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ÉTUDES JUIVES
VERSAILLES — IMPRIMERIES CERF, 59, RUE DUPLESSIS
REVUE
DES
ÉTUDES JUIVES
PUBLICATIOiN TRIMESTRIELLE
DE LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES JUIVES
TOME TRENTE-NEUVIÈME
PARIS
A LA LIBRAIRIE A. DURLAGHER
83 *»'•, RUE LAFAYETTE l\X> VJ! — ^
1899 t*^
loi
LES
NOUVEAUX FRAGMENTS IIÉBRIUX DE L'ECCLÉSIASTIQUE
DE JÉSUS, FILS DE SIRA
Ceux qui, comme nous, ont saiué avec joie la découverte des
premiers fragments hébreux de l'Ecclésiastique, ou Sagesse de
Jésus fils de Sira, attendaient avec impatience l'apparition des
nouveaux morceaux du même ouvrage retrouvés par le savant
M. Schechter. Leur attente est aujourd'hui satisfaite*, et il en est
qui, au premier moment, regretteront d'avoir vu leur vœu exaucé.
Il n'y eut qu'un cri, lors de la publication des ch. xxxix-xlix :
voilà enfin l'original de cet écrit fameux, voilà un livre de plus à
faire entrer dans la collection biblique ! Ainsi s'exprimait le plus
illustre des sémitisants contemporains, M. Nœldeke. Les hébraï-
sants ou simplement les amateurs d'hébreu, ceux qui dès leur
tendre âge se sont nourris de la littérature juive, manifestèrent
quelque hésitation — tel l'auteur de ces lignes — : la langue de ces
fragments, coulante en certains chapitres, est tellement rocail-
leuse en d'autres, si différente de tous les spécimens connus de la
littérature ancienne, le style en est si gauche, la grammaire si
excentrique, le vocabulaire si distant de celui des plus récentes
parties de la Bible, que le doute était bien permis. Seulement,
comme les simples impressions ne sont pas admises en science,
force fut bien de s'incliner devant une démonstration qui parut in-
vincible : de l'original hébreu il n'existe que deux versions directes,
la grecque et la syriaque; toutes les autres procèdent de celles-ci.
Or, l'une et l'autre fourmillent de contre-sens, de non-sens ou de
faux sens qui s'expliquent par le texte hébreu retrouvé : n'est-ce
* The Wisdom of Ben Sira. Portions of the book Ecclesiasticus from hebrew ma-
nuscripts in the Cairo Genizah collection presenled to the Uaiversity ot Cambridge
by the editors, by S. Schechter and G. Taylor.
T. XXXIX, no 77. 1
2 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
pas la preuve irréfutable que c'est bien l'original ? Ce fut à cette
conclusion qu'aboutirent indépendamment les uns des autres, et
les premiers éditeurs, MM. Schechter, Neubauer et Cowiey, et
ceux qui reprirent leur travail, comme MM. Halévy, Smend,
Schlatter, Kahna et nous-même, et tous les savants sans excep-
tion qui étudièrent le texte, comme MM. Nœldeke, Bâcher, Fran-
kel, Kaufmann, Taylor, Blau, etc. Aussi dans la collection des
Apocryphes de Kautzsch a-t-on pris pour ba^e de la traduction de
ces chapitres le texte hébreu de Cambridge et d'Oxford.
Il y a quelques mois, M. Margoliouth poussa un cri d'alarme *,
mais qui ne rencontra pas d'écho. Tout le monde s'est trompé,
s'écria-t-il ; cet original hébreu est l'œuvre d'un Juif persan qui
a retraduit dans cette langue une traduction persane faite à l'aide
de la version grecque et de la version syriaque. Et c'est ainsi,
ajoutait-il, que l'unanimité des savants a commis une erreur de
date d'une dizaine de siècles!
La démonstration de M. Margoliouth ressemblait fort à ces jeux
d'esprit auxquels on s'amuse, même en Angleterre : avec les
arguments dont il se sert, on a prouvé que l'œuvre de Shakespeare
est de Bacon.
Et il se trouve que les nouveaux fragments — tout en lui
donnant tort — confirment eu partie sa thèse. Il nous est pénible
d'en convenir ; il est particulièrement douloureux à celui qui a
mis sur le titre de son édition : texte original hébreu d'avoir
à le déclarer : cet <s original » n'est [)as l'original — à moins de
supposer que les chapitres xxxix-xlix n'ont pas le même auteur
que ceux qui les précèdent et les suivent. Ce serait une solution
désespérée à laquelle, pour l'instant, nous croirions indigne de
nous de recourir. Nous dirons, dans la suite de cette étude, les
raisons de le supposer, mais aussi celles qui empêchent de s'y ar-
rêter. En science aussi il faut dire : crrare humanum est, sedpei^-
severarc diabolicum.
Nous ne nous attarderons pas à rendre complu de l'édition que
nous avons sous les yeux; nous ne dirons même pas aussi longue-
ment qu'il le faudrait tout le bien que nous pensons du travail de
MM. SchechtfT et Taylor, qui, par leur traduction et leurs com-
mentaires si nourris, ont rendu un service signalé aux études
hébraïques et aux étudiants. Nous voulons aller au plus pressé et
montrer que nous nous trouvons bel et bien en présence d'une
* Theori(jin of the « Original Hebreio • of Ecclesiasticus. Cf. R^vue^i. XXXVIII,
p. 306.
LES NOUVEAUX FRAGMENTS HÉBREUX DE L'ECCLÉSIASTIQUE 3
retraduction, et non de Toriginal. Puis, nous tâcherons de d^ter-
min(^r la valeur du texte qui nous a été ainsi conservé par le
traducteur, car si notre hébreu n'est pas l'original, il peut re-
présenter telle forme se rapprochant de l'original plus que les
deux versions connues jusqu'ici.
Les fragments nouveaux proviennent de deux manuscrits, les
ch. XXX, 11 — XXXI, 11; xxxii, 1 — xxxiii, 3; xxxv, 9 — xxxvi,21;
XXXVII, 27 — xxxviii, 27; xlix, 12 — li, 30, du môme ms. que les
feuillets déjà édités, et les ch. m, 6 — vu, 29; li,34 — xvi, 26, d'un
autre, différent à divers points de vue. C'est du premier, comme
il est naturel, que nous nous occuperons tout d'abord ^
Quelques arabismes.
Ces nouveaux fragments présentent la singularité que nous
avons déjà relevée ^ dans les fragments édités par MM. Neubauer
et Gowley. Nous avons fait observer, en effet, qu'aux ch. xxxix,
25, et XL, 1, Thébreu pbn « donner en partage » est traduit dans
les deux versions grecque et syriaque par « créer ». Tous les exé-
gètes ont expliqué cette variante par l'arabe phn^ qui signifie
« créer ». Mais comment se rendre compte de cette confusion?
Ben Sira aurait-il lui-même employé le mot hébreu en lui donnant
l'acception qu'il a en arabe? Ce n'est pas possible; la langue
hébraïque ne manque pas de synonymes de s^nn c< créer ». D'ail-
leurs, on retrouverait des traces de cette acception du verbe dans
les dialectes rabbinique et néo-hébreu. Donc, il est certain que, si
Ben Sira s'est servi du terme pbn, c'est en lui conservant son sens
ordinaire de « donner en partage ». Dans ce cas, il est impossible
de comprendre par quel miracle le petit-fils de l'auteur, vivant en
Egypte, où l'on parlait le grec, se serait avisé de confondre ce
mot, courant en hébreu, avec un terme de l'arabe lui ressemblant,
alors que tout porte à croire qu'il ignorait cette langue, et aussi
par quel miracle l'auteur de la version syriaque aurait commis
la même méprise extraordinaire ; et cela plusieurs fois l'un et
l'autre. Il faut donc de toute nécessité admettre que ce verbe
^ Pour lâge de ce ms., nous avons mamlenant un point de repère sérieux. L'écri-
ture est de la même famille et probablement de la même école de scribes qu'un acte
signé de la main de Houschiel de Kairouan, qui fut Gaon à la tin du x* siècle.
M. Schechter a publié un fac-similé {Je/v. Quart. Review^ t. XI, p. 643) de cette
pièce, retrouvée également dans la queniza du Caire". On remarquera aussi que l'écri-
ture des notes marginales ressemble étounumment à celle des feuillets ms. du Talmud
de Jérusalem, provenant du même endroit et édités par M. P. de KokowstoU.
2 Jievue, t. XXXVill, p. 307.
\ KEVUE DES ÉTUDES JUIVES
hébreu est une traduction fautive de Tarabe — et la confusion
était d'autant plus facile que le verbe prn convenait fort bien au
contexte — ou le résultat d'une assimilation inconsciente faite
par un Juif parlant l'arabe.
La remarque n'avait pas manqué de nous embarrasser, mais
nous ne nous croyions pas autorisé par un seul exemple à heurter
le sentiment universel des savants.
Les nouveaux fragments nous fournissent un troisième spéci-
men de l'emploi de ce verbe pbn, là où G. et S. portent « créer ».
Il n'y aurait pas lieu de s'y arrêter plus que la première fois, si
dans le même verset n'apparaissait pas une singularité de même
nature. Le distique (xxxviii, 1) est ainsi conçu : n^'nsi '^:Db ndi") ■'3>n
bN pbn inî< a^.
Le mot ^'S'-\ est intraduisible, car il ne répond à aucune forme
hébraïque acceptable. Une variante marginale — qui n'est peut-
être qu'une correction conjecturale — le remplace par n:?"i, qui a
l'avantage d'être grammatical, mais non d'être plus clair. Le
verset signifierait :
« Pals le médeciû avaut son besoin (d'en avoir besoin '},
Car - lui aussi, Dieu Ta fait. >>
On conviendra que le verbe « paître » ne fait pas trop bonne
figure dans la phrase.
G. traduit :
Tt[JLa '.arçov ttocç Taç yscta; aùrou
xal yàp auTÔv exticcV g xùS'.gç.
« Honore le médecin pour le besoin (jue tu en as,
Car lui aussi, le Seigneur l'a créé. »
S. dit:
•^n^^in usnbwS inb "o^^ ba): ^b w^^'nns «b t:^ n-^OwS np-«
a Honore le médecin avant d'en avoir besoin.
Car lui aussi, Dieu l'a créé^ »
Justement cette sentence a été conservée par le Talmud. R. Eléa-
zar (Amora du iif siècle), qui cite souvent VEœlésiasliqiie, la
mentionne sous cette forme araméenne :
^b ^TJirn wNb^ ^y N-«&Nb "i-^p^s
« Hojiore le môdecin avant d'en avoir besoin *. »
* Ou, d'après la variante marginale : t Selon Ion besoin. »
* « Car • est à la marge.
' A celte version correspond la ^.lose marginale.
* J. T'ianit, GG d.
LES NOUVEAUX FRAGMENTS HEBREUX DE L'ECCLÉSIASTIQUE o
Bien mieux, le Midrasch Tanhouma [Mihèç, 10) fait dire textuel-
lement à H. Éléazar: « Il est écrit dans le livre de Ben Sira :
Honore. . . • »
Cet accord entre les différentes traductions plaide en faveur du
sens de « honorer » pour le premier mot ; le contexte l'exige
également.
Or, curieuse coïncidence : ^y^ — et sous la même forme gram-
maticale — signifie en arabe honorer^ ! Ici encore, il nous paraît
impossible que Ben Sira se soit servi de cette racine avec ce sens
et que tous les traducteurs, sans se donner le mot, aient inter-
prété avec la même sûreté ce terme inconnu à l'hébreu ^.
On comprend maintenant plus facilement la quantité d'ara-
dismes qui se remarquent même dans les ch. xxxix-l.
Le dilemme que nous avions formulé plus haut s'impose donc
avec force : notre texte hébreu est une traduction de l'arabe, ou
une traduction due à un Juif parlant l'arabe. La première hypo-
thèse ne peut aucunement se soutenir, ainsi qu'on va le voir. Nous
allons, en effet, montrer, par un morceau assez long, que l'hé-
breu est une traduction d'une version syriaque ; ce morceau est
celui qui termine l'ouvrage, li, 13-20.
l'acrostiche alphabétique.
On sait que ce couplet, d'après M. Bickell, formait dans l'original
un acrostiche alphabétique. La version syriaque permet de le
retrouver facilement. A cause de la parenté du syriaque avec
l'hébreu, S. a même conservé à leurs places respectives les lettres
n U5 .p i: D 3^ ,.^ b "^ ..; n. Dans l'hébreu hgure-nt : i<
n ,^ p i: D 3» .5 73 ,."« ,n. L'hébreu ne contredit donc pas l'hy-
pothèse de M. Bickell. Ce n'est certainement pas par hasard que
précisément les initiales des douze dernières lignes, par exemple,
sont les initiales des 12 dernières lignes d'un acrostiche alpha-
bétique.
Si notre texte représente l'original, comment s'expliquer les
exceptions : pourquoi les lignes 3, 4, 5, 6, 7, 9, 11, 12, 15,21
* La maxime est encore citée comme proverbe et traduite en hébreu dans JExode
Rahba, 21.
* Les éditeurs signalent ce rapprochement, ou plutôt expliquent l'hébreu par cette
racine arabe.
' On pourrait encore citer IVinpIoi, xssi. 2. du verbe T*^^tT (= arabe faraâja;
mais l'exemple est moins probant que Its tiuliçt^, car la lociue existe auss} tu
^raméen.
0 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
n'ont-elles pas l'initiale qu'on attendrait? En admettant toutes les
altérations que, par profession, les copistes sont susceptibles de
commettre, comment imaginer que même le plus ignorant ma-
nœuvre, ne découvrant pas cette particularité qui devait lui
crever les yeux, ait si maladroitement et comme à dessein dé-
naturé ou bouleversé le texte primitif?
Il faut procéder maintenant à la contre-épreuve : les irrégu-
larités de l'acrostiche s'expliquent-elles par l'hypothèse d'une
traduction? Cette contre-épreuve va, croyons-nous, lever tous les
doutes.
Prenons le verset 28, qui devrait commencer par un 'J5 : il a en
tête un "I, bien que le verset précédent ait déjà pour initiale cette
lettre. Il est ainsi conçu :
•^n i2pn 2ïin C]D5t ■^nny^n ^iMzb "ïy'Jz^ û-in-i
M. Taylor traduit :
« Ecoutez, vous nombreux, mon enseignement dans ma jeunesse,
et vous acquerrez par moi de, l'argent et de Tor'. »
M. Taylor fait suivre le mot nombreAix d'un point d'interroga-
tion : il a été choqué avec raison de la singularité de ce vocatif,
aussi baroque en hébreu qu'en français-. Mais ce n'est pas seule-
ment ce vocatif qui déconcerte, c'est la phrase tout entière. De
quoi s'agit-il, en effet? L'auteur vient de dire, si nous en croyons
l'hébreu :
a Voyez de vos yeux que j'ai été petit, que je m'y suis tenu (à la
sagesse; et l'ai trouvée » :
Il ajouterait donc : « Ecoutez mon enseignement dans ma jeu-
nesse, w Ces mots n'auraient de sens que si l'on pouvait tra-
duire : « Écoutez l'enseignement que j'ai recueilli dans ma jeu-
nesse », mais les règles de la syntaxe hébraïque s'opposent à
une telle interprétation. Remarquons, en outre, qu'au lieu de :
« Vous acquerrez par moi de l'or et de l'argent «, le g(^nie hé-
braïque réclamerait plutôt : « Vous acquerrez })ar elle » (la
sagesse).
Consultons maintenant les versions. G. porte :
* Ilear, ye many (?), my teaching in mv youth :
Aud ye shall gel silver and gold by me.
* Le mol ne peut pas être le sujet du verbe au passé^ car la tiu, comme le contexte,
exige un impératif.
* 11 faut sans aucun doute "^nb^aj'l, * j'y ai travaillé •, comme en S.
LES NOUVEAUX FRAGMENTS IIKBREUX DE L'ECCLÉSIASTIQUE 7
« Echangez l'enseignement contre une grande somme d'argent,
Et vous acquerrez par elle beaucoup d'or '. »
On voit tout de suite que le vocatif qui nous avait embarrassé
fait défaut. D'autre part, quelle que soit la teneur authentique de
la fin dn premier hémistiche, elle n'offre aucune analogie avec
celle de l'hébreu : « dans ma jeunesse ». Le verbe grec, enfin, ne
correspond nullement à celui de l'hébreu. Bien certainement donc,
ni G. n'est la traduction, même incorrecte, de notre hébreu, ni
celui-ci celle de G. Par contre, dans le second hémistiche, G. a
gardé sans aucun doute le rell-it de l'original en mettant « par
elle » et non « par moi ».
S. : ^n "("i^pn N3n"n N72Noi m^'T "id "«îDbTt vjfz^
« Écoulez mon enseignement, si petit qu'il soit,
Et vous acquerrez par moi de l'argent et de l'or. »
Cette fois la ressemblance est frappante : '•ssbT' i:>^^ est le
calque fidèle de i^iTob "i:>'d^ ; le second hémistiche est exactement
le même dans les deux textes; bien mieux, "^n « par moi » se trouve
également en S.
Seulement nous constatons deux divergences : 1° point de pen-
dant au vocatif « nombreux » ; 2° niJ'T ^D « quoique petit » à pre-
mière vue est à cent lieues de « dans ma jeunesse », Tnn^'sa.
Comment s'expliquer à la fois ces ressemblances et ces diver-
gences ? De la façon la plus simple si nous prenons la peine de
comparer le verset hébreu précédent à S. et à G. Bien que nous
l'ayons cité déjà, nous le reproduisons, corrigé :
« Voyez de vos yeux que j'ai été petit,
Que j'y ai travaillé et l'ai trouvée (la sagesse). »
G. : I'Sets £v o(pGaX[xoTç uawv, ot». oX''yov IxoTT-'ada
xai sùpov IjjiauTto ttoXXyiV àvaTraucrcv.
« Voyez de vos yeux que j'ai peu travaillé,
Et ai trouvé par moi-même beaucoup de repos (?) »
« Voyez de vos yeux que j'y ai peu travaillé,
E( l'ai trouvée noonàreiisc 'en grande quantité). »
* Ou le texte pjrec est très corrompu, ou le traducteur s'est complètement mépris
sur le sens do l'hébreu ; il faut peut-être lire : xal ttoXùv àp^upiov xctl ttoXùv xp'JfJÔv...
8 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
La ressemblance des deux versions, qui sont indépendantes, té-
moin le mot àvaTiaucv, étrange en G. et absent en S., atteste que
tel était bien l'original, qu'il est facile de reconstituer : ûD">r3>n iwsn
La fidélité des deux versions est confirmée par le verset 16, qui
en est une sorte de doublet :
G. I éxÀ'.va oÀiyov to où; [xou y,y.\ £û£;àuiY,v,
xal ttoXÀTiV eûçGv £[j,auTco Traioeîav.
« J'ai prêté 2^^ peu l'oreille et l'ai reçue,
Et ai trouvé par moi-même beaucoup d'instruction. »
S. n'a que la seconde partie du verset, pour des raisons que
nous dirons plus loin :
<• Et j'ai trouvé beaucoup d'instruction. »
L'hébreu n'a également que ces mots :
n:>'i tin::?: i-innm
c. Et j'ai trouvé beaucoup de science. »
Tout s'éclaire maintenant : le vocatif û'^n^ « nombreux », qui est
en tête du verset 28, provient du mot î^'^^o qui termine le verset 2*7
en S., et voilà pourquoi l'acrostiche est dérangé. La ligne com-
mençait par 1^730, à supposer que S. ait conservé le mot hébreu
de l'original.
Qu'on ne dise pas que c'est un copiste qui a placé, à tort, û'^an
à cette place, car ce mot ne peut en aucune façon se rattacher à
rr^PN^^. C'est bel et bien un contre-sens grossier.
Du même coup s'explique le terme incongru ^-n'-l:'53 « dans
ma jeunesse », qui nous avait choqué, avec raison. C'est un nou-
veau contre-sens, non moins grossier que le précédent : le traduc-
teur juif a pris nirr "ir> « quoique petit », pour n3n ^ij't id « quand
j'étais petit (jeune) », mots qu'il avait lus au ver.<et 10 a. Et c'est
ainsi que « ma science, si petite qu'elle soit » est devenue « ma
science dans ma jeunesse». Autre contre-sens de même nature au
verset 27 : les mots du syriaque nb^3> in i^yii « j'y ai peu tra-
vaillé » sont devenus : «fai été petit et y ai travaillé ».
Voilà plus qu'il n'en faut pour assurer avec certitude que ce
chapitre est traduit du syriaque.
Pour terminer cet ordre d'observations, considérons le ver-
set 26. Au lieu de commencer par DD^int^iit « votre cou », exigé
* Ou peut-êlre Tlll M\nNi:?3"l.
LES NOUVEAUX FRAGMENTS IIKHI'.KUX DE L'ECCLESIASTIQUE 0
par l'acrostiche, il porte ds'^'-in'i::i « et votre cou ». Ce malencon-
treux vav a-t-il été ajouté pai* le caprice d'un copiste inattentit?
Aucunement : il est ju-^tem^^nt dans le syriaque.
On demandera peut-être par quel hasard l'héhreu, n'étant
qu'une traduction de S., a pu garder tant de vestiges de l'acros-
tiche de l'original. C'est qu'il ne pouvait en être différemment.
Comment, en effet, rendre autrement :
liiniit que par d^ni^ii:, nsêî que par "^rt^,
N3"»-ip — r:m-)p, ^t" — ^^^
la troisième personne fém. du futur que par n?
Nous ne parlons pas de ini = nn*^, "^d r= "^tdid ou \nnns = nnnD>
Ifc^^ =: iTH, qui s'imposaient au traducteur. Mais partout où le
terme syriaque n'avait pas de correspondant hébreu commençant
nécessairement parla lettre requise par l'acrostiche, le traducteur,
comme on le devine, s'est peu soucié d'une nécessité qu'il ignorait.
C'est ainsi qu'au verset 23, où Ton attendrait un d, il y a i:d =
rjD de S. (û^biDD ''bwN -iîd). On a cru que l'acrostiche est fourni par le
mot d-^bso, qui aurait été placé par erreur à la tin de l'hémistiche.
Mais il n'en est rien, car G. et S. s'accordent à mettre ce terme à
la fin. Il y avait très i)robablement dans l'original : tto.
Enfin, l'hébreu n'a même pas les vingt-deux vers que commande
l'acrostiche alphabétique. Ici encore cette circonstance prouve
que loin d'être l'original, ce n'est que la traduction du syriaque,
car précisément cette version a passé plusieurs versets, conservés
en G. La coïncidence serait curieuse si elle ne se comprenait pas
admirablement.
Nous allons tout de suite avoir la preuve et de la suppression
de ces versets et de la dépendance étroite de l'hébreu par rap-
port à S.
Au premier verset du couplet (verset 13) on lit :
« J'ai été jeune, je l'ai désirée et recherchée. »
Le morceau étant complètement séparé des chapitres précé-
dents, qui parlent de tout autre chose, on ne voit pas à quel mot
se rapporte le pronom féminin : «je /'ai désirée, je Tai recher-
chée ». Or, en S. même particularité :
Que ce substantif féminin, qu'on devine aisément, ait nécessai-
10 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
rement figuré dans une phrase précédente, cela Ta de soi; G. le
confirme, car il a gardé le verset, disparu en S., où la sagesse
est nommée en loutes lettres.
Autre exemple de semblables omissions en S. et en H. et dues,
en S., à rétourderie du traducteur :
Le verset 14 de H. est ainsi conçu :
myi %iwS2:73 nn^im '^m-i:?S3 rrbDn bbens^
« J'ai fait des prières dans ma jeunesse,
Et j'ai trouvé beaucoup de science. »
C'est la traduction exacte de S. :
fi<3Dbv r-iniD'^UN "^rion N:^{ -n3>T ":r) !-;mbiS rr'biti
Or, ce verset est formé de deux hémistiches appartenante deux
versets différents, à savoir 14 a et 16 & de G. : S. a sauté par inad-
vertance deux distiques. En G., 14 a est commandé par 14&, et 16 ù
par 16a, ce qui exclut l'hypothèse d'une addition en G.
14 a : 'éxt civ V£OÇ ^ (?) 7]E''0l»V TTESt a'JTT,;,
& : xai etoç SG/XTOu £X^r|T£(70L) aùx'/jV.
« Dans ma jeunesse j'ai prié pour elle (pour l'avoir),
El jusqu'à la fm je la rechercheiai. »
Quant au verset 16, nous l'avons déjà reproduit plus haut et
nous avons montré que l'authenticité en est corroborée par le
V. 28 ^
D'après M. Taylor, le premier hémistiche de S. correspondrait
à 16a de G.; le texte courant serait une corruption de r">b:iî<i
■•jlk^ « et j'ai penché mon oreille ». Ddus ce cas, notre démonstra-
tion serait plus éclatante encore : l'hébreu, non seulement serait
la traduction du syria(jue, mais le calque d'un exemplaire de ce
texte, corrompu et défiguré. Toutefois la conjecture de M. Taylor
me paraît peu convaincante, elle n'explique pas le pléonasme
nmbi£ et la disparition de "'j'in.
De quelque façon donc qu'on retourne ce verset hébreu, on
constate qu'il reproduit servih'ment S , qui sûrement a altéré
l'original.
Si nous voulions entrer dans le détail, nous pourrions apporter
d'autres preuves que notre hébreu n'est qu'une traduction de S.
• On £v vèÔTr.Ti [j.o"j ; en tout cas, svavxi vaoO doit être corrigé d'après ce sens, cir
autremeul on ne comprendrait pas la suite.
* La i-')ni[iuiaisoii Tr.onlre même qu'il faut probablement rayer àvâirauffiv en G.
LES NOUVEAUX FRAGMENTS HÉBREUX DE I^ECCLÉSIASTIQUE 11
Avant de passer à un autre chapitre, nous en produirons en-
core une.
Au verset 18, on lit :
(( J'ai eu l'intention de bien faire,
EL je ne changerai pas l'ayant Irouvé. »
On ne saurait désirer de ressemblance plus grande.
En G., à "^cini^ Nbi répondent les mots : xal où [xy, alcr/uvOa) « et
je ne serai pas déçu ». Le traducteur grec a donc lu ■ci3i<, qui se
confond très fréquemment avec muiN. Or, c'est précisément ce
verbe qui serait de circonstance en hébreu, plutôt que ^zim.
Est-il étonnant, après tout cela, que notre morceau alphabé-
tique renferme des rabbinismes d'une époque récente, tels que
"i^NT "i>5< 1^3 Il'isnn, et ^^'ii'n n-^n?
De ces rabbinismes nous en rencontrons en grand nombre dans
les chapitres que nous allons étudier maintenant à un autre point
de vue.
VERSETS TRADUITS DE DEUX FAÇONS DIFFÉRENTES, DONT
UNE SUREMENT d'APRÈS LE SYRIAQUE.
Ce qui frappe, au premier examen, dans les ch. xxx et suiv.,
c'est, à côté des rabbinismes et surtout des aramaïsmes, le grand
nombre de doublets, de versets consécutifs exprimant de deux
façons différentes la même pensée.
1. xxx, 17 :
172ND 3NS7D ûbiy nm3"i N1Ï5 '^^n'n t-n^b :iri2
17013? 35^570 biNUî TT^bi d^y-i w^^niz m72b m::
2. /&., 20 :
n3Nn?3T ^13^5 pnrr^ (lire o'^no) û'^T'O "n^UNis
nbin3 tzy ib ijaw p
3. XXXI, 4 :
l.ib iim Nb msr dnt iniD nonb ^:y bj2y
4. /&., 10:
n-iNsn ib ïi^m ûib^D ib rr^ni
nnfi^snb ^b îr^rrN i^-^n ûib^a m:D-ia ^^
• niNsnb ^b N-^n r">n ûbuj-^i isna "^a
12 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
5. xxxir, 4 :
6. 7&., 10 :
•jn ri'^:"^ n::"? "^rebi
7. y^., 14 :
2rTT D-^^ b:> ûmnr)
^^DDi ^cD im nnT T^2i::
p^3 r!::^'' n-in "^rnb
p-13 ni::*^ "inn "^rob
8. 7^., 16 :
ti^b'D in"^j:v m::n m-^^m
9. 7&., 17 :
npb np^ bt< -^iron 'i::-m
s-nnDnn na*^ (à la marge D?:n) ûrn ^"^n
(à la marge r;^Dn) ri7:nD nc::"^ Nb cm •::\y
10. Ib., 22 :
11. Ib., 23:
ms:^ -i7jt:j rib^ n':;ny b:D ^:d
r]nri73 ^"i^n r::23n bN
tz-^^'-cn ^-nn n:2 2n bx
"]'»rD3 -n7:'0 "^-^D-i^ b23
^•*rc2 -nTS'c; ^"^c^??: b^n
Ces sortes de doublets, il est vrai, ne se retrouvent plus dans
les chapitres xxxv et suivants. On tirera de cette circonstance des
conclusions que nous prévoj'onset que nous discuterons plus loin.
Pour l'instant, force nous est de confesser qu'une telle siiif^ularité
prouve à elle seule que notre texte n'est i)oint l'original. Ce qui
corrobore cette observation, c'est qu'en réalitt^, souvent les deux
leçons représentent l'une un texte semblable à G. -, l'autre S.
Ainsi le n" 1 a est de tout point conforme à G. :
xpEtacrcov Oàvaxoç uttes ^coTjV Trixpàv,
xat avaTrauij'.; auovo; yj àpp(6ffTr,[xa 'éjxixovov.
« Mieux vaut la mort qu'une vie douloureuse,
EL le repos éternel qu'une longue maladie. »
* On pourrait en citer encore daulres, mais ces exemples suffisent.
' Nous ne disons ]»as qu'elle est une traduction de G.
LES NOUVEAUX FRAGMENTS HÉBREUX DE I/ECCLÉSIASTIQUE 13
1 b, au contraire, est conforme à S :
a II vaut mieux mourir qu'une vie malheureuse,
Et descendre dans le scheol qu'une soulIVance persistante. »
2 <'^ = G. : to(77r£0 £Ùvouyoç 7r£piXa(x6âv(ov Tiac-OÉvov y,y). CTsvà^wv.
« Comme un eunuque qui embrasse une jeune fille et gémit. »
2& = S. : wsnbinn mb ^^"i^ \xm^^,iû ']\^.
« Gomme un eunuque qui couche près d'une vierge. »
Inutile de poursuivre la comparaison, chacun la complétera à
son gré.
Le dernier exemple que nous venons de relever mérite quelque
attention, car il nous livre la clé du problème. Plaçons l'hébreu
en regard du syriaque :
H. : ïibnra û3^ lb i;t2iio p
S. : t^nbnra mb '^To'n iî:?3^n72 p
L'analogie dans les termes est curieuse, en particulier celle de
"jttNS et wSîTD^nXD. Or, que signifie \12)X2 en hébreu? C'est un adjectif
ayant le sens de « véritable, fidèle, sûr ». Que vient faire cet ad-
jectif dans cette phrase? M. Schechter suppose qu'il y avait dans
l'original p2i< « gardien », et que le copiste, sous l'influence du
motl72ND, qui termine le verset 17, l'a remplacé par ce dernier.
Mais l'hypothèse est insoutenable, car, premièrement le contexte
exige impérieusement le mot D">nD « eunuque » ; y^z^ « gardien,
nourricier, précepteur » n'a aucunement ce sens ; en second lieu,
s'il y avait eu \12^ dans l'original, G. et S. ne s'accorderaient pas
à traduire ce mot par « eunuque ». La présence de l'adjectif ITOi^i
ne peut donc s'expliquer que d'une façon : le traducteur juif n'a
pas compris le terme syriaque s^STD^riTo', qui veut dire eunuque,
comme dans I Rois, xxii, 9 ; II Rois, ix, 32 ; Actes, viii, 27, etc. ; il
l'a rendu comme si c'était simplement l'adjectif < fidèle^ ».
Voilà la preuve indéniable que ce n'est pas seulement dans le
morceau final, que nous avons étudié, mais encore dans les autres
chapitres, que notre texte hébreu procède au moins partiellement
d'une traduction syriaque.
* L'arabe qui suit S. ne s'y est pas trompé : il rend le mot par al 'hasiyyott
• eunuque » .
2 11 y a cependant une autre explication possible : Is traducteur avait écrit '{73N
et c'est un copiste qui a mis 'J73î<; : mais la conclusion serait la même : "JT^X vien-
drait de S.
14 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
AUTRES PREUVES QUE L'HÉBREU EST LA TRADUCTION
DU SYRIAQUE.
Reste, il est vrai, un moyen d'écarter cet argument : ces dou-
blets conformes à S. ont peut-être été ajoutés à l'original, qui
s'accorde avec G.; de la marge où ils étaient consignés d'abord,
ils seront entrés ensuite dans le corps du texte*. Mais cet expé-
dient ne peut se défendre, car nous allons trouver d'autres spé-
cimens de confusions analogues dans des versets qui ne sont pas
des doublets.
A la suite du verset sur lequel nous venons de nous arrêter,
on lit, v. 21 :
« Ne livre pas ton âme au jugement ; »
puis 23 b :
^)^^ :j-iï^ û'^^n "^D
« Car le jugement en a tué beaucoup. »
Ces propositions sont assez obscures ; elles déconcertent encore
plus quand on consulte le contexte. L'auteur développe cette idée
que la bonne humeur et la joie sont la santé du corps, tandis que
le chagrin vieillit avant le temps et abrège la vie. Or, S. porte :
V. 21 : ^U)D3 NsnV? bnn 5<b
« Ne livre pas ton âme au chagrin. »
V. 23 & : NS-ni Vjp i^w^sobn Vj-a
« Car le chagrin en a tué beaucoup. »
Le mot Nj"n a été pris pour î^ri^ ! M. Taylor, il est vrai, sup-
pose que le texte portait im-i, lequel se retrouve dans une va-
riante du Phhé Aboi, ii. Le Malizor Vitrij, au lieu de nn-iTa
n^i^i, a inTi nniTD. Mais la correction n'est pas nécessaire et rien
ne prouve qu'au temps de Ben Sira le mot existât déjà.
* Cela même prouverait qu'il existait une traduction hébraïque d'une version sy-
riaque, ou que le copiste — sinon lautcur — consultait un texte syriaque.
» Môme emploi du mot l"!, chap., xxxviii, 18.
* Qu'on n'oppose pas ce lait que dans l'écriture syriaque le vav et le yod ne se
ressemblent pas autant qu'en hébreu, car rien ne dit que le syriaque dont procède la
traduction hébraïque n'ait pas été é-rit en caractères hébreux, comme le targoum des
Proverbes, qui, comme on le sait, est syriaque^
LES iNOUVEAUX FRAGMENTS JIKBliEUX UE L'ECCLÉSIASTIQUE lij
Evidemment, si nous n'avions que cet exemple de la If^'gèreté du
traducteur, mieux vaudrait s'en tenir à cette conjecture, si forcée
qu'elle soit. Mais il en est bien d'autres où l'influence du syriaque
est transparente.
Dans le même chapitre, on lit :
V. 15 TDtJ ■^n-'iî^ "nu) "^"^n
V. 16 ûis:? nuî ^U5i:> bv n^Di:' l'^i^
« Je désire plus la vie de que l'or. »
« Il n'y a pas de richesse qui vaille plus que la richesse de
des os. »
Nous avons laissé en blanc la traduction de ^"^, lequel ne peut
signifier que « nombril » TiiJ, ou « prince » nb. On reconnaîtra
sans peine qu'aucun de ces deux mots ne convient au texte. A. la
marge on voit n^o « chair » et ^-^v « richesse »* au verset 15,
et ^i^t5 au verset 16. Ni l'un ni l'autre de ces substantifs ne nous
tirent d'embarras ; même ^i^o « chair », qui est le moins étrange,
ne saurait donner un sens raisonnable : « la richesse de la chair
des os (ou du corps) » ne convient pas au texte, qui exige ici le
mot « santé ». C'est le mot qui se lit précisément en G. et en S.
Or, en syriaque, î^n"i^ et 5<n"n"'^u: signifient « santé »; ce sont les
deux termes dont se sert la Peschito dans ce passage -. Le traduc-
teur s'est contenté de l'hébraïser.
Souvent même il conserve l'expression araméenne presque sans
rien y modifier, Ainsi, xxx, 12, t]"^D == TÇ'd\ 23, :»^-'d = 5"^d ; xxxi,
7, nbpn = î^nbpin ; 8, \M212 — i<3n«73 : xxxii, 11 h, ^n^n? tjd =. -i::d
^n^'nb; 19, bpnnr= bpnn ; xxxviii, 25 tZ, rnr:^iDT = nn^js^r::!, etc.
Inutile de souligner l'importance de ces ressemblances verbales.
La cause est maintenant entendue : les nouveaux fragments
portent la trace visible qu'ils ne sont — au moins pour un certain
nombre de chapitres — qu'une letraduction en hébreu d'une
version syriaque.
Nous comprenons maintenant les syriacismes qui se ren-
contrent dans les ch. xxxix-xlix, et dont nous avions trop vite
fait bon marché. Ils méritent d'être étudiés.
Israël Lévi.
[A suivre.)
* Nous parlerons plus tard ife ces doubles gloses marginales.
* Le traducteur arabe ici encore a bieu compris S. : il rend le mot par si^h'/iaiotin
« santé », qui, comme, eu syriaque, signifie également validité.
LE WMÎ ATnÉME^' EN LIO^'^ECR D'IIYRCAN
Le décret athénien en l'honneur d'IIyrcan, que nous a trans-
mis Josèphe (Ant. jiid., XIV, 8, 5), a plus occupé jusqu'à pré-
sent les philologues classiques que les historiens du peuple juif.
L'incertitude de la date de ce document est sans doute la
cause de cette indifférence. Je crois donc utile d'essayer de fixer
les idées à cet égard ; mais, tout d'abord, il importe de restituer
le texte exact du décret, fort maltraité par les copistes. Je ferai
usage, à cet effet, des règles désormais bien connues auxquelles
obéissait, à l'époque alexandrine, la rédaction des décrets athé-
niens. 11 y avait là une sorte de protocole, invariablement fixé
dans son ordre et dans son style, et dont les greffiers ne de-
vaient pas s'écarter. Lorsque, dans un document lapidaire ou raa-
nuïîcrit, ce protocole n'est pas observé, on est en présence d'une
faute du graveur ou du copiste, que la critique a le droit et le de-
voir de rectifier. Dans le cas particulier qui nous occupe, nous
risquons d'autant moins de nous «égarer que nous possédons deux
décrets (réunis sur une même stèle) de la même année que le dé-
cret en faveur d'IIyrcan [Corp. viser, aitic, II, 470). Je crois
utile, avant d'aller plus loin, de reproduire parallèlement les pro-
tocoles (le ces deux derniers décrets (1. 1 et iU et suiv.) dont les
petites lacunes ont été comblées avec certitude *.
'AyaOr, TÛ/Y,. 'i']-l 'AyaOoxÀÉO'jç àp/ovTo;, kr.\ tt,; ( A'.avT^oo; tsitt,;;
irouTavctaç, Y| EuxV?,; Z£vivo[pou AlOaX''oT,ç] £vpau.aàT£U£v, ( BoT,8fO[JL'.wvoç
/ nuavov!/uovo;
TôTcâûi l-\ o£xa, TSTasTY, xai 0£xiTY, ) TY,; -p'jTavs-'a; ÈxxXYjTia xupi'a
[ÈV TÙi OsaTpoJ • Ttuv] TTSOÉOpcOV lz£'J/Y,Ol^cV ( 'AtTeXXYjÇ ' AY,U.O(p(ôvT0Ç
( 'IJXid6topo; *J>tXci)v(6ou
* Je respecte scrupuleuseruenl l'orlhographe de 1» pierre, qui est très capricieuse
en ce qui ooueerue Viola muet.
LE DÉCRET ATHENIEN EN L'HONNEUR D'HYRCAN 17
SouvieÙç sItcsv...
Je passe maintenant au décret de Josèphe * :
{Iniitidé.)
'Etti 'AyaOoxXéouç àû/ovxoç, [exl T'r,ç ...''oo; OcxàrriÇ TTOUTavsiaç (*), y,'.]
EùxXf|Ç (S)evàvooou (A10aX''oYjç) (^) £Yûaau,àT£'j£|v], Mouv.yiwvoç (^) £V0£-
XûtT'/lt, [£vB£xàTY|[] ('*) TY,Ç 7rOUTaV£''aç, £XXAYj<7'.àç Y~^^!-'-^'^"1'î (^) £V TWt Ôtà-
Tpcot , TÔîiv 7rpo£Opwv £7r£t]yYjCî<c(Ç)£V (^) Aojc-66£Oç [...ou](") 'Ep/'.ôfjç xat
■<[ol> (^) (TUaTCpÔEOûOl ' [£00^£V] (*] TCûl OYjfJLWC. AtOVUClOÇ AlOVUdlOU [déjUÛ-
tique](*°) £l7r£v •
{Considérants.)
'E7r£toYj "Ypxavôç 'AÀ£;àvopou, koy'.zzeuç xal lOvàoyYjt; tcov 'loiioactov,
SiaXEXsï XOtVYjt T£ TCOl OYjJXOOt Xat cotai TCOV TToXlTCOV èxàaXOJt £UVOU(; ojv(**),
xai 7rà<7Y|t /pco[X£voç TCEpi auToùç (7:rou8Y|[, xai Toùç TrapaYtvojxÉvouç 'A6*/jvai(i>v
Yj xaxà 7Cp£cê£''av yj xax ' totav Tipo'^affcv (^-) Trpbç aùxbv vizooéy^eicci cpiXocppovtoi;
xai Tcpo7t£[Jt.7r£i XYjç àffcpaXouç aùxûv k-KccvôZou TrpovooujXEvoç ' è|JLapxupYj67| (xsv
xal 7rpôx£pov ttegi xoùxwv , AEAOX0AI ûk xat vuv — 0£oooa'iou(?) (*^) xou
0£ooc6coi» (?) SouvtÉcoç £lr7'r]Y')^(7a[J!-£Vou xat TiEpt xyjç xàvûpbç ap£XY,ç ÛTrofJivYj-
ffavxoç xbv O'îijxov xal 6'xt 7rpoaîp£(Jtv £^£t ttoieTv 7][xaq o xi ttox àv ûûvYjxat
aYaôbv • —
{Dispositif.)
Ti{JLY[<7at xbv àvopa ypucàii (7X£cpàvcot àpi<yx£ta)i xaxà xbv vojiov (**) ,
xal axiiccci aùxou Etxbva /aXxY^v Iv X(J5i x£tx£V£c xou Ay,[xou xal xaiv Xa-
pixojv ('5), àv£i7r£Tv 8È xbv crvÉcpavov âv xwi ÔECtxpwt Atovixriotç (**), xpaYwi-
5(îiv x(J5v xatvcov àYO[X£vojv, xal IlavaÔYjvacwv xal 'EXsugivicdv <[xal]>(*')
£v xotç Y^p-vtxoTç àYWfftv •
l7rt|jt,£XYi6Yivat 0£ xobç cxpaxYjYOuç (*^), S'.ajxÉvovxt x£ aùxwt xat [Bia]cpi>-
Xaxxovxt (*'■') XY,v Tcpbç Yjtxaç £uvotav £lvat Tiav o xi av ÈTrtvoYiCwixEv £lç xtjiYjv
xal J(âptv xY^ç xàvopbç cjttouByjÇ xal QtXoxt[jt.taç, iva xouxcdv Y^vo^-évcov (*•)
^atvYjxat b ôY|txoç Yjtxcov a7:o3£yb[jt,£voç xoùç kycL^olx; xal xyjç TrpoffY^xoûffYi;
a[xotêY|<; à^twv xal l,ri'kixi(j[itiG]i [tuocvxeç] xY|(ç) 7i£pl Yjjxaç a7rou8Y,(;) x(b)v
(coBe) X£Xt[XY|[X£v(o)v ('**)•
£X£ar6ai B£ xal TrpsaêsTç [fp£Tç] (*^) 1^ aTiàvxcov 'A6Y)vata)V, oÏTiveç to
vpYj<pt(7[ià x£ aùxàit xopLtouat xal TiapaxaXÉaoïxitv TTpoaBfiçafjiEvov xàç xi(xà;
TTEtpacôat xt 7roi£Ïv àyaObv yjjxcov àfil xy,v TrbXtv.
^ Je place entre [ ] les lettres que je supplée, entre < > celles que je supprima,
entre ( ) celles que je corrige.
T. XXXIX, N" 77. 2
18 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Notes critiques.
1. La mention de la prytanie (12* partie de l'année, pendant
laquelle chacune des douze tribus présidait, à son tour, aux af-
faires publiques) est indispensable. — L'année d'Agathocle (ainsi
que celle d'Aristarque qui la précède) a sûrement douze mois, car
dans le premier décret de Théodotos, le 14 Boédroraion correspond
au 14" jour de la prytanie, dans le second, le 16 Pyanepsion cor-
respond au lô'^jour de la prytanie. Ces coïncidences ne peuvent
avoir lieu que dans une année commune; donc, dans notre décret,
la prytanie doit avoir le même numéro d'ordre que le mois Muny-
chion, c'est-à-dire 10 ; de là ma restitution osxxtt,;. Quant au nom
de la tribu, on ne peut le deviner, car c'est le sort qui désignait
l'ordre où elles fonctionnaient; tout ce qu'on peut affirmer, c'est
que ce n'était ni l'Aiantis qui exerça cette année la troisième pry-
tanie (1" décret de ïliéodotos), ni la Cécropis qui exerça la 4«
(2^ décret), ni l'^Egéis, car le président des proèdres est du dème
d'Erchia, lequel faisait partie de cette tribu, et il est de règle que
la tribu prytanisanle ne contribue pas à la formation du bureau
(Aristote, République athénienne, c. 44).
2. Josèphe : EùxXtiç Msvàvopo'j 'AXiaouaio;. La faute Mîvavooou pour
Zevàvopou est vénielle, mais il n'en est pas de môme d"AAiaojc7ioç
pour A10aXioY,ç (ce dernier nom, qui a péri dans l'intitulé du pre-
mier décret de Théodotos, est conservé intégralement dans le
second) ; l'erreur se trouvait peut-être déjà dans le document
d'archives utilisé par la source de Josèphe; il est plus vraisem-
blable qu'elle ait été commise par un ancien — peut-être par
suite d'une abréviation mal résolue — que par un copiste by-
zantin. 11 ne peut être question de distinguer les deux gref-
fiers ; de nombreux exemples prouvent qu'à l'époque alexan-
drine le y^ajAixaTsùç xarà TvpuravEiav — maigre son nom et la formule
consacrée TisuTavciaç y- £Ypa[j.{jLàT£U£v b Scîvy. — restait en fonctions
toute l'année.
3. Mouvi/uovos, orthographe des inscriptions (et de la première
main du ras. F). Vulgairt- nient Mouvu/y.tovo;.
4. Rétabli parDindorf. On pourrait aussi écrire 5£xxTr,'.,le 2« dé-
cret de Théodotos prouvant que, dans certains mois de l'année
d'Agathocle, la date prytanique était d'un jour en retard sur le
quantième mensuel.
5. Leçon de FAMW. L donne yivoasvY,;, P àyojxsvYjÇ que préfère à
tort Niese. Cf. Aristote, c. 42, 4 : xbv S'udrepov (èv.ayTov) kxxXy\c'.x;
ev xàit ôeaTûcoi Y£vojx£vrjç. Au reste, la formule épigraphique (voir plus
LE DKCREÏ ATHÉNIEN EN L'HONNEUH D'HYRCAN i'à
haut le décret de Tliéodotos) est simplement £xy.}.Y,(j''a (x^çf-a) Iv hti-
T^w. et il est possible que le texte ait été remanié.
0. Les mss. ont Ituî'V/j'^'.^sv, mais cette forme est à peu près sans
exemple dans les décrets (cf. pourtant C/A.y II, 117, a 3; Diog.
Laert., VII, 10). Voir Droysen, Hermès, XVI, p. 192.
1. Le patronymique du président est de règle depuis l'an 314/3
avant J.-C.
8. L'article n'est jamais exprimé.
9. Suppléé par Bœckli.
10. Le démotique de l'auteur du décret ne manque jamais de-
puis l'an 350.
11. Leçon de P (L^tin : fîdelis eooistetis). FLA.MW : s-jvowv.
12. Tipocpac'.v manque dans P et n'est pas indispensable.
13. Leçon de FLAMW. Le ms. Pet la version latine ont A'.ovjff-'ou,
que préfère Niese, mais qui n'est vraisemblablement qu'un écho du
liovitaiou de l'intitulé. Dumont a proposé d'identifier ce personnage
avec (■')z6orjTo:i A'.oocopo-j Xlo'jvtc'j;, auteur des deux décrets CIA, II,
4^0. La conjecture est séduisante (car Szooorjioç est un nom assez
rare *, et la faute Wsoôcoo&u pour A'.oocooou facile), mais n'est pas
indispensable. — On ne s'explique pas que V « introducteur » de
la question (clcTiYYi'TâîJ.cvoç) et l'auteur du décret soient deux per-
sonnaofes différents ; je ne connais pas d'exemple identique. Natu-
rellement le cas est tout différent lorsque la question est mise à
l'ordre du jour par les stratèges (cf. le décret d'Éphèse ap. Jos.,
Ant.,X.[V, ^ 2(32 : Nt>c7.v(op cîTtsv, £'.(7Y|YY,r7aa£vcov T(ov (7TpaTT,ywv). L'ex-
plication la plus vraisemblable est que Théodosios avait, dans une
assemblée précédente, saisi le peuple d'une motion tendant à de-
mander au Sénat un ■Kooèo6'kvj[ky. sur la question. Au retour de ce
TTpoêouXcufi-a, l'initiateur de la motion se trouvant empêché de
venir à l'assemblée, le projet de décret fut présenté par Dionysios.
Cf. le cas d'Héraclide de Salamine, CIA., IV, 2, 119 b: la pre-
mière motion a pour auteur Télémachos d'Acharnés, le -^o^jo-j-
X£u[jt.a Géphisodote d'Acharnés, et le décret définitif de nouveau
Télémachos. Toutefois les deux cas ne sont pas exactement pa-
rallèles et dans notre décret il n'est pas question de la SouXtj.
14. xaxà TGV v6[jLov. Les couronnes d'or décernées par le peuple
athénien ne pouvaient dépasser une valeur de 1,000 drachmes
d'argent, c'est-à-dire un poids de 50 statères d'or, d'après la rela-
tion entre les deux métaux existant à l'époque alexandrine.
15. Ce sanctuaire était souvent affecté aux statues des bienfai-
* Cependant il se rencontre à cette époque : CIA., II, 985 (archonte), BCH.,
XI, 263 (statuaire), ih., XIII, 270 (père d'un éphèbe sous Héracleidès), CIA., 11,470,
1. 94 (éphèbe).
20 BEVUE DES ETUDES JUIVES
leurs de la République (voir les inscriptions citées par Escher,
art. Charités dans Pauly-Wissowa, col. 2154). Il était situé sur
l'agora, au Nord du prétendu Theseion. Cp. Homolle. BCH.,
XV, 367.
16. Cette formule se retrouve dans le décret CIA.^ II, 328;
c'est à tort qu'on l'a attribuée « à l'imagination de Fr. Lenor-
mant ». Toutefois la formule ordinaire est A'.gvjgcwv tûv Iv àcTsi
xaivoTç xpayoJOoTç.
n. Kal supprimé par Niese. Les IlToXsaaTa, souvent associées aux
deux autres fêtes gymniques, ne figurent pas non plus dans ClA.^
470, 1.26.
18. On s'attendrait à ce que les mots £7:'.a£)vr,6Y|va'. — c7TsaTr,youc se
rattachassent à la proclamation de la couronne, par exemple : tt,;
ol àvayop£u«r£u)ç tou dTsoâvo-j âTr'.a., etc. (cf. CIA.^ IV, 2, 417 Ô). Il m'a
paru trop hardi de corriger le texte en ce sens.
19. PVE et Niese : cp-jX-ixTovr-..
20. PE et Niese : yivojxévojv.
21. Les mss. ont : xal ^YjXojafit ty,v TwêoI Vjixi; <77:ouÔT|V tôjv (V. : èx
Tcov, Gutschmid : ixa^xo; TwvjvjôTj xcTtaYijxévwv. Ce texte est sûrement
corrompu ; je n'ai cherché qu'à rétablir le sens probable.
22. Le nombre des ambassadeurs paraît indispensable. TPEIG
a pu tomber après IIPECBEIC.
Traduction.
« Sous l'archonte Agalhocle, pendant la dixième prylanie, celle de
la tribu , ayaut pour greffier fiuclès, fils de Xéuaudros, du dème
d'Aithalé, le 11 Munychion, 11»^ jour de la prytauie, rassemblée étant
réunie au ihéàire, les suffrages furent recueillis par Dorothée, fils de
, du dème d'Erchia, président des proèdres, et par ses collègues.
Le peuple a décidé, Dionysios, fils de Diou3^sios, du dème de , a
proposé :
» Attendu que Hyrcan,fils d'Alexandre, grand prêtre et ethnarque
des Juifs, témoigne constamment sa bienveillance à noire peuple en
général et à chacun des citoyens en parliculier. mettant tout sou zèle
à les servir, qu'il acueille avec empressement les Athéniens de pas-
sage dans son pays, soit en ambassade, soit voyageant pour une
alï'aire privée, et qu'il les rapatrie en veillant à ce qu'ils s'en re-
tournent eu sùrele ; desquels faits déjà précédemmout il a été rendu
témoignage, et plaibc au peuple maintenant — Théodose, fils de
Théodore, ayant introduit la motion et rappelé au peuple la vertu de
ce personnage et sa volonté de nous faire tout le bien qui est en son
pouvoir :
)) Il sera décerné à Fyrcan une couronne d'or, en récompense de
son mérite, selon la loi, et on lui érigera une statue en bronze dans
LE DÉCRET ATHExNIEN EN L'HONNEUR D'HYRCAN 21
le sanctuaire de Démos et des Charités; la couronne sera proclamée
dans le théâtre aux fêtes de Dionysos, quand on jouera les tragédies
nouvelles, ainsi qu'aux concours gymniques des Panathéuées et des
Eleusinies ;
» Les stratèges, tant qu'il persévérera dans ces sentiments et dans
cette bienveillance à notre égard, pourvoiront à ce qu'il reçoive
toutes les marques d'honneur et de reconnaissance dues à son zèle
et à sa générosité, afin que, par cette conduite, on sache comment
notre peuple accueille et récompense dignement les hommes de bien
et que tous rivalisent de zèle à nous obliger en voyant les hon-
neurs dont il aura été l'objet ;
» On élira trois ambassadeurs, choisis parmi tous les Athéniens,
qui lui apporteront le présent décret et l'exhorteront à accepter ces
honneurs et à s'efforcer toujours d'obliger notre cité. »
Les Juifs, on le sait, ont eu deux grands prêtres du nom d'Hyr-
can : Jean Hyrcan l^'' (135-105 av. J.-G. j et son petit*fils, Hyrcan II
(78-40 av. J.-C). Duquel des deux est-il question dans notre
dpcret ?
Josèphe, dont l'opinion, à vrai dire, est de peu de poids, rap-
porte notre texte à Hyrcan II, et t^lle est aussi, avec des nuances
de détail, la thèse de Keil, Ritschl, Schœmann, Kœhler, Men-
delssohn, Latischeff, Ad. Schmidt et Unger. Au contraire, Cor-
sini, Clinton, Meier, Dittenberger , Grosberger, Damont, S. Rei-
nach, Homolle, Sohùrer, Wilhelm [1) se sont prononcés en faveur
d'Hyrcan I<"\ D'ailleurs, entre les partisans d'un même Hyrcan,
les avis diffèrent sur l'époque précise : ainsi, tandis que la plupart
des partisans d'Hyrcan I®"" songent aux premières années de son
principal (entre 132 et 129), M. Homolle se prononce pour l'avant-
dernière 106/5; de même, parmi les savants favorables à Hyr-
can II, Kœhler remonte aux années 69-62, Mendelssohn indique
avec précision l'an 62, d'autres descendent jusqu'à la fin du
règne (Ritsch : 46; Unger : 48), etc. *.
* Cf. Keil, Rheinisches Muséum, XV III, p. 61 ;
Ritschl, Rh. Mus., XXVIII, 611 ;
Schœmani), (iriechische Alterthûmer, II (3» éd.), p. 532;
Kœhler, CIA., 11,1, p. 266;
Mendelssohn, Rh. Mus., XXX, 424;
Latischeil, BCH, V. 25u :
Ad. Schmidl, Ne^ie Jahrbilcher, 1884, p. 694; 1887, p. 112;
Unger, Sttzunffsberichte de lAcadémie de Bavière, 1897, p. 126; cf. Biichler, To-
biaden und Oniaden, p. i;{8;
Corsini, F asti attici, 1, 181 ; IV, 114;
Clinton, Fam hellenici, ad an, 131;
Mêler, Index atticorum archontum quipost olymp.^ 121, 2, etc., Halle, 1854. Com-
mentatio secunda, p. 79;
Dumont, Essai sur la chronologie des archontes athéniens postérieurs à la /22»
Olympiade (Pans, 1870), p. 29;
22 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
On n'attend pas de moi une discussion détaillée de tous les ar-
guments mis en avant dans cette controverse. Il y en a qui sont de
pur sentiment, comme lorsque M. Kœhler, tout en rapportant le
décret à Hyrcan II, s'efforce d'en faire remonter la date le plus
haut possible sous prétexte que les caractères de l'institution
éphébique, dans le décret CIA., 470, sont plutôt ceux du ii'^ siècle
que du i®'" : c'est réellement être bien affirmatif sur un sujet où
nos lumières sont des plus incertaines. De môme l'identification
du cosmète Ejooçgç Eùoôçou 'A/coooùatoç dans ce décret (l. 33) avec
l'enfant Eùoocoç Eùoo^o-j, de la tribu Hippothontis, vainqueur sous
Phaedrias (CIA., II, 446) vers 150, est dénuée de toute preuve.
Je me contenterai donc de rappeler brièvement l'argumentation
de M. Homolle. Ce savant fait observer que ©sôootoç AtoBcosou
Souvtsuç, auteur des deux décrets CIA., 470, figure comme épimé-
lète dans une inscription délienne * [BCII., VII, 304) dont la date,
fixée par le grand prêtre Hélianax, paraît être 101 av. J.-C, - et
dans une autre ( BCH. , VI, 498) comme prêtre d'Aphrodite Syrienne ,
dont le culte fut introduit à Délos en 110. Dès lors l'archontat
d'Agathocle devrait tomber entre 110 et 101 av. J.-G.
Ce raisonnement pèche par la base en ce qu'il suppose l'iden-
tité du Théodotos Diodôrou des inscriptions déliennes et du
Théodotos Diodôrou des décrets athéniens. On peut, avec tout
autant de vraisemblance, voir en eux des homonymes, l'aïeul et le
petit-fils, en se souvenant que, dans beaucoup de familles athé-
niennes, les noms se reproduisaient régulièrement de deux en
deux générations. Si Théodotos I" a pu exercer vers 101 de
hautes fonctions à Délos, son petit-fils a pu, soixante ans plus
tard, en exercer à Athènes : c'est à peu près l'intervalle que l'on
observe dans les cas pareils, par exemple entre le ministère de
Gasimir-Périer, premier du nom (1832), et celui de son petit-fils
(1892). Dès lors, a priori., les inscriptions déliennes ne sauraient
être opposées à l'opinion de Josèphe, et, en faveur de cette opi-
nion, on peut faire valoir les arguments positifs suivants :
1° Le bénéficiaire de notre décret est appelé 'Vf.xavb; 'AÀ£;âvopotj.
S. Reinach, Jîev. nrch., 1883, II, p. 99 suiv. ;
Grasberger, Actes de VAcad. de Wurzhounj, 18G2;
Homolle, Bull. Corr. kell., X, 2ri, et XVlî. 14;i ;
Scbijrer, Gcschxchtc des jûdischoi Voikes, 11 (o'î éd.), p. »3, noie 113;
Wilhclm, an. Aijathokles dans la S' éd. de la Realencyclopàdic de Pauly-Wissowa.
(Cependant cet excellent savant s'exprime avec des réserves qui semblent annoncer
un chanfremeul d'opinion.^
' et. Saloœon Heiuach, Revue archéologique, 1883, II, p. 99 suiv.
« Homolle, BCB., VllI, 102. X. 26.
LE DECRET ATHENIEN EN L'HONNEUR D'HYRCAxN 23
Or, Hyrcan !•"* fêtait fils de Simon; Hyrcan II était fils d'Alexandre
(Jannée). Il faudrait donc admettre que Josf'jphe ou l'auteur plus
ancien auquel il a empriintf^ notre document en a, de propos déli-
béré, falsifié le texte en substituant 'AX£;-ivûso'j à i;:ao>vo; : il est
impossible de deviner la raison d'une pareille fraude; celles
qu'imagine M. Homolle sont confuses et peu vraisemblables.
2" Hyrcan est qualifié de àp/isss'j; xal £Ovxç/y,ç twv 'lo-joatcov. Le
titre d'ethnarque appartenait sûrement à Hyrcan II, sinon dès
l'origine, du moins depuis l'an 47 av. J.-G. A cette époque, en
effet, César disposa, dans un décret officiellement communiqué
aux Sidoniens et conservé par Josèphe [Ant. jud., XIV, § 194,
Niese): 'Yoxavbv 'AXeçàvooo'j xai xà rsxva aùtou k^vioyccç 'louoatwv clva'..
Ce même titre lui est appliqué dans plusieurs autres actes officiels
(XIV, i> 200, par César; § 210, par le Sénat; i^ 211, par César;
§ 226, par Dolabella). Au contraire, les actes officiels relatifs à
Jean Hyrcan I^"" — décret de Pergame (XIV, 247), lettre des Lao-
dicéens (XIV, 241) — lui donnent simplement le titre de grand
prêtre.
3° Les considérants de notre décret supposent non seulement
que de nombreux Athéniens avaient eu l'occasion de traverser les
possessions d'Hyrcan pour leurs affaires privées, mais encore que
des ambassades athéniennes avaient dû emprunter son territoire.
Au temps d'Hyrcan I^^ pareil fait n'est pas croyable. La politique
de ce prince, comme le montre sa conduite envers Samarie, n'était
rien moins que philhellénique. De plus — je l'ai démontré ailleurs
— sa domination sur les villes de la côte, même Joppé, fut, jus-
qu'au bout, des plus incertaines, et c'est dans ces villes que les né-
gociants athéniens pouvaient avoir affaire *. Sous Hyrcan H, les
choses avaient bien changé. Joppé, la Tour de Straton (Césarée)
étaient alors des villes juives; Hyrcan et son tout-puissant mi-
nistre Antipater étaient bien en cour auprès de César et d'An-
toine. Le commerce avec l'Arabie, avec la mer Rouge passait
désormais par le territoire juif. On comprend "que, dans ces con-
ditions, les Athéniens aient eu intérêt à cajoler l'ethnarque de
Jérusalem. Bientôt ils devaient ériger à Hérode une statue, dont
la base s'est conservée [CIA., III, 1, 550); la statue votée à
Hyrcan n'a donc rien qui puisse nous étonner, encore qu'elle ait
dû choquer l'orthodoxie du prince-pontife, scrupuleux observateur
du Décalogue.
4" Dans le décret éphébique de Tarchontat d'Agathocle (CL4.,
^ On peut remarquer que dans la liste des Etats auxquels les Romains, vers la fin
du priacipat de Simon, recommandaient les Juifs (I Macc, xr, 12 suiv.) Athènes
ne figure pas.
24 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
II, 470) est mentionné (col. I, 1. 1071 un éphèbe du nom de
KaXXtxpaTiôr,ç Suvopôfxou STeic'.suç.Or, une inscription contemporaine
d'Auguste [CIA., III, 109-110) mentionne un gymnasiarque Syn-
dromos, fils de Gallicratidès. Dans les familles athéniennes, les
noms se reproduisent généralement de deux en deux générations.
Le Syndromes du n° 109 est donc bien probablement le fils de
Gallicratidès du n» 470 : dès lors ce dernier, et, par suite, l'ar-
chonte Agathocle, est un contemporain d'Hyrcan II. Je ne donne,
d'ailleurs, cet argument que sous toutes réserves, car, au lieu de
deux générations, il aurait pu s'en écouler quatre entre les deux
Syndromos.
5<* L'orthographe du décret CIA., 470, où les zo^a muets sont
souvent supprimés, indique le i^'' siècle plutôt que le ii«. Il en est
de même de la forme des lettres dans une autre inscription du
même archontat, une dédicace d'éphèbes au Pirée {BCH., XIII,
269=C/^.,IV, 2, 1226 c^). Si la reproduction du Corpus est
exacte, de pareilles formes de lettres, avec leurs apices con-
tournés, la barre transverse du F dépassant considérablement à
gauche, seraient inouïes au ii» siècle.
6° On remarquera que dans la liste de*? fêtes où sera proclamée
la couronne d'Hyrcan manquent les nToÀcaara ; or, celles-ci fi^rurent
encore dans le décret de Tarchontat de Phaidrias(C/.4., Il, 446) du
milieu du ii" siècle et dans celui de Médeios {ib., 467) qui parait
être de l'an 100.
Nous pouvons dès lors considérer comme démontré que l'ar-
chontat d'Agathocle — qui entraîne avec lui tout un groupe d'ar-
chontats' — se place au i*^"" siècle et que le décret athénien vise
Hyrcan II et non Hyrcan P^ Peut-on en fixer la date avec un peu
plus de précision? Hyrcan H a exercé le souverain pontificat pen-
dant près de quarante ans (78-40 av. J.-C), mais avec de nom-
breuses intermittences et dans des conditions bien diverses. De
78 à 69 le pouvoir politi(]ue fut tout entier aux mains de sa
mère Aiexandra, qui frappa monnaie en son propre nom et dont
le nom figurait seul dans les actes officiels, même dans les actes
de l'état civil (.losèphe , Vita, ^ 5 Niese). De 69 à 63 régna
effectivement, sinon légalement, Aristobule IL De 57 à 47, sous
le régime inauguré par Gabinius, Hyrcan fut réduit à ses fonc-
tions de grand prêtre, et le pays fut, en fait, gouverné par les
Romains. Les seules périodes qui puissent donc sérieusement
entrer en ligne de compte sont les années 63 à 57 et 47 à 40.
* Héracleidès, Sosicratès, Âristarcbos, Dionysios meta Paramonon, etc.
LE DÉCRET ATIIKMKN EN L'HONNEUR D'IIVI^CAN 2.')
Entre les deux, on peut hésiter, mais j'estime que la période 47-40
est de beaucoup la plus probable. En effet, il n'est nullement
prouvé que Pompée, en 63, ait donné à Ilyrcan le titre d'ethnarque
— Josèphe ne parle que vaguement de IOvo-j; 7:po<7Ta7'>y. (XX, § 244)
— tandis que nous savons positivement qu'il lernçut de César en 47.
De plus, la politique philhellénique, spécialement philafhénienne,
impliquée par notre décret convient tout particulièrem<^nt aux
dernières années d'Hyrcan, où, sous le nom du vieil ethnarquo, le
gouvernement appartenait, en réalité, à Antipater et à ses fils,
dont on connaît les tendances hellénistes. Quelques années plus
tard, Athènes « regorgeait » des offrandes d'Hérode (Josèphe,
Guerre, I, § 425).
Dans le texte des Antiquités, le décret des Athéniens est précédé
des lignes suivantes, qui, à en juger par la transcription de Jo-
sèphe, feraient partie du préambule du décret, mais qui, en réa-
lité, doivent en être séparées :
7C£ij.7tT7]t aTT'.ovTOç, (a)7rco66r| * Tocç aTç.aTY|Yor; 'liriO'.ffaa 'AOY|Vaûov.
« Sous le prytane et prêtre Dionysios, fils d'Asclépiadès, le
5® jour avant la fin du mois Panémos, le décret (suivant) des Athé-
niens a été remis aux stratèges. »
Ces lignes énigmatiiues ne comportent, à mon avis, qu'une
seule interprétation : le décret athénien en faveur d'Hyrcan n'a pas
été, malgré les dispositions formelles du libellé, porté directement
à Jérusalem; les ambassadeurs athéniens se sont contentés d'en
remettre la copie aux magistrats d'une ville amie, qui se sont
chargés de la transmettre aux intéressés : c'est dans les archives de
cette ville amie que Josèphe ou plutôt son précurseur (Nicolas de
Damas?) en a trouvé et copié le texte. Quelle peut avoir été cette
ville? Elle doit remplir les conditions suivantes : P avoir une
constitution grecque, des stratèges^ un prytane éponyme qui était
en même temps prêtre^; 2' être amie et voisine de Jérusalem;
3^ être en relations étroites avec Athènes. Il me semble que, de
toutes les villes de la côte syrienne auxquelles on pourrait i)enser
(Gaza, Ptolémaïs, Sidon, Béryte, etc.;, c'est Ascaloii qui répond le
mieux à ces données. Nous ignorons, il est vrai, le détail de sa
constitution, mais elle était certainement grecque, la ville jouis-
sant d'une complète autonomie depuis 104 av. J.-C, époque de
^ Mps. sTTEOoOr, ; corr. Krebs.
' Je ne connais aucune cilé grecque où Ton observe cette particularité.
26 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
son ère. Il est bien certain aussi que le calendrier macédonien
(auquel appartenait le mois Panémos) y était en usage, comme
dans les autres villes de cette côte. Le nom Asclépiadès, porté par
le père du prytane éponyme, rappelle le culte ascalonitain de
Asclépios ÀcovTou/o:; auquel Proclus adressa un hymne (Marinus,
Vita P7'0Cli, c. 19). Les bonnes relations d'Ascalon avec les Juifs
sont attestées, entre autres, par le choix que fit César de
ville avec deux autres, pour y graver son traité d'alliance avec
Hyrcan {Ani. jud. , XIV, § lOl). D'autre part, nous con-
naissons, dès le iii® siècle, des commerçants d'Ascalon établis à
Athènes [CIA., II, 3, 2836; cf. CIA.. III, 2, 2388 et 9j et à Délos
[BCII., VIII, p. 128, 133, 488), et même un éphèbe d'Athènes de
naissance ascalonitaine (II, 1, 46*7,1. 148) Enfin, l'intervalle de
deux mois et demi qui s'est écoulé entre le vote du décret athé-
nien (11 Munychion = avril) et sa remise aux autorités de la cité
intermédiaire (25 Panémos z^ juin) correspond parfaitement à la
distance maritime qui sépare Athènes d'Ascalon.
Nous ne quitterons pas ce sujet sans rappeler que Mendelssohn *
a cherché à préciser encore davantage la date de notre décret en
y rapportant les mots qui se lisent quelques lignes plus haut chez
Josèphe : xx-jTa èy^VcTO k-\ 'Toxavou àc/'.sssto; xxi âOvàsyou Ito-j; kvixou
[i.Y,vôç riavstxou. A la vérité, dans le texte de Josèphe, ces mots se
réfèrent au sénatusconsulte romain rendu en faveur des Juifs ,
sous la présidence du préteur L. Valerius. Mais, outre que tout le
monde est d'accord aujourd'hui pour reconnaître que ce sénatus-
consulte est beaucoup plus ancien qu'Hyrcan II, la date énoncée au
texte est celle des ides de déce)nb)'e et ne saurait donc correspondre
au mois de Panémos (juin). Mendelssohn a donc supposé que la
notice de Josèphe s'est trompée de place et concerne, en réalité, le
décret athénien, ou plutôt sa remise, qui est effectivement du mois
Panémos. Mais, en admettant cette hypothèse pour vraie, il paraît
impossible qu'une ville autonome, chargée de la transmission d'un
décret étranger, l'ait enn^gistré sous l'année régnale d'un prince
étranger. Il faudrait alors supposer que les mots èx-. 'Tpxavou
. . . èOvip/ou ont été ajoutés par Josèphe et que l'acte original était
simplement daté « de l'an IX, mois Panémos* ». Cet an IX pour-
rait alors être compté selon l'ère césarienne, de septembre 49
av. J.-C, et la date indiquée correspondrait à juin 40 av. J.-C,
• Commcntatia de S. C. J^nmanomm^ etc. dans Ritschl, Acta toeietatis philol. Lips.f
i87î). p. 31 ei J{h. AJuseurn^ XXX, p. 424.
» Mendelssobii admeUait qu'il s'agit bien de l'tn IX d'Hyrctn II, pour lui 62 §▼.
J.-C. Homolle corrige 9 en 29 et aboutit à Tau 106/5 {29« d'Hjrcan !•' !)
LE DECRET AT[fE.NIEN EN L'HONNEUR D'fïYHCAN 27
c'est-à-dire quelques mois à peine avant Tinvasion d'Antigone et
des Parthes qui mit fin au principat d'Hyrcan. Malheureusenaent
rien ne permet de croire que cette ère ait jamais été en usage à
Ascalon, où l'on ne connaît que l ère de l'autonomie (104 av. J.-G.)
et l'ère de Gabinius (57 av. J.-C). Sous ce rapport, Gaza, où l'on
connaît l'ère dite de Pompée (61 av. J.-C), donnerait peut-être
un résultat plus satisfaisant, mais rien ne prouve qu'Hyrcan portât
le titre d'ethnarque dès 52*.
Il faut savoir borner notre curiosité et ne pas compromettre
par d'indiscrètes conjectures un résultat solidement acquis : le dé-
cret athénien d'Hyrcan concerne Hyrcan II et a été rendu dans
les dernières années de son principat.
Théodore Reinach.
* L ère Césarienne de 49 ou 48 av. J.-C. a élé employée à Laodicée et à Pto-
lémais, qui peuvent également entrer en ligne de compte.
ISRAËL ET JUDA
(suite et fin ')
Revenons maintenant au temps où les deux Etats hébreux sub-
sistaient encore côte à côte. Nous croyons avoir établi, dans le
chapitre précédent, leur opposition au point de vue religieux et
montré comment les fondateurs de leur religion respective sont
devenus les héros d'histoires merveilleuses. Moïse chez les Judaïtes
et Josuéchez les Israélites du Nord. Mais, en ce qui concerne la
période suivante jusqu'à l'établissement de la royauté, le livre des
Juges et les premiers chapitres du livre de Samuel nous rapportent
déjà une partie de ce qu'on avait l'habitude de raconter chez les
Israélites du Nord de ces temps anciens, surtout au sujet des
guerres et des hommes des diverses tribus du Nord qui en furent
les héros. De la tribu de Juda, au contraire, il ne nous a pas été
transmis de traditions populaires de ce genre et nous n'avons
presque aucune relation la concernant durant cette période. Car ce
que le chap. i du livre des Juges rapporte des guerres et des con-
quêtes de cette tribu ne porte pas le caractère de la légende, et le
seul récit historique qui s'y trouve paraît être la prise de Hébron
par Caleh et de Debir par Othoniel (10-13; cf. Jos., xv, 13-17);
mais ces conquêtes doivent avoir été faites aussitôt après l'installa-
tion de la tribu de Juda. Tout le reste de cette relation est ou bien
une anticipation sur ce qui s'est passé à l'époque de David-, ou
une pure liction de 1 époque de l'exil ou d'après Texil ^
» Voir Revue, t. XXXVIII, p. 172.
* Comme, par exemple, la conquôie des villes des Philistins (v, 18).
• Par exemple, la victoire de Bezek (▼. 4 et s.\ ainsi que la prise et l'incendie de
Jérusalem (v. 8), — du reste en contradiction avec le v. 21. — Quant à la ville de
ISRAËL ET JUDA 29
Le récit qui suit concernant une grande victoirt que le môme
Othoniel aurait remportée sur un roi de Mésopotamie (ch. m, 8-11)
qui portait le nom bizarre de « Kûschan à la double méchanceté »,
sans qu'on indique de quel peuple il était le roi, est aussi d'in-
vention tardive. Ce roi aurait tenu Israël tout entier asservi
pendant huit ans, mais Othoniel l'aurait vaincu. On ne dit pas
où se serait livrée cette bataille. Cette courte et sèche relation
n'est donc pas une tradition populaire. Et comme, à cette époque,
Othoniel non seulement ne pouvait plus être un guerrier bien
vaillant, mais pouvait difficilement être encore en vie*, ce récit
ne contient guère d'élément historique. Il ne peut être que le
maigre produit issu de l'imagination d'un rédacteur postérieur
à l'exil en vue d^associer aussi un schophet judaïte aux scho-
phetim du Nord. La seule chose qui soit relatée au sujet de la
tribu de Juda pendant cette longue période, et nous l'apprenons
par un récit des Israélites du Nord, c'est le fait qu'à l'époque
de Samson, elle était sous la domination des Philistins *. Ainsi
Juda limitait son cycle de légendes au fondateur de sa religion,
tandis que les Israélites du Nord retendaient aussi à la vie na-
tionale. Juda cherchait surtout à développer ses convictions re-
ligieuses ; pour les Israélites du Nord, leur nationalité, leur ori-
gine et leur histoire n'avaient pas moins d'importance, et c'était
là ce dont ils s'enorgueillissaient. Après le règne du roi David,
l'orgueil national commença aussi à s'éveiller dans la tribu de
Juda, au souvenir de ce grand prince sorti de son sein ; mais
jusque-là, cette tribu ne comptait guère de héros de guerre. Même
en ce qui a trait à David, on relate fort brièvement ses victoires
et ses conquêtes; le point auquel on attache une importance par-
ticulière, dans les récits qui le concernent, c'est sa piété et sa
soumission envers Dieu, sa contrition et son humilité après ses
fautes. C'est dans un but d'édification que ses fautes sont étalées sans
pitié; Dieu lui pardonna en raison de ses vertus. Il reste le favori
Bezek, elle était placée très loin du territoire judaïte (I Sam., xi, 8) ; mais le roi de
Bézek, Adoni Bezek, paraissait identique avec Adoni-Cédek^ roi de Jérusalem (Jos. ,
X, 1); cf. Malkicédek, roi de Salem (^Geu., xiv, 18). Notre relation serait une imi-
tation du récit de Josué attribuant la victoire de Josué aux Judaïtes.
^ Othoniel est désigné comme un i'rère cadet de Caleb (Juges, i, 13), qui, d'après
un autre passage (Jos., xiv, 10), cinq ou sis ans après [''entrée dans le pays de Ca-
naan, avait atteint Tàge de quatre-vingt-cincj ans. Même si nous ne tenons compte
que du livre des Juges, Uthouiel, à la mort de Josué — d'après le cliap. i — , était
déjà dans la maturité de Tâge. Et voici qu'on soutient qu'il aurait encore survécu
à la génération suivante et aurait été encore ea activité comme général d'armée à
l'époque où le souvenir des miracles divins opérés par l'intermédiaire de Josué était
déjà effacé (Juges, ii, 10) !
* Juges, XV, 11»
30 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
de Dieu, qui lui* promet la durée éternelle de sa dynastie. Dans le
cours des temps, sa personnalité s'élève jusqu'à devenir l'idéal du
roi pieux, dont les désirs et les aspirations ne tendent qu'à jouir de
la présence de Dieu. Ainsi, on composa en son nom ou on lui
attribua des chants qui forment la plus belle parure de sa cou-
ronne et qui respirent la piété la plus intense, l'humilité et la sou-
mission devant Dieu. Sa renommée n'est pas due à ses exploits
héroïques et à ses conquêtes, mais à ses sentiments religieux et
moraux. Ceci est bien conforme à tout le prophétisme judaïte, qui
avait, d'ailleurs, des affinités avec le caractère et l'esprit de la
tribu.
Chez les Israélites du Nord, par contraste avec la tribu de Juda,
la conscience de leur nationalité était bien vivante et puissante.
Nous disions plus haut qu'ils étaient fiers de leur origine. En effet,
si nous examinons attentivement le livre de la Genèse, il nous
apparaît généralement comme une œuvre des Israélites du Nord ;
il est, en partie, l'œuvre d'Ephraïm-Manassé, quoiqu'il ait été
remanié après coup par une main judaïte et qu'il ait encore reçu
des additions. Cela ressort déjà de l'ampleur avec laquelle Thistoire
de Joseph nous est racontée et de la glorification de ce patriarche.
Il est évident que les légendes sur Joseph se formèrent chez les
-tribus qui lui devaient leur origine et qui s'enorgueillissaient de
l'avoir pour ancêtre. Nous relèverons dans la suite quelques
détails à l'appui de notre hypothèse ; nous le ferons également en
ce qui concerne les trois patriarches, dont nous considérons
l'histoire également comme le produit de l'psprit des Israélites du
Nord. Nous nous bornerons ici à appeler l'attention sur ce point
que les tribus du Nord, se distinguant en cela de Juda, prirent le
nom à'Israël d'après leur troisième patriarche, bien qu'elles ne
refusassent point à Juda la même attribution d'origine. Mais Juda,
comme nous le verrons plus loin, se souciait peu de cette origine,
tandis que les tribus du Nord en étaient fières ainsi que de leur
nom d'Israël. En effet, ce nom signifie : « Victoire, domination »,
et la légende se forma que Dieu avait donné ce nom au patriarche
Jacob, qui l'avait vaincu lui-même'. La conservation de cette
incroyable légende, qui n'a rien de similaire, môme dans la mytho-
logie grecque, montre par elle-même que sa patrie est plutôt le
Nord que le pays de Juda, où la conception plus pure de l'idée de
Dieu dos pro{)liètes l'eût sûrement combattue et détruite. La même
remarque s'impose pour quelques autres traits des premiers récité
de la Genèse : ainsi, le récit de la promenade de Dieu dans le
t Gen., XXXII, 2b-29.
ISHAKL tT JUUA 31
jardin d'EdenS celui des fils de Dieu épousant les filles de
l'homme*, celui qui raconte comme Dieu se réjouit de l'odeur
agréable des sacrifices ^ celui qui montre Dieu descendant sur
terre pour visiter la tour de Babel '*. Des conceptions aussi naïves
de la Divinité et surtout de Jélioya ne pouvaient avoir cours que
chez les Israélites du Nord, où les conducteurs spirituels du peuple,
les prêtres et les propliètes, loin de chercher à ennoblir les idées
sur Dieu, s'efforçaient, au contraire, de troubler son esprit par
des croyances et des pratiques superstitieuses ^.
Au point de vue du sentiment nationaliste aussi, les Israélites du
Nord et Juda présentaient un vif contraste, qui s'explique ai-
sément. Les régions conquises i)ar Israël étaient cultivées depuis
longtemps, occupées par une population agricole plus ou moins
dense, que les tribus conquirent peu à peu et où elles durent elles-
mêmes se livrer aux travaux agricoles. Nous ne savons pas
combien d'années il a fallu pour achever la conquête, mais fina-
lement elle fut complète. Dans ces luttes pénibles pour assurer
leur existence nationale, les Israélites du Nord virent se développer
leur courage militaire, l'amour de l'indépendance et même de la
domination. Sans doute, ils subirent plus d'une défaite, mais ils
supportèrent toujours le joug avec impatience, se recueillant
pendant quelque temps, sachant mettre à leur tête quelque vaillant
guerrier qui les conduisait à la victoire et leur rendait leur indé-
pendance. Ils avaient donc le droit de se montrer fiers de leur
nationalité sous le nom d'Israël.
D'autre part, le pays occupé par la tribu de Juda consistait
principalement en vastes surfaces de terres arides et en mon-
tagnes rocheuses. Ce pays était donc plus propre à l'élève du
bétail et à la vie nomade qu'à la culture, et sans doute la plus
grande partie de la tribu continua encore, jusque sous le règne de
David, sa vie nomade dans des districts faiblement peuplés. Un
» Gen., III, 8.
* Geo., VI, 2.
* Gen., VIII, 21.
* Gen., XI, 0.
5 L'hypothèse que les récits de la Genèse ont été formés chez les Israélites du
Nord explique aussi le mieux la conlradiclion au sujet de Torigine du nom de Dieu
« Jéhova » euire ce livre et Exode, m, 14 et suiv., et vi, 3. D'après ces derniers paî^-
sages, ce nom dans sa i^igniticaiion universelle n'a été révélé qu'a Moïse, tandis que
la Genèse dit qoie, déjà a l'époque d'Enos, on commença à invoquer le nom de Jé-
hova (Gen., IV, 26), que les patriarches l'invoquaient éfi;alement (Xll, 8: xiil, 4;
XXI, 38; XXVI, 25) ei qu'il était usiié généralement (ix, 26 ; xiv, 22; xvi, 5; xxiv,
3, 50 et s.; xxvi, 29. etc.). Les passages cités de l"Exode exprimeraient les vues des
prophètes judaites, tandis que chez les Israélites du Nord régnait l'opinion que le
nom a existé et était usité de temps immémorial, comme El^ Elobim, Schaddaï, sans
avoir une signitication plus haute.
32 REVUE DES ETUDES JUIVES
pareil genre de vie prédispose l'iiomme à l'humeur pacifique et
à la contemplation ; à moins qu'il ne s'agisse de la défense per-
sonnelle, i! ne prépare guère à l'art de la guerre. Juda s'accom-
modait donc de la domination étrangère plutôt que de s'exposer
par sa résistance aux dangers de la guerre et à être troublé dans
ses paisibles occupations. L'habitude de la vie nomade amena les
Judaïtes à laisser l'orgueil national, la soif de la renommée
guerrière et des conquêtes s'affaiblir à un point extrême. Au lieu
de développer les tenôances 7iafionoMstes, ils cultivèrent le senti-
ment religieux, qui devint d'autant plus fort chez eux, surtout
dans le sens moral vers lequel Moïse le dirigea ; ceci explique le
développement du prophétisme d'ordre plus élevé qui se produisit
parmi les Judaïtes.
Cette absence de courage guerrier, ce défaut d'amour de l'indé-
pendance, cette facilité à ployer la nuque sous le joug des Philis-
tins, durent singulièrement rabaisser la tribu de Juda aux yeux de
leurs frères d'Israël et les éloigner d'elle. Le mépris qu'ils avaient
pour elle paraît se refléter dans l'unique récit que nous possédions
sur la tribu du Sud et provenant des Israélites du Nord. Le héros
de la tribu de Dan, Samson, qui infligea aux Philistins de si rudes
défaites, s'était réfugié dans une des grottes du territoire judaïte.
Les Philistins l'y poursuivirent, ce qui fut naturellement fort
désagréable aux Judaïtes. Au nombre de trois mille hommes, ils
se rendirent auprès de Samson, le sommant de se laisser lier pour
être livré aux Philistins, car ceux-ci dominaient sur eux. 11 con-
sentit à la condition qu'on ne lui fit aucun mal. Et ainsi il fut lié et
livré'. — Ce récit présente les Judaïtes sous un jour absolument
défavorable : il montre, en premier lieu, leur lâcheté, puisqu'ils se
réunirent en si grand nombre contre un seul, fut-ce un Samson ;
il montre aussi la bassesse de leurs sentiments, leur servilité dé-
ployée au détriment d'un membre de leur nation, et cela dans le
but d'être plus vite délivrés de l'eiuiemi !
Il est encore une autre raison qui dut contribuer beaucoup à
rabaisser la tribu de Juda aux yeux des tribus du Nord, et dont les
écrits bibliques ne disent rien. C'est un fait que Juda n'était pas
une tribu purement Israélite. Notamment Caleb et Othoniel, les
seuls qui soient nommés cc^mme guerriers et conquérants judaïtes,
n'étaient pas des Judaïtes, mais des chefs ou des noms de clans
iduméens. En effet, Caleb est toujours désigné comme « Kenizi » et
Othoniel « comme flis (descendant) de Kenaz «; or, Kenaz est le nom
d'une tribu ou d'un clan iduméen *. Ce fait, comme nous l'avons dit,
' Juf^es, XV, 11 et suiv.
* Geuèse, xxxvi, 11 -xv, 15, 42. Le iail que le chroniqueur, si abondant en matière
ISRAËL ET JUDA 33
est passé sous silence pour des raisons faciles à comprendre. Cepen-
dant dans le livre de Josué, il est resté des traces de ce fait, en ce
qui concerne Caleb. En effet, il y est dit : « Ilébron resta la posses-
sion héréditaire de Caleb le Kenizi, parce qu'il se consacra à
Jéhova, le Dieu d'Israël *. » Et ailleurs : « A Caleb, fils de Yephuné,
il (Josué) donna une part au milieu des fils de Juda, suivant le
commandement donné par Dieu à Josué ^. » Caleb et Otlioniel
n'appartenaient donc pas à la tribu de Juda. De môme que le clan
Kenizi, celui des Kéni^ s'unit à la tribu de Juda, probablement
avec beaucoup d^autres clans*. C'est sûrement à cause de ce mé-
lange avec Edom que celui-ci a été considéré comme le frère de
Jacob-Israel ^ et identifié avec le légendaire Esaù, ce qui n'est pas
le cas pour Amalek, par exemple, lequel, quoique cité aussi comme
descendant d'Esaii ^, ne s'est pas mélangé avec Israël. C'est
aussi à ce mélange avec Israël que nous devons la conservation
de la généalogie et de la chronique des rois iduméens. Autre-
ment les Hébreux, et particulièrement les Judaïtes, n'auraient
eu aucun intérêt à la posséder. Le chapitre xxxvi de la Genèse,
qui y est relatif, est donc d'origine iduméo-judaïte \ tandis qu'un
autre passage de ce livre, qui appartient au cycle des légendes
des Israélites du Nord, compte les clans Rènl et Kenizi parmi
les nations dont Dieu a promis de donner le pays aux Hébreux ^.
La citation de ces clans aurait-elle servi par hasard à diriger
une attaque contre la tribu de Juda ? — D'autre part, on s'ex-
plique aussi de cette façon pourquoi, chez les Judaïtes, l'ima-
gination n'a rien inventé, excepté en ce qui concerne Moïse
et David. Cette tribu ne pouvait sous aucun rapport s'enor-
gueillir de son développement national. S'il est donc établi, comme
nous le croyons, que, dès l'époque des Juges, il y eut de l'éloi-
gnement entre Juda et les Israélites du Nord et si ceux-ci re-
gardaient le premier avec une certaine hauteur, ce sentiment de
mépris, surtout chez la tribu d'Ephraïm, qui, en raison de sa
puissance, donnait le ton aux autres, dut se changer en amer-
tume et haine, lorsque cette tribu de sang mêlé parvint par David
de généalogie, les fait descendre de Heçroû, le pelit*tils de Juda (I Ghron., ii et iv,
13), ne prouve rien.
* Jos., XIV, 15.
« Ibid., XV, 13.
' La version des LXX, qui donne "^pb^^ïl, au lieu de Û3>n (Juges, i, 16), est
sans doute tendancieuse.
* Voir I Sam., xxx, 26 et s.
s Deut,, XXIII, 8; Obadia, 10 ; Malachie, i, 2.
* Gen., XXXVI, 12.
^ Sans doute aussi xxxii, 4-xxxui, 17.
* lhid.\ XV, 19 et s.
T. XXXIX, N° 77. 3
34 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
à la suprématie sur les autres tribus. La manière dont David
et Saloraon traitèrent celles-ci, comme nous l'avons vu, ne pou-
vait que maintenir en éveil et même fortifier les sentiments d'ani-
mosité contre Juda, et ils se manifestèrent, en effet, en récits à
tendance.
Nous considérons comme une fiction tendancieuse de ce genre,
composée en vue de rabaisser la tribu de Juda — car il ne peut
être question d'un état de choses réel — le récit du péché commis
par le Judaïle Akhan à l'occasion de l'interdit prononcé contre
Jéricho et tout ce qui s'y trouvait, péché en punition duquel il
aurait été lapide et brûlé avec ses fils et ses filles et tout ce qui
lui appartenait — au mépris de la loi des prophètes judaïtes
(v. plus haut) *.
Un autre récit tendancieux de ce genre nous montre le père de
la tribu, Juda lui-même, profitant de l'absence de Ruben, l'aîné
des fils de Jacob, pour persuader à ses frères de vendre Joseph
comme esclave au lieu de le tuer, ce qui ne leur eiit été d'aucun
profit, et tirant de cette vente vingt pièces d'argent*. Toute-
fois, cette tendance se manifeste beaucoup plus clairement et
d'une façon plus nette dans le chapitre suivant de la Genèse (cha-
pitre xxxviii).
Ce chapitre, qui interrompt l'histoire de Joseph, contient une
histoire de famille de Juda qui, soit dit en passant, est chronologi-
quement invraisemblable '', et où nous relevons les points suivants :
Juda se sépare de ses frères et épouse une Cananéenne*, — ceci
est sûrement une allusion à la séparation de la tribu de Juda
d'avec les autres tribus et à son mélange avec des éléments
indignes. De ses trois fils, les deux aînés sont frappés de mort par
* Jos., VII. Dans un cas analogue, Lévit., xxiv, 10, on fait ressortir que le cou-
pable était un Egyplien.
' Gen., xxxvii, 26.
^ En etl'et, en admettant que Joseph n'ait été ûgé que de dix-sept ans quand il
fut vendu (Gen., xxxvii, 2), il s'écoula depuis ce moment jusqu'à son élévation au rang
de vice-roi d'Egypte treize ans [ibid., xli, 46). Ensuite vinrent les sept années
d'aboudanco et deux années de lamine [ibid., XLV, 6). Ce l'ut alors que Joseph
fit venir son père en Egypte avec toute sa lamille. Et c'est dans le cours de ces
vingt-trois années que se seraient passés tous les événements suivants : Juda se
marie et engendre successivement trois fils; l'aîné grandit, se marie et meurt; le se-
cond, qui épouse la veuve, meurt également. La veuve attend ensuite que le troi-
sième fils de Juda soit grand et, celui-ci n'ayant pas voulu 1 épouser, clic a com-
merce avec Juda lui-même et elle met au monde des jumeaux. Or, non seulement ses
deux fils, mais aussi les fils de l'un d'eux sont comptés parmi les soixante-six per-
sonnes qui accompagnèrent Jacob en Egypte [ibid., xlvi, 12, 26).
* Le lait ((ue chez les Israélites en considérait comme peu convenable le ma-
riage avec une Cananéenne ressort de Gen., xxiv, 3 et xxviii, 1, 8, ainsi que de
la remarque qui est faite à propos d'un fils de Siméon, que sa mère était une Cana-
néenne.
ISRAËL ET JUDA 35
Dieu à cause de leurs péchés. Seul le troisième fils de la Cana-
néenne, Schéla, contribue à former la tribu de Juda *. Mais le
noyau et l'aristocratie de la tribu, ce furent les descendants des
deux frères jumeaux Péréç et Zérah, que Juda eut de sa bru,
c'est-à-dire quasi ou réellement par voie incestueuse, qui les
formèrent. En effet, légalement celle-ci était aussi destinée comme
femme à Schéla. — Il est évident que ce récit ne repose sur
aucun fait réel, mais il est caractéristique que la légende popu-
laire ne se soit occupée que des affaires de famille de Juda et nulle-
ment de celles d'aucun autre chef de tribu. Comme les détails
sont de nature diffamatoire, la légende ne peut s'être formée que
dans le Nord, en vue de rabaisser la tribu de Juda. D'autres récits
qui accusaient trop nettement cette tendance ont été sans doute
supprimés par les rédacteurs.
VI
La tribu de Juda, de son côté, n'avait pas de sentiments hostiles
contre les Israélites du Nord; elle cherchait, au contraire, comme
nous le constatons par les discours des prophètes, à se réconcilier
avec eux, mais sous la bannière de sa propre doctrine religieuse
et de la dynastie de David. Quant aux légendes des Israélites du
Nord, Juda ne pouvait, il est vrai, les réfuter — la critique histo-
rique n'existait guère dans l'antiquité — mais il n'en tenait pas
compte. Pour les Judaïtes, l'histoire au point de vue religieux
commençait avec Moïse, et au point de vue politique avec David.
Ils ne s'intéressaient guère aux trois patriarches. Dans les livres
des prophètes et dans les écrits historiques qui proviennent de
Juda, il est rarement question des patriarches. Une fois seu-
lement, le prophète Osée cite quelques traits de la vie du pa-
triarche Jacob, mais de quel ton railleur ! c< Dans le sein maternel,
Jacob trompa par ruse son frère et, dans sa vigueur, il lutta
contre Dieu. Il vainquit l'ange et le terrassa ; l'ange pleura
et le supplia (de lui rendre la liberté), disant qu'il le (re)trou-
verait à Béthel, et là il nous parle (en réalité). Mais Jéhova
est le Dieu Jéhova; c'est là son nom- I » c'est-à-dire comment
peut-on dire de lui pareille chose I — Et plus loin : « Jacob s'enfuit
aux champs d'Aram, Israël servit pour une femme; oui, pour une
* Nombres, xxvi, 20.
* Osée XII, 4-6; cf. Ex., m, 15.
36 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
femme, il garda les troupeaux. Mais Jéhova fit monter Israël
d'Egypte par un prophète (Moïse), et c'est par un prophète qu'Israël
fut gardé *. » Evidemment Osée raille ici les légendes frivoles des
Israélites du Nord touchant le patriarche Jacob, auquel on attri-
buait la fondation de Béthel comme lieu de culte. Il oppose au rusé
Jacob le prophète Moïse, au culte païen de Béthel la haute signifi-
cation du nom de Jéhova, et termine son discours par ces mots
sévères : « Ephraïm a excité jusqu'à l'amertume le Seigneur, et
celui-ci lui fera expier le châtiment de son crime et rejettera sur
lui sa honte *. »
Il semble que le prophète Amos ait aussi voulu railler l'origine
attribuée aux hauts-lieux (Bamot) comme remontant aux patri-
arches, quand il donne au nom du patriarche Isaac (pni:'') la forme
pnuji et prête ainsi au mot « les hauts-lieux d'Isaac » le sens de
« lieux de plaisir ^ ». Il est vrai que les deux formes ont la même
signification « le riant, le jouant, le réjoui ». Mais quand on désigne
quelqu'un par son nom, on ne pense guère au sens abstrait du
mot. Si on donne, au contraire, à ce nom une forme nouvelle, on le
fait avec l'intention d'appeler l'attention sur le sens et le plus sou-
vent sur le sens injurieux du mot. En modifiant le nom du pa-
triarche et en l'appelant pnu)'», le prophète a voulu faire ressortir
la bassesse de ce nom ainsi que des « hauteurs » et de la « maison »
(d'Israël) dont on faisait remonter l'origine au patriarche. Ou bien
le véritable nom lui était inconnu et, s'il en est ainsi, cela prouve
bien combien peu les Judaïtes s'intéressaient aux patriarches.
En général, les prophètes et les poètes judaïtes ne s'occupaient
pas du passé, mais de l'élévation religieuse et morale du peuple
dans le présent et pour l'avenir. Du passé, ils ne relèvent, en fait
d'incidents importants, que la délivrance miraculeuse d'Israël de
l'Egypte, la conclusion de Talliance avec Jéhova, rompue plus tard
par le peuple, et les prodiges accomplis par Dieu pendant la mi-
gration à travers le désert. Pour eux. Moïse était l'intermédiaire
divin, et il est caractéristique comme Isaïe, le prophète de l'exil,
parle encore, dans une prière \ de Moïse, d'une part, et des patri-
arches, d'autre part : « Je me souviens des anciens jours de Moïse,
son serviteur, le pasteur de son troupeau \ Où est-il, Jéhova, qui
leur fit traverser la mer et qui mit en lui (en Moïse) son esprit
' Osée, xir, 13, et suiv.
» IbuL, XII, 15.
• Amos, vu, 9, 1G. Dans Psaumes, cv, 9, on emploie la dernière forme, sans doute
d'après Amos, sans qu'on remarque le sens caché.
* Isaïe, Lxiii, 7-19.
» Au lieu de IDT^T, il faut lire nDTwSI ; au lieu de 173:^, lire 1137, et, après ce
mot, il faut mettre is^^ r^i'n HN.
ISRAËL ET JUDA 37
saint? De son bras glorieux, il dirigea la droite de Moïse et il
fendit les eaux devant eux...; il les dirigea à travers los flots,
comme un coursier dans la steppe, sans qu'ils bronchassent*...
N'est-ce pas toi qui es notre père, car Abraham ne nous connaU
'pas, Israël (Jacob) ignore qui nous sommes. C'est toi, Jéhova,
qui es notre père, qui de toute éternité t'appelles notre Sauveur*. »
Ainsi, pour notre prophète, ce ne sont pas les patriarches, pas
même Abraham, l'ami de Dieu % qui ont de l'importance, mais
c'est Moïse, par qui Dieu a accompli de si grandes choses.
Il est à présumer que lors de la destruction du royaume du Nord
et de l'immigration de ses prêtres et de ses prophètes, les légendes
de ce pays se sont aussi acclimatées peu à peu dans le pays de Juda.
De même que les idées et les coutumes religieuses, les traditions
historiques des Israélites du Nord s'y répandirent librement grâce
à elles. Lorsque le royaume du Sud fut détruit à son tour et que
Juda fut exilé en Babylonie, le sens des souvenirs historiques
s'éveilla aussi en lui. En dehors de l'organisation de la future vie
sociale et religieuse pour l'époque où le retour dans la patrie,
qu'on croyait assuré, serait réalisé, et, outre les productions re-
ligieuses et autres auxquelles se vouèrent dès lors les esprits
débarrassés de leurs préoccupations politiques, les lettrés s'adon-
nèrent au soin de rassembler des documents historiques et de les
coordonner en ouvrages complets. Les traditions des Israélites
du Nord furent également recherchées, mais tout leur travail
fut mis au service de l'idée religieuse et, pour cette raison, porte
l'empreinte de cette tendance. Tout ce qui ne répondait pas à leurs
idées sur l'action de Dieu, sur la destinée de son peuple élu, les
auteurs bibliques ne pouvaient le considérer comme exact. Ainsi les
documents et les traditions des temps anciens, grâce à des additions
et à des suppressions, furent ramenés à une forme pragmatique.
Cette direction dans la manière de traiter l'histoire d'Israël fut
aussi suivie par les rédacteurs postérieurs à l'exil, jusqu'à ce que
les ouvrages historiques de la Bible reçussent leur forme actuelle.
C'est de leur point de vue religieux actuel qu'ils considéraient les
événements du passé, et ils les modifiaient en conséquence, sans
croire commettre une infidélité *. Il est certain que beaucoup de
détails, peut-être même des écrits entiers, qui auraient pu nous
* Isaïe, Lxiii, 11-13.
» Ihid., 16.
^ Jbxd., Lxi, 8.
* Ainsi purent se former les livres des Chroniques, qui diffèrent tant des livres de
Samuel et des Rois, parce qu'ils poursuivent une tendance beaucoup plus prap^-
matique.
38 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
mieux renseigner sur l'histoire d'avant l'exil et le développement
religieux des Hébreux ont été supprimés. Cependant nous savons
gré aux rédacteurs bibliques d'avoir conservé beaucoup de choses
qui nous permettent de nous faire une idée de cette histoire. A. vrai
dire, il faut en rendre grâce aux compromis acceptés par les partis
en ce qui concerne la législation, qui ont fini par émousser de plus
en plus les contrastes. De môme qu'on accueillit dans la Loi, dans
la Tora, beaucoup d'idées religieuses et de coutumes des anciens
Israélites du Nord, de même on accepta, mais plus franchement
encore, les documents et les traditions, tant pour la Tora que
pour les livres historiques.
Il nous semble que c'est de cette manière que le problème de la
formation du Pentateuque et des livres historiques de la Bible peut
se résoudre le plus aisément. La succession chronologique et le
nombre de leurs auteurs, dont la critique biblique s'occupe prin-
cipalement, si toutefois on peut les fixer, sont des questions d'ordre
secondaire. En tout cas, celles-ci ne peuvent être traitées, à notre
avis, sans tenir compte de l'opposition essentielle qui exista entre
les Israélites du Nord et Juda.
Israël Sack.
LES JUGES JUIFS EN PALESTINE
DE L'AN 70 A L'AN 500
L'organisation de la justice juive en Palestine après la destruc-
tion du Temple n'est pas aisée à déterminer. Les détails que nous
donnent à ce sujet les écrits de l'époque sont peu abondants et
variés, et leur manque de précision impose la nécessité de
recherches minutieuses. Nous allons réunir ici tout ce que nous
avons pu trouver sur ce sujet ; notre récolte n'aura pas un intérêt
de premier ordre, elle ne révélera presque rien de nouveau : notre
ambition s'est bornée à faire un relevé aussi complet que possible
de tous les renseignements que le Talmud fournit touchant les tri-
bunaux juifs et les docteurs qui exercèrent la justice.
On sait que, lors de la chute de Jérusalem, Jabné devint le
centre du judaïsme pour la Terre-Sainte. Un véritable tribunal y
fut-il organisé dès lors sous la présidence de Yohanan b. Zaccaï,
avec des pouvoirs étendus au point de vue de la juridiction * ?
Nous ne voudrions pas nous borner à répondre à cette question
par l'affirmative. D'après une source très ancienne *, ce que
Yohanan sollicita et obtint tout d'abord des autorités romaines, ce
fut une certaine indépendance en matière religieuse, la création
d'un centre religieux ^. A ce moment, malgré la protection de la
* Schûrer (III, 3° édition, p. 19G et saiv.) dit avec beaucoup de réserve : « Sans
doute le peuple juif se créa bientôt un nouveau centre, grâce au tribunal de Jabné,
Mais ce dernier n'était qu'un tribunal de jurisprudence, dont les décisions n'avaient
qu'une valeur théorique. » — "Weinbcrg, Monatsschrift, 1897, p. 501, ne donne au-
cune preuve tirée de l'époque qui nous intéresse confirmant son assertion que les
Juifs jouissaient d'une véritable juridiction.
« Alot di B. Nathan, iv :^i-;^72bnb nn iirÛ5<1 nsn"" Nb5< ^212 UJpnTD "rN
rrnitTD bD ïin r7w:J:i*5<1 ?lb2n ïin ynpî^T « Je ne te demande que Jabné pour
y enseigner à mes disciples, y établir des prières et y accomplir toutes les prescrip-
tions religieuses. •
' C'est sans doute à cela que se rapporte l'expression 1"i:i SmS'lb r!N!n
tl3D'^DU5 (j. Sanh., 30 a), d'après laquelle les communautés devaient demander les dé-
cisions à Jabné ; cf. p. 40, note 2.
40 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Cour impériale, une mesure aussi importante pour les intérêts du
judaïsme n'était guère à espérer *.
C'est uniquement au point de vue religieux qu'on consentit à
placer Jabné au niveau de la ville sainte, et les consultations
adressées par les Juifs de Tétranger à l'Académie de Jabné ne
visaient que des questions religieuses -. C'est aussi le domaine où
se renfermèrent les réformes de Ben Zaccaï ^. Aussi n'oserais-je
pas décider si son Bet-Din de Berour-Hayil était un véritable tri-
bunal *. Il y aurait lieu de se demander également, d'après cela, si
la première rédaction de la loi sur le Siliarihon appartient à notre
époque '. Cependant il existe un passage instructif, pour fixer les
prérogatives de Jabné, qui mérite d'être cité ; ce passage dit qu'un
condamné à mort ne peut pas être exécuté à Jabné et doit être
amené à Jérusalem ^. Si cette opinion, qui est celle de R. Akiba,
devait avoir un autre intérêt qu'un intérêt académique, il faudrait
autant que possible la placer à l'époque des grands succès de Bar-
Cochba. Peut-être se berçait-on de l'espoir de rétablir l'ancien
Sanhédrin et Akiba voulait-il sauvegarder les droits de la capi-
tale vis-à-vis de ceux de Jabné. Rabban Gamaliel II montre un
zèle ardent pour relever l'autorité de l'Académie, mais il est très
douteux qu'il voulût la transformer en tribunal régulier. Il est
vrai qu'on fixa le règlement ' et l'organisation extérieure ^ selon
* Baba Batra, 10 a, il est raconté que les neveux de Ben Zaccaï eurent à souiFrir
des exactions romaines, — sans doute encore sous le règne de Vespasfen.
« Voir, par exemple, ffoullin, AS a : "iby"| nw^'^Û rr^n oT nb"^ l'2^ y^brMl
n32">b Q"'b:in ;:jibo n^o:' ••j^ rr^bj» ; voir aussi Sa«/j., 33 a : nisn rTjy?^
n2n"«n n^'n'Dn "^^Db rr^D^To Nm ...rsb*»:) DNn nbpr:;. Soit dit en passant,
il n'y a pas de conclusion à rattacher à l'expression Q">b^1 wJibw) (cf. Jelski, Die
innere Einrichtung des qrosscn Synedrions in Jérusalem, p. 69), car elle se retrouve
encore à une époque très tardive, dans la bouche d'Abbaï {Houllin, lia] et de
R. Isaac Napha {Kiddouschin^ 59 a, bli^b i:biSï< nb3>"^0 ly )D12T't).
' Yoir Mischna Bosch Hasch., iv, 1 ; ses discussions avec les Sadducéens on matière
d'aiïaires de succession (cl. Baba Batra, W^b] pourraient bien être de l'époque anté-
rieure à Tan 70, car il avait déjà à ce moment une certaine autorité, ci. Mischna
Sahhat, xvi, 7, xxii, 3, et j. Subb., 15 d, au sujet de son séjour de 18 ans en Galilée.
^ Cf. Sanh., 32 * : b">n ^^1nb T"3">"1 nnJ< riD"" Yn nnX ^bn • Va à la suite
du meilleur Bel-Din,. . . de l\. Yohanan b. Zaccaï à Berour IIa3il. » Le paragraphe
additionnel : b'TI ^"1*33 "i-ïl 1"lî< ...û'^n"! bip fi<*n, provient, comme on sait,
d'un autre passage et s'est glissé dans ce texte (et. j. Ketoub., 25 ci.
5 Mischna Guittin, v, 6 ; cf. Graetz, IV, note 2; Rosenthal, Monatsschrift, 1892,
p. 2 et suiv.
• Mxschna Sanh., xi,4 : ï-r53'^3'^ 'l"33 Nb"l "in-'^'^MJ ^"33 Nb IPiS ^^l^'^^ l^^N
y"^, ^^11 D'^b'iîiT^n'j bTi:in i"2b nnî^ \^byi2 Nbx.
' Cf. Jelski, /. cit., p. SI et suiv.
8 l'os. Sanh., viii (éd. Zuckerm., p. 427), au sujet du récit concernant l'ancien
Sanhédrin, dit : rT^n ns^-^n DOV bN-«b?2:i 't rT»r:u:D pi^ii "la nU'bwN n"wX
ipT hy aO'T' 'THN 1112 •'3D721 lbN72's::73 r^^'j'p'^^ 1^72^73 '\^2':i^^ nnwST N35<
"ipT bO mas •'jD73 "|j'^73'^7r « H. Eléazar b. Çadok dit : Lorsque R. Gamliel
siégeait à Jabné, mon père et un autre [sic^ se tenaient a sa droite et les anciens à sa
I
LES JUGES JUIFS EN PALESTINE, T)E L'AN 70 A L'AN oOO 41
l'ancien modèle, mais il me semble que c'était seulement en vue de
décisions et de discussions rituelles. Vers la fin de son patriarcat,
les rapports avec Rome étaient sans doute relativement favorables.
Il avait des relations tant avec les Romains dans la capitale *
qu'avec le proconsul ^ et son cercle d'action semble aussi s'être
élargi. Le gouvernement lui envoya, paralt-il, une délégation
pour étudier les coutumes et les lois juives, et cette mission eut,
en somme, un résultat favorable ^.
D'après une discussion, sans aucun doute postérieure de beau-
coup à l'événement % il était assisté de R. Josué ben Hanania,
exerçant les fonctions de Ab Bet-Din, lequel avait peut-être le
droit de prendre des décisions en matière de droit civil ^.
Ses autres contemporains et les membres de l'Académie exer-
cèrent également un pouvoir juridique, sans qu'on remarque à
leur sujet qu'ils aient eu besoin de l'autorisation de Jabné. Simon
b. Nanos est renommé comme un connaisseur très distingué de
la jurisprudence ^. R. Ismaël est connu comme un juge incorrup-
tible ^ Eléazar b. Azaria — dont un document peu sùr^ fait un
gauche. Et pourquoi un homme se tenait-il près de l'ancien à sa droite ? Pour ho-
norer l'ancien. » Le second « à sa droite » indique clairement que par « ancien • on
désigne Gamliel ; il n'y avait donc qu'un seul personnage assis à la droite du pa-
triarche CtHN) ; que signifie alors « mon père et un autre » ? Dans j. Sanh., 19 <*, on
lit T^HNI N35< • mou père et son frère » ; en raison de cette leçon, je propose de
lire T^ TIN iS3N « Abba, son frère », et je rapporte cette expression à Abba, le
frère et gendre de Gamliel (voir Yebamot, 15 a).
* Voir, au sujet de son voyage à Rome, Si/'rè, ^"py, § 43 et passages parallèles.
«Voir Sanh., Ma : ^riw\ In:::b'»::73 r-iTiJn brûb "|br;\D :i"n3 r-io:'72i
fc<'^"n03, et Baia Kamma, p. 83 a, et passages parallèles au sujet des choses permises
au ^"~\ rr^lD en raison de ses rapports ol'ticiels avec le pouvoir, rniDb73b 'j'^3Tip.
> J. Baba Kamma, 4 b : mTo'^b t-nr^T^nûir^o^^ "'DUî niDbTD nnb'::':: ii'::yi2
...bN'«b7û; pn73 nmn ; babu, ib., 38 a: biTN J-iyc^rr ^bciTo nnb'O "inm
bNnuî"^ ■^7:5n.
'*■ Ibid.^ lib, il est dit (|ue Gamliel, voulant affranchir son esclave, ne fit pas la
chose régulièrement : 1"3"N yUîirr^ '"1 Nm "l"3 "^DD^ &<bn j^"l iDN'13. A quoi ou
ajoute que le cas de K. Gamliel doit être distingué des autres, car ce n'était pas
devaut le Bet-Din. A celte observation il est répliqué que cependant R. Josué était
Ab Bet-Din. Voir encore, à ce sujet, j. Schebouot, 36 c.
' Bapoport, Erech Miilin, s. v. 1"DN, p, 2, attribue au Ab Bet-Din des pouvoirs
en matière de jurisprudence civile, tout en ne teuanl pas compte de ce passage.
8 Voir la sentence de R. Ismaël, Mischna B. Batra, x, 8 : pioy^ û'^DJl'^O ni£"l^ïl
■"S^m piD^b riiTT^rri ^^-n hM^ ^-\^^\n':^ 3>ii:p73 *;\\o r-n3i737a ■'2"«n3
^ Ketoicbot, 105 a : niujwSn N"ia:i Nirt" rvb \n"'\x :5>":i"«bwX 12 b.X5>7o\a"» 'n
Nmb ^b NDb"«OD b"N -«b n"^î< N^T b"N nn (cf. encore Guittin, 58 a : 5<b
bN"l\2î"^3 rr^mn nm!!^ "ly ti^'û'$^'ï2 tl^lZ'^ "I^TT). Le passage de Baba Kamma,
80 a, où il est dit de R. Ismaël que sa maison paternelle périt parce qu'ils pronon-
çaient en matière civile isolément (T^rfS mD173?3 "D'^T X^T\) est digne de re-
marque. Toutefois, dans ce passage il faut préférer la leçon "^"TIT^ 'J13^72UJ.
8 j. Berach., 1 d : Y^ IT^D 3i< imN '13''73 (voir encore Jelski, l. c, p. 34 et s.
et la note] .
42 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Ab Bet-Din — prononce un jugement dans la cause de Boethos qui
est portée devant lui *. Dans une discussion avec Eliézer * b. Hyr-
kanos, ses adversaires invoquent une décision qui remonte peut-
être à une époque plus ancienne. Une déclaration digne de
remarque est celle de Tarfon ^ qui recommande de ne pas porter
les litiges devant un tribunal païen ; lui-même résout des ques-
tions juridiques qui lui sont adressées*. Ce cas arriva encore plus
souvent à son illustre collègue Akiba ^ qui paraît aussi avoir joui
d'une légitime considération comme juge ^
Pendant les grandes insurrections qui se terminèrent par la
révolte et la soumission de Bar Gochba, les droits des Juifs furent
certainement restreints en ce qui touche l'administration de la
justice. L'ordination fut défendue sous peine de mort ', et très peu
de rabbins purent la recevoir secrètement. R. Simon b. Gamaliel
— le nouveau Nassi — eut d'abord à souffrir beaucoup de désagré-
ments de la part des autorités romaines s, mais il put bientôt pro-
» Baha Mccia, 63 a : lîliu: nO>'0 'J"'3'1T p OlP-^n^ l'.'CiyiZ ri^IITl^ -|"J<
ÏT'IT;-' *J3 î<""1 C"^ '^.'ZJ2, et Tos., ibid. (éd. Zuck., p. 379) et Mischna B. 21., v, 3 :
D'^^^Dn L."y nor Y'^M p Din"'^ ^m ^Dl. Au sujet de ses rapports avec
Boethos, voir encore B. Batra, 13 ô : ...l-^ilT \2 Din^DD irCVlZ ï-îlin^ "l"N1
» Mischna B. Batra, ix, 7 : -^^ab":; 1):i<n ïl^3>72 hTr^^N 'nb) 1? n^wS
♦..t^^'lS'l riî^ l?3'^'^p1 ...bSTl, décision de rAcadémie datant peut-être encore
d'avant l'an 70,
» Cruittin, 88 a et passages parallèles : r;nXO ÛlpTD DD n^lN IIDnz: 'l Ï^'^H
•jîlb ppTîlb ; une autre leçon porte, il est vrai : T^i<;3 'l-
*• On connaît la décision qu'il rendit à Lydda, Baba Mecia, 49 b, et il est ca-
ractéristique que les marchands, mécontents de lui, lui dénièrent le droit de pronon-
cer des jugements dans cette ville; cf. encore B. Kamma, 103 b : T>Sr!3 î^'w^T^
liD^'j '1 ''isb Nan ...û^n ^52 "«ro:?: npbo 'rnwX.
N3">p:? "^3"! DN lbi^'01, Muchna B- Kamma, viii, 6: m:N"i :i"-.Sw nnï<D r:w:';2T
T1T m^îT: 'T rib in^b in-«-«m r^n^p^* "^nn ^izh t^^:i -^r:::! r:*:;wsn;
Mischna Nedarim, ii, w : nn^PD r^rT^n ïiNsn inci^?: mr^ 'iMwSn ï-icrT:"!
^•v^usn *-i3"û "iDiTD ï-inwN ib^DkN M.t^n^pi* 'n "^^sb t>i2i "j-^-n 'Sn.
11 est intéressant que ce dernier passage soit une allusion à un événement de la vie
dWkiba, cf. j. Sabb., Id, au sujet de la femme dWkiha : Nn:''"'bp7: N:3T7û nîn
^<nmwX3 -^yb Nim rr^b Narrai «\r^-n.
« J. Sa>ih., 18 A : mr? rT^Tj'.p 'j-«^i?2 ^3*3 Stn c! ^3 wSir: •!:: t{3;^pr 'n
n^tpy "^iîb ^<b^ 'rr ■'-Db ^^n7:ir szpn "^tj ^:2b 1■^?^T' mn ï-r^b n?:N
rjDT^ p.
" Voir Sanh., 14 rr. au sujet de Juda b. Baba et des cinq (plutôt six) docteurs qui
reçurent l'ordination.
** Taatiit, 29 «, on raconte que R. Gamliel fut persécuté par les Romains et ne
fut sauvé que grâce au dévouement d'un grand romain; cependant, au lieu de R.
Gamliel, il faut sfiremcnt lire Simon b. Gamliel (cf. Gra^tz, IV. noie 18). Ces con-
fusions ne sont pas rares, cf., y^ar exemple, Ab. Zara, 20a : '5'2'w'"3 ï~îC^?3
rr^a^î n^3 r;bi*?3 "^3:; by rrrriJ, ou il faut lire 5"n ; j- i^->id.. 40c, et Mischna
LKS JlTiKS JUIFS EN PALKSIIMO, hK lAVN To A L'AN '.m -'«S
céder à la convocation du Sanhédrin à Ouscha, où des questions
juridiques furent également débattues K Du reste, Simon b. Gam-
liel rendit souvent des décisions en matière de droit civil * aussi
bien que ses collègues, sans que nulle part il soit question d'un
tribunal central jusqu'au moment où l'Académie d'Ouscha exerça
son action ^. Parmi les contemporains de notre Nassi, nous trou-
vons d'abord R. Yosé b. Halafta, qu'il tenait en grande estime,
s'occupant de questions juridiques*. Par contre, à l'époque de
Simon b. Yohaï, le droit de juger en matière de questions d'ar-
gent fut aussi enlevé aux Juifs ■•, ce que Graetz rattache à la révolte
qui aurait eu lieu sous Antonin le Pieux ^.
Eroîibin, vi, 2,où ilt aut aussi remplacer ^""i par 5"312)*1, suivant la baraïtab., 68 3. —
Ib.^ le patriarche est appelé ûH^nr» b>'3; Abr. Krochmal, Scholieii mm babl. Talmud^
dit que ce mot est mis ici pour Ûnn « sceau >, qui était l'insigne de la dignité de
patriarche, et nous trouvons le patriarche Juda III en possession d'un anneau pré-
cieux (cf. Moed Kat.^ 12 6 ; Uroubin, 69 a]. Cf. aussi la remarque ingénieuse de Jelski,
. cit., p. 'îS, note 2.
* Au sujet des dispositions qui y furent prises, voir Ketonb.^ 50a; j. ibid., 28 i :
Remarquons, à ce sujet, ce qui est dit, h. ibid. ; bi< T3T372Î1 Ij'^pnn t*<i'J1î<a
KbT ':j7:n^ nnv ?3T2b ujpn'^ in&<3 Tv^v*i2 ...•::):nt3 "nnv T^Tn-»
^T^yj '-1 135DT ninn ...33':j'« '^ inb -«nT^N-i nnu:-^ 'n i3?3-i i-i^nn ib n'^:n.
Dans la première partie, le mot lïiN est décidément étrange. Quand on dit de
quelqu'un 32^"^ 'n 1572T TT^inn, ce n'est plus un anonyme quelconque. Je ne crois
pas me tromper, en lisant ici "ilTINS •=: Elischa b. Abouya. Nous savons que son père
faisait partie des gens riches de Jérusalem (cf. j. Rag.^ 11b] ; le fils devait donc
aussi avoir eu do la fortune. Je ne voudrais pas me prononcer sur la question de sa-
voir si "IJIN a été transformé intentionnellement en ^riN, afin de ne pas attribuer
à un apostat une intention si généreuse. — Cf. encore, pour ce passage, j. Pea, 9 h :
SN-^b^ij p^ nb nb'vij vdidd b^D p-^bn!!-! "i^i^t: nnuîi '-i3- nc:^'^;
le fait que ces docteurs habitaient déjà Ouscha avant l'assemblée du Sanhédrin est
déjà indiqué par j. ibid. : N^lJ^b X:\''\y^ Nb :\"ni- Cf. encore la note 3.
2 MiscimaB. Mecia, viii, 8 : ^1^3^72 NDi ...yn^i): nD"c:uî TH^sn mci:^ nuji'?:
3 Cf. eacore Baba Batra, 28 b : b^r'^^MJ"' 'n i^'OlwN ^IDbirt \iXn ; il y eut donc
antérieurement déjà des synodes à Ouscha. Pour l'époque postérieure, cf. ihid., 146 a
au sujet de cadeaux de noce : "^ssb rrr^::!! "lUJ NHi^ 'H nb^H t^^bn y\^
NWiNb d'^)D!Dn. Quant à l'époque de ce R. Aha, cf. Ketouhot, 88 (^ : t^ni< 31 "1)35<
* Cf. le passage de la Mischna cité à la note 2 ; Tos. Maccot, i, 3 (p. 438) : *i:2'»î3
fnnTGlDïn; mais particulièrement j. Sanh., 18a : "JinN Nnabn 13 "^Ol"^ "1
■^3wS "jib n73wN r-imn ]^^ lis^inu: sn^To b:^ ...ï-rrjip ';^T^73 02 nn in^
insb n}:N i<3'7 1112 ^li^j-^br '[■^bnp?^ ...n^in i^t i'Ti^ -^3^^^.
» J. Sanh,, 2ib : bwSnuj-^T^ m^iT^?: -«2^1 ibz:: inT p '>u"-) -^^j-^a
ITT'?^ Û^lDn N^-^b"! N27an"l T«n3 ■"'^''^J'-IwN. h est à remarquer que R. Simon,
qui fut tant persécuté par les Romains (cf. Sabb., 33 b), était le fils d'un homme qui
paraît avoir été en relation avec le gouvernement [Pesakim, 112a), et que son tils
fut au service de Rome (cf., plus loiu, au sujet d'Eléazar b. Simon).'
^ Geschichte d. Juden, IV, note 20.
44 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Nous ne savons rien de précis des relations du patriarche Juda I
avec l'autorité romaine, le conimerce qu'il aurait entretenu avec
l'empereur ayant été contesté *. Peut-être pourrait-on trouver
des traces d'exactions commises alors par les Romains * ; mais, en
général, le patriarche semble avoir joui de pouvoirs étendus et les
relations entre les Juifs et les païens paraissent être devenues
plus étroites *. Juda Ha-Nassi procéda au remaniement définitif
de la loi du Sikarikon* et prononça encore d'autres arrêts de
droit *. Il faut faire ressortir surtout qu'à partir de ce moment,
l'ordination ne pouvait être conférée que par la maison du pa-
triarche '^ et que les communautés instituaient leurs juges sur sa
recommandation '. Du reste, Juda établit pour leurs votes une
règle fixe ^, mais il semble cependant qu'alors aussi — comme
pour le cas du Sikarikon — l'Académie se constitua en tribunal.
» Cf. ihid., note 23.
2 Cf. B. Batra, Sa : ÎT^^^pb IHw^ N^^-Jt^ lî^CI Nb^b:D ^fZl t^lï^ï^^
•«sn^ ; »it<^., i43fl : i5"naDNi -«yn^N î<r>b?3 ^3^ -n'^iî^ «b^DS 1721 N"inn
■^H"! *173N. Cf. aussi Pes., 112 è : parmi les quatre choses que Rabbi recommande à
ses fils 0^7211 V^ ^"niy nnnn b^T ; la formule ^b inD'vi:?: &<^:b-I appartient,
il est vrai, à une époque postérieure. Il faut aussi remarquer sa recommandation à
son successeur [Kctoub., 103 b) : Qi73*73 ^nt<'^u53 MMS « Exerce le parlriarcat au
moyen de la corruption » (suivant la leçon de Raschi et de l'Aruch). L'inauthenticité
de celte expression ainsi que de celle qui suit Û'^'T^?3bn3 H*112 p1"lT « répands
la terreur sur les disciples » me paraît certaine ; ces paroles ont dû être mises
dans la bouche du patriarche mourant par quelque malveillant (peut-être S"iDp "ID^
afin de faire connaître que les principes du patriarcat [ibid., mî<"^Ui3 "^"llDi étaient la
sévérité et la corruption. — Il est possible aussi qu'au lieu de Q'^7û^3. on doive lire
C^TOTH^, • à Paide des Rornains ». Pour les rapports de Rabbi avec les Romains,
il est caractéristique qu^il n'était j^uère au courant de leurs usages; voir B-Batra^
164 J: û'^nuî i^aiTD r!2u; Y-'^ ^t r-T?:^^^ bo n:\n372 lp -^a-ib i-^s",! b"Nr
' C'est de cette époque que date, sans doute, Texpression [Tos. B. Mecia, v, 20,
p. 382; j. t3/</., 10c) : Sn-t:j-» ^137:0 "^i^ ...t*^D-i"TJ'^DwX ^15 T>:^':: bi<i^\
* Cf. Mischna Gîiittin, v [Tos., p. 328) : DN^ 1j73:1 n""'3 n"'C"in ■'3"1
lain 3""^ llp'^'lpDïl "^DD^ ïnnMO. L'éd. de Cracovie du Talmud de Jérusalem
porte ^"3 2'^'wTn i'IUTÏT^ 'H, ce qui est une fausse transcription de "^"DT-
* Cf., par exemple, j. Schcb., 37a : "^Dl i^cb N3 ïlC^Tû, où il s'agit de ques-
tions de prêt; j. Ketouh.^ 25a : "^a^ "^^DD ND r:w53?73, où il s'agit de droit
matrimonial ; ibid.^ 34 r, est douteux, parce que ^("DUJ"! est désigné comme *7j'^pT ;
j. B. M., 8r,à propos d'une trouvaille ; 9 c, à propos d'un dépôt : b. B. il/., 73a,
R. Ismai'l l'entretient d'une décision concernant des achats et ventes.
« J. Sanh., 19 a : iiTH vT^T^bn pwN ï-i37i7: ^HwNi nriN b^ n^n n:rw\x"ia
VN N"«;2:2r! r-i3>ib «bu: n:70':: n''-^^ 'i-i?2wS riTn n^ab nns ipbm
"^1373 Vy^'û (voir pour l'époque postérieure, Yoma, 78 a : "^sb ITT^in riT "^DT
' Sur la demande de la communauté de Simonis, Rabbi lui envoie Lévi comme
juge ; cf. j. Yebam.^ 13a, et passages parallèles.
» 6'flnA., 30 a : '^bnr\i2 Tin n"»! \n:?3t -«inni N3^37:?3 N^n wn:n* m n7:N
^^25"^^ 3 ; d'après Uuittin^ 59 a, cela se rapporte au vote concernant la loi du Sika-
rikon. Il est quelque peu surprenant que Rab fût adjoint au vote quoiqu'il n'eût pas
reçu l'ordination ; son ordinatiou — d'ailleurs incomplète — n'eut lieu qu'avant son
départ pour la Babylonie ; voir 6'a»A., 5 a.
LES JUGES JUIFS EN PALESTINE, DE L'AN 70 A L'AN 500 45
Un contemporain de Rabbi — R. Eléazar b. Simon — présente
l'administration de la justice à cette époque sous un jour très défa-
vorable et blâme les juges qui infligeaient injustement des châ-
timents corporels *. On sait qu'Eléazar consentit à faire pour le
gouvernement romain l'office de bourreau *, et il s'est formé à
son sujet la légende que même après sa mort il a encore rendu
des arrêts ^. R. Ismaël b. Yosè — qui fut aussi quelque temps au
service des Romains * — fut le modèle de l'incorruptibilité * et,
suivant toute apparence, un juge très recherché ^.
Le successeur de Rabbi, Gamliel III, était tout à fait sous l'in-
fluence des docteurs et dut aussi faire des concessions à l'Acadé-
mie au sujet de l'ordination \ Cependant, au dehors il était res-
pecté comme un grand dignitaire ^. Le directeur de l'Académie,
sous son patriarcat, R. Hanina b. Hama, est souvent nommé
comme juge », et l'ami de Rabbi, Hiyya le Babylonien, est égale-
« 5aW., 139 a: ûir-^nr; tb^ û"'r\a-i ÏTJ72 ...iiy^û^a '-13 ti"-i ût::72 \\b>jU3 -l"N
ûn^iTnb bpTD T>a3>3^, et Sanh., 98a: '\^yl2^ '13 N"-| ûiu:7û ^Nbwu: n"N
b^nW^T: Ûi-i::iUJl Û-^UDITD b^ ^b^^X ^y N2 in p ';"^t<. H est intéressant
qu'on représente l'état de choses à Babylone à celte époque comme voisin de la bar-
barie, cf. Ouittin, 14 3, etj. Kidd., 64 a, où on raconte que R. Ahaï b. Yoschia envoya
un jour deux de ses collègues à Nehardéa pour encaisser de l'argent et que ceux-ci
coururent un danger de mort; il faut encore noter que R. Ahaï lui-même paraît avoir
été enseveli dans le voisinage de Nehardéa, voir Sabb., 152 b.
* B. M., 83 5 : ^n:: 0"^Dn t<pi pS^^JUJ '-13 niybi^ 'nb ï-rvnt^. Cf. Graetz,
(2«éd.), IV, p. 227.
* 73., 84 3 : n^nbTû -i7:t !-i\nb?3 -172 -i72N î^^ib -«-in -^n \nN -nn ^^
a'^'^n rTn&< "^^ibs uj-it^ i-i-^'n-^byn xb-p p^ss.
^ B. M., ibid. : r^-ib ï-Toy?2 ^sn ^"D N-J7: "'Oi"' 'hd bx^'^û'C'^ 'n qi<r
5 Ketoub.,\<ddb : '^n'^^^2 rTim !-I-'0"'-li< b^^-l ï-nïl ^OT^ '-12 bN3>72U:"' n
V3''"'ipi pam "^TiT nn-it? '^b NDb"^OD b"t< "^b n^i^ Nri ...rr^b.
^ J. Sckebouot, 37 fl, au sujet du fermier de Bar-Zaza qui conBa à quelqu'un une
livre d'or ; cf. aussi B. M., 73 a, et B. Batra, 59 3, au sujet de discussions entre
voisins; Sanh.^ 29 6, au sujet du testament d'un homme surnommé a'^DwîT N"1333'
"nS^lî^ « la souris couchée sur des dinars ».
^ Selon moi, la suite de l'expression de j. Sanh.^ 19 a: NbOT .••l^'^pnm 1-lTn
n"">3 nyn73 Nbt< !nD7273 iS''':::^ Nrr^, se rapporte à son époque.
* LMnsigne de sa dignité était peut-être la clef d'or qu'il avait l'habitude déporter;
voir j. /Sa33., Sa ; -iT^n sriT bw nnD7:T .,»b->->ub in"^ "^n-in :\"-|. Voir encore,
au sujet des honneurs rendus à ses fils à Caboul, Semahot, viii, où il faut évidem-
ment lire, au lieu de bnnb "^NDT pb, bl^Db *'NDT 'nb ; voir à son sujet,
Vayikra Babba, xx, rn7D "^-inj^ au début, et, au sujet du séjour des fils de Gam-
liel à bn^D, Pesahim^ 51 a.
® J, Ketoub., 2o3, à propos de questions de droit matrimonial; de même, ibid.,
29 3;j. B. M., 12c, à Sépphoris au sujet d'une maison ; j. Gittin, 45c?, au sujet
d'un esclave fugitif; B. Batra^ 126 3, à propos d'allaires de succession ; ibid., 164 3,
on lui présente un UTIDD ^JH avec la mention de l'année du règne de l'àpycov. Le
contexte indique un àpycov païen (comme, par exemple, j. Berachot, 9 a : '^^y
^iTOpTO Dp Nbl NilD'l'N) ; cependant il est peu probable que dans la rédaction d'une
lettre de change on ait parlé de la date d'entrée eu fonctions d'un proconsul. On
46 Rb:VUK DES ÉTUDES JUIVES
ment désigné comme tel '. Rabbi Yonathan était aussi connu
comme un bon juge, et sa valeur fut même reconnue par un Ro-
main *. On cite aussi des arrêts rendus par d'autres disciples de
Rabbi, par exemple Bar-Kappara et le père de R. Hoschaya ^,
Josué b. Lévi *, ainsi que R. Banaah, qui, ayant été accusé auprès
du gouvernement, obtint, par l'habileté de sa conduite, son acquit-
tement et l'autorisation de TEtat à juger ^ ; R. Yolianan aussi
possédait peut-être le droit d'infliger des peines corporelles ^.
C'est à cette époque qu'appartient aussi Isaac b. Hakoula \ qui
rendait des sentences.
Nous arrivons maintenant à la période des Amoraïm et nous
devons faire remarquer ici que les exilarques de Babylonie pa-
raissent avoir eu une compétence plus étendue que les patriarches
de Palestine. Les exilarques, ayant une position officielle, ont dû
exercer le pouvoir judiciaire ^ et prononcer même de graves
sait qu'il y avait aussi hors de Palestine des archontes juifs (cf. Schurer, Gemein-
dtverfassung der Juden in Ro7n (Leipzig, 1879), p. 20 et suiv., et ibid,^ p. 23) et
que, d'après une source ancienne, leur élection avait toujours lieu en Tischri.
1 R. Hiyya, Sanh., p. 5«, dit de lui-même '•\-^r\^':i m517372 "^n p Î<3N 115D ;
voir au sujet de son activité, B. B., 59 h^ à propos de querelles entre voisins, B. M.,
17 fl, dans le procès de OIj'^"))^ '"i3 "^iSnnUÎ avec sa hru (aussi dans j. Scheb.y
37 a); j. B. M., 12c, au sujet des deux partis dans l'Académie ; j. Scheh., 37 rf, au
sujet du dépôt confié par le fermier de Bar Zaza ; j. Sanh., 18 i, R. Yohanan se pré-
sente devant lui pour une aiïaire personnelle et Hiyya s'adjoint un de ses disciples
pour rendre l'arrêt.
* Cf. j. B. B., 13 c : !mm ^•^J2^^ ^n l?:n i^im niNna 1^^î^ Nirr ]r\:v 'n
fc^TirT^T "jirîrîbN ^"^na ^UH p53 „X3 nn Nirr n^b ; la même chose est racontée
un peu dill'éremment dans b., (iO a, de R. Yaimaï, sans qu'il y soit question toutefois
des Romains.
^ J. Scheb., 37 1, dans le procès de R. Marinus avec sa bru devant R. Marna, père
de Bar Kappara, et R. Hoschaya, où il faudrait, au contraire, lire R. Hama, père de
R. Hoschaya, et Rar Kappara, comme ailleurs, par exemple j. Nidda, 50 c.
* Voir j. Guittin, 45 rf, Josué b. Lévi avec R. Hanina au sujet d'esclaves fugitifs ;
c'est aussi en compagnie de ce collègue qu'il se rendit à Césarée chez ràvO-JT^axo;
(cf. j. Ber.y 9 a), qui lui témoigna beaucoup d'égards.
" Cf. le passage intéressant de B. B., 58 fl, à sou sujet : ^"2 N:i'"iip "îb^i^
«bm "^^riD wNbn v::^^^)^ t^^i^:?: p^^)3 Np^ \N'nrT^D "in ^*::\N -^n^rN t^Db»
li'i'^iT wNnnM nn^b \NrT "^biD D^^m b\sir; inT:^ ...irnu^nn irn^n.N -^^-^12
NS'^T. Lo même reproche fut adressé à peu près à la même époque à R. Schila,
Berach., 58 fl (sans doute à Nehardéa, cf. Ycb., 121 a) : 5^n3i "^N^b rT^^T^!; Nb"^"»:; 1
Npn \N^ir;^n î^nn:, ^n 5«n\N n^wN NDb?: "^n Ni:-np br^s bîwX r\^n:ii2 b^yzii
ND?3-ir; Nbn Ni^i i^n.
^ Voir j. iVfl, 15 rf, où R. Yonallian, chcrciiant ù exhorter quelqu'un .i remplir
ses devoirs de piété filiale, R. Tannai lui dit : r;■'J^n■^Dr Nb m'':! « pourquoi ue
l'y forcez-vous pas? . ; cf. avec ce passage Kttoub.. i\ib.
' Voir j. B. Batra, \'ib, ù propos de troubles causés par les voisins.
« B. Kamma, 58 3 : -^b r:72b rTwNDncT Nn i\'<"'^ NPib:; um "^^i.
LES JUGES JUIFS EN PALESTINE, DE L'AN 70 A L'AN SOT) W
peines corporelles*. Cependant le patriarche Juda JI^ le fils de
Gamaliel III, avait aussi des pouvoirs étendus, ce qui s'explique si
nous admettons avec Graetz qu'il était l'ami de l'empereur
Alexandre Sévère ^. — Il avait sans doute aussi des insignes de sa
haute dignité'' et pouvait faire procéder à des exécutions par ses
gardes du corps ^. — Cependant, à une certaine époque, il paraît
avoir eu beaucoup à souffrir des exigences du gouvernement \ Il
chercha à se tirer d'affaire en chargeant, contre tout usage, les
docteurs d'impôts % bien que les Romains eux-mêmes affran-
chissent les docteurs juifs comme leurs propres savants ^ de toute
contribution*. Par ces procédés et surtout par son népotisme en
ce qui concerne la nomination de fonctionnaires et de juges in-
dignes ", il se rendit impopulaire chez beaucoup de docteurs. —
C'est aussi à cette époque que Simon b. Lakisch a dû prononcer
son arrêt de condamnation contre les juges *".
La première place parmi les docteurs de cette génération re-
vient à R. Yohanan. Il jouit d'une grande considération comme
* Voir Sanh.^ 27 a, où il est dit que l'exilarque voulait faire crever les yeux à un
meurtrier présumé; au sujet delà considération dont il jouissait, voir j. Ber., it, 10 :
u:'in i&< n:j3p-iN ^ui-p NDb?3 ^'^^'p b^b:? 1^)3 nn72wXT ...nmi rr^-^n'-i -i)jî<
Nnibi; (cf. aussi Schebouot, 6b, et j. itt loco].
* G. d. /,, IV, note 23. Je liens encore à appeler l'attention sur le passage si inté-
ressant de VHi&t> Aug, Alex. Sev., ch. xlv (cité par Th. Reinach, Textes des au-
teurs grecs et romains relatifs au Judaïsme, p. 349) : « Dicebat grave esse, cum id
Christiani et Judaei facerent in prœdicandis sacerdotibus, qui ordinandi sunt, non
fieri in provinciarum rectoribus. » M. Reinach, note 1, pense aux « membres des
synhédrins locaux ». — Il faudrait aussi rapprocher de cela le passajçe d'Orig., ad
A fric, 14 : yîyvsTai ôè xal xpiTr,p'.a ).£X-o6ôtw; xarà tôv v6;j.ov xal ûi/.àî^ovxal Ttva;
Tùv £711 T(o Oavàxrp. .. Graetz (ibid) le rapporte à Tépoque de Juda Ili, environ en
240, peu de temps après la mort d'Alexandre Sévère.
* On sait qu'il avait une garde de Goths, j. Horayot, il a : UÎDnT^b 'j'^'^mS tlbo
'::V5 po"n n^; Ber., 44 a : rmnnî^ "l'^Dib^n rîwN"";::: •'"-i mu:?^ riirr (soit dit
en passant, R. Nahman en Babylonie paraît aussi avoir eu une garde du corps, voir
Kidd.^ 33a: INTl^ *TT12373 'J7jn3 1"!, peut-être les gardes du corps de l'exilarque;
nous trouvons aussi des serviteurs goths chez R. Abbahou, j. Yomtob, COc). Peut-être
Juda II possédait-il aussi un uniforme, voir B. B ., 111 a, où R. Yannaï dit de lui :
"'i<'» rr^nbir^T ^J^i "^rr^i^, j. Sanh., 20 c, R. Hanina l'exhorte à mettre son vêtement
d'apparat, alin qu'on puisse contempler t le roi dans sa gloire >.
•^ i. Keioub., 33a: r;^"^?^ p^DwNi nN'i'::3 ■'"m ^r\'2v '^-«pb \2 "::"-i ■•n'^tî^;
Nidda, h-ia : N':;-ib3 m'^J Hw^'^os "«"nb mTj.N i3m^ 'n br^s.
" Voir Ber. R., 78, et, au sujet de son caractère, Weiss, li'Jim "m "in, III,
p. 67 et s.
"^ et. Kuhn, Die bûrgerlirhc und stâdtische Verwaltnng des rômischeti Reiches^
1'- partie, p. 83 et s.
* Voir les ordonnances y relatives (années 330 et 331) dans God. Théod., titre 8, §2.
" Voir les passages cités souvent,. 5rt«/^., 7, et j. liikkourim, m, 3.
'" Sabb., 139a : ibt< û^D ibN:;3 û:d"^dd 'J^pb p '0"n nr:iJ2 w:^ n"«
48 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
juge*, et ses relations personnelles avec les fonctionnaires ro-
mains paraissent avoir été excellentes ^. De même que R. Yohanan
alla consulter, pour des affaires personnelles, ses collègues plus
anciens '\ il vit ses collègues plus jeunes solliciter ses décisions *,
et il était souvent requis pour des questions juridiques ^ Cepen-
dant il faut toujours répéter qu'à cette époque encore, il n'est pas
question d'une instance supérieure, et qu'il n'y a pas trace d'un
tribunal général.
Simon b. Lakisch, qui avait des juges de son temps une opinion
si défavorable (voir p. 47, note 10) et qui approuvait les procédés
un peu vifs de son famulus vis-à-vis d'un mannequin érigé en juge
par le patriarche ^, était lui-même un juge très estimé. Un fait ca-
ractéristique au point de vue de sa situation, c'est qu'il fut consulté
comme juge par deux familles distinguées de Sépphoris, à propos
d'une affaire qui, il est vrai, était plutôt une affaire d'étiquette \
» Voir j. Sanh., 2\a : rT^-i2nb lu iTjN N">:Drj3N:3 ]^i iib riiH MJs "12 ^^nn
•^by bnp?Û n72N ">""n nW; tàid., on parie des N^mOTÛ m5<D"13', que Simon b.
Lakisch désigne comme n'ayant pas d'autorité; Sanh., 23a, c'est R. Yohanan qui
montre de la méfiance à leur égard.
« Voir j. Ber., 9a : -133^ imcim bnm Nn'^D'isD '^'Ki^'p n-TT» mn i^nT» 'n
p-^D^ Nirt rr^^-iD^ n-^oiToin rr'DiDD.x iib "i?2N ...Dp Nbi n:i2-in.
3 J. Sanh., \Sa-b : nn r>^:i^ :i^r\^^i< nn-i n^^n 'n ^72^'p 1^T^7: b->T&« pnT< 'n
T^wbn.
* J. B. B., 16 b, "Eléazar et Simon b. Yakim lui soumettent un cas relatif à une
affaire de succession ; B. M., 48 b, il rend une décision dans une all'aire commer-
ciale où était engagé R. Hiyya b. Josef ; j. B. B., 17a, dans une alîaire concernant
une sœur de Simon b. Abba ; j. Sanh., 21 c?, R. Lévi (cf. sur lui Bâcher, A>jada der
palàst. Amoràer^ II, p. 7, note 6) vient chez Eléazar au sujet de l'achat d'une maison
el est renvoyé à R. Yohanan, de même Eumachos au sujet d'un moulin.
5 j.Ketoub., 2Sd : ^"^^n "{iT ii^'p^y b"wN pm^ 'n "^arib np^î Nnpi:'; j. B.
Meçia, Sb et 64 i, à propos d'objets trouvés; ibid., 9c, à propos d'all'aires commer-
ciales; j. Kidd.^ 60a, à propos d'une esclave; ibid.^ 62c, à propos d'objets mis en
gage ; ^. Batra^ 143 a, etj. B. B.,\la, à propos d'atfaires de succession : t<'^n3Iû3
NSbc "^""1 ÏT^D^NT ; Ketotib.^ 84 i, dans l'affaire d'une de ses propres parentes, ce
qui prouve également que, pour ces sortes de décisions, il ne peut être question d'un
véritable tribunal. Enfin, il faut encore voir B. K.^ 99 b, où R. Yohanan prend une
décision relative à la responsabilité du schohol dans la synagogue des Méoniles
CjiyTDl Nnr::^); cf. Sabb.. 139 A : 'jl^'TDT NP'^UilD "^32 Hin «121^ "«DN n"N
(naturellement cela se passe à Tibériade). Un passage intéressant à ce sujet est celui
de j. Sanh., 20 d, fc^-^nnUT Nn"*rD32 •^^^y•}2 "^OV 'Cil, c'est-à-dire Nn'J2D2
llJ'TD^, il parla dans l'assemblée de ses concitoyens.
•' Sank., 7 //; Juda b. Nahmani, le 'JTDIimrDO de Simon, insulte publiquement un
juge institué par la maison du Prince el promet aussi une grave punition au patriarche
lui-mOrae, sans doute en vertu de la sentence de Simon citée en cet endroit : 5"nX
n"l':\N y'^^'2 ibN:^ ll^rt IS'^NO I'^'^I T'TDy?:^ b:D. Au sujet de ses rapports avec
Juda b. Nahmani, cf. encore Keloubot,Sb.
7 J. iTorayot, 48 r : N73r»::2 'l'^bii'O N-'^riDT tî^::Tib2 5mDi:2 Yyi'; vn"!»""
m-^pb '2 \:)"nb n^bwSnCwN w^r'rp b^y^'D 11^2 linis dt* bD2 n-^d^t. H n'est pas
possible de savoir si ces pou>veuT>i;' faisaient partie d'un conseil juif.
LES JUGES JUIFS EN PALESTINE, DE L'AN lu A L'AN 5o0 49
On mentionne encore beaucoup d'autres décisions prononcées
par lui'; parfois on cite de lui des arrêts en opposition avec
ceux de l'Académie*, ce qui est une nouvelle preuve que celle-ci
ne se constitua pas en tribunal. — Simon b. Lakisch prononça
aussi des sentences pénales ^ et infligea des amendes considé-
rables *.
Yosè b. IlanJna, un des plus anciens disciples de Yohanan
(voir Frankel, Met)ô hayerousclialmi, p. 102^), fut de la part
de la postérité l'objet de louanges pour sa science juridique'-,
et il paraît avoir eu Toccasion d'employer ses connaissances
théoriques*^.
Le successeur de R. Yohanan — - Eléazar b. Pedat — fit preuve
d'une grande réserve vis-à-vis des Romains", et, comme juge, il
fut d'une extrême modestie ^.
Il était déjà en fonctions à la mort de son maître, d'abord, il est
vrai, seulement comme président de la communauté '^ Il eut fré-
quemment à exercer ses fonctions déjuge *^
Au sujet de la situation du patriarche Gamaliel IV, nous ne
savons pas grand'chose; cependant la considération dont jouissait
' J. Kilaïm, 31a, Simon b. Lakisch fait payer R. Eléazar; Alaccot, 5a, une
femme dont les témoins furent plusieurs fois convaincus de mensonge vient devant
lui ; Ketoubot, 84 b, le procès d'un parent de R. Yohanan.
> ù.B. B., 16 0 : n73-ip ûp n-'jin">"«m "i^n-i ^72ip ^'\1^y n^b mn Tj-icûot" 'n
^••ODsb mn b^T n^b -i?2N w^pb "O-^i.
^ Cf. le passage déjà ciié : j. Ketoub., 33 a : •^"-\1 ina.'' 'O^'pb ]'2 '^''^ '^D'^'^K
n-'ryj p-iDwST îluS^OS.
* J. B. K., 6c: -on n^^ip i^^m:? Nn5< HD-'Dn HD tllV '"ib T«Dpw\ "JS 13 IH
anni'l ii^'^^b rt^DjpT i::">pb, etj. Ketoub., 2Sd, au sujet d'Ouscha : ni< TiDp72
«"in Nr3n nn •^"-\ -«nTawN in^m "jpTn.
5 B. K., 39 a, Rabba dit de lui : Nj^IT NpTOI^'b ^\'^T\Z^ N3"^-«l.
^ J. B. M., 11 a, au sujet d'une dispute de R. Nehémia avec ses journaliers. 11 est
à noter que le même fait est rapporté, B. A/., 83a, de Rab et Rabba b. Hanna (c'est
ainsi qu'il faut lire et non "iD 1:2, cf. Sanh., 5 a).
' Voir j. Sabbat^ 8 c ; le même fait est rapporté Berachot, 62b, où évidemment, au
lieu de ÏINDTD, il faut lire nj^TSl'H (cf. la confusion si caractéristique de B. K.,
117 a, où les Perses, '^J<0"!D> sont transformés en Grecs, ^î<jT^, et réciproquement,
pour ne pas dire que les Romains n'usaient pas de représailles).
* Voir sa sentence Sank., 1 b : Clp ^V '''C^<•^ hv JCD"^ Nbo '{'^'^ib 'J'^j73 « D'où
sait-on que le juge ne doit pas opprimer le peuple saint ? »
' "Voir pour le premier point, le passage cité p. 48, note 4, j. Sanh., 2\d; pour le
second, B. B., Ib, où Eléazar adresse à Yohanan une demande sur une question
d'impôt et Yohanan répond mnTQDTJ rî3 J'^p'^jD '^Tyb^^^, d'où on conclut, d'après
j. Péa^2\ a, ODTD i^l^^ "iTJ'b '"1 qu'il occupait les fonctions de président de la com-
munauté (cf. Bâcher, Agada d. pal. Amorâer, II, p. 7, notes 4 et 5, contre Weiss, III,
p. 88) ; au sujet de ses capacités comme Paruass, voir la sentence de R. Yohanan
Sabb., 114 a, et Toma, 22 i.
*° Cf. j. Kttoubot, 30(/, au sujet des biens d'orphelins, de concert avec des col-
lègues ; j. B. Batra, 16 <i, à propos de questions de droit matrimonial ; B. K., 117 J,
R. Abba se présente devant lui au sujet d'un procès.
ï. XXXIX, N« 77. A
50 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
son contemporain R. Abbahou auprès de l'autorité permet de croire
que, lui aussi, il avait avec celle-ci d'excellents rapports. Abahou
était le représentant reconnu du Judaïsme devant le pouvoir ro-
main ', et il parait avoir eu le droit d'inflii^er des châtiments cor-
porels 2. 11 parvint à apaiser la colère du proconsul ^ qui menaçait
de frapper ses collègues. Il avait coutume de prononcer des arrêts
seul*, et il est remarquable qu'un jour un de ses collègues, plus
jeune que lui, lui fit le reproche d'être partial en faveur du Pa-
triarche ^
Les sources deviennent un peu plus abondantes quand nous
passons à l'histoire de l'époque de Juda III et de ses successeurs
au Patriarcat. — Au temps de Juda III^ nous trouvons dans les
communautés de Palestine des agents du pouvoir exécutif, sorte de
policiers % et le Patriarche paraît avoir eu un extérieur digne de
ses fonctions '.
Nous savons, par des sources non juives et peut-être aussi par
des sources juives^, qu'il y avait une classe de nobles juifs qui
avaient le privilège de rendre des arrêts de droit, mais il est diffi-
cile de prouver qu'ils avaient véritablement la haute juridiction*.
1 Bâcher, l. c, p. 94, daprès Ketouèot, 17 : salutation solennelle adressée à Abba-
hou par la matrone du proconsul.
» Voir j. Bikkourim, 64 a : n:)^odd by rp^^nn^T in2N 't VZ'ip Nim^ i<nx
* Le l'ait fut soumis à K. Abbahou, qui le fit étendre ipour lui inlliger la llagellalion) ».
' J. Meguilla^ 74 a, et plus loin, p. 51, note 2.
* J. Sanh.^ 18 a: V">^P"' Nm-i73 Nnc:D3 y''^ n^TT» mn inns '-i
ÏTi72-);ib. J. K'toubot. 33 a, il juge une atlaire conceruant une veuve ; B. K.,
112 b, un dillérend entre R. Jéréniie et son heau-irère.
'■■ HaçjiiKja, 'Oc, Pesifda di R. l'ahnn (<;d, Buber, p. 120 ^1 : rtbw N'^'^wD pT' 'H
xnnp "^"niûwD inb pn^-'x nnwS inb i^bv ..."^on 'nbi n^T '-^.b « H. Juda, le
Patriarche, envoya H. Hiyya et U. Assi dans une localité. Les gardiens de !a ville
vinrent près d'eux... • ; une autre leçon porte : ^<'^ZJJO^ S^îT^lÛT^ Cl « le chef de
la garde et les gardes ».
'' Juda 111 avait un anneau précieux [M. K. 12/', et passages parallèles), saus
doute comme insigne de ses fonctions; j. Sabb., 8c, il est parlé de Liermania son
serviteur, ÏT^ID^ N'^i?j"l3 ; peut-être avait-il des esclaves germains, comme son pré-
décesseur Juda 11 avait des Goths.
^ Code Théod., XVI, litre 8, § 8, de Tan 392, traite de la plainte des primates au
sujet de ceux qui rendent des arrêts juridiques saus en avoir le droit (au sujet des
« primates » de l'époque postérieure; voir ibid., § 29 : primates (jui in utriusque
Paiiestiuîc synednis nomiuantur . Frankel [Meho hai/er , 05 a] cite à ce propos j. Ye-
bamol, 16 : HZIZ '"1 '^JZ^'p "^^^ llZiD"*";^ IH; cependant le passage cité par moi
montre que les « primates » alias « majores » étaient aussi des juges ayant reçu
Tinvestilure ; ci', la note suivante.
'•' Contre Weinberg (cité p. 39, note 1) ; Code Théod., II, litre !, § 10, ne prouve rien;
il est dit là que les Juifs sont soumis à leurs * majores » en ce qui concerne les
prescriptions rituelles ; cf. interprétation ibid. : « alla vero negotia qus noslris legibus
conlinculur et ad forum respiciunt, apud Judicem provinciiv. . , »
LES JUGES JUIFS EN PALESTINE, DE L'AN 70 A L'AN 500 .*>1
Il faut noter aussi que, dès cette époque, on trouve en Palestine
des juges particuliers non Israélites'.
A la tête des docteurs de la génération de Juda III se trouvaient
R. Ami et R. Assi. Leurs relations avec les Romains ne paraissent
pas avoir été bonnes. Un jour, dans le procès d'une femme juive
(Tamar), ils prononcèrent un jugement qui lui était défavorable;
la femme se plaignit auprès des autorités, et l'affaire ne fut aban-
donnée que par l'intervention d'Abahou^. — Un cas caracté-
ristique pour la situation d'Ami est le suivant : Ami fit un jour
une trouvaille; sur le point de s'en emparer, il aperçut un Romain
et en conçut une grande frayeur, d'où le tirèrent seulement les
paroles calmantes de l'innocent spectateur ^
Tous deux paraissent avoir été souvent rais à contribution*.
Cependant R. Ami s'imposa une certaine réserve comme juge, ce
qui nous explique, d'après une expression empruntée à une
source sans doute secondaire S le peu de décisions rendues
par lui*'.
Enfin, mentionnons encore quelques docteurs cités comme juges
pour cette époque et la suivante : R. Abba b. Mammal ', R. Isaac
* Tel "AXeçi; à l'époque de R. Mana (voir Frankel, l. c, p. 64 a).
« j. Jtfe^., 74fl : nanpn nbTi< n72nb lin ■^?3"'N 'm î^d"' 'n ï^^^n 'n
» ^. Jf., 28é : Npn Ï-7N73T-1 nn rT»^Tn ""niin Nnms hdOw^ V2ii n
5<Db)3b « H. Ami trouva une bourse de dinars. Un Romain, voyant qu'il tremblait,
lui dit : Prends-la, nous ue sommes pas des Persans pour dire que les trouvailles
appartiennent au roi. »
* Cf. Sabb., 10 a : "^-ITONT N'^ilT N"12:^Î< ^HDD ^^rt NnJ^'JT NP^UÎ bDT
"•n-'b'i biy-^b ^<r^ rT>b n-^^sT nd\x \s.
» Tanhouma, D"'t2Dw73 (cité par Bâcher, Agada d. pal. Amorâer, II, p. 155,
note 5), Assi dit : irT^^no b:' iinom 1"«T inN N»':: n^nn -^^n ï-i"«b:' "^sn
bNl^ïS"^ blU Û!T^3^T Sni'^J'b blD"^ «... j'aurai peut-être à rendre des comptes
parce que j'aurais pu juger les procès des Israélites. »
« Voir Ketoub., 32 a, pour des aflaires de droit matrimonial; j. B. B., 16 b, au
sujet de la sœur de R. Hanina qui avait légué à celui-ci sa fortune et l'avait en-
suite cédée par une vente à son mari; j. Guittin., 4o fl, pour des alTaires de prêt;
B. B. 33 b : ^53N 'm rT'72pb NHwX îi"«n3n73 î<D33 ^lûm Nin:; ^^'r[T^ ; ib., 59 o,
où il est question de tlpTn ; *^-. 143 b. en matière de partage entre frères et sœurs.
Un irait caractéristique du sens juridique de R. Ami : B. B., 60 fl, raconte que
R. Ami avait excité par sa fortune des troubles publics et qu'un autre qui se trouvait
dans le même cas fut pris à partie grossièrement par R. Ami, qui l'invita à mettre fin
à ce désordre. Gomme on lui demandait pourquoi il ne le faisait pas lui-même, il in-
voqua le prétexte de sa notoriété. R. Yonathan et Yannaï (cf. p. 46, note 2) agirent
dans un cas semblable d'une manière plus délicate. R. Ami avait peut-être le
pouvoir d'iuiliger des châtiments corporels, cf. j. Kidd., 61 a : ÎT^^DIDb JT'b T\^Tl^
"^ B. B., 59 fl, à propos de querelles entre voisins : ^TaN '"IT ÏT'Tapb "^D^T NinH
57373 '3 N"-i^ rj-'T^pb ï-i-^mu:.
52 UKVUE DES ÉTUUES JUiVES
Napha*, R. Abba', R. Juda b. Pazi^, R. Yirmiya*, R. Isaac
b. Tabelaï, •'■'bn-j nn S R. Nassa S R. Haggaï ", R. Aha % R. Yona
et R. Yosé 9 et, enfin, R. Mana*".
En jetant un coup d'œil sur l'ensemble de ces matériaux, nous
arrivons à cette conclusion qu'il n'existait pas de tribunaux au
véritable sens du mot, fonctionnant d'une manière permanente,
Nous trouvons surtout des juges isolés, ayant des pouvoirs plus
ou moins étendus, mais exerçant leur action dans un domaine
restreint, avec l'autorisation ou, du moins, la tolérance des auto-
rités. Des cas comme celui que rapporte Origène (cf. p. 47, note 2)
ne se retrouvent pas; s'ils se sont produits réellement, ce sont des
excès et des abus qu'on croyait pouvoir commettre impunément, à
certaines époques, mais qui, d'autres fois, étaient sérieusement
réprimés (cf. Gode Théod., xvi, titre 8, § 22, au sujet des abus de
pouvoir du dernier Gamliel).
H. -P. Chajes.
* Ketoub., 84^, son procès contre la maison du patriarche ; B- B., 170 a, R. Isaac
b. Joseph eut un procès avec R. Abba, dont il tut le juge. J. Sanh.^ 18 a, à propos
d'une affaire entre R. Abba et Benjamin b. Yéphet plaidée devant lui, nous apprend
qu'il était régulièrement investi [TinJj'l'O ^^^ l'onctious juridiques.
* Il intervient avec R. Ami dans une procédure juridique, v. Scheb,^ 32a; B. K.^
33è, il était assis auprès de R. Ami; Kcioub., Sib, il montre une attitude très
ferme vis-à-vis de la Cour.
^ Juda b. Pazi rendit des décisions relatives à des successions, j. B. B., 16a. A
noter le passage de j. Sank., 2'id : N'ÛIITO ^ni Nn''b"'^'b p^bo ""TD "13 "'"l
•'"in 13^1 "^njT no 'n "ib iii^a nô riT VppTD din ^zn "^rû n^s-n
'in nSîT « Gomme il regardait deux hommes qui se disputaient, ceux-ci lui dirent :
« Ne t'occupe pas de nous, car nous sommes deux et toi tu es seul » ; il semble que
les deux parties craignaient d'être ûél'érées au tribunal.
*• Il se prononce au sujet des biens de veuves, j. Ketoub.^ 34 o; j. Kedd.y 65 a, au
sujet d'un dépôt qu'on niait ; B, K., 112 ô, il soutient un procès contre le beaulrère
de R. Abahou.
■* J. B. X., 3a, estimation d'un dommage; j, B. M., 8i, affaire de trouvaille.
' J. B- M., 9 i, concernant un dépôt; ibid.^ \\d^ au sujet de location de maisons;
j. B. B., 13 b, au sujet de querelles entre voisins.
' Il avait peut-être le droit d'inlliger des châtiments corporels, cl. j. Kidd., 64 a :
'^'^D'^T ^n"^"^ « Quil vienne et qu'il soit llageilé », au sujet de Jacob de Nabouria.
** Il avait coutume de rendre des arrêts de toute sorte, cl", le passage si souvent
cité de j. Sanh.^ 18 ô.
^ Ils rendirent des arrêts sans 13et-Din, cf. jS«mA., l. cit.; j. B. B-, 13 è, à propos
de querelles entre voisins.
*" R. Mana, dans j. Guittin, 46a. se prononce au sujet d'une esclave en fuite;
j. Kidd., 64 a, en matière de prêt; dans j. Ketoub., 33 b, il se livre à une controverse
avec le juge païen Ale:^is au sujet du mode d'assignation.
SUR LA SÉMANTIQUE DIÎS MOTS TALMUDIQUES
EMPRUNTÉS AU GREC
Dans l'avant-dernier numéro de la Revue (XXXVIII, 141),
M. Furst pose le principe suivant : « Jamais on n'a le droit d'at-
tribuer à un mot étranger un sens autre que celui qu'il a dans la
langue même d'où il est pris, surtout quand c'est sur un seul pas-
sage douteux qu'on s'appuie. Il faudrait, tout au moins, apporter
d'autres passages où toute autre signification serait impossible. »
Comme c'est surtout moi que M. Furst vise ici, on me permettra
de discuter le bien-fondé de cette sorte d'axiome.
On lit dans la Tosefla Soiicca, iv, 28 (p. 200, éd. Zuckerman-
del) : « Miriam, fille de Bilga \ renonça à la religion de ses pères
et épousa un « soldat » des rois grecs ("rni^ :jr"n5b nN'sa-'Si rjDbrîi
•[V "«sbTo^o) -. » Le mot ::r'i'iD « soldat » est certainement le grec
(>TpaTicoTY|Ç, mot qui n'a jamais d'autre signification que guerrier,
soldat. Cependant lDV"î^d dans le texte cité de la Tosefta désigne,
non un simple soldat, mais plutôt quelque officier supérieur, puis-
qu'il y a immédiatement après : \r^ ''^biz'n « des rois de la Grèce » ;
il s'agit donc d'un des princes grecs qui certainement ne ser-
vaient pas dans l'armée romaine comme simples soldats, mais en
qualité d'officiers supérieurs.
Le sens du passage demande cette interprétation indépen-
damment du mot qui y est employé, car on admettra difficilement
que Miriam, la fille distinguée d'un prêtre, ait accordé sa main à
un simple soldat, pour l'amour de qui elle avait môme abjuré sa
foi ^ L'expression « des rois de la Grèce » pourrait, à la vérité,
surtout d'après la variante du Talmud palestinien, signifier que
' De la famille sacerdotale Bilp:a.
« Dansj. Soueca, 55 a? : «j-Ti n^n m^'T^ b^73 ; Soncca, ^Ob : £215-1^ "«^'^^^a.
' La véritable expression est m72n'w32 ; daus le Talmud babylouien on a mis, à
cause de la censure, 'r^:^1 m"'73n. — Une pareille substitution se trouve dans la
sentence de R. Aha, Midrasch sur Samuel, ch. xix, au coramencemeot : ^"0 TT'i'7
^70'^, mais le Yalkout^ sur Isaïe, § 338, porle m?:^. Popper, The censorship of
Behrev' Bcoks (New- York, 1899), ne meuiionne pas iadUe censure.
54 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
l'homme était un soldat de Varmée des rois grecs, mais la contex-
ture de la phrase indique certainement que l'homme lui-même fai-
sait partie des rois grecs. Rabbinowicz note, d'ailleurs, dans son
Dikdiikè Soferim sur Soucca^ la variante û'^m"' '^:DnDr;?: « des
éparques (eTras/o-.) des Grecs y>. D'après cela, •^^nsnTo ^nx lûT^'inD
û'^3iT> ne peut signifier que : « Un soldat parmi les éparques grecs »,
et le « soldat » devait lui-même être un des éparques. L'expres-
sion a le même sens que dans ce passage de Taanit^ 18 ô : '",i:p"«3
ïT^rt t3"'3iT "^D^CNTs* ^'n^ « Nicanor était un des éparques grecs. «
L'époux de Miriam était, de même, un des éparques des Grecs,
ou, d'après une leçon, un des rois grecs; ce n'était donc pas
un simple soldat, mais un officier d'un grade élevé. Le Talmud
n'aurait pas appelé un tel homme cûvtid, si ce mot signifiait sim-
plement c< soldat » comme en grec, et non officier.
Un passage de j. Schehalim^ 49 a, conduit au même résultat. Un
prêtre infidèle avait revêtu de précieux vêtements du grand prêtre
un « soldat », 'jTpaT'.o'jTY,; (::r::-m&'^N). Ce soldat, en mettant Thabit
pontifical, avait eu pour toute jouissance de pouvoir se vanter
qu'il s'était pavané dans le riche costume du grand prêtre juif, et
pour satisfaire cette vanité d'un moment, il paya 8, selon d'autres,
12 pièces d'or. Ce guerrier ne devait pas non plus être^un simple
soldat, mais un officier supérieur. Et cependant il s'appelle crsa-
TicoTY,; dans le Talmud. Dans le Midrasch du Cantique, m, G, dans
un passage écrit en araméen et, par suite, riche en archaïsmes,
le guerrier s'appelle Nrai<n::D'^i< = (yTpaxTjYoç = pra^fectus = gé-
néral, ce qui met hors de doute le sens d'uffÎGier pour aTan::D"'N.
Mais ce que le Midrasch entend par stralegos ressort avec la
plus grande évidence du passage du Yelamdènon Aruch, s. v.
•^i'^iûnaON), où il est dit : « Un strategos, c'est-à-dire un héros que
l'on voulait mettre à la tête d'une armée » (br im27:b i^pn^
N-^u^uCî^), autrement dit un général. Or, comme, d'après moi,
avan::D^« équivaut dans certains cas à sh^aiegos, la même défini-
tion s'applique aussi à ce mot, et effectivement il ne saurait être
question que d'un officier supérieur dans notre récit.
Nous avons, dans un autre cas, cette même substitution de
<iTpaTi{6Tr,ç à ffTpaTYjydç. Dans Genèse Rabba, lxxxii, 8, se lit le
récit suivant. Au temps d'une persécution contre les Juifs, deux
disciples de R. Josué (b. Ilanania) changèrent de vêtements pour
se rendre méconnaissables. Un ^TpaxiatTriç (arinD) les rencontra et
leur dit : « Si vous êtes des disciples de la Loi, sacrifiez-lui votre
vie. « Pseudo-Raschi fait sur ce passage, en se fondant sur le
* Dans le ms. de Munich : ^S*1D?1.
SUR LA Sémantique: des mots talmudiques 55
sens gf^néral de la phrase, la remarque très juste que cMtait un
fonctionnaire (njiTQtj); Fauteur du commentaire Matnot Kehouna
est (également dans le vrai, quand il dit que c'était un fonction-
naire de la cour impériale. Mais cette explication acquiert une
certitude parfaite par la variante du Yalkout \ où le fonctionnaire
g'appelle D"i:^"JTt:s^i^, <7ToaTY,Yoç.
On peut établir avec assez de certitude le rang du ::r'TnD dans
l'administration romaine, grâce au passage de Nombres Rabha,
XV, n, où l'on qualifie la hiérarchie administrative d'indigne et
de factice : « L'avancement d'Ksaù (Rome) est toujours un abais-
sement (t<^n mn*^ înbDUJ I^Vji^]. Aujourd'hui il est éparque (did^dî<),
demain vicaire (ps), après-demain cornes (D"'72np), enfin soldat
(::v'ino). Voilà par où passent tous leurs grands ! w L'ironie de
l'expression s'explique par ce fait que des fonctionnaires civils de-
venaient des militaires et, comme tels, avaient un rang inférieur
à celui qu'ils occupaient dans le civil. Il ne peut être question
d'une dégradation pénale, car, dans ce cas, le condamné perdrait
ses grades simultanément et non successivement. Ce qui, dans
l'administration romaine, semble choquer, d'après le Midrasch, est
surtout ceci, que des fonctionnaires qui occupaient de hautes situa-
tions dans l'administration civile perdaient leurs charges quand ils
devenaient militaires. Mais ces fonctionnaires avaient le droit d'en-
trer dans l'armée avec le grade de centurion -, de sorte que le mot
LûVllD, qui, dans le Midrasch, indique le grade inférieur, ne saurait
désigner un simple soldat, mais un officier, fût-il d'un rang mo-
deste. Celui qui antérieurement était un cornes, ne pouvait pas léga-
lement, en entrant dans l'armée, tomber au rang de simple soldat.
Dans l'histnire bien connue du fils et de la fille de Rabbi Ismaël
b. Elischa, qui à Rome échurent à deux maîtres et qu'on voulait
marier, il est dit {Guitiin, 58 «) qu'ils échurent à deux seigneurs
(û"'3"i"ii^ ^5;a) ; or, dans Echa Rabbali, i, 10, où la même histoire
est racontée^, il est dit que chacun d'eux échut à un uti^d ; ici
encore ce mot ne peut pas avoir le sens du grec arpaTuÔTYp, car ces
prisonniers de qualité ne devinrent certainement pas le lot de
simples soldats.
* Sur Genèse, t:^ 136, fol. 42» de l'éd. Venise. Le Yalkout a encore cette importante
addition OTIip'^DN : un £lralè.<e hérétique. Dans Yallcout sur Isaïe, i^ 263, il y a
^73173 inx tûT^Uni2DN.; d'après quoi cet ofticier aurait été un Juif converti. L'opi-
nion de M. Schiatter (Zur 2'opagraphie, p. oiî, note 1\ que le mot, si discuté de
0^tnL]0"lD^^ n'esi autre chose que OlCJIIûO'^îrN, àroaTa-r,;, gagne par cela en vrai-
semblance.
* Jung, Leben und Sitten der Borner in der Kaiserzeif, II, 84.
^ Ici ce sont les enfants du prêtre Sadok ; il y a, d'ailleurs, beaucoup d'autres di-
vergences dans les deux passages.
56 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Nous resterons dans ce même domaine de la hiérarchie mili-
taire en fixant le s^ns du mot I^TTID dans un cinquième passage.
Dans j. Ketouboi, 25c, se trouvent les mots : orrin^jC^N N!!^© r^v^^
nbnn hyy^ : « Ils (les Romains) ordonnèrent que le jus yrimœ
noc/û a[»partieiidrait au cToaTuoTT,? * ». Dans le passage correspon-
dant de b. Keioiiboi, 3&, le dignitaire s'appelle nrc'j; dans plusieurs
Midraschira et Pioutim postérieurs, c'est tantôt i;niyr\z= ^vz^-^^-»
tantôt ûiD^Di^ = £7rap/oç ^ De tout cela on peut conclure avec
certitude que ar::"i:ûD"'î< dans le Talmud de Jérusalem est le même
mot que -ics::, *ii?3r<n et Diri'n^N. En d'autres passages ^ qui rap-
pellent cette ordonnance barbare, on ne se sert pas du mot étran-
ger, et Thébreu emploie le mot h^1:^ u le grand » [Genèse Rabba,
XXVI, 5, et Yalkout Genèse, § 43).
Les expressions liTo^n et bii^ démontrent suffisamment qu'il
s'agit, non d'un petit fonctionnaire, mais du gouverneur de la
Palestine lui-même, notion très importante pour Ihistoire du mot
cTGaT'.o'jTYjÇ dans le langage des Juifs *.
Ce mot peut, en effet, servir de point de départ pour les re-
cherches sématologiques sur les mots empruntés au grec et au
latin. Cf. aussi Deutér. Rabba, ch. m, 3, où ';"«::"i::D"'i< est à côté
du 'j-'rcnnba, fiouAsuTa-.
C'est avec intention que j'ai choisi ce terme militaire afin de
pouvoir traiter la question soulevée par M. Furst à propos du
sens de l;v:h = ae^ilôv z= légion. Dans Berachot, 32 b (bD b^'i
' CT^ÛiltÛO'^N est naturellement une erreur, au lieu de C^T^IjII^C^t*. '^oir ma
remarque, Jievuc, XXIX, 39, note 3. J'y ai traité amplement tout le sujet dans mon
article sur la /rVc de Hanoncra.
2 Revue, ib., p. 41. note 1. Ajouter Midrasch Ï^^T^H TV^VIZ Mngaziti^lW. 1876,
partie hébraïque, p. 39-40), où le di<^nilaire s'appelle encore llTjSn.
* Jievue, ib., p. 41, note 3. Ou trouve aussi une allusion a celte coutume dans
Midrasch Afffjada, éd. Buber, I, 59 : '^Dbl MbriD nblP^rî D^ D^IC rT^n*«:5
bN-!r.3 -iiyc N"ip3-
" Qu'il me soit permis d'ef'lleurer, au moins dans une note, une question se ratli-
chant aux passages ci-dessus. Dans mon travail sur Hanoucca, Revue, XXIX et
XXX, j'ai parlé àw jus prima noctis introduit par les Romains comme d'un tait his-
torique. Coniiairement à M. Israël Lévi, qui relègue tout cela dans le domaine de
la table [Revue, XXX. 220 et suiv.), je puis citer une source très ancienne : Me-
chilta sur t^Cn ^D. à la tin : m'»:: ^15D l^by aCD2 bNIC i:n3'0 n3T bDTO
21^3 i7û'^"^pnj ibw\ ^nn rib^n::") r.mn m?2bm rîb"^7:i, ce som des persécu-
tions historiquement démontrées tant au sujet du sabbat qu'au sujet de la circonci-
sion et de l'étude de la Loi. Dans ce cas, ^ib'^ara doit aussi êti-e historique. 11 ne
peut être question du bain rituel des hommes, pour lesquels le bain n'a pas une im-
portance assez fxrande pour être conquis au prix de la vie; mais il s'agit du bain
des femmes, et nous savons que les Midraschim plus récents, que M. Israël Lévi traite
de tables, l'ont débuter la persécution par l'interdiction du bain rituel. Comme fait
à comparer, je citerai ce que rapporte Nôldeke, Histoire des Perses et des Arabes au
temps Jeu Sasitnides (Leyde, 1879], p. 196. 198 : Chcsrau Parvez, roi >.e Perse,
demande des femmes arabes pcar èou sérail, ('hez les Nesloriens, cet ordre avait pour
conséquence un • jeûne des vierges ».
SUR LA SÉ^fANTIO(JE DES MOTS ÏALMUDIQUES o7
Nnaoa û-^^V:) 12 •^DNnn "jv^bi iv^b), la signification de « légion » est
hors de to.ut doute, malgré l'opinion de Levy et Kohut. Sur ce
point, je suis d'accord avec M. Furst, comme on peut le voir dans
mon dictionnaire. Le sens du pas-age est simple et clair quand on
range les termes particuliers à la division de farmée romaine con-
formément aux faits historiques. On compare le ciel étoile à la
belle organisation de l'armée romaine. Les divisions de l'armée
romaine sont rangées dans l'ordre suivant, d'après les éditions :
1° iT^b (Xsyecov); 2o inrûr!") ; 3" irjnp ; 4« N"i::D:i. Dans Raschi, on lit
î<"i::D"':i )y^'^p iT'^b; le n^ 2 manque; mais, comme Raschi emploie
cependant dans son explication quatre termes, le mot )r^r'n devait
se trouver primitivement dans son texte. Ce mot est, d'ailleurs,
confirmé par l'Arouch, qui lui consacre un arMcle particulier.
S. V. yr^Tn, il donne la série, évidemment inexacte: l^ l"!^"");
2** *;v5b. L'article *|Tib dans l'Arouch ne montre pas la suite des
grades ; l'on ne peut non plus tirer un texte sûr des DiMnhè
Soferim. Chose étonnante, le vrai texte a été conservé dans une
poésie, dans le 'niri"' de sabbat Nahamou (fite allemand) :
n"Ti33>3 \rûiirr\ iTj^p yr^^b b^n \n-iL]u:n
« Une quantité ' d'étoiles il créa au camp de l'armée -, autant
que les jours de l'année solaire.
J'ai confirmé^ pour elle'* l'armée des légions, des cohortes, des
manipules. »
L'ordre hiérarchique n'a subi ici qu'une légère altération. \\
doit y avoir tout d'abord b^t, comme dans le texte du Talmud ; à
part cela, la hiérarchie est tout à fait exacte ^ D'après cela, nous
avons (1) b-^n, (2) xàcTpov, (3) cohors^, (4) manvpiilus' . D'après
la division ancienne, chaque légion renfermait 30 manipules.
Lorsque cette division fut abolie, la légion eut 10 cohortes, et
' N131 indique ici, non un nombre déterminé, mais simplement « une foule ». Le
texte du Talmud porte NID"! "D^N.
* N^nD!l,plus exactement NlUO-'i ; on le trouve aussi dans le Midrasch avec p ;
c'est castra, xàaxpov, camp.
' "^muS^n, de "itûw, sif^nilie : donner l'assurance, contlrmer par lettre.
'* miaya se rapporte dans le Piout à "jn^ii nS-
=• et. Bâcher {Agada der pal. Anioriier., 1, 396), qui a vu dans ces mots aussi cette
hiérarchie. 11 croit que "IlZûni a le sens de manipule., sens qui résulte aussi de mon
explication [Lehnwôi-ter, 11, r>74j ; mais M. Bâcher comme feu Perles {Monatsschrift,
1892, p. 111) donne une fausse élymoloj^ie de "llium.
• En grec KÔpTY]!;, d'où "llllûlp.
' IIlSÏI"! est probablement api0|xoc (voir mon Dictionnaire) = numerus=zmanipulus.
Î5S REVUE DES ÉTUDES JUIVES
chaque cohorte ô centuries de 100 hommes ; la légion se com-
posait donc de 60 centuries ^ Comme les nombres 60 et 100 ne
figurent pas dans la description du Talmud et comme on n'y trouve
que le nombre 30, il s'ensuit que le Talmud ne s'est pas appuyé
sur cette division de l'armée. A propos d'une Inscription prove-
nant de Bosira, Waddington fait la remarque suivante [Inscrip-
tions grecques et latines de la Syrie, p. 458 a) : « Le mot niinie-
riis, àpt6[j.o;, désignait, au cinquième siècle, un corps de fantassins,
généralement de la milice palatine; ...je ne trouve nulle part
d'indication sur le nombre de soldats qui composaient un nume-
rus; mais les 7mmeri étaient des corps ayant leur existence propre
et différents des légions. » Dans le Talmud il ne s'agit certainement
pas de tels numeri; ici c'est une subdivision de la légion, telle que le
manipulus. La légion se composait ordinairementde 6,000 hommes,
se répartissant en 30 manipules ; chaque manipule comprenait
donc 200 hommes. Il est impossible que le Talmud ait tiré de là
le nombre astronomique 365. C'est plutôt le nombre total des lé-
gions qui sert de base à la division talmudique. Ce nombre était de
25 à la mort d'Auguste, il s'éleva à 30 dans le premier siècle, et fut
portée 33 par Septime-Sèvére -. L'armée impériale tout entière
représentait un effectif de 250 à 330,000 hommes. Le nombre 30
est donné exjjlicitemHnt dans le Talmud comme celui d^s légions
(irikb û^Dbu:i. Quant à d'autres unités, le nombre 30 est, à la vérité,
faux ; peut-être a-t-il été mis à côté des autres unités pour simpli-
fier. Mais le nombre 365,000 se justifie suffisamment par le total de
l'armée romaine ^ Je traduis maintenant le passage : pour chaque
planète j'ai créé 30 armées (b-^n)* ; pour chaque armée % j'ai créé
30 camps {castra) ; poar chaque cam[), j'ai créé 30 légions ^ ; pour
chaque légion, j'ai créé 30 cohortes; pour chaque cohorte, j'ai
créé 30 manipules; j'y suspendis 3()5,000 étoiles (la description
revient ici à la planète) d'a[)rès le nombre des jours de l'année
solaire (mille étant pris comme unité). D'après cela, il ne peut
' Korbi^^er, Hel'.as und h'om, \" partie, 111, 261 ; Marquardt, Sfaatsvenvaltung,
II. 334.
« Junj;, /. <•., II, 78.
> Il laut retenir comme une bonne version : "^DbN iHUÎTSm D^'ûCl mN73 'ùlîbU)
NIST, si l'on ne donne pas à Ni:3*l son sens exact, et l'on obtient ainsi 365 pour
les jours de l'année, eu supprimant les mille, bien entendu. N'attendons pas de celte
comparaison entre les étoiles et Tarmée romaine une classiQcalion d'une concordance
scrupuleuse.
* Cela n est pas fonde en réalité, car la plus grande unité est la légion; pour faire
ressortir cependant l'harmonie existant dans le système planétaire, on choisit avec
intenliou la division en beaucoup d'éléments.
• Pour toute Parmée serait plus exact.
' Plus exactement i dans les 30 camps se trouvent 30 légions*
SUR LA SÉMANTIUI;K DlilS MOTS TALMUDIOUES m
donc être question de l'explication donnée par Levy et Kohut,
qui prétendent que ivib désigne dans ce passage un olficier.
Ces commentateurs sont partis de ce point de vue : le mot hy
revenant dans chaque membre, les termes particuliers doivent
désigner un supérieur ou un officier; mais, en réalité, le mot
n'est employé que pour le l^"" membre : bîToi bvn bD by, et
tout le passage se trouve modifié de la façon que nous avons
exposée.
Je suis encore de Tavis de M. Furst, contre Levy et Koliut,
quand il traduit les mots û-^uip m:T«:b ■•jia dans j. Taanil, 65^ :
« Deux léf^ions dures (belliqueuses ou cruelles) », et non « deux
officiers durs w ; cela est vrai aussi de j. Smicca, 55 b : Ipn mr7:":;5
•^msviibb, « vous (femmes juives) devez être complaisantes pour
mes légions », et non c< pour mes capitaines ». Par contre, j'ai
admis dans mon dictionnaire, auquel M. Furst se réfère, que dans
une parabole du Midrasch Tanhouma, )v:b indique un soldat //«r-
ticiUier. Voici le texte : nn^?3 n-^-^n ^bT^n "ni?:'^ )v:^b ûbi^n-j imsa « IL
est d'usage qu'un légionnaire qui se révolte contre le roi soit
puni de mort ^ » D'après moi, il ne peut être question ici de toute
une légion, car, outre que "jv^b eût été pris au féminin-, l'expres-
sion nn^To ri'^'^n s'applique plutôt à un individu qu'à une légion en-
tière. De plus, dans Yalhoui, i 706, il y a à ce sujet : û"''^n ib ©">
« a-t-il une vie ? » Je ne crois pas qu'une telle expression puisse
se rapporter à une collection d'hommes ; en tout cas, il faudrait
drib dans la suite de la phrase. L'argument de M. Furst, que le plu-
riel est employé tout de suite après ("i2 Trù2^ nnsD ibi^n), n'est pas
probant, car on ne peut parler qu'au pluriel d'Israël, avec qui
l'on compare la marche en avant de ce militaire.
Quant au passage de Pesikta, 182 a [Léviiique Babba, xxx, 6 ;
Yalliout, ^ 651), où l'on raconte qu'un 'jv:;b allait percevoir le tribut
d'une province, M. Furst admet également qu'il ne peut parler de
toute une légion, puisque dans le cours du récit, on parle plu-
sieurs fois de iv^b comme d'une seule personne. M. Furst lit donc
^'^yyh rr: legatus, au lieu de lv:ib, ce qui est contraire à la tradition ;
l'expression "jr^b est concordante dans les trois sources nom-
mées, dans VAroiiCh et dans Matnot Kehouna^. Dans le cours
du récit, le mot se transforme en i^sv^b dans une phrase ara-
» Tanhouma Balak. 12; éd. Buber. 18.
* iT'^.^b est aussi bien masculin que fémlDin; le pluriel est pourtant le plus souvent
m3')'^:ib, très rarement ';'>2T^ab. Cf. m3"l'^:;b "^niU ''non "^3^] dans Pesikta, éd.
Buber, 4 a, et Midrasch Tehillim. iciii, 7.
• 11 y a aussi ycy^ dans un ms. de M. E. Adler, de Londres, qui contient de»
ta^Uip'^b du Midrasch Rahha,
fO REVUE DES ÉTUDES JUIVES
méenne. Une telle concordance serait inexplicable si le mot était
corrompu '.
Examinons encore un passage se rattachant à ce sujet. Dans
Tanhouma Vayèscheb, 3, se lit le récit suivant : Antonin vint à
Césarée et manda Rabbi le Saint. Son fils, R. Siméon, et R. Hiyya
le Grand l'accompagnèrent. Là R. Siméon vit un iv^h beau et dis-
tingué, dont la tête atteignait le chapiteau des colonnes -.y^'^'n t:în^
ti-^i^yzy bu; c'r^bNtpb (lire c^-^bN^p — xsoaX-:;, xEcpaÀiooç). n dit à R.
Hiyya : « Vois comme les veaux d'Esati sont engraissés ! » Alors
Hiyya l'emmena dans la rue et lui montra un panier plein de rai-
sins et de figues, sur lequel se posaient des mouches. R. Hiyya
lui dit : « Ces mouches ressemblent à ce li'i^b. » Lorsque R. Siméon
revint près de son père, il lui raconta ce qu'il avait dit et ce que
R. Hiyya lui avait répondu. Alors son père lui dit : « Ces légions
n'ont point de destination dans l'avenir (û^;id5 "jri^ nb&i d'^sr^b^
ûibiDb), mais Dieu fera un jour accomplir sa mission hmn-'bïj) par
les mouches. » Le même passage est cité dans Yelamahiou, dans
VArouch, s. ?;.,bcp, H, et également comme provenant du Yelam-
dènou dans Yalhoat Mechiri sur Isaïe, vu, 18.
Que signifie ir:ibici?Si iv:b était comme d'habitude un collectif,
on ne dirait pas dans le cours du récit : "i'::i^ û"'jr^b « ces légions ne
sont propres à rien », puisqu'il n'était question que d'une légion;
mais si, dès les premiers mots, "jv^b signitie le légionnaire, il est
bien compréhensible^ que l'on dise ensuite : « Ces légionnaires ne
serveni à rien » ; l'emploi du pluriel dans la suite du récit montre
précisément qu'il faut considéier iv^b comme un nom singulier, et
non comme un collectif. L'Aronch aussi emploie le pluriel dans la
suite : t:->^nt33> b*:: VbD"'p[b] ^'^y^^io [û]!-î'^':5Nn d-in^D nss "ini< ir^b (éd.
Soncino, 1517). L't:x pression « l^urs tètes » montre implicitement
que, dans la phrase précédente, )T^h désigne chaque individu de
la légion, un soldat particulier -. Je ne conçois pas, d'ailleurs,
comment on pourrait dire d'une légion entière : sa tête atteignit
au chapiteau des colonnes, comme il est écrit dans Tanhouma.
On choisit de grands gaillards pour la garde royale de Prusse ; on
ne peut cependant pas dire : la garde prussienne atteint au cha-
' Dans le passan;e correspondant de Tanhouma Jitnor, 18 (éd. Buber, 26). il y a, à la
vérité, ri'^bo = iïiessa<^er, qui ri'pond a Icgatus ; mais dans le cours du récit, on ap-
pelle le lonciioniiairc coiislammenl "^J^ni^. ^^"2^ == percepteur, si bien que nous sommes
forcés de voir dans TT^b'^U uu équivalent de lT^:;b. La remarque dans mon diction-
naire est de moi, ft iiou de I. Lôw, comme lecrit M. Fursl. Il faut remarquer,
comme Buber l'a déjà l'ait, que dans la parabole analogue (j. Sonera, 53 r\ il ny a
pointue mot étrant'cr du tout, on y trouve seulement "inî* • un quelconque ».
» Le commentaire du Ta.ibouma C]CT^ y^ dit, a la vériié, pour p'^sb, b'^n,
comme par habitude, sans même soupçonner le sens spécial du mot dans ce passage.
SUK LA SÉMANTIQUE DES MOTS TALMUDIQUES 61
piteau des colonnes. Ici encore le sens exige que ';T';b indique un
légionnaire, un soldat particulier d'une légion '.
Le mot DibD\^ =r 'vy°^ olTve une parfaite analogie avec l'expli-
cation du mot iv^h que nous adoptons. Ce mot, qui est un col-
lectif, est aussi devenu un nom singulier. On trouve dans Sifrè
Deut., ^ 25 (p. 10 a de l'éd. Friedmann) : Drî^onbDij^n n^:iii'n vn*::
« Ils (les peuples chananéens) étaient nombreux dans leurs vXoç. »
Le pluriel ne peut pas être pris dans le sens de foule, car ce n'est
pas le collectif « foule » qui pouvait être nombreux, mais les indi-
vidus particuliers formant dans leur ensemble la collectivité. On
trouve dans Tosefla Pesahim, iv, 3 (p. 163, éd. Zuckermandel) :
« Un jour le roi Agrippa voulut savoir quel était le nombre de la
foule ^. » Le mot '}-'DibD"ii< employé dans cette phrase ne saurait
par lui-même avoir un sens collectif, car le substrat du dénom-
brement n'était pas la foule, mais les individus de cette foule.
Cf. Nombres Rabba, vi, 9, où l'on trouve très correctement au
singulier 5<oib:Dii<n na-inD.
Nous pouvons faire la même remarque à propos du mot 5<"^"«2C25<
çcv'^a (( mercenaires w, qui se présente quelquefois. Comme le
mot est un collectif, il ne devrait pas avoir de pluriel en hébreu,
et cependant nous lisons 'j^-'DDdj^ dans Tosefla Schebiit^ v, 21
(p. 69), où, à la vérité, d'anciennes éditions portent n"^jD3K, qui est
peut-être plus correct (cf. Mischna Demaï, m, 1). Mais, si 5«"«jDdn
signifie un soldat unique, sens que le mot grec lewix n'a jamais,
nous comprenons pourquoi on a formé le pluriel l-i-ijODi^. Pour le
mot çsvi'a, qui ne se présente que très rarement, cette modification
de sens est restée à l'état de tentative dans le langage des Juifs.
Pour le mot Icgio, fréquemment employé, ce déplacement de sens
a pu se produire naturellement, sans blesser l'esprit de la langue.
En principe, nous ne pouvons donc nullement admettre que les
mots grecs et latins qui ont passé dans le Talmud et le Mi-
drasch ne puissent jamais modifier leur sens, ainsi que le- prétend
M. Furst.
Budapest, mai 1899.
Samuel Krauss.
* L'expression niTT^bO qui se rapporte aux mouches, mais s'applique dans la
comparaison aux soldats de la lé<,Mon, prouve que le terme rpb'J, qui a été discuté
plus haut, peut aussi remplacer "JT^JiD.
* I'^oVpISIN bU3 Û'^3^'^3"*73 11123, Ure î:!:i"<:'^7û. Dans b. Pesahim^ 04 Z» : •^D^bD^i<
bi<■^D^
LETTRES DE SGHESGHET
B. ISAAG B. JOSEPH BENVENISTE DE SARAGOSSE
AUX PEINCES KÂLONYMOS ET LÉYI DE NARBONNE
Grâce au goût des amateurs de poésie hébraïque et grâce aussi
au hasard, des monuments de l'histoire juive, d'ailleurs si pauvre
en documents, nous ont été conservés; c'est ainsi que nous est
parvenue une liasse de lettres manuscrites de l'historien Joseph
ha-Cohen ^ Elles nous renseignent sur l'active correspondance qui
existait entre Saragosse et la communauté de Narbanne *, jadis si
florissante et si célèbre. Les noms des « princes » (les chefs de
Narbonne s'intitulaient ainsi) Kalonymos b. Todros et Lévi b.
Moïse, à qui ces lettres et ces poésies sont adressées, donnent une
valeur et un éclat tout particuliers aux produits de la muse, d'ail-
leurs sans prétention, du poète. Ce poète porte le nom de Sches-
chet; mais quel était ce Scheschet, et de quelle époque sont ces
lettres? Le nom de Tun des correspondants — Kalonymos — ne
nous est d'aucun secours pour le découvrir. 11 se retrouve trop
souvent dans la maison princière de Narbonne ^ pour pouvoir,
à lui seul, fournir le moindre indice sur la date de nos documents.
Nous pourrions avec la même vraisemblance les placer à la fin du
xiP siècle, ou à la fin du xiii% et même au commencement du
xiv«, où nous voyons le prince Kalonymos b. Todros et Salomon
Ibn Adret se donner la main pour interdire l'étude de la philo-
sophie et de la physique *. Lévi b. Moïse est, d'autre part, un nom
* Voir la description qu'en a faite Is. Loeb, Revue, XVI, p. 32. Qu'il me soit permis
de remercier ici V Alliance israélite universelle d'avoir mis si gracieusement ce
recueil de lettres à ma disposition.
' Cf. Gross, Gallia Judaica, p. 401-30.
» Ihid., 406-8.
* m&<Dp nn372, p. 136.
LETTRES DE SCIIESCHET 63
trop peu connu pour que nous puissions affirmer que les lettres
soient adressées au prince Lévi dont on trouve des traces à Nar-
bonne vers la fin du xu® et au commencement du xiii" siècle *.
Mais une date conservée dans un poème de Scheschet adressé à
Lévi, et qu'on n'a pas assez remarquée jusqu'ici, fera disparaître
toute incertitude sur l'époque de la rédaction de ces lettres.
L'année 54, dit Scheschet, qui, d'après la valeur numérique des
lettres hébraïques (13), signifie l'année de deuil et de lamentation,
est passée, et une nouvelle année, l'année 155, qui en hébreu {TiZ'p)
signifie « acquisition », annonce le plaisir et la sociabilité, par
l'acquisition damis qu'elle promet. Comme les deux années consé-
cutives sont désignées par les nombres 54 et 155, il faut naturel-
lement prendre 54 pour 154. Mais gardons-nous de faire précéder
ces nombres du millésime 5000, comme on pourrait être tenté de
le faire ; cela nous reporterait aux années 1394-5, c'est-à-dire en
un temps où les noms mentionnés ici ne se rencontrent ni à Sara-
gosse ni à Narbonne. Ces nombres indiquent, conformément à
l'usage, les années de l'almanach juif, auxquelles il faut ajouter
mentalement 4800, ce qui nous conduit à admettre les années
1194-5 comme date certaine de ces documents. Et maintenant
seulement nous sommes sûrs que Kalonymos b. Todros et Lévi b.
Moïse, à qui Scheschet s'adresse, sont bien les princes de Nar-
bonne qui nous sont connus par d'autres documents de la fin du
xii« siècle.
Scheschet Benveniste est, comme il apparaît dès sa première
lettre à Kalonymos, un enfant de la communauté de Naibonne,
qu'il nomme, en rapprochant son nom de mots hébreux sonnant
de la même façon, le flambeau de l'intelligence*; il la désigne
comme la source d'où coulent dans toutes les directions des flots
d'érudition. Comme il y avait des rapports de parenté entre Sches-
chet et la maison princière de Narbonne, il pourrait eff'ectivemeiit
être le fils de ce prince Isaac Benveniste qui, en 1215, convoqua à
Saint-Gilles toutes les communautés de France, de Narbonne à
Marseille, afin de choisir, sous la présidence du prince R. Lévi,
celui qui serait- député à Rome pour prévenir ou combattre en
temps utile les décisions, menaçantes pour le judaïsme, que pour-
rait prendre le pape Innocent IV ou le concile de Latran ^. Ainsi
* Gross, ibid., 407.
* nS"*:! "12. Benjamin de Tudèle, parlant de Narbonne, dit : riT^lip "T^^ i<Tn
De même Meiri, à la tin de son iulroduclion hislorique au commentaire à'Abot : IT^T
' ^^Tin"^ L32^, éd. M. Wiener, p. 114, allemand, p. 233. L'identification de cet
64 REVUE DES ETUDES JUIVES
s'expliquerait la désignation de Scheschet comme prince, titre
qu'il était autorisé à porter s'il descendait d'une maison princière
et s'il était lils d'isaac Benveniste.
Peut-être pouvons-nous, d'après ces lettres, rapporter à la date
de 1194 la mort de Kalonymos b. Todros, que Benjamin de Tudèle
trouva à la tête de la communauté de Narbonne *. En effet, dans
les premières lettres, on s'adresse à Kalonymos comme au prince
de Narbonne, titre qu'il partage avec Lévi b. Moïse; mais plus
tard, et particulièrement dans le poème qui seul nous fournit la
date certaine du commencement de 155 (fin de 1194), L^^vi seul est
mentionné comme prince ; on peut donc admettre que Kalonymos
est décédé dans l'année 1194.
Lévi et Kalonymos étaient cousins : c'étaient les fils des deux
frères Moïse et Todros. Lorsque Juda b. Salomon al-Harizi
visita Narbonne dans ses voyages, la dignité de prince avait été
accordée à R. Lévi ^. C'est sous sa présidence qu'eurent lieu les
délibérations de Saint-Gilles provoquées par la crainte qu'inspi-
raient aux Juifs du sud de la France les résolutions du concile de
Latran. Les dernières années de la magistrature de Kalonymos
furent troublées par des événements auxquels Scheschet Ben-
veniste fut également mêlé.
Un membre de la communauté de Narbonne semble avoir fait
une telle offense au prince Kalonymos, que celui-ci repoussa avec
aigreur toutes les tentatives de rapprochement faites dans la suite
par l'insulteur repentant; bien plus, il repoussa même l'interven-
tion de R. Scheschet et prit mal les conseils qu'il lui prodiguait.
C'est en des termes qui témoignent de la profonde vénération dont
Kalonymos é^ait entouré de toute part, que Scheschet demande
pardon pour l'homme qui a osé porter atteinte à l'honneur du
prince, et il le fait sans même vouloir se donner l'apparence de
conseiller le chef célèbre de Narbonne, qui n'avait besoin ni de
ses exhortations ni de ses avis. Scheschet semble avoir eu des
relations d'amitié plus intimes avec le collègue et successeur de
R. Kalonymos, avec son cousin R. Lévi b. Moïse. Quand il se
donne constamment pour son frère cadet, cela peut n'être que
Isaac a élé faite par Is. Loeb, Revue, XVII, 92. La correction proposée par M. Gross,
tbid.^ 652, qui dit qu'au heu de fils du Nassi de Narbonne, on doit lire, />érc, ne peut
réfuter cette supposition luicincuse.
ûTwS l'^wST y-iNn ib'ODD r-i5<73 nrp-ipT mbn: ib C"»i ion*»:: r^jiDTD iM
npTnn "127372 np"*'? blD"'. Cf. Saige, Les Juifs de Languedoc^ p. 70.
' "^DITSSnn, ch. xLvi, éd. Lagardo, p. 166, M. Dans mou ms. du Tahkemoni, le
passage est ainsi conçu : N-i\:;:rî "II"! rT>n '^Î<"^C: D'wl rî:Tn-l2b \nDbn 0^721
rêxpresglon de gon amitié pour cet homme qu'il admir» et glorlfle
avec tant d'emphase, mais le ton des lettres et les détails (jui s'y
trouvent disséminés sur la famille, montrent avec certitude que
c'étaient (ies liens de parenté qui unissaient d'une manière étroite
ces deux rabbins. La note dominante des lettres, leur unique objet,
pour ainsi dire, est le désir ardent de voir enfin R. Lévi; ce désir
devint une espérance, et se changea bientôt, grâce aux nouvelles
qui venaient de Narbonne, en une attente certaine; la chaleur du
sentiment transforma sa prose en poésie.
La dernière lettre de Scheschet à R. Lévi nous introduit dans le
cercle intime qui l'entourait. Sa maison de Saragosse avait été
jadis animée par trois fils et une fille. Lorsque la mort lui eut en-
levé deux de ses fils, le troisième devint son appui et sa consola-
tion. Vers le déclin de la vie, ce troisième fils lui fut également
ravi. La nouvelle de ce malheur excita à Narbonne même la plus
vive sympathie. Des lettres de consolation, des lamentations pro-
voquées par le cruel événement lui arrivaient du pays natal et
témoignaient de l'intérêt qu'on ne cessait de porter au parent
éloigné. Dans sa robuste confiance en Dieu, il adjure ses amis de
mettre un terme à leurs plaintes impies, qui semblent accuser le
destin; qu'ils exhortent plutôt la malheureuse mère et la sœur
désespérée à modérer leur douleur et à se résigner à l'exemple du
père. Un frère aîné de Scheschet, Joseph Benveniste, qui portait
le nom de son grand-père, était probablement accouru de Nar-
bonne pour rer.dre visite aux affligés; ce fut lui qui fut chargé de
la réponse que Scheschet faisait à tous ses amis, mais qui était
adressée particulièrement au chef de la communauté.
Il mentionne encore dans son entourage un ami nommé
R. Juda, qu'il nous présente comme son maitre et qu'il nous
vante en termes très élogieux. R. Juda avait été, du vivant de
R. Kaionymos, chargé d'une lettre de son ami et élève; il avait
aussi eu la mission de dissiper par des explications verbales la
mésintelligence qui était née entre R. Kaionymos et Scheschet par
la fausse interprétation de l'intervention de ce dernier dans le
procès de Narbonne.
Nous faisons encore la connaissance d'un autre intermédiaire
entre R. Kaionymos et R. Scheschet, à l'époque où celui-ci nour-
rissait encore l'espoir de pouvoir un jour saluer le vieux prince de
Narbonne; c'était un jeune homme nommé Abraham, qui, malgré
sa jeunesse, était l'ami des deux personnages. Ces lettres, si pauvres
en faits utiles pour l'histoire, offrent un autre sujet d'observa-
tions. La langue des lettres et des poésies qui leur servent d'intro-
duction ou qui y sont intercalées, avec leurs rythmes et leurs
T. XXXIX, N» 77. * 5
66 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
mètres si variés, nous permettent de jeter un coup d'œil sur la
culture donnée à Narbonne, où le jeune Scheschet fut instruit. Le
niveau littéraire si élevé de cette correspondance entre amis est
un témoignage que la civilisation hispano-arabe, qui avait répandu
en Provence le goût de la poésie et de l'élégance de la langue hé-
braïque, s'était aussi acclimatée à Narbonne et avait accès jusqu'à
la cour des princes. On trouve avec plaisir dans leur correspon-
dance la langue biblique dans toute sa pureté, sans l'incohérence
résultant des passages mal assortis, rapportés de toutes parts et
péniblement rapprochés. Les allusions à la Mischiia et au Talmud
sont relativement encore très rares; la prose est encore affranchie
de cet amas inextricable de citations rabbiniques confuses qu'on
cherche encore à cacher et à embrouiller par subtilité, comme
nous le montrent abondamment les lettres du temps de la discus-
sion au sujet du More et du Se fer Madda de Maïmonide dans le
recueil d'Abbamari. Les poètes de la brillante époque hispano-
arabe sont encore dans toutes les mémoires, et plus d'un vers de
Scheschet est une réminiscence d'un des grands poètes de l'Es-
pagne, sa seconde patrie, et cela à son insu. Celui qui, sans néces-
sité, rien qu'en sacrifiant au goût de son entourage, avait tissé
dans ses lettres des vers, avait acquis, dans la langue hébraïque et
dans le style poétique, une maîtrise qui éclate, non seulement
dans sa correspondance familière, mais aussi dans des travaux
plus ou moins longs; ce qui nous permet d'assigner à R. Scheschet
une place dans la littérature de son temps.
Il ne serait donc pas impossible que le Scheschet Benveniste, qui,
d'après les indications d'Abraham Zacuto % aurait composé en
1203 un poème de 146 strophes en l'honneur de Joseph et de
Salomon Ibn Schoschan de Tolède, ne fût autre que notre Sche-
schet b. Isaac b. Joseph de Narbonne.
David Kaufmann.
.rrnny mn f^mm s^n- ni^T^V r-rm:?:! .rrn: rr^Vr 'Cînpn
» Youhasin, éd. Filipowski, p. 22*.) : p bllSr: N"^'»::::: \1 PUÎC N:3"n
la TN rr^n :i"Dpnm D"^cVn nynnx nr:53 ^"lyp •l^^3 "T'a rror nujsa
■^:3 n^buî 'n pon [lire : -i^nbni rrabi qor 'nb rin na-'UîT fsu: a":^
r^blIÛ-^bl-J?: V^'^V::. Cf, m. Steinschneider, jy^/T. 7ii7*/., XIII, 107.
LETTRES DE SCHESCIIET 67
,ï-Tm23 ^Db onb Nsr^ 1-1:12121 bNT»::^3 dnt n^r tntd nr^r; t»<^r:
,rt^mi::?i7jb tot^t rrbipb "1^73-^ n'^p^mm tz^mnprr y-Nr: -^no bsi
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m7û:Dn73 tzrr^nns a-^i^nr; ûnbujb bwSTj:T .rPwS-^CD r;^':: -"rsa bN oib'ûm
ûriNT .^n-nm Dmpn 'T!72'::b'i ,t2mi:?3 û-^-^pb "^^^r; ^îjm .mN-npT
b"^L:r;b "^cd: by ,n3 "^itcn biD n^^î^i }^"iwsn -^om D"^'C3nprr -"m^-i ^nx
^'»::n ^d ï-i'û:'^"! ,3>7o^n "^ij^T "^STiir: ï-i-i'::^n "^mm ■•b:' -nir
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£=;n::>Ti Gni^i .amnb ^^'D':jrn2 ûmry s-nNn73 n:j "^r) ^n^'Tsc-» Nbn
rni:p73 ^inn r::ï-;i .£2r!'^m3'wn73 -^mn'srnTa r<bn "'sm cmrm Nb -«^
tzmon N3w\ Nbi nuîT^ "^sn un ,^i2^b ^r^-^by -^y^i^ij ^n^x'^r: ^-riin^a
mo^n v^ ï^*bi *ûn73 ndt t*^-»- t=2i73r;7: t>ib ,nnp^ arrn ■i'.iîdî ^d
&N1 nb by ii^"^'::^ ^<b^ irTo'i:"^ J*<b ^:d "^mms^i ,!nnir"i3 on ini:"i:o
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,^12^ nmb S^nnrt "^^ ■'n::>iv "^nnb £:5:>'^m?3i ■'7:^52 CDb 'i^riTom
"2"ii:-n T\yi "^^b ûn73 i^n ^<b nci< "^s m73:ib -^-in"; n^n ^<b ^5<
r^'SD"^ tz^T^n"» ûrsn i-^m [N]"r;'72U5T ,£2-i^nTnb nbc5 t=^"^D b::^ -nn:^
nm tz^DN ^nN ûin^ii li5n b^n ,û3 ["inN] m:: pn n::Tj^t ,û3nb
M.b larnNi tDDnpi^i: bipb yn'^-^i û3'»3d N'ij^ nS'nn br Dnn icn
û^mnj^a sn^n'::"' Nbi rr^n'O""-! ,irm73ip)2 biDb t^^o-^T ,nbD rroy^
snuj3n p C]Dv nn pHir-» -q ppr; n\a;:: .tsb":: ^bi isb i-nD"::"^i
.^nopno
^ Il veut dire, d'après I Samuel, vi, 19 : soixante-dix personnes, un Sanhédrin
de gens de Narbonne, valent autant que cinquante mille autres.
* II Chron., XII, 14.
' Ces vers proviennent d'un poème, dont le mètre est le suivant :
_i^ — \u — — V
Il faut donc les distribuer ainsi :
-ion N3^< t*^b-i y::v -«^n iin
r:-ip"^ ù^^y'n -^dd^ [c^^brt] ^^ di
^<b■l DriTo t<bT N-^rr tziîiTarsTD xb
* Ezécb., VII, 11.
^73njr^ 'rr^3C7ûr; ûiDnn t<">i:j2rî nbin^rn nncrn
i"-i: "'ib 'n
iNba ,inDD n^riiNb im^n nmo r-nb:b biD^ £2-73 "j^nt .nc^
.^^iDu: v^ arDCi-i tzb.ND "in^Nn ^d tzirr^-iai -PN^nb nr^ t>ij:72b
p b:' ,u^i'' r-12-ii r>^ >i"irî -^^ "^j'or^ ■•b ï-i^n n:p- i-i::?':;7ai
r-mirn "C'N pni:"b ""n^c^n: pcnn r-iro ^ipt: ripicn- cn r^.abn
"n72io ';7:î<jn r^xn "^d^n -iTONb rnn^nD >^bi r-i5<-i?:3 m nn-iî<T
,i^nm&< ^72-^73 inTS-» r<!b ton r-oiTSNn ^72 "mpTj .vaniNb î-i-^nnn
■^3>-n "^nN ^D bn ,">nn::n m '^'s::î< Y^72n bN "^nbcwsi nzb mry
■n^n ^mn^n^ ïmn:iiN b^i \n3r;N n^n jmnnE:73T \nrb73n nm»
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.-^anD-sUin l]-^i^:^3 t=î3'i ."^^n-^ip '^j73wN2- "jL^jion qo22T ,^::n-,7:x-
bDTî ^i< "^^n ^12"* bD m:' .-^^n-cnbn mm nim ^-iin-iND "^^-rniT^m
nbiy rrbrN T^^Dbi "nn:^\x '^nnriwX tz:bj:i ,TT>inncn r-T>-n *]'c:ip
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/ in-'-in imi^ "^sob ^didnt ttdwS ^tn ,i^:Db in ^n^i:?: -^d \nyT^T
nb y^HwS minb -1-173-73 m *i:bbrîN yiyQ ■'biibiim 3:;iri '^j^7û3i
• Prov., viii, 17, et Ps., cxxii, 20.
' Comp. Isaïe, XL, IS.
•' J05., \V, 1().
'* 11 ISam.. VI. IC).
LETTRES DE SCHESCHET «9
113 Di^û-^ribp N33-1 bi^isï-: N-^^^rr ."i^^inn t=:-pbN î^'^'^ijî ,i3rN mn
^•iDD s^-ipnn -lUîN tD-^n^i^^i n-i^m -l'^nnrr iD7:-rr: -iim ^Pl^'in
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p2w\7oi "^nb ï-T^^^■^^; ,^Pj"i7:k ^:> ly-ï yl^^r> -^dd ■'pt:^ '^.'CN* ^nm
,p3 ^nriN cnb ^:dt 3^73^73 "^nnb q-'im c^bi ,\n72ipi p"'7n73 -^^n ^d
r-nbsDn ^moM n[^]s£173 ,n735nn h]in)7-i nb:;7j s^ir: *^73''73 '-î^ndt
■^"iNT ]nn "^nir ■•y^p?:! "«DibN mToi ■•nTn ,m?3n T'n pimnb mnD:>73
• I Rois, XVIII, 45,
' Job, xxxix, 2K.
■'' /AfV/., XX VII, 6.
* Isaït', xxxiii, Ifi.
70 REVUE DES ETUDES JUIVES
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* C'est la première lettre des mots suivants : DP^n b^'C
» Il Rois, IV, 10.
» EccL, V, 1.
* Rutb. II, 2.
' = "^DN i comp. Prov., xix, il , Isaie, iLviii, 9.
" Ex., XIX, Î2.
' Jbid., 23.
LETURES DE SCHESCHET 71
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r-iN t*<:u5bT ,^"«3mN nw\ rrnriNb ,^mit?3 D-i^pb-i ,^:i:in m^b-jb pn
■^nnwsn .^nb-n "^pntdi ,^•^nNDn "]nb^n:i tn-Ncn np^n "^d ^'^^j^rr:;
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» Il Sam., XIV, 13.
> II Chr., XXXII, 1.
* Job, XXXV, 1.
* Ex., XXXII, 32,
Isaïe, XXXII, 5.
* I Sam., XXVI, 19.
72
REVUE DES ÉTUDES JUIVES
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* Deut., xxiii, 26.
* Comp. Ex., XIII, 22.
^ Deul., XIII, 7.
*^ Ps., LXXVIII, 21.
■ Ex., XXVI, 17.
® Isaïe, Liv, 2.
' Ps., XLII, 2.
* Jér., XXX, 13
LETTRES DE SCHESCHET
73
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^i^^n t^bi ynwX ^b.x nnon
,Nb ûN Y'^'*^ r^' rmwS"i?3 na
^ = Explorateur.
' = T3*ip3, quand il s'approche.
> Il laui ^peut-être lire ce vers : -i173T 0"ID ïni^S ïinp tZ'^'^p ION r:N'2
^rTl tn735<3 et traduire ainsi : Que l'ami qui remplit son vœu accepte ie Us
[=. 1'Q^'0 la capitale de la Perse].
^ Ex., XXXV, 25.
* = De Ion absence.
* A cherché.
^ Lisez tjS^Sf.î ^saïe, lviii, 13, yn = Tt^^l ; Eccl., ix, 7.
* Et ton ami seul doit être (noir) dans les ténèbres?
» Jér., XIV, 18.
74 REVUE DES ETUDES JUIVES
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.rîDnj^ rn::'T> c*^bi ï-inn^n ^-^pn "■i-:5b ^b n-^n "^icdd ^ab V^'»^
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•'Ty ^njD-Q in:m .i-dd me- ni:n \'^3't>t .pn t<L:vD
miDD^i ,nyn7:n rnj'nbi ,n'i2r> ■'d tzinobn .tt^i^tt -^jnp riab ""nbi
c^bn ,ainob pN c^bi ,:>-i:b in; ^^N^7: Nb nny ^y^ .•ns^anrr
p b^' .!-I3^^7J n2Nb7:m nizp srm .mmDb û^7j «bi ^nyab tny
* rr; Et ton âme n'a pas leuvie.
' Deut,, xxxii, 15,.
» Ps., L, 16.
* Isaïe. II, 10.
5 Deut., XIV, 24.
* p, 'O, n, les lettres du mot pian.
^ Ex., xviii, 23.
* Isaïe, LXii, 4.
9 Comp. i^uiJa Kamma, i, 1.
LETTRES DE SCHESGHET n
•^sr-'iinb *]^32 r-nbnbi ^Dnnbi .tzb'^ab ^b biNUîb r*<2wS-i ^nii ^n-ijip
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Mèlre
-;U73 r-iujwST mni< rnbnn '^b m*::»
: ï^.2 rjTviîTob mb"^ bN?a ^b r-ibD
t<b "^Dis-i .!i:Db72 in-non ram .ïiDb?ûrj tznin ynrî ï-it T'a ,-]^,-;
^•^3D r-nbnbn ,t3"ibu5 '^:''^72U3nb p^ ^^-^iN-b n:'^ ^nbiD^
n2b n^-^ TNT ,ûb'::n t^nb ^■'733'd n-T^bi .^plX oinn72n bD isr-'mnb
1"ûprr ^^HN ."^mnNn iNDH^ûn ,"|nnDn piTn?3r: ."^nnriwX itû^nî : tzib-vD
iij <i)
(yl suivre.)
UN RECUEIL
DE
CONSULTATIONS INÉDITES DE RABBINS
DE LA FRANCE MÉRIDIONALE
(suite •)
VIII. Isaac h. Mardochée et le Kol Nidrè. — On connaissait
l'existence d'une lettre d'Isaac ben Mardochée sur Kot Nidrê. Gar-
moly déclarait l'avoir lue dans un ouvrage de Josepli Alas^chkar, in-
titulé û^^nrr y:^ ^'^'^'; mais il n'entrait pas dans son prou^ranime de
la reproduire, ni même de l'analyser. Le traité d'Aïaschkar étant
resté inédit, c'est une bonne fortune pour nous, comme on le
verra, de retrouver cette consultation dans notre recu^^il (n*^ 67,
f- r29&-131).
Elle n'offre pas, en effet, un intérêt dépure curiosité; eUe relate
un épisode nouveau dans l'histoire du rite de Kol Nldrè, qui a
soulevé tant de polémiques, et nous instruit de l'opinion d'un rabbin
célèbre en son temps sur cette question si controversée.
Comme tout le monde le sait, Kol Nidrè est une formule récitée
trois fois par le ministre officiant, au commencement de l'office de
la veille de Kippour, pour annuler les vœux et interdits volon-
taires violés par oubli ; elle a pour complément ce verset du Lévi-
tique, qui en fixe le caractère : « Il sera pardonné à toute la
communauté des enfants d'Israël, car tous ont agi sans prémé-
ditation. »
» Y o\r Remie, t. XXXVIII, p. 103.
' Oçar Nchmad, III. p. 107.
Ce rite n'est probablement pas antérieur à l'époque des Gaonim i
en tout cas, il est inconnu du Talmud, et plusieurs Gaonlm luttent
contre son introduction. Tel Natronaï, qui vécut au ix" siècle : « Ni
dans les deux académies (Sora et Poumbadita), dit-il, ni en Ba-
bylonie, pareil usage n'existe, que ce soit à Rosch Haschana ou à
Kippour ; nos ancêtres ne l'ont jamais observé, mais nous n'ij^no-
rons pas qu'il s'est répandu dans mainte contrée ^ » Ce n'est donc
pas l'œuvre des Gaonim, c'est-à-dire des autorités officielles du
Judaïsme d'alors, ni des Académies qu'ils présidaient. Amram
Gaon, l'auteur du Siddour (Rituel), ne le connaît encore que
comme une coutume particulière, qui est loin d'être universelle-
ment admise-. D'autres Gaonim font éjzalement leurs réserves sur
la validité de ce rite; tel le Gaon Haï, fils de K.Nahschon^.
Les rabbins espagnols manifestèrent la même hostilité ; comme
le dira Isaac b. Mardochée, Alfasi et Maimonide ne mentionnent
même pas cet usage ; les plus illustres commentateurs et décision-
naires, encore au xiv^ siècle, comme R. Nissim (Ran) * et Isaac
b. Scheschet (Ribasch) ^ ne veulent pas en entendre parler. Même
l'auteur du Tour, Jacob b. Ascher, malgré son origine allemande
et son respect de la tradition, ne dissimule pas sa répugnance à
l'enregistrer dans son code, et il s'excuse, en quelque sorte, en
constatant que ce rite s'est répandu partout.
Ceux mêmes des rabbins qui, à l'origine, avaient donné l'hospi-
talité à cet usage dans leur Rituel ne manquèrent pas d'en mar-
quer nettement la signification et la valeur, afin de prévenir toute
équivoque. D'après Saadia, la formule ne s'applique qu'aux vœux
collectifs i\Q la communauté; voilà pourquoi elle se complète par
le verset du Lévitique, qui parle de la communauté des enfants
d'Israël. Mais les vœux des particuliers, nul ne saurait, s'il les
violait, échapper aux responsabilités qu'en entraine la trans-
gression^.
Au contraire, pour R. Tam, la formule n'est faite que pour les
vœux que chacun prononce par devers soi, car elle annule les vœux
dont on ne s'est pas souvenu; or, les vœux coUectits, on se les rap-
pelle toujours'. L'usage, ajoute ce rabbin, qui, à la différence des
' Schaarè Teschouba, 143 ; Hemda Gnenouza, 6, etc.
* P. 47 de l'éd. de Varsovie.
' Schaarè Teschouba, 143; Kosch, sur Toma, viii, Im.
* Dans son commentaire sur Nedarim, 23 b.
"* Cité par Joseph Caro, Bet Yo&ef, Orah Haijyim, 619.
*» Tour Orah Hayyim, 619 ; Rosch, sur Yoma, viii, lin, cite lu formule de Saadia,
qui est la même que celle du Siddour de R. Amram.
' S^/~er Hui/aschar, 144.
78 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Espagnols, y était très attaché, a été institué à une époque ancienne
— au temps des Tannaïm — à cause de la légèreté avec laquelle
on formait des vœux : on a voulu parer ainsi aux conséquences
surnaturelles de l'inexécution de ces engagements volontaires.
Haï Gaon, ne se jugeant pas sans doute assez fort pour abolir le
rite, en a modifié la formule de manière à la rendre inoffensive,
pour ainsi dire; voici celle qu'il avait imaginée : « Tous les vœux
Ht interdictions que nous nous sommes imposés depuis le dernier
Kippour jusqu'à celui-ci, et que nous avons violés par oubli ou
involontairement, nous prions Dieu de nous les pardonner ; que
nos vœux ne soient pas des vœux, pour que nous en soyons cou-
pables, que nos interdictions ne soient pas des interdictions pour
constituer des péchés, que nos serments ne soient pas des serments
pour que nous soyons châtiés, comme il est écrit : Il sera par-
donné à toute la communauté, etc. * » — De la sorte, il ne pouvait
y avoir le moindre doute : il ne s'agit pas d'annuler rétroactive-
ment des vœux qui n'ont pas été remplis, mais de demander à
Dieu d'en pardonner la transgression involontaire.
Isaïe de Trani l'Ancien donnait un autre motif à l'institution de
cette coutume. Le Kippour, dit-il, amène le pardon des fautes dont
on s'est repenti. Mais il est une catégorie de péchés pour lesquels
la simple pénitence ne suffit pas. Ainsi, celui qui était obligé par
la loi d'apporter des sacrifices de péché n'était pardonné qu'après
avoir rempli cette condition. Pareillement, ceux qui ont fait un
vœu, par exemple de donner une certaine aumône, ne peuvent
rentrer en grâce auprès de Dieu qu'après s'être acquittés de leur
vœu. Mais il peut arriver que le fidèle ait oublié l'engagement pris
par devers soi, le Kippour n'aurs>-t-il pas son efficacité ordinaire à
cause de ce manque de mémoire? C'est pour remédier à ce mal
possible et prévenir cette éventualité qu'a été établi cet usage : les
membres des communautés annulent les uns pour les autres les
vœux transgressés involontairement afin que le Kippour ait son
ple^n effet 2.
La plus originale interprétation du Kol Nidrè est celle de
R. Benjamin, frère de l'auteur du Schibbotdè Hallékef, dont l'es-
prit indépendant est bien connu : d'annulation de vœux, il ne
peut être aucunement question ; toute parole ayant ce but serait
sans portée. Ce que le fidèle demande à Dieu le jour de Kippour,
c'est de lui pardonner d'avoir prononcé des vœux : le Talmud ne
dit-il pas que formuler un vœu, c'est élever un autel sur un haut
lieu, et l'accomplir, c'est offrir sur cet autel interdit un sacrifice?
* Cité dans le Schihboulé HalUket, ^ 317, p. 295 de l'éd. Buher.
» Ibid., p. 294.
UN RECUEIL DE CONSULTATIONS LXKDITKS DE RABBINS 7'.»
C'est ainsi que, d'après la Bible, les vœux annujf^s par le pouvoir
compétent, comme ceux de la femme par son mari, de m^me que
ceux qui ont été accomplis, comme celui du Nazir, nécessitent
encore le pardon divin ' .
Cette diversité dans l'explication du rite recouvre une unanimité
parfaite dans le sentiment des rabbins qui le proscrivaient comme
de ceux qui le prescrivaient : le respect de la parole donnée, la
crainte non avouée que l'ignorance se croie autorisée à violer des
engagements sacrés. On dirait même qu'une telle éventualité leur
a toujours paru impossible, car, à ma connaissance, pas une fois
ils n'expriment cette crainte; ce qu'ils redoutent, c'est que le popu-
laire ne finisse par prendre à la légère les vœux et engagements
de cette nature.
Aussi quand l'apostat Nicolas Donin accusa le Talmud de per-
mettre la violation des serments et engagements pris envers le
prochain -, Yehiel de Paris eut-il le droit de protester avec indi-
gnation contre cette infamie: jamais, dit-il, ces annulations de
vœux n'ont visé que des vœux faits par devers soi ^; quant à la
formule de Kol Nidrè, elle est suffisamment expliquée par le verset
qui la suit: elle veut remédier aux conséquences des violations
involontaires des vœux'^. Nulle loi, ajoute-t-il, n'a recommandé si
sévèrement que la nôtre le respect de sa parole; même si notre
engagement doit tournera notre détriment, l'Ecriture ^ veut que
nous y restions fidèles. Ainsi fit Josué envers les Gabaonites ''\
quoi qu'il eût été trompé par eux \
» Schibhoulé Halléket. p. 294 de l'éd. Buber.
' Dans les Extractions (voir Loeb, Revue, II, p. 267., il est dit : • Et quiconque
veut n'être pas tenu d'observer son serment n'a quà protester au commencement de
l'année que les vœux et les serments^ qu'il pourra faire dans l'année sont nuls. • Re-
marquer que dans le texte visé ici il îi'est pas parlé de serments, mais de vœux.
D'après le Vikkouah de R. Yehiel, Nicolas Donin t'ait une confusion — volontaire —
analogue : n^^'2 1173^ ^Tlj 1?3"«^pn-' Nb'i: ï-t^ITin D^T1j3 ND^^« 1^y^
■'l'TS b'D ^ITON'^T d'ails Do- « En outre il est écrit dans le traité Nedarim: * Qui-
conque veut annuler ses vœux doit dire à Kippour la formule Kol Nidrr. > Or on
verra plus loin que le texte ne parle pas de Kippour, ni de Kol Ni'lrr.
• Dans la Confessio magistri Vivo {■= Yehiel) on lit : « XXIL Dixit tamen
quod hoc intelligit de volis vel juramentis vel promisis factis ad seipsum et
non ad alium. » Voir Revue, III, p. 56. Dans son Vikkouah, Yehiel dit, en effet :
Nbx Y^'^i ';mN ir^rr myinDi Dm3 'j^n^n?: rm-jT^nn 'y^ nnrwXpm
D";n V^ i^"^3nb û^N l^3'w*i û"^"n: b^wX pn pbn û-^nn^b i^nt i?:::yb
nn:s>n» NbN -isr-tb bi'D^.
'' "^D ...my b^b nbom Ns^ob b^c:: ■^n'is bd by r!:>nn rbwVo n"::NT
iniîD ûnN b'^UD^ Nb'CJ m5y:;n pn i^^^dj: i:r:wN "j^n n:..vo3 Dm brb
:i:n;r3 inyinuin iî<.
"^ Psaumes, xv, 4.
• Josué, IX, 18.
^ Vikkouah, p. 7,
L'aocusation de Nicolas Poniri entra dans l'arsenal de la polé«»
mique anti-juive; elle servit dans un grand nombre de contro-
verses. Aujourd'hui encore et presque annuellement, l'ignorance
naïve ou volontaire de cuistres imbéciles dénonce à la vindicte
publique la scélératesse des Juifs, qui, moyennant la récitation de
cette formule commode, acquièrent, selon eux, la liberté de violer
sans scrupule tous leurs engagements.
Une modification fut apportée à la formule par R, Tam, le
célèbre rabbin champenois du xii^ siècle. Aux mots : «... depuis
le dernier Kippour jusqu'à celui-ci >j furent substitués ceux-ci:
«... depuis ce jour de Kip[)Our jusqu'au Kippour prochain * ».
R. Tam est-il vraiment l'auteur de cette réforme? D'après les
termes du Sèfer Hayaschar, il n'aurait fait que s'approprier l'opi-
nion de son père, le fameux gendre de Raschi. Mais, d'après cer-
tains textes, cités par M. Epstein, le changement est l'œuvre de
Méir, le célèbre ministre-officiant de Worms ; le père de R. Tam,
qui a habité quelque temps cette ville, a pu en rapporter la nou-
velle formule-.
La raison de ce changement était purement scolastique, c'était
le scrupule d'un talmudiste épris de logique et voulant de la consé-
quence, même dans les usages. Or, le rite de Kol Nidrè n'a d'autre
point d'appui qu'un texte talmudique ainsi conçu : « Quiconque
ne veut pas le maintien de ses vœux doit, au jour de Rosch Has-
chana, déclarer que tous les vœux qu'il prononcera dans l'année
sont abolis, mais il faut qu'il se souvienne de cette condition au
moment du vœu^. » Ce texte, avec cette restriction, est assez
étrange ; aussi est-il corrigé par tel docteur du Talmud. Bien
mieux, il a pour but d'exphquer un passage obscur de la Mischna,
qui ne dit rien de semblable. Quoi qu'il en soit, comme c'est le
seul fondement possible de notre rite et qu'il parle du futur et non
du passé, il était logique de modifier dans ce sens la formule con-
sacrée. D'autres considérations d'ordre talmudique sont encore
mises en avant par R. Tam, mais, en réalité, celle que nous ve-
nons d'exposer est la principale.
La correction souleva une véritable temi)ête, même parmi ceux
qui n'étaient pas opposés à la récitation de l'ancienne formule.
Même le Rosch (Ascherb. Yehiel), qui naquit et vécut longtemps
en Allemagne, où R. Tam était une autorité indiscutée, déclare
nettement mauvaise cette rédaction et décide qu'il faut en revenir
à l'ancienne. C'est à cet avis que se conforme son fils, l'auteur du
* Sé^cr Haijaschar, 144.
ï Voir l'anicle de M.Epslein, dans i«:<rr«tf, XXXV, p. 244-245.
■•' Kcdarm, 23 /j.
UN RECUEIL DE CONSULTATIONS LNÉDITES DE RABBINS 81
rowr*; pareillement Tauteur du Schibboulé Halléhet, quoiqu'il
fût le disciple des savants français'. Isaïe de Trani l'Ancien, dont
ce dernier invoque la démonstration, et Ibn Giat, cité par le
Manhig^ réfutent victorieusement Topinion de R. Tara.
C'est à la fois et sur le principe même de la récitation du Kol
Nidrè et sur la formule à adopter qu'Isaac b. Mardochée fut
consulté.
Sa réponse n'est point faite pour surprendre, elle est entière-
ment conforme à l'esprit qui inspire toutes ses Consultations.
Il commence par déclarer qu'il a déjà étudié la question dans son
commentaire sur Nedarim. Puis il attaque de front tout de suite
le raisonnement de R. Tam, dont il reproduit sommairement les
termes. Il invoque contre ce docteur Isaïe de Trani, dont l'opinion,
dit-il, s'accorde avec celle de Saadia, puis Ibn Giat, déjà cité par
le Manhig,
L'ancienne rédaction de la formule doit donc être préférée à la
nouvelle, dans les communautés où le rite est en vigueur. Mais ce
rite lui-même est erroné, l'opinion des rabbins espagnols, de la
Babylonie et des deux Académies lui étaient ou lui sont contraires;
or, ce sont ces autorités qui sont nos guides. Voilà pourquoi aussi
Alfasi et Maïmonide n'ont pas mentionné cette coutume, qui heurte
les principes de la tradition. Il ajoute ce détail, qui ne manque pas
d'intérêt : « Elle a été abolie dans la plupart des communautés où
il y avait des rabbins considérables et érudits. » De fait, nous
savons par le Manhig qu'en Provence, c'est-à-dire dans le Midi
de la France, elle existait à la fin du xii® siècle. C'est donc bien
d'une abolition que parle notre Isaac. Du temps de mon père,
dit-il ensuite, je n'ai vu à Narbonne ni ailleurs personne qui eût
l'idée de réciter le Kol Nidrè, et ainsi en est-il de nos jours,
a Le ciel me garde, telle est sa conclusion, d'inciter ainsi à des
erreurs, car à quels préjudices n'expose pas cette coutume les
particuliers et les communautés ! Un jour de pardon et d'amen*
dément, où les scrupules doivent s'aiguiser, comment prononcer
de telles paroles ? »
Israël Livi.
[A suivre.)
* Or ah Eayyim, 619.
« § 317, p. 293 del'éd. Buber.
' P. 59 h.
T. XXXIX, NO 77.
.82 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
APPENDICE
VII
^:f ^r\b2fJ2 n^iN-^i ^m^D aujr: b">is"^ î-îbyDrj l'^un -^rTaTa Kînuî
^v Wn nn73«b "^iN-i toN D'«n'iTn72rî r-iirpn mn^rt -^ms bn nos
r-j-tïT^^ ûN n»N''\D tz-^SD nrN b^ ïht insd-^uji ><b un ta-^-nsDn
b"n T^nya nT>3 n^Ds^-^;:: rr): bs n-^n?: -«Nsn irsr r^-^nv^a i^ j-ith
^ss-iN rjbN^n t-iNT2 "«b n^-is^ î-i?: "^"^ssb nir-iN m^i:i'»y nn^sT
î-Il:'i3 in:>T T^bN^a n^a in'ï:zi>2 Y^ ^ms ^'SsrsT ,^a t>ii:ii5b ano?a
^-iToiNi ûi-ns n:D0?3a ■>nnN''2ï3 n?: û:? 127:52 -^bitN r<i:73;r! ^sb nîa
'nnsn riDsrj by t-iD-iir ■'Da ni:p n7:ib isrî3 "^n^s bs bus nosr: riT
^sbn ,m?D3ipr;T m:>"ia^m û-'noNm Dmsr;?: ^2to hj: n'^nnb û-'mTnTsa
ib Yi<^ nai Ntnu: riTi-r ^mrr bj^ û-^m: nn*»:! b"T apr-^ '"^a-ib rs^pnn^
D-i-ns rT5>anî< 's ns-^sujo nm^a sna^^rj nbm 5<nD3n laa^^a bbs ï:-iU3
taT^73 i-ims NsnoNT nmînTDa r-T>:;!iT ^'lai v-ns iTa-^-ipri «bu: niri-im
î-73m .'-luî-^n -iDoa 'ins^a 15:3 b^n «ar: ûmcaïi ût» i:> r-iT û-i-nDS
ns'a^arj nsia?:^ rs?^ anpn bax iNt) n':îp Ninuj î-t53 b"T ann p^nnrr
n^o-iob "^iN-i Y^^ ^"^ N"*^ ï^3^73n nniN?: nTob^rj i->irT»:j NnTaiin ^m^s
ï-T;a-n73b nao t^srn na t*^3irî a-i ^'i-i72Nn5 a^ana la ïsinbi
riînn^r lias Na-in t^a-^bN '7::\a muîTs^ ^"nr^ bj' '-^s Kp-ica
■^nna nb "^îm ai-i:^! '""d -^T^ino rib D-^no N:n t*^an b"N "lai
•'Db'^s t**ibT ■^a'^n "^n nu:c3 "^DNa «nnanN r<bi 'Tr">bN 'm «rr^-'anniN
t^anai «in "^NTiai Npnca ï-r-^b nu5-n r-iNi ûmsa t^bipb nr53
Gfi<i ,naTUJ naob nnom n7:"ino t^-^rr^T it rrr^TTo '""Da 'r-jtps
•mnnu) toms bD in;DNb 'wiNm noniNT^ri ï-nrs 'd i2nrj:73 n^sNn
D''-iD"i73 an -^in ûiba 'wn «b i">7:"«-'p p ^m "^2^53 ûnp?273 Nax':: ir i^a?:
wir; \srî "«sa \s2n '7jbNT nDi73 ■i5\s 'in D"^7:am nDi73 '73"im 'T^^-'bN 'n
ï-T^b i-inn^T t^nsDina '7::'-j "•înpna eanrt /pa-n Ka^bx ■'2^7: t^b
'2"^y73U)T 'iDT -nn-" Nb-:: i:^ i73i:r "^-112 nD-'^sb n73 'Ty^bx 'nb pa-i
n2C7:r^ '-^d -^anb-i jh"" '?33Tj wN-'nna Na-n «na mTD pan '•'•tnt î-i2"^73
b:> n^202 û-'-n2a UJ5<-1 mbp i^r;2"« «bï: "^nD "^a inao dot "ip:>rt ht br it
i72i::> ■^m2a riTa b^yM2 •^N2n!rfO n-^wS i*»! n^^is^a v^*'»^ ûnt nin iT^abn
* Nedarim, 1'\ b,
Ǥ144.
' Nedarim, ibid. •
UN RECUEIL DE CONSULTATIONS LXÉDITES DE RABBLXS 83
^itti îiT^a nîonïTi) îit bbs?2 isn^^bi ,in^N m53 b"«:>i73 irN*:: ^''^^nt
!-T3Uî7:n -nana 0011073 mono -nNsb '-«dn'U iTaonob "^i^-i i^t< o^-,-7:o
/liTsno p m-nnb moxu: p;a bo 'i^t^^po bor; i\n^ d":?nt iT'pon
ms'ioujn Nin O'^noNm ts-'-nsn uy m^snoso ono^ rsTa * Sb?:':: '^y^
lpbn3U5 D":'NT i?3i::? Tir?: •^Nsns moï^ u:-< on ""î^m t-n:>io^m p &a
nN73 — iNioTa m^io^o moNH b"T tz;"nr; ono« 1730 û-^^ins nstp
in^b "^nNiTTST .Mbanb û^w'j: ouji np^b r-T:>io^ «■^riinb Ti^n'n ^nr>^
«5p373 t^in;:: onnî mobna b"T "^b^^ 'no in^y^> '-^on -«jan •«siNSTa
iDyT»;!} Î-I73 rnoT bbo73i ,tamTn7:!T nnosb r\i'-t NiiS^ab to-^m^
^tt iN"n î-To-i^25n ï-ittjy^o msi:^ Sd b:^ "noDa o-^-nosn Qt^t
yin îiai^nn or "noD?: o-^niooin ût» mTor bo^ î-tt la-^r^Drj^
nni3 tob^a-^uî ^ly noo^a i^n^ nrijnpm mpnir ^mso to-^msn iiy»
tsT» orr^by ^oy^ v^'^i rn72UJNi r-iiN-jn "^o-iin 13■^D^2:^ nniNOT
ma ON ^p'^ïiîi rrT b:>T to-irnoon dt^ t^^^onb i-^o-^-^n Q-^-iioort
nDiu: Nir: '"^dni tni'n i-iaio onioor: tsT^ ^^ ITsvpo o-^-^n^) oms
ibN *-n32io T^rnb mitiN n^po i^ïia r-TTb*' lo o-^-^in?:^ n^ao aai^n
n« î-iT iiT-^ moisn ibison on» ta-^-^pî Son rrr'^îî ino maa^ïi
T'ist '-iMNî ona Nirvo S:' Nbi nnoT tonm: tannsn ib^?: nt
Mno: i"^nrîi N7avoa r^a^ îhtt yn*' irNUj nn5< ni2n t-iN anob
• ^an ano ï-iTb ai-ipi ,a-in rïT nnao «"^n *]0 .n^a^a oyn bob -«d
nON inoNT î-I:^a)0^ nis^b «bx î-r^n r<b p i^usiyia 153b iipnn î-it«5
bo toNi '-^nono r-n5:i^T i-^o^in "«nnî "ji^o noson rr^aa ca;i:o3 br
m?3ipwn imNa rrTn :n3wrt "^T^-^pTa ^nn iîit /ii^^ai bN-i^îî"» my
nobm?: ma-^^ji inuîai Saaai 'r-iooa û-^siNin n'jtt) bax ,ia lans©
MT-'N b:^ iism "^iNn nai ûim) noDrr nra i^n*^ «b on^ îitt nT?3
I» na:';!) n?: nn-^na NiiSTab n^oNia V'T^^î^ ^^^ "^^^ î-t'>?t'U5 û-^sd
tsmari i'^3:>a in n^?: tan o-'Uî-ibn o-^nam uîw» tana v» ca-^mart
t-nw\zj!i ibN Sou) pso VN •'O nsiiuîn îrny v^^^ "^^ ta^^iN^aan
m rr^noa '-^nio nooTa û'^niDon or û^n NbN la n-iOTa \^i^^ «lan boi
îTTbi ûip^ 1720 -^b-iua ^Nia72 p to:» û-innsnT: T^nrw î-î» nn'«ïii
■«nu5a r^b V^m3 i"'» înTn liu5ba tobi^n ii«a •'NSinaa an ano
Nbi î-T3«jn ujNna t^^b o-^nn^ n-^nnb baaa tDip73 boa «bi mariai
'101 -^noNi •'ma bo '731N miitnN nNMJa^: ',3^73^ t^bx û-^nicon tara
pN pHi:"» '■'an 't-101 ,'D"y i3-^nian73 i3y73\a t^bi lî-^Nn i^b i3n Sa»
ta-^ma mnnna '731N i3ni b"Ti tamson or mobna b"T n-^^^a
to-^msai ,13^73^5 Nibi i3n»b aà !-TTn ^i^boi t-m mooa mj'ia^oi
î-i3Uîn ^Nna ni73:>"^ nsiDn bo im3 i»'>'^prT» Nb^ Mirinrt '-^ona
'■'»''pi n"'N3nb ï-j"^baa m3n ny\i3a mot •'n '■^^p73i 'ioi *n73«''i
ïiaa '73N t^an noi ^iot nm"^ >*b;î) labai •'3n "-^aN '73» .ta-^msb
nb û-^no i^3n ny 'ioi •'snNT ''«73 ^'n'» t^bn ï-t3U}n ^«na •'3nNl
» Lire bb073^.
* Saadia.
84 REVUE DES ETUDES JUIVES
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imî *inN5 n2n72'>a •^9:5 mnn nby-ia î-ttst ,^n^nb V"T"3 V^"*""
rr'b Nim TiTanTaT t>43i5 î-jDbm iiu^nî an n« ^a ■^\sn an
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b:3 p i'^:»m3 rnuî '-rnan?: Vjyt:^ ià^ to-^nncan D'pa ^^ ï^^'un
ai":^ ma-'u:"'!! ans?^?: I5ï5n S«t i3m72a TT^?:nn ûn^ C]ni -ipy
î-iTH :^nD72« nbbrr ûna-in bba73 i2^7ibi ,n'»"'i<:> pi< ''•an r-nabna
•'SiNS bu) î-ï-im:'^ î-Taï:b m:'^ r<bN ;r!2?3 irK n72N''\a no: î-it "^n b>
îHTbi ,v^"i:f i3ô< ûr:^"C55>7ûDT î=;^^n liN t:n-^c« "n*::» moaT Saa
■'SD?: tonniana î-ith 5n37:n D'i'm :)"->-in nbi^n ma« nai «b
ann73 tavn 5rs27:n î-it b::an3 naai .ï-rbapn "^^t»:) n^^a i^in*:)
b^'iD mïjyb î-ib-^bm ,û-^N'«paT a-^bTra a">?3an tona iin^a m?:ip7art
•iT^ by mbnbjin?3 mbpn ïnToa ■'a bvi:a73 •'T^b cnbiTT l"i7anrt r-^a-'
tomsan a^» 1523 ï-i-isai nn^bo ava pu; baT mairbi f^T^nb p
,^N« t-np^pin» msiD csTs^n baa vi^'^ T'nrj t^î-nsm bin:n
•«-i^s ba T^SDb '731b nab b:^ ï-iby^i: •>» "irT^^-i «b b"T n?: t^^ax "^Ta-^aT
U5-ns ,v-inj< i:in3 pi abn/? m72ip7a n^uja Nbi nsia-iDa ï^b
3\ï5r bN n:^: biru) ^»ib;aa ni:^ «sm-; ^ny72u:?2b 10 ^^mbfi<':57ab
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é
I
LA LUTTE
ENTRE
ISAIE, FILS D'ABBi MARI, ET YOHANAN, FILS DE MATATIA
POUR LE RABBINAT DE FRANCE, A LA FIN DU XIV® SIÈCLE
On connaît, par les Consultations d'Isaacb. Scheschet (Ribasch),
le différend qui troubla la communauté Israélite de Paris peu
d'années avant l'expulsion de 1394*. Matatia, grand rabbin des
Juifs revenus en France en 1359, était mort et avait eu pour suc-
cesseur son fils Yohanan, qui ne manquait pas d'une certaine ins-
truction, comme on peut le voir par ses lettres. Le nouveau grand
rabbin, reconnu par le pouvoir royal, avait déjà pris possession
de ses fonctions ; il présidait l'école rabbinique de Paris et avait
môme formé des élèves — au nombre de trois — devenus dignes
d'exercer le ministère sacré. Tout d'un coup, un disciple de son
père, Isaïe, ou Oschaya, fils d'Abba Mari, appelé encore Astruc,
vint lui signifier son congé en produisant un brevet du fameux
rabbin viennois Méir Halévi , qui l'investissait du pouvoir
suprême rabbinique et déclarait passible de l'excommunication
quiconque ne se soumettrait pas à son autorité.
L'ingérence d'un rabbin étranger était déjà par elle-même
extraordinaire; mais, au profit de qui s'exerçait-elle? Au profit
d'un intrigant, dépourvu de scrupules, qui avait déjà su tirer parti
de son audace turbulente : n'avait-il pas déjà, par la menace d'une
destitution, amené un certain R. Simson à lui donner sa nièce en
mariage? Et maintenant il ne craignait pas de s'en prendre au
fils de Matatia, montrant la gratitude qu'il gardait au maître qui,
non seulement l'avait instruit, mais encore élevé et entretenu de
ses deniers. Il était arrivé à ses fins, son ambition était satisfaite ;
» N" 268-272.
86 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
mais à quoi faisait-il servir son succès ? Au lieu de diriger les
réunions académiques à l'époque traditionnelle, selon l'usage
français, il battait les chemins, à cheval, faisant métier d'agent
matrimonial*. Quant à R. Yohanan, qui nous dépeint sous ces
couleurs, peut-être noircies, son rival, il s'était déjà vu aban-
donné de ses élèves.
Yohanan, au lieu de faire appel au bras séculier-, exposa ses
doléances aux rabbins de Catalogne. Cette province comptait alors
les savants les plus estimés, les célèbres Isaac b. Scheschetet
Hasdaï Crescas ; c'était là aussi que son père avait pris ses grades,
à l'école de R. Nissim et de R. Péréç. En plusieurs circonstances,
d'ailleurs, lui-même avait eu déjà recours aux lumières des rab-
bins catalans. La lettre qu'il adressa à ces deux docteurs renom-
més et les réponses qu'il en reçut se trouvent, comme on sait,
dans la collection des Consultations de Ribasch ; comme on le sait
aussi, ces deux autorités se prononcèrent en sa faveur.
Une troisième personne intervint dans la discussion : ce fut
Moïse Halawa de Tortose ^ La Consultation qu'il envoya à
Yohanan était en partie connue, pour avoir été signalée par
M. Steinschneider dans son Catalogue des manuscrits hébreux de
la bibliothèque de Leyde (page 223). L'illustre bibliographe s'était,
il est vrai , trompé : il avait attribué le document à Ribasch,
malgré la note marginale d'un propriétaire du ms. le déclarant
écrit par Moïse Halawa. Graetz, n'ayant aucune raison de révoquer
en doute l'assertion de M. Steinschneider, a rapporté à Isaac
b. Scheschet certains détails biographiques contenus dans la
lettre ; c'est ainsi qu'il a fait de ce rabbin un centenaire.
M. Halberstam s'est aperçu de l'erreur et a revendiqué pour
Moïse Halawa la paternité de cette lettre*. Il eût suffi, du reste,
de comparer le texte de celle-ci avec la réponse de Ribasch, qui
est imprimée, pour s'apercevoir de la confusion. En 1873 parais-
saient à Jérusalem les Novelles de ce Moïse sur le traité Pesahim^
et r « approbateur » de cette édition, Abraham Aschkenazi, dé-
clarait avoir en sa possession, sous le numéro 133 d'un ms., une
lettre dudit Moïse Halawa écrite à propos de la lutte entre Yoha-
» \i ^^\Db aii'ib b-^nn-^ ûTD^isn ^rx:)yD T\yy^^^r\ i?^^ ^'^^ ^'■'jnai
D'^iTiT mnob IN ■^jbs nab "^DbD.
* D'après la lellre de Ribasch, il avait été reconnu rabbin des Juifs de France par
le pouvoir royal.
* Ce nom s'écrit de plusieurs façons. Dans le ms. de Leyde dont nous allons par-
ler, il est orthographié : ïlt^TII^bNn ; pareillement dans la noie marginale du ms,
de M. E. N. Adler.
* Voir Hebr. Bibliogr., 18''3, p. 74. Son opinion a été adoptée par M. Weiss,
Dor Dor Wedorschaio^ V, p. 1896, note 5,
LA LUTTE ENTRE ISAIE ET YOHANAN 87
nan et Oschaya, et contenant les mômes détails biographiques que
le ms. de Leyde.
Ce ms. d'Abraham Aschkenazi est maintenant en la possession
de M. Elkan Adler, qui a déjà mis la main sur tant d'ouvrages
précieux. Avec sa permission, nous publions ici la réponse de
Moïse llalawa, qui intéresse l'histoire des Juifs de France *.
Cette lettre egt malheureusement écrite dans le style déplorable
du temps ; ce ne sont que tours de force, vrais feux d'artifice de
centons bibliques et talmudiques ; les calembours n'y manquent
môme pas, et le scribe les a soulignés. Une traduction de ces
quelques pages serait fastidieuse ; il suffira de résumer les trop
courtes lignes qui ont un intérêt historique.
L'auteur dit qu'il n'a pas l'habitude de se prononcer sans avoir
entendu les deux partis ; mais, en la circonstance, l'abstention et le
silence seraient coupables. Matatia a rendu de grands services à
ses coreligionnaires de France ; souvent il a arrêté des mesures
fâcheuses que voulait prendre contre eux le gouvernement. Son
fils, Yohanan, est un savant connu, et il vient d'exposer ses do-
léances aux rabbins de Catalogne. Juda b. Eliézer (le même qui
s'était rendu chez Isaac b. Scheschet) s'est présenté à son école
porteur de la lettre du plaignant. Il a vu aussi une pétition signée
de la majorité des membres de la communauté de Paris. Pour lui,
il ne connaît personnellement ni Méir Halévi, ni son protégé ; il
rend hommage à leurs mérites; mais il croit devoir s'adresser aux
rabbins de France et d'Allemagne pour leur signaler le scandale
produit par ce différend : quelle impression doivent produire ces di-
visions sur les Israélites et leurs adversaires, particulièrement sur
les gens du peuple*. Il a quatre-vingts ans et a vu autrefois en
Catalogne nombre de rabbins remarquables par leurs vertus ; dans
sa jeunesse, il a grandi, à Barcelone, à l'école de Salomon b. Adret,
en compagnie du fils de celui-ci ; il dit l'éclat de la renommée de
ce maître ; puis, il a vu les deux astres, R. Péréç et R. Nissim ;
il n'a pas craint d'être en désaccord avec eux, et jamais on ne l'a
traité avec hauteur. Les autres rabbins du pays non plus n'ont
' Ce ms. reoferme, eotre autres, dix-neuf Consultations rangées, comme dans
celles du Raschba, sous la rubrique des localités consultantes : Monzon, Alcaniz,
Majorque, Paris, Calalayub, Barcelone, Cervera, Braga (eu Aragon), ou plutôt
Berga (tli'lD) (Catalogne), proche de Cervera, Saragosse. Le nom de l'auteur n'y
figure jamais ; cependant, dans la pièce que nous publions, le prénom tout au
moins est suffisamment indiqué par les mois ïllij; ÏTlID. C'est à la marge éga-
lement qu'un des propriétaires du- ms. attribue à ce rabbin ces lettres. Dans la
préface du ms., on dit aussi que l'auteur doit en être Moïse Halawa ^écrit ici
tlNlbn, comme dans les Consultations du Ribasch, qui le cite n«» 69, 395, 396).
* D'après le tezte, il s'agirait de convertis.
88 REVUE DES ETUDES JUIVES
jamais exercé d'autorité despotic^ue; soucieux de ne pas profaner
le nom de Dieu, ils n'ont jamais imposé aux communautés des dé-
crets ; jamais ils n'ont empiété sur les droits de leurs collègues
pour en tirer profit; ils avaient l'amour désintéressé de l'étude ;
même réduits à la misère, ils n'ont jamais pensé à rendre des
arrêts pouvant leur être profitables. Pour lui, voilà trente-cinq
ans qu'il est à Tortose : jamais il n'a brigué ni honneurs ni émolu-
ments, pour battre monnaie de sa science ; il a préféré entretenir
sa famille modestement. Pourquoi, répond-il après cette critique
ass^z vive de la conduite dlsaïe, pourquoi avez-vous dépossédé
Yohanan de ses droits ? Rendez-les-lui; réconciliez les deux ri-
vaux. — 11 oublie seulement de dire par quel moyen.
La lettre de Moïse Halawa, comme celles d'Isaac b. Scheschet
et de Hasdaï Crescas, doit être antérieure à l'année 1391 ; autre-
ment on y entendrait l'écho des épouvantables massacres qui dé-
cimèrent alors les Israélites d'Espagne et ravirent à Crescas son
fils. Nous ne savons pas la suite qui fut donnée aux remontrances
des trois rabbins catalans. Bientôt l'expulsion de 1394 devait ren-
voyer dos à dos les deux rivaux. La situation des Juifs de France,
surtout depuis la mort de Charles V, avait été en s'assombrissant.
Les désordres qui marquèrent l'année 1380 à Paris, puis la révolte
des Maillotins faisaient prévoir le sort qui les attendait. Si quelque
chose peut témoigner de l'incertitude de leur condition dans cette
seconde moitié du xiv® siècle, c'est précisément la décadence des
écoles rabbiniques et la pauvreté de la France septentrionale en
docteurs distingués, qui expliquent, en partie, l'inconvenance de la
conduite de Méir Halévi. Sauf ces deux compétiteurs, aucun nom
de rabbin de cette région ne nous est parvenu. Et le fait se com-
prend trop bien : les Juifs qui avaient passé un contrat temporaire
avec Jean le Bon n'étaient, en réalité, qu'une compagnie de ban-
quiers, de prêteurs d'argent. Dans l'acte de 1360, le roi ne parle
que de deux « maîtres de la loi » qui, assistés de quatre autres
Juifs, ont droit de signaler au pouvoir ceux de leurs coreligion-
naires indignes de rester dans le royaume. La science, pour fleu-
rir, a besoin de calme et de sécurité.
Israël Lévi.
LA LUTTE ENTRE ISAIE ET YOHANAN
NOTE ADDITIONiNELLE SUR MOÏSE HALAWA
J'ai eu Toccasion de consulter le ms. de Leyde (Warner, n° 50)
auquel M. Israël Lévi fait allusion.
Les 32 premières pages contiennent 27 consultations, dont 17
correspondent à 17 de celles qui sont attribuées à Moïse Haiawa
(ou Haiiwa) dans mon ms., que j'appellerai ms. de Smyrne. Dans
celui-ci, il est dit que les réponses de Moïse Haiawa sont au nombre
de 19 ; mais, en réalité, il n'y en a que 18, numérotées 125-142. —
Des n Consultations du ms. de Leyde, 8 y sont expressément dites
de R. Moïse, tandis que toutes les autres sont attribuées par le
copiste au Ribasch. De là la confusion dans laquelle est tombé
M. Steinschneider. — • Des 10 autres consultations de ce ms., deux
seulement, qui ne se trouvent pas dans celui de Smyrne, sont sû-
rement de R. Moïse, et c'est sans doute par erreur que trois autres
lui sont assignées. Cinq de ces huit, qui proviennent de rabbins
contemporains, figurent dans le ms. de Smyrne.
Les pages 33-59 du ms. de Leyde ne sont pas d'une seule et même
main ; elles renferment nombre de consultations intéressantes ;
Tune d'elles, p. 40 &, est justement de Yohanan b. Matatia, grand
rabbin de Paris; une autre est de son frère Joseph, à moins que
ce nom ne soit un lapsus pour Yohanan*.
Aux localités relevées par M. Lévi dans mon ms., celui de Leyde
ajoute : Trina (?), Gérone, ^'J5i73p (?) et Solsona (n5Ti5bi;z5).
Les Novelles de Moïse Haiawa sur Pesahim auxquelles renvoie
M. Lévi donne/it une autre orthographe du nom de ce rabbin. Elles
projettent quelque lumière sur ce personnage. Le hahham baschi
Abraham Aschkenazi, dans son approbation^ cite des paroles élo-
gieuses de Joseph ibn Leb sur Moïse Haiawa, placé par lui sur le
même rang que le Ribasch.
De l'expression d'Abraham Aschkenazi, "^"n, je conclus qu'il
n*était pas le propriétaire du ms. de Smyrne ; on le lui avait
seulement prêté. Lui-même cite Azoulaï qui aurait connu ces Con-
sultations de Moïse Haiawa. Or, précisément, Azoulaï est le seul
auteur qui fasse mention des ouvrages riDiinn riTn, û^D"«^nn mpnn 'o,
n^ïîN'in l^i^ et autres abrégés des ^'wS'nn n'Vo, qui se trouvent dans
le ms. de Smyrne. Il est donc permis d'en induire qu' Azoulaï a vu
ou môme possédé ce ms. Je l'ai acheté l'automne dernier à Smyrne
* Sur ce Joseph, fils de >Iatatia, voir Neubauer, Les écrivains juifs, p. 411.
r REVUE DES ÉTUDES JUIVES
du propriétaire d'une petite yeschiba à Bournarbaschi, près de
Smyrne. J'en donnerai une description détaillée dans le Jeivish
Quarterly Revieio.
E.-N. Adler.
APPENDICE
nni*» Nb«5 jnD*n3t3 nnu) "»ibîi n^N?3 'n nnta by it fiai^'n
ûînb !rîN-i"^T tonb nai:\ û-^^du: ''m?:^ D\man û^nbN aan rj:>a5!i bN
Nirn ÛU573 ^-^^îDb Taim bD^nn un «y-^p-i ûi-i •!:> .û-'ssd -^^unD nbj'Tab
lab n^ a^:? ï-it "^121 ,ï-T3>"ipn ^n-^ an73 nsD torj?3 ,•>"■> nani ï-rnn
tDPD-^bna ib^urj'' t'^i^n in ,si2mT"jai ûnnitna dni:-«n?:a noab
^iDN bST -"ny ^y^ Sd rnv ï-rj^n luîi t-n:>i7a bn ,tsnaba lao^
•'bNiuî a-^ujnb Nibu) "^d '^'i^^n "^nsDit •^priT^n "^s-n ^au5 •^51^5
IN i:?iaa -aia^rr^ t<b;D r-nnai \-iuîn53 Sn\:î3 rr^nt^ n:^ ^-lan
■•ujnn t^b t-iia'«-i«a «b mm^sa .^n "^dn t]« ï-J3yfi< tni ."^a-iy
nnn bn ^"joibn ,^pa nmnib bis*^ ■'S'^i^ ïjpia?:n ntb as^N /■'D-iNn
to'^d'iîriTa tDiu)b *innn tsjb bi^i^n St •'Sd t^on «b ï-n?:^ nninm
nd maa .fuj^N «np» tDd-ib&i ,n:>pab t:^DD-im mo-'^ûbi 'niNb
fc^-^nriTa 'n a-nn ûnn^m tonj^T^ ,2 ^v^i-is toD-^bs^ "^sbaip û-'UJinp tab^
r-iDnira ^;2în ïj^pn û3> tan .i-ni ■'sa hy v:»n ma-i û'^Tsys S"t
'in"'5 în::nbT ^vDatî j-tdddd ,ti5 maïab na^n t-n^bî^ nm^ na's
NiiT-^i .nypna^ i-^y "^Nia^oD T^n*^ Sab Y:^'^^o^ ^aipn ipm -ipm itwS
np"n /n?3-iisn i^D^^i 3^a3 ,rm iDn^ i">3i:3 ^tïn "-liTDT i:^T:i^ ^an
a-in^iT ,î-i3>nT> nuîN iDa ):nv 'n a-in t^in ,np"n r^'i^yiz nnp-i7a
D;ns y7:uJ3 ainpî: 'n^y^ ,^y^^12 ï-ira "^^^T^bT i-«73tanb tsîriTsDn
* Jeu de mots sur le nom de l'ami de David ; ici l'expression sifçniGe : Je ne suis
pas un homme pressé ni long.
> Jeu de mois sur le nom des Pharisiens employé, d'après la Mischna, dang celte
phrase, par les Sadducéens disculant avec leurs adversaires : le mot a ici soit le sens
de « saints, ascètes >, qui était usuel en France au xiii* siècle, soit peut-être celui
de « Parisiens ».
> Il faut probablement va'^lfc*, comme dans Isato, ix, 10.
LA LUTTE ENTRE ISAIE ET YOIIANAN 91
ï2:DU5t< "^aanTa in^u) n^oix t^i"*^ nT:''^bN 'na min'» 'n nsnn iirKbTD
mbnp by nsTai y-'^iiDm vpf^^i "^^ ^"3 """i^ï^ ^^''-'^'^ 'n mn Niin
»^2J"n3 nnai ^'''^îî^'» "^^n p'^ii:"' r>tin*i n"3 NJ"»?\aiN ^'-i n-in r-is-ii:
,ujnab rrbs vd m» .'-i-i^"' h^unt !-t:>inuîai nbN3 y^T:^n racn
•'D N4n"'T .^^-^ncnb tD-iaiurt T^\ay?:^ ,y3D« ism*» 'n nnn ab na^rr
^^2îN!D ,yn'' t]N rr'nit'' ,t-iNTïn yiKa^ in û">rnvn Snt ,:>'«5?2n
rtspn rrni^i ^inyjz^ ^:y•ï2'^ nrDtfcO ï-iTainn ini^a irriaNa li-^^n
r*ïb^ .^t^oK'i •'sn» y^^ ûy d-iTco nobn^TaD tn-^K-iD ^n«:i mira
rï3 nsbbT .nitns t^b un ,t-T«-nna oa nvrib ru^n ta^N b^ Sp^
CBsn *j''t3bn^ ,t>Jit'« 'n'2121: /t^oob N'^'^^n tn^wn m272i ,no: t^b
Tba rTiS3 frnb:^ t-inniss tsi-^m t^di î-nino insiu?:;:} tnvr^ uy
tniujyb iiitnuî i-'cmujna î-ra-^uî'» ^'ap*^ Sn K-'^tuin '-i ann nr^an
t^bn .nîit'^bna'j ts^a )nnv b^n ,i^3>^is»a «bn N?3pa «b ,ï-Ti:-'n?a
*irib fcaNi .ï-Tif^aD in t-rn^ l-^na R^-ibi n^n?: by ï-risn^D :?iap ^na
rjD'^tt m^m ,ï-T:>'^;2îDa a'i'^rTi t-ritiit-i rTN7ûrL3D t-nN!;3a iTinny
•ïb innsDT rD'^y imN ,i-nD^nnb '^iNn\2: "^yab may^ ■'Id i^Nitnb nsns
^tnis-^a Nb *ta:^D T^DDb a^D'» ^<b iTiJabn iD'>Nu:b în72i ^t-nsibn
m-nsa n^T» i-r-iv rj^T' .imsian aim ï-T»^n ain 137373 bap t>ib
V"iNb '-i''N73:n l-'Nya 'n a'^ni / msitj» '^3'''i ï^-'ia in73N l^T^ l"»'!'' n\-i^
imiaai ispm i-^pnrri —in ^:do s'^pnn ^-imtD n^rjTtj tambi
rpma .itn yiz'ûb innin m?3buja la (?) ■«DpTi'^73 y^iz'Qr^ t2"'"'î<a inbnni
•iTT^Ki t^b .^^-^^ainb hd ^iia^ .i-^irTap» ta'^-i"'^::' nptnai 'j"«onT»b naî?:
,rn:'''&D b5 b3>i nan b^ by pnpn?3 ,n3^na 1*133 nnan ,ï-i5i73n bs
1N05 .nmort b'n^Ts 'ïi Id^ iy bni?a:: ,n-iD">i pi:*^ in-iwssn ••ais
tsb^a i^n:) nb .ni*' -«ba ^y toib^ ani ,nniT uî?3;aD iids î-r-^n^
N-'j'TaiN '1 a-in toa ,ï-T5>''-iD ■^:3-ia 133-1 ■>::b73 i^» ,i3Nb;ai rr-^rT» ib'O
r<bi l'TT'N-i t<b .itr'-^n^'^i iïii:73î<-» ,inan^i irra-ia-' ,irîr'>;:5v rr'
Nini î-T^'i^a'» T'm33-i';3 î-i3ibi:'i3 1N33 vn3>730 Itn ;>53':5b .vnnsn
/:nin ta^M 'i3'i:'53 tob:j'3i Km;5<i t^nso ■^-1303 .j^ncnn t^nbabs
vpn3 n"«53m ,ï-i3ian in:'i73UJ3 '13b tnby .ï-iiuî #'-inni \rpr!3
riNi t-iDniS3^ to-isTi-i i3"^Ti<n T330&<a^ ta-i^Dn ij'tsu: /, /. M3^'«aN
r-n73Uî73 ni533nïi .nn:*iNïi n^5i<n nniwN i3nv 'n ann ^iS7a "n^Ni
û-^Tairinn m-inx r-i-i:^Ni ,isiy '^'173^ t-.3ni3i nnsa ni3i?3 ns-^i nD3i
bs r-iypyp73 ribip3 .^ans n3in73 ïj-^-ist bDi .tans br^^p 3n ï-t3
* Nn)3i25, ûin, •'i^3-
> Des bouquets de myrte, Schaèbat, 33 i.
* Voir j. ^^f:a, 61 c : proverbe appliqué à Baba b. Boula, qui répudiait Tenseigue-
ment de son maître : le taret sort du bois.
^ Faut- il lire û:^5?
s Sanhédrin, 1 b,
* Je ne comprends pas le jeu de mots.
^ REVUE DES ÉTUDES JUIVES
,î-Tà>BN ni'bv'D î-Tnt:jïm {?)ti^53M S:>T la-^-itt St!i':5 -^^îS î-T-T^aî^
«tsiD^n^îDi ''iip T135 b3> -^SN on .m'iD sn"«5^ri û':?-! m-icm3 mn^n c^
ra 'iDNb?: (sic) ï-i2y> i-j72i ,SD:D"^n593 tsiD-'N^i^ ii« .to^-^nN nn^ax*^ în^
,t3'>'7n\n73rr y-i^rj ■^^syTs û-^n-n î-ïjn-inïi bip îit: fa^n3:?n -^Sï^b^a
,t*^Dinn 15311 "b'^a ,ï-i3Tn:>i bD3 n-)i73'*a innna "i&^-i ï-rs^un TT^as"'
,tstMrr p?oyn *im5>n ,ï-ir)bnD îriTb î-tt ^m': i^n to-'^^n •^"i^Tsbn
•)y3 tD:\ iiS3 ^n^'b "^-im p b3> ,ri:^"T-iT «b yn^n 12^723 t'^j'iiûî
(«ic) 113 ûvn "^iD^N /ïij'T Nb U5*^i<') ïT'^a * "1^533 •''ÛD5 ï-i53n ûnnD?3a
î-i72rî ,tD^23n rT72ST t>^■^3^b■Jp3 tn'^by •'in t'^scb?: Tr^Kn ,û"'253U5
'«a-'i^ toniwS min in:>3i ,û^3-i?3"id m^:^^2 û-^Nb?: .û-'Sittnpn tz^niaarr
^^3^3 b"T m-n« p ï-Tt:b;D 'n 3-in Suî nuî-ii?3 ^"^33 N:ibi:-i33
m?2 nirp ^m?::^ ûu:t h^td inn n-'n b"T 153 3-in ûy rr'srr n-nn
vnnNT /ép 3b2T ^\a;zîD bii:^ y-i^n JniD33 br î-pn nm^n ,■»?:■'
û"«mNia b"T tD-^DS '"I 3*1^1 b"7 y-iD '1 3-irT û-^bTisn im-nN«n •^n-'Ni
Nbi ,t2nb d'''-i3i •^nsï-in t3n3i\an byi ,.'^fc<72U)T bbm nn'D p Sbna
D'^33-in -in-T .mN!» Tjn "^iTsuin «b ,r!3riN73 n3i ib3p') ,Dn)3:> "^nTaDOS
bp733 rjpm 'T'3 tDn">b3' ^ib^ab tD''73n3 CDruN-^^aa isna Nb y-i«3 tûn
^rT3N 'n3) ,t-n3iDp •'i:>3 tDn-'byja "n-^Dm .nismij' n'Cî3b ,rT:>iis-i
tiv2Q n3r)b tD-ion ,yT3>T V^-^ip ^m:) /* y-iw^s ibN3 t^3« 'm
mbnpn bx tonnn n^so inbu) «b ,nT>i3!n y3 Sbnn-> t^V:)
n»sT n3 n^b ^^-nn nr m^nbi ûp'^^ob «nn ni i^asb r-iT'im m"«u}
tspbb i'T>3n b^3:^3 cdd: ton?: inî< yx .n3'5-)7:n f-iwsn nm^Ton
D'^pDi3' .ny^zss iw^ b::'»Di< ,im-n5ûT nxi^ nTiDb .mms mcnbi tni-n»
tziK qx yNTD-^D t^b?2D nnn^3n3 ri:^:\i3 mDb?3 yNi ,n73\ab ï-i-nn3
■jmn Nb ,ir-T:>3y:5 bn^^bn p^n3> rjo3?:b ,t**iiû"'ab "^id nb n-in t*^b
Uî'»z5 riDD i:'^i '"«DN r-nwsan r|03 ,qujn rjOD too-'Db b-'unb t-nx-nn
n20 tt5?3m i3"^^bia riT nuîiiû-i-j rT-i">:'n '»n3':5"«\n3 ■^SwX in .n^?3
''n'^3 \ns2n3 ,ï-n"in bu) n*ins3 iiîTon^anb n-n'iîn nnw^ ^idi-i Nib
î-i5n73 ci03?3 ."""iD IN m3) m3i:b (s«c)inDTTi Nb ,î-nr::^:3T bp'0?2a
to-'DibN Dn.xi ,)ny^m "^id pn '"'"id ■'D^d "^mTOw^ t>»bi ^mir t)OD i»
■»:: b3> bi::' 13 tDnNi:?^ ï^t: .bt^nwSm 3nTn hstt: .Sw^-i^a*» •^sbx -^-lO
t^n3D 1T "^t^ b:' ts.x ,inb"n:i m-iwSDn 1pvz^ .inpTn?: ipin tmmn
^n3n i\^ nsNU) tasn i-itowX ''-in ,n\-i^ rrn 'loix nr nipibn tn^y^
/l\n t^bi mn 3-'3^i tD''"'5 "^3) NnrToob in-i72wS dNi ,mnnb \s'Ȕ}n
ï-TDbn 157:72 n72b3>n5 tD''5<"»33 b^ 131 ,»mn:' O'12'D ,mn3' no73 r^bm
ns-^T b:^ S3ipn ,n:>vj riDbn "13*73 t^it?:*' cnt ,n3'i5T nbnTa yna
,t3^bibn lanp ,tD"'b"'L:Nn "^bnwS ,n:^^iSpT 17: ms-^ i"3 birs ib ^b"^
* Dittographie.
« 5o<a, 40 a.
* Est malade, délicat.
'» Proverbe, Mequilla, 183 : à moitié dormant, à moitié éveillé.
î Allusion à Baba Batra, 145Ô : m3>1?3W b^S 1T 0733 "T^nj^ n\2573 ITy*
LA LUTTE ENTRE ISAIE ET YOHANAX 03
rns^vb r^iuy TT'Tnn /><:2-i rj7:a ,r-T:>^SDT nsnna ,t;"^brD "^an
1D î-i:»;a "^i:» t^inn a-in S::2^t .rrro ^xnb n-.p'» pî<i
ip^Tnn D"«i:nr; man 'n "^bs "^n'IJis innn .n:?::! *n:72 in\s ib i-t:^*»
nn.s bs nny^ n-nn bu: J-in?2nb72 ^bD na'^':in ,n"^,nDT n::i:i pTa
173 npbn?3n ni< ms^bT ,!-i:>':jdwS nwnbîjn n^ci n^?20 pin *i::i<'»
,npbn?2 by ban ,nra-ii< ts^Ta "^id iw^b?: npr^un p nx ^,&<an
rr^OD nuTsb rTibp'JîT ^T:>^bt< 'ns n?2Dn3 b-n:i ûa ,r-î?2cb '^Swsn
npibn^j la-i"' r^b'^a .b^aiD nann nvnb ,n?ab ^^d bsi ,t**i?:b:^ \sna
'in pa &ibu5 "ib-^zûrn .'anin 'oa ami ^b nwt^"» t^bo ,bN",w^3
îmnNT nans ton-^D-'a ij^iim n^nn?3. la i:m"' 'n a".m t^v::iî<
yn&<n nan ^n-«i:-i?3 .r-r-iD-:: itt n-nn it i-it^n*' id .nm^i ï-in7:'J
nnu N-^n to.s mao "^rî* ï-i73 u:i"nn înTa u5-nD?:a aipsb ,ï-i:>n
Mbuî rt:pnn ûnt mann TiwS-^ ,mai:n ain na n^s^^b vbisi vn'J
t^in CDt< •,« ,iii:^n n« "^w^d n:>T «■•n nr::n "^nba na-^o*' :'"iapb
inwX ;d\xdt .nrpaa nnn ïn73r!aD ii<i:D 'n m:^ n^nn id iir^nb
■jDbi i-iD-> lann ma-'O"» txyjj-p na-in t*<b« ']->-inx î^b ,ï-jr-,i:a
^•»D-j l'ciD-'X n^a i-iUT "^bp'::! in?3.sb t^irr ^m mina î-iDbn «:i?:n
(•SIC) *io'^b7:a nsn'j:?: nam ,r!^Diob ï-iv^j-^nTûT n-'ujnb î-t«di3?3 •'p■^■'^^
i^Tou: «b'::D tn^^'iy by û"»\awSn Sbm .Nîrr^srm N-noa ,5*^na\n73
mannb Dab S« a'<u:nbT .p S:' ir;?:D la'::-» t*<bu:i p-is Sa
n^&<?: 'n ■^T'^bm /to-i-ian ib.sa -^riJ noDa ,t3m?2« ûnann na^'c^a
n-«a brja b:^ min"^ 'n nt:» t^b ,Q\î5wS-ia cdtûOwX av:;nb C3^:i-l::p
«l-i'^ainpi "«suja ,CL"»uîp?3T û-^'^a^n^?: riT nx riT nn-» c^b-j ^is £2":;-n7a
na-i7an i^n b^^ ,MDbna û'^3">->ni:?3n u^-^y:: 'n am» a\nD r^npn
,3>ai33 ûiii^m nu:p p^y^7:^ .nar::?: nanwS mmara na^\a^a
Sd n"nn bu5 ï-r-insi nari"» t*^b û-^b-^-^na p^i: as^aTiT la :?3i?:3
S:^ baai ,bn b:>D inxT /l^nn bya "in.s ,b•J^3^ t*»<a biii-'b î-^i:^-l^
«^m r^-i-ian t^-^n '^•^2^b^ -nnb .ï-ti-^dd i-^t i\s ^Vr.x ^y nbwsb paa
■^bns nn3 13b iT'ns ,nDbn ûd?^ î-îT^b^^ns t*^b \-i:>t^ .t^^"»::! Nb
n-iainb t*j;b .nnmo?: nani^T^ ïnsn i:^ ^^-la^ / nSn nn^-r "^b^a-J
pn ,t-np -^To-inT: "^d:* b:^ "^bip t=:-n73a ^'^«'Jnbi y-iwS "^isy^ -no-^Toa
'^by '^i2t<'> t<b^ ,n-i:^Nn nai ripin nx û^-'pb ,ni"nD tins inwS bab
l'^a;^ la^iitr C3"«»n-i isbn tDDb irr^ "^lUî bi< ,inyD: t<^^2 pwS"» b«
,ïn-nna mciST /ïn-nan nujm .D-'sn t]33 n-^uîn tnt D"'7:p ta^an
* Le mot N3 qui, d'après le Talmud, est synonyme de prière : Nbî< N3 1^5^
nujpa.
* Jeu de mots sur ce verbe, qui est ici pris &\i piel : « a nommé, proposé ", tan-
dis que dans la locution '^y:ù^ 71370 lïT^N, il est au kal : * à compté »,
^ Baba Mecia, 59^.
* Pesahim, 66 a,
" Kiddouschin^ 52 3 = Natir, 49 h.
" Jeu de mots sur Nehardéa (dans la phrase relative à Samuel) : fleuve do
Science.
"^ 4 L'abeille » et ooa Débora) comme dans Juges, y, 1.
04 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
la-'iT' ^ï^»*» is-'^'^sT tos-'^'^n .n^nisn t-ix tosi ,t3'^»*ia n^riciri
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* Cesl-à-dirc : Moïse.
LES JUIFS DE TARASGON
AU MOYEN AGE
Les documents que nous publions aux Pièces justificatives sont
extraits des Archives municipales et des Registres des notaires de
Tarascon*. Le plus ancien de ces documents, relatifs aux Juifs
de cette ville, porte la date du 15 décembre 1283. C'est un acte de
vente, faite par Jacob Banhola * et Estlier, femme de Boniac de
Bagnols, tutrice de ses enfants, à Bérenger Catalan, notaire, pour
le prix de 18 livres, d'une censé de 31 sous à percevoir sur 5
sestérées de terre situées à Jarnègue^. Le prix de cette vente
devait servir au paiement de la dot de Tharascone, fille de Boniac,
qui était assistée de Durant Roget, son mari, et de Josse de
Béziers, son oncle*.
' Nous adressons ici nos plus vifs femerciements à M» Charles Mourfetj l'érudit
archiviste de la ville de Tarascon, qui a hien Voulu nous aider dans nos recherches
et mettre, avec une extrême bienveillance, à notre disposition les Registres des no-
taires déposés dans son étude.
« Le nom de Banhola figure sur une liste de Juifs de Carpentras, RevUe des Études
juives, t. XII, p. 195.
• Jarnègue, ou Gernica, était une île du Rhône, entre Beaucaire et Tarascon. C'est
dans cette île qu'était situé le plus ancien cimetière deS Juifs.
* Annodominice Incarnationis M.CC.LXXX.III. scilicet idus decembris Ego
Jacob Banhola, judeus, et ego Ester, uxor Boniaci Banhole condam [de Tharascone],
tulrix liberorum meorum, nomine dicto tutorio specialiler pro solvenda dote Tharas-
cone, fi[lie mee et dicti] Boniaci condam, Duranteto Rogeli, marilo dicteiTharascone,
présente et volenle lasse de Biterris, avunculo predictorum liberorum*....
vendimus vobis Berengario Catalani, notarié, et Berlrando fratribus. . . . . pre-
cio XVIII librarum proviucialium coronatorum jus percipiendi, causa dorainii
et senhorie in festo sancti Michaelis, censualiter et annualim XXXI solides provins
cialiuna coronatorum, quos habemus et percipimus super quinque cestariatas^terre, sit
plus sive minus, site in Gernica, quas tenent Rajmundus Martini et heredes Martini
Bocherii condam [Archives municipales, II, 1.)
06 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
A cette époque, la communauté juive de Tarascon, dont il est
impossible de préciser la date de la fondation, avait déjà acquis
une grande importancp. La taille à laquelle elle était soumise
s'élevait annuellement à 41 livres 5 sous*. Elle comptait plus
de cent familles et avait à sa tête trois rabbins distingués :
R. Eliézer, fils deR. ImmanueP, R. Josué, son frère, et surtout le
savant R. Salomon, de Salon, délégué, par les communautés
juives de la Provence, avec R. Mordekhaï ben Joseph d'Avignon,
auprès de Charles l^'' pour solliciter sa protection en faveur des
Juifs contre les inquisiteurs, qui leur avaient imposé une marque
plus grande que celle qu'ils avaient jusqu'alors portée et extorqué,
sous forme d'amendes, des sommes d'argent considérables.
Charles l^"" accéda à leur demande, tout en exigeant que les Juifs
fussent tenus, comme auparavant, de se faire reconnaître au moyen
des anciens signes ^.
Un autre de ses rabbins fut R. Israël de Valabrègue, disciple de
R. Immanuel et savant fort estimé*, qui, sous le nom de Rotelus
d'Olobrega (Valabrègue), était, avec Salve, de Digne, et Bonfils, de
Beaucaire, Juifs d'Arles, commissaire à la répartition de la taille
qu'en 1299 les Juifs avaient promise au comte de Provence ^ Cette
taille s'élevait à 2,000 livres par an. En présence du peu d'em-
pressement que les Juifs apportaient au paiement de leurs dettes,
le sénéchal, Hugues des Voisins, donna Tordre d'arrêter tous ceux
qui étaient coupables de ne s'être pas acquittés en temps utile de
leur part contributive et de confisquer leurs biens au profit de
l'Etat. Nous ignorons si les Juifs de Tarascon furent au nombre
de ceux que vint frapper l'ordonnance du sénéchal. Mais un docu-
ment conservé aux Archives départementales des Bouches-du-
Rhône contient l'inventaire des vêtements confisqués sur ceux qui
étaient fixés dans la viguerie d'Aix. Il y est question de : « corsets
fourrés « garda cossia cum pennis cabricorum », de tuniques de
couleurs diverses, de manteaux « chlamides », de guêtres garnies
de fourrures « gamachia de viridi cum penno leporum », de voiles
bleus « capitigia blava », de couvertures de mousseline jaune
• Archives départ., série B. 2024. En 1304, la taille des Juifs de Sisleron était de
28 livres 13 sous ; ibid., B. 2010.
' R. Eliézer a composé plusieurs ouvrages, mais il ne reste que sa correspondance
avec R. Samuel d'Agde. Son père, Immanuei, appartenait à une famille de savants
établie à Tarascon dès la première moitié du xiii« siècle.
3 Scha. Yek., 114 ; cf. Papon, ffist. gén. de la Ptovence, III, 61, preuves XV, et
Bardinet, Eevue hi^tor/çue, année 1880.
* Neubauer, Les Rabbins français^ p. 688. R. Israël est l'auteur de nombreux ou-
vrages qui nous sont inconnus, voir Gross, Gallia Judaica, p. 25.
' Camille Arnaud, Essai sur la condition des Juifs en Provence, p, 24.
LES JUIFS Dl-: TARASCON AU MOYEN AGE 17
« de sento groco » (pro sindone croceo) et d'un grand nombre de
livres hébreux ' ».
Il
On sait qu'en vertu de l'édit royal du 22 juillet 1306, tous les
Juifs de France furent obligés de quitter le royaume. Ceux du
Languedoc se réfugièrent, en gramie partie, en Provence, où
Charles II les reçut avec bienveillance. A Tarascon surtout ils
furent accueillis avec faveur et traités à l'égal des autres citoyens.
On leur permit d'y faire librement le commerce, d'acquérir des
biens, meubles et immeubles, et d''exercer les fonctions publiques
de péagers 2, courtiers, banniers ^, marchands de grains et de
farines, vendeurs à l'encan, etc.
Cette situation prospère ne tarda cependant pas à être profon-
dément troublée. Jaloux de leurs privilèges et immunités et plus
encore du rôle prépondérant des Juifs qu'ils lui représentèrent
comme a Xristiane persecutores fidei et hostes etiam crucifixi »,
les habitants de Tarascon sollicitèrent du roi Charles II, au cours
d'un séjour qu'il fit en Provence, leur exclusion de toutes les fonc-
tions publiques. Leur démarche fut couronnée d'un plein succès.
En effet, le 9 février 1308, Charles II, considérant « qu'il ne faut
pas élever les Juifs par la faveur, mais les rabaisser comme blas-
phémateurs du nom chrétien » quia igitur judei non sunl aiol-
lendi f avoribus set tanquain blasphemi nomviis Xristiani potins
deprai-iendi, enjoint au viguier et au juge de Tarascon l'ordre de
ne plus confier à l'avenir d'emploi public aux Juifs, qui devront
être remplacés par des chrétiens dans les emplois qu'ils occupent
actuellement*.
Cette ordonnance ne fut pas exécutée avec beaucoup de rigueur.
Nous trouvons, en effet, sur les listes des propriétaires juifs de
Tarascon, listes que nous publions plus loin, deux Israélites, As-
* Blancard, Inventaire sommaire des arch. dép. des Bouches-du-Rhône, B. 142.
' Dès la deuxième moilié du xiii« siècle, deux Juifs de Tarascou, Mosse et Crescas,
furent admis a aliermer les péages. Cartul. de Vahbaye de Saint-Victor de Marseille^
t. I, p. 87.
' Les banniers sont des appariteurs, des oorteurs d'avertissements. Une note de
clavaire nous apprend qu'en 1 U6 le juif Rouget reçut 4 11., pour avoir porté des
lettres du conseil du Roi aunonçant la prolongation de la trêve conclue entre le roi
René et le roi d'Aragon {Arch. dép.^ B. 2040).
* Pièces justificatives^ n» I. Le roi Robert interdit également aux Juifs l'tccès des
fonctions publiques, ibid., n» VI.
T. XXXIX, N®77. 7
98 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
truc de Salves et A.struc Bonicien, exerçant tous deux l'office de
vendeurs à l'encan, « d'encantayre ».
La Communauté, d'ailleurs, jouissait alors d'une grande pros-
périté. Elle comptait dans son sein quatre médecins : Bellant,
Rocei Vivas, Rossel Gomprat et Rossel Ferrier. Des savants des
communautés voisines, chassés par Pliili[)pe-le-Bel , vinrent y
chercher un refuge et s'y livrer à leurs études favorites. Tel fut
surtout le cas du célèbre philosophe et exégète Joseph Caspi, Don
Bonafous de Largentière, qui, après un court séjour à Arles, se
fixa, avec son fils cadet Salomon, à Tarascon, où il acheva plu-
sieurs de ses ouvrages '. Le philosophe Samuel ben Yehouda,
connu vulgairement sous le nom de Miles de Marseille, y résida
également de 1329 à 1330 avec son frère En Bondavi *.
Mais le plus illustre de tous, celui qui jeta le plus vif éclat sur
la Communauté, fut, sans contredit, un de ses enfants, le savant
mathématicien et médecin Im^manuel, fils de Jacob, surnommé
Bonfils, dont les ouvrages, principalement les Tables astrono-
miques intitulées : « Les six ailes », eurent un si grand succès ^.
C'est en vain que le roi Robert avait imposé aux Jaifs, pour
l'exercice de la médecine et de la chirurgie, la condition de ne pas
visiter les malades chrétiens avant leur confession ou commu-
nion* ; c'est en vain encore que les conciles d'Avignon de 1326
et 1337 leur avaient interdit de servir de médecins aux chré-
tiens^. Pareille défense ne pouvait rester longtemps en vigueur
à une époque où les médecins juifs s'imposaient, pour ainsi dire,
aux chrétiens, heureux de recourir et à leurs connaissances
étendues. Aussi les médecins juifs furent-ils nombreux en Pro-
vence. On sait que l'un d'entre eux, Bendig Ahym (Hayyim)
d'Arles^, fut attaché à la personne de la reine Jeanne en 1369. La
Communauté de Tarascon en comptait six au commencement du
XV® siècle : Comprat Asser, Bonjuhas Qua^sin, Bonjuhas Asser,
Rossel Vivas, Rossel Ferrier et Reliant, qui fut appelé, en
1419-20, avec Bénédit Du Canet d'Arles' et Mosse Marveaux ^
de Marseille, à donner ses soins à Louis XI*".
• Neubauer, Les Babbins, \). 47".
• Munk, Mélanqes de philosophie juive et arabe, p. 490; cf. Neubauer, Les Rabbins^
p. 561.
• Voir sur Immanuel, fils de Jacob, Neubauer, Les Écrivains juifs, p. 692 et suit
• Camille Arnaud, Essai, p. 36 et 37.
• Depping, Les Juifs dans le moyen âge, p. 205.
• Arch. départ., B. 5.
' Maestro Bendig d'Arles.
• Ou Mosse Maman, Barthélémy, Les médecins à Marseille, p. 29.
' Ils reçurent pour leurs honoraires 20 florins. Arch. d^p., B. 272.
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE 99
III
I/apparition de la peste noire qui, en 1348, avait envahi
l'Europe, jeta la plus grande consternation en Provence. Une
population en délire se rua sur les Juifs, qu'elle arxusait d'avoir
empoisonné les rivières, les puits et les fontaines. On massacra
ces malheureux, sans distinction d'âge, de sexe et de condition.
Le pillage succéda aux massacres, malgré les ordres de la reine
Jeanne, qui, à la prière du pape, Clément VI, avait essayé, mais
en vain, de les arrêter ^
En présence de « l'état misérable des Juifs de Provence décimés
par l'épidémie et plus encore par les massacres que les chrétiens
en ont fait, parce qu'ils croyaient voir en eux les auteurs de la
maladie », la reine Jeanne enjoignit aux sénéchaux et trésoriers
des comtés de Provence et de Forcalquier de ne plus exiger des
Juifs, pendant un laps de dix ans, le paiement intégral de 2,000
livres de leur taille annuelle, mais seulement celui de la moitié de
cette somme'.
La comtesse de Provence fit plus encore. Elle prit les Juifs sous
sa royale protection et les défendit contre toutes les accusations
dirigées contre eux. C'est ainsi qu'un chrétien, Jean Boyer, se vit
condamner à une amende de IG sous pour avoir dit en public que
le massacre des Juifs de Tarascon et d'Apt était légitime ^ C'est
ainsi encore qu'un autre chrétien, Huguet de Mons, fut obligé de
payer une amende de 5 sous pour avoir dit devant le bailli au
Juif Duranton Meir qu'il ne disait pas la vérité*. Pareille condam-
nation de 5 et de 10 sous fut infligée à Pons Gervais pour avoir
appelé traître Vidon d'Avignon, et à Guillaume Busol, qui avait
saisi et déchiré une lettre qu'un Juif avait dans la main ^
Mais la bienveillante sollicitude de la reine Jeanne à l'égard des
Juifs se manifeste surtout dans les Coutumes de Tarascon, rédigées
à Casasana (Italie) le 15 juillet 1345. Ces Coutumes contiennent
cent cinquante-quatre articles, dont quatre sont consacrés aux
Juifs 6.
Elle leur interdit, il est vrai, de travailler les dimanches et jours
» Bévue, XII, p. 51.
> Arch. dép., B. 2564.
» Ibid., B. 2030.
♦ Ibid.:^ note du clavaire Guillaume Fabre.
» Jbid., B. 2027 et 2029.
* E. Bondurand, Les Coutumes de Tarascon.
100 BEVUE DES ETUDES JUIVES
de fêtes S elle les oblige à avoir une boucherie spéciale et défend
aux chrétiens de vendre leurs viandes et d'abattre leurs animaux,
sous peine d'une amende de 50 sous-; mais, pour tout le
reste, elle les met sur un pied de parfaite égalité avec les autres
habitants; elle veut qu'à l'exemple des chrétiens, ils contribuent à
l'entretien des gardes ruraux préposés à la surveillance des ré-
coltes, des propriétés et des digues destinées à préserver le terri-
toire des inondations du Rhône et de la Duransole, elle exige qu'ils
soient soumis à toutes les autres tailles, à l'exception de celles
qui sont payées par les gens de Tarascon à la Cour royale, et cela
« quia judei ipsi habent talliam quam solvant curie ^ ».
Plus bienveillants encore étaipnt les sentiments que leur témoi-
gnait sa lille, Marie de Blois. Dans ses Staiuta nmnicipalia ville
régie Thai-asconis, qui portent la date du 13 mars 1390, Marie
de Blois, maintient d'une manière absolue les droits des chré-
tiens et des Juifs^; elle veut que justice soit faite à la Commu-
nauté de Tarascon tam judeis quam christianis ^ et que tous les
biens de ses sujets, qu'ils soient juifs ou chrétiens, leur soient
conservés ou rendus ^.
IV
Tel était l'état des Juifs lorsque, vers la fin, du xiv« siècle, les
syndics, s'inspirant de l'exemple de leurs prédécesseurs, les dé-
noncèrent, à leur tour, à la reine Jeanne comme les ennemis de
la foi chrétienne, et lui demandèrent de leur défendre, à l'avenir,
de demeurer et d'introduire leurs marchandises dans les maisons
* Ilem, statuimus quod judei vel judee non operenlur per 1res dies Natalis Domiai,
nec in Epiphania, nec in diebus dominicis, nec iu t'esto beale Marie, nec in die Ve-
neris sancta, nec in die sabbati sancla, nec iu die Pasche, nec in craslinum, nec in
Ascensione Domiui, nec in die Penlhecostes, uec in crastino, nec in t'esio sancli Jo-
lianuis Baptiste et sancte Marthe, et Omnium Sanclorum sub peua decem solidorum,
quorum medietas sit accusantis. Bondurand, p. 80.
* Art. Gvi et Gvii des Coutumes.
* Bondurand, p. f)3.
* Bondurand, ibid., p. <S4. — El primo, quod villa Tharasconis ac hominesejus-
dera et babitanles, tam christiani quam judei, in quibuscumque suis bonoribus, pri-
vilegiis, frauquesiis, libertalibus, usibus et cousuetudinibus observari debeant et per-
petuo remancre ac libère uti etgaudere, etc.
* Ibid.^ art. v. Item, quod tiat justitia communitati Tharasconis et civibus ejus-
dem, lam judeis quam christianis etc.
** Jbid., art. vi. liem, quod omnia bona mobilia et immobilia etc. civibus et habi-
tatoribus Tliarascuuis, christianis et judeis, siut eis salve et salva, etiam intégra
pleno jure etc. Cf. art. ix des Coutumes.
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE 101
habitf^es par des chrétiens. Ils sollicitèrent, en outre, de la comtesse
de Provence Tautorij^ation de l^s faire rentrer, avec leurs fa-
milles, dans leur ancien quartier avec défense d'en sortir, sous
aucun prétexte, pendant la semaine sainte. Exception seule devait
être faite, en cas de nécessité absolue, en faveur des médecins.
La réponse ne se fit pas longtemps attendre. Par des lettres-pa-
tentes du 28 octobre 13'î7, la reine Jeanne ordonna à Fouquet
d'Agoult, sénéchal de Provence et de Forcalquier, de faire droit à
la demande des habitants de Tarascon, « si tant est que tel ait été
l'ancien usage, ainsi que ces derniers le lui ont représenté » si ita
est, ut exponitiir^ et verilas concordet asserlis ^ .
Dès que ces lettres lui furent parvenues (27 décembre 1378), le
sénéchal enjoignit aux officiers royaux de s'informer si les mai-
sons occupées i)ar les Juifs étaient suffisantes pour les contenir,
et, dans 1h cas affirmatif, de leur faire réintégrer, sans retard, leur
ancien domicile. On convoqua aussitôt un conseil, auquel assis-
tèrent, avec les syndics et le vigui^r, les bayions Maystre Rocel
Ferrier et Crégut de Capestang. D'un commun accord on fixa les
nouvelles limites de la Carrière, et l'on décida que ceux d'entre les
Juifs qui dempureraient en dehors du quartier nouvellement dési-
gné seraient tenus d'y rentrer dans un délai de deux mois, sous
peine d'une amende de 100 livres, sans jamais pouvoir en sortir,
en portant leurs tabliers et éventaires « tabulas et botiquas », ex-
cepté aux jours de marchés et de foires. Seuls les colporteurs qui,
de tout temps, avaient été autorisés à circuler avec leurs mar-
chandises à travers les rues de la ville échappèrent aux ri-
gueurs de ce règlement, dont acte fut dressé en présence des syn-
dics, représentant les habitants de Tarascon, et du viguier,
agissant au nom des Juifs -.
On ne fut pas entièrement satisfait à Tarascon de ces mesures
restrictives imposées aux Juifs. Non contents de les avoir sous-
traits au contact des chrétiens, les habitants de cette ville vou-
lurent encore les obligera porter sur leurs vêtements, en un endroit
apparent, la marque infamante qui devait les désigner à la risée
de la populace. Les syndics veillèrent à la rigoureuse observation
du statut du roi Robert, lequel, en cas de contravention, pronon-
çait la confiscation du vêtement couvrant la partie supérieure du
corps, et en partageait la valeur entre le lise et le dénonciateur '\
En conformité de ce statut, tombé depuis longtemps en désuétude, la
* Pièces justificatives^ n» II.
» Ibid., n« III.
» Camille Arnaud, p. 52,
102 REVUE DES ETUDES JUIVES
confiscation fut pratiquée, en 1378, sur Vidon de l'Hôtel S con-
damné, en outre, à une amende de 10 sous pour avoir crié :
« Alarma ! Alarma ! » sur une place publique, pendant que le
sous-viguier lui enlevait sa tunique *.
Ce n'étaient pas là, d'ailleurs, les seules vexations auxquelles
les Juifs fussent en butte. On se rappelle que, d'après les Coutumes
du 15 juillet 1345, ils étaient dispensés de contribuer aux tailles
payées par les autres habitants à la Cour royale. Une délibération
du Conseil, du 11 décembre 1381, les soumit au paiement de toutes
les taxes locales ^ Une autre délibération, du 30 octobre 1382, leur
interdit de posséder à l'avenir des terres et des vignes dans le ter-
ritoire de Tarascon, et défendit aux chrétiens de labourer leurs
champs ou de les prendre à ferme*. Une troisième enfin, datée du
11 novembre 1382, leur enjoignit de se défaire de leurs terres
et de leurs vignes, ainsi que de leurs troupeaux, dans l'espace de
temps compris entre la date de l'arrêté et le jour de la Pentecôte *.
Mais, sMl était agréable aux habitants de Tarascon d'humilier les
Juifs et de les mettre au ban de la société, il ne leur déplaisait pas
non plus de recourir, le cas échéant, à leur fortune. Cette fortune,
bien modeste comme on le verra, n'était pas le produit de l'usure,
ainsi qu'on l'a prétendu, mais le fruit d'un travail acharné, le ré-
sultat d'une économie bien comprise. Du reste, ce n'est pas l'usure
que les habitants de Tarascon reprochent aux Juifs. Aucun docu-
ment ne contient une accusation de cette nature. Ils ne veulent
pas leur interdire le commerce d'argent, la banque, le prêt à inté-
rêts ou sur gages ; ce qu'ils demandent, c'est que l'intérêt de leur
argent ne soit pas trop élevé, exagéré, mais convenable « compe-
tens ^ », qu'ils n'inquiètent pas surtout leurs débiteurs chrétiens
pendant les guerres et les troubles ' , mais qu'ils fournissent, au con-
traire, aux syndics, lorsque les circonstances le commandent, le
moyen d'empêcher l'ennemi de traverser le Rhône et de s'emparer
de leur ville. Il n'en coûta nullement aux Juifs de répondre à ces
légitimes exigences, et c'est avec le plus grand empressement qu'ils
mirent à la disposition des syndics les ressources qui leur étaient
* Probablement Vidon de Sostal, au lieu de Lostal.qui signifie « Hôtel » ou maison.
* Dum subvicarius allevaret lunicam dicli Vidoni inveulam absqiie rola.Arch. dép.^
B. 2. 2036. — Un Juil d'Apt, Abraham Cohea, tut condamné pour le même motif
en 1345-46. Ibid., B. 1G87.
" Arch. mumcijj., BB. 1, f« 188.
•^ Ibid., {0 2,22.
» Ibtd., {' 224.
« Arcf>. tnunicip., BB. 2, f" 33.
^ Allusion aux troubles excit'^:8 par le sénéchal Balthasar Ipinoli et la faction de
Charles de Durasqui, en 1383, qui avaient répandu la terreur en Provence. 2bid.^(* 2*,
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE 103
nécessaires, en 1389, « per la dispensa de la ribiera de Roze que
las gens d'armas non passesson en Prohensa' », et, en 13î)3, pour
la \e\ée d'une troupe chargf^e de barrer le passage du fleuve à
Raymond de Turenne, qui, à la tête d'une bande de « gens de sac
et de corde », s'était jeté sur la Provence*.
A l'exemple de sa mère, Marie de Blois, Louis II d'Anjou, comte
de Provence, se montra, dans toutes les circonstancps, favorable
aux Juifs. Ceux-ci, pleins de gratitude envers leur protecteur,
apportèrent non seulement une grande exactitude au paiement des
tailles auxquelles ils étaient soumis, mais consentirent même à
lui accorder des subsides volontaires. Louis II ne tarda pas à leur
témoigner sa reconnaissance en les défendant contre les habi-
tants de la Provence, qui, à la fin du xiv^ siècle, avaient voulu les
contraindre à contribuer aux taxes et impositions dues au roi, et
en rendant en leur faveur un arrêt (9 décembre 1400) qui les dis-
pensait de toute nouvelle charge et interdisait aux chrétiens de
leur causer aucun dommage ^. Sa protection s'étendit particulière-
ment sur les Juifs de Tarascon, auxquels il accorda une Sauve-
garde* spéciale qui obligea les habitants de Tarascon à pourvoir
à leur défense et à veiller à la conservation de leurs biens.
Mais, toujours jaloux de ses libertés et privilèges, le Conseil
chargea deux de ses membres, Guimet de Grota et Poncius Cha-
berti, notaire, de se rendre à Aix, auprès du roi, et de lui faire
entendre ses doléances^, [1*^'' avril 1404]. Louis II accueillit avec
bienveillance les deux délégués et, par un arrêt du 13 avril, spé-
cifia que la Sauvegarde nouvellement accordée aux Juifs ne sau-
rait en rien porter atteinte aux privilèges, statuts et immunités de
la communauté de Tarascon ^ .
Cette condescendance de Louis II n'altéra pourtant pas ses sen-
timents bienveillants pour les Juifs, qui, sous son règne, purent se
livrer sans entrave au commerce, à la médecine, à l'exercice des
» Ibid., ce. 128.
* Hon. Bouche, Hist. de Provence, t. II, liv. IX, sect. iv.
' Pièces justificative.^^ n" IV.
'* Nous De connaissons pas les termes exacts de ce document dont il sera souvent
question dans la suite de ce travail.
* Arch. municip., BB. 3.
* Ibid., BB. 5; et, A A. 5.
10'5 REVUE DES ETUDES JUIVES
métiers, à l'affermage des droits du fisc et des revenus des clavai-
reries. L'un d'entre eux, Ferrer Vidas, remplissait à Tarascon les
fonctions de péager '. Durantet de "Malguer (Melgueil) était tisse-
rand « telier », Dieu lo sal, maître-maçon « peirier- ». Salomon
Nasin était clavaire à Istres ^, Josse Rouget à Berre, pendant que
Crétudet avait la ferme des droits sur les marchandises et les
amendes*. G est un Juif, Caravjdon Cresque, qui, en 1432, fournit,
moyennant 10 florins, les 300 tuiles employées à la toiture de
la Cour royale ^ ; c'est un autre, Salomon de la Roche, qui per-
çoit, en 1471, un florin pour « une robe de vert baiihée » à mestre
Jehan le bourreau ^ ; c'est Salomon de Nevers, qui fournit à
l'église de Lyon des pièces d'étoffe en soie et en or ' ; c'est enfin
le Juif Abraham auquel s'adressent les clavaires pour l'achat et la
reliure des registres, des courroies en cuir, du papier et de la
cire ^.
Quant aux médecins, ils continuaient à être en honneur. En
dehors de ceux dont nous avons parlé ^, les archives municipales
nous ont conservé les noms de : Bonjuzas Nathan, Jacob de Lunel,
Maystre Aaron, Comprat Mosse, Mosse Meyr, Toros Nathan,
Bonjues Orgier, Salves Avigdor, Nathan Nathan, Dieulosal de
Largentière, Mordecays Cohen et Joseph ben Joseph '«.
VI
Louis III continua les traditions libérales de son frère. Pour
soustraire les Juifs à l'arbitraire des tribunaux, il nomma des
conservateurs de leurs privilèges auxquels la connaissance de leurs
délits était seule réservée**. Ces places étaient recherchées par les
plus grands seigneurs de la Provence. Charles de Castillon, baron
* Nous n'avons pas pu trouver aux archives le document qui relate ce fait. Voici
dans quels termes il est sij^nalé dans l'inventaire de M. Paul Meyer : « Sec s'en lo
registre du péage de Tharascon translatât de ebraye en romans per Ferrer Vidas,
Jusieu, loqual avia de sos predecessors anciens exactors dudit péage. »
' Voir liste des Juifs, au prochain numéro.
3 Arch. départ., B. 2, 1634.
* Jbid., 1636.
» Jbid., B. 2039.
* Ibid , B. 2U43.
'' Bédarride, Les Juifs en France^ ?• 317 ; cf. Depping, p. 198.
' Archives municipales, CC. 125.
» P. 4 et 5.
" Cité par Gross, Gallia judaica, p. 250.
»» Bédarride, p. 320, et Depping, p. 207.
I
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE lOîS
d'Aubagne, Jean de Matlieron et Jean de Forbin furent, tour à
tour, investis de ces fonctions. Un document que nous publions
aux Pièces justificatives tf'^moigne de la reconnaissance que les
Juifs avaient pour leur protecteur royal. C'est le testament fait,
en 1426, par Franqua, femme de Maystre Comprat Asser , qui
lègue un florin d'or, de monnaie courante, à Louis III, comte de
Provence.
Il nous paraît intéressant de reproduire ici les principales
clauses de ce testament.
Pour le salut de son âme et le rachat de ses péchés, Franqua
lègue :
Au luminaire de la synagogue 2 fl. 1/2
Pour la réparation du cimetière 2 »
A Vital Meyr, fils de Meyr Comprat, son fils 25 »
A Maystre Salomon Dieulosal, son frère 5 »
A Dieulosal, fils de Salomon Dieulosal 5 »
A Vital, fils d'Astruc de Largentière. 5 »
A Rpginette, fille d'Astruc, une robe « de griso ».
A Sterette, femme de Meyr Comprat, un de ses manteaux.
A Mondinette d'Avignon, sa cousine, ses robes de semaine, à
l'exception d'une qu'elle destine à Blanquette, femme de
Vital de Sostal.
A Gresquet, fils de Maystre Dieulosal de Largentière 3 fl.
Les légataires universels désignés dans le testament sont :
M"" Bondavin, Comprat, fils de Blanqua et de M'^^ Comprat Asser,
son mari, et ses petits-fils, Mosse et Vital Meyr^
Nous croyons devoir joindre à ce document un autre que nous
avons eu la bonne fortune de trouver dans les minutes du notaire
Jean Muratoris. C'est un contrat de mariage dressé le 4 Heswan
5207 (24 octobre 1446) dans la maison de Dieulosal de Tarascon,
entre JosseduCaylar2,filsde Cresquetdu Caylar, Juif de Tarascon,
et Duranta du Barri, fille de Bonnefille et d'Abraham du Barri,
Juif d'Arles ^. La dot de Duranta y est estimée, en robes et joyaux,
à 100 florins. Gresquet, père de l'époux, s'engage à pourvoir,
pendant dix ans, à l'entretien de son fils, de sa belle-fille et de
leurs enfants à venir. Le Juif Abraham Soff'er figure au nombre
des témoins de cet acte*.
* Pièces justificatives^ n» VIII.
' Villai^e du département de l'Hérault, non loin de Lodève.
' Voir sur l'origine de del Barri ou de Barrio, Revue^ l. XV, p. 37 et 48. Cf. Saige,
Les Jui/s du Lanf/uedoc, p. 223. — Les ancieaaes vihcs du midi de la France possé-
daient des rues dénommées du Barri, du Rempart. Le nom de del Barri pourrait, à
notre avis, désigner le Juif qui habitait le Barri, c'est-à-dire la rue dq Rempart.
* Ptècts justificatives^ n"> XIIL
106 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
VII
Les historiens de la Provence s'accordent généralement à
considérer le règne du roi René comme le plus heureux pour les
Juifs. Ils enregistrent un édit de ce prince les autorisant à pra-
tiquer la médecine, le commerce, les arts et tout trafic quelconque
et à occuper les emplois publics de péagers et de procureurs fiscaux
dans les juridictions seigneuriales*.
Cette dernière assertion des historiens n'est point fondée, du
moins en ce qui concerne Ips Juifs de Tarascon. On sait que peu
de temps après son mariage avec Jeanne de Laval (octobre 1445),
le roi René vint en Provence. Les députations des principales
villes se réunirent pour donner à leurs souverains des marques
d'affection et de fidélité. Arles, Aix, Tarascon et Saint-Rémy leur
offrirent des coupes et de la vaisselle d'argent. Les Juifs de la
Provence leur firent un cadeau du môme genre-. Craignant sans
doute que la reconnaissance du roi ne se manifestât en faveur des
Juifs, les syndics de Tarascon, toujours jaloux des immunités de
leur Communauté, lui demandèrent la confirmation du privilège
que le roi Robert leur avait jadis accordé et qui interdisait aux
Juifs l'exercice des fonctions publiques de vendeurs à la criée, de
péagers, de concessionnaires du sestérage% etc. René se rendit à
leurs sollicitations et par un édit, daté du 20 septembre 1460,
ordonna que le privilège de la Communauté de Tarascon fût
observé dans toute sa rigueur « inviolabiliter et ad unguem » et
quf^ nul Juif ne fût dorénavant admis a une charge publique, sous
peine d'une amende de 50 marcs d'argent^.
Il ne semble pas cependant que les Juifs aient eu beaucoup à
souffrir de cette concession arrachée à la faiblesse du roi. Ils
vivaient alors dans les relations les plus cordiales avec les chré-
tiens, et il n'était pas rare de voir les plus grands dignitaires de
l'Église elle-même prendre un Israélite à leur service. Un document
du l«''juin 1425 nous montre, en effet, l'évêque de Gap, Laugier
Sapor, louant comme domestique, pour la durée de deux mois et
demi et au prix de 3 florins d'or, Mayron de Meyrargues, Juif de
Tarascon s.
* Nostradamus, Histoire de Provence^ partie 6.
> Ihid.
* Tribut levé sur chaque setier de blé vendu au marché.
^ Pièces justi ficatives, n"* VI.
* Ibid., u« X.
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE 107
René, d'ailleurs, était loin de leur être hostile. Il rendit même
en leur faveur une ordonnance (18 mai 1454) aux termes de
laquelle il les maintenait dans leurs anciens usages en môme temps
qu'il diminuait les rigueurs de Tf^^dit de Charles II relatif au port
de la roue et confirmait les médecins dans l'exercice de leur art *.
Il en donna lui-même un exemple en attachant à sa personne le
médecin juif, Abraham Salomon, qu'il exempta de tout impôt ju-
daïque*. Il se faisait, il est vrai, très largement payer des faveurs
qu'il accordait aux Juifs en les soumettant à une taxe de 2,160
florins, sans compter les impôts extraordinaires de 18,000 florins *
que les communautés juives de Marseille, de ïarascon, d'Arles
et de Salon s'étaient engagées à payer au comte de Vaudemont,
grand sénéchal de Provence, et qu'il donna l'ordre à Jean Girard,
commissaire royal, de lever à son profit en M^O-TI ^. Cest ainsi
encore qu'en 1474-'75 il enjoignait au Président de la Chambre
des Comptes de faire acquitter, dans le délai de six mois, par les
Juifs de Tarascon le subside de 8,000 florins qu'il leur avait
imposé, sous peine d'emprisonnement, d'amende de 30 marcs
d'argent et de confiscation de leurs biens '*, et qu'en 1415-'76, il
contraignit les Israélites de la Provence à lui fournir une nou-
velle contribution de 4,000 florins \
Pendant ce temps, les syndics, toujours fidèles aux prescriptions
de la Sauvegarde, veillèrent à la sécurité des Juifs et les défen-
dirent contre toute injure, attaque ou violence. Il suffisait qu'un
chrétien traitât un autre de juif pour qu'aussitôt une condamna-
tion s'ensuivît. Nous trouvons, en effet, relatée dans les comptes
de Guillaume Yoti, clavaire en 1475, une amende de cette nature
infligée à un habitant de Tarascon qui, au mépris de la Sauve-
garde, avait dit à Jean VioUet : « Jusieu, et pagaras lo vin ^ »
Partout, d'ailleurs, les Juifs sont placés sur le même pied que les
chrétiens; ils jouissent des mêmes droits et sont soumis aux
mêmes taxes que les autres habitants ^ Ils font partie des confré-
ries au même titre et dans les mêmes conditions que les chrétiens.
Celle des porte-faix se composait, en 1467-68, de vingt-deux
membres; les Juifs qui y figurent sont au nombre de quatre :
Mosse Aym, aliàs Pape, Benyon Mosse, Haurahami Carabidas et
« C. Arnaud, p. 39 et 52.
* Depping, ibid., p. 206.
• Archives départementales^ B. 1390.
♦ Ibid., B. 1393.
* Ibtd., B. 2489.
• Ihid., B. 2043. Cf. B. 2038.
' Eevu» du langues romanes, année 1897, p, 224-226.
lA
108 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Vidon Josse ^ Si, par un statut local, le jeu de dés entre Juifs et
chrétiens était interdit à Aix, sous peine d'une amende de 50 sous,
dont le tiers revenait au dénonciateur^, il n'en était pas de même
à Tarascon, où, en vertu de l'article 96 des Coutumes, confirmé par
le roi René, ce jeu était également défendu à tous les habitants
sans aucune distinction. Mais de peur de succomber à la tentation,
les Juifs prenaient, par acte notarié, l'engagement de s'en abstenir
et s'imposaient même quelquefois des amendes volontaires. Nous
possédons deux actes de ce genre. L'un, daté du 19 septembre
1438, est relatif à Mosse Salomon, Juif de Tarascon, qui s'engage
à ne jouer aux dés ni à aucun autre jeu pendant une année, sous
peine de 10 florins, applicables, par moitié, à la Cour royale et au
dénonciateur^. L'autre concerne maître Jacob de Lunel, qui, le
3 janvier 1441, promet de s'abstenir, à l'avenir, de tout jeu, sous
peine d'une amende de 35 florins à distribuer comme suit : 10 flo-
rins au fisc, 5 au viguier, 5 au juge, 5 au dénonciateur, 5 au lumi-
naire juif et 5 à l'aumône. En cas de refus de l'un d'eux, sa part
sera partagée entre le fisc et le dénonciateur*. Maître Jacob de
Lunel était un médecin fort estimé à Tarascon. Nous avons de lui
un certificat que, de concert avec maître Guillem Biroier, il a
délivré, le 5 février 1424, à « dona Philipa Grilla », des Baux, pour
la déclarer indemne de la lôpre. L'original de ce document que
nous reproduisons ici se trouve à l'étude de M. Mourret, quia bien
voulu nous le communiquer :
A la discreta dona Philipa Grilla als Baus sia?i dadas.
Dona Philipa, nos nos recomandam à vos et vos fasem asaber que
Anthoni Bouier si nos a die que vos vos duplavas quel el fos loquat
del mal de Sant-Lase, per que non vos plasia que el demores en
vostre ostal. Per que vos fasem asaber que el nos ha requerit de sou
bon grat que hom vegues sa aurina et que hora lo feses sayuar et que
li palpes tota sa persoua, per veser si el era ren toquât de la dita
malautia; et sapiat que nos avem vistz l'aurioa et son sanc. De que
en sa aurina ni en son sanc non avem trobat nengum senial de la
dita malautia, et son sanc avem trobat bon et pur et net, après que
avem fait las provas que lo libre manda fayre en lo sanc. Item 11
avem regardât tota sa persona, loqual non hi avem trobat neguna
macula ni en sos pes, ni en sas cambas, ni en sos brasses, ni en sas
mas, et lo avem proat que ha bon asentiment en lo.s menbres, los-
* Archives municipales^ BB. 10.
' G. Arnaud, ouvrage cité, p. 39.
* Pièces justificatives^ u° VU.
* Ibid., D« XI.
LES JUIFS DE TARASCOX AC MOYEN AGE lOJ
quais déu aver boa asealiment. Per que disem que quant a présent
non li trobarn nenguna malaulia ni nengun mal per que bon lo degia
deslonia ni duptar. Diéu sia an vos. Script a Tbarascon a V de
febriar l'an mil Illl c. et XXIIII.
los tos vostres Mayslre Jacob de Lunell,
fisiciau, et maystre Guillem Biroier,
surgia et barbia de Tbarascon'.
En Provence, le droit de cité était soumis à des principes inva-
riables. Chacun avait la liberté de domicile et pouvait s'établir où
il voulait. Mais pour être réputé citoyen d'une commune dont on
n'était pas originaire, il fallait, suivant le statut, s'y fixer effecti-
vement et y transporter la plus grande [)artie de ses biens. Cette
déclaration devait être faite par un acte notarié ^. Les registres du
notaire Pierre Margoti nous ont conservé un acte de citadinage
(Cieutadanagium) de ce genre dressé le 22 avril 1467 en faveur de
Mordacays Vidal Cohen, Juif de Salon. En présence de Gévonime de
Manellis, représentant le viguier de la cour royale, et des syndics
Francisque Genoyne et Pierre Aycard, « après avoir rendu hom-
mage aux qualités et aux vertus des habitants de Tarascon et
reconnu que les privilèges, franchises, libertés, immunités et nom-
breuses prérogatives dont jouissait leur ville, rendaient évidente
sa supériorité sur toutes les autres cités de la Provence et de l'Oc-
cident », Mordacays Vidal Cohen est proclamé nouveau citoyen
« civis novus » et admis à jouir de tous les droits attachés à ce
titre. Suivant la règle appliquée à tout étranger, juif ou chrétien,
il s'engage à convertir la majeure partie de ses biens meubles et
immeubles, à s'établir, dans un délai de trois ans, à Tarascon ou
son territoire et à participer, à l'égal des autres citoyens, aux
tailles, questes, chevauchées, etc. Il promet d'observer fidèlement
les clauses du contrat et jure : « ad aquineam^ ».
VIII
L'année 1484 fut une année malheureuse pour les Juifs de la
* Pièce annexée aux notes brèves du notaire Antoine Chapati, vol. 4 (1425-1426).
* Julien, Nouveau commentaire sur les statuts de Provence^ cité par Fabre, Histoire
de la Provence^ t. III, p. 46.
' Pièces justificatives^ n» IX. Ailleurs on lit quinia on aquinaJVoïv Arnaud, Essai,
p. 61 et 62. Le même serment est prêt<^, en 1441, par Jacob Bonet Avieudor de
Tarascon, Pièces justificatives, n» XVII. — D'après M. ^euhauer, Hevue, X, p. 307,
le met aqiiinea représenterait le terme hébreu 'J'^Dpn. Nous croyons plutôt qu'il s'agit
du mot laiiu quinio, le nombre cinq, par allusion aux cinq livres de la loi de Moïse.
110 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Provence. Le 13 Nissan 5244 (8 avril), une bande de Dauphinois,
d'Auvergnats et de montagnards provençaux, venus à Arles pour
faire la moisson, se jeta sur les Juifs, les pilla et démolit la syna-
gogue*. Les mêmes excès se renouvelèrent à Aix le 10 mai-. La
communauté juive de Tarascon, où les malheureuses victimes de
l'émeute s'étaient réfugiées, ne subit aucun acte de ce genre. Sur
l'ordre du sénéchal de la Provence et en exécution des clauses de
la Sauvegarde royale, le Conseil, afin de mettre les Juifs à l'abri
de toute attaque « ut thucius custodientur », les fit rentrer, pen-
dant les moissons, dans le château et donna l'ordre de fermer,
durant les fêtes -, les portes de la ville, à l'exception de deux dont
la garde fut confiée à la milice urbaine. Il fit placer, en outre, des
hommes armés devant les maisons de la Carrière et élever, aux
frais des Juifs, des barrières (cancellos) sur lesquelles il ordonna
de placarder la Sauvegarde '*.
Le 8 juin de la même année, averti par les syndics d'Arles de
l'intention des moissonneurs de se rendre à Tarascon et de s'y
livrer au massacre des Juifs et au pillage de leurs biens, le Conseil
nomma capitaine de la milice un de ses membres, Pierre Poitevin,
et le chargea, en cette qualité, de visiter la Carrière et de veiller,
avec un nombre de soldats suffisant, à la sécurité de ses habitants.
Il délégua en même temps à Beaucaire le syndic Ponce et le con-
seiller Jean Salellas, avec mission pour eux de s'entendre avec les
riverains et autres habitants au sujet de l'aide que, le cas échéant,
ils devaient leur prêter contre les envahisseurs de leur territoire.
Le Conseil fit parvenir également au sénéchal, avec la réponse de
la communauté de Tarascon, les lettres qui lui furent adressées
par les syndics d'Arles et l'invita à lui faire connaître les mesures
qu'il comptait prendre dans l'intérêt cîe la défense des Juifs ^.
De nouveaux troubles éclatèrent à Arles pendant l'été 1485. Des
officiers de police même furent maltraités par les moissonneurs. A
cette nouvelle, le Conseil se réunit aussitôt, et, dans sa séance du
10 juin, à laquelle assistèrent les bayions de la communauté, il fut
convenu d'un commun accord : ]" que pendant toute la durée des
moissons les Juifs s'entermeraient avec leurs familles dans le châ-
teau; 2° que leurs maisons et leurs biens seraient placés sous la
garde du capitaine de la milice, Pierre Poitevin, et de 25 hommes
* Bévue, t. XII, p. 18, note. Cf. Bardinet, Eevue historique^ 188Û, et Deppiog,
p. 208.
' Bouche, Chronogr. de Provence, t, II, p. 494.
' Les lêtes do la Pentecôte, de saint Jean-Baptiste (24 juin) et de sainte Marthe
(29 juillet).
'* Pièces justificatives^ n" XU.
5 Ibid., n" XU.
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE 111
arra(^s auxquels les Juifs alloueraient, outre la nourriture, une in-
demnité de 4 gros par homme et par jour; 3° que des sentinelles
seraient postf^es aux portes de la ville aux frais des Juifs.
Le même jour, le Conseil, d'accord avec les bayions, délégua un
de ses membres, Raymond de Vite, auprès du roi de France, avec
une co[)ie des lettres des syndics d'A.rles, informant ceux de Ta-
rascori des douloureux événements qui venaient de se passer dans
leur ville, et chargea le viguier, de Lobières, son assesseur,
Genoyne, et les conseillers Jean Salellas et Guillaume Bernard, de
prendre toutes les mesures qui leur seront dictées par l'intérêt
général des habitants, juifs ou chrétiens ^
On ne se lit aucun scrupule à Tarascon d'enfreindre ces mesures.
Des notables même pénétrèrent dans la Carrière, se ruèrent sur
les Juifs et jetèrent à terre la Sauvegarde. Le roi de France au-
quel la communauté juive avait fait parvenir ses doléances de-
manda raison au Conseil de ces métaits, et celui-ci se vit obligé,
le 16 décembre 1485, de lui présenter ses excuses par la bouche de
son ambassadeur, Jacob de Angelo, de démentir les faits allégués
par les Juifs, et de lui donner l'assurance du dévouement que les
habitants de Tarascon professaient pour la Majesté royale, dont
ils ont toujours été et seront toujours les fidèles sujets -.
Ce danger à peine conjuré, un nouveau malheur menaça la
communauté juive. Au mois de janvier 1488-89, pour des motifs
que nous ignorons, une émeute contre les Juifs éclata à Tarascon
même. Fidèle à la Sauvegarde, aux termes de laquelle il était con-
traint de protéger les Juifs contre toute violence, le Conseil intima
à leurs bayions l'ordre d'élever à l'entrée de la Carrière des bar-
rières plus solides que les premières, et de faire construire des
portes assez larges pour permettre à des voitures chargées ou non
d'y passer. Il décida, en outre, conformément aux Lettres royales
qui venaient de lui être adressées (11 juin 1488-89): 1° que la
Sauvegarde serait fidèlement observée ; 2*^ que, pendant les jours
de fête, toutes les portes de la ville seraient fermées à Texception
de celles de Saint-Jean et de Madame ; 3^ que des hommes armés
seraient placés auprès de ces portes qu'il appartiendrait au viguier
et au capitaine de faire également fermer quand ils le jugeront
nécessaire ; 4.^ que les hommes armés auraient soin d'interdire
l'entrée de la ville aux moissonneurs porteurs d'armes ou de
bâtons ferrés, mais les obligeraient de les déposer dans la maison
la plus rapprochée de ces portes ^.
* Pièces justificatives^ n» XII.
> Ibid.
» Ibid,
112 REVUE DES ETUDES JUIVES
Grâce à ces précautions, les Juifs purent encore une fois
échapper à la fureur de leurs ennemis. Mais un nouvel orage
s'amoncelait sur leurs têtes, qui eut pour eux les conséquences les
plus désastreuses. Fatigués de se soumettre plus longtemps aux
prescriptions de la Sauvegarde, les habitants de Tarascon, à
l'instar de" ceux des autres villes de la Provence, les accusèrent
non plus seulement d'être les ennemis de la foi chrétienne, mais
surtout de commettre « usures, rapines et autres maulx innumé-
rables * ». Charles VIII écouta leurs doléances, et par des lettres-
patentes du 22 mai 1496, enjoignit au grand sénéchal, au viguier et
au juge-mage de Tarascon '< de faire vuider et de chasser les dits
Juifz et Juives de la dite ville, ressort et viguerat d'icelle, sans plus
les souffrir y demourer, habituer, aller, venir, passer, séjourner,
ne résider en aucune manière » et ce « dedens le quinziesme jour
de juillet prochainement venent et sans plus de terme ou res[)it »
et « nonobstant oppositions ou appellations et autres faictes ou a
faire, relevées ou a relever, et tous lesdits procès et procedeures,
meuz ou autres qui se pourroyent mouvoir pour retarder le par-
lement des dits Juifz delà dite ville, ausquelz ne voulons doresen-
navant iesdits Juifz estre admis, oyz ne receuz* ».
L'arrêt fut irrévocable, et c'est avec un serrement de cœur que
les Juifs de Tarascon furent, eux aussi, contraints de prendre le
dur chemin de l'exil et d'abandonner, sans espoir de retour, une
ville au bonheur et à la prospérité de laquelle ils n'avaient
jamais cessé de travailler. Ils se retirèrent dans le Comtat-Ve-
naissin.
Salomon Kahn.
(A suivre,)
* On remarquera que c'est la première fois que le reproche d^usure est adressé aux
Juifs de la province.
> Pièces jusUficaiiveSj n° XIV.
MENAHEM AZARIA DI FANO
LE PORTRAIT DE R. MKNAHEM AZARIA DI FANO.
La barbe de R. Menahem Azaria di Fano a donné lieu naguère
à une controverse. Lorsque R. Sabbataï Biir, dans la seconde
moitié du xvii^ siècle, eut à résoudre la question de savoir s'il est
permis, d'après la Kabbale, de se couper la barbe avec des ciseaux,
il rechercha tout d'abord comment agissait à cet égard le héros et
adepte de la Kabbale en Italie, celui qui connaissait le mieux ies
doctrines d'Isaac Louria *. Réputé pour sa science et ses habitudes
de vie comme le principal représentant de cette doctrine secrète
en Occident, il pouvait, en raison de sa qualité de disciple de
R. Israël Saruk, être considéré comme le disciple presque immé-
diat de Louria. Sabbataï Bar eut surtout l'occasion de connaître,
par son maître Isaac Beréchia de Lugo ^, neveu, gendre et disciple
de R. Menahem Azaria, les habitudes de ce maître de la Kabbale.
Il prétend avoir appris ainsi que Menahem Azaria, suivant les
idées cabbalistiques qu'il professait, se taillait la barbe tous les
vendredis en l'honneur du Sabbat, selon la coutume des Italiens,
et que son exemple était imité par ses disciples; parmi ces der-
* p^:' -|N3, n" 70 : ^^N^n p^H TJ-^H \n-ipm \nCÎ'n "^UÎSÎ N43NT
rj-i-^n rr^rt 'ia"5> bD -«s i-id3 hy "^n^T^n b"piirT i^ndt^ y"i2^n s-^n^n
riN-ibNiû^N :^t:jJ2^ rr^sp-^na nsno7ûT rr^'jwNnn ï*<:in mpi rî^a.sn
TiJwN b"p"i^T "^""iw^n n72^n73 t^^nm^ N-nn^wS r^r?:^^ «n'^un bDwS"« '^m
Sdt vi2-^ ^^o ly i^hd ^r)T nm ^"n^n uyi:i2 y"i2^r, ba icm^ûb n3
pT rr^n TT^?:bm -nsn isnn nnn m?: "^^ "^ws inn^ T^nr^bn
nns 'rnb ;::b'an t2\nuJT nyz) Nb ^"ab \"T^trT:: pn-» ^2yj2 by^ 2-in
mn-i d-is^D -^-i^rr ■oni niy^ vd b.s mm bnpi mnon r.j2i2 vin p^ti
* Cf. Kaut'mann, dans Jewish Quartcrly Meview, VIII, 51 o, et Mevue, XXXV 86
et s., 89.
T. XXXIX, no 77. «
114 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
niers se trouvait R. Ahron Berachia de Modène*, le pieux et
célèbre auteur du Maahar Yabok^ au sujet duquel R. Sabbataï
pouvait fournir un témoignage oculaire.
Se méprenant sur le sens de ce îémoignage, R. Moïse Sofer *
s'imagina que R. Menahem Azaria di Fano ne souffrait aucun
poil sur son visage et était, en quelque sorte, le type du compro-
mis entre les habitudes cabbalistiques et l'usage de se tailler la
barbe. R. Moïse Sofer confondait ainsi R. Menahem Azaria di
Fano avec Josef del Medigo, dont le disciple Moïse Metz, dans la
biographie de son maître dédiée au caraïte Zérah b. Nathan, rap-
porte qu'il était Tennemi du port de la barbe ^. En outre, R. Moïse
Sofer n'a tenu aucun compte de la réfutation du témoignage de
R. Sabbataï.
R. Josef b. Emmanuel Ergas, plus tard rabbin de Florence, qui
eut, presque un siècle plus tard, l'occasion de se prononcer sur le
mémoire de R. Sabbataï^ ne se borne pas à mettre à néant l'argu-
mentation de ce dernier; il réfute aussi son assertion concernant
R. Menahem Azaria*. R. Benjamin Cohen Vitali de Reggio, un
oracle digne de confiance en matière de Kabbale, étant donnée sa
qualité de disciple de R. Moïse Zacut, soutint contre Ergas la véra-
cité du mémoire de R. Sabbataï en général, et en particulier
l'exactitude de son allégation quant à la barbe de R. Menahem
Azaria. R. Benjamin Cohen était môme en état d'invoquer sur ce
point un témoignage contemporain authentique, le portrait du
maître de la Kabbale lui-même, qu'il avait vu à Mantoue. Sur ce
portrait, la figure de R. Menahem Azaria aurait été toute couverte
de barbe, ce qui démentait complètement le dire de R. Sabbataï.
Or, il se trouve que le portrait que R. Benjamin Cohen avait vu
existe encore à Mantoue. Grâce à une communication de mon ami
M. Jaré, qui s'est souvenu que, du temps de son enfance, le por-
* Cf. Zunz, Literatui' ffcschichte, p. 424 et s.
* n'VS "JDIO ûnn ^\"^'0, n° lo9. Cf. M. Straschuo, dans n572t^3 nnp de S. I.
Funn, p. 375, noie 17.
3 Ibid. : Vpu: to'^P"«wX:: 5<"in2p73 n"U5"«ri V:)y Ti^^in pT. Comme Straschuo
l'a déjà reconnu, R. Moïse Sofer, par une erreur de mémoire, a allribué à Menahem
Azaria les indications se rapportant à Josef del Medifço. Josef del Medigo trace lui-
même ce portrait par Tinlermédiaire de son disciple Mosé Mclz, ûî'^Jî, !• 29 a:
y3^b naiî "j:>7: lîpT pN D"'bnbn rmiiTip nmn":: "rr^^n m"i:>o
* t]3v "^-lai, n«> 25 : )r^^n l-'7:"':3 -imn7:73 ni by \n-,pn "^sn ^^y^
^r2ob lin Yi^ p\a:' n.Nn ^-i3t b"7T -«b n^•c^^ i<"y^ ^^^:^^'\ "T^ra ^"^3
iNao mm-jn rî?2D7j rîwNmnn -"bm vzy ip'::^nr! naD "^s tsn'^bj'
•jpT^ ^^^m n"nbT ynni^ mii: nDrj:?2a ■'n\N-i ■^r.NT NnDbnD t^^n DU)
1n^'^y b\D wND"i:i3 nzn^Ti it "^-im ^^y vr,M:> bs by Nb?^.
MENAIIEM^AZARIA DI FANO 113
trait de Menahem Azaria avait été trouvé à Mantoue et qu'il avait
été acheté pour être donné à l'école de la Confrérie Schem ToJ)^
MENAHEM AZARIA DI FANO.
j'ai pu faire exécuter une photographie de ce portrait; quoiqu'il
soit fortement assombri, on y voit encore les traits pétillants
d'esprit de l'illustre rabtin de Reggio, et nous avons là une image
du maître de la science talmudique et de la Kabbale.
H6 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Un simple coup d'œil jeté sur le portrait donnera la solution du
différend entre R. Sabbataï Bar et R. Josef Ergas. Biir n'a pas été
induit en erreur par celui qui l'a renseigné. R. Isaac Berachia, le
frère, gendre et disciple favori de Menahem Azaria, lui tenait de
trop près pour lui avoir fait une déclaration inexacte au sujet de
l'extérieur du vénéré maître. Cependant sa déclaration ne portait
pas sur l'absence de barbe, mais sur les soins donnés à la barbe.
C'est ce qui est prouvé par le portrait qui nous montre une barbe
coupée régulièrement, nullement inculte et abandonnée. D'autre
part, nous trouvons aussi la confirmation de l'assertion de R. Ben-
jamin Cohen, qui prétend que, d'après le portrait de Mantoue,
Menahem Azaria portait une barbe couvrant tout le visage, les
lèvres, le menton et les joues ^ Enfin, le portrait confirme aussi
la description que Yedidia Caro , petit-fils de R. Josef Garo ,
a faite de la personne de R. Menahem Azaria di Fano à David
Conforte ^ Lorsqu'il fut admis à voir l'ami de son grand-père dans
sa maison à Mantoue, où celui-ci le reçut avec la plus vive cor-
dialité, en raison de la vénération et de l'affection que R. Menahem
Azaria avait depuis sa jeunesse pour Josef Caro, il crut voir appa-
raître, selon sa propre expression, un ange du Seigneur. Le por-
trait nous a conservé encore un reflet de cette apparition em-
preinte de grandeur, rehaussée par la dignité de toute la personne
et la bonté que respire cette tête de penseur.
II
LEPITAPHE DU TOMBEAU DISPARU DE R. MENAHEM AZARIA
DI FANO A MANTOUE.
R. Menahem Azaria di Fano avait été longtemps rabbin à
Reggio; par ses élèves, par sa piété ascétique et par sa vaste éru-
dition, il s'était rendu célèbre de son vivant dans toute l'Italie, et
sa gloire s'étendit môme bien au delà des frontières de ce pays. Il
passa à Mantoue les dernières années de son existence, et le petit-
fils de R. Joseph Caro, Yedidia Caro, y fréquenta sa maison •'.
Comme on n'a trouvé aucune trace de son tombeau à Mantoue, on
* Cf. Kaufraann, Mo7iatsschrift^ XLI, 700 et s.
' m min Nmp. i* 42* : ïiN-i^ûT bmp7:i bna TDn ïi^nuî m:' "^b ncoi
' D. Couforle, m-n^TÏ! HTT^'^s 1» 42 3.
MENAIIEM AZARIA Dl FANO 117
pouvait être certain que cette tombe, si religieusement conservée
par les générations successives, n'a pu être détruite que par
quelque cataclysme ou quelque catastrophe : effectivement, c'est
le jeudi 14 avril 1831 que l'armée autrichienne, dit-on, a démoli
son tombeau; à cette occasion Lelio Cantoni a copié l'épitaphe et
l'a ainsi sauvée de l'oubli. Je la publie ici pour la première fois,
d'après la communication qu'en fit le rabbin de Mantoue Isaïe
Lévi au rabbin de Ferrare Giuseppe Jaré.
M">i53 "laiT^na i-i^ûn'ip tiDi:?73
rîTU) pub t]"o tnr^u
rr^ibnti toipTo mn^pn ï-iTonp^a
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î-i-^iiD iiïT'n *n"^isb iu5d3i
.bp"-ii:T
Un examen un peu attentif de l'inscription montre que ce mo-
nument n'a pu être celui qui a été érigé immédiatement après le
décès de R. Menahem Azaria, survenu le 5 août 1620, mais que
c'était une restauration du tombeau primitif tombé en raines ou
démoli. Cela ressort déjà de la date qui ne mentionne ni le mois ni
le jour. A la vérité, à la seconde ligne de cette épitaphe rythmée,
il manque tout un quart du vers primitif; mais là aussi l'année
seule, et non le mois et le jour du décès, aurait pu être donnée.
Les premières lignes du poème affirment, d'ailleurs, expressément
que ce n'était pas là le monument original, mais une restauration :
« C'est l'ancienne demeure, la tombe de R. Menahem Azaria qui a
été reconstruite ici », avec le millésime 1620 sur la pierre d'assise
ou pierre originale, comme on l'appelle dans le second vers. La
place de la pierre n'était pas, comme nous l'apprenons dans la
troisième ligne, tout à fait celle de l'ancienne; elle était seulement
dans le voisinage du monument tombé en ruines, du tombeau pri-
mitif. Les trois premières lignes, malgré leur rédaction poétique,
nous donnent donc l'indication rigoureusement historique, qu'en
cet endroit, à la place de l'ancien caveau détruit, la piété de la
communauté ou celle des admirateurs du défunt lui avait érigé un
nouveau tombeau. Peut-être les vers suivants ne sont-ils que la
répétition du poème gravé jadis en honneur de R. Menahem Azaria
118 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
sur sa pierre tombale : « Voici le lieu de repos destiné à Thomme
qui, de son vivant, s'était élevé si haut, et dont Télévation avait été
si agréable à son peuple. Aucune science n'était étrangère à son
esprit; les quatre mondes de la Kabbale, celui de l'Émanation,
celui de la Création, celui de la Formation et celui de l'Activité
étaient comme un livre ouvert devant ses yeux. Son âme était
déjà durant son pèlerinage terrestre exclusivement consacrée à
son Créateur, ce que prouvaient et sa vie ascétique et ses médi-
tations sur les questions métaphysiques. Ainsi se perpétue, conclut
l'épitaphe, le nom de R. Menahem Azaria, qui est parvenu à l'im-
mortalité sous celui de Rma di Fano. »
On ne sait si ces éloges sont ceux du tombeau primitif ou ceux
du monument funèbre érigé pour remplacer le premier; en tout
cas, ils sont un témoignage de la considération et du respect dont
jouissait R. Menahem Azaria dans la ville où s'exerça son activité
dernière, et ils complètent dignement le portrait de ce savant
intéressant.
David Kaufmann.
LE JUIF DANS LA COMÉDIE
AU XVIir SIÈCLE
Les auteurs des savantes monographies qui nous ont fait con-
naître la condition des Juifs en France au siècle dernier sont d'ac-
cord pour nous la représenter à la fois comme précaire et suppor-
table K Ils nous enseignent que, sans doute, on n'avait pas révoqué
la déclaration royale du 23 avril 1615 qui les avait bannis, mais
que les Juifs y contrevenaient sans trop de difficulté. Ils nous
montrent que les commerçants protestaient souvent, avec l'appui
des autorités municipales, contre la permission expresse ou tacite
qu'on donnait aux Israélites de venir vendre sur les foires, mais ils
nous apprennent que souvent les Intendants ou les Parlements
prenaient parti, dans l'intérêt des consommateurs, pour ces négo-
ciants ambulants qui vendaient à meilleur marché. Ils constatent
qu'on ne leur permettait pas plus chez nous qu'ailleurs, je ne dis
pas d'exercer les professions libérales, mais d'entrer dans une
corporation; mais ils nous suggèrent la réflexion qu'étant don-
nées les mœurs du temps, les Juifs gagnaient à être officiellement
bannis, car ils échappaient par là aux distinctions humiliantes
qu'on leur imposait là où ils étaient officiellement tolérés '. Ils re-
connaissent formellement que la haine dont les Israélites avaient
* Voir, dans la Revue des études juives, M. N. Roubin, La vi« commerciale des
Juifs comtadins en Languedoc (t. XXXIV, p. 276 et suiv. ; t. XXXV, p. 91 et
suiv. ; t. XXXVl, p. 75 el suiv.) ; M. Saloraon Kahn, Les Juifs de Montpellier au
XVIII'> siècle (t. XXXIII. p. 283 el suiv.); M. Léon Brunschvic^;^, £es Juifs en
Bretagne [ihid., p. 88 el suiv.); NJ. II. Monin, Les Juifs à Paris à la fin de l'ancien
régime (t. XXili, p. 85 et suiv.).
* Voir, dans la Eerue des Études juives, Le chapeau jaune chez les Juifs comtadins,
par M. Jules Bauer (t. XXXVl, p. 53) ; ces Juifs ayaut demandé eu 1776 à Olre dé-
barrassés du chapeau el allégué l'exemple de la France, qui ne l'imposait pas, l'au-
torité ponlilicale répondit que si, en France, on ne les astreignait pas à le porter, c'est
qu'ils n'y existaient qu'en contrebande.
120 REVUE DES ETUDES JUIVES
tant souffert était chez nous à peu près éteinte : « La question juive,
dit, par exemple, M. Roubin, ne fut en Languedoc (au xviii® siècle)
qu'une dos formes de l'éternelle concurrence entre marchands
indigènes et étrangers, entre défenseurs de vieux privilèges et
partisans de la liberté industrielle et commerciale. »
C'est précisément cette sage et loyale conclusion que je voudrais
fortifier par un coup d*œil rapide sur le théâtre français du
xviip siècle. La matière est, je crois, neuve encore. Deux spiri-
tuels conférenciers ont traité, l'un, M. Abraham Dreyfus, du Jidf
au théâtre, l'autre, M. Maurice Bloch, de la Femme juive dans
le roman et au théâtre * ; mais, pour ce qui regarde la France,
l'un et l'autre n'ont cherché que dans notre siècle. D'autre part,
M. Herbert Garrington, dans sa thèse intéressante , Die Figur
des Juden in der dramatischen Liiteratur des XVI IL Jahr*
hunderis (Heidelberg, Pfeffer, 1897), n'a pas interrogé notre ré-
pertoire.
Comparons donc ce que nos comédies du xviii^ siècle nous ap-
prennent à ce que nous enseigne le théâtre des nations étran-
gères.
A la suite du roman de Gellert, La comtesse suédoise, et sur-
tout de Nathan le Sage, le fameux drame de Lessing, un certain
nombre d'auteurs dramatiques allemands attaquèrent l'animad-
version dont souffrait dans leur pays la communauté Israélite. En
Angleterre, Sheridan et Richard Cumberland combattirent sur la
scène pour la môme cause. Mais il est manifeste que c'est précisé-
ment l'âpreté tenace du préjugé de leurs compatriotes qui provoqua
leur générosité. La philanthropie qui les animait souleva plus d'une
réplique. — Le vieux théâtre allemand, dit M. Carrington, repré-
sentait le Juif comme un fanatique qui égorge des enfants pour
employer leur sang dans des cérémonies religieuses, tandis qu'à
partir de la Réforme, Israël fut ménagé sur la scène, parce que les
protestants s'en prirent de préférence aux catholiques et parce
qu'ils avaient une vénération particulière pour l'Ancien Testa-
ment. — Toutefois, je remarque que les protestants d'Allemagne
répétèrent fort souvent le reproche, fréquemment adressé aux
princes dans les Mystères germaniques, de tolérer les Juifs ;
c'était aussi un de leurs griefs contre le gouvernement pontifical
(Janssen, V Allemagne et la Réforme, V, 501-2). Puis, sans doute,
dans le dernier quart du xviii° siècle, les auteurs allemands qui
peignent de mauvais Juifs prennent soin quelquefois d'assurer que
* La première de ces conférences est du l*"" mars 18S6, la deuxième du 23 jan-
vier 1892; elles ont été publiées dans des volumes supplémentaires de la Revue des
Etudes juives,]
LR JCIF DANS LA COMÉDIE AU XVllI» SIKC^R 121
ce sont là des exceptions qui se rencontreraient aussi parmi les
chrétiens; mais enfin, en 1800, on jouait encore en Bavière une
pièce où des Juifs sont massacrés, à la joie de l'auteur, pour avoir
comploté contre des chrétiens et surtout outragé des hosties ; dans
une autre pièce, jouée à Berlin en 1804, on les peint comme des usu-
riers, et l'on demande, dans un appendice, qu'on les force d'abjurer;
dans la même ville, en 1815, une autre pièce les montre s'exploitant
de père à fils. Quand on ne cherchait pas à entretenir le populaire
dans sa haine contre eux, on s'appliquait du moins à l'entretenir
dans son mépris à leur égard ; on faisait d'eux des poltrons ou
des sots que leur entourage bafoue. Les dramaturges qui les dé-
fendent n'attestent pas seulement la vivacité du fanatisme qu'ils
combattent : ils le ménagent quelquefois. Ainsi Schroder, qui,
dans son remaniement de V Ecole du scandale, marque plus ex-
pressément encore que Sheridan la bonté du Juif employé au re-
dressement des torts, donne une teinte comique au rôle. Il en
était de môme en Angleterre, où les preuves du mépris public
pour les victimes de l'oppression séculaire se rencontrent jusque
chez des auteurs qui ne travaillent nullement à la perpétuer;
ainsi, dans VHérUicre^Q Burgoyne, une coquette se dit capable
de dérober cent cœurs et de les fondre ensemble comme les Juifs
font pour les objets qu'ils volent afin qu'on ne puisse les re-
prendre (IV, 1). Dans la Belle artificieuse de Miss Cowley (1780),
un personnage déguisé en Juif dans un bal masqué s'attire ces
quolibets : « Va-t-en bien vite à Duke's place (où il y avait, pa-
rait-il, une synagogue) prêcher tes confrères, et engager la tribu
à souscrire pour le soutien du pays aux dépens duquel tu t'es en-
graissé! Où sont vos Josués et vos Gédéons? Eh, ils sont tous
changés en usuriers, fripiers et colporteurs! (IV, 1).» A la scène
suivante, une dame raille ce faux Juif sur son embonpoint, qui
annonce qu'il est lévite : a Y a-t-il longtemps, lui dit-elle, que tu te
nourris aux frais des chrétiens, mon ami ? » Gumberland prête
beaucoup de charité à son Mosès dans Les Juifs, mais il fait
aussi de lui un avare qui croit devoir acheter par des redouble-
ments de parcimonie le droit de faire du bien ; à la suite d'une
libéralité, il se promet de dîner de la fumée des cuisines d'un
alderman *.
Il est, au contraire, frappant de voir que la comédie française
s'interdit presque absolument les invectives et les sarcasmes aux-
quels on se complaisait encore dans le théâtre anglais et allemand.
* Je m'appuie, pour ces faits empruntés à la littérature anglaise et allemande, sur
M. Carringtoa; j'y ajoute seulement de mon fonds ceux qui sont tirés de Burgoyne et
de Miss Cowley.
m REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Je trouve à peine çà et là un mot dit en passant qui marque du
mépris pour les Juifs ; et encore est-ce d'ordinaire un terme géné-
ral qui ne vise personne. Le baron d'Esparville, dans le Philo-
sophe sans le savoir de Sedaine, à qui les négociants n'ont pas
voulu escompter une bonne lettre de change, dit : « Tous ceux
que j'ai vus jusqu'à présent sont des Arabes, des Juifs, pardonnez-
moi le terme, oui des Juifs. Ils m'ont demandé des remises consi-
dérables, parce qu'ils voient que j'en ai besoin. » (V, 4.) Il y a
loin de ce mouvement de vivacité aux brocards que les dames
mêmes, dans d^autres pays, ne trouvaient encore ni trop inhumains
ni trop usés. Riccoboni, au III^ acte de ses Caquets (1161), a rem-
placé le marchand arménien des Peitegolezzi délie donne de Gol-
doni qu'il imite, par le Juif Ménéchem, et il faut bien avouer que
ce petit colporteur à barbiche qui vend dans les cafés des lunettes,
de petits oiseaux, des tire -bouchons, des boucles d'Angleterre
n'a pas fort grande mine ; il parle en jargon. « Moi, dit-il à
M. Renaud, son compagnon de voyage, qui lui demande une
adresse, moi connaît tout les rues, mais non pas tout le bour-
geois. Il est ici le port d'où part les bateaux qui vont dans le Nor-
mand. » M. Renaud cherche avec anxiété un certain Adrien et en
donne ce motif: « Hélas, il y a douze ans que je lui ai confié ce
que j'avais de plus cher au monde. » — « De l'argent? » dit naï-
vement Ménéchem. Mais on ne lui impute pas la moindre pecca-
dille dans toute la pièce. « Vous avez, dit-il à M. Renaud, emporté
votre femme et laissé votre fille? je n'aurais point fait cette chose-
là. » Mais c'est là un lazzi traditionnel sur les femmes. Babet, qui
se croyait fille d'un batelier et qui un instant se croit fille de
Ménéchem, s'en désole, et tout le monde estime que ce n'est pas
sans motif; mais, et ceci est significatif, le fiancé de Babet, tout en
gémissant, dit à Ménéchem : « Ne prenez point cela en mauvaise
part, monsieur! mon dessein n'est pas de vous offenser. » Un
confrère de Ménéchem, le colporteur Ezéchiel, dans la Mar-
chande de dijoux de Carmontelle est raillé et dupé; mais il faut
voir comment et par qui : il offre dans un café des montres, des
tabatières, des étuis à M. de la Griffe : « Monsieur le marquis, dit
le colporteur, achetez-moi quelque chose; je ferai pon marché ».
M. de la Griffe : « Oui, et tu me tromperas. » — « Non, Monsieur,
je jure sur mon honneur. » — « Oui, l'honneur d'un Juif. y> —
— « Monsieur, vous croyez pas vous autres; mais je suis pour
tire la vérité. » — « Je t'en réponds. Je sais bien que vous êtes
charmés de tromper un chrétien. » Mais nous sommes déjà infor-
més que M. de la Griffe^ et son ami M. Bontour sont deux filous et
qu'ils viennent d'envoyer chercher leur digne compère, M. Paffe,
LE JUIF DANS LA COMEDIE AU XVIII» SIKCLR 123
pour escroquer le pauvre bijoutier ambulant. En efïet, M. de la
Griffe marchande une boîte d'or, tombe d'accord sur le prix, que
Bontour trouve fort raisonnable, tire sa bourse après avoir em-
poché la boîte ; mais Paffe arrive et s'adressant à M. de la Griffe :
« Ah, je vous trouve donc enfin, monsieur! » Et il lui donne un
soufllet, dont il s'excuse aussitôt, prétendant s'être trompé, puis
s'enfuit. M. de la Griffe, sensible à l'honneur, met l'épée à la main,
court après lui, suivi de Bontour, laissant sa bourse sur la table.
c Pardi 1 s'écrie Ezéchiel, voilà un grand malheur que cette honnête
gentilhomme il a reçu là ! » Il ajoute philosophiquement : :< Si
la première il est tué, l'autre il viendra toujours ; je reste ici
auprès de son bourse. » Mais il déclare ne pas vouloir touchera
la bourse, qui est son garant, avant le retour d'un des deux ad-
versaires. Naturellement on apprend bientôt que ceux-ci sont les
meilleurs amis du monde, et la bourse, qu'Ezéchiel ouvre enfin
devant témoins, ne contient que des liards. Le Juif, on le voit, a
sinon les rieurs, du moins les honnôtes gens de son côté. Dans
la farce de Boindin, le Port de mer (1704), Ilazaëi-Raza-Nimbrod-
Iscarioth Sabatin est un usurier qui professe qu'il n'y a point de
don père de famille qui ne doive faire au moins une ban-
queroute en sa vie. Il en prépare une, en conséquence, pour doter
sa fille Benjamine, qu'il veut marier malgré elle à un pirate;
mais l'amoureux de sa fille a fait main basse sur les pierre-
ries d'un oncle , et emploie à défendre ses prétentions matri-
moniales deux valets fripons , dont un galérien. On procède
autrement, Shakespeare nous l'a appris, quand on veut faire res-
sortir les vices d'un paria. Le Juif portugais Lemos, dans le Pinto
de Lemercier (joué en 1800, composé deux ans auparavant) est
plus naïf que ne l'est d'ordinaire un grand négociant; il prend
pour une marque de confiance la communication de nouvelles qui
courent la ville ; moyennant un intérêt discrétionnaire, il prête au
duc de Bragance l'argent destiné d'abord à payer ses ouvriers, et
se soucie peu s'il provoque ainsi une mutinerie contre le résident
d'Espagne, sur qui il promet de rejeter la faute (II, 6) ; mais il tra-
vaille par là sans le savoir, à l'affranchissement du Portugal, et
c'est surtout ce que le spectateur voit dans la scène. Le ban-
quier Gripper qui, dans la Petite école des Pères, écrite par
Etienne et Gaugiran-Nanteuil au lendemain de la Révolution
(1802), paraît vêtu en incroyable, qui offre un tour de promenade
dans sa voiture et un dîner pour le lendemain aux débiteurs insol-
vables dont il vient de saicir l'hôtel, est un Juif; mais les dissi-
pateurs qu'il trouble dans leur quiétude ne s'en prennent ni à sa
race ni à sa religion. Il parle et agit simplement comme tout ami
124 REVUE DES ETUDES JUIVES
décidé du profit et du divertissement : « Ma foi, écoutez donc! dit-
il. A Paris, les affaires comme les affaires et les plaisirs comme
les plaisirs ! on fait saisir un homme, ça n'empêche pas de dîner
avec lui. »
Les comiques français du xviii« siècle font même souvent comme
leur gouvernement : ils feignent d'ignorer la présence des Juifs.
Plusieurs de leurs personnages doivent être des Israélites d'après
leur nom et leur profession, mais rien autre dans la pièce n'en
avertit. Un personnage nommé Trapolin dit d'un autre, dans Les
agioteurs de Dancourt (1710) : « C'est un Juif, un altéré, qui sait
bien que cela [l'argent] est bon, et, pourvu qu'il trouve à gagner
gros avec sûreté, il ne refuse point de bonnes affaires, ce fripon-
là. » (II, 5.) L'homme qui s'exprime ainsi est peut-être un chré-
tien, d'autant plus qu'ailleurs il s'écrie : « Est-ce que je suis un
Juif, un Arabe ? » (III, 9.) Mais ce qui est certain, c'est que le prê-
teur qu'il qualifie de Juif est, non Tusurier Zacharie dont Trapolin
est bizarrement qualifié filleul, mais un certain Craquinet dont il
est lui Trapolin l'associé. C'est à se demander à quelle communion
appartient Zacharie. De même, les noms seuls de la veuve du ban-
quier Abraham et des membres de sa famille nous font suspecter
qu'AUainval nous introduit par son Ecole des Bourgeois (1728)
dans le monde Israélite, car leurs travers sont simplement ceux
des roturiers enrichis qui veulent s'allier avec la noblesse ruinée;
encore l'auteur leur ouvre-t-il les yeux à temps; M™° Abraham
éconduit enfin l'impertinent marquis Moncade à qui elle allait
donner sa fille. Même incertitude sur la nationalité d'Isaac Gripon
qui, dans une comédie de Voltaire (la Femme qui a raiso7i^ 1749),
déploie un peu trop de zèle pour bien établir ses enfants; même
incertitude, dans une pièce du premier Empire, pour l'âpre mar-
chand de tableaux Jacob qui hésite longtemps à se mésallier en
acceptant pour gendre le fils d'un peintre de mérite {Laniara ou
le peintre au caMret par Barré, Radet, Desfontaines et Picard,
1809).
La réserve de Voltaire, dans la pièce que nous citions tout à
l'heure, est d'autant plus frappante qu'on sait que dans ses ou-
vrages de polémique religieuse, il malmenait fort les Juifs; elle
prouve que c'était à la Bible, à la préface de l'Evangile, si je puis
m'exprimer ainsi, que Voltaire en voulait et non aux Juifs de son
temps. Les contemporains ne s'y trompèrent pas. La preuve en
est, d'une part, que les quolibets de Voltaire, qui trouvaient d'or-
dinaire tant d'écho, ne provoquèrent aucune recrudescence de
haine ou de mépris contre les Juifs, d'autre part que ce fut un
prêtre catholique, l'abbé Guénée, qui répondit à Voltaire et que
LE JUIF DANS LA COMÉDIE AU XVIII» SIÈCLE 12o
ce prêtre rendit aux Juifs de son temps le plus honorable té-
moignage, les plaignit du traitement qu'ils essuyaient en Alle-
magne, admira la constance avec laquelle ils demeuraient fidèles
à leur foi. L'accueil fait quelques années auparavant par l'A-
cadémie des sciences et par le gouvernement à l'invention phi-
lanthropique de Jacob Rodriguez Pereire, le premier instituteur
des sourds-muets , avait témoigné de l'afifaiblissement des pré-
jugés; non seulement cet agent dévoué des Juifs portugais de
Bordeaux avait reçu une pension et le titre d'interprète du roi,
pour l'espagnol et le portugais, mais des ecclésiastiques accep-
taient qu'il enseignât le catéchisme à ses élèves, tâche dont il s'ac-
quittait, de l'aveu de ces prêtres, avec loyauté et succès; si, plus
tard, l'opinion oublia Pereire pour l'abbé de l'Epée, c'est là une
de ces vicissitudes que la légèreté humaine suffit à expliquer*.
MM. Abraham Dreyfus et Maurice Bloch, dans leurs piquantes
conférences, ont dit avec raison que, durant notre siècle, les dra-
maturges avaient souvent prêté à la femme juive un charme irré-
sistible, fatal. On n'en était pas encore là au siècle dernier, mais
on s'y acheminait. Dans le Pmto de Lemercier, le zélé agent du
duc de Bragance croit devoir présenter l'un à l'autre un cordelier
et un capitaine qu'il a enrôlés dans sa conspiration ; mais ces deux
auxiliaires ne se connaissent que trop : « C'est toi, cafard, s'écrie
le capitaine. — C'est toi, damné 1 répond le religieux. Un excom-
munié qui fait outrage au ciel par son amour pour une Juive I »
Le militaire réplique : « Un moine qui se hasarde à me trouver
chez elle ! » Le capitaine refuse d'entrer en affaires avec le corde-
lier, qui de son côté le qualifie d'hérétique. Ils se menacent l'un de
l'opinion publique, l'autre du Saint-Office. Heureusement Pinto
affirme que le capitaine, en allant chez la Juive, prétendait seule-
ment se distraire, boire, la consoler de quelque chagrin, et que le
moine entendait uniquement la convertir. Ils en tombent d'accord
et la conspiration se renoue (I, 10). Dans les Caquets de Ricco-
boni, lorsqu'un personnage s'étonne que la gracieuse Babet soit
fille d'un Juif, un autre répond qu'il a vu de jolies Juives à Metz.
Dans le Port de mer, on vient de définir ainsi Sabatin : a Tiens,
l'usure, la dureté, la défiance et la fraude, le parjure avec quelques
règles d'arithmétique, n'est-ce pas ce qu'on appelle ici M. Sa-
batin? » L'interlocuteur réplique: « Justement. Mais, en récom-
pense, la générosité, la tendresse, la franchise et la constance
avec une taille divine, le visage le plus gracieux, les yeux les pUs
* Sur J. R. Pereire, aïeul des deux célèbres banquiers, voir le livre de M. Edouard
Seguin, Paris, Baillère, 1847.
126 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
brillants du monde et mille autres menus attraits, c'est ce qu'on
appelle ici Benjamine. »
Dira-t-on que la mansuétude de l'opinion en France à l'égard
des Juifs n'était qu'une indifférence expliquée par leur petit
nombre? Sans doute, ils ne formaient chez nous, d'après de
récents calculs, qu'une faible partie de la population puisqu'on
pense qu'à Paris ils ne devaient pas être plus de sept à huit cents '.
Mais ils ne passaient nullement inaperçus; on ne les oubliait en
aucune façon, et c'est très sciemment qu'on les laissait tranquilles.
Mercier les croj'ait très nombreux à Paris, erreur qui prouve la
liberté d'action dont ils jouissaient; il ajoute en effet que, sans
avoir de synagogue, ils exerçaient sans entraves leur culte à huis
clos : « La tolérance de l'administration à cet égard, dit-il, ne
saurait aller plus loin. » Il constate que leur commerce est libre,
que leurs mariages sont valides, et il cite cette curieuse anecdote :
un Juif allemand venu de Hollande et propriétaire de la seigneurie
de Péquigny, à qui on disputait le droit de nommer aux cures qui
dépendaient de sa terre, a réclamé devant les tribunaux et gagné
son i^rocès [Tableau de Paris, chap. cxx) *. Voici une circonstance
qui prouve combien le public était guéri des anciennes haines. Sous
Louis XV, un riche Israélite nommé Dulys voulut faire assassiner
par un valet un violoniste de l'Opéra qui lui disputait le cœur de la
cantatrice Pélissier; le coup manqua; on pendit le valet^ et Dulys
qui n'était pas alors en France fut traité de même par effigie :
l'occasion était belle pour le fanatisme, et pourtant c'est à la
Pélissier seule que les chansonniers s'attaquèrent (v. le Chan-
sonnier historique, recueil Clérambault-Maurepas, V, p. 253-6).
La vraie cause de la tolérance dont jouissaient les Juifs était
dans l'esprit philosophique qui grandissait sans cesse chez nous, et
j'ajoute dans la générosité naturelle de notre nation; j'en trouve
une preuve dans l'histoire même des derniers abus de l'intolérance
religieuse en France. Car il est remarquable que, si nos pères
eurent le tort d'applaudir à la révocation de TEdit de Nantes et si,
durant la première moitié du xviii° siècle, on continua de tour-
menter les Jansénistes, du moins la comédie ne s'associa pas à
ces injustices; on cite quelques pièces de vers composées contre
les protestants 3; les Jésuites tournèrent quelquefois en ridicule
sur leurs théâtres particuliers les derniers adversaires de la Bulle
- Article précilé de M. Monin.
2 C'est Liclmann Calmer ; voir Isidore Locb, Un baron juif français au zvm'S'èrh^
dans VÂnniiaire dts Archives tsrai'lif(s, 2' année, p. 25-36.
a Lenient, Poésie patriotique en France dans les temj)S modernes, Paris, Hachette,
1894, t. I, p. 411.
LE JUIF DANS LA CUMEDIE AU XVIU' SIECLE 127
Unigenilus^; mais les scènes publiques respectèrent les sectes
persécutées. Une autre preuve nous sera fournie par l'égal apai-
sement dont témoignait alors à l'égard des Juifs le théâtre d'une
autre nation latine qui recommençait à penser en lisant nos écri-
vains : ritaiie.
Jadis le théâtre s'y était moqué des Juifs, sans y mettre, d'ail-
leurs, ràpreté des races anglo-germaniques. Dans l'Arétin, on voit
quelques méchants tours joués à des Israélites. Par exemple, dans
la Cortigiana, un certain Rosso, qui a fait tous les métiers et pro-
fessé toutes les religions, aperçoit le Juif Romanello qui arrive en
criant : « Ferraille à vendre ! » Il lui marchande un j ustaucorps pour
lui et un froc pour un frère qui est religieux; il prie le Juif d'es-
sayer ce froc pour en montrer l'eifet. Romanello lui fait l'article.
Rosso se mêle de le convertir; le Juif s'y prête fort peu; Rosso lui
vante pourtant tous les bénéfices d'une conversion publique : « Le
jour de ton baptême, tu auras un bassin plein d'écus; Rome en-
tière courra te voir couronner d'olivier... Tu mangeras du porc.
Plus de signe rouge sur la poitrine!... Plus d'enfants pour te
poursuivre à coups d'écorce d'orange, de cosses de melon et de ci-
trouilles I Ainsi fais-toi chrétien, fais-toi chrétien, fais-toi chré-
tien 1 J'ai voulu te le dire trois fois. » — « Je ne veux pas^ répond
Romanello, je ne veux pas, je ne veux pas. Tu vois que moi aussi
je sais me répéter. » Rosso se déclare alors quitte avec sa cons-
cience, et il y paraît; car, pendant que le Juif se retourne sur sa
demande pour qu'on juge si le froc tombe bien par derrière, Rosso
s'enfuit avec le justaucorps. Romanello le poursuit, mais Rosso le
dénonce à une patrouille de sbires comme un moine qui sort d'un
lieu suspect et qui a voulu lui faire un mauvais parti. Romanello
s'écrie qu'il est, non pas moine, mais Juif; il n'y gagne rien; les
sbires l'injurient, l'arrêtent et lui promettent une bonne cor-
rection pour lui apprendre à outrager la religion en endossant un
froc. Le malheureux finit pourtant par avoir satisfaction ^ Mais,
au XVIII® siècle, le Juif ne paraît pour ainsi dire plus sur le théâtre
italien. L'hypocrite don Pilone, dans la pièce de ce nom que Gigli
a tirée du Tartufe (1*711), est un Juif faussement converti au
christianisme, mais on ne l'apprend qu'à la fin et dans le moment
où l'auteur, pour accumuler sur lui tous les péchés de la création,
nous expose d'une seule haleine qu'il a fait de la fausse monnaie,
^ Voir la Bibliotheca scnptorum societatis Jésus, au mot Bougeant.
* Acte IV, se. i5, 16, 17; V, 24, 23. Voir aussi du même Arétin, Il Marescalto^
III, i, 2. Il n'y a pas non plus beaucoup de bienveillance pour les Juifs dans un épi-
sode de V Anfiparna&o d'Orazio Vecchi, opéra-boulle de 1597, dont on trouvera une
analyse sommaire dans les Rivolutioni del teatro musicale italiano d'Arleaga^ 2* édi-
tion, Venise, 1785t
128 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
épousé cinq femmes, enlevé des religieuses, et qu'on l'a brûlé en
effigie comme sorcier. Goldoni mentionne un Juif qui prête sur
gages à la troisième scène du premier acte de la Famiglia delV
aniiquario ; \\ ïiO\xs Qïi présente ailleurs un autre qui veut qu'on
appelle négoce et non usure l'intérêt exorbitant qu'il tire de ses
sequins de mauvais aloi ; mais nous nous arrêtons à peine à ces
calculs, occupés que nous sommes des désordres du ménage pa-
tricien qui recourt à lui [Putta onorata, III, 1, 2.) Si, à la fin de
1798 et au début de 1799, le peuple applaudit avec fureur 11 ma-
trimonio edraico qui tournait en ridicule les cérémonies juives,
s'il faillit se portera des violences sur les Israélites, ce fut surtout
par représailles contre des farces anti-catholiques et contre le gou-
vernement des Français que Souwaroff allait momentanément
détruire; le cri de Francesi ladri ! alternait avec celui de Morte
agli edrei * / Dès avant l'arrivée des Français, la tolérance était
déjà passée en fait dans les mœurs de l'Italie. J'ai même cité
ailleurs le passage où un auteur tragique, Pierjacopo Martelli, a
osé mettre dans la bouche d'un Juif une éloquente malédiction
contre l'autodafé où son père a laissé la vie 2.
Donc il est vrai que, si certains préjugés haineux régnent
longtemps sur toute la terre, ils trouvent dans les génies divers
des peuples des auxiliaires qui les fortifient ou des adversaires
qui les combattent. Notre ingénuité a été toute surprise quand,
après nos malheurs, on nous a appris qu'en Allemagne l'école
enseignait aux enfants à détester la France et qu'aujourd'hui
encore ce charitable enseignement forme un des points sous-en-
tendus des programmes de l'éducation germanique. Mais de tout
temps, dans les races du Nord, on a inculqué dès le berceau à la
jeunesse les haines que l'on croyait utiles. Dans une des comédies
allemandes analysées par M. Garrington, Der i^edliche Bauerund
der grossmïdige Jude de Pauerbach (Vienne, 1774), un enfant qui
a reçu un thaler d'un Juif demande à sa mère s'il peut l'accepter,
car le maître d'école dit à ses élèves que les Juifs ne sont au monde
que pour tuer les chrétiens, qu'ils les exècrent tous, qu'ils empoi-
sonnent les fontaines, volent et mettent cruellement à mort les
enfants, et qu'il permet à ceux-ci en conséquence de leur jouer
tous les tours possibles.
Charles Dejob.
* Sur cet incident, voir p. 120 cl suiv. du livre de M. Paglicci Brozzi, Sul teatro
giacohino e antigiacobino in Italia^ t7i)G-1S0i), Milan, Pirola, 1887; j'en dois la con-
naissance à M. A. d'Ancona, de même que pour VAnfiparnaso précité. Sur les farces
anti-catholiques, voir Giov. De Castro, Milano e la repuàblica cisalpina^ Milan, Du-
molard, 1879, p. 120 et suiv.
« Voir mes Études sur la tragédie^ Paris, Colin, 1890^ p. 124-125i
NOTES ET MÉLANGES
LE RESSENTIMENT DE GAIN
Parmi les incidents mentionnés dans les premiers chapitres de
la Genèse et qui arrêtent Tattention de l'exégète, le récit relatif à
la colère et au crime de Gain (iv, 3 et suiv.) présente de grandes
difficultés. La brièveté du récit a ouvert un vaste champ aux
hypothèses, et les commentateurs paraissent avoir rivalisé de
conjectures pour expliquer ce crime et établir une relation vrai-
semblable entre la cause et Teffet. Tous sont d'accord pour ad-
mettre que c'est la jalousie qui amena la chute de Gain, mais ils
ne s'entendent pas sur l'origine de cette jalousie. Les uns, en
vrais policiers modernes, mêlent une femme à ce drame, une fille
d'Adam et d'Eve qui avait épousé Abel, mais était aimée passion-
nément de Gain ; d'autres prétendent que la rupture entre les deux
frères eut pour origine des discussions d'intérêt [Genèse R., xxii ;
YalUoia, § 38; cf. PlrUè de R. Eliézer, xxi) ou des discussions
métaphysiques [Targown Yerousch.). Mais comme le texte ne
présente aucune trace des explications de ce genre, les pasch^
tanim les ignorent ; ils attribuent la querelle de Gain et d'Abel
au fait que Dieu rejeta l'ofi'rande du premier et accepta celle
du second. G est là l'explication traditionnelle mise en avant par
Josèphe {Antiquités, I, 2, 1), acceptée par les premiers com-
mentateurs tels que Raschi et Ibn Ezra, et suivie par les mo-
dernes comme Fiirst, Luzzatto (arf l.) et Geiger [Nachgelassene
Schriften, IV, 223). Gomme, d'un autre côté, les professeurs d'ins-
truction religieuse enseignent cette explication à leurs élèves et
que les orateurs sacrés l'exposent en chaire, nous sommes tous
convaincus que Gain a tué son frère parce que Dieu l'avait moins
bien accueilli qu'Abel.
Mais comment Gain put-il savoir que Dieu se prononçait contre
T. XXXIX, N« 77. 9
130 REVUE DES ETUDES JUIVES
lui? D'anciens et de modernes commentateurs ont répondu à cette
question. Ils affirment qu'un feu descendit du ciel et consuma le
sacrifice d'Abel, mais laissa intacte l'offrande de Caïn [Pesikta,
Raschi, Ibn Ezra, Bahya et même Fiirst et Luzzatto). En réalité, la
Bible ne parle pas plus de ce mythe prométhéen que de la rivalité
d'amour ou des discussions économiques et philosophiques.
Cette explication traditionnelle présente encore d'autres diffi-
cultés qu'il est inutile d'exposer ici. Mais je pense que nous en
avons dit assez pour prouver qu'elle doit être rejetée et remplacée
par une autre, plus naturelle et plus conforme au texte. Voici cette
explication : L'acte d'Abel, qui offrit un sacrifice à Dieu, irrita
Caïn. Caïn est l'aîné de la famille, il croit que lui seul a le droit
d'offrir des sacrifices. En voyant son frère suivre son exemple, il
en est fâché, parce qu'il considère son acte comme une audacieuse
témérité, comme un empiétement sur son droit d'aînesse. Lisons
maintenant notre texte :
bNT ,nnn2}2 bxi ban bx 'n ysi^^) ';n3bn73i isxi: mnD373 Nnrj
bK 'n "i73N">i .T«2D "[bD-»-! -IN72 "{"^pb -in"«i : (n^'UJ ^<b ■inn2?3 bxi VP
t^b DN1 ,nN;D n->:2"«n un Nbn ?*|"'Dd nbss !-i73b-i "]b nnn nTsb vp
/iDT ymn r-iNZjn nnob a-aTi
Ce texte ne prouve-t-il pas avec évidence que Caïn jugea qu'Abel
commettait une impertinence en offrant un sacrifice ? L'expression
Nin ûa, qui serait autrement superflue, est mise ici pour faire res-
sortir cette idée; "^"inn Nbi< û:^ '(■'N, disent les Talmudistes (^'^^/i^r
/?., I, 9). Elle signifie ici que l'acte d'Abel est considéré comme
étrange*, et qu'il lui a été inspiré par le désir de rivaliser avec
Caïn.
Il me semble que les Massorètes, en rattachant les mots Y'^ bxi
ïi:^tt3 Nb inn373 bt^T à Vpb nn"»"!, ont voulu appeler l'attention du lec-
teur à la fois sur la faute de Caïn et sur la conséquence immédiate
de celte faute, conséquence qui est mentionnée avant la faute
elle-même. Que Caïn ail commis un délit, tout !e monde l'admet.
C'est dans ce sens que les parnphrnses de la Bible prennent les mots
r\\x^ a-iUTi Dî^ î^bn (ïargoum Onkelos et Yerousch.); les Midras-
chim et les commentateurs postérieurs traduisent également: « Si
tu t'amendes, je te pardonnerai » y^ny^^y by bmtD "^^s [Genèse R.,
L, c. Cf. Jean, m, 12). Mais en quoi consistait cette faute? Est-ce
* Elia Wilna [Addéret Eliahou, ad l.] l'ait ceUe même remarque : D3 53^1
D'^niD'^Srj mi£737D "n:2D ■\"JU5 • l^t Abel, bien qu'il lût exempt de loblige-
Vioo d'apporter des prémices »
iNOTES KT MELAiNGES 131
dans le genre d'offrande qu'il présenta à Dieu? Certainement non.
Gain était agriculteur et offrit, par conséquent, des produits du sol
(Cf. Ihharim, m, ch. 7). Lécole qui considère la foi comme supé-
rieure à l'acte prétend que Caïn manquait de foi (Hébreux, xi, 4),
tandis que Josèphe et, après lui, les Midraschim {Genèse R., Yal-
hout, § 35) affirment que l'offrande de Caïn elle-même présentait
des défectuosités. L'expression nwn» "^"idw prouve, selon eux, qu'il
avait choisi des fruits de qualité inférieure nbnsDn 1?3 ^ Maison
voit que toutes ces explications sont forcées. Et pourtant, du mo-
ment que Dieu a rejeté l'offrande de Caïn, il faut bien admettre
qu'il s'était rendu coupable d'une faute? Laquelle? Il s^était mis en
colère.
Quant au terme n^o, je crois qu'il signifie ici « supériorité, pré-
éminence», comme ni^ïJ nn*^ dans Genèse, xlix, 3; cf. Habaccuc, i,
7; Psaumes, lxii, 4, etc. C'est ce sens que lui donnent Nahmanide,
Sforno, Elle Wilna, Luzzatto. Ainsi Nahmanide, après avoir cité
les exfdications traditionnelles, ajoute : rr^rr^ 'y^'û'^n ûû< T\y*^ hv^
"iiD^rî nnî^ -«D ^■'HN hy n^uj ^n-^ Y^- ^^ Selon moi : si tu agis bien,
tu auras la supériorité sur ton frère, car tu es l'aîné. » En réunis-
sant donc ce verset au verset qui précède immédiatement rrnn ivzh
yzii "1^33 îiTobi ^b, il faut traduire ainsi : « Pourquoi es-tu irrité et
pourquoi es-tu attristé? (Est-ce parce que tu t'imagines que ton
frère plus jeune veut empiéter sur ton droit d'aînesse?) Situ agis
bien, tu auras la supériorité, et si tu n'agis pas bien, le péché
campe à la porte », c'est-à-dire tu tomberas de plus en plus bas,
même si tu es l'aîné.
Notre explication écarte les difficultés et rend toute l'histoire
claire et compréhensible. La colère de Caïn (verset 5 &) a son
origine dans la rivalité de son frère (v. 4 a) ; comme il a montré de
l'irritation. Dieu a rejeté son offrande (v. 5 à), l'avertissant que sa
situation dans le monde dépendra uniquement de sa conduite (v.7).
Mais cet avertissement n'eut aucune influence sur l'esprit irrité de
Caïn, et, comme des pensées coupables conduisent à des actes
criminels, il finit par tuer son frère (v. 8) et devenir errant et
fugitif.
Il résulte de ce qui précède que notre texte (v. 3-7) doit être
traduit ainsi : « Dans le cours du temps, il arriva que Caïn apporta
des produits de la terre comme offrande à Dieu. Abel, lui aussi,
* Arnheim (éd. Zunz) et Fùrst, tout ea s'écartant de la lettre de l'interprétation
tarpoumo-midraschique, en conservent l'esprit. Ils traduisent ainsi : DN N5n
nt^'lD D^Û'^n : « N'eu est-il pa? ainsi ? Tu offres de beaux présents ou lu n'en offres
pas. » Mais nous objecterons à cette traduction qu'elle suppose une ellipse assez grave,
l'omission du mol nn573.
132 REVUE DES ETUDES JUIVES
apporta des premiers nés de son troupeau et des meilleurs. Le
Seigneur agréa Abel et son offrande, mais il n'agréa pas Caïn et
son offrande, parce que Caïn était en colère et que son visage était
abattu. Le Seigneur dit à Gain : Pourquoi es-tu en colère et pour-
quoi ton visage est-il abattu? Certes! si tu agis bien, tu auras
la supériorité ! et si tu n'agis pas bien, le péché campe à la
porte. »
WilmingtoD, N. C, juin 1899.
S. Mendelsohn.
UN PASSAGE DIFFICILE DU YALKOUT
Dans le Yalkout, sur Ps., xc, 1, il est dit : ^"^sî 'n'C^fzh nbsn
nbyi::^ nriN nm ..."«U"^n 2*<?:b D^prx dni c^pbu^ ï-iTsb •:;"•« dx D^pb^n
r^b^y ^"3 nc73 "^dît^p n^o '^V2^p 3:2 Nr^in riTD '^u^n Nip: r-ib:>53b
Que signifie 'iDi ribiy Y'n rsoTû ^ob^op n-io ■'i^np?
M. Low, dans l'ouvrage de M. Krauss, 5. v. p^12^o, veut changer
Y'n ïi^72 "^Db^^p n-^D "^n^j-ip n:: l'^ii-in 1112 en D'^pnToo "^i^np n:: i-^Lim 'n'û
n^DTou) ""sb et traduit : « Qu'est-ce qu'une mèche allumée en face de
chandelles? Pa?xe que Moïse descendit comme mortel, etc. ». Mo-
dification et traduction ont le tort de ne pas bien rendre V^in,
qui ne signifie pas « mèche allumée », mais primitivement « ci-
trouille » et ensuite « luminaire »; cf. Sa7ih., 14 a : «"nnn «rirna,
termes dont les dames du palais impérial saluèrent R. Abbahou
et qui signifiaient « lumière éclairante » ; Be?-. r., 85 : Nr^ia
fc^nPNT « la lumière de la ville », allusion au sens de yro.
Au lieu de "^Db^^p n^o, il faut donc lire : "^n^sip n-j l^i:"ii n73
D3Db^Dp, « qu'est-ce qu'une (simple) lumière en (ace d'un phare?
Moïse, le mortel, monte vers Dieu, qui est tout en feu et dont tous
les serviteurs sont de feu. » (u:i< "ibnso rî"3prt b^5< rib^y i"3 rîC)3
TUN mnO!n"i). Moïse est la lumière en face de Dieu et de ses anges,
qui ne sont que du feu; Dieu et ses anges sont comparés à des
phares, en présence desquels Moïse est une simple lumière.
De même, dans Ps. rahba, sur Ps., xc, 5, il faut corriger : rm
'iDi i"n rtu:7D "^i^ip n-j pnTo-^o riTo pn?3"^o ■«■iTDnp n-j 'j'^inn en : rj i-^iria i-m
u:n i^riTsi:?:"! uiuS ib-i^^D n"3pn bi:^ 1rh^y i"n rvQi2 s^sob-^Dp ■«iTDip.
La façon de lire et de traduire de M. LOw est viciée par le sens
NOTES ET MELANGES ]Tj
donné à l'^irna et parce qu'il méconnaît le terme de comparaison,
ropposition de « lumière » avec le feu de Dieu et des animes. Dans
la phrase ;255< n^n-iU5»T lUwS ibi^u: n"nr7, il faut orDi^op en face de
I''ii:i3. Il est évident que l'Aggadiste n'a pas pu comparer Dieu à
une chandelle. Moïse « le mortel » est une (simple) lumière ; Dieu
et ses anges sont des phares, lûnb ;dî^.
J. FURST.
POÉSIES DE MOÏSE IIAYYIM LUZZATTO
POUR FÉLICITER SES AMIS PROMUS DOCTEURS EN MÉDECINE
ET EN PHILOSOPHIE
Parmi les hommages qu'on adressait à un Juif qui avait obtenu
le diplôme de docteur en philosophie et en médecine à l'Université
de Padoue, l'usage s'était établi qu'un poète ami le félicitât en vers
hébreux. C'était habituellement un sonnet, que les imprimeries de
Padoue ou de Venise publiaient sous forme de feuilles détachées
ornées de dessins et de festons. On s'f^st peu occupé jusqu'ici de
la bibliographie de ces feuilles, qui jetterait un jour intéressant
sur la culture des Juifs dans ces derniers siècles.
Beaucoup de noms de ces poètes nous échappent, parce que,
selon la mode italienne, ils se cachent sous des abréviations que
savaient déchiffrer les contemporains, mais qui pour nous sont
devenues des énigmes. A en juger par les noms qui nous sont
donnés en entier, les plus notables pratiquaient cette habitude
d'adresser des vers. Ainsi Yesaya Bassan composa une poésie
hébraïque à l'occasion de l'examen* de médecine et de philosophie
passé le 14 août 1716 à Padoue par Zebouloun, fils du médecin
et homme d'État Israël Conegliano. Abraham Baruch Piperno
a fait entrer cette pièce dans son recueil de poésies italiennes-
hébraïques *.
Comme ces poésies n'étaient que des pièces de circonstance,
leur date n'est pas indiquée. Or, elles ne présentent de valeur qu'ù
* Cf. Kaufmann, Dr. Israël Conegliano, p. 99, note 1 et IX.
' 3;;^ bip, 9 a.
i3\ REVUE DES ÉTUDES JUIVES
la condition de pouvoir être rapportées à leur date exacte. Ainsi, à
côté de la poésie sur Zebouloun Gonegiiano, j'ai pu déterminer et
utiliser d'autres de ces compositions, comme, par exemple, celles
qui se rapportent à Saiomon Gonegiiano ^ et au médecin franc-
fortois Benjamin Wolf Buschbaum -.
A l'exemple de Yesaya Bassan, son grand disciple Moïse Hayyim
Luzzato fait partie de ces poètes qui célèbrent les succès univer-
sitaires de leurs amis. Les feuilles détachées sur lesquelles ont
paru ses poésies sont très rares. Elles ne nous renseigneraient
pas, d'ailleurs, sur leur âge, vu qu'elles ne portent aucune date.
Ce n'est que par les immatriculations de l'Université de Padoue
que j'ai pu marquer chronologiquement Tordre de ces poésies et
apporter quelques nouveaux éclaircissements pour la biographie
si obscure de ce grand poète.
De très bonne heure, il se met à composer des pièces de ce
genre. Les étudiants venus à Padoue des pays les plus éloignés
recherchent l'amitié de Luzzatto, encore tout jeune. Il a seize ans
à peine, quand il dédie un sonnet à Élie, fils de Samuel da Con-
sigli 2 de Rovigo, qui, le 26 arùt 1723, est promu docteur en phi-
losophie et en médecine.
Le 23 octobre 1724, son ami Emmanuel, fils de Raphaël Calvo
de Livourne'*, passe son doctorat. Emmanuel, qui lui-même culti-
vait la poésie hébraïque, a dû reconnaître de bonne heure le talent
de son ami, avec qui il resta toujours étroitement lié. La poésie que
Luzzatto composa à l'occasion du succès d'Emmanuel est un té-
moignage de leur amitié.
La pièce où Luzzatto compare à l'échelle de Jacob les échelons
de la connaissance franchis par un de ses amis, était probable-
ment adressée à Jacob, fils de Moïse Alpron de Rome ^, qui avait
obtenu le diplôme de docteur le 20 août 1727.
Un sonnet demeuré inconnu jusqu'ici est celui que Luzzatto
écrivit le 10 octobre 1727, lors du succès d'Élie Gesana de Gorfou.
De l'année où le malheur commença pour Luzzatto date la poésie
où il a célébré la promotion de Saiomon, fils d'isaac Lampronti, de
Rome (5 mars 1734).
Le sonnet à neuf syllabes sur Élie da Gonsigli, qui est une des
* Voir Dr. Israël Conegliano, p. 7, note 3 et II.
> Mcnatsschrift, XLI, 133.
> Cf. Almanzi, HTon 'Ù'^'Z, HI, U4, note 61, et Carmoly, Hist. des médecins juifs,
p. 241.
* Almanzi, l. c, 117, note 60, 143, et Carmoly, l. c, 241 et suiv.
■^ Il y a un autre Jacob Alpron, fils d'Aron Aiprou. de Zante, qui passe son doctorat
à Padoue le 18 mai 1734.
NOTES ET MÉLANGES 13S
premières productions de Moïse Hayyim Luzzatto, df^cèle d^jà les
qualit(^s de premier ordre qu'on constate dans ses œuvres de l'âge
mùr. La langue est élégante et pur<i de toute em{)liase ; le poète
se joue des difïîcult<^s de l'hébreu. « L'enseignement prodigué
à des intelligences bornées ressemble à l'action d'ensemencer un
terrain pierreux, qui use les instruments avec lesquels on le tra-
vaille, sans donner de moisson ; mais l'esprit de Consigli est comme
un jardin où poussent et se pressent les fleurs de la connaissance.
C'est pourquoi, au jour de son succès, les splendides manteaux de
la philosophie et de la médecine le drapent et les sciences se ré-
jouissent de lui ceindre le front d'une couronne de lauriers. »
Luzzatto s'élève au plus beau ton lyrique dans son sonnet à Élie
Cesana. <( De tout temps, les sages ont montré que l'homme est la
proie de la mort et que c'est un vain effort de vouloir attribuer la
vie au mortel. Décevantes sont toutes les sources de notre sagesse,
chaque pas que nous faisons pour mieux savoir glisse dans le vide
et se perd dans la nuit. Pour Éiie Cesana seul la loi de la nature
semble avoir fait exception. Quand, pareil au prophète dont il
porte le nom, il prend l'essor vers les régions de l'inconnu, l'im-
pénétrable s'ouvre à ses yeux et il scrute les profondeurs les plus
secrètes, et, pareil à Élie, il ressuscite des morts, se rend maître
des maladies, sans avoir besoin de les longuement soigner ».
David Kaufmann.
APPENDICE
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136 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
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"^^rr im^ ï^bssi dby:
anp '^mnb r-rsn"' nbb ^-^n rir
"-inu: ND"!"^ t<b rr^n*^ în?2 )n
sb "ima niniN
I
* Sanhédrin, Ma.
BIBLIOGRAPHIE
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
3' TRIMESTRE 1899.
{Les indications en français qui suivent les titres hébreux ne sont pas de V auteur du livre^
mais de l'auteur de la bibliographie, à moins qu'elles ne soient entre guillemets.)
\. Ouvrages hébreux.
Û''b©T^'' Ï1313 'D Homélies et oraisons funèbres de Samuel Mohilewer et
de Hildesheimer, par Hayyim Ouri Kahan. Wilna, impr. Metz, 1899;
in-80 de 40 p.
D'^^bx nj'l Histoire de la théologie juive, par Simon Bernfeld. Varsovie,
Société Ahiasaf, 1897-1899; in-8o de 609 + xx p.
^■^bl!> "nas'b "^"in Noies et documents sur Thistoire de la colonisation juive
en Palestine, par Moïse Leb Lilienblum. Varsovie, Société' Ahiasaf, 1899;
in-80 de 162 p.
û''725;Drj n3T Novelles sur la Bible, par Moïse Galante, éd. par Moïse Stern-
berg. Podgorze, impr. Deulscher, 1898; in-4o de 30 p.
pHit^ S'HT Commentaire sur le Akèdat Yishak d'Isaac Arama, par Ephraïm
Isaac Preskel. Wilna, impr. Metz, 1899; in-4" de 79 p.
p"'^"ltl73 "^^îîTT^n Novelles sur le Semag, Hilkhot Pésah, par Joseph Co-
lon, e'd. par P. Z. Schwarlz. Munkacs, impr. Kohn et Klein, 1899; in-8°
de 20 ff.
"•nsi MS'^M '»15'm73 Midrasch Echa Rabbathi. Sammlung agadischer Aus-
legungen der Klagelieder herausgegeben nach einer Handschrift aus der
Bibliolhek zu Rom Cod. J. I, 4, und einer Handschrift des Brilish Mu-
séum Cod. 2*089, kritisch bearbeitet, commeutirl und mit einer Ein-
leitung versehen von Saloraon Buber in Lemberg. Wilna, Romm,
1899 ; in-8°.
C'est une bonne fortune pour nous chaque fois que M. Salomon Buber,
ce chercheur infatigable, met au jour quelque trésor caché de la littérature
138 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
agadique. Aujourd'hui ce savant nous présente un midrasch sur les Lamen-
tations, lequel porte le nom de Midrasch Echa Rabbati, puur se distinguer
d'un midrasch plus couri, le Midrasch Echa. Eu tête du véritable Midrasch
Echa se trouvent trenie-six Pelihôt (coni'orméœeni à la valeur numérique
du mot HD'^J<), qui sont de date beaucoup plus récente et qui sont tirées du
Midrasch Echa, de la Pesikta. de Kohéiet Rabba, du Sifra et du Sitré, ainsi
que M. B. nous le démontre minutieusement. — M. B. dérive avec raison le
terme de « Pelihôt » de ce fait que cuacune des irenie-six sections débute
par ces mots : riDD ^jlbs "^Dl, « Rabbi un tel commença son homélie ».—
Suivant notre auteur, le véritable Miirasch Echa aiiraic été rédigé en Pa-
lestine après le Talmud de Jérusalem, au iv* siècle de l'ère chrélienne. Le
rédacteur de ce Midrasch n''a pas connaissance du Talmud de Babylone, et
il utilise la Mischna, la Tosetta, la Mechilta, le Sifra, le Sitré et le Talmud
de Jérusalem. — Quelques observations de détail : A la Peliha 10, M. B. cor-
rige justement c<^31725n en N'^jl73in. — A la Pet. o, dans la phrase 713^^33
n"lN b^ D^obp "^nbcnC, il taut lire D''Dn"^bp au lieu de Û'obp,
comme Sachs a corrigé, 1. 162 : y.),r)pot « sort ». — A la Pet. 12. le mot 6<ip"l
de Nnpnn n-'D'nNS b^^y Nb i<-172T n^T^n bD doit sa traduire . Taifligé,
l'attristé ». « Celui qui entonne un chant ue produit aucun eiîet sur l'oreille
de l'affligé. » La Peschito traduit. Gen., xxiii, 2, TH'O TDOb par 'l^ip^lTab
n-lO bj', et, ibid., L, 10, elle rend bns 1D0« Ù'O ■nDD"'T par mp-iNT
^<^3'^ ^<n'^^p■^73 "llZn- Le moi Ipl a pris en syriaque le seus de « por-
ter le deuil ». — A la Pet. 26, ^L B. remarque que, dans la phrase n^^p
ibu: iiLD-ipnopb n-n nniN rî'c:^'»::, Moussaiia explique pa'^p-iDp par
n3n?3T bTIT ttDi£. A. sa suite, il a pensé, comme aussi Levy, Kohut et
Krauss. à è^épxETOç, exe^citus. Cela ne peut pas être exact, car l'^î n'aurait
pas manque en tête; et puis ce serait matériellement taux, vu que David
n'avait pas destiné Jérusalem à son armée. Cosi le mot xaïaapoxoiTi'ov
• cour royale » : David avait fait de Jérusalem la résidence delà cour royale.
Dans Schir Haschir. R., .s. v. WZ^'^ PTC^rî, il y a ibia pa''P"I^P bD buS
l'^T^yi « il prit toute sa cour (c'est-a-àire toutes les personnes de sa cour)
et tous ses serviteurs ». Là non plus le contexte n'admet pas le sens à'exer~
eitus. — Au chap. 4 du Midr. Echa, ces mots du texte p-1^ "jTIJ^ pST
sont suivis de cette phrase : "nTa^? nn5< CS-'D Ul^^yn "ND W^TZn nDK
ïn3'^"inm O^npIOn. il faut lire D'^~lp"'OÏ^ •' les sicaires », et non pas,
comme tait M. B., Û'^pnon « les Sarrasins ». En même temps qu'ils brû-
lèrent les provisions de troment, les sicaires rompirent les conduites d'eau
qui partaient de la source d'Etham. — "jn^D ne vient pas de aOpEiv « traî-
ner », mais de aàpov « ordure ». « Ils disaient : i(J2Z2 TT1D ^ K. Abbia
dit : T11D est grec et signifie : ordure ; donc N73C3 imO ■ ordure, impu-
reté ». — /. Fûrst.
tt5D5!l nri73123 Livre de morale en jude'o-allemand, éd. par J. Krausz.
2" partie. Pacs, impr. Rosenbaum, 1899; in-8" de 85 fif.
Û'^bïin 'o Les Psaumes avec le commentaire Spy*^ nD^S, pai- Jacob Heil-
pern. Lemberg, impr Rohatyii, 1899 ; in-8*' de 60 tf.
d'^5^3rr •^'n^'D n^l^Ton mi:nwS3 U^-^nni nmnn 'o Traduction hébraïque de
l'ouvrage de M. Giidemann, Geschichte des Krziehungsicesens u. der Cultur
der abendlàndischen Jiiden wdhrend des Mittelatters, par A. S. Friedberg.
3*^ partie (correspondant à Geschichte. . . dtr Juden in Deutschland loàhrend
des XIV. und XV. Jahrhunderts).\ aTSo\ie, Socie'té Ahiasaf, 1899; in-8**
de xii -H '^61 p.
Comme le précédent volume, ceiui-ci a été revu et augmenté par l'auteur,
qui a ajouté à la lin divers textes empruntés à ses Quellenschriftcn zur Ge-
schichte des Vnterrichts u. der Erzxehung bei den deutschen Juden. La tra-
ductiou est excellente et se lit avec le plus grand plaisir. U taut féliciter la
BIBLIOGRAPHIE 139
Société Âhiasaf d'avoir fait entrer cet intéressant ouvrage dans sa bibliothèque
de vulgarisation hébraïque.
•^SITa^nn < Tachkemonl » Jehuda Alcharisi's Makamen. Kritischo Ausgabe
nach zwei Mss. des Brilish Muséum in London, nebst lilerarbisloriscLen
Erlauterungen und einer biograpbischen Einleitung, von A. Kaminka.
Varsovie, Socie'té Ahiasaf, 1895-1899; ia-16 de 538 -f- li p. (6^ partie de
b^lUî"' "litnN, collection de poésies hébraïques).
Ce sout des bijoux typographiques que ces petites éditions des poètes du
moyen âge. Format, netteté et beauté des caractères, perfection île l'impres-
sion, tout s'accorde à rendre plus attrayante la lecture, de ces productions
de limagination juive. On sait le charme qui se dégage, en particulier, de
cette imitation de Hariri. Il faut louer M. Kaminka de n'avoir pas chargé de
notes ces pages étinceiantes d'esprit, qui prouvent bien, comme le voulait
l'auteur, que Thébreu se f)lie aisément à tous les usages. L'introduction
placée à la fin du volume et Tiudex sont faits avec le plus grand soin. Peut-
être M. Kaminka exagère-t-il en disant que Harizi est le premier auteur
qui ait écrit de nouveau en prose biblique.
2. Ouvrages en langues modernes.
Abrahams (I.)' Chapters on Jewisb literaLure; Ihey open with the fall of
Jérusalem in the year TO of the current era, and end with the dealh of
Moses Mendelssohn in 1786. Philadelphie, Jewisb public. Society of
America, 1899 ; in-12 de 2*75 p.
Adler (Rev. D'). The Norlh London pulpit. A spécial séries of sermons
delivered ai the Norlh London Synagogue. N" 10 • Religious versus poli-
tical Zionism. Londres, Alfred J. Isaacs, 1898 ; 18 p.
Appel (M.). Predigt bei dem Gottesdienst zur Eroffnung der zw^eiten ordent-
lichen Tagung der Israël. Landessynode des Grossherzogtums Baden.
Carlsruhe, impr. Malsch et Vogel, 1898 ; 10 p.
Bâcher (Wilhelm). Die alteste Terminologie der jiidischen Schriftauslegung.
Ein Wôrterbuch der bibelexegeliscben Kuustsprache der Tannaiten.
Leipzig, Hinrichs, 1899 ; gr. in-B^^ de viii + 207 p.
M. Bâcher ne nous laisse pas le temps de souffler. A peine avons-nous
annoncé le dernier volume de son Agada der Amorder (voir Revue ^
t. XXXVIIl, p. 286), qu'il nous faut maintenant signaler à l'admiration du
lecteur un nouvel ouvrage, non moins utile, du même auteur. C'est un dic-
tionnaire de tous les termes techniques employés dans l'interprétation du
texte biblique par les plus anciens commentateurs juifs, à savoir les Tan—
naïm. Ces termes se rencontrent surtout dans les Midraschim halachiques,
la Mechilta, le Sifra et le Sitré. L'explication qui en est donnée est corro-
borée par des citations nombreuses et bien choisies. En particulier, M. B.
mérite nos félicitations pour son soin à noter les diliérences de phraséologie
des deux écoles de ces interprèles, celles d'Ismaël et d'Akiha. Est-il néces-
saire d'ajouter que la science grammaticale et lalmudique de Téminent pro-
fesseur de Budapest fait de chaque article une petite monographie parfaite
de tout point ? Cet ouvrage sera un instrument de travail nécessaire à tous
les étudiants et même aux talmudistes de profession. Nous espérons bien que
ce n'est là que le commencement d'une série.
Ball iC.-J.). Light from the east, or witness of the monuments : ah in-
troduction to study of biblical archaeology. Londres, Eyre, 1899 ; in^i*
de 314 p.
1/iO REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Ba-SSet (René). Les Apocryphes e'thiopiens, trad. en français. IX. Apo-
calypse d'Esdras. Paris, Bibliothèque de la haute science, 1899 ; in-8°
de 139 p.
Si, comme nous en exprimions le regret dernièrement, il nous faut déplo-
rer le manque d'une traduction française des Apocryphes et pseudépi-
graphes bibliques, par contre, grâce à M. René Basset, nous pouvons nous
féliciter de posséder maintenant une colleclioii, excellemment faite, des Apo-
cryphes rédigés en éthiopien. De ces ouvrages, beaucoup ne nous inté-
ressent pas directement, car ils sont chrétiens ; mais plusieurs autres sont
d'origine juive, certains même sont les seuls vestiges d'écrits juifs qui se
sont perdus, tels que le livre d'Enoch, le livre des Jubilés, l'Ascension
d'isaïe. De ceux-ci, M. Basset n'a encore publié que la traduction de l'As-
cension d'Isaïe, mais il nous promet pour bientôt le complément. Aux écrits
qui sont l'œuvre de Juifs, mais qui nous ont été conservés en d'autres
langues, appartiennent le Livre de Baruch, 'dont la version française ouvre
la collection, et le 4» livre d'Esdras, dont la traduction vient de paraître, 11
est heureux qu'une telle entreprise ait été confiée à un savant comme
M. Basset, car ce n'est pas seulement un éthiopisant distingué qui a déjà
fait ses preuves par diverses publications de textes geez, mais c'est encore
un érudit très avisé, au courant de la littérature^ comme on dit en Alle-
magne, familarisé avec les exigences de la science moderne. Ou pourra
s'en rendre compte dans l'introduction du présent fascicule, qui constitue
une substantielle monographie du sujet. M. B. commence par passer en
revue les diflérentes versions de l'oriKinal, écrit en langue grecque, d'après
lui : syriaque, éthiopienne, arabes (au nombre de deux], arméniennes (l'une
d'après le grec, l'autre daprès le latin), enfin latine (deux groupes de mss..
espagnol et irançais). Il passe ensuite à l'examen de l'unité de composition du
livre. Avec raison, il rejette l'hypothèse de Kabisch. adoptée par M. de Faye,
qui y retrouve plusieurs morceaux indépendants, d a ires divers. Puis, après
une analyse très sobre, il rapporte les nombreuses opinions émises sur la date
' de la rédaction et se rallie à celle qui la fixe en l'an 97. C'est aujourd'hui
l'avis qui semble prévaloir. Ensuite, il traite des additions qui caractérisent la
version latine et en forment les chap i-ii etxv-xvi. Les premiers oui vu lejour
en Egypte, ou ne sait quand ; les autres, comme l'a démontré von Gulschmidt,
ont été écrits après 260. Le tout a été traduit en iatiu a ores cette date et
avant saint Ambroise, Enfin, le dernier paragraphe de l'introduction est
consacré à l'iulluence du livre d'Esdras, en particulier sur le Rituel. —
La traduction suit le texte édité par DiUmaun; elle est accompa^'-née d'un
commentaire qui signale principalement les variantes du latin, du syriaque et
de l'arabe; le fond, comme il était naturel, y est peu étudié. Les leçons qui
distinguent la ^ersion éthiopienne ne sont pas très importantes; elle» sont
imprimées en italiques, pour la commodité du lecteur. Pour que cette édi-
tion se suiTit à elle-même, M. Basset a eu la bonne idée d'y joindre la tra-
duction des éditions latines. A tous ces titres, il a droit à notre reconnais-
sance, et nous espérons pouvoir bientôt lui adresser les mêmes éloges, quand
il nous aura donné le complément de sa collection, que nous attendons avec
impatience.
Beitrâge zur Fôrderung christlicher Théologie, hrsgg. von A. Schlatler u.
H. Creraer. 3. Jahrgang, 1899; 4. Heft. Giilersloh, Bertelsmann, 1899;
gr. in-8o. (Gootient : Schlalter : Jochanan ben Zakkai, der Zeitgenosse
der Apostel).
Bertholet (a.). Die israelitischen Vorstellungen vom Zustand nach dem
Tod. Vortrag. Fribourg-en-Brisgau, Mohr, 1899; gr. in-S*^ de ;U p.
Bible (La), traduite du texte original par les membres du rabbinat français
sous la direction de M. Zaioc Kahn, grand rabbin. Tome l"" (Penta-
BIULIOGKAFUIE 141
teuque-Premiers Prophètes). Paris, Durlachcr, 1899; in-8" de viii -|-
486 p.
Nous avons déjà parlé de cette nouvelle traduction française de la Bible
(t. XXXVIII, p. 306) ; elle comptera parmi les œuvres les plus méritoires du
rabbinat de France. Elle l'emporte incontestablement sur ses devancières
par la manière rigoureuse dont le texte a été serré de près, par la qualité
solide de la langue et l'agrément du style.
Bible (La) de la jeunesse, traduite de l'hébreu et abrégée par les membres
du rabbinat français, sous la direction de M. Zadoc Kahn, grand rabbin.
Tome 1^"" (Penlateuque-Premiers Prophètes). Paris Durlacher, 1899; in-8'*
de 405 p.
C'est la même traduction, mais élaguée en certains chapitres. Les sup-
pressions ne sont pas nombreuses ; peut-être auraient-elles dû Têtre davan-
tage.
Brown (B.-H.)- The land of Goshen and the Exodus- Londres, Stanford,
1899 ; in-8° de 86 p. + 2 cartes + 4 planches.
BûGHLER (Ad.). Die Tobiaden u. die Oniaden, voir Jahresbericht (VI).
Chajes (H. -P.). Proverbia-Studien zu der sogenannten Salomonischen
Sammlung, c. x-xxii, 16. Berlin, Schwetschke u. Sohn, 1899 ; in-8° de
VII -]-46 p.
Chauvin (Victor). La récension égyptienne des Mille et une Nuits. Bruxelles,
Office de publicité, 1899; in-8° de 121 p. (Bibliothèque de la Faculté de
philosophie et lettres de l'Université de Liège. Fascicule VI).
M. V. Chauvin, professeur a TUniversilé de Liège, s'est déjà fait avanta-
geusement connaître par sa Bibliographie des ouvrages arabes. Ce travail
colossal doit embrasser tous les ouvrages arabes ou relatifs à la langue ou à
la linërature arabe parus depuis 1810. Le dernier fascicule, consacré à
Louqmane et les fabulistes, Barlaam, Antar et les romans de chevalerie, est
une mine de renseignements pour les amateurs de folk-lore. La présente
étude dont nous allons rendre compte rentre dans le même domaine ; c'est
un chapitre, ce semble, de la section consacrée aux Mille et une Nuits,
Quel point de contact otfre-t-elle avec les recherches que nous poursuivons
dans cette Revue^ c'est ce que va montrer tout de suite l'analyse de cette
monographie. On a déjà reconnu, dit M. V. Chauvin, que bon nombre des
récils des Mille et une Nuits ont été composés en Egypte — après le
triomphe de Tlslam, cela va sans dire. Ils sont lœuvre, d'après M. Ch., de
deux auteurs, l'un original et spirituel, l'autre sans talent, qui aurait re-
manié et peut-être réédité ce recueil. Ce dernier est probablement un Juif
converti à l'islamiïime. Son orijiine est attestée par les éléments de prove-
nance juive qui sont entrés dans sa rédaction, et sa religion par l'ortho-
doxie musulmane de ses opinions. Or, précisément, il existe dans les Mille
et une Nuits une coUpction de dix-huit contes dont le caractère juif est in-
déniable, comme l'a montré déjà feu J. Perles [Monatsschnft, 1873). C'est
ce Juif converti qui a introduit ce petit recueil, qui forme bloc, dans la
grande collection. D'autre part, certains contes, comme celui de Djamasp
et la reine des serpents, qui comprend celui de Djanchah et de Beloukia,
sont sortis d'une plume juive : Beloukia est un roi Israélite, il y est ques-
tion d'un Berachia, d'Adam, de Sdlomon et de Jérusalem; on y mentionne
la tradition du lleuve sabbatique, auprès duquel s'élève une ville juive ; un
Arabe y rend visite à Harout et Marout (Gog et Magog) sous la conduite
d'une Juive, etc. Ces contes sont de la même main. On y remarque un
grossissement fatigant des faits, la reprise fréquente des mêmes épisodes,
l'abus du merveilleux. Voilà qui va permettre de reconnaître la gritfe de.
142 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
noire rédacteur dans d'autres contes, qui n'ont rien de juif. On découvrira
particulièrement qu'il a repris à sa manière des histoires dues au premier
conteur égyptien. Son travail est donc celui d'un éditeur, et il faut lui attri-
buer la recension égyptienne des Mille et une Nuits. — Quant aux
contes juifs qui composent la petite collection dont nous avons parlé, ils
sont extraits d'un livre de Wahb ibn Mounabbih (il en sera question plus
loin), qui ne peut être que les Choses d'Israël, ouvrage destiné à prouver
que la rétribution divine s'exerce déjà ici-bas. Wahb l'a écrit sur le modèle
du Hibbour Maasiot. « Ce livre juif, dit M. C., a certainement été populaire
chez les Israélites et. contrairement à ce que pense M, Lévi. il doit avoir
des racines dans la littérature talmudique ; du moins, plusieurs citations que
nous donnons des contes du livre des Choses d'IsraH nous semblent
le prouver. Quant à la date du livre juif, nous la croyons très ancienne. H
nous semble permis de penser qu'il était connu des Juifs qui vivaient autour
de Mahomet et qui y auront puisé certaines historiettes dont on retrouve la
trace dans le Coran. • — Maintenant quel est cet auteur juif de la recen-
sion égyptienne? Pour répondre à celte question, il faut remarquer, dit
M. C, qu'il y a eu peu de Juifs qui ont pris le turban, d'autre part, que
les Juifs ont toujours témoigné peu de goût pour les Mille et une Nuits.
Or, il existe une œuvre juive, PHisloire du Jérusalemite, attribuée au fils de
Maimonide, qui est traitée tout à fait à la manière des contes des Mille et
une Nuits : voilà notre auteur trouvé. M. C. ajoute qu'il ne se dissimule
pas le caractère cotjjectural de ses conclusions ; cet aveu arrête les objec-
tions que soulève cet échafaudage d'hypothèses. Mais puisque M. C. nous
a fait l'honneur de nous ciier, pour nous contredire, nous prendrons la li-
berté de l'informer de l'erreur dans laquelle il est tombé eu ce qui concerne
le Htbbour Maasiot. Ce livre, contrairement à ce que suppose M. C, qui
n'a pu le lire, puisqu'il n'a jamais été traduit, est un recueil factice de
contes et d'anecdotes de toute espèce, qui circulaient isolément ou par petits
groupes. C est ainsi que dans les mss. on en rencontre tantôt un, tantôt plu-
sieurs. Ils sont entrés par parties dans diverses collections factices de Maa-
siot, tels le ms. d'Oxt'ord que nous avons analysé ici [Revue, XXXIII,
p. 47), celui du Vatican, n° 285 ; tel encore celui qu'a édité M. Gasler
[Eevîie, XXXI V, p. 153). Un livre intitulé Hibbour Maasiot ^ la littéra-
ture n'en connaît pas avant l'imprimerie ; c'est un éditeur qui, utilisant
un ms. où se trouvait justement cette collection factice, s'est avisé de
donner ce nom à cette collection. Il ne tant donc pas dire que ce livr/:
était populaire chez les Israélites, ni qu'il était connu des Juifs qui vivaient
autour de Mahomet; certains morceaux qui le composent actuellement
l'étaient peut-être en ces temps recules, voilà tout ce qu'il est possible de
conjecturer. Le caractère i'actice du recueil expliquera la confusion commise
par M. C. à propos des cinç contes du Hibbour Maasiot que nous avons
publiés dans M(^lusine. « Le livre, dit M. C, doit avoir des racines dans la
littérature talmudique. » En etfet, dans ce livre figurent, par exemp'e, l'his-
toire d'Alexandre et du roi de Cassia, de Salomou et Asmodée, de David et
Isbi Benob. Ayant justement consacré une étude à chacune de ces légendes,
nous n'étions pas sans savoir que diverses parties du Hibbour Maasiot ont
leurs racines dans le Talmud. Ce que nous avons publié dans Méiusine,
c'est un extrait de ce recueil ; et, en présentant ces cinq coules aux lecteurs,
nous laisions appel à leurs lumières, avouant n'eu avoir pas trouvé trace
dans le Talmud ni le Midrasch. Cet appel lancé il y a près de quinze ans
est resté sans réponse. M. René Basset a publié depuis dans la Revue des
Traditions populaires, XIU, p. 222, un texte de Kazwini qui est identique a
l'un de ces contes. Kazwini dit qu'il provient des Histoires des Israélites,
c'est-à-dire de Wahb. Cela prouve seulement que ce conte, et non pas né-
cessairement les autres, était connu déjà au vin» siècle. — Les Appendices du
travail de M. C. en sont, à nos 3'eux, la partie la plus instructive. L'auteur a
réuni tout ce qu'on ptat savoir sur ce Wahb ibn Mouuabbih. C'était le des-
cendant d'un officier perse établi dans le Yémen ; il vit le jour dans celte
HIBLKJGRAFHIE U3
proviDce au vu* siècle et mourut âgé de 90 ans vers 728. Son père, qui
était Juif, avait embrassé l'Islam du temps de Mahomet; d'après un au-
teur, il serait né lui-même dans le Judaïsme. Ce fut un écrivain très fé-
cond; on lui doit en particulier une Histoire des Prophètes dont il reste
des (ra^meuts, et qui, comme on le sait, raconte la vie des patriarches en se
servant des broderies du Midrasch. Son livre des Choses d'Israël était un
recueil d'anecdotes, de contes et de légendes. M. C. essaie de le recons-
tituer à l'aide des ouvrages qui lo citent ou paraissent l'utiliser. Une
catégorie de ces contes est forméo de la petite collection des Mille et une
Nuits, la deuxième comprend ceux que les auteurs arabes attribuent for-
mellemenl à Wahb, enùn une troisième peut être rapportée à cet écrivain
à cause de leur caractère juif. Chacun de ces contes est résumé et accom-
pagné d'une notice littéraire oii sont indiqués avec soin les références. Nous
sommes étonné que M. C., toujours si bien informé, à propos du serment
éludé (le bàlon creux) nait pas indiqué la source, qui se trouve dans le
Talmud. Ensuite, M. C. reproduit les cinq contes du Hibbour Maasiot que
nous avions publiés dans Mélusine. Enfin, il recherche quel est l'auteur
du préambule du roman d'Anlar. Comme ces pages contiennent l'histoire
d'Abraham et celle du chameau borgne, qui sont d'origine juive, il en con-
clut qu'elles sont également l'œuvre du pseudo-Maïmonide. Toutes ces con-
jectures sont évidemment risquées, mais elles méritent raitention, et c'est à
ce titre que nous les recommandons aux savants juils.
Cheyne (M.-A-)- Das religiôse Leben der Juden nacb dem Exil Deutsch
von H. Stocks. Giessen, J. Ricker, 1899 ; gr. in-S*^ de xii -{- 264 p.
Cheyne (M.-A.\ The book of the prophet Isaiah. Critlcal édition of the
Hebrew text, arranged in cbronological order and printed in colors, ex-
bibiting tbe composite stiucluie of tbc bock; witb noies. Leipzig, Hin-
ricbs, 1899 ; gr. in-S^ de 206 p. (Tbe sacred books of Ibe Old Testa-
ment... uuder tbe editorial direction of P. Haupl).
Dictionary of tbe Bible, dealing witb ils language, literature and con-
tents; éd. by. J. Haslings. Vol. 2. Feing-Kinsman. Edimbourg, Clark,
1899 ; in-8'' de 886 p.
DÔLLER (J ). Rbylhmus, Metrik und Stropbik in der bibliscb-bebrâiscben
Poésie, systemaliscb dargestelitl. Paderborn, F. Scbôningb, 1899; gr.
in-S** de vu + 100 p.
DuRiEa (Louis). Le prolétariat juif en Algérie. Paris, libr. de la Revue so-
cialiste, 1899; gr. in-8« de 23 p. (Extrait du n'^ 1"3 de la Revue so-
cialiste).
Feuchtwang (David). Kanzelreden. I. Teil. Francfort. J. Kauffmann, 1899;
in-S» de 218 p.
Floexner (C). Ueber den Cbarakter deralttestamentlicben Poésie. Beuthen,
Haenel, 1898; in-l» de 23 p.
Fluegel (Maurice). Tbe Zend-Aresla and easlern religions. Comparative
législations, doctrines and rites of Parseism, Brabmanism and Bud-
dbism; bearing upon Bible. Talmud, Gospel, Korau, tboir Messiah-
ideals and social problems. Baltimore, H. Fluegel, 1898; in-8*^ de 224 p.
Gaster (M.). Tbe Cbroiiicles of Jerabmeel, or tbe bebrew Bible bistori-
ale, being a collection of apocrypbal and pseudo-epigrapbical books
dealing witb tbe bistory of tbe world from tbe création to tbe deatb of
144 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Judas Maccabeus, translated, logether with an introduction, critical
notes, a full index and five facsimiles. Londres, Royal asiatic Society,
1899 ; in-8° decxii + 341 p. (Oriental translation Fund, new séries, IV).
Mériterait un compte rendu détaillé.
Gesenius (W.)- Hebraisches und aramàiscbes Handwôrterbucb ùber das
Alto Testament- In Verbindang mit ProÊf. Albert Socin und H. Zimmern
bearbôitet von Prof. D"" Frants Bahl. 13. Auflage. Leipzig, Vogel, 1899;
gr. in-80 de xii -f 1030 p.
GiBSON (E.-G.-S.). The book of Job, with introduction and notes. New-
York, The Macmillan G^, 1899 ; in-8° de xxx -|-236 p.
Haguenauer (p.). Les Soubbotniky, ou une secte judaïsante de Russie.
Epinal, impr. Klein, 1899; in-8« de 17 p.
Hoonacker (a. van). Le sacerdoce le'vitique dans la loi et dans rhistoire
des Hébreux. Louvain, Islas, 1899 ; gr. in-8o de x -f" 465 p.
Jahrbuch fiir jûdische Geschichte und Literatur, hrsgg. vom Verbande der
Vereine fnr jûdische Geschichte u. Literatur in Deutschland. II. Band.
Berlin, Albert Katz, 1899 ; in-8» de 265 p.
Table des matières :
Martin Philippson : Jahresrûckblick ;
Gustav Karpeles : Literarische Jahresrevue;
H. Steinthal : Die Idée der Weltschôpfung;
Wilhelm Bâcher : Drei Bibelûberseizungen (celles des LXX, de Saadia
et de Mendelssohn) ;
Martin Schreiner : V^as lehrten die Pharisaer ?
A. Sulzbach : Die Roraulussage im Taimud und Midrasch ;
AdoH Schwarz : Die Hochschulen in Palâstina und Babylon ;
A. Harkavy : Anan, der Stilier der Karaischen Secte ;
D. Kaufmann : R. Naltali Cohen im Kample gegen Chajjua (paru
d'abord dans notre Revue] ;
M. Brann : Aus Salomon Munk's nacbgelassenen Briel'en ;
H. York-Steiner : Maskir, novelle ;
J. Lowenberg : Die schwarze Riwke.
Miiiheiluiigen aus dem Verband der Vereine fiir jûdische Geschichte und
Literatur in Deutschland.
Jahresbericht (VI ) der israelitisch-theologischeu Lehranslalt in Wien fur
das Schuljahr 1898-1899. Vorangeht : Die Tobiaden u. die Ouiaden im
II. Makkabaerbuche u. in der verwandten jiidisch-hellenistichen Lit-
teratur. Unlersuchung zur Geschichte derJuden von 220-160 u. zur jù-
disch-hellenislichen Lilteralur, von Prof. D"" Adolf Riichler. Vienne, Ver-
lag der Israël. -theol. Lehranstall, 1899 ; in-8° de 232 p.
M. Théodore Reinach rendra compte prochainement de celte imporUnle
élude.
Kent (C.-F.). A history of the Jewish people diiring Ihe Babylonian, Per-
sian and Greek periods. New-York, Scribner's sons, 1899; in-12 de xx
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gr. in-8*' de 25 p.
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Sainl-Pe'tersbourg, impr. de l'Académie impe'riale, 1898 ; in-4'' de p. 195-
207 +2 facsimiiés.
Reproduclioa de deux feuillets ms. du Talmud de Jérusalem, provenant
de la guenixa du Caire {Baba Kamma, ^ a-^ c, cl 6ô-6c). Les variantes sont
surtout orlhograpbiques ; quelques-unes sont assez curieuses : ^fi< pour I^È^
(mais ir«) ; p pour ^^3 ; i^b pour l^b ; en général, 1'^ à la fin y est
remplacé par le n : 'n'^n, et non fc^lH; "^Slbo \r"«N est écrit '^sVîD'ÛX.
Plusieurs citations de baraita sont différentes de notre texte et d'accord avec
la Tossella.
Leimdôrfer (D.). Zur Kritik des Bûches Esther. Francfort, J. Kauffmann,
1899 ; 15 p.
Mackie (g. -m.). Bible manners and customs. New-York, Fleming H. Ré-
veil, 1899; in-12de 175.
Magnier. Critique d'une nouvelle exégèse critique. Paris, Lethielleux,
1899 ; in-16 de 91 p.
Manassewitsgh (B.). Die Kunst die hebrâische Spracb durch Selbstunter-
ricbt scbnell u- leicht zu erlernen. 2. neu bearbeitete Auflage. Vienne,
Pest, Leipzig, Ilartleben, [1899] ; in-16 de xiv -f- 172 p.
Fait avec beaucoup d'intelligence.
Marqoliouth (D.-S ). The origin of the « Original Hebrew » of Ecclesias-
ticus. Londres, J. Parker, 1899 ; in-é" de 20 p.
YoirHevue, t. XXXVill, p. 306, et, plus haut, p. 1.
Neteler (B.)' Das 3. und das 4. Buch der Kônige der Vulgata und des
Urlextes iibersetzt und erklârt. Munster, Theissing, 1899 ; gr. in-8° de
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NiGOL (T.)- Récent archseology and the Bible. Londres, Blackwood, 1899;
in-80 de 346 p.
Poppér (William). The censorshlp of hebrew books. New-York, the Kni-
kerbocker Press, 1899; gr. in-S" de viii -f- 156 + plusieurs fac-similés.
RosENAGK (L.)- Die Fortschritte der hebr. Sprachwissenschaft von Jehuda
Chajjiig bis David Kimchi (X. bis XIII. Jahrhundert). I. Theil. Francfort,
J. Kauffmanu, 1899; gr. in-S'^ de viii + 47 p.
SCHEGHTER (S.), aud Taylor(C.). The Wisdom of Ben Sira. Portions of
the book Ecclesiasticus from the hebrew manuscripts in the Cairo Ge-
nizah coUeclion presented lo the University of Cambridge by the editors.
Cambridge, Uoiversity Press, 1899 ; in-4o de lxxxviii -f 68 + 24 (texte
hébreu) p. (plus 2 fac-similés du fragment Lewis).
Voir plus haut, p. 1.
Schwab (Moïse). Le ms. n" 1380 du fonds hébreu à la Bibliothèque natio-
nale, supplément au Vocabulaire de l'Angelologie. Paris, Klincksieck,
1899; in-40 de 50 p. (Tiré des Notices et extraits des manuscrits de la
Bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. XXXVl).
Description d'un ms. du niTO^D^ "^^"IW, ouvrage cabbalislique de Moïse
Zacuto, enrichi d'additions du copiste, qui a vécu au xviu» siècle.
T. XXXIX, no 77. 10
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Stewart (R.-L.). The land of Israël : a lext-book on the physical and
historical geography of the lîoly Land, emboyding the results of récent
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Wellhausen (J.). Skizze und Vorarbeiten. 6. Hefl. Berlin, G. Reimer,
1899, gr. in-8'' de vin + 260 p.
Renferme, entre autres, des études sur les Psaumes, • le fils de l'homme »,
la littérature apocalyptique, les verbes faibles en hébreu. Montre que le
4« Ezra a été écrit originairement en hébreu et qu'il est postérieur à l'Apo-
calypse de Baruch.
Winckler (h.). Altorientalische Forschungen. 2. Reihe. II. Band. 2 Heft.
Leipzig, E. Pfeiffer, 1899; gr. in-S^ de p. 241-320.
Contient, entre autres, l'époque de l'arrivée d'Ezra à Jérusalem, notes sur
le livre de Jonas, de Judith.
Year book of Central conférence of American rabbis, 1899 = 5659. Cin-
cinnati, impr. May et Kreidler, 1899 ; in-8° de 218 p.
Ziemssen (0.)' Die Bibel in der Geschichte. Beitrâgc zur Bibelfrage u. zu
einer Geschichlsphilosophie vom Mittelpunkte der biblischen Anschau-
ung. Gotha, Thienemann, 1899 ; gr. in-8° de xi -j- 120 p.
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trimestriel). Vol. XV, 1899. = = N° 4, juillet. = = Morris Jastrow :
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the Aramaic idiom conlained in the Babylonian Talmud. III.
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vis : Poetry, the âges of raan. — A. Feldman : The Bible in neo-hebraic
poetry. — Morilz Stcinschncidcr : An introduction to tbe Arabie litei'a-
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discbe Exégèse und der einfacbe Wortsinn {fin), — J. Guttmann : Aus
der Zeit der Renaissance (Nicolas de Cusa, Jacobus Faber Stapulensis,
Bonet de Lattes, Carolns Bovillus). — A. Feilchenfeld : Die àlteste Ge-
scbichte der deutschen Juden in Hamburg {suite, n° 7). — M. Stein-
schneider : Die ilalieniscbe Litteratur der Juden {suite^ n° 7). — J. Kron-
berg : Die Vertrelung der Dûniier'scben Talmud-glossen im « Israelit ».
= = N^ 7, juillet. Zuckermandl : Nacblrag zu meiner Tosefta-Ausgabe.
— Louis Ginzberg : Die Haggada bei den Kircbenvàtern u. in der apo-
krypbiscben Litteratur {suite). — H. Brody : « Gabirol u. Samuel der
Fùrst ». — David Kaufmann : Das Huldigungsgedicbt Salomon Ibn Gabi-
rols fiir Samuel ba-Nagid.
Bévue biblique internationale (Paris, trimestrielle) = r= 8® anne'e,
1899. == N° 3, juillet. Lagrange : Le Sinaï biblique. — D' Rouvier :
Ptolc'maïs-Acé. — Lévesque : Les mots égyptiens dans l'bistoire de Jo-
sepb. — Germer Durand : Epigrapbie palestinienne, nouveaux milliaires.
— Clermont-Ganneau et Lagrange : Gezer. — Vincent : Notes arcbéolo-
giques et nouvelles. Les fouilles anglaises à Tell Zakariya.
Zcitsohrift fur die alttestamentliche Wissenscliaft (Giessen, semes-
triel). ==: 19° année, 1899. =:= N» 2. W.J.Moulton : Ueber die Uener-
lieferung und den textkritiscben Wertb des dritten Esrabucbes. — Ed.
Kônig : Syntactische Excurse zum Alten Testament. — Eberbard Bau-
mann : Die Verwendbarkeit der Pesita zum Bucb Ijob fur die Textkri-
tik. — Karl Albrecbt : Zum Lexikon und zur Grammatik des Neuhe-
brâiscben (Tarsis des Mose ben Ezra). — Adolf Bûcbler : Zur Gescbicbte
der Tempelmusik und der Tempelpsalmen. — Bacber : Bine verkannte
Redensart in Genesis, 20, 10. — Jacob : Bericbtigung zu Mandelkern's
(grosser) Konkordanz ; — ' Zu Bacber's Bemerkungen. — Kaban : Eine
Erwiderung auf D»" Mandelkern's Pro domo. — Bibliographie.
4. Notes et extraits divers,
- = La condition des Juifs dans la société hellénique et romaine. — Nous
analysons maintenant l'article Judaei que M. Théodore Reinach a publié
dans le Dictionnaire des Antiquités et que nous avons annoncé dans le
dernier numéro de cette Revue. « La distribution géographique de la race
des Juifs, le régime civil auquel ils étaient soumis [chez les Grecs et les
Romains], l'organisalion juridique, la condition économique et sociale de
leurs communautés, les succès de leur propagande, qui a préparé Tavèue-
ment du christianisme, enfin le premier contre-coup du triomphe de la
religion nouvelle sur leur situation légale, tels sont les sujets i> traités
dans cet article. — I. « Le premier et le plus remarquable phénomène
148 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
que présente le judaïsme à Tépoque gréco-romaine est sa dispersion à
travers le monde me'diterranéen. » M. R. attribue à celte dispersion pour
cause la plus notable « les destinées si agitées et finalement si désas-
treuses du judaïsme dans son pays d'origine », et, à ce propos, il trace
un résumé, excellemment présenté, de la situation de la Judée depuis le
retour de la captivité de Babylone jusqu'à la prise de Bétar (135). —
II. M. R. passe ensuite aux causes particulières qui ont provoqué la dis-
persion des Juifs dans les pays grecs et romains. Peut-être ici aurait-il
fallu, à la suite de Renan et de Wellbausen, indiquer, au moins, l'attrac-
tion qu'exerça sur les populations pauvres la fondation de l'empire ma-
cédonien : l'Egypte et la Syrie furent pour elles comme V Amérique en ce
siècle, et les Juifs qui pliaient sans doute sous le poids des impôts de la
hiérocratie dominante émigrèrent vers ces pays neufs tout comme les
Grecs. M. R. montre surtout l'action exercée sur ce mouvement d'émi-
gration par « les révolutions qui se succédèrent en Cœlé-Syrie : les Juifs
qui avaient lié partie avec l'un des compétiteurs aimaient mieux le suivre
dans sa retraite que de s'exposer aux vengeances du vainqueur. »
« D'autre part, pendant les guerres du iii^ et du ii® siècle av. J.-C, des
milliers de Juifs furent faits prisonniers, réduits en esclavage et passèrent
de main en main et de pays en pays jusqu'à ce que Taffranchisseraent les
délivrât. . . Ils trouvaient facilement des coreligionnaires disposés à payer
leur rançon. Les inscriptions de Delphes nous ont conservé le souvenir
d'un de ces affranchissements d'esclaves juifs à prix d'argent. Le célèbre
rhéteur Céiicius de Calacté était aussi d'origine un esclave juif. »
« Le Juif affranchi, au lieu de retourner en Palestine, se fixait ordinaire-
ment dans son dernier pays de séjour et s'y groupait avec ses frères pour
former une communauté. D'après le témoignage formel de Philon, la
communauté juive de Rome devait ainsi son origine à des prisonniers de
guerre libérés; l'importance politique qu'elle avait acquise dès le procès
de Flaccus (en 59 av. J.-C.) [et que Cicéron exagère probablement à
dessein] ne permet pas de croire qu'il s'agisse des quelques captifs amenés
par Pompée (63 av. J.-C), mais bien des prisonniers faits dans les
guerres antérieures, en Asie Mineure, par exemple. Les grandes insur-
rections juives sous Vespasien, Trajan et Hadrien, avec leur issue désas-
treuse, jetèrent sur le marché des myriades de captifs juifs; transportés
en Occident, ils devinrent [peut-être] le noyau des communautés d'Italie,
d'Espagne, de Gaule, etc. A l'émigration politique, à la vente des pri-
sonniers de guerre s'ajoutent, comme sources de la diaspora, les déporta-
tions plus ou moins volontaires exécutées par divers gouvernements, soit
pour châtier la nation au col rebelle, soit pour peupler des cantons
déserts de leurs États... Plusieurs princes, sans recourir à des moyens
aussi violents, s'efforcèrent avec succès d'attirer des colons juifs dans
des villes nouvellement fondées en leur concédant d'importants privi-
lèges : ainsi firent, sinon Alexandre, du moins Séleucus Nicator, Ptolé-
mée Philadelphe,les successeurs d'Antiochus Epiphane s^à Antioche),elc.»
« En dernier lieu, il ne faut pas oublier que les Juifs étaient une race
féconde. La Judée, pays assez peu fertile, dut être promplement surpeu-
plée; il fallut essaimer... » Et les Juifs émigrent comme les Égyptiens,
les Syriens, les Phéniciens qu'on rencontre alors dans les mêmes régions
et propageant, comme les Juifs, leurs cultes nationaux; « mais le Juif
émigrait plus facilement, parce que sa religion était attachée à un livre,
non à un lieu; puis, grâce à la haie que des pratiques profondément enra-
BIBLIOGRAPHIE 149
cinées faisaient autour de ses croyances, il ne s'absorbait pas dans les
populations avoisinantes. Une propagande religieuse des plus actives
faisait, au contraire, de ciiaque petit groupe de familles juives un centre
do cristallisation autour duquel venaient s'agglome'rer de nombreux
prosélytes de race étrangère dont beaucoup devenaient à la longue des
juifs véritables. On peut dire que, si le prosélytisme n'a pas été le but de
]a diaspora, il a puissamment contribué à la consolider et à l'accroître. »
M. R. montre ensuite, d'après les auteurs anciens, que le judaïsme était
alors répandu dans toutes tes parties du monde civilisé. Puis, à l'aide des
inscriptions, dont le nombre augmente sans cesse, il dresse la nomencla-
ture de toutes les provinces et localités où a été signalée l'existence d'une
communauté juive, en Asie, Asie Mioeure, Europe et Afrique. Cette
partie du travail de M. R., qui ne prête pas à une analyse et qui a dû lui
coûter les plus laborieuses rechercbes, est une des meilleures et des plus
utiles. Quanta fixer, même approximativement, le chiffre de la population
juive dans la diaspora, c'est impossible, et à cause de la rareté' des ren-
seignements et parce que ces renseignements n'intéressent qu'une région
limitée dans un temps déterminé. Ils étaient nombreux en Syrie, parti-
culièrement à Antiocbe, en Egypte, où, d'après Philon, ils formaient le
huitième de la population, plus tard en Cyre'naïque, à Chypre, en Méso-
potamie. A Rome, dès le temps d'Auguste, ils étaient plus de huit mille.
— III. « Cette expansion du judaïsme dans le monde gréco-romain ne
laissa pas de rencontrer de vives re'sistances. La bourgeoisie des villes
grecques était mal disposée envers les nouveaux venus; leur particula-
risme religieux et national, leur mépris hautement affiché des cultes
grecs, des spectacles, des gymnases, bref de tout ce qui constituait la vie
commune d'une cité hellénique, peut-être aussi la crainte secrète de
trouver en eux des concurrents commerciaux, enfin l'efficacité de leur
propagande religieuse contribuaient à l'impopularité des Juifs. Dans
certaines villes, comme à Parium (et non Paros), à Traites, des décrets
formels interdirent l'exercice du culte et la pratique des rites juifs- On
connaît les tentatives faites par les villes d'Ionie pour l'expulsion des
Juifs, l'hostilité qui régnait entre eux elles Grecs dans toute la Syrie, les
massacres de l'an 66, les boucheries qui éclatèrent presque au même
moment sous Trajan en Mésopotamie, à Chypre, à Cyrène, la guerre
d'extermination qu'à Chypre surtout les deux partis se firent, les rivalités
polémiques de plume, les explosions populaires dont Alexandrie fut le
théâtre. Contre cette intolérance jalouse de la bourgeoisie grecque, les
Juifs trouvèrent des protecteurs efficaces dans les monarques hellénis-
tiques d'abord, puis dans les Romains. On peut dire que, sans les vues
larges et cosmopolites des diadoques, qui favorisaient, dans l'intérêt
même de leur pouvoir, le mélange et la pénétration des races, la diaspora
juive n'aurait pu ni se fonder, ni se maintenir. » Si les Romains d'abord
montrèrent peu de disposition à recevoir les Juifs parmi eux, « Jules
César, qui interdit tous les coliegia étrangers à Rome, fit une exception
formelle en faveur des Juifs, dont il était l'obligé ». La suite de leur his-
toire sous les empereurs est connue. « A aucune époque, Tantijudaïsme
ne fut pour le gouvernement romain un article d'exportation. » « De très
bonne heure Rome avait fait alliance avec les Juifs de Palestine — les
premiers de tous les Orientaux — et par cette alliance plusieurs fois re-
nouvelée, entretenue à prix d'or, elle avait contracté l'engagement moral
de de'fendre la liberté religieuse des Juifs émigrés partout où s'exerçait
150 REVUE DES ETUDES JUIVES
son influence. » « En recueillant la succession de la Mace'doine, de Per-
game, des Séleucides et enfin des Lagides, Rome hérita de leur protection
envers les Juifs dispersés contre la malveillance et les tracasseries des
villes grecques passées sous sa tutelle. C'est surtout depuis Jules César
qu'elle prit à cœur ce devoir. » On connaît l'action heureuse des Hérodes
auprès des empereurs en faveur des Juifs de la diaspora. Les Césars se
montrèrent, en somme, équitables envers eux-même après l'insurrection
de 66-70. « Le judaïsme, pendant tout l'Empire romain, resta une religion
autorisée [religio Ucita) et même singulièrement privilégiée. » — IV. « Voici
en quoi consistaient ces privilèges : 1° Les Juifs, là où ils étaient légale-
ment établis, ne pouvaient être expulsés sans une décision expresse de
l'autorité suprême... » 2° «Dans leur quartier, ils avaient le droit d'élever
une ou plusieurs maisons communes qui servaient de lieux de réunion
pour les prières et la lecture de la Loi : c'étaient les synagogues...
Quelquefois les autorités elles-mêmes désignaient, et sans doute con-
cédaient gratuitement le terrain où devait s'élever la synagogue...
Quelques synagogues paraissent avoir possédé le droit d'asile... En
dehors de leurs synagogues, dont quelques ruines ont subsisté, les Juifs
avaient des cimetières spéciaux disposés comme les catacombes chré-
tiennes... Synagogues et cimetières étaient placés sous la protection
. des lois. Les premières furent souvent menacées d'incendie après le
triomphe du christianisme, et il fallut des sanctions pénales énergiques
pour les préserver. . .» 3» aLe culte juif comportait, outre les réunions quo'
tidiennes de la synagogue, la célébration du Sabbat et des autres fêtes,
dont quelques-unes étaient accompagnées de repas en commun, l'observa-
tion des lois alimentaires et de pureté, la circoncision, bref l'ensemble
des coutumes des ancêtres. Le libre exercice de ces coutumes était garanti
aux Juifs par la loi... Une seule coutume, la circoncisioD, fut momen-
tanément défendue par Hadrien, et cette interdiction fut une des causes
do la révolte de 132. Plus tard, on se contenta d'interdire la circoncision
des non-juifs, défense qui rentre dans un autre ordre d'idées. » On leur
accorda « la dispense du culte des empereurs, qui ne fut menacée sé-
rieusement que sous Caligula... » 4° « Chaque communauté juive est
autorisée, au moins tacitement, à se donner une organisation autonome,
à la fois administrative, financière et judiciaire. Il ne faudrait pas se
hâter d'en conclure, comme on l'a fait quelquefois, que les aggloméra-
tions juives fussent, en pays grec, assimilées de plein droit aux associa-
tions religieuses païennes {thiases, éranes) qui jouissaient d'importants
privilèges juridiques. . . Aucun texte officiel ne nous montre jamais, en
pays grec, les communautés juives proprement dites officiellement quali-
fiées de tkiases... Leur situation était plutôt comparable à celle des
groupes de citoyens romains dans les cités helléniques : elles formaient,
comme ceux-ci, un petit État dans l'État, ayant sa conslilution, ses lois,
ses assemblées, ses magistrats particuliers, tout en jouissant de la pro-
tection générale des lois de la cité... Un seul texte, de provenance
romaine, semble considérer les communautés juives comme des thiases,
mais ce mot traduit ici le latin collegia; c'étaient, en tout cas, des
collegia imparfaits, qui ne jouissaient pas de la personnalité civile, ni,
par conséquent, du droit de posséder des capitaux ou des immeubles :
un rcscrit de Caracalla déclare nul un legs fait à Vuniversitas des Juifs
d'Antioche. » — Ce derr.ier point est, à ma connaissance, rais pour la
première fois en lumière par M. R. — « L'organisation intérieure de ces
BIBLIOGRAPHIE 151
petites « cite's » juives était calque'e sur celle des communes grecques. »
Elle a été trop souvent décrite pour que nous jugions utile de résumer ce
chapitre, dont Schûrer a dcjà fourni toute la matière. Nous relevons
seulement un détail qui nous paraît contestable. <^ A côté de l'archonte,
chef de l'administration, on trouve, dans beaucoup de communautés, un
ou peut-être plusieurs àpxiauvàywyoi, chefs de la synagogue frabbins?)... »
La parenthèse, à notre avis, doit être raye'e; l'archisynagogue correspond
au rosch hakenérset, qui désigne seulement le président de l'assemblée de
la synagogue, mais non le rabbin. Si, d'après Justin Martyr, l'archisyna-
gogue proche le jour du sabbat, c'est au même titre que les autres
membres de la synagogue. Il ne fallait pas être rabbin pour commenter
le texte biblique. — 5° « Les communautés juives avaient certainement
le droit d'imposer leurs membres pour subvenir aux frais communs, par-
ticulièrement à l'entretien de la synagogue », mais les détails manquent
sur la nature des taxes qu'elles prélevaient. La principale contribution
était celle du didrachme, due par chaque juif adulte du sexe masculin et
destinée à alimenter le trésor du temple de Jérusalem. On sait que les
sommes recueillies ainsi par les communautés étaient centralisées, con-
verties en or et transportées à Jérusalem, que plusieurs fois des villes
grecques et le gouvernement romain voulurent arrêter cette exportation
d'or, que, plus tard, César et Auguste autorisèrent de nouveau ces en-
vois. Après la destruction du temple, Rome décida que cet impôt serait
perçu par elle et versé au trésor de Jupiter Capitolin. « Telle fut l'origine
du flscus Judaicus, impôt doublement pénible aux Juifs et dont la percep-
tion, par des procureurs ad hoc {procuratores ad capitularia Judaeorum)^
d'après des registres où devaient s'inscrire tous les circoncis, donna lieu,
notamment sous Domitien, aux vexations les plus odieuses. Nerva abolit
les abus et les délations, mais non l'impôt lui-même, qui était encore
perçu au temps d'Origène. Il y a lieu de croire qu'il fut peu à peu rem-
placé par des exactions régulières, souvent prélevées à l'improviste, et
qui furent définitivement abolies par Julien; à cette occasion, il détruisit
les registres fiscaux où étaient inscrits les Juifs. » — 6*^ « Les commu-
nautés jouissaient du privilège de juger elles-mêmes leurs affaires liti-
gieuses, d'avoir leurs propres juges, leur propre code, ces lois mosaïques
commentées avec tant d'ardeur par les rabbins, et que Juifs et judaïsants
étudiaient, à l'exclusion du droit romain, comme Juvéual le constate avec
indignation... En matière civile, l'autonomie des Juifs ne s'appliquait
en principe qu'aux affaires où les deux parties étaient juives; dans un
procès mixte, même si le défendeur était juif, le tribunal local ou romain
e'tait seul compétent. . . En matière pénale, au début de l'ère chrétienne,
les magistrats juifs exerçaient un pouvoir disciplinaire étendu, compor-
tant le droit d'incarcérer et de flageller; mais il ne semble pas que leur
juridiction s'étendît aux délits de droit commun, et, en tout cas, elle ne
comportait pas le droit de prononcer des sentences capitales. L'autono-
mie juridique du rabbin subsista même après l'admission des Juifs à la
cité romaine; ce fut alors que la juridiction suprême du patriarche de
Tibériade prit le plus d'importance; Origène prétend qu'il prononçait et
faisait exécuter des sentences de mort, mais de pareilles décisions
n'avaient certainement pas une valeur légale — Origéne lui-même atteste
qu'en Judée la juridiction criminelle a passé aux Romains — , et si elles
s'exécutaient, c'était en secret, comme les jugements de la Sainte-Vehme
, au moyen âge. Nous verrons que le Code Théodosien ne laisse aux tribu-
162 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
naux rabbiniques que le caractère d'une juridiction arbitrale et Yolon-
taire. » — 7° « Les monarchies hellénistiques avaient astreint les Juifs
au service militaire et en avaient obtenu parfois de bons résullals. Toute-
fois le service en campagne était difficilement compatible avec l'observa-
tion rigoureuse des lois alimentaires et du repos sabbatique... De là
résultaient parfois des inconvénients. . . Les Romains, malgré l'assistance
très efficace que César avait reçue des Juifs en Egypte, les exemptèrent
complètement du service militaire, peut-être moyennant une indemnité
pécuniaire. — V. « Si les Juifs étaient des perigrini privilégiés, ils n'en
étaient pas moins des perigrini, c'est-à-dire privés de tous les droits et
honneurs auxquels donnait accès la qualité de citoyen dans les villes
grecques comme dans l'État romain; outre tous les impôts de droit com-
mun, ils étaient soumis aussi à des taxes spéciales, dont les citoyens
e'taient exempts... Toutes ces entraves inspirèrent aux Juifs l'ambition
d'obtenir le droit de cité. . . Mais cette prétention impliquait une contra-
diction... parce que les Juifs voulaient cumuler les droits de citoyens
avec le maintien de leurs prérogatives... En outre, la cité antique re-
posait essentiellement sur l'adoration de dieux communs à tous les
habitants de la cité, et c'est à quoi les Juifs ne pouvaient évidemment
consentir sans renier leur raison d'être. » Ce chapitre tranche définitive-
ment, à notre sens, une des questions les plus difficiles de l'histoire des
Juifs dans la diaspora. « En pays grec, dans les villes qui avaient des
institutions républicaines — les seules où le titre de ciloj^en eût une
valeur réelle — les aspirations des Juifs paraisssnt être demeurées sans
résultat, au moins jusqu'à la conquête romaine; les assertions contraires
des historiens juifs [dire plutôt de Josèphe] ne doivent être accueillies
qu'avec la plus grande méfiance... A Cyrène, les Juifs prétendaient
avoir obtenu des Ptolémées Visonomia,- mais, sous cette expression vague,
on ne peut entendre que Visoieleia, l'égalité devant l'impôt, qui leur fut,
en effet, confirmée par Agrippa... Il y a un peu plus d'apparence dans
l'assertion de Josèphe d'après laquelle Scleucus Nicalor, dans les villes
fondées par lui, y compris Antioche, aurait accordé aux Juifs le droit de
bourgeoisie (itoknzloL) et l'égalité sociale (laoTi|ji(a) avec les Hellènes et les
Macédoniens. . . Malgré tout, ces privilèges ne paraissent pas avoir com-
pris la participation au gouvernement de la cité... Pareillement à
Alexandrie... Philon met une certaine affectation à déclarer que les
Juifs considèrent comme leurs « véritables patries » les pays où ils
habitent, et il est possible que le droit de cité véritable ait été accordé
individuellement à certains Israélites — saint Paul, par exemple, se
disait citoyen de Tarse — mais nous n'avons aucun exemple d'une con-
cession collective de ce genre. A défaut du droit de cité grecque, les
Juifs se rabattirent sur le droit de cité romaine, qui conférait, même en
pays grec, de grands avantages. Ici ils furent plus heureux... Cepen-
dant le Juif devenu citoyen romain ne paraît pas avoir possédé le jus
honorum, et il en était de même du Romain d'origine qui embrassait la
religion juive. La loi ne fut modifiée sur ce point que par une constitu-
tion de Sévère et de Caracalla... Dès cette époque, la notion du droit
de cite local s'était fort obscurcie dans les esprits et s'effaçait devant la
conception plus large de la nationalité romaine, adéquate, ou peu s'en
faut, à la qualité môme d'homme civilisé habitant l'Empire. Bientôt
paraissait la constitution de Caracalla qui, dans un intérêt fiscal, oc-
troyait ou imposait le droit de cité romaine à tous les sujets de l'Empire.
BIBLIOGRAPHIE 153
En vertu de cette constitution, les Juifs acquirent de'sormais sans con-
teste le jus konorum et l'exercice de tous les droits civils, connubium,
commercium, testamenti factio^ môme la tutelle sur des non-juifs. Toute-
fois, comme ils avaient été des peregrini privilégiés, ils restèrent, à
certains égards, des cives privilégiés; ils eureut tous les droits des
citoyens, ils n'exercèrent parmi les devoirs que ceux qui n'étaient pas
en conflit avec leurs libertés religieuses... Parmi ces privilèges figura
encore quelque temps, outre Texemption du service militaire, celle des
charges plus onéreuses qu'honorifiques de la curie. » — VI. M. R. passe
ensuite à la description de l'état social et économique des Juifs, de leurs
occupations, de leurs relations avec les païens. 11 remarque très juste-
ment que, presque jamais avant l'époque médiévale, les Juifs ne sont
cités comme pratiquant le commerce d'argent, la banque ou l'usure. —
VII. Ce qui dislingue les Juifs de la diaspora, c'est l'ardeur de leur pro-
sélytisme, l'activité de leur propagande religieuse. Le tableau de celte
propagande, les motifs du succès qu'ils remportèrent ont déjà été
maintes fois tracés. M. R., dans un raccourci puissant, résume tout ce
qui a été dit déjà à ce sujet, en y ajoutant des observations très fines. Le
gouvernement romain, après 70, « prit des mesures sévères pour empê-
cher désormais les Juifs de faire des recrues, que le patriotisme romain
considérait comme des déserteurs... » « Les succès attestés de la pro-
pagande juive, les lois sévères qui furent nécessaires pour l'arrêter, mo-
difient l'impression que font naître les jugements des écrivains anciens
sur les Juifs. C'est la preuve qu'à tous le judaïsme n'apparaissait pas
comme un objet d'horreur, une superstition folle, elc. Il a rencontré,
dans la foule, comme dans l'élite dégagée des préjugés nationaux, de
nombreuses sympathies. » — VIII. Lorsque l'Empire romain devint
chrétien, <' le judaïsme se trouva dans la situation difficile d'une mino-
rité religieuse incoercible et suspecte d'esprit de propagande. On ne
ressuscita pas contre lui les anciennes exclusions fondées sur des dififé-
rences nationales : un siècle après l'édit de Caracalla, il ne pouvait plus
être question de nationalités diverses dans l'immense unité de Vorhis
romanus. C'est presque uniquement comme secte dissidente qu'il fut
envisagé et rangé dans la même catégorie que les hérétiques, les cœli-
colœ et les païens eux-mêmes. A ce titre, dans une société de plus en
plus fondée sur l'union de l'Église catholique et de l'État, il ne pouvait
manquer d'être l'objet de restrictions sévères de la part du législateur.
On peut suivre les progrès de cette sévérité dans les nombreuses consti-
tutions rendues par les empereurs chrétiens et conservées par les Codes
Théodosien et Justinien, depuis celles de Constantin, qui sont encore
empreintes d'un véritable esprit de tolérance et de neutralité religieuse,
jusqu'aux mesures presque draconiennes des fils et petits-fils de Théo-
dose. Naturellement, il faut aussi tenir compte des dispositions indivi-
duelles des empereurs : à cet égard, l'attitude brutale des fils de Cons-
tantin contraste avec l'humanité de Jovien et de Valentinien, sans parler
de Julien. Le langage suit la même évolution que la pensée : il prend un
ton de plus en plus méprisant ; bientôt le nom de judaïsme n'est plus
prononcé sans être accompagné des épilhètes les plus injurieuses : c'est
une secte funeste, honteuse, sacrilège, perverse, abominable; leurs réu-
nions sont impies, etc. Rarement le mot de secte est remplacé par celui
donation : preuve curieuse que le judaïsme au iv® siècle était en train de
dépouiller son caractère national et qu'il ne l'a repris peu à peu que
454 REVUE DES ETUDES JUIVES
sous la pression d'une législation restrictive. » M. R. résume ensuite les
dispositions générales de celte législation. Nous avons, pour arrêter ici
notre analyse, une raison que nous sommes heureux de communiquer à
nos lecteurs : nous publierons, dans la collection des Fontes rerum
judaîcarum entreprise par noire Société, une étude détaillée et complète
de M. Tliéodore Reinach sur ce sujet, que notre excellent collaborateur
s'est contenté d'effleurer dans son article. Dans notre abrégé de ce tra-
vail, nous avons omis à dessein tous les faits cités par l'auteur à l'appui
de ses assertions, de même que l'indication des sources et références
mises en notes ; nous avons voulu seulement amorcer la curiosité de nos
lecteurs et les inciter à se reporter à l'article lui-même, dont il serait
guperflu de faire l'éloge.
z=ir=. Le Congrès de Vhistoire des religions. — La Commission d'organisation
du Congrès de l'Histoire des religions, qui se tiendra à Paris, en
septembre 1900, a rédigé un programme « des questions qui, dans chaque
section, lui paraissent utiles à étudier et de nature à provoquer des
rapports ». Nous croyons devoir en extraire celles qui intéresseront les
lecteurs de notre Revue :
AssijrO'Chaldée ; Comment concilier la croyance à l'éternité du monde
chez les Chaldéens avec les données sur la création du ciel, de la terre,
des dieux et des astres? Quelles étaient au juste les idées sur l'abîme
primordial et le chaos enfantant l'univers ? Quelle était la relation de ces
croyances avec la tradition juive d'un dieu créateur sans commence-
ment?
Judaïsme : P De la contribution que les découvertes de l'archéologie
et de l'épigraphie sémitiques apportent à la connaissance de la religion
du peuple d'Israël pour les périodes antérieures à Esdi-as et à Néhémie.
2° Indiquer et décrire, d'après les sources bibliques et profanes et les
monuments épigraphiques, les sanctuaires, tombeaux, lieux de culte et
de pèlerinage en Palestine et dans les régions voisines (Syrie, Phénicie,
Idumée, Péninsule sinaïtique).
3^ Réaction du Christianisme sur le Judaïsme.
4° Valeur documentaire du Talmud et de ses annexes pour l'histoire
des idées religieuses et des rites chez les Juifs et pour l'histoire du Chris-
tianisme naissant.
Christianisme : PL'essénisme peut-il être considéré comme un des fac-
teurs du Christianisme originel ?
2*^ Quelle est la part des antécédents grecs et celle des antécédents
juifs dans l'élaboration de l'ancienne eschatologie chrétienne?
3° Les sources antiques (grecques, latines, arabes, juives et byzantines)
auxquelles ont puisé le plus les théologiens de l'Occident au moyen Age.
« Ce programme n'est ni exclusif, ni limitatif. Les communications sur
» des sujets qui n'y sont pas portées seront admises également... »
Nous engageons vivement nos confrères à prendre part aux travaux de
ce Congrès.
= = La revue Mimisrach Umimaarabh, dirigée par M. Ruben Brainin a cesse
d'être mensuelle (l'a-t-elle jamais clé?) Un quatrième fascicule vient do
paraître (Berlin, impr, Ilzkowski). Il contient, entre autres, une biogra-
phie d'Elic Wilna par l'éditeur, le commencement du Tose/ Eammekané,
avec notes de M. Zadoc Kahn\ Iggéreé Eappetira du philosophe Abu
Belir ibn Elziiig, éd. par M. Schreiner ; notes diverses sur l'histoire des
BIBLIOGRAPHIE 1îî5
mathomaliqucs chez les Juifs, par M. Stcinschnoidcr (citations de Lévi
bon Gerson, d'Isaac b. Salomon b. Çadok ben Albarav (Alhadav), de
Farisol BoLarel d'A.vignon) ; une fausse introduction de Maïmonide au
livre de Job, par S. Mandelkern.
Kaufmann (David), Per a FUhrcr » maimûni's In dcp Weltlitteratup.
(Tirage à part de VArchiv filr Geschichte der Philosophie, t. XF, 11° 3, p. 330-374,
Berlin, 1898),
Pour mesurer toute l'importance d'une grande production philoso-
phique du passé, à côté de l'étude directe et interne de l'œuvre, il y a
un réel intérêt à rechercher quelle en a été la fortune auprès des con-
temporains et de la postérité et quelle inûuenceelle a exercée. Certains
livres, en effet, ont joui de bonne heure d'une renommée universelle
et l'on ne peut marquer exactement leur place dans le développement
de l'esprit humain que si l'on possède bien l'histoire de leur diffusion
dans le monde intellectuel. De ce nombre est le Dalâlet el Hairîn
(Guide des Egarés) de Moïse Maïmonide, dont l'apparition a été un
événement et qui a très tôt pénétré dans la « littérature universelle ».
M. D. Kaufmann a eu l'heureuse idée de suivre les destinées du
« Guide » depuis son achèvement eu 1190 jusqu'à ces tout derniers
temps et il a réuni dans une étude très attachante, publiée, l'an
dernier, sous le titre de : Der F'ùhrer Maimûni's in der Weltliiteratur,
tout ce qu'il a trouvé de renseignements épars dans les dissertations
et revues sur l'influence du Guide et sur les éditions et traductions
qui en ont été faites, en y ajoutant maint renseignement personnel du
plus haut intérêt. La grande diffusion du chef-d'œuvre de Maïmonide
témoigne pour M. K. de l'importance des doctrines qu'il renferme. Il
estime que l'illustre Salomon Munk, suivi par Uebergew, n'a pas
suffisamment rendu justice à Maïmonide en ne faisant de lui qu'un
intermédiaire éminent entre la philosophie péripatéticienne et le
judaïsme, d'une part, le judaïsme et la scolastique, de l'autre. Le
Guide, selon M. K., a réellement fait époque dans la philosophie
générale de l'humanité, malgré son caractère nettement confessionnel,
qui le distingue d'un ouvrage comme le Fons Vitœ d'Ibn Gabirol, et
il abonde vraiment en notions neuves, en orientations nouvelles et
durables. Nous ne discuterons pas ces vues, qui ont d'ailleurs été
développées plus longuement par M. K. dans un précédent ouvrage
[Geschichte der Atlrlbutenlehre, Gotha, 4 877), et nous laisserons les
historiens de la philosophie déterminer la part exacte qui revient à
Maïmonide dans les progrès de la philosopliie religieuse. Quoiqu'il
en soit, c'est une excursion fort attrayante que de parcourir avec
M. K. les pays et les époques à la recherche des différents avatars
du Guide.
156 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
M. K. montre d'abord l'extraordinaire activité qui régnait dans les
grands centres musulmans, juifs et chrétiens au xii« siècle, cet c. âge
d'or de la traduction », l'ardeur avec laquelle on faisait passer en
hébreu et en latin les productions capitales de la théologie arabe et
de la philosophie grecque, ce qui n'empêchait pas les haines de re-
ligion d'être très vivaces, puisque cest l'époque des Croisades et
bientôt celle de l'Inquisition. A. vrai dire, si l'on étudiait ainsi avec
acharnement les théologies adverses, c'était généralement moins
par amour désintéressé de la culture scientifique que pour s'exercer
à une polémique forte et nourrie. On tenait à se bien connaître pour
mieux se combattre. Mais quand l'ouvrage était solide, comme le
Guide des Égarés, on ne laissait pas d'en faire son profit. M. K. passe
en revue tour à tour la version arabe (l'original), les versions hé-
braïques, la version latine, enfin les versions anciennes et modernes,
en langues vivantes.
Voici, brièvement résumée, son exposition.
Peu de temps après l'achèvement du Guide, des copies de l'original
arrivèrent dans le Sud de la France et parvinrent entre les mains du
premier traducteur hébreu, Samuel ibn Tibbon. La Bibliothèque
Nationale, à Paris, possède des fragments d'un des plus anciens
manuscrits arabes du Guide. Des commentaires arabes dus à des
Musulmans attestent le succès rapide de l'ouvrage. Joseph Caspi
{Bonafoux d'Argentières) relate dans un écrit composé à Tarascon
en 1329, que dans les écoles supérieures des Musulmans à Fez, des
Juifs faisaient des conférences aux étudiants arabes sur le Guide. Il
n'y avait que les chapitres où Maïmonide traite de la prophétie qui
pouvaient déplaire aux sectateurs de Mahomet.
Moins de dix ans après l'apparition du Guide, Samuel ibn Tibbon,
de la grande famille des traducteurs juifs établis à Lunel, se mit en
devoir de le traduire en hébreu. La tâche était ardue, l'hébreu
n'étant pas fait pour l'abstraction et la dialectique et ne possédant pas
de terminologie pour les sciences. Cependant Samuel ibn Tibbon vint
à bout de sa tâche et il eut soin de s'assurer le concours de l'auteur
lui-même, qui vérifia l'exactitude du ms. arabe et expliqua au tra-
ducteur les passages difficiles. Cette traduction, achevée à Arles, le
30 novembre 1204, quelques jours avant la mort de Maïmonide,
possède, grâce à ces garanties de fidélité, une valeur inappréciable.
Immédiatement copiée à un grand nombre d'exemplaires et répandue
partout, elle eut une influence considérable sur le judaïsme. Elle
révolutionna vraiment la prédication, l'exégèse, l'idéal juifs. Après
quelques orages violents, — conséquence inévitable de toute innova-
tion importante dans la sphère de la croyance, — qui ne durèrent
d'ailleurs que deux ou trois générations, le More Xebouchim, litre de
la traduction d'Ibn Tibbon, était adopté définitivement dans le
judaïsme; et désormais ce ne sont partout qu'hommages enthou-
siastes à l'auteur. Une preuve de la vénération qu'on lui témoigna,
c'est que la traduction d'Ibn Tibbon eut l'honneur d'être un des pre-
BIBLIOGRAPHIE iïjl
miers ouvrages sortis des presses de Gutenberg et fut certainement
imprimée avant 1480.
Mais la traduction d'Ibn Tibbon, à cause de sa fidélité même, était
peu intelligible à la masse. Le traducteur parlait arabe en hébreu.
C'était bon pour les savants. Le vulgaire, même lettré, désirait un
livre écrit dans un hébreu plus limpide. De Marseille ou d'Espagne,
— on ne sait au juste, — on chargea Juda Alharizi, poète espagnol
très renommé, dont le Divan était déjà fort répandu, de faire une
nouvelle traduction du Guide en hébreu. Mais si Alharizi était un
littérateur de talent, c'était un philosophe et un savant médiocre.
Son œuvre, d'une grande beauté de forme, fourmille d'inexactitudes
et de contresens, bien qu'il eût eu à sa disposition la traduction de
son devancier. Ses inadvertances le firent tancer par Ibn Tibbon lui-
même et par le fils de Maïmonide, Abraham, pourtant réputé pour
son indulgence. La postérité a, d'ailleurs, généralement ratifié le ju^
gement sévère des connaisseurs. La traduction d'Alharizi a été im-
primée pour la première fois en 4851 seulement, à Londres, sur un
manuscrit unique de la Bibliothèque Nationale de Paris, datant de
1234. Cette édition est, naturellement, très fautive et ses imperfections
ne sont pas toutes imputables à Alharizi. Il serait à souhaiter, dit
M. K., qu'on pût établir le véritable texte de la traduction d'Alharizi,
d'autant plus que, si inférieure qu'elle soit à celle d'Ibn Tibbon, elle
a une importance bien plus considérable au point de vue historique :
c'est elle qui a servi de base à la version latine qui fit connaître le
Guide au monde chrétien.
Celte version latine, quand fut-elle composée et par qui? On
Tignore. Mais on peut tenir pour certain qu'il en exista une dès le
début du xiii" siècle. Les hommes les plus considérables de la
chrétienté, les plus illustres moines dominicains et franciscains
montrent une connaissance approfondie du Guide de R. Moïse le Juif,
comme on l'appelle dans la scolastique. M. K. énumère les différents
auteurs qui en parlent et note que ce ne sont pas seulement les
parties philosophiques, mais les thèses essentiellement juives qui
retiennent l'attention. Alexandre de Haies, Guillaume d'Auvergne,
Albert le Grand, Thomas d'Aquin, Vincent de Beauvais, Duns Scot,
s'inspirent indéniablement de Maïmonide. Enfin, M. K. rappelle, après
M. Gûdemann, l'extraordinaire inûuence du Guide sur l'empereur
lettré Frédéric II Barberousse, qui expliqua la Bible selon la méthode
même de Maïmonide. Une découverte récente a confirmé l'existence,
dès le xiue siècle, de la version latine du Guide. J. Perlés, le regretté
rabbin de Munich, a retrouvé en 1875 un manuscrit de cette version,
qui, outre sa valeur intrinsèque, a jeté un jour curieux sur la traduc-
tion latine parue en 1520, à Paris, et due à l'évêque de Nebbio,
Augustin Giustiniani. On s'est aperçu, en effet, que, loin d'avoir fait
une œuvre originale, Giustiniani s'était contenté de recopier, en
l'arrangeant un peu, l'ancienne version latine, représentée aujourd'hui
par le manuscrit de Munich. Il n'y a donc eu pour tout le moyen âge
158 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
qu'une traduction latine, et une traduction anonyme. Elle a beau
recevoir les tilres les plus variés, suivant les auteurs qui en parlent
(le mot Guide est traduit, en effet, pardireclio, direclor, dux, demons-
tralor, director, doctor, elle mot Égarés parneutrorum, perplexorum,
errantiuni, nutantium, dubitantium, titubantium), il s'agit toujours,
selon M. K., de la même version.
- La seconde traduction latine qui ait paru depuis le moyen âge,
abstraction faite des mss. qui n'ont pas encore été étudiés et qui peuvent
receler une autre version ancienne, est celle de Jean Buxtorf le Jeune,
qui date de 1629. Cette traduction, indépendante de l'ancienne, a été
faite sur le More d'Ibn Tibbon. L'œuvre de Buxtorf eut tant de vogue
qu'un collectionneur, Jacob Roman, voulut, dès 1634, éditer à Gons-
tantinople une polyglotte du Guide qui aurait compris le texte arabe
en caractères hébraïques, la version d'Ibn Tibbon et celle de Buxtorf.
C'est par la version de Buxtorf que Leibnitz et Scaliger ont connu et
admiré Maïmonide. Mais, quelle que soit la supériorité de cette
version sur la version latine primitive, M. K. pense qu'il y aurait un
grand intérêt à établir un bon texte de cette dernière, puisque c'est
sur elle que la scoiastique a travaillé.
Nous arrivons maintenant aux langues modetnes et d'abord à
Tèspagnol. Menendez Pelayo, dans son Historia de los heterodoxos
Espanoles, avait, en 1877, signale incidemment, et pour la première
fois sans doute, la version castillane du Guide. M. Mario Schiff a, tout
récemment, en 1897, au cours de ses études à la Bibliothèque
nationale de Madrid, étudié le premier cette version; il a consigné
ses remarques dans la Revista crilica de Historia y Literatura (II,
p. 160-176). Chose curieuse, c'est au moment où rinquisition allait
sévir le plus cruellement contre les Juifs qu'on éprouva le besoin en
Espagne de traduire l'œuvre de Maïmonide dans la langue nationale.
Cette version fut faite dans le premier tiers du xv^ siècle, par Pedro
de Tolède, apparemment un juif converti, sous le patronage d'un
membre d'une des plus nobles familles castillanes, Gomez Suarez de
Figueroa. Bien que sachant l'arabe, Pedro n'a pas traduit le Guide sur
l'original, dont il n'y avaitsans doute plus d'exemplaires en Espagne.
Il connaît les deux traductions hébraïques précitées et d'autres
encore. Il accorde la palme à celle d'Alharizi. De sûrs indices (tels
que la division en 178 chapitres; Ibn Tibbon divise en 177) montre
que c'est celle-là qu'il suit. La publication prochaine de celte ver-
sion castillane aura, entre autres mérites, celui de concourir à
l'établissement du texte si fautif de la version d'Alharizi. M. K. ne
nous dit pas (est-ce une omission?) le titre de la traduction de Pedro
de Tolède.
Avant la découverte de cette traduction, c'était la version italienne
qui passait pour la plus ancienne eu langue moderne. Or elle est
d'environ cent soixante ans postérieure à celle de Pedro. On n'en a
que deux exemplaires, tous deux en caractères hébraïques : l'un
appartient à la Bibliothèque royale de Berlin, l'autre à la collection
BIBLIOGRAPHIE \yj
de J. B. de Rossi. C'est en io81 ou ^583 que parut VEruâAzione de
Confusiy due à Amadeo bea Moses de Recanati, copiste renommé,
poète et prosateur de talent, précepteur du fils d'Isaac ben Juda
d'Urbino. Il dédia son œuvre à un personnage qui n'est autre, selon
M. Steinschneider, que le célèbre rabbin et cabbaliste Menahem
Azaria de Fano. Amadeo, rempli de vénération pour Maïmonide, le
comparait à Euclide, à Galien, le déclarait plus divin que Piaton,
plus savant astronome que Ptolémée. La version d'Amadeo, inspirée
de celle d'ibn Tibbon, est écrite dans une langue que l'auteur a
cherché à rendre très claire et accessible ainsi à tous les lecteurs
italiens.
On ne connaît pas d'autre traduction jusqu'au xix° siècle. Cepen-
dant l'œuvre de Maïmonide ne cessa pas d'exercer son influence
durant ces trois siècles d'intervalle, témoin les éditions de Thomas
Hyde et d'Edouard Pococke [Porta Mosis), Ht les doctrines de Men-
delssohn et de Salomon Maïmon, dont le Guide a été le point de
départ.
Après une nouvelle traduction hébraïque de presque toute la
première partie , faite par Mendel Lewin de Satanow à Zolkiew,
en 1829, on commence à traduire le Guide en allemand. Simon
B. Scheyer traduit la III« partie (Francfort-sur-le-Mein, 1838), Furs-
tenthal, la P'° (Krotoschin, 1839). Mais ces travaux partiels sont
bien éclipsés par l'édition monumentale du Guide arabe et la traduc-
tion française de Salomon Munk (1836-1866). M. K. rend un chaleureux
hommage à ce magistral effort scientifique. L'œuvre de Munk sert à
son tour à d'autres travaux. Grâce à elle, M. E. Stern traduit, en 1864,
la IP partie du Guide qui manquait encore à la version allemande.
Puis vient \q Guida degli Smarriti, traduction italienne due à David
Jacob Maroni, rabbin de Florence ^Livourne, 1870-1876), la traduction
hongroise de Moritz Klein (1878-1890). La traduction anglaise, The
Guide of the perplexed de M. Friedlaender (Londres, 1881-1883), est un
travail plus indépendant.
En terminant, M. K. constate avec regret que la langue allemande,
seule dans la littérature savante de ce temps, manque encore d'une
édition et d'une traduction homogènes du chef-d'œuvre de Maïmonide.
Il estime qu'il y a encore à faire, même après Munk, tous les mss.
notamment n'ayant pas encore été mis au jour. Quant à nous, félici-
tons-nous de ce que la science juive française, généralement avare de
ses efforts en ce qui concerne la traduction de nos grands auteurs du
moyen âge, ait au moins imposé à l'admiration et à la reconnaissance
du monde savent le grand travail de Munk sur l'œuvre capitale de la
pensée juive au moyen âge, sur ce Guide des égarés dont M, K. nous
a excellemment raconté l'éclatante fortune.
Julien Weill.
Mars 1899.
leO REVUE DES ÉTUDES JUIVES
ADDlTlOiNS ET RECTIFICATIONS
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Pago 91, ligne 7 d'en bas, au lieu de n:n53 "»"■» "^IT'I, lire ïnSH» '^"'' Û ÎT^I
93 » 9 »
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105 » 18 »
115 » 10 »
116 » 9 » Û'^bcnn?: peut-être to'ibnDny
(comme "^mn» )2y "^nbnD:, Genèse, xxx, 8)
118 » 12 » n^^ , lire in^»
119 » 9 » mniTai » nri5n72T
120 » 15 » mab » n-iab
S* /• Halbersiam.
Ihid., 187, note 2. Au lieu à savoir y lire ^n /"ac* i^.
Le gérant :
Israël Lévi.
VER SAILLKS, IMPRIMERIES CERF, 59, RUE DUPLFSSIS.
■À
SUR
m PASSAGE DE FLAVIUS JOSÈPHE
(ANTIQ. JUD., XII, 4, § 155).
La préparation d'un ouvrage sur la politique extérieure des
Lagides à la fin du iii« et au début du ii^ siècle, et la lecture des
savantes études, récemment publiées, de MM. Wellhausen *,
Willrich * et Bùchler ^ ont ramené mon attention sur un passage
de Flavius Josèphe qui a donné lieu à plus d'une controverse, et
d'où l'on a voulu tirer d'importantes conséquences historiques.
J'ai cru m'apercevoir et je vais essayer de montrer que tous ceux
qui se sont occupés de ce texte ont négligé une précaution essen-
tielle : c'est, à savoir, de l'interpréter avec exactitude. Si je ne
m'abuse, ce qui s'y trouve est fort différent de ce qu'ils ont pensé
y trouver ^
I.
Rien n'est si connu, dans les Antiquités Judaïques, que le cha-
pitre IV du livre XII. Flavius Josèphe y raconte (du § 158 au
§ 223'), d'après un chroniqueur qu'il n'a pas nommé, comment le
* Wellhausen, Israûitische und Judische Geschi^hte, 3« éd., Berlin. La première
édition de cet excellent ouvrage remonte déjà à quelques années; la troisième et der-
nière, fortement remaniée, a paru en 1897.
' Willrich, Jtiden und Griechen vor der makkahaischen Hrhebung^ Gôtlingen, 1895.
* Biichler, Die Tobiaden und die Oniaden im II Makkabâtrbuche und in der
verwandten jûdisch-hellenistischen Zitteratur, Vienne, 1899,
* Il va sans dire que, dans la présente étude, je me suis constamment servi de
la belle édition de Josèphe que nous a donnée M. Ben. Niese.
' A partir du § 228, après uae digression où il est parlé des relations du grand-
prêtre Osias avec le roi de Lacédémone Areus, commence un récit nouveau dont
Hyrkan est le seul héros, et qui présente de sérieuses apparences historiques ; cf.
T. XXXIX, N° 78. 11
162 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
grand-prêtre Onias gardait pour lui les tributs destinés au roi
d'Egypte, et faillit de la sorte attirer sur la ville de Jérusalem les
plus grands malheurs ; comment son neveu Joseph, fils de Tobie,
habile intrigant, profita de ses fautes, s'insinua dans les bonnes
grâces du Ptolémée et de sa femme Gléopâtre par les bassesses et
les bouffonneries qui ont réussi auprès des khédives de tous les
temps, se fit adjuger et conserva pendant vingt-deux ans la ferme
des impôts de la Koilé-Syrie, et acquit ainsi des richesses colos-
sales; comment il eut un fils, Hyrkan, qui, venu tout jeune à la
cour d'Egypte par ordre de son père, le distança de beaucoup en
souplesse et en friponnerie \
Ce récit des aventures de Joseph et d'Hyrkan, où Ton démêle
tout de suite bien des traits légendaires, recouvre-t-il un fond
d'histoire vraie, ou n'est-il qu'un roman à prétentions historiques,
imaginé pour les besoins d'une de ces polémiques qui mettaient
aux prises, à l'époque hasmonéenne, les différents partis de la
nation juive ? C'est une question qu'on a beaucoup agitée, et qui,
vraisemblablement, fournira matière encore à de longues dis-
cussions-. Mais il est certain que Flavius Josèphe ne se l'est pas
posée : il a tenu pour véridiques les faits mentionnés dans la
chronique qu'il consultait, et les a transcrits ou résumés sans
défiance. De plus, dupe en cela d'une méprise qu'on a depuis
longtemps relevée^, il a cru qu'ils s'étaient passés sous le règne
Wellhauseo, 242; Wilirich, 94 ; Bûchler, 91-93. Josèphe doit l'avoir emprunté à une
chronique différente de celle qui lui a fourni ses § 158-223, et qu'il a, du reste, tort
mal raccordée à la première. Nous n'avons pas a nous occuper ici de ce second récit.
^ Ce résumé, dénué de gravité, de ramusante histoire des Tobiades est emprunté
(sauf quelques mots ajoutés çà et là pour préciser cartains détails) à Renan, Hist.
d'Israël, IV, 273-274.
* Schlatter, Eupolemos, 644 [je n'ai pu consulter cet ouvrage]; "Wellhausen, 242;
Wilirich, 94 et suiv., considèrent l'histoire des Tobiades comme une ticlion • tendan-
cieuse », où se retlète l'image déformée de quelques événements authentiques.
Stark, Gaza, 412 et suiv., et Bûchler, 96 et suiv., estiment, au contraire, qu'elle
est, dans l'ensemble, digne de créance.
' Sur la méprise ({u'a commise ici Flavius Josèphe, voir Wellhausen, 241;
Wilirich, 95; Mahally, 216; Biichler, 44. — On sait qu'un interpolateur ancien de
Josèphe a écrit au § 158 (cf. 163) : eîç ôp-VYiv èxtvr,oev (Onias) tôv ^olgiHx nTo).£|iaïov
[tôv EÙ£c>y£Tr,v, ô; ^v Tiaryip toO «l>i)>07ràTopoç] — , et qu'Eusèbe [Chron.^ li, 120,
éd. Schoene) place en 247, année de l'avèuement d'Evergèles, le début de l'admi-
nistralion du fermier Joseph, fils de Tobie. Stark, Gâta, ^12-416; Mahairv, EmjK
of the Ptolem., 217 et suiv. ; Schiirer, Gesch. des jûd. Volkes, III, 3» éd., 75, note 7,
ont, en partie, adopté celte chronologie: suivant eux, le Tobiade aurait été fermier
des impôts de la Koilé-Syrie sous les règnes d'Evergèles et de Philopator, soit en-
viron de 229 à 207; et je dois dire qu'après un attentif examen des textes, leur
opinion me paraît digne de quelque considération. Bûchler (59 et suiv.; 74-75) pense
que les années 220-198 marqueraient les limites de la gestion de Joseph, en sorte que
celui-ci aurait été au service de l'Egypte durant le règne presque entier de Philo-
pator et les premières années du règne d'Epipbanes. C'est un système qui se
heurte à quantité d'iuvraisemDlances et qu'un ne peut raisonnablement soutenir.
SUR UN PASSADE DE FLAVIUS JOSÉPHE 163
de Ptolémëe V Épiphanes, après que ce prince eut épousf^^ Cléo-
pâtre, fille d'Antiochos III. C'est pourquoi, au chapitre iv de son
livre XII, l'histoire du fermier Joseph et de son fils se trouve
précédée du préambule que voici : (§ 154) txsTà ok xauta '^-.À-'av xal
•juovoàç 7:00? nToÀ£|jLa?ov 'AvTtoyoç ETro'.YjTaTO xat oioojiT'.v aÙTcji T7)V Ô'jy^t-
TÉoa KXiOTziz^OLV TTûôç yaaov Traûa/worjCa; auToJ ty,? /coO/rjç Supiaç /.al
JiajjLapstaç xal 'louoaiaç xai <I>oiviXY,(; cpspvYji; ctvô[xaT'.. — On sait d'ail-
leurs que ces li^çnes renferment une grave erreur historique* :
il se peut qu'en 196, lorsquMI lit sa paix avec lui, ou, en 193, lors-
qu'il lui donna sa fille, Antiochos III ait promis à Ptolémëe V
de lui restituer la Koilé-Syrie récemment conquise-; mais un
texte tout à fait formel de Polybe, pour ne parler que de celui-là,
démontre de façon péremptoire que la promesse ne fut jamais
tenue ^.
A ce préambule succède immédiatement, dans le chapitre iv de
Flavius Josèphe, une phrase (§ 155) sur laquelle vont porter toutes
mes observations et qui fera proprement l'objet de cette étude.
Elle est ainsi conçue : y.y.\ O'.a'.ç-sÔévxwv sic k^oo-zéoouç toÙç paT'.Xéa;
T(ov <pôpcov xàç lo''aç exaTTO». twv £7r'(rY,{jLojv ojvouvto Trarpioaç (popoXoyeïv
xai (7uva6po''J^ovTcç xb TrpoTXcxayixsvov xîoaAa'.ov xoTç ^OLG'.XeZmv sxéXo'jv.
* La même erreur se retrouve, comme on sait, dans Appien {St/r., 5, 374, Men-
delss.) : xal llTo),eaa{ti) [j.ï\ s: AïyuTrxov £(TT£),).e K/EOTtàrpav rriv SOpav £7rtxXyi«Tiv,
Tcpoïxa Xupiav xrjv xoî/.r,v eTcioiooO:. . . ; et aussi dans Eusèbe {Chron., II, 124, Schoene)
et dans S' Jérôme [In DanteL, xi, 17), qui tous deux copient probablement Por-
phyre, il n'y a aucune raison de croire que Josèphe en soit le premier auteur; Josèphe,
Appien et Porphyre ont puisé bien plutôt à une source commune.
* Le contlit qui s'éleva, en 173, entre Philométor et Antiochos IV (voy. Polyb.,
xxviii, 1, 5) implique l'existence de ces promesses. C'était d'elles que s'autorisaient les
ministres alexandrins pour réclamer la rétrocession de la Koilé-Syrie ; voir Polyb.,
XXVIII, 20, 9 : £^apvou(X£voç (Antiochos) t9iv ôtxoXoyiav r^v êçaaav ol xaxà ty;v 'A).c$âv-
ôpEiav YEvÉtrOai riTo)>£[j-a(ci) Tûi veoxjtI [xerriX^axon Trpoç 'Avtio/_ov tov èxeîvou iraTÉpa
ÔTi Ô£î XaêEiv aÙTÔv èv çepvr, xoî).r,v Xupiav, Ôt' £),à[xpave K^Eouàrpav.
* Le texte de Polybe dont il s'agit ici est celui-ci : ^xxviii, 1, 2-3) eiuvépaivE ôè
xpatEÎv Tov 'AvTioxov (Antiochos IV) tûv xaxà xoiXyiv Suptav xai ^oivtXY]v TrpayaotTwv*
èÇ ou vàp 'AvTÎoxo; ô Tiatyip toO vuv >>£yo[jl£vo'j paaiXéco; èvîxrjOE tt^ TTîpl xo Ilàviov
(x.àx'd xoù; lIxoX£(jLaîou ejTpaxYiyoû;, à7c' èxôÎvwv xwv ypovtov ètîeiôovxo îrotvTî; ol
7rpo£tpYiu.£vot xô';!©! xoî; èv i^upiot paaiXeùaiv. — Dautre part, il faut tenir compte
eacore des indications suivantes : 1° 11 est dit que, pendant sa guerre contre Rome,
dans l'hiver de 191-190, Antiochos III armait des Hottes en Ph€nicie : Liv. [= Polyb.],
xixvii, 8, 3; App., &ijr., 22, 392 (Mendelss.]. — 2° Sous le règne de Séleukos IV,
nous voyons la Koilé-Syrie et la Phénicie administrées par un stratège, ApoUonios,
tils de Thraséas, l'onctiounaire aux ordres du roi d'.\sie : II Macch., m 5; m 7;
IV, 4. — 3* Sous le même règne, l'histoire d'Héliodore — qu'elle soit d'ailleurs véri-
table ou apocryphe — atteste a chaque ligne que la domination syrienne s'étendait à
la Koilé-Syrie, à la Phénicie et à la Judée : Il Macch., in, 7 et s\iiv.; notamment,
m, 8 et m, 13. — 4" Le fait que Ptolémée Epiphanes se préparait, vers la hn de son
règne, à envahir la Koilé-Syrie et à la conquérir par les armes (Diod., xxix, 29
Dind. ; Ilieron., in. Daniel.^ xi, 20) est sans doute une preuve assez manifeste
qu'elle avait échappé à la domination des Lagides. — Gomp., en général, Slark
428-429, et Biichler, 45-47.
165 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
On n'a jamais, à ma connaissance, donné de ces mots qu'une
seule traduction, celle-ci : « Les tributs [de la Koilé-Syrie] ayant
été partagés entre les deux rois [c'est-à-dire entre Antiochos
et Ptoléméej, les principaux de chaque nation achetaient le droit
d'imposer leurs concitoyens, et, réunissant la somme prescrite,
la remettaient aux deux souverains [d'Asie et d'Egypte]. » Per-
sonne ne s'est avisé d'émettre le plus léger doute sur l'exactitude
de cette version. Elle est adoptée par tous et constamment repro-
duite; elle est traditionnelle, elle est consacrée.
Seulement, tandis que de nombreux érudits * faisaient bon
accueil à la phrase ainsi traduite, acceptaient sans déflance le
renseignement qu'ils y trouvaient, et tenaient donc pour assuré
qu'à partir de 196 (ou de 193) les impôts de la Koilé-Syrie furent
divisés par moitié entre Antiochos et son gendre- , d'autres, en ces
temps derniers, et notamment Bûchler, l'ayant regardée de plus
près, y ont découvert de grandes difficultés, l'ont jugée beaucoup
plus embarrassante qu'instructive, et finalement ont renoncé à
faire état de l'assertion, trop suspecte à leurs yeux, qu'elle
contient ^ Je pense que ceux-ci ont vu plus clair que leurs pré-
décesseurs ; et, reprenant une partie de leur argumentation, la
développant aussi et la fortifiant de remarques nouvelles, je vou-
drais tout d'abord faire paraître combien fondées sont leurs cri-
tiques, motivées leurs inquiétudes et justifiées leurs répugnances.
IL
J'écarte de la présente recherche tonte considération extrinsèque,
et, partant, toute considération tirée soit de l'étude de l'histoire,
soit de la lecture d'écrivains autres que Josèphe; je m'en tiens au
1 Voir: Droysen,2)e Lagidarum regno, 8 {= KL Sehriften^ll, 360); Sharpe-Jolo-
■wicz, Gesch. Egyptetis, 1, 247, avec la noie de Gutschmid; Mommsen, Rôm. Gesch.^
1, 275, note 1 ; Slark, 412, 427; A. Heyden, Mes ab Antiocho 111 Magno. .. gestae^
56; Schaeiderwirlh, Die polit. Beziehung. der Rômer tu Aegypten, 15, 19; Rospatt,
Philolog., XXV, 44 et noie 1 ; Tetzlatf, De Antiochi III Magni régis relus gestis. . .,
34 ei noie 1 ; Kenan, Hist. d'Israël, IV, 263 ; Holm, Gricch. Gesch., iV. 434; Wilcken,
ap. Pauly-Wissowa, aux mots Antiochos III, 2466, et Antiochos IV, 2471-2472, cf.
Droyscû, Kl. Schriften, 11, 433, noie à 360 b ,• MahalPy, Emp. of the Ptolemies, 306 ;
Slrack, Dynast. der Ptolem.^ 91 et note 4; Niese, Gesch. der maked. Staat., II, 674
et note 2.
* C'est là, du reste, eu tout état de cause, une conclusion trop hâtive, et qui,
même si la phrase de Josèphe signiliait ce qu'on lui fait signifier, sertit bien difficile
à admettre. Voir p. 175, note 1, mes remarques sur ce point.
^ Wellhausen, 228 et note 1. 241; WiUrich, 95; Bûchler, 47. On trouvera plus
loin la citaliou intégrale des passages visés ici par référence.
I
I
SUR UN PASSAGK DE FLAVIUS JOSKPIIE \f,r,
simple examen de la phrase en discussion et de son contexte, et je
pose cette question : Traduite comme on fait d'ordinaire, la
phrase qui forme le § 155 du livre XII des Antiquités Judaïques
offre-t-elle, au lieu où on la trouve, un sens naturel et conve-
nable? Cadre-t-elle avec les parties de texte qui l'environnent?
A-t-elle du rapport et se lie-t-elle à ce qui la précède et la suit?
Rappelons ce qui vient avant elle. Flavius Josèphe nous in-
forme dans son v::^ 154 — j'ai cité le texte plus haut — qu'An-
tiochos, ayant traité avec PtoléméeEpiphanes et l'ayant pris pour
gendre, lui fit abandon des provinces de Koilé-Syrie, de Samarie,
de Judée et de Phénicie, qui formèrent la dot de Cléopâtre. Manifes-
tement, pour toute personne d'esprit non prévenu, il s'agit là d'une
donation intégrale que ne limitait ni ne tempérait aucune réserve;
d'une cession pure et simple, en suite de quoi les provinces cédées
furent soumises à l'absolue souveraineté et devinrent la pleine
propriété du roi Lagide : d'où cette conséquence que les tributs
qui y étaient perçus durent être désormais versés en totalité au fisc
égyptien. Cependant, tout de suite après (^ 155), on nous déclare,
sans nul avertissement, que, dans le temps qui suivit la paix
conclue entre les deux monarchies orientales, les impôts syriens
appartenaient moitié au roi d'Asie, moitié au roi d'Egypte. Voilà
vraiment qui était bien inattendu : il faut convenir que la secousse
est brusque et la surprise forte. Dira-t-on que Flavius Josèphe a
cru qu'Epiphanes, par l'effet d'un arrangement diplomatique très
singulier et dont on ne trouverait pas facilement d'autre exemple,
n'exerçait sur la Koilé-Syrie qu'une domination incomplète, et,
possédant la terre, n'avait droit qu'à partie de l'argent que la terre
rapportait? Mais la chose, en raison de son étrangeté même, eût
mérité qu'il y insistât d'abord et qu'il la spécifiât en termes exprès,
au lieu de s'en tenir à cette formule générale : Tuapa/topT^aa; aùroi
(Antiochus) tti? xoiXtjç Hupi'aç cpspvTiç ovoaaTi, qui devait néces-
sairement prêter à erreur ^ A tout le moins, la première phrase
étant ce qu'elle est, pour qu'on pût, sans soubresaut, passer à la se-
conde, Josèphe aurait-il dû ajouter quelques mots d'éclaircissement,
formant transition : le lecteur réclame d'instinct une phrase inter-
* Bien que je me sois interdit, dans la présente discussion, tout rapprochement
entre notre texte et ceux d'autres auteurs, il m'est impossible de ne pas l'aire observer
en note que ni Appien, ni Porphyre (dans Eusèbe et saint Jérôme^ qui ont cru,
comme Josèpbe, qu'Antiochos III avait rendu la Koilé-Syrie à Epiphanes, ne disent
un mot du partage des tributs qui aurait accompagné la rétrocession de la province.
Comment supposer cependant qu'ils n'aient pas eu connaissance d'un l'ait si particulier
et si important, ou que, l'ayant connu, ils l'aient jugé peu digue de mention? Le
silence qu'ils ont gardé aurait dû seul iaire naître des doutes sur le sens géneraie-
pient attribué à notre § 155.
166 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
médiaire, restrictive de la première, par là explicative de la
seconde, dont le sens soit celui-ci : « Le traité qui cédait la Koilé-
Syrieà Ptolémée maintint d'ailleurs formellement les droits d'An-
tiochos à la moitié des tributs payés par les habitants. » Toute
liaison de cette sorte faisant défaut, il ne reste qu'à constater ici
un désaccord trop apparent'. Entre les conclusions, que rien
n'atténue, qui se dégagent naturellement et légitimement de la
première phrase, et l'indication que renferme la seconde, il y a
heurt. Les mots ôiatpeôévTojv twv oôpojv sont en contradiction
avec ce qui les précède, bien loin qu'ils s'y adaptent.
S'adaptent-ils mieux à ce qui les suit? Il ne semble guère. Ce
qui les suit, on le sait déjà, c'est l'histoire du Tobiade Joseph. Or,
s'il est un fait qui ressorte avec certitude de cette histoire, telle
que Flavius Josèphe l'a reproduite^ c'est qu'au temps où se pas-
saient les événements dont elle parle, la Koilé-Syrie obéissait
sans nulle restriction à l'autorité du roi d'Egypte ^. A chaque
ligne, on peut le dire, le Ptolémée nous est représenté comme le
maître du pays : il en tire des impôts qu'il afferme en personne
et dont il a lui-même fixé le montant (§ 169 ; cf. \lh-Vl^) ; il y
expédie des troupes, peut y installer des colonies militaires et
en chasser les habitants (§ 180 ; 159) ; il y entretient un corps de
fonctionnaires (§ 220); il donne pleine faculté à ses agents de
traiter avec la dernière rigueur les contribuables récalcitrants, les
autorisant à réduire leurs villes par la force, à prononcer contre
<'ux des condamnations à mort et à opérer la saisie de leur fortune
(§ 181-183); toute offense faite, en Koilé-Syrie, à sa personne ou
à sa maison est réputée crime de lèse-majesté et punie par la
confiscation des biens du coupable au profit de son trésor fg 1*76;
cf. 181 ; 183) ; enfin, lorsqu'il lui nait un fils, les principaux des
villes syriennes, prenant en hâte le chemin d'Alexandrie, s'em-
pressent à le féliciter et lui apportent des présents (i^ 196). En
revanche, qu'on examine le récit d'un bout à l'autre, on n'y dé-
couvrira nulle mention du roi d'Asie; pas un mot n'a trait, pas
une allusion n'est faite à une action quelconque exercée par lui
dans les provinces jordaniques ^ Rien de plus signiticatif que ce
contraste. Pour un lecteur sans parti pris, tout, dans l'histoire
* Cf. Bûcbler, 47 : a Dièse Meldung, die, im Get/ensatze zu der vorhergehendeo,
von der Provinz, nicht mehr als dem ausschliesslicheu Besitze der Ptolemiier, sondern
uDvermiltelt nur voa dereu Sleuern spricht.., •
* Cf. Biichler, ,S4 : • Koilwsyrieu isl souach durcbgeheuds als eine Provini
Aegypleu's dargeslellt. . . »; Schûrer, 111, 75, note 7 : « Auch setzt die ganze
ErzJlhlung voraus, dass Palâslina damais noch den Ptolemaern gebôrte. »
^ Ct. Slark. 414; Buchler, 47-iS . « Sie [die Tobiadengeschichle] keine Spur
syrischer Verwaltung zeigt. »
SUR UN PASSAGE DK FLAVIUS JOSKIMIK 167
des iTobiàdes, exclut et exclut absolument l'idée d'un partaî^e,
aboutissant dans le fait à uneco-suzeraineté des deux cours orien-
tales, tel que celui qu'on suppose avoir été établi en 196 ou 193.
Je puis, en vérité, me dispenser d'insister là-dessus plus longue-
ment, tant les observations faites par d'autres sont déjà con-
cluantes ' et tant la lecture du texte de Flavius Josèphe est à elle
seule décisive. ^
DAs lors il faut le reconnaître avec simplicité : la phrase qui
mentionne la « oiatpsffiç twv «poptov » — ou qui passe pour la men-
tionner — demeure isolée dans notre chapitre iv ; elle y reste à
l'état d'accident, inexpliqué et déconcertant; non seulement elle
ne se rattache à rien de ce qui l'entoure, mais elle est en opposi-
tion avec tout ce qui l'entoure. Et ainsi, Ja présence de celte
phrase dans ce chapitre est injustifiable et incompréhensible; l'on
ne sait à quoi elle rime, et, bref, elle a tout l'air de n'exprimer
qu'une ineptie.
III
Ni Wellhausen, ni Willrich, ni Bùchler n'ont reculé devant cette
affligeante conclusion ; et c'est de quoi je ne puis que les ap-
prouver. Seulement, ils ont jugé bon, dans leur embarras, d'in-
fliger à Flavius Josèphe le rcMe de bouc émissaire* ; et c'est en
quoi je crains qu'ils n'aient péché fort inutilement par témérité.
A les en croire, de Josèphe viendrait tout le mal. Ne sachant que
faire de la phrase qui les gêne et qui nous gêne, ils lui en imputent
aussitôt l'entière paternité et l'en déclarent l'unique auteur : tan-
dis que, dans son chapitre iv, le § 154, d'une part, l'histoire des
Tobiades, de l'autre, sont des morceaux empruntés, c'est lui et lui
seul qui, de but en blanc et sans que rien dans ses sources l'y
invitât, aurait imaginé cette « oiatp£(7iç xcov cpdpcov », cause de tant
* Slaik, Bûchler, Schiirer, dans les passages précédemment visés ou cilés. Cf.
Wellhausen, 241 ; Willrich, 98.
* Wellhausen, 241 : • Die Behauplun;^, dass sich die beiden Mâehle in die
Einkiinl'le des Landes geieilt hâlten, ist eine Verle^enheilsauskunlt des Josephus,
die den Vorausselzuugen der Erzâhlung selber nicht gereclit wird • ; cf. 228, note 1.
— Willrich, 95 : « Josephus... half sich mit der Verlegcuheilsannahme, dass Au-
l'ochos der Kleopalra die Sleuern Syriens, Phouikien's, Samareia's als Mitgift gege-
ben habe. » — Bùchler, 48 : € So erweist sich die Nachncht von der Theilung der
Ëinkûnfte als vôUig unhaltbar und sie ist als eine durch nichts begrilndete Verle-
genheitsannahme des Josephus anzusehen, die zur Erklàrung des Berichtes nicht
verwendet werden darf. »
168 REVUE DES ETUDES JUIVES
de tracas pour ses lecteurs. Il sera permis de trouver que c'est là
une conjecture un peu prompte, et qu'on a trop négligé de l'ap-
puyer de raisons valables. Mais le plus grave, c'est qu'elle a le
tort de n'avancer guère les choses, ou, à parler franc, qu'elle ne
les avance pas du tout. Car, la responsabilité de Josèphe fùt-elle
établie, — et elle ne l'est pas, ne peut pas l'être S — il s'agirait
toujours de comprendre comment il a pu risquer une affirmation
qui ne s'accorde ni avec ce qu'il a rapporté, une ligne plus haut,
du traité conclu entre Antiochos III et Ptolémée V, ni avec le
long récit, relatif aux Tobiades, dont il Ta fait suivre pendant
plusieurs pages -. Là est tout le problème, et qu'on ne résout pas.
Alléguer ou sous-entendre que Josèphe est un pauvre esprit et
un historien confus (ce que, d'ailleurs, je n'ai garde de contester)
serait, en l'espèce, une explication vraiment trop simple pour
que personne la pût estimer suffisante.
Peut-être, avant de charger Josèphe ou tout autre de l'absurdité
qu'on aperçoit ici, eùt-il été d'une sage méthode de commencer par
rechercher où réside exactement cette absurdité. Se trouve-t-elle
dans le texte, ou, d'aventure, ne serait-elle pas simplement dans la
version qu'on en a faite? L'interprétation traditionnelle des mots
o'.atpsOÉvTcov Tojv c^ôocov ne mène à rien de raisonnable : voilà
qui est dûment acquis. Mais il reste ù voir si, à l'interprétation
traditionnelle, il n'est pas loisible d'en substituer une meilleure.
* On voit, par la noie 2 de la page précédente, que le terme de t Verlegenheitsan-
nahme » a fait fortune. Suivant les trois auteurs que j'y ai cités, Josèphe se serait trouvé
dans un grand embarras, d'où il n'aurait pu se tirer que par un expédient de ren-
(tontre, à savoir par raffirmalion aventurée, contenue dans son § 15.*). Mais j"avoue qu'à
l'examen les angoisses de Josèphe ne mapparaissent pas avec tant de clarté. Willrich
(95) explique du mieux qu'il peut en quoi elles auraient consisté : — Josèphe savait
que la Koilé-Syrie, conquise par Antiochos III de 203 à 198, demeura en son
pouvoir même après le traité de 196 et le mariage de Cléopâtre; — mais il croyait
savoir d'autre part, que l'histoire des Tobiades était contemporaine du règne de Pto-
lémée Epiphanes; — or, cette histoire lui montrait un Ptolémée (qu'il pensait donc
être Ptolémée V) levant des impôts en Koilé-Syrie; — pour expliquer ce fait,
Josèphe s'est ainsi vu réduit à supposer qu'Antiochos 111 avait renoncé en faveur de
son gendre à la moitié des tributs payés par les Koilé-Syriens. Voila qui est bien
déduit et qui serait spécieux, n'était qu'on débute dans celte argumeutaliou par un
postulat, à mon avis inadmissible. Où prend-on que Josèphe savait qu'après 19r> la
Koilé-Syrie resta au pouvoir des Séleucides? Il l'a si peu su, qu'il déclare préci-
sément le contraire, et que, dans la phrase qui forme sou § 154, il attribue catégo-
riquement au roi d'Egypte, nous l'avons vu de reste, la possession de la province. La
vérité, c'est que It problème, dont le § 155 des Antiquités Juda?çues. si l'on en
croit nos critiques, serait la solution désespérée, ne s'est jamais posé a l'esprit de
Josèphe.
* Voyez la juste remarque de Buchler, 47 : « Bleibt es noch immer tinverstandlich,
wie Josephus die Theilung der Steuern unter die beiden Kônige mit dem in der
Tobiadengeschichle Erzahlten in Einklang gebracht hat. »
SUR UN PASSAGK DK KLAVIIJS JOSKLMIi: l»y.j
IV.
Ce qu'on aurait dû remarquer depuis longtemps, c'est que la
phrase en discussion est au moins équivoque. On peut la traduire
comme on a toujours fait, sauf à s'engager dans l'impasse que j'ai
signalée et que d^autres avaient signalée avant moi ; on peut aussi
en proposer une traduction difl'érente. Le point capital ici, c'est
évidemment la signification des mots oî àa-pôTEso-. [îix^'.ÀET; , to^ç
pafftXeUfTtv. Tout le monde s'est mis en tète qu'ils désignent les rois
d'Asie et d'Egypte : mais il n'y a à cela nulle nécessité. Dans la
phrase (§ 154) qui précède immédiatement la nôtre, il est fait
mention d'Antiochos III, de Ptolémée V et de Cléopâtre. On voit
mal pourquoi les àfx-^orspo, [iactXsTç seraient les deux premiers per-
sonnages plutôt que le second et le troisième. Le fait est que, si
nous nous reportons à l'histoire du Tobiade Joseph, dans la partie
de cette histoire où est raconté le séjour d'Hyrkan en Egypte,
nous lisons, au § 208 : xal tç-sîç oiaÀ'.Tifov Yjasca; ô '^'sxavbç -/iTTcaTaxo
Toùç paffiXéaç" ol oï acrasvtoç aùxôv eloov..., et, au J^ 218 : o ô"Toxavbç
O'j; tuvr|(TaTO TraTÔa; àxarov xai TraoOevo'jç ToaauTaç... TrpoaYjvayîv xoùç akv
T<o PaffiAcï, xàç oï xr, KXcOTTOtxoa" tcxvxojv oï Oa'j[i.a(7xvx(ov xy,v Tra:-' zA-iox
xwv oo)0(ov TToXuxÉXs'.av xal xwv [iaa'. Xîojv aùxtov *... Personne ue niera
que, dans ces deux passages, le titre de paatXstç s'appUque au roi et
à la reine d'Egypte. Il en peut être de même dans celui qui nous
occupe. De sorte que rien ne sera plus légitime que la version
suivante : « Les tributs [de la Koilé-Syrie] ayant été partagés
entre les deux souverains de l'Egypte, les principaux de chaque
pays achetaient le droit d'imposer leurs concitoyens, et remet-
taient au roi et à la reine le montant des tributs, qui avait été fixé
à l'avance. »
Philologiquement, cette traduction est irréprochable, et j'estime
qu'elle donne un sens parfaitement plausible. Il faut cependant
prévoir une objection. Plusieurs, sans doute, auront peine à
* L'expression ot paoïXôt;, « les rois », désignant le roi et la reine d'Egyple, était
si bien passée dans Tusage, à la basse époque alexandrine, qu'on la retrouve même
chez les Latins. On lit dans T. Live : Alexandream ad Piolemctum et Cleopatram
reges M. Atilius, M'. Acilius lejjati dona tulere [xxvii, 4, 10 ; — Legati ab Plc-
lemaeo et Cleopalra rer/ibus ^Egypti gratulanles quod M'. Acilius consul Auliochum
refçem Graecia expuli^set venerunt; — re^es .Egypti ad ea qua; censuisset Senatus,
paratos fore, gratise regibus aclsD (xxxvii, 3, 9-11); — Priœi Alexandrini legati ab
Ptolemfeo et Cleopatra rerfibus vocati sunt (xliv, 19, 6); — Ee gi bu s JEgypii^ Ptole-
mtfco Cleopatraeque, si quid pcr se boni commodique evenisset, id magno opère
Senatum laplari (xlv, 13, 7).
170 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
admettre ce partage des impôts provinciaux qu'auraient consenti,
selon notre explication, le roi et la reine d'Egypte : ils allégueront
probablement que l'histoire des Lagides ne nous a rien révélé
de tel, et que nul écrit d'origine alexandrine, nul document
public des temps ptolémaïques arrivé jusqu'à nous n'offre trace
d'un pareil lait. Il se peut; mais la question n'est pas de savoir
si le partage dont il s'agit a été un fait réel ; la question est de
savoir si le chroniqueur anonyme à qui Flavius Josèphe emprunta
l'histoire des Tobiades — car il n'y a nul motif pour faire inter-
venir ici, comme on l'a voulu, la personne même de Josèphe — a
pu en avoir l'idée et croire à sa réalité. Or, la chose, à la réflexion,
est tout à fait vraisemblable. La plupart des critiques s'accordent
aujourd'hui à reconnaître que cet anonyme, — sans doute un
habitant de la Saraarie \ — rédigea sa narration à une époque
assez basse : certainement après 193, à cause du nom de Cléopâtre
qu'il donne à la reine*; très probablement dans le courant ou
vers la fin du ii^ siècle^; peut-être même, comme le suppose
Willrich^ après Tannée 107, en raison de la mention spéciale
qu'il fait de la ville de Skythopolis. Il paraît donc sur qu'il écrivait
dans un temps oîi, en vertu d'un régime qui datait du règne de
Philométor% les reines d'Egypte étaient associées officiellement
et dans les formes les plus solennelles à l'exercice de la puissance
royale. C'était là une particularité propre au royaume Lagide,
sans analogue dans les autres monarchies, dont notre auteur,
comme tous les étrangers, ne pouvait manquer d'être frappé. II
en a été vivement frappé en effet : la preuve en est que, sans souci
ou plut(3t sans soupçon de Tanachronisme, il l'a transportée dans
son récit, bien qu'il s'agisse dans ce récit d' une époque fort anté-
rieure à celle où vivait le narrateur. Ce qu'on observe, dès qu'on
parcourt l'histoire des Tobiades, c'est que Cléopâtre y occupe
presque autant de place que Ptolémée " : non seulement le roi
paraît ordinairement accompagné de la reine'; non seulement
les deux souverains font ensemble accueil aux étrangers de
marque''; non seulement la reine reçoit d'eux les mêmes hom-
1 Willrich, 99-100, 101-102; Buchler. 80 el suiv., 95.
2 Voir Buchler, 106.
* Buchler, même pajfe.
'* \\'illrich, 98-99. Voir cependant les objcclious de Buchler, '0, note 74.
»* Su'dck, Di/>i. de,- Pfolctn., 2-3, 32; cf. Wilcken, Berl. Philol. Wochensckr.,
1896, 1493,
^ Buchler, 106, a déjà laii. avec raisou. celle remarque.
7 § 171 ; 208 el suiv.
* Mêmes passages.
SUR UN PASSAGE DE FLAVIUS JOSEPHE 171
mages et les mêmes présents que le roi * ; mais, de plus, on nous la
montre participant aux affaires publiques : c'est ainsi, pour citer
un trait caractéristique, que l'ambassadeur Athénion, à son retour
de Judée, l'informe, aussi bien que Ptolémée, des résultats de sa
mission^. Visiblement, pour riiistorien de Joseph et d'Hyrkan,
l'Egypte — l'Egypte de tous les temps, à l'image de celle du sien
— était un pays où les reines étaient les égales des rois. Plein de
cette idée, on comprend que, par une suite facile d'exagérations,
il se soit persuadé que cette égalité se retrouvait en toutes choses;
qu'ainsi, les deux souverains avaient l'un et Taulre un droit pareil
sur les revenus de l'Etat; qu'en conséquence, ils les divisaient
exactement entre eux; et que les impôts des provinces, partagés
par moitié, allaient remplir à la fois et le trésor du roi et celui de
la reine. Ce qui put rendre Terreur plus aisée, c'est qu'au temps
où fut composée la chronique qui célébrait la fortune des To-
biades, la Palestine ayant cessé depuis bien des années de dé-
pendre de la monarchie Lagide, ses relations avec l'Egypte
s'étaient sensiblement relâchées : rien d'étonnant si, chez les Hé-
breux demeurés au pays, on n'avait plus alors qu'une connais-
sance assez incertaine des règles de l'administration alexandrine.
Ainsi, l'objection qu'on pouvait d'abord être tenté de m'opposer
se laisse facilement écarter. — A peine, à présent, est-il besoin de
faire remarquer par quels avantages se recommande l'interpréta-
tion nouvelle que j'ai proposée. Avec elle s'évanouissent toutes les
difficultés qu'entraînait l'interprétation traditionnelle et qui, tout
à l'heure, nous arrêtaient. Les incohérences et les contradictions
relevées plus haut disparaissent; tout, maintenant, se suit bien et
marche à souhait : — Les pays syriens ont été cédés, en toute
propriété, par Antiochos à son gendre; — Ptolémée et Gléopàtre
s'en sont partagé la jouissance; — tous les tributs que doivent
ces pays sont donc désormais affermés et perçus pour le compte
de la couronne égyptienne, avant d'être versés entre les mains
du roi et de la reine; — l'histoire du fermier Joseph nous montre
précisément comme il est procédé, au nom de l'Egypte, à leur
adjudication et à leur rentrée. On le voit : la phrase relative à la
« Siatpedt; twv <^6oojv » n'est plus pour causer au lecteur ni gêne ni
surprise; elle renferme une indication qui se concilie sans nulle
peine avec les données du contexte. A la vérité, il peut sembler au
premier moment que cette indication n'avait rien d'indispensable
* § 208; 217. Comp., au § 185, ce qui est dit des cadeaux que Joseph expédie,
de Syrie, au roi et à la reine.
« § 167.
172 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
et qu'on l'eût omise sans dommage; je crois cependant que nous
nous apercevrons dans un instant qu'elle n'était pas superflue.
On ne s'étonnera pas, au point où nous sommes parvenus, que
ma traduction me paraisse devoir être préférée à celle qui a eu
cours jusqu'ici. J'ose me flatter que quelques-uns de mes lecteurs
partagent déjà cette préférence. Ils sont en droit, toutefois, d'at-
tendre de moi un supplément de preuve qui lève tous leurs doutes
et fixe leur opinion. Le mieux, certainement, serait que quelque
passage de notre chapitre iv, inintelligible ou peu intelligible tant
qu'on s'en est tenu pour le .^ 155 à l'ancienne interprétation,
s'éclairât, grâce à la nouvelle, d'une pleine lumière. Il me semble
que ce cas se présente et que les § 177-178 nous viennent fournir
à propos la confirmation souhaitée.
On nous raconte là comment, le jour où devait être adjugée, à
Alexandrie, la ferme des impôts de la Koilé-Syrie, le Tobiade
Joseph se lit fort, en présence du roi, de tirer des contribuables
une somme double de celle qu'offraient ses concurrents, les autres
candidats à la ferme. Le récit se poursuit ainsi : zoZ oï paaiXéo);
7;0£ct)ç àxouaavToç xat w; au^ovTi tYjV Trpôffooov aÙTOu xaxaxupouv ttjv ojvTjV
TWV TsXwV £X£lVO) OYjaaVTOÇ, £pOJJL£VÛU û£ S.I XOÙ TOÙç £YYU'iri<70{Jl.£V0UÇ aUTOV
£;(£t, ccpoop' à(7T£icDÇ à7i£xpivaT0" (( oojao) yàp, £i7r£v, àvôpcoTTOuç àyaôoùç xai
xaXoùç, oTç oùx à':ri(7Trj(7£T£ *. » AÉyEtv 81 xoûxouç oI't'.veç eIev ecxovtoç,
« auTOv, eItiev, m pa(7i)v£u, es t£ xai Tr,v yuvaTxa Tr,v cYjV ûttIû ÉxaxÉpou
{xÉpouç £yYUT,(70[JL£vouç oiotoixt <^G'oi?^^. » r£Àà(7aç 8 b nToX£{i.aToç
cuv£y(6pY|C£V aÙTw oiycc T(ov ôixoXoyouvxov iyzw rà T£Ar|. Ce qui, tra-
duit littéralement, veut dire (on ne saurait citer une traduction
plus littérale que la version latine reproduite dans l'édition Di-
dot) : « Quum autem rex ista libenter audivisset dixissetque se
ei, ut qui reditus suos augeret et ampliflcaret, vectigalia addicere,
praoterea vero id eum interrogaret ecquos sponsores dare posset,
* Le manuscrit P {Palatinus du Vaticau) donue àuiaTyiGETat.La leçon à7ri(jr»iffST£
est celle de VEpitome de Josèphe; elle ne peut faire l'objet du moindre doute, et c'est
avec pleine raison qu'on l'a reçue dans la vulgale.
* Dans la vulpate. on lit SiôcofAÎ oo'.. La présence du second mot se concilierait
assez mal avec Pinterprélatiou que je proposerai plus loiu ; en etiet. comme on le
verra, ce n'est pas au roi seul, c'est au roi et à la reine que Joseph doit olfrir des
garants. Mais, précisément. M. Théodore Reinach veut bien me faire remarquer que
le mot (701 est omis dans le manuscrit {E) de VEpitome, dont les leçons, pour les
1. Xl-XV des Antiquités Judaïques (cf. Niese, Fi. Josephi Opéra, III, praef., xxxvi),
méritent souvent la plus séneusr considération.
SUR UN PASSAGE DE FLAVIUS JOSKPIIE 173
festive admodumrespondit : « Dabo enim,inquit,bonos et honestos
homines quibus non dif/îdelis.)) Quamque iuberet [rex] ut qui sint
isti diceret, « Te ipsum, subiecit, o rex, coniungemque tuam pro
iilraque parie sponsores do. w llic subridens Ptolema'us ei vecti-
galia sine fideiiussoribus addixit. »
Je crois que cet entretien du roi et de Joseph n'a jamais ét(5
pleinement compris. Il est deux endroits, en effet, où me semblent
avoir bronché, sans exception *, les traducteurs ou commentateurs
que j'ai consultés. A tous, autant que je puis voir, le verbe au
pluriel àTTicTrirrcTs, d'une part, les mots 0~kp ÉxaTÉpo-j aéio-j;, de
l'autre, ont causé le môme grand embarras. Citons quelques exem-
ples. Le vénérable Arnauld d'Andilly écrit - : « Le roy vit avec
plaisir que Joseph augmentoit ainsi son revenu; mais il luy
demanda quelles cautions il luy donneroit. Il luy répondit de
bonne grâce qu'il luy en donneroit d'excellentes et telles qu'i^ ne
pourrait les refuser. Le roy luy ayant commandé de les nommer,
il luy dit : « Mes cautions, sire, seront Votre Majesté et la Reine,
qui tous deux répondrez pour moy. » C'est se tirer d'affaire com-
modément, mais en manquant à tous ses devoirs de traducteur :
au pluriel oLTzicTr^dzzz qui le gênait, on voit qu'Arnauld a substitué
tout simplement un singulier, puis que, par un escamotage oppor-
tun des mots (j-ïo éxxTÉpou [xéûouç, il a supprimé la seconde des deux
difficultés qu'il avait à résoudre. Moins cavalière, l'interprétation
du P. Gillet n'est guère plus satisfaisante ^ : a Le roi accepta avec
plaisir des off'res qui augmentoient aussi considérablement ses
revenus... Mais avez-vous, dit-il à Joseph, des cautions à donner V
Oui, répondit agréablement ce jeune homme, j'en ai; ce sont des
gens de bien, fort solvables, et dans lesquels vous aurez pleine
confiance. Et qui sont-ils, poursuivit le roi? Vous-même, d'une
part, répliqua Joseph, et la reine, de l'autre, vous répondrez l'un
et l'autre pour moi. » Il est manifeste que les mots ûTcàp éxaTÉpou
{AÉpou; sont ici pris à contre-sens; et pour ■Ji■:zlfJzr^alzt, si on Ta
prudemment rendu par un pluriel qui, au premier abord, peut
faire illusion, il apparaît trop cependant que ce n'est qu'un faux
pluriel, et qu'au verbe le traducteur donne pour sujet Ptolémée,
ce qui, sans doute, est un peu osé. Whiston, dont la version
anglaise est justement appréciée, ne se montre, dans le passage
* Peut-être cependant la vérité a-t-elle été entrevue par MalFahy {Emp. of the
Ptolemies, 218) : « . .. Josephus offers, by way of joke, the king and queen as
sureties to themselves on his part. * Le savant historien n'a, du reste, pas mieux
compris que les autres commentateurs en quoi consiste la plaisanterie du Tobiade.
* Œuvres de Josèphe, Paris, 1667, I, 43.
> Œuvres de Josèphe, Paris, 1756, II, 497.
174 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
qui nous intéresse, guère supérieur à ses confrères * : « The king
was pleased to hear that offer, écrit-il . . . But ^vhen he asked him
this question : « Whether he had any sureties, that would be bound
for the payment of the money? », he answered very pleasantly :
« I will give such security, and those of persons good and respon-
sible, and which you shall liave no reason to distrust. » And when
he badehim narae them who they were, he repiied : « I give thee
no other persons, o king, for my sureties than thyself and this thy
wife, and you shall be security for hoth parties, w Assurément,
« you shall hâve no reason to distrust » est une traduction exacte
de a olç GÙx aTctcTYjTcTô )) , pulsquo l'anglais suit ici le grec mot à
mot; mais quel est le sujet du verbe, et d'oii vient que ce sujet est
au pluriel? Voilà ce qu'on aimerait à savoir, ce que Whiston aurait
dû indiquer, et sur quoi il glisse prestement. Le lecteur ignorant
quelles personnes représente le pronom « you », la phrase de
Joseph en demeure parfaitement incompréhensible. Quant à tra-
duire ÛTîko £xaT£poi» [jt,£pouç par « forboth parties », c'est un contre-
sens (si ce n'est un non-sens?) qui égale pour le moins celui du
P. Giliet^.
Ajoutons maintenant que, chez tous ces interprètes, la seconde
réponse faite au roi par le fermier Joseph, — laquelle, au dire de
son biographe, est pourtant extrêmement plaisante (ccpôSp' àarsctoç
àTTsxptvaTG 2) — nous paraît à nous singulièrement froide et tout à
fait dépourvue d'agrément. Ptolémée exigeant de lui des cautions,
au moment où il lui va confier la ferme de la Koilé-Syrie, le
Tobiade déclare qu'il choisit pour garants et le roi lui-même et la
reine. Franchement, à qui persuadera-t-on que cela soit fort spiri-
tuel? Convenons qu'il est impossible de goûter le sel de cette niaise
turlupinade, et difficile même de lui trouver un sens. S'il suffit
d'elle pour que le roi, ravi, ne se tienne pas de joie, comme il est
dit au § 178, c'est que vraiment sa bonne volonté était grande
ou que les dieux l'avaient fait d'un heureux naturel.
* Antiqtnties of the Jewi (1737), p. 491 de l'éd. de 1897.
. * Lumbroso [Rcch. sur l'Economie politique de VEgypte, 325) a présenté des
mêmes mots une explication originale, qui mérite d'être citée : • Joseph, dit-il,
s'étant proposé pour la ferme ei des imi)ôis et du revenu des confiî^cations (cf. § 176 :
aÙTÔ; 6è oiuXantova (rip-riv Tôiv Te).û)v] ôcocreiv tjttktxvsïto xai twv àtxapTÔvxtov el; tÔv
oîxov aÙTOy xà; oùataç àva7i£|x<|'îiv aOxo) • xaî yàp xoOxo xoî; xéXeai (juvsTriTrpdcaxexo),
le roi, après la lui avoir adju{^ée, demanda aussitôt queUes étaient ses cautions. Le
fermier promit alors des fidéijusseurs diurnes de toute confiance, et, pressé de les in-
diquer, déclara que celaient le roi et la reine qu'il donnait cocnme f^arants /jour l'un
et Vautre revenu (ÛTràp exaxepou p-épou;) ». Cette interprétation est ingénieuse, mais
tirée de bien loin et trop compliquée ; je ne pense pas qu'on puisse s'y tenir. Ce qui
sulfirait, au surplus, à la faire condamner, c'est qu'avec elle la plaisanterie de Joseph
demeure aussi peu intelligible qu'avec les précédentes.
' § 178.
SUR UN PASSAGE DE FLAVIUS KJSKPHE 175
Mais cependant tout change et tout s'arrange, sitôt qu'on entend
la phrase . . .o'.a'.ûEOév-rwv . . .roiv 'fosov comme j'ai proposé tout à
l'heure qu'on l'entendît. D'abord, on démf^le sans peine la signifi-
cation des mots (jtzïo àxaTÉpou [xÉsouç : les deux « aÉçr, » sont les
deux parts des impôts syriens, afférentes l'une au roi, l'autre à la
reine. Pour chaque part il faut une caution; ainsi, chacun des deux
souverains a besoin d'un garant : de là la phrase de Joseph : oojtco
vas... àvOs(.')-0'j;. . . oU où/c '/-'.tt/iTstî, OÙ le verbe à-'.TTYjTSTS a
naturellement pour sujets Ptolémée et Gléopâtre. Et quant à la
plaisanterie du fermier, on voit nettement, à présent, en quoi elle
consiste; si elle ne mérite pas l'éloge trop .véhément qu'en fait le
narrateur, elle ne laisse pas néanmoins d'être assez gentiment
malicieuse : au roi, Joseph offre pour garant sa femme; à la reine,
il offre son mari; les deux époux devront répondre l'un pour
l'autre. — Ainsi, l'explication que j'ai donnée du .§ 155 une fois
admise, les .^«^j n7-I78 se trouvent expliqués du même coup dans
toutes leurs parties, et rien ne subsiste des obscurités qu'on y
rencontrait. Je ne pouvais, en vérité, désirer une contre-épreuve
plus concluante, ni par où apparût, avec plus d'évidence, la nécessité
de l'interprétation que j'ai adoptée. Celle-ci nous livre le mot d'une
énigme, insoluble jusque-là, et qui avait rebuté les plus clair-
voyants.
VI
Les résultats très simples auxquels aboutit cette étude doivent
être précisés en peu de mots :
l** Les manuels d'histoire ancienne nous enseignent communé-
ment qu'après le mariage de Gléopâtre, fille d'Antiochos III, avec
Ptolémée V Epiphanes, les revenus de la Koilé-Syrie furent attri-
bués mi-partie au royaume d'Egypte, mi-partie au royaume d'Asie.
Cette opinion doit être abandonnée. Elle se fondait uniquement,
prêtant d'ailleurs aux plus graves objections historiques *, sur une
• On est en droit de s'étonner, en effet, que les critiques qui, comme Mommsen.
Wilcken, Niese, sont convaincus — et convaincus avec juste raison — que, de-
puis le début du m» siècle, la Koilé-Syrie dépendit complètement des Séleu-
cides, puissent croire en même temps au partage des tributs de la province.
On serait curieux de savoir par quel biais ils accordent ceUe croyance avec
l'affirmation si catégorique de Polybe, reproduite plus haut — èîrst'ôovTo uàv-rî; ol
itpoetpYijjLévoi TOTTOi TOÏç èv Supta paa-.XeOaiv (xxviii,1, 2-3) — , et avec les passages si
explicites du 11» livre des Macchabées, qui nous montrent Héliodore, agent de Sé-
leukos IV, réclamant pour son prince les trésors déposés dans le temple de Jéru-
salem. Ce sont là des textes dont il est impossible de taire bon marché; et force est
de reconnaître qu'ils contredisent tout à fait l'hypothèse du partage.
176 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
certaine façon de traduire une certaine phrase de Flavius Josèphe.
Or, cette traduction, inacceptable à première vue en raison des
contradictions qu'elle introduit dans le texte de l'historien, est
manifestement viciée par le plus fâcheux contre-sens. Il ne s'agit,
dans la phrase en question, que d'un prétendu partage des impôts
de la Koilé-Syrie entre un roi et une reine d'Egypte.
2** J'ajoute que ceux-ci, bien qu'ils portent les noms de Ptolémée
et de Cléopâtre, n'ont sûrement rien de commun avec Ptolémée
Epiphanes et la fille d'Antiochos III. Comme l'atteste, en effet, le
rapport que nous avons établi entre elle et un passage de l'histoire
des Tobiades (^ 177-178), la phrase où il est parlé du partage des
tributs émane du même écrivain à qui est due cette histoire : c'est
de lui que Flavius Josèphe l'a prise ou en a pris les éléments. En
sorte que le Ptolémée et la Cléopâtre associés pour la « ota-'peffiç
Tojv oopo)v » ne sont autres que les souverains» d'un caractère un peu
trop légendaire, mais certainement antérieurs, s'ils ont existé, à
l'époque d'Epiphanes, qui sont censés avoir été les protecteurs du
fermier Joseph et de son fils Hyrkan '.
3» Si Flavius Josèphe a reproduit volontiers, d'après sa source,
la phrase qui a été l'objet d'un si long malentendu, la raison
en est sans doute que, rapportant l'histoire des Tobiades au
temps qui suivit le mariage d'Epiphanes avec Cléopâtre et pen-
sant, d'autre part, que la Koilé-Syrie avait formé la dot de la
princesse, il estimait tout naturel qu'elle eût gardé des droits
personnels sur les revenus de son apport. Au surplus, la présence,
dans le chapitre IV, du § 155 était nécessaire pour que le lecteur
de ce chapitre eût la claire intelligence des ,^ 177-178.
4<> En somme, Josèphe, tout à fait conséquent avec lui-même, a
simplement cru, lorsqu'il écrivait son § 155, ce qu'il croyait déjà
en écrivant le § 154 : que, depuis 1&6, les provinces syriennes
étaient retombées dans la dépendance exclusive de l'Egypte. C'est
la même erreur qui se trouve dans les deux passages et qui se
poursuit de l'un à l'autre. Il est singulier qu'on ne s'en soit pas
avisé plus tôt.
Maurice Holleaux.
' Cf. plus haut, p. 162, note 3. Remarquons, en tout cas, que si l'on admet leur
existence réelle, le nom de Cléopâtre est lorcément inexact, puisque la première
roine d'Epypte qui l'ait porté est la l'cmme d'Epiphanes.
LES
NOUVEAUX FRAGMENTS llÉBUEUX DE L'ECCLÉSIASTIQUE
DE JÉSUS, FILS DE SIRA
(suite *)
Avant de poursuivre la démonstration que nous avons entre-
prise, il nous faut signaler la publication de deux nouveaux
feuillets du manuscrit du Caire dont nous nous occupons pour le
moment. M. G. Margoliouth (qu'il ne faut pas confondre avec
M. D.-S. Margoliouth, l'auteur de la notice dont nous avons parlé
plus haut, p. 2) a édité dans le dernier numéro du Jewish Quar-
terly Review (octobre 1899, p. 1 et suiv.) deux fragments qui com-
plètent ceux de Cambridge, le premier s'insérant entre les p. 12
et 13, le second entre p. 16 et \1 ; l'un va du ch. xxxi, 12, à 31 ;
l'autre du ch. xxxvi, 19, à xxxvii, 26. Le premier feuillet pré-
sente tous les caractères qui distinguent celui qui le précède et
celui qui le suit ; notamment il est chargé de doublets s'accor-
dant, Tun avec la version grecque (G.), l'autre avec le sy-
riaque (S.).
Or, ici encore, dans les doublets conformes à S., nous consta-
tons des indices indéniables d'une traduction hébraïque de S.,
traduction même mal faite, à l'occasion.
» Voir plus haut, p. i. — MM. Rubeus Duval et Bevau ont bien voulu me faire re-
marquer que T1>*T ID (plus haut, p. 7) ne peut avoir le sens de « quoique petit », et
que "lîl *113^T ne signilie pas « peu ». Eu ce cas, l'hébreu ne serait donc coupable que
d'avoir reproduit servilement S. Mais, à ma décharge, je dois dire que je n'ai pas été
seul à commettre cette erreur. La traduction laline de la Peschito. dans la Polyglotte
de Walton, dit également : « Audite doctrinam meam licet extguam », et < parum in
ea laboravi ». Bien mieux, l'arabe, qui, comme on le sait, est la version de S., rend
pareillement Itl II^^T par îlbvp, « peu » ; quant à Ti^^T TfD, il le traduit « par
un bref langage ».
T. XXXIX, no 78. 12
178 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Ainsi, on lit, ch. xxxi, 13 a-13d :
: n:^-i ^y nyi ^s ' ^dt A *
: N"ia fc^b istt» yn b» «sittj ^-^y t-\ B
: * yi2^n iiyni ts-'asTsn i''^ ^y^tn na^ bD ""Sd» ïit ""D B
r^^b D3 bD -^sdt: ^ p bs» buS pbn Nb i^^yn ^ y^ A
Citons la traduction de M. G. Margoliouth :
« Souviens-toi qu'un mauvais œil est une mauvaise chose,
Dieu hait celui qui a un mauvais œil,
Et il n'a rien créé de pire;
C'est pourquoi à toute occasion l'œil laisse couler (des larmes),
Et de la face court la larme.
Dieu n'a rien créé de pire que l'œil,
C'est pourquoi de la face de tous court son humidité. »
Rien de plus instructif que de placer en regard de ce texte G.
et S. :
G. '. [xv'/^ffÔTjTt oTt xaxbv oc:>OaX{xb; ttovyjoo;.
otà toOto 7.710 TravToç Tcpoccôiiou oaxpuEi.
« Souviens-toi que c'est une mauvaise chose qu'un œil mauvais
(avide) ;
A-t-il été créé quelque chose de pire que l'œil ?
C'est pourquoi de toute face il pleure. »
S. : «nn Nb M5tt nj-^nTi 5<!rjbfcîN3D Nr:> m;iî"^m ba73
ny'm 5<ttT Ns-N ))2^ n:i'>y »y^i n^izb^ D*ip p N^n ban
« Car Dieu déteste la méchanceté de l'œil,
Et il n'a rien créé de pire ' ;
* La lettre A désigne le premier doublet, B le second.
* En marge yz • sache », qui est une correction.
* En marge ^''^TD-
* En marge 3>'^Dn, qui est un essai de correction.
* En marge : (?) b pbn '12 yi, qu'il faut probablement lire bN pbn ; la phrase
peut-être est inlerrogalive, comme en G.
* Eu marge : "'SDbTD h'D hy, leçon fautive pour le deuxième mot.
' A ce propos, montrous par un exemple avec quelle circonspection il faut invo-
quer les preuves eu faveur de Toriginalilé du texte hébreu. A bM NSTtU \^y yy
correspond en S. : «nbN N:D Hj'^y !m;a"'m ba)2 « Dieu hait la méchanceté de
l'œil. » Or le contexte exige que l'original ait porté « l'œil mauvais », ce qui se lit
précisément en H. M. Margoliouth fait remarquer, à ce propos, que S. a lu *ny y*^, au
lieu de y^, et il en déduit avec apparence de raison que H. est bien l'original. Or,
l'arabe, ^u» traduit S., suppose la lecture fe<U}^a M3V,pe&diDt exact de H.
NOUVEAUX FRAGMENTS IIÉBHEUX DK L'ECCLÉSIASTIQUE 179
C'est pourquoi devant (ou avant) toute chose * l'œil tremble
Et de la lace coulent les larmes. »
Nous ne chicanerons pas M, G. Margoliouth sur tel ou tel
détails de sa traduction que nous ne saurions accepter, nous nous
arrêterons seulement sur les deux mots que nousy avons soulignés.
« C'est pourquoi » répond difficilement à ht "^d, qui peut unique-
ment signifier « car celui-là », ou « car cela ». C'est sous l'in-
fluence du contexte que M. Margoliouth a rendu ainsi ces deux
vocables, peut-être aussi à la lumière du doublet qui suit, où il y
a p hy\ qui effectivement veut dire « c'est pourquoi », et qui cor-
respond exactement à o'.à touto employé ici par G. D'où vient
donc cette sorte de variante incorrecte ? Il suffit de se reporter à S.,
dont rhébreu est ici le calque parfait, pour s'en rendre compte :
Les deux premiers mots signifient bien « à cause de cela »,
« c'est pourquoi » ; mais b::?2, pris seul, se rend exactement par
■«D, et N^rr par riT : c'est une traduction littérale et absurde.
Nous pourrions produire d'autres exemples de pareils contre-
sens qui se rencontrent dans ce feuillet, mais comme ils nous en-
traîneraient dans de longues discussions de détail, nous préférons
nous borner à celui-ci, qui est topique et sur lequel, à notre avis,
toute contestation est impossible.
Qui plus est, tous les commentateurs, entre autres Edersheim,
M. Félix Perles- et, en dernier lieu, M. Ryssel, s'accordent, avec
raison ce semble, à voir dans le dernier vers de S. une double tra-
duction : û^itt b'D ûnp )12 « devant (ou avant) toute chose » est la
traduction de l'hébreu b'D "^sdj:, et Ni:N lt) « de la face » est une
autre interprétation du même mot, analogue à celle de G. y de
ipêjne que i^5>)o"T N3>m est une variante de ]''y s'-'Tn, variante con-
forme à la traduction de G. On sai.t, en effet, que la Peschito a
subi une revision d'après G. M. Perles explique même très ingé-
nieusement la cause de ces divergences : le texte aura porté :
T\iyM2 « tremble » — S., lu r\yi:ïyi « pleure » par G. Quoi qu'il en
soit, si vraiment S. est fait de deux traductions différentes, l'hé-
breu reproduit non seulement une version syriaque, mais encore
celle de la Peschito révisée, et nous avons ici un doublet formé
d'une double traduction !
* L'arabe a peut-être bien compris le sens de cette proposition en disant : « avant
tout autre organe ». C'est la traduction qu'adopte M. Hyssel, dans 2)t« Apokryphen
u. Pteudepigrapken des Alten Testaments^ de Kautzsch.
« Be^ue, XXXV, p. 62.
180 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Autre particularité remarquable que nous avons déjà constatée
et sur laquelle nous avons appelé l'attention : emploi du verbe pbn
dans le sens de « créer ». Cette fois il ne peut plus y avoir de
doute sur l'acception dans laquelle l'auteur prend ce mot : il
figure dans un doublet où il correspond à ^nn « créer » employé
dans l'autre doublet*.
Bien mieux, ce verbe est employé plus loin, dans un doublet,
au passif [nifal] : ^^'yn pbro b^rih Ninn « Et il (le vin) a été créé
dès l'origine pour la joie * » (xxxi, 27 d). Là aussi ce verbe est le
synonyme de « créé ^> employé d'abord en A : '^^'Z^'2.
Nous allons tout de suite dire l'importance de ce détail, dans la
question que nous examinons, et, pour cela, nous demanderons la
permission de laisser pour un instant le chapitre que nous avions
annoncé dans notre précédent article.
Des savants, dont je ne veux pas dire dès à présent le nom, et
dont je pourrais invoquer l'autorité avec une certaine fierté,
ont bien voulu m'écrire qu'ils adoptaient mes conclusions en ce
qui a trait et au morceau final et aux doublets. Pour le morceau
final, si je comprends bien leur sentiment, c'est, à leurs yeux, un
couplet ajouté à tel manuscrit de l'ouvrage auquel il manquait et
qu'un lecteur savant a emprunté à la version syriaque. Cette con-
jecture est celle qui m'était venue tout d'abord à l'esprit. Pour
les interpolations, qu'entend-on par là? Sont-ce les deux doublets
qu'on appelle ainsi, ou simplement celui qui s'accorde avec S.?
Dans le premier cas, la concession serait de poids, car elle consa-
crerait le triomphe de ma thèse.
En eff'et, de quelque façon qu'on considère l'emploi du verbe
pbn dans le sens de créey\ qu'on y voie, comme nous, l'infiuence
de l'arabe, parlé par l'auteur de notre texte ^ ou la recherche d'un
écrivain prétentieux, il est indéniable qu'il détonne : il caractérise
le style d'un auteur qui n'écrivait pas comme tout le monde. Per-
sonne ne s'inscrira en faux contre cette affirmation. Eh bien, si
ce verbe avec cette acception émaille tout aussi bien les préten-
dues interpolations que le texte soi-disant original, c'est donc
que tinter polateur et l'auteur de notre texte hébreu sont une
* M. G. Margolioulh est forcé de convenir que A est sûrement le doublet de B.
Plus loin il l'ait la même concession pour les versets 15-16, et même il conlesse que
B provient de S. Mais, dit-il, un exemple — s"il ny en avait qu'un ! — n'est pas
sultisant pour infirmer la thèse généralement admise.
* Cf., XXXIX, 25, '»Dî<"l73 pbn, qui correspond à « a été créé » en G. et en S.
* Pour répoudre a une observation de M. Bacber, il me sera permis de rappeler
que je n'ai jamais supposé que le traducteur eût sous les yeux un texte arabe écrit en
caractères hébraïques, ni qu'il se soit proposé d'écrire en arabe. S'il s'est servi de ce
verbe comme synonyme de 5<n:2, c'est par une confusion due à la circoûslaace qu'il
parlait l'arabe.
NOUVEAUX FRAGMENTS HÉBREUX DE L'ECCLÉSIASTIQUE 181
seule et même- personne. On ne soutiendra pas, je pense, que Tin-
terpolateur supposé se serait ingénié à imiter les idiosyncrasies de
l'auteur.
Mais peut-être seul le doublet emprunté au syriaque est-il une
interpolation, et l'autre, d'accord avec G., représente-t-il l'ori-
ginal, bien conservé par cette version. Nous allons voir que cette
solution ne peut pas se soutenir.
DOUBLETS TRADUITS l'UN DU SYRIAQUE, L'AUTRE DU GREC.
Nous avons déjà fait remarquer que certains doublets corres-
pondent l'un à S., l'autre à G. Tout d'abord, nous avions quelque
répugnance à supposer chez notre traducteur la connaissance du
syriaque et du grec. En admettant même que les deux doublets
étaient son œuvre — ou celle du prétendu interpolateur — nous
pouvions croire qu'il avait consulté, non G., mais la traduction
syriaque de G., qui existe. On sait, en effet, que la Syro-Hexa-
plaris retrouvée par Ceriani est une version de G. Mais il nous a
fallu renoncer à cette conjecture, qui n'explique pas le fait —
capital en la matière — de contre-sens provenant d'une mau-
vaise lecture de G. Si des erreurs imputables à cette cause se
rencontrent dans les doublets conformes à G., il ne restera plus de
doute qu'ils ne proviennent directement de cette version. Or, c'est
ce, que nous montre un examen minutieux de l'hébreu.
G. est ainsi ainsi conçu au ch. xxx, 18-20 :
àyotOà £XX£yujj.£va Ètti (jTOjxaT'. xsxÀs'.ctxsvoj
Ti (TujxipépEt xàpTTWff'.ç elo(oXco ;
OOTS Y'^'P sSsTat, OUT£ \L'}\ oacDsavO'fi.
ouTwç b lx8ioxa>xdfJL£vo(; ùtto xupiou ^XÉttwv Iv ocoOaXtxoTç xal (TTôvxJ^cdv,
oxyTrep Euvouyoç 7r£p'.Xa[ji.6àv{jûv Tiapôévov xai axsvàî^tov,
ouTto; ô 7co'.c5v Iv Siot xDiaaTa.
(( Des biens répandus sur une bouche fermée,
Ce sont viandes placées sur une tombe.
A. quoi sert une offrande à une idole ?
Elle ne mange, ni ne sent.
Ainsi celui qui, tourmenté par Dieu,
Voyant de ses yeux et soupirant.
Comme un eunuque embrassant une vierge et soupirant.
Ainsi celui qui fait malgré lui la justice. »
Il s*agit, comme le montre très clairement le contexte, du riche
182 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
que la maladie empêche de jouir de ses biens. La pensée se déroule
donc avec une limpidité parfaite à travers toutes ces comparai-
sons, dont la dernière est particulièrement frappante : le riche
malade voit de ses yeux les mets qui lui plaisent, mais ne peut
pas y toucher et s'en afflige, comme l'eunuqae qui presse en ses
bras une vierge. Mais que viennent faire les derniers mots :
« Ainsi celui qui fait malgré lui la justice»? Ils ne peuvent se
comprendre que si, détachant le premier hémistiche de son cadre,
on en a fait une pensée indépendante : « Comme Teunuque qui
embrasse une vierge et soupire, ainsi est celui qui fait la justice
malgré lui. » Mais il est manifeste que cette réflexion serait ici
un hors-d'œuvre déplacé. Or, justement certains mss. n'ont pas
cette finale, et, d'autre part, elle se lit déjà au ch. xx, 3, où elle
est plus en situation. Aussi Fritzsche déclare-t-il que ces mots
sont une interpolation qui s'est glissée ici, attirée par le pre-
mier hémistiche, qui précisément l'accompagne aussi au ch. xx.
M. Ryssel supprime même l'hémistiche et ne le traduit pas.
Or, l'hébreu, qui suit G. dans tout ce morceau, se termine éga-
lement par cette interpolation :
::D'»3t) o:iNn mui:^ p n2Nn?:T niJ^s parr^ o-^no niOND A
Si la conclusion de Fritzsche s'impose — et c'est notre aris, —
la présence dans l'hébreu de cette finale révèle une traduction
faite sur une version grecque déjà contaminée ^
* M. Ed. Kônig, qui tient pour l'orifrinalité de tout le texte hébreu, et mëtne des
doublets, interprète les deux formes du verset 20 b-c d'une manière bien laite assuré-
ment pour déconcerter 'The Exposttory Times, XI, p. 174 , Il faut reproduire inté-
gralement son commentaire pour ne pas prêter au soupçon d'avoir à dessein défiguré
sa pensée. « Le vers. 20 è porte en H. : « Comme un eunuque embrasse une jeune
lille et s'afllige », et ces mots se rattachent, comme le montre le « comme » ("iCêO),
à ce qui précède. Puis vient : « Ainsi celui qui rend ie jugement avec vioieuce •;
ensuite : « Comme un gardien de harem [sic] qui dort avec une vierge. » Car "î^
1?36<2 est une fausse leçon de l72î<-2, résultant d'une dittographie, et "JT^N* est le
confident par excellence, c'est-à-diie le gardien du harem. Le professeur Margolioulh
dit que certainement le premier des trois hémistiches est une imitation de G., tandis
que le troisième correspond à S. Mais ce n'est pas exact. Il n'est pas nécessaire de
regarder *lJZii^ comme une imitation du syriaque *j?2^n?3. De p'iis, comme il a été
déjà dit, 27-5<2D doit avoir été la forme écrite telle qu'elle existait lorsque les lettres
finales n'étaient pas encore employées. Encore une fois, la pensée du premier hé-
mistiche et celle du troisième ne sont pas identiques, et l'infidélité de la part d'un
gardien de harem était chose possible, comme on le voit par les mots é7ri6y}i.ia
E'jvou/ou . . . du ch. XX, .3 a. et par la discussion du mariage de l'eunuque Putiphar
dans Êbers, Aegypten u. die Bûcher Mose's, 29S. Finalement, si l'auteur de H. avait
eu devant lui le texte de G. et celui de S., il aurait laissé 20 a de G. (outu); 6 éx-
5t'i)x6ii£vu;. . .) et 19c-rf, 20a de S. (• Ainsi le riche qui n'use pas de ses biens et
voit de ses yeux et soupire »]. I es vues du professeur Margoliouth sur l'origine des
trois hémistiches de H. ne sont donc pas plausibles. » Pour répondre à une pareille
NOUVEAUX FRAGMENTS HÉBRfeUX DE L'ECCLÉSIASTIQLK 183
Cet exemple, sMl montre que A dérive d'un mauvais texte de G.,
ne prouverait pas qu'il en provient directement, puiâqiie l'hémis-
tiche se lit dans la Syro-Hexaplaris.
Mais voici une autre preuve qui se suffit à elle-même et qui
atteste l'emploi direct de G. Nous la tirons du ch. xxxi, 4 :
ib nna «b mr û&^i ins nonb -^^y b»:? B
interprétation, il suffira de citer, non pas les trois, mais les quatre hémistiches de H.
et de les comparer avec les versions :
£2Dtt373 03"i«a H'^y p nsNnToi my3 pan-» ono ")\dnd a
« Comme un eunuque qui embrasse une jeune fille et s'afflige ; ainsi celui qui fait
lé hied (ou qui rend justice) malgré lui. »
La pensée se suffit à elle même et est indépendante de ce qui précède. Le premier
hémistiche est une comparaison destinée à éclairer la proposition principale : • Ainsi
celui qui rend justice malgré lui », et cette proposition jure avec le contexte qui parle
du chagrin du riche qui ne peut jouir de ses biens. Or, c'est exactement ce qu'on lit
en G. dans quelques manuscrits seulement :
&sittp eOvoOyo; 7:£p'.),aijLoàv(j)v îtapOévov xai oTîvàî^wv,
oOtw; ô Ttouîiv èv ^là xpifiaxa.
^'T'^2 ^p2f2 ■^"■^T nbinn t:y ib 173&<5 p B
« Ainsi le fidèle qui passe la nuit avec une vierge et Dieu lui en detnande
compte. >
La proposition est cette fois le comnlément de ce qui précède : « Ainsi le riche qui
Tolt (le ses yeux ses biens et, ne pouvant en jouir, s'afflige, tel l'eunuque qui passe
la nuit avec une vierge, et Dieu lui en demande compte. »
Comment supposer qu'un auteur aurait lait de la m/me comparaison d'abord une
pensée indépendante, puis le complément de ce qui précède cette pensée? Or, jus-
tement on lit en S. le pendant exact de l'hébreu :
111^2 y^D N-'-iTaT Nnbin2 imb yz^n n393">!-s72 ^-«ît
• Comité un eunuque qui jjasse la nuit devant une viet^e, et le maître lui en de-
mande compte. »
Bien mieux, il y a en S. un terme, 1?3'ir!72, qui est courant en syriaque pour eu-
nuque, tandis que "JT^NÎ n'est jamais pris dans ce sens en hébreu. Si toutes ces
ëlranj^elés tie s'expliquent pas de la manière la plus simple par l'hypothèse d'une
double traduction laite sur G. et S., il faudra créer une nouvelle logique à l'usage de
la critique. (Nous ne faisons pas élat de la méprise que peut-être H. a commise en
prenant î<'^n72 pour • Seigneur », « Dieu » au lieu de « maître », qui cadre mieux
avec le contexte.)
A notre explication, qui rend compte de toutes les singularités de H., il faudrait
préférer celle-ci :
{" L'original comportait deux prooositions, l'une indépendante du sujet et l'autre
le complétant, et toutes les deux avec la même image ;
2° De ces deux propositions, G. en a pris l'une, et S. l'autre;
3* L'original avait "jTONjD (ce qui ne remédie à rien, d'ailleurs), et un copiste a
lu à tort ]73KD p, et par le plus grand des busard?, S. avait sous les yeux déjà
cette faute, bien qu'il n'eût pas le même texte que G.
^* ^73N3 signifierait « confident, gardien de harem » , sens inconnu absolument à
la Bible.
Pour nous convaincre d'erreur, il faudra non» opposer des argumenta plus solides.
484 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
« Le pauvre se fatigue pour les besoins (littéralement le manque)
de sa maison,
Et, s'il se repose, il devient indigent.
Le pauvre travaille pour diminuer sa force,
Et, s'il se repose, cela ne lui profite pas.
Le premier verset est traduit de S., comme le démontrent suffi-
samment : l* un contre-sens; 2° le maintien d'un mot de S. qui
n'est pas usité en ce sens en hébreu. Après avoir dit : le riche tra-
vaille pour amasser de la fortune et, lorsqu'il se repose, il en tire
une jouissance, S. continue :
« Le pauvre travaille pour les besoins (littér. le manque] de sa vie,
Et s'il se repose, il devient indigent. »
L'adjectif ^^^5£ ofl're une ressemblance singulière avec n^"'^^ ;
seulement c'est uniquement en araméen que ce terme a le sens
d' « indigent » ; en hébreu — et encore dans l'hébreu de la Mi-
schna — il signifie « nécessaire, ayant besoin de ». Voilà
pour le syriacisme , et voici pour le contre-sens. On remar-
quera que l'hébreu dit maison là où S. met vie. C'est qu'en sy-
riaque ^"^lyyy signifie aussi bien maison que vie : la confusion était
donc facile. Reste à prouver qu'en cette phrase le mot syriaque
veut certainement dire vie. Il suffit, pour s'en assurer, de con-
sulter G., qui porte :
« Le pauvre travaille dans le manque de vitres (de moyens de
vivre, de subsistances) *. «
Tandis que, si S. voulait dire maison, on ne s'expliquerait pas
la variante vie de G., il y a identité absolue entre G. et S., si
le mot \XMT\y doit se traduire par vie,
A correspondant à S., on est tenté de voir dans B le pendant de
G. Mais comment vivre, ou vie, aurait-il pu devenir force ? De la
façon la plus simple : le traducteur a pris ftou pour piaç. Cette con-
fusion est des plus fréquentes.
Pour qu'il ne reste pas le moindre doute sur cette méprise, de-
mandons-nous si l'original hébreu n'était pas force et si ce n'est
pas un copiste qui a lu |îiou au lieu de p-aç. S. répond surabondam-
* Il y avait sans doute dans 1 original T1DM73 et ÏTTl^,
i
NOUVEAUX FRAGMExNTS HEBREUX DE L'ECCLESIASTIQUE 185
ment à ce point d'interrogation : le mot iriD, force, ne correspon-
drait ni à maison, ni à xnvre.
Cet exemple nous fournira également la preuve que notre tra-
ducteur — ou notre interpolateur — n'a pas utilisé la Syro-IIexa-
plariSj car cette version a ici nti, qu'il aurait sûrement rendu
par v^n ou d'^'^n.
Voici une autre preuve analogue à la première, montrant que
H. a suivi une recension de G. altérée. Nous la citons de préfé-
rence à d'autres que nous pourrions encore invoquer, parce que
M. G. Margoliouth veut justement y trouver un argument en fa-
veur de sa thèse (xxxi, 21).
t-in3 Nis^m A
En S. on lit :
« Si tu as été forcé dans les mets (si lu as trop mangé),
Eloigne-toi du milieu de la société et tu seras à Ion aise ».
àvàcra |X£(707ropojv xai avaTrauT*/-,.
« Si tu as été forcé dans les mets,
Lève-toi marchant au milieu {sic)^ et repose- loi. »
La comparaison des deux versions atteste que le texte original
comportait cette idée que le convive qui s'est laissé entraîner à
trop manger doit quitter la société, la table.
Or, le ms. 248 de G. a, à côté de [xe^ouopiov^ sas^rov « vomis » ;
pareillement le latin : surge e medio, evome et refrigerahit.
M. Rj'ssel, à la suite d'autres commentateurs, suppose que 'éfxsffov
est une dittographie de [xsdOTropcov; cette conjecture parait ex-
cellente.
Or, il est visible que Txyp de H. doit ici se traduire « vomis -» (de
la racine N"ip) ^. Vraisemblablement A. disait comme S. : « éloigne-
toi du milieu de l'assemblée ». Notre hébreu proviendrait donc en-
core une fois d'un mauvais texte de G.
M. G. Margoliouth tire de ce passage une conclusion bien dif-
* C'eFt-à-dire : lève-loi du milieu du festiu. La Syro-Hexapîaris, qui reproduit
servilement G., a : N15 flS'itTO \12 D'^.p « lève-loi du milieu de la société », leçon
qui est confirmée par le latin et S.
> Le premier est probablement une faute de copiste pour û^p = àvâdTa.
186 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
férente. Il traduit : « espère, espère (keep on hoping), et tu âe^âs
à l'aise ^> . Ce mot espère, ajoute-t-il, a été mal compris ; con-
fondu avec î-îNp, il a donné lieu à la version « vomis «. Voilà donc
la preuve que H. représente bien l'original.
Est-il nécessaire de dire que sûrement l'original ne parlait pas
d'espoir? M. G. Margoliouth nous en dispense, car, en note, il dé-
truit lui-même son argumentation : « It is, indeed, not impossible
that mp actually represents a corrupt form of a word coming
from the rootN"'p (vomir). »
Les doublets que nous venons d'examiner sont donc bien, daris
leur double forme, de doubles traductions, faites Tune sur le
syriaque, l'autre sur le grec, et la conclusion que nous en avons
tirée reste entière : celui qui en est l'auteur est probablement
l'auteur de partie ou de la totalité du restant de Touvrage.
PROCÉDÉS DE REDACTION DtJ TRADUCTEUR JUIF.
Nous pourrions insister, pour la défense de notre thèse, sur le
grand nombre d'à peu près qui s'observent dans le texte hébreu
et spécialement sur le vague de certaines expressions qui dans
l'original devaient être plus précises et qui dans les versions
grecque et syriaque le sont encore : un tel vague est assurément
le fait d'un traducteur embarrassé qui ne trouve pas dans son
vocabulaire le terme propre convenant à la situation. Peut-être
reviendrons-nous sur ce point dans la suite. Mais dès à présent
nous pourrons, à l'aide des doublets, saisir sur le vif un pro-
cédé du traducteur qui éclairera d'un nouveau jour certaines
particularités qui avaient fait illusion dans les chapitres édités
en 1897.
Un des indices qui ont fait croire tout d'abord à rori<2:inali(é du
texte hébreu découvert dans la gueniza du Caire, c'est la présence,
dans ces fragments, d'un grand nombre de centons bibliques,
ceyito7is qui ne s' accordent pas toujours avec G. et Si. Il parais-
sait peu probable qu'un retraducteur eût retrouvé si heureuse-
ment sous ces versions la citation biblique qui s'y cache. Ces cen-
tons ont permis, en outre, de déterminer les livres bibliques dont
Ben Sira s'était le mieux nourri ou qui étaient connus de son
temps.
Les doublets, qili nous ont déjfi fourni tant de ronseignetnents
sur le caractère du texte hébreu, vont, à notre avis, modifier sen-
siblement notre jugement sur ces centons.
NOUVEAUX FRAGMENTS IIÉRREUX DE L'ECCLÉSIASTIQUE iHl
Reprenons le ch. xxxi, 13, qui a fait plus haut (p. 174) l'objet
d'un commentaire.
nnb 03 b'D -^ac» p by ba^ pbn aub v^'3 :?n B
« Dieu n'a rien créé de pire que l'œil,
C'est pourquoi devant tout (ou à cause de tout) sa fraîcheur
s'enfuit*. »
Nous avons déjà dit que ce doublet correspond à G., tandis que
les quatre hémistiches précédents, qui expriment la même idée,
font pendant à S. Seulement, le second hémistiche de ce dou-
blet, dans ses deux derniers mots, offre peu d'analogie avec
G. Celui-ci dit simplement : pleure (oaxp'jsi), et cette version
de G. est confirmée par S. Non seulement notre hébreu n'em-
ploie pas ce verbe , mais encore il dit le contraire : l'œil de
l'envieux ne pleure pas à tout propos, il perd sa fraîcheur, ou,
plus exactement, son humidité. Si tel avait été l'original, à sup-
poser que ni G. ni S. n'eussent jugé à propos de reproduire l'image,
ils se seraient certainement inspirés de l'idée qu'elle exprime ; ils
ne se seraient pas concertés, à plusieurs siècles de distance, pour
traduire « son humidité s'enfuit » par « verser des larmes » ; il est
même vraisemblable qu'ils auraient, Tun ou l'autre, conservé
quelque vestige de la métaphore. Notre hébreu ne peut se com-
prendre que d'une façon : le traducteur, pour faire montre d'élé-
gance et ne point répéter les termes mêmes dont il s'était déjà
servi (et c'est pour cela aussi, sans doute, qu'il met pbn, au lieu de
fct'13, déjà employé plus haut) a emprunté à ses souvenirs bibliques
due métaphore qui lui paraissait s'appliquer à la circonstance,
bien qu'en réalité, elle ait une tout autre signification. A propos
de Moïse, le Deutéronome, xxxiv, 1, dit : D5 Nbi '\^'*y nrrjD &«b
nnb « Son œil ne s'était pas affaibli, et sa fraîcheur n'aimit pas
fui. )3 Le procédé du rédacteur éclate ici dans toute sa naïveté, et
c'est précisément celui de beaucoup de traducteurs juifs de nos
jours qui, séduits par des réminiscences de la Bible, usent de l'Écri-
ture per fas et yiefas^ sans crainte des à-peu-près et même des
contre-sens *.
Or, ce n'est pas seulement dans les doublets que nous voyons
fleurir ce genre de traduction. Au ch. xxx, 22, on lit :
* M. G. MarfTolioulh traduit l'expression par « son humidité court » ; maison si-
gnifie fuit^ et non court.
* C'est pour une raison du même ordre qu'apparaissent en H. tant d'expressions
bibliques rares ou même uniquc<t : ainsi procédaient les pattanim, dont, d ailleurs,
nos fragments adoptent souvent la langue et certaines hardiesses grammaticales. Nous
reviendrons sur ce point dans la suite.
188 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
« La joie du cœur, c'est la vie de l'homme,
Et le plaisir de l'homme prolonge sa colère. »
Sans recourir aux versions, on devine tout de suite qu'au lieu
de « sa colère w, il faut ici « ses jours » ou « sa vie ». Effective-
ment les deux versions s'expriment ainsi. La faute est due à une
réminiscence de Proverbes, xix, 11 : isi^ '^nNïi d"ii< h'D'û « L'intel-
ligence de l'homme prolonge sa colère (le rend longanime). »
QUELQUES SYRIACISMES DANS LES DERNIERS CHAPITRES.
Venons-en maintenant aux syriacismes qui se rencontrent dans
dans les ch. xxxix-xlix. Qu'on ne s'attende pas à en trouver une
profusion, surtout si on néglige les gloses marginales. Ces deux
chapitres, qui, pour notre confusion, ont été découverts les pre-
miers, sont singulièrement mieux soignés que ceux que nous ve-
nons d'étudier, et l'auteur n'y répète pas tous les termes emprun-
tés, dans nos nouveaux fragments , directement au syriaque. C'est
ainsi que le verbe « broncher, trébucher », n'y est plus rendu par
bpn, mais par bnîD; « pierre d'achoppement » par nbpn, mais par
tiîpnîo; « chagrin » par 1"^^ ou in, mais par n:iî<'7. Si donc l'auteur
s'oublie parfois, il faut enregistrer ces défaillances de son atten-
tion comme des aveux involontaires du rôle qu'il a joué.
Nous ferons d'abord entrer sous cette rubrique un exemple qui
n'est pas à proprement parler un syriacisme, mais — ce qui est
plus probant — une fausse traduction d'un mot syriaque ou ara-
méen mal lu.
A la fin du ch. xlvi, vers. 20, à propos du prophète Samuel, il
est dit :
vsn^ ijb'nb ^:>'^^ uîn^s nm?3 "^nnN û:i"i
« Et même après sa mort, ayant été consulté,
Il révéla au roi ses voies. »
Au lieu du mot souligné, on attendrait plutôt sa fin. C'est ce
qu'on lit, en effet, en G. : xai OttÉos'.^sv paatÀel tt,v xeXeuTrjV aÙTOu.
L'original portait donc irT^nnN.
Pour expliquer cette singularité, nous avions supposé que la le-
çon originale était in^ii^ ou rmnni^ « ses voies » (terme, il est vrai,
* Ce mot, qui choque ici, correspond à S. : '{irTj'^N.
NOUVEAUX FRAGMENTS HÉimEUX DE L'ECCLÉSIASTIQLL 189
impropre), leçon que rem[)la(;a un copiste étourdi par le syno-
nyme riD^ii. Et précisément on lit en S. nnm». C'était un expédient
désespéré. La solution est infiniment plus simple maintenant que
nous sommes affranchis de l'idée préconçue que notre texte hébreu
représente l'original : G. a conservé la version primitive, in-^-inx,
qui convient au sens; S., confondant ce mot avec vmmN, Ta cor-
rectement rendu par son équivalent syriaque nnmî^, et H., tradui-
sant S., l'a correctement rendu aussi par son équivalent hébreu
ordinaire t:d^i.
Nous passons maintenant aux syriacismes proprement dits. Nous
ne tirons pas parti des racines verbales inconnues à l'hébreu et
usitées en syriaque, et que notre auteur ne se fait pas scrupule
d'employer. Tel, par exemple, le verbe niTi, en hébreu « triom-
pher », pris dans le sens de luire comme en syriaque (xliii, 5
et 13)*. Si le doute était permis en 1897, il ne l'est plus aujour-
d'hui, car au ch. xxxii, 9, dans deux doublets, ce verbe est em-
ployé incontestablement dans ce sens de « luire » : p"i2 nL:j-« "i^in "^SDb
« avant la grêle luit l'éclair ». L'exemple le plus probant de sy-
riacisme nous est fourni par cet hémistiche, xlii, 12 : û'^'ûa rr^m
Tinon bi< « Et qu'elle ne bavarde pas (ou n'entre pas en concilia-
bule) au milieu des femmes. » G. a ici âv ixécw « au milieu » et S.
ns'^n, qui a le même sens. L'hébreu rrin est donc sûrement le sy-
riaque nrn, qui se prononce n^n. C'est ce que MM. Neubauer et
Cowiey ont reconnu, d'ailleurs. — Les mêmes éditeurs ont vu éga-
lement que, XL, 16, nD:^, bord, est le syriaque 5^C3^.
Pour les gloses marginales, il ne peut y avoir le moindre doute :
de même que dans les nouveaux fragments on trouve ûid
« bouche » pour r»D, dans les autres on lit, par exemple , iii2'^o
« trésor » pour *i^nè^ (xli, 12, 14).
CONCLUSION PROVISOIRE.
Il nous faut donc constater qu'en un chapitre — le morceau final
— IL dépend étroitement de S. ; que dans les doublets H. s'inspire
également de S. et même de G. ; que certains termes caractéris-
tiques se rencontrent également dans les ch. xxxix-xlix et les pré-
cédents ; que des syriacismes ne font pas complètement défaut
dans les parties les mieux rédigées. Si, en de très nombreux pas-
sages, H. n'était pas différent à la fois de G. et de S. et si, en
d'autres, il ne représentait pas sûrement une version plus proche
* Tel aussi le verbe m^^n^ïlb « pour raconter » (xliv, 8), de raraméen N3^nU3i<
ieO REVUE DES ÉTUDES JUIVES
de l'original que G. et S., la solution serait toute simple. Mais le
problème est bien plus complexe ; il faut, pour essayer d'en ve-
nir à bout, l'examiner sous toutes ses faces, et nous ne pourrons
le tenter qu'après avoir étudié les fragments qui proviennent d'un
îtwtre manuscrit, appelé A. par les éditeurs. C'est ce que nous
ferons dans les chapitres qui vont suivre *.
Israël Lévi.
(A suivre.)
* Nous réservons pour la suite rexamen de cette question : pourquoi les doublets
ont-ils disparu dans les ch. xxxiv et suiv., s'il est vrai qu'ils aient digparu réelle-
ment. — Revenant sur la première partie de cette élude, nous citerons encore
l'exemple de deux versets — qui ne sont pas des doublets — et qui portent la marque
indéniable de leur provenance de S.
Après avoir dit : Quel est l'homme qui a accompli cette merveille de résister aux
dangers de la fortune, notre texte ajoute :
« Quel est-il que nous nous attachions à lui ?
El il a eu la paix. . . > (xxxi, 10).
La marge porle'pn^Jîïl (solécisme) « Quel est celui qui s'est attaché à lui •.
G. a sûrement ici la bonne leçon : « Quel est celui qui, éprouvé \,^v lui (rargent),
s'en est tiré à son avantage? » Ce qui suppose pour l'original : pT2D!rî ÏIT Nl!l "^73
(ûb^D ïT^m ou) obia-^T in.
Le dernier mot fait exactement pendant à Û^?2n iX^lZ^ du verset 8. C'est ce qui a
été déjà observé par Edersheim et M. Ryssel.
Or, en S., on lit :
NTûbo nb Nim rib pn^n^^ Nsn is»
« Quel est celui qui s'y est attaché et a eu la paix. •
Notre hébreu a donc, à son insu, reproduit les deux contre-sens de S.
XXXII, 12 :
: bD nonn Nbi bx nwS-i''n X\:r^ ûb^ui
« ... fais ce qui te plait,
[Mais] avec la crainte de Dieu et non avec le manque de tout. •
G. ei le contexte attestent qu'il faut « et non avec impiété ». Or, S. dit justement
la même chose que notre hébreu :
N3"iDin2 Nbi NnbNT rjnbnin
s. a lu "lOnS le mot TDln^ de l'original, ou un copiste a écrit NÎ^Oina au lieu
de NTOiriD. Le traducteur hébreu a reproduit sans broncher ce non-sens et a ajouté
le mot bD, d'après Deut., xxviii, 48 et 57, suivant le procédé dont nous avons
parlé plus haut, p. l87. — Cet exemple est particulièrement instructif.
sn^iir^iD- ^D*-in
« LES GENS SUBTILS DE POUMBEDITA »
Ceux qui ont étudié le Talmud savent que parfois certaines dif-
ficultés qu'on y rencontre proviennent de ce qu'on y trouve des
variantes dont la divergence peut avoir au point de vue tiala-
cliique des conséquences très importantes. C'est pourquoi Rabbè-
noQ Tam et, avant lui, R. Guerscliom, « la lumière de l'exil », ont
menacé d'anathème celui qui, à la légère, sans avoir des preuves
convaincantes, corrige les versions du Talraud en vertu d'un
simple raisonnements Lorsque la contradiction de deux ver-
sions peut amener une différence halachique, les rabbins s'ef-
forcent, par une discussion très approfondie, de rétablir le texte
véritable avec toutes les conséquences qui en découlent. On voit
donc que la fixation exacte du texte est utile au point de vue de
la Halacha. Quant à l'Aggada, on s'eff"orce moins d'établir un texte
correct, parce que les variantes, dans ce domaine, sont indiffé-
rents pour la pratique.
On cherche, de même, à bien déterminer le nom du docteur
auquel on attribue telle ou telle opinion. Le Talmud Babli surtout
procède avec beaucoup de soin pour faire connaître avec exacti-
tude les auteurs des diverses Halacliot, et il va parfois jusqu'à ca-
ractériser tel docteur par des signes distinctifs pour l'empêcher
d'être confondu avec un homonyme*. Gomme nous l'avons déjà
(iit, on ne retrouve pas cette minutie et cette exactitude dans TAg-
* Voir la préface du Séfer Hayaschar.
» Schabbat, 54 ô: b•^•^y'Ki^ )mv 'i ■'D'ibn N:nT ■'NH ^3 b^ ^^^^ -ino "«bisa
ln3T« 'n; Bèça. 28 è : nD"»3:n nbp73 -)DN tnmbn T^r)b73 nn m7an:n r-nnc'j
«■>Db73 3n; Pesahim, 113 ô : ■'b^^n qoi^ NIH p^lH '»::^N S)DT^ Nin
NmaNT onsD p pn»"» "an Nin «n^'^'^an «n«.
192 REVUE DES ETUDES JUIVES
gada ; là règne un certain désordre en ce qui concerne les noms
des docteurs et les textes eux-mêmes. On sait que les différents
Midraschim présentent de sérieuses variantes pour un même
texte. La cause en est facile à comprendre : les docteurs qui ont
achevé la rédaction du Talmud ont été, par suite du manque de
temps, pressés de rédiger tout ce qui avait rapport aux nom-
breuses Ilalachot sans pouvoir s'occuper de l'Aggada. La Hala-
cha elle-même présente des parties inachevées, tels les traités qui
s^occupent des semences (û"'3>it "no), delà pureté et de l'impureté
(tmnn:: ^^d) et d'autres traités qui ne sont que d'une importance
secondaire. Si les docteurs ont commenté et rédigé le traité des
sacrifices, qui paraît moins urgent (D"'":3"ip mo), c'est qu'après la
catastrophe qui avait entraîné la destruction du temple, ils avaient
conservé le secret espoir de voir la nationalité juive reconstituée * ;
les Halachot contenues dans ce traité étaient donc pour eux de
la plus haute valeur.
Voici un exemple qui montre combien le Talmud s'applique à
déterminer nettement la personnalité des auteurs des Halachot.
Nous lisons dans Sanhédrin, 17 b : -"sa •'TD^ni^T 'n^^y Nn-^'7a72iDT '^D">nn
5<nm « Les gens subtils de Poumbedita sont Eiïa et Abimi, fils de
Rehaba ^ », c'est-à-dire que chaque fois que le Talmud mentionne
les « gens subtils de Poumbedita », il a en vue Eïfa et Abimi, fils
de Rehaba^. Cette version est contraire à un autre passage du Tal-
mud *, où il est dit : yn^b rji:inn nbiy Yt< i<n"«'72?3-iD'7 ■'cnn n?:»
...ism"^ '"11 n^?:pb Tmri"^ nn nnbo « Les gens subtils de Poumbedita
disent que la défense faite par la Tora de ne pas manger les fruits
d'un arbre avant trois ans, à partir du moment où il a été planté,
ne s'applique qu'aux arbres de la Palestine; R. Juda a commu-
niqué cette opinion à R. Yohanan. . . » Pour comprendre la con-
tradiction existant entre ces deux passages, il est nécessaire d'en-
trer dans quelques détails chronologiques.
Après la mort de R. Houna (298 de l'ère vulgaire), chef de l'école
de Sora, ses disciples se rendirent auprès de R. Juda, chef de
l'école de Poumbedita •' ; un de ces disciples était Rabbah ("12 nai
* Voir Schabbat, 12 b ; Taanit^ 17 b ; Bèça, 5 b ; Rosrh Easrhanu, 30 a, etc.
' L'orlho^'raphe du nom crEila varie : on écrit Î^D^M. ND^X, ns^J", ND"^^. De
même, le nom de N^TTl se termine tantôt par un N, tantôt par un H-
* Nous devons faire remarquer que les « j^eus subtils de Poumbedita » ne sont
mentionués que deux l'ois dans le Talmud. Il est plus que probable que c'est à cause
de leur subtilité même qu'on n'a pas pris leurs décisions en considération, de même
qu'on n'a pas voulu accepter les décisions halachiqucs de R. MéKr à cause de sa trop
grande linesse; cf. Eroubin, 13 i.
* Kiùdouschi'n, 29 a.
" Voir Lettre de U. îScberira.
LES GENS SUBTILS DE POUMBEDITA 193
■^3!nn3) *. Quand R. Juda fut mort (300 de l'ère vulgaire), Rahbali
lui succéda et eut pour disciple Eïfa, comme le prouve un passage
du Talmud '. Rehaba («ann), qui, d'après la version de Sanhédrin
que nous avons rapportée, serait le père d'Eïl'a et d'Abimi, a été,
comme Kabbah, le disciple de R. Juda à Poumbedita, et un de ses
disciples les plus attentifs, car il s'efforçait de répéter, sans y
changer un mot, ce que son maître lui avait enseigné \
Or, s'il est vrai que Rehaba a été le disciple de R. Juda à Poum-
bedita et son fils Eïfa celui de Uabbali à la même école, comment
peut-on admettre que R. Juda ait communiquai à R. Yohanan, en
Palestine, l'opinion d'Eï(a et d'Abimi, comme une opinion accré-
ditée et méritant d'être soumise à l'approbation d'un des plus
grands docteurs de ce temps, puisque, du vivant de R. Juda ils
devaient encore être très jeunes? De plus, puisque R. Yohanan
s'est élevé avec indignation contre « les gens subtils de Poumbedita »
à cause de leurs opinions halachiques *, on peut en conclure que
ce n'étaient pas de jeunes disciples sans autorité, mais des docteurs
renommés, dont les décisions étaient acceptées par le public. D'ail-
leurs, les fils de Rehaba qui sont toujours cités dans le Talmud
sous le nom de îînnn •'in, « les fils de Rehaba », sont non seulement
postérieurs à R. Juda, mais aussi à Rabbah et à R. Joseph, succes-
seurs de R. Juda à l'école de Poumbedita ^.
Nous croyons donc que la leçon exacte de Sanhédrin est celle
que donne R. Hananel ^ : ïinn'n '^3n["i] '^1T'2^'\ nd"»:? ^rr^^n^iDi •>D"«"in
« Les gens subtils de Poumbedita sont Eïfa et Abimi et les fils de
Rehaba. » D'après cette leçon, Eïfa et Abimi n'étaient nullement
les fils de Rehaba ; ils vivaient en même temps que R. Juda à
Poumbedita, et ce sont leurs décisions rituelles que R. Juda a fait
connaître à R. Yohanan, en Palestine, et qui jouissaient d'une si
grande autorité. A notre avis, ils sont différents des docteurs por-
tant le même nom et qui furent élèves de Rabbah.
D'autres textes talmudiques prouvent, d'ailleurs, l'existence de
docteurs du nom d'Eïfa et d'Abimi et contemporains de R. Juda.
Ainsi, un Abimi a eu des discussions halachiques avec Rab Hisda
et R. Nahman ; ce dernier lui demanda même de résoudre une
« Cf. Srouhin, 40 b, où Rabbah dit : "^n '^NnN ■'5 Nwirr 2"| 13 N3''nrj "^D
mirT" 3-1
> Schebouot, 28 ô.
3 Ber achat, 33 i.
* Kiddouschin, 39 a.
» Schabbat, 103 a : IT^NT:^ ->3D73 1^T"'''1-|n n?3J<T CjOV n-)-) ^31 ^T'nyp "^«Ta
«3nn ""Dn Ï13 l^p l-T» nî<; cf. ^anÂerfri», 26 a.
^ Voir la nouvelle édition de Vilna, ad. l.
T. XXXIX, nO 78. 13
194 RKVUE DKS KTUDKS JUIVES
Halacha'. Or, R. Hisda vivait à Cafri et R. Nahraan était chef
d'école à Néhardéa au temps où R. Juda dirigeait l'école de Poum-
bedita '. De môme, il y avait à cette époque un autre docteur du
nom d'Eïfa qui était en relations avec Rabba bar bar Hana. Ainsi
le Talmud dit ^ : ■;:n'i-' 'm -«^wn pni^ n:n nn nn nnnb no-'i^ rrb -itdn
fc^r^n 'nD Tn3>D pK pm"» 'id in^ay* « Eïfa disait à Rabba bar bar
Hana : « Vous, disciples de R. Yohanan, vous suivez l'opinion de
R. Yohanan ; nous, nous suivons l'opinion de R. Hanina. » Fai-
sons remarquer, en passant, que Raschi, s'appuyant sur la leçon
inexacte de Sanhédrin, dit ici également qu'Eïfa est le tlls de Re-
liaba de Poumbedita.
Pour déterminer l'époque à laquelle vivait Eïfa, il faut tout
d'abord déterminer la personnalité de Rabba bar bar Hana, car
il semble y avoir eu deux docteurs de ce nom, l'un du temps
de Rab (mort en 248 de l'ère vulgaire), et l'autre du temps de R.
Juda, chef de l'école de Poumbedita (mort en 300 de l'ère vul-
gaire). Ainsi, le Talmud dit : « Une fois Rabba bar bar Hana, se
trouvant à Poumbedita, n'alla pas assister aux conférences de
R. Juda ; celui-ci envoya son domestique pour le faire venir,
même de force *. » Ce Rabba semble donc avoir été l'inférieur de
R. Juda. Ailleurs le Talmud dit : « Rabba bar bar Hana étant tombé
malade, R. Juda et les docteurs allèrent le visiter et lui deman-
dèrent de leur résoudre une difficulté rituelle'. » Ici, il doit s'agir
d'un autre Rabba ; on ne peut pas admettre qu'un docteur de la
valeur de R. Juda, chef de l'école de Poumbedita, et d'autres
docteurs considérables soient allés visiter et interroger sur une
Halacha ce même Rabba bar bar Hana que R. Juda avait traité
en inférieur en l'obligeant à assister à ses cours ?
Le Séder Haddorot, sans avoir aperçu la difficulté que nous
avons signalée, admet qu'il y avait deux docteurs du nom de
Rabba bar bar Hana; l'un (celui qui reçut la visite de R. Juda)
était le disciple de R. Juda le Saint, le rédacteur de la Mischna,
et l'autre le disciple de R. Yohanan, qui jamais ne quitta la
Palestine pour aller en Babylonie'. Nous ne voulons pas en-
* Menahot, 7 a.
* Kiddouschin, 10 a. Voir Lettre de R. Scherira Gaon.
» Schabbat,f>Qb.
* Le Sédei' Haddorot veut maintenir la leçon d'Abraham Zaccut, qui ■ Nob'^S»
leçon reproduite dans le Dikdouké Soferim de Rabbinovitz. Mais celui-ci fait remar-
quer que la version imprimée est la plus exacte; elle est, d'ailleurs, celle de R.
Hananel (dans la nouvelle édition de VilDa).
» Schaàùat, 1 48 a.
^ Ouiuin^ IG a et Mb.
' Voir Séder Haddorot au nom de Éob'^K et au nom de ïnsn 13 "13 tia"!.
LES GENS SUBTILS DE POUMIiEDITA 195
trer dans le détail des objections que l'on peut élever contre cette
hypothèse du Séder ffaddorot, parce que cela nous mènerait trop
loin. Disons seulement que, si Ton peut admettre à la rigueur qu'il
y ait eu deux docteurs homonymes, il est inadmissible que ces
deux docteurs aient eu chacun un grand-père portant le même
nom, ou alors le ïalmud de Babylone, avec son exactitude bien
connue, aurait certainement cherché à les distinguer d'une manière
quelconque. D'autre part, on ne peut pas non plus admettre l'opi-
nion du Youhasin, qui écrit le nom d'un de ces docteurs avec un
K (Nn^) et l'autre avec un n (tii'n) *, ce qui est contredit par tous
nos textes talmudiques, où ce nom est toujours écrit avec un n
(riai). Du reste, on ne peut pas tenir compte du changement de la
lettre insensible qui termine un nom. Ce changement est très fré-
quent dans le Talmud Babli et surtout dans le Yerouschalmi,
comme on l'a vu plus haut pour nnn'i et ns"^» -.
Nous proposons une autre solution de la difficulté. Le disciple
de R. Juda le Saint qui reçut l'investiture, grâce à l'intervention
de son oncle R. Hiyya, lorsqu'il alla en Babylonie, était !in^
nsn ^3 (Rabba fils de Hanah) 3, connu dans le Talmud de Jérusa-
lem sous le nom de nsn li s^iî^ ou tisn ^n «n. C'est à ce docteur
que R. Juda et les autres rabbins sont allés rendre visite et à qui
ils ont demandé de résoudre une Halacha. Donc, dans le passage
où il est question de cette visite, il faut remplacer nsn ^n ^3 nm
(Rabba bar bar Hana) par nsn na nnn (Rabba bar Hana)*. Quant
au docteur qui portait le nom de Rabba bar bar Hana, il n'était
nullement, comme les Tosafites l'ont dit et comme on l'a cru, le
fils de nsn 1:1 Nnt^ ^, car, dans ce cas, pourquoi son nom est-il ac-
compagné du nom de son grand-père et non de celui de son père,
qui était cependant illustre et très connu ^ ? En réalité, il n'existe
aucun lien de parenté entre ces deux docteurs ; ils n'étaient même
pas compatriotes. Rabba bar Hana était né en Babylonie^ dans la
ville de Gafri ' ; Rabba bar bar Hana était, au contraire, Palesti-
* Ibid.
* Voir plus haut, p. 192, note 3.
* Sanhédrin, 5 a. On voit par ce passage que Frankel, dans son Mabo Eaye-
rouschalmi, à l'article î-jan *12 N35<, se trompe en disant que ce docteur est toujours
resté en Babylonie et n'a jamais été en Palestine.
* Lorsqu'on trouve dans le Talmud un passage où Rabba b. b. Hana est men-
tionné à côté de Rab et ses contemporains, il faut lire : Rabba b. Hana.
' Voir Sanhédrin, 5 a.
« L'explication de R. Méïr de Lublin d-^bmb» Û""in73) sur Tosafot, l. c, est
forcée, la question reste toujours ; pourquoi le nom de !i3n ^3 "13 Ï13*1 est-il
accompagné du nom de son grand-père et non pas de celui de son père ? Voir Fran-
kel, ib.
' Sanhédrin, 5 a.
196 i REVUE DES ÉTUDES JUIVES
nien * et c'est pourquoi, quand il fut en Babylonie, il suivait en
cachette les us et coutumes palestiniens*. D'ailleurs, on ne lui
connaît aucun maître babylonien.
A l'arrivée de Rabba bar bar Hana à Poumbedita, R. Juda était
déjà très âgé, car, lorsque le docteur palestinien, avant d'at-
teindre cette ville, avait passé d'abord par Sora^, il y avait ren-
contré, non pas R. Houna, qui était déjà mort, mais son fils. Or l'on
sait, d'une part, que R. Juda est mort deux ans après Houna*, et,
d'autre part, que ce docteur a vécu jusqu'à un âge très avancé ^.
Il est donc de toute évidence que le chef de l'école de Poumbedita
était très vieux lorsque Rabba bar bar Hana vint dans cette
ville ^, et c'est sans doute à cause de l'autorité que lui conférait
son grand âge que R. Juda a obligé le docteur palestinien à suivre
ses conférences.
Revenons maintenant à Eïfa. Nous avons rapporté plus haut
les paroles de ce docteur à Rabba bar bar Hana : « Vous, disciples
de R. Yohanan, vous suivez l'opinion de votre maître, tandis que
nous, nous suivons celle de R. Hanina. » Comme nous l'avons vu
à propos des gens subtils de Poumbedita, l'autorité de R. Yoha-
nan était très grande chez les docteurs babyloniens. Une fois,
dans une discussion, R. Juda dit : « Je ne reviendrai sur ma dé-
cision que lorsque tu m'auras apporté une lettre de la Palestine »,
c'est-à-dire de R. Yohanan \ De même, Rabba bar Nahmani, dis-
ciple de R. Juda, quand il voulait faire accepter ses interdictions
par le public, disait : « R. Yohanan a envoyé une lettre de la Pales-
tine pour dire que c'est défendu ^. » Peut-on alors admettre que
le docteur du nom de Eïfa qui parla à Rabba bar bar Hana avec
une certaine désinvolture de R. Yohanan fût le jeune Eïfa, disciple
de Rabba bar Nahmani ? D'ailleurs, Rabba bar Nahmani et son col-
lègue R. Joseph discutent, dans un passage du Talmud^ sur la fa-
çon dont Rabba bar bar Hana avait rapporté une Halacha au nom
* Une anecdote racontée dans le Talmud semble, il est vrai, contredire cette asser-
tion [Yoma, 9 è). On y dit qu'une fois que Kesch Lakisch se baifi;nait daus le Jour-
dain, Rabba b. b. Ilana lui ayant tendu la main, il lui dit : Je vous déteste vous
autres (Babyloniens, qui n'êtes pas revenus en Judée du temps d'Ezra). Mais le
Talmud lui-même doute de Tautbencité de ce récit. Cf.. Cant. Rabha^ vni, 9, une
apostrophe analogue adressée par un Palestinien à R. Zeira.
* Pesahim^ 51 a, et Rabbènou Ascher, ad. l.
» Ibid.
* Voir la Lettre de Scherira.
5 Moed Katan, 28 o.
« Guittin, 19*.
' Saba Batra, 41 b'
« Sehabbat, 115 a.
* Baba Kamma^ 51 b.
LES GENS SUbTILS DE POUMBKDITA l'J7
de R. ManiS ce qui ferait croire que Rabba bar bar Hana n'exis-
tait plus lorsque cette discussion eut lieu. Donc Eït'a, le disciple de
Rabba bar Nahmani, ne pouvait pas avoir eu d'entretien avec Rabba
bar bar Hana. En admettant môme que Rabba bar bar llana ait
vécu encore du temps de Eïfa, il aurait été déjà très avancé en âge,
car Rabba bar bar Hana est arrivé en Babylonie du temps Rabba,
fils de R. Ilouna-. Nous devons donc admettre que le Eïfa qui
s'est entretenu avec Rabba bar bar Hana n'était pas le jeune Eïfa,
disciple de Rabba bar Nahmani, mais un docteur du môme nom,
d'une renommée égale à celle de Rabba bar bar Hana et qui vivait
à l'époque des deux grands docteurs babyloniens, R. Houna, chef
de l'école de Sora, et R. Juda, chef de l'école de Poumbedita. Et,
en effet, à cette époque l'autorité de R. Yohanan n'était pas encore
reconnue en Babylonie, comme le prouve l'exemple suivant. Plu-
sieurs docteurs, tant babyloniens que palestiniens, rapportaient au
nom de R. Yohanan des Halachot devant R. Hisda ; ce docteur
leur répondit en des termes peu flatteurs pour R. Yohanan : )i^i2
^ai IsriT^ '"ibi ^b n"'"'ir : « Qui t'écoutera, toi et ton maître R. Yoha-
nan 3? )j De même, quand Oula, docteur palestinien, rapportait un
jour une halacha au nom de R. Yohanan devant R. Nahmann, doc-
deur babylonien, contemporain de R. Hisda, ce docteur dit à Oula :
n-'b N3'^n->"'2£ Nb ïT^^nsn pm*^ 'i "^b mi2i^ dN t-^nb^rr « Je jure par
Dieu que si R. Yohanan m'avait dit lui-môme cette halâcha, je ne
l'aurais pas écouté*. »
Il n'est donc pas étonnant qae Eïfa se soit exprimé devant Rabba
bar bar Hana au sujet de R. Yohanan de la môme façon que
R. Hisda et R. Nahman.
En résumé, à l'époque de R. Juda, chef de l'école de Poumbe-
dita, il y a eu deux docteurs du nom de Eïfa et Abimi, et la ver-
sion de R. Hananel dans Sanhédrin, ^ly^i'ari H'D'^v ixrr^yn^'Di •^D'^^n
N3n"i ''5n['i], se trouve pleinement justifiée. D'après cette version, la
périphrase Nn"^"i37aiD^ '^D'^nn « les subtils de Poumbedita o ne désigne
nullement des docteurs contemporains des fils de Rehaba. Eïfa et
Abimi vivaient, en effet, comme nous l'avons vu, du temps de
R. Juda, chef de l'école de Poumbedita, qui a communiqué leur
* Ce R. Mani vivait du temps de R. Yohanan. Voir Menahot, 21 a.
* Il faut remplacer Rabba b. b. Hana par Rabba b. Hanin dans les passages où ce
docteur s'entretient avec Abbaï ; voir Eroubin, 45a, ei Pesahim, 51 a, correction de
Salomon Louria.
* Pesahim, ZZb ; Schehouot, 10^, et Meïla, Ma. Il se pourrait cependant que R.
Hisda ait reconnu plus tard l'autorité de R. Yohanan, car il rapporte lui-même des
halachot au nom de ce docteur. Cf. Pesahim, Ml a; Baba Baira, 120 ô; Aboda
Zara, 11 i ,- Maccot, 23 a.
^ RoulUn, 124.
198 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
décision rituelle à R. Yohanan. Or, celui-ci est mort en 590 de l'ère
des Séleucides (m-iattJ V^^^) ^^ ^^^ ^^ l'^^^e vulgaire. R. Juda est
mort en 610 de l'ère des Séleucides ou 300 de l'ère vulgaire. R. Juda
a eu pour successeur Rabba bar Nahmani, qui dirigea pendant
vingt-deux ans l'école dePoumbedita. Après sa mort, son collègue
R. Joseph lui succéda et fut chef d'école deux ans et demi, tandis
que nous voyons les fils de Rehaba prendre part pour la première
fois aux discussions de l'école après la mort de Rabba bar Nah-
mani et de son collègue R. Joseph *.
L. Bank.
* Voir plus haut, p. 193, note 5.
i
UNE VIEILLE LISTE DE LIVRES
Parmi ses manuscrits qui proviennent de la Gueniza du Caire,
M. Elkan N. Adler, de Londres, a trouvé une vieille feuille jaunie
renfermant une liste de livres semblable à celle que j'ai publiée et
étudiée dans la Revue [i. XXXIl, p. 126 et suiv.). Cette feuille, que
son obligeant possesseur a bien voulu m'autoriser à reproduire,
offre des particularités très intéressantes. Quelques-unes me sont
demeurées incompréhensibles; aussi je m'empresse d'appeler sur
elles l'attention de nos collaborateurs, afin qu'ils exercent leur
sagacité sur les parties que je n'ai pu déchiffrer et nous en ap-
portent l'explication.
La feuille, d'une largeur de 13 centimètres sur une longueur
égale, est chargée d'écriture sur les deux côtés. La partie supé-
rieure est intacte ; les deux marges sont un peu entamées, et le
texte a eu à soufïrir. Quant au bord inférieur, il a été sensible-
ment atteint; probablement il en manque une bonne partie, si
bien que certains numéros de la liste ont disparu et que d'autres
sont devenus illisibles. Le texte est de l'arabe écrit en caractères
hébreux au type oriental. Les points diacritiques manquent tout
à fait pour b [= £j et n (= o) ; pour à (= ^), le point ne se trouve
que rarement ; il se voit parfois pour isi (= ^Jp) et b (= Là). Quel-
quefois ]e dhamma est indiqué, souvent le teschdîd; une fois le
point-voyelle hébreu géré se trouve placé au-dessus de la lettre,
selon le système babylonien (voir n"47).
Je vais reproduire le texte exactement comme le donne la
feuille, avec les signes ; je reproduis aussi l'aspect des lignes
avec leur différence de longueur. Pour plus de commodité, j'ai
numéroté les articles.
Recio.
bT^K K7373 "^b"! C-') :»-ii<D bN nan
y[^]-y^ NbT rj-'nxD
bDiTsbN a^nr) t-in^DÀ^n obn^^r; r-n7a^N ûbr ît^d hra] *
• Les caractères arabes employés dans cet article viennent de l'Imprimerie Nationale.
200 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
:r;:5i'^"n niDism ïiididi nr^iîrr ^Nn J-JSNTn rr^D 'ibàâ p-i ^TL:i^] '
î-T^Dln] riNit^&^bN 3Nn:D ît^d it:;-) ^ mmu^n ï-t^d nb:i73 iT[:xn] *
1^1 tn^n aN p-^b:>n c^scn cnbi ■c'nprî inbro
^D iTÀi ' ^N'^yNbNi n^irsybN ■'d tzNbD n^D im ^ n:î<Tn iTi[i] ^
tD^n» "^^-litb f-na-^p rr^s im *^ ^5&<nD3> n^D in-'D it:^^] "
nninbb n^nN^-i-i it:*! *^ id-i^tji n:NTm rnins;:: ï-i^d -iTi[i] ^^
•sUTinn D^^^p^ n:N7n"i
T^ rr^D luh] "
Verso.
n5>^ î-î"'D p"iTN nban im ^^ mm nn7:[o "^dj yni^ r!3NTn it:t '^
n^NTn it:it " rnwN3nN::7:T r-n^ii-iiT^i D[.-]bN mp^n n^-: im "
nymnNT mDNb72 mn« n-«ODm b:Dn?3bt< 3Nn:D 173 2N3 mo itsi "
nsn-ib pnbN •ibi' ri'i-in ûN-'pbN -^br inbN idd raxnD rpD im "
b"T r^-^^yo
n^n'^bb im '* risinn x-nsnToT m'is^o isnnb mbitbx mai rr-'D im '°
mc^D t2iïb
n^3 nb572 msT r53U573 ^^•\'72^ û-^ix^-iT ÙNsbwX ini " ?nTC-n7j im "
pn ^b:j3 hT]:iT '^ n-.DDTa ■^N3i73u:n
153 n3sn373 S^NO-i "it:;i ^*^ ri^:t<i:n i-ny !i^d pnn nbsTs its-i ^^
sior "i bxD-in
■i53nb b-^ND^û msi DN^Nn^bN -"D "im '* -^îNisr n:'':; me im '^
b"T rr^n^D
tzîNDpN 3Nns t-T^DT "^DTDipbb !ibD53 rr^DT nN3n5<D73 r:-«D nT:^i *'
[.-•3] in b)::^ V: r-nN73abN
l-^^STDi mp5>bN r^D -it:j"i *' pi'2 ibài -iN3>;aNi b-^Non ^173:173 im *«
it:ii "" î<i\N PwSTNnDN im '■ pnNiDbwX ^by nNTwN-i:DN mo im ^^
:-iN2nîo?3
UNE VIEILLE LISTE DE LIVRES 201
rj3NTn [mil " ...iu5 rr'DT nwspsbN -"d im " ^^73 n^c C]-ob it>t "
n'^"i:>7a rrisT nj:t« im "
Pour ce qui concerne le titre de la liste, seule la deuxième partie
en est compréhensible. En voici la transcription en caractères
arabes : ^Ijj i/^ ^xr^U J^î CiU kiUi. Ce qui signifie : « Gela est
de ce qui a été mis de 'côté et ne doit pas être vendu. » Il peut
s'agir d'un stock en librairie dont une partie est objet de vente et
dont l'autre, comprise dans la liste, doit être réservée. De ce que
certains livres, notamment des rituels, se trouvent en nombreux
exemplaires, nous sommes fondés à conclure que nous n'avons
pas affaire à une collection privée, mais à des livres en magasin.
Un seul mot de la première moitié est intelligible, c'est o-^S ;
toutefois il n'est pas bien clair, car son sens habituel, qui est celui
de « preuve, argument », ne s'explique guère ici. Quant au mot
suivant li'is^îDbN, après lequel on peut encore distinguer les restes
d'un n et d'un 1, je ne le comprends pas du tout.
Les numéros de notre liste de livres sont désignés comme m.
D'ordinaire, ce mot (Iv^) signifie un « tome » (voyez, par exemple,
la désignation des trois parties du Dalâlat - alhâlrin de Maï-
monide). Ici ce mot marque le « volume ». Certains volumes
portent chacun un titre, tels autres réunissent chacun diff'érents
ouvrages ; parfois ils renferment des morceaux de nature très
diverse. Il arrive qu'au mot "lU est ajouté le mot yynyn (^y^),
afin d'indiquer que le volume est un recueil de pièces variées
(13, 19. 44).
Certains numéros sont aff'ectés de signes extérieurs. Un volume
est appelé obJûJ, « petit », ou « joli » (n° 51). De certains il est dit
qu'ils sont ^Jii, « nus », probablement « non reliés » (n^^ 21, 22,
44) ; d'autres qu'ils sont ^<^Xrs:, « reliés en cuir » (n°' 3, 4, 5). Deux
numéros sont dits ^^ *>^, « reliés en fin parchemin » (n*^ 35, 39),
dont (jjj *xX:?? (n^^ 34) est une variante, et peut-être aussi *xX^ (y^
(n° 2) ; toutefois cette dernière expression peut signifier aussi que
le livre même est en fin parchemin et qu'il est relié en cuir. Au
sujet d'un volume contenant une poésie (25), nous lisons qu'il est
^^y *xÀ^ « en cuir bleu ».
Pour ce qui est des genres littéraires représentés dans notre
202 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
liste, ce sont les ouvrages liturgiques qui prédominent. Le terme
habituel pour désigner les ouvrages liturgiques est rij^tn (io!^),
substantif arabe formé de ^m, employé à la place de "TiTD ou de
mm^o. Nous retrouvons ce mot dans le titre d'un ancien recueil
liturgique des Karaïtes (voir Pinsker, Likhouté Kadmoniot,
appendice, p. 137). Les numéros suivants de notre liste sont
donnés comme r;:NTn : 7, 27, 40, 53, 54; pour d'autres (17, 20, 41,
47), ns&^m figure à côté d'autres morceaux. Pour deux numéros,
on indique les fêtes auxquelles est destinée la liturgie du volume :
no 2 pour Rosch Haschana, Soukkot, Hanoukka et le 7^ jour de
Pâque (désigné par y-Qy^^, parce que la péricope de ce jour com-
mence par ce mot, Ex., xiv, 80) » ; n° 24, n^nn nn^uî i Ja>^ ïiîNTn,
«liturgie spéciale à la fête de la réjouissance de la Loi* ». Un
volume du recueil, n^ 17, contient, outre n^Nm, des mnau), par
où il faut entendre des hymnes religieuses (cf. dans la prière du
matin — ^tdnu) ^n^in — l'expression m-i'^^m mraTi;a ^^bbns et dans
nnnuî"' l'expression nn^ji "r^-^ ; voir aussi dans le Siddour de
Saadia (Steinschneider, Cat. Bodl., col. 2204) l'arabe n"'nNonb«.
Un autre volume (n°31) est composé de prières de pénitence, de
Selihot pour le Kippour^. Le 1"i)3Td est nommé particulièrement
dans un recueil (n° 47) sous la forme du pluriel arabe 1"^7:i<TD
{^jm\jj)). Dans le même volume se trouvait aussi une akéda, poème
liturgique sur le sacrifice d'Isaac appartenant aux Selihot. La poésie
liturgique des soirs de fête, Maarib *, est également représentée
{n° 55). — Le n^ 12 renferme des lamentations (Kinot), non sur le
9 d'Ab, mais d\n'7D "^s-^itb, « sur les morts ». On ne savait pas jus-
qu'ici, à ma connaissance du moins, qu'il existât des recueils par-
ticuliers de lamentations funèbres.
On trouve des pièces de poésie profane désignée sous le nom
arabe yi^ dans les n"' 11, 15, 25, 37. Dans deux d'entre eux
(11, 37) la poésie est expressément appelée « poésie hébraïque »
(jl^jjt.i). Il est probable que les deux autres numéros conte-
naient des pièces de poésie arabe. Un recueil (13) renfermait des
morceaux métriques, en arabe ^^')y> (?^P'w en hébreu).
La littérature midraschique n'est rei)résentée par aucune œuvre
* Cf. dans Zudz, Literaturgcsch. d. si/naq. Poésie, p. 69, le Yocer de la Pâque:
tlîl^Jti bN T:iV'\ ; le J^CT^I u:n"I?3 dans le Beth-Eamidrasch^ 1, 35-5", de Jellinek;
le y^'^.'^l Diann dans Zunz, tV^, p. 22. note 1.
* Gt. Zunz, té., p. 82 et suiv. ; RituSy p. 86 et suiv.
' Voir Zunz, Die synag. Poésie d. Mittelalters, p. 76.
* Voir Zunz, Literaturgeseh. (\ syn. Poésie^ p. 73.
UNE VIEILLE LISTE DE LIVRES 203
marquée d'un nom spécial. Nous apprenons seulement que les
n°" 17 et 51 renferment du '»Dm73, les n"» 10, 26, 32, des nT::-n72.
Ce pluriel, dans la langue de Maïmonide par exemi)le, désigne la
totalité de la littérature midraschique (voir mon livre : Die Bibel-
exegese Moses Maimûnis, p. 35 et suiv.). Il ne faut pas con-
fondre avec ces mu5"n72 le pluriel arabe pk^n'^'t, que portent cinq
numéros de notre liste (4, 13, 39, 42, 44). Ce pluriel arabe corres-
pond au pluriel hébreu mu3n"î, que Maïmonide emploie constam-
ment avec Tarticle arabe (voir ib., p. 33 et suiv., Revue, XXIII,
312). Il semble que ces n5^^N"i"i renfermaient des interprétations
agadiques, vraisemblablement des extraits du Talmud et du
Midrasch.
Un volume comprenait des Halachot (43). S'agit-il des Halachot
Guedolot? Nous ne saurions le dire. Même incertitude au sujet des
msbnji *>o|^ du n° 3. Le titre peut signifier « Remarques utiles
sur les Halachot », et il serait question des Halachot Guedolot.
Dans le môme volume, il y avait encore une « Explication d'ex-
pressions » (lâtiJI UîTriD). Ce mot vise peut-être des expressions
des Halachot Guedolot ou duïalmud (voir Revue, XXXII, 128).
Dans le n° 33, un écrit est désigné comme suit : « Expressions
(tâUJI) des traités mischnaïques Zeraïm et Moëd »; c'étaient peut-
être des articles empruntés aux glossaires sur la Mischna, comme
en composèrent les Gaonim Soherira et Haï (voir Lehen u. Werhe
des AhulivaUd Merwân Ibn Uanâh, [>. 85 et suiv.) L'\ n° 28 avait
un commentaire sur les principaux travaux interdits le sabbat
(m5Nb?D mnt^ j.a**^â.)), donc sur le vif chapitre de la Mischna
de Schabbat. Halacliique était probablement le contenu du mor-
ceau dit QiLsipb qui occupe la première place dans le recueil n" 13
(cf. û-»r5î<nn 173 d-iLûtpb = vrùM2i2 ^t^i12 û-'-Jipb, Revue, XXXII, 128).
Quant aux n^*^ 6 et 30, qui portaient le titre « La table sacré i et
les pains de proposition », « Les offrandes sacerdotales », je n'en
saurai déterminer le contenu. Avaient un titre arabe et étaient
probablement écrits en arabe les n^" 38 et 34 : « Des témoignages »
(cybl^-^î «j) et « Le livre sur les parties de l'impureté lévitique »
( ms^waji ALj\ v'^^- Pour ce dernier écrit le nom de l'auteur
était indiqué, mais sur notre feuille il est devenu illisible. Peut-
être pourra-t-on, par voie de conjecture, compléter le com-
mencement qui nous a été conservé et qui est ,,,3 p. Les msTyUn
du n° 5 sont-elles des Consultations de Gaonim? Impossible de
l'affirmer ; aussi bien, ce peut être le titre d'un ouvrage de polé-
mique. Par contre, on peut considérer comme des réponses le
204 REVUE DES ETUDES JUIVES
n** 36, u Lettres missives, extrait de Tensembie des lettres missives
de R. Joseph » (£]Dr '"i J^-^^ (^ i^X^oJ JuL^j). Gomme notre liste
a vu le jour très probablement avant le xii^ siècle et en Orient,
ce R. Joseph ne saurait être R. Joseph b. Migasch, disciple
d'Alfasi, mais lun des Gaonim du nom de Joseph (voir Millier,
Einleitung in die Responsen der bal)y Ionise lien Gaonen, p. 79).
Le n° 50 renferme des lettres échangées probablement entre
hommes savants (cz^LaoIX!*) ; dans les n°' 26 et 45, il en est question
également.
Le n» 33 contient, outre le glossaire sur une partie de la Mischna
dont nous avons déjà parlé, le « Rouleau de la maison des Asmo-
néens » en traduction arabe (y^ZjJ> "^NjIT:'»::»! rr^n nb:»2). L'auteur
des Halachot Guedolot (éd. Hildesheimer, p. 615) donne le même
titre au Rouleau des Asmonéens. Dans les ms. yéménites il est
souvent question d'une traduction arabe de ce Rouleau (car SjZJu»
ne signifie pas ici «l commenté », mais « traduit en arabe ») ; dans
son Arabie Chreslomathy (voir Revue, XXV, 153], M. Hirschfeld
a publié un de ces textes. Cf. Harkavy, Leben u. Werhe Saadias
(en hébr.), 1, 205 et suiv. ; Gaster, The scroll of the Hasmo-
neans, p. 9).
Avant de parler des écrits de Saadia dont il est question dans
notre liste, je citerai un ouvrage anonyme avec titre arabe qui est
désigné expressément comme n'étant pas juif. C'est le premier
numéro, qui est ainsi décrit : ^x^^^y nh^yn m?:iw^ 1^^ àoJ ^^
Jii-*X-Lî iJ<-sS (X Volume qui renferme de la science des non-juifs,
avec le titre Kitâb-al-madhal (Livre de l'introduction) ». Il est
probable qu'il s'agit de l'ouvrage astrologique d'Abou Maaschar
(ix« siècle) j.xAxJt JiwjCJI (Introductio major). Voir Steinschneider,
Die hebr. Uebersflzungen d. Mittetaltem, p. 567 et sqq. Le n"28
renfermait un chapitre du même ouvrage (J^Ovli t-»U^ ^ oL).
Je n'ai pu déterminer ce qui se trouve au n« 6 sous la rubrique
^Liîjili c-jLlS « Livre de la claire explication ». Je connais un écrit
d'un auteur postérieur à Maïmonide qui portait comme titre
<x^îyiJl ^Lwi.)î, ou plutôt AxitUi^Ji *XfilyiJî ^LàjÎ « Explication
clair(3 des fondements de la religion » (voir Neubauer, Catalogne
de la Bodléienne, n°« 626 et 1313). Il se pourrait que le n° 6 de
notre liste offrit un contenu analogue.
Parmi les écrits de Saadia, notre nomenclature cite principale-
ment ceux qui ont trait a la Ilalacha.
UNE VIEILLE LISTE DE LIVRES 203
1. Le n° 28 signale comme dernière pièce les « quatre portes de
Rabbènou Saadia >:. Le n" 41 parle des m^^mes « quatre portes ».
Nous ne connaissons pas d'ouvrage du Gaon portant ce nom;
mais comme il existe un écrit halacliique du Gaon Haï intitulé
m:>inu) "^ly^ *, nous pouvons en inférer que nos « quatre portes »
étaient un ouvrage similaire. Les rm^iTar] ■•m "^ly^ et les ^^yo
hi:>n2^, qu'un ms.-de la Bibliothèque de Parme attribue à Saadia,
ne sauraient être dues à sa plume, ainsi que l'a montré Stein-
schneider (Cat. BodL, col. 2161).
2. Le n° 13 parle d'un écrit sur 1' « impureté et la pureté ».
C'est évidemment le rririLii ïtNT::: 'o, qu'on cite comme un ouvrage
du Gaon (voir Rapoport, Bihhouré Haitilm, IX, 28, note 19 ; Stein-
schneider, ib., col. 2162).
3. Le n" 20 renferme, outre de la liturgie (nDS^m), un écrit sur
r « intercalation » et un autre sur « la fixation de la néoménie ».
Le premier serait en arabe, attendu que le titre marque l'article
arabe [^'yyy Jî). Il s'agit sans aucun doute du mn^:' Ji c-^LjcS^de
Saadia, que le Fihriste mentionne parmi les écrits de ce Gaon
(voir Poznanski, y^i^7i5/i Quarterly Review,X,260). L'autre écrit,
désigné par les mots de o^inn '0"\Tp, avait vraisemblablement le
même contenu que l'ouvrage de Saadia; il ne saurait donc être de
lui. Joël Millier, dans son introduction aux écrits halachiques de
Saadia {Œuvres complèles de R. Saadia, t. IX, p. xvii de la
partie hébraïque), cite aussi un livre du (raon sur '^a^inn ^aiTp.
Mais ce n'est pas le titre d'un ouvrage ; MïiUer, qui à ce sujet
renvoie à J. Q. R., V, 190, a rendu par u)in- i^M'^'p l'anglais
« Galendar w, sans faire attention que ce terme s'appliquait au
mn-":?!! 'D de Saadia.
4. Le n° 8 est ainsi conçu : ^Lt^ill^ iijAaj<jt.\\ ^^ -H^, « Traité sur
la Pentecôte et sur les fêtes ». Il est possible, quoique peu pro-
bable, qu'il soit question de l'écrit de Saadia sur les fêtes. Cet écrit,
que Saadia appelle ^Ltilî cjU^ dans son Séfer Haggalouï (voir
Harkavy, /. c, p. 153; ib. 212 et suiv.) était en hébreu et aurait
porté un titre hébreu dans notre liste. La mention spéciale de la
Pentecôte indique que dans l'écrit en question cette fête était l'objet
d'une étude particulière et vraisemblablement d'une polémique.
Il se pourrait que cet écrit intitulé -:^5fùt une partie de l'ouvrage
polémique de Saadia contre IbnSâqeveihi, ouvrage qui porte, entre
autres, sur la Pentecôte (voir /. Q. R., IX, 435 ; X, 253). Le titre
et le commencement manquaient probablement au n» 8, en sorte
qu'au lieu du titre, on a donné une indication sur le contenu.
* Voir Steinsclineider, Cat. Jiodl., col. -1028.
206 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
5. Le n*^ 28 signale expressément Saadia comme étant l'auteur
d'un ouvrage d'ordre polémique. En voici la transcription arabe :
Vt TT^y^ is-ia^ib ^^ Ji^ »:>;^ ..UiiJl Ji^ ^^\ j^éS^ ^JjS . Parmi les
écrits polémiques connus de Saadia, il n'y en a pas qui ait ce titre,
dont la signification est la suivante : « Écartement de la réfutation
du « Kiyâm » et sa réfutation selon la vérité ». Or, nous savons
qu'un écrit de Saadia portait ce titre : a^Îv-ï^J^ J^ A^^ cjUlS
AAjc^vJi, «Défense des lois religieuses révélées* ». Cet écrit est
donc désigné au n° 28 par -IxaJ^ f^t nous apprenons par le titre
que le Gaon prit sa plume contre une réfutation caraïte de cet
écrit et réfuta la réfutation. Peut-être cet ouvrage est-il identique
à l'écrit polémique contre Ibn Sàqeveihi dont nous avons parlé
plus haut. Dès lors nous devons admettre que ce dernier dans son
œuvre polémique contre les Rabbanites et contre Saadia a eu par-
ticulièrement en vue le « Kitàb alkiyàm » de Saadia.
6. Le n'^ 38 parle de « Questions »(JjL-.j«) de Saadia. Peut-être
s'agit-il de questions halachiques et de réponses qui y furent faites.
7. Le n<> 30 renferme un écrit de Saadia sur c L'obligation de la
prière » {ri^^vo isnnb i^^W S-^?*'^)- C'est le titre de l'introduction
du Siddour du Gaon (voir Steinsclineider, Cat. Bodl., col. 2204 :
8. Le n" 21 offrait un extrait du commentaire de la Bible de
Saadia; car c'est probablement ainsi qu'il faut entendre ces mots
rtnTiToJÎ jj*.|Pj.AâJCi2=>j.x>*^5*. Par conséquent «tafsir» ne signifie
pas, comme d'ordinaire, la traduction arabe de Saadia, mais son
Commentaire sur le Pentateuque (habituellement ^j^).
9. Il est possible que le n" 22 ait contenu le commentaire de
Saadia sur la Genèse. Il faudrait compléter san par [n'^n^o npan ;
voir les n°* 28 et 29. Les lettres qui se trouvent à la fin de la ligne
sont inintelligibles. Il faut admettre que yûvi)! c-îbL5~était le titre
du commentaire de Saadia sur le Pentateuque ,nT»3). Cela confir-
merait l'indication qui se trouve dans Neubauer [Cat. Bodl., n" 626,
col. 121), suivant laquelle le commentaire de Saadia sur le Penta-
teuque est cité sous la dénomination de (lisez nrtTî^bs ^) ni^riTbx nj^riD.
^0. Le livre sur le langage (^ÎI ^) du n» 9 était peut-être le
ikxUî cjLlj de Saadia ou une partie de ce livre (voir mon ouvrage :
Die Anfaenge d. hebr. Gramnratik, p. 39).
» Voir Poznanski, J. Q. Review, X, 259.
* Cf. le r-i"'\::x-ia n"'DDn -i::nb73, de KirkisâQi [Steinsehneider-Ftstschrift, p. 214 ;
Brody. Eehr. BxbUogr., II. lOUl.
* Dans l'index (col. 1063, eu haut), il y a 1î<r;7i<b;< 3i<n3.
UNE VIEILLE LISTE DE LIVRES ml
11. Le n« 14, sans nommer le Gaon même, nous donne le titre
arabe complet d'un de ses ()uvra«,'es philologiques, qu'il appelait
en hébreu 1in:*«n 'o. Car jj^i^*^ J^i c-^LlS n'est que le titre
complet supposf^ par M. llarkavy {Leben u. Werhe des Gaon Saa-
dia, p. 30), dont Tabrégé jl^î^^x^l ç^US' est employé par S.
même dans l'introduction au Srfer- Ha(jgal(nu, tandis que l'ad-
versaire de Saadia,Mebasser, a Tabrëgéjji-iJi Jj-oî cjliLST Le titre
entier tel qu'il se trouve dans notre catalogue porte^*i.XJ au lieu
de^^x^l. Grâce à cette nuance, le titre prend un autre sens, car
alors ^yo\ ne saurait signifier « racines » (fondements, principes)
de la poésie, mais les racines de la langue, et le sens du titre
serait : « Livre des racines pour la poésie hébraïque * >>. Ce
sens correspond mieux au contenu de l'ouvrage. L'Agron est un
vocabulaire double, où les mots sont rangés par ordre alphabé-
tique des initiales et des finales, et il a pour objet de faciliter leur
tâche aux chercheurs d'acrostiches et de rimes. Saadia donne
les racines, c'est-à-dire les formes verbales reconnues par lui
comme telles ; donc le livre pouvait à bon droit s'appeler « Livre
des racines ». Ainsi, le dictionnaire de rimes de Saadia aurait eu
le même titre que plus tard le grand dictionnaire d'Abouhvalid.
Le fait que notre liste compte tant d'ouvrages de Saadia prouve
qu'elle est d'une époque où on lisait beaucoup les œuvres du Gaon.
Aux n<^^ 29 et 38, on accole au nom de Saadia la formule usitée
pour les défunts (V't — rcrch ^3^-l^T). Donc il y a apparence que
notre liste date du siècle qui a suivi sa mort. Cette supposition
est confirmée par la présence, dans notre liste, d'un auteur qui fut
au nombre des plus éminents savants karaïles et qui florissait vers
la fin du ix« et le commencement du x^ siècle, par conséquent peu
avant Saadia, de Daniel al-Kumisi, sur qui nous sommes informés
grâce à Kirkisâni mieux que ne l'était Pins^ker {LihkoiUé Kadmo-
niot, I, 48 ; II, 188). Voir Harkavy, VHP vol. des Ahhandlungen
d. Russ. archaeol. Gesellschafl, pp. 280 et 316; J. Q. R., Vil,
692 et suiv. ; VIII, 681 et suiv. ; IX, 436. Le n^ 45 contient un
écrit de lui, qui porte comme titre le simple mot de a Question »
(iJL^). Peut-être était-ce un chapitre de son m:t?3ri 'o écrit en
hébreu. Qu'au milieu d'une collection d'ouvrages essentiellement
rabbanites nous rencontrions un écrit karaïte, cela n'a rien d'éton-
nant pour qui sait l'ardeur de polémique où Karaïtes et Rabbanites
étaient montés au temps dont date notre liste. Il semble, du reste,
* H faudra donc rectitier ma traduction « Livre des principes de la prosodie » [Die
hebr. Sprachioisienschaft vont 10. bis IS. Jahrh.^ p. 16).
208 REVUE DES ETUDES JUIVES
que Daniel al-Kumisi n'était pas trop mal vu des Rabbanites,
parce que, comme nous l'apprend Kirkisâni, il s'attaqua plus tard
à Anan, le fondateur du Karaïsme, et l'appela D^b-^DiDri ;Di^n.
Le n« 19 renfermait aussi un écrit d'Anan [l^yb ^^], qui n*est
pas plus clairement désigné.
Si la petite feuille de papier, à laquelle cet article est consacré,
offre maints détails intéressants pour l'histoire de la littérature
juive du moyen âge, d'autre part, elle présente quelques énigmes
dont je n'ai pu trouver la clé et que je signale à la sagacité de nos
savants.
1. Que signifie ïntîTNnD5< (transcription arabe : «^î)^^] ou
iiyl^V^Î)? Ce mot revient dans deux numéros (16 et 49) et dans
un troisième (48), il est accompagné d'une expression non moins
énigmatique : ^a-^^N^sb^ '^by (= jii^^\j.À}\ J^). On pourrait consi-
dérer nj^T^^i^i^ comme une arabisation de *^^t'^^n,qui signifierait
« Prédications ». Mais où ce mot a-t-il ce sens? Ce n'est qu'en
néo- syriaque que niDj^ et en arabe vulgaire que \j^ signifie
« prêcher 1 )>. Si ^\j\S\ signifie « prédications », ©"^^î^nD peut
passer pour le pluriel arabe de ^^'9'^^? « section, péricope ». Le
n« 48 nous donnerait des vl Prédications sur les péricopes hebdo-
madaires ». Toutefois cette explication me paraît problématique.
2. Que veut dire le titre du n° 18 : n-nnbb nN-isiTT? Si tii^nî^irv
était une arabisation de ni-ii:i"«^ qui désignerait les poésies litur-
giques de la prière du matin, que signifierait nmnbb? Dans les
n^^ 23 et 55 on peut encore distinguer les premières lettres de notre
mot énigmatique *.
3. Que signifie aUJI, dont parle le no52?
4. Que signifie, dans le n^ 6, )'^i n-«3 nx (3-4*J? Ce mot arabe
peut avoir le sens « extrait » ; et l'œuvre signalée serait alors
extraite de l'œuvre complète, dont l'auteur aurait été connu
comme « Ab-Dêt-Dîn » (chef du tribunal).
Enfin, mentionnons que pour le n° 35 et la deuxième moitié du
du n° 19 le contenu n'est marqué que par ces termes généraux
UuôUoj »*Xfi « une certaine quantité d'ouvrages ».
W. Bâcher.
* Voir Krauss-Lôw, Griechische und lateinische Lehnwœrter^ 11, 297 b.
' M. Steinschneider m'écrit qu'il ne se souvient pas d'avoir trouvé les pluriels
125''^i<"1D et n5<1Ni:T^. Mais il m'indique le pluriel arabe ■T^TN:i73 de mT573, cité
dans son dernier catalogue [Virzeic/uiiss der hebr. Handschri/'len der kOn. Bibliothek
in Berlin, Zweitc Abllieilung, p. 81 b, note 3), et le pluriel "î'^lN'IO de 11*10, qu'il a
trouvé quelque part.
\
LA GRANDE SYNAGOGUE DE SEGOVIC
Le dernier Boletin de la Real Academia de la Hisloria de
Madrid (octobre 1899) contient sur une antique synagogue de
Ségovie un article extrêmement intéressant, que nos lecteurs
nous sauront gré d'analyser en détail.
L'église dite du Corpus Chrisii de Ségovie, qui fut, il y a
quelques mois, la proie des liammes, était une ancienne synagogue
dont l'origine se perd dans les premiers temps de l'histoire de
la péninsule ibérique. Cet ancien monument judaïque passait à
juste titre pour un des plus beaux, joyaux arcliitectoniques de la
Vieille-Gastille. Bien que transformé depuis le commencement
du xv° siècle en un temple catholique, dépendant, en dernier lieu,
de l'ordre des Sœurs Franciscaines, il gardait de sa destination
première un caractère particulier que n'avaient pu effacer les
changements apportés à son aménagement intérieur. Les clichés
que l'on trouvera plus loin et qui ont été gracieusement prêtés
à la Revue par l'Académie Royale d'histoire de Madrid suf-
fisent à le montrer d'une façon saisissante. Le premier de ces
clichés reproduit, d'après une photographie de M. Joaquim Maria
Gastellarnau, l'aspect actuel de l'intérieur de l'ancienne synagogue
avec ses arcades entourant la nef centrale et ses murs épais,
noircis par l'incendie. Le second donne un plan de la construction,
dans lequel les lignes pleines indiquent les murs de la primitive
synagogue, et les autres ceux dont l'édiOcation fut nécessitée ulté-
rieurement par la nouvelle affectation de la bâtisse. Ce plan est
une réduction du plan de l'église et du couvent du Corpus Chrisii
levé par les soins de M. Odriozola, architecte municipal de la ville
de Ségovie.
Cet édifice existait déjà au moment où Alphonse VI entra dans
la ville en conquérant. Une autre version cependant n'en ferait
remonter la construction guère au delà du règne d'Alphonse X,
dit le Sage. Ce qu'il y a de certain, c'est que les Israélites y ont
T. XXXIX, N" 78. 14
210
REVUE DES ÉTUDES JUIVES
pratiqué le culte jusqu'en 1410. Ce fut cette année seulement que,
prenant prétexte d'un sacrilège imputé à quelques rabbins par la
clameur publique, la reine Gatalina, mère de Jean 11^ chassa les
Juifs de la ville et fit don de leur synagogue à l'évêque D. Juan de
Tordesillas. Celui-ci l'affecta au culte catholique sous l'invocation
du Coî'pus Chrisli et la donna aux moines Jérômes de Parraces.
Fi(/. -/. — Aspect acluel de l'intérieur de l'ancienne synagogue de Ségovie.
Elle resta en leur pouvoir, et toujours consacrée au culte catho-
lique, pendant plus d'un siècle et demi. En 1572, Manuel et Antonio
del Sello et la femme de ce dernier, Doua Juana de ïapia, l'ac-
quirent pour y installer les Sœurs Franciscaines, qui en demeu-
rèrent maîtresses jusqu'à nos jours.
De ce rapide historique on peut conclure que la synagogue a dû
subir depuis l'expulsion des .luifs au moins deux transformations :
la première quand les moines de Parraces s'y sont établis, et la
seconde quand on en a fait la chapelle d'un couvent de Sœurs
Franciscaines. Le problème qui se pose donc tout d'abord consiste
LA GRANDE SYNAGOGUE DE SÉGOVIE 211
à déterminer la nature et l'étendue des travaux effectués pendant
le séjour des moines. Or, dans ce qui a été la synagogue, M. Gastel-
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Fig. 2. — Plan de la construction.
larnau n'a pas trouvé la moindre trace d'une modification pouvant
être attribuée à cette période. Incontestablement, dit-il, l'affec-
tation de l'ancienne synagogue au culte catholique n'a pu se faire
212 RK VUE; DES ETUDES JUIVES
sans qu'on y introduisît quelques modifications ; seulement il n'en
reste pas trace. Peut-être ces modifications se réduisirent-elles à
l'érection d'un autel à la place du sanctuaire. Mais si on ne trouve
pas le moindre vestige d'aucun travail des moines dans la syna-
gogue, on peut affirmer^ en revanche, que la construction du cou-
vent actuel est presque entièrement leur œuvre. Il y avait autre-
fois, à côté de la synagogue et y attenant, une maison qui devait
servir d'habitation au grand-rabbin. C'est sur son emplacement
que fut élevé le couvent. Celui-ci, d'après M. Casteilarnau, ne
saurait remonter au delà du xv« siècle, étant donnée la nature des
matériaux employés à sa construction. Les portiques de la cour
intérieure et la galerie supérieure du couvent qui se conservent
encore debout avec leurs colonnes, leurs chapiteaux de granit et
leurs voûtes surbaissées portent la marque de l'époque. On peut
en dire autant du portique de l'église marqué en A (fig. 2). En
efifet, l'arc de cette entrée est en pierre granitique, comme les
colonnes de la cour du couvent, et cette sorte de pierre ne se
trouve pas employée dans les travaux incontestablement plus
récents comme les murs désignés dans le plan que nous repro-
duisons par les lettres BBB, GG et H (fig. 2). On conçoit, d'ail-
leurs, que les moines aient voulu se ménager une entrée dans
l'église en A, l'entrée du couvent donnant sur une cour de ce
côté. Autrement ils eussent été obligés de faire un détour pour
pénétrer dans l'église, soit par la grande porte NN sur la façade
de la primitive synagogue, soit par la porte P ménagée sur l'un
des côtés du temple.
Dans son histoire de Ségovie, Colmenares a écrit quelque part
que de son temps l'église du Corpus Cliristi « fut renouvelée » (en
nuestros dias se renovo aquella fabrica), et M. Casteilarnau, qui
rapporte ces paroles, y voit une confirmation de l'avis qu'il émet
sur les autres constructions ajoutées à la primitive synagogue en
outre du couvent et de la porte A. Mais, en l'absence même de
tout document contemporain, aujourd'hui que le feu a dépouillé
les murs de ses revêtements, on distingue avec la plus grande faci>
lité ce qui a été bâti presque vers le commencement du xv<^ siècle
de ce qui est postérieur. 11 suffit, dit M. Casteilarnau, du plus léger
examen pour être frappé par les différences qui existent entre le
solide maçonnage ancien et les murs ajoutés depuis. On peut même
fixer à peu près la date de quelques-unes de ces constructions.
Le presbytère, par exemple, en forme de croix grecque, surmonté
d'une coupole hémisj)hérique, a dû être bâti à une époque relati-
vement récente, probablement vers le milieu du xviii« siècle,
comme l'indique son style néo-classique de l'ordre toscan. Peut-
LA CHANDK SYNAC.OdUK DK SKfîOVlK 213
être môme est-ce plus particulièrement à son achèvement que lait
allusion Golmenares dans le passage de l'histoire de Ségovie que
nous avons cité.
Il ne saurait être douteux pour quiconque examine le plan (fig. 2)
que les parties au trait plein représentent bien les seuls vestiges
de l'ancienne synagogue qui subsistent debout, comme le veut
M. Castellarnau. En effet, les murs que Ton voit indiqués en BBB,
GG et II constitueraient de véritables excroissances architec-
toniques dans une synagogue. Ils se comprennent, au contraire,
à merveille si l'on considère les nécessités créées par la présence
de sœurs recluses. Ceux qui furent chargés d'aménager l'ancienne
synagogue, de manière que les religieuses pussent assister aux
offices sans communiquer avec la partie du temple accessible au
public, ne pouvaient manquer d'imaginer la cloison BBB. La
portion E de la nef centrale fut ensuite séparée des parties laté-
rales pour former le chœur; mais, ses dimensions étant exiguës
on le prolongea au travers de l'ouverture NN, en construisant les
murs GG et H. Ce qui le prouve, c'est que tous ces m.urs n'ont au-
cune liaison avec les murs qui constituaient la primitive construc-
tion et ne sont qu'adossés aux anciennes parois de la synagogue.
On peut encore faire remarquer que les murs GG et II se trouvent
trop rapprochés de la muraille d'enceinte de la ville pour avoir été
bâtis par ceux qui élevèrent la synagogue. Cette construction
remonte, en effet, comme nous l'avons dit, au règne d'Alphonse X,
si ce n'est à une époque antérieure. Or, tout le monde sait quel
rôle avaient dans les guerres de cette époque les murailles des
villes. Peut-on dès lors admettre que l'on eût permis aux Juifs de
Ségovie de construire leur synagogue adossée, pour ainsi dire, à
la muraille de la ville? Même après que la synagogue fut affectée
au culte catholique, en 1410, les moines de Parraces n'osèrent pas
construire leur couvent aussi près de cette muraille. A la fin du
XVI" siècle, alors qu'on ne faisait déjà plus la guerre de la même
façon, c'était tout autre chose, et les architectes des Sœurs Fran-
ciscaines n'avaient pas à se gêner.
Dès lors, il devient loisible de reconstituer les dispositions pre-
mières de l'antique synagogue de Ségovie, telle qu'elle devait être
vers 1410, date de l'expulsion des Juifs. Elle occupait vraisembla-
blement une surface rectangulaire limitée par quatre murs épais,
dont trois subsistent encore (fig. 2, partie en traits pleins). Les
murs latéraux dirigés dans le sens Nord-Sud (VV et PA), la façade
JJ regardant le Sud, l'ouverture qu'on y remarque ayant dû ré-
pondre évidemment à l'entrée principale. Le mur qui devait clore
l'enceinte de la synagogue du côté Nord a dû être démoli lors de
21/i REVUE DES ETUDES JUIVES
la construction du presbytère. C'est là que devaient se trouver le
tabernacle et le sanctuaire.
Nous avons dit que l'ouverture NN devait répondre à l'entrée
principale de la synagogue. En effet, les pans de murs JJ n'en-
closent que les deux nefs latérales de la construction, laissant
ouverte la nef centrale. Leurs extrémités NN présentent, en outre,
des particularités qui ne s'expliqueraient pas sans l'existence
d'une porte à cet endroit. D'abord, dans une étendue de 2™,50
environ, à partir de NN, les murs JJ sont formés par des blocs de
pierre calcaire, et c'est le seul endroit où cette espèce de pierre se
trouve employée. Ensuite, ils sont renforcés extérieurement par
deux gros piliers carrés d'environ 0'",'73 centimètres, également en
pierre de taille. Finalement, de chaque côté de l'ouverture NN,
en dedans, se trouvent deux demi-piliers d'où partent les arcades
qui partageaient antérieurement l'ancienne synagogue en trois nefs,
comme nous le montrerons tout à l'heure, et ces piliers, eux aussi»
sont en pierre calcaire. Ne voit-on pas que tout cela n'a eu qu'un
but, donner plus de solidité aux extrémités NN des murs qui
ferment les nefs latérales, afin qu'ils pussent porter l'arc de la
porte principale de la synagogue? On peut observer encore le
point de départ de cet arc, qui aura été démoli au moment où,
voulant élargir le chœur, on a élevé les murs GG et H, comme
nous l'avons expliqué.
La synagogue devait avoir encore une autre entrée : celle que
nous avons indiquée en P et qui a subsisté toujours. Il est visible,
en effet, qu'elle n'a pas été pratiquée depuis la nouvelle affectation
de la bâtisse. On peut supposer qu'elle desservait la nef réservée
aux femmes, car on ne voit pas qu'il y eût dans la synagogue un
autre endroit qui leur fut destiné. Là devaient se borner les
ouvertures primitives, car les fenêtres qui existent aujourd'hui
sur la paroi VV y ont été vraisemblablement pratiquées depuis.
Tel est du moins l'avis de M. Castellarnau.
Si maintenant nous voulons nous faire une idée de la distribu-
tion intérieure de la synagogue en nous aidant des vestiges qui en
subsistent, voici la description qu'en donne M. Castellarnau :
« L'enceinte de la synagogue était partagée en trois nefs par
deux majestueuses arcades dont les arcs, en fer à cheval, s'ap-
puyaient sur des piliers octogones. Arcades et piliers se conservent
encore debout (voyez le cliché fig. 1). Ces deux arcades se com-
posent de cinq arcs chacune, mais il devait y en avoir sept primi-
tivement. Les deux premiers s'appuient sur les demi-piliers octo-
gones en pierre qui se trouvent de chaque côté de l'entrée princi-
pale (NN fig. 2), et les derniers sur les pilastres qui soutiennent
LA GRANDE SYNAGOGUE DE SÉGOVIE 215
les arcs tores du presbytère. La hauteur de ces arcs est celle des
nefs latérales, mais intérieurement, par-dessus ces arcs et jusqu'au
toit de la nef centrale, se déroulait une précieuse suite de vingt-
six arcs soutenus par vingt-sept colonnettes. Du côté Ouest, ces
arcs se sont écroulés pendant Tincendie, et ceux qui restent
debout menacent ruine, car la paroi qu'ils ornent n'était qu'une
cloison reposant sur les cimaises qui supportaient les poutres de
la nef latérale, lesquelles se sont carbonisées par l'action du feu et
réduites en cendres par endroits. Ces arcades, qui de tout temps
furent aveugles, n'avaient qu'un but ornemental et sont formées
par des arcs en fer à cheval reposant sur des demi-colonnes
géminées à fût cylindrique. La décoration des archivoltes est
formée tantôt par cinq lobules qui altèrent un peu leur forme de
fer à cheval, tantôt par un simple feston. Au point de rencontre
des arcs, il y a une rosace.
a Un bandeau décoratif se déroulait le long des arcades, au-
dessous des arcatures de la corniche, et entre celle-ci et les arcs
une frise composée de deux larges bandes séparées par une autre
plus étroite dans l'arcature de l'Est. Ces bandeaux furent détruits
à la suite de quelque ravalement.
« L'ornementation des chapiteaux des piliers octogones qui
soutiennent les arcades est extrêmement originale et délicate. Elle
est constituée par des palmes gracieusement entre-croisées, de
façon à former des losanges dont les extrémités, réunies deux à
deux en forme de volute, s'enroulent au-dessus d'une pomme
de pin. Il y a vingt-quatre volutes à chaque chapiteau, deux à
chacune des faces de la colonne et une à chaque arête. Les volutes
se trouvent ainsi disposées, de façon à occuper le centre de chacun
des vingt-quatre losanges dans lesquels l'entrecroisement de la
tige des palmes partage le chapiteau. » L'ensemble de cette orne-
mentation devait être d'un effet très heureux.
Toute la décoration de la synagogue, tant celle de l'arcature
supérieure que celle des chapiteaux, frises et rosaces, était en
plâtre et se trouvait fortement détériorée à la suite des nombreux
blanchissements qu'elle avait dû subir. Aujourd'hui que le feu a
passé par là, il n'y a que de rares endroits où l'on peut voir
encore des vestiges de cette ornementation. Aucun des chapiteaux
dont nous venons de donner la description n'est intact, et ce n'est
qu'en les complétant les uns par les autres que M. Gastellarnau a
pu les reconstituer comme ils étaient aux beaux jours de l'antique
monument judaïque.
Même le revêtement à la chaux a disparu des piliers et des
arcades sous l'action des flammes, mettant à nu les briques de la
216 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
construction. Elle fait honneur aux ouvriers qui l'ont édifiée en
des temps lointains, car on n'y découvre pas la moindre fissure,
et ces parois, vieilles de six siècles, paraissent inébranlables, tant
leur aspect est solide. Rien n'a bougé ; pas une brique ne s'est
ébranlée. Piliers et arcades se dressent d'aplomb comme au temps
où les achevèrent les habiles artisans qui les bâtirent.
En accomplissant son œuvre de destruction, le feu a ainsi, du
même coup, mis à néant la légende du sacrilège imputé à quelques
rabbins en 1410, et qui servit de prétexte à leur expulsion et à la
confiscation de leur synagogue. Les briques, que les flammes ont
mises à découvert, attestent qu'elles n'ont eu à subir aucune recons-
truction à aucune époque. Que devient dès lors le récit du frère
Alonzo de la Espina, disant qu'après que les rabbins eurent commis
leur abominable crime, « la synagogue fut violemment secouée
avec grand bruit et fracas, si bien que ses piliers et ses arcs se
fendirent ». Et pourtant ce récit trouva créance jusqu'au xvii^
siècle. Golmenares, dans son Histoire de la très ancienne, nohle
et loyale ville de Ségovie, publiée en 1637, dit en parlant du pré-
tendu sacrilège : « Toute la synagogue trembla, les arcs et les
piliers se fendirent et restèrent ainsi jusqu'à nos jours ». De
sorte que, dit M. Gastellarnau, d'après Golmenares, les piliers et
les arcades de la synagogue seraient restés dans ce triste état
pendant environ deux siècles et demi, depuis 1410 jusqu'en 1037.
Or, aujourd'hui nous pouvons constater que jamais aucune brisure
ne s'y est produite, ni les piliers, ni les arcades ne portant la trace
d'aucune restauration. G'est également à tort, dit encore M. Gas-
tellarnau, que M. José Maria Guadrado, dans son livre Souvenirs
et 'beautés de V Espagne (1865-1872), dit que l'on voit dans le mur
du fond de la synagogae une fente qui remonte au moment où,
par suite du sacrilège des rabbins, la synagogue fut secouée dans
ses fondements. On voit, en effet, sur le mur indiqué en II (fig. 2)
une fente, mais, ainsi que l'a démontré M. Gastellarnau, ce mur
n'a jamais appartenu à la synagogue. Si M. Guadrado pouvait la
voir aujourd'hui, il s'en apercevrait tout le premier.
La très érudite communication de M. Gastellarnau, que nous
venons d'analyser, présente donc le double intérêt de nous donner
une reconstitution minutieuse d'un des plus anciens monuments
judaïques de l'Espagne et de faire bonne justice d'une vieille
légende que des auteurs, d'ordinaire plus circonspects, avaient
rapportée jusque de nos jours sur la foi des chroniqueurs du
XVII® siècle.
Oscar d'Araujo.
LETTRES DE SCHESGHET
B. ISAAG B. JOSEPH BENVENISTE DE SARAGOSSE
AUX PRINCES KALONYMOS ET LËYI DE NARBONNE
(suite et fin*)
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p-^TriTan .^nnnî* It^î^s i ûbu: :f^i2W2 nvj ^'0373 bip :>n73u;b t-nni^ap
V : Mètre
: vp-i'an by ta-iN 32b Tnrr^ pi .■•aab ^nn '^•'^bn yDC^*;?
: vpiiT?: tzirt \soDi ^^T^T» ,by ^"«"'bn pbm ûb':3 rr^n
: rpbn 'nuî^ •'ïi"» tn ""pbm ,pbnn ^nnrj.sn ûpbn "«dd
.^nbnsa pmm pTnnm ,y2^b^ iDy?3U5D '^i-i'^D'n m^itr !-i5ban
* Voir plus haut, p. 62.
* Gen., XIII, 17.
' Jos., XV, 19.
* Ps., LXVIII, 14.
5 Allusion à son nom Scheschet; n\13\IÎ "^p^H = Û'^p^M nUJUJ.
» Ps., LI,10.
218 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
pnis-^ •Ta lapïi t-r^a^u ûibu: msn D^n-ja73 m::^;:^^^ ,^3 r;n!auî3T nb"«;2
."^"jDpnD ciDi"» ^a pni:-' na nuîuî iTOwX^r; lap^ "l'^nx .imriwNa
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iip"' (?)Tn^r; t^n^a bx db^D riNn
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: iiNnu ^T'U^i ^nra d"" "^i;*!
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: «iinn '^b -in[rî]T ^m:: u^^^Jn "p
* TiiT ^^"'j^Ni-ib puîn m "^^^ttii
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,yi*nwN T^-lHwST "^25^73 ^H^^
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.•^TiwS^û b^ -«sa d5> "«a-ip C]nDDD5<
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,*;ï-î "^^"ii "^aab li^T» d"'\a3 ■''t>
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.ïT^bî* rt-^m-is ^-lya^i trijwX-i b:^ pon mbi^ nbd ant ^na^wS n^ll^il^
mx-ib TT^ip /ï-T^b3> tD-^nii: npTUîn ^■'piit^ nra'ui
^d-'^'ns :>auîî< t^b ^-«i^T ,';;a\x t^b dw^ ùibni^ *]"«&<t ,^?:ibna ^n3"i?:»-i
t<)3ir Nbi tznbb a^^-i r^b ,)x^^ i;a-< nv bda bd\s ••sn ^npv:în tz-nbi
to-'j^ia asj^nnbn ^idd -"T^^îj?: mi-ibi / ^nan 3'72\::b twX "^a t^-^^b
bN rjD n\aî< ^v -«aab UTp'O"^ towS na.iwxn "^n .^n-^u: d'^:'5T ,^m-i'>73T
'nfcîTir pTsUm rra r-np^^j^m ,^fa "la'iN t-nT'na ï>ibT in&<-i):a ï-ra
n-'-ia -ûin^ Ti<n ,^?:^ ^iDUîn ""^^i tn'np: dpwXT .^t^:' i5"^Tn ï-innx
'inanwS "^Da ^2^^^ ^-ny?2i ,^nbr;n ■'-l'^'^a -inr:î72 .a-ibcrri riariNn
Vl^Pïi T-hn .^mn^a i^^Tn S2? -inn^?2r; /^nprûn \n73 ^n7: n-nT72T
.•^:30ip"iD ^o^^ "ia pni:"^ na rr^ua
* Ex., XXXV, 25.
* Ez., IX, 4.
^ CVest la même chose pour moi, de voir Ion visage ou mon Dieu, ma vie ou ta
grâce.
* Zachar., iv, 2.
" Com. Il Rois, VI, 25 : d"^"!^, voisins.
^ Amos, VIII, 11.
^ Viviûant en élernuant (corop. II Rois, iv, 35 les morts entre les gens de ton
amour.
LETTRES DE SCHESCIIET
219
: Mèlre
: mt]^:>2T Tin ^r?3"^3 -^rs
: t-n)2':J3 Nb ^'d d"'':J\x n^r)
: n"i^2"ibyn y^v Mb ^n
: * m7:pn3 ■^nn'^^iî Y^ ^^
:^ "^m mn "«b^ ^-^s^ iriT^n "^Ni-n
: TiiDi T^iT n"iï-î ^bnn "^îoibnm
: «"^npb ^^T ""ID '^^^{ nab na '':) mt^i
pnnT5< ln-«ji3 b^a Y^'^^^ï^"'
,nn&< Y^T pmN ^m
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u iw» : Mèlre.
.'^'isî ^nsi^^n rîTn&< v^"*^ ^^i
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ni-rnnsN m-i''^72 n^p^r\>2i2 i^'^'^n T'-T'Uî") ti-ito^* û^^sm ,i3\-i:>7:'7 mn.x
in nujti yprs n:^ "i:^ ^nt^ni i-«^rT dt» -it:t< ^nnwS r-in:» ^n
ïsnnnb 2b by n93^ Nbi ,^^m3d'n73 ^i^y^ ■nriwN 3>"n7: ,"]n3'TJ-' n?2isn
bm pii:^ ï;\n bs is-ibN n^nps n^m .^\-i72 nx nvnnbi .'r^-^^rn^b
» Job., XXII, 29.
•^ Ps. XLV, 15.
' Mon âme est déposée chez toi, et ceux qui me voient sont étonnés comment je
peux vivre sans âme.
* Ps., GXVI, 8.
' Job, XI, 4.
« = nd-id73.
* Ps., GXXXIX, 18.
220 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
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* Isaïe, XXXII, 2.
» Ex., XXXII, 1, 23.
' Nombres, xxiv, 1.
* Jér., XLvii, 1.
* Comp. la prière nl^'ÛJD.
^ Nombres, x, 25.
' Job, X, 3.
* Ps., cxix, 4.
» Jér., IX, 2.
*» Lament., m, 12.
LETTRES DE SCIIESCHET 221
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: r;N-ip3 n-iDm p::n nr:: ts^mn .nïp nr::i n-i3i' i: r-irj riDn
: "^ nNn33 nonn \N-n i-iton-» iv .ï-izûpujj? r-13 pws;:: m: 3 -^bitt
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^ Gen., XIX, 6-7.
^ Eccl, XII, 14.
^ Isaïe, XXXVIII, 16.
♦ Il veut dire : '^UJDÎ. d'après Gaut., v, 6.
' Le jour que lu la trouves.
* Jér., xxxr, 22.
^ Isaie, XLii, 22.
® Ezécli., II, 2.
222
REVUE DES ÉTUDES JUIVES
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» Ps., Gvii, 27.
' Isaie, XXVI, 19.
» Gant. II, 14.
^ Nombres, ii, 2.
» Jér., II, 20.
• =: Car lu es tout louange.
' Il m'est impossible de dire : peut-être verrai-je mon frère sans me mettre en che-
min immédiatement.
LETTRES DE
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SCHESCHET 223
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Tndj^T T^n^-i yntîïi "^nN ^:^yn ^om "jm ,\-iNa '*!-i2 bd ^nd^'' r<bi
* Lévi b. Moïse.
* Juges, VI, 37.
=» II Rois, XXI, 27.
"* Gen., IV, 16.
» Ps., VI, 7.
^ Gen., XLVii, 11.
'^ Isaie, XLii, 14.
* Job, XIV, 14.
9 Ez., m, 24.
"» Baba B., 12 a.
*^ L-aïe, xLiv, 5.
'* C'est lui, l'ami sans pareil, qui dévore les frères, qui ue sont que des pièges, et
les amis, qui ne s'avisent que du mal; et si c'est moi qui rends ce témoignage, alors
il est vrai.
>3 Mal., II, 4 : avec Lévi b. Moise.
** Deul., VIII, 9.
224 REVUE DES ETUDES JUIVES
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ïi3îiws r-npD3 -«npD"! "mbom ts-^^nn "{nN \n-'-i2 -^d i-inii ^^^'j^y^
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n72wNT ,l:"^:2 no:> ti:-':u573 hj(n)nwS p b:> ^n:nnb V"*^ /'s=î\Nnp3 ^^N
^72N-' r-i7ai ,n:?-in "ob^ai ii:\^a rrsOT /'nb^NC S2N ^:3 bx m^s -«d
* Hos., XI, 7.
* Gen., XLI, 51.
' Eslh., V, 13.
'' Gen., XXXII, 26.
» Ps., XLII, 12.
•^ Isaïe, xLiii, 1.
^ Allusion à la pièce : ?^3^DJ nmw73.
« Mal, II, 5.
* Isaïe, Lx, 17.
"» Job, VI, 11.
" Lis. bcN; tbid.^ XXX, 26.
12 7^jV/., 1,21.
1'* 1 Chr., XIII, Î9.
1' Jér., XI, 12.
^^ Jacob = Israël.
^^ Gen., xxxvii, 33.
LETTRKS DE SCIIESCHET 225
.^"n^<?: "]'::n-i ,»i"i2;a t**J3 j[n](:i)Db tziNnon ,» in3-»o p-,i< bsb^bi
11:^ "^^tcn Ï-T73 "^D .\npD«nm -"îd \"^i:n"n "^nT^ninn trî^nnn ■^r?;*::'!
tz:n3 ^b v^"* "^'^^ tz^:^ i:>^:im .mxm ^w;an -^b ^":;n !n:m .s^^ns
r-ipii: "n:' "^b ïht^t ,vbj< ^bin ^:ni '^m-ip "^itp "^d ^r:?':^i ^ycn
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bnn?: '-^-b^b t*^-jn73 ■'b nb-^bn "^it^i /^ tzrr'in b[N](:>) ï-7b\sc û-^b^x
'^ "^nnb C]nn"« t^bi p^ntihic^) "^rpisra -^n î-iy;3 it» cn "^d iri p-^Tjjnb
■^DmN t=:nwSi ,^-ii:T« liirn liirnn Sap?2T ,'^-ii:"' b:^ '-in^n?^ ^:iti "^d
ri?273Tv:jn nn[D]N2n imn^T ,r;^i?3b:iT nb-i2*:;rr ■i?:^ ■i7:n: ■^7:n:7:i -^n^*
mn73b .msDbn ^ni::>^ -^sii:-! -^-inwST ,!-T:i'7:cn •^b^pb^ DDbnpb cznt
riNbi 2Nb inb rr^nt^ -^în ,Qr;"«b2wN7j tznrnbn .p^DD by72 nr72T
"i3ï<7: fc5<T .in^bws iiis-ia n:2NT .irr^SD t*<':;NT litcn [N][n)b7:NT pbi
ï-iïm y? nvjr; -JUJosb nnnt^ -^sn .pb mnn'^r -^-inwN rrr^bm 2n:nb
nisnpnm t^DT» n:pTnn tsin "^bNi:» onwST ,J-Tr::rn p^rra nnarr
,nc^^ t<-i2 "^d y-ir ^92^3 pr>a û:' n-^nb .n-iT^b pb r-n-^nb ,t:rbD
^•^25 p-^niTT /** i:>'^?3^r: tznnaa ûD\m5"ibm aanpri: bipi /'m720 a^
N^riT p-im û-^'JN y"^ i\ov 'n t^-^^asr: bi^sn •^nwN "22 nsm '' i:'-«c-in
^2 priiT"» "Îd V^p!^ tn^^ .tsnbu: tz^s^-^^'C-^T TiiïT -«nb s^r-^in-'
.''aDipNnNo JD nc:2 p rjOT»
' Eccl., II, 23.
« Rulh, IV, 15.
* Isaie, XXX, 13
* Eccl., XII, 1.
' Lament., iv, 18.
6 II Sam., XIX, 29.
7 1 Sam., II, 3.
» /6t(/., IV, 22.
« Isaie, X, 23.
10 Gen., XIX, 1.
»i Eccl., I, 9.
n /A»rf., III, 20.
13 Gea., XXXVII, 35.
'■* Job, XXVII, G.
15 Ps.,XLVI, 9.
le Isaac, LViii, 4.
17 Job, XXXIV, 17.
T. XXXIX, N» 78. 15
UN RECUEIL
DE
CONSULTATIONS INÉDITES DE RABBINS
DE LA FRANCE MÉRIDIONALE
(suite •)
YIII-IX. Samuel Sulami et David ben Saïd Sali ["^vbo). — La
Consultation qui occupe les f°* 38a-44a fut envoyée au célèbre
Samuel Sulami qui joua le rôle que l'on sait dans la lutte engagée
dans le Midi de la France (1303-1306) contre les études philoso-
phiques. L'homme qui provoqua cette levée de boucliers par les
excès de son interprétation allégorique de l'Écriture était Lévi ben
Abraham de VilletVanche, et Samuel Sulami avait recueilli chez
lui riiérétique : conduite blâmable, qui lui attira la colère des sa-
vants de Narbonne, ennemis de ces nouveautés subversives. On ne
mettait pas en doute ses qualités, sa droiture et sa charité; mais
on lui reprochait d'avoir accordé son appui à ce révolutionnaire.
C'est ce que lui écrivit en propres termes Salomon ben Adret,
l'autorité rabbinique la plus vénérée du temps. Que n'imitait-il
l'exemple de ses ancêtres, qui étaient les plus grands savants, en-
tendez les plus grands talmudistes, du pays ! Ces remontrances
finirent par avoir raison du courage de Samuel Sulami, qui
engagea son hôte à quitter sa maison -.
Sulami avait-il donné dans l'hérésie reprochée à son ami? Don
Grescas Vidal a beau se porter garant de sa piété, il semble bien
qu'il ait suivi le même courant. C'est ainsi qu'il avait admis avec
empressement une doctrine de Salomon b. Adret, d'après laquelle
la révélation du Sinaï fut uniquement une vision prophétique.
* Voir Revue, t. XXXVlll, p. 1U3, et plus liaut. p. 76, ou, au lieu de Vlll, il iaut
lire VII.
* \o\T sur cet épisode Mmhat Kenaot, lelUes 12. 14, 15 et 17, p. 46-56, el Neu-
bauer-Renao, Rabbins français, p. 658.
UN RECUEIL DE CONSULTATIONS DE HAHHLNS 111
Seulement il avait mal compris la pensée du maître, qui n'était
pas si hardi et restait attaclié à l'opinion traditionnelle ^
On aimerait à pénétrer plus intimement dans la pensée de
Salami. Mais il ne nous est rien resté de ses écrits, bien qu'il
ait cultivé la poésie en môme temps que la science talmudique.
Force nous est, pour essayer de reconstituer sa physionomie,
de nous en tenir aux Consultations qu'il sollicita de ses cor-
respondants. On connaissait jusqu'ici, outre la lettre dont nous
venons de parler, quatre réponses de Salomon b. Adret à ses ques-
tions*. Je ne suis pas sûr qu'il faille y joindre une autre lettre du
même Salomon à un certain Samuel résidant à Narbonne ^ Grâce
au compilateur de notre manuscrit, nous sommes maintenant en
possession d'une nouvelle Consultation — et peut-être môme de
deux — à destination de notre rabbin, n'émanant plus uniquement
de Salomon b. Adret. Il s'en est môme fallu de peu que la lettre de
Samuel Sulami nous lut conservée : le copiste malheureusement
l'a trouvée trop longue et dénuée d'intérêt au point de vue rahbi-
nique, en dépit — ou à cause — de son mérite littéraire *.
Les qualités poétiques de notre auteur sont vantées par son cor-
respondant ; dans le fatras de compliments hyperboliques dont il
l'accable, il relève surtout son talent de versificateur et note que
la question de Sulami était rédigée dans une langue imagée qui
évidemment n'était pas d'usage courant dans ces sortes d'écrits.
Effectivement plusieurs passages de la lettre de Samuel Sulami,
bien qu'écourtés, sont en prose rimée. La matière prêtait peu cepen-
dant à des tours de force littéraires. Samuel Sulami rapportait un
cas qui avait provoqué dans sa ville des discussions et il reprodui-
sait les arguments des deux partis, avec une impartialité qui n'était
peut-être qu'apparente. Sa lettre est certainement antérieure à
l'année L303, qui vit le commencement de la lutte dont il a été
question plus haut, car, s'il s'était déjà signalé aux foudres des
rabbins attachés à la tradition, son correspondant ne lui décer-
nerait pas les éloges pompeux qu'on lit en tête de sa réponse. Il
ne semble pas qu'il habitât déjà Narbonne, oii nous le trouvons en
cette année, — il était vraisemblablement à Perpignan ^ — car
* N» 234 de la coUecliou de Salouique, rapproché de Dihré Eéfeç^ d'Edelmann, p. S.
2 Ea ms. à la Bibliothèque Bodléienne, Mich. 46, f* 81 b-^la.
» Ed. de Salûnique, n° 182. Quand toutes les Consultations de Salomon b. Adret
auront culiu vu le jour, peut-être y trouvera-l-ou encore d'autres documents relatil's
à Samuel Sulami.
* « Cette Consultation a été envoyée à Samuel Sulami, mais je n'ai pas trouvé le
nom de l'envoyeur. La réponse (il faudrait plutôt : lu question i dudit Samuel étant trop
longue, à mon humble avis, malgré son élégance poétique, a cause du peu de raisons
et de preuves invoquées par les deux partis, je ne Tai pas copiée. .
» C'est là que Salomon hen Adiet lui adresse sa lettre sur la RevéUtion du Sinai.
228
REVUE DES ÉTUDES JUIVES
le rabbin consultant lui écrit : « Tel n'était pas l'usage dans )iotre
ville de Narbonne, métropole en Israël pour sa science, ni à
Béziers, ni à Montpellier, ni à Lunel ».
De notre lettre il y a donc peu de renseignements à tirer sur le
caractère de Sulami ; mais peut-être serons-nous plus heureux en
la comparant avec celle qui suit.
La Consultation qui dans notre ms. occupe les f°^ 44a-57a, à la
différence de celle qui la précède, est revêtue de la signature de
son auteur, qui est David ben Saiil Sali ('«j'bi:) ; par contre, le nom
du destinataire manque. Or, l'envoyeur de la première, dont nous
ignorons l'identité, invoque le témoignage de son maître et rap-
porte un fait qui se passa dans la maison de celui-ci ; précisé-
ment témoignage et fait se retrouvent exactement dans la seconde :
c'est donc un disciple de David ben Saiil. C'est même un disciple
trop fidèle, car, non content de suivre la doctrine de son maître, il
copie sans vergogne de longs passages de la Consultation de ce
dernier, qui était mort et ne pouvait plus se plaindre du larcin *.
Mais ce ne sont pas seulement les arguments du correspondant
anonyme de Samuel Sulami qui se rencontrent dans la Con-
sultation de David b. Saiil, on y revoit aussi un morceau ca-
ractéristique de la lettre de Sulami. Qu'on confronte les deux
morceaux :
Lettre anonyme.
X^riyi p-^TH^ "^T^T^ ^-in^N-i ï-rsri
f^bbr)© n2n::n «p-^-" tano moN
Nb x^-^iy bNn^"> ^h'n d^hni rnin*»
13b ^nnns cd:^i "jibin na-^n^D
Lettre de David b. Saîil.
b^ Sbp bN Û02T SbD^T onsD
.riT Ni:?: p-'n ^^Ti7:b
1 11 joint, d'ailleurs, à lamcnlioQ de son maîlre, la formule employée pour les défunls.
> Comparez à ces paroles p. 239, ligne 28.
» PirkgR. EiUzer, xlvii : t3"«"inm on3D 'Ttzy n7^^^< ^y^i'nn nry^bx 'n
i"n ûnnn mmbn hy 3nD3U5 nnDi ^-nDTsn wo tio3 ^niï;'» by
t]n33>n bo ûr-i^a b^T^J^X] tîn« nnuj'' «bu: "jinnnn T'a û-inai p"«byn
Qba-i ODn« on -^3.
UN HECUKIL DE CONSULTATIONS DE RABBINS 229
On remarque même dans la phrase amputée par Davil b. Saùl
le style de Sulami, qui emploie la prose rimée dans des questions
de casuistique.
Les deux Consultations auraient-elles donc eu un môme destina-
taire? Ce n'est pas impossible, car voici d'autres raisons qui cor-
roborent riiypothôse suggérée par le rapprochement que nous ve-
nons d'instituer. Dans sa lettre, David b. Saiil reproche à son cor-
respondant d'avoir emprunté ses opinions erronées au Sèfer
Halerowyia, parfois tronqué ou mal compris, et d'avoir trop sou-
vent préféré l'avis de l'auteur de ce livre (Baruch b. Isaac) à celui
des autorités les plus compétentes; il consacre môme tout un mé-
moire à la réfutation de ses thèses. Or, l'élève de David b. Saiil
dit à Samuel Sulami : « Le grand maître, l'auteur du S. Haie'
rouma, ion ami, a décidé d'une façon moins rigoureuse ^ » L'iro-
nie est transparente, surtout si on se rappelle que Baruch b.
Isaac était mort depuis nombre d'années ; elle vise la préférence
de Sulami pour les opinions de ce dernier, préférence qu'il avait
probablement affichée dans sa lettre. Le ton de la réponse de Da-
vid b. Saiil ne contredit aucunement cette supposition : c'est celui
d'un homme d'âge parlant à un homme instruit, assurément, mais
qui demande à s'instruire encore. Aussi bien est-ce un véritable
questionnaire que Sulami soumettait à David b. Saiil, pour un
traité qu'il avait déjà composé ou qu'il se proposait de rédiger à
l'usage de ses élèves.
S'il en était ainsi, la surprise de Sulami n'a pas dû être mince
en retrouvant sous la plume du disciple les paroles qu'il avait déjà
lues dans la réponse du maître ! Mais voici qui sera plus intéres-
sant : les thèses rabbiniques soutenues par Samuel Sulami — à
supposer, comme il vient d'être dit, son identité avec le corres-
pondant de David b. Saiil — sont d'une hardiesse telle que le rab-
bin consultant ne peut retenir sa stupéfaction, et rien de plus
instructif que les remontrances sévères qu'il lui adresse. Pour
l'amour de Dieu, qu'il renonce à de telles opinions qui seraient
mortelles pour le Judaïsme; qu'il se garde bien d'enseigner ces
nouveautés dangereuses ! De grands savants, des hommes saints
ont illustré son pays, tels Abraham Ab Bet Din, Abraham b. Da-
vid de Posquières, Zerahia Halévi : aucun d'eux n'a jamais admis
les licences que Sulami considère comme acquises. Et à plusieurs
reprises, David ben Saiil fait entendre les objurgations les plus
solennelles, suppliant son ami d'avoir plus de respect pour des
principes qui s'imposent.
> On lit une fois, il est vrai, l'épilliète « mon pèrei, "^at^; mais c'est probablement
un lapsus calamiàu copiste pour "^Slî^, employé constamment dans le reste de répîlre.
230 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Ces principes ont trait, il est vrai, à des questions qui n'ont rien
de philosophique ; mais l'attitude qu'aurait prise Samuel Sularai
dans l'interprétation de la jurisprudence rabbinique s'accor-
derait fort bien avec l'empressement qu'il met à se rallier au
rationalisme apparent de Salomon ben Adret et avec sa con-
duite envers Lévi b. Abraham. Gomme il avait accepté la pré-
tendue thèse du savant espagnol, qui souriait à ses idées, il fait
sienne la jurisprudence des rabbins septentrionaux, moins sévère
que celle de ses compatriotes, car ce qui fait pousser ces cris de
terreur à David b. Saûl, c'est, en fait, la doctrine de R. Tam et des
rabbins de la France du Nord. Les représentations de David b.
Saiil ne l'auront pas complètement converti, car, s'adressant plus
tard au disciple de ce dernier, il ne craint pas de mettre en avant
des arguments qu'il avait déjà entendus condamner. Il est vrai
qu'il les place dans la bouche de ses compatriotes qui inclinaient
à une solution favorable aux intérêts en cause.
Quel était ce David b. Saiil Sali ? Le nom de Sali a été porté
par plusieurs personnes et semble la traduction de Laroque. La
Roche, Roque. .., terme géographique qui s'applique à de nom-
breuses localités. Mais parmi ceux qui ont pris ce nom qualifi-
catif et qui nous étaient connus jusqu'ici aucun ne s'appelait David
b. SaùP.
David b. Saiil est le nom d'un disciple du célèbre Salomon de
Montpellier-, qui prêcha en 1239 une sorte de croisade contre les
écrits de Maïmonide ; il s'associa à la campagne entreprise par son
maître. C'est vraisemblablement le môme que consulta Samuel
Sulami. Il s'était alors écoulé quelques années depuis cette lutte,
car David b. Saiil parle de Moïse de Coucy, dont l'ouvrage ne fut
terminé qu'en 1250^ ou même, d'après Isaac de Lattes, en 1282*.
David b. Saiil, suivant son propre témoignage a composé des
Novelles talmudiques, d'^uîiTn (f'^44&). Il semble s'être livré au
commerce des vins, car il raconte un incident qui se produisit
dans sa maison, lors d'un achat de cette boisson qu'y vinrent
faire des Juifs d'Espagne. En un autre passage il rapporte que
souvent il a fait cuire le vin.
Israël Lévi.
[A suivre.)
* Gross, Gaîlia judaica, p. 271 .
' Meïri, introduction, Bet Hahehira ; Isaac de Lattes, Saaré Cion^ p. 41.
* Gross, Qallia judaica, p. 558, d'après Zunz.
* Schaaré Cion^éà. Buber, p. i3. Voir cependant ci-après, p. 240, note 1,
UN RECUEIL 1)K CONSULTATIONS DE MAHBINS 23!
APPENDICE
VIII-IX
.^72borî r«i73\a -i"n!ib nribio !-i3v:;n (33 o^
,c:'^nu572b niib "]bnr: marr i-^^d irm f'-ic^T û-'m^s dbiD îii'^i^is
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^nN^nrt ^m73 ^rrcii "]bsu: tn^^J -"D ^n^^T» •^^•'2:1 ■^nrn"' in^-i "jn^
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Sn-i'cj-« v^^'^ ^n^-^bT: rmn:^ ^^D12 ::pbn?arTi pi^rr "«Db nbN"::rt
l'^'^n i72u:i tz"« ^-n iiD^binbi "nuîD V"* s^npb "^i^n to:^ qnnu^rj
tD^npDm rtb3>7:b73 r-nDi:i73rî tznoi in-^uJNnn û-^'iiT^ba y:^ m-'zna
P"in73 T^'^a tnDTr; br tz':;"i n^i tsn^iry "]\-im r-.iTnna û^b^uîa t::n
•^irm -T^'^^a r-n\mN ^i:n nn^na "j-i-id r-ibirn ncD tzrr^by anai
tsiN V^'*^ inno?2 -n73'::b ûn?:^ ^»i'ln ^bm nrann "«rD-ia r-irm»
&■» abn rîrson !-i:i^bîm ^Vj^ inana p'j bD i-ian T'ao n?: ■^■^"JtJ
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232 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
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^y tmnrî ^uînd t=i^c:u)2 onsD tn73 torûi'ip c:'«bbsu: nanST
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-i^^iTTo p-^r: -'3''-ji73b isn '"•s^nitn -^oJ^n?:!:: 'T:'"'bN 'n nnT^N':: 'T^'-^bti
n-j-'H^ tî-i^.n noiTû*!!: ûr*^ cdpo idns r^b i^-^^3> tzNTw"» "^b?:
VN Ï-7T ^s^i ^rr^ïi ï-i5^7ûti "^^sn i-^5pnu3 i3b *T-ûn5 to:-i "i-^bin
r-nmnsn r-i\m&<r{ diSTo^ib ■in"'73r!m fnnniD'ia ïitoi (?) to-^isb ^-^-i^
p^pY? ^^nit p "^D n72N -^bon 5ii>3 i-^^irm tinon -{^"«stn ncT^
M.tmbi"i:i snT^nna bnx tzsrr^D ^m y^r^ t'^p'^'iTao i^pinpnn
...tonin ^inr: tonnn m ^^ujis t<bN 15*^^ î-it bD &;:î3N5
■^-iiDi b^ 15^^ ^na73r: '-«snt b"T Sni7ou5 '-"n") 'no it7: !-ibi'7:i
n^ND t<^3Dr! ntîT n^ont^ri b::^ Jtid i;^n^ t^b tzibo-i on b2i< i^b^t
l^tîUJ"! rr^riT^pb ujn r^b it t^nno by:2 t^i^ip (en marge ^^nwn) n-^^n
^12^ ïiT — !^^r: b"T np:j>^ '"^n^ toril nii'rn nDd"« fon "np-ipi m?: nb
...b-^jb \nan5;a
bia m-^nn v^ l'^pbn^ C?) -^a^a iiirr isbuî s-)V2nn\:j r-i^noo !-j7:t
tD^T b"T i-ijzb-û '"^n-i St) 'i\n-i3-i t203 nranD po yr Suîb s^iH
tzin^t^n pînb tnnu5n ni^n p nmou: ts"n '"^^it: r!\x-i mwN^rr nn^^
S-^pnb -irmn-iT^ ï-it '^art ^3bnp nsr: t2"^73r! "sd br û-^bp m-^nb
p'TD ifi< 2p3 ^3>3 bpbpnnb t=:^m3T û-^pn tz-^-iDsnuî niarn -^o ^nnn
:?"3 12 nn a^n an:: "iiuîbn ï-iTm q-^^Tbi nip:b c^n"" n:\^ -^^irt
*rîbNO r-imuîna
l^r^mr:: ta^r:: r;7:5 tow -'D yi û"n 'n7j ïi\sn nwsari':: n72i i^i^j
l-'iioî V^"> ^""1 P^-^ î^'2 bd3 *;'^pnn7:i v^sin r-,Dni:3 -^id rm
nnp"^ ^b rî73 •^n"«"i b"T d"37:-ir^ 'rnd^a nanrDUj n-n d:;i ,-mm7: ^nn»
' ffoullin, 4 ^^
* Ici vient la cilalion d'un passage de la Consullalion de David b. Saiil, qui se
trouve au f» 53 ô.
IN RKCUEIL DE CONSULTATIONS DE RAUBINS 233
•^D^n t'T^n mr^i ts^T^n iibb-j: ^d m<i ^d n3»n::u: rn^sn m.*i:7:^
■»2n3 û'^b"n:in t:-^-"!-):! dni ..,2":? û"^TwD npTnn ^nt::"» ^d ^3
ï*^mny37: -inrin v^ minb nnr:: ts?:^:^ T:;rT r-Pjvr&^-ir; c:r:iD
^li^nb rzr"^ npnb t;"'iiN:;r: -"-in^a Dn^iî< t3'?:3 ibbiri rzrzi
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^3^:^ 'nrtn t^bi ^uma vrm r^bi mirnbi i-mnb bNT::"^3 tiï^T
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Tnn b"T imn nnm ^ny^an "^jM^:^ tny^'D ^Vj^ r3?373 b'^::rîb '«m r-.^TD
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Vî^'b bnt< m-jpr: 'i^ij'b t^bx «n^n mwX\y t<373rn ^DlX fc<b r<m
"]"io3b "^iNi nr^^ï-î-'n ût j^n'r m n-irnsu: V''!^ i^ '^o^"* ï^'^b ^idd
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now n3T73 "^nrib ^oi<3\D -no^rs ^d Nbu: nnT73 "a^b V'^^'2n73 irN^i)
p^ Sd inb ';\x \^y2^ i^piT -[nb u:-" ^3fc< ^oin73 nrr:: tznb
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iwS'Cd Ninn ■'im '^s S"^2C3 in'^i<i?3i V2Tû n:n":;3 tîbi V::^ m
bdo n73us^n nr r-iN n^d-> j*<bi y^"^ Nb ï-TwNinrj'sa mrn (42 i) /r-nr''
.,.r!\n\::3 -1^73 isb^u tni3">'^3 ^Vj^ ri73
j^-^nn i^m\s-i ^in^i ^^n 1^73 ^n^rr -^n-i nnri &:t (43 i;
* Ililchot Maachalot Asourot, mu, 3.
' C'est l'opinion que Maïmonide rapporte au nom des D*13>)3 "'S^J^^ {Bilchot Maa-
chalot Asourot, XI, 10]. Cette opinion a, d'ailleurs, été repoussée presque universelle-
ment, entre autres par Nahmanide, R. Jona, Salomon b. Adret, Ascher b. Yohiel.
^ Ce sont presque textuellemeul les arguments de David b. Saûl qu'on lira plus
loin, p. 237.
*• Ce paragraphe est un mélange curieux des paroles textuelles de David b. S;iûl
et de celles de Salomon b. Adret citées en marge par le copiste, voir plus loin, p. 237,
note 3. L'auteur avait-il sous les yeux la Consultation de ce dernier, bien qu'il n'en
parle pas, ou serait-ce Salomon b. Adret qui l'aurait pillé ?
" Il oublie de dire que c'est à son maître qu'il a emprunté toute cette discussion.
634 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
tn^OJ2i2 nn&< Mn\nn3 ib -^n i^n ^i-.^Vna ^,::T3r^ Vu;in^ i^-»'! ï-i-ni
l-i^a ■'i:; :?573 ';n''»'^'2rî ■'-imb ri7:'»:jb i\\ pb ,Nr?2'^3 r^^z-^Dnbi
,rTT3 bbr) i-'-nin» ^^y!2 '^2in:i -^-in^ 1\s\d ':j3-î t:vi2 s-,m-i?nn i5b\a
nrr^rj^ irjDbc) m-ma m^N nn isnr:: J-ntiip^^n nab !it Ds'utî V"*
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tD^i2 tor:3b Tn'N'-irr "^d ^y ir^vû^ip ispn^iD "^is :?i72t: S^ir^a
'^EN S-^^iïib ?n"'Drtn ^ni '^yi2 nsn^*:: i3pn"« pi^rsTo b^irnb irnT'nnT:
1^1 ^»5^ir^r5b m^issn is^nins^iîT to-^iiir: rj^my ibrsvi r573 1^73
f-iir-i^iD ^^'n î-tt '^j<^"i t^b^ ^hn ^nbo b:? is^sj' tninuîbT 15b sitTjbi
.tDS"^"» ûnD i-inn i^ïbTî^ "^^m ^y^iz n-iT:* «bîM -«sn r-ii-'nn ^ns
Ntb&< -«"la y:^i2 t-i'Trri rsr^^^s t*^bo '7:ni<\:î Tnz'Ci n-nnn ï-t-^n-i ti7
t^73t22^ 1"'-«i "jb '7j"«''p r^Tî'T ::bm72 SbD ■i:\T>a ^oîb ■^-int:: l'^-'a
tD5i û^N73:: torr; irm:*'"' bs \s'7ii *73:^"«n3 '-«ûwN hst?: -^Drib biDs
173^ Nb rîT bs d^T y-iwxb riirnna v^'^:: ■i">rr Dïi\n"ir-i 3-1 snn û"'73''3
SiDDï^ l-^tî"! "^liTTo t^irso nn^ bdn n::':îD !-innr;o i7:bb inra naibn
rrè^T^iiûrî v^^ ""2^ "n^î 13"^^ nbi^i:* s-i-^nna ujn^ ;:::>?3 b-iDD -^d in nr:
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.!-ï"3^ n2'^mn"i73
■^DNîiyû t>ib "^^ûbDi-i b^<n7:\:: 'n tsdrtn bi< nnbvû narrnrr r-iNT
tnvN-n m3:>a ^5^732 inirbn tnnnirn riUJ-ibnr: \-i3?-! -^sb ^-n^r c*<bb
•'-ima •'b "^n ï-i\'iT nmN ^-lpnyr^ î<b tL-^-ioiwsrî nmm ';'i-i\n?3n "^nana
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^\aN dt>n^i d^D t^bi nbnor: d\a î-13 ^dT3 ^d3 V"* "'^''''^ ï-i3v:în
.T«bwX nnbio
■«5tè<d ï-Tb53-i ynwsa :?73':î5i :'^i3 "^d ^b rnnb'::o \xnd ^r'^N* ^:j<
^bipb \n3^730 p5< ■<"-« n^-T^i r-.^T mm mcim nrdn ^^j:y -i'>l\x
*^ndnî< •'by ï-t-id'»d -^d ^nbwNO mi<b53b ^\-iii:73dT ^■'-ld^d \nwxm
* Voir plus loin également, p. 237, 1. 4 d'en bas.
UN HECrEIL DE CONSULTATIOxNS DE RAHIUNS iTU)
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,i73mn3 n30D"'*:: 1l^ r-T37373 13"^^ tz-^by» Nbc rrnpba nn.x "]^ni:o
* Voir plus haut, p. 228.
* Nous passons la réponse, qui n'oli're rien de parliculièremenl intéressant.
236 REVUE DES ETUDES JUIVES
•'nnNi n7û-nnr: -idd ^i-in-i tana \nan3 ht (iSè) ... Sntw"» -^ti
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ï-T^r^ Nin tiST c^nn to^^a-^ i-^^r^ 1r^3 rirr:;^ r-nsmrî nv:;^:ir; itj
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t<bo •^I72;b ninrr nn^i ,ï-Tt<b7:2 *i\nnb c^o ^'wi:5<i -i?2N psom
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bNiui-^ -1WU51 "^i^r: ^-n uni ^ niDD n^n "^DwNi n:;^ ^issr; 'Dy i^^nn
INID nnnD nsrs ,ï-T\-iu)n -iidn n^nnn bî^nui^ id:::i n^n r:;: ^^b•>a
^iDN n^3 ^ijH t=;':3 5>53 t^bu5 b^^n^"» -iTû^uj itî mD^) rr^rr '^2N"»a
•(T^jb tnnnr) ^.s '73:13 'j-i'^tî'is b^i^i ";iïd3 t3v:;73 j>ïin ir^Ti ,ï-i\-t:îd
ï-7i:n J-TT rinN "]n '^ai-i^Dn b:in'7 ^iD3 n^iDTn r<b':5 b"T ï-i\u?3 '-1 nnrr
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2r\^^ nw DiniDb nnsïi n>3b b"T ï-t:î73 'n nnn iicb ii<s t-.3n:DU3
l-^-^n V''^3'u: t)"yi<^ niDim n:^ 157352 i-^npib "j^ni "j173D3 ï-rbrT^b
n^ np-'b iDiN':: -"nï! /^ninb in^ t^bi v^tm û-^sirnnrî ty nniy»
dbi3^ •^31^:^53 bnpuî rsTrr bi^:\rî nnn '^inn r-irar: nn^i ."^isn 173 n^i-n
Kbi uJin-^Dn '53:13 ^DitîO Î-T73 -i\nr:b n53nn!i -ido •^-i3'7 tnnpbi
n73n ^3&< -13^ CjlO (46û)..,'rtT JnN ÏIT tzs^niD ^n3Tû t^bw\ i^y
^7373 ^ni"i -^isni ,p V'^"!^^ ^^^ '^^^ P""^*^^ 1^^"^ "^^^^ '-^^ ^""^ '^^
^UJK iiirm ;:;pi73b ^b ï-i^rr» id ^idd53 r;T 13^ mn73b u:p373i -ii^
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n53 r'i^ '^^''^ ^^^ nnnuj r;7a tii"^35y3 ^53 t=:.\i r73'»:î?3r5 ■^-lp53 n^;'^53
nr û:^ ^3 ■^rt<ir73 p "^inNi ...3":' -ini73 nb5'73b'û !-t731 ,ni3wSi ii33'j
...i3icb nn^pi ï-i73i"^nr! -1^053 tnNirin
y^r.ii "^-ino nm73 in\nnrT:: 1^373 S'::i373 i-^-^i n3n3 'iri (46 A)
in\n'inu2 ';v3i mposi n3n30 nti ...3"::> -ini?3 i^b^u n\n:ib&<3
•j-^N':: '':,^yn rn^^is b3&< b"T "^^isr; '^3-1 d^3 p i:3n3 ^3 mi2i< -ini73
t^bni V"" '^'^'^ ^^^ ^^^ ï-;rpnn3'7 n-rcwS* "^wN^rn p m-iinb "ini
nin^i Nb iroirn*:) n^^<1 V''!^ f^^ V'"'"'*'^'^'^ ir^rtuj \n\\'i sni3n t2'^73yD
...r;\-i-ino bb3 13 13: n^r^ t^bi i73:5':2i irsis
irt<i b-^fc^ir; niNUî in C3^ "jr73 13 3-iyn:":J V"^t n3r3i (47 oj
^,ni73i ^D:n73 li-^Ni n3Uî3i S013733 t^in •'-in n3î73 "«3:15 ■'in-i
* Paroles de Maïmonide, /itV/., xi, 11.
» Vient ensuite la discussion de ropinion de l'auteur du S. Haterouma.
UN RECUEIL DE CONSULTATIONS DE RABBINS 237
iNb^aT l"*"» 137:73 ispn tD-^^inso û"^n33^ tanmo D"'u::n t3\N3n r.r^zz
"^nbNUJi •'bisT •'bD b:D3 n-iTri "12737: i:n3T \:J2T inpb ']d -ihnt û"^bn:i !i:^bD
\-n-im ^^y :>:732 ti:' nsj^"» r^br: "ib^^rrb ti7:wNt p rr:? r!72b tznb
Si"T:>rî nn^nn n-^nTon ^^^r5 ï-id^n -^td \nn7:NT mb-n; min r-17 by
rtiiîTD i"n "^3 "^b Ti72wNT S"t ^mnn "^scb ■^-in^ "^n^Linm \ni:-n (47*) mir,
Ss i-iTQN pT !-îT ^'21 V">°^N V*Nn '^7D::n bD t::?:^ p arr; b"T
nrtu: î^irr ^V2^ niDNT -^rs^a nmrr '-nnn ^:n t=::ii / nvn •^izzn
•ii^rî 13 '-)">:d'^ '^^ni SbD 12 ns3 ^21 u^t: mn-n^^n ^i^^:) '{■«■' -inc^ Nin
"ï-^-;^ c^bu: n7Dib t:n3>T tst^i ,^03b73 r:?:^;:: '::dt in nnrrr:;
112^ ^Dsnrib -^iN-ir: i-i-^n b:j> r^bx inî^ Nb -^i:; r:?: b^i ûr-i-^ cro by
S^::\an bos"^ '^7od h^tt: ^2::t "{b r<73^b )W2^ ^b"T riuî?: 'nn 2d^'o
t^372nn 1DN >«ïb «m biDD t^irr» ^<•^nn tiiNO 13 nn^nr:: ^m ::r72
l'i^n biODD rr^ûb ^"iD3 'i^D^'b b25< ï-Ti:2pn ]'^^yb t^bx ujn-îT -nxw
1b n\N n^apnb ^103 V^ '3"^:^bD7: Nbn ^<7a^"^ Tb^cNT '1:^1 ,"^22
r-ip^-iT i-^irb 'n?:^^^:) ^i03b n^Di San in 2-n::>7:r: "c^nn ^72*>73b
t^m w^iQ r^in ibND imN l'iNin r^n tD'rn rî7:ri3 tin d-i^tid szt
S::n "^sr; '"id^t u:nn:: n-'b s^irii bb:D np">-iTb -^ini i:\s mn szt
r-n'iin:'n *j"i-i"^7Qni3 tzi-^ir^n^a nTDib isb v^t iiy^i (48 «) ...r-jpnîb t^st
S*^nu:n ^iD3b iniN -ibos-^o nnîTD -^aiib t2"i-i^7:n73 nîwN'U 17:d tonba
■ji-^ri tiTû ï-i3nu33 Nbn Sb^ 12 -id3 v^"i ^'^^'^ "^^^^ t^nrr:: uîm ^^72
4..'* V"^ "1^'^'^ !n73'm ib^nuja
•^n^rt 12 :>:;3ï: labuî bMîi272 V':: îrjT73 î-tn-iît "^inx n2nD'j r;7:-i
ï-J7a "^Db "^DN rT?:n ,:2"3' ^^pDn03 rTin'::n b:' rii^i iy;732 -idn3 t^b
l"""^ n'*"«n^ b:' tnpDnoD ïn72b ;2:2n ^3^73 12 2-i3?n3'»a ';■«"' by t-ipsco
^oib ■^iNi iD-'N! tD-^nnN tD"'-i2'n ^21 n2-in 12 2nyn3\:: bai272
t>in"^T Dsn diujb I'^n "^n ."^ir^n 0:5^ imnu:b nm7: Dr:^-i2T "^cb \xnT
tionob 2ia t^bi ;2J2T a^»?: 12 2-iyn3\:5 i"i"> «bi ï-tt r^b iT\r:b lï^jz'C
d-^^uîn nn->n in2 :\i!i3b ir^na &îbu5 m-i^rr^m imbT7:\ mibip m-iinbi
bd b:' p b:' mmT r-J3'2nt<b 2nnpn ï-tth 1112 pu: bD mn2i:'n
nriTiTûT n-^HT n"^nTrîb ■^i&<-iu: 17ûd ^TrîT72 -«sn ï-Iw^th nn^Nn ■^-)2i
s-i2nd'i3 r-nnnN d:^t nb^rr r-nb-n^n mnn-'rîn Doisb r<ba '^"i72D
Û3-INU) û-^uî^N iN2'^ Nbia ^1125 "^isb 2inDb ^l'^ny i:^':: i7:d T'poD2
* Maïmonide, ihid., ix, 10.
> Voir plus haut, p. 233.
3 En marge, le compilateur ajoute : \:J2T 12 p3M: t<"n2 N"2UJnn 2n5 pT
^DD 1"'"' t]'lUJ72 "12 UJ"« ^21 -^yn 12 inî t2N b2i< 172i''J n3n':;3"0 13^
^32 ^03b73 i-'^37:d p"^» D"^i:\n n2T72n ^2:^ by iniwN 1^^0212 ';\s'c; Vr 'wX
)y^'^ pb MJ"» n2N nom?: p^ pb -idn: n2T73b nowssn bD f^buj
^''s' pb i^'^ V^^^'
* 2é., 9.
238 REVUE DES ÉTUDES JUiVi!.S
ini2^ n7:iU5î-. Tii^iitn -«nVn c>ibnpr! rT>rT^T ^^nm): ^•i?3bb to"'5i:irT
n's i?3:>^\a 'ry :?:?33 -iDî^'^b i"^^ i-^n ib eu: -iî:"ib ^njn ^D\a r-j.\-i:
S-nsrî DDnn p \nbnp "j-iUîbr; nT2 t::^N ...y?ûin ï-i^nu;» i2^n
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Snnn lir^s y^^-inn ^^^^^^ '^^-^ "'^'''^ ^^7373 yciy-i r-nn'ûb52 ■'^7::ib
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M.nanD'ja i?25 nnsuî b"T npy^ '"^a-i û^as \ny72':: ^n /c5t:îi -^p:? in Ni:/û3T
ï-isn^n Nb':: nb-^sN bN-iuJ-' b;a y ■^■i:r; ^03 tzi^T man^T (490)
aauî oi^ûbpn'i: «b^ ^nabn n:D2r nb^ -^biNi b"T '^"'::-i "^d bj? -^rcin
lUjy^T m5»73 inb "imDi 'idt nnn2\:;b n?3-ib •im7:i man^i ,"|3\:;n723
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■^D"i:3 "^■'-iNnb "^b rr^r: ^^^Vizh n^br; i-^nm^o "n»bbn r-n-;ir;bT b■»y^r^b
l-n^'ub ûn5< b'DV t^buî mot^ Nino r-173 nwsabi 3>^mr:bT niDbrirj
to-^Ta^^an mnsb '-istp?: r^inuî 'd':>'n moNn n&< -r^nrîb n^i^sbD
... JnvN-irr'
ûnuî û-^ïja:: 1"i^d irîUîTDD nr7an nnis^nst ^D3nr:5 y"""! tnnnDT (49 è)
../!:3' nN2r:3 imoN ';-«t^u;3?:
i3^Nï) •'cb ï-i'TiïDn nniTa^ n^si^ n^?32 n-irn:o i"»"^ ^^''^'' nan^T
t>ib t^"im b"T Tn'Nan 'nsc; ^7373 r-i.sirin rjT 'D"y r^^-^cb '•■i.n-i
r-i-i73N"i r-iDDin r:nN"i t::^Db 0^:2 vm: Nin "^5 ib r-iN-ir:; r<bwS ans
...m-in"»:;b "^iNn i:\s*o
yn r-ipbm nn^rî b^ •^inb ^d: V** ï"'"i:'7:3 rnnnD*û r-î?2 b::i
...'^ bnb"i27: "^rri^b mcn ",2^ pp m^^i:
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n^73n73 ri^n p t::;^ 17311:2 i^anD i^n^Ni ,ïz^n':w- br -;d irr ''.^?3n73
13N VNT ,0^7373 tD^i73n pa r::^ ^<b dn tsiD^b d\'m1 tz^r^nna
Ti73n3 yn riTn npbn r^b tzi-^piocn (on//) nNC tzrn -,^-«,D^b t=^nr3
,"n73n: !*<bb
VN© 'nnwN73 ûrpmnina tD-^isn y^ np-'b y-l^n73 c-^i T'2:^^-)
> Probablement = "Ti 0^73 "^IT^.
' C'est peut-être celui qui vivait à Lunel vers 1105, vo r (iros-, n. 2SI.
^ Jusvinel.
* Nous passons plusieurs pars'îraphes où l'aulour reprend sou correspondaul <ie
n'avoir pas élé assez complet ou d'avoir mal opiné.
UN RECUEIL DE CONSULTATlOiNS DE RABRINS 23U
!-TN3nn — im73u: -«la pirn 3>:i?jd tî-^T ï-irrr 172T3 1"«dc273 i-»»©
"innDb rnuj;am ^anbn nr D2:d3 -id Tn^na Ti^nToi fTsu:» \n^^m
V^DDTî v^'^ T'posn m73ip73 r;7:33 riT oru^ mnî^T td p-^Tnnbn
bDT D^N-)i7ûNT tz;^N3n irman -^-im -np^'bi y-ncbi o-inb ï-iin "jTsTa
n2:r t:^23-n û^^iNi ï-twdt b'it'T to-^snN^n bD -nsm "ipocj ï-r^a
ûn-iDN 'n ^a-npn ain û-^bms tzi^:2-n D-^-iJi^p r-iNTn y-i^a rn 3"np
t2-'bnn:i û^Ts^n ï-itodt mt^dt S"t n^nnT 'nm l'n'^'n'm n"3 2«
•^-n "n^Dï< "^DT ,m nn^ -iToib t=in:'T by r-ib:^ ^bi ts-^nb^ ^2Nb733
\nu5 t:"^C"i:>i t:m:>-j3 D"'p"nwNT t=:P2"i7:N pTnb c^^jrnn?^ ct' bsa
Dn-ina nnacn ûnD"'br;3 toiD-n bj'i Dn\-i;an doid by dh-'^ï-d :ny^
•^3Db iDD2b Dmn^^in rT«2a 137273 tn^nbic: ûn^:^"':;)^ y-^r, t2t<^^ina
■^nnpn ts:^ .ûms"»"» ^iz'ûh tznvan bD3 1:73^ V-^"^-"" V"^^'»'"'"' ^"^
t=5^D3b CD73nb ûbDt<3 T"3'n "^^Db Q-'Na Û^UÎTpn D'^TO'^D "^D TiD-m
nnm tziD-'osi tDDbTo noa mp733 Dnbn r-n^nb quj nn^To :=cn?
Iiy mnb Dî^iaa Tiz'O b^a inN ba "j-iTau pi aa-'o: i-^-^ ina"^ 1731
VwNUj Tn72N-« '^-'N'i tDD"ii< Dnbi taujD:^ y "j^nriJT V'^pi'^ t:3i:^ br
...ïnT" ûip7:a ^30:73
ï-iNbn Nb T^bN na^ ■iwS'::^ dnt rrN-i aa ï-tn-i -^ax nnt<i ... (5i a)
n7D:i s*<bT p poD Nb rnanau: r;73 ^nNL:73'j !-i7:-nnn "iSaa t]N "^d
SDrr^ma-ini a^irin m^-^"^ np*^b yb-^^n -c-^a *— i^aino ^bs* — .n-^nb
^,DiN n^na b"- pn^^ '-1 ann lai b-inrir; ann du: a n':-iwN ^a nni^T
1\\;a pa n::5>^"' '^d5<i iT^rinb nnN v^'^ T"»^ V373au: nann .^t djut:
D:i r-iTa d:i *Tio\Nb r-mnai r-m73^ ri^Nm Nin "iia: û:*m "j-^aa:?:
y'^'t2^ ar-^ ti:nD V"^^*'^'^^ "^naia p-^îriTo i\n\N-i ^-wSi .a-^'i^n r-nra:ia
(I. rnpDDT) npoDT t]"ia "iri 'Qir\i2 nanau: ï-j;iaa ib^SwX ^la
Tij'ïi riTaiinn nsa Sya ann ri^m ^-it^u: ct:: t^ba ûn^-iana
j^rirj n?3i:y ■^i^r; p Nb.s g^td^ bicû-^b rn^ri-i ri-ir: t^b apr*^ '■•anu:
i^nbN t-i-nm laba û\-bN r-iN-i"" t^jn 'c\n bab nb^bn Mb->bm ,ia
jNian Nb^ -^na -niDa t*<ab-, imN n^arnbi .'-tt- -lan.T ainab lanpa
,in^ br nbpn
uî-^i ,r-;\-i^a -im72T to^-coa b:3a ûr"« ano nain^Ti nana '^^y
^p3^ rpnu:a ca"'n\n73r: -^-lan m^-cy p"y nai -lab riwNrna i^^-^i^jz
baT ta"^3iwN:in Saa 13^^:73 Nb ï-iTa d:t ...nba:: tznoiNn -^-laii
-in">nb yi:Di:73-i ne nirna C3u:r; "^uj^t^ ta-^ma^n D-^b-n;:: ta-'^aann
,«^2:in v^^2 ta'^\a;aa tzii-'-' tano n\-in;a -^ts br ï-i7:n -^rj^ ^^ntst (5i b)
'^ws ï-i";a naTiNa r-ian t-iN m-imon ?m\s-irî ba ainab ■•njm
■^bnbT ainabT m"i:3b ■^nbia*' Nb r-inn^N £vînao73a t>C33? n^j^'j -.-3*2
,\nj:î:n ^3"i3:-i s-n^a^b ^î< nî t-iN as ama \T«"'n tvib ^nariN
240 REVUE DES ETUDES JUIVES
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1 Dans le Sonar/, f» S5 a de rédition de Venise, Moïse de Coucy se borne à rap-
porter ropinion biea connue de Uabbénou Tam. Peul-êlre est-ce en se rendant en
Espagne, où il nous dit lui-même avoir prêché sur celle question, que Moïse de
Coucy a l'ait connaître aux rabbins du Midi de la France la jurisprudence adoptée
dans le Nord.
> Voir Guittin, 76 i.
' Ce mémoire additionnel occupe les f<" m b-lîl a de notre ms.
* t Cannelle >, robinet, généralement ea bois, qu'où met aux tonneaux ou aux
Cuves pour tirer les liquides.
UN RECUEIL DE CONSULTATIONS DE RABBINS 2'.1
ta-'N^i3n "^-nD i^*^ r-iNb» 'bNTop û\N'::nD D-iia "«sd m dn-:: ^■'^3173
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"lisipa 2mr)rT T^3î-îî<2 pNDn nsbi ^in^D mb'û ^b n^jx b^n toibuî
."•yb^t b^NO '-13 ITT nb
* « Semai, semau, assemal, benne servant au transport de la vendange en Lan-
guedoc » {Dictionnaire de Mistral). Dans du Gange on trouva semalis, semalum^
« vasis genus • avec des exemples du Midi.
T. XXXIX, H» 78. IG
L'INVENTAIRE DU MOBILIER
ET DE LA BIBLIOTHÈQUE
D'UN MÉDECIN JUIF DE MAJORQUE
AU XIV^ SIÈCLE
Le document que nous publions plus loin nous a été remis par
M. Estanislas Aguilo, archiviste de Majorque, qui Ta copié du
registre d'un notaire de cette ville. C'est l'inventaire, après
décès, des biens mobiliers de la femme d'un médecin juif de Ma-
jorque, nommé Léon (en hébreu Juda) Masconi. La femme, Muna,
était morte laissant pour héritier le fils qu'elle avait eu de son
premier mariage avec Davin (David) Xulelli. En l'absence de
ce fils, Maymon Xulelli, la bru, Gracettia, intervint pour faire
dresser un état des meubles trouvés après le décès de sa belle-
mère. Signèrent comme témoins : Moxin (Moïse ?) Bonanin, Ayhon-
nagar, Joseph ben Maimon Alatzar (Eléazar), Abrafira (Abraham)
ben Maimon Alatzar et Issachu (Isaac) ben Gabis.
Cet inventaire se divise en deux parties; la première formée
par les meubles, ustensiles de ménage, instruments de médecine,
vêtements etc., la seconde par la bibliothèque de Léon Masconi.
Ce document est intéressant à plus d'un titre. Par la première
partie, nous pouvons pénétrer dans l'intérieur d'un Juif aisé; par
la seconde, il nous est permis de constater les livres dont se
servait un médecin juif instruit.
Pour le tableau n° 1, nous avons demandé à M. Ilildenfinger,
ancien élève de l'Ecole des Chartes, d'identifier les différents
objets qui s'y trouvent catalogués. C'est son travail que nous
publions ici. Les chiff'res mis entre parenthèses renvoient aux
lignes du document A.
LNVKNTAIKE DU MOBILIEU D'UN MÉDECIN JUli' DE MAJORQUE 2/i3
I.
Voici d'abord deux lits complets (1), avec leurd matelas ''2),
leurs traversins (3), une courte-pointe de bouracau bordée (13),
trois courtines (9-11), dont une ornée d'un dessin en damier et
brodée de fils de laiton (10), et cinq couvertures (4,5, 12, 64, 129),
dont une d'étamine à raies rouges, et une autre jaune et rouge,
doublée de vert. La literie comporte encore deux sacs de couchage
que l'on devait bourrer de paille ou de feuilles (14). A côté, deux
tables, une longue (39) et une ronde (40), et cinq armoires ou
coffres (32, 33, 105, 109, 139), couverts de cuirs ou d'étoffes »
(15, 38). Ces huches servent aussi de sièges -. Mais le mobilier
compte, en outre, trois bancs (34, 60), et ces sièges peuvent être
rendus moins durs par des coussins (63), dont quelques-uns, ou-
vrés de soie (104), ou ornés de nœuds de rubans (68), ne sont pas
sans élégance. Des tapis (8), des candélabres ou des lampes (28,36),
un cadran (135), un écritoire (44), des œufs d'oiseau, d'autruche,
décorés (25, 26), contribuent encore à l'ornement de la salle.
La batterie de cuisine comprend trois bassines (21,108), dont
une de cuivre étamé ; deux petits chaudrons (27), une terrine
verte (46), une casserole à couvercle (76), une poêle (56), sept
pots (53-57), et trois broches (52). La ménagère a à sa disposition
de nombreux récipients : un pot où elle met sa farine (45), une
cruche de cuir à col de laiton (134), une aiguière de terre blanche
(41), deux amphores et un llacon de verre (140), une bouteille (132),
un barrillet de cuir (79), et six tonnelets (43). Ajoutons-y un en-
tonnoir de laiton (77). Deux mortiers de pierre (55), et de cuivre (19),
peuvent servir soit à des usages domestiques, soit à des usages
médicaux. Le couvert comporte neuf plats de terre (37), des gobe-
lets de fer (51), une tasse (138), une cuiller ou plutôt une écu-
moire (86), un couteau de table et deux tranchoirs de bois (54).
Enfin, deux tamis (50), et une corbeille (83?) de jonc, différentes
mesures de laiton (22? 23), deux cadenas (29), des sacs (58), des
planches (59), complètent ce matériel.
La garde-robe est bien garnie : on y trouve jusqu'à quatre tu-
niques d'homme ou de femme(69, 70, 71, 118), et cinq de ces larges
vêtements appelés à Majorque gramasia ou gramalla (71, 103),
et tovallola (94-99). A côté, un surplis d'étamine (100), et un bur-
* Voy. aussi 73, pièce de cuir ronde munie d'anneaur.
' C'est le sens littéral de arquibanchum (33), arche-banc.
244 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
nous blanc (110?), deux cottes de laine, dont une doublée de jaune
{72, 91), deux jupes (107, 127), une cotte-hardie de dame, de cou-
leur sombre (125), un farset, sorte de pourpoint ouaté que l'on
portait sous la cuirasse (96). Le costume peut être complété par
une capuche (71), des bonnets de laine noirs et blancs (75), des
souliers jaunes à la mode arabe (136), et différents menus objets
de cuir, tels que ceinture avec ou sans boucle (88, 101), sacs
rouges (20), bourses longues à deux anneaux (82).
Gomme linge, à la mort de Muna, il reste dans les armoires trois
chemises de femme (67, 92), deux serviettes, dont une à franges
(106, 131), et deux nappes (93).
On peut encore mentionner les armes : écu (49), lance (48), fer
de lance (24?) un carnier (47), et des rênes (81), — et des objets
précieux d'or (111), et d'argent (112, 113), auxquels on joindra des
écheveaux de filet de soie teints, dont le poids est scrupuleusement
noté (114-117).
Il faut ajouter à cette énumération différents objets, tapis, bi-
joux, livres (128), vêtements (35), qui avaient été soit donnés en
gage à Masconi ou à sa femme (35), soit inversement remis par
Masconi ou sa femme à des débiteurs (128, 130) *.
Deux catégories d'objets sont particulièrement intéressantes à
signaler dans cet inventaire : ceux qui indiquent que l'on se trouve
dans un intérieur Israélite, — le sceau de laiton qui sert à mar-
quer les azymes de Paque (78), et les tafellim où l'on peut recon-
naître les tephUin (137), — et, d'autre part, ceux qui devaient être
plus particulièrement utiles au médecin et au savant: les forces
(31), les instruments de fer et les flacons de laiton (84), les tubes à
eau chaude (85?), l'astrolabe (126) et les trébuchets (80?), le réci-
pient à onguent (30), les poudres médicinales (87), et enfin la
grande collection de pierres aux couleurs variées que renferment
plusieurs vases ou sacs de cuir et d'étoffe (120-124).
Par inadvertance, dans le premier tableau s'est glissée la men-
tion de deux manuscrits ; l'un est le fameux Yosiphon ; le nom de
l'autre doit être mal orthographié. Ce n'est vraisemblablement pas
un traité d'Avicenne, comme on pourrait le croire au premier
abord, car nous verrons par la suite que le nom du philosophe
arabe s'écrit autrement dans ce document.
> L'inventaire comprend de plus sous les n»' 90, 9?), 112, 120, 130, 133 un certain
nombre d'objels que nous n'avons pu identifier.
INVENTAIHE DU MOBILIER D'UN MÉDECLN JUIF DE MAJOHQUE "HCÔ
IL
Le second chapitre de l'inventaire se lit, en général, avec faci-
lité, malgré les erreurs nombreuses commises par le scribe. Nous
avons pu identifier à première vue les ouvrages suivants :
6. MaraJiot atseten — Inuîn mî<n?3 u Les couleurs de l'urine ».
Il existe plusieurs traités de ce nom.
7. Dicfiduch — pnip^, Grammaire, terme générique, ou titre de
l'ouvrage de Moïse Kimhi.
9. Abe7iroet (à lire Abenrosi) r= ^u5n inî^ « Averroes », sans
doute le commentaire de ce philosophe sur Aristote.
11 . Aamet ben abrakim =z Amet ben Ibrahim [ibn al-DJezzar].
12. Beuraiiora = n'Tinn m^n « Commentaire du Pentateuque ».
14. Beur abii nasser = -iLrsnnwS 'iii^n « Commentaire [sur Aristote]
d'Abou Nazar[Al Farabi] ».
15. Marahot eloym =, ûTîbwX ^\^^^n, Explication des visions pro-
phétiques, par Hanoch, fils de Salomon el Konstantini.
16. Aayjuncla ~ PPM^ ^n. Roman philosophique d'Abou Bekr
Mohammed ibn Totaïl, trad. par Moïse de Narbonne.
17. Boaran leben iamUus = DVTobijnb. . ., « . . .de Ptoléoaée ».
18. Retuguot {k Vive Reiiiquot) = [qoD] mpnn-i, traité de gram-
maire de Joseph Cas[)i.
19. Butsol quesep — tjDD nirinp, Nomenclature des ouvrages de
Joseph Caspi faite par lui-même.
21. Mispar = 'hddtd, Traité d'arithmétique, probablement d'A-
braham ibn Ezra.
23. G^^r^m(?5= Jérémie.
24. Alatsenderos = DinnsoiDbwS, Commentaire d'Alexandre d'A-
phrodisias sur Aristote, ou Roman d'Alexandre.
25. Arbaneueym —. û\s"'33 vdt^^ « Les quatre prophètes » (?)
28. Arguzer lebenrost = Y'on pi<b î<Ti:i-ii^ « Ardjouza », traité de
médecine en vers d'Averroes, ou plutôt commentaire de cet
auteur sur l'Ardjouza, traduit par Moïse ibn Tibbon.
29. Perus joonatan = "inDT» '^ann-^D « Commentaire de Jonathan ».
30. Gaiiia qiiosef — t]DD y^i^. Explication de certains mystères
du Pentateuque, par Joseph Caspi.
32. Perus albunasser — ni:3 "iai< dtt'd « Commentaire d'Abou
Nasar [al Farabi] ».
34. Agorat qnesef vaabiei quesef= t]DD "^sxxi t]DD n"Ti:.n, Com-
mentaire sur Ezra et les Chroniques, et Explication des
246 REVUE DES ETUDES JUIVES
mystères des livres des Prophètes et des Hagiographes, par
Joseph Caspi.
35. E endeel (à lire eiideel) den atiora vaaiichma = Y^ binnïi
n^oiDrim rtninn, Traité sur l'accord de la religion avec la
philosophie, par Averroes.
37. Aasiet aasliirlau = nb^^'û':£,i^'n n^^y a La confection de l'as-
trolabe », peut-être d'Aboul Kasim ibn Alsafar traduit par
Jacob b. Makhir.
39. Asente = inarr « Traité de l'urine )5, par Isaac Israéli.
42. Nîttua = mn3 « Traité de dissection » (?).
43. Elmenahac — Almanach, peut-être celui de Jacob b. Makhir.
45. Messiaa vetesboret = nmnram nn^uj», Traité de géométrie
d'Abraham b. Hiyya.
48. Âsamaayim vaaolam = ûbi^m û'^Ts^ïi. Probablement le
commentaire d'Averroes sur le traité du ciel d'Aristote,
traduit par Salomon ibn Ayoub, ou le traité du ciel et du
monde, traduit par Zacharia b. Isaac et aussi par Galo-
nymos b. Calonymos.
49. LaqiiOtot — niaipb.
51. Omse tora = n^in '^'^^mn [n^ïî^n] « Pentateuque ».
52. Pirque rabi elielzer =z iT3>'^bN 'n '^p'iD, le Midrasch bien connu.
53. Adenegueref [k lire Adenequesef) ben neiieym = cjod "^stî^
l:"'5^'^n5n de Joseph Caspi ; voir n° 34.
54. Terguz — ûinnn (?).
55. Be7i sina = nd^^d pN, Avicenne.
56. jSatzir vbenachmela — ^b^^rr pi n'^TSïi « Le prince et le der-
viche », traduction hébraïque du roman de Barlaam et
Joasaph, par Abraham b. Hasdaï.
59. Tamealloot = mb^'îsrj (?), Traité théologique de Schem Tob
Falaquéra (?).
60. Hit cabu aynmahim = û-^tîî-; nip"» ["i53Nt)], de Samuel ibn
Tibbon.
61. Otoiasamaym = d"^»U5ïi mm^, Traité des météores d'Aris-
tote, trad. par Samuel ibn Tibbon.
62. Itgiierret baaleaym =. û'^-'n "^b^^a rrm, « Chapitre sur les ani-
maux », extrait de l'Encyclopédie Les frères de la 'pureté,
trad. de l'arabe par Calonymos b. Calonymos.
64. Yilin — "i-^bin, Traité du Talmud.
65. Perech Elech = pbn p"iD, Chapitre du traité talmudique Sati-
hédrin.
67. Seferaamunot = ni3"i52Nn ^dd. Livre des croyances de
Saadia.
68. Baleaym=: d"'"'n '^byn Si ce n'est pas un double du n*> 62, c'est
INVENTAIRE DU MOBILIER DM'N MEDECIN JUIF DE MAJORQUE 247
peut-être le commentaire d'Averroes sur le Trait<^ des Ani-
maux d'Aristote, trad. par Juda b. Jacob, ou par Jacob b.
Machir.
69. Adenegnesef — t]SD '•3-i&^, voir n°« 34 et 53.
70. Sefer abmisnot (à lire peut-être abmisuot] = mxTsn noo (?).
Livre des préceptes de Moïse Maïmonide ou de Moïse de
Goucy. Le mot nDO n'irait pas avec m2;a»r:, pluriel de
Mischna.
1\. Maguilla = nb:\^, Traité du Taimud. Pour le rouleau d'Es-
ther, voir plus loin.
72. Sazut mos nahim = û'«3Ti<7D mns:, Deux petits traités gram-
maticaux d'Abraham ibn Ezra.
73 . Tergii =. tl^y^T\.
74. Peruix azarot = miïiTM ^di^t^d, Commentaire du poème de
Salomon ibn Gabirol, par Isaac b. Todros.
75. Surat aares = yn^n mi^ « La forme de la terre », par Abra-
ham b. Hiyya.
77. Alaritzi = "^v^nha^, Makames d'Al Harizi.
78. Melmat = ^12^12. Probablement le tD^TTDbnti n^b72 de Jacob
Anatoli.
82. Nessin = û'^uja (?). Est-ce l'ordre Naschim de la Mischna?
83. Seliot = mtT^bD, Poésies synagogales.
84. Periis coelet = nbnp ujyi^d « Commentaire de l'Ecclésiaste ».
85. Periis mixle = "ibu:^ ujtt'd « Commentaire des Proverbes ».
86. Asnequesef =r t]Dri •^i'ri^. Encore l'ouvrage de Joseph Caspi
(voir n«« 34, 53 et 69).
87. Hiihiic mataesbon^ innianii n92Dn « Science du calcul ».
88. Elmensori = Almançouri de Rhazes.
91. Tergum neueym — d'^i^'^nD tr\y^r\. Traduction araméenne des
Prophètes. Les précédents sont vraisemblablement ceux du
Pentateuque (voir n°» 54 et 73).
92. Maquillara (à lire Magiàllam) = nb^To « Rouleau » d'Esther.
93. Jasqiiel treaasar = -lUJ:^^ ■•"in bt^pTrr^ « Ezéchiel et les douze
petits Prophètes ».
94. Medraix Atzita =■ rr^Tn u:'Ti?3, Midrasch du Cantique des Can-
tiques.
95. Ta f sir xera /ora — ïTTin mo n-iODri (?) Traduction et commen-
taire de Saadia sur le Pentateuque, en arabe. Conjecture
très aventureuse.
96. Perus Rabi Salamo = n72b;i5 'n ^i'T'D « Commentaire de Ras-
chi ».
98. Seferasamim = û->53D!i 'o « Traité des ingrédients ».
99. Mitlal =z bb5?3 d'Averroes.
248 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
100. Se fer ammidot = nm^n nsD, Ethique d'Aristote, ou com-
mentaire d'Averroes sur cet ouvrage.
101 . Sedermoei ^ ^yM2 "Tto « Ordre des fêtes » de la Mischna.
102. J\/ûz?<2r, voir n<»21.
103. Mosue (lire mosne) ay junira =z w^^^yti "'Stî^^ « Les balances
des spéculations )>, traduit en hébreu par Jacob b. Makhir
ibn Tibbon, alias Don Prophiat.
104. Magnifiât setarbn = û'^nno nbs?2, Traité d'astronomie ano-
nyme, ou peut-être explication du commentaire d'Ibn Ezra
par Samuel Motot.
105. Sefernmsarim =dnD?3'o « Livre de morale ».
106. Mosnesedech = p^x ''3tn?2 « Les balances de la vérité » de
Gazzali, trad. par Abraham b. Samuel ibn Hasdaï.
108. Perus ahenrost — "W^ \'2^ x^ym « Commentaire d'Aver-
roes » .
109. Cozar = •^'-i';^::, Théologie de Juda Halévi.
110. Elynegisci = Almageste. Probablement le sommaire d'A-
verroes, trad. par Jacob Anatoli.
m. Hicgayen lebenrost = ^;a"i p^b iv^r;, Commentaire d'A-
verroes sur la logique d'Aristote, trad. par Jacob b. Abba
Mari.
115. Ruaen = in m^i, Introduction au Guide des Egarés de Maï-
monide attribué à Jacob Anatoli.
116. Parasio^ — nr^zjnD.
in. Petiai annuis nayot = dtsu:?:?: nn^iD a Introduction à la
Mischna « (?).
118. Jaimatiu = s-^ns n'^N\
119. Josua, Livre de Josué.
120. Dichduch e RabMjazuda — irv\iv 'n "^pi'ip^, Titre général des
ouvrages grammaticaux de Juda Hayyoudj (?)
122. Mispatiyn = û'^aDïî».
123. Olaucaian = pp nb'V «f Microcosme v de Joseph ibn Çaddik,
trad. en hébreu.
124. Perus Sirasiri ~ û">n"»©rj n'^uî \di*t^d « Commentaire du Can-
tique des Cantiques ».
125. Perus Jzop — m\s ^rr^D « Commentaire de Job ».
126. AtzaraiihU Alzahravi. Sur les saignées, ou les manipula-
tions. . . ?
130. Arhiza lebensina =^ «rs ps^b «nn^, Traité de médecine en
vers d'Avicenne.
131. AyhenJHChdan, double du n*^ 16.
132. Se fer ammisnot, double du n° 70.
133. Hicdiisi = û-^wiTn (?), Novelles talmudiques (?),
INVENTAIRE DU MOBILIER D'UN MÉDECIN JUIF DE MAJORQUE 2VJ
134. Sone annassim = û'^uîsn nsitd « L'ennemi des femmes » de
Juda b. Schabbetaï Lévi de Barcelone.
135. Dinin = û"'r'7 « Décisions rituelles ».
144. Moceannebu quim r-i^ û'^Dixn H'y^fD, Traduction du Guide des
Egarés de Maïmonide.
145. Dest ahpilosofim = û-^DioibEn r\'\y^ « Les opinions des Philo-
sophes », encyclopédie extraite des ouvrages d'Averroes
par Samuel ibn Tibbon.
146. Seferabperaqidm = )2'^p^z>r^ 'o « Les traités d d'Hippocrate,
ou les Huit chapitres de Maïmonide {'!)
147. Tafillot, rituel de prières.
Nos identifications sont le fruit d'un examen rapide; elles se-
ront complétées et rectifiées dans le prochain numéro par M. Stein-
schneider, Téminent bibliographe, qui a bien voulu, sur notre
prière, se charger de cette tâche \
On remarquera, dans notre inventaire, le grand nombre d'ou-
vrages de Joseph Caspi. On s'étonnera moins de cette particularité
quand on se rappellera que ce savant, qui avait l'humeur voya-
geuse, séjourna pendant six mois à Majorque. Il y fut sans doute
en relations avec Léon Masconi.
On remarquera également la longue liste d'ouvrages d'Averroes
qui garnissaient la bibliothèque de ce médecin. C'est un témoi-
gnage de plus de la faveur que l'Averroïsme avait rencontrée chez
les Juifs méridionaux au xiv^ siècle.
Israël Lévl
APPENDICE
Die martis sexta mensis noverabris aonoa nativitate
Domini millésime 000** l^'' quinto.
Noverint universi quod cum Muua, uxor Magistri Leonis Masconi
alias Jahuda Masconi cognominati, judei.fisici Majoricarum,pronuac
et diu est a terra Majoricarum absentis, que in ejus ultimo lesta-
* M. Steinschneider nous prie d'appeler l'attention des lecteurs sur les n»* 1, 3, 4,
b, 13, 20, 22, 26, 44, 57, 107 et 121, doul le déchiffrement est très dilùcile.
250 REVUE DES ETUDES JUIVES
mento heredem suum sibi instituit universalem Maymonum Xulelli,
filium comunem sibi el Davino Xalelli primo viro suo quondam,
die presenti viam universe carnis faerit iugressa, et spatio orule
unius nondum lapso solile sépulture more judayco fuerit tradita ; et
in Majoricis nuUa persoua sil seu reperiatur de consanguiuitate vel
affiûitate dicti Magistri que de bonis ipsius valeat ordinare nec ipsa
manutenere seu deffendere, ob quod de facili ipsa bona possenl
deperdi vel alias occultari, maxime cum ipsa bona tantum stent in
bonis mobilibus, puta libris et utensilibus domus ; propterea ego
Gracieta, uxor dicti Maymoni Xulelli, pro nunc etiam a terra Majori-
carum absenlis, qui bona predicta hereditario nomine dicte Mune
matris sue, habet obligata pro magnis pecunie quanlitatibus, voleus
providere ut bona predicta salva fiant dicto Magistro et suis, taliier
quod ex ipsis bonis dictus Maymonelus maritus meus possit jus sibi
et super ipsis bonis pertinens consequi et habere, bona ipsa sub mea
custodia retinendo, de bonis ipsis propter doli maculam evitandam
omnemque fraudis suspilionem tollendam, et ut bona ipsa periciitari
seu modo aliquo deperdi non possint per excursum temporis, obli-
vionem vel alias qualitercumque, prout ipsa bona per me inventa
fuerunt in quodam hospitio Samuelis de Malicha judei intus callum
judaycum Majoricarum scituato, in quo dicta Muna dum in humanis
agebat ex conducto morabatur, et alibi, presens inventarium seu
repertorium facere procuravi prout sequitur, signo laudabili sancle
cru * cis presedente :
— A —
1 Primo enim confiteor invenisse in dictis bonis duos lectos enca-
xiatos
Item duo matalafîa modica
Item duo traverseria plumbe
Item duo cooperloria rupta
5 Item unum coopertorium lividum de })urdo
Item unam confessam sive catifiam novam
Item aliam caiifiam modici valoris
Item duos tapits, alterum novum et alterum vêtus
Item unam cortinam aliter vocatam quella panni de lino
10 Item unam cortinam duarum telarum scacalam garnitam de
auripello
Item aliam cortinam modicam modice valoris
Item unam flassiatam, aliter vocalum alquisseni, staminis, cum
barris virmiliis in quolibet capite
Item unum barraganum listatum vêtus et ruptum
Item duas marficas canamassii vacuas
45 Item unum trocietum barragani listatum, modicum, oldanum,
abtum ad cooperiendum tecbam
Item unum storium album primum de Alacanto
INVENTAIRE DU MOBILIER D'UN MEDECIN JUIF DE MAJORQUE 251
Item quatuor linleamina raodica panni de stupa et de brimo
Item quasdam oras vitreas encaxialas
Item uaum morterium cum sua manu de cupro
20 Item duos sachos corii virrailii
Item duas bassinetas modicas de lautono
Item unam conquetam de lautono raodicara
Item quinque setres de lautono
Item uuum vomerollum modicum de lautono
25 Item tria ova de strurcio cum earum garnimentis
Item duo ova anatarum cum earum garnimentis
Item duos calderonos modicos
Item unum candelabrum modicum de lautono
Item duo cadenala ferri cum earum clavjbus
30 Item unam capsietam modicam de lautono tenendi unguentum
Item duas forfices modici valoris
Item unum armarium plice
Item unum arquibanchum trium caxiarum
Item duo banchalia longa
35 Item unum epitogium panni lane de burello, forratum panni albi,
et unam tunicam lividam hominis, que stant in pignore pro. . .
Item duas lampades vitreas albas
Item novem perapsides terre de Malicha
Item unum corium vêtus cooperiendi caxiam
Item unam mensam longam
40 Item unam mesiam votundam
Item quandam alfabiam terre aygaderiam albam
Item unum storium pilosum depictum
Item sex carratellos
Item unum scriptorium fustis
45 Item unam alfabiam terre farineriam vacuam
Item unum librellum viridum modicum
Item unum carnerium corii
Item unam lanceam
Item unum scutum
50 Item duos garbellos sparti
Item quasdam craticulas ferri
Item très asts de ferro
Item sex ollas terre novas
Item duo cissoria fustis
55 Item unum morterium lapidis
Item unam sartaginem modicam
Item unam ollam terre magnam
Item duos sachos canamacii modicos
Item très postes
60 Item uuum scannum modicum
Item duo coopertoria rupta
Item unum almutum fustis
2b2 REVUE DES ETUDES JUIVES
Item quatuor coxiaos lini repletos de melxino
Item unum coopertorium sindonis crocei et virmilii coloris barra-
tum, forratum forratura coloris viride
Go Item unum... barraganum
Item uDum liûleameu abrigandi
Item unam camisiam domine
Item unum pulvlnar sive coxinum operatum de sirico virmilio
cum flochs
Item unam tunicam hominis panni morati
70 Item unam tunicam domine moraiam
Item gramasiam, tunicam et capucium, panni de borrogonato
Item unam cotam hominis panni lane viridi coloris cum forratura
sindonis crocei coloris
Item unum corium rotundum virmilium cum anulis circumcirca
Item unam troceum corii albi de servo
75 Item quasdam bonetas laneas albas et nigras
Item unam cassoUam magnam de lautono cum ejus coopertorio
Item unum ambutum de lautono
Item unum sigillum de lautono, abtum ad signandum panes festi
pasche
Item unum barrallum de corio
80 Item unam capsiam miganatam cum duabus balansietis modicis
Item duas régnas corii
Item unum marsupium sive bursa corii longa cum duobus anulis
Item unum servitorium sparli depiclum
Item unam bursam de corio scacalam cum aliquibus ferramentis
et aliis frasquis de lautono olficii de sirorgia, et cum uno règle de
lautono
85 Item unam senalliamcum aliquibus canonibus de lautono faciendi
aquam ardentem
Item unam cuylleriam de lautono perforatam
Item unum sarronum cum quodam saculo panni in quo sunt
alique pulvure médicinales
Item unam corrigiam corii
Item unum par caligarum domine panni virmilii
90 Item unam melafiam domine abrigandi
Item unam cotam panni lane coloris lividi
Item duas camisias domine
Iiem duas mapas
Item quandam tovaliollam
95 Item unum sospeale de noguerio
Item unum farcietum de sindone crocea et duo paria manicarum
ejusdem farcieti
lîem unam captiam albam
Item unam aliam captiam de sindone crocei coloris
Item duas tovalliolas operatas de sirico
100 Item unum superpellic'.um, vocatum sisit, destamenya
INVENTAIRE DU MOBILIER DX'N MÉDECIN JUIF DE MAJORQUE 253
Item unam corrigiam corii absque sivella
Item quandam gramasiam virmiliam de stamenya
Item unam capcietam depictam cum quatuor compassés
Item duo pulvinaria operata de sirico
105 Item unam caxiam modicam cum suis pedibus
Item uuam savanam oldanam
Item unam aljubam all)am modici valoris
Item unam bassinam de cupro slagneatam
Item unam techam modicam
110 Item unum albarnus album destamenya
Ilem quandam camissam auri modicam
Item duas zabegias garniias argent!
Item unam tabulam argenteam parvam scriptam
Item quindecim gansayas de fîladissio tincto diversis coloribus,
pondérantes très libras
115 Item quinque libras et decem oucias de sirico colorato diversis
coloribus
Item très gansayas de sirico crudo torto, ponderis sex unciarum
Ilem duodecim uncias et raediam de sirico miganato fluxio
colorato et crudo
Item quandam tunicam domine panni lane coloris lividi obscuri
Item aliara tunicam domine panni lane viridam
120 Item unam matracam corii virmilii et unam serpeyeriam cum
aliquibus lapidibus coloris albi moradeganls, ponderantibus
cum dictis matraca et serpeylleria viginli novem libras
Item unum sarronum corii album cum aliquil)us lapidibus
quasi similibus lapidibus supradictis, ponderantibus viginli
novem libras et mediam
Item quinque sarronos corii modicos cum lapidibus quasi vir-
miliis ponderantibus viginti libras et sex uucias
Item duos saculos panni lini cum aliquibus lapidibus quasi
albis ponderantibus triginta quatuor libras
Ilem unam senalliam et duos pitalfos sive cadafets corii cum
aliquibus lapidibus coloris cineris quasi similibus ad copinnes,
ponderantibus triginta libras et sex oncias
125 Item unam coiam ardidam domine panni lane coloris lividi
obscuri
Item duos estorlaus de lautono
Item unam aljubam de sindone
Item unam quellam de sindone, unam savanam, unum batem
sive ligar domine, unum anulum auri, unum librum papireum
vocatum Visenna et unum librum papireum vocatum Jucifon,
que omnia supra proxime dicta tenet in pignore Ayhon Natgar
judeus pro triginta tribus libris et undecim solidis, sibi restan-
tibus ut asseritur ad solvendum ex majori pecunie summa
Item unam vanovam
130 Item très carcins de sindone, que stant pênes Septahum uxorem
2b4 REVUE DES ETUDES JUIVES
dicti Ayhon Natgar, pro decem et novem libris que sibi ut
asseritur debentur
Item unam savanam cum voriis lividis
Item mediam butam
Item unum stoig decorio abtum ad tenendum ferraturas
Item unam e;erriam corii enseratam a parte interiori, cum buca
sive coUo de lautono
135 Item unum quadrant fustis cum suo estoig
Item duo socolares crocei coloris sarracenicas
Item unum tafellim in quodam slogio virmilio
Item unum mcnile
Item unam tecbam modicam
440 Item duas amphoras vitreas modicas
Item unum barrale vilrei
Item unum cultellum taular
Item unam rexacham fustis
— B —
Item unum armarium aliter vocatum alguetzena fustis, intus quod
inveni libros sequentes :
Et primo inveni unum librum papireum cum coopertis viridis
vocatum aimatar
Item alium librum papireum vocatum tacuna adassa cum coo-
perlis albis
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocantum^e/îz-
rat sedech
Item unum librum papireum vocatum maseaarecena cum coo-
perta virida
5 Item unum librum papireum cum cooperta alba vocantum Biur
ter quet aies
Item unum librum pergameneum cum coopertis albis vocatum
Marahot atseten
Item unum librum papireum et pergameneum cum coopertis vir-
miliis vocatus dichduch
Item unum librum papireum vocatum oja^ amarim cum cooper-
tis albis.
Ilem unum librum papireum cum coopertis albis vocatum
abe7iroet.
10 Item unum librum papireum vocatum zoliha enahin cum coo-
pertis albis.
Item unum librum papireum vocatum aamet ben aàrahim cum coo-
pertis albis
Item unum librum papireum vocatum Beurattora cum coopertis
albis
^ Ou Ma.
INVENTAIRE DU MOBILIER D'UN MÉDECIN JUIF DE MAJORQUE 2^o
Item uaum librum papireum cum coopertis albis vocatutn zeguer
annef
Item uaum librum papireum cum coopertis albis vocatum Beu-
rabunasser
15 Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum ma-
rahot eloym
Item unum librum papireum coopertum coopertis viridis vocatum
aayjuncta.
Ilem unum librum papireum cum coopertis lividis vocatum
Boaran lehen tamiius
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum
retuguot
Item unum librum unum papireum cum coopertis virmiliis vo-
catum Butsob quesej)
20 Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Sefer an muça
Item unum librum papireum vocatum Mispar cum coopertis vir-
miliis
Item unum librum papireum vocatum Sefer aat air a cum coopertis
albis
Item unum librum pergameneum coopertum cum coopertis virmi-
liis vocatum geremies
Item unum librum papireum cum oopertis albis vocatum alat
senderos
23 Item unum librum pergameneum cum coopertis virmiliis vocatum
arhanemy7n
Item unum librum papireum vocatum Quilep alguide
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Qicitep
elbeege
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum arguzer
Itben rosé
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatuQi ;?grM^
joonatan
30 Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
gauia quosef
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum aena-
rim paazemamuim
Item unum librum papireum cum coopertis viridis wocalnm per us
albunasser
Item unum librum papireum coopertum de albo vocatum Exuiaa-
refe laaluerat
Item unum librum papireum cum coopertis viridis vocatum Ago-
rat (juesef vaatiiet quesef
35 Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
E endeel ben altora vaauckma
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum sefer
âmes sadin
256 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Item unum librum papireum cum coopertis viridis vocatum
bel enus
Item unum librum papireum cum coopertis albis vccatum aasiet
aasturlau
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum asente
{aseten)
40 Item UDum librum papireum volutum in uno coreo virido vocatum
sefer aagves
Item unum librum papireum cum coopertis viridis vocatum Quitep
elbul be Issach
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
NiUna
Item unum librum papireum vocatum Elmenahac cum coopertis
virmiliis
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Asela
etduye
45 Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Messiaa vêtes boret
Item unum librum papireum cum coopertis albis de Medissina
Item unum librum papireum cum coopertis albis de medessina
Item unum librum papireum cum coopertis pergameneis vocatum
asamaaym vaaolam.
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum laqvotoi
50 Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum axi
mateix^
Item quinque libros pergameneos cum coopertis virmiliis, cum
clavibus et tancadors'^ de laulono, vocatos Omse tora
Item unum librum papireum cum coopertis pergameneis vocatum
Pirgue rabi elietzer
Item unum librum papireum cum coopertis viridis vocatum ade-
negueref ben neneym
Item unum librum papireum et pergameneum cum coopertis virmi-
liis vocatum Tergvz
55 Item unum librum papireum cum copertis albis vocatum b»,n sina
Item unum librum papireum cum coopertis viridis vocatum natzir
vbenachmela
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Beur
aegues
Item unum librum papireum cum coopertis lividis vocatum BeuV'
benatzere
Item unum librum cum coopertis albis vocatum tamealloot
60 Item unum librum papireum cum coopertis viridis vocatum hit
cabu ammahim
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum otota*
samaym
^ « Ainsi même > , mots catalaus.
' Agrafes, fermoirs.
INVF.NTAIRK DU MOMILIEIt IVUN MKDKCIN JUIF DE MAJOUijUE r^?
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Quelisbe
vdepne
Item uuum librum papireum cum coopertis albis vocatum ttçuer-
ret baaleaym
Item unum librum papireum et pergameneum coopertum cum
postibus vocatum vtlin
65 Item uuum librum papireum cum coopertis albis vocatum Verech
Elech
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Sadot Ahuiorre
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Seferaamunot
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Baleaym
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum adeiie-
guesef
70 Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Sefer
ahmisnot
Item unum librum papireum vocatum Maguilla cum coopertis albis
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Sazut
mos nahlm
Item unum librum papireum et pergameneum cum coopertis albis
vocatum Terga
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
peruix azarot
75 Item unum librum papireum cum coopertis viridis vocatum Surat
aares
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum Se-
ferlison liissach aessiraeli
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum alarilzi
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum melmat
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Ellon
annefes
80 Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Quiéep
elahim
Item unum librum papireum cum coopertis viridis vocatum Quitep
elahim helarbi
Item unum librum papireum etpergdmeneum cum coopertis albis
vocatum nessin
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Stiliot
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Perus
coelôt
85 Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Perus 7nixle
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
asïieqiLesef
T. XXXIX, N° 78. 17
258 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum huhuc
metaesbo/i
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum El-
mensori
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocantum onis
algarip
90 Item unum librum papireum cum coopertis viridis vocatum Ay^/t^r-
aafla
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum Ter-
gum neueym
Item unam maquillam pergamenei
Item unum librum pergameneumcum coopertis virmiliis vocatum
Jasquel treaasar
Item unum libram papireum cum coopertis croceis vocatum Me^
draix Aizita
95 Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
tafsir xera tora
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Perus Rabi salamo
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
ffaraig alculup
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Sefarasamim
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Mitlal
dOO Item unum librum papireum cum coopertis croceis vocatum Sefer
ammidot
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum seder-
moet
Item unum librum pergameneum cum coopertis virmiliis voca-
tum Mispar
Item unum librnm papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Mosue ay junim
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Ma-
guitlat setarim
405 Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum s$fer
musarim
Item unum librum papireum cum coopertis croceis vocatum Mos-
nesedech
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Sefer apanaguim ben ueoat
Item unum librum papireum cum coopertis croceis vocatum Pe-
rus aheiirost
Item unum librum pergameneum vocatum cozar cum coopertis
virmiliis
410 Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Elmegisci
INVENTAIRE DU MOBILIER D'UN MÉDECIN JUIF DE MAJORQUE 259
Item uimm librum papireum cum coopertis albis vocatum Mc-
gayen îebenrost
Item unura librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
abaacauanot Daniel
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Perus
lifematiuy
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Ce-
lesmis
\ \ 5 Item unum librum pergameneum cum coopertis virmiliis vocatum
Ruaen
Item unum librum pergameneum cum coopertis virmiliis voca-
tum Parasiot
Item unum librum papireum vocatum petiat annuis nayot cum
coopertis albis
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
jairnatiu
Item unum librum pergameneum cum coopertis virmiliis voca-
tum Josua
120 Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Dichduch e Rabbi jazuda
Item unum librum pergameneum cum postibus vocatum Sefer
annuore
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Mis-
patim
Item unum librum papireum cum coopertis viridis vocatum
olaucatan
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum preus
Sirasiri
425 Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Perus
hop
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Atzarauhi
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
vchmei annigum
Item unum librum cum coopertis albis vocatum aleotguedarim
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Mocatil
430 Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Ariuza
lebensina
Item unum librum papireuai cum coopertis albis vocatum ayben-
juchdan
Iten unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Sefer
ammis not
Item unum librum papireum vocatum hic dusi
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Sone
annassim
260 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
135 Item unum librum papireum cum coopertis pergameneis voca-
tum Diiiin
Item unum librum papireum cum postibus de medessina
Item unum librum papireum cum coopertis albis vocatum Sefer
attanon
Item unum librum papireum cum coopertis albis de medessina
Item cayranos ^ pergameneos Biblie
440 Item unum librum papireum cum coopertis lividis vocatum Sejer
isdot
Item decem et septem libros papireos scriptos in algaravia
Item Iriginta duos libros papireos seiiptos littera moriscba
Item unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Sîuha enaym
Item unum Jibrum pergameneum cum coopertis virmiliis Mocean-
nebuquim
145 Ilem unum librum papireum cum coopertis virmiliis vocatum
Dest abpilosofim
Item unum librum papireum vocatum Seferabperaquim cum coo-
pertis virmiliis
447 Item unum papireum croceum vocatum tafillot.
Hec et non alla bona etc.
Testes inde sunt : Moxinus bonanin, Ayhonnatgar, Jucefus ben
maymon alatzar, Abrafim ben maymon alatzar et Issachu ben
cabis, judei.
[Archives notariales de Majorque, Cahier des testaments et
inventaires du notaire Nicolas ProhoMy années 1575
à 1577.)
LES JUIFS DE TARASCON
AU MOYEN AGE
(suite et fin *)
IX.
Quartier des Juifs. — Synagogue. — Population.
A Tarascon les Juifs occupaient un quartier spécial. Ce quar-
tier s'appelait, en général, la Carrière des Juifs, « Carriera )> ou
« Carrieyra dels Jusieus », ou tout simplement la Carrière. On
trouve quelquefois aussi le nom de Universitas Judeorum (1378),
de Juzataria ou Jussataria (1441), de Juateria (1488). Il embrassait,
d'un côté, la partie de la rue du château comprise entre la Cour
royale, aujourd'hui Maison Philippe, et le château, et de l'autre,
celle qui séparait la Traverse, aujourd'hui rue des Juifs, du cou-
vent des Bénédictines de Saint-Honorat-. En 1378, il devint un
véritable ghetto. A cette époque, en effet, sur les réclamations
des habitants, qui les accusaient d'avoir franchi les limites qui
leur étaient de tout temps assignées, on les obligea, suivant la
convention conclue entre les syndics et leurs bayions, Rocel
Ferrier et Crégut de Capestang, d'établir leurs demeures à partir
des maisons du notaire Pierre Marcelhani et de Gaufridi Bar-
berii jusqu'au couvent des religieuses, d'un côté, et depuis la
maison de Barthicholi jusqu'au monastère et au four exclusive-
ment, de l'autre. On leur permit toutefois de s'étendre, en cas de
nécessité, jusqu'à la rue Ponce Truqui (rue des Baptêmes), à la
condition de ne faire ni porte ni ouverture quelconque sur cette
rue, qui conduit vers l'Eglise Sainte-Marthe ^.
* Voir le dernier numéro, p. 95.
' Pièces justificatives, n° 11.
> Ibid., n° m.
262 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Nous n'avons trouvé aux archives municipales aucun document
qui nous permette de préciser l'emplacement de la synagogue ou
Ecole, a Esquola ». Une note de clavaire de 1368 nous fait con-
naître qu'à cette époque la communauté payait au fisc un impôt
de 10 oboles d'or pour la possession de la synagogue et du cime-
tière qui, en 1487, figurent à l'avèrement pour la somme de
37 florins et 6 gros *.
Dans la viguerie de Tarascon, le rapport ordinaire de l'aflfoua-
gement à la population était de deux cents âmes par feu. Au
xiv« siècle, Tarascon comptait 95 feux et 19,000 habitants, y
compris ceux des hameaux circonvoisins. La communauté juive
s'élevait alors au chiffre de 35 propriétaires, dont le revenu ap-
proximatif porté à l'avèrement était de 10,000 florins. On ne
saurait nous taxer d'exagération en évaluant au double ceux qui
ne possédaient ni maisons, ni champs, ni vignes, soit en tout
105 familles. En 1400, le nombre des propriétaires juifs s'élevait à
42, avec un revenu de 3,880 florins; en y ajoutant les membres
qui ne figurent pas sur les registres cadastraux, nous trouvons,
d'après le calcul ci-dessus, 126 familles. En 1442, la communauté
possédait 44 propriétaires et 132 familles ; elle en comptait 40 en
1459 et 61 en 14S7, soit 120 et 183 familles.
Cimetière.
Les Juifs avaient, au moyen âge, deux cimetières à Tarascon.
L'un était situé dans l'île de Jarnègue, près de l'ancienne Com-
manderie de Saint-Antoine ; l'autre se trouvait en dehors de la
porte Gondamine, entre la route de Maillane (Gamin de nostra
Dona de Most) et le chemin de Saint-Georges (Gamin de Virles).
Ge dernier est désigné, dans un document du 13 mars 1426 ', sous
le nom de « simienterium Judeorum », ou « sumenterium antiquum
magnum », et dans un autre, daté du 10 mars 1526-27, sous celui
de « Gementeri des Jusioux » . 11 devint, à cette époque, la propriété
de la ville, qui l'acheta pour le prix de 10 écus au soleil, que lui
avait avancés noble Johan de Lobières. Elle fit construire sur son
emplacement un hôpital pour les pestiférés ^.
1 Archives municipales, CC, 29.
' Pièces justificatives^ n» Vill.
* « ...Et primo es ordennat que sian ramboursatz per lo tresaurier S' Michellet
Bochet à noble Johan de Lobières dexs escuz au soleiih que el a prestat a la villa
per comprar au nom de la villa los enfruchs del Jardin que l'on solie appellar lo ce-
mentcri ûes Jusioux per tayre ung bospital per meclre los malades et ensessitz d« la
peste, etc. » Arch. municip., BB. 14.
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN A(jE 263
BOUCHERIE.
Les Juifs possédaient également une boucherie spéciale. En
vertu des articles 106 et 107 des Coutumes*, ils devaient avoir,
sous peine d'une amende de 10 sous, un étal en dehors de la bou-
cherie des Chrétiens, auxquels il était défendu, sous la même
peine, d'acheter ou de vendre les viandes des Juifs. Une amende
de 50 sous était infligée à tout boucher qui aurait fait abattre ses
animaux par un Juif. Voici, d'autre part, les statuts de la boucherie
israélite, trouvés dans les minutes du notaire Jean Muratoris
(1441) et publiés par M. Charles Mourret dans le journal Le Con-
ciliateur, de Beaucaire (n^ du 21 avril 1895) :
SeguQ si los capitolz de la gabella de la carn de la Juzatarie ' de
TharascoD, per dos ans acomensant a Sant Miquel, mil IIIIc. XLI.
Premieramenl, que tota carn de buou, vaca, moutun, feda, cabra
ho boc que si sagate^ al luoc de Tharascon ho en son terrador,
deia ^ pagar lo masellador de aquelas carns, fossan per vendre a
menut ho per son hus ho en calque maniera que fossan que saga-
tessan, de tan[l] que fossan que si sagatessan de tant que fossan de
ley, so es asaber, j denier per lieura de so que pesarien una cascuna
de las dichas carns; et aquo sie tengut de pagar lo masellador tautost
quant seran passadas, davant que ause spessar las dichas carns, et
aquo sus pena de dos florins applicant la miclat al senhor et l'autra
al comprador* de la gabella, douant tôt empero al pes de las dichas
carns l'avantage que dona la villa a rason de quintal.
Item, que tôt cabrit ho anhel, entre lo près de dos gros, pague très
dénies, et, entre lo près de quatre gros, deia pagar VI deniers, et
quant sera a major près, deia pagar XVIII deniers, et aysso fins a la
festa de Pandegostas et d'aqui anavant*, si dejan pesar et pagar j. d.
per lieura.
Item, tôt anhel, cabrit que si sagaie de nengun jusieu per sa pro-
vesion, sie tengut de pagar, de mens de dos gros, ren; et de dos gros
entre quatre, VI den., et d'aqui en avant XII deniers, mais que non
0 fassa per revendre.
Item, qui lot frachan ' de buou, de vaca, de vedel, déjà pagar lo
* Bondurand, ouvrage cité, p. 64 et 65.
* La communauté des Juifs.
' On sait que les Juifs tueut les bêtes de boucherie suivant un procédé particulier.
Ce procédé qui consiste à couper, par une large incision dans le cou, les grosses
artères qui s'y trouvent, s'appelle en hébreu ïlI^'^n'J, mot dont la racine ^H'J) a
formé le verbe sagaier.
* Deia, du verbe dever, devoir.
* L'acheteur, l'adjudicataire de la gabelle • delà carn ».
* 5'n avant.
'' Frachan, frechan, fressure.
264 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
moselador d'aquelas carns a rason de III den., per gros, et lo frachan
de feda, moutun, boc et cabra, per la testa, j. patac, de la levada,
j. patac, et de lo ventre, j. patac.
Item, que totas carns de aquelas sobrenomadas, frescas ho saladas,
que porte jusieu ho jusieva, extranhi ho privât, d'autra part en
aquesta villa, ho que fossa tramessa, ho en qualque maniera que
pervengues a nengun juzieu, la déjà arasonar ' et pagar al culhidor
ho al comprador de la dicha gabella, j. d. per lieura de so que pesara,
et de las carns que non si aparten de pesar, déjà pagar en la ma-
niera que desus si conten ; et eysso sus la pena sobre deia ' aplica-
doyra coma desus et de perdement de la carn, et que la déjà ara-
sonar dedins j. jourt natural.
Item, que nengun juzieu, strani ho privât, non ause sagatar ni
baycar ^ en aquesta villa si non aquelz que seram comesses per la
part dels ballons et del gabellier et aysso sus la pena sobre dicha
aplicadoyra coma desus.
Item, que nengun juzieu non ause far comprar carn a nengun
crestiau a fin de si desaquitar de la susdicha gabella sus la pena
sobra dicha aplicadoyra coma desus.
Item, es de pati* que la carriera an lo comprador, que iadicha
carriera sie tenguda de aver masellier per los dichs dos ans, et, ai
cas que la dicha carriera non aurie masellier, que fossan tengutz de
pagar al comprador, per semana, huech gros.
Il n'était pas rare de voir les Juifs affermer à des Chrétiens le
revenu de leur boucherie et la gabelle de leur vin^ C'est ainsi que
le 26 avril 1441, maître Salves Avieudor, Rossel Ferrier, Cassin
Bonjues, bayions, Ferrier et Boniaquet du Pont, auditeurs des
comptes, et Bonjues Nathan, cèdent la gabelle de la viande et du
vin à M^ Michaël Guiberti pour une durée de deux ans au prix de
200 florins''. Cette vente fut confirmée le 10 mai par Jacob Bonet
Avieudor, qui, en prpnant l'engagement de se conformer aux
clauses du contrat, jure « per quiniam " w.
On sait qu'il était défendu aux Juifs de vendre la chair de leurs
animaux dans la boucherie des Chrétiens. Ce règlement ne fut pas
toujours exactement observé, et les Juifs eurent, de temps en temps,
la faculté d'avoir, à la boucherie même, des établis où leur viande
était débitée aux clients. Mais des réclamations ne tardèrent pas
à se produire, probablement de la part des bouchers chrétiens
* Déclarer. — Culhidor := agent chargé de percevoir, culhir, la gabelle.
* Lire sobre dicha.
^ Probablement de la racine 'ipD, examiner,
*• Il est convenu que
" Voir aux Pii'res justi/iratives les sljiluts relatifs à la gabelle du vin,
•* Piecci justificatives, n° X\'i.
^ Ibid., n» XVil.
I
LES JUIFS DE TAHASCON Al' MOYEN Af.E 2r»n
désireux de supprimer la concurrence que leur faisaient les Juifs,
et les syndics se virent obligés, le 27 avril 1461, de demander au
viguier de la Cour royale d'interdire à Carcassonne ou à tout
autre Juif de vendre ni poisson, ni viande à la poissonnerie et
à la boucherie des Chrétiens \
Liste des Juifs de Tarascon.
1350-1487.
Ces listes sont extraites des registres cadastraux (CC. 25, 26, 27,
28 et 29) et des minutes des notaires Antoine Chapati et Pierre
Margot (vol. 96, f°77). Celles des registres nous font connaître le
revenu approximatif de la fortune des Juifs, suivant la déclaration
(avèrement) faite par chacun d'eux sous la foi du serment. En
1350-1400, ce revenu, provenant de maisons, champs, vignes,
créances et marchandises, s'élevait à 10,000 florins, ainsi que
l'indique la note ci-jointe du registre CC. 25 :
Summa totalis dicti avarementi ipsorum Judeorum de rébus, tam
mobilibus quam immobilibus supra descriplis, est florenorum très
milia ducentorum quinquaginta quinque et médium.
Item pro ipsorum debitis pro quibus et de eorum mercaturis et
pecuniis concordaveruut cum universitate loci Tharascouis de
eorum volunlate; quorum debitorum et mercaturarura restarent in
summa florenorum sex millia septingenti quadraginta quatuor cum
dimidio.
Et sic ascendit universaliter averamentum dictorum Judeorum
concorditer factum ad florenos decem milia.
Liste de io50-'lÏ00.
Maystre Bellant, Bellant, surgiant 2, Juzieu. . . 385 llorins'.
Durant Soffe[rl 351 2—
Durant de Carpentras, Juzieu 15 —
Astruga, molher (femme) de Couprat Sotler . . 111 2—
* « Quod sindici et accessor requirant dominum vicarium vel judicem curie
régie presenlis ville quatenus habeant prohibare Carcassone ac quibusvis aliis Judeis
ne de cetero habeant vendere pisces neque carnes \n piscaria nec macello chnstiauo-
rum, propter quam plurima scandala hujusmodi racione oriri possini christiaais, cum
Judei sint inimici christiane religionis. » Arch. municip., BB. 9. — 27 avril 1461.
* Surgiant =: chirurgien. Un médecin de ce nom, Dollan Bellant, vivait à Car-
cassonne au XIV" siècle, Deppiug ouvrage cite, p. 18i. Un J ait" de Carpentras portail
également ce nom en 1357, i^etJwe, Xll, p. 193.
* Le florin vaut 12 gros et le gros S patacs.
266 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Maystre Rocel Vivas 25 —
Vidal Profach 70 —
Maystre Rossel Conprat 76 —
Ferron Bonafos 18 —
Bonafilha, molher de Macip de Montelhs* ... 5< —
Astruc Rossel 262 —
Mosson Vidal de Tarascon 91 —
Garacausa *, Juzieu 10 —
Gresquet de Draguinham (Draguignan) .... 151/2—
Astruc de Salves, encantayre ' 341/2 —
Gregut de Gabestanh ^ 193 —
Vidal Bonafos 1441/2—
Rossel de Perpignan 42 —
Salamitas Asser 541/2 —
Vidon Vidon, Juzieu 100 —
Jacob Bedos, Juzieu 127 —
Maystre Rossel Ferrier ^ 219 —
Vidal Bonfilh de Aviûhon e Bonaon* ... 50 ) _
Filli sieu, Gomprat Bon non 30 )
Vivon Mosse Gerondin (de Girone) 30 —
Salomon de Masselha' 137 —
Bonafos Vidal 137 —
Sammiel Bonjuzas 301 —
Juffetde Glarmont^ 791/2—
Vidal d'Alès ^ et Durand Talvian, Juzieus ... 40 —
Asser Meyr, Juzieu 55 —
Samiel Josep[h] 55
Durantet de Malguer •", telier " 1341/2—
Grescas de Gadenet 16 —
Bonjuzas Gassin, Juzieu 48 —
Liste de UOO.
Ferrier Bonafos 146 —
Maystre Bellant** 160 —
* Monteux, Vaucluse. Voir Revtie, XII, p. 196.
« Ou Carcause, Bévue, XII, p. 141 et 194; tôtrf., XVI, p. 74.
» Vendeur à l'encan. Un Astruc de Sauves ou de Salvis demeurait à Montpellier,
en 1293-94, Revue, t. XXII, p. 265. Cf. XII, p. 193.
«-5 Bayions, en 1378.
• Ou Boiian, Revue, XII, p. 193.
7 Salomon de Marseille peut être identiGé avec Salomon ben Josepb qui sign» une
lettre de protestation contre Abba Mari et qui, de Montpellier où il était fixé en 1306,
s'était retiré à Tarascon. Les Rabbins français^ p. 693.
• Clermont, Hérault.
^ Alais, Gard.
" Melgueil ou Mauguio, Hérault.
** Tisserand.
*« Probablement le fils de Maystre Bellant, chirurgien. Voir liste précédente,
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE 267
Bonet Rossel ^00 —
Mondina, molher de Asser Mehyr
Maystre Gonprat Asser ^l'O —
Maystre Bon Juhas Quassin 60 —
Cresquas de Draguinhan
Astruc de Largenlière <0 —
Los hères (les hoirs) de Durant Sofre[r]
Stela de la Roche '
Bonafilha de Monlelhs
Salamonet Jacob "^2 —
Salamitas Asser 103 --
Astruc Bonicien, encantayre '
Vidal destela " 8 —
Léon Vidas, filh de Vidon
Astruc de Tolon * ^02 —
L'esquola dels Juzieus
Rossel de Perpinhan ^0 —
Jufet de Glermont
Compradet de Milhau *
Bonet del Pont* 64 —
Astruguet de Nemze '
Vidai Bonafos 140 —
Los hères (les hoirs) de SamielJossea/m^quodon 103 —
Vidal Proffach 12 —
Samiel Bonjuhas 4301/2—
Mosson Vidal 34 —
Bonjuhas Salomon 128 —
Maj'stre Eoujuhas Asser 100 —
Vivas Mosse 50 —
Riqueta, molher de Cresquas ProfTach 50 —
Crégut de Quabeslainh * 192 —
SalamonetetDavinet,heres de Durant de Melguer' 131 1/2—
Mayrona, molher de Astruc Rossel 304 —
Cavet ou Gonet Bedos 152 —
Abraam Proffach
Maystre Rossel Vivas 131 —
* Pour Estelle. La Roche ou La Roque est uo nom de famille eacors aujourd'hui
en usage chez les Juifs et les Chréliens du midi de la France.
« Voir p. 266, note 3.
* D'KBtelle ou Étoile, près de Valence, Drôme.
* Toulon.
» Ou Milhaud, Gard.
* Hameau faisant partie de la commune du Canet, Hérault.
^ Nîmes. 11 s'agit probablement du rabbin don Astruc Salomon Abigdor. Voir
Gross, Gallia judaica^ p. 334 et 398.
* Capestang, Hérault.
» Voir Revue, XII, p. 194,
268 REVUE DES ETUDES JUIVES
Dieus lo sal, peirier ' 7 —
Maystre Rossel Ferrier 7461/2 —
Habrahamet, filh de Dieulosal
A la suite, cette note : c Summa hospiciorum, terrarum et vinearum
Judeorum ITI*' VHP LXXX llor. ^>
Liste des Juifs de Tarascon, tirée d'un acte ayant pour titre :
Empcio capagiorum carerie Judayce pro Rostagna Corpe, uxore
nobilis Johannis Lambertini, ucerii armarum doraini nostri Régis
Sicilie, de Tharascone.
(Antoine Chapat, notaire, acte du 29 novembre U24;
Étendues, vol. 20.)
Magisler Compratus Asser. Astruc Macipi.
Natan Bonjuzas'. Abram Aym.
Caravido ^ Cassini Bonjuzas.
Boiimus ou Botinius*. Josep de Sancto-Gervasio'®.
Jacob Bonet Avieusor^ José de Gastris.
Vitalis de Sostal K Clara Orgiera.
Isaac d'Agde et Aaron, son parent. Jacob Aym.
Abram Levi. Salamo de Malguer **.
Abramet du Pont. Isaac de Lattes ''.
Astruc de Largentière. Boniac du Pont.
Mosse Aym ^ Roget'^
Comprat Salomon. Salamonet Soffe [r].
Isaac de Posquières. Ferrier de la Rocbe.
Gresquet Revel. Jacob du Pont.
Mosse Daram. Bonjuzas de Malguer et Mayrone.
Tbolo. Abram Soffe [rj.
Isaac de Tri tis*. Juffet Jamelis.
Samuel de Gastris ^ Léo Gohen.
* Maître-maçon.
* Peut-être le même que le médecin Bonjues Nathan, mentionné par Bayle, Le»
médecins d'Avignon, p. 68.
3 Ou Caravida, nom fort répandu dans le midi de la France.
* Voir sur ce nom Loeb, Un procès dans la faviille des Un Tihhon, p. 15, et Revue,
Xll, p. 196, et XVI, p. 82.
' Pour Avijfdor. Un des bayions en 1441.
* Léon Vidal de Sostal, un des membres du collège rabbinique de Monlpelliet
char^^é de recueillir des témoignages relativement à un procès qui eut lieu, en
138b-88, à Arles pour une question de mariage. Gross, ouvrage cité, p. 334.
' Pour Ilayymi.
** Trets, Bouches-du-RhAne.
'•' Castries, Hérault.
'0 Saint-Gervais, près de Bagnols, Gard.
^* Melgueil ou Mauguio, Hérault.
»» On trouve un Isaac de Lattes dans le Dauphiné en U47. Revue, IX. p. 237,
»> Ou Rouget.
LES JUIFS DE TAUASGON AU MOYEN AGE 269
Samuel Abram. Ferrier Vidas Rocell.
Magister Jacob de Lunel. Salomou Boniac et son fils.
Bonet du PoDt.
Liste de i442.
(Registre ce. 27.)
Siec si raveramenl des Jusuoz.
Maystre Bonjuzas Nathan ' 593 florins. Gros.
Gassin Bonjuzas 78 — »
Jacob Haym 91 — »
Ferrier de la Roche 155 — »
Maystre Jacob de Lunel 61 — 6
Glara Orgiera 25 — »
Abram Levi 4i/2 — »»
Abraham SofTer ' 71 — »
Ferrier Vidas 281 — »
Meyr Gomprat 58 — 9
Jozept Hayn 30 — »
Abraham du Pont 10 — »
Samiel deTolon * 110 — »
Bonjuzas de Gaslries 91 — 6
Vidon du Pont 32 — 6
Salamias de Lunel* 57 — 6
Dieulosal de Largentière 80 — »
Isaac de Carcassonne 47 — 6
Dieulosal Soffer 60 — »
Boniaquet du Pont^ 253 — »
Boniaquet Cohen 10 — »
Dieulosal de Sam Paul * 29 — v
Salves Avigdor 3 — 9
Bonnizas de Malguel ' 60 — »
Mordacays de Nantris* 1â — »
Samiel Bonafos 60 — ^
Abraham Hayn 9 — 6
* BoLJuzas Nathan appartenait à la célèbre famille Nathan dont l'activité littéraire
et scientifique remplit le xiv* et le xv« siècles. Voir sur cette famille, Neubauer, Les
écrivains juifs français^ p. 573 et suivantes ; cf. Gross, ouvr. cité, p. 9 et 10,
* Les huit premiers noms de cette liste figurent déjà sur la précédente.
* Toulon.
* S'agit-il de Salamias, fils de David de Lunel, auteur d'un Traité sur Us fièvres f
Voir Neubauer, ouvraije cité, p. 733.
* Auditeur des comptes en 1441.
* Saint-Paul, Drôme.
' Malguel = Mauguio.
* Peut-être Nant, Aveyron?
270 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Samiel Habran 24 — 6
Vidon Josse 54 — »
Mordacays Astruc 29 — 6
Lunella 120 — »
Mosse Salomon * 35 — »
Salvet du Pont 53 — »
Mordacays Maximin ' 18 — »
Astruc Parus 40 — »
Maystre Aaron 42 — »
Posquièras 9 — »
Astruc de Milhau 2 — »
Gara Vidon 42 — »
Maystre Rossel Vidas 24 — »
Cresquet Revel 73 — »
Josse de Gastries 43 — 6
La molher de Gervais 40 — »
Vidal Astruc 38 — »
Liste de Uô9.
(Registre CC. 28.)
Salamias Ferrier 466 4 >
Aron Levi 476 4/2 » »
Abram Aym 278 10 »
Rossel Ferrier 471 6 »
Meyr Gomprat 69 44 >
Durand Natan 482 6 »
Grescas Ferrier 487 » »
Salamias de Lunel • 149 4 »
Bonjues de Malgue (Melgueil) 92 6 »
Mosse Meyr^ 68 8 2
Jacop de Lunel 85 6 »
Grescas de Tholon (Toulon) 49 » »
Dieulosal de Largentière 74 » »
Samiel Bonafos 55 6 »
Gomprat Soffer 50 » »
Bonjues de Gastries 98 9 4/î
Blanqueta et Arsiela, sœurs, filles de
Grescas Revel oO » »
* Voir sur Mosse Salomon, plus haut, p. 108.
* Probablement de Saint-Maximin, Var.
• Vt)ir liste précédente.
♦ Un document que nous publions aux Pièces justificativei nous «pprend que MoftÉe
Meyr était médecin à Tarascon. Au mois d'août 1456, il maria son ûls, Comptai
Mosse de Valabrègue, avec Regina, lille du médecin Toros Nathan. Mossoa Sâlomon
Soffer, Juif de Tarascon, servit d'intermédiaire pour ce mariage et reçut, à cet effet,
5 florins. Pièces justificativts^ n» XV.
LES JtJIFS DK TARASCON AU MOYEN AGE 2ll
Vidon Samuel 44 9 »
Salvon du Font 198 1 f2
Boniaquet Cohen 187 10 »
Boniac du Pont 413 10 v
Vidal Baron 61 » »
Rossel Israël 2 » »
Josse du Gaylar 14 4 »
Vidon de Cassin 217 6 »
Vidal Cohen 4 6 »
Samillon Bolin 12 » »
Menasse Tonian 54 6 »
Margalia 100 » »
Astruc de Milhau 56 G »
Bonafos Falco 64 » »
Salves Avigdor 58 2 »
Maystre Bonjues, juzieu de Marcelha * . .50 » j>
Bon nom Mordocays 35 9 »
Vidalon Astruc 42 3 »
Ysaac de Garcassonne 73 6 »
Isaac Samiei 28 6 »
Stireta ', molher de Mosse Salomon ... 35 » »
L'amorna'de la carriera dels jusieus de
Tharascon que pren très barraux de vin
que son taxas a quinze florins 15 » »
Liste de 1487.
(Registre CC. 29.)
florini. Groi. Palacs.
Boniaquet Gobent 3 6 »
Maystre Salves Anguidor (Avigdor). . . » » »
Maystre Bonjues Orgier ^ 10 » »
Salves de Narbonne » >' »
Saiamias Ferrier 120 11 4
Aron Lévy 27 1 4
Abram Aym 54 » 6
Salomon de la Roche 5 13 6 4
* Sans doute le même que Maystre Bonjudas ou Bonjues Orgier qui figure sur la
liste de 1487.
' Pour Esther.
■ Amorna ou Armona = Aumorne ou Aumône, c'est-à-dire la caisse de bien-
faisance.
* 11 s'agit probablement ici de Bonjues Orgies ou Orgier qui figure sur la liste des
médecins de Marseille. Voir Bévue, VU, p. 294.
* Un médecin juif d'Avignon portait le nom de Salomon de la Rocbe, Jievu$f
V, 307.
272 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Florins.
Rossel Ferrier 39
Durant Nathan 8
Maystre Nathan Nathan 56
Jacob Nathan 56
Grescas Ferrier 31
Salamias Lunel -12
Vidal de Lattes 10
Astruc de Beaucaire 1
Bonjues de Melgre (Melgueil) 33
Jacob de Marguel (id.) 44
Mosse Meyer 29
Crescas de Toulon 9
Dieulosal de Largentière» 1
Samuel Bonafos 14
Bonafos de Castries 12
Sauvon du Pont 31
Boniat du Pont 14
Profach du Pont 26
Vidal Baron 11
Menasse Thomam* 10
Astruc de Milhau 4
Josse de Milhau »
Bonaffos Falco 18
Bon non Mordecays 13
Vidalon Astruc 7
Ysaac de Garcassonne 11
Ysaac Samuel ^ 1
Jacob du Gaylar 11
Jesse Aym, alias Pape de Ghâteau-Re-
nard, (nom effacé le 1" septembre 1487
et remplacé par Mosse et Durant Aym,
frères) 3 3 4
Gonet Sanoch » » »
Isaac Nathan 13 4 »
Les hoirs de Meyr Gomprat 8 9 »
Jacob de Lunel '^ 12 10 1/2»
Blanqueta et Arselia, sœurs 8 6 »
Rossel Israël » 3 »
Josse de Gaylat (du Gaylar) 1 9 4
Vidon Gassin 22 10 3
Vidal Gassin » » »
* La liste des Juifs de Carpeatras ea 11322 coniieul le uom de Dieulosaut de Lar-
gentière. Revue, XII. p. 197.
* Peut-être pour Taman ? Voir Revue, XII, p. 194.
» Voir liste des Juil's de Garpeniras, Revue, ibid., p. 197.
* Revue, ibid., p. 198.
Groi.
Pataei,
5
2
6
6
6
»
10
1
10
4
101,
/2.
)>
»
7
9
9
»
1
3
9
3
1
5
4
2
8
2
8
6
6
4
11
2
8
2
1
1
6
6
6
6
6
6
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»
4
4
1
4
10
))
8
4
9
»
Groi.
PaUcs.
6
6
13
»
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE 273
Florioi.
Vidal Cohen »
Samilloa Botin »
Margalia 20 » »
Lo Moro, jusieu ' » » »
Ferrier et Mosse fauco (Falco) , frères,
jusyeus 45 » »
Abram et Salomon Isaac, frères 3 » »
Jesse Mosse, fils de Johan de Grimaut. .43 1 6
Starta (Stareta) ' , femme de Johan de
Grimaut 9 6 »
Ayssernida, femme de Maystre Nathan,
juive de Pertuis * 17 1 4
Vidon du Pont, habitant des Baux. ... 2 6 »
L'armona de la carriera dels Jusieux de
Tharascon que prent très barraux de
vin tauxat a très florins, gros, non, an
agut la mucha 4 » »
Lostal en que si len la signagoga et lo
cemeteri dels Jusieux es tauxat a trente
set florins, gros sieis * 37 6 »
Nous possédons une autre liste de Juifs, dressée vers 1475 et
insérée dans un accord intervenu, à cette époque, entre la Com-
munauté juive et Antoine Camot, marchand d'Avignon, au sujet
du paiement, par voie de taille et de capage, d'une somme de
2,700 florins =. Cette liste contient, outre les trente-sept premiers
noms qui figurent sur celle de 1487, ceux de :
Maystre Gomprat Mosse. Eligon, fils d'Habram Haym.
Israël Mosse. Isaac, fils de Manasses Thoman.
Haron Orgier*. Astruc Cohen.
Bonjues Rossel. Mosse Haron Lévi.
Ismaël Samuel. Vidon Jesse.
Vital Astruc. , Boniaquet, fils de Salomon de la
Bonjues de Castries. Roche.
1 Est-ce un sobriquet ou s'agil-il d'un Juif originaire soit de Mur.s (Vaucluse) ou
de La Mure, dans le Dauphiné?
> Pour Esther.
' Astruc Nathan était médecin à Pertuis, Bardinet, Revue Historique année 1880
p. 43.
* N. B. Il est fait observer que les chiffres ci-dessus sont les plus élevés qui soient
portés à l'avèrement et qu'ils ont été successivement réduits à la suite des ventes
forcées imposées aux Juifs.
* Pierre Margoli, notaire, Èt«îndues, vol. 96, f» 77.
6 Peut-être le même que Aron Orgerii que l'on trouve à Marseille vers 1492
Rwue, IX, 67.
T. XXXIX, nO 78. 18
274 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Maystre Mordecays Cohen. Davin de Perpignan.
Habram Isaac. Bencion Parat.
Josse Soffer. Mancip Cohen.
Mancip, fils de Boniac du Pont. Josse Salamias.
Boniac de Milhau. Mordecays de Nanthoan(?).
Josse de Lunel. Habram Garavidas.
Les hoirs de Maystre Dieulosal de Salves Samuel de Lunel.
Largentière.
Salomon Kahn.
PIÈGES JUSTIFICATIVES
I.
Charte de Charles II défendant aux Juifs l'exercice des
fonctions publiques.
— 9 février 1308». —
Karolus secundus, Dei gratia rex Iherusalem et Sicilie, ducatus
Apulie et principatus Capue, Provincie et Forcalquerii ac Pedimontis
cornes, vicariis et judicibus Tharasconis presentibus videlicet et
futuris fidelibus suis, gratiam suam et bonam voluntalem. Pro parte
consilii ac universitatis hominum Tharasconis, fuit nobis uoviter
supplicatum quod cum Judei, christiane persecutores fidei et hosles
etiam crucifixi, passim admitantur in dicto castro ad gerendum
officia aliqua, puta ad pouderandum bladum et farinara necnon ad
subastandum publiée seu faciendum incantuni; per quos equidem
fraudes comituntur et multe malicie; propler id quod viri catholici
zelo christianitatis non leviler indignantur; exinde providere beni-
gniter dignaremur circa abusum hujusmodi, presertim cum ad of-
ficiorum gestioneni ipsoram orthoduxi sufficieutes iuibi valeant
reperiri. Quia igitur Judei non sunt atollendi favoribus set tanquam
blasphemi nominis christiani potius depravendi (?), fidelitati veslre
districte precipiendo, mandamus quatenus ex nune Judeis aliqua
publica non comitatis officia; quin imo a jam comissis, eos prorsus
amovere curetis, assumpturi ad illa christianos ydoueos atque pro-
bos. Safficit enim quod Jadeos ipsos juxta tolerantiam humanitalis
causa, sic pieLas christiana sustiaeat, ut tamen eos in aliquo non
* Archives municipales, GCr, 40.
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE 275
extollal. Présentes auiem litteras, post convenienlem pre-
sentanti efficaciler in antea volituras. Data Massilie, anno Domini
MoGGCVlII» die IX" februarii VI° indictionis, regnorum nostrorum
anno XXIIIP.
Cote : Quod Judeî non audeantexercere aliquod publicum oficium.
Privilegi que los Juzieus non deian exercir offici public.
II.
Lettres patentes de la Reine Jeanne du 28 octobre 4Z77 K
Johanna, Dei gracia regina Iherusalem et Sicilie, ducatus Apulie et
principatus Gapue, Provincie et Forcalquerii ac Pedimontis comi-
tissa, senescallis comitatuum nostrorum Provincie et Forcalquerii ac
vicariis loci Tarasconis de comitatibus antedictis vel eorum alteri,
presentibus et futuris, fidelibus noslris, graciam et bonam volun-
tatem. Nuper pro parle uuiversilas hominum loci Tarasconis nostro-
rum fidelium, per eorum spéciales ambassiatores seu syndicos ad
Guriam nostram missos, continuit exposicio reverens facta nobis
quod in dicto loco Tarasconis est magna quantitas Judeorum ini-
micorum fidei christiane, qui licet morari consueverint ab antiquo
in aquantono seu gradivio curie versus occidentem eundo versus
castrum, recto tramite, et redeundo per traversiam versus ecclesiam
monialium saucti Ilonorati; quodque in edomada sancta, scilicet a
die mereurii sancta u&que ad festum Kesurrectionis exclusive, in car-
rerias exire causa aliqua, nisi esset medicus et pro expressa neces-
sitate, aliquateuusnousolebant; nunc tamen non verentur inhabitare
cum eorum neplianda lamilia mixtim cum Ghristiauis eisdem, et multi
eorum conversari iu hospiciis propriis Ghristianorum ipsorum, mer-
eau tes ibidem et alla pro libito excerceutes ipsorum; quo sequitur
quod nedum rancores et odia in Ghristianos eosdem surrepunt, immo
Ghristiani ipsi consciencie morsum ipsorum perniciosa actione cau-
sante consequenter incurruut; super quo, pro ipsorum exponencium
parte provisionis nostre remedio suppliciter implorato, nos super
hiis observari volentes peniius quod est fieri antiquitus consuetum,
volumus, et fidelilati vestre de certa sciencia nostra presencium
tenore eomictimus et mandamus quatenus, si ita est, ut exponitur,
et Veritas concordet assertis, quod dicti Judei habitare consueverint
separati a Ghristianis in loco predicto et non alibi, vos et vestrum
quilibet, prout ad vos spectaverit, morem hujusmodi solitum et anti-
quum, inhabilaudo in loco predicto separatim a Ghristianis eisdem
et honeslestando, per Judeos eosdem in dicta sancta edomata obser-
vari mandelis ac eciam faciatis per oportuna juris remédia, prout
vobis vedebitur expedire. Présentes autem licteras, postquam eas
* Archives municipales, GG, 40.
276 REVUE DES ETUDES JUIVES
inspexeritis, quantum et quando fuerit oportunum, pro cautela resti-
tui volumus présentant!, premisso modo vim etefficaciam habituras.
Datum Neapoli per virum magnificum Ligorium Surulum de Nea-
poli, militem, logothetam et prothonotarium regni Sicilie, collatera-
lem consiliarium et fidelem nostrum dilectum. Anno Domini millé-
sime GCGLXXVIP die XXVIIP mensis Octobris prime indictionis,
regnorum nostrorum anno XXXV".
G. Petrillus de Americo.
Privalage contra los jussieus.
iir.
In nomine Domini nostri Jhesu Ghrisli, amen. Anno incarnacionis
ejusdem millesimo GGGLXXVIIIo, die uliimo mensis januarii, se-
cunde indictionis, régnante serenissima principissa domina nostra
domina Johanna, Dei gracia Jérusalem et Sicilie regina, existente
féliciter amen. Ex série hujus presentis publici instrument! cunctis
pateat evidenler quod constituti nobilis Guillermus Raynerii et dis-
crettus vir Raymundus Corderii, sindici et sindicariis nominibus
universitatis hominum Tharasconis, in presencia viri egregii Georgii
de Montemalo, vicarii et capitauei curie reginalis Tharasconis, in
nostra curia more majorum pro Iribunali sedentis, et presentibus
ibidem magislro Rocello Ferrerii, surgico, Gregudeto de Gapdesta-
gno, judeis, baylonis universitatis Judeorum dicti loci, exhibuerunt
et presentaverunt eidem quasdam patentes litteras, emanatas a viro
magnifico domino Fulcone de Agouto, Vallium Rellanie Lucique
domino, comitatum Provincie et Forcalquerii senescallo, a tergo
ipsarum magno senescallie sigillo in cera rubea solito more, ut
primo facie apparebat sigillatas; quas execucioni débile juxta conti-
nenciam earumdem in singulis capitulis petierunt demandari et con-
tinenciam inipsis mandare observari, prout in ipsis litteris scribitur,
precipitur et mandatur; quorum litterarum ténor de verbo ad verbum
sequitur et est talis :
Fulco de Agouto, miles, Vallium Rellanie Lucique dominus, comi-
tatuum Provincie et Forcalquerii senescallus, officialibus reginalis
curie loci Tharasconis ad quos spectat et présentes pervenerint cui-
libet vel locatenentibus eorumdem, presentibus et fuluris, salutem et
dilectionem sinceram. Pro parte universitatis hominum dicti loci
presentate fuerunt nobis noviter quedam reginales patentes liltere
majestatis suae sigillo magno pendenli in cera rubea more solito
[sigillate], tenorem qui sequitur per omnia continentes* :
Supplicato nobis itaque pro parte qua supra, ut ad exequtionem
prescriptarum litterarum procedere benignius diguaremur. Nos
mandata dominica exequi cum débita reverencia, ut convenit, cu-
^ Suit la transcription des lettres patentes de U reine Jeanne du 28 octobre 1377.
1
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE 277
pientes et facere quod est justum, volumus et vobis auctoritate
reginali qua fungimur tenore presencium precipiendo mandamus,
quatenus si dicti Judei predicti loci de Tliarascone infra confines in
ipsis litteris reginalibus expresses habent et habere possunt man-
siones débitas ad sufficientiam eorumdem, Judeos ipsos infra illos et-
non alibi eorum mausiones facere et tenere faciatis, et alia^ in pre-
dictis litteris reginalibus expressata, sicut justuna convenit, obser-
vari. Datum Aquis per virum nobilem dominum Veranum Sclaponi,
magne reginalis Curie magistrura rationalem, locumtenentem ma-
joris judicis comitatuum predictorum, anno Domini CGGLXXVIIIo
die XVII» decerabris, secunde indiclionis.
Et dictus dominus vicarius et capitaneus cum quanta decuit
reverenlia et honore receptis prescriptis litteris, sibi per dictos sin-
dicos presentalis, mandata dicti domini Seuescalli prout tenetur,
exequcioni demandare eupiens, visis et inspectis ac diligenter
examinatis litteris prescriptis ac tenore ipsarum in singulis suis
capitulis attento, in dicta curia more majorum pro tribunali sedens,
presenlibus sindicis prelibatis, et exequcionem tieri de conlentis in
eisdem postulantibus juxta continenciam earumdem, citatis et evo-
catis ad ipsius domini vicarii et capitanei presenciam Cregudeto de
Capdestagno et magistro Rocello Ferrerii, judeis, baylonis universi-
tatis Judeorum dicti loci de Tharascone, ibidem etiam presentibus,
audientibus et intelligentibus, exequendo ordinavit et declaravit et
in preceptum dédit, quod Judei prelibati omnes universaliler ab hac
die in antea stent et stare debeant et mansionem faciant perpetuam
a domibus magistrorum Pétri Marcelhani, notarii, et Gaufridi Bar-
berii exclusive, ab ipsis domibus citra, videlicet versus castrum et
usque domos conventus dominarum monialium dicti loci eundo
versus dictum castrum et usque domum Barthicholi eundo per car-
reriam versus monasterium predictuni et usque furnuiii, excludendo
furnum. Et nichilominus cognovit et ordinavit et declaravit quod, eo
casu quo nécessitas adesset et hoc facere v^luerint, Judei ipsi possint
se relargare et edifficare rétro hospitia eorumdem usque carreriam
Poncii Truqui,per quam progredilur ad ecclesiam sancle Marthe, cum
hac condicione quod Judei januas seu portas nec exitum facere possint
rétro in carreria predicta prefati Poncii Truqui. Et predicta omnia
superius declarata prefatus dominus vicarius et capitaneus ordinavit
perpetuo tenaciter observari, juxta contineuciam et tenorem litte-
rarum prescriptarum, jubens nichilominus et mandans quod Judei
omnes comorantes extra limites predictos se reduxerint hinc per
totum futurum mensem febroarii, sub pena librarum centum coro-
natorum, sic quod de cetero extra limites ipsorum tabulas [et] botigas
conducere et merchemoniam vendere in mansiouibus ipsis non
présumant, nisi in diebus martis, que est dies fori, et in nundinis
quibus sit licitum tabulas et botigas conducere, quantum durabuut
dies nundinarum et dies fori predicti, excludendo illos qui ad collum
vel aliter res vénales per locum ipsum defferunt; q[u]inymo licitum
278 REVUE DES ETUDES JUIVES
sit eisdem res ipsas, ut consueveruat, portare vénales per locum
ipsum. De qiiibus omnibus dicti syndici publicum instrumentum
sibi fieri nominibus quibus supra postularunt, jubens idem do-
minus capitaneus fieri instrumeutum pro parte universitatis Judeo-
rum predictorum. ActumTharascone, ubi supra, in presencia nobilis
Mercuroni. Mercuerii senioris, magistri Bernard! Doati nolarii, Fir-
mini Garenci, dicli loci, et magislri Lombard! de Pinhano, notarii,
dicte curie, testium ad premissa vocatorum et rogatorum. Et me
Stephani Brocherii, notarii publie! de Sancto-Vincentio, dyocesis
Ebredunensis, in comitatibus Provincie et Forcalquerii auctoritate
reginali conslituti et nunc dicte curie reginalis ïbarasconis vice-
notarii, qui requisitus et rogatus hanc cartam publicam scripsi et
signo meo solito signavi.
IV.
Action intentée par la Communauté de Tarascon contre les Juifs habitant
la même ville afin de les contraindre à contribuer aux tailles et impo-
sitions; arrêt rendu en leur faveur et fondé sur un privilège accordé
aux Juifs par Louis II, comte de Provence^.
— 9 décembre 1400 —
Ludovicus secundus, Dei gratia rex Jérusalem et Sicilie, Ducatus
Apulie, Dux Andegavie, comictatuum Provincie et Forcalquerii,
Genomanie ac Pedemontis cornes, vicariis et officialibus aliis curiarum
nostrarum civitaium Massilie, Arelatensis et Aquensis^ necnon ville
Tharasconis, ceterisque lam officialibus quam comissariis per alias
civitates, loca et castra dictorum comitatuum nosirorum Provincie et
Forcalquerii, ad quem spectare poterit, presentibus et futuris et cui-
libet vel locateneutibus ipsorum, fidelibusnostris dilectis, graciam et
bonam voluntatem. Licet -ex capilulis in diversis consiliis genere-
libus trium statuum diclorum comitatuum nostrorum Provincie et
Forcalquerii factis, capitulatum et ordinatum extiterit, quod omnes
et quecumque persoue locorum diclorum comitatuum, cujuscumque
status seu condictionis existant, teneantur et debeant pro bonis et
rébus quibuscumque ipsorum et facultate illorum, cum hominibus et
personis universitatum locorum in quibus et ipsorum territoriis ipsa
bona possident, contribuere et solvere in talliis et impositionibus
pro solucione donorum majestati noslre concessorum, ut in ipsis
capitulis lacius continetur ; quia tamen Judei dictorum comitatuum
nostrorum Provincie et Forcalquerii et terrarum eis adjacentium,
majestati nostre multa donaria obtulerunt et oflerunl et per nostram
curiam exhiguntur ab eis, que multo plus ascendunt quam ea que
solverant seu solvere possent pro bonis et rébus ipsorum cum uni-
1 Archives municipales, FF, 5.
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE 279
versitatibus ipsorum locorum in talliis et oneribus incumbentibus
eis, ex quo non debent racionabiliter dupplici ouere agravari, nec
umquam fuit intencio nosira talis ; ea propler, in hiis merilo provi-
deotes, volumus et vobis harum série de nostra certa scienlia preci-
pimus et mandamus quathenus Judeos ipsos utriusque sexus, qui
nunc sunt et pro tempore fuerint in ipsis comitatibus et terris adja-
centibus eis, ad solveudum pro bonis et rébus ipsorum que habenl
seu ipsos habere continget in illis cum universitatibus lerrarum,
civitatum et locorum ipsorum comittatuum et terrarum eis adjacen-
tium, et in talliis et imposicionibus ac oneribus pro premissis donis
nobis factis seu in futurum faciendis, indictis et indicendis ac illorum
solucionibus de cetero in personis vel bonis ad cujusvis instanciam
nuUathenus raolestetis vel agravestis aut molestari seu agravari
parciamini quoquomodo, quantum indignacionem nostram et penam
nostro vobis iufulgeudam arbitrio cupitis non subire. Quinymo, si
quid fortasse contra formam presencium fieri contingeret autquomo-
dolibet actemptari contra eos, in génère vel specie, illud revocetis et
redducatis slatui premitivo capitulis specialibus seu generalibus ac
ordinacionibus, et litteris in conlrarium factis et concessis ac forsilan
faciendis et concedendis, nonobstantibus quibuscumque, presentibus
opportunis inspectis remanenlibus présentant!. Daium in civitate
nostra Massilhie per egregium et nobilem virum Johannem Loveli,
railitem consiliarium et fidelem nostrum dilectum, mandate nostro
locumtenentem majoris judicis comitatuum predictorum. Anno
Domini millesimo quadringentesimo nono, die prima mensis decem-
bris, lercie indictionis, regnorum vero nostrorum anno vicesimo sexto.
Per regem, Matbeo de Bellavaiie, milite présente. P. de Rosseto.
gratis reglstrata.
V.
Lettres patentes du roi Louis II par lesquelles il est spécifié que la
sauvegarde accordée aux Juifs ne doit pas porter préjudice aux privi-
lèges de la Communauté '.
— 13 avril U04 —
Ludovicus secundus, Dei gracia rex Jérusalem et Sicilie, ducatus
ApuUe, principatus Gapue, dux Andegavie, comitatuum Provincie
et Forcalquerii, Genomanie, Pedimontis et Ronciacii cornes, vicario
et judici ville nostre curie Tiiarascouis ac ceteris officialibus nostris
presentibus et futuris in dictis comilalibus nostris Provincie et For-
calquerii consiiluiis, quacumque premineucia uolenlur, quibus
présentes littere pervenerint eorumque cuilibet vel locateneniibus
eorumdem fidelibus nostris, graciam et bonam volunlatem. Cum per
^ Archivei municipales, AA, 5.
280 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
majestatem noslram, Judei omnes in dictis comitatibus nostris habi-
tantes, positi et retenti noviter extiterint sub salvagardia et protec-
tione nostra, et propterea per sindicos et consilium dicte ville nostre
Tharasconis supplicatum querelando exititerit eidem majestati nostre
quod ipsa salvagardia de directe redundat contra eorum privilégia et
libertates tam per majestatem nostram qiiam predecessores nostros
eisdem bénigne concessa ; Nos cupientesque ipsos supplicantes sub-
ditos nostros in eorum privilegiis et libertatibus manutenere cum
deliberatione nostri exislentis consilii, tenorepresencium deciaramus,
quod propter ipsam salvamgardiam non intendimus nec intencio
majestatis nostre fuit nec est derrogare nec prejudicare in aliquo
directe vel indirecte, libertatibus et privilegiis dictorum subdictorum
nostrorum ville nostre Tharasconis, premisso modo concessis, sed
ipsa privilégia et liberlates observare intendimus. Qaocirca vobis
antediclis officialibus nostris, tenore presentium precipimus et man-
damus expresse quatenus formam declarationis hujusmodi per
majestatem nostram factam temporibus vestrorum officiorum invio-
labiliter observetis et observari faciatis, si indignationem majestatis
nostre cupitis evitare, presentibus débite exequtis remanentibus ad
cautelam présentante Datum in villa nostra predicta Tharasconis per
nobilem et egregium virum Poncius Cayssii, licenciatum, primarum
appellationum et nuUitatum dictorum comitatuum judicem, man-
date nostro munc vacante officio majoris judicis locumtenentem,
consiliarium nostrum fîdelem dilectum, die tercia décima aprilis,
anno Domini millesimo quadringentesimo quarto, xii« indictionis.
VI.
Lettres patentes du roi René données à Tarascon le 20 septembre H60^.
(h'xtrait.)
Item pariter supplicant dicti sindici [ville Tharasconis]
dicte sacre Régie Majestati quathenus E. S. R. M. dignetur con-
firmare eidem universitati quodam privilegium per bone memorie
tune dominum Jherusalem et Sicilie regem Robertum concessum, ne
Judey, christiane prosequlores fidey, hosles etiam Grucifixi, in antéa
admictantur ad gerendum officia publica in locopredicto Tharasconis,
puta ad ponderandum bladum vel farinam, necnon ad subastandum
publiée seu faciendum iuquantum vel quodcumque aliud publicum
officium ; et de novo etiara, si placet, dicte universitati concedere, ne
in anlea contra quemcumque christianum portare habeant quascumque
licteras a curia camere rationum civitatis Aquensis aut quacumque
alia curia emanandas. nec illas exequi lacère, nisi esset pro eorum
propriis debitis, cum multos fraudes dietim in premissis fiendis
ipsi Judey comictant et multas malicias et dolozitates ac extortiones
' Archives municipales, AA, 5.
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN Ar.K 281
illicilas et maxime contra orthodoios seu chrislianos ; et hoc, si
placet, sub formidabili pena, ut illius metu a premissis fiendis om-
niDO désistant. — Tenor responsioiiis : Viso per génies sui consilii
privilégie premencionato, Regia M. jubet ipsum privilegium inviola-
biliter et ad unguem observari, et in illius observacionem prohibet
omnibus et singulis Judeys ne quevis officia publica in eadem villa
Tharasconis directe vel indirecte assuraere vel exercere présumant,
et sub pena quinquaginta marcharum argenti pro quolibet et vice
qualibet qua contra factum fuerit incurrenda. VA preterea ipsa R. M.
variis atque plurimis justis respectibus mola,eisdem Judeys et cui-
libet ipsorum, ut comissariis, portum licterarum sue curie camere
sub pena predicta inlerdlcit et prohibet suis officialibus presentibus
et futuris, etiam sub eadem pena, inhibendo ne Judeos ipsos contra
formam dicti privilegii aut presentis responsionis seu concessionis
ullo modo de cetero admictant, licteris quibuscumque contrariis non
obstantibus in hac parte.
VII.
Pro regia curia Tharasconis.
Anno quo supra et die décima nona septembris. Mosse Salamo,
judeus de Tharascone, ex certis de causis animum suum juste mo-
ventibus, promisit non ludere ad taxillos nec aiiquo alio ludo quo-
cumque in quo currat argentum, hinc ad sanctum Michaellum nec
a festo sancti Michaellis proxime futuro in unum annum.
Et casu quo contrarium faceret, se submisit ad penam decem
florenorum, aplicandorum medietalem curie Tharasconis et aliam
denuncianti.
Quam penam in se liberaliter et voluntarie assumpsit et com-
mlssam esse voluit, me nolario stipulanti pro fisco.
Obligavit bona sua curie Tharasconis. x
Juravit.
Renunciavit.
Actum Tharascone in domo mei nostarii, presentibus Trophimo
Bernardi et Merigono Auffandi.
(Notes brèves du notaire Antoine Chapati. Vol. 18, i° 461".) [1438].
VIII.
— - 13 mars 1425 (Nouveau style 1426) —
Pro Franqua, uxore magistri Comprati Asser, judei phisici de Tha-
rascone, teslamentum ultiraum.
Anno et indiclione quibus supra et die décima tercia mensis
marcii. Noverint universi etc. quod cum nil morte cercius sit ni-
282 REVUE DES ETUDES JUIVES
chilque incercius hora mortis et omnia sint hominum tenui pen-
dencia philo et subito casu que valuere ruuntelc.
Idcirco ego Franca, uxor niagistri Gompratri Asser, Judei phisici
de Tliarascone, sana mente per Dei graciam, licet lauguens et debilis
corpore etc. in mea bona et saaa coufitens memoria, si me permiserit
divina potencia etc. meum testamentum ultimum nuncupativum el
mea ultima voluntas ac novissimum elogium facio in modum qui
sequitur Infrascriptum.
Inprimis quandocumque viam universe carnis ad mandatum divi-
num me ingredi contiugerit etc. animam meam seu ppirilum meum
recommendo in manibus altissimi Greatoris, Dei vivi etc. et pre-
cibus profetarum Abram, Ysac et Jacob, Moysi, Arou, Danieiis el
Elie at Ennoc, servitorum Dei etc. Et eligo sepulluram corpori meo
in simienterio Judeorum dicti ioci Tharasconis, siiuato extra portale
Condamine, vocatum sumenterium antiquum magnum.
Et primo lego et dari jubeo de bonis meis illustrissimo principi et
domino, domino régis Ludovico lercio, Dei gracia Jherusalem et
Sicilie etc. unum florenum monele currentis semel tantum solven-
dum.
Et pro forefactis meis sertis et incertis esmandandis [el] resii-
tuendis, accipio de bonis meis michi a Deo collatis florenos auri
quinque, valoris cujuslibet illorum XX!!!!»' solidorum monele cur-
rentis in Tharascone, dandos et distribuendos amore Dei pro salule
anime mee et in redempcione meorum pecaminum.
Et primo lego de dictis quinque tlorenis, amore Dei, luminarie
scole seu sinagogue presentis Ioci Tharasconis duos florenos cura di-
midio.
Item lego de dictis quinque florenis, amore Dei, in reparacioue
sumenterii antiqui Judeorum Tharasconis alios duos florenos cum
dimidio.
Item lego de aliis bonis meis Vitalo Meyr, judeo de Tharascone,
phelezeno meo, filio Meyr Gomprati, iilii, mei, amore Dei, vigiuti
quinque florenos monete currentis in Tharascone.
Item lego de aliis bonis meis magistro Salamono Dieulosal, fratri
meo, jure institucionis pro omni jure sibi competenli in et super
bonis meis, quinque florenos.
Ilem lego de aliis bonis meis Dieulosal, filio magistri Salamonis
Dieulosal, pro omni jure competenli in et superomnibus bonis meis,
quinque florenos.
Item lego de aliis bonis meis Vitalo, filio Astrugii de Largentiera
affini meo, quinque florenos.
Item lego de aliis bonis Reginete, fille Astrugii de Largentiera,
unara meam rampam * de griso.
Item lego Sterele, uxori Meyr Gomprati, filii mei, unum ex meis
mantellis, illum quem placibit gadiatoribus meis iufrascriptis.
* Pour raupam.
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE 283
Item lego, amore Dei, Mondete, consobrine mee de Avinione,
omnes raupas measde sobre semana, excepto unam quam dari jubeo
Blanquette, uxori Vilalis Vidas de Sostal.arbilrio gadiatorum meorum
infrasciiptorum.
Item lego, jure instilucionis, Meyr Gomprat, filio meo, quinque
solidos, et quod plus in bonis meis petere non possit, quacumque
racione sive causa, in quibus ipsum Meyr heredem particularera
iDStituo.
Item de aliis bonis meis cuilibetex gadiatoribus meis infrascriptis
unum florenum semel dumtaxat solveudum.
Item lego de aliis bonis meis, amore Dei, Gresqueto, (îlio magistri
Dieulosal de Largentiera, très florenos semel dumiaxat solveudos.
Et quia heredis institucio est capud et fandamentum etc. igitur in
omnibus autem aliis bonis meis, mobilibus et immobilibus seseque
moyentibus, Juribus, actionibus et racionibus quibuscumque, pre-
sentibus et futuris, ubicumque sint et qualiacumque fuerint aut
quocumque nomine noncupeniur seu eciam censeantur et in quibus-
cumque locis consistant, michi heredes meos universales iustituo et
ore meo proprio nomiuo et esse voio, videlicet, magistrum Bonda-
vinum Gomprati, filium meum communem et magistri Gomprali As-
seris, mariti raei, in medietatebonorum meorum ; in aiia vero medie-
tate Mosse et Vitalem Meyr, Iraires, phelczenos meos, filios Meyr
Gomprati, filii mei commuuis et dicti magistri Gomprati Asser, ma-
riti mei ; in alia medietate bonorum meorum predictorum, substi-
tuendo dictos phelezenos meos ad invicem, ila quod pars primi mo-
rientis sine liberis legiiitnis, a suo cGr[)ore procreatis, [lerveuiat ad
superstitem eorumdem, ordiuando quod omnia bona mea vcndi de-
beant et distrahi, ita quod ipsis disiractis vel non dislraclis, fructus
pecuniarum ex bonis distratrendis habendarum, vel bonis meis, si
Don dislrahanlur, perveniantcommuniter tanlum modo ad utilitatem
omnimodam dictorum heredum meorum supra descripiorum, et non
alias neque aliter; declarando quod licet de jure quitquid filius ac-
quirit, aquiritur patri ; quo ad fructus volo et ordiuo magistrum
Gompratum Asser, maritum meum, esse exemptum a percepcioue
dictorum fructuum et eciam predictum Meyr Gomprat, lilium meucn,
patrem dictorum Mosse et Vilalis, phelezenorum meorum, heredes
institutorum,in medietate quorumcumque bonorum meorum.
{blanc dans le texte),
Executores facio.
[blanc dans le texte).
Acta fuerunt hec in domo dicti magistri Gomprati Asser, presen-
libus nobili Ferario de Tharascone, Stéphane Vianesii, Stephano
Porterii, Stephano Duranti, et Philipoto de Sancto Genesio, Gui-
goneto Fabri, et Bernardo Garneri, tam de Tharascone quam habi-
tatoribus.
(Chapati, N. B. 1425, f* 388).
284 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
IX.
Cieutadanagium 'pro Mordacays Vital Cohen^ jtideo de Salone *.
In nomine Domini Dostri Jhesu Christi, amen. Anno Incarnatiouis
ejusdem Domini millesimo quadriugentesimo sexa^esimo seplimo et
die vicesima seeunda mensis aprilis, régnante triumphaliter victo-
riosissimo etc. Noverint universi seriem hujus presentis publici ins-
trumeuti inspeciuri quod existens et personaliter constitutus ante
preseDciam uobilis viri Geronimi de Manellis, locumtenentis nobilis
viri Jacobi de Manellis, ejus fratris. Curie Régie ville Tharasconis
viguerii, Mordacays Vidal Cohen, judaeus de Salone, presenlibus no-
bili et honorabili viris Francisco Genoyni et Petro Aycardi, sindicis
dicte ville Tharasconis, dicens scire et ex sui cerla sciencia tenere
firma instructione condigna, Tharasconenses cives, tam infra pre-
sentem villam quam extra, fulgere in pluribus et diversis locis pa-
trie Provincie et patrie Lingue Occitane privilegiis, franchesiis, liber-
tatibus, immunitatibus et prerogativis pluribus, quadam digna ho-
noris preferencia nobilitate decorari ; ex quibus decus, comodi-
tatem et presidia singulariter consequntur; et ipsarum libertatum,
privilegiorum et franquesiarum quibus seu quarum suffragiis deco-
rari merito postulat velut ipsius ville cives, pari preferentia honora-
biliter valeant prefulgeri, cum sit presto ipse Mordacays Vidal Cohen
pro suorum facultate bonorum, ut cives dicte ville prout et alii cives
ejusdem onera equidem tollerare; ea propler prefato domino vice-vi-
guerio humiliter supplicavit, quatenus ipse Mordacays Vidal Cohen
in civem dicte ville Tharasconis graciose dignetur admiclere, cum
libertatum munimiue quibus ubilibet freti sunt tam in personis
quam bonis cives ipsius ville ; qui quidem dominus viguerius dicte
prebens requisicioni assensum, prius dicto supplicante in domini
vice-viguerii manibus ad aquineam, more judayco, prestito jura-
mento, quod fieri premissa nuUathenus requirit in fraudem, dolum
et lezionem curie régie vel alicujus persone cujuspiam, ipsum Mor-
dacays Vidal Cohen aliorum ejusdem ville civium cetui aggregando
in civem presentis ville Tharasconis recepit cum libertalibus et im-
munitatibus aliis civibus dicte ville attributis ab antiquo cum pactis
sequentibus. Et primo fuit de pacto inier dictum Mordacays, ju-
deum, novum civem et ipsos dominos sindicos, videlicet quod dictus
Mordacays Cohen tenebilur et prout dicta facere promisit majorera
partem bonorum suorum couvertere in bonis mobilibus et immobi-
libus infra présentera villara Tharasconis seu ejus territorium infra
très annos a die presenti in antea computandos. Quibus sic peractis,
dictus Mordacays Vidal Cohen, judeus, novus civis, ipsi domino
vice-viguerio vice et nomine prefati domini noslri Régis et suorum
* Pierre Margoti, nolaire, ^dI. 07, i" 30. Ëlendues.
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE 285
successoruin ac ofQcialium suorum et per ipsum dominum vigueriurn
et cuilibet eorumdem, promisit et sollemniter coQvenit fore eis per
imperpeluum conliouatis aclibus obedieos et fidelis, dampna et mala
quecumque et discriminosa pericula si que, quod absil,e longius,
meditarentur seu possenL quovismoiio inLueri pretextu adversus
dictam Regiam Excelleuciam ac officiarios seu Curiam ejus, palam
generari, publiée vel occulte, totis suis viribus evictare vel manifes-
tare confeslim et eoruin compendia ultroneo animo procurare. Rur-
sum etiam ipse civis novus noviter receplus promisit et efficaciler
conveuit dictis dominis sindicis et michi notario subscripto nomiue,
loco et vice universilatis hominum presenlis ville Tbarasconis et
singularium personarum ejusdem quorum iuterest et poterit inte-
resse, ac predictis dominis sindicis ac michi notario ipsis et cuilibet
eorum, solvere et contribuere pro valore et modo facultatum suarum
sine perpendicionis obstaculo in taliis, questis, muluis, daticiis et
adempris dicte ville, in cavalcaiis et excubiis pro dicta villa, cum
casus coutingerit accedendi, ac eliam angaria et peraugaria ac cetera
alla omnia onera dicte ville pro suorum facultate bonorum suppor-
tare, prout dicte ville cives alii supportabunt, necnon ubilibet etiam
Tbarasconenses consulatui ville Tbarasconis assistere et subesse
promisit et nichilominus cum uxore, liberis et familia, si quas
habet, infra presentem villam Tharascoois facere stagiam et fovere
larem lumenque ac omnia et quecumque ad honorem et fidelilatem
ac comodum dicte ville pertinentia vel pertiuere videbuntur, trac-
tabit, faciet et complebit pro posse suo, et quod nunquam erit in
consilio vel in facto quod dicta villa Tbarasconis et cives ipsius
amictant seu perdant honorem suum aut jura sua vel bonum sla-
tum eorum, nec erit aliquo tempore dicte ville in dampnum de suis
secreiis vel juribus aut aliis que ad honorem et ulilitatem ac como-
dum ipsorum videbuntur pertinere. Que omnia prefatus Mordacays
Vidal Goben, civis novus noviter receptus, acteudere, complere et
inviolabiter observare promisit et juravit ad aquineam, more judayco,
una cum reffectioue omnium dampnorum et interesse propterea
quoquomodo fiendorum et substinendorum. Pro quibus omnibus te-
nendis, actendendis, complendis, prefatus Mordacays, judeus, novus
civis, obligavit, yppolliecavit et submisit se ipsum ac omnia bona
sua, mobilia et immobilia, presencia ac fulura, viribus curiarum
presentis ville Tbarasconis, Gamere Rationum Aquensis et episcopalis
Avinionis et generaliter cujuslibet alterius secularis Gurie infra co-
mictatus Provincie constitute, sub omui juris et facti renunciacione
ad bec necessaria pariter et cautella. De quibus omnibus premissis
tenendis, dicti domini sindici et novus civis pecierunt eis fieri pu-
blicum instrumentum per me notarium subscriptum.
Actum Tharasconein domo heredum Anthonii de Vivariis, presen-
tibus ibidem nobili Elziario Albe, filio coudam domini de Ruppemar-
tina, et Micbaelle Lipassi de Tbarascone, testibus ad premissa vocatis.
Et me petro Margoti notario.
286 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
X.
Obligacio pro eodem reverendo in Christo pâtre domino Leodegario,
Dei gracia Vapincensi episcopo *.
Anno et indictione quibus supra et die veneris prima mensis junii.
Sit notum etc. quod MayroQUS de Meyrarguis judeus de Tharascone,
gratis et ex ejus certa sciencia, bona fide ae sine omni dolo, per se et
suos etc. promisit solempniter et convenit et se locavit cum reverendo
in Christo pâtre domino et domino Leodegario, Dei gracia Vapincensi
episcopo, ibidem presenli, stipulanti et recipienti pro se et suis etc.,
videlicet a die lune proxime veoienti in duos menses et médium
proxime futuros, adfaciendum suas dicli domini episcopi opéras etc.
pro precio seu salario dictorum duorum mensium cum dimidio trium
florenorum auri, valoris cujuslibet illorum viginti quatuor solidorum
etc., quos realiter habuit reali et continnua numeracione precedenli
in meris grossis.
Pactum etc.
Excepcioni etc.
Promisit servire legaliter etc.
Pro quibus obligavit se et personam suam realiler et persoùaliter
curiis camere racionum Aquensis et presentis loci Tharasconis, curie
parvi sigilli Montispessulani et Gabeolis, curie camere apostolice
domini nostri Pape ejusque audiLoris et vice-auditoris etc.
Ita actendere etc.
Juravit etc.
Renunciavit etc.
De quibus etc.
Actum Tharascone, presentibus nobili Eymerico de Tharascone,
nobili Petro de Cardenis et domino Anthonio Robaudi, presbitero,
habitatoribus Tharasconis.
XI.
Pro curia '.
Anno quo supra et die tercia mensis januarii. Cum niagister Jacob
Jacob de Luuello. judeus presentis ville Tharasconis, assueverit
ludere ad tacillos, que fueruut sibi multum dampnosa et inhonesta;
eterat sibi difTamacio, dicens se non posse astinere a premissis, niai
mediautibus infrascriptis.
Hinc fuit et est quod anno et die supra proxime descriptis, prefatus
magister Jacob Jacob de Lunello, scienter et sponte et ex motu suo
* Notes brèves du notaire Aatoine Ghapati, vol. 2. f» 62. !•' juin 1425.
* Noies brèves du notaire Jean Murajre, vol. 59, f» 13 1441),
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE 281
proprio, gratis promisit et solempniterconvenit raichi notario publico
infrascripto, ut et tanquam communi et publiée persone, presenli,
stipuiumi et recipieiili noiniiie el vice oiniiiurn et sirjf<ulorijm 'quorum
interest et intéresse poterit lu futuruiii, qiiod ipse non ludet ad
ludum taciilorum nec ad aliquern aliuin ludum ad argeiituin nec
valorem argent), et hoc sub pena pro vice qualibet trigenia quinque
florenorum, aplicandorum decem tlor. fisco illius loci in quo depre-
heuderetur ludentem, quinque Qor. vicario, quinque tlor. judici,
quinque flor. accusanli et quinque flor. luminarie Judée et quinque
tlor. elemosine, quam penam in se gratis assu[m]psit et voluit quod
domini vicarius nec judex nec aliqua alia persona possint illam sibi
remictere ; et casu quo aliquis remicteret partem suam, quod illa
pars illius remictentis perveniat et pervenire debeat medietatem fisco
et aliam denuacianti.
Et predicta actendere promisit
Actum Tbarascone in apotheca mei notarii, presentibus Anthonio
de Balma, Jacobo Laugerii.
Et me Johaune Muratoris.
XII.
Délibérations du Conseil.
Item fuit ordinatum quod omnes judei teneantur solvere pro
eorum mercaturis et deuariis in gabella universitatis Tharasconis ad
racionem ad quam levantur '.
Item fuit ordinatum quod judei non debeant tenere viueas
vel terras in lerritorio Tharasconis, prout coutinetur in privilégie
nobis super hoc concesso, nec exercere alia que per privilégia uosira
seu staluta Provincialia suut eis totaliler interdicta ; nec quod aliquis
christianus audeat vel présumât laborare seu recipere vineas seu
terras ad facheriam seu allas '.
Item fuit ordinatum, volente et consenciente domino vicario
predicto, quod ipse precipiat judeis quod in tempus debitum per
eundem eisdemprefixum vendant et vendere leaeanlur terras, vineas
et possessiones quascumque quas lenent in enervacionem seu lesio-
nem ac prejudicium statuloruni seu privilegiorum uostrorum. Kl de
precepto ad uostri cautelam inde conficialur iuibi inslrumentum.
Et inhiberi eisdem ne * tenere averia nec alia contenta in privilegio
dicte universitati concesso *.
» BB, 1, l» 188", 11 décembre 1381.
* Ibid., fo 222, 30 octobre 1382.
* Pour non.
* Ibid., i* 224, 11 novembre 1382.
288 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
Item, quod judei hujus universitatis habeant de eorum
pecuniis lucrum competens et non ultra *.
Item, quod predicti ambaxietores conentur obtinere licteras
a domino vice-senescallo quod Judei nullos vexare habeant qui eisdem
reperia[n]tur obligati, donec et quousque pax et tranquillitas in
Provincia evenerit super insultu et guerris in Provincia nunc exis-
tentibus ; ad que fuerunt electi Guillermus Raenerii et Rostagnus
Radulphi'.
Àmhaxiata super salvagardia Jtuteorttm.
Ipsi inquam consiliarii unanimiter et concordiler ordinaverunt et
expresse concluserunt quod, juxta assignationem factam per dominum
nostrum Regem dominis sindicis et nonnullis consilariis ipsius uni-
versitatis, ad accedendum Aquis [et] ejusdem domini nostri Régis ac
sui consilii deliberationem audieudum super salvagardia Judeorum
comitatuumProvincie et Forcalquerii per eundem dominum nostrum
Regem noviter concessa, accedere debeant duo probi homines ipsius
consilii ; et ad hoc eligerunt nobilem Guimetum de Grota et magistrum
Poncium Gbaberti, notarium '.
Quod mutuentur sive manuleventur a Judeis hujus loci
floreni auri centum pro expeusis exercitus antedicti faciendis tam
per terras quam per aquam. Et quod dominus vicarius et judex
hujus loci pro premissis dictos Judeos non astringant nisi de hiis
quibus requisiti extiterint per dictos sindicos".
Quod haleantuT lit ter e super salvagardia Judeorum.
Quod, quia dominus noster Rex per suas patentes litteras
posuit in sua salvagardia omnes Judeos comitatuum Provincie et
Forcalquerii; et super hoc fuit preconizalio facta ; prefalusque do-
minus noster Rex ad supplicationem ipsius universitatis concessit
litteras universitati eidem , per quas voluit propter salvagardiam
hujusmodi non prejudicari libertatibas, privilegiis, statutis et immu-
nitatibus ipsius universitatis ; littere ipse habeantur et oblineantur
ut in futurum et perpetuo constare valeat de premissis '.
Pro Judeis presentis ville.
Item, in quo quidem consilio fuit ordinalum quod, vise mandate
regio et mandato domini magni Provincie senescalli super salvagar-
dia Judeorum, quod parendo diclis mandatis regiis et in exequtio-
» BB, 2, f«23, 19 juillet 1384.
» Ibid., f" 2 v°, 3 décembre 1383.
» BB, 3, 21 mars 140;M404.
* BB, 4, 22 octobre 1393.
* BB,5, t° 1, 1" avril 1404.
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE 289
nem eorum et ut providealur indempnitati habitancium presentis
ville et etiam dictis Judeis providealur, ita quod dicti Judti manu-
teneanlur sub dicta salvagardia regia, absque aliqua infrinclione
ejusdem ; fuit ordinalum quod dicti .Tudei vadant ad casirum pre-
sentis ville, ut thucius custodiantur,cum eorum familia, et la eodem
permaneant durante tempore messium; et quod non aperiantur nisi
duo portalia in diebus festivis, in quibus ponantur custodes sumpti-
bus dictorum Judeorum ; et etiam providealur eisdem Judeis de cerlo
numéro hominum armatorum ad custodiendum domus dictorum
Judeorum ; et in eadem carreria fiant cancelli in quibus afiigatur
salvagardia domini nostri Régis. Et omne hoc fiât sumptibus dic-
torum Judeorum *.
In quo quidem consilio fuit ordinatum quod visa liclera advisa-
menti trausmissa presenti consilio per dominos Arelatenses super
ceditione et manipolio ac congregalione gencium, faclis in dicta civi-
late arelatis, ad veniendum ad presenlem villam Tharascouis ad
deslruhendum et abolinandum Judeos ville Tharasconis ; quod per-
sistendo ordination! supra fade, eligatur unus nobilis de presenti
consilio qui ponatur in locum cappitaney presenlis et cui comictalur
quod habeat onus custodire et visitare carreriam dictorum Judeorum
cum gentibus armalis sibi necessariis, sicut sincanteneriis et aliis;
et omnia predicta fient sumptibus dictorum Judeorum.
Et ad hoc faciendum fuit electus nobilis Petrus PeylaviniV
Pro eisdem.
Item fuit ordinatum quod eligantur duo de presenti consilio qui
accedere debeant Bellicadrum ad conferendum et comunicandum
cum dominis de Bellicadro et eis notifficandum mandata domini nos-
tri Régis et domini magni Senescalli super custodia dictorum Judeo-
rum et licteram missoriam dominorum Arelatensium ad fines ut ri-
bayrerii et alii gentes dicte ville Bellicadri sint advisati quod, si
requirerentur per dominos de presenti consilio, quod pro servicio dicti
domini nostri Régis sint presto et parati eumdem consilium juvare ;
et fuerunt electi,
Dominus Poncii, sindicus.
Et dominus Johannes Salellas ^
Pro eisdem.
Item fuit ordinatum in dicto consilio quod lictera missoria traus-
missa presenti consilio per dominos de Arelate, et responcio eisdem
dominis Arelalensibus facta per presenlem universitatem mandetur
* BB, 12, fo 142, 29 mai 1485.
> BB, 12, f» 142 v», 8 juin 1485.
» BB, 12, fo 142 V», 8 juin 1485.
T. XXXIX, N° 78. 19
290 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
apud dorainum magnum Senescallum, ut ipse dignetur et vellit man-
dare comodo (quomodo) provider! voluerit ; et hoc sumptibus dicto-
rum Judeorum '.
Pro éisdem Judeis.
In quo quidem consilio primo fuit ordinatum quod, iatellecto
tenore processus facti ia civitate Arelatis contra illos cappitaneos
tumulti facti in eadem civitate, vocentur et appellentur Judei pre-
sentis ville Tharasconis in présente consilio et notifficetur eis ténor
dicti processus et multa alla que remoslrari debent eis. Qui quidem
Judei vocati fuerunt. Et ipsis vocatis et preseutibus et de eorum
concensu et beueplacito, intellecto per eos tenore dicti processus, fuit
ordinatum quod ipsi Judei, cum eorum familia et bonis, si eis videa-
tur, redducantur infra castrum regium presentis ville Tharasconis,
ut tute custodianlur, tantum quantum durabunt messes in presenti
villa et ejus territorio. Et pro custodia domorum et bonorum qui in
eis domibus dimictere voluerint, conducantur per cappilaneum, vi-
delicet nobilem Petrum Peytavini, viginti quinque homines, cum
stipendiis taxatis ad grossos quatuor pro singulo homine et pro quo-
libet die ac nocle et etiam victu prestando eisdem hominibus, ultra
dicta stipendia, et hoc tam diebus festivis quam non festivis ; et
omnia fiant sumptibus et expensis dictorum Judeorum. Et ultra hoc
ponantur custodes in portalibus presentis ville, etiam sumptibus
eorum \
Pro dictis Jiuleis.
Item, plus fuit ordinatum quod pro parle dictorum Judeorum
mandetur apud dominum nostrum Regem cum copia processus facti
contra dictos cappitaneos dicti tumulti facti in dicta civitate Arelatis
et copia lictere missive et transmisse presenti consilio per dominos
de Arelati, ad advisandum nos de dicto tumultu ; et [adj hoc facien-
dum fuit electus Raymonetus de Vite, de concensu dictorum Judeo-
rum, et sibi ordinatum exsolvi pro suo viagio sexdecim iloreni per
dictos Judeos.
Item, plus fuit ordinatum, actento quod consiliuni non polest con-
gregari nisi cum magna et maxima pena et difhcultale, quod eli-
ganlur quatuor in comitiva domini viguerii, domini de Lupperiis
et sindicorum, qui habeant potestatem provideudi super hiis que ne-
cessaria fueriut pro comuni utilitate et custodia dictorum Judeo-
rum. Et fueruut electi dominus accessor Genoyni, doniinus Johannes
Salellas et Guilhermus Bernardi ^
» BB, 12, fo 1/,2 V», S juin 1485.
^ Rli, 12, {^ 143, Kl juin I48j.
» BB, 12,1° 143, 10 juiQ 148o.
LES JUIFS D\ï. ÏARASCON AU MOYEN AGE 291
Ordinatio contra Judeos.
Item, plus fuit ordinatum quia juxta lenorem lictere nobis trans-
misse per serenissimum dominum nostrum Regem et secundum
quod ex ea potest percipi, Judei exposuerunt multa falsa dicte régie
Majestati contra presentem universitalem, dicentes aliquos ex majo-
ribus presentis universitatis fecisse multa mala dictis Judeis et sal-
vagardias eis datas in terram projesserunt, et multa alia crimina
présent! universitati imponenda.Et quia dicta universilas non débet
lalia pati neque substinere, fuit ordinatum quoi mandelur unus
homo pedester ad dominum Jacobum de Angelo, embassiatorem
transmissum apud dominum nostrum Regem cum licteris scribendis
per dictam universitatem, quallienus dcbeat remostrare régie Majes-
tati quod Judei false et injuste [dixerunli et quod contrarium est
Veritas, quoniam uunquam fuimus neque erimus nisi boni et fidèles
subdicti et subjecti dicto domino nostro Régi. Et quod per thesau-
rarium presentis universitatis exsolvantur dicto nuncio, dicto domino
Jacobo destinando et missuro, quindecim tloreui '.
Pro universUate, ad causam custodie Judeorum.
Iq quo quidem consilio fuerunt lecte lictere magnifficorum domi-
norum de maguo consilio regio super facto custodie Judeorum, et
intellecto tenore earum, omnes uuanimiter, nemine discrepaute,
concluserunt et ordinaverunt quod dicti Judei conserveutur ab omni
oflensa ; et quod omnia portalia claudantur in diebus festivis, excepto
porlali sancti Johannis et de Madama, et dictis diebus apparietur
solum guichetum; et deputetur certus numerus armatorum ad cus-
todiam diclorum portalium, arbitrio dominorum viguerii et capita-
nei, et, si eis videatur totaliter claudere portalia, quod claudentur.
Item quod custodes intendant et prohibeant ne mossores intrent vil-
lam presentem cum armis nec baculis ferratis, sed illa faciant dep-
ponere in proxima dorao dictorum portalium'.
Pro Universitate et Judeis.
Item fuit ordinatum quod domini sindici et dominus assessor pre-
sentis ville Tharasconis debeant intimari baylonis Juatarie presentis
ville, quod debeant edifficari facere de bono pariete cancellos, cons-
tructos de fustalhia in locis jam edifficatis, bene et débite; et quod
debeant facere fieri portas in iutroytu Juaterie et in cancello versus
castrum, lita] quod quadrige onerate vel non ouerate possint ire et
redire ; et hoc pro conservatione ipsorum Judeorum et dicte Juaterie,
tam personarum quam bonorum suorum '.
' BB, VI, [^ 151 vo, IG dé-embre U8o.
« BB, 12, i^' 211, 11 juin 1488.
8 BB, 12, l» 219, 8 janvier 1488-89.
292 REVUE DES ETUDES JUIVES
XIII.
Pro Duranta del Barri, filla Abraham del Barri, judei de Arelatey
recogiiicio dotis ^
Anno a nativitate Domini millesimo quadringentesimo quadrage-
simo sexto et die vicesima quarta mensis oetobris. Cum in contracta
matrimonii inter Josse del Gaylar, judeum, filium Gresquetl del
Gaylar, judei hujus ville Tharasconis, ex una,et Durantam del Barri,
judeam, filiam Abraham del Barri, judei civitatis Arelatis, ex altéra
partibus, et juxta ritum Judeorum celebrato, diclus Abraham del
Barri promiserit et constituerit dicte Durante, filiesue,in dotem, pro
dote, nomine et ex causa dotis ipsius Durante, videlicet centum
florenos solvendos in raupis, jocalibus et bendaribus ad extimam
communium per partes predictas eligeadorum die celebracionis dicti
matrimonii, ut laciùs de premissis partes ipse constare dixerunt
quadam quarta judayca, nuncupata inter Judeos ebrayceQuessuba ',
sumpta et scripta in illa dicitur contineri juxta compotum Judeorum,
scilicet a creacione mundi sub anno quinque millia ducentesimo sep-
timo et die quarta mensis nuncupati inter Judeos ebrayce Marche-
suan^, et incipit dicta quarta judayca juxta lecturammichipariparus
factam in sua secunda linea Iloulan * et finit in eadem Borbi % et in
penultima sui linea incipit Quesmalta^ et finit in eadem Entefe^
Hinc siquidem fuit et est quod anno et die supra in principio
hujus note descriptis, personaliter constituti dictus Gresquetus del
Gaylar, judeus, et Bonafilia, dicti Gresqueti uxor, dicta bonafilia cum
auctoritate et licencia dicti Gresqueti, mariti sui, ibidem presentis,
suamque auctoritatem et licenciam maritalem dicte Bonefilie, uxori
sue ibidem presenti, ad omnia et singula infrascripta dantis, pre-
bentis et concedentis, ambo ipse Gresquetus del Gaylar et Bonafilia
conjuges,bona fide etc.^ per se et suos heredes etc., coufessi fuerunt
et in veritate recognoverunt dicto Abraham del Barri et Durante,
palri et filie ibidem presentibus, stipulantibus etc., pro se et suis
etc., se dictos Gresquetum del Gaylar et Bonamfiliam, conjuges,
habuisse et realiter récépissé a dicto Abraham del Barri, videlicet
centum florenos per dictum Abraham dicte Durante, filie sue, ut pre-
missum est, in dotem constitutos, et hoc in raupis, bendaribus et
jocalibus, ad quos centum fiorenos parles predicte dicta jocalia,
raupas et bendaria dixerunt fuisse extimata ; de quibus etc. quicta-
* Notes brèves de Jean Muratoris, vol. 17. 24 octobre 1440.
* Pour Ketouba.
* Pour Mar'heswan.
* Pour Olam.
5 Pour Barbi = i^'l "|2.
^ Probablement pour NnDTODNlD-
^ Ou Intet'c. Mot mal comprib par lo notaire et correspondant aux mots hébreux
LES JUIFS DE TARASCON AU MOYEN AGE 293
verunt etc. excepcioni etc. Et si dicte dotis restitucio locum sibi
vendicaret per mortem dicte Durante, eo tune dicti Gresquetus del
Caylar et Bonafilia promiserunt diclam dolem restituere illi seu illis,
cui seu quibus de jure venerit restituenda.scilicetoctuaginla quinque
florenos in raupis et jocalibus extimandis et quindecim florenos infra
duosannosa die vendicacionis dicte dotis computandos, scilicet anno
quolibet dictorum duorum annoruin septem florenos cum dimidio.Et
si conlingeret dictam restitucionem dicte dotis habere locum per mor-
tem dicti Josse del Caylar, eo tune dicti Gresquetus et Bonafilia pro-
miserunt dictam dotem restituere incontinenti morluo dicto filio,
scilicet in bendaribus, jocalibus et raupis, si starent, ad extimam
duorum communiter eligendorum et residuum in peccunia.
Fuit de pacto inter ipsas partes habito et convento, quod dictus
Gresquetus teneatur et debeat, et quod facere promisit, diclos Josse,
filium suura, et dictam Durantam, ejusdem Josse uxorem. nulrire et
alimenlare sanos et infirmes in domo sua et facere jassinas et libères
ex eisdem proveniendos per spacium decem annorum, a die presenti
in antea computandorum et numcrandorum.
Pro quibus omnibus et singulis supradictis. dicti Gresquetus del
Gaylar et Bonafilia, conjuges, obligaverunt et ypothecaverunt dictis
Abraham et Durante, presentibus ut supra etc., omnia et singula
bona sua mobilia et immobilia, prescencia et futura, curiis presentis
ville Tharascouis,Gamere Racionum civitatis Aquensis et spiritualis
Avinionis et cujuslibet alterius curie, etc.
Juraverunt, etc.
Renunciaverunt, etc.
De quibus omnibus,
Actum Tharascone in domo heredum Dieuîosal Abraham Soffer
condam, judei, presentibus Moneto Dapiera, aliàs Borgarel, Stephano
Margot, laboratoribus ejusdem ville Tharasconis.
Et me Johanne Muratoris.
XIV.
Lettres patentes de Charles VIII, roi de France, ordonnant l'expulsion
des Juifs,
— 22 mai 1496» —
Gharles par la grâce de Dieu, roy de France, Sicille et Jherusalem,
conte de Prouvence, Forcalquier et terres adjacentes. A noz amez et
feaulx les gouverneur, grant seneschal de Prouvence ou son lieu-
tenent et gens de nostre conseil, maistres racionnaulx de nostre
.Chambre d'Aix, aux juge mage de Prouvence, des appeaulx, viguier
et juge deTbarascon et a tous noz autres justiciers et officiers pro-
vensaulx ou a leurs lieuxlenens, salut et dillection. Gomme puis
* Archives municipales de Tarascon, GG, iO.
294 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
aucun temps a Toccasion des grans abbuz, usures, rapines et autres
tromperies que faisoient et commectoj^ent les Juifz en nostre ville
d'Arle, nous eussions fait vuider et dechasser lesdits Juifz de ladite
ville ; lesquelz ou aucun d'eulz se soient retirez en nostre ville de
Tharascon avec les autres qui y estoyent et sont encores a présent,
et combien qu'ilz deussent estre tenuz en servitude sans privilleige,
comme esclaves, sans souffrir faire dommaige ni injure aux Crestiens ;
toutesvoyes par la grant liberté en laquelle ilz sont tenuz en ladite
ville de Tharascon et soubz couleur des lettres, provisions et respitz
que leur avons par cy devant baillez de non vuider, ilz ayent prins et
prenent faculté de faire marchandise et toutes manières de contratz,
commectans usures, rapines et autres maulx innumérables, et que
pis est, provocquent a ce faire les Chrestiens riches a leur dampna-
cion ; au moyen de quoy par lesdites usures, les pouvres Chrestiens
sont grandement endommaigez et est leur destruction ; et oultre,
pour ce que grant multitude de peuple vient et habonde souvant en
ladite ville du temps des moyssons, plusieurs questions et debbaz se
sont meuz entre ledit peuple eslrangier et lesdilz Juifz, iceux Juifz
afin d'estre a seureté ont trouvé moyen qu'il a esté enjoingl ausditz
habitans de les garder et préserver de toutes oppressions et dom-
maiges dont inconvénient pourroit avenir a ladite ville, parceque
ceux de ladite ville se mectent souvant en dangier de leurs personnes
pour les garder, qui est grant subjection ausditz habitans; aussi se
sont meuz et subsistez plusieurs procès a cause des abbuz et maulx
faiz et commis en ladite ville par lesditz Juifz entre iceulx Juifz et
lesditz habitans, lesquelz Juifz par lesditz procès et appellations
qu'ils font par chascun jour, a quoy ilz ne doyent estre receuz ne a
plaider avec les Chrestiens, et les autres choses dessusdites, donnent
ausditz habitans et autres noz — subjectz qui soubz nostre liltre de
très chrestien Roy veuUent vivre et mourir, plusieurs grans vexa-
cions et travaulx ; en quoy la chose publicque est grandement inté-
ressée et plus pourroit estre, se prompte et convenable provision ny
estoil donnée, savoir vous faisons que nous, ces choses considérées,
et que en toutes les villes et lieux de nostre Royaume et autres noz
pais, fors oudit conté de Prouvence, ny a aucuns infidèles ne mes-
creans, mais en ont esté par noz prédécesseurs roys très chrestiens
dechassez et expulsez, voulans en ce les ensuir * et tousjours garder
et augmenter la foy catholicque et nostre dit liltre de Roy très chres-
tien, et apresquc avons fait mectre ceste matière en conseil par
Tadvis et deliberacion de plusieurs princes et seigneurs de nostre
sang et gens de nostre grant conseil, vous mandons, commandons et
expressément enjoignons par ces présentes et a chascun de vous sur
ce requis, que dedeus le quinziesme jour de juillet prochainement^
veneut, et sans plus de terme ou respit, vous faicies vuider et de-
chasser lesdilz Juifz et Juisves de ladite ville de Tharascon, ressort et
^ Pour ensuivre ou ensivre.
LKS JUIFS DK TARASCON AU MOYEN AGK 2%
viguerat d'icelle, saDS plus les souffrir y demourer, habituer, aller,
venir, passer, séjourner, ne résider en aucune manière ; lesquelles
ville et viguerat, demourance, résidence, aller et venir, nous leur
avons ledit temps et terme escheu et passe, interdict et dedendu, in-
terdisons et deffendoDs par ces présentes en contraignant a ce faire
et obéir lesditz Juifz et Juisves par prinse de corps et de biens et pro-
céder a la confiscation de ceulx que trouverez faire ou avoir fait le
contraire, nonobstant oppositions ou appellations et autres faicles ou
a faire, relevées ou à relever, et tous lesditz procès et procedeures
meuz ou autres qui se pourroyent mouvoir, pour retarder le parlement
desdilz Juifz de ladite ville, ausquelz ne voulons doresennavant les-
ditz Juifs estre admis, oyz ne receuz, nonobstant aussi quelzconques
usances, statuz, ordonnances, provisions, mandemens, respitz, de-
laiz et libertez qui pourroyent avoir esté octroyez ausdilz Juifz de
non vuider ne estre dechassez ; lesquelz procès et procedeures, pro-
visions, libertez, mandemens, respiz et delaiz de vuider et quelz-
conques autres provisions données ou à donner en faveur desdilz
Juifz, a cause que dessus, nous de nostre plaine puissance et auclo-
rité royal, avons revocquez, cassez et adnullez, revocquons, cassons
et adnuUons et mectons du tout au néant par cesdites présentes, et
a iceulx ne voulons qu'efn] vous arrestez ayez aucun regard ne que
différez à l'execucion de ces présentes en quelque manière que ce soit,
car ainsi nous plaist-il estre fait. Mandons et commandons a tous noz
justiciers, officiers et subgeclz que a vous et a chascun de vous, voz
commis et depputez en ce faisant soit obey et nous prestent et donnent
conseil, confort, ayde et prisons, se mestier est et requis en sont.
Donné à Lyon le xxii® jour de raay, Tau de grâce mil CCCC quatre
viugs et seize et de noz règnes de France le treziesme et de Sicille le
second.
Par le Roy, monseigneur le Cardinal de Saint-Malo, les S" de
Prennes, du Moulin et autres presens.
J. BOHIER.
XV.
Pro magùtro Mosse Meyr^ jtideode T/iarascone, quiciancia. 1456,
Anno incarnationis Domini millesimo ini^\ L. sexto et die se-
cunda mensis augusti. Notum etc. quod Mossonus Salamonis Soffer,
judeus Tharasconis, gratis, per se et suos, coufessus fuit se habuisse
a magislro Mosse Meyr, judeo de Tharascone, présente, stipulante
pro se et suis etc., videlicet tlorenos quinque valoris etc. et hoc pro
labore suo impenso in traclando matrimonium factum interComprat
Mosse de Volabrica, filium dicti Mosse Meyr, et Reginam, judearu,
filiam coudam magistri Toros Nathan de Tharascone. De quibus tlo-
renis quinque et labore suo dicti malrimonii et pro parte dicti Mosse
Gomprat de Volabrica, dictus Mossonus tenens seconlentumeumdem
296 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
magistrum Mosse Meyr et suos bonaque sua quictavit, cum pacto etc.
Siib etc. RenuDcians etc. Jurans etc. De quibus. Actum Tharascone
in apotheca mei uotarii infrascripti domus habitationis Guimonis
Giboyni, presenlibus ibidem Guilhelmo Lieuthaudi et Guilbelmo
Gastellani, de Tharascone, testibus.
Et me Petro Margoli notario K
XVI.
Pro discreto viro magisiro Michaele Gtiiàerti presentis ville,
empcio gaiellarum masselli et vini carrerie Judée.
Anno quo supra (1441) et die vicesima sexta mensis aprilis. Per-
sonaliter conslituli magister Salves Avieudo[r], Rossellus Ferrarii,
Cassions Bonjues, bailoni carrerie Judée presentis ville Tbarasconis,
Ferrarius et Boniaquelus de Ponte, auditores compotorum, magister
Bonjues Nathan,
{Blanc de deux lignes.)
ipsi inquam bailoni, auditores compotorum et alii Judei supranomi-
nati, omnes simul et quilibet ipsorum in solidum lam nominibus
ipsorum propriorum quam nomiue et vice omnium aliorum Judeo-
rum dicte carrerie Judée, per se et suos in dicta carreria successores,
nominibus quibus supra, vendiderunt et titulo pure, perlecte,
simplicis et irrevocabilis vendicionis tradiderunt et concesserunt
discreto viro magistro Michaeli Guiberti, habitatori presentis ville,
presenti, stipulant! etc. pro se et suis heredibus etc. videlicet jus
gabelle masselli carniura dicte Judée pro duobus anuis proxime
sequentibus, computandis et incipiendis in festo sancti Michaelis
o c
anni presentis; et finietur anno M. IIII. XL tercio, dictis duobus
annis revolutis; item, jus gabelle vini similiter pro duobus gauditis
incipiendis in vindemiis proxime venientibus et hiis inclusis.
Vendiderunt inquam dicti vendilores nominibus quibus supra
dictas gabellas hinc, ad et per tempus et tempora predicla dictorum
duorum annorum prout et quemadrnodum infra particulariter suut
descripla, precio et nomine precii hujusmodi vendicionis diclarum
imposicionum pro dictis duobus annis, videlicet ducentorum
ilorenorum, de quibus ducentis florenis predicli venditores nominibus
quibus supra confessi fuerunt habuisse et récépissé centumllorenos.
De quibus, etc.
Excepcioni, etc.
Et si plus valent, etc.
Dantes et concedentes, etc.
Cedentes et remictentes, etc.
DisvestiveruDt, etc.
* Pierre Margoli, notaire, anno 1456.
LES JUIFS DE TAHASCON AU MOYEN AGE 297
Investiverunt, etc. per tactum manuum.
Gonstituerunt procuraLorem, etc.
Promiserunt facere habere et paciffice possidere diclo durante
tempore.
Kt si tractus in causam, etc.
Pro quibus omnibus dicti venditores et ipsorum quilibet in solidum
nominibus quibus supra obligaverunt, ypothecaverunt etsubmiserunt
se ipsos et bona sua quecumque eorura et cujuslibet ipsorum et
aliorum Judeorum dicte carrerie mobilia et immobilia, presencia et
futura, curiis presentis ville Tharasconis, camere racionum civi-
tatis Aquensis, domini auditoris, viceauditoris, locumtenenlis et
comissarii et spiritualis Avinionis, stalulorum novi et veteri
Massillie et cujuslibet alterius curie etc. Jurantes etc. Renun-
cianles etc.
Dictus vero magister Michael promisit dictos centos florenos
restantes solvere predictis venditoribus aut suis, hiuc ad festum
sancte Martlie proxime futurum, unà cum reffectione omnium
darapnorum etc.
Juravit etc. Renunciavit etc.
De quibus etc.
Actum Tharascone in apotheca mei notarii, presentibus discretis
viris magistro Artaudo Fabri, aliàs de Blacba, notario, ludovico de
Valencia, de Tholono, habitatoribus Tharasconis ^
XVII.
Segun si los capilolz de la galella del vin per doas gausidas acomensant
a vindimias prodanament venens m. iiij. xlj.
Premierament, que tôt Juzieu ho Juzieva, estranis ho privatz, que
fassa vin ho fassa fayre en la vila de Tharascon ho en son destrehc
per heure, per vendre ho per donar, sie blanc ho roge, de grès ho de
plan, muscadel, vin bolit- et generalment qualque vin que sie, fassa
lo de sas vinhas ho que compres la frucha ho li fos douada, en
qualque maniera que sie ho de calque part que venga en aquesta
vila los dihcz vins, losdilz Juzieus deian et sien tengulz de pagar als
deputalz comprados ho culhidos^ a rason de j gros per barrai;
acomensant lo terme d'aquesta gabella lo jourt de sant Gili pro-
chanament venent et durant doas gausidafs]; exceptada la baila* de
la carriera que es franqua jusques a la soma de viij barrais de vin.
Item, que Iota tempra* que si fassa ho si fassa fayre per los sobre
* Notes brèves de Jeau Muratoris, vol. 12, anno 1441.
* Vin cuit.
* Les agents chargés de recevoir la gabelle.
** La sage-femme de la Communauté.
' La piquette.
298 REVUE DES ETUDES JUIVES
dihcz Juzieus en lo dihc destrehc per beure, per vendre ho per
donar, aquel de qui sera deia pagar miehc gros per barrai.
Item, que si deia pagar la gabella del[s] Tins ho de las tempras
en la forma et maniera desus expiessada, so es asaber denfra très
pagas, lo permier ters de so que hun cascun deurie de la gabella,
segun le vin ho la tempra que universalment si atrobarie en son
sellier a la festa de Tossans prochanament venent
(Inachevé. *)
RatifPicacio Jacob Bonet Avieudor,
Anno quo supra et die décima mensis maii, Jacob Bonet Avieudor,
judeus, certificatus de vendicione gabellarum maselli et vini Garrerie
Judée presentis ville per suprà nominatos venditarum, diclam
vendicionem laudavit, aprobavit, emologavit et confirmavit, obligando
et ypothecando personam et bona curiis in instrumente vendicionis
descriptis, promitendo omnia et singula in dicta vendicione contenta
tenere et observare; et ita juravit per quiniam.
Renunciavit etc.
De quibus.
Actum Tharascone, in apotheca mei notarii infrascripti, presentibus
venerabili et discretis viris Johanne Radulphi, presbitero, magistro
Pelro de Tamenayo, notarié, jurisperito.
Et me Johanne Muratoris ^
^ Suite de l'acte précédent,
* Notes brèves de Jean Muratoris, vol. 12, anno 1441.
NOTES ET MÉLANGES
NOTES EXÉGÉTIQUES
I. isttnr (Genèse, v, 29).
Tous les exégètes, anciens et modernes, ont remarqué que le
nom de Noé ne cadre pas avec l'explication de ce nom par le verbe
ûn3, car le d manque dans na. Mais je ne crois pas qu'on ait, en
outre, relevé que le verbe ûna ne se construit jamais avec la prépo-
sition 1^ et que le mot « consoler » ne s'emploie pas plus en hébreu
qu'en français pour dire : soulager de la fatigue. Il me paraît ré-
sulter forcément de cette triple difficulté que li^na*! est une faute
pour ^3b ni5^. Le verbe rr^arr veut bien dire : donner du repos après
une fatigue, et il se construit avec la préposition *|^. Il nous suffit
de rappeler le verset d'Isaïe, xiv, 3 : ^niry^ ^b 'n rf^ri ûva ïT^m
^n I2:f ^Oi^ îT»25prj Tii^yn I^jt ^ui»r La similitude de ce passage
avec celui de la Genèse est saisissante. Si notre correction est
juste, l'écrivain biblique a donné une explication étymologique,
qui, cette fois tout au moins, s'accorde avec la grammaire.
II. "^b (Gen., XX, 5).
Abiraélech, roi de Guerar, s'excuse d'avoir enlevé Sara, er allé-
guant qu'Abraham lui avait dit que Sara était sa sœur. Mais le
texte ne parle pas d'une conversation qu'Abraham aurait eue avec
Abimélech. Aussi croyons-nous que le mot "^b a été substitué par
mégarde à ïib : « Abraham a dit d'elle : elle est ma sœur. » La
faute se trouve également dans la Septante. Notons, à ce propos,
que dans le verset 2, il vaudrait mieux lire ïinuîb « au sujet de
Sara » que ni;2) b^. La préposition b est employée ainsi au ver-
set 13 : •'b •'^^N « Dis à mon sujet ». C'est cette acception peu fré-
300 REVUE DES ETUDES JUIVES
quente du b qui a vraisemblablement amené au verset 5 le chan-
gement de ïib en -^b.
III. Exode, i, IC, et Osée, ii, 2.
La traduction ordinaire de y^i^n )12 nhy^ par « et (le peuple
d'Israël) se retirera du pays » est peu satisfaisante, car ces mots
sont précédés de « il se joindra à nos ennemis et nous com-
battra » ; or, ce n'est généralement pas quand on attaque un pays
qu'on le quitte, c'est quand on y soutfre. Un talmudiste {Sota^
11 a) l'a si bien senti qu'il prétend que Tihy^ est pour iS'^b^^n : les
Egyptiens se verraient obligés de quitter l'Egypte. M. Wogue
propose de traduire : ce II s'élèvera plus que le pays. » Nous ne
croyons pas que ))2 signifie ici plus que : mais ce qui nous paraît
certain, c'est que l'expression doit signifier a devenir maître du
pays >3. Le sens littéral serait : « s'élever par rapport au pays ».
De la sorte, le passage devient très clair.
Cette même locution se retrouve, Osée, ii, 2, dans un passage
auquel l'interprétation que nous proposons s'adapte parfaitement.
Le prophète dit qu'Israël et Juda se réuniront et qu'ils deviendront
les maîtres du pays. Jusqu'ici on a traduit ; « ils reviendront du
pays )), ce pays étant la Babylonie ; mais le prophète, dans cet en-
droit, ne parle pas de l'exil, et, s'il en avait parlé, il se serait servi
de termes moins obscurs. Quelques commentateurs ont bien vu que
y^iN^î désigne forcément la Palestine, mais ils prennent Th:f dans
le sens de déborder, sens que ce mot n'a pas. Ce que le prophète
veut dire, d'après nous, c'est que la Palestine appartiendra aux
Israélites et aux Judéens réunis, et non plus aux étrangers.
IV. M-iM^^ (Exode, xv, 2).
Ce mot n'a pas encore été expliqué ; on le traduit, d'après le con-
texte, par « célébrer », mais sans fournir d'étymologie satisfai-
sante. Si l'on remarque que le mot parallèle ina^TD^wSi a un 3 de-
vant le suffixe, on est porté à croire que nm:i^i est pour irr^is^i,
qui serait lui-même une altération de ir!3i"i5<i « et je lui rendrai
grâces ». Les mots ti^nn et d)3"n sont réunis dans Is., xxv, 1.
V. -lis (LÉv., I, 8, 12; vin, 20).
Ce mot a été traduit dans les anciennes versions par « graisse » ;
mais cette interprétation laisse à désirer, car on ne voit pas pour-
quoi, dans un holocauste, la graisse serait mise à part. Saadia et
Ibn Djanah voient dans n^D la réunion des organes respiratoires
NOTES ET MÉLANGES 301
avec l'œsophage et le foie ; mais nous ignorons sur quoi cette
explication est fondée. Les traducteurs et exégùtes sont partis de
cette idée que la tête et le ns sont autre chose que les a^nn:, et,
en effet, dans Lév., vin, 20, il est dit : n^i ^i<T, n^ r;c73 '-,::p"«i
^izn nt^i û'^nnir», « Moïse lit fumer la tôte, les morceaux et le "no ».
Cependant on remarque que dans Lév., i, 8, il n'y a pas de con-
jonction vav devant Oi^n- ni<. Or, si le vav manque parfois dans
de longues énumérations, il est plus rare qu'il soit omis dans une
série de trois noms. On serait donc porté à croire que ':;i<n et ""-i:
donnent le détail du terme général d'Anna, et, en ce cas, mo dési-
gnerait les morceaux du corps en dehors de la tête. Dans le second
passage (v. 12), on lit : i^i^d nxT t::.^-! nt^-i vnnDb "inx nnn:i. La
construction de cette phrase est assez singulière, car grammati-
calement nn^D nt^i "lot^'n ns^i devrait être la suite, non de vnr:b,
mais de infi^ ; or, dans l'explication ordinaire, c'est impossible.
Mais si l'on retranche le vav de n^ai^n n^n, qui peut être une ditto-
graphie du vav final de vnns':), alors '*::wNn et niD sont le détail de
mnsb iDi^ nnDi, et la phrase devient correcte et claire : « Il le cou-
pera en morceaux, à savoir sa tôte et ses membres. »
Reste le passage de Lévit., viii, 20. Dillmann {ad l.) observe que
le mot ^ns manque dans le passage correspondant d'Exode, xxix,
17, et a été ajouté d'après Lév., i, 8. Mais ce n'est pas seulement
le mot *n^ qui manque dans l'Exode, c'est la proposition entière ;
car, dans l'Exode, c'est après VJf^'Di nnnp niinm qu'il y sl by nnîi
i^i^n b:>i rnns ; il ne s'y trouve donc rien qui corresponde à n::p^T
Mi25?3. Or, cette proposition est superflue, car, dans le verset sui-
vant, on lit : h^i^n b'^ ns^ n^a?: Tjp^i. On est obligé de dire que
b''isr» b'D signifie « le reste du bélier » ; mais que reste-t-il après
que la tête, les membres et le pédcr sont brûlés ? Donc la phrase
M^^ '^Wp'^1, etc. S paraît avoir été intercalée par quelqu'un qui ne
comprenait déjà plus le sens du mot n"iD dans Lév., i, 8, et qui a
cru que les d'»nn3 étaient autre chose que le uîî^"! et le n^D, parce
que dans l'Exode, xxix, 17 b, le mot û-«nn3 est coordonné avec uji^n.
Dans ce passage, en effet, le mot d'Anna est pris dans un sens res-
treint ; mais ce mot peut avoir aussi un sens large, et désigner
tous les morceaux du corps, la tête comprise, et c'est alors le mot
^^D qui désigne les membres sans la tête. C'est peut-être cette
interprétation qu'Ibn Ezra a en vue, quand il dit que de nombreux
savants contemporains expliquent tid par t:]i:\ « corps ». Nous
ignorons qui sont ces savants, et Ibn Ezra lui-même s'en tient à
1 II est possible cependant qu il faille lire Hp'^T au lieu de "liJp'^l, et alors l'iater-
polatioû pourrait se réduire au mot "mD.
302 REVUE DES ÉTUDES JUIVES
la traduction du Targoum. Chose curieuse, le mot fino, en arabe,
veut dire morceau (de viande ou de rocher) ; mais nous attachons
plus d'importance au sens qui se dégage du texte lui-m(^me, qu'aux
comparaisons étymologiques les plus séduisantes.
VI. ■'it-iD nn '^'^ryy (Soph , m, 10).
« D'au delà des fleuves de l'Ethiopie, "^i:!-: na ^"ir^y apporteront
mon offrande. » Les mots que nous avons laissés en hébreu ont
suscité une foule d'interprétations plus étranges les unes que les
autres et que nous croyons inutile de reproduire *. Mais, à notre
connaissance, personne n'a pensé à une explication très simple et
qui consiste à voir dans ■^li'iD na "^nn:», les noms des fleuves d'Ethio-
pie. Le verbe libnv aurait tout naturellement pour sujet tr^l^y, qui
se trouve dans le verset précédent. Sans doute Taccentuation mas-
sorétique est contraire à notre interprétation, mais c'est précisé-
ment cette fausse coupe du verset qui aura égaré les exégètes. Les
noms propres des fleuves, étant inconnus des copistes, auront été
altérés, et les accentuateurs, entendant par "^iriD les dispersés
d'Israël, auront fait des mots "^itiD na "^nn:?, le sujet du verbe l"ibnv.
Maintenant est-il possible de retrouver les noms des fleuves qui
se cachent dans "«iriD nn "^nns»? C'est justement en lisant les noms
des principaux fleuves de l'Ethiopie, l'Atbar et le Takazé que nous
avons pensé à les rapprocher de "^iiiD nn "^nrij» et à voir dans ces
mots énigmatiques des noms propres. En caractères hébraïques
la transcription exacte d'Atbar et Takazé serait "^nm nnntî. Si
l'identification de ces fleuves avec ""^is ra ^^'ny ne s'impose pas,
elle paraît néanmoins possible quand on pense à la manière dont
les noms propres sont défigurés par les copistes. Mais que cette
identification soit juste ou non, il n'en est pas moins très admis-
sible que les mots '^itiD nn ^inj^ soient l'apposition de oïD •'nn:, et
non le sujet de libar.
VIL m25UÎ3> (Ps., VI, "7).
On rattache ce mot à ^3^ « teigne, mite », et Ton traduit îtcîo:?
'^y^y d:>S73, « mon œil est rongé par le chagrin ». Mais le chagrin
ne ronge pas les yeux, il les gonfle, au contraire. On arrive à un
* Eu dernier lieu, M. Ilommel {'Expository Times, xi, p. 93) a expliqué "^"in^ par
in3> • encens >, d'après Ez., viii, 11, et a vu dans "^^1ï^ l'arabe fauat ou faughat
« odeur d'encens », eu même leaips que le minéen "^bîNi qui siunilierait « encens ».
Mais nni'j qui correspond à l'araméeu "J'û^*, veut duo « fumée », el non • encens »,
et, en admettant les élymolo^^ies douteuses que fournit M. Hommcl pour ^2115» l*
construction de la phrase serait des plus embarrassées.
NOTES ET MELANGES 303
sens plus naturel en rapprochant ^^y de l'arabe r: lavec ghaïn),
qui veut dire « se gâter, devenir purulent ». On comprend que les
larmes finissent par gâter les yeux.
VIII. DlTTOGRAPHIES VERTICALES*.
La forme anormale "^brîNï-; (Josué, vu, 21) s'explique si l'on con-
sidère que ce mot est au-dessus de ïibn«rj (v. 22). Le n de "«'^nNn
doit simplement être retranché. Dans II Sam., xxiii, 8, nnujn vient
du verset suivant, à une ligne de distance (Kennicott, cité par
Thenius). Enfin, le mot p-^li: après d"'nb5^ (Ps., vu, 10) embarrasse
la phrase, d'autant plus qu'il se trouve déjà dans le verset. Il est
probable qu'il provient du v. 12, où il est à sa place.
Mayer Lambert.
TlUITS APOLOGETIQUES
DANS LA AGADA DE SAMUEL B. NAHMANI
Voici sommairement quelques notices qui, à mon avis, sont in-
téressantes pour l'époque du célèbre agadiste Samuel b. Nahmani *
(rji:^r{ by^ ; voir Ber, Rabba, ch. m et xii, Vay. R., c. xxxi). Une
étude plus approfondie permettrait peut-être de multiplier les
exemples et confirmerait ceux que nous allons citer.
L Si Samuel b. Nahmani s'efforce, au nom de son maître Jona-
than S de présenter les fautes de certains personnages bibliques
comme n'existant pas (cf. Sabbat, 55&), et s'il déclare que celui-là
» Voir Revue, t. XXXIII, p. 305 ; XXXIV, p. 204 ; XXXVI, p. 101 ; XXXVII,
p. 207.
» Il était aussi halachisle, comme nous rapprennent ses biop^raphes. Voir parti-
culièrement Eoullin, 98 a : 0"m "^T^i^ 13 "^""1 "llin "«bn; ""rj IIIZ^ 133
I^IJ-lis 5<b"| 1373712 "13, et Berachot, 17 a, d'où il semble résulter qu'il était chef
d'une école. — I.-H. Weiss [Beth-Talmud, I, cf. Bâcher, Agada d. pal. Amor., I,
p. 480. note 3) explique le passage de Ber., ix, 2 : "»2J< p.lD 'H nmn:» bbTQi ^J2
i"^3ni « q"i racontera les merveilles de Dieu, comme moi et mes collègues? » en
disant qu'il entendait que « lui et ses collègues étaient aussi bien des agadistes que
des haîachisles ». Mais le passage parallèle du Midr. Tekil. (éd. Buber), 19, § 2,
porte : ^mi ic^nmnn 'ji3"'N '\^12^ ""Ninm N:i< "iiriD.
* On ne sait pas au juste qui était ce Jonathan (cf. les biographes). Il est aussi
désigné comme rT-l"i3ïl ID'^N ';n^"'"'' ^'- ^''^'■- Tekil., 10 : •J'^î^ '\^\':^'^ PN Ni:?31
ïl-T^aiTI- Dans Ber. Ji., c. xcv, Samuel rapporte une parole de 'jn^T^ '"1 ^^ dans
Midr. Teh., I, § 13, elle se tiouve rapportée au nom de rr^^n^J 10 IPSI^ '"). H y
a aussi un ni"'an 1^ NJlN 'l Ketoubol, 22 a, et ailleurs.
304 REVUE DES ETUDES JUIVES
se trompe qui accuse de péché David, Salomon, Joas, etc., l'on ne
saurait douter que sous ces paroles ne se cache une intention polé-
mique. Certains adversaires ont dû à ce moment essayer d'ex-
ploiter les fautes et les défauts des personnages bibliques.
On trouve déjà quelque chose de semblable dans la généalogie
de Jésus, Mathieu, ch. i, où toute naissance de légalité douteuse
est mise en relief.
II. C'est probablement dans le même esprit qu'il faut entendre
les mots de Baba Batra, 15 h : Tj^i^ r^n-«n nci^ Nnu: nsb53 iJ^'ï^n bn
Nnu5n i^niDb^ isniD DdbJ2 \S73 ïi:'rj «bw^ « Quiconque dit que isn-vT nbb^a
(I Rois, X, 1) était une femme, se trompe ; ces mots signifient [non
la reine de Saba] mais le royaume de Saba. » Comme on sait, la
légende dans différentes versions (dont celle de Balkis, Coran,
Soura, 27, est une des plus caractéristiques) raconte que Salomon
entretint des relations intimes avec la reine de Saba et que ces
relations ne furent pas sans avoir des suites (de même dans le
Midrasch juif postérieur ; cf. le passage cité dans Luzzatto, Oçar
ha- Si front, II, p. 204 : p mb-^i SiTob'::): rï"in:>n3 w^nu: Tohi2). C'est
sans doute contre les déductions que la polémique tirait de ce
verset qu'est dirigée l'explication artificielle de Samuel au nom
de Jonathan.
III. La parole suivante me semble aussi digne d'attention [Ber.
R., c. Lxxxviii) : ï-T^î-i-^^u ts-^^iNn m"-\i< rn w\b "^373^ nn •:;"n -i73N
...tnN l-^^^miT^û buj ï-;72iN teïib 'jn^ûikXT « Les non-juifs n'auraient
pas dû compter parmi eux de lépreux;* toutefois ils sont atteints
de la lèpre, afin qu'ils ne tourmentent pas les Juifs et les appellent
un peuple de lépreux. » Ce singulier passage s'explique, à mon
sens, par le reproche que les antisémites de l'antiquité adressaient
aux Juifs de descendre de lépreux égyptiens (cf. Josèphe, Contre
Apion, I, XXVI, 2*).
H. -P. Chajes.
H. TANHOUM A HATHAR
Le Talmud de Babylone {Sanhédrin, 5 b), en traitant de la
défense faite à un élève de se prononcer sur des questions rituelles
* Cf. Bachor, l. r., p. /i!)7 et suiv.; Tb. Rciuacb, Textes d'auteurs grecs et romains
relatifs au Judaïsme ^ p. 1\\ 57 et 118.
NOIES ET MELANGES 305
OU juridiques en présence ou dans le voisinage de Sun maître, rap-
porte que R. Tanhoum bar Ammi, de passage à Hatliar, dëclara
qu'il était permis pendant la Pâque de tremper du froment dans de
l'eau et de le concasser ensuite, car il n'y a pas à craindre qu'il
fermente. Comme on lui objectait qu'il n'avait pas le droit d'en-
seigner à Ilathar, puisque son maître R. Mani s'y trouvait, il ré-
pondit qu'il ignorait la présence de son maître, 'm n^'nn ûimn 'i
•^dt: 'n nxb ib i-i7ûn .nosn Y'^n mnbb -im?: inb ^m nnnb rbp^x ^tîwX
n^n D"NN nnn Dip73n nsbr; mT« bt< i^7:bn N^:m ■?wSDr; wN2\s mr i?:i
rNn3>it< HNb Tnb 'n72i< .b5<"iuî'« ï-i:n7: "i:;:^ r-iiNOiD -cba 1:7273 pnm
S'appuyant sur ce passage, MM. Neubauer {Géographie du l'ai-
mud, p. 392), Koliut {Ariich completum, III, fin) et Hirschensuhn
[Méhlierè Éreç, p. 117) affirment qu'il existait une localité du
nom de Hathar, que les deux premiers identifient avec Hatra,
en Mésopotamie, et le dernier avec Hatra, dans le voisinage
de INehardéa. A mon avis, ces trois savants se trompent. Voici
pourquoi. Le Talmud de Jérusalem [Schehiit, vi, 1, 36c) rap-
porte la même discussion qu'il illustre du même exemple, mais
les noms du docteur et de la localité sont différents, il dit : R.
Tanhoum b. Hiyya était à Héfér... Dans le Tanhouma (éd.
Buber, Ahrè, 6), le docteur s'appelle R. Nahoum b. Yirmiya ;
dans j. Giiiltin, i, 2, p. 43c, dans la Pesikta de R. Kaliana (éd.
Buber, 172 a) et dans le LévUique R., ch. xx, le nom du docteur
est R. Tanhoum b, Yirmiya et celui de la localité Héfer. A re-
marquer que le maître s'appelle partout Mani. Ces divers passages
nomment donc deux endroits différents, Hathar et Héfer, dont le
premier est nommé une fois et l'autre cinq fois, et quatre person-
nages différents : Nahoum b. Yirmiya, une fois ; Tanhoum b.
Ammi, une fois; Tanhoum b. Hiyya, une fois, et Tanhoum b.
Yirmiya, trois fois. On peut admettre hardiment que R. Mani n'a
pas vu son autorité méconnue par quatre élèves et dans deux en-
droits différents, et que, par conséquent, ces différences de nom
sont dues à des erreurs de copiste. Il n'est pas non plus trop témé-
raire de supposer que, dans le Tanhouma, une lettre (n) a été
omise accidentellement et que dnmn est devenu ûim, d'autant plus
que ce passage seul mentionne un amora du nom de Nahoum b.
Y. (cf. Heilprin, Seder Haddorot, s. v. "^"a dnni). Or, comme le
nom de Tanhoum b. Yirmiya revient trois fois et ceux de Tanhoum
b. Ammi et de Tanhoum b. Hiyya seulement une fois, un peut
conclure avec M. Buber [Tanhouma, l. c. note 93j qu'^ notre
docteur s'appelait en réalité Tanhoum b. Yirmiya. Nous ferons
remarquer en passant que Tanhoum b. Ammi et Nahoum b.
Y. ne sont mentionnés, à notre connaissance, qu'une seule fois
T. XXXIX. N» 78. 20
306 RKVUE DKS ETUDES JUIVES
dans ces passages ; il n'est donc pas certain qu'ils aient existé.
Nous pouvons faire le même raisonnement à propos du nom de
la localité et dire que Hathar n'étant mentionné que dans le seul
passage de Sanhédrinj il est vraisemblable qu'il y a là une erreur
et que le vrai nom est Héfer, mentionné dans cinq passages.
D'autres raisons viennent encore à l'appui de notre hypothèse et
nous font croire que inn n'est pas le nom exact. Raschi dit bien
(ad L) que c'est « un nom de lieu * )>, mais Rabbinovicz, dans son
DiUduliè Soferim, ad L, note 80, et Kohut [l. c.) citent d'anciennes
versions qui ont l'adverbe ûnnb, au lieu du nom propre 'nnnb, et
dans les Tosafot d'Eroiibin {Q2b, s. v. t^iDn yi), qui rapportent
littéralement le passage de Sanhédrin, il y a la leçon i^^n^b. Ces
variantes nous permettent d'affirmer que notre texte a été altéré
et qu'en tenant compte des passages parallèles, il faut corriger
*innb en "nDrib.
Pourtant, j'hésite à adopter cette correction, d'abord à cause de
la leçon des Tosafot, qui ont Nlnt^b, mot qu'il est difficile de consi-
dérer comme une corruption de ^snp et ensuite parce que î^nn^b
comme la variante ûnnb, si ce sont vraiment des corruptions, se
rapprochent plus de la leçon ^nnb du Talmud de Babylone que du
mot isnb. Je crois donc qu'en réalité le mot nnnb est correct ; seu-
lement, il ne faut pas y voir un nom géographique, mais un ad-
verbe formé par contraction des mots nni^ ^rh « en un certain
endroit », comme 'iDin est formé de ^'o^ ^n {Rosch Ilaschana,
21 a ; Jastrow, Dictionnaire, s. v.). D'après cette hypothèse, toutes
les variantes du Talmud de Babylone auraient le même sens :
ûnnb, i^'nni^b et nn&^ inb, et ensuite le texte de ce passage serait
bien conforme aux habitudes du Talmud babylonien qui a pour
caractéristique d'omettre les noms géographiques dans les récils
d'origine palestinienne ^. Or, cette anecdote vient certainement do
* Dans j. Berakhot, 6 a, nous trouvons ces mots ; inSinS llMl '"Il ÏT^"13 pHit"^ '"1-
Une noie marginale dit à propos du dernier mot que c'est « un nom de lieu ». Cetl •
explication a été acceptée par les commentateurs, depuis Syrleio \éà. Lehmaun) jus-
qu'à Frankel. Mais nous ne pensons pas qu'il y ail eu une localité de ce nom, pas-
plus qu'un amora du nom de 'ni ""«"in pn^i"^ 'l- Toute la citation est simplement
le nom du docteur, !-;3"inD n">"*n 'm n"^n3 priil"^ 'n, el les mots nmnn mn sont
une corruption de nmriD H'^'^n- C<e doci.eur est mentionné à plusieurs reprises dans
le Yerouschalmi [Mcguilla, 71 c; Yebamot, 14a); l'édition de Venise a une leçon
presque correcle n^IPlD m^l 'ni rT'-in "^"l. Dans j. Teroumot, viii, 9, p 46*,
le nom de în^lP^ est changé en ÏTl'^riD.
* Voici quelques exemples de cette habitude. On lit dans j. Schebiit, vi, 1, p. 37 ^ :
'iSI 'J'in^jn i::^^ !nn "^21 • Rabbi était à Acco ». Le même lait est ainsi raconte
dans b. tSanhédrtn, Wh : -^nN D"ip73b "^nn Y'^ *^^'^ ^^° ' ^° •'°"''' ^"^'^ ^^
rendit dans un endroit ». Dans j. Erouhm^ i. p. 19f, et j. Soucca^ i, 1, p. '>Vla :
*13'^3^jV y'D"^"! b:^N p''^"*"! "Tf^rTvIi !T>Uy?û « H- Josué b. Korlia se rendit auprès
de W. Yohanan à Nof^'uinar ». Le Talmud babli ne donne pas le nom de la ioca-
iNOlKS ET MELANGES 307
la Palestine, puisque les docteurs qui y sont mentionnée sont Pales-
tiniens, et bien qu'ils aient émigré, nous sommes obligés d'ad-
mettre que l'incident en question s'est passé sur le sol de la Pales-
tine. Quand cet épisode est venu de ce pays en Babylonie, le nom
de la localité où il a eu lieu a été oublié et renaplacé par l'adverbe
de lieu "innb == ^n5< inb.
Wilmington, N. C, octobre 1899.
S. Mendelsohn.
RESTAURATION D'UiNE PESIKTA
Dans la Pesihta Rabbati, ch. xxxiii (éd. Friedmann, p. 155a),
à propos des mots û-i^^ob^ de I Rois, x, 12, et de û^?:"i:ibîî de
lî Chron., ii, 7, on lit ces mots :
wNDN -i"N t3^:\"i?3bwX N"i .riT- :s'M2'D "iT! "i^7û*«:)P tzmx tzi\s-',7: i-i^rr::
On s'est déjà donné beaucoup de mal pour expliquer ce passage,
mais tous les efforts ont été vains. Que signifient ces mots : n:"«bn5^
et r^-'bnfi^? L'Aroiich ne le dit pas; bien plus, il ne les mentionne
même pas. L'auteur du Zéra Ephralm (cité par Friedmann, ad
loc, note 96) corrige n:;"«bai5 en ns^baN, correction adoptée par
M. Gûdemann [ib., p. 203 b) : ce serait alors le grec ebeninos ou
ebelinos (bois d'ébène). M. Friedmann, après avoir cité quelques
variantes, émet l'hypothèse que ce mot est une altération de
N:\''bn^, qui est lui-môme une leçon corrompue (cf. Jastro^v, Dic-
tionnaire, s. V. i^^'^h'21 ; Kohut, Ariicli, s. v. mi<). Mais, à supposer
que le problème étymologique soit résolu, nous n'apercevons pour-
tant pas encore le rapport entre le sens représenté, d'après ces
diverses définitions, par nos termes et le sujet même de notre
Pesikta. Voici ce que dit le Dictionnaire de Jastrow de nos
lité. Dans j. Uroubù:, iv, 4, p. 23 c : "Vl^'^t Nn?3rib 'J'^pbo. .-,61 dans b. Eroubitt,
65i : pl3lD Niriïlb nybp'^N. Kulin, dans j. Yebamot, xii, p. 13 fl, et Genèse M.,
ch. Lxxxi, on raconte une visite faite à Lëvi bar Sisi par « des habitants de Khémo-
nia », tandis que dans b. Ychamot, lOo a, aucun nom géographique n'est mentionné :
on parle simplement d'une < certaine ville >.
oUS REVUE DES ÉTUDES JUIVES
termes, dont tous les deux désignent, pour tout le monde, un seul
et même objet : « ^'^baj^, rr^-^bni^, n. pr. m., dans Pesihta R., 33
[j. Ber., III, 6a, îib"«3i73;J. Naz.y vu, 56 a, l-h^'2^] ». Essayons
maintenant, d'après cet article^^de M. Jastrow, de débrouiller le
mystère qui enveloppe notre Pesikta. Et d'abord quel but poursuit-
elle? Est-ce la définition de almouggim et de algoummim? Il
suffit de jeter un regard sur le contexte pour nous convaincre que
ce n'est pas le cas. Notre passage est précédé par ces mots que le
'i:nn « a été créé pour cette occasion [pour le décor du sanctuaire]
et qu'il a ensuite disparu ». Puis suivent les textes de la Bible cités
par les docteurs pour confirmer cette assertion. Chacun de ces
textes est introduit par l'adverbe pT « et de même », pour indiquer
qu'il est en connexité avec ce qui précède. En recherchant le point
de ressemblance entre le passage précédent et le nôtre, qui com-
mence aussi par pi, nous trouvons que les û'i^l^bi^, comme le ^nn,
ont été créés pour un but déterminé et ont ensuite disparu : ûn:>ob
iniii itî'ias. Ce fait est indiqué par la diversité de la forme du nom,
qui tantôt est û"':ii7DbN, tantôt û'^):n^bN, diversité qui, d'après les doc-
teurs, ne provient pas d'une transposition de lettres due au hasard,
comme ;25n5 et nu5:D, mais est voulue, préméditée. Considérant donc
comme particulièrement importantes les syllabes du milieu, ils
disent que û'^:in?obN contient la racine yù2 (cf. Jastrow, Diction-
naire, s. V.), et que « des blocs de pierre très durs de leur nature
["^iQib:*, cf. il)., s. V. ûb"i5] deviennent mous et comme fondus dès
qu'ils sont exposés à l'action du ^'^12'Q^ (cf. Sota, 48^) ». Mais la
forme de û"'?2i:\bi^ renferme la racine ûis, couper, retrancher (Jas-
trow, s. V.) et cette forme nous apprend que ces matériaux furent
retranchés, c'est-à-dire disparurent dès qu'il n'en fut plus besoin
pour le temple. C'est ce que dit notre Pesikta : ''12^T^ ...' tL"^:ii^bi<
t^"T .nTn :ii?3D rn "TiTo^b szmN tz^^mn h^-ujj n^nc \^'^'2^ v-
inriSi iN-iDS ton3>u:b ...[Q'^)3^:^bkS] S=i^^^?3bN.
La Pesikta ne s'occupe donc pas de l'espèce des matériaux em-
ployés, mais des particularités que présentèrent ces matériaux,
et, par conséquent, nous pouvons admettre avec M. Jastrow que
n:i'^b3i< ou :\ibnî< n'est pas le nom d'un genre de bois, mais désigne
un docteur qui est identique avec le docteur appelé ailleurs nVas»
(j. Berahhot, m, 6 a) ou nb-in:; (j. Nazv\ vu, 56 a).
* Dans son édition de la Pesikta, M. Kriedmann a ajouté après ce mot la fin du
verset des hois : riTH t3T^n 13^ riNna Nbl C2^:>73bwN ""iTr p N3 Nb, comme si
lexplicalion de la Pesikta ^73:iD^ ^N"1^3 QDJ'Ob avait pour (ondement celte tin de
verset. La vérité est que cette addilion rend encore le passa<;e de la Pesikta plus
obscur et que le commentaire de la Pesikta ne s^applique qu'à la forme même du mot
C5'^7315b5<. Dans le texte original, la citation finit avec Cl5'^)23bNn, et alors com-
mencent les explications. •
NOTES KT .MKLANGKS 300
Comme ce docteur est mentionné très rarement dans la littéra-
ture rabbinique — je ne crois pas qu'il soit nommé autre part — ,
il me semble nécessaire de prouver qu'il est possible chronologi-
quempnt qu'il ait formé un anneau de la chaîne de rabbins qui se
sont transmis les explications de notre Pesikta.
D'après le Yerouschalmi (Z. c), ïib^n:^?^ ou nb-^ns est le frère de
l'Amora bien connu R. Abba ou Ba b. Cohen, élève de R. Yosé II.
Lui-même communique à R. Yosé une décision qu'il rapporte au
nom de R. Aha et dont ce dernier refuse d'accepter la paternité.
Ce passage montre donc que notre docteur faisait partie de la cin-
quième génération des Amoraïm ; il en ressort également que R.
Houna qui rapporte une opinion de R. Joseph (de la troisième
génération) et est représenté ailleurs {Nombres R., ch. xiv) comme
le maître du célèbre agadiste de la cinquième génération Tanhouma
b. Abba, était plus âgé que Magbila. Les mots N5in Yi< ri^a^^a sont
donc chronologiquement exacts.
Mais qui est le R. Abba de notre Pesikta ? Ce ne peut être un
contemporain plus jeune de Magbila, car dans la cinquième géné-
ration des Amoraïm nous ne trouvons pas de docteur de ce nom.
A mon avis, Na^'n est ici une faute de copiste. On lisait probable-
ment à l'origine dans la Pesikta : -i"&< pD ^n «at^ 'm ■'in^s nra^TD
'131 ';'«3N "jn N31Ï1. Un copiste, ayant pris Magbila pour un terme
de botanique, a cherché à rendre le passage plus intelligible en
transposant le nom «aî< 'n et en le plaçant au commencement de la
phrase. Peut-être aussi les mots '-i"i ■'inc? étaient-ils écrits par abré-
viation n"^N, que le copiste a lu : 'n h)ON ; de là notre leçon '-i ^'n^
^^iA, Et comme Houna b. Abbin est aussi surnommé in^rt (cf. Seder
Haddoroty s. v.; Buber, Midrasch Tehillim, p. 15), le copiste a
rapporté à ce docteur une partie des noms appartenant à Magbila,
et, au lieu de insn «ni^, il a mis insM 5^3iïi K
Donc, en tenant compte également de la correction suggérée par
M. Jastrow, nous lisons ainsi le passage de la Pesikta :
■•ttibii 1i3&< p wNiiïi '-1N 1^3 -13 N2wN '-n -"-inN rT'D'»2:i?3 .û-iSTT^bNn
* Bien que ceux qui sont familiarisés avec la littérature rabbinique n'i^rnorent pas
que les textes sont parfois très altérés, je veux quand même citer un exemple carac-
téristique de ces corruptions. Dans j. Pèa, vi, 1, 19ô, nous lisons : '^tz^ 'l N2 *Tn
''0^ Ui-^pb 12 ;D"n "^TSip iSm*' 'm Nnn. Ce texte est certainement altéré et "î3î<"ir:
[Edouyot^ IV, 3) le corrige ainsi : ■c:ip'5 Uî*^"! "^TDIp n725« "^ma N^N- Frankel a
adopté cette correction {Mebo ha- Yerouschalmi, 61 b]. Mais, en réalité, il n'existe
pas d'Amora du nom de i3n3 Î^TN, et il faut lire \:r\T NH" ^ITM "^ain IH (cf. j.
Moed Katon, m, 5, p. 82c; j. Nazv\ vu, 3, p. 56 c). Ailleurs J. Meguilla, i, 6,
p. 10 d) le mot lIlTJi^n « tous les deux », par suite de Pomission du nom de "i^'ï
que l'imprimeur a oublié, devient an nom propre, et on a ces mots 13 yCîir;'^ 'n
310 Hi:VUL DES ETUDES JUIVES
Sz^TOTiibN N'i HT- :;v:d vn -i-'»'ab Dmx û^n-i?: T«n":: V"'^"' ^^"
S. Mendelsohn.
L'EXÉGÈSE BIBLIQUE DE NAHSCHON GAON
Nahschon, qui fut gaon à Sera de 876 à 881, était fils de
Sadoc* et père du futur gaon Haï 2. Lorsqu'il fut nommé gaon, il
était dans un âge avancé^.
Il ne nous est pas parvenu grand' chose de ses écrits*. On en
trouve des citations chez des auteurs du xi^ siècle et postérieu-
rement. On a reproduit aussi de ses Consultations juridiques dans
le pnit "^^t:^ % par exemple, surtout dans les û'^jiTonp û"'3ii^:i mar^an
(Berlin, n'n'n).
Nahschon a-t-il été cabbaliste et l'a-t-il été à la manière des
nouveaux représentants de cette doctrine? Rien ne le prouve^.
Mais il semble avoir cultivé avec prédilection l'explication de la
Bible au moyen des nombres. Voyez, par exemple, l'Arouch, 5. v.,
bon III, et Va 1^'^D 'lUîn " dans le recueil de ses Rf^ponses, où j'ap-
pelle particulièrement l'attention sur cette phrase : ^np nn'^ry
Enfin, un manuscrit du Yémen^, que j'ai acquis récemment,
* Cf. la Lettre de Scherira, édit. Goldberg. p. 43, et Isaac Halévi, Dorot Hari-
L'Chonim, III, p. 246 et suiv.
* Ne pas le confondre avec son homonyme Haï Gaon, fils de Scherira Gaon.
' Sadoc Gaon est mort en 823; même si Nahsclion a perdu son père enfant, il n'a
otcupé le {.^aonai que vers sa soixantième année.
* Dans le mDn^J' 'O il est question du b^:»^3' de Nahschon. Cf. encore Rapo-
purt, Bikkouré Haïttlm^'K.^Zl.
» Cf. Kapoport, i^/(/., XI, 82-83.
^ Cf. Rapoport, l. c, et Steinschneider, Catal. BodL, p. 2020.
' Duns sa lettre (p. 9û), qui précède ce recueil, Rapoport ne tranche pas la ques-
tion de savoir si cette Réponse est de Nahschon. Cependant, si l'on considère que
celte >orle d'interprétation est tout à lait conforme à l'esprit de Nahschon, que l'on
compure cette Réponse avec celle que nous donnons ci-après, j'estime qu'on est reçu
a attribuer également la première à notre Gaon.
'^ Co ms. est en écriture carrée sur une feuille de papier épais. Aucune date ni
ai.cun nom d'auteur ue sont indiqués; mais vraisemblablement le ms. n'est pas
postérieur au xvii» siècle, à en juger d'après les caractères et les autres signes. Cer-
taines lettres diffèrent essentiellement des nôtres. Le zaïn et le noun final se res-
semblent tout à fait; seule la longueur les distingue l'un de l'autre. Le tout se com-
NOTKS KT MKLANGKS lill
nous présente une explication analogue. En réalité, ce qui s'y
trouve de Nahschon n'est pas considérable : cela prend dix lignes
dans notre manuscrit et s'arrête aux mots V't iriim 'n b"D7 ; ce
qui suit en est le commentaire et a été rédigé par une autre
main. Mais pour nous l'un et l'autre passage sont intéressants ;
le premier parce que nous y saisissons la manière de penser du
Gaon ; le reste, parce que nous y sommes renseignés sur ce qui a
pu faire naître l'idée que R. Nahschon était cabbaliste. Car, tandis
que celui-ci parle simplement de liT::n ^I2^n cv les sages suppu-
tateurs » (qu'il ne faut pas identifier avec les mathématiciens), le
commentateur y voit de la cabbale (voyez ci-dessous). Or il res-
sort clairement de notre ms. que telle n'est pas la pensée de R.
Nahschon. C'est probablement à de semblables interprétations —
si môme il ne s'agit pas de véritables interpolations — qu'il faut
rattacher l'assertion de R. Méir ibn Gabbaï, auteur de l'ouvrage
cabbaliste ^îîlpïi rtna:^, que Nahschon aurait professé la cabbale.
Voici le texte du ms., dont je corrige les fautes et dont j'ex-
plique en note les points obscurs.
"j-^sn ^3^3N 3pr-» .inuîbn ht px:* 'jiUJn: 'n don mnn ^-inl:?: (^^:w5<?3)
Tiob rsTH 1^:7371 /D 'û"^o^nT 'n q^t:' vn.x r:^'jb nn:?: rr-oDn "]-n3
n^y n)3&i '•pb w^J^i^ 1^or^ n^nonb cn^^n^x Szs"':^:?^ nn'2V m:?! --ino:
■•TODn ^D y^ ,niom ,[iiy V^"" "i"^^ T^ iT^^on] y'^Vir) » m-n nab m::'
'n tan ^d .-itt »nr;.XD[rî] t^s-û c^-ipD ]^j72 '^r^ ^d tzj-'iT^iwN *pT::nn
pose de vingl-sept li^çnes et demie qui occupent un espace de 20 centimètres de long
sur 16 de large. A la huitième ligne, la feuille, à force d'avoir été pliée, est coupée;
toutefois l'écriture est restée lisible. Les deux parties sont rattachées par des fils.
* Gen., xxxii, 15.
* Il ne faut pas se méprendre sur le sens de cette expression, vu qu'il dit dans
la suite que le « mystère » repose sur un « calcul •. Voir plus loin.
3 Gen., ib.y 17.
* Je ne sais de quels sages il est question. Si un nombre quelconque peut attirer
une grâce, on peut parler de ïir>l>0, de • chose singulière », mais il n'y a oas là
de r!?3Dn- Peut-être est-on fondé ici à se rappeler la parole de Scherira Gaon :
b33 nn7:b û-im-ip dr; "^d .Dnin [a^D'^UD] ibwX ûnm itt niid na-'-j-'m
! n:i3nDT3D n'«m, citée par A. l^pUein niip^ ""-im, p. 8. Eirange parait la
ratsou, quoiijue ce ne soit que p:)ur • calm?r les quesliouueurs », cotntue du Hdpo-
port [l. c, p. 83), au moyen de laquelle Nahschou cxpliquo l'usage d'après leijuel
on circoncit l'enfant mort deux ou trois jours après sa naissance : 'J"^"l72r«1 '{'^b'^J»") "'^rî
n^b i-«pD72"i rrbvin bs? 'i-'Dnn?: xbi rr'-np b:> n'-b -«b-^i -"«cd: n: ^d
Vnn^ûT NpiDi^ i<y^^^ "th û^^73^ n"»nn -«im i-'j^m?: «""Tdo ]i2 ^di h^::
&<n°l3î<b ï^^b. On pourrait comparer à Saiih., WOb, où il est dit : bi<n"J"^ '^llZ'p
'y<D ^b^7a"'0 nyou ,2T:-\"y- ^^nb q^nd -«n^j^sTa a\i?3 an-j ; cf. aussi Mi-
drasch DDOïl (D"'C3Tpbrî 'o, I, P- 5). Mais si l'on examine atleuiivemenl ces pis-
sages, ou se rend couyiio (ju il ne s'agit pas d'un entant de lieix ou trois j jurs,
mais d'un enfant soumis à Tobli^alion de la circoncision, c'est-i-dire âgé de huit
jours. Donc l'usage dont parle Nahschon ne se trouve pas dans W Tilmud.
5 Voir ce qui précède.
312 HKVUK DES ETUDES JUIVES
t2\nN73 ton "iDÎ "^pbm iD"! &- tzi-^nc:?! ï=:^^N7: "^pbm .t]">n^:>i
mriwS m-^r','^' mbi:iD r^i^rti .';"i2cnn ï-tt3 '^^^D rii'îî apy^T .Sz'^T^DrT
i3^:n?mprî ^rî^o^ nn^n .'np^n nn ^iiiD-^i ^D-»Db irinp"» ï-Ti:"i^D "^Tab
m^nb ï-i^t-i"' 'TCNb 'jrT' t::îo ïitt .&"«"icm S'^^bT^r: î-i3r;N2
n'yUN )'^ji2r: "^pbr; nsm ^r^r: v^'^ïi ^iz^^yb tihuX-'t ,-:^^<r^ V'-'^" lamN
aiiy r<in Dcn TvUwN v^^" "^pbm .odp. nujwX i-'STwn ts:^^ r^^irt in3
av^-^m '-1 ^^T3> '{•cyb nns ri3?i< np:?-" ï-i"û9 ï-tt "^mm .ina t»:5N 'j"'5?3n
,^^n:7:3 "i"^:d î-i*-,d5wN i";72Nn ï-ît TTom .'iDn l-'aTa iwsrrb Drm /D
!-T-iD nb^?2 r^i'T^n t::n::i a^^Tsb ^n rnb^s "^ïd s^tt^t rriè "]n ?-,b7:b
'n b"D3^ .np-'T ^2 -i:i:D"''! '"^11:2 '^sb mon r*,:Ti^ nniT non "in-w"» inx
a'"i'»::rî t^pbnrr tzniwN t^iiui tz^pbnb nnpbnrsU l"^:?: bD )^zyr> *^zi
■^5 T^pbnn m^n ^m'Cjn by inin-o "î-^ni .3r;î<:n 1^:73 a^Nnpsn tn
a^nnNn mD-iy^ja . Ti:^iy'r2 bsn inx s^bx i^-^k T^pbna mcn i"iT»an
yiip tzî'^DbN 'n tj-^Db^n iSn m:N723 T'D tors t-nnuî^'n rr::^ t*<nn
b^3 *;di , ï-tj:\:5 tebiDT r-nncT '*r^bc"i ""lin ib 'w*^'»:; ï-tou: i7:d : •im73D
tzno in £2^N^72:rT tn^pbnn "rén 1^3731 .nn'irî ts::!:^ csm arsî^ïn i-'573
•^'T /3 /N uî*» ibn ';"'27û3 .nnî^Dn v^'o niï-î f-ÎT 5"i to^bi^' .a-^rj
tzi-^mnNT Ï-TN73 inbi3>r7 n-^irnTD uj"«t .f-ir^^ &^p:)nrr ï-ibw^ to^birn
onuî a-^pbnn î-ibN brj q-i::itr;n inNi tD-^ra^i: ribnj^ :?-^3-i o-^i ,to"^:uji
ti-'iu:n tzi^pbnrti . [tii'«T:j:yi] ts-^rn-i^^i) t=i"«nN73 ■ib:^-' ^dS ^zizn ^^r::
' /n /i /2 /N •a'^ 5n *;"^:?22 ^r: t-<"im ,'7bn tzj^bi:' t2n'«:j:>n sz-^n^^j ^2722
13 uî-»-! :n"D :>-^n-i ,i3 ;a"^"i tnuîi'i ï-75<73 .n^irn?: nn a-^i .n"*" CD-«b"i3>
nn '^^^ : tDn^3> ,nuj3^ nnN nn ïj-it :n5 ,r-in''Oy nn ':j->t •173 ,rT'C-'7:n
br) tz3"«bn:t ,-iu::> / tD-^r^an tzno3> -in ïj-^t :-iU5r nn^N nnw\i) ,S3^nu:7
tzi-'pbnm 5n ton ^èn b"»a to-^n^n to-'pbnno -«-in .idî to^pbnn rib»
Tw^b tosnsn nrtN^n i"^:): ton to-^T^im .nén ton dS bu; to^"i;an
,n-i2Dî< mb733 T7:"iD itdd ^dS t<inn i^:73n toir:' ■i73s:yb 2d?i 5-i ton
mm nb7a ^"«d '"iTD^'oiJn mm i-inny;: mii: pbi .-idt:d nno-iDN
* C'est-à-dire un nombre qui en donne un * second », à savoir le nombre voulu.
' Gen., XXXIII, 11.
* 7A., xxxii, 21.
* C'est à cet endroit que commence le commentaire ; on n'en indique pas l'auteur.
^ 11 faut lire comme plus haut {ligne 2) 13rmiD, attendu que ce n'est pas Nabscbon
qui parle.
« '^ signifie le tout, '2 la moitié, et '1 le quart. 284 ainsi divisé donne la valeur
'1 '3 'N =: 7 y compris, 220. 7 + 142 + 71 = 220.
T Le nombre 220 est divisible par 2, 4, r, (284 ne l'est pas), 10, 11, 20 et 22.
de n'Tn'N = 12+ 110+ 55 +44 + 22 + 11 + 10 =284.
^ S'il ne poursuit pas : un 44"** c'est 5, c'est que Tun et l'autre sont déjà men-
tionnés, le dernier en 55,
* Ce qui suit est ajouté par le commentateur.
NOTES F/r MKLANGKS 313
■ib imN bDT .n-^rTouîT -:r^3-n rr'iinTai '('n ,'2 /n) 'i,'3/wN dh ,:"o Y'o
rzDn 'tn-'T 'm*' nnwS toip^ bwX De b^m nrwSTo yin nnN:n 1^:73 on
n723m .r"iibp7jn m73Dn m*' ncxD -:t mizzn yi^ riyti n•p.y•'^ * .ir.n
,ir\yn2 tDia bD ny:lJ^ .ly^n "'nTD tzN ^3 miD np^j yn-^ r<b ^T
A considérer les dernières lignes et sans tenir compte de ce
que .. .r\hl2 "^s est une addition, on remarque qu'ici déjà la nou-
velle cabbale a pénétré. C'est ce que décèlent ces mots : D'û bsm
nrii^ûip^ bi<, ainsi que cette phrase : . . .i"»!-» «b ïimo *yp^yi it riTonm.
Sans doute, Nahschon se sert déjà de l'expression nno3 ^^D, mais
cela signifie simplement que l'effet est un t mystère », que le
nombre cherché découvert par (?) est capable de produire. Mais
la raison de cet effet demeure un secret pour chacun, d'autant
qu'(m ne saurait donner la raison d'une ^ibiao. Notre commenta-
teur, lui, ajoute : « Il est peu d' hommes qui saisissent le secret
de cette sagesse » ; c'est ainsi que parlent les cabbalistes.
L. Grunhut.
L'ORDRE DE CALATRÀVA ET LES JUIFS
M. Samuel Berger a fait connaître dernièrement un manus-
crit espagnol de la Bible qui nous intéresse d'une façon spé-
cifie, p^rce qu'il renferme la copie de la correspondance échangée
entre Don Luis de Guzman, grand-maître de l'ordre de Galatrava,
et un savant juif, R. Mose Arraguel*.
L'antique ordre de Galatrava et son grand-maître (on ne l'avait
pas remarqué jusqu'ici) entretenaient toute sorte de relations avnc
les Juifs, et ils occupent une certaine place dans l'histoire des Juifs
d'Espagne. Gela ressort des documents qui se sont conservés à
* Eslher, iv,14.
* C'est une faute de copie, car 7 + 32 + 16 + 8 = 63.
' De tout cela, il n'y a pas tiace dans Nahschon. Ainsi la cabbale commence quand
les Gaonim finissent.
* Voir Hevue, XXXVllI, 309 et suiv.
314 lŒVUL DES DTUDliS JUIVLS
Giudad-Real et dans les archives de l'État espagnol, et qui viennent,
en partie seulement il est vrai, d'être publiés pour la première fois
par les soins de M. F.-R. de Uhâgon de Madrid '.
Parmi les grandes richesses et les vastes domaines que l'ordre
reçut des rois de Gastille et d'Aragon, à partir d'Alphonse VI
de Gastille et d'Alphonse II d'Aragon, étaient compris aussi les
perceptions et impôts de plusieurs Aljamas, ou communautés
juives, perceptions et impôts dont les rois firent cadeau à l'ordre.
En 1179, Alphonse II lui donna la ville d'Alcaniz et son domaine.
En 1304, Jayme II conféra à l'ordre le droit de recevoir dans cette
ville trente « Judios casatos », Juifs mariés ou familles juives, pri-
vilège confirmé le 23 avril 1336 par Pedro IV ^.
De même, la ville de Maqueda et son Aljama étaient propriété
de l'ordre ; de là vient que D. Luis de Guzman, en tant que maître
de Galatrava, appelle R. Mose Arraguel << notre vassal de notre
ville de Maqueda ». Gette communauté paraît avoir été assez im-
portante ; en 1474, elle payait encore au roi un tribut annuel de
2,500 maravédis. Sur la représentation du grand-maitre D. Garcia
Lopez et en faveur de l'ordre, Alphonse XI, « pour empêcher la
dépopulation de la ville », dispose, à la date du 20 novembre 1316,
que les Juifs de Maqueda, écrasés d'un grand impôt de capitation,
n'auront plus à acquitter qu'un impôt de 5,000 maravédis ^ En
1371, Henri II consentit au grand-maître et à l'ordre de Galatrava
500 maravédis des contributions payées par les communautés
juives sitiiées entre Guadalfeisa et Muladar, y compris Villa-Real*.
Ce n'est pas seulement par les impôts que l'ordre et le grand-
maître étaient en rapport avec les Juifs, mais encore pour des af-
faires commerciales. En 1310, l'ordre vendit au prix de 15,000 ma-
ravédis d'or un moulin appelé Batanejo, moulin à cylindre en
Guadiana, qui jadis avait appartenu à « D. Çulema aben Albagal »
de Villa-Real (Giudad-Real) et à sa femme \ G'est le même Salomon
ib^ Albagal de Villa-Real qui, pour une créance de 12,000 doublons
d'or qu'il avait sur son peu honnête compagnon Israël Alhadad et
sur sa femme Glara, s'engagea dans un long procès. Après avoir
été ballotté des tribunaux juifs aux tribunaux chrétiens, le litige
fut soumis par la reine D. Maria de Molina à l'arbitrage de R.
* Boletin de la r. Academia de la historia, XXXV, cuad. 1-3.
* Bolettn, p. 51, n» 272; p. 52, n° 278 ; voir aussi RevuCy XXVil, 149.
* Boletin^ p, 36, n** 187 : • Que la Aljama de Judios de Maqueda solo pa;;iie
5,000 maravédis de pecho à fin de evilar su despoblaciou « por la grau cabeva do
pechos que daban ».
* Boletin, p. 45, n» 235.
' Venta de un molino Uamado Batanejo, olorgadd par D. Çulema Abenalbagal y
su mujer Donna Joanila, judios moradores en Villa Keal, Boletin, p. 126, n» 193.
NOTKS KT M KL A NO KS ?,\y,
Ascher b. Yeliiel '. Salomon ibn Albagal était fermier d'impôts et
avait ainsi accès à la cour*. Sa femme s'appelait Joanila, ainsi
que nous l'apprend le document en question. Son fils Samuel habi-
tait également à Villa-Real ^ Sa fille Dina, épouse de U. Abraham
aben Xuxen, mourut à Tolède dans la fatale année 1349 *.
Le Juif D. Abraham aben Çaren de Villa-Real avait en sa pos-
session d'autres moulins appartenant à Tordre, les moulins hydrau-
liques de Telada. Le grand-maître D. Garcia Lopez, dont nous
avons parlé plus haut, les avait donnés en viager à D. Abraham,
et en nantissement il lui avait garanti par écrit tout son avoir.
En 1315, l'ordre rentra en possession des moulins ^ Or, ce D.
Abraham aben Çaçen est le même que le fameux fermier d'impôts
D. Abraham aben Xuxen (Susan), ledit gendre de Salomon ibn
Albalag et petit-fils de D. Gag (Isaac), TAlmoxarife raayor d'Al-
phonse X le Sage.
En terminant, disons encore que Alphonse VII, D. Berengaela,
sa femme, et ses fils Sancho et Fernando, donnèrent la ville d'Otos
aux frères Avenzadech et Aleazar. L'acte de donation est daté de
l'année 1170 (1132) «.
M. Kayserling.
UNE PERSÉCUTION DES JUIFS A FEZ
« Dans la grande ville de Fez une terrible persécution eut lieu ;
mais comme je n'ai trouvé là-dessus rien de précis, je ne l'ai pas
décrite plus amplement », dit Salomon ibn Verga dans sa Chro-
nique'. II s'agit, semble-t-il, de la persécution qui s'exerça peu
* Ascher b. Yehiel, Consultations, p. 107, n» 6 : 173^3^71 j'C) niD"'"! "^I^T milN by
isbmm d"'DUJT û"<73^ ht iNnnbî< p bNT::"« m b:;nbwS p r.n'rc 'n ann
''3"'*ib nb^yr, mToiN V't^ji ûb-i:5>n niTonN \^^b bx-ia^ l^in d-i^itû r:?:D
...n5b73n nDnn"'3^ "^nn^a mbn indtd nmn b^banD nnjT bxn^r"'
Etant donné que le procès l'ut remis par la reine Maria de Moiina entre les mains
de R. Ascher, il faut reporter la sentence de ce dernier après 1310. Peut-être sont-
ce le 15,000 maravédis d'or reçus pour les moulins qui faisaient l'objet du procès.
> Il dit lui-même : '^b72rT "liinb "^b-'b "^nDHirim.
• Zikhron Tehouda, Consultât., n» 70.
♦ Abnè Zikharon, n» 43.
» Boletin, p. 127, n» 200.
" Boletin, p. 8, n» 4. David Avenzadach (ibn Zadoc), dans Jacobs, Sources of the
history ofthe Jeivs in Spain, p. 37, n* C03.
' Schébet Yehouda (éd. Wiener), p. 6i : ^sbl bna ^73\a ïn"»n 0"'D nbnia "y^yi
316 REVUE DKS EÏUDP.S JUIVES
de temps après l'expulsion des Juifs d'Espagne, et sur laquelle
Andréas Bernaldez donne quelques détails dans sa chronique pu-
bliée il y a une dizaine d'années *.
Fez, une des plus grandes et plus belles villes d'Afrique, a eu de
tout temps nombre d'habitants juifs. Beaucoup d'exilés espagnols
y cherchèrent asile, en sorte qu'au commencement du xvi« siècle
la population juive était très considérable. Suivant Bernaldes, il y
avait 10,000 Juifs ; ce chiffre est exagéré; Hieronymo de Mendoça
ne parle que de 1,000 habitants juifs*. La Juderia de Fez, ainsi qu'on
appelait le quartier qui leur était réservé, avec ses hautes maisons
n'avait qu'une porte, à l'entrée de laquelle les fonctionnaires du
roi montaient perpétuellement la garde et se faisaient payer les
tributs '.
Quelques années après l'expulsion d'Espagne, il y eut à Fez une
grande persécution. Le peuple surexcité tomba sur les Juifs, pilla
à cœur joie et fit de nombreux massacres. A Fez vivait alors un
Juif nommé Aron qui était très savant et très sage, et qui jouissait
auprès du roi d'une telle faveur, qu'il parvint à exercer une grande
influence sur les aff'aires de l'Etat. D'où haine des Maures nobles,
aussi bien contre le roi que contre le Juif. En un seul et même
jour, la foule soulevée égorgea le roi et son favori, pénétra dans le
quartier juif, démolit les maisons, pilla et tua les Juifs; ceux-là
seuls furent épargnés qui embrassèrent l'islamisme.
Cette émeute se répandit avec la rapidité de l'éclair dans les
autres villes du pays; partout on mit les Juifs au pillage et on les
massacra. Cependant ceux qui avaient été violemment convertis ne
devinrent pas plus des mahométans sincères que les Juifs d'E—
pagne n'étaient devenus bons chrétiens. Cela n'échappa point au
successeur du roi assassiné. Il ordonna donc à tous les Juifs de Fez,
qui avaient été convertis de force de se réunir en plein champ; là
il leur laissa le choix entre le retour à la religion de leurs pères
ou l'adhésion de plein gré à l'islamisme. Dans ce dernier cas, ils
seraient traités sur le même pied que les Maures; ceux qui reste-
raient juifs seraient soumis à certaines lois d'exception. Ils n'a-
vaient pas le droit de porter comme les Maures des chaussures en
cuir, mais des chaussures tissées d'un chanvre grossier; il leur
était interdit d'avoir un cheval sellé, de monter à cheval par la
ville, de porter des armes; ils devaient revêtir des manteaux
noirs, etc. Quant aux Juives, défense leur était faite de porter un
voile et des manteaux couleur olive.
* Bernaldez, Historia de los Reyes Catolicos (Séville, 1870}, I.
' iHeronymo Ae Mendoça, Jornada de Afnca (Lisbonne, 1H07,\ p. 69.
' Mendoça, /. c, p. 69 f.
NOTES ET MELANGKS 317
Malgré ces lois oppressives, la plupart revinrent avec joie au
judaïsme et rendirent ainsi un éclatant témoignage de la fer-
meté de leur foi. Dans une autre circonstance encore, en 1532, ils
fournirent la preuve de leur constance. Le franciscain André de
Spolète vint en janvier 1532 à Fez et obtint du roi Muley Ibrahim
l'autorisation de disputer publiquement avec les Juifs. Il organisa
donc des controverses publiques, mais il ne réussit pas dans son
entreprise de conversion. Désespéré de son échec, le zélé francis-
cain se donna la mort^
M. KA.YSERL1N0.
SUR LES POESIES DE MOÏSE HAYYIAI LUZZATTO
Kii Italie, terre classique de la poésie, chaque événement de la
communauté juive ou de la famille, joie ou peine, était chanté.
On faisait imprimer des pièces de vers sur des feuilles détachées
lors de l'inauguration d'une synagogue, d'une donation de rou-
leaux de la Loi, à l'occasion d'un mariage, d'un deuil, à la suite
d'une promotion au grade de docteur en médecine ou en philoso-
phie, etc.
Peu de ces feuilles volantes sont parvenues jusqu'à nous. Notre
inoubliable ami David Kaufmann possédait une collection de ces
feuilles, dont il a publié quelques spécimens, entre autres deux
poésies de M. H. Luzzatto sur la promotion de deux de ses amis
(ci-dessus, p. 133-136).
La pièce sur la promotion d'Emmanuel, fils de Raphaël Galvo,
citée par Kaufmann (p. 134), d'après Almanzi, se trouve dans un
recueil de poésies de circonstances que j'ai entre les mains. J'f^n
reproduis ci après le texte. A mon sens, l'exemplaire que j'ai
sous les yeux est le même que celui dont s'est servi Almanzi.
Selon Kaufmann la promotion eut lieu le 23 octobre n24. Cette
date est empruntée au registre d'immatriculation de l'Universilé
de Padoue. Il en résulte que M. H. Luzzatto n'était âgé que de dix-
sept ans au moment où il composa cette pièce.
Gomme l'a fait observer notre regretté collègue, Emmanuel
était lui au^si poète ; il y a de lui deux, poésies dans le ny^y bip de
^ Acenheiro, C kronicon dos Reis de Portugal^ p. 35P.
318 HKVUE r)KS ÉTUDES JUIVES
A. B. Pipenio, I unp, au 1° 25, sur le mariage d'Abraham rîSi':?:,
l'autre, au f^ 49, sur le mariage de Moïse Atias. Cf. encore sur
Emmanuel, ibidem, (° 85.
S. J. Halberstam.
y^is^ Tby^ /5"i:T -inb^ b^e-i n""ir!i):s V"'"'^'-* V"^ abcn crrn p
: "^bc?: î^uîNi ,inbi^:i m-iNDn "ip"" b^ r^N im.xnna
,"^?2-^cn r-ncnb ^cd:^ r^ii:r
V2^':^r\ û'viîT ,ïi:"«-ir; tid-ii bx
mamn -i"«'w3 •^■^rtn t^bi ,*|r;53
/?2''nn bnpT .î^t ■>-i"'n^ mnsb
.tzb:' Q-^^pT ^:-:b c-^nnn^i
■«72'n ,rni:^b73 Y- "i^^^'- ^'^ "T^"^
■«Tiinbn t**:bT .tzT'r: -puîb 'nt^ «b
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■^jûinn bn.N .imt^nnb t^-^bs?:
ISIS"» "^TN ""D ,nb -^i-inn^r:
.ribn ^:>inT un rmb">r;»-i ^nnT
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.^nbnn t*:;» tni tzz-nx
Hws?: paT 2mwX
I
à
\
' l'eut êlre plus exacleiiiciit ri3'.
TABLE DES MATIERES
ARTICLES DE FOND.
Adler (Elkan). Note additionnelle sur Moïse Halawa 89
Araujo (Oscar d'). La grande synagogue de Ségovie 209
Bâcher (W.). Une vieille liste de livres 199
Bank (L.). « Les gens subtils de Poumbedita » 191
Ghajes (H. -P.). Les juges juifs en Palestine, de l'an 70 à l'an 500. 39
Dëjob (Charles). Le Juif dans la comédie au xvjii° siècle 119
IIOLLEAUX (Maurice). Sur un passage de Flavius Josèphe {An-
tiq. jnd., XII, 4, § 155) 161
Kahn (Saiomon). Les Juifs de Tarascon au moyen âge 95 et 261
Kaufmann (David). L Lettres de Scheschet b. Isaac b. Joseph
Benveniste de Saragosse aux princes Kalonymos et Lévi
de Narboune 62 et 217
IL Menahem Azaria di Fano 413
Krauss (S.). Sur la sémantique des mots talmudiques em-
pruntés au grec 53
LÉVI (Israël). I. Les nouveaux fragments hébreux de l'Ecclé-
siastique, de Jésus, fils de Sira 1 et 117
IL Un recueil de Consultations inédites de rabbins de la
France méridionale {suite) 76et226
III. La lutte entre Isaïe, fils d'Abba Mari, et Yohanan,
fils de Matatia, pour le rabbinat de France à la fin du
xiv' siècle 85
IV. L'inventaire du mobilier et de la bibliothèque d'un
médecin juif de Majorque au xiv*' siècle 242
Reinach (Théodore). Le décret athénien en l'honneur d'Hyrcan. 16
Sack (Israël). Israël et Juda {fin) 28
NOTES ET MÉLANGES.
CfîAJES (H. P.). Traits apologétiques dans la agada de R. Sa-
muel b. Nahmani 303
FuRST (J.). Un passage difficile du Yalkoul 132
S2() RnVUR DES KTUDES JUIVES
(jRUiSHur (L.). L'ejiégèse biblique de Nahschon Gaon r'.IO
Halberstam (S. J.). Sur les poésies de Moïse Hayyim Liizznto. :^17
KA.UFMANN (David). Poésies de Moïse Hayyim Luzzalo pour féli-
citer ses amis promus docteurs en médecine ei eu phi-
losophie 1 33
Kayserling (M.)- I- L'ordre de Galalrava et les Juifs 313
If. Une persécutiou des Juifs à Fez 315
Lambert (Mayer). Noies exégétiques 2^<9
Mendelsohn (S.). Le ressenluneut de Gaïu ^29
IL R. Tauhoum à lialhar 3(i4
III. Restauration d'une Pesikta 307
BIBLIOGRAPHIE.
LÉvi (Israël). Revue bibliogra])hiqup, 3*" trimestre 1899 137
Wetll (Julien). Der Fûlirer Maimùni's in der Weltlitleralur, par
David Kaufmann 155
Additions et rectifications 160
Table des matières 319
VKISAMLKS. IMPRIMEHIKS CKHF., RUK DUPLKSSIS, 59.
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