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REVUE
DICS
ÉTUDES JUIVES
VERSAILLES
CERF ET C'% IMPRIMEURS
?9, RUE D0PLES8I8, 59
■9^^ REVUE
DES
ÉTUDES JUIVES
PUBLICATION TRIMESTRIELLE
DE LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES JUIVES
TOME VINGT-SIXIÈME
PARIS
A LA LIBRAIRIE A. DURLACHER
83 '•'% RUE LaFATETTK
vS.
1893 V^\^5
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in 2010 with funding from
University of Ottawa
lOl
http://www.archive.org/details/revuedestudesj26soci
TYPES JUIFS
CONFÉRENCE FAITE A LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES JUIVES
LE H MARS 1893
Par m. le D^ Victor JACQUES
Secrétaire de la Société anthropologique de Bruxelles.
Présidence de M. Hartwig Derenbourg, président.
M. le Président ouvre la séance en ces termes :
Mesdames, Messieurs,
La Société des Etudes juives, fondée en 1880, est aujourd'hui
dans sa quatorzième année d'existence. Elle a atteint, sinon sa
majorité civile, du moins sa majorité religieuse. Telle est sa vita-
lité qu'elle n'a pas été compromise parla mort, en juin 1892, de
mon éminent prédécesseur dans ce fauteuil, M. Isidore Loeb. Et
pourtant la Société s'était tellement incarnée en lui que sa perte
aurait pu déteminer une crise grave daas notre existence. Nous
avons pleuré notre ami et nous avons manifesté notre deuil en lais-
sant vide la place qu'il avait occupée à peine un court moment.
Nous étions désormais émancipés, capables de marcher en avant
sans lisières. La présidence devenait chez nous un rouage dont à la
rigueur nous pourrions nous passer. La meilleure preuve, c'est
qu'après l'avoir offerte aux hommes illustres qui nous ont honorés
en l'acceptant, vous avez désigné cette fois un travailleur de bonne
volonté, vous apportant plus de zèle et d'ardeur que de prestige et
ACT. ET CONF. D
ACTES ET CONFÉRENCES
d'autorité, que vous avez honoré, grandi, rendu profondément re-
connaissant par vos suffrages. Je suppose que vous avez voulu
récompenser en moi ma passion inaltérable pour le judaïsme, mon
attachement réfléchi à son glorieux passé, la vivacité de maçon- .
fiance dans son avenir, malgré les difficultés de l'heure présente. La
vertueuse indignation des antisémites est un fanatisme rachitique,
importé du dehors, qui ne s'acclimatera pas et qui ne prendra pas
racine sur la terre de France.
Après vous avoir exprimé ma gratitude, veuillez m'autoriser à
prolonger un peu cette allocution. Soyez rassurés : je ne mettrai
pas votre patience à trop rude épreuve et je n'oublierai pas que ce
n'est pas moi que vous êtes venus entendre. Mais les professeurs
se croient volontiers en chaire, et les occasions de nous rencontrer
sont si peu fréquentes. Je voudrais, si vous le permettez, avant de
vous présenter le héros de la soirée, vous dire encore quelques mots
sur notre Société comme votre délégué auprès d'elle, comme son
représentant auprès de vous.
Nous disposons de deux moyens pour entrer en communication
avec le public, notre Revue trimestrielle et des conférences espa-
cées... trop espacées à mon gré. La Revue a fait son chemin
dans le monde savant. On la consulte et on la cite. La table des
vingt-cinq premiers volume.*, qui va paraître sous peu de jours,
facilitera encore les recherches et aidera la bonne semence à germer
dans de féconds résultats. Mais, si nos collections sont feuilletées,
compulsées, appréciées, fatiguées et usées dans les bibliothèques de
France et de l'étranger, combien de nos souscripteurs, qui ne nous
abandonneront jamais, je l'affirme bien haut et ils ne me contredi-
ront pas, se sont accoutumés à ranger sur leurs rayons nos fasci-
cules intacts, sans leur faire l'honneur, je ne dirai pas de les étu-
dier, mais de les couper! Que de fois les catalogues d'antiquaires,
dans leur francl ise impitoyable, nous off'rent des exemplaires qui
proviennent, soit de décès, soit de cessions entre vifs, et qui sont
annoncés commt étant « dans l'état de neuf! » Il y a certes une
part de préjugé dans cette persévérance à se désintéresser des ar-
ticles insérés dans notre recueil. Je crois que, tel qu'il est, il gagne-
rait à être mieux connu, qu'on y découvrirait, avec un peu d'effort
TYPES JUIPS Ll
peut-être, des échappées de lumière bien ménagées sur des points
d'histoire, sur des traditions populaires, sur les origines, les
époques, les variations et les dates de notre littérature dans l'anti-
quité, au mojen-âge et dans les temps modernes. Mais comment
convaincre de cette vérité ceux qui se sont entêtés pour avoir été,
de prime abord, effrayés par l'aspect rébarbatif de certains mé-
moires? On a pris de mauvaises habitudes et on s'y tient. C'est
ainsi que plus d'une page maîtresse est restée enfouie dans cette
nécropole. Avouons-le humblement : si nous avons été punis, c'est
que nous n'étions point sans faute. Si nous avons prêché dans le
désert, c'est que notre voix ne portait pas. Notre renom littéraire
ne s'est pas élevé à la hauteur de notre renom scientifique. Il faut
que la conciliation s'opère, que de part et d'autre nous consentions
des sacrifices réciproques. Que nos collaborateurs, sans faire au-
cune concession sur le fond, se préoccupent plus de la forme, qu'ils
nous donnent plus de conclusions et moins de documents. Mais
aussi, que ceux que nous cherchons à gagner comme lecteurs de la
Reiniê ne nous réclament pas les agréments frivoles des chroniques
et des romans, qu'ils se résignent à l'allure austère dont nous ne
nous départirons pas, qu'ils fassent quelques pas vers nous, comme
nous sommes disposés à nous rapprocher d'eux dans la limite du
possible. Je n'ignore pas que, si nous nous décidons à cette transac-
tion, nous aurons bien de la peine à en convaincre les incrédules, à
triompher d'anciennes préventions, à lutter avec succès contre un
verdict sévère élevé à la hauteur d'un axiome. On n'aime passe
déjuger. Un titre est comme un drapeau qui change de main, qui
ne change pas de couleur. Nous essaierons cependant de nous in-
sinuer adroitement dans les bonnes grâces de nos fidèles adhérents,
et de leur adresser une Revue qui ne leur paraisse point par trop
illisible. Que, de leur côté, ils s'associent de plus en plus à notre
œuvre et qu'ils fassent en notre faveur une propagande active dont
nous avons besoin ; les confidences de notre trésorier, qu'il nous
permette de le répéter, sous le sceau du secret, à nos amis, ont un
caractère moins satisfait que son optimisme officiel.
Si la parole écrite se répand au loin et apporte un écho de
notre activité dans l'ancien et dans le nouveau monde, les entre-
LU ACTES ET CONFÉRENCES
tiens et les conférences peuvent produire un effet plus immédiat
dans un cercle plus intime. Un auditoire, même muet, est comme
l'interlocuteur, j'allais dire, comme l'inspirateur et le collaborateur
de celui qui lui adresse la parole. 11 y a là un courant qui provoque
et qui arrête certains épanchements. On s'exprime tout autrement
selon les oreilles qui écoutent. La vraie difficulté, c'est d'attirer des
auditeurs, d'arracher les personnes sur lesquelles on veut agir aux
milieux divers qui nous les disputent. Mais, pour l'action exercée,
quelle différence entre les artifices froids du style sur le papier, et
la chaleur d'une éloquence communicative. Je suis un partisan ré-
solu des conférences, instruments admirables de vulgarisation,
sources d'instruction grâce auxquelles une sorte de solidarité s'éta-
blit entre ceux qui y ont puisé eu commun, manifestations élo-
quentes qui font battre les cœurs à l'unisson, forces puissantes dé-
terminant l'accord des pensées et la cohésion des éléments les plus
hétérogènes. On y arrive de points divers dans des dispositions
individuelles ; on en sort, pour peu que l'orateur ait imprimé sa
marque sur des esprits malléables, avec une communion de sensa-
tions et d'idées qui a la chance de survivre à l'impression éphé-
mère. Il y a là un phénomène physique et moral analogue à l'effet
produit par les représentations théâtrales d'un ordre supérieur.
L'émotion de chacun s'accroît par l'émotion générale, l'ensemble
des spectateurs profite des jouissances accumulées dans la salle,
les acteurs, dans leur jeu, s'échauffent au contact de la flamme
qu'ils ont allumée. C'est ainsi que je me figure l'action réflexe du
conférencier sur le public, du public sur le conférencier.
Le discours que vous allez entendre, et que je crains d'avoir trop
retardé par ce long préambule, sera, je l'espère, suivi, avant la fin
de 1893, par plusieurs autres conférences. Des pourparlers sont
engagés avec des savants et des écrivains dont nous espérons obte-
nir le concours. Nous avons déjà des promesses fermes, mais que je
ne me crois pas encore le droit de divulguer. Vous aurez tout le
plaisir d'agréables surprises.
Je vous promets, en attendant, que vous allez passer une heure à
la fois attrayante et instructive. M. le D"" Victor Jacques, auquel
vous la devrez, n'est pas seulement, comme le portent les cartes
TYPES JUIFS LUI
d'invitation, le secrétaire de la Société d'Anthropologie de Bruxelles,
il y est aus?i professeur de thérapeutique à l'Université, chef de
service à l'hôpital des orphelines.
Les résultats auxquels il est arrivé par une étude anthropologique
portant sur l'être vivant et sur la conformation des crânes sont
diamétralement opposés à ceux que M. Ernest Renan a développés
dans ses deux conférences mémorables : 1° Le Judaïsme comme
race et comme religion, le 27 janvier 1883, au Cercle Saint-Simon;
2° Identité originelle et séparation graduelle du judciisme et du christia-
nisme, le 26 mai 1883, à la Société des Etudes juives. M. Renan,
avec sa merveilleuse séduction de langage et de style, prétendait,
en s'appuyant sur une interprétation très personnelle des événe-
ments historiques, qu'au point de vue ethnographique, l'idée d'une
race juive était un leurre, le peuple d'Israël ayant été fortement
pénétré d'infusions étrangères, et que l'unité apparente provenait
d'un mirage auquel l'unité religieuse donnait un semblant de
réalité.
« Mon opinion, disait M. Renan devant vous, est qu'il n'y a pas
un type juif, mais qu'il y a des tj^pes juifs. » Jusque-là c'est bien
aussi l'opinion de M. le professeur Jacques. Mais il se sépare de
son prédécesseur en ce qu'il est convaincu que les types juifs actuels
sont en filiation directe avec les types qui existaient en Judée
avant la dispersion, avant 135 de notre ère. Si M. le professeur
Jacques se prononce ainsi en faveur de la communauté d'origine
pour les Juifs de lignée authentique, ce n'est point qu'il se soit
laissé entraîner hors de la voie scientifique par des préoccupa-
tions apologétiques. Vous n'êtes pas en face d'un Juif en quête de
nobles ancêtres. M. le professeur Jacques a approfondi cette ques-
tion si intéressante pour les études juives, en l'examinant du
dehors, avec la sympathie dun esprit libéral, avec le calme d'un
témoin impartial et désintéressé. Remercions-le de l'honneur qu'il
nous fait de nous réserver la primeur de sa théorie, présentée par
lui, ainsi qu'il vous l'a annoncé d'avance, comme une étude d'an-
thropologie.
LIV ACTES ET CONFÉRENCES
M. le -D'" Jacques répond :
Mesdames et Messieurs,
S'il est une question qui soit de nature à vous intéresser entre
toutes, c'est bien celle des origines des populations de religion
juive qui sont actuellement répandues à la surface du monde
entier.
Peu de questions ont été autant discutées, peu de questions ont
reçu autant de solutions différentes, solutions qui, il faut bien le
dire, n'étaient pas toujours inspirées par l'amour de la vérité, mais
qui étaient trop souvent dictées par des considérations absolument
étrangères à la science.
Si je ne crains pas d'aborder de nouveau ce sujet devant vous,
c'est parce que je crois que beaucoup de ceux qui s'en sont occupés
n'ont pas poussé assez loin leurs investigations et qu'ils ont, en
quelque sorte, abandonné leur tâche avant de l'avoir achevée.
Rappelons, en quelques mots, les principales opinions qui ont été
présentées dans ces derniers temps sur l'origine des Juifs.
Vous avez sans doute encore présente à la mémoire la magistrale
conférence faite, il y a quelques années, par Renan, sur Le
Judaïsme comme race et comme religion^. L'illustre professeur au
Collège de France savait mettre au service d'une érudition pro-
fonde et d'une grande élévation de pensées un langage harmonieux
et élégant qui entrainait la conviction chez ses auditeurs, au point
que ceux-ci pouvaient s'imaginer entendre leurs propres idées dans
la bouche du maître. Mais Renan avouait lui-même que sa science
n'était pas universelle, quand il exprimait le regret de ne pas s'être
occupé plus tôt du sujet qu'il traitait ce jour-là. Sans doute, comme
historien, il était admirablement préparé pour aborder la question
de la religion juive ; mais, comme ethnologiste, les opinions qu'il
* Rtvue des cours littéraires, tome XXXI. — Analyse et critique, par Th.
Reinach, daus la Retue des Etudes Juives, 1883, p. 141.
TYPES JUIFS LV
pouvait émettre ne doivent pas être admises sans quelques res-
trictions.
Or, voici les conclusions de Renan, qui sont, d'ailleurs, celles de
beaucoup d'anthropologistes français, MM. Topinard, Hervé, Hove-
lacque et d'autres : le judaïsme est une religion, mais ce n'est pas un
fait ethnographique ; il y a peut-être bien des types juifs, quoique,
pour sa part, il ne s'en montre pas très convaincu ; mais la physio-
nomie particulière que d'aucuns croient observer chez les Juifs est
bien plutôt le résultat des nécessités sociales qui ont pesé sur eux
pendant des siècles, qu'elle n'est un phénomène de race.
L'opinion de Renan a fait autorité, et bien des personnes sont
aujourd'hui persuadées que les Juifs actuels sont des gens qui pra-
tiquent la religion juive, mais qui n'ont plus dans les veines une
seule goutte du sang des anciens habitants de la Judée. Renan
est cité par tous ceux qui se sont occupés de la question après lui.
Il est vrai de dire que même ceux dont les conclusions s'écartent
des siennes se plaisent à lui emprunter ses arguments ou tout au
moins en tiennent compte.
C'est Renan qu'invoquait le tant regretté Isidore Loeb, à la
science duquel je me plais à rendre, en passant, un légitime hom-
mage, quand il écrivait son article Juifs pour le Dictionnaire de
Vivien de Saint-Martin. Voici comment il s'exprime : « Pouvons-
nous supposer que tous (les Juifs modernes) fussent des descendants
des Orientaux venus de Palestine à une certaine époque et qui au-
raient fondé des espèces de colonies dans certaines villes"? Je ne le
crois pas. Il y eut sans doute en Gaule des émigrés juifs qui remon-
tèrent le Rhône et la Saône et servirent, en quelque sorte, de levain,
mais il y eut aussi une foule de gens qui se rattachèrent au ju-
daïsme par conversion et qui n'avaient pas un seul ancêtre en Pa-
lestine. » Isidore Loeb a contribué, peut-être plus que tout autre, à
propager cette opinion que les Juifs français, par exemple, sont le
résultat d'un mélange d'Aryens et de Sémites, par suite de nom-
breux mariages entre les Chrétiens et les Juifs.
Je demanderai à ceux qui partagent cette manière de voir, de
quels Aryas ils entendent parler, des peuples qui parlaient des
langues aryennes, ou des peuples qui sont de race aryenne. Il y a
LYl ACTES ET CONFÉRENCES
là une confusion de mots des plus regrettables, dont on n'a que
trop d'exemples.
En Angleterre, nous voyons M. Neubauer ' faire également état
de l'existence de Juifs bruns ou noirs, de Juifs blonds et de Juifs
aux cheveux roux, du prosélytisme aux premiers siècles de notre
ère et des mariages mixtes qui se pratiquaient aussi bien autrefois
en Judée que plus tard, dans toutes les parties du monde, depuis
la dispersion des Juifs sous Titus et Adrien, pour rejeter presque
complètement l'existence d'un type ou même de plusieurs types
juifs modernes, et pour conclure, comme Renan et Loeb, à l'unité
de religion sans l'unité de race.
Nous sommes loin, comme vous le voyez, des auteurs qui procla-
ment les Juifs une race pure entre toutes, comme le D"" Andrée*
et M. Joseph Jacobs ^, par exemple, et de ceux qui admettent au
moins deux types juifs bien déterminés, comme le professeur
Stieda *, le û'' Blechman/ et bien d'autres.
Je ne veux pas examiner un à un tous les arguments de ceux
qui ont plaidé des thèses aussi opposées. Je me hâte de le dire, je
suis grand partisan de l'existence de plusieurs types parmi les
Juifs modernes ; mais je ne puis me contenter de fixer devant vous
le caractère vraiment scientifique de ces types ; je veux aussi établir
la possibilité de leur filiation avec les anciens habitants de la Pales-
tine et rechercher enfin l'origine de ceux-ci. Ce sont ces deux der-
niers points qui ont été le plus souvent laissés dans l'ombre par la
plupart des auteurs.
Je ne crains pas d'aborder, devant une assemblée comme la
vôtre, ces questions peut-être un peu spéciales. Votre Société a
prouvé, par l'intérêt qu'elle a montré aux savantes conférences en-
* Notes on the Race-Types of tht Jews, dans The J. of tht Anthrop- Listittiti,
1886, vol. XV, p. 17.
' Ztir Volkskunde der Juden, 1881.
' /. of the Anthrop. Jnstitute, 1886, vol. XV, p. 23.
■* Ein Beitrag tur Anthropologie der Juden, Archiv. A Anthrop- 1882,
XIV, pages 61 à 71.
* Thèse inaugurale publiée sous le même titre que l'ouvrage précédent en 1882,
à Dorpat.
TYPES JUIFS LVn
tendues jusqu'ici, qu'elle peut explorer, dans toutes ses parties, le
champ des connaissances hunaaines. En vous priant de bien vouloir
me suivre aujourd'hui dans le domaine des sciences anthropolo-
giques, j'ose caresser l'espoir que votre promenade vous sera quel-
que peu profitable. Je tâcherai, d'ailleurs, de la rendre aussi
attrayante que possible.
Le premier point à établir, pour étudier le tjpe ou les types juifs,
c'est de bien se mettre d'accord sur ce qu'on entend en anthropo-
logie par le mot iijpe et comment, au point de vue de cette science,
on détermine un type.
« La définition la plus simple du type, dit M. Topinard, est celle
de Cuvier : « Un ensemble de caractères physiques. » Il y a, pour-
suit le savant anthropologiste, des types individuels, des types de
famille, des types accidentels et des types ethniques. Arrêtons-nous
un instant sur ces derniers, car c'est sur eux que roule toute la
controverse qui nous occupe.
Les types accidentels sont ceux qui résultent « de l'action des
circonstances extérieures de la vie, communes à un même groupe
d'individus : tels sont le type des mineurs privés de lumière, celui
des marins exposés à tous les vents, baignant dans une atmos-
phère salée et se nourrissant de même ; celui des paysans de la
Bresse ou des Marais-Pontins, soumis aux mêmes influences palu-
déennes ; celui des Irlandais des comtés d'Armagh et de Down,
dont parle Ch. Hall, partageant la même misère, la même saleté,
la même alimentation insuffisante'. » L'auteur auquel j'emprunte
cette citation, aurait pu ajouter comme exemples, d'une part, le
type des habitants des villes par opposition avec celui des habitants
des campagnes, et le type que présentent, heureusement de moins
en moins dans nos pays libres, les descendants des malheureux que
l'intolérance religieuse du moyen-âge avait relégués dans lesghetti,
mais qui s'observe encore dans les pays où les Juifs sont traités en
parias.
C'est une grande erreur chez Renan d'avoir admis comme base
' Topinard, Élémtntt d'Anthropologie gén€rale, 1885, p. 189.
LVllI ACTES ET COiNFÉRENCES
de son argumentation ce type accidentel et d'avoir méconnu le type
zoologique ou, pour serrer de plus près la question, le type de la
race, le type ethnique. Mais comment l'illustre historien aurait-il
pu déterminer le type ethnique plus ou moins caché derrière le
type accidentel ? Ce n'est pas, comme il dit l'avoir fait, en se
contentant de regarder les savants hébraïsants qui allaient con-
sulter les manuscrits dont il avait la garde. La science demande
des méthodes plus précises. Nous dirons donc quelques mots
de ces méthodes et nous analyserons les résultats qu'elles ont
fournis.
Une proposition qui a souvent été répétée en anthropologie, c'est
qu'il n'y a plus de races pures et que tous les peuples sont le résul-
tat de métissages plus ou moins nombreux. Les voyageurs qui
abordent pour la première fois dans certaines îles de l'Océan indien
ou de l'Océan pacifique sont tout d'abord frappés par l'air de fa-
mille que présentent tous les individus qu'ils rencontrent, au point
qu'il est difficile de les distinguer les uns des autres par quelque
caractère bien apparent. Il s'en faut donc de beaucoup, quel-
que exercés qu'ils soient, qu'ils puissent déterminer, à première vue,
les éléments ethniques qui entrent dans la composition de la popu-
lation qu'ils ont sous les yeux. Je vous cite cet exemple parce qu'il
est bien connu. Mais quel ne doit pas être l'embarras de l'observa-
teur, quand il se trouve en présence d'une population qui réunit
les types physiques les plus divers ! Pour s'y reconnaître, il n'y a
qu'une seule méthode siire, c'est d'examiner un à un un certain
nombre d'individus, de noter tous les caractères qu'ils présentent,
puis de comparer entre eux ces caractères, de manière à établir
leur prédominance numérique. Quand ce travail est fait pour une
population donnée, il faut nécessairement, pour en tirer quelque
conclusion utile , le reprendre pour toutes les populations voi-
sines. C'est alors seulement que l'on peut juger de la répartition
des caractères et déterminer ceux d'entre eux qui paraissent ap-
partenir plus particulièrement à tel groupe de population ou à tel
autre.
Quels sont les caractères qu'il est utile de relever pour ce genre
de travail? Les caractères proposés sont extrêmement nombreux,
TYPES JUIFS ^^^
et il faut l'avouer, les anthropologistes ne sont pas encore d'ac-
cord sur l'importance qu'il convient d'attribuer à chacun d'eux. Il
en est toutefois un certain nombre qui sont admis par tout le
monde comme des caractères de premier ordre. Pour ne pas en-
trer dans trop de détails, je me bornerai à vous parler seulement
de ces derniers. Vous saisirez, d'ailleurs, immédiatement combien
il est important de n'avoir recours qu'à des observations bien
Quand on voyage dans le Nord, dans les parties méridionales de
la Suède et de la Norwège, par exemple, ce qui frappe le plus dans
l'aspect général de la population, c'est la coloration des yeux et des
cheveux. Les yeux sont d'un bleu pâle très doux, et les cheveux
sont franchement blonds. Dans le Midi, en Espagne, en Italie, les
yeux sont noirs ainsi que les cheveux. La répétition de ces carac-
tères chez un très grand nombre de personnes les fait admettre
comme caractères de race, et, en effet, ils constituent un élément
très important dans le diagnostic de la race.
Mais voici une remarque que chacun de vous peut faire : si plu-
sieurs personnes doivent donner leur avis sur la nuance exacte des
cheveux ou des yeux des populations qu'ils ont à examiner, surtout
quand il s'agit des couleurs intermédiaires, brun clair ou châtain
pour les cheveux, brun clair, gris, gris bleu, gris vert pour les
yeux on peut être certain d'avance du désaccord le plus absolu
dans le résultat des observations. 11 en est de même pour la colo-
ration de la peau. C'est qu'en effet, tous les yeux ne voient pas de la
même façon. M. J. Beddoe remarque que les Anglais, qui sont consi-
dérés comme blonds par les Français, lesquels sont d'une coloration
de cheveux en général plus foncée, sont regardés comme bruns
parles Scandinaves, qui, eux. sont d'un blond plus clair. 11 faut
une très grande habitude pour pouvoir rendre par le mot juste
une impression toute personnelle. Aussi les sociétés d'anthro-
poloo-ie joignent-elles toujours aux instructions qu'elles donnent
aux voyageurs des tableaux chromatiques, numérotés, donnant
toutes les nuances des cheveux, des yeux et de la peau, afin d e-
tablir une concordance aussi satisfaisante que possible dans les
observations.
LX ACTES ET CONFÉRENCES
Quoi qu'il en soit, la coloration des yeux et des cheveux constitue
des caractères ethniques de premier ordre, et, en France, en Bel-
gique, en Angleterre, en Allemagne, en Autriche et en Italie, des
enquêtes ont été faites pour relever la répartition des nuances qu'ils
peuvent présenter.
Pour ne parler que des résultats obtenus en France, je vous dirai
que l'on a reconnu que deux grandes races surtout se sont partagé,
d'une manière assez irrégulière, le territoire. Il existait, dans le
Centre et dans le Nord, avant notre ère, une race brune de cheveux
et aux yeux foncés ; des invasions successives, qui se sont pro-
longées pendant plusieurs siècles et dont la conquête franque par
Clovis a été l'une des dernières phases, ont amené du Nord des
populations aux cheveux blonds et aux yeux bleus, qui se sont peu
à peu fondues au milieu des populations autochtones, tout en adop-
tant et leur langue et leur civilisation. Certains départements ont
absorbé un nombre plus considérable de ces envahisseurs, que les
anthropologistes modernes désignent sous le nom d'Aryens, et
offrent, par conséquent, une proportion plus considérable de blonds
aux yeux bleus ; d'autres départements, surtout parmi ceux qui
étaient protégés par des barrières naturelles, forêts épaisses, mon-
tagnes peu accessibles, marais étendus, ou dont le sol pauvre ten-
tait moins le vainqueur, ont conservé en majorité leurs anciens
habitants.
En tout cas, si l'on trouve partout des blonds et des bruns, en
proportion variable, les blonds tendent à disparaître, à être absorbés
au milieu de populations plus anciennes. Dans le midi de la France,
d'autres races encore ont, sans doute, servi de substratum aux popu-
lations actuelles, mais je ne pourrais, je le repète, entrer ici dans
beaucoup de détails à leur sujet ; ce que je vous ai dit de l'impor-
tance du caractère ethnique tiré de la coloration des yeux et des
cheveux suffira pour débrouiller, à ce point de vue, la question
qui nous occupe.
Si nous consultons, en effet, les documents produits par les
anthropologistes, nous voyons que la thèse que les Juifs chassés
d'Espagne et de Portugal par les édits de proscription de 1492 sont
TYPES JUIFS LXI
tous noirs de cheveux, est loin d'être confirmée par les chiffres ; de
même, les Juifs d'Allemagne et de Pologne, les Aschkenazim, ofi'rent
un mélange de cheveux blonds et de cheveux noirs, d'yeux bleus et
d'jeux foncés, bien qu'ils soient habituellement dépeints comme
ayant des cheveux blonds ou roux et des yeux bleus.
Je puis citer quelques chiffres puisés dans l'article publié par
J. Jacobs, dans le Journal de l'Institut anthropologique de la Grande-
Bretagne (1886, t, XV, p. 36), chiffres d'autant plus instructifs
qu'ils donnent, en regard, la proportion de cheveux et d'yeux foncés
pour le restant de la population.
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Ces chiffres suffiraient à eux seuls pour démontrer que les per-
sonnes qui pratiquent la religion juive en Allemagne et en Autriche
diffèrent, dans une certaine mesure, au point de vue ethnique, des
populations au milieu desquelles elles vivent, et qu'elles n'ont, par
conséquent, pas tout à fait la même origine. Les chiffres recueillis
sur les Juifs Sephardim, non pas dans la Péninsule ibérique, où ils
sont fort peu nombreux, mais dans les pays qui les ont recueillis à
la fin du XV® siècle, donneraient des résultats analogues. Ainsi, à
Londres nous trouvons • :
YEUX CHEVEUX
BLEUS. GRIS. BRUNS. BLONDS. BRUNS. NOIRS.
Juifs 21,3 11,9 66,8 11,9 61,6 26,5
En Espagne, les statistiques donnent les proportions suivantes :
Yeux fonce's 41,2 Cheveux foncés 74,6
— bleus 23,9 — clairs 23,3
Ces chiffres s'éloignent sans doute des données fournies par les
statistiques allemandes, mais ils n'en démontrent pas moins chez
les descendants des Juifs espagnols la présence d'un élément eth-
nique aux cheveux blonds et aux yeux bleus, réparti, il est vrai,
dans d'autres proportions que chez les Juifs Aschkenazim.
Quant aux cheveux roux, on a beaucoup discuté sur leur valeur
et sur leur signification au point de vue de la race. Est-ce la carac-
téristique d'une race, comme la couleur blonde, la couleur noire ou la
couleur brune? n'est-ce, au contraire, qu'une sorte de perversion,
de maladie de la couleur noire ou brune, perversion que l'on a attri-
buée aux mauvaises conditions hygiéniques dans lesquelles certaines
populations sont obligées de vivre ? Je ne sais. Les deux hypothèses
peuvent être invoquées à l'appui de ma démonstration : dans le cas
où l'on admettrait que le roux est un caractère ethnique, il serait
facile d'établir des relations de parenté entre les ancêtres des Juifs
' Comparative Anthropometry of English Jews, par J. Jacobs et Is. Spielman,
dans le Journal of the Anthropological InstiHtte, 1889, t, XIX, p. 76-
LXIV ACTES ET CONFÉRENCES
roux et la race aux cheveux roux et aux yeux gris verdâtre, dont
l'aire d'extension a pu, dans l'antiquité, atteindre la Judée, et qui
se retrouve aujourd'hui dans le type finnois aux cheveux roux.
Dans le cas où l'on préférerait, avec J. Beddoe, la seconde explica-
tion, on pourrait démontrer que la misère physiologique est le par-
tage de certaines communautés juives où l'on trouve le plus de
cheveux roux, en même temps qu'une assez forte proportion de
cheveux noirs, dans les Principautés danubiennes, par exemple.
Mais je crois que ce point est d'importance secondaire ; je ne m'y
suis arrêté que pour ne pas être accusé de négliger un fait auquel
certains anthropologistes ont attribué une haute importance.
La coloration des yeux et des cheveux constitue, sans doute, un
caractère des plus précieux, mais il en est auxquels nous attachons
une égale valeur. Ce sont, entre autres, l'aspect de la chevelure,
la taille, la forme du nez, et, enfin, ce que nous appelons les indices,
l'indice céphalique et l'indice nasal.
L'aspect de la chevelure est, en réalité, un caractère secondaire.
Il est bon toutefois de noter que chez les Juifs les cheveux ondes
ou bouclés ne sont pas rares. Il est inutile, je crois, de définir ces
termes. A côté de cette forme de cheveux, les cheveux gros et
rudes, plats, pour me servir d'une expression courante, se rencon-
trent fréquemment dans le type des Sephardim, aussi bien que chez
les Juifs Aschkenazim. Je note simplement ce fait en passant.
La forme du nez a souvent été donnée comme l'une des caracté-
ristiques des Juifs. Seulement il y a à distinguer deux formes bien
différentes. Dans la première variété, le dos du nez est étroit et
convexe : c'est le nez aquilin des Sephardim et des Sémites en
général. Dans la seconde variété, le nez est plus gros dans son
ensemble ; l'arête du nez est comme empâtée ; ses ailes sont moins
nettement dessinées. On attribue plutôt cette forme de nez aux
Aschkenazim. Si, au lieu de nous contenter de cette impression plus
ou moins sujette à caution, nous consultons les tableaux dressés par
les anthropologistes, nous voyons, par exemple*, la répartition
suivante :
' Mayer et Koperniçki, Caractères phijiiques des habitants de la Galicîe ^
Cracovie, 1876, p. 187, eu polonais.
TYPES JUIFS LXV
POLONAIS. RUTHENES. JUIFS.
Nez aquilin
Nez droit
Nez plat et gros ,
Nez retroussé . . ,
6,4
6,1
30,9
67,4
68,1
59,6
^5
11,2
2,9
18,7
14,6
6,6
100,0 100,0 100,0
Or, les Juifs de la Galicie passent certainement pour appartenir
au type des Aschkenazim.
M. J. Jacobs ' a exécuté, avec le concours de M. Fr. Galton, ce
que l'on appelle des photographies composites d'enfants fréquentant
une école juive de Londres. Il prétend que ce qui donne sa caracté-
ristique au nezjuif, ce sont les narines. Si l'on cache, dit-il, dans un
profil composite, la place des narines par un petit morceau de papier,
l'expression de race disparaît presque complètement. On peut faci-
lement répéter l'expérience sans avoir sous les jeux une photo-
graphie composite. Rien ne ressemble au profil du nez juif comme
le chiffre 6 dont on allonge la queue. Si l'on efface la boucle, sa
ressemblance n'est plus aussi frappante, et elle disparaît complète-
ment quand on remplace la boucle par un trait horizontal.
Ce n'est, d'ailleurs, pas seulement la forme du nez qui donne à la
physionomie des Juits leur air de famille : la forme de la bouche
entre pour beaucoup dans l'expression du visage, de même que l'œil
et la forme du front et des pommettes. Tout observateur non pré-
venu en conviendra, qu'il examine des Juifs dits du type germano-
polonais ou des Juifs du type espagnol. Ce qui est certain, c'est que
tous les caractères qu il aura notés chez l'un des deux types prin-
cipaux, il les rencontrera, dans d'autres rapports de fréquence, peut-
être, mais il les rencontrera néanmoins chez l'autre type.
Les caractères purement descriptifs dont nous nous sommes
occupé jusqu'ici, quelque importants qu'ils soient, n'ont pas la valeur
des caractères anthropométriques, c'est-à-dire de ceux que l'on
recueille au moyen de mesures, ruban métrique, compas d'épais-
seur, etc. Parmi ceux-ci, comme je vous l'ai dit, nous dirons quel-
ques mots de la taille et des indices.
' /. ÂHthr. Inst., t. XV, p. 54.
ACT. ET CONF. K
LXVI ACTES ET CONFÉRENCES
Les Juifs doivent être rangés dans les plus petites tailles de
l'Europe, à l'exception des Hongrois. Le chiffre de l"* 62 les place,
en effet, dans la catégorie des tailles au-dessous de la moyenne*.
Nous vous ferons cependant observer que, tout en donnant ce
chiffre comme une moyenne, nous n'hésitons pas à convenir que
l'on voit des Juifs de taille plus élevée, r",75 ; mais aussi des Juifs
de taille plus petite, ln',50. L'écart considérable entre les tailles les
plus élevées et les tailles les plus petites, 28 centimètres, par exem-
ple, chez les Juifs de Riga, est-il de nature à nous laisser soupçonner
un mélange de types? Nous ne possédons malheureusement pas
assez de documents pour résoudre la question. Nous savons que les
Juifs anglais sont plus grands, l'",'70 ; mais ils font réellement
exception aans les tableaux que nous avons eus sous les yeux.
Les anthropologistes anglais, Beddoe, entre autres, prétendent
que la taille est sujette à de grandes variations sous l'influence des
conditions matérielles de l'existence. Sans méconnaître com[>lète-
ment cette assertion, nous avouons nous ranger plutôt à lavis des
anthropologistes français, qui attribuent à ce caractère une grande
importance au point de vue ethnique. La taille est un peu moins
élevée dans les villes que dans les campagnes, mais ce ne serait pas
un motif suffisant pour que les Juifs des parties occidentales de
l'Europe eussent une taille plus petite que celle de la moyenne des
populations des villes qu'ils habitent. Le fait important à considérer,
c'est que les Juifs allemands et polonais, aussi bien que les Juifs du
midi, sont de petite taille. La race blonde aux yeux bleus, au milieu
de lac^uelle ils vivent si nombreux dans le Nord, est cependant une
race de grande taille, c'est-à-dire dont la moyenne atteint au moins
1"\'70. C'est, pour le rappeler en passant, grâce à la présence de
cet élément ethnique en France que les départements qui donnent
le plus d'yeux bleus et de cheveux blonds, sont, en général, aussi
ceux qui donnent la taille la plus élevée. Il est certain que si les
mariages mixtes entre Juifs et individus de race plus grande avaient
été aussi nombreux que certains auteurs se plaisent à le dire, la
taille atteindrait chez les Juifs modernes une moyenne beaucoup
plus élevée.
* Topinard, Anthropologie. 1879, p. 330.
TYPES JUIFS LXVII
Un autre chiffre qui a sa signification, c'est le rapport de la taille
au périmètre de la poitrine. Ici encore les Juifs se trouvent avoir
moins que la majorité des individus de même taille. Le périmètre
thoracique doit dépasser de plusieurs centimètres la moitié de la
taille. Or, chez les Juifs, ce périmètre est inférieur à la demi-taille
ou atteint tout au plus cette valeur. Ce n'est pas là, à vrai dire, un
caractère ethnique important; mais ce fait n'en établit pas moins
une différence marquée entre les Juifs et les groupes de populations
au milieu desquels ils sont disséminés.
Comme vous le savez, on a basé, depuis le Suédois Retzius, en
1842, une division des races humaines d'après la forme de la tète,
Si l'on mesure le plus grand diamètre antéro-postérieur de la tâte.
et si on lui compare, en le ramenant à 100, le plus grand diamètre
transverse, on obtient un rapport auquel Broca a donné le nom
d'indice céphalique. Les tètes les plus larges par rapport à la lon-
gueur ont été nommées brachycéphales ; les têtes les plus longues
par rapport à la largeur, dolichocépales. Broca subdivisa la nomen-
clature en laissant ces noms aux groupes extrêmes et en créant les
noms de mésaticéphale pour un groupe moyen, de sous-brachjcé-
phale pour un groupe placé entre les mésaticéphales et les brachy-
céphales. et de sous-dolichocéphale pour un groupe placé entre les
mésaticéphales et les dolichocéphales.
Ces mensurations et ces noms s'appliquent aussi bien aux recher-
ches faites sur les vivants qu'à celles que l'on recueille sur des séries
de crânes; seulement, dans le premier cas, le rapport des diamètres
de la tête porte le nom d'indice céphalométrique, et, dans le second
cas, le rapport des diamètres du crâne porte le nom d'indice cépha-
lique. La différence entre les deux indices est représentée en chiffi-es
ronds par deux unités en plus pour le premier.
Je vous demande pardon de rappeler ces détails, que beaucoup
d'entre vous connaissent d'ailleurs; mais je désire que tout le
monde comprenne bien que, quand je parle d'un crâne qui a un in-
dice de 82, par exemple, indice sous-brachycéphale, il s'agit d'un
crâne plus large par rapport à sa longueur qu'un crâne que je nom-
merai sous dolichocéphale avec un indice de T6, ou dolichocéphale
avec un indice au-dessous de Ib. Je n'abuserai, d'ailleurs, pas de
LXVIll ACTES ET CONFÉRENCES
ces noms barbares, inventés par des savants forts en grec, pour leur
commodité, sans doute, mais sans égard pour les oreilles du plus
grand nombre.
Si nous cherchons donc, au milieu des groupes délimités par Broca,
la place occupée par les Juifs des différents pays, nous trouvons
que la moyenne des observations faites sur les vivants donne un
chiffre de 83, c'est-à-dire que les Juifs sont des sous-brachjcé-
phales, presque des brachycéphales. Voici le tableau le plus complet
qui ait été publié jusqu'ici :
Noms (les observateurs Nombre des P''opoition pour 100. j„^.^g
et pays observés. "''servalions.'^^;;;;;;^-^;;^;^-'^;^ moyen.
D.ybowski. Pologne 67 19,4 26,9 53,7 82,2
Blecbmanu, Riga 100 3.0 11,0 86,0 83,2
Kopernicki, Galicie ;.. 313 4,8 10,9 84,3 83,5
Jacobs, Londres 363 28,3 28,3 47,4 80
id. Sephardim, Londres. 51 17.0 34,0 39,0 »
Si nous ajoutons que les Allemands du Nord .sont des sous-doli-
chocéphales ou tout au plus mésaticéphales, de même que les An-
glais, et que les populations de la Pologne et de la Galicie sont
mésaticéphales, mais avec un indice plus bas que celui des Juifs,
nous pouvons tout d'abord en induire que ces derniers se distinguent
encore une fois nettement des autres habitants des pays qu'ils
occupent.
Un second point qui ressort de ce tableau, c'est que parmi les
Juifs, à côté d'un élément brachycéphale, on constate l'existence
d'un élément à tête plus allongée. Faut-il croire, d'après ces chiffres,
que cet élément plus dolichocéphale est moins rare parmi les Sephar-
dim de Londres que parmi les autres Juifs examinés par Jacobs et
Spielman"? Nous serions tenté de l'admettre si nous n'étions arrêté
par une considération que l'on ne manquerait pas d'invoquer contre
nous, le petit nombre des observations faites.
Il faut bien le reconnaître, les documents sont très pauvres. Et.
si nous demandons à la craniométrie, aux mesures prises sur le
crâne, des renseignements complémentaires, nous nous trouvons en
TYPES JUIFS LXIX
présence d'une pauvreté plus grande encore. Stieda* n'a pu réunir
que les mesures de trente-quatre crânes d'après Pruner-Bey,
Welcker, Davis, Weisbach et Dusseau. L'indice moyen a été
trouvé de 77,3 (correspondant à un indice sur le vivant de 79,3).
M. Jacobs a encore pu ajouter quinze crânes de Juifs hongrois me-
surés par Lenhossék, avec un indice de 80,5, et cinq crânes de
Juifs italiens avec le même indice moyen. En somme, les cin-
quante-quatre crânes donnent un indice moyen de 78,5, franche-
ment raésocéphale. Ces crânes proviennent de différents pays, dans
lesquels les populations sont ou bien plus brachycéphales , ou
bien plus dolichocéphales; mais le nombre de ces crânes est trop
restreint pour nous permettre de porter un jugement définitif. Aussi
ne puis-je approuver les auteurs des Crania ethiica, l'illustre de
Quatrefages et mon savant ami, M. le D"" Hamy, quand ils pré-
tendent que « les Juifs d'Occident s'écartent considérablement du
type céphalique de leurs ancêtres orientaux ; de nombreux mé-
tissages ont altéré la pureté de leur race, et, dés le onzième siècle,
ils étaient, à Paris, plus voisins, par le crâne, de la population
qui les entourait que de celle dont ils tiraient leur origine. Le ci-
metière juif découvert sur la rive gauche de la Seine, dans le
percement du boulevard Saint-Michel, au voisinage du Musée de
Cluny.. . a fourni onze crânes des deux sexes, dont deux seulement
rentrent dans le type de la race. Deux autres sont mésa1,icéphales ;
tous les autres sont sous-brachycéphales ou brachycéphales, de 82
à 90 d'indice -. »
Les collections du Muséum renferment aussi, disaient de Quatre-
fages et Hamy, quatre crânes de Juifs d'Algérie, un crâne d'homme
et trois crânes de femmes très caractéristiques, présentant l'allon-
gement, l'étroitcsse, l'aplatissement transversal et le développement
vertical de la face, le front fuyant, le nez saillant, étroit, et le maxil-
laire un peu prognathe. L'homme a pour indice 74,4; les femmes
présentent l'indice moyen de 76,2. Enfin, il existerait au Musée de
Gœttingue trois crânes de Juifs, deux masculins, avec des indices
' Archiv. f. Anthrop.. t. XIV, p. 68.
- Crania ethnica, p. 515. L'indice moyen des 6 crânes masculins est de 82,4;
celui des 5 crânes féminins, 82.
LXX ACTES ET CONFÉRENCES
de li et 80,2, et un féminin avec un indice mésaticéphale de 18.
Les conclusions des auteurs des Cran/a efhnica sont basées sur un
nombre trop restreint de pièces pour que je ne puisse me permettre
de les critiquer dans ce qu'elles ont de trop absolu. De Quatretages
et Hamy raisonnent, en etfet, comme si tous les Juifs descendaient
de Sémites purs, c'est-à-dire d'individus dont la tête présente les
caractères que nous venons d'énumérer, l'étroitesse et l'allongement
du crâne, le développement vertical de la face, le nez aquilin, en
même temps que les cheveux et les yeux foncés. Ce que nous pou-
vons déduire des chiffres fournis par l'indice céphalique, c'est qu'il y
a, au point de vue de la forme du crâne, depuis le XF siècle au
moins, deux types juifs, l'un au crâne allongé, qui se rapproche du
type sémitique, l'autre au crâne court, et nécessairement tous les
intermédiaires entre ces deux types opposés. La coloration des yeux
3t des cheveux, la forme du nez et la taille nous permettent de
trouver dans ces chiffres une confirmation de notre thèse de la plu-
ralité des tj'pes chez les Juifs d'aujourd'hui.
Mais avons-nous quelques arguments à faire valoir en faveur de
l'identité des types juifs modernes et des Juifs anciens?
Nous savons bien que, comme l'a fait remarquer avec beaucoup
de raison .^L Neubauer', on ne possède pas de crânes d'anciens
Juifs, et qu'il entre dans toutes les probabilités qu'on n'en trouvera
jamais, le climat et le sol de la Judée n'étant pas propices à la con-
servation des corps, et l'embaumement n'ayant été pratiqué que très
exceptionnellement. Les termes de comparaison manquent donc et
manqueront vraisemblablement toujours.
Mais posséderions-nous même ces documents, n'aurions-nous pas
toujours devant nous la légende du prosélvtisme qui aurait altéré la
race'' Dès les époques les plus reculées, la Bible mentionne de nom-
breux cas d'exogamie, c'est-à-dire de mariage entre Israélites et
non-Israélites ; la captivité n'a pu que favoriser cette immixtion de
sang étranger dans la race; les distinctions entre les Juifs men-
' JVoles on the Race Tj/pes of the Jews, /• of the Anihrop. Tnstituie, t- XV,
1886, p. 1:1 .
TYPES JUIFS LXXI
tionnées clans les textes sacrés (Ps. cxvii, cxviii, cxxxvi) éta-
blissent la preuve de nombreuses conversions au judaïsme; des colo-
nies juives existaient dans toutes les villes de quelque importance
(Josèphe, Coy^trp Apion, II, 39); k Rome, à Antioche, il était de
mode, surtout parmi les femmes, d'adhérer aux principes de la reli-
gion nouvelle; la loi (Cod. Theod., LV, ii) et les conciles (Orléans,
en 538; Tolède, en 589; Rome, en ^43) ont condamné les mariages
entre Juifs et Chrétiens, c'est donc qu'ils étaient fréquents.
Présentée de cette façon, la question du prosélytisme est des plus
complexes, et, en réalité, elle mêle des choses absolument dissem-
blables.
Prenons d'abord les Juifs dans la dernière période de leur his-
toire, c'est-à-dire depuis leur dispersion. Un fait ethnographique do-
mine toute cette période, c'est l'attachement des Juifs à leur religion.
Il n'y a pas un anthropologiste qui n'admette que ce fait a créé aux
Juifs une situation tout à fait spéciale, les a placés dans des condi-
tions tout à fait particulières. Sans doute, l'exil les a dispersés sur
tous les points du monde ancien ; mais partout où existaient quelques
familles, la petite communauté représentait pour ses membres la pa-
trie même : au début, la langue, les mœurs, la religion, tout séparait
les exilés des populations au milieu desquelles le hasard les avait
jetés. Les croyances religieuses de ces nouveaux venus ont d'abord
éveillé la méfiance de ces populations, et ce n'est, sans doute, que
bien lentement qu'elles ont pu être amenées à comprendre ce que la
religion juive avait de sublime. Mais, à ce moment même, une autre
religion commençait à se répandre et trouvait parmi ceux qui avaient
entendu parler du judaïsme un terrain tout préparé pour l'ardeur de
son prosélytisme. Je crois, pour ma part, et c'est aussi l'opinion de
beaucoup de personnes, que les auteurs latins ont très bien pu
confondre sous la dénomination de Juifs les fils des anciens habitants
des bords de la Mer Morte et les nouveaux convertis au christia-
nisme.
Dans tout notre Occident, notamment, le prosélytisme juif a ren-
' Celte citation est empruntée à l'article de J. Jacobs, On the Racial charac
leristics of modem Jeics, J. ofthc Anth. Imtitut., XV, p. 'i!.
LXXIl ACTES ET CONFÉRENCES
contré clans le christianisme une barrière trop sérieuse pour avoir pu
recruter beaucoup d'adhérents, et je prétends que ceux qu'il a pu
rallier n'ont pas été assez nombreux pour modifier le tjpe de la race.
Il est, en effet, démontré que l'adjonction momentanée de quelques
éléments étrangers ne peut avoir qu'une influence très limitée sur
les caractères physiques d'un peuple ; au bout de quelques généra-
tions, ces éléments sont résorbés dans la masse et ne réapparaissent
plus qu'exceptionnellement, par atavisme. Nous en avons sous les
yeux de nombreux exemples. Ainsi, en Belgique, on admire les che-
veux foncés et les \eux noirs des femmes de Bruges, et Ton a cru
longtemps que l'occupation espagnole au x\i° siècle n'était pas
étrangère à la présence de ces caractères ethniques au milieu des
blondes populations flamandes. On revient aujourd'hui de cette opi-
nion, depuis que les anthropologistes ont constaté que le phénomène
n'est pas limité à Bruges, mais qu'il se répète dans toute la popula-
tion voisine des bouches de l'Escaut. C'est, en effet, que cette popu-
lation est l'héritière de l'ancienne race aux cheveux et aux yeux
foncés qui occupait toute la Belgique avant les mvasions des tribus
germaniques. Les anciens habitants ont été rejetés par les envahis-
seurs, les uns, nos Wallons d'aujourd'hui, dans les parties mon-
tagneuses et boisées du pays, les autres, dans les parties maréca-
geuses qui ont arrêté même les armes de César. Ce sont les
arrière-neveux de ces derniers que nous retrouvons aujourd'hui à
Bruges, comme dans toute la Zélande, comme sur tout le littoral
de la mer jusque dans le Boulonnais, et les Flamands blonds n'ont
pu les altérer au point de leur faire perdre leurs cavactéres eth-
niques primitifs.
Une race reste pure quand elle est protégée par les conditions phy-
siques du pays qu'elle occupe, témoin les Zélandais et nos Flamands
de Bruges, mais aussi quand elle se trouve placée dans certaines con-
ditions sociologiijues, comme c'est le cas pour les Juifs.
Mais pouvons-nous admettre que les quelques familles juives qui
ont abordé jadis à Marseille, aient pu à elles seules peupler la Gaule
et envoyer en Allemagne, en Pologne et en Galicie ces colonies si
nombreuses, dont les deux millions de membres forment le tiers des
Juifs du monde entier? Et pourquoi pas V N'avons-nous pas de
tVpES juifs LXXIII
nombreux exemples d'un bisaïeul entouré de deux cents petits-en-
fants et arrière-petits- enfants? L'anthropologie ne recule d'ailleurs
pas devant un pareil problème. Elle a bien calculé combien il fau-
drait de temps aux descendants d'un seul couple pour peupler la
surface de la terre, en limitant au même âge le terme de la vie de
chaque individu, c'est-à-dire en faisant abstraction de la maladie,
des guerres, de la famine et de toutes les causes qui, en réalité,
mettent un terme prématuré à la vie humaine. Or, nous reconnais-
sons aux Juifs certaines immunités vis-à-vis de quelques maladies
qui déciment impitoyablement nos populations de l'Europe. Et. de
fait, quand on considère les déplorables conditions hygiéniques
qu'ont subies pendant des siècles les malheureux confinés dans les
ghetti, on doit reconnaître à cette race une vitalité réellement
extraordinaire.
D'un autre côté, nous savons, par les statistiques, que si la na-
talité n'est pas beaucoup plus élevée chez les Juifs, la mortalité
parmi les enfants en bas âge, cette grande cause de la déchéance
des peuples, n'atteint qu'un taux fort peu élevé. Et cette survivance
du plus grand nombre, loin d'être, comme chez quelques peuples où
le sinifigle for life est poussé à ses extrêmes limites, une causa d'a-
moindrissement, devient, grâce aux qualités, aux vertus sociolo-
giques des Juifs, grâce à ce que j'appellerai leur adaptabilité à des
milieux divers, ù leur faculté d'acclimatement, aussi généralement
reconnue, une cause de progrès de la race.
Avec un point de départ aussi restreint de quelques centaines de
familles juives, établies les unes en Espagne, les autres en Gaule,
prospérant les unes et les autres au point d'être représentées au-
jourd'hui par près de trois millions d'individus en France, en An-
gleterre, en Hollande, en Allemagne, en Pologne, en Autriche,
dans les Principautés l)anubiennes et en Turquie, comment se
pourrait- il que certains caractères ethniques n'aient pas été con-
servés'? Que l'on n'oppose pas les cheveux blonds des Aschkenazim
aux cheveux noirs des Sephardim. J'ai montré que les cheveux noirs
sont relativement nombreux chez les premiers et que les blonds se
rencontrent souvent chez les derniers. Devons-nous pour cela croire
que Aschkenazim et Sephardim descendent de tribus différentes,
LXXIV ACTES ET CONFÉRENCES
que les Aschkenazim sont les enfants de Benjamin, tandis que les
Sephardim sont les enfants de Juda? Eh non ! Cela prouve sim-
plement que les familles établies primitivement en Gaule, plus nom-
breuses sans doute que celles qui s'étaient fixées en Espagne, ren-
fermaient par hasard un peu plus d'individus aux cheveux blonds
ou châtain clair. Ce caractère spécial a été transmis fidèlement de
génération en génération, en même temps que cet air de famille
inconstestable qui fait, quoi qu'en dise Renan, reconnaître les Juifs
dans la majorité des cas. Cet air de famille est peut-être quelque
chose d'abstrait, qu'il est malaisé de définir, alors qu'en réalité
nous trouvons, comme dans toutes les races, comme chez tous les
peuples, des différences profondes dès que l'on compare entre eux
des individus isolés. Mais cet air de famille existe, et il est frap-
pant surtout chez les Juives, dont la beauté proverbiale rappelle si
bien le vrai type sémitique. C'est, d'ailleurs, une loi bien connue du
naturaliste que les mâles offrent plus de variations que les femelles.
Dans l'espèce humaine, les femmes sont plus conservatrices que
les hommes, aussi bien, du reste, au point de vue moral qu'au point
de vue physique. Développer ici cette proposition nous entraîne-
rait cependant trop loin de notre sujet, et il est temps que nous
abordions la dernière partie de notre exposé.
Nous nous sommes servi à plusieurs reprises du terme : la race
juive. C'est le moment de dire que nous entendons par là, non pas
l'unité ethnique, à laquelle le mot est le plus souvent réservé, mais
la nation dans le sens que l'anthropologie attache à ce vocable. « La
nation, dit M. Topinard ', est une association politique engendrée
par les circonstances, favorisée par la configuration du sol, l'unité
de langue et l'unité de la religion, cimentée par les habitudes, les
souvenirs communs de gloire et de souffrances et très accessoire-
ment par l'intérêt. )>
C'est la nation juive, avant la dispersion, qu'il nous reste à étu-
' Éléments d'Anthropologie générale, p. 212. Je cite M. Topinard bien qu'il
n'admelle pas que les Juifs aient consliiué une nation. « Les Juifs, dit-il, ne
sont qu'une fi^déralion religieuse- — Ils ne sont ni une nation, ni une race. »
Cela me semble une contradiction avec sa définition de la nation.
TYPES JUIFS LXXV
dier, car nous croyons avoir démontré la possibilité de relier scien-
tifiquement les Juifs modernes aux anciens habitants de la Judée.
Or, que savons-nous de cette nation? Nous l'avons dit, les docu-
ments anthropologiques nous manquent complètement, A leur
défaut, force nous est de recourir à ce que l'anthropologie appelle,
à son point de vue, les sources accessoires, l'histoire et l'archéo-
logie. Nous ne demanderons pour l'instant à l'histoire que cette
seule mention de l'expansion énorme du peuple juif après les
guerres d'Alexandre. Il est certain que si les Juifs ont fait tant de
prosélytes dans les villes de la Syrie et de l'Asie-Mineure et à
Alexandrie, c'est qu'ils s'y trouvaient eux-mêmes en grand nombre.
Cette expansion au dehors, résultat d'un accroissement de la po-
pulation de la Judée, démontre que les progrès si remarquables des
familles exilées en Gaule ne sont pas une vaine hypothèse.
Est-ce à ce moment que les caractères ethniques des anciens
Juifs fce sont altérés au point de rendre presque méconnaissable chez
eux le type sémitique? Nous ne le croyons pas. pour deux raisons.
La première est que les prosélytes, recrutés partout où s'établissait
quelque communauté juive, ne devenaient pas Juifs par le fait de
leur adhésion à quelques-uns seulement, remarquez-le bien, des prin-
cipes du judaïsme, et que la propagande juive, comme je l'ai déjà
rappelé, n'a fait que préparer le terrain à la propagande du chris-
tianisme. Les nouveaux convertis avaient disparu de l'orbite autour
duquel ils commençaient à graviter, avant d'avoir imposé leurs
caractères physiques à la population juive '.
La seconde raison est que le mélange des races en Judée re-
montait à une haute antiquité, qu'il était bien antérieur à la cap-
tivité de Babylone, qu'il datait de l'établissement des Hébreux dans
la terre promise.
M'arrêterai-je, pour le prouver, à vous énumérer dans combien
d'endroits la Bible fait mention d'individus aux cheveux blonds ou
roux, de nez retroussés ou d'yeux bleus -. Cette énumération a
* J. Jacobs, p. 52.
* Réserve faiie pour les yeux bleus, car, comme le dit J. Jacobs, p. 48, les
savants ne sonl point d'à 'cord sur le poiut de savoir si la Bible ou le Talmud
ont un mot pour désigner la couleur bleue.
LXXVI ACTES ET CONFÉRENCES
été faite si souvent que je me crois autorisé à ne pas insister et à
admettre que la variété des tjpes chez les anciens Juifs n'est pas
contestable.
Un seul point nous reste donc à examiner. A quelles races, et je
donne ici au mot race sa véritable acception en anthropologie, à
ijuelles races pouvons-nous rapporter les prototypes des anciens
Hébreux ?
Dans son étude sur le chapitre x de la Genèse, M. Maurice
Vernes ' considère le nom de Chanaan comme « une expression
géographique, comprenant l'ensemble du pays dont les écrivains
bibliques font la propriété irrévocable des Israélites et dont les ha-
bitants, à défaut d'une extermination complète que réclame la
théorie, doivent être au moins traités en serfs et en gens de corvée.
a Maudit soit Chanaan 1 II sera le serviteur des serviteurs de ses
w frères (Gen., ix, 25)! »
Chanaan est la terre promise aux Hébreux errant misérablement
dans le désert. Là, habitent les peuples que les Hébreux se sont
assimilés, dit M. Maurice Vernes. Là habitent les peuples qui vont
s'assimiler les fils d'Israël, dirais-je plus volontiers, mais qui vont
s'assimiler en même temps le nom, la langue, les mœurs, la reli-
gion de cette poignée d'envahisseurs.
Je ne puis mieux comparer le phénomène qui vraisemblablement
s'est passé en Judée, aux origines du peuple juif, qu'à ce que l'histoire
nous apprend des origines du peuple français. Une population au-
tochtone que certains anthropologistes français appellent les Celtes
et que je désignerais plus volontiers, à l'exemple de mon savant
ami le D'' Houzé, afin d'éviter l'éternelle équivoque entre les langues
et les races, sous le nom de pré-germaniques, reçoit un premier
contingent d'envahisseurs qui lui impose sa langue (la langue cel-
tique apparentée avec les autres langues aryennes) ; le mélange
plus ou moins intime de ces deux éléments constitue la Gaule.
L'envahisseur moins nombreux est cependant absorbé en partie
par la race vaincue. Ici le problème se complique d'une nouvelle
' Pré-'is d'histoire juive depuis les origines jusijfu'à Vépoq\ie persane, p. 734. et
d'autres ouvrages du même auteur.
TYPES JUIFS LXXVIl
conquête, qui introduit dans U pays la langue et la civilisation
romaines, sans apporter en méncie temps quelque nouvel élément
ethnique bien défini. Enfin, une dernière invasion, quatre ou cinq
siècles plus tard, vient remplacer le nom d'une fiorissante province
de l'empire romain par le nom que se donnaient entre eux une
poignée de pillards et de brigands, cousins germains des premiers
envahisseurs blonds. Ils étaient bien une quarantaine de mille, les
Francs qui ont donné leur nom aux Gaulois : aussi n'ont-ils guère
modifié le type physique des habitants du pays qui était devenu
leur proie.
Dans la terre de Chauaau, un peuple agricole, formé lui-même
d'éléments divers, dont quelques-uns appartenaient certainement
déjà à la race sémitique, est envahi par une tribu sémitique no-
made, les Israélites. Tantôt par infiltration lente, tantôt par la
force, ceux-ci finissent par imposer leur nom et leur religion à un
certain nombre de tribus chananéennes, dépourvues d'organisation
politique. La lutte a été longue, puisqu'elle s'est prolongée jusqu'à
l'établissement de la royauté, et que, même plus tard, certains évé-
nements — le schisme des dix tribus serait-il un épisode de cette
lutte? — semblent n'être qu'un écho lointain de la résistance des
premiers occupants. Ici encore le problème se complique: Israël
est vaincu par Babylone, et la captivité emmène au loin une notable
partie de la population, tandis que de nouveaux éléments sont in-
troduits par le vainqueur sur les rives du Jourdain.
Un passage du Deutéronome (vu, 1) nous montre de la façon la
plus évidente que les Hébreux n'étaient que fort peu nombreux re-
lativement aux peuples qu'ils ont trouvés établis en Chanaan :
« Quand l'Eternel, ton Dieu, t'aura fait entrer au pays où tu vas
entrer pour le posséder, et qu'il aura arraché de devant toi beau-
coup de nations, les Iléthéens, les Guirgasiens, les Amorrhéens, les
Chananéens, les Phéréziens, les Iléviens et les Jéhusiens, sept na-
tions plus grandes et plus puissantes que toi. . . » En se mélangeant
à ces peuples, qui disparaissent peu à peu de la tradition biblique,
c'est encore une fois, nous l'avons montré par d'autres exemples
au cours de cet exposé, le vainqueur qui est absorbé, mais en partie
seulement, par le vaincu. Quelle est la part qui revient à l'un et à
LXXVIII ACTES ET CONFERENCES
l'autre dans la constitution ethnique du peuple juif, c'est ce que
nous allons examiner succinctement.
Le tvpe sémite, tout le monde est d'accord à cet égard, est re-
présenté par des populations de taille au-dessous de la moyenne,
au crâne allongé, au nez aquilin, aux cheveux et aux yeux noirs.
Le peuple juif a gardé de son ancêtre sémitique, la taille, et, pro
partim, la forme du nez, la coloration des yeux et des cheveux, et
la forme allongée de la tête.
L'ethnologie figurée des monuments égyptiens va nous dire à qui
il a emprunté la forme plus arrondie de la tète, les cheveux blonds,
les yeux bleus et le nez plus gros, plus déprimé. En effet, les admi-
rables planches publiées par Champollion ^ Lepsius-, Rosellini 3,
et plus récemment les photographies prises par Flinders Pétrie *,
nous montrent que les anciens Egyptiens savaient reproduire avec
une fidélité merveilleuse la physionomie des peuples avec lesquels
ils s'étaient trouvés en contact . Or ces documents nous font con-
naître l'existence en Syrie, à côté de variétés du type sémitique,
de peuples blonds et de peuples de race mongole.
Nous savons que l'identification de ces peuples n'est peut-être
pas encore complète et qu'elle laisse encore place à la discussion.
Toutefois, l'élément mongoloïde hittite, dont 1 histoire n'a pour ainsi
dire fait que commencer l'exhumation, nous apparaît déjà comme
ayant joué un rôle considérable dans la vie des peuples de la Syrie
et de l' Asie-Mineure. Il y a une trentaine d'années, quelques men-
tions de la Bible et des annales de l'Egypte nous parlaient très va-
guement de l'existence d'un peuple héthéen, hittite ou kiiéta. Au-
jourd'hui, après les travaux des Perrot. des Sayce, des Conier,
de> Wright, des Puchstein et de tant d'autres, nous savons qu'une
nation belliqueuse, venue probablement du nord, avait formé, en
Asie -Mineure et en Syrie, un empire qui était arrivé en contact, au
sud, avec les Egyptiens, mais dont la puissance était déjà sur son
déclin, à l'arrivée des Hébreux en Palestine, Les Héthéen s, établis
' Monuments de l'Ègjpte et de la Nubie, l. III, pi. 238--241.
* Denkmâler aus ^gypten itnd Ethiopien^ III, 135. 136.
* Monumenti slorici, pi. CV et seq.
* /. ofihe Anthrop- Imtit.
TYPES JUIFS LXXIX
dans les limites de la Terre promise n'avaient déjà plus, à ce mo-
ment, de relations politiques avec les chefs khétas d'Hamath, de
Kadech et de l'Euphrate. Ils se sont donc soumis assez facilement
aux Hébreux. La dernière mention qu'en fasse la Bible nous reporte
à l'époque de la construction du premier temple, au chapitre ix du
premier livre des Rois (20j. Ce passage et les suivants (21, 22, 23)
prouvent bien que les Hébreux constituaient, au milieu des tribus
asservies, uue sorte d'aristocratie. Or l'histoire nous a fait voir le
sort réservé aux conquérants quand ils sont trop peu nombreux
pour résister à l'absorption par la masse du peuple.
Le type mongolique des Khétas * figurés sur les monuments
égyptiens, aussi bien que dans les sculptures babyloniennes et dans
les sculptures hittites elles-mêmes, est très reconnaissable. Reste
donc la question du type blond. Pour nous, le type blond est tou-
jours par excellence celui de cette race Scandinave issue de Vofjicina
gentium de Jornandès. Or, nous savons que les migrations des
blonds du Nord, qui. à notre avis, sont les vrais Aryens, se perdent
dans la nuit de la préhistoire. Les monuments de la XVHP dynas-
tie nous parlent de peuples blonds, les Tamahou, qui assaillent
1 Egypte du côté de la Lybie, en même temps qu'ils nous peignent
des peuples blonds habitant du côté de la Syrie'-. Est il téméraire de
rapprocher dans uue même parenté ces types de l'Ouest et du Nord-
Est dont la ressemblance est frappante dans les peintures antiques?
Et si l'on n'hésite pas à identifier les Tamahou avec les blonds du
Nord, peut-on ne pas admettre que leurs hordes errantes soient
arrivées presque en même temps en Syrie et en Lybie. Le contact
de ces peuples aryens avec les peuples sémites en Asie a, d'ailleurs,
fait l'objet de maintes études du plus haut intérêt. Ce serait donc à
ces peuples que les anciens Hébreux auraient emprunté leurs che-
veux blonds. Ces peuples blonds ne sont autres que les Amor-
' Il ne faut pas confondre les races d'origine mongolique, qui sont représen-
tées par les peuples que certains historiens nommaient tuurauiens, avec les races
jaunes de l'extiême Orient, les Ciiiuois, par exemple.
* L'opinion de Maspéro et de bien d'autres auteurs (Ilitzig, Urgeschichu uni
Mythologie dev Philhter. Leipzig, 1846) est que les Philistins, les Plichlé de
l'Ancien Testament, étaient des Aryens.
LXXX ACTES ET CONFÉRENCES
rhéens, apparentés avec les Arméniens, qui représentent encore au-
jourd'liui le type blond dans toute l' Asie-Mineure '. Mais comment
expliquer que le peuple juif ait hérité de tel ancêtre tel caractère
seulement et de tel autre ancêtre un autre caractère ? Je ne pour-
rais entrer ici dans toutes les considérations que soulève le pro-
blème si intéressant de l'hérédité. Mais je puis vous dire que les
exemples abondent de la persistance d'un caractère à l'exclusion
de tout autre. « Les différents caractères ou associations de carac-
tères n'ont pas la même intensité de transmission », dit M. Topi-
nard-. L'expression est très juste. J'en appellerai au souvenir de
chacun. V'^ous avez certes remarqué des traits caractéristiques spé-
ciaux dans beaucoup de familles. Il suffit d'appliquer l'observation
à l'ensemble des familles, c'est-à-dire à la nation, pour trouver des
exemples de toutes les formes de l'hérédité.
Nous sommes arrivéau terme de notre tâche. Nous avons cher-
ché à expliquer d'une façon scientifique la diversité des types juifs
modernes par la diversité des types juifs anciens, mais aussi la
continuité de ces types dans le temps et dans l'espace. Nous ne sa-
vons si nous avons pu faire partager nos convictions. La critique
aura sans doute facilement prise sur notre travail. Mais, sans
croire qu'à la suite du major Conder et de M. von Luschan, nous
ayons définitivement fixé l'importante question des origines juives,
nous pouvons attendre avec confiance les arguments de l'école
adverse.
Il nous reste à remercier nos auditeurs de la bienveillante
attention avec laquelle ils ont bien voulu nous suivre à travers nos
déductions un peu spéciales ; ils nous ont prouvé que ces questions
intéressent les profanes aussi bien que les anthropologistes.
' Von Luschan, Die Anthropologische Stellung der Judeii, dans Con-espondenz
Blatt fiir Anthro/i., septembre et octobre 1892. Les Philistins auraient été éffae-
ment apparentés aujc Amorrhéens- Ci- Hitzig, oj). cit.
* Eléments d'Anlkrop. gcnérak, p. ÎOi.
LISTE DES MEMBRES
DE LA
SOCIETE DES ETUDES JUIVES
PENDANT L'ANNÉE 1892.
Membres fondateurs '.
1 Camondo (feu le comte A. de).
2 Camondo (feu le comte N. de).
3 GuNZBURG (le baron David de), boulevard des Gardes-à-
Cheval, 17, Saint-Pétersbourg.
4 GuNZBURG (le baron Horace de), Saint-Pétersbourg.
5 LÉvY-CRÉMiiiUx (feu).
6 PoLiACOFF (feu Samuel de).
7 Rothschild (feu la baronne douairière de),
8 Rothschild (feu le baron James de).
Membres perpétuels -.
9 Albert (feu E.-J.).
10 Bardac (Noël), rue de Provence, 43 ^.
11 BisCHOFFSHEiM (Raphaël), rue Taitbout, 3.
12 Cahen d'Anvers (feu le comte).
13 Camondo (le comte Moïse de), rue de Monceau, 61.
' Les Membres fondateurs ont versé un minimum de 1,000 francs.
' Les Membres perpétuels ont versé 'lOJ francs utie fois pour toutes.
* Les S )ciéiaire3 dont ie nom n'est pas suivi de la mention d'une ville de-
meurent à Paris.
ACT. ET GONF. F
LXXXII ACTES ET CONFERENCES
14 Dreyfus (feu Nestor).
15 Friedlaxd, Wassili Ostrow, lig. 12, 11° 7, Saint-Pétersbourg.
16 GoLDSCHMiDT (S. -H.', rond-point des Champs-Elysées, 6.
17 Hecht (Etienne), rue Lepeletier, 19.
18 HiRSCH (feu le baron Lucien de).
19 Ka.nn ^Jacques-Edmond), avenue du Bois-de-Boulogne, 58.
20 KoHN (Edouard), rue Blanche, 49.
21 Lazard (A..), boulevard Poissonnière, 17.
22 Lévy (feu Calmann).
23 MoNTEFiORE (Claude), Portman Square, 18, Londres.
24 Oppexheim (feu Joseph).
25 Penha (Immanuel de la), rue de Provence, 46.
26 Penha (M, delà), rue Tronchet, 15.
27 Ratisboxxe (Fernand), rue Rabelais, 2.
28 Reinach (Hermann-Joseph), rue de Berlin, 31.
29 Rothschild (le baron Adolphe de', rue de Monceau,
30 Troteux (Léon), rue de Mexico, 1, le Havre.
Membres souscripteurs *.
31 Adler (Rev. D'' Hermann\ Queensborough-Terrace, 5, llydo
Park, Londres.
32 Albert-Lévy, professeur à l'École municipale de chimie et de
physique, rue de Médicis, 5.
33 Aldrophe (Alfred), architecte, avenue Malakoff, 7.
34 Alexandre Dumas, membre de l'Académie française, rue
Ampère, 11.
35 Allatini, Salonique.
36 Alliance Israélite universelle, 35, r. de Trévise '175 fr.).
37 Allianz (Israelitische), I. Weihburggasse, 10, Vienne, Au-
trich
38 Aron, rue Lebrun, 30.
30 ASTRUC, grand rabbin, Waterraael, Belgique.
La cotisation des Membres souscripteurs est de 25 francs par an, sauf pour
ceux dont le nom est suivi d'une indication spéciale.
LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ LXXXIIl
40 Bâcher (D'' Wilhelm), professeur au Séminaire israélite, Lin-
dengasse, 25, Budapest.
41 Bamberger, rabbin, Kœnigsberg.
42 Bascfi, rue Rodier, 62.
43 Bechmann (E.-G.), place de l'Aima, 1.
44 Bechmann (J.-L.), rue de la Chaussée- d'Antin, 45.
45 Beck (D""), rabbin, Bucharest.
46 Benel, rue de Sfax, 1.
47 Bernhard (M'"' Pauline), rue de Lisbonne, 24.
48 BiCKART-SÉE, boulevard Malesherbes, 101.
49 Bloch (Camille), archiviste, Carcassonne.
50 Bloch (Emmanuel), rue des Petites-Ecuries, 55.
51 Bloch (Félix), rabbin, Pau.
52 Bloch ^Isaac), grand rabbin, Nancy.
53 Bloch (Maurice), boulevard Bourdon, 13.
54 Bloch (Moïse), rabbin, Versailles,
55 Bloch (Philippe), rabbin, Posen.
56 Blocq (Mathieu), Toul.
57 Bloch (Armand), grand rabbin de Belgique, Bruxelles.
5S Blum (Rev. A.). Los Angeles, Californie.
59 Blum (Victor), le Havre.
60 Blumknstein, rabbin à Luxembourg, Luxembourg.
61 BoucRis (Haïm), rue de Médée, Alger.
62 Bruhl (David), rue de Chàteaudun, 57.
63 Bruhl (Paul), rue de Chàteaudun, 57.
64 Brunschwicg (Léon), avocat, 18, rue Lafayette, Nantes.
65 Cahen (Abraham), grand rabbin, rue Vauquelin, 9.
66 Cahen (Albert), rue Condorcet, 53.
67 Cahen (Gustave), avoué, rue des Petits-Champs, 61.
68 Cahen d'Anvers (Albert), rue de Grenelle, 118.
69 Cahen d'Anvers (Louis), rue Bassano, 2.
70 Catïaui (Elie), rue Lafayette, 14.
71 Cattaui (.losoph-Aslan), ingénieur, le Caire.
72 Cerf (Hippolyte), rue Française, 8.
73 Cerf (Léopold), éditour, rue Duplessis, 59, Versailles.
LXXXIV ACTES ET CONFÉRENCES
74 Cerf (Louis), rue Française, 8.
75 Chwolson (Daniel) , professeur de langues orientales , rue
Wassili Ostrov, 7. ligne 42, Saint-Pétersbourg.
76 Cohen (Isaac- Joseph^, rue Lafajette, 75.
77 CoH.v (Léon), préfet de la Haute-Garonne, Toulouse.
78 Consistoire central des Israélites dk France, rue de la
Victoire, 44.
79 Consistoire Israélite de Belgique, rue du Manège, 12,
Bruxelles.
80 Consistoire israélitiS de Bordeaux, rue Honoré-Tessier, 7,
Bordeaux.
81 Consistoire Israélite de Lorraine , Metz.
82 Consistoire Israélite de Marseille.
83 Conslstoire Israélite d'Oran.
84 Consistoire israéute de Paris, rue Saint- Georges , 17
(200 fr.).
85 Dalsace (Gobert), rue Rougemout, 6.
83 Darmesteter (James), professeur au Collège de France, bou-
levard Latour-Maubourg, 18.
87 Debré Simon), rabbin, impasse Masséna, 5 bis, Neuilly-sur-
Seine.
88 Delv aille (D"" Camille), Bayonne.
89 Derenbourg (Hartwig), directeur-adjoint à l'Ecole des Hautes-
Etudes, rue de la Victoire, 56.
90 Derenbourg (Joseph), membre de l'Institut, directeur d'études
à l'Ecole des Hautes-Études, rue de Dunkerque, 27.
91 Dreyfus (Abraham), rue Boulainvilliers, 43.
92 Dreyfus (Anatole), rue de Phalsbourg, 15.
93 Dreyfus (H.-L.), rabbin, Saverne.
94 Dreyfus (Henri), faubourg Saint-Martin, 162.
95 Dreyfus (L.), avenue des Champs-Elysées, 77.
96 Dreyfus (René), rue de Monceau, 81.
97 Dreyfus ^Tony), rua de Monceau, 83.
98 Dreyfus fJacques-H.) , grand rabbin de Paris, rue de ia
Victoire, 12.
LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ LXXXV
99 DuRLACHER (Armand), libraire-éditeur, rue Lafayette, 83 bis,
100 DuvAL (Rubens), rue Sontay, 11.
101 Ecole Israélite, Livourne.
102 EiCHTHAL (Eugène d'), rue Jouffroy, 57.
103 Engelmann, rue deMaubeuge, 16.
104 Ephraïm (Armand), rue de Saint-Pétersbourg, 18.
105 Ephrussi (Jules), place des Etats-Unis, 2.
10(5 Epstein, Grilparzerstr. , 11, Vienne.
107 Erlanger (feu Michel).
108 Errera (Léo), professeur à l'Université, place Stéphanie,
1, Bruxelles.
109 Feldmann (Armand), avocat, rue d'Isly, 8.
110 Fischer (D'' Julius), Raab, Moravie.
111 FiTA (Rév. P. Fidel), membre de l'Académie royale d'his-
toire, Calle Isabella la Catholica, Madrid.
112 FouLD (Léon), faubourg Poissonnière, 30.
113 Franck (feu Adolphe).
114 Franck (E.), Beyrouth.
115 Fuerst (D'), rabbin, Mannheim.
110 Gautier (Lucien), professeur de théologie, Lausanne.
117 Gerson (M.-A.), rabbin, Dijon.
118 GiAvi, Nanterre.
119 Goeje (.1. de), professeur à l'Université, Leyde.
120 GoLDSCHMiDT ( Édouard de), boulevard Haussmann, 1.53.
121 Gommés (Armand), rue Chégaray, 33, Bayoune.
122 Gross (D"- Heinrich), rabbin, Augsbourg.
123 Grunwald (D""), rabbin, Jungbunzlau, Autriche-Hongrie.
124 Gubbay, boulevard Malesherbes, 165.
125 Gudemann (D'), rabbin, Vienne.
126 GuizoT (feu Guillaume).
127 Hadamard (David), rue de Chàteaudun, 53.
128 Haguenau (David), rabbin, faubourg Poissonnière, 40.
LXXXVI ACTES ET CONFKHEiNCES
129 Halberstam ,'8.-J.), Bielitz, Autnclie-IIonirrie.
130 IIalkvy (Josepli), professeur à l'Ecole des Ilautcs-Etudos, rue
Auraaire, 26.
131 IIalévy (Ludovic), membre de l'Académie française, rue de
Douai, 22.
132 IIali'ON (M'"» S.), faubourg Saint-llonoré, 215 (50 fr.).
133 IlAMMKRSCHLAa, II, Ferdiiiaiidstr. , 23, Vienne.
134 Harkayy (Albert). l»il)liolhécaire, Saint-Pétersbourg.
135 IIaykm Julien), avenue de Villiers, 63 (40 fr.].
136 Heink-Furtado (M'"o), rue de Monceau, 28 (100 fr.).
137 Herzog (Df), rabbin, Kapos\\ar, Autriche-Hongrie.
138 Herzog (Henri), ingénieur des ponts et chaussées, Guéret.
139 Heymann (Alfred), avenue de l'Opéra, 20.
140 HiRSCH (Joseph), ingénieur en chef des ponts et chaussées, rue
de Castiglione, 1.
141 Iscii-AVahl ;D'), cité Trévise, 26.
142 Israelsoiin J.j, GorochoAvaja 25, log. 13, Saint-Pétersbourg.
143 IsTiTUio SUPEHIORE, sezioue di filologia e tilosoiia, Florence.
144 Jacobsohn (Hugo), Kupferschmiedstr.. 44, Breslau.
145 Jastrow (D''M.), rabbin, Philadelphie.
146 Jellinek (D"" Adolphe), rabbin-prédicateur, Vienne.
147 JouRDA, directeur de l'Orphelinat de Rothschild, rue de I.am-
blardie, 7.
148 Judith Montefiore Collège, Ramsgate, Angleterre.
149 Kahn (Jacques), secrétaire général du Consistoire Israélite de
Paris, rue Larochefoucauld, 35.
150 Kahn (Salomon), boulevard Baile, 172, Marseille.
151 Kahn (Zadoc), grand rabbin du Consistoire central des Israé-
lites de France, rue Saint-Georges, 17.
152 Kann (M"""), avenue du Bois de Boulogne, 58.
153 Kaufmann (David), professeur au Séminaire Israélite, Andras-
systr., 20, Budapest.
154 Kespi, rue René Caillé, Alger.
LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ LXXXVII
155 KiNSBOURG (Paul), rue de Cléry, 5.
156 Klotz (Eugène), place des Victoires, 2.
157 Klotz (Victor), avenue Montaigne, 51.
158 KoHN (Georges), rue Blanche, 49.
159 KoHUT (Rév. D"" Alexander), Beekman Place, 39, New-York.
160 KoMiTET Synagogi na Tlomackiem, Varsovie.
161 KoKOVTSOFF (Paul de), Ismailowsky Polk 3, rotte M. 11,
log. 7, Saint-Pétersbourg.
162 Lajeunesse (Jules), rue Cadet, 17.
163 Lambert (Abraham), avoué, rue Saint-Dizier, 17, Nancy.
164 Lambkrt (Eliézer), avocat, rue Baudin,26.
105 Lambert (Mayer), professeur au Séminaire Israélite, rue
Guy-Patin, 5.
166 Lassudrie, rue Laffltte, 21.
167 Lazard (Lucien), archiviste-paléographe, r. Rochechouart, 49.
168 Lehmann (Joseph) , grand rabbin , directeur du Séminaire
Israélite, rue Vauquelin, 9.
169 Lehmann (feu Léonce).
170 Lehmann (Mathias), rue ïaitbout, 29.
171 Lehmann (Samuel), rue de Provence, 23.
172 LÉON (Xavier), boulevard Haussmann, 127.
173 Léon d'Isaac Jaïs, rue Henri-Martin, 17, Alger.
174 Levaillant , trésorier général de la Haute-Loire , Saint-
Elienne.
175 Leven (Emile), rue de Trévise, 35.
176 Leven (Léon), rue de Trévise, 37.
177 Leven (Louis), rue de Phalsbourg, 18.
178 Leven (D"" Manuel), rue Richer, 12.
179 Leven (Narcisse), avocat, rue de Trévise, 45.
180 Leven (Stanislas), conseiller général de la Seine, rue Miro-
mesnil, 18.
181 LÉvi (Israël), rabbin, professeur au Séminaire Israélite, rue
Condorcet, 60.
182 Lévi (Sylvain), prof, à la Sorbonne, place Saint-Michel, 3.
183 Lévy (Alfred), grand rabbin, Lyon.
LXXXVIII ACTES ET CONFÉRENCES
184 LÉVY (Paul-Calmann), rue Auber. 3.
185 LÉVY (Charles), Colmar.
186 LÉVY fÉmilei. grand rabbin, Bayonne.
18^ LÉVY (Aron-Emmanuel), rue Marrier, 19, Fontainebleau.
188 LÉVY (Jacques), grand rabbin, Constantine.
189 LÉVY (Léon), rue Logelbach, 9.
19 J LÉVY (Raphaël;, rabbin, rue d'Angoulême, 6.
191 Lévy-Bruhl (Lucien) , professeur de philosophie au Lycée
Louis-le-Grand, rue Montalivet, 8.
192 Lévylier, ancien sous-préfet, rue Vignon, 9.
193 Lœwenstein (D""), rabbin, Mosbach, Allemagne.
194 Lœwenstein (MM.), rue Lepeletier, 24.
195 Lœvy (A.), 100, Sutherland Gardens, Londres.
196 Lôw (D'"Imn:ianuel), rabbin, Szegedin.
191 Lyon-Cahen (Charles), professeur à la Faculté de droit, rue
Soufflot, 13.
198 Mannheim (Charles-Léon), rue Saint-Georges, 7.
199 Maecus (Saniel), Smyrne.
200 May (M"'^), place de l'Industrie, 22, Bruxelles.
201 Mayer (Ernestl, boulevard Malesherbes, 66.
202 Mayer (Félix), rabbin, Valenciennes.
203 Mayer (Gaston) , avocat à la Cour de Cassation , avenue
Montaigne, 3.
204 Mayer (Henri), professeur au lycée Condorcet, rue Miro-
mesnil, 18.
205 Mayer (Michel), rabbin, place des Vosges, 14.
206 Mayrargues (Alfred), boulevard Malesherbes, 103.
207 Meiss, rabbin, Nice.
208 Merzbach (Bernard), rue Richer, 17.
209 Meyer (D"" Edouard), boulevard Haussmann, 73.
210 MocATTA ( Frédéric -D.), Connaught Place, 9, Londres
(50 fr.}.
211 MoDONA (Leonello) , sous-bibliothécaire de la Bibliothèque
royale, Parme.
212 Montefiore (Mosé), ministre- officiant, rue Paradis, 46.
LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ LXXXIX
213 MoRTARA (Marco), grand rabbin, Mantoue.
214 Nettb;r (D"" Arnoldj, boulevard Saint-Germain, 129.
215 Neubauer (Adolphe), bibliothécaire à la Bodléienne, Oxford.
216 Neumann (D""), rabbin, Gross-Kanisza, Autriche-Hongrie.
2n Neymarck (Alfred), rue Vignon, 18.
218 OcHS (Alphonse), rue Chauchat, 22.
219 Oppenheim (P.-M.), rue Taitbout, 11 (50 fr.).
220 Oppenheimer (Joseph-Maurice), rue Lepeletier, 7.
221 Oppert (Jules), membre de l'Institut, professeur au Collège
de France, rue de Sfax, 2.
222 OuLMAN (Camille), rue de Grammont, 30.
223 Ouverleaux (Emile), conservateur de la Bibliothèque royale,
Bruxelles.
224 Péreire (Gustave), rue de la Victoire, 69.
225 Perles (J.), rabbin, Munich.
226 Perreau (le chevalier), bibliothécaire royal, Parme.
227 PiNTUs (J.), rue de Londres, 46.
228 Popelin (feu Claudius).
229 PoRGÈs (Charles , rue de Berry, 25 (40 fr.).
230 Propper (S.), rue Volney, 4.
231 Ragosny, à la Compagnie générale, rue Taitbout, 62.
232 Rkin'ach (Joseph), député, avenue Van Dyck, 6.
233 Reinach (Salomon), ancien élève de l'Ecole d'Athènes, con-
servateur-adjoint du musée de Saint-Germain , rue de
Lisbonne, 38.
234 Reinach (Théodore), docteur en droit et ès-lettres, rue Mu-
rillo, 26.
235 Renan (feu Ernest).
236 Rheims (Isidore), rue de Saint-Pétersbourg, T.
237 Robert (Charles), rue des Dames, 12, Rennes.
238 Rodrigues (Hippolyte), rue de la Victoire, 14.
239 RoSENTHAL (Baron de), Heerengracht, 500, Amsterdam.
240 Rothschild (le baron Alphonse de), membre de l'Institut,
rue Saint-Florentin, 2 (400 fr.).
XC ACTES ET CONFERENCES
241 Rothschild île baron Arthur de^ , i ue du Faubourg-Saint-
Hoiioré,33 '400 fr.).
242 Rothschild (le baron Edmond de), rue du Faubourg-Saint-
Honoré, 41 (400 fr.).
243 Rothschild (le baron Gustave de] , avenue Marign}' , 23
400fr.\
244 Rothschild (la baronne James de) , avenue Friedland , 38
(50 fr).
245 Rothsciuld (M"'« la baronne Nathaniel de), faubourg Saint-
Honoré, 33 (100 fr.).
246 Rothschild (baron Edouard de), 2, rue Saint- Florentin
(150 fr.).
24T Rothschild (Baron Henri de), avenue Friedland, 38
(2,000 fr.).
248 RozELAAR 'Lévie-Abrahami, Sarfatistraat, 30, Amsterdam.
249 RuFF, rabbin, Verdun.
250 Sack (feu Israël).
251 Sadoun (Ruben), rue du Chêne, 4, Alger.
252 Saint-Paul (Georges), maître des requêtes au Conseil d'Etat,
place des Etats-Unis. 8.
253 Salomox (Alexis), rue Croix-des-Petits-Champs, 38.
254 ScHAFiiiR (D), rue de Trévise, 41.
255 Scheid (Elle), rue Saint-Claude, 1.
256 ScHREiNER (Martin), rabbin, Budapest.
257 ScHUHL (Moïse), grand rabbin, Vesoul.
258 ScHUHL (Moïse), rue Bergère, 29.
259 Schwab (Moïse) , sous-bibliothécaire de la Bibliothèque na-
tionale, cité Trévise, 14.
260 ScHWEiscH, rue du Bouloi, 12.
261 SÈCHES, rabbin, Saint-Etienne.
262 Sée (Camille), conseiller d'Etat, avenue des Champs-Ely-
sées, 65.
263 Sée (Eugène), [léfet de la Haute-Vienne, Limoges.
264 Si.M0.\ (Josepli\ instituteur, Nîmes.
265 Simonsex, rabbin, Copenhague.
LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIETE XCl
266 SoNNENFELD, Tue de l'Eljsée, 2
2G7 Spirk, ancien notaire, rue d'Alliance, 12, Nancy.
268 Stein (L.), professeur de philosophie à l'Université, Zurich.
269 Stern (René), rue du Quatre-Septembre, 14.
270 Stkaus (Emile), avocat à la Cour d'appel, boulevard Hauss-
mann, 134.
271 Sur.zBBRGER, Chistnut Street, 537, Philadelphie.
272 Taub, rue Lafa jette, 10.
273 Ulmann (Emile), rue Boccador, 7.
274 Vernes (Maurice) , directeur-adjoint à l'Ecole des Hautes-
Etudes, boulevard Saint-Germain, 76.
275 Vidal-Naquet, président du Consistoire Israélite, Marseille.
276 VoGELSTEiN (D""), rabbin, Stettin.
277 Weill (D"" Anselme), rue Saint-Lazare, 101.
278 Weill (Emmanuel), rue Taitbout, 8.
279 Weill (Emmanuel), rabbin, rue Condorcet, 53.
280 Weill (Georges), rue des Francs-Bourgeois, 13.
281 Weill (Isaac), grand rabbin, Strasbourg.
282 Weill (Moïse), grand rabbin, Alger.
283 Weill (Vite), rue de Lancry, 17.
284 Weisweili.er (Charles), rue Lafayette, 36.
285 Wertheimer, grand rabbin, Genève.
286 Weyl (Jonas), grand rabbin, Marseille.
287 WiEXER (Jacques), président du Consistoire Israélite de Bel-
gique, rue de la Loi, 63, Bruxelles.
288 Wilmersdœrfer (Max), consul général de Saxe, Munich.
289 WiNTER (David), avenue des Champs-Elysées, 152.
290 WoGUE (Lazare), grand rabbin, professeur au Séminaire Israé-
lite, rue de Trévise, 35.
291 WoLF, rabbin, La Chaux-de-Fonds, Suisse.
292 ZiEGEL et Engelmann, rue de la Tour-d'Auvergne, 34.
293 Zlmmels (D""), rabbin, Milhr-Ostrau, Autriche-Hongrie.'
XCII ACTES ET COxNFERENCES
MEMBRES DU CONSEIL
PENDANT l'année 1893.
Président d'honneur : M. le baron Alphonse de Rothschild ;
Président : M. Hartwig Derenbourq ;
Vice-prés idenf s : MM. Théodore Reinach et Abraham Cahen;
Trésorier : M. Moïse Schwab ;
Secrétaires : MM. Albert Cahen et Maurice Vernes ;
MM. Albert-Lévy, Astruc, Léopold Cerf, James Darmes-
TETER, J. Derenbourg, Armand Ephraïm, Edouard de Golds-
chmidt, J. h. Dreyfus, Rubens Duval, Zaduc Kahn, Lucien
Lazard, Joseph Lehmann, Sylvain Lévi, Michel Mayer, Jules
Oppert, Salomon Reinach, Baron Henri de Rothschild, Vernes.
MEMBRES DU COMITE
DE PUBLICATION ET D'ADMINISTRATION
POUR l'année 1893.
Président : M. Théodore Reinach;
Secrétaires : MM. Albert Cahen et Vernes ;
MM. Abraham Cahen, H. Derenbourg, J. H. Dreyfus,
ZadocKAHN, Lazard, Lehxiann, Salomon Reinach, Schwab.
VERSAILLES, CERF ET G", IMPRIMEURS, RUE DUPLESSIS, o9.
L'OEUVRE SCOLAIRE
DES JUIFS FRANÇAIS
DEPUIS 1789
CONFÉRENCE FAITE A LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES JUIVES
LE 6 MAI 1893
Par m. Maurice BLOCIl
Agréj^é des letlres, D recteur de l'Ecole BischoITsheim.
Présidence de M. lÎARTWia Deren bourg, président.
M. le Président ouvre la séance en ces ternies :
Je n'ouvre point cette séance sans un vif sentiment d'inquiétude
que je ne chercherai point à dissimuler. Non point sur la rude
concurrence que risquent de nous faire le mois de mai et les
chaleurs : il vient de commencer, elles tendent à s'adoucir et
l'empressement avec lequel vous avez répondu à notre appel me
rassure à cet égard. Non point non plus sur le talent de notre
conférencier : il a fait ses preuves parmi nou;, lorsque l'an dernier
il a esquissé la figure de la femme juive dans le roman et au théâtre.
Ses discours annuels à la distribution des prix de la fondation
Bischoffsheim renouvellent périodiquement le même sujet par une
variété de ton et d'effets dans un diapason toujours égal de grâce,
ACT. ET CONF. ^
XCIV ACTES ET CONFÉRExNCES
de finesse, de charme, de maîtrise dans l'art de bien penser et de
bien dire.
Avec un tel public et un tel orateur, vous avouerez qu'il faut
avoir l'esprit chagrin ou le tempérament bilieux pour ne pas se
montrer résolument optimiste. Et pourtant, avant de vous donner
la parole, mon cher ami, j'éprouve le besoin de plaider votre cause,
comme celle d'un inculpé, auprès des dames présentes. Je crains
pour vous leur courroux. La conférence de ce soir est, si je ne
m'abuse, la première infidélité que vous commettiez à l'égard de
votre sexe préféré. Le sexe dit fort se prépare à en bénéficier.
Mais ne craignez-vous pas la vengeance de vos admiratrices qui
croyaient vous posséder sans partage, et que vous contraignez
à entendre de votre bouche des éloges pour les efforts des hommes,
qui, avec la jalousie qui leur est naturelle, vous reprocheront votre
crime d'apostasie?
Vous comprenez maintenant, ilesdames et Messieurs, vous
surtout, Mesdames, pourquoi je réclame l'indulgence en faveur de
votre captif, qui a poussé la témérité jusqu'à secouer votre joug
pour un soir, jusqu'à s'émanciper pour qucîlques heures à votre
détriment. Jusqu'ici vous l'aviez asservi, et ses chaînes ne sem-
blaient pas trop lourdes à votre prisonnier. Vous l'absoudrez, je
l'espère, en faveur de son passé. Lorsqu'on 1880 il devint agrégé
des lettres, sa place était marquée parmi les meilleurs maîtres de
notre enseignement secondaire. Avec un rare discernement, il
comprit que sa vocation l'entraînait vers l'éducation de la jeunesse
féminine, et lEcole Bischolfsheira, qu'il dirige avec le concoui's d'un
comité de dames patronnesses sous l'autorité de la généreuse fonda-
trice, sut le retenir par la perspective que l'essaim sorti de la ruche
comprendrait des institutrices et des ouvrières, qu'il comprendrait
exclusivement des femmes. Les livres que M. Maurice Bloch
s'est avisé de composer dans ses loisirs témoignent de cette môme
partialité, de cette même prédilection. Chez lui, c'est toujours le
chevalier servant des dames qui agit, qui parle et qui écrit. Les
titres de ses ouvrages me dispensent de tout commentaire. Les
Mères des grands homme!^ paraîtront bientôt en cinquième édition;
la troisième, en 1887, coïncidait avec la publication par l'autour de
L'OEUVRE SCOLAIRE DES JUIFS FRANÇAIS DEPUIS 1789 XCV
ses Epouses et sojurs. Si l'écrivain a l'occasion de rééditer ce der-
nier livre, je lui signale, comme un chapitre complémentaire, le
martyre qu'au milieu de ce siècle l'historien anglais Thomas Car-
Ijle inlligea à celle qui eut l'honneur d'être la compagne et le
témoin de sa vie. Le rajon de gloire y fut avec persistance assom-
bri par le nuage de souJfrance. Les grands hommes sont trop absor-
bés pour s'épanouir dans l'intimité du mariage. C'est ce dont
M. Bloch fournira de trop nombreux exemples, lorsqu'il réunira,
comme je le souhaite pour lui et pour nous, une galerie de portraits,
soit dans une Biographie universelle des femmes illustres, soit au
moins dans un Dictionnaire des contemporaines.
Je termine par un dernier appel en faveur de mon client. Par-
donnez, Mesdames, à M. Bloch son escapade d'aujourd'hui, ne luj
tenez pas rigueur, ne vous montrez pas cruellement implacables
pour celui qui vous aime tant, accordez-lui un sourire d'indul-
gence et, sans garder rancune à votre conquête d'hier et de
demain, rivalisez d'applaudissements avec nous autres hommes,
afin que le transfuge vous revienne sans arrière- pensée et sans
confusion, afin qu'il respire en pleine sécurité pour l'avenir, afin
qu'il se sente tranquillisé d'avance par votre attitude de bienveillance
et de sympathie sur l'accueil empressé par lequel vous chercherez
à nous disputer et vous réussirez à accaparer de nouveau l'enfant
prodigue.
M. Maurice Bloch s'exprime en ces termes :
Mesdames, Messikurs,
Vous savez tous que la Révolution française a émancipé les Juifs.
Mais le décret qui leur accordait les droits de citoyens suffisait-il
pour les rendre dignes de ces droits? Il fallait bien autre chose
qu'un trait déplume pour changer, avec leur situation civile et poli-
tique, leurs mœurs, leurs manières, leurs sentiments, fruits de longs
siècles de misère et d'humiliation. Traités en ennemis par le cliré-
XCVI ACTES ET CONFERENCES
tien et habitués à le regarder comme tel, les Juifs entreraient-ils
sans arrière-pensée clans cette société qui s'ouvrait enfin à eux ? Et
cette race de fripiers, de brocanteurs, de marchands de bestiaux,
qui traînait ses guenilles sur les routes d'Alsace et de Lorraine, se
tournerait-elle vers les professions manuelles ou les carrières libé-
rales, et donnerait-elle à la France des ouvriers, des artistes, des
savants? Surtout lui donnerait-elle de bons citoyens?
La question était grosse de difficultés et causait de sérieuses ap-
préhensions aux meilleurs amis des Juifs, aux Juifs eux-mêmes.
Détruire des usages séculaires est la plus redoutable des tâches,
et les plus habiles y ont échoué. Avec une merveilleuse justesse de
coup d'œil, nos coreligionnaires virent ce qu'il y avait à faire : ils se
tournèrent vers l'avenir et regardèrent les enfants. C'est là que
devaient porter tous les efforts. C'est là que la bataille devait être
livrée et qu'elle pouvait être gagnée. Et, dans leur reconnaissance
pour la France, quelques Juifs d'élite furent pris d'un véritable
enthousiasme ; ils trouvèrent dans leur cœur les plus heureuses
inspirations pédagogiques; et à Metz, à Strasbourg, à Paris, à Bor-
deaux, ce ne fut qu'un même cri : « Des Ecoles ! » — Ceux mêmes
qui étaient les plus arriérés et qui ne comprenaient pas la beauté
du mouvement sentaient vaguement qu'il fallait faire quelque chose
pour se rendre digne? du pays d'adoption, et l'on vit des indigents
qui se nourrissaient d'aumônes, se retrancher, comme dit un rap-
port, de ce strict nécessaire dû à la charité et apporter quelques
sous pour que les enfants pussent apprendre à lire et à écrire.
Oh 1 les commencements furent pénibles ! Des locaux, il n'y en
avait paî ; de l'argent il n'y en avait pas ; un personnel il n'y en
avait pas, et il n'y avait pas d'élèves. Viendront-ils seulement à
l'école, ces petits vagabonds juifs, habitués à courir les rues pour
offrir aux passants des rubans, des aiguilles, des épingles, des
allumettes ? On commence par décréter la levée en masse, je veux
dire l'instruction obligatoire. Tous ceux qui n'enverront pas les en-
fants à l'école seront privés des secours des comités de bienfaisance.
C'était frapper immédiatement au bon endroit : car la plupart des
Juifs d'alors étaient pauvres, si pauvres qu'un jour un petit garçon
ayant cassé un carreau à l'école, le carreau du propriétaire, qui
L'OEUVRE SCOLAIRE DES JUIFS FRANÇAIS DEPUIS 1789 XCVII
exigeait 2 fr. 50 de réparation, la famille demanda d'échelonner le
payement. On convint que l'enfant apporterait tous les jours un sou
à l'Ecole, le sou de son goûter. Touchés de la privation qu'il doit
s'imposer, les petits camarades font une quête. L'instituteur et son
adjoint y prennent part. Savez-vou5 à combien se monte la sous-
cription ? à 29 sous! Jugez de la misère des Juifs d'alors 1 S'il y a
ici des âmes charitables qui s'apitoient sur le sort de notre petit
coreligionnaire privé de son goûter encore 21 jours, elles peuvent
se rassurer. Le directeur réunit les 21 sous restant en faisant appel,
comme dit le rapport officiel, « à la générosité de différents dona-
teurs ».
Forcément donc, si l'on voulait réussir, il fallait adopter l'instruc-
tion gratuite et obligatoire, et par cela seul nous devancions notre
époque; je parle de celle qui va de 1815 à 1830. Car vous pensez
bien que les guerres de la République et du premier Empire mirent
bien des entraves aux travaux scolaires. Ce n'est guère que sous la
Restauration qu'on put donner tous ses soins à l'œuvre pacific^ue
des Ecoles !
Mais comme on sait rattraper le temps perdu! Le mouvement est
vraiment admirable ! On ne trouvera plus. . . non ! nos dames pa-
tronnesses sont trop vaillantes, nos administrateurs trop dévoués, et
nos directeurs d'écoles. . . je ne peux pourtant pas en dire du mal,
j'en suis. . . mais enfin l'on ne trouvera pas facilement des gens de
cœur comme il y en avait alors. Ils courent chez les parents cher-
cher les enfants; ils s'assurent matin et soir si les petits vagabonds
sont en classe; ils surveillent les maîtres et font des cours, s'il le
faut, à défaut de personnel. On avait bien sous la main comme per-
sonnel quelques vieux talmudistes passés maitres dans l'art de faire
nasiller les enfants dans la tefilah ! Mais «l'instruction doit être
la'ique, comme elle est gratuite et obligatoire. Place aux jeunes qui
seront imbus des idées nouvelles, et qu'on a choisis parmi les plus
éveillés pour les envoyer en hâte dans les écoles chrétiennes! On
les fera suivre des cours, des conférences! Le plus difficile alors est
de décider jeunes gens et jeunes filles à entrer dans la carrière. —
Aujourd'hui le plus difficile est de les décider à n'y pas entrer! La
mode, à cette époque, était, non de passer les examens, mais de faire
XCVIII ACTES ET CONFÉRENCES
du trafic... et l'avantage aussi, il faut bien le dire. Il est telle
communauté où, pour compléter le traitement de l'instituteur fort
mal payé, les familles lui envoient chaque jour à tour de rôle un
petit pain et un demi-litre de vin.
Ne plaignons pas trop ces maîtres ! Avaient-ils le droit de se
plaindre (juand ceux qui les dirigent et les surveillent, sans même
être payés, se donnent tout entiers et se rédigent à eux-mêmes les
plus sévères règlements? Il est tel comité où l'on ne peut s'absenter
en voyage qu'à la condition de prévenir le président et d'indiquer
d'avance le nombre de jours qu'on restera absent. Sinon les
amendes pleuvant! Une simple absence justifiée est insérée au
procès-verbal avec l'indication des motifs ! Quelle activité et quelle
correspondance! Metz, Strasbourg, Nancy, Paris, toutes les Ecoles,
tous les comités sont en relations continuelles, se communiquent
sans cesse leurs programmes, leurs méthodes, s'interrogent, se co-
pient , se corrigent mutuellement. C'est qu'amis et ennemis du
Judaïsme ont les yeux sur nous, assistent en curieux à ces tenta-
tives de régénération ! Est-ce une agitation de surface, ou bien le
mouvement se fera-t-il sentir dans les couches profondes de la popu-
lation juive? Quoi vraiment! ces petits déguenillés juifs pourraient
égaler des chrétiens? Non, ils devaient les dépasser. Et de même
que la première République, avec ses armées rapidement organisées,
avait remporté la victoire, de même les Juifs, avec leurs pauvres
écoles si mal logées, leurs élèves recrutés à la hâte, leur personnel
encore insuffisant, devaient sortir triomphants de l'épreuve, car ils
ont tous, et jusqu'aux enfants, cette grande chose qui est le gage de
tous les succès, la foi dans l'œuvre entreprise !
On ne me croira peut-être pas si j'ajoute qu'on a réussi avant de
commencer. Oui, les enfants ont fait des progrès avant que les
écoles ne soient ouvertes. La chose est constatée avec surprise dans
la Moselle par la Société d'encouragement pour l'instruction que
préside le comte de Tocqueville '. Elle observe qu'il y a plus de
' M. Abraham Calien a reproduit dans la lieiiie des Eludes juives (avril-
juin 188t) un curieux règlement des Juifs de Melz, datant de 1089 et relatif aux
écoles talmudiques. Ce règlement établit comme un système de gratuité ot
impose l'obligation de l'instruction. 11 faut ajouter qu'à aucune époque les Juifs
L'OEUVRE SCOLAIRE DES JUIFS FINANÇAIS DEPUIS 1780 XCIX
petits juifs sachant lire et écrire que de petits chrétiens. C'est que
de simples particuliers sans brevet, sans mandat, réunissaient les
enfants par groupe de 10 ou 15 et leur enseignaient le peu qu'ils
savaient. Quels devaient être les progrès quand l'enseignement
allait être donné d'une façon régulière et permanente !
Cet enseignement fait honneur à la sagacité des promoteurs de
l'œuvre. Ils virent bien que, pour devenir citoyens français et en
adopter les sentiments, il fallait avant tout en adopter le langage.
Il fallait donc faire la guerre à ce jargon judéo-allemand, idiome
barbare, reste de temps plus barbares encore. Mais cet idiome était
seul usité chez les juifs, et il leur tenait au cœur. Un trait du ro-
mancier Kompert le prouve bien. Il s'agit d'une brave femme juive
qui a eu le malheur de voir sa fille épouser un chrétien. Tout le monde
la maudit, excepté la mère, qui nourrit la secrète espérance que sa
fille a gardé des sentiments Israélites. Un jour, la fille tombe
malade, et la mère, à l'insu de tous, lui envoie du sucre et du café ;
puis elle interroge avec anxiété le petit juif qui a fait la commission,
et elle ne manque pas de demander: « Qu'a-t-elle dit? A-t-elle
causé en jiidisch-deutsch ? » Tant il est vrai que cet idiome créait
comme un lien maçonnique entre ceux qui le parlaient ; mais il sé-
parait aussi comme par un fossé juifs et chrétiens, Juifs et Fran-
çais. Il fallait agir en conséquence. Savez-vous quelle était l'infrac-
tion à la discipline considérée comme la plus grave, à l'Ecole de
Travail de Strasbourg? C'était de ne pas parler français. Toutes
les rigueurs du règlement tombaient sur le petit malheureux surpris
à s'exprimer dans le jargon de ses pères ! Petit malheureux, oui
vraiment : il était privé de son dîner le vendredi soir, seul soir oii
il y eût de la viande à table.
A l'école Israélite de Colmar des moniteurs spéciaux surveillaient
les enfants jusque dans les rues; eux-mêmes s'oubliaient parfois, et
c'est dans leur jargon allemand qu'ils défendaient de causer le
jargon allemand. On trouve dans les règlements de l'Ecole de Paris
un article qui peut surprendre d'abord, qui peut même paraître d'un
n'ont été dans une ignorance absolue ; ils ne pouvaient l'être vu la néce-^sité
pour eux de lire dans les livres saints. Tout enfant juif devait savoir lire l'hébreu,
et par cela inême il se trouvait moins étranger aux choses de l'enseignement.
ACTES ET CONFi: RENCrS
esprit étroit si l'on n'y réfléchit pas. Le voici : « Toute langue
étrangère est interdite à l'Ecole. » Toute langue étrangère! tou-
jours ce patois allemand!
Ah! certes! ce n'est pas à Berlin qu'ils allaient chercher le mot
d'ordre, ceux qui composaient ces règlements. Ils ne regardaient
pas de l'autre côté du Rhin, ces vaillants propagateurs de la langue
française! Laissez-moi, à ce propos, évoquer un souvenir. L'ensei-
gnement du français fut longtemps négligé, il faut bien le dire, par
la France même, en Alsace. Les meilleures familles qui S3 piquaient
de ne parler que le français y me'laient constamment de l'allemand.
On a publié dernièrement les lettres des demoiselles de Berckheim,
Alsaciennes fort aimables qui ont écrit des choses charmantes. On
y trouve des phrases comme celles-ci : « Le bon curé avait de la
peine à nous suivre sur la neige : il stolprait à tout instant. » Ce
verbe stolprer de la première conjugaison sent singulièrement la
frontière du Rhin.
Or, vers l'époque dont je parle, en 1810, un siècle et demi après
la conquête, le recteur de l'Académie de Strasbourg recommandait
avec insistance aux instituteurs non-israélites de l'Alsace de donner
plus de place à l'enseignement du français, de faire parler, écrire
3t compter en cette langue : « la langue de la patrie, disait-il, doit
être la propriété de tous. » On voit qu'il trouvait les plus précieux
auxiliaires chez les Juifs qui, tout en travaillant à leur propre ré-
génération, servaient ainsi la cause du pays.
La langue française devenait si bien notre langue nationale
qu'elle prenait même le pas sur la langue sacrée, la langue de la
Bible ! — On dit et l'on écrit que les Juifs ne veulent être ni Fran-
çais, ni Allemands, ni Anglais, mais qu'ils veulent être Juifs. Est-
ce pour cela que l'Ecole Israélite de Bordeaux, sur cinq heures de
cours, en donnait trois au français et deux à toutes les autres
branches, hébreu compris? Est-ce pour cela qu'à Paris le règle-
ment porte : « Bible trois quarts d'heure, français une heure et de-
mie par jour? » Est-ce encore pour cela que dans l'Alsace, cette
pieuse Alsace, on met du matin au soir sous les ^-cux des écoliers la
carte de la patrie, non pas la Palestine, mais la grande carte mu-
rale de la France? Rien qu'en imposant à leurs coreligionnaires la
LŒUVRE SCOLAIRE DES JUIFS FRANÇAIS DEPUIS I7S9 CI
laniïue du pays dont ils étaient citoyens, les Juifs ronapaient à ja-
mais avec le passé et s'attachaient sans espoir de retour aux desti-
nées du pays d'adoption.
En même temps, le Consistoire central faisait publier et distribuer
gratuitement dans les écoles un excellent petit livre, un catéchisme
qui ne diffère de celui d'aujourd'hui que par une chose : on y avait
rais le> principaux règlements du Grand Sanhédrin ; et les enfants
devaient les apprendre par cœur. Pouvaient-ils ressembler à leurs
devanciers ces petits Juifs qui récitaient à haute voix chaque jour
des choses comme celles-ci :
« Le Grand Sanhédrin statue que tout Israélite né et élevé en
France, et traité par les lois de cet État comme citoyen, est obligé
religieusement de le regarder comme sa patrie, de le servir, de
le défendre, d'obéir aux lois et de se conformer, dans toutes ses
transactions, aux dispositions du Code civil.
Déclare, en outre, le Grand-Sanhédrin, que tout Israélite appelé
au service militaire est dispensé par la loi, pendant la durée de ce
service, de toutes les observances religieuses qui ne peuvent se
concilier avec lui. »^
Ne devait-il pas sortir une génération toute nouvelle, toute fran-
çaise, de ces écoles qui donnaient de tels enseignements ?
Non, jamais trafiquant, jamais spéculateur à la Bourse, n'éprouva
une joie pareille à celle des Israélites de Metz, quand un an après
l'ouverture de leur école, ils mirent sous les yeux de leurs conci-
toyens les résultats de leurs travaux et de leurs efforts ! Ah 1 ce
fut une date glorieuse pour le judaïsme français que celle du
le'- octobre 1819, jour de la première distribution des prix d'une
école Israélite, quand le maire de la ville de Metz, chevalier de
l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, se leva pour distribuer, au
son des fanfares de la garde, des prix d'histoire de France et de
géographie de France, à des petits-enfants de porteurs de rouelles!
Avec quelle fierté naïve le rapporteur Gerson Lévy vint déclarer
que de petits Juifs savaient en français toute l'histoire de la race
mérovingienne!
En même temps, les autorités du département admiraient sur les
murs de la salle une exposition de dessins de géométrie et d'orne-
cil ACTES ET CONFÉRENCES
ment. Une exposition de dessin en 1819 et dans une école juive!
Mais en 1862, dans un rapport sur l'enseignement professionnel,
un ministre du second Empire se plaint de ce que le dessin est né-
gligé dans les écoles et demande d'énergiques efforts pour dévelop-
per dans le pays l'éducation artistique! Vous le voyez, nous devan-
cions notre époque.
Aujourd'hui l'éducation physique tient le premier rang dans les
écoles. Mais les exercices du corps avaient déjà place dans nos
écoles juives, et dès 1822 l'école de Marseille donnait des prix de
natation'. Elle donnait même un prix des plus curieux et qui
montre combien le Juif est sagace, novateur en matière pédago-
gique. Je trouve dans le palmarès de 1822 à Marseille un prix de
belle écriture de la main droite, et un ^rix de belle écriture de la
main gauche. Il y a quelques mois, une de mes élèves de l'école
Bischoflfsheim, gauchère de naissance, passait les examens de
l'Hôtel de Ville et recevait les plus hautes notes en écriture et en
dessin. Toute la commission d'examen admirait ce phénomène,
qu'on eût trouvé des plus ordinaires en 1822 à Marseille ! Et qu'on
ne dise pas qu'une main ne s'instruit qu'aux dépens de l'autre : ce
sont les mêmes enfants qui remportent les prix!
Je ne veux pas insister outre mesure sur les règlements de ces
premières écoles -. Ce qu'il faut surtout remarquer, c'est leur pro-
fonde sagesse. Le difficile, quand on fait des réformes, est de trou-
ver le juste milieu. Le judaïsme avait alors, comme nos partis poli-
tiques, son extrême droite et son extrême gauche. Il fallait ména-
ger nos réactionnaires et nos radicaux (nous n'avions pas d'anar-
chistes).
Dans leur ardeur à se régénérer, les uns voulaient voir le fran-
çais prendre la place de l'hébreu, non pas seulement à l'école, mais
dans la synagogue. Pour faire disparaître toute distinction entre
Juifs et Français, une brochure de l'époque, écrite avec beaucoup
* On enseignait encore la sténographie dans cette école.
* Ils sont le fait d'une administration prudente et paternelle. Ils défendent
sévèrement les châtiments corporels. — On multiplie les prescriptions hygié-
niques : défense de recevoir un enfant à l'école après une maladie, s'il n'a pas
un certificat du médecin. — Le bulletin de vaccine est obli^ratoire.
L'OEUVRE SCOEAIHE DES JUIFS FRANÇAIS DEPUIS 1789 CllI
de verve demandait, mon Dieu ! une chose bien simple ! d'aller au
temple le dimanche au lieu du samedi.
Mais ces prétentions justifiaient les craintes des vieux Juifs, qui
criaient au scandale, à l'impiété parce que l'on faisait autre chose à
l'école que du Talmud 1 Ah 1 ce furent de merveilleux opportunistes
que les Cerfbeer, les Avigdor, les Furtado, les Gerson Lévy,
les Cahen, les Cologna, les Gradis, les Oulif, les Goudchaux ! J'en
passe et des meilleurs.
Ce dont je les louerai encore volontiers, c'est d'avoir apporté
dans tous ces règlements, bien mieux que de la sagacité et de la
justesse, une rare élévation morale. Je n'en veux pour preuve que
le moyen d'assurer le budget et de faire entrer de l'argent dans les
éaisses. J'ai parlé plus haut de l'enthousiasme : créer de l'enthou-
siasme est chose relativement facile ; le tout est de le faire durer.
Comment obtenir des Juifs qu'ils donnent, non pas une fois, mais
encore, mais toujours, pour l'onivre scolaire ? On peut s'adresser à
leur vanité et l'on décide, par exemple, dans le Bas-Rhin, que les
noms des donateurs resteront affichés pendant six mois dans le
lieu le plus apparent de l'Ecole. Cela ne suffit pas. Il faut autre
chose que d'agir sur l'araour-propre ; il faut inculquer le sentiment
du devoir, 11 faut faire comprendre que désormais on n'est bon Israé-
lite qu'autant qu'on est bon citoyen, et que, pour être bon citoyen
il faut veiller à l'œuvre scolaire. On décide, à Paris, que toutes les
offrandes pour les écoles seront inscrites avec soin dans un grand
livre ; ce livre sera apporté dans le temple à toutes les grandes
fêtes ; là, le Grand-Rabbin lira les noms sl haute voix et bénira
tous ceux qu'il aura nommés. N'y a-t-il pas là une haute leçon de
morale, et peut-on faire entendre plus clairement que s'instruire
pour le pays est le premier devoir du Juif? A Bordeaux, on fait
mieux encore. En excitant l'émulation des donateurs on imprime
le respect et la reconnaissance dans le cœur des enfants. Et l'on ne
trouvera pas souvent dans les paperasses administratives un détail
aussi touchant :
Ecole Israélite de Bordeaux : art. 57 : « Tous les ans, la veille
du jeûne de l'expiation, les élèves Israélites de la septième et de
la huitième classes seront conduits par le maître et deux moniteurs
CIV ACTES ET CONFÉRENCES
en ordre au cimetière pour y prier sur la tombe de tous ceux qui
auront laissé quelque legs en faveur de Técole. » — Tout pour
l'école ! tout par l'école I c'était bien l'unique devise du judaïsme!
— Dirai-je maintenant que les femmes juives ont pris part à
l'œuvre de régénération et qu'elles ont suivi le mouvement ? Ce se-
rait mal les connaître. Elles l'ont précédé sur bien des points. Et
pourquoi, lorsqu'il s'agit de l'instruction, n'auraient-elles pas été
au premier rang à l'époque de liberté? Elles y étaient bien à
l'époque de misère et d'oppression. Permettez-moi de le rappeler en
passant : alors que les nobles châtelaines du moyen-âge venaient
dans les tournois décerner des prix à de fiers batailleurs, les
femmes juives donnaient aussi des prix à leurs coreligionnaires
dédaignés. Ce sont elles qui ouvraient la bourse pour loger, nour-
rir, vêtir nos pauvres savants, qui étudiaient dans l'ombre et le
mystère ! Ce sont elles qui fondaient des imprimeries et faisaient
publier à leurs frais les travaux de ces savants ! Elle avait vrai-
ment tort cette baronne du moyen-âge qui, ayant mis son carrosse
en gage chez un Juif, refusait de le reprendre parce que la femme du
Juif avait osé s'asseoir dedans. Il est vrai que le Juif, tremblant
pour son argent, s'empressa de rendre le carrosse à la seule condi-
tion de recevoir son capital sans aucun intérêt ! C'est ce qu'avait
prévu et désiré la baronne. — Mais à cette époque nos plus riches
héritières se faisaient gloire d'épouser le plus pauvre, pourvu qu'il
fut le plus savant. On cite même une fille d'Israël qui, s'étant fian-
cée, recula son mariage pendant douze ans jus(iu'à ce que son mari
possédât le Talmud a fond. Douze ans de soupirs sur le Talmud
pour mériter celle qu'on aime! Ah! M"*^ de Rambouillet n'avait
pas trouvé cela avec le duc de Montausier ! — Si les femmes juives
étaient si ardentes aux choses de l'instruction, que ne devaient-elles
pas faire pour seconder leurs maris et leurs frères dans l'œuvre de
régénération ?
L'école des garçons de Metz passe pour la première ouverte en
1818. ^lais, dès 1817, une jeune femme de Bordeaux faisait don
d'un local pour y installer une école ; elle organisait, enseignait,
payait. Les dames bordelaises se forment en comités avant les
hommes, et c'est à leurs seuls efforts qu'on doit la création d'une
L'ŒUVRE SCOLAIRE DES JUIFS FRANÇAIS DEPUIS 1789 CV
école de garçons de soixante-dix élèves. — Quant aux filles, elles
sont plus empressées de venir à l'école que les garçons ; elles tra-
vaillent mieux. A Metz, elles font si bien qu'on est obligé d'ouvrir
des cours supérieurs pour elles à l'école primaire. C'est d'une école
de filles qu'un inspecteur non Israélite disait dans son rapport : « Je
n'ai jamais vu d'élèves qui écrivissent mieux le français. » Mais
c'est à Paris surtout que les femmes juives font merveille. Lisez les
budgets d'alors : la plus grosse partie des recettes vient des quêtes.
Et ces quêtes, qui va s'en charger'? Ce sont les dames, qui vont de
maison en maison, retournant une deuxième fois là où l'on a refusé
une première fois. Dès 1821 le consistoire de Paris reconnaît la
nécessité de s'adjoindre un comité de dames pour l'école des gar-
çons, notez-le. — On parle quelquefois de la sécheresse des docu-
ments administratifs. Voici un arrêté du Consistoire qui est du
dernier galant : il s'agit des collectes dont le soin va être confié aux
femmes : « Qui pourrait, dit l'arrêté, refuser le denier de la veuve
à ce sexe si intéressant et si admirable? Qui pourrait résister aux
charmes persuasifs de ces dames?» Le Consistoire n'était pas
toujours aussi aimable. Un jour, dans leur beau zèle, les dames
osèrent demander directement de l'argent au ministre, oubliant que
le Consistoire avait seul mission pour correspondre avec le gouver-
nement. Messieurs du Consistoire se fâchèrent tout rouge et blâ-
mèrent sévèrement les dames. Elles firent une réponse des plus
spirituelles (pouvait-il en être autrement?), et l'entente ne tarda
pas à se rétablir, comme elle se rétablit toujours entre gens de cœur
travaillant à une œuvre commune. Et l'on travaillait vraiment
bien! Et l'œuvre portait ses fruits! Dès 18'25 ', le préfet de la
Seine déclarait que nos écoles juives pouvaient servir de modèles
aux écoles catholiques ! Les fils des parias maudits cités comme
modèles ! 11 n'avait pas fallu cinq ans pour dépasser ceux que nous
rêvions à peine d'égaler ! Ah ! les petits vagabonds juifs avaient
senti l'étincelle ! Ils avaient si bien travaillé qu'en 1829 l'autorité
supérieure écrivait à Metz pour féliciter l'administration des résul-
' Eu 1819 déjà M. Beugnol rendait justice ù nos elTorts et parlait des heureux
résultats dus ù l'orgunisation de uos écoles (Happorl sur les linances;.
CVl ACTES ET CONFERENCES
tats obtenus ! Telle était en 1832 la bonne réputation de nos écoles,
que le roi Louis-Philippe, la reine Marie - Amélie et la princesse
Adélaïde chargeaient un émineat philanthrope d'aller à la distri-
bution qui devait se faire à Paris et de remettre en leur nom trois
prix d'honneur aux iiarçons et trois prix d"honueur aux filles. Vous
jugez de l'émoi de la communauté à cette grosse nouvelle! Un re-
présentant du roi à la distribution ! L'instituteur se mit en frais
à cette occasion et dépensa 8 fr. 50 c. pour réparer des carreaux
cassés ! On fut si content de part et d'autre qu'on accorda au nom
du souverain huit jours de grandes vacances aux élèves ! On n'a-
vait pas de vacances à cette époque. Enthousiasmés de la bonne
aubaine, nos petits coreligionnaires poussèrent le cri de : « Vive le
roi ! » Huit jours de grandes vacances pour le cri de : Vive le roi 1
Ce ne serait pas payé aujourd'hui I
Le budget du comité des écoles pour 1893 est de 100,000 francs;
la population juive est de 50,000 habitants environ; cela fait 2 fr.
par tête. Il y a soixante-dix ans, pour 2,000 Juifs, Metz dépensait
plus de 4,000 francs : la proportion est la même. Et ailleurs, en
Alsace et en Lorraine surtout on fait des efforts merveilleux, hors
de toute proportion avec les ressources des communautés pour sou-
tenir les écoles. Paris, en 1820, dépense 4,583 francs pour 6,000
juifs. Crions-le sur tous les toits, ce chiffre de 4,583 francs! c'est
363 francs de plus que ce que Napoléon le inscrivait dans ses budgets
pour l'instruction primaire de ses 130 départements ! Voici ce que
dit Jules Simon . dans son curieux livre de l'Ecole : « Les écoles
primaires restèrent abandonnées à elles-mêmes. On trouve quel-
quefois dans les budgets de l'empire une somme de 4,250 francs,
accordée au noviciat des frères des Ecoles chrétiennes. C'est tout
ce qui parut possible ou nécessaire dans un temps où nous étions
maîtres de l'Europe. »
Puisque j'ai cité ce livre de Jules Simon, permettez-moi de m'en
servir encore. Les Juifs pouvaient être fiers de leur œuvre, quoique
incomplète, et la France pouvait les applaudir quand on se reporte
au pitoyable état de rinstruction primaire de notre pays en 1833.
Nous autres juifs nous n'avons pas encore d'écoles partout ; les
logements sont étroits ; la situation est précaire parfois ; il y a telle
L'ŒUVRE SCOLAIRE DES JUIFS FRANÇAIS DEPUIS 1789 GVH
communauté où une correspondance s'engage entre le comité et
l'instituteur pour savoir qui achètera les balais. — Mais l'état des
choses n'est pas à comparer à celui que je vais vous lire :
ftTrès peu de communes ont une maison d'école ; c'est l'excep-
tion. L'école se fait dans la mairie, dans un cabaret, dans un corps
de garde, dans une salle de danse, sous le porche d'une église, dans
une cave où l'on n'entre qu'en rampant, dans une sorte de bouge,
sans air respirable, hanté par les reptiles. L'obscurité est si grande
que l'école est fermée trente-neuf jours en deux mois. — Un ins-
tituteur loge son pourceau dans l'école. Ailleurs le maître et ses
élèves s'installent dans l'écurie pour avoir plus chaud. Un inspec-
teur trouve une école dans une cave où il surprend des buveurs
attablés. Un autre arrive le lendemain des couches de la maîtresse;
les couches ont lieu dans la salle d'école ; le marmot est là et toute
la famille ; on y fait la cuisine ; il n'y a pas d'autre chambre pour
le ménage. »
A Romillj, l'école ne coûte que 15 sous par mois ; c'est trop
cher ; on la met à 12 ; encore trop cher ; à 10 sous, à 8 sous ; ils
n'iraient pas pour rien ! Dans les rapports des 190 inspecteurs
les mots « pas d'école ou mauvaise école » reviennent à chaque
page. Le conseil municipal de Cognac prend une délibération
expresse pour déclarer qu'il n'y a pas lieu de fonder une école,
qu'elle serait inutile. Il y a pourtant dans la commune 128 en-
fants en âge d'aller à l'école. A[. Lorain, qui recueille ces renseigne-
ments , remarque avec tristesse , parmi les signataires de cette
délibération le nom d'un ancien garde des sceaux de France I
Ah! ce n'est pas au bas d'un pareil document qu'on aurait trouvé
la signature d'un de ceux qui me font l'honneur de m'écouter, de
M. Narcisse Leven, qui, dans une séance générale de l'Alliance
Israélite, prononçait ces belles paroles : « Les écoles ! Il faut en
ouvrir partout! 11 faut en couvrir l'Orient et l'Afrique ! »
Nous sommes arrivés en 1833 : la loi Guizot réorganise l'instruc-
tion primaire en France. Petit à petit nos écoles deviendront com-
munales et rentreront dans le régime commun. Je crois inutile de
continuer leur histoire. Je ferai seulement observer (pie nous
n'abandonnons pas pour cela la partie, et je n'en veux pour prouve
GVIII ACTES ET CONFÉRENCES
que le magnifique groupe de nos écoles consistoriales de Paris avec
une population scolaire de plus de GOO élèves, un personnel des
plus vaillants et une administration d'élite '.
Demandons-nous maintenant ce qu'on a fait de tous ces enfants
que l'on envoyait dans les écoles? — La réforme était manquée s'ils
retournaient dans leurs familles reprendre le métier paternel. Il
fallait absolument joindre à renseignement primaire, l'enseignement
professionnel. A peine les écoles se sont-elles ouvertes que des
comités de patronage vont se former de tous côtés pour placer nos
petits coreligionnaires dans les ateliers. C'est toujours Metz qui
donne l'exemple, et dès 1823, il y fonctionne une société d'encou-
ragement aux arts et métiers -. Si les parents sont trop pauvres
pour nourrir les enfants, des particuliers charitables fourniront la
table et le couvert. Cela ne suffit pas. Les enfants ne sont ni sur-
veillés ni instruits.
C'est alors que s'ouvre en 1825 cette magnifique école de travail
de Strasbourg qui sera à jamais une des gloires du judaïsme fran-
çais. En 1842 se fondait l'école des arts et métiers de Mulhouse.
Et l'on peut demander à nos détracteurs qui nous accusent de ne
pas aimer les travaux manuels, combien il y avait d'écoles profes-
sionnelles en 1825 en France dans les plus grandes villes ! Dans le
rapport de 1862 que je viens de citer on se plaint du manque
d'écoles professionnelles en France. On hésitait alors, on tâtonnait;
on cherchait les moyens de faire marcher de pair l'enseignement
manuel et l'enseignement intellectuel. Une commission se formait
au ministère du commerce en 1864 ; elle cherchait des documents
de toutes parts, et elle ne dédaignait pas de s'éclairer auprès de
' Nombre de communautés continuent à accorder une subvention aux écoles
et à compléter le traitement des maîtres. — Des sociétés sont formées pour
habiller les enfants pauvres, pour leur fournir des livres, des cahiers, pour payer
leurs frais d études dans des établissements supérieurs d'instruction. — La
Société des jeunes gens Israélites de Colmar fait frapper tous les ans à Paris une
médaille d or et une médaille d'argent pjur les décerner aux meilleurs élèves. —
Ailleurs on ouvre des couri du soir pour les adulies.
Les jeunes apprentis soûl réunis solenaellemeut tous les ans pour y recevoir
des prix et entendre de touchantes exhortations. Des outils d'honneur sont
accordés aux plus méritants.
LCEUVRE SCOLAIRE DES JUIFS FRANÇAIS DEPUIS 1789 CIX
nos écoles juives de Strasbourg et de Mulhouse ! Et le président de
la commission, le général Morin, membre de l'Institut, directeur du
Conservatoire des arts et métiers, écrivait aux administrateurs de
l'École de Strasbourg : « Messieurs, j'ai reçu et lu avec beaucoup
d'intérêt les renseignements que vous avez eu l'obligeance de me
transmettre sur les résultats de l'école des arts et métiers de
Strasbourg. Ces succès, qui sous une administration paternelle et
prudente se perpétuent d'année en année, prouvent que votre so-
ciété d'encouragement au travail a trouvé et réalisé par elle-même
une des meilleures solutions de la difficile question de l'apprentis-
sage coordonné avec l'instruction nécessaire à de jeunes ouvriers.
Je porterai tous les détails intéressants que j'ai puisés dans ces
documents à la connaissance de la commission formée auprès du
ministère du commerce et je ne doute pas qu'elle n'apprécie comme
moi et la générosité des sentiments qui dirigent votre société et les
heureux résultats qu'elle obtient. »
La même année, un homme, dont on ne récusera pas la compé-*
tence, le directeur de la Ligue de l'Enseignement, Jean Macé,
déclarait que les écoles juives de Strasbourg et de Mulhouse
avaient le mieux résolu en France la question de l'enseignement
professionnel.
Et, en 1867, lorsque s'ouvre l'Exposition universelle, je vois men-
tionnée, à côté des écoles nationales d'Angers et de Chàlons, l'école
Israélite de Strasbourg ; et, dans une notice sur les établissements du
Haut-Rhin, destinée à la même Exposition, je trouve cette phrase
sur l'école de Mulhouse : « A coup sur, une école aussi bien conçue
n'a rien de confessionnel et présente des avantages si réels pour
l'apprentissage, qu'il est à désirer de les voir imiter ailleurs dans
notre département, pour les enfants des diverses communautés
chrétiennes! » Voilà ce qu'avaient fait pour l'enseignement profes-
sionnel ces Juifs d'Alsace que le député Rebwel considérait comme
une bande d'usuriers incapables de faire autre chose et dont il disait
à la Constituante : « Si vous émancipez les Juifs d'Alsace, je ne
réponds pas des suites. »
Le temps me manque pour entrer dans les détails d'organisation
de ces écoles. Il est touchant surtout de voir au milieu de quelles
ACT. BT CONF. H
ex ACTES ET CONFÉRENCES
difficultés elles se débattent. Nous qui sommes habitués à de gros
budgets et à des écoles richement dotées, nous pouvons sourire en
voyant les souscriptions qui soutiennent ces établissements : il y en
a de 2 fr., de 1 fr., de 0 fr. 50 '. Parmi les dons, je trouve jusqu'à
trois livres de bougies I L'œuvre semble parfois compromise ; mais
elle marche toujours, car elle est dirigée par des hommes d'une rare
énergie. Et, bien que je ne puisse citer tout le monde, je ne saurais
passer sous silence Louis Ratisbonne, de Strasbourg, et Lazard
Lantz, de Mulhouse ! La biographie d'un homme comme Lantz
devrait seule suffire pour faire tomber les préjugés de l'antisé-
mitisme.
Mais laissons l'éloge et posons nettement la question : les Juifs
ont-ils pris le goût des professions manuelles? En 1856, le comité
de patronage de Paris (car il faut bien parler un peu de nos ouvriers
de Paris) plaçait 9 apprentis ; en 1857, 14 ; en 1859, 27 ; et aujour-
d'hui l'excellente école de la rue des Rosiers compte, tant internes
qu'externes, 121 apprentis! Et sait-on l'éloge que font de ces petits
ouvriers les patrons, presque tous non Israélites ? Us sont d'accord
pour reconnaître, quoi? leur goût? leur intelligence? Bien mieux
que cela : leur moralité.
On dit que les Juifs ont de la répugnance pour certaines profes-
sions, celles qui sont trop dangereuses. 11 serait plus vrai de dire
qu'il est certains métiers plutôt recherchés que d'autres. Lesquels?
Parcourez les comptes rendus de Strasbourg, de Mulhouse, de
Paris, et vous verrez que ce sont les métiers de typographe, litho-
graphe, dessinateur, graveur, relieur, c'est-à-dire tout ce qui
touche à l'industrie du livre! Et l'on s'étonne que les Juifs réussis-
sent 1 On parle de leur génie pour l'intrigue ! Mais non ! Ils ont le
génie de l'École ! Un jour, ou plutôt un soir, M. Duruy, alors
ministre de l'instruction publique, était de passage à Strasbourg. Il
' 11 est intéressant de relever parmi les souscripteurs les noms de l'évêque de
Strasbourg, du pasteur protestant, du président du Consistoire de la confusion
d'Augsbourp, etc., etc. — Différents conseils municipaux votent des subven-
tions. — Les conseils généraux du Bas-Rbin et du llaut-Rbin accordent des
allocations annuelles, parfois avec les cousidérants les plus flatteurs pour ces
établissements.
L'OEUVRE SCOLAIRE DES JUIFS FRANÇAIS DEPUIS 1789 CXI
eut la curiosité d'aller surprendre nos petits coreligionnaires à
l'École de Travail. Ceux-ci venaient de terminer leur repas après
leur journée d'atelier et se mettaient au dessin. M. Duruy observa
longtemps les élèves penchés sur leurs cartons, puis il s'écria, comme
frappé d'admiration : « Yous ne serez pas des ouvriers, vous serez
tous des contre -maîtres, mes enfants. »
Loin de démoraliser le pays, les Juifs rivalisent de progrès avec
leurs concitoyens. En veut-on la preuve? Où y avait-il le plus de
Juifs en France avant 1870? En Alsace et en Lorraine. Sur neuf
grands rabbinats il y en avait quaire en Alsace et Lorraine, et cinq
dans le reste de la France, y compris Paris. Jugez delà proportion.
Eh bien 1 les écoles juives marchent au premier rang dans cette
Alsace et cette Lorraine. Et chose glorieuse à dire ! cette Alsace
et cette Lorraine marchent elles-mêmes au premier rang dans la
France, En 1862, sur cent conscrits, le nombre de ceux qui ne
savent ni lire ni écrire varie de 50 à 70 0/0 dans le Finistère, la
Haute-Vienne, les Landes, la Corrèze, l'Ariège, les Côtes-du-Nord.
La Moselle donne 6 0/0 ; le Haut-Rhin, 6 0/0, et le Bas-Rhin, 4 0/0.
En 1869, le Finistère donne encore 52 0/0; la Moselle, 2 1/2 0/0 ;
le Bas-Rhin, 1 1/2 0;0 '. Lorsque Jean Macé lance ces biblio-
thèques populaires qui se sont tellement multipliées depuis, où
trouve-t-il l'accueil le plus empressé? En Alsace. Quel est son
auxiliaire le plus précieux? Un Juif des plus instruits, qu'on a vu
depuis organiser un important service de bibliothèque à Paris.
Chose curieuse ! La première liste des souscripteurs de la Ligue de
l'Enseignement compte pour la France entière 4,792 noms. Il y en
a 401 dans le Haut-Rhin seulement, et près de 100 Juifs !
Mais je n'ai rien dit encore de l'apprentissage des filles ! J'avoue
qu'il n'y avait pas là urgence comme pour les garçons. Et pendant
longtemps, et surtout dans cette Alsace et cette Lorraine si éclai-
rées, on s'est contenté d'apprendre à nos petites coreligionnaires au
sortir de l'école la science féminine par excellence, la science du
ménage ! Ne disons pas de mal de nos ménagères juives d'Alsace,
' C'est dans le Bas-Rhin que fat ouverte la première école normale d'insti-
tuteurs en France. Moyenne des élèves admis: 100, dont 10 juifs. D'après la
population ce dernier nombre ne devait pas dépasser 4 0/0.
CXn ACTES ET CONFÉRENCES
vrais cordons bleus qui ont élevé la pâtisserie à son dernier degré
de perfection. Lorsque Henri Heine parle de la joie causée en Eu-
rope par la révolution de 1830, il songe à la pâtisserie juive et il
écrit : « On sentait comme une odeur de gâteaux ! » D'ailleurs,
s'il faut en croire un chroniqueur des plus instruits, fin gourmet à
ses heures, nos ménagères juives ont doté Thumanité d'un bienfait
impayable en lui révélant, à une date relativement récente, un
grand secret : l'art d'engraisser les oies et d'apprêter les pâtés. —
« La haine patiente des Juifs, dit ce chroniqueur, confisqua cette
jouissance pendant plus de douze siècles sur la chrétienté. La cul-
ture du foie gras était un arcane dont les Juifs de Metz et de Stras-
bourg avaient seuls la possession ». — Sait-on quand fut révélé le
secret? Le jour où l'Alsace devint terre française !
Ce que Strasbourg et Mulhouse ont fait pour les garçons, c'est
Paris qui devait avoir l'honneur de le faire pour les filles. Après de
longs et glorieux efforts des comités de dames pour l'apprentissage
des filles, ce problème fut résolu définitivement par la création de
l'Ecole Bischoffsheim, d'une part, par l'énergique impulsion donnée,
de l'autre, à la maison de Neuillj. Je ne reviendrai pas sur ce
qui a été dit à ce sujet dans la Revue des Leux-Mondes de 1887 par
M. Maxime du Camp. Je n'y ajouterai qu'un mot. En 1889, le jury
de l'Exposition qui a prodigué médailles et diplômes à l'Ecole de
Neuilly, à l'Ecole du boulevard Bourdon, à l'École de la rue des
Rosiers, à l'Orphelinat Rothschild, n'a-t-il pas rendu justice aux
efforts du Juif en faveur de l'instruction? Cette Exposition a
constaté aux yeux du monde entier le relèvement de la patrie. Nous
aussi nous avons fait voir à cette occasion nos écoles qui brillaient
au premier rang et nous avons pu dire, comme la Cornélie antique :
« Voilà nos trésors ! »
Et ces écoles dont je parle s'ouvrent libéralement à tous les vi-
siteurs, mettent sous les yeux de tous leurs programmes et leurs
méthodes. On dit que les Juifs ne travaillent que pour eux et entre
eux. Sans aller bien loin, je pourrai citer, à preuve du contraire,
l'Ecole sœur de l'Ecole Bischoffsheim, l'orphelinat Jules Béer, de
Louveciennes, excellente école agricole destinée aux non Israélites.
Mais prenons nos écoles juives : elles comptent toutes parmi leurs
L'ŒUVRE SCOLAIRE DES JUIFS FRANÇAIS DEPUIS 1789 CXHI
professeurs des catholiques et des protestants. Car, le Juif est tolé-
rant et libéral dans son enseignement. Et je ne sais pas de plus bel
exemple de tolérance que celui du séminaire israélite de Paris, qui,
pendant de longues années, confia l'enseignement de la philosophie
à un non israélite. Aujourd'hui encore, c'est un non israélite qui
enseigne l'histoire : l'histoire et la philosophie, ce sont peut-être les
deux branches les plus hautes de l'enseignement. On ne dira pas que
nos jeunes rabbins, instruits par des concitoyens d'un autre culte,
apprennent à mépriser ce qui n'est pas juif. Tout ce que nous disons
et ce que nous écrivons peut être répété partout. En 1885, un pro-
fesseur israélite du Collège de France, le regretté M. Franck, fai-
sait une leçon d'ouverture, qui fut reproduite par le Journal des
Débats. Elle contenait de si belles pensées sur la religion qu'elle fut
lue à haute voix en plein réfectoire, où cela ? Au séminaire israé-
lite? Non. Au collège Albert-le-Grand, à Arcueil. Et l'abbé Jour-
dan, directeur de l'Ecole, écrivait : « Je n'ai pas l'honneur de
connaître M. Franck, mais j'éprouve le besoin de le remercier de
sa leçon d'ouverture. Ce discours, lu au réfectoire devant tous nos
maîtres, les a frappés par l'élévation des sentiments et le courage
des affirmations. Plaise à Dieu qu'il dépose dans l'âme de la jeu-
nesse les germes d'une vie nouvelle en ravivant les croyances reli-
gieuses et spirituelles qui feront le salut et la grandeur de notre
pays. » Et de ce même discours on retrouve des extraits dans les
mandements des évêques de Nîmes et de Nancy. Et dire qu'il y a
des gens qui nous accusent de vouloir fermer les églises et de tra-
vailler à la ruine de notre pays !
Voici comment nous y travaillons : en 1810, la France était
vaincue par l'Allemagne. On se souvint aussitôt que la Prusse
écrasée à léna ne s'était relevée que par les écoles. On se mit aussi-
tôt à l'œuvre et l'on reconnut que notre système d'enseignement
était défectueux et avait besoin d'être réformé. Qui fut un des pre -
miers à indiquer le remède? Ce fut un Juif, Michel Bréal, dans son
livre : Quelques mots sur l' Insiruction publique, paru en 1870.
Mais parmi nos lois de l'enseignement moderne, quelle est la
plus vantée à l'étranger, la plus admirée, la plus imitée? Quelle est
celle qui a le plus appelé l'attention de tous les pédagogues d'Italie,
CXIV ACTES ET COiNFERENCES
d'Allemagne, d'Angleterre, de Hongrie? C'est la loi sur l'enseigne-
ment secondaire des jeunes filles, si bien due à l'initiative d'un Juif
qu'elle en porte le nom : on dit : « la loi Camille Sée ». Un sénateur
italien, le profefseur Pacchiotti, publie un ouvrage en 1885 et de-
mande que l'on crée en Italie des lycées déjeunes filles analogues à
ceux que la loi C. Sée a institués en France. Le D"" ^\"ychgram,
professeur à l'Ecole supérieure des filles de Leipzig, déclare que
l'enseignement des jeunes filles organisé par la loi C. Sée aura une
influence capitale sur le développement et la force morale de la
nation. Enfin, disons-le bien haut, un homme d'Etat anglais,
jurisconsulte éminent, qui a été membre du Parlement, juge du banc
de la Reine et, plus tard, membre du Conseil privé, a dit de cette loi
proposée par un Juif : « Je n'y vois qu'un inconvénient : bien
appliquée, elle rendrait la France républicaine trop puissante en
Europe ! » Acceptons-en l'augure * 1
La loi C. Sée voilà pour le gouvernement. Mais ne doit-on rien à
l'initiative privée? Il y a à Paris un excellent lycée déjeunes filles,
dû à cette initiative privée et qui a rendu les plus précieux services :
c'est le collège Sévigné. Qui en fut un des promoteurs, qui en fut,
si je peux dire la cheville ouvrière? C'est un des nôtres, dont nous
avons tous déploré la mort prématurée, le vaillant et regretté
M. Sacki Kann.
Ces créations pour l'enseignement secondaire des filles se font
remarquer par leur caractère essentiellement laïque, laïque mais
non pas antireligieux. Et je ne saurais mieux faire que de rappeler
à ce propos le remarquable rapport sur l'enseignement des filles pré-
* On lit encore dans Jules Simon : « On s'est enfui préoccupé sérieusement
de l'éducation des filles, de ce grand intérêt si maladroitement et si odieusement
méconnu pendant longtemps. M. Camille Sée, qui s'est fait le promoteur de
1 enseignement secondaire des filles, a certainement rendu un grand service à
noire pays. Le gouvernement et la Chambre ont bien fait de le suivre dans cette
loi. » Rappelons que M. Sée consacre à son œuvre une publication périodique
des plus intéressantes : La Revue de l'Enseignement secondaire des filles. On y
trouvera les meilleurs matériaux pour faire l'historique de l'œuvre et l'apprécier
à sa juste valeur. On y trouve encore des devoirs corrigés par les meilleurs
maîtres, des analyses intéressantes d'ouvrages anciens ou nouveaux. Rien n'y
est négligé pour rendre service aux jeunes filles qui fréquentent les lycées ou
autres établissements d'instruction, et au personnel enseignant.
L'ŒUVRE SCOLAIRE DES JUIFS FRANÇAIS DEPUIS 1789 CXV
sente en 1879 par un des nôtres à la conférence Mole Tocqueville.
« Il faudra éviter, dit fort bien M. Théodore Reinach (car c'est de
lui qu'il s'agit), jusqu'à l'apparence de donner à l'enseignement laïque
un caractère antireligieux qui ne lui conviendrait nullement, » Quant
à la nécessité d'élever le cœur et l'esprit de la femme, M. Reinach
la justifie par des arguments dont quelques-uns sont empruntés d'une
façon heureuse et piquante à l'évêque Dupanloup !
Mais je n'ai pas fini avec l'enseignement secondaire des filles!
Avant ce grand mouvement de nos jours, qui nous appartient en
grande partie, un effort avait été fait en 1836, et M. Gréard en
parle longuement et avec admiration dans un rapport de 1882.
Est-ce qu'il s'agissait encore d'un Juif ? Oui ! Ce sont les fameux
cours d'Alvarès Lévi, M, Gréard rapporte qu'Alvarès Lévi ayant
reçu la croix, toutes les mères qui lui confiaient leurs jeunes filles
s'étaient écriées : « Nous sommes décorées 1 »
Morale et pédagogie! voilà bien le Juifl Voilà qui caractérise en-
core la littérature féminine juive. Voilà aussi d'où jaillira l'inspi-
ration poétique 1 L'Ecole ! mais c'est le fond même du drame, Les
Ouvriers, d'E. Manuel! Ses plus belles poésies en sont imprégnées !
Et c'est bien un des nôtres qui devait traduire en vers cette grande
vérité :
Au mal comme au carcan l'ignorant est rive' !
Mais quiconque sait lire est un homme sauve' !
Mesdames et Messieurs, si nous avons été battus par l'Allemagne
en 1870, il y a une revanche que nous avons déjà su prendre : les
savants allemands ont cessé de nous regarder de leur haut. Rarement
les études philologiques ont été cultivées avec plus de succès ;
rarement l'érudition française a brillé d'un plus vif éclat que de nos
jours. C'est là une victoire morale où les Juifs ont leur part, leur
large part. Ah ! j'en aurais long à dire sur le rang que nous occu-
pons dans les lettres, dans les sciences, dans les arts et dans toutes
les carrières libérales ! C'est notre orgueil que cette jeunesse Israé-
lite qui se presse sur les bancs des établissements scolaires et qui
n'ambitionne d'autre gloire que la gloire universitaire ! Le Juif, si
on veut l'apprécier à sa juste valeur, il faut le chercher non dans la
CXVI ACTES ET CONFÉRENCES
presse quotidienne ou dans le bulletin financier, mais dans les pal-
marès des 1 vcées et collèges, lycées de garçons et de filles I Car celles-
ci ne sont pas restées en arrière et je sais nombre de filles d'Israël
dont la seule dot, et la plus belle dot, est le brevet supérieur, le
diplôme de licence ou d'agrégation. Un ancien député de 1848 s'ex-
tasiait, il y a quelques années, devant les efforts des Juifs vers toutes
les cariMères libérales. Et, comme il en exprimait son admiration à
l'un des nôtres, celui-ci lui répondit avec raison : « Les Juifs ont
renoncé au trafic et à l'usure du jour où la société leur a ouvert ses
écoles. » Mais déjà, en 1860, on pouvait nous rendre cet hommage;
en 1860, déjà on citait, sur 4,000 élèves reçus à l'Ecole polytech-
nique en trente ans, plus de 100 Juifs, c'est-à-dire 1 sur 40, alors
que la population juive, par rapport à la population totale, est de
1 sur 400! Mais déjà en 1830, M. Augustin Périer, à la Chambre
des Députés, parlait du rang honorable tenu par les Juifs dans les
lettres et les arts, et de leurs efforts vers les carrières libérales • .
En 1830, déjà M. Périer et l'amiral Verhuell (un antisémite, celui-ci)
reconnaissaient les services rendus par les Juifs dans l'armée. C'est
avec intention que je n'aborde pas aujourd'hui cette dernière ques-
tion qui m'entraînerait trop loin.
Ce n'est pas non plus cette question qu'avait en vue ce vaillant
Français de nos jours, non Israélite, qui disait que si la France à
beaucoup fait pour les juifs, la dette a été payée. Et celui qui s'ex-
primait ainsi avait encore en vue une œuvre scolaire, que j'ai tenu
à réserver pour la dernière, la plus féconde de toutes, la plus belle
assurément et qui nous fait le plus d'honneur : l'œuvre scolaire de
' Séance du 2 décembre 1830 : « On doit reconiiaîlre qu'ils se montrent de
plus en plus dignes du nom français. L'armée, le barreau, les lettres et le com-
merce comptent des israélites distingués. Les écoles élémentaires se multiplient
parmi eux > Voir encore (séance du ?0 décembre^ M. André, du Haut-
Rhin : • On voit les juifs se livrer à diverses professions de tailleurs, forgerons,
imprimeurs, graveurs, horlogers et à d'autres qu'il serait trop loug d'énumérer.
On en remarque qui sont cultivateurs. Vous distinguez des professeurs de lan-
gues anciennes, de mathématiques, des littératures, des poètes, des auteurs de
tragédies, de comédies et d'opéras, des architectes, des peintres, des ingé-
nieurs Ainsi les Juifs embrassent aujourd'hui plus ou moins laigement
toutes les professions auxquelles ils étaient restés généralement étrangers avant
1789. •
L^UVBE SCOLAIRE DES JUIFS FRANÇAIS DEPUIS 1789 CXVIl
l'Alliance Israélite ! Celle-ci est comme le résumé de toutes les
autres : elle comprend à la fois l'enseignement primaire, l'ensei-
gnement professionnel et l'enseignement agricole. En ce moment
s'ouvre l'Exposition de Chicago : on y verra une chose assez cu-
rieuse, les travaux d'une école agricole Juive : c'est JafFa qui a
envoyé ses produits! Et je regrette de ne pouvoir ici, à titre de
documents officiels, faire circuler dans la salle quelques plateaux
chargés de bonnes bouteilles de vin de Jaffa ! C'eût été la plus
éloquente des statistiques, surtout par cette température. Ce qu'on
verra encore à Chicago, c'est la plus belle carte de géographie que
j'aie jamais vue, carte delà lumière et de la civilisation : l'Asie et
l'Afrique où un certain nombre de villes se détache en gros carac-
tères rouges : c'est là que l'Alliance a ses écoles. Ah ! vraiment
l'inspecteur général Foncin avait bien raison de dire que l'Alliance
israélite a payé la dette ! M. Du Camp avait bien raison quand il
demandait au gouvernement français d'accorder le passage gratuit
aux filles d'Israël qui viennent à Paris « pour s'imprégner de nos
idées et les répandre autour de leurs berceaux, » Car ce que
M. Du Camp admire surtout dans l'oeuvre de l'Alliance, c'est ce
qu'elle fait pour le relèvement moral de la femme en Orient. Ce
que M. Du Camp aurait pu ajouter, c'est le nombre des élèves non
Israélites reçus dans ces écoles : il est de 254 ! Détail curieux 1
le patriarche de Constantinople envoie son neveu à l'école israé-
lite de Balata, Nul n'est exclu ; toutes les religions s'y mêlent :
Catholiques romains 86
Arméniens 18
Musulmans 22
Protestants 22
Grecs orthodoxes 106
Devant de tels chiffres et de tels rés ultats il faut changer les
mots : ce n'est pas l'alliance israélite universelle, c'est l'alliance
universelle ! Et cela est si vrai que sa première œuvre, dès sa
création en 1860 a été de recueillir des souscriptions, non pas
pour les Juifs, mais pour les Chrétiens, les Chrétiens de Syrie.
Ce fut même un spectacle des plus curieux que cette croisade du
CXVill ACTES ET CONFÉRENCES
XIX* siècle contre le fanatisme musulman et en faveur des adora-
teurs du Christ devancée par l'appel de deux Juifs : Crémieux en
France et Moses Montefiore en Angleterre 1 Voilà comme nous
nous vengions des persécutions du moyen âge ! Une Société de
1860, dont le nom seul indique le but : « l'Alliance chrétienne
universelle » remerciait chaleureusement M. Crémieux et faisait
les voeux les plus empressés pour l'Alliance Israélite, dont la devise
allait être comme celle du judaïsme français lui-même : tout pour
l'Ecole, tout par l'Ecole '.
Cette devise n'est pas nouvelle ; on la trouve déjà dans le Tal-
mud et sous une forme des plus originales : « Un jour des rabbins
vinrent dans une ville où il n'y avait pas d'écoles. Ils demandèrent
à voir les défenseurs de la ville, on les conduisit devant les soldats.
Sur quoi ils répondirent que les gardiens de la cité n'étaient pas les
soldats, mais les instituteurs, et que la ville, étant sans écoles, se
trouvait, par suite, sans défense *. »
C'est là le seul point, Mesdames et Messieurs, sur lequel les
Juifs en se régénérant ne pouvaient pas, ne devaient pas rompre
avec le passé : leur amour même des choses de l'instruction.
— Et au moment de clore ma conférence je ne peux m'empêcher
d'exprimer un regret : c'est de n'avoir rien dit de la part même que
le Rabbinat français a prise à l'œuvre de régénération. Aujour-
d'hui plus que jamais la prédication s'ajoute heureusement à
l'œuvre scolaire. Plus que jamais Téminent chef de la Synagogue
* Ce que j'ai dit des Juifs français peut être répété des Juifs d'Algérie. On
retrouve les mêmes elTjrts et les mêmes progrès. Il y a en Algérie 1 Juif sur
100 habitants. Dans les écoles primaires on compte 1 juif sur 4 élèves ; dans les
écoles maternelles de même ; les cours d'adultes du soir donnent 1 Juif sur
5 auditeurs.
* Rieu de plus curieux que l'enseignement de la loi chez nos ancêtres et les
prescriptions talmudiques à cet égard. Il est bien des recommandations aux
maîtres que ne désavoueraient pas nos meilleurs pédagogues d'aujourd'hui : Pas
de classes trop nombreuses ; le nombre des élèves ne doit pas dépasser 23 pour un
seul professeur. — Pas de punitions corporelles ou le moins possible ; il faut
caresser des deux mains et châtier d'une seule. — Lo maître doit être de préfé-
rence un père de famille. — Il doit préparer sa leçon avec soin et prévoir autant
que possible les explications qui pourront lui être demandées. A la maison,
l'enfant répétera avec son père ou son grand-père la leçoa enseignée par le
maître, etc.
L'ŒUVRE SCOLAIRE DES JUIFS FRANÇAIS DEPUIS 1789 CXIX
française, si vaillamment secondé, nous montre que l'Ecole et la
Sj'nagogue ou la Schulil méritent bien de s'appeler du même nom.
Je me propose de revenir sur ce sujet ; c'est ma seule excuse si je
n'en dis rien ce soir.
Je terminerai donc ma conférence en rappelant que déclarés
citoyens français par décret de la Constituante les Juifs le sont
encore devenus :
Parce qu'ils ont fait de la langue française leur langue na-
tionale ;
Parce qu'ils ont conformé les programmes de leurs écoles à
tous les besoins de la patrie et à toutes les exigences des temps
modernes ;
Parce qu'ils ont pris la part la plus active au relèvement moral
et intellectuel de leur pays et qu'ils lui ont donné le meilleur de
leur cœur et de leur esprit ;
Enfin, parce que Juifs et Français ont ce grand caractère
commun :
Us sont les champions infatigables de la civilisation.
PROCÈS-VERBADX DES SÉANCES DU CONSEIL
SÉANCE DQ 27 AVRIL 1893.
Présidence de M. Hartwig Derenbourg, préside/if.
M. le Président annonce que la conférence de M. Maurice Bloch
aura lieu le samedi 6 mai. Le sujet en sera : L Œuvre scolaire des
Juifs français depuis 1789.
M. René Worms parlera à la prochaine Assemblée générale sur
Spinoza.
Le Conseil décide d'envoyer une adresse à M. le professeur
Steinthal à l'occasion du soixante-dixième anniversaire de sa nais-
sance.
SÉANCE DU 22 JUIN 1893.
Présidence de M. Hartnvig Derenbourg, président.
M. le Président donne lecture d'une lettre de M. Steinthal, qui
remercie la Société des Études juives de l'adresse qu'elle lui a fait
parvenir.
M. Lucien Lazard déclare qu'il se propose de faire une confé-
rence sur la Légende de l'hostie de la rue Billetfes, quand il aura
réuni tous les matériaux nécessaires, entre autres, toutes les repro-
ductions figurées sur les vitraux d'église.
Sont reçus membres de la Société des Etudes juives :
MM. le grand-rabbin Kayserlixg, de Budapest, présenté par
MM. Zadoc Kahn, grand-rabbin, et Israël Lévi ; Paul
DB KoKOWTSOFF, de Saint - Pétersbourg , présenté par
MM. H. Derenbourg et Oppert.
Les Secrétaires :
Albert Cahen,
Maurice Vernes.
VERSAILLES, CERF ET c'', IMPRIMEURS, RUE DUPLESSIS, 59.
MCHERCHES GÉOGRAPHIQUES
SUR LA PALESTINE
I
LA FRONTIÈRE SEPTENTRIONALE DE LA PALESTINE.
Invarialiiliié de la fronlière sepientrioriale du pays d' Israël.
On est loin, jusqu'ici, d'être fixé sur les limites à assigner au
territoire ocaupé par les Hébreux au temps de la conquête, et,
en particulier, sur le tracé de la frontière septentrionale. Cette
dernière délimitation est enveloppée d'une telle obscurité, que
M. Neubauer, dans sa Géographie du Tainiud\ a cru devoir
distinguer trois frontières :
1° Frontières imaginaires, promises par la Bible, mais n'ayant
jamais été conquises; — au nord, le Ilor Ilahar (l'Amanus du
Targoum de Jérusalem); vers l'est, le Naliar (le fleuve, l'Eu-
p h rate) ;
2° Frontières à l'époque du premier Temple ; — le territoire
occupé s'étendait au-delà de Kezib (Ecdippa, Zib), vers la mon-
tagne Amanus, au nord, et vers l'Euphrate, à l'est;
3° Frontières après la captivité; — le territoire s'étendait au
nord jusqu'à Kezib.
Il semble diflicile de se ranger à cette opinion, lorsque l'on
compare le tracé du livre des Nombres (ch. xxxiv) à celui du
prophète Ezéchiel (ch. xlvii).
Premier tracé .
« Voici maintenant quelle sera la frontière septentrionale : de la
grande mer vous tracerez une borne jusqu'au mont lier ; de là, vous
' Neubauer, La Géographie du Talmiid, p. 5.
T. XXVI, N" 31. 1
2 RKVL'K D1-:S ÉTUDKS JUIVES
marquerez une borne jusqu'à l'entrée de Ilamalh ; la frontière du
nord ira à Cédad, poussera jusqu'à Zifron pour s'arrêter à Haçar-
Enan. Telle sera votre limite septentrionale. »
Deuxième tracé :
« Voici la frontière du pays, du côté du nord; à partir de la grande
mer, le chemin de Hethlon pour aller à Cédad, Hamath, Berotha,
Sibraïm, entre la frontière de Damas et la frontière de Ilamath ;
Hacér-Hatthichon (cour du milieu), qui est sur la frontière du Hau-
ran. Voici donc la frontière jusqu'à la mer : Haçar-Enon (cour des
sources), la frontière de Damas, puis, en allant au nord, la frontière
de Hamath. C'est là la côte du nord. »
Malgré le manque de netteté qui caractérise ces descriptions,
on voit tout de suite que les deux tracés ont trois points communs :
Cédad, Zii'ron (Sibraïm), Haçar-Enan. Les textes bibliques per-
mettent donc de conclure, contrairement à l'assertion de M. Neu-
bauer, qu'aucune modification importante n'a été apportée au
tracé de la frontière septentrionale de la conquête à l'époque des
Prophètes.
Rien, d'ailleurs, ne porte à croire que les limites du territoire
hébreu aient été déplacées dans la période historique qui suivit la
reconstruction du Temple.
Point où la frontière partait de la cote.
Au temps des Macchabées, la frontière partait de l'échelle
des Tyriens : il est dit, en effet, « qu'Antiochus constitua Simon,
frère de Jonathas, chef depuis l'échelle de Tyr jusqu'aux fron-
tières d'Egypte'. » Comme l'on sait, d'autre part^, que l'échelle
des Tyriens se trouvait à 100 stades au nord de Ptoléma'ïs, — ce
qui place ce défilé important au Ras en Nakoura, extrémité de la
cliaîne du Djebel el Mushakkali ^, — l'on se trouve connaître le
l>oint où la frontière se détachait de la côte à l'époque des Mac-
chabées. Par son relief, par sa situation au nord de Zib, le Ras
en Nakoura apparaît comme le Hor Hahar de la Bible.
Distinction à établir entre la Sidon phénicienne el Sidon
la grande.
La frontière, partant du Ras en Nakoura, devait suivre tout
' Macch., XI, u9.
* Josèphe, Guerre des Juifs, 1, XI, c. X, 2.
s Guérin, Galilée, II, p, 1CS.
KECHERCHES GEÛGHAFIIItjUES SUH LA l'ALESTINE [i
d'abord la ligne de faîte du Djobel el Mushakkali, qui court droit
vers Test. Elle laissait au nord, en dehors de la Palestine, la Sidon
phénicienne. Cette ville était donc distincte de Sidon la grande,
située sur les confins des territoires des tribus d'Asser et de Za-
bulon. Il est, d'ailleurs, possible de prouver que Sidon la grande
n'était pas placée sur la côte de la mer Méditerranée.
A cet effet, passons en revue les diflV'ronts textes qui l'ont men-
tion de Sidon :
Premier texte :
« Zabulon habile aux bords de la mer, il habile près des bords na-
vigables, et s'étend jusqu'à Sidon » (Genèse, xlix, 13).
Deuxième texte :
« La cinquième lot sortit pour la tribu des fils d'Asser, séparés par
familles. Leur possession comprit Helqath, Hali, Bélèn, Akschaf.
AUammélék, Améad, Mischeal; la ligne de frontière touchait le Car-
me! à l'ouest, et le Schihor-Libnalh ; elle tournait, au levant, vers
Belh-Dagon, longeait Zabulon, la vallée d'Iphthah-El au nord de
Belh-haémeq, et Neïel, gagnait Kaboul, à gauche, Ebron, Rehob,
Hammon et Qana et allait jusqu'à Sidon la grande. Elle tournait
vers Rama jusqu'à la forteresse de Çor (Tyr), puis vers Ilossa et
aboutissait à la mer près du territoire d'Akzib » (Josué, xix, 21-29}.
Troisième texte :
« Asser ne déposséda point les habitants d'Akko, ni ceux de Si-
don, ni Ahlab, ni Akzib, ni Ilelba, ni Afiq, ni Rehob. L'Assérile
résida au milieu des Cananéens, habitants du pays, car il ne les
chassa point. » (Juges, t, 31-32.)
Quatrième texte :
« 4. Ad meridiem vero sunt Hevœi, omnis terra Chanaan, et Maara
SIdoniorum usque Apheca et terminos Amorrha'i, li, ejusque conti-
nia. Libani quoque regio contra orienlem, a Raaigad sub monte
Hermou, donec ingrediaris Emath. G. Omnium qui habitant in
monte, a Libano usque ad aquas Maserephot, universique Sidonii.»
(Josué, XIII, trad. de la Vulgate).
Cette ville de Maara a été retrouvée par Robinson à Merhar
(Meâ'rah, en hébreu, et Merhar, en arabe, correspondent au mot
français caverne).
Cinquième texte. — Dans son récit de l'exode de la tribu de
Dan, l'historien Josèphe écrit :
4 REVUE DES ÉTL'DES JUIVES
« Après qu'ils eurent marché tout un jour et passé la grande cam-
pagne de Sidon, ils trouvèrent près du mont Liban et des sources du
petit Jourdain une terre fort fertile;... ils y bâtirent une ville qu'ils
appelèrent Dan '. »
Les Danites s'étaient d'abord rendus dans les montagnes d'E-
pbraïm *. Le plus court chemin de ces montagnes à la source du
Jourdain traverse la région à l'ouest du lac de Tibériade. C'est
donc de ce côté, et non sur le littoral de la Méditerranée, que se
trouvait la plaine de Sidon.
Sixième texte :
« Josué et tous les siens étant venus à l'improviste vers les enne-
mis aux bords du Merom, tombèrent sur eux. Jahvé les livra aux
mains dlsraël. qui les poursuivit jusqu'à Sidon la grande, jusqu'à
Misreplioth-Maïm et jusqu'à la plaine de Miçpè, à l'orient; les enne-
mis furent écrasés sans qu'il en restât personne » (Josué, xi, 7-8\
Josué n'avait pas de cavalerie ; s'il en avait possédé une, « la
cavalerie et les nombreux chars ^ ■ de l'ennemi n'auraient pas été
pour ses soldats un motif d'épouvante, et l'on ne comprendrait
pas la nécessité qu'a éprouvée l'auteur du livre de Josué de faire
rassurer par Jahvé le généralissime hébreu :
« N'aie point peur en face d'eux, dit Jahvé à Josué, car demain,
vers la même heure, je les jetterai là tout percés devant Israël.
Tu couperas les jarrets à leurs chevaux, et tu mettras l'incendie
à leurs chars ^. •»
Du moment que Josué n'avait pas de cavalerie, il n'a pu songer
à poursuivre l'ennemi dans différentes directions, et encore moins
à exterminer tous les fuyards. La position de Miçpé au pied du
mont Hermon ne pouvant être mise en conteste ^ , l'on ne saurait
aller chercher Sidon la grande sur le littoral de la Méditerranée,
sans admettre par là même que Josué éparpilla ses soldats dans
un pays mal connu, pour atteindre les ennemis en fuite. Est-il be-
soin d'ajouter que ceux qui veulent donner à Sidon la grande
l'emplacement de la Sidon phénicienne ^, proposent d'identifier
Misrephot avec Musheirefeh, situé sur la côte, au sud du Ras en
Nakoura, et qu'ils ne respectent pas l'ordre d'énumération des
• Antiq. Jud.^ 1. V, cap. m.
* Juges, XVII I.
^ Josué, XI, 4.
* Ibid., 6.
» • Le Hivvite qui est sous le Hermon dans la contrée de Miçpa • (Josué, xi, 3],
• Renan, .3/i«iio/( de Phénicie, p. 694; Guerre, GaliU'e, II, p. 167.
RECHERCHES GÉOGRAPHIQUES SUR LA PALESTINE 5
objectifs de la poursuite, les fuyards n'ayant pu atteindre Sidon
qu'après avoir franchi le Musheirefeh.
En se plaçant à un point de vue exclusivement militaire, on
doit supposer que les vaincus se sont enfuis dans une seule direc-
tion, par le chemin qu'ils avaient suivi à l'aller. Sidon la grande,
Misrephot-Maïm et la plaine de Miçpé doivent marquer les trois
étapes de la poursuite commencée à Merom. Ces trois endroits
doivent se trouver échelonnés du sud au nord. La contrée de
Miçpé étant au pied de l'Hermon, les eaux de Misrephot doivent
correspondre à l'Oued Musheirefeh, qui aboutit au lac Ilouleh,
près de la sortie du Jourdain. S'il en est ainsi, les fuyards eurent
à traverser la plaine de Gennesar, et, comme il n'existe dans cette
direction d'autre plaine que celle d'Esdrelon, et que toute confu-
sion entre les deux localités semble impossible, il faut placer à la
lisière de la plaine de Gennesar le site de Sidon la grande. Le
nom de Sidon signifiant en lihémcien poisson *, c'est sur les bords
du lac de Tibériade que Sidon la grande devrait, ce semble, être
cherchée.
L'habitat des anciens Sidoniens est donc bien fixé par la Bible.
Il avait pour borne, au nord, le mont Ilermon, appelé par les Si-
doniens, Sirion - ; de ce côté, se trouvait Laïs, ou Lésera, qui fut
prise par les Danites ^ ; à l'ouest du lac de Tibériade était Meara,
et sur la rive occidentale de ce même lac, Sidon la grande. Cette
conclusion, au surplus, est absolument conforme à la tradition re-
cueillie par Justin * : « Tyriorum gens condita a Phœnicibus fuit :
qui terrse motu vexati, relicto patriœ solo, Assyrium stagnum
primo, mox mari proximum litus incoluerunt, condita ibi urbe
quam a piscium ubertate Sidona appellaverunt : nam piscem Pliœ-
nices Sidon vocant. »
Ainsi, les anciens Sidoniens, lorsqu'ils abandonnèrent leur pa-
trie, vinrent d'abord se fixer sur les bords d'un lac, appelé lac
d'Aschour, lequel, d'après les explications précédentes, ne saurait
être autre que le lac de Tibériade.
Bien que les Hébreux ne réussirent pas, tout d'abord, à s'empa-
rer de Sidon la grande, les Sidoniens furent refoulés vers le litto-
ral de la Méditerranée, et, à l'époque de l'exode des Danites,
Sidon la grande avait perdu son ancienne importance, à supposer
qu'elle n'eût pas été déjà abandonnée. C'est de la Sidon phéni-
cienne qu'il s'agit dans le passage de Josué relatif à la prise de
' Justin, I. XVlII.c. m.
* Deutér., m, 9.
3 Jup;es, xvni, 27 et 29.
" Justin, 1. XVIII, c. m.
6 REVUE DES ÉTLDES JUIVES
Laïs : a. La ville, ils la consumèrent dans les flammes; rien ne la
put sauver, car elle était éloignée de Sidon, sans relation avec
personne '. »
Si les Sidoniens avaient à cette époque occupé Sidon la grande,
ils auraient vu arriver les Danites, et auraient pu s'opposer à
l'exécution de leur projet.
La dualité de Sidon la grande et de Sidon, entrevue par S. Jé-
rôme dans le passage suivant de son Onomaslicon : « Cana usque
ad Sidonem majorem (est quippe et altéra minor, ad cujus distinc-
tionem major luec dicitur) »-, est donc bien démontrée. Sidon la
grande pourrait, en réalité, s'appeler Sidon la vieille; la Sidon
]thénicienne est simplement désignée dans la Cible sous le nom de
Sidon, sans épithète.
Distinction à êlaUir entre Qédesch de Nephtali cl une ville du
même nom, sise hors du territoire d'Israël.
Le prolongement du Djebel el Musliakkali laisse également, fort
au nord, et en dehors du territoire d'Israël, un village du nom de
Kadès, qui a passé à tort jusqu'ici pour la Qédéscli de Xeplitali •'.
Il semble que l'erreur, ainsi commise, ait été pressentie par les
écrivains bibliques, à voir le soin qu'ils apportent à préciser la
situation de la cité de Nephtali.
« On consacra comme bourgs de refuge : Qédésch en Galil,
dans la montagne de Nephtali *. »
« Dans la tribu de Nephtali, ils (les Benê-Guérschon, apparte-
nant aux familles de Lévi] obtinrent un bourg de refuge, Qédesch
en Galil et ses dépendances '=. »
« De la tribu de Nephtali, Qédésch en Galil et sa bande de
terre '^. »
La Qédésch de Nephtali pouvait sans doute être facilement con-
fondue avec une localité homonyme, puisqu'on jugeait nécessaire
de la caractériser par l'adjonction des mots « en Galil ».
Et, effectivement, il existait dans la même région, mais en de-
hors du territoire d'Israël, une ville de Kadès; l'historien Josèphe
nous apprend que les lieutenants de Déraétrius occupèrent une
1 Juges, xviii, 2" et 28.
* Onomastica sacra, éd. de Laf^arde, p. ilO.
3 Carmoly, Itinrraires de la Terre-Sainte : Les chemins de Jérusalem, p. 264 ; les
Sépulcres des Juils, p. 378 et 3'J3 ; les Sépulcres des l'alriarches, p. ioO.
* Josué, XX, 7.
s Ibid., XXI, 32.
* I Chroniques, vi. 76.
RECHERCHES GEOGRAl'lHQUES SUR LA PALESTINE 7
localité de ce nom, voisine du pays de Tyr et do la Galilée : « v.-,
X£i5a30iv zo'Xiv \ifZ'x\\> o'faxiv a'jTT) rr,; tî Tupuov yr,? xal Tr,î l'ot)!-
Cette localité se retrouve au village actuel de Kadès. Quant à la
Qédésch de Nephtali, elle était placée plus au sud. Le livre do
Tobie permet d'en fixer le site.
Emplacement de Qêdâsch de XephtaU.
L'entête de ce document porte que Tobie était originaire de
Tliisbé, localité située à droite de Qédésch de Nephtali en fialilée,
au-dessus d'Asser. Voici, d'ailleurs, les trois versions données
par les manuscrits :
Codex VaticanUS : « s/, ©t^^r,:;, -ï, èT-tv i/. oî;uov xjoio); rr,? vîf8oi>.£i.ii èv tÏ|
yaXO.afa 'jTTjpâvd) as/ p. »
Codex SinaitiCUS : « sx (-y-zCr,^, r, èsTtv ix Ô£;lôjv x'joiw; TT.î vr^ôïAUji Èv tt,
Vulçale : « ex tribu et civitaie Nephtali, qure est in superioribus
Galileœ supra Naasson post viam quee ducit ad occidenlem in sinis-
tre habens civitatem Sephet. »
Les deux premières versions établissent bien que la localité
voisine de la patrie de Tobie était Qédésch en Galil, ville de Neph-
tali. Le Codex sinaiticus nous apprend même qu'elle se trouvait
dans la Galilée supérieure^. La Viilgr/te, malgré la corruption du
texte, nous fournit un renseignement concordant en plaçant la
patrie de Tobie dans les environs de Sephet, aujourd'hui Safed.
Or, à 4 kilomètres environ au nord-ouest de Safed, on trouve
une localité du nom de Kaddita, dont l'antiquité est attestée
par des citernes creusées dans le roc \ Au nord-est de Kad-
dita, et à une faible distance, on ai)erçoit le village du Tai-
taba, ou Taithaba, dont M. Guérin nous a laissé la description
suivante: «Les maisons sont bâties avec des matériaux basalti-
ques. Quelques plantations de figuiers les avoisinent, une source,
dont l'eau est légèrement saumâtre, coule auprès; non loin de là,
sur un monticule bordé de gros blocs basaltiques, qui paraissent
taillés par la main de l'homme, s'élève un oualy musulman. Tai-
thaba a évidemment succédé à une localité antique, dont il sub-
siste encore de nombreuses pierres, toutes basaltiques, les unes
» Antiq. JhcI., XIII, 5, 0.
' Voir, sur les divisions de la Galilée, Neubauer, La G l'ographte du Talmud, p. 1"8
et suiv.
' Guérin, Galilée, II, p. 'r28.
8 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
dispersées ou employées dans des masures modernes, les autres
délimitant de petits enclos '. »
De prime abord, on pourrait être tenté d'établir un rapproche-
ment entre Teitaba et Thisbé, et croire à une erreur d'un scribe
hébreu écrivant \r au lieu de :: . Mais la situation de Teitaba au
nord-est de Kaddita fait écarter cette pensée. Selon la remarque
faite par M. Scholz, dans son savant commentaire du livre de
Tobie-, l'expression « à droite » doit se traduire par au sud. Le
site de Thisbé doit donc être cherché au sud de Kaddita. Or, dans
cette direction, et à 1,200 mètres de distance, se trouve le village
de Kaïoumeh, l'Aikiumia du Yihous ha-abot^, Al-Kadumia du
Yihous lia-Çadikim\ qu'une tradition désigne comme la patrie de
Tobie \
Ces diverses considérations conduisent à accepter l'identification
de Kaddita avec Qédésch de Nephtali.
Fixation de diverses localités jalonnant le tracé de la frontière.
Les deux objections capitales que l'on pouvait faire à une déli-
mitation partant de l'échelle des Tyriens étant écartées, il est
permis de chercher à jalonner le tracé.
L'un des points les plus importants est, sans contredit, Zifron
(Assçwva des Septante, Sabarim d'Ezéchiel, Zafirin du Targoum) ;
ce nom semble avoir été conservé, sous la forme aia sufra, par une
source voisine de Kefr Birim.
En Hazor de Nephtali, du livre de Josué, que le Livre des
Nombres appelle Haçar-Enan '^, pourrait être cherché à Dhahr el
Hazarim, que la carte du Palestine Fund place immédiatement
au nord de Ras-el-Ahmar, ou encore à A'ima ; on trouve là deux
piscines, dont une, profondément creusée dans le roc, est entourée
d'énormes blocs basaltiques, et une source renfermée dans une
construction voûtée soutenue par des arcades".
Tracé de la frontière septentrionale.
Circonstance digne de remarque : la frontière suivrait exacte-
• Guérin, Galilée, II, p. 443.
* Scbolz, Commentar sum Bûche Tohias, p. 19 et suiv.
3 Carmoly, Itinéraires de la Terre-Sainte, p. 448.
♦ Ibid., p. 381.
5 Guérin, Galilée, II, p, 43.0.
^ Les Septante estropient le nom et écrivent 'ApTEvaiv.
' Guérin, GahUt, II, p. 445.
RECHERCHES GÉOGRAPHIQUES SUR LA PALESTINE 9
ment la ligne de démarcation qui sépare la région des temples de
celle des synagogues, ligne qui a été très rigoureusement déter-
minée par M. Renan, de Kasioun à Kefr Birim*.
La topographie justifie également ce tracé, qui prolonge la
ligne de faîte du Djebel el Mushakkah par un ravin aux bords es-
carpés, l'Oued Aouba-, lequel marquait, au moyen âge, la limite
septentrionale de la Princée de Galilée ^
Utilisant ces diverses données, on propose de fixer, comme il
suit, la frontière septentrionale d'Israol : du Ras en Nakoura, elle
devait gagner le Kh. Dànian, suivre la crête du Djebel el Mus-
hakkah, laisser au nord Aima ech Cha'ab, Kli. KafkafaetKh.
Nàsr, passer par le Kh. Djardeth (Sedada, zasaSax des Septante?),
atteindre Kh. el Adjliyat, et, par une crête que couronnent les
villages de Kulàt er Rahib et Tell er Rahib, aboutir au Kh.
Suouait, puis se diriger sur Rumeisch et Kefr Birim, pour des-
cendre la gorge de l'Oued Aouba.
Une telle frontière laisse au nord deux localités dont le nom
trahit une origine étrangère. Aima ech Çha'ab, Aitha ech Cha'ab,
c'est-à-dire Aima des nations, Aitha des nations, ou, mieux,
Aima, Aitha de Goïm, en considérant Goïm*, qui a la même signi-
fication, comme un nom de pays^ Elle tient également compte d'un
passage du livre des Nombres (xiii, 22) : « Montant, ils explo-
rèrent le pays depuis le désert de Sin jusqu'à Rehob, à l'entrée de
Ilamath. «
Il est curieux, d'ailleurs, d'observer que la frontière actuelle du
Liva d'Akka est sensiblement la môme que celle qui vient d'être
indiquée : elle englobe, en plus, le village de Farah situé au nord
de l'Oued A.ouba «.
Tracé de la froniièi-e du nord-est.
Au delà de Haçar-Enan, la frontière s'infléchissait pour courir
vers le sud :
« Puis vous marquerez pour votre frontière orientale une ligne
allant de Haçar-Enan à Schefam'; cette limite descendra de Sche-
* Renan, Mission de Phénicie, p. 673 et 761.
2 Le pays d'Aup du Mohar.
* Rey, Colonies françaises en Syrie, p. 433.
* Genèse, xiv, 1 ; Juges, iv, 13.
5 F. Lenormant, Les Origines de l'histoire, II, 2« partie, p. 77.
6 Voir l^énumération des villages appartenant au Livà d'Akka, Palestine Explo-
ration Fund, Quarterly Statcment, année 1887.
' Les Septante écrivent IsTiçaixàp.
10 REVUE DES ETUDES JUIVES
fam à Ribla ', à Torient de Aïn, puis, continuant, elle frappera le
rivage oriental de la mer de Kinéret, descendra au Jourdain pour se
terminer au Yam-Hammclah (mer de sel) *. »
Cette traduction fait de Aïn une localité : la Vnlgale porte:
contra fontem Daphnim, la version des Septante: £7:'v -r.-rà; ; il
paraît, donc, plus correct de prendre ces leçons en considération
et de traduire « à Ribla, à l'orient des sources ou de la source. »
D'autre part, la Viilgaie rend le texte hébreu par les mots:
contra orientera ad mare Cenereth. On est donc en droit d'adopter
la version : « la ligne gagnera vers l'Orient la mer de Kinéret ».
Si l'on cherche à appliquer ce tracé sur le terrain, on fait suivre
à la frontière l'arc elliptique dessiné autour d'Alma comme foyer
par l'Oued Aouba avant son débouché dans la plaine. On attribue,
donc, au territoire d'Israël le Kh. Kasioun, qui, d'après l'inscrii)-
tion découverte par M. Renan \ en faisait partie intégrante au
iF siècle de l'ère chrétienne. On y voyait, au moyen âge, d'an-
ciens tombeaux juifs ^. De semblables sépultures se retrouvent au
village de Fera'ra •, situé au sud de Kasioun.
De Fera'm part la chaîne du Djebel Kenaan, qui court vers lo
sud gagner les bords du lac de Tibériade. Cette chaîne devait,
d'après son nom, appartenir au pays de Canaan ; peutêtre même
en formait-elle la bordure.
La région des sources.
On doit se demander quelles étaient ces sources remarquables
situées à la limite du paj's : il ne faut pas songer aux trois belles
fontaines qui ont été signalées sur la rive occidentale du lac de
Tibériade j)ar tous les voyageurs, puisque, d'après le texte donné
plus haut, Ribla ne pouvait se trouver sur le bord du lac. En exa-
minant attentivement la carte du Palestine Fnnd, on découvre
entre Kh. Kasioun et Fera'm, ou plutôt entre le village de Marous,
.situé au sud de Kasioun, et Fera'm, un chapelet de dix sources,
(jui semblent bien être les sources cherchées. Cinq d'entre elles
sont à faible distance de Fera'm.
Si Fera'm n'est pas la Ribla du Livre des Nombres, il devait en
être peu éloigné. ^ Au-dessous de ce village, nous dit M. de
' Leçon des Septante : Rr,),à.
' Nombres, xxsiv, 10-12.
^ Heiian, Mission de P/iénirie, p. "'•i-'Tt).
■* Carmoly, Iiin(fraires de la Tene-Sninte,\t. 41"): Guérin, Galilée, II, p. 447-449.
5 Carmoly, ihid., p. 378; Guérin, ihid.^ Il, p. 4n3.
RECHERCHES GÉOGRAPHIQUES SUR LA PALESTINE 11
Saulcy', qui l'appelle Ferâ'eum, et à gauche du chemin que nous
suivons en nous dirigeant au nord-est, aussitôt que nous avons
débouclié de l'Ouad, sont des ruines considérables consistant,
comme toujours, en blocs de lave qui jonchent le sol, mais personne
ne peut me donner le nom de ces ruines. »
Le savant voyageur ajoute :
« Du même point voisin du village de Ferâ'eum, où Ton entre on
plaine, ou aperçoit, à droite (dans la direction du sud-sud-est], une
colline assez longue et étroite, dont Taxe est directement du nord au
sud, et qui porte, à sa pointe nord, deux forts mamelous successifs,
placés dans Taxe, et couverts de ruines très considérables en blocs de
lave, autant que j'en ai pu juger, à la distance de deux kilomètres
environ, qui me séparait de l'extrémité de la colline. Celle-ci semble
dominer toute la plaine, que devait nécessairement commander la
ville placée sur ce point. Elle a dû être très considérable, car ses
ruines s'étendent jusqu'aux coteaux qui dominent l'Ard-el-Kheylh.
Sans doute la partie la plus ancienne de celte ville fut une forteresse
qui occupa la colline allongée que j'ai décrite, et ce n'est que posté-
rieurement que la ville étabUe, sous la protection de la forteresse,
se sera étendue à l'ouest dans la plaine et jusqu'aux coteaux op-
posés. »
Ces ruines portent sur la carte du Palestine Fund le nom de
Tell el Kusak ; M. Guérin, qui les a visitées, les appelle Tell el
Kassab (Tell des roseaux) et leur consacre la notice suivante :
« Au bas de la colline ou du Tell, une enceinte eu blocs volcaniques,
la plupart bruts, d'autres grossièrement taillés, environnait jadis un
village aujourd'hui complètement renversé. Quant au Tell lui-même,
il avait été entouré également d'une enceinte. Son plateau supérieur
et ses pentes sont parsemés de blocs basaltiques, provenant de murs
el de constructions démolies -. »
Ribla^ était en dehors du territoire d'Israël; d'après le second
livre des Rois '*, comme d'après Jérémie, il appartenait au pays de
Hamath. Aussi serait-il mieux placé à Tell el Kassab, dans la
plaine, qu'à Fera'ra sur la crête du plateau.
Cette position se trouve, d'ailleurs, à cheval sur le chemin me-
nant des bords du lac de Tibériade au fameux passage du haut
' De Saulcy, Voyage en Syrie et autour de la mer Morte, II, p. 522.
» Guérin, Galilée, I, 345.
' On Iroiive, pour ce nom, les formes Rebla, lîeblatha, en prec *Pag/otà|i, 'Pz-
êXaÔâ et, par suite d'une erreur évidente de lecture des Iradudeurs des écrits do
Jérémie (xxxix, 7 ; lu, '.*, 10,26, 27) et d'Ezéchiel (vi, 4\ Aeèlrbi.
" 11 Rois, xxm, 33 ; xxv, 21.
12 REVL'E DES ETUDES JUIVES
Jourdain, le Djisr Benât Yà'kub ; ce qui s'accorde parfaitement
avec les détails fournis par le second livre des Rois, qui nous
montre le roi de Babel établi à Ribla, où le roi Sédécias et les
principaux chefs du palais faits prisonniers à Jérusalem lui sont
successivement amenés.
Avant de porter un jugement définitif sur la délimitation qui
vient d'être esquissée, il parait indispensable d'essayer de recons-
tituer la géographie des tribus d'Asser, de Zahulon et de Nephtali
qui occupaient la majeure partie de la Galilée, et de voir comment
leurs territoires se trouvaient encadrés.
II
GÉOGRAPHIE DE LA GALILÉE D'APRÈS LE LIVRE DE JOSUÉ.
Le relief du Thabor le désignait comme borne à des territoires
de tribus. Aussi ce mont fut-il choisi pour point commun aux trois
frontières de Zabulon, d'Issachar et de Nephtali.
Frontière d'Issachar avec Nephtali.
Le livre de Josué décrit comme il suit la frontière d'Issachar
et de Nephtali ' :
Leur frontière (des Benè-Neplitali) allait de Héleph, du Chêne de
Caânannim, d'Adami-Hannéqéb, et d'Iabneel jusqu'à Laqqoum et se
terminait au Jourdain. »
0 Et cœpit terminus de Heleph et Elon in Saananira, et Adami
quee est Neceb, et lebnael usque Lecum : et egressus eorum usque
ad Jordanem. » (Vulgate.)
'i Ka\ £YËvr;eTi -rà i^ia. atjxûv Moo>à[i, xa\ Mô)>>à, xat BeceiAÛv, xa\ 'Ap{i£, xa\ Na-
e6x, xa\ 'lïe8a[JLal 'ùo; A(o5di[i' xa\ èYîvr;9r,!7av al 5t£çoooi aJ-roO 'lopôivr,?. » (Sep-
tante.)
La fixation sur le terrain du tracé ainsi défini est singulière-
ment facilitée par Tindication fournie par le Talmud - des noms
portés à l'époque du second Temple par les différentes localités qui
s'y trouvent désignés : Méhélef ^ aurait pris le nom de Hélef ; Mea-
• Josué, XIX, 33.
» Neubauer, La Géographie i/u Talmud, p. 224 et 22u.
3 Mcft)i[ji optov >'ïç6a),£Îix, d'Eusèbe ; Meeleb, terminus Ncpthalim, de S. Jérôme,
Onomastica sacra, éd. de Lagarde, p. 280 et 139.
RECHERCHES GÉOGRAPHIQUES SUR LA PALESTINE 13
Ion, Elon, « chêne », serait devenu Ayalon ; Beçaananim est rendu
par Agnia de Kedesch, le « bassin de Kédesch » ; Adami, que,
par suite d'une erreur de lecture du mot hébreu, les Septante ont
appelé 'Apixë, au lieu de 'Aoi^é, aurait porté le nom de Damin;
Hannéqéb Naêèx des Septante), localité distincte d'Adami, aurait
fait place à Çaidatha; Yabneel ('iïf6a!i,ai) se traduirait pas Kefar-
Yamah; et Lakoum (Auôâ}!) par Loukim ou Loukis.
Le voyageur qui suit le chemin allant de S.-Jean-d'Acre à la
sortie du Jourdain du lac de Tibériade, après avoir franchi le
plateau au nord du Thabor, descend l'Oued el Mu'allakah, et
passe au-dessous du village de Kefr Sabt, bâti sur les ruines d'une
bourgade antique*. Il gagne le village de Damieh, identifié par
M. Guérin avec l'ancien Adami ^ Poursuivant sa route le long des
pentes qui bordent à l'ouest le Sahel el Ahma, il parvient au Kh.
Bessum, dont le rapprochement avec BiffEfidv s'impose; il laisse à
gauche dans la plaine Kh. Seiyâdeh (Ciadatha ?), et se dirige sur
le Tell en Nâ'am, proche de Beit-Jenn ; gagnant, enfin, les bords
d'un ruisseau, il passe au pied de la hauteur que couronne le vil-
lage de Yamma, dans lequel M. Guérin a reconnu Kefar Yamah^,
et atteint le Jourdain à El Abeidiyeh. Sur les hauteurs qui bordent
à l'est le Sahel el Ahma et séparent cette plaine du lac de Tibé-
riade, se trouvent des ruines appelées Kédés.
Ainsi la plupart des noms portés par les localités échelonnées
sur la route parcourue rappellent des localités antiques situées sur
la frontière des deux tribus; de là, un ensemble d'identifications
qui s'impose.
On peut donc affirmer que Nephtali englobait tout le bassin de
l'Oued Fejjas. La frontière suivait la ligne de faîte qui limite ce
bassin au sud, attribuant à Nephtali les terres de Kefr Sabt (Umm
el Alak, jadis Mealon), Damieh (l'ancienne Adami), Kh. Bessum
(autrefois BetretiiV.», ou Agnia de Kédesch), Kh. Seiyâdeh (Çaidatha,
llanekeb), Yemma (jadis Kefar Yama, Yabnéel), et elle aboutissait
au Jourdain, vis-à-vis les ruines de Delhemiyeh (l'ancien La-
choum).
Seul l'emplacement de Méhélef reste indécis. Peut-être faut-il le
chercher à Esh-Sheyerah, localité élevée sur les ruines de Deir
Hànin, où se tenait jadis le marché hebdomadaire de bestiaux,
depuis transféré à Khan el Toudjar « khan des marchands^ ».
1 Guérin, GalilCe, I, p. 266.
» Ibid., I, p. 266.
' Ibid., p. 268.
* Palestine Exploration Fttnd, Qiiarterly Statement, année 1889, p. 78, article de
^L Schumaclier,
14 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Frontière coimnune aux tribus de Zahulon et d'Issachar.
La frontière de Zabiilon et d Issachar est d(jcrite comme il
suit ' :
« Le troisième sort qui monta fut pour les Benè-Zeboulouu, divisés
par familles, et dont la fronlirre allait jusqu'à Sarid. Elle montait
vers l'ouest à Mareiila, touchait Dabbéscheih et le torrent qui est
devant loqnetim. De l'autre côté de Sarid, à l'orient, là où le soleil se
lève, la limite gagnait Kislotb-Tbabor, atteignait Daberalb et mon-
tait à laphia. »
c -10. Ceciditque sors tertia filiorum Zabulon per cognaliones
suas : et factus est terminus possessionis usque Sarid.
» 11. Ascendilque de mari et Merala, et pervenil in Debbaseth,
usque ad torrentem qui est contra leconam.
» 42. Et revertitur de Sared conlra orienlem in fines Ceseleth-
thabor : et egreditur ad Dabereth ascendilque conlra laphie. » (Vul-
gate.)
« 10. Kal £:f,A6îv 6 xAT.po? ô Tf^TOî toj Za6c'j)>(bv y.i-zk or^aou; aOttov scTot xk
8cta TT,ç ■/.'XT,fovo[i{aç aJTtov, E^îoîxywîvà ïpia «./Ttôv,
11. Y, ôi^aïsa xal MaYîAôài y.al T'jvâ-iîi àirl Bai6ipa6a et; ty,v r^pTT'' ^t -'"'
Xatà TTfOJWTTOV 'l£x[xâv.
8pia Xaiïî^fo6a'i9, xat ùsî.E'jcïTai È::^ AaêifibO, xa\ 7:fo;ava6r;jeTai ItC: «J'a^yai. »
(Septante.)
Cette description présente cette particularité qu'elle n'a pas pour
point de départ Tune des extrémités de la frontière méridionale de
Zabulon, le mont Thabor, mais un point médian caractéristique de
cette frontière, Sarid, et qu'elle est scindée en deux tronçons, par-
tie occidentale, partie orientale. Aucun texte ne révèle la position
de Sarid; ce qui ne laisse pas que d'être fort embarrassant.
Heureusement que l'on possède des renseignements qui permet-
tent de préciser les sites respectifs de Kislot-Tabor et de Daberet.
S. Jérôme- traduit comme il suit un passage de VOnomaslicou
d'Eusèbe^, relatif à 'AyEcïXwe : « Acbaseluth, civitas tribus Tssa-
cbarS appellatur autem et quidam vicus Chasalus, juxta monlem
Thabor, in carapestribus, in octavo milliario Diociesareœ ad orien-
tem respiciens ». Ce village porte aujourd'hui le nom d'Iksal \
' Josué, XIX, lU-12.
* Onomastica sacra, éd. de Lagarde, p. 94.
s Uid., p. 223.
♦ Josué, XIX, 18.
» Guérin, Galilée, I, p. 108 et 109.
RECHERCHES GÉOGRAPHIQUES SUR LA PALESTINE lu
DabéretlP, que S. Jérôme désigne par le nom de Dabira, et
Eusèbe par celui de Aa^ïipa, était un petit village de la montagne du
Thabor, dépendant de Diociesarea. 11 s'appelle maintenant Da-
bourieli -.
L'on voit, donc, que la l'rontière, avant de s'élever dans la mon-
tagne, à lapliia (Kh. Kibsany ou Kh. Umm Jebel?], suivait la
lisière septentrionale de la plaine d'Esdrélon. Le sentiment de la
continuité conduit à placer Sarid à l'extrémité du massif monta-
gneux de Nazareth qui s'avance en saillant dans la plaine d'Es-
drélon. Or, précisément en ce point, sur la carte du Palestine
Fand, se trouve une localité du nom de Tell Shadud. Or, « rien de
plus facile, paléographiquement parlant, que la contusion de d et
de r dans tous les types de l'écriture hébraïque^ ». Tell Shadud
est donc bien certainement la localité cherchée.
Le point terminus de la frontière est, à l'occident, le torrent en
face de leconam [loqneâm, "kxfidv). Cette localité était voisine du
Carmel : dans l'énumération des rois vaincus {)ar Josué' figure le
roi d'Ioqneiim au Carmel (Jaclianan Carmel i, 'Je/.btx toO x-rpukA, hxovàia
ToO repjik>.). Robinson a proposé de placer leconam au Tell Kaimoun
qui s'élève au pied du Carmel, à une faible distance au sud du
Nahr el Mekhatta^ Les raisons qu'il donne en faveur de son opi-
nion n'ont pas paru décisives à M. Guérin, et l'on est d'autant plus
fondé à rejeter avec lui l'idenlilication mise en avant, que la carte
du Palestine Fand attribue à l'une des deux grandes cavernes voi-
sines de Scheikh Abreik le nomdeMgh"' el leheunam, dans lequel
il est impossible de ne pas reconnaître le nom de la ville de Josué.
Entre Tell Shadud et Scheikh Abreik, la frontière passait :
1» par Merala (Medala, Mayî).5à); 2° par Debbaset (?ai9âpi6a;, localité
bâtie sur une hauteur isolée dans la plaine, à en juger par la signi-
fication de son double nom (Debbaset, bosse semblable à celle du
chameau" ; Betaraba, maison de la plaine).
On peut considérer que la limite avait été tracée presqu en ligne
droite du saillant de la chaîne des collines de Nazareth à l'extré-
mité des hauteurs qui fermaient, vers l'occident, la grande plaine
d'Esdrélon, et on peut placer Magekla au Tell Ghalta, et Debbaseth
au Tell Mùwâjeh.
* Onomastica nacra, p. 11 u et 250,
î Guérin, Galilée, ï, p. 140-142 ; De Saulcy, Dictionnaire iopo;jraphi',ue ahrégé Je
la Terre-Sainte^ p. 109.
' F. Lenorraant, L's Origines de l'histoire, t, tl, 2« part., p. 143.
* Josué, XII, 22.
5 Biblical Researches, t. III, p. 115.
* Guérin, Hamarie, t. II, p. 244.
' De Saulcy, Dictionnaire topographi'jiie alr<^gi' de la Tem-Hainte, p. 114.
16 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Frontière méridionale de la irihu d'Asser.
On a été conduit à tracer une grande ligne de démarcation du
Jourdain au Carmel. 11 est curieux de voir comment cette ligne se
poursuivait jusqu'à la mer. Contrairement à ce que l'on pourrait,
de prime abord, supposer, elle n'avait pas pour prolongement le
faîte du Carmel.
Un district d'Asser s'étendait, en effet, au sud de cette chaîne.
La preuve en est que la ville de Dor (aujourd'hui Tantouralij for-
mait une enclave de Manassé dans Asser'.
Ce district correspond au territoire visé par le passage suivant
du livre de Josué- :
« Leur possession [des Benè-Ascher) comprit Helqat, Ilali, Bétèn,
Akschaph, Allammélek, Ameiid, Mischeal ; la ligne de frontière tou-
chait le Carmel, à l'ouest et le Schihor-Libnath ; elle tournait, au
levant, vers Beth Dagon, etc. »
« 23. Fuitque terminus eorum Halcalh, et Chali, et Belen, et
Axaph.
« 26. Et Elmelech, et Amaad, et Messal : et pervenit usque ad
Carmelum maris et Sihor etLabanath.
» 27. Ac reverlitur contra orientem Belhdagon. » (Vulgate.)
c 25. Kal £Y£vr;Or, Ta ooia àJtwv 'EE£>,-x£6. xà{ ^h\fs, xot\ Bai6ôx, xa\ Ksàï),
» 26. Kal E>,'.a£A£^, xa\ Aiiu.X, xa\ Maasià' xa\ cjvây-n Tij Kap[iT;)v(j), xaià
OdXaaaav, xat -zCt Sicov, xat AaêaviO.
» 2T. Ka\ i-t7Tféy£i à~h àva-o)v':iv Y,7vio'j xal BaiSï^îvÈO. » (SeplantC.)
Sur les sept villes énumérées tout d'abord, trois peuvent être
immédiatement retrouvées :
Hall — Scheikh Helou, sur la rive gauche du Nahr el Akhdar;
Beten, BaiBè/., — non pas le village de Beten indiqué par S. Jé-
rôme, au huitième mille à l'est de Ptolémaïs, mais plutôt une
localité voisine du Birket el Batîkh, lequel se trouve au nord-est
et à faible distance de Scheikh Helou;
Mischeal, Mai^ixX', ville lévitique, placée, d'après Eusèbe, au bord
de la mer et au pied du Carmel — aujourd'hui Misaleh ou Mithilia,
à droite de la route d'Athlit au cap Carmel et à une heure au nord
d'Athlit^
Les quatre autres villes appartenant évidemment au même dis-
> Josué, xvir, 11.
* Josué, XIX, 25-27.
* Josué, XXI, 30; I Chron., vi, 74.
* De Saulcy, Dictionnaire topographique, p. 228.
RECHERCHES GÉOGRAPHIQUES SUR LA PALESTINE 17
trict, l'identification quelquefois proposée' d'Akschaph avec le
Kh. Iksaf, situé au nord de la Palestine, à quelques kilomètres au
sud du Nahr el Kasimiyeli, doit être en tout cas écartée. Mieux
vaut, sans nul doute, retenir la version des Septante Kzh-s et songer
au village d'Echfaïa, parfois dénommé Kefaïa*.
On respecte ainsi l'ordre d'énumération des villes d'après leur
situation géographique, en remontant du sud vers le nord.
Le livre de Josué^ et le premier livre des Chroniques*, dans
rénumération des villes lévitiques d'Asser, placent entre Helqat
et Mischeâl, la ville d'Abdon, Aa66ùv, "aôowv. A cette localité corres-
pond la ruine d'Abdoun, située au sud de Tantourah, sur le bord
du Nahr ed Dufleh.
Au nord des sept villes, le Garmel s'avançait dans la mer;
au pied des pentes du versant septentrional de cette montagne
coulait le Schihor Libnath, dont l'identification avec le Nahr el
Mukhatta paraît s'imposer. En remontant le cours de cette ri-
vière, la frontière atteignait, vers l'orient, une localité d'Issa-
char^, appelée Bet Dagon, dont on ne connaît pas l'emplacement
(Tell Kaimoun ?j.
On rejette donc, comme on le voit, les leçons de la Vulgate et des
Septante, donnant, au lieu du nom composé Schihor-Libnath, les
noms de deux localités distinctes : Sihor, Shôv, Sior de S. Jérôme,
sttip d'Eusèbe; Labanath (S. Jérôme), Aa6avi9 (Eusèbe). La raison en
est que le nom de Schihor est attribué par le livre de Josué
(xiii, 3) au cours d'eau formant la limite de la Palestine et de
l'Egypte, et aurait, d'après S. Jérôme", la signification de petit ou
impétueux : Sior parvulum sive turbulentum; il s'agirait donc,
d'un torrent. Il est, dès lors, naturel que ce torrent se ditférencie
par un nom particulier, Libnath, des cours d'eau semblables de la
région.
Villes de la région méridionale de Nephtali.
La géographie talmudique" divise la Galilée inférieure en deux
parties : le pays de la plaine et le pays de la vallée, lequel corres-
pond au cercle de Tibériade, le Kada Tabariya actuel. C'est dans
' Guérin, Galilée, II, p. 269,
* Guérin, Samarie, II, p. 303.
^ Josué, XXI, 30.
* 1 Chron., vi, 74,
5 De Laj^arde, Onomastica sacra, p, 236.
« Ibid., p. 30.
7 Neubauer, Géographie du Taltnud, p, 178,
T. XXVI, N° 51, 2
18 HEVUIÎ DES ÉTUDES JUIVES
cette dernière région qu'il faut chercher les villes de Xephtali
"visées au vers. 35 du chapitre xix de Josué :
« Il y avait dans le territoire comme places forles : Çiddim, Çer,
Hammal, Râqqat, Kinnerel. »
0 35. Givilales munitissimœ, Assedim, Ser, Emalh et Reccath et
Cenereth. »
« 35. Kal ai 7:d)k£iî Teij^rjpeiî twv 'rup{(ov Tûpoç, xal ÛULaflaoaxkO , xa\ Ke-
vepcO. »
[ieTalmud de Jérusalem ' nous a conservé les appellations de ces
cinq villes au temps du second Temple : Haçidim est devenu Kefar
Hattya ou Hitya, Çer et Hamatha ont conservé leurs anciens
noms, Tibériade a remplacé Raccath, et Guinosar Kinnéret.
Hacidim paraît devoir être cherché à l'extrémité méridionale du
territoire, près du passage du Jourdain Jisr es Sidd. La force de
l'assiette de El Kerak fait songer à placer en cet endroit la ville de
Cer. Hammatha, dont le nom indique l'existence d'eaux thermales,
a été retrouvé au Kh. el Hammam^. Tibériade a certainement suc-
cédé à Raqqat \
Ces quatre localités se trouvent énumérées dans l'ordre géogra-
phique en allant du sud au nord. C'est donc au nord de Tibériade
qu'il faut chercher le site de Kinnéret.
La version araméenne du livre de Josué s'accorde avec le
Talmud pour rendre Kinnéret par Guinosar ; l'existence d'une
ville de Kinnéret, située sur les bords du lac auquel elle avait
donné son nom, ne saurait être mise en doute ; mais on doit être
moins affirmatif au sujet de l'existence d'une ville de Guinosar.
L'historien Josèphe nous décrit bien la plaine de Gennesar, de
30 stades de long sur 20 de large, retrouvée par M. de Saulcy au
nord d'El Mejdel, mais il a soin d'ajouter que cette plaine avait
donné son nom au lac; par là même, il autorise à contester l'exis-
tence d'une ville de Guinosar, et, par suite, il permet de chercher
l'emplacement de Kinnéret ailleurs que dans la plaine de Genne-
sar. Dans ces conditions, la position d'El Mejdel, au nord de Tibé-
riade et sur les bords du lac, semble de tous points convenable.
Frontière commune à Nephtali el à Zcibulon.
La région méridionale de Nephtali. à laquelle ces cinq villes ap-
» Neubauer, Gi'Ofjraphte du Talmud, p. 207.
* Guérin, Galilée, 1, p. 270.
•■' De Saulcy, Gf'oyraphie comparée, daos le Journal des Savants, de sept. 1879,
p. 542.
RECHERCHES GÉOGRAPHIQUES SUR LA PALESTINE 19
partenaient, confinait, à l'ouest, au territoire de Zabulon. Le livre
de Josué nous a conservé deux descriptions de la frontière qui sé-
parait les deux pays,
l""® description * (frontière de Zabulon).
« De là (de laphia), elle (la limite) passait vers l'est, au levant, à
Ghitlha-Hefer, el à Ghilla-Qaçin, allait à Rimmon, suivait son tracé
jusqu'à Nea, tournait au nord, vers Hannathon. »
« 13. Et inde pertransit usque ad orientalem plagam Gethefer et
Thacasin : et egredilur in Remmon, Amlhar, et Noa.
» 14. Et circuit ad aquilonem Hannathon. » (Vulgate)
KaTaaè[x, y.cà SisXsûjïTai Itzi "P£[x,tjitovaà Ma9apao;«.
0 14. Ka\ 'K=ptî>k$y(Jâtari ôpia irX Jîoppâv l-\ AawO. » (Septante.)
2« description - (frontière de Neplitali, à partir du Thabor).
« Elle (la frontière) se dirigeait, à l'ouest, vers Aznolh-Thabor et
gagnait de là Houaqoq. »
« 34. Revertiturque terminus contra occidentem in Azanotthabor
alque inde egreditur in Hucuca. » (Vu'gate.)
« 34. Kal èrtiuTpéi|/£i xd 8pn èrl 9i>>o(T7av èv 'A96a6(bp, xal 5iîXêû«Tai ixei6ev
"ixavàt. » (Seplaute.)
Cherchant à appliquer ces descriptions au terrain, on est tout
d'abord conduit à identifier Aznoth-Thabor avec le village Lou-
bieh bâti sur les ruines d'une bourgade antique, dont le nom nous
est ra|)pelé par le vocable du Oualy voisin, Neby Esnâd Ibn
Amun ^.
La frontière devait suivre d'abord la ligne de faîte passant par
ce point, au lieu de gagner par un crocliet El Meched, localité
éloignée du Thabor, dont on a fait la patrie du prophète Jonas*,
Gath en Hefer, Te^yo-oép. Il semble naturel d'attribuer à Zabulon
tout le bassin de l'Oued elJerâban (qui correspondrait au nezpï des
Septante et auquel appartient El Mechhed) ; on engloberait pa-
reillement dans le territoire de cette tribu le Sahel el Buttauf, la
plaine d'Asochis • de Josèphe ; KaTac-ix ou Thacasin pourrait être
placée à l'extrémité orientale de cette plaine au Kh. Umra el
Amed ^.
' Josué, XIX, 13 et 14.
» Ibid., 34.
3 A l'enconlre de cette opinion, il faut ciler le passage de S. Jérôme conrorme à
l'indication de VOnomasticon d'Eusèbe : • Azanoth terminus Nephihali. Est aulem et
nunc vicus ad regionem Diocœsarefo perlinens in campcslnbus. i
* II Rois. XIV, 25.
•'• Vie de Josè/ihe, § il ; Guérin, GaUUc, I, p. 494.
« Guérin, GaltUe, I, p. 361,
20 REVUE DES ETUDES JUIVES
La suite de l'analyse des traductions données plus haut ne
laisse pas que d'être embarrassante. Le texte de la Vulgate parle
de trois localités : « et egredilur in Remmon, Amthar et Noa. »
M. Ledrain traduit : « allait à Rimmon, suivait son tracé jusqu'à
Nea » ; il ne s'agit plus que de deux localités. Les Septante, enfin,
écrivent : xa\ SieXsûastai én\ 'P£|ijxwvaît MaOapao^ot ; ils n'indiquent donc
qu'une localité.
M. de Saulcy, frappé de ces divergences, a cherché à trancher
la difficulté. « Les deux mots Remmon et Amthar, dit-il, ne
forment-ils qu'un seul nom de lieu? Gela nest pas démontré. La
traduction du texte hébraïque en fait deux lieux distincts ; mais
la présence de l'article ha avant le mot Amtliar dans le texte
hébreu, me parait justifier l'adoption du nom complexe Remmon-
Amthar '. »
Le nom de El Muntar, porté par la cime du massif monta-
gneux compris entie l'Oued et Haniam el l'Oued er Rubudiyeh,
tendrait à justifier cette oiunion. Les ruines du Kh. Sebana, qui
couronnent cette montagne, correspondraient donc à l'antique
Remmon Amthar. Mais quelle est cette Noa dont l'emplacement
reste encore indéterminé? Continuant à se laisser guider parles
formes du terrain, on est ara^né à en chercher le site à l'extré-
mité du massif montagneux, dont il vient d'être question, c'est à-
dire précisément à côté de la fontaine Ain el Modouarah et consé-^
quemiuent auprès du site de Ca[)harnaïim. Or, peut-on, un seul
instant admettre l'existence côte à côte de deux localités appelées
l'une Noa, l'autre Naum ? On se trouve ainsi conduit, d'une façon
bien inattendue, à identifier la Noa biblique avec le Capharnaiim
du Nouveau-Testament.
Enfin, le site de Houqqoq est connu : la localité antique a fait
place au village de Yakouk.
En résumé, le tracé de la frontière de Nephtali et de Zabulon,
peut être défini, comme il suit : de Loubieh la limite se dirigeait
sur Nimrin, descendait l'Oued el Hamam, contournait le pied des
hauteurs bordant, à l'ouest, l'ancienne plaine de Génésar jusqu'à
la rencontre de l'Oued el Rubudiyeh, qu'elle remontait, passant
ainsi à faible distance de Yakouk.
Cette avancée du territoire de Zabulon jusqu'au bord du lac de
Génézareth est, d'ailleurs, établie par un passage de Josèphe- :
Za6ou^(ovÎTai ôè t^v në;^pi revvTjaapCriSoç xaÔTjxouffav ôl rspl KdpjiT,'Xov xal SâXaujav
' De Saulcj-, Dictionnaire topographique, p. 2o8.
« Ant., V, i.
RECHERCHES GÉOGRAPHIQUES SUR LA PALESTINE 21
Il en résulte que le territoire de Nephtali était coupé en deux
parties, reliées tout au plus par une étroite bande de terrain, une
partie méridionale, qui vient d'être décrite, une partie septen-
trionale, qui spra, un peu plus loin, envisagée.
Emplacement de quelques-unes des localités de Zabulon.
Le livre de Josué achève, comme il suit, la description du tracé
de la frontière de Zabulon :
« (La limite) tournait au nord vers Hannathon et aboutissait à la
vallée d'Iphthah El. De plus, il y avait Qallat, Nabalal, Schimron,
Ideàla, Belléhem. »
« 14. Et circuit ad aquilonem Hanatlion : suntque agressus ejus
vallis Jephtahel,
» 15. Et Catelh, et Naalol, et Semeron et Jedala et Bethlehem. »
(Vulgale.)
« 14. KaX "Rtitiîktùdtxa.: 8pttt £it\ Soppâv éizl 'A[Jià)9, xa\ îrtOLi i\ StéÇoôoî aùxwv é-K
» i5. xal KaTavà9, xal NaêaJc>», xa\ Svjioùv, xa\ 'kpij^ià, xa>. Bat9(i(iv, t (Sep-
tante.)
Voici, d'après le Talmud ', les appellations, à l'époque du second
Temple, des cinq villes dont les noms terminent cette description :
Ketonith, Mahloul, Simonia, Hiriyeh, Beth-Lehem-Cerieh. Trois
de ces localités s'identifient d'une façon certaine avec Malûl, Sé-
mùnieh et Betli-Lahm.
La région où aboutit le tracé est par là même définie, et l'on
reconnaît dans le Sahel el Buttauf la vallée d'Iphtah-El. A la tête
de cette vallée se trouvent des ruines considérables appelées Khar-
bet Nathef, sur lesquelles doit se porter l'attention de celui qui
recherche l'emplacement d'Hanathon'.
D'après cela, la limite de Zabulon aurait remonté le cours de
l'Oued er Rubudiyeh, serait passée entre Kh. Djemieh et à A'ila-
boun, et, laissant au midi Kh. Nathef, aurait suivi la ligne de faite
du bassin du Sahel el Buttauf,
Frontière d'Asser et de Zabulon.
« Elle (la frontière) tournait, au levant, vers Beth-Dagon, longeait
Zabulon, la vallée d'Iphihah-Kl, au nord de Relh-haémeq el Neïel;
gagnait Kaboul à gauche, Ebrou, Keh<>b, Haminon, Qana et allait
jusqu'à Sidon la grande. Elle tournait vers Rama. >>
1 Neubauer, Géographie du Talnmd, p. 189.
22 REVUE Di:S ETUDES JUIVES
« 27. Ac revertilur contra orienlem Bethdagon : et pertransit usque
Zabulon et vallem .Tephlahel contra aquilonem in Belhemec et Neïel.
Egredilurque ad lœvara Cabul,
» 28. et Abran, et Rohob et Haœon et Gana, usque ad Sidonem
magnam,
» 29. Revertiturque in Horma. » (Vulgale.)
« 27. Kal ém^xoi'liîi àr.b âvaTo'Xwv f,)^{oy xa\ Bai^f(t'Ai, xai TJwiÇti tw Za6oy>.wv
xa\ "Exval, xal *6ai7,>. xaxài ^oppâv, xa\ £iîe).e JTEtai spia SutBaiëiiOiik, xaV "Ivar,).,
xa\ ûieXî'JTStai eU Xuêajioaojii^,
» 28. xal "E)»6wv, xa\ 'Paàê, xat E!Jie!J.aùv, xal Kav^iàv ewç 1;5côvoî ttiç jiî-
■i) 29. Kal otvacTTpë-^ît tôt 8ita el; 'Paiiîi. » •Septante.)
La plupart des localités énumérées dans cette description nous
sont demeurées inconnues. Une seule a conservé son nom à tra-
vers les âges, Kaboul. Mais ce vestige permet presque de reconsti-
tuer le tracé de la frontière.
Elle suivait la chaîne des collines qui ferme, à l'ouest, la plaine
d'Esdrelon. Après avoir franchi l'Oued el Melek, qui reçoit les
eaux du Sahel el Buttauf, elle devait suivre l'exliême lisière de
ce bassin, parvenant ainsi, à gauche, c'est-à-dire au sud de Ka-
boul. Se continuait-elle par la vallée du Medjdel Keroum. « limite
naturelle entre la haute et la Basse-Galilée ' )3, ou bien suivait-
elle la lisière du bassin du Sahel el Buttauf, on ne saurait le
dire. A l'appui de la première solution , on pourrait invoquer
l'identification d'Ebron "e).6ùv des Septante, avec le village d'El
Baneh -, celle de Rehob 'Paà6 avec le village de Nachef, voisin de
rOualy Scheik Rabià , celle de Hammon EEisixaùv avec le Kh.
KemraanehS et, enfin, celle de Qana Kaveiv avec Deir Hanna;
mais ce sont là des bases bien fragiles. A rencontre, on pourrait
faire valoir que la vallée du Mijdel Keroum aboutit presque à
Er Rameh, le Rama de la frontière; il faudrait donc que le
territoire d'Asser eût présenté à ce point un étranglement, eût
formé un couloir aboutissant à Sidon la grande, pour que le
tracé par la vallée du M«^jdel el Keroum pût être accueilli. Mais
que l'on se décide en faveur de l'un ou de l'autre système, il n'en
reste pas moins à déterminer le point où aboutissait cette partie
de la frontière : usque ad Sidonem -niagaam.
On a de tout temps été fort embarrassé pour donner de ce pas-
sage une interprétation complètement satisfaisante. Le Midrasch *
» Guérin, Galilée, I. p. 72.
* Ibid,, 1, p. 4'io.
» Ibid., I, p. 455.
♦ Neubauer, Géographii du Talmud, p. 295.
RKCHERCHES GÉOGRAPHIQUES SUR LA PALESTINE 23
nous a transmis l'opinion de deux docteurs ; Tun identifie Sidon
la grande avec Bagdal de Yo, ou mieux Migdal de Yo, localité qui
nous est absolument inconnue. L'autre traduit par Zeboud de Gue-
lilah et désigne, par conséquent, le Kli. Zeboud, sur la crête à
l'ouest de Meiroun. Cette version est, d'ailleurs, en contradiction
avec la suite de la description de la Irontière d'Asser, laquelle de
Sidon la grande gagnait Horma, puis Hosa (localité correspondant,
ainsi qu'on le verra plus loin, au village do Sasa situé près de
Meiroun). Le texte biblique place Sidon la grande à une distance
notable d'Hosa ; le contraire ressortirait de l'admission de l'inter-
prétation du talmudiste.
L'on a été amené, au début de ce travail, à exposer les raisons
qui militent en faveur d'un site voisin de la côte du lac deGénéza-
reth et de la plaine de Gennesar. Il faut cependant reconnaître que
cette solution soulève, elle aussi, des objections. Le territoire d'As-
ser se serait-il donc avancé en coin dans celui de Nephtali, comme
il a été constaté pour Zabulon? Asser aurait-il confiné en un point
au littoral du lac de Génézareth? S'il en avait été ainsi, Sidon
aurait occupé la colline d'Abou Chouched, clef de la plaine de
Gennesar : « c'était une place forte dont un glacis de blocs de
basalte garantissait les abords' ». Betli Saïda aurait été un ves-
tige de cette ancienne Sidon.
Mais comment concilier ces explications avec la situation attri-
buée par Eusèbe à 'Eixdx : Suvàirtst t'.j ZaëouXwv à:tô toO vo'tou xal tô) "A <TT;p
xaTct eâXaasav, OU encore avec la description du tracé de la frontière
de Nephtali : « gagnait de là Houqqoq, touchait au sud Zeboulon, à
l'ouest Ascher » ? Il faut donc admettre que dans l'exposé du tracé
de la frontière d'Asser, on a assimilé à Sidon la grande la Meara
Sidoniorum, aujourd'hui El Mughar, à l'ouest de Yakùk.
Localités de la région septentrionale de Nephtali.
Avant de déterminer la frontière commune aux tribus de Neph-
tali et d'Asser, il y a lieu de rechercher les positions à attribuer
aux localités de la région septentrionale de Nephtali. Ces localités
sont les suivantes - :
« Adama. Rama, Haçor, Qédesch, Edréi, Eu-Haçor. IréÔn, Migdal-
El, Horem, Beth-Anath, Beth-Schémesch. »
« 36, et Edema, et Arama, Asor,
» 37. et Cèdes, et Edrai, Enhasor.
' De Salulcy, Géographie comparée. Journal des savants, septembre 1879, p. 5;<9.
» .losué, XIX, 36-38.
24 HE VUE DES ETUDES JUIVES
» 38. et JeroD etMagdalel, Horem elBelhanalhet Belhsames. »(VuIt
gâte.)
» 36. xal ApiialÔ, xal Apa^,X, xal Aawp
)) 37. xa\ Kâôcç, xa\ 'Adaapl, xal "Kti^ti Aobp,
» 38. xa\ Kîpwè, xal Mï-ya^^aflix, xal BaiOBaji?, xa\ eesïajJLÛ;. »
L'énumération des localités de la région méridionale de Neph-
tali ayant été faite en allant du sud au nord, il y a lieu de croire
que le livre de Josué a respecté dans la suite de la liste le même
ordre géographique. On a précédemment déterminé la position de
Qédesch, à Kad<litha : les villes d'Adama, Rama et Haçor doivent
donc être cherchées au sud de Kadditha. Le site de Rama a été
retrouvé à Er Rameh '. Haçor doit être placé soit au Kh. Zeboud,
soit au Kh. Chema, où l'on remarque plusieurs cavernes funé-
raires, creusées dans le roc, et un immense sarcophage bisome
qui porte le nom de Sirir-. Enfin, Edema, Apaa-e, pourrait être
identifié avec le Kh. Oreimeh situé sur le bord du lac de Geneza-
reth. 0 La colline désignée sous le nom de Tell el A'rimeh a plu-
sieurs étages successifs, qui ont été régularisés par la main de
l'homme. La partie supérieure affecte la forme d'un petit pla-
teau oblong jonché de débris de poterie et qu'environnait jadis un
mur d'enceinte qui a été presque complètement rasé ^. » Ireon
(leron) ne semble pas pouvoir être ailleurs qu'au Kharbet Yarin.
« La petite ville de ce nom occupait les pentes et le sommet d'une
colline qu'environnait jadis un mur d'enceinte construit avec
des blocs de grand appareil et réguliers '♦. »
Des sites de Kadditha et de Kh. Yarin, on déduit l'emplacement
d'Edraï, 'Aîsapi au Tell el Meïdan près de Ras el Ahmar, où la carte
du Palestine Fwid indique une ruine dénommée Dhahr el
Hazarim. En Hyzor serait, ainsi qu'il a été dit, à Aima.
Il semble qu'au-delà d'Ireon, l'énumération des villes de Neph-
tali se poursuive dans la direction de l'ouest. Deux de ces localités,
Bethanath et Bethsaraes, ne purent être prises par les gens de
Nephtali ■• ; elles devaient donc occuper un site naturellement fort.
Cette considération appelle l'attention sur les ruines de Kh. Ka-
thamoun*^ et de Kh. Rouies', ces dernières voisines d'un haut lieu
Kenanéen, comme le témoigne l'existence du Oualy abou Elioun.
' Guérin, Galilée, I, p. 4.">3.
» Ibid., H, p. 433.
> Ibid., I, p. 214.
♦ Ibid., II, p. 134,
5 Jupes, I, 33.
* Guérin, Galilée, II, p. 86.
? Ibid., II, p. 73.
RECHERCHES GÉOGRAPHIQIES SUR LA PALESTINE 25
Quant aux deux autres, il est difficile d'établir des conjectures sur
leur situation ; le nom de l'une d'elles, Horera, se rapproche toute-
fois du nom de Djebel Haramun porté par une montagne à l'ouest
de Yarun.
Tracé de la frontière de Nephtali et d'Asser.
Malgré l'incertitude qui plane sur les emplacements de cer-
taines des villes de Nephtali, il est possible de déterminer le tracé
de la frontière commune à Nephtali et à Asser.
Voici comment cette limite est définie par le livre de Josué '.
« (De Sidon la grande) elle tournait vers Rama jusqu'à la forteresse
de Çor, puis vers Hossa, et aboutissait à la mer près du territoire
d'Akzib. Il y avait là Oumma, Apheq, Rehob. »
» 29. Revertiturque in Horraa usque ad civitatem munilissimam
Tyrum, et usque Hosa ; erunlque exitus ejus in mare de funiculo
Achziba :
a 30 Et Amma, et Aphec et Rohob. »
« '29. Ka\ dtvaaTpi'jsi xàc 5pia ei; Paiià xal 'éto; itTjYTiî MafffaauàT xa\ twv Tupiwv,
xat àvaaTp^t|/Et ih 6p'.A èirl 'laaVf , xat îd'zii i\ Sié^oSoç ajToO i\ Bâ^aaaa xal Airo^^ê,
» 30. xa\ 'Ap-/6ë, xa\ Atpèx, xal PaaO. »
On a indiqué plus haut la position de Rama et celle d'Haçor.
Hossa, Osa de S. Jérôme, usa d'Eusèbe, semble pouvoir être iden-
tifié avec la localité actuelle de Sasa, qui d'après l'itinéraire du
voyageur Isaac Chalo (1334)-, dépendait de la tribu d'Asser.
On peut, d'après cela, admettre que la frontière suivait la ligne
de faîte marquée sur la carte du Palestine Fwid par les sommets
Jebel Tawil, J. Sod, J. el Hanbely à l'est de Kefr Anan, J. Umm
Harûn à l'est de Ferradieh et de Er Rameh, J. el Murabba, et J.
Mugharet Shekâb qui commandent le Kharbet Samurah, Kh.
Zebiid à l'ouest du Kh. Sheraa, Jermuk près du village du même
nom, J. er Zebâik, J. ed Dô, c'est-à-dire la ligne de partage des
eaux coulant au Jourdain et à la Méditerranée. Cest là une fron-
tière naturelle bien accusée par le relief du terrain ; elle aboutit
d'ailleurs au village de Sasa.
La frontière devait laisser au nord toutes les eaux coulant au
Nahr Kâsmyeh, (Litany) ; elle gagnait donc par le Kli. Menarah
le sommet du Jebel Adâther, puis atteignait Kh. er Rouiess.
> Josué, XIX, 29, 30.
« Guérin, aalilée, II, p. 94.
26 HEVUE DES ETUDES JUIVES
Conclusion.
Cette revue des villes, des territoires de Zabulon, d'Asser et
de Nephtali justifie d'une façon presque absolue les indications
données sur le tracé de la frontière septentrionale de la terre
d'Iraël. On constate toutefois que, dans sa partie médiane, le tracé
doit être reporté un peu plus vers le nord.
On va maintenant demander aux documents assyriens une véri-
fication décisive des résultats obtenus.
III
LA CAMPAGNE D'ASUR-NASIR-AB'AL DANS LE PAYS DE PATIN.
L'inscription des annales d'Asur-nâsir-ab"al' (88.5-860 av. J.-C.)
donne le récit fort instructif d'une campagne du monarque assy-
rien qui l'amena des rives de l'Euphrate aux confins du pays
d'Israël, et de ces confins au littoral phénicien.
a Je partis de Bit-Adini, franchis l'Euphrate aux hautes eaux, sur
des embarcations de peaux de mouton, je m'approchai de Gargamis.
Je reçus le tribut de Sangara , roi du pays Hatti J'incorporai
dans ma colonne les chars, les cavaliers et les hommes légèrement
armés de la ville de Gargamis. Tous les rois de leurs contrées se pré-
sentèrent à moi, embrassèrent mes pieds ; je pris leurs otages : ils
s'élancèrent devant moi, dans la direction du Liban. Je partis de
Gargamis, traversai les collines Munzigani et Hamurga, laissai
Ahâmu sur la gauche, m'approchai de Hazazi, la ville de Lubarna
le Patinien. Je reçus de l'or et des étoffes de lui. Je poursuivis ma
route, franchis l'Apri et y établis un campement. Je m'éloignai de
l'Apri, et m'approchai de Kunulua, la capitale de Lubarna le Pati-
nien. En face de mes armes puissantes, de ma bataille terrifiante, il
eut peur, et, pour sauver sa vie, se mit à mes pieds. Je reçus de lui
comme tribut... Je lui fis grâce, incorporai dans ma colonne les
chars, les cavaliers, les hommes légèrement armés des Patiniens ; je
pris leurs otages. Là, je reçus le tribut de Gusi de Jahana... Je
m'éloignai deKunalua, capitale de Lubarna le Patinien, je franchis
* J. Oppert, Histoire des empires de Chaldi'e et d'Assyrie, Versailles, 1865; Rod-
well, dans les Records of the Past. (III) ; Sclirader, Keilinschriften und Geschichts-
forschung, p. 181 et suiv. ; Peiser, dans la Keilinschriftliche Bihliothek, 1, p. 107 et
suiv.
RECHERCHES GEOGRAPHIQUES SLR LA PALESTINE 27
(l'Arantu), je campai sur les bords de l'Arantu. Je m'éloignai de
j'Aranlu et m'engageai dans les monts Yaraki, Ja'luri. Je traversai
le pays . ..ku, je campai sur le bord du Sangura. Je m'éloignai du
Saagura, et m'engageai dans les monts Saraliui, Girpâni. Je campai à
; j'entrai dans Aribua, forteresse de Lubarna le Palinien, et la
plaçai sous ma domination immédiate. Je recueillis les moissons du
Luhuli et les mis en tas. Je donnai une tète dans son palais, et établis
là des colons assyriens. Pendant qu'ils se maintenaient dans Aribua,
je conquis les villes du Luhuti, massacrai leurs nombreux défen-
seurs, et mis ces villes à feu et a sac. Je fis empaler les prisonniers
en face de ces villes. Puis, je me dirigeai, du côté du Liban, montai à
la grande mer du pays Aharri. Je puiifiai mes armes dans la grande
mer et fis des sacrifices aux Dieux. Je reçus les tributs des rois du
littoral, de Surra (Tyr), Siduu, Gubal (Byblos), Mahallata, Maisa,
Kaisa, du pays Aharri et d'Armada, au milieu de la mer... Ils
embrassèrent mes pieds. Je montai sur les cimes de l'Hamanus. J'y
fis des poutres de cèdres, de cyprès..., j'otfris un sacrifice aux
Dieux. J'élevai une inscription sur les exploits par moi accomplis. »
Ainsi, Asur-nasir-abal pénétra en Syrie par le pays de Gar-
garais ; il partit, donc, de la région de TEuphrate comprise entre
Biredjik et l'embouchure du Sadjour, pour marcher sur Hasaz,
aujourd'hui Azas, à une journée au nord-ouest d'Alep. Il traversa
l'Apri, rivière qui porte aujourd'hui le nom dAfrim et qui déverse
ses eaux dans le lac d'Antioche ; puis il pénétra dans Kounouloua,
capitale du pays de Patin, et, après un nouveau passage de rivière, .
fit halte sur les bords de l'Arantou, l'Oronte des classiques, aujour-
d'hui appelé Nahr el Asy.
Un coup d'œil jeté sur la carte de Peutinger nous montre que
la route suivie par le conquérant doit coïncider avec la voie allant
du Zeugma à Gephyra par Azas (Thuraej et Gindares, Dans ce
trajet, Asur-nasir-abal traversa les cantons moniueux de Moun-
zigan et de Hamourga, pour lesquels aucune identiflcation n'a été
jusqu'ici proposée.
Position du pays Ahâmii.
Il laissa sur la gauche le pays Ahamu ou Aliana, dans lequel il
faut reconnaître soit la contrée de Merabedj, soit la région d'Alep ;
et, comme le souverain d'Ahanu, Gusi, vint rendre hommage
au monarque, à Kounouloua, il semble rationnel d'admettre qu'il
ht cette démarche quand déjà le conquérant était parvenu à proxi-
mité de sa résidence, et, par conséquent, d'établir un rapproche-
ment entre le pays d'Ahanu et la contrée d'Alep.
2S RKVUE DES ÉTUDES JUIVES
Emplacement de la ville Halmân.
Mais s'il en est ainsi, où placer la ville de Halmân, que l'on a
souvent assimilée à Haleb ?
Cette ville ne devait pas dépendre du pays d'Ahamu. Du moins
voit-on la prise d'Halmàn par Salmanasar II, dans sa 6« campagne,
précédée de l'acte d'hommage que fit au conquérant Arami. fils de
Gusi. Dans cette campagne \ Salmanasar partit de la ville d'As-
sur-Utir-Asbat, située sur la rive droite de 1 Euphrate et sur le bord
du fleuve Sagaru (le Sadjour actuel), pour marcher sur Halmân, il
offrit là un sacrifice au dieu Dadda de Halmân, puis il se porta
sur les villes du pays d'Amat, Adennu, Masgâ, Argana et Qarqara,
et vint ensuite se heurter aux forces de Dadda-ldri, roi du pays
d'Imerisu, d'Irhulini, du pays d'Amat et des 12 rois du pays Hatti
et du bord de la mer.
Halmân était donc le centre d'un culte au dieu Dadda. La mon-
tagne voisine de Membedj s'appelle Djebel Dur Dadda, et Membedj
a toujours été une ville sainte.
Dans la 10« campagne, Salmanasar mit à sac les villes de San-
gar de Gargamis, puis s'empara d'Arnê, ville royale d'Arami et
de 100 de ses villes. 11 vint ensuite se heurter aux forces de la
coalition déjà combattue dans la 6« campagne.
La lutte recommença entre les mêmes adversaires dans ia
11« campagne. Salmanasar s'empara de 97 villes de Sangar, de
100 villes d'Arami, puis il marcha sur les villes d'Amat, Astamaku,
aujourd'hui Tell es Stoummak ou Stuma-, et quelques autres
villes. Après avoir défait les coalisés, il s'empara, au retour,
d'Apparazu, ville forte d'Arami, et reçut alors le tribut du roi de
Patin.
Dans sa première campagne, Salmanasar revenant du mont
Atalur sur la côte de la mer, s'empara des villes de Tayà. .. de
Hazazu (Asaz [)récédemment pris par Asur-nasir-ab'al), de Lulia,
de Butamù, villes du roi de Patin, et reçut alors le tribut d'Arami,
fils de Gusi.
De ces renseignements il résulte que le pays d'Ahanu successi-
' Amiaud et Scheil, Les Inscriptions de Salmanasar, II, p. 39, 41.
* « A dix minutes au nord du village de Sluma, à gauche de la route se trouve
une ruine, en grande partie couverte de terre, dont personne ne put me dire le nom.
Du genre des pierres employées à la construction, j'ai pu conclure que ces ruines
sont antérieures à la coiiquêle niusuimaDe. > Sachau, Seise in Si/rien und Mesopo-
tamien, p. 100. Burckhardt avait jadis signalé également Tell Stommack, colline
isolée paraissant l'œuvre de l'homme {Meisen in Syrien, p. 212).
RECHERCHES GÉOGRAPHIQUES SLU LA PALESTINE 29
vement gouverné par Gusi et par Arami, son fils, confinait à
l'ouest et au nord au pays de Patin, et au nord -est au pays de
Gargamis. Le pays d'Halmân était au sud de ce dernier pays.
Au-delà de Kunalua, Asur-nàsir-ab'al franchit une rivière dont
le nom se trouve mutilé sur la pierre ...tu: ce n'est pas évi-
demment de l'Afrim qu'il s'agit ici, mais d'un autre cours deau;
la syllabe finale conservée étant la même que celle du fleuve
Araantu nommé aussitôt après, on en a conclu naturellement que
le conquérant assyrien était passé avec ses bandes armées sur la
rive gauche de l'Oronte.
PosUion du pays dCIaluri.
Cette interprétation est, en quelque sorte, justifiée par le rap-
prochement que l'on peut établir entre le pays d'Ia'turi et Yliu-
rœorum gentem signalée par Pline ' dans son énuméralion par
ordre alphabétique des diverses cités et populations de la Cœié-
Syrie.
Une inscription-, publiée en 1745, nous fait connaître que les
Ituréens habitaient le Liban : « Idem jussic Quirini aduersas
Jlureos in Libano Monte casteUiim eorum cœpUy>. Cette don-
née concorde avec les deux passages de Strabon relatifs à ce
peuple ^.
«La région montagneuse des Ituréens », dit-il d'abord; puis
après avoir parlé de la Laodicée libanienne, il ajoute : des « Itu-
réens et des Arabes, tous bandits, occupent toute la région monta-
gneuse. » La position de cette Laodicée étant connue par l'itiné-
raire d'Antonin [route d'EtJiesa, Homs, à Heliupoli, Baaibeck, à
XVIII railles romains d'Emesa), les ruines en ayant été retrouvées
par M. Sachau'* à l'extrémité sud du lac de Kédes à Tell Nébî
Mindù, on est fixé sur la région du Liban occupée par les Ituréens.
Cette région convient bien au pays d'Ia'turi, et l'on peut consi-
dérer comme acquise l'identification du pays d'Ia'turi et de la con-
trée des Ituréens.
Le nom du fleuve franchi par Asur-nasir-ab'al est donc bien,
comme on l'avait conjecturé, l'Araantu, l'Oronte.
' L. V, c. XIX.
' Van der Miedea, Disputatio critica ad marmor vctiis inquo de P. Sulptcio Qui'
rino, de censu Syria, de Itureis. Trajecti ad Hhenutn, 1743.
» L. XVI.
* Sacliau, Revse in Syrien wnd Mesopotamien, p. b8.
30 REVUK DES ÉTUDES JUIVES
Position du pays d'Varahi.
Après avoir traversé ce cours d'eau, le conquérant assyrien,
pour atteindre le pays d'Ia'turi, dut traverser les monts Yaraki.
Ce nom semble avoir subi la même transformation que la Jé-
richo biblique, aujourd'hui appelée Errilia. On retrouve, en effet,
sur la rive droite de TOronte le Djebel er Riha. Son identification
avec le pays Yaraki se trouve justifiée par le passage suivant de
l'inscription du Taureau • : « Dans la 11^ année de mon règne, je
partis de Ninive. Pour la 9* fois, je passai FEuphrate dans sa crue.
Je m'emparai de 9* villes de Sangar, je m'emparai de 100 villes
d'Arami , je les renversai, je les détruisis et les livrai aux flammes.
Je pris le long de TAmanus 'Hamani , je franchis la montagne
d'Yaraku, et je descendis aux. villes du prince d'Amat. Je m'em-
parai d'Astamaku avec quelques autres villes... » Or, précisé-
ment l'on retrouve au pied du Djebel er Riha la localité antique
de Stouma ou Tell Stoumak.
11 est également question de la montagne Yaraki dans un frag-
ment d'inscription de Tiglath Piléser III * :
'( La ville Us(?)-nu-u, la ville Si-an-nu du liltoral avec les
villes jusqu'à la montagne Sa-u-i, aux monls du Liban, et ils
subjuguèrent (?) le pays Ba- -li-sa-bu-na jusqu'à la montagne Am-
ma-na, à la montague du Aw-bois, le pays Sa-u tout entier, le dis-
trict de Kar-Rammàn ;ou Kar Dadda), la ville Ha-la-'rik-ka', le dis-
trict de Nu-ku-di-na, le pays Ha-su, avec les villes autour de la ville
A-ra-a ensemble, les villes aux alentours, la moutagne Sa-ar-
bu-u a toute entière, la ville As-ha-ni, la ville Ja-da(la)-bi, la mon-
tagne Ja-ra-ku toute entière, la ville Il-li-la-ar-bi, la ville Zi-ta-a-nu,
jusqu'à la ville A-ii-in-ni la ville Bu-ma-mi. 19 cantons de la
ville Hamalli avec les villes qu'ils renferment. ...»
Si l'on reprend cette énumération en sens inverse, on est
amené, contrairement à l'opinion de M. Sachau \ qui veut re-
trouver l'Ellitarbi de Tiglath-Piléser III, dans une localité située
entre Alep et Antioche, et appelée en syrien Lîtâreb, en arabe El-
Atharib, (Attâpêai de l'empereur Julien*), — à placer Il-li-ta-ar-bi
au nord du Djebel er Riha, à Idlib.
* Amiaud et Sclieil, Les Inscriptions de Salmanasar, p. 53.
* k'eilinscfi'i/îiche Bihliothek. t. II, p. 27.
' Sitzunq.sberichie d. K. Preissische Akai. der W^ssensckaflen, 1892, 20-21 ;
Sachau, Mt'muire sur la ijivgrapkie historique de la Syrie septentrionale.
* Juliani Imperatoris ipistola, 27.
RECHERCHES GÉOGRAPHIQUES SUR LA PALESTINE 31
Ja-da(ta)bi et As-ha-ni correspondraient à deux localités visi-
tées par EH Smith *, dans sa route d'Idlib à Schoghr, Burdsch
Hâb (l'Haab ou Hap des croisés) '^ et Kanis en Nahleh.
A-ra-a serait TArra de l'Itinéraire d'Antonin sur la route de
Beroa à Epiphania, aujourd'hui Maaret-en-Noaman. C'était déjà
du temps de Yakubi (vers 891 de l'ère chrétienne) une ancienne
cité en ruines ^.
Le pays Hasu comprenait, sans nul doute, les territoires
de deux localités aujourd'hui dénommées Khirbet Has et Has,
dont l'antiquité est attestée par des inscriptions des iv« et
v^ siècles, recueillies par MM. Waddington et de Vogïié*.
Tous ces pays et localités se trouvent échelonnés dans une
même direction, ce sont les jalons de la route parcourue en sens
inverse par Tiglath Piléser IK, et cette route eût mené certaine-
ment à Apamée ^aujourd'hui Kal'at el-Mudik), si cette ville eût
alors existé.
On ne saurait en douter en retrouvant sur la rive gauche de
rOronte, près d'un gué, à une demi-heure au sud-ouest du village
de Skélebijjé, le Tell el Kottra ^ , dont le rapprochement avec
Hatta-[rik-ka] paraît naturel.
Apamée n'avait donc pas encore de norn dans l'histoire du temps
de Tiglat Pileser III, mais le pays qui devait en constituer plus tard
le territoire s'appelait Nu-ku-di-na. Malala •"•, en attribuant à Apa-
mée comme premier nom celui de *apvaxTi, nous a peut-être trans-
mis la tradition altérée de l'état primitif du pays : il aura écrit <i>ap-
vaxTfi au lieu de Ka»apNax£6.
La route par laquelle TiglathPiléser III franchit la chaîne du
Liban, en venant de la côte, nous est inconnue ; elle traverse une
région qu'aucun voyageur n'a jusqu'ici explorée.
De cette digression, il est permis de conclure que le nom d'Ya-
raki a été surtout attribué à l'époque assyrienne au massif mon-
tagneux d'Er Riha, situé sur la rive droite de l'Oronte; mais rien
ne s'oppose à ce que les monts situés sur la partie correspon-
dante de la rive gauche aient porté le même nom.
» Rilter, Syrien, t. II, p. Wj'i.
* Rey, Colonies fi-anques en Syrie, p. 341.
* Guy Le Siraiif^e, Palastina tinder thc Moslems, p. 495.
* Ph. Le Bas, Voyage archéologique en Grèce et en Asie-Mineure, t. III, explication
des inscriptions, p. 616.
5 Burckhardi, Rcisen in Syrien, p. 242.
6 Malala, p. 2(l3.
32 RKVUE DES ÉTUDES JUIVES
Situation de la rwière Sangoura.
Après avoir quitté les montagnes d'Iaturi, Asur-nasir-abal tra-
versa un pays, dont le nom nous est parvenu sous une forme
mutilée. . . ku, pour gagner les bords de la rivière Sangoura.
Qu'il ne sagisse pas d(3 laffluent de TEuphrate qui porte le nom
de Sadjour, le Sagura des inscriptions de Salmanasar II, cela ré-
sulte de la marche même du conquérant remontant le cours de la
vallée de l'Oronte.
Cette direction mène à la source du Xalir el Andscliar, que les
géographes arabes appellent Aïn el Jarr. « Ici, nous dit Abulféda,
sont des ruines de constructions en énormes pierres; il se trouve
à un mille au sud de Baalbeck. A Aïn al Jarr commence la grande
rivière qui, sous le nom de Litany, traverse la Bikaah. »
Sangura s'est transformé en Angar (prononcez Andjar) par la
perte de la sifflante initiale.
Les ruines dont parle Abulféda frappent aujourd'hui encore
l'attention des voya*^'eurs, qui ne manquent pas d'aller les visiter,
en se rendant de Beyrouth à Damas; elles sont situées à une faible
distance au nord de la route qui relie ces deux grandes cités.
Cette voie gagne un peu plus loin, par un col très bas, la tête de
rOued at Teim, qui court droit du sud vers le lac Hùleh. Faut-il
voir dans ce nom une transformation du Saratin assyrien, on n'ose-
rait l'affirmer ; mais, en revanche, on croit pouvoir avancer que la
partie inférieure de cette vallée avait pris le nom d'un torrent qui
s'y déversait, l'Ain Djerfa, l(;quel tirait son nom d'une localité
antique située sur ses bords \ et qu'elle correspondrait, dès lors,
au pays montueux de Girpa des Assyriens.
Situation du pays Luituti.
Celte opinion est corroborée par l'existence d'une grande plaine
au (It^bouché de la vallée. C'est la plaine de Mispé, que le livre de
Josué place au pied de l'Hermon. Elle confine au lac el lluleh sur
la rive occidentale duquel s'étend l'Ard el Kheit ou le pays de
Klieit; l'Ai Khait de Dimaski*, le pays de Luhuti d'Asur-nasir-
ab'al.
Le conquérant, en arrivant dans la plaine, avait rencontré la
> Guérin, Galilée, II, p. 287.
* Le Sirange, Palastina under the MosUmi, p. 484.
RECHERCHES GÉOGRAPHIQUES SUR LA PALESTINE 33
route qui a dû depuis les temps les plus reculés relier Tyr à Damas,
et qui figure sur la carte de Peutinger parmi les voies romaines.
C'est le chemin qu'il prit au départ d'Aribua ; il gagna la côte
phénicienne, et la suivit en se dirigeant vers le nord.
Déductions à tirer du bulletin de campagne d'Asur-nâsir-ab'al.
Cette campagne d'Asur-nâsir-ab'al nous fournit de précieux
renseignements.
On est tout d'abord frappé de voir le conquérant, après avoir
précipité sa marche vers le sud, se détourner brusquement vers
l'ouest et gagner la côte. On ne saurait expliquer ce mouvement
par l'existence d'obstacles naturels. Il paraît plus vraisemblable
d'attribuer la résolution d'Asur-nâsir-ab'al au respect que lui ins-
pirait le peuple avec lequel il aurait dû lutter, s'il avait poursuivi
sa course vers le sud au-delà du pays de Luhuti. Les Assyriens
ne s'étaient pas encore attaqués au pays de Bit-Omri, alors gou-
verné par le roi Jéhu : ils évitèrent de l'envahir, et s'ils occu-
pèrent le territoire des Danites, qui avalent, du reste, probablement
échappé depuis longtemps à l'influence d'Israël, ils gagnèrent la
côte sans pénétrer sur le territoire des Bit-Omri.
Ces déductions confirment les considérations qui ont été pré-
sentées sur la limite septentrionale de la Palestine.
Le bulletin de campagne d'Asur-nasir-ab'al nous montre égale-
ment quelle était à cette époque l'importance du royaume de
Patin. Il s'étendait, au nord, au delà d'Asaz, et allait, au sud,
jusqu'à la vallée du Jourdain.
Ce royaume ne devait pas tarder, d'ailleurs, à subir un premier
démembrement. A Liburna succéda le roi Sapalulme ', auquel Sal-
manasar II, dans sa première campagne (859), infligea une san-
glante défaite. Après sa mort, la partie méridionale de Patin
constitua le royaume d'Amat (854) sous l'autorité d'Irliulini - ; le
royaume de Patin fut réduit aux cantons du Nord avec Girparuda
pour chef =*. Tandis qu'Irhulini défendait son indépendance contre
les rois d'Assyrie, Girparuda se faisait leur humble vassal ; il eut
pour successeur Lubarni. Celui-ci ne garda pas longtemps le pou-
voir; il fut massacré par ses sujets, qui appelèrent à leur tête
Surri (832). Cette révolte devait être la conséquence d'une réaction
' Amiaud et Scheil, Les Inscriptions de Salmaiiasar, II, p. 17 ot 19.
» lbid.,Tp. 37, 41. 53, 57.
' Ibid., p. 39, .^5.
ï. XXVI, N» 51. -i
31 REVUE DES ETUDES JUIVES
contre l'influence assyrienne. Car on voit Salmanasar II, à la
nouvelle de l'insurrection, marcher sur Xvinulua, la capitale de
Patin, et frapper lourdement les chefs du mouvement national'. Il
imposa à Patin, pour roi, Sâsi, fils d'Ussà, et fit dresser sa propre
statue dans le temple érigé aux dieux de Patin, au milieu de la
capitale du royaume.
Après Sasi, le pays dut être gouverné par des administrateurs
assyriens. L'on cesse dès lors de rencontrer dans les listes de tri-
butaires l'hommage d'un roi de Patin. Il y eut sans doute diffé-
rentes tentatives de rébellion parmi les vaincus, car l'on voit
figurer dans les listes d'éponymes- sous Rammân-Niriri III, en
l'an 806, une campagne contre Arpad (auj. Tel Erfât), en l'an
805, une autre contre Azaz, et, sous Asurdan, en l'an 754, une nou-
velle contre Arpad. Sous Tiglath Piléser III, la révolte fut parti-
culièrement sérieuse : il fallut faire pendant trois années (742-'740)
le siège d'Arpad ; une quatrième campagne fut même nécessaire
pour pacifier le pays.
Sur les ruines du pays de Patin, un nouveau royaume avait
surgi, le royaume d'Unki\ Son souverain, Tutammu, n'était pas
bien disposé pour les Assyriens; Tiglath Piléser s'empara de sa
capitale Kinalia , et fit dresser son trône au centre du palais royal ;
il soumit le pays d'Unki et mit à sa tête un administrateur assy-
rien. Il déporta sans doute la plupart des habitants du pays, car il
jugea utile d'amener des captifs d'origine étrangère :
« 600 captifs de la ville d'Amlati des Damuni; 5,400 captifs de
la ville de Dur, j'établis comme colons dans la ville de Kunalia,
les villes Huz('?)arra, Tai, Tarmanazi, Kulmadara, Hata-
tirra, Sagillu du pays Unku. »
Quelques-uns de ces noms ont survécu pour nous montrer que
le royaume d'Unki n'était pas réduit à la plaine de l'Amk, VUnchœ
de Quinte-Curce% mais qu'il comprenait encore les environs du
Djebel Sém'àn. Comment, en effet, ne pas reconnaître Hatatirra
dans le vilage deKhatoura^, Huzarru dans la localité voisine
d'Azéri*^, Sagillu, avec suppression de la sifflante initiale, dans les
ruines imposantes de la petite vallée d'Anguli ', Taï dans les ruines
» Ibid., p. 67.
* Schrader, Die Keilinschriftentind Jas Altc Testament, p. 481, 483 et 487.
* Smilh, Assyriaii Discuveries, p. 274; Schrader, Die Ketliiischriflen und das Aite
Testament, p. 249, K'cilinschriftlichc Bihliothek, II, p, 29.
■* De rébus gestis Alexandri Magiii, IV, 1,
5 Ph. Lebas, Voyage areh^ûlogi(jue, t. III, p. 6"2o.
^ Note de voyage. M. Sachau appelle ce village Hazre.
' Hitler, Syrien, p. 1648.
RECHERCHES GÉOGRAPHIQUES SUR LA PALESTINE 35
voisines du village de Kefr Tâi • ? N était la syllabe finale de Tar-
manazi, qui se retrouve dans les noms actuels de certains villages
de la r(5gion, Teftenâz, Armenaz, on serait tenté de chercher le
site de cette localité antique dans le village de Tarmanîn.
Malgré toutes les mesures prises pour l'asservissement du pays,
les habitants ne demandaient qu'une occasion pour recouvrer leur
indépendance. Ils écoutèrent donc volontiers les propositions
d'Iaubi'd d'Amat et se déclarèrent indépemlants. Mais les troupes
de Sargon - en eurent vite raison, et Arpad fut une nouvelle fois
repris (720).
C'est ainsi que disparut à son tour de l'histoire le peuple
de Patin.
G. Marmier.
1 Sachau, Reisen in Sijnen^ p. 4o9.
* Keilinschriftliche Bibliothek, t. II, p. '61.
QUID JUDi:0 CUM VERRE ?
Plufarque, dans la Vie de Cicéron, rapporte un bon mot célèbre
qui aurait été prononcé à l'occasion du procès de Verres K Voici
ce pMssage, dans la familière version d'Amyot : « Lps Romains
appellent un pourceau qui n'est point châtré Verres, c'est-à-dire un
verrat. Or y avoit-il un nommé Cécilius, fils d'un serf afifranchy,
qui estoit soujjçonné d'adhérer à la loy des Juifs. Cestuy Cécilius
vouloit débouster les Siciliens de cette accusation de Verres et que
la charge de l'accuser luy fust baillée à luy seul. Cicéron, se
moquant de cette sienne poursuite, luy dit: Quelle chose peut avoir
un juif à démesler avec un verrat? » Et le naïf traducteur ajoute
en note: « Pour autant que les Juifs ne mangent point de
chair de pourceau. »
La traduction, ou pour mieux dire la paraphrase d'Amyot, est
exacte sauf en un point; les mots: di:e\sue£pixb; fivBfuwdî y sont rendus
par « fils d'un serf affranchi » '. Amyot s'est sans doute souvenu
d'un texte classique de Suétone -, suivant lequel, dans l'ancienne
langue romaine, le moi liberliniis, dont à7:£>.£u9£ptxo'; est l'équivalent,
désignait, non Taffranchi lui-môme — ou plutôt ne désignait pas
seulement l'affranchi lui-même, —mais le fils d'affranchi. Or, sans
vouloir contester le témoignage de Suétone, il faut observer que
son renseignement se réfère exclusivement à l'époque tout à fait
archaïque, « au siècle d'Appius Claudius et quelque temps après ».
Rien de plus naturel que d'admettre qu'à cette époque reculée le
mot lihertinus ait eu un sens large, correspondant à la durée
' Plutarque, Cic, 1 : B£ppr,~» oî 'Pwaaîoi tàv £XT£T|xr,iiévov yoîpov xaXovatv.
fi; ovv à7r£),£"j6£pixà; âv6pft>;To; Êvoxo; -ùi io'joatsîiv ivOjxa KcxO.ioç èooûXeto Trapwdà-
|x£vo; Toù; Six£),iwTa; xaTTjyopEtv toù BÉppou, < Ti 'lovSaîw îîpô; yolç,ow ; » êçr,
Kixéptov.
* Ricard traduit plus exactement ; > un atrramhi i. Friedlander traduit comme
Amyot : € ein von Freiijelassenen stanimender Jude [l) ». Drumann hésite.
* Suétone, Claud., 24. Appium Cacum... Uhertitiorum filios tn senatum adlegisse
docuit, ignanis, temporibus Appi et demceps aliquandiu libertinos dictos non ipsos
(on a proposé : non modo ipsos) qui manu emitterentur , sed ingenuos tx his
frocreatos.
QUID JUD/EO CUM VERKE ? 37
même des incapacités multiples qui atteignaient les affranchis et
leur postérité; mais il est bien certain qu'au temps de Cicéron, et
à plus forte raison au temps de Plutarque, le mot libertlnus n'avait
plus que le sens étroit, seul connu de l'empereur Claude, où il
désigne l'affranchi lui-même, l'ancien esclave délivré par la manu-
ynissio. Entre les mots lihertus et liberthms il n'y a pas, comme
se l'imaginaient les érudits de la Renaissance*, une différence de
génération, mais simplement une différence de point de vue:
llberlus, c'est l'affranchi envisagé dans ses rapports avec son
patron; libertlnus, c'est l'affranchi considéré en lui-même, dans
sa condition sociale et juridique. Les témoignages de ce t'ait ont
été réunis par M. Mommsen ; il en conclut avec raison que, « dans
la littérature qui nous est connue, Ubertinus n'a jamais d'autre
signification que celle d'affranchi 2. » Liberthms liomo, que
Plutarque traduit par àire^sueepixôi: àvBpwitoç, est exactement synonyme
de Ubertinus; je n'en veux pas d'autre preuve que ce texte
des Verrines ^ : P. Trebonius viros bonos et honestos corn-
plures fecit heredes, in ils fecit suuni liberium... Equili romàno
tamlocupleii libertimis fiomo sit hères? Et dans presque tous les
passages où Plutarque emploie les mots ànzKz'jUçi-Kà^ ou èî£>.£ii9sptxdî*,
le contexte lui-même indique de la manière la plus évidente qu'il
est question, non de fils d'affranchis, mais d'affranchis proprement
dits. Concluons de là que, chez l'auteur latin auquel Plutarque a
emprunté son anecdote, Cécilius était bel et bien qualifié d'ancien
esclave et qu'il convient de modifier ainsi son signalement:
« Cécilius, affranchi, soupçonné de judaïsme ».
Après avoir rectifié la traduction du texte de Plutarque, nous
pouvons aborder l'examen de fond, c'est-à-dire rechercher la
portée et l'autorité qu'il convient d'attribuer à ce texte. Cette
' On s'élonne de rencontrer encore ceUe doctrine chez des auteurs contemporains
comme Herzofr.
* Mommsen, Droit public romain, trad. fr. (VI, 2), p. 4, note 2. Cp. Lemonnier,
Etude sur la condition privée des a/franchis, p. 6, suiv.
' Cicéron, Verr., Il, i, 47, § 123.
* Ce sont, outre notre texle. Syll., 1 (un àTV£/î"jOEf.ty.ôç dt/OpwTco;, soupçonné ilc
receler un proscrit, est précipité de la roche Tarpéienue); S (Sulpicius vend le droit
de cité È?£).£'j6£pixoï; xal fjLîtoixot;) ; 33 (Sylia distribue des terres (jli'jxoi; xai xaôdtp-
aaatv £$£),£y6£pixoî;V, Anton., ri8 i^les infïénus sont frappés d'un impôt du quart du
revenu, les £Ç£),£\jÔ£pixoî du 8» du capital).
38 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
portée serait très grande s'il fallait en croire plusieurs historiens
modernes : on a vu dans notre anecdote, en effet, la preuve unique,
mais décisivp, de l'existence d'une colonie et d'une propagande
juives, en Italie, plusieurs années avant la prise de Jérusalem
par Pompée, événement auquel Philon rattache l'origine de la
population Israélite de Rome '. C'est en ce sens que se sont pro-
noncés, par exemple, Ernest Havet-, M. Friedlaender ^ et tout
récemment M, Hild, dans son substantiel travail sur les Juifs à
Rome devant Vopinion et dans la littérature'^. « Le procès de
Verres, dit ce dernier auteur, étant de dix années "■ antérieur à la
guerre de Judée, si le bon mot prêté à Cicéron n'a pas été fabri-
qué après coup, il est pour le moins curieux d'observer que déjà
alors il y avait à Rome des Juifs et que l'on plaisantait publique-
ment les particularités de leur culte. »
La restriction indiquée par cette phrase « Si le bon mot n'a pas
été fabriqué après coup » fait honneur au sens critique de M. Hild,
mais elle est loin d'être suffisante: il est facile, en effet, de
démontrer, non seulement que le mot prêté à Cicéron n'est pas
authentique — ce qui n'aurait qu'une importance biographique
assez secondaire, — mais qu'il n'a jamais pu être prononcé parce
qu'il implique à la fois une erreur de fait et une erreur de droit.
En effet, le Cécilius dont il est question dans ce texte de
Plutarque n'est pas un inconnu. Nous possédons encore le
plaidoyer que Cicéron prononça pour écarter ses prétentions au
rôle d'accusateur de Verres : c'est le discours communément inti-
tulé Dlvinatio in Q. Caecilium, et ce discours, ainsi que les scolies
du pseudo-Asconius qui s'y rapportent '^, nous fournissent plusieurs
renseignements intéressants sur le compte du personnage. Nous y
apprenons qu'il s'appelait Q. Csecilius Niger et qu'il était origi-
naire de Sicile ou, du moins, domicilié dans cette province {domo
Siculus)'. 11 avait un frère puîné du nom de Marcus, que Cicéron
* Philon, Légat, ad Caium, 23.
* E. Havet, Origines du christianisme, II, loO. Dans ce morceau, Havet passe sous
silence la libertinif^ de Cécilius.
* Friedlaender, Romische Sittengeschichie (6* éd.), III, 621, nolo 12.
< Berne des Études juives, VIII (1884), p. 24.
5 Plus exactement : sept années. Le procès de Verres est de Pan 70 av. J.-C, la
prise de Jérusalem de 63.
6 Cicéron d'Orelli, V, 2, p. 97-124.
'■ Ps.-Asron., p. 98 : Q. Cœcilius Xi^er, domo Siculus et queestor Verris (c'est à tort
qu'on a parfois corrigé domo en homoj; p. 121 : Sœpe in Ccecilium uliturhoc con-
vicio, ut illuM non Romanum, sed Siculum dicat. En effet, Cicéron, parlant des
•rrieis de Cécilius contre Verres, dit f§ 53) ; Ceteri Siculi ultorem invenerunt, et
c'est sans doute en ce sens qu'il faut entendre la phrase du § 4, ainsi transmise
dans les meilleurs manuscrits : Q. Cacilium, qui prtesertim quaestor in sua provincia
QUID JUD.EO CUM VERRE? 39
appelle lectissimus atqv.e ornalissimus adolescens K Quintus fut
lo questeur de Verres peniiant une partie de son gouvernement;
au cours de ses fonctions, il se brouilla avec son préteur, mais, s'il
faut en croire Gicéron, il s'était réconcilié avec lui avant son
départ et laissa même auprès du gouverneur prévaricateur son
frère ainsi que son secrétaire, Potamon.
Maintenant, il importe de remarquer que, dans tout le cours de
ce plaidoyer, où Gicéron n'épargne à son adversaire ni les dures
vérités, ni les insinuations désobligeantes, où même son origine
sicilienne, dont Gécilius tirait un argument en faveur de ses préten-
tions, devient un prétexte de raillerie et de suspicion, il est remar-
quable, disons-nous, qu'on ne découvre pas, dans toute cette
diatribe, la moindre allusion ni à la condition d'affranchi de Gé-
cilius, ni à son affiliation au judaïsme, c'est à-dire précisément
aux deux points où se résume le signalement donné par Plu-
tarque. Et cependant quels arguments eussent été plus propres à
exciter le rire du tribunal et à jeter le discrédit sur le compé-
titeur de Gicéron, objet essentiel d'où dépendait l'issue du débat
engagé ?
Pour parler du judaïsme d'abord, quoique cette religion ne fût
alors guère connue à Rome qu'à travers les écrivains grecs, elle
était déjà frappée de la défaveur générale qui s'attachait à tous les
cultes exotiques, aux « superstitions barbares », comme s 'expri-
maient les Romains de vieille roche. Soixante-dix ans auparavant
le préteur Hispalus avait expulsé de la capitale les ambassadeurs
de Simon Macchabée, qui se livraient à la propagande religieuse -.
Depuis lors, les Juifs n'avaient pas reparu à Rome, mais tous les
Romains que leurs affaires ou leurs études amenaient en Orient
avaient eu l'occasion d'y rencontrer des spécimens de la race is-
raélite répandus à travers toute l'Asie-Mineure. Gicéron lui-même
devait en avoir connu pendant son séjour prolongé en Grèce et en
Asie (19-11 av. J.-G.), et c'est sans doute dans les leçons de son
maître d'éloquence, ApoUonios Molon, auteur d'un pamphlet
classique contre les Juifs •■^, c'est aussi dans son commerce avec
le philosophe Posidonios, qui ne leur était pas plus favorable, qu'il
fuùset. Sur le sens du mol 'Jomns, synonyme de orif/o. cf. Mommsen, op. cit.,
(VI. 2), p. /i26, n» 3.
» Divin., IX, 29.
* Valère Maxime, I, 3, 2, avec les observations de Schiirer, Geschichte (2° éd/,
II. 505.
^ Alexandre Polyliistor, l'r. o, chez Eusèbe, Prœp, evang., IX, 19 : ô oï Tr,v ct-j-
(îAîuïiv TYjv xaxà 'loySaiwv Ypâ>^a; Mo),»-/. Cet ouvrage est souvent cité, sans indica-
tion précise, par Josèphe. Sur les rapports de Cicérou avec Molon et Posidonios,
cf. Plut., Cic, II.
40 REVUE DES ETUDES JUIVES
puisa les éléments de cet « antisémitisme » un peu superficiel dont
le Pro Flacco nous a conservé le témoignage. Pour peu donc que
Céciliuseùt été judaïsant ou suspect de l'être, Cicéron n'aurait pas
manqué d'en tirer matière à plaisanterie dans ce long plaidoyer
tout farci d'attaques personnelles. Le nom même de Verres, avec
son double sens injurieux, lui en procurait le prétexte en rappe-
lant l'aversion bien connue des Juifs pour la viande de porc*.
Le fait est que Cicéron ne s'est pas privé, pas plus dans les
Terrines que dans ce plaidoyer même, du calembour facile, iné-
vitable, qu'appelait ce nom malencontreux -, mais de juifs et de
judaïsme pas un mot, et si jamais Varguïiientum ex silenlio a
pu être de quelque poids, c'est assurément dans une occasion
pareille. On peut donc affirmer hardiment ou bien que Gécilius ne
judaïsait pas ou bien, ce qui revient au même, que ni Cicéron ni
son auditoire n'en avaient aucun soupçon.
Il en va de même du reproche de liberiimlé. Ce reproche est la
monnaie courante de la polémique du i^" siècle; il s'étendait même
aux simples descendants d'un affranchi. Antoine faisait un crime à
Octave d'avoir eu un affranchi pour trisaïeul ^. Horace est las de
s'entendre traiter de « fils d'afiVanchi » \ On peut être sur que si Cé-
cilius avait eu du sang d'affranchi dans les veines, à plus forte
raison s'il avait été lui-même un ancien esclave, comme l'aflirme le
texte de Plutarque, Cicéron, qui savait, suivant les besoins de la
cause, flatter les passions populaires ou les préjugés aristocratiques,
y aurait trouvé le thème d'inépuisables moqueries. Or, non seule-
ment on ne rencontre pas, dans tout le discours, une phrase, un
mot qui puisse s'interpréter dans ce sens, mais encore nous avons
vu que Cicéron, parlant du frère de son adversaire, M. Cécilius,
se sert d'expressions qui auraient paru singulièrement déplacées,
à propos d'un aâ"ranchi : lectissbmis atque ornatissiraus adoles-
cens. Ajoutons que le seul fait de l'existence de ce frère suftirait
à rejeter le témoignage de Plutarque, car, en droit strict, un
affranchi ne peut avoir de frère, pas plus qu'il n'a de père ou
d'aïeux ; la parenté servile n'a pas de valeur légale; cela est en-
• Posidonios est le premier écrivain frrec connu qui fasse allusion à ceUe aversion :
voir chez Diodore de Sicile ifr. xxxiv, 1) le récit, extrait de Posidonios, de la profa-
nation du temple et des Livres saints par Anliochos Epiphane.
* Divin., XVII, 5" : Sed repente e vestigiu, ex homine [tanquam aliquo Circœo po-
culo) factus est Ven-es. Ps-Ascon., ad loc. : lUa enitn sues ex hominthus faciebat.
•* Suétone, Aug., 2 : M, Ântonius libertinum et prcarum exprobrat.
' Horace, Sat., I, 6, 45-6 : Quem rodunt omnes libertine pâtre natum. Ailleurs,
suivant la line remarque de M. Lemounier, Horace, cédant au préjugé commun,
félicite Mécène de ue pas s'attacher à ia naissance des gens, quali sit guisque parente
Natus dti»i ingenuus [Sat., I, 6, "i.
QUID JUD/EO CUM VERRE? 41
core vrai au début de l'époque impériale, cela est vrai surtout à
l'époque républicaine où nous sommes.
Mais l'argument le plus décisif, et qu'on s'étonne de ne pas ren-
contrer sous la plume des commentateurs de Plutarque et de Ci-
céron, c'est que Gécilius Niger a été questeur en Sicile et que de pa-
reilles fonctions étaient incompatibles ave; une naissance servile.
L'exclusion des libertini du jus honorum, c'est-à-dire du droit aux
magistratures soit romaines, soit même municipales, est un principe
qui n'a pas même eu besoin d'être formulé dans un texte de loi
spécial, tant la coutume, le mos majoriim, l'avait formellement
consacré *. On scruterait toute l'histoire de la république romaine,
même aux époques troublées où la sévérité des comices se relâcha
parfois en faveur des fils d'affranchis ^ sans découvrir un seul
exemple de dérogation au principe en ce qui concerne les affranchis
eux-mêmes. Pour détenir en qualité de magistrat une parcelle de
la majesté du peuple romain, de même que pour entrer à la curie,
l'ingénuité était absolument de rigueur; c'est bien inutilement qu'on
tâcherait d'argumenter contre cette vérité de fait d'une affirmation
volontairement exagérée de Philippe V de Macédoine, proposant
à une ville thessalienne en cette matière l'exemple libéral de la
république romaine-'. En plein siècle d'Auguste, Tite-Live, prêtant
au tribun Canuléius un discours en faveur de l'émancipation po-
litique des plébéiens, le fait parler ainsi: « Parce que nous ou-
vririons aux i)lébéiens l'accès des dignités suprêmes, en serait-ce
fait de l'empire ? et ces mots un plébéien consul exciteront-ils
autant de scandale, que s'il était question d'élever au consulat un
esclave ou un affranchi*?» Impossible d'exprimer plus claire-
ment que pour un Romain du temps d'Auguste, à fortiori pour
un Romain du temps de Cicéron, l'élection d'un affranchi à une
magistrature curule ou même plébéienne représentait l'abojnina-
» Mommsen, Droit public romain (trad. l'r,), II, 136-7. En ce sens tous les auteurs
compétents : Marquardt, Lange, Rein, Herzog, Schiller, Karlowa, Willems, Le-
monnier.
» Tels sont les cas rapportés par Appien, B. L'iv., I, 33, el Dion, LUI, 27. Cp.
Cic, Pro ClKOiliû, 132; Dion, XL, 63 ^(ils d'allranchis exclus du Sénat). « Quant
aux allranchis eux-uièmes, dit Momrasen {l. cit.), on n'en rencontre qui soient ma-
gistrats qu'à l'époque de la décadence la plus complète (Vita Comm., 6; Elag., 11),
et encore toujours probablement avec la concession de l'ingénuité lictive. >
s Lettre de l'iiilippe V au peuple de Larissa [Ath. Mittheiluufjen, VU. 65, 1. 31 s.) :
oi 'PwfJLaîoi . . . ol xai xoù; oixé-rac otxv èXeuOEpaxjw^iv uîioa&cy.ôfxîvot il; tô 7ro).iT£Ujxa
xai TÙ)v àf,-/.£Û.)v [j.£[i:aot]oovT£;. « Scme Anyabe, dit M. Mommsen [Hermès, X\Il,
481 1, ist eiitioe.der ûheitrieben oder es sim/ udter den Frcigelassenen auck deren Des-
cendcnlen mitverstanden. »
* T. Live, IV, 'i, ' : et perinde hoc valet plcbeius consul fiât tanquam sermm aut
Ubertinum aliqins consulem futurum dicat. La leçon des éditions plebtius ne consul
fiât n'olfre, pour moi, aucun sens.
42 llEVUE DES ÉTUDES JUIVES
tion de la désolation, la fin du monde, comme l'eût été l'élection
même d'un esclave. Concluons que, si Q. Cécilius Niger a été
questeur en Sicile — et cela est certain, — iTest non moins certain
qu'il n'était pas de condition libertine, et que Plutarque ou sa
source se sont trompés '.
II
Nous venons de démontrer — un peu surabondamment peut-
être — que, des deux qualificatifs accolés par Plutarque au nom de
Cécilius, l'un est invraisemblable, l'autre impossible : autant vaut
dire que l'anecdote elle-même est controuvée et ne saurait, par con-
séquent, servir de preuve à l'existence prétendue de communautés
juives en Italie et en Sicile antérieurement à l'an 63 avant J.-C. Ce
résultat est important pour l'histoire, mais il ne suffit pas aux exi-
gences de la critique. Plutarque est un historien de bonne foi et
de médiocre imagination : on ne saurait le soupçonner d'avoir fa-
briqué de toutes pièces cette anecdote, dont le fond aussi bien que
la forme trahissent une source romaine; il faut donc essayer de
déterminer quelle est cette source, et aussi, par suite de quelle con-
fusion volontaire ou involontaire l'anecdote a pu prendre naissance.
Ici nous quittons les certitudes pour les conjectures : je demande
l'indulgence pour les miennes.
L'histoire littéraire connaît un autre personnage du nom de
Cécilius, Sicilien comme l'adversaire de Cicéron, et dont on racon-
tait aussi, mais à meilleur droit, ce semble, qu'il était de condition
libertine et de religion juive. Je veux parler de Cécilius de Calacté,
rhéteur célèbre, dont les nombreux ouvrages, aujourd'hui perdus,
ont été souvent cités et plus souvent mis à contribution depuis
Quintilien jusquà Athénée -. La biographie de ce personnage ne
nous est guère connue que par un article de Suidas, dont voici le
début : « Cécilius, Sicilien, de Calacté, qui est une ville de Sicile.
Rhéteur et sophiste, florissait à Rome sous César Auguste et jus-
qu'à Hadrien (?). Suivant quelques-uns, il était d'origine servile>
* Je n'insiste pas sur le cognomen Niger, qui n'indique pas nécessairement un
ingénu. Le seul Caecilivis Niger connu d'ailleurs est un Espagnol mentionné par le
continuateur de César, Bell. hisp.. 35.
* Les Iragments de Cécilius ont éié recueillis par Th. Burckhardt, Bàle, 1863; le?
fragments historiques seulement par C Mûller, Fr. hist. grœc, III, 330 sq. Voir,
en outre, R. Weise, Quastiones Caciiiante, Berlin, 1888 (non vidi ; cf. Bnrsians
Jahresbericht 1890, I. p. 67', et Tarticic Je Caccialanza dans la Rivista di filologia,
XVIII, 1-73.
QUID JUD^O eu M VERRE ? .13
s'appelait d'abord Archagathos et professait la religion juive* ».
A. part la bévue, due peut-être à un glossateur ignorant, qui pro-
longe la vie de Cécilius jusqu'au règne d'Hadrien 2, la notice de
Suidas paraît puisée à bonne source et mérite toute créance. Le
nom romain Cécilius porté par ce rhéteur grec s'explique fort bien
par un affranchissement dû à un membre de la gens Caecilia, pro-
bablement un Métellus ; les Metelli étaient les patrons de la Sicile •\
et, si l'on voulait désigner le mannmissor probable de Cécilius, on
n'aurait que l'embarras du choix entre L. CaBcilius Métellus, succes-
seur de Verres, un questeur du même nom *, etc. On pourrait même
penser à Q. Csecilius Niger lui-môme, le questeur de Verres, «t
supposer que l'auteur copié par Plutarque a simplement confondu
l'affranchi avec le patron. A l'appui de l'origine sicilienne et servile
de Cécilius on peut citer l'histoire des guerres d'esclaves de Sicile,
dont il était l'auteur ^ Le nom même d'Archagathos que Cécilius
aurait porté avant son affranchissement a une physionomie bien
sicilienne : sur quatre personnages connus de ce nom, trois étaient
Siciliens «, et le nom se rencontre maintes fois dans les inscriptions
de l'île'. Enfin, le judaïsme de Cécilius trouve une confirmation
indirecte, mais remarquable, dans un passage célèbre du Traité
du sublime. Cet ouvrage, quoique dirigé contre certaines théories
du rhéteur de Calacté, paraît avoir fait de larges emprunts au livre
analogue qu'il avait composé sur la même matière. Or, au cha-
pitre IX du Traité, l'auteur anonyme donne, comme un exemple
du sublime, l'un des premiers versets de la Genèse : « Dieu dit que
la lumière soit, et la lumière fut ; que la terre soit, et la terre fut ».
Ces paroles sont attribuées par lui « au législateur des Juifs, qui
n'était pas le premier venu ». Suivant l'ingénieuse hypothèse de
Schurztleisch et de Roper^ reprise i)ar plusieurs critiques contem-
porains, il est infiniment probable que l'auteur du Traité n'a pas
eu directement connaissance du texte de la Genèse; il a dû trouver
> Suidas, s. V. KaixO.io; : . . . 'Atto 6oy).wv, w; xtvsç l(7T0f,riy.aTi, xal Tipôxsfov [xÈv
xa).oiJ!JL£vo; 'Af/âyaôc;, Tf|V ôk 66?av 'louôaio;.
> C. Millier suppose que Suidas (ou le glossateur; a confondu Cécilius de Ca'.aclé
avec le jurisconsulle Sextus Cœeilius (Gel!., xx, 1).
3 Ps-Asconius, in Divin., p. 100, Or. Comparer le nom Cn. Pompeius porté par un
rhéteur contemporain, ami de Denys.
* Kaibel, Insc. Sicil., 282.
5 Athénée, VI, p. 272 F (= fr. 1, Millier).
8 Le fils et le petit-fils d'Apatliocle et un citoyen d'Halus, Veri:', IV, 2.% § 51. Cl.
aussi l'amiral syracusain Agatharchos, Diodore, XIII, 13, 2.
: Kaibel, Insc. SiciL, n"' 210-212, 317, 330, 376, 421.
s Philologiis, I, 631. Cf. Berjrk, Griech. Lileraturgcschichte, IV, 553, note 52, qui
rejette, avec raison, l'hypothèse d'une interpolation juive ou chrétienne; (de même
Bernays, Gesammelte Âbh., I, 353).
44 REVUE DES ETUDES JUIVES
la citation toute prête chez son devancier Cécilius et la liberté même
de la paraphrase favorise cette conjecture : le prosélyte citait de
mémoire et fort inexactement, car les mots « Que la terre soit »
ne se lisent nulle part dans la Bible.
Tenons donc pour avéré que le rhéteur Cécilius de Calacté était
un affranchi judaïsant, ce qui ne veut pas dire, comme on Ta sou-
vent interprété, juif ou syrien d'origine. Quelques philologues* ont
prétendu que le renseignement de Suidas était le résultat d'une
confusion avec le Cécilius de Plutarque; cette opinion ne sou-
tient pas l'examen : pour la réfuter, il suffit de remarquer que
Suidas fournit un détail précis, qu'on chercherait vainement
chez Plutarque : le nom Archagathos porté par Cécilius avant
son affranchissement. Quant à identifier les deux personnages,
comme on l'a également proposé, la chronologie, pour ne par-
ler que de cette raison, s'y oppose absolument. Q. Cécilius
Niger, l'adversaire de Cicéron, questeur en 1^ av. J.-C, doit
être né aux environs de l'an 100 ; Cécilius de Calacté est un
contemporain de Denys d'Halicarnasse, qui l'appelle son « cher
ami-», et fut, comme lui, élève d'ApoUodore de Pergarae^,
dont Auguste suivit les leçons dans sa jeunesse; sa floraison se
place donc en même temps que celle de Denys, dans le dernier
quart du i^'' siècle av. J.-C, ou, comme s'exprime Suidas, sous
Auguste. Il est donc impossible que les deux Cécilius n'en fassent
qu'un; mais, d"autre part, comment admettre que deux person-
nages du même nom, l'un et l'autre Siciliens, à trente ou quarante
ans d'intervalle, aient été tous les deux d'origine servile et con-
vertis à la croyance juive? L'histoire ne se répète pas à ce point et
de pareilles coïncidences, il faut le dire, frisent l'impossibilité : il
ne nous reste donc plus qu'à admettre que le signalement authen-
tique de Cécilius de Calacté a été, par erreur, transporté sur le
compte de Cécilius Niger, et que cet anachronisme a suggéré le
ieu de mots prêté à Cicéron, à moins, au contraire, que le désir de
justifier un mauvais jeu de mots n'ait suggéré l'anachronisme.
Mais quel peut être l'auteur de cette étrange confusion? Encore
une fois, ce ne peut être Plutarque lui-même, mais l'écrivain plus
ancien qu'il a copié. Or, si l'on lit avec attention la Vie de Cicé-
> Vossius, Toupius, Bernhardy. Cf. C. MuUer, Frag. hiat. Grœc., III. 331.
- Lettre à Pompée, c. 3 (11, 113 Gros > Les deux rhéteurs sont nommés conjoin-
tement par Quintilien, 111, 1, IG, dans une énumération chronologique. La question
de leur priorité respective a souvent et vainement préoccupé les philologues.
5 Quintilien, IX, 1, 12. Apollodore florissait, suivant saint Jérôme, vers 63 av.
J.-C. Un autre indice que Cécilius survécut longtemps à Cicéron, c'est qu'il écrivit
un parallèle entre Cicéron et Démoslhène (Dcnjs d'Halicarnasse et Suidas, loc. cit. ;
Plut., Demosth., 3).
QUID JUDiEO CUM VERRE? 45
ron, on reconnaît sans peine que, pour le fond du récit, !e bio-
graphe grec a suivi une source unique et très sûre, probable-
ment la biographie latine de Tiron ', en y intercalant des détails
accessoires empruntés à la correspondance même de Cicéron ou
à divers auteurs contemporains. Ce fond proprement historique
est saupoudré d'une série d'anecdotes et de bons mots, dont la
rédaction porte un air de famille et révèle également une souice
romaine. On ne saurait douter que cette source ne fût le recueil
en trois livres de Joci Ciceronis, qui courait sous le nom de Tiron,
et qui est cité plusieurs fois depuis Quinlilien ^ Quintilien lui-
même, bon juge en pareille matière, suspectait l'authenticité de
ce recueil : utinam libertus eiiis Tiro, dit-il, aut alius quisqids
fuit qui très Me de rj libros edidit, parcius dictomm tiionero
indulsisseil Si, comme tout porte à le croire, l'anecdote sur
Cécilius dérive du recueil des Joci, il faut voir dans ce fait une
confirmation des doutes de Quintilien ; car il est peu croyable
que le confident et ami de Cicéron, affranchi lui-même et ayant
eu à souffrir, comme tant d'autres, des préjugés sociaux et des
inégalités politiques dont cette classe de citoyens était l'objet, il est
peu croyable, dis-je, que Tiron ait pu confondre l'ancien adver-
saire de son patron avec son confrère en IWertinité q\. en littéra-
ture, Cécilius de Calacté. Une pareille erreur de perspective n'a
pu être commise qu'à distance, quelque temps après la mort du
plus jeune et du plus célèbre des deux Cécilius, sans doute aussi
quelque temps après la mort de Tiron. Or, Tiron étant mort cen-
tenaire vers Tan 20 après J.-C. », c'est à cette époque, au com-
mencement du règne de Tibère, qu'on placera la rédaction du
livre des Joci. L'erreur palpable dont l'auteur est convaincu
dans le cas de Cécilius est de nature à ébranler notre confiance
dans la véracité du recueil tout entier, et les futurs critiques de
Plutarque feront bien de passer au crible tous les renseigne-
ments dérivés de cette source qu'on lit dans la Vie de Cicéron.
Au reste, l'emploi inconsidéré qu'en a fait Plutarque n'est pas la
• Cf. Peler, Quellen Plutarchs, p. 129 suiv. Tiroa est cité expressément deux fois
(c. XLi et xi.[x).
« Quintilien, VI, 3, 5; VIII, 6, 73; Macrobe, II, 1, 12 ; Scol. Bob., in Se«^,
p. 309 Or. Un recueil analogue avait été entrepris, du vivant même de Cicérun, par
C. Trebonius (Cic, Ad fam., XV, 21). et Macrobe, II, 1, 13, cite un mol de Cicé-
ron, d'après une compilation (les Lucubrationes'i) de b'urius Bibaculus. Jules César
avait inséré des « mois > de Cicéron dans une compilation du même genre [Ad
fam., IX, 16, 4 ; cf. Suétone, Jul., 56).
» Saint Jérôme (sur Eusèbe), ad ami. Abr. 2013 (= i av. J.-C.) : Tiro... usqiie
ad ccntesimum annuni consenescit. Il ne faut pas conclure de la date de celle mention
que Tiron tût né en 104, car, en 50 avaui J.-C, Cicéron le qualide encore d'adoles-
cens [ad Att., VI, 7, iin.).
46 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
seule légèreté de ce genre qu'on soit en droit de reprocher au
biographe de Chéronée : on sait depuis longtemps que si Plutarque
a droit à notre estime par son talent, son érudition et son honnê-
teté, le sens critique n'est pas son fort. Mais comment justifier
que l'érudition moderne, d'ordinaire si soupçonneuse, n'ait pas été
plus clairvoyante que l'aimable biographe dans un cas où la
fraude, pour ainsi dire, éclatait aux yeux. !
Pour nous résumer, voici, croyons-nous, les conclusions qu'on
peut tirer de cette analyse :
Cécilius Niger, l'adversaire de Cicéron, l'ancien questeur de
Verres, n'était ni juif de religion, ni affranchi de condition.
Si on lui a attribué cette double qualité, c'est par une confusion
avec son homonyme et compatriote le rhéteur Cécilius de Calacté.
Le mot Qiiid Jiidœo cum Verre? est apocryphe. Plutarque l'a
emprunté sans réflexion au recueil des Joci Ciceronis attribué,
sans doute faussement, à Tiron.
Il n'y a aucune raison d'admettre l'existence de communautés
juives ou d'une propagande juive en Italie ou en Sicile avant la
prise de Jérusalem par Pompée '.
Théodore Reinach.
1 Je ne puis terminer ce travail sans exprimer le vœu qu'il se trouve un savant
Israélite pour reconstituer la personne et l'œuvre de Cécilius de Calacté. L'absence
totale de son nom a lieu de surprendre dans l'excellent ouvrage de Schûrer ; Graelz
ne le mentionne pas davantage. Quoique juif de religion seulement, et non de
naissance, Cécilius a droit à figurer, comme Hellène judaisant, à côté de la pha-
lange des grands Juifs hellénistes, Anstobule, Philon, Josèphe. 11 serait piquant
de montrer ce fin restaurateur de l'atlicisme en littérature, faisant adhésion au ju-
daïsme en religion, et témoignant par là que, si la lumière du beau rayonne de l'acro-
pole d'Athènes, c'est ailleurs que l'humanité doit chercher le pain de l'âme.
LE VAV CONVERSIF
On sait qu'en hébreu la même forme verbale qui sert de passé
exprime le futur, lorsqu'elle est précédée de la conjonction vav,
et que, inversement, la forme employée pour le futur prend l'ac-
ception du parfait, quand elle est précédée de la même conjonction
(ponctuée, à la vérité, un peu différemment) '. Ce phénomène
doit-il s'expliquer par l'hébreu seul, ou bien la comparaison des
autres langues sémitiques peut-elle nous aider à le comprendre?
Voilà ce que nous voudrions examiner dans la première partie de
ce petit travail. Dans une seconde partie, nous rechercherons
dans quelle mesure les différents livres de la Bible observent la
règle du vav conversif.
EXPLICATION DU VAV CONVERSIF.
Ewald-, Buttcher ^ et d'autres grammairiens modernes ont
remplacé le nom de vav conversif par celui de vav consécutif.
Cependant Ewald lui-même reconnaît que le terme de vav conver-
sif est admissible si l'on entend par là qu'après ce vav, l'imparfait
est substitué au parfait et réciproquement. 11 ne deviendrait im-
propre que si l'on attribuait au vav même le pouvoir de changer
le passé en futur et vice versa^. Comme en grammaire, la ter-
minologie est toute de convention, nous ne voyons aucun incon-
• Quand le futur est au mode impératif, il n'est pas modifié par l'emploi de la
conjonction vav, par exemple, !l3T3NT ..."rb 'ib (Gen., xii, 1 et suiv.).
* Grammatik der hebrdischen Spracke, 1835, p. 161,
•* Attsfnhrliches Lehrhich d. hebr. Sj)>'', p. 192.
♦ Ibid., 1870, p. 594, n. 2. Voir aussi Kœaig, Lehrgebâude der hebrcbischm Sprache^
p. 162.
48 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
vénient à garder le nom de vav conversif. Au contraire, le terme
de vav consécutif a le désavantage d'impliquer une théorie qui
est loin d'être démontrée. D'après Ewald, on emploie l'imparfait
après le parfait, parce que l'action exprimée par le second verbe
est la conséquence de l'action exprimée par le premier verbe,
exemple irr^i i-2i< « Il a dit en sorte que cela fut ». L'exemple est
très bien choisi, mais il ne suffit pas à justifier l'emploi général de
l'imparfait à la place du parfait. Parce que, de deux actions coor-
données, la seconde est souvent amenée par la première, s'ensuit-
11 que la conjonction et soit constamment à interpréter par « en
sorte que * » ?
Ensuite, comment se fait- il que, si un mot quelconque sépare la
conjonction du verbe, on ne puisse plus employer l'imparfait?
L'action est-elle moins consécutive quand le verbe est précédé du
sujet ou d'un adverbe ?
La théorie d'Ewald est encore plus arbitraire, quand il s'agit
d'expliquer comment le parfait précédé de la conjonction se substi-
tue à limparfait. Ewald se contente de dire que l'imparfait consé-
cutif a pour contre-partie le parfait consécutif, comme si, par
amour de la symétrie, il avait fallu compliquer la syntaxe
hébraïque ' !
Nous conserverons donc la dénomination du vav conversif, sans
attacher au mot plus d'importance qu'il ne convient. En effet, non
seulement on ne peut admettre que le vav produise une interver-
sion des temps, mais encore il faut se demander si réellement un
temps se substitue à l'autre. En d'autres termes, au lieu de croire
qu'une même forme prend des acceptions opposées, il faut voir si,
au contraire, il n'y a pas eu fusion de formes primitivement diffé-
rentes, et c'est pour retrouver ces formes dans leur état originel,
' Il est bon de noler que là où le vav a incontestablement le sens de pour que,
en sorte que, on emploie bien Timparfair, mais le vav prend un scheva et non un petah.
Le verbe est alors le plus souvent au mole impératif. Nous citerons comme exemples :
"IjTCN"''! Gen., xui, 20; p^Dl (= ppTll) Ex., ii, 7; rî13SNT »*»!''., xiv, 4, 17;
1N2"^T î*«rf., N-PI Lév,, IX, 6; nTD"'"l Nomb., xxiii, 19; ûnSn"*! ibid., rinp^'T
Deut., XXX, 12, 13; i;y?3"0"^T ibid.; r!rO:'jT ibid. ; ai*5:>iîT I Sam., xii, 3 ; -^nm
IRois, I, 2, 3i"C21 ibid., xii, 9; Tn''0"'T Û^NCî^l Isaie, xli, 29; ir;S"i;T ib.,
LUI, 2; irn7:n:i if>i'l.; ITri Ez.. sn-, 7; by^^^ ibid.-, pa-^n Osée, XIV, 10;
ûrT«T ibid. ; NCNT Ps., lv, 13; "inONI ibid.; -IT^UÎ^'T ibid.. cvii, 43; ISriSniT
ibid.; •r.yz'"i Job, xxxviii, 13; l3i\"T'"l ibid., 14; ir'?''! ibid., 35; "n?:N"'T ibid.;
S'îCNT ibid., xl, 3; ■|2"^",:;"^1 Lam., i, 19; '7?:n:NT ibid., ii, 13. De même, après
^yfzb, exemples 'C'Sn Ex., xxiii. 12; nb"'2C""i n7:"'"w"'T l^'T^ Is.. xli, 20 ; i;"«2m
irrNm ibid., xliu, 10; "l-lSO'^' Ps., lxxviii. 6; ■173-«U;"'T ibid., 7.
» Pour Bôttcher, le futur et le parfait coasécutifs ont le même sens que le futur et
le parfait sans vav. Il est inutile de dire combien on est forcé de torturer les textes
pour justifier celte assertion.
LE VAV CONVERSIF 49
qu'il y a lieu de faire intervenir les autres langues sémitiques.
C'est ce que nous allons essayer, tout en reconnaissant, par
avance, le caractère très hypothétique de nos conclusions.
Tout d'abord, il faut bien remarquer que ce n'est pas l'adjonc-
tion de préfixes ou de suffixes qui fait qu'un verbe devient futur
ou passé. Il semble, il est vrai, que la différence essentielle
entre la forme du parfait et celle de l'imparfait consiste en ce que
l'un est suivi des affixes pronominaux, tandis que l'autre en est
précédé; mais il est facile de démontrer que la place des pronoms
ne détermine pas le temps. En effet, si des pronoms seuls dépen-
dait le sens du verbe, les affixes une fois enlevés, le thème du par-
fait devrait être le même que celui de l'imparfait. Or, si l'on sup-
prime -T dans \-npD et n dans ipsN. Tpji et npç diffèrent encore
beaucou}). La véritable caractéristique du parfait est que la pre-
mière radicale a un a, celle de l'imparfait que la première con-
sonne a un scheva '.
En outre, nous trouvons en assyrien les préfixes employés aussi
bien pour le parfait que pour l'imparfait, ce qui prouve qu'un
verbe avec préfixe n'est pas nécessairement un imparfait.
Enfin, de quelque façon qu'on explique le phénomène du vav
conversif, on est obligé de reconnaître qu'un verbe avec préfixe
peut s'employer pour le parfait et qu'un verbe avec suffixe peut
servir d'imparfait.
Cela posé, voyons si la forme ':^-:^, qui est un futur, est iden-
tique avec ips-^în), qui sert de passé. La même question se posera
pour nps et ipsn.
On a remarqué depuis longtemps qu'avec le vav conversif on
emploie le futur apocope, qui est identique avec le futur impératif
et répond au conditionnel arabe. Ainsi, on dit '^yz'^ à l'indicatif,
mais TpD;^ à l'impératif et, avec le vav conversif, npo^n ; de môme,
nrû^ à l'indicatif, aiy-j à l'impératif et nx-n (pause ncp) ; de
même encore nsç», "jd» et IdI'I*. Or, il est curieux de noter qu'en
' Nous essayons ailleurs de démontrer que l'absence de voyelle sous la première
radicale n'est pas due à la présence des préfixes, et que, avant même que les pro-
noms se lussent soudés au verbe, i'imparlait n'avait pas de voj'elle sous la première
radicale.
* Si le futur impératif et le parfait préfixé ont une même origine, c'est cependant
par une fausse analogie que ce dernier a pris à la 1" personne la terminaison îi
Cette terminaison, d'ailleurs, est rare dans les parties anciennes de la Bible. Au sin-
gulier, on la trouve : Gen., xxxii, 6 ; Nombres, viii, 19 ; Juges, vi, 6. 9. 10 ; x, 12 ;
XII, 3 ; II Sam., vu, 10 ; xii, 18 ; xxii, 24 ; Jér., si, 18 ; xxxii, 9 ; Ez., m, 3 ;
IX, 8 ; XVI, tl ; Ps., m, 6 ; vu, 5 ; lxix, 11, 21 ; cxix, 3;i, 59, 106, 147, 158, 162 ;
Job, 1, 15, 16, 17, 19; xix, 20; EccL, i, 17; Dan., vai, 13, 15, 17; ix, 3, 4; Esd.,
T. XXVI, H" 51. 4
50 REVUE DES ETUDES JUIVES
arabe même le conditionnel est quelquefois l'équivalent du parfait.
Après la conjonction in « si » on emploie indifféremment le par-
fait ou le conditionnel. Après la négation lai/i on emploie le con-
ditionnel dans le sens du parfait. Inversement, le parfait sert
d'optatif comme le conditionnel dans des formules telles que rxiirn
!-;y?kN « Dieu ait pitié de lui ». Il est permis de conclure de là que
la forme verbale qui exprime l'impératif peut servir en même
temps de parfait. On comprend que, lorsqu'on énonce un ordre ou
un souhait, on le considère comme étant dt^jà accompli. S'il en
est ainsi, on conçoit que "pD"^! soit un parfait, car ce n'est pas la
même forme que l'indicatif futur ; c'est une forme identique à
l'impératif et qui sert de parfait à côté de ij^z.
En assyrien ifqud est toujours un parfait et répond donc exac-
tement à l'hébreu "pD"', quand il est précédé du vav conversif. En
éthiopien yafqecl n'est pas non plus le futur indicatif, mais seule-
ment l'optatif. On se sert pour l'indicatif, comme en assyrien,
d'un autre thème, ainsi qu'on le verra plus loin.
De la comparaison de ces différentes langues il ressort, à notre
avis, que la forme p'ul {p'al,p'U) n'est par elle-même ni un passé,
ni un futur, et c'est pourquoi elle a pu devenir l'un et l'autre. En
VII, 28 ; VIII, 15, 16, 17, 25, 26, 28 ; ix. 3, 6, 15 ; Néh., i, 4 ; ii, 1, 9, 13 ; vi, 8,
11, 12; VIT, 5; xiir. 7, 8. 9, 10, 11, 13. 17, 19; xxi, 22, 30. Au pluriel on ne la
rencontre que Gen., xLiii. 11 ; Ps., xc. 10; Esd., viii, 23, 31 . Là même où la ter-
minaison rt ne s^est pas introduite, lanalogie du iutur impératif a eu pour effet de
substituer le p"iO au D*5n et du p"in au i"|^ (sauf "TjblNT Deut., sxix, i; Amos,
II, 10; n^NT Jér. . xxxii, 10). Ce qui prouve qua Torifrine la 1" personne avait la
même vocalisation que les autres personnes, c'est que les maires lectiones manquent,
surtout dans les parties anciennes de la Bible. Ainsi : û\yNT Gen., xxiv, il ;
Deut.. X, 5; Is.. li, 6; Jér., xiii. 2; N3N1 Ex., xxix, 4; ypsi Lév., xx, 23;
Vn2NT ibid.,26; "^r'^iNl Deut., ix, 21; ni'ïîT IRois.ii.42; NnnNT i'*., xviu, 13 ;
DpNI n Rois, m, 21; ISNT Jér.. xlii, 21 ; N:C"|NT Ez., xxviii, 18; "inONT «'* ,
XXXIX, 23; 2"tî5N1 Zach., vi, 1; "riDNT ibi(f., xi, 8. Le i/od se trouve dans Jos..
XXIV, 6, 8; I Sam., x, 18 ; xii, 1 ; Is., xlvih, ;i ; Jér., ii, 7; xi, 8 ; Ez.. xxxvi,
19; Amos, ii, 9, 11; Zach.. xi, 13; Mal,, i. 3; Néh.. n, 18, 20; iv. 7; Il Chr,,
VI, 11 ; le tav. Ez.. m, 23 ; Néh., n, 15 ; iv, 8 ; II Chr., vi, 10. Dans les verbes à
troisième radicale i/od, la première personne est souvent apocopée, Gen., xxiv, 46;
Ez., VI, 3; Nomb,, xxiii, 4 ; Deut., m, 18; ix, 15. 10; x, 3 ; Jér., xv, 6; Ez., i, 4 ;
XI, 16; XII, 7; Zach., iv,4; Ps., xviii, 24 ; xxxviii, 15 ; LXix, 12; Néh., i, 3; ii, 15.
Le futur terminé en n est cependant aussi fréquent, Gen.. xxiv, 48; Deut., i, 16,
18; Jufî., XII, 3; I Sam,, xxvi, 21 ; II, Sam., vu, 9 ; Is., vi, 1; Jér., xiii, 2 ;
XXXI. 25; xxxii, 9, 13; Ez„ i, 1; viii, 2, 10; xvi, 8; Am., iv, 10; Ps., xiv, 11, 21;
Prov., XXIV, 32 ; Job, vu, 20. Il est dillîcile do déterminer si n représente la con-
traction de la voj-clle radicale avec la terminaison n ou bien si c'est seule-
ment la vo3'elle radicale, les verbes en yod n'étant pas toujours apocopes
même aux autres personnes; ainsi I Rois, xviii, 32, 42; xix, 8; xxii, 35, 54
II Rois, i, 10; II, 14 ; m, 2 ; iv, 23 ; xiii, 11 ; xxii, 19; Jér., xx, 2 ; xxivi, 26
xxxvii, 21; xixviu, 16; xliv, 17; LU, 37.
LE VAV CONVERSIF .^1
assyrien, elle est devenue parfait; en éthiopien, optatif. En arabe,
yafqiid a pris différents sens à l'aide des désinences. Avec u
[yafqud-n), c'est un indicatif; avec a, c'est un subjonctif; sans dé-
sinence, c'est un conditionnel ou un optatif et quelquefois un par-
fait. L hébreu a eu très probablement pendant une certaine période
les mêmes distinctions, mais les désinences des modes dans les
verbes, comme celle des cas dans les noms, sont tombées et, par
suite, il n'est plus resté que l'indicatif et l'impératif, celui-ci em-
ployé également comme passé de l'indicatif après le vav. La diffé-
rence de vocalisation entre 3r::\ par exemple, et n=:3\ entre vpD-^
et '7;?2-' ne s'explique que si l'on suppose que l'indicatif, en hé-
breu, comme en arabe, avait une terminaison, tandis que l'impé-
ratif n'en avait pas. En effet, le pno de nr^îM^rovient d'un ancien
tt long, tandis que le abn de 3=:;-^ provient d'un ancien u bref. Vu
était bref à l'impératif parce qu'il se trouvait dans une syllabe
fermée [ijasub], tandis que 1'^^ de l'indicatif était dans une syllabe
ouverte, la troisième radicale étant suivie d'une voyelle yasii-hu.
De même, dans r ps'^ le pnn provient d'un l qui était dans une syl-
labe ouverte : yafqidu, tandis que, à l'impératif, la syllabe était
fermée yafqid : L'i s'est alors changé en ni:. Le subjonctif, ayant
eu primitivement une désinence, ne pouvait pas être vocalisé
autrement que l'indicatif, une fois la terminaison disparue. Pour
le sens, le subjonctif se rapprochait davantage de l'impératif, c'est
pourquoi on trouve ce dernier mode après certaines conjonctions,
telles que -^biN (Gen., XXXII, 30; 1 Rois, xviii, 5, 27 ; Jér., xx, 10;
XXI, 2; xxvi, 3; xxxvi, 7), pizh ' et après le vav, quand il signi-
fie « pour que » -.
Ainsi, au lieu d'admettre que YpD;«T est un imparfait qui a fini
par devenir un parfait, parce qu'il était employé à la suite du par-
> Voyez les exemples ci-dessus, p. 48, n. 1,
« C'est peut-être aussi le subjonclirqu'il faut voir dans Pimparfail après TwN, exemple
^■^'«^1 TN [Ex., XV, \). En elfet, en arabe on trouve idhait employé d'une' manière
analogue avec le subjonctif. Il est vrai qu'en arabe le verbe ainsi employé indique
une action future, tandis qu'en bébreu il a ie sens du passé; mais on comprend que
l'imparfait subjonctif dépendant de TN puisse s'appliquer à tous les temps. ->,v^i
dans -i^a-^ TN, n'est donc ni l'indiccuif, qui ne saurait désigner qu'une action future'
m limperatil, car il faudrait n'ç;^^ mais le subjonctif régi par TN. On peut égale-
ment supposer que la désinence a de la 1" personne du futur impératif (nipDN) est
identique à l'a du subjonctif. On a comparé, il est vrai, et avec raison, celte termi-
naison, ainsi que l'a de l'impératif avec l'énergique arabe, mais la question est de
savoir si l'énergique arabe ne peut être expliqué de la même façon. Au lieu de dire
que n^ dans nbapN est pour an, il est plus simple dire que an dans aqtulan ou
anna dans aqtulanna est composé de a, plus la particule na (bébreu Nï). Le redou-
blement du noun dans anna étant, comme le daguescb de N". diVà la pre.=sion
(p'^m) exercée sur la particule monosyllabique.
52 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
fait, nous croyons que ipc'^ et nps^i sont deux formes différentes
{yafqûdu et yafqud), qui se ramènent, à leur tour, à une même
forme [pqud) de sens indéterminé.
Si la différence grammaticale qui existe entre ipp*; et "pv'i ^st
encore visible dans certains verbes, il semble bien que 12° ^t
^p2îl soient une même forme. Mais là encore il faut se défier des
•-T
apparences, car la grammaire comparée montrera qu'en réalité,
nous avons devant nous deux formes qui ne sont pas identiques.
Que la forme pa'al puisse exister comme futur, c'est ce que nous
montrent l'éthiopien et l'assyrien. L'impaifait indicatif dans ces
deux langues a, il est vrai, des préfixes, mais nous avons déjà dit,
que la place des affîxes pronominaux n'a pas d'importance. Ce qui
est essentiel, c'est la vocalisation du thème verbal; or, en éthio-
pien et en assyrien, la première radicale a un a à l'imparfait :
[yefaqed^ ipaqid). Toutefois, et c'est là un point capital, ce thème
se distingue du thème du parfait hébreu, grâce à la place de
Vaccent tonique. Dans le thème du parfait hébreu, la deuxième
syllabe a le ton, comme le prouvent les nombreux dérivés du par-
fait, qui allongent la seconde voyelle, exemple lips (de paqâd)
correspondant à i-s, t^^d correspondant à ^-d (paqid) et -npo à
npt. Au contraire, l'imparfait assyrien a le ton sur la première syl-
labe radicale, comme on le voit par le redoublement fréquent de la
seconde radicale : ipâqqid pour ipaqid. C'est également la voyelle a
qui est accentuée dans yefaqed en éthiopien. Et, de même que le
parfait pa'al a donné naissance à des noms avec deuxième voyelle
longue, de même l'imparfait pà'al et surtout pâ'il a donné nais-
sance à des noms avec première voyelle longue, dont le plus im-
portant n'est autre que le participe actif 5;?i^ {depail). L'allonge-
ment de la voyelle provient sûrement du ton, qui primitivement était
sur la première syllabe de bj'is, et qui n'a changé de place que lors-
que les suffixes des cas sont venus s'attacher aux noms. Le ton a
passé à la seconde syllabe, mais la voyelle longue est restée. Le
participe a donc pour origine le thème du futur. Les grammai-
riens arabes ont senti l'affinité du participe et de l'imparfait,
car, pour eux, l'imparfait est le remplaçant du participe : bro'ïN
bj^Nobb ynî<i?:'5i<. En hébreu même, le participe actif exprime
très souvent une action qui va s'accomplir, par conséquent future.
A côté du participe, il est probable que la forme po'al, comme
ub^y, les adjectifs de la forme pa'al, comme 23a, et pV'êl (pour
' On ne peut rien conclure de l'accentuation de TpD même, parce que radjonclion
des suffixes, puis leur chute, a modifié raccenluation des mots hébreux.
LE VAV CONVERSIF 53
pa"êl], comme 533>, où le daguescli doit avoir pour cause l'accent
tonique primitif, se rattaclient à l'ancien \m\)a,\:i-à\ipa'alo\ipa'ilK
On est, dès lors, amené à supposer que la forme pa'al, qui,
précédée de vav, exprime en hébreu le futur, dérive de la forme
pa'al avec ton sur la première syllabe. La ressemblance absolue
des deux formes 'jpo et ^pai ne serait donc que secondaire. Peut-
être même la différence primitive du ton a-t-elle laissé une trace
dans l'accentuation actuelle de ^^npD et \mpDT. Le premier est
b:>bw et le second 5>-ib72. Il est admissible que -«mpD a conservé le
ton sur la seconde syllabe, comme cela était même avant l'adjonc-
tion des suffixes, tandis que, dans ^^^pD^, le ton qui était à lori-
gine sur la première syllabe n'a pas empêché le suffixe pronomi-
nal d'être accentué, et s'est réduit à un semi-ton * ou contre-ton,
les règles de la prononciation ne permettant d'accentuer que la
dernière ou l'avant-dernière syllabe des mots. Il est vrai qu'à la
pause ^mpDT est byb?2, mais l'analogie des formes pausal^s a pu
exercer ici d'autant plus son influence que les exemples de verbes
avec la conjonction vav terminant une proposition devaient être
assez rares '.
En résumé, dans la langue sémitique primitive il y aurait eu
pour le qal * deux formes fondamentales : l'une pa'al {pa'il pa'ul),
lorsqu'elle avait le ton sur la deuxième syllabe, était un passé,
et lorsqu'elle avait le ton sur la première était un futur, et l'autre,
p'al [p'U, p'iil), ne désignait pas à l'origine un temps déter-
miné, mais est devenue ensuite, suivant les dialectes ou suivant
les- désinences qu'elle a prises, un imparfait ou un parfait.
Pourquoi pa'cU (passé) et pâ'al (futur) ont-ils reçu en hébreu
des suffixes, tandis que p'al a reçu des préfixes? Nous hasarde-
rons la supposition suivante. On sait qu'en hébreu on a l'habitude
de mettre le mot imiiortant en tète de la proposition. Or, pa'âù et
pâ'al paraissent avoir exprimé des actions précises et détermi-
» 11 est probable que le dague ch du puH et la voyelle longue du pôêi ont uue
origine semblable, mais ce n'est pas ici le lieu d'y insister.
* Si la voyelle de la première radicale n'est pas tombée complètement, cela
lient d'abord à ce que cttle voyelle avait primitivement le ton, mais aussi à l'analo-
gie du parlait ipD. Les deux formes pâ'al et pa'âl ont fini par être assimilées com-
plètement, tout en n'étant pas accentuées de la même manière.
* 11 faudrait mudilier en ce sens ce que nous disions de l'accent tonique en bébreu,
Revue, XVI, p. 76. La supposition qu'il y avait une tendance à commencer les
mots par une syllabe non accentuée devient inutile. Pour les irapariaits apocop'^s
comme Dti"'T, nous croyons que la conjonction et le prétixe réunis l'emportent sur le
monosyllabe verbal; c'est pourquoi le préfixe a le ton. A la pause, c'est le thème
verbal qui reprend la suprématie. Cette raison peut expliquer aussi l'accentuation de
"rnpDT à la pause.
* Les autres formes ont dû se modeler sur le qal.
54 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
nées : le verbe est alors mis avant le sujet; au contraire, p'al ex-
primait à l'origine une idée indéterminée et vagae ; le sujet a
alors pris la première place, et est resté comme préfixe, alors
même que p'al, grâce aux désinences de mode, avait fini par
prendre des acceptions plus nettes.
A l'aide des hypothèses déjà formulées, on comprend aussi
pourquoi l'hébreu a réparti les passés et les futurs de telle sorte
qu'on em[)loie "»mp2 et Tp^Ni comme passés, ipîx et "^mpsT comme
futurs. En effet, le parfait TinpD a conservé son accentuation pre-
mière, la notion de passé qu'il exprime n'est donc pas obscurcie;
or, comme c'est naturellement le premier verbe dont on se sert
qui doit indiquer clairement le temps auquel on pense, %-i'ip: de-
vait logiquement être employé en tête d'une série de passés. Pour
un second verbe, il était moins nécessaire d'employer une forme
très précise.. Or, l'esprit sémitique a une tendance à commencer
une seconde proposition par où la première a fini. On dira, par
exemple : Pierre est bon et mauvais est Paul. C'est ce que les
Arabes appellent laff loanaschr (enveloppement et développe-
ment), et on peut y comparer la disposition des inscriptions
houstrophedon, qui vont de droite à gauche puis de gauche à
droite. Le sujet dans -ripa étant après le verbe, on est porté à
continuer par le sujet et à donner seulement ensuite le verbe :
'i'pr:iiii'\ fera donc la suite de \-i'7p:. On se sera habitué plus tard à
employer toujours avec le vav ipsx comme passé.
Par cela même que, avec le vav, npDX servait de passé, sans
vav (et avec désinence u) il devenait un futur plus net que \-inpD
tjui n'avait même plus son ancienne accentuation; il a donc été
employé comme premier verbe, et, toujours en vertu du laff
loanaschr, "^mps, en tant que futur, a pris le second rang ; et de
même que npESn était devenu définitivement un parfait, \Tîp-:T
est devenu définitivement un imparfait.
lî reste encore à expliquer pourquoi la conjonction vav a de-
vant les préfixes un petah et est suivie d'un dagiiescli. Mais ici
nous n'avons qu'à suivre Bottcher, qui a comparé avec beaucoup
de raison le ;ifia/î avec daguesch qu'on trouve dans n^sa, r^as.
Lorsque deux particules monosyllabiques s'agglutinent, on est
porté à prononcer plus fortement la seconde consonne, de façon à
donner plus de corps au mot ainsi formé. Bien que les préfixes
pronominaux précédés du vav ne se détachent pas du verbe, ils
forment néanmoins avec le vav une particule composée '. Dans le
' Le daguesch qui suit le hé interrogatif dans une consonne avec scheva a peut-être
la même origine. Primitivement, ce daguesch aura été mis dans les prépositions
LE VAV CONVERSIF
Tiitur impératif, le vav n'est lié qu'accidentellement au préfixe,
c'est pourquoi il garde sa ponctuation ordinaire.
II
EXCEPTIONS A LA RÈGLE DU VAV CONVERSIF.
Si nous quittons le terrain des hypothèses relatives à l'origine
de la règle du vav conversif pour en examiner l'application dans
les différents livres de la Bible, nous constatons que dans la pre-
mière partie de la Bible, qui va de la Genèse aux Rois, on n'em-
ploie que très rarement le vav coordinatif à la place du vav con-
versif. Il est même probable que les exceptions qu'on y trouve sont
dues à la négligence des copistes, quand ce ne sont pas de simples
fautes de ponctuation. Les remarques suivantes le montreront.
Dans la Genèse on trouve quatre fois la 3« personne masc. sing.
du passé hifil précédée du vav coordinatif, à savoir : iTpNm (xv,
6), np^'r>^ (xxi, 25), r^boï^T (xxxi, 7), o-inr^T (xxxiv, 5). On re-
marque qu'aucun des quatre mots n'a de i/od entre la deuxième
et la troisième radicales, et cette coïncidence, qui ne peut guère
être fortuite, nous fait croire que ces mots ne devraient pas être
ponctués comme des passés, mais que ce sont des infinitifs abso-
lus, comme innîi (Gen., xli, 43), nmrîT (Ex., xxxvi, 7), etc. Les
ponctuateurs, plus habitués par le langage rabbinique aux passés
avec vav coordinatif, qu'aux infinitifs, auront pris ces verbes pour
des passés. La vraie vocalisation de ces mots serait donc : l^pN^tn,
n^im. tlbriïii ià-in!in. Dans la Genèse (xxviii, ti), on rencontre
encore nbon comme passé, qu'il faut peut-être lire aussi nrin. Le
verset, d'ailleurs, parait altéré, -^"13 et isnnn étant redondants.
Dans l'Exode on trouve r^D^^ (xxxvi, 38 ; xxxviii, 2S), p':;ni
{ib.), yirpi (xxxix, 3), que nous serions disposé à prendre pour des
infinitifs : ^tsitn, P"ù?m, yipn.
-ûTi (Nombres, xxin, 19) en parallélisme avec n7ûLX est peut-être
une faute pour nm .
yWwHi (Deut., II, 30) doit aussi sans doute êlre lu y^CwSi.
Dans Josué vi, 8, 13, on rencontre i:>pm, mais dans ce même
2, 'D, b, qui, avec le he', formaient une particule composée, comme dans Û'^ïtl/ûS!!.
Puis, on aura mis le dapuesch là même où les lettres b, 0, 3 étaient de la
racine, comme n3n3^i, et finalement dans toutes les lettres, exemple r^îT^C".
56 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
verset, on trouve aussi yipni^ ce qui nous autorise à penser que
dans i:?pm il y a eu transposition du vav.
Le cantique de Déborah (Ju<,'es. v) contient trois passés avec
vav dans le verset 2ô : rritnsi. riTcbm, n^bm, à côte de npnr sans
vav. On peut supposer que le vav des autres verbes est dû à une
erreur. Avec les termes parallèles on laisse facilement la conjonc-
tion de côté*. De plus, rtxnn est précédée de rcN-i, qui termine
par un vav ; ce vav aura pu se dédoubler. Les Juges présentent
encore le mot bsn (vu, L3), que nous lirons Vz:^ , cf. yis;-! (ibid.,
V, 19) et "ib^'i (xvi, 18), qui, s'il n'est pas une faute pour l'^y^'i,
pourrait être ponctué i?:?i.
Dans I Sam., iv, 19, nr:i est certainement une erreur pour rri,
comme suite de npbn bx. — Le mot n7:NT (v, 7), s'il n'est pas
pour m73NT ou i-'i7;n"'t, peut être considéré comme un imparfait :
« Et les (gens d'A.sdod) disaient ». Il est, en outre, possible que
iNn"""! dans ce verset, vienne de ï<-p et aurait dû avoir un méicg
sous le yod; dans ce cas, au lieu de i-i/:Nn, il faudrait i-i::n\ et
le sens serait : Et les gens d'Asdod craignirent, car ils disaient
ainsi. — rt'p'-.'i (xxvi, 9) peut être lu r:p:n, s'il n'y avait pas primiti-
vement rîpn.
Dans le second livre de Samuel (vu, 11), on rencontre T'srri,
mais le passage parallèle des Chroniques (1, xvii, 10) a la leçon
exacte i;n% car c'est le prophète qui annonce que David bâtira
un temple. Le mot 'n est donc de trop; il est d'ailleurs redondant
avec 'r, de la fin du verset-. Puis -farm (xii, 31), qui, s'il n'est
pas un imparfait, peut se lire T'arriT, Le yod se trouve assez
souvent à l'infinitit' absolu (Is., i.ix, 4; Jér., x, 5; xiii, 32 ; xxxvi,
16; XLiv, 4, 17; Amos, ix, 8; Zach., xi, 10. Quelquefois même,
le yod a fait ponctuer la seconde radicale d'un pin, de sorte que
l'infinitif premier a été remplacé par le second (Josué, iv, 3; Jér.,
X, 33 : Ez., vji, 14 ; xxi, 31 ; Ps., lxxvii, 2). — Nous changerons
également b?;-! (xiii, 18) et ncn (xvi, 16) en br;i et nr:?"!.
Dans le premier livre des Rois yb-pi (vi, 32, 35) et nciii {ibid).
nous paraissent également des infinitifs. Le passé y a été substi-
tué, comme dans les passages semblables de l'Exode. L'infinitif
devait être employé surtout là où l'on racontait une série d'opéra-
tions. Pour nrir'm (viii. 47) il n'y a guère à douter que le vav ne
soit de trop, car i::?':;n, qui vient après, n'a pas la conjonction, et
le vav de n3N::n, qui précède, a pu facilement se dédoubler. Dans
' Voir plus loin p. 58.
• Le verset des Chroniques est lui-même altéré : au lieu de rC^^T, il faut ri"<3 "^S,
le D est tombé à cause de "jb, et le yod a été changé en vav.
LE VAV CONVERSIF 37
le passage parallèle II Chroniques, vi, ST, il y a r.-^^y^ sans vav,
par contre on y lit n;:>':;-n. - m^i (xi, 10,, i^73rm (xn, 32) i^pom
(xiv 21) seront à lire comme des infinitifs, n^m (xx, 21), après
■^11, est sûrement mal ponctué pour rîpm .
Dans le deuxième livre npbi (xiv, 14), inOT (xviii, 4), n-,wi et
nn^T (ibicl.) sont aussi, selon nous, des infinitifs absolus. On
trouve, il est vrai, nc-'-inm (xviii, 36), mais le passage parallèle
d'Isaïe (xxxvi, 21) a it:-'-in"'i. De même, au lieu de i;n;"i (xix, 18),
le texte d'Isaïe (xxxvii, 19) porte iinsi, ce qui vient à l'appui de
notre opinion que tous ces passés avec vav non conversifs ont
été simplement mal ponctués, et nous corrigerons de la même
façon r!2m (xxi, 4), n"a:>r!-i {ib., 6), ;rn:i et noyn {ibid.). — Dans
XXI, 13, le sens même indique que '^sm r:n?2 ne sont autre chose
que des infinitifs absolus, et qu'il faut ponctuer -^èrn nn^. Toute
une autre série de passés, au lieu d'infinitifs, se trouve au cha-
pitre xxiii : n"::;t (4), n^3"::m (5), yn^si (8), n^-jt (10), nT:;n (14).
De même, nb^m (xxiv, 14), xron (xxv, 29) et, enfin, V::nt (ibid.),
si ce n'est pas un imparfait.
Ce qui nous porte à croire que, dans toute cette partie de la
Bible, il n'y a pas lieu d'admettre des passés avec vav non conver-
sif, c'est qu'on ne trouve presque jamais que la 3^ pers. masc.
sing C'est seulement dans Juges, v, 26, qu'on trouve la 3^ pers.
féminin. Quant à la 3^ pers. pluriel (Josué, vi,8, 13; II Rois, xviii,
36; XIX, 18) et à la l""" pers. plur. (I Rois, viii, 47), les passages
parallèles nous fournissent les leçons correctes. Ce serait un ha-
sard extraordinaire qu'on ne trouvât pas d'exemple de ce passé à
la 1" et à la 2« personne, si réellement les auteurs avaient employé
le vav non conversif.
Avec les livres prophétiques proprement dits, on voit apparaître
le vav coordinatif à toutes les personnes du passé, ce qui ne per-
met plus de recourir à des corrections pour supprimer les excep-
tions à la règle du vav conversif.
Dans Isaïe, les exemples sont encore peu nombreux et même
dans deux passages, nari vp'C (viii, 8), -cbiz-i (mcDl b'^^m iii2:)
(xxxi, 5), on est obligé de remplacer les passés par des infinitifs
absolus. Dans Jérémie, ils sont plus fréquents, et encore davantage
dans Ezéchiel. Dans les douze petits prophètes, ils sont relative-
ment rares. Ces exemples sont :
Isaïe ; m^Di (v, 14), n-)-"!, ibid, ^^r:;^r^^?' (xliii, 12),
n:??2cm? {ibid.), ■•mnirîi ? (iô., 14); m-bim (lv, 10), nnrûicm
(ib.), in3i(îô.), n^bi:ni (11), n-j^b^Mi (lvi, 1)
' Les verbes marqués d'ua point d'interrogation peuvent à la rigueur être pris pour
des futurs.
o8 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Jérémie : r;n-05i (vu, 28), 1521 (/&., 31), imbiDNi (x, 25), iw^Vsmt
(xiv, 3], Tisni {ibid.), rincm (xv, 9), nnïJT (xxii, 16), n;a:>T (ib.),
iDm (xxxvii, 15), Tjr\^i (îb ), ibDSi (xlvi, 6), 3ï5m (xLix, 30), nsm
(l, 43), TîSb;i (li, 56), T,y:i^ (lu, 33), bsNT iibidX
Ezéchiel : n^rri iNSt^i (ix, 1), ûnN5«n (xi, 6), ûn-^Tm (xiii, 81,
^-^nnD^^ (xvii, 24), lïja-'n (xix, 12), ^n3^ïïr;^ (xx, 22), n-^n^i (xxiii,
40), na-w-»! [ib., 41), n73p5n (xxv, 12), û-n (xxxi, lOj, ûnnn^m (xxxv,
13), n5-i-35'r;T (xxxvii, 2), -^ntain {ib., 1), ^-i\n-,t (î6., 8), \nNa:m
{ib., 10), mnNT (iô., 11), r!rT«rî2i (xxxix, 8), Tn^i (xl, 24, 35; xli,
13, 14), nbisT (xLii, 15), ^ïtî-^^tim [ib.].
Joël : 'T^V^am (i, 7); Amos .- nn-on (i, 11), r;bDNi (vu, 4); Michée :
riTjT D72"n (v, 7); Nahimi : nm:!? (m, 17).
Les Hagiograplies fournissent, bien entendu, un nombre consi-
dérable de passés avec vav non conversif. Tl y en aurait peut-être
encore davantage dans les livres poétiques, si le vav, comme une
foule d'autres particules, n'était très souvent laissé de côté. Par
contre, il est vrai, on peut se demander si, dans les passages où
l'on trouve le vav coordinatif, ce n'est pas un copiste qui l'a ajouté,
tandis que dans le texte primitif il n'y avait pas la copule. C'est
surtout pour les termes à peu près synonymes que le vav est sup-
primé, comme on le voit déjà dans Nombres, xxiv, 9, ns":: ^'HD ;
Juges, v, 27, '2D3 :?n:3, etc.
Dans les Psaumes, les exemples sont : -mcnriT (xxii, 15), Vddît
(xxvii, 2), \-tit:?:t (xxviii, 7), ■^32:>t (xxxiv, 5), nay^T (11), is-m
(xxxvii, 14), ^-^1:3'^;■l (xxxviii, 9), nritrri (lxxxvi, 13), -:r7:n;n (17),
■^nïXî'nn cxxxi, 2), inii (cxxxv, 12), -r^a^'m (cxxxvi, 14), in;T (21).
Dans les Proverbes on trouve seulement np-^mm (vu, 13), npoîi
(ib.); mais il faut dire qu'il y avait bien peu d'occasions de mettre
le vav devant le passé.
Nous notons dans Job : û"'3'C!-!t (i, 5), nV^'m [ib.], is-im (ib.),
^m2Tîm (ix, 30), ^npiiin (x, 14), no-isi (xi, 13), thnt (xvi, 12),
Tibbs'T (15), -lïTiifom (xviii, 11), n^bys-i (xxviii, 21), n^nniT (xxix,
8), '^n'îmm (xxxii, 16), nani (xxxv, 6). Le plus souvent les verbes
sont coordonnés sans vav.
Dans les Cantiques nous relevons seulement ■«nn'-'^T (1, 3).
Dans Ruth (iv, 7) on trouve insT .-.tiba^ mais le sens demande
bien plutôt in:-! ...fibo.
Les Lamentations ne fournissent pas un seul passé avec vav
coordinatif.
L'Ecclésiaste , au contraire , nous en donne de nombreux
exemples. Nous nous contentons de donner les renvois : i, 12, 16;
II, 5, 9, 11, 12, 13, 15, 17, 18; iv, 4, 7 ; viii, 15 ; ix, 14, 15, 16.
LE VAV CONVERSIF 59
Les livres historiques d'entre les Hagiograplies présenteraient
sans doute bien plus d'infractions à la règle du vav conversif, s'ils
n'imitaient pas le style des livres plus anciens Dans p:sther la règle
est même strictement observée, car le seul passé avec vav errai
(m, 12) doit certainement être lu ûnnsi, comme viii, 8'. Dans
Daniel on remarque rn^N-n (viii, 1], '^\h':ir:^ (U), i3r:;-im iris-i
n5i-i7ûT (IX, 5), ^n\Nm (x, 1), -nsm (14). Dans Esdras : Tio^n (m,
10), aoriT (VI, 22), ni<"::5n (viii, 36), •^ntjbssT (ix, 6), nnii (13). Dans
Néhémie : irx^im (ix, 7), r.^Toyw (x, 33), NirwsT (xiii, 1), û^nnr^a^
(.30). Dans I Chroniques : ^2n\sm (xvii, 11) % \-n5^3i-n (xxviii,2);
II Chroniques : ^^niDbttm (i, 8), ^nnnm (vu, 12), ^-^^a^pm (16),
T^pcriT (xii, 10), \mr^m (xix, 3), y::y^ (xxix, 6), lîonpm ^19), ;^;m
(xxxiii, 4), q'^asT ^n^ 1-::::)^ (6), nnci (14), lV2yT:^ (19).
Certains passages des Chroniques sont d'autant plus intéres-
sants que la comparaison avec les passages parallèles des Rois
montrent la différence de style des deux ouvrages. Ainsi ^nD'r7ûr^^
(II Chroniques, i, 8) ne se retrouve pas dans le texte correspon-
dant I Rois, m, 6, de même ^mnm (vu, 12), ^^o•^pi^^ (16).
L'étude du futur indicatif avec vav coordinatif donne les mêmes
résultats que celle du parfait. Les exceptions dans la première
partie de la Bible (Pentateuque et premiers Prophètes) sont encore
plus rares que pour le parfait, ce qui nous autorise d'autant plus
à considérer ces exceptions comme des fautes de ponctuation.
Dans la Genèse nous rencontrons uîn-;! (xxii, 17), qu'il faut lire
probablement O^^T ; on^^T avec deux yod, comme impératif, se
trouve XXIV, 60. Dans l'Exode on peut noter n^am (xix, 3;, qui
est en parallélisme avec -it^wNpi. Nous inclinons à corriger ce mot
en n^srî-i comme infinitif. La ponctuation avec ^n:i est [)eut-ôtre
encore un indice de la véritable leçon. Cependant, la tournure
poétique de la phrase permettrait d'y voir une sorte de futur im-
pératif dans le sens de l'indicatif, comme les livres poétiques et
prophétiques en fournissent de nombreux exemples ». i^n^n (xxvi,
» On remarquera aussi que la Megilla n'emploie jamais Tp pour TiJïî, bien qu'on
y trouve des termes de bas hébreu comme 13N, D']?. etc.
» Le passage ^l'^TTorî ÛINn niPS ■^;n"'N-n est évidemment altéré, et le pas-
sade correspondant de II Sam., vu. 19, qui porte Û-îNH Pmn PNn, l'est encore
plus. Peut-être y avait-il quelque chose comme 35 ">3 '^jn"'N"in (le n étant dé-
composé en "< et 5, et -|"l réunis en D) nbr:3b DIT' Nin « et tu m'as lait voir
que lui aussi (Salomon] s'élèvera bien hauli.
» Voyez Deut., sxviii, 8, 21, 36; xxxii, 8; 1 Sam.,x, 8; Is., xxvn, 6; xsxv,4;
L, 2 ; kzéch., iii, 3; xiv, 7 ; Osée, vi, 1; xiv, 6, " ; Joël, ii, 20 ; Michée, m, 4;
iv, 6 ; V, 8 ; VI, 14 ; Soph., ii, 12; Zach., x, 7 ; Mal., ii, 12 ; Ps., xi, 6 ; xji, 4 ;
XXV, 9; XLvii, 4; Lviii, 5; lxxi, 21; lxxii, 13; xc, 3; civ, 19; cvii, 33, 35;
Prov.. XV, 25; Job, x, IG, 17, 27; xv, 33; xvi, 21 ; xviii, 9, 12; xx, 23; xxii, 28;
XXIV, 215; XXVII, 22; xxxiii, 21; xxxiv, 29, 37; xxxvi, 14, 1o; xxxviii, 4, 5;
60 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
24) et noST>i xxviii, 28), s'ils ne sont des impératifs, doivent être
changés en ttii et ic::"n. Dans le Lévitique (xxvi, 43) il y a à
remarquer y~ni, qu'on pourrait prendre pour un impératif et
traduire « pour qu'elle compense »; il est plus probable qu'il faut
lire rii-im, comme au verset 34.
Dans Deutéronome, ii, 4, où l'on trouve ûStt ictT^'^T, le texte est
visiblement altéré ; il semble que l'on doit lire cï^t: iN-,'n. On aura
peut-être trouvé choquant que les enfants d'Israël aient eu à re-
douter leslduméens et on aura interverti maladroitement les per-
sonnes, car as-: ■,N","^"' devant cr-i?:'c;:T n'a pas grand sens. —
TnNr-i (xxxii, 41) devrait être ponctué Tniîri après \-^irw, qui est
un parfait '.
XL, 9; Lara., m, iiO; Dan., ix, 25; xi, 10, 16, 17, 18, 25, 28. — Pour quelques
verbes, comme "i31^ (Ps., xlvii, 4). DÏ2N'' (lviii, oJ, le "i"!^ peut s'expliquer autre-
ment. Ainsi que M. Barlh l'a montré [Z. D, M. G., XLIII,p. 1"7 et suiv.), ces verbes
sont probablement au qal, et ont l'imparfait en » comme "jp"^. Nous en dirons autant
de t]3in (Gen., iv, 2), t]3T» (Lév., v, 6; Nomb.. v. 7; xii, 19; Joël, ii, 2\ J]OJ<
(Ez., V, 16), qui, malgré le abn. nous paraissent appartenir au qal. De même f|CN
avec p""in, mais sans j/o(f, Gen.. viii, 21 ; Ex., x, 29. En efl'et, le gai esi presque seul
employé au participe et au passé. L'impératif :iso (Is., xix, 1, et Jér., vu, 23), qui
a le sens de 00^, vient aussi réellement de ClC^. et non pas de î^20, qui signiGe
• exterminer ». C'est sans doute par suite d'une fausse anaiof^ie que ce verbe a
été emploj'é comme hifil dans Cl"^Cir!b 'Lév., xix, 25; Eccl., m, 14; Esdras, x,
10; II Chr., XXVIII, i3), TEOini (Ps.. lxxi, 14 ; Eccl., ii, 9] et nSDlJI (1 Rois,
X. 7. au lieu de quoi on trouve II Chr. , ix, 6 : PDO^).
' C'est surtout dans Isaïe qu'on trouve le vav ponctué comme coordinatif, là oîi le
sens naturel demanderait le vav conversif, et presque toujours à la 1" personne.
m^rXT (viii, 2], -PCNI (X, 13), T^mNI [ihid.], pTnNI (xlii, 6], "J-IJTNT (l'i-X
'^rnsi '(«*.), bbnxT .x'lui, 28;, rimNi. (»*.)• nrN'rii (xlvh, 9), r::?r:"wNT
(xLviii, 3\ na^sT (xLix, 5), "iriD-isNT (ù, 2), ir:3-,N") ji*.), nns-ixi (lvh, 17),'
S]i:pMT («■*.), inNEISI (18), "irtTCNT \ib.], ÛDCXT i'*.), ÛDT!î<"i ' (Lxni, 3).
20-2-iNi |«*.), n («■*.),' a-^aNi (o), Q7:in"ûN"i («*.;, onsNi (6), D-b':;»! (<*■).
T^TiNT {ib.), TCJ^':^ [1- ^''Cîî^"^ Lxiv. 4). En denors d'Isaïe on peut noter CHiNT
(Juges, VI, 9), nnbwNT nnnrwST [ib., xx, 6), inrnTCNT (il Sam., I, 10).
"^C-NI (Ez., XVI. 10), UNT (Osée, XI. 4), 5>n5NT (Job, m, 11\ ap'wNT («*.,13).
Il est possible que les ponclualeurs aient cru que les prophètes voulaient parler
d'événements futurs, et non du présent ou du passé. Il nous paraît difficile d'expliquer
autrement cette anomalie. Ibn Djanah. à la fin de la Eisàlat altaqrib irattashîl
[Opusc, p. 338-342;, croit supprimer la difficulté en disant que les Hébreux em-
ploient le lutur au lieu du passé, et trouve étrange que l'auteur du Livre des Sons
ait expliqué le pelah de inrmTONT par le fait que celui qui prétendait avoir tué
Saùl avait menti. Il est fort possible, quoi qu'en dise Ibn Djanah, que les ponctua-
teurs aient voulu indiquer en mettant va pour ta que cet homme s'était levé pour
achever Saûl, mais ne l'avait pas tué. puisque c'est Saûl lui-même qui s'est percé
de son épée. Dans ks passages des Juges et de Job, les ponclualeurs ont sans
doute vu des verbes exprimant une conséquence (cf. ci-dessus, p. 48, note 1). —
"lttr\23"^T (Michée, vi, 16) doit sans doute être corrigé en m52ï) "'S.
LE VAV CONVERSIF 61
Le vav est sans doute de trop dans ^;'7:c■'^, Josué, vu, 9. Le
dernier mot du verset précédent étant t'i-'in, le vav final a pu être
redoublé par inadvertance.
Ni dans les Juges, ni dans Samuel, ni les Rois, on ne trouve de
vav coordinatif devant l'imparfait indioalif.
Par contre, on en rencontre en abondance dans les Prophètes et
encore davantage dans les Hagiographes. Nous notons :
Isaïe : ûin;->"i (v, 29), thn-^t (ib.), 'ji^bs^^ {ib,), DrrrT (30), -cî^^-im
(xiii, 13), •\'\^2S^■^^ (xiv, 10), -,r::-'-\ (xxvin, 25), cd:>"J"'T (xxxv, 4],
v2b^^-\ (xLi, 11), nnnN-^T (ib.), pnm (14), cincni (xlii, 14), n^n^^T (21),
yn-ci {23}, bban-ii innc-^T (xliv, 17), -i7:.S"'t O'^.)- -s^i (xlvii, 11),
N2m {ib.), n7:m (l, 2), cn-'-'T (lvii, 13).
Jérémie : -^a-im (ii, 22), ind^t (m, 18), i^nt (?iii, 19), mm (xiii,
17), i-np:T (? xiv, 22), ti^n'^t (xvi, 19), pT^a^i (xix, 8; xlix, 17),
^-lp^">■l (xxxi, 36), vn-^^ (xlii, 17), iD-j"i:ii (xlvii, 2), xstit (xlix,
22), ons^T [ib.], ■lN-l^m (li, 40), ^:?^^•\ (58).
Dans Ezéchiel on trouve très peu d'exemples, qui même ne sont
pas très certains : r!\yy^i (? xii, 25, 28), bis^T (xiii, 11), nn^rT (xl,
42; 1. in-3"'). Cela pourrait tenir à ce que Ezéchiel est le moins
poétique des prophètes, et qu'il se permet moins de licences gram-
maticales; mais comment se fait-il que ce soit chez lui qu'on ren-
contre le plus d'exceptions pour le passé? Il faut donc constater
simplement celte particularité du style de l'auteur d'Kzéchiel.
Parmi les petits prophètes, c'est Osée qui emploie le plus le vav
coordinatif. Les exemples sont : Osée : t::3ii (iv, 19), ^''•?ii^ (v, 14),
lïNDn^T (VI, 1], iSTuan^T {ib.), n^nn (2), cnoNi (x, 10), mvT (14),
in-in-'i (xi, 10), ^-ii (XIV, 6), ^n^i (7), nniD^n (8). - Joël : bym (ii,
20). — Amos : ba-'i (v, 24), n-'ipm (ix, 10). — Michée : nnoiT (m,
4), ;om (VI, 14), t*:î2^i (vu, 16), iwxn^i (17), '^^y::D^'! (1. '^^bcm, vu,
19). — Habacuc : i-con"'1 (i, 15), "^-^a-^i [ib), Tjp-^T (IG), itj.s-'t (6),
i^p-^T (7), n:>5-^ii (13), Niiin (m, 5). — Sophonie : -j-^i (ii, 12], naNii
{ib.), ûo^i {ib.}.
Dans les Hagiographes, les Psaumes nous fournissent beaucoup
de futurs avec vav non converslf, mais c'est surtout dans Job qu'ils
abondent. Ni le Cantique, ni Ruth, ni Esther n'en présentent un
seul exemple.
Nous nous contentons ici de citer les passages, qui sont :
Psaumes : ii, 12; v, 4 (?), 12; vu, 10; xviii, 47; xxv, 9 ; xxxvii,
29, 40; LXix, 9 (?) ; li, 9 ; lv, 20 ; lix, 5, 7, 13, 15; lxix, 36; lxxi,
21; Lxxif, 4; Lxxiii,8; Lxxxiii, 4; xci, 14, 16; cii,27; civ, 19,
30, 32; cvii, 20, 42; cxxxix, 10.
Proverbes : i, 16; xiii, 5; xv, 25 ; xxiii, 16; xxv, 5 (à côté de
n::"^t v. 4).
62 RKVUE DES ÉTUDES JUIVES
Job : V, 18; vi, 18 ; vu, 21 ; ix, 11 ; x, 16, 17; xi, 10, 11 ; xii,
15; XIII, 19, 24, 26, 27; xiv, 21 ; xv, 2, 30, 33; xvi, 21 ; xvii, 9;
XVIII, 4, 7, 14; XIX, 2, 5; xx, 8, 13, 23; xxi, 12, 17. 19; xxn, 11,
19, 26, 27, 28; xxiii, 15; xxiv, 23,25; xxvi, 11; xxvii, 21, 22,
23; xxix, 11, 25; xxx, 22; xxxi, 17; xxxiv, 25, 29, 37; xxxvi,
11, 12; XXXVII, 15 ; xxxix, 21 ; xl, 29,
Lamentations : m, 19 (?), 50, G6 ; iv, 21.
Ecclésiaste : viii, 10, 12.
Daniel : ix, 25; xi, 5, 6, 7, 10, 11, 15, 16, 17, 18, 25, 28, 36, 42,
45; XII. 4, 10, 12, 13.
Néhémie : m, 14, 15; ix,27; x, 32.
II Chroniques : vu, 14, 20; xii, 8, 20, 21 (1. r.Tiar,) ; xxiv, 13.
Plusieurs des observations que nous avons faites pour le parfait
s'appliquent à l'imparfait, notamment en ce qui concerne les livres
historiques lies Hagiograplies. Pour les livres poétiques, il semble
qu'on ait aimé remplacer souvent l'indicatif par l'impératif ', et
il est tr^s possible qu'on se soit habitué, par suite, à mettre le vav
coordinatif devant l'imparfait. En effet, le vav coordinatif est très
correct devant l'imparfait et l'impératif, et comme on était porté à
remplacer l'indicatif par l'impératif, l'emploi du vav coordinatif
est devenu naturel.
Pour terminer, nous dirons que si on conclut de la régularité
grammaticale des textes à leur ancienneté, on voit que, d'une ma-
nière génf^rale, l'étude du vav conversif confirme les grandes divi-
sions de la Bible, telles que la tradition les a établies. Le Penla-
teuque et les livres dits des premiers Prophètes (Josué, les Juges,
les Rois) représentent la partie la plus ancienne de la littérature
hébraïque, tandis que les Hagiographes en sont la partie la plus
moderne. Quant aux Prophètes proprement dits, ils occu[)ent une
place intermédiaire au point de vue de la correction, et seraient,
par conséquent, postérieurs à toute la série des livres historiques.
Nous livrons cette conclusion à l'appréciation des critiques de
la Bible.
Mayer L.^mbert.
' ^'oyez ci-dessus, p. bO, note 3.
ÉTUDE DE LEXICOGPiAPHIE TALMUDIQUE
UNE VIEILLE CONTROVERSE AU SUJET DE Kitott
(Lament., III, 12.)
Dans le Midrascli Echa Rabbati se lit la controverse suivante,
au sujet du verset de Lament., m, 12 ; NW-nns -i7:n nn I\s-n7:x iinn
r3i:3 NTîT r\-2 D"'-ii73 bon-:: nijrn n-nps i^n "im NO-'nssNb. Evidem-
ment, dans ce verset, c'est le mot rare de Nna^, qui se retrouve
encore deux fois, sous la forme plus correcte de t.'t^'û (^ISara.,
XX, 20; Job, XVI, 2), qui donne lieu à cette explication. Autant la
seconde interprt^tation, sur laquelle nous reviendrons, d'ailleurs,
encore, est facile à comprendre, autant la première, grâce aux deux
mots étrangers qui y sont employés, est obscure. Les commen-
taires ne savent guère qu'en faire. L'un de ces doux mots étran-
gers NToma a déjà été justement identifié par Mussafia avec le mot
latin parma, « bouclier ». Aussi cet auteur écrit-il le mot soit
Nttnn, soit Nwnt, et le cite sous ces deux rubriques (voir Koliut,
Ariccfi Completum, I, 159 a; VI, 429 6). Toutefois, il est inutile
de condamner la leçon n72T",3, le changement de la voyelle a en
ou dans les mots étrangers qui passent en hébreu étant démontré
par maint exemple (voir, par exemple, ■jinpn» = MkxeSwv, xbpoiD,
dans le Targoum sur II Sam., xxiii, 8, qui vient du latin fas-
ciculus).
Mussafia explique également l'autre mot étranger de notre pas-
sage par un mot latin : spams, « javelot, dard» [yiz r:-n '\y:ibn
pp n"«:n, voir Kohut, I, 195 a). Au point de vue phonétique, il iVy
aurait rien à objecter à cette identification. Mais comment cette
explication concorde-t-elle avec le contexte? Lévy, I, 130 &, admet
les explications de Mussafia et traduit ainsi : « Gomme un bouclier
U REVUE DES ÉTUDES JUIVES
contre le javelot w, et il ajoute ce commentaire : « Je fus placé là
comme un bouclier pour être transpercé par le javelot». Tl semble
donc croire que, dans le passage en question du Mldrasch, le mot
yn n'est pas traduit par « flèche », mais par «javelot », et que le
mot N-::?j est rendu par «bouclier». M. Kohut (I, 195a) se
range à l'avis de Mussafia et de Lévy, mais, probablement pour
rendre compte du mot yn du texte, il ajoute celte remarque que
NsnîDN doit aussi être traduit par «flèche», d'après le persan
1-iûD (siparî). Il est clair que ces explications n'indiquent pas
la signification exacte du Midrasch. En effet, il ne s'agit là
nullement du sens de yn, mais de celui do n-,'j?2, et il n'est pas
probable qu'au lieu de & flèche », on ait parlé sans aucun motif d'un
«javelot». Quant à la remarque ajoutée par M. Kohut, elle est
inadmissible, car le mot persan qu'il cite est une expression rare
néo-persane, usitée pour désigner une espèce particulière de
flèches (voir Vullers, I, 204 b).
C'est l'Arouch qui nous mettra sur la bonne voie pour com-
prendre notre passage. Nous y trouvons, en effet, la forme origi-
nelle de ce passage du Midrasch, et cela même en deux endroits,
sous la rubrique -ip 13 (Kohut, VII, 185 a) et sous celle de wSS^'^ssn
(Kohut, I, 195 a). Sous la première rubrique, nous lisons : pnn
n^ocnp?: VDrro û^^n nmp^ ^t^.s N^nii irm ND^-sDxb ^n-:^ yin
nnTjiy ï^TTi "3 ; sous l'autre, R. Nathan cite seulement la pre-
mière moitié de la controverse : NO"'-iDDNb ■^-!7:n "iizd! l^n-i. Celte
citation nous révèle ce fait intéressant que le Midrasch rapporte
la controverse des savants babyloniens {]'^r'\ irnn) et des docteurs
palestiniens (NDm lî^",) au sujet du mot ntj», et que, dans la pre-
mière des opinions émises, on se sert d'un seul mot étranger
(Nw-^-icrN) pour expliquer le mot du texte. Faut-il identifier ce mot
étranger avec ie latin spams, comme le font Mussafia et les Ipxi-
co"-raphes modernes qui l'ont pris comme modèle ? En aucun cas.
Car nous ne pouvons admettre que les docteurs babyloniens du
iv« ou du v« siècle aient em[)loyé un mot latin pour expliquer un
mol biblique; d'autre part, l'explication de ntjt: par «javelot » ne
donnerait aucun sens plausible. Nous avons plutôt le droit d'expli-
quer î^c-iDCN par un mot persan, bien que d'ailleurs les mots de
cette |irovenanco soient rares dans le Midrasch palestinien. Il n'est
pas difficile de trouver ce mot persan. Ce n'est pas le mot rare cité
par M. Kohut, mais le mot usuel employé pour désigner le bou-
clier, sipa7% siparî, dont l'emploi général est attesté par les di-
verses locutions citées par Vullers (I, 202 a). Dans les écoles ba-
byloniennes on expliquait, d'après ce que nous apprend notre
Midrasch, le mot n^uts par « bouclier », sans doute parce qu'on le
ÉTUDE DE LEXICOGRAPHIE TALMUDIQUE 65
faisait dériver de 1:23 «protéger, conserver)^. Le mot est donc
considéré comme analogue à i:.;; (de •;;;), qui signifie à propre-
ment parler « protection » (contre les traits). «Gomme le bouclier
est atteint par les flèches — tel serait donc le sens du verset bi-
blique, — ainsi les souffrances m'ont atteint. » Le mot persan
""nsD fut conservé dans la source palestinienne, et cela avec la ter-
minaison araméenne Nn et le n prosthétique, d'où t^n-^-i^Siî '. Cette
leçon était sans doute la leçon originale dans Echa Kabbati, et
M. Kohut dit aussi (I, 195 «) qu'elle se trouve dans le manuscrit
de l'Arouch. Nni-iooN a pu se transformer facilement en nd"'-iîcn.
Ce mot persan du Midrasch palestinien fut accompagné, comme
cela arrive souvent, d'une glose explicative où l'on citait le mot
latin «parma », qui y correspond exactement. La glose devint par-
tie intégrante du texte, de là la leçon qui se trouve dans nos édi-
tions : N0"'-,2SNb N73-naD -.
En ce qui concerne l'explication des docteurs palestiniens, nous
la trouvons citée dans un autre ouvrage midraschique comme étant
la seule qui fasse autorité. Dans le Midrasch Tanhouma, au com-
mencement de la section û-^^it^ (éd. Buber, p. 48), nous lisons, dans
une sentence de l'amora palestinien Hanina b. Papa (fin du
\iv siècle, voir mon Aggada der paldst. Amorder, I, 480) : pi
nain riTib ynb s^^tjto^ •^:n"'i:-'T inop '^-n bN-r::'^ no*D n-i?:»
a-'-no'^r! in-^by û\S3 i-'-ns-rr:: i^t bD b^T::-' '^d r^x m^^i:? rrnpm
Cette explication de n-i::73D, donnée sous forme de comparai-
son, complète bien l'explication plus concise attribuée aux doc-
teurs palestiniens. Du reste, dans le Midrasch Echa, l'agadiste
palestinien Rabbi Juda dit aussi très brièvement : m^a/^ ■'s-ias'^-i
lbns2. « il m'a donné la force de résister à toutes les épreuves ».
Dans l'explication donnée par les Palestiniens, confirmée dans
deux passages du Midrasch, Nia» est expliqué par le mot hébreu
ïTTip, « poutre dressée verticalement et servant de cible aux
flèches ». C'est le sens généralement donné aujourd'hui au mot
biblique : «but, cible ». A proprement parler, il faudrait l'appeler
« poteau-cible ». Le verbe a^irn, dans Lament., m, 12, et le verbe
û'^prr, dans Job, xvi, 12, prouvent que les explications des écoles
palestiniennes se rapprochaient autant que possible du sens du
mot biblique. Le Targoum emploie dans les deux passages, ainsi
' A la vérité, celle inlcrprélation porlail î^rT^noONÎD et non 'DD5<b, leçon qui est
aussi dans la version or'jiinale de l'Arouch.
* A côté de Nn'^nsOND, on a mis le mol correspondant N73T123.
T. XXVI, ^o al. 3
66 REVUE DES ETUDES JUIVES
que dans I Sam., xx, 20, une expression évidemment grecque.
Quoiqu'il n'y ait pas d'exemple où ce mot soit employé dans ce
sens spécial, ce mot rend aussi la signification étymologique
de n-iL;?: : c'est le mot no-^^Vd (voir Arouch, .v. ??. C3b£;Kohut,
VI, 338; Levy, Targ. Wortey^b., II, -267 «), probablement iden-
tique à (sûMtç. Aquila, sur I Sam., xx, 20, rend aussi le mot par
9u)vaxô. Cependant, on lui attribue aussi la traduction du mot par
axo~oî (lat. scopus), que nous trouvons dans les Septante sur La-
ment., m, 12, et sur Job, xvi, 12 (voir Field, Ilexapla, I, 523j.
La poutre servant de cible dans les exercices de tir à l'arc était
d'usage constant et général en Palestine, comme le prouve la
mischna de Kelini, XII, 1, où nous lisons : yd r.aiz'^ n-^irnr; nmp
mina !:-"i"^ON : « le poteau servant de cible fait partie des objets qui
peuvent devenir impurs \ et le poteau des condamnés, le yllori,
auquel les prisonniers sont attachés, ne devient pas impur».
Déjà dans i'Arouch, ce passage de la Mischna et celui iVEcha rab-
bati expliqué ici sont mentionnés dans un même article (art. ip,
13; Kohut, VII, 185 a]. Cependant, le sens de l'expression de la
Mischna, attesté par tant de passages, a été mal entendu des
lexicographes. M. Kohut place en tète de l'article mentionné l'ex-
plication suivante : nmp, « étui »; a-'iirn- n-y, « carquois». En
cela il suit également Lévy, qui, dans son dictionnaire (IV, 275 a),
donne pour r;-.ip deux significations : 1° a poutre, pale » et, au
figuré, « demeure, étui » ; 2" « carquois ». L'adoption du sens
figuré a étui » a pour unique but de rendre plausible le sens de
«carquois». Or, pour ce dernier sens, on cite seulement les
passages de Kelim et du Midrasch Echa, placés dans TArouch
sous la même rubrique. Il est étonnant que les deux savants
auteurs qui se sont occupés du dictionnaire talmudico-midra-
schique n'aient pas remarqué qu'il était impossible d'expliquer
rrri';) par « carquois », tant au point de vue de l'étymologie qu'au
point de vue intrinsèque. Cependant, pour ce qui concerne le pas-
sage de la Misciuia, on peut les excuser par ce fait que quelques
commentateurs expliquent aussi, dans ce passage, les mots n-np
z^'j.^ par ( carquois ». Naturellement. Maïraonide n'est pas de ces
derniers. Dans son commentaire sur la Mischna, il explique cette
ex[iression par les termes suivants : Nrr^s "iST» nncb E-^icnn v^•p^
y-M'?N, ce que M. Derenbourg traduit fort bien par ces mots à-i-npT
m:272b ûnb inp-^ nCwS r-n^-^-, z^-ir- (voir m-i-:2 "no, I, 113). La
traduction hébraïque du commentaire sur la Mischna, telle que
nous l'avons dans nos éditions, porte : na lo-'îr-' y:: Z'^'zrr, nmpn
' Parce qu'il a aussi une partie en fer, dit Maïmonide.
ÉTUDE DE LEXICOGRAPHIE TALMUDKjUE 67
ynin (comme s'il avait lu ariDbwS «n-^D biT^) et ne donne pas une
idée claire de l'objet décrit. R. Simson de Cliinon donne l'exidii a-
tion suivante : û^^nn nx "2 'po-'iD?:*:: rtscN wvn 'D'''Zr~ n-np. Il
voulait évidemment parler du carquois dont il emploie le terme
biblique. Mais il ajoute encore que l'Arouch aurait expliqué le mot
d'après le passage du Midrascli qui, dans Lament., m, 12, rend
iii'Jii2 par n^'^r- n-np. Il semble que, d'après R. Simson, l'expres-
sion signifie aussi dans le Midrascli Echa « carquois »; de là vient
sans doute qu'au lieu de lire nn D'^m^û b^rta, il lit D"'">:5p'>:;p7û bzrrcj
nn, ce qui rappellerait le cliquetis des flèches dans le carquois
(nous reviendrons plus loin sur cette variante). R. Obadia de Bar-
tinoro donne deux explications : izi-'irnr.a rtDOX ■'cn^wn n"»N
ynb rrroT^n v^j-iq^^^ p-^j^i -3 n-^n^T^ . R. Israël Lipschiitz, dans
son petit commentaire sur la Mi:<clina ('-■:;"' y~\' '"^d uy m''r::73,
Vilna, 1851], dit simplement D-^irnb -eon. Cette explication erro-
née a été malheureusement aussi adoptée par MM. Levy et Kohut,
comme, avant eux, par Mussafia ', et ainsi un point de lexicologie
et d'archéologie a été rendu incompréhensible.
Il nous reste encore à éclaircir un point de notre passage mid-
raschique. Dans les éditions, l'interprétation que nous avons
reconnue comme celle des docteurs palestiniens est ainsi con-
çue : nsss N^m r;3 t::m;2 Vd-o û-'^rn tn-npD. Au lieu de o'^-n?:,
l'Arouch porte Li'^'C^'Zi-p'D (voir plus haut), et R. Simson, sur
Kelim, L c, a û-'Opop?:. Cette dernière forme se trouve en-
core dans une autre source citée par M. Kohut (VII, 185 rt,
note 1); en outre, M. Kohut cite comme «lapsus» la leçon
de l'édition d'Amsterdam de l'Arouch : a'^'JUJip?^. Or, c'est pré-
cisément cette dernière leçon qui est la bonne, comme il est
facile de le démontrer. Le verbe lû'Cip a, en effet, la signification
de «tirer» (cf. les passages cités dans le Targ. Wlhtetbuch de
Levy, II, 392 Z^, ; Neuh. WorLerbuch, IV, 395 &, et par M. Kohut,
Vn, 223 &-) et spécialement «tirer avec des flèches». Ce sens
se rattache au sens primitif de la racine e^cp « être droit,
prendre une direction droite», d'où le sens abstrait de «vérité,
droiture ». rtn n"^:ûwp?2 '::d- signifie donc, cf sur lequel tous tirent
ou visent avec leurs flèches 0. On peut admettre une forme
1 Mussafia dit, au sujet de Tart, -|p, 13 iKohut, "VII, 183 rt) : "jT^'^n TCÎ1"!"'3
t^3 ÛTI'T^O Û"»^nr;'0 "CwN "^7311. H a donc lilléralement l'explication d Obiidia
de Bardiioro ; seulement il l'ait encore un rapprochement avec un mot latin. Le mot
que M. Kohut a népliijé de sifrnaler est corijtns, «carquois» (et aussi ■ llèche •!.
D'après Mussafia, le p de nmp i'erail donc partie de la racine du mot et, par suite,
le mot fait chez lui eacore l'objet d'un article spécial (Kohut, VII, 219 «V
* Voir aussi mon Agada der Tannaitcn, II, 100.
68 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
pôêl, à moins qu'on ne préfère s-^r'-rpTs {piel,, comme étant la
leçon originale. Le mot £2^::c-72 pouvait devenir facilement
a-'C-np?: et — en raison de l'opinion erronée que nous avons si-
gnalée plus haut chez R. Simson de Gliinon — de 2^w-:;-ip-: on a
fait i2"'\:;p-:;p?: . Dans le texte même du Midrasch, le mot D-^aap»,
qui est rare, a été remplacé par c^-r:. Si on ajoute encore que,
dans notre passage midraschique, la formule originale indiquant
les auteurs de la controverse (Vam pa-i et som i:an) est rempla-
cée par l'indication plus générale 'x nm 'n -n V''*"^-'^ Ti^. on
reconnaîtra par cet exemple frappant quelles modifications nom-
breuses le texte du Midrasch a dû subir, parfois môme après qu'il
était déjà fixé comme œuvre de littérature.
W. Bâcher.
SI LES MORTS ONT CONSCIENCE
DE CE QUI SE PASSE ICI-BAS
La vie d'outre-tombe est un mystère qui a tourmenté les doc-
teurs du Talmud. Si, à la vérité, les écrits rabbiniques sont
plus sobres que ceux des chrétiens, par exemple, quand ils
traitent de ces questions, ils nous ont pourtant laissé maintes
preuves des discussions que soulevèrent ces problèmes insolubles.
Il y a surtout une page du Talmud, Berahhot 18 a-19«, qui, à ce
point de vue, est intéressante à étudier pour l'histoire de la pen-
sée juive. Ce passage nous rapporte deux discussions relatives à
la question suivante : Les morts ont-ils conscience des choses de
ce monde ?
Un jour que, Rabbi Hiyya et R. Yonatan se promenant dans un
cimetière, R. Yonatan laissait les ciclt de son vêtement traîner
sur le sol, R. Hiyya lui conseilla de les relever pour que les morts
ne dissent point : « Demain, ils viendront à nous et aujourd'hui ils
nous raillent » (car, dans la tombe, les morts n'accomplissent
plus les prescriptions religieuses). R. Yonathan lui répliqua : Les
morts en ont-ils donc conscience? n'est-il pas dit dans la Bible que
les morts ne savent rien (Ecclésiaste, ix, 5)?
Les morts dont parle ce verset, répondit R. Hiyya, ne sont pas
les morts véritables, mais les méchants, qui de leur vivant même
sont déjà appelés morts.
L'opposition entre les deux opinions est donc très nette, R. Yo-
nathan ne paraît pas douter de l'ignorance des morts, tandis que
R. Hiyya croit en la persistance de la connaissance chez les morts.
Le Talmud, pour résoudre la question laissée pendante, cite une
autre discussion de docteurs. Les fils de R. Hiyya, dont il vient
d'être parlé, éprouvant une fois quelque peine à se souvenir dn
leurs leçons, se demandèrent : « Notre père a-t-il conscience do
notre ennui? » L'un d'eux répondit : Non, car il est écrit, dans
Job, XIV, 21 : « Les fils souffrent, et il ne le sait pas, ils sont dans
70 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
le chagrin, et il n'en a pas connaissance ». — Erreur, r^^partlt
l'autre, car le verset suivant porte : « Mais sa chair souffre à son
sujet, et son âme est en deuil sur lui. » En outre, Rahbi Isaac a dit
que les vers l'ont autant souffrir les morts que les aiguilles la chair
des vivants. — Peut-être sentent-ils leurs propres souffrances,
mais non celles des vivants. — Erreur encore, car il résulte d'une
herelta qu'ils savent ce qui se passe parmi les hommes. Un
homme pieux ayant entendu la conversation de deux esprits, l'un
d'eux, l'année suivante, dit à son camarade qu'il ne voulait plus
rien lui communiquer, attendu qu'un vivant avait surpris leurs
propos. — Peut-être ces esprits étaient-ils si instruits, parce qu'ils
avaient été renseignés par un mort. — Nouvelle preuve : Zeïri
avait confié de l'argent à son hôtesse ; de retour d'un voyage, il
apprit qu'elle était morte. Il se rendit alors au cimetière pour de-
mander à la défunte où était déposé son argent. Elle le lui révéla
et ajouta : c Dis à ma mère de m'envoyer mon peigne et mon
pinceau de coheul, par telle et telle qui doit venir demain ». Les
morts savent donc bien ce qui se passe sur la terre. — Peut-être
est-ce Douma, l'ange préposé aux morts, qui leur fournit ces
renseignements. — Nouvelle preuve : Le père de Samuel avait
reçu en dépôt la fortune d'orphelins. Son fils alla au cimetière
demander à son père où l'argent était caché. Après divers inci-
dents, il vit son père moitié riant et moitié pleurant. Pourquoi
pleurais-tu? lui dit-il. — Parce que bientôt tu vas venir. — Et
pourquoi riais-tu ? — Parce que tu es bien considéré en ce monde,
— Puis son père lui apprit où était l'argent. — Donc les morts
savent ce qui concerne les vivants. — Peut-être, en raison même
de la considération dont était entouré Samuel, avait-on annoncé
d'avance sa venue prochaine.
Tous les épisodes de cette discussion ont-ils figuré dans l'entre-
tien des fils de R. Hiyya ou ont-ils été réunis par le rédacteur
du Talmud, la question importe peu : cette page est un échantillon
certain des controverses auxquelles donnait lieu le problème dont
nous nous occupons ici. La même page du Talmud ajoute à ce su-
jet encore d'autres propos de docteurs et d'autres exemples.
On peut y joindre Sahhat, 152 a, qui rapporte l'opinion de Rab
Ilisda, de R. .luda, de R. Abbahou et d'autres rabbins, qui pa-
raissent tous admettre la persistance de la sensibilité chez les
morts, au moins pendant un temps déterminé.
La page de Berakhot ne laisse pas de nous étonner. Ces histoires
citées à l'appui des opinions des docteurs choquent notre goût, et
l'on se demande si vraiment de graves rabbins ont pu invoquer des
arguments de cette nature. Le rédacteur du Talmud n'a-t-il pas
SI LES MORTS ONT CONSCIENCE DE CE QUI SE PASSE ICI-IUS 71
oublié le granum salis qui peut-être accompagnait ces paroles?
C'est ce qu'on croirait volontiers, si, à la même époque, d'autres
théologiens n'avaient pas discuté la même question en invoquant
de semblables arguments. Oui s'attendrait à trouver dans saint
Augustin la répétition et comme l'illustration de la page du Tal-
mud ? C'est cependant ce dont on se convaincra après avoir lu les
quelques passages que nous tirons de deux de ses œuvres. Sur le
Psaume cviii, il dit :
« Est-ce que les morts ressentent de la douleur de ce qui arrive à
leur famille après leur trépas? Ou faut-il croire qu'ils en ont la con-
naissance, puisque leur sentiment est tout entier, loin de la terre, au
bonheur ou au malheur, selon leurs mérites?. le répondrai d'abord
que c'est une grande question, qu'il n'y a pas lieu de discuter en ce
moment, à cause du long discours qu'elle exigerait, de savoir si les
esprits des morts connaissent et jusqu'à quel point et comment, ce
qui se passe parmi nous. Mais, en outre, je puis vous dire en
quelques mots que si les morts n'avaient aucun souci de nous, le
Seigneur n'aurait pas mis dans la bouche du riche tourmenté dans
les enfers ces paroles : « J'ai cinq frères sur la terre, je voudrais
qu'ils ne vinssent pas en ce lieu de torture » (Luc, xvi, 28).
Saint Augustin ne se prononce pas nettement sur cette question,
il se réserve de la reprendre. Elle est traitée tout au long dans
l'opuscule intitulé : De cura gerenda pt^o mortiiis.
Gh. X. On raconte quelques apparitions qui paraissent pouvoir
entrer comme matière dans cette discussion. On dit, donc, que des
morts ont apparu, soit pendant le sommeil, soit d'une autre ma-
nière, à des personnes vivantes, lesquelles ignoraient complètement
où leurs corps gisaient sans sépulture, puis leur ont indiqué le lieu
et les ont priées de leur procurer le tombeau dont ils étaient privés.
Si nous répondons que cela est faux , nous paraîtrons contredire
d'une manière presque arrogante les écrits de certains chrétiens, et
le sentiment de ceux qui se portent comme témoins de ces appari-
tions. Mais on peut répondre qu'il ne faut pas supposer que les morts
ont agi réellement de la sorte parce qu'on les aura vus dans son
sommeil dire, montrer et demander ces choses... Je croirais donc ici
à l'intervention des auges, soit que Dieu le permette ou l'ordonne,
lorsque les morts paraissent dire quelque chose pendant le sommeil
sur la sépulture de leur corps, quoique les intéressés l'ignorent com-
plètement.
Voici un fait : Etant à Milan, nous avons entendu raconter qu'un
créancier, voulant réclamer une dette, se présenta, avec la recon-
naissance d'un défunt, devant son fils, qui, ignorait ([ue son père
l'eût payée, et que ce jeune homme fut vivement attristé et étonné
que son père ne lui en eût rien dit, quoiqu'il eût fait son testament.
72 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Gomme il était tourmenté de cette atraire, son père lui apparut dans
son sommeil et lui indiqua l'endroit où était le papier qui annulait
la reconnaissance. Le jeune homme trouve ce papier, le montre au
créancier, dont il repousse la demande injuste, et reprend le billet qui
n'avait pas été rendu à son père, quand il paya la dette. On pense
alors que l'âme de cet homme s'est mise en peine pour son fils,
qu'elle est venue l'avertir pendant son sommeil de ce qu'il ne savait
pas pour le tirer d'une grande inquiétude.
Ch. xir. Un homme, nommé Curma, au municipe de Tullium, près
d'Hippone, pauvre curial, à peine magistrat de son endroit et simple
paysan, tomba malade et dans un tel état de létiiargie qu'il était
comme mort pendant quelques jours... Cependant il voyait plu-
sieurs choses pendant son sommeil, et s'étant enfin comme réveillé
après plusieurs jours, il raconta ses visions. Et d'abord, sitôt qu'il
ouvrit les yeux : « Qu'on aille, dit-il, à la maison de Curma le for-
geron et qu'on voie ce qui s'y passe ». On y va et on trouve qu'il
était mort au moment même où l'autre reprenait ses sens et revenait
presque à la vie. Oa l'interroge et il dit que le forgeron avait reçu
l'ordre de comparaître quand lui-même fut mis en liberté, et qu'il
avait distinctement entendu là d'où il revenait que ce n'était pas
Curma le curial, mais Curma le forgeron qu'on avait ordonné d'a-
mener au séjour des morts.
Saint Augustin ajoute qu'il y aurait cru s'il n'avait cité des
hommes qui se trouvaient encore parmi les vivants.
Si les âmes des morts s'intéressaient aux affaires des vivants, si
ces âmes, quand nous les voyons, nous parlaient dans le sommeil,
il s'ensuivrait, pour ne pas citer d'autres personnes, que ma pieuse
mère serait toujours avec moi chaque nuit, elle qui m'a suivi sur
terre et sur mer pour vivre avec moi. Je ne croirai donc pas qu'en
devenant plus heureuse dans une autre vie, elle soit devenue insen-
sible à ce point, que quand mon cœur est affligé, elle ne console pas
son fils dans la peine, lui qu'elle aimait si tendrement et qu'elle ne
voulait pas voir dans le chagrin. D'un autre côté, il nous faut réflé-
chir à cette parole du Ps. : Mon père et ma mère m'ont abandonné,
mais le Seigneur m'a pris sous sa garde (Ps., xxvi, 40). Si nos parents
nous ont abandonnés, comment s'intéressent-ils à nos soucis et à nos
affaires? Et si les parents sont indifférents, quels sont les autres
morts qui s'inquiéteront de ce que nous faisons ou de ce que nous
soutTrons "? Voici encore ce que dit le prophète Isaie : « Tu es notre
père, car Abraham nous a oubliés et Israël ne nous a pas connus »
(i.xiii, 16). Si ces grands patriarches ont ignoré ce qui concernait un
peuple qui descendait d'eux et qui avait été promis à leur foi comme
une nation de leur race, comment les morts s'occuperaient-ils de
connaître et de proléger les aflaires et les entreprises des vivants?
Comment appelons-nous bienheureux ceux qui sont morts, avant
SI LKS MORTS ONT CONSCIENCE DE CE QUI SE PASSE ICI-BAS 73
que ne fussent arrivés les maux qui ont suivi leur mort, s'ils éprou-
vent, même après leur mort, les misères qui accablent la vie hu-
maine?.. . Les âmes des morts sont donc dans une demeure où elles
ne voient rien de ce qui se passe ou arrive aux hommes pendant
leur vie.
Ch. XIV. Mais comment, dira-t-on, Abraham ne savait-il rien de
ce qui se passait sur la terre, puisqu'il savait que les hommes avaient
Moïse et les prophètes et qu'en les suivant ils éviteraient les sup-
plices de l'autre monde (Luc, xvi, 27). Il savait, de plus, que le riche
pendant sa vie avait vécu dans les délices et le pauvre Lazard dans
les peines et les souffrances?. . . Je réponds qu'il les ignorait lorsque
les vivants étaient encore sur la terre, mais après leur mort, suivant
les révélations qu'a pu lui faire Lazare, il les a connues, pour ne pas
démentir cette parole du prophète : « Abraham ne nous a pas
connus •.
Ch. XV. Il faut donc reconnaître que les morts ne savent pas ce
qui se passe sur la terre pendant que les choses arrivent, mais
qu'ensuite ils eu ont connaissance par ceux que la mort envoie dans
l'autre monde... Les anges qui président à l'administration des
choses de ce monde peuvent aussi faire aux morts quelques révéla-
tions.
Saint Augustin finit par confesser son embarras; la raison lutte,
chez lui, avec la foi, je veux dire la foi en ces récits, qu'il ne vou-
lait pas révoquer en doute, et qui était égale à celle qu'il profes-
sait pour l'Ecriture Sainte.
N'est-il pas intéressant de rencontrer chez des théologiens qui
paraissent être aux antipodes, dont les uns vivent en Palestine et
en Babylonie, loin de tout centre de culture générale, et les autres
en Afrique, nourris des lettres classiques et de la philosophie, des
ressemblances aussi frappantes dans les préoccupations, dans la
manière d'argumenter, dans la méthode d'interprétation des faits
et même dans la nature des récits qu'ils invoquent à l'appui de
leur thèse ou qu'ils veulent concilier avec leurs théories ?
Il est impossible de penser à des relations directes ou indirectes
sur ce point entre la scolastique juive et la théologie chrétienne :
la seule parenté qui leur donne cet air de famille est celle de l'es-
prit humain, qui, sur des données semblables, travaille partout et
toujours de la même façon. La croyance en l'immortalité de l'âme,
commune aux rabbins et aux pères de l'Eglise, aboutissait naturel-
lement à cette autre que les morts ont conscience de ce qui se passe
ici-bas. Certains textes bibliques semblent contraires à cette idée,
il s'agissait de les concilier avec la croyance: les méthodes din-
terprétation sont partout les mêmes. D'autre part, chez les Juifs
74 HEVUE DES ÉTUDES JUIVES
comme chez les Chrétiens, à côté d'une théologie qui avait, d'ail-
leurs, toutes les peines du monde à se débrouiller au milieu des
croyances les plus disparates, courait une théologie populaire,
agissant beaucoup sur l'imagination et créant des faits, et qui, dé-
daignant ce dédoublement de l'âme et du corps, se représentant
les trépassés comme des êtres d'une matérialité un peu différente
seulement de celle des vivants, les faisait vivre dans les régions
souterraines ou dans l'atmosphère terrestre, tout près encore de
ce monde et intervenant encore dans les choses d'ici-bas. N'est-ce
pas un peu l'antécédent du spiritisme de nos jours ? La théologie
officielle ne pouvait faire fi de sa rivale, et force lui était de s'ac-
commoder de ses exigences. La conciliation s'obtenait au prix
de sacrifices pénibles, et ce sont ces luttes que nous révèlent le
Talmud comme saint Augustin.
Israël Lévi.
LE YALKOUT SGHIMEONI
ET LE YALKOUT HA-MAKHIRI
C'est la juste cause d'un ami commun que je viens défendre ici.
Il s'agit de notre fidèle conseiller en matière de littérature rabbi-
nique, lo Yalhout Schimeoni. C'est grâce à lui que cette littérature,
d'un accès si difficile, nous est devenue aisée à parcourir et que
nous possédons certains textes sous leur aspect original.
Or, notre auteur favori est menacé en ce moment d'avoir un ri-
val dans un autre ouvrage composé d'après le même plan, le Yal-
kout de Makhir ben Abba-Mari. M. Spiro va publier la partie de
ce Yalkout sur le livre d'Isaïe, et M. Gaster celle qui concerne les
petits Prophètes. Assurément, le Schimeoni ne saurait être sup-
planté par ces publications, pas même dans le cas où le reste de
l'ouvrage de Makhir viendrait à être retrouvé et édité. En effet,
le Schimeoni embrasse tout le canon biblique, tandis que le Yal-
kout de Makhir se rapporte seulement à Isaïe, à Jérémie, à Ezé-
chiel, aux Psaumes, aux Proverbes et à Job. Il n'est parvenu
jusqu'à nous que les parties relatives à isaïe, aux petits Prophètes
et aux Psaumes. Le Schimeoni n'a donc pas, comme on le voit,
à craindre cette concurrence.
Cependant, ou essaie d'enlever au Schimeoni la situation privi-
légiée qu'il occupait jusqu'ici. En annonçant sa publication dans la
Revue (t. XXV, p. 44), M. Gaster soutient que le Makhiri est anté-
rieur au Schimeoni et qu'il a été utilisé par ce dernier dans sa
seconde partie. M. Gaster attribue, en conséquence, une impor-
tance considérable au Makhiri et arrive à cette conclusion qu'il
faut donner la préférence au Makhiri pour fixer les leçons des
textes originaux. Or. les raisons que M. Gaster donne de son opi-
nion sont loin dêtre convaincantes, et son hypothèse nous paraît
absolument inadmissible. C'est ce qui nous a déterminé à prendre
ici la défense du Schimeoni.
76 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Tout d'abord, M. Gaster cherche à déblayer le terrain sur le-
quel il édilie son hypothèse. Comme nous venons de le dire, le
Yalkout de Makhir ne commente que quelques parties des Pro-
phètes et des Ilagiographes, tandis que le Yalkout Schimeoni
s'occupe de tous les livres du Canon. Cette circonstance gêne
beaucoup la thèse de M. Gaster. En effet, si Schimeon connaissait
les sources relatives aux livres sacrés qui ne sont pas commentés
dans le Makhiri, pourquoi n'aurait-il pas trouvé aussi bien, sans
l'aide de ce dernier, les sources intéressant les autres livres
saints? Cette considération seule rend invraisemblable la dépen-
dance du Schimeoni vis-à-vis du Makhiri. Pour combattre cette
objection, M. Gaster, dès le début de sa dissertation, émet cet
argument que la deuxième partie du Yalkout Schimeoni (sur
les Prophètes et les Hagiographes) n'est pas du même auteur
que la première partie. En outre, la deuxième partie, qui serait
imitée du Makhiri, est considérée par M. Gaster comme anté-
rieure à la première. M. Gaster, pour réduire à néant l'objec-
tion que nous avons indiquée, raisonne de la façon suivante : Si
l'auteur de la deuxième partie du Yalkout n'est pas celui de la
première partie, il ne peut plus être considéré comme étant très
versé dans la littérature rabbinique, et rien n'empêche plus d'ad-
mettre que le Schimeoni II a copié le Makhiri. Mais M. Gaster se
trompe dans son raisonnement. L'objection conserve sa force,
même dans le cas où la deuxième partie du Yalkout Schimeoni
serait d'un autre auteur, car Yalkout II s'occupe de beaucoup de
livres bibliques pour lesquels il n'y a pas de Makhiri. On en con-
clura que Técrivain qui a été capable de composer un Yalkout sur
les premiers Prophètes, le Cantique des Cantiques, Ruth, les La-
mentations, l'Ecclésiaste, Esther, Daniel, Ezra, Néhémie et les
Chroniques, n'avait nul besoin de se mettre à la remorque de
Makhir pour commenter les autres livres bibliques.
La question desavoir si le Yalkout Schimeoni est l'œuvre de
deux auteurs ayant vécu à des époques différentes est importante
en soi, et il vaut la peine de peser avec soin les motifs que
M. Gaster donne à l'appui de son assertion.
Son premier argument est tiré de la nature des renvois du
Yalkout Schimeoni. M. Gaster dit, p. 44 : « Si l'on examine les
renvois de la deuxième partie, on remarque qu'ils se rapportent
toujours, sauf de rares exceptions ^ aux passages contenus seule-
» Pourquoi M. Gaster ne cite-l-il pas ces < rares exceptions • ? — Sur Proverbes.
§ 953, je trouve le renvoi suivant : p-inN OTniipS 120" riD3 Tm r;2"*i<a
'73 T7213. Or, dans le "jl-inS DIIÛÎip, imprimé a la fin de la 1" partie de Vedilio
princeps, il n'y a rien de pareil. Peut-être le passage en question manque-t-il, ou la
LE YALKOUT SCHIMEONI ET LE YALKOUT HA-MAKHIRI 77
ment dans cette deuxième partie et jamais à ceux du Pentateuque.
Si les deux parties, comme on l'admet communément, étaient
l'œuvre d'un même auteur, on ne s'expliquerait pas pourquoi il se
serait interdit, dans la deuxième, de renvoyer à la première, aussi
bien qu'il renvoie à des passages de la môme partie. Il faut donc en
conclure que ces deux parties, indépendantes l'une de l'autre, sont
dues à deux écrivains. »
Cet argument perd toute sa valeur dès qu'on se rend compte du
caractère du Yalkout. Celui-ci cite in extenso les interprétations
rabbiniques au sujet de chaque verset de l'Écriture Sainte, et ne se
contente pas d'indiquer les livres et les chapitres qui contien-
nent ces interprétations, car il veut épargner au lecteur le soin
de faire des recherches. Le Yalkout se compose de deux parties,
qui, à cause de leur grande étendue, se trouvaient renfermées dans
deux recueils différents. Fidèle à son principe, le compilateur ne
pouvait, dans une partie, renvoyer à des paragraphes contenus
dans l'autre partie. D'ailleurs, le lecteur pouvait être en posses-
sion de l'une des parties, sans posséder l'autre. D'un autre côté, il
eût été peu pratique pour l'auteur de répéter dans le même volume
les mêmes choses à propos de différents versets. De là vient que le
Schimeoni ne renvoie qu'à des paragraphes de la même partie. En
outre, il n'est pas sûr que les renvois proviennent de l'auteur. Qui
sait s'ils ne sont pas l'œuvre des copistes ?
M. Gaster invoque aussi le fait que beaucoup d'ouvrages utilisés
dans une partie du Schimeoni ne le sont pas ou le sont fort rare-
ment dans l'autre*. C'était dans l'ordre naturel des choses. C'est
ainsi, par exemple, qu'en s'occupant du Pentateuque, le rédacteur
étudia surtout les Midraschim sur le Pentateuque, même ceux qui
étaient peu répandus. Dans la rédaction de la deuxième partie, ce
sont principalement les Midraschim sur Samuel et les Psaumes qui
ont été mis à contribution. Naturellement, les Midraschim les plus
importants et les plus généralement répandus sur la Bible ont été
également utilisés dans la seconde partie. Des Midraschim plus
2» partie avait-elle un IlinX 0"1l351P qui a été perdu. En tout cas, ce fait atteste
le plan unitaire des deux parties. Dans la l" partie de X'editio princeps, on renvoie
souvent à ce 0112 jlp.
• M. Gaster (p. 45, n" 11) compte parmi les ouvrages utilisés dans Yalkout I, et
non dans Yalkout II, la Pesikta rabhati. P. 47, il donne une liste des ouvrages dont
Makhir a fait des extraits et dans laquelle celte Pesikta ne figure pas, et il dit : • On
!e voit, c'est la même liste que nous a fournie Yaikout II, à l'exception de la Pesikta
rabhati*. Comment concilier les deux assertions de M. Gaster? Eu réalité, Yal-
kout II cite très fréquemmeot la Pesikta rabbati, et Yalkout I la cite également,
quoique plus rarement. Voir la table de l'Introduction de Buber à la Pesikta,
p. xxvii. Yalkout II a beaucoup dt sources que Makhir ne connaît pas ; voir
plus loin.
78 lîEVUE DES ETUDES JUIVES
petits et moins populaires, tels que le r;:DwS "w-.ito, le li'D"'"! w-iir et
d'autres de ce genre, ont été négligés par le rédacteur. Il faut aussi
tenir compte du fait que la rédaction d'un ouvrage comme le Yal-
kout a nécessité un certain temps. L'auteur n'a probablement pas
toujours demeuré dans le même endroit et n'avait pas toujours les
mêmes livres à sa disposition.
M. Gaster dit encore ; « En oulre, il y a différence entre les
deux auteurs pour la manière de citer les sources; le premier, par
exemple, ne se sert de l'expiession vague w---: qu'une cinquan-
taine de fois, et le second plus de trois cent cinquante fois dans
un volume beaucoup moins grand que Yalkout I ».
M. Gaster ne procède guère selon la méthode d'une saine cri-
tique. Il établit combien de fois l'expression cm» se trouve dans
les éditions postérieures du Yalkout, sans faire attention à la
provenance et à la signification de ce mot. Or, il faut voir par le
contenu ce t[ue l'on entendait par c-n?3, s'il s'agissait d'un Midrasch
Inconnu, ne pouvant être qualifié, ou d'un Midrasch bien connu
sur le livre dont il est question. En outre, dans des recherches du
genre de celles-ci, il n'est permis de tenir compte que de Veditio
princeps, car les additions des éditions postérieures n'ont naturel-
lement pas d'importance pour le plan d'un ouvrage. "Cî-it:, dans son
sens primitif [un Midrasch), est employé encore plus rarement
dans la deuxième partie du Yalkout que dans la première, "r-n»
dans le second sens [le Midrasch) se trouve en particulier très fré-
quemment dans la seconde partie, mais seulement dans les édi-
tions postérieures, et non dans l'édition irrinceps et dans les an-
ciennes éditions. Même celles-là n'ont fréquemment le mot cm^
que dans les livres de Samuel, des Psaumes, des Proverbes et dans
trois Megillot, tandis que dans les autres livres cette expression
ne revient pas souvent. M. Gaster admettra-t-il ici aussi différents
auteurs ? Du reste, voici comment les choses se sont passées.
VéùWÀonpr inceps sur Samuel, les Psaumes, etc. a négligé, dans la
plupart des cas, d'indiquer la source, quand il s'agissait d'un des
Midraschim sur les livres que commentait le Yalkout. Les éditions
postérieures complétèrent ce qui manquait en mettant chaque fois,
en marge, le mot -wm». De là, dans les éditions postérieures,
la fréquence du mot c-n*: dans les chapitres relatifs aux livres
de Samuel, des Psaumes, des Proverbes, du Cantique des Can-
tiques, de l'Ecclésiaste et des Lamentations. Les anciennes édi-
tions n'ont pas une seule fois le mot c-n?:. Le Yalkout sur Samuel,
en beaucoup de passages, indique comme source 7Nr:'C n~5s; en
beaucoup d'autres endroits, il néglige d'indiquer la source, lors-
qu'il fait des emprunts au Midrasch Samuel. Ici, les éditions pos-
LE YALKOUT SCHIMEONI ET LE YALKOUT HA-MAKHIRI 79
térieures ont mis en note : '«rni^:. C'est ainsi que nous trouvons en
marge : "w-in7û, à côté de irNToo m^N. Nous pouvons donc être sûrs
que bNi7:'0 m^x provient de l'tidition prliiccps, tandis que le mot
UJ-n72 n'a été ajouté que plus tard. De môme, les anciennes édi-
tions désignent le Midrasch sur les Psaumes par les mots •::-i'i?2
nrj nnrc (§ 699 et 826), et les nouvelles par le mot c-nTa. Dans
l'édition princeps (et dans les anciennes éditions), je ne trouve un
uî-i'i-a spécial'que sur les Proverbes et Esllier. Peut-être les mots
■•b^D^: et -c-nicnN ont-ils été omis. Dans Hulh, il y a partout l'indi-
cation r-n •:;-n:2 ; dans Misclilè, § 944, il y a aussi -^b-::» amw.
Dans tous les cas, l'édition princeps n'a l'indication ■:5mw que pour
Misclilè et Esther. En outre, le sens de ce mot de "sT-nw est tout
autre que dans la première partie et dans certains passages de la
seconde partie du Schimeoni.
M. Gaster ajoute : «Dans les citations de Berescliit Rabba, celui-
ci (Yalkout I) ne manque presque jamais (excepté quatre fois) d'in-
diquer le chapitre. Yalkout II l'omet plus de cent cinquante fois ».
C'est là une énumération bien inutile. Dans l'édition princeps^
les chapitres du Ber. Rabba ne sont pas même indiqués une seule
fois, ni dans la première ni dans la seconde partie. Le Yalkout sur
Genèse y est divisé en chapitres selon le modèle du Ber. Rabba,
et c'est pourquoi il ne serait pas nécessaire d'indiquer ici le
numéro des chapitres de ce Midrasch '. D'ailleurs, le Yalkout sur
les quatre autres livres de Moïse ne cite pas non plus les cha-
pitres du Ber. Rabba. M. Gaster aura encore eu recours à une
édition postérieure et s'est donné ainsi une peine inutile.
M. Gaster dit encore que parfois le texte d'une citation dans
Yalkout 1 est autre que dans Yalkout II. D'après M. G., cette cir-
constance prouve que les deux parties sont dues à des auteurs
différents.
La divergence des textes cités par le Yalkout est un fait connu
depuis longtemps et qui a été expliqué d'une manière satisfaisante
par MM. Jellinek* et Friedmann"'. Du reste, dans la même i)artie
* Dans l'édilioa princeps, les noms des sources se trouvent dans le texte, et sur la
Genèse ils se trouvent partois devant 1 indication des chapitres. De là vient que sou-
vent, au premier abord, il semble que les chapitres de Ber. K. sont indiqués : par
exemple, n"D "«"ID ""3, 1":û ^i'OID n"3, etc. Or, les mots ^":3 T't'C.D etc. ne se
rapportent pas à Ber. H., mais au Yalkout. C'est ainsi qu il y a aussi Z'^Z'i^JZTt p"IS
n""" nC"lD, î<"3 n':,"lD -|"'33N, N"D 'ns N73in;n. — L'éd. de Venise et celle de
Cracovie ne donnent les chapitres de Ber. R. qu'en partie sur la Genèse parce que,
d'après la division en chapitres du Yalkout sur Genèse, il était facile d'indiquer les
chapitres du Ber R, Paitout ailleurs, même dans ces éditions, ces chapitres ne sont
pas indiqués.
* Bel ha-Midrasch, VI, xxiv.
* Sifrè, Introduction, ch. vi.
80 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
du Yalkout, il y a divergence dans les textes. Qu'on compare, par
exemple, la citation de Baba Kamma, 38 &, dans Yalkout I. § 86 •
et §808-, la citation de Berescliit Rabba ch. i dans Yalkout II
§460 (éd. de Salonique, § 322 des éditions postérieures =!) et §836*.
Il y a beaucoup de ces divergences dans une seule et même partie,
et elles ne prouvent nullement que différents auteurs aient tra-
vaillé à chaque partie.
Ensuite, M. Gaster procède à la confrontation du Yalkout Schi-
meoni avec le Yalkout ha-Makhiri. Il énumère ^, non sans com-
mettre des erreurs, les manuscrits qui existent de ce dernier, il
donne ensuite une liste des ouvrages que Makhir a utilisés et
ajoute, p. 48 : « C'est, on le voit, la même liste que nous a
fournie Yalkout II (à l'exception de la Pesikta Rabbati) ; la
coïncidence n'est évidemment pas fortuite et on ne s'explique-
rait pas que deux auteurs diff'érents se fussent rencontrés dans
la connaissance des mêmes Midraschim et dans l'ignorance de
certains autres. C'est l'indice certain d'une parenté entre les
deux recueils ». — Or, la liste de Makhir n'est nullement
identique à celle de Schimeon. Chacun des deux compilateurs
a utilisé des ouvrages que l'autre ne connaissait pas. Par
exemple, Schimeoni II cite : Abkhir, Pesikta Rabbati, Agarlat
Samuel^ et Midrasch, sans désignation plus précise, Makhir ne
connaît aucun de ces Midraschim. De son côté, Makhir utilise :
Schemot rabba, Bammidbar rabba (voir plus loin), Midrasch Job^
ainsi qu'un Midrasch sur i-rnài. Tous ces Midraschim sont
ignorés de Schimeon. Le Midrasch sur les Psaumes est appelé par
' a.sT^ [n]-i72Npn ...ï-T'apr: r^^ .••ï-iw7:m r-i:>3nî< mr:5 -,rj
ï-iivj: l'r^-'NT ...irî3 t^d? N-^-i^rN nh n'?i ni- T\r:T\'iiz ...sx p
» r^'z^^•:lz ...rwSiT: r-t\-i-'-ip-! ...f^i-;:- VJ*- V"''- ••■'""' '" ^''■'"■''^ '''''-
. . . ï-^^-^1-,p-i T-i-vv'^ T^wSi ...ï-!-'-,:?j: p<-^-i;:i< m:*^ b^x Nbn xin
f<5 ^"ili'il ^■'"m^'^X i'î'^DNT . Celle cilatioa se rapprocliC davanlaj,'e du texte de
Nazir, 23*.
M?:"i-i"!3 nm?: n"«r; "::n3'^» i-i7:N"^ Nr:: ...'?d 'r:::^v '- ^'.^ .n"3
♦ yp-i b- "i7:i-n2 nn:: rr- bsr-'?: ûnrix n--' xb-w.
5 Le Yalkout ha-Makhiri sur Isaïe et les Psaumes est déjà mentionné par les
Î2"':"w"' TS'J et, à sa suite, par Woll, I, n' 1419, ninri "nO et Q-^bin:!" Cw.
M. Gaster ignore enraiement que la prél'ace du Makhiri a été déjà publiée par Stra-
schoun dans n:7:N* ~"'~p, de Fin, p. 304.
" Dans la liste de M. Sleinschneider [Cat. Lug. Batac, p. 348) et dans celle de
M. Gaster ne figurent ni la Pesikta H., ni bNi:2">i; mSN. Makhir aurait-il réellement
ifruoré ces Midraschim ?
■ï Daprès Neubauer, Cat,, n" 167, M. Gaster ne dit mot du Midrasch Job, dont
l'existence est, sans raison, encore contestée; voir Brull, Central-Anzeiger, p. 35, Les
mots : ...£1^0173 3T^X "(3"!T70T (Schimeoni, II, 897) sont probablement interpolés.
LE YALKOUT SCHIMEOM KT LE YALKOUT HA-MAKH1R[ 81
Schimeon (dans la V^ et la 2« parties) 2r^ inrc "::-n7:, tandis que
Makhir l'appelle û^brrn '^îm?:. Comment parler dans ces conditions
d'une « coïncidence » ?
Pour prouver que Schimeon a copié Makhir, M. Gaster donne
des extraits de Makhir sur Isaïe et Ohadia, et dit, p. 48 : « Ces
passages sont choisis à dessein, parce qu'ils sont caractérisques pour
la richesse des citations. . . Ces citations, comme on peut le voir,
sont intéressantes; elles réunissent les principaux ouvrages dont
s'est servi Makhir et particulièrement des fragments de ce Mid-
rasch sur le Cantique qui semhle avoir péri... Mais, ce qui est
plus important pour l'étude que nous poursuivons, nous y recon-
naissons aisément les morceaux qui ont servi à constituer Yal-
kout II, plus complets et disposés autrement que dans celui-ci.
Malgré ces différences, ce sont évidemment les mêmes. . . Tout ce
que nous reproduisons du Makhiri se retrouve dans les §§ 284 et
285 du Schimeoni. Il en est de même pour le chapitre sur Obadia.
Là, l'auteur du Schimeoni a encore abrégé plus que dans Isaïe ».
Les citations de Makhir de a^von n^a nn:in sont réellement inté-
ressantes, mais le fait en lui-même n'est pas nouveau. Il y a
quelques années que nous avons démontré qu'il existait autrefois,
indépendamment de notre Midrasch sur le Cantique, un autre
Midrasch sur le même livre que Hillel et Abraham, fils de
Maïmonide, nomment également a^i^cn -i^ai m:;-. Yalkout II
connaissait lui aussi ce Midrasch ». Pour ce qui concerne la
confrontation du Schimeoni avec le Makhiri, il n'y aurait rien
d'étonnant à ce que deux compilateurs se rencontrassent sur
quelques points. Mais qu'on compare Schimeon avec Makhir même
pour ces points et qu'on voie s'ils ont entre eux la moindre
ressemblance. M. Gaster se tire d'embarras en prétendant que
Schimeon a abrégé et transposé le texte de Makhir. Or, il a sim-
plement omis de citer certains passages que Makhir a cités, et, ce
qui est encore plus décisif, il a donné des passages qui n'ont pas
été cités [)ar Makhir. Par exemple, § 283 : . . .iiz-iiz ^-nioDrx -i"wS
^MN Nan... cf. § 125. Et plus loin § 285 : inn w3d 2r 3NT ist
mns- -i72N\:;. Avec la meilleure volonté du monde, comment dé-
couvrir ici la moindre dépendance de Schimeon vis-à-vis de
Makhir ?
Je me suis arrêté longuement aux preuves alléguées par M. Gas-
ter parce que je tenais à rectifier les faits dénaturés par lui au
profit de Makhir.
Si on examine sérieusement la question et si on accorde quelque
> Eldad, p. 7'.l.
T. XXVI, no ;.i. e
82 REVUE DES ETUDES JUIVES
crédit aux résultats de la critique littéraire historique, il n'y a
plus le moindre doute au sujet de l'antériorité du Schimeoni.
Notre histoire littéraire est arrivée, en ce qui concerne les Miilra-
schim, à certaines conclusions qui sont tellement sures qu'elles
peuvent et doivent servir de base dans les recherches ultérieures.
Il est établi que le Rabba sur Exode et les Nombres ont été réunis,
sous leur nom actuel, seulement vers la fin du xu" siècle. Des
auteurs du xi» et du xii^ siècles ne connaissent pas encore ces Mid-
raschira '. Gomme l'auteur du Yalkout Schimeoni ne les connaît
pas non plus (ni dans la l'" ni dans la 2" |)artit'), il a dû vivre à
une époque où ces Midraschim n'existaient pas encore; car, s'ils
avaient existé, ils n'auraient pas échappé à l'attention de cet au-
teur familiarisé avec toute la littérature rabbinique^ L'auteur du
Yalkout Schimeoni a donc vécu, au plus tard, vers la fin du
xiP ou au commencement du xiii'' siècle^.
Appliquons maintenant le même critérium à Makhir. De la liste
formée par MM. Steinschneider et Gaster des Midraschim utilisés
par Makhir, ainsi que des extraits publiés dans la Revue, il res-
sort que Makhir connaissait déjà le Midrasch Schemot rabba et
Bammidbar rabba. Mahhir a donc vécu après Vauteivr du Yal-
kout Scliimeoni, qui ne connaissait pas encore ces Midraschim.
La question de savoir si le Makhiri mérite d'être i)ublié dépend
naturellement de ce qu'il renferme. En général, nous ne pouvons
attendre grand'chose de ces sortes d'abrégés. Ordinairement, on
n'y trouve que des redites. Les choses vraiment neuves et les va-
riantes importantes auraient pu être citées comme extraits. Une
édition critique du Yalkout Schimeoni serait sûrement plus utile
que la publication de beaucoup de Midraschim. Mais nous com-
prenons que chacun ait à ce sujet sa manière de voir. En tout
cas, il nous paraît inutile, pour rehausser le mérite de l'ouvrage
qu'on édite, de lui attribuer une valeur qui lui manque.
A. Epstein.
' Cf. Zunz, G. V., 2« éd., 269, 2-3, et mes Beitrâge, 68, 7o.
' Cf. Rappaporl, Kcicm Chemed, Vli, 4 ; mou Simon Kara et le Yalkout Schimeoni,
§6.
* Zuuz, ihid,, 312-313. Azaria Oc Kossi (;^*'^2 "^TiN, tli. xix) a vu un manuscrit
du Yalkout de l'an 1310.
LA FAMILLE DE YEHIEL DE PISE
Nous allons essayer d'esquisser ici l'histoire d'une des familles
juives les plus importantes et les plus illustres de l'Italie. Cette
histoire présentera certainement des lacunes, car il existe des
solutions de continuité dans l'ensemble des documents que
nous possédons. Mais nous nous contenterons de la raconter
telle qu'elle ressort des informations que nous avons, espé-
rant qu'un jour de nouvelles découvertes viendront combler les
vides.
L'aïeul de cette famille, Yeliiel ben Matatia, établi à Pise au
commencement du xv'' siècle, présentait déjà, ce semble, les
traits essentiels que nous retrouverons chez ses descendants.
Ainsi, il occupait une place importante dans sa communauté, dans
la société et la littérature de son époque. Quand les délégués des
communautés italiennes se réunirent à Bologne, le 18 mai 1415,
pour délibérer sur les mesures à prendre afin d'enrayer les persé-
cutions, il représenta dans cette assemblée les Juifs de Toscane '.
La réputation de sa maison s'était répandue dans toute l'Italie, et
le poète et grammairien Joseph Zarko, renseigné sur Yehiel par
son maître, Profiat Duran Efodi, se plaça sous le patronage de ce
Mécène juif, qui, «'occupant lui-même de poésie hébraïque, proté-
geait tous ceux qui la cultivaient'-. Dans l'année 1413, notamment,
Joseph chanta en toute circonstance les louanges de son protec-
teur et amphytrion. Avant de se présenter chez lui, il s'était fait
précéder d'une épitre poétique, où il se recommandait d'Efodi. Il
plaça ensuite des vers composés eu l'honneur de Yehiel dans l'ora-
toire que celui-ci avait établi dans sa maison, sur le calendrier
mural qui, selon l'usage italien, était appendu dans la synagogue,
* Voir Halberstani, dans Gratz-Jubdsr.hrift^ "12^ P~a^, p. 5?), note 11.
' Voir Pièces justificatives, 1, Josepli b. Isaac Zarko a écrit son nom, à la dale du
8 septembre 1417, dans le ms. d'Oxlord n" 2391. N'oir, sur le nom de Zarko, Isidoro
Locb, BÉJ., XVI, 3o, noie 2.
8'4 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
sur le siège de Yehiel, lorsque, après une maladie, il reparut à
loffice divin. En offrant à Yehiel un exemplaire de « l'ennerai des
femmes >-, composé à Barcelone, en 1208, par Juda ben Sabbataï
Hallévi ', ou peut-être d'un pastiche qu'il avait fait de cette œuvre,
il accompagna ce cadeau d'une dédicace poétique. A en juger par
les éloges que lui décerne son protégé, Yehiel connaissait la litté-
rature rabbinique ainsi que les sciences de cette époque.
Cinquante ans plus tard, la réputation d'un autre Yehiel de Pise,
célèbre par sa fortune, sa générosité et son savoir, s'étend jusqu'au
delà des frontières de la Toscane et de l'Italie. Il avait fondé à
Pise une banque de prêt, qui fut la source de sa prospérité, mais
faillit aussi causer sa ruine. Excitée par les prédications d'un
fanatique, peut-être de Bernardin de Feltre, qui ne se lassa pas de
s'élever contre les richesses de ce Juif de Pise-, la foule envahit
sa maison pour la mettre au pillage, sans toutefois causer de dom-
mages sérieux. Ces désordres paraissent avoir eu lieu en 14*1. A
ce moment, Yehiel était déjà en correspondance avec Don Isaac
Abravanel, à qui il fît sans doute part de cet événement, puisque
dans la réponse qu'il lui adressa l'année suivante, en 1472^,
Abravanel commence par lui exprimer des condoléances. Yehiel
jouissait d'une très grande considération, car Abravanel engagea
les ambassadeurs Lopo de Almeida et le savant médecin Joâo
Sezira, que le roi Alphonse V de Portugal envoya auprès du pape
Sixte IV, à faire une visite à Yehiel. Ces ambassadeurs étaient eu
même temps chargés de remettre de précieux cadeaux à Yehiel et
à sa femme de la part d'Abravanel et de son épouse, entre autres,
pour la maîtresse de la maison, une esclave de grande valeur
qui était depuis longtemps dans la maison du docteur Sezira,' et
pour Yehiel de précieux manuscrits exégétiques, parmi lesquels
se trouvaient des ouvrages d'Abravanel lui-même. C'est que
Yehiel, tout en se consacrant à ses affaires et à ses relations de
société, ne négligeait pas la science. Il avait demandé à Abrava-
nel, pour sa bibliothèque, un exemplaire du commentaire de David
Kimhi sur les Hagiographes^. Du reste, il semble que, par les
soins d'Abravanel, la collection de Yehiel s'enrichit de beaucoup
d'ouvrages d'auteurs judéo-espagnols. C'est de lui aussi que Yehiel
reçut les ouvrages d'Efodi et de Joseph ibn Schem Tob, que son
petit-fils Yehiel Nissim sut si bien utiliser plus tard. De ses deux
fils, Isaac et Samuel, l'aîné, Isaac, était alors déjà assez âgé pour
' Kaufmann, dans \es Goltingischc Gelekrtc Anzâgen, l"juia 18So, p. 440 et suiv.
' Graelz, Geschtchte, VIII, 3* édit., 24L), note 1.
' Otar Nechmad, éd. Blumeufeld, II, tJo et suiv.
* Ibid., 69.
LA FAMILLE DE YEHIEL DE PISE 85
qu'Abravanel pût lui adresser ses compliments ^ Ces fils reçurent
une éducation soignée, comme des adeptes de la science, et non
comme des marchands. Le savant juif Jean Alemanno. maître
et ami de Pic de la Mirandole, paraît avoir vécu plusieurs an-
nées sous le toit de YehieP. Dans l'automne de l'année 1488, il
trouva de nouveau un accueil hospitalier dans la maison de Yehigl,
qu'il appelle son protecteur paternel, et il y commença son com-
mentaire sur le Cantique des Cantiques ^ Isaac et Samuel aimaient
la science comme leur père, et, comme lui, ils étaient en relations
avec des savants. A ce moment, Isaac correspondait déjà person-
nellement avec des écrivains, qui lui dédiaient des ouvrages. Isaac
ben Samuel ben Ilayyim Sefardi, qui habita Naples de 1487 à
1492, lui dédia, sous la forme d'une missive, son commentaire de
la lettre cabbalistique attribuée faussement à R. Ilaya Gaon *.
Cependant, avant de mourir, Yehiel éprouva l'inconstance du
sort et eut à supporter de douloureuses épreuves. Une de ses filles
paraît avoir cédé aux séductions de la société chrétienne qu'elle
fréquentait et avoir abandonné la religion de ses pères \ Cette fille
s'appelait, croyons-nous, Rica. Cette apostasie surprit et affligea
Abravanel, qui était alors lui-même très malheureux, se voyant
forcé, par suite de circonstances encore ignorées, de rester éloi-
gné de Lisbonne depuis trois ans; il avait dû interrompre sa cor-
respondance, autrefois si régulière, avec son ami le plus cher. Il
s'efforce de surmonter sa [)ropre douleur pour consoler Yehiel,
qu'il appelle « un prince en Israël ». Il lui rappelle que, d'après le
dire des rabbins [Moed Katon, 20&), le résultat de l'éducation ne
dépend pas du mérite des parents et que dans tout champ poussent
des chardons entre les é[)is. Mais il ne parle qu'avec timidité,
comme s'il craignait d'élever la voix à un moment où la blessure
est encore si récente et si cuisante. C^^pendant, même dans ces
« Bévue (hs Et. j.^ XII, 256 : i-ii:»:?: "«îîp TCwS TT.SW '" NTM "û'^Xn
Vm-nn ■'3-l-n Vl-n^Oinm "in"^32 DNS "^^biro. Ci'. Hebr.Bihlwgr., V, 28, note 1.
Le turuotn de 5m que, selon l'usaj^e Je son temps, Yehiel ajoute à son nom est ex-
pliqué par Zunz [Ges. Srhnfle», 111, 20") comme une abréviation des mots ^pz'^^
'"72 IllCn fie Proverbes, viii, 35. Voir Sleinschnoider, ffebr. Bihliogr., XIV, 86.
Abraham Molal, à la lin de son T^t; r~nri, donne la même explication de 3"n, et.
de plus, il ajoute la suivante : ^n'îXTj ^ni'Cl xbl (Pf., xviii, 22). Voir Jellinek,
T'^Trr! on::;ip, 2» édii., p. is.
3 Perles, RÉJ., XII, 243. noie 4.
♦ Berliner, Mafjazin, I, 30, et Sleinschnei.îer, Hehr. BibL, XIV, 86.
* Graetz, Geschicfite, VIII (3* éd.), 359, note 2. Je dois à l'obligeance de M. B.
Zimraels, rabbin b Miihrisch-Ostrau, la copie des lettres d'Abravanel publiées aux
Pièces justificatives, II, 1-4, d'après le ms. Haiberr^çr^ n: 10 i. Pour le nom de Rica,
voir plus loin.
86 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
douloureux épanchements, on retrouve les préoccupations habi-
tuelles du savant. Abravanel voudrait rentrer en possession des
ouvrages d'Efodi et de Joseph ibn Schem Tob, qu'il avait prêtés,
pour les copier, à son ami, et il recommande à Yehiel de les lui
envoyer par son ami, le médecin Asolo Mendez. En même temps il
lui demande de lui (aire parvenir les productions de la littérature
juive de l'Italie, il désirait surtout connaître les- commentaires
d'Iramanuel b. Salomon sur le Pentateuque et les Prophètes.
Parmi les entants de Yehiel auxquels Abravanel envoie ses sa-
lutations, il ne nomme que son flls aîné, Isaac, et sa fille qui avait
épousé un certain David et qui, peut-être à cause du nom de David
porté par son mari, est appelée Ahinoam (II Sam., xxv, 43).
Samuel était évidemment encore trop jeune pour être connu
d'Abravanel '.
Les souhaits de son ami ne se réalisèrent pas pour Yehiel. Il
semble que cet homme, précipité à l'improviste du sommet de son
bonheur, se soit lentement consumé par le chagrin. Quand, à ses
anciennes peines, vint s'ajouter pour lui la douleur de voir mourir
sa femme, il déclina peu à peu et succomba lui-même le 10 fé-
vrier 1490. Quoiqu'il lut mort très âgé, il fut pleuré partout
comme s'il était décédé à la fleur de l'âge. Son vénérable ami Don
Isaac Abravanel, des savants et des poètes, comme Abraham
Hayyoun, de Lissabos, et Isaac, de Fez, pleurèrent sa perte irré-
parable dans des lettres touchantes qu'ils s'empressèrent d'écrire
à son fils aîné Isaac-. On a même enregistré pour la postérité
l'heure de sa mort : c'était à six heures du matin, le 19 Adar I
de l'an 5250. Des poètes et des écrivains comme Eliézer Ezra de
Vol terra, Salomon de Camerino^ et l'astronome Abbamare Hal-
fon* le pleurèrent dans des élégies et des lettres de condoléances
qu'on possède encore aujourd'hui.
Quelle que soit la part qu'on doive faire, dans ces poésies, à
l'exagération, il n'est pas contestable que la personnalité de Yehiel
se dégage de toutes ces manifestations comme une personna-
lité remarquable. Sa maison de commerce dut jouir de la plus
grande renommée en Italie et à l'étranger, où il fit, du reste, lui-
même plusieurs voyages. Les aumônes qu'il distribuait avec une
libéralité princière étaient accordées aux nécessiteux de toutes les
» V^oir, aux Pièces justificatives, III, la leUre d'Abravanel tirée du ms. du Brilish
Muséum, Add. 'Z'I'Zy (aulrefois m?. Almanzi .
* \'oir Pièces justificatives. II. 2-4.
' M. Herliner {Magazin, XVI, ;jO) dit que, d'après le poème d'Abbamare, dans le
ms. de Naples, III, p. 12, Yehiel serait mort à Lacques.
» Neubauer, RÉJ., IX, 153, note 1. Cf. Pièces justifie itives, III, 1-3.
LA FAMILLE DE YEIIIEL DE PISE 87
contrées qui venaient implorer sa cliarité. Son influence auprès des
grands du pays (Hait toujours au service de ses coreligionnaires
opprimés, qui s'étaient habitués à chercher auprès de lui aide et
protection. Familiarisé avec la littérature rabbinique et la philo-
sophie, il n'était heureux que quand il pouvait consacrer ses rares
moments de loisir à l'étude de la Loi. C'est pourquoi le deuil causé
par sa mort fut si général, comme la communauté de Pise le dit
dans sa lettre de condoléance, opuscule homilétique qu'elle fit
composer, selon l'usage du temps, par Salomon de Camerino.
Cependant l'éclat de sa maison ne disparut pas avec lui. Ce fut
surtout son fils aîné Isaac qui suivit fidèlem.ent les traditions pa-
ternelles. Lorsque, deux ans et demi après la mort de Yehiel, se
produisit la catastrophe qui frappa les Juifs d'Espagne, et que tous
les grands ports de la Méditerranée étaient encombrés de navires
portant des exilés, Isaac de Pise devint pour ces malheureux
comme une Providence. Ils n'oublièrent jamais ce qu'il fit à
lui seul pour la délivrance de ceux qui abordèrent dans le port
très fréquenté de Pise. Guedalya ibn Yahya entendit encore
parler, quoique d'une façon vague et inexacte, des œuvres de
charité d'isaac de Pise, qui furent même entourées de l'auréole
de la légende. En effet, le récit de Guedalya relatif aux quatre
vieillards annonçant à Isaac qu'un de ses descendants jetterait
sur sa maison un vif éclat par son érudition rabbinique (cet
Abraham de Bologne qui fut enlevé prématurément en pleine
vigueur intellectuelle), ce récit, disons-nous, n'est autre chose que
reX[)ression de ces sentiments de gratitude transfigurés par la
légende*. C'est avec lui qu'Isaac Abravanel continua la corres-
pondance amicale qu'il avait entretenue si longtemps avec son
père. Une lettre d'isaac à Abraham Hayyoun, lequel paraît avoir
été déjà l'intermédiaire entre Yehiel de Pise et Don Isaac Abra-
vanel, est devenue l'unique témoignage littéraire qui nous soit
resté de la main de ce fils aîné de Yehiel de Pise "-.
Samuel, le fils cadet de Yehiel, jouissait également d'une répu-
tation considérable. Un manuscrit de la Derossiana de Parme,
contenant la troisième partie du Code de Maimonide ^, porte encore
' n?3pr; n^'CrO, éd. Venise, iVàh. L'h^pollK-se de LuzzaUo, dans Hebr. Bibl.,
V, 147, que la relalion de Gusdalj-a se rapporte à Ifaa>! est conlirmée par les paroles
de son neveu Yehiel dans riatroduclion du n"lN:p P~;73 : Û^^ISNb 1X^ "1?2N
n-12: irT'nNîû c-'N t^tn t-iss î— n*::^ ic;ï< rDi srmi: T't: ncr: r,-z
V? i-î-73 û"':-ip ibna ban vpna i-i\s'- iV?r;-û "'nT«r r;y yri^-j^^.
* Voir cette lettre aux Pièces justificatives, II, 4.
^ Voir ms. de Rofsi 121)0. Sur la dernière page se trouvent, daprès une commu-
nicalion qui m'est faite par M. Leonello Modona, les signatures suivantes :
88 HEVlll;; DES KTUbES JUIVES
son nom et celui de sa sœur Rica, qui évidemment savait aussi
l'hébreu; ils ont inscrit leurs noms dans ce livre, encore du vivant
de leur [)ère, dans la maison paternelle. Samuel parait être resté
encore plus fidèle qu'Isaac aux études auxquelles il s'était voué dès
l'enfance et avoir fait de sa maison un centre de réunion pour les
savants, qu'il aimait à protéger. Toutefois, son activité dura peu.
Il 'ut enlevé Jeune à l'affection des siens, laissant un fils de trois
ans auquel il avait donné le nom de son père, Yehiel Nissim.
Toutes les nobles aspirations, toutes les belles qualités de la fa-
mille se retrouvèrent chez cet enfant, qui était ap[)elé à ajouter
à l'éclat de la maison. Il fut élevé par sa mère Laura, encore
fort jeune quand elle devint veuve, et la mère de celle-ci, Sara,
remarquable par sa pitié et sa science, et dont un des deux
frères, Sabbataï, habitait la Turquie, où il exerçait la médecine,
et l'autre Jérusalem. Selon les traditions de la famille, on le pré-
para à devenir à la fois un savant et un négociant. Il épousa une
fille de l'illustre famille d'Ascher ^leschouUam de Venise*, nom-
mée Diamante, et ensuite il fonda à Pise une maison qui continua
les traditions brillantes de la famille.
Comme son aïeul, Yéhiel établit une synagogue dans sa maison.
Malgré ses occupations commerciales et ses études, il trouva le
temps d'écrire de sa propre main — c'était un habile calligraphe
— un rouleau de la Loi pour le service de son oratoire. Trois géné-
rations florissaient presque simultanément dans cette maison : il
y avait sa mère Laura, sa grand'mère Sara, et la nièce de celle-ci,
Debora, flile de son frère de Jérusalem. Un homme érudit,
!-,NT vnrr f>:c"«s7: x"'-»--' &"-n bN"«n'' -"nr:"i7:D3 rxiT:"^ -"rsi .1^
•(en caraclcres carres) aVr'iSi
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.-";• Ne"'c-o Vn'i?:',:: ".^d p ^"■'"'T"' ^■'r"'" bsT"' ■'r:» .6
Ce ms. n'est donc pas, comme de Kossi et, après lui, Zunz [Kercm Chemed, V, 155)
l'indiquent, un manuscrit de la maiu de Samuel, mais porte seulement sa sifrualure.
Sa sœur Hica (cf. Zunz, Ges. Schi-iften, II, o9] y a apposé aussi sa signature comme,
plus lard, son neveu Yehiel. Peut-être l'auteur du ms. est-il Menahem de Terra-
cena ; cf. ms. Oxford 1 i9l, dans le Catalogue de M. Neubauer.
' J'emprunte tous ces détails au Journal de David Ueiibeni, d'après la copie faite
sur l'original, qui est j.erdu ; cette copie est à la bibliothèque du Séminaire israélite
de Bresiau. Le nom d'.\sclier était encore usité dans la branche de la famille des
Mefchouliara (ixée a Vienne. Voir Iiischri/icn, éd. L.-A. Frank!, n»' 179, 197 et 304.
Sur le .Meschoullam de Venise, voir Berliner, S-^raN riD?. 150, 198. Au sujel du
nom de Diamante, v. Zunz, /. r., II, o7.
LA FAMILLK DE YEHIEL DE PISE 8'J
Salomon-Rapharl Cohen, de Prato, près de Florence, dirigeait
Téducation de cette jeune fille, qui lisait TEcriture sainte dans le
texte et connaissait les prières et les usages rituels aussi bien que
quiconque. Outre leurs œuvres pieuses, les femmes de cette maison
pratiquaient les arts de la musique et de la danse. Des notabilités
chrétiennes fréquentaient la maison et la villa de Yehiel, merveil-
leusement située hors de la ville et reliée à celle-ci par la rivière
navigable de l'Arno. Un magnifique jardin, où s'élevait une colline
couverte d'un bois d'oliviers, entourait cette résidence d'été. Un
jeune homme du nom d'Emmanuel secondait Yehiel dans ses
affaires. Une nombreuse domesticité peuplait la maison, montée
sur un pied princier.
On était en l'an 1525, lorsque Yehiel reçut la visite du célèbre
David Reiibeni. Quoique cet aventurier, qui voulait se faire passer
pour le Messie, n'eût pas reçu l'éducation littéraire et mondaine
qu'il aurait fallu pour apprécier la manière de vivre raffinée et
la haute culture de la famille de son hôte', qui tenait quelque
chose de l'humanisme du temps, il subit quand même jusqu'à
un certain point l'influence de cette maison de patriciens juifs,
qui occupait un rang particulièrement brillant dans une com-
munauté composée en grande partie de familles sans fortune-.
David avait fait la connaissance, à Rome, d'un cousin de Yehiel,
Daniel de Pise ^, évidemment un fils de son oncle Isaac, qui s'était
établi à Florence et, par suite de l'étendue de ses relations com-
merciales, avait acquis une telle considération qu'il pouvait fré-
quenter librement la cour du pape Clément VII. Daniel avait pris
sous sa protection ce personnage qui se disait délégué des dix tri-
bus. Lorsqu'au printemps de 1525, David quitta Rome sans qu'il
put encore se rendre auprès du roi de Portugal, Daniel lui recom-
manda de demander l'hospitalité à son pieux et savant cousin de
Pise. Etait-ce la croyance qui existait en Italie, aussi bien chez les
chrétiens que chez les Juifs, à l'existence d'un puissant empire
• Cependant David Reiibeni aussi célèbre Yeiiiel et sa noaisou en ces mots :
''"'jy "ïrb rimnc in-'m "c^Tipr: i-y ï^-^bcn-pa r.'p^i roc;"! npi'^
t-i"i73 nai^nr: ns'^pTr! û^n mi2 inn i^nt iT'a irr» Nirj a"'"'3yb dt»
riT^3 inn î^^n r;-ic •
' David Heûbeni l'ait la remarque suivante :
£2--'br Dm^i.
' Peut-èire Samuel ben Daniel de Pise, le proprinlaire du ms. Oxford n" 23S, sur
lequel il a écrit son nom en janvier 156'i, éiait-il son fds, t criant le nom de son
oncle Samuel?
90 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
juif formé par les dix tribus au-delà du fleuve Sambation *, ou
était-ce l'audace imperturbable, la fermeté de convictions et Pas-
cétisme extraordinaire de David Reiibeni qui déterminèrent les
membres de la famille de Pise, d'ailleurs si lettrés et mondains, à
ouvrir leur cœur, leur main et leur maison à ce singulier hôte? Ce
qui est certain, c'est que pendant toute la durée de son séjour en
Italie, David Reïibeni resta leur hôte gâté. Pendant près de sept
mois, Yehiel l'hébergea dans sa maison; il lui avait fait aménager
un appartement au premier étage. Les dames rivalisaient avec
les hommes d'égards et de bons procédés envers David. Quand il
se livrait à ses macérations, jeûnant six fois pendant six jours
successifs chaque fois et se livrant ensuite à un jeune de quarante
jours interrompu seulement tous les trois jours par un repos, elles
se rendaient près de lui pour ranimer ses esprits abattus et
l'égayer au moyen de danses. La curiosité publique, que cet aven-
turier savait exciter au plus haut degré, amenait les personnalités
les plus considérables dans la maison de Yehiel et dans sa villa,
où il avait conduit David à cheval pour le faire changer d'air et le
distraire. La population chrétienne de la ville alla même jusqu'à
lui donner des sérénades. Un trait qui caractérise bien la manière
de vivre large et libérale, tout à fait à la mode italienne, de cette
pieuse famille, et qui offre un véritable intérêt au point de vue de
l'histoire des mœurs, c'est que Yehiel accompagna son hôte pour
aller visiter les grandes curiosités de Pise, la cathédrale, le baptis-
tère et le Campanile. Toutefois, David Reiibeni, dans ses notes, ne
fait aucune remarque au sujet de l'inclinaison de la Tour penchée.
L'importance des relations commerciales entre les maisons de
Y^ehiel, de Pise, et de Daniel, de Florence, est attestée par ce fait
rapporté par David qu'un jour Yehiel alla encaisser chez son
cousin une créance de quatre raille ducats.
Un seul membre de la famille Pise, Ismaël de Rieti, beau-frère
de Yehiel, riche et bien connu, qui s'était fixé à Sienne-, ne paraît
pas avoir partagé l'enthousiasme des siens et de ses compatriotes
pour le frère du roi Joseph, du désert de Chabor. Il lui offrit, il
est vrai, lui aussi, une large hospitalité, mais à la question que
David lui posa s'il n'aimerait pas mieux Jérusalem que Sienne,
il opta franchement pour Sienne. Cette réponse ainsi que le refus
qu'il opposa à notre aventurier de lui accorder de larges subsides
valurent à Ismaël de Rieti d'être blâmé vivement dans le journal
de David Reûbeni. Ce blâme ne diminua en rien la vénération
' Cf. Kaiilmann, Jewish Qua.terly Reticn:, IV, 503 et suiv.
* N;"^'^3 "i^ys "Ij^mSN ribnil i:mbl7;i, c'est ainsi que s'exprime encore
Hanania Eliakim Kieti; v. Morlara, N"'7N:2"'N ^"^^n m^T'i, p. 5'i, note 2.
LA FAMILLE DE YEHIEL DE PISE 91
d Immanuel b. Isaac de Latès, pour Ismael de Rieti, dont il
instruisit les petits-fils', et l'estime que lui témoij,niait son beau-
l'rère Yeliiel, qui appelle sa maison «un sanctuaire royal de la
Tora et de la science ^ » où il eut la joie d'acquérir l'amitié du
célèbre savant Yohanan ben Joseph, de l'illustre famille des Trêves,
qui y séjourna comme hôte. Ismaël di Rieti, qui n'avait qu'à se
conformer aux traditions de sa famille, se consacra à toute sorte
d'œuvres pieuses, et son exemple fut suivi par son flls Moïse. Ce
dernier fut, lui aussi, un bienfaiteur pour les Juifs de la Toscane.
Quand un mouvement hostile se produisit contre eux, dans le
Conseil de la cité d'Empoli, et que, dans leurs prédications, les
prêtres interdirent aux chrétiens tout commerce avec les Juifs,
leur défendant même de les servir le jour du Sabbat, ce fut Mo'ïsè
ben Ismaël qui fournit l'argent nécessaire pour aller à Rome et
obtenir du Pape un bref en faveur des Juifs de cette localité ^.
A l'époque où David Reùbeni demeurait dans la maison de
Yehiel à Pise, celui-ci avait déjà commencé à former sa biblio-
thèque, qu'il paraît avoir considérée comme son bien le plus
précieux. Pour posséder les ouvrages existant seulement dans
des manuscrits très rares, il les copiait de sa propre main. C'est
ainsi qu'il copia de 1503 à 1504 la traduction hébra'ique du com-
mentaire d'Averroès sur les 3'^ et 4» livres de la Physique, d'Aris-
tote*. En 1524, il fit copier par Benjamin ben Jacob Camondo %
exilé espagnol originaire de Fez et résidant à Pise, la traduc-
tion hébraïque de Moïse b. Salomon de Salon du grand com-
mentaire d'Averroès sur les quatre livres de la Métaphysique
' Voir ses Consultations, éd. M. -H. Friedlauder (Vienne, 1800^ p. 121 : Ti'rjîC:
SNr-:'^ i"7:r! t37:i-i7:n rr-nn Vi'zi T^cr y-ixa bn; 2-'n: •c\s::
\-i:?-: snnrNv: n-.in T^ra ■'ïa'? iT^bb irr^aa 2Ct> TiT^na b"j "iircViîj
Ï'T'j:"':: m:.:': S:'::3. P. 123, il y nomxe aussi son fils Sabbalai Elhanan el son
lils aine Moïse de Kieti.
' Lettre de Yehiel à Yolianan Trêves : ■l"-i~T2 ^f^i Dl'rN" r"^22 "Tni;" '^l'^Z
Ti'Anb ^b?: cip-: r-fa in-'n -ex t^-îr-'O -i^ra "^uw»--: '^Nr^^-w-'
mii'nbi .
' D'après une lettre d'un contemporain, commençant par ces mots : bN"',"C^ r'^22
"n'ni'O ■|;"'N-1 r;:XpOi:31 ■«b^•::■'^< ■•aOT'. et conservée dans deux de mes collec-
tions manuscrites de Intires d'Italie, sous les numéros 48 et 71 : ".yiN "INlD^n nrr:
"jnb:?» y^tn•^ -,\aN So -7^2 -,21^' :]32 bi-c^ ><i- .i^-^-
♦ Ce manuscrit, qui appartenait précédemment à S. Schônblura {Hdn-. Biblio'/r.,
XIV, 84), appartient maintenant à la bibliollùMjue de la Cour de Vienne (ms. 170);
V. Brûli, Jahrlucher, VIII, 167, noie 2. T'en rVZ P3L: 'r '3 Cl"' correspond au
lundi \*' janvier 1504.
5 Ms. Modène LXXV (Catal. de S. Jona). Cf. Sleinschneider, dans la Jubehchrin
de Zunz, p. 19 et suiv.
92 HEVUE DES ETUDES JUIVES
d'Aristote. Vers la fin de l'année lo2r), il copia le texte da Zohar
sur dix péricopes. A cette époque, cet ouvrage n'existait encore
qu'en manuscrit '. Raphaël Salomon ben Jacob Cohen, de Prato,
qui remplissait dans sa maison les fonctions d'instituteur et qu'il
chargea plus tard d'accompagner David Reùbeni au Portugal,
fut aussi employé par lui comme copiste -. Mordekhaï ben Ja-
cob Rosello 3 a vu dans sa bibliothèque, probablement après
l'expulsion des Juifs de Naples en 1540, un très ancien manus-
crit de contenu cabbalistique, attribué à R. Hamaï. \Jn fait qui
prouve que Yehiel n'était pas seulement versé dans la littérature
juive, mais possédait aussi des connaissances profanes, c'est qu'il
sut écrire pour David Reùbeni une lettre destinée au roi de
Portugal, qu'un marrane, ami de David et devenu prêtre, se
chargea de remettre au souverain.
Tout en ne s'occupant de science qu'en amateur, Yehiel devint
un éminent écrivain. S'adonnant de préférence aux études philo-
sophiques, familarisé avec les philosophes juifs ainsi qu'avec les
philosophes grecs et arabes, dont il connaissait les ouvrages par
des traductions, il était resté néanmoins inébranlable dans ses
convictions religieuses et continuait 'à croire résolument que la
religion est indépendante de la philosophie. Aussi, lorsqu'il vit
pour la première fois l'ouvrage, alors encore manuscrit, de Yedaya
Penini, qui défendait les droits de la philosophie contre R. Salomon
ben Adret, il n'hésita pas à protester nettement, quoique en termes
mesurés, au nom des principes du judaïsme, contre les assertions,
d'habitude si judicieuses, de cet auteur, en tant qu'elles attribuaient
à la philosophie une suprématie illégilime sur la foi. Son livre,
• Mss. Paris, n"> "83, 214 a. D'après une communicalioa de M. Schwab à M. Israël
Lévi, la signature est ainsi conçue : rX^H'' ''2?N3 b""* "'^"^ri "^^N ^r'^z'-'CT")
£2"i"' ND"'-: -i^:'2 r": 'tn',?:^:; i"?:: ■p■'^i:^; wN^xb '[^ t*<o-'c •w\n ['^s:
bD ms-^ nD -.•:;i<b n'r-rm nacn n:- rz':: t'-:z- ":;"7nb ar:"» Y':: t
' Le Calendarium de la Laurenliana (Biscioni, p. 333) porte, d'après la copie de
M. le rabbia S. -H. Marf,'ulies, la sij.'nalure suivante : HT^'^O '?N£~1 "VîCr; ^IS
n'TN- nnVr; ^r-yz^-z tjwS-iîtû nnbï inrr; 2-r-^ -,'-;'3'3 •\':i''' inm
"i:>nT b2T Nir; zi r^isnb inST"" '- p<d^s-: -i':!'- bNr:o '-l'r;'?:'^
A la lin se trouve : ^;2T^ 'n l'^'^ î*<0'^î"« Vsi^UJ '"^-b "la b^T!^ "'bc
irN v-iT rnîT ■':'-,n "«rN 12 ms-b.
Le ms. Oxford 911, qui a éié écrit en 1538 par Raphat-1 Cohen de Prato, est pro-
bablement aussi venu, comme le ms. de Rossi, de la bibliothèque de Yehiel de Pise
entre les mains de H. Nalhaniel Trabotto. La leçon "llJi*"!!^, après le nom de Salo-
mon Cohen, dans Graelz, Geschichte, IX', 340. est donc condrmce.
3 Cf. Zunz, Nnchiraj, p. 49, note 1 ; ms, Oxford 1633 (Calai. Neubauer, p. 577),
Sleinscbneider, Calai. Monac., n» 49.
LA FAMILLE DE YliHlEL DE PISE 93
écrit dans une langue pure et élégante, prouve que l'auteur
possédait une solide érudition philosophique. Comme le titre l'in-
dique, cet ouvrage était offert par Yehiel au public comme une
pieuse oblation de son zèle religieux. Yuhanan Trêves lui-même,
savant et célèbre interprète du Mahzor romain*, qu'il api)rit à
connaître et à estimer dans la maison d'Ismaël de Rieti, et qui
résidait alors à Sabionelta, avait accepté la dédicace de ce remar-
quable ouvrage, dont il rehaussa encore la valeur en lui adressant
le 14 Tammouz 1539 la lettre de remerciments que Yehiel inséra
dans son livre. L'ouvrage devait se terminer par un poème, que
Raphaël Salomon Cohen, de Prato, avait écrit en son honneur.
Yehiel de Pise se révèle dans cet écrit, qui mériterait d'être
publié, comme un des derniers grands représentants de la pensée
philosophique parmi les Juifs. L'esprit de Zerahya ben Schealtiel
et de Hillel de Vérone, pour ne nommer que ses prédéces-
seurs italiens , parait revivre en lui . Parfois le critique se
montre, dans son ouvrage, juge et connaisseur plus compétent
que le panégyriste ; Yehiel est, en tout cas, supérieur à Yédaya
Penini par la profondeur de la pensée. Ses citations, dont il
use d'ailleurs modérément, prouvent qu'il connaissait et com-
prenait la littérature philosophique. Aristote et ses commen-
tateurs, Thémistius et Alexandre d'Aphrodise, et tout particulière-
ment Averroès, lui sont familiers. Il connaît aussi bien le système
d'Avicenne que les écrits d'Alfarabi et d'Algazzali, qui lui étaient
accessibles dans les traductions hébraïques, et il semble môme
familiarisé avec les philosophes modernes d'Italie ainsi qu'avec
les ouvrages d'Agostino de Sessa*, nommé Niphus. Sa biblio-
thèque dut être tout particulièrement riche en ouvrages de théo-
logie juive et en ouvrages manuscrits de penseurs et d'interi>rôtes
juifs qui étaient alors peu connus. Les tendances de son esprit le
rapprochaient surtout de Juda Hallévi et de Moïse ben Nahman,
dont il invoque souvent, dans son argumentation, le commentaire
sur le Pentateuque et les dissertations philosophiques. Mais il pro-
fessait aussi l'admiration la plus respectueuse pour Maïmonide,
dont il vantait en termes éloquents les services rendus au j udaïsme.
Toutefois, malgré sa déférence pour ses maîtres, il savait rester
• Yehiel cite déjà dans son livre le commentaire, qui avait été imprimé dès 1Ô-40 à
Bologne. Cf. la dédicace de ce livre et la réponse de Yoliauan, Pièces justifica-
tives, IV.
* Cf. Tiraboscbi, Storid délia Icllemtura italiana (éd. Venise. 17-24), VII, 572 et
suiv. ; Renan, Averroi's et l' Avert-nisme, s. v. ; Pietro Uignisco, ^icoletto Vernia studi
storici sulla filosofia padocana nclh 2. meta dtl secolo decimogiiarto, p. 60 et suiv., et
Perler, BeUriige, 182. Yehiel le menlionne loé et 33a avec la qualilicaiion sui-
vante : ND-^OTS nr::Di3N ii-ma rrr; tcx cn-nsn '"'EioiV-^sn îits.
94 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
indépendant et rejeter une opinion même quand elle était défendue
par un Hasdaï Crescas et un Joseph Albo.
Cette indépendance d'esprit lui a permis, malgré son zèle pour
les spéculations philosophiques, de contester la supériorité de la
philosophie sur la religion et même de lui interdire toute ingé-
rence dans le domaine de la foi. Selon lui, aucune des vérités en-
seignées par la tradition orthodoxe, soit dans le domaine de la mé-
taphysique, soit dans celui de la psychologie, n'a pu être découverte
par les efforts combinés des penseurs de toutes les époques. L'his-
toire de chaque problème nous montre une série de contradictions
et de vains efforts s'annihilant mutuellement. Là où Yedaya veut
voir les titres de gloire de la philosophie et les services rendus
par elle à la religion, Yehiel voit une lutte stérile, un mouvement
sans but, une espèce de cercle vicieux. En essayant de prouver
ses assertions, Yehiel expose l'histoire des théories psycholo-
giques avec une grande compétence et un esprit de critique
acérée. L'Ecriture sainte n'a pas besoin du secours de la philo-
sophie. Même la ïora toute seule suffit pour enseigner au croyant
l'idée de Dieu dans sa pureté, il n'a qu'à développer d'une façon
logique les indications si claires qu'elle donne à ce sujet. Les rai-
sonnements des phiiosoi)hes, ardus et impossibles à comprendre
sans effort et préparation, sont sans valeur pour la foule et sans
action sur ses croyances religieuses. La certitude absolue, la vérité
incontestable ne peuvent être acquises avec les moyens dont dis-
pose notre seule raison. Celle-ci ne peut donc jias prétendre s'éri-
ger en juge des convictions religieuses. Quand Maïmonide essaie
d'expliquer les lois cérémonielies par des motifs rationnels, il
échoue dans sa lâche, ne donnant que des explications faibles et
insuffisantes. La soumission absolue de Yehiel à la tradition ex-
plique son respect pour la Cabbale, le Zohar et ses interprètes. Elle
fait aussi comprendre que cet esprit, nourri des œuvres philosophi-
ques anciennes et contemporaines, ait pu accorder sa confiance et
offrir l'hospitalité à un rêveur et un aventurier comme David
Reùbeni et qu'il ait énergiquement protesté contre l'épître de
Yedaya glorifiant la philosophie et les services rendus par elle à
la religion. Sa foi absolue dans la révélation et la tradition, sa
croyance à l'impuissance de la raison nous expliquent sa vie
et ses opinions scientifiques.
Plus tard, Yehiel Nissim semble avoir occupé la présidence du
Collège rabbinique de sa ville natale. Il est consulté pour des
procès et des questions rituelles, à l'égal des plus hautes autorités
rabbiniques de son époque. Si naguère les études philosophiques
occupaient principalement son attention . il s'adonna désormais
LA FAMILLE DE YEHIEL DE PISE 95
avec beaucoup d'ardeur à Tëtude du Talmud, à laquelle les Juifs
de l'Italie allaient bientôt être forcés de renoncer. Car le moment
approche où dans toutes les villes de l'Italie, le tribunal de l'inqui-
sition confisquera les exemplaires du Talmud. Ce fut le 9 sep-
tembre 1553, pendant le Nouvel-An juif, que l'Eglise fit brûler les
exemplaires du Talmud sur tous les bûchers dont elle pouvait dis-
poser. Yehiel de PJse lui-même dut livrer au bourreau ses exem-
plaires du Talmud. Nous avons encore une consultation de lui,
datée de l'été de 1555', où il rappelle ce malheureux événement
et où il déclare qu'il ne jieut apiiuyer sa décision que sur les ou-
vrages de casuistique qu'on lui a laissés "-. Dans cette consul-
tation, il se montre partisan tervent de la tradition talmudique,
ne tenant aucun comi)te des usages locaux les plus anciens quand
ils sont contraires à la lettre et à l'esprit de la loi. S'il en avait le
pouvoir, dit-il, il déracinerait toutes les coutumes qui se sont
introduites illégalement dans le rite italien ■^. Versé dans la litté-
rature rabbinique, complètement familiarisé avec la tradition, il
cherche néanmoins à se former une opinion personnelle, lorsque
le contrôle lui est possible. A l'exemple de Nahmanide, il essaya de
fixer, comme il le rapporte dans la même consultation, au moyen
d'un sicle qu'il avait reçu de Jérusalem en 1527, le poids exact de
cette monnaie et sa valeur en monnaie toscane *.
' Cr. Monlcfiorc, dacs Revue des Éludes juives, X, lSt6. Daas le ms., qui appartient
à M. le grand-rabbia Zadoc Kahii et qui est sous mes yeux, grâce à l'obligeauce du
possesseur, les consullalions liioloT portent les signatures suivantes: loo, rîNI^"!
pD5 Y'i'J "17:p ':j-in CwNt f^D-'Dtt t=;"n ^wS-tp -i"-ir;7:33 ri"rr:- ;
15»), P01273 Vt ^î<i70':: "13 '■'02 SwN'^r"' ppn Tnns Y'5 '-i;r;i
psb 12"'''0 "ÎT^D r,"0; 1'T", '■'Oj bS'^n'^. De celte signature, il résulte que 3'>'>n
b"î W^Oj '^HVyC l"33 D^'Dj ■1;2"ND3 a''C", que M. Perles, Beitriuje, 1io,
note 1, et ^L Ncubauer, Revue, IX, 153, considèrent comme le pelit-Cls de Yehiel
de Pise l'ancien, n'est pas le même que celui dont il est question ici et ne fait pas
partie de la l'amille.
* N" 155, i. c, il est dit : '"^"ixir; V't 'ipoiDr; ■'nm?: :-,t^x-i ^■':n-i
£=î< -^3 "J7J73 i:-|-b3 Ti7:bnr: "^nm:: '-pj?-! ^<■'2r;b b^i: Nbn -bwxr;
;."730T -•:^i2 "irai -"r; '^-^T:; "i:n tz-^7:^:: -iwN b"î '^pci^r; ^z> br
b"T npr-» iria""! i:3t "J^s-ir; c-'rnnwsr; "^bTi.-i.
» ibid. : r-.i:::":: bu: sniTo t^-sbwS r-.ns r-cbb ■'nx-r:: :ir!;7: riT V'"^"'
'r-iïm p iNv^-jW' b^bro 'nnx '•':;r;;T: c-'C 17:3 vbr irc-b ^V''^"»^
"b-'n ^o\s "^Ni b"n ■'pSD -ia3 'i-,a- -ikSUJT ï-n^-inm r-.ipsr-
1-'j:'3 3"a 5-;7:- ht rjcsn: a.x r^bsnrtb :3"n ■'-uS-i V''^"' "i~:^"'^2S
n"n3 nniN nrain r;:\T:; -cn- rairr.
* l'iid. (cf. Zuiiz, Zur Gesch., 556; : '^D C]n33 b"T 'j"37i"ir; b'^i'ino ^^i"^
ï-n:nbï53 nmx ibpoi bp^n m^:in7ûi '^■j>'::i- isrs ^^•T:; n-nnr:
bina rvo S"- -^""c-i nan m-3 wno;a snsT '-^pis ■'i:n nmï«:i:72i
96 REV^UK DES ETUDES JUIVES
Dans le procès que le médecin vénitien Joseph Tamari avait
intenté à son beau-père, Samuel b. Moïse Venluro/.zo, de Pérouse,
et qui préoccupa une grande partie des plus éminents rabbins con-
temporains de l'Italie et des autres pays, Yehiel Xissim lui aussi
fut prié en 1Ô59 de fournir un mémoire'. Dans la même année
il écrivit, sous le nom de « la Vie éternelle », son traité, divisé en
16 chapitres, sur les prescriptions rabbiniques concernant le
lirèt et l'usure -.
A partir de cette époque, nous ne savons plus rien de lui. Nous
savons seulement qu'il mourut avant 1572 et que sa précieuse
collection de livres et de manuscrits, à laquelle il tenait tant, fut
vendue et dis[>ersée. Du moins, Azarj'a de Rossi rapporte, dans
le second appendice de sa <> Lumière des yeuxo, qu'il avait acquis
des livres provenant de la succession de Yehiel Nissim, de Pise,
parmi lesquels se trouvait un précieux manuscrit très ancien
d'une autre traduction du commentaire de Maïmoniie sur le
xi° chapitre de la Mischna de Synhédrin^.
Nous sommes beaucoup moins renseignés sur un autre petit-fils
du vieux Yehiel de Pise, sur Abraham ', fils de son premier-né
Isaac. Quoique, suivant l'expression de Guedalya ibn Yahya, il
aitlaissé à samort, survenue dans la fleurde l'âge, des enfants, delà
fortune et de la considération, et qu'on ait trouvé dans sa succes-
sion quelques ouvrages composés par lui, ni l'histoire des juifs
italiens, ni l'histoire de la littérature ne savent rien de lui. Une
seule consultation, qui nous a été conservée parmi les consultations
de Menahem Azaria de Fano, sous le n» 106, et est une savante
dissertation sur la manière d'écrire les phylactères, est l'unique
pp-i7::-i ri'i-ij: ^o^^ '■'prix ""xn nn-rxi:?:! imwS \-i"rp"wT t>:"2mr
sir; 1":: ■zi-'-;:z'z '-n -iV-d i"cû "tj V'î i"c-i "'■rb nn bDO s::?::
nr"^ TN r"n:i '- 'z c ",n Vn s^ini: qsD ■^pnx -^lin -^iio anc 'z
— rri ■^7:n;-.r i-'eCwN 'wS -^Trc t^im i-'nc ':; rrr:: m:,r:z r^i^r:
r<nm^ t\^'-:z^ -«p: :]0373 '■'priN "^^n "j-ir anc 'n- -^nbia ncc-:
n-nn bo b-p/::.
» Voir Brull, Jahrbiicher, I, 111, noie 122; ::""'2?: n"TC H, 139. Joseph Tamari
est celui dont j'ai parlé dans Jacish Quartcrly Revuw, II, 299 et suiv.
* Zunz, dans Kerein Chemed, V, 15o, ce que M. Neubauer [RÉJ., X, 153. note 2)
n'a pas \u.
' Zunz, /. c.
* Dans ^VDn. n" 66. il est question, par erreur, de la discussion des trois fils
d'Abralidiu de Pise au sujet de la succession ; c'est de la succession d'Abraham
Pesaro qu'il s'agit, d'après Cat. Bodl. 2224. D'après les renseignements que je dois
à l'obligeauce de M. le chev. Malagola, directeur des archives de l'Etat à Bologne, il
ne s'est rien conservé sur Abraham dans les documents des Archives.
LA FAMILLE DE YEIIIEL DE I^ISE <j7
témoignage de son érudition talmudique, qui lui a valu le titre
honorifique de gaon. Ce queGuedalya ibn Yaliya dit de lui répond
bien à l'idée que nous nous faisons des membres de la ramille Pise,
qui étaient tous élevés pour devenir des savants. C'est probable-
ment lui qui adressa des vers à Josef Haccoben, le chroniqueur,
après avoir lu son poème sur les trente-trois beautés de la (èmme
et les vers faits sur le même sujet par Josef b. Aliron Lévi, le beau-
frère de Josef Haccohen. Josef lui répondit, en ajoutant des vers
en l'honneur de Fiametta, femme de cet Abraham*.
Un poème d'EliaLevita, conçu dans la manière d'Ibn Ezra, mais
où l'on ne trouve ni son heureuse facilité ni son esprit pétillant,
nous présente aussi Abraham de Pise comme un poète de talent,
devant lequel il est forcé de s'excuser d'avoir osé faire vibrer les
cordes de la lyre '-.
David Kaufmann.
PIEGES JUSTIFICATIVES
Poésie de Joseph h. Isaac Zarko.
M s. Halhentam, 251, f" 94 a- 97 a i Judith Collège].
r~inc riiy 'no'^z-!^ 'ti-ito "i"33 i'^'t'i bx-'n"' n"--'? "ni'wy nr pn
T'EN- m:^ "«273 TTiib-n V'"* ^">2'ob -^"yp p:o r:n:
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"ik^oa t><b"i !-î;:-i T'a r-.iT'b
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in: ■'b T!-« -ni^n nnis •'r^rD
T-t". br br --n: ir:.*?: bwX r-'i
~n- nb i:»-."' 2bri 'cç
• Voir Isidore Lofcb, HÉJ., XVI, 29.
* Dans le Catal. Rabiuowitz (n» 10) du 5 Tammouz 1SK7, est mentionné sous le
II» 180, un poème qui doit avoir été adressé par Elia Lévita à Abraham de Pise.
Ce poèmp, dont ]'ai essuyé de corrif;er de mon mieux les fautes et la division délec-
lueuse, m'a élé communiqué par mou ami S.-J. Halberslam de Bielitz, dans la
collection des manuscrits duquel ce manuscrit porte maintenant le n" 496. Voir
Pièces justificatives, \ .
T. XXVI, N» ôl. 7
>JS HliVUE DES ETUDES JUIVES
ï-ib:»?: nbnj ^b may- 2-m &:: nr^i nncr i:7cc '^■^ît:':; rr'-.r
V72'ia ■'iTN npm ']bi35 rj::p "t^3> -"Naa -^în ^^bo-^r: nnp2 "^mT:?:-,-
h:3i ûrn cnn nsDam non ""dm ansm yni^n nirps "^nbnr?: -,3-;
nnr; ns i-\-i^ni pm Sdd bscm ::''773 n:: mns ï-r-'b c:n Nb --
DT^ nDD72 n-r:-^ -/': T'DNrî "«mi ■'-iiîû r^niynbT n-.-inb s— .•nrr, ï-ni
!-iT "^nn na Ti-iwST^r; bisT '^-'nn'Oa ^ns^Ton T'en '^■^mbnn T'wr taT'b
^51:2 rnon tsrn N2nt ■'wD3 r!»niN "j-ir-bn ^Tû^i^b pnt mn:?^ n2\D7j
■n3D t^oD '^nnr i:ni 't;!^ -m" tos: -10 rribisn rT^în cz^ari
jzîws; Y'^'^^ '^"'"'"'^ ''^''■' ''^^^ '^^ '^^ "'^^'^ '^^•'"' ^""^^'' ^^"'■' "f^'^''^
b:» onn-iT "idt-" rrib^b a^ip '^-^bx TNn ripy ']rm in Nj:-2b -lanwr;
rv'bs "^1133 smnyb nr;*: -3Nr- f ni::» -nan ^'''"21 *|"^mnD *i[3b
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» Sophon., m, 18 ;?) ryxi "S"-
' DaDiel, i, 5.
100 KEVUE DES ÉTUDES JUIVES
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1.
Lettre (Vlsaac Ahraranel.
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■•bs-i ^i-'a r-i:r;:a -n7:'w^i iitt' "rn^icr ba '^^-!DO nana ,"ni:"'
riT 'uiNT ,pi:i« \s-ia -^T^ aj:i:-i ^na -îi-,-:n tarira -rw-^-:a m-:?
xaT Ni:-» T'ar xam ,"i"'ra« mia -ir-i ';ia;i:;(b):'?:-i ivay^'z irrnr
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^N -,aT px: "jr-ic?: ' Sa:r;-iax -• '-ns na? •'a:: y-xa '•'-lai?
,'- tzcb "iTna'jn::! *{\mNba: "in-ia:. xa" bab -■'J?:- "^ri»?:':;-:
' Abraham Havyoun,
LA FAM[LLE DE YEHIEL DE PISE 101
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"^17:3 ']b»i-! nj^'::b Nnb i^n ywro ^D3n tm33> bpn ti:-ip tnn^D riî-i
S:? -i2ibT ']mN s=rab CwS -s , t=^T>::a -,ï:t î-iiitot ^pncsn -vn
l3>»bT -^nn cnra ^mx a^pti i^Tobi >7oin; ^nan '^nrj '^nn-: ^ab
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Lettre (Vlsaac de Fez à Isaac de Pisc.
Ih., f. 53 a.
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102 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
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3.
Lettre d'Isaac de Fez.
Ib., f. .5.5 *.
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/-ipbx 'r: inN '■'Tn -n-ii:^ r-r-,"r,j: -i^::: S"::t 'nsb 'rns
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T':-: mN-,b r-nxn^rr os:-, r--b2w-r;2 ttc miris \-in-i Y-r::
r-i7:nî<r7 ■':r S:' tcn c-n- br?: r-;-:rm ...'■'pbwN "rs r-.-,N-r
4.
Lettre cCIsaac de Pise à Ahraliam Hayyowi.
Ib., f. o5 b s.
n":;i'72 '^\-Tir2j:N r-r-:;??: -120 r^b;?: -wvs r->:r, ,^"1br:p "^rs::
■'-.m m:*:;" by^ 'nbr'n]p'j'\ r:r2 -;:;n 'p'rx nrr^: 2r27;r;T r:7:2n
TT'N''T \-^-:"ibwS r-i-':p ■'r-îp r^::-, '^•'T' i::"i2 -,"w\s n-rcn r— .:.wNr;
, in^CN zi-ç' £2in:: "{■'srr Sj:2t 'It::' rrrN ■'r 'Nin ^-hn ^rr
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-3^ •^ribbc Nb ^■'iD nN- "ri-iro Nbi ■'»-T^72n Nb ncN r,'r, -,3-ir! >ii:"» "'72
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a-'n72-i:i a-'c:; '^n;'72-:;72 Sx t:"''-iD ']P"ji3yb t="':"i3: r-ir:' iinr tn
• Abraham Havvoun et Isaaf Abravanel,
lOi REVUE DES ÉTUDES JUIVES
naars IN TiDU'Ci p^yin ■':s:"i -^ririD 'p r^nNi yzr, t^-iojzj: '^^'z'^n nr^îr-:
£2r:i "^mwS '^:n^i '^''rN rrc — 'N^ "rp "^^n -jrp t:''C'« nby^o rib:?»5
. "b "i:"'DT' f>"'n m2"CT
III
1.
Lettre cl'Isaac Abravanel.
Ms. du British Muséum, Add. 37.12!), f- t89 b.
.''N"»? V'ir; imiN bx
-;::wX -i"»:??: '^nrn nnpbn:: ^itn qsrn bnr: 'n -^r-rb-: sj^pr: Nif ■'ir
T-i-« T>nN *':dw nrm:72-iN3 î»^a n^-^rnbns n?2 mbr -"^ ,rî3-ip3 -^^rïM
■'b riT . nm "^b-^ v:rb 'n ins •'r-:?: nri-r: nnn ■';e'^ wN3 'n "fb?
r-n:2r: ^tovz ']-iib \n::o "ti^s j— wN ttw::; \-ibn2 \-2Tr' r:"*;':: cb-:;
-i"is:i2 y"iN2 i:"! ;•; •irT'Tn .•^n-'2 "'2"':n ■'T'b'' *:3 t^-^rmi \-n;a
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-ji:>-; nbnnn ■'briN ti:':: rrr; — cn ,r:y \n3n -i-^^'r: ,inm Y-'^~
m^T n^2o nbrN rnrEnrT:^; ninn ::r;b?D "[nj^-a c-iist: ■'rrN ctt;
n:n ^n-'Tirr'b bn;i -nnn n-ioî ni«L2n ■'br r"::n n; bx .n-'i::: ti"
■^rii'b rnbcT ,^pi3::-i?j -«rrs Tinx y^~1z inxiijm "^tin rcs n; n-c
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106
REVUE DES ETUDES JUIVES
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107
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ni-ii'i:: VjD 2"»:i"'br2 2b
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' Eu prose et eu poésie, Isaïe, xxvn, 3
et Lx, 21.
* Ps.. XLVIII, 15.
* Lév.. I, 4.
* Haqii/a, II, 7.
5 Hofiiga, ISA.
108 REVUE DES ETUDES JUIVES
2:^1: -^^-n nnin "^iTob;:'!? 'm^br i:3n3 -o -irra
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' Dieu, I Sam., ii, 2.
* Lévit., XI, 22. 1 Ketoubot, 104 a.
'^ HonUin, 44 A. s Ps. xxiii, o.
* Daniel, iv, 9.
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j-iaiToa ib '-1- -'im ii-.x ■'in
Li'^TZ'^r, ba "«ab ■':■':• T'-
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-13S"' a"'b"'r cnp ÏT^r/rx
a"'"':in: —12- a'^a-:: a"'"a~
s Ez., xxviii, 14.
'• Allusion à Exod,, xxxix, 9.
» Juj<., VII, 1o.
' Nom., xsxiii, 24.
no HEVUE DES ETUDES JUIVES
m:?n n-,j: rr.z-z -."Z-^ -,7:Vj:: t-x Z'çizr, "^n-a
a^^nirm rrir: ■i"':2 "rr?: -iX^rr;? ^''rn -j:; ":j:'
min ■'rc i\-^"i:2b s; Nw-i 17:31^2 -b n-tr- •^-r.:
2*7:1-7: Vx— w"' zy v^Tip -.x: sn -= r,y~, r-.T; "^-i-in
mx: ",p"'2b -?o '1^*:;"' v-^cm ^7:y x^c: '•-■:-•:
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[A suivre.
LES JUIFS DE L'EMPIRE OTTOMAN
AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE'
I
LES JUIFS SOUS LE GOUVERNEMENT DU SULTAN MAHMOUD II
(1808-1839).
La journée du 35 juin 1826, où le corps des Janissaires fut dé-
truit par le sultan Mahmoud II, marque une (^re nouvelle dans
l'histoire des Juifs d'Orient, la classe la plus malheureuse des
rayas. Caries Janissaires avaient fait beaucoup de mal à nos mal-
heureux coreligionnaires. Au moindre prétexte, ils allaient mettre
à sac les quartiers juifs. Du témoignage des écrivains les moins
impartiaux, presque tous les grands incendies qui éclatèrent à
Constantinople durant plus de trois siècles prirent naissance dans
les quartiers juifs, où les Janissaires les allumaient sans aucun
scrupule.
Pourtant, à en croire les récits de témoins oculaires, contempo-
rains du règne de Mahmoud II, les Juifs consentaient souvent, à
leur corps défendant, il est vrai, à devenir les amis des Janis-
saires. Il n'était pas rare, en effet, de les voir fraterniser ensemble
dans l'ivrognerie et la débauche. Mais, en général, la disparition
des Yénl-Tchérl fut un véritable soulagement pour les Israélites.
Les survivants de l'ancienne génération se souviennent encore de
la fumée qui enveloppait les collines de Stamboul le jour, où,
d'ordre impérial, le feu avait été mis aux casernes de cette solda-
tesque. Les Juifs, réunis sur les hauteurs de Ilaskeuy, suivaient
• [Gel article est extrait d'uu travail très considérable, rédigé à Constaiiliuople par
un professeur de l'Alliance Israélite. L'auteur a eu à sa disposition de nombreux
documents judéo-espagnols que Ton ne saurait trouver ailleurs et des traditions d'uu
caractère parfois légendaire, mais on comprendra que les écrits des luslorieos occi-
dentaux ne lui aient pas tous été accessibles. — Ri^d.]
1!2 RIÎVUE DES ETUDES JUIVES
avec anxiété le drame terrible qui se déroulait sur la place de l'Ât-
Méïdan. Beaucoup de Janissaires déguisés vinrent même se réfu-
gier dans des maisons juives.
On attribue à Mahmoud II un mot célèbre qu'il aurait prononcé
vers la fin de sa vie : « Nous désirons, aurait-il dit, que les Musul-
» mans ne soient considérés comme tels que dans les mosquées, que
» les Chrétiens ne soient chrétiens que dans leurs églises, et que
y> les Israélites ne soient Israélites que dans leurs synagogues. Je
» veux que, hors de ces lieux, où tous rendent également hom-
» mage à la divinité, ils jouissent des mêmes droits politiques et de
» ma protection paternelle. "
Néanmoins, soit qu'il lui ait été impossible de rompre complète-
ment avec les anciens préjugés, soit pour des raisons fiscales, soit,
enfin, à cause des rapports, parfois trop amicaux, des Israélites
avec les Janissaires, ni Mahmoud II, ni ses ministres ne se mon-
trèrent très bienveillants pour les Israélites.
Dès l'avènement de Mahmoud II 180^), Baïrakdar-Pacha disait
des Juifs qu'ils étaient « les plus vils des raj^as ' », les accusant
de se livrer à un agiotage honteux dont les charges de l'Empire
étaient l'objet.
En 1830, par suite de la pénurie du Trésor, l'impôt de capitation.
le Kharadj, fut porté de quatorze à trente piastres *. Deux faits
où le gouvernement impérial ne fut absolument pour rien causèrent
aussi de regrettables préjudices aux Israélites. Noi^s voulons par-
ler de l'afïaire Farhi à Saint-Jean-d'Acre et de la pendaison du
patriarche Grégoire à Constantinople.
Les Farhi sont une des anciennes familles de Damas, dont les
ancêtres n'avaient probablement jamais habité en Espagne. En
1SI8, un membre de cette famille, Ilaïm Farhi, résidait à Saint-
Jean-d'Acre. C'était un homme très pieux, très riche et sur-
tout très infiuent auprès du gouvernement ottoman. Mahmoud
avait une telle confiance dans l'intégrité et le jugement droit de
cet homme, que c'était sur ses rapports que le gouvernement
destituait ou nommait le Pacha de Saint-Jean-d'Acre. Par égard
pour Farhi, les pachas qui se succédaient dans ce poste dis-
pensaient les Israélites d'Acre de la capitation ainsi que de toute
autre taxe.
Au commencement de ce siècle, Ahmed Djezaïr, celui que
les Français surnommèrent Ahmed le Boucher ou le Cruel,
• La Jonquière, Turquie, \>. 407.
* Ed. Entrelharrit, La Tnnjuie et le Tanziinat, p, 25.
LES JUIFS DE L'EMPIRE OTTOMAN AU XIX^ SIÈCLE tl3
usurpa le pachalik de Saint-J^an-d'Acre. Une fois maître du
pouvoir, il perdit de rf^putation Farhi auprès des habitants;
il alla jusqu'à 1 insulter publiquement et lui infligea la dernière
des humiliations en lui crevant un œ 1 et en lui coupant le
bout du nez. A la mort d'Ahmed Djézaïr, ses fonctions furent
confiées à Suleyman Pacha, qui, vers 1818, fut remplacé, à son
tour, par Abdullah-Pacha.
Fils d'un bey mnrt j^une, Abdullah avait été adopté dans son
enfance par Haïm Farhi, qui éleva le jeune musulman avec une
sollicituile toute patnrnelle et réussit, plus tard, à le faire nommer
aux fonctions élevées qu'il exerçait. Docile, dans les premiers
temps, aux conseils de son bienfaiteur, Abduilah songea, dès la
seconde année, à secouer cette tutelle. Les reprochf^s que Farhi
se permit alors d'adresser à son ingrat entant d'adoption causè-
rent la perte du vieil Israélite. En effet, la vf^ille du mois d'Eloul
de l'année 5578 de la Création (1818), des émissaires d'Abdalah se
rendirent chez Farhi et l'étranglèrent à la façon orientale, en lui
passant le lacet traditionn^^l autour du cou.
Le lendemain, tous les biens de la victime furent confisqués par
le Pacha, qui défen<lit même d'ensevelir le cadavre; on l^j^ta à la
mer. Tous les Israélites d'Acre, de Safed et des environs furent em-
prisonnés jusqu'à ce qu ils eussent payé les impôts arriérés dont
ils avaient été dispensés jusqualors. Ces malheureux durent
vendre jusqu'aux objets de première nécessité pour acquitter les
redevances exigées par le pacha.
A ia nouvelle de l'assassinat de Haïm Farhi, ses trois frères,
Salomon, Raphaël et Moïse, qui habitaient Damas, écrivirent
aux Israélites influents de Constantinople, notamment à TchMébi
B^hor Carmona, pour le pri^'r de demander lustice au sultan.
Carmona obtint du Cheikh-ul-Islam un fetva par lequel le
gouverneur de Damas, celui d'Alen et deux autres pachis furent
tenus de prêter mainforte aux trois frères Farhi contre Abilul-
lah Pacha. Au reçu du fetva ces pachas vinrent mettre le
siège devant Acre. Le blocus durait depuis quatorze mois, et
la lamine était devenue telle que les assiégés allaiHnt imman-
quablement se rendre, lorsque Abduilah conçut le projet de se
débarrasser d3 Salomon Farhi, le plus acharné de ses ennemis,
en le faisant poignarder. Les deux autres frères, découragés,
quittèrent le champ de bataille et retournèrent à Damas. Il était
temps, d'ailleurs, car les pachas qui avaient e'ubrassé la cause
des Farhi, fatigués de ce long siège, ne combattaient i-lus qu'à
contre-cœur. D'autre part, Abduilah s'était adressé au l'ameux
Méhémet Ali, d'Egypte, le priant d'intercéder en sa faveur auprès
T. XXVI, N» 51. 8
114 REVUE DES ETUDES JUIVES
du sultan afin qu'on levât le siège. Au reçu de la lettre de Mëlié-
met-Ali, Mahmoud se mit en colère, car tout cela s'était passé à
son insu. Sur son ordre, le cheikh-ul-islam fut exilé pour avoir
signé le fetva. Quant à Tchélébi Behor Carmona , le souverain
fut vivement irrité de son intervention et le lui fit sentir quelques
années plus tard ' .
L'exécution de Grégoire, patriarche grec de Constantinople,
fut indirectement la cause du massacre de plusieurs milliers de
Juifs. Voici ce qu'ont rapporté sur cet événement quelques témoins
oculaires-. En 1821, les Grecs insurgés avaient capturé dans
l'Archipel un vaisseau venant de la Mecque et avaient maltraité
les passagers, le mollah de la Mecque et son harem. Ces cruautés,
exercées sur des femmes enceintes et sur un vieillard vénéré pour
son haut rang dans la magistrature ottomane, excitèrent au der-
nier degré l'indignation des musulmans. Le 27 avril 1821, premier
jour de la Pâque chrétienne, le Grand-Vizir Benderli-Ali-Pacha
se rendit chez le Patriarche de Fanar, suivi d'un bataillon de Ja-
nissaires. Par l'ordre de Benderli, le Patriarche fut saisi et pendu
en présence de la foule, à la porte de son palais.
Aux assistants, composés surtout de Grecs, étaient venus se
mêler quelques Juifs, que la curiosité seule avait attirés. Benderli-
Ali-Pacha les ayant remarqués , les interpella en ces termes :
« Soyez les bienvenus [hoche gueldeniz], vous, Juifs I Le voilà
» pendu, votre ennemi et le nôtre 1 Trainez-le à la mer; je vous
» l'ordonne. »
De gré ou de force, trois Israélites dont la chronique a conservé
les noms: Montai, Bitchachi et Lévy, traînèrent le cadavre
jusqu'au rivage de la Corne d Or. Ce simple fait donna naissance
à une légende absurde. Les Grecs firent d'abord circuler le bruit
que les Juifs avaient inspiré au gouvernement l'idée de ce meurtre.
Puis, quand cette nouvelle arriva en Grèce, elle avait été tellement
exagérée qu'on racontait que c'étaient les Israélites de Gonstanti-
nople qui avaient pendu le Patriarche. On estime à 5,000 le
nombre des Juifs massacrés à cette occasion, en Morée, par la po-
pulace grecque. Il se trouve encore des historiens grecs qui rap-
portent cette histoire avec des réfiexions peu obligeantes pour nos
coreligionnaires.
Trois familles Israélites jouèrent un rôle important sous le
' Ce récit est extrait du Maassé Si-eti Israël, ouvraf^e judéo-esp., page 68.
* Ces souveoirs oui été mis par écrit par nous, il y a sept ans.
LES JUIFS DE L'EMPIRE OTTOMAN AU XIX* SIÈCLE 115
règne du Sultan Mahmoud : ce furent les Gabaï (Yéhazkel Ga-
baï), les Adjiman et les Carmona. Toutes trois eurent une fin
tragique.
Yéhazhel Gabaï, surnommé Yéhazkel Bagdadli, était, au com-
mencement de ce siècle, le plus riche banquier de Bagdad. Vers
1811, le gouverneur de cette ville, Suleyman-Pacha, ayant refusé
de fournir de l'argent et des troubles au Sultan Mahmoud, fut
déclaré rebelle, et on lança contre lui un mandat darrêt. Plusieurs
émissaires secrets, qui étaient venus de Constantinople à Bagdad,
furent successivement dépistés par Ips espions de Suleyman-Pacha,
qui les fit mettre à mort. L'ex-réiss-eff^-ndi Tlialat dressa alors un
piège à Suleyman, en se servant dans ce but de Yéhazkel, Cette fois,
Suleyman fut pris et Thalat-effendi put envoyer dans la capitale la
tête du rebelle.
Arrivé à Constantinople, Yéhazkel obtint la protection du favori
impérial, Hallet-Effendi, et devint banquier de la cour (Saraf-
Bachi). Il acquit dès lors une grande influence. Destitutions de
ministres, nominations à des postes importants, condamnations,
pensions, on pouvait tout obtenir par son interméliaire, car
Hallet-Effendi ne refusait aucune faveur à son prot(^gé. Celui-ci
se promenait dans la ville à cheval, toujours escorté d'une garde.
Il inspirait à la foule, par ses fonctions ainsi que par son carac-
tère digne et sérieux, autant de terreur que les Janissaires. A
cette époque déjà, les Arméniens commençaient à prendre une
grande influence auprès du gouvernement, et Juifs et Arméniens,
ces deux classes de rayas qui se méprisent encore mutuellement,
se détestaient déjà à cette époque.
Par son influence, Yéhazkel avait fait mettre à mort le chef de
la famille Allah-Verdoglou, ainsi que deux de ses frères qui rem-
plissaient des fonctions importantes à la Sublime-Porte. Tous
trois avaient été pendus à la porte de Validé-Han à Stamboul.
Yéhazkel était parvenu même à faire exiler le fameux Cazaz-
Arétoun (Artin), également Arménien, qui occupait le poste élevé
de directeur de l'Hôtel des Monnaies.
Rappelé de l'exil au bout de quelque temps, Cazaz-Arétoun jura
la perte de Yéhazkel. Il appela, dans ce but, l'attention du sultan
Mahmoud sur la fortune colossale du Juif. Profitant de la disgrâce
où venait de tomber Halet-Effendi, Cazaz-Arétoun réussit par de
perfides insinuations à faire envoyer son adversaire en exil à
Adalia (Asie Mineure), où on le mit bientôt à mort (1820-1826},
Depuis cette époque, les Arméniens lisent, dit-on, tous les ans
dans leurs églises en souvenir de la disparition de leur ennemi
acharné un récit parodié de l'histoire d'Esther, récit où Yéhazkel
116 REVUE DES ETUDES JUIVES
joue le rôle d'Aman, Cazaz-Arétoun cnlui de Mardochée, et la
femme du cëlèbre Arménien celui d Esther*.
Lps Adjiman. — Plusieurs membres de la famille Adjiman fu-
rent pen laitt longtemps attach'^s au gouvernement ottoman en
qualité de trési'riers des arm^^ps et iiitenda'its g/'néraux du corps
des Janissaires. Ils portaient le titre de Odjnh- Baziriani ou
Odjah Snrnfi D-^jà du temps de Sélim III ^1789 1808), le vieux
Mi^ir A'Iiiman avait pu, par son influence, f^ire élever au rang de
S'iha Bachi un simple Janissaire. Oa ne sait pour quel motif
Adjiman s'attira plus tard la colère de ce même fonctionnaire. Un
jour qu'Adjimaii était dans l'antichambre du Saka-Bactii, celui ci
l'invita à une audience pour parler d'affaires Adjiman se rendait
auprès du ministre par un ciuloir étroit, quand tout à coup il se
sent t saisir à la gorge; en un clin d œ 1, le fatal lacet eut ac-
compli son œuvre : Adjiman était étranglé.
Mf^ir fut remplacé dans ses fonctions successivement par Yankov
et Baruch A'ijiman, deux frètes, qui eurent également une fin
traifique. Enfin le dernier fonctionnaire ne ce nom. Isaïe A'ijiman,
fut etrang'é. p;ir ordre supt^rieur, sous le règne du sultan Mah-
moud II, après le massacre de» Janissaires.
Les Carmona-. — Cnrmonn, ou mieux encore Tchélébi Bf^hor
Carmona, fut assurément, parmi les trois familles dont nous ve-
nons de parler, l'homm^ qui joua le plus grand rôle sous le règne
du sultan Mahmoud II. Possesseur d'une immense fortune, cet
Israélite céb bre portait le titre de Schipichi-BascJd ^ Ainsi que
Yéhnzkel Gabaï et Adjiman, dont il était l'ami, Carmona rem-
plissait les fon«tions de banquier de la Cour, ou plus exactement
celles de fermier-gt^néral. Carmona, en sa qualité de Juif, avait
comme adversaire l'Arm^^nien Cazaz-Ar>^touii.
En L*<2fi, apri^s la destruction d^^s Janissaires, Carmona restait
comme un vestige vivant de la milice disparue avec laque le il
avait entretenu les plus cordiales relations. La vie du Juif ne tenait
plus qu'à un cheveu : Carmona devait irrévocablement succomber
SO.JS la moindre calomnie. Ce fut l'implacable Cazaz-Arétoun qui
se chargea de ce rôle. Au cours d'un de ses entretiens avec le
' Bien des gens croient à celle légende. Que cette cérémonie soit tombée ou non
en désuétude aujourd'liui, il est probable qu'elle lut célébrée, du moins, à l'époque où
se produisit cet événtmeui tragique.
* Les Carmona sont dongiue espagnole. Il existe en Espagne une ville portant
ce nom.
* Mot à mot : « Fournisseur en chef dalun. »
LES JUIFS DE L'KMPIRE OTTOMAN AU XIX'^ SIÈCLE 117
Sultan: « Savez-vous, Padicliâli, lui dit-il, que vous partagez votre
pouvoir avec un maître non moins puissant que vous ? — Qui donc
est cet impudent? s'écria le Souverain. —C'est le Scliaptclu-
Bachi, reprit Arétoun. — Qu'on le mette à mort! » répondit le
Sultan.
Garmona habitait dans un village du Bosphore , à Courou-
tchesmé. Son vaste conac était situé sur le bord de la mer. Un ven-
dredi soir, au moment où toute la famille réunie célébrait la fête
du Sabbat, on a()erçut de la fenêtre une barque à douze rameurs.
Ce n'était pourtant pas la première fois que la sultane validé
transmettait des ordres au banquier juif à des heures indues de
la nuit. Cependant, pressentant un malheur, les Carmoiia atten-
dirent les visiteurs avec anxiété On vit e trer bi-ntôt au conac
deux nègres qui demandèrent à voir Tchéiébi-Béhor Carmona.
On raconte que le trère cadet, Hezkia Carmona, s'étant présenté
le premier et ayant décliné son nom, les nègres se dirigèrent vers
l'aîné. Ils 1 étranglèrent avec le cliâie qui lui servait de ceinture,
enve'oppèrent le cadavre dans une natte d'osier et retendirent
devant la porte du couac. Le lendemain matin, la sultane validé,
qui avait beau'-oup d'estime pour Tchélébi-Bolior et avait appris
sa mort, se rendit à Couroutchesmé, où, saisie de pitié à la vue du
cadavre, elle fit procéder à l'intiumation.
Dès que la triste nouvelle se répandit dans la ville, — c'était un
samedi matin, — ce fut un cri d'angoisse dans toute la com-
munauté israt^lite. Tous les Juifs valides, jeunes gens et vieiil-.rds,
se rendirent en foule au Bosphore pour assister aux. funérailles.
Toute la communauté prit le deuil, et la semaine fut consacrée au
jeûne et aux prières. Quelques jours après, le frère du défunt,
Hezkia Carmona, fut exilé par ordre du Gouverneiiient. Le sou-
venir de ce meurtre a été transmis aux générations futures par
quelques strophes touchantes, malgré leur forme naïve. Encore
aujourd'hui, après trois quarts de siècle, des personnes pieuses
chantent sur un ton plaintif ces couplets le soir de l'anniver-
saire de la destruction du Temple ( Tischa-Beab), faisant coïn-
cider ainsi la perte de ce bienfaiteur Israélite avec la disparition
du Sanctuaire.
Voici ces strophes, transcrites du judéo-espagnol en caractères
latins.
Ajuntemos mis hermanos Banim Yethomim* quedimos
A cantar esta endecha Como huerfanos sin padre,
Porque mos corto las manos
El Uio en esta echa. » Mots hébreux : enfants orphelins.
U8
REVUE DES ETUDES JUIVES
Los ojos al Dio alce'mos
Que de mas mal mos guadre.
Tchëlébi ' Béhor Carmona,
Afamado por el mundo
De los Judios corona,
y Adiman el segundo.
De ve'er como Io3 mataron
A cada imo de una muerte,
De los ojos mos saltaron,
Sagrimas como la fucnte.
Echado en la cama,
Para ahogar lo viiïeron,
Que cosa es esta flama ?
Ni ellos lo supieron.
Venga, my senora madré.
Que me bese y que me abrase,
Presto que no se detadre,
Que no quede sin contenlarse.
Zabit', por toda la casa,
Como fortuna capitana
Su madré se quema en casa
^laùiando por la ventana.
Hazino no estuvites
Be'hor-atchi * my preciado
En subito me te fuites,
Sin culpa y sin pccado.
Todo el mundo lo lloruron
Por que era vauy amado,
De los ojos me lo quitaron
Sin culpa y sin pecado.
Lloremos y indecbemos
Por el mal que mes vino
Si mil afios biviremos,
No mos sale del tino.
Cuando à la madré la quitaron
Del conac afuera
Por delanlre la passaron,
Para que tal senor echado viera.
' Mot turc : Seigneur.
' Mot turc: la police.
* Diminutif de Béhor.
La lagrima no mos se enchuga
Ni de noche, ni de dla
De boltar y veer que nos manca
Lo bueno de la Juderia
Muncho sospiro y ancia
Y ayuno y endecba
Mos vino à la Juderia
Mas y mas à la compania
No bavia mas que este bueno
En la Juderia entera
Mo lo quilo el Dio presto
Y lo écho en la lierra.
Sudores de la muerte
Travo el por hacer heschbon '
Mischné- de tierra le mando
Grande Albon ^ le travo.
Od * sovre esta angucia
Lloremos y endechemos,
Y alos cielos travemos,
Y demandemos justicia.
Por el haber^ de la Puerta... ?
Gracioso y piadoso;
De que fue esta rebuelta
No tuvimos reposo.
Sédacoth que* este dava
En el mundo no havia,
A todo el mundo hartava
Mas y mas à la juderia
Cuando fue escapado del Heschbon^
Que salio oïgoun^
Al cavo fue ahogado
Y su hermano soursoun '
' Mol hébreu : compte, calcul,
' Mot hélireu : miuistre.
3 Mot hébreu : peur.
* Mot hébreu : encore, de plus,
5 Mot turc : avis, nouvelle.
« Mot hébreu : aumônes.
' Mot hébreu : compte.
^ Mot turc : convenable.
' Mot turc : en exil.
LES JUIFS DE L'EMPIRE OTTOMAN AU XIX'' SIÈCLE 119
Rogemos al Podcroso M MaschiaU' lo veremos
Que en paz mos venga presto ' Acintado en su sia
Y ternemos grande gozo „..,.,.,!, . t^ i
, r, , ; ,,-. j u î 1 Tepbilotli* à nuesto Padre
Con el Belh-ha-Mikdasch * puesto ^''''"
Que mo lo aga alegna
Chélamim ' allégarémos Presto que no se detadre
Dia cada dia Y mos amostre maravilla.
TRADUCTION
Réunissons-aous, mes frères,
Pour chanter celte complainte,
Car dans celte circonstance,
Dieu nous a tranché les mains.
Nous voilà devenus orphelins.
Pareils à des enfants sans père.
Levons les yeux au ciel,
Pour qu'il nous protège d'un plus grand malheur.
0 Seigneur, Béhor Carmona,
Si renommé dans le monde !
0 vous, couronne des Juifs 1
Et vous, Adjiman le second !
A voir comme on leur a infligé
A chacun une maie mort,
De nos yeux ont jailli
Des larmes, comme d'une fontaine.
Encore couché au lit,
On est venu l'étouffer :
Qu'est-ce donc que cette bagarre?
Eux-mêmes n'en savent rien.
Viens donc, ma chère mère : disait-il,
Baise-moi, embrasse-moi.
Vite, ne tarde point,
Ne te refuse pas cette satisfaction.
Des soldats tout autour de la maison!
On dirait une tempête terrible !
Sa mère se désole à la maison
El va pleurant par la fenêtre.
* 11 s'agit du Messie. ' Mot hébreu : le Messie.
* Mot hébreu : le Sanctuaire. * Mot hébreu : prières.
' Mot hébreu : sacrifices.
120 REVUE DES ETUDES JUIVES
Elle dit : Ta n'as point été malade
0 Bélior, mon bien-aimé !
Te voilà parti subitement,
Sans aucun tort ni péché.
Tout le monde Ta pleuré,
Car il était très aimé.
On nous l'a pris sous nos yeux,
Il n'avait commis aucun tort, aucun péché.
Pleurons et lamentons-nousl
Car il nous est arrivé un grand malheur.
Quand nous vivrions mille ans,
Nous ne pourrions l'oublier,
Lorsque la mère fut sortie
Hors du palais,
On la fît passer par devant le cadavre
Pour qu'elle l'aperçût étendu à terre.
Nos larmes ne tarissent
Ni la nuit ni le jour,
En sougeant que nous n'avons plus
Ce qu'il y avait de bon en Israël.
Des soupirs et du chagrin,
Des jeûnes et des complaintes,
Voilà le lot d'Lsraël,
Pariiculièremeut de la ci-devanl assemblée.
Il n'y avait que cela de bon
Dans tout Israël ;
Dieu nous l'a enlevé trop tôt
Et l'a jelé au tombeau.
Il a souffert le martyre
Lorsque le Sultan l'invita à rendre des comptes,
Lorsque le Souverain envoya le ministre
Une grande frayeur le (Carmona) saisit.
Oui, dans ce malheur extrême
Pleurons et lamentons-nous!
Implorons le ciel
Et demandons justice !
Lui qui était beau et charitable 1
Il est incroj'able que la Porte 1 ait ainsi traité !
Oh ! depuis celte infortune
Nous n'avons pas eu un jour de repos !
LES JUIFS DE L'EMPIRE OTTOMAN AU XIX« SIÈCLE 121
Il prodiguait si généreusement des aumônes,
Qu'il n'avait pas son pareil au monde ;
Il satisfaisait tout le monde
Et particulièrement Israël.
Quand il eut rendu ses comptes
A la satisfaction générale,
Il fut néanmoins étouffé,
Et son frère exilé.
Prions le Tout- Puissant
Que le Messie nous arrive bientôt.
El nous serons bien heureux
En revoyant le Sanctuaire rebâti.
Nous offrirons des sacrifices
Régulièrement, tous les jours,
El nous verrons le Messie
Sur son siège assis.
Prions notre Père
De nous changer ce jour en allégresse,
Et vile, sans plus tarder,
Qu il nous fasse voir ce miracle.
Il ne sera pas sans intérêt de rapprocher du récit de ces meurtres,
récit recueilli de la bouche de témoins oculaires, la version oiflcielle
qu'en donne l'historiographe de l'Empire, Loutfi-Effendi ' :
« Après le massacre des Janissaires, écrit-il, le banquier des
» Janissaires (Odjak Sarafi'j avait à recevoir des sommes cousidé-
» rabies de plu.sieurs minisires :
LIVRES TURQUES :
55.062 09 de Sirozlou-Yossuf-Pacha, gouverneur d'Alep.
2.6»'I 43 du guuverueur de Sivas,
7.428 89 du gouverneur de Karamanie.
4.912 01 d'Osman-Pacha, gouverneur de Kaïsarieh (Cé-
sarée).
7.712 83 d'Ibrahim-Pacha, gouverneur de Braïla (vilayet
du Danube).
8.07^ 45 d'Omer-Pacha, gouverneur de Salonique.
Total..,. 83.o7ti 72 ^
1 Voir Loutfi-Effendi, Taarikh-t Loutfi, 1"vol., p. 245-246.
' Il s'ujîit d'isaïe Adjiman.
* 11 laut remarquer que la monnaie turque a quintuplé de valeur depuis cette
époque.
122 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
» Or, le gouvernement avait besoin de cet argent pour la cons-
» truction des casernes, destinées à la nouvelle armée.
» Aussi, peu de temps après la destruction des Janissaires, on
» arrêta, a l'Hôtel des Monnaies, VOdJak-Ba::iriam\
I Chaplchi-Bachi {Béhor-Carmona}, qui était un parent par al-
» liance d'OdJaA-Baziriani, et qui, par l'entremise de ce dernier,
» était en relations avec la Cour et gagnait des sommes cousidé-
y> râbles, se rendit à l'Hôtel des Monnaies pour porter caution en
» faveur d'Adjiman (samedi 9 ziihadjé'). Néanmoins, quelque temps
» après, on les étrangla tous les deux et on confisqua leurs biens.
» H faut remarquer que, quelque temps avant la destruction des
» Janissaires, à l'époque du recensement de ces derniers, Carmona
» avait dit un jour à Husséin-Pacha : « Parviendrez-vous jamais à
» réformer ces corps datant de cinq siècles pour en faire des soldats
» disciplinés? Vous vous exposez à un grand danger. Vous-mêmes
» (les ministres), tâchez de sauver vos têtes. i)
« A ce moment-là, Adjiman se trouvait dans l'embrasure d'une
» fenêtre de cette salle et riait. »
Par ces paroles imprudentes et ce sourire moqueur, les deux fonc-
tionnaires juifs s étaient attiré la rancune du ministre, qui ne tarda
pas à se venger.
Comme on le voit, le récit officiel de Loutfi-Effendi ressemble à
celui des témoins oculaires. Ils ne diffèrent entre eux que sur un
point : sur le prétexte invoqué par le Gouvernement pour se dé-
barrasser do ces deux hommes.
Au règne du sultan Mahmoud se rattache la conquête de la Syrie
par Ibrahim-Pacha et, conséquerament, les souffrances qu'endu-
durèrent les Israélites de Palestine à cette occasion. Voici les faits
tels que les raconte, dans un livre intitulé Imré-Bina(\).bQ-ô3),
le rabbin Ishak Farhi, pieux voyageur qui a écrit dans ses loisirs
un grand nombre d'ouvrages de morale pratique en judéo-espa-
gnol. Le 13 Nissan 5594 fl834), c'est-à-dire l'année où Méhémet-
Ali, pacha d'Egypte, s'était rendu indépendant, à la veille de
Pâques, Ibrahim-Pacha entra à Jérusalem sans y rencontrer au-
cune résistance. Toute la population accueillit même avec joie le
jeune général. Il séjourna dans la Ville-Sainte douze jours, pen-
dant lesquels il organisa une espèce de conseil municipal composé
de douze membres, dont neuf musulmans, un Israélite, un Armé-
nien et un Franc. Ce conseil fut chargé, entre autres choses, de
recruter des soldats parmi les Turcs et les Fellahs de la ville et de
» Voir à ce sujet Tnarih-i Loutfi^ 2' vol., p. 203-20-i.
' La date de l'année n'est pas indiquée.
LES JUIFS DE L'EMPIRE OTTOMAN AU XIX^ SIÈCLE 123
la banlieue et de les faire exercer militairement. Ces ordres une
fois donnés, Ibrahim partit pour Jaffa, ne laissant à Jérusalem
qu'une garde de 800 soldats nizams.
Quelques jours après, les habitants de Jérusalem a3'ant demandé
au conseil municipal d'être dispensés du service militaire et n'ayant
pas obtenu satisfaction, un certain cheikh, Cassim-el-Ahmed, et
ses deux fils organisèrent une révolte de Fellahs. Les rebelles, au
nombre de 5,000, s'introduisirent dans la ville et se jetèrent sur les
Nizams. Dans celte bagarre, plusieurs maisons juives furent pillées.
Le gouverneur de la forteresse ordonna, à son tour, aux Nizams de
piller toutes les maisons des Turcs, parce qu'ils avaient favorisé
l'entrée des Fellahs. Les Nizams profitèrent de cette occasion pour
piller égdleraent les habitations juives. Le lendemain matin, on apprit
qu'une bande de Fellahs s'étaient introduits, la nuit, dans le quar-
tier juif, y avaient violé des femmes et dérobé beaucoup d'objets.
Une foule d'Israélites se rendirent alors chez le grand-rabbin de
la ville, Rabénou Béhar Abraham, pour le mettre au courant de ce
malheur. Le khakham Bachi fit preuve alors d'un grand courage.
Il fit venir les chefs des Fallahs chez lui et leur dit : « Mes braves,
sans doute, vous avez besoin d'argent. N'est-il pas honteux pour
vous de piller, lorsqu'il serait si simple de nous demander ce qu'il
vous faut? Je vous accorderai volontiers tout ce dont vous avez
besoin, pourvu que vous protégiez les Juifs. » Et, ce disant, il leur
remit une forte somme d'argent. Les Fellahs se mirent aussitôt à
parcourir les rues juives en criant qu'ils prenaient sous leur pro-
tection les Israélites, et que ceux-ci pouvaient vaquer sans crainte
à leurs affaires. On profita de ce répit pour donner la sépulture
aux victimes des derniers massacres. Néanmoins, malgré les pro-
messes des Fellahs, plusieurs magasins juifs furent encore pillés
dans la nuit.
Dès qu'Ibrahim-Pacha fut informé de l'émeute des Fellahs, il
accourut à Jérusalem et y rétablit le calme.
Les Fellahs commirent les mêmes violences à Safed.
A Plébron, les habitants ayant opposé quelque résistance à
Ibrahim- Pacha, celui-ci permit à ses soldats de piller la ville du-
rant trois jours. Les Égyptiens se ruèrent sur les maisons juives
et les pillèrent, au point qu'ils laissèrent les habitants littéralement
nus. Parmi les personnes qui moururent dans ces massacres, on
cite R. Ishak Ben Yakar et R. Issakhar Ilasson.
La ville de Safed, éprouvée par le choléra en 1832, fut détruite,
ainsi que Tibériade, parle tremblement de terre de 18.37; tous les
habitants, sans exception, y périrent. On comptait, à cette époque,
400 Israélites à Tibériade et 2,000 à Safed. Parmi ces derniers, on
124 REVUE DES ETUDES JUIVES
cite trois grands rabbins : R. Nissim Zérahia Azoulaï, R. Tchélébi
Sarfati et R. Abraham Anhori.
II
LES JUIFS SOUS LE REGNE DU SULTAN ABD-UL-MEDJID
(1839-1861).
Si les Israélites de Turquie doivent au sultan Mahmoud II
d'avoir été délivrf^s des outrages et des excès continuels des Ja-
nissaires, ils sont également redevables à Abd-ul Meiijid de leur
situation actuelle. En effet, ce Padichah, inspiré par des idées de
tolérance et cédant, sans doute, à l'impulsion du siècle et aux
vœux des puissances étrangères, osa, malgré l^s préjugés sécu-
laires, mettre sur le même pied les rayas et les musulmans. Gest
ainsi qu'en leur qualité de rayas, les Israélites bénéficièrent de
tous les privilèges et libertés concédés aux chrétiens (grecs, armé-
niens, bulgares, etc.) par les chartes ottomanes désignées sous le
nom dn Hatfi-Cherif ou Haili-Houmayoun. D-puis la promul-
gation de CHS chartes (1833), le téraoignagn des Juifs est reconnu
devant les tribunaux, la torture est supprimée, ils ne sont plus
exposés aux confiscations, et les personnes dont ils ont à se
plaindre sont punies, quels que soient leur rang et leur dignit^^. En
deux mots, on a assuré depuis cette époque aux Israélites 1 invio-
labilité de leurs [>ersonnes et le respect de leurs biens.
La proclamation du Hatti Chérit" de Gui Khané eut lieu à Top
Kapnu (Stamboul), dans les jardins du palais impérial, le 3 no-
vembre 1839, au milieu d'une telle aifluence de monde que des
détachements de troupes étaient échelonnées, pour maintenir la
foule, à travers toute la place. Fait bien nouveau, le Grand-Rabbin
(Khakham-Bachi) R. Mosché Fresco et des notables i?-raelites, des
banquiers pour la plupart, prirent place auprès des dignitaires de
l'Empire, des Vizirs, des Pachas, du Gheikli-ul Islam, des Ulémas,
des patriarches et des ambassadeurs européens. C'est alors qu'en
présence du Souverain, le ministre di-s affaires étrangères, Réchid-
Pacha, lut à haute voix cet acte important, dont nous ne repro-
duisons que les paragraphes relatifs aux Juifs :
« Tout le monde sait que, dans les premiers temps de la monarchie
oitomane, les piécepies glorieux du Corau el les lois de l'empire
étaient une règle toujours honorée. Eu conséquence, l'empire crois-
LES JUIFS DE L'EMPIRE OTTOMAN AU XIX» SIECLE 125
sait en force el en grandeur, et tous les sujets, sans exception,
avaient acLfuis au plus haut degré l'aisance et la prospérité. Depuis
cent ciuquanle ans, une succession d'uccidents et de causes diverses
ont fait qu'on a cessé de se conformer au code sacré des lois et aux
règlements qui en <iécouleut, el la force et la prospérité antérieures
se sont chjugées en faiblesse el en appauvrissemeul : cest, qu'en
efïet, un empire per 1 loule stabilité quand il cesse d'ob?erver ses lois.
D Ces insliiuiions doivent pnucipalement s'appuyer sur trois prin-
cipes, qui sont : 1° les gardulies qui assurent à nos sujets une par-
faite sécurité quant à leur vie, a leur honneur et à leur lortuue ;
2" un inoile régulier d'asseoir et de prélever les impôls; 3" un mole
également régulier pour la levée des soldais et la durée de leur ser-
vice.
» Et, en effet, la vie el l'honneur ne sont-ils pas les biens les plus
précieux qui existent? Quel homme, quel que t>oit l'éioigneinent que
son caractère lui inspire pour la violence , pourra s'empêcher d'y
avoir recours et de nuire par là au gouveruement et au pays, si sa
vie el son honneur sont mis eu danger? Si, au contraire, il jouil, à
cet égard, d'un^ sécuriié parfaite, il ne s'écartera pas des voies de la
loyauté, et tous ses acles concoarronl au bien du gouvernement et
de ses frèn-s.
I) S'il y a absence de sécurité à l'égard de la fortune, tout le monde
reste fioid a la voix liu prince et de la patrie; personne ne s'oc<;upe
du progrès de la forluue publiijue, absorbé par ses propres in-
quiétudes. Si, au contraire, le citoyen possède en sécurité ses pro-
priétés de toute nature, alors plein d'arleur pour ses affaires, dont il
cht-rche à élargir le cercle, afin d'étendre celui de ses jouissances,
il Sent chaque jour redoubler en son cœur l'amour du prince et de la
patrie, le dévouement a sou pays. Ces sentiments deviennent en lui
la Source des actious les plus louables.
» G't-sl pourquoi, désormais, la cmse de tout prévenu sera jugée
» publiquement, conformé. uent â noire loi diviue après enquéie et
» examen, et, tani qu'un jugeinenl régulier ne sera point iuiei venu,
» personne ne pourra, aecrèieineul ou publiquement, faire périr une
» autre persouue par le poisou ou par tout autre supplice.
» Il ne sera permis à personne de porter atteinte à l'honneur de
» qui que ce soit.
» Chacun aura la possession de ses propriétés de toute nature, et
a en disposera avec entière liberté, sans que personne puisse y por-
» 1er obstacle ; ainsi, par exemple, les héritiers inno'-.euls d'un cri-
» minei ne seront point privés de leurs droits légaux, et les biens
» du criminel ne seront pas coiifisqués.
» Ces concessions impériales s'étendant à tous nos sujets, à quel-
» que religion ou secte quiis appartiennent, is en jouiront sans
» excepliou. Une sécurité parfaite est donc assurée par nous aux
» habitants de l'empire dans leur vie, leur honneur et leur fortune,
» ainsi que l'exige le texte sacré de notre loi. »
126 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Quatre ans après, en 1843, Mé'ijid contresigna pour ainsi dire
à nouveau l'acte solf^nnel de 1839 en autorisant le grand-vizir
Riza-Pacha, au début de son ministère, à prononcer l'allocution
suivante devant le clergé grec, arménien et Israélite de Smyrne,
de Cliio et de Cavalle réuni dans l'Ile de Mételin • :
« Le Sultan, notre maître et notre père à tous, est venu parmi
» nous comme au milieu d'une famille dont la joie fait sa joie, dont
» les douleurs sont les siennes. Il connaît trop les obligations que la
» divine Providence lui impose, pour ignorer ce qu'il doit à son
» peuple, ce qu'il doit au nom de ses ancêtres, ce qu'il se doit à lui-
» même. Aussi me trouvé-je heureux de vous dire de sa part que,
» tout en vous eiîorçant de remplir vos devoirs de fidèles sujets,
» vous ne devez pas douter un instant de sa justice. Alnsuhnans,
» chrétiens, Israélites, vous êtes tous les sujets d'un même empereur,
• les enfants d'un même père. S'il est parmi vous des opprimés,
» qu'ils se montrent, l'intention bien formelle de Sa Majesté étant
» que les lois qui sauvegardent la vie, l'honneur et les biens de tous
» ses sujets soient strictement observées dans son empire . • . Mu-
i> siilrnans ou chréciens, riches ou pauvres, fonctionnaires civils, mi-
» liiaires ou religieux, que tout sujet ottoman ait donc pleine con-
j) fiance dans le souverain qui tient la balance égale pour tous; que
» tout coupable tremble, que tout homme de bien, que tout bon ser-
» viieur attende sa récompense. »
Lorsque Reschid-Pacha fut nommé Grand-Vizir en 1846, son
premier acte fut un manifeste analogue à celui qui avait signalé
l'entrée de Riza-Pacha aux affaires ; il était plus explicite en tant
que confirmation de la charte de 1839.
Dans le cours d'un voyage que fit Abdul-Médjid au printemps
de 1846, le ministre, s'adressant au nom de son souverain aux
représentants des communautés non musulmanes convoquées à
Andrinople, prononça les paroles suivantes :
« Sa Majesté l'Empereur, de même qu'Elle veut le bonheur de
» ses sujets musulmans, veut aussi que les Chi^étiens et les Juifs,
n qui sont également ses sujets, jouissent de tranquillité et de
» protection. La différence île religion et de secte ne concerne
» qu'eux; elle ne nuit pas à leurs droits ; et comme nous sommes
» tous sujets d'un même gouvernement et concitoyens nés dans un
» même empire, il ne convient pas que nous nous voyions d'un
» mauvais œil. Notre souverain répand également ses bienfaits sur
» toutes les classes de ses sujets, et il faut qu'elles vivent en
» bonne harmonie entre elles et travaillent ensemble à la pros-
» périté nationale. »
* Engelhardt, La Turquie et le Tanzimat, 68.
LES JUIFS DE L'EMPIRE OTTOMAN AU X1X<^ SIÈCLE 127
Depuis son avènement jusqu'à sa mort, on peut dire que le
Sultan Médjid signala chaque jour de son règne par une nouvelle
concession ou faveur accordée aux raj^as et conséquemment aux
Israélites. Ainsi, le Kharadj (impôt de capitation payé par les
rayas), qui avait été porté sous Mahmoud II (1830) de quatorze à
trente piastres, fut ramené sous Médjid au chiffre primitif. En outre,
suivant une ordonnance du 15 juin 1850, le Kharadj devait être
perçu dans les provinces par les primats des quatre nations (com-
munautés grecque orthodoxe, arménienne orthodoxe, arménienne
réformée et juive); les primats devaient faire la répartition da-
près la fortune de chaque sujet et consigner l'impôt perçu au pa-
triarcat ou dans les mains du Hahham-Bachi, d'où il serait versé
au Trésor Impérial '.
Une nouvelle ordonnance du 1 mai 1855 fit savoir aux ambas-
sadeurs que la Sublime-Porte abolissait le AV^ararf^ et admettait
les rayas dans l'armée et dans l'administration. Ces derniers pou-
vaient même être élevés au grade de colonel et au rang de fonc-
tionnaires civils de première classe *.
La cérémonie de Gul-Hané, du 3 septembre 1839, se renou-
vela le 18 mai 1856, lors de la proclamation du « Hatti-Hu-
mayoun ».
Ce nouvel édit aussi fut lu solennellement à la Sublime-Porte,
par le secrétaire du grand-vizir, en présence des ministres, des
hauts fonctionnaires, du scheikh ul-Islam, des patriarches, du
grand-rabbin Yaakov-Béhar David et des membres les plus consi-
dérables des différentes communautés religieuses.
Cet écrit était ainsi conçu ^ :
« Qu'il soit l'ait en conformité du contenu!
A loi, mon grand vizir Méhémet-Emia, Ali Pacha, décoré de mon
ordre impérial du Medjidiô de première classe et de l'ordre du Mé-
rite personnel ; que Dieu t'accorde la grandeur et double ton pou-
voir I
• La Jonquière, Histoire de Turquie, p. 508.
' Engelhardt, La Turquie et le l'anzimat, p. 126, Nous devons ajr.uler que devant
les ditûcullés que présenta l'application de la rét'orrne du service militaire, réforme
qui avait pour but de réunir musulmans, chrétiens et Israélites, on y renonça; on
admit provisoirement le système de remplacement, qui dure encore. De plus, à l'an-
cien Kharadj, qui tenait lieu d'impôt du sanj^, on substitua une taxe d'exonf^ration :
le Bàlel-ij- Ask6ryek. Seuls les rayas de Constantiuonple, chrétiens et juifs, furent
dispensés de cet impôt; nos coreligionnaires des provinces ainsi que les chrétiens
payent actuellement ce droit.
* Nous avons mis en italiques les passages qui concernent parliculièrement les
Israélites.
128 REVUE DES ETUDES JUIVES
Mou désir le plus cher a toujours été d'assurer le bonheur de
toutes les classes des sujets que la divine Providence a placés sous
mou sceptre impérial, et depuis mou avènement au trône, je n'ai
cessé de faire tous mes efforts dans ce but. Grâces en soient rendues
au Tout- Puissant ! ces efforts incessants ont déjà porté fies fruits
utiles et nombreux. De jour eu jour, le bonheur de la nation et la
richesse de mes Étals vont en augmentant.
Dé.-irant aujourd'hui renouveler et élargir encore les règlements
nouveaux établis dans le but d'arriver a obtenir un état de choses
conforme à la dignité de mon empire et à la position qu il occupe
parmi les nations civilisées et les droits de mon empire ayant au-
jourd'hui, par la fidélité et les louables efforts de tous mes sujets et
par le concours bienveillant et amical des grandes puissances, mes
nobles alliées, reçu de l'extérieur une consécration qui doit être le
commencement d'une ère nouvelle, je veux en augmenter le bien-
être et la prospérité intérieure, le bonheur de mes sujets qui sont
tous égnus à mes yeux et me sont également chers, et qui sont unis
enlie eux par des rapports cordiaux de patriotisme, et assurer les
moyens de faire croître de jour en jour la prospérité de mon empire.
J'ai donc résolu et j'ordonne la mise à exécution des mesures
suivantes :
I. — Les garanties promises de notre part à tous les sujets de noire
empire par le Hatli-Humayoun de Gulkhaué et les lois du Tanzimât,
sans distinction de classe ni de culte, pour la défen=e de leur hon-
neur, sont aujourd'hui confirmées et consolidées, et des mesures
efficaces seront prises pour qu'elles reçoivent leur plein et entier
effet.
II. — Tous les privilèges et immunités spirituelles accordées ab
antiquo à^t la part de mes ancêtres et à des dntes postérieures, à
toutes les communautés chrétiennes <»u à d'autres riies non musul-
mans établis dans mon empire, >ous mon égide protectrice, sont
confirmés et maintenus. Chaque communauté chrétienne ou d'nutre
co'iifes>io7i non mnsnlma-e sera tenue, uans un délai fixé, et avec le
concours dune commission formée ad ho ". dans son sein, de procéder,
avec ma haute approbation et sous la surveillance de ma Siiblirae-
Porte, à l'exameu de ces immunités et privilèges actuels et d'exa-
miner et soumetire à ma Sublime-Porte les réformes exigées par le
progrès des lumières et du temps. Les pouvoirs concédés aux pa-
triarches et aux évêques des rites chrétiens parle sultan Mahomet II
et ses successeurs seront mis en harmonie avec la situation nou-
velle que mes intentions généreuses et bienveillantes assurent à ces
communautés.
III. — Le principe de la nomination à vie des patriarches, après la
révision des règlements d'élection aujourd'hui en vigueur, sera
exactement app'i'jué, conformément à la teneur de leur bérat d in-
vestiture Les patriarches, les métropoliiains (archevêques), délé-
gués, évêques, ainsi que les grands rabotas, prèieroul serment à
LES JUU'S DE L'EMPIRE OTTOMAN AU XLX' SIÈCLE 129
leur entrée en fonctions d'après une formule concertée en commun
entre ma Sublime-Porte et les chefs spirituels des diverses commu-
nautés.
IV. — Les redevances ecclésiastiques, de quelque forme et de
quelque nature qu'elles soient, seront supprimées et remplacées par
la fixation des revenus des patriarches et chefs de communautés, et
par l'allocation de traitements et de salaires équitablement propor-
tionnés à l'importance, au rang et à la dignité des divers membres
du clergé. Il ne sera porté toutefois aucune atteinte aux propriétés
mobilières et immobilières des divers clergés chrétiens. L'administra-
tion temporelle des communautés chrétiennes ou d'aîilres commu-
nautés non musulmanes, sera placée sous la sauvegarde d'un Conseil
choisi dans le sein de chacune desdites communautés, parzni les
membres du clergé et des laïques.
VI. — Des mesures énergiques seront prises par ma Sublime-
Porte pour assurer à chaque culte, quel que soit le nombre de ses adhé-
rents, la pleine liberté de son exercice.
VIL — Vu que tous les cultes sont et seront librement pratiqués
dans mes États, aucun sujet de mon empire ne sera gêné dans l'exer-
cice de la religion qu'il professe et ne sera d'aucune manière inquiété
à cet égard. Personne ne pourra être contraint à changer de religion.
VIII. - La nomination et le choix de tous les fonctionnaires et em-
ployés de mon empire étant entièrement dépendants de ma volonté
souveraine, tous les sujets de mon empire, sans distinction de natio-
nalité, seront admissibles aux emplois publics et aptes à les occu-
per, selon leurs capacités et leur mérite, et conformément à des
règles d'une application générale.
Tous les sujets de mon empire seront indistinctement reçus dans les
écoles civiles et militaires du ffouvernement, s'ils remplissent d'ailleurs
les conditions d'âge et d'examen spécifiées dans les règlements orga-
niques desdites écoles.
IX. — Toutes les affaires commerciales, correctionnelles et crimi-
nelles entre des musulmans et des chrétiens ou autres non musul-
mans, ou bien entre des chrétiens ou autres de confessions diffé-
rentes non musulmanes, seront déférées à des tribunaux mixtes.
X. — L'audience de ces tribunaux sera publique, les parties se-
ront mises en présence et produiront leurs témoins, dont les déposi-
tions seront reçues indistinctement, sous un serment ^xè\.é selon la
loi religieuse de chaque culte.
XL — Les procès ayant trait aux afl'aires civiles continueront
d'être publiquement jugés d'après les lois et les règlements, par
devant les conseils mixtes des provinces, en présence du gouverneur
et du juge du lieu. Les procès civils spéciaux, comme ceux de suc-
cession ou autres de ce genre entre les sujets d'un même culte, chré-
tien ou autre, non musulman, pourront, à leur demande, être en-
voyés par devant les conseils des patriarches ou des communautés.
XII. — L'égalité des impôts entraînant l'égalité des charges,
T. XXVI, no a. 9
130 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
comme celle des devoirs entraîne celle des droits, les sujets chré-
tiens et des autres cultes non musulmans devront, ainsi qu'il a été
antérieurement résolu, aussi bien que les musulmans, satisfaire aux
obligations de la loi de recrutement. Le principe du remplacement
ou du rachat sera admis. 11 sera publié, dans le plus bref délai pos-
sible, une loi complète sur le mode d'admission et de service des
sujets chrétiens et d'autres rites non musulmans dans l'armée.
XIII. — Comme les lois qui régissent l'achat, la vente et la dis-
position des propriétés immobilières sont communes à tous les su-
jets de mou empire, il pourra être permis aux étrangers de posséder
des propriétés foncières dans mes Étals, en se conformant aux hns et
aux règlements de police, en acquittant les mêmes charges que les
indigènes, et après que les arrangements auront eu lieu avec les
puissances étrangères.
XIV. — Les impôts seront exigibles au même lUrede tous les sujets
de mon empire, sans distinction de classe ni de culte.
XV. — Les chefs et U7i délégué de chaque communauté désignés par
ma Sublime-Porte seront appelés à prendre part aux délibérations du
conseil suprême de justice dans toutes les circonstances qui intéres-
seraient la généralité des sujets de mon empire. Ils seront spéciale-
ment convoqués à cet effet par mon grand vizir.
Fait à Gonstantinople, dans la première décade du mois de dje-
maziulakhir, le deuxième de l'année 1272 (18 février 1856).
En résume, cette seconde charte contient les dispositions sui-
vantes en faveur des Juifs :
1" Sécurité pour chacun dans sa vie, dans son honneur et dans
sa fortune;
2° Égalité de tous devant la loi;
S** Admission de tous les sujets aux emplois publics et au ser-
vice militaire;
4" Liberté des cultes et de l'instruction publique avec quelques
restrictions administratives ;
h'' Égalité devant l'impôt ;
6° Égalité des témoignages en justice ;
7° Révision des privilèges et immunités des communautés non
musulmanes, sauf maintien de leurs immunités et privilèges pu-
rement spirituels;
8° Représentation équitable de ces communautés dans les con-
seils provinciaux et communaux et dans les conseils suprêmes de
justice ;
9° Suppression dans les actes officiels de toute appellation in-
jurieuse pour les rayas.
{A suivre.) M. Franco.
NOTES ET MÉLANGES
NOTES COMPLÉMENTAIRES
SUR LE REPOS SABBATIQUE DES AMES DAMNÉES
Notre article sur le repos sabbatique des âmes damnées [Revue,
t. XXV, 1) nous a valu quelques communications que nos lecteurs
nous sauront gré de leur faire connaître. Nous publierons en même
temps quelques notes complémentaires sur certaines des questions
que nous avions touchées incidemment dans ce travail.
1. Origine de la croyance au repos sabbatique des âmes
damnées.
Notre savant collaborateur M. A. Epstein me fait remarquer
que, dans le livre des Jubilés, les anges célèbrent le sabbat au ciel
comme les hommes sur la terre. Ce serait un argument de plus en
faveur de l'hypothèse que j'ai soutenue, à savoir que la croyance
au repos sabbatique des damnés « découle de la sainteté dont
était revêtue l'institution du sabbat : le sabbat est trop saint pour
n'être prescrit qu'au monde terrestre, tout l'univers visible et in-
visible y participe ». Le témoignage du Livre des Jubilés serait
d'autant plus précieux qu'il nous montre bien avant Josèphe la
sainteté mystique attribuée au sabbat.
Je ne nie pas ce qu'a de séduisant ce rapprochement, mais peut-
être la conception du Livre des Jubilés doit-elle s'expliquer autre-
ment que celle dont nous nous sommes occupé. Ce n'est pas seule-
ment, en effet, le sabbat qu'observent les anges, mais encore
toutes les fêtes et nombre de rites, avafït l'institution même de
ces iirescripiions religieuses.
132 REVUE DES ETUDES JUIVES
C'est la même idée mystique qui a fait imaginer un autel céleste
qui correspond à l'autel terrestre, des sacrifices offerts par l'ange
Michel ', et qui a fait créer, avant le monde, la Loi, le Temple, le
Messie, etc.-. C'est une de ces spéculations qu'on croirait volontiers
alexandrines, si on ne savait pas, par le Livre des Jubilés même,
qu'elles appartenaient à ces cercles palestiniens qui avaient une
certaine culture philosophique ou qui avaient à compter avec les
exigences d'esprits nourris de lectures grecques. On n'accorde pas
assez de place, d'ordinaire, dans l'histoire des idées religieuses, à
ce monde juif qui tenait le milieu entre les Pharisiens de l'Ecole
et les théologiens d'Alexandrie : la plupart des apocryphes palesti-
niens ont vu le jour dans ces cercles, et même beaucoup de ces
doctrines ont survécu dans le Talmud, malgré la réaction qui sui-
vit le triomphe du christianisme.
D'un tout autre caractère est, semble-t-il, l'idée qui est l'âme
de la croyance au repos sabbatique des damnés : on n'a pas voulu
ajouter à la sainteté du sabbat, le rendre plus vénérable encore :
on s'est contenté d'en tirer la conclusion logique. S'il était permis
d'instituer une distinction qui généralement porte à faux, on pour-
rait dire que ces idées mystiques sont des constructions savantes
de l'école, tandis que la croyance au repos sabbatique des damnés
est de création populaire.
M. Epstein rapproche encore de notre croyance ce trait de
Pirké R. Eliézer qui fait intercéder le sabbat en faveur d'Adam
pour implorer son pardon. Bien que cet ouvrage midraschique ne
doive être consulté qu'avec défiance pour établir les doctrines qui
avaient cours dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, car il
se ressent des procédés des Pères de l'Eglise et s'abandonne vo-
lontiers à des spéculations mystiques qui lui sont personnelles,
néanmoins cette donnée intéressante cadre trop bien avec celles
que nous avons relevées, pour que nous n'acceptions pas cet argu-
ment qui confirme notre thèse.
2. Là défense de boire V après-midi du sabbat.
Nous avons dit l'incertitude du texte sur lequel est fondé cet
usage [Wid., 6). Parallèlement à celui du Midrasch sur les Psaumes
que nous avons cité, il faut placer celui qu'on lit dans un py p -no
publié par M. Jellinek {Bet Hamidrasch, V, p. 43) : « Les morts
ont une grande cour; devant cette cour est un fleuve qui sort du
• Haguiga, \'2b.
* Pesahim, 54 a; Nedaritn, 39 i; Merkilta, 16, 32; 6'tA^Deut., xi, lU, etc.
NOTES ET MÉLANGES 133
jardin d'Eden, et devant les fleuves est une campagne. Tous les
vendredis, entre l'heure de Minha et la prière du soir, on fait sor-
tir les esprits des morts de leur retraite [wn^r^^ n-^nr), et on les fait
paître dans cette campagne, et ils boivent de l'eau de ce fleuve.
Aussi quiconque boit; de l'eau le sabbat entre Minha et la prière du
soir vole-t-il les eaux des morts. Lorsque la communauté des fi-
dèles dit : nn3?3r! 'r; ni< isin (commencement de la prière du soir),
ils retournent dans leurs tombeaux. Dieu les fait revivre (sans
doute le sabbatj et les remet sur pied, vivants et fermes. Tous les
morts Israélites se reposent le sabbat et viennent en foule chanter
devant Dieu et se prosterner dans les synagogues. Tous les sabbats
et les néoménies, ils ressuscitent de leurs tombeaux et viennent
se soumettre à Dieu et se prosterner devant lui (conformément à
Ezéchiel, xlvi, 3 ; Isaïe, lxvi, 23) ».
Ce texte, mal rédigé, embarrassé de contradictions inextricables,
est évidemment un remaniement, gauchement exécuté, du mor-
ceau du Midrasch sur les Psaumes, et si, comme le veut M. Horo-
witz, il est de R. Eliézer le Grand de Worms (1050) », l'altération
se comprendra mieux encore. Une des modifications qui nous inté-
ressent le plus ici est celle qui porte sur la défense de boire l'après-
midi du sabbat : tandis que le Midrasch sur les Psaumes parle de
tous les jours, ce passage restreint la défense au sabbat. Ce chan-
gement s'imposait, puisque la raison de cette prohibition y est
également présentée sous un autre jour : ce n'est plus, comme
dans le Midrasch, tous les soirs, mais le sabbat seulement que les
morts ont licence de se répandre dans la campagne. Mais ces
textes étaient si mal établis, qu'une copie exacte du morceau que
nous venons de citer, et qu'a bien voulu nous communiquer
M. Epstein, donne, au lieu de sabbat, les mots : la veille du sabbat.
Gomme les esprits des morts sortent de leur retraite le vendredi,
avant la nuit, c'était à cette même heure qu'ils devaient se res-
taurer.
Ces deux versions d'un même texte nous expliquent la discus-
sion de R. Tara et de R. Meschoullam : c'est un exemplaire sem-
blable à ce dernier qu'avait entre les mains R. Meschoullam et
qu'il opposait à celui de son contradicteur. Quant à l'opinion des
Gaonim rapportée par l'auteur du Schibboulé Halléket, elle s'ap-
puyait sur la version conservée dans le Midrasch sur les Psaumes.
Une notice du Mahzor VUrij (p. 111)- nous dira même dans
' Supplément au Beth Talmitd, I, p. 2.
» Bien curieuse est la leçon de cet ouvraf^-e : L'usage, d'après lui, de ne pas manger,
vient « de ce qu"il est dit : Qui mange l'après-midi du sabbat vole les vivants et les
morts ».
134 HEVUE DES ETUDES JUIVES
quelles régions respectives circulaient ces différentes versions :
elle nous apprend que cette interdiction de manger l'après-midi du
sabbat était inconnue des Juifs de Provence et de Narbonne. C'est
donc une variante seulement qui a donné naissance à un rite. Il
semble même que c'est à R. Tam en personne qu'on peut en rap-
porter l'introduction, car dans la France du nord même l'usage
n'était pas observé scrupuleusement du temps de ce rabbin ; nous
le voyons, en effet, se fâcher contre ceux qui l'enfreignent — à
leur insu probablement — et, semble-t-il, parce qu'une fois que
des Israélites de Lorraine étaient attablés l'après-midi du sabbat,
ils avaient été exposés à un danger * .
3. Le repos sabbatique des damnés et la commémoration
des morts.
On a aussi voulu rattacher à la croyance au repos sabbatique des
damnés un autre usage, celui de la commémoration des morts,
nVwSj P-irTn. Cidkiya, l'auteur du Schibboulé Halléket, dit, en
effet : « Après la lecture de la Haftara, il est d'usage de commé-
morer les morts. D'après mon frère R. Benjamin, cette coutum»;
s'explique ainsi : Comme c'est un jour de repos, même pour les
morts, il est juste de rappeler leur nom pour le i^epos et la béné-
diction et de prier pour eux » (§ 81, p. 59 de l'éd. Buber),
Il semblerait que cette prière serait plus opportune les autres
jours où les morts ne jouissent pas de ce repos. Cette explication
boiteuse trahit l'embarras des casuistes à justifier l'institution de
cet usage. Mais elle est personnelle à ce R. Benjamin ; d'ailleurs,
elle suppose établie universellement la coutume de célébrer ce rite
tous les samedis, tandis que d'après certains casuistes, il n'est
prescrit que pour le jour de Kippour. Nous ne voudrions pas
insister outre mesure sur ce point, nous proposant de traiter ici
prochainement de l'histoire de cet usage de la commémoration
des morts.
4. Le repos sabbatique des damnés et la prière 'p'^'S. '^rn-ii:.
Les plus anciens casuistes ne connaissent à l'institution de cette
prière d'autre motif que celui qu'en a donné Mar Sar Schalom
[Revue, ibid., ô). Ainsi Raschi, Pardès, 4; R. Tam, Sèfer Haya-
schar, 620 ; Mahzor Vitry, p. 111 et 179 ; Méir de Rothembourg,
d'après le ■':»n5r! 'o (éd. Bloch, p. 311), etc.
' \o\x Teschubot Méir de Rothenhuig,éà.^\oc\i.)^. ;it1 , passage tiré du ^ÏT^nir; 'w-
NOTES ET MELANGES 1:35
Le Zoliar, II, 156 a, cela va sans dire, s'est range à cet avis,
mais, renchérissant comme de coutume, il justifie le nombre des
phrases de cette prière, qui est de trois, en le rattachant à celui
de trois personnes qui seraient mortes le samedi après-midi,
Joseph, Moïse et David '. 11 va sans dire que la version de cette
prière est celle qui distingue la liturgie espagnole.
5. Le mot 9Ep-:X|jiap£sxa6a.
M, le rabbin Simonsen, de Copenhague, propose une très ingé-
nieuse hypothèse pour expliquer ce terme obscur qui, d'après la
Vision grecque de saint Paul, doit traduire le mot rr^ibrrr, Alléluia
{Revue, ibid. J3, note 2). Au Psaume cxlvii, après le mot n-'ibbir:,
la Peschitto, pour rendre l'hébreu Tniz' an:: i:d, dit n7:T«b n:j.
Qu'on suppose que le t ait été lu -i, et le n, n, confusions très fa-
ciles en syriaque, on obtient la leçon ec|î£X[jwtp:iia6a, au lieu de
OcPî^pia'sjiapa.
Israël Lévi.
PINAMOU, FILS DE KAHÎL
Une remarquable communication de mon ami Edouard Sachau à
l'Académie de Berlin le 1 avril 1892 m'avait révélé le royaume de
Scham'al (bNTO'i), à la frontière septentrionale la plus reculée de
la Syrie [Scha'm), avec une capitale fortifiée par une quintuple
enceinte, sur l'emplacement du village aujourd'hui appelé Sen-
djîrlî. C'est sur cette terre inconnue que des recherches heureuses,
poursuivies en 1888, 1890 et 1891 par le Comité de l'Orient fondé
à Berlin en 1887, ont fait découvrir deux inscriptions sémitiques,
où figure, incidemment dans l'une à la ligne 5, comme le per-
sonnage principal dans l'autre, le roi de Ya'dî, b^p na irro (1. 1,
14, 21).
Ces vieux monuments nous font remonter au viii* siècle avant
notre ère, le roi d'Assyrie Tiglat Pileser III, qui y est men-
• D'après Schabtat, 30 a.
136 REVUE DES ETUDES JUIVES
tionné, ayant régné de 745 à 121. Je reviendrai peut-être dans la
Revue sur l'interprétation de ces textes vénérables, après que,
dans l'hiver de 1893-1894, ils auront servi de thème à des discus-
sions, à des colloquia, comme l'on disait au moyen-âge, dans ma
conférence d'épigraphie à l'École des hautes-études (section des
sciences religieuses).
Pour aujourd'hui, je veux me borner à quelques observations
d'onomastique sur les deux noms propres du père et du fils dont
j'ai donné la transcription en caractères hébraïques. J'en cherche-
rai l'étymologie exclusivement sur le terrain du sémitisme sep-
tentrional, sans entrer dans des polémiques avec les savants qui
soutiennent une opinion contraire ou différente.
La forme sous laquelle se présente dans les deux inscriptions
le nom du roi se transcrit nriD. La terminaison en est évi-
demment cet Ole final si fréquent dans les noms propres de la
Nabatée, de Palmyre, de toute la région araméenne. On en trou-
verait des parallèles en arabe et en éthiopien. Le deuxième terme du
composé qui précède me paraît être n: , contracté de û:>2 « dou-
ceur, grâce, délices ». Il semble que les orthographes Giddeneme
et Namgidde (Schroder, Die phi'mizische Sprache, p. 128) repo-
sent sur la faculté de supprimer le 'ain dans ce mot. La fragilité
de cette consonne, lorsqu'elle n'est pas initiale, est attestée par des
exemples comme mn « Ruth», pour m:'i; nmoï « Abdère», à
côté de n^^mar; "«rD pour i;:i'D, dans le nom du roi de Citium
'jn"''^72D nûiiaroî ô KtTisûç ; daus 53 écourté de byn (Schroder, ibid.,
p. 89 ; cf. Annibal, Asdrubal, Adherbal) ; dans r-nnujna:» , pour
nnrcrnni' (Schroder, ibid., p. 89 et 94) ; etc. Quant au i)êh initial,
ma première pensée avait été de le rattacher à "jd « face » dont le
noun aurait été absorbé par le noun, première lettre de nam, de
telle manière que la comparaison avec Tanit face de Baal se serait
imposée. Après mûre réflexion, je crois plutôt que ce d représente
le vieux monosyllabe sémitique qui exprime « la bouche », en hé-
breu rjEj avec ses analogues en arabe, en assyrien, en éthiopien.
En dehors des noms propres hébreux bb-'s et onrE, qu'on explique
généralement comme « la bouche de l'assemblée « et « la bouche
d'airain », je suis amené à cette conclusion par deux ordres de
comparaisons : tout d'abord, si l'Ancien Testament ne renferme
aucun passage relatif à « une bouche de charmes» c;*: -^s en re-
vanche, on y lit, d^une part, ■'D-^-irwN:, « les paroles de ma bouche»
(Proverbes, xix, 15), d'autre part, ayi-inwN « les paroles de
charme » ^ibid., xv,26). Ensuite, il me parait impossible de ne pas
croire à une analogie d'origine entre iris et le nom presque iden-
NOTES ET MÉLANGES 137
tique ^my, porté par deux personnages, dans la partie araméenne
du Corpus inscriptionum semiticarum, n" 213, 1. 1, 3 et 6 (p. 250)
et 234, l. 2 (p. 269). 'Ênnamou me paraît désigner l'œil plein de
charme, comme Pinamou la bouche pleine de charme. Le roi de
Ya'di est, de par son nom, le Chrysostôme de son époque.
Quant à son père, il est désigné par les trois consonnes bnp,
pour lesquelles je repousse énergiquement les étymologies à fleur
de terre qu'on a ramassées sans peine, et je m'efforce de creuser
plus avant dans un sol résistant. Là encore il ne faut pas s'aven-
turer à distance du terrain solide que fournissent les idiomes sé-
mitiques du nord, et je leur demande la solution du problème.
Seulement cette fois, je préfère renverser les rôles en commençant
par émettre mon hypothèse sauf à essayer ensuite de la justifier
par les arguments qui me Tont suggérée. A mes yeux, bip est,
dans une écriture parcimonieuse, la représentation d'un nom
propre, composé de N^ip « appelé, choisi » et de bx « Dieu », équi-
valent araméen de la locution hébraïque nVn^^ n^na que les Sep-
tante traduisent ïy.\zy^xhc, xuptou.
Le premier terme de la composition, un participe passif de la
première forme, avec b.s comme second terme, a des analogies
dans l'onomastique de l'Ancien Testament. Je citerai, comme
extérieurement semblables, avant tout, bx^-^T^^ (cf. in^"i"'Tl)) puis
aussi bNn32 , bwNin3>n , bxi^p , peut-être, en dépit de Tinsertion d'un
schin, bN'^^in??. Ce n'est pas, du reste, le point qui prête le plus
à la controverse et j'aborde immédiatement la défense de ma
seconde assertion.
Est-il admissible que le nom du dieu bwN soit réduit à sa plus
simple expression par aphérèse de Yalif, le lâméd subsistant seul
pour le rappeler à la fin d'un composé? Ma réponse à la question
ainsi posée n'est pas douteuse pour qui a lu mes prémisses. Oui
certes, et les exemples ne manquent pas à l'appui d'une supposi-
tion que je voudrais changer en certitude pour les esprits non
prévenus.
La possibilité de supprimer Valif initial dans les noms propres
composés où ahoû « père » et ahhoû « frère », placés en tête, sont
reliés par l'état construit à un autre substantif, est un axiome
admis généralement dans le vocabulaire phénicien, historique et
géographique, de Syrie et d'Afrique. Mais, ni dans Bomilkar, ni
dans Boùfarîk, ni dans Hiram, Valif n'est protégé par son entou-
rage. 11 était isolé en avant et on Ta retranché. La ressemblance
est déjà plus grande, si l'on compare v^'-'î^y pour i^cc^n^r dans
la deuxième inscription phénicienne d'Abydos [Corpus inscrip-
tionum semiticarum, pars prima, I, p. 121).
138 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Mais où la fragilité de YaLif, aussi bien dans élôha iUâh arabe")
« dieu » que dans El ou //, apparaît nettement, c'est d'abord dans
le nom du dieu national des Arabes Allah = Al-ilâh « Le dieu »,
dans l'orthographe écourtée bna:^ admise en arabe pour 'Abd
AUâh Adh-Dhahabi, Al-Mouschtarik, p. 338), dans r;b-::*c pour
rsbNnro sur un bronze himyarite du Musée Britannique Corpus
inscriptionum semiticarum, pars quarta, I, p. 111-11-2), c'est,
d'autre part, dans nb'iro, pour rrî<i;'r. sur le monument himya-
rite 9 du Louvre, c'est dans l'orthographe du Coran DjahrU pour
désigner l'ange Gabriel, dans l'orthographe arabe Roûbil ('?oûpi{ko^
de Josèphe) pour Ruben, le fils aîné de Jacob, avec une intention
étymologique révélée par Josèphe, dans le nom arabe bs-.x I/-bil
(en grec "Ap6rM) pour désigner la ville voisine de Mossoul, où la
tradition place la victoire d'Alexandre sur Darius, tandis que
l'une de ses homonymes de Syrie est appelée dans Hosée (x,
14) VNSnxrr^D, c'est dans des transcriptions grecques telles que
'pâp?i).oç, 'Pâ,s;5Y)).oç ^en arabe Rabbil), où il semble que bi<3-i soit
devenu bni, un proche parent en onomastique de notre b^p
fvoir Corpus lascripliomim semilicarum , pars quarta, I, p. 29").
Je conclus en lisant Pinamou, fils de Karil, les deux noms
propres signifiant, celui-là l'homme à la bouche charmante, celui-
ci l'élu du dieu II.
IIARTWIG DeRENBOURG.
BIBLIOGRAPHIE
REYUE BIBLIOGRAPHIQUE
r- TRIMESTRE 1892 ET l"'" TRIMESTRE 1893.
{Les indication:; en français qui suivent les titres hébreux ne sont pas de l'auteur du livre,
mais de Vautcur de la bibliographie, à moins qu'elles ne soient entre rjmllemets.)
1. Ouvrages hébreux.
mbinJ ^^Tib- Halachoth Gedoloth nach dein Texte der Handschrift der
Vaticana, hrsgg. u. mit] krilischeu Noten versehen von D'' J. Ilildeshei-
mer. IV. Lieferung, Einleilung u. Register. Berlin, impr. Itzkowski, 1892;
in-8" de p. viii + 162 p. (Publication de la Société M'kizè Nirdamim).
Celte livraison, qui est la dernière, renferme une introduction un peu
brève, puis la table des versets bibliques, des citations de la Mischna, de la
Toseita, des deux Talmuds, des Midraschim halachiques et agadiques, des
noms dés Gaonim qui y sont mentionnés et uu vocabulaire des mots difli-
ciles. Ces tables seront très précieuses pour les travailleurs. Nous y aurions
aimé un index des matières, qui aurait été surtout utile pour les sujets
qui sont par hasard traités dans les chapitres où on ne les chercherait pas.
nm non 'D, 3« partie portant le titre de Î^O^^p PEDin, Commentaire de
la Toset'ta, Seder Kodaschim, par David Pardo, publie par Jacob Matalon.
Jérusalem, impr. Frorakin, 1890; in-F de 146 flf.
nilD ûnn 'D Novelles talmudiques par Mosché Sofer, édil. par Àron
Simha Blumentlial. Jérusalem, 1893 ; in-P de li ff.
^ZV nb^bD '0 Klilalh Jofi entbalt die Geschichte der berûhmteslen Rabbi-
neru. Schriftstcller von Polen u. Litthauen, nebst kritischen Anmerkun-
gen von Chaim Nathan Dembitzer [2^ partie]. Cracovie, impr. Josef
Fischer, 1893 ; in-S" de 152 ff.
bxT»::'' by m-ltar; m-npb 'd Recueil de documents divers sur l'histoire
des Juifs en Pologne aux xvii" et xvni" siècles, réunis par Ilayyira Jona
Gourland et publiés par David Kahana, avec la biographie de Gourland.
Odessa, impr. Abba Douchna, 1893; in-8o de 93 p.
140 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
5"D"1 m*lbirb 'o Sludien ùber Saadia Alfajumis Leben von David Kohn.
Cracovie, impr. Josef Fischer, 1891 ; in-S" de 36 p.
Il esl fâcheux pour cette étude, d'ailleurs bien faite et consacrée surtout
au 'JT^jXr! 'O et au ^1?J" 'C que la récente publication de notre savant
collaborateur M. Harkavj- lui enlève aujourd'hui tout intérêt,
«ITH^i ^5?^;7j 'O Origine des usages des Juifs, par Abraham Eliézer Hir-
schowitz. Vilna, impr. Katzenellenbogen, 1892; in-8° de 120 p.
Cet essai ne manque pas d'intérêt. L'auteur a eu la louable idée de re-
chercher les premières traces, l'origine et l'histoire des coutumes ritué-
liques. Malheureusement, il n'a pas eu à sa disposition tous les matériaux
indispensables à de pareilles recherches. Il se contente trop facilement de
citer le Tour, sans remonter plus haut. Qu'on compare, par exemple, le
chapitre relatif au repos des morts, à la prière p~i 'TPpi^, avec ce que
nous en avons dit [Revoie, XXV, 1). et on verra tout de suite avec quelle
rapidité a travaillé M. H. et le peu d'ouvrages qu'il a consultés. En outre,
trop souvent, comme ses confrères de TEst, il se laisse aller à des déve-
loppements qui n'ont rien à faire dans une étude scientifique. Enfin, et
surtout, il a eu le tort de faire une place trop grande, dans son ouvrage,
aux prières rituelles, qu'on peut bien appeler usages, mais qu'on ne s'at-
tendait pas à trouver ici. Il aurait pu d'autant mieux retrancher ces
pages que le travail a déjà été fait par un maître dont l'autorité est incon-
testée. S. Baer, dans son Ahodat Israël. Mais il paraît que ce livre n'est
pas connu en Russie, au moins de M. H., qui y aurait beaucoup appris.
Malgré tout, l'ouvrage de M. H. rendra des services à ceux qui sont un
peu pressés.
rm"^ï;p !lN73 "iT^N/û Ouvrage cabbalistique de Menahem Azaria de Fano,
e'dite' par Pinbas Cohen Friedmann. Munkac?, impr. Blayer et Kohn,
1892; in-4° de 'l p.
QTDUJ pn73 "120 Hebrâische Prosodie von Immanuel France?;, zum ersten
Maie edirt u. mit einer Einleitung, Anmerkungen u. Beilagen versehen
von Heinrich Brody. Cracovie, impr. Josef Fischer, 1892 ; in-S" de 105 p.
(Publication de la Société M'Kize Nirdamîm.)
"i^p ubii' Le petit monde, revue mensuelle consacrée à la jeunesse, publiée
par Ben-Jehuda, J. Grazovski et David Judelowilz. 1°'' numéro, te'bet 5653.
Je'rusalem. impr. Abraham Moïse Luncz, 1892; in-8'^ de 16 p.
Les directeurs de cette publication ont droit à la reconnaissance des
hébraisants pour les efforts qu'ils ne cessent de faire afin de vulgariser la
connaissance de l'hébreu. Ces efTorts ont déjà été couronnés de succès, car
la jeunesse des colonies Israélites de la Palestine parle aujourd'hui l'hébreu
avec une facilité remarquable.
V'^a ^<-\y '3 Novelles sur le Schoulhan Arouch Hoschen Mischpat, par Sa-
lomon-Juda de Sziget. M. Siget, impr. Mendel Vider, 1891 ; in-f° de
165 ff, -)- tables de matières.
mn^NTO ÎTi^r Asara Mamurolh zur Vcrlheidigung des Judenthums,
seiner Prophelen und Gelehrten. Drohobicz, impr. Zupnik, 1892 ; in-8"
de 79 p.
Verbiage.
ÏTiûtt rbî^p Bibliotheca Friedlandiana. Catalogus librorum impressorum
hebrseorum in Museo asiatico imperialis Academifç Scientiarum Petro-
politanœ asservatorum, Opéra et studio Samuelis Wiener. Fasc I, N.
S*-Petersbourg, Eggers et C*% 1893; in-é" de <26 p.
BIBLIOGRAPHIE 141
"l'^Stttln D"1l351P Bibliographie des ouvrages be'breux relatifs aux noms de
localite's, des cours d'eau et de personnes pour la rédaction des actes re-
ligieux, par Ad. Jellinek. 2'^ cdit. revue et augmentée. Vienne, Ch. D.
Lippe, 1893; in-S'' de 24 p.
Il est superllu de recommander aux savants ces précieux index dont
l'éloge n'est plus à faire et que l'auteur trouve moyen d'enrichir encore.
D"3tt"lî^ OnUjip Bibliographie des ouvrages relatifs au Mischné Tora de
Moïse Maïmonide, par Ad. Jellinek. 2° e'dit. revue et augmente'e. Vienne,
Ch. D. Lippe, 1893; in-S» de 48 p.
Contient en appendice des extraits du commentaire de R. Malhatia Hayi-
çhari sur le Pirké Abot, du DIU "IT^ 'O de R. Isaac ben Pulcar, une
lettre du fils de R. Senior Zalmann de Lodi sur son père et Napoléon 1",
des extraits d'un divan jérusalmite et des énigmes.
CnonO n3p Biographies juives, par Elazar Kohn. Lemberg, Margosches,
1892; in-8» de 125 £f.
"Tini d""l?173 nimïîn "^"iru; 'o Rabbi Meir's von Rolhenburg bisher
unedirte Responsen nach Ilandschriften hrsgg. u. mit kritischen Noten
versehen von Rabbiner Moses Bloch. II. Lieferung (Schluss). Berlin, impr.
Itzkowski, 1892 ; in-8<» de p. 245-348. (Publication de la Société M'kizè
Nirdamim.)
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bis zuni Ende des fïinfzehnten Jahrhunderts. Trêves, Sigmund Mayer,
1892 ; in-8" de 102 p. (Extrait de Winter et Wiinsche, Die jiidische Lil-
teratur scit Abschluss des Kanous.)
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des R. Kalonymus, von D»" Joël Miiller; Die Trauerrede an der Bahre des
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ged chronologically in their historical setting. With explanations, map
and glossary. Part III. Jeremiah. Edimbourg, Clark, 1892; in-8° de
282 p.
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gea chronologically in their historical setting, with explanations, maps
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Evaugelium Johannis, nebst einem Anhang : Das Verbaltniss der Phari-
siier, Sadduciier u. der Juden ûberhaupt zu Je>us Christus nach den mit
Ililfe rabbinischer Quellen erlâuterten Berichten der Synopliker. Saint-
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l'Académie impériale des Sciences de Saint-Pclersbourg, vii'^ série,
lome XLI, no 1).
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1885 et 1886. 4« partie : l'Apadana et l'Ayadana. Paris, Hachette, 1892;
in-40 de p. 323 à 446.
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Abr. Geiger, S. Heller, S. J. Kiimpf, S. Kristeller. Jul. Landsberger,
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récils de la Genèse. Dans ces considérations, où lemidrasch et la mythologie
se coudoient sans se fâcher, il ne manque pas d'aperçus intéressants. 11 y
a malheureusement des gens qu'ell'rayent ces hautes spéculations. Ont-ils
tout à fait tort ?
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Lafargues-Decazes. L'Hermine. Paris, Savine, 1893; iu-18 de 324 p.
C'est un tableau de la magistrature juive qui ne manque pas de saveur.
• Le héros, Gis d'un israélite bordelais, fait payer en faveurs gratuites, à
une coureuse, l'ordonnance de non-lieu dont elle est l'objet, bien qu'elle ait
été prise en llagrant délit de tentative d'assassinat. Il fait avorter la l'emme
d'un magistral qu'il a détournée de ses devoirs. Chargé de poursuivre ce
crime dont il a été l'inspirateur, il en accuse un de ses anciens rivaux. Il
abuse de ses pouvoirs pour enlever à ce dernier des dossiers importants
sur un ministre en exercice et dont il se sert ensuite pour s'assurer l'impu-
nité de ses prévarications. > Ce compte rendu, que nous empruntons au
Polijliiblion, Jicviie bthliographirjue universelle, 1893, quatrième livraison,
T. XXVI, N" 51. lu
1',G REVUE DES ÉTUDES JUIVES
est suivi de cette apprécialion, qui donnera le ton d'une certaine presse qui
s'ellorce de paraître impartiale : > Non, franchement, ce n'est pa? possible, et
M. Lafarpue-Decazes exaprère : si l)as tombée que soit notre mafristralare
épurée, elle ne contient pas des maltaileurs d'un pareil calibre. Celle exa-
gération diminue la portée morale et le caractère venj^eur de son livre. Il
pouvait montrer (ce qui est vrai) que le juif, termite démoralisateur, a
aujourd'hui pénétré dans tous les rouages de notre monde politique et
social, et qu'il y poursuit implacablement son œuvre de décomposition. •
Landsberg I m. G.^. History of the persécutions of Ibe Jews in Russia.
4" éd. [Boston, Ilollander, Bradsbaw et Folsom, 1892] ; in-S" de G2 p. -|-
divers appendices entremêlés de portraits et d'annonces.
Low (Immanuel). Mozes Aldasa, predikacio. Szegedin, [1892 ; in-4''de20p.
Souvenir aux savants Israélites décédés dans l'année 1892 : Chajim
Nalan Dembizer, Isidore Loeb, David Cassel, Jacob Lévy, Juda Leb
Gordon.
PoHi.MANN (Walter> Das Judenlhum und sein Recht. 6*= édition. Neuwied
a/Rhein et Leipzig, Louis Heuser, 1893 ; in-8" de 43 p.
ScHRATTENHOLz 'Josef). Gfosspapa Stocker. Ein Beitrag zur Descendenz-
Theorie des modernen Antisemitismus. Dùsseldorl', impr. Ed. Linlz,
[1892] ; in-8° de 35 p.
Simon. Die rituelle Schlachtmethode der Juden vom Slandpunkt der Krilik
u. der Gesctiicbtc. Francfort s/M., J. Kauffmann, 1893; in-S" de 41 p.
Situation [La) de« Juifs en Russie, rapport adresse' au gouvernement des
Etats-Unis par ses délègues, MM. J.-B. Weber et D"" W. Kempster (tra-
duit de ranglai><). S. 1. n. d. [Paris, 1893] : in-S" de 147 p.
LoDS (Adolphe). Le livre trEnocli, frag,nents grecs dt'couverts à Akhmin [Haute-
Egypte], publiés avec les variantes du texte éthiopien, traduits et annotés. Paris,
Ernest Leroux, 1892 ; in-S" de lxvi + 198 p.
On pourrail composer une petite bibliothèque avec les écrits di-
vers auxquels a donné naissance la découverte déjà fameuse de
M. Bouriant. C'est, d'ailleurs, un des spectacles les plus curieux
offerts aujourd'hui parla science que cet empressement fébrile à tirer
parti des trouvailles récentes : c'est à qui arrivera le premier dans ce
steeple-chase d'un nouveau genre, et 11 semble que Ton doive gagner
ses galons a distancer ses rivaux de quelques longueurs. Il ne faut
pas trop se plaindre de celle précipitation, si elle a pour effet de
réveiller l'activité scienliiique et si n'entrent dans la lice que ceux
qui se sont déjà entraînés par une préparation sérieuse.
M. L. se préparait depuis longtemps à l'élude du livre d'Enoch, et
la découverte de M. Bouriant a été une bonne fortune pour lui,
puisqu'elle ajoutait rintcrèl de l'actualité au travail qu'il avait
BIBLIOGRAPHIE 1 'i7
entrepris. Peut-être y avons-nous perdu un excellent ouvrage que
l'auteur n'aura plus le courage d'écrire. Il faudra, probablement,
nous contenter du commentaire partiel que nous donne aujourd'hui
M. L., au lieu d'un traité complet dont il avait sans doute réuni les
éléments, à moins qu'une nouvelle bonne fortune ne mette au jour
le complément de ces fragments grecs. Par là aussi s'explique la
composition de cette monographie, dont l'aspect déroute un peu,
surtout dans l'introduction et le commentaire. Dans l'introduction,
une étude générale sur le livre d'Enoch, qui ne tire aucun éclaircis-
sement nouveau des fragments grecs qui viennent dêtre exhumés ;
dans le commentaire, des notes de toute nature, étudiant le fond
comme la forme et qui le plus souvent ne se rattachent aucunement
aux leçons fournies par le texte de Gizeh. On voit que, somme
toute, nous reprochons à M. L. sa trop grande complaisance pour
nous.
Disons tout de suite que M. L. est au courant de tous les travaux
qui ont devancé le sien. Le résumé qu'il trace de l'histoire du texte
et des questions relatives à l'origine du livre dit tout ce qu'il faut en
savoir. Si, cependant, nous étions en présence d'un véritable traité
sur la matière, nous demanderions à l'auteur la permission de ne pas
l'en croire sur parole sur la distribution qu'il fait des diflerents mor-
ceaux de cette œuvre composite. Pour lui, celte apocalypse est
constituée de fragments ainsi répartis: 1° Les paraboles (ch. 37-71,
avec des interpolations), ayant un auteur spécial ; 2" les morceaux
relatifs à Noé (54, 7-55; 60; 65-69, 25), interpolations ultérieures,
ainsi que les ch. 106,107 61108; 3° les ch. 1-16 ; 21-36; 72-82; 91,
1-11 ; 92 ; 94-105, qui forment le corps même du livre. Quant aux
deux grandes visions, si elles ne faisaient pas partie de l'ouvrage
principal, elles lui étaient certainement apparentées.
M. L. s'en lie plus à ses vues personnelles pour la question de date.
Il a très bien reconnu qu Enoch s'inspire de Daniel et, par consé-
quent, est postérieur à la révolte des Macchabées ; qu'ayant été
écrit en hébreu ou en araméen, il ne peut être l'œuvre d'un chré-
tien. Ces points sont aujourd'hui acquis. Peut -on faire un pas
de plus et assigner une date précise à ces morceaux qui cons-
tituaient l'original ? M. L. essaie d'y arriver en étudiant l'état
social que retlèle cette apocalypse. Que peuvent être ces pécheurs
qu'Enoch poursuit de sa haine, riches, occupés uniquement à
boire et à manger et à jouir de toutes les voluptés, qui violent
la loi, nient la rémunération après la mort, ne croient pas aux
« tables célestes » où sont inscrits les péchés des mortels, sinon des
Saducéens vus par un llasid'? Ces épicuriens cruels sont au pouvoir,
donc sont ceux qui ont profité de la rupture de Jean Ilyrcan avec les
Pharisiens. Cette peinture conviendrait mal à l'époque qui précéda
ce grand revirement, alors que les Hasidim, malgré leurs défiances
croissantes, pouvaient encore espérer le triomphe de leurs idées. Eu
outre, les païens n'apparaissent pas comme les maîtres d'Israël, ce qui
148 REVUE DES ETUDES JUIVES
exclut immédiatemenl l'époque des Macchabées et les temps qui ont
suivi l'intervention des Romains dans les affaires juives. Le livre a
donc été écrit dans les dernières années du ii'^ siècle ou dans la pre-
mière moitié du i*^'^ siècle avant l'ère chrétienne. C'est, d'ailleurs, à
ces conclusions que sont déjà arrivés Hilgenfeld et M. Baldensperger.
Nous nous défions de ces constructions savantes, car il est si
facile d'en élever, d'après les mêmes procédés, et de toutes différentes.
Tout d'abord M. L. suppose acquis ce qui est plus contestable qu'on
ne croit d'ordinaire. Est-on si sûr que cela, eu effet, que. aux yeux
des Pharisiens, les Saducéens aient été des espèces de païens, les
héritiers directs des grécolàtres voués à l'exécration? Les discussions
que soutenaient les deux partis, au rapport du Talmud, ne nous lais-
sent aucune impression de ce genre. On n'aurait pas disputé sur des
points de détail, si on avait été séparé par un fossé si profond- Et si
ce sont les Saducéens que vise l'auteur, pourquoi pas la moindre
allusion aux prêtres, qui en étaient les chefs? Enfin, à moins de
croire que ce Hasid soit un Pharisien parfait, qui a épousé toutes
les haines de son parti, les rivalités des Saducéens et des Pharisiens
ont-elles à ce point inquiété les esprits, fait voir tout en noir et
attendre je ne sais quel cataclysme? Or, un Pharisien pur sang, cet
auteur ne peut l'être, ce n'est pas un docteur de lécole, il est trop
imprégné de la culture grecque. Les traits de sa description convien-
nent infiniment mieux aux hellénistes : « le jour de l'angoisse » n'est
pas dans l'avenir, c'est la crise présente, où les pieux sont persé-
cutés ; « le jour où disparaîtront tous les ennemis et où les justes
seront sauvés», est celui qui verra la punition des grécolàtres. Si
l'auteur se couvre du nom d'Enoch, c'est qu'Enoch appartient à une
génération de pécheurs et seul a mérité les faveurs de Dieu, de même
que les Hasidim, les pieux, sont peu nombreux en regard des philhel-
lènes. Ce qu'il veut, c'est surtout rassurer, consoler et encourager
ceux qui sont restés fidèles à leur Dieu, qui ne se sont pas révoltés
contre lui. et ce dessein se comprenait surtout dans cette période
troublée où les hellénistes avaient repris le dessus. Si les païens ne
sont pas voués à la malédiction, et même sont traités avec plus de
sympathie que ces ennemis intérieurs, c'est que ces frères-trans-
fuges sont doublement coupables. Si. enfin, l'auteur ne paraît pas
savoir que son pays est encore soumis à la Sj'rie, c'est qu'au fond,
les Hasidim tenaient moins à leur indépendance nationale qu'à leur
indépendance religieuse et étaient assez indifférents à leur situation
politique, qui durait depuis des siècles.
On voit comme il est facile de tirer des conclusions historiques de
ces tableaux dont le vague ouvre libre carrière à l'imagination.
Où nous serons tout à fait d'accord avec M. L., c'est dans la déter-
mination de la patrie de cet ouvrage. Il n'est pas douteux que ce
pays est la Palestine, et quand, s'en p«'enant à l'opinion de M. de la
Faye, qui. ne retrouvant pas dans le livre d'Enoch ce qui constitue
«la substance du judaïsme palestinien», en fait une œuvre judéo-
BIBLIOGRAPHIE 149
alexandrine, il lui demande « si nous connaissons assez bien ce qui
constitue la substance du judaïsme palestinien pour déterminer ainsi
ce qui peut et ce qui ne peut pas avoir été écrit en Terre-Sainte »,
nous applaudissons sincèrement.
Les chapitres consacrés à l'étude comparée des différents textes du
livre d'Enoch sont traités avec beaucoup de soin et une minutie
digne de tout éloge. M. Lods montre, par des exemples topiques,
que le texte grec qui a servi au traducteur éthiopien (A.) et celui de
Gizeh (G.) sont de la même famille, et que ni A. ni G. ne dépendent
de celui dont le Syncelle nous a conservé des fragments (S.). S. est
presque toujours en désaccord avec A. lorsque A. diffère de G., ce
qui prouve que G. est plus exact que A. et est resté plus fidèle à
l'original. D'ailleurs, beaucoup de variantes de l'éthiopien peuvent
être mises sur le compte du traducteur éthiopien et des copistes de
la traduction. Le nouveau texte, d'une part, rend au texte éthiopien
une valeur qu'on lui déniait, et, d'autre part, met en garde contre les
déductions qu'on tirait trop facilement de menues particularités de
cette traduction : cette version a été faite avec soin, mais par un
auteur qui ne craignait pas d'écourter et de modifier quand il lui en
prenait fantaisie.
Le texte de Gizeh nous éclairera-t-il enfin, sur la langue dans la-
quelle a été rédigé l'original? M. L. examine ce point avec beaucoup
de sagacité. Il reconnaît, d'abord, que l'auteur lisait la Bible, non dans
la version des Septante, mais dans l'hébreu. D'autre part, le traduc-
teur, par une méprise heureuse, a gardé des expressions de l'original
qui sont incontestablement sémi-tiques ; telles sont [xaôpopa, « désert »,
«ouxtt, a antimoine ». Mais M. Lods n'ose pas opter entre l'araméen et
l'hébreu. Nous devinons l'origine de ses scrupules : il était arrêté par
les arguments de M. Joseph Halévy, qui soutient que le livre d'Enoch
a été écrit en hébreu. M. Halévy s'appuie surtout sur les étymologies
de l'auteur, qui révèlent sa connaissance de l'hébreu, comme celle du
mot Yared par « descendre », de Hermon, par « Herem », etc. Mais
ces preuves ne me semblent aucunement convaincantes: tout Juif qui
écrivait alors, même à Alexandrie, savait assez la langue sacrée pour
découvrir de pareilles étymologies. L'auteur en fait aussi qui suppo-
sent la connaissance de l'araméen, comme, par exemple, celle de
Arakiel, qu'il dérive de Arka « terre ». En sommes-nous réduits à ne
point pouvoir nous décider? Aucunement, des mots comme Madbora
et Phouca ne laissent aucun doute : ils ont une terminaison nette-
ment araméenne. L'auteur était d'autant plus incité à se servir de
celte langue qu'il s'inspirait du livre de Daniel, écrit en araméen,
pour la plus grande part.
Ce qui donne le plus d'intérêt à la découverte de Gizéh, c'est que
nous ne sommes plus réduits maintenant à la traduction éthio-
pienne, dont la fidélité et la précision pouvaient toujours être sus-
pectées, pour l'étude du ch. 22, qui, comme l'a bien vu M. L., est
une des pages les plus importantes pour l'histoire des doctrines
loO REVUE DES ÉTUDES JUIVES
eschalologiques chez les Juifs. Ce chapitre esl la première descrip-
liou minutieuse de la vie d'oulre-lombe et le premier essai de coor-
dination des idées éparses sur la rémunération future. Au couchant
est une haute montagne, dans laquelle sont pratiqués quatre creux
profonds, trois obscurs, l'autre lumineux. Ces cavités sont destinées
aux esprits des âmes des morts, qui s'y rassembleront et y seront
enfermés jusqu'au jour du grand jugement. Chacun de ces empla-
cements est aflecté à une catégorie de morts ; l'un, où se trouve la
source d'eau lumineuse, aux esprits des justes ; un autre aux pé-
cheurs qui n'ont pas été punis sur la terre, et dont les esprits souf-
friront des tourments et supplices des esprits maudits jusqu'au
grand jour du jugement, un troisième aux esprits de ceux qui de-
mandent justice, pour avoir été tués aux jours des pécheurs; le
quatrième aux esprits des hommes impies qui ne seront pas punis
au jour du jugement, mais qui n'auront pas part à la résurrection ;
M. L. s'arrête longuement sur cette description, dont tous les
détails, d'ailleurs, sont loin d'être clairs, et en lire des conclusions
qui méritent d'être disculées. M. L. remarque, d'abord, que l'au-
teur du livre d'Enoch était fam.iliarisé avec la mythologie grecque,
c'est ainsi que les fils de Dieu sont par lui assimilés aux Titans; le
séjour des morts est placé à l'extrême Occident. « Si, continue M. L...,
un Juif, adversaire déclaré de la civilisation païenne, a pu admettre
dans son œuvre des conceptions dont l'origine était aussi aisément
reconnaissable à l'œil le moins exercé, ne doit-on pas s'attendre à
trouver chez lui l'influence d'idées beaucoup plus générales, par-
tant beaucoup mieux faites pour é'insinuer dans l'esprit même de
ceux qui les combattaient? •-> On devine la suite du raisonnement :
« Cette double idée d'une rémunération commençant immédiatement
après la mort et de la persistance de l'âme individuelle au-delà de la
tombe » est « en rapport avec la doctrine platonicienne de l'immor-
talité de rame et avec la conception classique de l'Hadès ».
Je ne contesterai pas l'influence qu'ont exercée souvent les idées
régnantes sur la théologie juive ; mais cette action n'a été possible
qu'autant que, de bonne foi, l'esprit juif croyait trouver dans les
spéculations étrangères l'écho de ses propres pensées; des doctrines
diamétralement opposées aux siennes l'auraient certainement cho-
qué et rendu rebelle. Or, s'il était vrai, comme on le prétend com-
munément, que la croyance en un autre monde était, non seulement
étrangère au Judaïsme, mais même niée résolument par lui, ce
serait un phénomène bien étrange que cette croyance, en opposition
tranchée avec la théologie biblique et de provenance grecque, aurait
été introduite chez les Juifs, par ceux qui étaient les adversaires
intraitables de l'hellénisme, par les Pharisiens, successeurs des Ilas-
sidim, qui avaient lutté désespérément contre l'invasion de la cul-
ture grecque en Judée. De deux choses l'une : ou ces cro^^ances
eschalologiques avaient leurs racines dans le Judaïsme, soit dans le
populaire, soit parmi les savants, dans ce cas, il importe peu que tel
BIBLIOGRAPHIE 1»;!
OU tel détail de ces croyances ail été emprunté aux Grecs; où elles
étaient foncièrement neuves, dans ce cas, le Pharisien le moins
fanatique ne les aurait jamais accueillies. Assigner une date précise
à l'éclosion d'une conception aussi grave que celle-là, c'est, comme
pour tous les problèmes qui veulent découvrir les origines, faire
œuvre vaine. En tout cas, le livre d'Enoch, qui essaie de concilier
l'idée d'une rémunération immédiate et celle de la résurrection,
trahit un état de croyance qui rejette bien loin dans l'antiquité des
idées qu'on prétendait dater du livre de Daniel.
En outre, l'auteur ne peut être pris pour le porte-parole du phari-
saïsme, puisqu'il se distingue très nettement, par plusieurs points,
de la doctrine officielle des Pharisiens. Ainsi, la Mischna de Sanhé-
drin, XI, 3, montre que, tout eu étant d'accord avec le livre d'Enoch
pour exclure de la résurrection certaines catégories de pécheurs, les
Pharisiens admettaient aussi la mort totale comme punition de cer-
tains crimes, solution inconnue à notre apocalypse. M. L. a eu tort
de ne pas comparer, en effet, les descriptions d'Enoch avec celles
que nous ont conservées les livres tulmudiques : il aurait découvert
que le livre d'Enoch ne peut être considéré comme l'importateur eu
Judée des doctrines eschatologiques qui out prévalu généralement
plus lard, il eu diffère trop et par ce qu'il dit et par ce qu'il ne dit
pas. Il atteste seulement la liberté avec laquelle chacun traitait ces
redoutables questions et se représentait le lendemain de la mort.
C'est, d'ailleurs, le côté faible de la plupart des savants non
Juifs qui étudient le mouvement des idées aux environs de l'ère
chrétienne. M. L. a bien senti qu'il y avait intérêt à éclairer le
livre d'Enoch à la lumière des données talmudiques et midras-
chiques. De là, dans ses commentaires, bien des mésaventures que
nous n'aurons pas la cruauté de relever. Il ne suffit pas d'invoquer
le témoignage d'écrits hébreux, encore faut-il n'en pas ignorer
l'âge. La belle autorité, par exemple, que le Yalkout Badasch, pour
l'explication d'idées antérieures au christianisme : un ouvrage du
xv!!"^ siècle, fait, en Pologne, à l'aide de traités cabalistiques!
Ces menues critiques n'atténuent en rien ni le bien que nous
pensons de la science de M. L., ni la reconnaissance que nous lui
devons. Son étude se recommande par le sérieux, la conscience et la
bonne foi.
Israël Lévi.
CORRESPONDANCE
Dans le numéro précédent de la Remœ (tome XXV, p. 116-121),
M. Immanuel Lœw a contesté la justesse de quelques étymologies
que j'ai proposées dans mon Aruch compJdum. Qu'il me per-
mette de répondre ici brièvement à ses critiques.
M. L. prétend qu'il faut lire nT':-i:;-i:i, au lieu de nrîisn:;. Cette
correction a contre elle les textes imprimés et mss. 11 ajoute que
je n'ai pas compris mon propre article sur nr^'^sns, dans Aruch,
II, 241. Une pareille assertion mérite à peine d'être réfutée. Je
n'ai pas dit dans l'Index vocabulonim italicorum (p. vi, note 1)",
comme M. L. prétend, que pour R. Nathan minsns est la même
chose que porlulaca (porcellana), mais j'ai dit que, pour mon
compte, j'ai montré, en m'appuyant sur l'explication de Moussafia,
que ce mot désigne le lotus égyptien, et que, par conséquent, le
mot ir-"'"i = lotus peut être expliqué par l'italien ■'p-li:'5^D = por-
tulaca, par lequel R. Nathan [Aruch completum, III, 395 a) ex-
plique d'habitude "j-^ncnc ou ni:ib;bn. Dans Vlndex^ je n'ai cité
aucune preuve à l'appui de mon opinion, mais je vais le faire ici
en me servant des paroles de M. L. Voici ce qu'il dit dans ses
Pflanzen7iamen, p. 321, au mot wnsiD : « Dans les Reisen de Pe-
termann, II, 144, c'est berbîn; dans le Liban ferfahin; à Bey-
routh, haqla ; chez les Bédouins, huaerde. C'est une espèce de
trèfle, propre à la consommation [pourpier] ». Je pourrais, à mon
tour, dire que M. L. n'a pas compris son propre article, puisque,
pour expliquer un mot signifiant trèfle, il met entre crochets le
mot pourpier. Il a donc commis la même erreur que celle qu'il
me reproche. J'ajouterai que M. Eisler [Beitrâge zur ralihini-
schen Sprach-v. Alterthiirashunde, IV, 154) a rendu également
le ■ipN'ïNit-nD de VArouch par portulaca.
En disant que le mot iN'^i:7D::np est mal imprimé dans VIndex,
M. L. aurait dû ajouter qu'il est correctement écrit dans le corps
de l'ouvrage (VII, 122 &). — Je maintiens l'explication que j'ai
CORRESPONDANCE 1o3
donnée de mmp. Le reproche que M. L. me fait d'avoir indiqué le
terme hongrois pour mieux faire comprendre le mot italien me
paraît bien puéril.
M. L. ne veut pas accepter mon explication du mot ■'N?:-;, mais
il se garde bien d'en proposer une autre.
Pour N7:r:, j'ai reconnu moi-même la justesse de l'étymologie
indiquée dans les PfJanzenn. de M. L., et j'ai également cité Ilay
Gaon (Aruch complet., VI, 365).
Je connaissais et ai mentionné l'opinion de M. L. relative au
mot Nnran {Ariich, III, 441 &].
Quiconque lira mon article sur 3i:n {Aruch, III, 473 a) verra
que j'y ai examiné à fond les sources et que je n'avais nullement
besoin de citer M. L.
Je trouve inutile de répondre aux autres observations de M. L.
Je ne veux pas dire par là que toutes les explications que j'ai
données dans mon Aruch soient bonnes, et je serai toujours heu-
reux d'accepter les rectifications qu'on voudra bien proposer,
quand elles seront appuyées sur une science impartiale.
Neiv-York.
Alexandre Kohut.
CHRONIQUE
L'accusation du meurtre rituel. — M. Henry Gaidoz a rendu
compte, lui fiussi, dan? son journal [Mélusine, t. VI, n^' 8, mars-avril
1893" de l'ouvrage de M. Strack qu'a si bien analj^sé notre savant col-
laborateur M. Salomon Reinach [Revue, XXV, 161). M. Gaidoz, qui est,
on le sait, un des maitj-es incontestés des études de folk-lore, dont re-
lève l'accusation du meurtre rituel, a résumé en termes très précisée
qu'il faut penser de cette queslioa, quia fait couler déjà autant de sang
que d'encre. Nous reproduisons ici ces lignes, auxquelles nous sous-
crivons sans réserve :
« Cette accusation contre les Juifs parait, dit M. Strack, ne pas en-
core avoir tout à fait sept siècles d'existence : en effet, on n'en a pas
de témoignage plus ancien. Mais rien ne prouve qu'elle n'ait pas existé
plus anciennement encore, et, pour nous, il faut, pour l'expliquer, re-
monter à l'auliquilé elle-même, avant la naissance du christianisme.
Voici comment nous nous expliquons ce développement psychologique
et historique.
I»* Daus le monde antique la sorcellerie employait pour ses rites du
sang et d'autres parties du corps humain, et oa immolait souvent des
enfants dans ces rites.
2° Les premiers chrétiens passaient pour sorciers, ils étaient accusés
de magie et poursuivis à ce titre; on leur attribuait donc les rites
coupables de la magie, y compris l'infanticide, comme l'atteste Tertul-
lien. — Le populaire payen attribuait donc aux chrétiens, alors secte
peu nombreuse, mal connue, haïe et méprisée, ce que le populaire
chrétien attribuera plus tard aux Juifs, devenus eux-mêmes au milieu
des chrétiens une secte peu nombreuse, mal connue, haïe et méprisée.
3° Le christianisme triomphe, mais les croj'ances populaires restent
les mêmes, et l'accusation de meurtre rituel se déplace. Les catholiques
étant la majorité dominante, l'accusation se porte sur les sectes héré-
tiques ; puis, quand 1 hérésie est étoufTée dans le sang et dans le feu
des bûchers, Taccusalion se porte sur les Juifs. Ce qui faisait la force
de cette accusatico, c'est que les pratiques et les croyances de la ma-
gie, héritage de l'antiquité pré-chrétienne, avaient survécu dans
l'ombre au milieu de la société chrétienne, que l'on continuait à égor-
CHRONIQUE ^55
ger des eufants pour mêler leur sang aux philtres, à fabriquer des
chandelles de graisse humaine pour se rendre invisible, a eventrer
des femmes eoceinles pour leur arracher leur fruit, etc. Des crimes,
provoqués par ces croyances, se commettaient encore chez nous dans
les derniers siècles; et il s'en commet encore de notre temps dans
l'Europe orientale, comme on peut le voir par les exemples qu a re-
cueillis M S. Cet état psychologique de la société chrétienne exphque
pourquoi cette accusation portée contre les Juifs paraissait si natu-
relle aux chrétiens ; les chrétiens attribuaient simplement aux Juils
leur façon de penser.
40 Le's pratiques de la magie s'effacèrent peu à peu chez les chrétiens
par suite du progrès des idées ; mais la vieille accusation portée contre
les Juifs subsista, parce que rien n'est aussi tenace qu'une tradition
dans les couches populaires que l'instruction n'atteint pas, et aussi
parce qu'elle faisait en quelque sorte partie d'un programme de pas-
sions nationales et sociales. »
M S se propose de publier une nouvelle édition de son ouvrage et
demande qu'on l'aide à rendre plus complète encore son étude. Xous
nous permettrons de lui signaler un ordre d'investigations que nous
avons vainement cherchées dans son travail : pour prouver qu au tond
de cette accusation il n'y a qu'une croyance populaire d'un caractère
universel, et, on peut le dire, pré-historique, sans lien avec la réalité,
il suftii d'essayer de reconstituer le scénario des prétendus faits repro-
chés aux Juifs et de noter les motifs attribués à ces meurtres soi-
disant rituels. Rituel est un mot qui fait penser à des formes rigides,
inflexibles. Or, rien de plus variable et que ce scénario et que
ces explications : impossible de mettre d'accord toutes ces inven-
tions. Qu'exige ce rite? l'efîusion du sang? La victime est très
souvent simplement noyée. - Faut-il dans ce but un garçon,
une lille, un homme? Tout ce qu'on voudra, cela dépendra du
cas qui aura réveillé la croyance. — A quel moment de l'année
doit s'accomplir ce rite monstrueux? A la Pâque juive ou aux
Pâques chrétiennes, ou n'importe quand? On n'y regarde pas de si
près, et l'accusation se produit à n'importe quelle occasion. On ne sait
même pas toujours que la Pùque juive parfois retarde de plusieurs
semaines sur celle des chrétiens. - Ces martyres chrétiens ne se
révèlent-ils pas d'une manière miraculeuse? Eu un temps ou le mi-
racle est à Tordre du jour et où le merveilleux joue un rôle dominant,
c'est par des signes miraculeux que se découvrent ces meurtres,
une auréole de feu, par exemple, planant sur la surface de l'eau qui
recouvre le cadavre, l'odeur exquise du mort et, ce qui atteste
le crime mieux que les aveux des coupables arrachés par la torture, ce
sont les miracles dont est le théâtre la tombe de la victime. Aujour-
d'hui, où il faut compter avec le scepticisme, ce décor a été supprime.
sans que la crovance s'en soit trouvée diminuée. — Pourquoi, main-
tenant, ce meurtre? Pour rééditer le crucifiement du Christ, pour
percer dans le chrétien le Christ qu'il représente, pour la fabrication
lo6 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
des pains azymes (concepliou très moderne), pour ne pas sentir mau-
vais, pour faire des philtres, pour arrêter le sang de la circoncision,
pour guérir les maladies secrètes, pour la cérémonie des fiançailles,
pour asperger les doigts des Aronides bénissant le peuple, pour faci-
liter les accouchements, pour rendre les sacrifices I) agréables à
Dieu, pour asperger le corps des Juifs morts, en disant : Si le Messie
des chrétiens est le vrai Messie, que ce sang innocent te procure la
vie éternelle, pour enlever les deux doigts que les enfants mâles
portent en naissant, etc. ? Même chaos. Il n'y a d'invariable que la
crédulité populaire, l'obsession du mystère du saug. Seulement, ces
variations ont leur histoire, elles ne sont que des transformations, et
c'est cette histoire qui mérite la peine d'être écrite. Ce sera un des
plus curieux chapitres des annales des aberrations humaines.
L'Histoire du peuple d'Israël de M. Renan. — Le 4" volume de
l'Histoire du peuple cV Israël d'Ernest Renan vient de paraître. Il serait
inutile de dire pour la centième fois le genre d'intérêt qui s'attache aux
productions historiques du grand écrivain. Ce volume accuse encore
mieux les procédés qui ont déjà été remarqués dans les précédents :
comparaisons inattendues entre le passé et le présent, modernisa-
tion des choses et des gens d'autrefois. Ce qui frappera les hommes
du métier dans ces pages, c'est l'invincible horreur du vide que
l'auteur a gardé jusqu'au bout. Les grandes lacunes des documents
historiques de ces temps ne sont pas pour l'embarrasser, il les
comble par des allusions lointaines relevées dans les livres bibliques
ou à l'aide de considérations inspirées par ce silence même. Pour le
futur biographe qui étudiera ce que M. Renan a pensé des Juifs, ce
volume ofï'rira une moisson dont la richesse ne pourra que l'effrayer.
Rien de plus curieux que ces portraits du Juif jetés à tout propos
avec une singulière intrépidité. Quel type complexe et contradictoire
que cet être de raison qui s'appelle le Juif! — Nous recommandons
aux éditeurs la correction des mots hébreux, qui ont été estropiés
par l'imprimeur. Peut-être aussi feraient-ils bien de modifier telle
traduction qui ne peut s'expliquer que par une étrange inadver-
tance. Ainsi, les derniers mots de la sentence d'Antigone de Socho
(p. 281) sont ainsi rendus : «... et la rosée du ciel sera sur vous. »
Le texte, on le sait, porte : c ... et que la crainte du ciel ^02^
sur vous. » M. Renan a-t-il confondu le mot mora « crainte », avec
moré, «pluie », et l'optatif tihi avec le futur teyihyél Ou est-ce une
correction voulue ?
Les Juif s dans les inscriptions de Tell-el-Amarna. — Journal
Asiatique (t. XX, I8O2, p. 287). — On avait l'ait grand l)ruit de la pré-
sence du mot Juif dans une de ces fameuses inscriptions. Le P. De-
lattre n'a pas de peine à montrer que le P. Scheil. qui avait lancé,
d'ailleurs sous toutes réserves, cette trouvaille, a été dupe d'une sim-
CHRONIQUE 157
pie homonymie. Le mot ya-u-du ne signifie pas nécessairement juif,
mais peut èlre de la racine mr c. être témoia ». Quel que soil d'ailleurs
le sens à attribuer à ce mot, il suffit de lire le contexte pour recon-
naître, avec le P. Delaltre, que la mention de soldais juifs ne se
comprendrait pas dans ce passage.
Senior Sachs. — Le 18 novembre dernier s'est éteint à Paris un
des vétérans de la science juive, Senior Sachs, né le 17 juin 1815, à
Keidan (gouvernement de Kowno, Russie, d'où le nom de Keidansky
qu'il porte, par exemple, dans le Hajonah). Doué d'un esprit très pé-
nétrant et d'une vaste érudition, Sachs a surtout porté son activité
sur la littérature de la renaissance juive au moyen-âge. Ses travaux
sont, pour la plupart, consignés dans les différentes revues qu'il a
fondées lui-même. Il a successivement dirigé : 1" Hatechija, 2 parties,
Berlin, 4800-4857 ; 2" Hajonah, Berlin, »8SI ; un supplément de ce re-
cueil, intitulé Kanfe Jonah, porte la date de 1848 ; 3° Keretn Chemed,
suite de l'ancien, 2 parties, Berlin, 1853-1856; 4" À'aa;o?i, Paris, 1860-
1872. Ce ne sont pas seulement ses Revues qui ont eu ce singulier
sort de rester à l'élat d'amorce; de son Schir Easckirim, cantiques de
Salomon ben Gabirol, Paris, 1868, un de ses meilleurs ouvrages, il n'a
paru qu'une livraison; de son Catalogue de la bibliothèque de Gunz-
bourg, que les trois premières feuilles (in-4°). Nous touchons là un
des défauts de sa manière de travailler, qui est en même temps un
éloge de sa conscience exigeante : il voulait épuiser toutes les ques-
tions qu'il abordait. Aussi ses notes, qui toujours écrasent le texte,
sont-elles de véritables articles d'érudition. Sa vocation de biblio-
graphe s'était dessinée de bonne heure, il a ajouté des compléments
au -j^bon de Zunz et a publié, avec notes, le Catalogue des mss. de
Zunz. Sa collaboration aux journaux hébreux a été des plus fécondes,
et puisque la mode est aux réimpressions, nous souhaitons qu'il se
trouve un jeune savant et un éditeur assez dévoués pour réunir tous
ses articles épars. Les derniers qu'il ait eu la joie de voir impri-
més, et qui ont paru dans le Hahoker (Revue hébraïque) de Salomon
Fuchs, montrent ce qu'on pouvait encore attendre de sa plume infa-
tigable.
David Cassel. — David Cassel (né le 7 mars 1818 à Glogau), qui
vient de mourir à Berlin (24 janvier 1893), n'a pas joué dans la science
juive un rôle aussi marquant que Senior Sachs, ni même que son
frère Selig Cassel, l'auteur de l'article Juifs dans l'Eûcyclopédie d'Ersch
et Gruber, devenu plus tard le Pasteur Paulus Cassel. Mais dans sa
sphère modeste, il n'a pas laissé de rendre de sérieux services par
les excellents matériaux qu'il a mis à la disposition des étudiants. On
lui doit : 1» Pla7i der Eeal-Enc'/clopâdie des Judenthums ^Krotoschiu,
1844, 8") : — 2° Ziir Verslùndigung iiber j'àd. ReformbeslrebungeniBtxViQ,
1845, %°) \ — Z'' Liber Kore ha- Dorot, scripsit Conforte, denuoedidit, tex-
158 RKVUK DES ÉTUDES JUIVES
tum emendavit, inlroduclionem, notas et indices (Berlin, 1846, i"^ —
4° Ausfilhrliches Sach-und Namensregister 211 de Rossts historischern
Wùrterlmch derj'dd. Schrillsleller u. ikrer TFer^g (Leipzig, 1846, 8°); —
5" Tschitbol ha Geonim Kadmonim (Berlin, 1848, 4", : — 6° Die Cullns-
frage in der jiid. Gcmeiude in Berlin Berlin, ISiiO, 8") ; — 7" Édition,
avec introduction et notes, du Meor Enat/im, d'Azaria de Rossi ' Wilna,
18(36, 8« : —8c Édition avec traduction et notes du Sefer Ha Cozari deK.
.Tuda ha-Lévi Leipzig. 18fi9, S*»: ; — 9" Sabbalh-Slunden, Belefirung u.
Erbaming (Berlin, 1868, 8") ; — 10° Htbraisch-deuisches \V (Merbuch nebst
Paradigmen der Snbstantiva u. Verba (4*= éd. Breslau, l.sso, 80; ; — no
Die Apccri/phen nach dem griech. Texte bearbeittt Berlin, 1871, 8°) ; —
M" Die bibl. Geschichte fUr die Israël- Jugend Berlin, 1872, S^') ; — 13"
Édition de la Grammatik der hebr. S prache d'Arnheim Berlin, 1872,8*');
— 14° Geschichle der jUd- Literalur. \. Die bibl. v. poH. Lileralur : IL
Die prophet. Literatur (Berlin, 1872-74, 8° ; — \o'^ Leitfadeii fUr den
Untevricht in der jiid. Geschichte n. Literatur (Berlin, 1878, 8°;i; — 16°
Lehrbncli derj'ùi. Geschichte u. Literatur L.eipzig, 1879, 8°^ ; — 17° Josef
Karo u. das Maggid Mescharini (Berlin, 1888, 4°). — Il a aussi donné
des articles aux revues scientifiques, entre autres : Die Psalmenilber-
schriften, in hritischer, histor. u. archàolog. Hinsicht, Liter.-Biatt
d. Orient, is40; Zar Geschichte jiid. Zustdide in der py rendis chen
Halbinsel, Zeitschrift f. d. relig. Interessen des Judenthums (1846).
Revue sémitique. — Le premier numéro de cette nouvelle pu-
blication a paru le l" janvier dernier. Quelques personnes ont ex-
primé, dans la presse, le regret de voir ainsi se disséminer, dans des
l'euilles de plus eu plus nombreuses, des études qui gagneraient à
être réunies dans un même recueil. S'il est vrai que le lecteur ail
à se plaindre de cette dispersion, nous nous félicitons, pour nous,
d'une généreuse rivalité qui prouve un réveil incontestable des re-
cherches désintéressées. Cette diversité même de revues ne saurait
que plaire à ceux qui aiment avant tout lïndépendance et qui
apprécient la liberté d'allures des savants, même quand elle n'est
pas conforme à leur goût. En tout cas, un nouveau recueil sera
toujours le bienvenu qui permettra à M. Halévy de déployer à
son aise sa vaste érudition, ses fantaisies brillantes, son admi-
rable science des langues. Nous n'avons aucun doute sur la vi-
talité de la Revue sémitique : s'il ne faut, pour lui prêter longue
vie, que des travaux originaux, M. Halévy est assez fécond
pour la soutenir à lui seul. H le montre, d'ailleurs, dans ce pre-
mier fascicule. Sauf deux courts articles dus à MM. Alfred Boissier
et Perruchon. tout le numéro est rempli par M. Halévy. qui y a
fait entrer les chapitres xxvi, xxvii et xxviii de ses Recherches
bibliques, publiées déjà à part, et des notes importantes sur la Corres-
pondance d'Aménophis III et d'Aménophis IV, sur les inscriptions
déjà fameuses de Zindjirli, sur les inscriptions anatoliennes
et sur le prétendu dieu minéeu Allah. Les personnes qui sui-
CHRONIQUE ^S9
vaieat avec intérêt les éludes de notre cher confrère sur If^s
premiers chapitres de la Genèse retrouveront dans ces Recherches
miiques le même art à se jouer des difficultés, la même hardiesse
de combinaisons et les mêmes merveilleuses élymologies qu'ils
admiraient dans leurs aînées.
Que M. llalévy veuille bien accepter l'expression de nos vœux
les plus sincères pour le succès de son entreprise. Qu'il nous per-
mette aussi de lui signaler une certaine méprise d'ordre technique
qui pourra déconcerter ses lecteurs : ceux-ci seront étonnés de trou-
ver à la première page d'une nouvelle publication un chapitre xxvi.
Il eût été bon de prévenir, au moins en note, que ces éludes fout
suite à d'autres qui ont paru ailleurs.
Les inscriptions sémitiques de Zindjirli. — La découverte
de ces inscriptions aura le même retentissement et une portée aussi
grande, au moins, que celle de la célèbre stèle de Mésah. On sait que
Te Comité oriental de Berlin ayant fait pratiquer des fouilles à Zind-
jirli, dans la Syrie septentrionale, a eu la bonne fortune d'exhumer,
entre autres, deux inscriptions dont les caractères paléographiques
appartiennent à la même famille que ceux des monuments phéni-
ciens et hébraïques. Bien plus, comme sur la stèle de Mésa, les
mots sont séparés par un point, ce qui en rend la lecture plus aisée.
La langue est incontestablement sémitique, mais forme un dialecte
à part. Dans quelle famille doit-elle se ranger? La lutte est déjà
ouverte sur celte question, les uns opinent pour l'araméeu, les
autres pour Ihébréo-phénicien. Les premiers s'appuient principale-
ment sur le vocabulaire, qui renferme, en effet, beaucoup de termes
araméens; les derniers sur les ilexions grammaticales, qui se rap-
prochent beaucoup plus de celles de l'hébreu et du phénicien. Il est
inutile de dire que ce sont les partisans de celte dernière hypothèse
qui paraissent avoir raison : ce qui distingue une langue, cest
moins le contenu du vocabulaire, que la grammaire; l'anglais pour-
rait avoir absorbé encore plus de mots français qu'il n'en renferme,
qu'il n'en resterait pas moins une langue germanique. Les consé-
quences de cette découverte, comme le dit très bien M. llalévy, pour-
ront exercer une sérieuse inauence sur l'exégèse biblique. Les con-
clusions qu'on tirait jusqu'ici, pour établir l'âge de certains livres
de l'Écriture, de l'existence de prétendus aramaïsmes deviendront
caduques s'il est prouvé que ces particularités dialectales appartien-
nent également à une autre langue. Cette langue était-elle celle dos
Hittites ? C'est ce que soutient M. llalévy, mais son opinion n'a pas
encore rencontré une adhésion générale. Disons, en terminant, que le
Comité de Berlin vient de publier le fac-similé de ces inscriptions
dans le 7« fascicule des Publications du Musée de Berlin et que
M. 1). II. Muller en a donné une transcription en caractères hébreux
avec une étude très complète.
160 REVUE DES ETUDES JUIVES
La Revue hébraïque Hahoker. — Cette Revue, dirigée par
M. Salomon Fuchs, et dont on avait déjà enregistré le décès, vient de
secouer son long sommeil ; les 9*^, 10" et 1 1^ livraisons ont paru en un
seul fascicule. Elles sont tout entières remplies par une nouvelle
édition des Halakhot Pesoîicot, avec notes de M. Joël Millier. Les pé-
riodiques sont-ils destinés à des réimpressions d'ouvrages?
M. Fuchs doit avoir là-dessus d'autres opinions que nous. Mais pour-
quoi une 9« livraison, alors que la 6^ n'a même pas encore vu le jour ?
Les Rabbins français. — Nous pouvons annoncer a nos lecteurs
que le XXXI'^ volume de VHisloire littéraire de la France consacré
aux rabbins français du xiV siècle va très prochainement paraître.
M. Xeubauer a donné le bon à tirer, même des Indices.
ADDITIONS ET RECTIFICATIONS
T. XXV, p. 53. L'introduction du Yalkout Makbiri a été déjà imprime'e
daus le r;;7:N3 rrï-ip de Fùnn, p. 304. — P. "75. La poésie û"'-2:7: HDD est
imprimée dans "^sn "'"im d'Edelmann, p. 15 ; cf. aussi mon Catalogue,
n" 393. — P. 205, noie 2. blb^n doit être une faute pour bi:ib;r;. —
P. 246-"/. L'hvpolhèse faite sur Genèse, xxvii, 33, a e'te' déjà e'mise par
Senior Sachs, dans Haschachar, 1869, VII, p. 63. — P. 256. J'ai moi-même
fait remarquer, dans le Bet Talmud, IV, 256, que tT'IT "^3^ daus cette Con-
sultation doit être lu en un seul mot, !T^"^"^,T"'2N. — S.-J. Halberstara.
P. 182, 1. 22, au lieu de TT^i'irî, lire iT^rr; ; 1. 23, après '^yn \nXD, il
manque (17, 12 d'en bas) ; noie 1, 1. 2, après les mots hébreux manque
(18, 15 . — P. 188, 1. 5, au lieu de « morceau qui suit », lire « morceau
précèdent qui manque ». — P. 194, 1. 27, au lieu de 21, 8, lire 21, 18 ;
1. 5 du bas, au lieu de jeudi 4, lire vendredi 5. — P. 198, 1. 17, corrigez 15
en 25 ; dernière ligne, au lieu de !^;i"in5, lire !^5"i?i;. — Porges.
P. 254, note 2, u-ib':: est l'abréviation de D-^nrj ûr:'^ "{nsb rr^rpï:. —
M. Schuhl.
Le gérant,
Israël Lévi.
VERSAILLES, lUPRIMERIB CERF ET C'°, RUE DDPLE8SIS, 59.
LE TITRE DU LIVRE DES MACCHABÉES
I
SARBET SÂRBANEEL.
A propos de son oxi)lication du Psaume i, Origène donne la
liste des livres de la Bible selon les Hébreux. Puis, il ajoute : è;(o
êà TO'JTWv Izxl Tct MaxxajîûtCxà àrsp â-iyéypa-Tr-ai ilap^TiO Xappav:;^.
Ce passage, cité par Eusèbe (Histoire de l'Eglise, VI, 25) et par
saint Jérôme [Prologus (idlcalus), nous apprend que les livres
des Macchabées avaient pour titre, selon les Hébreux, ces mots :
Sarheth Sarbanéel, dont le sens, jusqu'ici, a échappé à toute
interprétation.
Transcrivons ces deux mots en caractères hébraïques. Le pre-
mier n'offre aucune difficulté : c'est évidemment :::'^3n;i^ l'équi-
valent araméen de l'hébreu -^-yà bâton, sceptre, tribu, famille,
généalogie. Pour le deuxième, nous ne savons pas encore si le s
doit être rendu par o ou o. Adoptons provisoirement cette der-
nière orthographe, que nous justifierons plus tard. Nous obtenons
alors, pour le second mot, bN-^înio et, pour le titre tout entier, la
transcription suivante :
Nous sommes, dès à présent, arrivé à ce premier résultat, que
le livre des Macchabées avait pour titre : « La Famille » ou «. La
Généalogie de Sarbanéel».
Poursuivons maintenant. Nous noterons, d'abord, que la pré-
sence du noun ne saurait nous arrêter : il peut provenir, soit de
la nasalisation, soit du pluriel à forme araméenne. La suppression
de cette lettre nous fournit l'orthographe b^n-ic Remarquons
encore qu'il est indifférent d'écrire bx ou rr*; que bN:n:, par
exemple, est l'équivalent exact de rî">3n3; que, par suite, nous
sommes autorisé à substituer au mot '?wS*3-io le mot rr^mo, qui a
même valeur et môme signification.
T. XXVI, N" 52. Il
102 REVUE DES ETUDES JUIVES
Nous savons maintenant que la version araméenne, aujourd'hui
perdue, du livre des Macchabées, était intitulée : VN^no ;::"'3t«:: ;
le second de ces mots équivalant à r-r^-z : La famille Sarabel ou
Sar-abiali.
Nous sommes immédiatement conduit à penser que Sarabel ou
Sarabiali figure dans ce titre, parce que c'était là le véritable
nom de famille des Ilasmonéens. Chacun sait, du reste, que l'épi-
tliète de Macchabëes, qui a prévalu plus tard, n'est qu'une généra-
lisation du surnom donné au héros Juda Macchabée. Je vais
essayer de démontrer qu'il faut résoudre, comme je viens de l'in-
diquer, l'énigme présentée par ce mystérieux Sarbellt Sarbanéel
d'Origène.
Le Talmud de Jérusalem [Taanit, ch. iv) nous offre une discus-
sion sur la destruction de Jf'rusalera, qui eut lieu le 9 Ab. La Be-
raïta s'exprime de la manière suivante :
« Nous avons appris que R. Yossé * dit : Le jour où fut détruit
le temple était la fin du samedi et la fin de l'année sabbatique, et
le tour de la garde du temple était à Yehoyarib î3"'-,->--"'), le 9 Ab;
et, la deuxième fois, iLen fut de même. Lors des deux destruc-
tions, les Lévites étaient debout sur l'estrade et disaient : c Et il a
fait retomber sur eux leurs péchés et, à cause de leur scélératesse,
il les a anéantis; il les a anéantis, lÉternel, notre Dieu!»
(Psaumes, xciv, 23;.
R. Lévi - dit : t>:rT>-in-ic-: -^^■z'^^Z'z rinp yrr^r^ l-r^y •^r-'v^rr
«■"■•Nrcb « Yehoyarib est un homme; Méroun, une ville; ""'^-iC-:
veut dire : il a livré le tera[)le aux ennemis. »
Il y a, ici, un derascha très remarquable. R. Lévi nous apprend
que :m"'n-"' est un homme; que 'jtt'» est une ville; et, enfin, que
■^•'a-icr': signifie : il a livré la maison (le temple) aux ennemis.
' R. Yossé avait la tradition des faits historiques réunis dans le Seder Oiam Hahha
qu'on lui attribue. La citation du Yerouschalmi que nous reproduisons se distinjîue
par de très légères variantes du texte correspondant du Seder Oiam Rabba
(ch. xxx).
* Il n'est pas sans importance de constater que R. Lévi semble s'être occupé spé-
cialement de frénéaloçries. Nous en avons la preuve dans le passage suivant du Ye-
rouschalmi [Taanit, IV] : ;^-<b w"l-;''2 IN^:: '{"'SnT' ï—i'î^Tj ^"Ô "'n" "l'r^V
V: rnDrr: r-.'x-^i:. )2 ricNT p r]:!:i p '•>^'^r, v^ -*'" '"'^ 3-m
'^-r-j-^zN p ^Tw^u ^:3:: na-i n^'- 'd- im:^:.: V- "">"' >•- '"'""
r-;":r;: ^r: i—rizr,: ■'z-i nr-i p m:T^ ■'Z'zf^ NnD'rn "2-1 "3 ■'ct' ■'a-i
Nr'wlPrî. « Rabbi Lévi dit : on a trouvé à Jérusalem un rouleau traitant de gé-
néalogies, et il y est écrit : Ilillel descend de David ; Ben Yasaf, de Açaph ; lien
Siïit Hakaçat, de Abner ; Ben Koubicin, de Achab ; Ben Calba Scheboua, de Caleb ;
R.\anaï, de Alaï deYehoud, de Sepphoris ; Rabbi Iliyya le Grand, des enfants de
Schephatia ben Abital ; Rabbi Yossé, de la maison de Rabbi Halaphla, des enfants
de Yonadab, tils de Recbab ; Rabbi Néhémie, de Néhémie le Tirschata. >
LK TlTRlî DU LIVRE DES MAGCHAljEES 1C3
R. Lévi n'a lu que ces trois mots, par lui commentés, et il les
explique de manière ;i nous faire bien comiirendre que Yelioyarib
de Méroun a livrt^ le temple aux ennemis.
Poursuivons maintenant notre citation :
« H. Beracliia dit : i3 i3-idi "n::"»:: hv t^:^ t=;' ^"-i- t-î"' nn-'ir;"'
';'^m:-':i:b nbrirîi anbac fipMzy Ti-nv ini jt< cmo-'j: pi?::? Ti-^yr.
L-iT^iïT^ signifie : Dieu a disi)utc contre ses enfants, parce qu'ils se
sont révoltés et insurgés contre lui ; et û^ms"':: pit::' ï-t'^T' veut
dire : Dieu a connu le dessein profond caché dans leurs cœurs
(dans le cœur de ceux dont il vient de parler, de ses enfants), et
il les a exilés à Sepphoris ».
La version de R. Berachia ditî'ôre, à plusieurs points de vue, de
celle de R. Lévi, Le nom d'homme n-'T'nr;"' est décomposé en "■'
n"!"!" : Dieu a disputé, explication tout à fait conforme à celle de
Yerroubbaal : Bal a disputé ; rr» remplace simplement Baal. La syl-
labe "i-'3 du mot ■''3";C'?3, prise par R. Lévi pour l'équivalput de r^3,
maison ', signifie, pour R. Berachia, contre lui. Enfin, R. Lévi ne
connaît pas trois mots nouveaux, fournis et commentés par R. Be-
rachia : a-'-n-:"'^ "p^izy ï-t'^'T'. N'oublions pas, pour bien com-
prendre le sens du commentaire de R. Berachia, que, suivant la
Mischna, le Babli et le Yerouschalmi, une des dix schechina
avait été transportée à Sepphoris. Remarquons encore que les
deux auteurs juxtaposent, non sans intention, le premier a-'-pin"'
et x^-vû et 113-1073 ; le second, a^n-'ir!-' et nnnoT tijj-j.
Le Yephè Maréh, commentaire de R. Samuel Yaplié Aschke-
nasi, explique très clairement ces interprétations : « R paraît, dit-
il, que dans le livre de généalogie (on^) des veilles des prêtres
étaient écrites ces paroles : i^^-iCTa '(TT'W ni-iiin"* ; et que dans la
veille de ï-rir'-'i"' étaient écrits ces mots : a^-n^ij: -l'^y m^yr.
R. Lévi explique ces mots en disant que ni->,iir!i est le nom d'un
homme, et •ji-i-'îa , le nom de la ville qu'ils habitaient - ; que
ii^-iDW est là parce que, dans leur temps (de veille), le temple a été
livré entre les mains des ennemis, comme il est dit plus haut.
R. Berachia explique le premier mot ainsi : v:a tiy n^nr; i-r
« Dieu a disputé avec ses enfants » et, de même, il explique T~ry-,^
Viis^i: ?^^2'J par tiV^r; p hvi ^2:2^ r-ipr::* ti-^v t-i^ :•-;'
t:nN:2n3 "ji-nDiib « Dieu a connu le dessein profond qui était dans
leurs cœurs et, pour cette raison, il les a exilés à Sepphoris, à
cause de leurs péchés ».
Le livre qui portait le titre de Sarbeth Sarbanéel renfermait la
* 13 est mis souvent pour n^D. Nous en avons un exemple plus haut, dans la liste
généalogique citée par R. Lévi.
* De la ville à eux assignée en leur qualilc^ de prêtres.
164 REVUE DES ETUDES JUIVES
généalogie des lïasmonéens et constituait le véritable livre des
Macchabées. L'apparition de ce volume était politiquement indis-
pensable. La situation de Jean Hyrcan était, en effet, assez déli-
cate; ce prince passait pour être né d'une mère ï-ibbn. Gela résulte
indiscutablement du passage où Flavius Josèphe (Antiquités, XIIL
18) raconte les origines de la brouille de Jean llyrcan avec les
Pharisiens. Il était donc nécessaire d'établir la filiation légitime
du grand-prêtre ; de là, le livre qui nous occupe et auquel le Tal-
niud fait évidemment allusion, lorsqu'il nous dit: ■c"'^', r-i'n -«rpT
rr'.TZ'cn n-'a nVs>3 innD « Les anciens des écoles de Tlillel et de
Schammaï écrivirent le livre de la maison des Hasmonéens. »
Cette œuvre était donc d'origine purement pharisienne.
Plus tard, lorsque Jean Hyrcan et ses successeurs furent deve-
nus partisans de la secte saducéenne, les Pharisiens persécutés
se vengèrent en commentant avec malveillance le nom de ces
Hasmonéens, passés dans le camp de leurs ennemis. Les textes
que nous avons reproduits sont des exemples de ces sortes d'inter-
prétations, auxquelles le nom des Macchabées se prêtait admi-
rablement. Et c'est ici que nous arrivons à la partie principale de
notre démonstration.
Les Hasmonéens descendaient de la famille des colianlm dont
l'aïeul était Yehoyarib. I Macchabées, ii, 1, nous voj'ons « Matha-
tliias, fils de Jean, fils de Simon, sacrificateur des fils de Yoarib ».
De même, I Macchabées, xiv, 29, « Simon, fils de Mathathias, fils
des fils de Yoyarib )). Flavius Josèphe, de son côté (Antiquités, XH,
8), nous transmet une généalogie plus complète : « Mathathias,
dit-il, fils de Jean, fils de Simon, fils d'Hasmonée, qui habitait à
Modin, était sacrificateur, de la lignée de Yoyarib. »
Ce nom de Yoyarib revient dans la Bible sous différentes formes.
I Chroniques, ix, 10, et xxiv, 7, nous trouvons l'orthographe
complète r-'-.-jir:";, pour le nom de la famille de prêtres chargée de
la première des vingt-quatre veilles du temple. Néhémie (xi, 5 et
10; XII, 6 et 19) écrit 3—,'i\ Ezra, viii, 16, enfin, emploie ces deux
orthographes : a-^-p et n"'-''^i\ Dans tous ces passages, il est ques-
tion de la même famille, de celle qui donna naissance aux
Macchabées.
Or, il suffit de comparer I Chroniques, ix, 10 et 11, avec Néhé-
mie. XI, 10, 11, et XII, 6, 12, 15 et 11», pour s'assurer que cette
famille n^-i.-iir;-' est identiquement la même que la famille des
ri^-,7:^ qui figure dans Ezra, vu, 3; Néhémie, xi, ll,etxii, 15;
et ^Chroniques, v, 32, 33; vi, 37, et ix, 11 .
Nous ne pouvons manquer d'être frappés de ce fait, que le sens
des mots a^'n^irr' et ni"»-,?: est le même : ces deux expressions, en
LE TITRE DU LIVRE DES MACCHABÉES 165
effet, peuvent se traduire par celui avec qui Dieu dispute, ou
celui qui dispute avec Dieu, se révolte contre Dieu.
Si, après avoir fait cette observation, nous remarquons que
•^173 se rend totijours, en araméen, dans le sens de révolté, par
mo, nous nous trouvons en présence de trois termes syno-
nymes : n-'-i"', "^iM et nno; et les trois noms formés de ces racines,
Yehoyarib, Merayot et Sarabel sont synonymes, eux aussi, et dé-
signent une seule et même famille, celle des Hasmonéens.
Nous comprenons maintenant dans quelle intention R. Lévi
associe a^-i-'i--' à "j-n-^?: et à -1^2-1072 ; nous saisissons pourquoi
R. Berachia a voulu juxtaposer n-^-i-'ir;"' à innoT nn^ao. Ces deux
auteurs entendaient commenter, par une triiile derascha, le nom
détesté des Macchabées sadducéens.
Nous nous rendrons compte aussi du motif qui poussait R. Be-
rachia à introduire dans la discussion et à commenter celte
phrase : n-^TiD^i: pMzy ^-^^;'"^ Néhémie, xi, 10, nomme, en effet,
parmi les Cohanim, :^^-)lv 13 ri^s-n-;. Yedaya appartenait donc, lui
aussi, à la famille de Yehoyarib et avait droit à sa part dans la
derascha tendencieuse dirigée contre les Hasmonéens.
Toutes les obscurités du texte talmudique disparaissent dès lors.
Les mots cités par K. Lévi et R. Berachia, qui, au premier abord,
semblaient incompréhensibles, prennent un sens net et précis et
nous permettent de retrouver la signification du titre rapporté
par Origène. Sarabel, en un mot, est un synonyme de Yoyarib, et
le titre araméen sappr.e sappavseX doit être transcrit bN'^:n-iD a-'ano,
l'équivalent de bwSn-iD "jno, et se traduire La famille Sarabel ou
La finnille des Hasmonéens.
II
SARAMEL.
Le résultat auquel nous sommes arrivé va nous conduire immé-
diatement à expliquer un passage du premier livre des Maccha-
bées incompris jusqu'à ce jour.
Nous lisons, I Macchabées, xiv, 27, 28 : « P]t ils écrivirent sur
des tables d'airain, qu'ils placèrent sur des colonnes, sur la mon-
tagne de Sion ; et voici la copie de l'écrit : Le 18 EIoul de la cent
soixante-douzième année, qui est la troisième annétî du grand-
prêtre Simon, dans Saramel. . . » Lo texte gre<î porte : -t-j-.o'j étoç
Or, nous ne trouvons nulle i)art la moindre trace d'une localité
du nom Aq Saramel. Déplus, il n'eût guère été logique d'assem-
166 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
hier le peuple à Saramel pour placer une inscription à Jérusalem.
11 paraît, enfin, bien extraoïxlinaire que le grand-prêtre, dans un
acte aussi solennel, ne soit désigné, (1rs le début, que par le nom
de Simon, sans indication immédiate du nom de famille.
Ma conclusion est que Saramel ligure ici le nom de famille
Sarabel. La permutation de 3 avec » est très fréquente. C'est
ainsi, par exemple, que nous trouvons ir^-isTD pour \^r:^z-2 et mina
pour n"T)/: ; c'est ainsi encore que la version des Septante, au
lieu de Sennachérib, écrit ii^wa/ripiii; sans compter bien d'autres
cas de ce genre, qui nous autorisent à faire cette correction. Quant
au mot àv, il aura été ajouté plus tard, à une époque où le copiste,
ne pouvant comprendre que Saramel avait été écrit par erreur
au lieu de Sarabel, y vit un nom de ville et voulut compléter un
texte qui lui semblait défectueux.
III
MACCHABÉE.
Enfin, puisqu'il est question ici de la famille des Macchabées, je
veux encore ajouter à ce qui précède, une dernière remarque.
Le surnom de Juda ne me paraît pas avoir été expliqué d'une
manière satisfaisante. Il est bien improbable que cette épithète
vienne de P3pS], raarleau. Le premier livre des Macchabées, ii,
•2, nous dit, en effet, au sujet de Matliathias : t Et il avait cinq fils :
Yohanan, surnommé Kadis; Simon, surnommé Thassi; Juda, sur-
nommé le Macchabée; Eléazar, surnommé Avaran ; Jonathan,
surnommé Apphus. » Josèphe (Antiquités, XII, 8) donne la même
liste, avec une légère variante : « Il avait cinq fils : Jean, sur-
nommé Gaddis; Simon, surnommé Mathes ; Juda, surnommé
Macchabée ; Eléazar, surnommé Auran ; Jonathas, surnommé
Aplius. »
Il résulte de ces deux textes que les fils de Mathathias portaient
des surnoms tirés de noms de villes ou de contrées. Je crois que
Juda ne fait pas exception : que son surnom vient de n*:2~'': et
doit s'écrire, sous sa forme complète, ^;3p» comme celui du
héros de David nommé I Chroniques, xii, 13. Le noun disparaît
dans les langues sémitiques aussi fréquemment qu'il s'introduit
par nasalisation. C'est ainsi que -^j-yz'z sera devenu ■'nr-:, dont,
plus tard, on aura voulu faire ''3p73, que l'on comprenait mieux.
Senior Sachs.
INSCRIPTION JUIVE DES E^'VIlîO^S DE COIÎAÏÏI^OPLE
L'inscription qu'on va lire a été copiée, il y a quelques années,
avec trois autres textes funéraires sans importance, par M. G.
Abdoullali, photographe à Constantinople ; elle provient d'une
localité ai)pelée Arnaut-Kcui (village des Albanais), située sur les
pentes seiitentrionales du mont Alem-dagh, en Bithynie^ La copie
de M. Abdoullah, communiquée d'abord au docteur A. Mordtmann,
antiquaire distingué de Constantinople, a été publiée en fac-similé
par M. A. Sidéropoulos, dans un des derniers fascicules du Syl-
logue littéraire hellénique de cette ville-. Comme les publications
de cette excellente société sont malheureusement peu répandues
en Occident, je crois être utile à nos études en reproduisant ici un
calque exact du fac-similé en question ; je le fais suivre d'une
double transcriptions en minuscule, l'une littérale, l'autre cor-
recte; dans celle-ci, j'ai résolu les abréviations de l'original,
ajouté les accents et rétabli l'orthographe classique.
n AA^ ^N
e pas couloiulra avec un autre Arnaut-Keui, situé sur la rive européenne du
t, entre Kouroutchesmé et Bebek.
» N
détroi
'O ., .x.uv...i*vi..vojTioAsi r-A/r|Vtxo; çi/oÀOYixo; ai^UoroÇ- llapap-r,aa toO !(:) =
TOaO'J. '^ ■^' "^ • -• ■ -- -■ r r '.
âv KwvT-avT'.vo'jTTÔXsi 'EX),r|Vtxô; oaoXoyixô; c<jII(jvo(,. llapàp-r,a
P. 21 (Constantinople, 1891).
168 Ri:VLE DES ETUDES JUIVES
XîWV. UplVT,.
C'est-à-dire :
'EvOxoî xaTïxîTTa'. SavÇiTi;, uî^; FîpovTfo'j ~p(eT,3'JT£po'j'), YpaïAaïTîli; xal èiria-
« Iji est couché Sanbatis, fils de Gérontios preshyteros, scribe
et président des Anciens. Paix. »
L'origine juive de notre texte est attestée, non seulement par
son contenu et par la formule terminale "Eipvïi, qui traduit l'hé-
breu El"::":;, mais par la présence des symboles caractéristiques, le
chandelier à sept branches et le rameau de palmier, que M. Ab-
doullah a signalés, mais négligé de reproduire dans son fac-similé.
L'orthographe barbare, à laquelle nous ont habitués, d'ailleurs,
les inscriptions funéraires juives de cette époque, témoigne d'une
prononciation déjà très voisine de celle des Grecs actuels. Le
lapicide emploie indifféremment z\. pour i et i pourri; ai s'échange
avec £, 0 avec to; les consonnes doubles sont supprimées (Ypaixa-
TEj;). On notera particulièrement la graphie jyo; pour uJ.dî, intéres-
sante pour l'histoire du gammi intervocalique ; c'est la première
fois, si je ne me trompe, qu'on la rencontre; une inscriptiou
chrétienne d'Assos avait déjà fourni ûyeioO pouruî.oO*.
Le nom du défunt se lit sxvSi-:'.;, flls de rEsôv-no:. lavCixtî est une
forme nouvelle d'un nom dont on avait déjà rencontré, dans les
textes ou les inscriptions, les variantes suivantes :
zavêiT'.o;, Coy^x>- itiscr. grœc, IV, 8912 (Bithynie, chrétienne).
i:àv6aTo; (?), C. I. G., III, 4074 (Ancyre, chrétienne"?)
sagÊiTi;, C. /. G., IV, 9910 (Rome, juive).
xar^iTiî, C. /. G., IV, 9723 (Rome, chrétienne)..
iiaÇêaTio;, Syuéslus, ép. 60 ; Socrate, Ilist. eccL, V, 21, O (15).
Comparez aussi E:-x(x6iTio; dans l'épitaphe juive de Korykos en
Lycie {Revue, X, 76;.
Tous ces noms propres, auxquels correspond la forme hébraïque
Sabbalaï, dérivent évidemment du nom du Sabbat, et c'est par la
synagogue qu'ils ont passé dans l'église primitive. Le remplace-
ment du double b par le groupe nb ou mb, que l'on constate dans
les formes xavêxTi;, iiavêiTioî, i:'iv6a-o; [?], EJ5ï|;.6iTio;, est uu phénomène
fréquent dans les idiomes sémitiques. C'est ainsi que le fameux
' Sterrett, Paperx of the american school at Athens, I, 85, n" lxsu. Cf. Blass,
Ueber die Ausspracht dea Grierhischen (3° éd.), p. 107 suiv.
INSCRIPTION JUIVE DES ENVIRONS DE CONSTANTINOPLE 160
fleuve intermittent, que Josèphe {B. Jud., Vil, 5, 1) appelle 2a66a-
Tixo'ç, est désigné dans le Midrascli {Bereschit Rabba, ch. 2) * sous le
nom de ';n33r;o, Sambation ; ou encore {ihicL, ch. 73, 72 /y),
ivjnio, Sanbalion. La même l'orme se trouve dans le Talmud de
Jérusalem, Sanhédrin, c. x, ad fin., 29 c.
Le nom du père, Gerontios, a une physionomie tout hellénique ;
il dérive de la racine ysfwv, vieillard. Il est à remarquer que le
nom ne se rencontre pas à l'époque classique ; on ne le voit appa-
raître qu'à l'époque chrétienne, soit dans les inscriptions (C /. G.,
9148 et 9804) '\ soit dans les textes : il est porté notamment par un
général de l'empereur Honorius (Olympiodore de Thèbes, § 16 z=
F. B. G., IV, 59). On le trouve aussi dans la littérature talmu-
dique : il est question d'un médecin juif appelé Bar-Gliiranli,
contemporain de R. Jérémie, c'est-à-dire au milieu du iv*^ siècle
(T. de Jérus., Béça, I, T, p. 60 c") ^ D'après cela, on serait tenté de
voir dans rspdvTto; l'équivalent d'un nom hébreu ou araméen ayant
la môme signification. L'araméen N3D [Saba) est employé en Ba-
bylunie, non seulement comme épithète disi;inctive, mais comme
nom propre.
Les titres ou dignités que nous rencontrons dans notre inscrip-
tion sont au nombre de trois : TrpîïCj-rspoi;, j-paaaaTe'j?, i-z:7-%\r,c, Twv
iraXaitov .
rpa[Aij.aTS'j;, <c écrivain », qui dans l'épigraphie classique a le sens
de secrétaire ou greffier, est ici l'équivalent de Thébreu 1210 ; c'est
le terme consacré dans le langage du Nouveau-Testament pour
désigner ceux qui sont versés dans l'étude de 1' « écriture », c'est-
à-dire de la loi. Le titre de ypafiiJLaTEùî a fini par se confondre avec
celui de Rabbin, « Monseigneur », qui n'était à l'origine qu'une
appellation honorifique, employée en adressant la parole aux
lettrés, aux docteurs de la loi. Le terme grec ligure fréquemment
dans les inscriptions funéraires juives de Rome, datant du ii^ au
iv« siècle de l'ère chrétienne ^. On voit que les Juifs de la région
byzantine en avaient conservé également l'usage.
L'expression très curieuse ÈTtiTTctTïiî t(ov -iraXaicôv se rencontre ici
pour la première fois. On ne saurait douter que sous ce terme
* Dans le Talmud de Babylone {San/u'driii, 60 I)) et Beresrhit E., 2, sect. 11, 11 r^,
on trouve la forme réfrulière 'jT'^iaD, Sabbation (grec i^aSSaTîtov). Cf. Jacob Levy,
Neuhebra'isches Wôrterbuch, s. v.; Neubauer, G<fog. du Talmud, p. 33.
- Le fragment romain (Kaibel, Insc. Sicil., 1519), où on lit seulement rKPGNTiO,
me parait être ép;alement de provenance chrétienne.
* L'équivalence i^JjI'^^ =: Pïpovxio; est signalée par Ziinz, Namcn der Jnden
[Ges. Sc/iriften, II, 8). Elle m'a été indiquée par M. Clermont-Ganneaii,
* Garrucci, Cimitiro deyli antichi Hbrei... Vigna Randanini, p. 42, 46, 47,54, 55,
59, 61. Du même, Dissertozioni archeoïo'jiche. 11, 165 (n»» 20, 21) et 182 (n° 21j.
170 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
assez poétique de r.a'Ki.'.oi on ne doive reconnaître les « anciens »,
a-'ïpT, de la communauté, beaucoup plus ordinairement désignes
sous les noms de itpsaêjxEpot ou de yepdvTïî '. Si le lapicide s'est servi
de cette expression insolite, c'est peut-être par un scrupule de
lettré, pour éviter la répétition du mot rps^sëùzs^o^, employé quel-
ques lignes plus haut ^. Quant au mot èncTiTr,?, il se rencontre plu-
sieurs fois, dans l'Evangile selon saint Luc, dans le sens de
« maître, rabbin » en parlant à Jésus ^ ; mais ce n'est évidemment
pas dans cette acception que la pris l'auteur de notre iiiscriiition.
'EriJTirr.î, qualifié par le génitif qui suit, ne peut signifier, d'après
l'étymologie et l'usage, que présidrnl. C'est en ce sens qu'on
disait à Athènes è-uxàTT,; tûv Tîcoéopuv, è-isTâTr,ç -rtov rp'jTâvsuv, pour chef
ou président du bureau de l'assemblée du peuple, chef ou prési-
dent des Prytanes (commission de permanence du sénat^. Dès
lors, rèr:ffTctTT,i; twv -rraT^aiùv de notre épitaplio n'est autre que le
président des Anciens, le chef de la yspouaia, (conseil, sanhédrin)
de la communauté juive dont le village d'Arnaut-Keui occupe le
site (à moins, ce qui est toujours possible, que l'inscription n'ait été
transportée d'ailleurs). Ce fonctionnaire est ordinairement désigné
à Rome et à Naples sous le titre de yepousifltpx^î. à Venouse sous
celui de Yspou^tàp^^wv '* ; il ne doit pas être confondu avec l'àp/wiivat-
Ytoyoç, dont les fonctions étaient exclusivement relatives au culte,
tandis que les Anciens et leur président s'occupaient de tous les
intérêts matériels de la communauté et en particulier de l'admi-
nistration financière et judiciaire. Je ne connais aucun texte qui
nous donne l'équivalent hébreu du titre de Gérousiarque; on peut
conjecturer QispT "JNn.
La sigle UoS de la ligne 5, donne lieu à une petite difficulté. La
résolution de l'abréviation n'est pas douteuse : c'est une des plus
communes dans l'épigraphie grecque tardive ^ Mais on peut hé-
siter entre les lectures irp^EdêûTcpoî) et xp'caêuTépou). Dans la dédicace
juive de Smyrne (C. I. G., 9897), la même abréviation, employée
dans deux lignes successives, doit s'interpréter, la première fois,
par, le nominatif, la seconde, par le génitif. Si je me suis décidé
ici pour la seconde interprétation, c'est par des raisons tirées du
contexte. Le mot izozcëù-ct^cK, fréquemment employé dans la litté-
1 PhiloQ chez Eusèbe, Prœp. evang., viii, 7, 11^ : twv ÎEpswv oé ti; 6 Tta^ywv r, xwv
* Il aurait pu écrire yîp&vîojv : peul-Otre a-t-il évité ce mot à cause du nom propre
TîpovTto; ?
3 Sa.nt Luc, v, 5 ; viii, 2-i et 'i5 ; ix, 33 et 49 ; xvii, 13. Cf. Schiirer, Geschichtc,
II. 257-8.
" Schiirer, II, ol7, notes ÎÛ6-108.
5 Cf. Salomou Reinach, Traita d't'j)igraphie grecque^ p. 234.
INSCKII'TION JUIVE DES ENVIRONS DE CONSTANTINOPLE 171
rature évangélique, désigne les membres ordinaires soit du sanhé-
drin de Jérusalem, soit des petits sanhédrins locaux ', en d'autres
termes, les Anciens; il est donc exactement synonyme du mot ica-
Àotid;, employé à la fin de notre insciiption. Or, il n'est pas raison-
nable de supposer que le même personnage soit désigné, à la fois,
par le titre de « sénateur » et de « président du sénat » ; la fonc-
tion la plus importante, qui suppose et absorbe le degré inférieur,
doit seule être mentionnée. Nous en conclurons que l'abréviation
np'^ doit se traduire ici par nf.ssgjT^pou : Gérontios, le père, était
simplement un « ancien », un membre du Conseil local; son fils
arriva à la dignité de président du même Conseil. Notons, en ter-
minant, que le titre de -jrpEsêûxefo; figure très rarement dans l'épi-
graphie juive, sans doute parce que la qualité de simple membre
du Conseil paraissait trop peu importante pour être commémorée
dans une épitaphe. M. Schûrer observe - qu'on ne l'a pas ren-
contré une seule fois dans les inscriptions juives de Rome; aux
deux seuls exemples qu'il en ait cités d'autre provenance — l'un
de Smyrne (C. /. G., 9897), l'autre de Korykos (Revue, X, 76) —
s'ajoutera désormais celui d'Arnaut-Keui.
Théodore Reinach.
* Saint Luc, vu, 3 : TipeiêuTEpoi ttôv 'lo-joaîtov (à Capernaiim)
2 Geschichte, II, 518.
INFLUENCE DK r.ASCHI
ET D'AUTUES COMMENTATEURS JUIFS
SUR LES
POSTULEE PERPETUEE DE NICOLAS DE LYRE
Dans cette étude, nous nous proposons de montrer dans quelle
mesure l'exégète Nicolas de Lyre s'est inspiré de Raschi et des
autres commentateurs juifs, dans ses célèbres Poslillœ perpetuœ
(1293-1332). Nous nous attacherons surtout à examiner attenti-
vement les passages des commentaires qui permettent de faire
ressortir les caractères distinctifs de l'esprit de Raschi et de
l'exégèse de Lyre. A ce point de vue particulier, les commentaires
de ces deux auteurs sur les Psaumes offrent des matériaux très
riches, parce que, de l'avis des personnes compétentes, ce sont là
leurs meilleurs ouvrages '.
Mais avant d'aborder notre sujet, nous croyons utile de dire
quelques mots des travaux qui ont déjà été publiés sur la question
dont nous nous occupons ici. Dans les plus anciens ouvrages sur
Lyre -, il est surtout question de ses opinions théologiques et de
son origine-*. D'autres auteurs ^ citent ce fait à l'honneur de Ra-
* Voir Fr. Delilzsch, Einlcitunij in den Psalter i1867). p. 41 ; voir aussi une étude
rie M. Fischer sur les Postille de Nicolas de Lyre dans Zeitschrift fiir protestantischc
Théologie, t. XVI, 462 année 1889]. Du reste, les Po67i7/<e sur les Psaumes furent
traduites de bonne heure en allemand. J'ai la copie d'une traduction allemande dont
les mss. se trouvent à Vienne et qui porte la date de 1456; elle a été faite par un
moine qui appartenait au même ordre que Lyre. Cf. Joseph Kehrein, Zwr Geschichte
(1er deutschen Bibelûbersetzung vor Luther, p. 22.
* Cf. G.-W. Meyer, (leschichte (1er Exejeae, I, 100, et Dieslel, Geschichte des A. -T.
ta de>- christl. Kirrhe, 1'J8, uolc 2.
3 G<'senius [Geschichte der hehr. Sprache und Schrifl] et Delitzsch [Ei/ilettimy in
dcn Pfalter, 41) le croient d"ori{^ine juive. Merx et Fischer combattent cette
opinion.
* Zuiiz, Etude sur liaschi dans Ztschr. f. Wissenschaft des J'identhiims, I, 86
(1823). CI. Graetz, Vil. 513.
INFLUENCE DE HASCIIl SUR NICOLAS DE LYUE 173
schi que Lyre a beaucoup utilisé son commentaire. D'autres',
enfin, font observer que Lyre a indiqué dans une phrase latine le
quadruple sens que Técole cabbalistique donne de chaque mot.
Voici cette phrase : Litcra gesia docci , quid credas AUegoria, Mo-
ralis quid agas, qiio tendas Anagogia. Mais, en réalité, il ne s'est
occupé que de deux sens, le sens littéral ou historique et le sens
mystique ou allégorique. Ce sont principalement MM. Diestel et
Siegfried ^ qui ont étudié la question qui fait l'objet de notre tra-
vail. Les recherches de M. Merx^ touchent également à notre
sujet, car en parlant des anciens commentateurs, il s'occupe éga-
lement de Raschi et de Lyre et indique les idées herméneutiques
de ce dernier. Enfin, M. Fischer* a publié un travail dans lequel
il étudie Nicolas de Lyre comme théologien, et, dans ce but, jette
un coup d'œil rapide sur ses travaux exégétiques. Nous sommes
d'accord avec M. Fischer sur la valeur de Lyre comme théo-
logien, mais nous contestons le jugement qu'il porte sur notre
auteur comme philologue, jugement qui diff'ère, du reste, de l'opi-
nion de la totalité des historiens. Nous examinerons, d'ailleurs,
dans le chapitre suivant les arguments de M. Fischer.
Les savants ont généralement admis que Nicolas de Lyre, à en
juger par ses Postillœ sur l'Ancien-Testament, savait bien l'hé-
breu et était familiarisé avec les interprétations rabbiniques de la
Bible. M. Fischer est d'un avis contraire. D'après lui. Lyre a pris
le texte de la Vulgate pour base de son travail et n'a eu recours
au texte hébreu que pour des détails, mais jamais pour déter-
miner le sens d'un verset complet. Ses connaissances gramma-
ticales aussi, dit M. Fischer, étaient médiocres et ne lui ont pas
permis de remanier le texte de la Vulgate. Examinons ces diff'é-
rents points de près.
Les endroits où Lyre s'occupe de grammaire hébraïque sont peu
nombreux, parce qu'en réalité, des remarques grammaticales au-
raient eu peu d'intérêt pour la catégorie spéciale de personnes
auxquelles Lyre destinait son travail. Il a voulu, en ett'et. expli-
quer en latin « la Bible latine pour ceux qui savent lire et écrire
le latin. >> On rencontre pourtant dans son commentaire sur les
> Schmiedl, Studien ilher jirl. inshcsoudere jiid.-arab. Helitjionsphilosophic, Vienne.
1869, p. 22S et 229.
ï Siegfried, Raschi's Einfltiss auf Nicolaus de Lyra und Luther. . . dans Archiv fiir
wissenuh. Erforschung d. A. T., I, 428-/156, et II, 39-65.
* A. iMerx, Die Prophétie des Joël und seine Auslegcr, Halle, 1879.
* M. Fischer, Des N. de Lyras Postillœ perpetnm in V. et N. Testament um m
ihrem eiqenthiimlichem Unterscl.iede von der gleichzeitigen Schriftausleijiinj, dans la
Zîschr. /'tir prot. neol.,XY, 462 (1889).
174 RKVUE DliS ÉTUDES JUIVES
Psaumes un certain nombre d'observations grammaticales. C'est
ainsi qu'à propos de Psaume, v, 1, il remarque que « dans le
mot Hanchilot, la sj'llabe Ha ne lait pas partie du substantif,
mais indique l'article ' ». Même observation au Psaume viii, à
propos du mot n-nsn. Dans le Psaume ix, 1, à propos des mots
pb mr-br, il parle de l'usage, en hébreu, du singulier pour ex-
primer un collectif. En passant en revue les diverses interpréta-
tions auxquelles a donné lieu ce passage difficile, il dit que, pour
quelques-uns de nos « docteurs », doctores tïostri, ces mots font
allusion à la mort des premiers-nés en Egypte, et que, au point
de vue grammatical, on ne peut rien objecter contre l'emploi de
p pour t]-^;2. Du reste, dit-il, Raschi également explique p comme
si c'était un pluriel -.
Voici ce que dit Rascbi sur ce passage : m?: "r:? n^;::? "«rx 1;:nt
'•^•i t:^:fr:j-^ 2-.pm tnpTi: n'rjip,-'.
C'est également à Pvaschi que Lyre emprunte ce principe gram-
matical que la négation qui se trouve dans la première partie du
verset peut se rapporter aussi à la seconde. Ainsi, pour Ps. l, 8, il
dit : « Holocausta autem iua in cons. meo sunt semper. In Ilebr.
et in transi. Hier. ^ habetur : et holocausta tua coram me snaL
semper, et secuiidum quod dicit Ra. Sa. et bene, ratione huius co-
pulativîe et ly « non » quod est in principio versus hic resunii-
tur, et est sensus : et holocausta tua non sunt coram rue semper
i. e. de cetero mihi accepta. Et hoc modo loquitur scriptura
psalmi pnecedentis ubi dicitur lix, 9) : Non dabil Deus plaçât io-
nem suam et pretuon yedemptionis animœ, subintelligitur simili-
ter non dabit». Raschi dit, en effet, '^r.s SwN '^h'^-n "^-^n^T br Nb
On voit, par ce dernier exemple, que les remarques grammati-
cales de Lyre lui servent en même temps à améliorer le texte,
contrairement à l'assertion de M. Fischer. Nous pourrions multi-
plier ici les exemples, mais nous citerons de préférence les pas-
sages où Lyre invoque l'autorité de Raschi et surtout ceux où il
est question de modifications apportées à l'arrangement de ver-
• Ad ciijus intellcctuin sciendum, quod in hac diclione < llanecbilolh » -lia »
non est de subslantia vocabuli, sed est arliculare accusalivi casus in hebraeo.
* Alio modo sifrnat juvenlutem, sicut < aima » in Ilebr. sijinal juveuculam, et banc
sequilur Ra. Sa. diîeus quod David in Spiritu sanclo prwvidit juvenes fortes capli-
vandos per Komanos etc. — et sic est sensus tituli pra-licti « super juventulem iilii »
i. e. filiorum.
' Lyre parle ici de la . 'l'ranslalio hier, juxla Ilebr. vcrilalem >, qu'il oppose à la
• Translatio tomm. » ou « Transi, noslra », c'est-à-dire le Psaltertum gallicanum.
Cf. Merx, Joël, p. 201, et Bleek, Einleiiung in da$ A.-T., 5» édil., Berlin, 188C,
p. 55o.
INFLUENCE DE RASCHI SUR NICOLAS DE LYRE 175
sets et parfois de psaumes entiers. Ainsi, déjà avec Ps. ii, 1, com-
mence toute une série de corrections, c'est-à-dire que Lyre pro-
pose de supprimer des additions qui se sont glissées dans le texte
du Psalt. gall. Voici ce qu'il dit : « Sciendum igitur quod iste
psi. in Ilebr. et in transi. Hier, quae est iuxta liebraicam
veritatem est omnino sine titulo etsi in aliquibus libris inve-
niatur aliquis titulus ut Psalmus David vel aliquid huius niodi,
non est de textu, sed est appositus ab aliquo expositore siciit et
in multis aliis psalmis, propter quod de titulo psal. (prout com-
muniter scribitur in BibliisJ parum est curanduni. »
A Ps. II, 7, il dit : « Prœdicans prœceptum élus, in llebr.
habetur : Xarrado Dci prceception vel statutwn et est princi-
pium versus sequentis ( r;nr;i pn-bx nn^ON ) et similiter est in
transi. Hier. i. Hebr., quod exponit Ra. Sa. ut sit verbum ipsius
David dicentis Dominus prœcipit milii ut enarrem aliis quod
sequitur. w
Il corrige donc ici (jus en Dei, divise mieux le verset, et s'ins-
pire, pour sa traduction, du texte hébreu et du commentaire de
Raschi. Au verset 12, il dit que nn ip03 a été traduit de diverses
manières, parce que les mots p">:;3 et nn ont des sens variés en
hébreu, et, finalement, il adopte l'interprétation des « aliqui
Hebr. », c'est-à-dire la signification messianique que le Midrasch
donne à ces mots.
A Ps. XIV, 4, il corrige le texte latin en coupant autrement le
verset, d'après le texte hébreu. Pour xlii, 3, il traduit : « Anima
mea ad Deum (brtem vivum pn bî<b)», et relève l'erreur commise
par d'autres traducteurs qui ont écTÏi font em au lieu de f'o/irin,
soit à cause de la ressemblance des lettres, soit à cause du verset
précédent où il y a « cervus ad fontes aquarum ». De même, dans
Ps. XLviii, 4, xLix, 12, et lui, 6, Lyre corrige, d'après le texte
liébreu, une série d'erreurs qui se trouvent dans le texte latin.
Voici ce qu'il dit à propos de Ps. lv, 15 : « I)i clomo Del anihulii-
vimus ciim consoisn. In hebr. hab. cicm fremUii, i. e., cum turba
magna, ut exponit Ra. Sa. » Raschi dit, en effet, "ir-^n mn-' -"^.w
Dr m'in ujrrin ...-no p^-^72':' û'^b-'^-i .
A XLVi, 3 et 4, il utilise le texte hébreu pour indiquer la liaison
existant entre les deux versets ; au verset 8, il lit û'^n'rN 'y^'\^^^, et
considère à tort ï:"'^;■?^î, non comme la fin du verset 8, mais comme
le commencement du verset 9. A Ps. lviii, 9, Lyre ne s'atta-
che pas seulement au sens des mots, mais modifie totalement
la signification donnée à ce verset par la Vulgate. Dans i.xxxvii,
0, il rappelle une explication de Raschi. Dans cv, 1, il explique
le mot n^V^'^r:, disant qu'il est composé du mot "iVb- et de n^
17Ô REVUE DES ETLDES JUIVES
et V. '2?,, il (lit que partout où le latin a « .Egyptus», l'hé-
])rpii a n-'-i:': . A propos de c.xxx, 4, il change l'explication
de la Yulgate et déclare se rallier à l'interprétation de Rasclii.
Enfin, pour Ps. cxlv, dont les versets se suivent dans Tordre
alphabétique et où manque le verset commençant par le noiin,
il dit que la Vulgate a interpolé le verset Fidelis dominus ,
car il ne se trouve pas dans l'hébreu. Ces nombreux exemples
prouvent que Lyre s'est écarté de la Vulgate pour le sens de
versets entiers et même pour la coupe d'une série de versets.
S'il se rapporte le plus souvent à la Transldl. Hier, juxla Helir.
ver., il se permet aussi parfois de donner une autre traduc-
tion, basée sur le texte hébreu. Du reste, pour la manière de di-
viser les Psaumes, il est en opposition avec la Transi. Hier.,
quoiqu'il se tienne en apparence à la division adoptée par la
Vulgate '. Ainsi, à propos du Ps. xxxiii, il dit : « Huic psal. non
prœmittitur tit. in Hebr. propter quod dixerunt aliqui quod non
est distinctus a prcecedenti : et occasione huius dicti respexi très
Biblias Hebr. et très libros Hebraicos editos super librum psal. et
in omnibus inveni hune psal. distinctum a prœcedenti non solum
in signatione per spacium vacuum inter duos psal. sed etiam in
quotatione, quia iste psal. apud Hebr. quotatur 32, praecedens
autem 31, et eodem modo in transi. Hier. i. Hebr. distinguitur a
pnecedenti per literam magnam capitalem in principio et per
quotationem : quia hic psal. ab eo quotatur 32 et praecedens 31. »
Il fait une observation analogue pour le Psaume xliii, et il admet,
contrairement à saint Jérôme, que les Psaumes lxx et lxxi ne
forment qu'un.
Dans cette question de la division des Psaumes, comme dans les
objections qu'il fait parfois à la traduction adoptée par la Vulgate,
Nicolas de Lyre fait preuve d'esprit critique et il montre qu'il pos-
sède les qualités nécessaires pour la saine interprétation d'un
texte, tenant compte du contenu du pa>;sage à expliquer, n'accep-
tant qu'avec réserve les traductions existantes, comparant entre
eux le plus de mss. possible et osant avoir une opinion personnelle.
Quel profit Nicolas de Lyre tira-t-il des autres sources rabbi-
niques ? On connaît le passage de sa deuxième préface de la Ge-
nèse, où il s'élève avec force contre les tendances mystiques de
' Lyre réunit les Ps. 0 cl 10, à l'exemple du Psalt. f/all, et de deux mss. de Kenn.
et deux mss. De Hossi, et reste en arrière d'un numéro sur noire énuméralion jus-
qu'au Ps. 147, V. 11. Cf. Breilhaupt, Psalmi, p. 5, note \'.\ : .... Vel Psalmus ille
qui jam in exemplari hebr. est decimus, u-late R. Salomonis Jarchi conjunctus fuit
psalmo nono >.
INFLUENCE DE RASCHI SUR NICOLAS DE LYHK 177
l'interprétation des rabbins. Il s'en prend surtout aux nombreuses
légendes rapportées par le Talmud et le Midrascli au sujet du
Léviathan et du fameux Beheniot de Job, xl, 15, et, dans cette
polémique, il n'épargne pas plus Raschi, pour qui il [trofesse pour-
tant d'habitude une profonde estime, que les autres rabbins. Tl
combat une première fois les croyances Israélites au sujet du Lé-
viathan, à propos de ce que Raschi dit sur Job : pi'j niTonn
T'n::'5 ', il y revient à propos du commentaire de Raschi sur Ps. l.
10 : r-iyyy Nino "rr^v- mii'Db 'îpin?:r; Nin C]Vw\ "^-nn^ m?:r;3
...ûT'b D'^1^ c^bx, il en reparle à Genèse, i, où pourtant Raschi
rapporte la légende du Léviathan sans dire qu'il y croit, et enfin
il recommence ses attaques à propos de Ps. xxix, 9. Tl attribue
même à Raschi. au sujet de ce verset, une explication qu'on ne
trouve dans aucune édition.
Nous devons ajouter que ces polémiques, comme le dit Lyre
lui-même, sont « très rares » et peu variées. Par contre, il y a un
certain nombre de midraschim que Lyre accepte pour son compte.
C'est ainsi que, se référant à Raschi, il raconte à plusieurs re-
prises un miracle qui s'est produit lors do l'inauguration du temple
par Salomon (à propos des Psaumes 24, 30 et 132). C'est ainsi
également qu'il parle de la délivrance miraculeuse des enfants de
Korah. Raschi cite encore d'autres midraschim dont Lyre accepte
les uns, rejette les autres, et parfois passe totalement sous si-
lence. Mais comme, en général, Raschi, dans son commentaire
sur les Psaumes, ne rapporte que peu de midraschim, nous ne
pouvons pas nous rendre exactement compte si Lyre était fami-
liarisé ou non avec la littérature rabbinique.
Une fois, à propos du Ps. vu, Lyre cite un passage du Targoum
d'après Raschi. 11 dit : '<■ Et ideo est alla expositio quam sequitur
Ra. Sa. et Jonathan fîlius Oziel in transi. Chaldaica, quod Chus,
sive Chusi, est hic nomen appellativum et significat y^]thiopem et
vocatur hic ^Ethiops ipse Saul, eo quod fuit denigratus infamia et
moribus. » Le passage du Targoum est ainsi conçu : « N'^nrnr
ITû-'îa UTJ l-^wn ^""p -13 ^iNOT. » Raschi adopte cette explication
en disant : « t-T3T«:3?3 SiNO ti^ n-nrn !n3TC7j ^'::^'D rrj .'\:5"iD
T«u:y733 .
Parfois Lyre s'appuie sur la littérature rabbinique, soit pour
('claircir des points importants, tels que la division des Psaumes,
* L'édition de Bùle ne donne pas le commentaire de Raschi sur Job, mais ces mots
s'y trouvent certainement, car Breithaupt les rend ainsi : • Behemolh, pripparalum
est (istud animal) in fulurum. i
ï. XXVI, N° W. li
178 HKVL'E Di:S ÉTUDES JUIVES
soit pour combattre une explication de Rasclii. Pour le premier
cas, nous avons cité précédemment un exemple, à propos du
psaume 43. Le Midrasch Tehillim * ^o'mt les Psaumes 42 et 43,
ou plutôt, sans faire aucune observation pour le P:>aume 43, il
indique le Psaume 44 (irîTNa ûTj'rN) comme le 43^, mais à partir
de 45 il suit l'ordre habituel. Nous avons déjà vu que pour
-13 ip'C; (Ps. II, 12), Lyre oppose l'explication du Midrasch à
celle de Raschi. Du reste, à plusieurs reprises, Lyre montre qu'il
connaît le Midrasch. Ainsi, à propos de Ps. xiii, 2, Raschi dit :
.-xa-j Itnt:;"' Vs b-'n-iîm r,-p::b?: imx ly.D z^jzyz rnix .n:n ";;•
Lyre désigne nominativement les quatre royaumes auxquels Raschi
f;ut allusion. Or, ces noms, il ne pt-ut les connaître que par le
Midrascli. Ainsi, on lit dans Beréscliit Rahba, §2 : w-'pb p 'o 'n
,-i«Nr:: /?n3 ï-rirb:3 -m ^imn nn-r; y-Nm .r-n-'sbrn «"«-ip nns
,'^'112 ï-n3b72 iT ,ir:-,3i ; (-; î-t'72-T') nmn !-i:rn V""î<~ ^'î* '^r-'N-i
, "iT» ïmisbn iT , ycT^^ -, ("> -ircs) i^izr, r^s K^^-b nb-rin^i , ^tz^v::
lanD ,tz;!-;b niriN nn-ina irîTnT'T:;^ b^Tw"' rc \rrw -r-wn-w
■iT «l^inn "«îD hy ,h:NTC-' T;bN3 pbn t::b "jw-j -ircr; "j-ip '^y
'isn ûn-n- irs "ipn anb "j-x":: -;'•::-- r-nrb?: . Et même là où le
Midrasch est très obscur, Lyre indique clairement, et avec des
observations historiques, les nations dont il s'agit.
W y a principalement trois psaumes auxquels Lyre se voit con-
traint, dans l'intérêt de la tradition, de donner une signification
messianique, et pour se justifier de ne pas se ranger à l'avis de
Raschi, il s'appuie sur les mêmes autorités que lui, et montre
ainsi qu'il sait les interpréter avec indépendance. Il s'agit du
Ps. 80, où Lyre se réfère au Beréscliit liabba, §88 : -rc -.n^'^T
. . .bx-ic ibN ,-':3b73 "isa T^^:r,^ û'^pcrn ; du Ps. 45, où il appuie
son interjirétation messianique sur les paroles suivantes du Tar-
gouni : N":;: -^r^-: :]i-ir .Nn-^c-a Nsb): ^^itro ; et, enfin, du Ps. 110, où
il sait opposer avec habileté un autre passage du Targoum à l'ex-
plication de Raschi. D'ailleurs, pour ce Ps. 110, Lyre fait appel à
toute son érudition rabbinique. Voici ce qu'il dit d'abord : «Et
haec est sententia Ra. Barachite exponentis super Gen. illud
Tlirenorum cap. v, 2; Pupilli facli siuans absque pâtre, Deus
sanctus et b-'nedictus, ait Israël, vos dixistis coram me « Pupilli
facti suraus absque pâtre » redemptor quem ego ex vobis suscitabo
sine pâtre erit, sicut scriptum est Ps. 109 (Ps. ex, v. 3). De
matrice aurora; tibi ros intàntiiê tua >». En réalité, il comprend
mal les paroles de R Berakhya, qui fait allusion à Esther et non
au Messie. Ce passage est ainsi conçu : ■'ib 'i nc3 rr-''^ 'n
* Je me sers de l'édilioQ de Daniel Bomberg, Venise.
INFLUENCE DE RASCHI SUR NICOLAS DE LYi;z 179
Nb •'n?:3 ûrw T^rz^nb ■!\n:r ■^îwt:; VwXiir; qx , tiO-'-'n .3J< '5\st nr-rs
-incwX N'r: ï-îonr: pn I^in "n^n (3 inox) n"r!- ûwNI sn wxb ï-r^rr^
QNT 3N nb V'^ "^^ ■'"''"' '""^ • P^^ contre, il rapporte exactement,
à propos de Ps. xviii, 36, un passage du Midrasch Tehillim.
Lyre ne se contente pas de citer le Midrasch, il fait aussi usage
de la littérature rahbinique postérieure. Ainsi, il mentionne
K. Moïse Darschan, si fréquemment nommé par Raschi. Il connaît
également Maïmonide, comme le prouve ce passage de sa préface
des Psaumes : « Rabbi Moyses dicit in libro directionis perplexo-
rum... » Toutefois, le More Ncboi'.k/wu de Maï.nonide n'a jias
exercé sur lui une influence aussi grande que sur un autre doc-
teur chrétien du moyen âge, Albert le Grand'. Il ne reproduit
les vues de Maïmonide que pour les combattre, à l'instar de beau-
coup d'autres docteurs de l'Eglise. Du reste, on se trom.perait eu
concluant de ce chapitre que Lyre avait quelque faible pour les
interprétations messianiques des rabbins; il en était, au contraire,
l'adversaire. 11 n'invoque les autorités rabbiniques que pour jus-
tifier son oi)inion dans le cas où elle est conforme à la tradition,
mais contraire à celle de Raschi.
On voit donc, par les exemples que nous venons de donner, que
Lyre était non seulement capable d'utiliser avec indépendance !e
Targoum, le Midrasch et les ouvrages hébreux postérieurs, mais
qu'il était familiarisé jusqu'à un certain point avec la littérature
midraschique (Berèschit Rabba, Midrasch Eclia, Midrasch Tehil-
lim") et d'y trouver les passages dont il avait besoin.
Il nous reste encore à appeler l'attention sur deux noms men-
tionnés par Lyre dans des passages où l'on s'attendrait à rencon-
trer le nom de Raschi. Il dit à propos de Ps. 11, 7 : « Ego hoclie
r/enui ie : quod exponit Ra. Josej>/i sic : « magnificavi te, consti-
tuens te principem super populum Israël, qui dicitur primogenitus
filius meus, et per consequens tu spécial! modo es filius meus. »
Raschi dit la même chose, en s'en référant à II Sam., ch.
m, V. 18 : i7:i^pr'' tim •'-^^^z•2 -^23 V"''^"'?" SwNTw-'b w\x-i .-PwX ■':::
ï^wV i'-^'JiN nT7 ■^n^r T^n ^"- -i?3N ttd -1:2x3 -i?:md-:j ^J2^ ^1^ br
13D ■':2b nnx ab"'3-w3T bx-r:;-'.
De même, dans son commentaire sur Ps. l, il attribue à un Rabl
Samuel Hebrœiis une opinion qui semble avoir été celle de Raschi.
Il dit que, d'après ce R. Samuel, l'arrivée du Messie sera annoncée
par des miracles, entre autres, « scilicet quod omnes judaM, per
orbem dispersi, quasi in momento congregabuntur ad ipsum in
' Cf. Joël, Verhœllniss Albevi des Qrosscn m Moses Maimonides, Breslau, 1863.
180 REVUE DES ETUDES JUIVES
Hierusaleru, et secundum hoc exponit, quodsubditur : Congregate
illi soMCtor eius. » Raschi dit : ï«»:-,p'' ^rrJ^ . ■'•7'^on ■'b idon
V:"^»"! \snm pD:^ -^-n:? -i7:i<:c i-"-'" »"n^*?^~ ^5 iedno y-iNii D-^Jicb
(■7 -iv:;)'
Les deux passages se retrouvent chez Breithaupt, on ne peut
donc pas supposer que c'est par erreur que Lyre a mentionné
les noms de Joseph et de Samuel. De qui s'agit-il, en réalité?
On sait que parmi les continuateurs de Raschi, deux savants se
distinguèrent particulièrement, Joseph ben Simon Kara et Sa-
muel ben Méir, et que Joseph ajouta des gloses au commentaire
de Raschi sur le Pentateuque. Ce sont là certainement les person-
nages nommés par L3Te, Nous devons ajouter que, contrairement
à l'assertion de Geiger, Joseph Kara, d'après le commentaire de
Lyre, écrivit également des gloses sur les Psaumes, et que des
passages du commentaire de Samuel ben Méir, comme le suppose
avec raison Geiger, se sont glissés dans le commentaire de Raschi.
Il est donc prouvé par ce qui précède, non seulement que Lyre
doit beaucoup à Raschi, mais aussi que le commentaire de Lyre
peut servir pour faire une étude critique de Raschi.
Après avoir essayé de déterminer, dans ce qui précède, l'étendue
et la solidité des connaissances bibliques et rabbiniques que Lyre
avait principalement acquises par l'intermédiaire de Raschi, nous
allons comparer, dans la suite, le contenu même des commentaires
des deux auteurs. Pour les divers points de cette étude, nous
suivrons la méthode que Lyre a employée dans l'interprétation de
chaque Psaume. Il s'occupe d'abord de l'auteur, étudie ensuite
l'épigraphe et s'occupe enliu du contenu.
La manière dont Raschi divise les Psaumes n'offre rien de parti-
culier. Raschi s'en tient aux cinq livres. Lyre, au contraire, dans
Ps. I, déclare qu'il est impossible de retrouver aucun ordre dans
le Psautier. Les Psaumes ne sont rangés, dit-il, ni d'après l'é-
poque de leur composition, ni d'après leurs auteurs, dont les mor-
ceaux sont souvent séparés les uns des autres et éparpillés^ ni
d'après leur contenu. Il établit les divisions suivantes :
Ps. 1. Introduction, composée par Ezra, le compilateur des
Psaumes.
Ps. 2-144. La partie principale, consacrée à la glorification
de Dieu.
Ps. 145-150. Fin.
Ce qui nous importe le plus, c'est que, d'après Lyre, il n'existe
aucun rapport entre l'époque de la composition d'un psaume et la
place qu'il occupe. Lyre répète son jugement à propos du Ps. 72,
où il s'agit d'expliquer la contradiction qui existe entre la phrase
INFLUENCE DE RASCHI SUR NICOLAS DE LYRE 181
finale "m mbcn ibD et ce fait que plus loin on retrouve des
psaumes attribués à David. Ici également Lyre reconnaît qu'il se
range à l'avis de Rasclii, d'après lequel les Psaumes ont été ran-
gés dans l'ordre où ils furent trouvés. On s'explique ainsi que
le Ps. 144 (145), qui, en réalité, est le premier, se trouve placé à la
fin du livre, et que le Ps. 72, composé le dernier, est placé au mi-
lieu du livre. « Et liane solutionem tangit Ra. Sa. in glossa sua. »
En effet, Raschi dit : mbcn ibx b^ ibD r^m nî-rna-i .nn mbsn ibs
!-i-:o:?i nip -^jI ^-nzn'o iiij ^n^ ,mT aa by -iDor: bs bib^b nn
"ii'^i, (II Samuel, 23) b^TO"" mn-'T^T û-^i'D N-ip2 Nirio ûo b:> û-iipT
■ Cll-^720 ITDTC , (Job , 24) a?» •\12-\-\ 1733 , "iWi-^inDÎ 173D ibD ^nnob
nniN^jT n-i•p^'n V^"^"" i"2ip73a -n?:T)3rT nnDS Nb Nin p dnt ; (Jér., 2)
Ce passage est de la plus grande importance, parce qu'il ne
contient pas seulement une vue exacte sur la rédaction du Psau-
tier, mais aussi une réfutation, appuyée sur des raisons gramma-
ticales, de cette opinion, devenue traditionnelle chez les Juifs, que
David est l'auteur de tout le Psautier '. Cette tradition avait été
également introduite par saint Augustin dans l'Église, et Lyre ne
se lasse point de la combattre à toute occasion. Paul de Burgos,
dans ses Additiones, ne se montre pas moins infatigable à ré-
futer Lyre. Il nous semble que, sur ce point, la postérité n'a pas
mis assez en lumière le mérite de Raschi et de Lyre.
Le passage talmudique auquel Raschi fait allusion se trouve
dans Pesahim, 127 a : -i-ron ni-n«i<r: f-nn3':jin bo nToix '73 'n
■"ip-^n bN ,-^"w"' 13 ^T^ mb-'-:n ibD ,-i73Nro /p73î< -nn piD s^-^br-;!-!
V5N bD Nbx ^b■z.
Voici encore deux autres passages du Talmud qui nous inté-
ressent : Pesah., 121 «. bu: r-i'n73wX73 ï-tno^'n b"n^-i n?3NT ...
,'V'û'2 ,-11737733 ,b''riï:733 ^'jis-'Ds ,mi:"'33 : tzi-ibrin noo -i73i« ns'o
n"'ibbr!3 ,r!wsnir;3 ,r:b"'2n3 ^nbirins ,-«t::n3; B. Bâfra, Hb : n^t
■'rb73 -^"y . iTCi^in ca-x """y , CL"^:pT n-icr ■>"i' f^brrri nso anr)
:]ri< ^"i'i /"jim"!"^ "•"-' /p-r; ^"y , rT::?3 -""y , cmsN -^"y ,pni:.
Raschi a combiné ensemble ces deux derniers passages dans
son commentaire sur Ps. i, 1, où il dit: !rn'0:'3 .■«r-'Nn •'TwN
^T^^us ,-n73T3 ,li5-';3 ,mi:;3 : rt- -iso -'.■3n: n73T buj r-n:icb
nnc:' -ï^îd ;in^V5br:3 ,"'-.cn3 ,î-ii<mn3 ,!-td-i33 ^n'^-'îro /5br:3
,r:73bo ,-'iT ,^T>r73 ,£3r!-i3N ,pni: ■'Db73 ,£2^wX : imn73wSO □TwS ^:3
rr^n gin ï=;"«n;3iN o-^ /pmT' by VP'^^'^i /^imp -^n nc^OT ,r|DN
e»^bN iriT nDD3":; vimT^ '{■'N t=<"^-i73nN a-'n ,a-'73TT i-i3i3 3inDa 1733
b^","::'^ bi'i vb:? inni^o m-i"»u bo t^'^j'^nm immri D'û b:? .
' Voir, sur l'exislence de cet'.e tradition chez les Juifs, Graelz, Geschichted. Judcn,
VI, p. S3.
182 REVUE DES ETUDES JUIVES
Dans ce passade, Raschi s'écarte du Talmud sur deux points :
au lieu de dire -^T" by nTi, et de considérer David comme le seul
auteur du Psautier, il le range simplement parmi les dix prétendus
auteurs des Psaumes, et, de plus, il émet des doutes sur la per-
sonnalité de Yedouloun.
Lyre rapporte inexactement ce passage, il omet le nom d'Adam
et adopte celui de Yedoutoun, En réalité, tout cela a peu d'impor-
tance, car Raschi ne prend pas au sérieux la liste de B. Batra.
Nulle part il ne reparle d'Adam et de Melchissédek comme au-
teurs de psaumes, et pour le Ps. 89, attribué par les docteurs à
Abraham, Raschi s'en tient à l'épigraphe, qui en accorde la pater-
nité à Éthan. Lyre est d'accord, sur ce point, avec Raschi.
Pour Raschi, Hèman ne semble pas avoir été un psalmiste,
mais était simplement chargé de réciter le Psaume 88, composé
par les fils de Coré. Il dit : l'^os Li'«"nT>::72r; \)2 inx -^--TNn V^"*"^
Lyre croit que Raschi reconnaît Hêman comme auteur des
Psaumes, car il dit : « Ra. Sa. dicit quod materia hujus psalra.
sunt afFlictiones. . . quos prievidit Ileman Ezraita. »
Au sujet de Yedoutoun, Raschi rapporte les diverses opinions
existant au sujet de ce mot, les uns le considérant comme un nom
de personne, d'autres comme un nom d'instrument de musique,
d'autres enfin comme un mot dérivé de ni et faisant allusion au
contenu du Psaume. A Ps. "77, il se range à la dernière opinion. A
Ps. 39, Lyre considère Yedoutoun comme un auteur, et à Ps. 77, il
adopte l'opinion de Raschi, qui attribue ce Psaume à Assaf et
explique le mot Yedoutoun par le mot n.
Raschi dénie à Saloraon la paternité qui lui était attribuée des
Ps. 72 et 127. Lyre suit Raschi pour le Ps. 72, mais il s'écarte de lui
pour le Ps. 127, en disant que l'explication de Raschi est con-
tcaire à I Rois, viii et à II Chroniques, v, et il déclare Salomon
auteur de ce Psaume.
La tradition attribue à Moïse non seulement le Ps. 90, qui porte
son nom, mais aussi les dix suivants, jusqu'à 100 inclusivement.
Raschi cite cette opinion pour le Ps. 90, l'accepte pour le Ps. 91,
et ne fait aucune remarque pour les autres. Lyre dit, comme Ra-
schi, que ces onze psaumes répondent aux onze bénédictions de
Moïse dans rtr-.nn pnt, mais adopte pour le Ps. 95 l'opinion de
saint Paul, qui l'attribue à David, et dit que le Ps. 99, qui men-
tionne Samuel, ne peut pas être non plus de Moïse.
jN'eumann.
[La fin prochainement.)
LES RELATIONS HÉBRAÏQUES
DES PERSÉCUTIONS DES JUIFS
PENDANT LA PREMIÈRE CROISADE
(suite et fin ').
Dans un précédent numéro delà Revue (XXV, 181), nous avons
examiné quelle est, à notre avis, la source des trois principales re-
lations publiées i>ar la « Commission historique pour l'histoire des
Juifs en Allemagne » sur les persécutions des Juifs pendant la
première croisade. Il nous reste à indiquer le contenu de quelques
appendices et de deux autres relations plus courtes publiées par
cette Commission, à étudier en détail le texte hébreu et la traduc-
tion allemande et à faire connaître les corrections et les modifi-
cations qui nous paraissent devoir y être apportées.
Le premier appendice (p. 31) raconte la reconstruction, faite en
1104, de la synagogue de Mayence, brûlée en 10&6. Le deuxième
contient le récit de la persécution de Blois et des événements de
Loches, de l'année 1171, contemporains de cette persécution. Ce
récit (p. 31, 1. 6 du bas — 34, 1. 5], n.it à l'instigation de R Jacob
ben Méir, est dû probablement à Barukh ben Méïr d'Orléans. Ensuite
vient une lettre des notables de Paris relative à ces faits (p. 34, 1. 0
— 1. 23), et, à la fin, une autre lettre concernant les mêmes évé-
nements, adressée par une personne notable de Tours à R. \omtob
pour être communiquée à Rabbênou Tarn (p. 34, i. 24 — p. 3o).
L'auteur de cette dernière lettre est peut-être Barukh ben David
Haccohen, nommé p. 33 et p. 68. Il est, en effet, raconté (p. 68,
1. 10) que sou intervention auprès du comte de Blois en faveur
des Juifs de cette ville, injustement condamnés, était restée in-
fructueuse, tandis qu'il réussit à obtenir la grâce des autres Juifs
' Voir Revue des Éludes juives, tome XXV, p. 181.
18/i REVUE DES ÉTUDES JUIVES
(iemeur(^s sur les terres du comte, moyennant une somme d'ar-
gent (68, 1. 13, on parle de mille livres, et p. 34, avant-dernière
ligne, il semble qu'il s'agissait de cent livres). D'après 34, 1. 4 du
b., c'est l'auteur de la lettre adressée à Yomtob qui réussit à prix
d'argent à l'aire remettre en liberté par le comte de Blois des Juifs
emprisonnés et baptisés de force ; nous supposons donc que les
deux relations se rapportent au même fait, et nous en concluons
que 1 auteur de la lettre de la relation I est le Barukh ben David
Haccohen nommé dans la relation IV.
M. Bresslau (Introduction, p. xxv) dit que la lettre écrite par
Jacob d'Orléans (Rabbonou Tarn), au nom de la communauté
d Orléans, se trouve dans le manuscrit de Londres de la relation
de Salomon ben Siméon ; cette assertion est doublement erronée.
Ce n'est pas Jacob d'Orléans tué à Londres pendant l'émeute de
1190, mais Jacob ben Mé'ir de Karaerupt, le petit-fils de Raschi,
connu sous le nom de Rabbênou Tam, et mort à la lin de 1171,
qui a écrit la lettre mentionnée par P^phra'im de Bonn (68, 3 du b.)
comme étant la source à laquelle il a puisé pour sa relation. De
plus, ce n'est pas cette lettre qui se trouve en appendice dans
le ras. de Londres, mais une relation envoyée d'Orléans à Rabbê-
nou Tam sur les événements de Blois, et dont Ephra'im de Bonn
parle (08, 1. 16) également.
Outre cette méprise, fâcheuse à coup sur, M. Bresslau en a com-
mis une autre p. xv, note 10, oii il confond R. Salomon ben Isaac
(Raschi) avec R. Simon b. Isaac. En tout cas, M. Baer, auquel
M. Bresslau se réière, est innocent de cette confusion. Le plus
grand historien, s'il ne connaît pas l'hébreu à fond, — et M. le
prof. Bresslau avoue qu'il ne possède pas cette langue — ne peut
être à l'abri de ces erreurs désagréables.
Nous avons déjà parlé, dans notre article précédent, des relations
I, II et III. Le numéro IV (p. oS-lb] est une relation d'Ephraïmde
Bonn concernant les persécutions de la deuxième croisade, avec
(les appendices relatant également des persécutions de la seconde
moitié du xir siècle. Le texte, publié pour la première fois par
M . Wiener dans son appendice à la traduction allemande de VÉ^néh
Hahbahha (Leipzig, 1858;, est réédité avec des notes critiques, d'a-
près quatre manuscrits qui contiennent aussi le numéro II.
Le numéro V ('p. 76-78) est le fragment d'une relation où Éléazar
ben Juda rapporte des désordres qui se produisirent contre les
Juifs de Mayence en 1187 et 1188 ; ce fragment est publié pour la
première fois d'après un manuscrit de Saint-Pétersbourg.
Les textes hébreux ont été édités par les soins de M. Stern.
Préalablement, M. Neubauer, avec l'aimable obligeance et la cons-
LES RELATIONS HÉBRAÏQUES DES PERSÉCUTIONS DES JUIFS 18o
cience qui 1(3 caractérisent, avait accompli le travail ditficile do
copier les manuscrits conservés en Angleterre et à Saint-Péters-
bourg, (le les comparer entre eux et d'en indiquer les variantes.
Ces textes sont suivis (p. 81-219) de la traduction allemande faite
par M. S. Baer et revue par M. Basrwald. Le traducteur (voir
Introduction, p. xxvii) s'est imposé la tâche de rendre le texte de
l'original aussi fidèlement que possible.
En tête des textes hébreux se trouve une petite préface où l'édi-
teur énumère les documents manuscrits qu'il a utilisés (p. vii-xii).
Suit alors une étude critique des relations des croisades par
M. Bresslau d». xiii-xxix). Un. index des noms de lieu et do per-
sonne et une liste de fautes d'impression terminent l'ouvrage.
Déjà, dans notre précédent article, nous avons eu occasion de
relever des incorrections dans le texte imprimé et la traduction
des trois [trincipales relations '. Nous allons faire ici, en détail, ce
travail de critique pour tous les morceaux contenus dans le volume
publié i)ar la « Commission historique ».
Voici pour le texte - :
1, 10, lire [Dmonjn nnp (comme ;i6, 10) ; 1, 12, au lieu de N"w;, 1.
CN-OD (comme 36, 42) ; 1, 4 du bas, au lieu de nN7:::i. 1. "î72i:T ; i, der-
nière ligue, après b"N 11 manque le mol npr"'. — 3, 2, au lieu de
D"':"a3m, 1. u"'3:iDr;i ; 3^, 7, le mot lD"'2Dn (avec le sens iutrausiiif) est
confirmé par le mot ■I0"';3n qui se trouve dans le passage parallèle,
31, 21 ; il ne faut donc pas le corriger, comme le propose M. Siern,
en iDjDn. La correction proposée par M. Slern de D'T^^m (3, 9 d. b.),
qui rappelle Ps., lxiii, 11, en ûTi^iom, n'est pas nécessaire. De même,
M. Stern a eu tort de remplacer par nbrr "»n7j les mots "o": "«-i» de
4, 8 (trad., p. 89, note 77), expression qui est imilée d'Isaïe, xl, 15,
•"^^2 -i7:d Li-^Vj, )ri. — 4, 7 du bas, au lieu de nnx, 1. ibx (comme
6, 22). — .'), 14 du bas, au lieu de ipT, I. 'ipT; 5, 13 du bas, au lieu
de Ti-^ii-iD, 1. in"«i-in3 (comme lignes 7 et 9 du bas); 5, 10 d. b., lire
vpy (corrigé à tort en i733> par M. Baer, 93. 9); 5, 9 du bas, au lieu
de i-i3yn''C 1. i"i3y^O, et a"nDn72 n'a pas besoin de modification ;
f), 6 d. b., au lieu de pb, l. p"5 mip (comme 52, 11 d. b.). — 6, 1,
au lieu de rrim, I. •^rr'T; 6, 16, avant ipnm, l. inan (comme 53, o) ;
6, 8 du bas, au lieu de n:?i3"w% 1. ;nn"0 (de même 26, 13); 6, 5 du
bas, au lieu de m^n'^T:, l. rT<:;r:'5?:. — lo, 6, au lieu de rîD"', l. 'si
' Nous sif^nalons ici quelques fautes qui se sont glissées dans notre article précé-
dent. T. XXV, p. 184, 1. 21, au lieu de nT^J'in, 1. TT^^r». — Uid., 1. 21, après
les mois hébreux, il manque l'indication du passage (17, \'l d. b.l. — Ibid., note 1,
i. 2, après les mots hébreux, il manque l'indication (18, 15). — P. 194, 1. 1" du bas,
au lieu de 21, 8, lire 21, 18. — Ibicl., 1. 3 d. b., au lieu de jeudi le 4, lire vendredi
le 5. — P. 198, dernière ligue, au lieu de ^S'inS, lire rî51"3-
* 11 est entendu que, dans ce qui suit, le premier chill'rc indique la page et le
deuxième la ligne.
186 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
(deux fois); 10, H, après a"*bî, il n'y a pas de pause, mais il y en a
une 1. 9, après ribbi" ; il n'y en a pas non plus après ne ligne 14 (cf.
le passage parallèle 53, 22-251. — 11, 9, au lieu de Trciy, 1. -'w?
(comme dans le passage parallèle 56, 20); 11, 16, il faut com-
pléter la lacune d'après .o6, 8. — 13, 11 du bas, au lieu de
m-nr-. 1- n-,rjp (cf. rî3:?-in r-ivjp, Is., i, 13); 13, 12 d. b., au
lieu de i-rpnm du ms. corrigé faussement en rpnm, 1. rî'^'pnn. —
15, 10, devant le mot "nx, il semble qu'il manque le mot ",-. —
16, 13, au lieu de 0"':£n3, 1. i-'ii-^ (faute d'impression); 16. 15, au
lieu de '~!^. 1. 173 ; 16, 17, il faut probablement compléter la lacune par
h^^n":"»"], et non, comme M. Slern le propose, par ii:C2pn'^"i; qui se
trouve déjà dans la ligne précédente. — 17, 13, au lieu de T'T'STS, le
sens réclame 'j'^T'r?: J^p-^N] ; au lieu de luSna-o, 1. In-itj, et, au lieu de
-rN-i. 1. irïîi. — 18, 13, il faut effacer le mot nsm ; 18, U, au lieu de
"bine 1. r::-'?"irî"w ; 18, 23. au lieu de ■'irr, ce qui est tout a fait
dénué de seus, il faut probablement "rr qui devait être suivi de
quelques autres mots, puis venaient sans doute les mots proposés
par M. Slern comme complément, d'après le second récit parallèle
(peut-être [icrNr:; s-«-,m:rî; -^rr iwSn -,wNd, semblablement à 17, il
du bas); 18, 3 d. b., après le mot "nxrb, il manque probablement
encore "TN?: comme 20, 11, et dans le récit parallèle 41, 18). — 20, 7.
au lieu de iriN^, 1. ir-.fîn 20, 12, au lieu de -"-c-n^p, 1. -^ci-p ; 20. 21,
au lieu de w-'rcn?:-,, 1. ccn^T; 20, 22, au lieu de c^brri. I. c-^-ir':i,
et, au lieu de :>izrz'-:, 1. ri^^îb. — 21, 2, au lieu de b^'o^, I. b-'"-'^-';
2L 0 du bas, au lieu de nrnn:, 1. nr-.n:. —23. 8, devant CTnb, il
manque le mot ncc^ ou r,yz-z:i : cette dernière date serait, il est
vrai, fausse, mais elle concorderait avec les autres dates fausses in-
diquées 20, 10. et 21, 18. — 2i, 12 d. b., au lieu de vnrisb, 1. vnnNi.
— 26, 22. au lieu de SDa. 1. crb. — 27, 3, au lieu de t-^n. 1. cn^bx,
— 28, 6, au lieu de iD-^binbi. I. nr-'b-rtbv. 28, 14, au lieu de dIwXt:. 1.
c-N":-; 28, 21, au lieu de T^npc2. 1. rzz-py::^: 28, 22, au lieu de
z-^:zm et ûb'a-jm, l. ::"io-';rr;-i et r-b^^-jm; 28, 23, après le mot
cr. il manque probablement a-. — 29, 10, au lieu de Insv:. 1. mrsc ;
29, 11, devant 'iz, manque le mot ";;: ; 29, 15, au lieu de n::p. 1- r,:ip
(comme p. 30); 29, 9 du bas, au lieu de C'^;273, l. D-'O''::?:. — 30, 23,
au lieu de bbc^, le sens exige ri'h'cz ; 30, 8 du bas, après rrr-:^!. il
manque le mot n:;TS. —31, 1, il manque, après le mot -rbmx, les
mots I7i:-i 52, ou bien il faut lire à la place de r::T, b^ ; 31, 2, de-
vant "PJ', manque le mot "'S; 31. 21, au lieu de i:r::-, l. 'ùirsn;
31, 5 du bas, au lieu de !:;•=, 1. zz'z: au lieu de cr, 1. ::;•-; au lieu
de zy^. 1. zr: 31, 4 du bas, au lieu de -.r'>^, 1. -iP''; 31,2 du bas, au
1 eu de r.z-.zzr. 1. rr.-.zzr; après mrrn, manque le mot "7"'. — 32, U,
^:?^:i^^, l. :fr^z'r, 32, 22, au lieu de -m"i7j\ 1. ■irrr'TO"'. — 33, 21, au
lieu de r;:m, 1. nn:m ;cf. 67, 8 du b.). — 34. 4, au lieu de nb^^p, 1.
bs-'p; 3i, 6 du bas, au lieu de nb-nnDr, I. r:b'r.rzTz; 34, 3 du bas,
au lieu de 3"p, il faut probablement 2"p (cf. 35, 19^; 34, 2 du bas, au
lieu du second ib, 1. -^b. — 35, 17, au lieu de -nr- -|'br, l. nrr:;- ^r ;
LES RELATIONS HÉBRAÏQUES DES PERSÉCUTIONS DES JUIFS 187
35, 2 du bas, le point final après ûib'iiî doit être effacé et il faut lire,
à la suite, n-'' ip--::- orj3 mza- pr^n rc, r-.Nr^ri pni: rnnr:»
37, 3, au lieu de n?Dn 1. nban ; 37, «6, au lieu de r:;T«psn, 1 .r;'7"'p2n;
37, 19, au lieu de :nT, 1. n^iT; 37, 20, au lieu de T:-\'Jiy, il vaut mieux
lire nTij^', comme dans S.; au lieu de ^nT:i, 1, M"na, comme dans
I Ghron., iv, 23; 37, 3 du bas, au lieu de DT!--jn, 1. ûinTC-'i,
comme dans 0. et 2, 12. — 38, 15, après le mot --nnpb, il manque
sans doute le mot □"'Wn;', comme 2, 11 du bas; 38, 3 du bas, de-
vant r->yij> manque le mot "^rx. — 40, 18, au lieu de ■^"vSS, 1. "^jiMn;
40, 24, au lieu de V^bn, I. "j'o-^bn. — 41, 10, au lieu de Dmn?:?,
1. nmn7:b, comme dans S. et B.; 41, 12, au lieu de n;inp3i, 1. liinpn'T,
comme B. et 18, 20; 41, 15, au lieu de D-nM, 1- ûi-.-i:o. — 43. 7, au
lieu de ^■'"icn anb iiTm, 1. -icn ib -iTm (comme dans le passage
parallèle 23, 13). Il n'y a pas à songer ici, comme le croit M. Baer,
p. 163, note 30, à une autorité municipale comme les échevins, mais
il est question d'un des fonctionnaires de la ville 1"':'" TJ, qui
avait négocié avec les croisés au sujet des Juifs (cf. 23, 11 et s., et 43,
4 et s.); 43, 7, au lieu de Nbi, il semble qu'il faut Tïîi; 43, 4 du bas, au
lieu de inosn, !• noans. — 44, 4, au lieu de 'ii'2y\ nnî'^^, 1. -inr:^
inn:? (comme dans S. et B., et le récit parallèle 23, 3 du bas). — 45, 8,
au lieu de ûr.X, 1- ûniiN, comme dans 0.; 45, 14, au lieu de Dicr, 1.
c-iDD; au 1. de ûwn, il faut peut-être 1''T^ ûirm (I^- V"* an-n) ou arni
I^T^; 45, 16, au 1. de I^SwX, 1. V^î*^"^; 45, 7 du bas, au lieu de rT^-i?0, 1.
n-ir>r. — 46, 1, au 1. de r;72ip72, i. 2-:ip'?a , 46, 2, au 1. de V-, il faut peut-
être n.
47, 7 du bas, au I. de ^'1^o, h "i-no\ — 48, 5, au 1. de !i2r-'i,
1. r,:z^-\ (comme 47, 5); 48, 5 du bas, au lieu de "pn"', 1- ini"». — 49, 3,
au lieu de i.x-^n, 1. ^wS^^^ ; 49, 6, au lieu de np-^i, 1- "inp-'i; 49, 8, au
lieu de nm^7:i'a, il faut probablement ij-^pr:rib; 49, 11, au lieu de
-imoTjH, 1. ~72iD7:r;; 49, 13, au lieu de nVriD, 1. ûbiD; 49, 45, au
lieu de "'Di73"'j3, 1. idi73'^D2; 49, 18, au lieu du second idOîjji, lire
nb07:;i ; 49, derii. 1., au lieu de mT'Ur:, 1. m-^Tiin. — 50, 13,
au lieu de 3::;o, 1. nic:'^; 50, 17, au lieu de iDnn, i. irnn (faute
d'impression) ; 50, 22, au lieu de irmpb, 1. n-,pb (comme 11, 14 du
bas, cl 5(i, 3 du bas), et, au lieu de 3?nDi, 1. 3rn3 ; 50, 2i, au lieu
de VT^T i. Y~\^'i- —51, 1, il faut insérer fin dans le texte, au lieu de
nriN ; 51, 9, au lieu de 'C^, qui est impossible ici, 1. ût:î ; 51, 11, au
lieu de D"ci, 1. ^3-::n; 51, 9 du bas, au lieu de D-^iirpn. i- û-'r::pi; 51,
2 et 1 du bas, au lieu de D"i3-'-i nn;^ 3^3D 'r^'-i, qui ne donne pas
le sens véritable, il faut probablement mDm t]-':-n^i'r; n:i;D (comme
dans le passage parallèle 4, 8 du bas). — 53, 10, au lieu de prn-:::ç:3,
1. pbnor:;^; 53, 10 du bas, au lieu de n:onb73 dans le ms., 1. n^:<-':iz
(et non, comme M. Stern corrige, mr-bw). — 54, 12, au lieu de nr7:T
DDins^ n-^'oz, 1. n7:-73 n•'OZ'^D^:^ (comme 55, 14); 54, 15, au lieu de
npnT73, 1. mpmT. — 55, 19, au lieu de Q^:r:73, 1. û^:?::»:?: ; 55, 22, après
■«nbrn, il n'y a pas de pause, mais elle est après cbn^ (cf. 10, 9 et s.);
188 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
S"), 5 du bas, au lieu de "irr"'"?. I. c::"^*:', comme 10, 17. — '66, '6, au
lieu de rî'T'i:^ (ms. iT^icr). I. -^-iViiD. — 57, 7, le texte du ms. de
Darmstadt s'arrête au milieu de la phrase, au mot T^T^sm ; suit la
remarque du copiste que M. Stern {ibid., note e] a si mal comprise :
:t:2 ""i*!" "^rN "jîon ^ms. -,:nj "".en, « ici il manque je ne sais com-
bien ». Les lignes serpentées qui, dans le ms., surmontent ces mots
elles suivants — ce signe est employé fréquemment dans les mss.
hébreux du moyen âge et est bien connu — auraient dû appeler
l'attention de l'éditeur et lui faire comprendre que c'est le copiste,
et non l'auteur, qui parle. Cela eût évité à M. Stern une grosse er-
reur, qui a déterminé chez M. Baer une faute de traduction et poussé
M. Bresslau à émettre des hypothèses fausses. — 58. 4, au lieu de
n-mrb, 1. r;-irirb. — .59, 4 et 12, au lieu de n^Nrr, i. b::wNr: «l'abbé »
(cf. Revue, III, 13, et IX, 4(i\ On se demande comment l'éditeur et
le traducteur (p. 188, note 14, il y a tcir « nous ») ont pu songer a
expliquer ce nom par » Haber ». — fiO, 15, au lieu de npi'ri, I, liiy' ;
60, 18, au lieu de ■n7:yT, il vaut mieux lire niîcyi, comme dans O. —
(31. 2 du bas, au lieu de Dv^, 1. ûrb. — 62, 6, le mot Nbnais de notre
texte parait être le mot exact, taudis que le mot N'iVr;::'!:; proposé
par M. Stern et adopté par le traducteur (p. 192', et qui est aussi
indiqué dans l'index des noms comme la véritable leçon, parait faux,
car une source indépendante de la relation d'Ephraïm de Bonn, que
l'éditeur a négligée, porte Nb"«"'rmi5. Dans la liste des noms des mar-
tyrs de Worms publiée par M. Jellinek, xrm b-pn Nr-'r:-m cn:::ip,
Vienne, 1880, p. 5. il y a une pièce portant celte inscription : nbNT
•i":rn rvcn 'jT'D n"-,3 NT-^ir-pii •'•::-\-ç ^^^^'C, et mentionnant parmi
les martyrs rr3:::r; Nb-^T;::!:; n~7:. Or, contrairement à l'indication de
l'épigraphe, ce document ne donne pas les noms des martyrs de 1096,
mais de ceux de 1146. comme le prouve la comparaison de ces noms
uvec ceux qu'on trouve chez Ephraïm de Bonn. — 62, 9, au lieu de
m.s". 1. "n^T ou ""N"i. — 63. 1, au lieu de "^^n. !. nzsN; après ~:iiD,
il faut un point; au contraire, le point après r;:^::?:^ doit être effacé;
63, 2, au lieu de Spbn, 1. npbn; 63, 3, au lieu de r::.n:2r;b, 1. r;5- aT»b,
et au lieu de DpTnb.l. npTnb ; 63, 12. au lieudem^im.l.n^irî" ^comme
dans Jér., v, 13); G3, 13, au lieu de crr^rnb. 1. 2"''?-', "^b, et au lieu de
rr:\---,:i?:. l. z- rrrr^-z : 63, i7, au lieu de bb-n. 1. bbn; 63, 18, au lieu
de n-ii:, 1. --j: ^comme dans Jér., iv. 31); 63, 19, au lieu de ynn^i.
1. Vinri; 63, 21, devant ^b "^rT, il manque le mot bx. — 64, 3, au
lieu de "i^rrb. il faut probablement "121D ; au lieu de p-mnTjr;, il faut
probablement lire nTin/ûr: ; 64, 4, au lieu de !^:"i, 1. "^"i, comme
dansO.; 64, 16, au lieu de ^"cci, qui n'a pas de sens, il faut peut-
être lire 03 rmci (cf. l'expression talmudique ^2 ■':n r:::w-:l ou
Sr'w?:-'-!. — 63, 10 du bas, au lieu de Dit")'', qui ne donne pas de sens,
1. 3Cin"', comme dans S. — 66, 7, au lieu de irbm. I. i:b nn (corrigé
dans l'errata en isbiD, ce qui est faux). — 67, 8, le mot ■'bai^a des
manuscrits, qui est exact, a été corrigé à tort par M. Stern en "'bsnn,
car il s'agit ici de chaînes pbnr), et non de cordes Cbin) de fer;
LES RELATIONS HKBH AILLES DES PËHSECUTlU.NS DES JUIFS Ib'J
67, H, le mot nriD, que M. Stern a laissé tel quel dans le texte et que
M. Baer (200, 2 du b.) a traduit par « halle er die Sache beilegea wol-
len » et qui ne peut signifier autre chose sinon « er zerschnitt», est
tout à fait impossible; il faut sans doute lire, comme dans S. et B.,
nnD, d'après le passage parallèle 33, 18; 67, 3 du bas, au lieu de
TT^TO"», !. "i"'?:"' ; 67, avant-dernière ligne, au lieu de 'ONT, 1. ciNi. —
69, o du bas, au lieu de "inDi?:"»:), il faut sans doute "ins iJzb. — 70,
avant-dernière ligne, au lieu de n73p3, I. r;::pD. — 71, M du l)as, au
lieu de -nTND, 1. "i"::n3, comme dansO. et B. ; 71, 8 du bas, au lieu de
laniDi, 1. insc-^, comme dans 0.; 71, dernière ligne, au lieu de
i::w-iro'i, l- r;i:-irji.
76, 5 du bas, au lieu de "'ibr ûO nnbbp, lisez ■'ibn 'D'ût, nbb"^
(cf. Deut., XXI, 23). — 77, 10, au lieu de ûDT'aT, lisez ûD"i">m ; 77, I8,
au lieu de by, L bj<; 77, 4 du bas, devant ion, il manque le mot
V^. — 78, u du bas, au lieu de mbob, L mb'^îT.
En outre, il y a encore deux corrections, indiquées par M. Stern
dans la liste des errata, p. 223, qui sont inexactes; il faut laisser tel
quel le texte du ms. : i^' U, 24, ûmi< innpDi ne peut être corrigé en
ûmN i"i3pi, la forme nif'al employée de cette façon particulière
faisant partie des particularités grammaticales du texte que l'édi-
teur (Introduction, p. xi) a déclaré ne pas vouloir corriger (cf., par
exemple, 18, 20 et 30 ûmN mnpai, 23, l, nbis n,N iL:n"::ro); 2° le mot
ûnn::3, 46, 2, que M. Stern change en ani:3, p. 223, est exact et a ici
la même signification que Qin::3i de 6, 4 du bas.
La traduction allemande, due à M. Baer, laisse moins à désirer.
Elle est le plus souvent exacte, mais on trouve encore trop d'erreurs
et d'inexactitudes '. Ainsi, M. Baer traduit û">innr; par die Irrendeii
« ceux qui errent », et a"'ji"i"'?r; par die Stœdler « les citadins ». Celle
traduction n'établit pas une distinction assez nette entre les û"':^*in et
les Û"'3TT':?, parfois même on est tenté de croire que, pour le traduc-
teur, les deux mots désignent une même catégorie de personnes
(par ex., 90,5 du b.,et texte, 4, 12 du b., ynxrr'rrT a''2T-i"'i'm avinn).
Kn efîèl, il semble donner au mot û'':^"in sa signification morale « ceux
qui errent, qui commettent des erreurs », c'est-à-dire les hérétiques.
Eu réalité, û"'::''in désigne « les croisés » et D"'DTT':? « les bourgeois »,
Bïirger, et non pas «citadins ». Le mot ~iO est également mal traduit
en plusieurs endroits. Au lieu de parler d' « emplo3'és [Benmten) et
domestiques de l'évêque », le traducteur parle (86. 20) de « princes
{Fursten) et domestiques de l'évoque » (3, 3, VTayi t"-)",::;. Il en est de
même p. 86, 17, et 176, dernière ligne, où il parle des « princes»,
des « nobles princes », 86, 2 du bas, et 177, 12, du « parent princier ».
l'ârstlichen Verioa?idten, de l'évêque, 175, 15 du bas. Or, il s'agit, non
pas de noblesse princière, mais d'employés de l'évêque.
' Bien que nous écrivions ici pour des lecteurs français, nous croyons devoir cor-
rifrer par les expressions allemandes convenables la traduction allemande de M. Baer.
lia français, ces corrections perdraient une partie de leur valeur.
190 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
M. Baer lit les lettres '-,'= placées devant les noms propres « bar »
et dit, p. 91, note <J3, que c'est le mot 13 « fils» (Prov., xxxi, 2i. Or,
tous les manuscrits ont 'n'^ avec les signes d'abréviation : cela prouve
clairement quil ne faut pas lire -,5 mais ^2T p. Du reste, par piété
filiale, un fils n'aurait jamais consenti à prendre le titre de P.abbi sans
le donner au père. Quant à la manière dont les noms hébreux sont
transcrits dans la traduction allemande, elle est très défectueuse,
mais comme il n'existe pas de règles pour celte transcription, on
comprend qu'elle présente des inconséquences, même dans un ou-
vrage scientifique.
Le nombre des passages mal traduits ou du moins inexactement
rendus est considérable. Ainsi 88, 8, ce n'est pas a ueber diesalles »,
mais « fur ailes dièses » (texte pnt b^ b:?i ; cf. 3, 1 1 et 87. 2, nï br « da-
fiir »)_ _ 89, 1 9 a été mentionné plus haut, à propos de "'^t ■^-,73 (4, 81. —
89, 2\, il faut, non pas 0 ereifert », mais « vollauf beschaftigt w (texte
Cinn::). — 93, 9, ce n'est pas : e Auch ich wiil bei ihm hier bleiben »,
mais « auch ich will mein Volk zuriick halten » (texte "'7:^ nr^'r). —
94, H, r!72~?7j ■'n'^wT:, d'après Is.. xxviii, 6, qui est expliqué dans
Meguilla, \ob, par --nn V:; r;::nV7:a imn N-:;nrj T>-, doit être
traduit par « die in religiosen Streitfragen Bescheid ^"ussten ». —
102, 21, il ne faut pas « Damais fingen die Irrenden an den Namen
ihres Erlosers zu entweihen », mais a Dann fingen die Kreuzfahrer
an den ^'amen des Gekreuzigten zu preisen, denn sie hatten .. ihren
Muth^^-illen getrieben... und sie erhoben ihre Fahnen (texte 10. 9 TS
rbn? ib-'nrr;; cf. 33, 10 du bas; Vrnb est ici à la place de br-?\ —
i03, 4 du bas, ce uest pas « So werde (sprach er) dièses Blut zur
Yersohnung mir» qu'il faut traduire, mais ce sont des paroles de
l'auteur a môge mir dièses Blut zur Silhne fiir aile meine Yergehun-
gen gereichen » (teste 12. 6 du bas). — 108, 14, il ne faut pas « man
stiess », mais «sie stemmten ihre Fusse gegen die Schwelle ^ (texte
r::~ppmi. — 113, 13, il ne faut pas « dass falsch der Glaube ist, den
sie sich gebildet », mais «sie erkennen nicht den der sie erschalTen
hato (texte, 17, 13, v. plus haut). — 118, 7, la traduction de -.wND
■iT:> INI a als sie ihn ohnmachtig liegen sahen » n'est certainement
pas exacte (texte, 18, 13 du bas, voir plus haut); 118, 5 du bas, le mot
n'-b"^ ne signifie pas « Kinder», mais « Jungfrauen ». — 120, 4 du
bas, il faut, non pas : « die Wasserteiche, in die sie gelaufen \varen »,
mais « die W. aus denen sie entkommeu ^\"arenI) (texte CTû ""riiîîr;
2^:2 "Nii"' w;. — 1 22, 2, ce n'est pas o aus dem Stamme Dan » qu'il faut
traduire, car des traces de la tribu de Dan n'existent guère en Alle-
magne, mais il faut dire sans doute a aus dem Stamme derer die das
Richteramt liben » ; peut-être y a-l-il aussi dans les mots ancw
•"Z'r, une allusion à IGhron., xii, 33, nrnrr^ "^rir ■■■;"" "jn, a quoi
on pourrait rattacher également ï^'ûnba ■^a-'C» d'Is., xxvm, 6, dans
le sens talmudique cité plus haut, et rirnb» "'D-n:?, 43, 7 du bas. —
132, 4 et s., ce n'est pas a Sie beschenkten », mais « Wir beschenk-
ten » (texte ^^r","!, comme 3, i du bas); il ne faut pas traduire : « un-
LliS, RELATIONS HÉBRAÏQUES DES PERSÉCUTIONS DES JUIFS 101
sere bosen Nachbareu unler den Sliidtera », mais : « unsere buseu
Nachbareii, die Bïirger »; il ne faut pas dire vt dass man ihr Vermogen
weggenommen batte t), mais « da nahmeD sic (die Juden) ibr Geld »
(texte nnO"i n^M^u inpbi). — 'I33, 2, il ne faut pas : « entsclilos-
sen sie sicb », mais « verspracben sie » (texte iiTZH cf. "it^Nt,
31, '10, et 'i-\)2iii, 26, dernière ligne). — 134, 8 du bas, au lieu de
« dann trat der Oberste des Biscbofs und der Beamten », il faut :
« dann trat der Oberste der Garde des Biscbofs und die Beamlen »
(texte û-i-ioni ]^'DÀr^, bo Nni:^î -lO). — 138, 13, il ne faut pas : « der
Freund Israels », mais «-. das Lichl Israël» » (texte b^-i'^T"^ -niî''^). —
'lo9, 5, non pas « durch die Grenze», mais « durcb sein ganzes Ge-
biet » (texte ibin:^ b^n). — 141, 6 du bas, ce n'est pas : <r und jeden
Tag kamen Zûgler », mais « und jeden Tag kommen Ziïgler », cf.
23, 7. Le passage suivant est emprunté presque mot à mot à Jér.,
XII, 3, et, par conséquent, doit être traduit : « Du aber, Ewiger,
ûberlieferesiedemTode » (texte ûwi"'~pr;i r:"i"'3?2!jj. — 142, 11, il ne faut
pas traduire : « die ganzeNachbarscbaft der Juden », mais « das ganze
Judenviertel ». Il en est de même p. 143, 1. 14 et 13. M. Baer n'a pas
compris le mot t^JiD'::, qui se trouve fréquemment dans le Talmud. —
144, 6, ce n'est pas « sJnd wir nicbl zu diesem Tage erkoren », mais « ist
das nicbt der Tag an dem wir (von Gott) erkoren werden ? » (texte Nbn
ij"-in33 d-T" i-îT, cf. 2, 1 : vsDb nnas -m- riTi). — 147, 14, il ne faut pas
a bier sind », mais « und einen Scbuldenerlass von. . . » (texte n'ni,
1. nnsm, 33, 21, V. plus baut). — 150, 17, ce n'est pas >< ob sie aucli
iliren Feinden also tbun dûrfen », mais « ob unsere Ilasser aiso
ihun dûrften (texte ^;NV«7p p rcy^ ÛN); 150. 7, il ne faut pas < deu
Knaben » (au sing.), mais le pluriel « die Knaben ». — 152, .", doit être
rattacbé à ce qui précède et traduit ainsi : « Liebe zur Tugend und
Hass gegen den Frevel, Wohlgefallen an der Wabrbeit und Verwer-
l'en dtr Liige, Rediicbkeit der Zunge, Festbaiten an Einsicbt und
Sicbfernbalten vomZorne». — 135, 3, au lieu de: « liess die Glaubens-
Ireue sicb biudou », il faut : « beobacbtete sie ibr Gottesgebot »
(texte mans niT^p^n, 1. n-i:ji2 rrT^pDn), — 153, 7, au lieu de « ge-
fàdige», il faut traduire : « (vor Gott) woblgefàllige ». — 155, 12, au
lieu de a als bewahrte Krone », il faut « eiugebunden und eiuge-
scblossen ist sie (in den Bund) mit dem Kouige in seiuem Ileim »
(texte "nn:! ^bî^n D3> mini: mirs'). —159, 2, au lieu de « Seide », il
faut traduire : « Purpur » (texte *30i) ; 139, 10 du bas, au lieu do
Œ sie konnen nicbt vertauscbt, nicht verwechselt werden.), il faut
traduire « au ibrer Statt giebt es keinen Ersatz» (texte 1"^N nnmTjn
';"'D"'bn). — 165, dernière ligne, au lieu de « aucb in der dorligeu Ge-
gend gelegen », il faut traduire : « dort wo sie (die Stadt Altenabr)
eben liegt » (texte D'J Nin nOwSn). On veut dire que, tandis que le
rillage d'Altenabr doit être désigné d'une manière précise par cette
indication « bel Jûlich », la situation de la mile d'Altenabr peut être
présumée connue. — 166, 10 du bas, au lieu de « ich wauke und
scbwanke», il faut traduire : <■; icb klage » (texte nlijn.s). — 167, 5, texte
lVt2 REVUE DES ÉTL'DES JL'IVES
45, 7 du bas, il l'aul « die geriistet wareu zum ofrenllichen Geisles-
kampfe mit lioher Kraft, Thùrme der Eiusicht», — 170, 12 du bas. au
lieu de « uad die beschwerliehe Reise mitmacht », il faut « und den
Wegbahnt» (texte "^m m:i'5, 1. "^m mr^r". — 473, 18, au lieu de «des
gelehrten R. », il faut e des Mar » (texte "n73, 50, 19, 1. n», comme il
est établi par Jclliuek, N7""'7:"T^nT D";:3:ip, 4, 7). — 175, 23, au lieu de
«Dort predigten sie », il faut: ffDaun fingen sie aa zu predigeu »
(texte rrnpb "ib-^rirn tn). — 183, 10 du bas, au lieu de << So begaonen
damais die Irrendeu ihre Greuelihaten imlS'amen des Gekreuzigten »,
il faut traduire : « Danu fingen die Kreuzfabrer an den Namen des
Gekreuzigten zu preisen (texte bbnb, dans le sens de bbr;b) uad erho-
ben ihre Fahne... » cf. 10, 9 et s., et 102, 21 et s.). — 186, 5, au lieu
de « das ist mir nicht naher bekaunl geworden », il faut : « hier fehlt
Ich weiss nicht wie viel», c'est une remarque du copiste concernant
la défectuosité de son texte» (texte 37, 7, v. plus haut). — 187, 8, au
lieu de « er muge einherziehen », il faut traduire : « zur Betrtibniss »
(texte nnmrb, 1. n-irii'b; cf. Vn-;,::'' n^:?, I Rois, xviii, 17). — 190,2,
au lieu de « Dranger und Irrende », il faut « feiudliche Kreuzfabrer »
(texte 'D''yrji C'^T'i:»). — 192, 13, au lieu de 906, 1. 907, et au lieu de
1146,1. 1147 (texte ""pnn nr^3, il est certain que cette leçon est la
bonne, le mot rimant avec "pim]. Ibidem, au lieu de « ward mein
Blut geschwacht und vergossen », il faut traduire : «ward... ver-
gossen und abgezapft » texte Tpim p7:i- -^^ot). — 193, 14, au lieu de
'( Man knifî sie an den Hànden », il faut « man schlug sie mit den
Handen ». — 194, 4, au lieu de « Kein Rednerist nicht mehr in ihr a,
il faut « und sprachlos (vor Schrecken) sind sie». — 19i, 7 du bas,
au lieu de « dir gab ich mein Blut bei meiner Beschneidung schon »,
il faut traduire : « Bleibe nicht ruhig bei meiner Niedermetzelung »
(texte ■'b-'7:r:2 ^h ■'Tct ibs]) ; cf. Is., lxii, 7, et Ps., cxviir, 10:
ûb-^rtî'. — 193, 17 et s., la traduction de 64, 4 et s. est incomplète.
nsi^D r;j:n (cf. "^3^3 yn, Abot, v, 20) n'a pas été traduit; un est un
vocatif et non un génitif, puisque le mot est précédé de "ido!^; eufîu
..."isrb imrb *in:r rp ne peut signifier : ■< der Herr batte ihn fiir
seine Gemeiude als Siihne bestimmt », mais cela signifie : c ô Herr. . ,
mtigest du ihn als Siihne fïir seine Gemeinde hingegeben habeo >-;
c'est là une pensée qui revient souvent, par exemple 17, 17 ; 43, 12 du
bas. — 197, 5, au lieu de c. sie starben vor Ermattung bel der Fabrt
ïiber das Meer », il faut traduire : « sie wurden schlaflT und standen
davon ab ûber das Meer zu fahren » (texte ma;*?: n:?5DT ^y:.TZ, cf.
I Sam., XXX, 10, n^r'/j mis . — 197, 4 du ba.s, au lieu de « von der
Mahlzeit», il faut traduire : « nachder Mahlzeitw (texte ""iron nnN).
— 497, 3 du bas et s., au lieu de c er wird das Blut zeichnen », il faut
traduire « Es wird das Blut aufwallen » (texte OlDl"', 1- ODin"'). —
200, 2 du bas, au lieu de « batte er die Sache mit Geld beilegeu ^\ ol-
len », il faut traduire : a. fing der Herrscber von Geld zu sprechen an »
(texte ^rcn:: "jiiibw- nn-:). — 201, 3 du bas, au lieu de « blos ihre
Seelen \saren enttlohen », il faut « blos ihre Seelen waren in Feuer
LES RELATIONS HÉBRAÏQUES DES PERSÉCUTIONS DES JUIFS 193
entllohen » (texte t;n?;]">r5 nDTO p-| nsT03 Nbi , cf. 33, 12 du bas,
où il est dit û^^p C1i;t htjcd pd^O, à rapprocher de Sanhédrin, 52 a!
et du Midrasch sur Lév., x, 2-3, où il est aussi question des «âmes
qui sont cousumées et des corps qui restent iniacis »;. — 203, \, au
lieu de « So der Inlialt », il faut c. So der Wortlaut » (texte licbrr riT).
— 206, o du bas, au lieu de « Zollbeamten », il vaut mieux traduire :
« Steuerbeamlen » (texte û-^ODTO).— 207, \ ïj, au lieu de « ehe man uoch
sie wieder eingesehlossen halte », il faut traduire : « ehe sie sich zur
Ruhe begeben hatlen » (texte Tn::o'' Dtj); 207, 7 du bas, au lieu de
« uud er antwortete », il faut : « und er zeigte sich gnu'lig » (texte
nxnnzi). — 211, 15, au lieu de c gegen die wiiden VOiker », il faut
« gegen die Mohamedaner » (texte : D-'N-iD employé comme paraphrase
de û^bLSy7r:;^ d'après Oen.. xvr, 12) — 214, 1 i du bas, au lieu de « an
einem ihrer Festtage:», il faut «an S'-Aegidien » (texte i<b-':;a, Saint-
Gilles, le 1"' septembre). — 21-), 6, au lieu de « und Ekron », il faut
« und sie zerstùrt » (lire dans le texte DTip:>T, et non "jTipri); 215, 12,
au lieu de « das so genannle Grab des Gekreuzigten », il faut tra-
duire « das Grab des Gekreuzigten» (texte 76, 5 du bas; v. plus
haut;. — 216, 4, au lieu de « bestimmten », il faut traduire « sprachen
unler Thriinen und er (der vorhergenanute Vorbeter) gab ihnen den
Segen dazu » (texte ûDT^m -^^Dn, 1. DDl^ai "'333). A ceux qui s'olfraient
pour jeûner le lundi et le jeudi, rofficiant, conformément à une
pieuse coutume, adressait une bénédiction pendant l'olfice
Outre ces inexactitudes, il faut encore relever ce fait que le même
mot est parfois traduit de façons différentes. Ainsi, le mot no est
traduit p. 84. 12, par « Lager », et 113, 3 du bas, par <( Partei »; ""Nd^
13.5, 5, et 137, 9, « Gemeinderechner », et 104, 3 et 16, et 184, der-
nière ligne, « Gelderheber » ; û"'ynn est traduit deux fois exactement
par « Kreuzfahrer », 91, 2 et 4, mais partout ailleurs par « Irrende » ;
ibirijT, 31, 13 « beschlitzt», et ibid., 14 o gerettet » -, "^"iD, qui signifie
toujours «Sladt» (ainsi Mors est appelée p. 43 tantôt "^id, tantôt
"vy, et Niirb-^N "j-iD, la ville d'Altenahr, est ainsi appelée pour la
distinguer, p. 45, de N-i'^rb\s 103, le village d'Altenahr) est traduit
118.7 du bas, 121, 6, 130,8 du bas, 138, 14, 160, 2 du bas, par « Dorf »,
tandis que, 121, 11 ; 130, 6 du bas; 142, 2 du bas; 165, 7 du bas et
ailleurs, M. Baer le traduit par « Stadt»; T^no. 86, 20, « Fiirsten »,
86, 2 du bas, « seine Grossen », 87, 1, «r seine Hoheû »; 134, 11, il y a
la traduction exacte « seine Beamten ».
Pour la traduction, la Commission historique avait résolu (Intro-
duction, p. xxvii et s.) que le traducteur ne rendrait pas littérale-
ment le sens des expressions et tournures de phrase employées dans
les relations hébraïques pour désigner les objets et les pratiques du
culte chrétien. Il est évident qu'il était impossible de transcrire lit-
téralement ces paraphrases renfermant souvent une raillerie. Ces
expressions étaient, en eflét, employées par pure habitude par les
Juifs d'alors, sans qu'ils songeassent au sens réel du mol et à l'in-
sulte qu'il renfermait originellement. Il serait donc injuste d'accu-
T. XXVI, N° 52. 13
10 i REVUE DES ÉTUUES JUIVES
ser les écrivains qui se servaient de ces expressions davoir voulu
proférer inleulionuellement des injures Contre les chrétiens. Celte
circoLSlance a été reconnue par la Commission historique, qui ren-
voie ù ce sujet au travail d'ensemble de Zunz [Synag. Poésie, 448 et
suiv.'. Elle a encore fait valoir un autre motif pour sa résolution,
elle a pensé qu'une transcription littérale de ces termes injurieux
choquerait les lecteurs modernes. Elle a donc décidé qu'au lieu des
expressions usitées, on emploierait les mots véritables, tels que
a Kirche », « taufen », eu marquant ces passages d'un astérisque et en
donnant une fois pour toutes en note la traduction littérale. Mais, d'a-
près nous, c'est trop ou trop peu. C'est trop, en ce sens que si la Com-
mission historique craignait de choquer les lecteurs modernes par
ces expressions injurieuses, elle n'aurait pas dû signaler ces pas-
sages à l'alleulion par des astérisques et des notes. D'autre part, pour
éviter une interprétation fâcheuse de ces passages, il eût été oppor-
tun de déclarer expressément dans l'Introduction qu'on s'est abstenu
généralement de les traduire littéralement, et d'ajouter que ces pas-
sages, même dans leur sens littéral, ne peuvent pas passer comme
des témoignages de l'intolérance juive vis-à-vis des chrétiens : c'é-
taient des cris de colère arrachés par la douleur aux Juifs maltraités
et martyrisés de la façon la plus cruelle par les chrétiens au nom du
christianisme lui-même. Qu'on lise les relations des croisades, où l'on
voit couler à flots le sang des Juifs massacrés innocemment, et on
reconnaîtra que ce n'était pas la faute des Juifs, si des sentiments
d'hostilité, de vengeance et de mépris sont nés dans leur cœur contre
l'Église chrétienne et tout ce qui dépendait d'elle et si ces sentiments
se sont fait jour par des termes injurieux dans les écrits juifs du
temps. Mais, quoique tout esprit impartial comprenne et pardonne
ces imprécations des victimes contre leurs bourreaux, nous esti-
mons que la Commission historique eût été mieux inspirée en lais-
sant de côté les astérisques et la traduction littérale de ces termes
injurieux, La science exige naturellement qu'on laisse dans le texte
hébreu tous les mots injurieux, sans y rien changer, ^'ous aurions
aussi compris que dans un commentaire philologique et exégétique
sur le texte hébreu, on eût traduit littéralement tous ces passages.
Mais pour la science historique, que la Commission avait surtout
en vue, il suffit d'une traduction ne s'attachaut pas servilement
à la lettre, mais rendant le plus fidèlement possible le sens, ^■ous
devons ajouter que M. Baer a parfois placé des astérisques là
où il s'est écarté, dans sa traduction, du texte, parce qu'il croyait à
tort que ce texte renfermait quelque terme injurieux. Ainsi, 89, 4
du bas, il traduit n:\-nrn '^-,^3 ^texte 4, 12) par « Weg zu Christus »
et surmonte ces mots d'un astérisque, tandis qu'il siguitiait c Weg
unserer Irrfahrt », c'est-à-dire la croisade (il a traduit pourtant avec
exactitude m^-nn nobb, 82, 12, et mm ^mn nobb, 131, 7 du bas);
de même, il traduit (90, 7 du bas) mi'nb Y^-ib, « zum Erloser wal-
fahreu », avec un astérisque, quoique, dans les deux cas, le mot r;~n
LES RliLATlUNS HÉBRAÏQUES DES PERSÉCUTIONS DES JUIFS l'Jo
soit employé dans le sens de « faire la croisade », sans aucuu
sens injurieux. Du reste, cette racine T'rJB a embarrassé M. Baer.
Comme nous l'avons déjà fait remarquer plus haut, il voit deux fois
dans le mot Li^y^^\ une expression injurieuse, « ceux qui sont
dans l'erreur » au sujet de leurs croyances, pour désigner les
croisés, et alors il y ajoute un astérisque, mais partout ailleurs
il omet l'astérisque. — Les notes accompagnant la traduction
témoignent de la compétence, du zèle et de la conscience du
traducteur, mais ici aussi, il y a bien des choses à rectifier et à
suppléer. La note 77 de la p. 89 (v. plus haut) et la note 91 de
la p. 91 sont inexactes. "Cip ""C^N n'est pas seulement usité pour
])arler des martyrs (cf., par exemple, 28, 9 du bas), mais, d'après
Exode, xxii, 30, c'est un terme désignant les Israélites en géné-
ral. — 142, note 293, le chiffre 836, abréviation du millésime 48.j6,
est exactement la valeur numérique des lettres ponctuées dans
les mots cités dans le texte d'après Lament., ir, 20 : j-,r;^ 2N
iS"'2:T "iriD ■i"-' "j-ipfbà- — 144, note 288, au licu deRamru, l.Rameru.
— 448, note 318, in73"r;"c: ne peut être rapporté qu'à ceux qui s'échap-
pèrent du feu. — 163, note 30, au lieu de n''"iwr!, le texte hébreu doit
porter "l'û, et le "lO retournant à la ville est le même que celui qui est
allé au devant des croisés hors de la ville, à 163, 6. — 197, la note 48
est fausse. Il est fait allusion ici, non à la fable du renard dont parle
Roschi, et qui ne serait pas de mise ici, mais à celle qui se trouve
dans Midrasch raiba sur Esther 3, 1. La fable est dirigée ici natu-
rellement aussi bien contre les chrétiens que contre les mahométans.
— 116, note 19o, il fallait renvoyer à Midrasch rabba, ch. lxx, sur
Genèse, xxix, 24. — 116, 5, du bas, il y aurait eu lieu de renvoyer au
Memorbuch de Mayence [Revue, VII, p. 9), d'après lequel le martyre
des Juifs de Cologne n"jnn nnsii'n n"in-:72 aurait eu lieu le lende-
main de la fête de la Pentecôte. — 168. 7, il manque l'indication de
la source, qui est le Yalkout, ch. xx, et X^v p "ISD dans le Belhha-
iVidrasck de Jellinek, t. II, n° 6. — 211, 19 (v. plus haut). Pour
quelques noms de martyrs (p. 23, 31, 44, 48, .jO, 61, 62), il aurait fallu
aussi tenir compte de la Hazkara de Worms publiée par M. Jellinek.
L'identification des noms de lieu n'a pu se faire avec une certitude
ol)solue pour tous les noms. Ainsi, par exemple, an, p. 63, est iden-
tifié avec Ilam, dans le déparlement de la Somme, ce qui est contesté
par M. Neubauer {Revue, III, 14, note 3). — pn?, p. 63. devient
douteux par suite de l'existence de trois endroits portant le nom de
Careulau ou Charenton. — rJT, p. 25, qui est remplacé à p. 28 par
nV:j, est énigmalique ; la relation parallèle d'Eliézer b. Nathan,
p. 46, 6, au lieu des mots û-'-^nsm b":;i3i N:i-iDm de I, a simplement
Nr-N-iSai. Comme la relation I, p. 28, après une courte notice sur les
événements de Ralisboune, en a une bur n""0 et ne parle pas du tout
de Prague, il y a lieu de supposer que la persécution juive à Prague
se rattachait étroitement à celle de b\rT ou ï<r«r, et que, par suite,
Prague et bon étaient des villes voisines. Cette hypothèse estconfir-
196 REVUE DES ETUDES JUIVES
mée par le récit de 28, 7 du bas, dont il résulte que les Juifs habitant
l'Autriche p'iinri y~\^, cf. 30, lu) étaient considérés comme les coreli-
gionnaires les plus proches des Juifs de Nbu:. L'Autriche et la Bohème
avaient été réunies peu de temps auparavant (1081-1083) sous la
domination du duc AVratislaw II de Bohême; c'est pourquoi, il est
absolument logique que les croisés, d'après la relation I, citent aux
Juifs bohémiens de Nbc l'exemple de leurs frères autrichiens qui
ont subi le martyre. L'indication de la page 29, 3, disant qu'en face
de la ville de Nbw il y avait, de l'autre côté du fleuve, une autre
ville, permet de supposer que cette autre ville était Prague. Le mot
û"»"'r;am qui vient après le mot b'Ci^ ne serait donc pas, comme
M. Baer l'indique (p. 131),, Pappenheim, mais signifierait (1. D"'"^~23)
« en Bohème ». On ne comprendrait pas non plus que l'auteur de la
relation I, qui rapporte les faits dans leur ordre, fasse suivre les
noms de Trêves, Metz, Ratisbonue, Prague et bCT du nom de Pappen-
heim, et qu'après avoir parlé en détail de Trêves, Metz, Ralisbonne
et Nr'C, il ne dise pas un mot de Pappenheim, quoique, en sa qualité
de Maj^ençais, il ait dû entendre plutôt des récits concernant cette
ville que touchant des communautés juives de la Bohème ou de
l'Autriche. La seconde relation ne sait rien non plus d'une persé-
cution qui aurait eu lieu à Pappenheim en 1096, pas plus que le
Memorbuch de Mayence.
Aronius {liegesten, n'^ 200) croit qu'on pourrait identifier cette
ville au nom énigmatique avec Prague, si Prague n'était citée à côté
d'elle. Peut-être s'agit-il d'une ville située en face de Prague, sur
l'autre rive de la Moldau, par exemple, "Wissegrad. On s'expliquerait
ainsi que la relation I concernant Prague et "Wissegrad (bciai Nr^Nnsa
ï:""^r;3n"i, i. CTrsn "nricim iSJ^nsn) se contente d'une seule com-
munication relative à Wissegrad et que la relation II ne mentionne
que Prague, où les Juifs aient eu à souffrir des croisés. Le récit
dans I, p. 28 et s., est, en tout cas, exagéré à la manière d'une
légende et repose sur des rapports venus de loin ; le chiflre de
1,000 cavaliers chrétiens armés et de oOO cavaliers juifs ne prouve
qu'une chose, c'est que c'était une grande ville et une grande com-
munauté juive. Il ressort aussi de cette phrase de la relation "'CrN
N5C "y^vz T^riO ...C'Cn (28, 9 du bas) que celte communauté était
très considérée. Un document de l'an 1091 (Aronius, Regesten, n^ 173)
parle du faubourg de Prague et du village de Wissegrad, où demeu-
raient des Juifs très riches.
M. Bresslau (Introd,, p. xx, note 10) observe avec raison que pour
le nom de lieu !:"'":b^72, 30, 16, il est difficile de songer, comme le
veut M. Baer. p. 140, note 2S2, à Leiuingen; Aronius l'identifie
avec MùUheim {lièges (en , n'^ 185) ; mais alors il faudrait lire
D''r:jbntt[73]. — p-na:T"^}3, 30, 17, est sans doute, comme on l'observe
p. 141, note 283, Wieselburg, en Hongrie, et, par suite, ne doit pas
être corrigé en p~n3:T"'N, car Wieselburg (en hongrois Mosovj') s'ap-
pelait autrefois Mosenburg, castrum Mosonium. Il faut donc rétablir
LES RELATIONS HÉBRAÏQUES DES PERSÉCUTIONS DES JUIFS 197
P'-i"i3:t"'W dans le texte hébreu, 30, M, et dans l'index aussi il faut,
au lieu de p"n3jT''N. p"n33r73. Les noms de lieu Leiningen el Pap-
penheim, quoique probablement inexacts, se trouvent dans la tra-
duction comme dans lïndex sans point d'interrogation. b'Ci^ (Nbo)
manque dans l'index, parce qu'on n'a même pas essayé d'identifier
le mot. Par contre, l'index aurait dû avoir le nom de ^^cbm'O (p. 62),
Sluhlbach (?), p. iO.i.
Du reste, l'index n'est pas fait avec toute l'exactitude désirable.
Les noms de Dani ("^n) et de Meir 1"'N7û 'n auraient pu être omis, le
premier n'étant qu'un nom biblique employé dans un sens mali-
cieux, et le dernier faisant partie d'une citation talmudique. Par
contre, pour quelques noms de personne, il n'indique pas la page où
ils sont cités, par exemple pour Juda bar Isaac, il manque l'indica-
tion, p. 13; de même, pour Nathan bar Samuel, il n'indique pas la
page 74; pour Kachel, la page l'S; pour Samuel, la page 60. Il y a
aussi des omissions, par exemple, le nom hébreu im"^ pour Jean :
"iZJTX à propos d'Ollo; au lieu de Isebel, il faudrait Isabelle (épouse
du comte ïhiébaut de Blois); pour Juda b. Abraham, il aurait fallu,
outre N1T», mentionner ^nn"i; au lieu de Ramru, 1. Rameru; enfin,
il y a des fautes d'impression, par exemple, û'^'^Mjbn, 1. û"^rîDbT(?);
Nb-'D''"'. 1. Nb-'n;-^-'; N;-bi:bi2, i. Nrb^biD. L'utilité de l'index aurait
beaucoup gagné si, comme pour le mol Beiuricli, où les dilTérenls per-
sonnages qui portent ce nom ont été distingués par des indications
plus précises, on avait employé ce procédé régulièrement pour dis-
tinguer les noms hébreux; ainsi, par exemple, au lieu de Abraham
(nr;-i3N), 20,21, 60,71, 72, il faudrait Abraham (Dm2N\ 60; Abraham
tbar Juda), mi-i nn û-nnx, 20,21; Abraham, le scribe de Carentan
'i:::;-ip;û -iDion û--i3N, 71 et 72. — Au lieu de Joseph (Cidt^), 1o, 3o, 42,
il faudrait: Joseph (bar Abraham) D""i2N "i3 C^DT^, 42; Joseph bar
Kalonymos Oi7a"'jVr'p "13 C^OT*, 15: Joseph Haccohen irisn t\OV, 35. —
Des épithètes comme "^ibn, I^D", ou des titres comme "^Nnsï^, binsn,
lpT~, "["nn, ou des désignations par le nom du lieu d'origine, comme,
par exemple, -pW'ibTiT: ';"'!0"':3 ou n-pe":;?: ipTr; t]Oi-' 'na 0"if:^;ibp
auraient dû être cités régulièrement daus l'index, et non excep-
tionnellement.
Ces observations faites, il est de noire devoir de proclamer hau-
tement que la Commission historique a rendu un service sérieux
à l'histoire juive en publiant le second volume des QuelLen, qui
renferme les divers documents que nous venons d'analyser.
PORGÈS.
LES JUIFS DE CANDIE
DE 1380 A 1483
On sait peu de choses de l'histoire des Juifs de Candie au raoj-en
âge, comme, d'ailleurs, de celle de beaucoup d'autres régions.
Aussi faut-il accueillir avec empressement tous les renseigne-
ments propres à combler cette lacune. La Bibliothèque des
Ecoles françaises d'Athènes et de 'Rome vient de s'enrichir d'un
nouveau fascicule, le 61^, qui rf^pond, en partie, à ce desidera-
tum, en fournissant quelques notices, qui ne manquent pas d'in-
térêt, sur la condition des Israélites Candiotes de 1380 à 1485'.
L'auteur de cette publication, malheureusement posthume, Hippo-
lyte Noiret, avait dépouillé les papiers du sénat de Venise pour
ce qui concerne la domination de la république sur l'île de Crète
pendant ce laps d'un siècle. 11 avait anah'sé, résumé et quelquefois
copié in-extenso toutes les pièces qui rentraient dans son pro-
gramme, se proposant de poursuivre ses recherches et d'écrire
une histoire de cette ile fameuse. Il est bien fâcheux qu'il n'ait pu
lui-même présenter ses trouvailles et les accompagner d'un com-
mentaire qui leur aurait restitué leur véritable caractère. Les his-
toires écrites uniquement d'après des documents officiels sont le
plus souvent des trompe-l'œil, car elles risquent de ne présenter
qu'un côté de la vie, et non le plus intéressant ; il faut qu'elles ne
négligent pas les autres sources d'information, si elles veulent
être complètes et fidèles. L'histoire juive, en particulier, telle
qu'on est en train de la constituer avec les données empruntées
aux archives, a bien chance de rester stérile ou de répandre
des idées fausses si elle ne profite pas des secours que peuvent lui
prêter les écrits juifs ; outre qu'elle est nécessairement partiale,
puisqu'elle n'écoute que des voix généralement hostiles à ceux
• Noiret (Hippolyte), Documents ini'dits pour servir à l'histoire <h la domination
vénitienne en Crète de 1580 à 1483, tirés des archive,^ de Venise. Pans, Thonu, 1892;
ia-8<> de xx + 601 p.
LES JUIFS DE CANDIE DE 1380 A 148o 199
qu'elle étudie, elle les voit sous un jour que modifierait sûrement
la connaissance des manifestations diverses de leur activité.
Qui ne lirait que les notices ou analyses de ce volume et se for-
merait là-dessus un jugement sur les Juifs de Candie serait
bien surpris ensuite par le tableau, malheureusement un peu trop
technique, que M. Steinschneider a tracé de leur activité litté-
raire, justement dans cette période qui s'étend de la fin du xiv"
à celle du xy« siècle *. C'est l'époque de la floraison des études
scientifiques et littéraires des Juifs de cette île, renaissance
dont témoigne à lui seul le nom des Del Medigo. Pour qu'une
population pieuse comme celle de cette île, qui renfermait dans
son sein jusqu'à des Kabbalistes, ait donné le jour à des savants
instruits dans les sciences classiques et philosophiques, il faut
supposer qu'elle n'y était pas si détestée qu'on le dit, ni qu'elle ne
se composait que d'âpres usuriers et de sordides marchands. La
France a bien vu au xiv^ siècle les Juifs honnis et maltraités à
cause de leurs usures, mais ces Juifs, revenus avec la guerre de
Cent ans, n'étaient que des prêteurs d'argent : aussi de leur tra-
vail littéraire point de trace. La production littéraire est un
sérieux critérium de la condition sociale.
Ces réserves faites d'avance, examinons ce que nous révèlent
ces documents.
Pour le gouverneur de l'île, et, par conséquent, pour le Sénat
vénitien, les Juifs avaient le tort d'être riches ou de passer pour
tels. C'est le motif qu'on invoque toutes les fois qu'on veut leur
imposer de nouvelles taxes, par exemple en 1387 *, en I39."3 *,
en 1439*, ou qu'on restreint leurs droits, comme en 1412. En cette
année, on se plaint qu'ils accaparent tout, à Rethimo, qu'ils sont
les maîtres des deniers et des hommes, qu'ils possèdent toutes les
boutiques de la place de celte ville et des alentours ■'.
* Candia, Cenni di storia letteraria, tlans Mosè, Antologia israelitica, Corfou, Il
(1879).
» Page 13, 25 février 1387 : taxe de 2000 liyperpères. t... Sicut notum est ia
civilate aostra Candide et per insulam saut quamplures Judei cum niaximo haverc
et valde diviles, qui consecunlur in illa civilalu et in tota insula inasimam iitililatein
et corr.modum cum modico onere suo. • Colle nouvelle taxe nannule pas les pré-
cédentes.
* l'âge 71 : nouvel impôt de 3,000 hyperpères.
* Page 387, 21 février 143'.t.
"' Page 213, 27 octobre 1412. «... exposuci-unl quod Judei dicte terre (Rethimo),
non conlenti de ulilitaiihus et inexlimabilibus lucris que consequunlur ex usuris et
colleganf.is, caniuiit lolum lucrnro et conviamen quod consequiiur, in illa terra, ex
arte et exercicio mercantie, in tautura quod dici pot^sl quod ipsi Judei sint domiui
denariorum et hoininum iliius terre et districtus, et ulterius quod ipsi Judei occu-
pant quasi omues staliones, appotbecas et magaceua, tam posila super plaUa Kctbimi
quam cire» et prope ipsam plaleam. •
200 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Les taxes pleuvent sur eux dru comme grêle : en 1387, 2500
liyperpères en plus des 1000 h^-perpères qu'ils payaient jusque
là » ; en 1395, 3030 liypprpèrps (p. 71). En 1403, c'est sur eux
que retombe la charge d'acquitter la moitié des frais de rt^pa-
ration d'une partie des murs de Candie, parce qu'ils profiteront
particulièrement de ces travaux -. En 1407, ordre est donné au
gouvernement de Crète denlever les immondices déposées par les
particuliers ou se trouvant sur les voies publiques : les Juifs doi-
vent supporter le cinquième de la dépense (p. 175). Or, il faut
observer que, même au temps de leur plus haute prospérité, les
Juifs de Crète n'ont pas dépassé le chiffre de 1.160, sur une
population de près de 200.000 habitants. En 1439, il leur est
enjoint de payer annuellement, et pendant trois ans, 4.000 ducats
pour subvenir aux frais de la guerre, alors que les habitants des
cités et bourgs de Crète et de Sithie n'ont à verser qu'une somme
égale et pour une fois seulement (p. 387).
Les impositions extraordinaires du genre de celles-ci sont les
plus lourdes, mais non les moins fréquentes ; elles sont motivées
toujours par l'état de guerre, qui est presque la condition normale
do la république vénitienne en ce siècle ; elles sont le plus souvent
de.stinées à l'armement de galères. En 1402, ordre du Sénat d'ar-
mer deux galères, aux dépens des habitants de Candie, pour la
défense de la Crète contre les Turcs (p. 123); même ordre en
1431 (p. 350j et en 1432 (p. 354) ; en 1465 et 1485, c'est pour
les fortifications de Candie qu'il est fait appel à leurs subsides
(p. 498 et 552). Or la part contributive des Juifs dans ces dépenses
est toujours énurme.
Ce ne sont pas les seuls services qu'ils rendent à la République :
ils sont tenus, à toute réquisition, de prêter au gouvernement de
l'ile les sommes fixées par le Sénat ; il faut voir en 1447, sous
quelles peines ils sont condamnés à s'exécuter et promptement ^.
' Page 13, 25 février 1387. L'hyperpère était une monnaie d'argent valant 1/4 ou
1/6 de ducat.
* Page 143, 28 mars 1403 : .. . passus vigenti vel circa de muro circum Candidam
a parle pouenlis ubi est Judatcha.
* Page 417, 27 décembre 1447. « Cum his elapsis diebus accepte l'uerint mutuo a
Judeis terre firme cerle pecunie pro armamento galeoaorum Pddi, et conveniens siî ut
Judei a parte maris et presertim ci^itatis oostre Candide, qui sunl multi et potentes,
contribuant ad expeditionem istorum VU galeonorum, qui ordiuati suui armari et
pro aliis expensis occurenlibus ad Arsenatum nostrum. Va dt pars quod Judei civi-
talis Canaide l'enerantes teueanlur accoinodare nostro dominio, pro dicta causa,
ducatis quinque milia auri. Et ut imprestntiarum haberi possint iste pecunie, com-
milldtur auctoritate buius Consi.ii Gubernaioribus Iniroyiuum, ut accipiant per
cambium cum eo quaiu miuori damuo fieri potest, dictas pecuuias, quas mitiaut ad
solvendum in Crela nostro Regimiui Crète, de bonis dictorum Judeorum. Et ut illi
qui exbursabunt de liinc dictas pecunias habeant certitudmem suarum pecuniarum,
LES JUIFS DE CANDIE DE 1380 A 1485 201
Ils prêtent au gouvernement de Crète lors de la guerre avec les
Génois; en 1392, il leur est dû encore 20.000 hy|.erpères que la
Seigneurie s engage à rembourser (p. 51). En 1410, le sénat pres-
crit l'emprunt d'une somme de 2.000 écus pour l'expédition de
troupes à Négrepont et pour quelques autres dépenses : si on ne
trouve pas d'autres prêteurs, on devra recourir aux Juifs (p. 202).
Ce sont des banquiers dont la caisse est toujours mise à contri-
bution. Mêmes instructions en 1413 (p. 219), en 1414 (p. 224j, en
1416 (p. 242\ en 1421 (p. 287). On leur emprunte 20.000 ducats
en 1431 (p. 372) ; 5.000 en 1447 (p. 417) ; 3.000 en 1452 (p. 435),
en déduction de leurs impositions ; 1.000 en 1464 (p. 492), en plus
de 1.000 qu'ils sont tenus de payer '.
Les Juifs ont conscience des services qu'ils rendent à la Répu-
blique, et parfois, pliant sous les impôts dont on les accable,
ils ont le courage de réclamer contre ces abus, en invoquant ces
titres et même d'autres qui ne sont pas assez clairement spécifié.^.
Ainsi, en 1389, Sabbatoi Retu, Melchior Gassan et Justof Missin,
Juifs de Candie, en leur nom et au nom de toute la communauté
Israélite de Crète, protestent contre la taxe de 2.500 hyperpères
qui a été ajoutée à celle de 1000 hyperpères qu'ils payaient jus-
que là ; ils font ressortir les actes méritoires qu'ils ont accomplis
pendant les guerres de la république et en d'autres circonstances,
soit en s'associant gracieusement et à titre onéreux aux travaux
du port et à d'autres œuvres utiles, soit en prêtant de grosses
sommes avec de grands risques et sans profit ^. Ces faits sont
attestés par des hommes de condition noble, entre autres par
l'ancien duc de Crète. Le Sénat, reconnaissant la manière louable
dont les Juifs se sont comportés en ces circonstances et aussi leur
ex nunc captum sit quod si dicU Judei Crète non solverent cum effectu intra unum
mensem dictas pecunias post presnntalionem lilerarum cambii in Crela, cadant
absque remissione ad penam quarli, de qua pena tercium sil Re^2:iminis Crète, ter-
cium illorum qui focerint cambia, et aliud tercium nostri comanis. Et nihilomiaus
teneatur Uegimen Crète infra dictuin mensem, sub pena ducatorum \" cuilibet
eorum, in suis propriis bonis, providere cum elFectu ad solvendum cambia, que mil-
tentur de bine ad solvendum de bonis Judeorum predictorum. Et si dicte pecunie re-
periri non possent do hinc, pro mittciido ad solvendum in Cretam per cambium,
provideat dictum Rejiimen exigere infra dictum mensem post receptionem lilerarum
nostrarum, dictas pecunias, sub omnibus pénis predictis, et exinde aul medio cambio-
rum aut aliter provideat quod infallauter habeamus quam celerius licri potest de
hinc iulegram summam ducatorum V™ ducatorum, etc.
' La République en agissait de même avec les Juifs du continent, ainsi, entre
autres, lors de la guerre contre la ligue de Cambrai; voir Cassel, art. Juifs, dans
VBneyrlopédie d'Ersch et Gruber, p. 159 b.
' Page 26, 25 mai 138'J : ... allegantes multa laudabilia opéra quîE feceruni in
guerris nostris et aliis occurenlibus, sciiicet in laborcrio porlus et aliis necessitatibus
in insula nostra Crète, gratis et liberaliter ac per modum mutui in multa pecunio
quantitale, cum ipsorum incommodo non modico et jactura. »
202. REVUE DES ÉTUDES JUIVES
situation précaire, réduit la taxe annuelle à 2.000 hyperpères '.
En 1415, les Juifs font encore une fois entendre leurs plaintes,
mais l'éditeur a négligé de nous les transmettre.
On aurait tort de croire que là se bornait la part qu'ils prenaient
aux charges de l'île. En 1392 (p. 52), on voit qu'ils doivent monter
la garde, toutes les nuits, au nombre de douze, sur la partie des
remparts appartenant à leur quartier. En 1395 (p. Il], ils en sont
exemptés, mais on leur fait payer cette faveur. C'est, d'ailleurs,
la règle que l'on suit toutes les fois qu'on croit leur accoriler une
grâce. En 1386 (p. 12), ceux de Rethimo obtiennent la permission
de rouvrir une sj'nagogue fermée par Pietro Grimani, ancien gou-
verneur, mais à la condition de contribuer aux travaux de cons-
truction du port pour la somme de 800 hyperpères.
En échange de ces impositions ordinaires et extraordinaires,
quelle conduite le Sénat et, par conséquent, le gouvernement de
l'ile tiennent-ils à leur égard ? A l'étranger, on les protège. Un Juif
de Candie ayant éprouvé en 1411 d \s dommages de la part d'un
Sicilien dans les eaux de Rhodes, le Sénat charge l'ambassadeur en
Sicile de s'informer du fait (p. 211). On voit bien l'intérêt qu'y avait
la république. Dans l'île même, une fois le Sénat intervient pour
défendre de poursuivre un Juif accusé d'extorsions et de vols *.
Mais, par contre, toutes les fois que la politique exige de res-
treindre la liberté des opérations de commerce et de banque des
Juifs, on les sacrifie sans peine au désir de plaire aux popuhUions.
D'ailleurs, c'est le siècle de la réaction économique; dans tous
les pays, surtout dans les pays latins, des mesures sont prises pour
enrayer le mouvement commercialdes Juifs et pour favoriser leurs
concurrents chrétiens. A comparer la législation nouvelle à la-
quelle sont soumis les Juifs de Candie avec celle qu'on décrète alors
dans les autres États, on reconnaît qu'il souffle partout un même
vent de protectionnisme.
A Négrepont, il leur est interdit, en 1402, d'acquérir dans la ville
ou au dehors aucun bien territorial ou immeuble, excepté dans la
partie de la ville qui a été affectée à l'ancienne juiverie. i''n outre,
comme ce quartier des Juifs a trop de portes qui leur permettent
d'entrer et de sortir et de commettre beaucoup de choses mauvaises
et immorales, il est prescrit de les murer et fermer à l'exceiition
' «... (idelia portamenta Judeorum prediclorum ia serviciis nostris gesta tempori-
bus opportunis. •
* Page 3G9, 23 décembre 1432. Le Juif, de Relhimo, se nomme Crossone. — L'an-
née precédenic, 30 mars l''i33 (p. 3n8l, le Sénal avait ordonné des poursuites contre
le Juil Otiaviaiius Bunaiuta, de Candie, sur riusligation duquel quelquespersonaages
sélaienl livrés à la vente des cbarges publiques.
LES JUIFS DE CANDIE DE 13S0 A US^j 203
des trois portes principales de la juiverie. Enfin, la juiverie ne
pourra être étendue, sauf par grâce spéciale de la n'^pubiique
(p. 131). Négrepont devançait ainsi de quatre années les avantages
que l'île de Cor fou obtint contre les Juifs '.
Bien plus, les Juifs ne pourront tenir boutique en dehors de leur
quartier : telle est la n'-gle qui doit être observée dans toute l'île.
Nous ne savons quand fut prise cette mesure, elle doit être con-
temporaine de cette institution des ghetti. En tous cas, le recteur
de Rethimo, Ser Marcus Marcello, ayant accordé à Salomon, fils
de feu Lazzar de Meir, et à ses fils et descendants, d'avoir des bou-
tiques (stationes et appothecœ) hors de la juiverie, des plaintes
sont portées en 1412 au Sénat de Venise, qui révoque ce privilège
et déclare que les Juifs devront à Rethimo se conformer à ce qui
se fait à Candie et à La Canée (p. 213).
En 1423, la loi édictée pour Négrepont en 1402 et pour Corfou
en 1406, est généralisée pour tout le territoire de la République :
les Juifs ne pourront plus acquérir d'immeubles "^ sous peine de
confiscation, moitié pour le dénonciateur, moitié pour le trésor;
il leur est accordé un délai de deux ans pour vendre tous ceux
qu'ils possèdent.
Mis en goût par ces rigueurs, les concurrents des Juifs deman-
dèrent au Sénat de mieux les protéger encore et d'interdire aux
Juifs de servir à l'avenir de courtiers et aux chrétiens de les em-
ployer comme tels. Ce projet, présenté par deux conseillers de l'île,
fut approuvé en 1433 ^.
Mais c'est surtout dans les entraves apportées à leurs opérations
de prêt que se manifeste cette réaction. Que les Juifs fussent sur-
tout des banquiers alors, c'est ce que n'explique pas seulement
l'état social du temps, mais encore l'organisation même de l'île*.
La république vénitienne, après être devenue maîtresse de Candie,
avait tout d'abord laissé aux habitants leurs terres et leurs pos-
' Revue des Etudes Juives, t. XXIII, p. 1)9, On voit ([ue les Corlîotcs, pour appuyer
leur demande, pouvaient invoquer un précédent. En tout cas, l'identité des dillerenls
articles des deux roLrlemenls n'est pas fortuite.
* Pajie 297, 26 septembre 1423 : ■ Quod est contra diviuurn mandatum et in onus
ac infamiam nostri dominii, et quod pejus est, nisi de salibri remedio provideretur,
ipsi in brevi tempore, pro inajori parte, possiderent in aliquibus terris et locis noslris
plures domos et possessionesquam chrisliani, > Le Sînat avait renouvelé la même dé-
fense à ceux de Venise, lu 2 mars de la inènie année ; voir FTchr. Jiifilin//r.^ \'l, 66,
3 Page 3;:;0, 22 septembre 1433,
* Les Juifs s'adonnaient aussi à la médecine dans l'île, on le voit suffisamment
par ies noms de médecins cités par M. Steinschneider; mais nos documents !e
montrent également : le j> septembre 1441 (p. 399) le Sénat met bon ordre à la fraude
de beaucoup de gens, surtout de Juifs qui, sous prétexte qu'étant médecins, ils ont
des lettres d'exemption de la république, ne pa3'aient pas certains impôts.
204 REVUE DES ETUDES JL'IVES
sessions, mais, dans la suite, elle les avait confisquées pour les
attribuer aux colonies militaires, formées de nobles et de citoyens
vénitiens, qu'elle envoya dans l'île : dans ce système féodal, il n'y
avait pas de place pour les Juifs. Comme ailleurs aussi, les besoins
des populations nécessitaient le concours de prêteurs, mais ces
besoins étaient surtout produits par l'avidité du fisc. En effet, ces
vassaux, pour prix des terres que leur conférait la R'^publique,
étaient tenus de payer un impôt considérable appelé tie'rs du fro-
ment : c'était le tiers de la récolte, fixé d'avance. Si l'année était
mauvaise, c'était la ruine pour eux, puisque l'impôt absorbait tout
le revenu des terres : d'où nécessité de recourir au crédit. De là
aussi toutes ces hypothèques prises par les Juifs sur les propriétés
de ces colons, et qui faisaient si souvent craindre que les Juifs ne
s^emparassent de l'île entière. Pour remédier au mal. sans dimi-
nuer la source de ses revenus, le Sénat de Venise mit en jeu
deux systèmes. Tantôt, il réglementait les opérations de prêt en
réduisant le taux de l'intérêt. C'est ce qu'il fit en 1398 à La
Canée (p. 94). Les Juifs de cette ville prêtaient à 25 0,0, tandis que
dans les autres parties de l'île, ils ne prélevaient que 12 OyO (taux
légal, d'après le droit romain) : il leur est enjoint de ne plus pren-
dre davantage, sous peine de perdre capital et intérêts, lesquels
seront attribués par tiers à l'accusateur, au recteur et au trésor
public. Ou bien on ne leur permet plus que de prêter sur gages
mobiliers, comme en 1449 (p. 424 et 4-25). La recommandation
était presque inutile, puisqu'il leur était défendu de devenir pro-
priétaires de biens mobiliers. — Tantôt on protégeait les vassaux,
en imposant un concordat entre créanciers et débiteurs. C'est à
cette mesure qu'on eut recours en 1411, pour certames catégories
de Candiotes qui avaient quitté l'île ou qui vaguaient dans la cam-
pagne. Mais, séduits par ce moyen commode de gagner du temps,
beaucoup de colons avaient usé de la même faculté, quoiqu'ils
fussent dans l'aisance. L'abus parut choquant au Sénat, qui,
en 1415, déclara qu'il était juste que chacun payât ses dettes,
étant donné l'utilité du séjour des Juifs dans l'île. Les intéressés
résistèrent ; les Juifs et les vassaux envoyèrent des délégués
à Venise. Le Sénat ordonna de constituer une commission de
trois nobles chargés de s'enquérir de la condition, des res-
sources et des revenus des vassaux qui étaient entre les mains
des Juifs et de concorder les débiteurs avec leurs créanciers.
Mais on ne trouva pas trois nobles qui ne dussent aux Juifs;
trois proviseurs furent alors délégués de Venise pour constituer
ce tribunal. En 1418, l'affaire était loin d'être terminée, malgré
. le terme fixé pour le concordat; sur 1970 personnes inscrites,
LES JUIFS DE CANDIE DE 1380 A l^iSo 205
338 seulement avaient été concordées. Elle traînait encore
en 1420 '.
Il ne faudrait cependant pas croire que les Juifs aient toujours
été des créanciers, ils ont connu aussi quelquefois la condition de
débiteurs. En 1387, un certain Philippe Pisansano a été mis en
prison pour non paiement de taxes et de fermages. Il est relâché
parce qu'il est un bon et fidèle sujet et que des Juifs lui doivent de
l'argent (p. H). Eu 1421, un an après les démêlés que nous venons
de raconter et qui semblaient indiquer que toute la noblesse était
ruinée au profit des seuls Juifs, trois nobles, SerNicolaus, Ser Fran-
ciscus et Ser Paulo Gorrario, ont pour débiteur un Juif, Ghersen,
fils de Salomon, habitant de Rethimo, énormément riche, qui leur
doit une somme considérable (p. 288).
Il est difficile de suivre les vicissitudes des Juifs pendant ce
siècle, les notices qui pourraient jeter quelque lumière sur ce
point sont trop clairsemées. En 1389, les Juifs se plaignent du
déclin de leur situation, qui a empiré à cause de la diminution de
leur nombre et de leurs affaires, tant à la suite des épidémies qui
sévissent dans l'ile que du déparfde beaucoup des leurs ^ En
1395, pour justifier l'établissement d'un nouvel impôt, le Sénat
allègue, entre autres, l'immigration de nouveaux. Juifs riches
(p. 71). Ges nouveaux-venus, comme le fait remarquer une note,
étaient peut-être des exilés de Venise, d'où un décret du 27 août
1394 avait décidé leur expulsion pour l'année 1396. Peut-être
aussi étaient-ce des Espagnols qu'avaient fait fuir les terribles
événements de 1391. D'ailleurs, par sa situation, la Crète devait
attirer les voyageurs, et l'on voit, par les noms des écrivains qui y
vécurent, qu'elle servit de refuge même à des Allemands K
Trouve-t-on dans les documents que nous étudions le souvenir
de quelque épisode de l'histoire des Juifs de Gandie à cette époque?
L'éditeur le croit, et lai, qui d'ordinaire se montre très sobre
d'annotations, ne craint pas de voir dans les décrets de 1449, qui
réglementent l'usure aussi bien des Chrétiens que des Juifs, le
contre-coup d'un événement raconté par la Creta sacra (t. II,
p. 382-83). « Les Juifs, dit-il, montraient alors en Crète une grande
• Voir p. 239, 242, 244, 245, 262, 264, 274.
* Page 26, 25 mai 1389. On voit, entre autres, Abraham, fils de Léon, de Candie,
écrire un ouvraj^e à Barcelone en 1378, alors qu'en \Ti-\ il copiait encore à Candie
la traduction hébraïque des Éléments d'Euclide. Voir Steinschneider, }h\<l., III (1880),
p. 55. Peut-être Hiyya h. Juda de Candie, qui écrivit vers 140:> des traités d'éthique
a Padoue, élail-il de ces émi;j;rés récents {ibid., p. 283).
5 La famille des Del Mediaio venait d'Allemagne.
206 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
mauvaise vol(3uté à l'égard des chrétiens, les accablant par une
usure intolérable et même allant jusqu'à crucifier des agneaux. »
Un peu plus d'érudition lui ata^ait appris que cette accusation
saugrenue, diminutif de celle du meurtre rituel, était classique au
moyen âge. Encore au xvii« siècle, ce bruit était accré(iité dans le
Comtat Venaissin. D'après André, sous l'épiscopat d'Horace Cap-
poni, en 1603, le vendredi saint, les Juifs auraient traîné à Carpen-
tras la croix dans la boue et auraient crucifié ensuite un agneau.
On punit les coupables, et l'évèque fit dresser devant la cathédrale
de Saint-Siffrein une grande croix avec cette inscription : Ilora-
tius Capoiiiiis, episco]). Carpentor. Florent inus, crucem hanc
sumptihus Hehrcieorum erexii ui quam irriserani magh cons-
j'jicîiam venerandani aspicereni *. Il est à remarquer que cette
inscription passe sous silence ce prétendu crime. Mais la légende
n'était pas bien sûre d'elle-même, car, au dire de Cottier, « le délit
qu'on reprochait aux Juifs de Garpentras et dont ils étaient
restés convaincus, par suite d'une procédure prise en cette occa-
sion, était d'avoir mis en croix un homme de paille le vendredi
saint en dérision de la religion catholique - ».
Les documents publiés par Noiret nous donnent la version au-
thentique du règlement de 1387 (22 janvier) concernant les Juifs
de Corfou. Les lecteurs de cette Revue se rappellent qu'il a été
signalé ici même, mais l'analyse en est si vague et si brève, négli-
geant les parties les plus intéressantes, qu'on se demande .si le
texte dont s'est servi l'auteur de l'article était bien fidèle à l'ori-
ginal ^ Voici le bref résumé de cette pièce :
Les Juifs ne pourront être lésés ni molestés par les recteurs
(gouverneurs de district nommés par le Sénat de Venise) dans
leurs sépultures par la mise, dans leur cimetière, de fourches
auxquelles sont suspendus les voleurs et autres délinquants; ils
ne seront pas forcés de jouer le rôle d'exécuteurs ni de garder les
' Pour qui a l'haLilude de ces sortes d'inscriptioDS, celle-ci ne vise pas un fait par-
ticulier, niais le crime originel des Juifs. 11 est bien évident que c'est l'inçcriptiou
qui a donné naissance à la lépende. En veut-on une preuve indéniable"? C'est à celte
époque que Capponi faisait des embellissements considérables à la cathédrale, et c'est
juste à ce moment que les Juifs se seraient avisés de ce sacrilège, pour permettre à
l'évèque d'ajouter cet ornement à ceux dont il enrichissait l'église !
^ Le dernier Bulletin de l'Alliance israélite universelle (1893, n" îî) peut servir à
illustrer ces récits; on y voit que la croyance n'a pas perdu de sa vitalité. Un porte-
faix juif de Magnésie ayant été chargé de conduire un cheval chargé de bois, au
retour l'animal cria. Les Grecs poussèrent alors des cris d'horreur et répandirent le
bruit que les Juifs, n'ayant pu se procurer du sang chrétien, s'étaient servi de celui
d'un animal.
» Revue, t. XXIII, p. OC.
LES JUIFS DE CANDIE DE 1380 A l/.So 207
prisonniers ; ni de comparaître en jaslice les jours de lears fêtes,
sauf en cas de nécessité ; ils ne seront pas plus imposés que les
autres « in facto armandi ipsa ligua, barchas vel alla navigia ne-
cessaria » ; ils ne seront pas obligés de prêter leurs lits (eorum
lectos), ni leurs auimaux ni rien d'autre pour Fusage des recteurs
ou celui de leur famille ; ils ne feront que quatre gardes par an,
comme les chrétiens.
Ils devront porter certains signes sur la poitrine ou ailleurs
comme par le passé ; les recteurs devront tenir la main à l'exécu-
lion de cette loi.
Comme ils sont accoutumés par un antique usage à recevoir des
pierres, à certains jours de l'année, du haut des murailles ou des
tours, surtout par les officiers publics, dans Tintention de leur
extorquer de l'argent, ce qui est contre toute humanité, à l'avenir
ils ne pourront aucunement être lapidés par les chrétiens, officiers
ou autres, de nuit comme de jour, si ce n'est modérément et par
ceux qui en ont l'habitude depuis longtemps, et seulement aux
heures où les litanies passent par la juiverie, suivant l'usage et la
foi des Grecs ' .
La pièce se termine par i'énuraération des précautions prises
pour empêcher que les Juifs soient trop victimes des usuriers
chrétiens ^.
Or ce règlement est presque entièrement la copie d'un privilège
accordé aux Juifs de Corfou, en 1332, par Philippe, prince de
Tarente. « Parmi d'autres documents conservés par la synagogue
des Juifs à Corfou, dit Mustoxidi, se trouve une lettre de Philippe,
prince de Tarente. Dans cette pièce adressée aux autorités de
Corfou, Philippe se plaint comme d'une injure et d'une tache im-
primée à son gouvernement que les décrets rendus par lui en fa-
veur des Juifs de la ville et de l'Ile de Corfou ne soient pas exé-
cutés. Les fonctionnaires enlevaient les lits, les vêtements, les
meubles et les bêtes des Juifs ; ils s'emparaient de leurs personnes
et les obligeaient à servir gratuitement comme marins sur les
vaisseaux de guerre ; ils les obligeaient à comparaître devant les
tribunaux le samedi ou de travailler le samedi et les autres jours
» Ilem cum dicli Judei es aaliquata consueludiae sinl solili lapidari aliquibus
diebus anni a meniis vel lurribus civitatis, maxime per ofûciales iatendeales dicla
causa ab ipsis pecuaiam extorquarc, quod est contra omaem humaaitalem, quod de
celero ipsi Judei nuUo modo lapidari possint ab aliquibus chrisliauis, ollicialibus vel
aliis, de nocle vel de die, nisi moderato per illos qui aaiiquilus lacère solili erant, et
illis'horis tanlummodo quibus lilaaie Irauseimt pi^r Judaicbam suam, juxta morem cl
lidein Grecorum.
» On ne nous donne pas le texte de ce dernier para-raplie, il serait intéressant de
le connaître [Misti del Senato, Rey. 40-60, 1» 58 verso).
208 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
de leurs fêtes: ils dressaient des gibets sur les tombeaux juifs,
forçaient les Juifs d'exécuter les condamnations à mort et les
autres peines infligées aux malfaiteurs. . , * ».
Mustoxidi aurait-il tronqué ce document, ou le Sénat de Venise
aurait-il accueilli d'autres plaintes qui ne s'étaient pas encore fait
entendre en 1332? Quoi qu'il en soit, il est intéressant de noter
cotte coutume de la lapidation, qui rappelle singulièrement celle
qui sévissait à Béziers et dont se rachetèrent les Juifs en 1100,
Nos documents (p. 329' nous ont également conservé le texte de
la décision prise en 1429 par le Sénat de Venise, pour interdire
aux patrons de navire de prendre à bord (pour la Palestine) des
Juifs ou leurs marchandises ,p. 329). On sait qu'un Juif allemand
de Palestine avait obtenu du Sultan le tombeau des Rois, qui jus-
que-là était dans le monastère des Frères-Mineurs. Là-dessus le
pape Martin V lança une bulle qui défendait, sous peine d'excom-
munication, aux patrons de navire de prendre à bord des Juifs ou
leurs marchandises pour ces lieux. Un moine, gardien du couvent
des Franciscains du Mont-Sion, vint soumettre la bulle au Sénat,
qui fit écrire à tous ses officiers de tenir la main à l'exécution de
cette interdiction, à l'aide de peines pécuniaires. Ces ordres furent
envoyés le 4 juin 1429 à Corfou, Modon, Coron, en Crète, à La
Ganée, Rethimo et Nègrepont -.
Israël Lévi.
» Revue, t. XXUl, p. 65.
* Od trouvera des détails sur celte affaire dans M. Lattes, Di un divieto fatto dalle
republica Veneta ai pelegrini ehyei di Falestina, Ârc/iivio Veneto, t. V, \'' partie. Cf.
Monatischrift, XXII, •282; Graelz, VIII, 4 48. — Il est curieux que nos documents
n'aient conservé aucune trace d'une hisloire contée tout au lonjr dans 'E))r,viy.à àvÉxoo-a
de N. Sathas, Athènes, 1867, p. xsvi et suiv. En 1403. une conspiration lut ourdie
par Silios Blastos contre la domination vénitienne en Crète; mais elle fut dénoncée
au Conseil des X par un prêtre et un Juif, nommé David lils d'Elie Mauro^ronato. En
1462, nouvelle conspiration dirigée par Jean Gavala, et dénoncée par les mêmes
personnages. Le conseil des X, en récompense des services rendus j^ar Maurogonalo,
lui vola un certain nombre d'avauta''es.
UNE LETTRE D'âBRâHàM HA.-YAKHINI
A NATHAN GAZATI
Pendant son séjour en Italie, le savant libraire R.-N. Rabbi-
nowitz acquit, en 1887, une collection de lettres et autres docu-
ments relatifs au Pseudo-Messie Sabbataï Cevi. Cette collection,
que j'ai achetée, contient les pièces suivantes :
1» Le récit de Barukh d'Arezzo, intitulé bNT>::^ -^-ab iinDT (voir
Graetz, Geschichte d. Juden, X, notes, p. xxvi), en deux exem-
plaires; l'opuscule mi» ^3i: des frères Francis (imprimé dans le
T» by y^2^'p, I, 101) et d'autres documents encore.
2° Quelques autographes, tels que la lettre du collège Kélér
Tora d'Amsterdam à Sabbataï Cevi, signée, entre autres, par Ben-
jamin Moussatia (imprimée dans le -ini: baiD nj:-'2C mirp de Sas-
portas, Amsterdam, 25 &; la renonciation de Nathan écrite sous
la pression du collège rabbinique de Venise (imprimée dans
r;^ma i'i'::yn et mN^pn n-.m) ; une lettre d'A.-M. Kordozo de l'an-
née 1614 (reproduite dans le bms n^^i: complet que je possède
en ms.), etc., etc.
3'^ Copies de lettres relatives à Sabbataï Cevi, dont la plus
importante est la lettre d'Abraham ha-Yakhini à Nathan, que je
publie plus loin. Abraham, savant prédicateur de Constantinople,
fit une propagande active en faveur de Sabbataï Cevi (voir Sas-
portas, l. c, 12«), et Nathan fut un de ses principaux collabora-
teurs. Il est intéressant de savoir dans quels termes ils parlent
entre eux de leur Messie.
Cette lettre nous fait connaître un épisode galant de la vie de
Sabbataï Cevi ainsi que d'autres détails qui étaient ignorés jus-
qu'à présent. Elle ne donne ni date, ni nom de destinataire, mais
il ressort de son contenu (§ 9) qu'elle a été écrite vers 1673 et
adressée à Nathan. (§ 1), pour lui recommander un certain Elie, de
la Pologne (§ 13 et 14), qui se rendait à Sofia, où résidait alors
Nathan. Quelques passages de cette lettre, qui ont une teinte
T. XXVI, no 32. u
210 REVUE DES ETUDES JUIVES
mystique, sont assez obscurs; j'essaierai de les expliquer dans des
notes. Je donnerai également quelques éclaircissements, à l'aide
de documents imprimés ou manuscrits, sur les personnes et les
événements dont Abraham fait mention.
Voici la lettre :
;m;3N":;r! nrinrm m^rr- Vd ^r^i"^ ,(2'n:"-^r; ^l1•^^<r;•^ ^•^nvi'r:
"ipn73 ,n'::T:;7:i p":;'rr:r; n"N"'V'^- "m ri^Virm r"rri::;r! '"ly b"5?3
ï">Ty^r! mN-"- mcTs ,n:n~n mrrîpn rwj-^i-' mc-rr-i p-ipn72rir!
,(?)r-n:-iD b=i mTi::<r! n::r-':r: m-;D ^-ncn r-n-i-an (? 5-,vir:;ri)
ï-n-'pîN- rT'73-';sr! mbrc-r: nn— : / r:;-,:: cvnn rr'rr) n^s-', ■'^bx
î^bbD -TirD-v:: ^-l-lP p-c:: ,r-,-i:nD "jn r^s-^j^ û-'pbN rrr^wx:: rnrz
im-i bpCTo ,m;:p_72 m ';i7:-iw\"i n-'^n nsd ■^;d T"nN7:^ r^xr^r N3pn:i
r-nD'CDn73- r;Nb;-' -w\?;'7p :=:-n-; (? t^nn) r;T-i3 r-trm niz'zn mn
bsn nnbi- r:rNn Nb ^y "irT^N",:: bis:; pn-?: .ni;:;- bx n-'"'N"om
t>:b3 b'^'^y ti^r^br- 'cn^wn mire- "w^îj , j— n;ir-in"i nb^-^nr:
î-în722m vip-n tz^^n- n-]:-iN3 -p-^io t-T'"wD:?3 mnN- Nr-;3 -n
r-nrin373n h^D tiD/û: Tr^a ûm^j -^tî^ n::"c» ,rTi;ir::r: bsn xsb:?
-ip-^ Sdi mmj^r: brn m-ib yisi m:» br3 ï^t'7:-';-:-i r-irrstnr;
ï-;ib nr-'-nn -r'::p sriTr: nnï^a ,ï-n;-^r»m ïm-ir;;ri brn -i:"^;' r;pN-i
r-îNbDïn in-ûCD t^"^- nnx i"ii:"i"'b rrn ï~in2 l-'i«b^:? ';-'7:di3 r-nap
-irtiTT NbsiTû "nïî bD3 innm l^b:? -ip-3 -insiTa -iTrw .mian "["^n nn
Nb û3> bi' nnxn ^2:2 -cns-» nii: :i-i'>:;d nr-i:» noi-pn nr7:'w: -.-^nT?:
V>:î"'"ip r^'^''^^ )^^'2-^ Nim anbon rris û"'pTw:? ri?:::b t^jbpT^ ,n-;i3
-no û-'-onp -no nonnn ti:^ tdt'3 ^-'^ ">::np7j ,r-n;-i5n -in^v sm-iTn73r!
--r:-:- in-nn bnp rtii-'b:»:! ^tin y-ûCTo .mr.sbr r:7:o bano m-irtij
,e<"':o"in3 pp'":r7o 1^^121 'j-'-im V^'T^ Ni:'-i"'b t*«î"w\Ni N::n t]">bn7o
"•-in lo-'n "^b N-m t-»::-':^ N-in;- "jn^ h:N 'n -i3i Ti-'n 1n2 irnb
•jnr-i bo ï-<3n irbx ribso: -^o "iro?:b r-îNir-i V'^ l^i"' "'^^ '"'^
r-nobn a"'m7jr; n; "i-,t' ';^;^-l^:n■l 1^!^-n•:;: brn ]r.t,-\ 'j;"2C ir-'^
■«niN m-)?: -^lisn bo -,po73 . ï— nnsr ■'rni r- ii;7:bN iiûdct: ^''^i-pa
!-!:'Tw^2 r-is-^': r^:n7:N3 i:n7:i iwxc-j ^\sib^-: -^rn^xn t=-o (^-'ïnNi
t-'pbN" "'^■'^^ ">r"npn nrn-i !-i72ip -nj^-ian ^Tcn riTcrna b2bî7û
■i2-'o-^-n73 ^■'innb irn7:b73 nrpp'^'^'^ irccîb ï-im^To "ins — ',cn
îZiV-*^" 'ir7:=n3 "imrT::^ inannpn —ri-:: 2b -,;33b7: i:2:7:n73
K-n: nnN -lanb -n;* r|-'onN !-t72t n^bsiTon inv::-3 (? rr^p'^Nri)
.^■^•w-rnr; -^-.^t -no Y-"'^"' ^"' ^"'pbNr; •w\n -w-np" irn-i rirN
' Allusion au /SV/e>' Yeciia, IV, 12.
UNE LETTRE D'ABRAHAM HA-YAKHIM A NATHAN GAZATI 211
^"1^-72 i;pi-in3 TwN an:?!:?:- rz-^nr: n-'Y?"' nn-i-j a-iio rn^o
mttv::-! m;rT3 r^ib^; r]-^:: q-^-j co-jna d^-:> dwS nb^^n-'T ■•pbi*-
ï=7:t !i<-'p^ cmnx n^nnp n-i^Tj i-D"«DD i::'b3 b^srn dinwt ->ro
•^nn Sn nrb-^ r-.sirjr; tsipT^bi niïmp n-i a-i:?): -^d tsmwS^i:?:
.mr;n tzîrsb
TnN Trx nb^n zixnD rns ■'r?:ca -^d r-rJ^"-!- 'CM-pr, irnnbi .3
"rpiTûD ■^mKj::' n72Nn rtsr; nn-iN^^r; D-^nwr; û-'c;î<- nbwS sn"i7:i:r br
n3>i3 -^nbi ^i=:-':Dbi ti^xn v^ ysp^ai ^bn:: ^:nt csbir- it: ûrr^-'n
■^îD-3 SnN nb-^bn V'n nnbN -rij^ro ■'jTJî3 t^bn a-'^j-r: ab ir -Cîîn
■0^5 ric-in M n;: !-t-i7:t î-rbnna ï-Tp;>i: p:'::NT ^b -r^n- bN-;^^ br
r-inn ■'3273 tîî-"' -^d clts ■'ct tri-'n-i^ûi fDin "ir^n sV'**"
ly x^ i;->;TiN mT p V'"^ "^ '"'^"' "''"'"î^i i=:'':'«^b-2r;n tî-^-iorcr:
tzinrobn cn f<::n cnxTD r-in^^n;-! !-î.s2 r-7;r; !m-nc72- in-r^c
^573 "int< nsn-i in-'ni: ts-'-yi^nn-'-i a-'mnT ti:-'"wi;n-: ^^^r 'j''?:'^ p
rc-isbT nn Y-'-" i-''2^~i< ~wS S-^nn-b gt-^ r-îrb;n S.sTw-^
T^n-^iN "^r) h::? a-^n3Nj -^^r S=i y-,N "'i^p tn inbnrn nsno-T:
n:3T:*"^ e*^b i-317:n V-^^ '^ '-^^ ^^'^ ''"'^"^ "'^ imrv- av.'^o
.ïn2i7:b û-b nain 'r.-n ûV2
i;"';TrN' rn-nm (nm-ivj) mnrj b:^ n:Nn-3n n;i:i si:^*n no ^-^v^!3^. .4
rrbwS rii'TT' D"'-in?2D b-'bn din^c rrsn -ibr; 'r, ■^^■'ik vn-'is ns-'-î-i rrn
bipi r^p-i-^i -im:3r! ni- -^d bNTw"' "Ctip ir-mp m-ii br ûi-in-"
y"i7:3 mob *n5i»nri V-"'^ '"'^ ''"^^ ^'"^'^ "':ii*7û">:: rr^nî? N-ip-'T r;pr-j:
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■tt^'t; "«b"»:: "'72;' nnpa ""^nnTjo ai"' l''72by '^Tcbyb bnnnn Nb ■>-
^-nna a^bnwx:; in3:>^ t^^^nn y:' ^ "cm 1pn7o ^nnb S^:;-^ ''b^s
■CN1 n3\Nn -^n ♦bNi"::"^ nrr» n^i^n nns'^ ''0. "i^sï^ ■';n73n3) "laoï^
asN arT3 ''^isn^b aip a;nT mn innb Ni^ a a in 73 (?">:;Nr;3i
» Allusion à j/e«flAo^ 09 « : rfi^?: Hci^D rbr:: b-'s ■^■:n "3 ■^7;"i "^rn
vin rr^a "^-in rîN"'pn"i«
* Nathan fut excommunié à Conslanliuople [cf. "^n:»: ^^"i^ Pli"^jl, *?d. Amster-
dam, 45]. Comme Abraham ne voulait ni approuver cette excommunication, ni se
déclarer partisan de Nathan, il allait et venait pendant la cérémonie de l'excommu-
nication. Cf. Menokot, mb : a'^icbi ri^Nn )')2 "iiSN n"'2ri 173 Tn;ri bnN-
* Voir mXDpn nilP, 2a, Nathan s'appelait autsi y73"'D3 ; de là, PN llPa
* Les lettres de ces mots valent 814, comme les lettres du nom de "^SiC "^PD"^.
' Les lettres de ces mots valent 815, comme les lettres de ^2it ^NP3w.
* Allusion à Bcreschit rabha. ch. xliv : pn72i:.* "^PiaT . . .a'"lJD 'y'-'^ "iCJ'^'vlîa?
212 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
*3n 3-1:? t^N D-i''3Ni n-nirn niiin annb >im "^j^d» c:nn
n\n s-^: nVi a-^: -^sn s-^nai- nbwS iriT-n '«liTipr; nrn-i .5
T'"ip7:T nr:i";N r;"::^::^ pisn-'i "sb mz'C -j""'pn -,cc:: msa cbiD
■^n?: ■^D» f :t»::n"i û"'7:'«b hrnm-iïb ^i^r;'a m^'d ïioy cpbNrr ""D
Tbïbïb nD "jnnnD ûnb "jm; r;"npr; mo mn?: «ni: no rî:'
■^D-nn :-::- r-nnn n-n mb^cinm ,"^n^7:N!-i n-i'CTob lEnnbn
irn-i i^Db r-m;Ni mr:2n r-n.x-ir:b \-ind t-<bi •^z^'^yn ::":;Dr;
i-in-no î><-'m3-',rm ï-rbnar: •::T^p^^ irmb -,e5n ï-!-:"i ••;
rTomwSTon mjî'ir! ûr D"':T'brr; T^np-r ']-i-; i;i:itn ïrcro p^-d ■i:-i-'i'3
£2mpD nn-^s rir-irr nNT ts-'b^yro-^r! ns-'Lîi'n r!E^::ym mr ib ion
Y'y "^rwon -^rrr: "^.n Ti-'irn r^mm ir^an r^bi i^'T' xb -^d !-f3-,7:b
•'D i-tb-'bn nb-^bn i"n ï=;"'N-n:rî T^oy-j ^r Nb nin r>:b2:r; lip-rir:
■i"nD 'r: o-jp?:^ bbi^Tw^T -^"1:3 inba nn^iWN '—.jtnri ■'rr^i -i7:n Nin
on-p nriiiN tsynn -::b -^abn \-i-i-:n b^x :?-!V i:inN n^rx^ t'T'
s-iN nncrs lionp nnNT Szsbnj' iin ï*<^r: i-î.Nbcïrr '^n;-i72N?3 bjîTji
Nb ^nDiiT ■^-im a:' ■'3 'OTi'pTi ira-i ■'-.;♦:£ r<!ir; n- r^-^mnK anb
r-i:ia; r-tmcm i^is: ^v^ 'c^'n-p ne t^d73 r:30Na ^;• ■'n:?n "nprr»
■^"j? i:7:n3 n-«07ar; ^:i7:n3 bN-ic-^ nbo^i Nbo T"-2-pT, oin-i Nb r;7ab
r-i7:N3 T^Oi'» ^rio un "^3 ^t -inx -7 î-i-.inr-: it. cs-in-ii; a'^Oi*?^
hrx-iw"' r-inbb^ ^piops "^ba rii<b"i::> Nn'':Dm ■'^^■'pnb "j-iIut: r-îinrNT
tzir^n tz^-^yiv srN ano r:;:3 r,"2'pr> tb-'or-' r:7:b n-^rn^a turso
bN-io-' omp ws-n;n ' r;Tn:N -^3 tz^p^Nn o^s irn-Nb rin .7
5>32:wN3 '•'DN T^ tibco "^nb Sr r-ibr-' ><b -^3 V-"~ iniX3 -^b nbo
nmn Sy ip;i?2N -ribNn i'^CD t;5T ^îd-iin^û" ï-n^:- bo !-i;:2p
r-:r"i30 -ibsT pDD ibn imiN ■^nn-r hî3i rnonb i:t^-i i-fn '^^o
sn-iwX'o Nim —.37 13 mb-^-:; ir rrin ï-nr:- PwSj:-:: t=v:->r; r::ipbT
"'ZDS ib-^r; ns ^.pobp ".i: ^d r>î-,i: Nbi: no;» tz-'pbsr: "^3 nbo
ai-iNn û5 m-i t:"i^7û npiN ^-!wN-,-i ba ■^33 £3331» o?:?: 'nNn T3N
\-iOTiN npib -^rTîN !-ï-ûb 1:7:7: î-rnpb'w mi'3 ■lr:^^i<b ^.TjH 'xr;
* Voyez la uole -i de la paj^e précédeule.
« On lit dans le • Livre de Zeroubabel • [Bel ha-Alidrasch, II, 56) : mTûyT
T'bN iNi:">i ...-'bN n7:N"^i ..."';7:7: bNO b33TiT nwN-'T 1^^^ ';Tn::a»
13 •ia'^3"'i ...n-'OT: Nin ■':n bwX-'T:^' p -iton-' nnbi b^nc*^ "'7:3n bD
...1P1M n-'T3 npNO 17:3 ir:i73ii D''?:3nrT. Cf. b3i: Pir-'ii: mifp
■^212, éd. Amsterdam, 11 b. Je ne connais pas le nom de TITi' "^""lî: comme désignation
du Mitatron; il dérive peut-être du nom de bN'^'SIT: (Yalkout Reub('ni, éd. Ams-
terdam, 27 a). Ailleurs [Hékhalot, ch. xxvi) ce nom de Mitatron s'écrit ^N'^IS"!?:.
' C'est sous ce nom que Sabbalaï Cevi est souvent désigné par ses partisans. Le
mot !TT'73N est une abréviation de ^1^T^ ûlT^ i:3b7: i;:nN.
UNE LETTRE D'ABRAHAM HA-YAKHINI A NATHAN GAZATI 213
bnan?^ vod:^! iiONin oi-iNr: p nwNa pr; r^3^n ^^^n riïJaDri tn
"^r)! m-^bN:>;jc-'r! riNTr: riToiNn bD -^23 nmiN p t^mc t3'03
Qw3 nb-T! riT ''^lipic î»<-n;rî t«<bDrf r:T t-i7DbT -,72 nb t-'mDn;^
n-i !-T3 nbu: i^b ir-i^inNi r-io-nN^ri Ti-'^y^T, ]-!2 n:3 Kiri'j irîiiN
nrîTiN r-i;i72N -«pb^^ T'C:??^ iNboî (i. nsnT^xail î-iditonst mT^xn
n;in-i nbn û'^'::-' n7:i< bx î*^;n -idt mpn f'pbx -nnD bn^ i"'rD:?3
So-2 i-^nnb -im ■'i:n in "ai ijb "vI^-id-io ts^bnns tziron-i o^^pr^
ï-IjKNS y-i^ —.ly- ni:?: n::'-!b û^pbwN- c^x ir^mx ?-ti:i-i dn .8
!-n-'3:? r-nm:; i-tn"in;n r;- nx Sdin ht rrbTi:; s*<"imn-i;*3 N'^n -"d
t::n m^o:D ■^rnn D-^n-i D'^»"' -t ■'"DGn 'n 'n a-^-in-b ib-^nnri un
!-i3-in iN-'i:!?:! riT rnx nt ij-^'^Db- -^d ï-i-ipw tsnb r;-ipT ma xb
tp^\^ iMzi^ ^n^D ■>":? ^:"|;^n^{ s-in t«:)-i50 ii^n S:ib5 û-iiab tzii-rss
•:pOD -^D Ssbri Mt bDT &n:?u;-i3 1313-1 "713133 mps ^d Ssbsrs
£]iDn:?3n "[in bn:i np-ibn?: bD2 n^tti ûmi-iTDNs mpiirn b^ nr -inx
1D1N3 tnii^'i 31 Si3b3 -|irr; !r-5b3b3n:i n- ar ht &i-!DiDr7
113 N"D miinN i\x"i ^ï^^^ V^^ apc- 11N mbu: iwi jznbïj i^ws-^
t3ri3 !-t3r!N ûr;3 tib-:: 3b3 n72N3 î:3i-i7:N2rr nsiiiiN '— nn i;i«n?d
DrNi nuTa niû^ ûTi nnirpc a:? nibiis ûiT^n-n m:'*i-n -inN -nni
p^:: r-;-i72 Nn^i î-,ij«3i: '1-1 pni ^y t3m»-«b\:; niNirnb tL^biai
.V:ni ittwS T713 lï-iDiiN 3ia b:3i nbi:73
t:X]nn-:r; 'nr; ib -idiO'J J-i» lyb n-ini onp!-: i2i3-ib -idoni .0
^.TjNi-i "iipor b:' ibisibN57û ûvrî N3 i"-id Snts?^ 'r;-i3î< '-ir;7:3)
nbo V'-i3 v>:;n-ip ^5^^173 t3n-i3N '-in7:D tabon 'n- 1:2 ^b
DiTJ3ip- innD ib—ibwxsb nib">:;rî n33i . . . -pj'td n3i3nwNb oi-!-j3ip
ï^ibo 'm bN-i"::-' "Ci-p r3;r3 ^d 3mD r',ibbD3T ûï3 ncN tiT^Dnrr
iTbi5 i"bn- t-i3'0 "CNi bo £217:1 n::p^ ay ybn- r-i3C7: ";i3i"
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ni-i3T PN" aiipi p"iom piDpn ipî<i333 -jiwX ?-i":î< N133 Nin lainprr
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S211 17J 12 t=ii'ayj2-iz luyin t=ii03 bD::3 131^1 -i3nb b2iwS xb nini
CLipbNn oiwX 1313-1 ib bin»ii ni-ionn ibx bo n32rî ti:3iiT3 bi3ob
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214 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
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-pbr 'ïv::ni i-mb-y N":;■^^p Np-in:?! e-<72iD-2 ^-na"» r-ianab -p^i-z "î^t
bNi^w riOT" by-ï ';-'Nb''3'- 'j-'Nb-^:? 'j-'-'n -m 111m 'j'^^n ï»<biD b:? pb-^^
c^nb» nn-» "<"iï5 (i. t««îbr: — .7:^1 -"s) r^bi< ■'a î»-!--p i:n ■fvam
riba; -lai i:?-> ndi >^/2n-m •p:2^yb Cnrao t2'';-«r;:r ('n '■> rr^rw"')
ï-î-a -^m imm TwD:a pain ï-7:?'ir; pn bsb:; Nir; ï-i:?-) na- -i^-ici
.rîaiPD û-i-ipo ?-ib57:a nirn
r-;br;wS tz-^pb^n •w"'N C"np- irai ■'îDb "jrnp-: ■^p.sa itpr .13
--nana-:; -^-n Db-^rn 'nn c^sr; phin b::* rian -ansn riprcna r:D
ï^-^-paN -^irz nb"i-:. a-T în-iLira iDi;2"a — :pdi72 rcaba -iTnm
im-îPO ima^-i"- r-rn-073 î-^-iinbiD y-iN ■^b-n:i72 a"'T'aN CLi:a-i û"'sab
r-iT» ■^ai loin-» b:? tn-'T^:'/:! irribN 'n an- Swa r-i"iJ<DPbT -jiaab
û-^-nasr; Tfcr, û-^ia-.r! r-ibNn ni- b"7 ■'"wi b'-r-n ira-i bc -,-'p-i:a
b^Tw-i baa in-^a -^7:1 "jna rrz^r,: .'-î-npno p-,-!73 ■'•c:î< ûbn:?» "i"c;wS
IIP» r-î-jp^T r]-'-n id —, a-^; npnicxjn ^aia b:^ Si:; pa-n7o "«i«m
Nb^-'r; "3372 l1"'730 nt^ ' V'-^mya irstiaD ■^pi:p72t \x-ipa nrr'N p-'OTDi
qi:::? r-i-^pbxr; r;7:an- r-.:i::Na "^i-.a r-ri:-,7:N cw t-^cip N^rTCT
n-T>N7:- im-N pn7:x r:n\s"^ laT r;"a n-nca ni7:rb rra'-'i n-'-a
■'-,Nn wTTpr; ira- î:^' a"aip 'jT'brr: ''-r'r:ia ^«^-,-,: cibn abm
nb:;--' n-.-T: 'p-^7:wN- rrc^z r.-ziia t^.D-^na ■i;7373 ^t^t r,"y ^^-:<T-,
-ppan.N zb-,r ï-ar:i\n Pinp-^ ï-mi72n Pibiba lac laiNa ';7:i<i i-^x
a-^ra-n n--p^r;--"i -:i7:i<r: -nx ao la in"'")- m^yr, r;s iNaai
iP2i72Na "tJzy xirti aa-ipa ';\n rrn ba- rn'iP ""ti ■'b"a a'7:iT;r;
. n7:T;7:- apbripb "^n sbn
uPiirpo ar ribbir;72r: riK-'DiDb pabb tzz a- am r,:r,^ .14
ab br lani bx-ic-^ -nx ■'•wi-pb nrnpm q-^-2* -an a"'7:-7a r:bb-,;7a
ipb7:n iva nr-i-'bN. -i/'-in br n\vc-' n-c-;- pnx r<in bTT:.r; — N-;r:
• Midrascli nnaTN n bi< {Bot ha-Mùlriuch, 11, GS).
» Hèkhalot rahbati [ilid., 111, 88).
3 Imité de N"nr;;- Nj'iXia [Sanhédrin, \',a). Par le mol de 'jnm72, Abraham fait
peut-être allusion a Nathan.
UNE LETTRE D'ABRAHAM IlA-YAKHINl A NATHAN GAZAT! 215
ib b7ûi5 ^7:y ^D inb.sc r:-\s "ib t<:b7:^n in^::bn ^iwX mny ■jz'îûb
iru-i nb ^p::r bLs ^n-pp-= ^^r:^z^ vrr-N cbn? r-r^s -^d mon
r-wii'nc-' ir::-i D^ snvpbiîr: ^^-n■i7û ■'s br r-;*:;"'^ p ""^ 'Ci-çr.
n-^-i-'nwsn rr^iibnD -^îa-.îû vi:3 n-'-iivo cm^o n733 ï7:"--'i n^x-i-'n
bob nb N-,n n-^m n^^ni::r! ûbiy ■«■^nb û-idt û^pbx ^r^b;: r!;--i
br n^v.-û r.conn ~b n^rr ^-nn:?3 D5i ar!^Dn:a bs b--^5 -ion n^vj
o-npr: v.^^n u^bon Nin cioi^ map:>:: nnx ('?) qor ^3N ^d -pyr.
rcDi-jH nb^En ^nb^cnb ûo ^:n Nmpn û-^^'O û'cb ^mr:;^ bsi
.V^i*"! IT^N w-i-pn irni-ib nfov ûibo
£=r;n û^7:^2 !-Tn-''7cN n^7:rNa n^-'"'" "^ ^''~ ^V'^ ^^ •''■'
-,"-,n --n p^iirî n-n qis -iït --nh?: V':p m:o Se 2-=)-n=>:n
i^m;D73 in:i72J< ^o;n n-ann mbn73 hj->:rwx:: f- V'n2 in-rN
mpn tnmcnn rx n-i^'72 n-m rT'-i^ ir;i-N nx r-ncn v-:;rn
tsn^n nn^2 aa ^d S-bj- yn^v bx (b^) '- n-= ir.-hv m-7:"i ^nt:;-
nso- TCND -i^:>T n^i> bon !-!:i72Nn n-wX72T nancn- tn -i-n>"73 r-r-
£i;^D-nn7:n tD^72^3 ■îw\7: -N7J i:2r;ï« ir;nwSi ^-i^b ns on-pn nrzn?
rm::-on Sd n-^D f-^sn 'zo -b- V^D^n ^;n7: >ii;^ rn:m ;=r:r7
rionnx r--^n- n= nb c-> -^3 r^ona nb r.n-i -wV2i02 ûc imnsD-c?
-mis:; S NI 73 c '-n73D V'^*" n">^'"P f^"'^""^ -""• ^"^'^'^ "''^ „
^3 ,3 ^^5 Pjç û^3cr2n a--i2-3 r-îT^rùb m-psb n-^p373 ip^3
s^bij^b 1730 'n^ oTip 3b ri:n30^ Sn v:d rrbnN ^:2 rnr^n
r-^ poi: onp- ir^n on-p --t Si:: bN r:nnro73 N3 -:ni
rrb^^ i2np £=73ii^ ib- ûnn^ i--î n-T-i niN n^N"^ mo 5N t-î:r:N
iNn- i3nb^ ^.3>' n^3^iNi nnno- vbx Snto^ Sd -^r^*? irr-N
n-n -'1 n^:-. c:no33 -,3ro^ ^<"^ r^ripn ûnb sn-nr ^bi to-d-i
,_ „^^- ,.....^, ^s,-, î^''3 ^rhb 3:-. r<b n-^^n^ i=m ibrN- vi-t^^p
.•i>:Ni I7:i< i^b-r^ !-T3^or,3
1-i:-n-. i:x rr-^no; y-ii bx ir;Tis ro-bn r-.nNnn n^n bn -1' _
3p:<n -;3b n7:o-^n vj-;v vsn^ r^i n:o rtr--i 't=:-J-in3 r"-^^"
'nb ï-in-m t=2"^>3y ^ro-i qi-io-^ -nv7:r: b.v nr3 . .3r::> riov ^o vS
N-J37:i -nm :;:>b3 mr:bm -:mN 13^' n\--73 -d ■';73N1_ V-^^ no-r:;-
Sso ^315^ 3-1 a^pmr; t]pin"i a^n^^'- ?v^ ^°"' -310^3 r:r-3 r-"*
_,.,3,-; 5:::n-i3N •^3N n-:>]C ■^:r-3 r-73 --t ^m73 -^b rnn -=o --3
Dans cette lettre, l'auteur, après avoir accumulé les épithètes
i Dans r:73ipr: Tli'^O, § 67. Kordovcro croit que le C-Jim ^073 répond au T
du tétragramme.
216 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
les plus élogieuses en l'honneur du destinataire, qu'il dcjsigne clai-
rement par le nom de Nathan (§ 1), dit à son correspondant qu'il
a été profondément allligé et violemment irrité des outrages dont
lui, Nathan, a été victime de la part d'une foule méchante et
impie. 11 déplore surtout qu'on ait eu l'audace d'excommunier
ce Nathan (§ 2 et 3). Apre? ce préambule assez long, l'auteur
parle avec admiration du Messie (Sabbataï Gevi) et des vi-
sions concernant le Messie f§ 4 et 5). Puis, il raconte que
Sabbataï a enlevé une fiancée et refusé de la rendre à son fiancé,
quoique celui-ci affirmât qu'il avait déjà eu des rapports in-
times avec elle et exprimât la crainte qu'elle ne fût enceinte.
Cette jeune fille, que Sabbataï a convertie à l'islamisme nsiarm)
ti''"rNr7:'j''r; r',-:'^:^:'^), a mis au monde un fils qui ressemblait
à son fiancé. Il était donc prouvé par là, dit Abraham, que le
vrai père était le fiancé. Du reste, Sabbataï a affirmé par serment
à Abraham qu'il n'avait pas touché à la jeune fille, et Abraham
explique le rapt commis par Sabbataï comme un de ces actes mys-
tiques par lesquels le Messie essayait de réparer les bouleverse-
ments produits dans les régions célestes (Z''iv'-:y t^rp-r). Cet en-
fant, malgré sa ressemblance avec le fiancé de sa mère, passe
pourtant pour le fils de Sabbataï auprès des musulmans (nrnN- bD
n'^bay^'C^- rNTr:). Abraham ajoute que cet épisode, qui eut lieu à
Constantinople en 1666, causa une vive surexcitation parmi les
Juifs de cette ville et produisit de nombreuses défections parmi les
partisans de Sabbataï. Abraham lui-même s'en étonne, tout en
déclarant qu'il n"a aucun doute sur la correction de la conduite de
Sabbataï, qui, pour lui, est le vrai Messie. Mais il ne peut s'em-
pêcher d'exprimer sa surprise que le Messie accomplisse des actes
qui égarent la foule et l'éloignent de lui. Il trouve aussi singulier
que l'enfant fût élevé comme fils de Sabbataï, tout en ayant
comme père l'ancien fiancé de sa mère. Il prie donc Nathan de
lui donner des explications sur les faits et gestes du vrai Messie
(§ 6 et 7].
Abraham ajoute que depuis que Nathan a été excommunié et
expulsé de la communauté, la discorde sévit parmi tous les Juifs
de Constantinople, excepté parmi les partisans de Sabbataï »?; 8 .
Il lui raconte ensuite qu'Abraham Mendal, arrivé de Gallipoli, lui
a rapporté que Mikhael Kordozo, de ... a envoyé à Nathan un
opuscule où il annonce qu'avant que l'année 5434 (16'74) soit
écoulée, tous reconnaîtront Sabbataï comme Messie • (§ 9).
' Ce fait est con6rmé par Sasportas. On lit, en effet, au commencement de
la quatrième partie du 122: 'rm; Pir-^li:, ms. : bm3 nil-'S: -,S073 'T p'în
UNE LriïTIlE D'ABHAIIAM HA-YAKIliNI A NATilAN GAZATI 217
Après s'être excusé de n'avoir pas encore traduit (p\n:>î<o),
faute de temps, le mémoire qu'il a composé par ordre de son ami
(§ 10), il adresse ses salutations à Samuel Primo (;^ 11) et à Aliron
(^ 12). Il parle ensuite avec éloge d'Elie, de Pologne, porteur de sa
lettre, qu'il recommande chaleureusement à Nathan (i^ 13). Cet
Elie était déjà un partisan dévoué de Sabbataï Cevi, lors de son
séjour à Smyrne. Plus tard, il s'établit dans la Galilée supérieure,
et quand il fut dénoncé comme adepte du pseudo-messie, il se ré-
fugia à Sofia (§ 13-15). Nulle part il n'est fait mention de cet Elie,
qu'Abraham désigne comme un descendant de Raschi. En général,
Sabbataï Cevi eut de nombreux partisans en Pologne. On sait que
Tauteur célèbre du nn" "'-nij envoya son fils et son beau-fils à
Constantinople pour rendre hommage à Sabbataï *, et que de
nombreuses communautés polonaises lui députèrent encore des
délégués quand il avait déjà embrassé l'islamisme -. Ce furent
les Hassidim et les Frankistes qui profitèrent ensuite de l'agitation
créée en Pologne en faveur de Sabbataï.
Il ressort des ij 11, 13 et 14 que la lettre d'Abraham à Nathan
fut envoyée à Sofia ^, et que Samuel Primo, le secrétaire de Sabba-
taï Cevi, se réfugia aussi dans cette ville. Les partisans compromis
de Sabbataï paraissent, du reste, s'être plu à Sofia, dont les Juifs,
d'après l'affirmation d'Abraham, s'étaient déclarés en très grande
partie en faveur du pseudo-messie (Tfiy nnii). Enfin, le § 16 parle
d'un Samuel Gandor, qu'Abraham prie d'écrire de temps à autre
à sa femme, qu'il paraît avoir laissée à Constantinople. Ce Gandor
accompagnait d'habitude Nathan dans ses voyages; il s'était éga-
lement rendu avec lui à Sofia. Baruk raconte (p. 14) : t::nd ^rr-\
ni'T^n Zi'^b inx-^^ -.■^rn ■'•:::w\ "ir^wwD , "'biDn:'^'-i-;:Nb ir: 'n ni-ip-
s-irc^c ripn b-n s-'^p?:! ,131:20"' [rr^] h:r cnb 'j-'.su: i\-nn:23m
3rr)- i-Ti . nbix:;- DOiDnn n-':^ bD by rrrcn CN-in i"br<-
■':n rc-2y !-î:m . . . li'in >^brî : lo^rô t:"!"i::"w72N i.sDb nrso
ï:;î<-,a i"Dnr; nrC2 . V^'P" ^^ ^'^^ xirr:: 1-172 -c-iui^ l'^yo
bniD rii-^i: ni'zy Cf. . rnbiNr.r: -b^nn aib":;b irrxipb ^<3^: nr-w-
^Di:, p. -ri.
* Ce fait est rapporté dans nN^pn min d'Emden, éd. Lemberg, p. 14.
* Voici ce que raconte Baruk d'Arezzo (bXTw"^ ""^Db lll^"!, p. 08] : mb'^ripr;
tiTiibo rbN inbc ii-'r-nx "nno m -73 'j-'b-iin^o mc-npn irT^'c^i
'-I 3-- !-i"jr72 "'u;;wS'i czc -^"CjN C2-^i^cnn c^^obcn a-»3n- n"-
ap;'-' 'n ^ib"*^'-" ^3";"?3 'n , "i-'iûcnpT: ou) ';-^a"::inp3 — iTr-'bN
Nim iiîDb iw\i3"'i .y-TTcp?: •miri"» '-n ^n-^Di^o rryc^ '-: ,-,wNnc:
* Nous savons encore par une autre source que, vers la fin de sa vie agitée,
Nathan s'établit à Sofia et y mourut en 1680 (voir Graetz, Gesch. d, Judcn, X, notes,
p. lui).
218 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
kN , 3-in ■'Db ûi?7D iDbr; ::773Da ^i^rTîN t^*T^5 un? z't^Nw n::
,'z-cb N2^-j n^^wTi n3\X"^ ib -ijjib ni7:rn '- iwX '- ■rxnpb inb-j
",m?:">-ir;rr nbios^x "i^rm 2m . t:-^ br ï-rbpn -,2T r-x-^ i"- nt:-::
y-iii bx -i-:;' -t;:; iSxT:"w) 'nm î»>:ir; "fb^i .r-rbb i-ir-i-ism
. . . !-TNii:"«mb »— rrb ^^ ^^-,1 r-T^rwSs -t-r-r: ys-'i . . . MN-'Tirr:
(Sni7:"C '"!) crnr; cr nyjp r--N ï-ir^^^ -m::o nb-^b nnrm
. . . "m:3
Avant de terminer, nous allons encore donner quelques infor-
mations sur l'aventure galante de Sabbataï Cevi à Gonstantinople.
Aucun des nombreux documents qui s'occupent du pseudo-messie
ne dit un mot de cette histoire, et pourtant nous devons l'accepter
comme vraie, car Abraham ha-Yakhini, qui la rapporte, était un
fervent adepte de Sabbataï et connaissait certainement ses faits et
gestes. Je mVxplique ainsi ce silence. Diverses relations s'accor-
dent à attribuer à Sabbataï un fils du nom d'ismaël, mais diffèrent
entre elles au sujet de la mère de ce fils. Dans une lettre qu'il
adressa de Chio aux frères de Sabbataï Cevi, Nathan fait les pré-
dictions suivantes au sujet de cet Ismaël : "^n-T^ "'~ r::?:N: li'-n
Tbi; n-'n"'! ,rz'Z ''r^azrz'C^ ''■2'z \-rwb 'rb^: p nir> rr- ^-'.y
Sn;'::"c-' 'h -,7:n: -pb^n ,rma an n:::?: n-:-'::-' -Z'O :;'"' pn /o'^r.-n
■■'n ''Ti^r^ -•7-' û^N t^-iD 7-rrr >^'im (Gen., xvii, 18) "^-^rsb rrin-»
ï-n»nNb i—nizy-'i tii-'p i-t^-n "i--^ b^' ^d [ibid., xvi, 12) ^n bs
mna rnncr:^ yen yx "r .iirN"' ^;b\:: . Ce passage se trouve dans
le ■'2:: bm: n^-'j: complet de Saspoi-tas, f' 124, que j'ai en ms.
L'ouvrage imprimé, qui est très abrégé, ne donne pas cette lettre
de Nathan, mais il y fait allusion dans les lignes suivantes : n^-n
. . . "-j: \nrwb "bn: p ■;- tznb p: -.wN* m^n '\\ri r-c ir^rczVi
. . .-,7:x 'NT! "irNn^:^ xb-n . . . r-r-i-^-^pr; tîb r;:vcN-r: nrsi:: cn
iTjO toinp-' Nb p ib -ibn DwX i-iTN ""rN ti::n . r-înmr; in^b ex
.(éd. Amsterdam, p. 35 j-^z^i bai2 n:i:"'i: -^r^-p) bN^'?:w' ex -^r b^-w-^
-i^-'T D":i riT yr::! . . . s-'C^-jn: ï-nCDian pinn-^ -z-rz ^n "'^3
.— r-nptn Nb "^wi . . . '"tn;-;---^ t:- t>i'-ipT p ib ï—.t:"' t (ir:?
r-î:;'7:'wn fc-.n ^:tni , ?:::c tz-:: bc) in-i^jn m^N-ib :;■'-"• ^r';'
''-^iiz"!Z'Z^b'\ -i7:wS; i-'b:* -n::'^i<3 ib -bi:ri pnci /T"rCjb nmpp-îî-
ï-n7:"iNn br p-b n-'w/:- Y-'-'^ "i- """""i (Gen., xvii, 20) ^Tr':a
(ny*':? "n3>pj. D'après ce passage , Ismaël aurait eu pour mère
l'esclave que Sabbataï épousa après sa conversion à rislamisme-.
> Abréviaiion de T'iZ'i', TT^IS, nnS'J, ~1Z. Voir Aboda Zara, 36 J.
» Graelz, Gesch. d. Jiiden, X, notes, p. l. L'ouvrafre "^ZiC m;'~,"X7: dit qu'elle
était polonaise, se uoiumait Gertrude et faisait partie du harem au sultau, qui l'oifrit
coœuie présent à Sabbataï Cevi. Ce livre parle encore d'autres léinmes de Sabbataï,
mais il contient de nombreuses erreurs et ne mérite aucune créance.
UNIÎ LETTRE D'ABRAHAM HA-YAKHINI A NATHAN GAZATI 210
Abraham Cuenqui * dit que la mère d'Ismaël était Sara la polo-
naise, la deuxième ou la troisième femme de Sabbataï. Baruk
d'Arezzo dit également dans son bvN-'J-' -^s^? 1ti:3T, p. 18 : nON nnx
. . . nrr-.r -1-3 nwS b?a ifz:iyi i^^r^ û-'73-« ï-iitoo pT /p "ib n^m
r-î73"w n.\ Nnp"'") m ib mb-> in^n ,-'3Ti73 bi<r7:ci i7:o n^^ N^p-'i
(le nom manque). Dans une lettre adressée à Josei)h Philosophe,
père de la troisième ou de la quatrième femme de Sabbataï-, celui-
ci donne une troisième version, d'après laquelle la mère d'Ismaël
aurait été la fille de ce Joseph. Il dit (Baruk, dans TnDT, p. 22) :
^3b -i"i3\:j72- ni- y-iNn b:' 'j^-^rûr, >ii- ^o^^^ uybart ■«i:^^ "^j-ni^
'^ibwX ^^a i"-in"i "]:nn •^:n ']\^ -laann mNas: 'n û03 . . . y^xr:
■^n;"!"» \-T':;-i \-nnwS nriDj* f<T; ln7:n ï-ro'i- h?3^7a •^nCwNi n-n-n
...l-i-ûy 'nb nn ûiDnn t=;rT-i3NT bayi^'::^ n— ,2-r; T-r:-2 ^vd ^^7:n
On voit donc combien les indications relatives à la mère d'Is-
maël concordent peu entre elles ; à mon avis, elles sont toutes
fausses. En réalité, la mère d'Ismaël était la fiancée dont parle
Abraham ha-Yakhini, mais on désigna Ismaël comme fils de
Sabbataï pour laire croire à la réalisation de la prédiction de
Nathan. On comprend alors pourquoi on ne nomme jamais cette
fiancée comme mère d'Ismaël, car il aurait i)aru scandaleux que
Sabbataï eût eu des relations avec la fiancée d'un autre. C'est pour
cette raison que les écrivains désignent comme mère d'Ismaël
tantôt l'esclave épousée i)ar Sabbataï, tantôt Sara, tantôt la fille
de Joseph.
A. Epstein.
» Dans le mi<jpn PIIH d'Emdea, à la fin de la troisième rclalion.
2 L'ouvrafje J'Eindcn, p. 3, donne le nom de la première l'urnme sinyrniole de Sab-
bataï ; celui-ci dut la répudier. D'après les récils suspecis du "i^li m;'mJî"J. Sab-
bataï aurait épousé a Saionique une deuxième lemme ut l'aurait éf;alt::meui n-pudiee.
Après, il se maria avec Sara la poloiiiiise. Doiii; la iille de Joseph qu'il épousa ensuite
était sa troisième ou sa (piatrièmc lemme. M. Graetz (X, notes, p. lu) la désif^ue
inexactement comme sa « deuxième lemme •. Du reste, il parle lui-même (X, 206),
d'après ^3^ n"l""nN73 (et non d'après Barulih) de deux leiumes que Sabbataï a ré-
pudiées avant d'épouser Sara.
LA FAMILLE DE YEHIEL DE PISE
(suite et fin ')
PIÈGES JUSTIFICATIVES
III
3.
Lettre de la communauté de Pise.
-c^2 p"p TwX-: r"y î:"-ti bx-'r:"' -i"-irn7:D ^'.ib r,:irr. zy -rp
niT'rDO "^D "^"13" ï--brîP .ia ri7:'w' tizr; "ib'Pi p-ii: "^^n V:i"' b-^s
■^-^i ■p-'' -::-':' r-:Vrw\ z-.ii n:":N- . r^^:N^ 'j-i:i-' n':j tcx £2ip?:a
:=:'^-2r;"i 'i-iC C-^nn r^3- \nr7:."j "jy t-;" ^"^iza-m r-r.TiZ- urT,
J-ibN "7^3 turr^mTonnsn -^-m tr^-'p-bn i^-'irnb ni?:;' n::p t=:"'":;"iw''T
r;"o'î: p"p n:n:NT y-iNn bD "p^x b:' n?:o:?n -iniiT! ^:n ^:-:j û-'n-jvr:
CN"! wi-.nrs 'ir-^n £z"'2'v:)t^ irreN S=;3-,pm 2--'bi< '-^^n-ip- î^"1j:-'
ytr, ^-,1- î-<:iT:b r-i2n-sj<i nd ri7:npi< pb . ^wSib iz:; -,2b n*:: wsb
•jm; tojbi ■'2:n ti:''-!3T c-^n Nb -ex::-! . m^T 1:^21- •'-^jz nN:wb
. . . -::-N "ww^ TN
br -i2j:rr-' Nb-, czb :ns-' t<bc Eii-i<- "^irib -.cen 'N -'- n-- r::N-
•zzrrby bn^rnb ûin n-'-'n'C b"T-i i;?:*:; DmN by pw bDT a-'m-ipr: -nr-
T^ni^bT T^Nwb Si* -iD !-î-nn !-t-i72X . C'^r-Dn nnnîN): ciwS-'irir: ^wN
rimnpr; i-ibipar; in-,ni<bT -prxbi innbT 1:2b T^n^sbi ir^sb rbwS n-npn
• Voyez plus haut, p. 83.
* L. N"~|"^, voir Zunz, Gesammelte Schriftcn, III, 208, ou T"ni, abréviation de
n^nNT i"'72n-i ■^:"<nt3"', Ps., cxix, ".
LA FAMILLE DE YEHIEL DE PISE 221
nnN nom nnx tii2::> "lir^ ^■d -^d '{y , 'ijt T^n^bn iWNb 'rx:: t^n ■'to
ti7:no 5"t '^-;^3-n : tnbD V5":;bnc3 nni« T:;m Tnx Ci:^'?:! X ûd; ('xr:)
TON ^-nrî b^ nVn 'iniD- :û-:;d7: !-tt pv Nb nnoN î*«ibî< i-.n-:; i^x
.'7û^:^^ rsNbn iT^xb '"na tiûnsm i-iN->rb un "^^ 'kn bbs 'j-n -«d i;n7:wX
S^ to:i -i7:Nrîb ">ni<-i r-i^r; -.-,/:n t^b ^n ■'s n- i-^iza izuTzar,
"■-a tsiry mnDrr n-in» N-^n Da nPT^-b !-!-ii:>-l3](3) •c-'N- rrjx
^^^z'z ^^T Hrr •c-' s:n . thn Tonb T<m £27:3 'ip^d "inN TwI^t
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'^;::^2^ inx ûi::^' ::bbr3 ^^bN bs ^rprrbi . a-^b -,2^12 '■'rw\i 'nbsb 'ib-:
.ûn-'b:' "jrnNrnbT 3j::^n-b ûip^nm a--:'n3 ri-nîN-T ^inirr; N3 nnwX
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TwN::! ibcbp-:;; ir^N-- -,rrm ncr:^?:. -jn?: mj? brc r^--r; n-,rD
-n:'r!3 ]:: bza'j ]rcii-- n^D- t:^;'^ r^r;- m--~- V- î^'^"* brwSn
T^m-ip s-nrs::?:: t=;i::^' b:N:i -nrD ibxrs -,:n3T -iw\x r-ibwX brr: -rnwX
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t=!rT«br NbT ... n3>nï:"« Nb t^tn i"n22-^ 1153 '^^-a^z'zrn Qi^ntîîb t-;- n^D
2:wynr!bi in^nrib irb^» tss -^d nnn linirrrn !-iTr: ba.sr: "jn; nsb
",:-)rwX Tc:; n^n 'r, rr::-2 v.sn mn -^d i;ci<n b:fi2 inpbm nnpcn br
û-'pinnn") û-'m-ipr: 'r, m:' bbo bi' û:i -^d inbn lî-'b:^ î«bT . rr^n; ibirs
■13 ^nîirnb fa-irr hy bai70 ^<^^ -ion baNrr ■'3"'72 V- ""'"< "' ""-
!-îC7:72 !=5T '-:i:n id2i bwSTO-' r-i-in b=i tDD-^HwNT pio:73 :-;t id7:dt
b52 i7:o rr^- bTi:; nin w\sr: -^o . riT by rî^N-i npbn bNi72*>::T "j-insi
t=:. . S2'7:^ nn-,N -i3iy 25 î-nn7:r; bD2 rr-- Y'^^ i:?7:"-i fi:;-
rr^" c:^"j . -cipr^ Sx ixnn ibip y72"C-3 ii-n-' rb:^ y-,N- ï-ni:p
nv-np j-,V73bo ^r72 Sd3 '^bripr: 'Tib^- r-iwSn TPn-npai i%m-m2
p^b=p bN Nab i;n7:wX uni . m::'; Nb 1:7:73 '\r,:2 -cw irr^rT^b rwz^nz'i
^\ TwN2-i . 3-170 i-i-rc xbT ir:"' Nb ■'d pp-' xb i-it i\nib-p -nro
inairrm ba^xn pnibcp bx xnb -,wCwS \x ^p SP^brp bwS' N^b -icdn
bD3 1-i-^r, c-i-p '"^nbwX ■c^\ •'r n-- i<-i:m "Ciip- •w\s- br -^ram
irr^r?: 'n ce rr^n bbin-j iwSi2-: -^y -ciz'Cj rn"272 . vc^'t: brni rD-n
bx i3Tcn c::-cr: N3 iy ipuî^ia I7:ip3 -^7:0 rnv -ipn -n^<D b"-!
mbsPT pi;np nrc'pn p-,N-nr;-: r^cn-' Nb t^7:p û-j nro"' tcn r:ip?2
m:T^Tn-2 a-^s-'j'cn a:; ■'a -,7j1wN l:;'::3i ai-^r; bD 'n PwX-,-'^ rr-riT i-p-ci
NST» abij'72 rrr; nô . a-'r^b^'s rrr; pm inDCTo ■'by pi7:i:p3 r-rb'b
* Job, XLi, 9.
222 REVUE DES ETUDES JUIVES
-.::-: hrra "T:^ Nbr; -.en T-r^r, -w'wS- ri^r: r,^ ■'r . r-;:rr r^p nVcr
-,3 ï-:cri: 'n n-;-! "^^ br'c-T r-ir-aPT n7::nn -.2 rr -■'i nc-np^c
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n-.TûN '7i:'n £:::''2"'"'nn;:- 'r^-:: r^n:Nrn innri;'- î—.-'brn bwX t«<nb
r"-i N"i3:-i -:i-: c^:£- ■':-w:: ^-.\- '2 '-^n-w:- \-n2-i rrrr--^ ",3d
NT! "^CN -"'îT'-in [n]in;7oo:72T •^■'^-ix -im Nin t^n r;7:"iNr: "i?: nrr
r:::-Nr: 1?: -2;' an^n rs û-^-bx ■'"■' -iîT'^-'t '-irm 'knt:^ "ri-^b:? -i^i
"n-^ D"^r2-n ■>:•:: T^b:> np'i::-' p -i7:j:rn ins nrn nrp vb^ £::"»i-ûir
-îcnb p-i rrr:"' Nb Itsj:^- -3 ••■2:^^:1 nnis nm .'-î?:n:m lis-j:;'- b"-i
nbD -."war; -iCwNIst ce» npib -"wN n^j^Nn bïî i3Ti:["i][-<) -i":j3- "j-rs ^:ti2
r:br) "jt::}:;':-; n'^n^u: -iiNi p nirto ns:-* inrû nr sv Sut" Y-"*"^
n-iT:;: -n-:. '■:n b"7n "itTjI f:Tbi ri'n t:? t::"i"' bî< ûT'tû ncm Y-"'""'
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...n7:"''^pT r"'n:î:: n-Nw: r;7:r;:r; t-rr--c 'Mi~ p r':-^^pT r-riii: r-;:»-;
br3 3b"w rTTn c-'Nr; r'T> T.rzn "rza fiTJZi^r, nrr.r- -inx 12 r;7"i
r;:;3-i ::pwr: r-:N rmrT: "inm:r r-,"<r; n-i-nn^ "{rT^rry:: n-irrb-cn -«rr:
T^T?: c^rn:! ::-"'u;n-3 ■jn-'n-n-j:'! D^n^riT; C'p''-:i- -i";;3 -":;; ir-pm
r-T;::; iS"«-r; r;2"'u;"'z •zrz'ro D"'2-:;t' a^p-'iii n";* n-.7:wN3 "^^ . nr-^r".:)
--^-'^-,^r^ û"i7:N[n]iD;T . t2bi3>b Y-'^ "'"■' --"'"' ->^"' '^=-'' "'"'^ 'i"'^^
r-''-r;N z"-,;2](3' ::"'2-,i:r; zrr:^2 ■^■w?"':-! nn"';:;"?: b>' -tz i:^-,"' h-'-n-z
r~-.wszp p-,zN-i r-zN- f^.—jiy tz~ ^':zr! -n nz.sr; r~rr2 "'--wS
. ïi:mnwS z-:2 r-,N=m tz^;z -^in c^^p" !n-!::r 'nrrr; '7:^7:3 D-^iz-
"ws:b !-ir,p?:r! ■>r:i:r: -.zcr: bx i::-,"' r-r:->30 t^tt: t:"^r"i c-.7:N[2]r'i
rtin-^ TwwND -^n . !-n-,"cb pirT: br- r:";» it7:-i rtibi û'^n:^:- z-^-^nn
a^brwS?: ■':-'/:t i".:im ■ji-'t tsnb rrnrsT ï-!nc;:3 "-n abirn ■^■'na aiwNr;
";CN ■'ni:;r! -n^n y^'c-2 "Ctzr, 5:rnp p nsirrm r|i:jr; ï=;T'pb STiii^;
-,-î:i3 r;2n::b i;i-,2t Tbn ûb'cr: c^n^- -mj: "-r ; -Nzb a-'T^rr -.:r;:N
TtZiy n"''»n •■;:- -,wN a-^nn a^-^n a-'X-ip; anr: "^nni? t:^ TwwX a-'p-'-ii:-
Prnn m7:bn3 i""wr: ■^aiTz T^:n nj« *]'^"it7: 2x-c ^^:' ba "a ï-iti
ncw^i ^i^y Sa imTo -^-nN -^a tiNT -n» r-ra-in -nao !-î\-n::72 ai-'pi
r!\a"i:?r! Nin nbsa T'b:' V-"'^ a"': a- -^t^ br d*^*:;?:! f na73 -pcrTa
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'72N . -,a 'jz^: i-,7: T;"y ira^sn aa'^aN amax bx rj'^ar; nricNnlain)
LA FAMILLE DE YEHIEL DE PISE 223
Tûc* PN DnnaN hy ^"^ N-^nn iST^b aDCSn t-ipn:c ï-^.Tw:i'b -^"i ']--
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"jr^wb mnDb nb rrrr . nm» -«-inN tsmnx ^z? >«î^3'^ !-t73 "^d nnnx
CLmnN b:^ '7:wX t^bwS -i~t — wN mnx "n-'n bv mw-iT ts-^b:? N"'a-
L'i-'n ûr: nCwX n-'^'n- "j-ia 'n -^"b nToir n;i"i:? an-inwX ibwxsi DwSa:' '^^212
r-rrb r^7:T7^ z-^jj-o DwX t-rriT n\:;-iD3 Ni:?:»-! s:; . ^^T- !z:bn;'3 ï-in:?
'7:n r-n::72T rrnn m7ûbb non -^r-n :^"'TT' tr:^:nb nx- ï-nD-rtn b:?
^-nn ^nDbm '^n^nn ^nT::a tsn -imb !=;3-'j3 ï-iwX tzim.x c:n-72bT
TwN r/crar, b;' sr;^:3 rz-^i û2^7:-^ 12-,-' 'ir72b . 'vr, ^7:1^31 '^nDoai
tziDb nnb , y-Mir, by û"'7:cn '^72''n t^rib nnb û3■'m:3^^b i"-' -•:: w-
h^:> Q-'-^n ï=!ni^* ibxD mnor; 'zzrrby ï-7br7:o Nb.\ mrrb ib rrr:
. "07Û73 y-xn b^' yiwN- b:? L]^7:ar: ''T:'^:) '7:nc i7:d yn^s-
ûTO-b 5Db ■û'^ r;7;D "^:tti l]"^'^:-'^:- cpx 2b b:^ i7:-'wi ini r;ni'
bbrn im-r: b:v'i TinD inn-ù7:i "i-^tj by niTQ-cb-\ ^-^na m:7:r; b;»
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224 REVUE DES ETUDES JUIVES
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LA FAMILLE DE YEHIEL UE PISE 223
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T. XXVI, nO 52. 15
226 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
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• Daniel, iv, 11 ,
LA FAMILLE DE YElllEL DE HSE
227
Vélégie de BezaleL de Sarteano.
Manuscrit Halberstai/i, iOO (JudUh Collcrje).
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IV
Inlroduclîon ri fin du mN3p nn373 d'après le manuscrit
de Manloue.
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;-iT7: . t;-«72^Nbi y-iN ■^3b7a hîwS-Tw^ r-,"iN3^ nu: . !-i2i3m r-)im
tbo ins tmb:?7:r; .?-n73i2:m rr ib . ti:'^7:n-ici-! l»i ï-rmbTor;
"n3D 13 n":£i lîm-i i"nn73 Cibon c^nn 3rcnn Viipn ,?-ii7:\sn73
•i>o'ibc3 "c-nin r-iN73 . "riD-iin !-i"-bT o"'nT'na rjOT^ n"nr:7o n^Dnn
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iirû '0\x ^r 'n i-ib7:n3 ^3:^3 ^r-;7: "in"'r;b tiiwxr; r^j«m3 n:i5
Nin iCwN mm7:r! nr y^r û;7:w\i .û"':"':r3"j 3il^3 ^--'by inmirnsi
CwNi "inbiT ûr I3nn73"i p3nP72 im-»- 1:^-3 "13 t^i:?:"' ,DnwX3 rrbir.o
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r<ip: sb n-bn n"3r; ■>;"^73 1N0 b:' m^sr; nby^ rr^by i^n s-tNbsîin
t>ii3y:j inwXi .ztc rr^n Nb pb mip -^s ■^-ti'^ inT^r: i-jt bs cic<
î^ip-^i t=!Ni3 !-!3p3i 13T Ii3n"^ ii7oî< •\T^A^ ûTN î<ip; £*»:mi3nr;
* Note de M. le rabbia Jaré.
232 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
n;^?: . ût-:? pVnn r;3r;i<m . ï-înnsr; n-ir:i:?:N3 nVx y-^^^ ab
i—i^-ar, tz:bir7: r-:br7:b -nri .^"':?n72r! ranx -:W72 . s-ij^r; rnni*
b2w\ nn^-.prii rr'^-'îr-sr:!- ni-^im-TD na'in rr^nbn in^rN ncN rin-'tiNn
t*;-'- t-^N-i c-^^rm-in z^^-cf:- a-'rjyr; ^cncn npaiîT nnno; N-^n
Nnp3T rî":^' ir^x ar!"i3N r^b^' r;by t:;n rr^ni^aNrr ribn^r; nbr^rr
Tw'N "131:: ï-TNiii;: l^'X ■'D t=b-,:'?: pcrr t><b rirbi "nmwX £z--,=i<
t<">r; '^s .■'NTin n3nc-:ri m^-' r-73Dr; -i-oa ■'n icsn- -ib r-i-ip"'
rrrra h5"T-i Ij^d i-ivii tcn r-,\-i-'7:Nr; t<p-,-:nr! N^n ^ntt
~n"i;n ""rc S^-'W i:b n- r/'D ":d »-im imNi ■'-.n^N 'n:-^ .r^Mz'.'p'û
in-'a -.wN c^i;^"»:! -■"'rs "'::-'N'^-i::: bxrwc-' -i"-îr;i73 "'ô"'5 r|ibNr; r-i-ian
n'^Trb "cv ^"^=1 """icn "^b r;7:r . ï-iTi^rbi rTi"nb ^bi2 'cçiz n"»3
■^CNT iTjji:» Ï-I73 . ri-m7:nrî ']'^P-,b?72 mnb ^^^bwX ■^•^^; insor:
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!-io-npn in-nn ^yii cnbD -^sn 't m7:nb72 ■':: û-^jD mx-'Oi ■'nb272
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173 "1313 n"'ibn ni-^r-^N ■'d • n*-bi" iirirD Nbi . r!73mrî npbn; Nb nTnn
riDi-irT' mn-r: "jnby73 n3i3 nmj73 n3r:j< p-i n^-^'n'Cj^r, û-'-i3nr!
mbr73n b33 1.^73 nbi:; -^d n^m"' •^02:1 nr-'T'T n73bo b3 3
. n3-J3 » r-n;iD ï-it^d ^30 nrsbn ^n r-iT'rm?3m r-iT^-'b^'on
N-CNT ymi': i-'-n;*; ion -rinDT i-n^n-j Nb y-iwX3 ■'nsba npy c:n
3«30n icni 3bn b-oxb -1730 irmi:^^;' rmprr t»<r^03 173iî:73 ^p:;n
lî-^oTû tZ3\si:v ï=m3i- n^m nmrrm mmrr; r-n-ppn3 i;oc:
» Soucca, 32 a.
* Berachot, 30 a.
234 REVUE DES ETUDES JUIVES
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' Berachot, 19 *.
* Mahkot, 12 4, et Kiddouschin, \0b.
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LA FAM1LL15 DE YEHIEL DE PISE l:3o
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236 REVUE DES ETUDES JUIVES
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LA FAMILLE DE YEHIEL DE PISE 237
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. SibD ina^n; ^m ibtJiD iJ^'^aT . Sibm ma:; nn b^ ï^nb^?
— :\:;î< o-'Nb -^li^n T-^^r, xbi . invo- insm .Tir-'T' nicip Tn^-i
><b -^D-iDT . r-T7j3nn TJir72 n:^'2"iD >>ib ■'r;' nox ^bm bn ■^îiwd
D^nmn mmn.- -anbi -jbî^r: ■'-cb N2b . rT73-TOr! y-i no37a Nb7:nD
yN o -^nona »"7a • t=:-'7ûDnr; -^rr^: iwsbi:;i . y7:v p^n::' p^'^iJ
oinsb n3N û'^n-'-'inM .r;i:-i3>7:3 rniD tirD72ri n^; . ini:^ y^si -rrn
la^-inno £=- C=n . rn-,rin m;i72w\r:i . m:'-;n ^binbn ynn;bT
::d':;?3 inb . J-ninb pnbnb "^"ix-; m^Dn .i;nbnD irr'n'wm • "i:n73ii<
t=p-n3; b^c-b . ambro -:in n:^m7: ton t=:^r72 ■«-isdt • ï-r-nsnr;
r:7:"0 ^^N-p^ nNTr: nnriwS'r! ^nnan p bi' • ùn-nNi ds^'ji: -i^srsbi
-iN-wb ^«i•^^: ton . m-nnbi bxn tziob ■'HNjpb mx^pr; nn:73
. D^;nî< -a-T' TON •o-'Nb . it.-'jd non Nbi • î-i-nNi nbni: m?:3nn
n^T^-" . in-^-'b): -^DraT . injinn n-^nai • in7:Dn y203 f^js b-«r:^-'"i
p'ON .:?^-iDr!b moni rinrin û:» s-iN-^D-^oib-^on mnaoi • :?'^t C|N
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. n-'D"' PN n"^Toni ar::'- r- .-iwN-irtb . ri^-.p na-n-iai
» Berachol, l'ail.
238
REVUE DES ÉTUDES JUIVES
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Le poème cVElia Bahour.
Aïs. Halberstam, 4t)6.
.b"7 nd-^dt: rri-i^KX -,"-nr:b inb-^ri pip'i'sr; N-'btî 'n r,'::-j n-'C
5 £-7:3 ■^n.\73 mrj: "^-^-ini ûnnaNb -;on rr:;;"^ bs [N»] n":'
anaa min ib i»t«_ Nb a:; ♦ii- '\-^fz'}2y] nm;: 2^' Nb 'jnîab ■'Tin
ûnsD -"rT^ sginrap i^y [nb] ib rjrnis r;7jn n"î Nb
ûrr^boa Ni:«: -i":;n bs m [arrj-'Sinî i"^3 mpnbn m73rn
Dm: -«nND ""aab « i-inx ■^r-rz^y-n yiz':: "i"' br "jn
(?) ûmn 17:3 (?) û-^b» Nbi nsn la Nin nCwS p -^b (nj-^rr' -^Nibr:
ûin -^aab iMirTiN-i TN73 ai:: û-^Nb» û-^na -r^aa r;:r;
' L'acrostiche de ce petit poème donne : Yehiel, et celui de l'autre : Raphaël.
' Voir Zunz, Synagogale Poésie, p. 445.
* C'est Barzilaï, d'après II Samuel, xix, 39.
* Ezéch., XXXI, 8.
5 Comp., II Sam., xxi, 10.
* Ensuite, depuis ce temps.
LA FAMILLE DE YEHIEL DE FISE 239
[I- tm^iD] ' csmwD TCJN "^--2^ 235 HToo [1. tM] mT pbn iiy ûm73D [■i>xnx
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am: "C-^nd n^nx Nbi -tî.x 113:? i:i<T « (?: qs lis-' p V^
an n:ci;:3 mbip b'in ■'3["'n] ■'niD b>*3 'in3\:; -,-'w3 p-^ocN
[1. anN::i733]
t-jnioib'j ";a C^IjS £3^-13 p-i hd ^wt p'i "'-itdt p b:'
. 8 ii. an B-iobo]
» Comp. Ps., Lxii, 2 [1. an7:^^].
* Plus de mille florins. Cf. GeQ., xiv, o, I Rois, i, 41, et Ps., cxix, 72.
* Allusion à l'origine allemande d'Eiia Bdhour, nn p étant le sobriquet des
Juifs allemands, en Italie, mais le mètre est encore en désordre. J'espère, du reste,
revenir un jour sur l'histoire du nom riH 1:3 daos ce sens.
* Is., L, 4.
5 Communication de M. Abraham Epstein.
6 Peut-être : ^D '^•^:2^ ^p Y^.
"^ Probablement : ma bouche manque d'expressions pour les exprimer [ces louanfres
•«n3"i).
* Le nombre des hémistiches est de 30, car le poème contient lo vers ; n"D don-
nerait 28.
LE TRESOR DES JUIFS SEPHARDIM
JVoles SU/' les fa //tilles françaises is?YiéiUes du rit porhigais^
IV.
ÉTAT-CIVIL DES ISRAÉLITES FRANÇAIS AVANT LA RÉVOLUTION.
Établissement de l'élat-civil en France en 1539 ; le clergé catholique en est charj^é;
les Juifs d'Alsace-Lorraine et ceux de Guienne en ont cependant un particulier. —
Mariages israélites reconnus valides par les Parlements; ces tribunaux imposent
même le léviral. — Familles Pereira-Brandon, Peixotto, Telles-Dacosta, Ca-
rasque ou Carrasco, et Teiles-Arary. — Constatation des décès. Actes mortuaires
de Daniel Lopes-Laguua et d'un fils de Jacob Péreire, premier instituteur des
sourds-muets en France. — Famille Lopes-Laguna ou Lagonne. — Registres des
naissances, à Metz depuis 1717, à Bordeaux depuis 1706; le Thezoro de ios circum-
sidados. Famille de Mezas ou de Mezes. Parler des Juils bordelais plutôt portugais
qu'espau'nol. — Traduction anglaise du rituel hébraïque en i729. Le mohel
M. I. Henriques, de Londres. — Circoncisions retardées pour cause de maladie.
Opérations faites sur des adultes ou des vieillards venus de la Péninsule. Familles
Ribeire, Lopes-Pereire, Machuca ou Machouque. — Prénoms et noms de familles
des Juifs bordelais.
Personne n'io:nore que la tenue régulière des registres de l'état-
civil date, en France, de IVMit de Villers-Cotterets il" aoi^it 1539),
confirmé plus tard par diverses ordonnances ro^'ales.
Ces actes du pouvoir central confièrent au clergé catholique l'en-
registrement des naissances, mariages et décès. L'édit du mois
d'octobre 1685 est très explicite à cet égard. Il exclue, en réalité,
des avantages d'un état-civil authentique tous les Français hété-
rodoxes, a Par exception, rappelle Dalioz -, les Réformés et les
» Juifs d'Alsace avaient des registres particuliers tenus par leurs
» pasteurs et rabbins. »
En fait, les Protestants seuls durent attendre jusqu'au 18 no-
vembre llHl, pour avoir, dans le reste du royaume, le droit de
* Voir Revue, t. XX, p. 287, et t. XXV, p. 97 et 235.
* Répertoire de Législation, Y» Acte de l'État-civil, section I, 1Ù.
LE ÏHÉSOU DES JUIFS SEPIIARDIM 2 'il
faire enregistrer aux greffes des tribunaux les naissances et les
décès de leurs coreligionnaires.
Quant aux Juifs des provinces autres que l'Alsace-Lorraine, ils
eurent assez tôt un état-civil officiellement reconnu.
Pendant la période du « catholicisme apparent », les Juifs por-
tugais, venus comme Nouveaux-Chrétiens, conservèrent leur cou-
tume nationale : ils se firent baptiser, marier et enterrer comme
s'ils avaient été les plus fervents catholiques. Les registres des pa-
roisses de Bordeaux, — la cathédrale, Sainte-Eulalie et Saint-Éloi
notamment, — conservent de nombreuses traces de cette manière
de faire.
Dès qu'ils pratiquèrent exclusivement le judaïsme, les Israélites
bordelais eurent un état-civil particulier dont les Parlements re-
connurent le caractère légal.
Pour ce qui est du mariage, il se célébrait à la synagogue, après
la rédaction d'une Ketoiiba, écrite en hébreu et en espagnol. Ce
document était précédé d'un contrat par devant notaire, conte-
nant une promesse d'union avec engagement de « faire faire la cé-
» rémonie suivant l'usage et la coutume de la Nation » juive por-
tugaise. Telle est, par exemple, la formule que nous trouvons dans
l'acte de mariage de Ribca Nunes ', fille de feu Semuel Nunes et
de Rachel Nunes, avec Elle Pereyra Brandon, demeurant tous deux
au Bourg-Saint-Esprit (Bayonne), fiancés le 3 octobre 1759.
Les deux témoins de cette pièce sont chrétiens : Pierre Dargenton,
marchand et jaugeur juré de Bayonne, et Martin Depeton, praticien.
Elle est, en outre, signée par la mère de la future, par ses frères
Abraham et Moïse Nunes, par ses oncles Jacob Dacosta. Moyze
Nunes et Jacob Gommes Fonseca, et par ses cousins Izac Ferre et
Izac Gommes Fonseca. Du côté du mari, nous trouvons les signa-
tures de ses frères Semuel et Salomon Pereira Brandon, de ses
cousins-germains Moyze et Izac Brandam, et de son cousin par
alliance Izac Silva Valle.
A plusieurs reprises, les tribunaux eurent à se prononcer sur la
validité du mariage more judaico. Ils lui reconnurent toujours
pleine et entière authenticité.
Vers 1779, notamment, Charles-Paul-Joseph Peixotto -, seigneur
de Beaulieu, intenta une action en nullité de mariage à demoiselle
* Minutes de Cassolet, notaire royal au Bourp-Saint-Esprit, dont le successeur
actuel est M" Jourdàa, notaire à Bayonne. — Nous devons l'obligeante communica-
tion de ce document à M. Sommer, de Biarritz.
* Archives du Consistoire Israélite de Bordeaux, Registre des délibérations de la
Nation Portugaise depuis le il mag lllO, n» 478, l» 1'23, et n» 482, ('• 120 r» (20 juin
et 20 août nSO) ; Malvezin, Hist. des Juifs à Bordeaux, p. 230.
T. XXVI, N° 52. \:
2.2 REVUE DES ETUDES JUIVES
Meiides Dacosta, qu'il avait épousée à la synagogue portugaise de
Londres en 17G2. Gomme il était originaire de Bordeaux, leChâtelet
de Paris le renvoya devant le bet-din de cette communauté par
arrêts des 10 mai et 20 juillet 1779.
Le Parlement de Bordeaux alla plus loin : il admit la légalité du
lévirat ' :
En 1768, le 17 avril, Blanche Silva, veuve de Jacob Telles
Dacosta, demanda la haliça à son beau-frère Daniel Telles
Dacosta, qui la refusa. Le rabbin assembla le ljel-din,q\\\ ordonna
audit Daniel d'avoir à se soumettre à la cérémonie dans un délai
de trois jours -. Il n'obéit pas à cette sentence, et le Parlement '
dut l'y contraindre par arrêt du 7 mai suivant.
Cette famille Telles Dacosta était portugaise, établie à Bordeaux
dès la fin du xvi" siècle.
Le 29 novembre 1697, « Biaise Dacosta Teilles, marchand i)or-
tugais », fît enregistrer ses armoiries : « d'azur à un pal d'or acosté
de deux lis au naturel *. » Syndic de la Communauté de Bordeaux ^
en 1745, il portait le prénom de Biaise {)0ur la vie civile et celui
d'Abraliam dans les actes religieux. Il eut au moins deux fils : —
l^" Daniel Teilles Dacosta '^, circoncis le 27 août 1706, filleul de
Jacob Gommes Silva ; — 2° Ahraliam Teilles Dacosta ", le 6 jan-
vier 1709.
Nous trouvons encore, à Bordeaux, vers cette époque, les bran-
ches suivantes de cette famille :
I. — Jacob Teilles Dacosta, dont la femme, Racket, eut trois fils
circoncis aux dates ci-après : — 1° Daniel ^, 17 février 1713, filleul
de sa mère et de Gabriel Gommes Silva ; — 2° Salomon ^, 6 février
1714, tilleul de son père et de sa tanteRachel de Silva ; — S° Abra-
ham '", 8 janvier 1715.
II. — Samuel Teilles Da Coste, qui eut, de sa femme Sara, un
fils nommé Moïse ", circoncis le 24 avril 1726, ayant pour pari-ain
* D'après le Deutéronome, xxv, .o et 6, c lorsque deux frères demeurent ensemble
• et que l'un d'eux sera mort sans enl'ant, la temme du mort n'en épousera point
• d'autre que le Irère de son mari » ; mais elle peut être déjjagée de celte oblif^aliou
jjar une cérémonie dite ï"!^"^^"-
* Archives du Consistoire de Bordeaux, Registre des délibérations depuis le II mai/
4110, n» 367, f» 91, 17 avril 1768.
3 Malvezin, Hist. des Juifs à Bordeaux, p. 280.
* Bibliothèque nationale à ^a.x\s. Armoriai général, Guienne (texte), p. 82b.
5 Malvezin, loc. cit., p. 218.
'• T/iezoro de las circttmsidados, A. f° 1.
7 Ibidem, A. 1» 3.
8 HAdem, A. f» 7.
9 Ibidem, A. f» 8.
'0 Thezoro de los circumsidados, A. f* li.
" Ibidem, A. f" 34.
LE TRESOR DES JUIFS SEPHARDLM 243
un autre Moïse Telles Dacosta, représentant Benjamin Carasque ^
Moïse de Samuel Telles Dacosta se convertit au catholicisme à
l'âge de quarante-deux ans. Il fut solennellement baptisé en 1768,
dans l'église Saint-André de Bordeaux; son parrain fut M. de
Farges et sa marraine Adélaïde Dillon. îl fit batipser, en même
temps, sa fille Éléonore, âgée de six ans : le comte Alexandre
de Ségur et Madame Éléonore Dillon la tinrent sur les fonts bap-
tismaux "-.
Je ne sais quels degrés de parenté originaire existaient entre les
Telles Dacosta et les Telles Arary, dont l'un, Jacob, eut deux
fils : — 1" David Teilles Arary ^, filleul de Racliel Teilles, le 28
mars 17U); — 2° Abraham Ai^ary Teilles '*, filleul de sa grand'
mère Judith Teilles, le 15 juin 1720,
Pour ce qui est des décès, les déclarations s'en faisaient au greffe
des justices royales dans les provinces. A Paris, on les signifiait au
lieutenant-général de police, qui mandait un commissaire au do-
micile du défunt et délivrait ensuite le permis d'inhumer.
C'est ce qui advint notamment pour le premier Israélite enterré
au petit cimetière de la rue de Flandre ^.
Le 8 mars 1780, par devant Jean Graillard de Graville, conseiller
du roi, commissaire-enquêteur au Châtelet de Paris, comparaissent
les sieurs « Aaron Vidal et Benjamin Mendez, Juifs, demeurants en
» cette ville, Rue Saint-André-des-Arts, sindics et anciens sindics
» en place d3 la Nation Juive i)ortugaise. » Ils déclarent que « Da-
» niel Lopes Lagonna, negotiant, Juif natif de Bordeaux, âgé de
» près de vingt-trois ans, est décédé hier soir à huit heures, à la
» suite de maladie, en une chambre qu'il occupoit avec la veuve
y Lagonna, sa mère, au premier étage sur le devant d'une maison
» ditte le Collège d'Autun, sis Rue Saint-André-des-Arts. » Le ma-
gistrat va constater le décès avec eux et avec « Jacob Dacosta,
» m[archan]d Juif, trouvé dans lad[ite] chambre, demeurant Rue
• Benjamin Carasque, — ou plutôt : Rodrigues Cahrasgo, — eut une fille Sara,
avec laquelle il fut parrain dWarou Alvares de Paz, le 23 nov. 1740, et qui épousa
un sieur Mondes Corre. On voit encore, à Bordeaux, une liarhel Carrasco Cardoze,
marraine de Salomon Lopes, le 16 mai l'olj, et de David Isaac Torres, le 30 janv.
l'ol. La famille Carrasco porte un nom qui peut être rapproché de Carvalho, puisque
ces deux mots signilient cligne, l'un en espaj^nol et laulre en portugais. Les Carrasco
étaient originaires d'Kspa^me, pa^'s d'oii vint, à Bordeaux, Joseph C'arasco, circoncis
à vini.'t-cinq ans, le 17 lévrier 1709. [Theznro de los circumsidados, A. 1" 57 ; B. f" 22,
n» 138, 29, n° 183, et 33, n° 209 ; A. 1° 3.)
* Malvezin, Uist. des Juifs à Bordeaux, p. 164.
* Theeoro de los circumsidados, A. f» 15,
♦ Ibidem, A. f° 17.
5 Léon Kabn, Hist. do la communautc israélite de Paris. Le Comité de Bienfai-
sance, ch. VII, p. 103.
2/i4 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
» de l'Hirondelle, Hôtel de Reiras. » A la suite du procf^s-verbal
vient l'ordonnance du lieutenant- général de police portant que
« le corps dud[it] Lagonna sera inhumé nuitamment, sans bruit,
» scandai, ni appareil dans le cimetière des Juifs à la Villette, en
» la manière accoutumée K »
La formule du permis d'inhumer ne paraît pas avoir toujours
comporté que la cérémonie aurait lieu « nuitamment, sans bruit,
» scandale, ni appareil. » On peut le vérifier par le document sui-
vant :
« Le décès de Samuel Pereire, âgé de huit ans, fils du sieur Jacob
» Rodrigue Pereire, agent de la Nation Juive Portugaise, et de Me-
» rian, sa femme, a été constaté ce jourd'huy par nous Hugues-
» Philippe Duchesne, con[seill]er du Roy, com[missai]re-enquesteur-
» examinateur au Gh[àte]let de Paris, et, ensuite de notre procès-
» verbal, est une ordon[nan]ce de Monsieur le L[ieutenan]t-général
)) de Police, rendue sur les conclusions de Mons[ieu]r le Procureur
» du Roy, le tout en datte de ce jour, qui ordonne que Ir cadavre
» dud[itj Samuel Pereire sera inhumé à la Villette, dans le cimetière
» des Juifs de la Nation Portugaise, en la manière accoutumée, et
» enjoint aux officiers du guet et de police de prester main forte si
» besoin est et en sont requis. — Fait à Paris, en notre hôtel, le
)» six mai mil-sept-cent- quatre-vingt.
» Com^e Duchesne. »
Le Daniel Lapes Lagonna, qui fut enterré, à Paris, le 8 mars
1780, appartenait à la famille Lopes Laguna, qui tire son nom de
la ville de Laguna de los Negrillos -, où existait, au xv« siècle,
une communauté Israélite ^.
La transformation de Laguna en Lagona était éminemment
française. On en trouve un curieux exemple dans Rabelais *.
Daniel Lopes Laguna était, comme on l'a vu, natif de Bordeaux.
Il y avait été circoncis le 26 mai 1756, ayant pour marraine sa
grand'raère Esther de Pas ^. Son père Juda cCIsaac Lagoune ou
' Celte pièce, ainsi que la suivante, nous a été très oblij.'^eamment communiquée
par M. Eugène Pereire, membre du Consistoire central des Israélites de France,
arrière-petit-fils de Jacob Rodrif;ues Pereire qui fut, on se le rappelle, le premier
syndic des Juils portugais de Paris et le premier instituteur des sourds-muets en
France.
* Laguna de los Negrillos est un gros bourg de la province espagnole de Léon.
* Amador de los Hios, Historia de los Judios d'Espana, t. III, docum. III,
p. 598.
* Gargantua, 1. I, ch. v (t. I, p. 100. Paris, 1887). Rabelais dit Lagona éclatera, en
basque, pour Laguna edatera.
5 Thezoro de los circumsidados, B. f» .'{1, n" 193. — Sa tombe n'existe plus au ci-
metière israélite de la rue de Flandre,
LE TRÉSOH DES JUIFS SEPHARDIM 245
Lopes Lagowie S né en 1712, avait eu quatre autres fils : 1^ Ja-
cob'-, filleul de son grand-père paternel, le l^r novembre 1740 ;
2» S(xmuel\ circoncis le 4 janvier 1743; 3° Isaac *, filleul de Sara
Lagonne, le 26 février 1754; 4° Benjamin % opéré le 14 juil-
let 1761.
Parmi les Lopes Lagiina, fixés à Paris, nous devons mentionner
les suivants, dont les tombes se voient encore au cimetière de la
rue de Flandre :
ICI REPOSE LE CORPS d'ABHAHAM LOPES LAGUNA NÉ A BOR^ DÉCÉDÉ
LE 19 JUIN 1807 ÂGÉ DE 58 ANS. LE TEMPS MAITRE DE TOUT l'A
RETIRÉ DE CE MONDE AVEC TOUT « LES REGRETS DE SA FAMILLE.
C'était le frère des divers Lopes Lagonne dont nous avons
donné les noms ci-dessus.
ICI REPOSE LE CORPS DE RACHEL-SILVA-LOPES LAGONNA NÉE A
BOR^ ÂGÉE DE 44 ANS DÉCÉDÉE LE 12 NOV««^ 1806. ELLE^ FUT BONNE
ÉPOUSE ET TENDRE MÈRE. LE TEMPS MAÎTRE DE TOUT l'a MOISSOxN-
NÉE A LA FLEUR DE SON AGE.
A Bordeaux, il n'existe ni au Consistoire ni à la mairie, d'an-
ciens registres des décès de la communauté israélite. Celle de
Bayonne en a fourni au moins un aux archives municipales' ; il
remonte seulement au xviii« siècle.
A Metz, on signale : 1° plusieurs registres de naissances, ma-
riages et décès, paraphés par le président du baillage '*; 2" « un re-
» gistre des décès des membres de la communauté israélite de
» Metz" depuis sa fondation et dont le premier inscrit porte la
» date du dimanche 27 Tamouz -irj = 1564. Ce registre est la
» propriété de la Confrérie des Inhumations. Les premiers statuts
» de cette confrérie datent de 1621. »
Pour ce qui est des naissances, Metz, qui possède un registre
1 Thezoro de los circumsidadon, A. f° 6.
« Ibidem, A. i" 27.
3 Ibidem, B. f» 1 , n" 4.
* Ibidem, B. f» 27, n" 171.
5 Ibidem, B. f» 39, n» 2'i9.
^ Copie textuelle.
7 Ce manuscrit porte la cote GG15 ; il nous a été signalé par M. E. Ducéré, sous-
bibliothécain; archiviste de Bayonne.
8 Archives isrm'lites, t. LX. (1848), p. 162-ir,3. D'après les renseignements fournis
dans cet article, il existe, au grelle du tribunal de Metz, un registre commun pour
les naissances, mariages et décès depuis 1717, et un registre séparé pour les nais-
sances depuis 1770.
^ Cette communication nous a été faite dans une lettre de M. le grand-rabbin
Isaac Weil. du 2 avril 1889.
2i6 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
de 1717, vient après Bordeaux, comme nous allons le constater.
Dans cette dernière communauté les registres n'étaient pas remis
en double au greffe de la justice royale. M. Henri Gradis, dont les
travaux historiques sont bien connus et qui appartient à l'une des
plus anciennes familles du judaïsme français, nous assure môme '
que « les registres des Mohelim n'ont jamais figuré dans les
» archives de la communauté de Bordeaux. »
Celui que nous avons souvent cité sous le titre de Thezoro de
los circiimsidados appartient actuellement aux archives munici-
pales de Bordeaux -. 11 y est venu en vertu de la loi des 20-25 sep-
tembre 1792, dont le titre VI, art. 2, portait que « tous les re-
» gistres [du culte], tant anciens que nouveaux, seront déposés
>) dans la maison commune ».
Une note, placée à la fin du volume ^, est ainsi conçue : « Je
» certifie que le présent registre contient les actes des circonci-
» sions faites par feu mon grand-père Jacob Mezes et feu mon
» père Abraham Mezes. — Bordeaux, le 30 septembre 1793. —
» E. Jacob Mezes. » -
Ce registre porte le titre suivant dépourvu de tout ornement :
X n E >: o Ft o
De los circumsidados. Que
haze iahacob de r//ezas etnpesando de
edad deSo. anos el todo seapor honra
Gloria y loor del eterno dios di-
zerael suplicando hicmildemente
su divina majestad que circon-
sida nuestros corasonnes por seruirlo con
amor y temor alleyando todo jserael
a los dias del bien prometido. A.71ietl,
Bquc sea en nuestros •
ordeaZ. A j^ Deadciv
anno oA66. que corresponde a 28.fcurero
170G
' LeUre à l'auteur du 5 avril 1889.
* GG800 lis du Répertoire général. — Nous tenons à remercier Lieu piiicèrement
M. Léopold Delisle, administraleur de la liihliolhèquc nationale, pour le bienveillant
empressement avec lequel il nous a procuré le moj'en de prendre connaissance à Paris
de ce curieux manuscrit bordelais.
' Deuxième partie, i" 46 v».
LE TRÉSOR DES JUIFS SEPHARDIM 2.7
Je crois inutile de rectifier l'orthographe espagnole de ce titre
dont voici la traduction : Tréfior des circoncis que fait Jacob de
Mezas, commençant à l'âge de 2-i ÇLns- Le tout soit pour L'hon-
neur, La gloire et la louange de r Eternel Dieu d'Israël. Sup-
pliant Sa divine Majesté qu'il circoncise nos cœurs pour le ser-
vir avec amour et crainte, rapprochant toid Israël du bien
promis {que ce soit de nos jours). Amen. Bordeaux, ii Adar,
an Ù466, qui correspond au 28 février ilG6.
Les mots nrj p^on peuvent se traduire : A bon signe, à bon
augure.
Ce manuscrit forme un volume in-8° d'environ 20 centimètres et
demi de hauteur sur 15 centimètres et demi de largeur. Il est re-
couvert de veau fauve et contient 106 folios dont les 30 derniers
sont blancs. En général, le recto seul ' est couvert d'une écriture
dont l'ampleur varie sensiblement, puisque l'on trouve 33 lignes
au folio 1 de la première partie contre 17 au folio 45 de la seconde.
Les lettres sont toutes dépourvues d'ornement, sauf le titre initial
dont quelques caractères ont des filets rouges et verts ou noirs et
verts.
Le Thezoro est divisé en deux parties qui portent une pagina-
tion originellement différente. Chacune des circoncisions a un
numéro d'ordre dans la seconde partie seulement. Depuis, l'on a
écrit, à l'encre rouge, de nouveaux chiffres qui se suivent sans
égard à la division en deux parties primitivement établie. Cette
nouvelle numération est inexacte - ; elle ne correspond pas au
nombre des actes, aussi avons-nous tenu compte de l'ancien ordre
pour toutes nos citations.
La seconde moitié du manuscrit porte le titre suivant : nrj 17:03
. bNi"»:;-' -^ribN ^^ ûca. Thezoro de los circumsidados que haze Ab"'
de Mezes empesando de Edad de 45. afios. Eltodo seapor honra,
gloria loor del Eterno Bios dizerael suplicando humildemenlc
sudiuina majestad que circonsida nuestros corasonnes par se-
ruirlo con amor ytemor. allcgando todo Iscrael a los dias dcL
bien Prometido que sea en nuestros dias. Arncn. Bordeaux a. .9.
de ab So02. Dia de tishabeab que corresponde a. 9. de agosto
il 42. Ab. Dêmêzês. Moel.
Comme on le voit, sauf la date et le prénom du Mohel, les
deux titres sont semblables. Aux mots nrj 17:03 {à bon signe], on
' La première parlie a deux folios écrits au verso, le 41» et le o8^ La seconde par-
tie présente le même cas au verso du litre et aux f« 4, 19, 30 et 46.
» Le manuscrit contient, d'ailleurs, une erreur aux t°« 44 et suiv. de la 2' partie.
Le mohel a répété les mêmes numéros de 280 à 284.
248 REVUE DES ETUDES JUIVES
a cependant ajouté : VwS—w"' ""Vn ■^•^ 2^2, a2< nom du Dieu d'Israël^.
Le texte du Tliezoro est en espagnol du [" 1 ("28 février 1706) au
f° 28 (17 février 1723), puis en français, sauf le titre de la seconde
partie, ainsi qu'une note inscrite au verso du f° 58 et concernant
la famille de Mezes.
L'espagnol employé par l'auteur du manuscrit est très incorrect,
plein d'expressions portugaises : le mois de janvier, en castillan
lne7"0, est écrit, par exemple, Icviero- ou même lanciro"^, ce qui
correspond au portugais Janeiro.
Le français du bon mohel ne vaut guère mieux : tantôt il le mêle
à l'espagnol dans des phrases comme celles-ci : Sara da Costa
madré de ranfan^, — Moshe [liijo] del Mon. ^ le H. H. Atias^ ; —
tantôt il emploie des expressions telles que nore' pour6r«e. Quant
à l'orthographe, c'est de la haute fantaisie : etictinle devient an
sainte, mère se transforme en niaire^, etc.
La famille de Mezes ou de Mezas, à laquelle nous devons le
Thezoro de los circumsidados, n'a pas laissé de descendants mâles
directs dans la population Israélite française. Cependant comme
elle se rattache par de nombreuses alliances à beaucoup d'autres
familles, nous en donnerons la généalogie :
Les de Mezes ou de Mezas sont originaires de Portugal. Ils érai-
grèrent d'abord en Hollande. L'un d'eux, Abraham Jahacob de
Selomofi de Meza, fut grand rabbin d'Amsterdam ; il y publia, en
1524 (in-4"), un recueil de Meditaçùes sacras ou sermoes varios
composios e récit ados n'este KK. de T. T. °.
Son petit-fils, Christoplie Rodrigues Meze, s'établit à Bordeaux.
11 fut pèi-e de Enimanuei Meze *", mort vers 1688 et qui figure,
sous le nom de Manuel de Messe •', comme expulsé de Bordeaux
par l'arrêt du Conseil du 20 novembre 1684. Sa veuve, Marie,
1 II y a lieu de faire observer que les N et 5 sont liés et londus eu un seul
carap.lère.
* Thezoro, A. f»' 3, 4 et 5, ligne 5.
» Ibxdem, A, l- 5, 1. 9.
* Ibidem, A. f° 34, 1. 18.
3 Ibidem, \. f- 40,1. \.
6 Ibidem, A. f» 57, 1. 3. — Le mot nore correspond au portugais nora. M. Kayser-
ling a publié, dans la Revue des Études juives, t. XXII, pp. 123-124. une liste des
mots espagnols conservés dans le parler des Juils de Bordeaux et de Bayonne ; il y a
lieu d'observer que ces mots paraissent, en partie, plus portugais qu'espagnols : faja,
prononcé fascha = faxa, desapegar^ etc.
■ Thezoro, A. fo 41, 1. 17.
s Ibidem, A. f« 40, 1. 3.
* Innocencio da Silva, Diccion. bibliogr. portug., t. I, p. 1.
>» Malvezin, Hist. des Juifs à Bordeaux, p. 134.
" Archives nationales. E 1827.
LE TRÉSOR DES JUIFS SEPHARDIM 249
Lopes ' n'en demeurait pas moins dans cette ville en 1717, rue
des Ayres.
Emmanuel de Mezes eut quatre fils :
I. _ jacol) de Mezas, qui Cut mohel du 28 février 1706 au 16 fé-
vrier 1742, c'est-à-dire jusqu'à sa mort, ainsi qu'on peut le cons-
tater par l'inscription de sa tombe- :
S^ DEL PiO VMILDE. VIRTVOsO Y. PiADOSO. AYASIS. ANIHBAD. YSRAEL.
YAHACOB. DE. MEZES MOEL. Y FVNDADOR. DE. LA. S^-^ JEBRA. F» A,
6. DE. ADAR. SENi. 5502. QVE. CORESPONDE. A 12 MARCO 1742.
De son mariage avec une demoiselle Dacosta, il eut deux fils,
Abraham, dont nous parlerons ci-après, et Moïse^, circoncis le
2 août 1706.
n, _ Abraham de Mezes, connu sous le nom à: Alexandre
Mèze, et associé avec son père\ Il eut un fils % dont j'ignore le
prénom, et qui fut circoncis le 28 juillet 1717.
III. — Isaac de Mezes, marié à Rebecca Gommes «, dont il eut
une fille, Rebecca'' , et sept fils circoncis aux dates suivantes :
1" Elie^, le 15 aoiit 1707 ; — 2° Emmanuel- Jacob ^ le 20 février
1709; — '2>° Samuel, le 8 juin 1710; — 4° David, le 15 septem-
bre 1713; — 5» un autre enfant nommé aussi David '", le 18 oc-
tobre 1714 ; — 6° /l braham^', le 27 novembre 1721 ; — 7° Isaac,
le 15 novembre 1722, filleul de sa mère Rebecca Gommes.
IV. — Daind de Mezes eut également huit enfants : — 1° Abra-
ham'% le 5 novembre 1706; — 2^ Mardochée '\ le 5 mars 1708,
» Francisque Michel, Hist. du commerce à Bordeaux, ch. xlvi, t. II, p. 426, note 2.
2 Ciraelière Israélite du cours Saiat-Jeau à Bordeaux. — Cette inscripliou, qui
est accompagnée des insignes du mohel, veut dire : Sépulture du pieux, humble, ver-
tueux et religieux 13DDn O-'OT! -Jacob de Mezes, mohel et fondateur de la sainte
confrérie. Il mourut le 6 d'adar seni 6502, qui correspond au ti. mars 1742.
3 Thezoro, A. i» 1.
* Maivezin, Hist. des Juifs à Bordeaux, p. 171.
5 Thezoro, A. 1" 12.
6 Ibidem, A. f" 8 : elle est marraine, le 29 mars 1714, de son neveu Jacob Pcreira
Soares.
' Ibidem, B. 1" 6, n" 31 : elle est dite Rtbica de Isaac de Mezes.
5 Ibidem, A. (• 2.
9 Jbidcm, A. f» 3.
10 /hulem, A. f» 4.
" Ibidem, A. (" 7.
»2 Ibidem, A. f" 8.
>3 Ibidem, A. 1» 22.
'* Ibidem, A. 1» 26.
•■ Ibidem, A. 1» 1.
»* Ibidem, A. f» 2.
2o0 REVUE DES ETL'DES JUIVES
filleul de sa grand'mère Baesa; — ^° Emviianuel- Moïse ^, le
10 mars 1700; — 4" Juda-Macchabée'^, le 3 décembre 1714; —
5° Isaac'^, le 23 octobre 1718; — 6° Jacob*, le 12 septembre 1720,
filleul de sd. mère Esther de j\Jezas; — 7" ^arou^, circoncise deux
mois, le 29 juillet 1723, filleul de son oncle Aaron Baesse; —
8o Samuel^, circoncis normalement le 22 septembre 1725, « filleul
de sa mère Anna Baesse" », et père lui-même de deux fils : David^,
opéré le 26 octobre 1754, et Isaac '', circoncis le 26 janvier 1760. —
Je ne sais trop à quelle branche de la famille de Mezes il faut rat-
tacher les trois sœurs Rebecca, Rachel etAbigaîl, qui furent réin-
tégrées, le 15 juillet 1758, par ordre du roi, dans le couvent des
Ursulines de Bordeaux, où leur mère s'était retirée pour se con-
vertir 10.
Parmi les autres membres de cette nombreuse famille, nés avant
le xix^ siècle, je citerai Esther de Mezes, dont la tombe se trouve
à Paris 1' et porte l'inscription suivante :
ici REPOSE ESTHER-DÉsiRÉE MÉZÈS ÉPOUSE d'aBRAII.\M 5:iLVEYRA
DÉCÉDÉE LE 9 FÉVrIeR 1860 ÂGÉE DE 77 ANS.
De tous les de Mezes, les seuls qui présentent un intérêt historique
sont évidemment ceux qui remplirent les fonctions de Mohelini à
Bordeaux, au xvrii« siècle. Le premier, comme nous l'avons dit,
fut Jacob, qui eut pour successeur son fils Abraham. Celui-ci fut
péritomiste'2 du 9 août 1742 au 26 janvier 1775. Il mourut en 1780,
ainsi qu'on peut le constater par l'inscription de son tombeau '^ :
S^ DEL ZELOSO Y BIeNAYENTURADO AYASis. VEAKiciIBAD ABRAHAM
DE MEZAS FUNDADOR DE LA IIEBRA Y DE HATERET ZEQUENIm. MOKL
DEbTE KAAL KAUOS F" A 23 DE KÎSLEU 5547 Q. CORRESPONDE A 21
X"'"^ DE 1780. S A. G. D. L. g. A.
» Thezoro, A. f» 3.
* Ibidem, A. i" 8..
3 Ibidem, A. foU.
" Ibidem, A. f» 18.
5 Ibidem, A, f» 29.
« Ibidem, A. 1»33.
' Il faut lire : « Filleul de sa grand' mère •, cnr Esther, femme de David de Mezes,
vivait encore le 29 janvier 1760 [Thezoro, B. 1" 38, n" 241).
8 Ibidem, B. i" 28, n» 176.
9 Ibidem, B. f» 38, n» 241.
*" Malvezin, Rist. des Juifs à Bordeaux, p. I00-I06.
1' Cimetière du Montparnasse, Sépulture Silveyra.
" Secoude partie du Thezoro de los circumsidados.
'^ Cimetière israélile du cours Saint-Jean à Bordeaux. Dans le leste espairnol les
caractères suivants sont tous liés : .A et D, A et N, A et H, A et V, A et L, .\ et M,
H et D, D et E, M et E, U et E. En voici ia traduction : S(fptHture du z-'lé et bien-
heureux narrm C'^iri Abraham de Mezas, fondateur de la Ccnfrérie et [de la So-
LE TRÉSOR DES JUIFS SEI^HARDIM 2ol
Ce saint homme eut deux fils et trois filles : I. — Emmanuel-
Jacob, né 1 le 5 janvier 1729 et circoncis le 12 du même mois -; du
24 avril 1754 au 22 février 1*759, il remplaça son père comme péri-
tomiste ^, et ce fut lui qui remit le Tfwzoro de los circumsidados ,
en 1793, à la municipalité de Bordeaux''.
IL — Rachel de Mezes, née ^ le 24 août 1732. Elle épousa Abra-
ham Miranda'', vers 1751,
III. — Rebecca, née" le 12 avril 1735, mariée^ le 6 décem-
bre 1758.
IV. — Sara^, née le 11 janvier 1738 et morte en bas âge.
V. — Isaac, né^° le 7 août 1747, circoncis'* le 15 du même mois.
Le Thezoro de los circumsidados, auquel sont empruntés ces
détails, ne renferme pas toutes les circoncisions faites à Bordeaux.
Les de Mezes n'étaient pas les seuls mohellm de la communauté :
on peut citer notamment Moïse-Israël Henriques « de Londres '- »,
comme ayant fait une cinquantaine de circoncisions '^ du 4 juin 1726
au 13 mars 1740.
On sait que la communauté portugaise de Londres fut établie
vers 1655, à la suite de la mission du célèbre lisbonnais Manassé
ben Israël , envoyé auprès de Cromwell par les Sephardim
d'Amsterdam. Plusieurs des membres de cette fté'/îJ/« anglaise ont
grandement honoré les noms de plusieurs familles de Bordeaux et
de Bayonne : Josué da Silva, David et Joseph Pardo, etc.
L'auteur de la présente étude a trouvé à Bordeaux et conserve
un manuscrit qui peut fort bien avoir appartenu au mohel Hen-
riques, de Londres. Il est daté de cette ville : Londini. Anno 1729.
ci('té] llatéret Zequenim, mohel de cette sainte communauté. Il mourut le 2<î kislev
Sôi7, (pii correspond au '^1 décembre ilHO. Les lettres S. A. G. D. L. G. A. si'jni-
fieut : Su aima goze de la gracia anunciada. — Qtie son âme jouisse de la (jrûce
annoncée.
1 Thezoro, A. f° 38.
2 Ibidem, A, f° 58 V".
3 Thezoro, f»' 27, n"^ 173 et 174 ; 29, n"* 182 et 183 ; 30 r", n"' 183 et 187; 30 v° ;
31, n» 1D3 ; etc., etc. ; 37, n°» 231 et 234.
* Ibidem, B. 1° 46 v".
5 Ibidem, A. f» 58 v».
8 Ibidem, B. f" 21, n" 133 : Acte du 13 décembre 1750 : « Pareins Ab™ Miraade,
» mon bcau-l'rère, et Rachel Mezes, ma GUe, sa promize. •
' Ibidem, A. f» 58 V".
8 Ibidem, B. i" 36, n" 229.
9 Ibidem, A. 1 ■ 58 v».
" JbHem, A. 1» 58 v,
»« Ibidem, B. 1° 14, n" 84.
'•^ Ibidem, A. (" 34.
'3 Ibidem, A. f"^ 34, 35, 38 à 42, 44, 46 à 49, 51 à 54, 56 et 58; B. (• 2, u<" 9 et 12,
et i" 9, n" 52 et 54.
2o2 REVUE DES ETUDES JUIVES
25° Augusii. C'est un volume de 24 centimètres de hauteur sur en-
viron 18 de largeur. L'écriture en est fort belle. Il contient 4 feuillets
l)rél)minaires et "710 pages de 10 lignas, encadrées d'un filet rouge.
Le titre de ce manuscrit n'existe que sur le dos du volume et
porte cps mots : Common prayers. Hehrew. C'est, en effet, une
traduction anglaise du rituel ; elle ne paraît pas dé[)ourvue d'intérêt
au point de A'ue du judaïsme britannique.
Le péritomiste Moïse-Israel Henriques, auquel appartinrent
nos Common Prayers, épousa une fille du sieur Isaac Fernandez.
Il eut, de ce mariage, quatre enfants circoncis à Bordeaux aux
dates suivantes : Isaac \ le 17 mai nSl ; Joseph-, le 29 décem-
bre 1732; Abrahnm\ le 19 avril 1738; olJacob\ le24 juillet 1740.
La circoncision d'Abraham Henriques porte la mention que voici :
« Ab"" de Moshe Israël Henriques, [âgé] de 8 jours. Pareins :
■» Joshef Henriques MeJine et Ribica Lamego. Mohel : le père de
)> lanfan. Et, à 4 heures de laprès midi, il i est survenu unne hémo-
» rogie de san fort considérable, laquelle, sur l'istant, moy, Jb. de
» Mezes, ay arété ».
Il y a lieu de faire observer que les mohelim bordelais n'hési-
taient jamais à retarder « le berit^ «lorsqu'une maladie quelconque
eût rendu l'opération dangereuse.
Le 13 septembre 1714, par exemple, on circoncit un fils (VAbra-
ham MacUouqiia, âgé de i)lus de 8 jours, en faisant observer qu'il
ne l'a pas été en temps voulu, « par aver sido enfermo^ ».
Le sieur Macliouqiia (ou mieux : Machuca), dont il s'agit, eut
deux autres enfants : Isaac', le 10 février 1713, et Jacob^, le
17 janvier 1716. Sa sœur, Ruchel Machuca'\ tigure comme mar-
raine d'Isaac d'Aguilar, le 20 mars 1719.
Autre exemple de circoncision retardée : — Le 12 mai 1760, Da-
vid Ribeyre^" fut opéré à l'âge de 4 mois « par maladie ». Cet enfant
appartenait à la famille portugaise Ribeira '•, dont la branche éta-
1 Thezoro de los circumsidados, A. f" 40.
» Ibidem, A. f" 42.
* Ibidem, A. i" 33.
♦ Ibidem, X. f" 56.
• Thezoro, B. f" 7, n" 41. — rT^-;3.
fi Ibidem, A. i" 8. — « Pour avoir été malade. •
7 Ibidem, A. 1° 7 ,
8 Ibidem, A. f" 10.
9 Ibidem, A. f» ITi.
"> Ibidem. li f" 19 V», n. 123.
•1 Je crois qu'il y eut aussi une famille RiBEino. dont le nom devint également Ri-
beire en français. A Peyrehorade, nous trouvons Antoine Ribeyrou, expulsé par lar-
rèt du Conseil de 1684, et Mardor.hée Rivera, mort eu 1661, d'après M. Henry Léon,
Hist. des Juifs de Bayonne, ch. xs.
LK TRKSOH DKS JUIFS SEPHARDIM 2133
Llie à Bordeaux ont pour chef Isaac Ribeyre, qui eut de sa femme
Rebecca : 1° une fille', mariée à Moïse Dacosta; — 2'^ Salomon
Ribeyra-, circoncis le 22 juin H 10, et père lui-même (VIsaac\ le
24 janvier HSO; — 3« Esther, marraine de son neveu Isaac de
Salomon Ribeyre ; — 4« Jacob, père de David Ribeyre, dont nous
avons parlé ci-dessus.
Je citerai un troisième et dernier cas de circoncision tardive. Il
s'agit de Da7îiel Lopes Pereire, « né le 16 janvier HôO et [qui]
À) n'a été sirconsi que le 20° jour de sa nesanse, et ce cauzé par
» vnne anflure et jnflammation qui lui estoit survenue" ». C'était
le petit-fils de Jacob Loppes Pereyre ^ « venu de Portugal » on
juin 1747. Cet immigré épousa, à Bordeaux, une demoiselle Rebecca
Torres «, dont il eut : 1° Joseph ', le 9 décembre 1758, et 2° le David,
susnommé ®.
Pour les circoncisions, on faisait choix d'un parrain et d'une
marraine, chargés de tenir l'enfant pendant l'opération. On les
prenait généralement parmi les proches parents. Nous trouvons
comme parrains : le grand -père, l'oncle, le père et rarement le
frère. La grand'mère, la tante, la cousine, et, parfois, la mère ou
la sœur figurent comme marraines.
On pouvait être parrain par procureur, et la marraine, désignée
par la famille, pouvait être remplacée en certains cas. Un acte du
14 décembre 1731, par exemple, porte la mention suivante : « David
i> de Abraham Keiros, [circoncis à l'âge] de. 8. jours. Pareins :
« Abm Lameyre et Ester Carbaillo, sa sœur; et, se trouvant
» ansainte, [elle] a donné la inisba à Ester Fonsèque ^ »
» Thezoro, A. 1» 53, et B. !" 6, n" 31, — 7 juin 1738 et 23 sept. 1744.
» Ibidem, A. f" 10.
3 Ibidem, A. f° fi4 .
* Ibidem, B. f° 38, a» 242.
^ Ibidem, B. f-lS, n» 79.
6 Ibidem, B. f° 42, n" 269 = 2ijn.
7 Ibidem, B. f" 36, u" 230.
8 Avant que Jacob Lopes Pereire n'arrivât de Portutral, nous trouvons, dans le
Thezoro, A. f° 22, à la date du 13 juillet 1721, la circoncision de David dJsaac Loppes
Pereira, . venido de Espa^na ., ù-é de 17 ans. - M. Eug. Pereire a eu l'obli^^eance
(le me communiquer une lettre de M. Ambroise Tardieu, historiojjraphe de 1 Au-
vergne, siirnalaiit un . Lopez Peruira, grand armateur à .\lger en 1 ;20 ■•
» Thezoro, A. 1- 41. — La iamille Qukiroz. dont le nom est écrit Keiros, Keyros,
Kayros et Cuiras, est ori'.'inaire de Poriugal. Le chef de la branche bordelaise parait
être Abraham Mendcs Queiroz, père de : 1' Isaac Quetros, père lui-même d un autre
Abraham, circoncis le 3 janv. 1738 : 2» Rachel Mendes Keyros; — 3' Moise Mendes
A'«»-o5, circoncis le 8 juillet 1729; — 4' David, dont nous avons parle c.-dessus;
5<> Aaron Mendes Keiros, dont le (ils Moise eut pour parrains, le 16 fevr. 1742, ses
grands-oarents Abraham Vitoria et Rebecca Mendes Cayros. — Abraham Kayros
hgure comme • vishayeul à Tanfan . dans l'acte de circoncision d'Abraham '^«rrea
Déballe, le 13 nov. 1772 (Thezoro, A. f"' 52, 55, 38, 41, 58, et B. 1° 4b, n» 284
= 289).
234 REVUE DES ETUDES JUIVES
Lorsque le circoncis avait plus de 5 mois, il n'avait généralement
pas de marraine, mais seulement un bulial br?. Cependant David
Mandes ^ opéré le 3 mai llôS, eut pour parrain son grand-père
David MendesMadeyre - et, pour marraine, sagrand'môre Rebecca
Mendes ; il fut tenu par Jacob Mendes son père.
Sur 6 enfants, âgés de 1 à 3 ans, on en trouve deux qui eurent
une marraine à leur circoncision ; mais il faut reconnaître qu'ils
appartenaient à des familles notables.
Puisque je parle de l'âge des circoncis, il est curieux de voir
comment se répartissent, à cet égard, les divers actes du Thezoro
Lie los circumsidados :
Sur "755 circoncis, il y en a : 617 opérés dans les délais pres-
crits par la loi religieuse ; 3 de 1 mois ; 5 de 2 mois ; 1 de 3 mois ;
1 de 4 mois ; 1 de 5 mois ; 1 de 6 mois, et 1 de 7 mois ; — 1 de 1 an;
2 de 2 ans ; 3 de 3 ans ; 4 de 4 ans ; 3 de 5 ans ; 1 de 6 ans ; 6 de
7 ans ; 1 de 8 ans ; 1 de 10 ans ; 4 dé 11 ans ; 2 de 12 ans ; 2 de
13 ans ; 3 de 14 ans ; 5 de 15 ans ; 2 de 16 ans ; 5 de 17 ans ; 5 de
18 ans ; 2 de 19 ans ; 4 de 20 ans ; 2 de 21 ans ; 6 de 22 ans ; 5 de
23 ans ; 4 de 24 et 4 de 25ans ; 1 de 26 ans ; 3 de 27 et 3 de 28 ans ;
4 de 30 ans ; 1 de 34 ans ; 2 de 35 ans ; 4 de 36 ans ; 1 de 37 et
1 de 39 ans ; 4 de 40 ans ; 1 de 41 et 1 de 44 ans ; 2 de 45 et 2 de
48 ans ; 1 de 49 ans ; 7 de 50 ans ; 3 de 52 ans ; 1 de 58 ans ; 3 de
60 ans ; 4 de 65 ans ; et, enfin, 1 de 68 ans !
La plupart des adultes venaient d'Espagne ou de Portugal.
Pour tous les cas particuliers, on avait recours au jugement du
rabbin, ainsi que nous le verrons dans un autre chapitre.
Une des grandes difficultés que présente la reconstitution de
Tétat-civil des Israélites Sei)hardim provient de leur habitude d'a-
voir deux prénoms, l'un civil emprunté au catholicisme, l'autre
purement biblique. Quelque chose d'analogue se faisait déjà du
temps des Séleucides. En Portugal, surtout, le double prénom était
commun : le célèbre instituteur des sourds-muets, Jacol) Péreire,
s'appelait Francisco-Antonio dans son pays ■''.
Des nombreuses coïncidences que j'ai notées, je crois pouvoir
conclure que l'emprunt du prénom chrétien ne se faisait pas tou-
jours arbitrairement : c'est ainsi que le nom juif ^&rrt/ia?ii' est
> Thezoro, B. f» 23, n° 161.
* Les Mendes Madeyre, ou plutôt Madeira, viennent de Portugal. Outre le David
Mendes Madeyre, circoucis a 7 mois et dout nous venons de parler, nous trouvons, à
Bordeaux, un Isaac Mendes Madeyre qui lut parrain de son petit-iils Isaac Mendes
Veif^^a, le 19 mai 1755 {Thezoro, B. f» 29, n» 183 bis] .
3 Notons, en passant, que son petit-fils le fameux économiste Emile l'creire avait
reçu, à la synagogue, le prénom de Jacob »
LE TRESOU DES JUIFS SEPHARDIM 235
g*^n(^ralpment transformé en Antonio, celui de Jacob en Francisco ;
quant au mot Jacques (ou Diego) ce n'est qu'une altération de
l'hébraïque Jacob. De Hahn, 'w'^n, les Espagnols juifs faisaient
volontiers HUln, Jain, Chaïm, Jai/m,Ja'hn, que l'on peut rappro-
cher du James, si commun chez certains Israélites de nos jours.
Le prénom juif du premier-né était toujours celui du grand-père
paternel. Le parrain ne paraît pas avoir eu d'influence sur le choix
des noms donnés aux autres enfants.
Voici, avec leurs transformations en judéo-bordelais *, la liste
des prénoms employés au xyiii® siècle : Abraham ; Isaac := Jshak
ou Jsac ; Jacob; Moïse = Moshe et Moseh ; David ; Joseph =
Joshef; Haïm =: Jaïn et Jaïm, très commun chez les Avignonais ;
Aaron ; Daniel ; Mardochée = Merdoxay, Mordojay ; Benjamin ;
Israël = /.serae/!; Raphaël; Samuel = 5'em«e^; Salomon = Salomo;
Salom, fréquent chez les Avignonais; Aser ; Baruch ; Besalel ;
Galef ; Elle = Eliau; Eliézer ; Elisaman ; Emmanuel = Ymanoel
et Manuel ; Gabriel ; Gad ; \::-r^ = Herson; Jonathan ; Josué =
Jeosua, Jeosuan ; Juda = Jehuda, Jewla\ Manassé = Menaslic\
Manoah ; Macchabée ; ^'r^w = Mesidman ; Nasaoth ; Isathan ;
Néhémie ; Nissim ; Noë = Noa, Nohac, Noue ; Pinhas ; Ruben ;
Sebi ; Simon ; Tobie ; Jonas ; et, enfin, parmi les très rares :
Alchanan, Abiou, Jesurum, Joha et Semah.
Les doubles prénoms étaient peu communs ; les triples excep-
tionnels.
Pour ce qui est des femmes, elles portaient soit des noms bibli-
ques ^, soit des noms profanes. Ceux-ci étaient presque toujours
très gracieux : Blanche, Belle, Rose, Gentille, Reine, Régina,
Réginette, etc.
La plupart de ces prénoms sont très anciens dans le Judaïsme
français : Reine, Bonne, Belle, appliqués à des femmes Israélites
étaient en usage, dès l'an 1292, dans la Communauté de Paris ^ ;
sur une inscription du Moyen-Age, à Dijon *, on lit le charmant
prénom de Florette.
En ce qui concerne les noms patronymiques, les Juifs hispano-
portugais en eurent un, constamment le même, depuis leur éta-
' Nous les classons par ordre de fréquence : les plus communs en têle. — Les
mois soulignés sont les formes usitées à Bordeaux, au xviii' siècle.
* \ oici, par ordre de fréquence et avec leurs alléralions bordelaises, les principaux
prénoms de femmes : Rachel; Eslher ; Sara ; Rebecca = Hibicca, Ribka ou Jiihcu,
Mica; Abigaïl = rarement Abiar/uil ; Marie = Mirian, Merian; Judith = Judique;
Léa ; Anna = Chana ou Jana ; Sephora = Sipora ; Thamar ; Débora, etc.
* Henri Legrand, Paris sous Philippe-le-Bel, p. 178 : Rôle de la taille à Paris.
* Le rabbin Gerson, Pierres tunmlaircs hébraïques de Dijon, dans la Rev. des
Étud. juives, t. VI, p. 22o.
•2o6 RKVUE DES ÉTUDES JUIVES
blissement en France. Tout à fait au début de leur immigration,
ils conservèrent, quelque temps, un double nom suivant la coutume
de leur paj's d'origine '. Depuis, ils ne portèrent plus que celui de
leur père, comme il est d'usage en France.
Les Avignonais, fondus actuellement avec les Sephardim, ne
se servaient de leur nom de familles que pour la vie civile. En
voici un exemple :
Les héritiers du sieur Abraham Vidal, de Paris, — en faveur
desquels le droit d'aubaine fut aboli comme nous l'avons écrit pré-
cédemment-, — produisirent diverses pièces d'état-civil.
L'un de ces actes fut un certificat délivré le 26 janvier 1784 par
D. Silveyra % « S3'ndic général et Agent de la Nation Juive Portu-
» gaise et Espagnole à Paris ». Il est dit que Abraham Vidal, mort
à Paris le 21 décembre 1783, habitant cette ville depuis 45 ans et
« un des premiers fondateurs de l'École Gratuite de Dessin », était
né à Bordeaux, en 1720, de Blanche Ravel et de Joseph Vidal,
<( ainsi qu'il appert du registre de circoncisions ». Or ce registre
porte simplement, à la date du 31 août 1720 : « Abraham [fils] de
» Joseph-Haïm fils de Noé ; parrains : son frère Noë et Rachel
» Perpignan* ».
Non seulement les Juifs Portugais ont constamment porté un
même nom de famille depuis leur établissement en France ; ils ont
•encore poussé le zèle jusqu'à franciser ces noms, comme ils fran-
cisaient leur esprit et leur cœur : Pereira est ainsi devenu
Péreire ; de Cardozo on a fait Cardoze ; de la Penâ s'est trans-
formé en Peigne ; et Del Valle a parfois été littéralement traduit
en Duval.
L. Cardozo de Béthencourt.
' Les Espagnols et les Portugais joigaent habituellement le nom du père et celui
de la mère ; mais les Espagnols mettent celui-ci le second avec la particule y, tandis
que les Portugais en font le premier. Rodrigues y Cardozo désigne en Espagne un en-
fant d'un sieur Rodrigues et d'une dame Cardozo ; en Portugal cela signifierait : fils
d'une dame Rodrigues et d'un sieur Cardozo.
^ Voir chapitre i.
3 Marlineau, Mémoire pour les héritiers d'Abraham Vidal, Juif portugais, p. 30.
(Pdris, 1784, in-4°.)
♦ Thezoro de los circumsidados, A. i" 19.
NOTES
SUR
L'HISTOIRE DES JUIFS DE SAXE
(suite et fin ')
II
La Rt^forme eut-elle une influence favorable sur la situation des
Juifs? Il semblerait que non, car bientôt après cet événement
plusieurs villes de Saxe et de Thuringe défendirent aux Juifs d'y
séjourner, en leur refusant « l'eau et le feu ». En 1543, sous le
règne du prince-électeur Maurice, ils furent chassés de Zwickau,
où, sous le margrave Frédéric, en 1308, on leur avait permis
d'habiter-. Un fait analogue eut lieu, dans la même année, à
Plauen. Auguste, successeur du prince-électeur Maurice, se mon-
tra encore moins favorable aux Juifs; il leur interdit rigoureuse-
ment le séjour de tout son pays. Les villes et surtout les corpora-
tions en faveur desquelles « le père Auguste » avait ainsi agi
n'étaient pas encore satisfaites des mesures prises contre les
Juifs. A la diète de l'année 1565, on reçut une adresse des villes —
la copie se trouve aux archives de Leipzig — se plaignant qu'on
tolérât rà et là des Juifs, « qui s'occupaient non seulement du
commerce de velours, de soie et de toile, mais aussi d'usure».
Une ordonnance du prince Auguste, édictée à Freiberg le 5 octobre
1554, et défendant aux Juifs le commerce d'argent, renouvela et
aggrava les ordonnances de ses prédécesseurs. Nous y lisons :
« Aucun Juif ne recevra l'hospitalité de nuit dans nos villes mi-
nières, et nos sujets seront punis de contrainte par corps en cas de
transgression. Si un Juif est pris en faute, la moitié de tout ce
' Voyez Revue, t. XX.V, p. 217.
» Tittmann, Cleschichte Heinrich des Erlauchten, t. I, p. 393.
T. XXVI, N» 52. 17
238 REVUE DES ETUDES JUIVES
qu'il a sur lui reviendra à celai qui Taura arrêté. S'il récidive, on
lui infligera un châtiment corporel et ses biens seront con-
fisqués '. )'
A partir de ce moment, non seulement les Juifs n'avaient pas le
droit de passer la nuit à Freiberg, mais même quand leurs affaires
les obligeaient à y faire un court séjour, ils devaient se faire ac-
compagner, contre une taxe fort élevée, par un employé de police.
La nécessité de cette surveillance est expliquée dans les Annales
de Freiberg, de A. MoUer, par le fait suivant : « Année 1621. Le
24 juin, plusieurs Juifs ont été arrêtés à Freiberg pour permettre
Texamen de leurs marchandises; on y trouva beaucoup d'ar-
gent caché. Il y en avait aussi dans un double fond, ainsi que
dans les poches de leurs vêtements et dans leurs ceintures ; de
même, les havresacs, les selles et les harnachements des che-
vaux étaient remplis de monnaies hors cours. On leur prit tout
l'argent et le cuivre acheté par eux, d'un poids total de deux cents
quintaux, et, sur l'ordre du prince, tout fut envoyé à Dresde. »
On peut pourtant prouver par des documents que ce commerce
illicite de monnaies défectueuses n'était pas toujours exercé par
des Juifs. Le prince électeur Georges I", dans une lettre adressée
à la municipalité de Leipzig, en date du 3 décembre 1621, rend
responsable de la circulation des monnaies tous les industriels et
commet^çanls àas, y'iWQs, saxonnes-. M. G. Beutel, de Dresde, a
publié dans les Mittheilungen fur Gesch. der Stadt Meissen,
plusieurs documents concernant le système de monnayage de
l'année 1621 ^, et, entre autres, une pièce nommant plusieurs
personnes qui ont été citées devant le tribunal sous l'accusation
d'avoir fait le commerce des monnaies et parmi lesquelles ne se
trouve aucun Juif.
Gomme le règlement édicté sous le prince Auguste contre les
Juifs voyageant en Saxe empêchait beaucoup de grands commer-
çants de visiter la foire de Leipzig, on en atténua la rigueur
dans l'intérêt de cette ville. Le 2 octobre 1682 Jean-Georges
accorda certains privilèges aux Juifs étrangers fréquentant la
foire de Leipzig. Il faut ajouter qu'on n'était pas seulement intolé-
rant envers les Juifs *, mais envers tous ceux qui ne professaient
pas la religion reconnue par le pays, comme le prouve le vœu
exprimé par les représentants des États à la Diète de 168.j : a Qu'il
ne soit pas permis, disent-ils, dans le pays de Son Altesse, aux
» Cod. Aug., t. II, art. 80.
' K\o\.zsc\\^ Mûnzgesckichtc, t. Il, 308.
^ Mitûmlungen des Vereins fur Geschichte d. Stadt ifeissen, p. 453.
* Sidori, Geschichte der Juden in Sachse>i, p. o1.
NOTES SUH L'IIISTOIHE DES JUIFS DE SAXE 2o9
personnes des autres confessions de faire partie des corporations
et encore moins d'obtenir les privilèges de citoyen ».
Un peu plus tard, le 20 septembre 1693, Jean-Georges IV,
animé de sentiments de malveillance à l'égard des Juifs, écrivit à
leur sujet à la municipalité de Leipzig : « Ne voulant pas intro-
duire chez nous les superstitions des Juifs, vous devez sévèrement
défendre à ceux qui arrivent chez vous d'observer la fête des Ta-
bernacles et, en général, de célébrer leurs faux offices divins. »
Le sort des Juifs s'améliora lorsque Frédéric-Auguste monta, en
1(594, sur le trône de Saxe. Déjà le 12 février 1695, il intima l'ordre
à la municipalité de Leipzig de permettre à son « hofjud «Berend
Lehman de Ilalberstadt, et au « hofjud » Leffmann Berentz, de
Hanovre, ainsi qu'à ses deux fils, d'ouvrir pendant la foire une
boutique, sans leur faire payer une taxe plus élevée qu'aux autres
marchands. Ce n'est qu'après des ordres réitérés que la munici-
palité de Leipzig tint compte du désir du prince. Mais, lorsque le
6 avril 1698, le prince ordonna à cette municipalité d'autoriser les
Juifs, pendant la durée de la foire, à célébrer le service divin
dans leurs demeures et à emporter leurs morts contre le paiement
de 12thalers, la municipalité fît de sérieuses représentations, dans
une adresse du 10 juin 1698, où elle en appelait aux anciennes tra-
ditions. Lorsqu'en 1699, le Consistoire et les représentants des
États demandèrent à leur tour qu'on défendît aux Juifs de célébrer
les offices en temps de foire, Frédéric-Auguste céda par le rescrit
du 4 janvier 1704*.
La famille de Berend Lehmann, dont il est question plus haut,
occupait une situation privilégiée en Saxe, parce que le chef de la
famille, né en 1659, à Ilalberstadt, avait rendu des services impor-
tants au prince Frédéric-Auguste I«''. Ainsi, il lui avait procuré
l'argent nécessaire pour obtenir la couronne de Pologne, en 1697, et
payer ensuite les frais du couronnement à Varsovie. Dans ce but,
il avait négocié la vente du droit de bailliage sur Quedlinbourg,
acquis en 1697, au prix de 340,000 thalers, par l'Etat de Brande-
bourg. La comtesse Konigsmark, supérieure du couvent de Qued-
linbourg, parle en termes peu aimables de Mo)isieur Lehmann et
se plaiiit qu'un Juif ait conclu cette affaire. Vchse afhrme que ce
fut aussi Lehmann qui négocia, en 1706, l'emprunt nécessité par
l'invasion de Charles XII, roi de Suède. Berend Lehmann est
mentionné dans les actes du conseil général de 1708 comme ayant
rendu des services d'argent et négocié le rachat du bailliage de
Borna. Dans la lettre- qu'il adressa, le 22 septembre 1707, au
* Vogel, Leipzigcr Annalen.
* Emil Lehmann, Ber polnisckc Résident Berend Lehmann, p. 13.
260 REVUE DES ETL'DES JUIVES
Statthalter, pour lui demander son avis sur la pétition de B. Leh-
raann, concernant son établissement et celui de sa famille à
Leipzig et à Dresde, le roi de Pologne parle des « fidèles services »
et des « sentiments dévoués » de Lehmann. Dans une lettre en-
voyée de Dresde le 27 mars 1708, le roi parle en termes analogues
de J. Meyer, de Hambourg, et de son fils aîné, qui s'établirent avec
leurs familles et leurs domestiques à Dresde.
Le 8 mai 1708, le roi de Pologne, électeur de Saxe, écrivit de
nouveau à la municipalité de Leipzig en faveur de B. Lehmann et
de Leffmann Berentz, disant « que suite devait être donnée à ses
ordres ". Mais, malgré la bienveillante intervention du prince, les
Juifs ne purent obtenir la liberté de leur culte pendant la durée de
la foire à Leipzig.
Leur situation n'était pas meilleure à Dresde. Le 12 décembre
1705, les épiciers et les commerçants se plaignirent à la munici-
palité « que les Juifs occupassent des ouvriers de leur secte et se
réunissent pour leurs cérémonies religieuses ». Une enquête faite le
23 décembre 1705 montra qu'en tout quinze Juifs habitaient
Dresde '. On leur permit quand même, comme dit Sidori, d'établir
une Betsluhe, un oratoire. Les représentants des Etats en furent
fort mécontents, et, pour les apaiser, le roi, dans son discours de
fin de session, en 1711, dit v qu'il ne permettrait pas aux Juifs
d'exercer leur culte >;. Exception fut faite par lui en faveur de la
famille Lehmann. Dans un rescrit du 25 avril 1711, il autorise le
ti résident Lehmann et son fondé de pouvoirs J. Meyer, à célébrer
le service divin d'après le rite juif, mais sans bruit et sans cris
dans la maison qu'ils habitaient à Dresde, ou celle qu'ils habite-
raient à l'avenir ». En même temps il ordonnait « que les livres de
prière, tables ou tout autre objet enlevé de la maison seraient
restitués à Meyer ».
On se montrait moins tolérant pour les Juifs étrangers. En 1708,
on bannissait les Juifs de Pologne, de Silésie, de Moravie, de
Bohême, de Saxe, en leur interdisant de venir visiter les foires en
qualité de marchands ambulants, excepté celles de Leipzig et de
Naumbourg. Du reste, B. Lehmann et J. Meyer s'adressèrent eux-
mêmes au roi à plusieurs reprises, pour empêcher l'aftluence des
Juifs étrangers. Ce n'était pas par la crainte de la concurrence,
mais uniquement « pour tenir éloignés des éléments qui auraient
pu justifier la défense d'admettre des Juifs «. Les privilèges dont
jouissaient les deux familles sus-mentionnées excitèrent l'envie et
la haine, et, en 1716, les représentants des États se plaignirent que
* E. Lehmann, Dcr polnische Résident B. Lehmann, p. 13.
NOTES SITR L'HISTOIRE DES JUIFS DE SAXE 2fil
le culte Israélite fût exercé dans la résidence électorale. En même
temps, les commerçants de Dresde exposèrent leurs griefs contre
les Juifs, disant « qu'ils s'arrogeaient le droit de faire le com-
merce, sous le faux prétexte qu'ils se trouvaient au service du
roi ». Après plusieurs tentatives pour acquérir une propriété, B.
Lehmann fut autorisé, par rescrit royal du 17 mars 1718, à occu-
per le « Postliaus » dans la Pirnaisclie Gasse » (aujourd'hui
V. Landhausstrasse »), pendant vingt ans, contre le paiement de
13,000 tlialers. Lehmann et Meyer y étahlirent une maison de
banque ', mais il paraît qu'ils vendaient également au détail de la
soie et des denrées coloniales. Fournisseurs d'une cour qui aimait
le luxe, leurs affaires prirent une grande extension. Le l^r sep-
tembre 17-20, J. Meyer donna dans sa maison, meublée avec luxe,
une grande fête, à laquelle prirent part le prince et la princesse '.
La confiance dont jouissaient B. Lehmann et J. Meyer à la cour
et de la part du gouvernement était méritée, malgré l'hostilité
qu'une grande partie de la population de Dresde leur montrait et
malgré les critiques amères des auteurs contemporains. C'est
ainsi qu'en parlant de la bonté de Frédéric-Auguste b^, qui, en
1720, quand le prix des vivres était très élevé à Dresde, fit impor-
ter de grandes quantités de blé, son biographe Fassmann s'ex-
prime en ces termes malveillants : « Mais comme l'afïaire a passé
par les mains des Juifs, il faut se demander si le prix du blé a été
mis à la portée des pauvres, ainsi que Ta voulu et ordonné le
roi ». Il est pourtant avéré que J. Meyer, chargé par conces-
sion royale de l'approvisionnement de Dresde, fit venir à ses frais
plus de quarante mille boisseaux de blé de l'Elbe inférieure et
même de Danzig, vendant le boisseau à 3 thalers, 1.5 groschen.
La foule venait journellement en telle affluence devant la maison
de Meyer que, pour maintenir Tordre, il fallait l'aide des soldats ^
La bienveillance que le prince témoignait à quelques Juifs pro-
voqua à Dresde et dans d'autres villes de Saxe des adresses et
des plaintes sans nombre. Le renouvellement du privilègf; accordé
au « Mimzjud » Gad Lévy fit dire, en 1725, aux représentants des
États, « qu'à Leipzig aucune fourniture de monnaie ne serait né-
cessaire ». Longtemps le gouvernement résista à ces pétitions.
Mais lorsque, dans leur adresse du 22 mars 1728, les représentants
exigèrent de nouveau « que les Juifs fussent complètement élimi-
nés et le traité du Postliaus rompu », le gouvernement céda et
publia, en avril de la même année, un édit en vertu duquel tout
» Vehse, Geschichle der Eofe^ Haus Sachsen, t, V, 13.
* Hasche, Diplotn. Geschickte Dresdens, t. II, p. 70.
^ M. B. Lindau, GescMchtc. der Residenzstadt Dresden, 552.
262 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
commerce était interdit aux Jaiis. « Nous voulons imposer des
limites plus strictes aux Juifs et nous confirmons votre décision à
l'égard de G. Lévj-. » La maison de Lehmann avait déjà beaucoup
souffert dans les dernières années, par suite des restrictions ap-
portées peu à peu à son commerce: le 12 avril 1728, tout com-
merce industriel lui fut interdit, avec ordre de vendre toutes les
marchandises dans un délaide trois mois. Toutes les réclamations
furent vaines. Avec la mort de B. Lehmann, survenue en 1730,
et la prohibition de tout commerce, suivies de la faillite de plu-
sieurs de leurs olients distingués, les maisons Lehmann et Me3'er
déclinèrent. Cependant Elias, un des (ils de B. Lehmann, fut
nommé, un peu plus tard, à un poste de confiance. Bien qu'on
permît aux familles Lehmann et Meyer de continuer à habiter le
Posthaus, elles le quittèrent en 1733, une émeute populaire leur
ayant fait craindre que la population ne se portât aux pires excès
contre eux. Leur maison devint alors l'hôtel des Postes ',
Déjà le 12 mai 172.5, une ordonnance défendit le séjour de Dresde
à tout Juif n'appartenant pas à la domesticité d'un « Hofjud » et
non pourvu d'un permis visé par le Gouverneur. A plusieurs re-
prises, les représentants avaient proposé de ne permettre aux
Juifs de séjourner dans le pays qu'au temps des foires^. Le 4 avril
1733, le prince Frédéric-Auguste II imposa à tous les Juifs, sans
distinction d'âge, qui traversaient le i)ays, le paiement intégral de
la taille. Sur les réclamations des Juifs de Dresde, présentées par
Elias B. Lehmann, l'ordonnance fut maintenue seulement pour les
adultes, tandis que les enfants au-dessous de dix ans étaient
exemptés de l'impôt. Elias B. Lehmann fut reconnu comme re-
présentant des Juifs de Dresde, et on établit ainsi la taxe de la
future communauté religieuse de cette ville •''.
A la suite de nouvelles plaintes des commerçants de Leipzig,
Frédéric-Auguste II renouvela aux Juifs la défense d'avoir un
magasin public et do séjourner à Leipzig au-delà de la durée des
foires. Pour faire enlever le droit de séjour à Leipzig au « Aliinz-
jud » Lévy, on l'accusait de faire le commerce de monnaies hors
cours et de ne pas envoyer tout le métal acheté par lui à la Mon-
naie. Les fonctionnaires furent alors invités à faire attention que
le privilège de Ci. Lévy, pour la fourniture des monnaies, ne fût
pas exploité par lui pour faire le trafic de marchandises en de-
hors de la foire \
' Hasche, Dresdner Merkwiirdigkeiten, 2« partie.
* M. B. Lindau, Gesch.der Residenzst. Dreitilen. p. 604.
' Sidori, Gcsch. der Juden in Sachsen, p. 73.
* Ibid., p. 77, 80.
NOTES SUR L'HISTOIRE DES JUIFS DE SAXE 263
Sur la proposition des représentants des États du 18 juillet
1746, une nouvelle ordonnance, du 16 août de la même année,
limita le commerce et le séjour des Juifs à Dresde, Ils n'avaient
pas le droit de construire une synagogue, ni de posséder un local
pour célébrer en commun le service divin. Chacun était tenu de
faire ses prières tranquillement dans sa propre maison. Seuls
furent tolérés les Juifs qui possédaient une permission du prince
ou un passeport du gouvernement. Ces derniers étaient obligés
de déclarer une fois par mois leur domicile et l'état de leur
famille '. Lorsqu'en 1749, l'impôt fut augmenté à Leipzig et à
Dresde, la « taille » des Juifs fut élevée dans la même proportion.
Mais, malgré ces fortes impositions et des restrictions multiples,
le nombre des Juifs augmenta dans ces deux villes, principalement
à cause des guerres de l'époque, qui rendaient le contrôle difficile.
En 1750, fut fondé à Dresde la caisse de secours pour malades
Israélites, dont les statuts et les comptes forment les documents
les plus anciens de la communauté Israélite de Dresde ^. Bientôt
après, les Juifs obtinrent un endroit spécial pour enterrer leurs
morts, qu'ils avaient dû, jusque-là, transporter à grands frais à
ïeplitz. Frédéric-Auguste II leur assigna, par un rescrit du mois
d'avril 1750, un terrain situé « sur le sable » devant Neustadt,
sans cependant leur donner le droit d'y construire une maison. Ils
avaient à payer pour cet emplacement une somme de 1000 tha-
1ers, et, de plus, pour chaque enterrement, 15 thalers pour un
adulte et 7 pour un enfant au-dessous de 12 ans. In peu plus tard,
on leur permit de construire une maison pour le fossoyeur, qui de-
vait être chrétien. Il avait l'ordre de s'opposer à tout enterrement
si préalablement on ne lui avait pas remis quittance des frais dus
à l'état civil. Ce cimetière fut inauguré en nSP.
En 1794, un débat s'éleva entre les Juifs de Dresde pour décider
si tous les membres de la communauté avaient le droit détre en-
terrés dans ce cimetière, droit contesté par les anciens et les des-
cendants des familles qui, en 1751, avaient acheté le terrain.
Pendant la guerre de Sept-Ans, de nouveaux Juifs vinrent s'éta-
blir à Dresde, sans y être autorisés, mais aussitôt la paix conclue,
ils furent expulsés. Sous le règne de FrédcTic-Auguste III, une
nouvelle ordonnance, publiée en 1772, proclama qu'aucun Juif ne
serait toléré à Dresde sans l'autorisation spéciale du prince ré-
gnant.
On devait faire le relevé des habitants juifs trois fois par mois,
* Émil Lehmann, Det- poln. liesident B. Lehnann, p. 68.
* Sidori, Gesch. der Juden in Sachscn, p. 86.
3 Ilasche, Dnsdiier MerkicUrdigkeUen, p. 751.
264 REVUE DES ETUDES JUIVES
afin qu'on pût mieux se rendre compte de leur nombre. Us auraient
le droit d'habiter 1' « Altstadt » , mais seraient exclus des fau-
bourgs et de la « Neustadt «. Les Juifs étrangers, de passage à
Dresde, seraient conduits par les gardiens au bureau de la ville,
où ils paieraient un « groschen », en échange duquel ils rece-
vraient un permis, qu'ils devraient rendre à leur sortie de la ville '.
Lorsqu'en 1777, plusieurs Juifs, par suite de ce règlement sévère,
furent expulsés de Dresde, ils sollicitèrent l'intervention de Moïse
Mendelssohn ; celui-ci, qui connaissait le baron de Ferber, cham-
bellan du prince, lui écrivit le 19 novembre 1777 une lettre émou-
vante, où nous lisons : « J'apprends qu'on chasse de Dresde plu-
sieurs centaines de mes coreligionnaires. Parmi eux, il s'en trouve
plusieurs que je connais personnellement et de Thonnêteté des-
quels je suis sûr. Ils ont perdu leurs biens et ne sont pas en état
de s'acquitter des lourdes charges qui pèsent sur eux. Ce n'est
certes pas par paresse ou par un trop grand luxe qu'ils se sont
ruinés. Où voulez-vous que ces malheureux se rendent avec leurs
femmes et leurs enfants innocents? Où pourraient-ils trouver pro-
tection, si le pays qui a englouti leur fortune les rejette? L'expul-
sion est la punition la plus dure pour un Juif, c'est plus que le
bannir de son pays, c'est l'exterminer, puisque de toutes les fron-
tières le préjugé le chasse à main armée -. . . »
A la fin de la guerre de Sept-A.ns, le nombre des Juifs de
Dresde était d'environ 900, en 1783, de 932, en ISOO, de 1031. Ce
nombre diminua pendant l'occupation française. La communauté
iuive de Dresde ne comptait, en 1815, que 500 âmes, en 1830,
après de longues années de paix, 742, en 1832, seulement 712, en
1834, 682, en 1837, 647, et en 1843, seulement 626 âmes. Cette
communauté, qui, au commencement de ce siècle, se réunissait en
sept différents locaux privés, pour le service divin, eut un centre
de ralliement quand elle eut i)lacé à sa tête le rabbin D. W. Lan-
dau. Venu en 1803 de Polnisch-Lissa à Dresde, il y resta jusqu'à
sa mort, survenue en 1818. Les Juifs furent admis à prendre part
à la solennité qui eut lieu le 7 juin 1815, à l'occasion du retour du
roi Frédéric-Auguste de la captivité. Le cortège, qui alla à la ren-
contre du roi, comprenait également quarante délégués juifs con-
duits par le rabbin Landau "*.
Par un rescrit du 20 juillet 1818, le gouvernement permit aux
Juifs d'apprendre les métiers dont les corporations avaient jusque-
là le monopole. Mais dès le 20 octobre de la même année, sur les
' M. B. Lindau, Geschichte der Residenzstadt Drcsden, p. 707.
* JJoses Mendehsohns gesammclte Schriften, Leipzig, 1844, t. V, p. 544.
' M. B. Lindau, Gesch. der Res, Dresden, p. 827,
NOTES SUR L'HISTOIRE DES JUIFS DE SAXE 26o
instances pressantes de la population, le rescrit fut révoqué. Après
la mort du rabbin Landau, ce fut le savant B. Béer (né le 20 juillet
1801, mort le P-" juillet 1861) qui fut nommé chef religieux de la.
communauté de Dresde. Pendant que le rabbin Lippmann Lévy
faisait les sermons traditionnels pour les membres âgés de la com-
munauté, B. Béer réunissait autour de lui la jeune génération et
prononçait, à partir de 1826, en sa qualité de président de la Société
de secours pour les malades, des homélies en langue allemande. A
l'occasion du centième anniversaire de naissance de Moïse Men-
delssohn, il fonda, le 10 septembre 1828, le iMendelssolin-Verein,
dans le but de développer le goiit de « l'industrie, de l'art et des
sciences dans la jeunesse de Dresde, et, en général, de relever
l'état intellectuel des Juifs * ». Les Juifs ne jouissaient cependant
pas des droits civils. Pour se marier, il fallait des démarches coû-
teuses dont le résultat dépendait de l'avis du Conseil de la ville.
Entravés dans leur commerce, ils espéraient en vain que le mouve-
ment de 1830 améliorerait leur situation. Mais la population trou-
vait qu'ils avaient déjà trop de liberté. C'est ainsi que, dans une
pétition adressée au gouvernement, la bourgeoisie de Dresde récla-
mait « protection contre les Juifs, qui, trop favorisés, travaillent
de tout côté à s'approprier les biens de la bourgeoisie ^ ». B. Béer,
dans toute une série de brochures, réclama l'amélioration du
sort des Juifs. En 1833, il obtint un premier résultat. A la suite
d'un mémoire rédigé par lui et apostille par le professeur Krug,
représentant de la première Chambre saxonne, celle-ci prit una-
nimement la résolution de prier le gouvernement royal de faire
réviser la législation régissant les Juifs et d'améliorer leur situa-
tion civile. La première Chambre demandait qu'il plût à Sa Ma-
jesté et à Son Altesse royale le régent, après révision de la légis-
lation existante concernant les Juifs, de promulguer une loi pour
l'amélioration de leurs droits civils, et, sans attendre cette loi,
d'abroger la mesure de police obligeant les Juifs qui traversaient la
ville de Freiberg à se faire accompagner par un garde payé par
eux ^ » Le futur roi, le prince Jean, membre de la première
Chambre, prononça ces paroles mémorables : « Je suis confus que
dans le pays oii je vis, des habitants en soient encore à réclamer
l'égalité *. » Le 27 février, la deuxième Chambre vota comme la
première, mais le 4 mars, à la suite d'une pétition des Corpora-
* Emil Lehmann, Ein Halb-Jahrhuniert in der tsr. Religionsgemeindc :u Dresdeii,
p. 10; M. B. Lindau, Gesch. der Rt>s. Dresden, 889.
* M. B. Lindan, Gesch. der Hes. Dresden, p. 849.
* Sidori, Gesch. der Juden in Sachsen, p. 115 et 116.
* E. LehmanD, ibid,, p. 12,
2fir, REVUE DES ÉTUDES JUIVES
tions, elle modifia la proposition en ce sens « que le gouvernement
consentit à proposer la loi en question, à la session suivante des
Représentants et à ne pas permettre jiisque-là l'établissement des
Juifs étrangers «. Le 30 octobre 1834, la deuxième Chambre
accepta les résolutions de la première. Le 20 décembre, l'ensei-
gnement juif fut i)lacé sous la direction du Ministre des Cultes et
de TEnseignement public. On permettait aussi aux Juifs d'ap-
prendre un métier et de l'exercer ; l'impôt pour le mariage était
aboli, de même que la défense de demeurer à Dresde-Xeustadt
et dans les faubourgs. Finalement, la loi du 18 mai 183'7 autorisa
les Juifs de Leipzig et de Dresde à former une communauté reli-
gieuse et à posséder un temple commun. « Cette loi, écrit M. Leh-
mann, qui parait inconnue même aujourd'hui de beaucoup de
personnes, transforma la situation des Juifs à Dresde et à Leipzig.
Les associations religieuses devinrent des communautés, le culte
privé devint un culte public, la religion, d'abord défendue, puis
tolérée, devint une religion légalement reconnue, la religio tôle-
rata devint religio recex)ta ^ »
Après la mort d'Abraham Lippmann Lévy, survenue le 30 avril
183.5, Zacharias Frankel, rabbin de Tepliz, fut élu grand-rabbin
df Dresde Entré en fonctions le 29 mai 1836, il inaugura, le
1 août, l'Ecole communale juive, formée de deux écoles privées.
En même temps, il s'efforça de faire construire une synagogue
unique pour remplacer les divers locaux existants. Après de nona-
breuses difficultés, la peu riche et peu nombreuse communauté
réunit les moyens nécessaires pour acheter le terrain, et la pre-
mière pierre fut solennellement posée en présence de deux mi-
nistres et de toutes les notabilités de la ville *. La synagogue fut
inaugurée le 8 mai 1840 ^
Une loi, du 16 août 1838, accordait aux Juifs de Dresde et de
Leipzig un certain nombre de droits civils ; par une autre loi, du
W) mai 1840, le gouvernement modifia la forme injurieuse du ser-
ment juif, qui, cependant, ne fut entièrement aboli que le 20 jan-
vier 18*9. L'égalité civile fut accordée « aux Saxons de confession
juive «d'abord en 1849, et ensuite constitutionnellement garantie
par la loi du 3 décembre 1868. La loi fédérale du 3 juillet 1869
(étendue depuis IS'O à tout l'empire allemand), abolit toutes les
restrictions qui avaient leur source dans la différence des confes-
' E. Lehman, Ein Halb-Jahrhundert in der Relig. Gem. Dresden, p. 13.
« lèid., p. 28.
» M. B. Lindau, Gesch. d. Ees. Dresden, p. 900.
NOTES SUR L'HISTOIRE DES JUIFS DE SAXE 267
sions, en statuant que la faculté d'Atre représentant ou fonc-
tionnaire public est indépendante de la confession K
Frankel, grand-rabbin de Dresde, quitta cette ville, le 6 août
1854, pour prendre la direction du séminaire de Breslau. Il fut
remplacé par ^Volf Landau, également vénéré pour les services
qu'il rendit comme prédicateur, rabbin et homme de bien. Lan-
dau est mort le 24 août 1886, et, depuis cette date, la commu-
nauté de Dresde a, comme directeur spirituel M. T. Winter. Son
président, depuis le 9 février 1869, est M. E. Lehmann, député,
dont les efforts incessants pour l'amélioration du sort des Juifs
de Dresde et de toute la Saxe, méritent une vive reconnaissance.
Ce que B. Béer fit pour la communauté de Dresde, Jacob Na-
chod l'a fait pour la communauté de Leipzig. Il a commencé par
établir des liens entre tous les Juifs de Leipzig en fondant « la So-
ciété des Amis », qui, dans la suite, donna naissance à la commu-
nauté de Leipzig. Klle eut pour premier prédicateur M. Adolphe
Jellinek, qui y resta jusqu'à 1856, et fut ensuite nommé à Vienne.
Son successeur fut M. Goldschmidt. Depuis sa mort, M. Porgès
continue l'œuvre bienfaisante de ses prédécesseurs. En 18'79, fut
fondée la communauté de Chemnitz, en 1880, celle de Zittau, et
en 1884, celle de Plauen. En d'autres villes de Saxe vivent égale-
ment des Juifs, sans cependant être assez nombreux pour former
des communautés. La communauté de Dresde, qui, en 1843, ne
comptait que 626 âmes, en contenait 2,595 en 1890. Dans cette
môme année de 1890, il y avait dans toute la Saxe 9,368 Juifs.
Depuis deux ans, peu de Juifs étrangers sont venus s'établir en
Saxe, car ce pays paraît devenir le centre de l'agitation antisémi-
tique. Les Juifs ne forment partout en Saxe que 3 0/00 de la
population totale, et, dans ces conditions, il est vraiment excessif
de les considérer comme un danger social.
Depuis mille ans, les Juifs de Saxe se sont avancés peu à peu
des ténèbres vers la lumière. Aujourd'hui, on leur conteste de
nouveau une partie de leurs droits, mais c'est un temps d'arrêt
dans la marche du progrès qui ne durera pas. Gomme l'a déjà dit
en 1844 M. de Mayer dans la Chambre des députés saxons en
citant la parole de Grégoire: « La grande question est finalement
celle de savoir si les Juifs sont des hommes. »
A. LÉVY.
' E. Lehmann, Ein Halh-Jah-hnndert in d. R:l. Gem. Dresden, p. 39.
TRÂNQUILLO YITA CORCOS
BIENFAITEUR DE LA COMMUNAUTÉ DE GARPENTRAS
.l'apporte ici, comme un hommage à la mémoire de notre re-
gretté ami, Isidore Loeb, cet appendice à l'histoire des Juifs de
Garpentras. dont il a dessiné les lignes principales de main de
maître. Je dois la lettre d'où j'ai tiré la présente étude à l'obli-
geance de son possesseur, notre savant collaborateur, M. Abraham
Epstein de Vienne. La netteté et la beauté de la calligraphie, la
variété des signatures, l'adresse et les plis qui montrent encore la
forme première de la lettre à laquelle il ne manque que le cachet
qui la fermait, tout prouve que nous sommes en présence de l'ori-
ginal de la missive adressée par la communauté de Garpentras,
ses notaires, ses rabbins et ses administrateurs, la veille du jour
de Kippour de l'année 1711, à Hiskia Manoah Ilayyim Corcos, rab-
bin et secrétaire de la communauté de Rome. Les différents noms
de ce rabbin sont reproduits dans leur ordre successif dans des
versets bibliques placés à la fin des divers paragraphes. Gette
lettre devait servir à justiiier à ses yeux les membres de la com-
munauté et à l'assurer de leur gratitude.
Ce rabbin distingué de la communauté de Rome, descendant
d'une famille de Juifs castillans', comme Aboab le rapporte dans
sa Nomologia, p. 360, apparaît ici pour la première fois comme
bienfaiteur des Juifs résidant hors de Rome dans les Etats de
l'Eglise. Lors de son entrée dans le Conseil de la communauté, an-
térieurement à l'an 1692, il fréquentait déjà, comme on le faisait
ressortir, les palais des plus grands princes et cardinaux, dont il
était fort estimé à cause de son érudition -.
* Je suppose que les trois frères qui disposaient d'une fortune de plus de 700,000
couronnes dont parle Manassé b. Israël, dans sa déclaration à la République anglaise
(Kaj'serling, p. 76, noie 201 a), étaient les trois banquiers romains Elie, Josué et
Ephraïm, 61s de Salomon Corcos, qui vivait vers lo6(); voir Berliner, dans la Juhel-
schrift de Hildesheimer, lo9, 161.
* Berliner, l. c, 164 : C;7;cm C'?"!*^ Z^".'^ -'C '^llbz^ Z'^l 'ZV'T't ''^-"i
TRANQUILLO VITA CORCOS 269
C'est grâce à cette influence dont il jouissait auprès de la cour
papale et qu'il devait aussi, en partie, à sa réputation de médecin,
qu'il put intervenir efficacement en faveur de la communauté
juive de Carpentras. Son nom était aussi estimé chez les Juifs du
Gomtat Venaissin que chez ceux de sa communauté natale, Rome.
La renommée de ce rabbin, qui avait ses entrées chez les cardi-
naux, était venue jusqu'à eux. La reconnaissance pour son inter-
vention salutaire était si vive à Carpentras, que son nom fut ins-
crit dans les annales de cette communauté et de toutes les com-
munautés de la région, comme celui d'un bienfaiteur inoubliable.
Pour une communauté au-dessus de laquelle planait, comme un
nuage toujours menaçant, le danger de l'expulsion que l'on ne
cessait de demander au pape ', où chaque incident donnant lieu à
des attaques contre les Juifs devenait un prétexte de vexations et
de procès sans lin, il était d'une importance capitale d'avoir, au
siège même de la papauté, un défenseur ayant l'oreille des auto-
rités ecclésiastiques.
C'est à lui que la communauté envoya des délégués lors de nou-
velles complications qui surgirent. Un de ces délégués, du nom de
Josué, est cité comme l'auteur de la calomnie dirigée contre Cor-
cos. On ne sait pas au juste la nature de cette affaire; en tout cas,
il réussit de nouveau à faire rendre justice à la communauté. Vai-
nement le procureur essaya de susciter de nouvelles difficultés,
grâce aux prétendues obscurités du texte du bref papal.
La consternation de la communauté fut d'autant plus grande
en apprenant, par une lettre de leur protecteur, écrite en italien,
que, par suite de querelles entre les délégués, la calomnie avait
osé s'attaquer à son nom respecté et qu'il avait été accusé de s'être
approprié illégalement une somme qui lui avait été confiée. En
présence de ces soupçons révoltants, les sentiments de gratitude
de la communauté se manifestèrent avec une force et une vivacité
irrésistibles. On lui fit savoir qu'on n'avait jamais osé lui deman-
der le moindre compte de sa gestion des sommes mises à sa dispo-
sition. On était, disait-on, intimement persuadé que l'intérêt qu'il
témoignait aux communautés et la connaissance qu'il avait de la
situation à Rome le détermineraient à employer l'argent de la ma-
nière la plus utile à son but.
Les noms des signataires de cette lettre se retrouvent encore, en
partie, dans les rôles des contributions de Carpentras des années
1G69 et 1679, publiés par M. Loeb [REJ., XII, -216).
Les secrétaires de la communauté mentionnés dans la lettre sont
• JjOeb, dans la Jieoue des Etudes Jinves, XII, 109.
270 REVUE DES ETUDES JUIVES
Jacob Lunel, qui signe du nom d'un des accents de la Bible, Yerah
ben Yomo, allusion à la ville de la lune, Lunel, et expression de
sa modestie (il ne se compare qu'à la lune à peu près visible),
Menahem Lion et Israël Lévi (?) ; ces deux derniers font pré-
céder leur nom de pareilles formules de modestie. Comme il est
déjà question en IGTQ de la veuve de Jacob de Lunel [ibicl., 217],
notre Jacob est sans doute le petit-fils de ce dernier. Ont signé
comme assesseurs du tribunal rabbinique de Carpentras : Isaac.
de la famille Roquemartine, qui comptait à Carpentras de nom-
breux et riches représentants, Juda délia Roque et Mordachay.. .
Le premier administrateur est Àbram de Roquemartine. C'est pro-
bablement le même que celui de la liste de IblQ, mais ce ne peut
être guère celui qui vivait encore en lloi {ibid., 219). Joseph de
Milhaud , qui a signé comme deuxième administrateur, peut
être le Jassé de Milhaud qui apparaît encore (p. 220) en 1754 ;
c'est sans doute en cette année 1754 qu'il mourut, puisqu'à cette
date il est question de sa veuve. La famille à laquelle il apparte-
nait, fort répandue à Carpentras S d'où elle était originaire, a
produit beaucoup d'hommes renommés dans l'histoire et la littéra-
ture des Juifs français. David Lion, qui a signé comme troisième
Parnes ou administrateur de la communauté, pourrait être iden-
tifié avec le David Lion que nous trouvons encore en 1754 dans
une liste destinée au censeur des livres de Carpentras-.
David Kaufmann.
PIÈCE JUSTIFICATIVE.
-laT b2>^ mno ba nb:;^ nb . ab-i3:;b c-^rn a-ic-^i nncb nDTiî nai'^rr:
N-^nn[i. nnNj-i^'-iN .n-'îsoi NiiD-ncnx bD "«rîb .r;"<':;im r^-^y ib .nby:
!-jbj» . Nn3\-i73 '^jim NPîpbN . Nnr-?: lyba b'zi •'N^" mb .^ r^i-^nim
Nj-173 ■';?:-'r: irzy pmr; c^ûd ûTci-irr; r^-b^r; T>"r, . Nn-ino7:T Nnpi?::'
n"-i3 Dnpmp 'c^^n n^ziz rr^pm -i"-irî?:D is:n-n
» Cf. D. Kaufmann dans Luncz, Jcrusalem, III, 10".-107. Josepli nN-'bi?:T a
contresifrué, en qualité d'assesseur du rabbinat de Carpentras, le D^5i"l 'ûDUJD "ITO
y'N"î-:"^S"1Np 'p"'P j^TtZfZ-, Amsterdam, 1741.
« Loeb, JtEJ., XXIll, 147.
^ Daniel, m, 2,
TUANQLIILLO VITA CURCOS 271
nam ï^3^;^{ nnnb nnnbo ribcs mas hyi2 riins iisabnus n^r:?: SlX
rjTimar) nnn mr? ,"irb:? m^D ï:ip727: rVs--;:! ^bici^ riDVjn ^;-,^n■'
Tcy^ "73 "iD riT^-'Vrr; nbnsT r;\:J^n^! "Jn Tip"':: "ip"' -p*^ i;n:2":;;-i -,:Dn5
niDi) ri7 v^^ •'^'^"'^ ?-i3"'T:>7an ri-ipn -^bn» rrms r-iSc:p T^p "^n-Tw
ti:''!:;^ t;-'n-3"ib7:DT i->d-'"ip "'bi^-nD 1:3-^ Kpibn?: '«::i2b ■'b372 ï-!-3i-,i'
-i-^pn 5N viD nmpm ao-'T . ■'inid nj:m:i7:T nrc iT:;b3 t^b-^bp >>j;o'^bn
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» II Rois, XX, 13.
272 RKVUE DES ÉTUDES JUIVES
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toîbi bpnb Nb iTCNi.bïj ir->srD — nx lira ^li-jb t-^ir-^i ûr!3 r::ci
:?i3ï:r:73 CwX a"^72i ncnbcr; omoT: i;\s pnswn I7j\:: i-i::îo •T^7:nnb
1 Gen., vin, 9.
* Argent, Q^i2l.
' Prov., XV, 4.
TRANQUILLO VITA CORCOS 273
17:t3 n"d ln;n aà Dnp73 bD3 rirbr; m':j-i d^i ^îïoî^t: in •:innr;72 in
N-no pT b2T my tnpTn» nrKO D'^-'is r!N573 t>:T"D'«riMr: r>:r;r -iCN
irtT ir-inN ^dod*' Nbi ï:Dn-« Nbo iDb -i»n p-n 1^ D'«a inbb in^nn^ n-'spn
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TTD'^JDbi ir-inN r^-n-ib Nnb7a N-'bn rr^T^nbi yon bDbn nr bob t^ii nnn
■^anp-'nn ^dD2 anrcn nnas -lanrr tiiooin "naso iT'rWT ir'^rs'wa
Nbi t^:>-^"i ^<b i;i:72Nn m"! l^y riopan -i""inD73 i:b anD — wNd curîbo
■^nbs n3n3XT , -02073 -nwNb •^<■']:^^! ly ûn[— i];in:; -ion riwS nmb y^-^-^
bizy ^ON nb733' bai z's-' mr-'^-' r:72Dn m:j mnniû n»D nrsob 3>iT>n
p-ipa ny^nn -l'D-isn r:D 13^ dnt , r;j<-nnm nnon r:T2 p-^csn «bi
NOC73 n"'3 n-ibi -lanD ib^j:' bon p-in"' ib rï<i a^bb-?: n-nom a-'-iai
-iDO CNi binp n-^m np-'rT nrnx 12 o-^o -'.a-in n:?i::b yp o-^ r::n
N;b n\xT 'j-'onî bai . nb:3n '-nDO N3\n nh Nb^b t«-:7jb:? -^Nnn n'ni:73
S^b^ rjbiDO nbiy p-ipD lin^ 1"l^b^D rî;p:n ir:pi s-<^720 bs mnn
n-':>o»b pinb y«3D73D T^b:' nTijn imiDO-a -"tt^ i:PN7ai ûonT^T im-iay?
^Dr T^mDia b:^ :?do T^b:» m:>-'T :?-'co-'i r^-'DV — ys073b b''::N?2b
'n m03 iT'Dn mna la-'Oinbi )V':>y irinbi d'inné û-'*^n '— ison ûnn-'T
yN-iiaro^Np ^''p ■'5-^rî372 ■^o^-iD T'bj-i msib D-'-nnn073T D-':?mDn avN3
. . nrzy mbnais ni:-^ -nob 3":?nn nro "^''v a-i3> yN-Tjro-iwXp no
ipi-in ûrî-i3N nrans»ipn-n pn^^ n"-idd np:?^ i72i^ p n"-!""
Oins (?) nr::-iï<72 V^t b"';TbT " iTo^-b n-j -^-it:!
D3-1D ax^b^MT qor r^n ri^pn^bi rmrr» » ûmnn p n:->NO 3ip3 y^i:r
03-lD pN^b in y^l (•?) . • .N ■^DTITD IIN^^ Ûn373
NnTon N-)DO (?) ■^■ibri bi<T«->
Sur l'adresse :
y:>n . r-ninnso "^-iwS . triNcn bp» Tiy rn;a73 . rriiSTor! ■'Sd biw bx
^Nno"» ï-t:'i-i n"r: .n^p73i nna .n-'pnca «in T'nn .^«i-n3^ ""ip^
t>ï-nn3T ws:^i:i3 mn-jn q^32ir: . -i^ni<^T î-nin b-^nr . n^ib iii: 5m3-
■«"-13 oip-iip ai-^n n"i:73 "irr'pTn i"-in73Db
m-«3n ■'73in3
» Z)mfl», V, 10.
* Berachot, 40 o.
T. XXVI, N» 52.
18
NOTES ET MÉLANGES
LES POINTS-VOYELLES EN HÉBREU
Graetz ' a montré que le système hébreu des points-voyelles
n'est nullement emprunté au syriaque, comme on avait cru pou-
voir l'affirmer en se fondant sur la ressemblance toute fortuite de
quelques signes. D'après lui, le système babylonien dérive des
maires lectionis n, ^\ en y joignant Vy . Toutefois, le ûbn et
tout le système palestinien auraient pour origine un ancien point
diacritique, usité aux premiers temps de la Massore. Graetz s'est
appu3^é, pour prouver l'existence de ce point, sur l'emploi des
termes hyVû et:-;b», par lesquels la Massora finalis et le traité
Ohhla loeoMla désignent des séries de couples de mots ne dif-
férant entre eux que par une voyelle soit dans le préfixe, soit
même dans la racine. Les mots bi'b?: sont ceux qui auraient eu le
point supérieur, et les mots y^b'ù ceux qui étaient pourvus du point
inférieur. Le point supérieur aurait été employé pour marquer
soit la voyelle pleine, par opposition au schera ou aux voyelles qui
le remplacent, soit les voyelles essentiellement longues, et le point
inférieur aurait désigné les voyelles relativement courtes et le
sclieva. Il est étrange que Graetz, après avoir rei)roché (p. 351) à
Frendsdorff d'avoir parlé de la différence des voyelles au point de
vue de la quantité, reprenne (p. 357), au moins en partie, la même
théorie, sans paraître se souvenir des objections qu'il y avait
faites lui-même. La valeur quantitative des voyelles ne paraît pas
avoir été considérée par les Massorètes, puisque le tVn n'est pas
plus long que le ■'-,^1 et que le y7:p se trouve avoir le point tantôt
en haut, tantôt en bas. Le principe qui paraît avoir guidé les
' Monatsschrift, 1881, p. 348-367 et 3yo-4U5.
NOTES ET MÉLANGES 270
Massorètes est, selon nous, la distinction des voyelles hautes et
basses, fondée sur la prononciation de ces voyelles. La bouche se
relève plus pour prononcer o ou ou que pour (7, et s'abaisse encore
davantage pour r et pour i. Cette distinction est, en réalité, la
même qu'a faite Jacques d'Edesse en parlant de voyelles pleines
et voyelles grêles, et l'on comprend pourquoi, en syriaque, le
point était mis en haut pour les voyelles pleines, et en bas pour
les voyelles ténues.
Mais une fois qu'on distingue les voyelles hautes des voyelles
basses, les termes ^^^12 et y-ib?3 employés par la Massore peuvent
s'appliquer aux voyelles elles-mêmes, sans qu'il soit nécessaire de
recourir à l'hypothèse d'un point diacritique. On pourrait donc
admettre que les signes des voyelles existaient déjà au temps de
ces travaux massorétiques, qu'ils aient eu alors leurs noms par-
ticuliers, ou qu'ils fussent encore innommés.
Même en supposant que ce point diacritique existât, il pourrait
servir difficilement à expliquer l'origine du nbn, puisqu'il était
employé également pour d'autres voyelles; et il serait étonnant
que tandis qu'on recourait aux consonnes pour marquer toutes
les voyelles, pour le ûbn seul on aurait pris l'ancien point, doublé
pour la circonstance.
La manière dont Graetz explique la formation du ■'-lir (p. 402)
est aussi des plus forcées. D'après lui, le ■'"ii: étant considéré
comme composé de a + i, les deux points seraient l'un pour l'alef
et l'autre pour le yod.
Nous croyons qu'on peut trouver une origine plus simple aux
signes du i-ii: et du û'?n. Le Talmud fait, comme on sait, le plus
large emploi des maires lectionis pour marquer les voyelles.
A côté des voyelles simples, il y a encore des diphtongues qui sont
désignées également à l'aide des lettres i et ■>. Pour la diphtongue
ay, on redouble généralement le yod, exemple : ■^n">"'M (1. "'*?"!'?),
et, à la fin des mots, dans le Talmud de Babylone, on l'écrit par
■^N ("^N» = "^H), tandis que dans le Talmud de Jérusalem on met
deux yod ■'t: ("^rt). Pour la diphtongue aiv, on redouble le vav,
exemple : Nina = n;")5^ ou bien on l'écrit in (exemple : mù =Vp)^
ou encore à la fin des mots on se sert de v, exemple : t^'wT:'
(1. r>p53>), parce que le suffixe de la troisième personne mas-
culin singulier dans les noms pluriels s'écrit r et se prononçait
aïo (aou).
Or, les diphtongues ay et aw se rapprochent beaucoup pour
le son du -"-is et du ûbn. On sait que les Juifs occidentaux pro-
noncent le ns ey ou ay, et le cbn non. Il ne faut pas y voir une
276 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
altération récente de la prononciation, car l'hébreu biblique lui-
même fournit la preuve que le-^-i:!: etlenbn devenaient facilement
des diphtongues. La Massora ponctue ûrjTi"' alors que la voyelle
é du lamed est attestée par les anciennes versions. La stèle de
Mesa donne pour a;'_:-ir; pnn qui indique une prononciation
X:"". A côté de l'hébreu ai"' et du targoumique NToi"", le syriaque
ponctue n::v.
Le son de la diphtongue ay ne différant pas beaucoup de é, il
est naturel qu'on se soit servi, pour distinguer é de i, du signe qui
marquait oy, à savoir les deux yod. Il faut bien penser que la
ponctuation, à l'origine, était un aide-mémoire. Elle devait rap-
peler les sons plutôt que les représenter. On pouvait donc se
contenter d'un à [leu {)rès, et l'enfant à qui on mettait le signe i"'
sous ou sur la lettre savait qu'il ne fallait pas lire i, mais é.
Les deux points du abr; babylonien s'exi)liquent d'une manière
analogue. Nous avons vu que la diphtongue aïo pouvait être
marquée par -ii . Ce signe aura été appliqué au cbn et sera
devenu i, puis : , le trait du rav s'étant réduit à ne plus être
qu'un point.
Une fois que l'origine des signes " et " avait été oubliée, il est
possible qu'on ait inventé un signe de plus pour Va bref, en pre-
nant la position oblique f.-) des deux points comme représentant
une voyelle intermédiaire entre la voyelle haute cbn (:) et la
voyelle basse "i-,2£ ' .. .
Il est difficile, quoi qu'en ait dit Graetz, de ne pas reconnaître
une grande analogie entre le système palestinien des points*
voyelles et le système babylonien, et nous croyons même que
celui-là n'est que le développement de celui-ci. Le pnn 7 et le
■'-.i: ("] sont identiques. Le nns (n) est la simplification du signe n ,
le y7:p r ne diffère guère de " . Si dans certains manuscrits le
y«p est composé d'une barre et d'un point détaché, il n'est pas du
tout prouvé que ce soit la forme primitive. Le tDbn et le pno seuls
diffèrent dans leur forme actuelle. Enfin, le '^^o n'existe pas
dans le système babylonien, et c'est la preuve que le système pales-
tinien est plus moderne : si le "disd était une voyelle aussi an-
cienne que les autres, il tirerait son nom, comme toutes les
autres, de sa prononciation ; or, le b-io est ainsi appelé à cause
de sa forme (.,}, qui ressemble à une grappe. Il doit donc être, en
quelque sorte, une variante d'un autre signe, dont il se sera déta-
ché à l'aide d'une légère modification. Le bi;D répondant le plus
souvent au nra dans le système babylonien, nous sommes porté
à croire que les trois points du biSD sont les trois extrémités du
signe. La forme primitive du bnso aurait été ^, .
NOTES ET MÉLANGES 277
Le point du obn, qui, seul de toutes les voyelles palestiniennes,
se place au-dessus des consonnes, s'explique facilement d'après
ce que nous avons dit plus haut du ûbn babylonien. Le cbn étant
marqué par v, il suffisait, quand le vav était dans le mot, de
mettre un yod au-dessus : on savait que le vav ne devait pas se
prononcer n, mais aou (ou ô). On a ensuite employé ce ?/orf su-
périeur, même quand le vav n'était pas écrit. Il ne pouvait se
confondre avec le yod = i, puisque celui-ci était placé en bas.
Le point qui, dans le vav, marque le son on, est peut-être aussi
la réduction du vav usité en babylonien, de sorte que ^ serait
pour il. On l'aura mis au milieu du vav, pour qu'il ne se confondit
pas, soit avec le yod du ûbn ou du pnn, soit avec le ;ri7a et les
accents. Cette hypothèse permettrait de croire que le signe primi-
tif de la voyelle on n'avait {)as la môme forme que le daguesch.
Quant au signe ~ , il a peut-être aussi pour origine v Les deux
points d'en haut et d'en bas représenteraient les extrémités du
grand vav, et le point du milieu le petit vav '.
Si le S3^stèrae palestinien est plus compliqué et plus difficile à
expliquer que le système babylonien, cela tient sans doute à ce
qu'il aura été fixé officiellement beaucoup plus tard. Les formes
primitives des signes auront subi plus de changements. En l'ab-
sence de manuscrits anciens, on est malheureusement réduit à
des hypothèses plus ou moins vraisemblables.
Mayer Lambert.
NOTES EXEGÉÏIQUES
I
Genèse, xv, 17.
Les exégètes ne paraissent pas avoir été étonnés par le mot
lujy -nin qui apparaît dans la scène de 1' « alliance entre les
morceaux ». Pourtant on se figure malaisément ce que peut être
' Si les points sont, comme nous le croyons, la réduction de traits, on pourrait
aussi penser que les deux points du srAeoa proviennent d'ua ancien trait vertical dont
on se serait servi en Palestine, tandis qu'en Babylouie on se servait du trait hori-
zontal supérieur. On aurait alors une curieuse analogie dans les deux points verti-
caux qui, en éthiopien, séparent les mots. Ces deux points, en eilet, ne sont autre
chose que la barre verticale usitée eu himyarite.
278 REVUE DES ETUDES JUIVES
un four de fumée', et encore plus difficilement ce qu'il peut
représenter. Nous ne vo3'ons nulle part dans la Bible le min
apparaître autrement que comme limage du feu destructeur
(Is., XXXI, 9 ; Mal., m, 19; Ps., xxr, 10) ou d'une chaleur exces-
sive (Osée, Yii, 4, 6; Lament., iv, 32). Autre obscurité, le texte
nous dit que le brandon de feu, qui accompagne le ycy -,"i:n, passe
entre les morceaux. En est-il de même du four, ou bien reste-t-il
sur place ?
Nous pensons qu'avec une légère correction on lève toutes
ces difficultés. Au lieu de Ti:n, il faut lire •mjd (ou n^rr). Le plu-
riel v-- Pi"i?:\-i se trouve Joël, m, 3, et Gant., m, 6, et est traduit
partout le monde colonnes de fumées. Le sens primitif du mot
est « palmier M. Le mot ^a'j ncN, bien qu'au singulier, doit natu-
rellement se rapporter aussi bien à V-^" ""-'"i qu'à 'JN i-^sb. La
colonne de fumée et le brandon de feu, passant entre les morceaux,
représentent la divinité qui conclut l'alliance avec Abraham (v. 18).
l'cy "i'Zri et ex -■'sb sont les équivalents des ^zv "ircJ et cn l'^zv,
qui guident les Hébreux dans le désert. Nous croyons inutile d'ex-
pliquer que le 72 a pu se décomposer en n ;, et l'on ne trouvera
sans doute pas la correction trop hardie.
n
Exode, xxiii, 2.
Dans ce verset on prend généralement rrnb comme pluriel de
TrJi et on traduit : pour (faire) le mal. Mais ri:— i signifie bien plu-
tôt malheur que mal, et pourquoi le pluriel ? Nous proposons de
voir dans nynh l'infinitif du piel der;:5>-i, qui se trouve dans Juges,
xiv, 20 (~:"ij avec le sens du êti\^ l'ami, l'associé (r-'.). Ici on
pourrait admettre l'acception de « avoir des égards », que présente
l'arabe -^rn à la troisième forme, minb a-^^i nnx rr-r\ ab serait
donc le pendant de inns bi m-n Nb et nous traduirions : Tu ne
suivras pas le parti des puissants ^ pour être partial (envers eux).
Mayer Lambert.
1 M. Wogue traduit "ll'n par tourbillon, mais sans expliquer comment "nsn
peut avoir ce sens.
* C'est le sens que 0*31 nous paraît avoir ici, comme dans Job, x.\xv, 9. û'^2")
est alors l'opposé de bl.
NOTES ET MÉLANGES 279
On lit dans llabaccuc, m, 6 : un:* nn-^ ?-Ti<n ^x ^mr.-^ n::^'
nb Dbiy riD^bri ûbn:r m:^a:^ ino n:^ ^nnn iii:i=n^n - Pour expli-
quer la fin de ce verset, tous les commentateurs ont donne au
mot tbi:', dans nbvj nno^bn, le sens de bnn, univers. Mais jamais,
dans la Bible, ûb^^^ n'a ce sens, il signifie « éternel, perpétuel >>;
plus tard seulement, dans la langue rabbinique, nbi^' désigne «le
inonde, l'univers «. Nous proposons donc de corriger niD^^n en
ni-n et de lire nb Db^3> mbs^n. Le passage de Habaccuc devient
alors très clair S le prophète dit ceci : «Des montagnes existant
depuis un temps immémorial se briseront, des collines destinées a
durer toujours s'aflaisseront, mais les palais de Dieu subsisteront
éternellement». A mon avis, les Soferim ont changé mbD^n en
m^^bri, à cause du passage d'Osée, viii, 14, où le prophète re-
proche à Israël u d'avoir oublié son Créateur et construit des pa-
lais » parce que Dieu ne devait avoir qu'un seul palais ou un seul
sanctuaire, celui de Jérusalem. C'est pourquoi les Soferira ont
remplacé partout le pluriel mbD-n par le mot niD^bn.
La correction que nous proposons pour Habaccuc est également
vraie pour Ps., lxviii, 25, où nous lisons : û^nbN r^^^-^^ iNn
cnon ^3b73 ^bN mr^D-. En laissant ce verset tel qu'il est, on ne
comprend pas du tout son rapport avec la suite : nnx n-^TJ ^J2^?
mw'^^- niPD û-::*2. Mais, si on corrige mDV:,n en mDD^n, tout ce
passage devient clair : ^^b): ^b.s rmbD^n a^nbi* ^^nnbD^n vsn
bi^no^ (nnp7:73) nip5:« 'n û^-b5< ô^n?) n^ns mbnp7:n. « Ils ont vu
tes palais, ô Dieu, . . .(où l'on entend tes chants, car) les chanteurs
marchent devant, suivis de joueurs d'instruments de musique...
bénissez (ils bénissent) Dieu dans les assemolées. . . »
Dans Ps. xxii, 4, dans le passage : nibnn 2cv •::t!P nn.xi
^s,^'0- le mot mbnn me semble aussi devoir être corrige en
^,^^,^; Jusqu'à présent, on a toujours été obligé d'expliquer
•ht:5-^ mb-n par « les louanges adressées par Israël » a Dieu. Ur,
inbnn suivi d'un nom de personne ne signifie pas : louange
. Surtout si on le compare à Ps. xxix, 9 : ^'^^''^'^\- ' '^'^^^^Jl^^jl^^lZ
280 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
exprimée par cette personne, mais adressée à cette personne. Je
crois donc que là aussi il faut lire Vnt:;"' nbrr-'n nci"' '.
Dans Jérémie également (vu, 4), les Soferim paraissent avoir
supprimé le pluriel mbD-n Le prophète dit : bx ûDb nn:2an bx
-Ton 'r, br^- '- bs-^n 'n r^Ti -i7:î<b -,p'wr! i-,2i. Bien des com-
mentateurs ont déjà essayé d'expliquer ce pluriel r;73n, qui n'a pas
de raison d'être ajirès le singulier bD-^n. Il est très probable qu'à
l'origine, le texte disait: nbr-^n 'n bs-^n -i7:Nb np":: "^lan bx...
r,'A2n '-. « N'ajoutez pas foi aux paroles mensongères de ceux qui
vous disent : c'est le sanctuaire de Dieu, ce sont les sanctuaires
de Dieu»'. On sait, en effet, que dans le royaume de Juda ii n'y
avait jamais eu qu'un sanctuaire, celui de Jérusalem, tandis que
le royaume d'Israël en avait contenu plusieurs. Mais les Soferim
n'ont pas voulu laisser ce pluriel et l'ont remplacé par deux sin-
guliers; de là, dans ce verset, trois fois le mot bD-^n. Le mot nizr,
était resté, par inadvertance, du texte primitif, où il se rapportait
à nbs-'îi.
Besredka.
UNE ALLUSION A L'HISTOIRE CONTEMPORAINE
DANS L'AROUCH DE R. NATHAN.
Dans son édition de VArouch, M. Kohut nous fait connaître les
mots rimes par lesquels R. Nathan a terminé chaque partie de
son grand dictionnaire (à la tin de chaque lettre). La finale de la
lettre » est ainsi conçue :
■'no'^p t=i-'prt)2T !-nyrî73
n-i-j:» obo '^-ira (1. ■^3T'3Jn) ■'"l'^narr
L'épithète appliquée à Dieu, dans la première ligne, est, comme
M. Kohut le remarque avec raison, empruntée à Daniel, ii, 21,
V^ib» D'^pn7JT i^obT: rny-12. Seulement, à cause de la rime, i-^^biz
a été changé en no-^p. Cette explication suffit pour l'intelligence
du mot "'"icp, mais le fait anormal d'appeler Dieu « Celui qui ôte
» Cf. Isaïe, VI, 1 : T^bTCT NCn Û", t>!DD bv '2'::^ "^^IN PM ï-Tî^nNI
NOTES ET MELANGES 2f<l
et qui établit les empereurs » paraîtra toujours singulier dans une
prière où il s'agit de demander à Dieu la force de continuer l'ou-
vrage commencé. Peut-être est-il permis de supposer que cette
épithète a été inspirée à R. Nathan par quelque événement sur-
venu à l'époque où l'ouvrage a été composé. R. Nathan a terminé
VArouch en l'an 1101 et il y travaillait vraisemblablement depuis
de nombreuses années. Or, c'est dans cette période qu'eut lieu la
lutte entre le pape Grégoire VII et l'empereur Henri IV. En 107',
Henri IV fut destitué et Rodolphe de Souabe fut nommé empereur
des Allemands. En 1081, Hermann de Luxembourg fut nommé
également empereur, en opposition contre Henri IV ; il se démit en
1087. Conrad, le fils aine de Henri IV, depuis 1087 roi élu des
Allemands, fut déclaré déchu de sa dignité en 1098. Dans l'empire
byzantin aussi, les années 1056-1081, depuis Michel VI jusqu'à
l'avènement d'Alexis P»- Gomnène, furent marquées par des chan-
gements continuels de règne. R. Nathan, qui vivait à Rome et
travaillait, à cette époque, à son grand ouvrage, était certaine-
ment au courant des événements contemporains. Les nouvelles de
la destitution et de l'intronisation d'empereurs dans l'Est et le
Nord pénétrèrent sans doute jusque dans la paisible retraite de
notre savant. Il n'est donc pas surprenant qu'il ait fait allusion à
ces événements par une heureuse réminiscence d'un verset de
Daniel, auquel il apporta une habile modification nécessitée par la
rime, en invoquant Dieu comme l'auteur des grands événements
historiques et en l'appelant « Celui qui dépose et élève les empe-
reurs ». Peut-être sa phrase avait-elle à l'origine une plus grande
analogie avec la phrase de Daniel et était-elle conçue ainsi :
Budapest, mars 1893.
W. Bâcher.
UN ÉPISODE DE L'HISTOIRE DES JUIFS EN ESPA&NE
Le manuscrit hébreu n" 585 de la Bibliothèque nationale
(f. 92a,&), qui est un vol. de Mélanges, sans tête ni fin, renferme
un feuillet isolé qui raconte un épisode de l'histoire des Juifs
d'Espagne :
282 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
r-n3-i tm-is£ nniaao ï-risna3 msbttjj 'nbs itto r^Tti «"^Nin . . .
r-i-;N ■'T' S:? 13b TT^jm ■— ,cnd i;3 ï-nmx by maa-ibi n-iDbNb
Sd73 np-^ -iST 123 û''bNr! iDin J— i«N p ... !-i?2irT72r; j-nsiN
t^^bcbD !-:2-n^ ■'"'^ r-n?:N2T rrin m-^ rrii^rbi minbi rnyzn ibD
—.p-' e-^ro w^n p "inTTî ûi' b-^scnb d"il]t r;N-i7:b "!72n3 r<E"'-in
nD3 ^D "j-rb imN ■ibT;"'T iTim im-:-';-: ■^^i-'i i-Tin ii:j:i;'
K-iib-'Zjop r-nDb7:7o niD '-o ^«i-|p; cipT^a :->-p-!n tisi ^in:i
nm2-«bi-«T in mn^x m-^ni^nb rnsD shn tt^7:ii r-inos'j J-i25>nn
tz"'?:-' i;3 Si' bn^r^i — îsin pn r'^o t«3n*i i-î:î<i T-iza tznrr
^"'::rib lopnb £i">::-'-;;n ■'nn ■'nnc '-^y r-;22i Y-~ Y^"^"" tL"'^"'
r:bij<a bzwS -^in bwX --iN '3 -i72i<"'T ."-rbii:» rrrnn Tin-'i loo: m»»
^•w\s' ^,y n: r>ibi :::p\:: i^^bi ibo Nb tn^^io 't riT vb'^/sb ■^i::p
■i"':-im 12-71 12C2 i"i:j'a "jn-ii inN« ibxo ^"On ^33 im^ii iwNi:73
ï-iisb» i-rc i:3 pn r^-^n'-i i^i^pi loisn Sdt: niai min qoiii
. . . 1i:4-iN
■'TC1 Y'^" ^- "i^""^"! Tî^'2 P^"^ Ti"" f^i< i;p"nr; l'n;» nini
t2ipn;i "^bîin &03 3r33 noN nn^n Y^'-^" "i^"'"' ^^"^^ -^ t<3i:-
1231 r-î-rs CNn t:;; czipci sion^û i^^sb niro'' w-'.s h:r -,om
r-i2-: 1DCD P3p-o î-î-bn' w\x- Sn-io^ ^D3 -^b-^sTN û;»n i3 r:;-i b.si
■iiri: Tn-K} qoD yinsb n^n î-îîûin-û hrs iwn ib '^bn brN -t^
TiD^r, ^i-'n -pirirn smiar -^d sp^t' w-ip ;-it ïzipn n"-' -b"-"
^" ib7:np . . . VPD w b- b^ b;' ^i7:nb bwSic-^b pn m-:;'o n-t;
. . . 1PD13D o-'Ni o^ï^ . . . bN-;:;"'
ï-iDttD ip"'5r?:r; r-ipi^oni tz!-'^i:wrr nr;"« nri: riDi"' ^n -incb
5-ii7jw3 i2p; ION 'zz'^iz'ri -■' ^,17:^-l^ ■,■'37: -^Piinb . . . mbi it»
^121 i;-^D bD2 . . . pTî iriD Pi^Tû ùPiorp d:'
Tout ce récit peut se résumer en ces mots : Un enfant de cinq
ans, enlevé de Castille par des brigands, finit par être retrouvé;
le père, un certain « Joseph» (dont on ne sait rien de plus que le
prénom), se dépouilla de tout son avoir [lour racheter son tils, et il
le conduisit en Aragon, sous la protection du roi de ce pays.
A quelle date, ou, du moins, à quelle époque approximative pla-
cer cet épisode ? Si encore le roi d'Aragon visé dans ce récit était
désigné nominativement, le lecteur serait fixé. Toutefois, pour
nous orienter, consultons l'histoire des Juifs en Espagne. A l'avè-
nement de Henri de Transtamare, des hordes de gens armés,
moins militaires que brigands, dévastaient le pays à la faveur de la
guerre civile. Tandis que dans un grand nombre de provinces à la
l'ois les Juifs étaient alors persécutés (13'Jl), ceux d'Aragon avaient
prudemment cherché refuge à la cour en mettant tous leurs biens
à la disposition du gouvernement, comme l'indiquent deux textes :
NOTES ET MÉLANGES 283
1° une lettre publique adressée par Hasdaï Crescas à la commu-
nauté Israélite de Perpignan; 2° une note d'Efodi dans l'Introduc-
tion à sa Gtammaire hébraïque^
De plus, selon Llorente-, les Juifs avaient une certaine influence
sur Juan I d'Aragon (1378-93), prince remarquable par sa douceur
et son amour des lettres. Ces circonstances favorables ne se re-
trouvent plus au siècle suivant, lorsqu'eut lieu l'exil général des
Juifs d'Espagne, puis celui du Portugal. En réunissant ces données,
on arrive à assigner pour date possible de cet épisode les dix der-
nières années du xiv^ siècle.
Qui sait si la page que nous publions n'est pas un fragment du
rm73an li-i^T, ouvrage perdu de Profiat Duran Efodi, dont Abra-
vanel, dans ses ^^n•^^^2 r\rjyz^, a conservé de notables parties (cf.
Graetz, ibid., p. 404)?
M. Schwab.
UN CHANT NUPTIAL
M. D. Kaufmann a publié, dans le numéro 48 de la Revue, au
sujet d'un exemplaire du Mahzor romain, la remarque manus-
crite suivante :
.b"j- -^mr-i '=>"y 'idi nbDi irn
Où se trouve ce chant nuptial qui était connu communément
chez les Israélites italiens? Certainement, ce n'est pas celui qu'a
publié M. Kaufmann. Nous croyons l'avoir trouvé dans un ma-
nuscrit écrit en Italie et conservé à la bibliothèque épiscopale de
Tolède.
Voici ce chant, -i»t, tel qu'il est dans le manuscrit :
''0^ T12"» n'5D\::?a riwN nb :»nTb nbboiT: -b=) nb •yr.aî'i
» Graelz, t. VIII. p. 68 et 409.
* Hiitoire de l'Inquisition, t. I, ch. v.
284 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
, moi BmnN 'n '^nsD nbsi irn nsma"'
!-iNbn bn-i np:-' 'n "^nar nbr-, ^rn -is-na*'
r-7Db«!r;-inDNT p-'nirn-'STiT: '-^-nr nr=- i»"^" irma-'
Le compositeur de ce chant est. selon l'acrostiche, Eléazar, peut
être Eléazar Kalir. Au reste, ce chant avec le refrain laT^T inD"« est
imprimé dans le Mahzor romain ', le même Mahzor qui se trouve
la possession de M. D. Kautmann.
M. Kayserling.
* Landshutb, Amude ha-Ahoda^ I, 43.
BIBLIOGRAPHIE
REYUE BIBLIOGRAPHIQUE
2« TRIMESTRE 1893.
{Les indications en français çui suivent les titres hébreux ne sont pas de V auteur du livre,
mais de Vauteur de la bibliographie, à moins qu'elles ne soient entre ffuillemets.)
1. Ouvrages hébreux.
onn -lIN '0 Commentaire du livre des Proverbes et de Zacharie, par
Berisch Goldenberg. Tarnopol, impr. Alkalay à Presbourg, 1892; in-S»
de 74 p.
©-nD72 N-ipW 3ï<ni « Mikra Meforache. Méthode pour l'étude de la langue
et de la grammaire hébraïque, éléments d'histoire Israélite, sentences
morales, etc., par S. Flah. » Tunis, impr. internationale, 1892; m-S»
de 160 p.
I^"»?: D"^-ni ■'nnDW Correspondance de Juda Jacob Néhama avec dififérents
savants et rabbins. 1'° partie. Salouique, 1893; in-S" de 184 p.
n"n nsian bN-lï5"^ ynsb 3>07: Voyage en Palestine en l'année 2040, par
A.-L. Lewinski. Odessa, Abba Douchna, 1892; in-S" de 66 p.
bNlT^O '0 t]"':iWN-i Û"'N"'3D Liber Samuelis. Textum masoreticum ac-
curatissime expressit, e fonlibus Masorœ varie illuslravit, notis crilicis
confirmavit S. Baer. Leipzig, Tauchnitz, 1892; in-8o de iv + 156 p.
^3b20!^ Considérations sur le livre de Ruth, par Joël Libusch Herzop.
Varsovie, impr. Ginz, 1892 ; in-8o de 32 p.
a^3N ^n-lO Jugendblûthen. Erzahlungen u. literarische Beitràge von Isidor
Brustiger. Lemberg, Ehrenpeis, 1892; in-8'^ de 70 p.
n-i^N^DNn nablB '-I Beitràge zu Salomo Da-Pieras Lebeu u. Wirken nebM
Auszùgen aus seinem Diwan. von Heinrich Brody. Berlin, imp. Ilzkowski,
1893; in-8°de 37 p.
286 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
2. Ouvrages en langues modernes.
Annuaire des Archives israélitcs pour l'an du monde 5654 (1893-1894),
10* année, par H. Prague. Paris, |1893' ; in-32 de IIG p.
Contient : Revue de l'année israélite 56o2-o65P>, par H. Prapue ; Goud-
chau et la duchesse d'Orléans (17o2-17o5), par Léon Kahn; les Juifs de
Paris pendant la Révolution, la femme de Chabot, par le même.
Baentsch (B). Das Heiligkeits-Gesetz Lev. XVII-XXVI. Eine histor.-krit.
Untersuchung. Erfurl, Gûlher, 1893; in-8'> de vu -\- 153 p.
Barth (J.). Etymologische Studien zum semitischen, insbesondere zum
hebr. Lexikon. Leipzig, Ilinrichs, 1893; in-8° de 76 p.
Berger (Samuel). Quam notitiam linguœ hebraicse habuerinl cbrisliani
medii îevi temporibus in Gallia. Paris, Hachette, 1893 ; in-8° de 61 p.
Le prochain numéro contiendra un compte-rendu développé de cette
savante monographie, qui n'est pas moins intéressante pour l'histoire des
études chez les chrétiens que pour celle de la langue hébraïque au
moyen âge.
Bloch (Philipp). Die General-Privilegien der polnischen Judenschaft. Po-
sen, J. Jolowicz, 1892; in-8° de 120 p. (Erweiterter u. verbesserter Son-
derabdruck ans derZeitschrift der histor. Gesellschaft f. d. Provinz Poseu,
Bd. VI).
Charles (R.-H.,. The bock of Enoch. Translaled from professer Dilmann's
elhiopic text, emented and revised in accordance with hilherto uncollated
ethiopic mss., and with Ihe Gizeh and olher greck and latin fragments,
v,-hich are hère published in full. Londres, Frowde, 1893 ; in-8<^ de
380 p.
FuRST (A.). Christen u. Juden. Licht- u. Schattenbildcr aus Kirche u. Sy-
nagoge. Strasbourg, impr. strasb., 1892; in-8'' de 316 p.
Gerson (M. -A.). Essai sur les Juifs de la Bourgogne au moyen 3ge. Dijon,
impr. Berlhoud, 1893; in-S" de 68 p.
Cet ouvrage nous est arrivé trop tard pour que nous puissions en rendre
compte dès à présent; nous nous acquitterons de ce soin dans le prochain
numéro. Disons, tout de suite, que cette étude est complète, et même ren-
ferme des documents inédits.
IIackmann (H.). Die Zukunftserwartung d. Jesaia. Gœltingue, Vanden-
hoeck, 1893 ; in-8'' de iv + 174 p.
Hamburger ' J.). Real-Encyclopi\die fur Bibel u. Talmud. Dritte durchgese-
hene u. verbesserte Auflage. Leipzig, Kôhler, 1892; in-8° de 1102. Con-
tient la partie biblique, i
Hamburger (Leopold). Die Miinzpràgungen wâhrend des letzten Aufstan-
des der Israeliten gcgen Rom. Berlin, impr. Pormetter, 1892; in-8'' de
108, plus une planche.
IlELLER (S.). Die echten hebraischen Melodieen, Uebersetzungen. Aus dem
Nachlasse hrsgg. von Prof. D-" David Kaufmann. Trêves, Sigmund
Mayer, 1893; in-S" de xxiv + 284 p.
BIBLIOGRAPHIE 287
Il est iimlile de faire l'élo-zie de l'introduction de ce charmant petit vo-
lume il safût de dire qu'elle est sortie de la plume savante de notre excel-
lent collaborateur, M. Kaulmann, qui trouve le moyen de se délasser de.
ses travaux ordinaires en publiant les œuvres posthumes des écrivains qu'il
a connus. Dernièrement il éditait ainsi celles de Hajî, aujourd hui^ c est le
tour de ces poésies qu'avait polies et serties avec amour le rejrretté Sehg-
maun Heller. Ce sont des traduclious des morceaux les plus caractéristiques
de nos poètes du moyen â-e ; comme de juste, la place de laveur a été
réservée à Juda Halévi, à Salomon ibn Gabirol et a Abraham ibn Ezra. 11
est fâcheux qu'il ne se soit encore trouvé personne parmi nous pour iaire
passer dans notre langue les plus belles de ces productions poétiques.
HOLST. Der Prophet Elias. Ein alttestara. Geschichts- u. Charakterbild.
Riga, Hœrschelmann, 1893; in-12 de xiii +202 p.
Jacobs (Joseph). The Jews of Angevin England. Documents and records
from latin and hebrew sources priuled and manuscript for the firsl time
collected and translated. Londres, David Nuit, 1893; in-8" de xxix +
425 p.
Jagig. Slavische Beitrage zu deu biblischen Apocryphen. I. Die altkirchen-
slav. Texte d. Adambuches. Vienne, Tempsky, 1893; in-4° de 104 p.
(Extr. des Denkschr. d. k. Akad. d. Wissenschaft.)
Jahresbericht der Landes-Rabbinerschule in Budapest fur das Schuljahr
1892-1893. Voran geht : Der Vertrag nach raosaisch- talmudischem Rechle
von Rabb. Moses Bloch. Budapest, 1893 ; in-8o de 108 -f 32 p.
Judith Montefiore Collège, Ramsgale. Report for the year (18^)2-1893). To-
gether wilh Origin and sources of the Shulchan Aruch, and the Sefer
Assufoth, by M. Gaster. Londres, impr. Wertheimer, 1893; in-8" de
74 p.
Kennard. Philistines and Israélites, a new light on the world'.s hislory.
Londres, Chapman, 1893; in-8'' de 250 p.
Klostermann (A.). Der Pentateuch. Beitrage zu seinem Verstandniss u.
seiner Entslehungsgeschichte. Leipzig, Deicherl, 1893; in-8" de
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Belforte, 1892; in-S" de 86 p.
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Marbourg, Elwert, 1893; in-8« de xii + 160 p.
MuNGH (G.-N.). Die Zaraat (Lepra) der hebr. Bibel. Einleilung in die Ge-
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288 REVUE DES ETUDES JUIVES
Nobel (Rabbiner Josef). Hermon, Versuche ûber Israel's Lebensideen iin
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Mgr Meurin, archevêque-évêque de Port-Louis, membre de la S. J., a
découvert dans les rites et les doctrines maçonniques l'intluence ou
plutôt la suite, entre autres, de la Kabbale. Il s'étend longuement sur les
liens qui unissent la doctrine maçonnique au laimudisme, et il insiste sur
raciion des Juifs dans les loges. Sa charité chrétienne, que nous n'osons
comparer à sa science, lui fait résoudre ainsi la question juive, puisque
question il y a ; t L'expulsion des Juifs d'un pays est un manque de
charité et de justice envers les pjys voisins sur lesquels on décharge
ces vers rongeurs. Elle est également une mesure trop dure contre ceux
d'entre les Juifs qui ne sont pas coupables des crimes de la poignée auda-
cieuse qui, au moyen de la franc-maçonnerie, exploite les nations. Il
suffirait, nous croyons, de défendre aux Juifs les occupations de banquiers,
de marchands, de journalistes, de professeurs, de médecins et d'apothi-
caires. »
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"ipinn « Revue hébraïque» ^;Vienne, Scholzgasse, 2, mensuel). V année
1892-1893. = = N*'" 7-8. A. Harkawy : Fragment d'un commentaire sur
le Pentateuque d'un Caraïte ancien. — A. Epstein : Études critiques :
P le petit-fils de R. Juda Hanasi, la permission d'étudier le grec pour la
famille de R. Gamliel; 2° si les auteurs lialakhiques ont interprète le
texte biblique à l'aide de la langue grecque; 3° altération du texte du
Tanna de R. Eliahou par l'auteur du Zikoukin denoura; 4" les divinités
présidant au l*^"" de l'an. — S. Fuchs : Le Sèfer Otiot Haimanim de R. Juda
b. Balaam. — A. Neubauer : Extrait d'un ouvrage de grammaire ms.
écrit en arabe. — H. Brody : Dialogue de Libni et Schime'i d'Immanuel
Franzos. = = N^' 9-10-11. Edition nouvelle des Etilakhot Pesoukot des
Gaonim avec notes par Joël MùUer.
Archives Israélites (Paris, hebdomadaire). 54^ année, 1893. = = N° 5.
Moïse Schwab : Une fausse antiquité' he'braïque à la Bibliothèque natio-
nale. = = N° 6. Albert Bloch : L'e'tymologie du mot chimie. = = N° 16.
Isidore Cahen : Ad. Franck. = = N° 24. Léon Kahn : Les Juifs de Paris
pendant la Révolution : la femme de Chabot [Leopoldine Frey ; Chabot
fut guillotiné avec les comtes Emmanuel et Junius Frey, ses beaux-
frères] (suite, n'' 25).
11 Corrîere israelitico (Trieste, mensuel). 30^ anne'e, 1892. ^ = N° 7.
G. Cammeo : 7 Terafim [Suiie, n° 8). — Leone Racah : Il Talmud {suite,
qo 8). = r= îs° 9. Cav, Prof. David Terracini, rabbino maggiore di Asti.
— G. Cammeo : Il libero arbitrio nella Bibbia. = = N° 11. G. Cammeo :
Arli e mestieri nella Bibbia, = = N° 12. Margulies : Dell' influsso del
Giudaismo suUa coltura dell' Umanita (discours). — Samuel Colombo :
Rab-Azulaï.
Jiidisehes Litleratur-Blall (Magdebourg, hebdomadaire). 21® anne'e,
1892. r= = NO 40. Moritz Rahmer : Ueber die Thierquâlerei nach den
Grundsaizen des Judenthums (iuile, n"^ 41-42). — Goldfahn : Eine aile
Syuagogenorduung [suite, n"* 45, 46j. = = N'^ 41-42. M. Grûuwald :
Urspruug der Tischzuchen. = = N° 43. Gross : Sethiten u. Kaiuiten. —
G. Wolf : Ein privilegium odiosum. — Ad. Jellinek : Der Anfang des
Midrasch rabba zur Genesis.. = = N° 44. E Landau : Die gegensinnli-
chenWarter im All-u. Neuhebraischen (fin, n° 4.ô). = = N° 45. S. Gelb-
haus : Ueber miltelhochdeutsche u. jûd. Litteratur (suite, n"^ 46 et 47;.
;= = N° 47. A. Kaminka : Talmudische Bibelexegese im Targutn Jona-
than. = = No 49. Karl Ochsenius : Die Juden in Nordafrika. — A. Jel-
linek : Senior Sachs. = = N° 50. Die Religionsphilosophie Saadja's
(suite, n°= 51, 52;. = S. Gelbhaus : Ueber den Iwein Harlmann's von
Aue {suite, n" 51). = = N'' 52. B. Kœuigsherger : Die Namen Jethro's
(fin). = = 22^ année, 1893. Is° 2. B. Kœnigsberger : Zur moderneu Pen-
tateuchkritik (suite, n*"^ 12. 13, 14, 17, 19, 20. 21). — .Goldfahnj : Eine
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talmudischen Strafrecht (suite, annc'e 1893, n" 1). — Emanuel Blûth :
Joseph Kimhi u. seine Grammalik. — Samuel Krauss : Die romischea
Besatzungen in Paliistina. — D. Hoffmann : Die Antonirms-Agadot im
Talmud u. Midrasch. — Steinschneider : I. Miscellen, II. Diplomatische
u. kritische Genauigkeit. =: =: 2'' année, 1893. N'^ 1. Salomon Fuchs :
Studien ûber Abu Zakarija Jahja Ibn Bal'am.
Tlie nienorah moiitly (New-York\ XIIl" vol., 1892. =^ = N" 4, octobre.
Kayserling : The first Jew on American soil. = = N° 5. novembre.
G. A. Kohut : Mendelssohniana. ^= = N° 6, de'cembre. Alexander Ko-
hut : Références to Columbus and Araerica's discovery in contempora-
neous hebrew literature. = = XIV« vol., 1893. îs" 1, janvier. Aaron :
The Megillah ol' Saragossa. = ^= N° 3, mars. Jewish genius and jewish
intellcctuaîity, adapted from the article of Anatole Leroy-Beaulieu in
the Revue des Deux-Mondes. = = N" 4, avril. Grossmanu : Baruch Spi-
noza. — Jewish names, adapted from the frencli of Anatole Leioy-
Beaulicu : The language of the Jews.
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3'7" année. 1892; nouvelle se'rie, 1'^ anne'e. ^=: =-- N" 1, octobre. Roscii-
thal : Das Sikarikon-Geselz [suite, n"^ 2 et 3). — J. Perles : Beilriige zur
rabbiiiischen Sprach-und Alterlhumskunde (suite, n°^ 2, 3, 4 et 8). —
D. Kaufmann : Das Alter der drei Benediclionen von Israël, vom Freien
und von Mann. — Philipp Bloch : Die In^^TO "'Tl"!"', die Mystikor der
Gaoonenzeit, und ihrEinfluss auf die Liturgie (suite, n^^ 2, G). — Alexan-
der Kisch : Das Testament Marduchai Mcysols (suite, n" 2, 3 et 1\ —
Max Freudcntbal : Die ersten Emancipationsbestrebungon der Judcn in
Breslau (suite, n'^'' 2, 4, 5 et 7). -^ =^ N° 2, novembre. A. Epstein :
Pseudo-Saadja's und Elasar Rokeach's Commentare zum Jezira-Buche.
294 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Die Reccnsion Saadja's [suite, n° 3). — Moritz Steinschneider : Mi?:cellen
{suite, n°= 3, 4, 5 et 7). = = N° 3, décembre. D. Kaufmann : Ziir Ges-
cbichte derEuphemieen. — David Rosin : Eine Lûcke im religionsphilo-
sopbischen \Yerke des Gersonides. = = N'^ 4, janvier 1893. M. Giide-
mann : Neutestamenlliche Studien [suite, n°^ fî, 7 et 8). — A. Schwarz :
Die erste halachische Controverse {fin, n° 5). — J. Theodov : Der Midrasch
Bereschit Rabba {suite, n" 5). — M. Gaster : Das Schiur Komab \fi,i,
n° 5). == N° 5, février. S. J. Halberstam : Notizen. = = N» 6, mars.
Epstein : Studien zum Jezira-Buche u. seinem Erklârern. — Kaufmann :
Die Verbeerung von Ungariscb Brod durcb den Kuruzzenûberfall vom
14. Juli 1683 {suite, n° 7). = = N° 7. avril. J. Derenbourg : Ueber einige
dunkle Punkte in der Gescbicbte der Juden. ^ = N° 8, mai, Kaufmann :
Der Stammbaum des R. Eleasar Fleckeles, eine Ahnenprobe Moritz
Hartmanns.
Israelitische Honatsrhrift. (supplément de la Jûdiscbe Pre?se, Berlin).
23« année, 1892. == N° 9. D. Hoffmann : Zur Erkliirung des Hùttenfestes.
^= = N" 10. E. M. : Die Kircbe u. die Juden. = = N» 11. Frankel-
Grùn : Die Wiener Emigranten in Kremsier. — S Rotbscbild : Ans dem
Wormser « Maaseb Nissim Bucbe ». = ^= 1893. N° 1, M. Weinberg :
Die Almosen-Verwaltung der jiid. Ortsgemeinden im talmud. Zeitalter
{suite, n'"* 2. 3, 5). = = N'* 2. Versucb der Erkliirung eines dunklen Aus-
druckes (le mot "51"^), =i = N° 4. M. Simon : Die mitteleuropaïscbe Zeit
u. der jûd. Kaleuder. — D'" Hoffmann : Zum Pessacbfeste. = = N° 5.
A. von MôUondorf : Professor Robling, D"" Justus u. Cari Paascb {5«t7tf,
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= = 5e vol., 1893. N° 18, janvier. M. Friedliinder : Life and works
of Saadia. — Ad. Neiibaucr : Ernest Renan. — II. Ilivschfeld : Tho
spirit of Islam. — Oswald John Simon : Aulhorily and dograa in .lu-
daisra. — Schechter : Noies on hebrcw Mss. in the university library of
Cambridge, V. — F. G. Conybeare : On the Philonean lext of the Sep-
tuagint. — Neubauer : Bibliography, 1891-92. — Crilical notices. — Nole.^^
and discussion : Bâcher : An allcged old source on the Jews ia Yemen ;
— Skipwith : Graelz's remark ou « Apodasmo Judteorum capta » ; —
Abrahams : Tobit and Genesis ; — Ilalberslam : Asher ben Saul ; —
M. D. Davis : Isaac of Ilurford. = = N'^ 19, avril. D. Kaufmann : The
Htz Chayim of Jacob b. Jehudah of London and the history of his ms. —
Conybeare : On the jewish aulhorship of the Testaments of the twelvc
Patriarchs. — K. Kohler : The pretalmudic haggada. — Adolf Bûcbler :
The reading of the Law and Prophets in a triennal cycle. — M. Hyamson :
Aulhorily and dogma in Judaism, a reply. — Crilical notices. — Notes
and discussion : Richard GoUhcil : The family Almanzi ; — Abrahams :
Samuel Porlalconi's proposed restrictions on games of chance ; — Skip-
with : On sorae misplaced passages of scripture.
Revue de l'hlsîoire des religions (Paris, bimestriel). 13" anne'e, 1892.
T. XXVI, u" 3. Lucien DoUfus : Garci Ferraus de Jerena et le juif Bacna.
= =- 14e' année, 1893. T. XXVII, n° 1. C. Piepenbring : La religion des
Hébreux à l'ëpoque des Juges. = = N» 2. L. Horst : Eludes sur le Deu-
téronome. IL Les sources et la date du Deutéronome (/?«)•
Revue sémitique (Paris, trimestriel). 1'° année, 1893. = = Janvier.
J. Ilalevy : Recherches bibliques. XXVI, Les descendants de Sem et la"
migration d'Abraham. XXVII, Un gouverneur de Jérusalem vers la fin
du xv« siècle av. J.-C XXVIII, La crealion et les vicissiludes du pre-
mier homme (suite, n» d'avril). — Du même : Deux inscriptions sémi-
tiques de Zindjirli. = = Avril. J. Ilalévy : Les deux inscriptions hé-
te'ennes de Zindjirli.
L't'nivers israélii*e (Paris, bimensuel). •1"'' année, 1892-1893. -= = N" 3.
L. SVogue : Michel Erlanger. — A. Lévy : Les Israélites de Lyon {suite,
n»* 5, 13, 18). = = N° 7. L. Woguc : Senior Sachs. = = N" 8. llerr-
maun : Un document israelite, prière pour la reine (le 10 mars 1*7(38, à
Bordeaux). = = N° 16. L. Wogue : Adolphe Franck.
Il Vessillo israeiîtioo (Casal-Monferral, mensuel). 40« année, 1892.
= = N° 10. L. Modona : Gli Fbrci e la scoperla delP America {suite,
n°s 11, 12). — Ella Bcnamozegh : Il sign. Reynach e la Cabbala.
/eitschrift lïii- «lie altlestainentliche \Vi»is*iischaft (Giessen, semes-
triel). 12° année, 1892. = = 2» semestre. C Bruslon : Les cinq docu-
ments de la loi mosaïque. — Julius Ley : Origenes iiber hebr. Melrik
— Th. Slockmayer : liai Lucian su seiucr Sepluagintarevisiuu die Pos-
chito bemilzf? — J. J. P. Valelon : Das Worl rr^nn in den jehovistischen
2% HKVDE DES ETUUES JUIVES
und deutoronomischen Slùckea des Ilexateuchs, sowie in den vcrwandlcn
historischen Bùchcrn. — Karl Buddc : Zum hobr. Klagelied [suite'K —
Stade : Bemerkungen zum Bûche Jeremia. — Bibliographie. = = 13^ an-
née, 1893. = = 1" semestre. Silberstein : Uebcr den Ursprung der im
Codex Alexandrinus und Valicanus des drilten Kœnigsbuches der
alexandrin. Ueber^jetzung ûberlieferten Textgeslallt. — Eckardt : Der
Sprachgebrauch von Zach. 9-14. — Fries : Parallèle zwiscben den Kla-
gcliedern Cap. IV, "V, und der Maccabaerzeit. — Cheyne : The Ninetenlh
Chapter of Isaiah. — Bâcher : Jehuda Ibn Balaams Jesaja-Commentar.
— Ans einem Briefe Nôldekes'. = Couard : Gen. 15, 12-1(5 und sein Ver-
haltnis zu Ex. 12. 40. — Ilackmann, Erklàrung. — Bibliographie.
Allgemcine Zeiiung «les Jiidentliums (Berlin, hebdomadaire}. 56° an-
née, 189^. =: = îs»4l. Emil Franzos : Moriz Rappaporl fs«2Ye, n°* 43,
44, 46, 4"). := = N° 42. S. Fessier : Die Satire u. die Stellung dos
Judenlhums zu ihr. = = No44. G. Karpeles : Erinnerungen an Henriette
Herz. = = N° 45. Leopold Katz : Zur Geschichte der jûd. Melodien, Kol
nidre. — M. Silberstein : Die Mélodie des Neilah-Kaddisch. = = N° 47.
A. Ackermann : Der jiid. Vorsangerdiensl. = = N° 49. Emil Lehmann :
Zacharias Frankcls Berufung nach Berlin. = = N" 50. J. Horowitz : Die
sozialen Instilutionen dos Mosaismus u. der platonische Staat {suite,
no^ 51 et 52]. = = N° 52. Félix v. Luschan : Die anthropologische Stel-
lung der Juden C/?«, n" 53). — Richard M. Meyer : Bcrthold Auerbach
(/?»; n" 53V = = 57e année, 1893. N° 2 Emil Schifif : Seligmann Heller.
= = N° 3. David Cassel. ^ = N° 6. M. Kayserling: Die jûd. Bevôlkerung
in Spanien. — Blumenau : Etwas ûber jûd. Namen. — Gelbhaus : Ueber
das zweite Targum zum Bûche Eslhcr. = = N° 12. Nathan Grun : Die
bibl. Schiiflerklarungen eines Kaisers (Frédéric II) (fin, n" 14). ^= ■=
N° 13. H. Sleinthal : Das Buch Daniel u. dessen Einflu&s auf die Folge-
zeit {fin, n" 14). = = N" 15. E. Baumirarten : Isak Noe Mannheimer. =
= N" 16. H. M. Cohn : Die Kriminalstalistik nach Koufessionen. = =
M" 19. M. Kaj'serling : Ein ungedruckter Briet Moses Mendelssohn's u.
seiner Frau. = = N° 20. Stier : Das « Massa * des Propheten [suite,
n^^ 21 et 22).
5. Notes et extraits divers.
- Revue rétrospective, 9" année, octobre 1892 fp. 257 et suiv.). Un policier
homme de lettres : l'inspecteur Meusnier il748-1757), par Paul d'Eslre'e. —
Les Juifs, dans la deuxième moitié' du xYiii" siècle, ne pouvaient de-
meurer à Paris que « trois ou six mois sur le visa, par le lieutenant de
police, d'un passe-porl que délivraient aux intéressés les intendants de
leur province, ou les ministres secrétaires d'Elat. Un inspecteur de police,
spécialement chargé de cette mission, vérifiait les papiers des Juifs cl
chassait impitoyablement de Paris ceux qui n'étaient pas en règle. S'ils
n'obe'issaieut pas à ses injonctions, ils e'taienl conduits au Forl-LEvèquc
ou à Bicêlre- Tapin el Langlade furent les premiers inspecteurs de police
auxquels incombèrt-nt ces fonctions. Legrand leur succe'da, qui neut ni
la conscience, ni l'honnêteté' de ses prédécesseurs. Cet agent pre'varica-
teur fermait les yeux lorsqu'il était grassement paye', et se montrait sans
pitié pour les pauvres diables incapables d'acheter son silence. La Coni-
BIBLIOGRAPHIE 297
munaulé juive (?), rançonnée par Legrand, le dénonça, sur la double
initiative d'Assur Mayer, facteur de l'électeur de Cologne, et de Bernard
Valahrègue, interprète du Roi. Le premier de ces Israélites était un
espion allemand, le second un honnête homme, fort estime à la Biblio-
thèque royale. Sa plainte fut écoulée, et Legrand invité à fournir des
explications. Il prélendit que ses accusateurs lui avaient tout simplement
fait des cadeaux. Il n'en fut pas moins suspendu de ses fonctions.
Mais, pour leur édification personnelle, le lieutenant et les inspecteurs de
police chargèrent Meusnier, au commencement de 1752, d'ouvrir une
enquête sur les faits reprochés à leur collègue et de leur en communiquer
le résultat. »
C'est ce rapport de Meusnier que publie M. d'Estrée.
Legrand avait commencé par être puni par la privation de son poste.
Une vingtaine de Juifs avaient été entendus et s'accordaient à dire que
le sieur Legrand n'avait point sollicité les présents qu'ils lui avaient faits
depuis trois ans, en faveur des étrennes, par récompense des peines qu'il
se donnait pour l'enregistrement de leurs passeports, quoiqu'ils n'eussent
jamais rien donné aux sieurs Tapin et Langladc, ses prédécesseurs. »
Seul Bernard de Valabrèguc <- insistait pour le contraire ». Il semblait
donc prouvé à Meusnier que le sieur Legrand n'avait pas exigé de pré-
sents ni pris de l'humeur contre ceux qui ne voulaient pas « contribuer ».
« 11 était encore moins prouvé qu'il eût eu de l'indulgence pour aucun
en particulier, au préjudice de son devoir et en considération des présents
manuels ou annuels qu'il en aurait reçus. »
Meusnier s'était adressé au juif Moyses Elias, pour avoir des rensei-
gnements, et celui-ci avait répondu, de Strasbourg, par une lettre des
plus explicites : Legrand, prctendait-il, ne tourmentait pas les Juifs qui
le payaient : seulement lui, Moyses Elias, avait résisté à ses tracasseries,
parce qu il était au service du Roi. D'autre part, Bernard de Valabrèguc
redoublant d'animositë contre Legrand, Meusnier demande un suppie'-
ment d'enquête. 11 dresse une liste de te'moins qu'il faudra interroger,
pour savoir ce qu'ils pensent de Bernard. Ce sont Manuel de Léon,
Raphaël de Léon, Salomon Benjamin, Olry Gain, Israël Dalpuget, Lazare
Dalsace, Samuel Jonas Lévy, Daniel Gunlz, Joseph de Valabrèguc,
Assure Mayer, Lange de Sazia, Abraham Vidal, Jacob Goldschmidl. Ils
demeuraient pour la plupart chez des particuliers ou à l'hôtel.
On ignore la suite qui fut donnée à cette affaire.
Dunionl, qui remplaça Legrand, touchait 600 livres pour la surveil-
lance « des Juifs et des charlatans ». Ces appointements modestes ex-
pliquent, en partie, la conduite des inspecteurs.
= On lira avec intérêt l'étude que consacre au poète juif Sem Tob M. Mar-
celine Mendez y Pelayo, dans sa Biblioteca dass'ca, Antologia de poetas
liricos castellams desde la fonnacion del idioma hasta nuestros dias. Madrid,
Viuda de Ilernando. 1890-92, in-12.
= Notre cher Président, M. Ilartwig Derenbourg, vient de terminer la
Vie d'Ousatna, dont le premier fascicule (ch. i-iv) a paru en 1889. Celle
partie est beaucoup plus volumineuse que la précédente, puisqu'elle va
de la page 203 à 730. Il ne nous appartient pas de faire l'éloge de cette
savante publication ; qu'il nous soit permis seulement de féliciter M. H.
Derenbourg de ce beau travail qui fait honneur à sa haute science.
= « De quelques faits relatifs à l'histoire de la circoncision chez les peuples
298 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
de la Syrie ». Sou^ ce titre, M. Théodore Reinach vient de publier dans
r Anthropologie une curieuse note que nous allons re'snmer. D'après Hcro-
dole (II, 104), « les Colques, les Égyptiens et les Éthiopiens ont seuls
pratiqué la circoncision dés l'origine. Les Phéniciens et les Syriens de
Palestine reconnaissent eux-mêmes qu'ils ont appris celte coutume des
Egyptiens. » Qui sont ces Syriens de Palestine? Les Juifs, comme le
croit Josèphe ? Rien ne le prouve, Ile'rodote n'a jamais mis les pieds en
Judée, il ne connaît de visu que la côte. La Syrie de Palestine est, pour
lui, la côte syrienne comprise entre Joppe' et la frontière de l'Egypte,
c'est-à-dire la contrée habitée par les Philistins. Ce sont donc les Philis-
tins dont veut parler Hérodote ; d'ailleurs Palestine vient de Philislée. Il
est vrai que, d'après la Bible, ceux-ci e'taient incirconcis. Mais les Philis-
tins du temps d'IIe'rodote élaient-ils semblables aux contemporains de
David '? Ils ont pu subir l'influence de l'Egypte. Peut-être aussi ne for-
maient-ils plus alors qu'une population mêlée, depuis la déportation en
masse qui suivit la conquête de la Philistée par Nabuchodonosor. Peut-
être est-ce pour cette raison que les derniers prophètes n'^appliquenl plus
le terme injurieux d'incirconcis aux Philistins. Au contraire, Eze'chiei
range encore les Sidoniens, c'est-à-dire les Phéniciens, parmi les incir-
concis. Or le texte d'Hérodote constate l'existence de celte pratique chez
ce peuple vers 445. Ne doit-on pas en conclure que la circoncision avait
pénétre' en Phe'nicie, sous l'influence e'gyplienne, enlre ïtlh et 445. Mais,
d'après Hérodote aussi, lès Phéniciens eu rapport de commerce avec les
Grecs ne pratiquaient plus cet usage. Ainsi, les Idume'ens, qui circon-
cisaient leurs enfants d'après Je'rémie (ix, 2G), devaient avoir aban-
donné cette coutume, puisque Jean Hyrcan, en 125, la leur imposa
de force. Ces résultats sont intéressants pour l'histoire des mœurs
religieuses.
Grunbaum (M.) Xeue Boitrsoge rnv seiiiîtisehen Sagenkuiide.
Leyde, E. J. Brill, 1893; iu-8° de 291 p.
Ce titre de « Nouvelles contributions » l'erait croire à un premier
ouvrage de ce nom : bien habile celui qui le découvrirait. Evidem-
ment M. G. a pensé à l'article qu'il a publié, il y a une dizaine d'an-
nées, dans le Journal asiatique allemand (t. XXXI). Ces « Nouvelles
contributions » rappellent, d'ailleurs, par plus d'un point leurs
devancières. Celles-ci avaient séduit par la richesse des informations
et le luxe des comparaisons, mais elles avaient un peu rebuté, même
les savants, par leur décousu et leur aspect rébarbatif. L'introduction
du présent volume, qui est une sorte de longue causerie à bâtons
rompus sur la Agada, évoque le souvenir de cet article, non seule-
ment par les chapitres qui n'en sont qu'une répétition, mais par la
confusion et l'absence de plan. Pour comble de malechance, l'auteur,
dans son horreur des tables de matière et de tout point de repère
propre à soulager et à aider le lecteur, n'a même pas eu la pensée de
BIBLIOGRAPHIK 299
diviser en paragraphes ces nombreuses dissertalioas et observations
de détail.
Au moins le corps même de l'ouvrage a-t-il, celte fois, de grandes
sections commandées par le sujet. Ce sujet, le titre n'en donne
qu'un aperçu très général ; en réalité, c'est un parallèle entre les
traditions ou plutôt les midrascliim juifs et musulmans sur les héros
de l'histoire sainte. Tout le monde sait que le Coran et les commen-
tateurs de ce livre relatent une foule de légendes qui illustrent le
texte biblique. Ces légendes ou midraschim, Geiger l'a déjà mon-
tré en partie, sont empruntées pour la plupart aux Juifs; cepen-
dant, il est arrivé bien des fois que de prêteurs ceux-ci sont
devenus emprunteurs, les Musulmans ayant pris goùl à ce jeu
littéraire et ayaut, eux aussi, appliqué leurs broderies sur le tissu
biblique.
A notre sens, une élude sur cette question d'histoire littéraire
et religieuse devrait être ainsi conduite : 1° on comparerait les
midraschim musulmans à ceux des Juifs; 2° on essaierait d'établir
les liens de parenté qui les unissent ; 3- on chercherait les raisons
des transformations subies par ces légendes dans leur migration.
A dire vrai, même, une étude de ce genre qui remplirait ce pro-
gramme ne serait pas encore complète. Elle ne serait vraiment fé-
conde qu'à la condition de nettement marquer, pour chaque Irait
agadique, s'il est manifestement juif, par le tour, le caractère, les
préoccupations qui l'ont créé, ou, si ne se rattachant ni à la Bible,
ni aux conceptions proprement midraschiques, il ne rentre pas dans
le folk-lore universel dont les limites territoriales sont invisibles. Mais
pour mener à bonne fin de pareilles recherches, il faut avant tout
tlxer l'âge extrême et même la patrie d'origine des recueils qui
nous ont transmis ces agadot. Pour les auteurs musulmans, qui
ont un état civil, la précaution est inutile ; elle est indispensable
pour les compilations midraschiques, qui sont anonymes. 11 est
évident qu'un ouvrage écrit en pays musulman, bien après la
conquête de Mahomet et qui porte des traces incontestables d'in-
filtrations arabes, ne peut être invoqué seul pour justifier l'origine
juive de midraschim musulmans. Les lecteurs dépourvus de no-
lions exactes sur l'histoire de ces écrits seront toujours tentés de
les placer tous sur le même plan et à une époque très ancienne.
On objectera que celte histoire littéraire n'est pas encore assez sûre
d'elle-même. A quoi nous répondrons qu'il y a certains points sur
lesquels personne ne discute plus, et que même ceux qui sont
encore contestés peuvent être étabUs avec une approximation
suffisante. Or, de ces divers points que nous venons de signaler,
M. G. n'en a traité le plus souvent que deux, le premier et le troi-
sième. D'où celle conclusion que le lecteur, devant ce savant travail,
se trouve, sauf de rares exceptions, dans le même embarras qu'autre-
fois devant les Biblische Legenden der Muselmamir de G. Weil :
il lui faudrait un cicérone. Ainsi, p. 65, M. G. s exprime comme suit
300 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
(cette citation donnera, d'ailleurs, une idée de la manière de l'auteur) :
« Dans le ïalmud (Erubin, ^8 b , il est raconté qu'Adam jeûna pen-
dant 130 ans et pendant le même laps de temps se tint à l'écart
d'Eve. Dans le Pirké R. Eliézer ch. 20) il est dit qu'il se baigna dans
le fleuve du Gichon et jeûna pendant sept semaines, au point que
son corps ressembla ;i une passoire ; il pria Dieu de lui pardonner et
Dieu exauça ses supplications. Dans Tabari et Ibn-el-Atir il est ra-
conté que Dieu dit à Adam de bâtir la maison sainte (la Kaba) et que
Gabriel lui montra le cbemin et lui apprit les cérémonies du pèlerinage,
ce qui est raconté aussi par Jakut et Baïdawi. En outre, il est raconté
qu'Adam et Eve jeûnèrent pendant 40 jours, qu'Adam se tint à l'écart
d'Eve cent ans et que Dieu accueillit cette pénitence avec renvoi à
Sour. 2, 3o ; 7, 22; ». Et c'est tout. Une pareille juxtaposition de
textes, assurément commode pour l'auteur, laisse le lecteur dans
l'incertitude, si elle ne l'induit pas en erreur. Celui-ci ne pourra
s'empêcher d'être frappé de l'analogie et il conclura forcément à une
parenté entre ces relations. On aiguise sa curiosité sans la satisfaire.
Tout au plus infèrera-t-il de l'ordre dans leq'uel sont cités ces divers
textes que c'est des Juifs qu'est venue aux Musulmans cette tradi-
tion. Une simple notice, placée en tète du volume, sur l'âge et la pro-
venance des Midrascbim aurait mis eu garde contre ia témérité de
pareilles conclusions, car elle aurait appris que le Pirké R. Eliézer
est une œuvre postérieure au triomphe de l'Islam et est farcie d'élé-
ments non-juifs. Ici, d'ailleurs, M. G. ne s'est pas acquitté entière-
ment de sa tâche, car, contrairement à son habitude, il a négligé un
autie ordre de références, les sources chrétiennes. Il semble n'avoir
pas noté dans le livre d'Adam, que cependant il connaît et cite par-
fois (ainsi, p. 67 , une analogie frappante avec le Pirké R. Eliézer et
les auteurs arabes, surtout avec ceux-ci, car la Kaba s'y trouve déjà
en germe. Cette lacune est d'autant plus regrettable que la présence
de cette agada dans trois écrits chrétien, musulman et juif soulève
un problème curieux que nous avons essayé, dans celte Revue, de
résoudre. Nous avons cherché à démontrer que l'auteur du Pirké R.
Eliézer, en cette circonstance, s'était inspiré de Popuscule chrétien.
M. Epstein, dont la compétence en ces matières est suffisamment con-
nue, s'est prononcé en faveur de noire In'polhèse. Nous pouvons nous
être trompés l'un et l'autre, encore aurious-nous désiré savoir pour-
quoi. En tout cas, les textes musulmans se rattachent incontesta-
blement à la Vie d'Adam. Peut-être aussi M. G. a-t-il négligé de
propos délibéré cette référence, parce qu'il n'accorde guère de crédit
à ce Livre d'Adam, qui, sous la forme qu'il connaît, la version éthio-
pienne, parait relativement récent et est assurément postérieur
a l'hégire. Seulement, outre cette version et même outre celle,
l'arabe, qui lui a donné naissance, il en existe deux autres, en grec
et en latin, qui attestent la haute antiquité de cet apocryphe, qui
selon certains savants, à tort suivant nous, aurait été écrit au i"'
siècle de notre ère.
BIBLIOGRAPHIE 301
Quant à la quatrième partie du plan que nous avons esquissé
plus haut, personne n'était mieux qualifié que M. G. pour la réaliser,
ses travaux précédents l'ont montré avec éclat. Il est bien dommage
qu'il ne s'en soit pas avisé. Ainsi, à propos de l'invention du feu, il
eût été bon d'avertir que ce récit n'a rien de particulièrement juif, et
qu'il n'a même aucun lien avec la Bible. C'eût été ouvrir la voie à
de nouvelles recherches ; le lecteur plus curieux aurait lu avec
fruit l'excellent chapitre consacré à cette question par M. G. lui-
même dans le Journal asiatique allemand.
Par contre, il faut louer sans réserve M. G. de la manière dont il
a traité le troisième sujet : il a très bien mis en lumière les préoc-
cupations théologiques qui ont déterminé la prédilection des Arabes
pour certains héros de la Bible et qui leur ont fait modifier certains
traits que la tradition juive leur prête. De même que les Chré-
tiens, les Musulmans ont vu dans l'histoire sainte une figure de
la religion nouvelle, mais, comme cette histoire leur est parvenue
avec tous les ornements dont l'a chargée la Agada, c'est l'hisloire
des patriarches telle que l'a représentée la Agada qui est devenue le
type de celle de Mahomet. Les savants juifs qui ne sont pas versés
dans la littérature arabe sauront gré à M. G. de leur avoir fourni
les éléments de comparaisons instructives et d'études très intéres-
santes de folk-lore.
Voyons maintenant dans le détail comment s'est acquitté de sa
tâche M. G., quel parti il a tiré des sources juives. Nous n'avons pas
l'intention d'exercer ce contrôle sur tout le travail de l'auteur, notre
critique portera seulement, comme nous l'avons fait jusr[u'ici, sur le
premier chapitre, consacré à Adam : ab uno disce omnes.
M. G. traite d'abord de la création d'Adam et d'Eve, de leur chute
et de leur étal après le péché ; il donne, à ce sujet, tout le matériel
de la Agada juive. Ici déjà, nous constatons un manque de rigueur
dans la citation des sources. Il est évident qu'il faut indiquer avant
tout les textes les plus anciens qui ont conservé ces détails. Au
sujet de la durée du séjour d'Adam dans le Paradis qui ne fut
que de douze heures, M. G. renvoie à la Pesikia de R. Kahana et à
Vayikra Rabba ; or il fallait nommer tout d'abord Sanhédrin, 38 b. —
Plus loin, à propos des suites du péché d'Adam, on se réfère à
Bamidbar Rabba 11 et Pesikia de R. K., 44 b. Il est pour le moins
imprudent de placer B. R. avant la Pesikia, qui lui est bien anté-
rieure. Il valait mieux renvoyer à Cantiq. R., m, 7, qui donne un
meilleur texte que la Pesikia, et même a conservé le passage entier
dont Sifré, Nombres, v, 3, n'a retenu qu'un extrait. — Au sujet
de la longueur du corps d'Adam avant sa chute, on renvoie à M.
Tanchuma, à la Pesikia et aux autres passages cités par M. Buber.
Pourquoi passer sous silence le ïalmud, Hayiga, \la\ Sanhédrin,
38, en 10 a; et Bereschit Rabba, 12 et 19 ?
Nous ne reprocherons pas à M. G. d'avoir négligé nombre d'i'[)i-
sodes intéressants imaginés par la Agada, puisqu'il ne réunit que
302 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
ceux qui prêtent à des comparaisons avec les écrits musulmans. Il y
en a cependant qui méritaient d'être relevés : ce sont ceux qui son''
en opposition bien tranchée, soit avec ces midrasehim, soit avec les
idées théologiques des chrétiens et des musulmans et qui oflrent
matière à cousidéralions suggestives. Par exemple, en regard des
textes chrétiens et musulmans, qui font d'Adam le tjpe de Jésus ou
de Mahomet, et un roi, prêtre et prophète, il était bon de placer les
opinions des docteurs qui s'évertuent à charger Adam de tous les
crimes possibles, l'opposition des auges qui veulent empêcher sa
création. . .
Certaines lacunes sont surprenantes, des références indispensables
que le premier venu peut faire sont mises on ne sait pourquoi.
Ainsi, p. 67, M. G. rapproche bien les textes talmudiques et midras-
chiques relatifs aux sœurs jumelles de Caïn et d'Abel des récits ana-
logues des chrétiens et des musulmans, mais il oublie le principal,
à savoir le Livre des Jubilés, qui donne même le nom de ces femmes.
On nous permettra de nous arrêter ici : les critiques que nous
continuerions de faire fatigueraient par leur monotonie. M. G. vou-
dra bien n'y voir qu'une preuve de l'intérêt avec lequel nous l'avons
lu et de la haute estime dans laquelle nous tenons ses travaux.
En disant ces mots, nous n'ignorons pas qu'ils n'arriveront pas à
leur adresse, M. G. en est encore à ne pas se douter de l'existence
de notre Revue ; nous le regrettons vivement.
Israël Lévi.
^NlTûUJ ">IÎ"i~72 Midi'aseli Samuel, avec des notes et un commentaire pré-
cédés d'une introduction, par Salomon Buber. Cracovie, 1893, in-S» de 142 p.
L'infatigable maître des études midraschiques vient de donner aux
amis de ce genre de littérature une nouvelle preuve de sa féconde
activité. M. Buber, qui a publié, il y a deux ans, le Midrasch Tehil-
lim, fait paraître aujourd'hui un nouvel ouvrage, de moindre étendue,
le Midrasck Samuel. Cette fois, il n'a eu à sa disposition aucun ma-
nuscrit pour son travail. Le seul qu'il eût pu utiliser, le ms. 563 de
la bibliothèque de Rossi à Parme, est incomplet et incorrect, et ne
lui a servi que pour comparer entre elles les diverses leçons. Pour
l'édition du M. Samuel, il a suivi Védii^ion pr inceps de Consiantinople
(1522) et celle de Venise (lo46}, qui fut faite d'après la précédente. Il
est vrai que le manque de manuscrits n'a pas d'importance considé-
rable pour le Midrasch Samuel, car son texte ne parait avoir subi
que des modifications insignifiantes et peu nombreuses. Sauf deux
interpolations faciles a reconnaître (ch. iv, p. oï, et ch. xxxri, p. 140
jusqu'à la tin), il n'y a rien été ajouté. M. Buber établit aussi que
BIBLIOGRAPHIE 303
tous les extraits de notre ouvrage rapportés dans les auteurs an-
ciens depuis Rasclii se trouvent dans le texte édité.
Quoique faite sans l'aide de manuscrits, l'édition Buber, qui est la
reproduction de l'édition prlnceps, est appelée à rendre des services,
car elle nous donne le texte sous une forme et avec des additions
telles que nous pouvions les allendre de ce véritable maître dans
l'art d'éditer des midraschim. Pour eu faciliter la lecture, il a divisé
les chapitres en paragraphes numérotés, bien séparés les uns des
autres; les citations bibliques sont accompagnées de l'indication
des passages. Un commentaire rend compte avec précision des rap-
ports existant entre les divers passages du Midrasch Samuel et les
passages parallèles de la littérature talmudique et midiaschique. Ce
commentaire contient naturellement aussi des explications de fond
ainsi que l'interprétation des mots étrangers difficiles, qui se ren-
contrent, du reste, en assez petit nombre. Comme toutes les éditions
de M. Buber, celle-ci est précédée d'une introduction complète riche-
ment documentée. Qu'il me soit permis de faire au sujet de cette
introduction les quelques remarques suivantes.
Dans le premier chapitre ;p. 7-9), M. Buber traite du titre de la
rédaction, de la date et de la patrie du Midrasch Samuel. A signaler
l'intéressante indication où il dit que Raschi, qui est le premier
à en parler, appelle une fois notre Midrasch V'iVO irN --"o
'nb rir:;rb ny, d'après les premiers mots de ce recueil, et que partout
ailleurs il l'appelle bi<n72':: '72 , bxi/rûT r-rr^^ ou nso "«lîni:: m>x
bvSiTûO. M. Weiss {Dor Dor Medorschaw, III, 277), sans citer un seul
exemple et sans pouvoir invoquer l'autorité de Zuuz, avait émis
l'hypothèse que le Midrasch Samuel a emprunté bien des passages
au Talmud de Babylone pbnnr: )i2 p^^3>^: ûn?:N73 nnirr). Cette hypo-
thèse est fausse. M. Buber prouve par une série d'exemples que noire
Midrasch, quand il est en présence de deux versions diflérentes
d'une agada, l'une palestinienne et l'autre babylonienne, donne tou-
jours la préférence à la première. Il aurait encore pu citer comme
exemple la sentence d'un amora babylonien, que le Midrasch Sa-
muel (ch. II, § 10) rapporte, non comme elle se trouve dans le Tal-
mud babylonien (Eroubin, 6i a), mais selon la version du Jeruschalmi
(Teroumot, ch. i, 40 c). Il n'appelle pas non plus l'Amora babylo-
nien N3n- 3-1 nn «nn, mais, à la manière palestinienne, an "3 N2N
N;"irî(voir Frankel, introduction au Talmud de Jérusalem, jG b,. Il
semble que ce passage de jér. Teroumot ait échappé à M. Buber, car
p. ol, note 39. il ne le cite pas, et il ignore aussi que le passage V-^
^5,3- ^y -13^5 bnD^ i^NO ^70 53 r">"-^''' QUI suit la sentence d'Abba
b. Houna. ne se rapporte pas à b. Eroubin, 64 «, mais est em-
prunté littéralement a jer. Teroumot, 40 rf, où -172N Xr.^^ n'est qu'une
abréviation erronée de r^'2ï< V^^- D'après cela, il faut aussi corriger
la remarque de M. Buber dans l'Introduction, p. 3, dernière ligne,
^baaa an::wX-:blv=:. M. Weiss généralise le fait de cet unique
exemple où le Midrasch Samuel désigne par l'expression n"N Vsn
3ri4 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
les écoles babyloniennes et dit : « Le fait que ce Midrasch à plu-
sieurs reprises... » t'na r:rn by in:m22 1'^-i7:n l^zn n^-cy^b t-,7:n-:t.
Les sentences d'Amoraïm babyloniens qu'on rencontre dans notre
Midrasch n'afTaiblissent en rien son caractère purement palestinien,
car ces sentences sont également empruntées a des sources pales-
tiniennes comme le montre l'exemple de Rabba b. Houna. Il faut
donc corriger, dans ce sens, ce que M. Buber dit p. 3, L 10 : a^T
bNT«r-' y-iN ■':n nvz'C cbo nn nn û-«-i3T'n û-'Nti7:n n7:uj. Du reste,
cette correction est faite tacitement dans la liste des noms établie
par M. Buber.
Zunz indique comme date probable de la composition du Midrasch
Samuel le commencement du xi<^ siècle [Gotlesd. Voitrage, p. 270),
mais M. Buber montre que les arguments invoqués par Zunz ne sont
pas probants. De fait, notre Midrasch a dû être composé beaucoup
plus tôt.
Dans le second chapitre de l'introduction (p. 9-14), nous trouvons
la nomenclature des sources auxquelles l'auteur du Midrasch Sa-
muel a puisées. La Mekhilta y est représentée par deux exemples.
Mais, en réalité, aucun des deux n'est emprunté directement à la
Mekhilta. En eflet, le premier exemple (ch. v, § 8) contient une sen-
tence de l'agadiste R. Lévi (rapportée par Josua de Siknin), qui re-
produit sans aucun doute une phrase de la Mekhilta. L'autre
exemple (ch. xviii, § 1) rapporte une sentence de R. Hanina qui dé-
bute par un passage de la Mekhilta. Du reste, pour prouver qu'avant
de cl àtier les nations, Dieu punit leurs génies tutélaires au ciel,
llanina cite d'autres exemples bibliques que la Mekhilta. Au sujet
de la remarque de M. Buber, note I, p. 98, nous ferons observer que
dans Bereschit rabba, ch. xxviii, ce n'est pas Hanina mais Jonathan
qui, sur la demande de Hanina, explique Job, xxxiv, 2.o (cf. mon
Agada der falastin. Amoràer, I, 83 et s.) Parmi les exemples cités
par M. Buber pour prouver que le Midrasch Samuel a utilisé le Sifré,
il en est deux (xiv, 3 et xix, 3) qui ne sont pas directement em-
pruntés à cet ouvrage, mais sont des sentences de l'agadiste sus-
nommé R. Lévi (rapportée par Josua de Siknin), s'appuyant sur des
passages du Sifrè. Deux autres de ces exemples [n, 13, et 32, 1)
montrent par leur formule initiale, im"' p lir":^ "'m "':n, qu'ils
sont empruntés au Midrasch des Tannaïm. Cette même formule ini-
tiale se trouve dans le passage unique (ch. vu, 2) que M. Buber cite
pour prouver que le Midrasch Samuel a utilisé la Pesikta rabbati. La
source primitive de ce passage est donc le Midrasch des Tannaïin
(sur Deut,, xxii, 7), où la Pesikta a ensuite puisé.
Comme source de notre Midrasch apparaît tout dabord le Talmud
de Jérusalem, et, parmi les ouvrages midraschiques palestiniens, on
trouve cités le plus fréquemment Bereschit rabba et Vayikra rabba;
en seconde ligne, nous trouvons les Midraschim des cinq Meguillot
et l'ancienne Pesikta i^di R. Ivabana-, ainsi que le Midrasch Tan-
bouma, dont il y a quelques rares citations. Cependant, les exemples
BIBLIOGRAPHIE 305
réunis par M. Buber pour indiquer les diverses sources de notre
Midrasch ont besoin d'un examen attenlif. C'est ainsi, par exemple,
que, ch. v, § 13, le dialogue entre José ben Halafta et une matrone,
sur Dieu considéré comme auteur des mariages, doit servir à prouver,
d'après M. Buber, que le Midrasch Samuel aurait utilisé comme
sources quatre ouvrages midraschiques différents, et cela, parce
que ces quatre ouvrages rapportent le même dialogue, savoir Bc-
res'hit rabba (ch. lxviii), Vaijih'j, rahba (cli. viii), PesiUa, Il b
et Tanhouma N^n "^D (chez M. Bab3r, p. 14, n" 17, il y a, par erreur,
N:i:n "^s]. Or, précisément pour cet exemple, il se trouve que, dans le
Midrasch Samuel, le récit de cette anecdote diffère en beaucoup de
points de détail de la version des ouvrages midrastîhiques mention-
nés, de sorte qu'aucun d'eux ne peut être considéré comme la source
du Midrasch Samuel. Mais en aucun cas, M. Buber n'avait le droit de
prouver par cet exemple l'utilisation de quatre ouvrages différents.
De même, le second exemple, servant à prouver l'emploi du Tan-
houma pour l'Exode (dans les éditions ordinaires) doit être écarté,
car, comme M. Buber l'indique lui-même, pour le ch. xxiii, § 2, c'est
Koh. roMa qui a servi de source. Ce procédé, suivi dans l'introduc-
tion, et consistant à indiquer tous les ouvrages qui rBuferment un
pas-age comme sources de ce passage a été employé également ail-
leurs par M, Buber. C'est ainsi, par exemple, qu'il cite dans la liste
des passages empruntés au Talmud de Jérusalem, le passage vu, 2,
qu'il mentionne ensuite comme unique emprunt fait à la Pesikta
rabbati (dont nous avons parlé plus haut). Dj plus, ce même pas-
sage doit prouver que le Midrasch Samuel a utilisé le TcDihoumi sur
Deutéronome. Ces observations suffisent pour montrer comment
M. Buber a été amené à grossir indûment les listes du second cha-
pitre de l'introduction et à ranger sans raison tel ou tel ouvrage
midraschique parmi les sources du Midrasch de Samuel.
M. Buber cherche aussi à établir, par une assez longue série
d'exemples, que le Midrasch Tehillim a été utilisé par le Midrasch
Samuel. Mais un examen plus minutieux des treize exemples
cités montre qu'il faut le rayer de la liste des sources de notre
Midrasch. Le passage du chap. in, § 3, est emprunté, comme
M. Buber l'indique lui-même, à jer. Megiùllci, lie Pour le passage de
9, 2, à la fin, dont M. Buber croit voir la source dans le Midrasch
Tehillim, 106, 1, une étude plus attentive montre clairement que ce
passage est mentionné dans le Midrasch Samuel sous une forme
plus ancienne et, en tout cas, différente. Il s'agit d'une sentence, éga-
lement intéressante par son contenu, de l'Amora palestinien Eléazar
(ben Pedat). Dans le Midrasch Samuel elle est conçue dans les termes
suivants :
i-i-'TTn n*i m Di;5^ 1'^^::)^y i-!"3pr: rroT nn-j'n 7'j lO"* !^"~ t^T-s
n-nai 3>;2t:j onDm v^i^" "^"'"^^ "«u-aibi i^b:;-i3 LD-'C-DTai vT'a ::i'::D7a
Dans le Midr. Tehillim., nous lisons :
T. XXVI, n" 5-2. 20
306 REVUE DES ETUDES JUIVES
ï-iibins mxbî: ï-i":;iy5 dts Tn: r:N-i n^rs p nîrbN ■'3-] ^^n
ï^:; yi-27: -«rn:! r-;::):- by t^-jwX "rii-^D... :?nv T725 t»^ir: -nab
rSD'??: en:- n-a i^rs-, ::rwîb Kn-r irr -cnrr; (■.') rrb c-^^nn ni7:7b
.17:^ r;"npn î-icy m^bs r!7:ri :?-t^ irxi
Oa voit facilement que nous sommes ici en présence de deux ver-
sions différentes de la même sentence agadique, dont l'une se réfère
à Job, 37, 5, et l'autre à Ps. 136, 4. Il n'est pas nécessaire de prou-
ver que la version originale est celle qui a été conservée dans le Mi-
drasch Samuel. Cela est déjà démontré par le fait que ce dernier
appelle le mo^'en dont Dieu s'est servi pour avertir le dormeur du
danger qui le menaçait le rr'îTn mn, l'esprit de trouble el de dé-
sordre qui agit inconsciemment. Ce^e idée, n'étant plus familière à
l'auteur de la version postérieure, est laissée de côté par lui, ce qui
rend son récit plus obscur. Les autres exemples montrent aussi
que le Midrasch Samuel renferme une version plus ancienne de ces
passages, en tout cas différente, reposant sur d'autres sources, orales
ou écrites, de l'Agada . et qui n'est pas empruntée au Midrasch
Tehillim. Ainsi comparons W, 1, avec Ps. 7, 2 : Dans le Midrasch
Samuel, la controverse à propos de I Samuel,. 4, 12, débute par une
introduction usitée dans les anciens ouvrages midraschiques : "'ib '"i
l'n-ii 1'\')2''0 "^n"! ; suivent ensuite les trois opinions. Dans le Mi-
drasch Tehillim, il n'y a que ces dernières, et cela avec l'omission de
parties essentielles. Il serait trop long d'examiner ainsi en détail les
autres exemples. Comme preuve typique des variations de la tradi-
tion au sujet de la même expression, il faut signaler les différences
existant entre Midrasch Samuel, 16, 2, et Midrasch Tehillim 94, 3.
Il est certain que le Midrasch sur les Psaumes n'a pas pu être uti-
lisé par l'auteur du Midrasch Samuel. Ce dernier, au contraire,
comme le prouve la disposition de son contenu, est plus ancien que
le Midrasch Tehillim.
Le troisième chapitre de l'Introduction (p. 14-26) donne une liste
alphabétique des Tannaim et des Amoraïm mentionnés dans le Mi-
drasch Samuel, dans le genre des listes données par M. Buber pour
le Tanhouma et le Midrasch Tehillim. Au sujet de la liste du Tan-
houma, j'ai proposé naguère des corrections dans la Monalsschrift
de Graelz cannée 1885, p. Sol-5o4). La présente nomenclature con-
tient aussi des oublis et des erreurs que je vais passer en revue
en suivant l'ordre alphabétique des noms.
n:i- 21 -i3 N3N '"I. Le 'n devant le nom doit être supprimé, car dans
le passage en question (2, 10) le nom est écrit, comme dans le Talmud
de Jérusalem, N:ir; a- na NaN. Il s'agit du docteur connu dans le
Talmud babylonien sous le nom de Kabba (= R. Abba}, fils du célèbre
chef d'école de Sora (voir au sujet du petit nombre d'exemples de son
Agada, mon Agaia der hahyl. Amo'der, p. 63, note 18). Dans le ^^-
der Haddorot, il y a, par erreur, ';"'aTi-'l p"D, au lieu de mrTim p"s;
M. Buber ne l'a pas remarqué et cite le passage dans jér. Erouàiii, 18c:
BIBLIOGRAPHIE 307
'î"';n na 'j'^niî 'n. Comme M. Buber lui-même le prouve dans une
noie, "13 est mis pour "i"3 = im a":;a. De même, il faut corriger -i3
en "^n-i t^'2 dans les articles r;-'3-i3 "^an ,NvrT "^n-i -12 Nvon N3 'n
, pni:i '1 'nn iti"' 'n , rioi"" -12 N;-in 'n , nhwN nn vs:i- '-i , pn^:-' -^n-i -13
■i3"^"'i< 'n n3 pT' 'n- Il est vrai que M. Buber rectifie, en partie, ces
erreurs dans ses notes, mais il n'aurait pas dû accueillir dans sa liste
des noms faux.
■^-123 -13 •'3i\^î '-). Au lieu de "la-^iN, lire I3"'\x.
■'pT'N'-i IN ■'pnN '1. C'est une erreur fort étrange pour IN "^tN 'n
■'T^'^N 'n. Les notes que M. Buber a consacrées à ce paragraphe de sa
liste ont les noms exacts.
"iT^bN'-i. C'est l'Amora Eléazar ben Pedat. Il faut donc effacer un
des passages cités (9, 8), parce qu'il s'agit là du Tanna Eléazar ben
Jacob (voir Agada der Tannaïten. II, 286).
ITS^'^bN'l. A la fin de l'article, M. Buber renvoie à sa liste du Tan-
houma, p. 44, note 23. Or là il dit simplement que c'est un des der-
niers Amoraïm. Un examen plus approfondi des quatre passages du
Midrasch Samuel cités dans l'arlicle sur ce docteur montre de quels
docteurs il s'agit en réalité dans ces passages. Ainsi, dans 3, o, on
lit : {«rrn n3 ^z>v 'n D"w3 "it;'vn 'n. Ici , il s'agit certainement de
^jvh^ '"1 (Eléazar ben Pedal), soit que la conjecture de M. Buber
(p. 93, note 8) soit exacte, soit qu'Eléazar rapporte, comme ailleurs
aussi, une opinion de José ben Hanina (v. Ag. der paldst. Amorâer,
I, 422). Dans 5, 2, ""«U'^i 'm nTi'"'-N 'i, on parle, sans aucun doute,
du Tanna Eliézer ben lI^Tkanos. Dans 24, 8, -iT^"^bN 'i 2C3 3-1 "Mza,
il faut probablement lire "iT;'bx 'i CC3 inaN'-i. Abbahou, le célèbre
Amora de Césarée, rapporte souvent des sentences d'Eléazar ben
Pedat. Dans le Talmud babyl. , Alegiiilla, 1 6 a, c'est, en effet, à Abbahou
qu'est attribuée l'opinion en question ; primitivement elle apparte-
nait donc à R. Eléazar. Dans 29, 1, n\::3 nî-d "i3 N3X '-n r!"'Di3 'n
nT::'"<5N '"1, il faut lire également "iTi'bx 'n, et il s'agit d'Eléazar ben
Pedat.
■'DV '-I -13 -iTi'-'bwS '-1 el 3p3>i p -iT::'-'i:wN 'n, lisez : -iT:?bN,
A la lettre N, il manque l'article :?"i?:':: p -iTy^iS '"i, qui est nommé
32, i. Voir au sujet de ce passage Agada der Tannaiten, II, 388,
note 4.
N2ir! '-1 ti-c^i ■'•^33 '-1. Aux explications de M. Buber sur <8, t (p. 99,
note S) je préfère la version du passage parallèle de Koh. Rabba
sur 7, 16, rr^-iis '-1 n"J3 Nîin 'i (v. Agada d. Tann., II, 543), car il n'a
pas existé d'Amora du nom de Benaya ou Baunaya parmi les der-
niers Amoraïm. Il s'agit plutôt du Beuaya qui faisait partie de la
dernière génération des Tannaïles, et c'est en son nom que l'aga-
diste palestinien Houna a rapporté cette sentence.
N:irr -^s-i. a la fin de l'article, M. Buber dit qu'il s'agit de Houna
de Sora, le célèbre disciple de Rab et de Samuel. En réalité, dans la
plupart des exemples cités, ce n'est pas de ce dernier qu'il est ques-
tion, mais de l'Amora palestinien du iv" siècle meulionué ci-dessus
308 REVUE DES ETUDES JUIVES
et qui s'appliqua à rapporter des sentences agadiques d'auteurs
anciens.
Np"'-)T '-1. Les mots 'oy 'iîT'I induisent en erreur ici, comme dans
l'article :i"~''"i ba n;2 ■^7:'■'b^^ 'i. attendu qu'il s'agit d'une sentence
du Tanna Eliézer, fils de José le Galiléen, rapportée par R. Yohanan
et, après lui, par l'Amora Zerika. Par contre, dans l'article sur "jn:*"' '"i.
il est dit avec raison ^;r:n 'i a^* ~n-'2 j<-i3D Nr;- 'i Dans une sentence
rapportée seulement dans Midrasch Samuel, 2'j, 2, on trouve m'^zu 'i
Niso Nr;n 'i aaa ncî -12. Au lieu de niîs n^:- '1, M. Buber veut
lire N-i:3 3"i, mais en ce cas il faudrait dire "13 n:^zr> '1 a":;^ wxnsa ni
N3D. Il est sans doute plus simple et plus exact d'identifier ce Nr:" '"i
N-îDa, qui ne se retrouve nulle pirt ailleurs, avec N"ip Nr:n 'i, cir
le mot N"ip a lecteur de la Bible » est synonyme de N":Da * maître
d'école ». Et de fait, Hanina « le lecteur de la Bible » était maître
d'école (V. mon Açaia der pcilasl. Ainorân\ 1,6), et comme il vécut dans
la première moitié du irr siècle, Hanina ben Papa fin du ni'' siècle,
voir l. c., p. 480 peut avoir rapporté une tradition en son nom.
ly.ZTi 'n. Lire ";••:" '-i, car il s'agit de Hanina ben Hama.
P',3'j. L'indication 5X172- a-j:3 nn-j (2:5, 3) est difficile à consi-
dérer comme exacte, le Talmud babyl. ne parlant qu'une fois d'un
Amora du nom de ms:: ai. Il me semble que ma'j provient de
mxaa, qui se trouve quelques lignes plus loin. Peut-être, eu raison
du passage qui vient après et qui parle de la mission de Yohanan
auprès des savants babyloniens, faut-il corriger la première indica-
tion ainsi bN'i':- a"Ja niwXa'j ;n?:x ";•-"' l^a-i.
■'ana rmr!"^. M. Buber dit simplement que ce nom est identique
avec "la-ia pi"* de Kiddoiischin, 21 b. La vérité est qu'il s'agit de Juda,
fils de Hiyya (voir Ag. d. pal. Am., I, 51).
■^OT» '1. Gomme de nombreux personnages portent ce nom, M. Ba-
ber renvoie ici à a. l'Introluclion au Talmud de Jérusalem » de
Frankel. Il admet donc que les passages cités sous ce:te rubrique
émanent d'Amoraïm. Mais, en réalité, dans cinq des neuf cas cités
(2,8; 5,13; 8, 4; 13, 8; 27, 5), il s'agit du Tanna José ben Halafia.
Nr-n -la -laT»'-). Au lieu de rj^aa -iTi'-^bx'n, lire 'a -i7:??n '-), car
Eléazar ben Pedat rapportait au nom de José ben Hanina.
''V? p liJ^To-j 'n. Il n'y a pas d'auteur de ce nom y. Graetz, Monats-
Schrift, 1885, p. Soi) ; la véritable leçon est celle que M. Buber (p. 100,
note 8] cite d'après le Yalkout : '^^'z) la yjiri"' '"i.
Indiquons encore ici le contenu sommaire des autres chapitres de
l'introduction de M. Buber. Le chap. iv (p. 27-28) contient la nomen-
clature des expressions étrangères dont il est question dans le com-
mentaire; dans chap. v (p. 28-32) se trouve une liste des auteurs qui
ont utilisé et citent le Midrasch Samuel, depuis Raschi, au xi'^' siècle,
jusqu'à l'auteur du Yalkout Relibéni (mort en 1673 ; riMaa, p. 3î,
1. 8, est une faute pour :iN"isa); le chap. \i (33-36) décrit le ms. de
Parme, n<> o'33, qui, outre le Midrasch Samuel, contient encore beau-
coup d'autres écrits de contenu divers ; le chap. vu (36-37) décrit les
BlBLIOGRAPnili: 300
deux précédentes éditions du Midrasch Samuel ; le chap. viii (37-40)
énumère les passages du Yalkout Schimeoni où se trouvent des ex-
traits du Midrasch Samuel parfois sans indication de source.
En dehors des services incomparables qu'il a déjà rendus à la lit-
térature midraschique, M. Bubcr s'est acquis un nouveau titre à
notre reconnaissance en publiant, dans une édition fort belle, un
ouvrage qui ne manque pas de valeur et contient de nombreuses
traditions agadiques sans doute anciennes. Les notes dont il a accom-
pagné cet ouvrage en rendent la lecture plus facile et plus instructive.
Nous lui en exprimons publiquement noire gratitude et formons le
vœu qu'il continue à rendre de tels services à la science.
Budapest, mars 1893.
W. Bâcher.
CORRESPONDANCE
RÉPLIQUE DE M. BACHER A M. HIRSCHFELD
M. Hirschfeld a cru nécessaire de répondre longuement [Revue,
XXV, 260) aux remarques que j'ai eu l'occasion de faire dans
mon compte -rendu de son Arabie Chrestomathy (ibid., 151).
Si je réplique, à mon tour, au plaidoyer de M. Hirschfeld, ce n'est
certainement pas pour maintenir à tout prix mes observations
et mes corrections, mais pour rectifier toute une série d'erreurs
qui se sont glissées dans sa réponse et faciliter l'étude des divers
morceaux qu'il a édités dans sa Chrestomathy.
Je remercie, avant tout, M, H. de nous avoir appris que c'est
faute de place suffisante qu'il a dû s'abstenir de nous donner des
informations sur les sources de ses morceaux choisis. Qu'il me
permette pourtant de lui faire remarquer que tous ceux qui veu-
lent utiliser son ouvrage lui auraient su gré de publier quelques
pages de texte en moins, afin de se réserver de la place pour une
introduction. M. H. dit aussi qu'il a « donné aux textes extraits
des mss. du Eritish Muséum les numéros et les titres que ces mss.
portent dans le catalogue officiel manuscrit. « Par là, il veut sans
doute réfuter les objections que j'ai faites au sujet du morceau
qu'il a emprunté au n" 2524 du Br. M. et qu'il indique comme un
chapitre du Sèfcr Bammizvôt de laqub al-Qirqisâni. J'avais
dit, en effet [ilnd., 155), que la teneur du morceau ne concorde
pas avec l'indication de M. H., mais est conforme à la description
que M. Hart^vig Derenbourg a donné de ce ms. [Rei'ue, XXIIl,
284). M. H. s'est abstenu de s'arrêter à mes objections et de
nous faire savoir si l'erreur provient de sa part ou de celle de
M. Derenbourg. Grâce à l'obligeance de M. Adolphe Biichler,
je suis en mesure de pouvoir affirmer que le ms. 2524 ne
porte nullement le titre de mi£?:rî -idd de laqub Qirqisânî ; il
contient un certain nombre de chapitres relatifs à la dogmatique
CORRESPONDANCE 311
et est désigné, avec raison, par M. Derenbourg, comme un recueil
de « fragments d'un ^iha biïN SNns caraïte ». Ce ms. ne contient
plus que les chapitres suivants, munis de numéros et d'épigraphes :
chap. 7 (avec la fin du chap. 6), 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 (c'est ce
dernier chap., 46 a- 49 h, qui a été édité par M. Hirschfeld), 17, 18,
19, 20, 22, 23. Le ch. 1 a cette épigraphe caractéristique : ^NibN
N-a'î^bx, et le chap. 17 est intitulé : bmp )'û •'b:^ n-ibx ■'d 'rbx axabN
'ÏDNinbJO. D'après la communication de M. Biichler, le n° 2525,
que M. Derenbourg désigne comme un « abrégé du mjt?^ 'o d'Abou
Yousouf Iakoub al-Kirkisànî » contient, en réalité, un exposé
des commandements rattachés au Décalogue, mais ne fournit
aucun indice qui permette d'en attribuer la paternité à Kirki-
sânî. Il semble donc que ce que M. Dsrenbourg en dit n'a que la
valeur d'une hypothèse. Comme on attribue à Kirkisânî (voir
Pinsker, Likkoutè Kadmoniyot, p. 192 et 84, et Fûrst, Gesch. des
Karàerthums, II, 112) un livre de dogmatique ('j-'nbN b-i^rx) et un
livre de préceptes (m^i^r; "ii:o), le contenu du ms. 2524 peut, à la
rigueur, être considéré comme son œuvre, mais en aucun cas
M. H. n'a le droit d'appeler ce ms. m::?:- nsD, car il ne contient
évidemment que des chapitres d'une dogmatique.
M. H. dit à propos de mes corrections : « Plus de deux tiers des
corrections qu'il propose ne sont pas justifiées. Il y a, d'abord,
toute une catégorie de fautes d'impression relevées par M. B.. .
Ce sont les lettres avec points diacritiques. » J'avais fait observer,
moi-même, à la fin de mon compte rendu, que dans la liste des
corrections j'avais « noté même de simples fautes dimpression. »
Je dois pourtant ajouter que M. H., qui déclare non justifiées « les
deux tiers » de mes corrections, se trompe dans sa statistique.
Sur 90 corrections, environ, que j'ai indiquées, il en accepte lui-
même une bonne moitié (près de 50), puisqu'il n'en dit rien, et
dans ce nombre il se trouve tout au plus dix fautes d'impression
produites par les points diacritiques. Reste près de 40 de mes obser-
vations auxquelles M. H. a répondu. Mais j'ai le regret de cons-
tater que M. H. n'est pas très heureux dans ses réfutations, car il
s'est exposé à encourir le reproche de n'avoir pas compris divers
passages des textes qu"il a édités. Comme il conteste le bien-fondé
de mes observations, je me vois forcé de les justifier.
D'après M. H., « b\xnoNbi< est très rare, mais non incorrect. . .
b\s-iof< bN, proposé par M. B., n'a guère de sens ». Je rappellerai
à M. H. que Saadia traduit toujours b^Tw-^ n-'n et np:?" r"»a par bx
b-iN-iSN et aipy bx (voir sa traduction d'Isaïe éditée par M. J. De-
renbourg, 2, 6 ; 5, 7; 10, 20; 29, 22; 40, 3; 48, 1). Du reste, le
312 REVUE DES ETUDES JUIVES
passage de l'original hébreu de Meguillat Anlioclms correspon-
dant au passage en question du morceau arabe de la Chrestoma-
thie (p. 5, 1. 21) a : rxTw^ rfs. Et de fait, la vraie traduction
arabe du mot n-'n, dans le sens de « famille, descendants », est bx
âl). — « 1, 22, 1^2 est bien. » Voici le passage entier : û-irr' Nbi
rr^ti "iNS IN N72 ï-î-irr :?pT -;: "iX zb? li* xbwS -aVx. Il n'est défendu
d'employer le blé x>3ur du pain azyme que si Von sait que
de l'eau est tombée dessus oit qu'il a été dans Veau. Je ne sais
vraiment pas quel sens peut donner la leçon "ji^n maintenue par
M. H. — Je suis d'accord avec M. H. quand, à propos de 15, 15,
et d'autres passages, il dit que dans l'arabe vulgaire, le suffixe in
est séparé du mot auquel il appartient, car moi aussi j'ai consi-
déré ce suffixe comme provenant de la nounnation. M. H. a donc
eu raison de séparer "(N du mot précédent, si tous les ms. l'écrivent
de cette façon. M. H. ajoute : « Quant à l'exemple 17, 20, l^ri
IX risN-^ii: Th — que M. B. a bien voulu lire inp^n-^':;, je ne sais
pas pourquoi — il n'est que nominatif. » C'est là une erreur; en
réalité, l^rs^^iï: est à l'accusatif, conformément au principe suivi
par l'arabe vulgaire et aussi par les écrivains juifs, qui mettent le
sujet à l'accusatif quand il suit "jn^. Ainsi, N'?in "iNn, il y avait un
homme. Ct\ Vollers, dans la Zlschr. der deulschen morg. Gesell-
schafl, t. XLI (188*), p. 388. — « 15, 21 et 26 nr-^nr-::, ce mot
ne peut pas être corrigé, parce qu'il est ainsi écrit deux fois dans
le ms., qui est unique. » Elle est bien singulière, cette règle de
critique qui consiste à écrire un mot avec une orthographe vi-
cieuse, ne donnant aucun sens, sous prétexte qu'aucun ms. n'in-
dique l'ortliographe correcte de ce mot. Du moins, M. H. semble-
t-il reconnaître que ce mot, que, par suite d'un petit changement,
je lis ninr^"»:; — c^ip", ne signifie pas « doute », comme l'indique
son glossaire, mais « vieillesse ». Il aurait donc dû accepter ma
correction avec empressement. A propos d'autres corrections
encore que j'ai proposées et dont M. H. semble avoir reconnu la
justesse (17, 20; 19, 8, et passim), il dit qu'il n'a pas changé l'or-
thographe vicieuse du mot, parce qu'il se trouve ainsi écrit dans
le ms.; mais il aurait au moins dû rectifier ces mots dans ses notes
de la fin ou dans son glossaire. — A 33, 6, j'ai proposé d'ajouter un
mot. M. H. dit : « Il n'y a rien à mettre avant T:zt: \y. » "Voici
le pa.>sage : nrpri: r;:'wN yjz'C l-,zzz ^r pnVwX nr b'çr\ Y-^"-- En
ajoutant '^np"', ce passage aurait un sens : Peut-être, diras-tu : ne
vois-tu pas que Dieu dit de lui-môme (Exode, xxii, 22) : « J'en-
tendrai ses cris'! » — A 54, 9, si l'on ne veut pas ajouter rxDPwSr,
il faut, du moins, mettre ce mot à la place de s'NrrNS. — 55, 15,
il faut ajouter r::r (et non pas n::*, comme je l'ai écrit par erreur),
CORRESPONDANCli; 313
parce b\^{pT n-':;?: est la traduction de -i7:wN'i r,zy. — 61, 25, Moïse
ibn Ezra dit : rn-^LS Y- ^"^^ î<^ "^^'û ï^Tv^n yj2i û^t:jm "[.s ^o:>n. J'ai
corrigé î-î^-cJwX ^'îrà en t:;lS yizi, parce que cette rectification seule
donne un sens aux paroles de Moïse ibn Ezra : « Il est possible
que û^^^N soit le pluriel de nc.x, forme masculine de nn-CcX. «
Conformément à l'habitude des anciens exégètes, Moïse ibn Ezra,
au lieu de mentionner simplement le mot n-iCN, cite un passage
(Deutér., xvi, 21) où se trouve ce mot. M. H. ne reconnaît pas
que -i::n72 est à l'état construit avec . . .ran ^b ; c'est pourquoi il a
mal compris ce passage et rejeté ma rectification. — « 76, 5, et
94, 13, je maintiens ûNp\ comme dans le ms. » Et pourtant ces
deux passages ne se comprennent qu'avec CNpr L'auteur dit
qu'il n'expose qu'une partie des arguments, et que, par analogie
(OwS-^p), on peut deviner les autres : Nti ■'pwN3 cxp-i n73 ...-iDiJî -^s^b
îT^b3? N?-!;x] r-n^j'-^a ûb et : ■'pN^bx c^p^ a-^^-j n^. Cf la formule si
fréquente : n-'by ûpi. — « 81, 8, il faut laisser bNn. » J'ai corrigé
en '^n (hall) parce que, d'après le sens, ce mot ne peut être que
l'infinitif de la 1'° forme de la racine bn, avec la signification de
a délier, pei mettre », en hébreu n\n- ; b.sn, « état », est impos-
sible. — Je suppose qu'à 81, entre les lignes 16 et 17, il y a une
lacune, parce que le texte annonce trois espèces (•'i^rT: r:ni<bh)
de r;it7:i:j, et qu'il n'indique pas toutes les trois (cf 1. 18 ■'2:-;:bN ain
inbxnbkN). Le premier 'i3:>n de 1. 17, qui est suivi do l'explica-
tion relative à l'impureté produite « par le contact, le trans-
port ou le fait de se trouver sous le même toit », ne peut nul-
lement se rapporter au dernier mot de la ligne 16, n7:r:ir,):bx,
qui désigne la deuxième catégorie de nwS72ro — « 81, 19, Çm-i est
bien (t est mater leclionis) ; cf. Glossaire (à corriger dans Al-
Khazari, p. 196, 1. 9) ». M. II. a tort de vouloir remplacer la leçon
correcte de son édition du KJiazari, d'où ce morceau est extrait,
par la variante incorrecte quMl donne ici, car ce mot ne dérive
pas de bn» mais de bnx, et est le passif de la 2" forme (you'ahhalou)
ou de la 4" forme. Les deux formes signifient « rendre ou croire
quelqu'un digne de... », avec la préposition b devant le complé-
ment. Ainsi, nbb bm^ n?^ veut dire : « ce qui est déclaré digne de
Dieu, ce qui est consacré à Dieu. » Ibn Tibbon traduit le passage
en question du Khazari : û-^nb^b •vii'iipjj Nina T\)2. — « 88, 12
■«biNbN est impossible, peut-être 'Vîn. » M. II. parait n'avoir pas
compris ce passage, ni, par conséquent, ma rectification. Voici le
passage en entier, qui est l'explication d'Exode, xxiir, 5 : ylb^
rii:*Nott i")Db ^1yb>!^.^ p^^itbN ûn?:^ -^ïy.jb.sT inrbwX in ^=7bN ']N:r:;3
^bisbN '^•^^■û 172 nT^ns p">ns:bN . L'auteur veut dire que la Tora,
314 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
en nous ordonnant d'aider à relever un animal succombant
sous sa charge, ne parle que de l'animal appartenant à notre
ennemi, parce qu'on sait que le même précepte s'applique à l'ani-
mal de notre ami « par voie de raisonnement a fortiori ». Les
mots entre guillemets sont la traduction de -^b-N^N pnu Itt, ex-
pression arabe qui répond à l'hébreu ■;::•:: bs "yniz ou bp yniz
T:^m. Le terme "^biN (aulâ) sert, en quelque sorte, d'introduction
aux raisonnements de ce genre; c'est dans ce sens qu'il est em-
ployé dans ce morceau même, à la ligne L5 (-^biN nriDb). En ponc-
tuant d'abord -^'^ibN et ensuite -«bibN, M. H. donne à la phrase un
sens que je ne saisis pas. — A. 92, 14, il y a frrjsbtî y-rn in iDn-
En changeant "j^s en 1^% on a ce sens : On raconta cl" un prêtre . Je
ne comprends pas pourquoi M. H. dit que « tout ce passage est
douteux et probablement altéré ». —97, 8, je regrette que M. H. ne
veuille pas accepter ma correction, pourtant bien simple et bien
évidente, de ûnnxT en nn"iî<T. Ses objections n'atfaiblissent nulle-
ment la valeur de mes observations concernant la traduction
qu'il donne des mots î2inK et û",2n ; car, en traduisant ces mots
par « most sacred » et .« suprême », il ne donne pas de sens sa-
tisfaisant à la phrase. Je maintiens donc le changement que
j'ai proposé. — 99, 9, les mots -,r:N"iN'bïî yr:J is iTcbc^ ^b li*
•'!^Ni;bNT ne se comprennent que lorsque le deuxième "jn est cor-
rigé en \y : Qu'ils ne soient pas exempts d'observer tous les
coûimandernents et toutes les défenses, car le verbe ûbo doit être
suivi de •;:'. — 104, 3, j'ai changé "làxT en i-iiiNi, parce que ce
verbe (4^ forme de ^-,aj se rattache à -r.Si: de p. 103, 1. 24 (-ncî
•jsbN r-r- •'^y nbs -isDb.s T-ih.si . . . -iDCbx, il s'agit de l'interpréta-
tion allégorique de YEcclésiaste). A cette correction si simple et si
nécessaire, M. H. objecte que « dans na^sT, n est mater lectio-
nis «. Je ne comprends vraiment pas la remarque de M. H. Il me
semble évident que le ^ est la conjonction et que le wS est la lettre
caractéristique de la 4'' forme. M. H. veut-il peut-être lire wa-
djarà et considérer le verbe comme étant à la l-"" forme '? Mais
ce verbe a comme sujet les exégètes nommés p. 103, 1. 23 (ûip). —
A 105, 8, pour traduire lï-ircr -i33 ^-sL'ïî pn (Eccl., ii, 12), le texte
arabe dit : mr:in itib^'D ip ^•:;'' Nb -^bx. J'ai corrigé -^bx en ■'Vdn
(= -îUîwX) ; on trouve de même, à la ligne 23 : Nb "^nbM ^btt'?N ''zy^
r:pb= r::N t::. M. II. dit : « lire yc Nb ». Il paraît donc reconnaître
l'exactitude de ma correction, mais il a tort de changer Y-"' Nb (là
youschakkou) ; tout au plus faut-il ajouter r;:N devant ^p. — 106,
16. On ne comprend les mots n^j^np b:?à^ iwS Dby>D et, 1. 18, ûb
Tiii'^'p bi'i»'^ IN ûb:>\ qu'en corrigeant ix en i^n « où » : où il place
son pied. M. IL persiste à laisser 1î<. — 110, 1. Comme un cb n.x
CORRESPONDANCE 315
p^-is ne se comprend pas, j'ai changé ûb en o>b et un en un, parce
que un c^b est d'un usage fréquent chez les auteurs philoso-
phiques et est rendu en hébreu par ûo V'"*- Le sens serait : puis-
qiCil n'y a pas de secte qui ait une autre opinion. M. H., renonçant
ici à son principe de ne rien changer au ms., dit : « probablement
on"» »; mais cette correction ne donne pas de sens satisfaisant. —
117, 23. Dans riiriNïïXDbNT ^nb bn nanN N73, j'ai corrigé inb ba
en nnbb.sn, ce qui signifie alors : ce qui est établi par la tradition
et le témoignage des yeux. M. H. dit : « nnb ba est correct »,
mais il n'indique pas quel est, dans ce cas, le sens de la phrase. ~
118, 5, n\^n5T est imprimé sans point diacritique sur (ou, d'après
le système de M. H., sous) le 5; j'ai dit qu'il laut ce point. Je ne
sais pas pourquoi M. H. maintient 5 sans point. — A 121, 8, mon
exemplaire a maa, sans point sur le n ; j'ai remarqué qu'il faut
un point. M. H. dit : « il y a 3=1:23, la correction proposée est donc
inutile. » Son exemplaire aurait-il sur le n le point qui manque
dans le mien ?
Après avoir ainsi défendu contre les objections de M. H. la très
grande partie des corrections que j'ai proposées, je me plais à
reconnaître qu'il y en a un certain nombre que M. H. a eu raison
de déclarer inutiles ou inexactes. Ce sont les suivantes : 2, 8 ;
31, 24; 79, 13; 80, 12; 110, 1 ; 110, 26 ; 114, 21. Puisse cet aveu
prouver une fois de plus à M. H. que dans mon premier article
sur sa Chrestomathy , comme dans la présente réplique, je n'ai été
guidé que par l'amour de la vérité.
W. Bâcher.
Budapest.
CHRONIQUE
La dissolution du Sanhédrin en 1807. — On s'était toujours
demandé la raison de la brusque dissolution du Sanhédrin réuni à
Paris, par Kapoléon I'^'", en 1807. Un passage des Souvenirs du comte
Chaptal en donne une singulière. « Dans le temps qu'il avait réuni
les Juifs en Sanhédrin à Paris, j'assistai un jour à son dîner où il
causait gaiment de diverses choses. Tout à coup entre le cardinal
Fesch, avec un air très préoccupé qui frappa l'Empereur. « Qu'avez-
vous donc? lui dit-il. — Ce que j'ai, c'est facile à comprendre. Com-
ment ! Vous voulez doue la fin du monde ? — Eh ! pourquoi? répartit
l'Empereur. — Ignorez-vous, reprit le cardinal, que l'Écriture an-
nonce la fin du monde du moment que les Juifs seront reconnus
comme corps de nation? — Tout autre eût ri de cette sortie du car-
dinal. Mais l'Empereur changea de Ion, parut soucieux, se leva de
table, passa dans son cabinet avec le cardinal, en sortit une heure
après. Et, le surlendemain, le Sanhédrin fut dissous. » Mes souvenirs
sur Napoléon, par le comte Chaptal, publiés par le vicomte A. Chaptal.
Paris, Pion et Nourrit, 1893.
Le rôle des Juifs dans la propagation des contes. — Celait,
depuis l'apparition du Pantchatantra de Benfey, un dogme univer-
sellement admis que tous les contes et fabliaux sont l'œuvre de
l'Inde. Les savants s'ingéniaient à raconter la marche de celte inva-
sion de l'Occident par l'Orient, c'était à qui marquerait avec le plus
de sûreté les étapes de celle migration des productions bouddhiques.
Les Juifs avaienl aussi leur rôle dans ce voyage. Comme pour la
philosophie, ils avaient été des rouliers littéraires, des intermédiaires
entre les musulmans el les chrélicDS. En efîet, le Pantchatantra,
source de toutes ces fictions, a été traduit du sanscrit en pehlevi, du
pehlevi en syriaque, du syriaque en arabe, de l'arabe en hébreu, de
l'hébreu en latin. Ils étaient donc un anneau dans la chaîue de la
tradition. Ces prémisses, malheureusement, reposaient sur une affir-
mation qu'on avait négligé de contrôler, à savoir que le Pantcha-
tantra, avec ses dérivés, est positivement la souche des contes et
CHRONIQUE 317
fabliaux populaires. Or, ces ouvrages sont toujours restés enfermés
dons les cercles lilléraires ; jamais leurs contes n'ont pénétré dans
le peuple pour y vivre et durer. Quant aux contes populaires, ils
n'offrent aucun indice qui permette de leur assigner une origine in-
dienne ; ils sont pour la plupart universels et internationaux. Telle
est la thèse que vient de soutenir et, à notre sens, de démontrer
M. Joseph Bédier, avec une rigueur de méthode, un brio juvénile et
une science que nous ne craignons pas de taxer d'admirables.
{Les fabliaux, études de lillérature populaire et dViistoire littéraire du
moyen âge ; 98o fascicule de la Bibliothèque de l'École des Hautes-
Éludes, sciences philologiques et historiques). Son ouvrage est un
des plus remarquables qui aient vu le jour depuis celui de Benfey.
Encore une idole de renversée ! L'auteur de ces lignes ne s'en plain-
dra pas, car il s'était déjà attaqué à celte superstition dans les éludes
qu'il a consacrées à divers contes juifs.
Les inscriptions sémitiques de Zindjirli. — Nous nous étions
trop pressé d'affirmer (lue la langue de ces inscriptions est hébréo-
phénicienne. Une lecture plus attentive montre qu'elle ne se distingue
pas seulement par le vocabulaire en partie araméen, mais encore par
certaines flexions grammaticales propres à cet idiome. Le problème
posé par celte découverte est donc des plus curieux au point de vue
linguistique : celte nouvelle langue offre le plus étonnant mélange
de mois et de formes caractéristiques de l'hébreu et de l'araméen. On
n'avait jamais vu pareil éclectisme.
ADDITIONS ET RECTIFICATIONS
T. XXV, p. 44-52. — La préface de Yalkoul Makbiri a déjà été publie'e
par feu Straschoun, dans ses additions au Kiria Néémiaa de Finn (Vilna,
18'j0, p. 33i-335). L3 ms. dont s'est serv^i Straschoan ne lui appartenait
pas, comme semble le croire M. Gaster, il faisait partie de la ricbe et pré-
cieuse coUecliou de livres imprime? et manuscrits de Josepb de Vixsen
(voir, sur cette bibliothèque, Zunz, Zur Geschichte, p. 244, Qi Kiria Néémana,
ibii.). Malheureusement, celte bibliothèque est devenue la proie des
flammes, ainsi que notre ms. probablement. L'ouvrage de S. Finn, à cause
de sa rareté', n'e'lant pas à la porte'e de tous, il ne sera pas inutile de noter
ici les variantes que le teste de Straschoun offre avec le texte de M. Gaster
et de comple'ter les lacunes que pre'senle ce dernier.
Texte de M. Gaster. Texte de Straschoun.
Ligne 4, t::^ vû;>t
Ibid., irc: irc"»
Ligne 5, ^;::2 ^rsb
— 8, V-T lincnn (du verbe t-Jr:] ';«'' linonr:
— 9, ]T2- b^bi Ti'TJob yen ^>y',i2 rrb
Ibid., D-'pn (Sir. corrige en '{■'n-ip! VP"'-^
Ligne 12, "li'lD (mieux à cause de la rime) ~y^D
— 13, "^-172 3N ■'-^7: î<2N
— 14, ■'~l?: 3N "'IN?: N2X
— 17, "^V :.":'::: "b ■'b r7:Tw'
— 18, 13 nj:-i^23 N:ci^r2
— 20, lacune n"":;'?
— 21, lacune wnTTj
— 24et25, 'nm 'în"» 't' "'r>r;ûT 2V.^ zvn •'r:;-: 2v.s 3"<b.-:n a\s''20
— 26, n^iCT r;;y::T
Ibid.^ lacune "7:^"": N? "'ZXT
Ligne 27, ^2*^73 ^a
— 28 et 2d, lacune ""D "«nx rr^n -1333 nVi i.-i"»w;' ■i-i32b nVi
nsn'jrib -n-sn-b ï-ra i""^* nsT- r!3.S77:n
pn J-T^a Hr-o mp-i;\n -b^îwS" ■'S -^Nrrribi
^"irin? \-^:ir m'rzn -r3-:;n-: -^pv ^3»
— 31, nm72T nnT:2i
— 34, t:;n'i n«as
— 35, -^fyn bN":;x -iTr n3N'::î<
Les deux premiers versets de la fin manquent. — /. Israelsohn.
Le gérani,
Israël Lévi.
TABLE DES MATIERES
REVUE.
ARTICLES DE FOND.
Bachkr (W.). Élude de lexicographie talmudique 03
Gardozo de Béthenco'Jrt. Le trésor des Juifs Sephardim {suite). 2*0
Ei'STEiN (A.). L Le Yalkout Schimeoni et le Yalkout Ha-Makhiri. 7o
IL Une lettre d'Abraham Ha-Yakhiui à Nalhau Gazati ... 209
Franco. Les Juifs de l'Empire ottoman au xix« siècle h\\
Kaui'-mann (David). I. La famille de Yehiel de Pise 83 et 220
IL Trauquillo Vita Corcos, bienfaiteur de la communauté
de Garpentras 2G8
Lambert (Mayer). Le vav conversif 47
Lévi (Israël). L Si les morts ont conscience de ce qui se passe
ici-bas 69
IL Les Juifs de Candie de 1380 à 1i8o 198
LÉVY (A.). Notes sur l'histoire des Juifs de Saxe (/7?i) 259
Marmier (G.). Recherches géographiqu es sur la Palestine 1
Neumann'. Inûuence de Raschi et d'autres commentateurs juifs
sur les Postillce perpetiKB de Nicolas de Lyre 172
PoRGÈs. Les relations hébraïques des persécutions des Juifs
pendant la première Croisade {fin) 183
Reinach (Tnéodore). 1. Q,i.ùd JiUcRo cum Verre 3(>
IL Inscription juive des environs de Constantinople 1ti7
Sachs (Senior). Le titre du livre des Macchabées 161
NOTES ET MÉLANGES.
Bâcher (W.). Une allusion à l'histoire contemporaine dans
l'Arouch de R. Nathan 280
Besredka. mD-'br! — mbD-<n 279
DKRENBOURa (Harlwig\ Piuamou, fils de Karil ISo
Kayserlixg. Un chant nuptial 283
Lambert (Mayer). L Les points-voyelles en hébreu 274
IL Notes exégéliques 277
320 REVUE DES ETUDES JUIVES
LÉvi Israël). Noies complémeulaire? sur le repos sabbatique
des âmes damoées i 31
Schwab (Moïse). Uq épisode de l'iiislolre des Juifs d'Espague.. . 281
BIBLIOGRAPHIE.
Bâcher (W.). Midrasch Samuel, édité par Salomoa Bubsr 302
LÉVI (Israël). I. Revue bibliographique, 4° trimestre 1892 et
l<=- trimestre 1893 139
H. Le livre d'Eûoch, fragmeuts grecs découverts à Akhmia,
par A. LoDS 1 46
m. Revue bibliographique, 2- trimestre 189i 283
IV. Neue Beitrœge zur semitischea Sagenkunde, par
M. Grunbaum 298
Correspondance 139 et 310
Chronique 132 et 316
Additions et rectifications 160 et 318
ACTES ET CONFERENCES.
Bloch Mourice). L'œuvre scolaire des Juifs français, confé-
rence xcrri
Jacques (Victor). Types juifs, conférence xlix
Vernes (Maurice). Rapport sur les publications de la So-
ciété pendant l'année 1892 xxi
Assemblée générale du 28 janvier 1893 i
Allocation prononcée à l'Assemblée générale par M. Théo-
dore Reinagh, président v
Pfo:ès-verbaux des séances du Conseil xlvie et cxx
Liste des membres de la Société des Études juives pendant
l'année 1 892 lxxxi
FIN.
VEaS.MLLES, IMPRIMERIE CERF ET C'°, 59, RUE DUPLESSIS.
DS
loi
t. 26
Revue des études juiyes;
historia judaica
PlEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
M
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