux  serpents,  aux 
lions  et  aux  colombes,  que  présentent  de  nombreux  monuments,  le  dieu-sanglier 
dont  on  a  l'image,  le  dieu-pic  dont  on  possède  l'épitaphe,  le  dieu-coq  dont  on 

^  Sar  ce  point,  voir  ma  note  dans  la  Revue  d'Histoire  des  Religions^  1908  p.  110.  Il  semble 
avoir  été  de  même  dans  d'autres  régions  de  la  Crète,  des  ours  et  des  serpents.  Une  interdiction 
totale  de  nourriture  animale  pour  les  rois-prôtres  de  Knossos  explique  sans  doute  que  Minos  ait 
été  représenté  comme  un  végétarien,  (roir  encore  le  nouveau  fragment  des  Crétois  d*Ëuripide, 
Berliner  Klassikerteate^  1007,  XVII,  1).  Pour  les  autres  faits  allégués  on  trouvera  facilement 
les  textes  dans  la  Krèta  de  Hoeck  ou  dans  la  Griechische  Mythologie  de  Gruppe.  Un  recueil 
de  tous  les  texte«  mythologiques  relatifs  à  la  Crète  serait  aujourd'hui  particulièrement  utile; 
c*est  là  qu'on  retrouverait,  au  milieu  de  bien  des  transformations,  les  traditions  qui  permettent 
d'expliquer  les  monuments  minoens,  la  plupart  de  ces  légendes  remontant  à  des  rites  indigènea 
mal  compris  par  les  conquérants  achôens  ou  dorions. 


p.  298*1  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

connaît  le  uoiu  crétois,  Welchanios,  le  dieu  et  la  déesse-poissons  qui  paraissent 
«ur  tant  de  vases  ou  de  gemmes  et  dont  les  Grecs  firent  le  Triton  et  la  Tritô  de 
Knossos  ? 

Ces  quelques  exemples  suffisent  à  faire  entrevoir,  à  l'origine  de  la  civilisa- 
tion Cretoise,  ime  de  ces  religions  de  clans  totémistes  qui  commencent  à  se  grou- 
per en  alliant  et  fondant  leurs  totems;  c'est  l'état  même  de  celle  qu'on  connaît  si 
bien  dans  l'Egypte  des  premières  dynasties.  Il  est  particulièrement  regrettable  que 
le  P.  L.  ne  se  soit  pas  laissé  guider  par  cette  analogie  si  frappante,  d'autant  plus 
qu'il  a  bien  vu  les  rapports  étroits  qui  rapprochent  la  civilisation  minoenne  de  celle 
de  l'Egypte  contemporaine.  L'Egypte  elle-même  présente  avec  l'Élam  certaines 
analogies  ;  M.  de  Morgan  a  récemment  insisté  sur  le  développement  parallèle  de 
la  poterie  dans  «  ces  deux  foyers  des  arts  céramiques^  n  ;  c'est  de  là  que  cer- 
tains procédés  de  figuration  animale  se  seraient  répandus  en  Canaan,  en  Chypre  et 
en  Crète.  De  ces  parallélismes,  M.  de  Morgan  s'est  gardé  de  conclure  à  une  com- 
munauté d'origine  des  civilisations  qui  les  ont  vus  se  produire.  Plus  aventureux, 
le  P.  L.,  après  avoir  accumulé  les  similitudes  entre  la  Crète  et  l'Élam  (hommes- 
taureaux  sur  des  cylindres  de  Suse  semblables  à  ceux  des  sceaux  de  Zakro,  les 
trois  troncs  d'arbres  liés  ensemble,  bipenne,  croix,  svastika)  tend  à  admettre,  avec 
Winkler^,  que  les  Koudour  élamites  qui  ont  succédé  aux  Sargon  d'Agadé  dans 
l'hégémonie  de  l'Asie  antérieure  ont  poussé, comme  eux,  jusqu'à  Chypre  pour  venir, 
de  là,  eu  Crète  ruiner  les  premiers  palais  de  Knossos  et  de  Phaestos.  Le  P.  L. 
est  pourtant  trop  bon  orientaliste  pour  ignorer  que  L.  W.  King^  a  établi  réceiu- 
ment  que  cette  mer  occidentale  qu'on  faisait  traverser  à  Sargon  pour  Tamener 
jusqu'à  Chypre  est,  en  vérité,  la  mer  orientale,  le  golfe  Persique,  d'où  il  a  gagné 
le  Magan  qui  est  loin  d'être  nécessairement  le  Sinaï  ;  que,  si  les  Élamites  avaient 
occupé  le  Sinaï  vers  2800,  il  s'y  serait  produit  une  rencontre  avec  l'Egypte  dont 
nous  serions  i)robablement  informés  ;  que  la  domination  élamite  est  antérieure  à 
2000  taudis  que  le  grand  développement  des  premiers  palais  crétois  se  pl^ce  en 
2000-1800,  au  temps  de  la  XIP  dynastie...  Devant  toutes  ces  objections,  on  aurait 
aimé  que  le  P,  L.  abandonnât  l'hypothèse  élamite  comme  il  a  renoncé  à  chercher 
en  Crète  aucune  trace  d'influence  sémitique.  Il  aurait  été  bon  de  reprendre  tous 
les  arguments  indiqués  par  A.  Evans  et  D.  Mackenzie  en  Angleterre.  Orsi  et 
Paribeni  en  Italie,  S.  Reinach  et  R.  Dussaud  en  France,  qui  tendent  à  faire  de  la 
Crète  le  centre  d'expansion  de  la  civilisation  égéenne.  Les  nombreux  textes  qui 
parlent  de  colonies  Cretoises  en  Sicile,  dans  le  golfe  de  Corinthe  et  le  golfe  Sai'o- 
nique,  sur  les  côtes  d'Asie  Mineure,  à  Troie,  Erythrées,  Milet,  Magnésie,  Kaunos, 
dans  les  îles  de  la  Mer  Egée,  à  Chypre  et  dans  les  villes  philistines  de  Syrie,  toutes 
ces  traditions  prennent  de  jour  en  jour  plus  de  valeur  à  la  lumière  de  certains  faits 
archéologiques  comme  la  dispersion  dans  ces  diverses  régions  de  la  céramique 
ou  de  la  glyptique  qui  paraissent  atteindre  en  Crète  leur  plus  grand  développe- 
ment. Enfin,  comme  uue  grande  île,  dans  la  situation  privilégiée  de  la  Crète,  peut 
bien  être  devenue  le  foyer  d'une  civilisation  aussi  brillante,  mais  ne  peut  guère 
avoir  donné  naissance  aux  porteurs  de  cette  civilisation  dont  on  comprendrait 
difficilement  le  soudain  essor  après  la  longue  nuit  de  l'âge  de  la  pierre,  il  aurait 


^  •).  de  Morgan,  Revue  de  V Ecole  <V Anthropologie,  1907,  p.  409. 
«  H.  Winckler,  Der  Alte  Orient,  VI.  1  ;  VIT,  2. 

^  L.  W.  King,  Chronicles  concerning  early  babylonian  Kings,  (Luzacs  series,  1901).  Voir  les 
analyses  de  la  Retue  Archéologique^  1908,  p.  150,  3C0. 


1908.]  ANALYSES.  [P.  299. 

fallu  chercher  d'où  a  pu  venir  la  population  minoenne.  Les  indices  les  plus  divers^ 
(type  physique,  chevelure  retombant  en  longues  tresses,  pagne,  étui  phallocrypte, 
système  graphique,  culte  du  taureau  et  des  autres  animaux-totems)  reportent  vera 
l'Egypte  dont  la  brillante  civilisation  néolithique  semble  contenir  en  germe  tous 
les  éléments  qui  se  développeront  dans  la  civilisation  minoenne  ;  et  les  mêmea 
indices  engagent  à  rapprocher  des  Libyens  les  Néolithiques  de  l'Egypte.  Sans  m'é- 
tendre  davantage  sur  ces  grands  problèmes^  qui  s'imposent  à  l'attention  et  qu'on 
regrette  que  le  P.  Lagrange  n'ait  pas  plus  sérieusement  abordés,  il  ne  me  reste 
qu'à  recommander  son  livre  à  tous  ceux  qui  s'intéressent  aux  questions  soulevées 
f)ar  les  découvertes  Cretoises^.  Puisque  les  articles  de  S.  Reinach  dans  V Anthro- 
pologie, la  Gazette  et  la  Chnmigue  des  Beaux^Arts  n'ont  malheureusement  pas  été 
réunis  et  fondus  en  volume,  l'opuscule  du  P.  L.  est  le  premier  ouvrage  français 
donnant  de  ces  découvertes  un  résumé  clair  et,  surtout,  très  bien  illustré.  Il  nous 
apporte  même  la  primeur  de  deux  œuvres  de  premier  ordre  jusqu'ici  inédites  :  le 
rhyton  des  lutteurs  de  Hagia  Triada  et  le  sarcophage  de  la  même  provenance 
dont  les  peintures  montrent  de  si  curieuses  scènes  religieuses  :  sacrifice  à  des 
oiseaux  perchés  sur  des  piliers  terminés  en  bipennes  et  offrande  à  un  mort 
debout  entre  un  arbre  sacré  et  la  porte  d'une  tombe  monumentale.  Souhaitons 
qu'une  prochaîne  réédition,  en  faisant  disparaître  quelques  lapsus,  enrichisse 
encore  cette  abondante  illustration  qui  fera  plus  que  bien  des  commentaires  pour 
l'élucidation  du  problème  crétois.  A.  J.  Reinach. 


1  Je  me  permets  de  renvoyer  â  mon  étude  sur  FEgypie  préhistorique  (édition  de  la  Itetué  des 
Idées,  1908,  55  p.  in-d^*).  Je  compte  reprendre  ici-roéme  la  question  au  point  de  vue  de  la  Crète 
dana  un  prochain  article. 

^  La  faveur  avec  laquelle  ne  manquera  pas  d'être  accueilli  ce  premier  aperçu  d'ensemble  sur 
une  question  qui  a  paru  assez  importante  pour  qu'on  la  fasse  figurer  cette  année  au  programme  de 
l'Agrégation  d'Histoire,  nous  fait  un  devoir  de  signaler  les  bizarreries  d'expression  qui  déparent 
trop  souvent  l'opuscule  du  P.  L.  Je  relève  au  hasard,  p.  11  :  des  piliers  environnés  de  larges 
(nombreuses  t)  offrandes  ;  p.  22  :  le  but  de  tous  deux  (2  piliers)  était  évidemment  statique 
(architectonique  ?)  ;  p.  30  :  le  bibelot  est  nombreux  (varié  ?)  dans  le  style  dit  mycénien  ;  p.  108  : 
minimisé  le  sens  religieux....  des  savants  aussi  ewceptioneUement  éminents  ;  p.  139  :  il  a  reconnu 
que  ses  premières  audaces  n'étaient  pas  assez  résolues  (sic  \)  ;  dans  toute  la  p.  149  gentilice  est 
dit  pour  ethnique  et  le  texte  biblique  cité  l'est  de  façon  telle  qu*il  faut  recourir  À  l'original  pour 
le  comprendre  ;  d'ailleurs  il  n'est  pas  mis  dans  la  bouche  d'un  Amalécite,  comme  le  dit  le  P.  L. 
mais  d'un  esclave  égyptien,  ce  qui  semble  expliquer  son  imprécision  géographique.  Bien  d'autres 
erreurs,  évidemment  typographiques,  seraient  à  signaler  qu'une  prochaine  édition  devra  faire 
disparaître  :  p.  99,  lire  Phaestos  au  lieu  de  Pehastos,  p.  106,  lire  Weicker  au  lieu  de  Welcker, 
p.  144,  Teukros,  estjrère  et  non  père  d'AJax  etc. 


P,  800]  •    R    •    K    •    E    •    S    •  [1908* 


NOTICES  BIBLIOGRAPHIQUES. 


Sociological  Papers,  T.  Ill  4^,  382  pages.  Publié  pour  la  Sociological  Society  par  Macmillan 
et  C>%  Londres,  1907.—  Ce  volume  contient,  comme  les  deux  premiers,  un  certain  nombre 
de  conferences  lues  devant  les  membres  de  la  Société  suivies  de  discussions  critiques. 
Fort  remai*quable  est  une  double  tendance  :  vers  l'obtention  d'une  définition  exacte  de 
ce  qu'est  la  sociologie  et  le  fait  social,  et  vers  une  méthode  d'application,  au  dévelop- 
pement futur  des  sociétés,  des  résultats  de  la  théoi  le.  La  sociologie  appliquée,  sous  le 
;  nom  ù^eicgénique  a  pour  principal  protagoniste  en  Angleterre  M.  Fi*aucis  Galton, 
autour  duquel  se  groupent  un  certain  nombre  de  disciples.  Le  présent  volume  contient 
précisément  un  article  de  W.  Me.  Dougall  qui  propose  d'établir  les  taux  de  salaires 
d'après  le  nombre  des  enfants  du  salarié,  dans  Tespèce,  du  fonctionnaire  civil,  de 
manière  à  constituer  une  «  élite  ».  Les  membres  de  la  Société  qui  prirent  part  à  la  dis- 
cussion s'élevèrent  vivement,  eu  généï'al,  contre  ce  point  de  vue.  Le  premier  article  du 
volume,  par  G.  Arcbdall  Keid  traite  des  bases  biologiques  de  la  sociologie  :  il  s'agit  de 
la  question  de  l'hérédité,  ou  non,  des  caractères  acquis,  surtout  mentaux  :  les  conclusions 
pratiques  seraient  qu'il  faut,  non  pas  tant  encourager  la  formation  d'une  élite  qu'em- 
pêcher la  multiplication  des  éléments  sociaux  inférieurs.  Mais  quels  sont  ces  éléments  ? 
En  pratique,  c'est  là  qu'est  le  nœud  de  la  question.  Sont-ce  ceux  dont  les  tendances 
concordent  avec  les  tendances  générales  ambiantes,  ou  sont-ce  ceux  qui  s'opposent  à 
elles  et  sont  par  suite  les  «  éléments  de  variation  »  ?  —  M.  l.  Lionel  Taylor  étudie  com- 
parativement les  bases  de  la  science  de  l'individu  et  celles  de  la  science  des  groupements 
(sociologie).  M.  A.  Thomson  reprend  le  problème  des  bases  biologiques  de  la  sociologie  ; 
M.  Oeddes  voudrait  un  musée  social  ;  M.  A.  do  WcsseliU^ky  parle,  en  «  libéral  n,  de  la 
Révolution  russe  ;  M.  Beveridge  propose  une  solution  étatiste  du  problème  du  sans- 
travail  ;  ceux  qui  décidément  se  montrent  «  incmployables  -  seraient  déportés  dans  des 
colonies  pénitentiaires,  pour,  je  suppose,  leur  apprendre  à  vivi'e  en  l'égirae  capitaliste  ; 
M.  Beveridge  est  professeur  â  TUnivei'sité  d'Oxford.  L'article  de  M"  Sidney  Webb  sur 
les  méthodes  d'investigation  ne  donne  que  des  généralités.  M.  R.  M.  Wenley  voudrait 
voir  créer  dans  les  Universités  une  faculté  de  sociologie  comprenant  la  sociologie  his- 
torique (ethnographie,  géographie,  anthropologie  et  psychologie),  la  psychologie  sociale 
(psychologie  comparative  et  ethno-psychologie;  psychologie  expérimentale,  linguistique, 
archéologie),  la  sociologie  systématique  (éthique,  philosophie  sociale,  hiérologie,  his- 
toire des  civilisations)  et  la  sociologie  statistique  (biologie  et  biométrique,  eugénique, 
économie  politique).  Ce  schéma  en  vaut  un  autre  :  la  vie  sociale  est  si  variée  qu'on  ne 
peut  la  forcer  dans  des  limites  rigides.  D'ailleurs  une  telle  répartition  des  cours  univer- 
sitaires n'est  possible  qu'en  Amérique,  dans  quelque  ville  à  croissance  rapide  (  M,  Wenley 
est  professeur  à  P  Université  de  Michigan),  mais  non  en  Europe,  où  un  tel  rémaniement 
serait  proprement  une  révolution.  Fort  intéressante  est  la  communication  de  M.  Crawley 
sur  l'origine  et  la  fonction  de  la  religion  :  il  y  combine  le  point  de  vue  théologique  avec 
le  point  de  vue  de  psychologie  expérimentale  cher  â  M.  Havelock  Ellis  ;  les  opinions  de 
M.  Crawley  ont  été  battues  en  brèche  dans  les  discussions  orales  ou  écrites  auxquelles 
prirent  part  N.  W.  Thomas,  E.  Clodd,  Goblet  d'Alviella,  Leuba,  K.  R.  Mai'ett,  Sergi, 
Staibuck,  Steinmetz,  Tönnies,  etc.  On  ne  voit  pas  ce  que  M.  Crawley  a  gagné  quand  il 
a  dit  de  la  religion  que  c'est  une  diathèse  ou  que  c'est  une  philosophie  vitaliste,  ou  101*5- 
qu'il  s'exprime  ainsi  :  «  l'émotion  religieuse  et  la  doctrine  théologique  tracent  une  courbe 
qui  commence  et  finit  avec  la  courbe  physique  ;  mais  le  premier  et  le  dernier  résultat 
biologique  de  la  religion,  c'est  d'élever  la  nature  humaine  vers  une  puissance  supé- 
rieure »  (p.  249)  ;  la  «  crise  religieuse  -  actuelle  est  pour  M.  Crawley  le  début  d'une  péiiode 
nouvelle,  celle  de  «  la  connaissance  et  de  l'application  scientifique  de  la  religion  -.  Enfin 
M.  Wells  nie  l'existence  même,  comme  science,  de  la  sociologie  et  affirme  qu'elle  ne  peut 
consister  qu'en  la  création  û' Utopies.  A.  v.  G. 


1908.]  NOTICES   BIBLIOGRAPHIQUES.  P.  301.] 

J.  F.  Hewitt.  Primitive  tradittonnal  history,  2  y  oh  S'* ,  1024  page.«,  cartes,  planches.  J.  Par- 
ker et  O,  Londres,  1907.  —  On  ne  saurait  nier  la  patience  ni  Térudîtion  de  M.  Hewitt, 
auteur,  déjà,  de  plusieurs  traités  sur  «<  Thistoire  et  la  chronologie  de  l'époque  m:^ho- 
poétique  »  et  sur  «  les  races  dominatrices  des  temps  préhistoriques  ».  Son  dernier 
Ouvrage  repi'ésente  un  effort  considérable,  non  seulement  documentaire,  mais  surtout 
d'interprétation.  Celle-ci  est  malheureusement  d*une  qualité  telle  qu'on  ne  peut  en 
faire  la  critique  que  malaisément.  Le  point^de  vue  de  Fauteur  est  que  les  mythes  et  les 
légendes  des  peuples  de  l'antiquité  classique,  égyptienne,  assyro-babylonienne,  exti*éme- 
orientale  d'une  part,  hindoue  de  l'autre,  puis  des  peuples  demi-civilisés  actuels  sont  de 
véritables  documents  historiques.  Au  lieu  de  les  tourner  en  dérision,  on  ferait  mieux 
de  les  comprendre.  Sur  ce  point,  M.  Hewitt  a  pleinement  raison,  et  nous  pensons  comme 
lui  que  la  comparaison  des  légendes  australiennes  ou  amérindiennes  et  des  mythes  de 
l'antiquité  européenne  ou  orientale  est  le  seul  procédé  qui  puisse  conduire  à  l'intelligence 
de  ces  derniers.  Comment  I  C'est  ici  qu'on  ne  suit  plus  M.  Hewitt  que  difficilement.  Il 
affirme  en  effet  que  toute  la  production  mythologique  est  à  base  astrale.  Il  distingue 
l'Age  de  l'Etoile  Polaire,  l'Age  Lunaire-Solaire  et  l'Age  Solaire.  Pendant  le  pi*emier  de 
ces  Ages,  l'année  a  été  mesurée  par  la  révolution  de  Canope,  dés  Pléiades  et  d'Orion,  puis 
du  Soleil  autour  du  Pôle,  etc.  M.  Hewitt  tente  en  conséquence  de  déterminer  si,  chez, 
les  diverses  populations,  le  calcul  du  temps  répond  à  l'une  ou  à  l'autre  des  divisions  et 
des  subdivisions  qu'il  a  pensé  découvrir  par  l'étude  comparée  des  textes  «  les  plus- 
anciens  ».  Il  a  occasion  ainsi  d'examiner  tour  à  tour  toutes  les  croyances  et  tous  les 
actes  rituels  qui  conceinent  les  divers  astres,  les  divers  animaux,  les  diver*ses  plantes, 
les  diverses  institutions  et  de  construire  comme  une  histoire  univei*selle  des  religions. 
—  n  semblera,  je  pense,  inutile  d'indiquer  combien  cette  méthode  diffère  de  la  nôjtre.  11 
est  peu  de  livres  où  il  soit  aussi  peu  tenu  compte  de  tous  les  facteurs  qui  contribuent  à 
la  formation  et  à  révolution  des  religions.  Il  en  est  peu  aussi  qui  démontrent  comment 
la  méthode  comparative  peut,  entre  des  mains  inexpérimentées,  et  sous  l'influence  d'un 
système  préconçu,  devenir  un  instrument  dangereux  pour  la  science  même  à  la  consti- 
tution progressive  de  laquelle  elle  a  pour  objet  de  contribuer.  A.  v.  G. 

Marsymilian  Baruch.  Boze  siopki.  Archeologia  i  folklor  hamieni  z  wyzXobionymi  ski' 
dami  stop,  Warszawa,  E.  Wende  i  Sp.  1907.  8»  pp.  113.  —  L'auteur  désigne  du  nom  de 
«  Bo^e  Stopki  »  (pieds  divins)  les  empreintes  merveilleuses  en  forme  de  pieds,  qu'il  décrit 
très  soigneusement.  Nous  trouvons  dans  cet  ouvrage  276  faits  classés  dans  un  ordre 
géographique.  En  ce  qui  concerne  l'Europe  la  plus  grande  place  est  donnée  naturellement 
à  la  description  des  empreintes  polonaises  (57  faits)  et  aux  légendes  qui  s'y  attachent. 
Quant  aux  autres,  elles  ont  été  d^â,  pour  la  plupart,  recueillies  dans  les  collections 
occidentales  («  Revue  des  traditions  populaires  »et  «  Archivio  delle  tradizioni  •*). 
M.  Baruch  nous  promet  une  nouvelle  édition  de  son  travail  :  il  serait  à  désirer  que  la 
deuxième  édition  ne  fût  pas  une  répétition  des  faits  recueillis  dans  la  première,  mais 
plutôt  un  supplément  et  un  essai  de  classification  d'une  collection  de  matériaux  déjà 
bien  riche.  Thadée  Smolbnski. 

Ed.  Meyer.  Das  erste  Auftreten  der  Arier  in  der  Geschichte  (extrait  des  Sitzungs- 
berichte de  l'Académie  de  Berlin,  1908,  l,  p.  1419).  —  Uno  importante  série  de  tablettes 
d'argile,  découverte  récemment  en  Cappadoce  et  dont  M.  H.  Winckler,  l'assyriologue 
bien  connu,  a  donné  un  premier  aperçu,  a  fourni  un  traité  conclu  par  un  roi  de  Mitani 
avec  un  roi  des  Hittites  au  début  du  XIV«  siècle  av.  J.  C.  Parmi  un  grand  nombre  de 
divinités  d'origines  diverses  invoquées  par  le  roi  de  Mitani,  se  rencontrent  quatre  dieux 
du  panthéon  indo-iranien  :  Mitra  et  Uruuma  ou  Aruna  (c.-à-d.  Varuna)  d'une  part, 
Tndar  ou  Indara  (c-à-d.  Indra)  et  les  Naiatia  (c-à-d.  les  Näsatya)  de  l'autre.  Tel  est 
le  fait  sur  lequel  l'éminent  historîen  de  l'antiquité,  M.  Ed.  Meyer,  appelle  l'attention 
dans  cette  note. 

Les  conclusions  sûres  à  tirer  de  là  sont  d'abord  que  le  panthéon  indo-iranien,  tel  qu'il 
apparaît  d'une  façon  claire  dans  les  Véda8,et  indirectement  dans  l'Avesta  était  constitué 
d'une  manière  précise  dès  le  commencement  du  XIV«  siècle  av.  J.  C,  que  par  consé- 
quent les  Aryens  (au  sens  précis  du  mot,  à  savoir  :  Indo  iraniens)  formaient  dès  lors 
un  groupe  bien  défini,  et,  en  second  lieu,  qUe  les  Aryenâ  ettarçaient  déjà  une  influence 
jusqu'en  Cappadoce.  Ce  second  fait  était  du  reste  établi  par  ceci  que  plusieurs  rois  de 


p.  302.1  •    It    •    E    •    E    •    S    •  [laOÄ. 

Mitani  (sur  le  haut  cours  de  PEuphrate)  portent  au  XV«  s.  av.  J.  C.  des  noms  de  type 
visiblement  indo-iranien.  Sur  les  influences  indo-iraniennes  du  XVni«au  XIV«  s.  av.  J.C. 
dans  le  monde  connu  par  les  peuples  assyriens  et  égyptiens,  M.  £d.  Meyer  promet  de 
donner  de  plus  amples  détails  dans  uu  prochain  cahier  de  la  Zettschrift  für  ver- 
gleichende Sprachforschung.  La  nouvelle  trouvaille  n'est  donc  pas  un  fait  isolé.  Telle 
qu'elle  est,  elle  fournit  le  premier  témoignage  de  l'entrée  des  Aryens  (Indo-Iraniens) 
dans  rhistoire,  et  même  le  premier  témoignage  positif  qu'on  possède  d'une  langue 
indo-européenne  quelconque. 

Pour  discuter  les  vues  de  M.  Ed.  Meyer,  il  convient  d'attendre  la  mise  au  jour  du  grand 
article  qu'il  annonce  ;  il  y  aura  peut  être  lieu  de  revenir  alors  sur  la  question.  En 
attendant,  on  se  bornera  ici  à  de  brèves  remai'ques. 

Sous  la  forme  où  les  noms  sont  livrés,  ils  sont  exactement  pareils  aux  formes  védi- 
ques, et  difTérents  des  formes  iraniennes  :  on  a  naèatia,  c.-à-d.  le  védique  näsaiya^  et 
non  näha^ya  (zend  nänhaiSya),  M.  Ed.  Meyer  conclut  de  là  que  le  passage  ûe  s  à.  h 
qui  caractérise  éminemment  l'iranien  n'était  pas  encore  accompli.  Mais,  bien  que  les 
Aryens  les  plus  proches  qui  soient  attestés  à  date  historique  soient  les  Iraniens,  est-on 
sûr  qu'il  s^agiäse  ici  d'Iraniens,  déjà  1  Sans  doute,  la  ressemblance  que  les  formes  attes- 
tées présentent  avec  le*  formes  sanskrites  est  fortuite  et  tient  simplement  à  ce  que  le 
sanskrit  a  gardé  pour  tous  ces  mots  la  forme  indo-iranienne  commune  d'une  manière 
âdèle,  conformément  aux  règles  générales  de  sa  phonétique.  Sans  doute  aussi  la 
ressemblance  des  dieux  attestés  ici  avec  les  dieux  védiques  plus  qu'avec  les  dieux 
iraniens  tient  à  ce  que  le  panthéon  aryen  n'est  conservé  exactement  que  dans  Finde, 
et  à  ce  que  l'Avesta  en  gai'de  seulement  un  souvenir  indirect  et  présente  dans  Tenscmble 
une  religion  nouvelle.  Mais  il  a  pu  et  dO  y  avoir  d'autres  tribus  de  langue  indo-iranienne 
qtie  celles  qui  ont  fourni  los  populations  <^  védiques  »  d'une  part,  les  populations  ii*a- 
niennes  de  l'autre.  Le  plus  sage  est  de  demeurer  sur  la  réserve  à  cet  égard  ;  on  est  trop 
loin  de  Tlnde  et  de  l'Iran,  trop  loin  aussi  des  premiers  textes  datés  de  l'Inde  et  de  l'Iran 
pour  pouvoir  rien  affirmer. 

On  s'est  demandé  si  les  Aryens  étaient  entrés  en  Asie  par  l'Est  ou  par  l'Ouest  de  la 
Caspienne.  La  nouvelle  trouvaille  viendrait  plutôt  appuyer  l'hypothèse  qui  fait  passer 
les  Aryens  par  le  Caucase.  Et  alors  il  n'y  aurait  aucune  raison  pour  «pire  que  l'aryen 
du  roi  de  Mitani  soit  spécialement  de  l'iranien.  C'est  peut-être  un  tout  autre  dialecte 
qui  aurait  disparu  par  la  suite. 

Il  y  a  eu  de  tout  temps  des  relations  entre  les  populations  de  langue  indo  européenne 
et  le  monde  assyro-babylonien.  M.  Joh.  Schmidt  l'a  montré  depuis  longtemps  en  ce  qui 
concerne  l'indo-européen  commun  ;  le  nom  sanskrit  paraçw-  et  grec  pelekus  de  la 
hache,  qui  est  emprunté  à  l'assyrien  piJakhu,  en  est  la  preuve  la  plus  certaine. 
M.  Oldenberg  a  soupçonné  des  emprunts  de  la  religion  védique  à  la  religion  baby- 
lonienne. Voici  maintenant  que  l'on  découvre  les  noms  des  principaux  dieux  indo- 
iraniens dans  un  traité  écrit  en  caractères  cunéiformes.  Pour  être  lointaines,  les 
relations  n'en  ont  pas  moins  été  reprises  constamment,  on  le  voit.        A.  Meillet. 

R.  DB  RusTAFJAELL.  PaloeoHthic  Vessels  of  Egypt.  Londres,  Macmillan,  1^7.  In-S«,  23  p. 
et  13  planches.  —  Au  printemps  1906,  M.  de  R.  a  exploré  avec  soin  les  dépôts  paléolir 
thiques  disséminés  sur  le  plateau  désertique  qui  s'étend  à  l'ouest  de  Nagada,  Thèbes  et 
Gébêlen.  A  côté  des  belles  séries  de  silex  éclatés  et  taillés  qu'il  y  a  recueillies  comme 
tous  les  explorateurs  qui  l'ont  précédé,  il  a  été  le  premier  à  remarquer  de  véritables 
amas  de  blocs  d'un  calcaire  très  spongieux  grossièrement  évidés.  Api'ès  les  avoir  pris 
d'abord  pour  des  lusus  naturae,  il  s'est  bientôt  convaincu  qu'il  était  en  présence  de 
géodes  creusés  de  main  d'homme  qui  affectent  toutes  lea  formes  depuis  la  petite  cupule 
arrondie  jusqu'aux  grandes  auges  quadrangulaires.  Leur  découverte  permet  de  s'expli- 
quer les  vases  de  pierre  dure  qu'on  trouve  parvenus  à  une  étonnante  perfection  au 
Néolithique  égyptien  ;  ces  vases  seraient  le  résultat,  pour  la  forme,  de  l'évolution 
de  ces  géodes  paléolithiques,  et  pour  le  décor,  de  l'imitation  des  calebasses  serrées 
par  des  cordes  ou  des  paniers  en  vannerie.  A.  J.  Reinach« 

Ad.  Lods.  La  croyance  d  la  vie  future  et  le  culte  des  morts  dans  r  antiquité  Israelite^ 
2  V.  in-8, 1. 1,  VlII-292  p.  ;  t.  II,  VM90  p.  Paris,  Fischbacher,  1906-7:  —  Animistes  à  la 
façon  de  tous  les  peuples  primitifs,  les  Hébreux  ont  cru  d'abord  qu'il  y  avait,  dans 


1908.]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  3Ö8# 

l'homme,  un  double  qui  le  faisait  vivre  et  qui  survivait  à  la  mort.  Par  opposition  au 
corps,  basar,  on  trouve  ce  second  élément  essentiel  de  Têtre  appelé  tour  à  tour  nefech 
et  rouah.  M.  L.  incline  à  ne  pas  voir  entre  ces  deux  termes  plus  de  diflTérence  que  nous 
n'en  mettons  entre-«  âme  »  et  «  esprit  n.  Cependant  nefech  ayant  fini  par  signifier  «  le 
cadavre  n  et  par  désigner  la  stèle  funéraire  elle-même,  il  est  possible  que  ce  terme 
remonte  à  une  époque  où  Ton  croyait  que  le  double  demeurait  dans  le  corps  même  aprè« 
la  mort  ;  cette  âme  corporelle  réside  essentiellement  dans  le  sang  que  les  Hébreux 
pourront  offrir  à  lahvêh  comme  l'essence  même  de  ses  victimeis,  mais  qu'ils  se  refuseront 
à  absorber  pour  ne  pas  troubler  leur  âme  individuelle  par  l'invasion  d'âmes  étrangères. 
Lorsque  «  le  sang  crie  »»,  M.  L.  pense  que  c'est  parce  que  l'âme  y  subsiste.  La  rouah 
"  semble  appartenir,  au  contraire,  à  une  conception  plus  spiritualiste,  postérieure  à  la 
Captivité.  C'est  proprement  le  souffle  qui,  dans  la  Genèse,  est  envoyé  et  retiré  à  l'homme 
au  gré  de  Dieu  ;  on  glisse  déjà  sur  la  pente  qui  conduira  à  considérer  l'âme  individuelle 
comme  une  émanation  de  l'âmeuniverselle.  De  môme,  les  rites  funéraires  se  diviseraient 
en  rites  préservatifs,  procédant  de  la  crainte  du  nfort  et  de  la  mort,  et  en  rites  propi- 
tiatoires destinés  à  mettre  en  communion  avec  le  mort  et  à  se  le  rendi'e  favorable.  Dans 
la  l"  catégorie  rentreraient  :  fermer  les  yeux  du  mort  pour  enlpêeher  son  esprit  de 
sortir  ;  ôter  ses  vêtements  et  se  i-evêtir  du  sac  pour  éviter  toute  contagion  ;  jeûner 
pour  ne  pas  risquer  d'avaler  l'esprit  du  mort  avec  les  aliments  contaminés  ;  se  rouler 
dans  la  poussière,  se  couvrir  de  condi'e  pour  se  rendre  méconnaissable  ;  dans  la  2«'»  :  les 
lamentations,  mutilations,  offrandes  de  la  chevelure,  repas  funéi'aiies  et  sacrifices.  Dans 
cette  dernière  période  il  y  a  évidemment  culte  des  ancêtres,  mais  rien  n'indique  qu'ils 
aient  été  conçus  comme  autant  û*eiohim  rivaux  ou  du  moins  indépendants  de  lahvôh 
dans  le  cheol,  ni  même  incarnés  dans  les  teraphim  protecteurs  de  la  maison  qui  sont 
plutôt  les  t<  génies*  du  lieu  ».  Rien  ne  permet  surtout  de  ne  considérer  comme  propre- 
ment  religieux  que  les  rites  impliquant  l'adoration  du  mort  à  l'exclusion  de  ceux  qui 
sont  fondés  sur  sa  crainte  :  la  tonsure  paraît  bien  du  même  ordre  que  la  prise  du  sac, 
le  hululement  n'est  pas  moins  eflacace  que  le  roulement  à  terre  pour  détourner  l'esprit 
du  mort.  —  Bien  que  cette  mécompréhension  du  phénomène  religieux  fausse  dans  une 
certaine  mesure  tout  l'ouvrage  de  M.  L.,  il  n'en  gardera  pas  moins  la  valeur  du  plus 
complet  et  du  plus  méthodique  recueil  de  textes  existant  sur  ces  matières  complexes. 

A.  J.  Reinach. 

.JosEF  VoRMOOR.  Soziale  Gliederung  im  Frankenreich  ;  Leipziger  historische  Abhand- 
lungen, edit,  par  Brandenburg,  Seeliger  et  Wilcken,  VI.  Leipzig,  1907,  Quelle  et  Meyer, 
105  p.  in-8<>,  3  mks  50.  —  Ce  livre  porte  un  titre  qui  ne  correspond  pas  exactement  à  son 
contenu.'  Kn  réalité,  il  traite  presque  exclusivement  des  personnes  placées  dans  une 

-  ;  situation  intermédiaire  entre  l'esclavage  et  la  liberté,  c'est-à-dire  des  affranchis,  des 
Romains,  des  homines  regii  et  ecclesiastici,  des  colons,  etc.  En  outre  il  n'étend  ses 
investigations,  dans  l'espace,  qu'aux  seuls  territoires  occupés  directement  par  les  tribus 
franques,  et  il  en  exclut  d'importantes  parties  de  l'empire  franc  (le  midi  de  la  France, 
entre  autres). 

Primitivement,  il  n'y  a  de  pleinement  libres  que  les  Francs  ingénus  qui  font  partie 
d'une  Sippe.  On  leur  assimile  toutefois,  par  faveur  spéciale,  les  esclaves  affranchis  dans 
la  forme  f ranque  par  excellence,  celle  de  la  manumissio  per  denarium  ante  regem* 
'A  côté  de  ces  personnes  pleinement  libres  il  existe  aussi  des  personnes  qui  ne  jouissent 
que  d'une  demi-libei*té.  Ce  sont,  dès  avant  les  invasions,  les  Utes,  qui  se  distinguent 
pourtant  des  esclaves  par  certains  privilèges  juridiques  ;  ce  sont,  après  les  invasions, 
les  Romains,  et  l'on  comprend  sous  ce  nom,  non  seulement  les  Romains  de  race,  mais 
aussi  les  esclaves  affranchis  par  des  procédés  romains  (affranchissement  jper  tabulam 
et  per  cartam).  Sous  les  Carolingiens,  l'infériorité  sociale  des  Romains  ingénus  s'efface  ; 
ils  acquièrent  la  pleine  liberté,  et  l'assimilation  complète  avec  les  Francs  ;  le  terme  de 
Francus  désigne  désormais  un  homme  libre,  quelle  que  soit  sa  race  (sauf  dans  ÏEwa 
Chamavorum,  où  Yhomo  francus  est  un  noble).  Les  affranchis  dans  les  formes  romai- 
nes obtiennent  aussi,  grâce  à  l'intervention  de  l'Eglise,  d*être  traités  cOnmie  les  ingénus 
quant  aux  droits  politiques  ;  mais,  dans  le  domaine  du  droit  privé,  ils  restent  frappés 
de  certaines  infériorités  successorales,  et  rattachés  à  leurs  anciens  maîtres  par  certains 

'  •  liens  de  dépendance.  A  partir  du  IX«  siècle,  le  développement  prend  une  direction  nou- 
velle. Quand  un  madtre  affranchit  son  esclave  par  un  mode  romain,  il  en  fait  le  plus 


T.  804]  •    R    •_£    •_£    •    S^-     ^  [1908» 

souvent  remise  à  TEglise,  qui  le  prend  sous  sa  protection  moyennant  une  l'edevance, 
certains  services  déterminés,  et  ceitains  droits  à  percevoir  en  cas  de  moi't  ou  de  maiiage. 
Ce  système  ne  tarde  pas  à  paraître  avantageux  même  à  des  ingénus  qui,  poussés  par  la 
pauvreté  ou  le  sentiment  de  leur  faiblesse,  se  livrent  &  TEglise.  Ainsi  se  développe  la 
catégorie  des  censuaîes.  On  a  souvent  beaucoup  de  peine  à  décider,  d'après  les  termes 
de  la  charte  do  tradition,  si  ces  cetuuales  demeurent  libres  ou  non. 

Ainsi  les  anciennes  inégalités  sociales  tendent  à  se  niveler  par  le  relèvement  des 
classes  placées  originairement  dans  une  condition  inférieure.  La  même  évolution  se 
réalise  pour  les  homines  regit  et  ecclesiastid.  Ces  protégés  du  roi  ou  de  l'Eglise,  qui 
jouissent  comme  tels  de  certains  prïvilèges  refusés  aux  protégés  des  personnes  privées, 
n'ont  point  à  l'époque  mérovingienne  la  pleine  liberté  ;  leur  wergeld  reste  inféiieur  de 
moitié  à  celui  des  Francs.  Mais  à  l'époque  carolingienne,  cette  inférioiité  disparait,  et 
ils  obtiennent  la  libellé  de  droit  commun.  Aussi  cessent-ils  de  porter,  dans  les  sources 
carolingiennes,  le  nom  à'homines  regit  ou  ecclesiastid.  La  terminologie  change,  et 
ceux  qu'on  désigne  ainsi  sont  des  fiscalini,  serfs  des  domaines  royaux. 

Même  dans  les  plus  basses  classes,  un  relèvement  analogue  s*obscrve  :  ainsi  presque 
partout  le  tarif  du  toergeld  est  augmenté  pour  les  Mes. 

Ce  relôvement  des  classes  inférieures  est  le  témoignage  d'une  fusion  des  races  autrefois 
juxtaposées.  La  ditTôrence  d'origine  s*atténue  et  cesse  de  fonder  une  difféi'ence  de  con- 
ditions sociales.  Dès  la  tin  du  IX«  siècle  les  lois  pei^sonnelles  cèdent  la  place  aux  lois  ter- 
ritoriales. Il  ne  faudrait  pas  croire  pourtant  que  toute  distinction  juridique  s'efface  entre 
les  personnes,  et  imaginer  une  société  fondée  sur  Tégalité.  Bien  au  conti*aire  :  on  voit 
certaines  distinctions  s'accuser,  d'autres,  toutes  nouvelles,  apparaître.  Mais  elles  ont 
leur  source  non  plus  comme  auti-ofois,  dans  la  différence  des  nationalités,  mais  dans  la 
différence  des  situations  économiques,  et,  suilout,  dans  la  différence  des  titres  aux- 
quels on  possède  la  terre. 

Telles  sont,  en  raccourci,  les  conclusions  du  livre  de  M'  V.  Elles  sont,  sinon  très 
originales«,  du  moins  très  pioidentcs  et  très  sensées.  Elles  s'appuient  sur  un  dé(X)uil- 
lement  consciencieux  des  principales  sources  (lois  barbares,  capitulaires,  formules, 
chartes,  polyptyques).  Elles  manquent  sans  doute  de  vues  sufßsamment  pénétrantes  sur 
les  conditions  économiques  du  développement,  et  de  toute  notion  de  sociologie  ou  de 
droit  comparé  :  ce  n'est  pas  à  M'  V.  qu'il  faudra  demander  par  exemple  quelles  sont  les 
origines  et  la  portée  des  rites  d'affranchissement  qu'il  décrit  :  Sans  doute  W  V.  foimé 
à  l'école  do  G.  Seeliger,  estime-t-il  que  la  recherche  historique  exclut  toute  préoccu- 
pation généralisât  rice?—  Quoi  qu'il  en  soit,  on  pourrait,  même  au  point  de  vue  de  la 
méthode  qull  suit,  lui  adi^esser  certaines  critiques.  Je  me  bornerai  à  noter  qu'il  parait 
ignorer  toute  la  littét^ature  non-allemande  de  son  sujet.  Il  n'a  utilisé  ni  l'essai  capital 
de  M.  Fouiaier  sur  Les  formes  et  les  effets  de  V affranchissement,  ni  l'article  de  Van- 
derkindere  sur  les  tribularii,  ni  les  travaux  d'Hanauer  et  Mossmann  sur  les  oolonges 
alsaciennes  ou  lorraines,  etc.  ;  et  les  travaux  de  Fustel  de  Coulanges  méritaient  mieux 
que  la  mention  incidente  qui  leur  est  consacrée. 

P.  HUVEUN. 

Philipp  Heck.  Die  friesischen  Standesverhältnisse  in  nachfränhischer  Zeit,  (Avec  des 
^  notes  linguistiques  de  Theodor  Stiebs).  Extr.  (p.  51-230)  de  la  Festgabe  der  Tübinger 
Juristenfahultät  für  Friedrich  von  Thicdichum,  Tübingen,  1907.  H.  Laupp^  in-8^  — 
Ceci  est  un  ouvrage  de  polémique.  Le  débat  porte  sur  la  question  suivante  :  La  loi  des 
Frisons,  rédigée  à  l'époque  Carolingienne,  connaît  trois  classes  de  personnes  :  les 
nobiles  (edelingen),  les  liberi  (frilingen)  et  les  liti  (kUen),  dont  la  différence  de  con- 
dition se  manifeste  notamment  par  une  tarification  différente  pour  le  toergeld  et  les 
amendes.  Que  sont  devenues  ces  trois  classes  au  cours  du  Moyen  Age  ?  Richthpfen 
enseignait  qu'elles  ont  subsisté.  Heck  a  soutenu  au  contraire,  dans  plusieurs  ouvrages, 
qu'elles  se  sont  fondues,  et  ont  fait  place  à  une  classification  sociale  entièrement  diffé- 
rente. Mais  récemment  le  numismate  Jaekel  a  repris  la  question,  et,  tout  en  adhérant 
à  certaines  conclusions  de  Heck,  a  cherché  à  établir  notamment  que  la  tarification 
différente  du  toergeld  et  des  amendes  s'est  maintenue  durant  tout  le  moyen  âge.  C'est 
contre  ce  principe  et  ses  corollaires  que  polémique  Heck  dans  le  présent  mémoire,  en 
versant  d'ailleurs  au  débat  tout  un  matériel  de  preuves  nouvelles  ou  renouvelées.  II 
établit,  par  une  argumentation  convaincante,  qu'il  n'existait  qu'un  tarif  des  aînées 


1908«]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P,  305* 

pour  toutes  les  classes  (p.  62-103)  ;  que  ce  tarif  est  celui  des  Edelingen  de  la  lex  Frisio- 
num,  et  non  celui  des  FHiingen  (p.  103-177),  et  que  cette  unification  s'explique  par 
l'ascension  des  classes  inférieures  jusqu'au  niveau  de  la  classe  privilégiée,  et  spéciale- 
ment par  la  conquête  de  la  pleine  liberté  réalisée  par  les  Frilingen  (p.  177-221). 

P.   HUVELIN. 

JE-  VON  KûNssBERG.  üßber  die  Strafe  des  Steintragens.  (Fase.  91  des  Untersuchungen 
zur  Deutschen  Staats-  und  Rechtsgeschichte  publiées  par  G.  Gierke),  8»,  65  pages, 
Breslau,  M.  et  H.  Marcus,  1907,  2,40  Marks  —  Il  s'agit,  dans  cette  monographie  fondée 
sur  un  dépouillement  étendu  des  recueils  de  droit  coutumier  allemand,  et  surtout 
bavarois  et  autrichien,  du  supplice  appelé  llthophorie  en  France,  (la  pierre  des  mau- 
vaises  langues^  la  pierre  de  scandale).  On  y  condamnait  uniquement  les  femmes,  pour 
querelles  en  public,  insultes  aux  personnes  respectables,  emploi  de  mots  défendus,  etc. 
Le  point  de  départ  serait  la  France  :  de  là  la  coutume  se  serait  répandue  dans  le  reste  de 
l'Europe  Centrale,  et  surtout  dans  la  Basse-Autriche.  On  devait  porter  de  grosses  pierres 
ordinaires,  souvent  au  nombre  de  deux  et  attachées  par  une  corde  ou  une  chaîne,  soit 
des  pierres  servant  do  poids,  soit  encore  des  pierres  en  forme  de  bouteille,  de  tête,  etc. 
La  condamnée  avait  à  faire  un  certain  parcours,  soit  dans  la  commune  ou  jusqu'à  ses 
limites,  soit  dans  la  commune  voisine  ;  elle  était  l'objet  des  risées  publiques  ;  cet  ensem- 
ble d'actes  constitue  la  Harmschar  {harmiscara  de  Du  Gange).  La  portée  et  la  forme 
sociales  de  la  sanction  y  sont  très  nettes.  Grimm  a  voulu  y  voir  une  survivance  atténuée 
de  la  lapidation.  Waitz  voit  dans  la  pierre  la  marque  de  la  spécialité  ancienne  des 
femmes,  de  moudre  le  blé,  et  note  que  souvent  la  pierre  de  scandale  était  une  vieille 
meule  de  moulin,  ou  se  conservait  au  moulin.  M.  von  Künssberg  accepte  cette  interpré- 
tation; il  rappelle  des  sanctions  analogues  :  le  chevalier  avait  à  porter  un  chien,  l'évoque 
un  manuscrit,  le  paysan  une  roue  de  charrue,  etc.,  et  regarde  toutes  cesphories  comme 
représentant,  d'une  manière  symbolique,  l'ancien  asservissement  de  la  femme,  du 
chevalier,  du  paysan,  de  l'homme  d'église,  etc.  ayant  contrevenu  à  certaines  règles  de 
droit  ou  ayant  porté  atteinte  à  Ihonneur  d'autrui.  L'auteur  s'est  arrêté  là  :  il  est  évident 
qu'une  étude  plus  étendue,  comparative,  de  id^phorie  comme  sanction  serait  fort  inté- 
ressante. Notamment  les  procédés  usités  chez  les  divers  peuples  pour  marquer  l'asser- 
vissement pour  dettes  ou  encore  la  déchéance  de  classe  ou  de  caste  fourniraient  des 
parallèles  utilisables.  A.  v.  G. 

Jiî.  Begemann.  Zur  Legende  vom  Heiligen  Georg,  dem  Drachentöter,  Extrait  (pp.  97-116) 
delà  Festschrift  présentée  par  l'Ecole  Normale  d'Altona  au  AS"  Congrès  des  Philo- 
logues Allemands. 

E.  0.  Gordon.  Saint  George,  Champion  of  Christendom  and  Patron  Saint  of  England, 
8o,  142  pages,  25  planches,  Londres,  Swan  Sonnenschein,  1907,  21  sh. 

Contre  Vetter,  M.  B.  admet  que  la  légende  de  St.  Georges  telle  qu'elle  se  trouve  dans 
Des  Knaben  Wunderhorn  provient,  par  Ein  christliches  catolisches  Rue f  bucht,  1601 ,  de 
de  la  Légende  Dorée  de  J.  de  Voragine  ;  il  montre,  en  juxtaposant  les  deux  textes,  leurs 
analogies,  et  combien  minimes  sont  les  variantes.  L'auteur  examine  ensuite  de  près  deux 
poésies  populaires  grecques  relatives  au  saint  et  discutées  déjà  par  Kirpitchnikof  et  par 
Vetter  ;  il  montre  qu'elles  ne  sont  pas  toutes  deux  Cretoises,  comme  on  l'admettait  :  la 
première,  fragment  d'un  poème  plus  long,  est  en  dialecte  grec  méridional,  mais  non  pas 
Cretois.  Le  poème  en  dialecte  crétois  daterait  du  milieu  du  XV«  siècle,  plus  exactement 
entre  1453  (chute  de  Constantinople)  et  1522  (prise  de  Rhodes  par  les  Turcs). 

Le  livre  de  M«  Elizabeth  Oke  Gordon  est  fait  à  un  autre  point  de  vue  :  le  seul  thème 
légendaire  examiné  est  celui  de  la  Légende  Dorée,  complété  par  les  renseignements  des 
Acta  Sanctorum,  et  accompa;;né  de  plusieurs  planches  (notamment  des  photos  des 
ruines  de  Lydda).  L'intérêt  du  volume  tient  à  une  revue  intéressante  des  adaptations 
locales,  surtout  anglaises,  de  la  légende  (dragons  de  Wantley,  de  la  Forêt  St.  Leonhard 
près  Norsham,  de  Lyminster,  etc.). Le  2«  chap,  décrit  les  offices  et  les  fôtes  consacrées  à 
St.Georges  dans  les  liturgies  anciennes  et  dans  les  institutions  plus  modernes  (La  Société 
•de  St.Georges  et  la  Table  Ronde,  etc.)  puis  l'entrée  de  la  légende  dans  l'ancienne  litté- 
rature anglaise.  Puis  vient  une  histoire  de  l'ordre  anglais  de  St-Georges  et  la  biographie 
des  principaux  chevaliers.  Le  chapitre  IV  traite  de  St-Georges  dans  l'art  anglais  ;  il  est 
illustré  de  nombreuses  photographies  d'après  d'anciens  manuscrits  et  d'anciens  bois. 


F.  806.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

La  reliure  elle-même,  en  relief,  reproduit  une  vieille  reliui-e  du  XVI'  siècle  représentant 
St.  Georges,  le  Dragon,  la  vierge  sacrifiée,  un  ch&teau-fort,  et  une  scène  de  chasse. 
Puisque  Tauteur  a  pris  goût,  comme  tant  d'autres,  à  l'étude  de  St.Georges,  on  voudrait 
lui  voir  publier  un  traité  spécial  sur  Ticonographie,  non  plus  seulement  anglaise, 
mais  aussi  continentale  et  orientale,  du  Saint.  A.  v.  G. 

F.  G.  Stebler.  Am  Lötschberg;  Land  vvd  Volk  von  Lötschen.  8»,  130  pages,  138  ill., 
Zurich,  A.  Müller,  1907. 4  frs.  —  On  devait  déjà  à  M«  Stebler  une  admirable  monographie 
snr  l'industrie  pastorale  et  la  vie  de  montagne  en  Suisse,  Alp-und  Weide-WirUchaft 
(Berlin),  puis  deux  monographies.  Ob  den  Heidenreben  (Berne)  et  Das  Goms  und  die 
Gomser  (Zurich,  Bürkli,  1903,  3  frs.).  Dans  ces  travaux,  comme  dans  le  deraier,  on 
trouve  une  application  modèle  de  la  méthode  descriptive.  M.  Stebler  en  effet  montre 
sans  cesse  le  lien  entre  la  nature  physique  et  Torganisation  sociale,  et  comment  la  mon- 
tagne  entraine  nécessairement  des  systèmes  de  propriété  et  d'exploitation  spéciaux.  Le 
procédé  d'exposition  est  géographique  :  poui-  montrer  le  genre  de  vie  dans  la  vallée  de 
Loésche,  M.  Stebler  la  remonte  depuis  le  Rhône  et  décrit  tour  à  tour  les  villages 
traversés,  la  nature  des  terres  qui  leur  appartiennent,  les  petites  industries  locales  ;  il 
résume  leur  histoire,  cite  m  extenso  les  légendes,  etc.  Puis  viennent  dos  chapitres 
spéciaux  sur  la  plaine,  la  montagne,  les  bois  ;  sur  la  maison,  la  grange  et  Tétable  ;  sur 
les  bergers  et  la  laiterie,  sur  les  marques  de  maison  et  le  système  des  tessles,  morceaux 
de  bois  où  se  marquent  les  titres  de  propriété  ;  sur  les  coutumes,  de  la  naissance  à  la 
moit:  sur  les  prix,  la  propriété  foncière,  la  nourriture  et  le  ciostume;  sur  les  fêtes 
populaires  ;  sur  le  caractère  du  peuple  et  ses  dialectes.  M.  Stebler  a  utilisé,  en  outre  de- 
ses  observations  personnelles,  toute  la  littérature  antérieure,  tant  sur  la  vallée  de  Goms 
que  sur  celle  de  Loésche,  et  compte  explorer  ainsi  successivement  les  diverses  régions 
du  Valais.  Un  grand  nombre  de  dessins  sont  d'ordre  ethnographique.  On  conseillera,  à 
quiconque  voudrait  entreprendre  une  description  d'un  petit  groupement  européen,  de 
prendre  pour  modèle  les  monographies  de  M.  Stebler.  On  a  trop  fait  du  folk-loi*e,  qui 
est  proprement  l'étude  complète  de  la  vie  populaire,  une  sorte  de  compartiment  où  ne 
trouvent  place  que  des  croyances,  des  légendes«  des  superstitions  ;  notamment  la  vie 
économique  a  été  trop  laissée  de  côté,  en  sorte  que  l'ethnographie  des  populations  fran- 
çaises par  exemple  reste  encore  à  faire.  A.  v.  G. 

J,  MoüRiBR.  UArt  au  Caucase,  8»,  200  pages,  illüstr.  î*  éd.  Bruxelles,  Ch.  Bulens,  1907.  — 
Ce  volume  est  plutôt  un  guide  artistique  excellent  pour  ceux,  plus  nombreux  chaque 
année,  qui  vont  faire  un  voyage  ou  un  séjour  au  Caucase.  M.  Mourier  étudie  d'abord 
l'art  religieux  (architecture,  sculpture,  orfèvrerie,  émaux,  peintures,  manuscrits, 
broderies)  puis  les  arts  industriels.  Des  rapprochements  enti-e  les  styles  anciens  et  l'art 
actuel  permettent  de  suivre  l'évolution  de  rai*t  au  Caucase.  U  a  été  soumis  à  diverses 
influences,  surtout  persanes  et  byzantines,  mais  a  pris  rapidement  une  forme  propre. 
L'art  actuel,  tel  qu'il  se  marque  chez  les  populations  du  Daghestan  par  exemple,  est  sur 
plusieurs  points  oiâginal.  En  définitive  cependant,  et  M.  M.  a  raison  de  mettre  ce  fait 
en  lumière,  le  Caucase  présente  au  point  de  vue  esthétique  le  môme  caractèro  qu'aux 
points  de  vue  linguistique  et  sociologique  :  des  juxtapositions,  mais  nullement  une 
fusion  d'éléments  essentiellement  différents  par  leur  origine  et  leurs  tendances.  Dans 
les  plaines  on  note  une  déchéance  rapide  des  arts  indigènes  sous  l'influence  des  deman- 
des du  marché  européen,  en  sorte  que  l'originalité  relative  de  l'esthétique  caucasienne 
ne  s'y  marque  plus  que  dans  les  ustensiles  et  les  petits  objets  d'usage  domestique.  L'ar- 
chitecture et  en  général  les  arts  religieux  sont  morts.  Les  fouilles  de  Chantre,De  Moi'gan, 
Zichy,  etc.  nous  ont  fait  connaître  l'art  caucasien  ancien  ;  de  même  l'art  du  Moyen-Age 
a  été  étudié  déjà  :  mais  il  faut  reconnaître  que  les  arts  actuels,  comme  en  général 
l'ethnographie  du  Caucase  restent  inconnus  du  monde  savant.  Les  travaux  des  savants 
russes  ou  indigènes  sont  insuflSsants.  Il  est  grand  temps  pourtant  qu'on  se  mette  au 
travail.  Le  livre  de  M.  Mourier  montre  combien  intéressant  est  ce  domaine,  combien 
peu  est  fait,  combien  reste  à  faire.  Les  illustrations,  la  plupart  des  photos,  sont  bonnes 
et  bien  choisies.  A.  v.  G. 

Wladimir  Pappafava.  Die  Advokatur  in  der  Türkei,  trad,  de  l'Italien  en  Allemand  par 
A.  Simon.  Innsbruck  1908,  Verlag  der  Wagner'schen  Universitäts-Buchhandlung,  40  p. 
in.40,  ^  L'intérêt  de  cette  brochure  serait  assez  mince  si  elle  se  bornait  à  traiter  le^ 


1908.]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  307* 

sujet  énoncé  dans  son  titre.  Mais  elle  ne  consacre  à  l'étude  du  baiTeau  turc  qu'un  tiers 
de  ses  développements  (p.  26-40).  Les  deux  autres  tiers  sont  consacrés  à  des  questions 
d'une  portée  plus  générale  :  le  développement  de  la  législation  civile  et  son  état  actuel 
(p.  1-7),  et  Torganisation  judiciaire  (ainsi  que  la  procédure)  en  Turquie.  Sur  ces  points 
l'auteur  nous  présente  un  tableau  généralement  correct  et  précis  des  institutions  tur- 
ques. Mais  ce  tableau  n'est  guère  qu*une  esquisse  ;  il  faudrait  qu'il  fût  beaucoup  plus 
poussé  pour  pouvoir  nous  rendre  de  bons  services.  P.  Huveun. 

iH.  LÜDERS.  Das  Würfelspiel  im  alten  Indien  (Abhandlungen  der  K.  Ges.  d.  Wissenschaf- 
ten, Göttingen,  Phil.-Hist.  Kl.,  N.  F.  IX,  2.).  4«,  75  pages,  Berlin,  Weidmannsche 
Buchhandlung,  1907,  5  marks.  —  De  Tépoque  védique  â  nos  jours,  le  jeu  de  dés  a  été 
l'un  des  divertissements  les  plus  appréciés  des  Hindous,  comme  en  témoignent  nombre 
de  documents  que  M.  Lüders  a  analysés  avec  soin.  Il  y  avait,  et  il  y  a  encore  plusieurs 
manières  de  jouer  (en  jetant  les  dés  dans  un  trou  en  terre,  ou  sur  une  planchette  plate, 
etc.)  et  de  compter  le  nombre  des  points.  Les  dés  anciens  avaient  la  forme  d'un  prisme 
rectangulaire,  dont  les  quatre  faces  longues  étaient  numérotées  de  1  à  4,  fait  important 
pour  la  discussion  de  l'origine  du  jeu.  Toutes  les  variétés  du  jeu  poi*tent  le  nom  géné- 
d'oÀ^a.  Dans  le  Mahâbhârata,  IV,  1,  25,  il  est  parlé  de  dés  noirs  et  rouges.  M.  Lüders 
n'insiste  pas  sur  ce  fait  de  détail.  C'est  pourquoi  je  rappellerai  que  St.  Culin,  Chinese 
games  with  dice  and  dominoes,  (Rep.  U.  S.  Nat.  Mus.  for  1893,  Wash.  1895)  dit  : 
«  I  think  that  it  is  probable  that  the  color  of  the  «  fours  »  was  derived,  with  the  dice 
themselves,  from  India  i>.  Sur  les  dés  chinois,  4  et  I  sont  peints  en  rouge,  6,  5  3  et  2  sont 
peints  en  noir.  L'usage  de  peindre  le  4  en  rouge  daterait,  d'après  le  Wa  kan  san  sai 
dzu  e  d'un  empereur  do  la  dynastie  des  Ming  fl368-1643)  :  il  s'agit,  comme  Ta  montré 
Himly  (Die  Abteilung  der  Spiele  im  «  Spiegel  der  Mandschu-  Sprache  »,  T'oung  Pao, 
1898.  p.  96),  sur  Particio  de  qui  M.  Hirth  a  eu  l'obligeance  d'attirer  mon  attention,  de 
Ming-Huang,  nom  populaire  de  l'empereur  Hüan-Tsung,  de  la  dynastie  T'ang  (713-796, 
J.  C).  L'usage  des  couleurs  sur  les  dés  serait  donc  plus  ancien  en  Chine  que  ne  le  croyait 
Culin.  Mais  rien  ne  permet  de  croire  que  la  Chine  ait  empiomté  cet  usage  à  l'Inde  :  du 
moins  aucun  des  savants  cités,  ni  M.  Chavannes,  ne  connaissent  de  document  pi'écis  sur 
<»  point.  —  D'autre  part,  le  dé  chinois  est  cubique  et  poi*te  des  nombres  sur  ses  six 
fajces  ;  le  dé  hindou  ancien  est  rectangulaire  et  n'a  que  quatre  faces  numérotées  :  on 
ne  voit  donc  pas  comment  la  foime  hindoue  aurait  donné  naissance  à  la  forme  chinoise. 
Quant  à  la  matière,  elle  importe  peu  dans  le  débat  :  Les  dés  hindous  archaïques 
étaient  des  noix  de  vibhîdaka  ;  on  utilisait  aussi  des  pierres  colorées  (Lüders  p.  67),  des 
caurîos  ;  les  dés  proprement  dits  étaient  en  bois,  en  os,  en  or,  etc.  Il  semble  que 
St.  Culin  ait  ensuite  oublié  sa  théorie,  puisque  p.  533-534  il  est  porté  â  dériver  le  dé 
cubique  de  l'astragale  ;  mais  p.  535  il  y  revient  à  propos  des  couleurs  sur  les  dés  hindous 
dits  k*ab\  ils  sont  cubiques,  mais  marqués  seulement  sur  quatre  faces.  Il  y  a  lieu 
enfin,  pour  montrer  la  complexité  de  cette  question,  de  rappeler  les  dés  (cubiques  â 
six  faces  marquées)  de  Naucratis  (600  av.  J.  C),  grecs  et  romains,  dont  l'origine  indienne 
est  encore  plus  discutable  que  ceUe  des  dés  chinois  et  les  nombreuses  formes  du  jeu  de 
dés  chez  les  Amérindiens  (Cf.  le  grand  mémoire  de  St.  Culin,  Games  of  North  Ameri- 
can Indians,  24th.  Rep.  Bur.  of  Ethnol.  Wash.  1907,  pp.  44-225)  où,  comme  dans  l'Inde 
ancienne,  (cf.  Lüders,  pp.  51-54)  le  dé  sert  d'instrument  de  divination  ;  il  en  est  de  même, 
partout,  des  astragales.  A.  v.  6. 

Henri  Cordier.  Les  Lolos,  état  actuel  de  la  question.  Extrait  (92  pages,  7  planches  et 
1  carte)  du  Toung  Pao,  Série  II,  vol.  VIII  (1907).  —  En  attendant  la  publication  des 
renseignements  recueillis  sur  les  Lolo  du  Yunnan  par  le  Cap.  d'OUonne,  M.  Cordier  a 
jugé  utile,  et  avec  raison,  de  publier,  en  les  classant  d'après  leur  date  et  leur  contenu, 
les  données  qu'on  possède  actuellement  sur  cette  population.  Les  sources  chinoises  ne 
fournissent  qu'une  nomenclature  et  des  dessins,  reproduits  à  la  fin  du  mémoire,  dessins 
d'un  faible  secours,  sinon  pour  l'étude  de  quelques  éléments  du  costume.  M.  Cordier  a 
eu  l'excellente  idée  de  l'eproduire  in  extenso  les  passages,  relatifs  aux  Lolo,  des  publi- 
cations antérieures  de  :  Bridgmann  (1859),  Playfair  (1876),  Clarke  (1883),  Devéria  (1886), 
Sainson  (1904),  de  Vaulserre  (1898)  qui  a  communiqué  à  l'auteur  une  carte  chinoise  du 
Ta  Leang  chan,  Charria  (1905),  Fenouil  (1861),  Blakiston  (1861),  Fr.  Gamier  (1868), 
Thorel  (1868),  Richthofen  (1872),  Baber  (1877),  Rocher  (1880),  Hosie(1882),  Colqhoun  (1883), 


p.  308.1  •    Il    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Bourne  (1885),  Vial  (1890-8),  Guébriant  (1898),  A.  Leclère(1898),  Henry  (1903),  dont  Farticle 
dans  le  7.  A.  /.,  1903,  méritait  mieux  que  la  brève  analyse  des  pp.  81-82.  Liétard  (1904), 
François  (1904),  L.  de  Ligonquière  (1906),  BonifEtcy  (1906),  Young  (1905),  pour  ne  citer  que 
les  auteurs  auxquels  on  doit  le  plus  de  renseignements,  ce  qui  ne  veut  pas  dire  qu'on 
sache  grand'chose.  On  remarquera  que  tous  ces  auteurs,  en  effet,  ne  sont  que  des 
ethnographes  d'occasion  ;  pas  un  seul  d'entre  eux,  sauf  peut-être  M.  A.  Henry,  n'a  su 
quels  faits  observer  de  préférence.  Le  seul  point  sur  lequel  on  puisse  se  faire  quelque 
idée,  c'est  le  costume,  qui  avait  également  attiré  l'attention  des  «  ethnographes  » 
chinois.  La  plupart  des  renseignements  sont  des  on-dits,  ou  ne  se  rapportent  qu'A  quel- 
ques individus  (troupe  de  brigands,  esclaves,  escorte).  Ainsi  le  mémoire  de  M»  Cordier 
indique  avec  précision  combien  il  reste  de  lacunes  à  combler  et  semra  par  suite  de  point 
de  départ  pour  toutes  les  recherches  ultérieures.  Peut-être  M.  d'Ollonne  nous  ferat-il 
en  tin  connaître  l'organisation  des  sociétés  lolo  ;  on  peut  en  tout  cas  espérer  que  l'Ecole 
Française  d'Extrême-Orient  chargera  un  jour  ou  l'autre  un  véritable  ethnographe  d'une 
enquête  en  pays  lolo  et  miao-tseu.  A.  v.  G. 

A.  Reichel.  Ueber  Analogien  einiger  ostasiatischer  Ornamente  mit  Formen  der  hretish- 
mykenischen  Kunst,  15  p.  in  4«»  avec  7  flg.,  extrait  de  Memnon,  1, 1907.  —  Quiconque  a 
vu  les  chefs  d'œuvre  de  l'ait  de  la  Crète  minoenne  ne  peut  s'empêcher  de  les  comparer 
à  ceux  de  l'art  japonais.  Il  n'y  a  pas  seulement,  de  part  et  d'autre,  même  sentiment 
profond  de  la  nature  végétale  ou  animale,  même  liberté  et  même  grâce  dans  sa  repré- 
sentation par  le  pinceau  ou  le  ciseau,  mais  certains  détails  techniques  semblent  étroi- 
tement apparentés.  Il  était  inévitable  que,  de  ces  analogies,  on  conclût  à  une  influence 
récipro(iue  et  que,  dans  la  puissante  réappaiition  du  mirage  oriental  que  l'on  doit  aux 
panbabylonistes,  le  point  de  départ  de  ces  formes  d'ai't  fût  cherché,  sinon  au  Japon, 
du  moins  dans  la  Chine  occidentale,  dans  ces  bassins  du  Tarim  et  du  Lob-Nor  dont 
Ton  tend  à  faire  le  berceau  de  l'humanité  ;  et  de  là  elles  auraient  rayonné  vers  les 
deux  îles  orientale  et  occidentale  du  Soleil,  Japon  et  Crète.  TeDe  est  la  thèse  que 
reprend  A.  Reichel  en  insistant  surtout  sur  deux  analogies  techniques  :  la  représen- 
tation du  sol  sous  forme  de  nuages^  à  lignes  plus  ou  moins  concentriques  alternati- 
vement claires  et  foncées,  dispersés  dans  le  champ  (terraintoolken);  les  jupes  à  can*eaux 
alternativement  blancs  et  noirs  de  la  soi-disant  danseuse  de  H.  Triada  {Monumenti^ 
XIII,  pi.  X).  Il  faudrait  remarquer  que  ce  carrelage  ne  suffit  guère  à  faire  considérer 
ces  iupes  comme  tissées  en  soie  chinoise  et  que  les  ntiages  de  la  fresque  au  chat  de 
H.  Triada  ou  du  poignard  aux  lions  de  Mycènes  ne  sont  pas  une  figuration  convention- 
nelle du  terrain,  mais  une  très  réaliste  représentation  des  rochers  au  milieu  desquels 
se  placent  ces  scènes  de  chasse  ;  mais,  avant  de  discuter  une  semblable  théorie,  il  faut 
attendre  que  ses  protagonistes  nous  apportent  à  l'appui  des  monuments  chinois  de 
mille  ans  au  moins  antérieurs  au  plus  ancien  bronze  invoqué  jusqu'ici  qui  date  au  plus 
tôt  de  700  avant  notre  ère.  A.  J.  Rrinach. 

Stewart  Culin.  —  Games  of  the  North  American  Indians.  24tii  Annual  Repoit  of  the 
Bureau  of  American  Ethnology.  Washington.  1907,  846  p.  in-4«,  1112  flg.  —  Ce  livre  ne 
peut  se  «  raconter  »  ;  c'est  plutôt  un  catalogue  qu'un  travail  original.  M.  Culin,  sur 
Pinvitation  de  M.  Mac  Gee,  le  compila  dès  1898,  et  c'est  le  résultat  de  son  travail  depuis 
cette  époque  qu'il  publie  aujourd'hui. 

La  classification  est  des  plus  rudimentaires  ;  les  jeux  sont  classés  sous  deux  cheô 
principaux  :  ceux  de  hasard  et  ceux  d'adresse  ;  une  troisième  division  contient  les  jeux 
«  mineurs  ».  Les  jeux  de  hasard  comprennent  :  les  dés.  joués  avec  de  petits  bâtons 
gravés  et  les  jeux  de  «  supposition  »;  ces  derniers  sont  :  1®  les  jeux  dans  lesquels  une 
poignée  de  bâtonnets  (à  l'origine  des  hampes  de  flèches)  est  divisée  entre  les  mains  ; 
celui  qui  joue  doit  deviner  dans  quelle  main  se  trouve  un  des  bâtonnets,  marqué  d'une 
façon  particulière  ;  2°  ceux  où  deux  ou  quatre  petits  morceaux  de  bois,  dont  un  ou  deux 
sont  marqués,  sont  tenus  dans  les  mains  ;  l'opposant  doit  deviner  dans  quelle  main  se 
trouvent  les  bâtons  non  marqués  ;  3°  ceux  dans  lesquels  quatre  bâtonnets  sont  marqués 
par  paires  et  cachés  ensemble  :  on  doit  deviner  leur  position  relative  ;  4»  ceux  dans 
lesquels  un  petit  objet  (une  pierre,  une  balle,  etc.)  est  caché  dans  une  parmi  quatre 
petites  boites  de  bois  ou  dans  un  parmi  quatre  mocassins. 
Les  jeux  d'adresse  comprennent  le  tir  à  l'arc  ;  le  jeu  qui  consiste  à  envoyer  sur  la. 


1908.]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  309». 

terre  durcie  ou  sur  la  glace  une  javeline  ou  une  massue  ;  celui  qui  fait  glisser  son  pro- 
jectile le  plus  loin  est  le  gagnant  ;  \echunkeyy  qui  consiste  à  envoyer  une  flèche  ou  une- 
javeline  sur  un  but  en  mouvement,  généralement  un  anneau  rempli  de  paille  tressée  ;. 
le  jeu  de  balle,  qui  possède  des  formes  très  variées;  la  course  à  pied. 

Parmi  les  jeux  mineurs  on  nous  cite  le  volant,  le  bouchon,  la  balançoire,  les  échasses, 
la  toupie  et  le  toton,  le  disque  à  deux  trous  dans  lesquels  on  passe  une  ficelle  et  que 
Ton  fait  tourner  rapidement  en  tirant  rythmiquement  sur  les  deux  extrémités  delà 
ficelle,  le  canon  de  bois,  enfin  le  jeu  qui  consiste  à  faire  des  figures  avec  un  lien  passé 
sur  les  deux  mains  et  que  les  Anglais  désignent  sous  Je  nom  de  «  cat's  cradle  ».  Les  jeux 
empruntés  aux  Européens  sont  le  «  base  bail  »,  les  jeux  de  cartes  et  surtout  ceux  déri- 
vés des  échecs  et  des  dames. 

A  Texception  de  ces  derniers,  qui  sont  fort  irrégulièrement  répandus,  les  jeux  signa- 
lés se  reti-ouvent  dans  toute  Taire  Nord-américaine. 

L'intérêt  principal  de  l'étude  de  M.  Culin  réside  dans  la  théorie  qu'il  propose  pour 
expliquer  l'unité  des  règles  de  jeux,  ainsi  que  dans  les  conclusions  ethnogi'aphiques 
qu'il  en  tire.  Il  voit  à  l'origine  de  toutes  ces  distractions  des  rites,  expliqués  par  des 
mythes  se  référant,  en  dernière  analyse,  à  une  tradition  analogue  à  celle  des  Jumeaux 
divins  chez  les  Zufii.  Les  jeux  que  l'on  trouve  souvent  dans  les  mythes  d'origine  con- 
sistent en  général  en  compétitions,  dans  lesquelles  le  créateur,  le  premier  homme,  ou  le 
héros  civilisateur  est  victorieux  d'un  adversaire  par  suite  d'une  adresse,  d'une  ruse 
supérieure,  ou  par  l'usage  d'une  magie  plus  efficace.  La  comparaison  de  ces  mythes 
révèle  non  seulement  leur  unité  d'origine,  mais  encore  montre  que  les  premiers  joueurs- 
furent  les  Jumeaux,  rejetons  miraculeux  du  Soleil,  qui  jouent  un  rôle  prééminent  dans 
beaucoup  de  mythologies  indiennes.  Or,  si  nous  examinons  l'autel  des  dieux  de  la  guerre 
des  Zuûi  (qui  ne  sont  autres  que  les  Jumeaux)  nous  voyons  qu'on  y  trouve  des  instru- 
ments qui  rappellent  divers  objets  qui  servent  dans  les  jeux,  entre  autres  les  bâtonnets 
usités  comme  dés.  Ces  derniers  ne  sont  autre  chose  que  les  flèches  que  les  enfants  divina 
donnèrent  aux  hommes  pour  assurer  leur  suprématie  sur  le  monde  des  animaux  ;  on 
voit  encore  sur  cet  autel  les  arcs,  les  flèches,  les  javelines,  encore  usités  dans  les  jeux 
d'adresse.  D'ailleurs  M.  Culin  semble  être  assez  disposé  à  admettre  une  parenté  plus  ou 
moins  définie  entre  le  jeu  de  dés  et  tous  les  autres.  Pour  résumer  sa  pensée,  si  nous  la 
comprenons  bien,  voici  quel  aurait  été  le  processus  de  formation,  puis  de  dispersion  des 
jeux  dans  l'Amérique  du  Nord  :  le  culte  des  Jumeaux  et  de  leurs  flèches  aurait  amené 
la  création  du  jeu  de  dés,  tout  rituel  à  l'origine  et  peut  être  aussi  du  tir  des  flèches  ;  de 
ces  deux  sortes  de  distractions  se  seraient  peu  à  peu  différenciés  les  autres  jeux  ;  ils  se 
seraient  étendus,  sui^tout  dans  les  temps  récents,  par  suite  do  l'abolition  des  guerres 
tribales. 

Le  centre  de  fonnation  des  jeux  serait  le  Sud-Ouest  des  Etats-Unis  (pays  des  Pueblos) 
où  ils  présentent  encore  les  formes  les  plus  archaïques  ;  si  nous  nous  éloignons  dans  les 
directions  du  Nord,  du  Nord-Est  et  de  l'Est,  nous  trouvons  des  jeux  de  types  de  plus  en 
plus  spécialisés  et  éloignés  du  modèle  primitif.  Peut-être  aussi  un  courant  allant  vers 
le  Sud  a-t-il  contribué  à  la  formation  des  jeux  mexicains. 

Nous  ne  saurions  accepter  cette  opinion  qui  soulève  une  multitude  d'objections  ;  nous 
ne  croyons  pas  à  un  centre  de  création  et  de  dispersion  unique  des  jeux.  M.  Culin  a  placé 
ce  centre  dans  le  pays  des  Pueblos  et  il  a  pris  pour  prototype  des  jeux  celui  des  dés 
parce  qu'il  le  trouve  encore  attaché  à  des  rites  religieux  chez  les  Zuni  et  chez  les  Hopi. 
Mais  qui  lui  prouve  qu'il  existe  là  dans  sa  forme  primitive;  qui  lui  prouve  aussi  que 
chez  les  autres  peuples  (les  Algonkins  par  exemple)  on  n'attachait  pas  une  importance 
rituelle  à  tous  ces  jeux,  comme  c'est  encore  le  cas  pour  le  jeu  de  dés  funéraires  des 
Ojibveè,  pour  le  jeu  de  balle  des  Chiroki  ?  Qui  lui  a  dit  que  le  mythe  des  Jumeaux 
est  universel  dans  l'Amérique  du  Nord  ?  Nous  ne  croyons  pas  que  des  jeux  aussi  spécia- 
lisés que  l'est  celui  de  la  balle  chez  tous  les  peuples  de  l'aire  algonkine-iroquoise,  soient 
dérivés  du  jeu  de  dés  et  soient  nés  chez  les  Pueblos  ;  et  pour  les  peuplades  du  Nord- 
Ouest,  il  nous  semble  qu'on  a  vraiment  fait  trop  abstraction  de  l'influence  asiatique. 

Sous  ces  réserves,  le  livre  est  excellent  et  nous  souhaiterions  avoir  des  catalogues 
aussi  complets  des  jeux  des  différentes  parties  du  monde.  H.  Beuchat. 

Hermann  G.  Harris.  Haicsa  stories  and  riddles,  with  notes  on  the  language  and  a  con- 
cise Haicsa  dictionary.  Chez  l'auteur,  5,  Belvedere  Road,  West  Taunton,  1908,  in-18(xvi, 


P,  310.]  _        •_?:   •    *-    •    ^_'    ^    •  [1908* 

112  et  34  pp.).  —  M.  H.  0.  Harris,  qui  a  résidé  depuis  1892  comme  missionnaire  en  Tri- 
politaine,  en  Tunisie,  en  Algérie  et  en  Egypte,  a  mis  à  pit)üt  ses  longs  séjours  au  milieu 
de  colonies  Haoussa  établies  dans  ces  contrées,  ainsi  que  ses  relations  avec  des  voya- 
geurs Haoussa  originaires  de  Kano,  d'Asben,  de  Zinder,  du  Noupé,  etc.,  pour  l'ecueiilir 
un  certain  nombre  de  contes,  de  proverbes,  d*énigmes  et  de  récits  qu'il  a  publiés  dans  le 
texte,  en  les  accompagnant  de  notes  nombreuses  et  en  les  faisant  suivre  d'une  sorte  de 
précis  grammatical  et  d'un  vocabulaire  donnant  la  traduction  de  plus  de  1200  mots 
haoussa. 

Au  point  de  vue  linguistique,  le  travail  de  M.  Harris  m'a  paru  très  utile  pour  faciliter 
l'étude  de  la  langue.  L'alphabet  adopté  est  simple  et  suffisamment  précis,  la  prononcia- 
tion m'a  semblé  être  exactement  rendue,  les  différences  dialectales  sont  nettement 
indiquées,  le  précis  grammaiical  —  quoique  très  court  —  est  exoeUent,  et  les  notes  qui 
accompagnent  les  textes  sont  fort  précieuses.  On  doit  aussi  savoir  gré  à  l'auteur  d'avoir, 
dans  son  introduction,  précisé  de  très  juste  manière  à  quoi  se  réduit  l'influence  de 
l'arabe  sur  le  haoussa  (introduction  do  termes  religieux  et  légaux,  de  noms  de  vête- 
ments, de  mots  abstraits),  et  fait  bonne  justice  de  la  légende,  qu'avait  cherché  à  accré- 
diter le  chanoine  Robinson,  d'une  prétendue  littérature  écrite  chez  les  Haoussa  : 
M.  Harris  explique  qu'à  pail;  quelques  chansons,  indéchiffrables  d'ailleurs  pour  tout 
indigène  qui  ne  les  sait  pas  par  cœur,  tout  ce  qui  a  été  écrit  par  les  Haoussa  l'a  été  en 
langue  arabe  et  non  pas  en  langue  haoussa. 

Au  point  de  vue  historique,  ce  petit  livre  contient  plusieurs  récits  et  légendes  qui 
présentent  un  certain  intérêt,  notamment  les  n»"  12  (soulèvement  du  Mahdi),  13  (prise 
de  Khartoum),  25  (guerres  entre  Kauo  et  Hadejia). 

Un  certain  nombre  de  récits  de  voyages  et  quelques  auto-biographies  nous  fournissent 
quelques  documents  sur  la  vie  de  caravane  (n<»  7,  9, 10,  14,  15,  18,  19,  24,  26,  30). 

Au  point  do  vue  ethnographique  proprement  dit,  on  peut  relever  quelques  contes  qui 
viennent  enrichir  le  folk-lore  haoussa,  qu'ont  contribué  ànous  révéler  Schoen,  Krause. 
Robinson,  Brooks  et  Nott,  Mischlisch,  Prietze,  Lippert,  Merrick  et,  en  français,  René 
Basset.  A  citer  les  n°^  1  à  6,  8, 16, 22  (qui  rappelle  un  conte  analogue  du  Magana  Bausa 
de  Scho<>n).  Les  fragments  qui  m'ont  paru  les  plus  intéressants  sont  les  proverbes  (n^  21) 
et  les  énigmes  (n^  11),  ces  dernières  accompagnées  d'une  traduction  anglaise. 

On  peut  seulement  regretter  que  les  textes  —  les  n«»  1,  11  et  31  exceptés  —  ne  soient 
pas  suivis  d'une  traduction  qui  permettrait  d'en  tirer  parti  aux  folkloristes  et  ethno- 
graphes non  familiarisés  avec  la  langue  haoussa.  M.  Delafosse. 

P.  J.  Hendle.  Die  Sprache  der  Wapogoro  (Deutsch-Ostafrica)  tome  VI  de  V Archiv  für 
das  Studium  deutscher  Kolonialsprachen^  8*>,  VII  +  171  pages,  Berlin,  G.  Reimer.  — 
La  collection,  déjà  considérable,  des  contes  de  l'Afrique  orientale,  vient  de  s'enrichir 
par  l'apparition  du  volume  de  P.  J.  Hendle,  qui  en  contient  une  série  en  chipogoro, 
langue  parlée  par  les  Wapogoro,  dans  l'Afrique  orientale  allemande.  Les  récits  sont  au 
nombre  de  dix  et,  sauf  un,  ne  portent  pas  la  marque  d'un  emprunt,  bien  qu'ils  aient 
pour  héros  les  personnages  ordinaires  des  fables  de  cette  région  :  le  lièvre,  la  hyène,  la 
belette,  le  buffle,  la  chauve-souris,  le  pluvier,  l'oiseau  railleur,  la  perdrix,  le  chardon- 
neret, le  singe,  la  grenouille  et  le  lion.  Comme  chez  les  Bantous  et  la  plupai*t  des  peuples 
africains,  c'est  le  lièvre  qui  est  l'animal  le  plus  rusé  :  revêtu  d'une  peau  do  léopard,  U 
réduit  la  hyène  à  dévorer  toute  sa  famille  (conte  I.  Le  lièvre  et  la  hyène)  :  c'est  aussi 
un  épisode  assez  maladroitement  rattaché  au  conte  IX  {Le  lièvre  et  le  singe).  Il  par- 
vient à  se  délivrer  de  la  belette  grâce  à  la  tortue  (conte  II,  Le  lièvre  et  la  belette) 
le  trait  de  la  belette  qui,  dans  ce  dernier  conte  se  cache  en  terre  et  ne  laisse  voir  que 
ses  dents,  ce  qui  effraie  les  autres  animaux,  se  retrouve  dans  le  conte  VII  (La  perdrix 
et  la  belette)  où  cette  dernière  est  vaincue  par  la  musaraigne.  Dans  le  conte  IV,  un 
épisode  qui  ne  tient  nullement  au  reste  du  récit  nous  montre  le  lièvre  amusant  le 
sanglier,  puis  l'antilope  dans  la  bouche  desquels  il  a  mis  un  os  de  »  Lukunghuluera  m 
et  les  faisant  dévorer  par  les  autres  animaux,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  ce  que  tous  aient 
péril.  Dans  le  conte  X  (La  grenouille  et  le  lion),  c'est  la  première  qui  joue  le  rôle  du 


1  Cf.  dans  Bleek,  Reinehe  Fuchs  in  Süd-Afrika  (Weimar  1870,  8»  p.  15),  dans  le  conte  hotten- 
tot,  Qui  était  le  voleur ,  comment  le  chacal  fait  accuser  la  hyène  d'avoir  mangé  la  graisse  volée. 


1908.]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  311. 

lièvre  et  amène  le  lion,  par  crainte  de  ses  railleries,  à  dévorer  les  autres  animaux. 
Dans  le  conte  V,  le  chardonneret  ayant  fait  amitié  avec  la  chauve-souris  veut  la  recevoir 
comme  il  a  été  reçu  lui-même  et  lui  sert  des  pommes  de  terre,  mais  il  ne  réussit  qu'à 
se  brûler.  Le  môme  trait  se  rencontre  dans  la  fable  VIII  (V éléphant  et  le  chardonneret)^ 
et  c'est  à  la  suite  d'un  raisonnement  semblable  que  dans  la  fable  VI,  le  buffle  périt  pour 
avoir  voulu  imiter  le  pluvier. 

Il  est  à  désirer  que  Texemple  de  M.  Hendle  soit  suivi  et  que  nous  possédions  une  col- 
plus  considérable  de  récits  en  chipogoro  :  comme  on  le  voit  par  ces  spécimens,  ils  offrent 
un  intérêt  particulier.  René  Basset. 

Das  Trappisten- Missionskloster  Marianhill,  Bilder  ans  dem  afrikanischen  Missions- 
leben.  Publié  au  profit  de  la  Mission  ;  4»,  188  pages,  ill.  caite ;  Fribourg  en  Brisgau,  Her- 
der, 1907.  —  Le  chap.  IV  de  cet  ouvrage  est  spécialement  consacré  à  une  description  des 
Cafres  du  Natal  et  surtout  à  leur  vie  matérielle.  D'admirables  photographies  montrent 
les  phases  delà  construction  des  huttes,  les  diverses  parties  du  vêtement,  (cf.  les  plan- 
ches p.  124, 125, 126,  127),  les  ustensiles  de  ménage  (pp.  128,  129),  les  poteries  (p.  130), 
les  armes,  la  fabrication  de  la  bière  indigène,  etc.  Tout  le  volume  contient  des  types,  la 
plupart  bien  réussis  (cf.  p.  121  les  femmes  Amabaca  ;  p.  133  magicien  conjurant  la  grèle  ; 
p.  134  et  suiv.,  opérations  d'une  magicienne  ;  p.  140,  141  Cafres,  etc.  ;  nombreux 
groupes  d'enfants  passim).  Une  carte  de  l'Afrique  Orientale  montrant  la  diffusion  des 
trappistes  termine  le  volume,  en  majeure  partie  consaci'é,  il  va  sans  dire,  à  l'historique 
et  à  la  description  des  différentes  missions.  A.  y.  G. 

Siegfried  Passarge.  Süd- Afrika,  Eine  Landes-,  Volks-  und  Wirtschaftskiinde,  8* 
355  pages,  47  flg.,  34  planches,  nombreux  profils,  Leipzig,  Quelle  et  Meyer,  1908, 8  marks. 
—  M.  Passarge,  qui  a  exploré  aux  points  de  vue  géologique  et  ethnographique  une 
grande  partie  de  l'Afrique  du  Sud,  et  surtout  la  région  du  Kalahari,  a  réussi  à  donner 
dans  ce  volume  un  tableau  vraiment  complet  de  ce  vaste  pays.  Ce  sont  les  chapitres 
traitant  de  la  géologie,  de  la  géographie  descriptive,  de  la  géographie  économique,  de 
la  faune  et  de  la  flore  qui  sont  de  beaucoup  les  plus  développés,  et,  semble-t-il,  les  plus 
originaux.  Je  signalerai  celui  qui  est  consacré  à  l'important  problème  du  dessèchement 
de  l'Afrique  Australe.  M.  Passarge  est  conduit,  d'après  ses  observations  personnelles, 
&  ne  pas  admettre  uniquement  des  causes  physiques  :  les  animaux  ont  joué  un  gi*and 
rôle  dans  le  dessèchement  ;  ainsi  les  écureils  en  creusant  leurs  terriers,  les  fourmis  en 
faisant  leurs  nids  dans  les  fentes  des  roches,  les  ruminants  en  se  creusant  des  abreuvoirs 
et  en  se  vautrant  dans  les  sols  humides  ont,  au  cours  des  siècles,  causé  la  disparition 
de  Phumus  et  son  remplacement  par  les  sols  sous-jacents  (sables,  graviers,  etc.).  Cepen- 
dant un  dessèchement  général  depuis  le  début  du  quaternaire  ne  saurait  faire  de  doute. 
Il  a  comme  de  juste  entraîné  l'abandon  successif  des  centres  d'habitation  et  le  dépla- 
cements de  tribus  entières.  —  Dans  la  partie  ethnographique  du  livre  (chap.XIX-XXV), 
M.  Passarge  ne  donne  qu'un  tableau  superflciel  des  civilisations  locales  :  mais  il  en 
montre  le  lien  avec  les  autres  civilisations  africaines,  sans  conserver,  pai*  endroits,  la 
prudence  nécessaire  en  un  livre  destiné,  comme  il  est  dit  dans  la  Préface,  au  grand 
public  cultivé.  P.  209  il  admet  presque  la  parenté,  proposée  par  Lepsius,  du  hottentot 
et  de  l'égyptien.  P.  211,  il  prétend  que  les  langues  bantou  sont  récentes,  parce  que  très 
semblables  les  unes  aux  autres,  et  que  les  dissemblances  entre  langues  parlées  par  des 
peuples  voisins  (p.  ex.  par  les  Nègres  du  Soudan)  sont  un  signe  d'ancienneté  :  or  tout 
dépend  du  «  génie  »  des  langues  considérées  ;  comparez  à  ce  point  de  vue  les  langues 
sémitiques,  si  semblables,  et  les  langues  indo-germaniques,  qui  le  sont  bien  moins  ; 
dira-t-on  que  les  premières  sont  plus  récentes  que  les  secondes  î  Tout  le  chap.  XXIII 
est  consacré  à  «  la  civilisation  primordiale  des  indigènes  de  l'Afrique  du  Sud  »  ;  on  y 
trouvera  résumées,  et  présentées  comme  si  c'étaient  des  résultats  déflnitifs  (qu'elles  ne 
sont  même  pas  pour  leurs  auteurs  mêmes)  les  conclusions  des  mémoires  comparatifs 
de  Frobenius,  d'Ankermann  et  de  Qi'œbner.  C'est  trop  vite  mettre  en  circulation  des 
théories  qui  ont  encore  besoin  d'être  mieux  fondées,  et  dont  les  bases  méthodologiques 
ont  lieu  d'être  révisées.  M.  Passarge  expose  les  arguments  des  partisans  de  l'origine 
orientale  (sémitique  générale,  himyarite  ou  arabe,  etc.  :  Bent,  Schlichter,  Hall,  etc.) 
ceux  des  partisans  de  l'origine  nègre  (Mac  Iver,  von  Luschan,  etc.)  des  ruines  de  la 
Rhodésie,  et  tend  (p.  269)  à  se  ranger  du  côté  de  ces  derniers.  De  bons  chapitres  sur  les 


p.  312.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908* 

formes  que  prend  dans  TAfrique  du  Sud  la  ctTilisation  européenne.  Les  langues  nou- 
velles  (Hollandais  du  Cap.  bien  ôtudié  par  Hesselinget  p:ir  6.  Du  Bois  du  Tcit,  Gand) 
méritaient  mieux  que  les  quelques  lignes  des  pp.  211-212.  En  somme,  M.  Passarge  a 
écrit  une  monographie  vraiment  intéressante,  que  les  éditeurs  ont  bien  pi*ésentée,  dont 
un  index  détaillé,  précédé  d'une  bibliogmphie  sommaire,  facilite  le  maniement.  Il  n*est 
pas  inutile  de  noter  que  M.  Fassarge  est  anti-humanitaire  :  «  Toute  humanité  à  l'égard 
du  Noii'  est  en  même  temps  une  cruauté  à  Tégaid  du  Blanc  —  et  il  faut  inculquer  aux 
Noirs  le  respect  et  l'obéissance,  les  traiter  avec  sévérité  mais  avec  justice  et  les  estimer 
ce  qu'ils  valent,  c'est-à-dire  comme  une  race  inférieure  »  (pp.  240  et  341).  Sans  doute,  la 
main  d'œuvre  devenant  trop  chère,  et  les  conditions  de  la  lutte  économique  trop  dures 
en  Europe,  il  faut  bien  que  les  Noii*8  servent  à  quelque  chose  :  de  quel  droit  passeraient- 
ils  leur  vie  à  ne  rien  faire,  c'est-à-diie  sans  utilité  aucune  pour  les  Blancs  !  Malheureu- 
sement pour  eux,  les  Noii-s  de  l'Afrique  Australe  n'ont  pas  d'aussi  bons  arguments  à 
opposer  à  ce  point  de  vue  des  Blancs  que  les  Japonais.  A.  v.  G. 

Oeoroe  Mo  Call  Theal.  Eistory  and  ethnography  of  Africa,  south  of  the  Zambesi. 
T.  I  :  The  Portuguese  in  South  Africa  from  i505  to  ilOO.  8®,  501  pages,  4  cartes  et 
planches,  Londres.  Swan  Sonnenschein,  1907.  —  Il  est  inutile  de  rappeler  les  titres 
scientitiques  de  M.  Me  Call  Theal,  sans  contredit  le  meilleur  connaisseur  de  l'histoire 
des  populations  blanches  et  de  couleur  de  l'Afrique  du  Sud.  On  lui  doit  des  recueils  de 
folk-lore,  des  traités  et  des  recueils  do  documents  historiques.  C^est  un  véritable  monu- 
ment qu'il  a  (Mevé  ainsi  à  son  pays,  et  dont  la  moindre  partie  n'est  pas  cette  Histoire, 
qui  en  est  à  sa  Iroisièrae  édition.  L'auteur  y  a  ajouté  toute  une  partie  ethnographique  : 
chap.  I  Büschimans  ;  chap.  Il,  Hottentots;  chap  IlI-VII.  Bantous  méridionaux  ;  chap. VIII 
les  Arabes  et  les  Persans  dans  l'Afrique  Sud-orientale.  A  partir  du  chap.  IX,  il  n'est 
plus  question  que  des  expéditions  portugaises  et  de  leurs  luttes  avec.les  Bantous  ;  on  y 
trouvera  nombre  de  renseignements  intéressants  parce  qu'anciens  et  dii-ectement 
tii'és  des  documents  portugais  par  l'auteur.  Les  chapitres  ethnographiques  ne  donnent, 
comme  de  juste,  que  des  tableaux  sommaires,  quelques-uns  d'après  des  recherches  per- 
sonnelles, la  plupart  d'après  Stow,  Hahn, etc.  Tropde  valeur  est  attribuée  aux  théories 
linguistiques  de  Bleek  et  de  Dohne.  On  trouvera  pp.  172  173  des  renseignements  nou- 
veaux sur  les  droits  des  apparentés  de  la  mère  sur  ses  enfants  ;  le  rôle  du  frère  aîné  est 
bien  mis  en  lumière;  et  pp.  121-122  un  tableau  des  tabous  matrimoniaux  chez  les  diverses 
tribus  bantou  de  la  colonie  du  Cap.  M.  iMc  Call  Theal  ne  se  pœnonce  pas  nettement  (cf. 
pp.  175-179)  sur  la  question  de  la  date  et  de  Porlgine  des  grandes  i-uines  de  la  Rhodesia 
(Zimbabwe,  etc.)  mais  semble  pourtant  disposé  à  admettre  les  conclusions  de  Randall 
Me  Iver.  Deux  autres  volumes  compléteront  cette  série.  A.  v.  G. 

L.  Peringuey.  On  rock- engraving  s  and  the  human  figure,  the  work  of  South-African 
aborigines  and  their  relation  to  siynilar  ones  found  in  Northern  Africa.  Extr. 
(p.  401-412)  des  Transactions  de  la  Société  Philosophique  de  l'Afrique  du  Sud,  T.  XM. 
(1906).  —  Je  crois  utile  de  signaler  cet  article,  bien  que  paru  il  y  a  quelque  temps  déjà, 
non  seulement  parce  que  les  rapprochements  proposés  par  l'auteur  entre  les  pétroglyphes 
de  l'Afrique  du  Sud  et  ceux  de  l'Afrique  du  Nord  sont  intéressants,  mais  surtout  pour 
sa  valeur  documentaire.  On  y  trouvera  en  effet  reproduits  sur  5  planches  des  dessins 
sculptés  sur  i*ochers,  notamment  de  Klerksdorp,  Jagdpanfontein,  etc.  La  technique  des 
incisions,  qui  ont  été  faites  par  ponctions,  en  creusant  à  petits  points  différa  parfois  de 
celle  de  l'Afrique  du  Nord,  où  on  a  tracé  un  trait  qu'on  a  creusé  ensuite  en  y  repassant 
plusieurs  fois.  En  divers  endroits  on  a  trouvé  in  situ  les  pierres  (reproduites  par 
M.  Peringuey)  qui  ont  servi  à  l'incision,  et  dont  les  extrémités  sont  arrondies  par  usure. 
L'auteur  a  raison  de  ne  pas  admettre  la  distinction  proposée  par  Stow,  Nat.  Races 
South  Afr.  p.  12,  entre  peintres  et  sculpteurs,  des  Bushmen,  en  tant  que  constituant 
deux  groupes  de  tribus  distinctes.  Enfln  M.  Peringuey  pense  qu'une  première  race  a 
peuplé  TAfrique  au  stade  paléolithique,  et  qu'ensuite  sont  venus,  au  néolithique,  les 
Bushmen  (Afrique  du  Nord,  Egypte,  Congo,  Afrique  du  Sud)  ;  mais  on  attendra  pour  se 
prononcer  la  publication  annoncée  d'un  autre  travail,  plus  étendu,  sur  ce  sujet,  du 
même  auteur.  A.  v.  G. 

J.  F.  VAN  Cordt.  The  origin  of  the  Bantu,  a  preliminary  study.  Le  Cap,  Colonial  Secre- 
tary's Ministerial  Division,  1907. 8°,  97  pages.  —  L'auteur  veut  tout  simplement  continuer 
et  terminer  l'œuvro  jadis  entreprise  par  Bleek,  mais  il  ferait  bien  d'empininter  à  son 


1908«]  NOTICES  BIBLIOGRAPHIQUES.  [p,  3t3« 

devancier  cette  méthode  rigoureuse  et  prudente  grâce  à  laquelle  la  «  Comparative 
Orammar  »  est  un  monument  de  premier  ordre.  M.  v.  0.  a  trop  d'imagination  et  trop 
peu  de  môthode  linguistique.  Il  rapproche  à  tort  et  à  travers  les  mots  bantous  de  tous 
dialectes,  et  d'eux,  des  mots  malayo-polynésiens,  ouralo-altaïques  (qu'il  nomme  toura- 
oiens),  indo-germaniques  (qu'il  nomme  aryens)  et  sémitiques,  pour  en  définitive  apparen- 
ter linguistiquementet  ethnologiquement  les  Bantous  aux  Finnois,  aux  Japonais  et  aux 
Sakai  et  Semang  de  Malacca.  On  ne  conçoit  pas  que  le  gouvernement  du  Cap  ait  pris  à 
sa  charge  la  publication  de  cet  étrange  fatras.  J'oubliais  d'avertir  que  M.  v.  Oordt  fait 
descendre  les  Mongols  d'une  race  «  turano-hamitique  »  produite  par  «  l'amalgame  des 
Sakai  et  des  Semang  n.  Comme  c'est  simple  !  A.  v.  G. 

Fr.  Crambr,  Afrika,  in  seinen  Beziehungen  zur  antiken  Kulturwelt^  n"  64  de  la  Gymna- 
sial-Bibliothek,  pet.  S«»,  133  pages,  34  flg.,  3  cartes.  Gütersloh,  Berteismann,  2  mk.  50. 
—  Ce  petit  volume,  destiné,  comme  toute  la  collection,  aux  élèves  des  gymnases  peut 
être  cité  comme  typique  des  tendances  pédagogiques  grâce  auquelles  l'ethnographie 
est  devenue  en  Allemagne  un  sujet  d'intérêt  général.  En  effetl'auteur,  en  déciivant 
rapidement  les  superpositions  de  civilisations  en  Afrique,  tient  compte  des  décou- 
vertes récentes  (p.  ex.  des  ruines  de  la  Rhodésie),  expose  les  grandes  lignes  du 
problème  de  Punt,  décrit  les  ruines  i*omaines  en  Tunisie  et  en  Algérie  ;  et  non 
seulement  ses  sources  sont  en  général  bonnes,  mais  il  énumère  les  titres  des 
ouvrages  consultés,  parmi  lesquels  les  travaux  français  occupent  la  place  qui  leur 
revient.  Les  sujets  étudiés  sont  :  la  marche  des  Egyptiens  vers  le  Haut-Nil  ;  les  Egyp- 
tiens et  le  pays  de  Punt  ;  la  question  des  sources  du  Nil  dans  l'antiquité  ;  la  vallée  du  Nil 
80US  l'occupation  romaine;  le  Pays  de  l'Or  sud-africain  dans  l'antiquité;  le  commerce 
de  l'Afrique  orientale  ;  les  Carthaginois  dans  l' Afiique  Occidentale  ;  les  Romains  dans 
TAfiîque  du  Nord.  A.  v.  6. 

I.  Vasiuibv,  Obozriénie^iazyceskpkhobriadov.sitéviéTjiiviêrovanji  Votiakov kazanskqj 
i  Yiatikoj  gubemji  {Rites^  superstitions  et  croyances  des  Votiak  des  gouvernements 
de  Kazan  et  de  Viatka).  Ëxtr.  (88  pages)  des  Izviêstja  de  la  Société  d'archéologie, 
histoire  et  ethnographie  de  Kazan,  T.  XXII  et  XXIII,  8«,  1896.  »  Les  travaux  sur  les 
Votiak  sont  fort  nombreux  déjà,  mais  dans  la  plupart  la  description  détaillée  des  céré- 
monies et  des  croyances  i*eligieuses  ne  tient  qu'un  rang  secondaire.  L'un  des  meilleurs 
sur  ce  sujet  spécial  était  celui  de  Jean  Wassilieff  dans  les  Mémoires  de  la  Société  Finno- 
Ougrienne,  T.  XVIII  ;  le  même  auteur  a  continué  ses  recherches  et  dans  le  présent  mé- 
moire il  donne  une  description  de  la  vie  religieuse  des  Votiak  païens  vraiment  utile. 
Les  cérémonies  sont  décrites  en  détail,  la  liste  des  divinités  est  très  étendue,  les  opinions 
sous-jacentes  sont  rendues  dans  les  termes  mêmes  des  informateurs.  On  signalera  sur- 
tout les  passages  sur  l'usto-tuno,  catégorie  de  magiciens  qui  tient  ses  pouvoirs  des  dieux 
de  son  clan;  l'ordination  présente  une  série  de  rites  de  changement  de  la  personnalité, 
réels  ou  imaginaires  (flagellation,  initiation,  etc.)  ;  on  les  conduit  de  village  en  village, 
chacun  de  ceux-ci  acceptant,  par  inscription  rituelle  des  tamga  sur  une  planchette,  la 
responsabilité  du  sort  ultérieur  du  magicien.Le  caractère  chamanique  (c'est-à-dire  :  d'une 
activité  essentiellement  psycho-pathologique)  est  très  atténué  chez  les  magiciens 
votiak  actuels.  Une  autre  catégorie  est  constituée  par  les  sorciers,  qui  n'ont  pas 
de  situation  ni  d'action  sociale-reconnue,  mais  sont  en  marge  ;  les  premiers  guérissent, 
prophétisent,  participent  aux  cérémonies,  les  seconds  se  changent  en  bêtes  pour  faire 
du  mal.  En  outre,  dans  les  cérémonies  collectives,  des  individus  élus  (par  la  commune 
ou  le  clan)  ou  héréditaires  tiennent  fonction  de  prêtre.  La  plupart  de  ces  cérémonies  ont 
un  caractère  agraire  très  accentué  et  sont  accomplies  dans  des  sanctuaires  spéciaux, 
placés  d'ordinaire  au  milieu  des  bois.  A  noter  p.  68-70  la  cérémonie  de  l'expulsion  des 
maladies  et  des  démons  la  veille  des  Rameaux  et  la  réception  de  Pâques.  L*auteur  décrit 
aussi  en  détail  les  rites  de  la  naissance,  du  mariage,  des  funérailles,  etc.  et  donne  tu 
extenso  des  incantations  et  des  prières.  Une  liste  de  présages  classés  d'après  le  calen- 
drier termine  cette  excellente  monographie  qui  vient  compléter  sur  des  points  impor- 
tants celle  do  Bogaïevski,  Etnografitcheskoe  Obozriénie^  1890,  fasc.  S.      A.  v.  Q. 


p.  314.] 


R 


E    •    E 


S 


[1908. 


SOMMAIRES  DES  REVUES. 


Journal  op  thr  Royal  Anthropological  Insti- 
tute. Vol.  XXX Vn.  July-December,  1907, 
15  8b. 
J.  Bed  doe,  On  a  series  of  skulls  from  a 
Carmélite  buryitig-ground  at  Bristol. 

H.  A.  Rose,  Hindu  and  muhammadan 
birth  observances  in  the  Punjab, 

J.  Parkinson,  A  note  on  the  Bfik  and  Ekoi 
tribes  of  the  eautem  province  of  Southern 
Nigeria, 

A.  >A'.  Ho  Witt,  The  native  tribes  of  south* 
east  Australia,  —  Australian  group- 
relationships, 

F.  W.  Knocker,  The  aborigines  of  Sungei 
Ujong, 

C.  Hill-Toiit,  Report  on  the  ethnology  of 
the  south-eastern  tribes  of  Vancouver 
Island,  Brittsh  Columbia. 

J.  Gray,  Memoir  on  the  pigmentation  sur- 
vey of  Scotland, 

T.  A.  Joycp,  Prehistoric  antiquities  from 
the  Antilles,  in  the  British  Museum, 

Miscellanea. 

Man,  1908. 

N»  2.  Février. 

W.  Ridpeway,  The  origin  of  the  guitar 

and  the  fiddle, 
J.  G.   Frazer,    The  australian    marriage 

laws. 

E.  Wf'stermark,  The  killing  of  the  divine 
king, 

R.  \],  Mathewp,  Social  organisation  of  the 
Ngeumba  tribe,  N.  S.  Wales. 

Reviews  :  Anthropological  essays  presen- 
ted to  E.  B.  Tylor  (W.  W.  Skeat).  — 
Gurdon,  The  Khasis  (M.  Longworth 
Dames).  —  Friederici,  Skalpieren  in 
Amerika  (J.  Mooney).  —  Fülleborn,  Das 
deutsche  Nyassa  und  Ruvmma  Gebiet 

Anthropological  Notes. 

N»  3.  Mars. 

A.  von  Hagel,  Decorated  maces  from  the 

Solomon  Islands, 
A.  Breton,  Archœology  in  Mexico. 
A.  van  Gennep,  Questions  australiennes,  \l, 
W.  A.  Dutt.  New  palœolithic  site  in  the 

Waveney  valley. 
A.  C.  Haddon,   The  regulation  for  obtain 

ning  a  diploma  of  anthropology  in  the 

university  of  Cambridge. 
W.  L.  H.  Duckworth,  Note  on  Mr.  Klint- 

berg*s  studies   upon  the  folk-lore   and 

dialects  of  Gothland. 


Reviews  :  Prazer,  Adonis,  Attis^  Osiris 
(R.  R.  Mareti).  —  Turner,  Craniology  of 
the  natives  of  Borneo,  the  Malays^  the 
natives  of  Formosa  and  the  Tibetans 
(A.  Keane).  —  Schlagin  bau  fen.  Cranio- 
logie  der  Semang  (Duckworth). 

Anthropological  notes. 

N'»  4,  Avril. 

W.  G.  Smith,  Eoliths. 

J.  Gray,  A  new  instrument  for  determining 
the  colour  of  the  hair,  eyes  and  shin. 

R.  W.  Reid,  Decorated  maces  from  Solo- 
mon Island. 

C.  Patridge,  The  killing  of  the  divine  king. 

Reviews  :  Villeneuve,  Verneaa  et  Boole, 
Les  grottes  de  Grimaldi  (W.  W.).  —  Ja- 
cobson et  van  Haspelt.  Degongfabricatie 
te  Samarang  (K.  Shelforu).  —  Mc  Call 
Thésl,  History  and  Ethnography  of  Afri- 
ca, south  of  the  Zambezi  (A.  Werner). — 
A.  S.  Bradley,  Canada  in  the  XXth  cen- 
tury (T.  H.  J.). 

Anthropological  Notes. 

Globus.  T.  XCIII  (1908). 

N*»  7,  20  Février. 

Grabowsky,  Der  Reisbau  bei  den  Dajaken 
Südost-Borneos.  —  Wagner,  Das  Gen- 
nargentu-  Gebiet, — Ata  dem  Geisterglau- 
ben der  Wahehe,  —  Wester  mark,  Rein- 
lichkeit,  Unreinlichkeit  und  Askese. 

BOcherschau  :  Blom  und  Giese,  Wie  ersch 
Hessen  wir  unsere  Kolonien?— Kohrbsxih, 
Süd-u>est  Afrika. 

Kleine  Nachrichten  :  Die  bayerischen 
Ausgrabungen  in  Orchomenos,  —  Er- 
steigung des  Kabru  in  Sihkim.  —  Nord- 
amerikanische Bevölkerungs-  und  Ras- 
senprobleme. —  Die  Grundlagen  der 
natio  )  »  alen  Bevölkerungsentwickel  ung 
der  Steiermark, 

N»  8,  27  Février. 

Moisel,  Zur  Geschichte  von  Bali  und 
Bamum,  —  Neger,  Die  Pflanz enverbrei- 
tunq  in  Chile,  —  Glaunings  neue  Züge 
in  Nordwestkamerun, 

Bücherschau  :  Nieuwenhuis,  Quer  durch 
Borneo,  II.  Teil.  —  Bronner,  Von  deut- 
scher Site  und  Art. 

Kleine  Nachrichten  :  Salzgewinnung  durch 
die  Eingeborenen  in  Uniamwesi.  — 
Erland  Frhr.  v.  Nordenskiölds  neue 
Forschungsreise  nach  Südamerika.  — 
Irrtümliche  Vorstellungen  über  das  nor- 
dische Mammut.  —  Der  Handel  Ben- 
ghasis.  —  Ein  weiblicher  Mischling  der 


1908.] 


SOMMAIRES  DES  REVUES. 


[P.  31 5. 


ausgestorbenen  Tasmanier russe.  —  Son' 
dersprachen  und  ihre  Entstehung. 

N«  9,  5  Mars. 

POoh,  Reisen  an  der  Nordhüste  von  Kaiser 
Wii helmstand.  I.  —  Seh u lez,  Drei  Sagen 
aus  Ostpolynesien.  —  Sonne,  Mond  und 
Sterne  im  Volksglauben  der  Kaschuben 
am  Weitsee. 

BQcherschau  :  Dieterich,  Aus  dem  Balkan' 
winkeL —  Willers,  Neue  Untersuchungen 
über  die  römische  Bronseindustrie  von 
Capua  und  Niedergermanien, 

Kleine  Nachrichten  :  Die  alten  HandelsbS' 
siehungen  des  Murbodens  mit  dem  Aus- 
lände. —  Mitteilungen  des  Vereins  für 
kaschubische  Volkskunde.  —  Die  Lo^ 
rentzsche  Neuguinea-Expedition.  —  Was 
die  Polynesier  vom  Wetter  wissen. 

N«  10,  12  Mars. 

Pöch,  Reisen  an  der  Nordküste  von  Kaiser 
Wilhelmsland.  (Forfsetzting).  —  Beyer, 
Der  «  Drache  «  der  Mexikaner. 

BQcherschau    :    Kirchhof,    Länderkunde 
von    Europa.  III.   Teil   :   Russland.  — 
Breysig,  Die  Geschichte  der  Menschheit, 
l.  Band  :  Die  Amerikaner  des  Nordwes-' 
tens  und  des  Nordens» 

Kleine  NAchrichten: Prähistorisches  Feuer, 

—  Die  «  prähistorischen  n  Funde  von 
Neuguinea.  —  Die  asiatische  Einwände' 
rung  nach  den  Vereinigten  Staaten.  -~ 

Wissenschaftliche  Erforschung  des  Süd' 
seegebietes.  —  Arbeiten  der  Züricher 
anthropologischen  Schule.  —  Norddeut- 
sche Moorleichen funde.  —  Die  Haarfar- 
ben und  deren  Bestimmung.  —  Die 
Wasserleitungen  («  Bisses  »)  im  Kanton 
Wallis. 

N»  11,  19  mars. 

Biebor,  Da^  staatliche  Leben  der  Kaffitscho, 

—  Pöch,  Reisen  an  der  Nordküste  von 
Kaiser  Wilhelmsland.  (Scbluss.)  —  Meh- 
li*.  Der  <«  Hexenhammer  n  von  Dörren- 
bach  i.  d.  Pfal^  und  Verwandtes.  — 
Waldeyer,  Erklärung^  betreffend  die 
Selenka-Expedition  nach  Trinil  (Java), 

BQcherschau  :  Villamnr  et  Delafosse,  Les 
Coutumes  Agni.  —  François,  Notre  colo- 
nie du  Dahomey.  —  Delafossp,  Lesjron- 
tières  de  la  Côte  d' Ivoire ^  de  la  Côte  d'Or 
et  du  Soudan  (H.  Singer-. 

Kleine  Nachrichten  :  Graf  Lesdains  Reise 
durch  Zentralasien  und  Tibet.  —  Han- 
del in  Nordtogo.  —  Niegers  Bericht  über 
Lapérrines  Reise  vom  Fuat  nach  Tao- 
deni. 

N«  12,  26  mars. 

Bieter,  Das  staatliche  Leben  d'tr  Kaffit- 
scho. (Schluss.)  —  Preuss,  Ein  Besuch 
bei  den  Mexicano  { A  stehen)  in  der  Sierra 
Madre  Occidental.  —  von  Koenigswald, 
Die  landesüblichen  Bezeichnungen  der 
Rassen  und  Volkstypen  in  Brasilien. 

No  13,  2  Avril. 

iCoch-6i  Qober^,  Jagd  und  Waffen  bei  den 
Indianern  Nordwest-Brasiliens.  —  Sin- 
ger,   Das   neue   deutsche    Kolonialpro- 


gramm und  die  Eingeborenenfrage,  — 
Hartmann,  Wädi  Fara.  —  Slawisches. 

BQcherschau  :  Friedet  ici,  Die  Schiffahrt 
der  Indianer. —  Arldt,  Die  Entwickelung 
der  Kontinente  und  ihrer  Lebewelt.  — 
Srrehlow,  Die  Aranda-  und  Loritja- 
stämme  in  Zentralaustralien. 

Kleine  Nachrichten  :  Die  »  Mahdin- Auf- 
stände in  Kamerun.  —  Einführung  von 
Nadelhölzern  nach  Altägypten. 

Rbvub  DK  l'Ecolk  d'Anthrûpologir,  T.  XVin 
(1908). 

N«  2,  Février. 

Fr.  Schrader,  Océans  et  humanité. 

A.  Favraud,  La  station  moustérienne  de 

Petit- Puymoy en  (Charente). 
D'  A.  Siffre,  Etude  de  dents  humaines  du 

Petit- Puymoy  en. 

N«  3,  Mars. 

L.  Manouvrier,  Mémoire  visuelle^  visuali- 
sation colorée,  calcul  mental. 

L.  Capitan,  Cours  d'Antiquités  américaines 
du  Collège  de  France^  Leçon  d'ouverture. 

V.  Gross,  Les  sépultures  de  Véooque  de  La 
Tène  à  Münsingen^  canton  ae  Berne. 

Bulletins  et  Mémoires  dr  la  Société  d'An- 
thropologie dk  Paris,  V«  séiie,T.  VIII,  1907. 

Pasc.  4. 

Brussaux,  Notes  sur  les  Moundans. 

P.  Girod,  Note  sur  le  sol utréo  magdalénien 

dans  les  vallées  de  la  Vénère  et  de  la  Cor- 

rè»e. 
Demonef,  Un  exorcisme  arabe. 
Fr.  de  Zeltner,  Traitement  d^une  ophtalmie 

au  Sahel  Soudanais. 
G.  Morel,  Note  sur  des  silex  taillés  actuel' 

lement  et  employés  industriellement, 
P.  d'Enjoy,  Le  théâtre  en  pays  chinois: 
Gourgey,  Agglomérations  nouvelles  autour 
de  Paris. 
Zaborowski,  Métis  d'Australiens  et  d'An- 

glais. 
Sallô,    BaraSf  région  de  Midongy^  clans 

Zafi-mandomboka  et  Zafimarozoha. 

Thr  Geographical  Journal,  publié  par  The 
Royal  Geographical  Society,  1,  Savile  Row, 
W.  Londres.',  Ab.  27  sh.  T.  XXXI,  (ItOS). 

N«  3,  Mars. 

Bibliographie  :  Frobenius,  Im  Schattendes 
Congostaats  (H.H.  Johnston). 

No  4,  Avril. 

Bibliographie  :  Friederici  Die  Schiffart  der 
Indianer  (A.  H.  Keanej.  —  Koch-Giftn- 
berg.  Sudamerikanische  Felszeichnun- 
gen (id.).  —  Ci.  Markham,  Vocabularies 
of  the  general  language  of  the  Incas 
(S.  E.  Church). 

Thk  Scottish  Geographical  Magazink  publié 
par  The  Royal  Scottish  Geographical  Society, 


p.  316.] 


B 


E    •'  E 


S 


[1908. 


Qupen    street,    Edinburgh.    Ab.    1   guinée. 
T.  XXIV  (1908). 

N®  1,  Janvier. 

B.  Aleiander,  From  the  Niger  to  the  Nile, 
Geographical  Notes  :  The  age  of  the  Great 

Zimbainoe  ruins  ;  the  Tasmanian  race. 

N«  2,  Février. 

A.  L.  Cross,  A  visit  to  Burma. 

Bibliographie   :    A.    Wallis    Budge,    The 

Egyptian  Sudan,  —  A.  de  Espinosa  (trad. 

A.  Markham),  The  Ouanches  of  Tenerife. 

N»  3,  M«r8. 

H.  Crawford  Angus,  The  Geographical 
distribution  of  labour, 

C.  E.  D.  Black,  Count  de  Lesdain's  travels 
accross  Asia. 

Bibliographie  :  Pedro  Sarmiento  de  Qam- 
boa,  History  of  the  Incas^  et  Bait,  de 
Ocampo,  ihe  Execution  of  the  Inca 
Tupac  Amaru  (trad.  CI.  Markham). 

N»  4,  Avril. 

A.  Trevor-Battye,  Above  the  Victoria  falls. 
Bibliographie  :  Huntington,  The  pulse  of 
Asia.  Travels  of  Peter  Mundy  in  Europe 
and  Asia,  1608-1667,  ed.  by  Sir  K.  C. 
Temple  ;  Comptes-rendus  du  XIII*  Con- 
grès  international  de  Monaco,  T.  I. 

Zbitsciirift  for  Ethnologie,  publié  par  la 
Sociôiô  d'Anthropologie»  Ethnologie  et  Pré- 
histoire de  Bei  lin.  Behrend  et  C'%  éditeurs, 
8^  Ab.  23  Marks.  T.  XL  (1908)  Fasc.  I. 

W.  Bekk,  Die  Erfinder  der  Eisentechnth. 
O.  V.  Buchwald,  Vohabular  der  Colorados 

von  Ecuador. 
Tb.  Koch-GrOnberg  et  G.  Habner,  Die  Ma- 

kuschi  und  Wapischana. 
.  E.  Brückner,  Ausgrabungen  in  Usadel. 
W.  Herrmann,    Die  ethnographische  Er^ 

gebnisse  der  Deutschen  Pilcomayo-Expe' 

aition, 

F.  V.  Luschan,  Neue  Erwerbungen  ausKa" 
merun. 

Fr.  Mayntzhusen,  Ausgrabungen  am  Alto 

Parana. 
R.  Neuhausf,  Neuordnnng  der  Photogra- 

phiensammlung  der  B,  Gesellschqft, 
0.  Olshausen,  Die  Leichenverbrennung  in 

Japan. 
0.  Schlaginh&ufen,  Orientirungsreise  nach 

Kieta  auf  Bougainville. 

G.  Schweinfurth,  Brief  aus  Biskra. 

R.  Thurnwald,  Nachrichten  aus  Nissau 
und  V071  den  Karolinen. 

H.  Virchow,  Kopf  eines  Guajaki- Mädchens. 

Besprechungen  :  Voiz,  Da^  geologische  Al- 
ter der  Pithecanthropus-Schichten  bei 
Trinil,  Java  (Klaatsch).  —  Fr.  Sarasin, 
Versuch  einer  Anthropologie  der  Insel 
Celebes  II  (id.). 

Fasc.  II. 

H.  Basedow,  Vergleichende  Vokabularien 

der  Aluridja-    und   Arundta-  Dialekte 

Zentral- Australiens. 


E.  Brandenbuff[.l7et«r  Grabêteinmuster  in 

Anatoiien. 
Eichhorn.  Depotfund  im  Münehemrodaer 

Grund  bei  Jena. 
E.  Hol  lack.  Die  Grabformen  der  oetpremt^ 

sischen  Gräberfelder. 
R.  H.  Mathews,  Some  mytholcoy  of  the 

Gundungurra  Tribe,  N.  S.  Wales. 
M.    Mosskowski,    üeber    swei     nichtma- 

layische  Stämme  ton  Ost-Sumatra, 
W.  Belck  et  A.  Bertholet,  Die  Erfinder  der 

Eisentechnik. 
0.  MOnsttf'rbprg,  Einfluss  Westasiens  auf 

osttisiatische    Kunst    in    torchristlicher 

Zeit. 

Besprechungen  :  K.  Breysig,  Die  Geschickte 
der  Menschheit^  T.  I  ;  Die  Völker  ewiger 
Urzeit  (Ehrenreich;.  —  D.  Itchikawa,  IHe 
Kultur  Japans  (Baelz).  —  0.  Mtlnster- 
berg,  Japanische  Kunstgeschichte^  T.  m 
(Nachod).  —  Pechuel-Loësche,  Volks- 
kunde van  Loango  (Staudinger).  — 
Rathgen,  Staat  und  Kultur  der  Japaner 
(Baelz).  ^  H.  P.  Steensby,  Meddelelser 
om  Danmarks  Antropologi^  T.  I  (Lissau- 
er), 

ATTI  DKLI.A  SOCIBTA  ROMANA  Dl  AnTROPOLOGIA. 

T.  Xm  (1907)  Fasc.  3. 

G.  Sergj,  Dalle  esplorasioni  del  Turkestan^ 

frammenti  scheletrici  umani. 
S.  Ottolenghi.  Osservazioniantropologiche 

forensi  negli  scavi  fatti  sotto  la  coUmna 

Trajanna. 
S.  Frassetto.  Crani  Felsinei  del  Ve  IVsecolo 

av.  Cristo. 

Bibliografia  :  Thurston,  Ethnographie 
Notes  in  Southern  India  (S.  Sergi).  — 
Koc  h  -  Gl  a  n  berp.  Südamerikanische  Fels- 
Zeichnungen  (K.  Pi(taluga). 

Riviste. 

ZSNTRALBLAtT    PQR    AnTHRO POLOGIB.    T.    XHI 

(1908). 

Fasc.  af. 

Comptes-rendus  critiques  de  : 

Fr.  Galton,  Probability,  the  foundation  of 
Eugenics  (P.  Bartels).  —  R.  Sommer, 
Familien  forschung  und  Vererbungslehre 
(D«"  Warda).  —  W.  Johannsen,  üeber 
Dolichokephalie  und  Brachykephalie  ; 
zur  Kritik  der  Indexangaben  (P.  Bar- 
tels). — >  G.  Kropatschek,  De  amuletorum 
apud  antiquos  usu  capita  duo  (0.  von 
Hovorka).  —  H.  Grothe,  Zur  Landes^ 
künde  von  Rumänien  (A.  Byhau).  — 
F.  Nopcsa,  Das  katholische  Nordalbanien 
(id.).  —  Fr.  S.  Krauss,  Das  Geschlechts- 
leben der  Japaner  (Näcke).  —  N.  W. 
Thomas,  Kinship  and  marriage  in  Aus- 
tralia (Fr.  Grsebner).  —  F.  von  Luschan, 
Sammlung  Bcessler  (Th.  Mollison).  — 
Pa rk i  nson ,  Dreissig  Jahre  in  der  Südsee 
(Fr.  Grœbner).  —  Friederici,  Schiffahrt 
der  Indianer  (Fr.  Krause). 


1908.] 


SOMMAIRES  DES  REVUES. 


[P.  317. 


BiJBRAOKN  TOT  DR   TaaL-,    LaND-   EN   VOLKKN- 
KUNDE     VAN      NEDERLANDSCO-lNOlft.      T.      LX 

(1908).  Liv.  3-4. 

J.  E.  Heeres,  Bene  engelsche  lezing  omirent 
de  verovering  van  Banda  en  Ambon  in 
iT96  en  omirent  den  toestand  dier  eilan* 
dengroepen  op  ket  eind  der  achttiende 
eeuto, 

A.  Huetunif,  Jets  over  de  «  Ternatoansch- 

Halmahèrasche  »  iaalgroep, 
H.  H.  Juynboll,  Biidrage  tot  de  hennis  der 

vereerinff  van  wi^u  op  Java. 
J.  J.  Kreemer,  Bijdrage  tot  devolksgenees- 

hunde  bij  de  Maleiers  der  Padângsche 

Benedenlanden, 
J.  Tideman,  De  Toe  Badjeng  en  de  legends 

omirent  hun  oorsprong, 
Pb.  S.  van  RonkeL  Beschrijving  der  Ma- 

leische  handschriften  van  de  Bibliothèque 

Royale  te  Brüssel. 

T.  LXI  (1908),  liv.  1-2. 

A.  Huptting,  0  Tobelohoha  manga  Totoade^ 
verhalen  en  vertéllingen  in  de  Tobeloree- 
sehe  taalf  met  vertalingen  (318  pages). 

The  Journal  of  the  Anthropolooioal  Socibtt 
OF  Tokyo  Science  College,  Université  de 
Tokyo.  En  Japonais  T.  XXIII  (1908). 

N«  262,  Janvier. 

R.  Torii,  Stone  age  sites  in  Corea  and 

Mandschuria. 
Y.  Ino,  Notes  on  the  Natives  of  Caroline 

Islands. 
R.  Imani»hi,  Mythological  representations 

on  the  pottery  of  Shinra  period  in  Corea. 
S.  Tsuboi,  On  the  head  of  a  clay  human 

figure  ttith  beardlike  dots. 
R.  Torii,  On  the  Negrito  question. 
Y.  Deguchii,  New  Year's  Deities. 
C.  Otabara,  Bear  festival  in  Saghalien. 
Y.  luö,  Superstitions  of  the  Chinese  in 

Formosa. 
Miscellanies« 

Journal  op  the  African  Society.  T.  VII  (1908). 
N«  27,  Avril. 

B.  Alexander,  Lake  Chad, 

H.  H.  Jobnston,  Lord  Cromer's  modem 
Egypt. 

C.  W.  J.  Orr,  The  Hausa  race. 
Catalogue  of  linguistic  works  in  tbe  library 

of  the  African  Society.  I. 

Editorial  notes  (A.  Werner). 

Bibliographie  :  J.  Mensah  Sabah,  Fanti  na- 
tional Constitution.  —  Delafosse,  Les 
Frontières  de  la  Côte  d'or,  etc.  —  Hen- 
dle,  Die  Sprache  der  Wapogoro.  —  N, 
W.  Thomas,  Bibliography  of  Anthropo» 
logy. —  Faïtlovich,  Proverbes  Abyssins 
(A.  Werner). 


Al-Machrioq,  publié  sous  la  direction  des  pores 
de  rUniversité  St-Joseph,  Beyrouth.  Ab.  15  f. 
En  Arabe.  T.  XI,  1908. 

N**  1,  Janvier. 

A.  Poidebard,  Une  noce  tcherhesse. 

Anastase,  La  langue  arabe  dans  sa  période 

de  formation. 
Bibliographie. 
Varia. 

N«  2,  Février. 

A.  M.  Raad,  Debra  Libanos,  ancient  cou- 
vent d'Abyssinie. 

Anastase,  Jm  lanaue  arabe  dans  sa  période 
de  formation  (fin). 

Bibliographie. 

Varia. 

Analbcta  Bollanoiana  publié  par  la  Société 
des  Bollandistes,  775,  Boulevard  Militaire, 
Bruxelles.  Ab.  15  fr.  T.  XXVn,  (1908), 

Pasc.  1. 

A.  Poncelet,  La  vie  et  les  œuvres  de  Thierry 
de  Fleury. 

Ed.  Kur'z,  Einige  kritische  Bemerkungen 
zur  Vita  des  al.  Demetrianes. 

Hipp.  Delebaye,  Le  pèlerinage  de  Laurent 
de  Pdszthô  au  Purgatoire  de  St  Patrice. 

F.  Savio,  Sur  un  épisode  peu  connu  de  la 
vie  de  S,  Bassien  de  Lodi. 

Bulletin  des  publications  hagiographiques 
(H.  Moretus,  Paulus  Peeters,  A.  Ponce- 
let. H.  Delehaye,  Fr.  van  Onroy,  E.  Ho- 
cedez). 

Supplement  :  Alb.  Poncelet,  Catalogue 
codicum  hagiographicorum  bibliotheca- 
rum  romanarum  prœter  quam  Vatieanœ 
(suite). 

Revue  des  Traditions  Populaires.  T.  XXm 
fl908). 

Fasc.  1. 

Yves  Sébillot,  Contes  et  légendes  de  Basse- 
Bretagne. 

A.  Harou,  Folk-lore  du  Limbourg  hollan- 
dais. 

A.  Dido,  Contes  estoniens. 

E.  Bern  us,  Pèlerins  et  pèlerinages. 

P.  Sébillot,  M««  L.  Texier,  H.  de  Kerbeu- 
zec  et  E.  Hamonic,  C/ian^on5  de  la  Haute- 
Bretagne. 

A.  Millien,  Le  Père  Roquelaure,  conte  du 
Nivernais. 

P.  Sébillot,  Légendes  contemporaines. 

L.  Quesneville,  Petites  légendes  locales. 

L.  de  V.  H.  et  Fra  Deuni,  Traditions  et 
superstitions  de  la  Haute-Bretagne. 

Ed.  Edmont,  Afunennes  coutumes  du  pays 
d'Artois. 

H.  de  Kerbeuzec,  Traditions  et  supersti- 
tions de  Basse-Bretagne. 


p.  318.] 


R 


E 


E 


[1908. 


D«"  Poromerol,  Devinettes  de  T Auvergne. 

H.  de  Kerbfuzec.  Les  traditions  populaires 
et  les  écrivains  français. 

E.  MénanI,  Les  Entrées  frauduleuses  en 
paradis. 

A.  Hhiou,  Légendes  et  superstitions  préhis- 
toriques, 

BiMio^raphie  :  A.  Ermolov,  La  sagesse 
agricole  populaire  (A.  van  Gennep).  — 
H.  Le  Girguet,  Enlèvement  d*une  jeune 
fille  par  les  Hollandais,  (P.  S.)- 

Nutes  et  Enquêtes. 

Fasc.  2-3. 

S.  Roudeiiko,  Légendes  et  contes  Bachhirs. 

A.  <)e  Cuck,  Les  statues  qu'on  ne  peut 
déplacer,  Belgique  flamande, 

R.  Basset,  Contes  et  légendes  arabes. 

L.  Pineau»  Les  plus  jolies  chansons  des 
pays  Scandinaves. 

P.  Sébillot.  Fra  Deuni  et  E.  Mônard,  Colites 
et  légendes  de  la  Haute- Bretagne. 

A.  Harou,  Le  folk-lore  du  Grand-duché 
de  Luxembourg  (suite). 

E.  Ëdmont,  Petites  Légendes  chrétiennes, 

E.  Ménard,  La  mer  et  les  eaux, 

A.  de  Cück,  Le  folk-lore  en  sommeil. 

H.  de  Kerbeuzec,  Le  peuple  et  Vhistoire, 

A.  Harou,  Folk-lore  du  Limbourg  hollan- 
dais. 

M«"«  Des! riche,  Robin,  chanson  du  Maine. 

E.  Guenin,  Légende  et  superstition  préhis- 
toriques. CXVL.  Questionnaire  sur  les 
menhirs. 

Bibliographie  :  Karl  Knortz,  Was  ist  die 
Volkskunde  {René  Basset).  — -  E.  Siecke, 
Mythen,  Märchen  in  ihren  Beziehungen 
zur  Gegenwart  (id.).  —  L.  Dubreuil- 
Chambardel,  Figures  médicales  touran- 
gelles (Jacques  Rouge).  —  Martin,  Folk- 
Lore  de  saint  Rémy  (P.  S.).  —  0.  Colson, 
Table  générale  des  publications  de  la 
Société  liégeoise  de  littérature  wallonne^ 
(P.  S.).  —  Jean  de  la  Chesnaye,  Au  pays 
des  Chouans,  —  Formule ttes  enfantines 
(P.  S.) 

Notes  et  Enquêtes. 

Réponses. 

The  Journal  of  Amkrican  Folr-Lore.  T.  XX 

(1907). 

N«  LXXIX,  Oct.-Déc.  1907. 

H.  Parkor,  Folk- Lore  of  the  North  Caro- 
lina Mountaineers, 

G.  L.  Kittredge,  Ballads  and  Rhymes  from 
Kentucky. 

G.  T.  Flom,  The  lay  of  Thrym,  or  the 
fetching  of  Thor' s  hammer. 

J.  R.  S  wan  ton,  Mythology  of  the  Indians 
of  Louisiana  and  the  Texas  Coast, 


F.  A.  Golder.  Tlingit  myths.  —  A  Kadiak 
island  story  ;  the  white-faced  bear, 

Fletcher  Gardner,  Tagalog  folk-tales^  II. 
Millington  et  Max  field,  Visayan  folk-tales, 

H.  M.  Beiden,  Old-country  ballads  tn  Mis- 
souri, 

Zeitschrift  dks  Vekkins  für  Vol&srlnok,  Dir. 
Joh.  Bolte,  éd.  Behrend  et  C>«,  Berlin.  Ab. 
12  marks.  T.  XVIII  (1908)  fasc.  1. 

R.  Loewe,  Rübezahl  im  heutigen  Volks- 
glauben. 

G.  Schläger,  Nachlese  zu  den  Simmlungen 
deutscher  Kinderlieder. 

J.  Bolte,   Der  Schwank  von    dtr   faulen 
Frau  und  der  Katze, 

B.  Cbalatianz,    Die  iranische  Heldensage 
bei  den  Armeniern^  compléments. 

J.  Hertel,  Der  kluge  Vezier,  ein  kaschmi- 
rischer Volksroman ^  (traduit  par). 

Kleine  Mitteilungen  (J.  Bolte,  E.  K.  BlQm- 
mel,  R.  F.  Kaindl,  W.  Zuidema). 

Bibliographie  :  Neue  Forschungen  über.... 
den  Hausbau  (0.  Lauffer).  —  S.  R.  Stein- 
metz, De  Studie  der  volkenkunde  (B. 
Kahle).  —  R.  F.  Kaindl,  Geschichte  der 
Deutschen  in  den  Karpathenl ändern^  I- 
II  (B.  Kahle).  —  Th.  Abeling,  Das  Niebe- 
lungenlied  und  seine  Literatur  (H.  Mi- 
chel). —  0.  Wiener,  Das  deutsche  Hand- 
werkerlied  (id.).  —  P.  Sébillot,  Le  folk- 
lore de  France,  T.  IV  (J.  Bolte).  —  E' 
Diederichs,  Deutsches  Leben  des  Vergan- 
genheit (id.).  —  L.  Sa  h  1er,  Montbéliard 
à  table  {^.  Hahn).  —  N.  G.  Politis,  Gamè- 
lia  Symbola  (E.  Samter). 
Notices  bibliographiques. 

Hessische  Bi.äTTER  für  Volkskunde.  T.  VI 
(1907)  fasc.  3. 

A.  Becker,  P falser  bruhlings feiern. 

K.  Helm,  Fasinachts-  und  Sommertags- 
verschen  aus  Hessen. 

Btlcheischau  :  0.  Böckel.  Psychologie  der 
Volksdichtung  (W.  Wandt).  —  Volks- 
kunde in  Breisgau  (A.  Becker).  —  0- 
Meisinger,  Volkskunde  von  Rnppenau 
(id.).  —  J.  K.  Büncker,  Schwanke,  Sagen 
und  Märchen  fn  heanziscker  Mundart 
R.  Petsch).  —  R.  Fischer,  Oststeirisches 
Bauernleben,  2«  éd.  (id.). 

Questionnaire  sur  la  météorologie  populaire. 

Supplément  (366  pages)  au  T.  V  :  Volks- 
kundliche Zeitschrißensckau  für  i9(ßy 
publié  sous  la  direction  de  L.  Dietrich  : 
excellent  répertoire  du  contenu  de  tous 
les  périodiques  relatifs  au  folk-lore  et 
à  l'ethnographie. 


1908.] 


SOMMAIRES  DBS  REVUES. 


[P.  319. 


Rktub  Internationale  des  Etudes  Basques, 
T.  II,  n«  1. 

H.  Schuchardf,    La  Déclinadôn   Ibérica 

{continuaciôn), 
T.  de  Aranzadi,  Problemas  de  Etnografia 

de  los  Vctscos  (Post-Scriptum). 
J.  d'Etcheberri,  Lawurdiri  gomendioxco 

carta^  edo  gtUhuna. 
G.  Adéma,  I.  Eshual-herrsko  eliza-bestah. 

n.  PUotariak. 
Pierre  Lhande,  Vémigration  basque  (suite) 
Carmelo  de  £chegaray,DoMO«<iaAaFu«roci. 
J.  Barbier,  Gure  Amacho, 
Congrès  Basque  de  1907. 

Mémoires  de  la  Société  de  Linguistique  de 
Paris.  Ed.  H.  Champion,  T.  XV,  (1908). 

Fasc.  I. 

A.  Cuny,  Essai  sur  Vév6l%Uion  du  conson" 

nantisme  sémitique, 
A.  Meillet.  Notes  sur  quelques  formes  ver- 

baies  slaves, 
W.  Marçais,  Le  dialecte  arabe  des  Ulad 

Brdhim  de  Saïda  (suite). 

L'Homme  préhistorique,  T.  VI  (1908). 

N«  3,  Mars. 

E.  Hue,  La  Pierre  auœ  couteaux. 

0.  Courty,  Haches  néolithiques  calcinées, 

Denise,  Grottes  ou  dolmens  à  VIsle-Adam. 

P.  Berthiaux,  Préhistorique  de  Montereau- 

Fault  (Yonne), 
A.  Chainet,  Station  de  Cordie  {Char,  Inf,) 
.     Fouilles  et  découvertes. 
Nouvelles. 
Musées  départementaux. 

N»  4,  Avril. 

Th.  Baudon,  Bisques  en  craie. 

A.  de  Mortillet,  Cachette  de  Boutiguy, 

G.  Hautin,  Stations  préhistoriques  de  Ma- 

rolles  s.  Seine  (S.  et  M.). 
Roseville  des  Grottes,  Sépultures  caraïbes. 
Fouilles  et  découvertes. 
Nouvelles. 
Bibliographie    :    Bull,  de  la  Soc,   arch, 

champenoise,  T.  II,  n<>  1. 
Musées  départementaux. 

Amrrioan  ANTHROPOLoeiST.  Organe  de  TAmeri- 
can  Anthropological  Association,  de  T Anthro- 
pological Society  de  Washington  et  de  l'Ame- 
rican  Ethnological  Society  de  New- York. 
Dir.  F.  W.  Hodge,  1333  F.  Street,  Washing- 
ton, D.  C.  ;  ab.  4  dollars,  8<».  New  Series, 
T.  X,  (1908).  No  1. 

D.  I.  Bushneil.  Jr.,  Ethnographical  Mate- 
rial firom  North  America  in  Swiss  CoHee- 
lions. 


T.  A.  Joyce,  The  southern  limit  of  inlaid 
and  incrusted  u)ork  in  ancient  America, 

J.  R.  S  wanton.  The  language  of  the  Taënsa, 

H.  Montgomery,  Prehistoric  man  in  Moni- 
toba  and  Saskatchewan, 

M.  Herzog,  The  brain-weight  of  the  Fili- 
pino. 

F.  W.  Kelsey,  Some  archeological  forgeries 
from  Michigan. 

R.  F.  Gilder,  Recent  excavations  at  Longes 
Bill,  Nebraska, 

A.  L.  Kroeber,  Notes  in  the  Ute  language. 

R.  H.  Mafhewi*,  Marriage  and  d-escent  in 

the  Arranda  tribe.  Central  Australia. 

G.  Grant  Mc  Curdy,  Anthropology  at  the 
Chicago  meeting. 

Reviews  :  M.  H.  Saville,  Contributions  to 
South  American  archeology  (W.  H.  Hol- 
mes). —  C.  V.  Hartman,  Archeological 
researches  on  the  Pacific  co€Lst  of  Costa 
Rica  (id.).  —  Publications  of  the  depart- 
ment of  Anthropology,  university  of 
California  (J.  R.  Swanton).  —  H.  Thulié, 
VEcole  d* Anthropologie  (A.  F.  Chamber- 
lain). 

Periodical  literature  (comptes-rendus  ana- 
lytiques d'articles  de  revues)  (A.  F.  Cham- 
berlain). 

Foreign  Notes. 

Anthropologie  miscellanes. 

Archiv  für  Rassen-  und  Grseluschafts-Biolo- 
GiE.  Publié  par  la  Société.  Munich,  23,  Kle- 
menstrasse,  2.  Dir.  A.  Ploetz.  Edition  B. 
(biologie  humaine  et  sociologie),  ab.  12 Marks. 
6  fasc.  par  an. 

R.  Pöch,  Rassenhygienische  und  ärstUche 
Beobachtungen  aus  Neuguinea. 

K.  Pearson,  Ueber  den  Zweck  und  die 
Bedeutung  einer  nationalen  Rassenhy- 
giene (National-Eugenik)  für  den  Staat 
(trad,  de  Tangl.  par  H.  Fehlinger). 

Chr.  von  Ehrenfels,  Erwiderung  aufD^A. 
Ploetz'  Bemerkungen  zu  meiner  Abhand- 
lung über  die  konstitutive  Verderblich- 
keit der  Monogamie. 

Analyses  :  Houzé.  L'Aryen  et  Vanthropo- 
sociologie  (E.  ROdin).  —  G.  Schwalbe, 
Aufgaben  der  Sozial  anthropologie  (id.). 
—  W.  H.  Cox.  Degeneratie  (0.  Ammon). 

Notices  :  E.  RQdin,  Zur  Psychologie  der 
Schwarzen  in  Deutsch-Neu-Guinea.  — 
A.  Norden  holz.  Zur  Psychologie  des 
Negers. 

Bulletin  de  la  Société  Neucbateloise  de  Géo- 
graphie, T.  XVIII  (1907). 

A.  Schenk,  Etude  sur  l^ anthropologie  de  la 
Suisse  (1"  partie,  p.  106-165). 


p.  320.] 


R 


E 


E 


S 


[1908. 


P.  Glerget,  Introduction  géographique  à 
P étude  de  V économie  politique  (p.  166- 
183). 

Notices  bibliographiques. 

RlviBTA  Itauana  di  SooioLOOiA,  T.  Xn,  (1908), 
Fasc.  1. 

0.  Belocb»  Ricerche  êulla  storia  delîapopo- 
îazione  di  Modena  e  dei  Modenese. 

R.  Bru  ci,  Eguaglianza  di  diritto  e  dise- 
guaglianze  di  fatto. 

F.  Coietti,  Alcuni  caratteri  antropometrici 
del  Sardi  e  la  questione  delta  dégénéra- 
»ionedeVa  razza.. 

Analyses  :  A.  Lizier,  Leconomia  rurale 
neW  età  prenormanna  nell  Italia  meri^ 
dionale  et  P.  S.  Leicht,  Studi  suUa  pro- 
prietà  fondiaria  nel  medio  evo^  II  (G. 
Luziatto).  —  A.  Graziani,  Instituzioni  di 
economia  politica,  2«  éd.  (F.  Flora)  — 
G.  Deganello,  Le  persone  giuridiche  di 
diritto  pubbltco  (A.  Pagano). 

Rassegna  délie  pubblicazioni. 


T'ouKG  Pag.  Archives  concernant  Vhistoire^  les 
langues^  la  géographie  et  V ethnographie  de 
V Asie  orientale,  8^,  6  fasc.  par  an.  Dir.  :  H. 
Cordier  et  Ed.  Cbavannes.  éd.  B.  J.  Brill, 
Leyde;  ab.  2.5  fr.  Série  II,  vol.  IX.  (1908) 
fasc.  1. 

B.  Laufer.  Die  Bru-za  Sprache  und  die 
historische  Stellung  des  Padmasambhava. 

H.  Gordier,  Le  consulat  de  France  à  Canton 
au  Xy III*  siècle. 

Correspondance  :  Mission  d'OUone. 

Bulletin  critique  :  Dahlgren,  Voyages  fran- 
çais à  destination  de  la  Mer  du  Sud  avant 
Bougainville  (H.  Cordier).  —  J.  W.  Fos- 
ter, American  diplomacy  in  the  Orient 
(id.).  —  H.  H.  Robbinx,  Ourjirst  ambas^ 
sadorto  China  (id.).  —  0.  Pranke.  Chi- 
nesische Tempelinschrift  aus  Idihutiari 
bei  Turfan  (Ed.  Chayannes).  —  F.  W. 
K.  Müller,  Neutestamentliche  Bruch- 
stücke in  soghdischer  Sprache  (id.). 

Livres  nouveaux. 

Périodiques. 

Chronique. 


CHRONIQUE. 

Congrès  :  InterDational  de  Géographie,  à  Genève,  du  27  juillet  au  6  août. 

—  Préhistorique  de  France,  à  Cbambéry,  du  24  au  30  août. 

—  International  des  Américanistes,  à  Vienne  (Autriche),  du  9  au  14  sept« 

—  International  d^Histoire  des  Religions,  à  Oxford,  du  15  au  18  septembre. 

—  Jubilaire  de  la  Folk-Lore  Society,  à  Londres,  du  21  au  23  septembre. 

—  des  Naturalistes  et  Médecins  Allemands,  à  Cologne,  du  20  au  27  sept.« 


Le  Gérant  :  Paul  (îeuthneb. 


PAUL  GEIITHNEB.  BUE  lAZARINE,  68.  PARIS  (6«) 


VAIjLA  (Robert).  La  16gende  da  Christ,  36  pp.  in-S,  1908       ,       1  fr.  00 

Opuscule  plus  que  moderoiRtei  qui  a  pour  auteur  un  Jeune  asiyriologue  trte  en  Tue, 
mais  qui  Fe  cacbe  sous  le  pseudonyme  de  Robert  Valla. 

ICAGLiER  (F.).  Mosaïque  orientale.  I.  Epigraphica  —  2.  Historica.  1  pi.  et 
8  fig.,  90  pp.,  gr.  m-8,  Paris,  üeuthner,  1907     .  .        .  6  fr.  00 

Contient  :  I.  Epigraphica  :  Uoe  inscription  punique  au  Musée  archéologique  de  Genome 
—  L'inscription  syriaque  de  Sainte- Anne  de  Jérusalem  —  L'inscription  arabe  du  brancard 
de  Sahwet  el-Khidr  —  Note  sur  l'inscription  arménienne  de  la  cathédrale  de  Bourges  — 
Note  sur  quelques  écussons  relevés  A  Munster  dans  le  Haut- Valais. 

II  Historira  :  Notice  syriaque  d'un  Ms.  arménien  —  Documents  relatif  à  l'imprimerie 
arménienne  établie  À  Marseille  sous  le  régne  de  Louis  XIV  —  Requête  de  Ovanès  Oglou 
Kivorlr,  et  Carabet  frères  (IT78).  —  Index. 

L*un  des  article^^  des  plus  intéressants  sont  les  Documents  {inédits)  sur  Timprimerie 
arménienne  en  France  au  XVII*  siècle  publiés  d'après  un  Ms.  de  la  Bibliothèque  nationale. 

VIROLLEAUD  (Gh.).  L* Astrologie  Glialdéenne  t  Le  livre  intitulé 
«  enuma  (Anu)  ilu  Bel  »,  publié,  transcrit  et  traduit,  infoL^  1905-1907. 

Ont  paru  :  Fasc.  2  :  Texte  cunéiforme  :  Shamash  (le  Soleil),  52  pi.  1907,  7  fr.  50 

—  Pasc.  4  :  Texte  cunéiforme  :  Adad  (l'atmosphère),  1907,  6  fr. 

—  Fasc.  6  :  Transcription  :  Shamash  (le  Soleil),  1905,  5  fr. 

DITSSAIJD  (R.).  li'tle  de  Chypre,  partiouUèrement  aux  Ages  du 
cuivre  et  du  brpnze,  42  fig.,  63  pp.  tn-8  (T.)  1907  3  fr.  00 

Ce  travail  constitue  un  manuel  des  antiquités  chypriotes  antérieures  à  l'époque  grecque 
classique. 

FERRAND  (0.).  Madagascar,  1 1  Essai  de  phonêtiqne  comparée  da 
malais  et  des  dialectes  malgaches,  environ  320  pp,  m-8,  Paris, 
Oeuthner,  1908,  à  l'impression net  12  fr.  50 

L*auteur,  qui  depuis  longtemps  s'occupe  de  l'étude  de  l'histoire  et  des  littératures  des 
peuples  musulmans  s'est  récemment  attaché  spécialement  au  domaine  des  langues  malaises. 
Pendant  son  séjour  à  Madagascar  il  a  pu  recueillir  un  certain  nombre  de  Mss.  malayo- 
mâlgaches  dont  Tétude  forme  la  base  du  présent  travail.  Sauf  quelques  extraits  ces  Mss. 
sont  encore  inédits. 

L'enquête  de  philologie  comparée  qu'a  faite  Fauteur  lui  a  fourni  des  résultats  tout  ä  fait 
inattt>ndus.  La  comparaison  des  langues  mala yo- malgaches  avec  le  sanskrit  lui  a  révélé 
V existence  d'xm  élément  sanscrit  dans  tous  les  dialectes  malgaches  sans  exception  aucune. 
De  ce  fait,  la  date  de  la  migration  malaise  sort  du  vague  des  conjectures  :  les  Malais 
immigrés  étant  hindouisés,  n'ont  pu  quitter  l'Indonésie  qu'après  le  commencement  de  notre 
ère.  On  trouve  ainsi  par  des  etymologies  certaines,  des  indications  relativement  précises 
sur  leur  type  culturel  et  linguistique.  Cette  question  sera  plus  amplement  traitée  dans 
Madagascar  tome  II,  qui  sera  spécialement  consacré  aux  migrations  successives  des  Malais^ 
Arabes,  Persans  et  à  la  pseudo-migration  juive. 

Dans  cet  essai  de  phonétique  comparée  figurent  des  formes  empruntées  à  33  dialectes 
(29  dialectes  modernes.  1  vocabulaire  Antambahwaka  ancien,  1  vocabulaire  Anakara,  les 
dictionnaires  de  Flacourt  (dialecte  sud-oriental)  et  Hontroan  [Betsimisaraka ancien]  et  aux 
Mss.  de  la  Bib.  Nat.|.  La  comparaison  du  malais  et  de  ces  différents  dialectes  a  permis 
d'établir  les  bases  d'une  phor>étique  malgache.  Dans  la  plupart  des  cas,  les  courbes, 
notamment  celles  des  diphtongues  aboutissant  à  la  monopMonaue  présentent  autant 
■  d'intérêt  pour  la  phonétique  malayo^malgache  que  pour  la  phon&'que  générale.  Comme 
l'un  des  nombreux  résultats  obtenus  de  ces  études  phonétiques  signalons  particulièrement 
la  loi  nouvelle  de  formation  des  verbes  transitifs  et  intransitifs. 

FAITIiOVITCH  (J.).  Proverbes  abyssins,  traduits,  expliqués  et 
annotés,  86  pp.  in-8,  Paris,  Geuthner,  1907      .  5  fr.  00 

Ce  travail  donne  un  recueil  de  120  proverbes  en  amharique,  la  langue  moderne  de 
l'Abyssinie.  Le  texte  est  accompagné  d'une  transcription  en  caractères  latins  pour  en  faci- 
liter la  lecture  &  ceux  qui  ne  sont  pas  familiers  avec  l'alphabet  éthiopien. 

GIRON  (Noël).  Légendes  coptes.  Fragments  inédits,  publiés,  tra- 
duits.  annotés,  par  N.  G.,  avec  une  lettre  à  Tauteur  par  £.  Revillout. 
Vlll,  81  pp.  gr.  m-8,  1907 5  fr.  00 

/;  Entretien  d*Eve  et  du  serpent  —  II:  Le  sacrifice  d* Abraham  —  III  :  Histoire  de 
Marina  —  IV  :  Histoire  des  filles  de  Zenon  —  F  ;  Histoire  de  la  fille  de  Vempereur 
Basilisque, 

L'introduction  est  un  essai  sur  l'origine  des  légendes  coptes. 

AFEVORK  (O.),  Guide  du  voyageur  en  Abyssinie,  270  pp.  m-8, 1908 

12fr.  50 

Manuel  pratique  de  la  langue  amharique,  utile  ä  ceux  qui  se  rendent  dans  le  pays.  Il 
contient  des  dialogues.  locutiouF,  une  riche  nomenclature  en  amharique,  avec  transcrip- 
tion et  traduction  françaises. 


REVUE  DES  IDÉES 

ÉTUDES  DE  CRITIQUE  OÉNÉBALE 

Paraissant  le  15  de  chaque  mots 

DIRECTEUR  :  EDOUARD  DUJARDIN.    rédacteur  i^  cuef  :  REMY  DE  GOUR&fONT 


La  programme  de  la  Bévue  des  Idées  embrasse  toutes  les  branches  de  la  con- 
naissance scientifique  :  philosophie,  psychologie,  mèathématiques,  physique,  biologie, 
ethnographie,  histoire,  sciences  religieuses,  sciences  militaires,  sociologie,  linguis- 
tique, histoire  littéraire  et  scientifique.  Son  but  est  de  tenir  le  public  au  courant 
des  travaux  les  plus  intéressants,  sous  une  forme  accessible  à  tous  les  esprits  cnlti- 
Tés  et  non  pas  seulement  aux  spécialistes  de  chaque  domaine.  Instrument  de  culture 
générale,  la  Bévue  des  Idées  publie  des  articles  sur  la  situation  présente  des  grands 
problèmes,  des  recherches  monographiques  originales,  des  exposés  critiques  des 
diverses  méthodes  en  matière  d'investigation  scientifique,  des  mises  au  point  de 
questions  complexes,  etc. 

Indépendante  de  tout  système  et  de  tout  parti-pris  d'école,  comptant  comme 
collaborateurs  les  savants  les  plus  réputés,  la  Bévue  des  Idées  est  le  plus  sûr 
représentant  des  tendances  actuelles  et  des  progrès  de  la  science. 

Franob    ....    80  fr.       —       Etranosb    ....    22  fr. 
Direction  :  12,  Avmae  du  Boit  de  Boulogne  —  Dépôt  général  :  Paul  GEUTHNER,  BB,  rue  MizariM 

PARIS. 


Revue  des  Traditions  popnlalres 

Directeur  :  Paul  Sébillot 
La  Revue,  organe  de  la  Société  des  Tradi- 
tions Populaires,  est  un  recueil  mensuel  de 
mythologie,  littératures  orales,  ethnographie 
tradition nelle,  art  populaire,  etc. 

Elle  publie  des  articles  de  fond,  de«  collec- 
tanea de  notes  et  de  documents,  des  Questions 
et  des  réponses  sur  des  sujets  d'ordre  folk- 
lorique, des  descriptions  d  objets,  avec  illu- 
strations, des  airs  populaires  avec  musique 
notée,  des  analysée  et  des  comptes-rendus 
critiques. 

Chaque  livraison  mensuelle  in-S^'  a  de  48  à 
64  pages.  Pour  recevoir  un  numéro  specimen, 
envoyer  25  centimes  à  M.  Paul  Sébillot,  aux 
bureaux  de  la  Revue,  80,  Boulevard  St  Marcel, 
Paris. 
Abonnement  :  France  16  fr.  —  Etranger  17  fr. 


Bévue  d'histoire  des  doctrines 

économiques  et  sociales 
Directeurs  :  A.  Oetchampe  et  A.  Dubois 

La  Revue  publie  les  articles  relatifs  à 
Vhistoire  de  tout  ce  qui  est  science  écono- 
mique, théorie  de  politique  économique» 
doctrine  d'art  économico-social,  et  môme 
ceux,  pourvu  qu'ils  aient  un  caractère  net- 
tement historique,  décrivant  ou  exposant, 
en  tant  qu'elles  révèlent  ou  commandent 
une  certaine  opinion  économique,  des  insti- 
tutions économiques,  politiques  ou  juridi- 
ques, ou  des  théories  de  morale  i*eligieuse 
ou  de  morale  indépendante. 

Trimestribllb 
Abonnement  :  France  12  fr.— Etranger  Ufr. 


BABYLO.\IACA 

ÉTUDES  DE   PHILOLOGIE   ASSYRO-BABYLONIENNE 

PUBLIÉES  AVEC  LE  GONCOX7B8  DE 

MUUKHHIilAll  STRGCK  ET  STEPHEÜ  I^AÜfiDOlV 

PAR 

CH.    VIROL.LEAUD 

Recueil  consacré  exclusivement  à  Texamen  des  questions  soulevées  par  le 
déchiffrement  des  Cunéiformes.  U  y  sera  &it  une  place  importante  aux  Etudes 
concernant  rhistoire,  les  arts,  les  croyances  et  les  institutions  des  BabylonienSi  en 
d'autres  termes  à  tout  ce  qui  contribue  à  définir  le  rôle  de  Babylone  dûs  Thistoire 
de  la  civilisation. 

Abonnement  :  18  francs,  France  et  Etranger. 


BEVUE  DES  ÉTUDES 

ETHNOGRAPHIQUES 

ET  SOCIOLOGIQUES 


PUBLIÉE   SOUS   LÀ   DIRECTION   DE 


ARNOLD  VAN  GENNEP 


Mo*  «-7   f  SOMMAIRE 

Pag<ee 
F.  Oaud  :  Organisation  politique  des  Man^ja  (Congo)  ...  321 
A.  VAN  Gennep  :  Linguistique  et  sociologie,  n.  Essai  d'une 

théorie  des  langues  spéciales 327 

A.-J.  Rbinach  :  La  lutte  de  Jahvô  avec  Jacob  et  avec  Moïse  et 

l'origine  de  la  circoncision 338 

Analyses  :  A.  Loist,  Les  Evangiles  synoptiques  (V.  Ermoni)  ; 

G.-A.  Reisnbr,  The  Early  dynastic  cemeteries  of 

Naga-ed'Dêr  (A.-J.  Rbinach) 363 

Notices  bibliographiques  par  :  G.  Cœdâs,  A.  v.  G.,  M.  Dbla- 

F088E,  A.-J.  RrINACH»  TH.  SmOLBNSKI '.374 

Sommaires  des  Revues 383 


PARIS 
LIBRAIRIE   PAUL   GEUTHNER 

68,  RUB  MAZARINB,  68 

Juin-Juillet  1908 


EXTRAIT  DU  PROGRAMME 

de  la  Revue  des  Etudes  Ethnographiques  et  Bodologiques 
Intemationalei  Mensuelle 


Par  sociologie,  nous  entendoDS  Tétude  de  la  Tie  en  société  des  hommes  de  tous 
les  temps  et  de  tous  les  pays  ;  par  ethnographie,  plus  spécialement  la  description 
de  lenr  ciTilisaticm  matérielle.  Le  champ  de  la  Revue  est  donc  vaste.  Uon  y 
admettra  également  des  travaux  sur  Tarchéologie,  le  droit  comparé«  la  science 
des  religions,  l'histoire  de  l'art,  etc.,  et  l'on  y  fera  appel  aux  branches  spéciales 
comme  Tégyptologie,  Tassyriologie,  Torientalisme,  etc.  L'anthropologie  proprement 
dite,  ou  étude  anatomique  des  variétés  humaines,  ne  rentrera  dans  notre  cadre  que 
dans  la  mesure  où  elle  permet  de  définir  le  rapport  qui  pourrait  exister  entre  des 
races  déterminées  et  leurs  civilisations  ;  il  en  sera  de  même  pour  la  linguistique, 
dans  la  mesure  où  elle  permet  de  déterminer  révolution  des  institutions  et  des 
idées.  Il  se  dessine  d'ailleurs,  ces  temps  derniers,  une  direction  nouvelle  en  linguis- 
tique à  laquelle  la  Revue  des  Études  Ethnographiques  et  Sociologiques 
compte  collaborer  effectivement. 

La  langue  de  la  Revue  sera  de  préférence  le  français  ;  mais  l'anglais,  Talle- 
mand  et  Titalien  y  seront  également  admis. 

Adresser  les  lettres  et  manuscrits  à  M.  A.  van  Gennep,  56,  rue  de  Sèvres, 
Clamart,  près  Paris,  Seine,  et  les  livres,  revues,  imprimés  de  toute  sorte  et  abon- 
nements à  M.  Paul  Geuthner,  libraire-éditeur,  68,  Rue  Mazarine,  Paris  fVP),  au 
nom  de  la  Revue  des  Études  Ethnographiques  et  Sociologiques. 
Abonnement  :  France  :  20  fr.  —  Etranger  :  22  fr.  —Années  écoulées  30  fr. 

N«  1  rianvior  1908  :  J.  G.  Frazer  :  St  George  and  the  Parilia.  —  Maurice  Delafosse  :  Le 
peuple  Siéna  ou  Sénoufo.  —  Charles  Boreux  :  Les  poteries  décoi'ées  de  l'Egypte  prédy- 
nastique. —  Analyses  :  J.  B.  Pratt,  The  mychology  of  religious  belief  (Goblet  d'Al- 
viELLA)  ;  Koch-Grünberg,  Südamerikanische  Felszeichnungen  (A.  van  Gennep)  ;  G. 
Jacob,  Geschichte  des  Schattentheaters  (id.).  —  Notices  bibliographiques.  —  Sommaii^es 
des  Revues.  —  Chronique. 

No  2  :  Février  1906  :  Andrew  Lano  :  Exogamy.  —  Maurice  Delafosse  :  Le  peuple  Siéna  ou 
Sénoufo  (suite).  —  Gabriel  Ferrand  :  Note  sur  le  calendrier  malgache  et  le  Fandruana. 

—  Analyses  :  R.  von  Lichtenberq,  Beiträge  zur  ältesten  Geschichte  von  Kypros  (A.  J. 
REiNAcn)  ;  R.  Düssaud,  Vile  de  Chypre  particulièrement  aux  âges  du  cuivre  et  du 
bronze  (id.);  E.  Pechuël-Loesche,  Volkskunde  von  Loango  (A.  v.  G.)  ;  Fr.  S.  Krauss, 
Dcw  Geschlechtsleben  der  Japaner  (id.)  ;  G.  Friedkrici,  Lie  Schiffahrt  der  Indianer  (id.). 

—  Notices  bibliographiques  (C  Mondon-Vidailhet,  A.  J.  Reinach,  A.  v.  G.).  —  Sonunai- 
les  des  Revues. 

Mo  8  :  Mart  1908  :  A.  van  Gennep  :  Une  nouvelle  écriture  nêgi*e  ;  sa  portée  théorique.  — 
Gaudefrot-Demombynes  :  Rites,  métiers,  noms  d'agent  et  noms  de  métier  en  arabe.  — 
A.  Werner  :  Some  notes  on  the  Bushman  race.  —  Maurice  Delafosse  :  Le  peuple  Siéna 
ou  Sénoufo  (suite).  —  Gabriel  Ferrand  :  Note  sur  le  calendrier  malgache  et  le  Fan- 
druana (suite)  —  Analyses  :  Huntington,  The  Puise  of  Asia  (A.  v.  o.)  ;  Fynn,  The 
American  Indian  as  a  product  of  environment  (id.)  ;  FAÎTLOvrrcH,  Proverbes  abyssins 
(R.  Basset)  ;  Galtier,  Coptica-arabica,  I  (id.)  ;  Burrows.  The  Discoveries  in  Crete  et 
Mosso,  Escursioni  nel  Mediterraneo  (A.  .1.  Reinach).  —  Notices  bibliographiques 
(M.  Delafosse,  G.  Ferrand,  A.  v.  G,  Ch.  Monteil).  —  Sonunaires  des  Revues.  — 
Chronique. 

S«»  4-5  :  Avril-Mai  :  W.-E.  Roth  :  Cratch-Ci-adle  in  British  Guiana,  avec  24  figures.  —  A.  Bel  : 
Ld,  population  musulmane  de  Tlemcen,  avec  planches.—  G.  Ferrand  :  Le  calendrier  Mal- 
gacne  et  le  F«ndruana(fln).  —  M.  Delafosse  :  Le  peuple  Siéna  ou  Sénoufo  (suite). — 
Communications  :  A.  van  Gennep,  Vers  V Encyclopœdia  ethnographica,  —  Ferrand,  Le 
destin  des  quatre  éléments  dans  la  maoie  malgache.  —  Demohbynes,  Linguistique  et 
Sociologie.  —  Analyses  :  Hirzel,  Themis,  Dike  und  Verwandtes  (P.  Hüvblin;.— Watson, 
Philosophical  basis  of  religion  (G.  d' Alviella).  —  Petrazycki,  Motive  des  Handelns 
(P.  HuvELiN).  —  Hildebrandt,  Recht  und  Sitte  (A.  v  G.).  —  Boas,  Anthropology  (id.).  — 
FiNCK,  Spracfie  der  armenischen  Zigeuner  (A.  Mbillbt).  —  Giron,  Légendes  coptes 
(R.  Basset).  —  Lagrange,  La  Crète  ancienne  (A.  J.  Rbinach).  —  Notices  bibliogra- 
phiques (K.  Basset,  H.  Beuchat,  M.  Delafosse.  A.  v.  G..  P.  Huvelin,  A.  Meillbt«  A.  J. 
KEiNACH,  Th.  Smolenski)  —  Sommaires  des  Revues.  —  Chronique. 


REES,  1908 


Planche  XIV 


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Types  Mandja  et  Banda  (Con^o) 


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1908«]  GAUD  :    ORGANISATION    POLITIQUE    DES   MANDJA.  [P.  321# 


ORGANISATION  POLITIQUE  DES  MANDJA  (Congo) 

par  Fernand  Gaud  (Paris). 


A  la  base  même  de  la  société  Maudja  on  trouve  le  groupe  familial  formé  du 
père,  des  mères  et  des  enfants  issus  de  Tun  et  des  autres. 

Ija  réunion  des  divers  groupes  familiaux  issus  d'une  souche  commune  forme 
le  clan  mandja.  —  Lorsque»  celui-ci  est  nombreux,  il  se  fragmente  en  plusieurs 
villages  séparés. 

Chacun  de  ceux-ci  est  connu  sous  le  nom  de  son  chef,  qui  est  comme  un  délé- 
gué du  chef  de  clan. 

Il  n'existe  aucun  groupement  caractérisé  au-dessus  du  clan,  mais  simplement 
des  désignations,  basées  sur  des  différences  de  langage  ou  sur  la  situation  géogra- 
phique ;  les  clans  à  Touest  de  la  rivière  Nana,  affluent  du  Gribingui,  sont  appelés 
ui-ngo  (gens  de  Touest)  par  ceux  de  Dekoy  et  ceux-ci  sont  désignés  sous  le  nom 
de  ui'dau  (gens  de  l'Est)  par  les  premiers  ;  les  clans  du  Kaga  Kazamba  sont 
connus  sous  le  nom  de  zoukoro,  parce  que  parlant  un  dialecte  un  peu  different. 

Enfin  les  Mandja  du  bassin  du  Gribingui  se  désignent  sous  le  nom  de  Mandja 
Baya,  tandis  que  celui  de  Mandja  M'Bakka  est  réservé  aux  gens  du  bassin  de  la 
Oua. 

Le  clan  seul  présentant  une  réelle  unité  sociale  et  politique,  c'est  lui  seul 
que  nous  étudierons  ici  avec  détail. 

Noms  des  clans,  —  L'énumération  des  noms  des  clans  mandja  du  Haut  Chari 
permettra  aux  voyageurs  de  trouver  des  identifications  ou  des  parentés  avec 
d'autres  clans  indigènes  dans  d'autres  régions  de  l'Afrique  centrale. 

Mais  ces  noms  en  eux-mêmes  ne  nous  disent  rien  sur  ceux  qui  les  portent  ; 
c'est  i)ourquoi  nous  avons  cherché  à  savoir  comment  et  pourquoi  ces  noms  avaient 
été  donnés  et  par  qui.  Nous  n'y  avons  réussi  qu'à  moitié  :  en  interrogeant  de 
nombreux  indigènes  appartenant  aux  divers  clans,  il  nous  fut  possible  d'apprendre 
quelle  signification  la  tradition  donnait  à  ces  noms  qui  ne  trouvent  pas  place 
dans  le  vocabulaire  courant. 

Nous  livrons  telles  quelles  les  versions  qui  nous  ont  été  données,  nous  réser- 
vant de  rechercher  ultérieurement  les  corrélations  qui  peuvent  exister  au  point 
de  vue  linguistique  et  ethnographique. 

Il  faut  noter  que  le  préfixe  bou  implique  la  même  idée  de  collectivité  que  le 
Ä'^r  breton  ;  tous  ceux  qui...,  chez  ceux  qui.. 

Boudoua  Ceux  qui       ont  des  cabris 

«  déago  —  élèvent  la  panthère 

"  mandja  —  font  de  la  farine 

"  démané  —  sont  mêlés  trois  villages  en  un  seul 

«  bagouté  —  vont  chercher  beaucoup  de  bois 

«        «  —  sont  batailleurs  (2®  sens) 

"  goumi  —  font  beaucoup  de  mil 

«       tt  —  mangent  les  boys  dans  la  marmitt»  (2®  sens) 

«  zoubali  —  habitaient  à  côté  de  l'Oubangui  (Bali) 


p.  822.] 


Ë 


Ë 


S 


[1908« 


Boukouin 
«  doboë 
«   ssingiii 


«   bar 
«   kaimba 


«  nrbiri 

u  u 

«  kenguétoyo 

«  bakka 

«  kouddou 

«  kengué 

tt  u 

«  in'boë 

u  u 

«  bandjia 

«  bénio 

«  frani 

»*  tarfo 

"  ssoukouta 

^  n'galo 

«  gouété 

«  soussou 

«  goro 

«  bada 

««  tangaro 

«  koiiedou 

u  goyo 

tt  u 

«  fourou 

«  boada 

«  zérou 

«  tuessou 

"  panoë 

«  kadda 

«  bimbi 

«  gouau 

«  doui 

«  gania 

«  bakoyo 

«  ssriki 

«  doua 

«  baguiro 


Ceux  qui       pleurent  toujours 

—  se  mettent  toujours  en  colère 

—  font  des  plantations  de  sésame 

—  sont  mal  circoncis  (2*  sens) 

—  creusent  les  tombes  avec  des  pieux  (3*  sens) 

—  faits  prisonniers,  puis  relaxés,  sont  morts 

—  habitent  à  côté  de  l'eau  en  rentrant  (ba,  côté  — 

ï,  eau) 

—  font  la  graisse 

—  sont  gourmands  (2*  sens) 

—  mangent  du  chien 

—  disent  des  plaisanteries 

—  voient  dans  la  brousse  épaisse 

—  déplacent  volontiers  leurs  villages 

—  mangent  en  commun  (2*  sens) 

—  se  mouchent  en  bouchant  une  narine  avec  le  doigt 

—  promènent  dans  la  brousse 

—  ont  peur  des  revenants 

—  refusent  les  cadeaux 

—  vont  ch(Tcher  l'igname  sauvage 

—  mangent  beaucoup  de  mil 

—  fout  leurs  cases  dans  les  endroits  rocailleux 

—  mangent  le  foie  des  hommes  tués 

—  après  une  rixe  avec  un  voisin,  s'exilent  et  revien- 
nent longtemps  après 

—  font  des  plantations  de  courge 

—  font  beaucoup  de  miel 

—  font  de  grandes  nattes  pour  les  greniers  sans 
avoir  du  mil  à  y  mettre 

—  après  avoir  lancé  ime  flèche  qui  a  manqué  le  but^ 
coupent  la  corde  de  leur  arc 

—  sont  habiles  à  jeter  la  sagaie 

—  n'ont  pas  les  incisives  limées 

—  dansent  toujours  (2*  sens) 

—  habitent  des  places  de  sable 

—  ont  de  grands  gi^niers  à  mil 

—  cherchent  du  poisson 

—  sagaient 

—  bavardent  toujours 

—  couchent  sous  des  verandahs 

—  tuent  leurs  enfants 

—  sentent  mauvais 

—  mangent  les  serpents 

—  en  fuyant  regardent  demère  et  tombent  dans  un 
trou 

—  tuent  le  poisson 

—  boivent  de  l'eau  bouillie 

—  ont  eu  une  femme  ayant  accouché  d'un  cabri 

—  font  du  feu 


1908.]           GA 

lUD  :  ORGAN 

Ceux  qui 

ISATION    POLITIQUE    DES   MANDJA.                [P,  323# 

Boudaïgou 

ne  mangent  pas  de  panthère 

«    banda 

— 

mangent  le  cynocéphale 

«   bamassa 

— 

mangent  le  lion 

«    baouin 

— 

ayant  les  cheveux  blancs  se  suicident 

«   ainbéri 

— 

travaillent  le  cuivre 

«   bolo 

~ 

habitent  Teau 

«   gayoura 

— 

ne  s'assoient  pas 

«   baléfi 

— 

sont  toujours  morts 

«   bazémo 

— 

sont  nombreux 

«    ankana 

— 

fabriquent  des  sagaies 

«   guézou 

— 

penchent  la  tête  sur  l'épaule 

«   bassada 

— 

font  les  premiers  le  mil 

«   })aga 

— 

sont  incestueux 

«    bakaroua 

— 

sont  les  uns  circoncis,  les  autres  non 

«   déué 

— 

ont  du  coton  graissé  (pas  de  pagne) 

«   mangadzéna 

— 

accouchent  la  nuit 

«    zambourou 

— 

cherchent  l'igname 

«    goussin 

— 

chassent  la  pintade 

«    déiuané 

— 

habitent  une  montagne  à  trous  où  on  s'égare 

«    kaudi 

— 

achètent  du  bois  rouge 

«    foulé 

— 

couchent  par  terre 

«    m'biti 

— 

dont  les  enfants  meurent 

«    grédou 

— 

sont  gourmands  de  mil 

«    tama 

— 

mangent  la  tortue. 

Le  chef  de  clan.  —  Le  chef  de  clan  ou  de  village  s'appelle  en  mandja  oifi-ioa 
corruption  de  ouhèn-toa  :  littéralement  parlez-case.  Il  nous  fut  très  difficile  de 
trouver  ce  sens  du  mot  oin-toa  qui  était  inconnu  même  du  vieux  chef  Makourou. 
C'est  seulement  à  force  de  causer  avec  divers  chefs  mandja  et  en  rapprochant  les 
renseignements  que  nous  avons  pu  établir  ceci  : 

Autrefois  avaient  été  choisis  comme  chefs  de  clans  les  Mandja  qui  étaient 
réputés  comme  connaissant  bien  les  "  médicaments  n  (nous  conservons  ici  au  mot 
médicament  son  acception  indigène  :  tout  ce  qui  peut  être  remède,  poison  ou 
fétiche  ou  est  employé  à  un  usage  si)écial). 

Or  parmi  ces  pratiques  réservées  à  ces  seuls  initiés,  il  en  était  une  qui  con- 
cernait le  choix  de  l'emplacement  des  cases.  Chaque  fois  qu'un  Mandja  désirait 
édifier  une  case,  il  allait  quérir  le  oultèn-ioa  pour  faire  tracer  par  lui  les  fonda- 
tions de  l'édifice. 

Cet  usage  s'est  perdu  depuis  longtemps,  ce  qui  explique  l'impossibilité  de 
reconstituer  les  rites  et  les  cérémonies  dont  l'acte  était  certainement  accompagné. 

Seule  la  désignation  de  ouhèn-toa  est  restée  qui  a  été  conservée  aux  fils  des 
sorciers,  héritiers  de  leur  science  et  de  leur  fonction,  et  il  est  demeuré  par  exten- 
sion à  tous  ceux  qui  président  aux  destinées  des  clans  mandja. 

Le  rôle  et  l'autorité  du  chef,  dans  le  clan  mandja,  ont  singulièrement  évolué 
depuis  l'occupation  européenne. 

Autrefois  le  chef  possédait  une  sorte  d'autorité  morale  qui  faisait  de  lui  le 
premier  du  clan  :  ses  avis  étaient  toujours  écoutés  et  les  décisions  de  sa  justice 
exécutées,  quoiqu'il  n'eût  aucun  moyen  matériel  à  sa  disposition  pour  forcer  les 
mauvaises  volontés  :  pas  de  gardes  du  corps,  pas  de  police,  pas  même  de  clients. 


p.  324.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908* 

Mais  il  était  protégé  par  l'espèce  de  crainte  respectueuse  qu'inspirait  au  vulgaire 
sa  descendance  d'un  sorcier  plus  ou  moins  fameux  et  s'il  faisait  jamais  des  mécon- 
tents, ceux-ci  étaient  vivement  mis  à  la  raison  par  la  majorité.  En  principe  les 
membres  du  clan  ne  versaient  au  chef  aucune  indemnité  ;  seulement  en  cas  de 
guerre,  au  moment  de  partager  le  butin,  le  chef  se  sentait  le  premier  —  et  il  ne 
manquait  pas  de  s'adjuger  la  meilleure  part. 

La  meilleure  preuve  de  cette  autorité,  nous  la  trouvons  dans  le  résultat 
obtenu  de  1897  à  1899  par  le  chef  Makourou  ;  il  put  obtenir  des  Mandja  un  effort 
assez  grand  et  continu  pour  faire  pasf-er  à  travers  le  Haut  Chari  toutes  les  charges 
et  tout  le  matériel  de  guerre  (dont  un  bateau  à  vapeur)  de  la  mission  Gentil  — 
toutes  ces  charges  étant  transportées  à  tête  d'homme. 

Les  Mandja  espéraient  que  ce  coup  de  collier  ne  se  renouvellerait  plus.  — 
Lorsque  en  1901  fut  créé  le  Territoire  militaire  du  Tchad  et  que  les  charces 
vinreut  s'accumuler  dans  les  magasins  de  transît  en  bien  plus  grand  nombre  qu'au 
temps  de  Gentil,  ils  commencèrent  à  perdre  la  confiance  et  le  respect  qu'ils 
avaient  eu  jusqu'alors  pour  leurs  chefs. 

Voici  pourquoi  : 

Après  les  corvées  demandées  et  principalement  celles  du  portage,  les  hommes 
percevaient  un  modeste  paiement  de  perles  ou  de  sel  ;  quant  au  chef,  il  recevait 
un  cadeau,  le  seul  qui  fût  réellement  apprécié  :  le  fusil  à  piston,  la  poudre  et  lej* 
capsules. 

Les  Mandja  fatigués  se  soucièrent  fort  peu  de  travailler  ainsi  pour  le  seul 
profit  des  chefs  :  ils  commencèrent  à  fuir  pour  aller  se  joindre  aux  villages 
rebelles.  D'autre  part,  les  chefs  eux-mêmes  se  trouvaient  placés  devant  le 
dilemne  suivant  :  ou  bien  écouter  les  doléances  de  leurs  administrés  et  refuser 
le  portage,  et  alors  ils  s'exposeraient  aux  rigueurs  administratives  (amende, 
prison,  répression).  Ou  bien  ils  tâchaient  de  satisfaire  de  leur  mieux  aux  exigences 
de  l'occupation  française  ;  dans  ce  cas,  c'était  la  lutte  avec  leurs  hommes,  lutte 
quotidienne  dans  laquelle  ils  finissaient  par  recevoir  un  coup  de  sagaie  ou  par 
être  empoisonnés.  De  nombreux  exemples  viennent  malheureusement  à  l'appui 
de  ces  afiirmations. 

De  telle  sorte  que  vers  la  fin  de  Tannée  1902,  la  situation  de  chef  d'un  village 
mandja  était  intenable  :  aussi  personne  ne  se  souciait-il  d'accepter  cette  fonction. 
Quelques-uns  se  démirent  volontairement  :  ceux  dont  l'agglomération  était  petite 
se  joignirent  à  leurs  voisins  plus  forts  (ce  fut  le  cas  le  plus  général)  ;  d'autres 
prirent  la  fuite  sans  explications. 

Nous  observons  ainsi  un  phénomène  politique  assez  curieux  :  les  Mandja  au 
début  de  l'occupation  définitive  (c.-à-d.  en  1901)  étaient  fragmentés  sous  l'auto- 
rité de  nombreux  cliefs.  Jusque  vers  le  milieu  de  1902,  ce  nombre  augmenta  par 
suite  de  l'appât  du  cadeau  réservé  aux  chefs  :  les  armes  à  feu. 

Mais  l'efiort  demandé  étant  trop  grand,  on  observe  une  décroissance  rapide 
du  nombre  des  chefs  mandjas.  En  1903,  nous  aidâmes  à  cette  réduction  en  favo- 
risant les  fusions  des  petits  villages  en  vue  d'unifier  le  commandement. 

Cette  décroissance,  ralentie  en  1904,  n'a  cependant  pas  cessé.  Dans  l'état  de 
choses  actuel,  nous  ne  croyons  pas  d'ailleurs,  que  ce  soit  un  mal.  Il  serait  excel- 
lent que  l'on  puisse  arriver,  si  cela  est  aujourd'hui  matériellement  possible,  à 
reconstituer  les  clans  mandja,  à  choisir  les  plus  importants,  à  condenser  les  plus 
faibles  ou  les  plus  affaiblis,  à  les  agglomérer  pour  n'avoir  plus  sous  la  main  que 
quelques  chefs  sérieux,  d'une  fidélité  éprouvée,  ayant  une  autorité  indiscutée 


1908.]  GAUD  :  ORGANISATION    POLITIQUE   DES    MANDJA.  [P.  325. 

s'appuyant  sur  uous.  C'est  l'œuvre  du  temps  :  oil  ne  peut  y  songer  avant  la  sup- 
pression (lu  portage. 

Voici  le  recensement  des  cheflferies  : 

(la  zone  mandja  n'est  pas  encore  entière- 
ment connue), 
(décroissance  à  partir  de  Juin  1902). 


1" 

Janvier 

1902 

217 

cliefferies 

l" 

Janvier 

1903 

265 

30 

Juin 

1903 

137 

SI 

Décembre 

1903 

98 

1" 

Octobre 

1904 

112 

(par  suite  de  diverses  soumissions). 

Les  observations  précédentes  s'appliquent  uniquement  aux  villages  demeurés 
fidèles  :  il  n'en  est  plus  de  même  dans  les  villages  rebelles. 

On  y  observe  en  effet  le  phénomène  politique  absolument  contraire.  Il  va  de 
soi  que  plus  le  nombre  des  villages  soumis  diminuait,  plus  s'augmentait  celui  des 
groupes  rebelles,  puisque  sauf  les  pertes  importantes  dues  au  portage  ou  à  la 
variole,  il  n'y  en  avait  aucune  du  fait  d'un  exode  en  dehors  de  notre  zone  d'action. 

Les  villages  ou  mieux  les  fragments  de  villages  rebelles,  sentant  le  danger, 
ne  groupaient  autour  du  chef  le  plus  courageux,  celui  qu'ils  savaient  en  état  de 
tenir  au  besoin  campagne  contre  les  Européens.  L'autorité  de  ces  chefs  devenait 
énorme  en  quelques  mois  :  il  fallait  la  briser  à  tout  prix.  En  règle  générale,  dès 
qu'on  avait  pu  détruire  ce  chef  ou  s'assurer  de  sa  personne,  les  rél)ellions  les  plus 
.sérieuses  s'apaisaient  en  peu  de  temps. 

L'un  d'eux,  M'Ba,  chef  des  Monts  Kazamba  fut  le  maître  incontesté  de  toute 
la  zone  pendant  toute  l'année  1902.  La  rébellion  prit  fin  dès  que  M'  Ba,  après 
quatre  jours  de  siège,  à  bout  de  résistance,  vint  en  personne  faire  sa  soumission. 

De  mai  1902  à  Janvier  1904,  le  chef  Sendia  commanda  la  région  entière  de 
la  Koumi,  attirant  vers  lui  tous  les  mécontents,  les  groupant  dans  des  fourrés 
inextricables,  les  préparant  à  la  résistance  à  outrance.  Les  répressions  échouèrent 
toutes  les  unes  après  les  autres  ;  finalement  Sendia  traversa  la  Fafa  et  nous 
écliappa.  Ces  cas  sont  loin  d'être  isolés. 

En  somme,  ces  deux  chefs,  M'Ba  et  Sendia  qui  jusqu'au  jour  de  leur  ré\olte 
avaient  été  de  vulgaires  chefs  de  clan,  dont  le  nom  était  à  peine  connu  hors  de 
leur  zone,  n'eurent  une  autorité  redoutée  et  bien  assise  qu'une  fois  chefs  de  bande. 

En  d'autres  circonsi;auces,  il  eût  été  possible  de  faire  adopter  aux  Mandja 
du  Haut  Chari  un  chef  unique,  déjà  connu,  offrant  toutes  les  garanties  de  fidélité. 
Makourou,  chef  du  clan  Bougoumi,  l'un  des  plus  nombreux  parmi  les  clans  Mandja, 
Makourou  le  grand  ami  de  Gentil,  était  tout  désigné  pour  occuper  cette  haute 
situation.  Mais  les  perturbations  profondes  apportées  dans  le  pays  par  les  néces- 
sités inéluctables  de  l'occupation  du  centre  africain  ne  pouvaient  manquer  de  faire 
avorter  ce  projet. 

Makourou  qui  fut  d'un  concours  précieux  pour  Gentil,  ne  put  servir  notre 
cause  avec  profit  dès  que  h»  portage  eût  été  institué  en  grand.  Il  le  comprit  lui- 
même  et  se  retira  dans  son  village  pour  y  vivre  désormais  ignoré.  En  1902,  on  le 
chargea  d'aller  porter  des  paroles  de  paix  aux  rebelles  établis  entre  Koumi  et 
Nana.  Il  fut  non  seulement  re^u  comme  un  intrus,  mais  presque  malmené.  Au 
début  de  1903,  on  le  chargea  de  provoquer  une  reconcentration  des  Mandja  autour 
du  poste  de  la  Nana.  Ses  efforts  furent  littéralement  stériles. 

En  Juillet  1903,  il  fut  nommé  Grand  Chef  de  la  tribu  Mandja,  en  résidence  au 
chef-lieu  Fort  Crampel.  Mais  ce  ne  fut  jamais  qu'un  titre  honorifique  octroyé 


p.  326.]  »    R    >    E    >    E    »    8    > [1908. 

comme  récompense  des  services  rendus  :  à  peine  le  Grand  Chef  réussit-il  à  grouper 
autour  de  lui  les  fragments  du  clan  Bougoumi  disséminés  un  peu  au  hasard.  Mais 
tous  les  autres  clans  afifectèrent  de  ne  le  pas  connaître,  malgré  les  marques  exté- 
rieures d'autorité  que  le  commandement  européen  lui  prodigua. 

Makourou  avait  cependant  un  passé  ;  il  était  pour  tous  les  Mandjas  l'ami  de 
««  Cambacéré  »  (Gentil)  ;  sa  famille  était  honorée  et  son  clan  important. 

Fin,  rusé,  énergique  quand  il  le  fallait,  Makourou  avait  de  réelles  qualités 
de  commandement. 

Il  fut  impossible  de  l'imposer.  On  devine  à  quels  résultats  on  fût  arrivé  avec 
un  chef  ordinaire,  peu  connu  et  sans  prestige. 

Sous-chefs.  Le  chef  de  clan  ou  de  village  est  aidé  et  suppléé  par  un  ou  deux 
sous-chefs,  suivant  l'importance  du  clan.  Ces  auxiliaires  sont  choisis  par  le  chef 
qui  les  emploie  à  tout  service  qu'il  ne  peut  assurer  lui-même  ou  pour  lequel  il  ne 
lui  plaît  pas  de  se  déranger  (communications  à  faire  à  des  villages  voisins  —  ren- 
seignements à  prendre  —  ordres  à  porter,  etc.). 

Depuis  l'occupation  française,  ces  sous-chefs  sont  devenus  des  capolars.  Cette 
déformation  de  notre  mot  «  caporal  >»  indique  assez  l'analogie  des  fonctions  entre 
le  subalterne  militaire  et  le  sous-chef  Mandja.  D'autant  plus  que  notre  venue,  en 
élevant  le  portage  familial  à  la  hauteiu-  d'une  institution  d'Mtat,  a  créé  une  nou- 
velle attribution  aux  capolars  :  ce  sont  eux  qui,  dans  les  convois,  surveillent  'et 
dirigent  le  contingent  de  porteurs  fournis  par  leur  village  respectif.  Si  un  de  leurs 
hommes  est  trop  fatigué,  ils  doivent  se  charger  de  son  colis  pendant  le  temps  qui 
lui  est  nécessaire  pour  se  remettre  ;  ils  sont  responsables  de  la  fuit«  des  porteurs, 
de  la  perte  des  caisses,  des  avaries.  Nous  devons  reconnaître  que  d'une  façon 
générale,  ces  capolars  s'acquittent  consciencieusement  de  leur  besogne.  Il  est 
vrai  qu'ils  y  étaient  encouragés  par  les  avantages  attachés  à  cet  emploi  :  double 
paiement  de  leurs  journées  de  portage,  gratification  de  temps  à  autre  de  la  part 
de  l'Administration,  octroi  d'un  fusil  à  piston  lorsque  le  chef  en  ayant  déjà  un 
pour  lui,  en  recevait  un  second  comme  prime  au  portage  ou  prime  aux  collecteiu-s 
de  caoutchouc  et  d'ivoire  —  enfin  le  capolar  pouvait  escompter  plus  ou  moins  la 
succession  de  son  chef,  qui  lui  échéait  lorsque  celui-ci  décédait  sans  enfant 
mâle. 

Assemblées.  —  Lorsqu'arrivait  un  événement  important  qui  exigeait  une  déci- 
sion engageant  la  collectivité,  le  chef  convoquait  tous  les  membres  du  clan 
présents  —  par  une  batterie  spéciale  du  grand  tam-tam  de  guerre  —  il  exposait 
les  faits  et  les  discutait.  Chacun  pouvait  exprimer  librement  son  avis  —  et  on 
adoptait  la  résolution  de  la  majorité,  à  laquelle  l'unanimité  finissait  toujours  par 
se  ranger.  C'était  souvent  l'avis  du  chef  qui  triomphait,  surtout  lorsque  ce  chef 
jouissait  d'une  réelle  considération. 

Mais  ces  réunions  n'avaient  lieu  qu'en  cas  d'événements  graves  :  craintes 
ou  projets  de  guerre,  presqu'uniquement.  Elles  constituent  le  seul  symptôme 
d'organisation  collective  chez  les  Mandja  et  leur  limitation  à  ce  seul  cas  de 
l'union  pour  la  lutte  contre  l'ennemi  donne  la  mesure  du  manque  de  cohésion  et 
d'homogénéité  de  leur  vie  sociale. 


1908.]  VAN   GENNEP    :    LES   LANGUES   SPÉCIALES.  [P.  327« 


LINGUISTIQUE  ET  SOCIOLOGIE. 

II 
Essai  dnne  théorie  des  langues  spéciales 
par  A.  VAN  Gennep. 


Le  problème  des  langues  spéciales  n'a  été  envisagé  jusqu'ici  que  sous  des 
points  de  vue  étroits,  partiellement  par  suite  de  la  prédominance  accordée  à  Tétude 
des  argots  européens.  D'où  Ton  avait  été  conduit  à  ces  conclusions,  géoéralement 
admises  encore,  que  les  langues  spéciales  sont  des  formations  aberrantes,  des  cas 
tératologiques,  devant  leur  formation  à  des  circonstances  exceptionnelles.  C'est  ainsi 
entre  autres  que  M.  Sainéan^  semble  l'expliquer  par  une  sorte  de  génération  spon- 
tanée lorsqu'il  dit  «  Aucun  argot  européen  ne  remonte  au-delà  du  XV*  siècle  », 
alors  que  le  fait  est  seulement,  qu'aucun  des  documents  actuellement  connus  ne 
remonte  au-delà  de  cette  date.  Mais  comme  dans  les  Serees  de  Guillaume  Bouchot 
on  voit  rangés  daod  une  même  catégorio  les  argots  des  merciers,  des  mendiants  et 
des  voleurs,  et  que  ces  groupements  sociaux  secoadaires  ne  datent  évidemmeot  pas 
de  ce  moment,  il  est  normal  d'admettre  que  ces  argots  existèrent  aussi  aotérieure- 
ment. 

C'est  ce  que  vient  démontrer  ce  fait  que  daus  toutes  les  civilisations,  les  corpo- 
rations des  métiers  et  surtout  les  marchauds  possèdent  des  langues  spéciales  qui 
leur  servent  en  définitive  de  moyen  de  défense  contre  l'acheteur.  Ainsi  l'examen  du 
problème  dans  toute  sa  généralité,  c'est*à-dire  par  utilisation  de  la  méthode  ethno- 
graphique, s'impose  également  sur  ce  domaine.  Il  est  remarquable  que  Max  Müller, 
qui  s'intéressa  aux  tabous  linguistiques,  n'ait  pas  songé  à  faire  des  recherches 
générales  dans  ce  sens.  Et  comme  les  travaux  synthétiques  de  Fr.  Müller,  Wundt, 
Van  Ginneken,  etc.  ne  mentionnent  pas  le  phénomène,  les  ethnographes  spécialisés, 
bien  que  frappés  à  maintes  reprises  par  l'universalité  et  l'importance  des  langues 
spéciales,  n'ont  pu  le  catégoriser  à  leur  tour  linguistiquemcot. 

Pour  une  théorie  des  langues  spéciales,  il  faut  se  rappeler  qu'il  existe  dans  la 
vie  sociale  des  conditions  spéciales,  plus  exactement  des  besoins  collectifs  spé- 
<:iaux  auxquels  répondent  des  institutions  déterminées.  Ces  besoins  peuvent  demeu- 
rer latents  quelque  temps,  et  jusqu'au  moment  où  ils  émergent  dans  les  consciences 
individuelles  leur  satisfaction  demeure  potentielle.  Mais  du  jour  où  l'émergence  se 
produit  souvent,  à  plus  de  reprises,  et  chez  des  individus  pluâ  nombreux,  et  de  plus 
en  plus  rapprochés  par  de  mêmes  besoins,  la  tendance  se  manifeste,  d'abord  spora- 
diquement et  timidement,  puis  avec  une  puissance  peu  à  peu  accrue,  à  l'unification 
des  efforts  en  vue  de  la  création  d'institutions  nouvelles  nécessaires. 

C'est  ici  que  sera  d'un  grand  secours  l'ethnographie  expérimentale.  Je  ne  donne 
pas  à  ce  mot  un  sens  aussi  absolu  que  dans  les  sciences  naturelles  en  général,  mais 
le  sens  restreint  qu'il  a  dans  certaines  expériences  de  biologie,  par  exemple  lors- 
qu'on étudie  l'évolution  et  la  manière  de  se  comporter  des  êtres  dans  des  milieux 
artificiels,  eau  salée,  bouillons  de  culture,  etc.  C'est  un  tort  de  croire  que  Teth- 


L.  Sainôan,  Vargol  ancien,  Paris,  1907,  pp.  11  et  5. 


p.  328.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

nographie  n'est  qu'une  science  d'observation  après  coup  :  en  fait,  quelqu'un  qui 
désire  observer  un  phénomène  déterminé  peut  agir  sur  les  groupes  ou  les  individus 
sujets  de  l'observation  en  variant  les  conditions  de  l'observation,  conditions  psycho- 
logiques (par  des  questions  ;  par  un  choc  à  l'imitation,  etc.)  ou  matérielles  (par 
introduction  d'éléments  nouveaux  de  la  civilisation  matérielle).  C'est  ainsi  que  les 
missionnaires  font  inconsciemment  de  l'expérimentation  ethnographique  lorsqu'ils 
introduisent  chez  des  peuples  nus  ou  à  demi-nus  nos  vêtements  et  notre  conception 
de  la  pudeur,  introduction  dont  les  effets  sociaux  se  marquent  de  proche  en  proche. 
C'est  ainsi,  encore,  que  l'apport  de  l'écriture  arabe  et  de  l'écriture  européenne  au 
Kamerun  allemand  a  permis  de  suivre  en  détail  la  genèse  de  l'écriture  de  Njoya, 
roi  du  Bamum. 

Pour  le  problème  des  langues  spéciales,  le  fait  dont  il  faut  partir,  et  qui  a  été 
bien  constaté  à  maintes  reprises  par  les  sémasiologues,  c'est  qu'un  même  mot 
appartenant  à  la  langue  générale  n'a  pas  le  même  sens  pour  chacun  des  groupe- 
ments restreints  qui  existent  à  l'intérieur  de  la  société.  C'est  ainsi  que  le  mot 
opération^  comme  l'a  remarqué  M.  Bréal,  change  de  sens  selon  qu'il  est  employé  par 
un  chirurgien,  un  militaire,  un  financier,  un  maître  de  calcuU  ou  un  marchand  de 
vin^.  Il  existe  donc  à  l'intérieur  de  chaque  langue  commune  autant  de  langues 
spéciales  qu'il  y  a  de  métiers,  de  professions,  de  classes,  bref  de  sociétés  restreintes 
à  l'intérieur  de  la  société  générale.  La  situation  linguistique  de  chaque  langue 
dépendra  de  la  situation  sociale  du  groupement  qui  la  parle.  Rapprochée  par  sa 
conformation  de  la  langue  générale  s'il  s'agit  d'une  profession  reconnue,  elle  s'en 
éloignera  plus  ou  moins  selon  que  le  groupement  se  trouvera  en  état  d'antagonisme 
plus  ou  moins  marqué  vis-à-vis  de  la  société  géoérale.  C'est  pourquoi  le  langage 
spécial  des  voleurs  différera  le  plus  possible  de  la  langue  générale.  C'est  là,  dans 
nos  sociétés,  le  cas  extrême  de  tonte  une  série  de  langues  spéciales. 

Le  problème  se  trouve  donc  posé  sur  ses  vraies  bases  d'ordre  sociologique  :  il 
s'agit  de  rechercher  quelles  sont,  dans  chaque  société  générale,  les  sociétés  spé- 
ciales, et  de  déterminer  la  situation  qu'elles  occupent  entre  elles  d'une  part  et  vis- 
à-vis  de  la  société  commune  de  l'autre.  C'est  cette  situation  qui  conditionnera  le 
Caractère  plus  ou  moins  secret,  plus  ou  moins  spécial  de  chaque  langue  restreinte. 

L'enquête  n'a  de  chances  de  conduire  à  des  résultats  valables  que  si  elle  porte 
non  pas  seulement  sur  nos  sociétés  modernes,  où  nombre  de  différences  se  sont 
atténuées  ou  ont  fait  place  à  d'autres,  mais  elle  doit  être  largement  comparative. 

En  outre  toute  classification  des  langues  spéciales  indépendamment  des  langues 
générales  avec  lesquelles  elles  coexistent  risque  do  fausser  les  idées.  La  limitation 
de  l'horizon  constitue  précisément  le  grave  défaut  à  la  fois,  comme  je  l'ai  dit,  des 
travaux  parus  jusqu'à  ce  jour  sur  l'argot  mais  aussi  de  l'enquête  entreprise  autre- 
fois sur  les  «  langues  secrètes  »  par  la  revue  Am  Urquell  (vol.  II  à  V)  et  de  l'essai 
de  systématisation  de  Richard  Lasch^. 


^  M.  Brôal,  Essai  de  sémantique^  2«  éd.  p.  285  et  suiv. 

^  A.  Meillef,  Comment  les  noms  changent  de  sens^  Année  Sociologique,  T.  IX,  p.  14,  où  Ton 
trouvera  encore  cités  :  Duvau,  Mém,  Soc,  de  Ling.  XIII,  234  et  suiv.  ;  Meringer,  Indog,  Forsch., 
XYII;  Roques,  Journal  des  Savants,  1905  ;  etc. 

'  R.  Lascb,  Ueber  Sondersprachen  und  ihre  Entstehung,  Extrait  (36  pages)  des  Mitteilungen 
de  la  Société  Anthropologique  de  Vienne,  1907.  Voici,  en  outre  de  la  plupart  des  trayaux  cités 
dans  les  notes  du  présent  Essai,  quelques  indications  bibliographiques  complômentaires  à  l'inté- 
ressant mémoire  de  M.  Lascb  : 

V.  I.  lochelson,  Po  rièkam  lasacnoî  i  Korkodonu,  hv.  de  la  Soc.  Russe  de  géogr.  1898^ 


1908.]  VAN    GENNEP    :    LES   LANGUES   SPÉCIALES.  [P.  329. 

Bien  mieux,  cet  ethnographe  semble  même  s'opposer  (p.  14)  à  toute  tentative 
d^explication  des  langues  spéciales  par  leur  rattachement  à  des  catégories  sociales 
déterminées  :  «  On  rencontre,  dit-il,  dans  les  sphères  d'activité  des  hommes 
[opposés  aux  femmes]  un  grand  nombre  d'occupations  au  cours  desquelles  sont 
utilisées  des  formes  de  langage  spéciales.  Mais  il  serait  prématuré  de  dériver  leur 
existence  uniquement  des  besoins  spéciaux  des  métiers  et  occupations  mêmes  en 
question  ;  au  contraire,  ces  motifs  sont  de  beaucoup  inférieurs  en  importance  par 
rapport  aux  tabous  linguistiques  qui  se  basent  sur  les  influences  religieuses  n.  Prise 
au  pied  de  la  lettre,  cette  opinion  est  exacte  en  ce  sens  que  les  métiers  et  profes- 
sions ne  sont  pas  en  effet,  chez  ces  demi-civilisés,  la  condition  suffisante  pour  la 
formation  des  langues  spéciales  ;  mais  elle  est  inexacte  en  ceci,  que  Ton  n'a  pas  le 
droit  de  donner  aux  mots  occupation,  métier  et  activité  quand  il  s'agit  des  demi- 
civilisés  le  sens  uniquement  profane  qu'ils  ont  dans  nos  sociétés  modernes. 

Chez  nous,  les  sociétés  secondaires  ou  restreintes  sont  d'ordinaire  constituées 
par  des  individus  ayant  môme  activité  économique  ;  dans  ce  cas  les  langues  spécia- 
les prennent  chez  nous  le  caractère  de  simples  terminologies.  Mais  déjà  le  langage 
du  prêtre  présente  un  caractère  plus  complexe.  Et  si  de  proche  en  proche  on 
remonte  aux  sociétés  demi-civilisées,  on  constate  une  prédominance  de  plus  en 
plus  grande  du  caractère  sacré  de  la  plupart  des  langues  spéciales. 

Ce  mot  de  sacré  est  pris  ici  dans  le  sens  précis  que  lui  a  donné  ces  années 
dernières  la  science  des  religions  ;  il  signifie  à  la  fois  :  doué  de  puissance  surnatu- 
relle, impur,  et  mis  à  part  (tabou,  interdit).  11  n'existe  aucune  différence  de  prin- 
cipe entre  la  langue  de  métier  moderne  et  telle  langue  sacrée  demi-civilisée  :  seule- 
ment le  caractère  spécial  linguistique  n'affecte  pas  les  mêmes  catégories  sociales 
que  chez  nous. 

Autrement  dit,  les  sociétés  restreintes  qui  existent  à  l'intérieur  de  nos  sociétés 
générales  ne  se  rencontrent  pas  nécessairement  chez  les  demi-civilisés,  dont  les 
sociétés  générales,  en  revanche,  contiennent  des  sociétés  restreintes  que  nous  n'avons 
pas,  ou  que  nous  n'avons  que  partiellement  et  à  un  degré  moindre. 

A.  Langues  spéciales  sacrées.  —  On  constate  dans  toutes  les  civilisations  la 
coexistence  d'une  langue  sacrée  et  d'une  langue  profane.  Il  va  de  soi  que  plus  la 
société  restreinte  qui  a  pour  spécialité  l'activité  sacrée  est  organisée,  plus  sa 
langue  spéciale  l'est  aussi,  au  point  d'être  parfois  une  véritable  langue  tombée 
hors  de  l'usage  général  :  c'est  le  cas  du  sanskrit  dans  l'Inde,  du  latin  en  pays  catho- 
liques, du  vieux-slave  en  Russie,  etc.  et  peut-être  du  sumérien  dans  l'Assyro-Baby- 
lonie  ancienne.  Ce  procédé  d'immobilisation  d'une  langue  entière  est  le  cas  extrême 
d'un  procédé  propre,  plus  ou  moins,  à  toutes  les  langues  sacrées.  Toute  la  langue 
liturgique  présente  un  caractère  sacré  d'autant  plus  facile  à  lui  conserver  que  la 


liv.  3,  p.  258  (Youkagbires  :  tabous  lingaistiques  en  relation  avec  le  système  dassificatoire  ; 
langue  des  hommes  et  langue  des  femmes). 

Sieroszewski,  Le  chamanisme  chez  les  Yahoutes.  Revue  de  l'Histoire  des  Religions,  1902» 
T.  II,  p.  219-220  (tabous  linguistiques  intéressants,  du  cbamane,  etc.). 

Casalis,  Etudes  sur  la  langue  sechuana,  Paris  1841,  p.  49  «  euphémismes  ». 

M.  Cartwright,  Folk-Lore  of  the  Basuto,  Folk-Lore,  1904,  p.  258  (tabous  linguistiques  relatifs 
aux  morts). 

Dawson,  Australian  Aboriffines,  Melbourne,  1881,  p.  29-30  (tabou  linguistique  entre  belle- 
mère  et  gendre). 

P.  Sébillot,  Le  Folk-Lore  des  Pécheurs,  Paris  1903,  passim  (tabous  linguistiques  des  pécheurs, 
surtout  de  France  et  d'Angleterre)  ;  Le  Folk-Lore  de  France,  (index,  s.  v.  mots  et  nom). 

A.  von  Kremer,  j^ypten,  Leipzig,  1863,  T.  L,  p.  163  (langage  de  voleurs  arabes). 


p.  380.]  •    R    •    E    •    £_•    S    •  [1908. 

société  profane  n'en  fait  pas  usage.  Qae  si  Ton  examine  ce  qui  se  passe  dans  des 
dvilisatioDs  moins  élaborées  que  celles  énumérées  ci-dessus,  on  découvre  également 
l'existence  de  langues  spéciales  aux  activités  magico-religieuses  ;  mais  ces  langues 
sont  moins  développées  ;  elles  consistent  principalement  en  termes  inintelligibles 
au  profane  soit  parce  que  réellement  archaïques,  soit  parce  que  forgés  artificielle- 
ment au  fur  et  à  mesure  des  besoins.  L'un  et  l'autre  procédés  sont  souvent  très 
visibles  dans  les  incantations,  les  formules  magiques,  etc. 

Ainsi,  d'un  bout  à  Tautre  de  Thumanité  on  trouve  des  langages  sacrés  d'un 
emploi  réservé  aux  prêtres,  aux  magiciens  ou  à  des  individus  quelconques  pourvu 
que,  au  moment  de  Tusage,  extraits  par  des  rites  appropriés  du  monde  profane  et 
munis  de  la  puissance  magico-religieuse  nécessaire  à  quiconque  veut  faire  partie 
temporairement  du  monde  sacré. 

On  arrive  ainsi  à  chercher  quelles  sont  les  autres  activités  et  les  situations  qui 
peuvent  présenter,  à  un  moment  donné,  ce  caractère  sacré.  Cette  recherche  est 
facilitée  par  les  travaux  parus  en  grand  nombre  ces  dernières  années  sur  les  divers 
rites  magico-religieux,  d'où  ressort  que  chez  les  demi-civilisés  le  domaine  du  sacré 
est  beaucoup  plus  vaste  que  chez  nous,  au  point  qu'il  n'est  guère  d'activité  sociale 
qui  ne  participe  à  un  moment  ou  à  un  autre  du  rite  magico-religieux.  Et  chaque 
fois  que  ce  fait  se  présente,  il  doit  y  avoir  emploi,  en  théorie,  d'un  langage  spécial, 
hypothèse  que  les  données  actuelles  permettent  de  regarder  comme  exacte  dans  un 
très  grand  nombre  de  cas.  Ces  langages  spéciaux  usités  temporairement  présentent 
le  plus  souvent  un  caractère  fragmentaire  :  ou  du  moins,  sauf  sporadiquement,  ils 
ne  sont  constitués  que  par  un  nombre  plus  ou  moins  considérable  de  termes  d'usage 
interdit,  c'est-à-dire  par  des  tabous  linguistiques. 

Le  tabou  peut  frapper  non  seulement  le  nom  des  divinités  proprement  dites, 
mais  aussi  celui  des  divinités  de  toutes  catégories  :  démons  bienfaisants  ou  malfai- 
sants, héros  civilisateurs,  et  en  général  les  divinités  qui  président  aux  diverses 
activités  spéciales  :  accouchement,  naissance,  initiation,  sacrifice,  etc.  Il  atteint 
aussi  les  divinités  zoomorphiques,  phytomorphiques  ou  astrologiques  ;  et  enfin  les 
totems  (divinités  de  clan),  les  protecteurs  d'individus  et  de  toutes  sortes  de  groupe- 
ments. Partout  où  le  chef  est  regardé  comme  saint,  et  c'est  là  un  fait  dont  la  vaste 
difi'usion  a  été  démontrée  par  J.-G.  Frazer,  il  existe  un  langage  spécial  quand  on 
parle  au  chef  ou  aux  membres  de  sa  famille,  ou  quand  on  en  parle.  Il  en  est  de 
même,  comme  je  l'ai  démontré  eu  détail  pour  Madagascar,  quand  il  s'agit  des  morts 
ou  de  la  mort.  De  même  encore  on  emploie  un  langage  spécial  à  propos  de  plantes, 
comme  le  riz  en  Indonésie,  dont  la  culture  présente  un  caractère  sacré. 

Nous  arrivons  ainsi  au  second  domaine,  celui  des  activités  :  il  en  est  dans  chaque 
société,  un  certain  nombre  qui  portent  avec  netteté  un  caractère  sacré.  Telles  la 
pêche  et  la  chasse  un  peu  partout,  notamment  les  chasses  rituelles  totémiques. 
Dans  l'Indonésie  on  trouve  le  langage  sacré  des  chercheurs  de  camphre  ou  de  bois 
d'aigle  ;  ailleurs  on  rencontre  un  langage  de  guerre  spécial.  Enfin  dans  cette  même 
catégorie  rentrent  les  langues  des  forgerons,  qui  occupent  dans  nombre  de  sociétés 
une  position  intermédiaire  entre  le  monde  profane  et  le  monde  sacré. 

On  peut  en  dire  autant  du  langage  des  femmes,  celui  d'entre  les  langages  spé- 
ciaux qui  a  le  plus  frappé  les  observateurs  et  à  leur  suite  les  théoriciens.  En  fait 
l'existence  d'une  langue  spéciale  aux  femmes  s'explique  normalement  par  la  situa- 
tion même  de  la  femme  dans  les  sociétés  demi-civilisées.  En  principe,  elle  n'appar- 
tient pas  à  la  société  générale,  laquelle  n'est  constituée  que  par  les  hommes  ayant 
passé  par  les  rites  d'agrégation  à  la  communauté. 


1908«]  VAN    GENNEP    :    LES   LANGUES   SPÉCIALES.  [P.  331* 


Elle  rentre  ainsi  dans  la  même  catégorie  que  Tétranger.  Or  l'étranger  et  la 
femme  possèdent  intrinsèquement  une  qualité  magico-religieuse  spéciale,  toujours 
considérée  comme  maléficiente,  ainsi  qu'il  a  été  démontré  par  J.-6.  Frazer, 
H.  Grierson,  moi-même,  Crawley,  etc.  Les  raisons  de  détail  de  ce  point  de  vue 
n'importent  pas  ici,  mais  seulement  ce  fait  qu'elles  sont  d'ordre  magico-religieux  et 
que,  étant  donné  un  groupement  homogène  formé  d'hommes  adultes,  il  est  normal 
que  les  individus  non  agrégés  à  ce  groupement  parlent  une  langue  différente  de  la 
langue  du  groupement  en  question. 

En  règle  générale,  tout  groupement  formé  d'individus  ayant  mêmes  intérêts  et 
mêmes  activités  tend  à  demeurer  homogène  et  à  se  protéger  contre  l'intrusion 
d'éléments  hétérogènes.  Or  un  clan  est  par  essence  un  tel  groupement,  et  tendra 
par  suite  à  s'isoler  par  tous  les  moyens  possibles,  le  moyen  linguistique  étant  l'un 
des  plus  puissants.  Cette  tendance  se  rencontre  ensuite  dans  la  tribu,  puis  dans  le 
conglomérat  de  tribus  et  de  proche  en  proche  jusque  dans  le  peuple  et  la  nation. 

Parallèlement  se  marque  la  tendance  de  ceux  qui  demeurent  en  dehors  à  for- 
mer eux  aussi  un  groupement  armé  pour  son  propre  maintien. 

Le  mécanisme  et  les  raisons  d'être  de  la  formation  des  langues  spéciales  sacrées 
se  marque  surtout  avec  netteté  dans  celle  des  langues  dites  «  secrètes  »ou  »  d'ini- 
tiation ».  Ces  langues  ont  été  l'objet  de  recherches  assez  étendues,  surtout  quant  à 
leur  vocabulaire,  mais  on  ne  semble  pas  avoir  jusqu'ici  compris  leur  place  logique 
dans  l'ensemble  des  rites  d'initiation.  Par  ce  terme  on  enteod  les  rites  qui  accom- 
pagnent, sanctifient  et  légalisent  le  passage  d'une  classe  d'âge  à  une  autre,  ou  d'une 
classe  mystique  à  une  autre  (mystères).  Or  ces  rites  ont  pour  objet  :  P  de  séparer 
le  novice  de  son  milieu  autérieur  ;  2®  de  l'agréger  à  un  milieu  nouveau  ;  3°  de  le 
réintégrer  dans  le  milieu  général.  Au  point  de  vue  linguistique  le  processus  se 
décompose  ainsi  :  1^  oubli  de  la  langue  antérieure  (langage  enfantin,  langue  des 
femmes,  langue  générale  vulgaire)  ;  2^  assimilation  de  la  langue  du  milieu  nouveau 
(langue  secrète,  langage  mystique,  langue  théologique)  ;  3®  retour  à  la  langue  vul- 
gaire et  générale,  avec  conservation  à  un  certain  nombre  de  mots  vulgaires  d'un 
sens  spécial,  ou  conservation  de  tout  un  langage  spécial  à  utiliser  seulement  dans 
des  circonstances  données  et  avec  des  individus  donnés.  On  verra,  en  appliquant  ce 
schéma  aux  cas  spéciaux,  par  exemple  aux  langues  «  secrètes  »  du  Bas-Congo^,  qu'il 
rend  intelligible  le  fait  linguistique  en  lui  donnant  sa  vraie  place  parmi  tout  un 
ensemble  complexe  de  faits  d'un  caractère  social  général  et  magico-religieux  spé- 
cial. Dans  ce  cas  encore  la  «  langue  secrète  »  est,  non  pas  un  produit  aberrant,  mais 
une  résultante  normale  de  nécessités  sociales  générales. 

Il  en  est  de  même  encore  de  la  langue  des  enfants.  Les  enfants  forment,  même 
dans  nos  sociétés  où  il  n'y  a  plus  de  classes  d'âge  hiérarchisées,  une  société  spéciale, 
ayant  ses  tendances  propres  qui  sont  nettement  individualistes.  Le  langage  des 
enfants  est  sans  doute  soumis  à  des  facteurs  physiologiques  ;  mais  on  verra  souvent 
les  enfants  conserver  entre  eux  un  langage  propre  (fait  frappant  surtout  dans  les 
familles  nombreuses,  dans  les  écoles)  qui  n'est  autre  qu'un  moyen  de  défense  à 
l'égard  des  adultes,  considérés  comme  oppresseurs,  ou  en  tout  cas  comme  personnes 
à  éviter.  Dans  les  sociétés  demi-civilisées,  les  enfants  rentrent  dans  la  même  caté- 
gorie que  les  femmes  et  emploient  leur  langage  spécial,  qu'ils  doivent  ensuite 
désapprendre  lors  des  rites  de  passage  à  la  première  classe  d'âge.  Dans  certains 


^  £.  de  Jonghe^  Les  sociétéi  secrètes  au  Bo^-Con^o,  Bruxelles,  1907.  Ces  faits  n*or.t  pas  été 
compris  par  Webster,  Secret  Societies,  New- York,  1908,  p.  42. 


p.  332.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

cas,  les  eofaats  demi-civilisés  possèdent  encore  un  langage  propre  coexistant  avec 
celui  de»  femmes  :  il  rentre  alors  dans  la  catégorie  suivante,  celle  des  langues 
profanes. 

B.  Langues  spéciales  profanes.  —  Le  point  extrême  de  développement  de  la 
langue  des  enfants,  c'est  la  langue  spéciale  des  étudiants,  qu^on  peut  regarder 
comme  une  survivance  d^une  classe  d'âge  et  des  langues  secrètes  dUnitiation,  en 
tenant  compte  de  ce  fait  fondamental  que  ces  langues  spéciales  modernes  n'ont 
aucun  caractère  sacré,  non  plus  que  les  expressions  du  passage  de  Tadolescence 
à  rage  mûr. 

Les  langues  enfantines  des  demi-civilisés  n'ont  guère  été  étudiées  encore.  En 
tout  cas  on  doit  rejeter  absolument  la  théorie  de  M.  Lasch,  qui,  d'accord  avec 
Haie,  regarde  le  langage  des  enfants  comme  le  résultat  d'un  «  instinct  de  jeu  », 
identifie,  suivant  un  cliché  vraiment  trop  usé,  le  sauvage  à  Tenfant  et  regarde  en 
définitive  ce  même  «  instinct  de  jeu  »  comme  «  la  force  interne  •  qui  a  amené  la 
formation  de  toutes  les  langues  spéciales^ 

Ce  n'est  pas  le  lieu  de  démontrer  que  le  célèbre  «  instinct  de  jeu  b  de  l'enfant 
et  du  sauvage  n'est  qu'une  invention  des  psychologues  introspectifs.  Depuis  les 
travaux  des  biologistes  sur  l'instinct,  et  de  ceux  de  Karl  Groos  sur  les  Jeux  des 
animaux^  et  les  jeux  des  hommes,  fondés  sur  des  documents  bien  critiqués  et  sur 
des  connaissances  approfondies  en  biologie,  on  sait  que  les  actes  animaux,  enfan- 
tins et  humains  qu'on  regardait  comme  une  dépense  désintéressée  d'activité  ne  sont 
que  des  adaptations  préalables  à  une  fin  utile  ultérieure,  des  pré-exercices.  Or  c'est 
bien  cet  élément  d'utilité  que  j'espère  avoir  fait  ressortir  au  cours  de  cet  exposé 
et  qui  est  leur  vrai  but.  M.  R.  Lasch  prétend  que  les  langues  des  enfants  ne  sont  que 
des  «  amusements  »  ;  et  c'est  dans  cette  même  catégorie  qu'il  classe  une  langue 
spéciale  des  Maori  dont  cependant  Taylor  précise  le  but  :  «  They  have  another 
amusement,  which  consists  in  rendering  their  conversation  unintelligible  to  stran- 
gers ». 

Ce  même  caractère  d'utilité  se  marque  dans  les  langues  de  métiers,  sur  les- 
quelles il  n'est  pas  nécessaire  d'insister  longuement.  Quelques  unes  d'entre  elles 
participent  du  caractère  sacré  du  métier  et  des  gens  qui  s'y  adonnent,  ainsi  qu'il  a 
été  (lit  ci-dessus  (pêcheurs,  chercheurs  de  camphre,  forgerons).  L'une  des  plus 
connues  est  celle  des  maçons  et  tailleurs  de  pierres,  qui  constituaient  dès  l'époque 
grecque  une  corporation  très  fermée  et  très  individualisée.  Ces  langues  de  métier 
prennent,  au  fur  et  à  mesure  du  développement  culturel,  le  caractère  de  simples 
terminologies. 

Là  où  les  métiers  et  les  professions  constituent  des  sociétés  spéciales  bien  déli- 
mitées à  l'intérieur  de  la  société  générale,  le  langage  spécial  prend  au  contraire  un 
caractère  très  accusé.  Tel  est  le  cas  partout  où  existe  le  système  des  castes  (Inde, 
Afrique  Occidentale).  Et  ceci  nous  conduit  à  rechercher  le  lien  qui  peut  exister 
entre  la  race,  la  profession  et  la  langue.  Les  forgerons  fournissent,  pour  plusieurs 
régions  de  l'Afrique  un  cas  typique  ;  c'est  ainsi  que  les  Wandorobbo,  qui  vivent  au 
nûlieu  des  Masaï,  sont  forgerons,  parlent  leur  langue  propre,  à  ce  qu'il  semble  non 
hamitiquc,  et  sont  d'une  autre  race  que  les  Masaï.  Ce  cas  montre  donc  la  combinai- 
son de  trois  éléments  dont  j'ai  parlé  :  caractère  sacré,  spécialisation  de  métier, 
séparation  de  l'étranger.  On  comparera  encore  le  cas  des  Tsiganes,  spécialement 


'  loc.  cit.  pp.  3,  12,  35. 

*  Trad,  française,  Paris  1902. 


1908.]  VAN    GENNEP    :    LES   LANGUES   SPÉCIALES.  [P«  333« 

adonnés  à  la  chaudronnerie  et.  gardant,  par  procédé  de  défense,  leurs  dialectes 
composites  au  milieu  des  autres  langues  générales.  A  Tintérieur  même  de  toute  la 
collectivité  tsigane  prise  en  bloc  on  note  des  spécialisations  linguistiques,  causées 
d'une  part  par  la  pression  des  langues  générales  ambiantes  et  de  l'autre  par  Tintro-. 
duction  dans  la  collectivité  d'éléments  hétérogènes  (voleurs,  assassins,  out-laws  de 
toute  sorte).  Ainsi  le  tsigane  primitif  s'est  en  diverses  régions  d'Europe  transformé 
en  cette  sorte  de  langue  spéciale  qu'on  qualifiera  plus  étroitement  «  d'argot  ».  La 
constitution,  avec  le  développement  actuel  de  notre  civilisation,  de  toute  une  caté-. 
gorie  de  femmes  spéciale,  celle  des  prostituées,  a  également  entraîné  la  formation 
d'un  argot  spécial. 

Je  passe  à  l'examen  de  l'aspect  proprement  linguistique  du  problème. 

Gomment,  au  point  de  vue  linguistique  strict,  les  langues  spéciales  sont-elles 
constituées  ?  A  cette  question  M.  Lasch  ne  répond  que  comme  suit  : 

Il  distingue  quatre  procédés  : 

P  La  périphrase  :  au  lieu  de  «  soleil  «  on  dira  «  le  brillant  »  ;  au  lieu  de  bois, 
«  ce  qui  se  porte  sur  l'épaule  ». 

2?  L'emprunt  à  des  langues  étrangères  :  la  langue  des  femmes  caraïbes  contient 
des  éléments  arawak. 

3^  Les  archaïsmes  (langue  des  prêtres  dajak,  etc.). 

4^  La  modification  par  métathèse,  incorporation  ou  redoublement  de  sons  et 
de  syllabes  (javanais  des  prostituées  ;  langue  des  enfants,  etc.). 

Ce  classement  est  certes  exact  mais  ne  me  semble  pas  d'une  grande  utilité 
pour  le  problème  même  des  langues  spéciales.  Il  n'est  pas  un  seul  de  ces  procédés 
en  effet  qui  ne  soit  appliqué  également  dans  la  formation  des  langues  ordinaires  : 
le  grec  ou  le  français  par  exemple  font  usage  de  la  périphrase,  de  l'emprunt  aux 
angues  étrangères,  des  archaïsmes,  des  métathèses,  des  redoublements,  etc.  ;  ce 
qui  prouve  une  fois  de  plus  que  la  langue  spéciale  est  un  phénomène  normal. 

Plus  utile  serait  déjà  une  détermination  exacte  du  rôle  de  l'analogie  dans  la 
formation  des  langues  spéciales. 

En  tout  cas,  étant  donné  que  spécial  s'oppose  à  général,  il  s'agit  de  classer  les 
faits  conformément  aux  termes  du  problème.  Il  me  semble  donc  plus  rationnel  de 
distinguer  dans  chaque  langue  spéciale  : 

a)  Les  mots  qui  se  rattachent  à  un  radical  non  en  usage  dans  la  langue  géné- 
rale du  moment  considéré  ;  dans  cette  catégorie  rentrent  les  mots  étrangers,  les 
mots  archaïques,  les  mots  inventés  de  toutes  pièces  (d'ordinaire  par  formation  ana- 
logique). 

b)  Les  mots  formés  d'éléments  en  usage  dans  la  langue  générale  :  ce  sont  d'or- 
dinaire des  qualificatifs,  ou  encore  des  mots  communs  transformés  par  métathèse, 
insertion  de  syllabes  ad  libitum,  redoublement. 

Il  est  souvent  difficile  de  discerner  à  première  vue  dans  laquelle  de  ces  deux 
catégories  rentre  un  mot  spécial  donné  ;  j'ai  tâché  naguère  de  le  faire  pour  les 
vocabulaires  malgaches  relatifs  aux  chefs  et  aux  morts,  sans  y  réussir.  C'est  donc 
affaire  à  chaque  spécialiste  de  dresser  la  liste  des  mots  d'après  leur  appartenance 
ou  non  à  la  langue  commune. 

Cependant  chacun,  même  avec  les  documents  si  souvent  insuffisants  qu'on  pos- 
sède sur  les  langues  non  indo-européennes  ni  sémitiques  peut  arriver  assez  aisé- 
ment à  reconnaître  les  qualificatifs.  £t  ce  travail  déjà  en  vaut  la  peine,  car  trop 


p.  334.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

souvent  les  observateurs  affirment  en  toute  bonne  foi  que  tels  ou  tels  mots  sont 
fabriqués  de  toutes  pièces,  alors  que  des  recherches  comparatives  montrent  quMls 
sont  la  simple  mise  en  œuvre  d'éléments  appartenant  à  la  langue  commune.  C'est 
ainsi  que  Miss  Werner^  s'est  donné  la  peine  de  rechercher  les  radicaux  Zoulous 
auxquels  se  rattachent  les  mots  hlonipa  (taboues)  donnés  par  Coienso  dans  son 
Dictionnaire  et  qu'elle  a  réussi  à  trouver  Torigioe  de  la  plupart  d'entre  eux.  Ici 
encore  il  s'agit  de  qualificatifs.  Or  certains  observateurs  sont  portés  à  exagérer  l'in- 
fluence des  mots  taboues  sur  la  variation  des  dialectes^  alors  que  d'autre  part  trop 
de  linguistes  l'ignorent  totalement  et  dressent  des  tableaux  de  concordance  des  mots 
sans  tenir  compte  de  l'influence  possible  de  ces  facteurs  de  discordance,  influence 
déjà  relevée  par  Herdeland  dans  son  Dictionnaire  Dajàk  et  par  Kern.  Ce  savant 
notamment  a  attiré  l'attention  sur  un  procédé  oublié  par  M.  Lasch,  et  qu'on  peut 
appeler  le  procédé  par  remplacement  :  en  Oalélaré  au  lieu  de  o  sähe,  tète,  on  dira 
0  hutUj  cheveu  ;  c'est-à-dire  qu'on  prendra  la  partie  pour  le  tout  ;  ou  le  contenu 
pour  le  contenant^,  etc.  Les  mômes  conclusions  découlent  des  recherches  de  A.  Meil- 
let^  sur  les  noms  de  l'ours,  du  serpent,  de  la  souris,  du  renard,  etc.,  pour  droit  et 
gauche  dans  les  langues  indo-européennes,  et  de  Miss  Werner^  sur  les  mots  pour 
soleil,  pour  lune,  pour  droit  et  pour  gauche  dans  les  langues  bantou.  La  périphrase 
est  le  procédé  le  plus  employé  ;  mais  concurremment  on  rencontre  des  radicaux  dis- 
tincts. J'ajouterai  que  le  qualificatif  comme  nom  propre  de  divinité  est  d'un  usage 
extrêmement  fréquent  (cf.  Useacr,  Göiternamen). 

Il  y  a  donc  lieu  de  noter  que  sur  ce  point  la  langue  spéciale  peut  rester  en 
contact  permanent  avec  la  langue  générale,  même  si  le  vocabulaire  spécial  présente 
un  caractère  sacré  proprement  dit.  Par  là  même  la  langue  spéciale  se  montre  ce 
qu'elle  est  en  réalité  :  non  pas  un  jeu  ni  un  amusement,  mais  une  forme  particu- 
lière d'un  processus  linguistique  universel  et  fondamental^.  De  plus  la  langue  spéciale 
peut  se  marquer  aussi,  non  seulement  dans  le  vocabulaire,  mais  aussi  dans  la  mor- 
phologie. C'est  ce  qu'a  bien  vu  J.  G.  Frazer.  Avec  R.  Brugmann,  J.  G.  Frazer 
distingue  le  genre  subjectif  et  le  genre  objectif,  le  premier  indiquant  le  genre  de 
celui  qui  parle,  le  second  le  genre  de  l'être  ou  de  l'objet  dont  il  est  parlé.  Supposez 
maintenant,  et  connaissant  l'existence  si  répandue  chez  les  demi- civilisés  de  la 
coexistence  d'une  langue  spéciale  aux  hommes  et  d'une  langue  spéciale  aux  femmes, 
supposez  que  les  hommes  du  Latium  aient  dit  equus  pour  cheval  et  les  femmes  equa^ 
tout  comme  les  hommes  Arawak  disent  tctëe  pour  certainement  et  les  femmes  tara. 


^  A.  Werner,  The  custom  of  hlonipa  in  its  iftfluence  on  language^  Jl.  Afr.  Soc.  n«  XV  (Avril 
1905)  pp.  346-356. 

*  Cf.  mon  Tabou  et  Totémisme  à  Madagascar,  Paris,  1904.  pp.  112-113. 

3  Kern,  Woordverwisseling  in  het  GaJelareesch,  Bijdr.  T.  L.  Vk,  Ned.  l.,  1893,  p.  120-128. 

*  A.  Meillet,  Quelques  hypothèses  sur  des  interdictions  de  vocabulaire  dans  les  langues  indo- 
européennes,  1905. 

^  A.  Werner,  Note  on  the  termes  used  for  «  right  hand  »  and  ^  left  hand  »  in  the  Bantu 
languages,  Jl.  Afr.  Soc.  n^  XIII  (1904)  p.  112-116  ;  complété  pour  les  langues  du  Congo  par 
Stapleton,  ib.  n«  XVI  (19    )  p.  431-433). 

®  C  eft  CA  que  n*a  pas  vu  R.  Brandstetter,  Ein  Prodromus  zu  einem  vergleichenden  Wörter' 
buch  der  maL-pol.  Sprachen,  Lucerne,  1905  qui  s'est  contenté  pp.  69-73  d'amorcer  Tétude  com- 
parée des  tabous  linguistiques  dans  les  langues  malayo-polynôsiennes,  sans  connaître  mes 
recherches  sur  ceux  de  Madagascar,  où  il  aurait  trouvé  des  indications  suffisantes  de  méthode; 
cf.  Tabou  et  Totémisme  à  Madagascar  (Paris,  1904)  pp.  105-113  (langage  relatif  au  chef);  151- 
163  (tabous  linguistiques  de  caste  et  de  clan)  ;  190-191  et  247)  (langage  peut-être  héraldique,  en 
tout  cas  magico-religieux  et  économique)  et  à  l'index,  8..v.  linguistiques  {tabous). 


1908.]  VAN    GENNEP    :    LES    LANGUES   SPÉCIALES.  [P.  335. 

Ici  le  genre  est  encore  subjectif.  Mais  peu  à  peu  on  aurait  adopté  un  système 
transactionnel,  la  nécessité  des  doublets  cessant  d'être  évidente.  On  en  serait  alors 
arrivé  au  genre  objectif,  equus  désignant  le  chevalet  equa  \B,junient  ;  enfin  us  et  a 
seraient  devenus,  par  abstraction,  les  indications  du  genre. 

Or,  en  dehors  du  parallèle  arawak,  je  ne  connais  pas  de  faits  où  le  passage  du 
genre  subjectif  au  genre  objectif  se  marque  sur  le  même  radical.  En  générai,  le 
vocabulaire  diffère  du  tout  au  tout^. 

yhypothèse  de  Frazer  ne  va  donc  pas,  quelque  séduisante  qu'elle  soit,  sans 
soulever  nombre  d'objections.  Et  surtout,  la  différence  quant  au  caractère  subjectif 
ou  objectif  ne  porte  pas  seulement  sur  le  genre.  Le  genre  linguistique  n'est  en  fait 
qu'un  fragment  d'un  système  de  classification  des  êtres  et  des  choses  et  dont  il  faut 
tenir  compte.  Le  classement  des  êtres  et  des  choses  d'après  le  sexe,  qui  se  marque 
dans  la  langue  par  le  genre,  se  complète  chez  un  très  grand  nombre  de  peuples  par 
un  classement  fondé  sur  d'autres  qualités  :  grandeur  ou  petitesse,  intelligence, 
raison  ou  instinct,  classes  d'âge,  classes  sociales,  classes  de  parenté,  classes  poli- 
tiques, et  enfin  catégories  naturelles  (terre,  ciel,  etc.  ;  orients  et  points  cardinaux). 

Que  ces  classifications,  à  bases  diverses,  puissent  avoir  une  influence  sur  la 
langue,  cela  est  admissible  à  priori.  Voici  du  moins  quelques  cas  très  nets,  qui 
prouvent  qu'ils  peuvent  on  avoir  à  la  fois  sur  le  vocabulaire  et  sur  la  terminologie, 
et  ceci  autant  dans  les  langues  spéciales  que  dans  les  langues  générales. 

Pour  les  individus  apparentés,  ce  qui  compte  dans  la  vie,  ce  n'est  pas  le  sexe, 
et  dans  la  langue,  ce  n'est  pas  le  «  genre  »  subjectif  ou  objectif,  mais  le  degré  de 
parenté  qui  est  objectif  et  subjectif  à  la  fois.  C'est  pourquoi  le  système  «  classifica- 
toire  n  influe  par  exemple  sur  la  langue  chez  les  Stlatlumh  de  la  Colombie  britan- 
nique :  un  même  mot  signifie  grand-grand-père  ou  grand-grand-mère  ;  grand-père 
ou  grand-mère  ;  petit-fils  ou  petite-fille  ou  petit-neveu  ;  fils,  fille  ou  enfant.  Ici 
le  genre  linguistique  à  base  sexuelle  n'existe  même  pas,  le  seul  cas  où  M.  Hill-Tout 
l'ait  noté  étant  celui  de  mon  fils  (ten  skôza)  et  ma  fille  (tin  skôza),  où  le  genre  se 
marque  par  un  changement  de  voyelle  dans  le  pronom  possessif. 

Même  possibilité  d'action  pour  la  formation  du  pluriel  :  «  Les  seuls  noms  hupa 
[Californie]  qui  changent  de  forme  pour  indiquer  le  pluriel  sont  ceux  qui  classent 
les  êtres  humains  d'après  leur  sexe  et  leur  situation  dans  la  vie,  ainsi  que  les 
termes  de  parenté^  »  bien  que  cependant  l'usage  du  pluriel,  même  avec  ces  mots, 
soit  rare. 

D'autre  part,  «  le  verbe  hupa  possède,  outre  les  formes  ordinaires  du  nombre 
(sing,  duel,  plur.)  une  forme  spéciale  de  la  troisième  personne  pour  parler  d'un 
enfant  hupa  ou  d'une  personne  très  âgée  ou  pour  parler  à  des  membres  d'autres 


^  Cf.  pour  d'autres  faits,  mon  analyse  du  mémoire  de  Frazer  dans  la  Revue  des  Idées^  1904, 
sous  le  titre  :  Le  genre  des  mots.  Cf.  encore  le  fait  suivant,  typique  du  processus  de  changement 
de  genre  d*un  mot  sous  l'influence  de  représentations  mythologiques  :  «  Quand  les  Romains  ont 
commencé  dose  représenter  l'Amour  fous  l'apparence  d'un  Jeune  garçon  armé  d'un  arc  et  sous 
les  traits  de  PEros  grec,  ils  ont  changé  l'idée  du  mot  latin  Cupide  ;  mais  ils  ont  gardé  le  nom, 
quoique  nom  féminin  comme  libido,  dulcedon,  Bréal,  Pour  mieux  connaître  Homère,  Paris  1906 
p.  266. 

»  C.  Hill  Tout,  Rfport  on  the  Ethnology  of  the  Stlatlumth,  Jl.  Anthrop.  Inst.,  1905,  pp.  160  et 
206.  La  formation,  si  répandue,  du  masculin  et  du  féminin  par  adjonction  des  mots  pour  mdle 
et  femelle  n'entre  pas  ici  en  ligne  de  compte. 

'  P.  E.  Goddard,  Morphology  of  the  hupa  language,  Berkeley,  Univ.  Cal.  Ill,  1905,  p.  24  ; 
l'auteur  renroie,  pour  un  cas  analogue  de  limitation  dans  l'usage  du  pluriel,  à  un  mémoire  du 
P.  Morice  sur  les  Indiens  des  Carrières,  Trans.  Can.  Inst.,  T.  I,  n<*  2,  p.  184. 


p.  336.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

txibus,  ou  d'autres  races,  ou  aux  auimaux  ».  Autromeot  dit  :  cette  forme  spéciale 
s'emploie  lorsqu'il  s'agit  d'êtres  n'appartenant  pas  à  la  communauté  adulte,  cen- 
trale, de  la  tribu. 

Ce  dernier  fait  est  très  instructif  :  sur  un  point  au  moins  la  langue  bupa  géné- 
rale présente  un  caractère  typique  des  langues  dites  secrètes  et  parlées  en  règle 
générale  par  un  groupe  spécial  à  l'intérieur  d'un  groupe  général.  Il  y  a  donc  lieu 
de  se  demander  si  le  fait  linguistique  relevé  dans  le  bupa  n'est  pas  l'indice  d'un 
point  de  vue  normalement  répandu  cbez  les  demi-civilisés  se  trouvant  à  un  stade 
social  et  linguistique  moins  avancé. 

Je  fais  allusion  à  la  multiplicité  des  dialectes  cbez  certains  peuples,  multipli- 
cité proprement  étonnante  parfois.  Ainsi  le  moindre  groupement  australien  possède 
son  dialecte  propre,  parlé  parfois  par  une  vingtaine  de  personnes  seulement.  J*ignore 
le  nombre  exact  de  ces  dialectes  australiens,  mais  il  dépasse  certainement  200  pour 
quelques  milliers  d'individus  en  tout^.  De  même  à  Timor,  Crawftird  comptait 
40  dialectes  pour  100.000  individus,  et  en  Nouvelle-Ouinée,  Erdweg  trouvait 
4  dialectes  pour  294  babitants  répartis  en  4  villages^.  Des  langages  non  fixés  par 
l'écriture  sont  comme  de  juste  sujets  à  une  plus  grande  variabilité  :  mais  si  l'on 
ne  se  contente  pas  de  cette  constatation  d'ordre  vague,  si  on  examine  d'un  peu 
près  par  exemple  le  maintien  du  dialecte  arunta  à  côté  du  dialecte  urabunna  et  du 
dialecte  dieri  dans  l'Australie  centrale  on  s'étonne  qu'il  n'y  ait  pas  fusion  étant 
données  les  relations  constantes  entre  les  membres  de  ces  très  petits  groupements. 
£t  ceci  vaut  pour  tous  les  dialectes  australiens  de  procbe  en  proche.  Le  fait  bupa 
suggère  alors  l'interprétation  suivante  :  cbaque  dialecte  n'assumerait-il  pas  la  fonc- 
tion d'une  langue  spéciale  vis-à-vis  de  tous  les  autres,  malgré  l'absence  d'une 
langue  générale  proprement  dite,  langue  spéciale  consciemment  voulue  telle  en  tant 
que  facteur  vital  du  maintien  et  de  l'autonomie  du  groupement  parlant  ce  dialecte^  ? 
Ce  caractère  serait  la  forme  de  début  d'une  évolution  qui  atteint  sa  forme  définitive 
avec  nos  langues  «  nationales  »  d'Europe  (cf.  le  polonais,  le  rutbène,  etc.,  comme 
éléments  vitaux  des  nationalités  polonaise  et  rutbène). 

En  ce  sens  la  notion  de  ^  langue  spéciale  »  ne  devient  plus,  quand  il  s'agit  de 
demi-civilisés,  qu'une  notion  relative.  Et  nous  obtenons  ainsi  comme  une  gradation 
partant  de  la  langue  spéciale  d'un  tout  petit  groupement  d'apparentés  localisé  à 
la  languo  générale  de  toute  une  nation  et  passant  par  :  a)  le  langage  des  sexes  ; 
b)  le  langage  des  âges ,  c)  le  langage  des  occupations,  tous  ces  langages  pouvant 
soit  appartenir  strictement  à  la  catégorie  sacrée  ou  à  la  catégorie  profane,  ou  appar- 
tenir aux  deux  à  la  fois. 

Le  langage  spécial  perd  ainsi  définitivement  son  caractère  de  «  jeu  »  et  de 
«  phénomène  anormal  »,  mais  vient  au  contraire  prendre  place  dans  le  développe- 
ment linguistique  normal,  comme  corollaire  du  sectionnement,  lui  aussi  normal, 
des  sociétés  générales  en  sociétés  secondaires.  Or,  de  même  que  ces  sociétés  ont 
pour  règles  internes  des  règles  qui  valent  pour  la  société  entière  (sinon  elles  s'en 
détacheraient  pour  former  des  sociétés  autonomes),  do  même  les  langues  spéciales 
suivent  les  règles  fondamentales  de  la  langue  générale  à  laquelle  elles  sont  liées. 


^  Cf.  entre  autres  les  listes  de  Ciirr,  The  Australian  Race,  3  vol.,  1886. 

'  Cités  par  Lascb,  loc.  cit.  p.  2,  du  tir.  à  part,  note  2. 

3  Je  rappelle  que  ^  cbaque  fraternité  [société  magico- religieuse]  Zuni  emploie  un  dialecte 
différent  de  celui  des  autres  *>  Mrs  Stevenson,  24th  Ann.  Rep.  Bur.  Ethnol.  Wash.,  p.  XV.  Mais 
je  ne  sais  s'il  s'agit  d'un  dialecte  proprement  dit  ou  d'une  langue  secrète  de  société  d'initiés  du 
type  ordinaire,  c'est-à-dire  à  syntaxe  conforme  à  celle  de  la  langue  générale. 


1908.]  VAN   GENNEP    :    LES   LANGUES   SPÉCIALES.  [P.  337,. 

Aussi  voit-on  le  caractère  de  spécialité  ne  porter  que  sur  des  élémentsd  étermiaés, 
soit  sur  une  partie  du  vocabulaire  général,  soit  sur  certains  éléments  (pronom,  ou 
conjonction,  ou  formes  verbales,  ou  manque  du  genre  ou  du  nombre,  etc.),  mais 
non  sur  les  caractères  fondamentaux.  Du  moins  je  no  connais  pas  de  cas  précis  où 
la  langue  spéciale,  (des  femmes,  des  initiés,  des  professions,  etc.),  posséderait  une 
syntaxe  propre.  Et  si  un  tel  cas  existe,  jV  verrais  plus  volontiers  ud  cas  d'intro- 
duction du  dehors  (par  mise  en  esclavage  des  femmes  de  toute  une  tribu  vaincue) 
ou  un  cas  de  convergence  (par  fusion  de  deux  groupements  originairement  distincts) 
qu'un  cas  de  langue  spéciale.  Cette  observation  vaut  notamment  pour  un  certain 
nombre  de  «  langues  tsiganes^  n. 

Il  est  évident,  cependant,  qu'en  Tétat  actuel  de  nos  connaissances,  toute  affir- 
mation absolue  serait  prématurée.  G^est  pourquoi  on  ne  saurait  assez  recommander 
à  tous  ceux  qui  sont  à  même  de  le  faire,  d'entreprendre  des  recherches  approfon- 
dies, non  pas  seulement,  comme  jusqu'ici,  sur  le  vocabulaire  des  langues  spé- 
ciales, mais  surtout  sur  leur  mécanisme  interne. 

Que  si  maintenant  on  se  place  au  point  de  vue  de  Thistoire  universelle  des 
civilisations,  on  constate  que  les  langues  spéciales  ont  une  raison  d'être  biologique  : 
elles  ne  sont  que  Tun  des  innombrables  moyens  par  lesquels  les  collectivités  de  tout 
ordre  maintiennent  leur  existence  et  résistent  aux  pressions  de  Textérieur.  Elles 
sont  à  la  fois  un  moyen  de  cohésion  pour  ceux  qui  les  emploient,  et  un  moyen  de 
défense  contre  l'étranger,  ce  mot  pris  au  sens  vaste  qu'on  doit  lui  donner  en  ethno- 
graphie, et  dont  quelques  nuances  ont  été  indiquées  ci-dessus,  la  notion  d'étranger 
se  marquant  autant  dans  le  domaine  de  la  parenté,  de  Tage,  de  la  religion,  du  droit, 
que  dans  le  domaine  politique.  L'un  des  caractères  par  quoi  se  différencie  l'étran- 
ger sera,  en  outre  de  la  couleur  de  peau,  du  faciès,  du  costume  :  la  langue. 

Ainsi  la  langue  spéciale  joue  à  l'intérieur  de  la  société  générale  le  rôle  que 
chaque  langue  générale  joue  vis-à-vis  des  autres  langues  générales.  C'est  l'une  des 
formes  de  differentiation,  formes  voulues,  et  nécessaires  à  la  vie  même  en  société. 

Et  l'on  remarquera  que  cette  interprétation  d'un  phénomène  limité  (limité 
comme  phénomène  linguistique  d'abord,  puis  comme  phénomène  linguistique  spé- 
cial), vaut  pour  un  grand  nombre  d'autres  institutions,  elles  aussi  limitées  à  deux 
degrés.  Elle  vaut  pour  les  classes  matrimoniales,  pour  les  classes  d'âge,  pour  les 
phratries,  pour  les  clans  totémiques,  pour  les  divers  systèmes  d'organisation  fami- 
liale, pour  les  castes,  etc.,  toutes  organisations  partielles  à  l'intérieur  d'organisa- 
tions générales  opposées,  elles  aussi  les  unes  aux  autres.  D'un  mot  :  ces  diveraes 
institutions  répondent  en  même  temps  à  la  double  tendance  de  cohésion  et  de  diffe- 
rentiation collectives. 


^  Telle  la  langue  secrôte  spéciale  aux  anciens  magiciens  celtes  et  devenue  ensuite  langage 
spécial  des  rétameurs,  Tsiganes,  etc.  anglais  ;  cf.  Leland,  The  Tinkers*  Talk,  Journal  Gypsy 
Lore  Soc,  N.  Sér.  T.  I.  (1907-08)  pp.  168-180.  Le  cas  est  moins  net  pour  d  autres  langues 
«  tsiganes  »,  mais  ceci  paut-ôtre  par  suite  de  l'insuffisance  de  nos  connaissances  tsiganologiques« 


p.  338.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 


LA  LUTTE  DE  JAHVÉ  AVEC  JACOB  ET  AVEC  MOÏSE 
ET  L'ORIGINE  DE  LA  CIRCONCISION. 

par  A.  J.  Rbinach. 


Tout  le  monde  connaît  le  combat  de  Jacob  et  de  l'Ange  et  Thistoire  de  Moïse 
assailli  par  Jahvé.  Bien  que  ces  morceaux,  dans  leur  version  primitive,  aient  dû 
affliger  singulièrement  la  piété  juive,  ils  étaient  si  célèbres  que  les  réviseurs  sacer- 
dotaux n^ont  osé  les  faire  disparaître  entièrement.  Mais,  en  les  conservant  en 
partie,  ils  ne  les  ont  pas  seulement  mutilés  et  tronqués,  ils  les  ont  altérés  sciem- 
ment et  ces  altérations  répondaient  si  bien  aux  idées  nouvelles  sur  les  rapports  de 
Dieu  et  de  Thomme  qui  s'établissaient  de  leur  temps  et  qui  n'ont  pas  cessé  depuis 
de  dominer,  que  c'est  avec  ces  altérations  et  grâce  à  elles  que  ces  récits  sont  devenus 
classiques.  Ce  n'est  que  tout  récemment  qu'on  paraît  être  enfin  parvenu,  par  de 
simples  corrections  grammaticales,  à  restituer  la  version  primitive  dans  ses  lignea 
essentielles  et  cette  version  est  si  contraire  aux  opinions  reçues  et  si  fertile  en 
résultats  inattendus  que  les  spécialistes  semblent  ne  s'y  résigner  qu'avec  peine. 
C'est  à  indiquer  les  conséquences  qu'on  en  peut  tirer  sur  le  sens  primitif  de  la 
circoncision  que  cet  article  sera  consacré. 


Du  récit  composite  contenu  dans  le  chap.  XXXII  de  la  Genèse  on  s'accorde  à 
rapporter  les  versets  suivants  à  la  plus  ancienne  version  Jahvéiste.  On  sait  que 
Jacob,  allant  des  monts  de  Ouiléad  rejoindre  Esaü  en  Edom,  a  fait  traverser  aux 
siens  nuitamment  le  gué  du  Jabboq  :  ^  Et  Jacob  resta  seul  et  quelqu'un  lutta  avec 
lui  jusqu'au  lever  de  l'aurore  (25).  Et  lorsqu'/Z  vit  quHl  ne  pouvait  l'emporter,  il  le 
frappa  sur  le  plat  (ou  à  la  paume)  de  la  cuisse  (26a).  Alors  il  dit  :  «  laisse-moi  aller, 
car  l'aurore  monte  ■.  Mais  il  répondit  :  «  je  ne  te  laisserai  point  aller  jusqu'à  ce 
que  tu  m'aies  béni  »  (27).  Et  Jacob  interrogea  et  dit  :  «  apprends-moi  ton  nom  »» 
Alors  il  dit  :  «  pourquoi  me  demandes-tu  mon  nom  ?»  Et  il  le  bénit  sur  le  champ. 
Alors  le  Soleil  se  leva  (32a)  r. 

La  difficulté  de  ce  passage  vient  toute  do  ces  divers  il  dont  on  ne  sait  trop  au- 
quel des  deux  lutteurs  on  doit  les  rapporter  chaque  fois.  L'Élohiste,  sans  doute  plus 
récent  que  le  Jahvéiste  (on  admet  généralement  que  J  date  du  début  et  E  de  la  fin  du 
VHP  s.)^,  a  déjà  résolu  la  difficulté  dans  le  sens  exigé  par  la  piété  juive.  Comme  le 


^  Je  suppose  connues  les  notions  essentielles  sur  la  composition  du  Pentateuque  :  les  deux 
versions  primitives,  celle  qui  appelle  la  divinité  Jahvé  (J.),  li^  plus  ancienne,  probablement 
originaire  de  Juda,  et  celle  qui  appelle  la  divinité  Ëlohim  (E.),  qui  utilise  dôjÀ  la  première  et  lui 
oppose  parfois  les  traditions  particulières  aux  tribus  josôphites  du  royaume  du  Nord  ;  une  pre- 
mière fusion  du  Jahvéiste  et  de  VElohiste  opérée  au  temps  de  l'exil  de  Baby  lone  (586-538)  par  un 
ou  plusieurs  rédacteurs  qui  reprirent  en  sous-œuvre,  dans  l'esprit  du  Dentôronome  (D)  publié 
en  621,  J  et  E  pour  en  tirer  le  récit  dit  Jéhoviste  (JE  +  D)  ;  enfin,  dans  la  deuxième  moitié  du 
V«  s.  un  (ou  plusieurs)  réviseur  sacerdotal  ajoutant  à  l'Hexateuque,  constitué  alors  par  l'adjonc- 
tion du  Livre  de  Josué^  les  chapitres  dits  du  code  sacerdotal  (P.  =  priesterkodeœ)^  où  l'influence 
du  clergé  jérusalémite  est  si  manifeste  :  c'est  avec  les  modifications  imposées  ainsi,  par  ce  clergé 
que  l'Hexateuque  a  passé  à  la  postérité. 


1908.]  REINACH  :  LUTTE  DE  JAHVÉ  AVEC  JACOB  ET  MOISE.         [P.  338, 

„ — —...., — ..„. . — -~..........-...^...,ip.......~...-.~..„..-..«^.«_.^.«.^„....._..^„..,^.„.„..^„.,.„^_ — --.-«.._»...^..„..^.., — .»««.„,.„... — -.,„.-»- 

Dieu  des  Armées  ne  peut  être  frappé,  même  par  Jacob,  e'est  Jahvé  qai  frappe  Jacob 
à  la  cuisse  et  qui  lui  demande  son  nom,  d'où  la  réponse  fameuse  :  «  Tu  ne  t'appel- 
leras plus  Jacob  mais  Israël  car  tu  a»  combattu  avec  Dieu  et  avec  les  hommes  et  tu 
Tas  emporté^  9.  Dans  la  pensée  de  FÉIobiste  tu  l'as  emporté  ne  s'appliquait  appa- 
remment qu'aux  hommes  ;  c'est  à  cet  effet  que  la  mention  des  hommes  avait  été 
intercalée  après  celle  de  Dieu,  Tépisode  de  Laban  et  d'Ësau  pouvant  justifier  leur 
présence.  En  fait,  tu  Vas  emporté  répondait  au  hrsquHl  vit  qu'il  ne  pouvait  rem- 
porter du  Jahvéiste  ;  et  il  était  Jahvé  pour  TÉlohiste  qui,  ainsi,  pour  éviter  de 
laisser  frapper  le  Seigneur  par  Jacob,  faisait  reconnaître  au  dieu  la  supériorité  de 
son  adversaire  mortel  !  S'il  se  trouvait  obligé  de  laisser  constater  par  Jahvé  lui- 
même,  en  parole  sinon  en  action,  cette  supériorité  de  Jacob,  c'est  que  l'explication 
même  des  deux  noms  de  Jacob-el  (Ya'qob-el  dont  Ya^qob  est  la  forme  apocopée). 
—  «  Dieu  l'emporte  »  ou  «  Dieu  supplante  n  —  et  d'Israël  —  «  Dieu  brille  »  ou 
«  Dieu  lutte  n  —  impliquait  une  pareille  constatation.  Une  semblable  raison  étiolo- 
^ique  a  amené  l'Ëlohiste  à  conserver  la  blessure  à  la  cuisse,  eocore  que,  si  Jahvé 
en  était  l'auteur,  cette  violence  (apparemment  interdite  dans  une  lutte  comme  celle 
des  bords  du  Jabboq)  fit  peu  d'honneur  au  dieu  d'Israël.  Il  s'agissait,  en  effet,  d'ex- 
pliquer pourquoi  les  Hébreux  ne  mangeaient  point  le  tendon  de  la  cuisse.  Aussi 
ï'Élohiste  —  ou,  trois  siècles  plus  tard,  le  rédacteur  sacerdotal  —  crut-il  devoir 
préciser  en  ajoutant  que,  lorsque  Jacob  eut  déparé  le  lieu  de  la  lutte  qu'il  appela 
Pénéël  (la  Face  de  Dieu),  «  il  boitait  de  la  cuisse.  Et  c'est  pour  cela  que  les  Bénê 
Israël  ne  mangent  point  aujourd'hui  même  le  nerf  qui  est  sur  la  paume  (ou  le  plat) 
de  la  cuisse  parce  que  le  lutteur  avait  touché,  à  ce  nerf,  la  cuisse  de  Jacob  ». 

Ainsi  amorcée,  la  transformation  de  ce  passage  devait  s'accentuer  encore.  Bien 
que  les  noms  de  Pénéël  et  d'Israël,  si  étroitement  liés  à  la  légende,  parussent 
impliquer  que  c'était  bien  El — Élohim  en  personne  —  qui  avait  lutté  contre  Jacob, 
on  profita  bientôt  de  ce  qu'il  n'était  pas  nommé  expressément  —  du  fait,  sans 
doute,  d'un  premier  remaniement  —  pour  remplacer  Élohim  par  son  Maléàk.  Quoi 
que  ce  terme  de  Maléak  (ou  Melek,  Moloch)  —  le  Seigneur  —  ne  soit,  à  l'origine, 
comme  Ëlohim  ou  Adonaï  qu'un  des  titres  génériques  que  portait  la  divinité  en 
pays  sémitique,  dès  le  VIII^  siècle,  il  semble  avoir  désigné  une  sorte  de  lieutenant 
du  Seigneur  des  Armées,  qui  le  remplace  partout  où  il  ne  peut  se  rendre  en  per- 
sonne. S'il  y  avait  une  aventure  dans  laquelle  il  semblait  que  Élohim  ne  devait  pas 
se  compromettre,  c'était  bien  cette  lutte  du  Jabboq.  Gomment,  d'ailleurs,  môme  un 
patriarche  tel  que  Jacob,  eut-il  vu  Dieu  en  face,  alors  que  Moïse  et  qu'Élie  seraient 
morts  {Ex.  XXXIII,  17-23  ;  I  Reg.^  XIX)  si  Jahvé,  lorsqu'il  les  entretint  sur  l'Ho- 
reb,  n'avait  pris  soin  de  dérober  à  leur  vue  ses  traits  redoutables?  Aussi,  Osée 
écrit-il  :  «  Daos  le  sein  maternel,  Jacob  prit  déjà  son  frère  par  le  talon  et,  dans  la 
force  de  l'âge,  il  combattit  avec  Élohim.  Il  combattit  avec  l'Ange  —  maleah  —  et 
l'emporta^  s.  On  saisit  ici  la  transition  entre  les  deux  versions  :  le  combat  avec 


'  L'Ëlohiste  qui  a  rédigé  la  seconie  vision  de  Bethel  ignorait  évidemment  ce  passage  puisqu'il 
a  cru  nécessaire  de  faire  bénir  de  nouveau  Jacob  par  Elohim  avec  ces  mots  :  <<  Ton  nom  est  Jacob  ; 
tu  ne  seras  plus  appelé  ainsi,  mais  Israël  »  (Ex.  XXV,  12).  Voir  les  commentaires  de  Dillmann,  de 
Nowack  et  de  Holzinger. 

2  Osée,  XII,  45  avec  le  commentaire  de  Van  Hoonackar,  Les  Petits  Prophètes  (Paris,  1908), 
p.  112.  Ce  commentateur  n'a  pas  tenu  compte  de  la  nouvelle  traduction  proposée  par  Cbeyne, 
Traditions  and  beliefs  of  ancient  Israel^  1907,  402  :  «  A  Beth>on  il  usa  de  ruse  avec  Ashhur  —  & 
One  il  lutta  avec  Elohim  »  —  Beth-on  serait  un  doublet  de  Béthel  ;  Ashhur  le  dieu  éponyme  de  la 
région  de  l'Arabie  du  Nord  dont  Jacob  serait  originaire.  La  mention  du  maleah  serait  une  glose* 
A  quelle  époque  la  placer? 


p.  340.]  *    R    •    E    •^^l  ^  J [1908> 

Dieu  est  encore  mentioDoé  ;  mais  la  victoire  de  Jacob  est  rapportée  à  un  combat 
avec  TAnge.  et  les  midraschim  discuteront  bientôt  s'il  s'agit  de  Tarcbango  Michel 
ou  du  prince  Êdom^.  Le  grand  développement  que  Tangélologie  prend,  à  partir  du 
IV*  siècle,  dans  la  religion  juive,  devait  inciter  à  substituer  partout  les  anges  au 
dieu  dlsraël  comme  Thagiolâtrie  du  Moyen-Age  remplaça  partout  Dieu  par  se& 
saints.  Aussi,  Dieu  acbève-t-il  de  disparaître  de  l'épisode  du  Jabboq  dans  le  récit 
qu'en  donne  Josephe,  récit  où  Taction  du  rationalisme  grec  vient  s'ajouter  à  celle 
du  piétisme  sacerdotal  et  de  Tallegorisme  prophétique  pour  défigurer  l'antique 
légende  :  ■  Jacob,  demeuré  seul,  rencontre  un  fantôme  qui  commence  à  combattre 
avec  lui,  et  il  en  triomphe  ;  ce  fantôme  prend  alors  la  parole  et  lui  conseille  de  se 
réjouir  de  ce  qui  lui  est  advenu  et  de  se  persuader  que  ce  n'est  pas  d'un  médio- 
cre adversaire  qu'il  a  triomphé  ;  il  a  vaincu  un  ange  divin  et  doit  voir  là  un 
présage  de  grands  biens  à  venir,  l'assurance  que  sa  race  ne  s'éteindra  jamais  et 
qu'aucun  homme  ne  le  surpassera  en  force.  Il  l'invita  à  prendre  le  nom  d'Israël(os)  ; 
ce  mot  signifie,  en  hébreu,  celui  qui  résiste  à  V envoyé  de  Dieu  ;  voilà  ce  qu'il  révéla 
sur  la  demande  de  Jacob  ;  car  celui-ci,  ayant  deviné  que  c'était  un  envoyé  divin, 
lui  avait  demandé  de  lui  dire  ce  que  la  destiuée  lui  réservait.  L'apparition,  après 
avoir  ainsi  parlé,  s'évanouit  ;  Jacob,  tout  heureux,  nomme  l'endroit  Pbanouël(os),. 
c'est-à-dire  la  face  de  Dieu.  Et  comme,  dans  le  combat,  il  avait  été  blessé  près  du 
nerf  large,  il  s'abstint  lui-même  de  manger  de  ce  nerf,  et  à  cause  de  lui  il  ne  nous 
est  pas  permis  non  plus  de  le  manger^  ■• 

Par  ce  récit,  qui  restera  la  version  classique  de  l'épisode,  on  voit  comment  le 
noyau  primitif  a  fini  par  disparaître  sous  le  poids  des  éléments  adventices.  On  ne 
s'est  pas  seulement  efforcé  de  tourner  l'antique  duel  en  récit  d'édification,  on  a 
voulu  encore  en  tirer  parti  pour  expliquer  plus  d'un  fait  obscur  remontant  aux  ori- 
gines de  l'histoire  juive  :  pourquoi  Jacob  recevait  parfois  le  nom  dlsraël  ?  pourquoi 
s'élevait  près  du  Jabboq  une  ville  nommée  Pénéël  ?  pourquoi  il  était  interdit  de 
manger  le  nerf  sciatique  ? 

Sans  doute  certains  de  ces  éléments  ont  pu  venir  s'agréger  de  très  bonne  heure 
à  la  légende  du  duel.  Une  légende  locale  a  pu  attribuer  à  une  apparition  de  Dieu  le 
nom  de  fcLce  de  Dieu  —  Strabon  (XVI,  2,  15}  traduit  théou  prosopon  le  nom,  évi- 
demment semblable,  d'un  promontoire  voisin  de  Tripolis  de  Phénicie  et  la  Péné- 
baal  phénicien  correspond  au  Péné-el  judaïque  —  donné  au  rocher  d'une  ville 
voisine  du  Jabboq,  rocher  sacré  qu'on  considérait  probablement  comme  siège  du 
dieu^.  Le  nom  même  du  Jabboq  ou  Jabbaq  a  pu  être  expliqué  par  abaq^  lutter  ;  il 


Osée  semble  avoir  prophétit^ô  entre  743  et  735.  Cette  date  serait  bien  proche  —  aDtérieurc 
même,  je  crois  —  de  celle  où  on  place  l*Èlobiste.  Mais  on  a  prouvé  que  les  prophéties  mises  sous 
le  nom  d'Osée  ont  été  largement  interpolées,  surtout  aux  ni«  et  n«  s.  av.  J.  G.  Peut-ôtre  est-ce  à 
cette  date  qu'il  faut  placer  notre  verset  ou  du  moins  la  glose  si  le  verset  est  bien  d*Osée. 

>  Je  ne  connais  ces  Midrashim  que  par  Cbeyne,  loc,  cit.  Ce  sont  Bereskith  rabba,  77  et  Targ, 
Jon.  in  Gen,  32»  24.  Ëdom  étant  le  nouveau  nom  d'Ësau  comme  Liraël  est  celui  de  JacobyOaa^pu 
supposer  qu'il  lui  avait  été  donné  par  un  dieu  à  la  suite  d'une  lutte  semblable  à  celle  que  son 
frère  subit  sur  les  bords  du  Jabboq;  on  a  pu  même  croire,  avant  que  s'imposât  la  version  de 
leur  rencontre  pacifique,  que  c'était  entre  les  deux  freies  qu'avait  lieu  le  duel  du  Jabboq. 

*  Josephe,  Antiquités  Judaïques,  I,  20,  331-5.  Edition  Th.  Reinach. 

3  Cheyne,  Encyclopaedia  Biblica,  art.  Gilead,  Succoth  et  JegarSahadutha  et  Traditions 
and  beliefs  of  Ancient  Israel,  1907,  p.  385  a  essayé  d'établir  que  Penôël  serait  l'acropole  de 
Sukkoth  et  (art.  Wrestling)  que  l'histoire  du  duel  est  un  lointain  souvenir  de  la  conquête  de 
cette  ville  par  les  Jakobélites,  la  conquête  e£fective  étant  accompagnée  d'une  conquête  symbolique 
du  dieu  du  peuple  vaincu  par  le  dieu  du  peuple  vainqueur.  D'après  le  récit  de  la  prise  de  Penéel 


1908.]  REINACH  :   LUTTE  DE  JAHVE  AVEC  JACOB  ET  MOISE.         [P.  341. 

fallait  donc  qu^uae  lutte  ait  eu  lieu  sur  ses  bords  aux  temps  héroïques.  De  même, 
la  prohibition  du  uerf  sciatique  pouvait-elle  mieux  se  légitimer  que  par  la  blessure 
que  lui  aurait  infligée  un  être  divin  ?  et  le  surnom  de  Jacob,  à  interpréter  Israël 
<:omme  le  fait  Joseph,  comment  mieux  le  justifier  ?  Enfin,  ce  surnom  de  «  le  fort  de 
Jacob  -  qu'on  trouve  donné  à  Jahvé,  comment  mieux  Texpliquer  que  par  une 
pareille  victoire  ?  Ainsi,  dans  cet  épisode  comme  en  bien  d'autres,  Jacob,  à 
riostarde  tousles  patriarches  d'Israël,  a  vu  grouper  en  quelque  sorte  autour  de  lui 
des  légendes  de  toute  nature.  A  être  mis  en  rapport  avec  ces  ancêtres  divios,  il 
n'est  rien  qui  ne  gagnât  une  origine  vénérable  et  sacrée.  Le  duel  lui-même  dut 
paraître  longtemps  comme  le  symbole  des  épreuves  imposées  par  Dieu  à  son  peu- 
ple, épreuve  où,  seule,  la  perfidie  pouvait  arrêter  un  moment  Tinéluctable  triomphe 
du  Seigneur  des  Armées.  Mais,  pareille  interprétation  n'était  possible  que  si,  dans  : 
•^  il  le  frappa  sur  le  plat  de  la  cuisse  »,  le  sujet  était  bien  le  lutteur  mystérieux. 
Comment  la  maintenir  et  comment  justifier  Jacob  si  c'est  lui  qui  frappait  au  lieu 
d'être  frappé^  ?  Aussi  se  garda- t-on  d'envisager  une  aussi  troublante  hypothèse. 

C'est  pourtant  cette  hypothèse  qui  correspondait  à  la  réalité  première,  réalité 
qui  nous  reporte  bien  avant  l'époque  où  Jacob  fut  transformé  en  patriarche 
d'Israël  :  une  lutte  victorieuse  du  vieux  dieu  cananéen  contre  ce  Jahvé  qui  devait 
devenir  le  dieu  d'Israël,  voilà  ce  que  cet  épisode  commémorait  tout  d'abord. 

Voyant  qu'il  ne  peut  l'emporter  sur  son  adversaire  nocturne,  Jacob  imagine 
de  le  frapper  à  la  cuisse  et  c'est  bien  là  un  exploit  que  les  Cananéens  du  sud  de 
la  vallée  du  Jourdain  devaient  prêter  à  leur  dieu,  Jacob-el,  devenu  Jacob,  le  géant 
à  qui  on  attribuait  sans  doute  l'érection  dans  la  plaine  des  roches  de  Giléad,  de 
Bethel  et  de  Pénéël,  Abir  Jacobj  «  le  Fort  (du  peuple  de)  Jacob  r,  comme  Abir 
Israël,  l'ennemi  avec  qui  il  va  s'unir,  est  «  le  Fort  d'Israël  ».  Réduit  à  user  de  ruse 
avec  le  dieu  dlsraël,  le  dieu  de  Jacob,  malgré  cette  victoire  dernière  obtenue  par 
un  coup  plus  habile  que  loyal,  se  trouvera  obligé  de  lui  céder  Beth-el  et  Péné-el  ; 
l'absorption  du  dieu  suit  celle  des  lieux  de  culte  ;  Jacob,  à  dater  de  cette  lutte, 
devient  Israël.  Son  combat  avec  Jahvé  trouvait  d'abord  comme  un  doublet  affaibli 
dans  son  combat  avec  l'Ange,  puis,  il  se  dédoublait  en  combat  avec  Esaii  et  com- 
bat avec  Laban  ;  et,  dans  ces  dernières  luttes,  ce  n'est  plus  la  force  du  géant  primitif 
dont  on  retrouve  la  massue  aux  mains  de  ses  frères  Goliath  et  Akmon  qui  triomphe, 
mais  l'astuce  du  Cananéen,  archer  ou  frondeur,  infaillible  et  fertile  en  ruses,  comme 
David  qui  sera,  avec  Jacob,  le  héros,  populaire  entre  tous,  du  peuple  d'Israël^. 


sur  les  gens  de  Sukkoth  et  de  Midian  par  Gédéon  (Juges,  VIII),  il  semble,  en  tout  cas,  que 
Penôêl  était  bien  la  citadelle  de  cette  région  comprise  dans  l'angle  que  forment  à  leur  jonction  le 
Jabbok  et  le  Jourdain.  On  peut  se  demander,  du  reste,  si  dans  cet  étrange  morceau  d'épopée,  on 
n'a  pas  placé  sous  le  nom  de  Oédéon  et  d'Israöl  des  fragments  de  geste f  cananéens  relatant  la 
conquête  do  Pénéël  par  la  tribu  de  Yakob-el  et  leurs  guerres  contre  les  Edomites  (voir  plus  loin) 
ou  les  Midianites  qui  sont,  eux  aussi,  des  adorateurs  d'Jahvé  (voir  plus  bas,  p.  358).  De  plus, 
l'explication  des  noms  de  Pénôël  et  de  Jabboq  que  fournit  cette  légende  indique  qu'elle  a  du  se 
développer  dans  cette  région  ;  Gunkel  {Genesis,  p.  323)  croit  même  que  le  coup  à  la  cuisse  et  la 
boiterie  qui  en  résulte  ne  seraient  qu'un  récit  étiologique  destiné  à  expliquer  dos  danses  sacrées 
qui  auraient  eu  lieu  à  Pénôël,  danses  où  l'on  devait  procéder  par  sauts  à  clocbe-pied. 

1  C'est  W.  M.  Müller,  Asien  und  Europa,  1893,  p.  163  note  1  qui  a  indiqué  le  premier  que 
les  il  devaient  se  rapportera  Jacob,  point  de  vue  développé  par  B.  Luther,  Zeitschrift  fO.r  Altes- 
tamentliche  Wissenschaft,  XXI,  1901  p.  65  et  par  Gunkel,  Genesis^,  1902,  p.  320. 

*  Sur  Jacob  comme  dieu  cananéen,  outre  l'article  cité  de  B.  Luther,  voir  ses  intéressantes 
pages  dans  Ed.  Meyer,  Die  Israeliten,  p.  109-12  et  Ed.  Meyer,  tMd.,  p.  271-87.  Le  combat  de 
David  avec  Goliath  et  avec  Akmon  est  apparemment  un  écho  de  l'épopée  cananéenne  et  permet  de 


p.  342.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1808. 

Une  fois  qu^on  a  compris  que  Jacob  est  bien  un  aacioo  dieu  cananceoy  l'histoire 
de  la  lutte  s'éclaire,  semble-t-il,  d*uD  jour  tout  nouveau.  On  remarquera  d'abord 
que  l^assaut  qu'il  subit  est  nocturne.  Or,  Jabvé,  dieu  de  la  flamme  et  de  la  foudre, 
invisible  le  jour  et  flamboyant  la  nuit  dans  le  buisson  ardent  ou  la  colonne  de  feu, 
est  un  des  rares  dieux  sémitiques,  qui,  à  Torigine,  no  se  manifestent  que  dans  la 
nuit.  GVst  nuitammoDt  que  son  ange  va  avertir  Lot  dans  Sodome  {Gen.  XIX,  1-25)  ; 
c'est  la  nuit  eocore  que  Jabvé  descend  sous  forme  de  flamme  dévorante  parmi  les 
victimes  qu'Abraham  a  eu  soin  de  lui  imnloler  avant  d'entrer  en  Canaan.  De  même 
c'est  après  avoir  passé  le  Jabboq,  que  Jacob,  qui  a  négligé  ce  devoir,  se  voit  assailli. 
Or,  il  y  a  lieu  de  croire  que  cet  afiluent  du  Jourdain  a  marqué,  durant  l'une  des 
étapes  de  l'invasion  israélite,  la  frontière  entre  les  Cananéens  du  Nord  et  les  tribus 
QaïDO-édomites,  étroitement  alliées,  sinon  apparentées,  aux  tribus  d'Israël  et 
surtout  de  Juda  qui,  à  partir  du  XIP  siècle,  s'étaient  établies  au  Sud  et  à  l'Est  de 
la  Mer  Morte^. 

Comme  la  rencontre  avec  Laban  se  produit  autour  de  pierres  sacrées  qui 
marquent  la  frontière  entre  Cananéens  et  Araméens  —  le  double  nom  du  lieu,  Galeed 
et  Jagar-Sahadutha,  signifie  le  «  tas  des  témoins  »  le  premier  en  cananéen,  le  second 
en  araméen  —  celle  de  Jacob  et  d'Ésaii  se  produit  à  la  pierre  frontière  de  Pénéël. 
En  passant  le  Jabboq,  Jacob  marche,  en  effet,  à  la  rencontre  de  son  frère  £saû  qui 
prendra  le  nom  d'Ëdom  quand  Jacob  recevra  celui  d'Israël.  Héros  national  et 
sans  doute  dieu  des  Êdomites,  comme  Jacob  est  dieu  ou  héros  en  Canaan,  c'est  au 
XVI*  s.  que  Ésaii-Édom,  profitant  du  dépeuplement  du  Sé*ir  causé  par  l'invasion 
des  Hyksôs  en  Egypte,  établit  son  peuple  le  long  de  la  chaîne  de  l'Arabah  d'où 
il  devait  pousser  au  Nord  par  les  hauteurs  d'Abarim'^.  Les  Êdomites  paraissent 
avoir  adoré  Jahvé"^  comme  leurs  frères  d'Israël  ;  il  n'y  a  donc  rien  d'impossible  à 


80  figurer  comment  elle  devait  conter  les  exploits  de  Jacob.  Le  caractère  gigantesque  des  adver- 
saires de  David  confirme  qu'on  a  affaire  à  d'anciens  demi-dieux  ;  on  peut  rappeler  aussi  que  le  nom 
donné  par  Josephe  et  par  les  Septante  à  leur  arme,  rhomphaia,  est  celui  du  glaive  flamboyant  du 
Dieu  des  Ârmôes  et  de  TArchange  Michel  (voir  mon  article  Rhomphaia  dans  le  Lictionnaire  des 
Antiquités.) 

^  Steuernagel,  T)ie  Einwanderung  der  israelit.  Stämme  in  Kanaan,  1901,  p.  37, 60;  Ed.  Meyer, 
op.  cit.  p.  372-8  ;  Isidore  Levy,  Retue  des  Etudes  Juives,  1906,  p.  32-51  ;  J.  Wellhausen,  Israeli- 
tische Geschickte,  (6"  ed.),  1907;  p.  14-5. 

*  Je  me  rallie  au  s^'stöme  exposé  par  M.  Isid.  Levy,  article  cité. 

^  Rien  n'implique,  d'ailleurs,  dans  le  texte  jahvéiste,  que  l'inconnu  qui  attaque  Jacob  soit 
Jahvé.  Si  le  Jahvéiste  parlait  également  de  Penéël,  il  en  résulterait  qu'il  considérait  comme  un 
El  l'adversaire  de  Jacob,  forme  abrégée  lui-même  de  Jacob-El;  d'autres  peuples  que  celui 
d'Israël  donnant  ce  nom  à  leur  dieu,  Ismaélites,  Malkiélites,  Jéramélites  etc.,  on  n'en  peut  rien 
conclure  sur  le  peuple  à  qui  était  censé  appartenir  PEl  de  Pénéël.  Stade  (Bibl.  Theologie  des  A. 
r.,  I,  p.  58  et  Gesch.  d.  Volkes  Israel,  I,  p.  145)  pensait  que  l'adversaire  de  Jacob  était  un  Israël, 
dieu  éponyme  des  Israélites,  et  que  Ja  lutte  symbolisait  l'incorporation  des  Israélites  des  bords  du 
Jabboq  aux  Jacobôlites,  comme  le  mariage  de  Jacob  avec  Rachel  et  avec  Léa  exprimerait  l'al- 
liance de  la  tribu  de  Jacob  avec  des  tribus  de  la  «  brebis  n  et  de  la  «  biche  ».  Pour  Gheyne  [Tradi- 
tions  and  beliefs,  p.  377)  le  dieu  serait  le  même  que  celui  dont  Rachel  dit  (Gen.  XXX,  7)  :  «avec 
ma  sœur  j*ai  combattu  des  combats  d'Èlohim  et  je  l'ai  aussi  emporté  d.  Ce  combat  entre  les  deux 
sœurs  devrait  être  mis  en  parallèle  avec  celui  des  deux  frères  Jacob  et  EsaQ  et  l'Ëlohim  serait^ 
dans  les  deux  cas,  celui  qui  aurait  porté  les  noms  d'Yerahme'el  et  d'Âshhur.  D'après  Fraser 
(Mélanges  Tylor^  1907,  p.  136)  ce  serait  le  dieu  du  Jabboq,  une  sorte  de  djinn  des  eaux,  que 
Jacob,  désirant  apprendre  de  lui  quelque  secret,  aurait  attendu,  seul,  sur  les  bords  du  fleuve,, 
pourrie  surprendre  lors  de  son  apparition  nocturne.  Le  nom  d'El,  impliqué  seulement  par 
Pénéël,  mis  à  part,  la  seule  caractéristique  divine  du  personnage  —  encore  n'est-elle  marquée 
que  très  légèrement  —  c'est  qu'il  ne  doit  ni  se  faire  surprendre   par   le  Jour,  ni   révéler 


1903. J  REINACH  :  LUTTE  DE  JAHVÉ  AVEC  JACOB  ET  MOÏSE.         [P.  343» 

<^e  que  ce  soit  ce  dieu  qui  assaille  Jacob  qui  vient  d'entrer  dans  sa  terre  sans  avoir 
pris  soin  de  propitier  le  dieu  par  quelque  sacrifice.  Peut-être,  le  Jabboq  était-il 
même  consacré  au  dieu  que  nous  retrouverons  manifestant  sa  puissance  auprès 
d'autres  eaux.  Guerrier  avant  tout,  il  semblait  naturel  qu'il  garda  ainsi  ses  fron- 
tières contre  les  intrus  et  rien  n'indique  que  ni  Jacob  ni  les  chantres  de  ses  exploits 
se  soient  étonnés,  ni  de  la  soudaineté  de  son  attaque,  ni  de  la  forme  sous  laquelle 
elle  se  produit,  dette  forme,  toute  humaine,  atteste  particulièrement  l'antiquité 
de  l'épisode  ;  le  dieu  est  loin  encore  du  mystérieux  maître  des  orages  qui  vit, 
invisible  et  fatal  à  qui  l'entreverrait,  sur  les  cimes  volcaniques  ou  dans  les  nuées 
ardentes.  Il  combat  comme  un  dieu  de  VIliade  aux  prises  avec  un  héros  et  il  se 
conforme  évidemment  à  toutes  les  règles  du  duel  qu'il  impose  au  voyageur  suivant 
un  thème  habituel  aux  légendes  grecques.  C'est  Jacob  qui  s'écarte  de  ces  règles, 
après  plusieurs  heuresde  combat,  en  avisant  à  un  moyen,  évidemment  imprévu  sinon 
illicite,  de  s'assurer  la  victoire  qui  lui  échappe.  Ce  duel  étant  sans  armes  —  et, 
par  là,  il  semble  qu'on  en  doive  faire  remonter  l'invention  avant  l'apparition  des 
armes  —  on  pourrait  penser  à  une  lutte  corps  à  corps,  une  lutte  à  mains  plates  où 
tous  les  coups  de  poing  seraient  interdits.  Même  ainsi,  le  coup  à  la  cuisse,  comme 
moyen  suprême,  est  impossible  à  comprendre.  On  ne  voit  ni  comment  un  tel  coup 
aurait  empêché  le  dieu  de  s'en  aller  quand  rapproche  de  l'aurore  l'y  oblige,  ni 
pourquoi  il  aurait  permis  à  Jacob  d'exiger  de  lui  son  nom^  et  ^a  bénédiction.  Si  le 


son  nom.  De  même,  Jahvô,  qui  fulgure  la  nuit  dans  la  colonne  ardente,  reste  invisible 
le  jour  et  son  nom  ne  doit  pas  ôtre  prononcé.  Mais,  rien  n'indique  non  plus  que  Tad- 
versaire  de  Jacob  soit  un  dieu  de  la  flamme  et  de  la  foudre  comme  le  Jahvô  de  TExode.  Il 
'faudrait  exclure  tout-à-fait  Jahvé  si  Ton  pouvait  démontrer  que  Tauteur  premier  de  l'épisode 
du  combat  du  Jabboq  connaissait  déjà  les  apparitions  de  Jahvé  à  Jacob  dans  Bethel  (Gen., 
XXVIII  et  XXXV)  et  chez  Laban;  non  seulement  VÉlohim  de  ses  pères  le  comble  de  ses  faveurs 
dans  ces  deux  occasions  mais,  avant  Parrivôe  au  Jabboq,  il  semble  envoyer  des  maleaks  Elohim 
pour  lui  montrer  la  route  (XXXn,  1).  On  considère  généralement  que  ces  maleaks  sont  des  anges 
«t  que  c'est  à  un  ange  que  Jacob  a  eu  à  faire;  maisTangôIologie  ne  commence  à  se  développer 
qu'à  dater  d'Hézékiel  (592-70)  (cf.  Marti,  Gesch.  der  Israelitischen  Religion,  1907,  p.  270)  ;  Osée 
<cf.  p.  339,  n.  2)  est  peut-être  le  premier  à  avoir  parlé  d'une  lutte  avec  Van^e,  Si  l'ange  maudit 
apparaissait  dans  la  littérature  biblique  avant  le  iv«  s.  (Zach.  I[I),on  pourrait  croire  qu'Osée  s'ima- 
ginait un  Jacob  vainqueur  du  Tentateur.  Maleak^  d'ailleurs,  ne  s'est  distingué  de  Jahvô  lui-même 
<|ue  par  le  désir  des  piétistes  d'attribuer  à  un  sous-ordre  dû  dieu  suprême  les  aventures  qu'ils 
Jugeaient  trop  compromettantes  pour  la  majesté  de  l'Eternel.  Comme  aucun  scrupule  religieux 
n'eût  empêché  de  désigner  explicitement  un  ange,  il  faut,  pour  que  l'Elohiste  n'ait  pas  eu  recours 
a  ce  moyen,  que  la  tradition  fut  très  forte  en  faveur  du  combat  de  Jacob  avec  Dieu  même.  Ne 
pouvant  ni  supprimer,  ni  transformer,  l'Elohiste  s'est  contenté  de  passer  sous  silence  la  person- 
nalité de  l'adversaire  de  Jacob.  Le  passage  cité  d'Osée  peut  montrer  encore  que  les  contem- 
porains ne  s'y  trompaient  pas  et  que  l'ange  n'arrivait  que  comme  doublet  du  Dieu  et  pour  être 
▼aincu;  on  pouvait  faire  combattre  ainsi  le  Seigneur  des  Armées,  au  moins  sans  le  résultat 
humiliant  qu'on  mettait  à  la  charge  de  Pange.  Si  ce  maleak  a  remplacé  le  cheroubim  d'une 
version  primitive,  on  peut  penser  à  ces  duels  de  démons-animaux  comme  en  connaissait  Baby- 
lone  (cf.  Delitzsch,  Bibel  und  Babel,  I,  p.  43).  Cinq  siècles  apres  Osée,  les  Septante  parlent 
seulement  de  ïhomme  qui  lutta  avec  Jacob,  avÖpwTro«;  (vir  dans  la  vulgate).  C'est  probablement 
qu'ils  avaient  sous  les  yeux  une  version  analogue  à  celle  d'Osée  où  le  Maleak  Jahvé  était  appelé, 
comme  il  arrive  souvent,  «  un  homme  de  dieu  »  (notamment  Jud,^  XIII,  2  et  G). 

^  On  sait  que  le  nom  véritable  du  dieu  est  considéré  comme  aussi  redoutable  que  le  dieu-même; 
on  ne  le  communique  qu'aux  initiés  qui,  par  la  connaissance  de  ce  nom,  sont  censés  avoir  une 
action  particulière  sur  le  dieu  (cf.  Dieterich,  Eine  Mithrasliturgie^  p.  112).  Aussi  la  demande  de 
flon  nom  que  Jacob  adresse  à  son  adversaire  est-elle  comme  la  consécration  de  sa  victoire;  elle 
devait  être  originellement  suivie  d'une  révélation  de  ce  nom  qui  disparut  lorsqu'on  attribua  & 
Abraham  la  révélation  du  nom  El-Shaddai  et  à  Moïse  celle  du  nom  Jahvô.  Ces  deux  révélation» 


p.  344.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [190&. 

dieu  se  réconcilie  et  s'allie  par  là  avec  sod  adversaire  de  la  nuit,  c'est  sans  doute 
que  Jacob  a  su  trouver  le  moyen  de  Ty  coutraindre.  Quel  peut-être  ce  lien  magique 
qui  confère  à  Jacob  une  action  si  puissante  sur  le  dieu  ? 

C'est  dans  Texamen  des  épisodes  bibliques  semblables  à  celui  que  Ton  vient 
d'étudier  qu'il  faut  chercher  la  solution  de  ce  problème.  La  lutte  de  Jacob  avec 
Jahvé  n'était  pas,  en  effet,  seule  de  son  espèce.  Il  semble  même  que  c'était  là  un 
thème  fort  répandu,  chacun  des  grands  ancêtres  légendaires  des  tribus  qui  se  fon- 
dirent en  Israël  ayant,  sans  doute,  affirmé  sa  supériorité  par  une  semblable  victoire 
sur  le  dieu  de  la  tribu  voisine^.  Si  le  futur  dieu  d'Israël  semble  être  celui  que  Jacob 
a  combattu  à  son  entrée  en  terre  iduméenne  —  puisque  le  chant  de  Deborah,  le 
plus  ancien  monument  littéraire  d'Israël,  fait  venir  Jahvé  de  Se'ir  et  d'Édom  — 
les  autres  baalim  ont  dû  être  l'objet  de  récits  analogues.  Après  le  triomphe  d'Israël 
et  de  son  dieu,  c'est  autour  des  vainqueurs  que  vinrent  s'amalgamer  les  légendes 
éparses.  Tous  les  héros  des  tribus  victorieuses  ou  admises  à  s'agréger  à  elles 
prirent  place  parmi  les  ancêtres  d'Israël  ;  et  Jahvé  tendit  à  se  substituer  aux 
divers  baalim  que  combattaient  ces  héros  ;  la  victoire  qu'il  remportait  sur  eux 
présageait  et  consacrait  à  la  fois  l'entrée  dans  Israël  de  la  tribu  du  héros  ainsi 
conquis.  Le  dieu  d'Israël,  en  effet,  ne  pouvait  être  vaincu  par  les  héros  transformés 
en  ancêtres  d'Israël.  Aussi  fut-on  amené  bientôt  à  supprimer,  tronquer  ou  transfor- 
mer les  récits  de  ce  genre.  La  lutte  de  Jacob  ne  subsista,  on  l'a  vu,  qu'au  prix  de 
la  transformation  en  victoire  de  la  défaite  du  dieu  ou  de  la  substitution  au  dieu 
invincible  d'un  ange  dont  on  admettait  plus  volontiers  qu'un  être  à  demi-divio, 
comme  Jacob-Israël,  put  être  vainqueur.  Cette  lutte  impie,  qu'on  se  refusait  à 
attribuer  au  patriarche,  on  devait  répugner  plus  encore  à  la  prêter  au  prophète 
même,  fondateur  du  culte  de  Jahvé.  Et  pourtant,  magicien  puissant  tel  qu'on 
l'imagina  tout  d'abord.  Moïse  devait  pouvoir  vaincre  par  ces  sortilèges,  comme  la 
force  et  la  ruse  assuraient  le  triomphe  de  Jacob.  Aussi,  et  bien  qu'on  paraisse 
s'être  efforcé  pour  les  réduire  et  les  déguiser,  nous  est-il  parvenu  plus  d'un  vestige 
de  ces  luttes  de  Moïse  avec  Jahvé. 

On  peut  reconnaître  encore  deux  versions  principales,  avec  six  variantes  cha- 
cune au  moins^,  de  la  querelle  qui  aurait  eu  pour  théâtre  Me  Mérîbah.  Mérîbah, 


précédant  un  véritable  traité  d'alliance  entre  le  dieu  et  le  héros  auquel  il  s'est  révélé,  on  peut 
supposer  un  covenant  pareil  dans  notre  passage.  La  bénédiction  devait  venir  comme  sanction  de 
cette  alliance  à  la  fia  du  passage  qui  b'ouvrait  par  la  révélation  du  nom. 

^  Pour  l'emploi  des  traditions  cananéennes  et  araméennes  —  notamment  de  chants  de  guerre 
et  autres  morceaux  épiques  —  dans  l'histoire  des  patriarches,  on  trouvera  un  aperçu  nourri  de 
faits  dans  le  1«'  chapitre  de  A.  H.  Sayce,  The  early  history  of  the  Hebrews  (Londres,  1897).  Je 
ne  crois  pas  devoir  prendre  en  considération  la  théorie  de  D.  Vötter,  .Ägypten  and  die  Bibel 
(Leyde,  1907)  qui  ne  voit  dans  l'histoire  des  patriarches  qu'une  transposition  des  mythes  égyp- 
tiens :  Jacob  serait  Qeb,  le  dieu  de  la  Terre  et  sa  lutte  avec  Jahvé  serait  un  souvenir  du  combat 
par  lequel  Schou  était  censé  séparer  chaque  matin  Qeb  de  sa  femme  Nouït,  la  voûte  céleste; 
parce  qu'Amon-Râ  est  le  dieu  de  la  fécondité  il  se  retrouverait  dans  le  dieu  d'Abraham  qui 
institue  la  circoncision  !  ! 

'  On  trouvera  dans  la  suite  des  raisons  pour  distinguer  :  1»  une  version  qaïnite  touchant  la 
source  sacrée  de  Massah-Méribah  au  sortir  du  désert  de  Shour;  t^  une  version  maramte  touchant 
la  source  sacrée  de  Marah-EUm,  au  sortir  du  désert  de  Shin,  chacune  de  ces  versions  prétendant 
expliquer  tour  à  tour  ces  noms  de  lieux,  1^  par  une  querelle  àe  Moïse  seul  (A)  ou  avec  Aaron  (a) 
ou  dlsrael  (B)  avec  Jahvé;  2<>  par  une  épreuve  imposée  à  Moïse,  seul  (A)  ou  avec  Aaron  (a)  ou  À 
Israel  (B)  par  Jahvé  —  épreuve  qui  amène  le  doute  et  Tincrédulitô  (c)  ou  la  foi  et  la  sanctifica- 


1903«]  REINACH  :  LUTTE  DE  JAHVÉ  AVEG  JACOB  ET  MOISE.         [P,  345. 

«  l'eau  de  la  querelle  »  est  le  nom  de  la  source  qui  jaillit  en  cascade  puissante  du 
rocher,  contrefort  du  Horeb,  dominant  à  Test  Qadesh  —  le  lieu  saint  —  Tua  des 
centres  primitifs  des  Qaïnites  adorateurs  de  Jahvé.  Comme  taut  d'eaux  courantes 
en  pays  syrien,  la  source  de  Qadesh  est  divine.  Grâca  à  cette  divinité,  Méribah  ser- 
vait d'arbitre  suprême  dans  les  litiges  que  Thomme  ne  pouvait  ou  n'osait  résoudre. 
On  sait  qu'on  jurait  aux  sept  sources  de  Beersheba^  et  la  législation  du  Pentaleuque 
sanctionne  l'usage,  pour  la  femme  suspectée,  de  boire  l'eau  mêlée  de  la  poussière 
du  tabernacle  ;  coupable,  l'eau  sera  pour  elle  une  «  eau  d'amertume  qui  fait  gonfler 
son  ventre  et  dessécher  son  flanc'^  n.  Dans  le  Hadramaout,  les  sorcières  présumées 
sont  plongées  dans  une  source  où  surnagent  les  coupables  ;  à  Aphaka,  ce  sont  les 
présents  agréés  qui  sombrent  ;  il  en  va  de  même  dans  une  source  voisine  de  La 
Mecque,  tandis  que,  au  lac  des  Paliques,  les  tablettes  véridiques  sont  seules  à  se 
maintenir  à  la  surface.  A  Carthage,  l'eau  sacrée  ne  coulait  que  pour  les  hommes  de 
bien  ;  au  lac  Asbaméen  de  Tyane,elle  était  douce  pour  les  innocents,  mais  saisissait 
et  glaçait  les  parjures^. 

Sans  qu'on  puisse  deviner  laquelle  de  ces  espèces  d'ordalie  on  pratiquait  à  la 
«  source  de  la  querelle  »  ou  *<  des  litiges  r,^  le  nom  de  Massah^  «  l'épreuve  »  qu'on 
trouve  associé  à  Mérîbah  comme  celui  d'une  localité  voisine  ou,  peut-être,  comme 
une  autre  désignation  de  Mérîbah,  suffirait  à  indiquer  que  ses  eaux  jouissaient  d'une 
vertu  probatoire.  Peut-être,  Moïse  y  avait-il  enlevé  de  haute  lutte  à  Jahvé  les  secrets 
de  sa  justice,  comme  Midas  oblige  Silène  à  lui  livrer  les  siens,  comme  Ménélas 
contraint  Prêtée  à  lui  dévoiler  l'avenir,  comme  Numa  arrache  à  Jupiter  les  rites 
d'expiation  pour  la  foudre.  Dans  le  fameux  morceau  de  la  Bénédiction  des  Douze 
Tribus,  composé  sans  doute  peu  après  le  temps  de  Salomon,  Moïse  aurait  béni 
ainsi  Levi  «  Que  tes  tummîm  et  ûrîm  appartiennent  à  ton  Seigneur,  que  tu  as  mis  à 
l'épreuve  à  Massah  et  avec  qui  tu  as  lutté  aux  eaux  de  Mérîbah^  ».  A  l'origine,  ces 


tion  (d).  Les  conséquences  P  de  la  querelle  sont  la  vertu  Jusiiciôre  et  le  caraclôre  sacré  de  la 
source  de  la  querelle  (e) ;  2^  de  Vépreuve^  suivie  de  sanctification  {f)  rinslitution  des  lois  et  delà 
justice  divine;  suivie  de  doute  {g)  les  erreurs  au  désert  à^ Israël  et  la  mort  de  Moïse  et  d'Aaron 
avant  d*avoir  touché  &  la  Terre  Promise. 

^  Arnos,  Vin,  14.  Beersheba  signifierait  les  7  sources  ;  de  mémo  les  eaux  Asbaméennes  (Syr. 
shah^ämayä),  d'aprôs  R.  Smith.  CVst,  Je  crois,  à  tort  que  H.  Grimme,  Das  israelitische 
Pfifigstfest  1907,  p.  101  (voir  mon  analyse  Revue  de  PHist,  des  Religions,  1907,  p.  391)  a  essayé 
d'interpréter  Beersheba  comme  la  «  Source  des  Sept  »  ces  Sept  étant  pour  lui  les  Pléiades.  Sur 
la  vertu  magique  de  l'eau  chez  les  Sémite?,  voir  Blau,  Das  Altjüdische  Zauber voesen,  1898, 
p.  158. 

«  Nombres  V,  11-31  et  Josephe,  Ant,  Jud,  III,  11,  6.  Wellhausen.  Prolegomena,  6™«  éd.,  1905, 
341,  a  montré  que  la  plus  ancienne  tradition  rapporte  précisément  cette  partie  de  la  Torah  aux 
sentences  enseignées  par  Moïse  à  Méribah.  D*aprés  V Anthropologie,  1900,  p.  350  Tordalie  de 
Teau  se  serait  conservée  chez  les  Coptes  pour  la  femme  adultère.  Elle  existe  déjà  dans  le  code 
d'Hammourabi  (cf.  L.  G.  Levy,  La  famille  israélite,  1905,  p.  226). 

^  Tous  ces  faits  sont  allégués  et  discutés  par  R.  Smith,  Religion  of  the  Semites,  éd.  de  1907, 
p.  179.  Pour  le  lac  des  Paliques  —  en  Sicile,  Torigine  sémitique  est  rien  moins  qu'assurée  —  voir, 
en  faveur  de  cette  origine,  Isidore  Levy,  Revue  Archéologique,  1899,  I,  p.  258  et  contra 
G.  Glotz,  L'ordalie  dans  la  Grèce  pHmitive,  (Paris  1904),  p.  80-85. 

^  Renan  (Histoire  d'Israël,  I,  p.  180)  a  cru  ofi'rir  une  explication  plus  rationnelle  en  expliquant 
Méribah  par  «les  batailles  incessantes  que  se  livraient  les  bédouins  en  venant  y  désaltérer  leurs 
troupeaux  ».  Il  s'est,  d*ailleurs,  repris  en  écrivant  plus  loin  :  «  la  source  du  Jugement,  peut-être 
parce  qu'on  la  consultait  pour  en  tirer  certains  oracles  ou  Jugements  de  Dieu  »  (p.  203). 

^  Deuter.  XXXIQ,  8.  Les  ûrim  et  tummîm,  quelle  que  fut  leur  nature,  —  sans  doute  des 
tablettes  à  sorts  que  Jahvé  était  censé  diriger,  — -  après  avoir  figuré  à  l'époque  patriarcale  au 
nombre  des  pénates,  étaient  devenus  le  privilège  exclusif  des  Lévites.  Dans  les  questions  insolubles 


p.  346.]  •    R    •    Ë    •     E    •    S    •  [1908. 

paroles  Quêtaient  pas  placées  dans  la  bouche  de  Moïse  ;  c'était,  sans  doute,  rËiohim 
lui-même  qui  sauctionnait  aiusi  aux  lévites  la  possession  exclusive  des  secrets  de 
la  diviaatioQ.  Ces  secrets,  Moïse  les  avait  apparemment  conquis,  pour  les  léguer 
aux  lévites  dont  il  aurait  été  la  soucLc,  en  sortaot  victorieux  de  Tépreuve  de  Massah 
et  de  la  lutte  de  Mérîbah. 

A  l'époque,  sans  doute,  où  Osée  faisait  un  grief  à  Jacob  d'avoir  osé  se  mesurer 
avec  le  Seigneur,  on  dut  s'attacher  à  effacer  toute  trace  de  cette  lutte  victorieuse 
de  Moïse  contre  Jahvé.  Mais,  comme  les  prétentions  de  la  caste  sacerdotale  repo- 
saient en  grande  partie  sur  le  texte  relatif  aux  tummîm  et  ûrîm,  il  fallut  se  conten- 
ter de  fournir  une  explication  moins  sacrilège  des  événements  de  Massah  et  de 
Mérîbah.  La  primitive  victoire  de  Moïse  sur  Jahvé  allait  se  transformer  en  une 
nouvelle  victoire  du  dieu  et  de  son  prophète  sur  Tinconstance  et  l'incrédulité  de 
son  peuple,  victoire  qui  serait  tout  à  Thonneur  de  Moïse  et  des  lévites  issus  de  lui. 
Rien  ne  devait  être  plus  édifiant  que  l'épisode  de  la  lutte  de  Moïse  et  de  Jahvé 
ainsi  remanié  ;  mais  l'exécution  ne  fut  pas  à  la  hauteur  de  ce  pieux  dessein  et  l'in- 
certitude ou  l'incohérence  des  passages  ainsi  modifiés  suffiraient  à  dénoncer  la 
main  du  réviseur  sacerdotal. 

Dans  VExode  (XVII,  2)  et  les  Nombres  (XX,  3),  les  Hébreux  menacés  de  périr 
de  soif  dans  le  désert  de  Shin,  s'ameutent  contre  Moïse.  Celui-ci,  dans  VExode^ 
invoque  Jahvé  qui  lui  ordonne  de  prendre  avec  lui  les  anciens  d'Israël  «  saisissant 
dans  ta  main  le  bâton  avec  lequel  tu  as  frappé  le  fleuve^,  va-t'en.  Je  me  tiendrai  en 
face  de  toi,  sur  le  rocher  du  Horeb.  Tu  frapperas  le  rocher,  de  façon  qu'il  en 
jaillisse  des  eaux  dont  le  peuple  pourra  boire  ».  Dans  les  Nombres^  le  Seigneur  ne 
donnait  d'abord,  semble-t-il,  un  ordre  pareil  qu'au  seul  Moïse  et  lui  remettait 
la  verge  qui  allait  accomplir  le  miracle  ;  puis,  à  cette  première  version  s'en  est 


on  ajournait  les  parties  au  temps  où  viendrait  un  prôtre  qui  saurait  Juger  par  lerim  et  tummim 
(Esdras,  II,  63;  Néhôraie,  VII,  65).  Renan  a  très  bien  vu  ce  caractère  de  Jahvé  «  essentiellement 
un  dieu  de  sorts,  répondant  par  oui  et  par  non  aux  questions  qu'on  lui  posait...  c'est  à  son  arche 
qu'on  venait  lui  demander  des  décisions.  Les  institutions  Judiciaires,  durant  un  temps,  se  bor- 
nèrent à  ces  espèces  d'ordalies.  Juger,  c'était  répondre  à  des  gens  qui  venaient  interroger  Dieu  » 
(Histoire  d'Israël,  I,  p.  272).  L'habitude  de  placer  sur  l'autel  deux  tablettes  portant  chacune  une 
des  alternatives  et  de  considérer  comme  inspirée  de  Dieu  celle  qu'on  prenait,  le  lendemain,  soi- 
disant  au  hasard  s'est  conservé  jusque  dans  la  Byzance  du  xu*  s.  (cf.  Migne,  Pairologie  grecque, 
t.  127,  col.  1Ö20  ;  Anne  Comnône,  Alexiade,  X,  2,  8  ;  XY,  471). 

^  Auparavant  Moïse  parait  avoir  touché  de  son  bâton  —  celui  qui  s'est  transformé  en  serpent 
au  Buisson  Ardent  (pour  le  bâton-sceptre  comme  instrument  de  justice  inspirée  par  la  divinité, 
voir  Hirzel,  Themis  Diké  und  Verwandtes,  1907,  p.  50)  —  la  mer  qui  s'ouvrira  devant  Israel 
(Ex.  XIV,  15)  et  avoir  jeté  [ou  trempé)  un  bois  indiqué  (XVII,  23)  par  le  Seigneur  dans  les  eaux 
améres  du  désert  de  Shour  pour  les  adoucir;  mais  aucun  de  ces  deux  épisodes  ne  peut  guère 
être  celui  auquel  il  est  fait  allusion  en  ce  passage.  Peut-être  s'agirait-il  plutôt  de  la  version 
primitive  de  l'épisode  de  la  source  de  Beer  (Beer  signifie  source,  cf.  Beersheba,  la  source  du 
serment)  que,  sur  l'avis  du  Seigneur,  Moïse  aurait  fait  sourdre,  en  faisant  fouiller  la  terre  avec 
les  bâtons  des  chefs  des  familles,  tandis  que  le  peuple  chantait  le  refrain  :  Source  monte  ! 
Source  monte  !  (  Num,  XXI,  15).  C'est  cette  chanson  et  cette  légende  quo  Renan  considérait 
comme  l'origine  des  récits  miraculeux  mis  sous  le  nom  de  Moïse  (Histoire  d^ Israël  I,  p.  168,  205). 
Il  y  a  lieu  de  se  demander  si  ce  Qadesh  est  celui  où  fut  enterrée  Mariam  la  sœur  d'Âaron  et  de 
Moïse  ~  elle  parait  plus  étroitement  attachée  à  Aaron  qui  n'était  pas  originellement  le  frère  de 
Moïse  —  ;  si  le  Qadesh  où  on  nnontrait  la  tombe  (Num,  XX,  1  ;  Jud,y  YI,  24)  de  cette  prophétesse 
est  bien  Qadesh-Méribah  on  entreverrait  une  autre  explication  du  nom  de  ce  lieu  saint  :  1«  s'il 

est  vrai  que  Miriam  signifie  «  la  révoltée  »  C'^^IZ)  ;  2o  si  c'est  là  qu  on  doit  placer  ]sl  querelle  où 

Miriam  et  Aaron  se  seraient  élevés  contre  Moïse  :  ^  Est-ce  seulement  par  Moïse  que  Jahvé  parle  | 
et  n'est  ce  pas  aussi  par  notre  voix  ?  »  [Num,  Xn,l) .  Le  développement  du  rôle  d'Aaron  est  appa- 
remment l'œuvre  du  rédacteur  sacerdotal. 


1908.]  REINACH  :  LUTTE  DE  JAHVÉ  AVEC  JACOB  ET  MOISE.         [P,  347. 

amalgamée  une  secoude  où  Aaron  va  so  prosterner  avec  Moïse  devant  le  taber- 
nacle, où,  le  Seigneur  s'adresse  à  Aaron  en  même  temps  qu'à  Moïse  et  où  tous 
deux  convoquent  le  peuple  —  et  non  plus  les  seuls  anciens  —  pour  assister  au 
miracle  qu'accomplit  Moïse.  Le  miracle  accompli,  VExode  (XVII,  9)  ajoute  :  Moïse 
nomma  ce  lieu  Massah  et  Mérîbah,  à  cause  de  la  querelle  des  Benê  Israël,  et  parce 
qu'ils  avaient  tenté  Jahvé  en  disant  :  »  Jahvé  est-il  au  milieu  de  nous  ou  non  ?  n 
Ce  dernier  membre  de  phrase  provient  évidemment  d'une  autre  explication  de 
Mérîbah,  qui  n'était  plus  le  lieu  de  querelle,  mais  le  lieu  du  doute  ;  peut-être  était- 
ce  dans  la  même  version  que  Massah  était  expliqué,  non  par  épreuve,  mais  par 
tentation.  Il  en  subsiste  une  trace  dans  VExode  (XVII,  2)  quand  Moïse,  après  avoir 
demandé  à  ceux  qui  réclament  de  l'eau  «  Pourquoi  entrez-vous  en  querelle  avec 
moi  »  —  ce  qui  prétend  expliquer  Mérîbah  —  ajoute  «  Pourquoi  tentez-vous  Jahvé  0. 
Les  Nombres  (XX,  13)  cherchent  apparemment  à  combiner  les  deux  interprétations 
quand  le  Seigneur,  après  le  miracle,  dit  à  Moïse  et  à  Aaron  «  Voici  les  eaux  de 
Mérîbah,  parce  que  les  Benê-Israël  se  sont  querellés  avec  le  Seigneur  et  qu'il  a  été 
sanctifié  parmi  eux^  »  —  à  moins  qu'il  n'y  ait  là  une  corruption  du  texte  qui 


^  Tout  cet  épisode  de  Massah  et  Mérîbah  parait  n'être  qu'un  doublet  —  ou  un  dédoublement  — 
d'un  épisode  semblable  antérieur  qui  ne  nous  est  parvenu  que  tronqué.  C'est  lorsque  «Moïse, 
emmenant  Israël  loin  de  la  mer  de  Soupb,  le  conduisit  au  déseit  de  Schourn  (XV,  22a).  Il  y  marche 
trois  jours  —  les  trois  jours  assignés  par  Jahvé  pour  la  Fête  au  désert  —  et  arrive  à  Marah.  N'y  trou- 
vant que  des  eaux  saumâtres  —  Marah  signifie  Vamertume  (cf.  Ruth^  l,  20)  —  le  peuple  murmure. 
Moïse  invoque  Jahvé,  qui  lui  indique  un  bâton;  jeté  (ou  trempé)  dans  la  source,  il  la  rend  aussitôt 
douce.  De  là,  Israël  gagne  Elim  —  les  grands  arbres  —  où  se  trouvent  douze  sources  et  soixante- 
dix  palmeF.  Or,  Agatarcbide  de  Cnide  (v.  130  av.  J.  C.,  Geopr.  Gr.  Min.,  1, 175),  décrivant  la  pénin- 
sule.sinaïtique,  signale,  comme  un  lieu  de  culte  célèbre,  le  Phoinikôn,  avec  sa  palmeraie  et  ses 
eaux  vives,  habité  jadis  par  les  Maranites.  Le  texte  de  la  Genèse  semble  ainsi  dériver  d'une 
légende  locale  destinée  À  expliquer  la  rencontre,  après  le  désert  et  ses  eaux  saumâtres,  des  belles 
sources  voisines  de  Marah.  Dans  cette  version,  il  est  probable  qu'on  donnait  à  Marah,  non  le  sens 
de  amertume  —  mais  celui  de  querelle,  litige  —  Méilbab  n'est  que  la  source  de  Marah  ou  Mérah 

—  peut- être  aussi  de  tentation^  épreuve  (Massah  peut  être  un  autre  nom  de  Marah  comme  de 
Mérîbah).  C'est  un  souvenir  de  ce  double  sens  qui  reparait  dans  notre  texte  XV,  25  ô  :  «  c'est  là 
(à  Marah)  qu'il  (Jahvé  ou  Moïse,  en  tout  cas  c'est  ici  la  place  originelle  de  l'épisode  des  tables  de 
la  loi)  lui  établit  loi  et  justice  et  c'est  là  qu'il  (Jahvé)  réprouva  ».  L'épreuve  divine  qu'accompagne 
l'établissement  de  la  loi  sainte  suffit  à  suggérer  que  les  eaux  de  Marah  avaient  les  mêmes  vertus 
magiques  que  celles  de  Môribah.  Guérisseuses  des  litiges  —  ces  maladies  du  corps  social  —  elles 
guérissaient  aussi  les  maladies  humaines  :  aussi  Jahvé  y  déclare-t-il  à  son  peuple,  que,  s'il  observe 
ses  ordres  et  prescriptions,  il  tiendra  tous  les  maux  loin  de  lui  «  parce  que  moi,  Jahvé,  je  suis 
t^n  médecin  »  et  Agatarchide  nous  apprend  qu'on  procédait  tous  les  cinq  ans  à  de  grandes  pane- 
gyrics auprès  de  la  source  des  Maranites,  sacrifiant  des  chameaux  bien  gras  et  obtenant  en  retour 
d'emporter  de  l'eau  sacrée  «  parce  que  la  tradition  attribue  à  cette  eau  des  vertus  guérisseuses  n, 

—  Il  semble  résulter  clairement  de  ces  faits  que  la  Genèse  contient  les  vestiges  de  deux 
légendes  étiologiques  locales  destinées  à  expliquer  les  vertus  magiques  des  sources  sacrées  des 
Maranites  d'EUm  et  des  Qaïnites  de  Qadesh-Barnéa.  C'est  ce  qui  a  été  entrevu  par  Wellhausen, 
Prolegomena,  6*  éd.  p.  352,  Ed.  Meyer,  Die  Israeliten,  p.  61  et  B.  Luther,  apud  Meyer,  p.  101 
et  S.  A.  Cook,  Jewish  Quarterly  Review^  1906,  p.  750.  La  plupart  des  commentateurs,  y  compris 
Hoizinger  (Exodus,  p.  56),  se  trompent  manifestement  en  cherchant  une  source  salée  pour  y 
localiser  Mafah.  Toute  la  légende  a  pour  but  d'expliquer  pourquoi  cet  oasis  d*eaux  douces  se 
trouve  au  milieu  des  eaux  saumâtres  du  désert.  Peut-être  K.  Marti  {Gesck,  d.  Israel,  Rel.  1907, 
p.  28)  a-t-il  raison  de  supposer  que  Taction  attribuée  au  bois  donné  par  Jahvè  indique  que  les 
70  palmes  —  nombre  rituel  du  système  septénaire  caractéristique  des  Sémites  —  voisines  des 
X2  sources  (peut  être  14  à  Torigine  ou  7  comme  à  Beersheba)  étaient  également  l'objet  d'un 
culte  (cf.  le  térébinthe  magique  de  la  source  d'Abraham).  Toute  rhabdomantie  suppose  un  culte 
du  bois  employé.  Pour  cette  question  des  bois  et  des  sources  sacrées,  voir  Robertson  Smith, 
Religion  of  the  Semites^  éd.  de  1907,  p.  164-199  et  Lagrange,  Etudes  sur  les  religions  sémitiques, 


p.  348.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

serait  :  et  parce  que  le  Seigaéur  n^a  pas  été  sanctifié  parmi  les  Benè-Israël  aux  eaux 
de  Mérîbah-Qadesh  (la  querelle  de  Qadesh)  (Nombres,  XX  VIII,  14  ;  Deuter.  XXXII, 
51).  Plus  loiü,  sur  le  Mont  Hor,  —  doublet  du  Horeb  de  Qadesh  —  le  Seigneur  se 
plaint  encore  à  Moïse  et  à  Aaron  «  do  la  rébellion  des  Bené- Israël  contre  ma  parole 
aux  eaux  de  Méribah  »  (24).  En  conséquence  de  cette  rébellion  dont  le  Soigneur 
reparlera  à  Moïse  avant  sa  mort  (XXVII,  14  et  Deuter.,  XXXII,  51),  Aaron  n'en- 
trera pas  dans  la  Terre  promise  ;  plus  haut  (12),  la  même  annonce  est  faite  à  Moïse 
en  même  temps  qu^à  Aaron,  mais  en  invoquant  le  dotUe  :  «  parce  que  vous  n^avez 
pas  cru  en  moi...  ».  Dans  la  version  de  la  tentation  et  du  doute  —  sans  doute  élo- 
histe  —  il  semblerait  donc  que  Moïse  et  Aaron,  figurant  sur  pied  d'égalité,  aient 
partagé  le  manque  de  foi  de  leur  peuple.  C^est  seulement  en  supposant  l'existence 
d'une  semblable  version  qu'on  comprend  en  châtiment  de  quelle  faute  ni  Moïse  ni 
Aaron  ne  verront  la  Terre  promise.  Et  l'on  comprend  aussi  pourquoi  le  Réviseur 
sacerdotal  se  sera  efforcé  de  faire  disparaître  un  pareil  épisode. 

Lorsqu'on  voit  ce  Béviseur  dépenser  tant  d'ingéniosité  pour  transformer  la 
primitive  querelle  où  le  prophète  d'Israël  se  serait  mesuré  avec  son  dieu  auprès  des 
sources  sacrées  des  Maranites  ou  des  Qaïnites,  Marah  ou  Méribah,  qui  restèrent 
depuis  probatoires  et  divinatoires  ;  lorsqu'on  voit  avec  quel  zèle,  à  force  de  retou- 
ches et  de  remaniements,  il  a  mué  cette  lutte  judiciaire,  conforme  à  la  violence 
primitive,  en  récit  d'édification  adapté  au  moralisme  juif,  on  s'étonne  que  V Exode 
ait  conservé,  toute  tronquée  et  falsifiée  qu'elle  soit,  la  mention  explicite  d'une 
lutte  de  Moïse  et  de  Jahvé. 

Après  son  entrevue  avec  Jahvé  au  buisson  ardent  de  Qadesh,  Moïse,  sur  son 
ordre,  retourne  en  Egypte.  «  Sur  le  chemin,  à  la  station,  il  arriva  que  Jahvé  s'ap- 
procha de  lui  pour  le  faire  périr.  Alors,  prenant  une  pierre,  Ziphorah  trancha 
l'excroissance  de  son  fils,  et  le  lui  jeta  aux  jambes  en  s'écriant  :  «  Tu  m'es  un 
époux  de  sang  ».  Alors  Jahvé  le  lâcha.  Elle  avait  dit  :  «  Époux  de  sang  »,  à  cause 
de  la  circoncision  ».  (Ex,  IV,  24-6). 

On  conçoit  que  ce  passage  ait  fait  le  désespoir  des  commentateurs.  Déjà  le 
Réviseur  sacerdotal,  qui  n'ose  le  supprimer,  tente  timidement  de  l'expliquer  par  le 
dernier  membre  de  phrase.  Pour  lui  «  époux  de  sang  »  —  hatan  damim  —  signifie 
évidemment  que  Moïse  doit  ce  nom  à  ce  qu'il  s'est  fait  circoncire  pour  son  mariage^ 


2«  éd.  p.  158-180.  Pour  le  tôrébinthe  d'Abraham,  ajoutez  Isid.  Levy,  Revue  des  Études  Juives, 
1901,  p.  199  et  J.  G.  Frazer,  Folk-lore  in  the  Old  Testament  {Mélanges  Ti/lor,  1907)  p.  111. 

1  Od  a  môme  proposé  d'expliquer  ^hathan^  qui  désigne  l'allié  du  côté  de  la  femme^  fiancé  ou 
gendre  {Jkathounah  est  le  mariage),  par  l'arabe  hätänä  qui  signifierait  trancher,  d*où  circoncire 
(cf.  Holzinger,  Exodus,  p.  16).  Cette  explication  impliquerait  que  c'est  au  moment  du  mariage 
^  ou  plutôt  au  moment  où  le  mariage  devient  possible,  moment  qui,  dans  les  pays  sémitiques, 
n'est  jamais  très  éloigné  du  mariage  effectif  —  que  la  circoncision  aurait  eu  lieu  dans  l'Arabie 
primitive,  fait  d'autant  plus  important  qu'il  semble  en  avoir  été  d'abord  de  même  dans  Israël. 
Toutefois,  môme  en  admettant  cette  étymologie,  il  est  possible  que  ^hathan  ne  signifie  pas 
«  le  circoncis  »,  mais  soit  équivalent  de  cet  autre  nom  de  l'époux,  jsakar,  (perforans)  opposé  à 
neqébah  (perforata).  Sur  toute  la  question  voir  les  articles  Circumcision  dans  le  Dictionary  of 
the  Bible  de  Hastings  et  VEncyclopedia  BibUca  de  Cheyne.  Une  abondante  documentation 
anthropologique  a  été  réunie  par  R.  Andrée,  Ethnographische  Parallelen,  neue  Folge^  (Leipzig, 
1869  p.  170  et  suiv.).  Pour  la  circoncision  en  Egypte,  voir  Reitzenstein,  Zwei  religionsgeschickt' 
liehe  Fragen  (Strasbourg,  1902  p.  30),  et  la  discussion  à  laquelle  ses  idées  ont  été  soumises  par 
Gunkel  et  par  Wendlaud,  Archiv  für  Papyrologie,  U,  1903  p.  15  et  auiv.  On  y  verra  notamment 


1908.]  REINACH  :   LUTTE  DE  IAHVÉ  AVEC  JACOB  ET  MOISE.         [P.  349. 

avec  la  fille  du  prêtre  de  MidiaQ  —  ainsi  Schekem  leHivvite  devait  se  circoncire  avant 
d'épouser  Dina,  fille  de  Jacobe  Le  prophète  et  le  fondateur  d'Israël  ne  pouvait 
s'être  dérobé  au  rite  qu'on  imposait  même  à  ses  pires  ennemis,  lorsqu'ils  préten- 
daient convoler  en  justes  noces  avec  les  filles  d'Israël.  Malheureusement,  dans 
l'Exode  tel  qu'il  nous  est  parvenu,  il  n'est  nulle  part  fait  allusion  à  la  circoncision 
de  Moïse  ;  tout  au  plus  est-elle  impliquée  par  Tordre  donné  à  Abraham  de  circon- 
cire les  nouveau-nés  au  huitième  jour^,  ordre  répété  à  Moïse  pour  tous  ceux  qui 
voudront  participer  aux  Pâques,  c'est-à-dire  communier  avec  le  dieu-agneau  et 
avec  le  dieu-grain^,  mais  ordre  qui  n'aurait  pas  été  exécuté  pour  les  enfants  nés 
pendant  les  quarante  ans  d'erreurs  au  désert,  puisque,  après  le  passage  du  Jourdain, 
le  Seigneur  doit  inviter  Josué  à  leur  faire  subir  à  tous  ensemble  l'opération,  signe 
de  Talliance^.  D'ailleurs,  il  résultait  du  texte  même  que,  malgré  l'ordre  donné  à 
Abraham  et  mis  à  exécution  par  lui  et  par  Jacob,  sinon  Moïse  lui-même,  du  moins 
son  fils  n'était  pas  encore  circoncis.  On  fut  amené  à  chercher  précisément  dans 
cet  inexplicable  oubli  de  l'homme  de  Dieu  la  cause  de  la  colère  soudaine  de  Jahvé. 
«  Moïse  lui-même  fut  pris  en  défaut  au  sujet  de  l'un  de  ses  fils.  Sur  un  terrible 
avertissement  de  Dieu,  sa  femme  Sépbora  se  hâta  de  circoncire  l'enfant  et,  à  la 
suite  de  cette  opération  douloureuse,  elle  appela  Moïse  un  «  époux  de  sang"^  ».  Je 
ne  sais  si  les  théologiens  de  Jérusalem  s'étaient  montrés  aussi  ingénieux  que  leurs 
successeurs  catholiques.  Au  moins  une  pareille  exégèse  devait-elle  trouver  des 
adversaires  à  l'époque  des  Septante  ;  moins  hardis  que  ne  le  sera  Josephe  qui, 
dans  ses  Antiquités  Judaïques^  supprimera  l'épisode  entier,  ils  se  contentent  d'effa- 
cer «  Époux  de  Sang  ».  Les  Septante  pensaient,  sans  doute,  que  cette  expression 
n'aurait  été  à  sa  place  que  si  Ziphorah  avait  apaisé  le  Seigneur  en  pratiquant 
l'opération  sur  Moïse.  La  théorie  du  surrogate  tirée  en  majeure  partie  de  faits 
constants  des  religions  sémitiques,  a  offert  aux  plus  avertis  des  exégètes  modernes 
une  solution  de  cette  difficulté.  Moïse  se  serait  attiré  la  colère  du  Seigneur  pour 
n'être  point  circoncis.  Afin  de  la  calmer,  son  fils  est  aussitôt  circoncis  en  son  lieu  et 
place  et,  pour  reporter  plus  directement  encore  sur  le  père  le  bénéfice  de  l'opéra- 
tion subie  par  le  fils,  il  est  lui-même  arrosé  par  le  sang  rituellement  versé.  Ainsi, 
le  sang  de  l'enfant  rachèterait  la  vie  du  père  comme  la  circoncision  elle-même 
aurait  été  imposée  d'abord  à  Abraham  en  rachat  du  sacrifice  de  son  premier-né. 
Si  c'est  la  mère  et  non  le  père  qui  opère,  c'est,  a*t-on  imaginé,  que  les  femmes  ne 
pouvaient  opérer  que  sur  des  enfants  en  bas  âge.  Enfin,  le  but  du  récit  serait  de 
montrer  comment,  à  la  douloureuse  circoncision  des  adultes,  aurait  succédé  celle, 
plus  bénigne,  des  nouveau^nés^. 


que  la  circoncision  était  encore  pratiquée  à  14  ans  chez  les  Egyptiens  (Philon,  m  Qen.,  m,  4-7; 
Ambroise,  De  Abrah,  II,  630  Schenkt),  les  Ismaélites  (Origône,  C.  Cels.,  V,  4-8;  Lydus,  De  Mens,, 
p.  110, 13,  W.)*  ies  Arabes  (Josôphe,  Ant.  Jud.^  I  12).  Il  n*ya  aucun  indice  permettant  de  croire 
que  les  femmes  aient,  à  l'instar  de  Ziphorah,  oporé  elles-mêmes  leurs  enfants  ;  on  peut  seulement 
ftUégi»ep  un  bas-relief  du  temple  de  KhoMa  Karoak  où  une  feam«  n'<^re  pas  mais  tient  les 
poignets  de  Topôré.  (Revue  archéologique,  1861, 1,  p.  298). 

1  Ge7i.  XXXIV,  24. 

«  Gen.  XVn,  10,  23-25. 

3  Ex.  Xn,  48. 

*  Jos.  V,  2.  On  n'a  pas  assez  remarqué  que,  dans  ce  cas  comme  dans  Ex.  XII,  48,  la  circonci- 
sion est  placée  &  Tépoque  de  Pâques.  Encore  aujourd'hui  l'opération  est  accompagnée  de  fêtes 
dont  l'acte  essentiel  est  le  sacrifice  d'un  mouton  en  Arabie  (cf.  Doughty,  Arabia  déserta,  I, 
p.  340,  391  ;  Snouck  Hurgronje,  Mekka,  n,  p.  141). 

^  Abbé  H.  Lesétre,  dans  le  Dictionnaire  de  la  Bible  de  l'abbé  Vigouroax»  II.  p.  773. 

^  Cette  explication,  déjà  indiquée  par  Reuss  (La  BihU^  t.  Y,  p.  13),  a  été  généralement  reprise 


p.  350.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908- 

Cependant,  à  nous  tenir  à  la  lettre  des  textes  bibliques,  le  Seigneur  a  déjà 
ordonné  à  Abraham  de  circoncire  à  l'âge  de  huit  jours  ;  le  patriarche  a  opéré  loi- 
même  ses  fils  Isaac  et  Ismaël  et  telle  paraît  être  restée  la  coutume  jusqu'au  joor 
où  des  spécialistes,  moitié  prêtres,  moitié  médecin?,  furent  chargés  de  Topération  ; 
rien  ne  permet  de  croire  qu^on  ait  permis  à  la  mère  —  plus  que  jamais  impore 
pendant  les  relevailles  —  de  participer  en  aucune  manière  à  cet  acte  rituel.  Enfin, 
s'il  est  possible  que  le  fils  en  bas  âge  de  Moïse  n^ait  pas  encore  été  circoncis,  il  n'est 
pas  admissible  qu^on  crût  que  l'homme  de  dieu  ne  portât  pas,  dès  le  début  de  sa 
vocation,  le  signe  de  Talliance.  Outre  l'invraisemblance  d'une  pareille  hypothèse, 
elle  se  trouve  en  contradiction  formelle  avec  les  textes  qui  nous  montrent  les 
Égyptiens  —  parmi  lesquels  a  grandi  Moïse  —  pratiquant  la  circoncision  ;  et  l'on  a 
vu  que  tous  les  Hébreux  qui  participent  aux  Pâques  instituées  par  Moïse  et  qui 
sortent  avec  lui  d'Egypte  n^ont  dû  qu'à  cette  opération  la  protection  de  Jahvé^. 

par  tous  les  commentateun.  Eq  dehors  des  commentaires  (en  dernier  lieu  Holzioger,  Exodus, 
p.  16)  je  me  borne  à  renvoyer  Reitzenstein  et  Gunkel,  loc.  cit,  :  à  W.  Nowack,  Lehrbuch  der 
hebräischen  Archäologie^  I,  p.  168,  à  Wellhausen,  Arab.  Heidentum^  2«  éd.  p.  175  et  à  Barton, 
Semüic  Origins  (New  York  1902),  p.  280.  C'est  seulement  pendant  la  correction  des  épreuves  que 
Je  prends  connaissance  de  deux  explications  nouvelles  de  la  circoncision  que  J.  G.  Frazer  et 
H.  P.  Smith  ont  tirées  des  rites  australiens  rapportés  par  Spencer  etGilien.  Ces  articles  ne  me  sont 
malheureusement  connus  que  par  des  analyses,  celui  de  Fraier  (The  Indépendant  Rej:ieuv)^  1904 
p.  20M8)  par  un  c.  r.  de  M.  Mauss  (Année  Sociologique,  1906,  p.  255),  celui  de  Smith  {Journal 
of  biblical  Literature,  1906,  p.  14)  par  ce  qu'en  dit  Cheyne  (Traditions  und  Belitfs  of  ancient 
Israel,  1907,  p.  535).  D'après  Frazer,  le  prépuce,  formant  siège  de  l'âme,  est  excisé  à  la  puberté 
pour  assurer  la  transmission  de  l'âme  ;  il  est  conservé  sur  l'arbre  nanja^  chez  les  Aruntas  «  centre 
totémique  d'où  s'échappent  les  Ames  qui  vont,  dans  les  femmes,  se  soumettre  â  une  nouvelle  con- 
ception n.  M.  Mauss  croirait  plutôt  qu'il  s'agit  de  débarasser  Tenfant  de  l'âme  infantile  pour 
laisser  la  place  libre  à  l'âme  d'homme  dont  les  rites  de  puberté  ont  pour  but  de  favoriser  l'intro- 
duction; la  circoncision  pour  lui,  serait,  d  ailleurs,  avant  tout,  un  signe  tribule.  D'après  Smith, 
la  peau  comme  le  sang  de  la  circoncision  seraient  des  charmes  puissants  ;  en  raison  de  leur  vertu 
magique,  on  s'en  serait  servi  pour  la  comnuniquer  par  frottement  anx  membres  du  clan  dont 
Pâme  se  trouverait  ainsi  renforcée;  on  aurait  notamment  agi  ainsi  en  cas  de  maladie.  Or,  l'assaut 
de  Moïse  par  Jahvô  n'est  qu'une  façon  d'exprimer  un  mal  subit  que  le  terrasse,  crise  épileptique 
ou  autre  ;  pour  restaurer  Ta  me  expirante  de  son  époux,  Ziphorah  lui  applique  aussitôt  le  pré- 
puce de  son  fils.  Cette  sorte  de  transfusion  serait  commémorée  dans  le  verset  final  dont  la 
forme  primitive  serait  :  «  Cest  pourquoi  Jusqu'à  ce  jour,  quand  un  enfant  est  circoncis,  le 
prépuce  est  frotté  sur  les  pieds  de  chaque  membre  de  sa  famille,  n 

^  Il  est  vrai  qu'on  pourrait  soutenir  —  mais  il  faudrait  retirer  d'Egypte  l'institution  de  la  Pâque 
qui  implique  l'existence  de  la  circoncision  —  que  les  Hébreux  n'étaient  pas  encore  circoncis  en 
Egypte  puisque  Jahvé,  lorsqu'il  ordonne  A  Josué  de  faire  procéder  à  la  circoncision,  prétend 
soustraire  ainsi  son  peuple  à  Vopprobre  des  Égyptiens,  ce  qu'on  s'accorde  &  entendre  le  mépris 
où  les  Égyptiens  tiennent  les  Hébreux  comme  incirconcis.  Le  réviseur  sacerdotal  a  cru  tout  con- 
cilier en  n'appliquant  la  circoncision  de  Josué  qu'aux  Hébreux  nés  depuis  la  sortie  d'Egypte.  H 
n'a  guère  songé  aux  trois  objections  élémentaires  qu'on  aurait  dû  faire  de  tout  temps  À  ce  sys- 
tème :  Est- il  bien  vraisemblable  que  ce  soit  pendant  ces  quarante  ans  passés  au  Désert  que  les 
Hébreux  aient  eu  à  souffrir  de  lopprobre  des  Ég yptiens  1  Lqb  Hébreux  du  désert,  d'après  son 
texte  même,  n'étaient-ils  pas  les  circoncis  sortis  d'Egypte  ?  Tous  ces  Hébreux  avaient-ils  pu  dis- 
paraître en  quarante  ans,  supposition  nécessaire  puisque  le  texte  parle  de  la  circoncision  par 
Josué  de  tous  les  Hébreux  ?  La  vérité  me  semble  être  qu'il  a  existé  au  moins  trois  versions  de 
l'institution  de  la  circoncision,  la  1'^  Tattribuant  à  Abraham  —  comme  ancêtre  commun  des 
tribus  palestiniennes  — ,  la  2'°*  à  Josué  qui  l'aurait  fait  opérer  à  l'entrée  de  la  Terre  Promise,  à 
Gilgal  —  parce  qu'on  interprétait  un  monceau  de  silex  qui  se  trouvait  près  de  cette  place  comme 
formé  par  les  couteaux  de  pierre  employés  pour  l'opération  et  par  un  jeu  de  mots  entre  Gilgal  et 
GcUlolhi,  «  J'ai  rejeté  de  vous  n  — ,  la  3<°<'  à  Moïse.  Comme  fondateur  de  la  Loi  et  du  Culte,  il 
était  nécessaire  de  mettre  de  quelque  façon  en  rapport  avec  lui  l'institution  de  la  circoncision. 
La  version  officielle  la  lui  faisait  instituer  apparemment  en  même  temps  que  la  Pâques,  expli- 
quant ainsi  que  les  Hébreux  aient  pu  être  jusque  là  Vopprobre  des  Égyptiens. 


1908.J  REINACH  :   LÜTTE  DE  JAHVÉ  AVEC  JACOB  ET  MOISE.         [P.  351, 

Ainsi  Texplication  des  érudits,  pas  plus  que  Tezégèse  orthodoxe,  ne  laisse 
entrevoir  la  solution  véritable  du  problème.  Toute  fondée  que  soit  la  théorie  du 
surrogate  elle  ne  permet  guère  de  comprendre  ce  nom  d'épottx  de  sang  donné  par 
Ziphorah  au  père  de  celui  qu^elle  vient  de  circoncire  et  aux  pieds  duquel  elle  jet- 
terait le  prépuce  sanglant. 

Mais,  en  ce  faisant  et  en  ce  disant,  est-ce  bien  à  Moïse  qu'elle  s'adresse  ?  On 
a  vu  le  récit  de  la  lutte  de  Jacob  s'éclaircir  singulièrement  en  rapportant  il  frappa^ 
non  plus  à  Jahvé  mais  à  Jacob.  C'est  au  grand  historien  de  l'antiquité^  Edouard 
Meyer^  que  revient,  je  crois,  l'honneur  de  la  double  observation  qui  placera  enfin 
dans  son  vrai  jour  l'étrange  verset  de  l'Exode.  Le  lui  et  le  tu  que  nous  avons  mis 
en  italiques  ne  se  rapportent  pas  à  Moïse  mais  à  Jahvé  ;  et  les  pieds  du  Seigneur 
auxquels  Ziphorah  jette  le  prépuce  sanglant  de  son  fils  ne  sont  qu'un  euphémisme 
pour  désigner  sa  virilité. 

L'interprétation  nouvelle  qui  s'impose  ainsi  pour  la  lutte  de  Moïse  avec  Jahvé 
rapprochée  de  l'interprétation  semblable  qui  s'o£fre  pour  le  duel  de  Jacob  avec 
Jahvé  nous  semble  une  des  données  les  plus  importantes  que  la  seule  critique  du 
texte  ait  apportées  de  longue  date  à  la  question  biblique.  Cette  importance  paraît 
avoir  échappé  au  savant  auteur  qui  n'en  tire  aucune  conséquence.  Saus  prétendre 
épuiser  les  problèmes  soulevés  par  cette  découverte,  on  cherchera  à  indiquer  la 
position  nouvelle  de  la  question. 

* 

Dans  la  brève  remarque  dont  Ed.  Meyer  fait  suivre  sa  lumineuse  correction, 
il  considère  la  circoncision  comme  un  moyen  magique  de  détourner  la  colère  du 
Dieu  d'Israël.  Loin  d'être  ainsi  un  apoiropaion^  je  crois  que  cette  opération  est 
bien  un  signe  d*alliance.  La  correction  d'Ed.  Meyer  permet  de  comprendre  en  quel 
sens  tout  matériel  il  convient  de  prendre  cette  expression  considérée  jusqu'ici 
comme  purement  symbolique. 

Laissons  provisoirement  de  côté  l'attaque  subite  de  Jahvé  contre  Moïse  ; 
prenons  la  seconde  partie  de  l'épisode  :  Ziphorah,  pour  contraindre  Jahvé  qui  a 


*  Dans  son  livre  déjà  plusieurs  fois  cité,  Die  Lraeliten  und  ihre  Nachbarstämme  CHalle,  1906), 
p.  59.  Il  se  borne  à  remarquer  :  «  Ce  récit  prôtend  expliquer  rt)ri«rine  de  la  circoncision  chez  les 
Israélites,  qui  serait  pour  eux  un  moyen  magique  {Zaubermittel)  servant  à  détourner  la  colâre  de 
Jahvé.  Aussi  a-t-on  fait  remonter  sa  découverte  à  Moïse  et  à  une  lutte  quMl  aurait  soutenue  contre 
Jahvé  ;  seulement,  ce  n'est  pas  lui-même  mais  sa  femme  qui  fait  la  découverte  ».  La  question  de 
l'interprétation  du  lui  a  déjà  été  posée  dans  le  commentaire  de  Nowack  (Ooettingue,  1903),  p.  35 
qui  cherche  à  expliquer  la  circoncision  comme  une  défense  contre  les  influences  malignes  des 
esprits;  c'est  aussi  la  théorie  de  Kautzsch  dans  Vextra-yol,  du  Dictionary  of  the  Bible  de 
Hastings,  p  622. 

*  Il  faut  rappeler  que  le  réviseur  qui  a  substitué,  en  guise  d'euphémisme,  d'abord  jambes  puis 
(le  texte  des  Septante)  pieds  trouvait  un  exemple  dans  le  changement  semblable  fait  au  texte 
fameux  de  la  Oenése,  où  Dieu  condamne  le  serpent  à  s'acharner  après  le  talon  de  la  femme.  Or 
c'est  cette  morsure  qui  était  censée  produire  le  flux  menstruel  (cf.  S.  Reinach,  Cultes^  Mythes  et 
Religions^  II,  p.  399).  Ce  phénomène  parait  avoir  été  considéré  d'abord  comme  dû  à  des  influences 
magiques  ;  au  moins  le  nom  habituel  du  serpent,  nachaash,  était-il  employé  pour  désigner  les 
opérations  magiques.  Dans  un  article  plein  d'hypothèses  aventureuses,  W.  Schultze,  Memnon^ 
1908,  p.  52,  a  essayé  de  montrer  qu'Eurydice  mordue  au  talon  par  un  serpent  n'est  que  la  version 
déformée  d'une  légende  sémitique  de  la  Vierge  rendue  mère  par  le  Serpent.  Que  le  serpent  ait 
ôté  primitivement  adoré  dans  des  tribus  Israélites,  cela  résulte  de  la  présence  de  ce  totem  sur  la 
bannière  de  Dan  et  du  serpent  d'airain  fabriqué  sur  les  ordres  de  Moïse  ;  à  Tépoque  où  Ëzéchias 
renversa  cette  idole  (Il  Rois^  XVni,  4)  l'adoration  commençait  &  se  muer  en  cette  abomination 
qui  fit  exclure  Dan  des  tribus  marquées  pour  le  salut  et  qui  fit  de  son  serpent  le  prototype  du 


p.  352.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

saisi  Moïse  à  lâcher  prise,  V)  tranche  le  prépuce  de  soq  fils  avec  uq  silex  ;  2^)  jette 
le  prépuce  sanglant  aux  genitalia^  de  Jahvé  ;  3®)  lui  crie  :  tu  m'es  un  époux  de  sang. 
Ce  triple  rite  accompli,  Jahvé  l&che  aussitôt  Moïse. 

L'exclamation  de  Ziphorah  prouve  qu'il  y  a  là  autre  chose  qu'un  simple  pro- 
cédé apotropaïque.  Par  l'acte  qu'elle  vient  de  commettre  Jahvé  est  devenu  son 
hatan  daminij  exactement  :  le  fiancé  sanglant,  c'est-à-dire  celui  qui  a  versé  le  sang 
virginal.  L^acte  de  Ziphorah  a  donc,  avant  tout,  pour  objet  de  donner  à  Jahvé 
l'apparence  d'être  l'homme  qui  lui  a  pris  sa  virginité;  le  dieu  devient,  par  là,  de  la 
façon  à  la  fois  la  plus  intime  et  la  plus  forte,  son  allié  par  le  sang  ;  comme  tel, 
il  ne  peut  plus  rien  contre  elle  et  les  siens  ;  bien  au  contraire,  il  leur  doit  aide 
et  protection. 

On  se  trouve  donc  en  présence,  essentiellement,  d'un  rite  d'alliance  par  le 
sang.  Si  la  forme  en  est,  je  crois,  toute  nouvelle,  (au  moins  pour  les  Sémites),  elle 
n'a  rien  en  soi  de  surprenant.  Il  suffit  de  rappeler  le  fameux  blood-covenant  des 
Arabes  que  connaît  déjà  Hérodote  :  l'incision  &ite  avec  un  silex  au  pouce  de  ceux 
qui  veulent  conclure  un  pacte  d'hospitalité  ;  le  sang  recueilli  et  appliqué,  au  moyen 
d'un  fil  retiré  du  manteau  des  jureurs,  sur  sept  pierres  sacrées,  placées  entre  eux  ; 
les  invocations  aux  dieux  qui  accompagnent  cette  libation  sanglante^  Autrement  dit, 
les  contractants,  après  s'être  unis  en  mêlant  leur  sang,  font  participer  à  leur  union 
les  dieux  dont  ces  bétyles  sont,  sans  doute,  la  représentation  phallique.  La  divinité 
avec  laquelle  ils  ont  ainsi  communié,  intéressée  à  l'union  conclue  sous  ses  auspices, 
devra  mettre  tous  ses  soins  à  la  protéger.  Lorsque  les  prêtres  tyriens  versent  leur 
sang  sur  l'autel  de  Baal^,  ils  contraignent  de  même  le  dieu  à  prendre  en  main  leur 
cause  devenue  la  sienne.  Absorber  le  sang  du  dieu  ou  faire  absorber  son  sang  par 
le  dieu,  c'est  toujours  s'incorporer  en  quelque  sorte  et  s'unir  à  la  divinité. 

Un  pareil  mélange  de  sang  —  peut-être  y  avait-il  à  l'origine  échange  et  trans- 
fusion —  ne  crée  pas  seulement  une  union  très  forte,  une  véritable  consubstantia- 
lité.  De  la  consubstantialité  dérive  la  confraternité  ;  par  là,  le  blood-convenant  crée 


Diable  et  de  l'Antéchrist  (cf.  Friedlœnder,  Der  Antichrist  in  den  vorchristlichen  Quellen^  1901, 
p.  144).  Mais,  que  le  serpent  ait  été  coDsidéré  comme  le  premier  fécondateur,  je  n*en  trouve  pas 
d'autre  indice  que  ce  rite  des  mystères  de  Sabazios  ou,  pour  figurer  l'union  de  Tinitié  avec  le 
dieu,  un  serpent  était  introduit  par  le  haut  du  vêtement  et  retiré  par  le  bas  (cf.  Dietericfa, 
Mithrasliturgie^  1903,  p.  123  et  Tart.  Serpent  dans  YEncycL  Biblica  ;  pour  le  serpent  dans  la 
Genèse  comme  «  incarnation  zoomorphique  de  la  virilité  »  Crawley,  Mystic  Rose,  p,  9SZ  ;  Tree 
of  Life,  p.  64).  Je  rapprocherais  de  ce  rite  l'adoption  telle  qu'on  la  voit  encore  pratiquée  à  Èdesse 
aux  XII<^-XIIP  s.  :  l'adopté  passant  entre  la  chair  et  la  chemise  de  l'adoptant  (Guibert  de  Nogenf , 
Gesta  l)ei  per  Francos,  1.  Ill,  c.  13  ;  Albert  d'Aix,  1.  III,  c.  21  ;  C?ianson  d*Aniioche,  T.  1,  p.  186, 
éd.  Paris).  Par  contre,  on  peut  se  demander  s'il  n'y  a  pas  quelque  symbole  semblable  dans 
l'enlèvement  de  la  chaussure  accompagné  d'un  crachement  (au  visage,  par  terre  ou  dans  la 
chaussure)  que  la  veuve  doit  faire  subir  au  parent  qui  se  refuse  aux  devoirs  du  létircU,  Toutes  les 
coutumes  qu'on  a  groupées  sous  le  nom  de  pieds  pudiques  reportent,  d'ailleurs,  à  une  relation 
que  les  primitifs  devaient  établir  entre  le  pied  et  les  fonctions  de  reproduction. 

1  Hérodote,  m,  8.  Cf.  Robertson  Smith,  The  Religion  of  the  Semites,  éd.  de  1907,  p.  314; 
Kinship  und  Marriage  in  early  Arabia,  éd.  de  1907,  p.  59.  Sur  le  tabou  du  sang  chez  les  Sémites, 
voir  L.  6.  Levy,  La  famille  dans  V  antiquité  Israélite,  1905,  p.  74  et  Ad.  Lods,  La  croyance  à 
la  vie  future  et  le  culte  des  morts  dans  V  antiquité  israélite  (cf.  mon  analj'se  REES  1908,  p.  302). 

2  I.  Kois  XVIII,  28,  cf.  Lucien,  De  dea  Syria,  50.  R.  Smith  {Journal  of  Philology,  XIV, 
p.  125)  remarque  que  le  terme  qui  signifie  en  syriaque  «  supplier  9  en  s'adressant  à  un  dieu  ou 
à  un  hôte,  ethhashshaf,  désigne  littéralement  l'action  de  se  couper,  de  se  faire  saigner.  Il  en  est 
de  même  de  l'hébreu  hithpallel  qui,  signifiant  au  propre  «  s'inciser  »,  s'emploie  au  sens  de 
«  prier  ». 


1908«]  REINACH  :  LUTTE  DE  JAHVÉ  AVEC  JACOB  ET  MOISE.         [P,  353. 

une  parenté  fictive.  Cette  parenté  sera  plus  efficace  encore  si  l'étranger,  qui  veut 
entrer  dans  une  famille,  suce  le  lait  de  la  mère  de  famille,  devenant  ainsi  le  frère 
de  ses  fils.  L'existence  de  cette  coutume  dans  l'Arabie  primitive  est  attestée  non 
seulement  parce  que  la  fraternité  de  lait  est  soumise  dans  la  loi  de  Mahomet  aux 
mêmes  prohibitions  en  fait  de  mariage  que  la  fraternité  de  sang,  mais  par  toute  une 
série  de  contes  arabes  qu'on  retrouve  jusqu'aux  confins  du  monde  musulman. 
C'est,  à  Java,  Raden  Pakou  —  qui  devait  devenir  le  plus  célèbre  des  waiisj 
apôtres  de  la  foi  mahométane  dans  la  grande  île  —  qui  est  recueilli  par  une  riche 
dame  d'Ampèl,  fiai  Gêdè  Penatith  ;  pour  en  faire  véritablement  son  fils  «  elle  décou- 
Trit  ses  mamelles  et  Raden  Pakou  en  suça  le  lait  ;  par  la  vertu  sainte  de  celui  qui 
suça,  ûai  Gêdè  devint  la  propre  mère  de  Raden  P^Jlou^  ».  A  Tautre  extrémité  de 
l'Islam,  en  Kabylie,  la  reine  des  Berbères,  El-Kâhîna  veut  adopter  Khaleb,  un 
prisonnier  arabe  ;  elle  fit  revenir  le  lait  à  l'aide  d'une  sorte  de  cataplasme  de  farine 
d'orge  cuite  dans  de  l'huile,  puis  «  elle  ordonna  à  Khaleb  et  à  ses  fils  à  elle  de 
venir  téter,  ce  qu'ils  firent.  Après  quoi  elle  leur  dit  :  «  Maintenant  vous  voilà 
frères'^  ».  Les  ogresses  que  rencontrent  les  voyageurs  arabes  ne  sont  pas  plus 
farouches  dès  qu'on  a  sucé  leur  sein  :  «  Si  tu  n'avais  pas  tété  mon  lait,  dit  l'une 
d'elles,  je  t'aurais  dévoré^  »  et  une  autre  ajoute  :  «  Te  voilà  maintenant  de  la 
famille  des  ogres  ». 

Le  sang  virginal  n'a  pas  dû  être  moins  efficace  que  le  lait  maternel.  Dans 
l'Arabie,  comme  dans  la  Grèce  primitive,  l'étranger  jouit  d'un  caractère  sacré  ; 
l'hospitalité  à  son  égard  est  donc  un  devoir  religieux^.  Or,  non  seulement  1'  «  hospi- 
talité sexuelle  »  fait  partie  ordinairement  des  devoirs  de  l'hospitalité,  mais  l'inter- 
diction au  membre  d'un  clan  de  verser  le  sang  d'une  fille  du  même  clan,  l'interdiction 
plus  générale  que  Jahvé  fait  à  son  peuple  de  verser  le  sang,  sacré  parce  qu'il  est  le 
principe  de  la  vie,  autrement  qu'en  sacrifice  de  communion  ou  d'expiation,  tout  cela 
devait  disposer,  dans  les  sociétés  endogames  surtout,  à  faire  accomplir  cette  effu- 
sion par  un  étranger  de  passage;  enfio,  le  caractère  sacré  de  l'étranger  qui  faisait 
participer  en  quelque  sorte  la  divinité  à  cette  défloration  devait  faire  préférer 
une  pareille  coutume  aux  perforations  artificielles  auxquelles  tant  de  primttifs 
ont  recours.  Pour  toutes  ces  raisons,  la  coutume  de  livrer  les  vierges  du  clan 
aux  étrangers  de  passage  a  dû  être  générale  avant  d'aller  se  spécialiser  et 
se  localiser  dans  des  sanctuaires  déterminés.  Il  ne  semble  pas  qu'on  doive  cher- 
cher d'autre  origine  à  la  prostitution  sacrée  dont  les  vestiges  étaient  si  nombreux 
encore  à  l'époque  historique  en  pays  sémitique^.  Comme  le  temple  de  Mylitta  de 
Babylone  et  le  temple  de  l'Astarté  de  Paphos,  comme  Héliopolis,  Byblos  et  Carthage, 


^  A.  Gabaton,  Revue  de  V Histoire  des  Religions^  1906,  p.  391.  Le  coDte  n'est  pas  antôrieur  au 
XVI«  s.  Sur  la  Milk-Kinship  en  gônôral,  cf.  R.  Smith,  Kinship  and  Marriage^  p.  176. 

*  René  Basset,  Nouveaux  contes  berbères  (Paris,  1893)  d.  4. 

^  Je  ne  connais  ces  contes  que  par  Tanalyse  qu'en  donne  E.  Cosquin,  Le  lait  de  la  mère  et  le 
coffire  flottant^  dans  Revue  des  questions  historiques,  1908,  p.  399. 

^  Sur  l'hospitalité  en  Arabie,  comparée  â  l'hospitalité  de  la  Grèce  primitive,  cf.  Fr.  J.  Engel» 
Ethnographisches  zum  Homerischen  Schützlin gerecht  (plusieurs  programmes  du  gymnase  de 
Passau,  1899-1906).  La  plupart  des  faits  arabes  sont  empruntés  à  un  mémoire  de  Quatremôre  de 
Quinoy,  Mém,  Acad.  Inscr.,  XV,  2  (1845)  et  à  Proksch,  Ueber  d,  Blutrache  bei  d,  vorislam- 
ischen  Arabern,  (Leipzig,  1899).  Sur  l'hospitalité  sexuelle,  voir  R.  Smith,  Kinship  and  Marriage^ 
p.  140. 

^  Je  me  borne  A  renvoyer  à  S.  Reinach,  Cultes,  Mythes  et  Religions,  1, 1905,  p.  79, 119,  170  ; 
Frazer,  Adonis,  1906,  p.  22  ;  E.  Sidney  Hartland,  Anthropological  essays  presented  to  E.  Tylor, 
1907,  p.  190  ;  Fr.  Cumont,  Religions  orientales  dans  le  paganiéme  romain,  1907,  p.  ^00« 


p.  864.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

les  hauts  lieux  d'Israël  et  Jérusalem  même  ont  eu  leurs  Qadesha^^  «  les  consa- 
crées »,  noQ  pas  courtisanes  de  métier,  mais  filles  de  bonne  famille  qui,  la  tête 
entourée  du  voile  de  Toblation*,  allaient  o£frir  leur  virginité  au  premier  passant 
que  susciterait  le  dieu.  Aux  époques  primitives,  il  devait  arriver  souvent  que  le 
passant,  entré  ainsi  dans  Talliance  du  clan  et  de  son  dieu,  s'établissait  sous  leur 
protection.  Au  moins  est-il  bien  remarquable  que  presque  tous  les  patriarches 
d'Israël  se  sont  fixés  ainsi,  là  où  ils  ont  rencontré  une  vierge  étrangère  :  Jacob 
auprès  de  Laban  de  Haran,  Juda  auprès  de  Hira  d'AdouUam,  Moïse  lui-même 
auprès  de  Jéthro  de  Midian.  L'idée  que  le  gendre  est  allié  de  la  famille  de  sa 
femme,  qu'il  est  cognait^ ^  fils  par  association,  est .  devenue  si  familière  que  l'es- 
sence même  de  cette  alliance  nous  échappe  :  oindre  du  sang  d'une  vierge  la  virilité 
de  l'étranger  qui  doit  entrer  dans  son  clan,  telle  est  la  condition  nécessaire  et 
suffisante  de  l'alliance.  C'est  ainsi  seulement  qu'il  devient  membre  du  clan, 
mishpahah^  à  l'égard  des  autres  tnishpahaimy  les  «  disséminés  ».  Dans  les  clan» 
matriarcaux,  qu'on  nomme  bain  ou  rechem^  c'est-à-dire  ^  le  ventre  »,  —  comment 
pourrait-on  acquérir  la  descendance  utérine  qui  seule  est  valable,  sinon  par  le 
commerce  de  la  gardienne  encore  vierge  des  germes  ancestraux  ?  Quand  la  coutume 
s'affaiblit  pour  se  concentrer  dans  les  sanctuaires,  tout  sang  clanique  dut  suffir  à 
cette  onction  ;  aussi,  bien  que  la  virilité  d'Jahvé  n'ait  été  ensanglantée  que  par  le 
sang  de  son  fils,  —  et  cette  libre  disposition  du  sang  filial  qui  apparidt  comme  un 
droit  de  la  mère  ne  reporte-t-elle  pas  également  au  matriarcat  primitif  —  Ziphorah 
se  trouve-t-elle  en  droit  de  l'appeler  son  «  époux  de  sang  »  et  Jahvé  est  contraint 
de  se  conduire  à  son  égard  en  ami  et  allié.  C'est,  dans  une  intention  semblable, 
qu'on  enduit  le  seuil  du  sang  de  l'animal  sacré,  —  agneau  ou  veau  —  et  qu'on 
répand  quelques  gouttes  de  ce  sang  protecteur  sur  la  tête  des  enfants  :  tous  ceux 
qui  passeront  le  seuil  deviendront,  par  la  vertu  de  ce  sang,  membres  de  la  famille 
qui  l'a  répandu  et,  à  cette  marque,  la  divinité  reconnaîtra  et  épargnera  les  siens^. 
Entre  toutes  les  parties  du  corps  humain  qui  pouvaient  fournir  ce  sang  d'al- 
liance, il  est  naturel  qu'on  choisit  celles  où  semblait  se  concentrer  une  vitalité  plus 
intense.  Telle  devait  sembler  aux  Sémites  primitifs  le  pouce,  si  mobile  et  si  délié, 
organe  indispensable  de  toutes  les  actions  humaines,  où,  par  l'artère  radiale,  la  vie 


^  Sur  les  Qadeshay  oatre  les  commentaires  de  Marti,  Nowack  et  Holzinger  à  l'épisode  de  Tamar 
(Ex.  XXXVIII),  voir  B.  Luther,  apud  B.  Meyer,  op.  cit.,  p.  180,  200.  Il  est  remarquable  que 
qiddouschin  soit  devenu  un  des  termes  usuels  pour  désigner  le  mariage.  On  croît  que  les 
nethounim^  les  «  voués  »,  hiôrodules  du  temple  de  Jérusalem,  sont  les  enfants  issus  de  la  prostitu- 
tion  sacrée  (cf.  J.  Jacobs,  Studies  in  biblical  Archaeology^  1894,  p.  104). 

^  Peut-être  ce  voile  est-il  moins  celui  de  Toblation  (au  sens  où  le  définit  S.  Reinach,  CuUes^ 
Mythes  et  Religions^  I,  p.  299)  que  le  voile  qui  empêchera  de  voir  la  fiikce  du  dieu,  dont  le  seu) 
aspect  foudroie  ou  pétrifie.  Cette  hypothèse  confirmerait  que  c'est  bien  un  dieu  que  la  qadeska 
attend  sous  les  espèces  de  l'étranger  de  passage.  Il  faut  rapprocher  aussi  de  ce  rite  l^jusprima« 
noctis  accordé  au  prêtre,  au  seigneur  ou  à  l'étranger  comme  substituts  de  la  divinité.  Cf.  Wes- 
termarck.  Origine  du  Mariage,  1895,  p.  189  et  Crawley,  The  Mystic  Rose^  19i)2,  p.  479. 

>  Cf.  Clay  Trumbull,  The  Threshold  Covenant  (New- York,  1896).  Dans  un  appendice  «  woman 
as  a  door  »  cet  auteur  indique  comment,  dans  l'antiquité  sémitique,  on  a  poussé  très  loin  la 
comparaison  entre  la  porte  et  les  pudenda  muliebria  et  cherche  à  en  induire  une  analogie 
fondamentale  entre  la  libation  de  sang  sur  le  seuil  et  l'effusion  du  sang  virginal  ;  le  sang  dont 
on  enduit  la  porte  à  Pâques  serait  le  symbole  d'un  véritable  mariage  de  Jahvé  avec  Israel.  Sous 
le  titre  «  significance  of  blood  in  the  marriage  rite  jt  il  a  analysé  en  latin  un  certain  nombre  de 
textes  relatifs  au  sang  nuptial.  On  y  verra  notamment  que  l'usage  Israélite  (Deuter.,  XXY,  13-21> 
de  garder  en  témoignage  le  drap  nuptial  s'est  perpétué  dans  l'orient  égypto-syrien. 


1908«]  REINACH  :  LUTTE  DE  JAHVÉ  AVEC  JACOB  ET  MOISE.         [P.  355# 

semble  affluer.  Oo  a  vu  que  c'est  au  pouce,  probablement  à  l'artère,  qu'ils  s'inci- 
saient pour  recuoUir  le  sang  du  blood-covenani  décrit  par  Hérodote  et  il  est 
important  de  remarquer  que  tout  un  groupe  des  contes  d'adoption  par  allaitement 
dont  il  a  été  question,  fait  sucer  aux  enfants  adoptifs,  non  plus  un  sein  maternel, 
mais  le  pouce  d'un  père  nourricier^.  Avec  bien  plus  d'intensité  encore  que  dans  le 
pouce,  la  force  vitale  semblait  se  condenser  dans  le  membre  viril.  Sans  aborder  ici, 
la  question  complexe  des  pierres  sacrées  des  Sémites,  il  est  certain  que,  si  tous  les 
betélSj  ashera^  masséboth^  ne  sont  pas,  comme  on  l'a  cru  trop  longtemps  d'après 
Dulaure  et  Movers^,  des  symboles  sexuels,  le  culte  phallique  n'en  a  pas  moins  été 
fort  développé  en  pays  sémitique.  Mais  ce  n'est  qu'en  se  dégradant  que  ce  culte 
s'est  réduit  exclusivement  à  celui  des  fonctions  de  reproduction.  Non  seulement 
l'on  ne  saurait  trop  répéter  que  les  primitifs  n'ont  guère  d'idée  précise  au  sujet  de 
leur  localisation  et  de  leur  fonctionnement  ;  mais,  on  ne  s'expliquerait  guère  que 
ces  stèles  votives  ou  funéraires  qui  sont  censées  représenter  la  personne  du  mort 
ou  du  consécrant  —  elles  sont  dites  naphchâ^  «  Tâme  »  en  araméen  —  portent, 
aussi  bien  qu'un  phallus,  un  doigt,  une  main,  un  œil.  C'est  à  tort,  je  crois,  qu'on 
prend  généralement  l'œil  pour  un  symbole  solaire,  le  doigt  ou  la  main  pour  des 
emblèmes  phalliques  ;  ce  ne  sont,  à  l'origine,  qu'autant  de  traductions  matérielles 
des  différentes  localisations  du  principe  vital  qu'ont  imaginées  les  primitifs,  l'âme 
pupiline,  l'âme  dactylique,  l'âme  phallique  ou  spermatique. 

De  ces  différents  sièges  de  l'âme,  la  force  vitale  rayonne  et  se  communique. 
La  projection  d'une  âme  pupiline,  maligne  ou  irritée,  est  encore  partout  redoutée  ; 
c'est  le  mauvais  œiP.  Plus  redoutables  encore  ont  semblé  aux  primitifs  ces  sièges 
de  l'âme  qui  sont  en  même  temps  les  orifices  mystérieux  du  corps.  Toutes  les 
précautions  et  toutes  les  prohibitions  dont  on  entoure  la  vie  sexuelle  de  la  femme 
ne  viennent  pas  tant  d'une  idée  d'impureté  (qui  ne  s'est  développée  que  secondai- 
rement) que  de  la  crainte  et  du  respect  qu'inspirent  des  phénomènes  incompréhen- 
sibles au  primitif.  Aussi,  s'efforce-t-il  d'isoler  et  de  cloîtrer  la  femme  pendant  la 
grossesse  ou  la  menstruation  pour  que  rien  n'émane  d'elle  et  que  rien  ne  puisse 
entrer  en  elle.  De  même,  ce  n'est  pas  une  idée  de  pudeur  mais  une  idée  de  crainte 


^  Cosquin,  Revue  des  Questions  Historiques^  1907,  417.  Parfois  le  prodige  8e  complique.  G^est 
le  pouce  de  Tenfant  lui-même  qui  fournit  le  lait.  Ce  prodige  rentre  dans  la  catégorie  des  seins 
qui  produisent  du  lait  quand,  normalement,  ils  n'en  sont  pas  susceptibles.  N'est-ce  pas  un 
miracle  semblable  dont  Moïse  est  l'objet  quand  ayant  posé  sa  main  sur  son  sein  il  la  retire  blanche 
comme  de  la  chaux  (Ex,  IV,  5  ;  Joseph,  il.  7.  Il,  12,  3).  Je  rappelle  encore  que  le  mot  iad^  main, 
désigne  parfois  les  cippes  funéraires  et  que  les  mains  magiques  sont  le  symbole  constant  du  Baal 
d'Héliopolis.  Tous  les  rapprochements  entre  le  cuUe  du  pouce  et  des  autres  doigts  et  le  culte 
phallique,  rapprochements  tout  à  fait  spécieux,  À  mon  sens,  pour  la  période  primitive,  ont  été 
repris  par  Kaibel  dans  son  étude  sur  les  Daktyles  Idéens  [Qoettinger  Gelehrte  Anzeiger ^  1901), 
par  von  Prott  dans  son  article  posthume  intitulé  Métér  de  VArchitj  f,  Religionstoissenschaft, 
1906,  p.  87,  enfin  dans  les  mémoires  démesurés  de  Milani  sur  VArte  et  la  religione  preeUenica 
où  l'auteur  prétend  démontrer  l'existence  primitive  dans  tout  le  bassin  méditerranéen  d'une 
•religion  unique  dactylo-phallique  [Studi  e  Materially  I-III). 

*  Déjà  R.  Smith  a  essayé  de  réagir  contre  l'application  exagérée  du  symbolisme  phallique. 
Religion  of  the  Semites,  éd.  1907,  p.  212,  456.  Il  a  été  suivi  en  Fiance  par  le  P.  Lagrange,  Études 
sur  les  religions  sémitiques,  p.  190,  212  ;  le  P.  Vincent,  Canaan,  1907,  p.  127  et  R.  Dussaud  dans 
ses  Questions  Mycéniennes  (extr.  de  la  Rev,  d^Bist,  des  Religions  1905)  et  ses  Notes  de  myiholo' 
gie  syrienne  (1905). 

*  Sur  Tâme  pupiline,  voir  Tarticle  de  E.  Monseur,  Revue  de  l'Histoire  des  Religions,  1905, 
p.  1-23,  361-875.  Sur  le  mauvais  œil  en  général,  Fred.  Th.  Elworthy,  The  Evil  Eye  (Londres» 
1895). 


F.  856.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

qui  s'affirme  eacore  dans  la  prescriptioa  édictée  par  la  Torah  i  «  Vous  ae  moaterez 
pas  sur  les  gradios  de  mon  autel,  dans  la  crainte  de  découvrir  votre  nudité^.  « 
C'est  dans  le  trouble  de  la  Faute  que  le  premier  couple  a  songé  à  se  voiler^.  A  Tori- 
gine,  le  pagne  était  sans  doute  destiné  à  empêcher  les  esprits  répandus  dans  la 
nature  de  s'emparer  de  l'âme  phallique  ;  au  temps  de  David,  il  constitue  encore 
le  seul  vêtement  sacerdotal^.  Pour  la  même  raison,  un  voile  venait  couvrir  la  barbe 
et  la  bouche  du  prêtre. 

Veut-on,  par  contre,  conclure  une  alliance  d'homme  à  homme  ?  On  met  aussi 
directement  que  possible  les  âmes  respectives  en  contact.  La  poignée  de  main  nous 
est  devenue  un  geste  si  familier  qu'on  ne  se  rend  plus  compte  de  son  origine  rituelle, 
la  dextrarum  jundio^  les  mains  jointes  pour  que  la  force  vitale  se  transfuse,  le 
sang  de  l'artère,  dans  les  battements  de  laquelle  on  croit  reconnaître  Tâme  dactj- 
lique,  mêlé  et  confondu.  Plus  efficace  encore  est  le  serment  qui  se  fait  par  Tattou- 
chement  de  la  virilité  de  celui  qui  jure,  car  sa  durée  s'étend  sur  toute  la  race  qui 
en  sera  issue.  Aussi,  «  Jacob,  sur  le  point  de  mourir,  manda  son  fils  Joseph  et  lui 
dit  :  «  Si  j'ai  trouvé  grâce  à  tes  yeux,  pose  ta  main  sous  ma  cuisse  et  promets-moi 
en  toute  miséricorde  et  toute  loyauté  que  tu  ne  m'enlèveras  d'Egypte  pour  me 
coucher  dans  le  tombeau  de  mes  pères^  »  et  Abraham,  au  moment  d'envoyer  Êliézer 
chercher  femme  pour  Isaac  :  «  Pose  ta  main  sous  ma  cuisse  pour  que  je  te  fasse 
jurer  par  Jahvé"^  ».  Ainsi,  dans  ce  serment  par  le  membre  viril,  la  divinité  est  prise 
en  témoin  et  en  gage  comme  on  l'a  vu  faire  dans  le  serment  par  le  sang  du  pouce. 
Pour  se  garder  des  dieux  mal&isants,  ennemis  de  la  tribu,  on  avait  grand  soin  de 
protéger  contre  leurs  entreprises  l'âme  phallique  ;  pour  s'unir  au  dieu  de  la  tribu,, 
la  même  conception  devait  amener  à  verser  en  son  honneur  le  sang  de  la  virilité^ 
car  «  le  sang  c'est  la  vie  »  {Lév.  XVII,  10  ;  Deut^  XII,  33).  Gomme  on  offre  le 
premier-né  «  prémice  de  la  force  paternelle  n  (Deut.  XXI,  17),  les  autres  enfants, 
rachetés  par  ce  sacrifice,  en  confirmeront  la  vertu,  chacun  à  son  usage,  par  ces 
prémices  du  plus  pur  de  leur  sang,  épreuve  et  sacrement  de  leur  virilité.  Cette 
alliance  du  sang  est  nécessaire  pour  être  admis  dans  l'amm,  le  clan  considéré  dans 
son  unité  et  dans  son  individualité  Du  jour  où  la  nubilité  fait  participer  véritable- 
ment filles  et  garçons  à  la  vie  du  clan,  les  uns  et  les  autres  doivent  à  leur  tour 


'  Ex,  XXI,  26.  La  môme  crainte  n'avait  sans  doute  pas  agi  pour  Baal-Peor,  qu'il  fût  ou  non 
une  divinité  de  la  génération  ;  aussi  son  culte  qu'on  célébrait  en  se  découvrant  les  parties  hon- 
teuses est -il  considéré  en  Israël  comme  l'abominai  ion  de  la  désolation  (cf.  Malmonide,  Guide,  éd. 
Munk.  III,  p.  355). 

*  Voir  W.  R.  Paton,  Retue  archéologiqtie,  1907, 1,  p.  56. 

«  Sam.  VI,  20. 

^  Gen.  XLVn,  29. 

^  Gen.  XXIV,  2.  On  remarquera  que,  avant  d'avoir  eu  un  enfant,  Abraham  avait  désigné 
Éliézer  pour  héritier.  Il  est  donc  possible  que  ce  serment  ait  été  réservé  aux  membres  de  la 
famille;  d'ailleurs  il  semble  avoir  subsisté  au  temps  de  Josephe  d'aprôs  lequel  ««les  con- 
tractants se  mettent  réciproquement  la  main  sous  la  cuisse  n  {Ant.  Jud,  I,  16);  d'après 
Westropp,  Phallic  Worship  (Londres,  1885)  p.  48,  il  se  serait  conservé  chez  les  Arabes» 
Dans  son  commentaire  de  la  Genèse  (6*  éd.l892)  p.  301,  Dillmann  cite  quelques  faits  semblables  em- 
pruntés aux  primitifs.  Les  quelques  indices  d'homosexualité  relevés  en  Arabie  ne  sont  sans  doute 
que  des  déformations  du  rite  primitif  du  transfert  de  la  force  mfile  du  puissant  guerrier  adulte 
à  l'épbèbe  qui  s'est  attaché  à  lui  pour  recevoir  l'éducation  militaire  et  civique.  Je  compte  revenir 
sur  cette  question  de  l'origine  de  la  pédérastie,  à  propos  des  Doriens  chez  qui  elle  a  survécu  en 
pleine  époque  historique  avec  des  traits  encore  assez  primitifs.  E.  Bethe  (Reini9che9  Museum^ 
1907),  a  entrevu  cette  explication,  mais  sans  chercher  à  réunir  la  documentation  anthropologique 
nécessaire  pour  l'établir. 


1908.]  REINACH  :  LUTTE  DE  JAHVÉ  AVEC  JACOB  ET  MOISR.         [P,  357» 

s'allier  avec  Ic  dieu  tutélaire  et  générateur  du  clan.  Ils  lui  apportent  ensemble 
leurs  tresses  ou  leurs  boucles^,  ces  longs  cheyeux  où  résidait  la  force  de  Samsoo, 
émanation  de  la  force  divine  ;  puis,  chacun  procède  au  sacrifice  particulier  à  son 
sexe  :  les  filles  offrent  le  sang  virginal,  les  garçons  le  sang  viril^.  On  comprend 
maiotenaot,  comment  Texcision  répond  à  la  circoncission,  comment,  dans  ses 
origines,  cette  défloration  religieuse,  qui  dégénéra  plus  tard  en  prostitution  sacrée, 
fut  d'abord,  au  même  titre  que  la  circonision,  le  signe  de  T alliance. 

Ainsi,  un  double  rite  parait  s'être  amalgamé  dans  ce  passage  capital  de  la 
Genèse,  remontant  probablement  à  deux  récits  originairement  distincts  qui  furent 
contaminés  :  Ziphorab  s'alliait  avec  Jahvé  par  Pacte  qui  le  constituait  son  époux  de 
sang  ;  Gersbom,  son  prenier  né,  s'alliait  au  dieu  par  le  sang  de  la  circoncision. 
Chacun  de  ces  récits  dérivait  sans  doute  d'une  légende  distincte  par  laquelle  on 
cherchait  à  expliquer  l'existence  des  deux  rites  sous  une  forme  déjà  évoluée  : 
l'onction  symbolique  par  un  sang  clanique,  mais  non  plus  par  le  sang  virginal, 
remplaçant  et  rachetant  la  défloration  prématrimoniale  ;  la  simple  circoncision  du 
prépuce  substituée,  peut-être,  à  une  plus  large  effusion  de  sang  viril,  emasculation 
totale  ou  immolation  du  premier-né.  Comme,  de  ces  deux  rites,  tandis  que  la 
défloration  religieuse,  pernicieuse  en  elle-même  et  combattue  par  le  Deutéronome^, 
disparaissait  d'Israël,  la  circoncision,  elle,  qui  se  trouvait  présenter  des  avantages 
hygiéniques  où  l'on  a  cherché  longtemps  son  origine,  s'affirmait,  au  contraire, 
comme  le  rite  caractéristique  et  distinctif  de  ces  tribus,  c'est  à  la  circoncision 
qu'on  fut  conduit  à  ramener  tout  entier  le  nouveau  récit  résultant  de  la  contamination 
des  deux  légendes  primitives.  «  Epoux  de  sang  »  fut  maintenu,  mais  Ziphorab 
l'aurait  dit  «  à  cause  de  la  circoncision  »  selon  un  arrangeur  ;  peut-être  son 
explication  pouvait-elle,  d'ailleurs,  se  légitimer  par  quelque  formule  prononcée  lors 
de  la  circoncision^. 

Quoiqu'il  en  soit,  on  comprend  aisément  qu'Israël  n'ait  pu  saisir  le  sens  véritable 
de  ces  légendes.  Elles  n'avaient  été  faites  ni  par  lui  ni  pour  lui.  Elles  sont  l'œuvre 


^  On  sait  que,  dans  les  fôtes  d'Adonis  à  Byblos,  les  jeunes  filles  pouvaient  offrir  leur  cheTelure 
au  lieu  de  leur  virginité  (Lucien,  De  D?a Syria,  VI,  cf.  Hdrod.,  I,  199).  Outre  le  Haaropfer  de 
Wilken  et  la  Legend  of  Perseus  de  Sidney  Hartiand,  voir,  aux  index,  les  ouvrages  cités  de 
Robertson  Smith,  L.  G.  Lôvy  et  Ad.  Lods. 

*  L'excision  et  la  circoncision  (Philon,  ad  Gen.,  Ill,  47  dit  des  Égyptiens  :  quando  mas  incipit 
seminis  iisiim  gerere  et  femt'na  sanguinis  eruptionem  sentire,  tam  sponsum  quam  sponsam  cir^ 
cumcidunt  et  Strabon  XVI,  761  place  parmi  les  coutumes  juives  ài  icepixo{XGtl  xal  al  éxTO|jiai)  sont 
encore  pratiquées  dans  PIslam  (cf.  Curtiss.  Ursemitische  Religion  im  Volhleben  des  heutigen 
Orients,  1903,  p.  277).  L'assimilation  des  deux  coutumes  a  déjà  été  faite  par  Crawley,  The  Mystic 
Rose,  1902,  qui  cherche  à  les  expliquer  1^  par  le  désir  d'ouvrir  une  voie  aux  esprits;  2^  comme 
une  façon  de  dôbarasser  de  toutes  los  effluves  dangereuses  de  la  puberté  en  les  détournant  sur 
une  partie  d'un  organe  tabou;  cette  partie  supprimée,  le  danger  s*ôvanouit. 

3  Beut,  XXm,  18-9.  De  même  ont  disparu  de  bonne  heure  les  Qadesh  hierodules  mâles. 

^  Cette  formule,  dans  cette  hypothèse,  conviendrait  surtout  à  des  tribus  ne  reconnaissant  pas 
un  dieu  suprême,  Baal,  El,  mais  une  grande  déesse  mère  et  épouse,  Baalat,  Allât.  Ce  serait  un 
argument  â  ajouter  à  tous  ceux  que  Barton  a  réunis  {Semüic\Origins^  1902,  p.  280)  pour  prouver 
que  Jahvé  était  A  l'origine  une  divinité  féminine  qu'il  faudrait  se  représenter  d'après  Ishtar. 
Jahvé  ne  différerait  pas  de  cette  Allât  dont  Hérodote  mentionne  le  culte  dans  la  partie  de  TArabie 
où  vivent  les  Midianites.  Ne  pourrait-on  essayer  de  démontrer,  dans  cette  hypothèse,  que  Ziphorah 
—  l'oiseau  —  la  fille  du  prêtre  de  Midian  n'est  qu'une  forme  ou  une  hypoetase  de  la  déesse  aux 
brebis  et  aux  colombes  ?  L'explication  généralement  admise  de  la  circoncision  comme  un  rite 
destiné  k  favoriser  le  connubium  rentrerait  aisément  dans  le  système  de  Barton  que  Cheyne  tend 
à  adopter  {Traditions  and  beliefs  of  ancient  Israel,  1907,  p.  17). 


p.  868.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

d'une  des  plus  importantes  tribus  nomades  qui  dominaient  entre  la  Mer  Rouge  el 
la  Mer  Morte  avant  la  sortie  d'Egypte  (y.  1800),  les  Qaînites,  issus  de  Qaîn. 

On  sait  que  la  lutte  de  Qain  avec  Abel  —  Jabal,  signifie  «  le  pasteur  »  —  est 
comme  le  symbole  de  la  lutte  entre  les  populations  sédentaires  et  agricoles  de  la 
vallée  du  Jourdain  et  du  pays  de  Juda  et  les  Bédouins  du  Sud-Est  qui  dévastent 
leurs  cultures  et  razzient  leurs  troupeaux.  La  supériorité  que  les  Qaïoites  doivent 
aux  armes  de  fer  —  Qaïn  signifie  «  le  forgeron  »,  —  d'où  «  le  piquier^  »  —  assura 
longtemps  leur  triomphe  ;  elles  leur  ont  valu  aussi  la  haine  qui  fit  du  premier  forge- 
ron un  fratricide  et  un  réprouvé.  Cependant,  avant  que  la  colère  impuissante  des 
gens  de  Juda  et  d'Israël  s'attachât  à  tenir  le  renom  des  Qaïoites  et  à  en  faire  dis- 
paraître toute  trace,  les  Édomites,  les  Amalécites,  les  Ismaélites  et  les  Madianites 
étaient  entrés  dans  leur  alliance  ;  des  tribus  plus  petites  qui  leur  survécurent, 
Kalébites,  Rekhabites,  Otniélites,  se  rattachaient  à  eux.  Ils  se  fixèrent  bientôt  au 
sol  et  construisirent  des  villes,  notamment  dans  la  région  du  Hebron,  où  s'élevait  la 
cité  de  Qaïn.  C'est  là  qu'ils  se  heurtèrent  aux  paysans  de  Juda,  où  Jacob  était 
le  héros  éponyme  des  clans  Jacobélites  ;  et  la  lutte  entre  les  deux  frères  ennemis, 
Jacob  et  Esaii,  ancêtre  d'Ëdom,  n'a  pas  d'autre  sens  que  celle  d'Abel  et  de  Qaîn. 
Mais,  tandis  que  Qaïn  le  Nomade  avait  le  dessus  naguère,  Jacob  l'emportera  désor* 
mais  quand  il  sera  devenu  Israël,  après  le  duel  du  Jabboq.  Il  faut  sans  doute 
entendre  par  là  que  Juda  l'emporta  du  jour  où  il  se  fut  allié  et  fondu  avec  Israël* 
Le  nouvel  état  formé  par  cette  alliance,  mena  une  guerre  inexpiable  contre  Qaïn, 
Amalek  et  Ëdom.  Bien  qu'il  n'ait  pas  poursuivi  moins  énergiquement  dans  ses 
légendes  la  suppression  de  toute  mention  du  peuple  abhorré,  quelques  vestige£P 
épars  laissent  entrevoir  quelle  dut  être  l'influence  des  Qaînites  sur  les  Israélites, 
nomades  encore  pendant  leur  séjour  dans  la  presqu'île  sioaitique.  Parmi  ces 
vestiges,  il  faut  citer  ici  les  différents  beaux- pères  qu'on  prêtait  à  Moïse  :  Jéthro, 
sans  doute  Ismaélite  du  Horeb  (Ex.  III,  1  ;  XVIII,  12)  ;  le  prêtre  de  Midian^ 
(Ex,  II,  17)  confondu  par  la  suite  avec  Jéthro,  mais  qui  s'appelait  peut-être  origi- 
nairement, Hohab  fils  de  Réouël  le  Midianite^  (Num,  X,  29);  un  autre  Réouël  dit 
l'Édomite  (Gen.  36  ;  Ex.  II,  18),  un  autre  Hohab  dit  le  Qaïoite  ;  (Jud.  IV,  11) 
enfin  l'éponyme  même  des  Qaînites,  Qaïn  (Jud.  I,  16).  Comme,  de  ces  différents 
peuples,  les  Midianites,  cantonnés  sur  le  golfe  Ailanitique,  furent  le  seul  avec  qui 
Israël  ne  fut  pas  en  guerre  par  la  suite,  on  profita  de  ce  que  les  textes  sacrés  ne 
donnaient  pas  l'ethnique  de  Jéthro  ni  le  nom  du  cohêne  de  Midian,  pour  en  faire 
un  seul  personnage,  Jéthro  le  Midianite  (Ex.  III,  1  ;  XVIII,  1).  Que  ce  soit  le  prêtre 


^  Je  ne  comprends  pas  pourquoi  Noeldeke  (Encycl.  BiU,,\.  p.  130)  et  £d.  Meyer,  op.  cit.^  p.  397 
repoussent  cette  étymologie  sous  prétexte  que,  seules,  des  tribus  secondaires  s'occuperaient  aujour- 
d'hui des  travaux  môtallurgiques  en  Arabie.  L'histoire  de  Tubal  Qaïn  suflSrait  k  prouverez 
quel  honneur  furent  jadis  tenus  ces  forgerons  formant  encore,  en  Arabie  (cf.  Stade,  Zeitschr. 
ATW,  1894,  255),  de  véritables  castes.  Je  rappelle  qu'en  Afrique,  où  il  en  est  de  môme,  on 
▼oit  les  forgerons  d'Horus,  masniou  Heruy  armés  du  poignard  et  du  javelot  métalliques, 
conquérir  l'Egypte  sur  sa  population  néolithique.  (Voir  mon  Egypte  Préhistorique^  1908,  p.  46). 
D'ailleurs,  en  dehors  de  la  protection  que  Jahvé  marque  à  Qaîn  par  le  signe  qu'il  lui  donne 
comme  sauvegarde  (voir  plus  loin  p.  360,  n.  1),  l'existence  d'une  version  primitive  où  Qaîn  était 
l'offensé  et  ne  tuait  qu'en  état  de  légitime  défense  me  parait  certifiée  par  les  paroles  de  son  des-^ 
Cendant  Lamec:  «J'ai  tué  un  homme  parce  qu'il  m'avait  frappé  et  un  jeune  homme  à  cause  de  ma 
blessure.  Si  Qaîn  doit  être  vengé  sept  fois,  Lamec  le  sera  soixante-diz-sept  fois  »,  (Gen.  IV,  24). 
C'est  là  évidemment  un  écho  de  la  version  qaïnite  du  fratricide. 

<  Josephe  (Ant,  Jud,  U,  12)  fait  de  Jéthro  un  surnom  de  Réouël.  Il  est  possible  que  Réouël 
dérive  au  contraire  d'un  titre  porté  par  les  rois-prétres  chaldéens  :  rêUy  le  pasteur. 


1908*]  REINACH  :  LUTTE  DE  JAHVÉ  AVEC  JACOB  ET  MOISE.         [P.  359. 

de  Midian  où  l'éponyme  des  Qaioites  qui  ait  donaé  Ziphorah  en  mariage  à  Moïse, 
—  comme  un  sheikh  des  Kadmonites  du  Séir  donne  sa  fille  à  Sinouhit,  ministre 
•disgracié  qui  fuit  la  colère  de  Pharaon  --  toujours  cst-il  qu'ils  ont  pu  Tun  et  l'autre 
lui  faire  connaître  en  même  temps  leur  dieu  Jahvé. 

Jahvé  est  la  divinité  fulgurante  du  sommet  du  Sinaï  au  pied  duquel  vivent  les 
Midianites^  ;  c'est  là  qu'il  apparaît  dans  le  buisson  ardent,  c'est  de  là  qu'il  se  rend 
à  Méribah  Qidesh  en  illuminant  la  cîme  du  Pharan;  Non  seulement  Pharan  et 
Qadesh  ainsi  que  le  Horeb  appartiennent  aux  Qaïnites,  mais  c'est  chez  les  Rekha- 
bites,  un  rameau  des  Qaïnites,  qu'on  voit  se  grouper  autour  d'Jahvé  une  véritable 
congrégation  de  fanatiques  qui  jurent  de  vivre  en  nomades  sans  jamais  semer  le 
blé  ou  planter  la  vigne^.  A  côté  du  fondateur  de  la  confrérie,  Johanabad  de  Rek- 
hâb,  on  peut  rappeler  que  Jaêl,  qui  tua  Sishera,  l'oppresseur  d'Jahvé,  était  femme 
de  Heber  le  Qaïnite^.  Non  seulement  c'est  dans  ces  lieux  saints  des  Qaïnites  que 
Moïse  et  son  peuple  apprenaient  à  connaître  Jahvé  ;  mais  il  semble  que  le  prêtre 
de  Midian  —  évidemment  prêtre  de  Jahvé  —  ait  joué  dans  l'établissement  du 
culte  un  rôle  capital.  Bien  qu'il  y  ait  eu  tendance  à  faire  disparaître  tout  ce  qui 
se  rattachait  à  cette  première  version,  on  en  peut  retrouver  encore  des  traces 
certaines.  C'est  le  prêtre  de  Midian  qui,  après  la  vision  du  buisson  ardent, 
envoie  Moïse  chercher  ses  frères  en  Egypte^  ;  c'est  lui  qui  guide  Moïse  dans  le 
désert'',  lui  conseille  d'établir  des  chefs  du  peuple,  dizainiers,  cinquaoteniers, 
centeniers,  offre  un  holocauste  à  Jahvé®.  A  la  première  nouvelle  de  la  sortie 
d'Egypte,  nous  apprend,  en  effet,  TÉlohiste,  —  le  beau-père  de  Moïse  s'était  rendu 
auprès  de  lui  ;  c'est  sur  les  frontières  de  Midian,  au  pied  du  Sinaï  qu'il  le  retrouve 
et  c'est  auprès  de  la  montagne  sainte  des  Midianites  qu'il  agit  en  législateur  sacré. 
Il  s'est  fait  accompagner  de  son  petit  fils  Gershom  et  de  sa  fille  Ziphorah  ;  >  que 
Moïse  avait  renvoyée  n"^.  Cette  présence  de  Gershom  auprès  de  Moïse  est  nécessaire, 
car  c'est  de  lui  évidemment  que  sont  censés  descendre  les  Gershonites  que  Jahvé 
ordonne  d'instituer  pour  porter  son  arche  et  en  prendre  soin^.  Emmener  ainsi  en 
guerre  la  pierre  fétiche  est  bien  le  fait  de  nomades  adorant,  sous  la  forme  d'une 
pierre  portative,  le  dieu  qui  darde  les  éclairs  du  haut  des  cimes;  et  les  Gershonites 
ne  sauraient-ils  être  rapprochés  des  gsnm  qui  forment  une  classe  particulière  des 
prêtres  de  Larnaka  de  Chypre  ?  Ces  gêr^m^  sont  proprement  les  clients  du  dieu  ; 


^  Wellhausen,  Prolegomena^  6*  éd.,  p.  352  semble  avoir  établi  que  co  Sinaï  primiiif  s*ôlevait 
en  Arabie  À  l'est  du  golfe  Ailanitique.  Sur  ces  lieux  de  culte  primitifs  voir  Aug.  von  Qall,  Altis^ 
raeliiische  KtdtstâUen  (Giessen,  1898). 

«  Jer.  XXXV,  2-11  ;  Il  Reg.  X,  15-6.  Cf.  Ed.  Meyer,  Die  Israeliten,  p.  84.  132. 

3  Jud.  V,  24  ;  IV,  17. 

*  Ex.  IV,  19. 

5  Num.  X,  29. 

«  Eœ.  XVin. 

7  Ce  membre  de  phrase  a  étô  visiblement  ajouté  pour  faire  concorder  tant  bien  que  mal  ce 
passage  avec  l'épisode  de  Ziphorah  et  de  Jahvé  ;  c'est  après  cet  épisode  que  Moïse  aurait  renvoyé 
À  son  beau-pére,  sa  femme  et  son  fils,  supposition  nécessaire  puisqu  on  ne  leur  voyait  jouer 
aucun  rôle  ni  en  Egypte  ni  dans  la  Sortie.  Il  me  parait  évident  que  l'épisode  de  Ziphorah  a  été 
déplacé.  Il  devait  venir  avant  la  vision  du  Buisson  ardent,  quand  il  n'existait  encore  nul  pacte 
entre  .Tahvé  et  Moïse  ou,  plutôt,  il  est  le  reste  d'une  version  différente  et  plus  ancienne  de  la 
première  rencontre.  L'on  a  placé  tant  bien  que  mal  où  nous  le  trouvons  ce  fragment,  seul 
vestige  de  la  version  primitive,  tout  en  laissant  dire  dans  Eœ.  IV,  20  que  les  fil*  de  Moïse  l'ac* 
compagnôrent  en  Egypte. 

»  Nombresy  XIV,  23. 

0  Sur  le8.^^m  voir  Wellhausen,  Prolegomena,  6«  éd.  p.  138  ;  R.  Smith,  The  Religion  of  the 


p.  860.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

le  g?t  est  rhomme  qui,  yeaaat  d'uu  autre  pays  ou  d'ua  autre  clan,  se  met  sous  la 
protection  du  dieu  de  la  région  où  il  veut  séjourner  en  se  vouant  temporairement  à 
son  service.  Il  suffit  de  se  rappeler  comment  ces  étrangers  entraient  dans  Tallianco 
du  dieu,  par  Teffusion  du  sang  d^une  vierge  consacrée  ou  Toffrande  de  leur  sang 
viril,  pour  entrevoir  le  rôle  que  le  fils  de  Ziphorah,  la  Qaïnite  ou  la  Midianite,  a  pu 
jouer  dans  les  légendes  primitives  comme  instituteur  des  gërXm  et  de  leurs  coutu- 
mes. Quoiqu'il  en  soit,  los  descendants  de  Gershom  figurent  au  premier  rang  des 
Lévites,  ces  membres  d'un  clan  sacerdotal  voué  au  culte  de  Jahvé  et  à  l'observance 
de  ses  prescriptions  qui,  dans  le  service  collectif  du  dieu  d'Israël,  ont  remplacé  le 
premier-né  du  sein  maternel  consacré,  à  l'origine,  au  culte  familial.  Parmi  ces 
prescriptions,  la  circoncision,  qui  devait  devenir  après  Gershom  le  signe  de  l'al- 
liance entre  Jahvé  et  Israël,  avait  sans  doute  déjà  même  valeur  pour  ces  Qaïnites 
dont  il  était  issu  :  peut-être  était-ce  <<  ce  signe  que  Jahvé  mit  à  Qaïn  pour  que  qui- 
conque le  rencontrerait  ne  le  tuât  pas^  n. 

Puisque  la  circoncision  rend  inviolable  et  sacré  aux  yeux  de  Jahvé  et  de  ses 
fidèles,  il  y  a  lieu  de  croire  que  Moïse  ne  l'avait  pas  subie  quand  Jahvé  l'assaillit 
et  que  c'est  alors  qu'il  apprit  le  rite,  soit  du  dieu  lui-même,  soit  de  sa  femme  on 
de  son  beau-père.  Jahvé,  en  cherchant  à  le  tuer,  agit  comme  chaque  dieu  local 
était  censé  agir  aux  époques  primitives.  Tout  étranger  qui  s'aventure  sur  son 
territoire  est  pour  lui  un  ennemi  que  le  dieu  cherche  à  détruire  tant  que  le  nouveau- 
venu  n'a  pas  accompli  envers  lui  les  rites  d'alliance  qui  l'intronisent  dans  le  monde 
nouveau  auquel  préside  le  dieu  ;  sitôt  l'un  de  ces  rites  accomplis,  le  dieu  est  tenu 
de  protéger  l'étranger  au  même  titre  que  ses  autres  fidèles. 

L'aventure  semblable  de  Jacob  s'explique  maintenant  sans  difficulté.  £n  pas- 
sant le  Jabboq  il  est  entré  en  terre  étrangère  ;  le  dieu  de  cette  terre,  qu'il  n'a  rien 


Semites^  éd.  1907.  p.  75  ;  Kinship  and  Marriage^  éd.  1907,  p.  50  ;  L.  G.  Levy,  La  famille  dans 
Vaniiquité  israélite,  1905,  p.  87. 

^  6en.  IV,  15.  Dans  le  remarquable  article  de  Stade,  dos  Kaïnzeichen^  Zeitschriß  f.  AUesta- 
menti,  Wiss,,  1894,  p.  250-318,  (cf.  Akademische  Reden  und  Ab?iandlungen,  p.  229)  dont  j'ai 
tiré  grand  parti  pour  l'histoire  des  Qaïnites,  Tauteur  se  refuse  a  admettre  que  ce  signe  fut  la 
circoncision  (opinion  déjà  plusieurs  fois  soutenue  et  reprise  sans  grand  profit  par  Zeydner,  ibid^ 
1898,  p.  120)  ;  il  penserait  plutôt  à  un  X  tatoué  sur  le  front.  Le  seul  argument  qu'il  donne  contre 
la  circoncision,  c'est  que  les  vêtements  devaient  empêcher  ce  signe  d'être  immédiatement  recon- 
naissable.  Mais  rien  n'empêche  de  croire  que  l'institution  de  la  circoncision,  qu'on  rencontre  en 
Egypte  dés  les  premières  dynasties,  ne  remonte  à  l'âge  néolithique  (comme  l'indique  Tusa^e  de 
couteaux  en  silex)  où  le  pagne  même  n'était  pas  de  rigueur;  même  en  pleine  période  histo- 
rique, le  vêlement,  toujours  flottant  en  Orient,  permettait  facilement  la  constatation  et  l'on  sait 
les  haines  qu'elle  fit  naître  entre  les  circoncis  et  les  incirconcis  gréco-romains  ;  enfin  je  ne  Tois 
pas  en  quoi  l'X  que  suppose  Stade  est  un  signe  qui  manifeste  la  protection  divine  (môme  s'il 
s'agissait  d'une  croix,  son  culte  n'est  pas  prouvé  encore  pour  la  Crôte  minoenne  ;  s'il  Tétait,  il 
faudrait  admettre  qu'il  ait  été  importé  par  les  Philistins  vers  1800  en  Palestine  où,  seuls,  ils 
semblent  être  incirconcis)  tandis  que  je  crois  avoir  établi  pourquoi  aucun  Jahvéiste  —  et  Jahvô 
ne  pense  évidemment  qu'à  ses  adorateurs  —  n'aurait  osé  faire  violence  à  qui  portait  le  signe  de 
Falliance.  Il  est  vrai  que  la  grande  diffusion  de  la  circoncision  (Juda,  Israël,  Èdom,  Âmmon, 
les  Phéniciens,  les  Arabes,  les  Egyptiens,  les  Éthiopiens)  permet  difficilement  d'y  voir  une 
marque  tribule,  tel  que  le  ijoasm  ou  le  shart  tatoués  qui  permettaient  aux  Arabes  de  reconnaître 
à  quelle  tribu  chacun  appartenait.  D'après  R.  Smith  {Marriage  and  Kinship,  p.  251)  une  marque 
pareille  aurait  protégé  Qaïn,  car  quiconque  s'attaquait  à  lui  pouvait  voir  qu'en  le  tuant  il  attirait 
sur  soi  la  vengeance  de  tous  les  Qaïnites.  J.  G.  Fraxer  [Mélanges  Taylor,  1907,  p.  103)  y  verrait, 
non  une  marque  tribule,  mais  une  marque  spéciale  destinée  à  protéger  celui  qui  la  porte  de  la 
vendetta  des  parents  de  sa  victime,  un  simulacre  de  blessure  indiquant  que  la  famille  du  mort  a 
accepté  la  composition  offerte  par  le  meurtrier  et  s'est  contenté  de  ce  simulacre. 


1908.]  REINACH   :  LUTTE  DE  JAHVÉ  AVEC  JACOB  ET  MOISE.         [P,  361. 

fait  pour  propitier,  se  jette  sur  lui.  Quand  Jacob  voit  qu'il  ne  peut  le  vaincre,  il 
avise  au  moyen  de  le  contraindre  à  lâcher  prise  en  devenant,  malgré  lui,  son  ami 
et  allié.  Ce  moyen  est  celui  même  qu'on  a  vu  employer  par  cet  Arabe  subtil  qui, 
voyant  approcher  une  ogresse  dont  les  seins  pendants  sont  rejetés  sur  ses  épaules,  se 
précipite  et  les  happe  par  derrière.  «  Tu  as  bu  à  mon  sein  droit,  dit  aussitôt  l'ogresse 
à  Mohammed  l'Avisé,  tu  es  donc  comme  mon  üls  Abderrabym^  n.  Chez  l'homme, 
c'est  la  virilité  qui  devait  paraître  le  siège  de  la  force  vitale.  Aussi  est-ce  au  haut 
des  cuisses'^,  dans  la  région  inguinale  où  se  manifeste  l'énergie  procréatrice,  que 
Jacob  touche  ou  presse,  plutôt  qu'il  ne  frappe, sou  adversaire.  Aussitôt,  l'Élohim  se 
voit  obligé  non  seulement  de  lâcher  Jacob,  mais  de  le  bénir  et  de  le  déclarer  son 
fils  :  «  Tu  ne  t'appelleras  plus  Jacob,  mais  Israël^  ». 


^  E.  Cosquin,  Revue  des  questions  historiques^  1908,  p.  398. 

^  Le  mot  employé  !P3*^^  est  exactement  le  même  qui  désigne  Teudroit  ou  Ziphorah  jette  le 
prépuce  sanglant  et  celui  «  ou  Jahvô  afflige  le  Pharaon  de  grandes  plaies  à  cause  de  Sarah, 
femme  d'Abraham  *>  (Gen.  XII,  17).  Il  était  suffisamment  explicite  pour  des  lecteurs  Israélites. 
Quant  au  coup  que  Jacob  aurait  porté  en  cet  endroit,  frappera  probablement  remplacé  saisir^ 
quand  on  transforma  l'épisode  de  manière  à  y  faire  blesser  Jacob  au  nerf  sciatique.  Il  y  aurait 
d'ailleurs  lieu  à  examiner  si  c'est  bien  ce  nerf  que  désignait  le  texte  biblique.  Dans  le  récit  de  la 
lutte  la  Septante  parle  de  toO  TrXdiTouç  tou  fjiTipoû  ;  c'est  seulement  dans  la  partie  explicative 
qu'ils  guérisent  tô  veup»o\  "o  àvdcpxT^de  "o  eortv  irci  xou  izX,  x.  t.  X.  ;  Josephe  dit  qu'il  avait 
été  touché  Tcepl  zà  veOpou  xè  icXaTÙ  {Ant,  Jud.^  I,  21,  334)  alors  que  le  nerf  sciatique  aurait  pu  être 
désigné  explicitement  sous  son  nom  de  v.  toxiaTixdv.  De  plus  l'expression  de  plat  ou  de  paume 
de  la  cuisse  qu'emploie  le  texte  biblique  ne  me  semble  guère  pouvoir  s'appliquer  â  la  région 
fessiôre  mais  à  celle  dite  du  pli  de  Vaine,  Ce  serait  un  des  vaisseaux  qui  innervent  cette  région 
avant  d'aboutir  au  pubis  (tels  le  nerf  crural,  la  veine  crurale,  l'artère  fémorale  avec  les  deux 
honteuses  externes  etc.)  qu'il  aurait  été  originairement  interdit  de  consommer  pour  la  même 
raison  qui  devait  prohiber  la  consommation  de  l'artère  radiale  :  l'une  et  l'autre  seraient,  pour 
le  primitif,  les  canaux  sacrés  qui  alimentent  les  sièges  de  la  force  vitale. 

^  V Apologie  présentée  vers  175  par  Méliton,  ôvéque  de  Sardes,  à  Marc-Aurèle  nous  fournit  un 
texte  qu'il  est  indispensable  de  rapprocher  de  l'interprétation  que  l'on  vient  de  proposer  pour  les 
deux  assauts  subis  par  Jacob  et  par  Moïse  :  «A  Mabog,  Nebo  est  l'image  d'Orphée,  mage 
Thrace  et  Hadran  est  l'image  de  Zaradusht,  mage  Perse,  parce  que  ces  deux  mages 
pratiquaient  la  Magie  auprès  d'une  fontaine  qui  est  dans  une  forêt  de  Mabog.  Dans  cette 
fontaine  vivait  un  esprit  impur  qui  mettait  à  mal  et  attaquait  aux  parties  honteuses  (sens 
incertain)  tout  voyageur  qui  passait  dans  cette  région  où  se  trouve  aujourd'hui  la  forteresse 
do  Mabog;  et  ces  mages  enjoignirent  à  Simi,  fille  de  Hadad,  de  tirer  de  l'eau  dans  la 
mer  et  de  le  jeter  dans  la  fontaine  pour  empêcher  l'esprit  d'en  sortir  »  (Cureton,  Spicilegium 
Syriacum,  1855,  p.  45).  Mabog  est  Hiérapolis  et  l'on  sait  qu'un  grand  gouffre  s'ouvrait 
près  du  temple  d'Atargatis,  la  déesse-poisson,  gouffre  où  étaient  censées  englouties  les  eaux 
du  déluge  et  où,  dans  les  deux  panégyries  annuelles,  les  pèlerins  venaient  verser  l'eau  puisée 
dans  la  mer.  On  conduisait  à  leur  tête  une  image  que  les  Syriens  nommaient  :  sêma\  une  colombe 
d'or  étant  posée  sur  sa  tète,  on  appelait  Sémiramis  cette  idole  qui  est  manifestement  la  Simi  de 
Méliton  (Lucien,  Be  Dea  Syria,  13).  Or  la  déesse-poisson  semble  avoir  eu  pour  parèdre  un  dieu- 
épervier,  Hadran,  le  mage  de  Méliton.  Le  culte  ce  de  Hadran  parait  avoir  été  transporté  en 
Sicile  avec  celui  des  Paliques  dont  il  passait  pour  le  père  (voir  Isidore  Levy,  Revue  archéolo- 
gique,  1899, 1,  p.  275).  Des  monnaies  y  ont  été  frappées  avec  le  nom  de  AAPANOT  et  une  médaille 
de  provenance  inconnue,  identique  à  l'avers  aux  monnaies  de  ce  type,  montre  au  revers  un  dieu 
assis  sur  un  char  ailé  et  tenant  ä  la  main  un  épervier  ;  cette  médaille  porte  les  lettres  IM*^  qui 
ne  peuvent  guère  être  que  celles  du  nom  de  Jahvé  (Babelon,  Perses  Arehéménides,  p.  lxvi).  Par 
là,  sans  pouvoir  se  l'expliquer  encore,  on  entrevoit  quelque  rapport  entre  le  dieu  qui  attaque 
Jacob  sur  les  bords  du  Jabboq  et  le  dieu  qui  met  semblablement  à  mal  ceux  qui  passent  près  de  la 
fontaine  d'Héliopolis.  Le  Hadran  d'Hiérapolis  est,  en  effet,  identifié  par  Méliton  à  Zoroastre, 
fondateur  du  culte  du  feu  où  les  chiens  sont  sacrés  et  le  Hadranos  sicilien,  dont  le  temple  est 


p.  362.]  •    R    •    E    •    E    •    8    •  [1908. 


Telle  serait  du  moins,  Texplicatioa  rituelle  et  sociale  des  deux  épisodes.  Bien 
d'autres  éléments  sont  venus  s'y  surajouter  :  éléments  mythologiques,  —  lutte,  sur 
leur  frontière  même,  des  dieux  de  deux  clans  ennemis,  TÉlobim  des  Jakobélites 
contre  TÉtohim  des  Êdomites,  ou  duel  d'un  héros  contre  le  dieu  qu'il  ignore  et 
qui  lui  accorde  sa  protection  lorsqu'il  se  révèle,  Jacob  contre  l'El  du  Jabboq,  Moïse 
contre  le  Jahvé  du  Sinaï  —  ;  éléments  géographiques,  —  le  désir  d'expliquer  le 
nom  du  âcuve  de  la  lutte,  Jabaky  passant  aux  pieds  d'un  rocher  qui  semble  une 
face  de  dieu,  Pénéël^  de  montrer  pourquoi  le  lieu  de  Y  épreuve^  Massàh^  est  voisin 
de  la  source  de  la  querelle,  Mérihah  ;  -—  éléments  historiques,  —  l'alliance  et  la 
fusion  do  Jacob  et  d'Israël,  l'établissement  des  Jacobélites  sur  les  bords  du  Jab- 
boq ;  —  éléments  liturgiques  ;  la  recherche  d'une  origine  divine  pour  l'interdiction 
de  manger  le  nerf  sciatique  et  pour  l'institution  de  la  défloration  ou  de  la  circonci- 
sion, peut-être  aussi  ponr  un  changement  de  nom  qui  aurait  eu  lieu  au  moment  de 
la  circoncision  ;  —  éléments  juridiques  enfin,  l'existence  de  jugements  tranchés 
par  ordalie  aux  sources  sacrées  de  Qadesh  et  d'Élim.  Ces  éléments  si  complexes, 
qui  mériteraient  chacun  une  étude  spéciale,  n'ont  pu  ici  qu'être  indiqués.  Ne  serait- 
ce  pas  déjà  un  résultat  appréciable,  ce  semble,  si  l'on  pouvait  espérer  avoir  fondé, 
sur  une  interprétation  nouvelle  de  deux  textes  essentiels,  une  théorie  de  l'origine 
de  la  circoncision  et  du  rite  correspondant  de  la  défloration  sacrée  qui  parût  mieux 
concorder  avec  ce  que  Ton  peut  entrevoir  de  l'organisation  des  sociétés  sémitiques 
primitives  ?  Cette  théorie  repose  essentiellement  sur  cette  notion  primitive  que  les 
membres  d'un  clan  sont  parents  et  alliés  dans  la  mesure  où  ils  participent  à  un 
même  sang  qui  est  celui  du  dieu  générateur  du  clan  ;  pour  resserrer  leur  union 
avec  le  dieu,  au  moment  où  la  puberté  leur  donne  accès  dans  la  vie  du  clan,  filles 
et  garçons  doivent  acquérir  cet  état  nouveau  en  offrant  au  dieu  le  plus  pur  de  leur 
sang.  Pour  les  filles,  l'effusion  du  sang  est  surtout  efficace  quand  c'est  le  dieu  même 
qui  l'opère  ;  l'animal- totem,  qui  intervenait  aux  époques  les  plus  reculées,  s'est  vu 
bientôt  remplacé  par  le  prêtre  qui  le  représente  ou  l'étranger  qu'il  suscite  ;  ou 
encore,  le  sang  virginal,  artificiellement  versé,  est  frotté  sur  l'image  du  dieu  de 
telle  façon  qu'il  devienne  l'époux  commun  de  toutes  les  femmes  du  clan  qui  pour- 
ront transmettre  ainsi  le  germe  divin.  Pour  les  garçons,  l'effusion  du  sang  est 
pareillement  plus  efficace  quand  elle  porte  sur  le  siège  même  de  la  génération  et  il 
y  a  lieu  de  croire  que  le  prépuce  était  conservé  dans  le  lieu  sacré  du  clan,  garant 
de  la  commission  du  fidèle  avec  le  dieu.  Ainsi  entrés  dans  sa  parenté,  les  nouveaux 
membres  du  clan  avaient  droit  à  toute  la  protection  de  celui  dont  ils  portaient 
^  le  signe  de  l'alliance  s.  A.-J.  Reinach. 


gardé  par  un  millier  de  chiens,  était  identifié  À  Héphaistos.  La  source  sacrée  des  Paliques  fils  de 
Hadran  peut  correspondre  &  la  fontaine  divine  de  Mabog  et  il  y  a  lieu  de  se  demander,  pour  ces 
dieux  comme  pour  celui  qui  apparaît  nuitamment  sur  les  rives  du  Jabboq,  si  leurs  caractères 
communs  ne  sont  pas  dus  à  1  existence  d'émanations  phosphorescentes,  feux-fbllets  ou  autres, 
auprès  d'eaux  dormantes  ou  de  sources  volcaniques. 


1908.I  ANALYSES.  [P.  363« 


ANALYSES. 

ÂTjFBBD  Loisy.  Les  Évangiles  synoptiques.  —  2  vol.  in-8**  de  1014  et  826  pages. 
Chez  l'auteur,  à  Ceffbnds  (Haute-Marne),  1907,  en  dépôt  chez  E.  Nourry,  à 
Paris,  1908. 

L'apparition  d'un  ouvrage  de  M.  Loisy  marque  toujours  un  événement  dans 
l'histoire  de  la  littérature  religieuse.  Et  lorsque  cet  ouvrage  est  comme  le  fruit 
de  toute  une  vie  de  méditations  et  de  recherches,  et  qu'il  discute  le  phis  grave  des 
problèmes  néo-testamentaires,  on  peut  dire  qu'il  présente  une  importance  capi- 
tale. L'éminent  critique  livre  au  monde  savant  les  résultats  de  son  enquête  sur  la 
question  synoptique  qui  est  à  la  base  de  la  vie  de  Jésus  et  de  l'histoire  du  Chris- 
tianisme primitif.  Tout  laisse  supposer  que  ce  travail  de  haute  et  sereine  érudi- 
tion gouvernera,  chez  nous,  pendant  longtemps,  la  critique  des  trois  premiers 
Évangiles,  et  qu'il  servira,  pour  ainsi  dire,  de  point  de  départ  aux  travaux  futurs. 
L'ouvrage  de  M.  Loisy  se  compose  de  deux  parties  bien  distinctes  :  l'Litroduction 
et  le  Commentaire.  L'Introduction  qui  est  comme  la  pièce  de  résistance,  ou  la 
charpente  de  l'édifice,  embrasse  268  pages.  C'est  elle  qui  retiendra  surtout  notre 
attention,  d'autant  plus  que  l'auteur  y  expose,  en  termes  clairs  et  précis,  la  sub- 
stance de  son  système. 

M.  Loisy  ne  sépare  pas  le  problème  littéraire  du  problème  historique.  Cette 
méthode,  appliquée  par  Wellhausen  à  l'Ancien  Testament,  a  donné  les  résultats  les 
plus  précieux.  Si  nous  commençons  à  saisir  les  grandes  lignes  de  l'ordre  rédaction- 
nel des  livres  de  l'Ancien  Testament,  c'est  grâce  à  ce  procédé.  On  a  cependant 
voulu  y  voir  une  sorte  de  pétition  de  principe,  ou  un  ö<rrepov  TcpÖTepov.  Les  deux 
problèmes  sont  en  réalité  solidaires  l'un  de  l'autre  ;  ils  se  supposent  et  se  condi- 
tionnent, et  sont  comme  les  deux  faces  d'un  même  phénomène.  La  littérature  d'un 
peuple  est  toujours  en  rapport  avec  son  histoire  et  son  développement  historique 
influence  toujours  sa  littérature.  On  va  ainsi  de  l'eflFet  à  la  cause  ou  inversement. 
Produit  de  l'esprit,  la  littérature  est  l'indice  des  conditions  historiques  d'une 
nation,  parce  qu'elle  reflète  forcément  le  milieu  où  elle  a  été  élaborée.  Vie  et 
mouvement,  l'histoire  explique  la  littérature,  parce  qu'elle  modifie  Tétat  d'esprit 
des  hommes,  leurs  conditions  d'existence  et  introduit  de  nouveaux  facteurs  dans 
l'évolution  psychologique.  On  ne  peut  donc  que  féliciter  M.  Loisy  d'avoir  fait 
marcher  de  pair  ces  deux  problèmes  et  d'avoir  demandé  à  chacun  des  deux  des 
éléments  de  solution  pour  l'autre.  Ceux  qui  semblent  concevoir  la  critique  comme 
une  sorte  de  mathématique  auraient  sans  doute  préféré  une  marche  plus  simple 
et  plus  dégagée.  Mais  la  critique  réelle  ne  peut  se  développer  qu'en  utilisant 
toutes  les  données  qui  constituent  sa  complexité,  parce  que  les  détails,  dont  elle 
vit,  et  qu'elle  ramasse  péniblement,  ne  se  prêtent  guère  à  im  traitement  uni- 
forme. 

Le  problème  de  la  valeur  historique  des  Synoptiques  est  depuis  bien  long- 
temps à  l'ordre  du  jour.  Il  s'agit,  bien  entendu,  non  de  certains  fragments  ou 
récits  qui  portent  les  traces  manifestes  d'additions  postérieures,  mais  de  la  trame 
générale  de  la  composition.  On  avait  été  frappé  de  certains  caractères  de  rédac- 
tion, où  l'on  croyait  surprendre  des  influences  étrangères  à  l'élaboration  primitive, 


p.  364.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1903. 

des  modifications  du  plan  original.  Pour  rendre  compte  de  certains  de  ces  phéno- 
mènes, on  avait  émis  diverses  hypothèses.  Strauss  y  voyait  des  mythes.  Renan  les 
considérait  comme  des  réalités  historiques,  mais  explicables  par  le  cours  naturel 
des  choses.  A  Tlieure  présente,  ces  d(*ux  hypothèses  sont  définitivement  abandon- 
nées, parce  qu'elles  relèvent  plus  d'une  attitude  philosophique  que  de  l'examen 
des  documents.  Un  célèbre  exégète  de  nos  jours,  H.  J.  Holtzmaun,  s'est  arrêté  à 
la  théorie  de  l'idéalisation^  La  superposition  des  couches  rédactionnelles,  que  le 
critique  constate  dans  les  Synoptiques,  serait  due  à  l'idéalisation  faite  par  les 
premières  générations  chrétiennes  du  noyau  primitif.  Les  travaux  de  B.  Weiss, 
de  J.  Weiss,  de  Wellhausen  et  de  Wrede  ont  renouvelé  la  question  ou  du  moins 
ils  l'ont  présentée  sous  un  jour  nouveau.  M.  Loisy  connaît  et  utilise  avec  indépen- 
dance ces  travaux  remarquables.  Tout  à  la  fois  liistorien  et  psychologue,  il  se 
garde  bien  de  proposer  une  solution  simple  et  unilinéaire.  Les  retouches  et  h^s 
remaniements,  d'où  résultent  les  couches  rédactionnelles,  proviennent  de  causes 
diverses.  Les  principales  sont  le  travail  de  la  pensée  chrétienne,  l'élaboration 
anonyme  de  la  foi  dans  les  premières  communautés  chrétiennes,  Tinäuenee  indi- 
viduelle de  maîtres  tels  que  Paul,  les  réflexions  personnelles  des  rédacteurs 
évangéliques.  Quand  on  se  replace  par  la  pensée  dans  le  milieu  historique,  il  est 
difficile  de  contester  que  toutes  ces  causes  n'aient  concouru,  à  un  degré  plus  ou 
moins  profond,  à  la  composition  actuelle  des  Évangiles  synoptiques.  Il  est  même 
fort  probable  que  l'analyse  de  M.  Loisy  est  incomplète,  et  qu'il  restera  peut-être 
à  déterminer  d'autres  circonstances  des  modalités  rédactionnelles  de  la  Synopse. 
Quoi  qu'il  faille  penser  de  la  compréhension  de  l'analyse  historico-psychologique, 
l'existence  des  couches  rédactionnelles  paraît  être  un  fait  définitivement  acquis  à 
la  critique.  Les  indices  en  sont  à  la  fois  trop  nombreux  et  trop  frappante  pour 
qu'il  soit  possible  de  conserver  un  doute  sérieusement  motivé.  Les  doublets,  la 
divergence  des  récits  parallèles,  les  incohérences  de  la  composition,  le  manque 
de  soudure  et  d'enchaînement  entre  des  morceaux  juxtaposés,  l'accumulation  de 
données,  qui  n'ont  entre  elles  aucune  cohésion,  aucune  coordination,  insinuent 
clairement  que  la  Synopse,  dans  son  état  actuel,  est  une  compilation,  qui  résulte 
de  plusieurs  courants  d'idées.  Arrivé  au  bout  de  cette  dissection  littéraire,  on  ne 
peut  s'empêcher  de  penser  que,  si  nous  avons  bien  des  Vies  de  Jésus,  la  véritable 
reste  à  faire.  Le  sera-t-elle  jamais  ?  Il  est  permis  d'en  douter. 

Lorsqu'on  a  constaté  l'existence  de  couches  rédactionnelles,  on  n'a  soulevé 
qu'un  coin  du  voile  et  l'on  est  loin  d'avoir  résolu  le  problème  littéraire  dans  toute 
son  ampleur.  Les  Évangiles  synoptiques  présentent  à  la  fois  des  différences  et 
des  ressemblances.  Il  resterait  à  expliquer  les  unes  et  les  autres.  On  sait  tous  les 
systèmes  qu'on  a  proposés  sur  ce  point  depuis  la  publication  des  fragments  de 
Wolfenbüttel  jusqu'à  nos  jours.  Il  serait  trop  long  d'énumérer  toutes  ses  solutions  : 
qu'il  nous  suffise  de  mentionner  les  principales  :  le  protévangile,  l'utilisation,  la 
dépendance  nuituelle,  la  tradition  orale.  On  a  sans  doute  voulu  trop  simplifier  une 
question  très  complexe.  M.  Loisy  montre  tout  ce  que  ces  hypothèses  ont  d'insuffi- 
sant, et,  quoique  sa  pensée  soit  un  peu  ondoyante,  il  est  visible  que  personnelle- 
ment il  adopte  l'hypothèse  des  sources.  On  peut  regarder  comme  moralement 
certain  que  les  trois  premiers  Évangiles  ont  eu  des  sources.  Pour  ce  qui  concerne 
le  troisième  Évangile,  la  chose  ne  fait  pas  l'ombre  d'un  doute,  puisque  l'auteur  de 
cette  relation  se  propose  (Luc.  I,  2),  de  corriger  les  imperfections  des  essais  qu'on 


*  Die  Synoptiker^  dans  le  Hand-Commentar  zum  N.  T.  de  Tôditeur  Mohr. 


1908.]  ANALYSES.  [P.  365« 

avait  tentés  avant  lui.  Il  avait  donc  sous  les  yeux  les  récits  qu'il  entreprend  de 
corriger  par  une  narration  mieux  ordonnée.  Marc,  qui  est,  de  l'aveu  presque  una- 
nime des  critiques,  le  plus  ancien  des  narrateurs  synoptiques,  connaît,  lui  aussi, 
des  sources.  A  travers  la  trame  de  sa  rédaction,  on  saisit  les  traitements  divers 
qu'il  impose  à  ses  sources.  Il  est  plus  difficile  de  déterminer  le  nombre  de  ces 
sources.  On  a  tout  lieu  de  croire  qu'elles  étaient  assez  nombreuses,  car  cette 
hypothèse  est  celle  qui  explique  le  mieux  toutes  les  nuances  de  la  composition 
évangélique.  On  a  même  un  jalon  assez  sûr  dans  les  Logia  de  Jésus,  attestés  par 
des  écrivains  ecclésiastiques.  Mais  ces  Logia  durent  être  multiples.  Or,  dans  l'état 
d'enthousiasme  suscité  chez  les  premiers  chrétiens  par  la  vie  si  admirable  et  la 
mort  si  tragique  de  Jésus,  alors  qu'on  était  encore  sous  la  fraîche  impression  de 
ces  événements,  on  dut  songer,  de  divers  côtés,  dans  divers  milieux  chrétiens,  à 
rédiger  des  recueils  où  l'on  consignerait  soit  les  souvenirs  personnels,  soit  les 
souvenirs  circulant  parmi  les  fidèles.  Ce  travail  dut  commencer  immédiatement 
après  la  mort  de  Jésus  et  se  continuer  pendant  quelques  années.  Ces  recueils, 
que  l'évangélisation  emportait  et  répandait  avec  elle,  servirent  de  sources  aux 
Synoptiques.  M.  Loisy  nous  laisse  dans  l'incertitude  pour  ce  qui  touche  à  l'état 
présent  de  ces  sources.  La  critique  aura  tôt  ou  tard  à  résoudre  un  autre  problème  : 
ce  sera  d'essayer,  par  un  examen  attentif  et  une  minitieuse  analyse  de  la  Synopse, 
d'isoler  les  fragments  ou  les  passages  qui  appartiennent  aux  sources  et  de  les 
comparer  aux  apports  personnels  des  rédacteurs.  Alors  seulement  elle  reposera 
sur  une  base  solide. 

Sur  le  terrain  de  l'authenticité,  M.  Loisy  prend  une  position  nettement  radi- 
cale. Les  trois  premiers  Évangiles  ne  sont  pas  des  auteurs,  auxquels  la  tradition 
les  attribue.  «  Matthieu  n'est  pas  l'Évangile  de  Matthieu  ;  Marc  n'est  pas  l'Évan- 
gile de  Pierre.  Luc  n'est  pas  l'Évangile  de  Paul.  Kien  ou  presque  rien  des 
rapports  conçus  par  la  tradition  ne  subsiste  devant  la  critique  n  (p.  58).  M.  Loisy 
arrive  à  cette  franche  conclusion  après  une  longue  et  pénétrante  discussion  de  la 
tradition  ecclésiastique.  Il  examine  successivement  tous  les  témoignages  des 
Pères  et  écrivains  ecclésiastiques,  jusqu'à  la  fixation  du  canon,  qui  attribue 
les  trois  premiers  Évangiles  à  Matthieu,  à  Marc  et  à  Luc  et  s'efforce  d'établir 
que  ces  témoignages  n'ont  aucune  valeur,  parce  qu'ils  ne  reposent  sur  aucune 
donnée  précise  et  enregistrent  une  vague  tradition  orale.  On  ne  peut,  certes, 
qu'admirer  la  finesse  d'esprit  avec  laquelle  l'auteur  dissèque  et  critique  tous  ces 
témoignages  écrits.  Mais  on  i)eut  aussi  douter  de  la  valeur  de  1  interprétation 
qu'on  leur  donne.  Ce  n'est  pas  qu'il  faille  introduire  dans  le  débat  un  argument 
théologique  ou  un  motif  confessionnel,  comme  l'école  conservatrice  le  fait  mal- 
heureusement trop  souvent.  Mais  en  se  plaçant  sur  le  terrain  purement  critique, 
il  est  possible  d'instituer  une  contre  enquête,  dont  la  portée  ne  sera  évidemment 
pas  certaine,  mais  ne  manquera  pas,  non  plus,  d'une  grande  probabilité.  Lors- 
qu'on parcourt,  sans  aucun  parti  pris,  la  trame  de  l'analyse,  à  laquelle  M.  Loisy 
soumet  les  attestations  traditionnelles,  on  éprouve  l'impression  qu'il  obéit  à  des 
principes,  qui  ne  sont  pas  suffisamment  justifiés,  et  que  sa  marche  est  peut-être 
im  peu  trop  systématique.  L'interprétation  des  textes  est,  j'en  conviens,  chose 
difficile.  Voilà  pourquoi  il  ne  faut  l'entreprendre  et  la  conduire  qu'avec  la  plus 
grande  réserve,  et  une  prudence  extrême. 

Puisque  les  Synoptiques  n'ont  pour  auteurs  ni  des  apôtres  ni  des  hommes 
apostoliques,  sur  quel  principe  se  régla  l'Église  pour  les  adopter  comme  siens  et 
les  retenir  de  préférence  à  tant  d'autres  productions  similaires  ?  C'est  tout  sim- 


p.  366.]  -^    *  ^  1    E    •    S    •  [1908> 

piemeut  un  intérêt  d'apologétique.  Si  TÉglise  canonisa  définitivement  nos  trois 
premiers  Évangiles,  ce  n'est  pas  qu'elle  y  eût  reconnu,  en  s'appuyant  sur  une 
critique  strictement  scientifique:  théologique  ou  littéraire,  une  valeur  plus  grande 
que  celle  des  apocryphes  ;  c'est  parce  qu'elle  y  retrouva  son  esprit,  ses  institutions 
et,  ce  qu'on  pourrait  appeler  d'un  mot,  son  ecclésiasticisme  ;  c'est  parce  qu'elle 
s'y  retrouva  elle-même  :  «  Telle  est  bien  la  signification  du  témoignage  tradition- 
nel :  on  y  apprend  que  l'Église  a  d'abord  accepté  puis  retenu  les  quatre  Évangiles 
du  canon,  parce  qu'elle  y  reconnaissait  sa  propre  tradition,  parce  qu'elle  s'y  retrou- 
vait elle-même.  De  savoir  au  juste  quand,  comment  et  par  qui  ces  livres  avaient  été 
composés,  c'est  ce  dont  elle  paraît  d'abord  s'être  peu  souciée  ;  elle  ne  s'en  souve- 
nait guère  quand  elle  s'en  préoccupa...  Au  fond,  l'Église  avait  été  guidée  dans  son 
choix  comme  par  un  instinct  supérieur  à  toute  critique  théologique  ou  littéraire  ; 
mais,  entre  150  et  170,  lorsque  le  canon  évangélique  fut  définitivement  arrêté, 
elle  ignorait  les  circonstances  de  la  composition  des  livres  qu'elle  attribuait  à 
Matthieu,  à  Marc,  à  Luc  et  à  Jean.  Le  défaut  d'opposition  pour  ce  qui  regarde 
l'attribution  des  Synoptiques  ne  prouve  pas  la  certitude  de  cette  attribution  » 
(pp.  57-58).  L'hypothèse  n'est  absolument  pas  impossible.  Mais  pour  qu'elle  puisse 
avoir  le  caractère  d'une  donnée  ferme  et  s'imposer  à  l'acceptation  des  critiques, 
il  faudrait  l'appuyer  sur  des  faits  et  des  textes.  M.  Loisy  se  défie,  —  et  il  a  raison 
—  de  l'esprit  de  système.  Mais  peut-il  vraiment  se  flatter  que  le  mouvement 
habile,  qu'il  a  opéré  autour  du  témoignage  traditionnel,  soit  à  l'abri  de  toute  vue 
systématique  et  résulte  uniquement  de  la  signification  des  faits  et  des  textes  ? 
Entraîné  par  cette  brillante  excursion,  on  voudrait,  dans  cette  course  vertigineuse, 
rencontrer  quelques  points  d'appui  qui  permissent  de  reprendre  haleine,  et  de  se 
tenir  en  contact  avec  la  réalité.  Mais  en  vain.  On  est  constamment  ébloui  par  le 
mirage  séduisant,  mais  la  terre  ferme  se  dérobe  sous  nos  pas.  Si  des  textes  précis 
eussent  existé,  M.  Loisy  qui  est  parfaitement  au  courant  de  la  littérature  primi- 
tive, n'eût  pas  manqué  de  les  jeter  dans  le  débat.  S'il  n'en  cite  pas,  c'est  que  ces 
textes  n'existent  pas.  A  défaut  de  documents  positifs  et  de  faits  inéluctables,  nous 
sommes  donc  dans  le  domaine  des  conjectures  ;  et  ce  domaine  n'autorise  pas  des 
conclusions  historiques,  c'est-à-dire  des  conclusions  que  l'on  puisse  et  doive 
accepter  en  toute  sécurité.  Ce  n'est  pas  que  la  tentative  de  M.  Loisy  soit  moins 
solide  que  les  autres  du  même  genre  ;  elle  est  même,  croyons-nous,  plus  solide 
que  les  autres,  parce  qu'elle  accuse  un  sens  psychologique  plus  aiguisé.  Mais  enfin 
ce  n'est  qu'une  simple  conjecture,  basée  sur  un  ensemble  d'inductions  plus  ou 
moins  probables,  qu'il  appartiendra  à  l'avenir  de  ratifier  ou  de  ruiner. 

M.  Loisy  s'applique  maintenant  à  caractériser  chacun  des  Synoptiques.  La  cri- 
tique interne  est  le  moyen  dont  il  se  sert  pour  assigner  à  chacun  des  trois  pre- 
miers Évangiles  sa  note  propre  et  distinctive.  Quels  sont  les  éléments  qui  entrent 
dans  le  tissu  du  second  Évangile  ?  Cette  relation  a  un  caractère  composite.  Il  est 
possible  que  Marc  ait  eu  une  part  dans  la  composition  du  second  Évangile,  et 
ainsi  se  trouverait  justifiée,  en  une  certaine  mesure,  la  croyance  de  la  tradition. 
Mais  le  rôle  du  disciple  de  Pierre,  s'il  est  réel,  n'a  pu  avoir  qu'une  sphère  très 
limitée.  Marc  serait  tout  au  plus  l'auteur  d'un  document,  utilisé  par  le  rédacteur 
de  la  Synopse  qui  porte  son  nom,  document  qui  devait  avoir  pour  thème  la  prédi- 
cation et  la  mort  de  Jésus.  D'autres  apports  se  retrouvent  dans  le  second  Évan- 
gile. Les  Logia  ont  fourni  quelques  matériaux.  Un  rédacteur,  intermédiaire  entre 
la  première  main  et  le  rédacteur  définitif,  a  pu  ajouter  quelques  récits  d'une 
signification  particulière,  tels  que  le  baptême  de  Jésus,  la  tentation,  la  multipli- 


1908.]  ANALYSES.  [P.  367 

Cation  (les  pains,  la  transfiguration,  c'est-à-dire,  d'une  manière  générale,  tous  les 
faits  surnaturels  de  la  vie  du  Christ,  où  M.  Loisy,  si  j'ai  bien  compris  sa  pensée, 
verrait  des  additions  tardives,  suggérées  par  des  vues  étrangères  à  l'histoire.  Et 
le  caractère  de  l'Évangile  de  Marc?  M.  Loisy  pense  qu'il  est  d'inspiration  pauli- 
néenne.  Un  fait  est  digne  de  remarque  :  c'est  que  l'auteur  du  second  Évangile  ne 
manque  jamais  l'occasion  de  faire  ressortir  l'inintelligence  des  apôtres  galiléens. 
Ce  pourrait  être  un  éclair,  et  la  critique  serait  tentée  d'y  voir  un  eifort  pour 
relever  ou  plutôt  pour  réhabiliter  Paul,  dont  la  mission  avait,  comme  on  le  sait, 
rencontré  quelques  résistances  dans  les  cercles  des  premiers  apôtres.  Ija  remarque 
que  Jésus  parlait  en  paraboles,  pour  que  les  Juifs  ne  comprissent  pas  son  ensei- 
gnement, la  recommandation  qu'il  fait  à  difiFérentes  reprises  de  ne  pas  divulguer 
ses  miracles,  indices  que  Wrede  a  étudiés  dans  une  œuvre  magistrale,  semblent 
trahir  des  préoccupations  bien  postérieures  à  l'âge  apostolique  et  étrangères  à 
l'esprit  du  Christ.  Mais  lorsqu'on  essaie  de  préciser,  on  voit  surgir  des  difficultés 
insurmontables.  Et  M.  Loisy  a  parfaitement  raison  de  se  tenir  aux  possibilités  et 
aux  probabilités. 

Des  trois  Synoptiques,  l'Évangile  de  Marc  est  certainement  le  plus  histo- 
rique ;  c'est  celui  qui  nous  retrace  le  plus  fidèlement  et  même  le  plus  ingénument 
la  physionomie  de  Jésus.  Chez  Matthieu,  le  fonds  historique  s'afi'aiblit  tandis  que 
le  symbolisme  augmente  et  que  la  rédaction  tout  entière  obéit  à  une  idée  conçue 
d'avance,  à  un  plan  arrêté  et  déterminé.  Matthieu  se  propose  surtout  d'édifier,  de 
prouver  une  thèse  par  l'utilisation  des  prophéties  de  l'Ancien  Testament.  Il  pré- 
conise en  même  temps  l'organisation,  une  sorte  de  hiérarchie  ecclésiastique.  Les 
parties,  qui  lui  sont  communes  avec  Marc,  doivent  provenir  d'une  source  iden- 
tique. Mais  Matthieu  se  permet  quelquefois  de  modifier  les  récits  de  Marc,  toujours 
au  détriment  de  la  vérité  historique,  car  ces  modifications  ont  toujours  lieu  en 
vue  d'adapter  les  récits  à  la  thèse  visée  et  poursuivie  par  l'auteur.  Les  récits 
propres  à  Matthieu  sont  des  produits  légendaires,  qui  ont  dû  voir  le  jour  en 
dehors  de  la  Palestine.  Ces  vues  contiennent  sûrement  une  part  de  vérité.  Pour 
tout  lecteur  attentif,  il  est  certain  que  le  rédacteur  du  premier  Évangile  est 
dominé  par  le  souci  de  prouver  que  les  prophéties  messianiques  de  l'Ancien  Tes- 
tament se  sont  accomplies  en  Jésus,  ou  plutôt  que  certains  événements  de  la  vie 
de  Jésus  ont  eu  lieu  précisément  pour  accomplir  les  prophéties  de  l'Ancien  Tes- 
tament. Cette  préoccupation  n'est  pas  sans  bouleverser  la  trame  de  l'histoire.  11 
semble  aussi  critiquement  certain  que  les  récits  de  l'enfance  sont  des  morceaux 
de  date  postérieure  ajoutés  à  la  composition  primitive.  Pour  cette  raison,  en  fai- 
sant abstraction  de  la  réalité  des  faits  qu'ils  racontent,  on  ne  peut  les  utiliser 
comme  des  documents  historiques  dans  une  vie  de  Jésus.  Autre  chose  est  en  effet 
nier  ou  révoquer  en  doute  la  réalité  des  événements  relatés  dans  les  récits  de 
l'enfance,  autre  chose  est  renoncer  à  se  servir  de  ces  récits  comme  de  documents 
historiques.  Mais  la  critique  autorise-t-elle  à  conclure,  comme  le  pense  M.  Loisy, 
que  ces  récits  sont  légendaires  dans  leur  contenu  même  ?  Je  ne  le  pense  pas.  Car 
cette  solution  ne  pourrait  se  justifier  que  par  des  conceptions  philosophiques  sur 
la  possibilité  du  surnaturel.  Si  la  critique  reste  dans  ses  fonctions,  elle  ne  peut 
prendre  parti  dans  la  question  relative  au  caractère  des  récits  de  l'enfance.  Elle 
ne  peut  ni  en  affirmer  ni  en  nier  la  valeur  historique  parce  que  ce  point  échappe 
à  ses  prises. 

Luc  est  le  plus  littéraire  des  trois  Synoptiques.  Prologue,  I,  1,  manifeste 
clairement  l'intention  d'écrire  une  relation  bien  ordonnée,  équilibrée.  Les  sources 


p.  368.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

paraissent  e^tre  bien  nombreuses,  quoiqu'il  soit  hasardeux  de  les  énumérer.  Il 
dépend  sûrement  de  Marc  et  de  la  source  contenant  les  discours  du  Seigneur. 
Certes  cet  Évangile  contient,  lui  aussi,  bien  des  modifications  ;  mais  on  ne  peut 
attribuer  à  Tauteur  toutes  ces  modifications  :  quelques-unes  sont  imputables  à  ses 
rédacteurs  intermédiaires.  A  propos  de  Luc,  M.  Loisy  reprend  son  interprétation 
de  Matthieu.  Les  récits  de  Tenfance  sont  des  fictions.  Les  discours  de  Jésus 
ressiLscité  sont  construits  de  toutes  pièces  par  le  rédacteur,  parce  qu'il  y  exprime 
ses  propres  conceptions  et  y  fornmle  son  apologétique.  A  notre  tour,  nous  ne  pou- 
vons que  répéter  la  même  observation.  Ces  récits  ne  peuvent  être  utilisés  à  titre 
de  documents  historiques,  parce  qu'ils  ne  sont  pas  dans  les  conditions  voulues  : 
leur  facture  générale  inspire  à  bon  droit  des  soupçons  à  la  critique  touchant  leiur 
valeur  de  témoignage.  Mais  on  n'a  nullement  le  droit  de  dépasser  cette  position, 
et  de  se  prononcer,  au  nom  même  de  la  critique,  sur  la  nature  des  faits  qu'ils 
relatent  ou  qu'ils  supposent.  De  ce  que  ces  récits  sont  des  additions  postérieures 
et  proviennent  d'une  autre  main  que  celle  du  plus  ancien  rédacteur,  le  critique 
n'est  nullement  autorisé  par  ses  principes  et  ses  méthodes  à  regarder  comme  des 
mythes  ou  des  légendes  la  conception  virginale  et  la  résurrection  de  Jésus.  On 
est  ici  en  face  de  deux  problèmes  :  l'origine  de  ces  récits  et  la  vérité  des  faits 
qu'ils  rapportent.  Ces  deux  problèmes  ne  sont  pas  solidaires  l'un  de  l'autre  ;  et 
rien  n'exige  qu'on  leur  donne  une  solution,  pom'  ainsi  dire,  homogène.  Ajoutons 
cependant  qu'il  n'est  pas  sûr  que  M.  Loisy  tombé  dans  cette  confusion.  Mais 
comme  sa  pensée  est  fuyante,  il  est  difficile  de  savoir  au  juste  ce  qu'il  entend  par 
fictions  et  légendes. 

Les  Synoptiques  sont  donc  des  œuvres  composites.  Ils  représentent  toute  une 
élaboration  de  la  pc^nsée  chrétienne  et  ne  contiennent  que  très  peu  de  choses  de 
la  tradition  primitive.  M.  Loisy  a  esquissé  ce  qu'on  pourrait  appeler  les  étapes 
de  cette  élaboration,  en  s'aidant  comme  toujours  des  suggestions  de  la  critique 
interne,  mais  élargies  par  des  intuitions  personnelles.  Le  Christ  avait  annoncé  la 
venue  du  royaume,  et  le  royaume  n'était  pas  venu  ;  c'était  l'Eglise  qui  avait  pris 
sa  place.  Cette  conjoncture  historique  modifia  complètement  le  plan  d'apostolat 
des  prédicateurs  de  TÉvangile.  Une  grande  déception  avait  comme  envahi  les  âmes 
et  menaçait  l'avenir  même  de  l'Évangile.  Les  prédicateurs  de  la  nouvelle  doctrine 
dm'ent  faire  face  à  cette  situation.  Ils  commencèrent  par  conséquent  par  relever 
en  quelque  sorte  le  Christ  dans  l'opinion  de  leurs  auditeurs  en  montrant  que, 
nonobstant  sa  fin  ignominieuse,  il  était  vraiment  le  Messie  annoncé  et  prédit  dans 
l'Ancien  Testament.  Ils  s'appliquèrent  à  justifier,  par  le  même  procédé,  la  résur- 
rection de  Jésus  qui  était  chez  eux  un  objet  de  foi.  Les  nécessités  de  l'apologé- 
tique et  l'influence  de  la  théologie  naissante  achevèrent  l'élaboration  doctrinale, 
qui  s'est  fixée  dans  les  Synoptiques  L'enseignement  de  Jésus  lui-même  subit  le 
même  travail  de  modification,  d'amplification  et  d'idéalisation.  Cet  essai  de 
reconstruction  est  ce  qu'il  y  a  de  plus  original  dans  l'œuvre  de  M.  Loisy.  En 
essayant  de  reproduire  la  courbe  décrite  par  le  germe  de  la  prédication  évangé- 
lique,  le  savant  critique  a  déployé  toutes  ses  qualités  d'esprit.  Sa  perspicacité 
s'efforce  de  dépasser  les  textes,  pour  ressaisir  le  mouvement  dont  ils  représentent 
les  phases  successives  et  les  ondulations.  Le  psychologue  ne  peut  guère  contester 
qu'une  profonde  déception  n'ait,  à  la  mort  de  Jésus,  envahi  l'âme  de  ses  disciples. 
Tout  à  l'enthousiasme,  les  apôtres  attendaient  la  réalisation  du  règne  messia- 
nique :  déjà  même  ils  commençaient  à  se  disputer  la  première  place  dans  la  nou- 
velle Jérusalem  ;  et  voilà  que  ce  rêve  séduisant  et  grandiose  s'effondre  avec  le 


1908.]  ANALYSES.  [p.  369. 

drame  du  Calvaire.  Que  de  bouleversemeuts  dut  éprouver  Tâme  des  disciples  !  Et 
ouaiine  tout  changemeut  iuterne  iüüuence  notre  conduite  externe,  on  doit  croire 
que  le  nouvel  état  d'âme  des  disciples  se  refléta  dans  leur  prédication,  dans  les 
efforts  qu'ils  faisaient  pour  gagner  au  Christ  les  Juifs  et  les  Païens.  Cette  perspec- 
tive n'a  rien  que  de  raisonnable,  que  de  plausible.  Mais  il  est  diflScile  de  sortir  de 
cette  vue  générale,  pour  entrer  dans  les  précisions.  Et  lorsque  M.  Loisy  essaie  de 
jalonner  la  marche  de  révolution  et  de  décrire  Tordre,  dans  lequel  ont  apparu  les 
fraj^ments  synoptiques,  qui  représenteraient  les  divers  moments  de  cvUr  évolution, 
il  <^st  évident  qu'il  ne  nous  apporte  que  des  conjectures,  qui  peuvent  être  plus  ou 
moins  brillantes,  plus  ou  moins  probables,  mais  qui  ne  s'impos(^nt  nulh^ment 
oomuK»  des  résultats  acquis.  Le  travail  qui  consiste  à  discerner,  à  déchiffrer  dans 
les  text(^s  synoptiques  les  étapes  de  l'évolution  des  idées  est  d'une  extrême  déli- 
cat(  ss:*  ;  ajoutons  qu'il  présente  les  plus  grandes  difficultés.  M.  Loisy  noiLs  a  étalé 
sa  construction.  Prenons-là  pour  ce  qu'elle  est,  pour  ce  qu'elle  vaut,  pour  ce  qu'elle 
signitie,  c'est-à-dire  une  tentative  de  plus  pour  résoudre  le  problème  historico- 
littéraire  des  Évangiles  synoptiques. 

Si  l'enseignement  de  Jésus  a  fait,  sous  l'action  des  prédicateurs,  boule  de 
neige  (*t  s'est  développé  comme  le  grain  de  sénevé,  qu'était-il  à  l'origine,  quelles 
sont  l(^s  dimensions  du  noyau  primitif?  M.  Loisy  a  entrepris  de  répondre  à  cette 
question,  et,  pour  y  réussir,  il  esquisse  successivement  la  vie  et  l'enseignement 
auth(»nti(pie  de  Jésus.  L'enfance  de  Jésus  reste  plongée  dans  les  ténèbres.  Ou  sait 
qu'il  était  fils  de  Marie  et  de  Joseph,  et  qu'il  exer(;a  à  Nazareth  le  métier  de  son 
père,  c'est-à-dire  qu'il  fut  ouvrier  en  bois.  La  prédication  de  Jean-Baptiste  fut 
probablement  l'étincelle  qui  fît  surgir  dans  la  conscience  de  Jésus  l'idée  de  sa 
vocation.  Jésus  reçoit  le  baptême  des  mains  de  Jean,  et,  après  avoir  passé  quelque 
temps  au  désert,  il  commence  à  prêcher  à  Capharnaum  et  aux  environs.  11  recrute 
ses  premiers  <lisciples  parmi  les  pécheurs  du  lac  de  Tibériade.  Sa  prédication 
r(*ncontn»  bientôt  des  obstacles.  Pom'  se  soustraire  à  l'hostilité  et  aux  intrigues 
des  Pharisiens,  Jésus  quitte  la  Galilée  et  se  dirige  vers  la  côte  phénicienne,  sans 
entn^r  en  contact  avec  les  populations,  parce  que  sa  mission  était  destinée  aux 
Juifs.  Le  moment  arrive,  où  il  prend  la  route  de  Jémsalem  pour  y  aller  préparer 
TavéneMuent  du  royaume.  C'était  le  temps  de  la  Pâques.  Acclamé  par  ses  compa- 
gnons, Jésus  pénètre  dans  la  ville.  La  défiance  à  son  égard  augmente  de  plus  en 
plus  dans  certaines  classes  de  la  société  hiérosolymitaine.  Inquiets  pour  leur  popu- 
larité et  leur  avenir,  les  chefs  religieux  ne  cherchent  que  l'occasion  de  s'emparer 
de  Jésus.  Judas  se  prête  à  leurs  desseins,  non  par  amour  du  gain,  mais  par  désil- 
lusion. Jésus  est  arrêté  et  condamné  au  supplice  de  la  croix.  Après  sa  mort,  ou 
le  jeta  vraisemblablement  dans  une  fosse  commune.  La  résurrection  et  les  appa- 
ritions sont  un  produit  de  la  foi  des  apôtres. 

L'enseignement  de  Jésus  se  réduit  à  l'annonce  du  royaume.  Ce  cadre  doctri- 
nal est  emprunté  à  l'Ancien  Testament,  mais  Jésus  l'épure  et  le  perfectionne  ;  la 
notion  du  royaume  est  chez  lui  morale  et  spirituelle  et  dès  lors  universelle  ;  elle 
n'a  rien  du  caractère  politique  et  nationaliste  qu'elle  avait  dans  l'Ancien  Testa- 
ment. Mais  cette  notion  est  elle  même  subordonnée  à  l'idée  eschatologique,  à 
l'imminence  de  laparousie.M.Loisy  avaitdéjà  pris  cette  attitude  contre  M. Haruack. 
Pour  le  savant  berlinois,  le  royaume  do  Dieu,  que  Jésus  annonce  dans  l'Évangile, 
est  purement  intérieur  et  éthique.  Pour  le  critique  français,  il  est  avant  tout 
eschatologique. 

Fidèle  à  son  système,  et  à  ce  qu'il  croit  être  les  conclusions  de  la  critique. 


P,  370>] *    R    *    E    >    E    >    S    * [1908» 

M.  Loisy  réduit  donc  à  de  minces  proportions  renseignement  de  Jésus.  Sous  ce 
rapport,  sa  position  est  peut-être  plus  radicale  que  celle  de  Harnack  et  dépasse 
sans  doute  celle  de  Renan.  On  n^aurait  rien  à  dire  si  cette  thèse  était  déduite  de 
l'exégèse  des  textes  synoptiques  ;  on  n'aurait  eu  qu'à  s'incliner,  en  dépit  de  toutes 
les  répugnances.  Mais  on  ne  voit  pas  clairement  que  les  textes  servent  d'échafiFau- 
dage  à  cette  construction.  Il  est  indubitable  que  l'auteur  déploie  une  grande 
souplesse  d'esprit  dans  ses  aprt-çus  et  la  chaîne  de  ses  déductions  ;  et  si,  dans 
les  matières  positives,  l'ingéniosité  et  la  perspicacité  pouvaient  remplacer  le 
témoignage  des  textes,  M.  Loisy  aurait  sûrement  gain  de  cause.  La  science 
positive  gouverne  l'esprit  et  ne  lui  obéit  pas  ;  elle  lui  dicte  ses  conditions  et  ne 
subit  pas  les  siennes  propres.  Or,  avec  la  meilleure  volonté  du  monde  et  sans 
aucun  parti  pris,  je  n'ai  pu  voir  que  M.  Loisy  tire  de  l'analyse  des  textes  le  thème 
de  l'enseignement  de  Jésus.  Son  œuvre  accuse  un  effort  trop  puissant  de  >a 
pensée  interprétative  et  présente  une  couleur  trop  subjective.  L'école  conserva- 
trice a  certainement  tort  de  prendre  tous  les  textes  en  bloc  et  de  les  jeter  pêle- 
mêle  dans  les  plateaux  de  la  balance.  Cette  exégèse  a  fait  son  temps.  Mais  s'il 
faut  la  condamner,  ce  n'est  pas  pour  prêter  le  flanc  à  d'autres  critiques  et  pour 
s'engager  dans  une  voie  opposée  qui  consiste  à  trop  clarifier,  à  trop  émonder  les 
textes  pour  des  motifs  qui  sont  bien  plus  d'ordre  psychologique  que  d'ordre  histo- 
rique. J'eusse  préféré,  pour  ma  part,  que  M.  Loisy,  dans  son  essai  de  reconstruc- 
tion de  l'enseignement  de  Jésus,  qui  contient  des  pages  remarquables,  fût  resté 
en  un  contact  plus  intime  avec  les  textes  évangéliques. 

Reste  la  personne  de  Jésus.  M.  Loisy  ne  nous  dit  pas  clairement  ce  qu'il  en 
pense.  Après  une  lecture  très  attentive  de  son  ouvrage,  j'avoue  qu'il  m'a  été 
impossible  de  décider  s'il  affirme  ou  s'il  nie  la  divinité  de  Jésus.  L'impression  qui 
m'est  restée,  je  le  dirai  en  toute  franchise,  c'est  qu'il  est  partisan  de  la  divinité 
de  Jésus,  mais  d'une  divinité  qui  diifère  de  celle  de  la  tradition.  La  divinit*^ 
métaphysique  parait  être  remplacée  par  une  divinité  morale  consistant  en  des 
rapports  tout  particuliers  de  Jésus  avec  le  Père  éternel.  En  supposant  que  mou 
interprétation  soit  exacte,  M.  Loisy  pourrait  sans  doute  prétexter  qu'il  se  conduit 
en  historien,  et  que  toute  la  question  revient  à  savoir  si  l'on  peut  prouver  histo- 
riquement, c'est-à-dire  par  la  teneur  des  textes,  la  divinité  de  Jésus.  Cette  mise 
en  demeure  nous  obligerait  à  entamer  la  discussion  d'un  autre  sujet  et  par  consé- 
quent à  sortir  du  cadre  de  cet  article.  M.  Loisy  me  permettra  cependant  de  lui 
faire  observer  qu'il  est  peut-être  contradictoire  de  dire  que  «  Jésus  a  incamé 
dans  l'homme  la  sagesse  de  Dieu  «  (I,  253),  et  qu'il  était  «  un  ouvrier  de  village, 
naïf  et  enthousiaste....  fort  d'une  première  illusion  «  (I,  252).  On  ne  comprend 
pas  que  celui  qui  incarne  la  sagesse  de  Dieu  soit  victime  d'une  illusion  qui  est  la 
raison  d'être  de  son  rôle  et  le  mobile  de  tous  ses  actes. 

Il  ne  nous  reste  pas  grand'  chose  à  dire  sur  le  commentaire.  Le  rédaction  eu 
est  toujours  claire  et  élégante.  L'auteur  y  utilise  toutes  les  ressources  de  la  philo- 
logie, de  l'histoire  et  de  l'archéologie,  pour  éclaircir  le  sens  des  Evangiles  syno^v 
tiques,  pour  rectifier  certaines  explications  trop  prématurées  ou  trop  arbitraires 
et  pour  en  proposer  quelquefois  de  nouvelles.  Ce  commentaire  rendra  certainement 
*de  grands  sen^ices  à  ceux  qui  veulent  pénétrer  plus  avant  dans  l'intelligence  des 
textes  synoptiques.  La  traduction  du  texte  est  irréprochable  et  les  notes  qui 
l'accompagnent  témoignent  de  beaucoup  de  pénétration  et  de  vastes  connais- 
sances. Dans  sa  teneur  générale,  le  commentaire  est  en  parfait  accord  avec 
l'introduction,  et  ne  fait  en  somme  que  la  développer  ou  la  justifier.  On  y  retrouve 


1908.]  ANALYSES.  [P,  371» 

donc  eu  détail  toutes  les  vues  critiques  de  M.  Loisy.  C'est  ainsi  que  Tauteur 
interprète  dans  un  sens  légendaire  certains  passages  ou  fragments  que  l'introduc- 
tion avait  classés  parmi  les  additions  postérieures,  motivées  par  les  besoins  de 
Tapologétique  ou  les  lois  du  développement.  On  ne  pourrait  donc  s'y  arrêter  sans 
.s'exposer  à  des  redites.  J'ajouterai  en  terminant  que  les  Evangihs  synoptiqties 
sont  indispensables  à  quiconque  s'occupe  de  critique  et  d'exégèse  néo-testamen- 
taire. On  appréciera,  comme  on  voudra,  les  idées  et  les  conclusions  de  M.  Loisy; 
mais  on  ne  pourra  se  dispenser  d'étudier  et  de  méditer  son  ouvrage. 

V.  Eemoni. 

George  A.  Rbibneb.  llie  Early  dynastic  cemeteries  of  Naga-ed-Bêr,  ~  Tome  1 
(University  of  California  Publications).  Leipzig,  Hinrichs,  1908,  in-4®,  160  p., 
79  planches  et  215  illustrations. 

Grace  à  la  subvention  de  M"®  Phœbe  A.  Hearst,  l'Université  de  Californie, 
qui  doit  déjà  tant  à  ses  libéralités,  a  constitué  en  1899  une  mission  égyptienne  sous 
la  direction  de  son  professeur  d'égyptologie  G.  A.  Reisner.  Avec  le  concours  de 
MM.  Lytbgoe,  Green  et  Mace,  il  a  pu  se  livrer,  de  1899  à  1904,  à  une  fructueuse 
série  de  fouilles  dans  les  nécropoles  de  Shurafa,  Dêr-el-Ballas,  Gizeh,  El-Akaiwah, 
Naga-ed-Dér.  Cette  dernière  localité,  voisine  d'Abydos,  a  livré  à  ses  explorateurs 
plus  de  10.000  tombes  allant  du  début  de  la  période  prédynastique  à  la  fin  du 
Moyen-Empire.  Sur  les  onze  principaux  cimetières  entre  lesquels  ces  tombes  se 
répartissent  et  qui  sont  désignés  par  le  numéro  que  leur  première  tombe  porte  dans 
l'inventaire  général  (du  nord  au  sud  on  rencontre  ainsi  les  cimetières  9000,  3500, 
2000,  3000,  3100,  1000,  1500,  100,  500,  700,  7000),  ce  premier  volume  nous 
apporte  une  description  minutieuse  des  cimetières  1500  et  3000  qui  contiennent 
presque  exclusivement  des  tombes  des  trois  premières  dynasties.  Comme  chacune 
est  minutieusement  décrite,  inventoriée  et  illustrée,  on  pourra  enfin  se  faire  une 
idée  plus  précise  des  sépultures  protodynastiques  égyptiennes. 

Malheureusement,  la  localité  étant  exposée  à  l'inondation  et  à  la  denudation, 
tous  les  mastabas  qui  formaient  la  superstructure  des  tombes  ont  disparu.  Les 
arasements  permettent  seulement  de  reconnaître  que  ces  mastabas  étaient  con- 
stitués par  un  rectangle  de  briques  séchées  au  soleil  (du  module  7  X  14  X  28) 
allongé  du  sud  au  nord,  rempli  de  terre,  gravois  et  débris  de  toute  sorte  ;  dans 
les  faces  sud  et  nord  de  petites  niches  étaient  pratiquées,  sans  doute  pour  les 
offrandes  ;  parallèle  aux  parois  de  ce  masiabay  à  une  distance  de  50  à  100  mètres, 
s'élevait  un  mur  de  briques  limitant  l'enclos  sacré  ;  tous  ces  murs  de  briques 
paraissent  avoir  été  badigeonnés  d'une  chaux  blanc-rose  ;  les  niches  seules 
auraient  été  peintes  en  rouge. 

Pour  la  ^structure  de  la  tombe,  l'ouverture  ovale  aux  parois  de  terre  battue 
soutenues  et  couvertes  par  un  treillis  de  branches  des  sépultures  prédynastiques 
a  été  remplacée  uniformément  par  une  fosse  rectangulaire  (1  à  2  m.  de  larg. 
sur  2  à  3  m.  de  long.)  creusée  dans  le  sable  que  maintient  un  mur  de  briques 
séchées.  Parfois,  ces  briques,  se  rejoignant  en  encorbellement,  forment  voûte 
au-dessus  de  la  fosse  ;  parfois,  la  voûte  est  remplacée  par  un  plafonnement 
droit  en  bois.  L'évolution  semble  s'être  produite  ainsi  :  au  début  de  la  1"  dyna- 
stie, on  conserve  le  type  prédynastique  de  la  fosse  simple  avec  plafonnement 
en  bois  (a)  ;  puis,  par  imitation  des  premières  tombes  royales  d'Abydos,  celles 
de  Zet,  Zer  et  Memeit,  on  agrandit  les  fosses  au  point  que  deux  petits  murs 


p.  372.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908» 

transversaux  deviennent  nécessaires  pour  soutenir  le  plafonnement  et  mainte- 
nir l'écartemeut  des  parois  ;  on  obtient  ainsi  une  petite  chambre,  parfois  divisée 
elle-même  en  deux  cellules,  de  part  et  d'autre  de  la  chambre  funéraire  centrale 
^(bj  ;  une  fois  que  la  tombe  a  pris  ce  développement,  on  veut  protéger  son 
contenu  plus  efficacement  que  par  le  plafonnement  de  bois  ;  aussi  entasse-t-ou 
au-dessus  un  rectangle  de  briques  ;  pour  en  diminuer  le  poids,  on  fut  amené  de 
bonne  heure  à  disposer  les  briques  eu  encorbellement  ;  devenu  par  là  inutile,  le 
boisage  disparut.  En  même  temps,  à  la  fois  pour  édifier  ces  assises  en  encorbel- 
lement au-dessus  de  la  fosse  et  pour  rendre  cette  fosse  même  plus  profonde,  ou 
fut  auK^né,  pendant  les  travaux,  à  garder  un  des  côtés  de  la  fosse  en  plan  incliné  ; 
de  là,  sans  doute,  Tidée  d'accéder  au  fond  de  la  tombe  par  des  degrés  taillés  dans 
le  sable  et  recouverts  de  briques.  L'escnlier  apparaît  dès  les  tombes  à  plafonnement 
à  la  fin  de  la  1*  dynastie  (c)  ;  sa  combinaison  avec  la  voûte  (rf)  semble  s'être 
accomplie  sous  la  IP  et  la  III*  dynastie.  Enfin,  sous  la  IV"  dynastie,  la  tombe 
voûtée  est  si  bien  entrée  dans  les  traditions  que  les  fosses  les  plus  exiguës,  sans 
chambres  latérales  et  sans  escalier,  se  terminent  en  encorbellement  (e). 

Dans  les  plus  grandes  tombes,  le  mort,  soigneusement  enveloppé,  semble 
avoir  été  couché  à  même  le  sol  préparé  à  cet  effet  ;  mais,  l'humidité  ayant  pu 
pénétrer  ainsi  librement  jusqu'au  squelette,  il  n'en  reste  généralement  plus  rien. 
Dans  les  tombes  plus  petites,  au  contraire,  le  mort,  placé  entre  deux  draps  mais 
non  enveloppé,  ayant  été  déposé  le  plus  souvent  dans  des  caisses  grossières  en 
terre  ou  en  bois,  parfois  dans  des  paniers  calfatés  avec  de  la  boue,  ou  encore  dans 
de  simples  tress(\s  selon  le  système  prédynastique,  le  squelette  s'est  retrouvé  beau- 
coup mieux  conservé.  Sur  3S  squelettes  en  position  contractée,  37  sont  sur  le  flanc 
gauche,  un  seul  sur  le  flanc  droit  ;  23  ont  la  tête  au  sud,  6  à  l'ouest,  5  au  nonl, 
4  à  l'est.  Ainsi,  la  position  contractée  reste  de  règle  pendant  les  quatre  premières 
dynasties;  c'est  pendant  la  V®  qu'apparaîtrait  l'orientation  vers  le  nord  et  le  pre- 
mier squelette  en  position  étendue  serait  celui  que  les  cartouches  d'ITuas  et  do 
Teti  placent  à  la  limite  des  V«  et  YP  d.  (v.  2625). 

Le  mobilier  des  tombes  est  principalement  constitué  par  la  poterie,  tant  eu 
terre  qu'en  pierre.  Les  vases  en  terre  sont  d'abord  en  pur  limon  qui  rougit  pui> 
brunit  à  la  cuisson  ;  ensuite,  ce  limon  est  de  plus  en  plus  mêlé  d'argile  qui,  selon 
les  proportions,  prend  des  teintes  qui  vont  du  rose  au  brun.  Les  vases  en  pierre 
sont  creusés  au  villebrequin  et  polis  au  sable  dans  des  matières  divers(^s,  albâtre, 
ardoise,  brèche,  calcaire,  marbre  et  leur  nombre  augmente  de  façon  comsidé- 
rable,  de  15  ou  20  dans  les  grandes  tombes  à  plafonnement  et  de  1  ou  4  dans  les 
petites  tombes  de  ce  type  à  35  et  55  dans  les  grandes  tombes  à  voûte  et  7  et  9 
dans  les  petites. 

Outre  quelques  beaux  silex  en  forme  de  couteau,  les  tombes  contiennent 
bon  nombre  d'instruments  de  cuivre  :  gouges,  ciseaux,  haches.  Le  cuivre  et  For, 
battus  en  minces  lamelles,  forment  des  anneaux  et  des  bracelets  ;  mais  ce  qui 
semble  le  plus  apprécié  en  fait  de  bijouterie,  ce  sont  les  colliers  et  chaînes  en 
verres  et  en  pierres  de  toute  sorte,  steatite,  hématite,  cornaline,  améthyste,  gre- 
nat, etc.  Autrement  importante  est  la  trouvaille  de  14  cachets  cylindriques  et 
d'une  impression  de  sceau  ;  à  côté  des  cylindres  royaux  et  officiels  d'Abydos,  ce 
sont  les  premiers  cylindres  privés  portant,  semble-t-il,  le  nom  et  les  titres  de 
leurs  possesseurs.  En  dehors  de  ces  représentations  idéographiques,  quelques 
vases  apportent  des  graffites  curieux  où  l'on  ne  peut  guère  voir  que  des  marques 
de  propriété.  Une  simple  comparaison  suffit  à  montrer  que  les  idéogrammes  pro- 


1908.]  ANALYSES.  [P.  373. 

todynastiques  des  cylindres  dérivent  des  gravures  ou  peintures  prédynastiques. 
Aussi  M.  Reisner  repousse-t-il  avec  raison  cette  théorie  de  l'origine  babylonienne 
<lu'on  a  voulu  imposer  à  récriture  comme  à  tous  les  autres  arts  que  les  pharaons 
horions  auraient  introduits  en  Egypte.  Toutefois,  la  raison  qu'il  invoque  —  que, 
en  prenant  dans  les  deux  systèmes  des  signes  dérivés  du  même  idéogramme,  on 
les  trouverait  à  un  stade  beaucoup  plus  primitif  dans  l'Abydos  de  Mènes  que 
dans  TAgadè  de  Naram-Sin  et  que,  par  conséquent,  l'Egypte  n'a  pu  les  recevoir 
de  la  Chaldée  —  n'est  pas  recevable  puisque,  selon  toute  probabilité,  Menés  est 
d(*  plus  de  cinq  cents  ans  antérieur  à  Naram-Siu  (3500  et  2750).  Il  aurait  mieux 
valu  insister  sur  le  caractère  proprement  égyptien  de  nombreux  signes  dont  l'idée 
n'a  pu  venir  que  sur  les  bords  du  Nil  et  sur  les  aftinités  libyennes  des  graffiti. 

C(^  serait  de  ce  double  fond  de  signes  idéographiques  et  de  marques  de 
propriété  que  les  besoins  mêmes  de  la  société  égyptienne,  qui  perfectionne  et  com- 
l>liqu.?  ses  rouages  sous  les  premiers  rois  horiens,  auraient  tiré  peu  à  peu  un  système 
fxraphique  dont  nos  documents  permettent  déjà  de  constater  les  progrès  pendant 
les  deux  premières  dynasties.  «C'est  ce  besoin  de  représenter  les  dieuxet  les  chefs, 
le  besoin  plus  général  de  marques  de  propriété,  celui  de  transmettre  ordres  et 
pouvoirs  du  prince  à  ses  agents,  celui  encore  de  distinguer  les  années  en  rappelant 
pour  chacune  les  exploits  du  prince  —  ce  sont  toutes  ces  nécessités  impérieuses, 
écrit  M,Rtisner(p.  125J,  qui  auront  causé  les  progrès  si  rapides  du  système  graphi- 
<pie.  Les  premiers  exemples  qui  nous  en  soient  parvenus  ne  font  que  satisfaire  à  ces 
nécessités.  Comme  tous  les  arts  nouveaux,  l'écriture  a  été  inventée  pour  et  par 
ceux  qui  en  ont  eu  le  besoin  et  le  moyen  —  les  chefs  et  les  rois  n.  Sans  discuter 
<'(»tte  intéressante  théorie  —  qui  ferait  jouer  à  Menés  le  rôle  du  petit  roi  du 
Banum  créant  une  nouvelle  écriture  nègre  signalée  par  M.  Van  Gennep  ici  même 
(BEES,  1908,  136)  —  arrêtons-nous,  pour  finir,  sur  les  importantes  conclusions 
que  M.  Reisner  tire  d'un  tableau  où  il  a  mis  en  regard,  sur  tous  les  points  essen- 
tiels, les  caractéristiques  fournies  par  les  tombes  des  périodes  prédynastique  et 
l)rotodyuastique.  Si  elles  difl'èrent  assez  sensiblement,  on  ne  constate  cependant 
entre  elles  aucune  solution  de  continuité  ;  seulement,  le  grand  développement  ed 
la  métallurgie  du  cuivre  qui  marque  le  début  des  dynasties,  par  la  prédominance  de 
s(.*s  proiluits  propres  (les  instruments  en  métal  font  prévaloir  la  vaisselle  et  l'archi- 
tecture en  pierre),  rejette  dans  Tombre  la  taille  des  silex  et  la  fabrication  des 
vases  de  terre  cuite  qui  avaient  atteint  une  si  rare  perfection  à  l'époque  prédy- 
nastique. L'activité  industrielle  s'est  déplacée,  mais  c'est  toujours  celle  du  même 
peuple  et  je  crois  avec  M.  R.  «  impossible  de  se  dérober  à  la  conclusion  que  les 
habitants  de  l'Egypte,  depuis  le  début  de  l'époque  prédynastique  à  la  fin  de  la 
période  protodynastique,  forment  une  seule  race  dont  nous  pouvons  suivre  les 
progrès  continus  et  laborieux  (pii  finirent  i)ar  lui  valoir  cette  terre  et  cette  civilisa- 
tion que  nous  appelons  égyptiennes  r.  A.  J.  Reinach. 


p.  374.]  •    R    •    Ë    •    E    •    S    •  [1908« 


NOTICES  BIBLIOGRAPHIQUES. 


Louis  de  La  Vallée  Poussin.  Traduction  du  Bodhicaryävaiära,  Introduction  à  la  pra^ 
tique  des  futurs  Bouddhas^  Poème  de  Çàntideva,  Paris,  Bloud,  1907,  S»,  xn-144  pp. 
(Extrait  de  la  Revue  cThistoire  et  de  littérature  religieuses,  T.  X,  XI  et  XII,  1905, 
1906  et  1907).  —  Le  Bodhicaryâvatàra  publié  en  1889  par  Minayepp*  a  déjà  été  Tobjet 
d'intéressantes  études  de  la  part  de  M.  de  La  V.  P.*,  qui  en  publie  en  ce  moment  même 
le  texte  et  le  commentaire  complets  dans  la  Bibliotheca  Indica.  L'auteur  était  donc 
mieux  préparé  que  tout  autre  pour  donner  du  poème  de  Çântideva  une  traduction 
exacte  et  un  commentaire  substantiel.  Il  est  regrettable  cependant  qu*il  ait  cru  devoir 
fondre  l'un  dans  l'autre.  S'adressant  au  grand  public  et  craignant  qu'une  traduction 
littérale  de  la  strophe  sanskrite  si  concise,  si  ramassée,  ne  demeure  souvent  peu  intel- 
ligible, M.  de  la  V.  P.  a  incorpoi'é  à  chaque  stance,  en  les  plaçant  entre  crochets,  des 
phrases  ou  des  membres  de  phrases  entiers  tirés  du  commentaire  de  Prajflâkaramati  et 
destinés  à  relier  les  stances  entre  elles,  à  éclairer  les  passages  obscurs,  à  expliquer  les 
mots  et  les  pensées  difficiles.  Il  en  résulte  à  la  lecture  une  impression  pâteuse,  délayée, 
aussi  peu  littéraire  que  possible  ;  nous  aurions  préféré  voir  toutes  ces  explications,, 
d'ailleurs  fort  utiles,  souvent  même  indispensables,  à  leur  véritable  place,  au  bas  des 
pages  :  la  compréhension  n'y  aurait  rien  perdu  et  la  traduction  y  aurait  gagné. 

Il  est  regrettable  aussi  que,  cédant  à  des  scrupules  d'orthodoxie,  M.  de  la  V.  P.  ait  cru 
devoir  supprimer  la  traduction  du  dernier  chapitre,  parce  que  «  la  tradition  recueillie 
par  Târanâtha  établit  que  des  doutes  régnaient  dans  la  Communauté  sur  l'authenticité 
de  ce  chapitre,  n 

Ces  critiques^  ne  sauraient  diminuer  en  rien  la  valeur  du  travail  de  M.  de  la  Y.  P.,  ni 
le  service  qu'il  a  rendu  aux  études  religieuses,  en  mettant  à  la  portée  de  tous  un  ouvrage 
aussi  important  que  le  Bodhicaryâvatàra,  cette  «<  sorte  de  pendant  buddhique  de  l'/mi- 
tation  »  (Barth,  Bullet,  des  religions  de  l'Inde^  1894,  p.  19).  Le  poème  de  Çântideva, 
adepte  du  Grand  Véhicule  et  plus  spécialement  de  Técoie  Mâdhyamika,  roule  en  effet  sur 
un  sujet  fondamental,  vital  pour  le  Buddhisme  du  Nord.  Le  Bodhisattva,  «  candidat  k 
la  bodhi»,  futur  Buddha,  Saint  compatissant  qui  pratique  toutes  les  vertus  dans  le  seul 
intérêt  des  créatures,  est  l'idéal,  le  modèle,  le  type  du  surhomme  pour  les  adeptes  du 
Matâyâna.  Le  poème  de  Çântideva  est  un  exposé  méthodique  des  moyens  propres  à 
assurer  au  fidèle  cet  état  bienheureux,  première  étape  vers  le  nirvâça.  C'est  dire  assez 
qu'il  donne  en  raccourci  une  vue  d'ensemble  de  la  dogmatique  et  de  la  morale  buddhique» 
Tel  chapitre,  conune  le  neuvième,  qui  traite  de  la  Vertu  de  Science  (prajnâ  päramitä) 
est  extrêmement  riche  en  discussions  fort  intéressantes  avec  les  écoles  buddhiques 
rivales  et  avec  les  non-buddhistes,  védantistes  ou  autres.  Enfin,  toute  l'œuvre  respire 
un  pai'fum  d'ardente  charité,  de  compassion  et  d'ardeur  apostolique  qui  en  i-endent  la 
lecture  singulièrement  attachante.  O.  Cœdès. 

Vincent  A.  Smith.  The  early  history  of  India,  from  600  B.  C,  to  the  muhammadan  con- 
quest; 2^  edition,  revised  and  enlarged;  Oxford,  Clarendon  Press^  1908;  8«  xn-462  pp. 
9  planches,  6  cartes.  —  Trois  années  ont  suffi  à  épuiser  la  première  édition  du  manuel 
de  M.  Y.  S.  C'est  là  un  succès  que  justifient  pleinement  l'intérêt  du  sujet  et  la  manière 
agréable  dont  il  a  été  traité.  Il  est  inutile  de  revenir  en  détail  sur  les  critiques  dont 
l'ouvrage  fut  l'objet  lors  de  son  apparition,  et  qui  subsistent  encore  en  face  de  la  nou- 


1  Zapishi  de  la  Section  orientale  de  la  Société  impériale  russe  d'archéologie,  T.  IV,  p.  156. 

^  Traduction  des  chap.  I-Y  et  X  dans  le  Muséon  (1892),  texte  et  commentaire  du  cbap.  IX 
dans  :  Bouddhisme,  Etudes  et  Matériaux,  Londres,  1898. 

3  Que  M.  de  la  V.  P.  nous  permette  de  lui  signaler  l'insuffisance  de  quelques-unes  de  ses  rôfé- 
renées  ;  il  compte  trop  sur  la  science  de  ses  lecteurs  en  des  renvois  tels  que  :  (p.  54)  «  Voir  Garbe, 
Die  Särjtkhyaphilosophie  n,  ou  (p.  77)  «  Voir  Senart,  Légende  du  Buddha  n  sans  indication  de- 
pages. 


1903.]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  376. 

velle  édition  :  critiques  génôrales  sur  l'économie  même  du  voiume,  sur  ia  place  démesu- 
i^  accordée  au  récit  de  la  campagne  d'Alexandre,  et  au  chapitre  «  Açoka  »  dans  lequel 
Fauteur  a  déversé  la  majeure  partie  d'une  monographie  sur  le  même  sujet,  (V/a  Smith, 
Asoha^  the  buddhist  Emperor  oflndia^  Oxford,  1901.)  sur  la  trop  grande  brièveté,  au 
contraire,  dos  derniers  chapitres  relatifs  aux  dynasties  médiévales;  critiques  de  détail 
sur  certaines  théoiies  chronologiques,  historiques,  ou  autres.  Quelques  additions,  chan- 
gements ou  remanîments  nécessités  par  les  nouvelles  découvertes  contribuent  à  amélio- 
rer l'ouvrage  en  le  tenant  au  courant  :  on  en  trouvera  la  liste  à  la  tin  de  la  préface.  Tel 
qu'il  se  présente,  avec  ses  imperfections,  inévitables  dans  un  sujet  si  vaste  et  si  peu  mûr 
encore  pour  la  vulgarisation,  mais  aussi  avec  ses  très  réelles  qualités  de  clarté  et 
d'élégance  dans  l'exposition,  ce  manuel  est  propre  à  initier  d'une  manière  suffisam- 
ment exacte  le  public  désireux  de  s'orienter  dans  l'histoire  de  l'Inde.  Ses  meilleures 
pages  sont  précisément  celles  qui  sont  le  plus  capables  d'intéresser  les  lecteurs  de  la 
H.  £.  B.  S.,  nous  voulons  parler  des  paragraphes  relatifs  à  la  politique  intérieure  et  à 
l'administration  des  Mauryas,  des  Guptas  et  des  autres  grandes  dynasties  indiennes, 
ainsi  que  de  ceux,  font  nombreux,  qui  traitent  des  rapports  réciproques  entre  Tlnde  et 
l'Occident.  G.  Cœdës. 

W.  A.  Graham.  Kelantan,  inl6,  13S  p.,  LXIII  pi.,  1  carte.  Glasgow,  J.  Me  Lehose  &  sons, 
1908,  5  sh.  —  Les  événements  politiques  ont  à  maintes  reprises  attii*é  l'attention  ces 
années  dernières  sur  l'Etat  de  Kelantan,  dans  la  presqu'île  de  Malacca.  Il  semble  des- 
tiné, si  Ton  en  croit  M.  0.,  à  un  grand  avenir  commercial,  et  c'est  à  une  étude  surtout 
économique  qu'est  consacré  ce  joli  livre,  bien  illustré.  Les  chap.  V  à  IX  fournissent 
cependant  des  données  originales  sur  les  populations  de  l'Etat,  (Malais,  Chinois, 
Siamois,  etc.)  sur  leur  costume,  leur  religion  (Islam,  du  rite  Schaâ*ite)  et  surtout  sur 
leur  histoire.  Des  renseignements  pratiques  terminent  le  volume,  excellent  manuel  à 
l'usage  des  globetrott3rs  et  des  commerçants.  A.  v.  G. 

JoH.  Snelleman.  Merauke,  en  watddaraanvoorafging.  Extrait  (p.  106-117)  de  De  Aarde 
en  haar  Volken,  4«,  Harlem.  —  Bon  exposé  de  l'histoire,  de  la  géographie  et  de  l'ethno- 
graphie de  la  région  de  Merauke,  en  nouvelle  Guinée  hollandaise,  avec  photographies 
de  types  et  de  parties  du  costume  et  quelques  renseignements  linguistiques.    A.  v.  G 

Mission  Arnaud -Gortier.  Nos  confins  Sahariens  (Etude  d'organisation  militaire),  par  le 
cap.  E.  Arnaud  et  le  lient  M.  Gortier,  de  l'infanterie  coloniale.  —  Paris,  Emile  Larose, 
1908. 1  vol.  in -8  de  512  pages,  avec  96  photogravures,  7  cartes  ou  croquis  hors  texte  et 
6  croquis  de  profils  de  montagnes.  12  fr.  —  Cet  ouvrage  est  surtout,  comme  l'indique 
son  sous-titre,  une  étude  d'ordre  militaire  et  très  documentée  sur  l'organisation  passée, 
présente  et  à  venir  des  groupes  mobiles  sahariens  de  cavaliers  et  de  méharistes  chargés 
d'assurer  la  police  et  la  pénétration  du  Sahara  tant  au  Sud  de  l'Algérie  qu'au  nord  du 
Sénégal  et  du  Soudan  Français.  (Cependant  on  y  trouvera  aussi  çà  et  là  des  considéra- 
tions d'ordre  ethnographique,  provenant  d'obseiTations  consciencieuses,  sur  le  carac- 
tère et  la  vie  des  nomades  sahariens,  soit  Arabes  (tribus  du  Sud-Est  marocain,  Chaamba 
du  Sud  Algérien,  Maures  de  la  Mauritanie,  Kounta  de  la  région  de  Tombouctou,  Oulad- 
SJiman  de  la  région  du  Tchad),  soit  Berbères  (tribus  du  Tafllelt  et  Touareg);  sur  leur 
utilisation  des  chevaux  et  des  chameaux  de  selle  et  de  bât,  leur  façon  de  soigner  les 
mehara,  de  les  dresser,  de  les  abreuver,  de  les  nourrir;  aussi  sur  leura  modes  de  com- 
bat, leurs  habitudes  de  guerre,  leurs  expéditions  de  pillage,  etc.  Le  rapport  du  lieute- 
nant Gortier  (2»  partie)  renferme  des  descriptions,  accompagnées  de  quelques  flgui'es, 
d'ustensiles  employés  par  les  nomades  Sahariens  (selles,  bâts,  outres,  etc.).  Plusieurs 
des  nombreuses  photographies  qui  illustrent  le  volume  contribuent  â  nous  faire  con- 
naître le  vêtement,  l'armement,  etc.  des  Touareg.  Les  auteurs  divisent  la  société,  chez 
les  Touareg,  en  deux  castes  auxquelles  ils  donnent  les  noms  (ïlmocharh  (nobles)  et 
Imrad  (serfs  ou  caste  populaire),  indépendamment  des  Bella  ou  esclaves  nègres.  Ils 
représentent  l'ensemble  du  peuple  Touareg  comme  formant  six  tribus  ou  confédérations 
principales  :  Taïtoh  au  Nord-Ouest  du  Sahara  Central,  Hoggar  au  centre  (massif  de 
l'Ahaggar),  Azcfjer  â  l'est  (sud-ouest  de  la  Tripolitaine),  Iforhas  dans  l'Adrar  Oriental 
(au  sud-ouest  des  Hoggar),  Ouliminden  dans  la  région  Nigérienne,  et  enfin  une  fraction 
paraissant  n'avoir  pas  de  nom  générique  et  s'ôtendant  à  Test  des  deux  précédentes 
jusqu'aux  environs  du  Tchad  (comprenant  les  Kel-Gress,  Kel-Rharous,  Kel-Air, Kel-  Ckci\ 
Kel'Fadef,  etc. 


p.  376.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  ^  [1908. 

Le  lieutenant  Cortier  a  recueilli  dans  I'Adrar  Oriental  des  documents  historiques  et 
ethnographiques  sur  l'avancement  progressif  des  Touareg  vers  le  Sud,  sur  l'occupation 
ancienne  de  i'Adrar  par  les  Nègres  Sonrhaî  et  sur  les  mœurs  et  coutumes  des  Iforhas  ; 
mais  ces  documents  ont  été  i^éservés  pour  une  publication  spéciale  ultérieure,  qui  ne 
manquera  pas  d'être  une  très  intéressante  contribution  à  l'ethnographie  saharienne,  si 
nous  en  jugeons  par  le  mérite  et  l'mtérét  do  Touvrnge  que  viennent  de  nous  donner 
MM.  Arnaud  et  (Mortier.  M.  Delafossr. 

Commandant  Henri  Oaden.  Note  sur  Je  dialecte  Foui  parlé  par  les  Foulbé  du  BaguirmL 
(Extrait  du  n*»  de  janv  -fév.  1908  du  Journal  Asiatique^  Paris,  Imprimerie  Nationale  et 
Ernest  Leroux,  70  pages  in-S).  —  Mis  à  mémo  d'étudier  les  Foulbé  et  leur  langue  par 
divers  séjours  dans  les  régions  du  Sénégal-Niger,  du  Zinder  et  du  Chari-Tchad,  M.  le 
Cdant  Gaden  a  traité  spécialement  dans  cette  étude,  excellente  à  tous  points  do  vue,  du 
dialecte  parlé  par  les  Foulbé  qui,  venus  des  provinces  orientales  de  l'Adamaoua  depuis 
la  rtn  du  xv  ou  le  commencement  du  xvi*  siècle,  se  sont  établis,  à  côté  de  peuples  de 
race  nègre,  dans  la  région  qui  forme  aujourd'hui  le  Baguirmi.  Cette  étude,  trop  modes- 
tement dénommée  «  note  •  par  son  auteur,  constitue  l'une  des  plus  précieuses  contribu- 
tions â  la  connaissance  de  la  langue  Foui  et  complète  de  façon  très  heureuse,  en  le 
rectitiant  parfois,  le  Manuel  de  Guiraudon.  C'est  ainsi  que  M.  Gaden  se  sépare  de  Faid- 
herbe  et  de  Guiraudon  en  ce  qui  concerne  la  division  de  la  nature  en  deux  grandes 
classes  attribuée  aux  Foulbé  par  ces  deux  auteurs,  savoir  :  d'une  part  les  êtres  humains» 
d'autre  part  tout  ce  qui  n'est  pas  l'homme.  «  Dans  la  réalité,  dit-il,  il  n'y  a  pas  de  genre 
en  foui,  et  cela  est  tellement  vrai  qu'un  Foui  parlant  à  son  chien,  à  sa  vache,  em- 
ploiera le  môme  pronom  de  la  2'  personne  que  s'il  parlait  à  un  homme...  Les  pronoms 
des  l""«  et  2*  personne  soni  communs  à  tous  les  noms.  Seuls,  les  pronoms  des  3«^  peis. 
diffèrent...  Chaque  pronom  de  la  3'  pers.  sing,  désigne  une  catégorie  d'èti^es,  d't)bjets 
ou  d'abstractions  présentant  entre  eux  un  lien  commun  qu*il  n'est  plus  toujoui's  pos- 
sible de  reconnaître  aujourd'hui  et  dont  la  détermination  nous  fournirait  des  données 
fort  intéressantes  sur  la  mentalité  des  Foulbé  et  leur  conception  de  la  nature.  Parmi  ces 
pronoms,  l'un  d'eux,  mo  ou  *o,  ne  désigne  que  l'homme,  de  même  que  dam  ne 
désigne  que  les  liquides.  Etant  donné  la  règle  de  formation  des  noms  ,...  il  est 
naturel  que  le  suffixe  de  formation  comporte  au  singulier  la  voyelle  o,  caractéris- 
tique de  l'homme.  Au  pluriel,  le  pronom  be  ne  peut  servir  que  pour  l'homme,  sauf 
incorrection.  C'est  là  le  seul  argument  en  faveur  de  la  classiücation  adoptée  pai*  de 
Guiraudon.  Quant  au  fait  que  les  mots  du  «  genre  commun  n  (homme  et  femme)  piv- 
sentent  comme  radicale  initiale  la  permutante  (consonne  mise  à  la  place  de  la  consonne 
correspondante  de  la  racine),  il  n'est  pas  caractéristique,  puisque  le  mémo  fait  se  pro- 
duit pour  toute  une  classe  de  mots  du  -  genre  neutre  «  (désignant  des  êtres  non-humains), 
ceux  en  dum.  n 

On  n'aurait  plus  alors  deux  genres,  mais  bien  un  certain  nombre  de  classes,  l'humanité 
formant  simplement  Tune  de  ces  classes  :  le  suffixe  'o  ou  do  (avec  radicale  initiale  \)er- 
mutée)  désignerait  un  être  humain  au  singulier:  le  suffixe  e  ou  i  (avec  radicale  initiale 
permutée)  désignerait  la  pluralité  d'un  objet;  le  suffixe  be  ou  en  (sans  permutation)  la 
pluralité  d'un  être  humain  ;  le  suffixe  dum  (avec  permutation)  les  mots  abstraits  ou  les 
noms  d'instruments  ;  le  suffixe  nga  ou  mba  (sans  permutation)  les  grands  herbivores, 
dam  ou  nda  les  liquides,  ndo  ou  ngol  les  noms  verbaux,  ht  les  arbres,  ndi  les  grains, 
re  ou  de  les  langages,  etc. 

L'étude  de  M.  Gaden  renferme  une  partie  grammaticale  et  morphologique  (35  pages», 
de  nombreuses  phrases  pourvues  chacune  d'une  traduction  littérale  (11  pages),  un 
recueil  de  mots  classés  par  racines  (20  pages)  et  entln  deux  textes  en  dialecte  foui  de  Say 
(bas  Mger)  avec  traduction  littérale  (4  pages).  Le  premier  de  ces  textes  est  une  légende 
historique  sur  l'origine  des  Djerma  ou  Sonrhai  de  l'Est.  Au  début  de  la  notice,  on  trou- 
vera quelques  considérations  judicieuses  sur  le  sens  ouest-est  des  migrations  Foulbé  qui 
se  sont  répandues  du  Niger  au  Ouadaï,  les  plus  anciennes  dont  les  indigènes  se  sou- 
viennent étant  parties  du  pays  de  Mali  ou  Melle.  M.  Gaden  fait  observer  que,  si  autrefois 
les  Foulbé  sont  venus  de  la  vallée  du  Nil  et  si  leurs  migrations  de  l'ouest  à  l'est  des 
derniers  siècles  ne  sont  que  des  contre-migrations,  «  leur  premier  exode  n'a  laissé  du 
moins  aucune  trace,  ni  dans  les  pays  au  sud  du  Sahara,  ni  dans  les  traditions  des 
Foulbé  actuels  ».  .le  dois  noter  cependant  que  quelques  traditions  indigènes,  entre  autres 


1908.]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  377« 

celle  recueillie  par  Clapper  bon  auprès  de  Mohammed  Bello,  sultan  de  Sokoto  vers  le 
milieu  du  xix«  siècle,  font  venir  du  Yemen  les  premiei*s  ancêtres  des  Foulbè. 

Entre  autres  indications  utiles  que  nous  fournit  Tètude  de  M.  Gaden,  je  relève  que  le 
mot  Hàbbé  ou  Hàbé  (plus  correctement  Ha^be),  dont  on  a  voulu  faire  le  nom  de  diverses 
peuplades  du  Soudan  Occidental  ou  Central  —  (nom  des  Tombo  ou  Tommo  des  hauteurs 
à  Test  du  Massina  d'après  le  lieut.  Desplagnes,  nom  soi-disant  véritable  des  Haoussa 
d'après  le  cap.  anglais  C.  W.  Orr  dans  Journal  of  the  African  Society  d'avril  1908)  — 
est  tout  simplement  le  pluriel  du  mot  ka*do  ou  haddo,  par  lequel  les  Foulbé  désignent 
tout  indigène  de  race  nègre,  par  opposition  aux  Foulbé  eux-mêmes,  aux  Arabes  et  aux 
Touareg.  M.  Delafosse. 

J.  Halkin.  Quelques  peuplades  du  district  de  VUelé,  S®,  155  pages,  2  planches,  carte  en 
couleurs,  Liège,  D*  Cormaux,  1907.  —  M.  H.,  professeur  d'ethnographie  à  l'Université 
de  Liège,  a  été  l'un  des  membres  les  plus  actifs  du  Congrès  d'expansion  mondiale  de 
Mons  ;  il  est  l'auteur  du  Questionnaire  de  la  Société  Belge  de  Sociologie  et  le  promoteur 
d'un  mouvement  scientifique  qui  se  manifeste  par  la  publication  d'une  collection  de 
monographies  ethnographiques,  (distincte  de  celle  de  M.  Van  Overberg;  cf.  R.  E.  E.  S. 
n«  5,  p.  276).  Plusieurs  peuplades  du  district  de  l'Uelé  seront  étudiés  monographique- 
ment  ;  ce  premier  fascicule  contient  :  a)  l'Introduction  générale,  où  M.  H.  développe  à 
nouveau  les  idées  déjà  exprimées  par  lui,  à  maintes  reprises,  sur  la  nécessité  et  la  portée 
de  l'ethnographie;  b)  la  monographie  des  Ababua.  Le  procédé  d'exposition  est  le  même 
que  celui  de  M.  Van  Overbergh  :  documents  in  extenso  juxtaposés  après  classement 
par  matières,  avec  pages  en  blanc  pour  permettre  l'insertion  de  compléments  ultérieurs. 
En  définitive  on  n'a  sur  les  Ababua  que  des  renseignements  très  superficiels  ;  comme 
tabous  alimentaires,  on  citera  ceux  qui  sont  relatifs  à  la  chair  de  Thippopotarae,  du 
léopard  et  du  gorille  baés  semble- t-il  sur  la  croyance  à  la  réincarnation  (p.  102);  canniba- 
lisme limité  aux  prisonniei*s  de  guerre  et  aux  esclaves  d'un  chef  décédé  (n^  96)  ;  pas  de 
tatouage  (disent  les  observateurs),  mais  des  scarifications,  quelques-unes  de  valeur 
magique  ;  maison  cylindrique  en  écorce  à  toit  conique  on  rectangulaire  à  mur  de  base  en 
pisé,  ;  existence  d'une  maison  commune  (cf.  n«  46)  ;  villages  composites  à  ouvrages  défen- 
sifs.  Les  renseignements  sont  surtout  insuffisants  pour  tout  ce  qui  a  trait  à  la  vie 
familiale,  aux  rites,  à  la  constitution  sociale.  On  exhume  successivement  trois  fois  le 
cadavre,  pratique  dont  la  raison  n'est  pas  donnée.  A  noter  que  le  likundu  est  "  imper- 
sonnel et  amorphe  ;  on  a  le  likundu  comme  on  a  le  mauvais  œil  dans  certaines  contrées 
européennes  r  ;  et  du  reste  de  la  description  p.  101  il  ressort  nettement  que  par  likundu 
on  entend  la  sorte  de  mana  dissociée  qui  est  maléflciente  ;  preuve  de  plus  que  la  théorie 
«  impersonaliste  »  de  la  puissance  magico-religieuse  a  bien,  quoiqu'en  pense  le 
P.  Schmidt  (Anthropos,  1908,  p.  604,  note  2)  une  base  réelle.  A  v.  G. 

A.  DE  Calonne.  Deux  totems  de  VUellé,  Extr.  (9  p.)  du  Bull,  de  la  Soc.  Belge  de  Géogr., 
1907.  —  C'est  par  une  extension  de  sens  absolument  inadmissible  que  M.  de  C.  nomme 
totems  deux  puissances  surnaturelles  révérées  l'une  par  les  Azandi  et  les  Ababua,  qui 
est  la  «bête  d'en  haut»,  personnification  zoomorphique  de  l'orage  ou  du  cyclone  et 
réceptacle  de  morts  redoutés  ;  l'autre  révérée  par  las  Bakango,  qui  est  le  «  serpent 
d'eau  »>,  les  Bakango  étant  les  "  gens  de  l'eau  «.Avant  qu'on  puisse  parler  à  leur  sujet  de 
totémisme,  il  faudrait  déterminer  la  coexistence  de  tous  les  principes  fondamentaux  et 
caractéristiques  de  ce  système  à  la  fois  religieux  et  social.  A.  v.  G. 

F.  Harroy.  Ethnographie  congolaise  :  Les  Bakuba.  Extr.  (44  p.  et  fig.)  du  Bull,  de  la  Soc. 
Belge  de  Géogr.,  1907.  —  Mémoire  intéressant,  où  l'on  trouvera  des  renseignements 
assez  détaillés  sur  l'organisation  politique  (hiérarchie  de  quinze  grades,qui  rappelle  celle 
du  Loango),  la  société  secrète  des  Mutchi,  le  langage  des  tambours,  la  situation  de  la 
femme,  les  danses  rituelles  et  erotiques,  etc.  des  Bakuba.  Des  ustensiles  et  des  masques 
sont  reproduits  en  photographie  ;  on  ne  voit  pas  comment  l'auteur  découvre,  en  suivant 
le  D»"  Dryepondt,  une  influence  égyptienne  dans  l'art  ornemental  bakuba,  très  riche  et 
très  varié.  A.  v.  G. 

E.  M.  Andrews,  The  «  Webster  n  7^uin  in  Southern  Rhodesia,  Africa.  Extr.  (13  p.,  flg., 
3  planches)  des  Smithsonian  Miscellaneous  collections,  1907.  —  M.  A.  a  trouvé,  au  cours 
de  ses  fouilles  des  fragments  de  porcelaine  de  Chine  à  dessins  bleu  sombre  sur  fond 
blanc  et  de  verre  vert  épais  (â  1  mètre  de  profondeur),  des  anneaux,  des  têtes  de  flèche, 


p.  378.]  •    R    •    E    •    E    •    S    -^  [1908. 

un  fragment  de  hache,  etc.  en  fer  :  ce  qui  date  la  «  Webster  Ruin  »,  de  la  an  du  xvi* 
au  commencement  du  xvw  siècle;  le  •  temple  i»  est  regardé  par  M.  A.  comme  l'œuvre 
de  Nôgres,  ce  qui  contiime  sur  un  nouveau  point  les  théories  de  Randall  Mac  Iver,  de 
Yon  Luschan,  etc.  A.  v.  G. 

F.  C.  Sblous.  African  nature  notes  and  reminiscences,  8«,  356  p.,  XI  pi.,  Londres,  Mac- 
millian  &  G»,  1908, 10  sh.  —  L'auteur,  bien  connu  déjà  par  ses  récitsde  chasse,  a  consacré 
la  majeure  partie  du  présent  volume  à  une  description  des  mœurs  animales  en  Afrique, 
qui  font  justice  d*un  grand  nombre  d'erreurs.  On  lira  notamment  avec  profit  sa  discus- 
sion sur  le  mimétisme  et  sur  le  rôle,  dans  la  coloration  du  pelage,  de  la  sélection  natu- 
relle et  sexuelle  ;  sur  ce  point  encore,  les  théories  de  Dai'win  doivent  être  soumises  à  une 
limitation  cx>nsidérable.  Au  cours  de  ses  chasses,  M.  S.  a  eu  Toocasion  d'étudier  de  près 
un  certain  nombre  de  Bantous,  de  Bushmen  et  de  Hottentot^.  Le  dernier  chapitre 
notamment  fournit  sur  la  tribu  bushmen  des  Masartoa^  d'utiles  renseignements, 
d'autant  plus  (Jue  plusieurs  d'entre  eux  remontent  à  1872.  alors  que  les  Masarwa 
n'étaient  encore  armés  que  d*arcs  et  de  flèches.  M.  S.  n'a  jamais  rencontré  dans  le 
Transvaal  septentrional  de  Pygmées  qui  appartiendraient  à  un  groupement,  dénommé 
Kattea  par  A.  H.  Keane,  et  qui  seraient  couleur  de  poix  par  opposition  aux  Bushmen  à 
peau  jaunâtre  et  aux  Bantous  de  haute  taille.  Et  c'est  sur  une  expérience  de  plus  de 
20  années  que  M.  S.  se  fonde  pour  nier  l'existence  de  ces  pygmées.  Des  renseignements 
linguistiques  et  anthropologiques  que  donne  M.  S.,  il  ressort  que  ces  Masarwa  sont 
bien,  comme  le  croyait  aussi  Stow  (Nat.  Races  South  A/r.,  1905,  p.  265),  le  résultat  d'un 
croisement  entre  Bushmen  et  Bantous,  quoiqu'on  pense  M.  S.  p.  337-338  ;  il  croit  aussi  à 
la  pureté  des  Bakalahari,  qu'il  regarde  comme  de  vrais  Bechuana.  En  tout  cas  (cf.  p.  344 
et  suiv.)  bien  que  se  trouvant  à  un  stade  fort  ancien  du  développement  culturel,  les 
Bushmen  sont,  pour  les  facultés  intellectuelles,  à  peu  de  distance  du  Blanc.  Ceci  dit  pour 
réagir  une  fois  de  plus  contre  cette  erreur  de  raisonnement  qui  consiste  à  juger  de  la 
valeur  réelle  d'un  groupement  demi-civilisé  d'après  l'état  de  sa  civilisation  matérielle. 
On  trouvera  encore  d'autres  notes  po^m,  d'une  utilisation  aisée  gi*àce  à  un  index  très 
détaillé.  A.  v.  G. 

I.  L.  A.  MiLANî.  La  Bibhia  Prebabelica  e  la  Liturgia  dei  Preelleni,  extr.  des  Studi  Reli- 

giosi,  1906,  25  p.  32  ill. 
n.  Th.  Ouspenskiy.  Les  plies  anciens  signes  d^écriture  (o  drevniêshikh  znahakh  pisma), 

extrait  des  Mémoires  de  VJnst.  Arch.  Russe  de  Constantinople,  1906-7,  20  p.,  2  pi. 
III.  E.  Amar.  Essai  sur  Vorigine  de  V  Ecriture  chez  les  Arabes,  extrait  de  la  Rexme 

Tunisienne,  1907,  23  p. 

I.  Dans  ce  mémoire,  lu  d'abord  au  Congrès  d'Athènes  de  1905,  M.  M.  reprend  les  faits 
et  idées  dont  il  a  exposé  le  corps  dans  son  grand  travail  sur  LArte  e  la  Religione 
Preellenica  qu'il  compte  faire  suivre,  dans  ses  prochains  Studi  e  Materiali,  d'un 
travail  complémentaire  sur  l'art  et  la  religion  des  Étrusques.  C'est,  en  effet,  le  parallé- 
lisme do  ces  grandes  civilisations  des  Mycéniens  et  des  Etrusques,  des  Egéens  des  îles 
et  des  côtes  d'Asie,  notamment  de  la  Troade,  et,  dans  l'intérieur  de  l'Asie,  de  l'empire 
Hétéen  qu'il  s'est  depuis  longtemps  attaché  â  faire  ressortir  :  il  n'y  voit  que  les  manifes- 
tations diverses  d'une  même  culture  méditerranéenne  commençant  ici  au  xvu«  s.  av. 
J.-C.  pour  ne  finir  là  qu'au  vn«.  Une  même  rehgion  qu'il  appelle  dactylique  aurait 
caratérisé  ces  civilisations  :  essentiellement  monothéiste  et  trinitaire,  malgré  les  dévelop- 
pements différents  que  lui  auraient  imprimé  les  divers  génies  des  peuples,  une  même 
évolution  l'aurait  conduite  de  l'aniconisme  zoo-  et  phy  tomorphique  que  nous  trouvons  en 
Crète  au  polythéisme  anthi*opomorphe  que  les  Étrusques  auraient  importé  d'Asie  en 
Italie.  —  Sans  doute  ce  tableau  est  séduisant  et  prête  aux  plus  hautes  spéculations,  mais 
combien,  pour  les  y  faire  entrer,  ne  faut-il  pas  forcer  et  altérer  les  faits  !  Ainsi,  dans  son 
nouveaumémoire,>f.M. s'efforced'adapteràsa thèse  favorite  l'interpi'étationdece système 
d'écriture  idéographique  dont,  à  la  fin  de  l'époque  néolithique,  on  rencontre  des  spéci- 
mens sur  tout  le  pourtour  delà  Méditerranée,  des  galets  du  Mas  d'Azil  aux  poteries  d'Aby- 
dos.  Dans  les  signes  de  Knossos,  tant  ceux  qui  sont  gravés  sur  les  murs  —  où  leur  rôle 


^  Appelés  officiellement  (par  le  Bureau  of  Native  Affairs  du  Transvaal)  Maserta,  orthographe 
incorrecte,  le  singulier  étant  Li-sar-wa. 


1908.]  NOTICES   BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  379. 

de  marques  de  tâcheron  est  souvent  incontestable  —  que  ceux  qui  sont  incisés  sur  les 
tablettes  —  où  l'on  a  pourtant  reconnu  avec  certitude  des  comptes  et  pièces  d'archives 
—  il  faudrait  voir,  selon  M.  M.,  autant  de  symboles  divins  :  dans  la  croix  inscrite  dans 
un  cercle,  la  masse  terrestre  orientée  vers  les  4  points  cai'dinaux  ;  dans  le  rameau  à  12 
branches  la  Tellus  Mater  et,  dans  le  groupe  du  rameau,  de  la  bipenne,  du  trident  et  du 
cercle  radié  qu'on  rencontre  sur  un  bloc  de  la  tombe  à  coupole  dite  «  tombe  dldoménée», 
quelque  formule  analogue  k  celle  du  Telltùs  Mater ^  Diipater,  Veiovis,  Mânes  de  la 
liturgie  étrusco-latine  !  —  Jamais  M.  Evans,  en  reconnaissant  une  valeur  religieuse  aux 
bipennes  répétées  sur  chaque  face  d'un  pilier  du  palais  de  Knossos,  n'a  dû  songer  que 
son  hypothèse  donnerait  naissance  à  de  pareilles  extravagances  :  dans  cet  alphabet 
mystérieux  dont  M.  M.  sait  seul  le  secret,  on  regrette  de  reconnaître  un  frère  attardé  de 
la  Langue  Sacrée  de  Soldi-Colbert  de  Beaulieu  ! 

IL  C*est  un  travail  autrement  utile  qu*a  donné  le  savant  directeur  de  l'Institut  Russe 
de  Constantinople,  en  publiant,  en  tète  du  recueil  des  inscriptions  d'Aboba-Preslav  en 
Bulgarie,  les  marques  gravées  par  les  tailleurs  de  pierre  byzantins  du  vm«  et  ix9  siècle. 
Dans  2  planches,  contenant  près  de  250  figures,  il  a  comparé  à  ces  marques  quelques-uns 
des  signes  semblables  qu*on  rencontre  dans  le  monde  égéen  et  dans  l'Egypte  néolithique, 
dans  la  Sibérie  méridionale  et  dans  le  plateau  du  Pamir  (Ephimenko,  Joum,  du 
Minist,  russe  de  l'Instruction  publique  y  1874,  n.  175-6^  des  caractères  runiques 
(d'après  Wimmer-Hoithausen,  Die  Runenschrift,  Berlin,  1887),  enfin  des  marques 
de  maçon  du  Moyen-Age  (d'après  Fr.  Rziha,  Studien  ueber  Steinmetzzeichen,  Vienne, 
1883).  Les  mai-ques  d'Aboba  présentent,  en  effet,  bien  des  analogies  avec  ces  diffé- 
rents systèmes  :  série  de  traits  juxtaposés  parallèlement  en  nombre  variable,  ces 
mômes  traits  réunis  par  une  ou  deux  lignes  transversales,  des  lignes  brisées,  des  croix, 
des  étoiles,  des  flèches,  des  flèches  sur  arc,  des  tridents  et  bidents  etc.  Mais  il  est  difidcile 
de  rien  conclure  d'analogies  d'époque  ou  de  provenance  si  diverses;  des  références 
exclusivement  byzantines  eussent  présenté  un  bien  autre  intérêt  et  l'on  doit  regretter 
que  M.  Ouspenskiy  n'ait  pas  cru  devoir,  faire  usage,  notamment  du  beau  travail  consacré 
par  M.  Choisy  aux  marques  recueillies  à  Sainte-Sophie  et  à  Salonique  comparées  aux 
marques  françaises  du  xiii«  siècle,  qui  paraissent  au  savant  spécialiste  <<  se  rattacher 
aux  sigles  antiques  par  la  continuité  d'une  de  ces  traditions  de  confrérie,  si  nombreuses 
et  si  vivaces  au  sein  des  classes  ouvrières  n  (Rev.  Archéologique^  1876, 1,  P-  359). 

m.  L'article  de  M.  Amar  ne  modifie  guère  ce  que  M.  Ph.  Berger  écrivait  en  1891  sur 
l'origine  de  l'écriture  arabe  (Histoire  de  f  Ecriture  dans  l'Antiquité^  p.  291).  Il  semble 
toujours  que  celle-ci,  sous  sa  forme  KoufiquCy  dérive  du  nabatéen.  Seulement,  le  pre- 
mier spécimen  de  ce  nabatéo-arabe  n'est  plus  le  bilingue  de  Harrân  de  568  ni  le  trilingue 
de  Zébed  de  512,  mais  une  inscription  découverte  en  1902  par  M.  R.  Dussaud  à  Ën- 
Nemâra  dans  le  Hauran  et  qui  porte  la  date  du  7  décembre  328.  De  plus,  d'après  les 
traditions  arabes,  on  peut  préciser  que  cette  écriture  fut  apportée  d' Anbàr.dans  l'Arabie 
du  Nord,  à  La  Mecque  vers  560;  en  624,  on  voit  que  les  Koraïschites  de  cette  ville  con- 
naissent l'écriture,  tandis  que  les  gens  de  Médine  l'ignorent  encore  et  l'apprennent  d'eux 
sur  l'ordre  de  Mahomet;  enfin,  c'est  de  642  que  date  le  plus  ancien  document  actuelle- 
ment connu  qui  soit  rédigé  en  nashhi,  l'arabe  d'Egypte.  —  M.  A.  reâette,  sans  doute  avec 
raison,  la  tradition  arabe  qui  dérive  l'écriture  arabe  du  himyarite;  cependant,  il  aui*ait 
fallu  remarquer  que  c'est  au  noi*d  de  Médine  qu'habitaient  les  Thamoudéens  dont 
l'alphabet  est  très  voision  de  l'alphabet  safaïtique  ;  celui-ci  —  le  Safà  est  une  partie  du 
Haurân  —,  en  même  temps  qu'il  confine  géographiquement  au  domaine  du  Nabatéen, 
serait  le  plus  septentrional  des  alphabets  du  type  sabéen  et  himyarite  (Cf.  Dussaud,  Les 
Arabes  avant  VlsUnUy  1907,  p.  65).  En  même  temps  que  M.  Dussaud  essayait  de  prouver 
l'origine  grecque  —  ou  plutôt  égéenne  (par  les  Créto-Philistins)  —  de  l'alphabet  sabéen, 
M.  E.  J.  Pilcher  (Society  of  Biblical  Arch.,  1907,  p.  123),  a  cherché  à  établir  un  système 
semblable  pour  l'écriture  himyarite  :  la  forme  de  certains  caractères,  le  système 
boustrophédon^  les  mots  séparés  par  un  trait  perpendiculaire,  tout  cela  serait  &  rap- 
procher de  l'écriture  dorienne  telle  qu'elle  était  pratiquée  vers  650  par  les  Grecs 
d'Egypte.  —  On  entrevoit,  sans  qu'il  soit  besoin  d'insister,  que,  si  de  pareilles  théories 
s'établissent,  il  deviendra  difiacile  de  dériver,  avec  M. Amar,  l'alphabet  arabe  du  phénicien 
par  le  palmyrénien  et  de  supposer  que  le  He^jaz  n'a  pas  connu  l'écriture  avant  le  vi»  s. 
de  notre  ère.  On  sait,  du  reste,  que  Glaser  a  d^à  revendiqué  pour  le  U^  millénaire  av. 
J.-C.  les  inscr.  minéennes  du  Sud  de  l'Arabie  (cf  Mordtmann,  ZDJf.,  XLIV,  p.  182) 

A.  J.  Reinach. 


p.  380.]  •    K    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

J.  Baillet.  Les  Tapisseries  cTAntinoé  au  Musée  d'Orléans,  72  p.  et  27  pi.  in-8'*,  Orléans, 
Marron,  1907.  —  Si  contestables  â  tant  de  points  de  vue«  les  fouilles  d'Antinoé  ont 
foui*ni  du  moins  une  des  plus  abondantes  collections  d^ôtoSés  des  iv^-xii*  siècle.  C'est  d'un 
lot  important,  entré  en  1906  au  Musée  d*Orléans,  que  M.  •).  Baillet,  bien  connu  par  son 
excellent  mémoire  sur  Les  noms  de  fesclave  en  égyptien^  nous  apporte  dans  ce  nouveau 
travail  une  minutieuse  description  accompagnée  de  27  planches.  C'est  surtout  au  point 
de  vue  de  l'évolution  de  l'ornement  que  nous  devons  signaler  ici  les  sujets  divers  i^pi*é- 
sentes  généralement  en  laine  teinte  sur  le  fond  de  lin  blanc  de  ces  toiles  de  nature 
diverse  dont  on  enveloppait  le  mort.  Remarquant  l'absence  de  certains  symboles  reli- 
gieux essentiels«  tels  le  chrisme  ou  la  croix  ansée.  l'agneau  biblique  ou  le  bœuf  Apis« 
M.  B.  réagit  avec  raison  contre  les  trop  faciles  explications  symboliques  :  sauf  pour  la 
croix  gammée,  le  X,  le  hiéroglyphe  de  la  Renaissance^  les  tables  et  les  corbeilles 
d'offrandes,  pour  le  poisson  et  la  polombe,  peut-être  aussi  pour  le  lièvre,  hiéroglyphe  de 
VÊtre,  pour  un  nain  difforme  où  les  souvenirs  de  Bôs  doivent  se  mêler  à  la  caricature 
du  nègre  et  pour  les  cavaliers  combattant  qui,  malgré  la  substitution  d'une  soi-te  de 
pierre  à  la  lance  caractéristique,  peuvent  subir  l'influence  de  l'Horus-Saint-Georges,  M.B. 
ne  reconnaît  partout  que  motifs  décoratifs.  Les  traditions  de  l'art  païen«  avec  leurs  libres 
semis  de  fleui*s  et  de  pampres,  leurs  animaux  passant  ou  courant,  le  tout  se  stylisant  et 
se  roidissant  peu  à  peu  c'est  là  ce  qui  continue  à  dominer  chez  les  brodeurs  d'AnUnoé. 
«  Convertis  au  christianisme,  ils  ne  rompirent  point  brusquement  avec  les  traditions 
antérieures«  encore  moins  avec  la  technique.  Mais  ils  firent  un  choix,  abandonnèrent  cer- 
tains thèmes«  modifièrent  la  signification  de  certains  autres,  s'écartèrent  peu  à  peu 
du  réalisme,  autant  peut-être  par  suite  de  circonstances  politiques  ou  économiques  que 
par  esprit  mystique  :  ils  suivirent  le  mouvement  byzantin,  tout  en  gardant  certaines 
originalités,  et  ils  ouvrirent  la  voie  à  l'art  arabe  ».  A.  J.  R. 

MiLOJE  M.  Vassits.  Der  prähistorische  Fundort  Vinca  in  Serbien,  12  p.  in-40  et  8  pl, 
extrait  de  Memnon,  I,  1907.  —  On  sait  l'intérêt  qui  s'attache  aux  fouilles,  trop  rares 
encore,  des  dépôts  néolithiques  et  énéolithiques  de  la  région  des  Balkans.  C'est  par  elles 
seulement  qu'il  sera  possible  de  relier  les  découvertes  du  Nord  de  l'Adriatique  et  de  la 
vallée  hongroise  du  Danube  à  celles  de  Troie,  des  Cydades,  de  Crète  et  de  Chypre  ;  c'est 
là  qu'il  apparaîtra,  si,  des  analogies  maintes  fois  constatées  entre  ces  différents  groupe, 
il  est  permis  de  conclure  à  l'existence,  au  début  de  l'âge  du  bix)nze,  d'une  culture 
unique,  à  caractères  propres,  s'étendant,  des  Alpes  et  des  Balkans,  dans  les  péninsules 
italienne  et  grecque,  vei^s  les  côtes  asiatiques  et  les  îles  de  la  Mer  Egée.  Sur  huit 
excellentes  planches  accompagnées  d'un  commentaire  succinct,  M.  M.  V.,  conservateur 
du  Musée  de  Belgi*ade,  donne  une  utile  contribution  à  cette  étude  en  publiant  les  plus 
importantes  trouvailles  des  stations  serbes  de  Vinôa  et  de  Belo  Brdo,  sises  de  part  et 
d'autre  du  confluent  du  Bolecka  Reka  avec  le  Danube  :  haches-marteaux  de  pierre  polie 
perforées  au  centre  comme  ceux  des  deux  premières  villes  de  Troie  [Ilios,  p.  306),  har- 
pons en  corne  de  cerf  semblables  à  ceux  du  ^diga^\ex)iQn(Uov\X\\Qi,Miisee préhistorique, 
pl.  XXXIII)  haches,  en  bronze  à  ailerons  peu  accentués  et  gouges  du  type  Lamaudien 
(Mortillet,  ibid,,  pl.  LXXIX  et  LXXXl),  morceau  de  corne  de  cerf  avec  gravures  en 
spirale  pouvant  provenir  d'un  manche  d'épée  de  cette  même  péiiode  (Mortillet,  toc.  cit., 
type  lia  de  Naue),  statuettes  féminines  en  argile  grossière,  les  unes  du  type  des  idoles 
plates,  la  partie  intérieure  du  corps  formant  gaine,  les  bras  et  les  seins  à  peine  indiqués  ; 
les  autres  fortement  stéatopyges,  les  jambes  séparées  par  une  dépression,  la  taille  et  les 
seins  accentués,  les  bras  étendus;  quelques-unes  semblent  assises,  prosque  toutes  ont  le 
haut  du  corps  et  la  teinture  zébrés  de  lignes  géométriques  (plis  des  chairs  ou  du  vête- 
ment î)  ;  là  où  la  tête  n'est  pas  cassée,  elle  est  du  type  rectangulaire  bien  connu  à  Chypre 
où  un  nez  en  bec  d'oiseau  se  détache  sur  une  plaque  dmite  avec  deux  trous  marquant 
les  yeux  ;  un  autre  type  chypriote  est  également  représenté  à  Vinca,  celui  des  deux 
têtes  sortant  côte  à  cote  d'un  même  tronc  qu'Ohnefalsch-Richter  a  interprété  comme  le 
propotype  des  hermaphrodites  et  Hoernes  comme  celui  des  déesses-mères  {Kourotro- 
phol)  ;  la  première  explication  semble  exclue  pour  les  figurines  serbes  par  les  seins  qui 
s'élèvent  de  part  et  d'autre  des  deux  cous  où  un  même  dessin  angulaire  représente 
apparemment  des  colliers.  Les  vases  anthropomorphes,  avec  yeux,  seins  et  bras  en  guise 
d'anses  appartiennent  au  type  égéen  ordinaire  ;  une  plaque  d'argile  percée  de  trous  — 
crible  ou  rôt  —  s'ajoute  aux  deux  exemplaires  do  Tmie  (Catalogue  Schliemann, 


1903.]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  381. 

n.  8853Ö)  et  de  Galiko  en  Macédoine  {Z,  /.  EÜinoL,  19u5,  93)  ;  enfin,  toute  une  poterie  à 
décor  géométi'ique  indique  que  le  dépôt,  qui  remontei'ait  jusqu'aux  deux  premières 
villes  de  Troie,  descend  au  moins  jusqu'à  l'époque  de  Hallstatt.  A.  J.  Reinach. 

StanisZaw  Wasylewski.  W  sprawie  wampiryzmu,  {A  propos  du  vampirisme).  Kxtraitde 
Lud,  t.  XIII,  1907,  pp.  291  298.  Lwôw  (Lemberg^  —  La  question  du  vampirisme  occupe 
les  ethnologues  depuis  longtemps,  et  leurs  recherches  tendaient  à  montrer  que  la 
croyance  à  l'existence  des  vampires  se  trouve  tout  d'aboi  d  dans  la  démonologie  des 
peuples  de  l'Orient.  C'est  aussi  l'Kurope  orientale  qui  auiait  été  le  berceau  du  vampire 
occidental,  et  les  pays  slaves  aui'aieut  formé  le  milieu  où  nous  le  trouvons  le  plus  sou- 
vent. M.  Wasylewski  prouve  cependant  que  le  peuple  polonais  ignore  le  vampire.  Les 
savants  occidentaux  appuient  leurs  opinions  sur  ime  connaissance  incomplète  de  cette 
matière.  On  prend  généralement  les  noms  vampù*e  et  upiôr  pour  des  synonymes, 
et  c'est  de  là  que  vient  le  malentendu.  U upiôr  polonais  n'est  pas  la  même  chose  que  le 
vampire,  c'03t  plutôt  le  revenant  (ail.  Gespenst).  M.  Wasylewski  examine  la  signification 
de  trois  démons  créés  par  la  fantaisie  du  peuple  polonais  :  upiôr,  zmora  et  strzyga, 
Upiôr  est  un  démon  méchant  et  dangereux  ;  doué  d'une  force  surhumaine,  il  attaque 
l'homme  dans  la  nuit,  l'étrangle  ou  lui  arrache  la  tête.  Mais  il  ne  suce  jamais  le  sang 
humain,  ce  qui  est  inséparable  de  l'idée  du  vampire  et  ce  qui  le  distingue  de  tous  les 
autres  êtres  du  monde  surnaturel.  C'est  môme  cette  propriété  qui,  dans  quelques 
langues,  donne  au  vampire  son  nom  (ail.  BliUsaitger,  bulg.  hrvopijac).  Zmoi^a  est  un 
éti*e  humain,  le  plus  souvent  une  femme,  dont  Tàme  sort  du  corps  pendant  la  nuit  pour 
hanter  durant  leur  sommeil  les  gens  qu'elle  hait  et  parfois  ceux  qu'elle  aime  :  elle  s'ac- 
croupit sur  leur  poitrine  et  suce  le  sang  de  leur  langue.  Zmora  est  invisible  ;  saisie  ou 
frappée  elle  se  transfoime  en  un  insecte,  en  un  petit  animal  ou  en  une  plante.  Elle  ne 
peut  pas  donner  la  mort  ;  mais  sa  victime  se  réveille  terrifiée  et  abattue.  Zmora  est  un 
instrument  du  diable,  qui  l'envoie  contre  son  propre  gré  et  à  son  insu  pour  tourmenter 
les  hommes.  Étant  personnification  d'un  phénomène  physiologique,  elle  n'a  point  de 
cai'actère  démonique.  En  ce  qui  concerne  la  strzyga^  elle  nous  est  tiôs  peu  connue. 
D'après  certaines  sources  ethnographiques,  elle  est  le  synonyme  de  V upiôr,  —  d'après 
d'autres  elle  tue  l'homme  avec  son  souflle  de  feu  ;  mais  elle  n'a  rien  du  vampire,  d'après 
ce  qu'on  en  sait  jusqu'à  pi'ésent.  M.  Wasylewski  ne  voit  donc  chez  le  peuple  polonais 
aucune  trace  de  croyance  au  vampirisme  et  il  fait  ressortir  que  cette  notion  ne  fut 
introduite  dans  le  folk-lore  que  par  les  écrivains  de  l'époque  romantique.  Le  vampire 
en  Pologne  relèverait  donc  plutôt  du  domaine  de  l'histoire  littéraire. 

Thadée  Smolenski. 

I.  KuNôs.  Dos  türkische  Volksschauspiel,  8°,  142  p.,  ill.,  Leipzig,  R.  Haupt,  8  Mk.  —  Le 
théâtre  populaire  turc  ne  nous  était  bien  connu  jusqu'ici  que  sous  l'une  de  ses  formes, 
le  Karagöz.  C'est  le  mérite  de  M.  K.  de  nous  faire  connaître  en  détail,  par  la  traduction 
de  plusieurs  pièces,  l'indication  des  scénarios,  la  reproduction  d'images  populaires,  avec 
notes  linguistiques  et  commentaires,  la  forme  appelée  orta  ojnu  (jeu  du  milieu)  ou 
mejdan  ojnu  (jeu  de  la  place).  Ce  genre  de  pièces,  connu  dès  le  xir  s.  {cf.  Jacob,  Dow 
Schattentheatcr)  remonte  peut-être  bien  plus  haut.  L'élément  central  en  est  un  taklid^ 
imitation,  ce  qui  les  rattache  aux  mimes  antiques  ;  il  y  aurait  eu  simple  adaptation  d'un 
genre  ancien  lors  de  la  conquête  turque.  M.  K.  montre  dans  son  Introduction  les  rap- 
ports de  Torta  ojnu  avec  le  Karagöz,  et  indique,  d'après  le  récit  de  voyage  u'Evlija 
(xvii-xvin«  siècles)  le  succès,  autrefois,  de  ce  genre  de  pièces.  Les  personnages  sont 
représentatifs  d'un  caractère  (l'Ivrogne),  dun  métier  (le  Cordonnier),  d'un  peuple  (le 
Kurde);  le  dialogue  et  le  scénario,  entrecoupés  de  musique,  tiennent  de  la  farce;  l'élément 
sexuel  est  très  développé,  souvent  brutal.  On  remarquera  en  outre  le  lien  de  l'orta-ojnu 
avec  certaines  cérémonies  l'eligieuses  ;  quelques  pièces  semblent  même  d'origine  rituelle 
(Le  Couronnement  des  arbres).  A.  v.  G. 

J.  Jegerlehner.  Was  die  Sennen  erzählen;  Märchen  und  Sagen  aus  dem  Wallis, 
3**  éd.  in- 16,  221  pages,  Berne,  A.  Francke,  1908,  3  fr.  50.  —  Le  fait  que  ce  recueil,  bien 
connu,  en  est  déjà  à  sa  troisième  édition,  prouve  bien  l'intérêt  croissant  du  public  suisse 
pour  le  folk-lore  des  cantons.  Il  est  vrai  que  ces  cinquante  contes  ont  été  choisis  par 
M.  J.  dans  une  collection  de  500  contes  et  légendes  qu'il  a  recueillis  dans  le  Valais 
comme  «  les  plus  convenables  pour  la  jeunesse  n.  L'auteur,  tout  en  conservant  le  carac- 


F.  382.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

tère  de  chaque  récit,  ne  s'est  pas  fait  ftiute  «  de  les  dôyelopper  et  de  les  enrichir»,  ce  qui 
leur  ôte  de  leur  valeur  scientifique,  s'il  leur  attire  les  sympathies  d'un  public  étendu. 
Ces  contes  sont  de  types  connus.  Biais  quelques  légendes  locales  sont  intéressantes  : 
I,  l'entrée  d'un  pâtre  dans  le  séjour  des  morts,  situé  dans  une  cayeme  au  fond  d*un  cirque, 
l'Ulgraben  ;  IV,  le  voyage  au  Pai*adis,  localisé  au  sommet  du  Gliserhom.d'un  l'étameur  ; 
X,  légende  explicative  des  armes  de  Moerel  ;  XI,  la  jeune  Savoyarde  métamorphosée  en 
chamois  blanc;  XII,  le  glacier  d'Aletsch,  séjour  des  âmes  du  Purgatoire  et  des  nouveau- 
nés,  etc.  M.  Jegerlehner  est  aussi  l'auteur  d'une  bonne  monographie  sur  Le  Val  (TAnni- 
viers  et  le  Val  d'Hérens  (Eooléne)^  dans  le  Valais.  A.  v.  G. 

F.  J.  Bronner.  Von  deutscher  Sitf  und  Art,  8<»,  360  p.,  ill.,  Munich,  Max  Kellerer,  1908, 
4  Mk.  —  Bon  recueil  de  croyances,  de  coutumes,  d'observances  de  toute  sorte  recueil- 
lies en  Bavière  et  dans  le  Tyrol,  et  classées  d'après  le  calendrier.  Des  notes  explicatives 
et  comparatives  (p.  349-360)  terminent  ce  volume,  où  Ton  s'étonnera  pourtant  de  ne  voir 
cités  ni  les  travaux  de  M.  R.  Andrée,  ni  ceux  de  M.  HOfler  sur  la  Bavière  populaire.  La 
partie  la  plus  originale  du  volume  estcelle  (pp.  305-345)  qui  est  consacrée  â  la  description 
détaillée,  accompagnée  de  reproductions,  des  façades  peintes  de  maisons  bavaroises.  Cet 
art  ornemental  populaire  a  produit  ça  et  là  de  vrais  chefs-d'œuvre  de  coloris  et  d'lla^ 
monie  ;  quelques  incriptions  ont  une  valeur  exactement  magique  d'incantations.  En 
général  les  façades  peintes  rurales  sont  beaucoup  moins  chargées  que  celles  qu'on  voit 
dans  les  villes  de  Bavière  ou  de  Suisse.  Un  livre  aussi  rempli  de  faits  de  détail  aurait  dû 
être  muni  d'un  index.  A.  v.  G. 

M.  Rivet.  La  race  de  Lagoa  Santa  chez  les  populations  précolombiennes  de  V Equateur, 
4<>,  Extrait  (4  p.)  des  Comptes-Rendus  de  l'Académie  des  Sciences,  30  mars  1908.  —  Se 
fondant  sur  l'étude  de  101  crânes  non  défoi*més  artificiellement  découverts  par  lui  dans 
des  abris  sous  roches  à  Paltacalo  (Equateur),  le  d'  Rivet  arrive  à  cette  conclusion,  con- 
forme aux  théories  de  Lacerda  et  Peixoto,  Quatrefages,  Rey,  Ehrenreich,  etc.  que  la  race 
brésilienne  de  Lagoa  Santa  constitue  le  substratum  ethnique  des  populations  actuelles, 
non  seulement  de  l'Amérique  du  Sud  méridionale  (Patagons)  mais  aussi  des  populations 
précolombiennes  des  régions  côtières  du  Pacifique.  A»  v.  0. 

P.  Gründel.  Die  Wappensymbolik,  8°,  62  pages,  nombr.  âg.,  Leipzig,  Moritz  Ruhl,  1907, 
2  Mk.  —  Recueil  commode  des  figures  usitées  en  blason  et  de  leur  signification  symbo- 
lique spéciale  et  classées  par  ordre  alphabétique.  Un  certain  nombre  d'entre  elles  sont 
expliquées  à  l'aide  de  notes  d'ordre  comparatif,  (cf.  notamment  p.  48,  la  note  sur  les 
têtes  de  chevaux  comme  ornement  terminal  des  poutres  de  maison).  Peut-être  eût-il 
été  bon  de  poursuivi*e  l'enquête  d'une  manière  plus  détaillée,  certaines  armoiries  alle- 
mandes dénotant,  par  les  légendes  explicatives  qui  s'y  l'apportent,  des  souvenirs, 
confus  sans  doute,  d'un  ancien  totémisme.  A.  v.  G. 


1908.] 


SOMMAIRES   DBS    REVUES. 


[P.  383« 


SOMMAIRES  DES  REVUES. 


Anthropos,  t.  m  (1908). 

Fasc.  1. 

Loupias,  Tradition  et  Légende  deê  BatuUi 
sur  la  création  du  monde  et  leur  établis- 
sement au  Ruanda. 

A.  Vol  pert,  Gräber  und  Steinshülpturen 
der  alten  Chinesen. 

F.  Da  h  men,  The  Paliyans,  a  HUI  tribe  of 
the  Palm  Hills,  South  India, 

J.  Bischof*,  Die  Niol-Niol,  ein  Eingebore- 

nenstantm  in  Nordu^est-Ausfralien. 
P.  Giralrlofl,  Enfermedades  y  medicamen- 

tos  de  los  indigenas  de  Tong-King, 
A.  M.  de  St.  Elie,  La  femme  du  désert 

autrefois  et  aujourd'hui. 
Sten  Konow,  Notes  on  the  munda  family 

of  speech  in  India, 
Th.  Koch-Orünberjr,  Die  Hiandkoto-Ümdna, 

G.  Schmidt,  L'origine  de  l'idée  de  Dieu, 
Miscellanea. 

Bibliographie  :  K.  Narbeshaber,  Aus  dem 
Leben  der  arabischen  Bevölkerung  in 
Sfaœ  (H.  Bittner)  —  G.  Friederici,  Die 
Schiffahrt  der  Indianer  {Th,  Koch-GrOn- 
berg)  —  Ed.  de  Jooghe.  Les  sociétés  secrè- 
tes  au  Bas-Congo  (W.  Schmidt)  —  A. 
Seidel,  Grammatik  der  japanischen  Um- 
gangssprache (Crasselt)  —  Fr.  N.  Finck, 
Die  Samoanischen  Personal-  und  Posses- 
sivpronomina (W,  Schmidt). 

Revue  des  Revues. 

Fasc.  2. 

A.  M.  de  St.  Elie,  La  femme  du  désert 
(suite). 

J.  Meier,  Mythen  und  Sagen  der  Admira- 
litätsinsulaner, 

Fr.  da  Offeio,  Proverbi  abissini  in  Ungua 
Tigray  (suite) 

N.  Slams,  T?ie  religions  conceptions  of  some 
tribes  of  Buganda  (Br.  Equat.  Afr.). 

Van  Goat,  Recueil  de  chansons  mongoles, 

J.  Reiter,  Der  Acherbau  in  Neuguinea  und 
auf  den  angrenzenden  Inseln. 

T.  Cains,  Au  pays  des  Castes  (suite). 

J.  Häfliger,  Fabeln  der  Matengo  {Deutsch- 
Ostafrika), 

L.  Cidière,  Philosophie  poptäaire  anna- 
mite (ïiaite). 

F.  Müller,  Die  Religionen  Togos  in  Einsel- 
darstellungen. 

G.  Knosp,  Le  Théâtre  en  Indo  Chine. 

H.  Mueller,  Some  remarks  on  the  article 
of  L,  Besse. 

Th.  Koch-Granberg,  Die  Hiandkoto-Umd- 
ua  (suite). 

W.  Schmidt,  L'origine  de  l'idée  de  Dieu 
(suite). 

Miscellanea. 

Bibliographie  :  Tylor  memorial  volume 
(W.  Schmidt).  —  A.  Bros,  La  Religion 
des  peuples  non-civilisés  (W.  Schmidt). 
—  W.  Planert,  Die  syntaktischen  Ver- 
hältnisse des  Suaheli  (K.  Meinhof).  — 
Revue  des  Etudes  Ethnographiques  et 
Sociologiques  (W.  Schmidt).  —  A.   G, 


Leonard,  The  Lower  Niger  and  its  2rt- 
bes  (W.  Schmidt).  —  F.  J.  de  Augusta, 
Como  se  llaman  los  Araucanos.  —  R.  R. 
SchuUor,  Pequeno  catecismo  castellano- 
araucano.  —  R.  R.  Schuller,  Confesio- 
naHo.  etc.  (Hestermann).  —  De  Baye, 
Les  Juifs  des  Montagnes  et  les  Ju^fs 
Géorgiens  ik,  Dirr).  —  V.  Krause,  Zur 
Ethnographie    der  Insel    Nissan    (Fr. 
Graebner).  —  R.  de  la  Grasserie,  Parti- 
cularités linguistiques  des  noms  subjec- 
tifs (W.  Schmidt). 
Revue  des  Revues, 
Fasc.  3. 
A.  Schotter,  Notes  ethnographiques  sur  les 

tribus  du  Kouy-Tcheou  (Chine). 

A.   Witte,  Der  »^  König  seid  n  in  Kpandu 

und  bei  einigen  benachbarten  Ewe^Siäm- 

men. 

G.  Zumoflfen,  L'âge  de  la  pierre  en  Phénicie, 

G.  Peckel,  Die  Vertoandschaflsnamen  des 

mittleren  Neu-MecMenburg. 
C.  van  Coll.  Contes  et  légendes  des  Indiens 

de  Surinam  (suite). 
M.  Pionnier,  Notes  sur  la  chronologie  et 

Vastrologie  au  Siam  et  au  Laos. 
0.  G  Trapp,  Die  Isikula-Sprache  in  Natal, 

Südafrika. 
Th.  Gordaliza,  Estudio  sobre  el  dialectotkô 

de  la  region  de  Lang-Sön. 
Fr.  Crasselt.  Die  Stellung  der  Ehefrau  in 

Japan é 
W.  Schmidt,  L'origine  de  Vidée  de  Dieu 

(suite). 
Miscellanea. 

Bibliographie  :  Bandbook  of  American  In- 
dians (Wallenborn).  —  C.  Strehlow,  Die 
Aranda-  und  Loritja^Stämme  in  Central- 
Australien,  I  ( W.  Schmidt).  —  E.  E.  Te- 
deschi,  Sistema  di  craniologia,  I;  Studi 
sul  neandertaloidismo  (A.  Gemelli).  — 
V.  Tanolli,  Rapporti  cranio-rachidei 
(id.).  —  D.  Macdonald,  The  oceanic  lan- 
guages (W.  Schmidt).  —  N.  W.  Thomas, 
Bibliography  of  Anthropology  1906  (id.). 
—  Sbornik  Materialov.,..  Kavkaza  (A. 
Dirr).  —  R.  Parkinson,  Dreissig  Jahre  in 
der  Südsee  (W.  Schmidt).  —  G.  Thalhei- 
mer,  Pronomina  personalia  wui  posses- 
siva  in  den  Sprachen  Mikronesiens  (id,). 
Revue  des  Revues. 

ZSITSCHRIFT  DBS    VlERBlNS    FÜR  VOLKSKUNDE,  t. 

XVni  (1908). 

Pasc.  2. 

J.  Boite,  £m  Weihnaehtspieil  aus  dem  Salz- 
kammergute, 

R.  Loewe,  Rübezahl  im  heutigen  Volks- 
glauben (fin). 

J.  Hertel,  Der  Kluge  Vezier^  ein  Kasch" 
mirischer  Volksroman,  traduit  par,  II. 

Th.  Zachariae,  Die  Weissagende  indische 
Witwe. 

Kleine  Mitteilungen  :  Höfler,  Zum  Sagen- 
schatz des  Isanoinkels.  —  H.  Heuft, 
Volkslieder  aus  der  Eifel.  —  Eine  Ge- 


p.  384.] 


R 


E 


E 


[1908. 


scMchte  der  Vianyarwinda^  trad,  par 
B.  Sti  uck.—  H.  Rehsener,  Bos  Jahr  i809, 
Erinnerwigen  alter  Gossenssasser,  — 
W.  Zuidema,  Zum  Märchen  vom  /He- 
genden Pfannkuchen. 

0.  Lauffer,  Bericht  :  Neue  Forschungen 
über  die  äusseren  Denkmäler  der  deut- 
schen Volkskunde^  /,  der  Hausbau  (suite). 

Bericht  :  New.re  Arbeiten  zur  Blaufischen 
Volkskunde  ;  I.  A.  Brückner,  Polnisch 
und  Böhmisch  ;  II,  G.  Polivka,  Südsla- 
wisch. 

Analyses  :  Herrmann,  Island  (H.  Lebmann- 
Filhôîi).  —  Heilig,  Ortsnamen  von  Baden 
{B.  Kahle).  —  0.  Dähnhardt  Natursagen, 
I  (J.  Bolre).  —  Meschendüifer,  Karpa- 
then  (E.  Lemke).  —  E.  Meyer,  Elemente 
der  Anthropologie  (B.  M.  Meyer).  —  R. 
Schmidt,  Lakire  und  Fakirtum  (R  M. 
Meyer).  —  J.  Berze  Naey,  Népmesék 
(ü.  Rona-Sklarek).  —  Winternitz,  Ge- 
schichte  der  indischen  Literatur  II  (R. 
Schmidt). 

Notices  bibliographiques. 

Nécroloiîie  ;  K.  H.  M*»yer  ^M.  Roediprer). 
Rrvubd»  l  Ecolk  i/Anthropologik.  T.  XVIII, 
(1908;,  rase.  IV,  Avril. 

G.  Papillaulf,  V Anthropologie  est-elle  une 
science  unique  ? 

Henry  de  Morgan,  Notes  sur  les  stations 
quaternaires  et  sur  Vàye  du  cuivre  en 
Egypte. 

Analyses  :  Bulletin  de  la  Société  d'excur- 
sions scientifiques  T.  IV,  1907.  (A.  de 
Moriillof). 
Lb  Mdskon,  Louvain,  Nouv.  série,  vol.  IX.  u^  1. 
1908. 

Ed.  de  Jonghe,  Etudes  sur  les  sources  de 
l* ethnographie  congolaise. 

L.  Gry,  La  composition  littéraire  des  para- 
boles d' Henoch. 

G.  de  Vaux,  Etat  de  mes  travaux  en 
Etrusque. 

Bloch  et.  Etude  sur  tèsotévisme  musulman 
(suite). 

Bibliojjraphir». 
Bulletin  dk  la  Société  Bkloe  de  Géographie, 
T.  XXXII,  (1908  ,  fio  1. 

E.  Gambier,  Le  réseau  ferré  de  la  Turquie 
d'Asie. 

U"    De    Muenyck,   Au  pays  de  Mahagi, 
région  du  lac  Albert  et  du  Haut-Nil  (Etat 
Indépendant  du  Congo)  :  Mœurs  et  cou- 
tumes des  Alulu. 
Narodopisny    Véstmr    Ceskoslovansry,    (en 
tchèque)  publie  par  la  Société  du  Musée  de 
Folk-Lore  Tchèque,    sous    la    direction    de 
A.  Kraus,  J.  Polivka,  V.  Tille.  8°,  Mensuel 
fasc.  2-3. 

L.  Niederle.  Les  nationalistes  en  Bulgarie. 

G.  Horàk,  Etude  sur  les  motifs  des  chan- 
sons populaires  tchèques. 

Analyses  :  Karasek,  Psychologie  du  peuple 
tchèque.  —  Hruska,  Dictionnaire  du 
dialecte  chode.  —  Jurkovic,  Travaux 
populaires  slovaques. —  Frochazka,  Sur 
les  crèches  de  Noël. — Smoikova  et  Bibova, 
L'Industrie  tchèque.  —  Belovic-Bernad- 
zikovska,  V ornementation    des   textiles 


tchèques  (en  serbe).  —  Marinov,  Bulletin 
du  Musée  de  Sofia  (en  bulgare).  —  L 
Franko,  Etude  sur  les  chants  populaires 
de  r  Ukraine  (en  rutfaène)  (J.  Horak). 

Bibliographie  foU-lorique. 

Nouvelles. 

Supplément  :  J.  Kubin,  Contes  poptdaires 
recueillis  dans  le  comté  de  Glats. 
Records  of  the  Past,  vol.  VII,  part  I,  Janv. 
Fôvr.  1908. 

A.  Koestev,  Objects  and  methods  of  archae- 
ological excavators. 

J .  Z  i  i  n  merman  n ,  Religions  character  of  an- 
cient coins. 

G.  F.  Wright,  The  influence  of  the  glacial 
epoch  upon  the  early  history  of  man- 
kind. 

A.  T.  Glay,  Babylonian  boundary  stones. 

W.  B.  Nickerson,  Stone  graves  of  N.  W. 
Illinois. 
Part  2,  Mars-Avr.  1P08. 

R.  Mahler,  The  Niobid  in  the  Banca  com- 
merciale  of  Rome. 

CM.  Baylis.o,  The  significance  of  the  Piaia. 

T.  Sheppard,  A  British  chariot-burial  at 
Hunnanly.  in  East  Yorkhtre. 

W.  B.  Nickerson,  Mounds  of  N.  W.  IIU- 
nois. 

E.  Huntington,  Archaeology  in  the  Center 
of  Asia. 

T.    F.   Nelson,   Pioneer  home-making  in 
America. 
Revue  Archéologique.  Dir.  G.  Perrot  et  S. 
Reinach,  4®  série  T.  XI.  janv.-févr.  1908. 

H.  d'Arbois  de  Jubain ville.  Dieux  cornus 
dans  la  mythologie  irlandaise. 

E.  Berîaux,  La  Diablesse  et  VEvéque^  wi 
miracle  de  St- André. 

W.  Deonna,  Les  reliefs  thasiens  d^ Herakles 
et  de  Dionysos. 

S.  Reinach.  Tarpeia^  (le  tabou  des  dé- 
pouilles de  guerre). 

Variétés  (notamment  Lettres  de  Grère  de 
G.  Perrot.  —  Les  débuts  de  Vhistoire  de 
la  Gaule^  de  Fusîel  de  Goulanges). 

Bulletins  de  TAcadémie  des  Inscriptions 
et  de  la  Sociéé  des  Antiquaires.  — 
Nouvelles  Archéologiques  (notamment 
Fouilles  de  Jéricho^  Chronologie  babylo' 
nienne^  Le  vandalisme  dans  les  caverfies). 
—  Soiumaires  des  Revues.  —  Bibliogra- 
phie :  H.  Bulle,  Orchomenos,  1  (A.-J. 
Rîinach).  — Chr.  HueUen,  Topographie 
der  Stadt  Rom,  P  {id).  —  E.  Fisperandien, 
Recueil  général  des  Bas-reliefs  de  la 
Gaule  romaine,  I  (P.  Monceaux).  —  P. 
Deiattre,  Le  Culte  de  la  Vierge  en 
Afrique  (id.)  —  Führer  et  Scbultze,  Die 
altchristlichen  Grabstätten  SiJgiliens  (S. 
Reinach).  —  E.  B.  Tylor,  Anthropolo- 
gical Essays  presented  to  (id).  — 
Proceedings  op  the  American  Philosophical 
Society,  Philadelphie,  T.  XLVI,  n»  187, 
Oct.-Dôo.  1907. 

RH.  Mathews,  The  Arranda  language. 

—  Language  of  the  Birdhawal  tribe,  in 
Gippsland,  Victoria, 

—  Langiuiges  of  some  tribes  of  Western 
Australia. 


Le  Gérant  :  Paul  Gsuthnbb. 


REVUE  DES  ÉTUDES 

ETHNOGRAPHIQUES 

ET  SOCIOLOGIQUES 


PUBLIÉE  SOUS   LA    DIRECTION   DE 


ARNOLD  VAN   GENNEP 


MO   S   I   SOMMAIRE 

Pages 
R.  GoTTHEiL  :  The  Cadi  :  the  history  of  this  institution  ...  385 
H.  Bbyer  :  Die  Naturgrundlage  des  mexikanischen  Gottes 

Xiuhtecutli 394 

N.  Pantoüssoff  :  Le  temple  chinois  «  Beï-iun-djuan  »  dans  la 

passe  d'Alc-Su,  province  d'Hi 398 

Analyses  :  W.  0.  E.  Oestehlet,  The  Evolution  of  Messianic 
Idea  (Goblet  d'Alyiella);  Alois  Musil,  Arabia 
Petraea  (René  Dussaub)  ;  J.  Bbdibr,  Les  Légendes 
épiques,  recherches  sur  la  formation  des  chansons 

de  geste  (G.  Huet) 404 

Notices  bibliographiques 411 

Sommaires  des  Revues , 414 

01u\)nique 416 


PARIS 
LIBRAIRIE    PAUL   GEUTHNER 

68,  RUE  mazarine,  68 
Août  1908 


EXTRAIT  DU  PROGRAMME 

de  la  Bévue  des  Etudes  Ethnographiques  et  Sociologiques 
Internatloimle,  Mensuelle 

Par  sociologie,  nous  enteDclons  Tétude  de  la  fie  en  société  des  hommes  de  tous 
les  temps  et  de  tous  les  pays  ;  par  ethnographie,  plus  spécialement  la  description 
de  leur  civilisation  matérielle.  Le  champ  de  la  Revue  est  donc  vaste.  L'on  y 
admettra  également  des  travaux  sur  Tarchéologie,  le  droit  comparé,  la  science 
des  religions,  l'histoire  de  l'art,  etc.,  et  Ton  y  fera  appel  aux  branches  spéciales 
comme Tégyptologie,  l'assyriologie,  1  orientalisme,  etc.  L'anthropologie  proprement 
dite,  ou  étude  aoatomique  des  variétés  humaines,  ne  rentrera  dans  notre  cadre  que 
dans  la  mesure  où  elle  permet  de  définir  le  rapport  qui  pourrait  exister  entre  des 
races  déterminées  et  leurs  civilisations  ;  il  en  sera  de  même  pour  la  linguistique, 
dans  la  mesure  où  elle  permet  de  déterminer  révolution  des  institutions  et  des 
idées.  Il  se  dessine  d'ailleurs,  ces  temps  derniers,  une  direction  nouvelle  en  linguis- 
tique à  laquelle  la  Revue  des  Études  Ethnographiques  et  Sociologiques 
compte  collaborer  effectivement. 

La  langue  de  la  Revue  sera  de  préférence  le  français  ;  mais  l'anglais,  Talle- 
mand  et  Titalien  y  seront  également  admis. 

Adresser  les  lettres  et  manuscrits  à  M.  A.  van  Gennep,  56,  rue  de  Sèvres, 
Clamart,  près  Paris,  Seine,  et  les  livres,  revues,  imprimés  de  toute  sorte  et  abon- 
nements à  M.  Paul  Geuthner,  libraire-éditeur,  68,  Rue  Masarine,  Paris  fVP),  au 
nom  de  la  Revue  des  Études  Ethnographiques  et  Soeiologiques. 
Abonnement  :  France  :  20  fr.  —  Etranger  :  22  fr.  —  Années  écoulées  80  fr. 

H»  1  :  lanvltr  1908  :  J.  G.  Frazer  :  St  George  and  the  Parilia.  —  Mauriob  Delafossb  :  Le 
'  -'      -         '  -  -         -      ■       édy- 


Jacob,  GescMchte  des  Schattentheaters  (id.).  —  Notices  bibliographiques.  —  Sommaires 
des  Revues.  —  Chronique.  ' 

M«  2  :  Février  1906  :  Andrew  Lano  :  Exogamy.  —  Maurice  Delafossb  :  Le  peuple  Siéna  ou 
Sénoufo  (suite).  —  Gabriel  Ferrand  :  Note  sur  le  calendrier  malgache  et  le  FaDdi-uana. 

—  Analyses  :  R.  von  Lichtenberg,  Beitrüge  zur  ältesten  Geschichte  von  Kypros  (A.  J. 
Rbinach)  ;  H.  Oussaud,  Vile  de  Chypre  particulièrement  aux  âges  du  cuivre  et  du 
bronze  (id.);  E.  Pechuël-Lobsche,  Volkskunde  von  Loango  (A.  v.  G.)  ;  Fr.  S  Kradss, 
Dos  Geschlechtsleben  der  Japaner  (id.)  ;  G.  Friederici,  Die  Schiffahrt  der  Indianer  (id.). 

—  Notices  bibliographiques  (G.  Mondon-Vidailhet,  A.  J.  Reinach,  A.  v.  G.).  —  Sommai- 
res des  Revues. 

s«  s  :  Mare  1908  :  A.  van  Gennep  :  Une  nouvelle  écritura  nègi*e  ;  sa  portée  théorique.  — 
Gaudefroy-Dbmombtnes  .--Rites,  métiers,  noms  d'agent  et  noms  de  métier  en  araoe.  — 
A.  Werner  s  Some  notes  on  the  Bushman  race.  —  Maurice  Delafossb  :  Le  peuple  Siéna 
ou  Sénoufo  (suite).  —  Gabriel  Ferrand  :  Note  sur  le  calendrier  malgache  et  le  Fani' 
druana  (suite).  —  Analyses  :  Huntington,  The  Puise  of  Asia  (A.  v.  <».)  ;  Fynn,  Ifee 
American  Indian  as  a  product  of  environment  (id.)  ;  FaItlovitch,  Proverbes  abyssins 
(R.  Basset)  :  Galtier,  Coptica-araMca,  I  (id.)  ;  Burrows,  The  Discoveries  in  Crete  et 
Mosso,  Escursioni  nel  Méditerranée  (A.  .1.  Reinach).  —  Notices  biblio 
"      ~  "    ~  ST.  G,  Cï    "  '^  .        -      - 


(M.  Delafosse,  G.  Ferrand,  A.  v.  G,  Ch.  Monteil).  —  Sommahres  des  Revues. 
Chronique. 

Mo«  4-5  :  Avrll-Mal  :  W.-E.  RoTH  :  Cratch-Cradle  in  British  Guiana,  avec  24  figures.  —  A.  Bbl  : 
La  population  musulmane  de  Tlemcen,  avec  planches.^  G.  Ferrand  :  Le  calendrier  Mal- 
gache et  le  Fandruana  (fin).  •—  M.  Delafossb  :  Le  peuple  Siéna  ou  Sénoufo  (suite).  — 
Communications  :  A.  van  Gennep,  Vers  V Encyclopaedia  ethnographica,  —  Ferrand,  Le 
destin  des  quatre  éléments  dans  la  magie  malgache.  —  Dbmobibtnes,  Linguistique  et 
Sociologie.  —  Analyses  :  Hirzbl,  Themis,  Dikê  und  Verwandtes  (P.  Huvblin;.—  Watson, 
Philosophical  basis  of  religion  (G.  d'Alviblla).  ~~  Petraztcki,  Motive  des  Sandeins 
(P.  HuvBiiiN).  —  Hildebrandt,  Recht  und  Sitte  (A.  v.  G.).—  Boas,  Anthropology  (id.).  — 
FiNCK,  Sprache  der  armenischen  Zigeuner  (A.  Mbillbt).  —  Giron,  Legendes  captes 
(R.  Hasset).  —  Lagranob,  La  Crête  ancienne  (A.  J.  Reinach).  —  Notices  bibliogra- 
phiques (H.  Basset,  H.  Beuchat,  M.  Delafossb,  A.  v.  G..  P.  Huvelin,  A.  Mbillet,  A  J. 
Reinach,  Th.  Smolens&i).  —  Sommaires  des  Revues.  —  Chronique. 

Nos  $.7  :  juin-JullM  :  F.  Gaud  :  Organisation  politique  des  Man^Ja  (Congo).  —  A.  van  Gennep  : 
Linguistique  et  sociologie.  II,  Essai  d'une  théorie  des  langues  spéciales.  —  A.-J.  RsiNAca  : 
La  lutte  de  Jahvé  avec  Jacob  et  avec  Moïse  et  l'origine  de  la  circoncision.  —  Analyses  : 
A.  LoisY,  Les  Evangiles  synqptiqtùes  (V.  Ermoni).  —  G.-A.  Reisner,  The  Early  dynastie 
cemeteries  of  Naga-ed-Dér  U.-J.  Reinach).  —  Notices  bibliographiques  :  (G.  CosDfiSy 
A.  V.  G.,  M.  DELAFOSSB,  A.-J.  KBiNACH,  Th.  Smolbnski).  —  Sommsiros  des  Revues. 


1908«]  GOTTHEIL  :  THE    CADI.  [P.  385* 


THE  CADI  t  THE  HISTORY  OP  THIS  INSTITUTION 

by  Richard  Gotthbil  (New-York). 


To  dispense  justice  was  an  early  preoccupation  of  Mohammedan  rulers.  While 
{Still  in  Mecca,  the  prophet  is  reported  to  have  said.  «  Oh  David,  verily  wo  have 
made  thee  a  vicegerent  ;  judge  then  between  men  with  truth  and  follow  not  lust, 
for  it  will  lead  thee  astray  from  the  path  of  6od^  ».  By  the  side  of  this  tradition, 
which  belongs  to  the  stock  in  trade  of  all  writers  upon  the  Cadis^,  there  are  others 
such  as  9.  There  will  come  upon  a  judge«  at  the  day  of  resurrection,  such  fear  and 
horror  that  he  will  wish  :  Would  to  God  that  I  had  not  judged  between  two  persons 
in  a  trial  for  the  value  of  a  single  date^  ».  Similar  sayings  are  put  in  the  mouth  of 
all  the  great  men  of  the  budding  state.  *Âlî  is  reported  to  have  said  to  Shuraih. 
a  Thy  tongue  is  thy  servant,  as  long  as  thou  dost  not  speak  ;  as  soon  as  thou 
speakest,  thou  becomeibt  its  servant.  Therefore  have  a  good  care  what  judgement 
thou  givest,  in  what  manner  thou  judgest,  and  how  thou  judgest^  *.  These  tradi- 
tions do  not  necessarily  go  back  to  the  men  with  whose  name  they  are  connected  ; 
•  but  they  show  the  value  placed  by  the  Mohammedan  world  upon  the  matter.  No 
sooner  had  Mohammed  got  to  Medina,  than  we  find  him  promulgating  an  ordinance 
that  was  destined  to  bring  at  least  a  semblance  of  order  into  the  relations  of  the 
various  parts  of  the  state"'.  Among  the  heathen  Arabs  we  find  few  traces  of  any 
recognized  and  standard  law  or  order.  Law  was  still  bound  up  intimately  with 
religion  ;  or  perhaps  one  ought  to  say  that  whatever  order  there  was  in  their  com* 
munities  had  religion  as  its  background.  Security  for  life  and  property  was  attained 
by  oath  and  contract^.  The  power  of  might  in  war  and  the  right  of  asylum  were  the 
final  arbiters  when  differences  occurred.  The  high  hand  with  which  Mohammed 
ruled  the  religious  affairs  of  the  new  community  was  felt  also  in  the  ordinary  life 
of  its  members.  The  state  was  a  theocracy,  religion  was  still  the  ultima  ratio  upon 
which  all  the  affairs  of  state  were  based.  That  which  really  distinguishes  Mohammed 
is  bis  sense  of  the  necessity  of  order  and  regulation  in  the  doings  of  men.  In  all 
matters  that  appertained  to  the  holy  cities  and  their  immediate  surroundings, 
Mohammed  himself  remained  the  chief  arbiter  and  the  dispenser  of  justice.  But  as 
soon  as  the  limits  of  the  realm  commenced  to  enlarge,  some  provision  bad  to  be 
made  that  justice  should  be  rendered  also  in  such  places  the  distance  of  which 
prevented  a  quick  reference  to  the  prophet  himself.  At  various  times  we  tiod  him 
sending  such  men  as  Mu*âdh  ibn  Jabal,  Abu  Müsä  al-Ash'aiî  and  even  'Alî  to 


1  Surah  38,  25  (Palmer's  translation).  Cfr.  Bukhäri  (Ed.  1315  A.  H.)  IX,  67. 

2  e.  g.  Shihab  al-Dïn  Abmad  al-Abshihï,  K.  al-MustaU^af,  I,  91. 

3  al-Tartûshï,  8iräj  al-Mulük,  36, 12. 

*  al-Hindî,  Kanz  al-ümmäl  (Hyderabad  1312  A.  H.)  III.  173  (No.  2Ô23).  Other  traditions 
will  be  found  also  in  al-Abshihï  loc.  cit.  I,  91  et  seq. 

5  Wcllhausen,  Skizzen,  IV,  67  et  seq. 

6  ibid,,  m,  124. 


p.  386.]  •    n    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Yemen',  to  represent  him  there  in  his  capacity  as  judge.  No  special  office  seems 
to  have  been  created  by  Mohammed  for  this  purpose.  Those  to  whom  the  commis- 
sion was  given  merely  represented  the  prophet  in  one  of  his  functions  ;  as  they 
might  and  as  they  did  represent  him  in  other  functions.  In  similar  manner  the 
first  Caliphs  were  the  dispensers  of  justice  in  their  own  days;  though  they  also 
from  time  to  time  delegated  their  authority  in  such  matters  to  some  one  or  other 
of  their  associates  or  ordered  a  representative  to  make  the  appointment*^.  The 
extension  of  Mohammedan  power  over  large  territories  made  this  patriarchal  form 
of  government  impossible.  Omar  himself  had  acted  as  judge  during  the  Caliphat 
of  Abu  Bakr^  ;  and  with  his  usual  thoroughness  we  are  told  that  when  two  litigants 
appeared  before  him,  he  got  down  upon  his  knees  and  said.  «  Oh  my  God, 
help  mo  to  deal  with  them,  for  each  one  wishes  me  to  subvert  my  opiuion  to  his 
cause^  ».  But  he  is  said  to  have  been  the  first  ruler  to  have  appointed  a  Cadi 
in  the  provinces-'.  There  can  be  little  doubt  that  in  the  elaboration  of  the  manner  in 
which  the  Cadi  held  court,  Roman  and  Persian  examples  exercised  an  influence  ; 
but  it  is  not  necessary,  for  this  reason,  to  refer  the  origin  of  the  whole  system  to 
these  beginnings^. 

The  authorities  are  not  agreed  upon  the  name  of  the  first  Cadis  to  be  appointed 
in  Islam.  Ibn  Khaldun  in  his  Prolegomena  gives  the  following  as  the  first  Cadis 
appointed  by  Omar^  :  *Uwaimir  ibn  Zaid  abü  al-Dardâ,  a  companion  of  the  prophet^, 
in  Medinah  ;  Abu  *Umayyah  Shuraih  al-Kindï,  a  follower,  in  Basrah^  ;  and  Abîi 


^  Bilâdhurî  69  :  icatoalla  mu*ädha  bna  Jabalï al-janada  wa-sayyara  ilaihi  al-ka4äa; 
see,  also,  Ibn  Hajar,  allsähah^  III,  872  ;  al-Nawawî,  Tahdhib  al-Asmäl,  561  ;  al-Sbahras* 
tânï,  aUMilal  wal-Nihal^  1, 155  ;  Mâwardî,  al-Ahkäm  al-Sultäniyyah,  Ed.  Enger.  110, 18; 
al-Diyârbakrî,  TaVîAAaMCAawîls,  II,  158, 204;  Kanz  al-Ummàl,  III,  173(No.  2624)  ;  Mischatul 
Masäbih,  II,  222.  His  directions  to  Mu*âdh  can  be  found  in  Kanz  V,  318  (Nos.  5671,  5672), 
and  his  praise  of  him  YI,  189. 

*  e.  g.  Otbman  instructs  Abu  Mûsa  to  appoint  Ka'b  ibn  Sûr  (or  Siwâr)  as  Cadi  in  Basra  ; 
Ibn  Abd  al-Barr,  Kitäbal-isWähfl  ma^rifat  al-ashab  (Hyderabad  1318  A.H.),  227  ;  Sachau, 
Zur  ältesten  Geschichte  des  muhammed,  Rechts  (Wien  1870),  6  et  seq. 

*  Ibn  Sa*d,  Biographien,  III,  1.  130,  24;  Tabain,  I,  2125,  2135  (he  took  the  place  of 
Mu'âdh  ibn  Jabal)  ;  al-Kalkashandï,  Subh  al-A'shä  I,  251  ;  Von  Hammer,  Übei*  die  Länder- 
Verwaltung  unter  dem  Chalifate,  4. 

*  Ibn  Sa'd  lU,  1.  208,  4;  Kanz  aUUmmäl  HI,  No.  2614. 

5  Wahuwa  atowalu  man  istakçla  äl-^ucläti  fi-l-ämsär,  Ibn  Sa'd  III,  202,  27.  Tabarl 
has  quite  a  different  tradition  :  waiïla  lam  yahun  li-umaräH  ft  ayyàmihi  kä4in^  I,  2212, 
11  ;  though  Tabarî  himself  relates  (I.  2481)  that  Abu  Kurrah  was  appointed  Cadi  in  Kfifah 
(cfr.  also  loc.  cit.  2570,  4). 

«  As  does  D.  Julian  Ribera  Tarrago,  Origines  desjusticia  de  Aragon  (Zaragoza  1897) 
125  :  <<  el  justicia  fûe  copiado  por  el  islamismo  de  aquellas  civilizaciones  antiquas  de  quienes 
ijnitô  la  organizacion  de  la  hacienda  publica  ». 

7  ed  de  Slane  1,  397,  transi.  1, 448.  There  is  a  tradition,  handed  down  in  the  name  of  Abu 
Sa  d,  that  neither  Mubammad  nor  Abu  Hakr  appointed  any  Cadi,  and  that  Omar  did  so  only 
about  the  middle  of  his  Califate  ;  Kans  al-Ummäl,  III,  175  (No.  2653). 

8  Ibn  Hajar,  Isäbah,  III,  90  ;  Muhammad  ibn  al-AthïP.  Usd  al-ghäbah,  V.  186  and  Ibn 
•Abd  al-Barr,  Kiiäb  al-lstVäb,  II,  466  know  only  of  his  appointment  as  Cadi  in  Damascus 
by  Muawiyyah.  According  to  al-Dhahabî,  Kitäb  ahlfuffa^,  1, 19,  he  was  Cadi  for  sixty  years 
until  the  time  of  al-Çajjâj. 

Ö  Ibn  Çutaibah,  Kitäb  al-Ma' ärifieu.  Wüstenfeld)  221  ;  Tabarî  I,  2578  ;  Kitäb  ailstCâb 
II,  607  (also  for  sixty  years)  ;  al-Dhahabî,  Kitäb  al-Huffäff  II,  19  says  that  he  was  at  Kûfah 
(cfr.  II,  1). 


1908*]  GOTTHEIL  :  THE    CADI.  [P,  387. 

Müsä  al- Ash'arî  la  Küfah.  la  the  Awä'il  literature,  however,  other  names  are  fouad^  ; 
^Abd  Allah  iba  Naufal^  in  Medioah  ;  Abu  Karrah  al-Kiadî  in  Küfab,  and  after  him 
ShuraiJ^  ibn  al-Harith^  or  Jubair  iba  al-Kash'am  ;  in  Basrah,  Ka'b  ibn  Slir-al* 
Azdî^  or  Abu  Maryam  al-HanafP  ;  and  in  Madâ'io,  Salman  ibn  RabPah^.  It  was  to 
Abu  Mîîsa  that  Omar  is  said  to  have  sent  the  following  instructions,  which  may 
represent  the  ideal  of  Mohammedan  justice  ;  but  which  unfortunately  were  often 
only  an  ideal'  :  «  To  render  justice  is  an  obligation  which  must  be  observed,  a 
usage  that  must  be  followed.  Listen  with  attention  to  those  that  plead  ;  for  it  is 
useless  to  demand  one^s  rights,  if  one  have  not  advantage  from  it.  Show  no  partiality 
in  thy  look,  in  thy  tribunal,  in  thy  sentence  ;  so  that  the  powerful  man  count  upon 
thy  partiality,  nor  the  feeble  dispair  of  thy  justice.  He  who  demands  justice 
must  furnish  a  proof  of  his  claim  ;  the  defendant  must  purge  himself  by  the  oath. 
Among  Mohammedans  reconciliation  is  permissable,  provided  it  does  not  render 
lawful  what  is  unlawful,  nor  render  unlawful  what  is  lawful.  If  yesterday  thou  hast 
rendered  a  judgement  and  to-day  thou  seest  fit  to  modify  it,  do  not  hesitate  to 
accept  the  truth  ;  for  the  truth  is  eternal.  It  is  better  to  return  to  the  truth  than 
to  persist  in  the  false.  Ponder  well  that  which  may  be  the  mere  thought  of  the 
moment-  if  it  is  not  warranted  by  the  Koran  or  the  Sunnah.  Make  thyself  familiar 
with  the  resemblances  of  things  and  their  similitudes,  so  as  to  be  able  to  judge  of 
things  according  to  their  analogies.  If  the  plaintiff  do  not  have  the  necessary  proof 
with  him,  adjourn  the  case.  If  (after  the  expiration  of  the  delay)  he  brings  the 
necessary  proof,  give  judgement  in^his  favor  ;  if  not',  pronounce  against  him.  This 
is  the  best  way  to.  dispel  doubt  and  to  enlighten  ignorance.  Mohammedans  may 
serve  as  assessors,  as  notaries  for  each  other,  except  such  as  have  suffered  corporal 
punishment  or  have  been  convicted  of  false  witnessing  or  are  suspect  of  garbling 
their  genealogy  or  family  connections.  God  be  praised  :  he  is  the  only  judge  who 
has  no  need  of  an  oath  and  who  can  do  without  proofs  !  Beware  not  to  show  signs  of 
impatience  or  of  ennui^.  Give  no  indication  of  disdain  towards  those  that  plead. 
Such  as  establish  the  truth  are  recompenccd  of  God  and  are  naentioned  with  honor. 
Salutations  n. 

During  the  early  days  of  the  Caliphate,  the  special  functions  of  the  Cadi  were 
i^ot  always  clearly  marked  out  ;  or,  rather,  several  offices  were  entrusted  to  one  and 


1  Ibn  Kutaibah,  Kitäb  al-Ma'ärif,  276  ;  (*  Uyün  al-Akhbär  (ed.  Brockelmann)  82, 10  has 
Salman  ibn  RabPah  in  'Irak,  then  in  Madä'in,  and  at  Kûfah  Abu  Kurrah)  ;  al-Kall{:ashandî, 
I,  251. 

2  Cfr.  Ibn  Sa*d  V,  13,  15  ;  Taban  III,  2477. 
»  Ibn  Kutaibah,  Küäb  al-Ma'ärif,  276. 

*  Ibn  kutaibah,  ibid  ;  Tabarï  1.  2578  ;  Ibn  Khallikän  (transi,  de  Slane)  IV,  35  ;  Kitäb  aU 
Isti'äb,  I,  228  ;  Kanz  al-'Untmäl  VII,  125  (Nos.  1081  et  seq.). 

5  al-Kalkashandï  toc.  cit. 

•  Tabarï  i,  2464, 15  ;  2451,  5  ;  2637, 1.  He  was  Cadi  in  Kûfah  at  one  time.  Bilâdhurï  204  5 
ibn  Kutaibah,  *  Uyün  al-Akhbär  82, 10  ;  Ibn  al-Fakîh,  Kitäb  aJrBuldän  (ed.  de  Goeje)  293, 13  ; 
171, 16  ;  Kitäb  aUIsti'äb  583. 

7  Text  in  Ibn  Kutaibah,  •  Uyün  al-Akhbär  87, 14  ;  al-Mubarrad,  Kämil  (ed.  Wnglit)  9, 3  ; 
Mâwardî,  Ahkäm  al-Sultaniyyah  119  ;  Ibn  Kbaldün,  Muhaddamät,  ed.  de  Slane  397  (transU 
449)  ;  ed.  Bulak  192  ;  German  translation  in  von  Hammer,  Länderverwaltung ^  206.  See, 
also.  Baihâkî,  Kitäb  al-Mahäiin  (ed.  Schwally),  532. 

9  That  a  judge  should  not  officiate  when  angry  is  a  fi*equent  admonition,  e.  g.  Bukharï 
(ed.  1315  A.  H.)  IX,  65;  al-Çasan  ibn  ^Abdallah,  Äthär  al-Utowal  (Bulak  1295  A.  H.),  14; 
ShaTânï,  Kashf  al-Ghummah  II,  164. 


p.  388.]  •    R    •    E    •     E    •    S    •  [1908. 

the  same  mao.  Thus,  *  Abdallah  ihn  Massud  (d.  32  A.  H.)  was  placed  in  charge  of 
justice  and  of  the  public  treasury  in  Küfah^  In  Egypt,  Sulaitn  ibn  'Itr  was  tax- 
gatherer  as  well  as  Cadi'.  The  study  of  the  papyri  has  proven  that  the  governor,  or 
l^hib,  as  he  was  then  called,  had  not  only  charge  of  the  fiscal  administration  but 
also  had  jurisdiction  in  civil  and  penal  matters^.  In  the  Mohammedan  state  the 
sovereign  power  never  gave  up  in  full  its  supreme  rights  over  every  part  of  the  body 
politic  ;  and  this  right  devolved  upon  his  representative.  One  of  these  rights  was 
the  dispensing  of  justice.  Ibn  Khaldûn^  has  poitited  out  how  the  office  of  Cadi 
developed.  At  first  he  had  to  judge  only  between  individuals;  but  the  burden  of 
statesmanship  became  so  great  as  to  make  it  impossible  fur  the  Caliph  er  even  for 
his  representative  to  busy  himself  with  the  multitude  of  afiairs  that  touched  the 
inner  life  of  the  community.  Many  of  these  cares  were  cast  upon  the  shoulders  of 
the  Cadi.  It  became  his  duty  to  take  charge  of  the  weak  minded,  of  orphans  and  of 
bankrupts.  Testamentary  disposals  and  pious  foundations  were  committed  to  his 
care.  At  times  be  was  also  inspector  of  streets  and  buildings,  especially  of  market 
places  aod  of  weights  and  measures. 

The  highest  judicial  function,  alrnas^  fi-l  Muzälim^  the  right  to  sit  incases  of 
appeal  from  the  judges  or  from  any  iniquity  on  the  part  of  an  officer  of  the  state, 
was  not  necessarily  a  prerogative  of  the  Cadi.  It  was  a  prerogative  reserved  by  the 
early  Caliphs-  especially  Omar  ibn  al-'Azîz  and  the  'Abbâsids'\  From  time  to  time 
the  Caliph  delegated  this  function  to  some  high  officer,  Vizier  or  Cadi,  and  it  was 
natural  that  the  latter,  because  of  his  special  legal  knowledge,  should  often  be 
called  upon  to  fill  such  an  office.  Ibn  Khaidûn  says  that  up  to  the  time  of  al-MuktadI 
the  *Abbâsid,  the  Caliph  did  not  surrender  this  dignity^.  Perhaps  one  of  the  severest 
duties,  in  his  strictly  judicial  functions,  was  connected  with  the  examination  and 
the  confirmation  of  witnesses.  They  must  be  of  good  name  and  family.  Minors, 
slaves,  the  sick,  those  under  guardianship,  Christians  and  unbelievers  were  rigor- 
ously excluded.  The  importance  of  these  duties  will  be  gaged  when  it  is  remembered 
that  written  evidence  was  never  considered  sufficient  in  Mohammedan  law  ;  in  facr^ 
in  most  cases  it  was  never  received.  Ileal  testimony  was  the  viva  voce  evidence 
of  the  witnesses'^.  A  relic  of  the  later  feudal  days  was  the  employment  of  a  Cadi  to 
lead  the  Jihad-  probably  because  of  the  religious  character  given  to  such  underta- 
kings, when  it  was  necessary  to  mask  them  from  mundane  eyes.  Ibn  Eahldün  cites 
as  examples  of  such  warring  Cadis  Yahya  ibn  Aktbam  in  the  reign  of  al-Ma'mün'^, 
al-Mundhir  ibn  Sa'iJ,  the  Cadi  of  the  Umayyid  Caliph  in  Spain,  *Abd  al-Rahmân 


1  Ibn  Sa*d  III,  1.  Ill,  12  :  Ibn  Kutaibah,  Küäh  al-Ma'ärif,  128. 

2  Abü-l-Mabäsin  I,  103,  214  (Cfr.  Ibn  Çajar,  Isäbah,  II,  252.). 
.      3  C.  H.  Becker,  Papyrus  Schott-Reiner,  Nos.  4, 10, 11. 

4  Ed.  de  Slane  398  (transi.  450). 

5  al-Baihâkï,  Kitàb  al-Mahästn,  525  contains  à  number  of  anecdotes  to  show  how  the 
early  Cadis  heard  such  complaints. 

ß  Mâwardï,  Ahkäm  al'Sultäniyyah,  39,  128  ;  Ibn  Khaidûn,  A/MÄaddama^iBeimta886), 
193.  *Abd  al-Malik  ibn  Marwân  (65-86  A.  H.)  was  the  tirst  to  appoint  a  special  term  for  the 
hearing  of  these  complaints  and  to  charge  the  cadi  Abu  Idrîs  al-Audï  with  the  function, 
yan  der  Berg,  Pi^ncipes  du  droit  musulman  (La  Haye  1896),  206,  241;  Al-Baihâkï,  Kitâb 
ßl-Mahäsin,  565. 

'  Rev,  de  Vhist,  des  Relig,  xxxvili,  181  ;  Juynboll  ffandleidin^y  294. 

»  Tabarî  III,  1102,  3  (215  A.  H.)  ;  1104. 16  ;  though  al-Ma'mûn  expressed  an  unfavourable 
opinion  of  him  upon  his  death-bed,  ibid,,  1139.  Ibn  Khallikän  seems  to  know  nothing  of  all 
this  (transi,  de  Slane  IV,  33). 


1908»]  GOTTIIEIL  :  THE    CADI.  [P,  389. 

al-Nâçir.  At  other  times  the  more  religious  nature  of  the  office  was  apparent,  and 
the  care  of  the  mosques  was  given  to  the  Cadi  by  the  Caliph^.  When  he  was  also 
preacher,  his  influence  OTer  his  immediate  flock  must  have  been  great,  and  we 
know  of  what  service  certain  Cadis  of  the  family  al-Nu'man  were  in  propagating 
the  Alid  ideas  of  the  Fatimide  Caliphs  in  Egypt^. 

It  is  no  wonder  then,  that  care  was  taken  in  the  appointment  of  the  Cadi.  An 
old  saying  has  been  handed  down  :  «  He  who  appoints  a  Cadi  has  already  slaugh- 
tered himself  without  a  knife^  ».  The  Caliph  Omar  ibn  'Abd  al-'Aziz  is  reported  to 
have  said^  :  five  characteristics  are  demanded  in  a  Cadi  ;  he  should  be  intelligent| 
considerate^,  modest,  severe  and  wise,  knowing  how  to  ask  about  that  of  which  he 
is  ignorant.  In  another  form  of  the  tradition,  he  is  made  to  say  :  «  A  man  has  no 
right  to  be  Cadi  who  does  not  unite  in  himself  five  qualities  :  modesty,  considera- 
tion, intelligence  in  regard  to  that  which  has  proceeded  him,  the  willingness  to  ask 
the  opinion  of  those  who  can  give  good  counsel,  and  fearlessness  of  blame*^.  »  To 
appoint  a  Cadi  is  considered  in  all  the  legal  books  to  be  a  duty  resting  upon  the 
community'^.  It  is  laid  down  that  there  must  be  a  sufficient  number  of  judges  in 
•every  community,  that  the  distance  between  one  court  and  another  must  not  be 
more  than  about  a  half  a  day's  journey  (so  that  a  man  who  goes  to  court  may  be 
able  to  return  to  his  home  on  the  same  day)  ;  court  must  be  situated  in  an  acces- 
sible place.  The  character  of  the  Cadi  is  a  matter  to  which  all  Mohammedan  jurists 
attach  great  weight,  following  the  tradition  related  above  of  Omar  II.  Al-Mâwardî 
himself  a  Cadi,  in  his  Akhkâm  al-Sultâniyyah^  has  given  us  the  conditions  which 
were  supposed  to  govern  the  choice  of  those  who  were  to  hold  office.  The  Cadi  may 
be  appointed  either  by  the  Caliph,  the  Vizier  or  Amir  ;  he  must  be  male,  of  full 
legal  age  ;  in  possession  of  all  his  faculties  ;  a  free  man  ;  a  Mohammedao  ;  unpu- 


1  Ibn  KhaldQn,  MuJ^addamät,  transi.  446. 

*  Gottheil,  A  Distinguished  Family  of  Fatimide  Cadis  in  /.  A.  0.  Ä,  xxvii,  217.  The 
power  which  a  Cadi  might  wield  is  seen  in  the  influence  exercised  by  Yabyâ  ibn  Aktham  at 
the  court  of  al-Ma'mûn,  Ibn  Khallikan,  transi,  iv,  34.  Some  fine  stories  about  his  indepen- 
<jance  are  told  by  al-BaihâJj^ï,  Kitäb  al-Mahäsin,  532.  On  various  Califs  that  allowed  them- 
selves to  be  judged  by  Cadis,  see  al-ïjasan  ibn  *Abd  Allah,  AtMr  al-Uwwaly  85. 

3  Kanz  al-Ummäl,  III,  206  (No.  3091).  A  variation  of  this  is  ;  «  he  who  judges  between 
men  has  already  slaughtered  himself  without  a  knife  n, 

*  Ibn  Sa*d,  V,  272.  Bukhârl  (ed.  1315  A.  H.)  IX,  67. 

5  On  hilm  as  a  characteristic  highly  praised  by  the  Arabs,  see  the  excellent  notes  in 
Mélanges  de  la  Faculté  Orientale  (Beyrout)  I,  66  and  the  traditions  in  Kanz  al-Ummäl  II, 
28  ;  al-Baihâkî,  Kitäb  al-Mahäsin,  553. 

ö  Ibn  Çutaibah,  *üyün  al-Akhbâr  81,  lays  down  the  following  conditions  :  the  Cadi  must 
be  wise  before  he  receives  the  appointment,  willing  to  ask  advice  of  the  learned,  attentive 
to  that  which  is  blameworthy,  equitable  to  an  opponent  and  obedient  to  authority.  See  also 
Précis  de  jurisprudence  Musulmane  par  Sidi  Khalil  (Paris  1855)  p.  189  ;  tr.  Perron,  IV, 
i25  ;  tr.  Seignette  433.  As  many  as  fifteen  conditions  are  laid  down  by  Ahmad  ibn  al-Çasan 
al-Isfahânï  in  his  Talprlb-oti  the  margin  of  al-GhazzPs  commentary  p.  61. 

7  Sachau.  Muhammedanisches  Recht,  695, 1  ;  Juynboll,  Handleiding  288.  Wilayat  al- 
KadäH  far(fim  *ala'l-kafâyah,  Al-Shîrâzï,  al-Tanbîh  (ed.  A.  W.  T.  Juynboll)  312, 19.  In 
general,  see  L.  W.  C.  Van  den  Berg,  Over  het  Ambt  van  der  Qâdhi.  in  Tijdschr,  van  het 
Batao.  Genootsch,  v.  Künsten,  xviii,  418-434. 

»  Ed.  Enger,  107  et  seq.  A  resume  can  be  found  in  von  Kremer,  Culturgeschichte  des 
Orients,  i.  415  ;  D.  Julian  Ribera  Tarrago,  Ortgenes  desjusticia  de  Aragon,  (Zaragoza  1897), 
108  ;  Juynboll,  Handleiding  287.  Cfr.  also,  al-ShïrâzI,  loc.  cit,  312,  9  ;  Minhâj  al-TäUbin 
(ed.  Van  den  Berg)  III,  304  :  Shihäb  al-Dîn  al-*Umarï,  ahTa'rlf  ft  mustalah  alSharïf 
/Cairo  1312  A.  H.)  116  ;  al-Dardïr,  Shark  'dkrab  al-masalih,  II,  205. 


p.  390.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

nished  ;  in  good  physical  coodition,  especially  as  regards  his  sight  and  heariog  ;  he 
must  have  a  knowledge  of  the  law,  both  practical  and  theoretical.  His  appoint- 
ment can  be  either  oral  or  written^  and  either  for  a  particular  place  or  with  a 
wide  jurisdiction^  ;  either  as  general  Cadi  or  as  special,  e.  g.  for  marriages, 
associations^.  His  diploma,  however,  must  be  read  in  public,  usually  in  some 
mosque  ;  and  likewise  his  deposition  must  be  publicly  proclaimed.  Great  pomp 
accompanied  the  official  appointment  and  presents  of  robes  and  the  like 
were  expected  from  the  Caliph  or  ruler.  That  the  conditions  thus  exacted  were 
always  present  is  a  matter  of  natural  doubt  ;  but  .they  represent  the  ideal  of 
Mohammedan  justice.  There  is  quite  a  literature  extant  upon  this  subject  called 
Adab  al-Eadl  (The  Judge's  Rule  of  Conduct),  and  a  section  with  the  same  title  is 
found  in  most  of  the  works  on  jurisprudence,  which  comprises  not  only  the  ethical 
requirements  but  also  the  actual  duties  of  the  Cadi^.  The  earliest  work  on  the 
subject  seems  to  have  been  that  of  the  Hanafite  Abu  Yûsuf  Ya'küb  ihn  Ibrahim^, 
who  died  in  the  year  182  A.H.^  In  addition,  such  authors  may  be  mentioned  as 
Ahmad  abu  Bakr  al-Shaibânî  of  Bagdad  (d.  261  A.H.)  ;  Ibrahim  ihn  Abî  al-Dam  of 
Emesa  (ca.  642  A.H.),  Zakarîyyâ  ihn  Muhammad  ihn  al-Ansârî  (d.  926  A.H.) 

A  similar  feeling  of  responsibility  seems  to  haver  rested  upon  those  that  accep- 
ted the  office.  Even  Omar  is  said  to  have  excused  himself  when  an  appointment 
as  Cadi  was  offered  to  him^.  'Ali  too  demurred  when  sent  by  Mohammed  to  Temen  ; 
largely  upon  account  of  his  youth^.  The  best  men,  at  times,  absolutely  refused  to 
go  on  the  bench  ;  the  most  Loteworthy  cases  being  those  of  the  two  great  jurists 
Abu  Hanifah  (d.  119  A.H.)  and  al-Sbâfi'î  ;  the  first  of  these  two  even  suffering 
imprisonment  for  his  refusal^. 

With  the  developement  of  Mohammedan  jurisprudence  and  the  rise  of  varying 
schools  of  law,  the  predilection  of  the  Caliph  or  VIsM  (governor)  or  Vizier  for  one 
of  the  schools  exercised  a  determining  influence  in  the  appointment  of  the  Cadi. 
The  rite  of  Malik  ihn  Anas  seems  to  have  been  dominant  in  Egypt  ;  the  Cadi  Isma'îl 
ihn  Yas'a  who  came  from  Küfah  as  a  follower  of  Abu  Hanifah  was  unable  to  per- 
suade the  Egyptians  to  make  a  change.  In  198  A.H.  al-Sbâfi'î  came  to  Egypt  and 


1  According  to  Omar,  a  Cadi  was  to  be  appointed  only  for  two  years  :  Van  Berchem, 
Titres  Caltfiens  d* Occident  (Paris  1907),.  48.  When  a  ruler  died,  his  Cadis  ipso  facto  lost 
their  positions  or  had  to  be  re-appointed. 

2  Thus  we  find  a  Cadi  appointed  in  Egypt  who  had  jurisdiction  over  the  greater  part  of 
the  dominions  of  the  ruler  ;  /.  A.  O.S.  xxvii,  275. 

3  See  Khain  /.  c.  tr.  Perron,  IV,  133. 

^  See  the  traditions  gathered  in  Kanz  al-ümmäl  III,  173,  206  ;  Abu  *Abd  al-Ratmaan  al- 
Nasal  with  the  commentary  of  al-Siyûtî,  III,  303  ;  Af^imad  ihn  Muhammad  al-Dardïr,  Akrab^ 
al-Masälih  (Cairo  1903),  I,  30,  and  the  commentary  thereto  Shark  A^.ahMasälih  (BÛJak, 
1864)  II,  204,  also  the  notes  of  Ahmad  ibn  Ahmad  al-Kalyûbï  to  al-Mahailî  (Cairo  1306  A.  H.> 
IV,  277. 

5  ïïâjjîKhalîfAhl,  219. 

^  Or  183.  On  an  Adab  al-ffäiß  by  Muhammad  ibn  Ahmad  al-Kinânî,  see  Siyûtî,  ^u«n,. 
1, 141.  On  an  Adah  Ul-fjiadä'i  by  'All  ibn  Ahmad  ibn  Mut^ammad  al-Zabîlî,  see  al-Subkt. 
fabakät  al-Shäfi'iyyah  III,  290. 

'  Matthews,  Mischat  ul-Masabih,  II,  223. 

8  Kanz  al'Ummâl,  III,  173  (No.  2624);  al-Turtushï,  Sirqj  al-Mulük,  37,  2  et  seq  ;  Mat- 
thews,  loc.  cit.  222  ;  Von  Hammer,  Staatseinrichtung  4  ;  al-Diyârbakrî,  Ta'rikh  Ehamis, 
II,  160  ;  al-Shahrastanl,  1, 155. 

»  al  Sha*rânï,  Kitäb  al-Mlzän  (ed.  1279  A.  H.)  II,  206  ;  al-Abshïhl,  Kitäb  al-Mustatraf, 
I.  91,  below  ;  Juynboll,  Handleiding,  286.  [Cf.  Le  Rite  du  Refus,  Arch.  f.  Religw.  T.  XI 
p.  1-10.  Réd.] 


1908.]  GOTTHEIL  :  THE    CADF.  [P.  391. 

from  that  time  on  his  system  seems  to  have  held  sway^.  During  the  Fatimide  period, 
of  course,  the  Gadi  had  to  be  an  Ismailian  ;  though  from  the  time  of  al-Mustansir 
on  we  read  of  the  appointment  of  Shafi^ite  Cadis  ;  indeed,  in  the  year  425  A.H. 
four  Cadis  administered  justice-  an  Imâmî,  an  Isma'îlî,  a  Malikite  and  a  Shâfi'ite^. 
In  the  year  664  A.H.,  during  the  rule  of  tho  Mamiukc  al-Zahir  Baibars  al-Bunduk- 
dâîî  (658  676  Â.H.)^,  the  custom  was  introduced  to  appoint  a  Cadi  for  each  one  of 
the  four  so-called  orthodox  schools.  With  the  coming  of  the  Turks  in  the  16th 
century  A.D.  the  system  of  Abu  Hanîfah  was  introduced  and  the  Cadis  appointed 
from  that  school.  This  custom  of  appointing  four  Cadis  was  then  extended  to  Damas» 
eus,  Aleppo,  Tripoli,  Emesa,  Alexandria,  Safed,  Malatiyya^  and  probably  to  all  the 
more  important  Mohammedan  Centers.  At  an  early  time  one  Cadi  was  singled  out  as 
above  all  the  others  and  received  in  the  East  the  title  of  Chief  Cadi  (Kâdi  al-Kudât)  ; 
in  the  West  he  was  «  Cadi  of  the  Community  ».  (Kâdi  al-Jamä'ah)^.  In  Bagdad  the 
first  to  have  this  title  «  Chief  Cadi  »  was  Abu  Yusuf  al-*An§ârî,  a  pupil  of  Abu 
Hanlfah  (d.  182  A.  H.)^.  AUMakruH  gives  us  an  account  of  the  procedure  before  the 
Chief  Cadi  in  Egypt  which  is  well  worth  quoting.  «  The  rank  of  such  an  one  was  the 
highest  of  the  dignitaries  of  the  turban  and  of  the  pen.  Sometimes  the  same  was 
also  preacher  :  then  he  was  called  «  Head  Cadi  and  Head  Preacher  ■.  All  religious 
matters  were  in  his  care.  He  took  his  seat  every  Saturday  and  Tuesday  in  the 
Ziyadah  of  the  Mosque  of  'Amru  ibn  al-'Âs  in  Old  Cairo  upon  a  divan  («  mattress  ») 
and  a  silken  cushion...  The  witnesses  sat  to  his  right  and  left  around  him  according 
to  their  precedence  of  rank.  Near  him  were  five  attendants  ;  two  in  front,  two  at 
the  door  of  his  private  room,  and  one  to  introduce  those  that  came  to  him  as  liti- 
gants. Four  guards  stand  near  to  him  ;  two  facing  two.  He  has  an  inkstand  orna- 
mented with  silver,  which  is  brought  to  him  from  the  state  treasuries  ;  a  bearer  is 
appointed  for  it,  who  is  paid  by  the  government.  From  the  stables  there  is  bi^ugl^t 
for  him  a  grey  mule  ;  one  of  such  a  colour  beiog  reserved  for  him  alone.  From  the 
saddle-magazine  a  saddle  is  brought  for  him,  richly  adorned,  on  the  outside  of  which 
is  a  plaque  of  silver.  In  place  of  hide,  silk  is  used.  Upon  state  occasions  he  wears 
chains  and  robes  of  honor  faced  with  gold.  But  he  is  not  accompanied  with  drum 
or  trumpet,  except  when  he  is  appointed  preacher  as  well  as  judge  :  in  which  case 
the  accompaniment  of  the  dignity  of  preacher  is  the  drum,  the  clarion,  and  the 
special  flags  ;  for  this  one  is  the  keeper  of  the  flags  with  which  the  Wazîr  «  Chief  of 


^  This  is  the  explicit  statement  of  al-Ma^nzî,  Khitat,  II,  334. 1  can  not,  therefore,  un- 
deratand  the  i-emark  of  Abû-1-MaUâsin  in  his  al-Manhal-alr^fl  (Quatremère,  Sultans  Mam- 
M)uks,  1. 1.  97  note)  that  from  the  time  of  Abu  yanifah  to  that  of  the  Fatimides  the  Cadi 
was  usually  of  the  Hanifite  School. 

*  The  SM*ah  Cadis  were  removed  by  Saladin  in  561  ;  Khitat,  n,  343. 

*  This  took  place  in  the  year  664  A.  H.  ;  Khitat,  344  top.  ;  Quatremère,  Sultans  Mam^ 
louhs,  1. 1,  97.  In  principalities  which  are  today  only  nominally  under  the  suzerainty  of  the 
Sultan  of  Turkey,  the  Chief  Cadi  is  still  appointed  directly  by  the  Sultan  ;  e.  g.  in  Egypt, 
and  not  by  the  Khedive.  See  Colvin,  The  Making  of  Egypt,  (London  1907),  17. 

*  al-?ahiri,  Kitäb  Zubdat  Kaskf  al-Mamälik  (ed.  Ravaisse),  131  et  seq. 

^  Ihn  Khallikân  (transi,  de  Slaue)  UI,  433  ;  IV,  342.  The  first  to  bear  this  title  seems  to 
have  been  Amr  ibn  'Abd  Allah  under  the  Calif  ate  of  Muhammad  I,  (250  A.  H.).  Before  this 
the  title  had  been  ^ä(ß  al-Jund  ;  Dozy,  Suppléments  II,  363  b. 

*  Ibn  Khallikân  II,  273. 

'^  Khitat,  L  403.  See  /.  Q,  R.  xix,  497.  An  illustration  from  an  old  manuscript  of  a  Cadi 
sitting  in  judgement  will  be  fotjnd  in  Nicholson,  Literary  History  of  the  Arabs,  Frontis- 
piece. 


p.  392.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

the  Sword  n  is  honored.  When  he  officiates  specially  as  judge,  there  are  about  him 
readers,  and  before  him  the  criers  who  proclaim  the  name  of  the  Caliph  and  the 
Wazïrs  of  the  day.  He  is  borne  (in  state)  by  the  lieutenants  of  the  gate  and  the 
attendants^.  No  one  approaches  his  presence,  wishing  to  speak  to  him,  even  if  hebe 
Chief  of  the  Sword  and  the  Pen,  nor  does  messenger  or  mission  approach,  except 
they  receive  permission.  He  addresses  no  one  when  he  is  in  the  seat  of  judgement  ; 
nor  is  a  witness  heard,  except  at  his  order.  He  sits  in  the  Easr  on  Monday  and 
Thursday  at  early  noon  in  order  to  salute  the  Caliph.  His  representatives  (also) 
give  judgement  :  the  head  of  the  Treasury  must  report  to  liim.  He  has,  also,  to 
watch  over  the  Dîwân  of  the  Mint,  in  order  to  render  an  account  of  the  money  that 
is  minted  •. 

A  similar  account  is  given  by  al-KalkashandP.  The  latter  tells  us  that  the  Chief 
Cadi  received  as  pay  one  hundred  dinars  a  month,  which  was  of  course  small  com- 
pared with  that  of  the  Vizier  (five  thousand  a  month)  ;  but  was  as  much  as  some 
of  the  highest  officers  in  the  immediate  vicinity  of  the  Caliph  received.  Id  reality 
the  Cadi  was  to  receive  no  payment  for  his  services».  Omar  is  reported  to  have  said 
«  The  Cadi  of  the  Moslems  ought  not  to  receive  any  pay^  n.  If  he  was  poor,  how- 
ever, he  might  receive  a  stipend  from  the  Treasurer  (Bait-al-Mal)  and  also  payment 
for  his  assistants.  Four  times  in  the  year  a  special  seance  was  instituted  by  the 
Caliph  for  the  Cadi  and  the  notaries.  These  took  place  at  ni^ht  and  were  accompa- 
nied with  illuminations  and  ceremonial.  Al-Kall^ashandî  gives  us  a  full  description 
of  these  entertainments. 

The  conditions  asserted  above  for  the  appointment  of  a  Cadi  were  indeed  ideal 
ones.  Van  der  Berg  has  in  this  connection  aptly  cited  the  Latin  proverb  «  leges 
sine  moribus  vanae  »^  ;  the  uprightness  of  the  Cadis  depended  only  too  often  upon 
the  state  of  society  in  which  they  lived.  The  ills  which  often  beset  our  modem 
judges  beset  Mohammedan  ones  as  well.  In  addition,  the  religio-political  charac- 
ter of  Islamic  supremacy  brought  it  about  that  the  temporal  ruler,  be  he  Caliph, 
Sultan  or  Wâlî,  too  often  interferred  with  the  rights  and  the  duties  of  the  Cadi^. 
Appeal  to  this  higher  power  was  always  possible  ;  and  so  it  has  come  about  that 
to-day  in  most  Mohammedan  countries  the  Cadi  is  appealed  to  only  in  matters 
that  relate  to  private  rights,-marriage,  trusteeship,  testamentary  succession  and 

^  The  court  of  a  Cadi  must  have  been  quite  large.  He  had  assessors,  chamberlains^ 
secretaries,  dragomen  and  the  like.  See  Khalîl  /.  c.  tr.  Perron,  IV,  139  etc.  On  the  Kätib  and 
his  qualiflcations,  see  lid  alfartd  II,  211  ;  ^astalânî  (ed.  1288  A.  H.)  X,  288. 

«  Transi.  Wüstenfeld,  1, 184. 

3  Seethe  anecdote  related  of  Siwär  ibn'Abd  Allah  in  Ibn]FCutaibah,'C/2/ûna{-AMMrt 
91,7» 

*  Kanz  al'ümmäl,  ni,  177  (No.  2672).  A  similar  saying  is  attributed  to  'All,  ibid.  17^ 
XNo  2627).  The  first  Cadi  to  receive  pay  was  Zaid  ibn  Thâbit  in  Medinah  ;  Karu  al-ümmäL 
III,  176  (No.  2655),  Von  Hammer,  Ländervertoaltung,  4  (from  the  Awa'il  literature).  For 
Zaid,  cfr.  the  tradition  from  al- Wâkidî  cited  by  Ibn  flajar,  Isäbah,  H,  42  :  Râna  saidun 
ra'san  bil^madïnah  fllÇadâ'i  wal-fatwa  wai-karâ'ah  wal-farâ'i4-  In  the  raids  carried  on 
under  Mobammad's  direction,  Zaid  is  always  mentioned  as  one  of  the  appraisers  of  the 
booty  ;  e  g.  Wellhausen,  Muhammad  in  Medina,  291,  295  etc.  It  is  generally  conceded 
that  a  Cadi  may  engage  in  business,  though  al-Shâfi'iî,  Malik  and  Ibn  Ir^anbal  deem  it  better 
that  he  do  so  through  a  third  person  ;  al-Sha*rânL  Mlzän  U.  206.  Bribery  was,  of  course^ 
severely  frowned  upon  ;  see  the  traditions  in  Kanz  al-Ummäl,  III,  177  (Nos.  3678  et  seq.! 
'Sha*rânï,  Kashf  al-Ghummah,  II.  164. 

*  Tijdêchr.  van  het  Batav.  Genootsch.  v.  Künsten^  xviii. 

*  Retme  de  Vhist  des  Relig.  xxxvii,  192. 


1908.]  GOTTHEIL  :  THE    CADI.  [P.  393. 

pious  foundations^.  An  old  writer  on  legal  matters,  Abu  Muzaffar  Yahyâ  ibn  Hubai- 
rah  (6  th  century  A.  H.)  is  reported  by  al-Sha'ränP  to  have  complained  of  the 
difficulty  experienced  in  finding  all  the  conditions  laid  down  by  the  jurists  united 
in  any  one  man,  especially  those  concerning  his  deep  knowledge  of  the  law,  «  for 
in  our  days  the  conditions  that  characterized  the  great  doctors  of  the  law  are  not 
found  in  most  of  the  Cadis  ».  And  Abu  Hanîfah  expressly  permitted  the  inves- 
titure of  a  Cadi,  even  if  he  were  not  deeply  versed  in  the  subtleties  of  the  law. 

The  Cadis  were  thus  in  many  ways  important  personages  in  Mohammedan 
civilization.  Both  as  individuals  and  as  a  class  they  form  a  fitting  subject  for  bio- 
graphical treatment.  Not  only  are  the  lives  of  many  of  them  to  be  found  in  the 
biographical  works  of  Ibn  Khallikan,  al-Subkï,  al-Eutubî,  al-Dhahabî,  etc.,  but 
the  history  of  the  Cadis  formed  a  specific  branch  of  Mohammedan  biographical 
science.  In  his  chapter  on  the  *Ilm  al-T'arîkh,  Hâjjî  Khalîfah  divides  this  science 
into  the  following  subdivisions  :  1.  the  general  history  of  the  Cadis  ;  2.  the  history 
of  the  Cadis  of  Egypt  ;  3.  the  history  of  the  Cadis  of  Bagdad  ;  4.  the  history  of  the 
Cadis  of  Damascus.  Originally,  such  histories  followed  the  sequence  of  events, 
giving  an  account  of  the  man  and  of  the  stewardship  of  his  office  in  the  chronolo- 
gical order  of  events.  At  a  later  time  the  data  here  gathered  formed  the  basis  for 
biographical  poems  and  biographical  dictionaries. 


^  JuynboU,  Handleiding^  311  ;  Snouck-Hurgronje,  Mekka,  i,  182. 

«  Mtzän  (Ed.  1279  A.  H.)  II,  204  ;  A^mad  ibn  Muhammad  al-Dardir  (1715-1786)  in  his 
Sharh,  akrab  aUMasälik,  II,  205  complains  about  the  ignorance  of  the  Cadis  of  Cairo  ;  all 
they  did'  was  to  afl^  their  name  to  a  document  :  la  yasma'u  da^wä  wala  ya^rifu 
hakJßkätahä,,..  fayajfiübu  *smahu  toa-yoifa'u  khatmahu  min  ghairi  ziyädati. 


p.  394.]  •     R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 


DIE  NATURGRUNDULOE  DES  MEXIKANISCHEN 
GOTTES   XIUHTECUTL.I. 

SlQ  mythologischer  Versuch 

von  Hermann  Beyeb  (Giddiugs,  Texas). 


Aus  (lein  einige  Tausende  von  Göttern  zählenden  mexikanischen  Pantheou 
haben  nur  etwa  zwei  Dutzend  eine  grössere  Bedeutung  erlangt,  deren  Gestalten 
uns  in  den  Bilderschriften  und  auf  Steinbildwerken  immer  wieder  entgegentreten. 
Zu  diesen  wichtigeren  Gottheiten  gehört  auch  Xiuhtecutli,  dem  diese  Arbeit 
gewidmet  ist. 

Der  Name  des  Gottes  kann  entweder  mit  «  Herr  des  Türkises  »^,  oder  «  blauer 
Herr  r,  oder  **  Herr  des  Grases  w,  oder  auch  "  Herr  des  Jahres»  übersetzt  werden. 
Damit  scheint  in  gar  k(nner  Verbindung  zu  stehen,  dass  Xiuhtecutli  in  den  Quel- 
len ständig  als  Feuergott  bezeichnet  wird  und  in  seinem  Kopfputz  u.  a.  auch  zwei 
IkOhrstäbe,  die  Feuerbohrer,  trägt.  Wenn  der  Xiuhtototl^,  der  «  blaue  Vogel  r. 
als  Tier  unseres  (lOttes  erscheint,  so  ist  dies  dem  «  Türkisherrn  »  durchaus  ange- 
messen ;  wenn  ihm  aber  auch  der  rote  Arara,  die  Guacamaya,  beigesellt  wird,  so 
ist  dies  wieder  aus  dem  Namen  des  Gottes  nicht  verständlich. 

Die  roten  Tiere,  der  Hirsch,  der  rotköpfige  Geier,  der  Arara,  symbolisierten 
bei  den  Mexikanern  den  Süden,  die  Region  der  Sonne.  Und  Tonatiuh,  der  Son- 
nengott, der  als  solcher  durch  die  bei  ihm  angegebene  Sonnenscheibe  mit  Sicher- 
heit zu  identifizieren  ist,  erscheint  in  den  Bilderhandschriften  immer  rot  gefärbt. 
Andere  Sonnengötter,  wie  der  Regent  des  elften  Tageszeichens,  den  Professor 
Seier  als  Xochipilli  bestimmt  hat,  ferner  Piltzintecutli,  der  dritte  der  «  neun 
Herren  der  Nacht»?,  und  Tlatlauhqui  Tezcatlipoca,  der  «rote  Tezcatlipoca  r, 
w^erden  ebenfalls  entweder  vollständig  oder  doch  im  Gesicht  rot  gemalt.  Und  die 
mythologischen  Persönlichkeiten,  die  in  den  Tonalamatlen  der  Südrichtung  zuge- 
wiesen werden,  sind  meistens  von  roter  Körperfarbe. 

Es  liegt  nun  recht  nahe,  in  Xiuhtecutli,  dem  Patron  des  roten  Arara,  gleich- 
falls eine  Anthropomorphisierung  der  Sonne  zu  sehen.  Die  Richtigkeit  dieser 
Annahme  wird  dadurch  bestätigt,  dass  der  Sonnengott  von  den  Mexikanern  mit 
Xitihpilli  resp.  Xipilli,  «  Türkisprinz  „,  oder  Xiuhpiltontli,  «  Türkiskind  «,  ange- 
redet wurde.  Wie  die  Beziehung  zu  verstehen  ist,  in  der  der  Türkis  bezw.  das 
Blau  zu  der  Sonne  steht,  ist  aus  einer  Benennung  zu  ersehen,  die  Uitzilopochtli 
führt,  dem  allgemein  die  Natur  eines  Sonnengottes  zugestanden  wird.  Uitzilo- 
pochtli trägt  auch  den  Namen  Xoxouhqui  ilhuicatl,  «  blauer  Himmel  v.  Sonne  und 
blauer  Himmel,  d.  i.  Tageshimmel,  sind  nun  zwei  innig  verknüpfte  Vorstellungen 
und  wir  dürfen  Xiuhtecutli  und  Uitzilopochtli  ebenso  gut  als  Personifikationen 
der  Sonne  wie  des  blauen  Himmelgewölbes  bezeichnen.  Aus  dem  angeführten 
Ideengange  heraus  löst  sich  auch  der  scheinbare  Widerspruch,  dass  die  alten 
Schriftsteller  einmal  angeben,  das  Idol  Uitzilopochtli's  sei  rot,  das  andere  Mal, 
es  sei  blau  gewesen. 


Nach'  Professor  Ed.  Seier  der  Coiinga  cincta  sive  caerulea. 


1908.]  BEYER  :   DER    MEXIKANISCHE    GOTT    XIUHTECUTLI.  P.  [396* 

Der  Sonne  war  aber  nicht  nur  der  Süden,  sondern  auch  der  Osten  zugeteilt. 
Auf  dem  ersten  Blatte  des  Codex  Fejérvâry-Mayer  ist  den  allegorischen  Darstel- 
lungen des  östlichen  Feldes  eine  Sonnenscheibe  beigegeben.  Von  Sahagun  (VIII, 
Prologo)  wird  diese  Himmelsrichtung  <*  ciudad  del  sol  »  genannt.  Deshalb  wird 
von  Acosta  und  Herrera  als  Farbe  des  Ostens  Eot,  für  den  Süden  dagegen  Blau 
angegeben.  Die  Anales  de  Quanhtitlan  bezeichnen  dagegen  wieder  Rot  als  Symbol 
des  Südens  und  weisen  dem  Osten  die  blaue  Farbe  zu.  Darum  trägt  auch  im  Codex 
Borgia  die  Ciuacoatl  des  Ostens  als  Helmmaske  den  Kopfschmuck  des  Feuer- 
gottes und  sind  weiterhin  auf  mexikanischen  Steinkisten  die  Embleme  Xiuhte- 
cutli's,  die  königliche  Stirnbinde  und  der  blaue  Nasenpflock,  an  der  Ostseite 
dargestellt^. 

Die  spitze  Kopfbinde  xiuhuitzoUi  und  das  eigenartige  Nasenornament  sind 
konventionelle  Formen  des  Kopf-  und  des  Schwanzstückes  des  Xiuhcoatl,  welcher 
das  naualli,  die  Verkleidung,  Xiuhtecutli's  bildete.  Dass  das  yacaxiuitl,  «  Nasen- 
türkis vy  genannte  Emblem,  das  sich  bei  Xiuhtecutli  angegeben  findet,  die  gleidhe 
Form  wie  die  Schwanzspitze  des  Xiuhcoatl  hat,  ist  schon  von  andrer  Seite  betont 
worden^.  Und  dass  das  spitzauslaufende  Diadem,  mit  den  Xiuhtecutli  besonders 
in  den  eigentlich  mexikanischen  Bilderschriften  abgebildet  wird,  das  Anfangs- 
glied des  Xiuhcoatl,  also  das  erste  Tierkreiszeichen,  symbolisieren  soll,  geht 
daraus  hervor,  dass  der  Gott  Pàtecatl  denselben  Köpfschmuck  trägt  ;  Patecatl  ist 
aber  eine  Personifizierung  der  ersten  Konstellation  des  mexikanischen  Zodiaks, 
denn  er  wird  von  den  Interpreten  «  Cipactonal  v,  d.  i.  «  das  Tageszeichen 
Cipactli  V  genannt. 

Dieselben  Symbole,  xiuhuitzoUi  und  yacaxiuitl,  bilden  auch  die  Hieroglyphe 
der  beiden  mexikanischen  Könige  Motecuhzoma  I  und  II.  Aus  Sahagmi  wissen 
-wir,  dass  der  Fürst,  dem  der  Gott  <*  das  Amt  überträgt,  das  Volk  mit  Gerechtig- 
keit zu  regieren  »  in  der  Meinung  der  Mexikaner  "  zur  Seite  des  Feuergottes,  der 
der  Vater  aller  Götter  ist  »,  sitzend  gedacht  wurde.  Und  Acosta  sagt  direkt,  dass 
die  Könige  für  Ebenbilder  der  Götter  gehalten  wurden^.  Demnach  bezeichnet  die 
Hieroglyphe  Motecuhzoma  als  wesenseins  mit  Xiuhtecutli,  dem  Feuergott.  Wenn 
der  yacaxiuitl  in  der  hieroglyphischen  Namensschreibung  Motecuhzoma's  des 
jüngeren  als  Repräsentant  des  yocoyotzin  gedeutet  wurde,  so  ist  das  sicher 
imrichtlich,  denn  dasselbe  Element  kommt  auch  gelegentlich  in  der  Hieroglyphe 
des  älteren  Motecuhzoma  vor*. 

Mit  den  Emblemen  des  Feuergottes  wird  auch  das  Abbild  des  in  Feindeshand 
gefallene  und  geopferten  Kriegers  ausgestatt.  Die  Seelen  der  toten  Kämpfer 
aber  hatte'h  die  Sonne  auf  ihrem  Wege  täglich  bis  zum  Zenit  zu  geleiten.  Dass  die 
seligen  Krieger^  die  Gefährten  des  Sonnengottes,  durch  den  symbolischen 
Schmuck  als  mit  ihm  gleichartig  charakterisiert  werden  sollen,  ist  eine  sehr 
naheliegende  Schlussfolgerung. 

In  der  Reihe  der  dreizehn  Vögel  und  dreizehn  Götter  im  Tonalamatl  Aubin 


*  Siehe  Profeesor  Seler's  AbhandluDg  «  Ueber  Steinkisten^  TepetlacaUi,  mit  Opferdarstellun- 
gen  und  andere  ähnliche  Monumente  «,  Zeitschrift  für  Ethnologie,  Bd.  XXXVI,  S.  244-290. 

*  Dr.  K.  Th.  Preuss,  Kosmische  Bieroffli/phen  der  Mexikaner^  Zeitschrift  fQr  Ethnologie,  Bd. 
XXXm,  S.  12. 

3  Eistoria  natural  y  moral  de  las  Indias,  SoWlia,  1590.  S.  475. 

^  Fragments  de  Généalogie  des  Princes  mexicains^  Motecuhzoma  Ilhuicamina  in  Boban*8 
Kafalog  der  Sammlung  Goapil-Aobin. 


p.  396.]  •    R    •    E    •    E     •    S    •  [1908. 

erscheint  an  elfter  Stelle  ein  roter  Gott,  der  wohl  als  Tlatlauhqui  Tezcatlipoca  zu 
bestimmen  ist  ;  sein  naualli  bildet  der  Guacamayo.  Damit  wird  der  rote  Tezcat- 
lipoca mit  Xiuhtecutli  identifiziert,  was  ja  durchaus  berechtigt  ist,  da  beide,  wie 
schon  erwähnt  worden  ist,  die  Sonne  bezw.  den  Tag  repräsentieren.  Als  «VojreK 
Xiuhtecutli's  ist  in  der  erwähnten  Serie  der  Schmetterling  angegeben.  Der  Schmei- 
terling  wird  nun  in  den  altmexikanischen  Bilderschriften  ständig  als  Symbol  des 
Feuers  resp.  der  Flamme  verwendet  und  seine  Beziehung  zum  Feuergotte  bedart 
somit  keiner  weiteren  Erörterung.  Piltzintecutli  und  Xochipilli  tragen  den  Schmet- 
terling als  Gesichtsbemalung.  Und  die  stufenartige  Brustplatte,  die  auf  den 
bildlichen  Darstellungen  Xiuhtecutli's  vorkomnnt,  darf  wohl  auch  als  stilisierter 
Schmetterling  klassifiziert  werden. 

Wenn  Xiuhtecutli  mit  dem  alten  Schöpfergott  Ometecutli-Tonacatecutli- 
Ueuecoyotl  gemeinsame  Züge  aufweist  oder  mit  demselben  geradezu  identifiziert 
wird,  so  kommt  dies  daher,  weil  man  in  Alt-Mexiko  auch  die  Sonne  als  Urheberin 
aller  Dinge,  als  Schöpferin  des  Lebens  ansah.  Dem  Süden,  «  der  Gegend  der 
Gottheit  r  (der  Sonne),  wird  deshalb  in  den  Bilderschriften  der  mythische  Baum 
Tamoanchan  beigegeben,  der  Wohnsitz  des  alten  Götterpaares.  Die  (iötter  Ome- 
tecutli  und  Xiuhtecutli  sind  aber  nur  in  Bezug  auf  ihre  Funktionen  gleichwertig, 
ihre  natürlichen  (Jrundlagen  sind  vollkommen  verschieden.  Während  Xiuhtecutli, 
wie  wir  sahen,  die  Sonne  bezw.  den  Tageshimmel  personifiziert,  stellt  Ometecutli 
den  obersten  Himmel,  die  Milchstrasse,  dar. 

Nachdem  wir  so  Xiuhtecutli  mit  einiger  Sicherheit  als  Sonnengott  erkannt 
haben,  können  wir  auch  die  Interpretation  der  Zeremonien  bei  seinen  Festen 
versuchen.  Von  dem  Gedanken  ausgehend,  dass  in  den  religiösen  Feierlich- 
keiten zu  Ehren  der  Solargottheit  Xiuhtecutli  auf  den  Lauf  der  Sonne  angespielt 
wird,  werden  wir  diese  Feste  in  der  Nähe  der  vier  Jahrespimkte,  entweder  der 
Solstitien  oder  der  Nachtgleichen,  suchen.  Die  beiden  Feste  des  Feuergottes, 
Xocohuetzi  und  Izcalli,  liegen  in  der  Tat  fast  genau  ein  halbes  Jahr  auseinander. 
Wenn  wir  aber  weiterhin  die  Feiern  in  Beziehung  zur  Sonnenwende  odes  Tag- 
imd  Nachtgleiche  setzen  wollen,  scheint  unsere  Hypothese  zu  versagen,  da  die  in 
den  Datenangabeu  stark  von  einander  abweichenden  Quellen  sowohl  das  eine  wie 
das  andere  mit  ein  und  demselben  Festtage  zulassen.  Man  könnte  vermuten,  dass 
eine  Verschiebung  der  Feste  stattgefunden  habe,  und  eine  solche  Annahme  wäre 
bei  dem  mexikanischen  Jahre  von  365  Tagen  durchaus  begiündet.  Aber  die  Dif- 
ferenz ist  eine  zu  grosse  —  Sahagun  giebt  für  Xocohuetzi  den  1.,  der  Codex  Vat. 
A  den  23.  August  an  — ,  als  dass  sich  annehmen  Hesse,  sie  sei  von  den  mexika- 
nischen Priestern  nicht  bemerkt  und  korrigiert  worden.  —  Es  wäre  nun  möglich, 
dass  die  Mexikaner  nicht  das  eigentliche  Sommersolstitium,  sondern  die  Zeit,  in 
der  die  Sonne  ihre  höchste  Kraft  erreicht  hat,  den  Tag  der  grössten  Hitze  —  der 
mit  dem  Solstitium  keineswegs  zusammenfallt  —  mit  einer  religiös-symbolischen 
Feierlichkeit  bedacht  hätten.  Diese  Theorie  wird  jedoch  dem  mexikanischen 
Klima  nicht  ganz  gerecht,  da  z.  B.  in  der  Stadt  Mexiko  das  absolute  Maximum 
der  W^ärme  in  April  am  höchsten  und  im  Dezember  am  niedrigsten  ist,  das  abso- 
lute Minimum  im  Dezember  am  niedrigsten  und  im  August  und  September  am 
relativ  höchsten  ist.  —  Es  käme  weiterhin  in  Betracht,  die  augenscheinlich  vor- 
handene Tendenz,  in  jeden  cempoualli  ein  grosses  Fest  zu  legen,  für  das  Ver- 
schieben der  Daten  verantwortlich  zu  machen. 

Das  Problem  ist  aber  am  besten  dadurch  zu  lösen,  dass  wir  annehmen,  dass 
sich  bei  den  Mexikanern  das  rituelle  Jahr  nach  dem  Beginn  der  Regenzeit  rieh- 


19 08. J  BEYER  :   DER    MEXIKANISCHE    GOTT    XIUHTECUTLI.  [P,  397« 

tete.  Sommer  uiitl  Regenzeit  fieleu  im  Denken  der  alten  Bewohner  Analiuac's 
zusammen.  Das  zeigt  sich  beisp.  darin,  dass  Acosta  von  IJitzilopochtli,  dem 
Sonnen-  und  Sommergott,  und  Tlaloc,  dem  Regengott,  sagt,  ihre  Idole  wären 
immer  zusammen  aufgestellt  gewesen  und  sie  seien  für  Gefährten  und  als  von 
gleicher  Macht  angesehen  wordene  In  der  Natur  decken  sich  Sommer  und  nasse 
Jahreszeit  ebenfalls,  wenn  auch  nich  vollkommen.  Die  Regenzeit  beginnt  im 
mexikanischen  Hochland  nämlich  erst  ungeßhr  Mitte  Mai,  an  der  atlantischen 
Küste  2-8  Wochen  früher.  Jedenfalls  war  aber  der  Eintritt  der  Regenperiode  für 
die  Ackerbau  treibenden  Mexikaner  von  ungleich  grösserer  praktischer  Wichtig- 
keit wie  die  Frühjahrstag-  und  Nachtgleiche.  Es  ist  somit  in  hohem  (îrade  wahr- 
scheinlich, dass  der  cenipoualli  Toxcatl,  in  dem  die  Regen  zu  fallen  begannen, 
den  Ausgangspunkt  für  den  Zyklus  der  Jahresfeste  bildete.  Eine  Bestätigung 
findet  diese  Annahme  dadurch,  dass  in  dem  20-Tage-Monat  Toxcatl  der  Tod  des 
Nacht-  und  Wintergottes  Tezcatlipoca  und  die  Ankunft  Uitzilopochtli's  symbolisch 
dargc^stellt  wnirden,  am  Ende  der  Regenzeit  aber,  im  cempoualli  Teotleco,  die 
Wiederkunft  Tezcatlipoca's  gefeiert  wurde.  Genau  ein  Vierteljahr  nach  der 
Ankunft  d(\s  Sommergottes  fand  nun  das  erste  Fest  Xiuhtecutli's,  Xocohu(»tzi, 
statt,  das  demnach  als  eine  Symbolisierung  des  Sommersolstitiums  l)estimnnt 
werden  kann.  Und  damit  stimmen  in  der  Tat  die  an  diesem  Tage  gefeierten 
**  Mysterien  r  vortrefflich  überein.  An  dem  Feste  wurde  unter  grossem  Lärm  ein 
Baum  aufgerichtet,  welcher  auf  der  Spitze  den  aus  Teig  geformten  Vogel  des 
Feuergottes  tnig,  der  dann  herabgeholt  wurde.  Xocohuetzi  wird  deshalb  als  das 
«  Herniederholen  des  Baumes  Xocatl  «  interpretiert.  Diese  Zeremonie  findet  ihre 
Parallele  und  Erklärung  in  einem  auch  noch  nach  der  Christianisierung  geübten 
Brauch  der  Gallier,  die  in  der  Johannisnacht  feurige  Räder  von  den  Berghängen 
in  die  Täler  herabrollten  zum  Zeichen,  dass  die  Sonne  am  höchsten  stände  und 
jetzt  wieder  heruntergehen  müsse. 

Das  ein* halbes  Jahr  darauffallende  Fest  Izcalli  muss  nun  die  Wintersonnen- 
wende betreifen.  Von  den  Uebersetzungen  des  Wortes  Izcalli  durch  "  Hier  ist  das 
Haus«,  **  Wachstum  «,  «  Auferstehung  w,  "Rückkehr  zur  Wärme«,  passen  die 
letzteren  recht  gut  zu  unserer  Solstitium-Hypothese.  Wenn  die  Mütter  ihre 
Kinder  unter  dem  Rufe  "  izcalli  »  hochhoben,  so  ist  dies  wohl  in  Hinsicht  auf 
die  Analogie  zum  Wachstum,  zum  Aufsteigen  der  Sonne,  das  jetzt  folgte,  zu 
verstehen. 

Die  Wesensgleichheit  Xiuhtecutli's  mit  dem  Sonnengott  ist  noch  aus  einem 
andern  Umstände  zu  folgern.  Tonatiuh,  die  Gottheit  der  Sonne,  erscheint  näm- 
lich als  Herr  des  Tageszeichens  quiauitl,  «  Regen  «,  und  Xiuhtecutli  als  Patron 
von  atl,  «  Wasser  «.  Die  scheinbar  widerspruchsvolle  Zusammenstellung  der 
Sonnen-  bezw.  Feuergötter  mit  Wasser  oder  Regen  findet  ihre  ungezwungene 
Erklärung  in  der  eben  erläuterten  Identität  von  Regenzeit  und  Sommer. 


1  Op.  cit.,  S.  324. 


p.  398.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 


LE  TEMPLE  CHINOIS  »  BEI-IUN-DJUAN  » 
dans  la  passe  d'Ak-Su,  province  d'lll 

par  N.  Pantoussofp  (Vicrny,  Turkestan  russe). 


Beï  iuD-djuan  est  le  nom  d'un  temple  chinois,  situé  dans  la  passe  ou  gorge 
d'Ak-Su  dans  la  province  dlli.  Beï-iun-djuan  signifie  «  temple  dans  les  nuages 
blancs  ».  En  effet  ce  temple  d'idoles  est  très  élevé  dans  la  montagne  dont  le  sommet 
se  perd  souvent  dans  les  nuages  et  ce  n'est  pas  sans  peine  que  je  parvins  à  prendre 
des  clichés  photographiques  de  ce  temple  à  cause  des  nuages  qui  le  cachaient  aux 
regards  en  même  temps  que  les  montagnes  environnantes.  Le  temple  n'est  pas 
éloigné  de  l'entrée  de  la  passe  d'Ak-Su  (eau  blanche),  d'où  sort  la  rivière  du  même 
nom.  Les  Kirghises  nomment  l'endroit  où  se  trouve  le  monastère  ou  temple, 
simplement  Ak-Su  ou  encore  Siumbé  (du  mot  kalmyk  Sumu,  qui  veut  dire  oratoire 
ou  monastère).  Le  nom  chinois  de  la  passe  est  Da-si-gou,  c'est-à-dire  grande  passe 
occidentale.  La  caverne  dans  laquelle  est  situé  le  temple  se  voit  de  très  loin  et  elle 
se  présente  sous  la  forme  d'une  tache  noire  sur  le  flanc  de  la  montagne.  En  bas  de 
la  montagne,  à  l'entrée  de  la  passe,  sur  la  rive  droite  de  la  rivière  d'Ak-Su,  se 
trouve  un  piquet  de  soldats  solons,  et  de  ce  piquet  jusqu'à  la  caverne,  en  haut,  la 
distance  est  évaluée  à  environ  15  li  chinois,  ou  7  verstes  et  demie. 

Tous  les  environs  de  la  passe  sont  complètement  déserts  ;  ils  ne  sont  même 
pas  fréquentés  par  les  nomades  qui,  par  crainte  de  quelque  collision  avec  les 
Chinois  des  frontières,  évitent  d'y  séjourner.  Pour  cette  raison,  toute  cette  contrée 
n'est  pas  affectée  au  pâturage  du  bétail  des  nomades  et  la  végétation  y  reste 
inexploitée.  Aussi  les  herbes  et  les  arbres  du  défilé  sont-ils  remarquables  autant 
par  leur  diversité  que  par  leurs  dimensions. 

A  l'entrée  du  défilé  on  rencontre  en  grande  quantité  des  arbres  fruitiers  : 
pommiers  et  abricotiers  ;  on  trouve  également  des  saules,  des  peupliers,  des 
ormeaux,  des  aubépines,  etc.  ;  plus  loin  la  végétation  devient  plus  épaisse  et  plus 
diversifiée  :  sur  les  deux  rives  de  la  rivière  croissent  beaucoup  d'autres  sortes 
d'arbres  et  d'arbrisseaux,  des  pruniers,  des  jujubiers  (trois  espèces),  des  noyers. 
Parmi  les  baies  on  remarque  en  grande  quantité  les  framboises,  les  mûres  et  les 
fraises.  On  trouve  également  du  houblon  remarquable  par  sa  croissance.  Plus  haut 
dans  le  défilé,  à  une  dizaine  de  verstes  du  temple,  sur  la  rive  gauche  de  la  rivière 
Ak-Su  on  peut  encore  voir  un  bosquet  de  noyers.  Au  temps  de  la  domination  russe 
de  la  province  d'Ili,  il  y  a  environ  25  ans  (1871-1882)  en  un  seul  endroit  on 
comptait  plus  de  65  exemplaires  de  ces  arbres.  Ce  bosquet  était  soigneusement 
gardé  par  des  kirghises  Suvany  qui  dans  le  cours  de  leurs  pérégrinations  fréquen- 
taient la  contrée  et  chaque  année  un  sac  de  noix  était  expédié  au  gouverneur 
militaire  de  Sémiriètchie,  le  général  Kolpakowsky,  comme  preuve  de  la  conservation 
intégrale  du  bosquet.  Sur  de  grands  espacés  croissent  les  aubépines,  les  aubiers, 
la  spirée  et  une  grande  quantité  d'autres  plantes,  arbres,  arbrisseaux,  buissons, 
dont  les  dénominations  sont  inconnues  des  Kirghises.  L'abondance  de  la  végétation 
dans  ce  défilé  était  telle  qu'elle  donnait  aux  Dounganes  et  aux  habitants  des 
villes  de  Suïdun,  Tchintchakhodzé  et  autres  la  possibilité  de  préparer  différents 


1908.]         PANTOUSSOFF   :   LE  TEMPLE  CHINOIS  «  BEI-IUN-DJUAN  »        P,  399.] 

succédanés  du  thé,  qui  étaient  consommés  en  grandes  quantités.  Maintenant,  par 
crainte  des  brigands  chinois,  il  est  rare  que  quelqu'un  cherche  à  pénétrer  dans  le 
défilé,  et  la  préparation  des  thés  artificiels  ne  s^  pratique  plus,  principalement  à 
cause  du  bon  marché  du  thé  véritable  dans  le  territoire  chinois. 

Parmi  les  animaux  ou  rencontre  des  chats  sauvages,  des  cerfs,  des  gazelles,  des 
mouflons,  des  chèvres  sauvages,  des  ours,  des  sangliers,  des  martres,  des  fouines, 
des  blaireaux,  des  marmottes,  des  renards,  etc.  etc.  Nous  avons  trouvé  des  traces 
de  sangliers  partout  sur  notre  route.  Les  oiseaux  sont  représentés  par  la  grosse 
perdrix  des  Alpes  et  par  diverses  variétés  de  gallinacés. 

Le  temple  est  situé  dans  la  caverne  dont  il  est  parlé  plus  haut  sur  le  flanc 
d'une  haute  montagne.  La  montagne  elle-même  se  nomme  Fu*chu-saa  (ou  chan), 
ce  qui  signifie  la  Montagne  heureuse  perpétuelle.  Le  temple  ou  monastère  porte 
aussi  le  nom  de  Da-fu-sy  ou  Grand  temple  heureux,  et  également  Khuï-djin-dun, 
ce  qui  veut  dire  la  Caverne  où  se  rassemblent  les  moines  (les  esprits). 

Cette  dénomination  (Fu-chu-chan)  du  temple  est  inscrite  en  bas,  au  pied  de  la 
montagne,  au  tournant  du  chemin  qui  conduit  de  la  rivière  au  sommet,  sur  une 
enseigne  au-dessus  d'une  porte  d'entrée  peinte  en  noir.  Cette  porte,  sorte  de 
monument  commémoratif,  fut  construite  pendant  la  7®  lune  de  la  25®  année  du 
règne  de  Djuan-siuî,  pendant  un  jour  favorable  (c'était  alors  l'année  du  cochon) 
par  les  menuisiers  et  les  charpentiers  qui  avaient  travaillé  à  la  construction  du 
temple  lui-même.  Plus  loin,  dans  la  montagne,  à  droite  et  à  gauche  de  la  porte 
s'élèvent  deux  «  munara  »  ou  colonnes  en  pierre  qui  sont  nommées  «  Chi-tzian- 
tziun  n  comme  s'ils  gardaient  la  montagne  et  le  temple  construit  à  son  sommet. 

La  construction  du  temple  fut  commencée  par  les  ordres  de  Djantai  Tcbjan, 
pendant  la  15*  année  du  règne  de  Djuan-siuï  et  terminée  la  19°**.  Les  fonctionnaires 
et  les  habitants  des  villes  de  la  province  d'Ili  firent  des  dons  en  argent  pour  cette 
construction. 

Le  monastère  est  habité  en  ce  moment  par  trois  moines  :  Tinstituteur-moine 
Tsin  et  deux  disciples.  Tsin  est  venu  en  1901.  C'est  un  Khunan  et  il  vit  dans  le 
monastère  seulement  temporairement,  parce  que  le  supérieur  en  titre  est  devenu 
malade  et  s'en  est  allé  se  soigner  à  Suï-Dun.  Auparavant  les  moines  avaient 
beaucoup  plus  d'occupations  qu'à  présent  ;  ils  s'absentaient  fréquemment  du  couvent 
et  s'en  allaient  loin  dans  le  défilé,  mais  dans  les  derniers  temps,  après  le  massacre 
de  quatre  moines  par  les  maraudeurs,  ils  ne  s'éloignent  plus  de  leur  lieu  d'habitation. 

Avant  cet  événement  ils  récoltaient  et  vendaient  les  simples,  préparaient,  pour 
les  vendre  également,  les  succédanés  du  thé  qu'ils  recueillaient  abondamment 
parmi  les  herbages  de  l'Ak-Su.  Maintenant  ils  ont  cessé  ces  occupations  et  ils 
passent  leur  temps  en  prière  et  débitent  le  bois  de  chauffage  qu'ils  trouvent  dans 
les  environs. 

Le  monastère  est  gardé  par  un  poste  de  10  soldats  chinois  sous  les  ordres  de 
Djèntaï.  Ils  défendent  le  temple  contre  les  voleurs  et  les  vagabonds.  La  nuit  ils 
tirent  constamment  des  coups  de  fusil.  Ordinairement  il  n'y  a  guère  plus  de  quatre 
ou  cinq  hommes  dans  le  couvent  même  ;  les  autres  s'absentent  volontiers.  N'ayant 
absolument  rien  à  faire  ils  passent  leur  temps  à  fumer  l'opium. 

Le  danger  de  la  situation  dans  un  lieu  aussi  éloigné  et  aussi  désert  explique 
facilement  pourquoi  un  si  petit  nombre  de  moines  habitent  le  monastère,  surtout 
depuis  le  massacre  des  quatre  moines  dont  il  a  été  fait  déjà  mention.  Ils  furent 
tués  dans  un  forêt  au  moment  où  ils  recherchaient  des  simples  et  il  est  probable 
que  les  assassins  étaient  des  bandits  errant  dans  ces  parages  à  la  recherche  d'un 


p.  400.]  •    R    •    E    •    E    •    S    • [1908. 

butin  quelconque.  Le  massacre  eut  lieu  le  8*  jour  de  la  8*  lune  bissextile  de  la  26* 
année  du  règne  de  Djuan-Sluï.  A  ce  moment  il  n'y  avait  que  5  soldats  au  monastère. 

Les  moines  ne  mangent  ni  viande  oi  poisson,  ils  se  nourrissent  de  riz,  de  pain, 
d'herbes  potagères  et  de  légumes.  Ils  cultivent  un  jardin  potager,  dans  lequel  les 
radis  croissent  en  grande  abondance.  Dans  la  montagne  ils  trouvent  une  grande 
quantité  de  baies  et  de  fruits,  qu'ils  font  ensuite  sécher  pour  les  conserver.  Au 
reste  ils  n'ont  pas  loin  à  aller  pour  cela  car  toutes  les  montagnes  environnantes  sont 
couvertes  d'arbres  fruitiers  et  de  buissons. 

Il  leur  serait  facile  de  cultiver  de  magnifiques  jardins  fruitiers  et  autres  par 
la  greife  des  sauvageons  ;  ils  pourraient  également  produire  un  miel  excellent,  etc. 
mais  Tesprit  d'entreprise  et  d'initiative  leur  manque  et  ils  n'ont  personne  pour  leur 
donner  l'exemple  et  le  savoir  nécessaires. 

Le  temple  est  disposé  à  l'intérieur  de  la  vaste  caverne  en  trois  parties  ou 
sections  distinctes.  Dans  la  partie  centrale,  la  principale,  sont  rangés  trois  autels  : 
au  milieu  le  principal  et  de  chaque  côté  deux  plus  petits.  Sur  l'autel  central  est 
placée  ridole  du  vieillard  Taï-cban-lau-djun.  Près  de  lui  se  trouvent  Tuan-chi- 
tèn-tzun  et  Limbau-tèn^tzun,  ses  deux  frères. 

A  droite  de  cette  «<  principale  trinité  n  sont  placés  San-Kbuan  (trois  Khuans)  : 
Tèn-Khuan  (l'idole  du  ciel),  Dy-Khuan  (l'idole  de  la  terre),  et  Ghuî-Khuan  (l'idole 
de  Teau). 

A  gauche  de  ces  premières  idoles  en  sont  placées  trois  autres  :  Tendi-chnï 
san  Djuan. 

Dans  la  chapelle  de  droite  au  centre  est  l'idole  Djuan-chin-di-djun.  Auprès  et 
au-dessous  se  trouvent  Djuan  et  Djuan-pen.  A  leur  droite  on  voit  Khochèn,  l'esprit 
du  feu  et  Mavan,  l'esprit  du  bétail.  A  gauche  lo-van,  le  génie  de  la  médecine  (des 
remèdes). 

Dans  la  chapelle  gauche  au  centre  sont  placés  L)-lian-su-chi,  le  génie  de  la 
science  et  Djin-u-suchi,  le  génie  des  sciences  militaires.  Sur  la  droite  de  ces  deux 
derniers  se  trouvent  Dunio-chin-di,  l'esprit  des  montagnes  orientales,  Man-io-chin-di, 
celui  des  montagnes  méridionales,  Ghio-chin-di,  esprit  des  montagnes  occidentales 
et  Béo-chin-di,  celui  des  montagnes  septentrionales. 

Au-dessus  de  cette  place  principale  avec  ses  autels,  dans  le^  mur  même 
de  la  caverne  ont  été  placées  5  autres  petites  chapelles,  trois  à  droite  etdeux  à 
gauche.  Pour  parvenir  à  ces  chapelles  on  a  construit  des  échelles  partant  de  la 
place  centrale. 

Ces  chapelles  se  nomment  :  du  côté  droit,  la  première  sur  la  gauche,  le  palais 
du  dieu  principal  au  ciel,  lu-khan-dadi,  ou  encore  lukhan-da  Tian-tszun.  Ici  se 
trouve  également  l'idole  Lyï-chan-pou-khuatèn-tszun,  le  génie  du  tonnerre.  Le  palais 
de  la  Grande  Ourse,  Bei-du-guu,  avec  une  idole.  On  y  trouve  également  les  idoles 
Ghèn-tèn-dumo  et  Beï-du-dziuchèo,  les  saints  des  neuf  constellations  septentrionales 
et  Nandu-liu-chèn,  saints  des  six  constellations  méridionales.  Le  palais  de  la  lune 
lué-gun-dèn. 

Dans  ces  trois  chapelles  du  côté  droit  il  y  a,  comme  on  a  vu,  des  idoles,  mais 
les  deux  autres,  du  côté  gauche,  sont  vides.  L'une  représente  le  palais  Van-mu-gun, 
en  l'honneur  de  la  déesse  Van  et  l'autre  (la  dernière  à  gauche)  le  palais  6uan-in-gé, 
en  l'honneur  de  la  déesse  Guan-chi-in-puza,  vierge,  tille  de  Miao-djuan-van.  Celui-ci 
avait  trois  filles,  toutes  des  saintes  et  Guan  était  la  troisième.  Avec  elle  il  y  a 
deux  servantes  :  Van-khun  et  Mynsi. 

En  bas,  à  droite  de  l'entrée  daus  la  grande  salle  où  se  trouve  le  temple  désigné 


REES,  1908 


Planche  XVI 


1.  Vue  générale  de  la  gi'otte  et  des  chapelles. 


2.  Plate-forme  inférieure  et  cbapelle  «  merveilleuse  n  (Lin-tuanè). 
Le  Temple  cHmois  Bbmun-djuan. 


REES,  1908 


Planche  XVII 


3.  Plate-formes  inférieure  et  moyenne  :  les  trois  et  les  deux  chapelles. 


4.  La  chapelle  centrale  et  les  échelles  menant  à  la  plate-forme  supérieure. 
Lb  Temple  chinois  Bei-iun-djuan. 


1908.]        PANTOUSSOFF  :  LE  TEMPLE  CHINOIS  «  BEI-IUN-DJUAN  »        [P.  401. 

<5i-des8U8,  entrée  qui  représente  une  sorte  de  guichet  avec  un  escalier  ou  perron  en 
bois,  se  trouve  la  chapelle  Lin-guan-é,  c'est-à-dire  «  miraculeuse  ».  Il  y  a  là  deux 
idoles  :  Djou-lin-guan  et  Van-lin-guan. 

Les  parois  de  cette  chapelle  sont  recouvertes  d'un  crépi  de  plâtre,  blanchi  à  la 
chaux.  Pour  cette  raison  la  chapelle  se  distingue  parfaitement  sur  les  photographies. 

A  droite,  c'est-à-dire  à  l'est  du  temple  de  la  caverne  se  trouve  la  chapelle  de 
«ainte  San-cho-nian-nian  (femme-déesse). 

Dans  cette  chapelle  se  voient  également  sept  autres  saints,  Tchi-bo-da-chèn 
-(les  sept  génies  des  trésors). 

Encore  plus  à  l'est  est  située  une  autre  chapelle  nommée  Tchèn-fo-dun  ou 
chapelle  des  mille  idoles.  Le  nom  du  dieu  supérieur  en  chinois  est  Si-tian-fu  ou 
Obu-laï-fo,  et  en  langue  mongole  Bourkhan-Bakchi. 

De  chaque  côté  de  Chu-laï-fo  se  trouvent  Chi-ba-lo-ukhan,  18  (chi-boé)  vieillards 
(lo-ukban)  ;  à  la  porte  sont  placés  4  saints  dorés  Sy-da-djin-guan. 

Encore  plus  loin  à  l'est,  à  droite  du  temple  principal  est  située  la  chapelle 
Ba-sian-dun  avec  huit  saints  génies  dont  les  noms  sont  :  Khan-djunmi,  Djago-lau, 
Lidunbin,Téguaïliu,Tukhao-goudzuiu,Khan-sian-sy,  Ehesiantchu  et  Lin-Tchaïkhé. 
Les  deux  derniers  génies  sont  des  femmes. 

Tout  cet  endroit  à  l'est  du  temple  se  nomme  Da-fu-sy. 

Il  était  impossible  d'y  parvenir  parce  que  les  pluies  avaient  détruit  le  chemin 
-qui  y  conduit  et  maintenant  les  temples  ou  chapelles  de  Da-fu-sy  se  trouvent 
isolées  et  à  part. 

A  l'ouest  du  temple  principal,  c'est-à-dire  à  gauche,  sur  la  montagne  se  trouve 
ia  chapelle  Taï-ian-gun,  le  palais  du  soleil.  Là  il  n'y  a  pas  d'idoles  mais  une 
lampe  y  brûle  toujours.  Il  est  très  difficile  de  parvenir  à  cet  endroit,  car  le  sentier 
est  taillé  dans  un  rocher  extrêmement  dangereux  dont  la  paroi  est  verticale  ;  là 
vont  seulement  les  moines,  exercés  à  ce  passage  et  qui  entretiennent  régulièrement 
la  âamme  de  la  lampe. 

Dans  la  place  principale  où  se  trouvent,  au  milieu,  le  temple  et  ses  annexes, 
à  droite  et  à  gauche  du  temple  même  ont  été  construites  différentes  habitations. 
A  droite  de  l'entrée  il  y  a  deux  logis  pour  les  soldats;  ce  sont  des  espèces  de  cellules 
petites  et  sombres,  une  cuisine  pour  les  soldats  et  une  chambre  de  réception  pour 
les  hôtes  et  les  visiteurs  du  temple  ;  cette  chambre  est  éclairée  par  une  fenêtre  et 
i;arnie  de  lits  de  camp  et  d'une  table. 

Ensuite  à  gauche  sur  la  même  ligne  se  suivent  l'annexe  de  droite  avec  toutes 
«es  chapelles,  puis  le  temple  principal  ou  central,  et  enfin  l'annexe  de  gauche.  Plus 
loin  se  trouve  la  cuisine  des  moines  à  Tintérieur  de  laquelle  est  une  fontaine  dont 
l'eau  pure  provient,  à  travers  la  roche,  du  sommet  de  la  montagne  ;  après  la  cuisine 
«ont  ménagés  un  logement  pour  les  pèlerins  de  rang  inférieur ,deux  cellules  pour  les 
moines,  une  cellule  pour  le  supérieur  du  couvent,  avec  une  petite  chapelle  et  enfin 
une  dernière  cellule  pour  un  moine.  Toutes  ces  dépendances  ou  habitations  sont 
indiquées  d'après  l'ordre  qu'elles  occupent  en  partant  de  l'entrée,  d'en  bas,  sur  la 
place  supérieure  principale  où  est  le  temple.  Le  chemin  ou  sentier  qui  conduit  à 
ces  divers  logis  à  gauche  de  la  cuisine  du  monastère  suit  un  sentier  en  corniche  sur 
laquelle  on  a  établi,  pour  le  passage,  des  madriers  et  des  planches. 

La  place  en  avant  du  temple  est  bordée  d'un  petit  mur  de  clôture  ou  parapet. 

Devant  le  temple  principsd  sont  suspendues,  sur  des  poteaux,  deux  cloches  eu 
iQnie  de  for  que  l'on  fait  sonner  nuit  et  jour,  et  deux  tambours,  un  grand  et  ua 
petit. 


p.  402.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Le  temple  et  les  autres  bâtiments  ne  sont  pas  adossés  aux  parois  de  la  caverne, 
il  y  a  entre  eux  un  espace  libre  assez  grand  pour  la  circulation.  Sur  tout  le  pourtour 
de  la  caverne,  derrière  les  bâtiments,  sont  disséminées  ça  et  là  des  sources  d'eau 
d'une  grande  pureté,  qui  servent  à  Talimentation  non -seulement  des  babitants 
permanents  du  monastère  mais  encore  de  tous  ceux  qui  vivent  aux  environs.  Nous- 
mêmes,  quoique  notre  camp  fut  établi  au  pied  de  la  montagne,  nous  envoyions  un 
homme  à  cheval  puiser  de  Teau  dans  les  sources  du  monastère. 

Dans  beaucoup  d^endroits,  du  sommet  de  la  montagne  suinte  une  eau  excellente. 
Pour  la  recueillir,  sur  plusieurs  points,  on  a  creusé  des  trous  dans  lesquels  Teaa 
s'écoule  lentement.  Nous  avons  remarqué  quatre  de  ces  citernes  en  différents^ 
endroits.  La  proximité  de  l'eau,  nécessaire  à  chaque  instant,  est  des  plus  commodes. 
Cette  commodité  se  fait  particulièrement  sentir  surtout  dans  la  cuisine  du  monastère, 
où,  comme  nous  Tavons  dit  précédemment,  se  trouve  une  source. 

Chaque  année,  le  7*  jour  du  7*  mois  un  grand  nombre  d'adorateurs  viennent  de 
Lautzugun,  de  Tchintchakhodzé,  de  Suïdun  et  de  Kuldja  faire  leurs  dévotions 
au  monastère. 

Le  public  qui  se  rassemble  est  considérable.  Il  y  a  trois  ans  le  nombre  des 
pèlerins  venus  des  différentes  villes  de  la  province  d'Ili,  était  si  grand  qu'il  y  avait 
même  un  théâtre  pour  leur  divertissement.  De  l'autre  côté  de  la  rivière  Ak-Su^ 
sur  la  rive  gauche,  on  aperçoit  également  un  grand  nombre  de  cavernes  qui  étaient 
autrefois  habitées.  Maintenant  personne  ne  les  occupe.  Nous  n'avons  pas  visité  ce» 
cavernes  parce  qu'il  n'y  a  pas  de  gué  praticable  dans  les  environs  ;  du  reste  ces 
cavernes  se  trouvent  sur  les  flancs  de  montagnes  hautes  et  abruptes  et  l'abord  en 
est  extrêmement  difficile.  Sur  la  rive  gauche  de  l'Âk-Su,  en  face  du  monastère  se 
voient  encore  les  ruines  du  poste  des  soldats  solons  qui  autrefois  gardaient  le  temple. 
Depuis  la  délimitation  des  frontières,  en  vertu  de  laquelle  les  terrains  situés  sur 
la  rive  gauche  de  la  rivière  Ak-Su  ont  été  attribués  aux  Chinois  et  ceux  de  la  rive 
droite  de  la  rivière  Orta-Aksu  aux  Solons,  le  poste  de  garde  fut  transféré  sur  la 
rive  droite  de  l'Orta-Aksu,  en  bas  du  monastère,  à  une  distance  de  7  verstes  et 
demie  (15  11  chinois). 

Outre  les  idoles  dont  les  principales  sont  réparties  par  3  dans  chacune  des 
parties  ou  sections  du  temple  général,  soit  9  en  tout,  on  voit  encore  sur  les  murs 
des  inscriptions  plus  ou  moins  intéressantes. 

Par  exemple  dans  la  partie  centrale,  à  droite  sur  le  mur  est  représenté  le 
hiéroglyphe  du  dragon  (Lun)  et  la  table  des  jours  de  naissance  des  génies  ;  à 
gauche  le  hiéroglyphe  du  tigre  (Khu)  et  la  nomenclature  des  renaissances  de 
Guan-in-pusa  et  d'autres. 

Les  jours  de  naissance  ou  de  fête  des  dieux  sont  indiqués  comme  suit  : 

Taï-chan-lau-tziun,  le  15*  jour  de  la  2«  lune. 

Taï-chan-iuan-chi-tian-tzun,  le  12*  jour  de  la  l'*  lune. 

Taï-chan-linbo-tian-tzun,  le  19*  jour  de  la  première  lune. 

1)  Tiandi-chuï-san-guan,  le  15*  jour  de  la  5*  lune. 

2)  Le  génie  de  la  terre,  le  15*  jour  de  la  7**  lune. 

3)  Le  génie  de  l'eau,  le  lö*  jour  de  la  IP  lune. 
Guan-chin-di,  le  13*  jour  de  la  5*  lune. 
Khodé-djèn-tziun,  ou  Khochèn,  le  26  de  la  6®  lune. 
Ma-van,  le  23  de  la  6*  lune. 

lu-van,  la  28  de  la  4®  lune. 

Ulian-su-chi  et  Djèn-u-tzo-chi,  tous  les  deux  le  8  de  la  4*  lune. 


1 908.]         PANTOUSSOFF  :  LE  TEMPLE  CHINOIS  «  BEI-IUN-DJUAN  »       [P.  403# 

Dunio-chiQ-di  et  Nanio-chio-di,  tous  les  deux  le  6  de  la  2®  lune. 

Sio-chin-di  et  Béïo-chin-di,  tous  les  deux  le  22  de  la  2^  lune. 

Inkhonan-dadi,  le  9  de  la  l'*  lune. 

Léïchin,  le  6  de  la  3®  lune. 

«  Peï-dao-gun  «  les  9  saints  des  constellations  septentrionales  et  les  6  saints 
•des  constellations  méridionales  sont  nés  entre  le  premier  et  le  9^  jour  de  la  9*  lune. 

Vaa-mu-nian-nian,  le  8  de  la  3"  lune. 

Tai-in-gun,  le  19  de  la  3*  lune. 

Guan-in-pusa,  le  19  de  la  2*  lune. 

DjouTan-lunguan,  le  23  de  la  6^  lune. 

San-sé-nian-nian,  le  18  de  la  3*  lune. 

Ju-léïfu,  le  8  de  la  4*  lune. 

Badun-chèn-sian  (les  8  vieillards),  le  19  de  la  première  lune.  Le  19^  jour 
•de  la  9^  lune  on  leur  offre  des  sacrifices. 

Taï-ian,  le  19  de  la  11*  lune. 

Dans  la  partie  centrale,  sous  le  toit,  au  plafond,  nous  lûmes  les  inscriptions 
suivantes  : 

1)  «  Le  temple,  dans  la  montagne  profonde  est  digne  de  respect  »  —  Ghan- 
•chèn-sy-gu. 

2)  «  Il  a  lutté  sans  terme  et  est  devenu  saint  »  —  Py-lèn-tchin-djin. 

3)  A  la  fin  de  la  construction  fut  composée  une  louange  en  Thonneur  de  l'endroit 
«t  du  temple  lui-même. 

Cette  inscription  est  très  longue  et  d'un  style  emphatique. 

4)  L'inscription  des  collectes  d'argent  faites  par  Djèn-tai  pour  la  construction 
du  monastère,  avec  l'indication  des  personnes  ayant  fait  des  offrandes  et  des  sommes 
sacrifiées.  De  cette  inscription  nous  apprenons  que  Djèn-taï-Tct\jan  donna  18  lanes 
d'argent  (36  roubles),  le  Daotaï  lue  —  4  lanes  (8  roubles),  le  Daotaï  Li  —  5  lanes, 
Khuan-dji-fu  (à  présent  Daotaï  de  Euldja)  —  16  lanes,  le  chef  du  district  de 
•Suïdun  An  —  4  lanes.  Il  fut  ainsi  recueilli  dans  la  province  d'ili  2602  lanes, 
5  miscales  et  3  fynes  (5205  roubles  6  kopeks). 

Dans  l'annexe  gauche  nous  trouvons  également  l'inscription  suivante  :  Dau- 
^an-ku-djin  c'est-à-dire  :  les  règles  des  anciens  temps  s'appliquent  jusqu'à 
présent. 


p.  404.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  fl908. 


ANALYSES. 


W.  0.  E.  Oesterley,  The  Evolution  of  Messianic  Idea,  a  study  in  comparative 
Religion,  Londres,  Pitman  &  fils  1908,  1  vol.  in  8*  de  277  pages. 

Cet  ouvrage  est  le  développement  d'une  thèse  présentée  à  l'Université  de 
Cambridge  pour  obtenir  le  grade  de  docteur  en  théologie  et  il  serait  exagéré  de 
prétendre  que  la  préoccupation  de  ce  but  théologique  n'a  pas  quelque  peu  réagi 
sur  la  façon  dont  l'auteur  comprend  la  possibilité  de  concilier  la  science  avec  la 
religion.  Toutefois,  si  cette  dernière  s'y  prête,  la  science,  de  son  côté,  aurait 
mauvaise  grâce  à  se  plaindre,  quand  elle  voit  ses  propres  méthodes  aussi  franche- 
ment et  aussi  courageusement  acceptées  dans  des  recherches  historiques  apparen- 
tées aux  problèmes  les  plus  délicats  de  la  tradition  religieuse.  Il  serait  injuste  de 
chicaner  l'auteur  à  propos  de  ses  affirmations  sur  les  origines  providentielles  des 
«  germes  mythiques  »,  quand  il  nous  aide,  avec  une  impartialité  et  une  objectivité 
irréprochables,  à  en  suivre  et  à  en  comj)rendre  la  croissance. 

Le  messianisme  —  en  d'autres  termes,  l'attente  d'un  sauveur  qui  fera  régner 
la  paix  et  le  bonheur  sur  terre,  a  sa  source,  selon  M.  Oesterley,  dans  trois  mythes 
qui  existaient,  à  l'état  flottant  et  rudimentaire,  bien  avant  la  constitution  de  la 
nation  hébraïque  et  qui  se  retrouvent  d'ailleurs  chez  nombre  de  peuples  primitifs  : 
1®  le  mythe  du  Téhom,  l'idée  d'un  monstre  informe  et  ciniel,  d'abord  associé  à 
l'élément  liquide,  puis  figuré  en  dragon,  finalement  personnifié  en  Satan  ou  quel- 
que autre  mauvais  génie,  auteur  des  calamités,  des  périls  et  des  tentations  qui 
assaillent  l'humanité  ;  2°  le  mythe  de  Jahwe,  ou,  à  proprement  parler,  du  Héros- 
Sauveur  qui,  combattant  et  domptant  le  dragon,  assure  le  salut  des  hommes,  sans 
cependant  empêcher,  au  moins  pendant  un  temps  déterminé,  certains  retom^s 
offensifs  du  monstre  ;  S""  le  mythe  du  Paradis,  d'abord  sous  la  forme  d'un  Age 
d'Or,  placé  à  l'origine  des  temps,  alors  que  la  création  divine  n'avait  pas  encore 
été  souillée  par  l'esprit  du  mal  ;  ensuite,  à  la  fin  des  siècles,  lorsque  le  Sauveur 
aura  définitivement  anéanti  son  adversaire.  —  Chez  les  Juifs,  le  rôle  du  Sauveur 
fut  attribué  à  Jahwe,  quand  celui-ci  devint  leur  dieu  principal  ;  puis,  avec  les 
progrès  du  monothéisme, à  son  «  Souffle  «  ou  à  sa  «Gloire»,  enfin  à  un  personnage 
possédé  de  l'esprit  divin.  Ainsi,  comme  le  fait  obsei'^'er  l'auteur,  Jahwe  et  le 
Messie  en  vinrent  à  être  entièrement  distincts  ;  le  seul  lien  entre  eux  est  la  des- 
cente de  l'esprit  de  Jahwe  dans  la  personne  du  Messie  et  nous  avons  ainsi  une 
première  él)auche  (adumbration)  de  la  Trinité  chrétienne. 

On  voit  que  l'auteur  accepte  sans  hésitation  d'appliquer  à  la  formation  de  la 
dogmatique  orthodoxe  le  principe  de  l'évolution  historique  et  la  critique  la  plus 
exigeante  n'aurait  rien  à  reprendre  dans  la  manière  dont  il  utilise  et  commente 
les  textes  de  l'Écriture  où  il  puise  les  éléments  de  sa  thèse.  Tout  au  plus  pourrait- 
on  lui  chercher  noise  à  propos  de  la  distinction  qu'il  prétend  établir  entre  le  mythe 
et  la  mythologie  :  «*  Les  mythes,  écrit-il,  loin  d'être,  comme  on  le  croyait  généra- 
«  lement  autrefois,  l'œuvre  du  Diable,  ont  été,  à  une  certaine  époque,  les  organes 


1908.]  ANALYSES.  [P.  405. 

«  normaux  de  la  Révélation  divine  ».  Quant  à  la  mythologie,  ce  sont  «  les  déve- 
«  loppements  empoisonnés  qui  ont  embrouillé  et  recouvert  le  caractère  naïf  et 
«  innocent  des  mythes  primitifs  au  point  d'en  obscurcir  graduellement  et  d'en 
«  oblitérer  finalement  le  but  originaire  :  la  communication  de  vérités  éternelles  ». 
—  Laissant  de  côté  la  définition  des  mots,  il  me  semble  que  les  mythes,  pris 
isolément  ou  dans  leur  ensemble,  ne  méritent  ni  cet  excès  d'honneur  ni  cette 
indignité.  Tous  représentent  des  tentatives  pour  expliquer  l'inconnu  par  le  connu, 
à  l'époque  où  l'homme  pensait  et  parlait  à  peu  près  exclusivement  par  images. 
Tous,  à  ce  point  de  vue,  renferment,  selon  l'expression  d'Herbert  Spencer,  une 
«  âme  de  vérité  ».  Mais  tous  aussi  contiennent  un  élément  que  les  progrès  ulté- 
rieurs de  la  connaissance  font  considérer  comme  irrationnel  et  souvent  pernicieux. 
Il  n'y  a  là  qu'une  question  de  plus  et  de  moins. 

Il  est  à  remarquer  que  l'auteur  donne  à  la  définition  de  l'idée  messianique 
une  portée  très  large,  puisqu'il  y  comprend  tout  le  drame  du  dualisme,  qui  se 
retrouve  au  fond  de  tous  les  cultes.  Peut-être  y  aurait-il  lieu  de  distinguer,  plus 
qu'il  ne  le  fait,  entre  la  tradition  de  l'Age  d'Or  ou  Paradis  perdu  et  l'attente  du 
règne  de  Jahwe  ou  Paradis  à  venir  sur  terre,  en  réservant  à  cette  dernière  con- 
ception la  qualification  de  Messianisme.  D'autre  part,  si  l'objet  des  aspirations 
messianiques  est  l'avènement  du  règne  de  la  paix  et  de  la  félicité  universelles  sur 
la  terre  régénérée,  est-il  bien  exact  de  dire  que  l'intervention  du  Héros-Sauveur 
en  forme  un  élément  essentiel  ?  —  Il  semble  que  ce  rôle  du  Messie,  les  messia- 
nistes  de  notre  époque  l'attribuent  à  des  forces  plus  ou  moins  personnifiées  :  la 
Science,  la  Sociologie,  voire  le  Suffrage  universel  —  etc.  (en  ayant  bien  soin 
d'employer  des  S  majuscules).  —  Encore  moins  puis-je  admettre  que,  à  l'origine 
du  processus  mental  qui  a  abouti  au  messianisme,  figure  la  croyance  en  la 
survivance  de  l'âme.  Il  y  a,  au  contraire,  opposition  radicale  entre  la  conception 
optimiste  d'une  vie  future  pour  l'âme  et  la  notion  d'un  Paradis  à  réaliser  sur  terre. 
Sans  doute  le  judaïsme,  et,  à  sa  suite,  le  christianisme  ont  essayé  de  les  concilier 
ou  plutôt  de  les  superposer  assez  gauchement,  en  empruntant  aux  Perses  le  dogme 
de  la  résurrection  des  morts.  Mais,  en  réalité,  leur  cumul  est  un  double  emploi 
évident  et  je  m'imagine  que  les  Prophètes,  qui  d'ailleurs  n'ont  cessé  de  combattre 
le  culte  des  morts  chez  les  Juifs,  devaient  ressentir  les  mêmes  sentiments  que  nos 
messianistes  contemporains,  socialistes  ou  anarchistes,  à  l'égard  des  idées  de 
rémunération  posthume  qui  détournent  les  âmes  d'aspirer  au  bonheur  absolu  dans 
la  société  terrestre. 

La  vraie  source  psychologique  du  messianisme  est  dans  une  notion  qui  a  été 
très  tôt  la  caractéristique  et  l'honneur  de  l'humanité  :  l'idée  du  Parfait,  qu'il 
faut  distinguer  de  ce  que  M.  Oesterley  appelle,  en  termes  un  peu  trop  généraux, 
l'aspiration  au  bonheur.  A  ce  point  de  vue  le  messianisme  représente  une  des 
formes  assumées  par  le  sentiment  de  l'idéal.  Cet  idéal,  qu'il  soit  matériel  ou 
spirituel,  noble  ou  grossier,  l'homme  se  sent  impuissant  à  l'atteindre  dans  son 
milieu  actuel,  d'autant  que  ses  besoins  se  multiplient  indéfiniment  avec  les  moyens 
de  les  satisfaire.  Faut-il  s'étonner  s'il  en  a  placé  la  réalisation,  soit,  dans  un  autre 
monde,  pour  sa  propre  personnalité  émancipée  par  la  mort  ;  soit,  pour  ses  des- 
cendants, sur  la  planète  même,  régénérée  par  un  de  ces  coups  de  théâtre  dans 
lesquels  se  complaît  l'imagination  populaire  de  tous  les  âges. 

GOBLET  d'AlVIELLA. 

* 


p.  406.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Alois  MuaiL.  Arabia  Päraea,  T.  I  :  Moab,  8^  XXIII-443  pages,  1  pi.  et  190  fig.  ; 
T.  II  ;  Edom,  2  vol.  8",  XlI-343  pages,  1  carte,  170  fig.  et  X-300  pages, 
1  carte,  152  fig.  Vieane,  Alfred  Holder,  1907-1908. 

Les  régions  désertiques  de  Moab  et  d'Edom  ont  souvent  été  parcourues,  mais 
jamais  d'une  fa^*on  aussi  systématique  que  par  l'intrépide  voyageur  qu'est  M.  Musil. 
Léon  de  Laborde,  la  mission  de  Luynes,  les  ingénieurs  anglais  avaient  effectué 
des  relevés  topographiques  partiels  qui  constituent  une  base  solide  ;  récemment 
M.  Brünnow  a  opéré  dans  la  TransJordanie  et  à  Pétra  non  sans  utiliser  rexpérieuce 
de  M.  Musil,  mais  c'est  à  ce  dernier  qu'on  doit  la  première  carte  d'ensemble 
détaillée  de  l'Arabie  Pétrée  (Karte  von  Arabia  Petraea  au  1  :  300.000*,  Vienne. 
A.  Holder,  1906).  Il  est  inutile  d'insister  sur  l'importance  de  ce  travail  ;  mais  il 
y  a  un  enseignement  à  tirer  de  la  manière  dont  l'heureux  explorateur  a  surmonta 
les  difiicultés  de  sa  tâche.  Au  cours  de  six  voyages,  de  1896  à  1902,  il  a  dû  le  plus 
souvent  se  plier  à  la  vie  du  nomade,  partageant  sa  tente,  se  déplaçant  avec  lui, 
s'imposant  à  Teunemi  ou  fuyant  devant  lui.  L'adresse  et  l'endurance  du  professeur 
et  abbé  Musil  lui  ont  valu  la  considération  des  bédouins  au  point  qu'un  vieux 
chaikh  voulait  lui  faire  épouser  sa  fille,  âgée  de  quatorze  ans,  pour  le  retenir 
auprès  de  lui.  Cet  exemple  illustre  fort  bien  l'état  de  la  société  au  désert.  Cette 
société  repose  sur  la  fraternité  par  le  sang,  mais  une  large  fraternité  qu'on  peut 
créer  à  volonté  par  le  sacrifice  d'un  mouton,  la  cohabitation  sous  la  même  tente 
ou  le  mariage,  la  participation  à  la  vie  de  r*achîré  ou  fraction  tribale.  Le  fait  de 
pratiquer  l'Islam  est  très  secondaire.  Non  pas  que  le  nomade  soit  dépourvu  de 
sentiments  religieux  ;  mais  il  a  ses  pratiques  propres  que  ni  le  Christianisme  ni 
l'Islam  n'ont  pu  entamer. 

Les  précieuses  amitiés  qu'il  sut  se  ménager  ont  permis  à  l'explorateur  de 
relever  80.000  kilomètres  carrés  en  pays  extrèmeuient  difficile.  Certains  points, 
comme  Qal'at  Ezraq,  n'ont  pu  être  atteints,  mais  ils  ont  été  suffisamment 
approchés  pour  être  reliés  à  l'ensemble.  A  la  suite  des  nomades,  planchett<^, 
boussole  et  théodolite  ont  participé  aux  randonnées  et,  en  dépit  de  ces  conditions 
instables,  se  sont  parfaitement  comportés.  Les  volumes  que  nous  annonçons 
ci-dessus  donnent,  sous  forme  d'itinéraires  annuels,  la  description  abondamment 
illustrée  des  lieux  visités  et  enregistrent  de  nombreuses  observations.  Il  est  des 
découvertes  importantes  pour  l'histoire  des  civilisations  orientales  et,  en  première 
ligne,  celle  de  Qousair  'Amra,  dans  l'est  du  pays  de  Moab.  Les  nmrailles  sont 
décorées  de  fresques  aux  sujets  variés,  ici  des  animaux  dont  un  singe  qui 
applaudit  un  ours  jouant  de  la  guitare,  là  mie  femme  qui  danse  devant  un  musicien. 
Ailleurs  serait  représentée  une  course  de  chevaux,  mais  elle  n'a  pu  être  copiée 
par  le  peintre  Mielich  que  l'Académie  de  Vienne  avait  chargé  de  dessiner  ces 
fresques.  L'influence  byzantine  est  inscrite  en  toutes  lettres  dans  les  figures 
conventionnelles  accompagnés  d'épigraphes  grecques  :  Historia,  Poiesis,  Skepsis^ 
Nile.  D'autres  traces  de  caractères  grecs  et  arabes  subsistent  au-dessus  de  quatre 
personnages.  MM.  Noeldeke  etLittmann  (Zeitschrift  der  deuiscHenmorffenländisch^n 
Gesellschaft^  1907,  p.  222  et  suiv.)  ont  restitué  les  noms  de  César,  de  Kosroès,  du 
Négus  et  de  Rodoric,  le  dernier  roi  des  Visigoths  d'Espagne.  Cela  nous  reporte 
vraisemblablement  peu  après  la  mort  de  ce  dernier  qui  eut  lieu  en  711.  Cet  édifice 
des  Omayyades,  si  bien  conservé  jusqu'à  nos  jours,  s'est  vu  consacrer  une  luxueuse 
publication  par  l'Académie  de  Vienne  :  Kusejr  'Anira,  1  vol.  de  texte  et  1  voL 
de  41  planches,  grand-quarto,  Vienne,  1907  (210  Marks). 


1908.]  ANALYSES.  [P.  407* 

Le  site  unique  qu'est  Petra,  avec  ses  façades  pompéiennes  sculptées  à  même 
le  roc,  a  été  l'objet  d'une  visite  attentive.  Après  la  publication  de  la  Provincia 
Arabia  de  MM.  Briinnow  et  Domazewski,  il  était  superflu  de  multiplier  les  relevés 
.archéologiques,  mais  M.  Musil  fournit  des  vues  intéressantes,  notamment  de 
lieux  de  culte.  Dans  la  région  entre  Gaza  et  le  golfe  d''Aqaba,  les  points  remar- 
quables signalés  par  l'auteur  abondent.  Notons 'Abdé,  l'antique  Oboda,  déjà  visitée 
par  les  PP.  Dominicains  de  Jérusalem,  où  fut  enterré  et  divinisé  le  roi  nabatéen 
Obodas.  M.  Musil  y  a  copié  une  invocation  grecque  à  Zetis  Obodas,  datée  de  293 
après  J.-C. 

Les  préhistoriens  noteront  la  description  des  nombreux  menhirs  à  l'ouest  de 
Mâdaba,  sans  souscrire,  toutefois,  à  l'opinion  qui  y  voit  des  ex-voto  élevés  par  des 
pèlerins.  Les  ethnographes  trouveront,  dispersés  au  cours  de  ces  trois  volumes, 
des  renseignements  de  première  main  sur  la  vie  au  désert,  le  qui-vive  continuel 
auquel  elle  oblige,  la  rapine  organisée  sous  le  nom  de  ghazou  et  exaltée  à  l'égal 
des  hauts  faits  d'armes,  mais  rarement  meurtrière,  la  terreur  qu'inspire  la 
vengeance  du  sang,  l'état  de  guerre  entre  tribus,  l'importance  du  salâm  qui,  une 
fois  rendu,  permet  de  s'aborder  en  amis,  l'inexpérience  des  guides  hors  d'un  rayon 
assez  faible.  Tel  qui  traverse  un  territoire  dangereux  se  garde  d'emporter  quoi 
que  ce  soit  de  précieux.  Il  revêt  sa  chemise  la  plus  usée,  endosse  un  manteau  en 
loques,  place  dans  une  vieille  ceinture  un  couteau  ébréché  et  un  briquet.  Pour 
toute  provision,  il  emporte  une  outre  pleine  d'eau,  une  autre  plus  petite  remplie 
de  farine  et  d'un  peu  de  beurre.  Il  pourra  couvrir  ainsi,  sur  son  chameau,  huit 
jours  de  route.  Son  état  misérable  le  prémunit  contre  tout  risque,  à  moins  qu'il  ne 
soit  en  butte  à  la  vengeance  du  sang.  Dans  ce  cas,  il  se  gardera  d'emmener  une 
bête  marquée  du  wasm  de  sa  tribu.  Toutes  ces  difficultés  peuvent  être  surmontées 
avec  de  l'énergie  et  de  l'astuce  ;  mais  la  terreur  qu'inspirent  les  esprits,  djinns 
ou  goules,  est  irréductible.  On  raconte  comment  des  voyageurs  furent  frappés  de 
la  foudre  pour  avoir  raillé  el-Wâbsi,  le  puissant  génie  qui  séjourne  au  râs  el-Wâbsi. 
Au  nord  crAqaba,  la  contrée  dite  el-Hesma  est  des  plus  mal  famée,  car  elle  est 
hantée  par  les  ghôla.  Les  bédouins  qui  accompagnaient  M.  Musil  refusèrent  abso- 
lument de  camper  près  des  ruines  de  Fênân,  parce  que  l'âme  d'un  juif  enterré 
là,  les  visite  chaque  nuit  et  n'aurait  pas  manqué  de  s'emparer  de  l'un  d'eux  pour 
le  mettre  en  pièces.  Ce  ne  sont  que  des  détails,  l'auteur  a  recueilli  de  plus  amples 
matériaux  ethnographiques  qui  feront  l'objet  d'une  étude  approfondie.  Il  sera 
particulièrement  utile  d'être  renseigné  avec  précision  sur  les  coutumes  des  Arabes 
de  la  région  édomite  comme  nous  le  sommes  sur  leurs  congénères  de  Moab  grâce 
au  P.  Janssen.  René  Dübsaud. 

*    * 
J.  Bbdieb.  Les  Légendes  épiques;  recherches  sur  lu  formation  des  chansons  de 

geste.  T.  I.  Le  cycle  de  Guillaume  d'Orange.  —  In-8°,  429  pages.  Paris, 

H.  Champion,  1908. 

L'épopée  française  du  moyen-âge  présente,  en  dehors  de  sa  valeur  littéraire, 
lin  intérêt  capital,  qui  dépasse  le  cercle  étroit  des  spécialistes.  S'étant  formée  à 
une  époque  pleinement  historique,  ne  contenant,  de  l'aveu  de  tous,  que  fort  peu 
d'éléments  mythiques,  elle  permet  de  saisir  sur  le  vif  les  rapports  entre  la  réalité 
historique  et  sa  représentation  dans  l'épopée. 

La  théorie  régnante  admet  que  les  poèmes  épiques  les  plus  anciens  du  moyen- 
âge  français  remontent,  par  une  tradition  ininterrompue,  sous  forme  de  chants 


p.  408.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

transmis  de  mémoire  ou  de  récits  oraux  (sagen)  aux  événements  mêmes  qu'ils 
célèbrent.  Des  recherches  personnelles  ont  conduit  M.  Bédier  à  des  vues  diOë- 
rentes  ;  il  examine  d'abord  le  cycle  de  Guillaume  d'Orange,  le  cycle  épique  qu'on 
peut  appeler  méridional. 

Après  avoir  jeté  un  coup  d'œil  sur  l'ensemble  des  poëmes  qui  constituent  ce 
cycle,  dit  la  "  geste  »  de  Garin  de  Monglane,  et  particulièrement  sur  ceux  dont 
Guillaume  est  le  héros,  Fauteur  établit  fortement  que  le  Guillaume  épique  est 
bien  le  même  que  le  saint  Guillaume  de  Gellone  (Saint-Guilhem  du  Désert),  que 
les  jongleurs  ont  connu  très  anciennement  la  tradition  monastique  d'Aniane  et  de 
Gellone  sur  ce  personnage\  tandis  que  les  moines  de  Gellone,  dans  ime  Vie  de  leur 
saint,  composée  vers  1125,  connaissent  et  exploitent  les  poèmes.  Ces  rapports 
entre  des  jongleurs  du  Nord  et  «  les  moines  d'une  abbaye  perdue  au  fond  d'une 
vallée  sauvage  des  basses  Cévennes  n  s'expliquent  par  le  fait  que  ce  monastère 
était  une  étape  sur  la  route  que  suivaient  les  pèlerins  qui  allaient  à  Saint  Jacques 
de  Compostelle,  route  extrêmement  connue  et  fréquentée  au  moyen-âge. 

Mais  ce  Guillaume  de  Gellone,  avant  de  se  faire  moine  et  de  devenir  un  saint, 
avait  joué,  sous  Charlemagne,  un  rôle  politique  et  militaire  important  :  il  avait 
été  comte,  il  avait  glorieusement  combattu  les  Sarrasins.  Les  chansons  de  geste 
qui  le  concernent  peuvent  provenir  de  traditions  ou  de  chants  populaires,  qui 
seraient  éclos  peu  après  la  mort  de  ce  personnage,  ou  même  de  son  vivant. 
M.  B.  montre  combien  sont  rares  les  coïncidences  exactes  entre  les  récits  épiques 
que  nous  avons  et  les  faits  réels,  à  nous  connus,  de  la  vie  publique  et  guerrière 
de  Guillaume  ;  les  jongleurs  ont  pu  trouver  dans  la  tradition  monastique  les  quel- 
ques détails  précis  qu'ils  connaissent. 

Mais,  disent  les  savants  qui  croient  à  un  rapport  direct  entre  l'histoire  et  les 
récits  épiques,  ce  ne  sont  pas  les  seuls  exploits  de  Guillaume  de  Toulouse  qui  ont 
formé  l'épopée  de  Guillaume  d'Orange  :  d'autres  personnages  qui  portent  ce  nom 
ont  contribué  à  la  formation  de  la  légende  épique.  M.  B.  énumèrc  seize  Guillaumes, 
du  Nord  et  du  Midi,  qui  ont  été  mis  à  contribution  par  divers  savants  pour  expli- 
quer la  genèse  de  nos  épopées.  Il  n'a  pas  de  peine  à  montrer  que  les  titres  de  la 
plupart  de  ces  Guillaumes  sont  négligeables  ;  seule,  la  chanson  du  Couronnement 
de  Louis  pourrait,  par  les  allusions  historiques  qu'elle  semble  contenir,  donner 
lieu  à  des  rapprochements  sérieux  avec  des  personnages  et  des  événements  des 
IX'-X*  siècles.  Mais  ici  encore,  les  philologues,  aidés  des  historiens,  n'ont  abouti 
qu'aux  résultats  les  plus  contradictoires  ;  et  il  se  pourrait  fort  bien  que  le  Couron- 
nement de  Louis  ne  fût  que  la  libre  invention  d'un  poëte,  un  roman  dont  les  diffé- 
rents épisodes  ont  pour  but  de  mettre  en  lumière  l'antithèse  initiale  du  vassal 
fidèle  et  courageux  (Guillaume)  et  du  roi  incapable,  couard  et  félon  (le  roi  Louis), 
antithèse  qui  fait  le  fond  de  toute  Vhistoire  poétique  de  CruUlaume,  telle  que  nous 
la  possédons. 

Cette  histoire  a  subi  des  remaniements,  c'est  certain,  mais  cette  certitude 


^  Particuliôrement  important  est  le  nom  de  la  femme  de  Gaillaame,  Ghiibonrc,  dans  les 
poômes.  Il  est  certain  qu*ane  des  deux  femmes  du  Guillaume  historique  portait  ce  lïom  (Wtthlntr^ 
gis  dans  une  source  latine  du  IX*  siècle).  Or,  il  ne  semble  pas  que  cette  Withburgis  ou  Goiboure 
ait  Jamais  Joué,  à  côté  de  son  mari,  un  rôle  romanesque  ou  héroïque,  qui  pourrait  expliquer  que 
son  nom  ait  survécu  dans  la  mémoire  populaire  ou  dans  des  chants  épiques.  Le  nom  est  évidem- 
ment emprunté  à  la  tradition  savante  ;  or,  comme  Quibourc  est  un  personnage  important  dans  les 
poômes  les  plus  anciens,  nous  sommes  obligés  d'admettre  au  moins  une  influence  très  ancienne 
de  la  tradition  monastique,  savante,  sur  la  poésie. 


1 908,]  ANALYSES.  [P.  409.. 

n'autorise  pas  les  hypothèses  aventureuses  dont  quelques  savants  ont  abusé.  La 
Chanson  de  Guillaume,  forme  ancienne,  récemment  retrouvée  de  deux  poèmes  du 
cycle,  le  Covenant  Vivien  et  Aliscans,  montre  l'inutilité  et  le  danger  de  ces  recon- 
structions hypothétiques.  Le  cycle,  avec  ses  éléments  essentiels,  tels  que  nous  les 
connaissons,  existait  déjà  au  commencement  du  XIP  siècle.  Et  ce  cycle  avait  dès 
lors  son  unité  :  c'est  cette  antithèse  fondamentale  du  Vassal  et  du  Roi  que  nous 
venons  de  constater.  La  part  d'invention  personnelle,  voulue^  doit  avoir  été,  dans 
la  formation  de  cette  série  de  poèmes,  beaucoup  plus  considérable  qu'on  ne  l'a 
cru. 

On  a  vu  que  les  longues  recherches  auxquelles  avait  donné  lieu  l'élément  his- 
torique du  cycle  ont  donné  un  résultat  absolument  nul  :  on  n'y  trouve  d'autres 
traits  historiques  que  les  quelques  faits  que  les  jongleurs  ont  pu  connaître  par  les 
moines  d'Aniane  et  de  Gellone.  D'autre  part,  les  noms  de  certains  personnages 
sont  méridionaux,  ont  parfois  une  forme  spécialement  méridionale  (Naymeri, 
Naïmer,  Vician  à  côté  de  Vivien).  Ceci  nous  ramène  au  Midi,  à  Saint-Guilhem 
du  Désert.  C'était  une  étape,  a-t-on  vu,  du  pèlerinage  à  Saint-Jacques  de  Com- 
postelle  ;  or,  M.  Bédier  montre  que  toute  la  topographie  des  poèmes  sur  Guillaume 
est  dominée  par  ce  pèlerinage.  Les  localités  qui  jouent  un  rôle  plus  ou  moins 
important  dans  les  poèmes,  sont  des  stations  sur  les  chemins  qui  conduisaient  à 
Saint-Jacques  de  Galice,  particulièrement  sur  la  via  Tolosana. 

Dès  lors  la  formation  du  cycle,  y  compris  les  détails  qui  semblaient  dénoter 
une  origine  méridionale,  s'explique  naturellement.  «  Cette  route  (la  via  Tolosana), 
de  grandes  troupes  de  pèlerins  la  battaient  au  XP  et  au  XIP  siècles  :  c'est 
l'époque  des  premières  croisades  et  ils  sont  pleins  de  l'esprit  de  ces  temps  aven- 
tureux. Dans  toutes  les  villes  du  Midi  qu'ils  traversent,  on  leur  montre  des  ruines 
faites,  leur  dit-on,  par  des  Sarrasins.  La  terre  d'Espagne  vers  laquelle  ils  s'ache- 
minent est  encore  en  grande  partie  occupée  par  les  Musulmans.  Sur  leur  route  se 
dresse  un  sanctuaire,  Gellone,  où  repose  le  corps  de  Guillaume,  jadis  ennemi 
glorieux  de  ces  Musulmans.  N'est-ce  pas  là,  de  l'excitation  religieuse  et  guerrière 
de  ces  pèlerins,  de  l'esprit  des  croisades,  des  offices  liturgiques  où  l'on  célébrait 
la  gloire  du  «  saint  athlète  de  Dieu  »»  n'est-ce  pas  là  que  naquit  la  légende  de 
Guillaume  ?  Ces  fictions  embryonnaires,  les  moines  de  diverses  églises  intéressées 
à  retenir  les  pèlerins  et  à  les  édifier,  les  jongleurs  nomades,  sûrs  de  trouver  aux 
abords  de  ces  églises  le  public  forain  et  souvent  renouvelé  qui  les  faisait  vivre,  les 
ont  développées  »  (Bédier,  p.  402,  403).  En  d'autres  termes  :  si  Guillaume,  comte 
de  Toulouse,  était  mort  avant  de  se  faire  moine  et  de  fonder  Gellone,  le  cycle  de 
poèmes  qui  le  célèbre,  n'existerait  pas. 

Il  est  certain  que  cette  solution  du  problème  est  aussi  élégante  qu'ingénieuse. 
Avant  M.  Bédier,  M.  Ph.-A.  Becker,  actuellement  professeur  à  l'Université  de 
Vienne,  avait  insisté  sur  l'importance  de  la  Vie  latine  et  des  traditions  monas- 
tiques pour  la  formation  du  cycle  ;  mais  M.  Bédier,  le  premier,  a  mis  ces  faits  eu 
rapport  avec  les  pèlerinages  et  le  mouvement  poétique  auxquels  ils  ont  donné  lieu. 
Seule,  la  théorie  de  M.  Bédier  explique  d'une  façon  naturelle  —  à  moins  d'avoir 
recours  à  l'hypothèse  désespérée  et  généralement  abandonnée  d'une  épopée  pro- 
vençale perdue  —  cette  préoccupation  du  Midi  et  des  localités  méridionales  qui 
caractérise  le  cycle  des  Narbonnais, 

M.  Bédier  se  propose  d'appliquer,  dans  la  suite  de  son  ouvrage,  à  d'autres 
chansons  de  geste  sa  théorie  des  pèlerinages,  de  la  poésie  jongleuresque  s'y 
rattachant  et  de  l'origine  relativement  récente  des  poèmes  épiques  du  moyen-âge 


p.  410.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

française  Réussira-t-il  à  prouver  complètement  sa  thèse  ?  N'y  aura-t-il  pas  des 
traditioQS  épiques  qui  résisteront  aux  applications  les  plus  ingénieuses  de  la  nou- 
velle méthode  ?  C'est  possible,  probable  même,  à  notre  avis  ;  l'auteur  n'en  a  pas 
moins  ouvert  une  voie  qui  conduit  à  des  résultats  intéressants  et  féconds.  Dès 
maintenant  on  peut  dire  que  ses  recherches  constituent  le  travail  d'ensemble  le 
plus  important  qui  ait  paru  sur  le  sujet  depuis  les  livres  de  G.  Paris  et  de 
M.  Raina.  6«  Htjbt. 


^  Déjà  ont  p&ru,  de  la  main  de  M.  Bédier  :  La  Légende  de  Girard  de  Roussiüon  àua 
Revue  des  deux  Mondes^  15  mars,  1  avril  1907;  La  Légende  de  Raoul  de  Cambrai  dans  Retvt 
Historique,  t.  XGVI-XCVII  (années  1907-1908  ;  comp.  Tartide  en  sens  contraire  de  M.  Longnon, 
Romania,  avril  1908)  ;  Les  Chansons  de  geste  et  les  routes  d'Italie^  dans  Romania,  t.  XXXM  et 
XXXVII,  années  1907-1908.  —  [Le  t.  II  de  l'ouvrage  de  M.  B.  vient  de  paraître.  G.  H.] 


1908«]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  411* 


NOTIGES  BIBLIOGRAPHIQUES. 


J.  H.  F.  KoHLBRUGGE.  Biß  morpholoçische  Abstammung  des  Menschen,  8°,  102  p.  (fasc.  II 
de  BuscharCs  Studien  und  Forschungen)  Stuttgart,  Strecker  et  Schröder,  1908, 3  M.  60. 

R.  Martin.  System  der  physischen  Anthropologie  und  Anthropologische  Bibliothek, 
Extr.  de  Korrespondenzblatt  der  Deutschen  Anthrop.  Ges.,  1907,  n^  9-12,  4°,  15  p. 

S.  R.  Steinmetz.  Be  Beteehenis  der  Volkenkunde  voor  de  Studie  van  Mensch  en  Maat- 
schappij,  8o,  45  p.,  La  Haye,  M.  Nijhoflf,  1908, 1  fr. 

J.  G.  Frazrr.  The  scope  of  social  anthropology^  8°,  23  p.,  Londres,  Macmillan,  six  pence. 

Chacun  des  travaux  cités  ci-dessus  marque  une  nuance  de  la  tendance  à  étendre  en 
même  temps  qu'à  définir  la  portée  des  études  auxquelles  est  consacrée  notre  Revue. 
M.  R.  Martin,  après  un  historique  des  sens  successivement  donnés  au  mot  d'anthropo- 
logie, veut  le  voir,  et  avec  raison;  restreint  à  Tétude  de  l'homme  physique.  Il  propose 
l'adjonction  de  ce  dernier  mot,  afin  de  préciser  le  domaine  d'une  science  dont  il  est  l'un 
des  représentants  les  plus  importants,  et  l'introduction  d'un  terme  nouveau,  celui 
d'anthropographie,  pour  désigner  l'anthropologie  descriptive.  Intéressant,  surtout  com- 
paré aux  tentatives  du  même  ordre  de  0.  T.  Mason,  de  Manouvrier,  etc.  est  son  essai 
d'une  classification  des  sections  de  l'anthropologie  telle  qu'elle  puisse  devenir  l'objet  de 
cours  universitaires.  De  même  on  étudiera  avec  profit  le  tableau  élaboré  par  M.  Martin 
en  vue  d'une  bibliographie  systématique  de  l'anthropologie  physique.  Pratiquement,  le 
mieux  serait  qu'il  y  eût  une  entente  internationale  sur  ces  deux  points  afin  que  soit 
adopté  un  schéma  qu'on  saura  provisoire  —  comme  le  sont  par  la  force  des  choses  tous 
les  schémas.  Or  l'anthropologie  physique  ne  saurait  être  une  science  proprement  dite  si 
elle  ne  tenait  pas  compte  des  facteurs  d'action  sur  les  caractères  somatiques,  tant  inter- 
nes, qu'externes  ;  et  parmi  eux  se  rangent  ie  milieu  physique,  le  milieu  psychologique 
et  le  milieu  social  (cf.  Martin,  n«»  573.01  à  573.08).  C'est  ici  que  se  marque  donc  le  con- 
tact de  l'anthropologie  physique  avec  l'ethnographie,  la  psychologie  et  la  sociologie, 
point  central  où  s'accomplit  l'œuvre  de  synthèse  générale,  qui  est  l'objet,  au  moins 
théorique,  de  la  présente  Revue.  Des  trois  disciplines,  c'est  la  psychologie  qui  est  le  plus 
en  retard  :  M.  Kohlbrugge  s'en  plaint,  mais  sans  donner  les  règles  de  méthode  ni  les 
voies  d'investigation  pratique  qui  pourraient  accélérer  l'essor  de  la  psychologie  non- 
européenne.  Son  attitude  cependant,  puisqu'il  est  8uiix)ut  somatologue,  doit  être  signa- 
lée, suilout  étant  donnée  sa  critique  incisive  des  diverses  théories  sur  la  place  de 
l'homme  dans  l'échelle  des  êtres,  critique  d'ailleurs  ciitiquée  par  Schwalbe  dans 
Globus,  1908, 1,  p.  341-346.  L'importance  de  la  recherche  psychologique  est  mise  aussi 
en  lumière  par  M.  Frazer  qui,  avec  toute  l'école  anglaise,  a  tant  fait  déjà  pour  ramener 
à  leurs  éléments  psychologiques  les  manifestations  de  l'activité  sociale.  Il  se  place  à  la 
fin  de  son  discours  &  un  point  de  vue  pratique  général,  auquel  se  place  davantage  encore 
M.  Steinmetz.  Ce  savant,  ici  comme  dans  plusieurs  de  ses  derniers  travaux,  tend,  avec 
l'école  sociologique  française,  à  justifier  toute  institution  par  un  caractère  utilitaire 
qu'il  lui  reconnaît  sans  voir  que  c'est  seulement  après  coup  qu'il  dégage  cette  utilité. 
L'histoire  universelle  et  l'ethnographie  démontrent  au  contraire  que  l'homme,  indivi- 
duel ou  en  collectivité,  agit  bien  plus  contre,  que  dans  son  intérêt  propre.  En  tout  cas 
les  quatre  savants  sont  d'accord  pour  afi9rmer  la  portée  éducatrice  des  études  ayant 
l'homme  pour  objet  et  la  nécessité  actuelle,  tant  politique  qu'économique,  de  faire 
admettre  par  les  pouvoirs  publics  leur  introduction  dans  l'enseignement  officiel. 

A.  v.  G. 
L'École  d'Anthropologie  de  Paris,  1  vol.  8",  210  pages,  portrait  de  Broca,  F.  Alcan.  1907.  — 
D'une  manière  nerveuse  et  vive,  M.  Thulié,  Directeur  de  l'École,  retrace  les  difficultés 
qu'eurent  à  vaincre  Broca  et  ses  amis  pour  la  fondation  de  la  Société,  du  Laboratoire  et 
de  l'École  d'Anthropologie.  Fondateur  de  ces  centres  de  recherche  scientifique,  Broca  en 
demeura  l'âme  par  son  enthousiasme  et  sa  persévérance,  et  le  directeur  par  la  netteté 
de  ses  conceptions  et  l'ampleur  de  ses  travaux.  Il  eut  d'ailleurs  des  collaborateurs,  la 
plupart  médecins,  auxquels  M.  Thulié  rend  justice,  parfois  même  sur  un  ton  dithyram- 


F«  412.]  •    ß    •    Ë    •    E    •    S    •  L1908. 

bique  :  »  le  savant  et  universel  Charles  Letourneau,  le  philosophe  de  haute  portée, 
revolutionniste  génial  n.  I/Ëcole  d'anthropologie,  fondée  par  souscdptions  individuelles 
de  1000  francs  chacune,  a  depuis  continué  de  vivre  grâce  à  des  subventions  fournies  par 
rÉtat,  la  Seine  et  Paris.  C'est  donc  un  corps  pi*esque  autonome,  et  qui  se  recrute  par 
cooptation.  Puis  M.  Th.  donne  un  bref  exposé  de  la  situation  actuelle  de  l'enseignement 
des  sciences  anthropologiques  à  l'étranger  et  parle  de  leur  application  pratique  au 
développement  de  l'humanité.  Un  historique  des  chaires  et  une  bibliographie  étendue 
des  travaux  publiés  par  chacun  des  professeurs  de  l'École,  bibliographie  d'une  réelle 
utilité,  complètent  ce  volume  bien  présenté.  A.  v.  G. 

K.  Weurhan.  Die  Sage  ;  Handbücher  zur  Volkskunde,  T.  I,  iu-18, 162  pages,  W.  Heims, 
Leipzig,  1908,  S  Mks.  —  La  maison  d'édition  W.  Heims  commence  avec  ce  volume  la 
publication  d'une  série  de  volumes  destinés  à  servir  en  quelque  sorte  de  manuels  à  la 
fois  aux  spécialistes  et  au  grand  public.  D'où  la  grande  importance  attribuée  à  la  biblio- 
graphie laquelle  comprend  dans  la  monographie  de  M.  W.  sur  la  légende,  près  de 
1200  titres.  M.  W.  s'occupe  davantage  de  la  légende  allemande  que  de  la  légende  en 
général  ;  d'où  par  endroits  une  certaine  simplification  des  théories,  et  une  tendance 
spéciale  à  surestimer  la  production  légendaire  allemande  par  rapport  à  celle  des  autres 
pays.  Notamment  il  n'est  pas  fait  mention  de  l'influence  des  chansons  de  geste  fran- 
çaises, ni  des  résultats  acquis  ces  dernières  années  par  les  savants  anglais  dans  Tétude 
des  sagas  et  épopées  du  Moyen-Age.  De  même  encore  on  notera  que  les  résultats  acquis 
par  Köhler  et  par  Boite,  puis  par  Kix)hn,  Polivka  et  d'autres  n'ont  pas  été  utilisés  en 
vue  d'une  catégorisation  des  thèmes  courants  en  Allemagne.  Ceci  dit,  il  reste  que  le 
livre  de  M.  W.  fournit  à  quiconque  désire  savoir  ce  qu'est  la  légende  et  à  quoi  tient  son 
importance,  de  bons  points  de  dépai*t  ;  on  y  trouvera  des  discussions,  avec  quelques 
exemples  bien  choisis  à  l'appui  sur  :  la  notion  de  «  légende  »  ;  la  morale  dans  les  légen- 
des ;  la  formation  et  les  transformations  des  légendes  ;  leur  transmission,  leur  i*enais- 
sance  périodique;  leur  relation  avec  le  document  historique,  la  mythologie  et  la 
littérature,  et  leur  contenu  surnaturel  et  naturel  (plantes  et  animaux).  11  y  a  après  la 
discussion  de  chaque  point  déterminé  une  bibliographie  spéciale  et  à  la  fin  d'un  volume 
des  titres  classés  par  provinces  ;  la  partie  étrangère  est  moins  réussie  ;  elle  est  suivie 
d'une  liste  des  périodiques  s'occupant  spécialement  de  folk-loi'o.  Les  autres  volumes 
de  la  collection  traiteront  :  du  conte  ;  de  la  chanson  populaire  ;  des  coutumes  ;  des 
jeux  et  chants  enfantins,  etc.,  afin  que  tous  ceux  qui  seraient  à  même  de  s'intéresser 
activement  à  la  collection  des  documents  folk-loriques  se  trouvent  munis  d'idées 
générales  et  de  méthode.  A.  v.  G. 

H.  Ploss,  Max  Bartels  et  Paul  Bartels,  Bas  Weib  in  der  Natur-und  Völkerkunde. 
8°,  9«  édition,  16  Livraison  à  1  Mk,  £0  et  2  livr.  à  2  Mks.  Th.  Grieben,  Leipzig.  —  La 
première  livraison  de  la  9«  édition  do  cet  ouvrage  réputé  vient  de  paraître.  Il  parut 
d'abord  en  1884,  et  Ploss,  puis  Max  Bartels  et  enfin  le  fils  de  celui-ci,  le  D' Paul  Bartels 
ont  sans  cesse  accumulé  des  matériaux  de  manière  à  maintenir  l'ouvrage  au  courant 
des  découvertes  et  de  la  science.  Je  rappelle  que  la  femme  y  est  étudiée,  d'abord  au  point 
de  vue  physique  et  anthropologique,  puis  quant  à  sa  situation  sociale  dans  toutes  les 
civilisations.  Il  s'ensuit  que  ce  livre  est  un  traité  de  psychologie  et  de  sociologie 
sexuelles  indispensable  autant  aux  anthropologistes  et  aux  ethnographes,  qu'aux 
médecins,  aux  folk-loristes,  etc.  Il  va  sans  dire  que  le  classement  des  faits  ne  va  pas 
sans  prendre  parti  dans  les  discussions  théoriques,  et  l'on  notera  que  les  auteurs  ont  eu 
soin  de  fournir  les  documents  non  pas  seulement  en  faveur  de  leurs  propres  opinions, 
mais  également  ceux  qui  leur  seraient  contraires.  A  la  fin  du  T.  II  se  trouve  une  biblio- 
graphie étendue,  à  laquelle  la  nouvelle  édition  ajoutera  plus  de  250  titres.  Ici  une  critique 
s'impose  :  dans  un  trop  grand  nombre  de  cas,  on  est  renvoyé  à  un  ouvrage  sans  indica- 
tion de  page  ;  je  sais  bien  que  depuis  les  dei'nières  éditions,  il  a  été  remédié  peu  à  peu  à 
cette  lacune,  et  j'espère  que  dans  la  9*  le  nombre  des  renvois  exacts  sera  encore  aug- 
menté. On  constate  aussi  une  amélioration  notable  des  illustrations  (700  dans  le  texte 
et  XI  pi.  lithogr.),  les  bois  étant  peu  à  peu  remplacés  par  des  phototypies.  Trop  peu  connu 
en  France,  Dos  M^eib  mérite  d'y  être  répandu  davantage,  ne  serait-oe  déijà  que  jiour 
éviter  des  redites  et  fournir  une  base  ferme  à  des  recherches  ultérieures,  notanuuent 
dans  nos  colonies.  A.  v.  G. 


1908«]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  413» 

Bd.  Chavannrs  Note  préliminaire  sur  les  résultais  archéologiques  de  la  mission  accom- 
plie en  1907  dans  la  Chine  du  Nord.  Extr.  (17  p.  et  XIV  pi.)  des  Comptea^Hendus  de 
l'Acad.  des  Inscr.  et  B.  L.,  1906. 

Voyages  archéologiques  dans  la  Mandchourie  et  dans  la  Chine  septentrionale^ 

Extrait  (30  p.  et  12  flg.)  du  Bull,  du  Comité  de  l'Asie  française,  1908. 

Les  résultats  du  voyage  archéologique  accompli  dans  la  Chine  du  Nord  par  M.  Ch.  en 
1907  promettent,  à  en  juger  d'après  les  communications  préliminaires  citées  ci-dessus, 
d'être  des  plus  importants  pour  l'histoire  des  rapports  culturels  entre  l'Extrême-Orient  et 
l'Asie  Centrale,  l'Inde  et  l'antiquité  classique.  Déjà  dans  son  travail  sur  La  sculpture  sur 
pierre  en  Chine  aux  temps  des  deux  dynasties  Han,  (Paris,  1893).  M.  Ch.  avait  mis  au 
jour  des  preuves  indéniables  d'influences  extra-chinoises,  dont  l'une,  les  chevaux  volants 
(aux  quatre  jambes  allongées)  fut  analysée  en  détail  par  M.  Sal.  Reinach  (La  représen- 
tation du  galop  dans  l'Art  ancien  et  moderne,  Revue  Archéologique  1900  et  1901); 
cette  représentation  du  galop,  courante  dans  Part  mycénien,  se  retrouve  ensuite  en 
Chine  à  partir  du  IP  siècle  de  notre  ère  (cf.  maintenant  Noteprél,^  pi.  XIII),  s'implante 
au  Japon,  et  revient  en  Europe  vers  la  fin  du  XVIIP  siècle.  D'autres  éléments  ornamen- 
taux,  notamment  les  grappes  de  fruits,  ont  été  étudiés  de  près  par  M.  Hirth,  Chinese 
metallic  mirrors  ;  (cf.  R.  K.  E.  S.  1908, 1,  p.  184-5). 

Il  est  actuellement  établi  (sous  benefice  de  découvertes  nouvelles)  que  les  plus  ancien- 
nes sculptures  sur  pierre  chinoises  datent  du  II«  siècle  de  notre  ère  ;  après  la  floraison  de 
l'art  des  Han,  il  y  a  eu  une  péiiode  de  deux  cents  ans  (III  et  IV«  s.)  pour  laquelle  on  n'a 
aucun  spécimen.  Puis  arrivent  les  sculptures  bouddhiques,  dont  celles  de  Ta  tong  fou, 
étudiées  en  détail  par  M.  Ch.,  qui  sont  du  V«,  et  essor  prolongé  jusqu'au  VIII«  s.  par  le 
groupe  de  sculptures  pariétales  de  liOngmen  où  se  décèlent  des  réminiscences  de  l'art 
hindou  du  Gandliàra,  y  compris  des  affinités  gréco-romaines  (cf.  Voyage,  p.  22,  flg.  7  et 
Note  pi.  IV  un  curieux  personnage  à  casque  ailé,  armé  du  trident  d  une  main  et  portant 
peut-être  un  thyrse  de  l'autre,  donc  réunissant  les  attributs  de  Mercui-e,  de  Neptune  et 
de  Bacchus).  On  voit  dans  ces  mêmes  grottes  de  Long-men,  par  contre,  des  représenta- 
tions de  génies  Gardiens- des-Postes,  qui  ont  une  allure  plus  chinoise,  par  la  brutalité  de 
leur  modelé.  Une  influence  sassanide  se  reconnaîtrait,  d'après  M.  Ch.  (Voyage,  p  24, 
flg.  9  et  Note  prél.  pi.  XIV)  dans  le  cheval-dragon  ailé  de  la  sépulture  de  Wou  San-sseu. 
On  notera  enfin  que  l'art  bouddhique  s'est  introduit  en  Chiné  avec  la  dynastie  des  Wei 
du  Noi-d,  originaire  de  Mandchourie  et  qui  devait  avoir  des  relations  avec  l'Asie  Centrale. 
On  peut  donc  espérer,  étant  donné  l'intérêt  que  portent  de  plus  en  plus  les  savants  et 
les  institutions  scientifiques  à  cette  région,  que  bientôt  la  chaîne,  dont  quelques  anneaux 
seulement  nous  sont  aujourd'hui  connus,  se  trouvera  restituée.  A.  v.  G. 

G.  Ferrand,  Les  îles  Râmny,  Làmery,  Wâhwâk,  Komor  des  géographes  arabes  et 
Madagascar.  Extrait  (138  pa^es)  du  Journal  Asiatique,  nov.-déc,  1907.  —  Avec  une 
louable  persévérance,  M.  F.  élucide  peu  à  peu  les  nombreux  points  obscurs  du  peuple- 
ment de  Madagascar.  Ses  études  philologiques  l'avaient  conduit  déjà  à  reconnaître 
dans  le  malgache  moderne  une  influence  sanskrite  et  ses  recherches  de  géographie 
ancienne  à  reporter  dans  les  îles  de  la  Sonde  le  lieu  de  déi)art  do  la  grande  immigration 
qui  vint  lecouvrir  un  fonds  nègre,  probablement  bantou.  Dans  le  présent  mémoire  il 
arrive  aux  conclusions  suivantes.  Hamini  et  sa  sœur  Kaminia,  le  chef  légendaire  de 
l'immigration,  est  originaire  de  Ramny,  nom  arabe  de  Sumatra,  origine  qu'indiquent  ces 
deux  noms  (le  Sumatrais  et  la  Sumatraise).  La  dénomination  îles  Wakwak  s'appliquait 
d'une  pai't  au  Japon,  de  l'autre  à  une  région  de  l'Afrique  du  sud,  où  M.  Ferrand  pense 
voir  le  Sofala  ;  et  il  rappelle  à  ce  sujet  l'existence  à  Madagascar  d'une  population  bantoue, 
les  Makua,  et  de  l'autre  celle  d'un  mot  malgache  analogue  vahwaka,  ayant  le  sens  de 
peuple,  tribu,  royaume  ;  la  conjecture  Wakwak  =  Sud-Madagascar  est  renforcée  par 
l'identification  de  l'arbre  merveilleux  dont  les  fruits  ressemblent  à  une  tête  de  mort  et 
dit  wakwak  avec  le  pandanus,  appelé  vakwa  en  malgache.  De  même  Komr  désigne 
tantôt  le  pays  Khmer,  c'est-à-dire  le  Cambodge,  tantôt  les  Montagnes  de  la  Lune 
tantôt  l'Ile  de  la  Lune,  c'est-à-dire  Madagascar,  mais  non  les  (3oraores,  qui  portent 
chacune  un  nom  spécial,  notre  dénomination  globale  n'étant  pas  employée  par  les 
indigènes.  Il  faut  voir  probablement  là  un  cas  de  transposition,  le  nom  de  Komr  ayant 
cessé  de  s'appliquer  à  Madagascar  pour  l'être  à  la  Grande  Comore,  vers  le  XVII«  siècle. 

A.  V.  G. 


p.  414] 


R 


E 


E 


1908.] 


SOMMAIRES  DES  REVUES. 


Bulletins  et  MAmoirrs  db  la  Socibté  d*An- 
THROPOLOom  DB  Paru.  1907,  n^  5-6. 

Ch.  Lejeane,  Superttitiom. 

Bonifacy,  Le  laquage  dss  dents  en  noir 
chez  Um  Annamite*, 

Cb.  Crevost,  Le  laquage  des  dents  ches  les 
Annamites, 

Renô  Dussaud,  Questions  de  chronologie 
minoenne. 

F.  Delisle,  Sur  un  crâne  de  la  Grande 
Comore, 

M.  Baudouin,  La  chaire  à  escalier  de  la 
Roche  ar-Lin^  à  St.  May  eux. 

J.  Jarricot,  Sur  les  variations  saisonnières 
du  nombre  des  conceptions  à  Lyon, 

Fr.  de  Zeltner,  Troglodytes  Sahariens, 

Bonifacy,  De  Vantiquité  du  fer  citez  les 
Chinois  et  les  Préchinois. 

R.  H.  Mathews,  Sociologie  de  la  tribu  des 
Chingalee. 

L.  Manouvrier  et  R.  Anthony,  Etude  des 
ossements  humains  de  la  sépulture  néo- 
lithique de  MontignyEsbly, 
Revub  db  l'Histoire  des  Rblioions.  LVII  (1908). 

N«  1,  Janvier-Février  1908. 

J.  Réville,  Les  origines  de  VEucharistie 
(fin) 

C.  Snouck-HurgroDje,  L  Arabie  et  les  Indes 
Néerlandaises. 

A.  Mo  ret,  l>u  Sacrifice  en  Egypte. 

Analyses  :  Ziehen,  Leges  grcecorum  sacrœ 
(A.  J.  Reinach).  -  H.  Sohmidt,  Veteres 
philosophi  (id.).  —  M.  Rabinsohn,  Le 
Messianisme  dans  le  Talmud  et  les  Mi- 
draschim  (M.  Vex  1er).  —  M.  de  Genouil- 
lac.  L'église  chrétienne  au  temps  de 
St Ignace iCh.Guigneberi).— H.  Dudden, 
Gregory  the  great  (A.  J.  Keinach). 

Notices  bibliographiques. 

Chronique. 

—  N0  2. 

T.  Segerstedt,  Les  Asuras  dans  la  religion 
védique. 

E.  Amelineau,  La  religion  égyptienne 
d'après  M.  Erman. 

F.  Macler,  Hebraica. 

Revue  des  Livres  :  Kappstein,  Wesen  und 
Geschichte  der  Religionen  (P.  Ultra- 
mare).  —  R.  de  la  Grasserie,  Des  Mys- 
tères (6.  d'Alviella).  —  L.  de  la  Vallôe 
Poussin,  Bodhicaryâvatâra  (A.  Fou- 
cher).  —  Yuertheim,  De  Ajacis  origine^ 
cultu, patria  (Ad.  J.  Reinach). —  A .Deiss- 
mann,  New  light  on  neic  Testament  (id.). 

—  Salzberger,  Die  Salomon-Sage  in  der 
semitischen  Litteratur  fBen  Gbeneb).  — 
N.  Giron,  Légendes  coptes  (Amélineau). 

—  Herzog,  ta  Ste  Vierge  dan»  Vhistoire 
(G  d'Alviella).  —  Brockplmann,  Fink, 
Leipoldt  et  Littmann,  Geschichte  der 
christlichen  Litteraturen  des  Orients 
(R.  Basset). 

Chronique. 


Ana  LEGT  A  BOLLANDIAMA. 

T.  XXVII,  fasc.  t. 

P.  Peetars,  Le  martyrologe  de  Rabban 
Sylva^  Bulletin  des  pnbhcations  hagio- 
graphiques (pp.  201-254). 

Publications  récentes. 

Bibliotbeca  Vallioellana  (suite). 

—  N»  3-4. 

H.  MoretuB,  De  magno  legendario  Bode- 

censi. 
P.  Peeters,  Le  sanctuaire  de  la  lapidation 

de  S.  Etienne. 
Fr.  Cumont,  Le  tombeau  de  8.  Dasius  de 

Durosiôrum, 
H.  Delehaye,  Une  version  nouvelle  de  la 

Passion  de  S,  Georges. 
A.  Poncelet,  Une  lettre  de  S.  Jean^  évéque 

de  Cambrai  à  Hincmar  de  Loan, 
H.  Delehaye,  Les  femmes  stylites, 
Fr.  Van  Ortroy,  Manrèse  et  les  origines  de 

la  Compagnie  de  Jésus, 
Bulletin  de  publications  hagiographiques. 
Publications  récentes. 
Bibliotbeca  Vallicellana  (suite). 
Globus,  t.  XCIII. 

—  No  14,  9  avril. 

Schell,  Land  und  Leute  im  Eickengrunde, 
Koch-Gmnberfir,  Ja^  und  Waffen  bei  dm 

Indianern  Nordu)est-Brasiliens  (fin). 
Bücherschau.  Kleine  Nachrichten. 

—  N°  15. 16  avril. 

Von   Reitgenstein,  Längs  der  Ostgrcii  e 

von  Kamerun, 
Schell,  Land  und  Leute  im  Hichengrunde^ 

(fin). 
BQcherschau.  Kleine  Nachrichten. 

—  No  16, 23  avril. 
Wagner,  Das  Nuorese, 

Krämer,    Vuvtdu  und  Atua   (Maty    und 

Durom  Insel). 
Andrée,  8.  George  und  die  Parilien,  — 

Boris  Gleb, 
BQcherschau.  Kleine  Nachrichten. 

—  N«  17,  30  avril. 
Wagner,  Das  Nuorese  (fin). 

Struck,    Eine   vergleichende  Grammatik 

der  Bantuspraclien. 
Btlcherachau.  Kleine  Nachrichten. 

—  No  18,  7  mai. 

Goldsiher,  Alois  MusiU  ethnologische  Stw 

dieti  in  Arabia  Petraea. 
Karasek,  Tabakspfeifen  und  Rauchen  bei 

den  Waschambaa. 
LAf^ch.     Das     Fortleben    geschichtlirh^ 

Ereignisse  in  der  Tradition  der  Natinr- 

Völker, 
BQcherschau,  Kleine  Nachrichten. 

—  No  19,  21  mai. 

Nordenskiöld,  Südamerikanische  RomcK- 
pfeifen. 

Gutmann,  Fluch  und  Segnen  im.  Munde 
dei"  Wadschagga, 

Koch-Grünberg,  Bemerkungen  su  der 
Forschungsreise  des  D'  H,  Rice  in  Bra- 
silien, 


1908] 


SOMMAIRES   DES   REVUES. 


[P.  415. 


K.  Andrée,  Der  chinesische  Küchengott. 
Buch  erse  h  au.  Kleine  Nachrichten. 

—  N»  20.  28  mai. 

Koblhrugge,  Rote  Haare  und  deren  Bedeu- 
tung. 
BQcherschau.  Kleine  Nachrichten. 

—  N°21,  4  juin. 

Kohlbrugge,  Rote  Haare  und  deren  Bedeu- 
tung (fin). 
B neberschau.  Kleine  Nachrichten. 

—  N''22,  11  juin. 

Schwalbe.  Kohlbrugge  und  die  morpholo- 
gische Abstammung  des  Menschen, 

Zur  Anthropologie  Schottlands. 

Sinj^or,  Afrikafonds  und  Tätigkeit  der 
Landeskundlichen  Kommission  für  die 
deutschen  Schutzgebiete, 

Bucherschau.  Kleine  Nachrichten. 

—  N«23,  18  juin. 

Krauss.  Hausgeräte  der  deutsch-ostafrika- 
nischen Küstenneger. 

Pasäarge,  Beobachtungs-  und  Literaturgeo- 
graphie. 

BQcherschau.  Kleine  Nachrichten. 

—  No  24.  25  juin. 

Goldstein,  Viehtesaurierung  in  Haussaful- 

hien  und  in  Adamaua. 
von  Königswtfld.  Die  Cayuds, 
Bücberscbau.  Kleine  Nachrichten. 
American  Anthropologist,  X,  n«  2. 

O.  T.  Mason,  Mind  and  matter  in  culture. 

C.  Wi ssler.  Ethnographical  problems  of 
the  Missouri-Saskatchewan  area, 

R.  B.  Dixon,  Notes  on  the  Achomawi  and 
Atsugewi  Indians  of  Northern  California, 

O.  T.  Emmons,  Peiroglyphs  in  S.  E,  A  laska, 

H.  R.  Kroeber,  Pima  tales. 

A.  W.  Nonh,  The  na'ive  tribes  of  lower 
CaHfomia, 

D.  I  Bushell,  An  early  account  ofDighton 
Rock. 

W.  K.  Moorehead,  Ruins  at  A  s  tec  and  on 
the  Rio  La  Plata,  New  Mexico, 

W.  H.  Holmes,  The  tomahawk. 

W.  R.  Gerard,  The  term  tomahawk, 

R.  H.  Mathews,  Sociology  of  the  Chingalee 
tribe^  Northern  Australia, 

Analyses  :  Emmons ,  Chilkat  Blanket 
(0.  T.  Mason)  ;  Nova  Guinea  (A.  F. 
Chamberlain). 

Periodical  Literature  (analyses  des  princi- 
paux articles)  par  A.  F.  Chamberlain. 

Foreign  Notes.  — Miscellanea. 
The  Journal  of  American  Folr-Lorb. 

N«  LXXX,  Janvier-Mars  1908. 

R.  B.  Dixon,  .Some  aspects  oftTie  american 
Shaman, 

H.  J.  Spinden,  Mytfis  of  the  Nea-Percé 
Indians, 

R.  H.  Lewie.  Catch-words  for  mythologi- 
cal motives, 

A.  M.  Tozzer,  A  note  on  starlore  among 
the  Natajos, 

A.  Wright,  An  athabascan  tradition  f)rom 
Alaska, 


Notes  in  California  Folk-Lore, 

V.  Stéfânson,  Notes  on  the  Theory  and 
treatment  of  diseases  among  the  Macken- 
sie  River  Eskimo. 

C.  K.  B»yll-«R.  Philippine  Folk-Tales. 

G.  L.  KittredfiTP,  Two  popular  ballads. 

Ph.  Barry,  King  John  and  the  Bishop. 

VV.  G.  Bek,  Surcicals  of  old  marriage  cus- 
toms among  the  low  Germans  of  West 
Missouri. 

Ch.  B.  Wilson,  Notes  on  folk-medicine. 

Not<*s  and  queries.  —  Reviews. 

Record  of  american  folk-lore  (A.  F.  Cham- 
berlain). 

Record  of  european  folk-lore  in  America 

Journal  db  la  Société  des  Américanistbs  de 
Paris.  T.  IV.  n«  2,  1907. 
E.    Nordenskiöld,    Recettes    magiques    et 

médicales  du  Pérou, 
J.    Hébert,    Survivances   décoratives    au 

Brésil. 
G.  de  la  Rosa,  Découverte  de  trois  ouvrages 

de  Blas  Valera. 
R.  Verneau,    Les  collections  anthropolo- 
giques du  D»"  Rivet. 
Variétés.  —  Bulletin  critique.  — Mélanges. 
Boletim  da  Sociedadb  de  Gbographia  de  Lis- 
boa.  XXVII,  1908,  n«  1-4. 
Aag.  Bastes,  Traços  geraes  da  ethnogra- 
phia  de  Benguella, 
Bulletin  de  la  Société  Belge  de  Géographie, 
XXU  (1908)  no  2. 
L^  Demuenynck,  Aupays  de  Mahagi  (suite). 
L*  Demuenynck,   Les  pygmées  du   Haut 
Ituri. 
The  Geographical  Journal.  T.  XXXI,  1908, 
n®  5,.  mai. 
h.  Gomme.  The  story  of  London  maps, 
A.  Stein,  Central' Asian  Expedition. 
Bibliographie  :  A.  Ireland.  J%e  province  of 
Burma,  —  Cromer,  Modern  Egypt,  — 
Mac  Call  Theal,  History  and  Ethnogra- 
phy of  Africa  south  of  the  Zambesi,  — 
G.  Loth,  La  Tunisie, 

—  No  6.  Juin. 

Th.  Lewis,  The  old  Kingdom  of  Kongo. 
L.  Gomme,  The  story  of  London  map9(8uite). 

—  T.  XXXn,  n»  1,  Juillet. 

L^  Ë.  A.  Sceel,  Exploration  in  Southern 

Nigeria, 
Analyses  :  Parkinson,  Dreissig  Jahre  im 

der  Südsee  (A.  C.  H.) 
The  Scottish  Geographical  Magazine. 
T.  XXIV,  1908,  no  5,  Mai  et  n«  6,  Juin. 
V.  Dingelstedt,  The  republic  and  canton  of 

Geneva,  a  demographical  study 

—  No  7. 

R.  Brown,  Earth  and  the  man. 

—  No  8. 

J.  Kelman,  The  topography,  history  and 

economics  of  Jerusalem, 
(An.)  Distribution  of  plants  in  Chile, 
(An)  The  Anghera  Kabyles  (CR.  d'un  ar- 
ticle de  R.  Ruiz  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  de  Géographie  de  Madrid). 


p.  416.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 


CHRONIQUE. 


Die  BäsilerstliliiBg.  —  Der  am  31.  Mäi'z  1907  verstorbene  (reheimo  Hofrat,  Professor 
Dr.  Arthur  Bäszler  zu  Kberswalde  hat  laut  einer  letzwilligen  Bestimmung  den  Königlichen 
Museen  in  Berlin  eine  Reihe  ebenso  hochherziger  als  für  die  Museen  bedeutungsvoller 
Zuwendungen  gemacht,  die  nunmehr  die  landesherrliche  Genehmigung  gefunden  haben  udl 
dui*ch  den  Testamentsvollstrecker,  Stadtrat  Hermann  Bäszler  zu  Glauchau  der  Genei-alver- 
w^altung  überwiesen  worden  sind.  Zunächst  ist  ein  Kapital  von  1  250  000  M.  für  eine  beim 
Königlichen  Museum  fur  Völkerkunde  zu  errichtende,  mit  dem  Namen  «  Bäszlerinstitt'i  - 
zu  bezeichnende  Stiftung  bestimmt,  die  durch  ein  besonderes,  vom  Minister  der  geistlicheo. 
Unterrichts-  und  Medizinalangelegenheiten  im  Einvernehmen  mit  dem  Generaldirektor  der 
Königlichen  Museen  zu  bestellendes  Kuratorium  verwaltet  werden  soll. 

Das  Bäszlerinstitut  hat  folgende  Zwecke  zu  umfassen,  zu  denen  jedoch  nur  die  Zinsen 
des  Kapitals  Verwendung  linden  dürfen  ;  a)  Es  soll  eine  Bibliothek  —  die  Bäszlerbibliotheh 
—  zur  Föi-derung  ethnographiser  und  ethnologischer  Forschungen  errichtet  weixien,  in  dei 
auch  die  vom  Erblasser  dem  Museum  zugewendete  Bücher-  und  photographische  Sammlung 
aufzustellen  ist.  Die  Räume  dafür  sind  in  den  für  das  Museum  für  Völkenkunde  geplanten 
Neubauten  bereitzustellen  und  mit  der  Bezeichnung  «  Bäszlerkibliothek  «  zu  rei-selien. 
bi  Es  ist  eine  Zeitschrift  zur  Veröffentlichung  ethnographischer  und  ethnologischer  For- 
schungen unter  der  Bezeichnung  *  Bäszlerarchiv  »  herauszugeben  mit  der  die  bisherigen 
Vei'öfTentlichungen  des  Museums  für  Völkerkunde  zu  vereinigen  sind,  c)  Es  sollen  Expe^Ii- 
tionen  zur  Förderung  ethnographischer  und  ethnologischer  Zwecke  einschlieszlich  dei 
Anlegung  von  Sammlungen  für  das  Museum  für  Völkerkunde  ausgesandt  werden. 

Neben  dieser  groszartigen  Zuwendung  erhält  die  vom  Erblasser  am  6.  Mai  1903  für  <î  t> 
Königliche  Museum  für  Völkerkunde  begründete  Arthur  Bäszler-Stiftung  150  OO)  M.,  sj 
dasz  sich  ihr  Kapital  auf  250  000  M.  erhöht.  Diese  Stiftung  hat  den  ausschlieschlichen  Zweck. 
aus  ihren  Zinsen  in  selbständigen  ICxpeditionen  ethnologisch  vorgebildete  Reisende  nach 
Gegenden  zu  senden,  in  denen  für  die  Völkerkunde  wünschenswerte  Sammlungen  gemacht 
werden  können  und  die  Ergebnisse  dieser  Reisen  zu  verarbeiten  und  zu  veröffentlichen. 
Die  Verwaltung  geschieht  durch  die  Generalverwaltung  der  Königlichen  Museen,  die 
Bestimmung  über  die  Verwendung  durch  die  vereinigten  Sachverständigenkommissionen 
der  ethnologischen  Abteilungen  des  Museums  für  Völkerkunde.  Endlich  wird  das  Museum 
für  Völkerkunde  noch  10  000  M.  erhalten  zur  würdigen  Aufstellung  der  hervorragenden 
peruanischen  Sammlung,  die  der  Erblasser  früher  dem  Museum  für  Völkerkunde  geschenkt 
hat.  Durch  diese  auszerordent liehen  Zuwendungen  werden  die  ethnologischen  Abieilunuen 
des  Museums  für  Völkerkunde  in  den  Stand  gesetzt,  ihre  Ziele  in  weit  wirkungsvollerer 
und  umfassenderer  Art  zu  verfolgen  und  so  zugleich  die  Erwartungen  des  Erblassers  zu 
erfüllen,  der  die  schon  zu  seinen  Lebzeiten  betätigte  Liebe  zur  Völkerkunde  in  so  weit^[^^• 
hendem  Masze  in  die  Tat  umgesetzt  hat. 

(Deutscher  Reichsanzeiger,  1908.) 


Le  Gérant  :  Paul  Geüthnbb. 


BEVUE  DES  ÉTUDES 

ETHNOGRAPHIQUES 

ET  SOCIOLOGIQUES 


PUBLIÉE   SOUS   LA    DIRECTION   DE 


ARNOLD   VAN   GENNEP 


Mo-   9-10   s  SOMMAIRE 

Pages 

A.  Bel  :  La  population  musulmane  de  Tlemcen    .....    417 

M.  Dblafosse  :  Le  peuple  Siéna  ou  Sénoufou 448 

Analyses  :  H.  Lbssiiiann,  Aufgaben  und  Ziele  der  verglei- 
chenden Mythenforackunç  (A.  van  Gennep)  ;  R.  Par- 
kinson, Dreissig  Jahre  tn  der  S&dsee;  Land  und 
Leute,  Sitten  und  Gebräuche  in  Bismarck-Archipel 
und  auf  den  deutschen  Salomoinseln  ;  —  E.  Stephan 
et  Fr.  GRiGBNER,  Neu-Mecklenburg (Bismarck-Archi- 
pel). Die  Küste  von  ümuddübis  Kap  St-George;  — 
P.  A.  KLEiNTTrsOTKN,  Die  Küstenbewohner  der 
Gazelleha  Winsele  ihre  Sitten  und  Gebrauche  ( A.  van 
Gennbp;  —  W.  H.  S.  Jones  :  Malaria,  a  neglected 
factor  in  the  history  of  Greece  and  Rome  (  A.-J.  Rbi- 
NACH);  F.  H.  Wbissbach,  Beiträge  zur  Kunde  des 
Irak-Arabischen  (Gl.  Huart)  ;  Ionaz  Bernstein, 
Jüdische   Sjprichwörter   und    Redensarten    (Rene 

BA8t,BT) 458' 

Notices  bibliographiques ' 469 

Publications  nouvelles  reçues  au  bureau  de  la  Revue    .    .    .475 
Sommaires  des  Revues , 475 


PARIS 
LIBRAIRIE   PAUL   GEUTHNER 

68,  RUE  MAZARINE,  68 


Septembre-Octobre  1908 


EXTRAIT  DU  PROGRAMME 

de  la  Remte  des  Etudes  Ethnographiques  et  Soàiologiques 
Intematioiiale,  M aiuioélle 

Par  sociologie,  nous  entendoos  l'étude  de  la  Tie  en  société  des  bommes  de  tous 
les  temps  et  de  tous  les  pays  ;  par  ethnographie,  plus  spécialement  la  description 
de  leur  civilisation  matérielle.  Le  champ  de  la  Revue  est  donc  vaste.  L^on  y 
admettra  également  des  travaux  sur  Tarchéologie,  le  droit  comparé,  la  science 
des  relisions,  l'histoire  de  l'art,  etc.,  et  Ton  y  fera  appel  aux  branches  spéciales 
comme  régyptologie,  rassyriologîe,  Torientalisme,  etc.  L'anthropologie  proprement 
dite,  ou  étude  anatomique  des  variétés  humaines,  ne  rentrera  dans  notre  cadre  que 
diuia  la  mesure  où  elle  permet  de  définir  le  rapport  qui  pourrait  exister  entre  des 
races  déteimin/èes  et  leurs  civilisations  ;  il  en  sera  de  même  pour  la  linguistique, 
dans  la  mesure  où  elle  permet  de  déterminer  révolution  des  institutions  et  des 
idées.  Il  se  dessine  d'ailleurs,  ces  temps  derniers,  uoe  direction  nouvelle  en  linguis- 
tique à  laquelle  la  Revue  des  Études  Ethnograpbiques  et  Sooiologiqoes 
compte  collaboier  efiectivement. 

La  langue  de  la  Revue  sera  de  préférence  le  français  ;  mais  Fanglais,  Talle- 
mand  et  IHtalien  y  seront  également  admis. 

Adresser  les  lettres  et  manuscrits  à  M.  A.  van  Gennep,  56,  rue  de  Sèvres, 
Clamart,  prèi^  Paris,  Seine,  et  les  livres,  revues,  imprimés  de  toute  sorte  et  abon- 
nements à  M.  Paul  Geuthner,  libraire-éditeur,  68,  Bue  Mazarine,  Paris  TVI*),  au 
nom  de  la  Revue  des  Études  Ethnographiques  et  Sociologiques. 
Abonnement  :  France  :  20  fr.  —  Etranger  :  22  /r.  —  Années  écoulées  30  fr. 

H«  2  :  Février  1908  :  Andrew  Lako  :  Exogamy.  —  Maurice  Delafobsb  :  Le  peuple  Siéna  (hi 
Sénoufo  (suite).  -  Gabriel  Ferrand  :  Note  sur  le  calendiiec  malgache  et  le  Fandniana. 

—  Analyses  :  R.  von  Lichtenbero,  Beiträge  zur  ältesten  Geschichte  von  Kypros  (A.  J. 
Reinach)  ;  K.  Dussaud,  Vile  de  Chypre  particulièrement  aux  âges  du  cuivre  et  du 
bronze  (id.);  E.  Pechuël-Loeschb,  Volkskunde  von  Loango  (A.  v.  G.)  ;  Fr.  S.  Kraubs, 
Das  Geschlechtsleben  der  Japaner  (id.)  ;  G.  Frœdbrici,  Die  Schiffahrt  der  Indianer  (id.). 

—  Notices  bibliographiques  (G.  Mondon-Vidailhet,  A.  J.  Reinach,  A.  v.  G.).  •  Sommai- 
res des  Revues. 

No  8  :  Mar«  1908  :  A.  van  Gennep  :  Une  nouvelle  écriture  nègre  ;  sa  portée  théorique.  — 
Gaudefroy-Lemombtnes  :  Rites,  métiers,  noms  d'agent  et  noms  de  métier  en  arabe.  — 
A.  W'erner  :  Some  notes  on  the  Bushman  race.  —  Maurice  Delafossb  :  Le  peuple  Siéna 
ou  Sénoufo  (suite).  ^  Gabriel  Ferrand  :  Note  sur  le  calendrier  malgache  et  le  Fan- 
dniana (suite).  —  Analyses  :  Huntington,  The  Puise  of  Asia  (A.  v.  G.)  ;  Fynn,  The 
American  Indian  as  a  product  of  environment  (id.)  ;  Faitlovitch,  Proverbes  abyssins 
(R.  Basset)  ;  Galtier,  Coptica-arabica,  /(id.)  ;  Burrows,  The  Discoveries  in  Crete  et 
Mosso,  Escursioni  nel  Mediterraneo  (A.  J.  Rbinagh).  —  Notices  bibliographiques 
(M.  DELAFOfcSE,  G.  Ferrand.  A.  v.  G,  Ch.  Monteil).  —  Sommaires  des  Revues.  — 
Chronique. 

No«  4-6  :  Avril-Mal  :  W.-E.  Roth  :  Cratch- Cmdle  in  British  Guiana,  avec  24  figures.  —  A.  Bel  : 
La  population  musulmane  de  Tlemcen,  avec  planches.—  G.  Ferrand  :  Le  calendrier  Mal* 

g  acné  et  le  Fandruana  (fin).  —  M.  Delafosse  :  Le  peuple  Siéna  ou  Sénoufo  (suite).  — 
ommunicatioDS  :  A.  van  Gennep,  Vers  VEncyclopœdta  ethnographica,  —  Ferrand,  Le 
destin  des  quatre  éléments  dans  la  magie  malgache.  —  Demombynes,  Linguistique  et 
Sociologie.  —  Analyses  :  Hirzkl.  Themis,  Dikê  und  Verwandtes  {P,  Huvbun;.— Watson, 
Philosophical  basis  of  reiigion  (O.  d'Alviella).  —  Petrazycki,  Motive  des  Bandeins 
(P.  HuvELiN).  —  Hildebrandt,  Recht  und  Sitte  (A.  v.  G.).  —  Boas,  Anthropology  (id.).  — 
FiNCK,  i>prache  der  armenischen  Zigeuner  (A.  Meillet).  —  Giron,  Legendes  coûtes 
(R.  Basset).  —  Lagrange,  La  Crète  ancienne  (A.  J.  Rbinach).  —  Notices  bibliograr 
phiques  (H.  Basset,  H.  Beuchat,  M.  Delafosse,  A.  v.  G.,  P.  Huvelin,  A.  Mbillbt,  A  J. 
KEiNACH»  Th.  Smolensri).  —  Sommaires  des  Revues.  —  Chronique. 

N«"  6-7  :  Juin-Julilet  :  F.  Gaud  :  Organisation  politique  des  Mandlja  (Congo).  —  A.  yÂm  Gbnnep  : 
Linguistique  et  sociologie.  Il,  Essai  d'une  théorie  des  langues  spéciales.  —  A.>J.  Rkinach  : 
La  lutte  de  .lahvé  avec  Jacob  et  avec  Moïse  et  l'origine  de  la  circoncision.  *  Analyses: 
A.  LoisT,  Les  Evangiles  synoptiques  (V.  £ruoni).  —  G.-A.  Reisner,  The  Early  dynastie 
cemeteries  of  Naga-ed-Dér  (A.-J.  Reinach).  —  Notices  bibliographiques  :  (G.  Cœdés, 
A.  V.  G.,  M.  Delafosse,  a.-J.  Reinach,  Th.  Smolbnski).  —  Sommaires  des  Revues. 

No  8  :  Aoftt  :  Hichard  Gottheil  :  The  Cadi  :  The  history  of  this  institution.  —  Hbrmakn 
Beter  :  Die  Naturgrundlage  des  Mexikanischen  Gottes  Xiuhteculi.  —  N.  Pantoussoff  : 
Le  temple  chiDois  «  Bei-iun-djuan  »  dans  la  passe  d'Ak-Su,  province  d'il!.  ^  Analyses  : 
W.  0.  K.  Oestekley,  The  Evolution  of  Messianic  (Goblet  d^viblla).  —  Alois  Mustt. 
Arabia  Petraca  (Hené  Dussaud).  —  J.  Bédier,  Les  Légendes  épiques; recherches  sur 
la  formation  des  chansons  de  geste  (G.  Hubt).  —  Notices  bibliographiques  (A.  y.  Q).  — 
Sonmiaires  des  Revues. 


1908«]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE   DE   TLEMCEN.  [P.  417« 


LA  POPULATION  MUSULMANE  DE  TLEMCEN 

par  A.  Bel  (Tlemccn>. 


III. 
La  vie  matérielle. 


La  population  musulmane  de  Tlemcen  qui  est  plus  active  que  celle  des  cam- 
pagnes est  aussi  en  général  plus  aisée  et  peut  jouir  par  conséquent  de  plus  de 
confort.  D'ailleurs  Tlemcen,  comme  toute  ville  de  quelque  importance,  offre  des 
ressources  nombreuses  que  n'a  pas  Tindigène  des  campagnes  :  la  viande  de 
boucherie,  les  légumes,  le  poisson  de  mer,  les  fruits  sont  des  denrées  que  Ton  trouve 
abondamment  et  à  des  prix  qui  les  rendent  accessibles  à  tous  ;  les  tissus,  les  étoffes, 
les  vêtements  indigènes  de  toute  qualité  sont  fabriqués  ou  vendus  à  Tlemcen  ;  les 
maisons  arabes  bien  que  souvent  encore  peu  en  rapport  avec  les  exigences  d'une 
hygiène  bien  comprise,  offrent  un  abri  meilleur  que  la  tente  ou  le  gourbi  des 
ruraux  ;  Torganisation  d'hôpitaux,  d'une  infirmerie  indigène,  de  services  d'assistance 
et  d'hygiène  publiques  sont  des  avantages  dont  bénéficie  l'indigène  de  la  ville  et 
dont  est  d'ordinaire  privé  l'habitant  des  campagnes. 

Ces  causes  générales  ont  leur  répercussion  sur  les  détails  de  la  vie  matérielle 
du  TIemcenien  ;  elles  ont  pour  principal  résultat  de  lui  procurer  une  existeoce  plus 
facile,  sinon  plus  libre,  que  celle  du  sédentaire  des  campagnes  ou  du  nomade  et 
demi-nomade  du  reste  de  l'Algérie. 

a).  Alimentation.  Les  TIemceniens  mangent  beaucoup  de  légumes  préparés 
avec  ou  sans  viande.  Le  mouton  est  la  viande  préférée  ici  comme  à  la  campagne  ; 
on  mange  aussi  de  la  chèvre  et  du  bouc,  rarement  du  bœuf,  jamais  de  porc,  dont 
la  chair  est  prohibée  par  l'Islam  comme  par  la  loi  mosaïque.  Si  les  ruraux  mangent 
assez  souvent  du  gibier,  parce  qu'ils  chassent,  les  indigènes  des  villes  n'en  con- 
somment que  rarement,  car  il  faut  qu'il  soit  tué  par  un  musulman.  La  volaille 
(poules  et  pigeons  surtout),  les  œufs,  le  poisson  entrent  aussi  pour  une  grande  part 
dans  l'alimentation  du  TIemcenien. 

Ici  comme  à  la  campagne,  le  plat  de  prédilection  est  le  kouskous  que  les 
Arabes  appellent  t^âm  «  nourriture  (par  excellence)  »  ;  c'est  de  la  farine  de  blé 
dur  roulée  à  la  main  en  très  fines  boulettes,  cuite  à  la  vapeur  et  arrosée,  au 
moment  de  servir,  avec  un  bouillon  de  mouton  ou  de  volaille  et  de  légumes.  Le 
kouskous  est  d'ordinaire  fortement  épicé  (piment,  poivre  et  sel,  canelle  pilée, 
safran).  La  viande  qui  a  servi  à  faire  le  bouillon  se  mange  avec  le  kouskous. 

On  appelle  seffa  le  kouskous  préparé  sans  bouillon,  mais  avec  du  beurre,  du 
sucre  ou  du  miel  et  auquel  on  a  mélangé  des  raisins  secs,  des  amandes,  des  dattes 
et  des  œufs  durs.  La  seffa  se  mange  le  plus  souvent  avec  une  pièce  de  viande  rôtie 
-à  la  casserole. 

La  dchîcha  est  une  sorte  de  kouskous  à  la  farine  d'orge.  La  farine  d'orge 
roulée  et  cuite  à  la  vapeur  est  versée  dans  un  plat  en  bois,  puis  mélangée  avec  du 
beurre  et  arrosée  soit  avec  du  bouillon  de  bekboûka^^  soit  avec  du  bouillon  de  gellîp. 


^  La  bdkboûka  est  un  estomac  de  mouton  farci  d'un  hachis  de  poumoDs  de  mouton  fortement 
4is8aisonné. 

'  Le  zelllf  (berbôre  azéllif^  chez  les  ruraux  bou  lelloûf)  est  la  tête  de  mouton  dans  sa  peau. 


p.  418.1  •    R    •    E    •    E     •    S    •  [1908> 

Le  dchich  èMjâri  est  un  potage  à  la  farine  d'orge  et  aux  légumes  ;  le  tont 
cuit  à  Thuile  et  assaisonoé  comme  le  ^^km  et  a?ec  du  thym  (prononcé  çAihtser  à 
Tlemcen). 

En  roulant  comme  pour  le  kouskous,  des  boulettes  de  farine  d'orge,  de  k 
grosseur  d'un  pois,  en  faisant  cuire  ces  boulettes  à  la  vapeur,  puis  en  tes  mélan- 
geant avec  du  beurre,  sans  bouillon,  on  obtient  le  belbaûl. 

Le  berhoûkes  se  prépare  avec  de  la  farine  de  blé  dur  roulée  comme  pour  le 
belboûl  et  jetée  dans  la  marmite  où  cuisent  de  la  viande  et  des  légumes  de  saison. 

La  méhamça  est  une  pâte  de  semoule  préparée  à  Thuile  ou  ali  beurre,  puis 
roulée  en  petits  morceaux  semblables  à  de  très  petits  vers.  On  la  prépare  comme 
le  berkoûkè^  ou  comme  le  t^äm. 

Les  fdêouch^  sont  de  longs  rubans  de  pâte  comme  du  vermicelle,  on  les  prépare 
comme  la  mehamça,  ou  bien  on  les  fait  cuire  simplement  avec  du  lait  et  du  beurre. 
Le  premier  jour  de  la  fête  d'Aïdç  çr'ir  les  Tlemceniens  ne  mangent  que  des  fdèouch 
au  lait  et  des  gâteaux. 

Il  y  a  aussi  diverses  variétés  de  tâdjîn  (grec  TTjyavov  et  Tayijvov)  qui  sont  des 
mets  auxquels  on  a  donné  le  nom  de  la  marmite  en  terre,  dans  laquelle  on  les  pré- 
pare. Ce  sont  des  ragouts,  des  plats  de  viande  aux  légumes  ou  aux  fruits^.  Le 
tâdjîn  él'tnhamfner  est  un  rôti  à  la  casserole  ;  une  grosse  pièce  de  viande  cuite  au 
four  du  boulanger  se  nomme  tâdjîn  maqla;  les  hbéb  sont  des  brochettes  de  boulettes 
de  viande  hachée  et  très  assaisonnée,  cuites  sur  la  braise.  On  ne  fait  pas  à  Tlem- 
cen le  mouton  rôti  à  la  perche  (mchouî^  mçauxmer^  gâchoûch)  qui  est  le  mets  clas- 
sique du  festin  chez  les  ruraux. 

On  prépare  aussi  à  Tlemcen  un  plat  marocain,  la  iandjtya^  qui  est  une  sorte 
de  daube  de  mouton  aux  châtaignes,  cuite  au  four. 

Pour  l'En-Naïr  les  Tlemceniens  ont  deux  plats  spéciaux,  le  cherchem  et  le 
timdechchech  ;  le  premier  se  prépare  avec  du  blé  en  grains,  des  fèves  et  haricots 
secs  et  des  pois  chiches,  cuits  ensemble  à  Teau  et  sans  sel  ;  on  retire  Teau  au 
moment  de  servir  et  l'on  sert  les  légumes  que  Ton  sale  au  moment  de  manger.  Le 
timdechchech  est  de  la  farine  de  maïs  cuite  à  l'eau  et  mélangée  avec  de  l'huile  au 
moment  de  servir. 

Le  poisson  se  mange  à  Tlemcen,  surtout  l'hiver,  frit  ou  cuit  en  sauce  à  l'huile 
avec  des  légumes  frais  et  quelquefois  des  œufs. 

La  boisson  ordinaire  des  Tlemceniens  est  l'eau  pendant  les  repas^  ;  il  en  est 
qui  boivent  aussi  du  lait  frais  et  surtout  du  lait  aigre.  C'est  surtout  au  printemps 
et  en  été  que  l'on  fait  une  grande  consommation  de  petit-lait  que  les  indigènes  de 
la  montagne  apportent  dans  des  outres  en  peau  de  bouc  et  vendent  à  très  bas  prix 
daos  les  fondouks.  Après  les  repas  et  en  dehors  des  heures  de  repas,  le  Tlemcenien 
boit  beaucoup  de  café  et  de  thé  parfumé  à  la  menthe  ou  à  la  verveine.  Le  café,  le 
thé  et  le  lait  sont  d'ailleurs  les  seules  boissons,  avec  l'eau,  que  l'on  sert  dans  les 
cafés  maures  ;  en  été  seulement  on  y  sert  de  la  citronnade.  A  Tlemcen,comme  dans 
les  autres  villes  d'Algérie,  il  y  a  des  musulmans  qui  se  sont  mis  à  boire  des  liqueurs 
fermentées  et  surtout  de  l'absinthe  ;  mais  ils  sont  ici  en  très  petit  nombre  et  sont 
mal  vus  de  la  population. 


^  Sur  les  principales  varietes  de  tâdjîn^  voir  ma  note  dans  la  LjàJtya  (Joum.  asiat.^  sept.-oct. 
1902,  p.  192-193). 

*  A  table  l'usage  est  de  mettre  Teau  dans  un  vase  [petit  seau  en  boii  (qohtba)  ou  grand  bol 
(r'orfya)]  dans  lequel  boit  chaque  convive  à  tour  de  rôle  ;  car  on  ne  donne  pas  de  verres. 


190B.]  3EL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE   TLEMCEN.  [P.  419. 

A  part  quelques  boulaogers  iûdigèaes  qui  veodcat  du  paiu  arabe  sur  lea  places 
-du  quartier  de»  Hadar,  il  est  d'usage,  dans  chaque  famille,  de  faire  tous  les  jours  le 
paiu  nécessairf  à  la  consommatioa  du  ménage.  Les  pains  arabes  sont  des  galettes 
plates  de  dimension  variable  que  Ton  fait  cuire  dans  le  four  du  quartier.  Pour 
reconnaître  sop  pain  parmi  les  galettes  cuites  dans  une  même  fournée,  chacun  y 
fait  une  marque  spéciale,  d'ordinaire  en  y  imprimant  avec  le  doigt  plusieurs  trous 
formant  une  certaine  figure.  On  mange  à  Tlemcen  généralement  du  pain  de  blé, 
mais  aussi  du  pain  d'orge. 

Les  Tlemceniennes  savent  faire  de  bonnes  pâtisseries.  Dans  toutes  les  familles 
les  pâtisseries  se  font  à  l'occasion  des  grandes  fêtes. 

Pour  r^tchoûra  et  TAïd  el-Kebir  on  ne  fait  guère  que  des  mchehedf  sorte  de. 
gâteaux  feuilletés  préparés  avec  de  la  farine  de  blé  dur,  du  beurre  et  du  sel,  frits 
dans  l'huile  0t  trempés  dans  le  miel. 

Pour  le  Moàled  on  fait  du  fanîd  avec  de  la  farine  de  blé  tendre,  du  caramel, 
<le  l'huile  et  de  la  cire  d'abeilles  que  l'on  pétrit  après  une  légère  cuisson  et  que  l'on 
façonne  en  forme  de  candélabres,  de  vases,  de  selles  arabes,  etc...^  ;  on  fait  aussi 
des  isrîd  sortes  de  crêpes  extrêmement  fines  que  Ton  fait  cuire  sur  le  dos  d'une 
marmite  (ts^rreda)  chauffée.  Les  tsrîd  se  mangent  avec  le  jus  d'une  poule  rôtie  à  la 
<^sserole. 

Pour  l'En-Naïr,  les  gâteaux  que  l'on  prépare  sont  les  sfendj^  espèces  de 
-beignets  qui  se  mangent  avec  du  miel,  et  les  gorîça  ou  petits  pains  de  blé  surmontés 
d'œufs  durs  et  quelquefois  de  fruits  secs  (amandes,  noix,  arachides). 

C'est  surtout  pour  1"  Aïdç-çrîr  que  les  Tlemceniennes  préparent  des  pâtisseries 
variées  ;  on  citera  parmi  les  principales  :  les  ka^h,  petites  couronnes  de  pâte  cuites 
au  four  et  parfumées  avec  des  graines  d'anis  et  de  l'eau  de  fleur  d'oranger  ;  les 
rWihiya  en  forme  de  petits  cônes  frits  à  l'huile  et  parfumés  à  l'eau  de  rose  ou  de 
fleur  d'oranger  ;  les  àlàlïbiya  ou  cornets  de  pâte  remplis  de  miel  et  frits  à  l'huile  ; 
les  Ic^ab  r^zèl  «  genou  de  gazelle  »  sont  de  très  petits  pâtés  dans  lesquels  la  farce 
est  composée  d'un  mélange  de  poivre,  de  dattes,  d'amandes,  le  tout  pilé  ensemble 
et  pétri  avec  du  beurre  et  de  l'eau  de  fleur  d'oranger  ;  les  meqroûts  pâtés  farcis 
comme  les  précédents,  mais  plus  grossiers  et  en  forme  losanges  de  10  centimètres 
de  côté  environ  ;  les  çamçâ  sont  des  gâteaux  de  même  genre  mais  plus  petits  ;  les 
qnidlêts  sont  des  godets  en  pâte  remplis  de  la  farce  des  k'ab  r'zèl  ;  les  grïauech 
sont  des  beignets  plats  que  l'on  trempe  dans  le  miel  pour  les  manger. 

Il  y  a  à  Tlemcen  plusieurs  restaurants  indigènes  (musulmans  ou  juifs).  Mais 
les  poissons  frits,  les  beignets  huileux,  les  grillades  noirâtres  et  le  kouskous  qui 
sont  à  l'étalage  n'ont  rien  de  bien  appétissant  ;  l'odeur  d'huile  et  de  graisse  brûlée 
qui  s'échappe  de  l'intérieur,  noirci  par  la  fumée,  ne  plait  pas  à  tous  les  odorats. 
Les  pensionnaires  habituels  de  ces  gargotes  sont  des  étudiants,  des  ouvriers,  des 
journaliers,  des  paysans  venus  à  la  ville.  Les  musulmans  accoutumés  à  un  certain, 
confort,  quand  ils  sont  de  passage  à  Tlemcen  descendent  en  général  chez  des  amis 
ou  des  parents,  ou  bien  dans  les  hôtels  français.  Les  Tlcmceniens  savent  offrir  à. 
leurs  hôtes  une  très  large  hospitalité. 

A  Tlemcen,  comme  au  Maroc,  beaucoup  de  musulmans  de  la  classe  aisée,  les 
lettrés  surtout,  s'interdisent  l'usage  du  tabac  à  fumer  (il  en  est  beaucoup  qui  prisentr 
•du  tabac  parfumé  à  la  rose,  à  la  lavande...)  Cette  habitude  locale,  due  en  partie  à 


1   Sur  cette  pâtisserie,  voyez  W.  Marçais,  Le  dialecte  arabe.,.^  p.  277.  Il  n'y  a  qu'un  petit 
nombre  de  familles  Uemceniennes  qui  sachent  faire  le  fanîd* 


p.  420.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

riofluence  de  certaines  confréries  religieuses,  celle  des  Derqâoua  notamment,  est 
presque  élevée  ici  au  rang  d^une  prescription  religieuse.  Au  reste,  les  fils  de  bonnes 
familles  fument  en  cachette  des  autres  musulmans  ;  mais  il  est  presque  interdit  à 
un  jeune  homme  de  fumer  en  présence  d^un  vieillard,  à  un  fils  devant  son  père  ou 
ses  parents  plus  âgés  que  lui.  GW  là  une  marque  de  respect  que  bien  peu  de 
musulmans  négligent.  On  fume  encore,  dans  les  cafés  maures,  le  narguilé  (chicha) 
et  la  population  musulmane  compte  également  quelques  fumeurs  de  kîf  (cannabis 
indien),  qui  se  procurent  ainsi  une  manière  d'ivresse  erotique.  Il  va  sans  dire  que 
pendant  toute  la  durée  du  mois  de  jeûne  {ramadan) y  il  est  interdit  par  la  loi 
musulmane  de  fumer  pendant  le  jour  ;  le  musulman  qui  enfreindrait  publiquement 
cette  règle  serait  certainement  maltraité  par  ses  coreligionnaires  tlemceniens. 

b)  Yètements  et  parures^.  —  Au  point  de  vue  du  costume  et  des  bijoux,  le 
tlemcenien  se  distingue  encore  des  ruraux.  Ici  le  musulman  redoute  le  froid  ;  il  se 
couvre  beaucoup  en  hiver  et  même  en  été  ;  il  ne  change  guère  son  linge  de  corps 
qu'au  bain  maure,  tant  il  craint  d'être  «  frappé  par  le  froid  »  selon  l'expression 
courante. 

Les  hommes  de  la  classe  aisée  portent  d'ordinaire,  en  hiver,  un  premier  6«^- 
nous  en  drap  bleu-sombre,  plus  rarement,  le  lourd  burnous  de  laine  noire  ou  brune 
(khîdoûs  et  sfor'dâni),  et  au  dessous  un  ou  deux  burnous  en  laine  blanche.  En  été 
ils  suppriment  le  premier  burnous  et  ne  gardent  qu'un  léger  burnous  blanc.  Le 
burnous  de  dessus  est  souvent  remplacé  par  une  jellâba  de  drap  ou  de  laine  et 
l'un  des  burnous  de  dessous  est  remplacé  parfois  par  le  Jkaik  ou  hsà  qui  est  une 
longue  pièce  d'étoffe  sans  couture  dans  laquelle  on  s'enveloppe  le  corps  et  la  tète-. 
Souvent  même  le  musulman  porte  deux  haîks,  l'un  de  dessous  est  en  soie,  Tautre 
de  dessus,  en  laine,  remplace  le  burnous  (fig.  1 7). 

Au  dessous,  le  tlemcenien  porte  la  qechchâba  qui  est  une  longue  chemise  de 
coton,  sans  manche  et  serrée  sur  la  poitrine  avec  un  cordon  (on  l'appelle  ^abatya 
lorsqu'elle  est  en  soie)  ;  une  veste  de  drap  ou  de  toile  {r'lîla\  un  ou  deux  gilets 
{maqfoula  pi.  inqâfel)^  une  chemise  de  coton  (qmedjay^  un  tricot,  uoe  large  culotte 
(çrâouî)  descendant  au  dessous  du  genou  et  serré  à  la  ceinture  par  un  cordon 
(isékka),  un  caleçon  en  coton  de  même  forme  que  la  culotte,  des  chaussettes  et  des 
souliers  découverts  (çobhâtj  pi.  çbâbot)  ou  des  pantoufles  sans  talon  {J)elr*a^  bJAri) 
en  été.  La  culotte  est  nouée  sur  les  gilets  et  la  tsekka  est  généralement  dissimulée 
sous  une  ceinture  en  soie  ou  en  laine  de  couleur  (hogâm)  ou  une  ceinture  de  cuir 
(hazzâma).  Sur  la  tête,  les  uns  —  les  jeunes  surtout  et  beaucoup  de  kouloiigiis  — 
portent  la  châchîya  ordinaire  avec  gland  noir  ou  sans  gland  ;  d'autres  enroulent 
un  turban  autour  de  la  châchîya.  Souvent  sous  la  châchiya  on  pone  une  petite 
calotte  blanche  (arraqïya)  et  quelquefois  par  dessus  Tarraqîya  une  grosse  coiffure 
blanche,  dure  et  volumineuse  (qolah)  sur  laquelle  on  met  une  châchîya  spéciale. 


^  M.  Mohammed  ben  Mostefa  d'Alger,  vient  de  faire  paraître  chex  Fontana,  une  brochure  de 
102  pages  intitulée  v»W^^^  y  u^W^^  y  ^)^^  f»^^^  ^^  v>^^^  Q^i  traite  de  la  parure,  du  vêtement, 
de  la  manière  de  se  voiler,  au  regard  de  rislâm  orthodoxe.  L*auteur  do  Lobàb  fixe  la  rè^e» 
d'à  pros  le  Coran  et  la  tradition  ;  quand  il  n'y  a  pas  de  rôgle,  il  essaie  de  dégager  une  opinion  sur 
la  conduite  &  suivre  par  les  musulmans,  d'après  les  dires  de  savants  réputés  ;  il  fait  aussi  —  mais 
rarement  —  de  courtes  observations  sur  les  usages  actuels,  chez  les  musulmans  modernes. 

^  On  lira  une  très  intéressante  étude  sur  le  port  du  haîk,  son  histoire,  la  manière  de  s'en  véCir 
au  Maroc  et  À  Tlemcen,  avec  des  photographies,  ap.  £.  Doutté,  Merrahech  faac  I,  p.  248  à  262. 

®  Il  y  a  déjà  quelques  musulipans  ici,  surtout  des  jeunes,  qui  portent  la  chemise,  la  veste  et  le 
gilet  européens. 


1908.]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE    TLEMCEN.  [P,  421. 

Oette  dernière  coiffure  est  généralement  recouverte  d'un  turban  Çamâma)  ou  du 
haïk,  ou  encore  d'une  pièce  de  coton  appelée  chêch  (le  kambcmch  des  Bédouins) 
qui  retombe  sur  les  épaules  sous  les  gilets  ;  le  chôch  et  le  haïk  sont  parfois  fixés 
^ur  la  châchiya  par  un  turban  ou  par  une  longue  corde  en  poil  de  chameau  (kheît) 
qui  fait  plusieurs  fois  le  tour  de  la  tète. 

Dans  la  classe  ouvrière,  les  hommes  portent  en  général  la  jellâba  marocaine 
en  laine,  ou  la  jellâba  fabriquée  à  Tlemcen,  qui  coûte  moins  cher  ;  au  dessous. 
Us  n'ont  guère  qu'un  ou  deux  gilets,  une  chemise  et  un  pantalon  brun  ou  noir  en 
laine  grossière  tissée  à  Tlemcen.  Quelques  uns  au  lieu  de  la  jellâba  portent  un 
jiardessus  court,  avec  manches  longues  et  capuchon  nommé  kabbaût.  Les  ouvriers 
mettent  presque  tous  le  chêch  ou  le  haïk  avec  la  corde  de  poil  de  chameau 
entourant  la  tête. 

La  femme  musulmane  pour  sortir  est  entièrement  cachée  du  haut  de  la  tête 
aux  talons  sous  une  large  bande  d'étoffe  de  laine  fine,  sans  couture,  le  ksâ  ou  haïk 
r^erbi  analogue  à  celui  des  hommes,  mais  qui  recouvre  entièrement  le  visage,  dont 
on  ne  doit  entrevoir  qu'un  œil^  (fig.  14). 

Sous  le  haïk,  la  femme  porte  une  châchiya  conique,  qu'elle  doit  poser  bien 
droite  sur  la  tête  si  elle  ne  veut  pas  passer  pour  une  dépravée.  Cette  châchiya  est 
^Ile-même  recouverte  d'un  mandîl  (foulard  de  soie  brochée  d'or)  pour  les  jeunes 
^nariées.  Le  foulard  qui  recouvre  la  châchiya,  pour  les  autres  femmes,  est  simple- 
ment en  soie  de  couleur,  non  brochée  d'or,  et  se  nomme  baïtsa  ;  pour  les  pauvres, 
il  est  en  laine  ou  en  coton  et  s'appelle  hendiya^  (fig.  15). 

Le  reste  d'un  costume  de  femme  se  compose  de  la  frimla  ou  gilet  très  court, 

sans  manche,  se  boutonnant  sur  le  devant  par  un  seul  bouton,  d'une  ou  plusieurs 

'"  àbaîya  de  soie  ou  de  coton,  d'un  cafetan  {qarftân)  à  manches  courtes,  en  drap  de 

couleur,  en  velours  avec  des  broderies  d'or  quelquefois,  d'une  chemise  de  dessous 

et  d'une  culotte  analogue  à  celle  des  hommes  (fig.  18  et  20). 

Sur  Tabaîya,  la  femme  met  d'ordinaire  une  ceinture  en  cuir  (hazzâma)  plus 
ou  moins  enrichie  de  broderies  d'or  ou  d'argent.  Les  jours  de  fête  et  de  visite,  elle 
met  une  riche  ceinture  (hozâm)  de  soie  brochée  d'or  (il  y  en  a  qui  valent  jusqu'à 
fiOO  francs),  par  dessus  le  cafetan  ;  le  hozâm  fait  au  moins  deux  fois  le  tour  du 
corps  ;  il  se  termine  à  ses  extrémités  par  de  longues  franges  d'or. 

Les  tlemceniennes  ne  portent  guère  que  des  souliers  noirs  très  simples  sans 
talon,  sans  lacets  et  sans  boutons,  espèces  de  pantoufles  de  cuir. 

Depuis  quelques  années,  quand  elles  sont  à  la  maison,  elles  commencent  à 
mettre  des  souliers  à  talons  {sohhât  eirmejboûd)  en  cuir  noir  verni,  ou  en  cuir  rouge 
ou  jaune  avec  broderies  d'argent  et  d'or.  Elles  prennent  aussi  peu  à  peu,  depuis 
deux  ou  trois  ans,  l'habitude  de  mettre  des  pantoufles  (rihaîya)  en  velours  broché 
d'or  et  de  porter  des  bas  de  soie  blancs  ou  de  couleur  (jamais  noirs). 

Les  hommes,  en  fait  de  bijoux,  ont  quelquefois  une  ou  plusieurs  bagues,  une 
montre  avec  sa  chaîne. 


^  Les  femmes  que  Ton  rencontre  la  figure  découverte,  à  Tlemcen,  sont  des  femmes  de  ta  cam- 
pagne ou  des  femmes  de  mauvaises  mœurs.  Celles  des  villages  de  la  banlieue  de  Tlemcen,  ne'se 
Toilent  pas  dans  les  villages,  mais  elles  ne  manquent  pas  de  le  faire,  d'ordinaire,  quand  elles 
viennent  à  Tlemcen.  La  tlemcenienne  doit  avoir  soin  en  ville  de  bien  cacher  le  bas  de  ses  jambes 
nues  avec  le  t^aïk  ;  elle  ne  le  fait  pas  toujours,  et  Sidi  Ahmed  ben  Youcef  lui  en  a  fait  le  reproche 
dans  un  dicton  satirique  bien  connu. 

*  Les  Jours  de  fôte,  la  femme  et  les  fillettes  accrochent  au  sommet  de  la  châchiya,  une  longue 
4>ande  de  soie  fine  (el'  abrouq)  qui  retombe  derrière  le  dos  en  un  double  ruban  jusqu'aux  talons» 


p.  422.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Les  bijoux  des  femmes  sont  très  nombreux  et  quelques-uns  sont  de  très  grande 
valeur.  Nous  citerons  seulement,  pour  Tlemcen,  les  principaux  :  la  ra'âcha  {auerdè 
des  juives)  est  une  fleur  en  or  ou  argent  avec  incrustations  de  perles  et  de  diamants, 
dont  la  tige  est  une  longue  épingle  que  Ton  plante  dans  la  cbâchiya  ;  la  ^oççâba  est 
un  diadème  de  soie  piquetée  d'or  ou  d^argent  qui  ceint  le  front  et  se  noue  derrière 
la  tète  ;  on  y  accroche  quelquefois  sur  le  devant  du  front  des  çoltânis^  et  des  pièces 
d'or  ;  une  main  {khamsa)^  en  or,  est  fixée  dans  la  'oççâba  au  milieu  du  front  ; 
Vounîsa  est  un  pendant  d'oreille  formé  d'une  tige  d'or  en  arc  de  cercle,  passée 
dans  le  lobe  de  Toreille  et  dont  chaque  extrémité  suppoi*te  des  demi  çoltânis  et  de» 
quarts  de  çoltânis  ;  le  nâb  et  la  khorça  sont  de  même  forme  et  de  même  nature  que 
Founisa  mais  sont  passés  dans  le  sommet  du  pavillon  de  l'oreille  et  supportent  des 
perles,  des  pierres  fines  et  des  petites  boules  d'or  ;  ces  lourds  pendants  d'oreilles 
sont  soutenus  par  un  fil  de  soie  ou  une  cbainette  d'or  qui  réunit  les  deux  oreilles 
par  dessus  la  tète  ;  la  cherka  est  un  collier  de  dix  fils  de  çoltânis  retombant  devant 
la  poitrine  ;  le  zmerred  plus  petit  que  la  cherka  n'a  guère  que  trois  fils,  et  le» 
pièces  (qui  peuvent  être  des  i/î  ou  des  1/4  de  çoltânis)  sont  séparées  par  des  grains 
de  cornaline  ;  la  cherka  et  le  zmerred  renferment  souvent  une  khamsa  ;  le  kheit  eU 
djoûher  est  un  collier  de  soie  décoré  de  perles  ;  il  serre  le  cou  et  s'attache  par 
derrière  ;  la  meskîya  est  une  sorte  de  sautoir  en  or  ou  en  argent  avec  breloque  d'or 
couverte  de  diamants.  Aux  mains,  les  femmes  portent  divers  bracelets,  en  or,  ez> 
argent  ou  en  verroterie,  de  formes  diverses  {dah,  mnâfekh^  ndjimâts^  tnsâïs^  etc...) 
ainsi  que  des  bagues  et  des  anneaux  plus  ou  moins  riches.  Aux  pieds  les  femmes, 
portent  les  lourds  anneaux  en  argent  et  en  or  que  l'on  nomme  kholkâl  et  rdif.  Pour 
accrocher  le  ksâ  en  soie  que  les  femmes  portent  les  jours  de  fêtes  sous  le  haîk, 
elles  se  servent  d'épingles  (bzâïm)  très  ouvragées,  de  forme  et  de  prix  très  divers. 

On  fixe  ou  l'on  brode  assez  souvent  une  khanisa  en  or  sur  le  devant  de  la 
cbâchiya  des  jeunes  garçons  ;  mais  lorsque  l'enfant  atteint  l'âge  de  trois  ans  envi- 
ron, on  lui  accroche  la  khamsa  au  moyen  d'un  petit  anneau,  au  lobe  de  l'oreille 
droite. 

En  général  les  tlemceniens  et  leurs  femmes  ne  se  font  pas  de  tatouages  ;  beau- 
coup  croient  que  le  tatouage  porte  malheur.  Il  est  cependant  des  hommes  et  des 
femmes  (surtout  chez  les  hadar)  qui  se  font  marquer  un  petit  tatouage  en  forme  de 
croix  sur  le  dos  de  la  main  droite,  ou  un  petit  trait  vertical  au  sommet  du  nez  ou 
sous  la  lèvre  ioférieure,  ou  encore  un  point  de  tatouage  sur  la  joue  droite  (au 
dessous  de  la  pommette). 

Si  les  tlemceniennes  ne  se  tatouent  pas,  en  revanche  elles  se  fardent  sérieuse- 
ment le  visage.  Les  jours  de  fête  ou  de  visite,  elles  se  noircissent  les  sourcils  et  les 
réunissent  par  un  large  trait  noir,  le  harqaûs  (grec  yaikxéçy^  se  noircissent  égale- 
ment le  bord  des  paupières  et  les  cils  avec  du  koheul^  ;  elles  se  nettoient  les  dents» 

*  Le  çolfâni  est  une  pièce  d'or  (de  3  à  5  grammes)  frappée  par  les  gouverDements  musulmans 
(la  plupart  sont  turcs)  ;  il  en  est  de  très  anciene  ;  J'en  ai  retrouvé  quelques  uns  qui  sont  des  dinar» 
frappés  en  Espagne  ou  dans  le  Maghrib  au  moyen-âge.  Le  doblon  est  plus  gros  que  le  çoltâni. 
Les  autres  pièces  d'or  que  portent  les  femmes  dans  leur  parure,  sont  des  pièces  européennes. 

<  La  matière  noire  qui  sert  a  faire  le  ^arqoûs  s'obtient  en  chauffant  dana  un  petit  creuset  en 
terre  bien  couvert,  un  mélange  de  ^afça  (sorte  de  noix  de  Galle)  et  de  Jjiadida  (alquifouz  ou  soi* 
füre  de  plomb)  ;  une  poussière  noire  et  fine  se  dépose  contre  le  couvercle  du  creuaet  ;  on  mouille 
cette  poussière  avec  un  peu  de  salive  et  on  en  enduit  l'extrémité  d'un  petit  bâton  de  noyer 
(meroued)  avec  lequel  on  trace  ensuite  le  b^^rqous.  Généralement  le  meroued  est  acheté  le  jour 
de  TAchoura. 

.  '  Sur  Tusage  du  kohenl,  voir  :  Mohammed  bbn  Mostkjta,  El-Lobâb,  p.  16^  Pour  le  sooftk,  voir 
ibid.  p.  12. 


1908*]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE    TLEMCEN.  [P.  423» 


]es  gencives  et  les  lèvres  avec  du  sotiâk  (écorce  de  racines  de  noyer)  ;  elles  se 
mettent  du  henné  non  seulement  à  la  chevelure,  mais  aussi  aux  mains  (générale- 
ment tout  Tintérieur  des  deux  mains  et  les  doigts  extérieurement  jusqu'à  la  seconde 
phalange)  et  aux  pieds  (la  plante  des  pieds  et  le  dessus  jusqu'à  la  naissance  des 
doigts  et  de  la  cheville).  Quelques-unes  se  rougissent  les  pommettes  arec  du  carmin 
i'aqer). 

Les  hommes  font  aussi  usage  du  souàk  pour  les  gencives  et  du  henné  pour  les 
mains  et  les  pieds  ;  il  en  est  qui  se  noircissent  les  paupières  au  koheul  et  pensent 
4dnsi  se  préserver  des  maux  d'yeux. 

Les  habitudes  des  tlemceniens  relatives  au  port  de  la  barbe  et  des  cheveux, 
comme  celles  des  peuples  primitifs,  sont  encore  encombrées  de  rites  magiques  et 
de  croyances  superstitieuses. 

L'usage  est  très  répandu  à  Tiemcen  de  laisser  aux  garçons  (parfois  jusqu'à  leur 
dixième  année)  une  large  touffe  de  cheveux  sur  le  sommet  de  la  tôte^,  tout  le  reste 
étant  rasé  (fig.  18).  Les  jeunes  gens  et  même  les  hommes  gardent  d'ordinaire  une 
calotte  de  cheveux  et  se  font  raser  le  pourtour.  Beaucoup  de  tlemceniens,  les  vieil- 
lards surtout,  se  font  raser  le  crâne  entièrement.  Les  koulouglis  se  rasent  la  barbe 
et  ne  gardent  d'ordinaire  que  la  moustache,  mais  les  vieillards  portent  toute  la 
barbe  ;  il  est  aussi  des  Hadar  qui  ne  gardent  que  la  moustache  ;  mais  presque  tous 
portent  la  barbe. 

Du  reste  assez  souvent  la  barbe  se  porte  plus  ou  moins  court  taillée  en  un 
collier  qui  encadre  la  figure  ;  les  moustaches  sont  raccourcies  au  milieu,  avec 
los  ciseaux. 

La  femme  ne  se  coupe  jamais  les  cheveux,  sauf  quand  elle  a  la  teigne  ;  elle  se 
borne  à  les  tailler  légèrement  avec  des  ciseaux  sur  le  front.  Les  jeunes  femmes 
portent  deux  mèches  (nihêdef)  retombant  devant  les  oreilles  et  se  parfument  avec 
du  patchouli  ou  de  l'eau  musquée*.  La  tlemcenienne  ne  se  frise  pas  la  chevelure, 
elle  la  porte  très  lisse  sur  la  tête  ;  lorsqu'elle  est  mariée,  elle  tresse  ses  cheveux 
en  une  natte  à  trois  brins  avec  un  ruban  de  soie  {terhiba),  et  laisse  retomber  cette 
natte  entre  les  deux  épaules  ;  les  cheveux  sur  la  tête  sont  recouverts  d'un  mouchoir 
-de  soie  noire  ou  de  couleur  {el-^àksa)^  noué  derrière  la  tête.  La  jeune  fille  non 
encore  mariée,  fait  la  raie  au  milieu  du  front  et  réunit  les  deux  moitiés  de  la  cheve- 
lure derrière  la  tête,  à  l'aide  d'un  ruban  de  soie  qui  s'enroule  autour  de  la  mèche 
unique  (sêlef)^  formée  par  tous  les  cheveux  réunis,  jusqu'à  l'extrémité  de  celle-ci 
<fig.  21).  A  l'extrémité  de  cette  mèche,  non  tressée,  s'attache  une  petite  pièce  carrée 
de  drap  fin  ou  de  velours  de  couleur  (le  qardoun)^  sur  laquelle  est  d'ordinaire  brodé 
en  fil  d'or  le  nom  de  la  jeune  fille^.  Pour  la  femme  mariée  le  qardoun  n'existe  pas. 


^  Lorsque  Ton  coupe  cette  touffe  de  cheveux,  appelée  gottaïya^  Ton  invite  les  parentes  À  un 
repas  à  la  maison.  Le  pore  de  Tenfant  donne  une  pièce  de  monnaie  au  coiffeur  qui  a  coupé  la 
go^faïya  de  son  fils,  et  la  mare  ganle  précieusement  cette  touffe  de  cheveux  ;  elle  la  cache  d'or- 
dinaire au  milieu  d*un  oreiller  fourré  de  laine.  Quand  la  more  a  une  maladie  du  cuir  chevelu 
•(généralement  la  teigne)  ou  qu  elle  n'a  pas  de  longs  cheveux,  elle  £ait  deux  moches  de  la  goft^îya 
de  son  fils  et  se  les  attache  sur  la  fôte  de  manière  à  ce  qu'elles  retombent  devant  les  oreilles.  — 
£n  ce  qui  concerne  le  port  de  la  barbe  et  des  cheveux  dans  l'Islam  orthodoxe«  on  trouvera  de 
longs  détails  ap.  Mohammed  bbn  Mostbfa,  Et-Lobùb^  p.  17  à  29. 

^  Environ  une  fois  par  mois,  femmes  et  Jeunes  filles  se  passent  les  cheveux  au  henné,  ce  qui 
leur  donne  une  belle  couleur  à  reflets  roux.  On  parlera  plus  loin  de  cet  usage  du  henné. 

'  Une  jeune  fille  qui  désire  que  ses  cheveux  grandissent,  attache  à  l'extrémité  de  cette  mèche, 
A  côté  du  qardoun,  une  coquille  d'huître  ou  une  mAchoire  de  hérisson,  quelquefois  ces  deux  objeta, 
4^unis. 


p.  424.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [190S. 

il  est  remplacé  par  deux  larges  rubans  en  soie  qui  descendent  jusqu'aux  talons  ; 
rextrémité  de  chacun  de  ces  rubans  se  termine  par  une  partie  plus  large  (carrée 
ou  triangulaire),  enrichie  de  broderies  d^or  et  portant  quelquefois  le  nom  de  la 
femme  sur  Tune  et  le  nom  du  mari  snr  Tautre. 

Les  fillettes  pendant  le  Mouled  sont  peignées  comme  les  femmes  mariées  ; 
mais  une  fois  la  fête  passée,  elles  reprennent  la  coiffure  des  jeunes  filles. 

C).  Habitation  et  mobilier.  —  Le  massif  montagneux  jurassique  de  Tlemcen 
est  formé  pour  une  large  part  de  calcaires  dolomitiques  et  de  travertins  tout  percés 
de  cavernes  et  de  grottes^.  Beaucoup  de  pauvres  indigènes  ont  pris  ces  grottes  pour 
demeure  et  y  vivent  misérablement.  Dans  une  humidité  malsaine,  dans  une  atmos- 
phère viciée,  ces  modernes  troglodytes  sont  terrés  comme  des  renards  ;  ils  ferment 
d'ordinaire  Touverture  de  la  tannière  par  une  muraille  grossière  percée  d'une  porte 
et  logent  avec  eux,  dans  la  grotte,  les  quelques  animaux  (ânes,  moutons,  chèvres,, 
volailles  etc..)  qu'ils  peuvent  avoir.  Quelquefois,  la  croûte  travertineuse  qui  sert  de 
toiture  à  ces  cavernes,  minée  par  les  pluies  ou  disloquée  par  les  gelées,  s'effondre 
brusquement  et  ensevelit  les  malheureux  habitants^.  Les  principales  agglomérations 
de  grottes  habitées  aux  environs  immédiats  de  Tlemcen  sont  celles  du  faubourg 
d'EI-Kalaa  à  7  ou  800  mètres  au  Sud  de  Tlemcen,  les  grottes  de  Bou  Dr'en,  à  1 
kilomètre  à  l'Ouest,  le  village  entier  des  Béni  Bou  Bien  au-dessous  de  la  route  de 
Tlemcen  à  Sebdou  et  à  3  kilomètres  de  Tlemcen,  le  village  de  Kifân  à  environ  1 
kilomètre  à  l'Ouest-Nord-Ouest,  le  village  de  Fdèn  Seba*,  à  7  ou  800  mètres  au 
Nord  de  la  ville. 

La  population  de  ces  grottes,  ainsi  que  de  quelques  autres  —  comme  les  deux 
ou  trois  grottes  du  village  de  Sidi-1-Haloui  —  peut  bien  dépasser  un  millier  d'indi- 
vidus. 

A  part  les  «  troglodytes  n  tlemceniens,  la  population  de  la  ville  ainsi  que  celle 
des  villages  voisins,  a  pour  demeure  des  maisons  en  pierre  ou  en  pisé,  plus  ou  moins 
confortables,  et  toutes  bâties  sur  le  même  type. 

La  maison  tlemcenienne  est  ce  que  Ton  a  appelé  la  maison  arabe.  De  forme 
carrée  ou  rectangulaire,  la  maison  est  extérieurement  très  simple  :  quatre  murs,, 
plus  ou  moins  plans  ou  de  forme  bombée,  forment  les  quatre  faces  et  sont  blanchis 
à  la  chaux.  On  ne  voit  pas  de  fenêtres  donnant  sur  l'extérieur  ;  s'il  y  en  a  de  très 
rares,  ce  sont  de  simples  lucarnes  percées  le  plus  haut  possible,  pour  éviter  que  les 
regards  indiscrets  des  passants  vinssent  fouiller  l'intérieur.  Une  large  porte  en  bois, 
parfois  surmontée  d'un  auvent  et  de  consolettes  d'un  gracieux  effet,  ferme  l'entrée 
de  la  maison.  Un  couloir,  coudé  à  angle  droit,  donne  accès  de  la  porte  d'entrée  dans^ 
une  cour  intérieure^  de  sorte  que  si  la  porte  est  ouverte,  le  passant  ne  peut  voir 
dans  la  cour.  A  droite  et  à  gauche,  dans  le  couloir,  sont  des  bancs  de  pierre,  taillés 
dans  la  muraille,  sur  lesquels  le  visiteur  s'assied,  en  attendant  que  le  maître  de  la 
maison  ait  «  fait  le  chemin  »,  c'est-à-dire  qu'il  ait  fait  disparidtre  de  la  cour  les 
femmes  qui  pouvaient  s'y  trouver  ;  car  aucun  étranger,  même  ami  de  la  famille^ 
n'a  le  droit  de  voir  les  femmes  ;  cette  règle  est  strictement  observée  à  Tlemcen. 


^  Dans  la  région  des  Béni  Snoûs,  à  une  trentaine  de  kilomètres  à  TO-S-O.  de  Tlemcen,  les 
grottes  sont  nombreuses  également  ;  il  est  môme  certains  villages,  le  Kbemts  par  exemple,  dan» 
lesquels  la  plupart  des  maisons  sont  construites  au  dessus  d'une  grolte  —  Koidt  dur  br*àr^  disent 
les  habitants,  «  chaque  habitation  a  sa  grotte  »  —  qui  sert  d'écurie«  Le  village  des  Béni  Ba))idri 
dans  la  môme  région  est  formé  d'une  haute  falaise  de  travertins  dans  laquelle  sont  peroôe» 
plusieurs  dizaines  de  grottes;  vôri tables  nids  d'aigle,  qui  servent  de  demeure  aux  habitants. 

*  Depuis  huit  ans  que  j'habite  Tlemcen,  le  fait  s'est  déjà  produit  deux  fois. 


1908.]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE   TLEMCEN.  [P.  425. 

Les  chambres  donnent  sur  les  quatre  faces  de  la  cour  intérieure  carrée  ou  rec- 
tangulaire, généralement  ombragée  par  un  arbre  fruitier  ou  des  ceps  de  vigne  for- 
mant tonnelle.  Dans  la  cour  se  trouve  d'ordinaire  un  puits  ou  une  pompe  sur  les 
côtés,  ou  bien  c'est  au  milieu,  un  jet  d'eau  qui  retombe  dans  une  vasque  de  marbre. 
La  façade  des  chambres  du  côté  de  la  cour  intérieure  est  percée  de  portes  et 
de  fenêtres  pour  permettre  à  l'air  et  à  la  lumière  de  pénétrer  (tig.  22).  On  voit  l'in- 
convénient, au  point  de  vue  de  l'hygiône,  d'une  semblable  disposition  des  ouvertu- 
res sur  une  seule  face  de  la  chambre,  qui  ne  permet  pas  de  renouveler  facilement 
l'air  dans  les  appartements. 

Malgré  la  rigueur  des  hivers  à  Tlemcen  (qui  se  trouve  à  850°^  d'altitude), 
aucune  cheminée  n'est  ménagée  dans  les  chambres.  Les  musulmans  ne  se  chauffent 
qu'avec  le  brasero  (mepner)  placé  au  milieu  de  la  pièce. 

Les  intérieurs  des  maisons  des  tlemceniens  aisés  sont  assez  richement  meublés. 
Dans  les  chambres,  des  tapis  de  laine  (marocains  ou  du  sud  Oranais),  des  matelas 
étendus  par  terre,  des  couvertures,  des  étoffes  aux  brillantes  couleurs,  recouvrent 
le  soi  et  les  murs  décorés  de  mosaïques.  Malheureusement,  par  un  manque  de  goût 
qui  se  généralise  de  plus  en  plus,  des  meubles  européens  mélangés  aux  meubles 
indigènes,  fabriqués  dans  le  pays,  foot  le  plus  désagréable  effet  :  des  armoires  à  glace, 
des  lits  de  fer,  de  grands  buffets^  des  chaises  jurent  à  côté  des  nattes  (d'alfa  et  de 
laine  fabriquées  chez  les  Beni-Snous  et  les  Beni-Snassen)  et  des  petits  matelas  indigè- 
nes, des  grands  coffres  en  bois  ouvrage  et  peint,  des  tables  basses  (maida  et  iîfoûr)^ 
des  samovars  (bâboûr)  et  des  théières  (herrêd)  sur  de  grands  plateaux  en  cuivre 
repoussé  (fig.  23),  des  étagères  indigènes  en  bois  peint,  des  cadres  ouvragés  renfer- 
mant des  versets  du  Coran  ou  des  peintures  de  Bourâq,  la  jument  ailée  du  Prophète. 
Un  double  rideau  plus  ou  moins  riche  sert  de  portière  aux  chambres  des 
femmes  et  masque  au  regard  l'intérieur  de  la  pièce. 

La  cuisine  se  fait  généralement  dans  la  cour  ou  sous  le  péristyle  ;  mais,  dans 
beaucoup  de  maisons  tlemceniennes,  une  petite  pièce  sert  de  cuisine  ;  elle  est  uni- 
quement meublée  de  casseroles  en  terre  ou  en  fer  et  de  quelques  fourneaux  porta- 
tifs en  terre  (bou-djouél). 

Les  latrines,  ménagées  dans  presque  toutes  les  maisons  dans  un  coin  de  la  cour 
sont  souvent  dans  le  voisinage  du  puits,  ce  qui  n'est  pas  très  hygiénique. 

Chez  les  pauvres  le  mobilier  est  des  plus  sommaires,  il  est  réduit  au  strict 
nécessaire. 

L'usage  du  balai  français  est  peu  répandu  dans  les  maisons  tlemceniennes  ;  on 
se  sert  généralement  d'un  petit  balai  en  feuilles  de  palmier  nain  et  sans  manche. 
Le  balai  joue  du  reste  un  certain  rôle  dans  les  croyances  populaires  à  Tlemcen^. 

Quelques  lettrés  tlemceniens  ont  des  livres  qu'ils  entassent  d'ordinaire  dans  un 
coin  de  la  chambre,  parce  que  bien  peu  d'entre  eux  ont  des  armoires-bibliothèques 
ou  des  étagères  à  livres. 

Une  main  grossièrement  peinte  en  couleur  dans  le  voisinage  de  la  porte,  ou  un 
fer  à  cheval  cloué  au-dessus  de  l'entrée  de  la  maison  ou  de  la  chambre  servent  à 
protéger  Pintérienr  contre  le  mauvais  œil. 


^  On  dit  par  exemple  qu'une  Jepne  fille  on  un  Jeune  homme,  frappés  de  sept  coups  du  balai  par 
la  maltresse  de  la  maison,  ne  trouTeront  pas  à  se  marier.  L'homme  ne  doit  jamais  balayer,  sans 
quoi,  cela  lui  amènerait  des  invités,  qu'il  lui  faudrait  héberger.  On  ne  doit  pas  non  plus  balayer 
pendant  la  nuit  ;  cela  pourrait  chasser  le  bonheur  de  la  maison.  Voyez  encore  le  réle  du  balai 
aans  certaines  cérémonies  de  sorcellerie  à  Tlemcen  (cf.  Abou  Bbkr,  Sr-Rebat  in  Bull,  êoc.  géog. 
d'Orany  avril-juin  1906,  p.  173-174), 


p.  426.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Le  tlemceoien  qui  a  des  chaises  ne  s'en  sert  guère  que  pour  y  faire  asseoir  les 
européens  qu'il  reçoit  ches  lui  ;  il  préfère,  quant  à  lui,  s'asseoir  par  terre  sur  des 
tapis,  même  pour  prendre  ses  repas. 

L'usage  de  la  fourchette  pour  manger  commence  à  se  répandre  dans  quelques 
très  rares  familles  tlemceniennes  ;  mais  d'ordinaire  on  ne  se  sert  pour  manger  que 
de  la  cuiller  en  bois  {mdilqa). 

L'usage  du  couteau  de  table  est  également  peu  répandu  et  la  viande  est  décou- 
pée avec  les  doigts  pour  être  mangée  ;  elle  est  d'ailleurs  toiJ^ours  très  cuite^  et  se 
détache  facilement  par  morceaux^. 

Les  musulmans  tlemceniens  qui  ont  des  lits  à  l'européenne  (\e  lit  en  bois  se 
nomme  hâtri^  le  lit  en  fer,  nêmaûsiya)  y  couchent  quelquefois,  mais  la  plupart 
préfèrent  coucher  par  terre  sur  les  matelas  arabes. 

D)  Sports,  Jeux,  danses.  —  Le  tiemcenien  en  dehors  de  l'exercice  qu'il  prend 
à  son  travail  ou  pour  se  rendre  à  son  atelier  ne  déploie  pas  beaucoup  d'activité 
physique.  £n  général  assez  mauvais  cavalier,  parce  qu'il  ne  monte  pas  à  cheval, 
lorsqu'il  a  besoin  de  se  rendre  à  la  campagne,  il  préfère  une  monture  très  docile, 
un  mulet  ou  un  âne,  à  un  cheval  trop  vif  dont  il  ne  serait  pas  msdtre  ;  il  ne  monte 
pas  à  bicyclette  —  à  de  très  rares  exceptions  près  —  et  peu  nombreux  sont  les 
tlemceniens  qui  possèdent  des  voitures.  A  part  les  pèlerinages  aux  tombeaux  des 
saints,  à  la  mosquée  de  S.  Bon  Medièn,  où  beaucoup  vont  faire  la  grande  prière  du 
vendredi,  les  musulmans  de  Tlemcen  font  de  fréquentes  promenades  dans  la  cam- 
pagne si  agréable  qui  entoure  la  ville  et  qu'ont  tant  de  fois  et  si  justement  chantée 
les  poètes  arabes.  Le  tiemcenien  aime  sa  belle  campagne  couverte  d'oliviers,  de 
végétation  et  de  fleurs,  où,  pendant  l'été  et  au  printemps,  il  respire  une  fraîche 
brise,  où  il  entend  le  joyeux  murmure  des  ruisseaux  et  où  son  œil  jouit  toujours 
d'un  panorama  immense  et  varié  ;  il  passe  volontiers  de  longues  heures  assis  à 
l'ombre  des  bosquets  à  causer  ou  à  rêver  ;  il  s'y  rend  le  plus  facilement  qu'il 
peut,  en  voiture  de  préférence,  de  façon  à  éviter  la  fatigue. 

Quelques  jeunes  musulmans  —  encore  bien  rares  malheureusement  —  com- 
mencent à  fréquenter  nos  sociétés  de  gymnastique  ;  il  faudrait  les  encourager  dans 
cette  voie. 

Le  tiemcenien  en  somme,  n'aime  pas  les  sports,  il  ne  fait  pas  d'équitation,  pas^ 
de  bicyclette,  il  ne  chasse  pas,  ne  pèche  pas,  et  recherche  plutôt  l'immobilité  ;  il 
ne  se  préoccupe  pas  de  développer  une  activité  physique  calculée  et  voulue,  si,  par 
son  métier  ou  sa  fonction,  il  n'est  forcé  de  le  faire. 

Aussi  n'est-il  pas  rare  de  voir  les  petits  commerçants  de  Tlemcen  —  qui  ne 
quittent  guère  leur  magasin  que  pour  rentrer  à  leur  domicile  ou  aller  au  café  — 
prendre,  encore  jeunes,  un  embonpoint  excessif. 

Les  tlemceniens,  à  part  les  enfaots,  ne  pratiquent  guère  que  les  jeux  qui  ne 
demandent  pas  un  exercice  fatigant.  Les  «  fantasias  »  ou  courses  de  chevaux  dont 
les  ruraux  sont  très  amateurs  et  qui  ont  lieu  surtout  à  l'occasion  des  grandes  fêtes 
patronales  (iva^das)  et  des  mariages,  sont  entièrement  délaissées  à  Tlemcen.  La 
Ràhba  est  aussi  un  jeu  des  Bédouins  que  les  musulmans  ici  ne  connaissent  pas. 


^  La  yiande  ne  peut  être  mangée  que  trte  cuite,  lonqu*elle  ne  contient  plus  la  moindre  trace 
de  sang.  Le  sang  cru  est  en  effet  prohibé  par  la  loi  musulmane,  comme  par  la  religion  d'un  grand 
nombre  de  peuples.  Gela  n'empêche  pas  les  Aïssaoûa  les  Jours  de  fête,  de  manger  en  public  de  la 
▼lande  crue. 

*  On  ne  se  sert  pas  d'ordinaire  d'assiettes  à  table  ;  tous  tes  convives  mangent  dans  le  plat. 


1908.]  BEL    :    LA    PAPULATION    MUSULMANE    DE    TLEMCEN.  [P.  427# 

Cependant  le  jeu  de  la  Icoûra,  dont  M.  Doutté  a  longuement  parlé^  est  quelquefois, 
mais  rarement,  pratiqué  à  Tlemcen  sous  le  nom  de  mqâra*  *  ;  on  y  joue  avec  une 
boule  eu  bois  et  des  bâtons  recourbés.  Les  jeux  les  plus  en  vogue  ici  sont  les  jeux 
de  cartes,  de  dames  (dâmma)^  de  trictrac  (chîchhich)^  de  dominos  (damino). 

Les  jeunes  garçons  jouent  aussi  à  mqâra^  et  à  un  grand  nombre  d'autres  jeux, 
dont  voici  les  plus  usités  : 

a)  ^obâr  edrdokhên.  C'est  un  jeu  de  grands  garçons.  Les  joueurs  se  divisent  en 
deux  camps  ayant  chacun  un  chef.  Les  deux  chefs  tirent  au  sort^  pour  savoir  qui 
aura  l'avantage.  Les  perdants  courbent  l'échiné  et  se  placent  les  uns  derrière  les 
autres  en  se  tenant  par  les  reins  ;  le  premier  de  la  file  repose  sa  tête  sur  les  mains 
entrelacées  du  chef  de  camp,  qui  est  debout  adossé  contre  un  mur  et  fait  face  à  la 
file.  Les  gagnants  sautent  tous  sur  le  chevalet  formé  par  la  file  des  perdants  ;  ils 
doivent  prendre  garde  de  ne  pas  tomber  et  de  ne  pas  appuyer  les  pieds  à  terre, 
tant  que  le  chef  n'a  pas  donné  Tordre  de  descendre,  ce  qui  n'a  lieu  que  lorsque 
tous  les  gagnants  ont  pris  place  sur  les  perdants.  La  descente  doit  se  faire  à  droite 
ou  à  gauche  selon  l'ordre  du  chef  des  gagnants.  On  recommence  ainsi  jusqu'à  ce  que 
l'un  des  gagnants  ayant  commis  une  infraction  aux  règles  du  jeu,  indiquées  ci- 
devant,  la  partie  est  perdue  par  le  camp  gagnant,  qui  prend  alors  la  place  du  camp 
perdant. 

C'est  le  jeu  que  l'on  pratique  dans  certaines  régions  de  la  France  sous  le  nom 
de  «  cheval-fort  ». 

b)  Dchtchorl-koliba  r^oddâra.  Deux  camps,  deux  chefs,  les  perdants  vont  se 
cacher  et  les  gagnants  partent  à  leur  recherche.  Lorsque  l'un  de  ceux  qui  sont 
cachés  est  découvert,  il  doit  poursuivre  celui  qui  l'a  découvert,  lui  monter  sur  le 
dos  et  se  faire  ainsi  ramener  au  point  de  départ. 

c)  'Oqhên  d-lîl.  Les  joueurs,  en  nombre  pair,  sont  divisés  en  deux  groupes 
égaux,  ayant  chacun  un  chef.  Pour  savoir  quel  camp  aura  l'avantage,  l'un  des  chefs 
jette  en  l'air  une  pierre  plate  sur  l'une  des  faces  de  laquelle  il  a  craché  ;  la  face 
humide  de  salive  est  nommée  echchisa  (l'hiver  ou  la  pluie),  l'autre  face  qui  est  sèche 
s'appelle  eç-ceîf  (l'été  ou  la  sécheresse).  La  pierre  étant  en  l'air,  l'un  des  camps 
demande  chisètsna  (notre  hiver)  tandis  que  l'autre  dit  çeîfna  (notre  été).  Si  la  partie 
de  la  pierre  mouillée  de  salive  est  contre  terre  lorsque  la  pierre  est  tombée,  c'est 
le  camp  qui  a  dit  çeifna  qui  est  le  vainqueur,  et  inversement. 

Chaque  gagnant  choisit  dans  le  camp  des  perdants  un  camarade  qui  va  lui 
servir  de  monture  et  toutes  les  montures  reçoivent  un  nom^  que  seuls  les  gagnants 
ou  cavaliers  connaissent.  Ceci  fait,  chaque  gagnant  monte  sur  le  dos  du  perdant  qui 
lui  sert  de  monture,  et  tous  forment  un  cercle.  Le  chef  des  cavaliers  dit  alors  un 
certain  nombre  de  phrases  ou  de  mots  toujours  les  mêmes  auxquels  les  autres 
cavaliers  doivent  répondre'^;  puis  il  finit  le  dialogue  en  ordonnant  à  ses  camarades 
d'aveugliT  leurs  chevaux  ;  «  'amtau-l-kheil  ».  Aussitôt  chaque  cavalier  ferme  avec 
ses  mains  les  yeux  du  camarade  qui  lui  sert  de  monture  ;  puis  le  chef  des  cavaliers 


>  Cf.  Merrahêch,  p.  318  et  s. 

'  mgâra^  est  le  pluriel  de  maqra^  «  baton  recourbé  i*.  Ce  ]eu  de  plus  en  plus  délaissé  &  Tlem- 
cen, tend  à  y  disparaître  entièrement. 

^«  L'un  des  deux  cache  une  petite  pierre  dans  Tune  de  ses  deux  mains  fermées,  Tautre  doit 
découvrir  la  main  contenant  la  pierre  ;  s'il  la  trouve,  son  camp  a  Tavantage. 

^  Les  noms  donnés  par  les  cavaliers  à  leurs  montures  sont  généralement  des  noms  d'animaux. 

^  Le  chef  dit  d'abord  :  «  'ogbén  eMl  (aigles  de  la  nuit)  n  et  les  autres  répondent  par  les 
mots  :  u  forsén  elhhHl  (cavaliers  des  chevaux)  9,  etc. 


p.  428.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

prononce  le  nom  de  Tune  des  montures.  Le  cavalier,  dont  la  monture  a  été  nommée, 
descend,  vient  à  pas  de  loup  frapper  légèrement  du  doigt  le  front  du  chef  des  per- 
dants, qui  sert  de  monture  au  chef  des  gagnants,  et  retourne  sur  le  dos  de  sa  mon- 
ture dont  il  ferme  les  yeux  avec  ses  mains.  Le  chef  des  cavaliers,  met  alors  pied  à 
terre  et  demande  à  sa  monture  :  «  qui  t'a  frappé  ?  ■  ;  si  ce  dernier  réussit  à  le  dire 
exactement,  le  camp  des  perdants  devient  gagnant  et  les  cavaliers  deviennent  les 
montures  ;  sinon  les  gagnants  restent  cavaliers  et  la  partie  recommence. 

d)  Et-téch.  Les  joueurs  sont  divisés  en  deux  camps  ayant  chacun  un  chef. 
Entre  les  deux  camps  on  dresse  une  pierre,  facile  à  renverser,  appelée  etiéeh.  Avec 
une  paume  en  cuir  (koûra)^  les  deux  chefs  tirent  les  premiers  et  cherchent  à  ren- 
verser le  téch.  Celui  qui  manque  le  téch  se  retire  et  cède  la  place  à  un  camarade 
de  son  camp,  jusqu'à  ce  que  tous  les  joueurs  d'un  camp  soient  ainsi  épuisés,  c'est 
ce  camp  qui  a  perdu.  Les  gagnants  montent  alors  sur  le  dos  des  perdants  et  se 
lancent  de  l'un  à  l'autre  la  paume  qu'ils  doivent  recevoir  tantôt  d'une  façon  tantôt 
d'une  autre,  jusqu'à  ce  que  l'un  d'eux  l'ait  échappée.  La  partie  est  alors  finie  et  on 
la  recommence. 

e)  Ferda.  Le  jeu  de  ferda  n'a  lieu  que  le  7"^  jour  qui  suit  un  mariage,  et  dans 
la  chambre  nuptiale,  entre  le  marié  et  ses  amis.  Tous  les  joueurs  prenant  l'un  après 
l'autre  les  deux  pantoufles  jaunes  (blâr'i)  du  marié,  les  appliquent  l'une  contre 
l'autre,  semelle  contre  semelle,  et  les  jettent  en  l'air.  On  observe  pour  chaque 
joueur  la  façon  dont  retombent  les  pantoufles.  Si  toutes  deux,  tombées  à  terre,  ont 
la  semelle  contre  terre,  celui  qui  les  a  jetées  est  nommé  Sultan  (çoUên)  ;  si  les  deux 
pantoufles  ont  toutes  deux,  au  contraire,  la  semelle  en  l'air,  celui  qui  les  a  lancées 
est  un  vizir  (ouzlr)  ;  si  l'une  des  pantoufles  a  la  &emclle  appliquée  à  terre  et  l'autre, 
la  semelle  en  l'air,  celui  qui  a  obtenu  ce  résultat  est  un  «  voleur  »  (sêreq).  Lorsque 
les  pantoufles  lancées  par  les  autres  joueurs  désignent  un  nouveau  «  sultan  »  ou  un 
nouveau  «  vizir  •  ceux-ci  prennent  la  place  du  «  sultan  •  et  du  «  vizir  •  précédents, 
jusqu'à  ce  qu'il  ne  reste  plus  qu'un  «  sultan  n,  un  <^  vizir  »  et  des  «  voleurs  ».  Alors 
le  «  vizir  »  demande  au  «  sultan  n,  en  désignant  chaque  «  voleur  »  :  «  chhâl  istahd 
yârl-mêUk,  combien  mérite-t-il  (de  coups),  ô  roi?  »  Le  roi  répond  :  ■  tant  !  »  Le 
vizir,  avec  l'une  des  pantoufles,  frappe  le  nombre  de  coups  fixé,  sur  la  paume  de  la 
main  ouverte  du  «  voleur  n.  Et  l'on  recommence  la  partie. 

Les  jeunes  musulmans  ont  pris  l'habitude  de  la  plupart  des  jeux  des  petits 
européens  ;  ils  jouent  tous  fréquemment  à  «  saute-mouton  n  (ompa^),  à  la  toupie 
(eerhoût)^  aux  billes  (nîbu)^  à  la  «  poule  »  (gânifM^). 

Les  petites  filles  musulmanes  ont  aussi  un  certain  nombre  de  jeux  qu'elles  ont 
empruntés  aux  fillettes  européennes,  comme  le  saut  à  la  corde  (elrhebtlajj  la 
marelle,  le  jeu  de  la  pelote. 

Parmi  les  jeux  des  petites  filles  à  Tlemcen,  nous  signalerons  seulement  les 
suivants  : 

a)  Hadobddb  se  joue  en  chambre.  Une  fillette,  celle  qui  ^  paye  »  s'agenouille 
par  terre  et  repose  son  front  sur  le  sol  entre  ses  deux  bras,  de  façon  à  ne  rien  voir 
de  ce  qui  se  passe  autour  d'elle  ;  ses  camarades  de  jeu  sont  assises  autour  d'elle  et 

^  Ce  mot  ompa  est  le  français  <<  un  pas  »  parce  que  la  règle  du  Jeu  de  saute-mouton,  est  quel- 
i^aefois  d'éloigner,  d'un  pas  aprôs  chaque  saut,  celui  qui  «  paye  ». 

^  Il  s'agit  du  jeu  qui  consiste  à  Jeter  à  terre  une  pierre,  ou  un  bouchon,  avec  des  pierres  plates, 
ou  de  pièces  rondes  et  plates  de  métal.  Ce  jeu  qui  dans  certaines  régions  se  nomme  le  «bouchoo  « 
dans  d'autre  la  «  poule  »,  est  appelé  <*  gàline  »  en  Franche^Comté,  ^galHna  n  par  les  Bspagnok. 
C'est  de  ce  dernier  mot  que  vient  le  vocable  des  Tlemceniens. 


1908.]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE   DE   TLEMCEN.  [P.  429« 

chacune  pose  sa  main  droite  sur  le  dos  de  la  patiente,  de  sorte  que  toutes  les  mains 
soient  placées  les  unes  sur  les  autres.  Les  fillettes  soulèvent  ensemble  leurs  mains 
droites  et  frappent  le  dos  de  celle  qui  «  paye  »  en  disant  : 

Ya  hadobdob  ya  mdobdob  yedd  men  fôq  ^ala  çondôq,  A  ces  mots,  qui  n'ont  pas 
beaucoup  de  sens,  celle  qui  «  paye  n  doit  répondre  en  disant  le  nom  de  celle  de  ses 
camarades  dont  la  main  droite  est  au  dessus  de  celles  des  autres  ;  si  elle  la  découvre, 
c'est  celle-ci  qui  prend  sa  place  ;  sinon  elle  reste,  et  le  jeu  recommence.  Les  jeunes 
garçons  jouent  aussi  à  ce  jeu. 

b)  Zhîda.  Cinq  ou  six  fillettes  sont  assises  en  cercle  les  unes  contre  les  autres 
et  posent  leurs  mains  sur  les  genoux  de  Tune  d'elle,  qui  est  considérée  comme  le 
chef.  Ce  chef  touche  successivement  du  doigt  chacune  des  mains  en  disant  les  mots 
suivants,  qui  ne  donnent  pas  un  sens  complet  :  «  yâ  zhîda  —  yâ  nbîda  —  ach  Jclits 
—  mnei'teffâh  —  tvenneffêh  —  qeta'yiddik  —  yâ  meftâh  —  baûs  —  ou  khebU  ». 
La  fillette  sur  la  main  de  laquelle  sont  prononcés  ces  deux  derniers  mots,  l'embrasse 
et  la  retire.  On  continue  ainsi  jusqu'à  ce  qu'il  ne  reste  plus  qu'une  seule  main  sur 
les  genous  du  chef.  C'est  la  fillette  dont  la  main  reste  la  dernière  au  jeu  qui  «  paye  ». 
Les  fillettes  s'assoient  toutes  en  un  cercle  assez  lai^e  au  milieu  duquel  la  perdante 
se  couche,  les  yeux  fermés  et  fait  la  morte,  personne  ne  doit  ni  rire,  ni  causer,  et 
celle  qui  enfreint  cette  règle  prend  aussitôt  la  place  de  la  perdante.  La  jeune  fille 
qui  fait  fonction  de  chef  se  tourne  alors  vers  celle  qui  est  assise  à  sa  droite,  lui 
désigne  par  un  signe  celle  qui  fait  la  morte  et  un  dialogue  à  voix  basse,  mais  que 
peuvent  entendre  cependant  toutes  les  fillettes,  s'engage  entre  ces  deux  jeunes  filles 
(le  chef  et  celle  qui  est  à  sa  droite). 

—  (La  jeune  fille)  :  «  ach  bik^  qu'avez-vous  ?  » 

—  (Le  chef)  :  «  chîkh  ech  chyâûn  met,  le  chef  des  démons  est  mort  !  » 

—  (La  jeune  fille)  :  «  men  bihj  qui  l'a  tué  ?  » 

—  (Le  chef,  désignant  du  doigt  la  jeune  fille  assise  à  sa  gauche)  :  «  hâd-el-kêfer 
hoûa  bih,  c'est  cet  infidèle  qui  l'a  tué  !  » 

Le  chef  se  tait  et  c'est  la  jeune  fille  avec  laquelle  il  s'entretenait  qui  devient 
chef  et  reprend  le  même  dialogue  avec  sa  voisine  de  droite.  On  continue  ainsi  jus- 
qu'à ce  que  l'une  des  joueuses  ait  ri  ou  parlé  sans  en  avoir  le  droit^. 

c)  Msib^a  est  le  jeu  des  osselets,  qui  se  pratique  comme  chez  nous.  On  y  joue 
avec  de  petites  pierres  ou  avec  des  osselets^. 

d)  Blîsa  est  la  poupée  ;  elle  est  faite  d'une  croix  en  bois  dont  les  deux  bras 
font  les  bras  de  la  poupée  ;  elle  est  habillée  de  chiffons  de  couleurs  variées  et  on 
lui  met  une  petite  châchiya. 

e)  La  djorHîla^  «  la  balançoire  •  est  le  plaisir  préféré  des  tlemceniennes, 
femmes  et  fillettes  (et  même  des  hommes).  La  djorHîla  se  compose  d'une  longue 
corde  attachée  par  ses  extrémités  à  une  branche  d'arbre.  En  se  balançant  les  tlem- 
ceniennes  chantent  des  haoufis^. 

Les  Musulmans,  hommes  et  femmes,  dansent  à  Tlemeen  ;  le  rythme  de  la  danse 
est  toujours  marqué  par  de  la  musique. 

Les  hommes  ne  pratiquent  que  la  danse  religieuse  en  commun,  dans  les  zaouîas 
des  confréries  religieuses  et  quelquefois  en  public  à  l'occasion  des  fêtes.  Cette 


^  On  pourra  comparer  ce  jea  avec  celui  qui  figure  ap.  Delphin,  Recueil  de  Textes  pour  Vétude 
de  Varabe  parlé,  Alger  1891,  p.  277  et  suiv.,  et  trad.  Faurb-Bigukt,  Alger  1904,  p.  79  et  s. 
*  Voyez  des  détails  sur  ce  jeu,  ap.  Dklphin ,  loc,  cit.,  p.  296  et  suiv.,  traduction,  p.  84  et  suiv. 
3  Voir  infra,  p.  442. 


p.  430.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1808. 

danse  se  nomme  zehed  ;  elle  a  lieu  à  la  zaouïa  tous  les  vendredis  soir,  et  les  joure 
de  réuuiou  ou  de  convocatioa  des  frères.  Un  particulier  peut  aussi  réunir  ses  frères, 
les  foqra  do  sa  confrérie«  à  son  domicile  ;  on  mange  du  kouskous,  on  joue  de 
l'instrument  appelé  narWâis^  sorte  de  petit  tambourin  double,  on  tape  en  cadence 
avec  deux  baguettes  de  bois  ou  de  métal  sur  le  fond  d'un  grand  plateau  de  cuivre, 
on  accompagne  tout  cela  du  chant  religieux  de  la  confrérie  et  Ton  danse  ensemble. 
Les  danseurs  se  viennent  côte  à  cote  et  forment  une  longue  chaîne  qui  opère  soit  en 
cercle,  soit  en  ligne  droite.  Quand  ils  sont  nombreux,  ils  forment  plusieurs  chaînes. 

Cette  danse  rituelle  mériterait  d'être  étudiée  dans  tous  ses  détails  et  pour 
chaque  confrérie  religieuse. 

Les  femmes  des  confréries  ont  aussi  les  danses  rituelles  qui  sont  comme  celles 
des  hommes,  mais  pour  elles  cette  danse  se  nomme  khehoi. 

A  part  ces  danses  d'un  caractère  religieux,  que  pratiquent  les  hommes  et  1^ 
femmes,  il  y  a  à  Tlemcen  la  danse  non  religieuse  {ech-ehith)  qui  est  le  monopole  de 
la  femme,  à  l'exclusion  absolue  de  l'homme. 

A  moins  qu'il  ne  s'agisse  de  femmes  dépravées,  jamais  la  tlemcenienne  ne 
danse  en  présence  d'un  homme^. 

Les  tlemceniennes  aiment  beaucoup  la  danse  et  lorsque  plusieurs  femmes  sont 
réunies  dans  une  maison,  il  est  rare  que  l'on  ne  se  mette  pas  à  danser  ;  et  tandis 
que  l'une  d'entre  elles  danse,  quelques  unes  des  autres  marquent  la  cadence  en 
frappant  sur  des  tambourins  ou  des  plateaux  de  cuivre. 

Quand  les  femmes  donnent  une  fête,  dans  une  maison  tlemcenienne,  elles  font 
venir  un  orchestre  de  femmes,  dont  nous  parlerons  plus  loin,  et  tour  à  tour  une 
danseuse  se  détache  des  femmes  et  vient  accomplir  une  danse  lascive  devant 
.l'orchestre.  Les  autres  femmes  accompagnent  la  danseuse  en  frappant  dans  leurs 
mains  et  lui  donnent,  quand  elle  a  fini,  quelques  sous  cimcune  ;  elle  remet  cet 
argent  à  la  fqira  qui  est  le  chef  de  l'orchestre  de  femmes. 

£)  L^hygiène.  —  Par  sa  situation  géographique,  par  son  altitude  élevée, 
Tlemcen  jouit  d'un  climat  très  sain.  Souvent,  de  grands  vents  d'Ouest  viennent 
balayer  les  miasmes  des  ruelles  étroites  et  des  quartiers  indigènes.  Ces  raisons, 
ainsi  que  l'hygiène  relativement  bonne  du  tlemcenien,  si  on  la  compare  à  celle  des 
indigènes  des  campagnes,  contribuent  à  modérer  à  Tlemcen  dans  la  population 
musulmane  les  ravages  que  font  ailleurs  les  épidémies  et  maladies  de  toute  sorte^. 

On  a  vu  que  le  tlemcenien,  généralement  vêtu  avec  propreté  et  souvent  même 
avec  recherche,  avait  aussi  une  alimentation  suffisante  et  substantielle.  On  a 
remarqué  que  la  disposition  de  la  maison  qu'il  habite  ne  permettait  pas  une  venti- 
lation suffisante  des  chambres,  que  l'éclairage  et  le  mode  de  chauffage,  avec  le 
brasero,  étaient  défectueux  au  regard  de  l'hygiène,  que  les  infiltrations  des  latrines 
pouvaient  nuire  à  la  qualité  de  l'eau  du  puits  domestique.  U  faut  cependant 


^  Sauf  de  ses  proches  parents  plus  jeunes  qu'elle  (frôres,  neveux,  etc.).  A  l'occasion  des 
mariages,  dans  le  petit  village  berbère  de  Zelboun  dans  la  commune  de  Tlemcen  (à  15  km.  à  l'O. 
sur  la  ligne  de  Turenne),  des  femmes  dansent,  pendant  la  nuit,  au  milieu  de  la  foule  des  hommes, 
sur  une  place  du  village.  J'ai  vu  ainsi  danser  en  même  temps  quatre  ou  cinq  femmes,  dont  la  (été, 
d'ailleurs  était  entièrement  recouverte  d'un  voile.  Un  orchestre  de  trois  musiciens  —  qui  souvent 
dansent  aussi  à  côté  des  femmes  —  fournit  la  musique  nécessaire.  Les  coutumes  du  mariage  a 
Zelbouu  sont  très  originales  et  trôs  différentes  de  celles  de  Tlemcen. 

<  Au  point  de  vue  général  des'  maladies  et  de  l'hygiène  des  musulmans  d'Algérie,  on  consultera 
1»  travail  de  M.  le  D'  J.  Brault,  Pathologie  et  hygiène  des  musulmans  d'Algérie^  1  vol.  in-8, 
Alger  1905. 


1908.]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE   TLEMCEN.  [P.  431. 

reconnaître  que  la  maison  est  d'ordinaire  tenue  avec  assez  de  propreté  et  que  les 
parquets  de  brique  sont  souvent  lavés  et  régulièrement  balayés.  Nous  allons  voir 
maintenant  que  la  propreté  du  corps  ne  le  cède  en  rien  à  celle  du  costume  et  de 
Thabitation. 

Pour  obéir  aux  prescriptions  de  sa  religion,  le  musulman  met  sa  santé  quelque- 
fois fortement  à  l'épreuve,  comme  par  exemple,  quand  il  jeûne  tous  les  jours  pen- 
dant le  mois  de  ramadan,  quand  il  sacrifie  son  sommeil  nocturne  pour  faire  des 
prières  surérogatoires  pendant  des  nuits  entières,  ou  encore  quand  il  va  contracter 
au  pèlerinage  de  La  Mekke  une  maladie  épidémique,  comme  cela  se  produit  bien 
souvent.  Par  contre,  certaines  obligations  rituelles  de  Tlslâm  viennent  aussi  parfois 
concorder,  par  un  hasard  heureux,  avec  les  règles  de  l'hygiène.  C'est  ainsi  que  le 
tiemcenien,  qui  sait  faire  sa  prière,  s'astreint  plusieurs  fois  par  jour  à  faire  les 
ablutions  rituelles  précédant  les  prières  ;  il  fait  aussi  au  bain  maure,  au  moins  une 
fois  par  semaine,  la  grande  ablution  (r'osl)  de  tout  le  corp3,  exigée  par  la  loi 
musulmane. 

Ce  n'est  pas  seulement  par  propreté  ou  par  respect  pour  sa  religion  que  le  tiem- 
cenien fréquente  le  bain  maure,  c'est  encore  pour  se  remettre  d'une  courbature, 
d'un  rhume,  d'une  indisposition  quelconque.  Pour  lui,  le  bain  maure  guérit  les 
maux  les  plus  variés  ;  il  le  nomme  eUiobîh  elrcibkem  «  le  médecin  muet  »  et  s'y  rend 
même  souvent  pour  changer  de  linge  ;  il  sait  en  effet,  trouver  toujours,  pendant 
l'hiver  surtout,  dans  la  salle  de  repos  {Vapodyierium  du  bain  romain)  une  tempéra* 
ture  uniformément  tiède  et  agréable. 

Les  bains  maures  à  Tlemcen  sont  très  nombreux  ;  leur  disposition  essentielle 
consiste  en  un  couloir  vestibule,  analogue  à  celui  qui  donne  accès  dans  la  maison 
arabe,  avec  des  bancs  de  pierre  couverts  de  mosaïques,  taillés  dans  la  muraille, 
puis  une  vaste  salle,  couverte  en  son  milieu  par  une  voûte  en  forme  de  coupole 
supportée  par  des  piliers  et  sur  le  pourtour  par  des  plafonds  cintrés  ;  souvent  une 
vasque  d'eau  courante  qui  retombe  dans  un  bassin  est  ménagée  au  milieu  de  cette 
salle  qui  est  la  salle  de  repos,  dans  laquelle  les  clients  s'habillent  et  se  déshabillent 
et  se  reposent  sur  des  matelas  étendus  à  terre.  Un  mur  épais  et  une  double  porte 
sépare  cette  salle  de  l'étuve  (le  càldariam  des  Romains)  ;  cette  étuve  renferme  un 
bassin  d'eau  chaude  et  un  bassin  d'eau  froide  ;  elle  reçoit  abondamment  la  vapeur 
d'eau  des  chaudières  voisines.  C'est  sur  le  parquet  brûlant  de  l'étuve  que  le  baigneur 
vient  s'étendre  et  se  faire  masser,  frotter  et  nettoyer  par  l'un  des  kiyâs  (masseur) 
attachés  à  l'établissement,  ou  par  un  autre  baigneur.  C'est  dans  l'étuve  aussi  que 
le  musulman  fait  sa  toilette  secrète  et  qu'il  se  rase  lui-même,  conformément  à  la 
prescription  musulmane,  toutes  les  parties  poilues  du  corps. 

D'autres  pièces,  dépendances  du  bain,  des  salles  de  débarras  pour  déposer  le 
lioge  et  les  matelats,  dea  hangars  à  bois,  des  latrines,  etc.,  sont  disposées  autour 
de  Vapodyierium  et  des  chaudières. 

Les  bains  maures  de  Tlemcen  sont  d'ordinaire  ouverts  pour  les  femmes  de  midi 
à.  7  heures  du  soir  et  pour  les  hommes  .de  7  heures  du  soir  au  lendemain  à  midi. 
Un  particulier  peut  réserver  pour  lui  seul  un  bain  maure  (pour  les  mariages  par 
exemple)  pour  une  demie  journée  ou  une  journée  entière  (en  payant  une  redevance 
de  20  ou  de  40  francs). 

Beaucoup  de  voyageurs,  d'étrangers  musulmans  vont  passer  la  nuit  au  bain 
maure  au  lieu  de  descendre  dans  un  foudouk  on  de  coucher  dans  un  café  maure^. 


^   Les  masulmaos  ötrangars  de  passage  à  TlemceD,  trouvent  A  se  loger  dans  les  nombreux 
fbndoukg,  disposés  comme  ailleurs,  de  façon  que  les  écuries  pour  les  botes  de  somme  sontaurei- 


p.  432.]  •    R    •     E    •    E    •    S    •  [1908. 

A  Tlemceo,  le  prix  du  bain  pour  un  homme  est  de  0,15  centimes  et  de  0,65  avec 
massage  ;  on  paie  0,25,  pour  passer  la  nuit  au  bain,  et  le  prix  du  bain  en  supplé- 
ment. 

Les  femmes  aussi  fréquentent  beaucoup  le  bain  maure  ;  mais  la  femme  doit 
emporter  avec  elle  tout  le  nécessaire  pour  faire  sa  toilette  et  pour  s'esFujer.  Rares 
sont  celles  qui  louent  un  matelas  de  repos  à  la  gardienne  du  baio. 

Le  bain  maure  est  une  grande  distraction  pour  la  tlemcenienne  si  tenue  à  la 
maison  de  son  mari  ;  elle  se  trouve  là  avec  de  nombreuses  amies  et  connaissances 
et  Ton  rit,  on  cause,  on  chante,  on  s'amuse  dans  la  salle  de  repos  et  dans  l'étuve. 
Le  costume  de  bain  de  la  femme  est  ici  des  plus  simples  :  les  femmes  mariées  depuis 
peu  s'enroulent  le  corps,  à  partir  des  aisselles  jusqu'au  milieu  du  mollet,  dans  une 
serviette  de  coton  blanc,  qui  cache  les  seins, mais  laisse  les  bras  libres;  elles  portent 
dans  rétuve  uno  serviette  rayée  qu'on  nomme  (foula  del  fkhêd)  et  ont  la  tête  nue 
et  les  cheveux  épars.  Les  femmes  d'âge  mûr  et  les  vieilles  ne  portent  qu'un  pagne 
bleu  serré  à  la  taille  ;  mais  le  plus  souvent  elles  restent  entièrement  nues.  £n  sor* 
tant  de  l'étuve  la  tlemcenienne  aisée  se  couvre  les  cheveux  d'une  bniqa^  sorte  de 
bonnet  pointu  de  toile  ou  de  soie,  parfois  brodé  d'or  sur  le  devant,  et  portant  par 
derrière  deux  longs  rubans  de  toile  ou  de  soie. 

Pour  se  laver  le  corps,  la  femme  se  sert  d'une  argile  savonneuse  appelée  ifol 
(et  quelquefois  r^asoûl)  ;  elle  se  frictionne,  ou  se  fait  frictionner  par  sa  négresse  ou 
par  une  amie,  avec  une  plaque  de  liège  recouverte  de  laine  (mhaqqa).  La  femme  ne 
se  rase  pas  le  corps,  mais  elle  emploie  une  poudre  épilatoire  (déhhîya)  qu'elle 
mélange  dans  certaines  proportions  avec  de  la  chaux  éteinte  pour  former  une  pâte. 
Quand  elle  va  au  bain,  la  tlemcenienne  emporte  dans  une  petite  cuvette  en  cuivre 
ouvragé  (tâça)  son  peigne  et  tous  les  objets  nécessaires  à  sa  toilette. 

Le  prix  du  bain  est  de  0,15  centimes  pour  une  femme  nouvellement  mariée  et 
de  0,10  pour  les  autres  femmes.  Chacune  d'ailleurs  peut  être  accompagnée  de  ses 
enfants  en  bas- âge,  garçons  ou  fillettes.  Les  jeunes  filles  non  mariées  ne  payent  rien 
dans  le  bain  où  elles  ont  coutume  d'aller  et  auquel  elles  réserveront  leur  clientèle 
pour  le  bain  qui  précède  leur  mariage  ;  si  elles  vont  par  hasard  dans  un  établis- 
sement de  bains  dont  elles  ne  sont  pas  clientes  attitrées,  elles  payent  0,05  centimes. 
Dans  l'hygiène  du  corps  et  surtout  de  la  tête,  le  henné  joue  un  très  grand  rôle 
à  TIemcen.  Les  feuilles  séchées  du  henné  sont  pilées  etjetées  dans  l'eau  bouillante. 
On  laisse  réduire  la  bouillie  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  assez  épaisse  et  forme  une  pâte 
un  peu  fluide,  on  l'applique  très  chaude  sur  la  tête,  en  ayant  soin  dé  frotter  pour 
faire  pénétrer  jusqu'au  cuir  chevelu.  Le  henné  doit  être  conservé  ainsi,  environ 
vingt  quatre  heures,  sur  la  tète  ;  il  est  enlevé  par  un  lavage  au  bain  maure.  Pour 
que  leurs  cheveux  s'allongent,  les  femmes  mélangent  au  henné  quelques  feuilles  de 
chanvre.  Le  procédé  de  magie  sympathique  est  ici  évident.  C'est  le  henné  qui,  tout 
en  jouant  le  rôle  d'antiseptique,  donne  aussi  aux  cheveux  une  belle  couleur  ocrée 
d'un  roux  sombre. 

Pour  se  teindre  les  cheveux  en  noir,  les  femmes  préparent  elles-mêmes  une 
pâte  tinctoriale  (ed-dehr^a)  dans  laquelle  entrent  de  la  noix  de  galle,  des  clous  de 
girofle,  des  graines  de  çamhel  (nard  indien)  et  du  sulfure  de  plomb. 


de-chaussée,  autour  de  la  cour  intérieure,  et  les  logements  des  voyageurs  au  premier  étage,  dans 
de  petites  cellules,  disposées  autour  d'un  couloir  non  couvert.  On  paie  pour  la  nuit  20  centimes 
par  personne,  café  compris.  Les  voyageurs  qui  ne  couchent  ni  au  bain  maure,  ni  dans  les  fon- 
douks,  passent  la  nuit  sur  des  nattes,  dans  les  cafés  maures,  ou  ils  paient  seulement  0,20,  prix 
d*ane  tasse  de  café  qui  leur  est  servie  le  soir  et  d'une  autre  le  matin« 


REES,  1908 


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REES,  1908 


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REES,  1908 


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REES,  1908 


Planche  XXII 


Fig.  22.  Intérieur  de  la  maison  d'un  Tlemcénien  aisé. 


Fig.  23.    PEINCIPAUX  OBJETS  DU   SERVICE   DE  TABLE   ET   DE   CUISINE. 

I.  maïda  avec  cuillers  en  bois  ima'aleg)  et  plat  à  kouskous  (metsred). 
II.  Service  à  thé  :  plateau  {sfnïya)^  tasses  (fnêdjel)^  théière  {herrêd). 
IIÏ.  Fourneau  (boudjouwêl  ou  nefekh)  avec  marmite  (qadra)  et  cuiller-à-pot  {mor'ref). 
IV.  Deux  tifàfer  ([dur.  de  tifoûr)  ;  sur  le  plus  petit  est  une  qobiba,  sur  le  plus  grand,  un  tacytn 
et  des  serviettes  de  table  {fouet  plur.  de  foûta). 


TLEMCEN. 


REES,  1908 


Planche  XXIII 


Fig.  24.  Une  école  coranique  dans  la  cour  de  la  Médersa  de  Sidi  Bou  Mediên. 


Fig.  25.  Specimens  de  peintures. 
I.  Portraits  de  Bouràq.    II.  Bechmaq. 


TLEMCEN, 


EEES,  1908 


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TLEMCEN. 


REES,  1908 


Planche  XXV 


Fig.  28.  Selle  et  pièces  de  harnachement  et  ouvriers  qui  les  ont  brodées. 


TLEMCEN. 


REES,  1908 


Planche  XXVI 


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TLEMCEN. 


1908.]        •     BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE   DE   TLEMCEN.  [P.  433. 

Les  femmes  et  les  fillettes  se  mettent  du  henné  aax  cheveux  toutes  les  quatre 
^  9ix  semaines  ;  elles  en  mettent  également  à  leurs  fils  tant  quails  portent  la 
£Ottatya^  c'est-à-dire  tant  qu'ils  vont  au  bain  maure  avec  la  mère. 

La  médecine  empirique  des  khfbs^  la  guérison  par  les  marabouts,  les  remèdes 
magiques  des  talebs  et  des  sorciers  sont  très  en  vogue  à  Tlemcen.  C'est  là  l'un  des 
résultats  des  vieilles  croyances  dont  il  a  été  question  dans  le  second  chapitre  de  ce 
travail  ;  on  ne  s'en  étonnera  guère  quand  on  pense  que  dans  notre  vieille  ËuropOi 
il  est  encore  bien  des  gens  qui  usent  de  ces  procédés  et  les  préfèrent  à  la  science 
des  médecins.  Certes  le  tlemcenien,  la  femme  surtout,  ne  se  rend  pas  volontiers  à 
la  visite  du  médecin  français  et  n'aime  pas  à  se  servir  de  la  sage-femme  ;  celle-ci 
ne  peut  pas,  comme  le  qabla  dont  on  a  parlé,  satisfaire  à  tous  les  rites  nécessaires 
pour  calmer  et  écarter  les  djinns.  L'administration  a  institué  à  Tlemcen  une  infir- 
merie indigène  et  un  asile  d'incurables  ;  l'un  et  l'autre  regoiigent  de  malades 
musulmans,  ce  qui  est  déjà  un  résultat  appréciable.  Beaucoup  déjeunes  musulmans, 
formés  dans  nos  écoles  françaises,  commencent  à  conduire  à  leurs  parents  malades 
le  médecin  et  la  sage  femme,  et  ceux-ci  détrôneront  à  la  longue  les  tobibs,  les  talebs 
-et  les  qâblas. 

IV. 

La  vie  inteUectueUe. 

A)  La  langue,  les  écoles.  —  Les  TIemceniens  parlent  tous  un  dialecte  arabe, 
•qui  se  distingue  cependant  des  autres  dialectes  parlés  dans  l'Afrique  du  Nord,  par 
SSL  phonétique,  sa  morphologie  et  même  par  son  vocabulaire.  Comme  les  autres 
dialectes  de  ce  pays,  il  a  subi  l'influence  berbère  dont  on  retrouve  des  traces  dans 
■son  vocabulaire,  où  l'on  peut  relever  des  mots  conservés  assez  purs  et  dans  la  défor- 
mation de  certains  mots  arabes.  Les  Turcs  qui  ont  occupé  Tlemcen  pendant  trois 
siècles  et  qui  y  ont  laissé  un  élément  ethnique  important,  les  Koulouglis,  ont  aussi 
laissé  des  traces  de  leur  langage  dans  le  parler  tlemcenien  ;  on  les  retrouve  dans  des 
vocables  turcs  encore  usités  et  dans  la  formation  de  noms  de  métier  par  exemple. 
Les  relations  anciennes  entre  Tlemcen  et  le  Maroc,  l'établissement  dans  la  ville  de 
nombreux  marocains,  surtout  de  commerçants  et  d'ouvriers  de  Fez,  ont  donné  au  dia- 
lecte de  Tlemcen  l'empreinte  des  dialectes  marocains.  Enfin,  sous  bien  des  rapports, 
on  a  pu  rapprocher  le  tlemcenien  du  langage  tunisien,  pour  la  forme  de  certains 
noms,  de  quelques  diminutifii,  de  pluriels  et  pour  l'emploi  des  adverbes  notamment. 

M.  W.  Marçais  qui  a  publié  une  remarquable  étude  du  dialecte  de  Tlemcen^ 
le  classe  parmi  les  dialectes  citadins,  avec  celui  de  Nédroma,  tandis  qu'il  met  dans 
la  catégorie  des  dialectes  bédouins  tous  ceux  du  reste  de  l'Oranie. 

A  côté  de  ce  parler  local,  qui  est  la  langue  vivante  des  TIemceniens,  il  y  a  ici, 
-comme  dans  tous  les  pays  musulmans,  la  langue  morte,  l'arabe  littéraire,  qui  est 
ia  langue  religieuse,  celle  dans  laquelle  l'imâm  fait  son  prône  du  vendredi,  celle 
-des  livres  et  des  écrits. 

Le  premier,  ou  arabe  parlé,  est  la  langue  commune  à  tous  les  TIemceniens, 
-de  tous  les  sexes  et  de  toutes  les  classes  de  la  société,  c'est  la  langue  des  contes, 
des  récits  et  des  chansons  de  la  littérature  populaire,  purement  orale  et  que  l'on 


^  Le  dialecte  arabe  parlé  à  Tlemcen ,  publ.  de  ilCcoLe  des  Lettres  d'Alger,  Pc(ri8,.1902, 1  voU 
•n-8. 


p.  434.]  •    R    •    E    •    E    •    S    ^  L1Ö08. 

n'écrit  guère  ;  le  second  est  la  langue  des  lettrés  seulement,  comme  le  latin  aa 
moyen-âge  était  notre  langue  savante. 

Tout  renseignement  donné  par  les  musulmans  dans  les  écoles  arabes^  est 
professé  en  arabe  littéraire,  aussi  bien  à  Tlemcen  que  dans  les  autres  pays  d'isiâm. 

Le  nombre  des  Tlemceniens  qui. savent  lire  et  écrire  l'arabe  littéraire,  quoique 
restreint,  est  relativement  considérable  par  rapport  à  ce  qu'il  est  à  la  campagne  on 
dans  d'autres  villes  algériennes'.  C'est  que  les  Tlemceniens  aiment  et  recherchent 
l'étude  pour  leurs  enfants.  S'ils  reconnaissent  de  plus  en  plus  les  avantages  immé- 
diats à  retirer  de  l'instruction  donnée  dans  nos  écoles  primaires  où  ils  envoient 
volontiers  leurs  fils,  nombreux  sont  encore  ceux  qui  envoient  leurs  enfants  dans  le^ 
écoles  coraniques. 

Les  filles  ne  reçoivent  pas  d'instruction  ;  elles  ne  fréquentent  pas  nos  écoles 
primaires  de  filles  et  bien  rares  sont  celles  auxquelles  les  parents  font  apprendre 
le  Goran^. 

Les  garçons  apprennent  à  lire  et  à  écrire  l'arabe  à  l'école  coranique  (msid  ou 
djâma^Y  (fig.  24).  Il  y  a  à  Tlemcen  à  l'heure  actuelle  une  quinsaine  d'écoles 
coraniques  fréquentées  par  environ  300  enfants. 

L'écolier  y  apprend  à  écrire  l'alphabet  arabe  et  les  sourates  du  Coran  ;  il  écrit 
ensuite,  sur  sa  planchette,  une  sourate  ou  un  fragment  de  sourate  et  l'apprend  par 
cœur  sans  en  comprendre  le  sens  ;  il  continue  ainsi  jusqu'à  ce  qu'il  sache  par  cœur 
le  Coran  tout  entier,  à  moins  qu'il  ne  quitte  l'école  avant  la  fin  de  ses  études,  ce 
qui  arrive  souvent. 

Les  leçons,  à  l'école  coranique,  durent  de  8  à  10  heures  par  jour,  à  Tlemcen, 
et  il  faut  une  dizaine  d*années  environ,  selon  la  fiicilité  de  mémoire  de  l'élève,  pour 
apprendre  aiosi  par  cœur,  sans  omettre  une  voyelle,  le  Coran  tout  entier.  Cet 
enseignement  est  déprimant. 

Celui  qui  sait  le  Coran  est  appelé  iâleb  ;  il  ignore  la  grammaire  et  se  trouve 
dans  l'impossibilité  de  comprendre  et  de  vocaliser  un  texte,  même  facile,  d'arabe 
littéraire. 

L'école  coranique  est  dirigée  par  un  tàleb  qui  en  général  ne  sait  rien  d'autre 
que  le  Coran  ;  il  est  payé  en  argent  par  les  parents  des  élèves,  et  reçoit  d'eux  des^ 
cadeaux.  Le  prix  de  la  scolarité  est  variable,  suivant  le  degré  d'aisance  des  parents. 


^  Il  n'est  pas  question  ici  de  nos  écoles  franco-arabee  dans  lesquelles  l'enseignement  est  donné 
par  des  instituteurs  franç&is  et  par  des  musulmans. 

.  *  Nombreux  sont  les  Tlemceniens,  les  jeunes  surtout,  qui  occupent  leurs  loisirs  à  lire  les 
revues  et  les  Journaux  arabes,  publiés  au  Caire,  à  Tunis,  à  Alger,  ou  des  livres  arabes,  particu- 
lièrement des  contes,  comme  les  Mille  et  Une  NitUs.  Quelques-uns  môme,  élevés  dans  nos  écoles,, 
lisent  nos  journaux  français.  Les  vieillards,  généralement  confits  en  dévotion,  préfèrent  la  lecture 
de  recueils  de  chansons  pieuses,  de  traités  de  mysticisme  et  de  Vies  de  Saints. 

8  Une  école  de  tapis  indigènes  pour  les  fillettes  musulmanes  a  été  fondée  à  Tlemcen  en  1900, 
sur  l'initiative  du  comité  tlemcenien  de  l'Alliance  française.  Cette  école  confiée  à  deux  Françaises« 
sachant  l'arabe  et  connaissant  la  fabrication  des  tapis  indigènes,  a  bien  réussi  ;  elle  est  aujour- 
d'hui fréquentée  par  plus  de  cinquante  fillettes  qui  apprennent  à  fidre  des  tapis,  en  même  temps 
qu'elles  s'initient  à  la  langue  française.  Il  faudra  créer  encore  d'autres  écoles  analogues,  poor  la 
couture,  la  broderie,  la  dentelle,  etc.  ;  on  occupera  ainsi  utilement  les  loisirs  d'une  foule  de 
fillettes  musulmanes  actuellement  désœuvrées  et  qui  n'ont  presque  pas  de  rapports  avec  la  sociétéL 
française  de  Tlemcen, 

*  Lee  renseignements  donnés  sur  l'école  coranique  tlemcenienne  par  MM.  W.  Marçais  {Le 
dialecte  de  Tlemcen^  p.  242  etsuiv.),  Zbnaoui  {Récit  en  dialecte  tlemcenien^  p.  t4«tsuiT.  eiJcur,- 
asiaJt.  p.  64  et  s.),  Abou  Bikr  (Uêages  de  droit  coutumiert  p.  87  et  suiv.)  me  dispensent  d'entrer 
ici  dans  les  détails. 


1908.]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE    TLEMCEN.  [P.  435. 

Bien  qu'en  principe  les  enfants  pauvres  du  quartier  dans  lequel  est  Técole  coranique 
S  soient  admis  gratuitement,  ils  ne  la  fréquentent  guère. 

L'enfant,  qui  apprend  le  Coran,  ainsi  que  les  parents,  doivent  satisfaire  à  de 
nombreux  rites  ayant  pour  objet  de  rendre  la  divinité  propice  au  jeune  écolier  et 
^e  lui  ouvrir  la  mémoire.  La  façon  de  réciter,  l'imposition  de  certaines  formules,  la 
nature  des  cadeaux  faits  au  maître,  la  manière  d'enduire  et  d'orner  la  planchette  à 
certains  jours,  la  façon  dont  le  msutre  administre  au  mauvais  élève  la  correction 
<;orporelle,  la  nature  même  de  la  baguette  (cognassier)  qui  sert  à  frapper,  etc.. 
forment  autant  d'obligations  ponctuellement  réglées  et  qui  ont  une  influence  cer- 
taine sur  la  conciliation  des  faveurs  divines. 

Le  msîd  musulman  est  comparable  au  midrach  des  juifs  tlemceniens. 

Le  musulman  qui  arrive  à  posséder  dans  sa  mémoire  tout  le  Coran,  passe  aux 
yeux  de  ses  coreligionnaires  pour  un  favorisé  d'Allah,  c'est  un  personnage  quasi- 
surnaturel,  capable  d'éloigner  toute  espèce  de  calamités.  D'ailleurs  le  (aieb  ainsi 
formé  se  considère  lui-même  comme  bien  supérieur  à  l'humble  ignorant  qui 
l'admire  ;  le  Coran  n'est-il  pas  »  la  mère  de  toutes  les  sciences  »  ?  puisqu'il  le  sait, 
<'est  qu'il  est  un  savant.  Si  le  taleb  ignore  cette  parole  attribuée  au  Prophète 
•  Dieu  assure  la  nourriture  à  celui  qui  s'adonne  à  l'étude,  la  subsistance  lui  viendra 
sans  peine,  ni  souci,  tandis  que  les  autres  ne  l'obtiendront  qu'avec  beaucoup  de 
peine  et  de  sollicitude  I  »,  du  moins  il  la  met  en  pratique  ;  en  général,  il  ne  se  livre 
à  aucun  travail  manuel,  avilissant  pour  lui,  et  se  contente  de  vivre  en  parasite  ou 
d'écrire  des  amulettes  pour  ses  coreligionnaires.  Il  n'en  va  pas  de  même  à  Tlemcen 
où  les  tälebs  se  livrent  aux  métiers  les  plus  divers  ;  quelques  uns  poursuivent  leurs 
études  d'arabe  ;  ils  apprennent  la  grammaire,  le  droit,  la  théologie  et  assistent  aux 
leçons,  sur  ces  matières,  données  à  la  Grande  Mosquée  par  un  Mouderrès  (profes- 
seur) nommé  par  l'administration  française.  Un  très  petit  nombre  des  élèves  des 
écoles  coraniques  vient  faire  des  études  supérieures  d'arabe  à  la  Médersa^  dont 
les  étudiants  sont  surtout  formés  par  nos  écoles  franco-arabes  et  par  les  Mouderrès 
des  Mosquées. 

B)  Les  arts  plastiques  et  Industriels^.  —  Les  arts  plastiques  sont  tombés 
bien  bas  à  Tlemcen  à  l'heure  actuelle.  Lorsqu'on  admire  les  belles  mosquées  si 
finement  décorées,  enrichies  d'arabesques  en  plâtre  et  de  mosaïques  du  goût  le  plus 
délicat,  construites  dans  cette  ancienne  capitale  au  temps  de  ses  rois  (surtout  au 
XIV*-Xy*  siècles),  on  se  demande  ce  que  sont  devenues  les  traditions  d'art  léguées 
aux  Tlemceniens  par  leurs  devanciers  musulmans  I 

Aucun  architecte  musulman  tlemcenien,  aucun  ouvrier,  ne  serait  capable 


^  La  Médersa  était  au  moyen-âge  la  plas  haote  école  d'enseignement  de  la  littérature  et  des 
sciences  arabes  ;  elle  servait  à  former  les  hauts  fonctionnaires  de  la  Justice,  du  culte,  de  Tadmi« 
•nistration  musulmane.  Aujourd'hui  encore,  elle  a  le  même  objet;  renseignement  que  Ton  y  donne 
est  mixte,  il  comprend  du  français  et  des  matières  françaises  d'enseignement,  ainsi  que  l'étude 
de  la  langue  et  de  la  littérature  arabes,  de  la  théologie  et  du  droit  musulman.  Les  candidats  à  la- 
Médersa  sont  tous  musulmans,  ils  doivent  posséder  le  certificat  d'études  des  écoles  franco-arabes  et 
subir  un  examen  d'admission  sur  l'arabe  littéraire  ;  la  connaissance  du  Coran  leur  est  absolument 
inutile  pour  l'admission.  La  durée  des  études  A  Is  Médersa  est  de  quatre  ou  de  six  années.  Il  n'y .. 
41  qu'une  Médersa  ÏNur  département  algérien. 

^  Un  chapitre  consacré  aux  industries  et  aux  divers  corps  de  métiers  exercés  par  les  musulmans 
ilemceniens  nous  aurait  entraîné  dans  des  développements  dépassant  les  limites  que  nous  avons 
voulu  fixer  à  cette  esquisse.  On  se  bornera  ici  À  signaler  le  côté  artistique  un  peu  relevé  de 
-certaines  industries  tlemceniennes-,  réservant  pour  plus  tard  l'exposé  complet  et  détaillé  d« 
4Hndustrie  masolmane  à  Tlemcen. 


p.  436.]  •    R    •    E    •    E    •    8    •  [1908> 

aujourd^hai  de  dresser  le  plan  ou  d'ordonner  la  décoration  de  semblables  édifices  ; 
bien  plus,  on  trouverait  difficilement  à  Tlemcen  un  artiste  indigène  capable  seule- 
ment de  copier  les  motift  les  plus  simples  de  cette  ornementation  de  plâtres  et  de 
mosaïques,  de  boiseries  et  de  cuiTres  ouvragés,  qui  sollicite  notre  admiration^.  La 
restauration  de  ces  monuments,  qui  incombe  au  service  des  Monuments  historiques^ 
est  faite  par  les  Français. 

On  trouve  à  Tlemcen,  dans  les  sanctuaires  des  principaux  marabouts,  dans 
quelques  cafés  maures,  chez  des  particuliers,  des  images  représentant  la  jument,  à 
tête  de  femme,  du  Prophète,  la  fameuse  Bourâq,  sur  laquelle  la  légende  musulmane 
veut  que  Mohammed  ait  fait  Tascension  au  ciel.  Souvent  l'artiste  a  représenté,  sur 
le  même  tableau,  deux  Bouräq,  se  faisant  vis-à-vis,  ou  encore  une  Bourâq  et  une 
femme,  et,  pour  que  le  tableau  soit  moins  nu,  il  a  rempli  les  vides  avec  des  guir- 
landes de  verdure  et  de  fleurs,  dont  il  serait  souvent  difficile  de  trouver  le  nom, 
tant  elles  sont  mal  imitées.  Quelquefois  aussi,  l'image  de  Bourâq  est  placée  au 
dessus  du  dessin  d'une  mosquée,  ayant  sans  doute  la  prétention  de  représenter  la 
mosquée  de  La  Mekke.  Les  hechmaq^  sorte  de  sandales,  qui  représentent,  dit-on,, 
celles  que  portait  le  Prophète  ou  celles  de  sa  fille  Lalla  Fâtima,  la  mère  de  tous 
les  chérifs,  sont  peintes  également  sur  la  tombe  des  femmes,  au  dos  de  la  stèle  des 
pieds,  ou  sur  des  feuilles  de  papier  que  l'on  encadre  ensuite  comme  les  Bourâq. 

Ces  images  grossières,  tracées  par  la  matn  inhabile  d'un  artiste,  ignorant  les 
règles  les  plus  élémentaires  du  dessin  et  de  la  perspective,  mal  peintes  sur  une 
feuille  de  papier  collée  ensuite  sur  une  feuille  de  verre  encadrée,  sont  fabriquées 
à  Tlemcen.  Elles  représentent  la  mesure  lamentable  de  ce  que  le  musulman  tlem- 
cenien  peut  aujourd'hui  produire  en  peinture.  On  ne  saurait  insister  ici  sur  Tafireuse 
peinture,  cherchant  parfois  à  donner  des  motifs  floraux  et  géométriques,  dont  les 
médiocres  menuisiers  tlemceniens  ornent  les  objets  de  leur  fabrication,  tels  que  : 
cofFres  à  linge,  étagères  (merfa*)^  berceaux  d'enfants,  porte-manteaux,  portes, 
tables  basses  (ufoûr  et  tnaïda)^  cénotaphes  (tsàboûts)  des  marabouts,  ornés 
d'inscriptions  arabes. 

L'art  de  la  miniature  ou  ornementation  du  livre  manuscrit  (fig.  25),  dans  lequel 
les  musulmans  ont  autrefois  manifesté  un  si  grand  talent^,  est  aujourd'hui  inconnu  à 
Tlemcen.  Les  rares  copistes  de  manuscrits  arabes  que  l'on  y  trouve  encore  se 
bornent  à  encadrer  de  lignes  droites  et  de  couleurs  variées  les  pages  des  manuscrits 
de  luxe  qu'ils  ont  à  préparer,  à  écrire  en  couleur  les  titres  et  les  rubriques,  à 
rendre  leur  écriture  aussi  agréable  que  possible  à  l'œil,  mais  ils  ne  décorent  la 
copie  d'aucune  peinture,  d'aucun  dessin. 

La  sculpture  sur  pierre  et  sur  marbre  est  encore  représentée  à  Tlemcen  par 
plusieurs  ateliers  de  sculpteurs  d'épitaphes.  Presque  tous  ont  étudié  le  Coran  avant 
d'apprendre  leur  métier  ;  ils  gravent  au  ciseau  sur  les  stèles  funéraires  les  inscrip- 
tioQs  arabes^  et  décorent  en  outre  la  stèle  de  motifs  d'ornementation ,  assez  simple» 


^  On  peut  citer  cependant  ici  un  habile  ciseleur,  M.  Benkalfate  Mohammed  qui  a  construit  le 
grand  lustre  en  cuivre  de  la  Grande  Mosquôe  et  a  fait  avec  goût  pluaieurs  travaux  de  ce  genre. 
C'est  encore  un  musulman  d'El-Eubbftd  qui  a  reconstitué  pour  le  service  des  Monuments  histo» 
riques,  les  assemblages  en  bois  de  cèdre  ouvragé  des  vieux  plafonds  de  la  Mosquée  qui  abrite 
actuellement  le  Musée  archéologique  de  Tlemcen. 

'  Voir  par  exemple  les  beaux  specimens  donnés  par  Migeon  dans  son  Manuel  d'nart  mustdman^ 
t.  n,  Paris,  1907,  p.  6  et  suiv, 

^  Les  stôles  (roûsiyàt)  sont  placées  sur  le  tombeau,  Tune  à  la  tête  et  l'antre  aux  pieds,  les 
inscriptions  se  font  vis-À-vis  ;  celle  de  la  stèle  de  tête  donne  des  versets  du  Coran,  laissée  en  géoé- 


1908.J  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE    TLEMCEN.  [P*  437» 

et  presque  toujours  floraux.  Le  sculpteur  (neqqâch)  se  charge  lui-même  de  peindre 
les  épitaphes  et  souvent  il  peint  (en  vert  ou  en  rouge,  et  quelquefois  en  jaune)  deux 
semelles  de  sandales  (bechmaqj  au  dos  de  la  stèle  des  pieds,  sur  le  tombeau  des 
femmes. 

La  moulure  sur  bois  est  pratiquée  par  les  menuisiers  ;  elle  est  très  rudimen- 
taire,  comme  du  reste  Toutillage  dont  se  sert  le  menuisier. 

La  sculpture  du  bois  n^existe  plus  à  Tlemcen^.  Les  cannes  ouvragées  et  les 
cueillers  gravées  au  couteau  que  l'on  vend  à  Tlemcen  sont  fabriquées  par  les 
Cerbères  des  montagnes  des  Traras^  voisines  des  Nédroma. 

L'industrie  des  cuivres  ouvragés  n'est  pas  non  plus  brillante  à  Tlemcen  et  c'est 
JL  peine  si  Ton  peut  citer  trois  ateliers  de  graveurs  à  la  pointe  de  plateaux  en  cuivre. 
L'industrie  du  cuivre  incrusté  est  spéciale  à  l'Orient,  et  les  objets  de  cette  nature 
ainsi  que  les  plateaux  en  cuivre  repoussé  qu'on  vend  à  Tlemcen  sont  des  articles 
d'importation. 

On  ne  fabrique  pas  d'objets  d'art  en  bronze  ou  en  fer.  On  ne  connaît  même  pas 
la  fabrication  des  couteaux,  poignards,  sabres,  ou  armes  d'aucune  sorte.  L'industrie 
du  fer  et  de  l'acier  est  entre  les  mains  de  nombreux  forgerons  et  maréchaux-ferrands, 
mais  ses  produits  sont  très  frustes  et  sont  limités  aux  outils  et  objets  d'utilité 
«curante^. 

L'industrie  de  la  céramique  est  également  morte  à  Tlemcen  où  elle  a  cependant 
laissé  de  si  belles  traces  de  sa  splendeur  passée  que  M.  Migeon  a  pu  dire  :  «  Nulle 
part  dans  tout  l'Islam  occidental,  ne  se  trouve  de  plus  beaux  et  complets  spécimens 
de  revêtements  céramiques  que  dans  certains  monuments  mérinides  de  Tlemcen^  ». 

C'est  dans  la  broderie*  sur  cuir  et  sur  velours,  l'une  des  principales  industries 
tlemceniennes,  que  se  sont  conservées  quelques  unes  des  anciennes  traditioDs  de 
l'ornementation  hispano-moresque  du  moyen-âge,  dont  les  monuments  de  Tlemcen 
et  ceux  d'Espagne  nous  offrent  de  si  précieux  exemples.  Les  objets  de  maroquinerie 
fabriqués  et  brodés  ici  sont  des  porte-monnaie,  des  sous-main  ou  serviettes  d'écoliers^ 
des  porte-feuilles,  des  selles  arabes,  des  pantoufles  et  des  souliers  bas.  On  brode 
^ussi  sur  velours,  des  châcbîya  et  des  ceintures  de  femme^.  La  broderie  sur  drap 
ou  sur  velours  pour  les  vêtements  (cafetan,  frimla,  etc.)  est  à  Tlemcen  surtout  entre 
les  mains  des  brodeurs  juifs  et  de  quelques  rares  femmes  musulmanes  (fig.  26-27). 

La  broderie  est  faite  au  fil  d'argent,  blanc  ou  doré,  employé  tantôt  seul,  tantôt 
enroulé  autour  d'un  fil  de  soie.  Le  cuir  employé  est  généralement  le  cuir  rouge  dit 
filâli^  mais  on  brode  aussi  sur  cuir  de  Russie  (nommé  ici  hour^âri). 

Les  porte-monnaie  ont  la  forme  d'un  rectangle  plus  ou  moins  allongé,  à  fermoir 
^n  filigrane  d'argent  ouvragé.  La  face  du  côté  du  fermoir  est  plus  ou  moins  enrichie 


rai  au  choix  du  sculpteur,  celle  de  la  stole  des  pieds  indique  le  nom  du  défunt  et  la  date  de  la 
mort.  Les  sculpteurs  de  pierres  funéraires  gravent  aussi  des  inscriptions  sur  pierre  (versets  du 
Ooran)  que  des  particuliers  leur  commandent  pour  les  encastrer  dans  le  mur  des  chambres  de 
leufs  maisons. 

^  Un  cours  d'apprentissage  institué  à  l'Ecole  Dôcieux,  a  pour  but  d'initier  les  jeunes  musul- 
mans au  travail  du  bois,  à  l'ébôniaterie,  à  la  sculpture,  en  s'inspirant  des  modèles  d'art  musulman 
•du  moyen  âge.  On  y  enseigne  aussi  la  broderie  sur  cuir  et  le  travail  des  métaux. 

'  L'orfèvrerie  et  la  bijouterie  sont  ici  entièrement  entre  les  mains  des  Juifs. 

3  Cf.  Manuel  d'art  musulman^  t.  Il,  p.  338. 

^  Le  brodeur  k  Tlemcen  est  appelé  serrâdj  (avec  un  double  rà  emphatique)  tandis  que  le  fabri- 
<cant  de  bois  de  selles  arabes  (serdf)  est  nommé  serrédj, 

^  Ces  ceintures  (au  sing.  ha;rzâma)  sont  en  cuir  recouvert  d'une  bande  de  velours  sur  laquelle 
•est  faite  la  broderie.  Le  cuir  de  la  reliure  des  livres  arabes  est  gravé  au  fer  chaudL 


p.  438.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908» 

de  broderies  au  fit  d'argent,  formant  des  entrelacs  curvilignes  et  floraux,  des  palmes 
souvent  réunies  en  fleurons,  des  croissants,  des  polygones  étoiles.  Quelquefois  le 
décor  floral  ou  géométrique  est  simplement  remplacé  par  le  nom  en  arabe  de 
Tlçmcen  (;)\^^  en  écriture  cursive  ordinaire  et  nullement  inspirée  des  modèles  de 
récriture  monumentale  qu^offrent  les  inscriptions  des  vieux  édifices  tlemceniens. 

Les  sous-main  et  serviettes  d^écoliers  sont  d'une  décoration  plus  sobre,  généra- 
lement un  simple  (^^L.*«!;  avec  un  croissant  ou  quelques  signes  voyelles,  dans  un  coin. 

Les  selles  brodées  sont  de  véritables  objets  d'art  qui  atteignent  parfois  des  prix 
élevés.  Le  cuir  de  la  selle  doit  s'adapter  sur  le  siège  et  recouvrir  le  pommeau  élevé 
et  le  large  troussequin  ;  les  mêmes  moti&  fondamentaux  de  décoration  sont  ici 
adoptés  aux  formes  spéciales  des  parties  à  orner  (fig.  28). 

Il  en  est  de  même  pour  les  chacbîya,  qui  sont  d'ordinaire  complètement 
recouvertes  de  broderies  ne  laissant  aucun  vide,  les  pantoufles  {belr'a  et  rihatyay 
ou  souliers  de  femmes  dans  lesquels  la  broderie  donne  surtout  des  fleurons  de  palmes 
plus  ou  moins  agrémentés  de  nervures  et  de  volutes.  La  ceinture  de  cuir  a  la  forme 
d'un  très  long  rectangle  dans  lequel  on  a  inscrit  un  rinceau  supportant  d'ordinaire 
des  palmes  pins  ou  moins  épanouies. 

L'industrie  des  tissus  à  Tlemcen  est  de  beaucoup  la  plus  importante  de  toutes  -^ 
elle  était  déjà  réputée  au  moyen  fige  pour  la  finesse  de  ses  produits.  Le  tisserand 
tiemcenien  {derrêg)  ne  fabrique  que  des  vêtements  (burnous,  pantalons,  jellâbas,. 
ceintures,  etc.)  et  des  couvertures  de  laine.  Ce  travail  ne  présente  absolument  rien 
à  noter  au  point  de  vue  artistique,  et  les  dessins  géométriques  dont  sont  ornées  les 
couvertures  de  laine  (boUânîya)  ne  méritent  pas  qu'on  s'y  arrête  ici. 

L'industrie  des  tapis  se  borne  à  Tlemcen  à  la  fabricatien  de  tapis  de  laine 
(eerhïya)  du  type  marocain  (Rbât)  ou  oriental  (Smyme).  Cette  industrie  n'existe 
ici,  que  depuis  peu  d'années,  à  Técole  des  tapis  indigènes  fondée  par  T Alliance 
française  et  dont  on  a  parlé  plus  haut.  Il  n'y  a  pas  à  Tlemcen  d'autre  atelier  de  ce 
genre,  et  seules,  les  fillettes  formées  par  cette  école,  ont  des  métiers  et  travaillent 
chez  elles.  L'école  fabrique  elle-même  la  teinture  végétale  pour  ses  laines.  Le  dessia 
reproduit  est  très  varié  ;  il  provient  de  modèles  à  motifs  géométriques  et  floraux,, 
fournis  par  le  Gouvernement  général  de  l'Algérie.  Il  y  aurait  encore  de  beaux 
modèles  de  dessin  à  puiser  ici  dans  les  décors  de  faïences  vernissées  et  de  briques^ 
ainsi  que  dans  les  revêtements  en  plâtre  des  vieux  monuments  tlemceniens. 

C)  Les  arts  de  rexpresslon.  —  1^  La  musique.  Le  musulman  tiemcenien  est 
très  amateur  de  chant  et  de  musique.  En  dehors  des  fêtes  publiques  ou  privées,  des 
mariages  et  des  réunions  d'amis,  auxquelles  sont  conviés  des  musiciens  et  des 
chanteurs,  les  cafés  maures,  en  été  surtout,  sont  transformés  le  soir  en  véritables 
cafés-concerts,  dont  l'élément  féminin  est  d'ailleurs  exclu.  Les  confréries  religieuses 
elles-mêmes  ont  leurs  orchestres  spéciaux  qui,  dans  certains  cas,  accompagnent  les- 
foqra  ou  frères,  pendant  qu'ils  psalmodient  leur  dxikr. 

Les  musulmans  ont  ici  plusieurs  sortes  d'orchestres  qui  se  distinguent  les  uns 
des  autres  par  les  musiciens  et  les  instruments  qui  entrent  dans  leur  compositioD 
ainsi  que  par  les  chants  ou  les  danses  qu'ils  accompagnent. 

a)  L'orchestre  des  hêlïytn  comprend  cinq  musiciens  (fig.  29):  un  chef  de  musique 
(ma^allem)  qui  joue  du  rhêh^  sorte  de  guitare  à  deux  cordes^  ou  du  violon  (kmendja)^ 
un  baeh'kyâtsri  et  un  kyâtsri  qui  jouent  de  la  hoûïisra^  sorte  de  mandoline  arabe 


^  J'ai  donné  une  description  du  rbéb  et  la  manière  de  raccorder  dans  ane  note  du  Journal  asia^ 
tiqt40,  8f  pt.-oct.  1902,  p.  200-201. 


1908.]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE    TLEMCEN.  [P.  439«  ' 

■à  dix  cordes,  un  terrâr^  qui  joue  du  ierr  (iâr  à  la  campagne)  ou  petit  tambour  de 
basque,  un  drd&A;/ jouant  de  la  derboûka}.  L'orchestre  des  bêlïyin  chante  des  poésies 
en  s^accompagnant  des  instruments.  Ces  chansons  sont  composées  en  arabe  littéraire 
ou  en  arabe  vulgaire  ;  celles  d'arabe  littéraire  sont  connues  sous  le  nom  général  de 
r^amâta  (nom  de  la  ville  de  Grenade)  ;  ce  sont  des  poésies  d'amour.  Ces  chants 
^enadins  ont  été  importés  à  Tlemcen  vers  la  fin  de  notre  moyen-âge  par  les  Maures 
andalous.  Les  r^amaiaSi  selon  la  mesure  sur  laquelle  ils  sont  chantés,  se  divisent 
on  plusieurs  catégories  ou  nouba.  On  comptait  parait-U  en  Andalousie,  au  temps 
des  Maures,  jusqu'à  24  espèces  de  nouba  ;  mais  à  Tlemcen  aujourd'hui,  on  n'en 
-connaît  plus  que  huit  ou  neuf.  L'exécution  d'une  noûba  peut  durer  deux  ou  trois 
heures  et  comporte  plusieurs  poèmes  distincts  chantés  les  uns  à  la  suite  des  autres, 
dhaque  noûba  comprend  cinq  parties  :  d'abord  une  toûchïya  ou  morceau  de  musique 
de  tous  les  instruments  ensemble^  sans  chant  ;  puis  un  mçedder  qui  est  le  chant 
par  les  musiciens  avec  accompagnement  de  tous  les  instruments  ;  puis  viennent  le 
derdj^  Vençrâfet  le  kholâç  qui  ne  diffèrent  les  uns  des  autres  et  du  mçedder  que 
par  le  rythme  qui  est  de  plus  on  plus  rapide. 

Pendant  une  noûba,  lorsque  les  musiciens  ont  achevé  une  poésie,  avant  de 
oommenoer  la  suivante,  on  marque  un  temps  d'arrêt  dans  le  chant,  mais  l'orchestre 
-continue  de  jouer  ;  cette  suspension  de  chant  se  nomme  Jcorsi.  L'instrument  dont 
^e  sert  le  ma'allem,  dans  le  r'arnata  est  le  rbéb. 

Quand  l'orchestre  chante  de  l'arabe  vulgaire,  le  ma^allem  joue  du  violon, 
-quelquefois  du  sentir^  sorte  de  luth  (sur  les  cordes  métalliques  duquel  il  frappe 
avec  deux  baguettes  de  cuivre)  ou  du  qânoun^  espèce  de  harpe  ;  il  n'est  pas  astreint 
non  plus  à  suivre  les  règles  indiquées  pour  le  r'arnata.  Les  chansons  d'arabe  vulgaire 
peuvent  être  chantées  sur  des  rythmes  divers,  au  gré  du  ma'allem.  Ici  le  chant  ne 
comprend  que  deux  parties,  un  ^aroûbi  ou  partie  pendant  laquelle  un  seul  musicien 
chante  en  s'accompagnant  lui-même  de  son  instrument,  puis  un  dour  ou  refrain 
que  tout  l'orchestre  reprend  ensemble  avec  accompagnement  de  tous  les  instruments. 
Les  principales  variétés  de  poésies  chantées  aujourd'hui  à  Tlemcen,  en  dehors  de  la 
r'arnata,  sont  le  jsendâli,  poésies  amoureuses  magnifiant  les  beautés  de  la  maîtresse 
ot  le  charme  d'être  auprès  d'elle,  le  hezBân^  élégies  dans  lesquelles  le  poète  déplore 
la  séparation  ou  la  perte  de  sa  maîtresse,  le  khoçam  ou  discussion  amoureuse. 
Tlemcen  ne  compte  aujourd'hui  que  trois  orchestres  de  hêlïyîn  musulmans  et  un 
de  hêlïyîn  juifs  ;  ce  dernier  est  de  même  composition,  joue  les  mêmes  morceaux  et 
ohante  les  mêmes  poésies  que  les  hêlïyîn  musulmans^. 

b)  L'orchestre  de  iobbâîîn  est  composé  d'un  bach-r'ïyât^  de  trois  ou  quatre 
r'ïyâtîffif  de  deux  tpbbâlîn  (singulier  =  tqbbâl,  joueur  de  ibel^  sorte  de  gros  tam- 
bour) et  d'un  joueur  de  narVêts^  sorte  de  petit  tambourin  double^,  sur  lequel  on 

^  C'est  un  tabe  en  cuivre  ou  en  poterie  d'en^iroD  O^^SO  de  long  et  renflé  &  Tune  de  ses  extrémi- 
tés. L'extrémité  la  plus  large  (environ  0^15  de  diamètre)  est  fermée  par  une  peau  tendue;  l'autre 
extrémité  est  ouverte.  Le  drâbki  tient  l'instrument  sur  la  hanche  et  frappe  avec  ses  doigts,  des 
-deux  mains  alternativement. 

^  Je  dois  ces  renseignements  sur  les  orchestres  tlemcen i ens  d'hélïyln  à  M.  Bouali,  mouderrés 
^e  la  Grande  Mosquée  de  Tlemcen,  qui  est  lui-même  musicien  à  ses  moments  de  loisir,  et  a  écrit 
5in  traité  sur  la  musique  arabe,  intitulé  eU^^  %a»'i\  ^  cUaS^  s**^  v»^  (Alger,  1904). 

3  L'instrument  du  r'ïyàp  (pi.  r'îyaftn)  est  la  t^àîia,  sorte  de  musette  à  anche  que  J'ai  décrite» 
ainsi  que  le  tbd,  dans  le  Journal  asiatique^  loc.  eit,  p.  201-20E. 

*  Chacun  des  tambourins  réunis,  qui  forment  le  narVets^  se  nomme  fbila;  la  (bila,  qu'on 
retrouve  dans  d'auires  orchestres,  est  un  vase  en  cuivre,  fermé  par  une  peau  ;  elle  a  la  forme,  et. 
i  peu  près  la  dimension,  de  la  moitié  d'un  gros  œuf  d'autruche,  obtenue  en  coupant  l'œuf  par  un 
l>lan  perpendiculaire  à  une  ligne  réunissant  les  deux  pointes. 


p.  440.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908» 

frappe  avec  deux  baguettes  légères  en  bois.  On  a  vu  que  ce  sont  les  tobbâiin  qui 
ferment  le  cortège  accompagnant  on  marié,  le  soir  du  mariage,  du  bain  maure  à 
la  maison  nuptiale. 

c)  L'orchestre  des  gelâtlïya  est  composé  de  deux  à  six  musiciens,  dont  un  ou 
deux  jouent  du  géllâlj  gros  tube  de  poterie  ou  de  bois  fermé  à  Tune  de  ses  extré- 
mités par  une  peau  tendue^  un  ou  deux  autres  jouent  de  la  geçba  ou  flute  de 
roseau,  un  autre  enfin  joue  du  bendaïr^  ;  mais  la  présence  de  ce  dernier  n'est  pas 
indispensable.  Le  chef  de  cet  orchestre  ne  joue  en  général  d'aucun  instrument,  il 
se  contente  de  faire  la  quête  parmi  le  public,  de  ramasser  l'argent  et  de  proclamer 
le  nom  des  généreux  donateurs.  Parfois  aussi  le  chef  joue  lui-même  du  zâmer^  qui 
est  une  sorte  de  cornemuse.  Ces  orchestres  tlemceniens  de  gélâïliya  joue  très 
rarement  à  Tlemcen  ;  ils  vont  donner  des  auditions  dans  les  Tillages  des  environs, 
à  l'occasion  des  mariages  et  des  fêtes. 

Les  Tlemceniens  n'ont  pas,  comme  les  ruraux,  de  nieddâh^  qui  chante  des 
poésies  à  la  louange  des  marabouts  locaux  et  du  prophète,  en  se  faisant  accompa- 
gner par  un  ou  deux  joueura  de  geçba^.  Les  meddâhs  qui  donnent  parfois  des  audi- 
tions publiques  à  Tlemcen,  surtout  les  jours  de  marché,  sont  des  étrangers. 

(d).  Certaines  confréries  religieuses  ont  des  orchestres  à  elles,  pour  accompa- 
gner les  frères  dans  la  récitation  du  dzikr.  Les  Qadrïyin  et  les  Tayyebiyîn  ont  des 
orchestres  composés  du  nar'rets  et  de  plateaux  en  cuivre  {sîniya)  qu'on  frappe  avec 
des  baguettes  ;  les  Aïssâoûa  se  font  accompagner  par  une  r'aïta,  plusieurs  bendâirs 
et  une  tbîla  ;  les  Nègres  ont  les  qarqâbou^  ou  castagnettes  métalliques,  le  gofnbri^ 
ou  guitare  grossière  et  la  tbîla  ;  mais  quand  l'orchestre  des  Nègres  joue  en  marche, 
ou  remplace  la  tbila  par  deux  tbels. 

(e).  Les  femmes  ont  aussi  leurs  musiciennes  et  leurs  orchestres.  A  Toccasioa 
des  cérémonies  du  mariage,  on  a  déjà  parlé  de  Bents  kolîla  qui  vient  maquiller  la 
mariée  à  plusieurs  reprises.  Or  Bents  kolila  —  dont  le  rôle  magique  dans  ces  cir- 
constances est  bien  marqué  —  est  en  même  temps  musicienne  ;  elle  apporte 
toujours  avec  elle  sa  ibila  et  en  joue,  tandis  qu'une  autre  femme  l'accompagne 
avec  le  tambour  de  basque^. 

(f).  Pour  les  fêtes  de  famille,  lorsque  les  Tlemceniennes  se  réunissent,  elles 
font  généralement  venir  un  orchestre  féminin  qui  a  pour  but  d'accompagner  les 
danseuses.  Ce  genre  d'orchestre  se  compose  d'une  directrice,  fqira^  qui  joue  de  la 
thila^  puis,  en  face  d'elle  une  joueuse  de  terr^  à  sa  droite  une  joueuse  de  gauêlf 
à  sa  gauche  une  joueuse  de  bendaïr.  Au  milieu  de  l'orchestre  on  dispose  une  table 
basse  sur  laquelle  on  sert  du  café  et  du  thé  aux  musiciennes.  Généralement  ces 
orchestres  de  femmes  chantent  des  poèmes  sur  les  saints  du  pays  et  sur  le  Prophète  ; 
la  fqîra  chante  un  ou  deux  vers  en  s'accompagnant  et  l'orchestre  reprend  ensuite 
avec  accompagnement  des  instruments.  Les  assistantes  ont  pour  habitude  de  mar> 
quer  la  cadence  en  frappant  dans  leurs  mains. 

2^  La  littérature  populaire.  —  Si  l'on  met  de  côté  les  poésies  d'arabe  litté- 
raire, chantées  sous  le  nom  de  r'arnâ^,  qui  datent  de  l'époque  dqà  ancienne  où 


^  Dans  la  traDscription  donnée  ici  le  p  doit  se  prononcer  ^uedar.  hegêfîàl  se  nomme  aussi 
gouél  à  Tlemcen.  Pour  jouer  de  cet  instrument  on  le  place  sous  !e  bras  gauche,  et  l'on  frappe sor 
la  peau  avec  les  doigts  comme  pour  la  derboûka  à  laquelle  le  gellàl  ressemble  beaucoup. 

*  Le  hetidaïr,  beaucoup  plus  grand  que  le  terr^  est  un  tambour  de  basque  sans  sonnette. 

'  Le  meddâb  tiemcenien  va  chez  des  amis  qui  l'invitent  &  dtner  et  chante  des  poésies,  sans 
aucun  accompagnement.  Ce  genre  de  rhapsode  est  devenu  fort  rare  à  Tlemcen. 

^  Bents  Kolila  n'est  appelée  chez  les  particuliers  qu'à  l'occaaion  des  mariagee. 


1908.]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE   TLEMCEN.  [P.  441. 

fleurissait  la  littérature  arabe  en  Maghrib  et  en  Espagne,  et  sont  d'origine  étrangère 
pour  la  plupart,  il  reste  encore,  en  arabe  vulgaire,  une  foule  de  chansons.  Presque 
toutes  celles-ci  ont  été  composées  par  des  poètes  tlemceniens,  par  des  chikhà^, 
comme  on  les  appelle.  Il  y  a  encore  aujourd'hui  quelques  chikhs  tlemceniens  qui 
composent  des  chansons  et  commencent  par  les  chauter  eux-mêmes  pour  les  faire 
connaître.  Les  plus  goûtées  de  ces  chansons  tlemceniennes  sont  réunies  en  de 
volumineux  recueils  manuscrits  que  conservent  précieusement,  de  père  en  fils,  ceux 
qui  les  possèdent.  Dans  ces  recueils,  les  poésies  sont  presque  toujours  accompagnées 
du  nom  de  leur  auteur.  Les  chîkhs  les  plus  renommés  actuellement  vivaient  à 
Tlemcen  dans  le  dernier  siècle  de  la  domination  turque  ;  leurs  poésies  sont  chantées 
par  tous  les  orchestres  d'hêlïyîn  et  leur  nom  est  sur  toutes  les  lèvres  ;  on  citera 
seulement  ici  :  Benamsâïb  et  son  fils  Djeddi^  Ahmed  ben  Ettsrîki,  Benzegli,  Ben 
Sabla,  Saïd  ben  Abdallah,  Embarek  bou-letbâq,  Ben  R'embâza,  qui  pour  la  plupart 
vécurent  à  Tlemcen  et  j  furent  enterrés  ;  les  tombeaux  de  quelques-uns  d'entre  eux 
sont  vénérés  par  les  femmes,  à  Tégal  de  ceux  des  marabouts^. 

Ces  poésies  populaires  chantent  l'amour  et  la  femme,  Tlemcen  et  ses  beautés, 
les  saints  locaux  et  le  Prophète,  ou  bien  elles  glorifient  ou  maudissent  les  Turcs  et 
leur  administration,  selon  que  les  chikhs  étaient  les  amis  ou  les  ennemis  du  gou- 
vernement d'alors,  ou  encore,  ce  sont  des  poésies  mystiques. 

Les  poèmes  d'origine  non  tlemcenienne,  comme  par  exemple  ces  chants, 
encore  si  répandus  dans  l'Afrique  du  Nord,  de  la  geste  des  Arabes  Hilaliens,  sont 
peu  connus  et  peu  recherchés  des  Tlemceniens. 

En  dehors  de  ces  chansons  qui  demandent  un  accompagnement  rythmique 
d'instruments  de  musique,  Tlemcen  a  aussi  un  grand  nombre  de  poésies  qui  se 
chantent  sans  aucun  accompagnement. 

Il  y  a  d'abord,  comme  partout,  les  chansons  des  métiers  ;  elles  sont  particu- 
lières à  telle  ou  telle  corporation  et  les  ouvriers  les  chantent  en  travaillant.  Ces 
chansons  généralement  très  courtes,  ont  trait  au  travail  auquel  se  livre  l'ouvrier, 
au  patron  de  l'atelier,  à  sa  famille  et  à  son  personnel  ;  on  y  parle  aussi  de  Dieu  et 
du  Diable,  des  Démons  et  des  Saints.  Toutes  ces  chansons  ne  sont  pas  purement 
locales,  on  les  retrouve  ailleurs  qu'à  Tlemcen  ;  certains  ouvriers  étrangers  ont  aussi 
importé  ici  les  chansons  de  leur  pays.  Ainsi  ce  chant  des  apprentis  tisserands  vient 
directement  de  Fez,  par  le  canal  des  ouvriers  tisserands  marocains  qui  sont  nom- 
breux à  Tlemcen. 

«  Bourse  sur  bourse.  —  Que  Dieu  fasse  miséricorde  à  Moulai  Idrîs'  —  (et  lui 
accorde)  un  tellîs  (double-sac)  d'or  —  et  une  r*orâra  (synon.  de  tellîs)  d'argent  — 
que  Dieu  accroisse  ta  population,  ô  Fez  !  —  qu'il  rende  désert  le  pays  des  chré- 
tiens I  9 

Alors  que  les  longues  poésies  chantées  en  musique  ont  toutes  quelque  préten- 
tion littéraire,  qui  se  traduit  par  l'emploi  de  nombreux  mots  et  expressions  de  la 
langue  des  livres,  celles-ci,  ainsi  que  les  suivantes,  sont  composées  uniquement 


^  CMhh  avec  ce  seD8,  fait  au  pluriel  chioûhh  et  chioùk?ta,  et  désigne  non  seulement  le  poète,  mais 
aussi  celui  qui  chante  la  poésie.  La  femme  qui  fait  profession  de  chanter  ces  poèmes  e^t  une 
fgira  ;  on  n*en  connaît  guère  qu'une  actuellement  à  Tlemcen,  c'est  la  fqlra  'Aicha. 

'  Tel  par  exemple  le  tombeau  de  chikh  Benamsâïb  (dont  le  nom  véritable  est  Amsàïb^  figurant 
sur  l'épitaphe),  qui  mourut  en  1180  de  l'hégire  (1766  de  J.-C). 

^  Ces  mêmes  mots  se  retrouvent  dans  un  chant  de  forgeron  donné  par  W.  Marçais  dans  son 
Dialecte  de  Tlemcen  {p.  287);  on  trouver  aussi  dans  ce  livre  trois  chansons  tlemceniennes  de 
métiers  et  neuf  chansons  dVnfants,  ainsi  que  cinq  berceuses. 


p.  442.]  •    R    •    E    •     E    •    S    •  [1908. 

dans  le  langage  parlé  par  le  commun.  C'est  peat-ètre  pour  cette  raison  qu'il  est 
impossible  de  mettre  un  nom  d'auteur  sur  Tune  d'elle.  Personne  ne  songerait  à  les 
écrire. 

Les  enfants  ont  leurs  chansonnettes  de  la  rue,  dont  les  principaux  acteurs  sont 
des  personnages  mythiques,  ou  encore  les  grands  marabouts  du  pays,  le  Prophète, 
les  animaux  et,  en  particulier,  la  cigogne  qui  revient  chaque  année  de  son  mysté- 
rieux voyage,  pour  faire  son  nid  sur  les  hauts  minarets  ;  on  y  parle  aussi  de  la 
religion,  du  paradis,  des  fêtes  de  l'Islam,  etc...^ 

Les  mamans  ont  leurs  berceuses  pour  endormir  les  tout  petits.  On  retrouve 
souvent  dans  ces  berceuses  des  traces  de  la  croyance  si  générale  à  l'apparition  de 
l'âme  sous  la  forme  d'un  oiseau. 

Enfin,  un  chant,  bien  tlemcenien  celui-ci,  le  haoûfi  est  la  chanson  favorite  des 
jeunes  femmes.  Le  hao&fi  est  la  propriété  exclusive  des  femmes  et  des  jeunes  filles 
elles  le  chantent  surtout  dans  les  jardins,  à  la  campagne,  par  les  belles  journées 
de  printemps  ou  d'été.  Dans  ces  petites  pièces  de  vers,  les  auteurs  anonymes 
tlemceniens  sans  doute,  ont  surtout  chanté  Tlemcen  et  ses  environs  si  charmants 
ses  saints  vénérés  et  Lalla  Setti,  la  patronne  des  Tlemceniennes  ;  ils  y  ont  réservé 
aussi  une  large  place  aux  amours  et  aux  mariages  entre  cousins  et  cousines,  si 
communs  dans  cette  ville^. 

La  prose  elle  aussi  tient  une  place  considérable  dans  la  littérature  populaire 
de  Tlemcen.  Le  soir  entre  amis,  chez  soi  ou  au  café  maure,  on  veille  et  l'on  raconte 
des  histoires,  a)  La  légende  (qçïya)  pour  le  Tlemcenien  ignorant  constitue  l'histoire 
véridique  de  sa  cité  bien-aimée  et  des  rois,  des  saints,  des  héros  qui  l'ont  jadis 
illustrée.  Il  n'est  guère  de  monuments,  même  ruinés,  d'anciens  palais  ou  châteaux, 
de  marabouts,  qui  n'aient  leur  légende  dorée;  les  djinns  eux-même  ont  leur  part 
dans  ces  histoires,  qui  relatent  aussi  des  &its  historiques  plus  ou  moins  travestis, 
renferment  des  souvenirs  des  guerres  d'autrefois,  des  sièges  que  Tlemcen  eut  à 
soutenir,  s'étendent  même  à  l'histoire  des  Prophètes,  des  rois,  des  héros  de 
tout  risiâm,  etc.. 

b)  A  Tlemcen,  comme  partout  ailleurs, on  a  aussi  le  conte  ou  la  fable (Ä;Aorri/a), 
récit  merveilleux,  sans  nom  d'auteur,  sans  date  approximative,  sans  détermination 
de  lieu.  Gomme  tous  les  contes,  ceux  de  Tlemcen,  mettent  en  scène,  les  hommes, 
les  animaux,  les  phénomènes  de  la  nature,  dont  ils  expliquent  les  causes  à  leur 
façon,  les  êtres  fantastiques,  etc..  ;  ils  commencent  aussi  par  :  «  il  était  une  fois...  « 
On  ne  croit  pas  absolument  au  conte,  comme  on  croit  à  la  légende,  mais  on  s'en 
amuse  et  l'on  est  toi^jours  plus  ou  moins  impressionné  par  la  morale  qu'il  renferme 
parfois. 

c)  Le  Tlemcenien  aime  aussi  la  devinette  (hodjjaïya)  et  lorsque  quelques  amis 
sont  réunis  et  désœuvrés,  il  est  rare  que  l'un  d'entre  eux  ne  pose  des  devinettes  à 
ses  camarades  ;  il  commence  par  ces  mots  adressés  à  l'un  des  présents  :  hâdjjitsèk 
«t  Je  te  pose  des  devinettes  »,  et  ajoute  presque  aussitôt  :  loûJcên  ma  hoûma  ma 
djîtsek  «  sans  eux  je  ne  serais  pas  venu  !  »  à  quoi  l'on  répond  :  er-rylin^  les  pieds  ! 
et  l'on  continue  ainsi  par  d'autres  devinettes. 


^  Pour  Tlemcen,  à  part  les  chansons  d'enfants  publiées  par  M.  W.  Marçau,  et  que  j*ai  signa- 
lées ci-dessus,  J'ai  donné  les  chansons  que  les  petits  Tlemceniens  débitent  dans  les  roes  pour 
demander  la  pluie,  dans  mes  RUes  pour  obtenir  la  pluie  en  temps  de  sécheresse,  Alger  1905, 
p.  25  (Ext.  des  Memoir,  pub.  par  TEcole  des  Lettres  d'Alger  en  Thonneur  du  XIV*  Congtds  des 
Orientalistes). 

*  On  trouvera  vingt-cinq  pièces  de  ^aoùfi  et  des  détails  sur  ce  chant  tlemcenien  ap.  W.  Mar- 
çAis,  Le  dialecte  de  Tlemcen,  pp.  205-240. 


1908«]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE   TLEMCEN.  [P,  443. 

d)  Gomme  tous  nos  musulmans  nord-africaios,  le  TIemcenien  a  aussi  ses  nom- 
breux proverbes  et  maximes  sentencieuses,  dictons  et  apophtegmes  ;  quelques-uns 
sont  locaux,  ils  ont  trait  au  pays  tlemcenien,  aux  industries  locales,  etc..  Rarement 
ils  sont  attribués  à  tel  ou  tel  personnage  connu.  Mais  beaucoup  de  proverbes  tlem- 
ceniens  se  retrouvent  ailleurs  et  il  serait,  en  tous  cas,  bien  ditficile  d^en  fixer 
l'origine.  Les  proverbes  si  connus  de  Sidi  Ahmed  ben  Youçef  et  d'Abd-er- Rahman 
el-Mejdoûb  se  retrouvent  naturellement  ici. 


La  famille  M  la  sociaé. 

Les  Tlemceniens  ont  conservé  un  certain  nombre  d^anciennes  règles  de  droit 
coutumier,  dont  quelques-unes  d'ailleurs  semblent  tomber  dans  Tabandon.  Ces 
coutumes  locales,  relatives  au  commerce,  à  l'industrie,  à  l'agriculture,  à  certaines 
fêtes  familiales^  ont  le  même  caractère  que  les  usages  analogues  que  l'on  retrouve 
chez  les  indigènes  de  tout  le  Nord  africain  ;  elles  ont  pour  but  de  suppléer  au 
manque  de  numéraire  disponible  et  au  prêt  à  intérêt,  interdit  par  l'Islam,  par  le 
paiement  en  nature,  le  crédit  dans  des  conditions  spéciales,  l'association  du  patron 
et  des  ouvriers  dans  les  bénéfices  et  dans  les  pertes,  le  prêt  sous  forme  de  don  rem- 
boursable à  l'occasion  de  telle  ou  telle  cérémonie  probable,  etc.. 

A  part  ces  coutumes,  la  société  musulmane  est  régie  à  Tlemcen,  par  les  mêmes 
lois  civiles  et  religieuses,  musulmanes  et  françaises,  que  tous  les  musulmans  de 
l'Algérie.  La  famille  et  le  rôle  qu'y  jouent  les  divers  individus  qui  la  composent, 
mérite  cependant  quelques  explications. 

La  monogamie  qui  semble  passer  de  plus  en  plus  dans  les  mœurs  des  popula- 
tions citadines  musulmanes  de  ce  pays,  est  une  règle  ne  souffrant  que  fort  peu 
d'exceptions  à  Tiemcen.  Les  fils  mariés  demeurent  dans  la  maison  paternelle,  au 
moins  pendant  plusieurs  années.  Le  grand-père  —  ou,  à  défaut  du  grand-père,  le 
père  —  est  le  chef  de  la  famille  ;  les  enfants  et  petits-enfants  l'appellent  d'ordi- 
naire sîdi  «  monseigneur  »  et  tous  ont  pour  lui  un  très  grand  respect.  Ce  seigneur 
du  foyer  domestique  prend  ses  repas  seul,  surtout  dans  la  classe  élevée,  à  moins 
qu'il  n'autorise  un  ou  plusieurs  de  ses  enfants  ou  petits-enfants  à  les  partager  avec 
lui.  Les  hommes  mangent  séparés  des  femmes,  dès  que  la  famille  comprend  d'autres 
personnes  que  le  mari  et  la  femme.  Les  jeunes  enfants,  fillettes  et  garçons  prennent 
d'ordinaire  leurs  repas  avec  les  femmes  ;  mais  dès  que  les  garçons  sont  en  âge  de 
se  marier,  ils  n'entrent  plus  guère  dans  le  gynécée  ;  ils  mangent  à  part  ou  avec  le 
père.  Souvent  le  père  ne  fait  la  faveur  de  les  admettre  à  sa  table  qu'à  ceux  de  ses  fils 
qui  font  leurs  prières  quotidiennes.  Le  premier-né  des  garçons  d'une  famille,  jusqu'à 
l'âge  de  quatre  ou  cinq  ans  ne  doit  pas  se  trouver,  en  même  temps  que  son  père,  en 
la  présence  du  grand-père.  C'est  encore  un  curieux  cas  d'interdiction  à  ajouter  à 
ceux  qui  ont  été  signalés  plus  haut  pour  les  jeunes  mariés. 

La  femme  des  ruraux  va  et  vient,  autour  des  tentes  ou  des  maisons,  le  visage 
entièrement  découvert  ;  la  Tlemoenienne  au  contraire,  comme  d'ailleurs  les  femmes 
des  autres  villes,  a  la  figure  entièrement  couverte,  ainsi  que  le  corps,  de  son  blanc 
haïk  de  laine,  et  ne  sort  pas  de  chez  elle  quand  elle  veut.  Dès  qu'elle  atteint  douze 


^  Les  principales  de  ces  coutumes  sont  exposées  dans  la  brochure  de  Abod  Bbrr,  Usages  de 
droit  cotUumier  dans  la  région  de  Tiemcen^  1  vol.  in-8, 116  p.  Tlemcen  1906. 


p.  444.)  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

à  quatorze  ans,  c'est-à-dire  qaand  elle  devient  nubile,  la  Tlemconienne  prend  le 
Toile  et  le  garde  toute  sa  vie.  A  partir  de  ce  moment,  elle  ne  peut  sortir  de  chez 
elle  qu'avec  Tautorisation  de  son  père,  de  sa  mère,  ou  du  chef  de  famille,  quand 
elle  n'est  pas  mariée,  avec  la  permission  de  son  mari,  du  père  ou  de  la  mère  de 
celui-ci,  lorsqu'elle  est  mariée  ;  elle  ne  sort  guère  que  pour  aller  au  bain  maure,  en 
pèlerinage  aux  marabouts,  au  cimetière,  ou  pour  faire  des  visites  aux  amies,  surtout 
à  Toccasion  d'une  fête  de  famille  ;  dans  ses  sorties,  la  femme  est  presque  toujours 
accompagnée  par  une  parente  ou  quelque  enfant  de  la  maison,  et  même  pendant 
les  premières  années  de  son  mariage  elle  ne  sort  qu'avec  sa  belle-mère  ou  ses 
belles-sœurs.  C'est  rarement  la  femme  qui  fait  les  provisions  journalières  pour  le 
ménage,  c'est  généralement  l'homme  ou  l'un  des  enfants.  Dans  sa  maison,  quand 
elle  n'a  pas  de  domestique,  la  femme  se  charge  entièrement  des  soins  de  propreté 
des  appartements,  fait  la  cuisine  et  le  pain  ;  en  outre,  quelques-unes  tissent  des 
burnous,  filent  et  tricotent  de  la  laine,  font  de  la  dentelle,  brodent  des  vêtements, 
il  en  est  qui  savent  coudre  et  raccommoder  ;  cependant  beaucoup  sont  encore 
désœuvrées. 

En  vertu  du  droit  musulman  le  mari  a  la  faculté  d'infliger  à  sa  femme  la  cor- 
rection corporelle.  Il  semble  que  le  Tlemcenien  use  modérément  de  ce  droit  qui  est 
d'ailleurs  tempéré  par  notre  Code  pénal.  La  femme  qui  aurait  subi  des  violences 
laissant  des  traces,  peut  toujours  requérir  la  justice  française  et  amener  son  mari 
devant  le  Tribunal  répressif  :  le  cas  se  produit  très  rarement. 

Le  droit  de  djehr  ou  de  contrainte  matrimoniale,  permet  au  musulman  de 
marier  ses  enfants  à  son  gré  et  sans  les  consultera  A  Tlemcen,  le  père  —  ou  à 
défaut  son  représentant  —  choisit  à  son  fils  la  femme  qu'il  veut  lui  donner,  après 
avoir  consulté  sa  femme  et  ses  parents  âgés  s'il  en  a.  11  s'entend  ensuite  avec  le 
père  de  la  jeune  fille,  sur  les  conditions  de  la  dot  ou  don  nuptial,  que  le  mari  doit 
apporter  à  sa  femme.  Ni  le  jeune  homme,  ni  la  jeune  fille  ne  sont  consultés.  Les 
futurs  époux  sont  généralement  parents  au  degré  de  cousins  germains  ou  à  un 
degré  plus  éloigné  ;  ils  ont  pu  jouer  ensemble  étant  jeunes,  ou  se  regarder  à  la 
dérobée  depuis,  mais,  à  partir  du  jour  où  la  jeune  fille  a  pris  le  voile,  le  fiancé  n'a 
pas  dû  revoir  sa  future  femme,  jusqu'au  soir  de  la  consommation  du  mariage.  On 
comprend  que  de  semblables  alliances,  qui  ne  sont  basées  que  sur  les  convenances 
personnelles  des  parents,  et  ne  sont  pas  cimentées  d'ordinaire  par  l'affection  et  la 
confiance  réciproque  des  conjoints,  fassent  souvent  des  ménages  mal  unis  et  des 
alliances  peu  durables.  Le  divorce  ou  la  répudiation  s'obtiennent  d'ailleurs  facile- 
ment devant  le  cadi  ;  cependant  cette  rupture  de  l'union  conjugale  est  extrême- 
ment rare  à  Tlemcen. 

Le  mariage  tlemcenien,  entre  consanguins,  à  un  degré  assez  rapproché,  est 
préjudiciable  à  la  santé  des  enfants.  En  outre,  les  dépenses  très  lourdes  que  doit 
s'imposer  le  mari  pour  payer  la  dot  (de  1500  à  3000  francs,  en  moyenne),  et  couvrir 
les  frais  du  mariage  (moyenne  de  500  à  1000  francs)  sont  souvent  une  cause  de 
ruine  dans  les  familles  médiocrement  aisées.  Les  dépenses  nécessitées  par  le 
mariage  ont  du  moins  pour  résultat  de  le  retarder  quelquefois,  et  dans  la  classe 
moyenne  les  garçons  sont  rarement  mariés  avant  l'âge  de  18  ans,  tandis  que  les 
riches  marient  d'ordinaire  leurs  fils  à  partir  de  13  ou  14  ans. 


1  C'est  en  vertu  de  ce  droit  que  bien  souvent  des  musulmans  marient  leurs  fiUaa  impabères. 
bien  que  la  loi  musulmane  ne  l'admette  paa  et  que  l'administration  française  ait  fait  en  Algérie 
de  grands  efforts  pour  enrayer  cet  usage.  A  Tlemcen  du  moins,  ces  alliances  précoces  sont  à  pea 
prés  inconnues. 


1908.]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE    TLEMCEN.  [P.  445. 

La  femme  musulmane,  malgré  la  sujétion  dans  laquelle  elle  est  placée  vis  à 
vis  du  mari,  doit  non  seulement  être  entretenue  par  son  époux  et  pouvoir  jouir 
personnellement  de  tous  les  biens  qu'elle  possède  en  propre,  mais  encore,  à  Tlem- 
cen  elle  a,  en  général,  une  certaine  autorité  dans  la  maison  ;  le  mari  se  passe 
rarement  de  la  consulter,  et  suit  souvent  ses  conseils  paraît-il,  dans  toutes  les 
affaires  intéressant  le  ménage  et  la  famille.  Le  mari  tlemcenien  ne  considère  pas 
toujours  sa  femme  —  comme  le  rural  par  exemple  —  comme  un  simple  objet  de 
plaisir  et  une  sorte  de  servante  qui  doit  lui  obéir  et  travailler  ;  il  la  traite  souvent 
en  compagne  à  laquelle  il  se  plait  à  acheter  de  beaux  vêtements,  des  bijoux  et  des 
oripeaux  et  voit  en  elle  la  mère  de  ses  enfants  ;  il  lui  abandonne  l'éducation  des 
garçons,  jusqu'à  l'âge  de  sept  ans  environ,  et  celle  des  filles  jusqu'à  leur  mariage. 
La  mère  est  généralement  aimée  et  respectée  de  ses  enfants. 

A  Tlemcen,  comme  dans  tout  l'Islam,  le  célibat  est  très  rare,  dans  les  deux 
sexes.  La  veuve,  à  moins  qu'elle  ne  soit  très  jeune,  ne  cherche  guère  à  se  remarier  ; 
elle  ne  trouve  d'ailleurs  pas  facilement  un  mari  quand  elle  a  des  enfants  et  qu'elle 
n'est  pas  riche.  La  femme  âgée  est  généralement  bien  traitée  ici  par  ses  parents  ; 
ses  enfants  et  petits  enfants  l'écoutent  avec  respect  et  lui  témoignent  beaucoup  de 
prévenance  et  même  d'affection. 

On  a  vu  que  l'éducation  religieuse  des  fils  incombait  au  père,  lorsque  l'enfant 
atteignait  l'âge  de  sept  ans  environ.  C'est  le  père  qui  doit  enseigner  à  son  fils  les  bons 
usages  et  les  règles  de  la  civilité  ;  il  lui  apprend  comment  il  doit  se  vêtir  et  se  laver, 
se  tenir  à  table,  saluer  les  parents  et  les  étrangers  selon  leur  âge  et  leur  qualité  ; 
il  lui  dicte  en  un  mot,  dans  ses  moindres  détails,  la  conduite  qu'il  doit  avoir  dans 
la  famille  et  dans  la  société.  De  bonne  heure,' le  père  envoie  son  fils  à  l'école  ou  à 
Tatet ier  et  le  réprimande  sévèrement  s'il  n'est  pas  satisfait  de  son  travail. 

Certes,  le  tlemcenien  a  une  préférence  marquée  pour  les  garçons,  mais  il  aime 
aassi  ses  filles,  met  tout  son  orgueil  à  les  voir  bien  vêtues  et  à  les  parer  de  bijoux, 
quand  il  le  peut. 

Les  divisions  que  l'on  rencontre  dans  la  famille,  entre  individus  des  deux 
sexes,  se  retrouvent  naturellement  dans  la  société.  Les  femmes  sont  toujours  sépa- 
rées des  hommes.  Les  vieilles  seules  sont  parfois  admises  en  la  présence  des 
hommes  ;  mais  cela  est  encore  assez  rare. 

La  vie  publique  de  la  femme  se  réduit  en  somme  à  quelques  visites  aux  amies 
et  parentes,  à  l'occasion  des  fêtes  familiales,  et  aux  réunions  avec  les  autres 
femmes,  soit  au  bain  maure,  soit  au  cimetière,  ou  auprès  des  sanctuaires  des  mara- 
bouts. 

L'homme  au  contraire  n'est  presque  jamais  chez  lui,  en  dehors  des  heures 

consacrées  aux  repas  et  au  sommeil  ;  il  passe  sa  journée  à  son  travail  ou  au  café 

maure,  ou  encore  chez  des  amis,  avec  lesquels  il  cause  Joue  aux  cartes  et  s'amuse  ; 

il  fréquente  assez  régulièrement  la  mosquée  et  ne  manque  pas  les  fêtes  et  les  repas 

auxquels  il  est  convié. 

* 
♦      « 

En  résumé,  Tlemcen,  cette  ancienne  capitale  des  rois  du  Maghrib  central, 
renferme  encore  une  population  musulmane  considérable  qui  ne  manque  pas  d'ori- 
ginalité. Cette  population  se  distingue,  à  son  avantage  le  plus  souvent,  des  autres 
agglomérations  musulmanes  urbaines  ou  rurales,  par  son  activité  matérielle  et 
intellectuelle,  par  son  langage,  par  ses  habitudes  et  même  par  son  costume.  Les 
groupes  ethniques  qui  la  forment,  après  avoir  vécu  longtemps  en  ennemis,  tendent 


p.  446.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

peu  à  peu  vers  le  rapprochement  et  la  fusion,  auxquels  seuls  des  préjugés  de  race 
ou  d'origine  ont  jusqu'ici  fait  obstacle,  car  il  y  a  entre  ces  groupes  similitude 
absolue  de  croyances,  de  coutumes  et  de  mœurs. 

La  religiosité  de  cette  population  est  profonde  ;  elle  se  manifeste  dans  la  pra- 
tique fidèlement  suivie  des  principaux  dogmes  de  Tlslâm  et  du  cuite  des  saints, 
dans  des  croyances  animistes  et  des  cérémonies  magiques,  analogues,  au  moins 
pour  le  fond,  à  celles  que  Ton  retrouve  dans  toutes  les  sociétés  primitives  et  même 
encore  dans  l'Europe  moderne,  où  elles  représentent  les  survivances  d'une  culture 
barbare. 

C'est  plus  spécialement  la  femme  qui  détient  ici  le  domaine  si  vaste  des 
anciennes  traditions  du  paganisme,  du  culte  des  esprits  et  de  la  magie,  dont  l'homme 
est  d'ailleurs  loin  d'être  complètement  dégagé.  La  cause  en  est  dans  Tignorance 
profonde  dans  laquelle  la  femme  est  tenue,  dans  l'absence  de  toute  espèce  de 
culture  intellectuelle  un  peu  relevée,  dans  sa  semi- réclusion,  qui  lui  interdit  le 
contact  avec  la  société  qui  l'environne. 

Plus  laborieux  et  plus  intelligent  que  le  Bédouin,  le  Tlemcenien  mène  aussi 
une  vie  plus  aisée,  plus  facile  ;  il  jouit  d'assez  de  confort,  parfois  même  d'un  cer- 
tain luxe  dans  son  habitation  et  son  costume  ;  il  se  tient  proprement. 

La  situation  sociale  de  la  femme  tlemcenienne  qui  ne  sort  de  la  maison 
que  voilée  et  très  rarement  sans  la  permission  de  son  mari  ou  de  ses  parents, 
parait  moins  enviable  que  celle  de  la  femme  des  campagnes  qui  circule  au  milieu 
des  hommes  sans  se  couvrir  la  face.  Cependant  la  Tlemcenienne  jouit  dans  sa 
famille,  de  plus  d'initiative,  de  plus  d'autorité,  de  plus  d'affection  que  celle-là  qui 
est  astreinte  aux  travaux  les  plus  rudes,  partage  avec  plusieurs  co- épouses  les 
faveurs  du  mari,  et  ne  cesse  d'être  étroitement  surveillée  dans  ses  moindres  mou- 
vements. 

Certaines  familles,  par  leur  origine  chérifienne  ou  maraboutique,  jouissent  de 
quelque  crédit  et  de  respect  de  la  part  du  commun  peuple  ;  mais  il  n'existe  pas  de 
classes  sociales  nettement  distinctes  ;  chacun  ne  doit  son  rang  qu'à  ses  mérites 
personnels,  à  sa  fonction,  à  sa  fortune.  Les  femmes  vivent  à  part,  dans  la  famille, 
et  surtout  dans  la  société  ;  cette  règle  ne  souffre  guère  d'exception. 

Les  diverses  manifestations  de  la  vie  intellectuelle  et  de  la  vie  publique,  sont 
l'apanage  presque  exclusif  des  hommes. 

Le  Tlemcenien  est  très  fier  de  sa  ville  natale,  il  l'aime  et  ne  la  quitte  pas 
volontiers  ;  s'il  s'en  éloigne  ce  n'est  jamais  sans  esprit  de  retour.  Loin  de  Tlemcen, 
il  conserve  ses  habitudes  et  son  parler  local^.  Quelle  que  soit  sa  résidence,  il  se 
marie  d'ordinaire  à  Tlemcen  ;  mais  il  est  rare  qu'il  emmène,  avec  lui,  sa  femme  ; 
celle-ci  demeure  dans  la  maison  de  son  beau-père  et  préfère  vivre  loin  de  son  époux 
—  qui  vient  la  voir  de  temps  en  temps  —  que  loin  de  son  cher  Tlemcen. 

Tenue  à  l'écart  de  la  société  européenne,  à  Tlemcen  comme  presque  partout 
ailleurs  dans  ce  pays,  la  femme  musulmane  est  très  éloignée  de  nous,  sous  tous  les 
rapports.  Les  jeunes  tlemceniens  qui,  toujours  plus  nombreux,  fréquentent  nos 
écoles,  entrent  de  plus  en  plus  en  contact  avec  nous  par  la  communauté  du  lan- 
gage et  modifient  ainsi  peu  à  peu,  et  presque  à  leur  insu,  leurs  idées  et  leurs  habi- 
tudes pour  se  rapprocher  de  nous. 

Mais,  dans  son  ensemble,  la  société  musulmane  tlemcenienne  est  encore,  et 
sera  bien  longtemps,  profondément  différente  de  la  société  européenne  par  les 


Voyez  par  exemple  :  E.  Aubin,  Le  Maroc  d? aujourd'hui,  p*  153f  Paris,  Colin,  8«  éd.  19a5. 


1908«]  BEL    :    LA    POPULATION    MUSULMANE    DE   TLEMCEN.  [P.  447« 

_ .^_. ._ .._^ ...__. ..^.........^.  ......... .^.^^.....»........^.>.... — .~.................. ...... - .... ; 7 

croyances  Feligieuses,  la  langue,  les  mœurs,  Torganisation  familiale,  les  aspirations, 
en  un  mot,  par  sa  civilisathn.  Ce  n'est  pas  en  quelques  années  qu'une  population 
abattue  par  un  long  engourdissement  intellectuel  et  déprimée  par  des  siècles  de 
tyrannie  et  d'oppression,  peut  se  relever,  qu*elie  peut  abandonner  un  passé  de 
traditions  séculaires,  patrimoine  de  centaines  de  générations,  auquel  Tesprit 
profondément  conservateur  du  musulman  maghribin  la  retient  fermement  attachée  : 
s'il  faut  vingt  ans,  a  dit  un  sage,  pour  faire  un  homme,  il  faut  des  siècles  pour 
faire  l'éducation  d'un  peuple. 

«  Si  en  Angleterre,  a  dit  Tylor,  il  arrive  encore  que  de  rustres  paysans  soient 
«  cités  en  justice  pour  avoir  maltraité  une  vieille  femme  qu'ils  accusaient  d'avoir 
«  frappé  une  vache  de  stérilité  ou  d'avoir  gâté  un  champ  de  navets,  cela  nous  donne 
«  à  réfléchir  sur  la  ténacité  avec  laquelle  les  gens  de  campagne  se  cramponnent  aux 
»  extravagances  condamnées,  et  montre  quel  pressant  besoin  ils  ont  de  maîtres 
«  d'école^  9. 

Longtemps  encore,  Tlemeen,  qui  réserve  déjà  à  l'archéologie  tant  de  trésors 
d'architecture  moresque  de  la  belle  époque,  offrira  à  l'arabisant  et  au  sociologue  un 
vaste  champ  d'études  :  d'abord  dans  sa  population  musulmane  accueillante  et  sym- 
pathique, aux  manières  affables  et  distinguées,  dont  on  vient  de  signaler  les  carac- 
tères principaux,  ensuite  dans  sa  population  juive  qui  est  également  importante  et 
curieuse,  qui  parle  un  dialecte  arabe  —  différent  de  celui  des  musulmans  —  qui 
par  ses  mœurs,  ses  habitudes  religieuses,  ses  conditions  d'existence,  présente  de 
grandes  analogies  avec  la  société  musulmane  et  sur  laquelle  l'un  de  ses  rabbins, 
dans  une  étude  tracée  à  grands  traits,  a  déjà  attiré  l'attention^. 


^  Cf.  Edward  B.  Tylor,  La  civiUsation  primitive^  trad,  franc.  Paria  1876,  S  vol.  in-8, 1. 1, 
p.  163. 

*  Cf.  A.  Mbtkb,  Etude  sur  la  communauté  UraélUe  de  Tlemeen,  Alger,  1908, 1  vol.  in-6, 
151  pages. 


p.  448.]  •    R    •    £    •    E    •    S    •  [1908. 


LE   PEUPL.B   SIÉNA  OU   SÉNOUFO 

par  Maübiob  Dslafosbb  (Côte  dlvoire). 
(Suite.) 


31.  Les  classes  soeiaies. 

La  société  Siéna  se  divise  en  deux  classes  que  je  propose  d^appeler  celle  des 
nobles  et  celle  des  serfs^  quoique  cette  appellation  ne  soit  pas  absolument  exacte. 
Elle  l'est  plus  en  tout  cas  que  celles  Tulgairement  usitées  de  «  maîtres  et  captifs  » 
ou  de  «  libres  et  esclaves  »,  les  mots  «  captif  »  et  «  esclave  »  ayant  dans  nos  langues 
européennes  une  acception  qui  ne  répond  nullement  à  celle  du  mot  indigène  que, 
faute  de  mieux,  je  traduis  par  ■  serfs  ». 

Je  dirai  même  que  ces  deux  catégories  sociales  ne  sont  pas  à  proprement  parler 
des  classes,  mais  plutôt  des  conditions  de  vie  sociale  purement  accidentelles  :  un 
noble  en  effet  peut  devenir  serf  et  un  serf  peut  devenir  noble,  aucun  individu  n^ap- 
partient  nécessairement  de  par  sa  naissance  et  pour  toute  sa  vie  à  Tune  ou  à  Tautre 
catégorie.  La  répartition  est  due,  originairement,  aux  résultats  de  la  guerre,  ou  plus 
exactement  aux  effets  du  droit  du  plus  fort  et  aux  nécessités  de  Texistence. 

A  Torigine,  chaque  tribu  ou  sous-tribu  Siéna  a  été  constituée  par  la  famille  et 
les  descendants  de  Tancôtre  de  la  tribu  ou  sous-tribu  et  par  conséquent  ne  se  corn- 
posait  que  de  nobles.  Mais  au  cours  de  ses  migrations,  des  guerres  livrées  aux  autres 
tribus  Siéna  ou  à  des  peuples  étrangers,  la  famille  noble  constitutive  de  chaque 
tribu  ou  sous-tribu  s'est  augmentée  des  prisonniers  faits  à  la  guerre,  qui  sont  deve- 
nus les  serfs  de  la  famille  noble.  Les  nobles  engendrèrent  des  nobles,  les  serfs 
ODgendrèrent  entre  eux  ou  avec  les  nobles  des  serfs  ou  des  demi-serfs.  Cependant, 
au  bout  de  plusieurs  générations,  les  descendants  des  premiers  serfs,  demeurés  tou- 
jours attachés  à  la  même  famille  noble,  furent  considérés  à  leur  tour  comme  nobles, 
en  sorte  que  les  serfs  proprement  dits  ne  sont  au  fond  que  les  prisonniers  de  guerre, 
les  réfugiés  étrangers  et  les  esclaves  récemment  acquis  et  leurs  descendants  directs. 

Les  chefs  sont  en  général  des  nobles,  mais  ils  peuvent  être  aussi  des  serfs  ou 
des  gens  d'origine  servile,  comme  on  le  verra  au  chapitre  traitant  des  successions  ; 
un  serf  devenu  chef  est  anobli  par  ce  seul  fait,  ainsi  que  tous  ses  ascendants  et 
descendants. 

D'autre  part,  tel  individu,  noble  dans  une  tribu  donnée,  peut  devenir  serf  dans 
une  autre  tribu  à  la  suite  des  hasards  de  la  guerre. 

Au  fond  les  serfs  sont  tous,  par  leur  origine,  étrangers  à  la  tribu  ou  sous-tribu 
ou  à  la  fraction  politique  à  laquelle  ils  appartiennent  en  tant  que  serfs.  Mais,  au 
contraire  des  Agni-Assanti,  chez  lesquels  aucun  serf  n'est  Agni-Assanti  d'origine, 
les  Siéna  ont  parmi  eux  des  serfs  dont  un  grand  nombre,  —  le  plus  grand  nombre 
même  dans  la  fraction  centrale,  —  sont  des  Siéna  tout  comme  leurs  seigneurs 
nobles  :  seulement  ce  sont  des  Siéna  originaires  d'une  tribu,  sous-tribu  ou  fraction 
politique  autre  que  celle  à  laquelle  appartiennent  ieurs  seigneurs  nobles.  On  n'a 
donc  pas,  dans  le  peuple  qui  nous  occupe,  ou  du  moins  on  a  très  petf  de  serfs  portant 
toute  leur  vie  le  cachet  de  leur  origine  servile. 

Actuellement  les  ser&  Siéna  sont  d'anciens  captife  de  guerre  acheté«  ou  pris 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE    PEUPLE    SIÉNA    OU    SÉNOUFO.  [P.  449. 

au  moment  des  guerres  de  Babemba  et  de  Samori.  Ils  ne  sont  pas  autrement  traités 
que  les  membres  de  la  famille  noble  à  laquelle  ils  sont  attachés.  S'ils  désirent 
retourner  dans  leur  pays  d'origine,  leur  famille  verse  habituellement  à  leur  seigneur 
une  indemnité  dont  la  valeur  varie  de  150  à  250  francs.  Les  enfants  nés  d'un  noble 
et  d'une  serve  ont  les  mêmes  droits  que  les  autres  enfants  du  noble.  Les  enfants 
nés  de  deux  serfs  restent  serfs,  mais  font  partie  de  la  famille  du  seigneur.  Beaucoup 
de  gens  se  sont  constitués  serfs,  au  moment  des  guerres,  pour  avoir  la  vie  sauve  ou 
la  nourriture  assurée  ;  d'autres  le  sont  devenus  pour  avoir  commis  l'adultère  avec 
une  femme  noble.  Les  guerres  de  tribu  à  tribu  et  les  razzias  des  conquérants  ayant 
pris  fin  avec  l'occupation  française,  la  source  de  Tétat  de  servage  se  trouve  par  cela 
môme  tarie  et,  au  bout  de  quelques  générations,  il  n'y  aura  plus  de  serfs  propre- 
ment dits,  mais  seulement  une  sorte  de  classe  inférieure  demeurant  par  tradition  et 
par  besoin  subordonnée  en  quelque  sorte  à  la  classe  noble  :  peu  à  peu,  les  anciens 
serfs  deviendront  de  véritables  fermiers. 

Dans  la  pratique,  la  raison  d'être  de  ces  deux  classes  réside  dans  les  conditions 
d'existence  du  peuple  Siéna,  qui,  comme  je  l'ai  expliqué  plus  haut,  est  essentielle- 
ment et  presque  uniquement  un  peuple  agricole  :  chaque  famille  a  besoin  de  bras 
nombreux  pour  cultiver  le  sol  nécessaire  à  sa  subsistance  et  en  même  temps  vaquer 
aux  soins  du  ménage  ;  les  guerres  produisent  des  prisonniers  :  les  vainqueurs,  s'ils 
sont  agriculteurs,  gardent  leurs  prisonniers  ;  s'ils  sont  commerçants  ou  guerriers, 
ils  les  vendent  à  un  peuple  agricole,  et  c'est  ainsi  que  les  Siéna  ont  acquis  leurs 
serfs.  Ces  derniers  d'ailleurs,  en  un  pays  où,  jusqu'à  notre  occupation,  la  sécurité 
était  sans  cesse  menacée,  ne  sont  pas  mécontents  de  leur  sort,  d'autant  plus  que 
souvent  ils  étaient  déjà  serfs  dans  la  région  où  la  guerre  les  a  pris.  Petit  à  petit, 
ils  font  partie  intégrante  de  la  famille  de  leur  seigneur  ;  ils  lui  donnent  une  partie 
de  leur  travail,  mais  ils  travaillent  aussi  pour  eux-mêmes  et  jouissent  d'une  liberté 
individuelle  beaucoup  plus  complète  que  celle  du  domestique  et  de  l'ouvrier  de  nos 
pays  d'Europe  :  ce  ne  sont  pas  des  esclaves  ;  ce  sont  des  serfs  à  peu  près  analogues 
à  nos  serfs  agricoles  du  Moyen- Age  et  aux  serfs  de  Bussie  à  une  époque  plus  récente. 
Souvent  plus  nombreux  que  les  nobles,  ils  forment  à  eux  seuls  de  véritables  villages 
où  ils  vivent  aussi  indépendants  que  les  nobles  peu  fortunés,  ne  fournissant  à  leur 
seigneur  qu'une  faible  partie  de  leurs  récoltes,  et,  en  échange,  recevant  de  lui 
assistance  et  protection  en  cas  de  maladie,  de  disette,  de  danger,  de  procès,  etc. 

Cet  état  social,  quelque  barbare  qu'il  puisse  paraître  à  l'observateur  superficiel 
et  procédant  par  système  subjectif,  est  en  réalité  parfaitement  adéquat  aux  besoins 
des  Siéna.  Le  supprimer  serait  bouleverser  profondément  ce  peuple,  amener  dans 
son  sein  la  famine,  la  pauvreté,  le  vol,  le  crime,  toutes  choses  inconnues  ou  très 
rares  actuellement.  L'idée  du  travail  salarié  ne  peut  en  effet  s'infiltrer  que  peu  à 
peu  dans  les  mœurs  et  ne  peut  en  tout  cas  recevoir  son  application  qu'au  fur  et  à 
mesure  que  se  crée  un  mouvement  commercial  et  monétaire  permettant  aux 
employeurs  d'accorder  un  salaire  et  aux  employés  de  l'utiliser  à  l'achat  des  néces- 
sités de  la  vie.  Chez  un  peuple  essentiellement  agriculteur,  l'état  social  qui  est 
maintenant  encore  celui  des  Siéna  me  semble  être,  sinon  un  idéal,  au  moins  une 
nécessité  dont  personne  ne  pâtit  réellement  et  qui  a  pour  la  collectivité  d'immenses 
avantagea. 

32.  Les  Castes. 

ChoE  les  Siéna,  comme  chez  les  Mandiogues  et  dans  d'autres  populations  sou- 
danaises, il  existe  des  castes  spéciales  dont  chacune  exerce  un  ou  des  métiers 


p.  450.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

spéciaux,  a  des  coutumes  spéciales  et  parfois  une  religion  spéciale.  Mais  il  conTient 
de  bien  remarquer  que  toute  la  population  n'est  pas  divisée  en  castes,  comme  cela 
existe  dans  Tlnde  par  exemple. 

II  y  a,  si  Ton  veut,  deux  catégories  :  la  première  comprend  la  généralité  du 
peuple,  composée  surtout  d'agriculteurs,  mais  qui  peut  s'adonner  à  n'importe  quel 
autre  métier,  y  compris  même  —  au  moins  accidentellement  —  les  métiers  exercés 
par  les  castes  spéciales  ;  la  seconde  catégorie  comprend  les  différentes  castes. 

Ces  castes  sont,  à  ma  connaissance,  au  nombre  de  six  chez  les  Siéna  :  ce  sont 
celles  des  artisans ^  des  forgerons ^  des  lorho  (bijoutiers  en  cuivre),  des  musicienSy 
des  koulé  (sculpteurs  de  statuettes  et  de  masques)  et  des  sono  ou  sonon  (prêtres, 
sorciers  et  mimes  religieux). 

J'ai  dit  plus  haut  quels  étaient  les  métiers  réservés  en  général  à  la  caste  des 
artisans  (industries  du  fer,  du  bois,  du  cuir,  et,  pour  les  femmes,  industrie  de  l'ar- 
gile). Ce  que  j'appelle  ici  les  forgerons  comprend  surtout  les  fabricants  de  fer, 
plutôt  que  les  artisans  qui  travaillent  ce  métal.  J'ai  parlé  aussi  des  lorho.  Les 
musiciens  sont  les  joueurs  professionnels  d'instruments  de  musique  divers.  Les 
ioulé  fabriquent  surtout  des  statuettes  et  masques  d'ordre  religieux,  abandonnant 
aux  artisans  ordinaires  la  fabrication  des  ustensiles  de  bois  d'usage  courant  ;  ils 
passent  pour  jeter  des  sorts  et  sont  fort  redoutés  :  on  ne  doit  pas  prononcer  le  nom 
de  cette  caste,  sous  peine  de  s'attirer  de  graves  malheurs.  Les  sono  compren- 
nent à  la  fois  les  prêtres  du  culte  indigène,  les  maîtres  qui  initient  les  catéchu- 
mènes aux  mystères  religieux,  les  sorciers  qui  fabriquent  des  charmes  et  prétendent 
découvrir  les  possédés,  et  enfin  des  sortes  de  baladins  qui  prennent  part  aux  danses 
et  cérémonies  religieuses  et  funéraires  et  qui  parfois  sont  de  véritables  mimes  ou 
pitres  assez  originaux. 

Parmi  ces  six  castes,  certaines  semblent  avoir  plus  de  rapports  avec  les  unes 
qu'avec  les  autres  :  ainsi  les  artisans,  les  forgerons  et  les  lorho  marchent  souvent 
de  pair  et  quelquefois  même  paraissent  se  confondre  et  ne  former  qu'une  caste  ;  les 
musiciens  sont  à  part,  et  les  Jcoulé  et  sono  forment  un  troisième  groupe.  Il  est  fort 
possible  qu'à  l'origine  il  n'y  ait  eu  que  trois  castes  spéciales,  et  que,  par  la  suite, 
chaque  caste  se  soit  subdivisée  en  plusieurs  fractions. 

Les  hommes  d'une  caste  donnée  ou  d'un  groupe  donné  de  castes  ne  peuvent 
épouser  que  des  femmes  de  leur  caste  ou  de  leur  groupe  :  ainsi  un  artisan  ne  peut 
épouser  qu'une  femme  de  la  caste  des  artisans,  ou,  à  la  rigueur,  une  femme  de  la 
caste  des  forgerons  ou  de  celle  des  lorho.  Il  arrive  cependant  parfois  qu'on  artisan 
épouse  une  femme  de  la  caste  des  musiciens  ou  qu'un  sono  épouse  une  femme  de  la 
caste  des  artisans.  Mais  jamais  une  femme  n'appartenant  pas  à  une  caste  ne  con- 
sentirait à  épouser  un  artisan,  un  forgeron,  un  musicien,  etc.,  même  si  ce  dernier 
n'exerçait  pas  la  profession  de  sa  caste.  Ainsi  j'ai  vu  des  Siéna  de  caste  sono^  rem- 
plissant l'emploi  de  gardes  de  police,  ne  pouvoir  obtenir  la  main  d'une  femme  «  non- 
castée  »  —  si  j'ose  m'exprimer  ainsi,  —  pour  ce  seul  motif  qu'eux-mêmes  étaient 
«  castes  n  d'origine. 

D'autre  part  un  artisan  Siéna  épousera  sans  difficulté  une  femme  Mandingue 
fille  d'artisans  :  en  d'autres  termes  le  mariage  est  autorisé  entre  individus  de  people 
différent  mais  de  même  caste. 

Il  arrive  par  contre  assez  souvent  qu'un  homme  «  non-casté  «  épouse  une  femme 
«  castée  «,  mais  alors  cette  dernière  prendra  rang  le  plus  souvent  après  les  autres 
femmes  de  son  mari. 


1908.]  DELAFOSSB    :    LE    PEUPLE    SIENA    OU    SÉNOUFO.  [P.  451. 

33.  Les  familles  ou  clans. 

Les  Siéaa  se  partagent  —  iadépendamment  de  la  division  en  tribus  ou  sous- 
tribus  dont  j^ai  parlé  au  début  de  cette  étude  —  en  plusieurs  familles  caractérisées 
chacune  par  un  nom  spécial  qui  est  celui  d'un  animal  sacré  pour  la  famille  qui  en 
porte  le  nom.  Il  en  est  au  moins  ainsi  dans  les  fractions  du  centre  et  du  nord-est 
et  la  plus  grande  partie  des  fractions  nord  et  sud.  Dans  certaines  régions  des  frac- 
tions nord  et  sud,  surtout  dans  celles  où  Tinfluence  mandingue  a  le  plus  pénétré, 
les  Siéna  ont  souvent  remplacé  leurs  anciens  noms  de  famille  par  des  noms  de 
famille  mandingue,  lesquels  ne  sont  pas  toujours  des  noms  d'animaux.  Quant  aux 
Siéna  de  la  fraction  sud-est,  qui  ont  adopté  en  grande  partie  les  mœurs  abron  ou 
assanti,  ils  ne  m'ont  pas  semblé  avoir  conservé  Tusage  des  noms  de  famille. 

Ces  noms  de  famille  (fêlé  en  siéna,  diamon  ou  plus  exactement  gyamû)  sont, 
à  ma  connaissance,  au  nombre  de  cinq  seulement  chez  les  Siéna  non  mandicisés  : 
au  moins  n'en  ai-je  entendu  que  cinq  dans  les  fractions  centrale  et  nord-est  et  dans 
le  nord  et  Touest  de  la  fraction  sud.  Ces  noms  se  retrouvent  indistinctement  parmi 
toutes  les  tribus  ou  sous- tribus,  quoique  certain  nom  soit  plus  fréquent  dans  telle 
tribu,  certain  autre  dans  telle  autre.  A  l'origine  le  nom  était  unique  dans  une  tribu 
donnée,  étant  le  nom  de  la  famille  d'où  est  dérivée  la  tribu  ;  mais  dans  la  suite, 
d'autres  familles  étant  venues  se  grouper  autour  de  la  première,  on  a  eu  plusieurs 
fêlé  dans  la  même  tribu  ou  sous-tribu. 

Les  cinq  félé  Siéna  sont  : 

P  Soroo  ou  Sorouo  ou  Sorô^  nom  de  la  «  panthère  »  ou  «  léopard  »  (Felis 
pardus)  :  la  famille  des  Soroo  semble  être  considérée  comme  la  plus  noble  ; 

2°  Téo  ou  Tio  ou  Tô^  nom  de  «  l'antilope  rouge  à  raies  et  taches  blanches  « 
(Tragelaphtis  scriptuSj  le  mina  des  Mandingues,  le  woneani  des  Agni  du  Baoulé)  ; 

S^  Siluo  ou  Siluê^  nom  du  «  singe  noir  s  {Coklbus  poly cornus^  le  fwe  dos  Agni)  : 
la  famille  des  Siluo  a,  comme  animal  sacré,  en  plus  du  singe  noir,  le  «  mange-mil 
noir  »,  tout  petit  oiseau  dont  j'ignore  le  nom  scientifique  ; 

4®  Sékongo  ou  SéhotihOj  nom  de  1'  «  écureuil  de  terre  n  (Xerus  erythropus^  le 
ktcasre  des  Agni  du  Baoulé)  :  la  famille  des  Sékongo  a  un  grand  nombre  de  repré- 
sentants parmi  les  castes  des  artisans  et  des  forgerons,  mais  en  a  aussi  parmi  des 
gens  «  non-castés  »,  la  division  par  castes  étant  indépendante  de  la  division  par 
familles  ; 

5®  Tuô  ou  Tto,  nom  du  «  phacochère  »  (Phacochœrus  Africanus)  ou  peut-être 
du  «  sanglier  roux  »  ou  «  potamochère  »  (Potamochœrtcs  penicillatus) ^  sans  que  je 
puisse  affirmer  lequel  des  deux. 

Les  Mandingues  habitant  parmi  les  Siéna  ont  traduit  chacun  de  ces  félé  par  le 
Tiamon  mandingue  correspondant  au  même  animal  sacré  ou  à  des  prohibitions 
identiques  à  l'égard  de  tel  ou  tel  aliment  ;  (car  il  est  interdit  à  chaque  famille  de 
manger,  non  seulement  de  son  animal  sacré,  mais  encore  une  série  plus  ou  moins 
considérable  d'aliments  animaux  et  végétaux).  C'est  ainsi  qu'ils  ont  traduit  Soroo 
par  KouloubalijYéo  par  Ouatara^  Siluo  par  Konndé  ou  Koneßekongo  par  Kamara^ 
Tuô  tantôt  par  Dagniorho^  tantôt  par  Diarassouhay  tantôt  par  Touré.  Mais  il  est  à 
remarquer  que  les  termes  mandingues  n'ont  pas  la  signification  du  terme  siéna 
•correspondant  ;  ainsi  soroo  veut  dire  «  panthère  »  en  siéna,  mais  Tcouloubali  en 
mandingue  désigne  un  rongeur  que  je  crois  être  le  Cricetomys  Ganibianus  ou  «  rat 
-de  Gambie  b  ;  il  en  est  de  même  pour  tous  les  autres  noms.  Seulement  les  Soroo 
ont  les  mêmes  prohibitions  que  les  Eouloubali  (d'une  façon  générale  au  moins),  les 
Yéo  que  les  Ouatara,  etc. 


p.  452.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Il  est  arrivé  que  des  Siéna,  vivant  en  contact  avec  des  Mandingues  et  ayant 
plus  ou  moins  adopté  les  mœurs  de  ces  derniers,  ont  troqué  leur  /eJß  national  contre 
le  dmmon  mandingue  correspondant,  et  se  donnent  comme  étant  des  Kouloubali, 
des  Ouatara,  etc.  D^autres  encore  ont  adopté  des  dianum  portés  par  les  familles 
mandingues  établies  auprès  d'eux,  bien  que  ces  diamon  n*aient  pas  chez  les  Siéna 
de  fêlé  correspondants  :  c'est  ainsi  qu'on  rencontre  dans  la  fraction  nord  des  Siéna 
se  donnant  comme  Taraoré,  Bamba,  Fofana,  Kourouma,  Dia  barbate,  Sarhanorho, 
Konaté,  Dembélé,  Sissé,  Sidibé,  Sangaré,  etc.,  tous  noms  de  famille  mandingues. 
J'attire  l'attention  sur  ce  fait,  qui  prouve  que,  quoi  qu'on  en  ait  dit,  il  ne  faut  pas 
se  baser  sur  le  nom  de  famille  d'un  noir  pour  déterminer  son  origine  ethnique. 

Voici  Texplication  que  donnent  les  Siéna  de  leurs  noms  de  famille  ou /i?fé: 
lorsque  se  constituèrent  les  familles  primitives  qui  donnèrent  ensuite  naissance  à 
tout  le  peuple  Siéna,  il  arriva  que  l'ancêtre  de  chaque  famille  eut  à  se  louer  d'un 
animal  qui,  dans  des  circonstances  diversement  relatées  par  les  légendes  nationales, 
lui  fut  secourable  en  quelque  manière  ;  en  reconnaissance  de  cela  et  pour  en  per- 
pétuer le  souvenir,  Tancêtre  prit  le  nom  de  cet  animal,  et  défendit  à  tous  ses  des- 
cendants de  le  tuer  et  de  manger  sa  chair.  Plus  tard,  d'autres  ancêtres  ajoutèrent, 
pour  des  motifs  identiques,  des  prohibitions  analogues  à  la  prohibition  première, 
mais  celle-ci  demeura  comme  le  véritable  trait  caractéristique  de  la  famille  et 
subsista  même  lors  du  fractionnement  de  cette  famille  primitive  en  tribus  et  sous- 
tribus. 

Les  Siéna  croient  que  si  un  membre  d'une  famille  tue  l'animal  sacré  de  cette 
même  famille,  l'un  des  représentants  de  la  famille  meurt  au  même  instant  :  or 
comme  chaque  famille  est  dispersée  sur  une  aire  de  plusieurs  milliers  de  kilomètres 
carrés  et  compte  plusieurs  milliers  de  représentants,  il  est  aussi  difficile  de  démon- 
trer parades  faits  la  véracité  de  cette  croyance  que  d'en  prouver  l'inanité.  Si  un 
membre  de  la  famille  mange  la  chair  de  l'animal  sacré,  un  cancer  un  jour  lui  ron- 
gera la  bouche.  Si,  même  par  mégarde,  il  pose  le  pied  sur  le  cadavre  de  cet  animal, 
il  tombera  malade,  à  moins  qu'il  n'offre,  selon  les  rites  voulus,  et  à  l'endroit  mêoQC 
où  s'est  accompli  le  sacrilège,  un  sacrifice  expiatoire.  On  dit  aussi  qu'à  la  mort  d'un 
homme,  son  âme  passe  dans  le  corps  d'un  animal  de  l'espèce  sacrée  naissant  au 
même  moment,  et  qu'à  la  mort  de  cet  animal,  l'âme  retourne  dans  le  corps  de  Tun 
des  nouveaux-nés  de  la  famille  qui  porte  son  nom  :  cette  croyance  explique  suffi- 
samment l'horreur  que  manifestent  les  Siéna  pour  tuer  ou  manger  l'animal  dont 
leur  famille  porte  le  nom  :  ils  croiraient  manger  ou  tuer  un  de  leurs  parents. 

Il  ne  faudrait  pas,  comme  on  l'a  fait  quelquefois  pour  le  mot  mandingue 
diamon^  traduire  fêlé  ou  diamon  par  «  tabou  r.  Car  si  chacun  des  fêlé  siéna  que 
j'ai  énumérés  plus  haut  est  en  même  temps  le  nom  d'un  animal  qui  est  «  tabou  > 
pour  la  famille  portant  comme  nom  ce  fêlê^  il  peut  en  être  autrement  :  ainsi  la 
famille  mandingue  des  Dioinandé  a  pour  «  tabou  »  le  crocodile  {Jbama)^  alors  que 
son  diamon  signifie  «  les  fils  ou  descendants  du  chef  Dioman  «  et  n'a  par  suite 
aucun  rapport  avec  le  nom  de  l'animal  sacré  ;  de  même  les  Mansaré  ou  Mazaréy 
autre  famille  mandingue,  dont  le  diamon  signifie  «  fils  de  roi,  famille  de  souche 
royale  »,  ont  pour  «  tabou  »  l'hippopotame  {mali).  De  plus,  même  chez  les  Siéna, 
il  y  a  pour  chaque  famille  d'autres  animaux  «  tabou  »  que  celui  dont  cette  famille 
porte  le  nom  :  ainsi  les  Soroo  ou  «  Panthères  »  ont  pour  «  tabou  »  non  seulement 
la  panthère,  mais  encore  le  serpent  python  et  plusieurs  oiseaux  dont  j'ignore  le 
nom.  Les  mots  féU  en  siéna,  diamon  en  mandingue  doivent  se  traduire  par  «  nom 
de  famille  »  ou,  fi  on  le  préfère,  par  «  nom  de  clan  ».  Un  Siéna,  par  exemple,  se 


:1908.]        DELAFOSSE  :  LE  PEUPLE  SIÉNA  OU  SÉNOUFO.      [P.  453* 

nomme  Zié  Soroo  ;  on  lui  demandera  son  nom  de  la  façon  suivante  :  «  Mou  m^ 
_ffui  ?  Mou  fêlé  gui  ?  »^  A  la  première  question,  il  répondra  :  Zié^  à  la  seconde  : 
Soroo.  De  même  un  mandingue  nommé  Amadou  Ouatara  dira  :  «  Ni  torho  bè  Ama- 
doti^  ni  diamon  bè  Ouatara  n^. 

C'est  à  tort  aussi  qu'on  a  traduit  par  «  tabou  »  le  mot  mandingue  tanan  ou 
-tanay  écrit  quelquefois  tenné.  En  réalité  tanan  en  mandingue,  comme  ki  en  agni, 
est  un  verbe  qui  signifie  <>  ne  pas  manger  »  ou  «  ne  pas  boire  d,  sans  qu'il  soit 
spécialement  question  d'une  interdiction  d'ordre  religieux  ou  totémique.  Plusieurs 
auteurs  écrivent  par  exemple  :  «  Le  tana  des  Mansaré  est  l'hippopotame  ».  Mais 
la  phrase  indigène  est  :  Mansaré-rou  ou  malitanan^,  c'est-à-dire  «  les  Mansaré  ne 
mangent  pas  l'hippopotame  ».  Et,  dans  un  autre  ordre  d'idées,  les  indigènes  diront  : 
ni  gbè  tanan ^  «  je  ne  bois  pas  d'alcool  »,  et  n»  sorhoma  touô  tanan^^  «  je  ne  mange 
pas  d'aliments  cuits  le  matin  ». 

En  réalité,  ni  en  mandingue,  ni  en  Siéna,  il  n'y  a  de  mot  correspondaat  à 
-^  tabou,  sacré,  interdit  »,  etc.  Il  y  a  seulement  des  animaux  sacrés  et  des  aliments 
ioterdits,  mais  on  se  contente  de  dire  «  telle  famille  ne  tue  pas  tel  animal,  tel 
iadividu  ne  mange  pas  tel  aliment  ». 

Il  y  a  d'ailleurs  des  animaux  dont  la  chair  est  interdite  aux  membres  de  cer- 
taines familles,  sans  pour  cela  qu'il  soit  défendu  à  ces  membres  de  tuer  les  animaux 
en  question. 

Je  parlerai  des  interdictions  alimentaires  au  chapitre  de  la  «  religion  »  :  ces 
interdictions  sont  variées,  s'appliquant  non  seulement  aux  viandes,  mais  aussi  aux 
végétaux  et  aux  boissons  ;  elles  sont  d'ordres  très  divers,  procèdent  de  causes  très 
différentes  et  n'ont  souvent  rien  à  voir  avec  la  division  en  familles  ou  clans.  Les 
coutumes  des  Noirs,  comme  leurs  pensées,  sont  beaucoup  plus  compliquées  qu'on 
ne  le  pense  généralement,  et  il  faut  bien  se  garder,  quand  on  en  traite,  de  l'esprit 
de  généralisation  et  de  synthèse  systématique. 

Un  fait  qui  m'a  paru  remarquable  et  que  je  tiens  à  signaler  ici,  c'est  queues 
Noirs  appartenant  à  des  tribus  différentes,  et  même  à  des  peuples  différents,  se 
considèrent  comme  parents  s'ils  portent  le  même  nom  de  famille  ou  des  noms  de 
famille  considérés  comme  correspondant  l'un  à  l'autre.  C'est  ainsi  que  j'ai  vu  des 
Mandingues  Kouloubali  du  Moyen-Niger  traiter  comme  leurs  parents  des  Soroo  de 
Korhogo  dont  ils  ignoraient  même  la  langue  et  avec  lesquels  ni  eux  ni  leurs  ascen- 
•dants  les  plus  lointains  n'avaient  certainement  jamais  eu  aucune  relation. 

34.  —  L'état  politique. 

L'état  politique  actuel  des  Siéna  se  rattache  par  beaucoup  de  côtés  à  l'état  que 
nous  appelons  féodal  et  qui  a  été  le  nôtre  au  Moyen-Age. 

Les  familles  ou  clans  dont  il  a  été  question  tout  à  l'heure  correspondent  sans 
doute  —  au  moins  par  leur  origine  —  à  une  division  ethnique  ;  les  tribus  ou  sous- 
tribus  sont  des  institutions  surtout  historiques,  mais  elles  ne  répondent  pas  toujours 
•à  des  divisions  politiques. 

Originairement  chaque  famille  ou  clan  devait  constituer  une  unité  politique 


^  Mu  me  gi  f  ton  nom  comment  ?  mi/  fêle  gi  f  ton  nora-de-famille  comment  ? 

*  Ni  torho  bé  Amadj  mon  nom  est  Amadou  ;  ni  gyamu  bè  Watara,  mon  nom-de-famill» 
«si  Oueitara. 

'  Masare-ru  u  mali  tana, 

*  Ni  gbè  tana  ;  ni  sorhoma  ttoô  tana. 


p.  454.]  •    R    •    E    •    E    •    S    • [1908* 

dont  le  régime  était  le  patriarcat  et  dont  le  chef  était  l'aîné  de  la  famille.  Lorsque 
Taccroissement  de  la  population  et  la  nécessité  de  chercher  des  terres  vierges  ame- 
nèrent les  migrations  et  les  guerres,  des  groupements  appartenant  à  plusieurs 
familles  se  trouvèrent  sans  doute  participer  à  la  même  migration,  ou  plutôt,  par 
suite  de  migrations  successives,  arrivèrent  à  se  rencontrer  sur  un  même  territoire  ; 
la  nécessité  de  pourvoir  aux  besoins  de  la  collectivité  et  de  la  défendre  contre  les. 
entreprises  du  dehors  dut  amener  ces  divers  groupes  de  familles  et  d^origines  diffé- 
rentes, à  choisir  parmi  leurs  patriarches  un  chef  commun  et  à  former  sous  son 
commandement  une  sorte  d'unité  politique  nouvelle  qui  fut  la  tribu  et  dont  la 
caractéristique  fut  un  ensemble  de  coutumes  communes  et  un  dialecte  commun 
dus  à  la  cohabitation  dans  le  même  lieu,  durant  plusieurs  générations,  de  ces 
groupes  d'origines  différentes. 

Pour  des  raisons  analogues  à  celles  qui  avaient  déterminé  les  premières  migra- 
tions, la  plupart  des  tribus  se  morcelèrent  à  leur  tour  en  sous-tribus,  qui,  elles* 
mêmes,  arrivèreot  à  se  subdiviser,  au  point  de  vue  politique,  en  fractions  moins 
étendues  que  nous  appelons,  en  style  administratif,  des  «  cantons  a. 

Le  «  canton  »  est  Funité  politique  actuelle  en  pays  Siéna  et  correspond  à  peu 
près  à  ce  qu'étaient  les  provinces  de  la  France  féodale.  Parfois  il  correspond  à  une 
sous-tribu  tout  entière  ;  tels  sont  les  cantons  ou  sous-tribus  :  du  Pongala^  du  Kadlec 
du  Ténéouréj  du  Zona,  du  Noholo  dans  la  fraction  nord  ;  du  Tafiré^  du  Niarhafoïo, 
dans  la  fraction  centrale  ;  du  F<üa^  du  Sikolo,  dans  la  fraction  nord-est.  Mais  le 
plus  souvent,  la  sous-tribu  se  trouve  divisée  en  plusieurs  cantons.  Nous  avons  con- 
servé l'organisation  politique  que  nous  avons  trouvée  au  moment  de  notre  occupa- 
tion, en  la  modifiant  parfois  à  la  demande  môme  des  indigènes,  pour  diviser  en 
deux  unités  un  canton  dont  les  éléments  reconnaissaient  difficilement  Tautorité 
d'un  seul  chef. 

Chaque  canton  a  à  sa  tète  un  chef,  roi  ou  seigneur,  qui  est  considéré  comme 
propriétaire  du  sol  et  exerce  le  pouvoir.  En  principe  son  autorité  est  absolue  ;  dans 
la  pratique,  elle  est  mitigée  par  Tinfluence  des  chefs  de  villages  importants,  des 
notables,  des  riches,  des  prêtres,  etc.  D'ailleurs,  le  chef  de  canton  ne  prend  jamais 
une  décision  importante  sans  en  avoir  conféré  auparavant  avec  ses  principaux 
vassaux  et  surtout  avec  ses  familiers,  sorte  de  cour  composée  le  plus  souvent 
d'étrangers,  de  serfs  affranchis  par  le  caprice  du  seigneur,  de  sorciers,  de  baladins^ 
d'artisans,  tous  gens  en  faveur  auprès  du  prince  parce  qu'ils  ont  su  le  flatter  ou 
l'amuser,  ou  bien  parce  qu'ils  lui  ont  prêté  de  l'argent  ou  encore  parce  qu'il  les 
redoute  :  cour  en  somme  bien  semblable  à  celle  de  nos  anciens  rois,  ducs  et  comtes, 
qui  eux  aussi  s'entouraient  d'étrangers,  de  parvenus,  de  poètes,  de  fous,  de  mignons 
et  de  moines. 

Certains  chefs  de  canton  ont  une  autorité  réelle  et  l'exercent  avec  discerne* 
ment  et  pour  le  bien  de  leur  sujet  :  je  citerai  notamment  les  chefs  actuels  de  Kor- 
hogo  et  de  Sinématiali,  dans  la  fraction  centrale.  D'autres  n'obtiennent  do  leur» 
administrés  qu'une  obéissance  fort  précaire  :  c'est  le  cas  de  beaucoup  de  chefs 
peu  fortunés  de  la  fraction  sud. 

Actuellement  les  excès  de  pouvoir  des  chefs  trop  enclins  à  l'arbitraire  sont 
tempérés  par  les  autorités  françaises,  qui  cherchent  d'autre  part  à  consolider  l'au* 
torité  trop  ébranlée  des  chefs  peu  obéis.  Mais,  à  plusieurs  époques,  il  y  eut  parmi 
les  chefs  Siéna  de  véritables  rois  féodaux  qui,  par  des  alliances  avec  leurs  voisins^ 
par  quelques  expéditions  heureuses,  par  ruse  diplomatique  aussi,  arrivèrent  à 
exercer  une  hégémonie  réelle  sur  un  certain  nombre  dé  cantons  :  tels  furent  certaioa^ 


1^08.]        DELAFOSSE  :  LE  PEUPLE  SIÉNA  OU  SÉNOUFO.      [P.  455. 

<hets  de  Mbégué  chez  les  Folo  et  de  Sikâsso  chez  les  Siéaérhè  ;  mais  la  plupart 
-du  temps,  cette  hégémonie  ne  survivait  pas  au  chef  qui  Tavait  établie,  et,  à  la 
mort  de  ce  dernier,  les  cantons  qu'il  avait  asservis  reprenaient  leur  indépendance. 

Dans  certains  pays  Siéna,  les  chefs  de  canton  avaient  accepté  la  suzeraineté 
d'un  chef  mandingue  voisin,  mais  ils  sont  redevenus  indépendants  à  la  faveur  de 
notre  occupation  du  pays  :  tel  est  le  cas  des  Noholo  et  d'une  partie  des  Guimini. 
Actuellement  encore,  les  sous-tribus  des  Sikolo  et  des  Komono  sont  placées  sous  la 
suzeraineté  du  roi  mandingue  de  Kong  ;  quant  aux  Nafâna,  ils  sont  plus  ou  moins 
sous  la  tutelle  des  Abron.  Partout  ailleurs,  les  Siéna  forment  des  cantons  indépen- 
<lants  mais  dont  le  chef  est  parfois  un  Mandingue,  comme  par  exemple  le  canton 
de  Kadioha  dans  la  sous-tribu  des  Eofolo  (fraction  centrale)  et  les  trois  cantons 
que  comporte  la  sous-tribu  des  Niéné  (fraction  nord). 

Le  système  politique  des  Siéna  a  les  avantages  et  les  inconvénients  de  tout 
système  féodal  :  l'influence  des  chefis  de  village  riches  et  puissants,  seigneurs  avec 
lesquels  il  faut  compter,  contrebalance  Tautorité  du  chef  de  canton  ;  si  ce  dernier 
est  cruel,  ambitieux  ou  peu  sage,  c'est  une  excellente  chose  ;  mais  si  c'est  un 
homme  avisé,  désireux  de  faire  progresser  sa  province,  la  résistance  de  ses  seigneurs 
peut  avoir  de  très  mauvais  résultats.  Nos  administrateurs,  qui  passent  leur  temps 
à  mettre  d'accord  les  rois  et  leurs  seigneurs,  en  savent  quelque  chose. 

Tout  imparfait  cependant  que  soit  ce  système,  bien  qu'avant  notre  occupation 
il  ait  amené  de  la  part  des  chefs  puissants  des  pillages  et  des  mises  à  rançon  aux 
dépens  du  pauvre  serf  taillable  et  corvéable  à  merci,  bien  que  depuis  notre  instal- 
lation dans  le  pays  il  retarde  parfois  la  marche  en  avant  de  la  civilisation,  il  me 
semble  supérieur  au  régime  du  patriarcat  qui  subsiste  encore  chez  d'autres  peuples 
de  la  Côte  d'Ivoire,  notamment  chez  les  Agni  du  Baoulé  où  le  morcellement  à 
i'lnfiui  de  l'autorité  rend  encore  plus  difficile  le  progrès. 

£n  fait  les  Siéna  sont  arrivés  à  un  état  politique  qui  est  à  celui  des  Agni  du 
Baoulé  à  peu  près  ce  qu'était  la  France  de  Hugues  Capet  par  rapport  à  la  France 
-des  Gaulois. 

85.  —  La  naissance  et  la  vie  des  enflants. 

J'ai  parlé  au  chapitre  de  «  l'hygiène  a  de  la  grossesse  et  de  l'accouchement« 
Dès  que  l'enfant  est  venu  au  monde  —  ce  qui  a  lieu  autant  que  possible  dans  une 
«case  à  part  et  en  dehors  de  la  présence  des  hommes,  y  compris  le  père  —  le  cordon 
est  tranché  par  l'une  des  matrones  à  l'aide  d'un  couteau  et  le  délivre  est  enterrée. 
L'enfant  est  lavé  avec  soin  et  remis  à  sa  mère  qui,  alors  seulement,  fait  prévenir 
son  époux  qu'il  lui  est  né  un  fils  ou  une  fille.  Le  père  vient  voir  son  enfant,  et,  s'il 
^est  quelque  peu  fortuné,  manifeste  sa  joie  en  tirant  des  coups  de  fusil. 

La  mère  allaite  toujours  son  enfant.  Si  pourtant  il  arrive  que  le  lait  lui  manque 
—  cas  qui  m'a  paru  être  très  exceptionnel  —  elle  a  recours  aux  bons  offices  d'une 
Jeune  mère  de  ses  amies  ou  même  de  plusieurs,  car  les  indigènes  n'attachent  aucune 
importance  à  ce  qu'un  enfant  soit  allaité  en  même  temps  par  plusieurs  nourrices. 
La  mère  et  l'enfant  nouveau-né  demeurent  pendant  une  semaine,  sans  en 
-sortir,  dans  une  case  où  l'on  entretient  du  feu  jour  et  nuit.  Cette  précaution  a  un 
triple  but  :  permettre  à  la  mère  de  se  rétablir,  à  l'enfant  de  ne  pas  souffrir  des 
•<2hângement8  de  température  et  à  la  plaie  ombilicale  d'avoir  le  temps  de  se  cica- 
triser. 

Le  huitième  Jour  après  celui  de  la  naissance,  la  mère  sort  pour  la  première 
ibis  avec  son  enfant,  lequel,  pour  la  première  fois  aussi,  est  porté  sur  le  dos.  La 


p.  456.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

mère  va  faire  des  visites  à  ses  amies,  qui  se  passent  le  bébé  de  mains  en  mains  et 
offrent  de  menus  cadeaux  à  la  jeune  mère.  Le  père,  do  son  côté,  réunit  ses  amis, 
leur  offre  de  la  viande,  du  sel,  des  colas,  de  la  bière  de  grains,  et  annonce  quel  est 
le  nom  donné  à  l'enfant.  C'est  pourquoi  cette  fête  du  huitième  jour  après  la  nais- 
sance est  appelée  «  le  jour  du  nom  n. 

Les  prénoms  donnés  par  les  Siéna  à  leurs  enfants  appartiennent  à  diverses 
catégories  :  les  uns  rappellent  le  jour  de  la  semaine  auquel  a  eu  lieu  la  naissance, 
d'autres  mentionnent  Tordre  dans  lequel  Tenfant  est  venu  au  monde  par  rapport  à 
ses  frères  et  sœurs,  d'autres  sont  les  noms  de  génies  sous  la  protection  desquels  on 
place  les  nouveau-nés,  d'autres  enfin  sont  les  noms  d'ancêtres  ou  de  parents  défunts. 
Beaucoup  sont  d'origine  étrangère. 

Durant  toute  sa  première  enfance,  le  bébé  est  porté  sur  le  dos  de  sa  mère,  les 
jambes  et  les  bras  écartés,  le  corps  maintenu  par  un  pagne  qui  entoure  le  dos  et 
le  deiTière  de  l'enfant  et  vient  se  nouer  sur  les  seins  de  la  mère.  Dans  les  fractions 
centrale  et  nord-est,  où  les  femmes  souvent  n'ont  pas  de  pagnes,  on  se  sert  pour 
porter  les  enfants  d'une  sorte  de  carré  d'étoffe  terminé  en  haut  par  deux  bretelles 
et  en  bas  par  deux  courroies  qui  se  nouent  toutes  les  quatre  ensemble  sur  la  poitrine 
de  la  femme  ;  parfois  même  l'enfant  n'est  maintenu  que  par  des  courroies,  ainsi 
que  M.  Binger  l'a  signalé  chez  les  Mbouin. 

Les  enfants  sont  ainsi  portés  par  la  mère  dans  tous  ses  déplacements,  lors- 
qu'elle va  à  l'eau,  aux  plantations,  en  voyage,  à  la  danse  même,  et  durant  les 
travaux  du  ménage.  Si  cependant  la  mère  reste  à  la  maison  pour  se  reposer  ou 
faire  un  travail  qui  lui  permet  de  s'asseoir,  elle  couche  son  enfant  à  terre  sur  une 
natte  ou  un  pagne  d'écorce. 

Vers  l'âge  de  six  mois,  l'enfant  commence  en  général  à  se  traîner  à  quatre 
pattes  et  à  jaser  ;  vers  un  an,  il  commence  à  marcher  et  à  parler.  Mais  on  continue 
cependant  à  le  porter  sur  le  dos  jusque  vers  l'âge  de  3  ou  4  ans  pour  tout  déplace- 
ment un  peu  long. 

Les  enfants  commencent  vers  6  mois  à  manger  de  la  bouillie  de  mil  ou  de  maïs 
et  vers  un  an  ils  absorbent  les  mêmes  aliments  que  leurs  parents,  mais  ils  conti- 
nuent à  téter  leur  mère  en  même  temps  jusqu'à  l'âge  de  deux  ans  et  plus. 

Jusqu'à  l'âge  de  4  ou  5  ans,  les  enfants  des  deux  sexes  restent  en  général  sur- 
tout avec  leur  mère,  quoique  ce  soit  le  père  qui,  le  plus  souvent,  joue  avec  eux, 
les  caresse,  les  promène  et  les  amuse,  la  mère  demeurant  assez  indifférente  dès  que 
son  bébé  est  sevré. 

Après  5  ans,  les  filles  commencent  à  prendre  part  à  la  vie  et  aux  travaux  de 
leur  mère  et  des  autres  femmes  de  la  maison,  tandis  que  les  garçons  commencent  à 
accompagner  leur  père  ou  leurs  frères  aînés  aux  champs  ou  à  l'atelier,  selon  le  cas. 
C'est  vers  cet  âge  aussi  que  les  fils  des  musulmans  commencent  à  aller  à  l'école  et 
à  apprendre  les  rudiments  de  la  lecture  et  de  l'écriture  arabe,  avec  les  formules  de 
prière.  Quant  aux  non*musulmans,  lesquels  sont  de  beaucoup  les  plus  nombreux 
parmi  les  Siéna,  ils  se  contentent  d'apprendre  à  leurs  fils  à  cultiver  la  terre,  à  tirer 
parti  des  produits  naturels,  ou  à  tisser,  à  travailler  le  bois  et  le  fer,  etc. 

Vers  l'âge  de  12  ans,  les  enfants  commencent  à  mener  la  même  vie  que  les 
adultes  :  leur  enfance  proprement  dite  est  terminée.  C'est  aussi  vers  cet  age  que 
filles  et  garçons  passent  par  les  écoles  d'initiation  qui  lachèvent  leur  éducation. 


1908.J  DELAFOSSE    :    LE    PEUPLE   SIENA    OU    SÉNOUFO.  [P.  457, 

36.  —  Le  mariage. 

Je  ne  parlerai  pas  ici  des  coutumes  du  mariage  en  usage  parmi  les  musulmans, 
qui  sont  à  peu  près  les  mêmes  chez  tous  les  peuples  islamisés  d'Afrique. 

La  façon  de  prendre  femme  chez  les  Siéna  restés  fidèles  à  leurs  coutumes 
nationales  est  plus  curieuse.        ^ 

Le  jeune  homme  qui  désire  épouser  une  jeune  fille  se  garde  bien  de  faire  part 
de  ses  projets  soit  à  cette  dernière  soit  à  sa  famille.  Mais,  guettant>les  allées  et 
venues  des  parents  de  la  jeune  fille,  s'il  aperçoit  la  mère  de  celle-ci  partant  dans  la 
brousse  pour  en  rapporter  du  bois  mort,  il  l'attend  sur  le  sentier  à  sou  retour  et  se 
précipite  obligeamment  pour  la  décharger  de  son  fardeau,  qu'il  prend  lui-même  sur 
sa  tète.  Une  autre  fois,  il  aide  de  même  le  père  de  la  jeune  fille  à  rapporter  chez 
lui  des  fragments  de  termitière  destinés  aux  poules.  Â  quelques  jours  de  là,  le  sou- 
pirant va  lui-même  ramasser  une  charge  de  bois  qu'il  apporte  à  la  maison  de  sa 
bien-aimée.  Puis,  s'étant  procuré  quelques  noix  de  cola,  il  vient  les  offrir  au  père  de 
celle-ci  ;  ensuite  c'est  un  poulet  dont  il  lui  fait  cadeau,  puis  quelques  cauries. 

Le  père  de  la  jeune  fille  réunit  alors  sa  famille  et  convoque  à  la  réunion  un 
notable  du  village  ;  il  expose  qu'un  tel  se  montre  bien  prévenant  pour  lui  et  qu'il 
serait  heureux  de  le  récompenser  de  ses  prévenances  en  lui  accordant  sa  fille  en 
mariage.  L'assemblée  approuve,  et  le  notable  va  annoncer  au  soupirant  qu'il  peut 
se  considérer  comme  agréé. 

Mais  les  peines  du  futur  ne  sont  pas  finies  :  lorsqu'approche  la  saison  des  cul- 
tures, il  doit  réunir  ses  frères  et  ses  amis  et  aller  avec  eux  labourer  le  champ  de 
son  futur  beau-père  ;  une  fois  les  semis  faits,  il  vient  sarcler  les  mauvaises  herbes  ; 
puis  il  achète  de  la  bière  de  mil  et  paie  à  boire  à  toute  la  famille  de  sa  fiancée. 
C'est  alors  seulement  qu'on  procède  aux  accordailles  officielles. 

Très  souvent,  à  ce  moment,  la  jeune  fille  est  loin  d'être  nubile.  Elle  reste  chez 
son  père  jusqu'à  sa  nubilité  et,  pendant  cette  période  d'attente,  le  fiancé  doit  conti- 
nuer à  aider  la  famille  de  sa  fiancée  de  son  travail  et  de  ses  ressources.  Lorsque  la 
jeune  fille  est  nubile,  le  père  la  remet  au  fiancé,  qui  fait  un  cadeau  de  cinq  à  dix 
francs  de  cauries  au  père  et  un  autre  de  même  valeur  à  la  mère.  Lorsque  les  jeunes 
époux  ont  cohabité  durant  un  mois,  le  père  reprend  sa  fille  chez  lui  pendant  deux 
à  trois  mois,  puis  la  redonne  au  mari  contre  dix  francs  de  cauries.  Cette  seconde 
période  de  cohabitation  dure  également  un  mois,  au  bout  duquel  le  père  reprend 
de  nouveau  sa  fille  durant  deux  ou  trois  mois,  pour  la  remettre  définitivement  à  son 
mari  contre  une  nouvelle  somme  de  dix  francs.  Si  la  femme  devient  enceinte  pen- 
dant cette  période  preparative,  son  père  est  tenu  d'offrir  un  pagne  au  mari  lors  de 
la  naissance  de  l'enfant. 

Cette  coutume  disent  les  anciens,  a  pour  but  de  donner  aux  futurs  époux  tout 
le  temps  de  se  connaître  et  de  s'apprécier,  et  d'empêcher  ainsi  les  unions  mal 
assorties. 

La  polygamie  est  admise,  mais  limitée  naturellement  par  les  ressources  de 
l'époux  ;  les  chefs  riches  ont  souvent  un  grand  nombre  de  femmes,  parfois  une 
centaine  :  quelques-unes  seulement,  dans  ce  cas  là,  cohabitent  avec  l'époux  ;  les 
autres  habitent  un  quartier  spécial  ou  même  des  villages  assez  éloignés,  et  le  mari 
ne  les  visite  que  de  loin  en  loin^  à  moins  qu'il  n'établisse  entre  ses  femmes  une 
sorte  de  tour  de  service.  En  général  les  notables  n'ont  guère  plus  de  trois  à  quatre 
femmes  et  la  majorité  des  Siéna  n'a  qu'une  femme  pour  un  mari. 

(A  suivre.) 


p.  458.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 


ANAX.YSES« 


H.  Lessmakn.  Aufgaben  und  Ziele  der  vergleichenden  Mythenforschung  (Mjtholog. 
Bibl.  1. 1,  heft.  4),  8«,  52  p.,  J.-C,  ffinrichs,  Leiprig,  1908,  2  Mks. 

Que  Tétude  scientifique  des  mythes  soit  eDcore  daas  Tenfance,  malgré  les  ten- 
tatives d'explication  et  de  classification  du  XIX*  siècle  (école  symboliste,  école 
naturiste  et  philologique)  ou  plutôt  à  cause  d'elles,  c'est  ce  qu'on  accordera  aisément 
à  M.  L.  On  reconnaîtra  aussi  volontiers  que  jusqu'ici  la  forme  du  mythe  a  davantage 
attiré  l'attention  que  le  thème  ;  et  que  les  historiens  des  littératures  et  critiques 
littéraires  sont  trop  aisément  portés  à  dater  un  thème  de  sa  première  apparition 
écrite,  comme  à  voir  un  lien  de  contamination  directe  entre  versions  écrites  plutôt 
que  de  faire  dériver  ces  versions  d'autres  orales,  et  inconnues.  Mais  on  objectera 
que  jusqu'ici  toutes  les  tentatives  de  restitution  de  versions  supposées  originales 
ont  abouti  à  des  échecs,  et,  théoriquement,  qu'on  n'a  le  droit  de  recourir  à  ■  l'ai^- 
ment  de  l'Atlantide  »  (si  je  puis  proposer  cette  expression  pour  catégoriser  toute  la 
classe  de  raisonnements  inférant  d'un  élément  inconnaissable  du  problème  :  thème 
originel,  continent  disparu,  race  détruite,  civilisation  évanouie  sans  traces,  etc.), 
qu'en  désespoir  de  cause,  provisoirement,  et  pour  marquer  un  repos  dans  la 
recherche.  Contrairement  donc  aux  historiens,  la  Société  de  mythologie  de  Berlin 
considère  que  :  pour  l'historique  du  thème  et  du  contenu,  le  moment  de  la 
rédaction  est  essentiellement  sans  signification  (p.  17).  De  même  encore  on 
accordera  à  M.  L.  que  la  mythologie  doit  être  distinguée  de  la  démonologie  (avec 
laquelle  on  l'a  confondue  presque  dès  le  début«  et  de  nos  jours,  sous  l'influence  de 
Mannhardt)  en  ce  que  celle-ci  traite  de  puissances  actuelles,  toijuours  agissantes,  au 
lieu  que  la  mythologie  parle  de  puissances  d'autrefois.  De  môme  encore  on  en  dis* 
tinguera  la  légende  locale,  l'énigme  populaire,  la  ballade,  mais  on  la  reliera  à  la 
science  du  calendrier.  Et  nous  arrivons  enfin  à  une  définition  du  mythe  comme 
l'entend  la  Société  de  Berlin  :  par  mythe  elle  entend  une  série  déterminée  de  thèmes 
se  succédant  suivant  un  ordre  déterminé  et  traitant  du  sort  des  corps  célestes.  M.  L. 
accusant  dès  le  début  les  critiques  d'avoir  mal  compris  le  point  de  vue  de  la  Société, 
je  suis  heureux  de  voir  que,  à  deux  reprises^,  j'ai  eu  raison  de  traiter  la  «  nouvelle  » 
école  d'école  astrale.  Devant  cette  limitation  de  sens  du  mot  mythe,  il  n'y  a  qu'à 
s'incliner.  Il  est  certain  qu'on  n'a  plus  alors  à  s'occuper  du  rapport  de  la  croyance 
et  de  l'acte,  ni  de  celui  de  la  divinité  et  de  l'adorateur,  mais  à  cataloguer  seulement 
tous  les  «  mythes  •  qui  se  rapportent  au  Soleil,  à  la  Lune,  aux  Pléiades,  etc.  £t 
comme  tous  ces  «  mythes  »  présentent  en  effet  des  analogies  en  dehors  de  toute 
circonstance  de  temps  et  de  lieu,  et  que  les  thèmes  se  classent  par  la  force  des 
choses  sous  un  petit  nombre  de  rubriques,  il  est  relativement  aisé  de  créer  une  doc- 
trine suivant  laquelle  tous  les  «  mythes  astraux  s  ont  eu  un  centre  unique  d'origine, 
d'où  ils  ont  divergé  en  se  déformant  suivant  des  tendances  à  définir«  Tour  à  tour  on 
montrera,  comme  l'indique  rapidement  M«  L.,  les  liens  du  soleil  ou  de  la  lune  avec 


»  Revue  des  TradUions  Populaires,  1907,  p.  91-93  et  Mercure  de  France,  1907,  t.  LXVI» 
p.  517-519, 


1908.]  ANALYSES.  [P.  459. 

des  nombres  sacrés  (3,  7,  9)  la  roue,  la  fontaine,  le  jaune  ou  le  rouge,  le  blanc  ou 
le  noir,  les  jumeaux  divins,  les  triades  divines.  On  pourra  même  s'amuser  et  c'est 
là  l'un  des  buts  importants  de  la  Société  (p.  33)  à  rechercher  si  les  «  mythes  » 

lunaires  ne  seraient  pas  antérieurs  aux  «  mythes  »  solaires mais  je  doute  que 

le  gain  pour  la  science  des  croyances,  des  idées  et  des  rites  puisse  être  considé- 
rable ou  sûr.  Ni  Stucken,  ni  Siecke,  ni  Frobenius,  ni  Winckler,  ni  Jeremias,  pour 
ne  citer  que  des  chefs  de  file  n'ont  prouvé  quoi  que  ce  soit,  sinon  qu'en  présence 
d'un  même  phénomène  naturel,  les  interprétations  humaines  vont  suivant  des  ten- 
dances peu  nombreuses,  mais  assez  cependant  pour  qu'on  ne  puisse  ni  parler  d'un 
système  ancien  qui  se  serait  désagrégé,  ni  d'emprunts,  ni  d'invention  personnelle 
unique.  Cette  manie  de  forger  des  systèmes  pour  tout,  de  centraliser  hiérarchique- 
ment des  manifestations  humaines  est  caractéristique  de  la  science  allemande  du 
XIX'  siècle.  On  espérait  que  la  formation  d'un  empire  colonial  démontrerait  aux 
Allemands  l'équivalence  intellectuelle  des  divers  groupes,  et  détruirait  la  foi  en  la 
supériorité  native  de  ceux  que  M.  L.  persiste  à  nommer  Aryens.  Tel  a  bien  été  le 
cas  dans  plusieurs  milieux  scientifiques,  mais  non  parmi  ceux  qui  ont  fondé  la 
Société  de  Mythologie  :  et  c'est  pourquoi,  malgré  les  observations  de  M.  L.  dans  sa 
Préface,  je  maintiens  que  cette  école  astrale  est  une  attardée,  qui  tâche  de  revivi- 
fier des  points  de  vue  vétustés,  et  cela  par  une  limitation  arbitraire  des  mots  et 
une  interprétation  unilatérale  des  faits.  A.  van  Genkep. 

* 

R.  Pabkinsoh.  Dreissig  Jahre  in  der  Südsee,  Land  und  Leute,  Sitten  und  Gebräu- 
che im  BismarckArchipel  und  auf  den  deutschen  Scdomoinseln^  herausgegeben 
von  D'  B.  Ankermann.  8%  876  pages,  66  planches,  141  figures,  4  cartes. 
Stuttgart,  Strecker  et  Schröder.  14  Marks. 

E.  Stephan  et  Fb.  Gbjbbkeb.  NethMecklenburg  (Bisniarclir Archipel).  Die  Küste 
von  Umuddu  his  Kap  St-George,  gr.  8^,  242  pages,  10  planches,  133  figures^ 
musique,  etc.  Berlin,  D.  Reimer.  20  Marks. 

P.  A.  KiiEiNTiTBCHEN.  Die  KüstenhewohncT  der  Gaeellehalbinsél,  ihre  Sitten  und 
Gebräuche,  8^,  fig.  et  cartes.  Hiltrup  près  Müoster  (Westphalie).  Maison  da 
Sacré-Cœur  de  Jésus. 

La  publication  presque  simultanée  de  ces  trois  volumes  prouve,  mieux  que 
quoi  que  ce  soit,  avec  quelle  ardeur  et  quel  souci  d'exactitude  les  Allemands  se 
sont  mis  à  l'étude  des  populations  de  leurs  possessions  océaniennes.  On  remarquera 
que  toutes  trois  doivent  beaucoup  à  une  collaboration  intelligente  des  observateurs 
et  des  ethnographes  de  métier.  M.  Kleintitschen  a  reçu  des  missionnaires  de  la 
péninsule  de  la  Gazelle  des  rapports  de  toute  sorte  et  les  a  classés  suivant  un  ordre 
logique.  Les  notes  de  M.  Parkinson  ont  été  publiées  par  M.  Ankermann,  du  Musée 
Ethnographique  de  Berlin,  qui  précise  dans  la  Préface,  mais  avec  trop  de  modestie^ 
sa  part  de  collaboration.  Enfin  les  renseignements  recueillis  par  M.  Stephan  (dont  on 
déplore  la  mort  récente)  ont  été  élucidés  comparativement  par  M.  Grsebner  d'une 
manière  qui  ne  laisse  rien  à  désirer  pour  tout  ce  qui  concerne  les  éléments  de  la 
civilisation  matérielle.  M.  Grœbner  est  l'auteur  d'une  étude  sur  les  cycles  culturels  en 
Océanie  (Zeitschrift  für  Ethnologie,  1905,  p.  28-53)  et  par  suite  était  mieux  désigné 
que  quiconque  à  la  classification  des  faits  notés  par  Stephan  dans  des  catégories 
stables.  Les  planches,  dont  plusieurs  en  couleurs,  sont  accompagnées  de  dessins  au 


p.  460.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

trait  et  de  notices  explicatives.  La  musique  a  été  traitée  par  M.  yoq  Hornbostel,  la 
meilleure  autorité  actuelle  pour  la  musique  des  demi-civilisés.  Il  s^ensuit  que  Toa 
trouve  dans  ce  volume,  grâce  à  M.  Grœbner,  un  véritable  tableau  d'ensemble  des 
civilisations  mélanésiennes,  les  parallèles  a^^ant  été  donnés  et  élucidés  en  note.  Les 
seuls  points  sur  lesquels  on  ne  soit  renseigné  que  superficiellement,  c'est  sur  la  forme 
locale  du  totémisme,  puis  sur  la  religion  et  la  magie,  et  la  seule  critique  que  je  ferai 
à  M.  Grœbner,  comme  je  la  lui  ai  faite  ailleurs,  c'est  de  mettre  sur  le  même  plan, 
comme  éléments  de  classification,  des  institutions  (comme  les  sociétés  dites  secrètes, 
les  formes  du  totémisme,  les  systèmes  de  filiation,  etc.),  et  des  techniques  (maison, 
omomentation,  etc.).  Je  crois  que  ni  les  lois  du  développement  interne,  ni  celles  de 
l'emprunt  par  acculturation,  ni  celles  de  la  transmission  d'une  génération  à  Tautre, 
ni  le  degré  de  variabilité,  ni  celui  de  constance  ne  sont  les  mêmes  dans  un  cas 
comme  dans  Tautre.  En  outre,  il  ne  semble  pas  qu'on  puisse  découvrir  un  lien  géné- 
tique entre  Tune  de  ces  catégories  d'activités  et  l'autre.  Enfin  il  s'agirait,  autant 
que  de  déterminer  leur  aire  de  répartition,  de  déterminer  le  lien  entre  chacune 
des  institutions. 

Le  volume  de  Parkinson  est  l'un  de  ceux  que  tout  observateur,  en  quelque 
lieu  du  monde  qu'il  se  trouve,  doit  avoir  eu  entre  les  mains,  pour  se  rendre 
compte  de  quelle  manière  il  convient  de  poursuivre  des  investigations  sur  place. 
L'agrément  de  la  lecture  réside  précisément  dans  la  non-systématisation  des  obser- 
vations suivant  un  plan  théorique.  Les  quelques  grandes  divisions  de  l'ouvrage, 
imposées  par  la  nature  même  des  choses  suffisent,  et  le  mode  de  présentation  des 
faits  donne  bien  mieux  l'impression  de  vie  que  s'ils  étaient  répartis  suivant  les 
rubriques  dont  a  besoin  le  théoricien.  Ces  rubriques  d'ailleurs  se  remplissent  aisément 
grâce  à  l'index.  Des  illustrations,  comme  de  celles  du  volume  de  Stephan  et  Grseb- 
ner,  on  ne  peut  dire  que  du  bien.  La  plupart  des  populations  semblent  immigrées 
assez  récemment  :  les  Baining,  qui  n'ont  pas  monnaie-coquillage  et  ne  sont  pas 
marins,  semblent  appartenir  à  la  population  la  plus  ancienne  (je  n'ose  dire  comme 
M.  P.,  autochtone)  du  Nouveau-Mecklembourg.  Aux  Iles  Salomon,  on  rencontre 
en  majorité  des  Mélanésiens  purs,  avec  quelques  métis  de  Mélanésiens  et  de  Poly- 
nésiens. 

M.  Parkinson  n'a  pas  seulement  décrit  en  détail  la  civilisation  matérielle  des 
indigènes  qu'il  a  pu  observer  pendant  ses  voyages,  une  trentaine  d'années  durant, 
d'une  île  à  l'autre,  observations  enrichies  de  celles  que  lui  ont  communiquées  divers 
missionnaires.  Il  s'est  intéressé  de  près  à  l'organisation  politique,  à  la  situation  éco- 
nomique, etc.,  et  deux  institutions  surtout  l'ont,  on  peut  dire  intrigué  :  les  sociétés 
secrètes  et  le  totémisme,  au  point  qu'il  a  pris  même  position,  à  leur  propos,  au  point 
de  vue  théorique  général.  Des  sociétés  secrètes,  après  avoir  décrit  avec  le  plus  de 
détail  possible  leur  organisation,  leur  recrutement,  les  danses  et  les  ornements  qui 
les  caractérisent,  il  dit  (pp.  669  sqq.)  qu'en  gros,  elles  n'ont,  chez  les  Papous  et  les 
Mélanésiens,  qu'un  caractère  utilitaire  et  plus  spécialement  financier;  elles  servent 
à  tirer  de  l'argent,  sous  forme  de  monnaie-coquiUage,  non  seulement  des  non-initiés, 
mais  aussi  des  initiés  eux-mêmes  et  de  leur  famille.  Si  cependant  on  lit  les  pas- 
sages, disséminés  dans  le  livre,  et  surtout  les  pp.  667-667,  consacrés  à  la  descrip- 
tion des  détails,  on  se  voit  obligé  de  reconnaître  à  ces  sociétés,  même  au  duk-duk, 
un  sens  fondamental  utilitaire  sans  doute  aussi,  mais  plutôt  magico-religieux  :  il 
semblerait  que  c'est  à  ces  sociétés  qu'appartient  la  connaissance  des  recettes  et  des 
incantations,  et  en  général  le  contrôle  magico-religieux  de  la  nature  et  des  hommes. 
En  outre  on  ne  doit  pas  oublier  que  ces  sociétés  secrètes  se  trouvent  déjà  en  Mêla* 


1908.]  ANALYSES.  [P.  461. 

nésie  à  un  stade  de  déviation,  et  qu'on  ne  saurait  fonder  sur  elles  une  théorie 
générale.  Le  lien  intime  de  plusieurs  d'entre  elles,  au  moins  dans  quelques-unes 
de  leurs  cérémonies,  avec  la  culture  de  plantes  comestibles  et  la  végétation  en 
général  les  fait  rentrer  nettement  dans  la  catégorie  des  confréries  magico-reli- 
gieuses  à  but  économique.  Je  crains  que  sur  ce  point  M.  P.  n'ait  été  conduit  dans 
une  fausse  direction  par  Tinfluence,  à  laquelle  est  en  géaéral  soumise  l'ethnogra- 
phie allemande,  qu'exerce  l'étude  préférée  de  la  civilisation  matérielle,  dans  le  cas 
donné  :  de  l'ornementation. 

Etrange  aussi  apparaîtra  l'attitude  de  M.  Parkinson  à  l'égard  du  totémisme. 
D'abord  il  préjuge  la  question  fondamentale  :  il  dit  sans  cesse  que  les  «  gens 
de  naêrno  sigue  (Zeichen)  ne  s'épousent  pas  entre  eux  »  ou  que  telles  gens 
«  ont  tel  oiseau  pour  signe  n.  C'est-à-dire  que  pour  lui  le  mot  toieni  a  le  sens 
d'emblème,  de  marque^  ;  or  la  question  est  précisément  de  savoir,  (et  c'est  à  ce 
propos  que  se  sont  élevées  les  discussions  entre  théoriciens  que  M.  P.  traite  de 
ingénieuses,  geistreich)  si  Télément  fondamental  du  totémisme  est  la  croyance  à 
une  parenté  spécifique^  ou  si  elle  est  l'appartenance  à  un  même  nom  ou  si  elle  est 
le  droit  à  une  même  marque.  Tant  qu'on  n'aura  pas  résolu  ce  problème  primaire, 
les  discussions,  ingénieuses  ou  non,  ne  cesseront  point.  Que  ces  discussions  «  s'agi- 
tent dans  un  cycle  d'idées  qui  est  entièrement  étranger  aux  indigènes  »  (p.  675),  de 
ceci  nous  n'avons  cure  ;  car  si  les  théoriciens  s'en  étaient  tenus  aux  «  cycles  d'idées 
des  indigènes  »,  il  n'y  aurait  encore  ni  ethnographie,  ni  droit  comparé,  ni  science 
comparée  des  religions,  etc.  Comme  les  «  spéculations  ingéoieuses  »  des  théoriciens 
se  sont  fondées  surtout  sur  les  faits  australiens,  M.  Parkinson  trouve  commode  de 
rejeter  ces  faits,  pour  cette  raison  que  «  un  mélange  de  deux  races  a  eu  lieu  pendant 
des  milliers  d'années  en  Australie,  mélange  qui  a  dû  influer  sur  des  mœurs  et  des 
coutumes  qui  devaient  à  l'origine  être  distinctes  ».  Et  il  peuse  que  la  question  de 
l'origine  du  totémisme  peut  se  résoudre  mieux  en  l'étudiant  chez  les  Mélanésiens. 
Une  telle  argumentation  vaut  tout  autant  pour  les  Mélanésiens.  £n  quoi  ce 
mélange  se  marque  dans  le  totémisme  des  Australiens  centraux,  de  Spencer  et 
Gillen  ou  de  Strehlow-von  Leonhardi,  c'est  ce  que  les  théoriciens  seraient  fort 
heureux  d'apprendre. 

Or,  en  consultant  les  pages  676  et  suiv.  ils  apprennent  qu'en  Mélanésie  «  le 
totémisme  a  pour  but  de  séparer  nettement  des  groupes  dont  les  membres  héritent 
le  signe  totémique  en  ligne  maternelle  et  ne  peuvent  s'épouser  entre  eux.  »  En 
sorte  qu'implicitement  se  trouve  ici  résolu  l'autre  élément  fondamental  du  pro- 
blème :  l'exogamie  est-elle  ou  non  un  élément  primaire,  essentiel,  du  totémisme  ? 
Je  n'entre  pas  dans  le  détail,  et  me  contente  de  noter  Topinion  suivante  de  M.  P.  : 
«  Dans  la  presqu'île  de  la  Gazelle  et  le  Nouveau-Mecklembourg  méridional  se  ren- 
contre une  forme  encore  plus  primitive,  en  ce  que  toute  la  population  se  répartit 
en  deux  groupes  qui  se  nomment  simplement  «  nous  »  ou  «  les  nôtres  »  et  «  eux^ 
ceux-là  3  ou  «  les  vôtres  »,  et  je  crois  voir  dans  cette  forme,  une  forme  primitive 
de  tout  le  système  ».  Par ^  là  se  trouve  résolue  sans   discussion    une  troisième 


^  M.  P.  ne  voit  même  pas  que,  quand  il  se  fonde  sur  Powell,  Man,  1902,  n^  75,  c'est  par  une 
justification  après  coup,  qu'il  eût  sans  doute  abandonnée  s'il  avait  lu  dans  le  môme  périodique 
(d<^>  84  et  85),  les  critiques  auxquelles  les  définitions  de  Powell,  étroites  et  factices,  ont  été  soumi- 
ses par  N.  W.  Thomas  et  Sidney  Hartland,  définitions  que  M.  Hill-Tout  n'a  pu  réussir  à  sauver 
(cf.  Man  1904,  n"  48  et  53). 


p.  462.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

question  :  les  phratries  étaient-elles  originairement  des  groupes  totémiques,  et 
portaient-elles  le  nom  du  totem  ?  —  Mais  de  plus  M.  P.  prend  pour  point  de  départ 
du  totémisme  la  forme  que,  de  Tavis  de  tous  ceux  qui  ont  étudié  le  totémisme  éga- 
lement chez  les  Amérindiens,  les  Bantous,  etc.,  on  se  voit  obligé  de  regarder  comme 
une  forme  d'arrivée,  on  peut  même  dire,  dégénérescente.  Excellent  observateur, 
M.  P.  se  livre,  dans  la  partie  théorique  de  son  livre  à  des  hypothèses  et  à  des  affir- 
mations dont  on  conçoit  que  son  éditeur,  M.  B.  Ankermann,  Tun  des  meilleurs 
ethnographes  allemands,  n'ait  point  osé  se  porter  garant.  Si  j'ai  d'ailleurs  insisté 
sur  le  caractère  outrancier  de  quelques  hypothèses  (il  en  est  de  plus  osées  encore, 
notamment  sur  le  peuplement,  à  l'époque  tertiaire  de  l'Australie  et  de  l'Océanie, 
etc.)  c'est  précisément  que  pour  la  richesse  et  le  soin  de  la  documentation  je  recom- 
mande ce  livre  à  tous  ceux  qui,  ayant  occasion  de  vivre  en  Nouvelle  Calédonie, 
aux  Nouvelles  Hébrides,  à  Tahiti,  etc  ,  voudraient  avoir  un  modèle  à  suivre 
et  des  points  de  repère  pour  leurs  observations  personnelles  ;  il  importait  donc  de 
les  mettre  en  garde  contre  les  théories  de  l'auteur. 

On  ne  trouvera  poiot  de  théories,  dans  l'ouvrage  de  M.  Eleintitschen  ;  et 
même  on  y  constatera  une  ignorance  absolue  de  l'ethnographie  générale,  de  son 
but  et  de  sa  méthode.  Au  point  que  les  faits  de  totémisme  ne  sont  même  pas 
reconnus  comme  tels,  et  par  suite  représentés  d'une  manière  fragmentaire.  Cepen- 
dant, pour  les  Baining  notamment,  on  y  trouvera  une  masse  considérable  de  ren- 
seignements intéressants,  plusieurs  entièrement  nouveaux,  et  qui  complètent  dans 
le  détail  les  pages  de  M.  Parkinson  consacrées  à  la  presqu'île  de  la  Gazelle. 

A.  VAN  Gennep. 

* 

W.-H.-S.  Jones  :  Malabia.  A  neglected  factor  in  the  history  of  Greece  and  Honie. 
In-12,  VIII-108  pp.  Cambridge,  Macmillan,  1907. 

Malgré  le  développement  si  heureux  des  recherches  qui  sUnspirent  des  prin- 
cipes de  l'anthropogéographie,  on  n'a  guère  songé  jusqu'ici  à  chercher  l'une  des 
causes  de  la  décadence  des  sociétés  antiques  dans  certaines  maladies  épidémiques 
que  pouvaient  favoriser  les  conditions  du  sol  en  Italie  comme  en  Grèce.  Entre 
toutes  les  épidémies,  la  malaria  est  une  de  celles  qui  dévastent  aujourd'hui  encore 
avec  le  plus  de  violence  les  terres  classiques.  Tout  le  monde  connaît  ses  ravages 
dans  l'Italie  du  Sud  ;  en  Grèce,  la  moitié  de  la  population  est  atteinte  et  les  miasmes 
de  l'ancien  lac  Copaïs  ne  le  cèdent  pas  à  ceux  des  marais  Pontins.  Môme  en  des 
régions  parfaitement  saines,  il  suffit  qu'un  seul  individu  frappé  de  la  malaria  se 
soit  fait  mordre  par  une  anophèle  d'un  marais  pour  que  le  marais  devienne  aussitôt 
un  centre  de  contagion  ;  c'est  ainsi  qu'on  a  vu  se  ruiner  rapidement  l'île  Maurice 
depuis  que,  en  1866,  la  malaria  fit  son  apparition  dans  le  paradis  terrestre  de  Paul 
et  Virginie.  Quand  et  comment  la  malaria  a-t-elle  pu  s'introduire  en  Grèce  et  à 
Rome  ?  C'est  la  question  à  laquelle  M.  Jones,  a  très  ingénieusement  tenté  de 
répondre  dans  cet  opuscule.  Parmi  les  fièvres  que  décrivent  les  auteurs  anciens  la 
malaria  serait  celle  que  Théognis  nommerait  le  premier  sous  le  nom  d'il^T^laXoç  ;  le 
nom  serait  identique  à  celui  qu'Aristote  emploie  pour  désigner  un  moustique  qui 
s'attaque  aux  abeilles,  i^j7cio>.oç,  identité  entre  le  nom  de  la  maladie  et  celui  de  son 
propagateur  qui  se  retrouverait  en  albanais,  en  lithuanien  et  chez  les  tribus  afri- 
caines qui  désignent  du  même  terme  de  mbu  la  fièvre  et  le  moustique.  Si  le  nom 
se  trouve  déjà  chez  Théognis,  les  premières  allusions  certaines  à  la  maladie  sont 
dues  à  Aristophane,  en  425-2  (Acham.  1165  ;  Vesp.  1038  ;  fr.  315  Dindorf)  ;  aussi 


1908.]  ANALYSES.  TP.  463. 

M.  J.  est-il  amené  à  supposer  que  Tintrod action  de  la  maladie  dans  le  climat  si 
sain  de  TAttique  doit  s'expliquer  par  les  expéditions  athéniennes  de  456/5  dans  les 
marais  du  Delta,  dont  Hérodote  (II,  95)  montre  les  habitants  s'enveloppant  chaque 
nuit  dans  un  filet  pour  se  protéger  contre  les  moustiques,  et  par  celles  de  Thasos  et 
de  Sphactérie  (425),  îles  qui  sont  restées  en  Grèce  parmi  les  pires  centres  de  mala* 
ria;  enfin,  les  misères  de  la  guerre  du  Péloponnèse,  les  campagnes  attiques  ravagées 
et  laissées  en  friche  permettraient  d^attribuer  à  des  causes  toutes  physiologiques 
cette  rapide  décadence  de  Ténergie  athénienne  au  IV*^  siècle,  —  la  prédominance  du 
pessimisme  dans  la  philosophie,  du  sentimentalisme  dans  la  littérature,  du  scepti«- 
cisme  dans  la  politique  —  que  M.  Jones  a  si  bien  mise  en  lumière  dans  son  précé- 
dent ouvrage  sur  Greek  morality  in  relation  to  Institutions.  A  Rome,  de  même,  — 
où  le  culte  de  Febris,  l'importance  de  la  toge  de  laine,  Tassiette  des  villes  sur  les 
hauteurs  peuvent  s'expliquer  en  partie  par  la  crainte  do  la  malaria  qui  serait  le 
lues  du  Chant  des  Arvales,  le  morbus  sonticus  de  la  Loi  des  Douze  Tables  —  ce 
sont  les  mercenaires  africains  d'Haunibal  et  leurs  ravages  qui  auraient  acclimaté 
surtout  le  redoutable  fléau  :  ce  serait  la  pestilentia  gravis  dont  Tite  Live  parle  en 
208  (XXVII,  23)  et  que,  au  début  du  siècle  suivant,  Plante  et  Caton  décrivent  comme 
une  fièvre  quotidienne  qui  noircit  la  bile  et  fait  gonfler  la  vésicule.  C'est  au  déve- 
loppement de  la  malaria  que  M.  J.  voudrait  attribuer  la  transformation  qu'il  croit 
reconnaître  chez  le  Romain  du  IP  siècle  comme  chez  T Athénien  du  IV^  siècle  : 
«  la  malaria  fit  la  faiblesse  et  Tindifférence  du  Grec  ;  elle  transforma  le  Romain  en 
une  brute  sanguinaire.  Si  la  [tsXayxoXia,  une  sorte  de  spUen^  causait  des  alternatives 
d'abattement  et  de  colère,  Vatra  Ulis  faisait  des  fous  furieux  de  ceux  quVIle  possé- 
dait 9.  On  ne  saurait  guère  suivre  M.  J.  dans  ces  développements  trop  faciles  ;  on 
regrette  aussi  qu'il  n'ait  pas  cherché  à  s'appuyer  sur  une  étude  approfondie  des 
centres  antiques  de  diffusion  de  la  malaria  (notamment  qu'il  ait  ignoré  l'excellente 
étude  des  marais  Pontins  que  contient  le  Terracine  de  La  Blanchère).  Le  principe 
de  son  étude  n'en  parait  pas  moins  heureux  —  pourquoi  les  indigènes  de  Rome  ou 
d'Athènes  ne  se  seraient-ils  pas  affaiblis  par  les  mêmes  causes  physiologiques  qui  ont 
fait  presque  disparaître  les  indigènes  des  Antilles  ?  —  et  l'envahissement  de  la  Grèce 
puis  de  Rome  par  les  esclaves  et  les  soldats  propagateurs  des  maladies  de  l'Orient 
devra  figurer  désormais  à  côté  de  ces  causes  économiques  et  sociales  de  décadence 
qu'ont  mises  en  si  bonne  lumière  G.  Ferrero  dans  sa  Grandeur  et  Décadence  de 
Rome  et  C.  Barbagallo  dans  La  Fine  délia  Grecia  antica  (Bari,  1905). 

A.  J.-Reinaoh. 

F.  il.  Weibsbach,  Beiträge  zur  Kunde  des  Irak- Arabischen  (Leipziger  Semitische 
Studien,  IV,  1.  Hälfte),  l^^  Hälfte,  Prosa-Texte.  1  vol.  in-8%  208  pp.  Leipzig, 
J.  C.  Uinrich,  1908. 

Au  cours  des  années  1901-1903,  M.  Weissbach,  qui  avait  accompagné  l'expé- 
dition envoyée  en  Babylonie  par  la  Société  allemande  de  l'Orient,  a  profité  de  son 
séjour  dans  les  régions  du  bas  Euphrate  pour  étudier  le  dialecte  parlé  par  les  Arabes 
de  ces  contrées  ;  il  s'est  constitué  ainsi  une  riche  collection  de  textes  de  l'arabe 
parlé  dont  la  publication  commence.  La  prose  a  les  honneurs  du  volume»  elle  figure 
en  tête  ;  ensuite  viendront,  dans  un  délai  qu'on  nous  promet  assez  court  :  les  textes 
en  vers  (parmi  lesquels  soixante  chants  de  cavaliers  et  deux  cents  hymnes  guerriers, 
ainsi  que  plusieurs  mélodies  notées),  un  glossaire  complet,  une  introduction  des- 
tinée à  être  placée  en  tête  du  volume  et  un  certain  nombre  de  remarques  dues  à  la 


ip7464.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908, 

plume  de  M.  A.  Fischer.  Ainsi  l'on  possédera  une  série  complète  de  documents  qui 
permettront  d'étudier  Tarabe  parlé  actuellement  dans  Tlraq. 

Ce  n'est  pas  qu'on  ait  toujours  ignoré  l'existence  de  ce  dialecte,  mais  il  n'avait 
pas  encore  été  relevé  et  étudié  soigneusement,  en  s'entourant  de  toutes  les  lumières 
que  peut  fournir  la  phonétique  avec  ses  méthodes  rigoureuses  de  transcription.  Quel- 
ques remarques  éparses  dans  les  travaux  de  Wetzstein  et  d'Alfred  von  Eremer  sur 
la  Syrie  ont  rapport  au  dialecte  des  Bédouins  du  désert  qui  forme  l'hinterland  de 
ces  côtes  ;  or  ce  dialecte,  par  l'articulation  de  certaines  consonnes,  est  très  voisin  de 
celui  de  l'Iraq  (ce-  dernier  est  parlé  depuis  le  Chatt-el-* Arab  jusqu'à  Palmyre),  et 
je  ne  serais  pas  étonné  d'apprendre  qu'en  réalité  c'est  le  parler  bédouin  du  Bàdiyet 
ech-  Ghâm  qui  a  débordé  sur  celui  des  citadins  :  on  sait  l'état  de  misère  de  ces 
contrées,  les  luttes  perpétuelles,  les  combats  meurtriers  dont  elles  ont  été  le  théâtre 
jusqu'au  début  du  XIX^  siècle^  ;  un  afflux  de  population  venant  du  désert  a  pu 
s'installer  dans  les  villages  et  les  bourgades  ruinés  et  y  constituer  de  nouveaux 
centres  d'habitation  tout  en  conservant,  naturellement,  le  parler  familier  à  leurs 
organes. 

Il  y  a  maintenant  cinq  ans  que  M.  Meissner  publiait  à  Leipzig  ses  Neuarabische 
Geschichten  aus  dem  Iraq^  accompagnées  d'une  traduction  allemande,  d'une  esquisse 
de  grammaire  et  d'un  glossaire  :  c'était  le  premier  ouvrage  de  ce  genre,  permettant 
d'étudier  et  d'apprendre  un  dialecte  dont  la  connaissance  pratique  est  nécessaire 
aux  assyriologues  chargés  de  faire  des  fouilles  dans  l'ancienne  Ghaldée,  et  le 
deviendra  encore  plus  quand  les  ingénieurs  des  ponts  et  chaussées,  avec  leur  cortège 
habituel  de  conducteurs,  de  piqueurs  et  d'entrepreneurs,  viendront  étudier  sur 
place  l'embranchement  du  chemin  de  fer  de  Bagdad  menant  aux  villes  saintes  des 
Chiites.  Cette  publication  complétait  la  série  d'études  entreprises  par  ce  savant  et 
qui  avaient  précédemment  été  publiées  dans  les  Miiteilungefi  du  Séminaire  des 
langues  orientales  de  Berlin^.  Le  volume  qui  nous  est  offert  aujourd'hui  renferme 
trente-huit  historiettes,  plus  un  numéro  formant  plusieurs  énigmes  et  une  lettre 
en  dialecte,  deux  cent  soixante-dix-sept  proverbes,  et  des  formules  usuelles  de 
conversation  rangées  sous  quinze  rubriques. 

Comment  ont  été  obtenus  ces  documents  ?  Le  présent  volume  ne  nous  fournit 
aucune  indication,  à  première  vue.  A  la  suite  d'un  examen  plus  attentif,  on  trouve 
un  certain  interlocuteur  R.  qui  donne  des  explications  en  arabe  au  sujet  de  certains 
proverbes  ;  enfin  un  hasard  heureux  permet  de  trouver,  à  la  p.  166,  le  mot  de 
l'énigme  :  R.  est  l'initiale  du  nom  de  Rasîd  ;  c'est  évidemment  le  même  Rasîd 
ec-ûâlî  qui  avait  été  le  professeur  de  Meissner  et  qui  a  été  présenté  aux  lecteurs 
par  M.  Weissbach  dans  un  article  critique  de  la  Zeitschrift  der  deutsch,  morgenlând, 
Gesellschaft^  t.  LVIII,  1904,  p.  931.  Ainsi  les  documents  de  Weissbach  et  de 
Meissner  ont  la  même  origine  :  c'est  la  transcription  pure  et  simple  du  parler  de 
M.  Rachîd.  On  aurait  pu  contrôler  les  affirmations  de  ce  personnage  au  moyen  de 
l'usage  habituel  à  d'autres  personnes,  pour  éviter  le  danger  de  transcrire  des 
habitudes  de  langage  purement  personnelles,  non  dialectales  ;  rien  n'indique  que 
cela  ait  été  fait. 

Avant  de  passer  à  l'étude  du  nouveau  travail  de  M.  Weissbach,  je  signalerai 
deux  passages  fort  amusants  de  son  article  critique  sur  Meissner,  que  je  viens  de 


^  Voir,  entre  autres,  mon  Histoire  de  Bagdad  dans  les  temps  modernes^  passim, 
'    2  Abt.  II,  t.  IV,  p.  137  :  Sprichwörter  und  Rätseln  ;  t.  V,  p.  77,  t.  VI,  p.  57,  t.  VII,  p.  1  : 
Neuarabische  Gedichte. 


:1908.]  ANALYSES.  [P.  465. 

relire.  P.  938  :  «  Eiae  sehr  grosse  Zahl  ist  Igk  (uach  Belot  100  Milliarden)  ».  Lgk 
•est  simplement  emprunté  au  persan  Idk^  venu  de  l'Inde  {lakk)  et  passé  également 
en  français  et  en  anglais  (un  lac  de  roupies,  a  lack  of  rupees).  C'est  bien  cent  mille. 
P.  942.  —  Dans  jfikûnhin  (!)  «  leur  total  »,  le  pronom  personnel  affixe  a  paru  étrange 
à  l'auteur  de  Tarticle,  qui  Ta  bafoué  d'un  point  d'exclamation  ;  c'est  évidemment 
qu'il  a  pris  ^kün  pour  Taor.  3.  p.  s.  du  verbe  Tcân,  tandis  que  c'est  bien  le  même 
mot,  devenu  substantif  par  suite  de  Thabitude  où  Ton  est  de  le  mettre  au  bas  des 
additions,  à  la  place  où  nous  mettons  le  mot  totale  et  avec  la  même  signification. 
Devenu  substantif,  il  a  été  traité  comme  tel  ;  le  pronom  affixe  s'explique  tout  natu- 
rellement. 

Revenons  au  nouveau  volume.  Les  consonnes  g  et  %  se  prononcent  tantôt  y  et 
è^  tantôt  g  et  A;,  sans  qu'on  puisse  déterminer  de  règle.  Ainsi  nous  avons  girîh  pour 
qarîb,  sanädiy  pour  çanâdiq^  mais  à  côté  logànda  «  hôtel  n^gâmqt  «  elle  s'est 
levée  n.  De  plus,  g  n'est  pas  seulement  g,  mais  aussi  g  classique  :  tf>rîg  «  chemin  ■, 
et  à  côté  tdlig  «  neige  »,  ^âii  «  venant  »,  d'gagâi  »  poules  ».  Ûefir  est  bien  ketir 
o  nombreux,  beaucoup  »,  mais  à  côté  l'on  trouve  kitïr  dans  èë-kitïr  «  combien?  » 
Il  y  a  des  choses  bizarres  ;  ainsi,  p.  6,  nous  avons  nite^ârak  et  iié'ârië  (de  te^ârak 
«  combattre  »)  sur  la  même  ligne.  Est-ce  que  les  souvenirs  littéraires  de  Rachîd 
n'auraient  pas  influé  sur  sa  prononciation  ?  Néanmoins,  sur  ce  phénomène  de  pala- 
talisation qui  en  certains  cas  peut  servir  à  différencier  les  significatious,  il  faut  voir 
les  justes  remarques  de  M.  Weissbach  dans  son  article  précité,  p.  932. 

Le  traitement  de  la  diphtongue  ai  prononcée  îe  (c'est-à-dire  la  voyelle  longue  t 
suivie  d'une  voyelle  adventice  e)  est  caractéristique  du  parler  de  Tlraq  ;  ainsi  le 
duel  devient  îm:  mltîen  «  deux  cents  »,  tnien  «  deux  »,  granien  «  deux  kraus 
(monnaie  persane)  ».  De  même  ëîeh^  lîel. 

Les  formes  jetqUir  (p.  199,  n""  34)  etglqiiil  (diminutif  de  gelil^  n^  42),  justifient 
l'analyse  de  la  prononciation  des  semi- voyelles  redoublées  que  j'ai  publiée  dans  les 
Mémoires  de  la  Société  de  Linguistique,  t.  XIII  ;  j'ai  établi  qu'elles  doivent  être 
transcrites  respectivement  ww  et  yy^  non  ûw  ni  iy,  (Cependant  on  trouve  aussi 
dâif^ar.  Si  M.  Weissbach  s'était  servi  de  mon  procédé,  qui  consiste  à  prononcer 
lentement  les  semi -voyelles  redoublées,  il  n'aurait  pas  hésité  entre  les  deux  formes. 
Je  doute  fort  de  l'exactitude  de  la  transcription  il-isüs  «  les  principes  »,  et 
encore  plus  de  fi  imânillâh  (p.  198)  ;  en  Syrie,on  dit  :  fi  amâniUâh,  forme  correcte. 
Lies  Allemands  ont,  dans  leur  transcription  de  l'arabe  parlé,  une  prédilection  pour 
r»,  ce  qui  doit  tenir  à  quelque  modalité  de  leur  appareil  auditif;  c'est  ainsi  qu'ils 
transcrivent  iili^  (3®  p.  s.  prétérit)  quand  la  prononciation  locale  est  plutôt  tële' 
•(avec  un  é  sourd  analogue  à  Ve  muet  français  dans  je). 

La  réduction  au  <  ô  n'est  pas  complète  :  sôub  «  côté  »  (çaub)^  nqum  «  som- 
meil »  (naum)j  [dur  «  taureau  »  faute  d'impression  pour  t^r  (thaur).  ü'est  la  pro- 
nonciation persane  de  au.  —  L'assimilation  de  l  devant  n  est  courante  :  tuqssinni 
«  tu  me  feras  parvenir  »  (de  tcassal).  —  La  dissimilation  dans  zdnealq  «  tremble- 
ment de  terre  »  (jsélzélé)  est  aisément  explicable. 

Megidi  (p.  149)  est  inexactement  rendu  par  «  Taler  »  ;  ces  deux  monnaies  ne 
3e  ressemblent  ni  par  la  grandeur,  ni  par  le  poids,  ni  par  la  valeur  :  le  medjidié 
vaut  environ  4  fr.  20,  le  thaler  3  fr.  75  à  peine.  —  Dans  iè-ierâèif  «  les  draps  de 
lit  »,  le  second  ^,  si  la  transcription  est  fidèle,  a  été  introduit  par  analogie  ;  la  vraie 
forme  serait  èerâêif{k  Damas,  èarâèif)  pi.  arabe  du  mot  emprunté  au  turc  iarèaf 
<  pers,  èadir('i)  äab.  —  Lummqn  «  lorsque  »,  âku  «  il  y  a  »  (dans  6än  âkïi  «  il 
j  avait  »,  cf.  mâkû  «  il  n'y  a  pas  »  p.  43)  sont  caractéristiques'  du  dialecte  de  l'Iraq. 


p.  466.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [^^08. 

—  Pourquoi  mäStn  «  qui  marchent  »  est-il  expliqué  en  note  par  mâSiiîn  ?  C'est  la 
foi  me  classique  {maèûn^^  maèin").  Màèiia  au  féminin  est  tout  à  fait  classique. 

Les  formes  nitèif  pour  niièif  (class,  nahëifu)^  nidsim  pour  nigsim  (class. 
naqsumu)  «  nous  partagerons  »,  iitsihum  pour  iiësihum  (class,  iàksihim)  «  il  les 
re\êt  n  prouvent  que  ^  et  ^  ne  sont  point  une  seule  articulation,  mais  se  décompo- 
sent réellement  en  dj  et  U  :  la  sifflante  fait  disparaître  le  j  et  le  .^,  il  reste  d  et  t. 

—  Balkan  p.  31  «  peut-être  »  est  emprunté  au  turc  hélhim  =  pers.  feeZfciÄ  (de  ar. 
bel  -J-  P*  ^'<^0-  "  ^  propos  du  suffixe  verbal  appliqué  à  des  substantifs  dans  lis- 
sa'àrii,  isimnl,  cf.  le  syrien  ntâ-nî  «  je  ne  suis  point  ».  —  P.  43,  em'oddq  «  bei 
dieser  Gewohnheit  »  est  douteux  comme  l'indique  la  note  ;  je  propose  de  prendre 
ce  mot  pour  le  part,  passif  IV  avec  le  sens  de  la  1"  forme  ma'düda  ■  qu'on  peut 
compter  »,  c'est-à-dire  «  en  petit  nombre  ».  —  P.  161,  dans  '"dgb^in-nûn  il-raUHn 
«  après  le  pain,  le  narghilé  »,  ce  n'est  pas  seulement  nun  qui  est  le  persan  rmn, 
mais  encore  raliûn  qui  représente  le  persan  qalyûn^  qàlyân,  emprunté  à  Tarabe 
ghalayân  «  bouillonnement  ». 

P.  203,  n*^.  105,  iorSl  est  donné  comme  synonyme  de  hall  «  vinaigre  ».  Cela 
m'étonne.  On  appelle  iôrf^  (du  turc  iüreüj  pers.  turèi  «  aigreur  »)  des  légumes, 
cornichons,  concombres,  piments,  etc.  confits  dans  le  vinaigre.  —  Ibid.^  n""  109, 
ïl-amiût  «  poire  »  est  emprunté  au  pers.-turc  armüd  et  a  remplacé  le  classique 
iyaçç^  syrien  enyâç,  —  Mîeuq  est  le  pers.-lurc  wterè,  méivè.  —  lâzdhhanq  «  à  tube 
(cigarettes)  »,  traduit  ZigareUenhülsen,  est  curieux  ;  il  est  formé  du  turc  zirânèy 
pers.  eèbân.  —  Marpiè  «  tuyau  flexible  du  narghilé  »  est  plus  près  du  persan 
fnâr-pïd  «  qui  se  déroule  comme  un  serpent  »  que  le  syrien  narbiè. 

P.  205,  n®  139.  ûu  «  fer  à  repasser  »  est  le  turc  üiü,  —  n®  151  :  iâTé  signifie 
«  dernier  »,  par  exemple  tâlï  âîbna  «  dernier  mot  ».  —  Dans  banatrûn  pour  banUilun 
«  pantalon  »,  il  y  a  à  la  fois  dissimilation  de  VI  et  métathèse  de  la  voyelle  en  pré- 
sence de  l'emphatique. 

Le  texte  arabe  est  accompagné  d'une  traduction  allemande  sur  la  même  page; 
cela  facilitera  beaucoup  les  recherches  relatives  au  folk-lore.  Un  bon  nombre  de  ces 
historiettes  doit  être  d'origine  littéraire,  comme  les  n"""  3  et  4,  qui  font  partie  du 
cycle  épique  des  Benou-Hilâl,  et  peut-être  aussi  le  n^  5,  qui  se  rattache  à  celui  des 
'Anézé.  D'autres,  comme  les  aventures  de  divers  chéïkhs  aux  environs  de  Bagdad, 
rappellent  mieux  le  genre  du  conteur  populaire.  Les  historiettes  30  et  31  ne  sont 
accompagnées  d'aucune  traduction  ;  c'est  qu'elles  figurent  déjà  dans  Meissner, 
Jieiiräge  zur  Assyriologie,  et  surtout  parce  qu'elles  sont  obscènes. 

Cl.  Huabt. 

Ignâz  Bebn stein.  Jüdische  Sprichwörter  und  li^densarten.  2*  éd.  Varsovie^  1908» 
1  vol.  in-8.  84.329-xv  p. 

Cette  riche  collection,  publiée  avec  la  collaboration  de  M.  B.  W.  Segel,  n'était 
pas  absolument  ignorée,  puisque  ua  peu  moins  de  la  moitié  environ  des  proverbes 
et  dits  qu'elle  contient  (2056  sur  3993),  avait  paru  en  1888  et  en  1889  en  deux 
fascicules  extraits  du  Spectator  de  Varsovie.  Mais  ces  fascicules  étaient  depuis 
longtemps  épuisés  et  Ton  ne  peut  que  féliciter  l'auteur  d'en  avoir  donné  une  seconde 
édition  considérablement  accrue  et  suivie  d'un  glossaire.  Elle  comprend  les  prover- 
bes et  les  dits  en  cours  chez  les  Juifs  de  Bussie,  de  Pologne  et  de  Galicie,  à  l'ex- 
ception de  deux  sections  spéciales  (Erotica  et  Rustica)  et  complète  les  collections 
relatives  à  la  Bohème,  à  la  Hongrie  et  au  sud  de  l'Allemagne,  publiées  par  Tend- 


1908.]  ANALYSES.  [P.  467. 

lauy  Blau,  Hour,  etc.^.  La  langue  est  rallemand  mêlé  d'hébreu  dans  une  forte 
proportion  et,  çà  et  là,  de  russe  et  de  polonais  ;  le  texte  est  donné  en  caractères 
hébreux  avec  la  transcription  en  regard  et  quelquefois  suivi  d'un  court  commen- 
taire. L'ordre  alphabétique  adopté  est  celui  des  lettres  hébraïques.  Gomme  il  s'agis- 
sait, au  moins  pour  la  prononciation  des  voyelles  différentes  suivant  les  trois 
dialectes,  d'adopter  une  règle  générale,  M.  Bernstein  a  choisi  le  dialecte  podolien- 
wolbynien  qui  est  le  plus  généralement  compris  dans  l'Europe  orientale.  Il  aurait 
été  utile  d'indiquer  la  provenance  de  chaque  proverbe  par  une  lettre  placée  à  côté 
<îe  lui  :  c'est  le  système  employé  par  M.  Ben  Cheneb  dans  ses  Proverbes  arabes  de 
V Algérie  et  du  Maghreb^. 

Ce  livre,  qui  est  une  riche  contribution  à  la  littérature  parsemiologique  ne  sera 
pas  moins  bien  accueilli  par  les  philologues  que  par  les  folk-loristes.  Quelques  uns 
des  proverbes  s'appliquent  à  des  idées  générales  : 

N**  351  A  Vhejmu  bleibt  a  Vhejmu,  Une  bête  reste  une  bête. 

N®  1456  As  men  singt  im  sümer^  wejnt  men  im  winter.  Quiconque  chante  en 
été,  pleure  en  hiver.  (Tel  qui  rit  vendredi,  dimanche  pleurera). 

N®  1908  A  kojhejn  is  a  Jcaasson,  Le  prêtre  est  rancunier.  (Tantœne  animis 
cœlestibus  irse  I) 

N°  3135  Wi  fil  Jtep,  asoj  fil  dejojes.  Autant  de  têtes,  autant  d'avis.  (Tot  capita, 
tot  census). 

N®  3321  Klejne  kinder,  kUjne  sorgen^  grojsse  kinder^  grojsse  sorgen.  Petits 
enfants,  petits  soucis  ;  grands  enfants,  grands  soucis. 

D'autres  font  allusion  à  des  contes  universellement  répandus  : 

N^  825  Auf  dem  ganvav  brent  dus  hitàl.  La  casquette  brûle  sur  le  voleur. 

Il  existe  diverses  versions  de  ce  conte  :  dans  une  recension  berbère  et  une 
recension  arabe,  c'est  Salomon  qui  découvre  le  voleur  par  une  ruse  semblable.  Cf. 
mes  Contes  populaires  berbères^  n*»  XV,  Salofnon  et  le  voleur  d'oies^  p.  31  et  les 
rapprochements,  p.  153,  et  mes  Nouveaux  contes  berbères^  p.  208. 

D'autres  ont  un  sens  plus  particulier  : 

N**  1466  Drei  menschen  singen  fur  zuw jess  :  a  chason,  a  better  un  a  mar- 
schalek.  Trois  hommes  chantent  par  nécessité  :  le  chantre,  le  mendiant  et  le  marsza- 
lek.  (Le  marsmlek  est  le  bouffon  chargé  d'amuser  les  convives  d'une  noce). 

N^  1969  Men  mUs  d%  Vwunu  mchadeijsch  sein^  asoj  lang  et  schteht.  Il  faut 
saluer  la  nouvelle  lune  tant  qu'elle  est  là.  (Il  faut  battre  le  fer  quand  il  est  chaud). 

N**  1970  A  lag-b'ojmer  general  is  nor  aufejn  tug.  Un  général  de  tag-Vojmer  ^ 
ne  dure  qu'un  jour.  (Le  lag-b'ojmer  désigne  le  33*  jour  de  Ss'firu  où  les  enfants 
ont  congé  et  s'amusent  à  divers  jeux,  entre  autres  celui  du  soldat). 

N**  3112  As  msn  koch  nit  in  der  wochen^  hot  men  schaboss  nit  tvus  zu  essen. 
Quand  on  ne  cuit  pas  dans  la  semame,  on  n'a  rien  à  manger  le  jour  du  sabbat.  (On 
sait  que  la  loi  juive  interdit  d'allumer  du  feu  le  samedi). 


I  II  existe  d'autres  collections  du  môme  genre,  intéressant  le  folk-lore  et  surtout  la  parasmio- 
graphie,  mais  elles  sont  empruntées  à  des  écrits  littéraires,  p.  ex.  G.  Levi,  Parabole^  leggende  e 
pen^ieri  (Florence,  1861,  in-12);  les  articles  contenus  dans  Deutsch,  Literary  Remains  (Londreji, 
1874,  in-8)  ;  Clouston,  Flowers  from  a  Persian  Garden  (Londres,  1890,  in-8)  ;  Ehrmann,  Aus 
Palestina  und  Babylon  (Vienne,  1880,  in-8)  ;  J.  Chotzoer,  Hebrew  humor  and  other  Essays 
<<Londre8,  1905,  in-8)  ;  Schnhl,  Sentences  et  Proverbes  du  Talmud  (Paris,  1898,  in-8),  etc. 

«  Paris,  3  vol.  in-8, 1905-1907. 

3  Paris,  1887,  in-18. 

*  Paris,  1897,  in-18. 


p.  468.]  •    R    •    E    >    E    ^    S    ^         [1908. 

N*  3175  Füm  dem  gressten  harp  ken  men  nor  hüben  ejn  harpenkop.  Avec  la 
plus  grande  carpe,  on  ne  pent  avoir  qu'one  (seule)  tête  de  carpe.  (La  plus  belle 
fille  du  monde  ne  peut  donner  que  ce  qu'elle  a.  —  La  tête  de  carpe  est  un  mor- 
ceau estimé  des  Juifs  ;  malheureusement  il  n'y  en  a  qu'une  par  poisson). 

N^  3661  Ä  ganse  schtudi  schikt  men  kain  SsAir  nii  atceg.  On  n'envoie  pas 
toute  une  ville  en  Sibérie.  (Un  groupe  peut  oser  plus  qu'un  homme  isolé). 

N*»  3766  Rehi  kurcjw  !  schissi  ihr  friher,  tcurüm  ihr  sent  elter.  Monsieur  mon 
parent,  tirez  d'abord,  car  vous  êtes  plus  âgé.  (Ce  proverbe  s'applique  aux  recrues 
juives  qui,  par  peur  du  fusil,  se  font  mutuellement  des  politesses  à  l'exercice,  pour 
ne  pas  tirer  le  premier). 

Enfin  il  est  des  proverbes  et  des  dits  particulièrement  locaux  : 

N«"  1235  Zü-n-a  tcünd  ü  eü-n-^i  bliäer  as  helft  nitkqjn  doktor,  helftattäer. 
Pour  une  blessure  ou  une  perte  de  saug,  si  un  médecin  ne  sert  de  rien,  un  Tatar 
vient  en  aide.  (On  appelle  Tatars  les  charlatans  ambulants  que  les  gens  préfèrent 
souvent  aux  médecins). 

N®  3102  As  der  kosak  sugt  «  sstupaj  !  «  mus  men  m'chalejl-schàboss  sein. 
Quaod  le  cosaque  dit  :  marche,  il  faut  bien  profaner  le  sabbat. 

N""  3235  Külikotoer  mischpot  Jugement  de  Külikov.  (Un  jugement  injuste  : 
Dans  la  petite  ville  do  Külikov,  près  de  Lemberg,  vivaient  deux  tailleurs  et  un 
savetier.  Un  jour  celui-ci  commit  une  faute  grave  et  fut  condamné  à  mort.  Mais 
pour  que  la  ville  ue  restât  pas  sans  savetier,  on  décida  d'exécuter  à  sa  place  un  des 
deux  tailleurs.  La  même  anecdote  s'applique  aussi  à  la  ville  polonaise  d'Osick). 

N®  3834  Wi  kiimt  der  kaschtan  in  schülchan-urüch  arein  ?  Comment  le  (che- 
val) bai  brun  peut-il  être  dans  le  code  ?  (Deux  maquignons  se  disputaient  un  cheval 
devant  un  rabbin.  Celui-ci  allait  leur  déférer  le  serment  sur  le  schulchon-urûch^ 
(m.-à-m.  la  table  couverte^  code  religieux  et  civil  composé  au  XVP  siècle)  lorsque 
tous  deux  prononcèrent  cette  phrase  qui  devint  proverbe). 

J'aurais  pu  multiplier  les  exemples  :  je  pense  en  avoir  cité  suffisamment  poar 
montrer  l'intérêt  qui  s'attache  à  ce  livre.  Rbné  Basset. 


1908«]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P,  469» 


NOTIGES  BIBLIOGRAPHIQUES. 


f  R.  Krauss.  Slavische  Forschungen,  Abhandlungen  über  Glauben^  Gewohnheitsrecht^ 
Sitten^  Bräuche  und  die  Gicslarenlieder  der  Südsldven  ;  gv.  8".  431  pages,  Leipzig, 
W.  Heims,  1908,  II  Mks.  —  On  ne  sait  si  dans  cet  excellent  livre,  on  doit  admirer 
davantage  la  métliode  rigoureuse  qu*a  suivie  M.  Kr.  dans  la  collection  des  faits,  des 
chansons  et  des  poèmes  des  Slaves  musulmans  de  Bosnie-Heraegovine,  la  manière  dont 
il  les  a  classés,  ou  celle  dont  il  les  a  éclairés  et  commentés.  Les  chants  des  guslars  sont 
donnés  en  texte  et  traduction,  avec  notes  philologiques  et  éclaircissements  ;  ils  consti- 
tuent près  de  la  moitié  du  livre  et  sont  classés  suivant  des  rubrîques  épiques  connues  : 
historiques  à  un  degré  plus  ou  moins  prononcé,  le  départ  entre  l'invention  libre  et  ' 
Tutilisation  de  faits  proprement  historiques  étant  fort  délicat  (cf.  p  190-192,  une  excel- 
lente discussion  générale)  ;  folk-loriste  (Novaic  ;  Les  Frères  de  Lait,  Le  Loup-Dragon-de- 
Feu)  ;  mythologiques  (chants  sur  les  vilas,  les  changelins,  etc.).  Les  éléments  littérarisés 
sont  rapprochés  de  leurs  parallèles.  Toute  cette  partie  du  livre  présente  un  grand  intérêt 
théorique,  parce  que  M.  Kr.  a  saisi  au  moment  même  de  sa  mise  en  action  le  processus 
4e  littéral  isation  et  d'individualisation  de  matériaux  poétiques  d'abord  populaires,  et 
qu'il  a  montré  toutes  les  fois  qu'il  l'a  pu  à  quel  fonds  populaire  spécial  tel  ou  tel  aède  a 
emprunté  la  trame  ou  l'ornementation  de  sa  poésie. 

Ce  mot  d'aède  est  employé  à  dessin.  En  effet  les  pages  177- 189  jettent  une  lumière 
précise  sur  la  façon  de  procéder  des  aèdes  grecs,  sur  la  force  probable  de  leur  mémoire, 
sur  les  transpositions  de  thèmes,  les  emprunts  d'un  des  aèdes  à  d'autres,  etc.,  au  point 
quo  la  question  d'Homère,  comme  je  l'ai  indiqué  ailleurs,  reçoit  des  solutions  partielles 
•de  M.  Kr.  En  outre,  ces  mêmes  pages  déterminent  la  situation  sociale  des  guslars  dans 
la  société  générale,  et  la  constitution  de  familles  d'aèdes  spécialisées. 

La  première  partie  est  d'ordre  folk-lorique  général.  Tour  à  tour  M.  Kr.  y  expose  les 
idées  courantes  en  Bosnie-Herzégovine,  sur  les  sorcières,  les  dames  des  bois  (parmi  les- 
quelles la  Peste,  sorte  de  divinité  personnifiée  comme  dans  tous  les  pays  slaves),  les 
âmes  des  morts  ;  les  vampires  :  il  s'agit  bien  nettement  de  vampires,  qui  boivent  le 
^ang  des  morts  ;  il  est  remarquable  que  le  peuple  les  confond  volontiers  avec  les 
loups-garous,  auxquels  est  consacré  le  chapitre  suivant,  et  M.  Kr.  consacre  à  la  nécessité 
de  la  dissociation  quelques  pages  qui  sont  à  lire.  Puis  il  étudie  les  mares,  sortes  de 
fantômes,  le  cannibalisme  (magique,  parfois  rituel,  le  plus  souvent  légendaire),  les  phil- 
tres d'amour,  etc. 

Un  index  détaillé  rend  maniable  ce  gros  livre  qui  constitue  la  meilleure  monographie 
raisonnée  qu'il  y  ait  sur  les  croyances  et  la  production  épique  des  Slaves  de  Bosnie- 
Herzégovine,  et  dont  la  portée  théorique  n'a  été  que  i^apidement  indiquée  ici. 

A.  v.  G. 

^olxeVs  europäische  Völkertypen.^  4  pi.  in  folio,  avec  32  types  en  couleurs  et  notice  expli- 
cative, 40,  8  pages,  par  Fr.  Heger.  Vienne  1908,  20  francs.  —  La  publication,  par  la  mai- 
son Hölzel,  de  ces  quatre  tableaux  est  un  signe  que  l'on  s'efforce  de  plus  en  plus, 
au  moins  dans  les  pays  de  langue  allemande,  de  donner  dès  l'école  primaire,  des 
idées  exactes  sur  les  diverses  races  humaines.  Ces  tableaux  sont  en  couleurs,  d'une 
exactitude  de  traits,  de  teint  et  de  costume  aussi  grande  que  peuvent  le  permettre  les 
procédés  actuels  de  chromolithographie.  Les  types  reproduits  l'ont  été  d'après  des  pho<* 
tographies  communiquées  par  des  ethnographes  des  diverses  nationalités  représentées, 
-de  manière  à  reproduire  le  <<  type  moyen  »  de  chaque  groupe.  Leur  valeur  documen- 
taire et  la  situation  ethnique  des  divers  pays  est  exposée  par  M.  Heger  dans  la  brochure 
explicative.  Les  types  représentés  sont  :  PI.  I  :  Basque,  Portugais,  Espagnol,  3  Français 
2  Italiens  ;  Planche  II  :  Irlandais,  Ecossais,  Anglais,  Suédois,  Hollandais,  3  Allemands  ; 
PI.  Ill:  Tchèque,  Slovaque,  Polonais,  3  Russes,  Monténégrin,  Bulgare;  PI.  IV:  Lapon, 
Pinlandais,  Hongrois,  Roumain,  Albanais,  Grec,  Juif,  Tsigane. 


P,470,;  •    R    •    E    •    E    •    s    •  [1908. 

7.  A.  i'.T^fc  ^  %  W,  Tbom.m.  Wr/men  ofoU  matten»,  ten  eom^iet  m  U  fasneules  de  4? 
l^^^i't^.n  :  \T,  fitr,  parM  :  4».  r-:rr  •L.e^iâ« L:-i«tra-i.'.cj et  piandKis inédilcs,  Londres, 
C^**<^j.  <ït  Ci^..  T  pff^^  pir  fa.^  —  f'Mivre,  qu^nd  eue  sera  ternûBée.  coostitaera  une 
«r>  ..^,Vr  />aicr:p'>iO  deau-K>P'-^^-  ö«»i-«*«it;n;ue  de  U  vie  iénàtûDe  cbez  toute» 
,1:4  l/lAjjxi^'A.^  ^^  U  terre.  I  e»  L.^^rr-^t-i-:«  soot  dun  cl-jîx  et  d'une  netteté  de  ptremier 
or'i.e,  •SîU^  iu'ffTseuiiou  d'une  i^fi^se  p^^ce^ir  qui  eOî  ôi6  à  ce  recueil  sa  râleur  docu* 
w,'  r/;».:e  L^  '«t«  van^  ^•'^  ^  oor.îenu  et  de  portée.  Les  dlfTéreDtes  popolatioiis  ont 
étj-,  prj  aitîfr»  entre  d^r«  r/^iU>fjOî atours  'iUi  iirx*r  ia  p!iipait  soot  déjà  ooimus  eo  etimo- 
^rapr.if;.  ftOi*  f^^rnme  o^rjerra'eurs,  so.t  comme  iLtroriciens.  Le  T.  I  1*  fasc.-  comprend 
lir/rryl'i^ion,  par  Joyce  et  Th-  r;.aA  ;  les  Polynésiefines  par  A.  Hingston  :  les  Néo- 
7j:utTA^ii^m  par  T.  A,  Joyf-e  :  les  M'^rlanesiennes  par  Hingston.  les  Mlcronésiennes  par 
U-,  ui^'UiH  :  .f^  AiJ.Htralienneâ  par  Tï.oma5.  les  femnies  du  tl^-iroit  deTorrès  et  de  Ja  Nou- 
MuUi  hiiiî.^-i:  \fnr  C.  O.  Seli;nii<inn.  c**i;es  des  tribus  non  malaises  des  lies  de  la  Sonde 
fiar  K.  hh^îiford  ;  celles  de  la  presqu'île  de  Malacca  par  W.  W.  Skeat  :  celles  des  l'iiilip- 
piij'«*  par  I homau,  U;.<  Malgache»  par  A.  van  Geunep :  celles  de  l'Afrique  du  Noid  par 
Clivf«  Holland,  de  TAfiiquc  Orientale  par  R.  W.  Felkin,  de  TAfrique  du  Sud  et  du  Sud- 
Oii*;.-t  p^r  Mii»n  Wemer,  du  Congo  i>ar  E.  Toi-day,  de  TAfrique  Orientale  par  Thomas. 
i\i:  r  Amérique  du  Sud  iiar  Th.  K^^h-(iiiinberg.  Du  T.  II  ont  paru  les  fascicules  compre- 
nant le»  chapitres  sur  les  Amérindiennes  du  Nord  par  O.  T.  Mason  et  W.  Hough.  Le 
iy\^i  »^iinatiqiie  a  été  traité  brièvement  ;  par  contre  la  situation  sociale  de  la  femme, 
wm  activité  /œnomique  propre,  sa  production  esthétique,  sa  vie  comme  jeune  tille,  et 
hurtout  comme  mère  ont  été  traitées  par  la  plupart  des  auteurs  avec  détails  et  précision 

A.  v.  G. 

RoiJkRT  FoRRER.  Ueallexihon  der  prùhistorischen,  klassischen  und  ft^ühchrisl lichen 
AUcrlumer.  Berlin  et  Stuttgart,  Spemann,  liXi8.  In-40,  VlI-943  p.,  295  pi.,  3000  gravures 
en  tout» 

Ji;UK  S<;in,KMM.  Wörterbuch  zur  Vorgeschichte.  Berlin,  Reimer,  1908.  In  4%  XVI-ôSOp, 
préH  (le  2000  flg.  dans  le  texte. 

Le  D""  R.  Forrer  n'est  peut-être  pas  aussi  connu  des  préhistoriens  qu'il  devrait  Tôtre. 
Pendant  près  de  trente  ans  son  activité  s'est  dispersée  surtout  dans  les  revues  locales 
de  la  région  rhénane.  Dans  le  deniier  Jahrbuch  der  Gesellschaft  fur  lothringische 
Geschichte  und  Altertumskunde  (IX,  1907),  on  trouvera  encore  de  lui  un  remarquable 
travail  sur  les  poids  et  monnaies  d'Egypte,  de  Crète  et  de  Phénicie  comparés  à  ceux  de 
l'Kurope  occidentale  aux  siges  du  bronze  et  du  fer  et  un  très  ingénieux  essai  de  i*econsti- 
tution  (le  la  marche  des  Cimbrcs  de  113  à  105  d'après  les  pièces  d'or  trouvées  dans  le  dépôt 
do  Tayao-Libourne.  Kn  même  temps,  M.  F.  a  su  réunir  à  Strassbourg  une  importante 
collection  d'objets  préhistoriques  et  protohistoriques  dont  plus  d'une  pièce  remarquable 
a  pris  place  dans  le  Realleanhon  qu'il  présente  aujourd'hui.  Bien  que,  par  son  caractère 
exelnsivoment  archéologique  et  pratique,  il  ne  fasse  pas  double  emploi  pour  la  partie 
claH.slcpio  avec  los  Diclionnaires  d'antiquités  de  Saglio,  Smith,  Baumeister  où  le  côté 
historicpio  o«t  beaucoup  plus  développé,  on  n'en  regrettera  pas  moins  que  l'auteur  ne  se 
Holl  pas  borné  à  ces  antiquités  préhistoriques  qu'il  connaît  si  bien.  Quoi  qu'il  en  soit,  par 
riiboiidance  do  l'illustration  ot  par  la  modicité  du  prix  (30  marks),  ce  Reallexikon  n'en 
a  pas  moins  sa  place  marquée  dans  la  bibliothèque  de  tous  les  ethnographes. 

Il  y  sera  utilement  complété  par  le  Dictionnaire  de  la  Préhistoire  de  Mme  Schlemm. 
On  y  trouvera,  pour  chaque  terme  du  vocabulaii-e  préhistorique  {àbsatzaœte,  achsel- 
schivm*7i,  amazonen-axt  etc  )  une  définition  et,  une  description  accompagnée  de  quel- 
ques tlgures  typiques  et  une  bibliographie  qui,  presque  exclusivement  allemande,  rendra 
par  h\-uiénio  de  grands  services  aux  préhistoriens  français.  Si  l'illustration  est  très 
iniérieuiHs  à  celle  du  U«"  Forrer,  la  bibliographie  par  contre  est  très  supérieure  ;  très 
olaiivmont  disposée  avec  d'amples  marges,  il  sera  facile  à  chacun  de  la  tenir  au  courant» 
So  complétant  ainsi  l'un  l'auti^,  ces  deux  volumes  si  heureusement  parus  en  même 
tcnii)s  méritent  de  i*ester  associés  comme  indispensables  instruments  de  travail.  Les 
auteurs  do  ces  ouvrages  qui  représentent  un  si  énorme  labeur  peuvent  être  assui'ésde 
la  ix>conuaiSvsanco  de  tous  ceux  à  qui  ils  épargneront  d'interminables  recherches. 

A.  J.-K. 

KoNRAn  Si  UMU^T»  Die  Semiten  als  Träger  der  ältesten  Kultur  Europas,  190  p.,  in-1^ 
iileiwit-x.  Neumaiu),  I9t»8.  --  Déilié  au  souvenir  de  Movers,  cet  opuscule  d'un  amateur 


1908.J  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  471. 

développe  comme  à  plaisir  tous  les  errements  de  ce  savant  dont  l'influence  a  été  si 
pernicieuse.  Les  faits  nouveaux  apportés  au  débat  par  les  découvertes  de  Mycènes  et  de 
Crète  devaient  les  dissiper  à  jamais,  on  pouvait  Tcspérer  du  moins  !  Il  n'en  est  rien. 
La  grande  civilisation  égéenne  est  attribuée  aux  Pélasges,  ce  qui  est  possible  ;  les 
inscriptions  préhelléniques  de  Lemnos  sont  mises  au  compte  des  Pélasges,  ce  que  Ton 
peut  admettre,  mais  en  remarquant  que  rien  ne  porte  à  croire  que  ces  inscriptions 
remontent  aux  Pélasges-égéens  du  début  du  II«  millénaire  ;  ces  inscriptions  sont  rappro- 
chées des  documents  étrusques,  rapprochement  fait  lors  de  leur  découverte  (1886)  par 
M.  Bréal  et  que  les  archéologues  et  les  philologues  8'accx)ixlent  aujourd'hui  pour  préci- 
ser (voir  Karo  et  Nachmanson,  Athen,  MiiteiL  1908,  p.  47, 65).  Sans  prendre  garde  que 
-ce  rapprochement  n'a  de  valeur  qu'entre  les  Sintiens  de  Lemnos  et  les  Etrusques  des 
1X«-VII«  s.,  on  en  conclut  à  une  identité  absolue  et  de  tous  les  temps.  Il  sufllt  alors  de 
déclarer  que  l'étrusque  est  une  langue  sémitique  —  hypothèse  toute  gratuite  —  pour 
qu'on  croie  avoir  prouvé  que  tout  ce  qui  est  préhellénique  est  sémitique.  C'est  de  ce 
fond  primitif  que  le  grec  aurait  gardé  les  mots  sémitiques  dont  on  se  plait  depuis 
Bochart  à  allonger  la  liste.  M.  Schmidt  se  flatte  d'avoir  découvert  des  etymologies  dans 
ce  genre  :  hache,  aœiné  en  grec  (qu'on  rapproche  d'ordinaire  de  Vaxia  latin,  de  Vaxt 
allemand)  viendrait  de  Thébreu  gaza^  abattre  !  Peu  de  linguistes  lui  disputeront  sans 
doute  l'honneur  de  pareilles  découvertes.  A.  J.-R. 

iD'  Alfred  Lehmann.  Aberglaube  und  Zauberei,  trad,  du  danois  par  le  D«"  Petersen,  XII- 
665  p.  in-80,  2  pi.  et  67  flg.  Stuttgart,  F.  Enke,  1908, 14  marcs.  —  L'ouvrage  dont  vient 
de  paraître  cette  nouvelle  édition  entièrement  refondue,  traduit  pour  la  première  fois 
en  1898,  doit  ce  rapide  succès  à  son  caractère  rigoureusement  scientifique  qui  lui  a  valu 
les  attaques  des  spirites  et  théosophes  d'Allemagne.  L'auteur,  directeur  du  laboratoire 
psychophysique  à  Copenhague,  commence  par  étudier  les  rapports  de  la  Magie  avec  la 
Science  d'une  part,  la  Religion  de  l'autre.  Sa  théorie  peut  se  résumer  dans  ces  deux 
propositions  :  1°  Est  magique  toute  opération  dont  le  but  est  d'influer  sur  le  monde 
sensible  ou  suprasensibie,  mais  qui  ne  ressort  ni  aux  cérémonies  cultuelles  régulières 
ni  à  la  pratique  ordinaire  de  la  science  ;  2^  Est  magique  toute  opération  par  laquelle 
on  pense  contraindre  et  enchaîner  les  puissances  supérieures  à  l'homme  à  l'exclusion 
de  tous  les  actes  par  lesquels  on  espère  seulement  obtenir  l'agrément  de  ces  puis- 
sances. Après  cette  introduction  (p.  1-32),  une  1"  partie  contient  une  histoire  de  la 
magie  chez  les  Chaldéens  et  Iraniens,  Grecs  et  Romains,  Hébreux  et  premiers  Chré- 
tiens, Finnois  et  Scandinaves,  son  développement  au  Moyen-Age  par  le  concours  de  ces 
éléments  divere  et  sa  décadence  à  dater  du  XVI«  s.  (p.  33-127)  ;  une  2«  partie  étudie  une 
par  une  les  différentes  doctrines  qui  rentrent  dans  la  magie,  astrologie,  alchimie, 
mantique  et  mystique  des  nombres  et  des  lettres,  superstitions  populaires  tirées  du 
-domaine  de  la  nature  ou  de  l'homme,  etc.  (p.  128-246)  ;  une  3«  partie  est  consacrée  au 
spiritisme  et  à  l'occultisme  modernes,  de  Swedenborg  à  nos  jours  (p.  247-379)  ;  une 
4*  partie  recherehe  les  éléments  psychologiques  et  physiologiques  qui  servent  de  fon- 
dement aux  croyances  magiques,  le  sommeil  et  les  rêves,  les  spectres  et  les  fantômes, 
toutes  les  illusions  et  toutes  les  hallucinations  des  sens,  l'hypnose  et  l'hysténe  (p.  380- 
649).  Une  bibliographie  et  un  index  —  l'un  et  l'autre  trop  sommaires  ~  tenninent  cet 
ouvrage,  l'un  des  seuls  qui  réunissent  à  une  claire  histoire  du  développement  de  la 
magie  en  Europe  une  analyse  scientifique  des  phénomènes  physiques  et  psychiques 
auxquelles  les  croyances  magiques  donnent  lieu  ou  soi*vent  de  base.  A.  J.  R. 

E.  F.  Gautier.  Le  Sahara  algérien,  gr.  8%  371  pages,  61  flg.,  52  planches,  4  cai*tes. 
Paris,  A.  Colin,  15  francs.  —  M.  G.  est  surtout  géologue,  et  c'est  en  cette  qualité  qu'il  a 
été  chargé  de  missions  au  Sahara  ;  mais,  comme  dans  ses  travaux  antérieurs,  notam- 
ment sur  Madagascar,  il  a  observé  aussi  les  populations  et  noté  leur  type,  leurs  mœurs 
et  leur  situation  économique.  Le  chap.  Ill  (p.  60-138),  est  consacré  spécialement  à  l'eth- 
nographie saharienne,  et  l'on  trouvera  dans  le  reste  du  volume  maints  détails  du  même 
ordre  notés  en  passant.  M.  G.  s'est  surtout  intéressé  aux  monuments  rupestres,  aux 
redjems^  dont  il  distingue  plusieurs  variantes,  se  ramenant  toutes  à  un  type  unique, 
•  évidemment  berbère.  Berbèi*es  sont  aussi  les  cercles  de  sacrifices  et  monuments  simi- 
Jaires  ».  Certains  de  ces  redjems  sont  récents  et  ne  peuvent  être  attribués  qu'aux  Toua- 
regs  ;  Jes  mobiliers  funéraires  contiennent  tous  du  fer  et  «  il  n'en  est  pas  un  seul  qui 


[P.  472.  •    R    •    E    •    E    •    S    •  1908.] 

soit  purement  et  autheDtiqueinent  néolithique.  Cette  lacune  énorme  est  de  nature  à 
inspirer  la  plus  frrande  prudence...  à  en  juger  d'après  les  redjems  seuls,  les  Berbère 
seraient  dans  l'Afrique  du  Nord  et  à  fortiori  dans  le  Sahara  un  épiphénomène  ».  J'avoue 
ne  pas  très  bien  comprendre.  A  ce  compte,  toutes  les  populations,  et  toutes  les  civilisa- 
tions considérées  en  un  lieu  donné  à  un  moment  donné  sont  des  épiphénomènes,  car  il 
n'en  est  pas  une  seule  dont  on  puisse  dire  à  coup  sûr  qu'elle  est  autochtone.  Puis  M.  6. 
fait  connaître  un  certain  nombre  de  gravui'es  rupestres  nouvelles  :  ces  gravures  avaient 
«  la  même  extension  que  la  race  berbère  elle-même  n.  Qu'est-ce  que  la  «  race  berbère  1 1» 
A  signaler  que  M.  G.  n'a  pu  réussir  à  déterminer  quel  temps  il  faut  pour  patiner  une 
gravure  (p.  120).  Puis  vient  une  bonne  étude  sur  les  armes  et  instruments  néolithiques 
rencontrés  en  cours  de  route.  M.  G.  a  trop  d'admiration  pour  les  fantaisies  de  Despla- 
gnes.  Très  utiles  sont  les  renseignements  sur  les  puits  du  Sahara,  sur  la  répartitiou 
géographique  et  politique  des  tribus,  etc.  P.  244-275,  bonne  étude  sur  l'ethnographie  et 
la  sociologie  (moins  bonne  sur  l'histoire)  du  Qourara,  du  Touat  et  de  l'Afrique  Mineure. 
Les  appendices  II-V  donnent  des  inscriptions  arabes,  titinag,  hébraïques,  etc  En  somme, 
tout  en  se  tenant  sur  la  réserve  pour  ce  qui  est  des  théories  de  M.  G.,  on  reconnaîtra  que 
son  livre  est  la  conribution  récente  la  plus  importante  à  l'ethnographie  et  à  Tarclieolo- 
gie  du  Sahara  algérien.  A.  v.  G. 

A.  G.  P.  Martin,  Les  oasis  sahariennes,  T.  1, 8°,  406  pag.,  ill.,  carte.  Alger,  Impr.  algérien- 
ne et  Paris,  Challamel,  6  fr.  50.  —  M.  Martin,  officier-interprète,  donne  en  ce  volume  une 
histoire  des  oasis  sahariennes  depuis  l'aurore  des  temps  historiques  jusqu'à  ce  jour,  ne 
réservant  pour  le  2*  vol.  que  l'époque  chérifienne,  pour  des  raisons  de  politique  actuelle. 
La  lecture  de  ce  livre  montre  qu'il  en  faut  faire  deux  parts  ;  l'une  est  une  reconstitution 
d'après  des  documents  déjà  connus  et  publiés,  ou  d'après  des  «  papiers  d'ancêtres  ^ 
découverts  par  M.  M.  dans  les  oasis  du  Gourara,  du  Touat  et  du  Tidikelt.  Cette  partie 
combine  les  faits  proprement  historiques  avec  les  légendes  (Gétules,  Juifs.  Zénètes, 
Arabes,  Hilaliens,  Mérinides,  chap.  VU  à  XIll  réservés,  la  conquête  française).  La  t" 
partie  est  le  résultat  des  observations  de  Fauteur  sur  la  vie  surtout  économique  des 
habitants  des  oasis.  Elle  est  de  beaucoup  la  meilleure  et  fournit  nombre  de  renseigne- 
ments nouveaux  et  importants. 

K.  Narbeshubbr,  Aus  dem  Leben  der  arabischen  Bevölkerung  in  Sfax  (Veröff.  des  st. 
Mus.  f.  VKKde  zu  Leipzig,  Heft  2)  4«,  44  pages.  2  M.  70.  —  Le  fasc.  I  de  cette  série  a  été 
analysé  ici  {REES,  1908,  p.  185)  ;  M.  Narbeshuber,  consul  d'Autriche-Hongrie  à  Sfax 
donne  une  bonne  description  des  mœurs  locales,  avec  un  détail  et  une  minutie  des 
plus  utiles,  les  formules,  incantation,  chansons,  etc.,  étant  données  aussi  en  arabe.  Les 
chapitres  du  livre  traitent  des  cérémonies  du  mariage,  les  charmes  d'amour,  le  mauvais 
œil,  des  charmes  pour  faire  tomber  la  pluie  et  des  'Aisawa.  Dans  un  appendice,  M.  Stum- 
me publie  le  texte  et  la  traduction  d'une  chanson  élogieuse  sur  l'écharpe  d'une  jeune 
fille.  A.  V.  G. 

F.  Karutz.  Tatauiermiatter  aus  Tunis^  Extr.  (p.  51  61)  de  VArchiv  für  Anthropologie, 
T.  VIT,  H.  1  (1908)  Vieweg,  Brunswick. 
—  Nach  den  Höhlenstädten  Südtunisiens,  Extr.  (p.  117-140,  201-205,  215-218,  229-236)  de 
Globus,  t.  XCII  (1908),  Vieweg.  Brunswick. 

11  est  peu  d'Allemands  qui  ayant  occasion  de  faire  un  voyage  dans  l'Afrique  française 
n'en  reviennent  avec  quelques  articles  sans  prétentions  théoriques,  mais  décrivant 
jusque  dans  les  moindres  détails  la  vie  des  populations  visitées.  Notamment  les  Tro- 
glodytes intéressent  beaucx)up  les  Allemands,  témoin  les  articles  de  M.  Trseger,  Zeit- 
schrift für  Ethnologie,  1906,  de  M.  Lissauer,  ibidem,  1908,  et  l'importante  monogra- 
phie de  M.  Karutz,  directeur  du  Musée  ethnographique  de  Lübeck,  qui,  à  en  juger 
par  les  dessins  d'objets  qu'il  donne,  a  dû  bien  enrichir  son  Musée.  Son  mémoire  sur  les 
modèles  des  tatouages  tunisiens,  où  les  documents  antérieurs  sont  utilisés,  mais  qui  se 
fonde  surtout  sur  le  livret  communiqué  à  M.  K.  par  un  tatoueur  de  métier  (cf.  la  cin^^ 
quantaine  de  dessins  de  la  planche)  fournit  en  définitive  des  appuis  nouveaux  à  la 
théorie,  qui  semble  être  restée  inconnue  à  M.  K.,  de  Bertholon,  sur  les  analogies  entre 
ces  tatouages  et  les  motifs  ornementaux  mycéniens.  (Cf.  Archives  d'Anthrop.  crimi- 
nelle, 15  oct.  1904).  A,  V.  G* 


1908.]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  473« 

JBarl  of  Cromer.  Modem  Egypt  2  vol.  in-8»,  594  et  600  pages.  Londres,  Macmillan  et  Cie, 
1908,  24  ah.  —  Le  but  de  lord  Cromer  en  écrivant  ce  livre  a  été  :  I*»  de  donner  un  récit 
aussi  exact  que  possible  des  événements  qui  se  sont  succédé  en  Egypte  et  dans  le  Soudan 
égyptien  depuis  1876  ;  2°  d'exposer  les  résultats  pour  les  Egyptiens  de  Toccupation 
anglaise.  Arrivé  à  la  fin  de  sa  carrière,  Pauteur  constate  après  bien  d'autres  la  difficulté 
d'une  intelligence  mutuelle  de  l'Européen  et  de  l'Asiatique,  dont  découlent  d'autres 
difficultés  pratiques,  qui  se  répètent  journalièrement.  Il  n'y  a  pas  lieu  d'analyser  ici  la 
partie  proprement  historique  du  livre  de  lord  Cromer  :  mais  plusieurs  passages,  et 
notamment  les  chapitres  XXXIV  à  XLIII  doivent  être  signalés.  On  y  trouvera  un 
tableau  exact,  mais  un  peu  sommaire,  de  l'ethnographie  actuelle  de  l'Egypte,  une  bonne 
liste  des  tribus  arabes  et  surtout  une  exposition  fort  utile  des  rapports  entre  Egyptiens 
vrais  et  immigrés  de  tout  ordre,  Syriens,  Arméniens,  Grecs,  Anglais,  Français,  etc. 

C.  V.  Hartman.  Archœological  Researches  on  the  Pacific  Coast  of  Costa  Rica,  (Extr.  des 
Memoirs  of  the  Carnegie  Museum,  Pittsburg,  T.  Ill,  u^  1).  In-4o,  95  p.,  46  planches  dont 
plusieurs  en  couleurs.  —  On  devait  déjà  à  M.  Hartman,  Suédois  d'origine,  des  explora- 
tions et  des  fouilles  à  Costa-Rica,  au  Salvador  et  au  Guatemala.  Ayant  été  chargé  par 
le  Musée  Carnegie  de  continuer  ses  recherches,  il  rapporta  un  grand  nombre  d'objets 
qui  sont  décrits  avec  soin  et  reproduits  avec  luxe  dans  la  présente  publication.  Pour  la 
comparaison,  l'auteur  a  également  décrit  et  reproduit  les  objets  remarquables  conser- 
vés au  Musée  de  San  José.  Il  s'agit  ici  surtout  des  instruments,  armes  et  objets  d'usage 
cérémoniel  et  ornemental.  Un  second  mémoire  traitera  de  la  céramique.  La  civilisation 
de  Las  Guacas,  le  principal  endroit  exploré,  avait  atteint  un  haut  degré  de  développe- 
ment ;  elle  présente  des  rapports  avec  celle  des  Chiriquiens  de  la  Colombie,  mais  diflfère 
des  civilisations  voisines  ;  elle  semble  même  localisée  nettement  dans  la  presqu'île  de 
Nicoya,  les  îles  de  la  baie  et  la  région  voisine  de  la  côte  du  Pacifique  du  Nicaragua. 

A.  v.  G. 

J.  DÉCHELBTTE.  Manuel  d* Archéologie  Préhistorique,  Celtique  et  Gallo-Romaine,  T.  I. 
Archéologie  Préhistorique,  In-8«  147  pages,  249  fig.  Paris,  A.  Picard  et  fils,  1908, 15 
francs.  —  Voici  enfin  le  manuel  tant  attendu  que  mérite  la  France  préhistorique  et 
protohistorique,  et  l'on  ne  peut  qu'admirer  à  la  fois  la  documentation  de  M.  D.  et  le 
don  qu'il  possède  à  un  rare  degfé  de  savoir  présenter  des  milliers  de  détails  d'une 
manière  vive  et  intéressante,  souvent  personnelle,  et  sans  se  perdre  dans  des  discussions 
théoriques  inutiles.  La  première  partie  est  consacrée  au  paléolithique  ;  les  chapitres 
sur  l'ai't  à  l'époque  du  Renne  (parure,  sculpture  et  gravure,  peintures  pariétales)  sont  â 
signaler  ;  l'interprétation  par  le  totémisme  de  ces  peintures  n'est  avec  raison  admise 
par  M.  D.  qu'avec  de  nombreuses  restrictions.  La  deuxième  partie  traite  du  néolithique  : 
bons  chapitres,  entre  autres,  sur  le  commerce  néolithique.  En  appendice  :  une  liste  des 
cavernes  à  parois  ornées  ou  ayant  livré  des  os  ouvrés,  et  une  liste  des  stations  terres- 
tres et  ateliers  de  la  France  néolithique.  D'ailleurs  les  faits  français  sont  comparés  aux 
faits  européens  de  même  ordre,  et  ce  livre  est  le  meilleur  manuel  qui  soit  actuellement 
en  Europe,  sur  l'archéologie  préhistorique  ;  le  prix  en  est  presque  dérisoire,  étant  don- 
née l'excellence  de  l'exécution  typographique  et  figurée.  A.  v.  G. 

Jahrbuch  des  Städtischen  Museums  für  Völkerhuiide  zu  Leipzig,  T.  I,  année  1906.  In*4°, 
Leipzig,  R.  Voigtländer,  1907.  —  Le  Musée  ethnographique  de  Leipzig,  était,  quand  je 
le  visitai  il  y  a  3  ans,  en  réorganisation,  et  le  directeur,  K.  Weule  avait  des  projets 
dont  la  publication  du  P.  Stenz,  le  Jahrbuch,  et  la  monographie  de  M.  Narbeshuber  sur 
la  population  musulmane  de  Sfax,  démontrent  l'heureux  accomplissement,  au  moins 
partiel,  car  les  collections  ethnographiques  de  Leipzig  mériteraient  un  bâtiment  mieux 
construit,  et  plus  simple  que  le  ürassimuseum.  Le  rapport  pour  1906  contient  un  rappoi*t 
général  par  M.  Weule  et  une  bonne  monographie  descriptive  par  Fr.  Krause,  sur  les 
habitants  de  l'île  de  Nissan  (Archipel  de  Salomon)  p.  44-159,  avec  126  illustrations  d'après 
les  collections  du  Musée  et  les  publications  antérieures  de  Foy,  von  Luschan,  Parkin- 
son, Comte  de  Pfeil,  C.  Ribbe,  Stephan  et  Graebner,  Thilenius,  etc.  C'est  là,  sans  contre- 
dit, le  seul  moyen  d'arriver  â  voir  clair,  peu  à  peu,  dans  le  mélange  des  types  de  civilisa- 
tion en  Océanie  dont  quelques  travaux  préliminaires,  notamment  l'étude  de  Graebner, 
Zeitschrift  für  Ethnologie,  1905  ont  montré  la  complication. 

A.  v.  G. 


p.  474.]  •     R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Fb.  Rikun,  Wunscher fû  Hung  und  Symbblik  in  Märchen,  In-8®,  96  p.  Leipsig  et  Vienne, 
Fr.  Deuticke.  3  M.  —  C'est  avec  un  plaisir  réel  que  je  signale  Y  «  étude  n  du  D'  R.,  où 
pour  la  première  fois  se  trouve  élaborée  une  nouvelle  méthode  d'analyse  psychologique 
des  contes,  légendes  et  mythes,  bref  de  la  production  littéraire  collective.  Que  la  néces- 
sité d'entreprendra  Tétude  psychologique  des  collectivités  soit  évidente,  cela  est  reconnu, 
et  a  été  affirmé  ici  même.  Mais  la  méthode  ?  En  fait  elle  était  connue  :  c'est  celle  de 
Freud,  le  psychiatre  et  psychologue  de  Vienne,  auquel  on  doit  de  si  intéressants  travaui 
sur  l'hystérie  et  sur  la  formation,  le  mécanisme  et  l'interprétation  des  rêves.  Mais  si  œ 
mécanisme  peut  être  suivi  de  près  pour  le  rêve,  on  ne  trouve  dans  le  conte  que  le  résul- 
tat final  du  travail  interne  qui  fait  passer  les  images  et  les  idées  de  l'inconscient  au 
conscient.  M.  R.  montre  tour  à  tour  comment  certains  éléments  des  contes  sont  des 
«  mécanismes  de  défense  n  psychologiques,  notamment  les  contes  où  est  affabulé  le 
thème  du  désir  exaucé  (bergères  épousant  des  princes,  pauvres  devenant  riches,  objets 
magiques  donnant  de  la  force,  des  vivres  en  abondance,  métamorphoses  en  oiseau,  tapis 
volant,  etc.)  ou  de  la  victoire  des  faibles  (marâtre,  cendrillon,  tom-pouoe,  etc.),  où,  par 
suite  se  marque  la  revanche  des  faibles,  des  moindres- valeurs  sur  les  forts  et  les  bien 
doués.  Théoriquement,  la  partie  importante  du  mémoire  est  celle  qui  traite  du  symbo- 
lisme dans  les  contes,  premier  essai  que  je  connaisse  d'une  interprétation  effective. 
Enfin  les  deux  derniers  chapitres  rappi'ochent  des  faits  de  psychologie  et  de  psychopa- 
thie  sexuelle  actuels  un  certain  nombre  de  thèmes  utilisés  pai*  les  légendes  et  les  contes, 
et  dont  on  n'avait  pu  comprendre  jusqu'ici  le  sens  vrai.  A.  v.  G. 

Geographisches  Handbuch ^}jiniQv}A\ià.v\mi  hervorragender  Fachmänner  herausgegeben  von 
Albert  Scobei.  5«  éd.,  gr.  in-S"".  Velhagcn  et  Klasing,  Bielefeld  et  Leipzig.  20  livraisons  à 
1  Mk.  —  Cette  cinquième  édition  d'un  manuel  de  géographie  réputé  se  recommande  â  la 
fois  par  la  mise  à  jour  du  texte  et  par  l'excellence  des  illustrations  en  couleurs  et  photo- 
graphiques. Le  chap.  VII  de  la  première  partie  est  consacré  à  l'ethnographie  générale  et 
dû  au  savant  viennois  Michel  Haberlandt,  connu  aussi  conmie  folkloriste.  Ce  chapitre 
va  de  la  p.  349  à  la  p.  409  ;  il  est  accompagné  de  quelques  photographies  de  types,  bien 
choisis  et  bien  rendus.  L'éloge  du  reste  de  ce  manuel,  bien  connu  déjà,  n'est  plus  à  faire. 
Chaque  chapitre  se  termine  par  une  petite  bibliographie.  A.  S. 

Fr.  Heinemann.  Bibliographie  nationale  Suisse,  V,  3.  Berne,  K.-J.  Wyss,  in- 16.  —  M.  H. 
met  entre  les  mains  des  folk-lorlstes  un  excellent  instrument  de  travail  par  sa  publica- 
tion d'une  bibliographie  raisonnée  de  tous  les  travaux  suisses  intéressant  le  folk-lore. 
En  1907  parurent  deux  cahiers,  de  591  pages  en  tout,  consacrés  aux  supei'stitions,  à 
l'occultisme,  à  la  croyance  au  surnaturel  et  aux  miracles  ;  plus  récemment  a  été  publiée 
la  première  partie  du  cahier  consacré  à  l'inquisition,  à  la  censure,  à  l'index,  aux  sectes, 
à  la  sorcellerie,  aux  us  et  coutumes  judiciaires.  Le  but  de  l'auteur  est  do  rendre  acces- 
sibles les  matériaux  innombrables  qui  seront  nécessaires  au  futur  historien  de  la 
civilisation  suisse  :  il  s'est  donc  donné  la  peine  d'indiquer  non  pas  seulement  des  titres, 
mais  le  contenu  des  travaux  classés  et  souvent  les  comptes-rendus  qui  leur  ont  été 
consacrés.  £n  ce  sens  les  Préfaces  sont  instructives  aussi,  car  on  y  ti*ouve  exposés  les 
principes,  à  tendance  synthétique,  qui  ont  guidé  M.  H.  dans  son  énorme  labeur. 

A.  V.  G. 


1908.] 


PUBLICATIONS    NOUVELLES. 


[P.  475. 


PUBLICATIONS    NOUVELLES 
reçues  aux  bureaux  de  la  Revue. 


J«  Erdblianoyitch,  Ethnologie^  ethnographie 
et  sciences  apparentées^  (en  serbe),  8»,  13  p. 
Belgrade. 

R.  Petri  CCI,  Essai  sur  une  théorie  de  la  vie, 
avec  préface  d'Ë.  Solvay,  io- 16,  163  p.,  Paris, 
Stein  heil,  3  fr. 

W.  H.  Cox,  Aprioris tische  en  vriije  voorstel- 
lingen,  extr.  de  Psychialr.  en  neurol.  bladen, 
1907,  no  2,  8»,  32  p. 

—  De  generatie,  eene  copulatievogene  corré- 
lations théorie,  extr.  de  Psych,  en  neurol. 
bladen,  19()7.  n^  1,  77  p. 

L.  F.  Ward,  Reine  Soziologie,  Abhandlung 
über  den  Ursprung  und  die  spontane  Enttoic- 
kehmg  der  Gesellschaft,  frad.  J.  V.  Unger, 
1. 1,  8o,  362  p.,  Innsbruck,  Wagner,  7  Mks,  20. 

E.  DB  RoBERTY,  Socioloçie  de  l'action  ;  la  genèse 
sociale  de  la  raison  et  les  origines  ration- 
nelles de  Vaction,  &>,  355  p.  Paris,  F.  Alcan, 
7  fr.  50. 

J.  Mazarei.la,  Les  types  sodauat  et  le  droit, 
in- 16,  447  p.  Paris,  Dein  (Encyclopédie  scien- 
tifique, Bibliothèque  de  Sociologie). 

J.  G.  Frazkk,  Le  Rameau  d'Or,  étude  sur  la  ma- 
gie et  la  religion,  tiad.  Stiébel  et  Toutain  ; 
t.  II,  Le  meurtre  rituel  ;  périls  et  transmigra- 
tions de  Vâme,  8«,  588  p.  Paris,  Schleicher 
frères,  1908.  10  fr. 

H.  VisscHBR,  Religie  en  gemeenschap  bij  de  na- 
tuurzolken,  t.  1,  7  et  8*,  238  p.,  1  planche, 
Utrecht,  J.  A.  Ruys,  4  florins  50. 

K.  Völlers,  Die  Weltreligionen  in  ihrem  ge- 
schichtlichen Zusammenhange,  in-  16,  198  p., 
Leipzip.  1907,  E.  Diederichs. 

G.  Herzog,  La  Sainte- Vierge  dans  l'histoire, 
80,  \6t  p..  Paris,  E.  Nourry.  4  frs. 

P.  Sébulot,  Le  Paganisme  contemporain  chez 
les  peuples  celto-'latins,  in-  16,  378  p.  Paris, 
Doin,  (Encyclopédie  Scientifique,  bibliothèque 
d'anthropologie),  5  fr. 

W.  Caland,  Altindische  Zauberei,  Darstellung 
der  altindischen  «  Wunschopfer  »,  4^,  141  p., 
Publ.  de  l'Ac.  des  Sc,  Amsterdam,  J.  Müller. 

G.  Ferrand,  Textes  magiques  malgaches,  8*, 
22  p.,  Paii#,  Leroux. 

A.  Stanischitsch,  Ueber  den  Ursprung  der 
Zadruga,  L.  Stein's  Berner  Studien  zur  Phi- 
losophie, n»  59,  8*,  72  p.  Berne,  Scheitlin, 
Sprin«;  et  C'«. 

R.  Lasch,  Die  Arbeitsweise  der  Naturtölher, 
tir.  à  p.  de  Zeitschrift  fQr  Social  Wissenschaft, 
XI.  1908,  80, 12  p. 

K.  Penka,  0.  Schraders  Hypothese  von  der 
südrussischen  Urheimat  der  Indogermanen, 
Beiträge  zur  Rassenkunde,  n«  VI,  8°,  41  p. 
Leipzig,  Thüringische  Verlagsanstalt.  0  M.  76. 

E,  Fagnan,  Le  Djjihàd,  ou  la  guerre  sainte 
selon  Vécole  malëhite,  8«,  20  p.  Alger,  .lordan. 

Führer  durch  das  Raulenstrauch- Joëst  Museum 
für  Völkerkunde  der  Stadt  Cöln,  von  D'  W. 
FoY,  2*  éd.,  in- 18.  258  p.,  nombreuses  illus- 
trations et  cartes,  50  Pf. 


J.  D.  E.  Schmelz,  Rijks  Ethnogr,  Museum  te 
Leiden,  Versla^,  oct.,  1906,  —  sept.  1907,  8®, 
58  p.  10  pi.  La  Haye,  M.  Nijhoff. 

J.  F.  Snblleman,  Museum  voor  Land  en  Vol- 
kenkunde  en  Maritiem  Museum  «  Prins  Hen- 
drik n  te  Rotterdam,  Ver  slag  over  het  jaar 
i901,  in-  16,  38  pages,  2  planches. 

Linschoten-Vereeniging.  Prospektus  en  Statu- 
ten, 8o,  7  p.,  La  Haye^  Nobelstraat,  18  ;  société 
nouvelle  pour  la  publication  des  relations  des 
anciens  voyageurs  hollandais,  25  florins  paran. 

Fr.  de  Zeltnbr,  Notes  sur  la  soHologie  souda- 
naise, extr.  de  TAnthropologie,  1908,  p.  217- 
233. 

TVaitement  d'une  ophtalmie  au  Sahel  sou- 
danais, extr.  Bull.  Mém.  Soc.  Anthr.  Paris, 
20juinl907,  2  p. 

Troglodytes  sahariens,  extr.  Bull.  Mena. 

Soc.  Anthr.  Paris,  5  déc.  1907,  2  p. 

Les  disques  en  pierre  de  Nioro,  Soudan 

français,  extr.  Comptes-rendus  3^  Congrès 
Préh.  de  Fr.,  session  d'Autun,  1907,  Le  Mans, 
impr.  Monnoyer  1908,  4  p. 

C.  C.  Lowis,  A  rioteon  the  Palaungs  ofhsipau) 
and  Tawnpeng,  Kthnogr.  Survey  of  India, 
Burma,  n«»  1,  8®,  43  p.  Rangoon,  Gov.  Printing. 

F.  Hahn,  Blicke  in  die  Geisteswelt  der  hem- 
nischen  Kols,  8",  116  p.,  Gütersloh,  Bertels- 
mai\n,  1  M.  50. 

Einführung  in  das  Gebiet  der  Kolsmission, 

8«,  158  p.,  ibià.  2  M.  80. 

A.  K.  CooM  A  RASW  AM  Y.  iVêfra  matigàlya,  or  cere- 
mony of  painting  the  eyes  of  images,  as  per- 
formed oy  craftsmen  in  Ceylon,  4<»,  8  pages, 
exi  rait  de  Medioe val  Sinhalese  Art,  Essex  House 
Press,  Broad  Campden.  1908. 

R.  Brandstettbr,  Mata-Hari,  oder  M^a^^derun- 
gen  eines  indonesischen  Sprachforschers  durch 
die  drei  Reiche  der  Natur,  in-16,  55  pages, 
Lucerne,  G.  Haag,  1908. 

Db  Grys  et  H.  Brbitenstein.  Gerichtliche  Medi- 
zin der  Chinesen  von  Wang-in  Hoai,  in-16, 
174  p. Leipzig,  Th.  Grieben  (L.  Fernau),  4  Mks. 

Fr.  Boas,  Decorative  designs  of  Alaskan  Needle- 
cases  ;  a  study  in  history  of  conventional 
designs  based  on  material  in  (he  U.  Ä  Nat, 
Museum,  extr  de  Proc.  U.  S.  Nat.  Mus., 
t.  XXXIV,  p.  321-344,  8  pi.  8».  U^ash.  Gov. 
Press. 

Ph.  St.  Sparrman,  The  culture  of  the  Luiseno 
Indian,  Gal.  Un.  Publ.  Dep.  Arch.  Ethn. 
t.  VIII,  no  4,  p.  187-234,  1  pi. 

Friederici,  Affenaeschichten  aus  Amerika,  4°, 
6  pages,  exrr.  de  TArchiv  für  Anthropologie, 
N.  E.,  T.  VII,  1,  Brunswick,  Vieweg,  1908 

Hoffmann-Krâybr.  Bibliographie  der  Volks 
künde  für  1905  und  1906,  extr.  de  .lahreshe- 
richt.  Erssch.  Geb.  Rom.  Phil.,  XXVIII  (1906) 
p.  118-158,  Leipzig.  0.  R.  Reisland.  1908. 
P.  W.  Schmidt,  Panbabylonismus  und  ethnolo- 
gischer Elementargedanke,  extr.,  des  Mitteil- 
ungen der  Wiener  Anthrop.  Ges.,  t.  XXXVIII 


p.  476.] 


E 


£ 


[1908. 


(1908)  p.  73-88,  4«». 

P.  SâBiLLOT,  L'évolution  du  coêtume^  extr.  de  la 
Revue  des  Trad.  Pop.,  t.  XXIII,  1908,  8«, 
10  pages. 

R,  Lasch,  D€ls  Fortleben  geschichtlicher  Ereig- 
nisse in  der  Tradition  der  Naturvölker,  4°. 
3  pa£;es,  extrait  de  Globus,  Brunswick,  F, 
Vieweg,  1908. 

B.  S.  Hartland,  The  Archœoloçu  of  Tradition, 
extr.,  15  p.  des  Trans,  of  tue  Bristol  and 
Gloucestershire  Arch.  Soc.  t.  XXX,  1908. 

G.  Bblldooi,  Un  capitolo  di  psicologia  popolare, 

«li  amuleii;  in  16,  64  pages,  ill.,  Péroose. 
fnion  typographique,  1908. 

• Vindeterminato  e  Vignoto  ne  fia  psicologia 

•  popolare,  6'^,  10  p.,  extr.  de  la  Kîvista  di  Psi- 
cologia applicata,  T.  IV,  Bologne,  1908. 

E.  SiECRB.  Hermes  der  Mondgott,  Studien  zur 
Aufhellung  der  Gestalt  dieses  Gottes,  Mythol. 
Bibi.  t.  II,  fasc.  1,  8»,  97  p.  Leipzig,  G.  C 
Hinrichs,  3  M. 

Quellen  und  Forschungen  sur  deutschen  Volks- 
künde,  herausgegeben  von  E.  K.  Blümtnl, 
t.  III,  F.  F.  Kohl,  Die  tyroler  Bauernhochzeit, 
Sitten,  Bräuche,  Sprüche,  Lieder  und  Tänze 
mit  Singu^eisen,  8<*,  281  p..  Vienne,  R.  Ludwig, 
9Mk8. 

T.  II,  R.  von  Kralik,  Zur  Nordgermani- 

sehen  Sageageschichte,  8«j  120  p.,  ibid., 4  M .  50, 

Futilitates,  Beiträge  zur  Yolkskundlichen  Ero- 
tik, t.  I:  Ë.  K.  BlUmml,  Schamperlieder, 
deutsche  Volkslieder  des  XVI-XIX  Jahrhun- 

dert*,  in-16,  179  p.,  Vienne  R.  Ludwig,  12  Mks. 

T.  II  :  J.  Polsterer,  Schwanke  und  Bauer- 

n^rzählungen  aus  Nieder-Oesterreich,  in-16, 
182  p.,  ibid  12  Mks. 

S.  Wkissknbero,  Krankheit  und  Tod  bei  den 
südrussischen  Juden,  4®,  ill.,  7  pages,  extr.  de 
Globus,  1907. 

Das  neugeborene  Kind  bei  den  südrus- 


sitchen  Juden,  4°,  4  pages,  extr.  de  Globus, 
1906. 

GiGOi  Zanazzo,  üsi,  costumi  e  pregiudizi  del 
popolo  di  Roma  in  16,  499  p.,  Turin,  Società 
tiTOgrafica  éditrice  naxionale,  5  lire. 

R.  CORSO,  üsi  giuridici  contadinesehi  ricaeati 
da  massime  popolari,  S*>,  16  pages,  extrait  du 
arcolo  Giuridico,  T.  XXXIX,  Palerme.  19(». 

G.  F.  L.  Sarauw,  Le  Feu  et  son  emploi  dans  le 
nord  de  l'Europe  aux  tempt  préhistoriques 
et  protohistoriques,  in-16,  33  pages,  1  planche, 
extr.  des  Annales  du  Xa«  congrte  archéolo- 
gique et  historique  de  Belgique,  Gand,  A. 
Siffer,  1907. 

GOBL.BT  d'Alviblla,  Antiquités  protohistoriques 
de  Court  Siint  Etienne,  in-16,  54  pages,  ilL, 
extr.  des  Bulletins  de  l'Académie  royale  de 
Belgique,  h9  1.  janvier  1908,  Bruxelles,  Hagy. 

T.  A.  Joyce,  Prehistorie  antiquities  from  the 
Antilles  in  the  British  Museum,  4»,  18  pages, 
ill.  et  9  planchen,  extrait  du  Journal  of  the 
Anthropological  Institute,  T.  XXXVII,  1907. 

A.  J.  Rkinach,  V origine  du  Pilum  8°,  51  P&ges, 
ill.,  extr.  de  la  Revue  Archéologique,  Paris, 
Leroux,  1907. 

Pila  horatia  et  pilumnoe  poploe,  8**,  32  p., 

extr.  de  la  Revue  de  l'Histoire  des  Religions, 
1907. 

Le  pain  d*Alesia,  8«,  16  pages,  extr.  de  Pro 

Alesia,  Paris,  Colin,  1907. 

S.  Rbinach,  Tarpeia,  8<>,  32  pages,  extr.  de  U 
Revue  Archéologique,  Paris,  Leroux,  190S. 

Une  ordalie  par  le  poison  à  Borne  et  V affaire 

des  Bacchanales^  8^,  19  pagos,  extr.  de  la 
Revue  Archéologique,  Paris,  E.  Leroux,  1908. 

Un  indice  chronologique  applicable  aux 

figures  féminines  de  Vart  grec,  8*»,  38  pages, 
ill.,  extrait  de  la  Revue  des  Etudes  grecques, 
T.  XXI,  Paris,  Leroux,  1908. 


1908.] 


SOMMAIRES    DES    REVUES. 


[P.  477." 


SOMMAIRES  DES  REVUES. 


Zeitschrift  for  Ethnologie,  t.  XL.  fa«c.  3. 

E.  Brandpnberg,  Ueber  neue  Grottenfunde 
aus  Phrygien. 

E.  Fischer,  Ueber  den  Ursprung  der  rumä- 
nischen Bojarenfamilien, 

D .  Kürclihoff.  Maass  und  Gewichte  in  Afrika, 

H.  KlAar^ch,  Steinartefakte  der  Australier 
und  Tasmanier,  verglichen  mit  denen  der 
Ur:^eit  Europas. 

A.  PeDck,  Das  Alter  des  Menschengeschlech- 
tes. 

A.  Fischer,  Ueber  Neuerwerbungen  aus 
China, 

J.  Hpiprli,  Brief  aus  Zurich. 

R.  Koch,  Anthropologische  Beobachtungen 
gelegentlich  einer  Expedition  an  den  Vik- 
toria-Nyan^a. 

W.  Lfthmnnn,  Reisebericht  aus  San  Jose  de 
Costa-Rica, 

Fa?c  4. 

A.  Göize.  Brettchenweberei  im  Altertum. 

A.  Lissauer-,  Archäologische  nnd  anthropo- 
logische Studien  über  die  Kabylen. 

Anna  Lissauer,  Vier  kaby tische  Fabeln  und 
Märchen. 

A.  M'^y,  Eine  vorgeschichtliche  Begräbnis* 
Stätte  auf  Malta. 

G.  Oe>teii.  Bezieht  über  den  Forlgang  der 
Ret hraforsc  hung. 

M.  VerwiTD,  Ein  objektives  Kriterium  für  die 
Beurteilung  der  Manufaknatur  geschlage- 
ner Feuersteine. 

F.  Wieger»,  Neue  Funde  paläolitischer  Ar- 
tefakte, 

Tb.    Preuss,    Ethnographische   Ergebnisse 

einer  Reise  in   die  mexikanische  Sierra 

Madre, 
O.   S'^hlnginhaufen.  Reisebericht  aus  Süd- 

Neu-Mecklenburg, 
L.  Schneider,  Stein^eitliche  Gefässmälerei 

in  Böhmen, 
H.  Virchow,  Neolithische  Wohnpiät^e  bei 

Monsheim  in  der  Pfal:^' 
W.  Mc  Clin  took,  Leben,  Bräuche ,  Legenden 

der  Schwar^fussindianer  in  Montana, 
A.  Maass,  Gipsmasken  aus  Mittel-Sumatra. 
R.  Mielke,  Etn  merkwürdiger  Totenbrauch. 
M.  Moszkowski,  Die  Völkerschaften  von  Ost- 

und  Zentralsumatra. 
Man.  t.  VIU 

—  N»5. 

D.  L  ßushnell.  Primitive  salt-making  in  the 

Mississipi  valley, 
R.  C.  Thompson,  The  ancient  goldmines  at 

Gebet  in  Eastern  Sudan. 
J.  Jet'ô,  On  the  language  of  the  Ten*a,  IL 

—  N»C 

C.  M.  Woodford,  Notes  on  the  manufacture 
of  the  Matalta  Shell  Bead  money  of  the 
Salomon  group. 

C.  punch,  Further  note  on  the  relation  of 
the  bronift  heads  to  the  carved  tusks,  Be- 
nin City, 

A.  Lanjr,  A.  W.  Howitt. 

K.  E.  Denrett.  At  the  Back  of  the  black 
man's  mind,  a  reply  to  E,  T, 


—  NO  7. 

Lord  Avebury,  iSiV  John  Evans. 
H.  A.  Rose,  On  caste  in  India, 
H.  G.  D.  Kendall,  Paleolithic  microliths. 
Scrivenor,  Malay  Beliefs  concerning  prehis- 
toric stone  implements. 

F.  Eyles,  Firemaktng  apparatus  of  the  Ma- 
koriko'ri, 

—  No  8. 

C.  Seligmann,  Quart  ^  implements  from  Cey- 
lon. 

W.  G.  Aston,  A  Japanese  book  of  divination, 

A.  C.  Haddon,  Copper  rod  currency  from 
the  Transvaal, 

Ha  D.  Hemswoifb,  Note  on  marali  currency. 

—  NO  9. 

W\  M.  Flinders  Pétrie,  The  peoples  of  the 
Persian  Empire. 

A.  Lung,  Pirauru  in  Scotland. 

3,  G.  Frazer,  Statues  of  three  kings  of  Da- 
homey. 

Roscoe,  Nantaba^  the  female  fetish  of  the 
King  of  Uganda. 

W.  H.  R.  River»,  Totemism  in  Fiji. 

K.  R.  Dunda::.  Notes  on  the  origin  and  his- 
tory  of  the  Kikuyu  aud  Dorobo  Tribes. 
Anthropos,  t,  in,  fasc.  4. 

T.  Caius,  Au  pays  des  castes, 

J.  Meier,  Mythen  und  Sagen  der  Admirali- 
tätsinsulaner. 

Ch.  Gilhodez,  Mythologie  et  religion  des 
Kaschin,  Birmanie.         • 

0.  Mayer.  Ein  Sonnenfest  bei  den  Eingebo- 
renen von  Vuatom^  Neu-Pommern. 

G,  M.  Henry,  Le  culte  des  esprits  chej^  les 
Bambara. 

G.  de  Marzan,  Sur  quelques  sociétés  secrètes 
aux  îles  Fidji, 

Baschir  Dalgar,  Die  alte  Religion  der  Tsche- 
tschenen (Mad.  par  A.  Dirr). 

Ivo  Struyi,  Aus  dem  Märchenschat ^  der  Ba^ 
kongo. 

G.  DoixQ^  y  L*  enfant  che{  les  Chinois  de  la  pro- 
vince de  Kan-sou, 

L.  C.  Casartelli,  Hindu  mythology  and  lite- 
rature as  recorded  by  Portugeuse  missio- 
naries of  the  early  XVIItà  century, 

Uh  I  en  beck.  Die  einheimischen  Sprachen 
Nord-Amerikas  bis  jf«m  Rio-Grande, 

L.  Be» se,  Another  word  about  the  Todas, 

W.   Schmidt,  L'origine  de  l'idée  de  Dieu 
(suite). 
—  Fasc.  5-6. 

L.  Ottermans,  The  Navajo  Indians  of  New* 
Mexico  and  Arieona, 

H.  Boyer,  Tamoanchan,  das  altmexikanische 
Paradies, 

Fr.  Pierini,  Les  Guarayos  de  Bolivie, 

Et.  Ignace,  Le  fétichisme  des  nègres  du  Bri- 
Sil. 

C.  Tatovin,  Préface  à  un  dictionnaire  de  la 
langne  tapihiya, 

R.  Lehmann-Nietzsche,  Patagonische  Ge- 
sänge und  Musikboxen. 

U.  Fischer,  Patagontsche  Mnsik. 

Th.  Koch-GrOnberg,  Die  Yamakoto^Umoua, 


P,  478.] 


R 


E 


E 


[1908. 


J.  B.  Ambrosetti,  Lafacultà  de  PJulosophia 
i  Letter  a  de  la  Vniversidad  nacional  de 
Buenos  Aires 

M.  W  Lehmann,  Der  Sogenanente  Kalender 
ixtlU\ochUls. 

J.  >^»Mer,  Schlangenaberglaube  bei  den  Ein- 
geborenen der  Blanche  bucht  (Neupom- 
mein). 

Car«y,  Moralité^  sanction,  viejuture  dans  le 
Vedanta, 

B.  R.(>t'o,  Buschmann-Malereien  aus  Satal. 

Ba-cmr  Dal^çat,  Die  alte  Religion  der  Tichet' 
schenen  (fin). 

L.  C  Casaitelli,  Hindu  mythology  (fin). 

p.  W.  Schmidt,  L'origine  de  l'idée  de  Dieu 

(.-UllP). 

Globls,  t.  XCIV  (hebdomadaire). 
N»  1,2  juillet  1908. 
Spiess,  Yevhe  und  Sc. 

Kassner,  Klapperbretter  und  anderes  volks- 
kundliches aus  Bulgarien. 

—  N«  2. 

Oiuffriiia-Kuggieii.  Die  Entdeckungen  Flo- 
rentino Ameghinos  und  der  Ursprung  des 
Menschen, 

von  Kœnig&wald,  Die  Coroados  im  Südlicheu 
Brasilien, 

—  N«  3. 

Wagner,  Reisebilder  aus  Sardinien  (IV). 
von  Kcpnig>wal<l,  Die  Coroados  (fin). 
Für  die  Zigeuner, 

—  N»  4. 

Wagner,  Reisebilder  aus  Sardinien  (V). 
Goldstein,  Die  Frauen  in  Haussa-Fulbien  und 
in  Adamaua, 

—  N«  5. 

Wagner,  Reisebilder  aus  Sardinien  (VI». 
Vierkandf ,  Zur  Reform  der  völkerkundlichen 
A  ussenarbeit . 

—  N'oG 

Sch(  11,  Die  Ostgrönländer, 

Saad,  Sach  den  Ruinen  von  Arsuf  und  dem 

muslimischen  Wall  far  hstorte  Sidna  *  A/i  bei 

Jaffa. 
Fol  s: er,  Aus  dem  Königreich  Kongo. 

—  No  7. 

Bauer,  Feste  der  Indianer  in  Peru. 
Struck,  Ein  Märchen  der  W'apase,  Deutsch- 
Ostafrika. 

—  Nog. 

Teizner,  Philipponische  Legenden, 
Wiedemann,  Totenbarken  im  alten  ^Sgyp- 

ten. 
Hell  wig,  Der  Eid  im  Volksglauben. 
Geissler,  Die  Kampfschilde  der  Jabim  auf 

Deuts  jh  -  Neuguinea . 

—  N09. 

MoszkowRki,  Beiden  letzten  Weddas, 
Struck,  Zur  kentniss  des  Gastammes. 
Fr.  Mauser,  Eine  babylonische  Dämonen- 

beschwörung, 
'—  No  10. 

Jliithjeus.  Ein  Kirchgang  mit  dem  Abuna 

Petras  von  Abessini  en. 
Seligmann' t  Forschungen  über  die  Weddas. 

—  Noll. 

Schlaginhaufen,  Ein  Besuch  auf  den  Tanga- 
Inseln, 

—  No  12. 

von  Buchwald,  Altes  und  Neues  vom  Guayas,  ' 
Die  Tuareg  des  Südens, 
Meyer,  Die  Papuasprache  in  Niederländisch- 
Neuguinea, 


—  N0  13. 

Spetbmann,  Inner- Island. 
Ter-Akobiao,  Das  armenische  Märchen  rm 

Stirnauge, 
Struck,  König  Ndschoya   von  Bamum  als 

Topograph. 

—  NO  14. 

Gra«»bner,  Der  Neubau  des  Berllier  Ms- 
seums  für  Völkerkunde  und  andere  prak- 
tische Zeit  fragen  der  Ethnologie. 

von  Kœuigswald,  Die  Caraja-Indianer. 

Jochelson,  Die  Riabuchinsky-Expeditio^. 
nach  Kamtschatka. 

Mo^er,  Die  RÖmerstadt  Agunt, 
Bulletins  bt  Mémoires  dr  la  Société  d'Axthro- 
POLOoiB  DK  Paris,  1908,  fosc.  1. 

Breuil.  Poyiony  et  Bourriner,  Concrétions 
avec  contre-empreinte  des  gravures  de 
Teyjat, 

R.  Avelot,  Le  ouri,  un  Jeu  africain  àcm- 
binai  sons  mathématiques. 

0.  Vauvillé,  Instruments  en  forme  de  scie  in 
gisement  quaternaire  de  Casuvres, 

Brussaux,  Les  nègres  Bayas, 

—  Fasc.  2. 

Vauvillé,  Sépulture  néolithique  de  Braune. 

H.  ten  Kate,  Notes  détachées  sur  les  Japo- 
nais, 

R.  Levi,  L'esclavage  au  moyen  âge  et  son 
influence  sur  les  caractères  anthropologi- 
ques des  Italiens, 

Rivef,  La   race  de  Lagoa  Santa  che:  le: 
populations  pré-colombiennes  de  l'Equa- 
teur. I 
Rrvue  db  l'Histoire  des  Religions,  r.  LVn.  ' 
fasc.  2.  I 

T.  Segerstedr,  Les  Asuras  dans  la  religion  \ 
védique, 

E.  Amelineaii,  La  religion  égyptienne  d'après 
Ad,  Erman. 

F.  Macler,  Hebra»ca, 

—  Fasc.  3. 

P.  Alphandôry,  Jean  Réville, 

Eug.  de  Paye,  L'œuvre  historique  et  scientl- 

ßque  de  M,  Jean  Réville, 
T.  Spgerstedt,  Les  Asuras  dans  la  religion 

tédique, 
J.   Tourain,   L'histoire  des   religions  et  le 

totémisme,  à  propos  d'un  livre  récent. 
Rbvub  db  l'Ecolb  d'Anthropologie,  T.  XVIII. 

—  N*>  5,  mai  et  N'o  6,  Juin. 

L.  Capitan,  H.  Breuil,  Bourrinetet  PcyroDV, 
La  grotte  de  la  mairie  à  Teyjat, 

J.  Ë.  de  St urler,  Les  danseuses  de  cow  à 
Java. 

—  No  Q^  juin, 

R.  DusKaud,  La  protohistoire  orientale  et 
quelques  éléments  décoratifs  chypriotes. 

—  No  7  8. 

G.  Hervé,  L'anthropologie  de  Voltaire. 

E.  Pittard,  Ornements  utilisés  de  la  période 
moustérienne, 

A.  de  Mortillet.  Les  pierres  à  fusil,  leur  fa- 
brication en  Loir  et  Cher, 

Anciennes  civilisations  orientales^  fouilles 
et  découvertes. 

La  couleur  des  cheveux  et  des  yeux  en  Ecosse. 

RlVISTA  ITALIANA  Dl  SOOIOLOOIA,  t.  XU,  fa-C,  t 

A.  Tambunni,  La  pa^ia  nelV  evoliqioM 

délia  clviltà. 
W.  Cunningham,  Il  cristianesimo  e  i  moder- 

ni  ideali  sociali, 
L  Bonfante,  Tenden^e  i  metodi  recenti  negli 


1908.] 


SOMMAIRES    DES    REVUES. 


[P.  479. 


sty  ai  storici, 

—  Fasc.  3. 

R.  Gumplovic».  La  sociologia  e  il  suo  corn» 

pito. 
G.  iSttlvadori,  Il  diritto  nella  vita  e  nel  pen- 

siero. 
G.  Mazzarella,  Le  fonti  delV  antico  diritto 

indiano. 
Akchiv  für  Gesellschaft-  und  Rassen- Biologib, 
t.  V,  fasc.  2. 
M.    Ziermer,    Genealogische   Studien  über 

die  Vererbung  Geistlicher  Eigenschaften 

NacTigewiesen  an  einem  Material  von  i334 

Waldauer  Haushaltungen. 
Ed.    \N  estermarck,  Moralbegriff  über  die 

Ehelosigkeit. 
A.  Nordenholz,  Soziologische  Probleme,  I, 

Das  Problem  vom  Ganzen  und  vom  Teil, 
A.  Forr  I,  Gelbe  und  weisse  Rasse ^  ein  prak- 

tisi  her  Vorschlag. 
Mlle  puiler.-Buiy,  Einige  Bemerkungen  über 

die  Nt'gcr  in  der  westlichen  Hemisphäre. 
H.  Fehiiit'er,  Der  Einfluss  der  europäischen 

Civilisation  auf  die   Geburtenhäufigkeit, 

—  Fasc.  3. 

M.  Ziprmer,  Genealogische  Studien,  t-ic,  (fin). 
W.  Schalli  ayer,  Der  Krieg  als  Zû(  hter. 
Revue  d'Histoire  des  Doctrines  Economiques 
BT  Sociales,  t.  I,  fasc.  3. 
A.  Duhnis,  L'évolution  de  la  yiotion  de  droit 
naturel  antérieurement  aux  Physiocrates. 
3.   L'^scure,  La  conception  de  la  propriété 
che^  Arisiote, 
Mémoikks  dk  la  Société  de  Linguistique  de 
Pakis,  r.  XV,  fasc.  3. 
M.  Bréal,  Etymologies  latines. 
Ch.  S>icIpux,  Le  verbe  être  dans  les  langues 

bantou. 
A.  Meille^  De  quelques  emprunts  probables 

en  grec  et  en  latin, 
A.  Mf-ilIeT,  Du    caractère  artificiel  de   la 

langue  homérique, 
N.  C<yï\eii,  La  langue  de  l'Ecole  Polytech- 
nique, 

A.  M.'illet,  Varia, 
Keleti  Szemle,  t.  IX,  fasc.  1-2. 

B.  Laufer,  Sfriffe  der  Mandschulitteratur, 
S.  PatkHnov,  Ùeber  die  Zunahme  der  Urbe- 
völkerung Sibieriens. 

B.  Miinkacs),  Ein  altpersischer  Monatsna- 

me  bei  den  Süd- Wogulen. 
—  Das  altinçlische  Fabeltier  Çarabhas. 
Bulletin    de    l'École    Française   d'Extkêmb 
Orient,  Hanoï,  Schneider  et  Gallois  et  Paris, 
Leroux.  Ab.  20  fr  ,  t.  XJI.  läse  3-4. 
Le.  P.  W.  Seh  mid  r,  Les  peuples  Mon- Khmer  ^ 

trad.  fr. 
J.  BeHuvaip,  Notes  sur  les  coutumes  des  indi- 
genes de  la  région  de  Long-tcheou, 
P.  Aucourt,  Journal  d'un  bourgeois  de  Yang- 

tcheou  (tiad.  pmi). 
E.  M.  Durand,  Notes  sur  les  Chams  (suite). 
et.  Bonifacy,  Note  additionnelle  sur  les  pré- 
tendus Muong  de  la  province  de  Vinh-yen. 
Cb.    R.   MayroD,    Un  conte  chinois  du  VI* 

siècle, 
P.  Pierre  Hoang,  Extraits  cT une  concordance 
chronologique  néoménique  chinoise  et  euro- 
péenne, 
Phb  Journal  op  the  North-China  branch  of  the 
Royal  Asiatic  Society,  t.  XXXIX,  19o8. 
A.  C.  Moule.  Chinese  muiiral  instruments. 
Notes  and  Queries. 


Literary  Notes,  etc. 
Mitteilungen  der  Deutschen  Gkselijschaft  for 
Natur-  und  Völkerkunde  Ostasiens.  Tokyo, 
t  XI,  fasc.  1. 
0.  Scherer,  Zur  Ethnologie  der  Inselkette 

:(wischen  Lujon  und  Formosa. 
R.  Wilhelm,  Totenbräuche  in  Srhantung. 
0.  Loew.  Ueber  einige  sonderbare  japanische 
Nahrungsmittel. 
A.  Schinzinper,  Alte  japanische  Waffen, 
TouNG  Pao,  Série  II,  t.  IX  l'asc.  2. 

H.  Cord i er,  Bibliotheca  indo-sinica  (fin). 
M.   Re  von,   Le  rituel  du  feu  dans  l'ancien 

Shinnto, 
Ed.  Chavanneg,  Les  monuments  de  landen 
royaume  coréen  de  KaoKeou-ii. 
-  Fasc.  3. 

Ed.   Cha vannes.   Inscriptious   et  pièces   de 

chancellerie  cil  inoise  de  Vépoque  mongole. 

B.  Läufer,  Die  Sage  von  den  goldgrabenden 

Ameisen. 
S.  Levi,  Voriginal  chinois  du  sutra  tibétain 

sur  la  Grande  Ourse. 
L.  de  Saussure,  Le  cycle  de  Jupiter. 

L'HOMMR  PRÉHISTORIQUE,  î.   VU,  fasC.  7. 

M.  Boudon,  Discours  à  V inauguration  du 
monument  Boucher  de  Perthes, 

G.  Fouju,  Préhistorique  d'Eure  et  Loir, 

A.  Col  lave.  Découvertes  préhistoriques  de 
Juniviile  i  Ardennes). 

A.  de  Mortilkt,  PoHssoir  de  Bréhenèourt, 
(Somme), 

—  Fasc.  8. 

P.  Berth iaux.  Préhistorique  de  la  Grande» 

Praoisse  {S,  et  Marne). 
P.  de  Mortillet,  Age  de  bronze  dans  la  Seine 

et  Seine  et  Oise. 
P.  Baudet,  Lieux  dits  de  l'Aisne. 

—  Fasc.  9. 

Kreutzer  et  Doi^neau,  La  collection  Vallot 

au  musée  de  Fontainebleau, 
Laval ,  La  grotte  Féraud,  (  Var. ). 
A,  Collaye,  Cimetière  gaulois  de  Ville  sur 
Retourne  (Ardennes). 
Mbmnon,  Zeitschrift  für  die  Kunst-  and  Kul- 
tur- Geschichte  des  Alten  Orients.  Dir.  R. 
Fr.  V.  Lichtenberg.  Ed.  Haupt,. Leipzig.  T.  II, 
1908,  fasc.  1-2. 
A.  Taramelli,  1  problem i  archeologivi  delta 

Sardegna. 
W.  Schultz,  Die  anakrumatischen  Worte, 
A.  Reiche!,  Zur  «  antithetischen  Gruppe  ». 
Notices    sur    les    Fouilles    et    Esploiations 
(notamment   Bcotio,    Phocide,   Thessalie, 
Leucade,  ile  de  P.^yra,  Boghazkeni,  Tcl- 
loh,  Gezer). 
Comptes-rendus  :  S.  Funk,  Monumenta  Tal- 
munida,  I  Bibel  und  Babel  (W.  Schultz). 
—  H.  Hirt,  Die  Indogermanen  (v.  Lichten- 
berg).   —    Jeiemias    et     Winc-kler,    Im 
Kampfe    um    den  Alten   Orient    (id.).   — 
J.  Zebetwaier,  Leichenverrbrennung  und 
Leichenbestattung  im  alten  Hellas  (id.).  — 
S.   Mena rd 08,   TopCnymikou    tés  Kuprou 
(id.). 
Répertoire  bibliographique  Qu^Qu'au  31  jan- 
vier 1908,  divise  en  23  seciions).  —  Réper- 
toire spécial  des  publ.  rel.  à  TExtréme- 
Orient  en  1907. 
Records  üf  thk  Past.  Dir.  G.  Fred.  Wright  et 
Fred.  Ben rett  Wright. 

Adm.  330  A  Street  5.  K  ,  Washingf»  n,  Etats- 
Unis.  Ab.  3  dollars.  T.  VIÏ,  1908 


p.  480.J 


R 


E 


£ 


—  Fasc.  I-U. 

Aug.  Koester,  Objects  and  methods  of  archet' 
oiogicai  Excavators. 

Jer.   ZimmermaD,   Religwus   Character  of 
Ancient  Coins, 

G.  Fred.  Wri^r^^,  Influence  of  Glacial  Epoch 
upon  early  History  of  Mankind, 

AlO.  T.  Clay,  Babylonian  Boundary  Stones, 

W.  B.  Nickerson,  Stone  graves  of  Northwes- 
tern Illinois, 

R.  Mahlpp,  The  Niobid  in  the  Banca  Com- 
merciale of  Rome. 

CI.  K«rn  BayliM,   The  significance  of  the 
Piasa  [Mississippi), 

Th.  Sheppard,  A  British  Chariot-burial  at 
Hutmanby^  {East  Yorkshire). 

W.  B.  NickersoD,  Mounds  of  Northwestern 
Illinois. 

E.  Huntington,  Archœology  in  the  center  of 
Asia. 
Tbb  Joi'RNAi.  OF  American  Folk.  Lorr,  t.  XXI, 
N-  81-82. 

R.  H.  Lowie,  Tlie  Test-theme  in  North-Ame- 
rican Mythology, 

E.  G.  Spinden,  Myth  of  the  Ne^-Percé  In- 
dians, 

R.  B.  Dixon»  Achomawi  and  Asugewi  tales, 

G.  H.  Peper,  Ah-jih-lee  hah-neh^  a  Navajo 
Legend, 

S.  M.  Waxman,  The  Don- Juan  Legend  in 
Literature. 

A.  T.  Sinclair,  Gypsy  and  Oriental  musical 
instruments. 
Contributions  from  the  Califnrnian  Branch  : 

A.  L.  Krœber,  Catch- Words  in  American 
Mythology, 

C.  Goddard-Du  Bois.  Ceremonies  and  Tradi- 
tions of  the  the  Diegetlo  Indians. 

Note  on  Californian  Folk-Lore. 
ZBIT8CHKIFT  DBS  VKRKiNS  fQr  Volksrundb,  Ber- 
lin, r.  XVIII,  fasc.  3. 

K.  Brunnen,  Bericht  über  die  Sammlung  fur 
Deutsche  Volkskunde  in  Berlin. 


[1908. 


Fr.  Wei  nil  z.  Schwari^walder  Sammlung  v^ 

O.  Spit  gel  halder. 
O.  Spiegelhalder,  Die  Glasindustrie  auf  du 

Schwarw^ald. 
H.  von  Preen,  Kopf\iegel^  ein  Giebelsehmui 

von  Oberbaden. 
—  ^at:(enhafen  an  Mühlheim  in  Bade. 
N.  Sdk^land,   Dunkelfarbige  MaricAhùia. 
Kleine  Mitteilungei«. 
Reyub   intbrnationalr    DBS  Etudes  Basqiu 
T. n,  1908. 
N»  2,  maw-avril. 
J.  Vinson,  Spécimens  de  variétés  dialect  J» 

basques  (suite). 
C.  de  Bchegaray,  CcUigrafos  vascongaH 

—  Juan  de  Iciar  (fin). 
J.-B.  DaranaiE.  Le  «  Testament  bfrria .  ^ 

Haraneder  et  ses  éditeurs  les  abbà  D^iH 

sance  et  Harriet.  | 

M.  Arigira,  Los  Priores  de  la  SeodeFm, 

plofia. 
C.  de  Echegaray,  Donostia-ho  FueroQ\,<p' 

raipena). 
P.    Yturbide,     Une    émeute    des   femma 

d'Hasparren  ^n  1784. 
G.  Adéina,  III,  Cantiques  sur  le  CalèchUm. 
V.  Dubarat,   Tarta».,  curé  de  Montcay-'l'i 

en  1662. 
J.  de  UrquMo,  Cartas  escrUas  per  d  P-'fr 

Hpe  L.  L,   Bonaparte  à  algunos  (/*■  îrf 

colaboradores, 
E.  Diiréré,  Un  Corsaire  basque  sous  I'«j 

X/V  (suite). 
E.  S.   Dodgiion,   âk/nopsis  of  the   Verh  » 

Lfisarraga^s  Ba^kish  Neto  Testament. 
J.  de  Uiquijo,  *  The  Leiçarragan  Verb 

las  inexactitudes  de  M,  E.  5.  Dodgio 
P.  Lhande,  L^ Emigration  basqite  (»uite) 
J.  Vinson,  Liçarrague  ou  Lcisarroija  ! 
H.Schttchardt,  Liçarrague  ou  Lei:arro7;i* 
Bibliographie  :  Diccionario  zasco-espa'}' 

francés  (R.  M.  de  Azkue). 


REVUE  DES  ÉTUDES 

ETHNOGRAPHIQUES 

ET  SOCIOLOGIQUES 


PUBLIÉE   SOUS   LA    DIRECTION   DE 


ARNOLD   VAN   GENNEP 


Mo«   11-19   t   SOMMAIRE 

Pages 

A.  W.  HowiTT  :  A  Message  to  Anthropologists    .....    481 

M.  Dblafossb  :  Le  peuple  Siéna  ou  Sénoufo 483 

D.  R.  GoRso  :  Gli  Sponsali  popolari 487 

J.  Dbsparmbt  :  La  Maui^sque  et  les  maladies  de  Tenfance.    .    500 

Commuiiications  :  IV,  J.  A.  Decourdemanchb,  Note  métrolo- 

gique  sur  le  livre  et  la  pile  de  Charlemagne  et  sur 

l*osselet  de  Suse  ;  V,  A.  van  Gbnnep,  L'expédition 

ethnographique  du  Prof.  D'  K.  Weule  dans  l'Afrique 

Orientale  Allemande  en  1906 515 

Analyses  :  D'  Arnold  Wadler,  Die  Yerbrechensbewegung 

im  (Glichen  Europa  (E.  Burlb) 521 

Notices  bibliographique»  par  Ch.  Boreux,  G.  Ferrand,  A.  v.  G., 

A.  J.  Reinach  ;  P.  Saintyves  ;  Th.  Sholbnski    ...    527 
Publications  nouvelles  reçues  au  bureau  de  là  Revue.    ...    537 

Sommaires  des  Revues 539 

Table  des  matières 542 


PARIS 
LIBRAIRIE   PAUL   GEUTHNER 

68,  RUE  MAZARINE,  68 

Novembre-Décembre  1908 


REVUE  DES  ÉTUDES  ETHNOGIUPHIQUES  ET  SOCIOLOGIQUES 


Adresser  les  lettres  et  manuscrits  à  M.  A.  van  Gennep,  56,  rue  de  Sèvres, 
Clamart,  près  Paris,  Seine,  et  les  livres,  revues,  imprimés  de  toute  sorte  et  abon- 
nements a  M.  Paul  Geutbner,  libraire-éditeur,  68,  Rue  Mazarine,  Paris  fVP),  aa 
nom  de  la  Revue  des  Études  Ethnographiques  et  Soetologlq[Qe8. 
Abannefnent  :  France  :  20  fr.  —  Etranger  :  22  fr.  —  Années  écoulées  30  fr. 

H«  1  :  lanvtsr  ISOe  :  J.  G.  Prazsr  :  St  George  and  the  Parilia.  —  Mauricb  Dblafossb  :  Le 
peuple  Sléna  ou  Sônoufo.  — >  Charlbb  Borbux  :  Les  poteries  décorées  de  L'Egypte  prédy- 
nastique.  —  Analyses  :  J.  B.  Pratt,  The  psychology  of  religùms  belief  (Qovlbt  d'Al- 
viELLA);  Koch-Qrünbero,  Südamerikanische  Felszeichnungen  (A.  tan  Gennbp); 
O.  Jacob,  Geschichte  des  Schaüentheaters  (id.).  -^  Notices  bibliographiques.  —  Som- 
maires des  Revues.  —  Chronique. 

■«  2  :  Févrisr  1908  :  Andrew  Lano  :  Exogamy.  *  Maurice  Delafossb  :  Le  peuple  Siéoa  ou 
Sénoufo  (suite).  —  Gabriel  Ferrand  :  Note  sur  le  calendrier  malgache  et  le  Fandruana. 

—  Analyses  :  R.  von  Lichtenberg,  Beiträge  sur  ältesten  Geschichte  von  Kypros  (A.  J. 
Rbinach)  ;  R.  Dussaud,  Vile  de  Chypre  particulièrement  aux  âges  ducuivreetdu 
bronze  (id.);  E.  Pechuël-Loesche,  Volkskunde  von  Loango  (A.  y.  G.)  ;  Fr.  S.  Krauss^ 
Das  Geschlechtsleben  der  Japaner  (id.)  ;  G.  FRiSDERia,  Die  Schiffahrt  der  Indianer  {iù.). 

—  Notices  bibliographiques  (C  Mondon-Yidailhbt,  A.  J.  Reinach,  A.  v.  G.).  —  Sommai- 
res des  Revues. 

H«  8  :  Mare  1908  :  A.  van  Cenkep  :  Une  nouvelle  écriture  nègre  ;  sa  portée  théorique.  - 
Gaudefrot-Demombtnes  :  Rites,  métiers,  noms  d'agent  et  noms  de  métier  en  araoe.  — 
A.  Werner  :  Some  notes  on  the  Bushman  race.  ^  Maurice  Delafossb  :  Le  peuple  Siéoa 
ou  Sénoufo  (suite).  —  Gabriel  Ferrand  :  Note  sur  le  calendrier  malgache  et  le  Fan- 
druana (suite).  —  Analyses  :  Huntington,  The  Puise  of  Asia  (A.  v.  G.)  ;  Ftnn,  The 
American  Indian  as  a  product  of  environment  (id.)  ;  Faîtlovitch,  Proverbes  abyssins 
(R.  Basset)  ;  Galtier,  Coptica-arabica,  I  (id.)  ;  Burrows,  The  Discoveries  in  Crete  et 
Mosso,  Escursioni  nel  Mediterraneo  (A.  .1.  Reinach).  —  Notices  bibliographiques 
M,  Delafossb,  G.  Ferrand,  A.  v.  G,  Ch.  Monteil).  —  Sommaires  des  Revues.  — 
Chronique. 

W^  4«5  :  Avrll-Htl  :  W.-E.  Roth  :  Cratch-Cradle  in  British  Guiana,  avec  24  figures.  —  A.  Bel  : 
La  population  musulmane  de  Tlemcen,  avec  planches.—  G.  Ferrand  :  Le  calendrier  Mal- 
gache et  le  Fandruana  (fin).  —  M.  Delafossb  :  Le  peuple  Siéna  ou  Sénoufo  (suite). — 
Communications  :  A.  van  Gennep,  Vers  VEncyclopœdta  ethnographica.  —  Ferrand,  Le 
destin  des  quatre  éléments  dans  la  magie  maigache.  —  Demombtnes,  Linguistique  et 
Sociologie.  —  Analyses  :  Hirzel,  Themis^  Diké  und  Verwandtes  (P.  Huvblin).— Watson, 
Philosophical  basis  of  religion  (G.  d'Alviella).  —  Pbtraztcki,  Motive  des  Handelns 
(P,  HuvEiiiN)  —  HiLDEBRANUT,  Rccht  und  Sitte  (A.  v.  G.).  —  Boas,  Anthropology  (id.).  — 
FiNCK,  Sprache  der  armenischen  Zigeuner  (A.  Meillet).  ^  Giron,  Legendes  coptes 
(R.  Hasset).  ^  Lagranob,  La  Crete  ancienne  (A.  J.  Rbinach).  —  Notices  bibliogra- 
phiques (K.  Basset,  H.  Beuchat,  M.  Delafossb,  A.  v.  G.,  P.  Huvelin,  A.  Meillet,  A-  J. 
Reinach,  Th.  Smolbnsri).  —  Sommaires  des  Revues.  —  Chronique. 

M<»  6-7  :  Juln-JBllM  :  F.  Gaud  :  Or|ranisation  politique  des  Manc^a  (Congo).  —  A.  van  Gennep  : 
Linguistique  et  sociologie,  n*  Essai  d'une  Ihéone  des  langues  spéciales.  —  A.-J.  Reinach  : 
La  lutte  de  Jahvé  avec  Jacob  et  avec  Moïse  et  l'origine  de  la  circoncision.  -*-  Analyses  : 
A.  LcisT,  Xe«  Evangiles  synoptiques  (V.  ërmoni).  •—  G.-A.  Reisner,  The  Early  dynastie 
cemeteries  of  Naga-ed-Dêr  (A.-J.  Reinach).  —  Notices  bibliographiques.:  (G.  Cœdés, 
A.  V.  G.,  M.  Delafossb,  a.-J.  Reinach,  Th.  Sholbnski).  —  Sommaires  des  Revues. 

Ro  8  :  Aottt  :  Richard  Gottheil  :  The  Cadi  :  The  history  of  this  institution.  —  Hermann 
Beter  :  Die  Naturgruncllage  des  Mexikanischen  Gottes  Xiuhtccuii.  —  N.  Pantoüssoff  : 
Le  temple  chinois  >  Bei-iun-djuan  »  dans  la  passe  d'Ak-Su.  province  d'Ilî.  —  Analyses  : 
W.  0.  h.  Oesterlet,  The  Evolution  of  Messianic  (Goblet  d  Alviblla).  —  Alois  Musit, 
Arabia  Petraea  (Krné  Dussaud).  —  J.  Bâdier,  Les  Légendes  épiques  ;  recherches  sur 
la  formation  des  chansons  de  geste  (G.  Huet).  —  Notices  bibliographiques  (A.  v.  G).  — 
Sommaires  des  Revues. 

W^  9-tO  :  8sptombrt*0€tobre  1908  :  A.  Bel  :  La  population  musulmane  de  Tlemcen.  —  M.  Dela- 
fossb :  Le  peuple  Siéna  ou*Sénoufo.  —  Analyses  :  H.  Lrsmann,  Aufgaben  und  Ziele  der 
vergleichenden  Mythenforschung  ( A.  van  Gbnnep)  ;  R.  Parkinson«  Dreissig  Jahre  in 
der  Südsee  ;  Land  und  Leute^  Sitten  und  Gebrauche  in  Btsmark-Archipel  und  auf 
den  deutschen  Salomoinseln  ;  —  B.  Stephen  et  Fr.  Giubbnbr,  NeurMecklenburg  [Bis- 
marck-Archipel). Die  Küste  von  Umuddu  bis  Kap  St-George;  —  P.  A.  KLEiNTrrscHBH; 
Die  Küstenbewohner  der  üazellehalbinsely  ihre  Stilen  und  and  Gebrauche  (A.  van 
Gennbp).  —  W.  H.  S.  Jones,  Malaria^  a  neglected  factor  in  the  history  of  Greece  and 
Rome  (A.  J.  Rbinach)  ;  —  F.-H.  V^'eissbach,  Beitrage  sur  Kunde  des  h^ak-Arabischen 
(Cl.  Huart)  :  —  Ionaz  Bernstein,  Jüdische  Sprichu^orter  und  Redensarten  (Renb  Bas- 
set). —  Notices  bibliographiques.  —  Publications  nouvelles  reçues  au  bureau  de  la  Kevue. 

—  Sommaires  des  Revues. 


1908.]  HOWITT  :    A   MESSAGE   TO   ANTHROPOLOGISTS.  [P.  481. 


A  MESSAGE  TO  ANTHROPOLOGISTS. 
by  A.  W.  HowiTT. 


The  time  has  now  come  when  I  would  impress  on  all  investigators  the  impor- 
taoce  of  using  the  utmost  caution  in  accepting  as  primitive  rules  the  present 
marriage  customs  of  the  majority  of  Australian  tribes.  During  the  last  twenty 
years  the  aborigines,  in  the  settled  districts  have  diminished  at  such  a  rapid  rate 
that  it  is  only  here  and  there  that  an  individual  can  be  found  whose  memory  goes 
■back  to  the  time  when  the  tribes  were  in  their  full  vigor,  and  some  investigators 
by  not  observing  this  caution  have  formed  altogether  falacious  views  of  their 
marriage  laws  and  customs. 

Almost  everywhere  in  the  settled  parts  of  the  South  Eastern  quarter  of  Austra- 
lia their  primitive  organisation  has  completely  broken  down  on  contact  with  our 
-civilisation  and  the  consequent  introduction  of  intoxicants,  desease,  and  vice,  and 
also  through  conflicts  with  the  white  settlers  and  their  servants. 

In  the  well  watered  and  fertile  country,  now  the  state  of  Victoria,  the  abori- 
gines, when  the  early  settlers  came  in  1837,  were  estimated  to  number  many 
thousands.  Decay  however  soon  set  in,  and  the  inrush  of  population,  owing  to  the 
discovery  of  gold  in  1851,  accelerated  it  greatly.  Ten  years  later,  mission  stations 
were  establfshed  in  various  parts  of  the  colony,  in  which  gradually  the  remnants  of 
the  tribes  were  herded,  under  the  management  of  missionaries,  but  controlled  by 
the  Aborigioes  Protection  Board.  From  the  reports  of  the  Board,  I  find  that  the 
numbers  had  diminished  in  1907  to  270  individuals  including  81  half  castes 

In  New  South  Wales  the  same  state  of  affairs  exists.  In  1839  there  were  said 
to  be  7000  of  the  Eamiiaroi,  and  now  it  is  hard  to  find  traces  of  this  people.  The 
manager  of  the  Brewarrina  Mission  Station,  Mr  Hocking,  has  200  aborigines  on  his 
•role,  comprising  members  of  the  Ngamba,  Wonghi,  Wiradjuri,  Barkinji,  Murawari, 
Burumbinya,  and  Kamilaroi  tribes.  He  says  they  are  «  a  very  mixed  lot  »  but  are 
still  particular  to  marry  according  to  their  primary  classes,  «  light  and  dark 
blood  «  as  they  term  it.  There  is  said  to  be  only  one  true  Barkinji  living,  the  sur- 
vivor of  a  people  that  in  1846,  when  their  country  was  first  settled  by  the  whites, 
numbered  fully  3000,  but  who  in  1884  had  dwindled  to  80  all  told^ 

The  Murawari,  according  to  an  old  Ipatha  woman  of  the  tribe,  are  so  dimi- 
nished, that  the  class  divisions  can  no  longer  be  observed  and  are  known  only  to 
the  old  men  and  women.  Among  the  younger  generation,  she  says,  Margoolah 
marries  Margoolah  and  Boomberrah  marries  Boomberrah  with  impunity,  and  also 
that  the  tribe  became  lax  in  these  matters  about  twenty  years  ago,  being  afraid  of 
the  police  and  of  the  white  people;  and  since  they  were  collected  in  the  reserves 
and  given  plenty  to  eat,  the  young  blacks  marry  whom  they  like^. 

The  first  effect  of  the  dwindling  of  a  tribe  would  be  that  a  man  would  have  a 
•difficulty  in  obtaioing  a  wife  of  the  proper  sub-class  and  totem.  In  tribes  having 
the  four  sub-class  system  where  the  original  cht>ice  was  restricted  to  i/s  of  1/4  of 


*  G.  H.  Toulon,  Curr's  Australian  Race,  vol.  II,  p.  189. 

*  Miss  May  Benson. 


p.  482.]  •    R    •    E    •    E    •    S    * [1908. 

the  tribe,  the  difficulty  would  very  soon  arise.  Id  some  cases  this  was  met  by  a 
deliberate  alteration  of  the  marriage  rules,  so  as  to  strengthen  a  totem  that  was 
numerically  weak,  or  verging  on  extinction.  In  his  natural  state,  the  Australian 
aborigine  is  essentially  a  law  abiding  person,  his  actions  being  guided  by  custom 
and  tradition  as  interpreted  by  the  elders  of  the  tribe,  who  have  power  to  permit 
or  punish  illegal  unions,  as  they  deam  for  the  good  of  the  community.  The  '  ano- 
malous *  marriages  of  the  Wonghibon  are  a  case  in  point,  where  the  laws  were 
intentionally  altered  to  strengthen  the  opossum  totem^. 

In  two  communications  to  the  American  Antiquarian  March- April  and  May- 
June  1906, 1  note  that  owing  to  these  alterations  in  the  customs  of  the  tribes, 
Mr.  R.  H.  Mathews  has  drawn  quite  erroneous  conclusions  on  some  most  impor- 
tant points.  At  page  Ö85  toI.  xxvni,  in  speaking  of  the  Kumu  marriages, 
Mr.  Mathews  gives  an  instance  of  what  he  calls  the  «  normal  or  direct  rule  of  mar- 
riage 0  when  a  «  brother's  daughter's  son  mates  with  a  sister's  daughter's  daugh- 
ter It.  This  is  precisely  the  marriage  rule  recorded  by  me  in  «  Native  Tribes  of 
South  East  Australia  »  page  189,  descriptive  of  the  Dieri  noa  relationship. 
Mr.  Mathews  then  gives  a  second  form  of  Kumu  marriage  which  he  states  as 
follows  «  a  brother's  daughter's  son  mates  with  a  sister's  son's  daughter  »  and  goes 
on  to  say  :  «  In  the  former  case  a  Mururi  man  marries  a  woman  of  the  opposite 
phratry,  but  in  the  latter  case  he  takes  a  wife  from  his  own  phratry,  which  exhi- 
bits the  falacy  of  the  old  school  of  theories  respecting  exogamy  among  the  Austra- 
lian tribes  ». 

Speaking  of  the  tribes  of  Western  Victoria,  Mr.  Mathews  again  discovers  two 
rules  of  marriage,  one  of  which  he  says  is  the  >  normal  or  tabular  custom  »  and 
the  other  the  «  irregular  custom  of  a  Oamutch  marrying  a  Gamutch-gurk  ». 

This  statement  quite  gives  away  Mr.  Mathews's  argument,  because  his  «  nor- 
mal »  marriage  is  in  fact  exogamous,  under  the  old  exogamic  rule,  which  investi- 
gators from  Ridley  down  to  Spencer  and  Gillen  and  myself  have  found  in  one 
form  or  another  among  all  the  tribes  we  have  studied.  The  second  rule  on  which 
Mr.  Mathews  relies  to  prove  the  absence  of  exogamy  among  Australian  tribes  is 
an  innovation  introduced  since  the  breaking  down  of  the  tribal  organisation.  The 
changes  which  decay  has  wrought  in  the  four  sub-class  tribes  will  be  more  striking 
in  their  effects  when  civilisation  attacks  those  organised  on  the  six  and  eight  sub- 
class systems. 

Hence  I  would  urge,  as  a  last  word,  that  all  possible  efforts  be  made  to 
record  the  laws  and  customs  of  the  remote  tribes  of  Australian  aborigines,  before 
decay  sets  in,  and  that  evidence  from  the  remnants  of  decaying  tribes  be  accepted 
by  anthropologists  with  the  greatest  caution.^ 


1  Natine  Tribes  of  South  East  Austria,  p.  216. 

'  Cet  Appel,  le  dernier  article  qu*ait  écrit  l'auteur,  nous  a  é(o  envoyé  par  Mi«  Howitt  sur 
recommandation  expresse  de  son  père  mourant;  une  erreur  d'adresse  a  fait  retourner  le  manos* 
crit  en  Australie,  d*on  Miss  Howitt  l'a  renvoyé  A  M.  Frazer,  qui  a  nous  l'a  &it  parvenir.  Eft 
remerciant  Miss  Howitt,  nous  tenons  à  lui  exprimer  nos  regrets  profonds  pour  la  perte  qu'elle  a 
faite,  ainsi  que  la  science,  par  la  mort  de  l'admirable  ethnographe  qu'était  A.  W.  Howitt.  A.  v.^«^ 


1908.]  DELAFOSSE    :    LB    PEUPLE   SIÉNA    OU    SÉNOUFO.  [P.  483« 


LE   PEUPLE   SIÉNA   OU   SÉNOUFO 

par  Maurice  Dblafosse  (Côte  d'Ivoire). 

(Suite.) 


36.  —  Le  mariage  (suite). 

La  première  épouse  eu  date  a  toujours  le  pas  sur  les  autres  et  est  consultée 
par  le  mari  pour  le  choix  de  ses  autres  femmes.  Elle  est  intéressée  à  ce  que  son 
mari  ait  plusieurs  épouses,  car  elle  se  trouve  par  là  déchargée  d'une  bonne  partie 
des  travaux  du  ménage  et  acquiert  une  importance  et  une  autorité  dont  elle  est  très 
4ère. 

Les  chefs  se  marient  souvent  avec  des  filles  d'autres  chefs,  ce  qui  leur  crée  des 
alliances  qui  peuvent  leur  être  utiles  au  point  de  vue  politique. 

Comme  je  le  disais  tout  à  l'heure,  les  gens  pauvres  n'ont  généralement  qu'une 
femme.  Qaant  au  célibat,  il  n'existe  pas  ou  du  moins  est  excessivement  rare. 

Le  divorce  peut  être  prononcé  à  la  requête  des  deux  époux  ou  même  à  celle 
àe  l'un  d'eux  seulement,  mais  si  l'un  des  époux  se  prononce  contre  le  divorce, 
celui-ci  ne  peut  être  prononcé  que  si  des  charges  graves  sont  relevées  contre  celui 
des  époux  hostile  au  divorce.  Si  le  divorce  a  été  prononcé  à  la  requête  de  l'époux, 
la  femme  retourne  simplement  dans  sa  famille  ;  s'il  a  été  prononcé  à  la  requête  de 
l'épouse,  la  famille  de  celle-ci  doit  payer  à  l'époux  une  indemnité  correspondant 
^ux  sommes  qu'il  a  versées,  avant  le  mariage,  à  ses  futurs  beaux-parents. 

37.  —  La  fàmlUe. 

Les  maris  sont  en  général  très  tendres  et  très  faibles  pour  leurs  femmes  au 
début  de  leur  union,  se  ruinant  en  prodigalités,  s'endettant  souvent  et  commettant 
même  des  abus  de  confiance  et  des  vois  pour  satisfaire  aux  caprices  de  leurs  exi- 
gentes  moitiés.  Lorsque  la  femme  devient  grosse  et  que  l'époque  de  l'accouchement 
se  rapproche,  cette  affection  se  transforme  peu  à  peu  en  indifférence,  et,  après 
l'accouchement,  l'amour  du  mari  pour  sa  femme  est  diminué,  semble-t-il,  de  celui 
-que  le  père  porte  à  son  enfant. 

Cependant  l'affection  des  maris  Siéna  pour  leurs  femmes  parait  être  en  gêné* 
rai  plus  profonde  et  moins  égoïste  que  celle  des  femmes  pour  leurs  maris.  L'épouse 
craint  son  mari,  qui  est  assez  souvent  brutal  —  moins  souvent  pourtant  que  le 
mari  mandingue  — >  ;  elle  l'aime  aussi,  mais  surtout  pour  sa  situation  et  sa  richesse  ; 
tout  en  paraissant  soumise  et  craintive,  elle  fait  d'ailleurs  de  son  époux  à  peu  près 
^e  qu'elle  veut  quand  elle  est  jeune  et  conserve  ensuite  sur  lui  une  grande  influence. 

La  famille  n'est  jugée  réellement  existante  que  lorsqu'elle  comprend  des 
•enfants.  Les  femmes  stériles  sont  considérées  comme  frappées  d'une  malédiction 
ilivîne  et  M.  Binger  rapporte  que,  chez  les  Siénérhè,  une  femme  mourant  sans 
enfants  voit  toujours  sa  mort  attribuée  à  une  cause  surnaturelle.  Pour  une  raisoa 
de  même  ordre,  les  hommes  attachent  peu  de  prix  à  la  virginité  des  femmes  qu'ils 
"épousent  et  aiment  au  contraire  épouser  une  fille-mère,  l'enfant  de  celle-ci,  quel 
-que  soit  son  père  naturel,  étant  toujours  adoptée  et  accueilli  avec  joie  par  le  mari. 


p.  484«]  •    R    •    E    •    E    *    S    •  [1908. 

Le  père  et  la  mère  semblent  tous  les  deux  tenir  beaucoup  à  leurs  enfants, 
mais  c'est  surtout  le  père  qui  aime  les  caresser  et  qui  joue  ayec  eux.  Il  semble  que 
le  père  affectionne  davantage  les  filles  et  la  mère  les  garçons,  au  moins  dans  leor 
tout  jeune  âge. 

Lorsque  deux  époux  ont  eu  des  enfants  et  que  le  mari  vient  à  mourir  le 
premicri  les  enfants  restent  dans  la  famille  de  leur  père,  pourvu  que  cette  fiimiUe 
soit  établie  dans  le  pays.  Si  elle  est  fixée  en  un  autre  pays,  les  enfants  demeurent 
avec  leur  mère. 

Au  cas  où  c'est  la  mère  qui  vient  à  mourir  la  première,  les  en&nts  en  bas-age 
sont  confiés  à  une  autre  femme  de  leur  père  ou  à  la  famille  de  leur  mère.  Une  fois 
grands,  ils  sont  rendus  à  leur  père. 

Si  le  mariage  n'a  pas  été  accompli  selon  la  coutume  locale  ou  si  les  enfants 
sont  nés  d'une  union  irrégulière,  ils  sont,  à  la  mort  de  leur  mère,  partagés  entre  le 
père  et  la  famille  de  la  mère. 

En  cas  de  divorce,  les  enfants  en  bas  âge  sont  en  général  confiés  à  leur  mère, 
au  moins  pendant  quelques  années  ;  lorsqu'ils  atteignent  Tage  de  cinq  à  sept  ans, 
ils  sont,  soit  attribués  au  père,  soit  partagés  entre  le  père  et  la  mère,  suivant  les 
régions. 

Dans  plusieurs  tribus,  le  mari  devient,  par  le  fait  même  de  son  mariage,  le 
serf  du  frère  aîné  de  sa  femme,  qui  est  le  véritable  chef  de  la  famille.  Ses  enfants, 
une  fois  grands,  travaillent  pour  leur  oncle  utérin  et  non  pas  pour  leur  père,  et,  à 
la  mort  de  ce  dernier,  ils  passent  à  leur  oncle  avec  tous  les  serfs  et  le  bétail  de 
leur  père.  Telle  serait  au  moins  la  coutume  chez  les  Kâfibélé^  d'après  M.  l'adjoint 
principal  Cimblard  . 

38.  —  La  vie  des  hommes. 

Les  hommoi  se  lèvent  en  général  avec  le  jour,  soit  entre  5  heures  et  6  heures 
du  matin  ;  ils  se  passent  de  l'eau  sur  les  yeux  et  le  visage  et  partent  tout  de  suite 
pour  les  plantations  lorsque  les  travaux  agricoles  les  réclament,  comme  c'est  le  cas 
presque  toute  l'année.  Ils  travaillent  aux  champs  à  peu  près  jusqu'au  coucher  da 
soleil,  s'y  faisant  apporter  leur  nourriture  par  les  femmes,  et  rentrent  au  village 
à  la  nuit  tombante.  Ils  prennent  alors  le  repas  du  soir,  échangent  les  nouvelles  de 
la  journée,  et,  s'il  fait  beau  temps  et  qu'il  y  ait  de  la  lune,  assistent  ou  prennent 
part  à  des  danses  ou  à  quelque  cérémonie  religieuse,  ne  se  couchant  guère  avant 
10  heures  du  soir. 

.  Si  la  saison  n'est  pas  propice  aux  travaux  agricoles,  ils  vont  à  la  chasse  ou  à 
la  pèche  ou  bien  vont  chercher  dans  la  brousse  des  matériaux  de  construction«. 
Lorsque  la  saison  des  pluies  est  terminée,  ils  travaillent  dans  leur  village  à  la 
réfection  de  leurs  cases  ou  à  la  construction  de  nouvelles  habitations  ou  de  greniers» 
Oeux  qui  exercent  un  métier  s'y  livrent  du  matin  au  soir.  D'autres  vont  en  voyage, 
portant  des  marchandises  qu'ils  vont  vendre  au  loin  pour  leur  propre  compte  ou 
plus  souvent  pour  le  compte  d'un  commerçant  mandingue.  D'autres  enfin  font  des 
transports  pour  le  compte  de  l'administration  française  ou  des  commerçants  euro» 
péens. 

Les  travaux  des  champs  que  se  réservent  les  hommes  sont  l'enlèvement  des 
hautes  herbes,  le  labourage,  les  semis  d'ignames  et  de  mil,  le  bouturage  du  manioc, 
les  sarclages  et  binages,  la  préparation  des  rizières,  la  récolte  du  mil  et  du  ni,  le 
battage  du  grain  au  fléau.  Ce  sont  eux  aussi  qui  coupent,  préparent  et  apportent  les 
bois  de  construction,  la  paille,  les  lianes,  les  fragments  de  termitières  destinés  à  Ja 


1908.]  DELAFOSSE    :    LE    PEUPLE    SIÉNA    OU    SÉNOUFO.  [P.  485. 

volaille  ;  ce  sont  eux  encore  qui  transportent  les  poulets  aux  champs.  Les  autres 
travaux,  demandant  moins  de  force  musculaire,  sont  faits  à  la  fois  par  des  hommes 
«t  des  femmes,  celles-ci  se  réservant  en  général  quelques  ouvrages  spéciaux  dont  il 
sera  question  au  chapitre  suivant. 

Telle  est  la  vie  habituelle  des  hommes  depuis  Tadolescence  jusqu'au  déclin  de 
rage  mûr,  c'est-à-dire  depuis  12  ans  environ  jusqu'à  45  ans.  Après  cet  âge,  il  est 
rare  que  les  hommes  continuent  à  se  livrer  à  des  travaux  pénibles,  à  moins  qu'ils 
appartiennent  à  la  classe  la  plus  pauvre,  et  n'aient  ni  enfants  ni  serfs  qui  puissent 
<;ultiver  leur  champ.  Généralement,  ils  accompagnent  de  temps  en  temps  leurs 
cadets  aux  champs,  mais  se  contentent  de  donner  des  ordres  et  de  surveiller  le 
travail.  Ils  demeurent  davantage  au  village,  devisant  des  affaires  de  la  communauté, 
entourant  le  chef  auquel  ils  constituent  une  sorte  de  conseil  des  anciens,  gardant 
souvent  les  jeunes  enfants  pendant  que  les  mères  vont  laver  à  la  rivière  ou  vont  aux 
champs  porter  le  repas  des  travailleurs.  Parfois  aussi  ils  occupent  leurs  loisirs  en 
jouant  à  un  jeu  répandu  dans  toute  l'Afrique  Noire  et  consistant  en  deux  rangées 
parallèles  de  six  petites  cavités  dans  lesquelles  on  place  des  graines  sphériques  oa 
des  petites  pierres,  suivant  des  règles  et  des  combinaisons  qui  rappellent  sous  cer«*^ 
tains  rapports  celles  de  notre  jeu  de  dames. 

Les  véritables  vieillards,  qui  ont  dépassé  60  ans  et  se  distinguent  par  une 
vénérable  barbe  fleurie,  mènent  une  vie  encore  plus  végétative,  restant  des  heures 
entières  comme  absorbés  en  eux-mêmes,  et  ne  sortant  de  leur  réserve  que  pour  boire 
de  la  bière  de  mil  en  racontant  les  faits  saillants  de  leur  longue  existence. 

Lorsque  la  maladie  qui  les  doit  emporter  a  mis  sur  eux  son  empreinte,  ils  se 
laissent  aller  à  la  mort  sans  grande  résistance  comme  sans  grande  douleur,  avec  une 
sorte  de  résignation  fataliste  troublée  seulement  de  temps  à  autre  par  une  crise  de 
^souffrance  ou  par  la  peur  d'être  victime  d'un  ennemi  jaloux  ou  d'un  malin  esprit. 

39.  —  La  vie  des  femmes. 

On  a  dit  et  répété  que  la  femme  noire  était  une  bête  de  somme  et  qu'elle  tra- 
vaillait toujours  tandis  que  l'homme  ne  faisait  rien  :  cet  adage  est  complètement 
faux  y  surtout  en  ce  qui  concerne  les  Siéna. 

On  a  vu  tout  à  l'heure  que  la  journée  d'un  homme  était  assez  remplie.  Celle 
il'une  femme  l'est  autant  d'ailleurs,  mais  ne  l'est  pas  davantage.  Ce  qui  a  pu  faire 
croire  aux  observateurs  superficiels  que  la  femme  travaillait  plus  que  l'homme^ 
c'est  que  le  travail  de  la  femme  au  village  est  de  tous  les  jours  et  de  tous  les 
instants,  consistant  surtout,  chez  les  Noirs  comme  chez  tous  les  peuples,  dans  le^ 
soins  du  ménage  et  de  la  marmaille,  tandis  que  le  travail  des  hommes  se  fait  prin- 
-eipalement  au  dehors  et  que,  pour  ce  travail  —  surtout  pour  le  travail  agricole  — 
il  y  a,  en  Afrique  comme  en  Europe,  des  périodes  de  chômage.  De  plus,  lors  du 
passage  d'un  Européen  dans  un  village  peu  habitué  à  voir  des  Blancs,  le  travail  est 
souvent  interrompu  par  la  curiosité  qui  pousse  les  habitants  à  venir  contempler  cet 
-étranger  de  race  mystérieuse  :  ce  jour  là,  les  hommes  ne  vont  pas  aux  champs,  ils 
délaissent  même  les  occupations  qu'ils  peuvent  avoir  au  village,  et  restent  assis  sur 
la  place  publique,  regardant  chaque  geste  du  Blanc  et  le  commentant,  ou  bien  ils 
prennent  part  aux  danses  et  réjouissances  organisées  en  l'honneur  de  ce  visiteur  de 
marque  ;  les  femmes,  elles,  sont  bien  obligées,  ce  jour-là  comme  les  autres,  de 
préparer  la  nourriture,  et  de  plus  elles  ont  à  aller  chercher  des  vivres  et  de  l'eau 
«t  à  iaire  à  manger  pour  les  porteurs  du  Blanc,  son  escorte  et  son  personnel  :  le 


p.  486.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

passage  d^un  Européen  est  aiosi  ToccaBion  d'un  jour  de  congé  pour  les  hommes  et 
d'un  surcroit  de  travail  pour  les  femmes.  Mais,  dès  le  lendemain,  la  vie  reprend  son 
cours  normal,  et  tout  le  monde  —  hommes  et  femmes  —  vaque  à  ses  occupations 
habituelles. 

La  femme  se  lève  comme  son  mari  aux  premières  lueurs  de  l'aube  et  va  tout 
d'abord  puiser  de  Teau  à  la  rivière  proche.  Ensuite  elle  balaie  la  case  et  ses  alen- 
tours, attiso  le  feu  et  prépare  le  premier  repas,  qu'elle  devra  souvent  ensuite  porter 
aux  champs.  La  préparation  des  repas  est,  chez  les  Noirs,  une  opération  plus 
longue,  plus  pénible  et  plus  compliquée  que  chez  nous,  en  raison  de  ce  fait  que 
c'est  la  cuisinière  qui,  en  quelque  sorte,  fait  office  de  meunier  et  de  boulanger, 
puisque  c'est  elle  qui  moud  le  grain  et  confectionne  Taliment  farineux  auquel  cor^ 
respond  chez  nous  le  pain. 

Outre  ces  occupations  ménagères,  la  mère  de  famille  doit  encore  laver  ses 
jeunes  enfants,  savonner  le  linge,  porter  les  légumes  au  marché  voisin.  Si  elle  a  du 
temps  dans  la  journée,  elle  va  aux  champs  et  y  procède  à  certains  travaux  tels  que 
les  semailles  du  maïs,  des  arachides,  des  haricots,  du  coton,  des  légumes,  et  le 
repiquage  du  riz  de  rizière,  occupation  pénible  parce  qu'elle  contraint  celles  et 
ceux  qui  s'y  livrent  à  travailler  le  corps  enfoui  dans  la  vase  jusqu'aux  hanches.  Ce 
sont  les  femmes  aussi  qui,  en  général,  aidées  par  les  adolescents,  récoltent  les 
ignames,  les  arachides,  le  maïs,  les  légumes  ;  ce  sont  elles  qui  transportent  au  vil- 
lage les  produits  agricoles  et  qui  ramassent,  coupent  et  fendent  le  bois  à  brûler. 

Dans  la  soirée,  elles  préparent  le  repas  de  la  tombée  de  la  nuit,  vaquent  de 
nouveau  à  la  toilette  des  enfants,  souvent  filent  le  coton,  et,  comme  les  hommes, 
terminent  volontiers  cette  pénible  journée  par  des  chants  et  des  danses  qui  durent 
une  bonne  paitie  de  la  nuit. 

On  comprendra  facilement  qu'une  seule  femme,  fréquemment  enceinte  oa 
nourrice,  souvent  obligée  de  porter  un  enfant  sur  son  dos,  ne  peut  pas  vaquer 
facilement  à  ces  muhiples  occupations,  et  on  saisira  pourquoi  la  polygamie,  comme 
le  servage,  est  une  nécessité  chez  les  Noirs  agriculteurs  tels  que  les  Siéna. 

Ainsi  qu'il  arrive  pour  les  hommes,  les  femmes  parvenues  au  déclin  de  l'âge 
mûr  ne  s'astreignent  plus  à  un  travail  aussi  continuel  que  lorsqu'elles  étaient  plus 
jeunes.  On  voit  bien  encore  de  vieilles  femmes  revenir  de  la  brousse  courbées  sous 
un  lourd  fardeau  de  bois  à  brûler  ou  aller  puiser  de  l'eau  dans  de  grandes  jarres 
trop  lourdes  pour  leurs  muscles  devenus  débiles  :  ce  sont  généralement  des  serves 
ou  même  des  femmes  nobles  de  la  classe  la  plus  pauvre^  dont  le  mari  n'a  pu  se  payer 
le  luxe  de  plusieurs  épouses.  Mais  le  plus  souvent  les  vieilles  femmes  demeurent  au 
Tillage  et  se  consacren  spécialement  au  soin  des  enfants,  à  la  pratique  de  la  méde- 
cine, aux  accouchements,  ou  bien  passent  leurs  journées  à  filer  le  coton.  Il  arrive 
d'ailleurs  que,  lorsqu'on  danse  sur  la  place  publique,  les  danseuses  les  plus  enragées^ 
sont  des  matrones  à  cheveux  blancs. 

(A  suivre). 


1908.]  CORSO  :  gli  sponsali  popolari.  [P.  487« 


OL.I  SPONSALI  POPOLARI. 

(Studio  cCEttwlogia  Giuridica). 
per  il  DoTT.  Raffaele  Coeso  (Nicotera,  Calabre). 


Pbeliminabi.  — Gli  sponsali  nelle  legislazioni  nuove  e  nel  costume  popolare. 
Il  fidanzamento  compléta  e  Vincompleto.  Rottura  dei  rapporti  di  fidaneamento  e 
restitusfione  dei  pegni.  Restiiuzione  semplice,  in  tantudein,  in  duplum.  Inte- 
resse del  folk-lore  giuridieo. 

Chi  per  poco  volga  lo  sguardo  alla  geografia  giuridica  delP  Europa,  vedra 
cbe  gli  sponsali  vanno  scomparendo  dalle  legislazioni  nuove.  In  qualche  paese 
sono  aboliti,  in  qualche  altro  proibiti,  e  dove  poi,  non  siano  caduti  in  desuetudine, 
essi  non  hanno  forza  di  obbligazione  matrimoniale  che  possa  dar  luogo  ad  una 
actio  ex  sponsu,  ma  generano  soltanto  un  vincolo  etico,  il  fondamento  e  Targo- 
niento  del  quale  è  la  fede  nuziale.  Vero  è  che  la  parte  la  quale  manca  al  contralto, 
è  tenuta  a  risarcire  le  spese  fatte  per  gli  sponsali,  ma  cio  non  è  che  una  reminis- 
cenza  dell'antico  istituto,  Tultimo  riflesso  economico  dell'antico  contratto  matri- 
moniale'^. La  realta  è  che  gli  sponsali  ove  non  siano  ancora  scomparsi,  sono 
destinati  a  scomparire,  mentre  tutti  i  rapporti  di  fede,  le  relazioni  di  sangue,  gli 
eflfetti  economici  ricevono  forma  definitiva  col  solo  atto  matrimoniale. 

A  taie  progresso  délia  legislazione  fa  contrasto  il.  diritto  consuetudinario  di 
moite  popolazioni  a  civilta  latino-germanica,  per  quanto  ci  è  concesso  rilevare 
dalle  tradizioni  e  dagli  usi  finora  conosciuti'^.  Difatti  nel  costume  popolare  gli 
sponsali  presentano  una  sicura  forma  di  obbligazione,  quando  (e  non  è  raro  il  caso) 
eBsi  non  siano  una  introduzione  o  una  viva  immagine  del  matrimonio  da  rendere 
légittima  la  convivenza  dei  fidanzati.  Percio  nei  trattati  preliminari  del  matrimonio 
è"  utile  distinguere  due  fasi  :  la  prima  di  esse  racchiude  il  periodo  délie  trattative 
(proposta,  richiesta  ;  accettazione  ed  accordo)  ;  la  seconda  fissa  l'assicurazione  dei 
rapporti  morali  ed  economici  (sponsali)».  Queste  due  fasi,  che  coraprendono  tutta 


^  Dello  stato  délia  legislazione  earopea  si  pu6  tracciare  il  seguente  schema  :  a)  Stati  dove  gli 
sponsali  sono  caduti  in  desuetudine  (Francia,  Belgio),  o  sono  stati  aboliti  (Norvegia),  o  proibiti 
(Bolivia)  ;  b)  Stati  dove  gli  sponsali  dànno  luogo  ad  azione  per  il  rifaciraento  dei  danni  realmente 
sofiferti  (Valese) ;  c)  Stati  dove  é  ammessa  azione  peril  rifacimento  dei  danni  e  degli  interefsi 
.(Ingbilterra,  Baviera,  Wurtemberg,  Francoforte,  Brunswick,  Hannover,  Sassonia,  Prussia, 
Olanda,  nonchô:  Cantoni  di  Basilea,  Argovia,  Berna,  S.  Gallo,  Saletta.  Zurigo,  Vaud,  Ticino); 
d)  Stati  dove  gli  sponsali  banno  una  certa  forza  obbligatoha  (Cantone  di  Vaud,  Argovia  ;  Sasso» 
nia»  Svezia)  ;  e)  Stati  dove  ô  in  vigore  la  legislazione  canon ica  (Sj[>agna  e  Portogallo).  Per  le 
4egislazioni  degli  ex-Stati  Italiani  e  per  Tattuale  regolamenio  degli  sponsali  in  Italia  [Codice 
Civile  art  54)  cfr.  Cicoâolionb,  Promessa  di  matrim.  ecc.  nell*  «  Enciclopedia  Oiuridica  n 
Xm,  IV.  pag,  52-58. 

>2  Queste  nostre  consideranoni  contemplano  usi  e  coetumi  di  moite  popolazioni  d'Ëuropa  ses- 
"tanto.  Taie  limite  è  di  esigessza  scientifica  perchô  si  possano  rilevare  e  aggruppare  le  forma 
simili  negli  osi  e  nei  costumi  di  popoli  che  hanno  avuto  uno  sviluppo  storico  comune  o  parallèle« 

^  La  teoria  sorge  dal  fatto.  Sono  caratteristici  i  tre  atti  che,  pel  popolo  siciliano,  compiono  la 
»procedura  nuziale  :  a)  Jurari  -^  b)  *nguaggiari  —  c)  epusari,  Uinguaggia  corrispondente  air 


p.  488.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908» 

la  procedura  nuziale,  possono  indlcarsi  col  nome  di  fidaneamenio  eomplek  e 
incampleto. 

II  fidanzameuto  iucompleto,  che  sorge  dall'avvicinainento  delle  parti  e  nel 
momento  in  cui  il  preteudente  conosce  e  riconosce  la  donna  come  sua,  non  genera 
alcun  rapporto  obbligatorio'  ;  meutre  il  fidanzameuto  completo,  che  è  Tassicura- 
zione  del  matrimonio  (sponsale),  stringe  mediaute  il  pegno,  il  segno,  la  fede  una 
obbligazione  giuridica  con  eifetti  morali  ed  economici*. 


inguadiare  (da  toadia,  gttadia  =  pignits,  fidejussio).  Pitre,  Bibliot.  Trad.  Pop,  Sicil.,  üsie 
Costumi  p.  70.  Oarvfi,  Usi  Nuziali  nel  M.  B,  in  Sicilia,  p.  60.  Nella  Sardagna  (Aggius,  Terra- 
nova,  Pausania)  si  conoacono  tre  atti  solenni  :  a)ßdßn^ctmento^  lo  sposo  offre  la  fnilitarïa,  cioé 
I'anello  promiaaorio  —  b)  s'abbrazzu^  Tabbraccio  osado  interveniente  —  c)su  sposu.  A.  Pirodda 
Delia  «  Riv.  Tia  J.  Pop.  n  del  Dk  Oubernatib,  I,  559,  60;  Db  Rosa  nella  RU>,  cit.,  II,  13,  14, 15. 

Neir  Andalusia  si  nothno  :  il  noviztato,  it  regotamenio  delle  carte  e  il  consensu  davantial 
Parroco,  il  casamento.  Durante  il  noviziato  la  aposa  non  puô  ricevere  doni  dallo  sposo,  perché 
ancora  non  si  é  atabilito  aloun  vincolo  legale  tra  loro.  Dopo  il  regolamento  delle  carte  e  11  cob- 
aenso  dato  in  Ghieaa,  i  âdaniati  sono  legati  per  aempre.  A.  Machado  t  Alvarez,  BibL  Tradic, 
Pop,  Espaholas,  I,  73-79  (Madrid,  1884).  A  Brod,  e  con  fréquenta  presse  gli  altri  SUti  meridio- 
li,  si  notano  quattro  Tisite  che  i  genitori  e  i  parenti  del  pretendente  fanno  alia  famiglia  della 
gioTane  ricbie&ta.  Per  ogni  visita  si  portano  del  doni,  e  soltanto  nella  qaarta  visita  si  offre  alla 
giovane  scelta  una  somma.  Gli  sponsali  per6,  ricevono  solennitA  il  giorno  in  cui  —  dopo  la  quarts 
▼isita  —  il  padre  della  giovane  rinnova  il  consenso,  in  présenta  dei  parenti  e  dei  corgiunti,  con 
qoeste  parole  :  «  lo  dono  la  mano  ili  mia  figlia  al  valente  N.  N.  Che  Dio  aia  con  loro  !  »  Bogisic^ 
Zbomik,  etc.  preaso  Dsmblio»  Droit  Coutt4m,  d.  Slaves  Méridion.  nella  «  Rev.  d.  Léffisl.,  ecc.  9, 
1876,  p.  585.  —  Presse  i  Turingi  si  £a  I'accordo,  indi  si  fissa  il  giorno  degli  sponsali.  Kvnzb, 
Volksk,  Ü.  Thüringer  Walde,  nella  «  Zeitschr.  f.  Vereins  d.  Volksk.  »  del  Wbinholt,  1890, 
p.  179, 180.  Per  le  varie  fasi  della  Verlobung  cfr.  la  «  Zeitschr.  »  cit.,  1898,  428  aeg.  ^  Dopo  la 
promessa  si  combina,  per  esempio,  la  fuga  come  cerimonia  simbolica  (BergaJ.  Cfr.  la  «  Zeitschr.  » 
cit.  1900,  171.  Solle  fasi  del  fidanzamento  v.  anche  <<  The  Folk-lore  Congress  (Chicago,  1894),. 
▼ol.  I,  408,  416. 

^  Per  il  consenso  dei  fidanzati  e  dei  padri  v.  in  seguito  :  Libellum  dotis. 

Nelle  Marche  la  «  promessa  »  Ô  un  semplice  accorde,  montre  il  fat  to  di  «  dare  la  parola  a  é 
equiparato  agli  sponsali.  Cfr.  Usi  e  Costumi  Marckigiani,  p.  28  (Colles,  di  Curiosité  Star,  e 
Tradiz,  diretta  da  G.  Pitre).  —  Partecipano  del  fidanzamento  completo  e  dell'  incomplete  : 
«  I'entrata  n  (A  Nuoro,  in  Sirdegna),  G.  Dbledua  nella  «  Riv.  Trad.  Pop.  •  II,  419  ;  «  la  promi»- 
sione  «  (Veneto),  Pasouni-Tanblli,  Loria,  p,  54  -,  «  i'appuntamento  »  (Sicilia),  Pitrâ,  Usi  e  Cost. 
cit.,  p.  39. 

'  Cosl,  (er  esempio,  I'asaicurazione  del  matrim.  (s*assieuronzu  de  su  ccjuviu)  in  alcuni  luoghi 
della  Sardegna,  ô  an  atto  indispensabile  nella  procedura  nuziale.  Poggi,  Usi  Natalisi^  Nusiali 
e  Funebri  ecc.  p.  56. 

Grande  intéresse  ha  per  il  popolo  il  giuramento  dato  davanti  al  Parroco.  La  chiesa,  nel  M.  K, 
richiese  che  la  manifestazione  del  consenso  fosse  fat  ta  con  modo  aolenne.  Tale  precetto  fa 
introdotto  nella  legisluzione  statutaria  (Stat.  Placentiae,  XIV  sec,  V,  25  ;  Stat.  Mutinae,  1549, 
IV,  27  ;  e  nelle  Const.  Siculae,  III,  20),  e  vive  ancora  presse  il  LAgo  Maggiore,  nolle  Marche, 
nella  Romagna,  nel  contado  Bolognese,  nella  Sardegna.  Cfr.  Filippini,  Usanze  Cimasefie,  neir 
«  'Archiv,  Trad.  Pop.  n  XXI,  183  ;  C.  Pigorini-Bbri,  Usi  e  Cost.  delV  Appennino  Marchig. 
p.  5  ;  Placucci,  Usi  d.  Contadini  délia  Romagna^  pubbl.  dal  D'Ancona,  Pisa,  1878,  p.  17, 18  ; 
Göronkdi-Bbrti,  Usi  Nuz.  d.  C,  di  Bologna^  Estr.  Riv.  Europea,  1874,  p.  3,  10  ;  Dblbdda,  nella 
<<  Riv.  Trad.  Pop.  j»,  n,  419.  —  Le  espressioni  popolari  che  si  riferiscono  al  giuramento  sono 
quelle  canoniche  medievali,  onde  si  pu6  stabilire  questo  confronte  :  juramentum  de  futuro  « 
azzuramentare  (Nuoro)  ;  consensus  se  in  futuro  habiturum  v=a  torre  il  consenso  (Marche, 
Bologneae).  Nel  di  parti  men  to  della  Saona  e  della  Loire  il  fidanzamento  fatto  in  preeenza  dei 
Parroco  Ô  AeWo  fuiuration  (Cfr.  «  Rev.  Trad.  Pop.  »,  XI,  p.  55)  ;  nella  Pro  renn  si  ha  il  fida^* 
lamento  par  parole  de  futur  (Ribbb,  Les  fiançailles  et  le  mariage  en  Provence,  1890).  Non  é, 
forae,  questo  costume  popolare  ricordo  dello  sponsale  per  verba  de  futwro  9  Tracce  dello 
aponsale  per  verba  de  praesenti  si  trovano  vive  qua  e  là.  Il  Pitré,  per  la  Sicilia,  oaserva 
che  il  contrarre  matrim.  p.  v.  de  praes.  è  significato  dal  popolo  oon  l'eapreasione  «  inguaç- 


1908.]  CORSO  :  gli  sponsali   popolari.  [P.  489* 

Agli  sposi  è  lecita,  quindi,  la  convivenza,  e  la  sposa  abbandonata  è  conside- 
rata  corne  vedova^  Si  stabilisée  fra  gli  sposi  uno  stretto  rapporte,  che  in  qualche 
luogo  ha  date  origine  ad  «si  singolari,  essendo  permesso  alla  sposa  perfino  di 
ricevere  lo  sposo  nel  proprio  letto,  niettendo  fra  se  e  lui  un  ranio  (anticamente 
una  spada)2.  Queste  relazioni  non  figurano  un  concubinato,  ma  present^no  il 
carattere  di  un  matrimonio  a  prova,  in  oui  gli  sposi  coabitano  pubblicamente. 

La  rottura  délie  relazioni  obbliga  la  parte  colpevole  alla  restituzione  délie 
arre  ricevute,  oppure  al  rifacimento,  in  doppio,  délie  spese^. 

11  contratto,  che  contempla  tali  rapporti,  non  é  sempre  e  dovunque  redatto 
in  scritto  ;  a  rolte  basta  la  consegna  délia  tavola  del  corredo  e  délia  dote,  fatta 
dalla  famiglia  délia  sposa  a  quella  dello  sposo,  e  a  volte  é  sufficiente  la  sola 
parola^  che  é  corne  la  promessa  solenne  dell'accordo  fra  le  parti.  Cerimonie  e 
festivitâ  simboliche  concorrono  a  confermare  il  patto  stabilité,  corne  si  vedrâ  nei 
seguenti  quadri  délie  principal!  formalitâ. 


ffiari  »  =  wadia^  guadia^  onde  poi  la  «  vesii  di  lu'ngtMxggiu  ».  Op.  cit.  p.  70.  E  negli 
Stat,  Genesi  del  sec.  XUI  e  XIV  gli  sponsali  sono  chiamati  guaida  o  guaidia,  Archiv. 
Sior.  Bal.  1880,  I,  133,  143.  —  Come  Vinguaggio  anche  Vaasicurazione  dei  matrim,  come 
si  fa  in  Sardegna  (Poooi,  Op,  cit,  p.  56)  e  tutti  gli  altri  atti  che  configarano  la  promessa 
solenne,  quali  il  toccamano,  Pabbraccio,  il  bacio,  lo  scambio  délia  scarpa,  Vofferta  d'un 
boccone  dipane^d^un  dono,  d'un  pegno,  Questi  atti  verranno  descritti  inseguito;  qui  importa 
notare  che,  presse  alcune  popolazioni»  ô  tuttora  lecita  la  convivenza  dopo  uno  degli  atti  che 
valgonofede  di  matrimonio,  Queste  fatto  fa  vedere  il  matrim,  (o  sponsale)per  v.  de  praesentiy 
contratto  per  munera,  ampleœus^  osctUum.  C£r.  Tamassia,  Oêculum  Interveniens^  nella  «  Riv. 
Stor.  Ital.  »  1885  ;  Ciccaglions,  Promessa  di  matrim.  cit.  p.  50,  51.  Anche  negli  Statuti  appare 
taie  sanzione  canonica  :  coei  nollo  StaX.  di  Bologna  si  distingue  il  matrim,  compléta  e  rincom' 
pleto,  e  si  concede  comunione  di  vita  agli  sposi  {i464, 112,  §  18). 

^  Y.  in  seguito  il  §  Cotisa,  talami. 

*  Cosi  a  Charleroy,  nel  Lussemburgo  Alemanno.  «  Folkl.  BouU.  »  p.  272.  Per  il  costume  antico, 
Orimm,  R.  A.,  p.  432  e  Michelet,  Orig.  d.  droit  franc,  p.  27. 

3  Si  hanno  quindi  due  figure  :  a)  Restituzione  sempliee  dei  dont  da  parte  délia  fidanzata  c?ie 
rompe  la  fede.  —  Perdita  dei  soli  dont  offerti  alla  fidanzata  se  la  rottura  avviene  per  colpa 
delV  uomo.  Cosi  nel  Veneto,  Cfr.  De  Gubernatis,  Stor.  comp,  degli  Usi  Nuziali^  255  ;  ed  anche 
nel  Friuli,  V.  il  periodico  <<  Pagine  Friulane  »,  VII,  n.  4.  Qualora  la  caparra,  il  pegno  sono  dati 
in  danaro,  si  ha  la  restituzione  in  tantudem  :  Un  caso  ô  notato  nelle  Marche,  Spadoni,  Usi 
Marchigiatii,  nella  «  Collez,  Cur,  Stor,  e  Tradis.  »  del  Pitré^  p.  26.  Nella  bassa  Val  Lugana 
il  giovine  sposo  che  recede,  perde  i  pegni,  Bolognini,  Usi  e  Costumi  del  Trentino  (1891)  p.  18.  — 
Un  caso  di  restituzione  in  tantudem  è  riievato  dal  Sébillot  nell'  Alta  Bretagne.  Quivi  il  fidan- 
sato  deve,  corne  obbligazione  d*entrata^  offrire  il  vino  ai  parenti  délia  fidanzata.  Rotte  le  rela- 
zioni, se  per  colpa  délia  sposa,  questa  deve  restituire  il  vino  ;  se  per  colpa  dello  sposo,  questi 
perde  il  dono  fatto.  Coutum.  de  la  Eaute-Bretagne,  p.  107. 

b)  Restituzione  in  duplum  se  la  rottura  délie  relazioni  avviene  per  colpa  délia  fidanzata.  Nel 
Canavese,  nel  Biellese,  nell'  Osimano,  la  caparra  che  non  eccede  le  lire  50  viene  restituita  dop- 
pia.  De  Gubbrnatis,  Op.  cit.,  111.  Nel  Bellunese  la  caparra  consiste  in  uno  scudo  e  neWe  guselle, 
6  se  la  rottura  si  ha  per  volere  délia  fidanzata,  questa  restituisce  ildoppio  valore,  Andrioh,  Nazie 
Rusticane,  p.  16.  —  Altre  Yolte  si  rimette  il  dono  e  si  indennizza  il  fidanzato  délie  spese  fatte, 
BuSTico,  Il  Matrim,  nel  Bellunese,  nel  period.  «  Niccolô  Tommaseo  n,  II,  33.  Giô  ô  ricordo  délia 
dubia  meta  langobardica.  Anche  nel  Canavese  la  strenna  si  restituisce  in  duplum.  Di  Giovanni, 
Usi,  Credenze  ecc.  del  Can.,  p.  54.  ^  A  Roveredo,  il  doppio  ;  ad  Aszano  (Veneto),  restituiione 
dei  doni  e  rifacimento  délie  spese.  Db  Gubernatis,  Op.  cit.  255.  Nel  Gallura  (Sardegna),  la  parte 
colpevole  deve  risarcire  Taltra  in  danaro,  in  derrate,  in  bestiame,  De  Rosa,  Trad.  Pop.  di  Gall. 
(1900),  p.  292.  Presso  gli  Slavi  meridionali  si  pratica  cosi  :  a  Lika  la  donna  restituisce  al  giovine 
il  doppio  di  ciô  che  egli  ha  speso  ;  ma  se  ô  l'uomo  che  rompe  la  fede,  alla  donna  spetta  il  triple. 
Nei  reggimento  di  Gradiska,  di  Brod  la  donna  non  puô  sposare  se  prima  non  risarcisce  le  spese 
fatte  dal  suo  ez-futuro.  Nella  Croazia  le  spese  si  reclamano  per  giudizio.  Booisic,  presso  Dbublic, 
Le  Droit  Coutum,  ecc,  cit.  p.  593. 


p.  490.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908, 

Vero  è  che  i  folkloristi  han  descritto,  nella  sua  storia  e  nella  sua  rappresen- 
tazione,  il  meraviglioso  cerimoniale  delle  uozze  popolari,  queiriasieuie  di  riti  e  di 
siraboli  che  compiono  il  jçnippo  più  largo  e  più  studiato  nell'esegesi  del  costume  ; 
ma  non  é  meno  vero  che  la  parte  più  iuiportaute  di  tali  convenienze  tradizionaU, 
cioè  quella  che  compreode  il  simbolismo  giuiûdico,  è  stata  trascurata.  Il  simbolismo 
nella  storia  del  costume  ha  un  alto  valore  e  un  intimo  significato»  alto  come  il 
mistero  che  Tawolge  ed  intimo  corne  il  segreto  che  rivela,  e  percio'  é  utile  che 
esso  sia  studiato  nella  vita  popolare  contemporanea  e  nelle  sue  origini. 

Il  nostro  lavoro  sarà,  quindi,  un  tenue  contributo  di  documenti  orali  e  tradi' 
jsionaîi  alla  storia  del  diritto  ;  sarà  il  riscontro  délia  storia  viva  (easéumi^  sopraih 
vivenze)  colla  storia  morta  (documenti)  ;  sarà  la  riabilitazione,  con  giusto  riguardo, 
dei  documenti  orali  di  fronte  e  come  supplemento  ai  documenti  scritti.  Questo 
compito  è  semplice,  ma  non  è  altrettanto  facile  per  chi  intenda  le  trasformazioni, 
le  variazioni,  le  molteplici  forme  di  uno  stesso  costume,  di  uno  stesso  use  presso 
un  popolo  0  presso  popoli  diversi,  nello  stesso  tempo  o  in  epoche  differenti.  Forse, 
guardando  davvicino,  il  cerimoniale  apparrâ  come  museo  délia  storia  ;  ma  chi 
peuetri  in  questo  con  occhio  d'indovino,  vedrâ  che  certe  tradizioni,  certi  usi,  certe 
sopravvivenze,  tauti  istituti  anche  frammentari  e  simbolici,  rispondono  ancora  a 
bisogni  giuridico-sociali,  e  percio  vivono,  trascurati  dalle  leggi,  anche  di  fronte 
e  contro  le  regole  delle  leggi  positive. 

Il  nostro  studio  ha  un  limite,  pero',  etno-geografico  segnato  da  un  cumulo  di 
costumi  in  vigore  presso  popoli  a  civiltà  latino-germanica,  con  particolare  riguardo 
airitalia  ;  e  questo  limite  è  d'esigeuza  scientifica  allô  scopo  di  meglio  rintracciare 
il  camuino  d'un  uso  nel  corso  délia  storia  ;  allô  scopo  di  meglio  distribuire  le 
similitudini  di  tante  pratiche  e  di  meglio  rilevarele  diversita  dovute  a  condizioni 
di  civiltà  uguali  o  differenti.  Con  tale  metodo  di  distribuzione  geografica  molto  si 
avvantaggia  la  scienza  del  diritto  etnologico,  perché  più  chiuso  è  il  campo  delle 
indagini  e  più  rilevante  sarà  il  riscontro  ;  più  rigida  è  la  comparazione  e  più 
sicuro  sarà  il  risultato.  E'  questa  la  grande  lacuna  delF  opera  del  Post^  il  quale 
se  aveva  pensato  ad  una  Enciclopedia  Etnologico-giuridica,  ordinata  per  razze  e 
taie  da  descrivere  i  diritti  di  tutti  i  popoli  délia  terra,  aveva  più  volte  fatto  voti 
perclié  la  giurisprudeuza  etnologica  si  risolvesse  in  un'  abbondante  messe  di  studi 
monografici  e  particolareggiati  per  déterminât!  popoli  e  determinate  razze.  Ma, 
d'altra  parte,  comparare  tutti  i  diritti  di  tutti  i  popoli,  senza  tener  conto  del  clima 
storico,  del  raovimento  civile  che  accumuuô  varie  genti,  confondendo  sangue  ed 
idee,  in  varie  epoche,  è  di  gran  nocumento  alla  ricerca  scientifica.  Percio,  questo 
studio,  che  è  un  piano  di  più  larghe  indagini,  potrebbe  portare  il  nome  di 
Oiurisprudensa  FolkJorica,  perché  dal  folklore  ricava  i  materiali  elementar!  e  li 
offre,  radunati  con  sistema  scientifico,  alla  Etnologia  Giuridica  che  volge,  ormai, 
verso  il  grandioso  lavoro  enciclopedico,  sognato  dal  Post,         • 

Cbrimonie  pbincipali  —  Lo  studio  del  cerimoniale,  per  noi,  présenta  una 
quistione  d'intéressé^  e  cioè  :  quai  valore  àbbiano  le  formalitd  e  le  finzioni  giuridiche 
nella  vita  popolare. 

•  Molti,  nel  ricostruire  la  storia  delle  istituzioni,  hanno  trascurato  la  storia 
del  costume,  considerando  le  cerimonie  popolari  come  mere  forme,  semplici  ed 
aride  sopravvivenze,  seèvre  di'qualunque  valore  reale.  Tutt'altro  învece,  perché 
nella  vita  popolare  se.  un  atto  o  un  fatto  giuridico  non  è  accompagnato  o  seguito 


1908«]  CORSO  :  gli  sponsali  popolari.  [P.  49 1# 

da  opportune  e  tradizionali  ceriinonie,  non  è  considerato  ne  perfetto  uè  solenne. 
Gli  studi  (lemo-giuridici  daranno  il  bando  a  certi  pregiudizi  seien tifici. 

Intanto  è  utile  prospettare,  nell'ordine  délie  cerimonie,  questa  distribuzione  : 

a)  Formai itd  che  accompagnano  la  costituzione  delV  atto  sponsalieio  ;h)  Formaliid 
ehe  sussegnono  alV  atto  fondameniale,  —  Le  une  e  le  altre  non  sono  che  simboli  di 
prova  (cf.  Ferbero,  I simboli,  ecc.  [Bocca^  1693]  p.  17  seq.),  perché  Tatto  senza 
il  contorno  solenne,  potrebbe  essere  annuUato. 

La  palmata  (dexfrarum  junctio  =  ioccämano)  è  l'espressione  del  consenso  : 
le  parti  avvicinate  e  trovato  il  punto  d'accordo,  si  dànno  la  mano.  Questo  fatto  è 
fondamentale,  perché  lo  sposo  cosi  riconosce  la  sposa  corne  sua,  e  questa  è  detta 
*ncignata  =  segnata.  E  cio  perché  egli  le  reca  dei  doni  che  hanno  carattere  di 
caparra,  oppure  sono  semplici  offerte  d'indumenti. 

Anche  il  hacio  succède,  sia  pure  immediatamente,  al  traitaio  ora^e  o  scritto 
délie  parti  (Cfr.  Schupfer,  Il  dir.  priv.  dei  Germani,  Bocca,  1907,  p.  271  ;  si 
ricorda  l'esempio  di  Teodolinda  ed  Agilulfo).  Il  carattere  di  cerimonia  di  prova  è 
vivo  nel  potus  et  biberagium  e  nella  conscensio  thalami,  conie  è  dette  in  seguito, 
Riguardo  al  valore,  le  formalitâ  si  distinguono  in  quelle  che  hanno  :  a)  valore  reale  ; 

b)  valore  sitnbolico. 

Il  solo  gesto  di  mordere  un  pezzo  di  pane,  un  frutto  ecc.  o  di  bere  un  sorso 
di  vino  offerti  da  un  pretendente,  compie  lo  sponsale,  senza  che  accordi  o  trattati 
vi  siano  stati  fra  le  parti.  Vari  sono  stati  gli  inconvenienti  derivati  da  questi 
sponsali  improvvisati,  e  la  chiesa  minaccio'  pêne  severe  per  lungo  ordine  d'anni. 
Purtuttavia  il  costume  è  ancora  vivo  a  Redan  (Francia),  Sébillot,  Le  Folkl.  de 
France,  III ^  400  (Cfr.  in  seguito  :  Potus  et  Biberagium,)  L'ultimo  vestigio  délia 
vendita  primitiva  si  scorge  ancora,  nei  contratti  matrimoniali,  dei  quali  ho  riferito 
tre  tipi  caratteristici  (cfr.  Per  Solidum,  &  nota  1*).  La  donna  in  essi  è  raffigurata 
come  cosa  (agnella,  giovenca),  e  suU'  oggetto  cosi  presentato  si  procède  allô 
aggiusto. 

Questa  finzione  è  simbolica  e  non  ha  altro  valore  oltre  quello  storico.  II 
donaritium  (mefio)  invece,  ora  ha  valore  reale  perché  è  un  prelievo  economico  iu 
vista  dei  futuri  bisogni  délia  sposa,  ora  è  una  offerta  simbolica  semplicemente. 

Prospettata  cosi,  in  poche  linee,  la  quistione  del  valore  délie  cerimonie, 
guardiamo  davvicino  le  formalitâ  nei  loro  particolari. 

1)  Libellum  dotis.  È  la  tavola  del  corredo  che,  spesso,  forma  e  comprende  tutta 
la  dote*.  La  tavola,  che  incomincia  con  Tinvocazione  divina^,  è  trasmessa  dalla 


^  In  Calabria  la  tavola  è  detta  «  pittàce  ».  Il  Du  Gange  ha  la  voce  pUtacium  o  pictacium  col 
fligniflcato  di  epistola  brevis  et  modica  ed  anche  nel  senso  di  testamento.  —  In  Sicilia  si  usa  la 
«  mirnUa  »  ;  Pitre,  Bibl.  Trad.  Sicil.  XJsi  e  Costumi^  p.  27-28  ;  Salomonb-Marino,  Cost,  e  Usante 
à.  Contad.  di  SiciUa,  1897.  p.  255-256.  Cfr.  anche  Starabba,  Di  alcuni  contratti  matrim., 
«  Archiv.  Storico  Siciliano,  VIII,  175.  —  In  Terra  d'Otranto  la  tavola  ô  detta  «  schizsu  de  tota  », 
Prtraouone,  neir  »  Arch.  Trad.  Pop.  del  Pttre.  XIX«  179.—  Cfr.  per  il  Veneto,  De  Gubernatis, 
Op.  cit.  253;  per  la  Ciociaria,  Curioêità  Stor.  e  Tradiz.  —  sotto  dir.  del  PitrA,  Ciociaria,  87  ; 
per  la  prov.  di  Ferrara,  Ferraro,  Trad,  ed  Usi  Ferr.,  1887.  —  Qaalche  corredo  antico  riferisce 
Zdbukaübr,  Atti  del  Podesia  di  S.  Gimignano,  p.  8-4.  —  Per  qualche  confronte  germanico  con- 
temporaneo  v.  la  «  Zeitschrift  d.  Vereins  f.  yolkskundè  »  dir.  dal  Wsinhold,  1898,  p.  429. 
—  Per  la  Spagna  —  arreglo  de  los  papelos  —,  Bibl.  d.  l.  Tradiciones  Pop.  Epanöl.  diretta  da 
A.  Macbado  t  Alvarez,  I.  p.  77.  (1884). 

*  Per  la  Sicilia  il  PrrRÉ  dice  :  la  formula  ô  una  per  tutte  leminate  e  cominciacon  Tinvocazione 
della  S.  Famiglia,  Gesù,  Maria,  Giuseppe.  I  tipi  poi  che  riferiace  il  Pitre  sono  del  1299,  del  1784, 
del  1847,  del  1855.  Bibl.  Trad.  Sicil,  vol.  cit.  p.  27,  28,  29.  —  Cfr.  aoche  Starabba,  op.  cit.  7.  cit. 
Non  altrimenti  è  redatta  la  minuta  nel  Braunschweig,  v.  la  «  Zeitschr.  dir.  dal  Weinhold, 
dr.  429. 


p.  492.]  •    R    •    E    •    E^  •    S    •  [1908. 

famiglia  della  fidanzata  a  quella  del  tidanzato,  che  la  sottoscrive  o  la  respinge^ 
2)  Per  solidum  et  dcnarium,  Nel  costume  popolare  si  sorprendoiio  le  formalita 
del  trattato  di  matrimonio  che,  spesso,  présenta  la  solenne  fisonomia  di  un  con- 
tralto. Le  parti,  personalmeute  o  per  intermediario,  si  avvicinano  e  combinano-. 


^  Verao  il  1506  ed  il  1513  nella  prov.  Romana,  la  richiesta  veniva  fatta  per  mexzano,  al  quale 
si  consegnava  il  foglio  deir  acconcio  che  la  fitmiglia  del  richiedente  accettava  sottoscrivendo. 
M.  A.  Altibri.  Li  NuptiaJi,  pubbl.  da  E.  Nevacd^  1877  —  Brandilbonb,  Celebr.  mairim.  in 
Italia^  pag.  237.  Cosi»  anche  nella  stessa  provincitiy  ▼engoDo  descritti  gli  sponsali  nel  sec. 
XYIII*  :  Accordati  che  sono  i  maggiori,  fanno  la  scrittara  dotale  di  quelle  che  vogliono  darli.... 
Id  eesa  scrittara  prendono  il  tempo  che  voglioDo  o  per  mancanza  d'anni  d'una  parte  o  I'altra,  o 
pure  per  accomodani  meglio  nelli  suoi  interessi,  ma  per  assicurarsie,  dAnno  YaneUo  sposalUio 
alia  giovine  ancora  che  avesse  otto  o  novo  anni...  »  Mss,  del  Sêc.  XVIII^  pubbl.  de Q.  Unga&elu, 
p.  7.  8. 

In  quel  di  Potenza  il  cumbinatu  é  I'accordo  su  panni  e  dote  fatto  mediante  Vambcuciara, 
RiVELLO,  Cosiumanze  del  popolo  Potent,  p.  14,  15  (1894).  Per  la  cittA  di  Ferraudina«  nella 
Lucania,  v.  Caputi,  Cenno  Stor.  su  Ferrandina,  1870,  p.  81. 

A  Tegiano,  trA  cafoni^  il  contratto  si  fa  dai  padri.  Dichiara  il  padre  del  fidanzato  :  V  a  fij^liumn 
lu  cauzu  e  lu  vestu,  le  ràu  Taccbittu  pi'  na  stagione,  roje  vacche  e  menza  massaria  *.  E  il  padre 
della  fidanzata  :  «  I*  a  figliama  'nci  lôngo  quattra  cento  rocàti,  i  panni  a  sei  a  sei....  j».  Q.  Amalfi, 
Come  si  sposa  in  Tegiano,  nel  period.  «  G.  B.  Basils  «•  (1889)  p.  9,  seg. 

A  Milazzo,  ed  alt  rone  in  Sicilia,  la  mad  re  della  fidanzata  présenta  ai  padre  del  fidanzato  la 
minuta.  G.  Piaggia,  illustr.  di  MUazzo  1857,  p.  245.  Cfr.  Pitre,  op,  cit.  Z.  c. 

A  Saint-Etienne  de  Curcomné  (Loire-Inférieure)  la  discussione  preliminare  o  fondamentale  è 
sul  M  trousseau  à  donner  m  e  ^  du  choix  des  anneaux  ».  P.  Sébiixot,  CoiU.  et  Trad.  Popul.  d. 
la  H.  Bretagne ^  p.  111. 

Il  contratto  con  le  forme  scritte  od  orali,  ed  anche  con  Taiuto  dell'  intermediario,  si  riscontra 
nel  Luneburgo,  v.  -  Zeitschr.  d.  Vereins  f.  Volkshund  ».  Wbinhold,  1897,  p.  31  ;  nel  Braun- 
schweig, id.  1898  p.  429  ;  nel  Brohothal,  del  quai  paese  il  Mbrk.rns  riferisce  un  contratto  nelP 
«  Am-Ur-Quell  »  1894  —  127  ;  tra  i  Turchi  della  Bulgaria,  confr.  i»  Zeitschr.,  cit.  1894,  207,  208. 

'  Nel  Gallura  (Sardegna)  il  raxunanti  (mezzano)  e  il  padre  della  fanciullA  combinano  il  con- 
tratto, Dr  RoeA,  Trad.  pop.  di  Qallura,  81  ;  cosi  pure  nell*  Alta  Bretagne,  P.  Sébillot,  Coût,  et 
Trad.  Pop.  de  la  H.  Bret.,  p.  106.  Gfr.  per  il  Gentro  della  Francia,  Laisnkl  db  la  Salie, 
Croy.  et  Legendes,  23.  Tra  il  messo  dello  sposo  e  il  padre  della  sposa  nel  Niederoesterreich.  V.  la 
Zeitschr.  d.  Vereins  f.  Volksh.,  1893,  p.  451-452.  Per  le  tribu  del  Brettin  ▼.  Y  «  Am-ür-QueU  » 
del  Krauss,  1890,  34. 

Ecco  tre  tipi  di  contratti  popolari,  11  primo  ô  sardo  (Gallura)  cfr.  Db  Rosa,  cit.  :  «  Che  cosa 
intende  offrire  per  aver  la  mia  bandiera  ?  »  dice  il  padre  della  fanciulla.  £  il  raxunante  : 
«  Sul  prezzo  chi  ci  ha  inviato,  non  lésina  punto.  Voi  potete  dettare  le  condizioni  che  y\  piaceiano, 
fissare  il  prezzo  che  meglîo  vi  aggrada.  »  E  il  padre  della  fanciulla  di  nuo?o  :  «  Dia  quel  che  vuole 
e  corne  vuole.  Giô  che  darà  sarà  a  beneficio  della  sposa,  anzi  degli  sposi  ». 

In  questo  tipo  di  contratto  la  vendiia  è  immaginaria  ed  il  dialogo  ô  sopravvivenza  d'antichi 
usi.  Ë'opportuno  avvertire  che  nel  Gallura  non  si  usa,  oltre  il  corredo,  dare  aile  figlie  dotealcuna 
(Db  Rosa,  cit.  105)  ;  ed  il  fidanzato  deve  sborsare  una  somma  che  ?a  a  beneficio  della  sposa.  Nel 
Brettin  invece  il  ricavato  della  vendita  o  della  compera  della  sposa  va  ai  poveri.  Gfr.  1'  «  Am-Ur- 
Quell  n  del  Krauss,  1890,  34  —  Auche  il  Martene  riferisce  che  il  danaro  consegnato  alla  spoea 
durante  la  benedizione  sacerdotale,  andava  a  beneficio  dei  povcri  :....  et  ponatur  denarii  aiiqui 
in  medium  pauperibus  dividendis.  (De  Antiq,  Ritibus  Ecdesiae  II,  125).  La  seconda  figura  con- 
trattuale  si  nota  nell*  alta  Bretagna  (Sébillot,  op.  cit.  108).  Ecco  il  dialogo  tra  i  contraenti  che 
sono  i  padri  degli  sposi  personalmente  o  suppliti  dal  mezzano  :  «  Combien  d'écus  ?»  —  «  Trois 
cents  \  mais  mis  sur  la  couette  ».  —  «  Il  faudrait  plus  ».  —  «  Pas  un  sou  ».  —  «  Ramenez  la 
hôte  ji.  —  La  donna  ô  raffigurata  corne  oggetto  del  contratto  :  /a  bête.  —  Gfr.  al  proposito  le 
osservazioni  del  Bock,  Hochzeit  in  Hessen  und  Nassau,  nella  Zeitschr.  d.  Vereins  f.  Volkskunde 
del  Wbinhold,  1903,  p.  290. 

La  terza  forma  présenta  la  sposa  come  figura  deW  alleanza  coniugaU,  la  quale  ô  il  fondamento 
del  contratto  tra  i  contraenti.  II  mezzano  propone  :  —  «  Lo  sposo  piglierà  la  casa  e  il  cortile  della 
sposa  ;  un  corpo  sano  e  fresco  ;  avrà  un'  alleanza  couiugale  ».  —  E  il  padre  della  sposa  risponde  : 


1908.]  CORSO  :  gli  sponsali   popolari.  [P.  493» 

La  fanciulla  è  indicata  con  nome  simbolico  di  una  cosa  e  su  questa  si  stima,  si 
giudica,  si  stringe  il  patto^  Basta  la  sola  parola,  ma  occorre  anche  Varra  che, 
era,  ha  figura  di  prezzo*,  ora  di  largizione  festival.  La  caparra  si  consegna  a  chi 
ha  Tautorità  sulla  fanciulla,  oppure  alla  donna  che  è  richiesta  del  consenso.  La 
prima  figura,  decaduta,  lascia  lievissime  tracce  ;  mentre  la  seconda  è  viva  ed 
oiïre  curiosi  esempi*. 

3)  Scapéuaia^.  Il  pretendeute,  che  trova  opposizione  al  matrimonio,  se  ha 


<<  4000  monete  in  oro  ;  un  corpo  sano  e  fresco  ;  un'  amicizia  coniugale  ».  —  Cfr.  la  ••  Zeitschr,  d, 
Vereins  /.  Volkskunde  •  1893,  451.  —  Nel  Brettin  alla  vendita  assiste  la  comitiva  degli  amici  e 
dei  parenti.  V.  P  «  Am-Ur-Quell  n  1890,  74. 

^  Ora  corne  un'  agnella  (V.  Brbsciani,  Cost,  dell'  Isola  di  Sardegna,  1850,  Vol.  II,  138. 139. 
Auche  U  Maltzan«  Reise  aus  d.  Insel  Sardiniem^  1869);  ora  corne  giovenca  (De  Gubbrnatis, 
cit.  77)  ;  ora  corne  bandiera  (Db  Rosa,  cit.)  ;  in  qualche  luogo  (centro  délia  Francis)  ô  rappresen- 
tata  corne  ^igna  (Laisnbl  de  la  Salle,  Croy.  et  Legendes,  etc.  p.  23).  Col  nome  generico  di 
béU  neir  Alla  Bretagna  (Sâbillot,  cit.). 

*  In  Ciociaria  Vappuntamento  ô  confermato  con  lo  sborso  di  20  e  30  scudi  ;  (Pitrâ,  Curios, 
stor,  e  trad.  :  Ciociaria,  84)  ;  nel  Veneto  (Loria)  la  caparra  di  promissione  ô  di  lire  20  o  meno  ; 
Pasolini-Zanblu,  Loria,  ecc.  1886.  p.  54.  La  caparra  si  trova  un  pô  dappertutto  menzionata 
con  vari  nomi.  Cfr.  per  le  Marche,  Pitre,  Curios,  Slor.  Trad.  —  Marche,  26  ;  per  la  Sardegna, 
PoGGi,  Usi  Nat,  y  Nuz,  e  Funebri,  1897,  62;  per  il  Canavese,  Pitre,  Curios.  Stor,  Trad.  — 
Canavese,  45  ;  per  il  Trentino  (Pinzolo),  Bologinni,  Usi  e  Costumi  ecc.  (1893)  266.  —  Per  alcuni 
risconfri  stranieri  V.  la  •  Zeitschr.  d,  Vereins  f.  Volksk.  del  Weinhold  1894,  203,  208;  1898, 
428  ;  1901,  158  seg.  £  cosi  anche  la  rivista  inglese  :  «  Folk-Lore  »  1890,  463,  seg.  Il  solido  e  il 
danario  trova  ancora  il  Bock,  verso  il  1850,  nell'  Hessen  enel  Nassau,  «  Zeitschr,  d.  Vereitisf. 
Volksk.  cit. 

^  La  caparra  ô  —  seconde  il  Braga  —  la  trasformazione  dell'  antica  dote  che  costituiva  il 
marito  alia  moglie.  Sotto  taie  aspetto  sono  identiche  le  espresaione  :  «  Arra  o  compra  de  corpo  n 
e  •  heran  ça  do  marito  »  oppare  «  honra  de  soa  pessoa  n;  0  Ftwo  Portugues,  II,  242.  E  cosi  anche 
il  Grimm,  R.  a.  Nel  centro  délia  Francia  si  nota  ancora  il  dono  del  fidanzamento  detto 
-  cochelin  v.  In  antico  era  in  danaro,  oggi  ô  un  utensile,  un  oggetto  ferominile.  Il  Laisnbl> 
DB  la  Salle  del  dono  che  era  detto  «  oscleum  n  per  la  cerimonia  in  cui  si  offeriva,  vuol  ricavare 
la  derivazione  dal  «  cochelin  i»  popolare  ;  Croy.  et  Legendes,  31...  Tra  le  espressione  popolari 
dell'  «  oscleum  <•  il  Grimm  nota  la  voce  screix  délia  Catalogua  e  la  voce  çpreios  délia  Yalenza. 
Grimm,  R.  A.,  443  in  nota.  Cfv.  anche  Du  Cange,  Glossarium^  v.  Oscleum.  La  caparra  poi  nella 
lenta  trasformazione,  perde  la  sostanza  ed  il  nome  onde  ô  conosciuta  col  titola  di  strenna,  di 
coralli^  di  regalo,  ecc.  Si  scambia  e  si  sostituisce  con  vari  oggetti  di  ornamento.  Pure,  come 
prezzo  simbolico,  si  conserva  in  qualche  costume.  Nella  Turingia  il  giorno  délia  palmata  lo  sposo 
consegna  alla  sposa  un  tallero  e  un  ducato  insieme  ad  una  coUana.  Cfv.  la  <<  Zeitschr.  d.  Vereins 
f,  Volkskunde  »,  1891,  179.  Il  tallero,  ultimo  vestigio  del  prezzo  primitive,  é  auch*  esso  ricordo 
simbolico,  corne  attesta  l'uso  bellunese  pel  quale  lo  sposo  consegna  alla  sposa  uno  sendo  d^argento 
e  le  guseUe  :  Andrich,  Nozze  Rusticane  ;  Bustico,  Le  Nozze  nel  B.  nel  period.  «  Nicollô  Tom- 
maseo  n  II,  33.  Neil*  Abrutzo  la  moneta  déllo  sposo  si  appende  al  collo  délia  sposa,  a  guisa  di 
medaglia.  —  Anche  nel  Nassau  si  offre  il  tallero  o  la  medaglia  corne  effigie.  Cfr.  Bock,  Hochz. 
in  Hessen  und  Nassau^  cit.  —  Db  Gubernatis,  Usi  Nuzicdi,  112.  —  Nel  Friuli  ancora  si  notano 
due  grandissime  oocelle  d*  oro  nella  famiglia  Alvile-PiFani,  mu  ducato  d*  oro  del  Friuli,  una 
oxeüa  maranese  col  gallo  e  colle  insegne  del  Doge,  cose  che  si  offrivano  alla  sposa  il  di  degli 
sponsali.  Confronta  il  Periodico  «  Pagine  Friulane  j».  Vn,  n«  4. 

*  E  sembra  anche  che  i  danari  si  offrissero  dai  convitati  e  dai  parenti.  Cosi  nella  Val  Camonica. 
G.  RosA,  Dialettif  Costumi,  Tradiz,  di  Bergamo  e  Brescia,  206.  Il  costume  ehe  ricorda  queilo 
gennanico  di  cui  Tacito  (Cfr.  Grimm.  R.  A.,  427)  ô  generalmente  usato  nella  cerimonia  nuziale, 
piü  che  in  quella  degli  sponsali. 

^  Scapellare  é  il  termine  usato  in  un  Mss.  del  Sec.  XVIII  :  Descritione  del  modo  che  usano  a 
fare  i  sposalitii  nella  terra  di  S.  Lorenzo  etc.  pubbl.  da  G.  Ungarblli  {per  nozze  Boriani* 
Chigi^  1901)«  —  A  Milano,  a  Bologna  gli  sposi  si  chiamavano  (e  si  chiamano  ancora)  tosi^  tose, 
toêane,  tosani,  toseti  con  derivazione  corotta  délie  voci  intonsae  e  inionsi  che  equivalgono  al 


p.  494.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Taudacia  di  strappare,  in  luogo  pubblico,  il  tovaogliolo  alia  fanciuUa  amata,  oppure 
reciderle  una  ciocca  di  capelli,  egli,  mediante  qiiesto  atto,  è  compromesso. 

4)  Fastis,  a«  Ancora  in  qualche  luogo,  resta  intatto  il  nome  di  «  festuca  »  per 
indicare  il  gambo  di  un  fiore  di  prato.  La  fanciuUa  che  accettta  la  «  festuca  n 
offertale  dal  pretendente,  accoglie  il  partito  e  si  ubbliga  al  futuro  matrimonio^ 

Festuca  simbolica  è  il  ramoscello  fiorito  od  il  flore  solamente,  come  il  ramo 
giocondo  di  frutti  o  un  frutto  solamente,  quando  vengano  dati  dall'  amante  e 
raccolti  dalla  donna*. 

Forma  decaduta  anche,  della  festuca,  è  la  stecca  da  busto  che,  nell'  Abruzzo, 
il  montanaro  oma  di  fregi  simbolici  ed  offre  a  colei  che  chiede  in  sposa.  Questa, 
accettando  la  stecca,  è  legata  per  sempre  al  fidanzato.  Questo  rilievo  che  il 
Beüucci  ha  fatto  per  la  stecca  non  è  men  vero  per  la  conocchia,  per  il  fuso  che, 
incisi  di  figure  allegoriche,  sono  il  dono  rituale  e  l'espressione  del  fidanzamento'. 


remanere  aut  esse  in  capiUo,  Mobatoki,  Antiq.  Ital,  M.  Aeti,  Tom.  2,  col.,  109.  —  Charta  an. 

769.  ibid.  T.  3.  col.  1011. 
Nel  Bellunese  la  fanciuUa  alla  quale  il  pretendente  ba  giA  reciao  i  capelli,  pronuncia  la  seguente 

espressione  :  «  Non  ti  basta  la  schiavina  che  1i  ho  dato,  vuoi  anche  i  miei  capelli  !  »  ^  La  schia- 

▼ina  Ô  una  coltre  di  lana  che,  in  antico,  la  fidanzata  dava  alio  sposo,  il  quale  la  restituiva  in  caso 

di  abbandono  ;  0.  Bostico,  //  matrim,  nel  Bellun,  nel  period.  «  Niceolô  Tomonaseo  ».  II   p.  31. 
Nella  Calabria  (Mileto)  ae  la  fanciolla  entra  in  Chieaa  a  capo  scoperto,  dope  la  scapellaia^  ô 

legata  per  sempre  all'  audace.  L.  Bruzzano,  «  La  Calabria  »  X.  p.  29.  —  Ancora  nella  Sicilia  si 

auol  dire  alia  sposa  abbandonata  :  —  Arristasti  cu  lu  gigghiu  rasul^^aei  rimasta  col  aopraciglio 

raso  !  Allude  air  uso  di  rädere  le  chiome  o  le  sopracîglia  alle  giovani  spose.  G.  Pitre,  £ibl. 

Trad.  Pop,  Sicil.^  Usi  e  Costumi, 
II  costume  di  acapellare  o  di  recidere  le  chiome  ô  vivo  ancora  in  varï  luoghi,  come  si  desume 

del  le  seguenti  font!  folk-loriche  :  Bolognini,  Usi  e  Cost,  del  Trentino  (Bassa  Val  Sugana)  p.  268  ; 

Db  Oubernatis,  Si.  Comp,  Usi  Nujfiali,  p.  65  ;  Dorsa,  La  Trad.  Greco-Jatina  nella  Calabria^ 

p.  82. 
II  taglio  dei  capelli,  usato  anche  nell'  adozione,  trova  riscontro  nel  dirilto  germanico,  rioordato 

da  Tacito.  Grimm,  Deut.  Rechtsalter  thümer,  p.  433.  Cfr.  Schvpfbr,  //  dir,  privaio  dei  Gertnam 

ecc.  p.  263  ;  Du  Cangb,  Glossarium  ^  Vox  :  CapWare, 
^  Nella  valli  del  Trentino,  e  proprio  a  Pinzolo,  il  pretendente  dice  ed  offre  all*  amata  :  «  Zaghe 

o  festuc  ?  m  Se  ella  accetta  le  zaghe^  rifiuta  la  mano  ;  se  invece  la  festuca,  il  patto  è  conchiuao. 

Bo  LOON  INI,  Usi  e  Costumi  d,  Trentino,  Letter  e^  (1883)  p.  277. 

A  tale  riguardo  ô  opportune  ricordare  la  prova  de  la  court  festu^  in  vigore  nella  procedura  del 
sec^  XVII<*  ancora,  in  Francia  :  Ghbrubl,  Dictionn,  d.  Inslit,  d,  7.  France^  II,  317.  —  In  un  libre 
del  sec.  XIV<*  tre  dame  le  quali  si  disputano  un  cavalière,  ricorrono  alla  prova  festucaria  :  Ifous 
en  jouirons  au  court  festu  à  laquel  il  demourra,  —  Qaesto  uso,  applicato  a  coae  di  minore  impor- 
tanza,  esiste  ancora  nella  Francia,  Sébillot,  Le  Folk-Lore  de  France^  m,  519.  Venue  notato  che 
il  bastone  che,  come  emblema,  porta  il  meaaaggero  ô  una  trasformazione  della  festuca  primitiva. 
Cosi  presso  i  Magiari  e  presse  i  Berga  il  segno  dell'  accorde  é  Tomamento  del  baatone  del  mes- 
aaggio  ora  con  fieri  ora  con  vettucce.  Gfr.  la  Riviata  del  Krauss,  «  Am-Ur^Quell  »,  1894,  p.  ^14,  e 
queila  del  Wbinhold  «  Zeitschr,  d.  Vereins/.  Volksh.  »,  1900,  p.  164,  293- 

^  E'  questo  uso  comune.  Cfr.  Sébillot,  Op.  cit.  Ill  :  Symboles  Rustiques,  Per  la  Bardegna, 
Brbsciani,  Usi  e  Costumi  ecc.  II,  141.  II  simbolo  caratteristico  di  rifiuto  sono  le  nocciuole« 
Db  Gubernatib,  Op.  cit.  65.  In  Val  Nosio  (Trentino),  dar  i  pomi  o  anche  dar  le  noci  équivale  a 
ilfiuto.  Aucho  i  Tedeschx,  con  ugual  significato,  dicono  :  dar  le  cesta  {einen  Korb  geben). 
Boix)QNIni.  Op.  cit.,  277. 

'  G.  Brllccci,  Le  stecche  da  busto  (opusc.  per  nozze).  La  stecca  da  busto,  aceettata  dalla 
amata,  é  forma  sacra  ed  inviolabile  di  contratto  i^posalizio.  Anche  nella  Lu  si  tania  il  Lritb  db 
Yasconcrllos  ha  nofato  conocchie  e  fusi  tatuati,  con  incisioni  di'cuori,  conepigrafi  e  segni.  Gli 
oggetti.si  trovano  nel  Museo  Ethnologico  Portuguez,  V.  «  Retisia  Lusiiana  »,  1900,  p.  96. 

:  Nella  valle  di  Pinzolo  (Trentino)  la  conocchia  è  simbolo  di  richieata  e  di  patto  di  amore. 
Bolognini,  Op.  cit.  260.  Nella  Sardegna  (Dorgali)  ö  costume  regalare  alla  apoaa  una  rocca  inciaa 


1908«]  CORSO  :  gli  sponsali   popolari.   '  [P.  496» 

5)  Segnata^.  II  segno  è  il  destino  délia  donna  già  fidanzata.  Esso  puô  consistere 
in  una  cintura  color  rosso-fuoco',  in  una  veste'*,  in  un  oggetto  indumentario  o  di 
ornamento,  in  un  dono  qualunque  dello  sposo*. 

6)  Dextrarum  junctio'\  L'espressione  délia  fede,  nel  patto  conchiuso  dalle 
parti,  è  la  palmata.  Le  parti  sono  :  a)  il  padre  délia  sposa  e  dello  sposo  —  il  padre 
délia  sposa  ed  il  iiiessaggero  dello  sposo  —  il  padre  délia  sposa  e  lo  sposo*  — 


di  molti  cuori  trafitti  da  spade.  Pogoi,  Usi  NatalUi  ecc.  p.  17.  Anche  nel  Centro  délia  Francia 
Taccettatione  o  il  rifiuto  délia  conocchia  del  pretendente  è  segno  di  fa vore,  disfavore,  o  di  accordo. 
Cfr.  Laisnrl  db  la  Salus.  «  Croy,  et  Legendes  d»  C.  de  la  France  n,  p.  24.  —  Fer  le  Marche,  v. 
C.  Pigorini-Bbri,  Usi  e  Costumi  deU  Appenn.  M.  p.  5  ;  per  l'Âbruzzo,  De  Nino,  U,  Cost.  Abruz,, 
10  ;  per  la  Sicilia,  PiTRâ«  Usi  e  Cost.  cit.  ;  per  il  Pesarese,  Monferrato  Albese,  corne  neir  Ossola, 
nella  Valle  d'Aodomo,  neila  Corsica,  Db  Gubbrnatis,  Op.  cit.  115.  —  Per  il  Braunschweig,  la 
«  ZeUsckrift  d.  Vereins  f,  Yotksk.  »,  1898,  428-429. 

^  Neir  uso  popolare  sono  tIto  le  espressioni  *  'nsignaiï  n,  «  'ncignari  ji^  «  *ntrizzari  ».  Si  crede 
che  il  termine  signari  sia  la  trasformazione  délia  voce  exenia.  Insenium  ed  ensenium  sono  i 
doni,  e  negli  statuti  d*Osimo,  riportati  dallo  Zaccaria,  essi  sono  indiiridaati  :  «  Item  quod  socrus, 
▼el  cognata,  vel  aliqua  alla  persona  ex  parte  sponsa  non  debeatez  die  veneris  sequenti...  cum 
ensenis  seu  tabulas,  pannislini,  canistris,  gallettis  et  aliis  rebus  consuetis  portari  in  dictis  ense- 
niis  ji.  V.  Zaech.,  Anedd.  M.  Aevi,  p.  66.  —  Sul  limite  dei  doni,  cfr.  Stat.  Suntuarj  di  Pistoia, 
a  cura  di  R.  Prosperi  (1815),  c.  XVI.  Il  segno  ô  anche  menzionato  da  Clbm.  Alkss.  {Poedagog^ 
L,  m,  c.  XI)  :  «  Hat  feminis  anulum  aureum,  nec  eum  quidem  adornatum,  sed  ut  ea  obsignet^ 
quae  dooa  signa  sont,  quae  custodiantur  d. 

*  Sicilia  :  Pitre,  op.  cit.  33-34.  —  Cosi  anche  in  alcuni  villaggi  délia  Calabria.  —  A  Clauzette 
(Udine)  la  cintura  viene  offerta  insieme  ad  altri  oggetti  d'ornamento  ;  Db  Qubernatis,  Op.  cit. 
254.  —  Due  cinture  sono  menzionate  nella  «  Revue  d.  Trad,  Populaires  »,  V,  428 

Il  cinto,  i]  cingolo,  il  centurino,  il  cintone,  il  nastro,  la  zona  sono  Tespressione  di  un  sol  fatto, 
di  una  sola  tradizione.  Talora  inveco  di  un  nastro,  si  oifre  alla  sposa  un  grembiule  e  le  frasi 
<<  solvere  zonam  »  e  «  sciogliere  o  far  cadere  il  grenbiule  n  si  equivalgono,  Dk  Gubbrnatis,  116. 
Cosi  nel  Centro  della  Francia  ô  lo  sposo  che  lega  la  cintura  alla  sposa  (Laisnbl-db  la  Sallb, 
Croyances  et  Legendes  etc.  II,  32)  ;  corne  presso  i  Franchi  passava  la  cintura  attorno  al  corpo 
della  fidanzata  (Mémoires  de  V Académie  Celtique^  T.  II).  —  Nel  Tirolo  méridionale  lo  sposo 
regala  alla  sposa,  insieme  ad  altri  oggetti  indumentari  anche  il  grembiule.  «  Zeitsch.  d,  Vereins 
f.  Volkskunde  n  dir.  de  K.  Wbinhold,  1902,  p..450-51. 

Nella  Stat.  di  Ragusa  si  fa  ricordo  dell'  anulus  quem  vir  ponit  ad  cingulum  uœoris.  Questo 
nso  non  vive  più  nel  territorio  di  Ragusa.  BoGisrc,  Le  Stat.  de  Raguse^  nella  •  Nouv.  Rev.  EiS" 
tor.  n,  1893,  p.  542. 

^  Nella  Sicilia  si  nota  la  veste  di  lu*nguaggin,  che  corrisponde  sWinguadiare,  da  wadia  o 
guadiaj  pignus,  fidejussio.  Il  contratto  matrim.  per  verba  de  praesenti  si  dice  'nguagguari. 
PiTRft,  Op.  cit.  p.  70  ;  Garufi,  Usi  Nuziali  nel  M.  E.  in  Sicilia,  (1897)  p.  60.  n.  1«. 

A  Claniette  (Udine)  :  cfr.  Db  Gubbrnatis  ;  nella  Marca  di  Brandeburgo  :  cfr.  Zeitschr.  del 
Weiuhold,  cit.  1891,  p.  182.  3. 

^  Napoletano  :  collana,  grandiglia.  Corrbra»  Usi  Nus.  Napol.  (1882)  p.  7.  Umbria  :  cfr. 
Broonouoo,  Costum.  Fermane.  Estr.  «  Bibl.  Scuola  Italiane  n  an.  1900.  p.  11.  —  Marche  : 
C.  PigorinI'Bbri,  Usi  e  Cost.  deW  App.  March,  p.  4.  —  Polcenigo^  Arxano,  Clauzette  (Udine)  : 
Db  Gubbrnatis,  254  ;  Bellunese  (Alpago,  Agordino,  Zoldano)  :  Cfr.  Andricb,  Noxze  Rustieane  e 
0.  Bustioo,  n  matrim.  ecc.  nel  Period.  «  Niccolo  Tommaseo  »  II»  31.  ->  Nei  Beliuneae  le  guseUe 
(spilloni)  sono  il  distintiTO  della  novijssa  (fidanzata).  Le  guselle  sono  per  TAndrich  la  trasforma- 
zione dell'antica  spada. 

B  Cfr.  per  riscontri  del  costume  la  memoria  del  Wintbrnftz,  On  a  Comparative  Study  of 
Indo-European  Customs,  ecc.  nelF  «  International  Folk-lore  Congress  n  1891.  p.  266-^8. 
•  ^  Dalla  «  Rev.  d.  Tradit.  Popul.  »  (V,  428)  si  rileva  qoesta  carimonia  nel  patto  :  U  marieur  si 
avneina  al  padre  della  sposa  e,  congiungendo  le  mani,  dice  :  ^  Signore  Gesù  Criato,  figlio  di  Dio» 
abbi  pietA  di  noi  !  n  lodi  rivolto  al  promettante  :  «  Goarda,  ^u  non  hai  altra  parola.  Se  ti  ritrat» 
terai,  mi  darai  il  disonore.  Se  io  rinnunzier6  alia  mia  parola,  che  io  la  paghi  !  »  — 

Seeondo  il  Gblli  (la  Sporta,  Scena  6*',  Atto  5^)  baste  la  atretta  di  mano  ira  suocero  e  genero, 
Ofr.  Db  Gubbrnatis,  Op.  cit.,  101. 


p.  496.]  •    R    •     E    •    E    •    S    •  „  __     „    [1908. 

b)  lo  sposo  e  la  sposa  personaliuente^.  —  La  palmata  ha  I'effieacia  solenne  di  un 
giuramento*. 

7)  AnulfM  fidei  :  L'anello  della  fede^  cousiderato  come  pegno  e  segno,  porta 
quelche  epigrafe  o  quelche  simbolo*.  Esso  che  ha  il  carattere  morale  di  arrha,  è 
spesso  accompagnato  da  altri  doni,  oggetti  d'ornamento  o  indumentari,  che  for- 
niano  il  contorno  uecessario''. 

8)  Cakiamenta.  Nelle  usanze  nuziali  la  scarpa  è  un  dono  rituale,  e  non  di  rado, 
ha  Tintesso  carattere  del  dono  dell'  anello^».  II  passaggio  del  piede  della  fidanzata 


*  Db  60BKRNATI8,  Op.  cit.  1.  cit.  —  Per  il  Trentino  (Pinzolo)  v.  Bologmni,  IJsi  e  Cosiumi  del 
Trentino  (1883)  p.  59  ;  per  la  Romagna  :  D.  Ancona  ;  Plaoucci,  Usi  Niu.  della  Romagna,  p.  16; 
un  documento  del  1530  é  riferiro  Delia  Oronaca  di  Modena,  di  Tommasino  dk*  Biancbi,  noi 
Monumenti  di  Storia  Patria  delle  Provincie  Modenesi,  Vol.  Ill,  p.  1101  (Parma  1865). 

Per  riscontri  stranieri,  oltre  il  lavoro  del  Winternitz  citato,  cfr.  per  la  TuriDgia,  la  •  Zdi- 
Schrift  d.  Vereins  f,  Volkshunde  »  del  Weinhold,  1896.  p.  179  ;  per  la  Moravia,  id.  p.  457,  458. 

'  Tanto  d  vero  che  il  toceamano  si  fa  in  Chieta  (Trentino  :  Bolognini,  Op.  dt,  I.  ciL).  0»i 
anche  a  Yerviers  (Francia),  dove  il  toceamano  è  detto  plevis  che  vale  :  «  droit  de  la  main  ». 
GoDEFROY,  Dictionnaire  de  VAnc.  Langue  franc,  —  La  frase  «  estre  piety  en  fiance  »  si  trova  in 
Du  Gange,  Glossarium^  vox  :  Fiancialia,  Gfr.  anche  «  Folk-lore  Bulletin  n  p.  267. 

3  Vanulus  arrhae  romano  diventa  VanultLS  fidei  romano-cristiano,  finchô  avvenuta  Tincorpo* 
rasione  deir  arrha  colla  fides ^  TaneHo  è  detto  senz*  altro  :  la  fede.  Brandilbonb,  Stor.  Celebr, 
Matrim.  in  Italia,  p.  412.  Fede  é  chiamato  Tanello  negli  SfatiUi  di  Gaeta,  HI,  10  ;  III,  28  —  di 
Benevento  (1588)  p.  62  ;  —  di  Gubbio,  II,  44  ;  — 

La  parola  affidare  s*incontra  nella  Decretali  :  IV»,  11,  8.  IV«",  14,  2.  Cfr.  Grimm,  JR.  A.,  432. 

Nel  Veneto  oggi  si  distingue  Vanéllo  dalla  vera:  questa  che  è  il  simbolo  del  fidanzamento, 
consiste  in  una  semplice  verghetta.  A  Polcenigo  ô  d'argento.  De  Gubkrnatis  Op.  cit.  Cfr.  anche 
Pasolim-Zanelli,  Loria,  p.  54.  La  vera  é  parola  slava  che  suona  fede.  De  Gubernatis,  102-103. 
—  Nel  Galiura,  e  precisamente  ad  Aggius,  l'anello  sponsalicio  è  detfo  milUaria. 

Il  nome  di  vera  é  anche  usato  nel  Ferrarese.  A.  De  Vito  Tommas[  nella  «  Riv,  Trad.  Pop,  ■ 
del  De  Gubbrnatis,  II,  305. 

Nella  Piana  di  Milazzo  l'anello  ô  d'oro  ed  ô  detto  la  fede.  G.  Piaggia,  lllustr.  d.  M,  (Palermo, 
1853),  p.  245.  Cfr.  per  altri  particolari  Pitre,  Usi  e  Costumi{BibL  Trad.  Sicil.),  p.  33.  34  :  l'anello 
promissorio,  in  qualche  luogo  della  Sicilia,  è  conosciuto  col  nome  di  sijddu  e  si  consegna  il  giorno 
deir  appuntamento.  Per  il  Contado  Bolognese«  Y.  Coronedi-Berti,  Usi  Nuziali  d^  L  Bolognese 
(1874)  p.  10.  —  L'anello  del  fidaniamento  presse  gli  slavi  meridionali  :  Dbmeuc,  Le  droit  coutw 
Inier  des  Slaves  méridione.  <<  Rev.  de  LégisL  ancien  et  moder.  n  1876,  p.  590. 

^  La  vera  porta,  corne  segno,  incastonata  una  corniola  :  De  Gubbrnatis,  254.  Per  alcuni  paesi 
della  Francia  cfr.  «  Bullettin  de  Folklore  n,  1891,  p.  22.  Tempo  £a,  si  dice  nel  BouUet.  cit., 
l'anello  era  formate  da  due  cerchietti  ravvolti  che  portavano  una  iscrixione  col  nome  dei  fidanzati 
e  con  la  data  del  fidanzamento.  Cosi  anche  asserisce  il  Miohelet,  Origines  du  droit  français, 
p.  281  (ediz.  del  1890). 

Il  Flbury  nei  Mœurs  des  Israélites  et  des  Chrétiens,  parte  II.  p.  218,  scrive  che  gli  anelli  dei 
Cristiani  avevano  impressa  una  croce  0  qualche  figura  di  virtù  cristiana,  come  la  colomba,  il 
pesce,  ecc. 

^  V.  le  fonti  citate  nella  nota  1^  (a  pag.  précédente)  :  è  cerimonia  ed  è  rito  offrire  il  giorno, 
deir  appuntamento,  dell'  abbraccio  ecc.  i  doni,  cioô  gli  exenia  ed  i  jocalia.  Cfr.  al  proposito 
l'articolo  del  Salomone-Marino,  Gli  **  Exenia  Nuptialia  n  in  Sicilia,  neir  «  ArcMv.  Trad.  Pop.  »; 
e  vedi  anche  le  osservazioni  del  Bock  sulla  cerimonia  dell'  ofierta  del  Handgeld  (arra),  che  pud 
essere  anche  un  anello.  Hochzeit  in  Hessen  und  Nassau,  nella  «  Zeitsch.  d.  Vereins  f.  Yolksk.  b 
1903.  p.  290-291. 

^  La  scarpa  veniva  offerta  nel  giorno  stesso  in  cui  si  offriva  l'anelloi,  ed  il  dono  era  accompagnato 
del  bacio.  «  La  femme  entrait  dans  le  soulier,  lorsqu'elle  entrait  en  puissance  do  mari  ». 
MiCHBLET,  Orig,  d.  droit  français,  p.  44  e  137.  —  Dalle  notizie  che  dà  il  Gartori  {La  scarpa 
nelV  uso  popolare,  nella  «  Zeitschr,  d.  Vereins  /*.  Yolhskunde  »,  1894,  p.  148  e  seg.)  la  scarpa  è 
offerta  insieme  alla  cintura  nuziale  (p.  168).  Nel  Montenegro  le  scarpe  si  ofi'rono  solo  alla  terzia 
Tîsita  :  alla  quarta  futto  d  solera  nemente  definito,  Dembuc  :  Droit.  Coutum.  etc.  nella  «  Rev,  de 
législ,  ancien  et  modem,  m,  1876,  p.  591. 


1908«]  CORSO  :  gli  sponsali   pofolari.  [P*  497« 


nella  scarpa  offerta  dal  fidauzato^  ricorda  la  cerimonia  analoga  d'adozione,  dalla 
quale  dériva  certamente^,  perché  quando  la  donna  entre  dans  le  soulier  (Michelet) 
cade  nella  potestà  maritale. 

9)  Donaritium^.  Nella  redazioue  del  contratto  matrimoniale  si  nota  un  dono, 
reale  o  simbolico,  che  lo  sposo  costituisce  alla  sposa*.  üuando  il  dono  è  reale, 
resta  corne  appaunaggio  délia  donna  in  caso  di  premorienza  del  marito. 

10)  Osculum,  Il  bacio  è  la  conferma  délia  promessa  e  puo  essere  scamhiato 
fra  : 

a)  il  pretendente  ed  il  padre  délia  sposa*. 


1  A  Coimbra  (Portogallo)  «e  due  amanti  si  scambiano  la  propria  scarpa,  divengono  fidanzati. 
A.  GoBLHO,  M  Revista  Scientifica  n  I.  p.  566.  Nel  BrettiD  ô  ancor  vivo  Tuso  notato  :  cfr.  Krauss, 
^  Am-Ur  Quell  n,  1890,  p.  34.  —  Nel  Centro  délia  Francia  é  il  fidanzato  che,  in  presenzadei 
parenti,  deve  infilare  la  scarpa  alla  fidanzata.  Laisnbl-db  la  Salle,  Croyances  et  Légendes^  II, 
<p.  34.  —  Nel  Beilunese  ô  la  suocera  che  allaccia  le  scarpe  alla  »posa  :  •*  Niccolô  Tommaseo  », 
1905,  n.  3  ira  Cimbri  dei  sette  Communi  Vicentini  il  pretendente  fa  la  richiesta  di  amore  con 
Tofferta  simbolica  délia  scarpa.  PitrA,  «  Archiv.  Trad,  Popol.  »,  XVII,  p.  39.  La  scarpa  poî, 
«ome  regalo  alla  fidanzata,  è  d'uso  generale  :  nel  Beilunese  ;  V.  Andrich.  Nozze  Rusticane  ; 
nel  Tirolo  méridionale  ;  v.  «  Zeitsch.  rf.  Vereins  f.  Yolksk,^  1902,  450-451  :  a  Clauzette  (Udine),  a 
Grallarate,  Turbigo  di  Lombardia,  a  Gassano  Biellese  ;  Dk  Gubernatis,  p.  114  ;  neU'alto  Polesine, 
PiTRÉ,  «  Archiv.  Trad.  Pop.  »,  IX,  78  ;  a  Tegiano,  ü.  Amalfi,  Come  si  sposa  in  Teçiano,  nel 
periodico  «  O.  B.  Basils  »,  1889,  p.  9  e.  seg. 

•  Grimm,  R.  a.,  155  ;  Schupfbr,  //  dir.  priv.  dei  Germanic  p.  263  ;  Wbinhold,  «  Zeitsch.  » 
cit.,  1894,  p.  166.  —  La  scarpa  non  ô  simbolo  di  uguaglianza,  ma  di  soggezione  civile.  L*adottaiite 
che  fa  passare  la  pro  pria  scarpa  nel  piede  dell*  adottato  ô  pro  va  chiara  délia  soggezione.  A  taie 
concetto  si  riferisce  l'espressione  calabrese  :  <<  Nun  ô  furma  pu'  me'  pedi  ».  —  E  Taltra  portoghese  : 
4«  Nào  ô  da  forma  do  meu  pô  •■.  T.  Braga,  O  Povo  Portugues,  lï,  343.  —  Anche  nei  giuochi 
fanciulleschi  rivive  la  cerimonia  médiévale  del  passaggio  délia  scarpa.  Cfr.  Singbh,  Deutsche 
Kinderspiele,  nella  «  Zeitschr.  »  del  Wkinhold,  1903,  p.  173,  74. 

^  Non  si  devono  confondere  i  doni  che  han  figure  di  arrha  col  donaritium.  Il  donariiium  è  il 
mefio  :  mieta,  mietscaz^  med,  médsceat  (anglo-sass.)  —  munus,  merces,  praemium  (latino). 
<^RiMM,  R.  A.,  422-23. 

^  Nel  1870  il  Can.  Nicola  Caputi,  nella  Lucania  (Storia  di  Ferrandina  p.  81),  notava  che  ne* 
contratti  matrimoniali  lo  sposo  eraohbligato  di  costituire  alla  sposa  un  donativo  corrispondenle 
€Ula  sua  prossidenzay  in  modo  che  premorendo  Vuomo  senza  legittimi  eredi,  la  donna  ne  restava 
<issoluta  padrona.  —  Ancora  nella  Ciociaria  {Coll.  Cur.  Stor.  Trad.^  dir.  da  G.  Pitre,  p.  85)  lo 
sposo  neir  atto  di  cacciarele  fedi  dichiara  al  parroco  quanto  assegna  di  baciutico  o  spillatico  alla 
sposa  nel  caso  che  resti  vedova.  E  ciô  perché  ô  costume  che,  in  caso  di  premorienza  del  marito,  i 
parenti  di  lui  devono  ftire  alla  vedova  una  donazione  di  venti  scudi  almeno. 

A  queste  due  figure  di  meta  reale  che  ho  potuto  sorprendere  nelle  tradizioni  popolari,  fan  ris- 
•contro  costituzioni  simboliche  di  doni  o  donazioni.  In  Sicilia  al  momento  délia  stiroa  del  corredo 
{Vagghiata  di  la  robba)  fatta  dell*  apprezzatrice  e  redatta  in  iscritto  dello  scrivanu^  il  fidanzato 
«sclama  :  •  Cci  mettu  tanti  unzi  di  bonu  amuri  pri  la  zita  !  »  (Salomonb-Marino,  Cost,  e  Usanze 
€lei  Contad.  di  Sicilia,  1897,  p.  256).  Il  Pitrô  (ü>i  e  Cost.,  in  Bibl.  Trad.  Sicil.,  54j  riferisce  una 
variante  più  caratteristica  :  «  Cei  mettu  vint*  unzi  di  virginùà  pri  la  me*  zita!  »  In  RafTaddù  lo 
sposo  fa  una  donazione  od  un  assegno  in  danaro  e  questo,  anzi  l'uso  in  se  stesso,  ô  chiamato  d€ 
^attu,  Forse  Tespressione  d  derivata  dair  antefato,  ante-fatto  ?  —  Cfr.  per  raffrontî  storici,  in 
Sicilia,  Starabba,  Di  ahuni  contratti  di  matrim.,  1293-99,  in  «  Archiv.  Stor,  Sicil,  »,  VUI, 
1883,  p.  176. 

Si  suole  poi  nel  contratto  matrim.  imporre  allô  sposo  che,  almeno  una  volta,  conduca  la  sposa 
alla  festa  di  S.  Rosalia,  alla  festa  di  S.  Venera  di  Avola  e  via.  E  come  in  Sicilia  anche  nel  Napo- 
letano  ove  ô  obbligo  menzionato  nel  contratto  che  lo  sposo  conduca  la  sposa  a  Posillipo»  a 
Predigrotta,  alla  Torre  dei  Quattro  altarî  pel  Corpus  Domini  ed  a  Poziudî  per  S.  Gennaro 
<PiTRÉ,  Usi  e  Cost.,  in  Bibl.  Trad.  Sic.,  p.  102  seg.). 

^  Dali*  opera  Li  NuptiaJi  del  nob.  romano  M.  A.  Altibri  Fisulta  che,  verso  la  prima  meta  del 
J.500,  le  fidanze,  consist enti  nell  instrument»  dotale,  si  conferma vano  in  Chiesa  col  bacio  tra  11 


P«498.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

b)  gli  sposi^ 

11)  Potus  et  btberagium,  Tra'  inezzi  per  garaDtire  la  promessa  van  notati  :  lo 
scambio  di  im  boccone  di  pane^,  d'un  frutto^,  d'un  bicchiere  di  vino*  e  cosi  via.  II 
simbolo  deir  accordo  nasce  dall'  accettazione  dell'  oflferta. 


padre  della  sposa  e  lo  aposo.  Brandileonb,  Celebr.  del  matrimonio  in  Lalia,  p.  297  seg.  —  Invece- 

delloaposo  comparisce  un  procuratore  che  spesso,  è  uno  della  famiglia.  Cosi  nella  «  Revue  d. 

Trad,  PopuL  »  (XVIII,  542)  è  deacritta  la  cerimonia  dell'  accordo,  confermata  col  bacio  (ra  il 

padre  della  sposa  ed  il  fratello  dello  sposo.  —  Si  nota  poi  il  bacio  della  madre  dello  sposo  neU'atta 
di  consegnare  i  doni  alia  sposa  in  Terra  d*Otranto  (nella  cerimonia  di  lu  ttaccare  di  la  catina). 

etc.  «  Archiv,  Trad,  Popolari  »,  XIX,  p.  180.  E  non  mancano  il  dono  ed  il  bacio  dai  parenti 
della  sposo,  come  riconoscimento  del  parentado.  Ancora  nel  Ganavese  si  usa,  nel  di  degli  sponsali^ 
dai  parenti  del  fidanzato  andare  a  baciare  la  sposa.  De  Gubernatis,  Op,  cit,^  Hi.  —  Nod  altri- 
menti  si  costuma  ad  Aggius,  nel  Gallura  (Rivisla  Trad,  popol.  dir.  del  De  Gübernatis,  p.  599)^ 
e  nel  Braunschweig  (Zeitschrift  d,  Vereins  f.  Volksk,  dir.  del  Weinhold,  1898,  430-31-32). 

*  Dul  bacio,  che  accompagnava  la  consegna  del  doni,  si  disse  osctdum^  oscleum  la  donaiiooe 
nella  latinità  media,  e  nell'  uso  popolare  sono  rimaste  le  vpci  screix  {CAtaloguBÎ)  e  ffreiv  (Valeoza),. 
chocTielin  (Centro  della  Francia).  Gfr.  Grimm,  R.  A.,  443;  Du  Gange,  Glossarium  v.  Osculum\, 
Laisnel-de  la  Salle,  Croyances  et  Légendes  du  Centre  de  la  France^  p.  31.  —  Negli  statut! 
italiani  si  determino  la  somma  del  hadaiico^  del  bascUico,  della  basatura,  G.  Tamassia,  Osculum 
Intervenions,  nelle  «  Riv.  Storica  ItaHana  n,  1885.  Il  baciatico  si  nota  ancora  nella  Giodaria» 
Gfr.  Curios.  Stor,  Tradizionali,  Coll.  dir,  del  Pitre,  «  Giociaria  »,  p.  85.  Il  bacio,  come  conferma 
del  fidanzamento  é  d'uso  vivo  nel  popolo.  Ncl  Ganavese,  De  Gubbrnatis,  Op.  cit.  111  ;  in  Terra 
d'Otranto,  v.  «  Archiv.  Trad,  Pop.  d* Italia  »  dir.  del  Piträ,XIX,  180  ;  nel  Gallura,  A.  Pirodda, 
sella  «  Riv.  Trad.  Pop.  n  p.  599  ;  tra  i  Magiari,  «  Am-Ur-Quell  »  dir.  dal  Kradss,  1894.  p.  45. 
Tri  Lapponi  (verso  il  1670),  v.  Topera  :  De  Osctdis,  improbo  labore  et  indefesso  studio  conc.  a 
Martinus  Kempius  Francofurti«  1680,  p.  604. 

<  Per  alcuni  documenti  del  1300  cfr.  «  Revue  historique  n,  1867,  pag.  554  :  Gerto  Gîrardo  dédit 
Slephanete  de  pane  suo  dicendo  eidem  :  Tene  de  pane  meo,  ita  quod  tu  sis  uxor  mea. 

Nel  1370  nella  Ghiesa  di  Galeppio  era  uso  dai  due  coniugandi  confermare  la  promessa  di 
matrim.  col  mangiare  e  here  insieme  :  «  bibendo  ipea  domina  de  vino  qui  erat  in  uno  ciato,  quem 
in  suis  tenebat  manibus,  postea  dando  ad  bibendum  ipsi  Zanno,  Zanno  bibit  de  ipso  vino  ac  etiam 
comedit  de  certis  frttctibus  ibi  existentibus  in  testimonium  et  conflrmationem  promissorum  ».. 
[Carte  di  Caleppio).  —  G.  Rosa,  Diahdi,  Costumie  Trad,  nelle  prov,  di  Bergamo  e  di  Brescia^ 
1870,  p.  283.  —  L'uso  ô  vivo  nella  Sardegna  e  presse  il  Lago  Maggiore  ;  De  Gubbrnatis,  168  ; 
in  Romagna,  D'Ancona-Plagucci,  Usi  Nus,  dei  dont,  di  Rom,,  1888,  p.  26  ;  nella  Valle  di  Susa,. 
Rboaldi,  La  Dora,  —  Tra  le  genti  del  Moudving  si  usano  sacri  pasticcï,  Gfr.  la  rivista  *^Foîk* 
Lare  »,  1890,  p.  429.  Si  (rova  usato  anche  il  pane,  id.,  p.  455. 

3  II  pomo  è  stato  ed  è  il  simbolo  più  vivo  del  messaggîo  d'amore.  Una  vedova,  che  non  aveva 
ancora  compiuto  l'anno  del  lutto,  si  trovô  nuovamente  promessa  per  aver  accettaio  da  un  préten- 
dante un  pomo.  V.  <<  Revue  historique  »,  1867,  p.  552.  Recentemente  suU'  argomento  ha  discorao 
£.  Gaidoz  :  La  réquisition  d^amoar  et  le  symbole  de  la  pomme,  nelV  «  Annuaire  de  V Ecole  d» 
Haut.  Etudes  »,  1902.  Il  Leite  db  Vasconcbllos  nella  •<  Revista  Lusitana  n,  1902,  p.  126132^ 
ripiglia  largomento  del  Gaidoz  col  titolo  :  «  Arremenos  symbolicos  na poesia pop. portugueza  ».. 
Trà  messaggi,  oltre  il  pomo,  vi  ô  Tarancia,  il  limone,  la  noce  ecc.  —  Gfr.  anche  per  va  ri  cosfumL 
francesi  con  particolari  simboli  rusticani,  Sébillot,  Le  Folk-lore  de  France,  III,  400.  —  Per  i 
Croati,  Demelio,  Droit  coutum,  nella  «  Rev,  de  législ,  anc,  et  mod.  yt,  1876.  p.  588  ;  presse  i  Serbi 
il  pomo  sostituisce  Panel  lo,  «  Rev.  »  cit.,  p.  592. 

*  Gfr.  «  Revue  hist.  ",  18C7  loc.  cit.  ;  «  Revue  d.  Trad,  Popul.  »,  XIX,  p.  30  ;  Braga,  0  pov<y 
Portuguez,  II,  235.  —  A.  Coelho,  As  Superst.  Portuguesas,  nella  «  Rev,  Scieniifica  n  I.  568. 

Il  fidan/.ato  deve  a  sue  spese  offrire  il  vino  o  Tacquavîte  [Eist,  d,  l.  Vallée  et  d.  Prieuré  de 
Chamonix  di  A.  Perrin,  pubbl.  nelle  <<  Mémoires  de  VAcad,  d,  Scienc,  et  Belles-Lettres  de 
Savoye  n  Ser.  3»  —,  Tom.  XII,  p.  253,  1897)  ;  altrimenti  i  genitoH  della  fidanzata  poasono  revo- 
care  la  promessa.  L.  Pineau,  Coût,  du  Poitou,  p.  489.  —  Gfr.  anche  per  la  cerimonia  detia 
«  touillée  y,.  P.  SâBiLLOT,  Coût,  et  Trad,  de  la  Haute-Bretagne,  p.  111.  —  Il  Simroch  {Handbuch, 
d.  deut.  Myth.,  p.  599)  vede  nell*  offerta  del  vino  la  memoria  dell'  antico  «  weinkauf  ».  -^  lofiitti 
il  contratto  matrim.  si  perfeziona  coli'  offerta  del  vino  :  presse  i  Ruteni,  «  Zeitschr.  d,  Vereins  /l 


190S.]  CORSO    :    GLI    SPONSALI    POPOLARI.  [P.  499. 

12)  Conscensio  thàlami.  Dopo  gli  spoQsali  è  considerata  lecita  la  coiivivenza 
degli  sposi^,  ed  ogni  tradiinento  alla  fede  data  è  indicato  adiilterio^.  Ma  quando  noa 
ha  luogo  la  coabitazione  reale  e  prolungata  fiuo  al  matrimonio,  si  puô  avère  una 
ceriinonia  sembolica  che  attesta  la  conoscenza  degli  sposi^. 


Volhih,  n,  1901,  158  seg.  ;  uel  Brettin,  Kraub,  «  Am-Ur-Quell  n,  1890,  p.  34  ;  nel  Brohtbal  si  offre 
la  birra,  «  Am-Ur-Quell  »,  1894,  127;  a  Gui  pel,  «  Revue  Tradit.  Populaires  »,  XIX,  30;  a  Givet, 
< Ardennes)«  Sébillot,  Le  Folk-Lore  de  France^  lu,  400. 

^  Id  Orune  dopo  l'asdcurazioue  del  matrimonio  (s'assicuronzu  de  su  cqjumu)  gli  sposi  fan  vifa 
<»mune.  Poggi,  TJsi  NataliH,  NuiUdi  e  Funébri  délia  Sardegna,  p.  56  e  58.  Nella  Corsica 
(dipartimento  di  Sartena)  è  lecito  Vabracio^  colla  quale  espressione  si  désigna  la  copula.  *<  Revue 
d,  trad,  Popul,  »,  IX,  466.  In  qualche  villaggio  del  Portogallo,  corne  a  Magdalene  e  suUe  mon- 
tagne di  Bouro,  ô  riconoscinla  lecita  la  coabitazione  ante  nuptieu.  Consiolieri-Pedroso,  De 
quelques  formes  de  mariage  etc.  in  «  Congr.  Anthrop,  et  Archéol,  Préhistoriques  »,  IX  ;  Brag  a, 
O  Povo  Portugues,  II,  231, 233,  243. 

Il  Goncilio  Tridentino  proibi  la  coabitazione  ante  nuptias  e  tutté  le  consuetudines  non  lauda- 
i>iles^  ma  per  quanto  severo  il  monito,  ripetuto  dai  vescovi  nella  Costituzioni  Sinodali,  sono  rimaste 
Iraccie  di  antichi  usi  e  persistent!.  E  certo  dalle  disposizioni  del  Tridentino  hanno  avuto  origine 
alcune  praticbe  penitenziarie  cbe  si  costumano  in  qualche  luogo.  Nel  Trentino,  dice  il  Bologn[ni, 
che  8e  una  fanciuUa  fosse  diventata  madré  prima  di  essere  moglie,  sarebbe  stata,  molti  anni  fa, 
marcata  in  fronte,  Usi  e  Costumi  del  Trentino  p.  304.  Ma  una  pratica  che  risale  a  parecchi  secoli 
prima  del  Tridentino  ô  Vammenda  pubhlica  di  loppolo,  villaggio  délia  Calabria,  descritta  dal 
ï)ott.  Diego  Corso  nella  «  Calabria  »  II,  p.  96,  del  Bruzzano.  E  diffiiti  Yammenda  pubbHca  trova 
raffronto  nella  pena  detta  dei  Lapides  catenatos^  inflitta  aile  donne  che  yiolavano  la  decenza  ed 
il  buon  costume.  Cfr.  Stiernroorcs.  De  jure  Sueonum  vetusto,  lib.  I,  p.  19  ;  Du  Gange,  Glossa- 
rium, ▼.  Lapides. 

^  Basti  dire  che  la  fidanzata  ô  considerata  come  vedova  qualora  venga  a  morire  il  futuro  marito. 
Xîosi  nella  Corsica  :  Ortoli,  Le  mariage  en  Corse,  •  Revite  Trad.  Popul.  »  I,  178.  E  se  lo  sposo 
▼iene  ucciso,  la  parentela  délia  sposa  si  arma  alla  vendetta.  Se  poi  lo  sposo  rifiuta  di  sposare  la 
fanciuUa  cni  ha  dato  promessa,  vien  dicbiarata  vendetta  a  tutta  la  di  lui  famiglia,  Ortoli,  Op, 
cit.,  178.  Fer  il  popolo  andaluso  la  novia  pedida  o  amonestada  ô  equiparata  alla  donna  accasata, 
Donostante  che  la  ley  autorisa  à  cualquiera  do  los  novios  para  que  despues  de  amonestados,  y 
montra  la  voluntad  del  otro,  se  case  con  distinta  persona,  A.  Machado  Alvarez,  Bibl.  Tradic. 
Popul.  Espanolas,  Vol.  I,  p.  79  (Madrid,  1884). 

3  Ecco  qualche  esempio  tipico.  Nella  Soizzera  i  fidanzati,  una  volta  la  settimana,  dormono 
nella  steasa  camera,  perô  in  letto  di  verso  e  vestiti.  «  Revue  Trad.  Pop.  »,  XII,  626.  Nella  forma 
taie  cerimonia  ricorda  la  consumazione  del  matrimonio  contratto  per  procura.  —  A  Charleroy 
-(LuBsemburgo  alemanno)  gli  sposi,  adagiati  nel  letto,  vengono  separati  da  una  planche  posée  de 
champ.  Chi  degli  sposi  salta  la  sbarra  paga  un'ammenda,  «  Folk-Lore  Bulletin  »,  p.  272. 
^uesto,  costume  dériva  dalla  coabitazione  simbolica  :  gli  sposi  venivan  separati  da  una  spada  nel 
letto,  Grimm,  22.  a.,  p.  432.  Il  proverbio  francese  a  werte  :  Boire^  manger,  coucher  ensemble,  est 
jnariage  ce  me  semble,  Loisbl,  Inst.  Coutumières^  I,  2,  art.  6. 


p.  500.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 


L.A  MAURESQUE  ET  LES  MALADIES  DE  L'ENFANCE, 
par  J.  Despabmet  (Alger). 


Dans  une  conférence  précédente,  j'ai  exposé  les  superstitions  populaire» 
de  nos  indigènes  relatives  aux  maladies.  J'ai  montré  qu'en  dehors  des  vices 
constitutionnels  de  Tenfant,  —  œuvre  des  anges  qui  Tont  façonné  dans  le  sein  de  sa 
mère,  —  en  dehors  aussi  des  accidents  ayant  une  cause  matérielle  évidente,  les 
indigènes  de  TAlgérie  ont  Thabitude  d'attribuer  les  affections  dont  ils  peuvent 
souffrir,  soit  aux  atteintes  du  mauvais  œil,  soit  aux  maléfices  de  la  sorcellerie,  soit 
enfin  au  «  souffle  »  et  aux  «  coups  n  des  esprits  appelés  djinns.  Ce  sont  là  des 
croyances  universellement  établies  qui  s'appuient  également  sur  la  tradition  berbère 
et  la  foi  musulmane  et  affectent  môme  de  se  réclamer  autant  de  la  loi  que  de  la 
coutume. 

Laissant  la  théorie  générale,  je  voudrais,  aujourd'hui,  chercher  Tinfluence 
exercée  par  ces  idées  sur  l'hygiène  et  l'éducation  de  l'enfance  dans  la  société  magh- 
rébine. Voyons  donc  les  moyens  qu'emploie  la  mère  indigène  contre  les  puissances 
hostiles  qui  lui  disputent  son  enfant.  Par  quels  procédés  essaie-t-elle  préventivement 
de  le  mettre  à  l'abri  des  dangers  dont  elle  le  croit  entouré  ?  Comment  soigne-t-elle 
les  indispositions  normales  de  l'évolution  enfantine,  et,  au  besoin,  les  anomalies  qui 
peuvent  se  déclarer  au  cours  de  cette  évolution  ?  Enfin,  comment  traite-t-on,  dans 
la  famille  indigène,  les  plus  fréquentes  des  maladies  accidentelles  qui  intéressent 
Fenfance  ?  Ces  questions  veulent  être  résolues  dans  un  cours  sur  l'Éducation  de 
l'enfant  indigène.  Je  vais  essayer  d'y  répondre,  en  ne  m'appuyant  —  pour  donner 
à  ma  documentation  un  caractère  plus  récent  —  que  sur  des  faits  qui  se  sont  passés 
sous  mes  yeux,  à  Blida,  dans  ces  cinq  dernières  années,  et  que  j'ai  relevés  sur 
place,  soit  par  l'observation  directe,  soit  par  la  voie  de  l'information. 


*      * 


Gomme  nous  l'avons  vu,  le  moment  de  l'accouchement  est  considéré  comme 
particulièrement  dangereux,  la  mère  et  l'enfant  se  trouvant  alors  à  la  merci  des 
génies  malfaisants.  Aussi  ne  doit-on  pas  cesser,  un  seul  instant,  de  brûler  des 
parfums  dans  la  chambre  où  accouche  une  femme.  De  même,  le  premier  aliment 
qui  a  été  présenté  à  l'enfant,  dès  sa  naissance,  a  été  un  composé  de  simples  et 
d'aromates.  C'est  qu'aux  yeux  des  mauresques,  l'enfant  ne  se  trouve  en  sûreté 
contre  les  coups  des  esprits  que  s'il  est  noyé  dans  une  atmosphère  de  fumées  odo- 
rantes, et  muni,  intérieurement,  de  drogues  consacrées.  On  a  soin  aussi,  avant  de 
coucher  Tenfant  près  de  la  mère,  de  retirer,  de  dessous  le  grand  plat  en  bois  (çahfa) 
sur  lequel  la  mère  a  accouché,  le  cumin,  l'ail,  le  sel,  la  cendre  et  le  crottin  de  bête 
de  somme  que  l'on  y  avait  déposés  contre  les  mauvais  génies.  On  noue  le  tout  dans 
un  morceau  de  linge  et  cette  sorte  de  bourse  (kemmomà)  est  placée  sous  l'oreiller, 
entre  la  tète  de  la  mère  et  celle  de  l'en&nt.  Le  cinquième  jour,  qui  est  le  jour  où 
l'accouchée  se  lève  la  première  fois  —  sauf  complications  — ,  la  jeune  mère  n'oublie 
pas  de  procéder  à  une  vraie  cérémonie  propitiatoire  dont  les  rites  sont  tradition- 
nels. Elle  prend,  dans  sa  bouche,  le  cumin  qu'elle  a  enfermé  dans  la  kemmausay 


1908.]        DESPARMET  :   MAURESQUE  ET  MALADIES  DE  l' ENFANCE.         [P.  501» 

et,  consacrant  ses  premiers  pas  aux  génies  de  la  maison,  elle  les  visite  dans  les 
sept  endroits  où  ils  se  tiennent  d'ordinaire,  d'après  la  croyance  générale.  Elle  se 
rend  successivement  dans  les  quatre  coins  de  sa  chambre  ;  puis  dans  la  cour,  près 
du  ruisseau  (mdjiria)  ;  ensuite  dans  le  vestibule  (sqîfa)  ;  enfin  dans  les  lieux 
d'aisance.  Et,  à  chacune  de  ses  stations,  elle  crache  de  la  salive,  dont  le  cumin 
active  la  sécrétion  dans  sa  bouche,  et,  chaque  fois,  elle  prononce  la  formule  sui- 
vante :  «  0  toi  qui  as  accouché  et  qui  nourris,  nous  sommes  sœurs  par  la  volonté 
de  Dieu.  Ne  me  fais  pas  de  mal,  je  ne  t'en  ferai  pas  !  »  Après  quoi,  elle  attache  le 
nouet,  dans  lequel  il  ne  reste  plus  que  l'ail,  le  sel,  la  cendre  et  le  crottin,  au- 
dessous  de  son  genou  droit,  à  l'endroit  où  nous  mettons  nos  jarretières.  Elle  s'est 
acquittée  de  ses  devoirs  envers  les  djinns.  Elle  peut  reprendre  ses  travaux  domes- 
tiques  :  elle  roule  la  literie  de  l'accouchée,  matelas  ou  tapis,  et  la  serre  sur  la 
soupente  {serîr). 

Le  septième  jour  après  la  naissance,  une  cérémonie  du  même  genre  a  lieu,  en 
l'honneur  de  l'enfant.  Après  lui  avoir  fait  sa  toilette,  la  sage-femme,  ou  du  moins 
la  femme  qui  l'a  accouché,  le  prend,  étendu  dans  ses  bras.  On  dépose,  à  plat,  sur 
la  poitrine  du  nourrisson  emmailloté,  un  miroir  rond.  Ce  miroir  supporte  le  fuseau 
à  filer  de  la  maison,  un  nouet  rempli  d'indigo,  enfin  une  pincée  de  sel,  tous  objets 
d'un  usage  fréquent  dans  les  opérations  magiques.  La  sage-femme,  soutenant  dans 
ses  bras  l'enfant  avec  cet  attirail,  s'approche  de  la  porte  de  la  chambre  et  le  balance 
sept  fois  à  la  hauteur  de  la  serrure.  Elle  passe  ensuite  dans  la  cour,  où  elle  le 
balance  aussi  sept  fois  au-dessus  de  la  «  mdjiria  »  ou  conduit  de  décharge.  Elle  en 
fait  autant  à  chaque  porte,  particulièrement  à  la  porte  des  cabinets  qui  sont  souvent 
dans  le  vestibule,  enfin  à  la  porte  de  la  rue,  mais  dans  l'intérieur.  On  appelle  aussi 
ce  septième  jour  le  jour  de  la  sortie  de  l'enfant  {ioum  khroudj  el  mezioud).  Ne 
semble-t-il  pas  évident  que  cette  cérémonie,  au  moment  où  l'enfant  va  sortir  de  la 
chambre  maternelle,  a  pour  but  de  le  présenter  aux  djinns  de  la  maison  et  les  lui 
rendre  propices,  particulièrement  ceux  qui  président  aux  issues  et  sorties  ? 

Ces  pratiques,  d'un  caractère  ancien  et  quelque  peu  païen,  sont  particulières 
aux  femmes.  Elles  les  tiennent  même  cachées  aux  hommes.  Ceux-ci  ont,  de  leur 
côté,  leurs  moyens  prophylactiques  qu'ils  croient  plus  orthodoxes  parce  qu'ils  sont 
tirés  du  Livre  saint.  C'est  ainsi  qu'ils  ont  l'habitude  de  glisser  un  Coran  dans  le 
berceau,  persuadés  qu'il  est  la  meilleure  des  sauvegardes.  Mais  comme  l'enfant, 
tiré  du  berceau,  échappe  à  l'influence  du  Livre,  on  a  soin  de  lui  en  suspendre  au 
cou  quelques  fragments  qui  ne  le  quittent  jamais.  Son  père  lui  rapporte  de  chez  le 
sorcier  {iqqach)  une  amulette  qu'il  renferme  dans  un  petit  tube  de  métal,  cuivre  ou 
argent,  ou  dans  un  sachet  de  cuir  rouge  dit  filali.  Ces  talismans,  assurent  les  sor- 
ciers, ont  de  nombreuses  vertus,  et  ils  gardent  l'enfant  contre  tous  les  malheurs, 
entre  autres  la  substitution,  dont  les  djinns,  semble-t-il,  se  rendent  fréquemment 
coupables.  Ils  se  composent  souvent  du  verset  du  Trône  {Coran^  sourate  II,  256) 
ou  des  versets  de  la  Sauvegarde  {les  deux  derniers  de  la  neuvième  sourate).  Ces 
passages  du  Coran  semblent  devoir  leur  réputation  fort  grande  dans  le  monde  des 
sorciers  au  double  trône  divin  qui  s'y  trouve  cité  :  le  korsi  ou  trône  inférieur  d'où 
Allah  jugera  le  monde  et  le  'arch  ou  trône  supérieur  où  il  siège  dans  l'absolu.  Les 
sorciers  ont  souvent  recours  aussi  pour  l'enfant  à  la  sourate  «  initiale  »  {la  fatiha)^ 
la  première  du  Coran,  appelée  aussi  la  Mère  du  Livre,  ou  bien  à  la  sourate  Ikhlas 
ou  de  l'unité  de  Dieu  (Coran  CXII).  Les  mérites  de  ces  deux  sourates,  pieusement 
énumérés,  ont  rempli  des  livres.  Mais  il  en  est  deux  autres  qui  sont  plus  spéciale- 
ment usitées  contre  les  atteintes  des  génies  et  des  sorciers.  Les  Musulmans  les  con* 


p.  502.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

naissent  sous  le  nom  de  «  les  deux  Auxiliatrices  »  {El  Ma^audeetein).  La  première 
est  l'Aube  du  Jour  (Coran^  sourate  CXIII).  **  Au  nom  d'Allah^  Clément  et  Misé- 
ricordieux^ —  dis  :  «  Je  cherche  mon  refuge  auprès  du  seigneur  de  V Aube  du  Jour, 
contre  la  méchanceté  des  êtres  quHl  a  créés  (hommes  et  génies)^  —  contre  la  nuit 
sombre  quand  elle  nous  surprend^  —  contre  la  méchanceté  de  celles  qui  soufflent  sur 
les  nœuds  {les  sorcières)^  —  contre  le  mal  de  Venvieux  qui  nous  porte  envie  (mauvais 
œil).  »  La  seconde  Auxiliatrice  est  la  sourate  des  Hommes  {Coran jSour ate  CXIV 
la  dernière  du  Coran)  «  Au  nom  d'Allah,  Clément  et  Miséricordieux,  —  dis  : 
«  Je  cherche  un  refuge  auprès  du  Seigneur  des  Hommes,  —  Hoi  des  Hommes,  — 
Dieu  des  Hommes,  —  contre  la  méchanceté  de  celui  qui  suggère  les  mauvaises  pen- 
sees  et  se  dérobe,  —  qui  souffle  le  mal  dans  les  cceurs  des  Hommes,  —  contre  les 
Génies  et  les  Hommes.  »  Les  deux  Auxiliatrices  jouissent,  comme  préservatifs 
talismaniqueSi  d'une  vogue  d'autant  plus  grande  que  dans  chacune  d'elles  sont 
expressément  désignées  les  trois  sources  des  malheurs  de  l'homme  :  le  mauvais  œil, 
la  sorcellerie,  la  malice  des  djinns,  et  que,  de  plus,  placées  à  la  fin  du  Coran,  elles 
sont,  d'après  la  méthode  musulmane,  les  premières  apprises  par  l'enfant  et  par 
suite  les  plus  connues. 

On  ajoute  souvent,  à  ces  passages  du  Livre  sacré,  des  prières  (doutât)  de  Saints 
renommés  ou  particulièrement  vénérés  par  la  famille  et  aussi  de  ces  tableaux 
magiques  appelés  «  djedouel  s.  Ils  out  la  forme  d'un  rectangle,  d'un  damier,  d'uae 
étoile,  etc...  Ils  contiennent  d'ordinaire  «  les  plus  beaux  noms  d'Allah  »  {elasma  el 
heusna)  ;  quelquefois  des  noms  d^aoges  ou  de  djinns,  quelquefois  des  chiffres  énig- 
matiques  exprimés  en  lettres  de  l'alphabet.  Ils  ne  présentent  d'ordinaire  aucun 
sens,  même  pour  le  sorcier  qui  les  rédige  ;  mais,  sollicitant  les  yeux  et  défiant 
rintelligence,  ces  signes  cabalistiques  gardent,  même  pour  l'imagination  du  lettré, 
le  caractère  mystérieux,  le  prestige  de  puissance  occulte  que  l'écriture  a  toujours 
eus  aux  yeux  des  primitifs. 

En  sus  de  ces  talismans  écrits  {ktibat),  les  indigènes  emploient  encore,  dans 
un  but  de  préservation  magique,  un  certain  nombre  d'objets  consacrés,  sans  que 
nous  puissions  toujours  bien  rendre  compte  des  raisons  de  leur  consécration.  Ils  les 
nomment  parfois  du  nom  caractéristique  de  «  ^aiiâchât  n  c'est-à-dire  les  amulettes 
qui  assurent  la  vie  de  l'enfant,  qui  le  font  vivre.  La  plus  répandue  est  la  «  main  de 
Fathma  »  qu'ils  appellent  khamsa,  khouimsa,  les  cinq  doigts.  C'est  la  figure  stylisée 
d'une  main  dont  les  doigts  sont  allongés.  On  la  coud  sur  la  chachia  ou  calotte  de 
l'enfant  pour  le  protéger  contre  le  mauvais  œil,  comme  on  la  dessine  ou  on  la  sus- 
pend à  la  porte  des  maisons  pour  en  éloigner  le  même  danger.  On  a  voulu  y  voir  la 
main  de  supplication  que  l'on  trouve  gravée  sur  les  stèles  des  tombeaux  puniques. 
Mais  la  main  de  Fathma  n'esquisse  pas  un  geste  de  prière  :  elle  fait  au  contraire  un 
geste  d'hostilité.  Il  est  plus  simple  d'y  chercher  le  symbole  naturel  qui  écarte  le 
mauvais  œil  :  les  doigts  tendus  pour  crever  1rs  yeux  malfaisants.  C'est  ainsi  que 
lorsqu'un  indigène  soupçonne  quelqu'un  de  le  regarder  avec  le  mauvais  œil,  il 
murmure  en  allongeant  vers  lui  les  doigts  :  •  mes  cinq  doigts  dans  tes  yeux 
khamsa  fi  'ainik)  ».  L'image  de  la  main  dessinée  remplace  d'une  façon  perma- 
nente cette  pratique  et  sa  formule.  Et  ce  n'est  pas  seulement  l'image  de  la  main 
qui  garde  la  vertu  imprécatoire  de  la  pratique  entière,  mais  nous  voyons  le  mot 
cinq  lui-même  conserver,  dans  la  conversation,  la  même  puissance  préservatrice. 
Si  l'on  demande  à  une  mère  indigène  quel  âge  a  son  enfant,  elle  aura  soin,  si  elle 
se  méfie  de  son  interlocuteur,  d'introduire  d'une,  façon  ou  d'une  autre,  le  nombre 
cinq  dans  sa  réponse,  de  manière  à  prévenir,  par  ce  mot  magique,  les  surprises  de 
l'envie  et  du  mauvais  œil. 


1908.]        DESPARMET  :   MAURESQUE  ET  MALADIES  DE  l'eNFANCE.         [P.  503. 

Une  autre  «  ^aiiacha  9  bien  connue  est  formée  par  le  dessin  d^un  croissant  sur- 
monté d'une  étoile.  Elle  est  ordinairement  brodée  ou  plaquée  sur  la  chachia  de 
l'enfant.  Le  caractère  magique  du  croissant  est  antérieur  à  son  emploi  comme 
étendard  dans  les  armées  musulmanes.  Il  se  rattache  aux  plus  yieilles  superstitions. 
De  nos  jours,  le  croissant  est,  aux  yeux  des  indigènes,  un  astre  essentiellement 
bienfaisant.  Heureux  celui  qui  peut  le  surprendre  à  la  seconde  précise  où  il  se  des- 
sine et  s'accuse  à  la  vue  :  celui-là  n'a  qu'à  lever  les  mains  en  signe  d'adoration  et  à 
formuler  son  vœu.  Il  est  sûr  d'être  exaucé,  «  quand  il  demanderait  aux  rochers  de 
grès  de  se  fendre  !  n  Le  croissant  de  la  fin  du  mois  de  Ramadan  est  particulièrement 
invoqué  par  les  malheureux  qui  souffrent  d'une  maladie  périodique.  De  nombreuses 
pratiques  se  rattachent  à  la  vénération  du  croissant  :  entre  autres,  ce  traitement 
des  verrues  que  l'on  peut  observer  dans  la  banlieue  de  Blida  et  d'Alger.  L'on  prend 
une  feuille  de  palmier  nain,  et,  le  visage  tourné  vers  la  nouvelle  lune,  on  frotte  la 
verrue  avec  la  feuille  en  disant  : 

«  la  hlalf  ia  mlal 

Nhi  liia  hadetslal 

«  Croissant  nouveau,  si  blanc,  si  beau 

«  Ote-moi  ces  verrues  de  la  peau  !  m 

Et  l'on  jette  la  feuille  de  palmier  dans  une  eau  courante.  Nous  verrons  aussi  la 
mère  indigène  présenter  son  enfant  à  la  nouvelle  lune  pour  certaines  affections  : 
incontinence  d'urine,  dentition,  etc.  De  ces  observations,  il  ressort  que  le  croissant 
jouit,  dans  l'opinion  des  indigènes,  de  vertus  curatives  et,  par  suite,  tutélaires.  Mais 
comment  est-il  plus  spécialement  le  protecteur  des  enfants  ?  C'est  ce  que  me  permet 
d'expliquer,  ce  me  semble,  la  coutume  jusqu'ici  ignorée,  mais  bien  suggestive,  que 
j'ai  signalée  à  propos  du  neuvième  mois  de  la  grossesse.  J'ai  montré  la  mauresque 
enceinte,  guettant  le  croissant  de  son  neuvième  mois.  Elle  a  dénoué  devant  lui  sa 
ceinture.  Elle  l'a  prié  de  favoriser  la  naissance  de  son  enfant,  comme  il  a  veillé  sur 
sa  gestation.  N'est-il  pas  juste  qu'après  cette  naissance  heureuse,  elle  lui  continue 
sa  confiance  ?  L'astre  qui  a  présidé  à  la  formation  de  l'enfant  et  à  sa  naissance  est 
le  protecteur  naturel  de  sa  croissance  et  de  ses  premiers  ans. 

La  clef  que  portent  aussi  les  enfants  indigènes  contre  le  mauvais  œil,  a  reçu 
son  explication.  Cette  clef,  aujourd'hui  en  métal  précieux  ou  réduite  à  une  brode- 
rie, était  à  l'origine  en  fer.  Or,  le  forgeron,  à  cette  époque,  passait  pour  sorcier.  En 
portant  donc,  sur  soi,  une  clef,  on  opposait  aux  maléfices  des  sorciers  un  talisman 
sorti  de  la  main  d'un  autre  sorcier.  C'est  la  survivance  de  cette  antique  superstition 
qui  fait  attacher  une  clef  à  la  coiffure  de  l'enfant  indigène,  contre  le  mauvais  œil, 
—  comme  elle  fait  toucher  un  objet  en  fer  à  certains  européens  quand  ils  rencontrent 
un  prêtre,  lequel  est  alors  considéré  comme  un  descendant  des  antiques  sorciers. 
Logiquement,  un  objet  quelconque  en  fer  devrait  pouvoir  remplacer  la  clef  :  c'est 
pour  cela  que  l'on  trouve  assez  souvent,  à  sa  place,  dans  la  calotte  des  enfants 
pauvres,  une  aiguille  ou  bien  une  épingle. 

Il  m'a  semblé  remarquer  que  les  gens  de  Biskra  donnent  spécialement  le  nom 
d"aïïacha  au  tatouage  en  forme  de  croix  qu'ils  font  à  leurs  enfants  au  milieu  du 
front.  Si  cette  synonymie  est  réelle,  c'est  une  preuve  que  tous  les  indigènes  n'ont 
pas  perdu  le  souvenir  de  l'époque  où  le  tatouage  s'est  substitué  à  l'amulette  et  qu'ils 
ont  encore  conscience  que  le  premier  n'est  que  l'image  gravée  de  la  seconde.  Le 
tatouage  semble  bien  avoir  été  à  l'origine  un  signe  protecteur,  une  ^aiiacha.  Quoi- 
qu'il en  soit,  fort  en  vogue  dans  les  campagnes,  chez  les  Kabyles,  Arabes  du  Sud, 


p.  604.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [^^^^* 

Marocains,  il  est  fort  mal  yu  dans  les  yilles.  L'Islam  semble  mener  contre  lui  une 
rude  campagne.  Les  dévots  sMndignent  de  ce  qu'ils  définissent  «  la  seule  chose  qui 
se  trouve  dans  le  corps  humain  qu'Allah  n'ait  pas  créée.  »  Us  assurent  que  la  loi 
coranique  condamne  cette  coutume  comme  sacrilège  ;  que  celui  qui  est  tatoué  devra 
en  rendre  compte  au  jour  du  jugement  dernier  ;  enfin,  que  ces  stigmates  du  paga- 
nisme lui  seront  enlevés  par  le  feu  de  Tenter  dans  l'autre  monde.  L'opinion  du 
citadin  ne  lui  est  pas  moins  sévère.  Tandis  que  sur  les  Hauts-Plateaux  le  tatouage 
semble  un  ornement  indispensable  à  la  beauté,  à  Blida,  c'est  presque  un  vice 
rédhibitoire.  A  Alger,  l'antipathie  des  gens  du  bon  ton  va  si  loin,  contre  leurs 
coreligionnaires  tatoués,  qu'on  en  a  vu  se  refuser  à  habiter  dans  la  même  maisoo. 
Le  tatouage  leur  semble  le  signe  extérieur  de  la  rusticité.  Ne  croyons  pas  cependant 
que,  sous  cette  coalition  de  la  mode  et  de  la  foi,  le  tatouage  ait  été  aboli  complète- 
ment, même  dans  les  villes.  Il  se  transforme,  se  dissimule,  mais  ne  disparaît  pas. 
C'est  ainsi  qu'à  Blida,  si  Ton  ne  consent  plus  à  graver,  dans  la  chair  de  l'enfaat,  le 
dessin  protecteur,  on  le  peint  sur  sa  peau.  Un  nourrisson  bien  soigné  par  sa  mère 
ne  sort  pas  dans  la  rue  sans  qu'on  lui  ait,  au  préalable,  dessiné  au  front,  ou  au 
moins  derrière  les  oreilles,  un  tatouage  temporaire.  Celui-ci  est  bleu,  comme 
l'autre,  il  a  la  même  forme  que  l'autre,  mais  la  pointe  d'indigo  dont  il  est  fait  offre 
cet  avantage  qu'elle  pourra  facilement  s'enlever  quand  l'enfant  rentrera  de  sa 
promenade,  et  qu'il  aura  été  protégé  par  elle,  tout  comme  par  un  tatouage  véri- 
table, contre  le  mauvais  œil  des  passants. 

La  «  'aiiacha  »  la  plus  répandue  est  peut-être  l'anneau.  Il  est  assez  fréquent  à 
Blida,  et  beaucoup  à  Alger  et  chez  les  Kabyles.  On  le  retrouve,  semble-t-il,  dans 
tout  le  bassin  de  la  Méditerranée,  surtout  chez  les  Maltais,  les  Napolitains  et  les 
Espagnols  des  Baléares.  Voici  comment  la  mauresque  le  suspend  à  l'oreille  de  son 
fils,  à  Blida.  Pendant  les  fêtes  du  septième  jour,  qui  se  donnent  en  l'honneur  de  la 
naissance  d'un  enfant,  la  mère  lui  perce  avec  une  aiguille  le  lobe  de  l'oreille  droite. 
Elle  introduit  ainsi  dans  les  chairs,  à  la  suite  de  l'aiguille,  un  fil  assez  fort  :  Elle 
retire  l'aiguille  et  noue  le  fil.  La  blessure  ne  peut  se  refermer.  A  quelque  temps  de 
là,  lorsque  celle-ci  est  cicatrisée,  elle  enlève  le  fil  et  le  remplace  par  un  anneau 
d'or  ou  d'argent.  Cet  anneau  est  proprement  ce  que  l'on  appelle  «  ^aiiacha  »  à 
Blida.  Il  sera  porté  jusqu'au  mariage,  parfois  au-delà  ;  mais  il  serait  ridicule  dans 
une  extrême  vieillesse,  et  compromettant,  pour  un  musulman,  dans  le  tombeau  et 
au  jour  du  jugement  dernier.  En  efifet,  cette  pratique  est  en  relation  avec  une 
croyance  qui,  pour  être  générale,  n'en  est  pas  moins  non  orthodoxe.  Je  veux  parler 
de  la  croyance  en  la  «  Tai^a  ».  C'est  un  génie  femelle  qui  s'attache  à  un  homme,  à 
une  famille  et  s'acharne  sur  eux.  Elle  poursuit  sa  victime  de  cauchemars  effrayants 
ou  d'appels  mystérieux  ;  ou  bien  elle  décime  méthodiquement  ses  troupeaux,  ou 
déjoue  ses  plans  et  ruine  son  commerce  ;  ou  bien  encore,  et  ce  n'est  pas  le  cas  le 
moins  redouté,  elle  s'attaque  à  ses  enfants  qu'elle  fait  périr,  régulièrement,  au 
même  âge,  de  la  même  maladie.  C'est  contre  la  «  Tab'a  n  et  les  Blidéens  en  ont 
nettement  conscience,  que  l'on  met  l'anneau  à  l'oreille  de  l'enfant,  et  cet  usage  se 
trouve  exclusivement  dans  les  familles  éprouvées  par  la  mort,  dont  la  descendance  est 
emportée  par  des  maladies  héréditaires.  Mais  cet  anneau,  à  l'origine,  avait-il  pour 
but  de  témoigner  que  l'enfant  était  voué  à  une  divinité  et  portait  pour  ainsi  dire  sa 
chaîne,  ou  bien  devait-il  rappeler  à  la  puissance  persécutrice  qu'en  quelque  sorte 
le  sang  de  cet  enfant  lui  avait  été  versé  en  offrande  expiatoire,  et  comme  rançon 
de  sa  vie  ?  C'est  ce  que  les  indigènes  ne  savent  dire  et  qu'éclaircira  seulement 
l'étude  approfondie  de  la  «  Tab'a  ». 


1908.]         DESPARMET   :  MAURESQUE  ET  MALADIES  DE  l'eNFANCE.         [P.  505. 

A  Médéa  et  à  Miliana,  on  appelle  particulièrement  «  'aiiacha  »  un  dessin  tissé 
-dans  le  burnous,  sur  la  poitrine  ou  dans  cette  partie  du  capuchon  qui  se  porte  sur 
le  front.  Cette  figure  se  compose  d'un  certain  nombre  de  lignes  parallèles,  deux  à 
«ix  d'ordinaire,  qui  sont  toutes  réunies  ensemble  par  un  côté.  Je  ne  doute  pas  que 
ce  ne  soit  le  schéma  de  la  main  de  Fathma  défiguré  par  l'inexpérience  de  la  tis- 
seuse, car  à  la  campagne  les  femmes  fabriquent  elles-mêmes,  à  la  maison,  tous  les 
habits  do  la  fiimille.  Dans  la  Mettidja  j'ai  entendu  appeler  aussi  «  'aïïacha  »  les 
cauris  ou  petits  coquillages  que  les  enfants  portent  attachés  à  leur  calotte,  ou 
-cousus  sur  le  cuir  d'un  talisman  écrit  (heure).  Mais  si  Ton  voulait  énumérer  tous 
les  moyens  dont  s'avisent  les  mères  maghrébines  pour  protéger  la  vie  de  leurs 
enfants,  il  faudrait  étudier  tous  les  porte-bonheur,  pattes  de  porc-épic,  griffes  de 
fauves,  etc...,  et  surtout  les  amulettes  écrites  qui  viennent  s'ajouter,  à  chaque  crise 
qu'ils  passent,  à  celles  qu'on  leur  a  suspendues  au  cou  dès  la  naissance,  et  qu'on 
leur  yoit  souvent  porter  en  bandoulière,  par  brochettes  de  quatre  à  dix.  Les  obser- 
vations que  nous  avons  faites  sur  les  principales  «  'aïïachat  »  nous  permettent  de 
rondure  que  les  indigènes  entendent  dans  un  tout  autre  sens  que  nous  l'hygiène 
préventive.  Leurs  procédés  prophylactiques  sont  du  domaine  de  la  magie,  et  nulle- 
ment scientifiques.  Ils  ne  comprennent  pas,  évidemment,  sous  le  nom  de  maladies, 
des  phénomènes  naturels  et  physiques,  comme  nous  les  comprenons,  mais  des 
manifestations  de  puissances  spirituelles  hostiles.  Point  de  microbes  aveugles,  mais 
des  génies  fantasques.  Et  nous  devons  nous  tenir  pour  avertis  que  leur  médecine 
infantile  nous  réserve  des  étonnements. 

* 
*      * 

Il  suffit,  en  effet,  d'avoir  observé  quelques  instants  la  femme  indigène  donnant 
«es  soins  à  un  enfant,  pour  être  persuadé  qu'elle  professe,  sur  la  constitution  du 
corps  humain,  des  idées  bien  différentes  des  nôtres.  Soit  qu'elle  lui  frotte  longue- 
ment le  nez,  en  vue  de  le  façonner  en  arc  ;  soit  qu'elle  lui  tire  les  bras  et  les  jambes 
en  tous  sens  et  à  contre-sens  ;  ou  qu'elle  le  suspende  par  les  pieds,  pour  lui  allonger 
le  cou  ;  QU  qu'elle  lui  inonde  la  tête  d'huile,  pour  permettre  à  «  la  cervelle  de 
s'amasser  »  (ietlüem),  elle  semble  se  soucier  fort  peu  des  règles  de  notre  «  puéri- 
culture 8  rationnelle.  Il  ne  faut  pas  s'attendre  non  plus  à  ce  qu'elle  envisage  les 
indispositions  de  son  enfant  de  la  même  façon  que  nous.  Il  est  rare  qu'elle  se  con- 
tente de  leur  attribuer  une  cause  naturelle.  Elle  se  persuade  communément  que 
ces  maladies  ont  leur  origine  dans  la  jalousie  des  hommes,  dans  l'art  des  sorciers, 
dans  l'irascibilité  des  génies.  De  là,  dans  la  manière  dont  elle  les  traite,  des  bizar- 
reries dont  peut  sourire  notre  thérapeuthique,  mais  qui  peuvent  nous  intéresser  à 
d'autres  points  de  vue  :  l'ethnographe,  par  exemple,  pouvant  y  recueillir  de  pré- 
cieuses indications  sur  la  mentalité  des  indigènes,  et  l'historien  y  étudier  de  fort 
vieilles  coutumes  qui  n'ont  pas  été  toujours  sans  laisser  quelques  traces  dans  nos 
institutions  modernes. 

Le  sommeil.  —  Si  l'enfant  ne  s'endort  que  tardivement,  malgré  l'effet  sopo- 
rifique, —  recommandé  par  les  traditions  anciennes  —  du  bercement,  la  mère  a 
recours  au  remède  des  montagnards  de  l'Atlas  :  elle  donne  à  l'enfant  une  noix  pilée. 
La  noix  a,  paraît-il,  des  vertus  dormitives,  à  la  condition  que  la  mère  l'écrase  dans 
le  mortier,  loin  de  tout  bruit,  et  qu'en  la  faisant  avaler  à  l'enfant  elle  fasse  sem- 
blant de  s'endormir  elle-même,  de  bâiller  et  fermer  les  yeux.  Cependant  ce  remède 
doit  être  d'un  succès  incertain,  car  nous  voyons  les  femmes  de  Blida  lui  préférer 


p.  506.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908,. 

remploi  du  pavot  et  de  Topiam  à  petites  doses.  Plusieurs  mères  se  servent  de  ces 
stupéfiants  dès  le  jour  de  la  naissance  pour  assurer  au  nourrisson,  comme  à  la 
nourrice,  le  repos  nécessaire,  et  souvent  en  cachette  du  mari  qui  répète  le  dicton  : 
Venfani  élevé  à  Vopium  grandit  nerveux  et  colère.  Que  si  Penfant,  par  malice,  se 
tient  lui-même  éveillé  par  ses  cris,  la  mère  qui  s'impatiente,  sûre  qu'elle  est  de  lui 
avoir  donné  «  tout  ce  qu'il  lui  faut  m  va  chercher  dans  les  oreilles  d'un  âne  le 
cérumen  noir  que  Ton  y  trouve,  et  elle  en  fait  absorber  au  bruyant  nourrisson  le 
poids  d*un  dirhem  (environ  deux  grammes  et  demi)  :  les  bonnes  femmes  assurent 
qu'il  cesse  de  «  brailler  n.  Le  plus  souvent,  si  l'insomnie  persiste,  et  si  d'autre  part 
la  mère  est  en  mauvais  termes  avec  les  voisins,  celle-ci  a  vite  fait  d'en  soupçonner 
la  vraie  cause.  Alors  dans  le  fourneau  allumé,  elle  jette  quelques  grains  de  seL 
S'ils  pétillent,  c^est  la  preuve  que  Tenfant  est  réellement  malade  du  mauvais  œil. 
Et  la  mère  murmure  l'imprécation  consacrée  :  >  Que  les  yeux  (du  jettatore)  éclatent^ 
comme  éclatent  ces  grains  de  sel  !  n  Ou  bien,  elle  choisit  sept  fragments  de  gros 
sel.  Elle  en  jette  un  dans  l'évier  de  la  maison,  un  autre  dans  les  lieux  d'aisance  et 
les  cinq  autres  dans  le  feu,  et  elle  marmonne  :  «  œil  du  voisin,  œil  du  rat,  œil  de 
rintrus  !  Que  tous  ils  aillent  au  sein  du  feu  1  »  {^aïn  eldjar^  ^âïn  el  far^  *ai'n  eddok- 
hel  leddar,  elkoull  meghtotisin  fennar).  Elle  a  soin  de  prononcer  cette  incantation  à 
voix  basse,  car  si  les  voisins  Tentendaient,  ils  se  trouveraient  offensés,  et  ce  serait 
la  cause  d'interminables  disputes. 

Les  vieilles  femmes  préconisent  plusieurs  moyens  pour  enlever  à  l'enfant  le 
sort  qui  Tempèche  de  dormir.  Parfois,  on  met,  le  soir,  à  son  chevet  une  poignée 
d'orge.  Le  lendemain  on  porte  l'enfant  au  fondouk  ou  caravansérail,  avec  ces 
grains  d'orge  dans  ses  langes,  ou  sur  sa  poitrine,  et  on  les  fait  manger  à  un  âne 
jusqu'au  dernier,  sans  que  personne  les  ait  touchés.  L'âne  avale  le  maléfice.  Un 
traitement  du  même  genre  se  fait  avec  du  millet  long  (berraqa)  que  l'on  met  dans 
le  lit  de  l'enfant  pendant  la  durée  d'une  nuit,  du  vendredi  au  samedi,  et  que,  le 
lendemain,  on  va  jeter  dans  la  maison  d'un  juif.  On  peut  purifier,  aussi,  par  le  feu, 
l'enfant  frappé  du  mauvais  œil.  On  prend  au  foyer  sept  charbons  enflammés  et  l'on 
fait  faire  à  chacune  de  ces  braises  sept  fois  le  tour  de  la  tète  du  malade.  Après 
quoi,  on  les  éteint  dans  un  vase  plein  d'eau.  Une  vieille  femme  ou  bien  une  jeune 
fille  vierge  va  jeter  cette  eau  dans  un  carrefour.  Elle  doit  avoir  soin  de  ne  pas 
regarder  l'eau  épandue  et  de  ne  pas  rentrer  par  le  même  chemin  qu'elle  a  pris  à 
Taller. 

Si  ces  pratiques  de  la  magie  familiale  ne  réussissaient  pas,  il  faudrait  avoir 
recours  à  la  visite  des  marabouts.  Dans  chaque  pays,  il  y  en  a  de  particulièrement 
secourables  aux  mères.  A  Blida,  la  femme,  dont  l'enfant  est  lent  à  dormir,  se  rend, 
dans  Tintérieur  de  la  ville,  auprès  de  Sidi  Abdallah  (rue  du  Bey)  et  elle  attache,  à 
un  barreau  de  sa  lucarne  grillée  de  fer,  un  lambeau  de  son  vêtement  pour  que  le 
saint  ne  l'oublie  pas.  Elle  peut  aussi  se  rendre,  en  dehors  de  la  ville,  au  tombeau 
de  Sidi  el  'Abed,  et  formuler  la  promesse  suivante  devant  la  desservante  (ouküa)  : 
«  Si  le  sire  {le  siied)  guérit  mon  enfant,  je  t'apporterai  en  offrande  des  galettes  de 
beurre,  de  celles  appelées  «  m'ftrek  ».  —  Tout  autre  don  serait  déplacé  dans  lo 
cas  d'insomnie  d'un  enfant. 

Enfin  on  a  recours  au  sorcier  (iqqachj  talèb),  en  dernier  lieu  parce  qu'il  est  le 
plus  coûteux.  Celui-ci  traite  son  malade  par  le  grimoire.  Il  écrit  soit  des  phrases 
cabalistiques,  soit  des  passages  du  Coran.  Ces  phrases  cabalistiques  n'ont  souvent 
aucun  sens.  Elles  sont  d'ailleurs  rédigées  de  manière  à  cacher  celui  qu'elles  pour- 
raient avoir.  Voici  un  talisman  que  l'on  doit  mettre  sous  l'oreiller  de  l'enfiint  qui 


J1908.]         DESPARMET  :   MAURESQUE  ET  MALADIES  DE  l'eNFANCE.         [P.  507, 

Jie  dort  pas  içhhssîfllsJcm  non  naum  tsqîl.  L'écrivain  a  multiplié  les  con- 
sonnes inutilement  pour  cacher  sous  leur  surabondance  la  phrase  «  çahh  séUef 
lekoum  naum  tsqîl  ».  <<  Oui,  Dieu  tous  prêtera  un  sommeil  profond.  »  —  D'autres 
-fois,  il  transcrira  un  verset  du  Coran  en  y  changeant  au  besoin  quelques  mots  pour 
mieux  l'approprier  aux  circonstances.  Par  exemple,  pour  faire  taire  un  enfant  qui 
pleure  constamment,  l'iqqach  écrira  les  versets  59,  60,  61  de  la  sourate  53.  «  Ces 
paroles  vous  étonnent.  Vous  riez  et  vous  ne  pleurez  paSy  restant  silencieux^  silen- 
>cietéXj  silencieux.  »  Dans  le  texte  il  y  a  le  mot  «  samidouna  »  :  se  divertissant.  L'on 
y  a  substitué  le  mot  «  sakitouna  »  :  silencieux.  Puis  le  sorcier  a  ajouté  :  qu'ainsi  se 
4;aise  un  tel,  fils  d'une  telle,  et  qu'il  cesse  de  pleurer  1  Cette  phrase  a  été  écrite 
dans  le  creux  d'une  assiette.  La  mère  devait  la  délayer  dans  de  l'eau  et  faire  boire 
•cette  eau  à  son  enfant.  Il  ne  pouvait  que  guérir,  si  les  paroles  du  Livre  Evident 
sont  véridiques.  Car  Allah  a  dit  dans  le  Coran  (Ch.  XVII  verset  84)  :  «  Nous 
'envoyons  dans  le  Coran  «  la  guérison  »  et  la  grâce  aux  fidèles  ». 

La  marche.  —  L'homme,  assurent  les  vieilles  mauresques,  devrait  marcher 
-dès-  sa  naissance,  comme  la  plupart  des  animaux.  S'il  s'attarde  dans  les  langes, 
<s'est  la  faute  de  notre  mère  Eve.  Celle-ci,  ayant  enfanté,  se  reposa  et  s'endormit, 
4äon  enfant  couché  sur  le  sein.  La  vache,  au  contraire,  et  la  jument,  et  nombre 
d'autres,  quand  elles  eurent  mis  bas,  se  hâtèrent  de  lécher  leurs  petits.  Or,  la 
salive  condense  le  sang  en  chair  (i^aqed  ellham)^  et  le  massage  consolide  les  mem- 
bres. Aussi  les  petits  de  ces  animaux  courent-ils  presque  sur  le  champ,  tandis  que 
l'enfant  de  la  femme  est  souvent  bien  lent  à  essayer  ses  premiers  pas. 

Heureusement  que  la  tradition  nous  a  conservé  des  remèdes  éprouvés.  Si  la 
mère  soupçonne  son  enfant  d'avoir  les  genoux  faibles,  elle  cherche  dans  la  cam- 
pagne un  nid  de  fourmis.  Elle  en  prend  les  œu£s  et  les  écrase  sur  les  jambes  de 
^on  nourrisson. 

Les  fourmis  étant  fort  alertes  et  ingambes,  l'énergie,  qui  est  dans  leurs  larves, 
en  pénétrant  dans  le  jarret  de  l'enfant,  lui  communiquera  leur  activité. 

Il  semble  parfois  que  les  articulations  soient  nouées.  La  magie  blanche  des 
vieilles  femmes  offre  des  pratiques  pour  les  délier.  Elles  ligottent  les  pieds  et  les 
inains  du  sujet  avec  un  brin  de  jonc  ou  de  diss.  On  l'asseoit  sur  le  seuil  de  la  porte, 
l'on  dépose  sur  ses  genoux  des  figues  et  du  sucre  et  on  le  laisse  seul.  Cette  cou- 
tume  étant  bien  connue,  le  premier  passant  qui  voit  cet  enfant  en  cet  état  comprend 
<^  qu'on  veut  de  lui.  Il  dénoue  les  liens  qui  immobilisent  l'enfant  et  se  retire  en 
emportant  les  figues  et  le  sucre  pour  sa  peine.  Il  a  rompu  le  charme.  Il  n'a  pas 
seulement  détaché  ses  liens,  il  a  aussi  dénoué  ses  membres.  D'autres  fois  on  met 
l'enfant  malade  dans  une  de  ces  grandes  couffes  en  sparte  que  l'on  appelle  *adeL 
Deux  femmes  le  portent  par  les  anses  du  panier.  Elles  vont  ainsi,  de  maison  en 
maison,  mendiant  un  peu  de  farine.  Quand  elles  ont  frappé  à  sept  portes,  elles 
rentrent  pour  pétrir  avec  cette  farine  la  «  galette  de  Sidi  el  Habchi  ».  C'est  le  nom 
-d'un  marabout  enterré  sur  les  premières  hauteurs  de  l'Atlas,  au-dessus  de  Souma. 
Le  pain  cuit,  on  fait  ployer  les  jambes  de  l'enfant  et  on  rompt  sur  ses  genoux  la 
galette  en  disant  :  «  Voici  la  galette  de  Sidi  el  Habchi  ;  avec  la  permission  d'Allah 
cet  enfant  marchera.  »  La  galette  est  distribuée  aux  pauvres.  Comme  toujours  les 
inarabouts  offrent  leur  intervention  miraculeuse  aux  mères  inquiètes  de  ne  pas 
"Voir  marcher  leurs  enfants.  A  Blida,  elles  les  apportent  à  Sidi  el  'Abed.  Elles 
prennent  dans  sa  lampe  de  terre  un  peu  d'huile  dont  elles  oignent  les  pieds  et  les 
genoux  trop  paresseux.  Enfin,  pour  guérir  pareille  infirmité,  les  parents  vont 
Jusqu'à  faire  appel  aux  saints  mérites  du  vendredi  musulman  et  aux  miracles 


p.  508.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

qu'accomplit  souTent  la  Prière  en  commua  de  ce  jour.  Eu  effet,  on  a  vu  des  pères ^ 
(dont  quelques-uns  avaient  des  enfants  irrémédiablement  estropiés),  piler  le  vendredi 
de  Toxyde  de  cuivre  (hdida)  et  le  délayer  dans  Tean.  Après  la  prière  de  midi,  ils 
traçaient  avec  cette  solution  un  anneau  tout  autour  des  deux  pieds  malades,  au- 
dessous  de  la  cheville.  Puis,  quand  le  muezzin  appelait  les  fidèles  à  la  prière  de 
«  Paceur  »,  ils  adjuraient  au  nom  d'Allah  leur  enfant  de  se  lever  :  «  Lève-toi  et 
cours  comme  les  vrais  croyants  courent  à  la  prière  1  » 

Le  sevrage«  —  Au  bout  d'un  an,  c'est  la  coutume  de  sevrer  renfitnt.  La 
nourrice  tâche  alors  de  le  dégoûter  du  sein  en  lui  persuadant  que  c'est  •  hekkkhi  % 
sale,  en  crachant  dessus  et  appelant  les  goules  Berdzou,  Beldem,  qui  font  peur  à 
l'enfant  désobéissant.  Pour  le  convaincre,  elles  mettent  sur  leur  poitrine  du  marc 
de  café,  de  la  résine  (redjina),  de  la  suie  prise  sur  les  «  seins  »  du  brasero  (nafékh). 
Elles  emploient  aussi  Taloës  du  commerce  {maurr  ou  eebar).  Si  l'on  se  sert  du  suc 
de  l'agave  {çebbara)^  l'enfant  deviendra  patient  et  résistant  (çébbar).  Si  on  le  sèvre 
avec  du  henné,  l'enfant  deviendra  affectueux  (henîn). 

Souvent  le  nourrisson  est  pris  de  jalousie  pour  un  petit  frère.  Les  mauresques 
assurent  même  qu'il  sent  ce  concurrent  avant  que  sa  mère  en  ait  conscience.  Il 
s'étiole,  il  ne  veut  plus  quitter  sa  mère.  S'il  est  sevré,  il  veut  reprendre  le  sein. 
Elles  guérissent  cette  affection  qui  compromet  la  santé  de  l'enfant  en  lui  faisant 
boire  de  l'eau  qui  a  servi  à  laver  la  leçon  du  jour  sur  la  planchette  des  écoliers» 
pour  lui  faire  comprendre  sans  doute  que  chaque  jour  apporte  sa  tâche  et  abolit 
les  devoirs  achevés.  On  lui  fait  manger  un  bout  de  tripe  qui  se  trouve  dans  les 
intestins  du  mouton  et  qu'on  appelle  «  lahmet  bau  nadem  «  le  morceau  du  repen- 
tant. On  lui  fait  absorber  de  l'eau  et  du  pain  qui  ont  passé  la  nuit  dans  les  lieux 
d'aisances.  Eofin,  on  fait  cuire  un  œuf  dans  de  la  chaux  vive,  tout  comme  son 
cœur  est  brûlé  par  l'envie.  Quand  il  est  cuit,  on  l'épluche  et  on  en  jette  la  coquille, 
—  tout  comme  l'enfant  doit  dépouiller  les  mauvais  sentiments,  et  on  lui  donne  l'œuf 
à  manger  —  ce  qui  lui  rendra  l'appétit  et  la  santé,  s'il  plaît  à  Dieu  I 

La  parole«  —  Si  l'enfant  est  en  retard  pour  le  langage,  la  mère,  à  l'heure  ou 
la  marmite  chante,  a  soin  de  recueillir  sur  son  couvercle  la  vapeur  d'eau  qui  s'y 
dépose.  Elle  la  fait  boire  au  baby  qui,  bientôt,  se  mettra  à  jaser.  Si  elle  connaît 
quelque  voisine  qui  possède  un  canari  en  cage,  elle  ira,  un  soir,  chercher  l'eau  du 
petit  abreuvoir  où  s'est  désaltéré  l'oiseau  chanteur.  L'enfant,  après  l'avoir  bue,  se 
plaira  à  gazouiller  comme  lui.  Si  l'on  avait  à  craindre  une  véritable  infirmité,  il 
faudrait  laisser  la  magie  blanche,  et  recourir  à  la  religion.  C'est  ainsi  que,  dans  le 
cas  où  l'enfant  menacerait  d'être  sourd-muet,  les  parents  se  rendraient,  le  jour  de 
la  fête  des  Sacrifices,  chez  leurs  amis,  pour  retenir  la  langue  du  mouton  qu'ils 
égorgent  ce  jour-là.  Us  auraient  soin  d'en  réunir  sept  de  cette  £ftçon,  toutes  prove- 
nant de  victimes  immolées,  à  cette  occasion,  selon  le  rite  musulman,  par  de  vrais 
croyants.  Us  forceraient  ensuite  leur  enfant  à  les  manger  dans  le  plus  bref  délai 
possible.  Ce  serait  blasphémer,  au  jugement  des  dévots,  que  de  mettre  en  doute^ 
l'efficacité  de  ce  remède. 

La  dentition«  —  La  crise  des  dents  préoccupe  les  mères  mauresques  comme 
nos  nourrices.  Elles  passent  tout  le  temps  où  elles  sont  libres  de  travaux  à  frotter 
du  doigt  les  gencives  endolories  de  leur  enfant,  lui  répétant  inlassablement  «  gum 
guen  .^  »,  et  puisant,  pour  ce  faire,  de  l'huile  dans  toutes  les  lampes  des  marabouts 
qu'elles  visitent.  Combien  de  visites  à  ces  marabouts,  avant  qu'elles  puissent,  un 
jour,  crier  à  la  voisine,  suivant  la  formule  consacrée  :  «  Venez  voir  le  «  bouton  de 
fleur  d'oraoger  «  qui  nous  a  poussé  I  n  Pour  aider  cette  incubation  pénible  des^ 


1908.]  DESPARMET  :  MAURESQUE  ET  MALADIES  DE  l'eNFANCE.        [P.    509. 

dents,  la  médecine  traditionnelle  des  femmes  a  certains  secrets.  Quand  Tenfant  est 
tracassé  par  les  dents,  il  est  bon  que  la  mère  fasse  bouillir  du  blé  dans  la  marmite 
en  cuivre  (qcufân).  Cette  opération  amollit,  par  sympathie,  les  genciyes  d'où  sorti- 
ront bientôt  les  dents,  turgescentes  comme  le  grain  gonflé  sort  de  l'eau  bouillie. 
Elle  peut  aussi  faire  cuire  des  œufs  durs  :  la  dent  se  durcira  au  fur  et  à  mesure  de 
la  cuisson.  Et  quand  les  voisines  se  partageront  les  œufs,  et  en  briseront  les 
coquilles,  la  dent  fera  éclater  la  deruière  pellicule  qui  l'emprisonne.  Il  est  d'autres 
pratiques  recommandées  aux  mères  qui  ont  quelque  raison  de  se  méfier  de  la  len- 
teur de  la  dentition  chez  leurs  enfants.  Quand  la  première  dent  va  sortir,  une 
mère,  soucieuse  de  ses  devoirs,  fait  cuire  dans  le  poêlon  qu'on  appelle  «  tadjin  m 
une  mince  galette  de  pâte  sans  levain.  Quand  cette  crôpe  est  refroidie,  la  tenant  des 
deux  mains,  elle  l'appuie  sur  la  tête  de  l'enfant  de  telle  façon  que  la  crêpe  s'entr'- 
ouvre  et  que  la  tète  passe  au  travers.  Elle  est  ensuite  partagée  aux  gens  de  la 
maison  qui  doivent  la  manger.  Nul  doute  que  la  tète  de  la  dent  ne  perce  bientôt  la 
peau  des  gencives,  comme  la  tête  de  l'enfant  a  traversé  la  crêpe  1 

Plus  tard,  à  la  chute  des  premières  dents,  la  mère  n'oubliera  pas  une  vieille 
cérémonie  qui  assurera  une  jolie  dentition  à  son  enfant.  Choisissant  la  première 
nuit  du  mois  lunaire,  celle  où  le  croissant  nouveau  semble  laiteux  et  comme  nacré, 
les  femmes  amèneront  l'enfant  sur  la  terrasse  de  la  maison,  s'ils  habitent  en  ville, 
ou  dans  tout  autre  endroit  découvert  s'ils  habitent  à  la  campagne.  Elles  le  tourne* 
ront,  le  visage  vers  la  nouvelle  lune,  et  il  devra  dire  cette  invocation  : 

«  0  croissant^  ô  croissant! 
Change-moi  les  dents  ; 
Et  donne  m'en  qui  soient  belles 
Comme  celles  de  la  gazelle  !  » 

vieille  et  enfantine  conjuration  conservée  à  travers  les  âges  et  qui  lui  procurera, 
comme  à  ses  pères,  des  dents  conformes  à  l'esthétique  indigène,  c'est-à-dire  large- 
ment espacées,  symétriques,  arrondies  et  petites  comme  de  minuscules  grêlons. 

*      * 

On  pourrait  croire,  vu  la  naïveté  des  pratiques  énumérées  et  l'étrangeté  des 
recettes  détaillées,  que  je  n'ai  parlé,  jusqu'à  présent,  que  de  cette  médecine  fami- 
liale appelée  chez  nous  «  les  remèdes  de  bonnes  femmes  ».  Nous  n'avons  vu  encore 
que  des  indispositions  légères  ou  communes  à  tous  les  enfants.  Il  est  assez  naturel 
de  ne  pas  avoir  rencontré  dans  des  occasions  de  ce  genre  les  procédés  et  la  méthode 
de  la  médecine  musulmane.  Nous  passons  au  traitement  des  maladies  acciden- 
telles, les  plus  graves  qui  atteignent  l'enfance,  celles  où  cette  médecine  peut  don- 
ner sa  mesure. 

Nous  devons  l'avouer  de  suite  :  nous  ne  trouverons  aucune  différence  d'esprit 
ni  de  méthode  dans  le  traitement  des  grandes  maladies,  où  pourtant,  chez  les 
Arabes,  comme  chez  tous  les  peuples,  l'amour  paternel  fait  appel  à  toutes  les 
ressources  de  la  science  médicale  du  temps.  Et  la  raison  en  est  simple  :  c'est  que 
la  médecine  ni  le  médecin  n'existent  dans  la  société  indigène. 

Le  taleb,  l'iqqach,  proprement  l'écrivain  public  et  sorcier  qui  se  donne  pour 
médecin,  est  un  pauvre  hère  qui,  ayant  appris  quelques  pages  du  Coran,  sachant 
lire  et  écrire,  vit  en  écrivant  la  correspondance  des  illettrés,  en  disant  la  bonne 
aventure  et  en  rédigeant  des  talismans.  Un  proverbe  dit  :  «  Quand  l'étudiant  qui 
apprend  le  Coran  est  fruit  sec,  il  se  fait  chauteur  {meddah)  ou  sorcier  {iqqjoch),  » 


p.  610.]  •    R    •    E    •    E    •    S    • [1908. 

Il  loue  une  boutique  minuscule,  pour  cinq  francs  par  mois  au  plus,  dans  quelque 
rue  peu  passante,  détournée.  Il  y  étale  une  natte,  y  apporte  une  caisse  à  savoD. 
Sur  cette  caisse,  il  dispose  quelques  livres,  souvent  français,  quoiqu^il  ne  les  lise 
pas,  mais  la  magie  étrangère  est  toujours  plus  estimée  que  celle  du  pays.  Un  seal 
livre  de  médecine  arabe  s'y  trouve  d'ordinaire  :  c'est  la  Rahma  éPEssayouti^  sorte 
de  codex  de  la  sorcellerie  où,  sauf  quelques  simples,  on  ne  trouve  que  des  recettes 
magiques.  Les  autres  livres  imprimés  sont  des  ■  qora'  n  tableaux  où  figurent  un 
certain  nombre  de  personnages  antiques,  hommes  ou  femmes.  Le  consultant  met 
le  doigt  sur  l'un  de  ces  noms,  et  Tiqqach  lui  lit  son  sort,  tel  qu'il  est  écrit  dans  le 
commentaire  de  ce  tableau.  A  ces  deux  ouvrages  fondamentaux,  l'iqqach  ajoute  une 
multitude  de  notes  manuscrites,  traditions  recueillies  oralement  ou  inventions  per- 
sonnelles, qui  sont  le  fondement  de  sa  réputation  de  savoir.  Un  proverbe  dit  :  «  Les 
écrits  de  l'iqqach  ne  se  relient  point,  et  lui-même  ne  triomphe  point.  »  El  iqqaeh 
htabou  ma  iseffer  ou  houa  ma  ideffer. 

Les  femmes  n'ont  aucune  confiance  particulière  dans  la  science  médicale  da 
taleb.  Leur  mémoire,  autant  et  plus  que  la  sienne,  est  remplie  des  recettes  appli- 
cables à  chaque  cas.  Mais  elles  se  trouvent  souvent  embarrassées  pour  déterminer 
le  genre  de  la  maladie,  comme  nous  dirions,  c'est-à-dire,  dans  leurs  croyances, 
quel  djinn  a  frappé  le  malade,  et  pour  quelle  raison  ?  Elles  demandent  aussi  au 
taleb  de  leur  indiquer  le  genre  de  victime  qu'il  convient  d'égorger  dans  la  circon- 
stance. Tout  le  talent  de  l'iqqach  consiste  à  savoir  «  calculer  »  la  cause  du  mal,  et 
tirer  au  clair  le  sacrifice  approprié,  s'il  y  a  lieu  «  ihseb  lelmrid  ^alach  Jchedaha  ou 
ikherredj  ennechra  «.  Pour  cela,  il  n'a  pas  besoin  d'ausculter,  ni  de  voir  le 
malade.  Il  se  contente  la  plupart  du  temps  de  demander  son  nom  et  celui  de  sa 
mère  :  puis  avec  son  «  qlem  •  (plume)  il  fait  des  lignes  de  points  (ineqqet)  sur  un 
papier,  en  marmottant  des  formules  inintelligibles.  Il  s'arrête  soudain,  éclairé,  et 
il  dicte  son  ordonnance.  Parfois,  si  la  consultante  parait  en  état  de  bien  rétribuer 
sa  peine,  en  outre  du  nom  de  l'enfant  et  de  celui  de  la  mère,  il  demande  la  date 
de  sa  naissance  et  celle  du  jour  où  il  est  tombé  malade.  On  sait  que  les  lettres 
arabes  ont  une  valeur  numérique.  Il  réduit  ces  quatre  données  en  leur  équivalent 
arithmétique.  De  cette  somme,  il  retranche  autant  de  fois  sept  qu'il  se  peut.  Il 
prolonge,  par  ces  calculs,  l'opération  qui  n'en  a  que  plui^  de  prix.  Le  chiffre  qui  reste 
fixe  le  signe  du  Zodiaque  qui  détermine  la  maladie  cherchée.  Il  ouvre  alors  le 
<<  Livre  des  connaissances  vérifiées  et  exactes  de  l'Imam  et  philosophe  célèbre  sous 
le  nom  d'Abou  Ma*acher,  le  Grand  astronome  »,  et  il  se  reporte  au  commentaire 
du  signe  fixé  par  le  calcul.  Et,  avec  un  peu  de  tact  ou  d'induction  appliquée  aux 
confidences  de  la  femme,  il  peut  très  honorablement  caractériser  le  mal,  dicter  le 
traitement,  nommer  les  parfums  nécessaires  et  décrire  jusqu'à  la  couleur  de  la 
victime  exigée. 

D'après  sa  manière  de  pronostiquer  le  mal,  on  peut  deviner  que  la  science 
médicale  du  Taleb,  venant  s'ajouter  à  celle  des  femmes  pour  le  traitement  des 
grandes  maladies  de  l'enfance,  ne  modifiera  pas  sensiblement  la  méthode  que  nous 
avons  déjà  reconnue.  Voici  d'ailleurs,  pour  chaque  maladie,  les  différents  remèdes 
les  plus  en  vogue  dans  ces  cinq  dernières  années. 

Maladies  intestinales  de  l^enfant.  —  Quand  un  enfant  dépérit,  les  mau- 
resques ont  l'habitude  de  dire  :  «  Ce  sont  ses  frères  qui  le  visitent  »,  c'est-à-dire 
les  petits  génies  de  son  âge.  Parmi  les  remèdes  préconisés  pour  la  «  maladie  des 
frères  ■  (merd  hhaotäou)  il  n'en  est  guère  qu'un  qui  puisse  se  dire  décemment  en 
français  :  une  femme  prend  un  fuseau  dans  ses  deux  mains,  et,  faisant  &ce  à  Ten^ 
faut,  elle  brise  en  deux  le  fuseau  devant  son  visage. 


I 


J  908.]         PESPARMET  :   MAURESQUE  ET  MALADIES  DE  l'eNFANCE.         [P.  511» 

Parfois,  cependant,  on  reconnaît  que  ces  langueurs  proviennent  de  la  faiblesse 
de  Testomac.  C'est  que  la  nourrice,  avant  de  lui  donner  le  sein  pour  la  première 
fois,  a  négligé  de  faire  sucer  à  Tenfant  du  tan  pilé  dans  de  l'huile  !  Il  faut  se  hâter 
de  lui  donner  du  tartre  délayé  dans  de  Thuile.  On  peut  aussi  faire  absorber  du 
minium  au  malade  trois  jours  de  suite;  le  premier  jour  avec  de  Teau,  le  second 
avec  du  citron,  le  troisième  avec  de  Thuile.  On  recommande  aussi  la  corne  du  pied 
du  mouton  ou  le  sabot  du  bœuf  brûlés  et  mêlés  à  du  miel.  Quelquefois,  il  faut  avoir 
recours  à  la  cautérisation.  Elle  se  fait  à  «  la  mèche  bleue  »  ftila  zerqa,  La  sage- 
femme  prend  la  mèche  qui  pend  au  bec  de  la  lampe  indigène  et  la  promène  sur  le 
ventre  de  l'enfant  en  pratiquant  ce  que  nous  appelons  des  pointes  de  feu. 

Mais,  le  plus  ordinairement,  ces  sortes  de  maladies  se  traitent  par  les  simples  : 
potion  de  cumin  et  de  girofle,  ou  bien  du  musc  et  de  l'ail  dans  du  petit  lait,  ou  bien 
des  grains  de  carvi  sur  du  citron.  On  écrase  aussi  du  thym,  des  feuilles  de  ronces, 
du  pouliot,  de  Tail,  de  la  menthe  à  feuilles  rondes  {tanersat)^  de  jeunes  pousses  du 
lentisque  et  du  girofle.  On  exprime  le  jus  de  ces  différentes  plantes  dans  la  bouche 
de  Tenfant.  Il  guérit,  et  si  on  continue  en  le  mettant  à  un  régime  de  patates 
douces,  il  engraisse. 

La  hernie.  —  La  hernie  congénitale  ne  se  traite  pas.  Elle  est  Tœuvre  du  créa- 
teur, et  qui  oserait  modifier  son  œuvre  ?  Accidentelle,  elle  est  attribuée  aux  pleurs. 
Pour  la  soigner,  on  fait  boire  de  la  gomme  ammoniaque  diluée  dans  de  l'huile,  ou 
manger  des  œufs  de  tortue  cuits. 

Les  écrouellcs.  —  Pour  les  écrouelles,  il  faut  faire  manger  du  porc  à  Tenfant, 
malgré  Tinterdiction  coranique.  Ce  traitement  est  indiqué  par  la  langue  elle-même, 
l'écrouelle  s'appelant  en  arabe  «  Tchenzir  »  comme  le  porc.  On  lui  fait  manger  du 
rat.  On  forme  aussi  une  pâte  avec  tant  de  grammes  d^arsenic  mêlés  à  leur  double 
de  feuilles  de  laurier-rose  pilé,  le  tout  pétri  avec  du  goudron,  et  l'on  en  enduit  la 
plaie. 

Le  goitre.  —  On  traite  le  goitre  par  le  contact  du  vêtement  d'un  mort,  ou 
celui  du  mort  lui-même.  Dans  le  premier  cas,  on  détache  un  lambeau  d'étoffe  de 
l'habit  dans  lequel  un  individu,  homme  ou  femme,  a  expiré,  et  le  malade  doit  le 
porter  comme  notre  foulard  ou  notre  cravate.  Dans  le  second  cas,  on  approche  le 
goitreux  du  cadavre  et  l'on  porte  la  main  du  mort  sept  fois  sur  la  glande  malade. 
Le  goitre  se  fondra  au  fur  et  à  mesure  que  le  mort  se  dissoudra  dans  la  terre. 

La  fièvre.  —  Pour  combattre  la  fièvre,  le  taleb,  d'accord  avec  la  coutume, 
recommande  trois  sortes  de  moyens.  Le  plus  habituel  est  la  visite  aux  «  stations  » 
des  génies.  Ce  sont,  pour  la  région  de  Blida,  la  source  (^anceur)  de  Sidi  Ahmed  ei 
Eebir,  le  vieux  cimetière  de  Sidi  Ali  Gaïour,  la  cascade  de  Sidi  Moussa,  le  ruisseau 
de  Mimoun  «  aux  brouillards  »  {Mimoun  Ghiam)  à  Boufarik.  Le  sorcier  fixe  le 
lieu  de  pèlerinage  convenant  à  chaque  cas.  Il  a  soin  aussi  de  désigner,  avec  les 
parfums,  le  sexe  de  la  volaille  qu'il  faudra  offrir  aux  génies,  et  si  elle  doit  être 
blanche  ou  noire,  couleur  de  feu  ou  couleur  «  fleur  de  fève  n  etc... 

Le  second  moyen  est  la  visite  à  un  marabout,  (à  Blida,  Sidi  £1  *Abed),  avec 
petites  bougies  coloriées  et  don  d'argent  {ou  ^ada)  ou  dons  en  nature. 

Le  troisième  moyen  est  le  secret  du  sorcier.  C'est  un  traitement  dont  il  est 
seul  détenteur,  et  qu'il  déclare  tenir  des  anciens  sages  par  une  chaîoe  de  traditions 
certaine.  Parfois,  le  procédé  est  original,  même  humoristique  ;  par  exemple  :  un 
taleb  se  fait  apporter,  pour  soigner  un  enfant  fiévreux,  trois  feuilles  de  laurier* 
rose.  Il  écrit  sur  chacune  d'elles  «  Qaroun,  Phar'aoun,  Hâman,  les  chrétiens  et  les 
Juifs  coucheront  dans  l'enfer  »,  et  il  recommande  de  faire  des  fumigations  pendant 
trois  nuits  consécutives  avec  une  de  ces  feuilles  dans  la  chambre  du  malade. 


p.  512.]  •    R    >    E    *    E    *    S    •  1^^^^* 

La  coqueluche.  —  La  grande  maladie  de  Tenfance,  la  coqueluche,  est 
comme  chez  nous,  l'effroi  des  mères  musulmanes  (esso^  let  el  ^aauâïa).  On  répète 
un  hadits  du  Prophète  qui  défend  de  toucher  la  tête  de  Tenfant  qui  a  la  coqueluche. 
Son  caractère  contagieux  est  donc  connu.  Elles  le  traitent  par  des  potions  ou  des 
inhalations,  ou  par  Timmolation  simulée.  Le  plus  ordinairement,  elles  se  contentent 
de  recueillir  de  la  rosée  et  de  la  faire  boire  au  malade.  Elles  font  bouillir  aussi 
des  escargots  et  en  font  absorber  Peau.  Enfin  elles  se  procurent  ce  qu'elles  appellent 
de  l'écume  de  la  mer,  c'est-à-dire  de  Tos  de  seiche  qu'elles  mélangent  après  com- 
bustion avec  du  miel.  Elles  sont  persuadées  de  l'efficacité  de  certaines  exhalaisons 
méphitiques.  Lorsque  les  Français  eurent  établi  le  gaz  à  Blida,  on  vit  les  femmes 
indigènes  porter  leurs  enfants  à  l'usine  et  leur  faire  respirer  l'odeur  forte  de  la 
chaux  que  l'on  retire  des  épurateurs.  En  même  temps  qu'ils  emploient  cette  inno- 
vation, ils  ont  recours  à  des  pratiques  d'un  caractère  fort  ancien.  On  porte  le  jeune 
enfant  malade  à  un  vieux  marabout  que  les  femmes  appellent  Bou  Neçla  «  le  mara* 
bout  au  sabre  sans  poignée  ».  Il  y  en  a  toujours  un  aux  environs  des  agglomérations 
indigènes.  On  a  soin  d'amener  un  enfant  né  après  la  mort  de  son  père  {Uim  d  hcha). 
Cet  enfant  jouera  le  rôle  de  sacrificateur.  A  son  défaut,  la  gardienne  du  tombeau 
(oukila)  remplira  les  mêmes  fonctions.  Elle  brandira  une  lame  d'acier  sans  monture 
(neçla)  que  le  temps  ou  la  prudence  ont  soigneusement  ébréchée.  Et  elle  la  passera 
sept  fois  sous  la  gorge  de  l'enfant  malade.  Moyennant  ce  simulacre  d'égorgement, 
celui-ci  sera  rédimé. 

Ces  exemples  démontrent  suffisamment  que  le  traitement  des  maladies  infan- 
tiles, inspiré  par  le  taleb,  offre  les  mêmes  caractères  de  naïveté  superstitieuse  que 
la  médecine  des  vieilles  mauresques.  C'est  que  ce  taleb  n'a  rien  étudié,  pas  plus  que 
les  vieilles  femmes,  en  dehors  de  la  médecine  populaire.  Il  en  reproduit  donc  les 
procédés  en  y  ajoutant  seulement  l'emploi  de  l'écriture,  je  veux  dire  l'abus  des 
talismans  écrits  qui  constituent  le  plus  clair  de  ses  bénéfices. 

*      * 

Si  l'on  cherche  plus  d'esprit  scientifique  et  des  méthodes  plus  rationnelles 
dans  les  spécialistes  indigènes  qui  traitent  les  maladies  infantiles,  on  ne  sera  pas 
moins  déçu. 

Voici  quelques  faits. 

Le  choléra  infantile«  —  Il  est  de  tradition  que  la  femme  qui  nourrit,  lorsque 
vient  la  saison  des  fruits,  partage  en  deux  le  premier  fruit  de  chaque  espèce  qu'elle 
mange,  puis  y  épanche  quelques  gouttes  de  son  lait.  Elle  en  jette  ensuite  la  moitié 
sur  la  terrasse  et  mange  l'autre.  Sans  cette  précaution,  on  assure  que  le  nourrisson 
est  pris  de  coliques.  Il  est  malade  de  la  «  nanna  »  ou  choléra  infantile.  Deux 
familles,  à  Blida,  se  sont  fait  une  spécialité  de  cette  maladie  :  les  Ben  Dikhaî  et 
les  Ben  Teftifa.  On  leur  porte  l'enfant  trois  samedis  de  suite.  Ils  leur  pratiquent 
chaque  fois  deux  incisions  au  rasoir  entre  les  yeux.  Cette  opération  doit  se  faire 
avant  le  lever  du  soleil. 

La  Jaunisse.  —  La  jaunisse  est  traitée  exactement  de  la  même  façon,  le  même 
jour,  aux  mêmes  heures  par  la  femme  de  Sid  Ahmed  ben  Tefüfa,  ex  imam  de  la 
mosquée  hanéfite.  Celle-ci  soigne  les  femmes.  Les  hommes  sont  soignés  de  la  même 
manière  par  El  Hadj  Mohammed  Qâraman.  La  jaunisse  et  le  choléra  infantile  sont 
donc  considérés  comme  la  même  maladie,  ou  deux  cas  similaires. 

La  coxalgie.  —  Pour  la  coxalgie  (^arq  lâsa)^  on  a  recours  à  un  bâtier 
(bradai)  du  nom  de  Ben  Yousef  oulid  el  Bhira.  On  lui  apporte  avec  l'enfant  un 


1908].        DESPARMET  :  MAURESQUE  ET  MALADIES  DE  l'eNFANCE.        [P,  5 13. 

roseau.  Il  prend  la  mesure  de  la  jambe  malade  avec  ce  roseau,  de  la  tête  de  Tos 
coxal  au  talon.  Il  coupe  ensuite  le  roseau  et  le  dépouille  soigneusement  de  ses 
feuilles  et  nœuds.  Le  samedi  suivant,  avant  le  lever  du  soleil,  le  médecin  et  son 
malade  se  rendent  en  dehors  de  la  ville  et  s'arrêtent  sous  un  arbre.  L'enfant  tient 
le  roseau  le  long  de  sa  jambe.  Entourant  de  ses  dix  doigts  la  jambe  et  le  roseau  à 
ia  hauteur  de  la  cuisse,  l'opérateur  abaisse  les  mains  jusqu'à  terre.  Il  recommence 
sept  fois  ce  geste,  en  prononçant  le  verset  de  la  guérison  (sourate  XVII ^  verset  84)  : 
«  Nous  envoyons  dans  le  Coran  la  ^  guérison  et  la  grâce  aux  fidèles  n  ou  bien 
{sourate  XLI^  verset  44)  :  «  Dis  :  •  Le  Coran  est  une  direction  et  un  remède,  n 
Ce  traitement  doit  être  recommencé  trois  samedis  de  suite.  L'on  enterre  ensuite  le 
roseau  dans  une  vieille  tombe.  » 

La  hernie.  —  La  hernie  abdominale  est  soignée  par  un  maître  d'école.  Si 
l'arbi  cl  Mbarek.  Le  malade  lui  apporte  un  grand  foulard  de  couleur  à  empaqueter 
le  linge  (terzima).  Le  maître, collant  ce  foulard  sur  ses  lèvres^  murmure  le  verset  de 
^  la  guérison  ».  Puis  il  serre  le  ventre  du  malade  avec  ce  foulard.  —  Un  concurrent, 
Mohammed  ben  Bakir,  cafetier  de  son  métier,  s'est  acquis  une  réputation  aussi 
grande  sans  user  du  Coran.  Il  masse  la  veine  qui  se  trouve  dans  le  creux  du  coude, 
puis  il  la  comprime  pendant  une  demi-heure  avec  un  caillou  serré  à  l'aide  d'un 
mouchoir. 

Ecronelles.  —  Une  maraboute,  de  la  famille  des  Chghaghnia,  de  la  tribu  des 
(luerouaoua, (commune  de  Souma),et  du  nom  de  Baïa, femme  d'£l  Qçir,  est  réputée 
parmi  les  habitants  de  Blida,  où  elle  réside,  pour  ses  cures  d'écrouelles.  Elle  les 
cautérise  avec  une  corne  de  chèvre,  pendant  trois  samedis  de  suite. 

«  Tizgnert  r.  —  Sous  le  nom  de  «  Tizguert  »,  les  indigènes  confondent 
plusieurs  maladies  du  cou,  entre  autres  le  torticolis  et  le  furoncle  dans  la  région 
de  la  nuque,  etc..  Ils  attribuent  à  la  tizguert  des  enfants  une  origine  singulière. 
Quand  une  ménagère,  disent-ils,  a  résolu  de  tisser  un  burnous  ou  un  haïk  à  sa 
famille,  elle  doit  avoir  bien  soin  de  prélever,  sur  la  première  pelote  de  laine  qu'elle 
emploiera  à  faire  la  chaîne,  une  longueur  égale  à  la  hauteur  de  la  porte  de  la  rue. 
Elle  mesurera  donc  cette  porte  avec  ce  fil.  Elle  mesurera  également  la  hauteur  de 
la  porte  de  sa  chambre  avec  le  même  fil  qu'elle  jettera  ensuite  au  feu.  Sans  ce 
sacrifice,  un  de  ses  enfants  tombera  malade  de  la  tizguert  pendant  l'année. 

L'enfant,  atteint  de  cette  maladie,  est  conduit  à  un  savetier  du  nom  de 
Mohammed  ben  Abd  el  Qader  bou  Châma.  Celui-ci  opère,  ou,  selon  l'expression 
arabe  «  coupe  »  la  tizguert  le  samedi,  le  dimanche  et  le  lundi  jusqu'au  lever  du 
soleil.  Il  crache  dans  sa  main  et  passe  celle-ci  sur  le  cou  du  malade.  Puis  il  l'enduit 
avec  du  noir  de  fumée  qu'il  prend  aux  flancs  du  petit  fourneau  indigène  (nafekh). 
Une  femme,  connue  sous  le  nom  de  Fathmat  Ezzohra,  lui  fait  concurrence  auprès 
de  la  clientèle  féminine  avec  les  mêmes  procédés. 

On  peut  multiplier  ces  exempleS|  on  arrivera  à  cette  conclusion  :  c'est  que  les 
spécialistes  indigènes  ne  sont  pas,  comme  les  nôtres,  des  praticiens  qui  ont  con- 
-centré  leurs  études  sur  une  maladie  particulière.  Ce  sont,  d'ordinaire,  des  gens  de 
petits  métiers  pour  qui  la  médecine  est  un  moyen  d'existence  accessoire.  Ils  n'ont 
pas,  non  plus,  comme  l'entendent  nos  rebouteurs,  un  secret  transmis,  de  père  en 
iils,  dans  la  famille.  Leurs  procédés  sont  très  simples  et  connus  de  tous.  Ce  sont,  à 
en  croire  leurs  coreligionnaires,  des  individus,  d'ailleurs  ordinaires  à  tous  les  autres 
points  de  vue,  qui  ont  hérité  d'un  pouvoir  spécial.  Ils  appellent  ce  pouvoir  «  le 
don  9  ('  atiia).  Ils  se  disent  eux-mêmes  «  gratifiés  de  ce  pouvoir  s,  «  m  ^aHin  bih  ». 
Oelui  qui  le  leur  a  transmis  est  nommé  le  «  donneur  ■  {'ûti).  Et  il  le  leur  a  trans- 


P>  614.] -    R    >    E    >    E    »    S    ^ [1908. 

mis  avec  une  certaine  solennité.  Le  maitre  a  montré  en  détail  comment  il  opère. 
S'il  procède  par  le  crachat,  comme  il  arrive  en  beaucoup  de  cas,  il  a  dû  cracher 
dans  la  bouche  du  disciple  pour  lui  communiquer  son  pouvoir.  En  essayant  de 
remonter  la  chaîne  de  la  transmission,  on  arrive  à  un  fondateur  doué  du  prestige 
maraboutique.  C'est  ce  que  l'on  peut  voir  dans  la  formule  dont  se  servent  quelques- 
uns  de  ces  thaumaturges.  Par  exemple,  la  famille  de  El  Açlouni,  jadis  serviteur 
du  marabont  El  Mahadjoub,  (enterré  près  deBoufarick),  a  la  spécialité  d'éloigner  le 
mauvais  œil.  On  amène  à  un  membre  quelconque  de  cette  famille  un  enfant  qui  en 
a  été  atteint.  L'opérateur  prend  le  bras  gauche  de  cet  enfant  et  le  mesure  avec  son 
empan  depuis  les  doigts  jusqu'aux  épaules,  puis  depuis  les  épaules  jusqu'au  bout 
des  doigts  et  ainsi  sept  fois,  et  de  même  au  bras  droit,  puis  il  dit  :  «  Au  nom 
d'Allah,  ô  pouvoir  (baraJca)  de  nos  ancêtres,  ô  pouvoir  de  nos  parents,  ô  saints  de 
notre  ville,  ôtez-lui  le  mauvais  œil,  voilez-le  et  éloignez  de  lui  l'œil  méchant.  » 

A  Blida,  le  type  de  ces  familles  maraboutiques  à  spécialité  médicale  est  la 
descendance  de  Sidi  Ahmed  ben  Fares.  On  peut  croire  que  l'origine  de  leur  «  don 
spécial  n  est  un  calembour.  En  effet,  ils  soignent  l'eczéma  et  les  affections  de  ce 
genre.  Celles-ci  s'appellent  le  feu  persan  «  nar  él  farsïïa  ».  Le  peuple,  pour  qui  la 
Perse  est  inconnue,  a  compris  le  feu  de  Fares,  le  feu  que  guérit  Sidi  Ahmed  ben 
Fares. 

Quoi  qu'il  en  soit,  depuis  la  mort  de  leur  ancêtre  peut-être,  c'est-à-dire  depuis 
le  16®  siècle,  cette  famille  jouit  de  la  spécialité  de  guérir  les  éruptions  eczémateuses. 
Us  crachent  sur  le  mal,  étendent  leur  salive  sur  toute  la  surface  malade,  et  la  sau- 
poudrent ensuite  de  cendre.  Le  malade  doit  être  traité  ainsi  trois  lundis  successifs. 
Le  lundi,  en  effet,  est  le  jour  consacré  du  pèlerinage  et  la  date  périodique  de  ces 
guérisons  miraculeuses.  Le  prix  était  naguère  encore  d'une  «  ouqïïa  »  par  visite. 
L'ouqïïa,  dont  la  valeur  est  de  30  centimes,  est  le  prix  traditionnel  dans  ce  genre 
de  cures  maraboutiques.  Depuis  quelque  temps,  la  vogue  rend  cette  famille  plus 
exigeante,  et  elle  laisse  à  la  reconnaissance  du  miraculé  le  soin  de  fixer  ses  hono- 
raires. 

C'est  par  hérédité  que  cette  «  baraka  »  se  transmet  dans  la  famille  des  Oulad  Sidi 
Ahmed  ben  Fares,  ce  qui  se  comprend  si  l'on  veut  admettre  que  le  pouvoir  qu'ils 
ont  sur  le  «  nar  él  farsïïa  »  leur  vient  de  leur  nom  d'el  Fares.  Leur  descendance 
étant  nombreuse,  ils  ne  communiquent  leur  «  don  »  à  aucun  autre.  En  revanche, 
tous  ceux  qui  peuvent  se  réclamer  de  leur  nom  le  possèdent  et  le  plus  lointain 
parent,  comme  le  plus  petit  enfant,  garçon  ou  fille,  même  encore  à  la  mamelle« 
peut,  dans  l'opinion  générale,  avec  sa  salive  et  un  peu  de  cendre,  guérir  les 
malades,  non  pas,  comme  nous  le  croirions,  grâce  aux  vertus  chimiques  contenues 
dans  ces  deux  éléments  à  base  caustique,  mais  bien  en  vertu  du  pouvoir  qui  lui  a 
été  conféré  avec  le  sang  par  ses  pères  et  du  privilège  qu'Allah  a  concédé,  à  l'ori- 
gine, à  son  pieux  et  saint  ancêtre,  Sidi  Ahmed  ben  Fares. 


I».  515.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [^^^J!: 

COMMUNICATIONS 

IV. 

Note  métrologique  sur  la  livre  et  la  pile  de  Charlemagne, 
et  sur  l'osselet  de  Suse. 

par  J.  A.    Dbcoxjbdem ANCHE  (Paris). 


D'après  les  métrologues  grecs  de  Técole  d'Alexandrie,  trois  taieats  ou  «  kikkar  » 
constituent  les  dénéraux  ou  types  des  divers  poids  et  mesures  anciens,  dont  ils 
donnent  les  rapports. 

Le  premier  de  ces  talents  est  des  96/125  du  troisième  ; 

Le  second  est  des  9/10  du  premier  ; 

Le  troisième  est  des  125/96  du  premier. 

Le  troisième  de  ces  talents  contient  2.500  tétradrachmes  attiques  ou  10.000 
drachmes  attiques. 

Si  nous  admettons  le  poids,  presque  universellement  admis,  de  17  gr.  pour  le 
tétradrachme,  soit  de  4  gr.  25  pour  la  drachme,  on  trouve  que  le  troisième  talent 
pèse  42  k.  500  gr. 

Sur  cette  base,  le  premier  talent,  qui  vaut  91/125  du  troisième,  se  trouve  peser 
32  k.  640  gr.  et  le  second,  qui  est  des  9/10  du  premier,  ressort  à  29  k.  376  gr. 

Les  auteurs  indiqués,  entre  nombre  d'autres  désignations,  appellent  le  premier 
talent  :  talent  babylonien  ;  le  second  :  talent  assyrien  et  le  troisième  :  talent  égyptien . 

Sans  attacher  plus  d'importance  que  de  raison  à  ces  désignations,  on  a  donc  : 

Talent  babylonien  :  32  k.  640  gr.  ; 

Talent  assyrien  :  29  k.  376  gr.  ; 

Talent  égyptien  :  42  k.  500  gr. 

Le  talent  assyrien  apparaît  comme  en  relation  directe  avec  le  talent  babylonien, 
par  retranchement  de  I/IO,  à  moins  que  le  talent  babylonien  n'ait  été  formé  en 
•ajoutant  1/9  au  talent  assyrien. 

Le  talent  égyptien  apparaît  également  comme  apparenté  au  talent  babylonien. 
En  effet,  si  l'on  ajoute  au  poids  de  ce  dernier        .        .        •        .        32  k.  610 

le  quart  de  son  poids,  soit  :  S  k.  160 

On  obtient  le  Ganthar  babylonien,  qui  pèse 40  k.  800 

Or  le  talent  égyptien  pèse  les  100/96  ou  les  25/24  du  Ganthar  babylonien.  Gette 
proportion  de  24  à  25  est  constante  dans  la  métrologie  ancienne.  Sans  sortir  du 
domaine  perso-babylonien,  notons  que  96  dariques  fortes  (époque  Sassanide) 
valaient  100  dariques  faibles. 

Ces  éléments  une  fois  indiqués,  passons  immédiatement  à  l'examen  des  éléments 
-d'un  poids  célèbre  :  la  Pile  de  Charlemagne. 

LiYBE  ET  Pile  de  Chablemagne. 

La  division  Carthaginoise  du  talent  dit  assyrien  est  la  suivante  : 

Drachme I  3  gr.  672 

Mine I    100  367  gr.  20 

Kikkar I    60  6000  29  k.  376  gr. 

Si  l'on  ajoute,  au  kikkar,  le  quart  de  son  poids,  7  k.  344  gr. 

on  obtient  le  poids  du  Canthar  assyrien  du  blé,  soit  36  k.  720  gr. 
lequel  contient  100  mines  de  367  gr.  20  l'une. 


P«  51 6«]  COMMUNICATIONS  [1908* 

A  noter  qne  si  Ton  retranche  1/9  des  36  k.  720  gr.  da  Canthar  assyrien  da  blé^ 
Ton  retronTe  les  32  k.  640  da  poids  da  talent  babylonien. 

La  Pile  de  Charlemagne,  étalon  de  poids  qui  se  troave  an  Conservatoire  des 
Arts  et  métiers,  pèse  12  k.  342  gr.  Si  Ton  maltiplie  ce  poids  par  trois,  Ton  obtient 
36  k.  726  gr.,  soit  6  gr.  sealement  de  pins  qae  le  poids  du  Canthar  assyrien.  La  Pile 
de  Charlemagne  est  donc  du  tiers  de  Canthar.  Le  même  Canthar  contient  100  mines 
Carthaginoises  de  367  gr.  20  Tune  ;  la  Pile  de  Charlemagne  représente  donc  le  tiers 
de  100  mines  soit  33  mines  1/3,  à  cela  près  de  6  grammes  sur  Tensemble. 

Cet  écart  de  tolérance  (1/6000°^  environ)  est  absolument  insignifiant,  surtout  si 
Ton  tient  compte  du  fait  que  les  anciens  instruments  de  pesage  n'avaient  pas,  à 
beaucoup  près,  la  précision  de  ceux  actuels. 

Nous  concluons,  de  ces  rapprochements,  que  nos  calculs  sur  le  poids  théorique 
du  talent  assyrien  se  trouvent  absolument  justifiés  par  la  comparaison  effectuée 
avec  la  Pile  de  Charlemagne,  ce  qui  entraîne  Texactitude  de  tous  les  autres  calculs, 
puisque  les  trois  talents-types  sont  en  rapports  proportionnels  entre  eux. 

D'après  ce  qui  précède,  la  Pile  de  Charlemagne  contient  33  1/3  mines  Cartha- 
ginoises, autrement  dit,  un  même  nombre  de  livres  de  Charlemagne,  qu'elle  fait 
ressortir  à  367  gr.  260  Tune.  Or,  d'après  les  pesées,  la  livre  de  Charlemagne  est  de 
367  gr.  262.  Cela  veut  dire  que  la  moyenne  d'usage  excède  seulement  de  2  milli- 
grammes par  livre  le  poids-étalon  donné  par  la  Pile. 

Au  temps  de  Charlemagne,  la  mine  Carthaginoise  était  en  usage  en  Sicile  et 
sur  la  plupart  des  bords  de  la  Méditerranée.  Cet  empereur  n'a  donc  pas  eu  à  faire, 
pour  la  connaître,  de  recherches  dans  l'antiquité. 

Toujours  il  a  été  allégué  que  la  livre  de  Paris,  contenant  16  onces,  avait  été 
constituée  en  ajoutant  un  tiers,  soit  quatre  onces,  à  la  livre  de  Charlemagne.  Le 
fait  apparaît  absolument  exact. 

£n  effet,  si  l'on  divise  par  cent  le  poids  triplé  de  la  pile  de  Charlemagne,  soit 
36  kil..726  gr.,  on  a,  pour  la  livre,  367  gr.  260.  £n  ajoutant,  à  ce  chiffre,  son  tiers,^ 
l'on  obtient,  pour  la  livre  de  Paris,  469  gr.  680. 

Or,  lors  des  travaux  qui  ont  précédé  l'établissement  du  système  métrique,  la 
livre  de  Paris  a  été  évaluée,  d'après  la  moyenne  des  étalons  existant  alors,  à 
469  gr.  683.  Elle  n'avait  donc  augmenté,  dans  l'intervalle  de  dix  siècles  environ  qui 
sépare  le  règne  de  Charlemagne  de  la  révolution  française,  que  de  3  milligrammes. 

L'OSSELBT  DV  SüSE. 

Nous  avons  indiqué  plus  haut  que  le  talent  égyptien  ressort,  en  poids  français, 

à 42  k.  500  gr. 

En  l'augmentant  de  son  dixième,  soit  de       .  .  4  k.  250  gr. 

on  obtient  le  poids  du  Canthar  de  l'huile  dit  de  Memphis,  soit  46  k.  750  gr. 

Si  l'on  double  ce  poids,  l'on  a  93  k.  500  gr. 

Selon  M.  de  Villefosse,  l'osselet  de  Suse  pèse  précisément  93  k.  500  gr.  D'après 
M.  Haussoulier,  il  s'agirait  de  93  k.  700  gr.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  légères  diffé- 
rences, l'on  peut  dire  que  l'osselet  de  Suse  représente  le  poids  de  deux  Canthars- 
de  Memphis. 


1908.]  COMMUNICATIONS  [P,  517« 


COMMUNICATIONS. 

V. 

L'expédition  ethnographique 
du  Prof.  D'  K.  ^Weule  dans  l'Afrique  Orientale  Allemande  en  1906 

par  A.  VAN  Gennep. 


J'ai  eu  le  plaisir,  il  y  a  quelques  années,  de  faire  &  Leipzig  la  connaissance  de  M.  Weule, 
alors  conservateur-adjoint  du  Grassi-Museum.  Il  avait  deux  projets  :  réorganiser  le  musée 
ethnographique  et  lui  acquérir  son  autonomie  ;  faire  une  expédition  dans  l'Afrique  orientale 
allemande.  Il  a  réussi  des  deux  côtés  ;  le  Musée  se  développe  grâce  à  Tintelligente  contribu- 
tion qu'apportent  à  M.  Weule,  qui  en  a  été  nommé  directeur,  les  citoyens  riches  de  Leipzig  ; 
d'où  les  Publications  du  Musée,  dont  plusieurs  ont  été  analysées  ici-même.  Quant  à  l'explo- 
ration projetée,  elle  fut  subventionnée  par  la  «  Commission  pour  Texploration  géographique 
et  ethnographique  des  colonies  et  protectorats  allemands  ». 

Un  soulèvement  d'indigènes  empêcha  M.  Weule  de  suivre  l'itinéraire  qu'il  s'était  tracé  : 
les  autorités  l'obligèrent  à  modifier  son  plan  et  à  étudier  les  populations  du  Lindi.  du 
Mikindani  et  du  Rowuma,  dans  la  région  méridiorale  de  la  colonie.  En  définitive,  le  hasard 
a  bien  fait  les  choses,  car  de  même  que  la  publication  presque  simultanée  du  livre  de  Merker 
sur  les  Masaï  allemands  et  de  Hollis  sur  les  Masaï  anglais  a  permis,  il  y  a  quelques  années, 
de  se  faire  une  idée  précise  de  l'organisation  entière  de  cette  population,  coupée  en  deux  par 
des  arrangements  politiques,  de  même  les  deux  publications^  de  M.  Weule  viennent  fournir 
des  points  de  comparaison  fort  importants  à  celles  de  Miss  Werner  sur  les  Wayao-,  les 
Angoni,  les  Makonde  et  les  Makua,  de  R.  Sutherland  Rattray  sur  les  Angoni,  etc.'  de 
l'Afrique  Centrale  Britannique. 

En  se  reportant  aux  cartes,  détaillées  au  point  de  vue  ethnographique,  de  Miss  Werner 
et  de  M.  Weule,  on  verra  que  les  populations  énumérées  sont  éparpillées  sur  un  territoire 
immense,  et  réparties  chacune  en  petits  groupes  séparés  par  des  groupes  d'autres  tribus. 
Cet  enchevêtrement  a  eu  pour  effet  d'uniformiser  tendantiellement  la  civilisation  matérielle, 
et  de  conduire  par  contre  à  un  renforcement  des  institutions  spéciales  sur  lesquelles  se  fonde 
le  maintien  de  chacune  des  sociétés  différentes  :  classes  d'âge  et  sociétés  secrètes.  Sur  ces 
deux  points,  M.  Weule  nous  fournit  des  renseignements  d'un  haut  intérêt,  d'autant  plus 
précieux  que  les  phases  de  plusieurs  cérémonies  ont  pu  être  photographiées  par  lui.  On 
remarquera  combien  les  deux  livres  de  M.  >A'eule  sont  pleins  de  faits  utiles,  et  dénués  du 
fatras  auquel  nous  ont  accoutumé  les  amateurs.  L'explorateur  savait  ce  qu'il  avait  à 
observer  ;  il  pouvait,  grâce  à  ses  connaissances  de  spécialiste,  discerner  ce  qu'il  voyait  de 
nouveau  de  ce  que  d'autres  avaient  vu,  et  dit,  avant  lui. 

A  ce  point  de  vue,  le  récit  détaillé  de  son  voyage  est  fort  intéressant.  Ecrit  avec  bonne 
humeur,  jovialité  même,  il  donne,  par  une  superposition  de  petites  remarques  précises, 
une  impression  très  nette  de  la  complexité  réelle  de  la  psyché  nègi*e.  M.  Weule  a  gagné  la 
confiance  des  gens,  non  seulement  par  ses  appareils  jugés  magiques,  et  qui  pourtant  ne 
faisaient  aucun  mal,  mais  en  leur  prêtant  des  albums  pour  y  dessiner  à  leur  aise.  En  ce 


*  Wissenschaftliche  Ergebnisse  meiner  Ethnographischen  Forschungsreise  in  den  Südosten 
I>eutsch'OstafHhas,  Mitteil,  aus  den  D.  Schutzgebieten,  Ergänzurgsbeft  n«  1,  Berlin,  E.  S. 
Mittler  und  Sohn,  1908,  4?,  150  pages,  63  pl.,  1  carte  ;  3  marks. 

—  NegerUben  in  Ostafrika,  Ergebnisse  einer  ethnologischen  Forschungsreise,  Leipzig.  F.  A. 
Brockbaus,  1908,  8<^,  524  pages,  196  fig.  dont  4  pi.  en  couleurs,  1  carte  ;  10  marks.  Les  clichés  qui 
accompagnent  le  présent  article  ont  été  mis  gracieusement  à  notre  disposition  par  la  maison 
Brockhaus. 

*  MIps  A.  Werner,  The  Natives  of  British  Central  Africa,  Londres,  Constable,  1906,  6  sh. 

'  R.  S.  Rattiay,  Some  folk-lore,  stories  and  songs  in  chinyanja  (aTec  notes  importantes, 
d'ordre  descriptif  et  compMratif),  in  18,  Londres,  Soc.  Prom.  Chr.  Knowl.,  1907. 


p.  518.] 


R 


E 


E 


[1908. 


moment,  en  Allemagne,  le  dessin  des  enfants  et  des  «  primitifs  »  est  étonnamment  à  la  mode. 
M.  Verworn,  M.  Vierkandt  et  bien  d'autres  en  ont  fait  leur  étude  préférée;  et  Ton  me  dit 
que  l'historien  Karl  Lamprecht,  converti  depuis  peu  d'années  à  l'ethnographie  et  à  la 
méthode  comparative  dans  toute  son  étendue,  a  réuni  une  collection  proprement  énorme  de 
dessins  de  cet  ordre.  M.  Weule  en  a  rapporté  de  pleins  albums,  où  Ton  trouve  de  tout,  entre 
autres  la  carte  ci-joint  (fig.  31),  qui  constitue  une  importante  contribution  à  l'étude,  commen- 


I 


Fig.  31. 

Carte  de  la  grande  voie  des  caravanes,  avec  ses  embranchements  de  Dar-es-Salam  (1) 
à  Ujiji  sur  le  Tanganika  (14)  et  Muanza  sur  le  Victoria-Nyanza  (15). 

cée  depuis  peu,  des  débuts  de  la  cartographie  (Océaniens,  Youkaghires,  Esquimaux,  etc.).  Le 
récit  du  voyage  est  abondamment  illustré  de  tels  desseins,  et  l'on  remarquera  que  1« 
portraits  sont  assez  rares,  au  lieu  que  les  scènes  de  la  vie  quotidienne,  et  surtout  celles  qui 
rappellent  à  l'artiste  un  moment  de  son  existence,  sont  le  genre  préféré  de  beaucoup.  Quel- 
ques-unes de  ces  scènes  sont  très  compliquées  et  le  procédé  pour  l'indication  des  plans  est 
exactement  celui  de  nos  enfants.  On  rattache  les  diverses  scènes  les  unes  aux  autres  par  des 
lignes  plus  ou  moins  ondulées,  de  manière  à  indiquer,  comme  par  un  fil  d'Ariane,  la  voie 
qu'il  faut  suivre  pour  passer  de  l'un  des  éléments  du  dessin  aux  suivants. 

La  civilisation  matérielle  des  populations  traversées  a  été  étudiée  dans  le  plus  grand 


Fig.  32. 
Serrure  des  Makonde. 


détail,  décrite  et  dessinée  avec  soin.  Il  est  vraiment  curieux  de  rencontrer  chez  les  Yao, 
Makonde  et  Makua  toute  une  série  d'instruments  qui  se  retrouvent  sans  doute  aussi  ailleurs, 
mais  non  pas  ensemble,  sinon  en  Europe  :  le  diabolo,  le  téléphone  des  enfants,  le  <«  cri  de  la 


1908.] 


COMMUNICATIONS 


[P*  519. 


belle-mère  »  ;  celui-eii  joue  dans  les  cérémonies  d'initiation  le  rôle  du  rhombe  d'autres 
populations.  Je  citerai  aussi  le  mode  intéressant  de  fermeture,  reproduit  ci-contre,  des 


Fig.  33. 
La  serrure  est  placée  en  dedans  de  la  porte. 

Makonde  (tig.  32  et  33),  et  le  réalisme  des  masques  makonde  (flg.  34)  utilisés  pendant  les 
cérémonies  de  l'iniiiation;  on  les  comparera  utilement  aux  scarillcations  sur  le  vivant 
(cf.  Wiss.  Erg.,  pl.'l  et  Negerleben,  passim)  (flg.  35)  et  sur  les  statuettes  en  bois  (Wiss. 
Erg,,  pi.  XXII).  Peut-être  ces  scarifications  ont-elles  été  autrefois  un  signe  tribal  :  mais 
elles  ne  le  sont  pas  de  nos  jours,  pas  plus  par  exemple  que  dans  l'Afrique  occidentale 
française  (p.  ex.  en  Côte  d^Ivoire). 


Fig.  34. 
Masques  Makonde. 

L'étude  comparée  des  cérémonies  d'initiation  exigerait  de  longs  développements  : 
comme  j'espère  l'avoir  démontré  dans  mes  Rites  de  Passage  (sous  presse)  elles  n'ont  aucun 
rapport  essentiel  avec  la  puberté  physiologique,  mais  marquent  seulement  ce  que  j'ai  appelé 
la  «  puberté  sociale  ».  Ceci  par  exemple  est  très  net  pour  les  Yao,  où  les  cérémonies  d'initia* 
tien  des  tilles  commencent  vers  les  7^-9*  années  pour  ne  se  terminer  qu'après  la  naissance  du 


^  Sur  la  répartition  mondiale  de  cet  instrument,  cf.  H.  Balfour,  The  friction-^rum,  Joum. 
Anthrop.  lost.,  t.  XXXVII  (1907)  p.  67  —  92  et  pi.,  qui  l'a  retrouvé  en  Afrique  :  chez  les  Barotse, 
dan»  l'Angola,  au  Congo,  chez  les  Wanika,  ches  les  Ashanti  et  en  Egypte  ;  l'obserTation  de 
M.  Weule  a  donc  son  importance. 


p.  520.] 


R    •    E 


E 


[1908. 


premier  enfant,  les  étapes  étant  au  nombre  de  quatre  :  l^  instruction  sexuelle  ;  2»  fête  de  la 
première  menstruation  ;  3<»  la  premiéra  grossesse  ;  4°  accouchement  du  premier  enfant  et 
soins  à  lui  donner. 


Fig.  35. 
Femme  Makonde,  avec  scarifications  ornementales. 


Enfin  dans  son  récit  de  voyage,  M.  Weuie  a  relevé  toutes  les  traces  qu'il  a  pu  d'influences 
étrangères,  comme  en  témoigne  entre  autres  une  porte,  ornée  d'un  swastika.  C'est  donc 
bien,  comme  l'indique  le  titre,  un  tableau  à  tous  les  points  de  vue  de  La  Vie  Nègre 
dans  l'Afrique  Orientale  que  nous  donne  M.  Weule,  tableau  précis  et  coloré,  et  très  bien 
présenté. 


1908.]  ANALYSES.  [P.  621. 


ANALYSES. 


D'  Abnold  WadiiBB,  Die  Verbrechensbewegung  im  östlichen  Europa.  I.  Band.  Die 
Kriminalität  der  BàtkanVmder.  Ein  Beitrag  zur  internationalen  Verbrechens- 
Jcunde  und  zur  Methode  der  Kriminalstaiistik.  Mit  107  Tabellen  und  12  Dia- 
grammen. München,  1908.  Hans  Sachs-Verlag  (Otto  Schmidt-Bertsch),  in-8^, 
265  pages. 

Gomme  on  le  voit  par  le  simple  énoncé  complet  du  titre,  ce  livre  dédié  au 
statisticien  Georg  Yon  Mayr  de  l'université  de  Munich  est  avant  tout  une  contribu- 
tion à  Tétude  de  la  statistique  criminelle.  Son  intérêt  se  manifeste  donc  plutôt  dans 
Tappareil  des  matériaux  rassemblés  et  mis  en  œuvre  que  dans  les  résultats  d'en- 
semble susceptibles  d'être  dégagés  de  ces  données  mêmes  de  la  statistique  sur  le 
problème  de  la  criminalité  en  général.  Le  choix  des  Balkans  où  M.  Wadler  a  fait 
un  séjour  important  —  ai-je  besoin  de  Taj outer  —  lui  a  paru  utile  à  la  méthodolo- 
gie de  cette  branche  de  la  science  du  droit  pénal  en  raison  de  la  variété  du  pays,  au 
point  de  vue  national,  social  et  confessionnel.  L'auteur  a  voulu  cependant  que  son 
<Bavre  fut  moins  didactique  que  descriptive.  Au  reste  voici  la  table  des  matières  de 
ce  livre.  Sources.  I)  Les  éléments  objectifs  de  la  criminalité.  A)  L'administration 
de  la  justice.  1)  Le  droit  pénal.  Ses  particularités.  La  peine  de  mort.  2)  Délinquants 
arrêtés  et  non  arrêtés.  3)  Condamnation  et  acquittement.  B)  Caractère  de  la  crimi- 
nalité. 4)  Les  genres  de  crimes.  5)  Récidive  et  complicité.  C)  Rapports  généraux. 
6)  Prix  des  vivres  et  criminalité.  7)  Crises  économiques  et  crises  de  la  criminalité. 
8)  Influence  de  la  saison.  Epoque  de  la  criminalité.  II)  Les  éléments  subjectifs  de 
la  criminalité.  A)  Les  facteurs  biologiques.  9)  Le  sexe.  10)  L'âge.  11)  La  race. 
B)  Les  facteurs  sociaux.  12)  L'état  civil.  13)  La  profession.  14)  Le  lieu  d'origine. 
(La  ville  et  la  campagne).  15)  La  situation  de  fortune.  16)  L'instruction.  17)  La 
confession  religieuse. 

Au  point  de  vue  des  sources  W.  explique  que  son  information  est  de  première 
main  puisqu'il  a  puisé  le  plus  souvent  à  toutes  les  statistiques  officielles  :  là  où  il 
n'a  pu  en  trouver  il  s'est  efforcé  d'y  suppléer  par  voie  d'analogie.  C'est  la  Grèce  qui 
possède  les  statistiques  les  plus  anciennes  (elles  datent  de  1857).  W.  a  utilisé  toutes 
celles  qui  vont  de  1890  à  1902,  mais  leur  valeur  en  serait  à  son  avis  bien  énigma- 
tique  attendu  qu'il  n'y  est  rien  dit  sur  la  nature  des  crimes  commis. 

La  Roumanie  a  également  une  statistique  très  ancienne  (1864)  :  il  en  a  étudié 
la  période  s'étendant  des  années  1864  à  1899.  Le  défaut  principal  de  cette  statistique 
serait  de  ne  se  fonder  que  sur  le  nombre  des  accusés  et  non  sur  celui  des  condam- 
nés ;  les  conditions  du  status  personnel  n'y  sont  pas  suffisamment  notées  ;  elle 
»^attache  surtout  à  la  race  et  comporte  de  ce  chef  des  rubriques  très  détaillées  sauf 
en  ce  qui  concerne  la  profession  mais  le  degré  d'instruction  est  pris  en  considéra- 
tion. C'est  la  Serbie  qui  a  la  meilleure  statistique  :  on  y  tient  compte  de  la  profes- 
sion des  condamnés.  Par  contre  on  regrette  qu'il  n'y  ait  pas  une  grande  concordance 
entre  la  statistique  démographique  et  la  statistique  criminelle. 

La  Bulgarie  n'a  point  encore  publié  de  statistiques  ainsi  que  la  Turquie  et  le 
Monténégro.  —  Comme  législation,  pas  de  droit  pénal  autochtone  dans  ces  pays  sauf 


p.  522.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

au  Monténégro  où  le  droit  antique  repose  en  grande  partie  sur  le  droit  coutumier  ; 
partout  ailleurs  c^est  le  code  pénal  français  qui  a  servi  de  modèle.  En  outre  la  loi 
prussienne  de  1861  et  le  droit  bavarois  de  1813  sont  en  vigueur  en  Grèce.  Ces  codée 
ont  été  complétés  par  des  novelles  les  adaptant  aux  pays,  notamment  en  ce  qui 
concerne  la  peine  de  mort  supprimée  par  la  Grèce  et  la  Roumanie  dont  les  gouver- 
nements avaient  suivi  les  premiers  le  mouvement  abolitionniste.  Cependant  la  peine 
capitale  réintroduite  en  Grèce  depuis  est  fréquemment  appliquée  au  Monténégro  et 
en  Serbie. 

Il  y  a  peu  de  temps  d^ailleurs,  elle  pouvait  être  prononcée  en  cas  de  crime 
contre  la  propriété  alors  que  Ton  constatait  en  même  temps  un  excès  de  douceur  k 
regard  des  bandits  (heiducs).  W.  fait  ressortir  à  ce  propos  sur  cette  question  du 
brigandage  dans  les  Balkans  Timpuissance  des  autorités  et  Timpéritie  de  la  police. 
En  outre  en  Serbie  règne  encore  le  principe  de  l'inquisition.  Il  faut  tenir  compte 
aussi  que  la  compétence  de  la  Cour  d'assises  est  très  limitée.  —  Ces  constatations 
conduisent  Tauteur  à  quelques  développements  intéressants  consacrés  aux  délin- 
quants arrêtés  et  non  arrêtés.  Il  donne  sur  ce  point  sa  plus  complète  adhésion  à 
cette  proposition  formulée  par  Quetelet  :  «  Tout  ce  que  nous  possédons  sur  la 
statistique  des  crimes  et  des  délits  ne  pourrait  être  d'aucune  utilité,  si  Ton  n'ad* 
mettait  pas  tacitement  qu'il  existe  un  rapport  à  peu  près  invariable  entre  les  délits 
commis  et  jugés,  et  la  somme  totale  inconnue  des  délits  commis  ».^  Or  Ton  ne  peut 
négliger  absolument  ces  derniers  ;  il  est  utile  de  s'en  occuper,  ne  serait-ce  que  pour 
critiquer  la  police  criminelle.  Ceux  de  la  Serbie  permettent  quelque  documentation 
à  ce  sujet.  La  statistique  des  délinquants  saisis  révèle  que  le  pourcentage  des  indi- 
vidus arrêtés  s'est  sensiblement  accru  et  a  même  doublé  bien  que  n'atteignant  pas 
encore  le  25  ®/o.  W.  émet  —  ce  qu'il  déclare  lui-même  un  paradoxe  —  cette  opinion 
que  plus  il  y  a  de  crimes  commis  moins  l'on  arrête  de  délinquants.  La  raison  en  est 
dans  la  criminalité  des  bandits.  Autrefois  ces  bandits  passaient  pour  des  héros  ;  on 
n'aurait  su  les  offenser  plus  gravement  en  les  traitant  de  voleurs  ou  de  Don  Juan 
(l'original  porte  ce  mot  plus  expressif  «  Frauenschänder  »).  Un  véritable  beiduc  ne 
frappera  jamais  un  homme  qui  ne  lui  fait  point  de  mal.  Respectueux  envers  les 
femmes,  il  Test  également  envers  les  enfants  et  les  vieillards,  etc.  (p.  20).  De  plus  en 
plus  cependant  il  perd  cette  auréole  auprès  du  peuple  et  on  finit  par  le  traiter  en 
conséquence.  Le  brigand  des  Balkans  donne  à  la  statistique  une  physionomie 
spéciale  :  c'est  avant  tout  un  incendiaire  et  un  meurtrier.  La  Serbie  tient  la  tète 
dans  cette  statistique  des  incendiaires.  L'auteur  remarque  en  passant  que  l'Alle- 
magne dont  la  population  est  plus  de  vingt  cinq  fois  supérieure  à  celle  de  ce  pays 
aurait  à  peu  près  le  même  nombre  de  criminels  de  ce  genre.  En  revanche  la  Bosnie 
et  l'Herzégovine  ont  été  presque  complètement  débarrassées  des  incendiaires  grâce 
à  l'énergie  du  gouvernement  austro-hongrois.  En  Croatie  cette  classe  de  délinquants^ 
est  encore  très  importante  bien  qu'inférieure  toutefois  à  celle  de  la  Serbie.  Au 
point  de  vue  des  meurtres,  si  sur  la  carte  de  la  statistique  la  Sicile  figure  au  premier 
rang  avec  le  chiffre  de  30  sur  100000  habitants,  la  Serbie  vient  immédiatement  en 
second  lieu  avec  19  et  c'est  encore  le  cas  d'observer  que  l'Allemagne  passe  bien 
après  la  Serbie  et  peut-être  aussi  la  Roumanie.  Plus  exactement  l'assassinat  a 
diminué,  mais  le  meurtre  proprement  dit  a  augmenté.  On  signale  il  est  vrai  dans 
certains  pays  des  Balkans  une  diminution  marquée  dans  le  nombre  de  personnes 


^  Physique  sociale  ou  essai  sur  le  développement  des  facultés  de  Vhomme^  Bruxelles  et  PsTÎh 
1869,  tope  S,  p.  251. 


1908.]  ANALYSES.  [P«  523. 

•condamnées  pour  meurtre  mais  cette  diminutien  se  justifierait  aisément  diaprés  W. 
par  la  supériorité  de  Torganisation  des  brigands,  constitués  en  redoutables  associa- 
tions criminelles,  sur  celle  de  la  police.  En  somme  et  comme  conclusion  de  tout  ceci  : 
Le  brigandage,  que  la  population  excuse  d^ailleurs  trop  facilement  en  ce  sens  qu'elle 
y  est  peut-être  un  peu  portée,  n'est  pas  actuellement  sur  le  point  de  disparaître  des 
pays  balkanais.  Il  faut  croire  que  la  valeur  de  la  vie  humaine  n^  est  pas  encore  suffi- 
samment appréciée.  —  L'auteur  arrive  alors  au  chapitre  condamnation  et  acquitte- 
ment. La  statistique  que  fournit  la  Serbie  lui  permet  de  constater  que  plus  de  la 
moitié  des  accusés  ont  été  acquittés  de  1881  à  1905  :  il  explique  ces  acquittements 
en  partie  par  Tinsuffisance  des  preuves  apportées  devant  la  justice.  W.  indique  par 
parenthèses  que  toute  population  ne  réagit  pas  de  la  même  manière  sur  les  mêmes 
crimes,  ce  qui  rend  difficile  et  presque  impossible  les  comparaisons  internationales 
{p.  30).  Etudiant  ensuite  le  caractère  de  la  criminalité  et  les  différentes  catégories 
de  crimes,  W.  critique  aussitôt  la  division  classique  en  crimes  contre  la  chose 
publique,  crimes  contre  la  vie  des  personnes,  crimes  contre  la  propriété  et  crimes 
de  fonctionnaires.  Ce  qui  intéresse  les  statisticiens,  ce  sont  surtout  les  mobiles  du 
crime  ainsi  que  Timportance  du  dommage  causé.  Cependant  la  statistique  est  tou- 
jours guidée  par  la  vieille  classification.  En  Serbie,  si  Ton  prend  la  moyenne  des 
années  1888-1905,  on  a  tout  d'abord  une  majorité  de  crimes  contre  la  propriété, 
puis  des  crime  contre  la  vie  des  personnes,  en  troisième  lieu  de  crimes  contre  la 
chose  publique  ;  les  crimes  commis  par  les  fonctionnaires  occupent  le  tout  dernier 
rang.  Mais  en  réalité  la  prédominance  des  crimes  contre  la  propriété  ne  date  que 
depuis  fort  peu  de  temps.  La  sévérité  du  juge  serbe  se  manifeste  non  seulement  par 
sa  disposition  plus  grande  à  condamner  mais  aussi  et  surtout  par  Timportance  de 
la  peine  prononcée.  W.  tient  encore  à  observer  que  Tapplicatioo  de  la  peine  est 
elle  aussi  un  facteur  de  la  criminalité  qui  avec  les  autres  est  sujet  à  la  loi  de 
révolution  (p.  42),  Il  faut  d'ailleurs  noter  précisément  dans  ce  sens  que  cette  sévé- 
rité s'est  déjà  singulièrement  mitigée. 

La  peine  de  mort  qui  pouvait  autrefois  être  prononcée  en  cas  de  crimes  contre 
ia  propriété,  comme  on  Ta  indiqué  au  début,  ne  l'est  plus  depuis  1892.  Là  encore 
^  vérifierait  Texactitude  du  mot  de  Iheriog  «  L'histoire  de  la  peine  est  une  aboli- 
tion constante  ».  Le  délit  le  plus  commun  est  le  délit  forestier.  Un  décret  de  1884 
prescrivant  Tinscription  au  cadastre  des  propriétés  foncières  n'a  fait  qu'accroître 
rincertitude  déjà  régnante  :  pour  ne  pas  inscrire  moins,  les  gens  ont  fait  inscrire 
davantage.  D'un  autre  côté  beaucoup  de  forêts  étaient  biens  communs  et  la  popula- 
tion ne  pouvait  pas  s'accommoder  de  la  loi.  Ce  qu'il  faut  encore  une  fois  retenir,  c'est 
l'importance  du  banditisme  et  du  brigandage  qui  a  atteint  en  moyenne  3,64  ^/o  et 
même  certaines  années  5  %  ;  l'escroquerie  et  l'abus  de  confiance  sont  choses  rares 
dans  ces  pays  où  le  commerce  et  l'industrie  ne  sont  pas  encore  très  développés.  Très 
peu  de  crimes  ou  de  délits  touchant  à  l'honneur,  non  que  la  population  balkanaise 
réagisse  moins  que  toute  autre  population  contre  les  injures  ou  diffamations,  mais 
elle  le  fait  autrement  (on  sait  comme). 

L'élément  de  la  justice  privée  joue  ici  un  grand  rôle  qui  doit  évidemment  contri- 
buer au  chiffre  important  des  actes  de  violence  délictueux.  Les  attentats  aux  mœurs 
sont  peu  nombreux.  Peu  de  crimes  politiques  également,  mais  par  contre  les  abus  de 
pouvoir  de  la  part  des  fonctionnaires  vont  en  augmentant  chaque  jour  davantage.  En 
Roumanie  de  même  qu'en  Serbie  l'auteur  relève  la  supériorité  numérique  des  meur- 
tres sur  les  délits  de  coups  et  blessures  graves.  En  Grèce  la  catégorie,  crimes  contre 
là  propriété  n'est  pas  la  moins  importante.  Avant  1904  la  statistique  donnait  pour  les 


p.  524.]  •    R    *    E    ^    E    *  ^  • [1908. 

Tols  le  chiffre  de  47,26  %,  soit  presque  la  moitié  des  crimes  ;  l'escroquerie  et  Tabus 
de  coufiance  y  tenaient  avec  les  toIs  une  place  sérieuse.  Dans  la  période  de  1900  à 
1904  on  constate  un  ralentissement  notable  dans  la  marche  de  la  criminalité  :  d^une 
part,  aucune  condamnation  n'a  été  prononcée  pour  révolte  et  sédition,  d'autre  part 
le  chiffre  des  délinquants  en  matière  de  crimes  contre  la  propriété  est  tombé  de 
2357  à  573.  Les  cas  de  brigandage  ne  sont  guère  quHsolés  et  les  incendiaires 
deviennent  plus  rares,  mais  malheureusement  le  nombre  de  crimes  avec  effusion  de 
sang  s'accroit  toujours  d'une  manière  continue.  Plus  spécialement,  si  Tassassinat 
proprement  dit  a  diminué,  les  meurtres  simples  ont  augmenté.  Le  nombre  considé* 
rable  de  meurtriers,  c'est-à-dire  de  délinquants  qui  agissent  sous  Tcmpire  delà 
passion  plutôt  qu'avec  préméditation  explique  le  chiffre  insignifiant  des  récidivistes 
de  cette  catégorie  (meurtres  :  13,8,  tentatives  de  meurtre  :  6,3,  coups  mortels  :  10,1, 
coups  et  blessures  :  3,1,  alors  que  pour  les  crimes  contre  la  sûreté  de  TËtat  on  a 
27  "/o,  50  7o  pour  les  crimes  ou  délits  de  lèse  majesté  et  46  ^jo  pour  les  délits  de 
presse). 

W.  consacre  ensuite  un  long  chapitre  à  la  question  du  prix  des  vivres  et  de  la  cri- 
minalité. Les  prix  du  blé  n'entrent  en  ligne  de  compte  dans  la  question  concernant 
les  causes  de  la  criminalité  qu'en  tant  qu'ils  sont  un  symptôme  de  la  situation  écono- 
mique, p.  69.  G.  von  Mayr  avait  déjà  prouvé,  par  l'exemple  de  la  Bavière,  que  le 
nombre  des  vols  dépendait  en  raison  directe  du  prix  du  blé.  W.  adopte  cette  manière 
de  voir  et  fait  en  outre  remarquer  que  cette  dépendance  se  manifeste  encore  mieux 
dans  un  pays  agricole  que  dans  un  pays  industriel.  Cependant  avant  de  se  servir  de 
la  statistique,  il  faut  se  pénétrer  de  cette  idée  que  la  répercussion  des  conditions 
économiques  sur  la  criminalité  n'est  ni  mécanique  ni  immédiate.  Et  il  rappelle  à 
cet  égard  la  formule  de  Joseph  van  Kan  (Les  causes  économiques  de  la  criminaliiéj. 
Paris  —  Lyon,  1903,  p.  10)  :  «  Le  fameux  parallélisme  que  nous  allons  tant  de  fois 
rencontrer  dans  le  courant  de  notre  exposé,  réduit  à  sa  réelle  signification,  exprime 
donc  plutôt  une  concordance  entre  le  mouvement  de  la  criminalité  contre  les  pro- 
priétés et  le  mouvement  de  la  situation  économique  que  la  dépendance  causale  de 
ces  phénomènes  considérés  en  eux-mêmes  ».  Dans  une  étude  rapide  sur  les  crises 
économiques  et  les  crises  de  la  criminalité,  W.  montre  que  l'accroissement  de  la  cri- 
minalité serbe  en  1895  peut  facilement  se  ramener  à  la  crise  économique  qui  avait 
lieu  cette  année  là  dans  le  pays.  Mais  c'est  surtout  à  propos  du  brigandage  et  du 
vol  que  ce  parallélisme  est  le  plus  appréciable.  La  criminalité  des  femmes  et  des 
enfants  en  ces  temps  de  troubles  devient  plus  importante,  notamment  en  ce  qui 
concerne  les  délits  contre  la  propriété.  —  Sur  Tinfluence  de  la  saison  et  sur  l'époque 
où  se  commettent  les  différents  crimes,  W.  ne  dit  rien  de  bien  particulièrement 
intéressant.  Il  estime  que  le  matériel  de  la  statistique  est  trop  pauvre  pour  per- 
mettre d'établir  avec  précision  et  netteté  ce  çae  l'oua  très  pittoresqnement  appelé 
un  calendrier  criminel.  L'influence  de  la  saison  n'est  pas  aussi  certaine  qu'on 
pourrait  se  l'imaginer.  On  peut  dire,  il  est  vrai,  que  les  crimes  contre  la  personne 
sont  plus  nombreux  en  été  qu'en  hiver,  alors  que  ce  serait  l'inverse  pour  les  crimes 
contre  la  propriété.  W.,  assez  sceptique  sur  ce  sujet,  se  borne  à  montrer  par  la  statis- 
tique de  la  Serbie,  que  le  maximum  de  crimes  se  produit  en  janvier,  puis  viennent  les 
mois  d'octobre,  décembre,  février  ;  les  délits  forestiers  sont  plus  fréquents  en  hiver. 
Les  incendiaires  préfèrent  généralement  l'hiver.  Cela  n'a  rien  qui  puisse  nous 
étonner.  Il  faut  également  tenir  compte  des  conditions  météorologiques.  C'est  sur-* 
tout  pendant  la  nuit  que  les  incendiaires  font  leur  coup.  Nous  nous  en  doutions  bien 
un  peu.  On  peut  dire  que  les  observations  qui  suivent  dans  les  différents  para- 


1908.]         '  ANALYSES.  [P.  525, 

-graphes  sont  presque  à  l^avenant.  Sofia  cela  tient  à  la  nature  du  sujet  et  puis  en 
•ces  matières  plus  spécialement  ne  découvrons-nous  pas  tous  les  jours  T  Amérique? 
—  Des  éléments  objectifs,  Tauteur  passe  aux  éléments  subjectifs  et  il  en  vient  d'abord 
au  sexe.  En  thèse  générale  les  délinquants  féminins  sont  moins  nombreux  que  les 
délinquants  masculins.  Les  pays  balkanais  présentent  Tun  des  exemples  les  plus 
"topiques  à  Tappui.  Ainsi. en  Serbie  la  proportion  des  femmes  varie  entre  3,71  et 
-6,25  %.  —  La  paysanne  est  moins  criminelle  que  la  citadine  :  les  crimes  commis 
par  les  femmes  sont  plutôt  des  crimes  contre  la  personne  (infanticides,  assassinats) 
•que  contre  la  propriété.  Le  minimum  des  condamnations  prononcées  en  Europe 
contre  les  femmes  est  atteint  dans  les  Balkans  :  vient  immédiatement  après  la 
Russie.  Il  faut  en  chercher  assurément  les  causes  dans  la  condition  sociale  faite  à 
la  femme  ainsi  que  dans  l'état  de  civilisation  de  cette  contrée.  Le  sexe  féminin  y 
-est  encore  en  tutelle  perpétuelle  ;  sa  personnalité  et  sa  capacité  juridique  y  sont  à 
peu  près  nulles.  L'activité  criminelle  très  restreinte  que  la  femme  peut  déployer  cor- 
respond à  une  activité  économique  et  productrice  non  moins  restreinte.  En  passant 
4klors  à  l'âge,  on  relève  que  la  période  de  22  à  30  ans  fournit  le  plus  de  recrues  à  l'armée 
du  crime.  C'est  qu'à  cet  âge  on  est  appelé  à  devenir  indépendant  et  responsable  : 
il  s'agit  de  fonder  une  famille,  ou  de  créer  une  entreprise  commerciale,  les  pre- 
mières difficultés  inévitables,  la  misère  même  quelquefois  peuvent  en  résulter. 
Puis  vient  la  période  de  16  à  21  ans  ;  au  delà  de  30  ans  la  criminalité  décroit. 
A  noter  plus  particulièrement  quant  aux  femmes  que  ce  sont  les  délits  contre  les 
personnes  qui  sont  ordinairement  commis  par  le  groupe  le  plus  jeune  ;  en  Bulgarie 
par  exemple  c'est  la  période  de  18  à  21  ans  qui  parait  la  plus  importante  à  cet 
•égard.  —  Après  une  incursion  dans  l'étude  de  la  race  qui  permet  à  l'auteur  de 
montrer  combien  les  statistiques  sont  difficiles  à  établir  en  raison  de  l'hétérogénéité 
i3i  complète  de  la  population,  W.  consacre  les  dernières  pages  de  son  livre  à  ce  qu'il 
désigne  sous  le  terme  de  facteurs  sociaux  (état-civil  —  profession  —  lieu  et  domi- 
cile —  la  ville  et  la  campagne  —  la  fortune,  l'instruction,  les  différentes  confessions 
religieuses).  Voici  quelques  unes  de  ses  propositions  les  plus  iotéressantes.  Les 
personnes  mariées  prennent  aux  crimes  une  part  plus  considérable  qu'on  pourrait 
le  croire,  mais  plutôt  aux  crimes  contre  la  sûreté  de  l'Etat  que  contre  la  propriété. 

—  Les  femmes  veuves  ou  divorcées  fournissent  un  contingent  de  3  à  4  fois  supérieur 
à  celui  des  hommes  de  la  même  coodition  civile.  —  Les  mariages  précoces  assez 
courants  expliquent  le  chiffre  peu  élevé  des  attentats  aux  mœurs.  —  Les  habitants 
des  agglomérations  rurales  prennent  une  part  prépondérante  aux  crimes  contre  la 
propriété,  en  particulier  aux  délits  forestiers  ainsi  qu'aux  crimes  d'incendie  volon- 
^ire.  Les  paysans  propriétaires  ne  sont  pas  moins  criminels  que  les  paysans 
ouvriers  —  ils  l'étaient  sans  doute  autrefois  davantage  mais  actuellement  un 
-certain  état  d'équilibre  s'est  établi  entre  les  uns  et  les  autres.  —  L'institution  de  la 

propriété  collective  (Zadruga)  n'a  pas  une  influence  très  notable  sur  la  criminalité. 

—  Dans  la  classe  commerçante  ce  sont  les  crimes  contre  les  personnes  qui  sont  les 
plus  nombreux  alors  que  la  classe  industrielle  se  rapproche  par  contre  de  la  classe' 
agricole.  —  La  part  de  la  femme  est  encore  relativement  importante  dans  la  classe 
agricole,  elle  l'est  beaucoup  moins  dans  les  deux  autres  classes.  —  Les  infractions 
•commises  à  la  ville  ne  sont  pas  aussi  graves  que  celles  qui  sont  commises  à  la  cam- 
pagne. Cependant  le  meurtre  prémédité  est  plus  fréquent  à  la  ville  qu'à  la  cam- 
pagne. Le  nombre  des  délinquants  riches  a  baissé  de  moitié  —  celui  de  la  classe 
moyenne  est  plus  grand  tandis  que  le  nombre  des  pauvres  est  également  bien  tombé 
{après  avoir  atteint  son  maximum  durant  l'année  de  crise  agricole  et  politique  de 


p.  526.]  •    R    •    E    •    E    *    S    > [1908. 

1895).  Au  point  de  vue  de  rinstruction  il  y  avait  encore  en  Serbie  83  ^U  d'illettré» 
on  1890,  en  1900  leur  nombre  était  de  78  «"/o. 

En  Roumanie  c'est  encore  bien  pire.  On  a  pu  constater  naturellement  que  la 
part  des  couches  illettrées  monte  d'une  manière  générale  en  raison  directe  de  la 
gravité  des  crimes.  Les  chiffres  les  plus  élevés  de  Thomicide, remarquait  notre  auteur 
(p.  50)  en  s'appropriant  une  proposition  de  Téconomiste  Bouger  {CriminàlUé  ä 
conditions  écono^niqueSf  Amsterdam,  1905,  p.  686),  se  trouvent  là  où  se  trouve 
aussi  le  plus  grand  chiffre  des  analphabètes. 

Le  rapport  entre  les  diverses  confessions  religieuses  et  la  criminalité  n'est  pas- 
très  net  :  W,  se  défend  encore  ici  de  toute  conclusion  d'ensemble  tant  soit  peu 
formelle.  11  est  aussi  erroné,  dit-il,  de  faire  ressortir  d'une  participation  quelconque 
à  la  criminalité,  l'action  plus  ou  moins  moralisatrice  de  la  foi  que  de  vouloir  établir 
en  s'appuyant  sur  des  résultats  fournis  par  la  statistique  la  criminalité  spécifique 
plus  ou  moins  grande  des  non  croyants  et  des  croyants. 

Ces  conclusions  partielles  dans  tel  chapitre,  ces  ébauches  de  conclusion  dans 
tel  autre,  cette  absence  de  conclusion  par  ailleurs  ne  découragent  cependant  pas 
notre  auteur  qui  restera  vraisemblablement  fidèle  à  la  même  méthode  dans  le 
volume  qui  doit  suivre  et  qui  sera  relatif  à  la  Russie,  En  attendant  et  avant  de 
prendre  congé  du  lecteur,  à  la  fin  de  cette  première  étude,  M.  Wadler  émet  encore 
quelques  vœux  pour  l'établissement  d'une  statistique  criminelle  plus  complète,  plus^ 
méthodique,  plus  riche  en  rubriques  de  toutes  sortes  sur  l'âge,  le  sexe,  la  profes- 
sion, la  situation  de  fortune,  etc.  11  voudrait  aussi  qu'on  réservât  à  la  statistique 
une  place  plus  importante  dans  les  programmes  de  renseignement  supérieur. 

E.   BüBLE. 


1908.]  NOTICES   BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  527. 


NOTICES  BIBLIOGRAPHIQUES. 


A.  Thalhbimbr.  Beitrag  zur  KenntnUs  der  Pronomina  personalia  und  possessiva  der 
Sprachen  Mikronesiens,  Stuttgart,  1908,  in-S»,  96  p.,  J.  B.  Metzlersche  Buchhandlung, 
2,20  Marks.  —  Dans  ses  Sprachliche  Verhältnisse  Ozeaniens  (Mitteil.  Anthrop. 
Gesellsch.  in  Wien,  t.  XXIX,  p.  255),  le  père  W.  Schmidt  avait  posé  la  question  suivante  : 
les  langues  mélanésiennes  possèdent,  entre  autres  particularités,  un  suffixe  pronominal 
spécial  à  certains  substantifs,  un  duel  et  un  trial  pronominaux  ;  ces  pronoms  existent-ils 
Clement  dans  les  langues  de  la  Micronésie  ?  M.  T.  vient  d'y  répondre  dans  le  travail 
précité.  Los  langues  de  la  Micronésie  étudiées  sont  au  nombre  de  quatorze  :  langues  des 
îles  Oilbei-t,  Marshall  ;  de  Kusaie,  Ponape,  Ruk,  Mortlock,  Satawal,  Uleai,  Uluthi  (île 
Mackenzie)  et  Yap  de  Tarchipel  des  Carolines  ;  des  îles  Pelaü,  Merir  (Tobi),  Bunay 
(St  David,  Mapia)  et  Chamorro  des  Mariannes.  La  conclusion  très  netteet  jusUdéeen 
tous  points  de  M.  T.  se  résume  en  ceci  :  les  langues  de  la  Micronésie  étudiées  se  divisent 
en  deux  groupes  : 

I.  Langues  des  îles  Gilbert,  Marshall,  de  Kusaie,  Ponape,  Ruk,  Mortlock,  SatavaU 
Uleai,  Uluthi,  Yap,  Merir  et  Bunay  qui  sont  caractérisées  par  1»  division  des  substantifs 
en  deux  classes  dont  Pune  emploie  le  suffixe  possessif,  l'autre  n'en  fait  pas  usage  ; 
2^  absence  d'une  forme  nominale  passive  ;  3<>  absence  de  trial  en  fonction  de  pronom 
pluriel. 

II.  Langues  des  îles  Pelau  et  de  Chamorro  des  Mariannes  qui  sont  caractérisées,  au 
contraire,  par  1«  suffixation  du  suffixe  possessif  à  tous  les  substantifs  sans  exception  ; 
2»  suffixation  au  verbe  de  pronoms  personnels  ;  S»  forme  nominale  passive  avec  suffixe 
pronominal.  Ces  constations  permettent  de  rattacher  les  langues  du  premier  groupe 
aux  langues  mélanésiennes  et  celles  du  second  groupe  aux  langues  de  l'Indonésie.  On 
doit  savoir  gré  à  M.  T.  d'avoir  apporté  un  nouvel  élément  de  certitude  dans  la  délicate 
question  du  classement  des  langues  de  la  Micronésie  et  la  Mélanésie. 

Gabriel  Ferrand. 

R.  Paribeni.  Il  sarcofago  dipinto  di  Raghia  Triada,  Extrait  des  Monumenti  Antichi^ 
publiés  par  VAccademia  dei  Lincei.  in-4°,  86  p.,  23  fig.,  3  planches  en  couleur,  Rome, 
1908.  —  En  rendant  compte  de  l'ouvrage  du  P.  Lagrangé,  La  Crête  Ancienne  (cf.  REES, 
1908, 279),  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  signaler  ce  curieux  sarcophage  peint,  trouvé  par  la 
mission  italienne  près  du  Palais  de  H.Triada,  et  dont  le  P.L.  publiait  pour  la  première  fois 
des  croquis  malheureusement  défectueux.  L'intérêt  extraordinaire  que  présente  ce  monu- 
ment contemporain,  semble-til,  d'Aménophis  III  (Bas  Minoen  II)  a  amené  M.  Halbherr, 
le  directeur  des  fouilles  italiennes,  à  n'en  pas  différer  davantage  la  publication  attendue 
depuis  quatre  ans.  M.  Paiibeni,  à  qui  il  en  a  confié  le  soin,  s'en  est  acquitté  à  merveille. 
En  renvoyant  pour  l'analyse  détaillée  de  son  remarquable  mémoire  à  la  notice  que  j'ai 
publiée  dans  le  dernier  n<>  de  la  Revue  archéologique  pour  accompagner  les  dessins  faits 
«  d'après  ses  planches,  je  rappellerai  seulement  ici  le  sujet  des  quatre  panneaux  du  sarco- 
phage, en  signalant  les  questions  les  plus  curieuses  qu'ils  soulèvent.  Les  deux  petits  côtés 
présentent  chacun  un  char,  l'un  traîné  par  un  cheval  bleu-noir  et  par  un  cheval  jaune- 
alezan,  l'autre  par  une  paire  de  griffons  blanc,  jaune  et  bleu.  En  plus  de  leurs  vastes 
ailes,  les  griffons  portent  sur  la  nuque  une  arête  formé  de  plumes  raides,  ce  qui  les 
rapproche  plus  du  griffon  de  la  Chaldée  que  de  celui  de  l'Egypte.  Quant  aux  chevaux, 
ils  présentent  tous  les  caractéristiques  des  chevaux  barbes  ce  qui  tend  à  confirmer  la 
théorie  de  Ridgeway  sur  l'origine  libyenne  du  cheval  dans  le  bassin  oriental  de  la 
Méditerranée  (cf.  REES,  1908,  p.  178)  ;  les  chars  ont  la  forme  du  char  hittite  dont 
Studniczka  {Arch,  Jahrbuch,  1907)  a  récemment  montré  l'entrée  dans  le  ùionde  égéen 
par  Chypre  ;  le  sarcophage  nous  en  fournit  une  nouvelle  étape.  La  paire  de  personnages 
féminins  debout  sur  chaque  char  —  prêtresse  avec  les  chevaux,  déesses  avec  les  griffons  ? 
—  est  vêtue  de  la  grande  robe  qui,  laissant  nus  les  seins  et  les  épaules  et  serrée  à  la  taille, 
tombe  d'une  seule  pièce  jusqu'aux  chevilles  ;  pour  coiffure,  cette  sorte  de  turban  déjà 
connu  en  Crète.  L'une  d'elle  y  porte  une  plume  d'oiseau  fixée  comme  dans  une  toque 
jnodeme  ;  elle  a  devant  elle  un  oiseau,  qui  ressemble  fort  à  l'épervier,  attribut  d'Horus, 


p.  628>] ;_R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

en  tout  cas  huppé  comme  le  khu  —  r&me-oiseau  —  des  Egyptiens.  On  propose,  en  effet, 
d'y  reconnaître,  dans  l'oiseau  Tàme  du  défunt,  et,  dans  le  personnage  dont  la  peau  blan- 
che n'a  pas  l'éclat  que  le  peintre  prête  ordinairement  aux  carnations  féminines,  le  double 
de  ce  mort  dont  Tenveloppe  corporelle  se  dresse,  à  la  droite  d'un  des  grands  côtés,  devant 
un  édicule  qui  représente  sans  doute  un  tombeau  et  derrière  un  palmier.  Comme  cet 
arbro  même  [phoenix  daciylifera)^  le  motif  du  mort  recevant  les  offrandes  entre  le 
tombeau  et  l'arbre  funéraire  paraît  avoir  été  emprunté  à  TEgypte.  C'est  encore  à  l'Egypte 
que  ramène  la  barque  que  lui  présente  un  premier  personnage  ;  c'est,  par  contre,  le 
taui'eau  bondissant  de  Tirynthe  que  rappellent  les  deux  veaux,  figés  dans  la  même 
attitude,  qu'apportent  les  deux  personnages  suivants.  A  ce  premier  groupe,  fait  pendant. 
sur  la  même  face,  un  second  groupe  en  marche  vers  un  grand  cratère  placé  entre  deux 
troncs  de  palmier,  sortant  de  bases  pyramidales,  surmontés  d'une  hache  à  quatre 
tranchants  sur  laquelle  pose  un  oiseau  sombre,  corbeau  ou  colombe  noire  comme  celles 
de  Dodone,  le  tout  constituant  une  bien  curieuse  association  du  culte  de  l'arbre  avec 
celui  du  pilier  dont  il  affecte  la  forme,  de  celui  de  la  bipenne,  instrument  de  la  foudre, 
et  de  celui  de  l'oiseau,  messager  sans  doute  du  dieu  céleste,  étape  dans  ce  groupement 
des  attributs  qui  étonne  si  fort  une  fois  l'anthropomorphisation  achevée.  Une  première 
femme  verse  dans  ce  cratère  un  liquide  rouge,  du  sang  sans  doute,  ce  qui,  d'après  une 
scholie  (ad  Odyss,,  1476),  permet  de  donner  à  ce  vase  le  nom  crétois  d'amnio>t  ;  une 
autre  la  suit  portant  deux  urnes  coniques  connues,  comme  la  précédente,  par  les  dons 
des  Keftiu  sur  les  tombes  de  Rekhmara  et  de  Senmut  aux  extrémités  d'une  pei*cbe, 
les  cheveux  enveloppés  dans  une  coiffe  que  surmonte  une  sorte  de  couronne  ;  habillé  de 
la  même  façon,  mais  reconnaissable  comme  homme  par  le  brun  rouge  de  sa  peau  et  ses 
cheveux  crépus,  un  citharède  la  suit  ;  la  lyre  sur  laquelle  il  joue  est,  peut-être,  le  premier 
exemple  de  cet  instrument  qui  n'apparaît  aussi  en  Egypte  qu'après  les  conquêtes  asiati- 
ques de  la  XVIII«  dyn.,  et,  si  le  nombre  de  sept  que  ses  cordes  y  présentent  n'est  pas 
fortuit,  il  faudra  retirer  à  Terpandre  l'honneur  d'avoir  inventé  l'heptacorde. 

Sur  la  face  opposée  du  sarcophage,  plus  mutilée,  les  symboles  cultuels  sont  composés 
par  :  un  autel  portant  deux  paires  de  cornes  de  consécration  derrière  lequel  s'épanouit 
cet  olivier  (olea  europea)  qui  a  probablement  été  importé  de  Crète  en  Egypte  au  temps 
d'Aménophis  II  ;  une  hampe  conique  surmontée  de  la  même  quadripenne  dorée  et  du 
même  oiseau  noir  que  sur  l'autre  face  ;  un  autel  bas  qui  porte  une  sorte  de  bassin  et  au 
dessus  duquel  paraissent  suspendus  une  aiguière  qui  ressemble  aux  poteries  libyco 
berbères  et  une  corbeille  à  fruits.  Plus  loin,  sur  une  table  de  sacrifice,  gît  le  taureau 
inmiolé,  les  pieds  ligottés  et  la  gorge  ouverte,  dont  le  sang  ruisselle  dans  une  urne, 
comme  dans  le  rite  égyptien.  Derrière,  un  flûtiste  joue  sur  ses  tuyaux  doubles  et  de 
longueur  inégale,  suivi  par  une  femme  qui  semble  conduire  un  chœur  dont  les  deux 
premiers  couples  apparaissent  à  l'extrémité  gauche  de  la  fresque.  Ces  femmes  sont 
vêtues  de  la  longue  ix>be  qu'on  a  décrite,  une  grosse  écharpe  entourant  le  décolleté  pour 
tomber  sur  la  jupe  dont  le  bas  est  occupé  par  des  bandes  multicolores  qui,  selon  qu'elles 
sont  munies  ou  non  de  hachures,  paraissent  des  biais  ou  des  volants.  Plus  curieux  est 
le  costume  que  porte,  sur  ce  panneau,  une  femme  debout  devant  l'autel  et,  dans 
l'autre  panneau,  la  femme  qui  verse  le  liquide  dans  le  cratère.  Le  buste  ne  paraît 
protégé  que  par  une  chemisette  blanche  collante  dont  le  bord  est  marqué  par  un 
ruban  bleu  ou  rose  formant  ceinture;  sous  la  ceinture  descend  une  pièce  d'étoffe 
ari-ondie  dont  le  fond  blanc  est  semé  de  petites  virgules  rouges  ou  noires  et  deiTière 
laquelle  se  détache  comme  la  pointe  d'une  queue.  C'est  cette  même  jupe  que  portent  les 
trois  hommes  qui  présentent  les  ofihindes  au  mort  et  le  mort  lui-même  paraît  enveloppé 
dans  une  étoffe  pareillement  vermiculée.  Quand  on  se  rappelle  que,  dans  l'Egypte 
primitive,  Anubis  était  censé  revêtir  les  morts  d'une  peau  de  bête  et  que  c'est  en  souvenir 
de  ce  vêtement  primitif  que,  dans  les  cérémonies  religieuses,  pharaons  et  prêtres 
continuèrent  à  porter  une  fourrure  de  guépard  avec  appendice  caudiforme,  il  pai'aitra 
vraisemblable  qu'il  en  fut  de  même  en  Crête  et  que  les  morts  et  les  personnages 
sacerdotaux  —  peut-être  aussi  les  amis  du  mort  qui  portent  chez  les  Hébreux  le  sacq, 
également  peau  de  bête  —  aient  été  revêtus  d'une  étoffe  imitant  la  toison  d'un  fauve 
moucheté.  —  Cette  question,  comme  tous  les  problèmes  que  soulève  le  sarcophage  de 
H.  Triada,  ne  manquera  pas  de  donner  lieu  à  de  nombreuses  discussions.  Aussi 
convenait-il  de  donner  ici  une  idée  d'ensemble  d'un  monument  si  important  pour  This^ 
toire  des  origines  et  des  relations  de  la  civilisation  égéenne.  A.  J.  Rbinach. 


1808.]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  529« 

D'  Richard  Leonhard.  Die  paphlagonischen  Felsengräber  und  ihre  beziehung  zum 
griechischen  Tempel,  Extrait  du  84  Jahresber,  d.  Schles,  Ges.  f,  vaterländische 
Kultur,  38  p.  in-8»,  Breslau,  1907.  —  Après  Hirschfeld  {Abhandl.  d,  Berl,  Akad.,  1885) 
et  Kaonenberg  (Globus,  1895),  R.  Leonhard  a  visité  les  tombes  rupestres  de  la  Paphla- 
gonie  :  une  antéchambre  soutenue  par  de  1  à  5  colonnes  —  souvent  2  forment  une  façade 
que  surmonte  une  sorte  de  fronton  —  mène  à  une  salle  funéraire  de  niveau  généralement 
un  peu  plus  élevé  que  celui  de  Pantéchambre  et  que  peuvent  compléter  des  salles 
latérales  ;  une  sorte  de  banc  détaché  au  fond  de  la  salle  principale  sert  de  lit  au  mort. 
Comme  ses  prédécesseurs  il  admet  que  ces  tombes  imitent  la  maison  primitive  de  bois, 
telle  qu'on  la  rencontre  aujourd'hui  non  seulement  en  Paphlagonie  mais  en  Cappadoce 
(cf.  Verhandl.  Berl  Anthr,  Ges.,  1901,  511),  en  Géorgie  (Z.  f.  Ethn.,  1895,  615),  en 
Arménie  [Mitth.  Anthr.  Ges.  Wien,  1892.  140),  au  Caucase  (Globus,  1896,  252).  Dans 
Tune  d'elles,  à  Karakojunlik,  le  fronton  est  orné  d'acrotères  à  4  ou  5  palmettes  et  soutenu 
par  deux  colonnes  in  antis  ;  sur  les  2  m.  80  que  mesure  la  colonne,  les  30  à  40  cm.  de  la 
base  forment  un  tore  épais,  les  50  à  60  cm.  du  chapiteau  sont  creusés  de  part  et  d'autre 
par  5  spirales  enroulées  en  volute,  dont  l'origine  végétale  est  encore  attestée  par  une 
sorte  de  feuille  qui  les  sépare.  L'étude  comparative  des  rudiments  des  acrotères  a  amené 
M.  L.  à  vérifier  Thypothèse  émise  par  Benndorf  (Œst.  Jahreshefte,  1899),  selon  laquelle 
l'origine  de  cet  ornement  serait  la  nécessité  de  protéger  par  un  assemblage  de  tuiles  la 
jonction  des  solives  du  plafond  avec  celles  du  fronton  ;  ces  rudiments  se  retrouvent  dans 
la  maison  de  bois  telle  qu'elle  existe  de  la  Paphlagonie  au  Caucase  accompagnant  le 
toit  en  pente  qu'on  a  supposé  originaire  de  ces  régions  pluvieuses.  Le  chapiteau  de  la 
colonne,  à  son  tour,  paraît  l'embryon  du  chapiteau  ionien  dont  on  sait  que  les  plus 
anciens  exemplaires  apparaissent  dans  Tlonie  asiatique,  à  Néandreia  (v.  650),  à  Ephèse 
(V.  580).  On  en  retrouve  les  éléments,  en  Assyrie  d'une  part  (cf.  p.  e.  Layard,  Nineveh, 
pi.  t>6),  dans  les  tombes  rupestres  de  la  Phrygie  de  l'autre  (F.  v.  Keber,  Abhandl.  d.  Bayr. 
Akad.,  1897).  C'est  aussi  dans  ces  deux  régions  que  dominent  les  ornements  caractéris- 
tiques de  la  tombe  paphlagonienne  ;  lion  luttant  avec  un  héros,  divinité  entre  deux  lions 
ailés,  sphinx  à  tête  humaine,  griffons  à  tète  de  chien  et  plumes  hérissées  sur  le  cou, 
bœuf  portant  la  corne  droite  à  la  naissance  du  nez  comme  le  bison.  Or,  les  monuments 
assyriens  sont  du  VII«  s.,  postérieurs  à  la  conquête  de  la  Cappadoce  par  Sargon  (778)  qui 
mit  l'Assyrie  en  contact  direct  avec  la  Phrygie  ;  les  tombes  phi7giennes  ne  sont  pas 
attribuées  par  M.  L.  â  l'empire  lydien  du  VI"  s.,  comme  le  veut  Koerte,  mais  avec  Perrot, 
Ramsay  et  Reber,  au  grand  empire  Phrygien  des  VIE«  et  VII«  s.  auquel  mit  fin  l'invasion 
cimmérienne  de  695.  Repoussés  d'Assyrie  et  de  Lydie,  les  Thraco-Cimmériens  se  main- 
tiurent  dans  les  hauteurs  de  Paphlagonie,  la  population  indigène  prenant  le  nom  de 
Luki  ou  Leucosyrieiis.  Luki,  avec  le  légendaire  roi  paphlagonien  Lykos,  doit  être  rappro- 
ché du  nom  des  habitants  de  la  Lycie,  la  seule  r^ion  où  l'on  connaisse  également  des 
tombes  monumentales,  imitant  les  maisons  à  toit  formant  angle.  Luki  du  N.  et  du  S.  de 
l'Asie-Mineure,  Chaldes  d'Arménie,  Mosques  et  Tabals  du  Pont  formeraient  ainsi,  selon 
une  hypothèse  que  M.  L.  a  développée  dans  son  mémoire  Die  antiken  Völkerschaften 
des  nördlichen  Klein-asiens  (82  Jahresb.  d.  Schles.  Ges.  f.  vaterländ.  Kultur,  1904  ; 
pour  les  Chaldes,  Lehmann-Kaupt  vient  de  tirer  de  ses  explorations  en  Arménie  des 
conclusions  analogues,  dans  ses  Materialien  x.  alten  Gesch.  Armeniens,  1907)  un 
groupe  de  peuples  de  civilisation  sinon  de  race  commune,  et  cette  civilisation  dont  ils 
auraient  été  les  propagateurs  en  Asie-Mineure  serait  celle  de  ce  monde  égéen  des 
XVm^-XV«  s.  où  la  Crète  paraît  dominer.  Ce  serait  d'elle  qu'ils  auraient  hérité  le 
mégaron  avec  prodomos  comprenant  deux  colonnes  in  antis,  la  colonne  ou  la  déesse 
entre  les  lions,  les  lions  ailés,  griffons  et  autres  êtres  fantastiques.  C'est  dans  l'Asie- 
■■  Mineure  centrale,  des  montages  de  la  Lycie  â  travers  la  Phrygie  et  la  Cappadoce,  à  celles 

de  Paphlagonie  et  de  Pont  que  les  Assyriens  auraient  trouvé,  au  IX*  s.,  tous  ceux  de  ces 
motifs  que  ne  connaissait  pas  la  Babylonie  ;  en  même  temps,  les  premières  colonies 
éolo-ioniennes  des  bords  de  la  Mer  Noire  et  de  la  Mer  de  Chypre  y  retrouvaient,  dans  la 
I  tombe  phrygienne  ou  paphlagonienne,  l'ancienne  demeure  mycénienne  qui  devait  devenir 

I  leur  temple,  la  colonne  d'où  dériverait  l'ordre  ionique,  les  êtres  fantastiques  aux  ailes 

recoquillées,  tout  cet  héritage  égéen  enfin  dont,  en  Grèce  propre,  la  brutale  invasion 
I  dorienne  les  aurait  privés  en  partie.  A.  J.  Reinach. 


p.  530.]  •    R    •    E    •    E    •    S    • [1908. 

G.  ScHWKiNFURTH.  Sur  la  découverte  du  blé  sauvage  en  Palestine.  Tir.  à  part  des  Annales 
du  serv,  d.  ant  égyptiennes,  1907,  p.  193-204  et  des  Berichte  der  Deutschen  Botanischen 
Gesellschaft,  1908,  p.  309-324.  —  Peu  de  questions  soDt  plus  importantes  pour  Tethno- 
gi*aphie  que  celle  de  l'origine  du  blé.  Depuis  longtemps  trois  hypothèses  sont  en 
présence  :  le  bassin  du  Gobi  et  du  Tarym  avant  l'assèchement  qui  aurait  poussé  ses 
habitants,  les  uns  vers  TËurope,  les  autres  vers  la  Chine  ;  le  delta  mésopotaroien  où  sa 
culture  permettrait  de  distinguer  les  Suméro-sômites  des  Indo-européens  qui  n'auraient 
connu  d'abord  que  Torge  ;  les  montagnes  du  N.  de  TAsie-Mineure  où  auraient  appris  à  le 
cultiver  les  Indo-Européens  venant  des  plaines  russes  ou  danubiennes.  A  ces  trois 
théories  sur  i'indigénat  du  blé  manquait  pareillement  la  base  d'observations  précises  et 
Hoops  en  1905  {Kulturpflanzen,  p.  314)  ne  mentionne  que  sous  toutes  réserves  l'obser- 
vation de  Kotschy  qui  prétendait  avoir  vu  en  1855  du  blé  sauvage  A  4000  p.  dans  le 
Liban.  C'est  aux  dires  de  ce  savant,  cependant,  que  M.  A.  Aaronsohn,  élève  de  Grignon 
et  propriétaii*e  en  Palestine,  vient  d'apporter  une  confirmation  éclatante.  Guidé  par  les 
conseils  de  G.  Schweinfurth  et  de  Pr.  KOmicke,  il  est  parvenu  à  établir  scientifiquement 
l'existence  du  blé  sauvage  en  Palestine.  Tant  dans  la  plaine  de  Gilead  que  dans  la  vallée 
du  Jabbok  et  dans  le  vallon  de  Rosch-Pinah  (Djaouneh  près  de  Tibériade)  que  sur  les 
flancs  du  Djebel  Kanaan,  de  l'Hermon  et  du  Tabor,  àdes  hauteurs  variant  de  100-150  m. 
au-dessous  du  niveau  de  la  mer  à  1800-1900  au-dessus,  le  triticum  dicoccum  s'est  trouvé, 
généralement  en  compagnie  de  Forge  sauvage,  hordeum  spontaneum  qui,  plus  résistant, 
pousse  jusqu'à  200  et  300  m.  des  premiers  névés.  Comme  le  ù^ticum  parait  affectionner 
les  teiTains  rocheux,  calcaires  jurassiques  et  dolomitiques  et  basaltes,  sur  lesquelles  la 
couche  de  terre  meuble  est  mince  et  sèche,  l'hypothèse  de  l'origine  mésopotamienne  du 
froment  semble  perdre  toute  vraisemblance.  A.  J.  R. 

Bbrthold  Laufer.  Historical  jottings  on  Amber  in  Asia.  Extrait  des  Memoirs  of  the 
American  Anthropol.  Assoc.,  in  8*,  28  p.,  Lancaster,  N.  S.  1907.  — ■  On  s'acoorde  généra- 
lement (cf.  Tart.  Ambre  par  Zaborowski  dans  la  Grande  Encyclopédie  et,  du  même. 
Rev.  de  VEc.  d^Anthrop.,  1905,  205)  à  faire  venir  des  forêts  de  conifères  tertiaires 
englouties  dans  la  Baltique  —  et  non  de  médiocres  gisements  siciliens  —  toute  l'ambre 
que  les  découvertes  archéologiques  font  connaître  en  Europe,  même  dans  la  Méditerranée 
orientale  jusqu'en  Egypte  et  en  Syrie  où  on  en  faisait  si  grand  usage  que  les  documents 
chinois  du  III'  s.  de  notre  ère  considèrent  l'ambre  comme  un  des  principaux  produits  du 
Ta  Ts'in  (Syrie).  L'Asie  centrale  a-t-elle  dû  tirer  l'ambre  dont  elle  se  servait  des  bords 
de  la  Baltique  ?  M.  L.  a  eu  l'idée  de  consulter  les  Annales  de  la  Chine  dont  les  auteurs 
connaissent  l'ambre  à  l'époque  de  Pline  et  en  parlent  de  môme  que  lui  comme  de  la 
résine  de  certains  conifères  douée  de  propriétés  merveilleuses  surtout  quand  elle  a 
englobé  un  insecte  :  les  abeilles  y  paraissant  souvent,  certains  la  prenaient  pour  une 
sécrétion  de  cet  insecte.  Ce  hu  p^o  n'est  pas  un  produit  indigène  en  Chine  ;  il  y  arrive 
par  l'intermédiaire  du  Yunnan,  du  Thibet  ou  du  Turkestan.  Samarkhand  «  reçoit  l'ambre 
jaune  du  pays  des  Slaves  ;  car  c'est  une  résine  que  leur  mer  rejette  n  suivant  un  auteur 
persan  du  XIII«  s.  ;  c'est  de  Birmanie  que  vient  l'ambre  du  Yunnan  désignée  pour  cela 
sous  le  nom  de  burmite  ;  enfin  le  Thibet  se  fournit  dans  l'Inde  du  Nord,  surtout  au 
Kashmir  et  au  Népal.  Or,  c'est  de  l'Inde  que  les  Cappadocéens  faisaient  encore  venir  leur 
ambre  au  temps  de  Pline  (XXX  VU,  11).  En  était-il  déjà  de  même  au  temps  où  le  roi  d' Assur 
donnait  à  Thoutmès  III  du  lapis-lazuli  de  Bactriane  ?  Ou  allait-il  chercher  «  le  safran  qui 
attire  r>  dans  «  la  mer  que  domine  l'étoile  polaire  »  comme  un  de  ses  successeurs  du  IX«  s.  I 
M,  L.,  qui  a  déjà  étudié  les  relations  possibles  entre  les  chariots  votifs  en  forme  d'oiseau 
de  l'âge  du  bronze  européen  et  ceux  de  la  Chine  (  The  bird-chariot  in  China  and  Europe, 
dans  Boas  Anniversary  volume,  New-York,  1906)  devrait  bien  approfondir  cette 
question  des  routes  asiatiques  de  l'ambre  dans  l'antiquité  qu'il  n'a  fait  qu'effleuiisr  dans 
le  présent  mémoire.  A.  J.  R. 

Fr.  Krause,  Die  Pueblo-lndianer,  eine  historisch-ethnographische  Studie,  4»,  218  pages, 
9  pi.,  1  carte,  15  fig..  Halle,  E.  Kanas  et  Leipzig,  W.  Engelmann,  (Nova  Acta  Leopoidina, 
LXXXVII,  1),  1907,  16  Marks. 

H.  EiCKHOFF,  Die  Kultur  de^^  Pueblos  in  Arizona  U7id  New-Mexico,  8«,  78  pages,  1  carte, 
Buschan's  Studien  und  Forschungen,  n»  4, -Stuttgart,  Strecker  et  Schi^er,  1908, 
3,60  Mks.  —  L'un  et  l'autre  de  ces  auteurs  témoignent  d'un  grand  zèle  ;  ils  ont  avec 


1908.]  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  531. 

conscience  dépouillé  la  littératui'e,  déjà  énorme  et  qui  s'enrichit  presque  chaque  jour, 
sur  la  civilisation  si  intéressante  des  Indiens  Pueblos.  Us  ont  classé  leurs  matériaux 
suivant  le  plan  que  conditionne  la  sature  même  des  choses  :  I,  le  pays  et  son  influence 
(hydrographique,  orographique,  économique,  etc.)  ;  II.  le  type  somatique  des  Pueblos  et 
leur  place  parmi  les  auti*es  groupements  amérindiens  ;  III,  la  civilisation  pueblo  préhis- 
torique et  historique,  les  traces  d'influence  espagnole.  M.  Krause  a  cherché  en  outre 
à  déterminer  les  ressemblances  de  la  civilisation  pueblo  avec  les  types  de  civilisa- 
tion environnants.  Voici  donc  trois  monographies,  en  1908,  avec  celle  de  M.  Fynn, 
(cf.  REES  1908,  p.  170)  sur  ces  Amérindien«.  Il  est  remarquable  qu'aucun  de  ces  trois 
auteurs  ne  soit  arrivé  à  des  résultats  tant  soit  peu  certains  d'un  point  de  vue  théorique. 
Le  refrain  terminal  :  il  faut  de  nouvelles  enquêtes,  et  plus  approfondies,  sur  tels  ou  tels 
points  de  détail. 

Les  auteurs  ont  fait  preuve  d'une  belle  ténacité  dans  leur  poursuite  du  document  ;  et 
quiconque  s'est  occupé  des  Pueblos  sait  par  expérience  que  les  matériaux  tant  icono- 
graphiques qu'imprimés  sont  en  grand  nombre,  et  d'un  accès  difficile  à  cause  de  leur 
éparpillement.  Cependant  des  monographies  n'ont  point  une  valeur  en  soi,  mais  seule- 
ment par  rapport  à  la  synthèse  qu'elles  ont  pour  mission  de  préparer.  Et  en  ce  sens, 
les  trois  volumes  dont  il  s'agit  sont  hybrides  ;  ils  sont  trop  développés  et  trop  techni- 
ques pour  intéresser  le  grand  public  ;  ils  sont  trop  courts  et  traitent  des  faits  trop 
superficiellement  pour  renseigner  à  fond  les  théoriciens  sur  la  poterie  ou  les  habitations, 
les  rites  ou  les  croyances,  l'anthropogéographie  ou  l'économie  politique,  etc.  des 
Pueblos. 

On  considérera  en  conséquence  le  livre  de  M.  Eickhoff  et  celui  de  M.  Krause,  en  y 
adjoignant  celui  de  M.  Fynn,  comme  de  bonnes  introductions  à  l'étude  des  Indiens 
Pueblos,  sortes  de  guides  pour  ne  pas  se  perdre  au  milieu  des  matériaux  détaillés 
publiés  par  Fewkes,  Dorsey,  Mindeieff,  M">"  Stevenson,  etc.  Et  si  je  puis  exprimer  un 
desideratum,  ce  serait  que  ces  trois  auteurs,  également  documentés,  s'entendent  pour 
entreprendre  des  monographies  explicatives  I«  sur  le  système  de  classification  cosmo- 
gonique  dans  ses  rapports  avec  la  localisation  des  clans  et  la  répartition  des  activités 
économiques,  naturelles  et  surnatui*elles  ;  2<>  sur  le  mécanisme  des  rites,  leur  séquence 
dans  les  cérémonies,  et  sur  le  fonctionnement  et  la  fonction  des  diverses  fraternités  ; 
3<>  sur  Fomementation  tant  rituelle  que  courante  (poteries,  étoffes,  etc.)  chez  les  Pueblos. 
Ce  sont  là  trois  problèmes  d'une  importance  théorique  considérable,  et  dont  la  solution 
raisonnée  fournirait  une  base  pour  l'mtelligence  de  bien  des  mécanismes  sociaux. 

A.  V.  G. 
J.  G.  Frazer,  Le  Rameau  d'Or^  t.  II,  trad.  R.  Stiébel  et  J.  Toutain,  8«,  588  pages,  Paris 
Schleicher  fi'ères,  10  fr.  —  Nous  signalons  la  publication  du  2«  vol.  de  cette  traduction 
d'un  livre  devenu  classique  en  peu  de  temps,  et  dont  les  éditions  anglaises  se  succèdent 
rapidement.  On  trouvera  ici  une  étude  sur  les  meurtres  rituels  et  sur  les  périls  et 
transmigrations  de  l'âme.  Le  plan  adopté  dans  la  traduction  française  diffère  de  celui 
des  éditions  anglaises,  en  ce  qu'il  répond  mieux  à  l'idée  qu'on  se  fait  en  France  d'un 
livre,  comme  d'un  tout  aux  parties  systématiquement  agencées.  A.  v.  G. 

Akira  Matsumura,  a  Gazetteer  of  Ethnology^  in-16,  495  pages,  6  cartes,  Tokyo,  The 
Marugen-Kabushiki-Kaisha.  —  C'est  une  excellente  idée  qu'a  eue  M.  A.  M.,  secrétaire  de 
la  société  anthropologique  de  Tokyo,  de  donner  une  liste  des  noms  de  peuples,  avec 
l'indication  de  leur  habitat.  Gomme  l'auteur,  chaque  ethnographe  s'est  trouvé  souvent 
dans  llmpossibilité  de  se  rappeler  aussitôt  où  vit  tel  ou  tel  petit  gi*oupement.  Un  Sys- 
teme de  renvois  permet  de  se  retrouver  parmi  les  différentes  orthographes  d'un  même 
ethnique.  Toutes  les  sections  ne  sont  pas  également  développées.  Le  nombre  des  grou- 
pes bantous  est  très  insuffisant  ;  par  contre  les  Océaniens  et  les  populations  de  l'Asie- 
Centrale  et  Extrême  Orientale  ont  été  énumérés  très  en  détail.  Le  livre  en  effet,  qui 
est  en  texte  anglais  et  japonais,  semble  davantage  destiné  à  promouvoir  au  Japon  les 
études  ethnographiques,  qui  ont  trouvé  là-bas  un  terrain  d'élection.  Le  progrès  du 
Japon  sur  ce  domaine  est  tout  aussi  remarquable  que  dans  l'industrie,  l'art  militaire, 
etc.  Pour  les  Etats-Unis,  on  consultera  de  préférence  le  Handbook  of  American  Indians^ 
publié  par  le  Bureau  of  American  Ethnology  de  Washington,  dont  le  1. 1  a  paru.  En 
tout  cas,  le  Gazetteer  de  M.  A.  M.  est  un  instrument  de  travail  indispensable  aux 
ethnographes,  qui  y  trouveront  classés  8.000  noms  ethniques.  A.  v.  G. 


p.  532.]  •R*E«E*S*       [1908. 

Th.  Valentine  Parker,  The  Cherokee  Indians,  in-16,  116  pages,  New- York,  The  Grafton 
Pi*ess.  —  Etude  d*après  les  documents  officiels  publiés  ou  inédits,  sur  la  conquête,  par  les 
Etats-Unis,  du  pays  des  Gherokies  ;  on  y  peut  voir,  aussi  bien  que  dans  le  rapport  de 
Mooney  (Cherokee  Myths)  la  politique  suivie  par  les  Blancs,  d*abord  pour  repousser, 
puis  pour  détruire,  et  enfin  pour  assimiler  une  nation  Amérindienne  que  Tinvention  de 
Sequoyah  munit  de  la  seule  arme  défensive  sérieuse,  l'écritui'e,  puis  de  la  presse  quoti- 
dienne, de  Técoie,  etc.  D'ici  quelques  années,  les  Gherokies  n'auront  plus  de  tei-ritoire 
réservé  et  seront,  par  le  Gitizenship,  incorporés  à  la  population  généi*ale  des  Etats-Unis. 
Ils  y  gagneront,  je  crois,  plus  qu'ils  n'y  perdront  :  ils  seront  dans  la  même  situation  que 
les  nombreux  Slaves,  qui  y  gardent  leur  langue  et  leurs  journeaux,  et  ils  sont  moins 
que  les  Slaves  d'une  race  à  se  laisser  annihiler  définitivement.  A.  v.  O. 

Havelock  Elus,  The  Soul  of  Spain,  2*  tir.,  S«",  420  pages,  Londres,  Gonstable,  7  sh.  6.  — 
L'âme  de  TEspagne  !  Quelle  difficulté  à  dégager  des  multiples  formes  extérieures,  l'âme 
d'un  peuple  comme  celui-là.  Nul  doute,  si  H.  E.  y  a  réussi,  c'est  que,  par  ses  études  de 
psychologie  sexuelle,  il  est  mieux  entraîné  à  pénétrer  les  mécanismes  intimes  et  à 
discerner  par  voie  inductive  rigoureuse,  les  mobiles  secrets  dont  les  danses  et  les  arts, 
la  littérature  et  les  cathédrales  d'Espagne  sont  les  manifestations  visibles.  L'Espagne 
est  si  origuale,  que  connaître  l'Italie  ou  la  France  gène  ;  le  génie  n'est  plus  le  môme.  On 
aime  l'Espagne,  ou  on  la  hait  ;  pour  qui  l'aime,  point  de  meilleur  guide  que  ce  livre.  R. 

Hjalmar  Thuren,  Folkesangen  paa  Fœroeeme,  P.  F.  Public.  North.  Ser.  n»  2,  8«,  337  p., 
Copenhague,  A.  F.  Hoest  et  fils.  —  Que  les  îles  Féroé  soient,  au  point  de  vue  ethnogra- 
phique, une  région  spécialement  intéressante,  c'est  ce  qu'avait  déjà  vu  entre  autres 
Annandale,  qui  s'y  rendit  au  retour  d'une  exploration  en  Indonésie.  Ges  îles  sont  restées 
isolées  de  longs  siècles,  par  suite  du  monopole  commercial  que  s'étaient  attribué  les 
Danois.  Aussi  M.  H.  Th.  y  a-t-il  trouvé  des  danses  et  des  chants  qu'on  ne  peut  rappro- 
cher que  de  ceux  du  Moyen- Age  continental  ;  il  est  môme  d'avis  que  les  danses  féroennes 
sont  des  déformations  de  la  carole,  du  branle  double,  etc.  des  XV«-XVI«  siècles  français. 
L'auteur  a  étudié  très  en  détail  le  rythme  des  ballades  féroennes,  et  a  publié  un  grand 
nombre  de  mélodies  (p.  85-140)  qu'il  a  ensuite  analysées.  Un  i*ésumé  allemand  termine 
ce  volume,  qui  fait  honneur  à  la  F.  F.  (Association  internationale  des  Folk-Loristes 
avec  un  comité  central  Scandinave  et  finlandais).  A.  v.  G. 

SzTMON  Matusiak.  OUmp  polski  podiug  Dlugosza  (L'Olympe  polonais,  d'après  Diugosz). 
«  Lud  n  1908,  pp.  19-89.  Lwôw.  —  Un  chroniqueur  polonais  du  XV«  siècle,  Jean  Diugosz, 
nous  a  laissé  dans  le  premier  livre  de  son  Histoire  des  renseignements  sur  la  mythologie 
des  anciens  Polonais.  Malgré  l'importance  de  ces  détails,  on  ne  les  a  étudiés  à  fond  que 
de  nos  jours,  et  M.  Matusiak  en  vient  d'entreprendre  une  étude  soignée.  Voici  la  liste 
des  divinités  nommées  par  Diugosz  et  le  sommaire  des  conclusions  de  M.  Matusiak. 
1)  Jesza  :  ce  nom  devrait  être  une  abréviation  de  Jarovrit,  dieu  du  printemps,  de  la 
lumière  et  de  la  chaleur.  G'est  du  reste  le  même  dieu  que  Trzyglôw,  Radegost,  Swaro^yc, 
'Swi^towit,  Piorun  (Prowa)  et  Dadzbôg.  D'après  M.  Matusiak  toutes  les  nations  slaves 
vénéraient  un  seul  dieu  suprême,  qui,  selon  ses  différentes  qualités,  portait  des  noms 
différents,  mais  qui  était  toujours  le  môme.  Ce  dieu  recevait  aussi  des  épithètes,  comme  : 
Wit,  Dziad,  Lei,  Rod.  2)  Lada,  dieu  de  la  guerre,  non  déesse  comme  on  l'afiirraait 
souvent.  M.  Matusiak  l'identifie  au  Polel  et  au  Ksie^yc.  3)  Dziedzyîela^  déesse  du 
mariage  et  de  la  fécondité  ;  elle  a  dans  les  sources  russes  le  nom  de  Ro^anica.  4)  Niega, 
dieu  de  l'au-delà.  5)  Dziewana,  qui  repond  à  1' Artemis  de  la  Grèce,  et  à  Diane  dans 
Rome.  6)  Marzana,  déesse  des  moissons,  ainsi  que  de  l'empire  des  morts.  7)  Pogoda  et 
8)  Zywa  :  ce  sont  des  dieux,  et  non  des  déesses.  Pogoda  (personnification  du  beau 
temps)  est  mentionné  aussi  par  le  chroniqueur  Helmold  ;  Zywa  est  le  dieu  de  la  vie. 
M.  Matusiak  afilrme,  que  les  notions  de  Diugosz  viennent  d'une  source  beaucoup  plus 
ancienne  et  qu'elles  possèdent  une  haute  valeur  pour  notre  connaissance  de  la  mythologie 
slave.  Thadéb  Smolenski. 

G.  L.  Gomme.  Folk-Lore  as  an  historical  science,  8»,  371  pages,  28  pi.,  Londres,  Methuen 
et  Cie  (série  des  Antiquary's  Books),  7  sh.  6  d.  net.  —  Le  titre  de  ce  livre  ne  répond  pas 
exactement  au  contenu  :  il  ne  s'agit  pas  de  savoir  si  le  folk-lore  est  une  science  histori- 
que, mais  bien  s'il  a  une  valeur  historique,  c'est-à-dire  s'il  permet  d'expliquer'^des  faits 
historiques.  Gette  question  est  d'une  grande  importance  ;  déjà  M.  Gomme  en  avait 


1908.]  NOTICES   BIBLIOGRAPHIQUES.  [P.  633* 


examiné  quelques  ôléments  dans  son  Ethnology  in  Folk-Lore  ;  dans  son  travail  actuel, 
il  a  étendu  son  enquête  d'une  part  aux  mythes  et  aux  contes  populaires,  de  l'autre  aux 
institutions,  et  ceci  en  cherchant  aux  thèmes  des  parallèles  de  fait  dans  des  civilisations 
de  même  développement  que  celles  de  la  Grande  Bretagne  ancienne.  C'est  ainsi  que 
certains  thèmes  de  Cendrillon,  de  Jean  sans  Peur,  de  Fidèle  Jean,  etc.  ne  sont  intelligibles 
qu'en  les  comparant  à  des  coutumes  encore  en  vigueur  chez  les  demi-civilisés  actuels. 
Fort  intéressant  est  le  chapitre  (p.  123  et  suiv.)  où  M.  Gomme  montre  la  méthode  suivant 
laquelle  le  folk-lore  combine,  juxtapose,  défoime  les  matériaux  et  comment  un  fait  réel, 
attesté  par  des  documents  historiques,  prend  une  allure  légendaire  et  factice.  Malgré 
cette  déformation,  la  relation  des  faits  garde  sa  valeur  historique  et  c'est  précisément 
le  T6\e  du  foik-loriste  armé  de  la  vraie  méthode  scientitlque  de  démêler  les  éléments 
ainsi  combinés  (cf.  de  bonnes  règles  de  méthode,  p.  169-179).  Puis  M.  G.  passe  à  l'étude 
des  «  conditions  psychologiques  »  du  folk-lore,  où  l'on  trouvera  une  mise  au  point 
moderne  des  théoiies,  points  de  vue  et  méthodes  d'interprétation  de  Bastian,  Tylor, 
etc.  sur  la  psychologie  des  primitifs  ;  cette  section  ne  donne  rien  de  bien  nouveau.  Le 
chapitre  consacré  aux  «  conditions  anthropologiques  n  est  intéressant  par  la  tentative 
de  Fauteur  à  placer  des  faits  britanniques  anciens  ou  survivant  par  le  folk-lore  local  dans 
les  catégories  générales  délimitées  par  l'anthropologie  au  sens  anglais,  le  plus  vaste 
possible,  du  mot.  Notamment  ont  été  utilisées  les  monographies  récentes  (Spencer  et 
Gillen,  Howitt,  etc.) sur  les  Australiens  et  (Blagdcn  et  Skeat)  sur  les  tribus  de  Malacca; 
p.  276-296,  on  trouvera  une  discussion  du  «  totémisme  celtique  ».  Le  chapitie  sur  les 
«  conditions  sociologiques  »  et  surtout  celui  sur  les  -  conditions  ethnologiques  »  sont 
l'expression  en  termes  généraux  de  règles  d'enquôte  et  de  faits  interprétées  et  mises  en 
œuvre  dans  divers  travaux  de  l'auteur.  En  somme,  le  livre  de  M.  G.  est  une  importante 
contribution  à  la  méthodologie  du  folk-lore  et  la  lecture  en  est  indispensable  à  quiconque 
désire  voir  cette  discipline  sortir  de  la  période  de  tâtonnements  et  de  simple  catalogue 
où  elle  s'est  enlisée  trop  longtemps.  —  Comme  compléments  à  ce  livi*e  je  citerai  mon 
article  sur  la  Valeur  historique  du  Folk-Lore,  Revue  des  Idées  du  15  août  1908  et  un 
mémoire  de  M.  R.  Lasch,  Das  Fortleben  geschichtlicher  Ereignisse  in  der  Tradition 
der  Naturvölker^  Globus,  1908, 1. 1,  p.  287-289,  d'où  ressortirait  que  la  durée  moyenne 
de  la  mémoire  collective  n'est  guère  que  de  150  ans.  A.  v.  G. 

,  J.  Rrinach.  V Egypte  Préhistorique,  8o,  54  pages,  Paris,  Editions  de  la  Revue  des  Idées 
et  libr.  P  Geuthner.  —  L'ouvrage  de  M.  R.  est  une  étude  très  solide  et  très  documentée 
de  cette  civilisation  préégyptienne  qui  a  fleuri  dans  la  vallée  du  Nil  à  la  fin  de  période 
néolithique  jusqu'au  moment  de  l'apparition  des  premières  dynasties.  L'auteur  passe 
successivement  en  revue  toutes  les  données  que.  les  nécropoles  de  cette  époque  nous 
fournissent  sur  les  pratiques  funéraires  des  Egyptiens  préhistoriques,  sur  leurs  idées 
religieuses,  sur  leur  «  vie  sociale  et  artistique  »  ;  et  il  arrive  à  cette  conclusion  que  la 
civilisation  de  l'Egypte  préhistorique  est  au  fond  très  semblable  â  celle  de  l'Egypte 
classique,  et  la  contient  en  germe  ;  que  dès  lors  elle  est  un  produit  spontané  du  sol,  et 
qu'il  est  inutile  d'invoquer,  pour  expliquer  son  développement,  une  influence  qui  serait 
venue  du  dehors.  ^  Sans  aucune  intervention  sémitique  l'Egypte  préhistohque  se  serait 
formée  d'éléments  tout  africains  »».  Elle  représenterait  la  réunion  des  Libyens  de  l'ouest 
et  des  tribus  moins  dolicocéphales  venues  du  Sud. 

Il  est  impossible,  dans  le  cadre  restreint  d'un  compte  rendu,  de  discuter  comme  il 
conviendrait  cette  théorie  qui,  si  elle  n'est  pas  nouvelle,  n'avait  du  moins  jamais  été 
exposée  d'une  façon  aussi  systématique.  On  peut  dire  cependant  qu'elle  est  beaucoup 
trop  absolue.  La  tombe  monumentale  des  époques  dynastiques  est  tout  de  même  un  peu 
plus  que  r  «  élargissement  n  de  la  fosse  à  murs  d'argile  :  et  d'autre  part  M.  R.  lui-même 
est  bien  obligé  de  rappeler  les  analogies  signalées  depuis  longtemps,  à  pi'opos  des  tètes 
de  massues  ou  de  la  faune  décorative  des  palettes,  entre  l'Egypte  et  la  Chaldée.  Il  est 
vrai  qu'il  les  explique  différemment  ;  mais  enfin  son  explication  n'est  qu'une  hypothèse. 

L'auteur  a  repris  pour  son  compte  la  théorie  de  Naville  sur  les  palettes,  et  celles  de 
MM.  Cecil  Torr  et  Loret  sur  les  représentations  préhistoriques  de  Kôms.  La  première 
a  le  grand  défaut  de  s'appuyer  sur  un  texte  de  Quinte  Curce  :  et  quant  à  la  seconde,  il 
nous  est  impossible  de  l'admettre,  pour  des  raisons  que  nous  avons  développées  dans 
cette  Revue  môme.  —  Mais  ces  quelques  rései'ves  n'enlèvent  rien  ä  l'intérêt  de  l'ouvrage 
do  M.  R.  :  à  beaucoup  d'autres  mérites,  il  joint  celui  de  fort  bien  résumer  l'état  de  la 
question,  et  de  poser  celle-ci  une  fois  de  plus,  très  nettement.  Oh.  Boreux. 


P*  534.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  [1908. 

Ci  Strehlow,  Die  Aranda-  und  LorHja-Stämme  in  Central-Atutralieny  édité  par 
M.  VON  Leoniiardi  ;  4«  t.  I,  VIII  -f  104  pages,  8  pL,  5  tig.  ;  15  Mks  ;  II,  X  +  84  pages, 
1  pi.  7  âg.,  10  Mks.  Publication  du  Musée  Ethnographique  Municipal  de  Francfort  s.  M  , 
J.  Baer  et  Cie,  1907  et  1908. 

M.  St.  vit  comme  missionnaire,  depuis  plusieurs  années,  dans  la  iiégion  habitée  par  les 
Ai*anda  et  les  Loritja  ;  la  publication  des  deux  volumes  de  Spencer  et  Giiien  sur  les  Aus- 
traliens Centraux  Pa  amené  à  entreprendre  des  recherches  approfondies  sur  l'organisa- 
tion sociale,  la  mythologie  et  les  cérémonies  de  ces  populations.  H  a  ainsi  i^ectiliô  ses 
prédécesseurs  sur  un  certain  nombi*e  de  points,  rectifications  que  met  en  lumière  M.  v. 
L.,  qui  dans  un  3"  volume  donnera  une  exposition  systématique  des  résultats  ainsi 
acquis.  Provisoirement,  il  a  indiqué  dans  la  préface  du  t.  I  diverses  conclusions,  dont 
j'ai  signalé,  dans  Man,  1908,  Mars,  celles  qui  se  rapportent  à  la  lucina  sine  concubitu 
chez  los  Australiens.  Le  T.  I  contient  les  mythes,  légendes  et  contes  des  Aranda  (Arunta 
des  Anglais);  le  t.  II,  ceux  des  Loritja  (Luritja  des  Anglais)  suivis  d'un  exposé  des 
croyances  aranda  et  loritja  relatives  aux  totems  et  aux  tjurunga  (churinga  des  Anglais). 
On  voit  que  déjà  au  point  de  vue  phonétique  il  y  a  d'assez  graves  divergences  entre  les 
notations  de  Spencer  et  Gillen  et  celles  de  Strehlow  et  von  Leonhardi.  Malgré  tout,  et 
bien  que  linguiste  moi-môme,  je  ne  saurais  attribuer  à  ces  divergences  une  importance 
très  considérable  pour  nos  études  :  de  ce  que  Spencer  et  Gillen  ont  mal  entendu  des 
mots,  ou  les  ont  mal  rendus,  un  Anglais  n'entendant  ni  ne  rendant  pas  de  la  même 
manière  qu'un  Allemand  un  même  son,  il  ne  s'ensuivrait  pas  que  les  descriptions  ethno- 
graphiques et  hiérologiques  de  Spencer  et  Oillen  soient  fausses.  £n  outre,  je  sais  par  les 
récits  d'amis  ayant  longtemps  vécu  chez  des  demi-civilisés,  notamment  en  Afrique,  que 
la  variation  est  beaucoup  plus  grande  chez  eux  que  chez  nos  paysans  d'Europe»  en  sorte 
qu'étant  donné  un  groupement  de  200  individus,  par  exemple,  si  on  peut  les  interroger 
chacun  à  loisir,  on  obtiendra  presque  200  systèmes  religieux  différents.  L'amplitude  des 
variations  diffère  de  peuple  à  peuple  et  aussi  avec  la  complexité  des  évolutions  généra- 
les antérieui*es.  Bref,  quand  on  se  heurte  à  des  divergences  sur  un  même  point  chez 
plusieurs  observateurs,  ii  est  bon  de  ne  pas  oublier  le  «  fait  de  l'informateur  ».  J'ajou- 
terai que  ceci  est  bien  connu  des  folk-loristes  européens,  qui  dans  un  même  village  de 
France  ou  d'Allemagne  ont  parfois  recueilli  autant  de  variantes  essentiellement  diffé- 
rentes d'un  même  conte  qu'ils  ont  eu  de  conteui's. 

Parmi  les  divergeances  importantes  portant  sur  les  croyances  je  signalerai  :  I*>  les 
Arunta  ont  bien  un  AU-Father,  appelé  Aitjira,  qui  est  éternel,  non  créé,  auquel  corres- 
pond chez  les  Loritja  Tukura  ;  tous  deux  ont  des  jambes  d'émou  et  ainsi  s'apparentent 
à  Baiamie  et  à  Daramulun  ;  par  là  ces  deux  tribus  se  rattachent  bien  à  celles  du  Sud 
étudiées  par  Howitt  ;  2»  ils  croient,  comme  d'autres  tribus  méridionales,  à  une  Ile  des 
Morts  d'où  ils  reviennent,  parfois  pour  se  réincarner  ;  3»  il  y  a  lieu  de  corriger  Spencer 
et  Gillen,  et  les  passages  de  mes  Mythes  et  Légendes  d^ Australie  où  il  est  question  des 
deux  doctrines,  exotérique  et  ésotérique  ;  on  ne  dit  pas  aux  novices  que  Tuanjirika  (Ar.) 
et  Maintu  (Lor.)  sont  des  croquemitainos  pour  femmes  et  enfants  ;  il  faudrait  eux  aussi 
les  rapprocher  de  Daramulun  ;  A^  comme  totems,  on  ne  rencontre  pas  seulement  des 
êtres  ou  objets  complets,  mais  aussi  des  fragments  (split-totems  de  Fi*azer)  comme  une 
plume  d'aigle,  la  graisse  de  kangourou  ;  5«"  chaque  individu  Aranda  ou  Loritja  appar- 
tient à  deux  groupes  totémiques,  l'un  qui  est  celui  de  son  «  totem  personnel  j>  (ratapa) 
et  qui  dépend  de  l'endroit  où  sa  mère  s'est  trouvée  enceinte  de  lui  ;  l'autre  qui  est  com- 
mun à  tous  les  enfants  d'une  même  mère  et  qu'ils  héritent  d'elle  (alijira)  ;  6<»  les  totems 
animaux  et  végétaux  sont  au  nombre  de-  411,  dont  312  utilisés  comme  aliments  ;  le 
nombre  total  des  totems  est  de  442.  Les  autres  animaux  et  végétaux  non-totems  ne 
sont  pas  mangés  sauf  le  pélican  et  une  certaine  variété  de  lézard.  Ce  fait»  i*appi<oché 
des  légendes,  tend  bien  à  prouver  la  portée  économique  du  totémisme  de  ces  deux 
tribus  ;  pour  les  cérémonies  de  multiplication  du  totem,  il  faut  attendre  la  publication 
•     du  3«  volume. 

Je  signalerai  enfin  les  renseignements  nouveaux  sur  les  tjurunga.  Les  mythes  et 
légendes  ont  été  traduits  avec  beaucoup  de  soin,  le  texte  et  la  traduction  mot  à  mot 
étant  donnés  pour  les  passages  difficiles.  £n  outre  M.  v.  L.  a  ajouté  beaucoup  de  notes 
explicatives.  A  tous  points  de  vue  il  n'y  a  qu'à  féliciter  la  direction  du  Musée  de  Franc- 
fort de  commencer  ses  publications  par  un  livre  d'une  si  grande  importance  descriptive 
et  théorique.  A.  van  Gennbp. 


1908. J  NOTICES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [p,  535. 

0.  MONSTERBERG.  Japanische  Kimittgeschichte,  t.  Ill,  gr  8°,  4  +  392  pages,  XIII  pi.,  356  flg., 
0.  Westermann.  Brunswick,  1908,  28  Mks. 

—    Japans  Kunst,  S\  104  pages,  161  flg  ,  môme  éditeur,  4,50  Mks. 

Les  tras  volumes  de  M.  M.  sur  l'histoire  do  Tart  japonais  sont  un  véritable  monument 
par  la  richesse  de  Tillustration,  le  soin  de  l'édition  (nombreuses  planches  en  couleurs), 
et  Tarrangement  des  matières.  L'auteur  part  de  Tépoque  préhistorique  et  arrive  à  l'art 
actuel,  dont  nous  avons  une  si  fausse  idée  par  les  articles  d'exportation  qui  encombrent 
nos  grands  magasins.  Dans  les  trois  volumes,  les  matériaux  sont  rangés  suivant  les 
techniques  ;  le  petit  volume,  d'un  bon  marché  étonnant  étant  données  les  illustrations, 
donne  une  vue  systématique  par  époques.  La  description  verbale  a  été  serrée  le  plus 
possible,  et  remplacée  par  la  reproduction  des  pièces  typiques.  A  ce  propos  je  remar- 
querai que  sauf  le  directeur  du  Musée  d'art  industnel  de  Hambourg,  conservateurs  et 
collectionneurs  sont  en  général  venus  au  devant  des  désirs  de  l'auteur  et  lui  ont  com- 
muniqué volontiers  soit  les  pièces  même,  soit  des  photographies. 

Mais  exposer  l'histoire  d'un  art  ne  saurait  être  une  oeuvre  purement  descriptive  :  il  faut 
encore  déterminer  les  tendances  auxquelles  cet  art  a  obéi,  les  influences  auxquelles  il  a 
été  soumis.  Et  le  grand  mérite  de  M.  M.,  c'est  précisément  de  n'avoir  pas  reculé  devant 
cette  tâche,  c'est  d'avoir  englobé  dans  les  limites  de  son  enquête  l'Asie  entière  et  la 
Méditerranée  orientale  protohistorique.  Le  premier,  je  crois,  il  a  mis  en  lumière  sous 
tous  leurs  aspects  les  influences  égéo-mycéniennes,  et  central-asiatiques  sur  l'art 
japonais,  par  l'intermédiaire  de  l'art  chinois.  Ainsi  l'on  trouvera  en  ces  volumes  plus 
qu'une  histoire  de  l'art  japonais  seul,  mais  un  tableau  systématique  des  grands  courants 
artistiques  qui  s'étendirent  sur  l'Asie  pendant  près  de  5000  ans. 

Je  n'insisterai  pas  davantage  sur  ces  problèmes,  car  les  lecteurs  de  la  Revue  trouveront 
dans  l'un  des  prochains  N°*  un  article  où  M.  Münsterberg  exposera  en  détail,  avec  illus- 
trations nombreuses  à  l'appui,  et  en  utilisant  les  dernières  découvertes  (en  Chine  par 
M.  Chavannes,  dans  l'Asie  Centrale  par  MM.  Stein,  Le  Coq,  etc.),  ses  idées  sur  les 
influences  européennes  dans  l'ai^t  extrême-oriental. 

En  déflnitive,  l'évolution  de  l'art  au  Japon  se  marque  par  six  époques  :  1»  préhistorique 
et  protohistorique,,  art  Aïno  ;  influences  mycéniennes,  etc.  ;  2»  influence  bouddhique 
(VI«  —  IX"  siècles  ap.  J.-C),  c'est-à-diro  gréco-indo-chinoise  ;  temples  ;  fresques  ;  luxe 
de  cour  ;  travail  sur  métaux  et  sur  étoffes;  3«  art  féodal  (X«  —  XIII«  s.)  portraits  réalistes  ; 
début  de  l'art  industriel  ;  4°  la  renaissance  (XIV«  —  XVI*  s.)  ;  influence  de  la  peinture 
chinoise  ;  blanc  et  noir  ;  masques  ;  progrès  de  l'art  industriel  ;  5»  ail  décoratif  rococo 
(XVII*  —  XIX*  s.);  architecture  surchargée:  décadence  de  la  peinture;  symbolisme; 
apogée  de  l'art  industriel,  surtout  des  porcelaines,  travaux  sur  métaux,  laques  et 
gravures  sur  bois,  avec  tendance  à  l'impressionisme  ;  6^  transformation,  sous  l'influence 
européenne,  des  traditions  ;  réalisme  qui  s'accentue  de  plus  en  plus  ;  formation  d'un 
style  non  encore  original,  et  suitout  compromis  des  deux  tendances. 

De  la  lectura  de  l'un  et  de  l'autre  volumes  de  M.  M.  il  se  dégage  une  impression  très 
nette  :  il  apparaît  que  les  Japonais,  qui  sont  un  peuple  de  métis  (Aïno  et  Mongoloïdes) 
possèdent  un  don  étonnant  d'assimilation  suivie  de  transformation  d'après  des  voies 
propres.  En  ce  sens  ils  ont  de  grandes  affinités  avec  les  Français.  Aux  uns  et  aux  autres 
il  suffit  d'un  mot,  d'un  aperçu,  d'une  impression  fugitive  pour  se  frayer  des  voies  propres 
et  trouver  à  des  sentiments  brusquement  émergés  dans  la  conscience,  le  moyen  d'ex- 
pression le  plus  précis,  le  plus  souple,  le  plus  compréhensif.  £t  tout  ceci,  semble-t-il, 
sans  effort  :  un  choc  leur  i*évèle  en  eux  quelque  chose  d'insoupçonné  jusque-là  et,  avec 
une  naïveté  du  premier  coup  adroite,  ils  l'expriment  sous  forme  d'art.  Ce  parallèle  se 
développerait  aisément  :  je  noterai  seulement  la  même  tendance  à  l'élégant,  qui  devient 
ensuite  le  mièvre,  le  contourné,  le  minutieux  ;  puis  la  même  attitude  vitale,  qui  donne 
à  la  forme,  à  la  mise  en  scène,  une  importance  considérable,  et  enfln  la  recherche  du 
sentiment  rare,  de  l'impression  demi-consciente  et  tôt  évanouie. 

Un  dernier  mérite  encore  de  M.  M.,  c'est  de  n'être  pas  aride,  d'avoir  un  style  à  lui,  et 
de  mettre,  dans  la  critique  d'art,  son  tempérament  personnel  :  car  enfin  toute  critique, 
tout  livre  même,  doit  être  l'expression  d'un  tempérament.  A.  van  Gbnnbp. 

Festschrift  den  Teilnehmern  der  XXXIX  Allgemeinen  Versammlung  der  Detitschen 
Anthropologischen  Gesellschaft  in  Frankfurt  alM.  getoidmet  von  der  Frankfurter 
Anthropologischen  Gesellschaft,  4*,  103  pages,  XI  pl.,  Francfort,  H.  Minjon,  6  Mks.  — 


p.  536.]  •    R    •    E    •    E    •    S    •  ^        [1908, 

La  3«  partie  de  ce  volume  très  bien  édité  compi'end  des  articles  de  Max  Flescli  sur  les 
relations  entre  l'homme  et  la  femme  dans  l'évolution  de  l'espèce  humaine  ;  de  G.  Popp 
sur  les  marques  digitales,  dentaires,  etc.  laissées  par  des  criminels  à  l'endroit  de  leur 
crime  ;  de  F.  Schaeffer  Stuckert,  sur  la  valeur  anthropologique  de  l'hygiène  dentaux; 
de  E.  Sioli,  sur  les  maladies  mentales  chez  les  diverses  races  ;  de  H.  Vogt  sur  la  signifi- 
cation du  développement  du  cerveau  pour  la  marche  debout.  La  section  I  est  consacrée 
à  la  préhistoire  ;  E.  Franck,  sur  un  tombeau  hallstatien  et  un  autre  de  l'époque  de  La 
Tène  ;  P.  Steiner,  sur  des  tombeaux  néolithiques  de  Wetterau  ;  Ch.  L.  Thomas,  sur  la 
carte  des  retranchements  protohistoriques  dans  le  Taunus  ;  R.  Welcker,  sur  un  tombeau 
de  La  Tène,  près  de  Praunhein.  Enfin  la  section  n  comprend  deux  articles  ethnogra- 
phiques intéressants,  Tun  de  B.  Hagen  sur  les  Sakai  et  les  Orang  Laut  de  nie  Banka 
(Malaisie)  ;  l'autre  de  J.  Lelimann  sur  les  divers  systèmes  de  nœuds  en  Indonésie. 

D'ordinaire  ces  publications  faites  en  l'honneur  d'un  congrès  passent  assez  inaperçues, 
même  des  spécialistes  ;  je  fais  donc  appel  à  nos  collaborateurs  et  à  nos  lecteurs  pour 
qu'ils  nous  tiennent  au  courant  sur  ce  point,  en  faisant  envoyer  ces  recueils  à  la  Reoue 
ou  en  nous  en  communiquant  les  sommaires.  A  ce  propos  je  rappelle  que  lors  du  congrès 
des  Orientalistes  à  Alger,  l'Ecole  des  Lettres  a  publié  un  volume  qui  comprend  des 
travaux  de  tout  premier  ordre  sur  la  linguistique  et  l'ethnographie  de  l'Afrique  du  Nord 
(en  vente  chez  E.  Leroux,  Paris).  A.  v.  G. 

W.  RiDGEWAY,  The  Beginning  of  Iron,  communication  analysée  dans  le  Report  of  Meeting 
of  the  British  Association  for  the  Advancement  of  Science,  held  at  Leicester  Juillet- 
août  1907.  (1907-8,  p.  644). 

On  croit  d'ordinaire  que  le  fer  a  été  donné  à  l'humanité  par  l'Afrique  ;  sinon  par 
l'Afrique,  au  moins  par  l'Asie.  Mais  les  recherches  récentes  attestent  que  l'Egypte  ne 
travailla  pas  le  fer  avant  le  IX«  s.,  que  les  Libyens  ne  l'employaient  pas  encore  vers  450, 
que  les  Sémites  ne  l'auraient  emprunté  que  tardivement,  que  l'Ouganda  ne  le  connaît 
que  depuis  cinq  ou  six  siècles  ;  que  la  Chine  ne  le  mentionne  qu'en  400  av.  J.-C.  et  qu'elle 
employait  encore  des  armes  de  bronze  en  100  ap.  J.-C.  et  le  Japon  en  700.  Dès  1896  et 
1902,  M.  R.  indiquait  l'Europe  centrale,  particulièrement  le  Norique,  comme  centre  de 
diffusion  de  la  métallurgie  du  fer.  C'est  seulement  à  Hallstatt  qu'on  voit  le  fer  s'intro- 
duire peu  à  peu,  d'abord  pour  orner  le  bronze,  puis  pour  former  des  lames,  enfin  pour 
remplacer  partout  le  bronze  ;  il  en  est  de  même  dans  les  nécropoles  transylvaines  et 
bosniaques  d'où  M.  R.  fait  descendre  Achéens  et  Dorions  en  Grèce.  Ailleurs,  le  métal  a 
toujours  apparu  per  saltum.  Ceci  n'implique  pas  qu'il  fut  inconnu  ailleurs  :  en  Egypte, 
il  est  connu  de  toute  antiquité  sous  sa  forme  météorique,  mais  taillé  comme  du  silex, 
non  pas  fondu  en  vrai  métal.  —  Pour  apprécier  la  théorie  de  M.  R.,  il  faudra  en  atten- 
dre un  exposé  plus  détaillé.  Dès  maintenant,  pourtant,  il  convient  de  faii*e  toutes  réser- 
ves eu  faveur  des  Horiens  conquérants  de  l'Egypte  et  des  Philistins,  conquérants  de  la 
côte  cananéenne  (pour  ces  derniers,  comme  inventeurs  de  la  métallurgie  du  fer,  voir 
W.  Belck,  Z,  fiXr  Ethnol.,  1906,  946-8  avec  les  critiques  de  Bertholet.  ihid,\  et  de  rappe- 
ler que  d'après  M.  Maspéro  et  d'autres  savants,  l'introduction  du  fer  en  Egypte  est 
due  aux  «  forgerons  d'Horus  ».  A.  J.-R. 

E.  A.  Stückelberg.  Geschichte  der  Reliquien  in  der  Schweiz.  Zurich  1902,  Basel  1908. 
2  vol.  in-S«»  de  CXVI-324  p.  et  VIIM93  p.  43  flg.  dans  le  texte  et  3  pl.  hors  texte,  8  fr.  et 
10  fr.  (Tomes  I  et  V  des  Publications  de  la  Société  suisse  des  Traditions  populaires).  — 
Cet  ouvrage  est  essentiellement  composé  d'un  i*egeste  de  1953  et  1011  notices  sur  les 
reliques  de  la  Suisse  classées  dans  chaque  volume  par  ordre  chronologique.  Beaucoup 
de  ces  notices  sont  des  copies  d'authentiques,  les  autres  sont  extraites  de  mémoires 
surtout  ecclésiastiques,  d'inventaires,  de  livres  de  piété  ou  de  théologie  avec  indication 
des  sources.  L'ensemble  constitue  un  précieux  répertoire  qui  rendra  de  grands  services 
à  tous  ceux  qui  s'occupent  d'hagiographie.  Le  premier  volume  contient  en  outre  deux 
études  d'oi*dre  plus  général  sur  Les  Sources  et  Les  Reliques  et  qui  se  lisent  avec  beau- 
coup d'intérêt.  P.  Saintyves. 


1908.] 


PUBLICATIONS   NOUVELLES. 


[P.  537. 


PUBLICATIONS    NOUVELLES 
reçues  aux  bureaux  de  la  Revue. 


N.  W.  Thomas,  Bibliography  of  Anthropology 
and  Folk-lore,  1907,  containing  works  pu- 
blished toithin  the  British  Empire^  Roy.  An- 
throp.  Inst,  et  Folk-Lore  Soc,  Nu(t,  8°  74  p., 
Z  sh.  [3*  année  de  cette  excellente  bibliogra- 
phie, indispensable  à  tout  ethnographe  et  d'un 
maniement  très  commode  grâce  aux  divers  in- 
dex ;  le  contenu  des  œuvres  est  indiqué  som- 
mairement, avec  la  page  de  la  citation]. 

R.  Zellbr,  Jahresbericht  über  die  ethnogra- 
phische Sammlung  in  Bern^  pour  1905,  1906, 
1907,  3  fàsc,  8°  [à  signaler,  dans  le  fasc.  pour 
1907,  une  ôtude,  avec  planche,  sur  les  batiks 
indonésiens  du  musée  de  Berne]. 

W.  PoY,  Jahresbericht  des  Vereins  2ur  Förde- 
rung  des  städtischen  Haut  ens  trauch-Joest 
Museums/ür  Völkerkunde  in  Coin,  MV  (1904- 
1707),  8«,  63  p.,  ill. 

Salomon  Rbinach,  Album  des  moulages  et  mo- 
dèles en  vente  au  Musée  des  Antiquités  natio- 
nales à  Saint-Germain-enLaye^  r.  I.  Ages  de 
la  Pierre  ;  Epoques  celtiques,  avec  28  pi.  en 
phototypie  et  11  figures  dans  le  texte,  gr.  8°.  48 
p.  de  texte  explicatif.  Paris,  Eggimann,  106  B** 
S*  Germain,  3  frs.  [Excellent  manuel,  grâce 
aux  références  en  note,  où  sont  déterminés  la 
typologie,  l'usage,  la  répartition  etc.  de  chaque 
groupe  d'objets]. 

A.  ViERKANDT,  Führende  Individuen  bei  den 
Naturvölkern,  Extr.,  28  p.  8»  de  la  Zeitschrift 
für  Sozialwissenschafr,  1908,  fnsc.  9.  [Etudie 
cbes  les  Cherokies,  surtout  d'après  Mooney, 
le  phénomène  que  J'ai  rais  en  lumière  pour  les 
Australiens  centraux  :  les  modifications  socia- 
les ne  s'opèrent  pas  brusquement  ni  mécani- 
quement, mais  sont  l'œuvre  d'individus  plus 
intelligents  et  ne  sont  adoptées  qu'après  des 
essais  et  des  discussions]. 

OoBLKT  d'Alviblla,  Les  sciences  auxiliaires  de 
l'histoire  comparée  des  religions,  tir.  à  part 
des  Mémoires  du  Congrès  des  Religions  d'Ox- 
ford. [Propose  les  termes  de  hiérographie  et 
hiérologie^soxt  description  et  synthèse,  dans  la 
science  des  religions.  L'utilité  de  ces  termes, 
dont  le  second  a  été  employé  par  J.  M.  Robert- 
ton  avec  ténacité,  est  incontestable]. 

O.  Danville,  Magnétisme  et  Spiritisme,  in  16, 
80  p.,  coll.  Les  Sommes  et  les  Idées ^  n«  7,  Soc. 
du  Mercure  de  France,  0  fr.  75.  [Etude  origi- 
nale, mais  sans  utilisation  des  travaux  de  Ty- 
lor,  Lang  et  Lehmann  sur  la  question]. 

O.  Dabhnhardt,  Beiträge  zur  vergleichenden 
Sisgen-und  Märchen  f or  schung^  Thomasschule 
Programm,  Leipzig,  4<*,  54  pages.  [Se  fondant 
sur  des  matériaux  d'une  richesse  étonnante, 
l'auteur  continue  son  travail  de  classement  des 
thèmes  populaires.  Ici  sont  étudiés  les  thèmes  : 
du  changement  de  propriété  par  échange  on 


emprunt,  de  la  course  du  lièvre  et  de  la  tortue  ; 
des  légendes  relatives  au  hibou]. 

Le  Père  W.  Schmidt,  Panbabylonismus  und 
ethnologischer  Element argedanke^  Exrr.  des 
Mitteil,  de  la  Soc.  Anthrop.  de  Vienne,  tome 
XXXVm,  p.  73-88,  n°.  [Bonne  réfutation  spé- 
ciale et  aussi  générale  des  théories  de  l'école 
astrale  de  Winckler,  Jeremias,  etc.  Cette  dis- 
cussion n'est  pas  près  d'être  close,  et  je  signale 
en  France  les  articles  de  René  Dussaud  sur  ce 
sujet.  Revue  de  l'Histoire  des  Religions]. 

A.  ViEKKANDT,  Dai  Problem  der  Felszeichnun- 
gen und  der  Ursprung  des  Zeichnens,  Extr. 
de  l'Archiv  für  Anthropologie.  VU,  2-3,  p.  110- 
118.  [pense  que  Koch-Grün  berg,  dans  le  volu- 
me analysé  ici,  p.  56,  fournit  la  solution  du 
problème  des  dôouts  du  dessin.  Je  doute  cepen- 
dant qu'on  puisse  fonder  une  théorie  générale 
sur  un  fait  uniquf",  qui  semble  exceptionnel  et 
modernisé.] 

A.  Dubois,  dévolution  de  la  notion  de  droit  na- 
turel antérieurement  aux  Physiocrates.  Extr. 
37  p.  8»  de  la  Revue  d'Histoire  des  Doctrines 
Economique»  et  Sociales,  1908,  fasc.  3. 

J.  Lescurb,  La  conception  de  la  propriété  chez 
Aristote.  Extr.,  20 j).  8<',  de  la  Revue  d'Histoire 
des  Doct ri nes4 Economiques  et  Sociales,  1908, 
fiasc.  3. 

J.  A.  Drcourdbm ANCHB,  Note  sur  les  poids  assy- 
ro-babyloniens^  Extr.,  Journ.  Asiat.,  16  p. 

Elude  métrologique  et  numismatique  sur 

les  misquals  et  les  dirhems  arabes,  Extr.,  Re- 
vue Numismatique,  46  pages  [démontre  que 
Sauvaire  est  parti  d'un  calcul  faux,  et  que  par 
suite  ses  Matériaux  sont  inutilisables  pour 
tout  ce  qui  concerne  la  métrologie  numismati- 
que musulmane]. 

J.  Dbnirer,  Les  Races  de  V Europe  ;  Ii;La  taiUe 
en  Europe,  Assoc.  Fr.  Av.  Sc.  Congrès  de  Lyon» 
143  p.,  1  carte  en  couleurs  [suite  de  l'énorme 
travail  entrepris  par  J.  Deniker,  pour  détermi- 
ner, à  l'aide  de  séries  de  moyennes  rendues 
comparables,  le  type  somatique  des  popula- 
tions européennes  sauf  les  Lapons,  Finno-Ou- 
griens,  Turco-Tatars  et  Caucasiens]. 

R.  Anorbb,  Jüdische  Spra^hbestrebunpen,  Bei* 
läge  der  Münchener  Neuesten  Nachrichten, 
3  octobre  1908. 

Ctrus  Adler  and  I.  M.  Casanowigz,  The  collec- 
tion of  Jevoish  ceremonial  objects  in  the  Uni- 
ted States  national  Museum.  Extr.,  p.  701-746 
et  PI.  LX-CV  du  T.  XXXIV  des  Proceedings 
of  the  U.  S,  N.  Mus.,  28  sept.  190S.  8o. 

0.  MOnsterbero,  Chinesische  Landschaflsma* 
lerei,  extr.  des  Westermanns  Monatshefte, 
Novembe  1908,  12  pages,  3  pi.  en  couleurs. 


p.  538.] 


R 


E 


E 


[1908. 


[ôtude  originale,  très  sympathique  à  la  pein- 
ture paysagiste  chinoise  et  qui  donne  le  pre- 
mier aperçu  précis  d'une  forme  d  art  bien  plus 
importante  en  Extrême  Orient  qae  chei  nous, 
sauf  au  XIX*  siècle,  et  an  peu  plut  tôt  en  Hol- 
lande.] 

W,  Radloff,  Die  vorislamitischen  Schriftarten 
der  Türken  und  ihr  Verhältniss  zu  der  Spra- 
che derselben,  Extr.  Bull.  Ac.  Imp.  de  S*  Pe- 
teräbourg4<*,  [s'en  tient  à  la  vieille  théorie  de 
l'origine  sémitique  de  l'alphabet  de  l'Orkhon  et 
de  l'origine  estrangelo  de  l'alphabet  ouigour.] 

W.  E.  Roth,  Marriage  ceremonies  and  infant 
li/e^  North  Queensland  Eihnocraphy,  Bull, 
n®  10.  Extr.  des  Records  of  the  Australian 
Museum,  t.  VII,  n^  1,  17  paces,  3  pi.  [suite 
de  la  série  bien  connue  de  BiUlethis  sur  le 
Queensland  septentrional  ;  je  ne  crois  pas  que 
les  faits  cités  p.  3,  §  4  puissent  être  regardés 
comme  des  «  traces  de  mariage  communiste 
primitif  ».] 

H.  ScRUCHARDT,  Berherische  Studien,  1,  Ein  al' 
ter  plural  auf  u  t  Extr.  (p.  245-264)  de  la  Wie- 
ner Z.  f.  die  Kunde  des  Morgenlandes  1908. 

F.  GoLDSTBiN.  Die  Sklaverei  in  Nord-Afrika  und 
im  Sudan.  Extr.,  17  p.  de  la  Zeitschrift  für 


Sotialwissenschaft,  t.  XI  [bonne  étude  mono- 
graphique ;  il  a  été  tenu  compte  de  tous  les 
Stcteurs  de  l'esclavage  dans  1  Afrique  septen- 
trionale et  au  Soudan.] 

N.  W.  Thomas,  The  market  in  african  law  end 
custom.  Extr.,  17  p.  8<>  du  Journal  of  the  Socie- 
ty of  comiparative  Legislation,  t.  XIX  (1908)  p. 
90-106.  [Etude,  sous  tous  ses  aspects,  do  mar- 
ché chez  les  populations  africaines  ;  en  quel- 
ques pages,  l'auteur  donne  la  substance  d'un 
gros  livre  ;  documentation  très  riche]. 

Gabriel  Fsrrand,  Vorigine  africaine  des  Mal- 
gaches^ extr.  du  Journal  Asiatique,  152  pages, 
8«.  [prouve,  contre  Grandidier,  en  publiant  in 
extenso  tous  les  documents  connus  sur  la  ques- 
tion, que  Madagascar  était,  avant  l'arrivée 
d'Indonésiens,  peuplée  de  populations  appa- 
rentées aux  Nègres  tant  Océaniens  qu'afiicaios, 
et  parlant  sans  doute  un  dialecte  bantou;je 
ne  puis  admettre  la  migration  comme  venant 
d'Afrique,  mais  nense  que  le  peuplement  de 
l'Afrique  par  les  Nègres  s'est  fait  via  Madagas- 
car ou  la  Lémurie.] 

G.  Friedbrici,  lieber  die  Mitwirkung  der  Neger 
bei  der  Erforschung  Amerikas.  Extr.  (p.  530- 
585)  de  l'Archiv  fOr  Rassen  und  Ges.  Biologie,. 
1908. 


1908.] 


SOMMAIRES   DBS   REVUES. 


[P.  539. 


SOMMAIRES  DES  REVUES. 


Journal    op    the    Anthropological    Instituts, 
XXXVffl,  fiwc.  1-2. 
J.  CunntDgham,  President's  Address. 
D.  Watentoo,  Sktills  from  Nevo  CcUedonia. 
H.  Ling  Roth,  Mocassins  and  ihsir  quiU 

work. 
H.  R.  Palmer,  T?ie  Kano  Chronicle. 
Ch.  S.  Myere,   Contribution  to  Egyptian 

Anthropology, 
W.   L.   Hilde  burgh.   Notes  on  Singhalese 

magic. 
R.  A.  Kern,  A  malay  cipher  alphabet  . 
J.  Bed  doe,  A  last  contribution  to  Scottish 

ethnology. 

Man,  t.  VUl. 
-i-  N°  10. 

R.  H.  M»ithewg,  Matrilineal  descent  in  Nor- 
thern Territory. 

B.  Grant  Brown,  Rainmaking  in  Burma. 
W.  Cunnington,  String  figures^  tricks /horn 

Egypt. 
W.  Schmidt,  Totemism  in  Fiji. 
T.  A.  Joyce,  Note  on  a  native  chart  from 

the  Marshall  Islands  in  the  Brit.  Mus. 

—  No  11. 

W.  E.  Roth,  Australian  canœs  and  rafts. 

C.  O.  Qeligmann,  Note  on  totemism  in  New 
Guinea. 

0.  Edge  Partington,  Stoneheaded  clubs  from 

MalHta^  Sal.  Island, 
C.  M.  Woodford,  Note  on  stone-headed  clubs 

from  Maleita,  Salomon  Isl. 

<jLOBUS,  t.  XCIV. 

—  N*  15. 

Linke,  Samoanischc   Bezeichnungen    für 

Wind  und  Wetter. 
Von  Kœnigswald,  Die  Carajà-lndianer  {&n). 
Gutmann,  Zeitrechnung  bei  den  Wadsçhag- 


^nillp 


Philipponische  Legenden. 

—  N»  IC. 

Behaghel,  Eine  Reise  in  der  chinesischen 
Provinz  Fu-kien, 

Fischer,  Mir  und  Zadruga  bei  den  Rumä- 
nen, 

—  N«  17. 

Behaghel,  Eine  Reise^  etc.  (suite). 
Halbfass,  Industrie,  Verkehr  und  Natur. 
Rosen berg.  Die  Geschichte  der  Mumifizier 
sung  bei  den  alten  Ägyptern. 

—  N«  18. 

Behaghel,  Eine  Reise,  etc.  (fin). 

—  N»  19. 

Moszkowski,  Die  Inlandstämme  Ostsuma» 

iras. 
Crahmer,  lieber  den  Ursprung  der  Benin 

Kultur. 
Seuffc,  DieNgulu-,  oder  Matelotainseln, 

—  N«  20. 

MosKkowski,  Inlandstämme,  etc.  (fin). 


Lazar,  Die  Hochzeit  bei  deti  Süd-Rumänen 
(Kutzo-Wlachen,  Zinzaren)  in  der  Tür- 
kei. 

Amxrican  Anthropologist,  X,  n<*  3. 

A.  T.  Sinclair,  Tattowing  oriental  andgy- 

J.  W.  Fewkeg,  Ventilators  in  ceremonial 

rooms  of  prehistoric  cliff-dwellings. 
M.   R.   Harrington,   Catawba  potters  and 

their  work. 
Harrington,    Vestiges  of  material   culture 
among  the  Canadian  Delawares. 
Ed.  Beyer,  The  symboliiic  meaning  of  the 

dog  in  Ancient  Meœico. 
Ch.  C.  Willoughey,   Wooden  bowls  of  the 

Algonquian  Indians. 

Zeitschrift  pur  Ethnologie,  XL,  fasc.  5. 

A.  Bezzenberger,  Vorgeschichtliche  Analek- 
ten. 

F.  Boas,  Eine  Sommersage  des  Tsimshian. 

H.  Gensch,  Wörterverzeichniss  der  Bugres 
von  Santa  Caterina. 

Hindenburg,  lieber  einen  Fund  V07i  Mäand- 
erurnen bei  Königsberg  in  der  Neumark. 

F.  von  Lußchan,  lieber  Buschmannmale- 
reien in  den  Drakensbergen  (3  pl.  en  cou- 
leurs). 

W.  Planert,  Dieri-Grammatik. 

W.  Stenzell,  Die   Tierbilder  der    Maya- 

Handschriften. 
C.  Strehlow  et  W.  Planert,  Polémique  sur 

la  Grammaire  Arunta  de  ce  dernier. 
L.  Frobenius,  Reisebericht  (Soudan  et  Niger 

Français. 
0.  SchUginhaufen,  Die  Rand  Butam  im 

südlichen  Neu- Mecklenburg. 
P.  Standinger,  Grosses  Afrikanisches  Stein' 

beil. 

G.  Kossina,  Archäologische  Ergebnisse  zum 
Ursprung  und  zur  östlichen  Ausbreitung 
der  Indo-Gei^manen. 

Revue  de  l'Histoire  des  Religions,  LVIII,  fasc.  1. 
S.  Reinach,  Phaeton. 
F.  Macler,  Formules  magiques  de  Portent 

chrétien, 
A.  van  Gennep,  Totémisme  et  méthode  com» 

parative. 
R.  Basset,  Bulletin  périodique  de  Vlslam^ 

1903-1907,  l«-*  partie. 

Bulletin  de  la  Sociâté  Belge  de  Géooraphib, 
XXXII,  fasc.  3  et  4. 
Ch.    Delhaise,    Ethnographie    congolaise  : 
chez  les  Wabemba. 

BOLITINS  DE  LA  SoCIBDADE   DE   GeOGRAPHIA  DE  LiS- 

BOA,  mai  et  Juin  1908. 
Aug.  Bastos,   Traços  geraes  da  ethnogra- 

phia  de  Benguella  (suite  et  fin). 
Fern.  Jardim,  lima  inscripçao  portugueza 

en  Ormuz. 


p.  640.J 


£ 


E 


[1908. 


Thb  Gbograpiucal  Journal,  XXXÜ,  n^  3,  sept. 
N.  BnxtoD,  Balkan  geography  and  Balkan 

raitioags. 
G.  Forrest,  Journey  on  Upper  Salioin. 
Recent  Exploration  in  British  New  Guinea. 

—  No  4. 

A.  P.  Brigham,  TJte  distribution  of  popula- 
tion in  the  united  States. 
W.  Ridgeway,  Environment  and  Race, 

—  N«5. 

Flinders  Pet  rie,  The  first  circuit  round 
Africa  and  the  supposed  record  of  it» 

Bright,  Th£  Uoanda  Boundary  commission. 

Ms.  Moucktons  Journey  accross  Ne%D  Gui- 
nea, 

The  Scottish  Gkographical  Magazins,  XXIV, 

R.  Richardson,  The  influence  of  natural 
features  and  geology  of  Scotland  on  the 
Scottish  people. 

The  Primitive  Races  of  Southeastern  Asia. 

—  N»  10. 

E.  N.  Hills,  The  Survey  of  British  Empire. 

—  N»  11. 

L.  A.  Owen,  The  Missouri  River  and  its 
future  importance  to  the  nations  of  Eu- 
rope. 

Rbvub  db  l'Ecolb  d'Anthropologie,  XVIII,  n<>  9. 

A.  De  Mortillet,  Souterrains  et  grottes  arti- 
ficielles de  France. 

Ulysse  Dumas,  La  grotte  des  Fées,  à  Tha- 
bau»t  Gard. 

D'  Huguet,  Remarques  sur  la  région  des 
Bayas. 

—  N»  10. 

H.    Thulié,    Phénomènes  mystiques  dans 

Vordre  affectif  des  théologiens. 
J.  Huguer,  Dans  les  Zaouiiis. 
Zaborowski,  Itcs  rouœ  en  Hollande. 

—  N»  11. 

P.  G.  Mahoudeau,  La  question  de  Vorigine 
de  f homme  et  la  faillite  de  la  science 
diaprés  Brunetière. 

Peyrony,  A  propos  des  fouilles  de  la  Mico- 
que. 

Archiv  fQr  Rassen-  und  Gbsellschapts-Biologib, 

C.  Grassl,  Zur  Frage  der  Fruchtbarkeit. 
G.  Friedend,   lieber  die  Mitwirkung  der 
Neger  in  der  Erforschung  Amerikas. 

Zbitschript  des  Vereins  für  Volkskunde,  XVIII, 
•n«4. 

P.  Sartori,  Das  Wasser  im  Totengsbrauch. 
J.  Hertel,  Der  alückliche   Visir,   ein   ka- 
schmirischer Yolksroman  (fin). 
R.  Zoder,  Die  melodien  zu  der  Ballade  von 

der  Nonne. 
L.  Gerbing,  Thüringer  Yolkstr achten. 

Archives  Suisses  des  Traditions  Populaires,  XII, 
n»l. 
M.  Reymond,   La  sorcellerie  au  pays  de 

Vaud  au  XV<*  siècle. 
A.  Malier,  Aus  dem  Volksmund  und  Volks- 

gloMben  des  Kanton  Baselland. 
V.  Pellandini,  Canti  popolari  ticinesi. 
G.  Kessler,  Sagen  aus  der  Umgegend  von 

Wil  (St.  GalUn). 
A.  Zindel-Kreissis,  Schwanke  und  SchÜd- 

burgesgeschichten   aus   dem   Sargamer- 

land. 


—  No  2. 

A.  Dettling,  Die  ffirsmoniàgfeier  im  kapur- 

ziner  kloster  zu  Arth^  i765-i766. 
E.  Lambelet,  Les  croyances  populaires  au 

pays  d'En  Haut  (H^  Gruyère). 
A.  Da  a  court,  Noels  jurassiens. 
A.  D.  Lechner,  Gaunerlisten  des  XVfiJahr^ 

hundert  aus  NeuveviUe. 
A.     H  ell  wig,    Hostiendiebstähle    in    der 

Schweis. 
A.  Müller,  Aus  dem  Volksmund  etc.  (fin). 

—  N«  3. 

A.  Rossat,  Proverbes  patois. 

Ë.  Aldi  mann,  Schimpfwörter  in  der  Em- 
mentaler Mundart. 

E.  A.  Stückeiberg,  S.  Notburga  vidua. 

N.  Roor,  Die  Sagd  des  Wilden  Mannes  in 
Littau  (kt.  Luiern). 

S.  Meier,  Ein  Freiämter  Spotttogel. 

Narodopisny  Vestnik    Ceskoslovansky,    Prague 
Musée   Tchèque,  Dir.  J.   Polivka,  mensuel^ 
ab.  6  cour,  (en  tchèque)  T.  III  (1908),  n»  1. 
J.  Kopac,  Coiffes  de  la  région  de  Humpolec. 
V.  Vavra,  Contribution  à  la  médecine. 
Analyses  (détaillées  et  critiques). 
Bibliographie  (bien  faite). 
Nouvelles  ethnographiques  (intéressantes). 

—  Nw  2-3. 

L.  Niederle,  Les  nationalités  en  Roumanie. 
G.  Horâk,  Etudes  sur  les  motifs  des  chan- 
sons tchèques. 

—  No  4. 

J.  Jan  ko,  La  situcdion  actuelle  du  problème 
des  anciens  Indo- Européens. 

—  N««  5-6. 

J.  Janko,  La  situation,  etc.  (fin). 
K.  Kadlec,  B.  BogiHe. 

—  N»  7. 

T.  Novakova,  Coutumes  populaires  rurales 
de  1870  à  1880. 

—  N«8. 

J.  Tykoc,  Vomemeniation  popiUaire  sur 
métaux  dans  les  régions  ae  Landskron 
et  Leitomischl. 

Journal  of  the  African  Society,  t.  VII  n**  XXVUI 
Uuillet  1908). 
C.  H.  Elgee,  The  Ife  stone  carvings. 
Watherston,  The  Northern  Territories  of 
the  Gold  coast. 

F.  H.  Ruxton,  Notes  on  the  tribes  of  the 
Muri  Provinces. 

A.  Werner,  Bushman  Paintings. 

A.  Ffoulkes.  The  Fanti  family  system.     « 

Catalogue  of  Linguistic  works,  U. 

—  T.  VIU,  n«  XXIX  (octobre). 

G.  Pan  ridge,  A  note  on  the  Igara  tribe. 
Byng-Hall,  Notes  on  the  Bassakomo  tribe. 
A.  FJfoulkes,  Fanti  marriaae  customs. 

A.  Werner,  Native  affairs  in  South  Africa. 

B.  Struck,  An  unlocated  tribe  on  the  u>hite 
Nile. 

H.  France,  Worship  of  the  Thunder-God 

among  the  Axouma^ 
Supplément  :  B.  Struck,  A  vocabulary  of 

the  Fipa  language^  8«,  XI  pages. 

Budragen  tot  de  Taal»  Land  en  Volkenkunde 
VAN  Ned.  Indie.  LXI^  3-4. 
W.  0.  J.  Nieuwenkamp,  De  trom  met  de 

hoofden  te  Pedjeng  op  Bali. 
J.-A.  Loebe,  fr.,  Bamboe'Sniiu)erk  en  v^eef 
sels  op  Timor. 


1908.] 


SOMMAIRES   DES   REVUES. 


LP.  B4ti. 


J.  Tideman,  De  Batasa-uowa  op  Zuid-Ce- 

lebes, 
H.  Kero,  Linguistic  Survey  of  India. 

F.  J.  F.  van  HaRselt»  Nufoorsche  fabelen  en 
vertellingen, 

G.  Ferrand,  Un  vocabulaire  malgache  hol' 
landais. 

TjJDSCHItlFT  YOOa  INDISCHE   TaAL-,  LaMD-   BN  VoL- 

KEMKUNDB  (Batavia)  t.  L,  1907-1908  (en  hollan- 
dais). 
H.  J.  Orysen,  Rapport  concernant  les  IX 

Kota  et  Padang  larah  {Sumatra  central). 
J.  Knebel,  La  légende  de  Bèdji  Tawoun» 
W.  P.  Groeneveldt,  Sur  quelques  statues 

hindoues  montrant  une  physionomie)  at  a» 

naise. 
D'  Jl.  Römer,  Contribution  à  la  médecine 

des  Batak-karo, 
J.  Knebel,  Les  lieux  sacrés  dans  la  régence 

de  Ngawi  {Madioun). 

—  Quelques  coutumes  particulières  au  vil- 
lape  de  Tjermé  (Sourabaya), 

H.  A.  von  Dewall,  Les  cerfs-volants  à  Ba- 
tavia. 

—  Le  jeu  de  chiques  à  Batavia. 

0.  H.  Goedhart.  Trois  Districts  au  centre 
de  Ole  de  Celebes. 

A.  C.  Kruijt,  Données  nouvelles  sur  les  ob- 
jets archéologiques  trouvés  à  Besoa. 


Rbvub  Arch^ologiqub,  4«  série,  t.  XII,  1908»  juil- 
let-août. 

G.  de  Jerphanion,  Deux  chapelles  souter- 
raines  en  Cappadoce. 

G.  Seure,  Nicopolis  ad  Istrum. 

S.  Reinach,  Sculptures  inédites  ou  peu  con- 
nues. 

Bulletin  mensuel  de  l'Acad.  d.  Inscriptions. 

Nouvelles  archéologiques  (Vorigine  de  la 
tragédie  grecque.  Découvertes  en  Hon- 
ffrie.  Registres  d^hépatoscopie  à  Babylo* 
ne).  Bibliographie  :  A.  J.  Evans,  The  pre- 
historic  tombs  of  Knossos  (A.  J.  Reinaoh^. 
—  L.  W.  King  et  H.  R.  Hall,  Egyr^  and 
Western  Asia  in  the  light  of  recent  visco' 
veries  (id.).  —  J.  de  Saint- Venant»  Dodé- 
caèdres perlés  de  V époque  gallo-romaine 
(id.).  —  Chr.  Huelsen,  La  Planta  di  Roma 
deir  Anonimo  Eindsidlense  (id.).  —  G, 
Macdonald  et  Al.  Park,  The  roman  forts 
on  the  Bar-Hill  {id.).  —  Abele,  Der  Senat 
unter  Augustus  (id.).  —  0.  Hirschfeld, 
Die  römischen  Meilensteine  (id.). 
L'HoMMB  Prehistoriqub,  t.  VI  (1908),  n<»  6. 

M.  Imbert,  Dolmens  de  la  Haute-  Vienne. 

P.  Baudet,  Monuments  divers  de  V Aisne. 

Mori n -Jean,  Torques  Mamien. 

Fouilles  et  Découvertes  —  Nécrologie  — 
Livres  et  revues  —  Musées  départemen- 
taux. 


ERRATA. 

108 

ligne  18  du  bas, 

lire  cypriote 

au  lieu  de  Cretoise. 

» 

» 

6 

n 

n    Vorgriechische 

nordgriechische. 

117 

» 

7 

71 

n    Syrus 

Syris. 

150 

» 

7 

n 

n   pursued 

puroued. 

171 

n 

7 

» 

n  isao 

i830. 

172 

» 

3  du  haut, 

*»    Rjoumi 

Ramsis. 

173 

m 

15 

n 

n    appréciateur 

appréciature. 

174 

» 

30 

n 

V    cum 

unus. 

» 

9) 

50 

n 

n    efatti 

et  fabli. 

» 

f» 

51 

n 

n    simia 

sienia. 

291 

n 

23 

n 

•    oriental 

occidental 

n 

» 

37 

n 

n    thuœt 

thunt. 

n 

» 

38 

n 

fi    nomor 

amor. 

n 

» 

» 

n 

n    nuxt 

nunt. 

n 

9 

39 

» 

n    mozlaœ 

moxtan. 

292 


294 
295 
341 


7)    AA       n  J»  est  tout  entier  non  arménien. 

n    48       »  9  comme  celui  des  autres  parlera  tsiganes. 

»    50       D  n  sa  grammaire. 

9    31       n    ■  m  Finch                au  lieu  de  Finsch. 

n    39       n  »  avec  maintien arménien  a... 

n    4S       n  n  buhu                 au  Ueu  de  btthn, 

n     7  du  bas,  d  côté  de  »        imité  de. 

n       n         n  n  de  U  à  i. 

»59  n  en  arménien  dans  la  flexion  et  la  dérivation. 

13-14  du  haut,  •  composée          au  lieu  de  transposée, 

rt     l       n  n  Zocga                       n        Zocgaa. 

n  Josephe  n        Joseph. 


f       4         n 

351  la  note  2  se  rapporte  à  genitalia  p.  352. 

358  ligne  10  du  haut,  lire  ternir  n  tenir. 

361  note  2  ligne  8  du  haut,  lire  précisent  au  lieu  de  gu^risent. 

362  ligne    8  du  bas,    lire  communion  »  commission, 


p.  542.1 


R 


£ 


E 


[1908. 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


Articles. 


Bkl(A.>.  La  population  musulmane  deTlem- 
cen  (pi.  Xl-Xm  et  XVffl-XXVI)  .  200,  417 

Bbysr  (H.).  Die  Naturgrundlage  des  mexi- 
kanischen Gottes  Aiuhtecutli  ....  394 

BoRBUX  (Gh.).  Les  poteries  décorées  do  l'E- 
gypte préd^nastique  (fig.  1-6)  ....    33 

CoRSo  (R.).  Crli  sponsaii  popolari,  studio  di 
etnologia  jiundica 487 

Dblapossr  (M.).  I^e  peuple  Siéna  ou  Sônoufo 
(planches  M V  et  X).  16, 79, 151,  242, 448, 483 

Dbsparmbt  (J.).  La  Mauresque  et  les  mala- 
dies de  l'enfance 500 

Fbrrand  (0.).  Note  sur  le  calendrier  malga- 
che et  le  Fandruana    ....  93.  160,  226 

Frazbr  (J.  g.).  Saint  George  and  the  Pari- 
lia 1 

Gaud  (F.).  Organisation  politique  des  Mandja 
(planches  XIV  et  XV) 321 

Gaudbfroy-Dbmombtnbs,  Rites,  métiers, 
noms  d'agent  et  noms  de  métier  en  ara- 


be     140 

Gbnnkp  (A.  van).  Une  nouvelle  écriture  nè- 
gre, sa  portée  théorique  (pi.  VI  et  Vil) .  129 
Essai  d'une  théorie  des  langues  spé- 
ciales      

GoTTHBiL  (R.).  The  cadi  ;  the  history  of  this 
institution 

HowiTT  (A.  W.).  A  Message  to  anthropolo- 
gists  

Lang  (A.)  Exogamy 

Pantoussoff  (N.),  Le  temple  chinois  Bel- 
iun-djuan  dans  la  passe  d'Ak-Su,  pro- 
vince d'lli 

Rbinaoh  (A.  J.).  La  lutte  de  Jahvé  avec  Ja- 
cob et  avec  Moïse  et  l'origine  de  la  cir- 
concision   

Roth  (W.  E.).  Catch-cradle  in  British  Quia 
na  (avec  24  figures) 

Wbrnbr  (A  ).  Notes  on  the  Bushmen  race 
(planches  VIU  et  IX) 145 


327 


481 
65 


338 
193 


Communications. 


Dbcocrdrmanchr  (A.).  Note  métrologique 
sur  la  livre  et  la  pile  de  Charlemagne  et 
l'osselet  de  Sase 515 

Fbrrand  (G.).  Le  destin  des  quatre  éléments 
dans  la  magie  malgache 277 

Gaudbfrot-Dbmombtnbs.  Métiers  et  noms  de 


métiers  en  arabe 278 

Gbnnbp  (A.  VAN).  Vers  l'EncyclopœJia  Eth- 

nographica 276 

L'expédition  ethnographique  de  M.  K. 

Weule  dans   l'Afrique  orientale  alle- 
mande   517 


Analyses. 


Bédirr  (J.).  Les  Légendes  épiques,  T.  I  (G. 
Huet) 407 

B ERNSTBIN  (I.).  Jtidische  Sprichwörter  und 
Redensarten  (R.  Basset) 466 

Boas  (Fr.).  Anthropology  (A.  v.  G.).    ...  289 

Burrows  (R.  M.).  Discoveries  in  Crete  (A. 
J.  Reinach) 175 

DussAUD  (R.).  L'île  de  Chypre  (A.  J.  Rei- 
nach)     109 

Faïtlovitgh  (J.).  Proverbes  abyssins  (R.  Bas- 
set)  171 

FiNCK  (Fr.  Nik.).  Die  Sprache  der  armeni- 
schen Zigeuner  (A- Maillet) 290 

Frihdkrici  (G.).  Die  Schiffahrt  der  Indianer 
(A.  V.  G.) 116 

Fynn  (A.  J.).  The  american  Indian  as  a  pro- 
duct of  environment  (A.  v.  G.) .     .     .    .  170 

Galtier  (E.).  Coptica-arabica,  I  (R.  Basset).  173 

Giron  (N.).  Légendes  coptes  (R.  Basset) .     .  293 

HiLDEBRAND  (E.).  Recht  und  Sitte  auf  den 
primitiveren  wirtschaftlichen  Kultur- 
stufen (A.  V.  G.) 288 

HiRZEL  (R  ).  Therais,  Dike  und  Verwandtes 
(P.  Huvelin). 279 

Huntington  (E.).  The  pulse  of  Asia  (A.  v.  G.)  165 

Jacob  (J.)  Geschichte  des  Schattentheaters 
(A.  V.  G.)  .     . 57 

Jones  (  W.  N  S.)  Malaria  (Ad.  J.-Reinach)  .  462 

Kleintitschen  (A.).  Qie  KQstenbewohner 
der  Gazellehalbinsel  (A   v.  G.)â>     .     .     .114 

Laoranob  (J.  M  ).  La  Crète  ancienne  (A.  J. 
Reinach)  .  > 295 


Lbhmann  (H.).  Vergleichende  Mythenfor- 
schung (A.  V.  G.) 458 

Lichtenberg  (R.  von).  Beiträge  zur  Altesten 
Geschichte  von  Kypros  (A.  J.  Reinach) .  106 

LoiST  (A.).  Les  Evangiles  synoptiques  (V. 
Ermoni) 363 

Mosso  (A.).  Escursioni  nel  Mediterraneo  ( A. 
J.  Reinach) 175 

MusiL  (A).  Arabia  Petrsaa,  T.  I  et  II(R.  Dus- 
saud)     406 

OEsTBRLEY  (W.  O.  F.).  The  evolution  of  Mes- 
sianic idea  (Goblet  d'Alviella)  ....  404 

Parkinson  (R.).  Dreissig  Jahre  in  der  Sudsee 
(A.  V.  G.) 459 

PeghuKl-Lobsche  (E.).  Volkskunde  von  Lo- 
ango  (A.  v.  G.) Ill 

Pbtrazycri  (L.  von).  Ueber  die  Motive  des 
Handelns  und  Ober  das  Wesen  der  Mo- 
la! und  des  Rechts  (P.  Huvelin)    .     .     *  280 

Pratt  (J.  B.).  The  psychology  of  religious 
belief  (Goblet  d'Alviella) 53 

Rbissnbr  (G.  A.).  Cemeteries  of  Naga-ed- 
Deir  (Ad.  J.-Reinach) 371 

Stephan  (E.)  et  Grûbnbr  (Fr.).  Neu-Meck- 
lenbuig  (A.  V.  G.)  .......    .  459 

Watson  (J.).  The  philosophical  basis  of  reli- 
gion (Goblet  d'Alviella) 285 

Wkissbach  (F.  H.).  Beiträge  zur  Kun<ie  des 
Irak-Arabischen  (CI.  Huart)      ....  463 

Wadlbr  (A.).  Die  Verbrechunssbewegung 
im  östlichen  Europa,  t.  I,  Die  krimina- 
lität des  Balkanl&nder  (A.  Burle) ...  521 


1908.] 


TABLE    DES    MATIÈRES. 


[P.  643. 


Notices  bibliographiques. 


Amar(£.).  Essai  sur  l'origine  de  l'ôcriture 
chez  les  Arabes.  (A.  J.-Reinach)  .    .    .378 

Andrrb  (R.).  Scapulimantia 59 

Ethnologische.  Betrachtungen    Ober 

die  Hockerbestattang 119 

Andrews  (E.  M.).  The  Webster  ruins,  South- 
Rhodesia  3T7 

Armand  et  Cortier.  Nos  confins  sahariens 

IM.  Delafosse) 375 

Baillkt  (J.)  Les  tapisseries  d'Antinoô  au 

Musée  d'Orléans  (A.  J.  Reinacb)  ...  380 
Barrera  (D.  A.).  Las  poses  ion  es  espa  fioles 

del  Golfo  de  Guinea 121 

Baruch  (M.).  Boze  stopky  (Th.  Smolenski)  .  301 
Beckmann  (E.)-  2ur  Legende  vom  Heiligen 

Georg 305 

Bellon  (L).  Kultus  und  Kultur  der  Tschi- 

Neger 121 

BelmcckG.).  II  feticifcmo  primitivo  in  Italia.  59 
Bkymé  (Gl.  DB).  Promo  et  Samara  ....  182 
Bronner  (F.  J.).  Von  deutscher  Sitt'  und 

Art 382 

Calonnk  (A.  db).  Deux  totems  de  TUellé.  .  377 
Capart  (J.).  L'art   et   la  parure    féminine 

dans  l'ancienne  Egypte 182 

Cha VANNES  (Ed.).  Note  préliminaire,...  Chine 

du  Nord 413 

Voyages  archéologiques  dans  la  Mand- 

chourie  et  dans  la  Chine  septentrionale.  413 
CoMbAz  (G.).  Sépultures  impériales  de   la 

Chine 185 

Cordirr(H.).  LesLolos 307 

Cramer  (Fr.).  Afrika 313 

Cromrr.  Modem  Egypt 473 

CuLiN  (Sr.).  Games  of  North-American  In- 
dians (H.  Beuchst) 308 

Dames  (M.  Long  worth).  Popular  poetry  of 

the  Baloches  (S.  Ferrand) 183 

DâcHKLBTTB  (J.).  MsDuel  d'Archéologle  pré- 
historique, celtique  et  gallo-romaine.    .  473 
Dklattrb  (R.  P.).  Le  culte  de  la  Ste  Vierge 

en  Afrique 120 

Desplagnes  (L.).  Le  plateau  central  nigérien 

(M.  Delafosse) 187 

Dbstaino  (E.).  Fêtes  et  coutumes  saisonniè- 
res chez  les  Beni-Snous 120 

EiCRHOFP  (H.).  Die  Kultur  der  Pueblos  in 

Arizona  und  New-Mezico 530 

Elus  (H.).  The  Soul  of  Spain 532 

FaItlovitch.  Proverbes  abyssins  (Mondon- 

Vidailhet) 122 

Fbrrano(G.).  Leslies  Ramny,Lamery,  Wak- 
wak,  Komor  des  géographes  arabes  et 

Madagascar 413 

Festschriit  der  Frankfurter  Anthropologi- 
schen Gesellschaft 535 

Flach  (J.).  Le  code  de  Hammourabi   .    .    .181 
— ^  La  propriété  collective  en  Cbaldée    .  181 
FoRRRR  (K.).  Reallexikon  der  prähistoris- 
chen, klassischen  und  frühchristlichen 

AltertQmer  (A.  J.-Reinach) 470 

Frazbr  (J.  G.).  Folk-lore  in  the  Old  Testa- 
ment      60 

The  scope  of  Social  anthropology.     .  411 

Le  Rameau  d'Or,  trad.  fr.  t.  II .    .    .  531 

Fribderici  (G.).  Der  Tiänengruss  der  India- 
ner   60 

Gadbn  (H.).  Note  lur  le  dialecte  foul  (M.  De- 
lafosse)  376 

Gaidoz  (H.).  Introduction  à  l'étude  de  l'eth- 
nographie politique 179 


De  l'étude  du  folk-lore  en  France  et  à 

l'Etranger 179 

Gautier  (E.  F.).  Le  Sahara  algérien  .    .    .  471 
GiDDiNos  (F.  H.).  Reading  in  descriptive  and 

historical  Sociologv 59 

Goblbt  d'Alviblla.  Thèses  transactionnel- 
les dans  l'Hititoire  des  Religions  .    .    .  180 
Goldstein  (F.).  Die  sociale  Dreistufentheo- 
rie     118 

GoMhiB  (G.  L.).  Folk-iore  as  an  historical 

science. 532 

Gordon  (E.  0.).  Saint  George 305 

Graham  (W.  A.).  Kelantan 375 

Greffier  (R.  P.  H.).  Guide  de  \a^  conversa- 
tion français-wolof-diola-sérôr(Ch.  Mon- 

teii) 186 

GrOndel  (P.).  Die  Wappensymbolik  .     .     .  382 

Hahn  (L,).  Rom  und  Romanismus  (A.  J.  Rei- 
nach)     117 

Halrin  (J.).  Quelques  peuplades  du  district 
de  rUelé 377 

Hall  (£.  H.).  The  decorative  art  of  Crete  in 
the  bronze  age 182 

Harris  (G.  H.).  Hausa  stories  and  riddles 
(M.  Delafosse) 310 

Harroy  (F.).  Les  Bakuba 377 

Hartland  (S.).  At  the  temple  of  Mylitta  .    .    60 

Hartman  (G.  V.).  Archseological  Researches 
in  Costa  Rica 473 

Hbcr  (Ph.).  Die  friesischen  Standesverhält- 
nisse  in  nachfiänkischer  Zeit  (P.  Hu  vé- 
lin)   304 

Hbinrmann  (Fr.).  Bibliographie  nationale 
suisse 474 

Hell  wie  (A.).  Diebsaberglaube  et  autres  ar- 
ticle«      180 

Hendlb  (P.  J.).  Die  Sprache  der  Wapogoro 
(R.  Basset). 310 

Hermant  (P.).  Les  coutumes  flBuniliales  des 
peuples  du  Congo 121 

HiRTB  (FR.).  Chinese  metallic  mirrors.    .    .  184 

Hoffmann-Kraybr.  Die  Fruchtbarkeitsriten 
in  der  Schweiz 60 

Hölzel's  europäische  Völkertypen   ....  469 

Jahrbuch  des  Museums  für  Völkerkunde  zu 
Leipzig 473 

Jborrlbhnkr  (J.).  Was  die  Sennen  erzählen, 
Wallis 381 

Jonghb  (Ed.  de).  Les  sociétés  secrètes  au 
Bas  Cïongo 188 

Joyce  (A.  T.)  et  Thomas  (N.  W.).  Women 
of  all  Nations 470 

Kardtz  (F.).  Tatauiermuster  aus  Tunis  .    '.  472 
Nach  den  Höhlenstädten  SQdtunisiens  472 

KoHLBRUGGB  (J.  H.  F.).  Die  morphologische 
Abstammunjg  des  Menschen     ....  411 

Krause  (Fr.).  Die  Pueblo-Indianer.    .    .    .  530 

Krauss  (Fr.  S.).  Slavische  Forschungen  1. 1.  469 

KuNos  (L).  Das  ttlrkische  Volksschauspiel  .  381 

KtlNSSBERG  (E.  von).  Uebcr  die  Strafe  des 
Steintragens 305 

Laufer  (B.).  Historical  jottings  on  Amber  in 
Asia  (A.  J.  Reinach) 530 

Lehmann  (A.).  Aberglaube  und  Zauberei 
(A.  J.  Reinach) 471 

Lbonbard  (R.).  Die  paphlagonischen  Felsen- 
gräber (A.  J.  Reinach) 529 

LoDS  (Ao.).  La  croyance  à  la  vie  future  et  le 
culte  des  morts  dans  l'antiquité  israélite 
(A.  J.  Reinach) 303 


p.  544.] 


R 


E 


Ë 


[1908. 


LUdbrs  (H.).    Das   Würfelspiel   im   alten 

Indien 807 

Magdonxld  (D.).   The  oceanic  languages 

(G.  Ferrand) 186 

Maclkr  (Fr.).  Mosaïque  orientale  ....  180 
Martin  (A.  0.  P.).  Les  oasis  sahariennes.    .  472 
Martin  (R.).  System  der  physischen  Anthro- 
pologie  411 

Maspâro  (G.).  Causeries  d'Egypte  ....  182 
Matsumura  (A.).  A  Gazetteer  of  Ethnology.  531 
Matusiak(Sz).  Olimp  polski  podZug  DZbgosza 

(Th.  S(nolenski) 532 

MmLLBT  (A  ).  Le  dieu  indo-iranien  Mitra.  .  183 
Mbtbr  (Ed.).  Anfänge  des  Staats    .    .    .    .  179 

Das  erste  Auftreten  der  Arier  in  der 

Geschichte  (A.  Meillet) 301 

MiLANi  (L.  A.).  La  Biblia  prebabelica  e  la 
liturgia  dei  Preelleni  (A.  J.  Reinach)    .  378 

MouKiKR  (J.).  L*art  au  Caucase 306 

MUnstbrbero   (0.).    Japanische  Kunstge- 
schichte, t.  III  et  Japans  Kunst    .    .    .  535 
Narbbshubbr  (K.).  Aus  dem  Leben  der  ara- 
bischen Bevölkerung  in  Sfax    ....  472 
OusPENSKT  (Th.).  0  drevnieshikh  znakakh 

pisma  (A.  J.  Reinach) 378 

OoRDT  (J.  F.  van).  The  origin  of  the  Bantu.  312 
Pantoussoff  (N.  N.).  Tarantchi  ....  124 
Pappafava  (Wl.).  Die  Advokatur  in    der 

Türkei  (P.  Huvelin) 306 

Paribbni  (R.).  II  sarcofago  dipinto  di  Hagia 

Triada  (A.  J.  Reinach) 527 

Parker  (Th.  V.).  The  Cherokee  Indians  .    .  532 
Passaroe  (S.).  Süd-Afrika.     ......  311 

Penka  (K.).   Entstehung  der  neolithischen 

Kultur  Europas 117 

Herkunft  der  alten  Völker  Italiens  und 

Griechenlands 117 

Peringuet.    Rock-engravings  in  South  and 

North  Africa 312 

Planert(W.).  Aranda-Grammatik .  .  .  .123 
Ploss  et  Bartels.  Das  Weib,  liv.l.  .  .  .412 
Rattrat  (R.  S.).  Some  folk-lore  stories  and 

songs  in  Cbinyanja 186 

Reicurl  (A.).  Ostasiatische  Ornamente  kre- 

tisch-mykeni8cherKunst(A.J.-Reinach).  308 
Reinach   (A.   J.).    L'Egypte    préhistorique 

(Ch.  Boreux) 533 

Ridgewat  (W.)  The  beginning  of  iron  (A. 

J.  Reinach) 536 

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Sommaires  des  Revues ^    .    .61,126,189,314,383,414,477,539 


Chronique 63, 192,  320,  416 


Table  des  matières 542 


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