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Full text of "Revue des études juives 1901"

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REVUE 


DES 


ÉTUDES     JUIVES 


VERSAILLES  —  IMPRIMERIES  CERF,  59,   RUE  DUPLESSIS 


*?*  REVUE 


DES 


ÉTUDES  JUIVES 


PUBLICATION  TRIMESTRIELLE 
DE  LA  SOCIÉTÉ  DES  ÉTUDES  JUIVES 


TOME  QUARANTE-TROISIÈME 


PARIS 

A   LA  LIBRAIRIE   A.    DURLACHER 


83bis,  RUE   LAFAYETTK  „    *U  LJ^ 


1901 


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MÉLANGES  JUDÉO-ARABES1 


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'Abd  al-Sayyid  al-Isra'ili. 

*Abd  al-Sayyid  al-Isrâ'ili  était  un  contemporain,  plus  jeune,  de 
Sa'îd  b.  Hasan  d'Alexandrie,  dont  la  conversion  à  l'Islamisme  et 
la  lutte  contre  son  ancienne  croyance  a  fait  l'objet  d'une  étude 
dans  cette  Revue 2.  Il  était  médecin  au  Caire.  Sur  sa  personne  et 
l'histoire  de  sa  conversion  à  l'Islamisme  nous  avons  le  récit,  écrit 
environ  un  siècle  après  Tévénement,  du  théologien  et  historien 
Ahmed  ibn  Hadjar  al-Askalâni  (1371-1448),  dans  son  Histoire  des 
hommes  éminents  du  VIII6  siècle  de  Vhêgire 3. 

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1  Les  caractères  arabes  employés  dans  cet  article  viennent  de  l'Imprimerie  nationale. 

2  Revue,  XXX,  p.  1  et  suiv. 

5  Ms.  de  la  bibliothèque  impériale  à  Vienne,  Mixt.,  u°  245  II,  fol.  U)l  b, 

*  Ms.  *jl.«n*j. 

5  Ms.  sans  le  waw  de  conjonction. 

T.   XL1II,  n°  85.  1 


2  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

«  'Âbd  al-Sayyid  b.  Ishâhb.  Yahyâ  l'Israélite,  le  médecin  distingué 
(appelé)  Bahâ  al-dîn  b.  al-Mouliaddïb. 

»  Il  fut  dayyân  des  Juifs  et  aima  les  Musulmans  et  avait  l'habitude 
d'assister  aux  conférences  sur  les  traditions  ;  il  assista,  entre  autres, 
à  celles  d'Al-Mizzî l.  Puis  Allah  le  dirigea  sur  le  chemin  véritable 
et  il  embrassa  l'Islamisme.  Il  étudia  le  Goran  et  fréquenta  la  so- 
ciété des  ulémas  ;  il  fut  très  habile  dans  l'art  médical  et  dans 
l'ophtalmologie.  Ibn  Kathîr2  dit  :  «  Sa  conversion  eut  lieu  un  mardi 
dans  le  mois  Du-1-higga  de  l'année  701  (—  juillet  1302).  Il  parut 
avec  ses  enfants  dans  le  palais  de  justice3,  et  tous  ils  embrassèrent 
l'Islam.  Là-dessus  ils  reçurent  de  grands  honneurs,  s'étant  sponta- 
nément convertis  en  vue  de  la  consolidation  de  l'Islam.  Le  soir  de 
ce  jour  il  organisa  chez  lui  une  Hatmah  '  et  un  grand  banquel, 
auquel  les  càdis  et  les  ulémas  prirent  part.  A  soa  instigation,  un 
grand  nombre  de  ses  proches  passèrent  à  la  religion  de  Mahomet. 
Lors  de  la  lète  du  sacrifice  ils  sortirent  tous  (sur  le  lieu  de  prière  à 
ciel  ouvert),  poussant  avec  les  Musulmans  l'exclamation  des  Allâkou 
aJtbar  usitée  en  cette  fête.  Les  gens  en  furent  très  heureux  et  leur 
rendirent  beaucoup  d'honneurs.  Il  mourut  au  mois  Djoumâda  II  de 
Tannée  7 1 5  (=  septembre  4315).  » 


#*# 


Bans  les  récits  des  conversions  des  Juifs  et  des  Chrétiens  à  l'Is- 
lam, Tune  des  circonstances  les  plus  fréquentes,  c'est  la  présence 
à  l'enterrement  de  quelque  mahométan  particulièrement  pieux. 
Tout  à  fait  fabuleux  est  le  nombre  des  individus  qu'on  dit  s'être 
convertis  lors  de  l'inhumation  de  l'Imâm  Ahmed  ibn  Hanbal  5.  On 
attribue  le  même  effet  à  l'enterrement  d'autres  personnages  im- 
portants. La  cause  de  ce  changement  de  sentiments  est  la  vue 
de  la  multitude  des  assistants  et  l'expression  de  leur  douleur. 

Voici  ce  que  nous  rapporte  un  témoin  oculaire  sur  l'enterre- 
ment du  grand  savant  hanbîlite  Mouhammed  b.  Ahmed  al-Schi- 
râzî,  nommé  Aboû  Mançoûr  al-IIayyât  (à  Bag.Jad  499/1105) G  : 

1  11  s'agit  du  célèbre  docteur  Yùsuf  b.  al-Zakî  abu-l-Haddjâdj  al-Mizzî  (né  en 
654/1256,  mort  en  742/1341). 

2  Historien  (701/1301-774/1373)  ;  voir  Brockelinann,  Gcsch.  der  aval.  Litterat'.'.r, 
II,  p.  49.  Ibn  Kathîr  fut  aussi  le  disciple  de  Mizzî  ;  il  eut  donc  facilement  l'occasion 
d  obteuir  dans  ce  cercle  des  renseignements  sur  le  converti  Bahâ  al-din. 

3  Dâr  al-'adl\  tel  était  le  nom  du  siège  du  mufti  au  Caire  à  cette  époque;  voir 
Quatremère,  Uist.  des  Svltans  Mamlouhs  de  VEr/ypte,  I,  n,  p.  213.  Cf.  Mufti  dâr 
al-'adl,  Khaiil  al-Dàhiri,  éd.  Ravaisse  (Paris,  1894),  p.  Ho,  14. 

*  Récitation  du  Coran  du  commencement  à  la  fin; 

5  Patton,  Ahmed  b.  Hanbal  and  the  Mihna  (Leyde,  1897),  p.  172. 

6  Dans  Ibn  Rédjeb,  Tabakât  al-Hanâbila  (ms.  de  la  bibliothèque  de  l'université 
de  Leipzig,  D.  C,  n9  375,  fol.  22  a). 


MÉLANGES  JUDÉO-AHABES 


«  J'assistai  à  l'inhumation  de  1'excelleDi  Cheich  Aboû  Mançoùr  b. 
Yoûsouf  et  d'Aboû  Temâm  b.  Abi  Moûsâ;  or,  jamais  on  ne  vit  tel 
concours  de  monde  qu'aux  obsèques  d'Aboû  Mançour  [al-Hayyât'J. 
(En  cette  circonstance)  un  Juif  vint  à  notre  rencontre.  Lorsqu'il  vit 
ce  concours  et  cette  multitude  de  peuple,  il  s'écria  :  «  J'atteste  que 
cette  religion  est  la  vérité!  »  et  il  passa  à  l'Islam  aussitôt.  » 


II 
Al-Harizi. 

Le  nom  de  Harizî  est-il  le  véritable  nom  de  famille  du  traduc- 
teur et  imitateur  juif  de  Harîrî,  le  poète  arabe  des  Makames,  ou  ce 
nom  n'est-il  qu'une  épithète  littéraire  ?  Cette  question  a  souvent 
fait  l'objet  de  dissertations.  M.  Moïse  Schwab  vient  de  rassembler 
tous  les  matériaux  relatifs  à  ce  sujet  '. 

Ce  qui  contribuera  à  éclaircir  la  question,  c'est  que  al-Harîzi 
est  un  nom  de  famille  qui  se  rencontre  fréquemment  dans  l'Orient 
musulman2.  Celui  qui  écrit  ces  lignes  connut  en  1896  à  Edfu 
(Haute-Egypte)  un  jeune  docteur  du  Coran  du  nom  de  Hâmid 
Mouhamed  'Abdallah  al-Harîzî,  mouderris  à  la  mosquée  de  l'en- 
droit. C'est  lui  qui  lui  fournit  quelques  informations  sur  les  anti- 
quités mahométanes  delà  ville  célèbre  pour  son  temple  de  Horus3. 
Le  nom  de  Harîzî  se  retrouve  aussi  en  Espagne.  Comme  exemple, 
je  citerai  un  célèbre  styliste  Aboû  Merwân  'Abd  al-Malik  b.  Idris, 
qui  était  connu  sous  le  nom  de  Ibn  al-Harîzi 4. 

Ce  nom  de  famille  fait  supposer  que,  dans  la  suite  des  généra- 
tions qui  le  portaient,  il  y  eut  un  individu  appelé  Harîz,  auquel  les 
descendants  rattachaient  leur  nisba.  Assurément  ce  nom  n'est 
pas  un  de  ces  noms  arabes  que  nous  trouvons  dans  l'onomastique 

1  Journal  asiatique,  1901,  I,  p.  163.. 

2  Cf.  Tâdj  al^aroûs,  s.  *.,  IV,  p.  25. 

3  Voir  mon  article  dans  le  Glohus,  LXXI  (1897),  p.  238. 
'*  Al-Dabbi  (Bibl.  hisp.  arab.),  éd.  Codera,  p.  149. 


4  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

des  Juifs  orientaux.  Néanmois  il  n'est  pas  improbable  que  quelque 
ancêtre  de  l'auteur  de  Tahkemôni  se  le  vit  attribuer  et  qu'il  de- 
vint ensuite  la  nisba  de  ses  descendants.  Nous  estimons  donc  que 
le  nom  de  \rnrrbN  doit  être  comparé  à  celui  de  ^.A,  qui  est 
originaire  d'Espagne. 


III 

Controverse  halachique  entre  Mahométans 
et  Juifs.  —  rvnn  pan. 

Au  cours  des  rapports  halachiques  entre  Mahométans  et  Juifs  il 
y  a  eu,  de  très  bonne  heure,  des  occasions  et  des  sujets  de  polé- 
mique. Déjà  dans  la  vieille  littérature  des  traditions,  on  reproche 
à  plusieurs  reprises  aux  docteurs  juifs  de  permettre  de  vendre  les 
parties  grasses  de  l'animal  qu'il  leur  est  défendu  de  manger, 
tandis  que  certains  objets  (par  exemple  le  vin),  que  la  loi  maho- 
métane  interdit,  sont  en  même  temps  asour  be-/ianâ'âl  et  ne 
sauraient  être  vendus.  «  Dieu  fasse  périr  les  Juifs  —  ainsi  parle  le 
prophète  !  —  Ils  rendent  liquides  et  vendent  des  parties  grasses 
qu'il  leur  est  défendu  (de  consommer) 2.  » 

Les  Juifs  se  défendaient  d'une  pareille  attitude  ;  c'est  ce  qui  res- 
sort d'une  controverse  sur  cet  objet  entre  théologiens  juifs  et  théo- 
logiens musulmans,  controverse  examinée  par  le  càdi  andalou 
'Iyâd  (mort  en  1149) 3.  «  Quelques  Juifs  et  hérétiques  ont  objecté 
contre  nous  ce  qui  suit  :  Si  vous  posez  le  principe  que  toute 
jouissance  de  choses  interdites  est  défendue,  comment  justifiez- 
vous  qu'un  fils  qui  a  hérité  de  son  père  une  esclave  avec  laquelle 
celui-ci  a  eu  commerce,  puisse  vendre  une  pareille  esclave  et  bé- 
néficier du  prix  de  vente,  attendu  que  cette  esclave  est  pour  lui 
hardm  4  ?  » 

Le  subtil  câdi  n'a  pas  eu  de  peine  à  réfuter  cette  objection 
comme  étant  un  sophisme  (tamwih);  mais  les  arguments  qu'il  a  pu 
faire  valoir  n'intéressent  pas  le  lecteur. 

1  Cf.  sur  des  questions  semblables  entre  Caraïles  et  Rabbanites,  Kouzarî,  III,  ch. 
xlix  (éd.  Ilirscbfeld,  p.  198-199  en  haut). 

2  Bouchârî,  Kitâb   al-bouyoù\  n»  103  :   -j.-^&Jl  *_4_ïs._À_.c  c*-«^  ^j-fc-"  ^  J*-^3 

3  Ce  célèbre  théologien  mahométan,  contemporain  du  père  de  Maïmonide,  remplit 
les  fonctions  de  câdi  dans  sa  ville  natale  de  Cordoue,  puis  à  Grenade  et  au  Maroc; 
voir  Brockelmann,  Gesch.  d.  arab.  Lilteralur,  1,  p.  369. 

4  Dans  Nawawî   Commentaire  sur  Mouslim,  IV,  p.  50. 


MELANGES  JUDEO-AHAHES  5 

On  voit  que  le  pilpoul  occupe  une  belle  place  dans  la  littérature 
religieuse  de  l'Islam  et  que  Juifs  et  Musulmans  dans  leurs  rapports 
l'exerçaient  à  l'envi. 

Nous  avons  montré  autrefois  que  la  loi  islamique  a  fait  plus 
d'un  emprunt  à  la  halacha  rabbinique  ».  Nous  en  citerons  un  nou- 
vel exemple  à  propos  de  *-n:fi  pas  «  la  poussière  de  l'usure  ». 
C'est  là  une  expression  qui,  parla  voie  juive,  s'est  introduite  dans 
les  documents  juridiques  de  l'Islam. 

Dans  les  sounan  eschatologiques  d'Àboû  Dâwoûd  nous  trou- 
vons la  parole  suivante  du  Prophète  :  «  Il  viendra  un  temps  où  il 
n'y  aura  personne  qui  ne  se  nourrisse  de  gains  usuraires  ;  et  s'il 
ne  s'en  nourrit  pas  précisément,  quelque  chose  de  sa  fumée 
(doitehân)  l'atteindra  toujours.  »  Là-dessus  il  existe  la  variante 
suivante  :  «  quelque  chose  de  sa  poussière  {min  gfioubârihi)  l'at- 
teindra2 ».  C'est  avec  cette  variante,  qui  représente  le  texte  véri- 
ritabîe,  que  la  parole  est  reproduite  dans  les  citations  posté- 
rieures. Aboû  Tâlib  al-Mekki  (mort  en  996  de  l'ère  chrét.),  auteur 
d'un  ouvrage  mystico-éthique,  «Aliment  des  cœurs3  »,  explique 
l'expression  «  poussière  d'usure  »  dans  le  sens  suivant  :  «  L'usure 
pénètre  chez  lui  subrepticement,  sans  qu'il  la  pratique  d'une  fa- 
çon positive  et  voulue,  tout  comme  la  poussière  s'insinue  dans 
les  narines  du  passant.  L'usure  sera  si  généralement  répandue, 
que  personne  ne  pourra  se  préserver  de  son  effet4.  »  On  voit 
comme  les  commentateurs  s'ingénient  à  interpréter  la  métaphore 
incomprise,  depuis  qu'on  avait  oublié  sa  véritable  origine.  Il  n'y 
a  aucun  doute  que  l'arabe  ghoubâr  aî-ribâ  ne  soit  une  traduc- 
tion du  rabbinique  ma*!  pas,  en  opposition  avec  Laijn  al-ribâ  3, 
c'est-à-dire  usure  réelle,  non  équivoque.  Les  Mahométans  avaient, 
dans  des  temps  plus  anciens,  connu  le  vrai  sens  de  l'expression, 
témoin  al-Nasâ'î,  qui  a  recueilli  l'expression  (mais  seulement  avec 
la  leçon  ghoubâr)  dans  son  livre  et  y  a  laissé  une  place  dans  son 
chapitre  sur  «  le  moyen  et  le  devoir  d'éviter  les  pratiques  com- 
merciales douteuses6  ».  Cela  montre  dans  quel  sens  il  entend  la 
v  poussière  de  l'usure  ». 

•  Revue,  XXVIII,  p.  78. 

»  Ed.    du   Caire,  1280,   II,  p.  54.  JL5l    i\   *X*Jp(£*s  ^  u1*;   O"1^  cM  &Ât* 
IkLâ  ij*  *>Usl   ^v*^-c  ^?!   JU  /S) Lsr  ^  xAol   *OL  yù  (jU   l-Jj-M. 
»  Mouhâdarât  al-oudabâ,  I,  p.  289;  <Ikd',  I,  p.  328. 

*  Koût  al-Kou7oûb,  II,  p.  286. 

5  Môuslim,  IV,  p.  57. 

6  Sovnan  al-Nasâ'î  (éd.  du  Caire,  1312),  II,  p.  212. 


6  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

IV 

Caraites  et  Zahirites. 

A  l'indication  que  nous  venons  de  donner,  de  l'influence  ju- 
daïque sur  la  théologie  de  l'Islam,  nous  joindrons  la  correction 
d'une  conception  erronée  et  qui  s'est  récemment  produite  dans 
cet  ordre  d'études.  Dès  1872,  on  avait  signalé  à  plusieurs  reprises 
la  polémique  dirigée  par  le  Mahométan  andalou  Ibn  Hazm  contre 
les  écrits  religieux  du  judaïsme.  Récemment,  M.  Hartwig  Hirsch- 
feld  s'est  de  nouveau  occupé  de  cette  littérature  polémique  !. 

En  passant,  il  touche  aussi  à  la  position  zâhiritique  d'Ibn  Hazm 
dans  la  théologie  islamique.  «  Gomme  on  le  conçoit  facilement,  dit 
M.  IL,  il  existe  une  certaine  analogie  entre  le  mouvement  zahirite 
et  les  tendances  des  Garaïtes2.  »  Or  cela  n'est  pas  si  facile  que 
cela  à  comprendre,  attendu  qu'on  ne  trouverait  pas  aisément  d'op- 
position plus  marquée  que  celle  qui  existe  entre  les  principes  de 
ces  deux  écoles.  Les  Zahirites  partent  de  cette  idée  que,  dans  la 
déduction  de  la  Loi,  tous  les  éléments  spéculatifs  sont  exclus  a 
priori.  Ce  principe  constitue  sa  différence  spécifique  en  face  des 
autres  écoles.  Rien  ne  lui  répugne  comme  le  hiyâs  (l'analogie),  la 
poursuite  de  la  ratio  legis  ((illa)  et  l'emploi  de  moyens  spécula- 
tifs en  matière  de  théologie.  La  science  religieuse  des  Garaïtes,  au 
contraire,  use,  dès  l'abord,  du  rapïi  et  d'autres  méthodes  spécula- 
tives. Gomme  on  le  sait,  ils  ont  admis  de  très  bonne  heure  les 
Treize  middol  de  R.  Ismaël.  Ils  ne  reculent  pas  devant  Vopinio, 
que  la  théologie  mahométane  appelle  ra'y  et  qu'ils  traduisent  par 
îth.  A  l'instar  des  écoles  de  Ra'y,  combattus  par  les  Zahîrites, 
leur  déduction  de  la  Loi  se  fonde  sur  ce  qui  est  écrit,  sur  Yana- 
logie  et  le  consensus [=  idfmâ^yyyp  ou  rns  3).  Al-Kirkisânî  com- 
mence son  Livre  des  lumières  par  un  chapitre  «  sur  la  nécessité 
de  la  recherche  et  de  la  spéculation  et  de  la  détermination  de 
l'argument  rationnel  et  analogique*  ».  C'est  seulement  contre 

1  Mohammedan  cnticism  of  the  Bible,  J.  Q.  R.,  XIII,  p.  222-240. 
»  L.  c,  p.  225,  5. 

3  Par  exemple,  Sahl  b.  Mazliah,  dans  Eschkol,  n°  168,  et  surtout  Schreiner, 
Studien  iiber  Jeschu'a  ben  Jehuda  (Berlin,  1900),  p.  69  et  suiv.  —  Menahem  Gizni 
dans  Likkoute  Kadmonijjoth,  notes,  p.  51,  en  bas,   dit  :  "irn^    "Tirn     ^"'CJH     b^W 

mttïm  iapnn   n*«ttyai  manprt  iipria  tawn  '"on  c^an  ta^sa 
rrvpm  ^d  by  mbiritt. 

4  Poznonski,  Steinschneider-Festschrift ,  p.  196,  19. 


MELANGES  JUDEO-ARABES  7 

l'exagération  de  l'analogie,  l'emploi  de  1'  «  analogie  du  second 
degré  '  »,  comme  elle  apparaît,  par  exemple  dans  les  lois  matri- 
moniales des  partisans  de  la  théorie  du  313^  que  proteste  le  ca- 
raïsme  orthodoxe.  Mais  leur  méthodologie  pose  la  justification, 
et  même  la  nécessité  des  raisonnements  analogiques.  Or,  ce  point 
de  vue  diffère  toto  cœlo  de  celui  des  Zâhirites  ;  il  est  donc  impos- 
sible de  parler  d'une  parenté  ou  seulement  d'une  ressemblance 
entre  ces  deux  écoles. 

C'est  précisément  en  cela  que  consiste  le  reproche  que  Juda  ha- 
Lévi  ne  se  lasse  pas  de  répéter  dans  sa  polémique  contre  les  Ca- 
raïtes -.  Il  leur  en  veut,  parce  qu'en  face  de  la  stabilité  d'une  tra- 
dition intangible,  comme  elle  se  présente  dans  le  rabbinisme,  ils 
se  permettent  une  trop  libre  mbin^ïi  (idjtihâd)  et  une  trop 
grande  spéculation  indépendante.  De  leur  emploi  immodéré  du 
Kiyâs  il  dérive  la  multiplicité  divergente  de  leurs  doctrines  et  le 
manque  d'unité  de  leurs  pratiques  religieuses  ;  le  même  reproche 
leur  a  été  adressé  de  la  part  des  Rabbanites  à  diverses  époques  \ 

Donc  il  n'y  a  pas  eu  d'influence  exercée  sur  le  mouvement 
zâhirite  par  les  tendances  caraïtes  ;  il  faut  en  écarter  jusqu'à 
l'hypothèse. 

A  ce  propos,  nous  signalerons  une  petite  correction  de  texte 4 
dans  l'étude  de  M.  Hirschfeld.  Parmi  les  expressions  anthropomor- 

phiques  de  la  Bible,  on  cite,  p.  240,  1  :  dU^w  £Jî  £^  ;  M.  II., 
p.  231,  note  3,  tient  cela  pour  une  méprise  de  yor&^pvh  "»n«  ïto* 
(Ps.,  cix,  21).  Mais  il  faut  corriger  en  J.x**  21  £*=>\  et  y  v°ir  la 
traduction  de  ■pt»  ^ba  ïittfr. 


V 

Le  juge  corruptible. 

De  nombreux  traits  mentionnés  dans  la  littérature  mahométane 
témoignent  du  peu  d'estime  que  le  peuple  professait  pour  la  ma- 

1  Lihk.  Kadm.,  ibid.,  p.  147  :  O^pbN  ^*J  OfcOpbN. 

2  Kouzarî,  lll,  ch.  xxm  el  suiv.  (éd.  U.  Hirschfeld,  p.  177  et  suiv.). 

*  Consultations  du  T'aYl,  n<>  774,  sur  les  Caraïtes  :  ÛSmin  *p  UN  Itm  HDP 

»£733    mw  irfito  n»  ûTnam  aab  m»a  «ïto  n?:    OTOBin  mTna 

'•\z"\  narra  rtiz  aman  msaa  ©ne»  inwN  ba. 

*  P.  235,  avant-dernière  ligoe  y>V^>  ns-  t»!**^  î  236>  8»  &£tf »  Iis-  «SjJUI 
«  invention  mensongère  »  ;  237,  16,  <ju3,  lis.  j-^c  =  i-Ti*  :  239,  G,  Uâ^jj  ,  lis. 
Ldyû.35;  îM.,  1.  15,  c^jj_5,  lis.  Jj-V 


8  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

gistrature.  Aux  nombreuses  paroles  des  textes  de  la  tradition  reli- 
gieuse qui  indiquent  de  la  méfiance  à  l'égard  des  magistrats  de 
carrière  correspondent  des  sentiments  semblables  dans  les  livres 
purement  littéraires  ainsi  que  dans  la  littérature  populaire.  In- 
nombrables sont  les  pochades  dont  les  juges  font  les  frais  *.  Leur 
bêtise  et  leur  corruption  fournissent  un  thème  continuel.  Aussi 
proverbiale  que  la  sottise  du  câdi  de  Djoubbal  est  l'injustice  du 
câdi  de  Sadoûm  (Sodome) -.  Cette  ville  de  Sodome,  souvenir  de 
la  Bible,  dans  ce  cas  comme  dans  d'autres,  est  transportée,  pour 
des  raisons  tendancieuses,  en  d'autres  régions  que  celle  qui  lui  est 
assignée  par  la  géographie  biblique  3. 

Dès  lors  on  comprend  que  les  Mahométans  pieux  cherchent  vo- 
lontiers les  juges  iniques  et  corrompus  dans  l'entourage  qui  pour 
eux  est  le  comble  de  l'impiété,  à  savoir  dans  l'entourage  des 
Omiades  et  particulièrement  du  détesté  Haddjâdj  b.  Yoùsouf.  Ce 
gouverneur  tout-puissant  avait  placé  al-Moughîra  b.  'Abdallah 
de  la  tribu  de  Thakîf  comme  juge  àKoufa.  Les  pieux  Mahométans 
racontaient  qu'un  jour  deux  personnes  portèrent  leur  litige  devant 
Moughîra.  L'une  d'elles,  qui  connaissait  son  juge,  lui.  fit  cadeau 
d'un  lampadaire  de  cuivre  fin4.  Mais,  de  son  côté,  l'autre  plai- 
gnant, voulant  gagner  le  juge,  lui  envoya  un  mulet.  Lors  des 
débats  de  l'affaire,  le  juge  sembla  pencher  en  faveur  du  plaignant 
au  mulet.  Alors  l'autre  s'avisa  de  rappeler  au  juge  son  cadeau  et 
il  y  fit  allusion  par  ces  mots  :  «  Ma  cause  est  pourtant  plus  lumi- 
neuse qu'une  lampe  ».  Gomme  il  répétait  cette  phrase  trop  sou- 
vent, le  juge  finit  par  dire  :  «  Malheur  à  toi  ;  le  mulet  a  heurté 
le  lampadaire  et  l'a  brisé  (dans  l'autre  version  :  «  a  éteint  sa 
lumière  3  »). 

C'est,  comme  tout  le  monde  sait,  une  anecdote  racontée  par  les 
rabbins  dans  le  Talmud,  Sabbat,  116  &,  et  la  Pesikta  di  R.  Ka- 
liana  (éd.  Buber),  122fr  G,  et  qui  a  été  appliquée  au  juge  injuste  de 
Hadjâdj. 


1  Très  caractéristique  est  l'histoire  du  câdi  Chalîdjî  à  Bagdad  au  temps  du  calife 
Amîn,  Affhânî,  X,  p.  123. 

2  Les  proverbes  dans  al-Meidàni,  I,  p.  168. 

3  Voir  mes  notes  dans  Ausland,  1884,  p.  329.  Le  lieu  de  la  catastrophe  de  Sodome 
et  de  Gomorrhe  est  porté  au  nord  de  la  Svrie.  Kazwînî,  Cosmographie,  éd.  Wues- 
tenfelrl,  II,  p.  93,  10,  confond  la  Mer  Morte  avec  le  lac  de  Tibériade. 

4  Dans  l'une  des  versions  sirâdj  (comme  Sabb.,  fc^Ttl))  ;  dans  l'autre  manâra 
(comme  dans  j.  Yoma,  ÏVVù'ti)* 

s  Ibn  Kcuteyba,  lOuyoûn  al-ackbâr,  éd.  Brockelmann  (Leyde,  1901),  I,  p.  72;  aï- 
Râffhib  al-lsfahûnî,  Mouhâdarât  al-oudabâ  (le  Caire,  1287),  I,  p.  125. 

6  Sur  des  passages  parallèles  au  proverbe  dérivé  de  pareils  récits,  voir  Kohut, 
Aruch  completum,  s.  v.  gp,  8,  IV,  p.  287  £,  en  bas. 


MELANGES  JUDEO-ARABES  9 

VI 
L'ANE   ET    l/ÉCMELLE, 

Les  po^t-scriptum  des  mss.  hébreux  renfement  très  souvent  le 
vœu  du  copiste1  «  qu'il  ne  lui  arrive  point  de  tort,  depuis  aujour- 
d'hui jusqu'à  l'éternité,  tant  que  l'âne  ne  pourra  grimper  sur  une 
échelle  (dViw  Tftjfiïi  ïib^ii)  w)  ».  Quelquefois  il  y  a  en  plus 
«  (l'échelle)  dont  rêva  notre  patriache  Jacob  2  «.Pour  cette  ex- 
pression, Zunz  a  trouvé  un  point  de  contact  dans  l'Agada  3. 

Elle  sera  beaucoup  plus  claire  encore,  quand  nous  aurons  re- 
marqué qu'en  Mésopotamie  le  fait  pour  un  âne  de  gravir  les 
échelons  d'une  échelle  est  une  métaphore  désignant  une  chose  im- 
possible, même  à  la  suite  des  plus  grands  efforts.  A.  Socin  signale 
le  proverbe  suivant  qui  avait  cours  en  Mésopotamie  :  «  A  Alep 
l'âne  peut  grimper  sur  l'échelle.  Voici  l'âne  et  voilà  l'échelle4  », 
c'est-à-dire  on  rapporte  des  habitants  d'Alep  bien  des  choses 
merveilleuses  et  incroyables. 

Parmi  les  constructions  étonnantes  qu'éleva  à  Bagdad  le  calife 
al-Mouktafi  (commencement  du  xc  siècle),  il  y  avait  une  tour  dé- 
nommée Koii'bbat  al-himâr  (coupole  de  l'âne),  parce  que  la  spirale 
y  conduisant  était  très  facile  à  gravir  :  même  un  âne  habitué  à  la 
plaine  aurait  pu  y  monter  (ce  qui  d'ordinaire  passait  pour  une 
chose  impossible  5). 

Au  même  groupe  appartient  une  autre  expression  dont  je  dirai 
un  mot.  Le  poète  de  makames  Badî'  al-Zamân  al-IIamadânî  dit 
une  fois  :  «  Si  moi  et  toi  nous  vivons  encore  longtemps,  je  verrai 
peut-être  encore  l'ânesse  (attelée  devant  le  moulin)  chevaucher 
sur  le  dos  du  meunier  (in  Hschnâ  wa-Hschta  —  riïeytoii  al-atân 
—  yarhab  al-tahhânG). 

1  Par  exemple  Lltteraturblatt  des  Orients,  1846,  p.  44;  Perreau,  Catalogo  dei  Co- 
dici  ebraici  délia  Bibl.  di  Parma  non  descritti  dal  de  Mossi,  p.  161.  11  y  a  beaucoup 
d'indications  dans  Hebr.  Bibliogr.,  XIII.  p.  88  ;  dans  A.  Epstein,  Die  Wormser 
Minhagbiicher  ( Kaufmann-Gedenkbuch,  p.  3,  du  tirage  à  part).  —  Cf.  Steînschneider, 
Vorlesungen  iïber  die  Kunde  hebr.  Handsc.hr if ten  (Leipzig,  1897],  p.  48. 

*  Par  exemple,  dans  Sam.  Kohn,  Die  h»br.  Handschr.  des  ungarischen  National- 
museîims  zu  Budapest,  n°  VI  (tirage  à  part  de  Magazin  f.  die  Wissensch.  d.  Juden- 
thums,  1877). 

3  Zur  Geschichle  und  Literatur,  I,  p,  207. 

*  Z.D.M.G.,  XXXVII,  (1883),  p.  203,  note  631. 

5  Guy  Le  Strange,  Bagdad  dvring  the  Abbasid  Caliphate    (Oxford,  1900),  p.  254. 

6  Cité  dans  Ma'âhid  al-tançîç  fî  scharh  schawàhîd  al-Talchîç  (Le  Caire,  1316), 
II,  p.  37. 


10  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

YII 

L'invitation  aux  affamés  avant  le  repas. 

Parmi  les  pieuses  habitudes  de  R.  Houna  on  signale  celle-ci. 
Avant  de  se  mettre  à  table,  il  ouvrait  régulièrement  la  porte  de 
sa  chambre,  s'écriant  :  Vo^rn  wb  ^n^n  1&w  bs  «  que  tout  indi- 
gent entre  prendre  sa  part  du  repas  '  ».  Cette  formule  est  entrée 
dans  la  liturgie  des  premiers  soirs  de  Pâque2.  Bien  que  cette  cou- 
tume de  R.  Houna  soit  mentionnée  à  titre  de  vertu  individuelle, 
au  sujet  de  laquelle  Râbhâ  remarque  qu'il  serait  difficile  de  l'imi- 
ter à  Mahouza,  elle  me  paraît  néanmoins  être  une  coutume  ré- 
pandue dans  le  monde  oriental.  Schaw  raconte,  dans  l'introduc- 
tion de  ses  Voyages  3  :  «  Aussitôt  que  notre  repas  était  prêt,  l'un 
des  Arabes  qui  étaient  avec  nous  montait  dans  le  lieu  le  plus 
élevé  qu'il  pouvait  trouver,  et  là  il  invitait  par  trois  fois  à  haute 
voix  tous  ses  frères,  les  «  Enfants  des  Fidèles  »,  à  venir  manger 
avec  nous,  quoiqu'il  n'y  eût  peut-être  âme  vivante,  du  moins  de 
sa  religion  à  cent  milles  autour  de  nous.  Les  Arabes  observent 
constamment  cette  coutume,  pour  marquer,  disent-ils,  leur  charité 
et  leur  hospitalité,  toutes  les  fois  qu'ils  en  ont  occasion.  » 

C'est  là  effectivement  une  ancienne  coutume  arabe  et  qui  n'est 
pas  en  usage  seulement  chez  les  Bédouins.  On  raconte  qu'un 
des  compagnons  et  porte-fanion  de  Mahomet,  célèbre  pour  sa 
générosité,  Sald  b.  'Oubàda,  de  la  tribu  d'Ansâr,  exerçait  cette 
coutume.  Il  avait  hérité  de  ses  ancêtres  païens  l'habitude  de 
gravir  avant  ses  repas  les  tours  de  sa  localité,  et  il  s'écriait  : 
«  Quiconque  aime  la  graisse  et  la  viande  vienne  dans  les  de- 
meures de  Doulaïm  b.  Hâritha  (ainsi  s'appelait  son  grand-père4).  » 


VTIT 

Notes  sur  les  Juifs  dans  les  poésies  arabes  de  l'époque 
ancienne   de  l'islam. 

1.  Les  poètes  arabes  des  premiers  temps  de  l'Islam  mentionnent 
souvent  le  Juif  en  qualité  de  commerçant  :  il  apporte  des  étoffes 

1  Taanit,  20  b. 

2  Cf.  Reif'roann,  JY»K,   II,  p,  G 2. 

3  Voyages,  trad.  tranç.  (La  Haye.  1743),  préface  de  l'auteur,  p.  x. 

4  O.  Loth,  Das  Classenbuch  des  Ibn  Sa'd  (Leipzig,  1860),  p.  71. 


MELANGES JUDÉO-AHAUES  11 

aux  habitants  du  désert.  Al-Houteya,  poète  de  la  fin  du  paganisme 
arabe  et  du  commencement  de  l'époque  islamique,  dit  d'une 
prairie  émaillée  de  mille  couleurs  :  «  Comme  si  les  Juifs  y  avaient 
étendu  leurs  étoffes  de  soie,  leurs  écharpes  chatoyantes  '  ».  Ils  ne 
pratiquaient  pas  ce  métier  seulement  dans  le  désert,  mais  aussi 
dans  les  villes  arabes.  Nous  en  avons  une  preuve  dans  une  his- 
toire d'Aïscha,  conservée  parmi  les  traditions  de  Tirmidi.  Le  Pro- 
phète était  revêtu  de  deux  hab.ts  grossiers  en  étoffe  de  Katar 
(localité  de  TOmân)  ;  ce  vêtement  lui  parut  fort  incommode,  car  il 
était  très  lourd  et  le  mettait  en  sueur.  Il  se  trouva  justement  qu'un 
drapier  juif  vint  de  Syrie  (à  Médine)  ;  Aïcha  fit  une  affaire 
avec  lui2. 

On  parle  encore  des  Juifs  comme  vendant  le  fard  appelé  Kouhl. 
Nous  trouvons  la  comparaison  suivante  :  «  Comme  le  Kouhl  de 
l'œil  que  les  Juifs  ont  broyé  ». 

On  les  cite  particulièrement  comme  marchands  de  vins.  J'ai 
donné  ailleurs3  une  série  d'indications  sur  ce  point4. 

Ce  commerce  était  également  beaucoup  pratiqué  par  des  Chré- 
tiens de  Hira  vers  l'Arabie  septentrionale  5.  Les  «  brocs  devin 
des  Juifs  »  (dinân  Yahoûd)  servent  aux  poètes  de  sujet  de  com- 
paraison 6.  Lorsque  le  poète  koufîte  Mouslim  b.  al-Walîd 
(deuxième  moite  du  vme  siècle),  qui  a  tant  chanté  le  vin  et  les 
femmes  7,  dit  dans  une  description  du  vin  :  «  clair,  juif,  ses  pos- 
sesseurs sont  Arabes  »  [soïïbâ  yahoiidiyyaioun  arlahoul  â  lJara- 
bou)  s,  l'épithète  de  juif  peut  avoir  été  employée  parce  que  le  vin 
avait  été  vendu  par  des  marchands  juifs  à  des  Arabes.  On  peut 
expliquer  aussi  —  et  j'avoue  que  cette  explication  a  ma  préfé- 
rence pour  ce  passage  —  qu'on  veut  présenter  le  vin  comme 
vieux.  Pour  exprimer  cette  idée,  les  poètes  arabes  ont  l'habitude 
de  comparer  le  vin  à  des  peuples  anciens  (Babylone,  etc.)  ou  à  des 

1  Diwân,  II,  v.  3. 

*  Cité  par  Balawï,  Kitâb  Alif-Bâ  (Le  Caire,  1287),  II,  p.  37. 

3  Voir  ma  note  sur  le  passage  ci-dessus  signalé  du  Diwân  de. . .  Houtaya,  p.  62 
Z.D.M.G. .XLVl,p.  185). 

*  Aux  premiers  temps  de  l'Islamisme,  un  fonctionnaire  de  l'Irak  prélève  l'impôt 
de  tolérance  [djizya)  sur  les  Juifs  en  fournitures  de  vins,  et  les  vend.  C'est  à  cela 
que,  d'après  les  sources  citées  dans  Kastallani,  IV,  p.  121  ;  V,  p.  472,  se  rapporte- 
rait le  rappel  à  l'ordre  d'Omar  contre  Samoura  b.  Djoundab,  dont  parle  Bouchâri, 
Kitâb  al-honyou1- ,  n°  103. 

3  Jacob,  Altarabisches  Beduinenleben  (Berlin,  1897 ),  p.  99. 

6  Cf.  encore  Aghâni,  IX,  p.  121,  18. 

7  M.  Barbier  de  Meynard  a  donné  récemment  une  vive  caracléristique  de  ce  poète, 
Un  poète  arabe  du  11*  siècle  de  Vhéyire  [Actes  du  XI»  Congrès  international  des  Orien- 
talistes. —  Paris,  1897,  ille  section,  p.  1-21  ). 

8  Diwân,  éd.  de  Coeje,  xxxn,  v.  19. 


12  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

rois  anciens  (vin  chosrouânien,àu  temps  de  Kisra,  etc.)1.  Le  même 
poète  appelle  ailleurs  le  vin  madjoùsiyyat  al-ansâb,  de  prove- 
nance magique2.  C'est  dans  ce  sens  qu'il  faudrait  entendre  juif. 
Son  grand  contemporain  Abou  Nouwâs  en  parle  une  fois  comme 
de  yahoiïdiyyat  al-ansâb  «  d'origine  juive  3  ». 

Ajoutons  que  le  même  Àboû  Nouwâs  dit  une  fois  du  vin  qu'il  veut 
faire  passer  pour  vieux,  qu'il  est  «  du  vin  que  les  marchands  de 
vin  de  Babylone  ont  choisi,  et  que  les  Juifs  de  Soura  conservent 
depuis  de  longues  années  (mimmâ  ta'altakat  al-Yahoiidu  bi- 
Soûrâ) 4  ».  Ici  aussi  Soura5  est  présentée  comme  une  ville  spéci- 
fiquement juive.  Abou  Nouwâs  écrivit  vers  la  fin  du  vnr3  siècle. 
A  peu  près  à  l'époque  de  Saadia,  le  médecin  en  chef  des  califes, 
Sinân  b.  Thâbit  b.  Kourrah  (mort  en  943),  fut  chargé  par  le  gou- 
vernement de  Bagdad  de  nommer  pour  tout  l'empire  des  inspec- 
teurs de  santé,  qui  devaient  surveiller  les  conditions  sanitaires 
des  provinces  et  traiter  les  malades  pendant  leurs  voyages. 
Certains  de  ces  médecins  arrivèrent  à  Soura  «  dont  les  habitants 
étaient  en  majeure  partie  des  Juifs  »  (walghâlib  'ala  ahlihi  al- 
Yahoiîd).  Les  médecins  font  demander  à  Bagdad  si  leur  mission 
concerne  aussi  la  population  de  Soura.  On  leur  répond  affirmati- 
vement, mais  ils  doivent  d'abord  s'occuper  des  malades  musul- 
mans et  ensuite  seulement  des  Juifs 6. 

Mouslim  b.  al-Walîd  a  le  passage  suivant  qui  n'est  pas  peu  ca- 
ractéristique sur  les  marchands  de  vins  juifs.  Après  une  descrip- 
tion de  bon  vieux  «  vin  de  Karch,  couleur  de  soleil,  qui  avait 
attendu  pendant  des  années  dans  son  outre  »,  il  raconte  par  quel 
stratagème  il  s'est  procuré  à  bas  prix  la  précieuse  liqueur  : 
«  J'ordonnai  au  Djâloût  des  Juifs  de  le  frapper  de  saisie  (wa- 
amarlou  Djâloût  al-Yahoûdi  bi~kabdihâ)  ;  aussi  je  pus  l'acheter 
(à  bon  marché)  et  y  utiliser  mon  argent7.  »  Cela  signifie  sans 
doute  qu'il  obtint  à  d'excellentes  conditions  la  marchandise  con- 
fisquée, qui  fut  probablement  vendue  judiciairement.  Le  Resch 
Galouta  8,  que  le  poète  voit  dans  son  imagination  intervenir  en 
sa  faveur,  ne  pouvait  apparemment  pratiquer  la  confiscation  que 
sur  des  objets  appartenant  à  des  Juifs. 

1  Voir  des  exemples  dans  mes  notes  sur  Al-Houteya,  II,  v.  18. 

2  Diwân,  éd.  de  Goeje,  II,  v.  8. 

3  Diwân  Abî-Nouwâs,  éd.  Iskender  Asâf  (le  Caire,  1898\  p.  239,  5. 
*  Ibid.,  p.  289,5. 

5  Cf.  la  détermination  topographique  dans  de  Goeje,  Z.D.M.Gr.,  XXXIX,  p.  11 
et  suiv. 

6  lbn  AU  OuçeybVa,éd.  Aug.  Mûller,  1,  p.  221. 

7  Diwân  de  Mouslim,  xxvn,  30. 
A  remarquer  qu'ici  rà's  al-djâloût  (voir  Revue,  VIII,  p.  121  et  suiv.)  est  abrégé 

en 


MELANGES  JIDEO-ARABES  13 

Le  même  poète  fait,  à  propos  de  vin,  une  autre  allusion  aux 
Juifs;  ce  vin  serait  min  'amal al-naçârâ  lam  taghdoahâ-l-Ya- 
hoûdou  »  (préparé  par  des  Chrétiens,  si  bien  que  les  Juifs  n'en 
boivent  point  ■  —  65""  ûno). 

2.  En  décrivant  les  restes  de  vieilles  demeures  [allai) ,  les 
poètes  comparent  volontiers  les  ruines  à  des  signes  d'inscriptions 
délabrées  (ordinairement  himyarites) 2  ;  nous  rencontrons  très 
souvent  aussi  des  caractères  d'écriture  hébraïque ,  d'écriture 
juive,  comme  objet  de  comparaison.  *Abd  allâh  b.  al-Ziba'rî, 
témoin  oculaire  de  la  «  bataille  du  fossé  »  de  Mahomet,  dit  des 
ruines,  qu'il  dépeint  au  début  de  son  poème,  dirigé  contre  les  en- 
nemis de  l'Islam,  «  comme  si  leurs  traces  étaient  l'écriture  des 
Juifs3  ».  Al-Schammâch  (contemporain  de  al-Houtaya)  :  «  Comme 
un  docteur  juif  [habr)  de  Taïma  écrit  de  sa  droite  l'écriture  hé- 
braïque {'ïbrâniyyatan),  enchevêtrant  les  lignes  (ne  les  distin- 
guant pas  bien) 4  ».  De  même,  Dou-1-roumma  :  «  Comme  si  sur  la 
surface  de  leur  sable  la  plume  juive  avait  tracé  les  signes  mysté- 
rieux des  écritures5  ».  Djerîr  aussi  pense  à  l'écriture  hébraïque, 
quand  il  dit  d'un  lieu  désolé  qu'il  ressemble  «  à  des  rimes  mysté- 
rieuses sur  des  parchemins  datant  du  temps  de  Moïse6  ».  Le 
poète  de  la  transition  entre  la  période  omiade  et  l'abbasside 
(deuxième  moitié  du  vme  siècle),  Abou  Hayya  al-Noumayri  em- 
ploie une  comparaison  semblable  :  «  ainsi  que  fut  tracée  l'écri- 
ture de  la  main  d'un  Juif,  qui  tantôt  rapproche  (les  signes)  tantôt 
les  écarte  7.  » 

3.  Nous  avons  jadis  montré  que  dans  les  écrits  arabes  on  attribue 
aux  Juifs  toutes  sortes  d'usages  qui  sont  purement  imaginaires. 
Tout  à  fait  étrange  est  le  suivant  dont  parle  une  poésie  du  temps 
du  calife  Othman.  Le  poète  Sâlim  b.  Dâra  dit,  dans  une  satire  contre 
la  tribu  de  Tarif  b.  'Amr  :  «  Lorsque  quelqu'un  d'entre  eux  meurt, 

»  Dhoân,  XXVI,  v.  55. 
*  Muhammedanische  Studien,  II,  p.  7  et  suiv. 
3  Un  Hischâm,  éd.  Wûstenfeld,  p.  102,  11. 

*■  Lisâti  al-'arab,  s.  v.  j*a*,  V,  p.  229  ;  5.  v.  ^j*»  1^>  P*  ^  î  et  encore  Tâdj 
al-'aroûs,  s.  v. 

3  Diwân,  ms.  de  la  bibliothèque  du  Caire  (Adab.,  n°562),xx,  v.  4. 

Scholie  :  l^»jJLÎ  J^fr>  t_>L5  l$-3  <jb  ô^. 

e  Jâkoùt,  IV,  p.  433,  20. 

7  Sîbawaïhi,  éd.  H.  Derenbourg,  I,  p.  76,  4  ;  traduction  allemande  de  G.  Jahn, 
Sibawaihis  Buch  ûber  die  Grammatih,  1,  p.  115.  Les  variantes  sur  ce  vers  sont  dans 
2'âlj  ai-'arùùs,  s.  v.  jh^  ;  là  les  premiers  mots  sont  :  4?  ij&j  cjUSJI  L.±.  LC 
Sibaw.  laisf  (-jIxxJI  ^...«so. 


14  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

ils  lui  enduisent  la  partie  postérieure  d'huile  d'olive  et  l'enve- 
loppent dans  des  étoffes  à  dessins  variés  »  (kirâm)  l.  L'explication 
traditionnelle  des  philologues  pour  ce  vers  est  que  Sâlim  reproche 
à  ses  ennemis  de  pratiquer  des  mœurs  juives  (yiasabahoum  ilâ 
altahawwoud)  ».  C'est  pour  les  faire  soupçonner  d'être  d'origine 
juive,  manœuvre  fréquemment  employée  dans  la  poésie  satirique 
des  Arabes  3. 

4.  Parmi  les  sujets  de  raillerie  en  pays  arabes  il  y  a  certaines 
bizarreries  de  la  langue  juive.  On  a  déjà  fait  remarquer 4  qu'il  faut 
établir  une  différence  entre  al-lougha  al-'ibrâniyya  (langue 
hébraïque)  et  loaghat  al-Yahoùd  (langage  des  Juifs,  particularités 
du  langage  populaire) 5.  A  Médine  on  appelle  leur  façon  de  parler 
ratan ,  baragouiner0.  Si  nous  nous  en  rapportons  à  la  seule 
donnée  positive  que  nous  ayons  là-dessus,  nous  remarquerons  que 
ce  qu'on  nous  donne  comme  un  dialecte  spécialement  juif  est  le  fait 
de  tous  les  dialectes  arabes  populaires  :  le  th  aspiré  (c>)  devient 
t  (e*),  Or.  Aboû  Zayd  al-Ansâri  (à  Baçra,  vers  830)  présente  cela 
comme  une  particularité  de  la  loughal  al-Yahoûd1 .  Le  poète  al- 
Bouhtouri  (820-897)  reproche  à  son  adversaire  Ibn  al-Barîdî  de 
ressembler  dans  son  élocution  aux  Juifs  :  «  quand  il  parle,  il  ne 
lève  pas  sa  langue8  ». 

I.  Goldziher. 


1  LA  ,«.*>.,  /►?-,  XV,  p.  50. 

2  TA.,  s.  c,  VIII,  p.  264. 

3  Cf.  Muhammed.  Studien,  I,  p.  204. 

"■  Z.D.M.G.,  XXVI  M872),  p.  766,  noie  '6.  Cf.  Steiuschneider,  Introduction  to  Ara* 
bic  Lite  rature  of  Jc/os,  II,  n°  38  J.Q.R.,  XIII,  p.  364  ,  où  toutefois  il  n'est  tenu 
compte  que  des  particularités  de  la  transcription  juive  de  l'arabe. 

3  Dans  le  langage  postérieur,  on  ne  fait  pas  une  différence  aussi  stricte  ;  par 
exemple  Ibn  abî  Ouçeybi'a,  éd.  A.  Millier,  H,  p.  50,18  :  Merwân  b.  Djanah  avait 
de  profondes  connaissances  fi  'ilm  lisân  al-'arab  wal-yahoud  ;  ib.,  ligne  22  ;  Ishak  b. 
Kastar  était  éminent  fi  'ilm  al-lougha  al-Hbraniyya. 

6  Wellhausen,  Shizzcu  uni   Vorarbeitcn,  IV  (Médine  avant  l'Islam),  p.  14,  note. 

7  Kitâb  al-nawâdir  >  Beyrout,  1894  ,  p.  104. 

8  Diwân  al-Bouhtouri    éd.  Stamboul,  1300),  p. -217,  7. 


La  BIBLE  LATINE  EN  AFRIQUE 

(suite  et  fin  ') 


IV 


La  Bible  latine  en  Afrique  depuis  la  publication  de  la  Vulgate.  —  Introduction  d'élé- 
ments nouveaux.  --  L'hâta  et  les  textes  dits  «  italiens  ».  —  La  Vulgate  de  saint 
Jérôme.  —  La  Bible  de  saint  Augustin  :  son  caractère  éclectique.  —  Inscriptions 
bibliques  du  ive  et  du  ve  siècles. —  Persistance  des  anciennes  versions  chez  les 
donati?te  =  .  —  Les  citations  des  polémistes  du  ve  et  du  vi°  siècles  :  Victor  de  Vita, 
Vigilius  de  Thapsus,  saint  Fulgence,  Primasius,  etc.  —  Les  textes  dits  «  africains 
de  basse  époque  ».  —  Fragments  des  Epîtres  catholiques  dans  le  Palimpseste 
de  Fleurv.  -  Physionomie  des  Bibles  africaines  au  temps  des  Vandales  et  des 
Byzantins. 

Cette  histoire  se  complique,  vers  la  fin  du  iv°  siècle,  par  l'in- 
troduction en  Afrique  d'éléments  nouveaux  :  tout  d'abord,  les 
textes  dits  «  italiens»  du  Nouveau  Testament,  et  les  textes  ana- 
logues de  l'Ancien  Testament;  plus  tard,  la  célèbre  traduction  de 
saint  Jérôme,  destinée  à  devenir  en  grande  partie  la  Vulgate  de 
l'Église  catholique.  Ces  versions  d'origine  étrangère  tiennent  déjà 
une  place  très  considérable  dans  la  Bible  de  saint  Augustin.  Dé- 
sormais elles  se  juxtaposeront  ou  se  mêleront  aux  vieux  textes 
«  africains  »  dans  les  recueils  locaux  de  livres  sacrés. 

C'est  saint  Augustin  qui  paraît  avoir  introduit  en  Afrique  les 
verrions  du  groupe  «italien*  ».  Le  nom  même  qu'on  leur  donne 
vient  d'un  passage  de  son  traité  sur  la  Doctrine  chrétienne  : 
«  Parmi  les  traductions,  dit-il,  à  toutes  les  autres  il  faut  préférer 
YUala,  car  elle  serre  de  plus  près  les  mots,  et  la  pensée  y  est 
nette  3.  »  De  ce  passage  on  a  donné  des  interprétations  très  di- 

1   Voyez  tome  XLII,  page  129. 

*  Du  moins  n'en  lrouve-1-ou  pas  trace  avant  lui  chez  les  auteurs  du  pays,  sauf 
peut-être  chez  Viclorin,  qui  vivait  a  Home  (voyez  plus  haut.  eh.  111). 

â  Saint  Augustin.  De  doctrin.  Christ.,  11,  1b  :  <  In  ipsis  a  Utero  îulerpretationibus. 
Itala  caderis  piseferatur  ;  nam  est  verhorum  lenacior  cum   perspicuitate  sententiu-.  • 


16  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

verses.  Pendant  longtemps,  on  a  désigné  par  le  terme  vague 
iï  Itala  l'ensemble  des  versions  ou  des  revisions  antérieures  à  la 
Vulgate.  Tout  récemment,  par  une  série  d'ingénieuses  inductions, 
l'on  a  prétendu  identifier  Yltala  avec  la  traduction  même  de  saint 
Jérôme1.  Mais  le  système  généralement  admis  aujourd'hui  est  de 
beaucoup  le  plus  vraisemblable  :  VItala  n'est  que  la  plus  impor- 
tante de  ces  recensions  «  italiques»  du  ive  siècle,  qui  apparaissent 
chez  saint  Ambroise  et  les  auteurs  italiens  du  temps,  qui  se  sont 
conservées  partiellement  dans  beaucoup  de  manuscrits,  et  qu'on 
retrouve  chez  saint  Augustin  lui-même.  A  la  fin  du  iyc  siècle,  on 
désignait  spécialement  sous  le  nom  d'Italie  le  «  diocèse  d'Italie  », 
c'est-à-dire  le  nord  de  la  péninsule,  la  circonscription  politique 
dont  Milan  était  la  capitale.  Dès  lors,  Yltala  proprement  dite  doit 
être  la  revision  biblique  alors  en  usage  dans  cette  région,  et  pro- 
bablement faite  à  Milan  par  les  soins  ou  sous  les  yeux  de  saint 
Ambroise2.  Si  Ton  songe  qu'Augustin  a  passé  justement  quelques 
années  à  Milan,  qu'il  s'y  est  converti  et  qu'il  y  a  été  baptisé  par 
saint  Ambroise,  on  s'explique  très  naturellement  qu'il  en  ait  rap- 
porté des  manuscrits  bibliques  nouvellement  revisés  :  cette  Itala 
qu'il  mentionne  et  qu'il  préfère  à  toutes  les  autres  éditions  ou 
traductions  latines  de  la  Bible. 

Ce  qui  nous  importe  surtout  ici,  c'est  ce  fait  absolument  incon- 
testable :  l'introduction  en  Afrique  de  versions  nouvelles,  assez 
différentes  des  versions  «  africaines  »,  qui  jusque-là  avaient  seules 
circulé  dans  le  pays.  Quoi  qu'on  pense  de  Yltala,  les  textes  «  ita- 
liens »  ont  une  physionomie  très  distincte.  Si  l'on  y  rencontre  assez 


1  Burkitt,  The  Old  Latin  and  the  Itâlas  p.  60  et  suiv.  Cf.  Mercati,  Rivista  biblio- 
r/ra/îca  italiana,  1896,  p.  261  et  suiv.  ;  Lejay,  Revue  critique,  1897,  II,  p.  205.  — 
L'hypothèse  de  Burkitt  soulève  des  objections  de  toute  sorte.  En  voici  quelques-unes, 
tirées  du  texte  même  de  saint  Augustin.  —  1°  Dans  le  passage  où  est  proclamé  le 
mérite  de  VItala,  il  n'est  question  que  de  l'Ancien  Testament;  or  c'est  seulement 
pour  les  Évangiles  que  l'on  constate  quelquefois  chez  saint  Augustin  l'emploi  systé- 
matique de  la  Vulgate  (Burkitt,  o.  ?.,  p.  66  et  suiv.).  —  2°  L'éloge  de  VItala  est 
immédiatement  suivi  de  ces  mois  :  «  Et  latinis  quibuslibet  emendandis  grseci  adhi- 
beantur,  in  quibus  Septuaginta  interpretum,  quod  ad  Vêtus  Testamentum  attinet, 
excellit  auctoritas  »  [De  doctrin.  Christ.,  II,  15).  On  ne  s'expliquerait  guère  cette 
réflexion,  si  VItala  était  la  Vulgate.  Saint  Augustin  voudrait-il  qu'on  revisât  la  Vul- 
gate? Ce  serait  une  condamnation  bien  dure  et  bien  sommaire  des  travaux  de  saint 
Jérôme,  dont  il  parle  ailleurs  avec  plus  de  ménagements  ;  et,  en  ce  cas,  il  eût  fait  tout 
au  moins  une  exception  pour  la  version  des  Évangiles,  qu'il  approuvait  sans  réserve. 
—  3°  Enfin,  pour  l'Ancien  Testament,  comment  saint  Augustin  aurait-il  pu  dire  ici 
qu'il  faut  préférer  à  toutes  les  autres  versions  la  Vulgate,  c'est-à-dire  la  version  d'après 
l'hébreu?  N'a-t-il  pas  affirmé  nettement,  et  dans  ses  lettres  mêmes  à  saint  Jérôme 
(Epist.,  28,  2  ;  71,2-4;  82,  5  —  Migne),  qu'il  s'en  tenait  aux  traductions  faites  d'après 
les  Septante  ?  —  On  voit  que  le  passage  de  saint  Augustin  deviendrait  inintelligible, 
si  l'on  admettait  que  par  le  mot  Itala  il  voulait  désigner  la  Vulgate. 

2  S.  Berger,  Histoire  de  la  Vulf/ate,  p.  6. 


LA  BIBLE  LATINE  EN  AFRIQUE  17 

souvent  des  leçons  africaines,  ils  n'en  sont  pas  moins,  et  avant 
tout,  très  étroitement  apparentés  aux  textes  «  européens  »:  ce 
sont  des  textes  «  européens  revisés  ».  C'est  donc  bien  une  autre 
famille  de  versions  bibliques  qui  débarque  alors  en  Afrique.  Elle  y 
est  d'ailleurs  accueillie  avec  empressement,  grâce  à  l'autorité  de 
saint  Augustin  ;  elle  s'y  acclimate  aussitôt,  s'y  répand  en  tout  sens, 
s'y  rallie  fréquemment  à  la  famille  indigène,  et  elle  y  prend  si 
bien  racine  qu'elle  finira  par  y  pousser  des  rejetons. 

Le  succès  même  des  versions  «  italiennes  »  devait  y  entraver 
plus  tard  les  progrès  de  la  Vulgate.  On  sait  comment  saint  Jérôme 
fut  amené  à  entreprendre  une  refonte  complète  de  la  Bible  latine. 
Depuis  Constantin,  l'Église  se  préoccupait  d'achever  son  organi- 
sation. Les  évèques  des  pays  latins  s'inquiétaient  de  voir  les  livres 
saints  de  plus  en  plus  défigurés  par  le  caprice  des  traducteurs,  le 
parti  pris  des  hérétiques  ou  la  maladresse  des  copistes.  De  là,  au 
cours  du  ive  siècle,  tous  ces  essais  de  revision,  dont  on  surprend 
déjà  quelques  traces  chez  Victorin,  peut-être  aussi  chez  saint 
Optât,  et  d'où  est  sorti  le  groupe  entier  des  textes  «  italiens  ». 
Saint  Jérôme  connaissait  bien  ces  recensions,  puisqu'il  les  a  sou- 
vent prises  pour  base  de  ses  travaux  ;  et  peut-être  songeait-il  à 
Yltala  du  diocèse  de  Milan,  quand  il  citait  «  le  plus  habile  inter- 
prète de  ce  temps  *  ».  Cependant,  il  jugeait  très  sévèrement  l'en- 
semble des  versions  et  des  revisions  de  la  Bible  latine  :  «  Mauvaises 
éditions,  dit-il,  faites  par  de  maladroits  traducteurs,  plus  mal  cor- 
rigées par  des  ignorants  présomptueux,  avec  des  additions  ou 
des  changements  de  copistes  endormis  -.»  Il  voyait  nettement  le 
mal,  et,  mieux  que  personne,  il  y  pouvait  remédier,  car  il  savait 
le  grec  et  l'hébreu.  A  la  prière  du  pape  Damase,  vers  l'année  382, 
il  entreprit  de  donner  enfin  aux  Églises  latines  une  Bible  exacte 
et  correcte. 

Cette  grande  œuvre  dura  plus  de  vingt  ans,  et  passa  par  trois 
phases  diverses  3.  A  l'origine,  saint  Jérôme  se  proposait  simple- 
ment de  corriger  les  versions  italiques  en  les  comparant  aux 
textes  grecs  courants  :  texte  des  Septante  pour  l'Ancien  Tes- 

1  Saint  Jérôme,  JSpist.  135  :  *  secundum  disertissimum  istius  temporis  inter- 
pretem.  » 

8  Id.,  Epist.  ad  Damas.  :  «  a  vitiosis  interprelibus  maie  édita,  vel  a  praesumpto- 
ribus  imperitis  emendata  perversius,  vel  a  librariis  dormitantibus  aut  addita  aut 
mulata.  » 

*  Kenyon,  Dur  Bible  and  the  ancient  mannscripts,  p.  "9  et  suiv.  —  La  revision  de 
saint  Jérôme  a  été  l'objet  d'excellentes  éditions  critiques  :  édition  de  l'Ancien  Testa- 
ment par  Heyse  et  Tischendorf  (Leipzig,  1873);  éditions  du  Nouveau  Testament  par 
Tischendorf  (Leipzig,  1850-1854  ;  8e  éd.,  Leipzig,  1884-1894),  par  Ranke  .Leipzig, 
1868),  par  Wordsworth  and  White  (Oxford,  1889  et  suiv.). 

T.  XLIII,  n°  85.  2 


18  REVUK  DES  ÉTUDES  JUIVES 

tament,  textes  du  groupe  «  occidental  »  et  du  groupe  «  syrien  » 
pour  le  Nouveau  Testament.  Il  commença  par  une  revision  som- 
maire des  Évangiles  et  des  Psaumes  ;  de  ce  travail  rapide  provient 
la  Vulgate  des  Évangiles,  et  le  Psautier  dit  «romain»,  qui  est 
encore  en  usage  à  Saint-Pierre  de  Rome.  Dans  les  années  sui- 
vantes, Jérôme  dut  revoir  le  reste  du  Nouveau  Testament,  d'après 
le  même  système.  Vers  387,  il  jugea  cette  méthode  insuffisante,  au 
moins  pour  l'Ancien  Testament,  et  il  entreprit  une  recension  appro- 
fondie d'après  les  Hexaples  d'Origène.  De  cette  deuxième  période 
sont  conservés  seulement  deux  livres  :  une  revision  de  Job  et  le 
Psautier  dit  «  gallican  »,  celui  qui  figure  aujourd'hui  dans  la 
Vulgate.  Brusquement,  vers  390,  saint  Jérôme  changea  encore 
d'idée  :  il  renonça  à  suivre  le  grec  d'Origène  et  résolut  de  traduire 
directement  d'après  l'hébreu.  Pour  la  troisième  fois,  il  s'attaqua 
aux  Psaumes  ;  de  là,  son  Psautier  dit  «  hébreu  »,  qui  est  le  plus 
exact  des  trois,  mais  qui  n'a  jamais  été  adopté  par  l'Église. 
Désormais,  saint  Jérôme  était  dans  la  bonne  voie  :  il  poursuivit 
sans  trêve  sa  lutte  contre  les  textes  originaux.  D'année  en  année 
il  donna,  séparément  ou  par  groupes,  des  versions  de  Samuel,  des 
Rois,  des  Prophètes,  du  Pentateuque,  de  Josuè  et  des  Juges,  etc. 
Vers  404  était  terminée  cette  œuvre  colossale  :  revision  de  tout 
le  Nouveau  Testament,  traduction  nouvelle  de  presque  tout  l'An- 
cien Testament  d'après  l'hébreu.  Saint  Jérôme  avait  laissé  de 
côté  seulement  les  ouvrages  apocryphes,  et  certains  livres  qui 
n'existaient  plus  ou  qui  n'avaient  jamais  existé  en  hébreu  :  par 
exemple,  la  Sagesse,  les  Prophéties  de  Baruch,  les  derniers  livres 
d'Esdras,  les  Macchabées,  qui  devaient  conserver  leur  physio-, 
nomie  primitive  et  passer  tels  quels  dans  la  Vulgate. 

La  version  terminée,  restait  à  la  faire  accepter  par  les  Églises 
latines,  ce  qui  n'était  pas  chose  aisée.  L'auteur  allait  se  heurter 
à  des  préjugés  tenaces,  à  la  toute-puissance  des  traditions.  Il  s'est 
vengé  dans  ses  préfaces;  mais  il  ne  devait  pas  assister  au  triomphe 
de  sa  Bible,  qui  ne  l'emporta  décidément  qu'après  des  siècles.  En 
Afrique,  particulièrement,  on  répondit  à  ses  avances  par  une  fin 
de  non-recevoir,  au  moins  pour  la  partie  essentielle  de  son  œuvre, 
l'Ancien  Testament.  Et  ce  fut  Tévêque  d'Hippone  qui  mena  la 
campagne  défensive.  Les  deux  saints,  qui  ne  se  connaissaient  pas 
personnellement,  échangèrent  à  ce  sujet  bien  des  lettres.  Rien 
d'instructif  et  de  curieux  comme  cette  correspondance,  où  le  sang- 
froid,  la  fermeté  tranquille,  la  politesse  et  la  déférence  malicieuse 
d'Augustin  contrastent  avec  les  emportements,  les  bouderies  ou 
les  aigres  récriminations  de  Jérôme. 

Sur  le  Nouveau  Testament,  l'entente  était  relativement  facile  : 


LA  BIBLE  LATINE  EN  AFRIQUE  19 

justement  parce  que,  là,  saint  Jérôme  n'avait  pas  fait  œuvre  ori- 
ginale. Il  s'était  contenté  de  corriger  assez  légèrement  la  version 
italique,  précisément  celle  que  préférait  saint  Augustin.  Souvent 
même,  sans  le  vouloir,  il  l'avait  rapprochée  des  vieux  textes  afri- 
cains, en  y  supprimant  bon  nombre  de  leçons  ou  d'additions  que 
les  rédacteurs  italiens  avaient  empruntées  naguère  à  la  revision 
«  syrienne  »  de  la  lin  du  111e  siècle.  Tout  cela  n'était  point  pour 
déplaire  en  Afrique.  Aussi  saint  Augustin  ne  ménage-t-il  point 
les  compliments,  tant  qu'il  s'agit  du  Nouveau  Testament.  Il  écrit  à 
saint  Jérôme  :  «  Nous  rendons  bien  grâces  à  Dieu,  au  sujet  de 
celui  de  tes  ouvrages  où  tu  as  traduit  du  grec  l'Évangile  ;  car 
presque  rien  ne  nous  y  choque,  quand  nous  comparons  ton  texte 
à  l'Écriture  grecque.  Avec  cela,  si  quelque  entêté  s'obstine  dans 
une  vieille  erreur,  en  citant  et  comparant  les  manuscrits,  on  peut 
très  facilement  l'instruire  ou  le  réfuter  ».  » 

Mais,  pour  l'Ancien  Testament,  le  malentendu  éclate  aussitôt. 
Fidèle  à  la  tradition,  saint  Augustin  ne  veut  reconnaître  d'autorité 
qu'au  grec  des  Septante,  le  texte  inspiré  par  Dieu  pour  la  future 
conversion  des  Gentils2.  De  plus,  en  face  de  saint  Jérôme,  qui 
raisonne  en  savant,  l'évêque  d'Hippone  raisonne  en  politique,  en 
homme  d'action  et  de  sens  pratique.  Il  craint  de  jeter  le  désarroi 
dans  son  Église  par  une  rupture  violente  avec  les  versions  très 
différentes  consacrées  par  l'usage  3.  Et  il  craint  aussi  d'affaiblir 
la  position  des  catholiques  dans  leurs  incessantes  querelles  avec 
les  hérétiques4.  Pour  convaincre  un  sectaire  de  mauvaise  foi  ou 
d'erreur  dans  ses  interprétations  latines  des  livres  sacrés,  on  ne 
manquait  point  d'invoquer  l'autorité  du  grec.  Ébranler  cette  auto- 
rité, c'était  se  désarmer.  Or,  on  l'ébranlait  en  acceptant  le  contrôle 
de  l'hébreu,  et  on  ne  la  remplaçait  par  rien,  car,  si  beaucoup  de 
clercs  savaient  le  grec,  presque  personne  ne  savait  l'hébreu.  Ces 
préoccupations  du  polémiste  et  de  l'évêque  dominent  toute  la  cor- 
respondance de  saint  Augustin  avec  saint  Jérôme. 

Un  jour,  arrive  à  Hippone  la  version  nouvelle  de  Job  d'après 
l'hébreu.  On  y  connaissait  déjà  la  revision  du  même  livre  faite 
antérieurement  par  saint  Jérôme  d'après  les  Septante  et  Origène  5. 

1  Saint  Augustin,  Epist.  71,  4  (Migne)  :  «  Proinde  non  parvas  Deo  gratias  agimus 
de  opère  tuo,  quo  Evangelium  ex  graeco  interpretatus  es,  quia  paene  in  omnibus  uulla 
oiïensio  est,  cura  Scripturam  graecam  contulerimus. . .  » 

»  Saint  Augustin,  S  put.  28,  2;  71,  2-4;  82,  5. 

3  Ibid.,  71,  3;  82,5. 

*  Ibid.,  71,  2  et  4. 

5  t  Hoc  addo,  quod  postea  didicimus,  Job  ex  hebraeo  a  le  interpretatum,  cura  jam 
quamdam  haberemus  interpretationem  tuam  ejusdem  prophetae  ex  grseco  eloquio  con- 
versam  in  latinum  »  {ibid.,  71,  2). 


20  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Augustin  compare  les  deux  textes,  et  il  écrit  à  Pauteur  :  «  Dans  ta 
dernière  traduction,  celle  qui  est  faite  d'après  l'hébreu,  on  ne 
trouve  pas  la  même  exactitude  d'expression  '.  »  La  remarque  sur- 
prend d'abord,  venant  d'un  homme  qui  ne  savait  pas  l'hébreu. 
C'est  que,  pour  l'évêque  d'Hippone,  le  véritable  original  est  le 
grec  des  Septante  :  tout  ce  qui  s'en  écarte,  dans  les  livres  juifs, 
est  altéré*,  ou,  dans  les  textes  latins,  est  mal  rendu3.  La  seule 
chose  vraiment  utile  dans  cette  traduction  nouvelle,  ce  sont  les 
signes,  astérisques  ou  obèles,  qui  indiquent  les  divergences  entre 
l'hébreu  et  le  grec.  Augustin  en  avertit  charitablement  Jérôme,  et 
lui  conseille  d'ailleurs  d'employer  plutôt  son  temps  à  traduire  les 
Commentaires  grecs  de  la  Bible  :  «  Voici  donc  ce  que  nous  te  de- 
mandons, dit-il,  et  ce  que  demande  avec  nous  toute  la  société 
studieuse  des  Églises  africaines.  Daigne  consacrer  tes  soins  et  ta 
peine  à  une  traduction  des  livres  de  ceux  qui  ont  pour  le  mieux 
traité  en  grec  de  nos  Ecritures.  En  effet,  il  dépend  de  toi  que  nous 
ayons,  nous  aussi,  des  hommes  comme  ceux-là,  surtout  comme 
celui  dont  tu  fais  volontiers  sonner  le  nom  dans  tes  lettres  (Ori- 
gène).  Quant  à  la  traduction  latine  des  saintes  Écritures  cano- 
niques, j'aurais  préféré  ne  pas  te  voir  entreprendre  ce  travail,  si 
ce  n'est  de  la  façon  dont  tu  as  traduit  Job,  en  indiquant  par  des 
signes  les  différences  entre  ta  version  et  la  version  des  Septante, 
dont  l'autorité  est  souveraine  4.  »  Malgré  les  compliments  qui  en- 
veloppent ici  la  critique,  on  comprend  que  ces  conseils  très  décou- 
rageants aient  causé  une  véritable  irritation  à  Jérôme. 

Ce  que  saint  Augustin  approuverait  sans  réserve,  ce  serait  une 
traduction  exacte  des  Septante,  qui  permettrait  de  corriger  les 
leçons  défectueuses  et  contradictoires  dans  les  innombrables  ma- 
nuscrits latins5.  Il  félicite  saint  Jérôme   d'avoir  accompli  cette 

1  «  Porro  in  bac  posteriore  interpretatione,  qute  versa  est  ex  hebraco,  non  eadem 
verborura  fides  occurrit...  »  (ibid.,  71,  2). 

1  «  Qua  utilitate  Scripturas  volueris  transferre  de  Hebrœis,  ut  scilicet  ea,  qua  a 
Judœis  prœtermissa  vcl  corrupta  sunt,  proferres  in  médium  »  (ibid.,  82,  5). 

3  Ibid.,  71,  4;  82,  5  :  •  tanta  latinorum  interpretum. . .  imperitia  >. 

4  •  Petimus  ergo,  et  nobiscum  petit  omnis  Africanarum  Ecclesiarum  studiosa  so- 
cietas,  ut  iuterpretandis  eorum  libris,  qui  graece  Scripturas  nostras  quam  optime 
tractaverunt,  curam  atque  operam  impendere  non  graveris.  Potes  enim  efticere  ut  nos 
quoque  habeamus  taies  illos  viros,  et  unum  potissimum,  quem  tu  libentius  in  tuis 
litteris  sonas.  De  vertendis  autem  in  latiuam  linguam  sanctis  litteris  canonicis  labo- 
rare  te  nollem,  nisi  eo  modo  quod  Job  interpretatus  es;  ut  signis  adbibitis,  quid  inter 
banc  et  Septuagiuta,  quorum  est  gravissima  auctoritas,  interpretationem  distet,  ap- 
pareat  »  (ibid.,  28,  2). 

5  «  Ego  sane  te  mallem  grœcas  potins  canomcas  nobis  interpretari  Scripturas,  quae 
Septuaginta  interpretum  perhibentur  i  (ibid.,  71,  2)  ;  «  Ac  per  boc  plurimura  proi'ue- 
rip,  si  eam  f/xecam  Scriptttram,  quam  Septuayintd  operati  sunt,  latine  veritati  reddi- 
derts  »  (ibid.,  71,  4). 


LA  BIBLE  LATINE  EN  AFRIQUE  21 

tâche  pour  quelques  livres  déjà  connus  en  Afrique 1,  il  le  prie  ins- 
tamment d'envoyer  le  reste2,  et  de  poursuivre  dans  cette  voie  3. 
Mais,  dès  qu'il  s'agit  de  la  traduction  d'après  l'hébreu,  saint 
Augustin  entre  en  défiance.  Cette  version  lui  est  suspecte  au 
premier  abord,  parce  qu'elle  diffère  beaucoup  du  grec.  Il  le  cons- 
tate avec  insistance,  et  il  en  demande  ironiquement  la  raison4. 
Assurément,  les  Juifs  ont  pu  altérer  leurs  livres.  Ne  serait-ce  pas 
aussi  que  le  traducteur  sait  insuffisamment  l'hébreu?  Augustin 
l'insinue  spirituellement,  sous  le  couvert  d'une  anecdote.  La  scène 
se  passe  dans  la  ville  d'Oea,  en  Tripolitaine.  L'évêque  s'est  pro- 
curé la  version  de  Jonas  par  Jérôme,  et  la  fait  lire  un  jour  dans 
son  église.  Tout  à  coup  éclatent  des  protestations, un  vrai  tumulte. 
C'est  qu'on  vient  de  réciter  un  verset  très  populaire  là-bas,  chanté 
de  génération  en  génération  5  :  et  les  fidèles  n'ont  pas  reconnu  le 
mot  attendu.  Le  public  se  fâche;  les  Grecs  surtout  crient  au 
faussaire.  Pour  calmer  les  esprits,  l'évêque  déclare  qu'il  soumettra 
le  cas  aux  Juifs  de  la  ville.  Et  les  Juifs  condamnent  le  texte  de 
saint  Jérôme.  Saint  Augustin  conclut  malicieusement  :  «  Est-ce 
ignorance  ou  perfidie  ?  Mais  les  Juifs  ont  répondu  que  la  leçon 
des  manuscrits  hébraïques  était  exactement  la  leçon  consacrée 
des  manuscrits  grecs  et  latins.  En  fin  de  compte,  notre  pauvre 
évêque  a  été  forcé  de  corriger  le  passage  comme  altéré  :  après  le 
grand  danger  qu'il  avait  couru,  il  tenait  à  ne  pas  rester  sans 
fidèles.  Et  nous  aussi,  nous  devons  croire,  d'après  cela,  que  toi- 
même,  en  quelques  endroits,  tu  as  pu  te  tromper0.  » 

Ce  n'est  là  qu'une  anecdote,  mais  elle  met  à  nu  l'état  des  es- 
prits, et  elle  explique  les  préventions  des  évêques  africains  contre 
la  version  nouvelle.  D'ailleurs,  à  plusieurs  reprises,  saint  Au- 
gustin a  exposé  très  franchement  les  raisons  décisives  de  son 
attitude.  Reconnaître  l'autorité  supérieure  du  texte  hébreu,  c'était 
courir  une  aventure,  se  désarmer  en  face  des  hérétiques,  se  sé- 
parer aussi  des  Églises  grecques,  qui  toujours  demeureraient 
fidèles  aux  Septante.  «  Si  ta  traduction,  écrit  Augustin,  devient 
d'un  usage  fréquent  dans  beaucoup  d'Églises,  alors  malheureu- 
sement les  Églises  latines  ne  s'entendront  plus  avec  les  Églises 

1  Ibid.,  71,  2  et  4. 

*  «  Deinde  nobis  mittas,  obsecro,  interpretatlonem  tuam  de  Septuaf/inta,  quam  te 
cdidisse  nesciebam. . .  »  (ibid.,  82,  5). 

3  «  Ideo  autem  desidero  interprctationem  tuam  de  Septuaginta. . .  [ibid.,  82,  5). 

'*  «  Quid  tibi  autem  videatur,  cur  in  inultis  aliter  se  habeat  hebrœorum  codicum 
auctoritas,  aliter  grœcorum  quse  dicitur  Septuaginta,  vellem  dignarerisaperire  •  [ibid., 
71,  4). 

5  Jonas,  iv,  6. 

6  Saint  Augustin,  Epist,,  71,  3  :  «  Undeetiam  nobis  videtur,  aliquando  te  quoque 
in  nonnullis  ialli  potuisse.  » 


22  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

grecques  ;  sans  compter  qu'il  est  facile  de  réfuter  un  contradicteur 
en  citant  un  livre  grec,  c'est-à-dire  écrit  dans  une  langue  très 
connue  f.  »  Enfin,  l'adoption  du  texte  nouveau  risquerait  d'égarer 
l'esprit  des  fidèles,  de  compromettre  l'autorité  des  Septante,  d'é- 
branler la  tradition  et  le  respect  dû  à  la  parole  divine.  Tel  est  le 
grand  argument  d'Augustin ,  celui  qu'il  développe  avec  le  plus 
d'insistance  et  de  force  :  «  Je  désire  recevoir,  dit-il,  ta  traduction 
des  Septante  :  d'abord,  pour  nous  délivrer,  autant  que  possible,  de 
tous  ces  traducteurs  latins,  si  maladroits,  qui  ont  osé  entreprendre 
cette  tâche  ;  ensuite,  pour  fermer  la  bouche  aux  gens  qui  me  soup- 
çonnent de  porter  envie  à  tes  utiles  travaux.  Qu'enfin  ces  gens-là, 
s'il  se  peut,  me  comprennent  bien.  Si  je  ne  veux  pas  qu'on  lise 
dans  les  Églises  ta  version  d'après  l'hébreu,  c'est  dans  la  crainte 
de  nuire  à  l'autorité  des  Septante,  en  ayant  l'air  d'apporter 
quelque  chose  de  nouveau  ;  dans  la  crainte  de  troubler  par  un 
grand  scandale  le  peuple  du  Christ,  dont  les  oreilles  et  les  âmes 
sont  habituées  à  entendre  cette  antique  version  approuvée  même 
par  les  apôtres 2.  »  Bien  des  années  plus  tard,  dans  la  Cité  de  Dieu, 
tout  en  rendant  justice  à  l'exactitude  du  travail  de  Jérôme,  saint 
Augustin  déclarait  encore  que  «  les  Églises  du  Christ  jugent  ne 
devoir  préférer  personne  »  aux  Septante 3. 

Voilà,  semble-t-il,  une  condamnation  sans  appel.  Et,  en  effet,  il 
n'est  pas  douteux  que  cette  opposition  de  saint  Augustin  et  son 
exemple  n'aient  beaucoup  nui  en  Afrique  au  succès  des  versions 
de  saint  Jérôme.  Cependant  celles-ci  n'ont  pas  été  inconnues  dans 
le  pays.  Elles  se  sont  glissées  peu  à  peu  dans  les  bibles  locales,  à 
côté  des  textes  «  italiens  »  et  des  textes  «  africains  ».  Les  leçons 
de  la  Vulgate  ne  sont  pas  rares  dans  les  citations  des  auteurs  du 
v°  ou  du  vie  siècle,  surtout,  il  est  vrai,  pour  le  Nouveau  Testa- 
ment. Et  parfois  elles  apparaissent  déjà  chez  saint  Augustin  lui- 
même,  à  titre  d'exception  ou  de  comparaison. 

L'étude  de  la  Bible  de  saint  Augustin  présente  de  très  sérieuses 
difficultés4.  D'abord,  l'œuvre  est  immense,  les  citations  sont  in- 

1  t  Perdurum  enim  erit,  si  tua  interpretatio  per  multas  ecclesias  frequentius  caeperit 
lectitari,  quod  a  gratis  ecclesiis  latinœ  ecclesiœ  dissonabnnt,  maxime  quia  facile  cou- 
tradictor  convincitur  grœco  prolato  libro,  id  est  linguae  notissimœ...   »  (ibid.,  71,2). 

2  lbid.,  82,5  :  •  ...tandem  aliquando,  si  (ieri  potest,  intendant,  propterea  me  nolle 
tuant  ex  hebrœo  interpretationem  in  ecclesiis  legi,  ne  contra  Septuaginta  auctoritatem, 
tauquam  novum  aliquid  proferentes,  wiagno  scandalo  pcrturbemus  plèbes  Chnsti,  qua- 
rum  aures  et  corda  îllam  interprelationeua  audire  eonsueverunt  quœ  etiam  ab  Apostolis 
approbata  est.  » 

a  Saint  Augustin,  De  civ.  Dei,  XV11I,  43. 

*  Cf.  Rônsch,  Die  lateinischen  Bibelûbeisetzungen  im  christlichen  Afrika  zur  Zeit 
des  Augustinus  (dans  la  Zeitschrlft  fur  die  historische  Théologie,  1867,  p.  606  et  suiv. 
1870,  p.  91  et  suiv.);    Douais.  Revue  biblique  trimestrielle,  1893,  p.  62  et  suiv.;  351 
et  suiv.  ;  Burkitt,  The  Old  Latin  and  the  Itala,  p.  55  et  suiv. 


LA  BIBLE  LATINE  EN  AFRIQUE  2!i 

nombrables  et  dispersées,  le  texte  en  est  souvent  suspect,  car 
nous  n'avons  pas  encore  de  bonne  édition  critique  pour  la  plupart 
des  traités,  surtout  pour  ceux  qui  renferment  le  plus  de  fragments 
bibliques.  En  outre,  pendant  sa  longue  carrière  de  polémiste,  saint 
Augustin  a  eu  entre  les  mains,  pour  diverses  parties  de  la  Bible, 
et  fréquemment  pour  un  même  livre,  des  versions  d'origine  très 
différente.  Il  en  usait  librement  avec  ces  textes  latins,  ne  s'inter- 
disait pas  de  les  corriger,  et,  comme  il  cherchait  toujours  à  les 
améliorer,  il  ne  s1astreignait  pas  à  reproduire  scrupuleusement, 
pour  un  même  passage,  les  leçons  qu'il  avait  antérieurement 
adoptées.  Les  citations  parallèles,  qui  abondent  dans  ses  ouvrages, 
sont  très  rarement  identiques;  alors  même  qu'elles  relèvent  d'une 
même  version,  elles  présentent  généralement  des  variantes.  Enfin, 
saint  Augustin  citait  souvent  de  mémoire,  jusque  dans  les  occa- 
sions les  plus  solennelles.  Par  exemple,  durant  les  interminables 
séances  de  la  conférence  de  411,  entre  les  évêques  catholiques  et 
donatistes1,  il  se  réfère  plusieurs  fois  au  même  verset  de  saint 
Matthieu,  et  il  ne  se  soucie  point  de  se  mettre  d'accord  avec  lui- 
même. 


CONFÉRENCE    DE    411- 


SAINT    CYPRIEN. 


Saint  Matthieu,  xxm,  9. 

«  Augustinus  dixit  :  Ne  vobis  dicatis  «   Ne   vocaveritis 

patrem  in  terra  »  (Gesta  CoUationis  Car-  vobis  patrem  super 

thagine  habita  inter  Catholicos  et  Dona-  terram  »   (Ad  For- 

tistas,  Cognit.   III,    222.  —   Cf.   Mansi,  tunat.,  11). 
ConciL,  t.  IV,  p.  227). 

—  «  Augustinus  dixit...  :  Ne  vobis 
patrem  dicatis  in  terra  •  (ibid.,  Cogntt. 
III,  235.  —  Mansi,  t.  IV,  p.  230). 

—  «  Augustinus  dixit.  .  .  :  Nolite 
vobis  dicere  patrem  in  terra  »  (ibid.,  Co- 
gnit- III,  242.  —  Mansi,  t.  IV,  p.  232). 


«  Et  patrem  no- 
lite vocare  vobis  su- 
per terram.  • 


Cette  négligence  apparente,  ces  variations  qui  font  songer  à 
celles  de  Tertullien,  surprennent  d'abord  chez  un  écrivain  si  mé- 
thodique, chez  un  évêque  si  ami  de  la  règle,  surtout  à  cette  date. 
Elles  s'expliquent  cependant  par  l'idée  que  saint  Augustin  se  fai- 
sait des  textes  latins.  Lui-même  nous  renseigne  très  exactement, 
sur  ce  point,  en  maint  endroit  de  ses  commentaires  bibliques  ;  et 
il  a  exposé  tout  au  long  sa  théorie  dans  son  traité  de  la  Doctrine 
chrétienne. 


1  Gesta  collationis  Carthagine  habita  inter  Catholicos  et  Donatistas  (Mansi,  ConciL, 
t.  IV). 


24  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

A  aucun  des  textes  latins  il  ne  reconnaît  une  valeur  intrin- 
sèque. Il  conserve  en  face  d'eux  une  entière  liberté  d'appréciation 
et  de  discussion.  Il  ne  s'incline  que  devant  les  textes  grecs  *.  Pour 
le  Nouveau  Testament,  ce  sont  les  manuscrits  grecs  qui  circu- 
laient alors  dans  tout  l'Occident,  c'est-à-dire  des  manuscrits  du 
type  «  occidental  »  corrigés  sur  la  revision  «  syrienne2  ».  Quant 
à  l'Ancien  Testament,  saint  Augustin  mentionne  les  versions  d'A- 
quila,  de  Symmaque,  de  Théodotion  3,  qu'avaient  popularisées  les 
Hexaples  d'Origène,  et  que  saint  Jérôme  utilisait  alors  pour  ses 
travaux.  On  pourra  donc,  si  l'on  veut,  consulter  ces  versions-là. 
Mais  les  Septante  seuls  feront  autorité4  :  ce  texte  des  Septante, 
qui  «  a  été  reçu  par  l'Église,  comme  s'il  était  unique  »,  qui  est 
adopté  dans  toutes  les  communautés  d'Orient,  et  dont  dérivent 
toutes  les  traductions  latines  en  usage  dans  les  communautés 
d'Occident*.  Saint  Augustin  recommande  aussi  aux  clercs  l'é- 
tude de  l'hébreu,  dont  la  connaissance  est  utile  pour  préciser 
à  l'occasion  le  sens  du  grec6.  Mais  aussitôt  il  met  en  garde 
contre  l'abus  qu'on  en  pourrait  faire  :  il  déclare  qu'en  aucun 
cas  une  leçon  hébraïque  ne  saurait  prévaloir  contre  la  leçon  des 
Septante 7.  C'est  dans  le  même  esprit  qu'on  doit  se  servir  des  ma- 
nuscrits latins  quelconques.  Ils  sont  fort  utiles  à  consulter,  en  tant 
qu'ils  peuvent  faciliter  l'intelligence  du  texte  grecs.  Leur  nombre 
même  et  leur  variété  aident  fréquemment  à  fixer  le  sens  du  terme 
original,  «  car  souvent  l'obscurité  de  la  pensée  s'éclaire  par  l'exa- 


1  Saint  Augustin,  De  doctrin.  Christ.,  II,  15  :  «  Latinis  quibuslibet  emendandis 
graeci  adhibeantur.  » 

2  «  Libros  autem  Novi  Testamenti,  si  quid  in  latinis  varietatibus  titubât,  graecis 
cedere  oportere  non  dubium  est,  et  maxime  qui  apud  Ecclesias  Ùoctiores  et  dtligentiores 
reperiuntur  »  [ibid.,  II,  15).  Ces  derniers  mots  signifient  évidemment  qu'il  faut  pré- 
férer les  textes  grecs  revisés,  ceux-là  justement  qui  avaient  servi  de  contrôle  aux 
rédacteurs  des  textes  latins  du  groupe  dit  «  italien  ». 

3  Saint  Augustin,  De  civ.  Dei,  XV11I,  43  :  «  Cum  fuerint  et  alii  interprètes,  qui 
ex  hebra^a  lingua  in  grsecam  sacra  illa  eloquia  transtulerunt,  sicut  Aquila,  Symmachus, 
Théodotion. . .  » 

*  «  Septuaginta  interpretum,  quod  ad  Vêtus  Testamentum  attinet,  excellit  auc- 
toritas  •  (De  doctrin.  Christ.,  Il,  15). 

5  «  Hanc  tamen  (interpretationem),  quae  Septuaginta  est,  tanquam  sola  esset,  sic 
recepit  Ecclesia,  eaque  utuntur  grrcei  populi  christiani,  quorum  plerique  utrum  a'lia  sit 
aliqua  ignorant.  Ex  hac  Septuaginta  interprétât ione  eliam  in  laiinam  linguam  inter- 
prétation est  quod  ecclesiie  latines  tenent  »  {De  civ.  Dei,  XVIII,  43). 

6  De  doctrin.  Christ.,  II,  11  :  «  Latinae  quidem  linguœ  hoœines,  quos  nunc  ins- 
trueudos  suscepimus,  duabus  aliis  ad  Scripturarum  divinarum  cognitionem  opus  habent, 
hebrœa  scilicet  et  graeca...   » 

7  Ibid.,  II,  15  :  «  Etiamsi  aliquid  aliter  in  hebraeis  exemplaribus  invenitur  quam 
isti  (Septuaginta)  posuerunt,  cedendum  esse  arbitror  divinee  dispensationi  quae  per 
eos  facta  est.  .  Cf.  De  civ.  Dei,  XVIII,  43. 

8  «  Horum  quoque  interpretum,  qui  verbis  tenacius  inhaeserunt,  conlatio  non  est 
inutilis  ad  explanandam  s;vpe  sententiam  »  {De  doctrin.  Christ.,  II,  15).  Cf.  II,  13. 


LA  BIBLE  LATINE  EN  AFRIQUE  25 

men  de  plusieurs  manuscrits. . .  ;  il  est  difficile  que  les  traducteurs 
diffèrent  tellement  l'un  de  l'autre,  qu'ils  n'aient  pas  entre  eux 
quelque  point  commun  l  ».  Sans  doute,  il  existe  une  version  meil- 
leure que  les  autres:  Yltala^.  On  suivra  celle-là  de  préférence; 
mais  on  tiendra  compte  de  toutes.  On  interrogera  le  plus  grand 
nombre  possible  de  manuscrits,  car  on  peut  trouver  du  bon  dans 
les  plus  mauvais.  On  comparera  les  traductions  entre  elles  ;  on 
les  complétera  et  on  les  corrigera  l'une  par  l'autre  sans  s'asservir 
à  aucune.  La  critique  du  texte  est  le  premier  devoir  du  clerc  ou 
du  polémiste  qui  veut  citer  un  passage  de  l'Écriture  :  «  Ici  encore, 
dit  Augustin  ,  c'est  une  très  précieuse  ressource  que  le  grand 
nombre  des  traducteurs  ;  la  collation  des  manuscrits  permet  l'exa- 
men des  leçons,  la  discussion  ;  il  faut  se  garder  seulement  des 
faussaires.  Avant  tout,  c'est  à  la  correction  des  manuscrits  que 
doit  s'attacher  la  sagacité  de  ceux  qui  désirent  connaître  les  di- 
vines Écritures  :  les  textes  non  revisés  doivent  céder  la  place  aux 
textes  revisés,  du  moins  quand  tous  proviennent  d'une  même  fa- 
mille de  traductions  3.  »  Et,  quel  que  soit  le  résultat  de  cette  mi- 
nutieuse collation  des  manuscrits  latins,  s'il  y  a  le  moindre  doute, 
on  devra  toujours  se  reporter  au  grec 4. 

Telle  est  cette  intéressante  théorie,  où  se  mêlent  étrangement 
une  fidélité  aveugle  à  la  tradition  et  une  grande  hardiesse  critique. 
Saint  Augustin  accepte,  presque  les  yeux  fermés,  le  témoignage 
du  texte  grec,  surtout  des  Septante  pour  l'Ancien  Testament. 
Mais  il  prend  sa  revanche  sur  les  manuscrits  latins  ;  il  les  traite, 
les  compare  et  les  corrige  avec  la  tranquille  assurance  d'un  phi- 
lologue. La  seule  chose,  mais  la  chose  essentielle,  qui  manque  à 
sa  méthode,  c'est  le  sens  net  de  la  valeur  inégale,  de  la  hiérarchie 
des  manuscrits  :  avant  de  les  collationner,  il  oublie  de  les  classer. 
Par  là,  sa  critique  reste  une  critique  toute  subjective,  empirique, 
très  inférieure  à  celle  de  saint  Jérôme,  et  beaucoup  moins  féconde 
en  résultats.  Sa  théorie  peut  se  définir  d'un  mot  :  l'éclectisme. 

Et,  en  effet,  c'est  bien  une  méthode  éclectique  qu'il  a  appliquée 
toute  sa  vie,  au  hasard  des  inspirations  du  moment,  des  circons- 

1  f  Nam  nonnullas  obscuriores  sententias  plurium  codicum  sœpe  manifestavit  ins- 
pectio. . .  Difficile  est  enim  ita  diversos  a  se  interprètes  fieri  ut  non  se  aliqua  vicinitate 
continuant  »  {ibid.,  II,  12). 

*  Ibid.,  II,  15. 

3  «  Plurimum  hic  quoque  juvat  interpretum  numerosilas  collatis  codicibus  inspecta 
atque  discussa  ;  tantum  absit  falsitas.  Nam  codicibus  emendandis  primitus  débet  invi- 
gilare  solertia  eorum  qui  Scripturas  divinas  nosse  desiderant,  utemendatis  non  emen- 
dati  cédant,  ex  uno  duntaxat  iuterpretationis  génère  venientes  »  [ibid.,  II,  14). 

4  •  Latini  ergo...  codices  Veteris  Testamenti,  si  necesse  i'uerit,  grœcorum  auctori- 
tate  emendandi  sunt. . .  Libros  autem  Novi  Testamenti,  si  quid  in  latiuis  varietatibus 
titubât,  graecis  cedere  oportere  non  dubium  est  »  (ibid.,  II,  15). 


26  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

tances,  des  souvenirs,  ou  des  exemplaires  qu'il  avait  sous  la  main. 
On  le  voit  à  l'œuvre  dans  ses  ouvrages  de  polémique  ou  d'exé- 
gèse. Par  exemple  ,  son  traité  Sur  l'accord  des  Évangélistes 
abonde  en  observations  de  ce  genre  :  «  Quelques  manuscrits 
donnent  pour  ce  passage  de  Luc. . .  ;  pourtant,  dans  les  manus- 
crits grecs  plus  anciens,  cette  leçon  ne  se  trouve  pas,  dit-on.  — 
Voilà  ce  qu'on  lit  dans  certains  manuscrits. . .  ;  car  la  plupart  des 
manuscrits  n'ont  pas  cela.  Telle  n'est  pas  la  leçon  de  tous  les  ma- 
nuscrits des  Évangiles...  Plusieurs  manuscrits  donnent  le  nom 
de  Jérémie  ;  les  gens  qui  ont  étudié  avec  soin  l'Évangile  dans  les 
exemplaires  grecs  rapportent  qu'ils  ont  trouvé  cette  leçon  dans  de 
vieux  manuscrits  grecs1.  »  Ailleurs,  dans  un  traité  contre  les 
Ariens  :  «  Glorificare  ou  honori/îcare,  ou  clarificare  :  voilà  trois 
mots  différents,  mais  qui  désignent  la  même  chose.  C'est  le  grec 
8o£àÇeiv.  En  raison  de  la  variété  des  traductions,  la  leçon  s'est  di- 
versifiée dans  le  latin-.  »  Les  discussions  de  ce  genre  reparaissent 
à  chaque  page  des  commentaires  de  saint  Augustin  sur  l'Ancien 
et  le  Nouveau  Testament.  Voici  deux  passages  de  son  célèbre 
commentaire  sur  les  Psaumes  :  «  Plusieurs  manuscrits  latins,  et 
surtout  les  manuscrits  grecs,  séparent  ainsi  les  versets. . .  Ce  sys- 
tème a  pour  lui  l'accord  de  nombreux  manuscrits,  et  des  meil- 
leurs ;  sans  aucun  doute,  il  faut  le  préférer  3.  »  Et  ailleurs  :  «  As- 
surément, la  majorité  des  manuscrits  donnent  non  pas  manus, 
mais  manum...  J'aurais  préféré  que  les  interprètes  latins  eussent 
traduit  :  Aethiopia  praeveniet  manus  ou  manum  suam  Deo* . . . 
En  grec,  la  majorité  des  manuscrits  donnent  yslpa  aorrjç.  Cela  peut 
se  comprendre  en  latin  de  deux  façons  :  manum  ejus  et  manum 
suam.  On  trouve  rarement  dans  les  manuscrits  grecs  /s?paç  aùrr,?  : 
ce  qui  peut  se  rendre  en  latin  par  manus  ejus  et  par  manus 
suas5.  » 

Dans  ces  exemples,  on  saisit  sur  le  vif  la  méthode  critique  de 
saint  Augustin  :  son  éclectisme  si  respectueux  du  grec,  si  libre 

1  Saint  Augustin,  De  consens.  Evangclist.,  II,  31  et  106;  III,  29. 

2  Id.,  Contra  sermon.  Arianor.,  35. 

3  Id.,  Enarr.  in  Psalm.  LXVI1,  41. 

*  Psalm.  lxvii,  32  :   «  JEthiopia  praeveniet  manus  ejus  Deo  •   (Vulgate). 

5  Saint  Augustin,  Enarr.  in  Psalm.  LXVII,  41.  —  Lui-même,  dans  une  lettre  à 
Audax,  donne  des  renseignements  précis  sur  le  Psautier  latin  dont  il  faisait  usage. 
11  explique  comment  il  corrigeait  sans  cesse  ses  manuscrits,  les  comparant  au  grec 
s'eiïorçant  toujours  d'améliorer  son  texte  :  «  Psalterium  a  sancto  Hieronymo  trans- 
lalum  ex  Hebrœo  non  habeo.  Nos  autem  non  inlerpretali  sumus,  sed  codicum  latino- 
rum  nonnullas  mendositates  ex  gratis  exemplaribus  emendavimus.  Unde  fortassis  fece- 
rimus  aliquid  commodius  quam  erat,  non  tamen  taie  quale  esse  debebat.  Nam  etiam 
nunc  qua  forte  nos  tune  praterierunt,  si  legentes  moverint,  collatis  codicibus  emen- 
damus  »    [Epist.  261,  5  —  Migne). 


LA  BIBLE  LATINE  EN  AFRIQUE  27 

d'allure  en  face  des  textes  latins.  Ce  qu'il  fait  ici  dans  ses  traités 
d'exégèse,  il  l'a  fait  à  toutes  les  époques  de  sa  vie  :  sans  cesse  en- 
richissant sa  bibliothèque,  toujours  occupé  à  multiplier  autour  de 
lui,  à  compléter  et  corriger  les  exemplaires  des  livres  sacrés. 
Sans  parti  pris,  d'ailleurs,  accueillant  pour  les  manuscrits  des  fa- 
milles les  plus  diverses ,  même  pour  cet  Ancien  Testament  de 
Jérôme,  dont  il  ne  voulait  point  autoriser  la  lecture  dans  son 
Église,  mais  auquel,  pour  son  compte,  il  ne  craignait  pas  de  faire 
des  emprunts  ».  Comme  il  n'accordait  de  valeur  absolue  à  aucune 
traduction  latine,  il  ne  s'est  point  soucié  de  fixer  son  texte  une 
fois  pour  toutes,  pour  y  rapporter  scrupuleusement  ses  citations. 
Sa  Bible  latine  n'a  cessé  de  se  transformer,  tantôt  par  des  chan- 
gements brusques,  tantôt  par  une  continue  et  lente  évolution.  — 
D'après  cela,  on  comprend  qu'il  soit  chimérique  d'essayer  de  ra- 
mener à  l'unité  le  texte  sacré  de  saint  Augustin.  On  ne  saurait  le 
reconstituer,  comme  on  reconstitue,  en  bien  des  parties,  celui  de 
saint  Cyprien.  Dans  l'étude  de  cette  Bible  changeante,  où  se  ren- 
contrent et  se  mêlent  tant  d'éléments  divers,  une  seule  chose  nous 
paraît  possible  et  utile  :  c'est  de  distinguer  et  classer  ces  divers 
éléments,  d'en  marquer  l'origine  et  l'importance  relative. 

Avant  tout,  cTest  des  textes  «  italiens  »  que  relève  la  Bible  de 
saint  Augustin  2.  La  plupart  de  ses  citations  ont  une  étroite  pa- 
renté avec  celles  de  saint  Ambroise,  de  Lucifer  de  Gagliari,  et  du 
Spéculum  3.  Dans  plusieurs  parties  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Tes- 
tament, elles  se  rapprochent  des  versions  conservées  par  quel- 
ques-uns des  plus  importants  manuscrits  du  groupe  :  Codex  Bri- 
xianus  pour  les  Evangiles*,  Palimpseste  de  Freisingen  pour  les 
Épilresde  saint  Paul3,  Codex  Lugdunensis  pour  le  Pentaleuque6, 
pour  Josué  et  pour  les  Juges7.  Inutile  d'insister  sur  ce  fait,  qui 

1  De  doctrin.  Christ.,  IV,  7. 

2  Ziegler,  Die  lateinischen  Bibelûbersetzungen  vor  Hieronymus  und  die  Itala  des 
Augustinus,  1879;  S.  Berger,  Histoire  de  la  Vulgate,  p.  5  et  suiv.  ;  Kenyon,  Our 
Bible  and  the  ancient  manuscripts,  p.  168  et  suiv. 

3  S.  Berger,  Histoire  delà  Vulgate,  p.  6. 

4  Hort,  The  New  Testament  in  greek,  t.  II,  p.  78  et  suiv. 

5  Ziegler,  Italafragm.  der  paulin.  Briefe  ans  Friesinger  Perg.  (Marburg,  1874— 
1876)  ;  Woelfllin,  Neue  Bruckstilcke  der  Freisinger  Itala  (Munich,  18'J3). 

6  Ulysse  Robert,  Pentaleuchi  versio  latina  antiquissima  e  codice  Lugdunensi  (Paris, 
1881)  ;  Ziegler,  Bruchstûcke  einer  vorhieronymianischen  Uebersetzung  des  Pentatench 
(Munich,  1883).  —  Cf.  Gaston  Paris,  Journal  des  Savants,  1883,  p.  276  et  suiv.  ; 
386  et  suiv. 

7  Cf.  Delisle,  Journal  des  Savants,  1895,  p.  702  et  suiv.  ;  Ulysse  Robert  et  S.  Berger, 
Bull,  de  la  Société  des  Antiquaires,  1896,  p.  65  et  suiv.  ;  Ulysse  Robert,  Heptateuchi 
partis  posterions  versio  latina  antiquissima  e  codice  Lugdunensi  (Lyon,  1900).  —  Nous 
avons  déjà  remarqué  plus  haut  qu'où  ne  peut  actuellement  déterminer  l'origine  exacte 
du   Codex  Lugdunensis  ,■  mais,  en   tout  cas,  c'est  un  texte   révisé,  probablement  au 


28  KEVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

est  aujourd'hui  hors  de  doute.  —  Il  est  à  noter  cependant  que, 
dans  cet  emploi  des  textes  «  italiens  »,  saint  Augustin  conserve 
une  indépendance  relative  :  presque  toujours,  il  s'écarte  plus  que 
saint  Ambroise  des  manuscrits  bibliques  de  cette  famille.  Fidèle  à 
son  système,  il  se  réserve  le  droit  de  correction.  Dans  un  de  ses 
traités  d'exégèse,  il  cite  une  leçon  de  la  traduction  latine  qu'il  sui- 
vait de  préférence,  dit-il,  «  comme  la  meilleure1  ».  On  suppose 
avec  beaucoup  de  vraisemblance  qu'il  fait  ici  allusion  à  Yltala*. 
Or,  il  ne  cite  cette  traduction  «  la  meilleure  »,  que  pour  la  criti- 
quer, pour  y  relever  un  solécisme  sans  excuse 3.  On  voit  par  cet 
exemple  que,  s'il  accepte  et  adopte  les  textes  «  italiens  »,  c'est 
sous  bénéfice  d'inventaire  :  il  les  modifie  au  besoin,  et  même  y 
substitue  des  textes  d'une  autre  famille,  surtout  les  vieux  textes 
«  africains  ». 

Il  a  souvent  consulté  ces  anciennes  versions,  seules  connues 
dans  le  pays  jusqu'au  temps  de  sa  jeunesse.  Il  parle  lui-même  de 
leçons  attestées  par  «  un  très  grand  nombre  de  manuscrits  afri- 
cains 4  ».  Il  devait  savoir  par  cœur  bien  des  passages  de  ces  tra- 
ductions très  répandues  autour  de  lui,  car,  jusqu'à  la  fin  de  sa 
vie,  il  leur  a  emprunté  des  expressions,  des  versets  entiers,  sur- 
tout pour  des  citations  courtes,  probablement  faites  de  mémoire. 
De  là  des  rencontres  accidentelles,  mais  assez  fréquentes,  avec 
saint  Cyprien.  Bien  mieux,  à  diverses  reprises,  saint  Augustin  a 
franchement  adopté  le  texte  «  africain  ».  Dans  quelques  chapitres 
de  la  Doctrine  chrétienne 5,  où  il  suivait  de  près  et  résumait  le 
commentaire  de  Tyconius,  il  a  transcrit  plus  de  vingt  versets  de 
la  Bible,  sans  rien  changer  à  la  vieille  version  qu'avait  citée  l'é- 
crivain donatiste.  Enfin,  nous  avons  la  preuve  qu'en  l'année  404 
le  texte  «  africain  »  des  Actes  des  Apôtres  était  encore  employé 
couramment  par  l'Église  et  l'évêque  d'Hippone  B.  Au  milieu  d'une 
conférence  solennelle  où  il  s'efforçait  de  réfuter  le  manichéen  Fé- 
lix, Augustin  prend  un  exemplaire  des  Actes  des  Apôtres,  et  y  lit, 
presque  en  entier,  les  deux  premiers  chapitres.  La  citation  a  été 

ive  siècle,  qui  par  là  se  rapproche  du  groupe  des  textes  «  ita^ens  ».  C'est  ce  que 
prouve  encore  la  parenté  du  texte  du  Codex  avec  le  texte  biblique  de  Lucifer  de 
Cagliari. 

1  Saint  Augustin,  Locutiones  in  Heptateuchum%  II.  —  De  Exodo,  V,  21  :  «  Sic  enim 
habet  grœcus.  Latinus  autem  ait,  quem  pro  optimo  legebamus. . .    » 

2  Zycha,  Bemerkungen  zur  Italafrage  (Eranos  Vindobonensis,  1893,  p.  177  sqq.). 

3  «  Qui  solœcismus  nulla  interpretationis  necessitate  factus  est,  quia  in  graeco  uon 
est  »  (saint  Augustin,  Locutiones  de  Exodo,  V,  21). 

*•  Saint  Augustin,  Rétractât.,  I,  21  :  €  Codices  pluriraos,  verumtamen  afros.  » 

5  De  doctrin.  Christ.,  III,  30-37.  —  Cf.  Burkitt,  The  Old  Latin  and  the  Itala, 
p.  56. 

6  Burkitt,  The  Old  Latin  and  the  Itala,  p.  57-58,  67  et  suiv. 


LA  BIBLE  LATINE  EN  AFRIQUE  29 

consignée  tout  au  long  dans  le  procès-verbal  et  nous  est  parve- 
nue *  :  c'est  exactement  le  texte  de  saint  Gyprien.  On  en  jugera 
par  ces  versets  : 


CONFÉRENCE  DE  404. 


SAINT    CYPRIEN. 


«  Nemo  potest  cognoscere 
tempus  quod  Pater  posuit 
in  sua  potestate  >  (saint  Au- 
gustin, Acta  contra  Felicem 
Mamchœum,  I,  4-5). 

«  Et  erant  persévérantes 
omnes  unanimes  in  oratio- 
nibus  cum  mulieribus  et 
Maria  quce  fuerat  mater 
Jesu  et  fratribus  ejus.  Et 
in  diebus  illis  exsurrexit 
Petrus  in  medio  discentium 
et  dixit  — «  fuit  autem  turba 
in  iino. .  .   »  [ibid.) 


«  Et  factus  est  subito  de 
cselo  sonus,  quasi  ferretur 
flatus  vehemens,  et  implevit 
totam  illam  domum  in  qua 
erant  sedentes.  Et  visa  sunt 
illis  linguœ  divisa  quasi 
ignis,  qui  et  insedit  super 
unumquemque  eorum  :  et 
impleti  sunt  omnes  Spiritu 
sanclo  »  [ibid.). 


Act.  apost.,  i,  7. 

«  Nemo  potest  cognoscere 
tempus  aut  tempora  quœ 
Pater  posuit  in  sua  potes- 
tate •  (Testimon.,  III,  89.)- 

lb.,  i,  14-15. 

«  Et  erant  persévérantes 
omnes  unanimes  in  oratione 
cum  mulieribus  et  Maria 
que  fuerat  mater  Jesu  et 
fratribus  ejus  »  {De  cathol. 
eccles.  unit.,  25). 

—  «  Surreucit  Petrus  in 
medio  discentium  —  fuit 
autem  turba  in  uno...  » 
(Epist.  67,  4.). 

Ib.,  il,  2-4. 

«  Et  factus  est  subito  de 
cœlo  sonus,  quasi  ferretur 
flatus  vehemens,  et  implevit 
totum  locum  illum  in  quo 
erant  sedentes.  Et  visa  stmt 
illis  lingual  divisa  quasi 
ignis,  quiet  insedit  in  unum- 
quemque illorum  :  et  impleti 
sunt  omnes  Spiritu  sancto  » 
[Testimon.,  III,  101.). 


«  Non  est  vestrum  nosse 
tempora  vel  momenta  quae 
Pater  posuit  in  sua  potes- 
tate. » 


«  Hi  omnes  erant  persé- 
vérantes unanimiter  in  ora- 
tione cum  mulieribus  et 
Maria  matre  Jesu  et  fratri- 
bus ejus.  In -diebus  illis 
exsurgens  Petrus  in  medio 
fratrum  dixit  —  erat  autem 
turba  hominum  simul ...» 


«  Et  factus  est  repente 
de  cselo  sonus,  tanquam 
advenientis  spiritus  vehe- 
mentis,  et  replevit  totam 
domum  ubi  erant  sedentes. 
Et  apparuerunt  illis  disper- 
titse  linguœ  tanquam  ignis 
seditque  supra  singulos  eo- 
rum :  et  repleti  sunt  omnes 
Spiritu  sancto.  » 


Et  il  ne  s'agit  point  là  d'une  exception  unique,  ni  d'une  substi- 
tution faite  après  coup,  car  cette  ancienne  version  des  Actes  des 
Apôtres  se  retrouve  dans  d'autres  ouvrages  du  même  auteur2. 
Ces  exemples  suffisent  à  démontrer  que  saint  Augustin,  pour 
quelques  livres  bibliques,  restait  souvent  fidèle  aux  vieux  textes 
«  africains  »  du  temps  de  saint  Gyprien. 

Il  n'était  pas  non  plus  systématiquement  hostile  à  toutes  les 
nouveautés  de  la  Vulgate.  A  l'occasion,  il  remplaçait  ses  textes 
«  italiens  »  ou  «  africains  »  par  la  version  de  saint  Jérôme.  Nous 
avons  vu  que,  dans  une  lettre  datée  de  403,  il  félicitait  cet  écrivain 
sur  sa  revision  des  Évangiles  3.  Ses  compliments  étaient  sincères, 

1  Saint  Augustin,  Acta  contra  Felicem  Manichaum,  I,  4-5  (éd.  Zycha,  vol.  XXV, 
pars  II,  du  Corpus  scriptor.  eccles.  la  t.,  p.  802  sqq.). 

*  Saint  Augustin,  Contra  Epist.  Fundamenti,  9  ;  De  consens.  Evangelist.,  IV,  8. 
3  Id.,  Epist.  71,  4  (Migne). 


30  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

puisqu'il  a  fréquemment  adopté  ce  texte  revisé.  Dans  sa  discus- 
sion de  404  avec  le  Manichéen,  outre  les  Actes  des  Apôtres,  il  lut 
un  long  fragment  de  l'Évangile  de  saint  Luc  l  :  d'après  le  procès- 
verbal  2,  ce  texte  était  presque  identique  à  celui  de  Jérôme.  On  en 
a  conclu  que  la  Vulgate  des  Évangiles  était,  dès  lors,  en  usage  à 
Hippone  *.  D'autres  faits  confirment  entièrement  cette  hypothèse. 
Dans  son  traité  Sur  l'accord  des  Évangélistes,  qui  a  été  composé 
vers  le  même  temps,  Augustin  cite  et  compare  des  leçons  em- 
pruntées à  toutes  les  familles  de  textes  bibliques  ;  mais  il  prend  la 
Vulgate  comme  base  de  son  exégèse4.  Parfois  il  a  suivi  Jérôme 
jusque  dans  ses  versions  de  l'Ancien  Testament.  Il  reproduit  ordi- 
nairement, pour  Job,  la  première  traduction  d'après  les  Hexaples 
d'Origène  5.  Il  oublie  même,  quand  il  le  juge  utile,  ses  préventions 
théoriques  contre  la  traduction  d'après  l'hébreu.  C'est  ce  qui  ré- 
sulte nettement  d'un  curieux  passage  de  la  Doctrine  chrétienne. 
Voulant  montrer  les  beautés  du  style  biblique,  il  choisit,  entre 
autres  exemples ,  quelques  versets  du  prophète  Amos  :  «  Je  ne 
citerai  point,  dit-il,  d'après  la  version  des  Septante.  Car  cette  ver- 
sion, inspirée  par  l'Esprit  divin,  paraît  avoir  ici,  pour  cette  raison 
même,  changé  quelques  expressions,  afin  de  mieux  avertir  le  lec- 
teur qu'il  faut  chercher  le  sens  spirituel  :  d'où  vient  une  certaine 
obscurité,  causée  par  les  métaphores.  Je  citerai  le  passage,  comme 
il  a  été  traduit  de  l'hébreu  en  latin  par  le  prêtre  Jérôme,  très  versé 
dans  les  deux  langues6.  »  Suit  le  texte  de  la  Vulgate.  Cet  hom- 
mage involontaire  à  l'exactitude  de  Jérôme  éclaire  tout  un  groupe 
de  citations  d'Augustin.  Malgré  son  parti  pris  de  sévérité  contre  la 
version  nouvelle  faite  sur  l'hébreu,  l'évêque  d'Hippone  ne  s'inter- 
disait pas  de  l'adopter  quelquefois.  Il  a  dû  la  suivre  ailleurs,  sans 
le  dire  :  toutes  les  leçons  de  la  Vulgate  insérées  dans  ses  ouvrages, 
même  pour  l'Ancien  Testament,  ne  sont  pas  le  fait  des  copistes7. 

1  Saint  Luc,  xxiv,  36-49. 

2  Saint  Augustin,  Acta  contra  Felicem  Manicheeum,  I,  3. 

3  Burkitt,  The  OU  Latin  and  the  Itala,  p.  58. 

k  Le  lait  avait  été  signalé  déjà  par  Sabatier  [Bibliorum  sacrorum  latina  versiones 
antiçuœ,  1743,  t.  I,  Prœfat.,  p.  lvii).  Cf.  Burkitt,  The  OU  Latin  and  the  Itala, 
p.  72-78. 

5  Burkitt,  The  OU  Latin  and  the  Itala,  p.  32  et  suiv. 

6  Saint  Augustin,  De  doctrin.  Christ.,  IV,  7  :  «  Non  autem  secundum  Septuaginta 
interprètes,  qui  etiam  ipsi  divino  Spiritu  interpretati,  ob  boc  aliter  videntur  nonnulla 
dixisse,  ut  ad  spiritualem  sensum  scrutandum  magis  admoneretur  lectoris  intentio 
(unde  etiam  obscuriora  nonnulla,  quia  magis  tropica  sunt  eorum),  sed  sicut  ex  hebrœo 
in  latinum  eloquinm,  presbytero  Hieronymo  utriusque  linguse  perito  interprétante,  trans- 
lata sunt.  » 

7  Nous  laissons  de  côté  le  Spéculum  attribué  à  saint  Augustin  (éd.  Weihrich,  1887. 
—  Corpus  scriptor.  eccles.  lat.,  vol.  XII,  pars  1,  p.  1-285).  Ce  recueil  d'extraits 
bibliques  suit  presque  toujours  la  version  de  saint  Jérôme.  Mais  on  s'accorde  aujour" 


LA  BIBLE  LATINK  EN  AFRIQUE  31 

Donc,  rien  n'est  plus  complexe  et  plus  bigarré  que  cette  Bible 
de  saint  Augustin.  S'il  reproduit  surtout  des  textes  «  italiens  »,  il 
y  substitue  fréquemment  des  textes  «  africains  »,  et  quelquefois  la 
Vulgate.  De  plus,  par  la  liberté  avec  laquelle  il  corrige  et  modifie 
les  versions  «  italiennes  »,  il  inaugure  déjà  le  système  des  textes 
«  mêlés  »,  si  fort  en  honneur  pendant  les  premiers  siècles  du 
moyen  âge.  Sa  Bible  est  comme  une  encyclopédie,  un  peu  confuse, 
de  presque  toutes  les  versions  connues.  Prenons  son  Nouveau 
Testament,  qui,  dans  la  plupart  des  livres,  correspond  à  des  ma- 
nuscrits bibliques  encore  existants.  Dans  les  Évangiles,  il  s'ac- 
corde tantôt  avec  les  textes  &  africains  »,  tantôt  avec  les  textes 
«  italiens  »  du  Codex  Brixianus,  tantôt  avec  la  Vulgate.  Pour  les 
Épltres  de  saint  Paul,  ses  citations  sont  presque  toujours  iden- 
tiques au  texte  «  italien  »  du  Palimpseste  de  Freisingen.  Pour 
V Apocalypse  et  les  Actes  des  Apôtres,  elles  relèvent  généralement 
des  vieux  textes  «  africains  »  de  saint  Cyprien  ou  du  Palimpseste 
de  Fleury.  Pour  les  Épitres  catholiques,  elles  sont  voisines  des 
textes  mêlés,  qui  figurent  dans  une  autre  partie  de  ce  même 
Palimpseste.  On  ne  saurait  analyser  avec  autant  d'exactitude  la 
composition  de  l'Ancien  Testament  d'Augustin  :  rappelons  pour- 
tant que,  s'il  y  emploie  surtout  les  textes  «  italiens  »,  il  y  insère 
fréquemment  des  leçons  «  africaines  »,  qu'il  y  reproduit  parfois 
la  version  de  Jérôme  d'après  Origène,  et  même  la  version  d'après 
l'hébreu.  —  Le  trait  dominant  de  la  Bible  latine  de  saint  Augustin, 
c'est  donc  bien,  comme  nous  le  disions  au  début,  Téclectisme. 

Cet  éclectisme  présidera  désormais  en  Afrique,  pendant  tout  le 
ve  et  le  vie  siècle,  à  la  formation  des  recueils  de  livres  sacrés.  On 
le  voit  à  l'œuvre  dans  les  citations  des  correspondants  et  des  con- 
temporains de  saint  Augustin.  On  en  retrouve  des  traces  jusque 
sur  les  pierres  ou  les  mosaïques.  Comme  aujourd'hui  les  musul- 
mans dans  leurs  mosquées,  les  chrétiens  d'Afrique  aimaient  à 
graver  des  inscriptions  pieuses  sur  les  parois  ou  le  dallage  des 
basiliques,  sur  le  linteau  des  portes,  sur  les  baptistères  ou  les  fon- 
taines1. On  a  découvert,  soit  à  Carthage,  soit  dans  d'autres  villes 
de  Proconsulaire  ou  de  Numidie,  quelques-unes  de  ces  inscrip- 
tions, qui  toutes  paraissent  dater  du  ve  siècle  ou  de  la  fin  du 

d'hui  à  penser  qu'il  n'est  pas  authentique,  du  moins  dans  sa  forme  actuelle  :  au  vieux 
texte  de  saint  Augustin  a  été  substitué  systématiquement  le  texte  de  la  Vulgate.  — 
Quant  au  second  Spéculum  ou  Liber  de  divinis  Scripturis  {ibid.,  p.  287-700),  il  est 
fort  intéressant  comme  spécimen  des  textes  mêlés  des  vc  et  vie  siècles  ;  mais  il  n'est 
pas  de  saint  Augustin.  Cf.  Weihrich,  Die  Bibelexcerpte  De  divinis  Scripturis  und  die 
Itala  des  Augustinus,  1894. 

1  Le  Blant,  V  épigraphie  chrétienne  en  Gaule  et  dans  V Afrique  romaine,  p.  111  et 
suiv. 


32 


REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 


ive  *.  Ce  sont  ordinairement  des  versets  bibliques,  tirés  surtout  des 
Psaumes.  Ces  documents  ont  pour  nous  un  grand  intérêt,  car  ils 
nous  présentent  des  textes  d'une  authenticité  indiscutable  et  sans 
aucune  altération,  ils  nous  ont  conservé  l'exacte  copie  des  livres 
saints  alors  employés  dans  les  Églises  de  la  région.  En  général, 
ces  légendes  s'accordent  avec  la  Vulgate,  ce  qui  est  tout  naturel  : 
déjà  chez  saint  Cyprien,  même  chez  Tertullien,  une  foule  de  ver- 
sets des  Psaumes  avaient  leur  physionomie  actuelle,  parce  que 
notre  Psautier,  le  Psautier  dit  «  gallican  »  de  saint  Jérôme,  n'est 
que  l'ancienne  version  très  légèrement  revisée.  Toutefois,  entre 
ces  inscriptions  bibliques  et  la  Vulgate,  on  surprend  quelques  dif- 
férences, soit  dans  la  structure  du  verset,  soit  dans  le  vocabulaire; 
on  y  relève  des  leçons  «  italiennes  »  ou  «  africaines  »,  comme  chez 
saint  Augustin. 


INSCRIPTIONS    BIBLIQUES    TROUVÉES    EN    AFRIQUE. 


VULGATE. 


Saint  Matthieu,  vi,  13. 

«  ...  [a  m]alo  libéra  nos  »  (inscription  d'une  table  en  pierre, 
trouvée  au  Kef,  maintenant  au  Musée  du  Bardo  :  La  Blanchère 
et  Gauckler,  Catalogue  du  Musée  Alaoui,  D,  555). 


«  Sed  libéra  nos 
a  malo.  » 


Saint  Luc,  n,  14. 

«  Gloria  in  excelsis  Deo,  et  in  terra  pax   hominibus  bonae  «  Gloria  in  altis- 

voluntatis  »   (Inscription  découverte  entre  Tebessa  et  Constan-     simis    Deo,    et    in 
tine  :  Corpus  inscript,  lût.,   VIII,   10642;   supplem.,  16720.  —     terra  pax  hominibus 
Texte  identique,  sauf  pour  l'orthographe,  dans  une  inscription     bonae  voluntatis.  » 
d'Haïdra  (Ammaedara)  :  Corpus  inscript,  lat.,  VIII,  462  ;  sup- 
pléai., 11644). 

—  «  Gloria  in  excelsis  Deo,  et  in  terra  pax  »  (Inscription  de 
Carthage  :  Corpus  inscript,  lat.,  VIII,  10549,  Additam.  —  Même 
texte  dans  une  inscription  de  Kessera  (Chusira)  en  Byzacène  : 
Corpus  inscript,  lat.,  VIII,  706). 

—  «  Gloria  in  ex[celsis)  »  (Inscription  d'une  fontaine  trouvée 
près  de  Zaghouan,  aujourd'hui  au  Musée  du  Bardo  :  La  Blan- 
chère et  Gauckler,  Catalogue  du  Musée  Alaoui,  D,  586). 

Saint  Paul,  Roman.,  H,  14. 

«  Justus  sibi  lex  est  »   (Inscription  d'une  mosaïque  trouvée  à  «   Ipsi    sibi   sunt 

Constantine  :  Corpus  inscript,  lat.,  VIII,  7922).  lex.    » 


Jb.,  Vin,  31. 

«  Si  Deus  pro  nobis,  quis  contra  nos  ?  »  (Inscription  de  Car- 
thage :  Musée  Lavigerie,  III,  p.  12-13,  pi.  III.  — Texte  iden- 
tique sur  une  mosaïque  des  environs  de  Lamta  (Leptiminus)  en 
Byzacène  :   Corpus  inscript,  lat.,  VIII,  supplem.,  11133). 


«    Si    Deus    pro 

nobis,    quis    contra 
nos  ?  » 


1  P.  Delattre,  Les  citations  bibliques  dans  Vépigraphie  africaine  [C.  R.  du  5e  Congrès 
scientifique  international  des  catholiques,  tenu  à  Bruxelles  en  1894.  —  2«  section  : 
Sciences  religieuses,  p.  210  et  suiv.). 


LA  BIBLE  LATINE  EN  AFRIQUE 

—  «  Si  Deus  pro  nobis,  quis  adversus  nos?  »  (Inscription 
d'Aïn-Gueber,  en  Numidie,  sur  un  linteau  de  porte  :  Corpus 
inscript,  la  t.,  VIII,  2218)  •'. 

Deuteronom.,  vi,  5  2. 

«  Diligis  Dominum  Deum  ex  [toto  corde]  tuo,  ex  tota  anima 
tua,  et  ex  tot[a  ibrtitudine  tua]  »  (Inscription  d'un  pilastre, 
trouvée  à  Sétif  :  Corpus  inscript.  lat.,  VIII,  8620) 3. 


Psalm.,  x,  12. 

«  Exsurgc,  Domine  Deus,  cxaltetur  manus  tua  »  (Inscription 
de  Sétif,  aujourd'hui  au  Musée  du  Louvre  :  Corpus  inscript. 
la  t.,  VIII,  8621). 

Ib..  xii,  4. 

«Respice  et  exaudi  me,  Domine  Deus  meus  »  (Inscription 
de  Sétif,  au  Musée  du  Louvre  :  Corpus  inscript,  lat.,  VIII, 
8622). 

Ib.,  xxix,  2. 

«  Exalta  te,  Do[mi]ne,  quia  suscepisti  me  ;  et  non  jucundasti 
inimicos  meos  super  me  »  (Inscription  de  Sétif,  dont  la  seconde 
partie  est   au  Musée  du  Louvre  :  Corpus  inscript,  lat.,  VIII, 

8623-8624). 

Ib.,  lui,  4. 

«  Exaudi,  Deus,  or[a]tionem  meam  ;  au[ri]bus  percipe  berb[a] 
oris  mei  »  (Inscription  d'une  mosaïque  qui  ornait  l'abside  d'une 
basilique  à  Feriana  (Thelepte)  :  Corpus  inscript,  lat.,  VIII, 
supplem.,  11269). 

Ib.,  lxxxv,  17. 

«  Fac  mecum  signum  in  bonum,  ut  videant  qui  me  oderunt, 
et  confundantur  »  (Inscription  d'un  linteau  de  porte,  trouvée  à 
Carthage  :  —  C.  B.  de  l'Acad.  des  Inscript.,  1894,  p.  lui). 

Ib.,  cxv,  13. 

«  Salulem  accipiam,  et  nomen  Domini  invocabo  »  (Inscription 
de  Sétif  :  Corpus  inscript,  lat.,   VIII,  fiA0^  4 


133 


«  Diliges  Domi- 
num Deum  luum  ex 
toto  corde  tuo,  et  ex 
tota  anima  tua,  et  ex 
tota  fortitudinetua.» 

«  Exsurge,  Do- 
mine Deus,  exalte- 
tur  manus  tua.  » 

«  Respice  et  ex- 
audi me ,  Domine 
Deus  meus.  » 

«  Exaltabo  te  , 
Domine ,  quoniam 
suscepisti  me  ;  nec 
delectasti  inimicos 
meos   super   me.    » 

«  Deus,  exaudi 
orationem  meam  ; 
auribus  percipe 
verba  oris  mei.  » 

«  Fac  mecum  si- 
gnum in  bonum,  ut 
videant  qui  oderunt 
me,  et  confundan- 
tur. » 

«  Calicemsalutaris 
accipiam,  et  nomen 
Domini  invocabo.  » 


1  On  lit  sur  la  même  pierre  la  formule  :  «  Fide  in  Deu  et  ambula  •,  qui  paraît  être 
une  parapbrase  d'un  autre  verset  biblique  :  «  Per  fidem  enim  ambulamus  »  (II  Co- 
rinth.,  V,  7). 

2  Ce  verset  du  Deutéronome  est  reproduit,  avec  quelques  variantes,  dans  les  trois 
premiers  Évangiles  (saint  Matthieu,  xxn,  37  ;  saint  Marc,  xn,  30  ;  saint  Luc,  x,  27). 
Mais  l'inscription  de  Sétif  paraît  se  rapporter  plutôt  au  passage  du  Deutéronome. 

3  Cf.  la  citation  de  saint  Cyprien,  Testimon.,  III,  18  :  «  Diliges  Dominum  Deum 
tuum  de  toto  corde  tuo,  et  de  tota  anima  tua,  et  de  tota  virtute  tua.  » 

4  Cf.  la  citation  de  saint  Cyprien,  Epist.  76,  4  :  t  Calicem  salutis  accipiam,  et 
nomen  Domini  invocabo.  »  —  Sur  une  inscription  trouvée  à  Henchir-el-Guis,  près 
Theveste,  on  lit  la  formule  suivante  :  •  Adferte  Dom(ino)  mundum  sacrificium  ; 
adferte  D(o)m(ino)  patrise  gentium  »  [Corpus  inscript,  lat.,  VIII,  10656).  C'est  encore 
une  paraphrase  d'un  passage  de  la  Bible  :  c  Adferte  Domino  patrise  gentium;... 
tollite  bostias  »  (Psalm.  xcv,  7-8).  Enfin,  une  autre  inscription  qui  décorait  sans  doute 
la  façade  d'une  église  à  Henchir-Guesseria,  près  du  Chott  Timsitt  :  «  Hec  porta 
Domini  justi  intrabunt  »,  est  la  reproduction  littérale  d'un  verset  biblique  (Psalm. 
xcvn,  20.  —  Cf.  Corpus  inscript,  lat.,  VIII,  10863). 

T.  XLIII,  n°  85.  3 


34  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Au  moment  où  les  communautés  africaines,  sous  l'influence  de 
saint  Augustin,  ou  par  le  concours  des  mêmes  circonstances,  com- 
mençaient à  employer  concurremment  ou  à  mêler  des  versions 
très  différentes  d'origine,  un  groupe  d'Églises  locales  continuaient 
à  se  servir  exclusivement  d'anciens  textes  :  c'étaient  les  Églises 
donatistes.  Nous  avons  remarqué  déjà  qu'au  ive  siècle,  les  écri- 
vains de  cette  secte  étaient  restés  les  plus  fidèles  aux  vieilles  tra- 
ductions contemporaines  de  saint  Cyprien.  Plus  tard,  au  milieu  de 
leurs  querelles  avec  les  catholiques,  les  donatistes  s'obstinèrent 
d'autant  plus  à  conserver  scrupuleusement  les  traditions  locales, 
qu'ils  voyaient  leurs  adversaires  y  renoncer  en  partie.  Ils  refu- 
sèrent d'accepter  les  versions  nouvelles,  et  gardèrent  leurs  vieux 
textes  «  africains  ».  Ce  contraste  entre  les  deux  Églises  rivales  est 
nettement  accusé  dans  le  traité  Contre  Fulgence  le  donatiste, 
qu'on  attribue  à  saint  Augustin  *.  Cet  ouvrage  a  la  forme  d'un  dia- 
logue entre  un  catholique  et  un  donatiste  :  or,  les  citations  du 
catholique  se  rapportent  presque  toujours  à  la  Vulgate,  tandis  que 
son  interlocuteur  se  réfère  aux  vieilles  versions.  Même  contraste 
dans  le  procès-verbal  des  conférences  de  411 2.  Saint  Augustin  et 
les  catholiques  y  emploient  de  préférence  les  textes  «  italiens  »  ou 
parfois  la  Vulgate,  tandis  que  les  donatistes  s'en  tiennent  aux 
textes  «  africains  ».  Par  exemple,  pour  ce  passage  d'Isaïe,  l'évêque 
donatiste  Habetdeus  reproduit,  presque  mot  pour  mot,  une  citation 
de  Tyconius  : 


HABETDEUS. 


TYCONIUS. 


«  Quomodo  vestimentum 
conspersum  in  sanguine  non 
erit  mundum,  ita  nec  tu  eris 
mundus,  quia  terram  meam 
perdidisti  et  plebem  meam, 
occidisti.  Non  manebis  in 
reternum  tempus  semen  ne- 
quam.  Para  iilios  tuos  in- 
ter/lci  peccatis  patris  sui,  ut 
non  exsurgant  »  (Gesta  col- 
lationis  Carthagine  habita 
inter  Catholicos  et  Dona- 
tistas,  Cognit.  III,  258  — 
cf.  Mansi,  Concil.,  t.  IV, 
p.  239). 


Isale,  xiv,  20-21. 

«  Quomodo  vestimentum 
sanguine  consparsum  non 
erit  mundum,  ita  nec  tu  eris 
mundus,  quia  terram  meam 
perdidisti  et  plebem  meam 
occidisti.  Non  eris  in  aeter- 
num  tempus  semen  nequam. 
Para  iilios  tuos  interfici pec- 
catis patris  tui,  ut  non  re- 
surgant  »  (  De  septem  re- 
gulis,  reg.  VII). 


«  Non  habebis  consor- 
tium, neque  cum  eis  in  se- 
pultura  ;  tu  enim  terram 
tuam  disperdidisti.  tu  po- 
pulum  tuum  occidisti.  Non 
vocabitur  in  aelernum  se- 
men pessimorum.  Pra-pa- 
rate  filios  ejus  occisioni  in 
iniquitate  patrum  suorum  ; 


1  Contra  Fulgentium  donatistam,  dans  la  Patrol.  lot.  de  Migne,  t.  XLI1I,  p.  763  et 
suiv.  —  Cf.  Burkitt,  The  Old  Latin  and  the  Itala,  p.  91. 

'  Gesta  c.ollationis  Carthagine  habita  inter  Catholicos  et  Donatistas  (Mansi,  Concil., 
t.  IV,  p.  51-246).  —  Cf.  Sabatier,  Bibliorum  sacrorum  latine  versiones  antiqua,  t.  1, 
Prafat.y  §  157. 


LA  BIBLE  LATINE  EN  AEBÏQUE  38 

Comme  Tyconius  lui-même  s'était  servi  des  anciennes  versions 
du  ine  siècle1,  on  n'est  pas  surpris  de  relever  beaucoup  d'ana- 
logies entre  les  citations  donatistes  de  411  et  les  citations  mêmes 
de  saint  Cyprien.  Pour  certaines  parties  de  la  Bible,  comme  le 
livre  d'Isaïe,  l'origine  de  ces  textes  africains  semble  remonter 
plus  haut  encore,  jusqu'à  ïertullien  : 


HABETDEUS. 


SAINT   CYPRIEN. 


TERTULLIEN. 


VULGATE. 


Tsaïe,  i,  11-15. 


«  Quo  mihi  multi- 
tudine  sacrifciornm 
vestrorum  ?  dicit  Do- 
minus.  Plenus  sum. 
Holocaustomata  arie- 
tum,  et  adipem  agno- 
rum, et  sanguinem 
taurorum  et  hirco- 
rum  nolo  ;.  nec  sic 
veniatis  in  conspectu 
meo  Quis  enim  ex- 
quisivit  ista  de  ma- 
nibus  vestris  ?  Cal- 
care  aulam  meam 
non  adicitis  ;  si  attu- 
leritis  similaginem, 
vanum  :  incensum 
abominatio  est  mihi. 
Neomenias  vestras  et 
sabbata  et  diem  mag- 
num non  sustineo . 
Jejunium  et  ferias 
et  dies  festos  vestros 
odil  anima  mea. 
Facti  enim  estis  mihi 
in  abundantiamulta. 
Jam  non  parcam  pec- 
catis  vestris .  Cum 
extenderitis  manus, 
avertamoculos  meos 
a  vobis  ;  et  si  mul- 
tiplicaveritis  preces, 
non  exaudiam  vos  ; 
manus  enim  vestrae 
sanguine  plense 
sunt  »  (Gesta  Col- 
lationis  Carthagine 
habita  inter  Catho- 
licos  et  Donatistas, 
Cognit.  III,  258.  — ■ 
Cf-  Mansi,  ConciL, 
t.  IV,  p.  238). 


«  Quo  mihi  multi- 
tudinem  sacrifîcio- 
mm vestrorum  ?  di- 
cit Dominus.  Plenus 
sum  ,  Holocausto- 
mata arietum  ,  et 
adipem  agnorum,  et 
sanguinem  tauro- 
rum et  hircorum 
nolo .  .  .  Quis  enim 
exquisivit  ista  de 
manibus  vestris  ?  » 
(Testimou.,   I,  16). 


—  «  Jam  non  re- 
laxabo  peccata  ves- 
tra.  Cum  extende- 
ritis manus ,  aver- 
tam  faciem  a  vobis  ; 
et  si  multiplicaveri- 
tis preces,  non  exau- 
diam vos  ;  manus 
enim  vestrse  san- 
guine plense  sunt  » 
(Tes  timon.,  I,  24). 


«  Quo  mihi,  in- 
qtiit,  multitudinem 
sacrifiriorum  vestro- 
rum? Plenus  sum  ho- 
locaustomatum  arie- 
tum, et  adipem 
agnorum,  et  sangui- 
nem taurorum  et 
hircorum  nolo.  .  . 
Quis  enim  requisi- 
vit  ista  de  manibus 
vestris  ?  »  (.De  ora- 
tione,  28). 

—  «  Si  attuleri- 
tis,  inquit,  mihi  si- 
milam,  vanum  sup- 
plicamentum ,  exe- 
cramentum  mihi  est  » 
(  A  dvers .  Judœos , 
5). 

—  «  Neomenias 
vestras  et  sabbata  et 
diem  magnum  non 
sustineo.  Ferias  et 
jejunium  et  dies  fes- 
tos vstros  odit  ani- 
ma mea  »  (Advers. 
Marcion.,  I,  20 ). 

—  «  Et  si  exten- 
deritis manus,  aver- 
tam  faciem  meam  a 
vobis  ;  et  si  multi- 
plicaveritis  preces, 
non  exaudiam  vos  ; 
manus  enim  vestrse 
sanguine  plense 
sunt  »  (Advers.  Ju- 

3). 


«  Quo  mihi  mul- 
titudinem victima- 
rum  vestrarum? 
dicit  Dominus.  Ple- 
nus sum .  Holo- 
causta  arietum,  et 
adipem  pinguium , 
et  sanguinem  vitu- 
lorum  et  agnorum 
et  hircorum  nolui. 
Cum  veniretis  ante 
conspectum  meum, 
quis  qusesivit  hsec 
de  manibus  vestris, 
i;t  ambularetis  in 
atriis  meis  ?  Ne  of- 
feratis  ultra  sacrifi- 
cium  frustra  :  in- 
censum abominatio 
est  mihi.  Neome- 
niam  et  sabbatum 
et  festivitates  alias 
non  feram.  Iniqui 
sunt  csetus  vestri. 
Calendas  vestras  et 
solemnitates  vestras 
odivit  anima  mea. 
Facta  sunt  mihi  mo- 
lesta, laboravi  sus- 
tinens.  Et  cum  ex- 
tenderitis manus 
vestras,  avertam 
oculos  meos  a  vo- 
bis ;  et  cum  multi- 
plicaveritis  oratio- 
nem ,  non  exau- 
diam ;  manus  enim 
vestrse  sanguine 
plense    sunt.  » 


Burkitt,  The  Mules  of  Tyconius,  1894,  p.  lui  et  suiv. 


36 


REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 


Ib.,  xxxv,  3-6. 


«  Confortamini , 
manus  dissolutœ,  et 
genua  debilia,  con- 
fortamini. Qui  estis 
pusillanimes,  nolite 
timere.  Dominus  nos- 
ter judicium  retri- 
buet,  et  ipse  veniet, 
et  salvos  faciet  nos- 
Tune  aperientur 
oculi  caecorum ,  et 
aures  surdorum  au- 
dient,  plana  erit  lin- 
gua mutorum ,  et 
claudus  saliet  sicut 
cervus  :  quoniam 
rupta  est  in  deserto 
aqua  et  fons  in  terra 
sitienti  »  (ibid..  Co- 
fjnit.    III,    258.    — 


Mansi,    t. 
236). 


IV 


«  Confortamini, 
manus  resolutœ,  et 
genua  debilia,  ex- 
hortamini.  Qui  estis 
pusillo  animo,  nolite 
timere.  Deus  noster 
judicium  retribuet, 
ipse  veniet,  cl  salvos 
facietnos.  Tune  ape- 
rientur oculi  caeco- 
rum,  et  aures  sur- 
dorum audient. Tune 
saliet  clodus  sicut 
cervus,  et  plana 
erit  lingua  muto- 
rum :  quia  rupta  est 
in  deserto  aqua  et 
rivus  in  terra  si- 
tienti »  (Testimon., 
II,  7). 


«  Invalescite,  ma- 
nus dimissœ,  et  ge- 
nua resoluta  »  (Ad- 
vers.  Marcion.,  IV, 
24). 

—  «  Ecce  Deus 
noster  judicium  ré- 
tribue!, ipse  veniet, 
et  salvos  faciet  nos. 
Tune  infirmi  cura- 
buntur,  et  oculi  cse- 
corum  videbunt,  et 
aures  surdorum  au- 
dient et  mutorum 
linguœ  solventur,  et 
claudus  saliet  velut 
cervus,  et  cetera  » 
[Advers.  Judœos,  9). 

—  «  Tune  pate- 
fient  oculi  caecorum, 
et  aures  exaudient 
surdorum.  Tune  sa- 
liet claudus  ut  cer- 
vus, et  clara  erit 
lingua  mutorum  » 
{Advers.  Marcion-, 
IV,  24). 


•  Conforlate  ma- 
nus dissolutas ,  et 
genua  debilia  robo- 
rate.  Dicite  pusilla- 
nimis  :  Conforta- 
mini, et  nolite  ti- 
mere. Ecce  Deus 
vester  ultionem  ad- 
ducet  retributionis, 
Deus  ipse  veniet,  et 
salvabit  vos.  Tune 
aperientur  oculi  cae- 
corum, et  aures  sur- 
dorum  patebunt. 
Tune  saliet  sicut 
cervus  claudus,  et 
aperta  erit  lingua 
mutorum,  quia  scis- 
sœ  sunt  in  deserto 
aquse,  et  torrentes 
in  solitudine.  » 


Il  faut  donc  mettre  à  part  les  donatistes,  qui  restaient  obstiné- 
ment fidèles  aux  vieux  textes.  Mais  les  communautés  catholiques, 
à  en  juger  par  les  citations  de  leurs  polémistes  et  par  les  docu- 
ments d'Église,  avaient  promptement  adopté  la  méthode  éclectique 
inaugurée  par  saint  Augustin.  Cet  éclectisme  eut  pour  effet  de 
modifier  profondément  la  physionomie  des  recueils  de  livres 
sacrés,  d'y  introduire  de  surprenants  contrastes,  quelquefois  une 
grande  confusion.  Désormais  prédominent  les  textes  a  italiens  », 
importés  dans  le  pays  vers  la  fin  du  ivc  siècle.  En  même  temps  se 
répand  l'usage  des  versions  de  saint  Jérôme,  dont  on  adopte  sou- 
vent des  leçons,  même  des  versets  entiers,  surtout  pour  le  Nouveau 
Testament.  Cette  infiltration  de  la  Vulgate  dans  les  versions  ita- 
liques est  visible  déjà  dans  les  Actes  des  Conciles  du  commence- 
ment du  ve  siècle,  et  dans  le  Codex  canonum,  ou  recueil  général 
des  canons  de  l'Église  africaine,  composé  en  419  *.  A  ces  textes  de 
plus  en  plus  mêlés  se  rapportent  la  plupart  des  citations  qu'on 
relève  dans  les  ouvrages  des  derniers  auteurs  latins  du  pays, 
évêques,  chroniqueurs  ou  polémistes  :  chez  Vigilius  de  Thapsus  ou 
Eugenius  de  Carthage,  surtout  chez  Victor  de  Vita,  saint  Fulgence 


1  Codex  canonum  ecclesiœ  africanœ  (Mansi,  Concil.%  t.  III,  p.  699  sqq.). 


LA  BIBLE  LATINE  EN  AFRIQUE  37 

de  Ruspé,  Junilius  ou  Primasius  d'IIadrumète.  Outre  les  emprunts 
accidentels  aux  traductions  de  saint  Jérôme,  nous  connaissons  des 
exemples  d'emprunts  systématiques.  Dans  le  premier  Spéculum 
ou  recueil  d'extraits  bibliques,  qu'on  attribuait  à  saint  Augustin  et 
qui  s'est  conservé  à  la  suite  de  ses  œuvres,  un  copiste  ancien,  de 
parti  pris,  a  remplacé  presque  tous  les  textes  «  italiens  »  par  le 
texte  de  la  Vulgate  '.  Pour  leurs  citations  de  Job,  tous  les  auteurs 
africains  du  v°  et  du  vi°  siècle  ont  suivi,  comme  saint  Augustin,  la 
traduction  faite  par  Jérôme  sur  les  Hexaples  d'Origène  2.  Enfin, 
dans  son  commentaire  des  Épilres  de  saint  Paul,  Primasius  a  pris 
la  Vulgate  pour  base  de  son  exégèse  3.  Voilà  trois  faits  caractéris- 
tiques, qui  suffiraient  à  attester  le  progrès  continu  des  versions  de 
saint  Jérôme. 

La  lutte  n'était  pas  circonscrite  entre  les  textes  «  italiens  »  et  la 
Vulgate.  Forts  de  leur  autorité  plusieurs  fois  séculaire,  protégés 
par  le  grand  nom  de  saint  Gyprien  et  par  le  respect  dû  aux  an- 
tiques manuscrits,  les  textes  «  africains  »  n'avaient  pu  être  entiè- 
rement dépossédés.  On  les  consultait  encore;  on  en  retenait  des 
leçons,  des  versets.  En  voici  deux  exemples,  chez  Victor  de  Vita  : 


VICTOR    DE    VITA. 


ANCIENS  TEXTES  AFRICAINS. 


«  In  principio  fecit  Deus 
eaelum  et  terrain.  Terra  au- 
lem  erat  invisibles  et  in- 
composita,  et  tenebrae  erant 
super  abi/ssum  ;  et  Spiritus 
Dei  superferebatur  super 
aquas  »  (Persec.  Vandal., 
II,  10).   . 


«  Pater,  si  fieri  votest, 
trauseat  a  me  calix  istc  » 
[Persec.    Vandal.,  II,  4). 


Gènes.,  i,  1-2. 

«  In  principio  fecit  Deus 
eaelum  et  terrain  Terra  au- 
tein  erat  invisibilis  et  in- 
composita,  et  ténèbres  erant 
super  abyssiiM;  et  Spiritus 
Dei  superferebatur  super 
aquas  »  {De  Pascha  com- 
put.,  3). 

Saint  Matthieu,  xxvi,  39. 

«  Pater,  si  fieri  potest, 
trauseat  a  me  calix  iste  » 
(Saint  Cyprien,  Testimon., 
III,  19).' 


«  In  principio  creavit 
Deus  eaelum  et  terrain. 
Terra  autem  erat  inonis  et 
vacua,  et  tenebrae  erant 
super  faciem  abyssi  ;  et 
Spiritus  Dei  ferebatur  su- 
per aquas.  » 


«  Pater    mi,  si  possibile 
est,    transeat    a    me   calix 

iste.  » 


Dès  le  siècle  dernier,  Dom  Sabatier  était  frappé  de  cette  persis- 
tance des  versions  africaines  chez  les  auteurs  de  l'Afrique  van- 
dale ou  byzantine,  et  il  recueillait  dans  leurs  ouvrages,  surtout 


1  Liber  qui  appellatur  Spéculum,  éd.  Weihrich,  1887  {Corpus  scriptor.  eccles.  lat., 
vol.  XII,  pars  I,  p.  1-285).  Sur  la  physionomie  et  l'histoire  de  ces  textes  bibliques, 
cf.  la  préface  de  Weihrich,  p.  xv  et  suiv. 

2  Burkitt,  The  Old  Latin  and  the  Itala,  p.  34. 

3  Primasius,  Commentar.  in  Epistolas  B.  Pauli  (dans  la  Pat  roi.  lat.  de  Migne,  t. 
LXVIII,  p.  415). 


38  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

dans  ceux  de  saint  Fulgence,  de  Primasius  et  de  Junilius,  bien  des 
fragments  du  vieux  latin  biblique  *.  En  fait,  quelques-uns  de  ces 
anciens  textes  «  africains  »  étaient  restés  très  vivants  au  ve  et  au 
vi°  siècle.  On  n'en  conservait  pas  seulement  alors  des  leçons  iso- 
lées, ou  de  simples  extraits  sauvés  de  l'oubli  par  les  Testimonia 
de  saint  Cyprien  :  on  en  lisait  encore  des  livres  entiers,  demeurés 
intacts  avec  leur  physionomie  d'autrefois.  A  la  fin  du  ve  siècle, 
l'auteur  du  traité  Sur  les  promesses  de  Dieu  citait  les  Actes  des 
Apôtres  d'après  l'ancien  texte2.  Et  Primasius,  évêque  d'Hadru- 
mète  au  temps  de  Justinien,  écrivant  son  commentaire  de  Y  Apoca- 
lypse, y  reproduisait  mot  pour  mot  la  version  connue  de  saint 
Cyprien,  en  la  comparant  à  une  autre  version  de  Tyconius  3  :  il 
contrôlait  un  texte  africain  à  l'aide  d'un  autre  texte  africain. 
Ainsi,  au  bout  de  cent  cinquante  ans,  dans  l'église  d'une  grande 
ville  comme  Hadrumète  ou  dans  la  bibliothèque  de  son  évêque,  ni 
les  manuscrits  italiques,  ni  la  Vulgate  n'avaient  encore  pu  sup- 
planter, pour  Y  Apocalypse,  les  vieux  manuscrits  indigènes. 

Cette  action  toujours  présente  de  certaines  versions  qui  dataient 
du  111e  ou  du  ive  siècle  nous  explique  l'existence  et  la  formation 
d'une  autre  famille  de  textes  bibliques,  qui  appartient  en  propre 
à  l'Afrique  des  Vandales  et  des  Byzantins  :  les  textes  appelés  au- 
jourd'hui «africains  de  basse  époque4».  On  en  surprend  déjà 
l'origine  chez  saint  Augustin;  mais  ils  ne  se  sont  multipliés  et 
précisés  qu'après  lui,  à  mesure  que  le  mélange  devenait  plus  fré- 
quent et  plus  intime.  Ce  sont,  au  fond,  des  textes  «  italiens  »,  mais 
si  bien  transformés  par  une  série  d'interpolations  et  de  leçons 
«africaines»,  qu'ils  ont  fini  par  constituer  une  famille  distincte. 
Ils  procèdent  du  même  principe  que  les  textes  «  mêlés  »  dont  nous 
parlions  plus  haut.  Seulement,  il  y  a  ici  substitution  d'un  élément 
à  l'autre  :  au  groupe  «  italo-vulgate  »,  qui  compte  des  représen- 
tants dans  tous  les  pays  latins,  s'oppose  un  groupe  plus  restreint, 
spécial  à  une  région,  un  groupe  «  italo-africain  ».  Ces  curieux 
textes,  où  les  anciennes  versions  locales  se  survivent  jusque  dans 
des  versions  italiques,  se  rencontrent  presque  à  chaque  page  du 
second  Spéculum  faussement  attribué  à  saint  Augustin  5.  Le  type 

1   Sabatier,  Bibliorum  sacrorum  latinœ  versiones  antiquœ,  t.  I,  Prœfat.,  $  161. 
*  De  promis  sis  et  pradiriionibus  Dei  (dans  la  Patrol.  lut.  de  Migne,  t.  Llj. 

3  Primasius,  Comment arlorum  super  Apocahjpsim  B.  Joannis  libri  V  (dans  la 
Patrol.  lat.  de  Mi^ne,  t.  LKV1II,  p.  794  et  suiv.).  —  Cf.  Haussleiter,  Die  latetnische 
Apokalypse  der  alten  afrikanischen  Kirche,  p.  xm  et  suiv.  ;  79  et  suiv. 

4  S.  Bercer,  Le  Palimpseste  de  Fleury,  p.  16  et  suiv. 

8  Liber  de  divitiis  Script uris  sive  Spéculum  rjuod  fertur  S.  Aur/ustini,  éd.  Weihrich, 
1887  (Corpus  scriptor.  eccles,  lut.,  vol.  Xll,  pars  I,  p.  2*7-700).  Cf.  Weihrich,  Die 
Bibelexccrpte  De  divinis  Scripturis  und  die  ltula  des  Augustinus,  1894  ;  S.  Berger,  Le 


LA  BIKLE  LATINE  EN  AFRIQUE  39 

le  mieux  caractérisé  de  cette  famille  se  rapporte  aux  Êpîtres  ca- 
tholiques. Le  texte  néo-africain  de  ces  Épitres  nous  est  connu  en 
grande  partie,  d'abord  par  les  citations  des  auteurs  du  temps,  sur- 
tout de  saint  Fulgence,  ensuite  par  trois  manuscrits  dont  les  frag- 
ments coïncident  et  se  complètent  :  le  Palimpseste  de  Fleury  \  un 
manuscrit  de  Freisingen  2,  et  un  Palimpseste  de  Bobbio3.  A  l'aide 
de  tous  ces  documents,  on  peut  reconstituer  presque  en  entier,  au 
moins  pour  les  quatre  premières  Épitres,  la  version  usitée  dans 
les  provinces  de  Byzacène  et  de  Proconsulaire  aux  ve  et  vi°  siècles. 
C'est  un  fort  intéressant  spécimen  de  ces  textes  mêlés,  particuliers 
à  l'Afrique  de  ce  temps. 

Il  est  à  remarquer  que  le  Palimpseste  de  Fleury,  outre  ce  texte 
néo-africain  des  Épitres  catholiques,  renferme  le  vieux  texte 
«  africain  »  des  Actes  des  Apôtres  et  de  Y 'Apocalypse 4 .  Ces  trois 
ouvrages  paraissent  avoir  été  transcrits  en  même  temps,  et  par  le 
même  copiste.  On  en  a  conclu  que  ces  trois  livres  du  Nouveau 
Testament  étaient  employés  à  la  même  époque  dans  les  mêmes 
Églises5.  La  supposition  est  d'autant  plus  vraisemblable  que  jus- 
tement l'ancienne  version  des  Actes  est  citée  à  la  fin  du  ve  siècle 
dans  le  traité  Sur  les  promesses  de  Dieu,  et  que  l'ancienne  ver- 
sion de  Y  Apocalypse  est  reproduite  tout  au  long,  vers  le  milieu  du 
vie  siècle,  par  Primasius  d'Hadrumète  6.  Nous  avons  donc  là  un 
très  curieux  exemple  de  l'éclectisme  à  la  mode  dans  les  Églises 
vandales  et  byzantines.  Et  l'on  constate  les  mêmes  accommode- 
ments dans  l'œuvre  de  Primasius7.  Cet  évêque  suit  toujours  la 
Vulgate  dans  son  Commentaire  des  Épitres  de  saint  Paul,  mais  il 
ne  l'accepte  pas  pour  d'autres  livres.  Dans  son  Commentaire  de 
Y  Apocalypse,  il  transcrit  presque  entièrement  le  vieux  texte  de 
saint  Cyprien,  cite  de  plus  un  autre  texte  africain  connu  par  Ty- 
conius,  paraphrase  souvent  les  observations  de  l'écrivain  dona- 
tiste,  et,  par  une  négligence  ou  une  fantaisie  surprenante,  il  copie 
à  l'occasion  la  Cité  de  Dieu.  Non  seulement  il  reproduit  ici  mot 
pour  mot,  en  deux  chapitres  de  son  ouvrage8,  toutes  les  remarques 

Palimpseste  de  Fleury,  p.  17;  Histoire  de  la  Vulgate,  p.  6  ;  Burkitt,  The  Rules  of 
Tyconius,  p.  lxi  et  suiv. 

1  S.  Berger,  Le  Palimpseste  de  Fleury,  p.  40-45. 

2  Ziegler,  Italafragmente  (Marburg,  1876)  ;  Bruckstûcke  einer  vorhieron.   Ueberset- 
zung  der  Petrusbriefe,  dans  les  Sitzungsber.  der  Mûnch.  Akad.,  1876,  1,  p.  607. 

3  Fragments  publiés  par  Tischendorf  (Leipzig,  1857),  et  par  Belsbeim  (Christiania, 
1887). 

4  S.  Berger,  Le  Palimpseste  de  Fleury,  p.  21-39. 
s  Ibid.,p.  17-18. 

6  De  promisses  et  prrrdictionibus  Dei  :  Primasius,  Comment  ar/orum  super  Apocalyp- 
sim  B.  Joannis  libri  V  (dans  la  Patrol.  lat.  de  Migue,  t.  Ll  et  LXVI1I). 

7  Ses  œuvres  sont  réunies  dans  le  tome  LX.VIII  de  la  Patrologie  latine. 

8  Dans  le  commentaire  des  chapitres  xx-xxi,  1-4,  de  Y  Apocalypse. 


40  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

de  saint  Augustin  f,  mais  encore,  à  cet  endroit,  il  emprunte  à  son 
modèle  jusqu'au  texte  «  italien  »  de  Y  Apocalypse-.  Rien  ne  peint 
mieux  l'éclectisme  des  auteurs  de  cette  période,  leur  liberté  dans 
le  choix  ou  leur  indifférence  dans  l'emploi  des  traductions  bi- 
bliques. 

Ainsi,  depuis  saint  Augustin  jusqu'à  la  veille  de  l'invasion 
arabe,  il  a  circulé  en  Afrique  des  versions  de  presque  toutes  les 
familles  connues  :  Vulgate  et  autres  revisions  de  saint  Jérôme, 
textes  «  italiens  »,  textes  «  africains  »  purs  et  textes  «  mêlés  », 
soit  »  italo-vulgate  »,  soit  «  italo-africains  ».  L'impression  d'en- 
semble est  une  extraordinaire  confusion,  produite  parla  juxta- 
position ou  le  mélange  de  textes  très  différents  de  physionomie 
et  d'origine. 

Quoique  plus  frappant  ici  et  plus  complexe,  ce  phénomène  n'est 
pas  spécial  à  l'Afrique.  En  Espagne,  dans  la  Gaule  du  vie  siècle, 
et  jusque  dans  l'empire  de  Charlemagne,  d'anciens  textes  «  euro- 
péens »  ou  «  italiens  »  ont  contrarié  les  progrès  de  la  Vulgate  ;  de 
la  fusion  sont  sortis  beaucoup  de  textes  «  mêlés  3  ».  A  Rome  même, 
c'est  seulement  du  pontificat  de  saint  Grégoire  le  Grand,  c'est-à- 
dire  des  premières  années  du  vne  siècle,  que  date  le  triomphe  des 
versions  de  saint  Jérôme.  Encore  n'est-ce  qu'un  demi-triomphe  : 
car  la  préférence  qu'on  accorde  à  ces  versions  n'entraîne  pas  l'ex- 
clusion des  autres.  Grégoire  le  Grand  lui-même  écrit  dans  la  lettre 
préface  de  son  Commentaire  sur  Job  :  «  Pour  mes  citations,  je  suis 
tantôt  la  version  nouvelle,  tantôt  l'ancienne 4.  »  La  Vulgate  ne  s'est 
imposée  réellement  à  toutes  les  Églises  latines  qu'au  ix°  siècle; 
et,  pendant  tout  le  moyen  âge,  beaucoup  de  vieilles  leçons  ont 
continué  à  se  glisser  sur  les  marges,  entre  les  lignes,  jusque  dans 
le  texte  des  Bibles3. 

L'Afrique  vandale  et  byzantine  n'en  a  pas  moins,  dans  ce  do- 
maine, une  physionomie  à  part.  Les  éléments  du  mélange  y  ont 
été  plus  nombreux  qu'ailleurs,  et  l'un  de  ces  éléments  est  tout  à 
fait  propre  au  pays.  On  y  conservait  la  tradition  des  textes  «  afri- 
cains »  du  me  ou  du  ive  siècle,  et  ces  vieux  textes  entraient,  pour 
une  large  part,  dans  la  composition  des  textes  «  mêlés  ».  En  cela, 

1  Saint  Augustin,  Deciv.  Dei,  XX,  7-17. 

8  Cf.  Haussleiter,  Die  lateinische  Apokalypse  der  alten  afrikanischen  Kircke,  p.  162- 
165. 

3  S.  Berger,  Histoire  de  la  Vulgate,  p.  2  et  suiv.  ;  61  et  suiv.  ;  Kenyon,  Our  Bible 
and  the  ancient  manuscripts,  p.  175  et  suiv. 

*  «  Novam  vero  translationem  dissero  ;  sed  cum  probationis  causa  exigit,  nunc  no- 
vam,  nunc  veterem  per  testimonia  assumo  »  (Saint  Grégoire  le  Grand,  Prafat.  ad 
Moral,  in  Job,  Epist.  missor.,  5.  —  Patrol.  lat.  de  Migne,  t.  LXXV,  p.  615}. 

5  Berger,  Histoire  de  la  Vulgate,  p.  xvh  ;  p.  185  et  suiv.  ;  243  et  suiv. 


LA  BIBLE  LATINE  EN  AFRIQUE  41 

comme  en  bien  d'autres  choses,  les  Églises  locales  se  conformaient 
à  l'exemple  donné  par  saint  Augustin  :  entre  la  Bible  de  Fulgence 
ou  de  Primasius,  et  celle  d'Augustin,  il  y  a  une  différence  de  pro- 
portions dans  le  mélange,  non  de  nature.  Mais  les  contrastes  se 
sont  de  plus  en  plus  accusés.  Aucun  écrivain  de  cette  période  ne 
paraît  avoir  même  entrevu  l'utilité  d'un  texte  latin  homogène  et 
fixe,  équivalent  officiel  du  texte  grec.  C'est  peut-être,  au  moins 
dans  une  certaine  mesure,  la  conséquence  indirecte  de  l'histoire 
politique  :  la  domination  vandale,  en  séparant  Cartilage  de  Rome, 
et  la  domination  byzantine,  en  réveillant  dans  la  contrée  l'étude 
du  grec,  a  rendu  plus  difficile,  puis  moins  utile,  l'adoption  d'un 
texte  latin  unique.  Aussi  la  Bible  des  communautés  africaines  du 
ve  et  du  vie  siècle  n'a-t-elle  rien  de  commun  avec  notre  concep- 
tion d'une  Bible  immobile  aux  leçons  arrêtées,  d'une  Bible  com- 
mune à  tous,  soustraite  aux  fantaisies  individuelles  par  la  décision 
d'une  autorité  supérieure.  Saint  Gyprien,  par  la  fixité  de  son  texte 
sacré,  est  infiniment  plus  près  de  nous  que  les  polémistes  de  l'A- 
frique byzantine,  et  même  plus  près  de  nous  que  saint  Augustin 


Conclusion.  —  Les  lexles  •  africains  »  proprement  dits.  —  Reconstitution  du  groupe. 
—  Origine  et  caractère  de  ces  versions.  —  Ce  qui  s;en  est  conservé  dans  la  Vul- 
gate.  —  Influence  sur  la  littérature  chrétienne  d'Afrique. 

Il  nous  a  paru  nécessaire  de  pousser  jusqu'au  bout  l'histoire  de 
la  Bible  africaine.  C'était  le  seul  moyen  d'en  éclairer  les  origines. 
La  question  étant  fort  complexe  et  n'ayant  pas  été  encore  étudiée 
d'ensemble,  il  fallait  commencer  par  retrouver  et  classer  les  pièces 
du  procès,  conservées  en  partie  dans  quelques  manuscrits,  mais 
surtout  éparses,  comme  on  l'a  vu,  dans  la  littérature  locale  depuis 
le  11e  jusqu'au  vie  siècle.  Il  est  possible  maintenant  de  reconstituer 
le  groupe  des  textes  «africains»,  d'en  rapprocher  les  éléments, 
d'en  circonscrire  le  domaine,  d'en  préciser  la  physionomie,  d'en 
marquer  le  rôle  et  l'influence. 

Nous  devons  d'abord  écarter  une  bonne  partie  des  versions  em- 
ployées en  Afrique  depuis  la  fin  du  ive  siècle.  Textes  «  italiens  », 
premières  traductions  de  saint  Jérôme,  Vulgate,  ce  sont  autant 
d'éléments  étrangers,  qui  intéressent  l'histoire  ultérieure  de  la 
Bible  locale,  mais  non  l'étude  des  versions  primitives,  originales, 
de  la  contrée.  Pour  une  raison  analogue,  nous  devons  laisser  de 


42  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

côté  même  les  textes  africains  «  de  basse  époque  »,  puisque  ce  sont 
des  textes  mêlés,  dont  toute  la  nouveauté  consista  dans  ce  mé- 
lange d'éléments  anciens.  De  la  littérature  du  ve  et  du  vie  siècle, 
nous  devons  retenir  seulement  les  fragments  de  versions  «  afri- 
caines »,  insérés  dans  leurs  ouvrages  par  les  auteurs  du  temps, 
surtout  par  les  donatistes  et  par  Primasius. 

Il  y  a,  en  effet,  deux  périodes  très  distinctes  dans  l'histoire  des 
traductions  bibliques  usitées  en  Afrique.  De  la  fin  du  11e  siècle  jus- 
qu'à la  fin  du  ive,  nous  assistons  à  l'évolution  naturelle  des  ver- 
sions locales.  La  seconde  période,  qu'annonce  et  que  domine  Vé- 
clectisme  de  saint  Augustin,  est  celle  des  influences  étrangères. 
C'est  la  première  période  seule  qui  doit  nous  occuper  ici.  C'est 
alors  que  la  Bible  africaine  s'esquisse  chez  Tertullien,  se  précise, 
se  complète  et  se  concentre  dans  l'œuvre  de  saint  Cyprien,  puis  se 
maintient  ou  se  développe,  mais  dans  le  même  sens,  chez  saint 
Optât,  chez  les  donatistes  et  Tyconius.  Elle  se  survivra  sans  doute 
chez  saint  Augustin  et  ses  successeurs  ;  mais  on  peut  dire  qu'à  la 
fin  du  iv°  siècle  son  évolution  est  terminée. 

Elle  ne  nous  est  connue  que  partiellement.  Mais  il  en  subsiste 
des  fragments  innombrables,  quelquefois  très  longs  et  très  impor- 
tants :  un  livre  entier,  Y  Apocalypse,  conservée  à  la  fois  par  le 
Palimpseste  de  Fleury  et  par  Primasius  ;  d'autres  livres  presque 
entiers,  les  Actes  des  Apôtres  et  les  quatre  Évangiles,  connus 
soit  par  le  même  Palimpseste  de  Fleury,  soit  par  le  Codex  Bo- 
biensis  ou  autres  manuscrits,  soit  par  les  auteurs.  A  cela,  il  faut 
ajouter,  comme  nous  le  verrons,  certains  ouvrages  deutéro-cano- 
niques  et  la  plus  grande  partie  des  Psaumes,  dont  le  texte  «  afri- 
cain »  s'est  transmis  à  la  Vulgate.  Pour  tout  le  reste  de  la  Bible, 
nous  possédons  des  milliers  de  fragments,  dont  beaucoup  ont  été 
reproduits  plusieurs  fois  dans  la  littérature  locale.  En  somme,  un 
très  riche  ensemble  de  documents,  d'après  lesquels  on  peut  se 
faire  une  idée  des  vieux  textes  «  africains  ». 

Mais,  d'abord,  que  faut-il  entendre  par  là?  En  termes  de  cri- 
tique, un  texte  «  africain  »,  c'est  surtout  un  texte  conforme  à  la 
version  de  saint  Cyprien,  ou  très  voisin  de  cette  version,  en  tout 
cas,  de  la  même  famille.  Ainsi,  l'usage  courant  ne  préjuge  rien 
quant  à  l'origine.  Et  cette  origine  reste  enveloppée  de  mystère. 
On  ne  saurait  affirmer  que  les  traductions  primitives  aient  été 
faites  en  Afrique,  et  moins  encore  qu'elles  y  aient  été  introduites 
du  dehors. 

Nous  avons  vu  qu'on  trouvait  chez  les  auteurs  du  pays  quelques 
souvenirs  d'une  première  évangélisation  venue  d'Orient.  Cette 
première  prédication  n'avait  pu  se  faire  qu'en  grec,  dans  les  villes 


LA  BIBLE  LATINE  EN  AFRIQUE  A3 

de  la  côte,  où  d'ailleurs  l'usage  de  cette  langue  était  assez  répandu. 
Jusque-là,  il  ne  peut  être  question  que  de  la  Bible  grecque. 
Mais  l'évangélisation  systématique  de  la  contrée  est  certainement 
l'œuvre  de  Rome.  Il  serait  donc  tout  naturel  de  supposer  que  les 
missionnaires  romains  eussent  apporté  avec  eux  une  traduction 
latine,  au  moins  des  principaux  livres  ;  et  l'on  pourrait  leur  attri- 
buer, par  exemple,  ce  texte  des  Évangiles  et  des  Épîtres  de  saint 
Paul  que  mentionnent  dès  180  les  Actes  des  Scilitains.  Cette  hy- 
pothèse serait  tout  à  fait  vraisemblable  si  nous  ne  savions  d'autre 
part  que  l'Église  romaine  elle-même  est  restée  toute  grecque 
jusque  dans  la  première  moitié  du  111e  siècle.  Gomment  ces  apôtres, 
qui  ne  parlaient  pas  latin  chez  eux,  auraient-ils  porté  ailleurs,  à 
cette  date,  des  textes  latins? 

C'est  pourquoi,  sans  pouvoir  l'affirmer,  on  croirait  plutôt  que 
ces  versions  «  africaines  »  ont  été  simplement  exécutées  en 
Afrique.  Ainsi  s'expliqueraient  leur  popularité  dans  le  pays,  l'usage 
exclusif  qu'on  en  a  fait  jusqu'au  temps  de  saint  Augustin,  le 
fidèle  souvenir  qu'on  leur  a  gardé,  pour  certains  livres,  jusqu'au 
vie  siècle.  Ce  qui  paraît  surtout  justifier  cette  hypothèse,  c'est  l'é- 
tude de  la  Bible  de  Tertullien.  On  a  vu  que  cet  écrivain  ne  s'ac- 
corde pas  avec  lui-même  dans  ses  citations  d'un  même  passage. 
Il  a  eu  certainement  entre  les  mains,  pour  quelques  livres,  des  tra- 
ductions latines;  et,  pour  ces  traductions,  il  semble  avoir  consulté 
des  manuscrits  divers  au  cours  de  sa  longue  carrière.  Son  texte 
biblique  tantôt  s'écarte,  tantôt  se  rapproche  étrangement  de  celui 
de  saint  Cyprien.  Ne  dirait-on  pas  que  dans  l'œuvre  de  Tertullien 
on  surprend,  tout  près  de  la  source,  les  origines  de  la  Bible  afri- 
caine? A  ce  moment,  des  essais  de  traduction  se  font  en  divers 
sens-;  le  travail  est  incohérent,  les  résultats  inégaux  et  contradic- 
toires. Mais  la  génération  suivante  mettra  les  choses  au  point. 
Elle  saura  choisir,  compléter,  corriger  :  de  toutes  les  ébauches  du 
temps  de  Septime  Sévère,  elle  tirera  une  œuvre  harmonieuse, 
cette  Bible  africaine  qui  apparaît  entièrement  constituée  au  milieu 
du  ni6  siècle.  Les  incohérences  de  Tertullien  et  les  libertés  qu'il 
prend  avec  les  livres  saints,  l'analogie  assez  fréquente  de  ses  cita- 
tions avec  celles  de  ses  compatriotes  de  l'époque  suivante,  et, 
d'autre  part,  la  constitution  du  groupe  «  africain  »,  la  physio- 
nomie si  tranchée  de  ces  textes  en  face  des  textes  «  européens  », 
tout  cela  demeure  inexplicable  dans  l'hypothèse  d'une  traduction 
importée  de  Rome  et  dès  lors  fixée  ;  au  contraire,  tout  devient 
clair  si  la  Bible  africaine  est  réellement  née  en  Afrique,  si  elle  s'é- 
bauche chez  Tertullien  avant  de  se  préciser  chez  saint  Cyprien. 

Africains  ou  non  d'origine,  ces  textes  l'ont  toujours  été,  ou  le 


M  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

sont  devenus  très  vite,  par  adoption.  Dès  le  moment  où  nous  en 
constatons  l'existence,  ils  sont  déjà  si  bien  naturalisés  que  dans 
les  traités  de  Tertullien,  à  moins  d'être  averti,  il  est  souvent  très 
difficile  de  distinguer  les  citations  des  livres  saints  :  beaucoup  de 
versets  bibliques,  enchâssés  dans  les  phrases  de  l'auteur,  ont 
échappé  ainsi  même  à  la  critique  des  éditeurs  modernes.  C'est  dire 
que  ces  citations  ne  détonnent  pas  dans  le  style  des  écrivains  du 
pays  ;  et  l'on  pourrait  tirer  de  cette  simple  observation  un  argu- 
ment assez  fort  en  faveur  de  l'origine  africaine.  Toujours  est-il 
que  ces  textes,  depuis  le  règne  de  Sévère,  appartiennent  en  propre 
à  la  contrée.  Ils  y  ont  été  seuls  en  usage  j usqu'à  la  fin  du  ive  siècle  ; 
et  on  ne  les  rencontre  en  Europe  que  chez  des  auteurs  originaires 
de  la  région,  comme  Lactance  ou  Victorin.  En  ce  sens,  tout  au 
moins,  ils  sont  nettement  africains. 

D'ailleurs,  ils  n'ont  jamais  eu  un  caractère  officiel.  Ils  ont  été 
acceptés  d'abord  par  toutes  les  Églises  locales,  parce  qu'on  n'en 
connaissait  pas  d'autres,  et  ils  ne  s'y  sont  maintenus  que  par  la 
force  de  l'habitude.  Pendant  deux  siècles,  ils  y  ont  régné  seuls  en 
fait,  non  en  vertu  d'une  entente  ou  d'une  décision  quelconque.  Le 
texte  officiel,  pour  l'Ancien  comme  pour  le  Nouveau  Testament, 
restait  le  texte  grec.  Aussi  ne  s'est-on  point  préoccupé  de  fondre 
ou  de  mettre  d'accord  les  diverses  traductions  latines,  d'en  arrêter, 
une  fois  pour  toutes,  les  leçons.  La  Bible  de  saint  Gyprien  n'est 
qu'une  exception  apparente.  L'auteur  emploie  un  texte  unique, 
qu'il  avait  choisi  parmi  d'autres,  ou  qu'il  avait  scrupuleusement 
fixé  pour  son  compte  ;  mais  ce  texte  n'était  pas  celui  de  la  plupart 
des  évêques  africains  dans  l'assemblée  tenue  à  Garthage  en  256,  et 
rien  n'autorise  même  à  supposer  qu'il  ait  été  alors  adopté  par  tous 
les  fidèles  de  l'Église  de  Carthage.  Si  cette  version  a  été  souvent 
consultée  et  partiellement  reproduite  aux  siècles  suivants,  c'est 
surtout  parce  que  les  Testimonia  étaient  d'un  usage  commode  et 
étaient  lus  de  tous.  Chez  les  contemporains  et  chez  les  successeurs 
de  saint  Cyprien,  on  surprend  des  traces  de  traductions  parallèles, 
également  africaines  et  assez  voisines,  mais  pourtant  indépen- 
dantes. Il  n'y  a  donc  pas  une  version  «  africaine  »  de  la  Bible, 
mais  une  famille  de  versions  «  africaines  »  :  celle  de  saint  Cyprien 
n'est  que  la  plus  importante,  la  plus  célèbre,  et  la  mieux  conser- 
vée, des  versions  de  cette  famille. 

Dans  l'état  actuel  des  études  sur  le  latin  d'Église,  il  est  impos- 
sible de  démêler  avec  certitude  tous  les  éléments  dont  se  com- 
posent les  textes  «  africains1  ».  Ils  se  définissent  surtout  en  s'op- 

1  Sur  la  langue  de  ces  vieux  textes  bibliques,  ou  trouvera  beaucoup  d'intéressantes 
observations  de  détail  dans  les  ouvrages  ou  mémoires  suivants  :  Kônsch,  Itala  une 


LA  BIBLE  LATINE  EN  AFRIQUE  48 

posant  aux  textes  d'autres  familles,  «  européens  »  ou  «  italiens  ». 
Sans  doute,  on  y  reconnaît  l'emploi  de  termes  qui  semblent  parti- 
culiers à  ce  groupe.  Tel  est  l'exemple  cité  déjà  par  Tertullien  *  : 
Sermo  dans  le  sens  de  Verbe,  le  Logos  des  Grecs,  le  Verbum  de 
la  Vulgate.  On  a  relevé  beaucoup  de  faits  analogues,  et  l'on  pour- 
rait en  signaler  bien  d'autres  :  acceptions  nouvelles,  mots  ou 
formes  étranges.  Nous  ne  nous  y  arrêtons  pas,  parce  qu'il  serait 
hasardeux  d'en  lirer  une  conclusion.  Telle  expression,  tel  tour  de 
phrase,  qui  sont  familiers  et  paraissent  propres  à  ces  textes,  n'ont- 
ils  pas  été  usités  parfois  en  d'autres  régions?  C'est  ce  qu'on  ne 
saurait  encore  affirmer  aujourd'hui  ;  la  question  ne  pourra  être 
tranchée,  ni  même  étudiée  sérieusement,  tant  que  ne  seront  pas 
terminées  la  publication  méthodique,  l'analyse  critique  et  la  com- 
paraison de  toutes  les  anciennes  versions  bibliques.  Tout  ce  qu'on 
peut  dire,  c'est  que  le  vocabulaire  des  textes  «  africains  »,  les  pro- 
cédés de  dérivation  et  de  composition,  la  syntaxe,  rappellent  tout 
à  fait  la  langue  des  vieux  auteurs  africains,  surtout  de  Tertullien  2. 

On  rencontre  dans  ces  versions  quelques  hébraïsmes  et  beau- 
coup d'héllénismes3.  En  général,  les  traducteurs  ont  suivi  et 
rendu  les  textes  grecs  avec  une  minutieuse  et  servile  exactitude, 
s'appliquant  si  bien  à  calquer  leurs  mots  sur  ceux  de  l'original, 
que  souvent  ils  déforment  le  latin,  faussent  le  mécanisme  de  la 
phrase,  y  jettent  des  termes  bizarres,  ou  détournent  le  sens  des 
termes  usuels.  Ils  visent  à  la  fidélité  du  rendu,  et  sacrifient  tout  à 
ce  scrupule.  Presque  toujours,  en  revanche,  ils  sont  plus  courts, 
plus  énergiques  que  la  Vulgate,  et  serrent  le  grec  de  plus  près4. 

Une  chose,  surtout,  est  ici  évidente  :  c'est  l'action  prépondé- 
rante du  latin  vulgaire,  avec  son  dédain  du  jeu  compliqué  des 
flexions,  avec  ses  déformations  analogiques,  avec  ses  libertés,  ses 
surprises  pittoresques  et  ses  tendances  analytiques  5.  Les  auteurs 

Vulgata  (2e  édition,  1875)  ;  Die  alttestatnentliche  Itala  in  den  Schriften  des  Cyprian, 
1875;  Die  âltesten  lateinischcn  Bibeliibersetzungen  nach  ihrem  Werte  fur  die  latei- 
nische  Sprachwissenschaft,  dans  les  Collectanea  philologa  (Bremen,  1891)  ;  Sittl,  Die 
lokalen  Verschiedenheiten  dcr  latein.  Sprache  (ErlaDgen,  1882)  ;  Wordworlh,  Sanday 
and  White,  Old  Latin  biblical  Texts  (Cf.  surtout,  t.  II,  p.  xcix  etsuiv.);  Hauschild, 
Einige  sicherc  Kennzeichen  des  afrikanischen  Latein  (Francfort,  1889);  Kûbler,  Die 
lateinische  Sprache  au f  afrikanischen  Inschriften,  1893  ;  Ehrlich,  Beitràge  zur  Lati- 
nitàt  der  Itala  (Rochlitz,  1895);  Burkitt,  The  Old  Latin  and  the  Itala,  p.  11  et 
suiv.  ;  41  et  suiv. 

1  Tertullien,  Advers.  Prax.,  5.  —  Cf.  Corptts  inscript,  lat.,  VIII,  2309  =  supplem. 
17759  :  «  Doraini  Dei,  qui  est  sermoni.  » 

8  Ronsch,  Itala  und   Vulgata,  p.  5  et  suiv.  ;  471  et  suiv. 

3  Ibid.,  p.  238-257  :  434-454  ;  Sittl,  Die  lokalen  Verschiedenheiten  der  latein.  Sprache^ 
p.  92-120. 

*  Ronsch,  Itala  und  Vulgata,  p.  4  et  suiv. 

5  Ibid.,  p.  8  et  suiv.;  Sittl,  Die  lokalen  Verschiedenheiten  der  latein.  Sprache, 
p.  120-140. 


46  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

chrétiens,  d'anciens  rhéteurs  pour  la  plupart,  ont  été  frappés  de 
cette  physionomie  populaire,  un  peu  barbare,  de  leur  Bible  latine. 
Saint  Augustin  avoue  qu'il  en  fut  longtemps  choqué,  et  ses  dé- 
goûts de  lettré  contribuèrent  à  retarder  sa  conversion  l.  Plus  tard, 
il  essaya  de  justifier  la  langue  des  traductions  en  usage.  Il  invo- 
quait la  nécessité  d'être  exact  :  «  Le  plus  souvent,  dit-il,  le  parler 
vulgaire  est  plus  utile,  pour  exprimer  les  choses,  que  la  correction 
du  langage  des  lettrés2.  »  Il  en  donnait  entre  autres  exemples, 
dans  un  verset  des  Psaumes3,  l'emploi  anormal  du  pluriel  san- 
guines :  «  Ce  terme  emprunté  à  l'usage  vulgaire  sert  ici  à  éviter 
l'ambiguïté  et  l'obscurité;  ce  n'est  pas  ainsi  que  parlent  les  doctes, 
mais  c'est  ainsi  que  parlent  d'ordinaire  les  ignorants. . .  Nos  tra- 
ducteurs ont  compris  qu'il  importait  à  cet  endroit  d'employer  au 
pluriel  ce  mot  qui,  dans  le  bon  latin,  s'emploie  seulement  au  sin- 
gulier. Pourquoi  un  docteur  de  la  religion,  s'adressant  à  des  igno- 
rants, rougirait-il  de  dire  osswn  au  lieu  de  os4?  »  Un  siècle  plus 
tôt,  Arnobe  de  Sicca,  un  rhéteur  transformé  soudain  en  apologiste 
sans  devenir  grand  clerc  en  théologie,  Arnobe  avait  été  blessé  au 
vif  par  les  railleries  des  délicats  contre  la  grossièreté  du  style 
biblique.  Il  avouait  que  les  textes  sacrés  étaient  rédigés  «  en  termes 
populaires  et  de  tous  les  jours5»,  dans  une  langue  «  triviale  et 
sordide6  »,  une  langue  «  semée  de  barbarismes  et  de  solécismes, 
souillée  de  vices  et  difforme7  ».  Et  il  se  fâchait  d'autant  plus 
contre  les  railleurs,  qu'il  était  au  fond  de  leur  avis.  Arnobe,  vivant 
en  Afrique  au  temps  de  Dioclétien,  n'a  connu  que  les  versions 
«  africaines  ».  Et,  en  effet,  c'est  dans  ces  versions-là  surtout  qu'est 
visible  l'empreinte  du  parler  populaire. 

Par  là,  les  textes  bibliques  du  groupe  «  africain  »  sont  de  pré- 
cieux documents  pour  l'étude  du  latin  d'Église  au  me  siècle  de 
notre  ère.  De  plus,  ils  intéressent  directement  l'histoire  de  la 
Vulgate  et  la  littérature  chrétienne  de  la  contrée. 

1  Saint  Augustin,  Confess.,  III,  5  ;  VI,  S. 

2  Id.,  De  doctrin.  Christ.,  III,  3  :  •  Plerumque  loquendi  consuetudo  vulgaris  utilior 
est  significandis  rébus,  quam  integritas  litterata.  » 

3  Psalm.^  xv,  4.  —  La  leçon  défendue  ici  par  saint  Augustin  s*est  conservée  dans 
la  Vulgate  :   «  Non  congregabo  conventicula  eorum  de  sanguinibus.  » 

k  «  Vulgi  autem  more  sic  dicitur  (verbum)  ut  ambiguitas  obscuritasque  vitetur,  non 
sic  dicatur  ut  a  doctis  sed  potius  nt  ab  indoctis  dici  solet.  Si  enim  non  piguit  dicere 
interprètes  nostros  :  «  Non  congregabo  conventicula  eorum  de  sanguin ibus  »,  quoniam 
senserunt  ad  rem  pertinere  ut  eo  loco  pluraliter  enuntiaretur  boc  nomen  quod  in  Latina 
lingua  tantummodo  singulariler  dicitur  :  cur  pietatis  doctorem  pigeât,  imperitis  lo- 
quentem,  ossum  potius  quam  os  dicere  ?  »  (Saint  Augustin,  De  doctrtn.  Christ.,  IV,  10). 

5  Arnobe,  Advers.  nation.,  I,  45  :   «  Popularibus  et  cotidianis  verbis.  » 

6  Ibid.,  I,  58  :  «  Trivialis  et  sordidus  sermo  est.  » 

7  lbid.,  I,  59  :  «  Barbarismis,  soloecismis  obsitœ  sunt,  inquit,  res  vestrae  et  vitiorum 
deformitate  pollutse.  > 


LA  BIBLE  LATINE  EN  AFRIQUE  47 

On  sait  que  la  Vulgate  de  l'Église  catholique  se  compose  d'élé- 
ments très  divers,  et  assez  incohérents.  L'un  de  ces  éléments  est  un 
groupe  de  textes  africains.  On  l'a  dit  quelquefois,  au  moins  pour  cer- 
tains livres  *,  et  nous  avons  contrôlé  cette  assertion  par  une  com- 
paraison méthodique  de  la  Vulgate  et  des  textes  de  saint  Cyprien. 
Ne  pouvant  reproduire  ici  toutes  les  citations  parallèles ,  nous 
devons  nous  contenter  d'indiquer  les  résultats  de  notre  enquête  2. 

Pour  les  livres  canoniques  de  l'Ancien  Testament,  on  ne  constate 
presque  aucun  rapport 3,  sauf  dans  de  rares  passages  où  Ton  peut 
soupçonner  des  interpolations  ultérieures.  Le  fait  n'a  rien  de  sur- 
prenant, puisque  la  Vulgate  de  l'Ancien  Testament  est  la  version 
originale  de  saint  Jérôme  d'après  l'hébreu.  Il  faut  admettre  néan- 
moins une  importante  exception  :  pour  les  Psaumes.  Deux  fois 
sur  trois  chez  saint  Cyprien,  et  presque  aussi  souvent  chez  Ter- 
tullien ,  les  citations  des  Psaumes  coïncident  exactement  avec 
notre  texte  actuel4;  dans  les  autres  versets  du  recueil,  les  diver- 
gences sont  presque  toujours  insignifiantes  5.  Les  rencontres  sont 
si  fréquentes,  si  régulières,  et  dans  de  si  nombreux  traités,  qu'on 
ne  peut  croire  ici  à  des  corrections  postérieures  faites  par  des 
copistes.  Nous  savons,  d'autre  part,  que  notre  Psautier,  le  Psautier 
dit  «gallican»,  est  le  produit  d'une  simple  revision  des  anciennes 
versions.  Il  semble  qu'ici  le  travail  de  saint  Jérôme  ait  été  très 
superficiel,  et  que,  sauf  de  très  légères  modifications,  le  Psautier 
actuel  soit  simplement  une  vieille  traduction  africaine,  ébauchée 
déjà  au  temps  de  Tertullien,  achevée  au  milieu  du  111e  siècle,  et  à 
peine  retouchée  à  la  fin  du  ive. 

La  question  est  plus  complexe  pour  le  Nouveau  Testament. 
Entre  saint  Cyprien  et  la  Vulgate,  les  coïncidences  sont  très  rares 
pour,  Y  Apocalypse  et  les  Épîtres  catholiques,  moins  rares  pour  les 
Évangiles  et  les  Actes,  assez  fréquentes  pour  les  Épîtres  de  saint 

1  Rônsch,  Itala  und  Vulf/ata,  p.  11  ;  Renan,  Marc-Aurèle,  p.  455  et  suiv.  ;  Sittl, 
Die  lokalen  Verr.chiedenheiten  der  latein.  Sprache,  p.  150  et  suiv.  ;  Thielmann,  Archiv 
filr  latein.  Lexikogr.,  t.  VIII,  1894;  Keoyon,  Our  Bible  and  the  ancient  manuscripts, 
1895,  p.  51. 

2  On  comprend  pourquoi  nous  avons  choisi  la  Bible  de  saint  Cyprien  comme  terme 
de  comparaison  :  c'est  par  excellence,  et  même  par  définition,  le  type  le  plus  pur  des 
textes  t  africains  ». 

3  On  en  jugera  par  les  exemples  donnés  plus  haut,  dans  nos  tableaux  de  citations 
parallèles,  ch.  II  et  III. 

4  Le  contrôle  est  facile  à  l'aide  de  Vlndex  Scnpturarum  sacrarum  du  Tertullien 
d'Oehler  (t.  II,  p.  ix-xn),  et  de  Vlndex  scriptorum  du  saint  Cyprien  de  Hartel 
(pars  III,  329-330J. 

5  II  en  est  de  même  du  Psautier  de  saint  Optât,  des  donatistes,  de  saint  Augustin, 
en  un  mot,  de  tous  les  auteurs  du  pays.  Presque  toujours,  aussi,  c'est  le  texte  de  la 
Vulgate  qui  apparaît  dans  les  versets  des  Psaumes  gravés  sur  les  pierres  ou  encastrés 
dans  les  mosaïques.  Voyez  ci-dessus  notre  tableau  des  inscriptions  bibliques  afri- 
caines, ch.  IV. 


48  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Paul  *.  Sans  doute,  on  peut  supposer  çà  et  là  une  intervention  de 
copistes;  mais  on  ne  saurait  tout  expliquer  ainsi,  d'autant  mieux 
que  l'on  observe  le  même  fait  dans  les  manuscrits  bibliques  des 
versions  du  même  groupe 2.  Il  y  a  donc  eu  ici,  sur  la  Vulgate,  une 
influence  directe  ou  indirecte  des  textes  «  africains  ».  L'hypothèse 
d'une  action  directe  serait  peu  vraisemblable,  car  l'on  est  fondé  à 
croire  que,  pour  sa  revision  du  Nouveau  Testament,  saint  Jérôme 
s'est  servi  exclusivement  de  textes  «  italiens  ».  Mais  ces  textes 
«  italiens  »  étaient  eux-mêmes  des  textes  revisés  au  cours  du 
ive  siècle  ;  et  l'on  y  surprend  quelquefois  des  analogies  avec  les 
citations  de  saint  Cyprien.  Selon  toute  apparence,  les  rédacteurs 
des  textes  «  italiens  »,  outre  les  versions  «  européennes  »  qui  étaient 
la  base  de  leur  travail,  ont  consulté  aussi  des  versions  «  africaines  », 
principalement  pour  les  Êpîtres  de  saint  Paul,  et  c'est  par  eux 
que  des  leçons  «  africaines  »  ont  pu  arriver  jusqu'à  la  Vulgate. 

Enfin,  il  y  a  un  groupe  d'ouvrages  dont  le  texte  «  africain  »  s'est 
conservé  tout  entier  dans  notre  Bible  :  ce  sont  quelques  ouvrages 
deutéro-canoniques.  Pour  le  troisième  livre  d'Esdras  3,  pour  la 
Sagesse*,  pour  Sirach  ou  Y  Ecclésiastique 5,  pour  les  Macchabées0, 
les  citations  de  saint  Cyprien  coïncident  mot  pour  mot  avec  la 
Vulgate  ;  quand  par  hasard  elles  s'en  écartent,  c'est  par  de  très 
légères  variantes.  Nous  savons  justement  que  ces  divers  ouvrages, 
alors  exclus  de  la  Bible,  et,  aujourd'hui  encore,  rejetés  par  les 
Églises  protestantes,  n'ont  été  ni  traduits  ni  revisés  par  saint 
Jérôme,  et  que  les  anciennes  traductions  sont  restées  en  usage.  Ce 
sont  les  versions  africaines  qui  l'ont  emporté,  pour  ces  livres-là; 
elles  ont  été  définitivement  admises  dans  la  Vulgate  de  l'Église 
catholique,  sans  doute  à  cause  de  l'autorité  de  saint  Cyprien. 

Avec  des  parties  du  Psautier,  ces  livres  deutéro-canoniques 
paraissent  être  les  seuls  textes  «  africains  »  qui  figurent  aujour- 
d'hui dans  notre  Bible  latine.  Pour  le  reste  de  l'Ancien  Testament, 
les  versions  de  ce  groupe  n'ont  joué  aucun  rcVe  dans  la  constitution 
de  la  Vulgate;  et,  pour  le  Nouveau  Testament,  elles  ont  fourni 

1  Voyez  les  exemples  donnés  plus  haut,  dans  les  citations  parallèles  de  saint  Cyprien 
et  de  la  Vulgate,  ch.  II-IV. 

1  Cf.  plus  haut,  ch.  111,  les  fragments  du  Codex  Bobiensis  et  du  Palimpseste  de 
Fleury,  reproduits  parallèlement  au  texte  de  saint  Cyprien  et  au  texte  de  la  Vulgate. 

3  Comparer  avec  la  Vulgate  la  citation  de  III  Esdras,  iv,  38-40,  chez  saint  Cyprien, 
Epist.  74,  9. 

*  Exemples:  saint  Cyprien,  Testimon.,  II,  14  (=  Sapient.,  ir,  12-17  ;  19-22);  Tes- 
timon.,  III,  15  (=  Sapient.,  ni,  4-8)  ;  Testimon.,  111,  16  (=  Sapient.,  v,  1-9). 

5  Saint  Cyprien,  Testimon.,  II,  1  (=  Ecclesiastic,  xxiv,  5-11;  25-26,  Vulgate); 
Testimon.,  III,  1  (Ecclesiastic.,  xiv,  11-12  ;  xxix,  15),  etc. 

6  Saint  Cyprien,  Testimon.,  III,  15  (=  I  Macchab.,  n,  52);  Testimon.,  III,  17 
=  II Macchab.,  \n,  9;  14;  16-19);  Ad  Fortunat.,  11  (=  Il  Macchab.,  vu, 27-29),  etc. 


LA  BIBLE  LATINE  EN  AFRIQUE  49 

seulement  des  leçons  isolées,  transmises  probablement  à  saint 
Jérôme  par  les  rédacteurs  des  textes  «  italiens  ». 

Bien  plus  décisive  a  été  l'influence  de  la  Bible  africaine  sur  la 
littérature  chrétienne  du  pays.  Ces  fragments  des  Évangiles,  des 
Actes  des  Apôtres,  de  Y  Apocalypse,  qui  nous  ont  été  conservés 
par  le  Codex  Bobiensis  ou  le  Palimpseste  de  Fleury,  ces  citations 
si  nombreuses  et  si  variées  dans  l'œuvre  de  Tertullien  ou  de  saint 
Cyprien,  comptent  parmi  les  plus  vieux  et  les  plus  fidèles  témoins 
de  la  langue  nouvelle,  façonnée  à  son  usage  par  le  christianisme. 
Ces  textes  bibliques  sont  contemporains  des  premiers  efforts  tentés 
pour  Tévangélisation  systématique  de  la  contrée,  ou,  tout  au 
moins,  pour  l'organisation  des  Églises  ;  ils  sont  antérieurs  à  la 
littérature,  ou  sont  nés  avec  elle.  Matériellement,  ils  occupent  une 
place  considérable,  parfois  prépondérante,  dans  les  apologies,  dans 
les  traités  de  polémique,  de  discipline  ou  d'exégèse,  car  ils  étaient 
la  parole  divine,  l'instrument  des  conversions,  l'arme  toujours 
prête  des  grands  combats  contre  les  païens,  les  Juifs  ou  les  héré- 
tiques. En  fait,  ils  n'ont  cessé  d'agir  sur  le  vocabulaire,  sur  le  style 
et  la  pensée  des  écrivains.  Involontairement  on  retenait  des  livres 
saints,  non  seulement  l'esprit,  mais  la  lettre  ;  et,  par  là,  les  anciens 
rhéteurs  devenus  évêques  s'affranchissaient  de  la  routine  classique, 
s'enhardissaient  aux  façons  de  parler  populaires.  Saint  Augustin 
lui-même  Ta  très  finement  observé  :  «  Telle  est,  dit-il,  la  force  de 
la  coutume,  même  pour  apprendre.  Les  gens  qui  ont  été,  pour 
ainsi  dire,  nourris  et  élevés  dans  la  lecture  des  saintes  Écritures, 
trouvent  plus  naturelles,  et  considèrent  comme  plus  latines,  les 
locutions  qu'ils  ont  apprises  dans  les  Écritures,  et  qui  pourtant  ne 
se  rencontrent  pas  chez  les  vrais  auteurs  de  langue  latine  !.  »  Ces 
vieilles  traductions,  si  étrangères  au  goût  classique,  mais  si 
exactes,  si  bien  calquées  sur  le  grec  et  imprégnées  de  poésie 
biblique,  ont  contribué  à  orienter  vers  de  nouveaux  horizons 
l'imagination  des  écrivains,  même  à  façonner  leur  style.  Elles  ont 
développé  chez  eux  l'habitude  et  le  goût  de  certains  procédés, 
visibles  déjà  chez  Apulée  et  d'autres  païens  du  pays,  mais  encore 
plus  frappants  chez  les  chrétiens  :  hardies  métaphores,  accumu- 
lations d'images,  phrases  courtes  et  symétriques,  opposées  deux 
à  deux  comme  dans  un  verset  des  Psaumes.  Pour  le  style  comme 
pour  la  langue,  presque  tous  les  chrétiens  de  la  contrée  relèvent 
plus  ou  moins  de  la  Bible  africaine. 

Paul  Monceaux. 

1  Saint  Augustin,  De  doctrin.  Christ.,  II,  14  :  «  Tanta  est  vis  consuetudinis  etiam 
ad  discendum,  ut  qui  in  Scripturis  sanctis  quodammodo  nutriti  educatique  sunt,  magis 
alias  locutiones  mirentur  easque  minus  latinas  putent,  quam  illas  quas  ia  Scripturis 
didicerunt,  neque  ia  Latinœ  linguœ  auctoribus  reperiuntur.  > 

T.  XLIII.  n°  85.  4 


LES  DOSITHÊENS  DANS  LE  MIDRASCH1 


L'INTERDIT  PRONONCÉ  CONTRE  LES  SAMARITAINS 

DANS  LES  PIRKÉ  DI  R.  ÉLIÉZER,  XXXVIII 

ET  TANHOUMA,  rnz^i,  §  3 


Dans  son  étude  sur  les  Dosithéens2,  M.  Krauss  a  invoqué  encore, 
comme  passage  où  il  est  question  de  cette  secte  dans  la  littérature 
midraschique,  le  récit  des  Pirhé  di  R.  Éliézer  (xxxviii).  Ce  texte, 
unique  dans  son  genre,  parle  des  soi-disant  premiers  maîtres  des 
Samaritains,  des  rapports  de  ce  peuple  avec  les  Juifs  sous  Ezra 
et  Néhémie  et  de  la  rupture  définitive  des  Samaritains  avec  les 
Juifs  à  la  suite  de  l'application  de  l'interdit.  Ce  qui  seul  intéressait 
notre  confrère,  c'est  l'indication  du  début,  que  les  maîtres  qui,  sur 
l'ordre  du  roi  d'Assyrie,  instruisirent,  dans  la  doctrine  de  Dieu3, 
les  colons  païens  transplantés  en  Palestine  s'appelaient  Dosithée 
et  Zacharie4  et  enseignaient  "psiDi  ï'ip'nttta  nroa  rmn  nso  5.  A 
l'instar  d'autres  savants,  M.  Krauss  voit,  non  sans  raison,  dans  ces 
docteurs  les  hérésiarques  de  sectes  samaritaines,  ce  qui  revient 
à  ramener  les  Sadducéens  et  les  Boéthusiens  nommés  à&ns  Abot 
di  R,  Nathan,  v,  13  fr  e,  à  Saddoc  et  à  Boéthos.  Mais  comme  ses 
prédécesseurs,  M.  Krauss  a  négligé  de  rechercher  l'origine  des 
divers  morceaux  du  récit  et  d'en  déterminer  les  liens  avec  la  litté- 
rature rabbinique.  Avec  une  foi  vraiment  trop  facile  pour  tout  ce 
qui  est  imprimé,  les  savants  qui  se  sont  occupés  de  ce  passage  se 
sont  contentés  de  dire  que  les  Pirhé  di  R.  Éliézer  avaient  utilisé 

1  Voir  t.  XLII,  p.  220  et  suiv. 

2  Revue,  XL11,  p.  27  et  suiv. 
a  II  Bois,  xvir,  27,  28. 

4  Dans  le  Tanhouma,  £0120. 

5  La  Bible  ne  parle  expressément  que  d'un  prêtre  exerçant  à  Beth-El.  Comme  le 
récit  n'en  tient  pas  compte,  mais  parle  de  deux  maîtres  et  ne  nomme  pas  de  prêtre, 
il  ne  s'appuie  pas  sur  la  Bible  et  nest  pas  une  interprétation  du  passage  biblique,  ce 
qui  lui  donne  plus  de  prix. 

6  Deuxième  recension,  x,  13  b. 


LUS  DOSITHÉENS  DANS  LE  M1DRASCH  Si 

des  sources  plus  anciennes.  De  même,  M.  Krauss,  qui  admet,  avec 
raison,  que  fauteur  a  eu  vue  les  Samaritains  de  son  temps,  com- 
bine néanmoins  le  récit  relatif  à  Dosithée  avec  les  indications  des 
Pères  de  l'Église  concernant  le  Dosithée  pré-sadducéen,  et,  au 
mépris  de  toute  critique,  prétend  ainsi  trouver  dans  ce  texte  de 
précieuses  informations  sur  des  événements  antérieurs  de  plu- 
sieurs siècles  à  l'ère  chrétienne.  Un  examen  plus  attentif  du  récit 
permet  de  lui  assigner,  avec  certitude,  la  Babylonie  comme  lieu 
d'origine  et  l'époque  gaonique  comme  date  de  naissance.  Cette 
fiction  décrirait  ainsi  les  Samaritains  de  l'époque  gaonique  vivant 
au  milieu  des  sectes  juives  nées  au  vin0  siècle,  et  serait  un  nou- 
veau document  sur  le  mouvement,  encore  énigmatique,  des  sectes 
au  sein  du  judaïsme  babylonien. 


I.  Les  formes  de  l'interdit. 

La  dernière  partie  du  xxxvni6  chapitre  des  Pirké  raconte  que, 
lorsque  les  Juifs  commencèrent  à  bâtir  le  Temple  sous  Ezra, 
Zorobabel  et  Josué ,  les  Samaritains  envoyèrent  contre  eux 
150,000  hommes1.  lis  voulaient  tuer  Néhémie  et  ils  interrom- 
pirent la  construction  du  sanctuaire.  Cet  événement  détermina 
Ezra,  Zorobabel  et  Josué  à  réunir  tout  le  peuple  dans  le  Temple  ; 
ils  y  amenèrent  300  prêtres,  300  enfants,  300  cors  (schofar)  et 
300  rouleaux  de  la  Loi  ;  ils  (les  prêtres)  embouchèrent  les  cors, 
tandis  que  les  lévites  chantaient  et  jouaient  des  instruments  de 
musique  2.  Puis  on  mit  en  interdit  les  Cuthéens  en  invoquant  le 
nom  comme  il  a  été  prononcé  et  écrit  sur  les  tables  de  la  Loi,  par 

1  Le  texte  porte  :  m^ïl  ÛU^b^  SON  "P!"ï  d^Dtt  Nbm  TH  &^"n73TÛ  "Ol 
û^TlTûTia  1N")p3  *JV173"UZ3  «  Étaient-ee  donc  des  Samaritains  ?  Cependant  c'étaient 
des  Cuthéens.  Mais  ils  ont  été  appelés  Samaritains  à  cause  de  la  ville  de  Samarie.  » 
L'auteur  distingue  donc  entre  les  Israélites  habitant  Samarie  et  les  Cuthéens,  lesquels, 
pour  lui,  sous  Ezra,  étaient  encore  païens  ;  ou  bien  sa  source  avait  Û'1DT172T*Z3,  ex- 
pression que  ses  lecteurs  n'entendaient  pas,  c'est  pourquoi  il  ajoute  le  terme  usuel. 
Les  Karaïtes,  comme  Kirkisani  et  les  autres  écrivains  dépendant  de  lui,  les  appellent 
Û^VWNZ)   «  Samaritains  •. 

*  anaai  œ-nsntt  nia  Tioa  ûttdîi  nN  i^tdi  [finaiatti  'jwirftn] 
«bto  "pnnnn  y+i  ma  anrm  f-pb^rs  "pi  ma  annai  mmbn  b?  ana^n 
■ma  na  baiNn  ba  tien  i&o»  .ûVij  iy  "ma  ns  b&ntzJ^a  d-jn  baao 
(«m  ba-i)  "pai  [bwnOT  ""ma  û^in  -mam  bai  .mm  n\aa  baiN  nb^a 
benia^  b^N  nnnn  inbœi  [i»nm  nanail  ...bvi»?!  rmnna  pbn  anb 
rc-na  ^b7on  *iw  cpoim  ann  hy  a-in  pmb?  id^diïi  (Dm)  tiji  baaaia 

.abij*   ûnn  dmb#  yapn 

C'est  le  texte  des  Pirké;  les  mots  entre  parenthèses  sont  du  Tanhouma.  Cf.  Tosafot 
sur  Guittin,  10  a,  et  Boullin,  4  a. 


52  RKVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

l'interdit  du  tribunal  céleste  et  celui  du  tribunal  terrestre  :  défense 
à  tout  Israélite  de  manger  le  pain  du  Cuthéen.  De  là  cette  sentence  : 
manger  du  pain  de  Cuthéen,  c'est  manger  de  ia  chair  de  porc. 
Défense  aussi  de  recevoir  des  prosélytes  cuthéens.  En  outre,  les 
Cuthéens  seront  exclus  de  la  résurrection.  La  déclaration,  signée 
et  scellée,  fut  envoyée  aux  Israélites  de  Babylonie,  et  ceux-ci  ajou- 
tèrent leur  interdit  à  celui-ci.  En  plus,  le  roi  Cyrus  prononça  contre 
eux  un  interdit  perpétuel. 

Je  n'insisterai  pas  sur  l'anachronisme  qui  fait  vivre  Zorobabei  et 
Josuéen  même  temps  qu'Ezra  ;  cette  erreur,  qui  se  fonde  sur  Ezra, 
xn,  1,  et  sur  la  chronologie  en  l'air  des  rois  de  Perse  telle  que  la 
donne  le  Séder  Olam,  xxix,  est  générale  dans  la  littérature  tal- 
mudique.  Inutile  aussi  de  s'arrêter  sur  ce  nombre  de  cent  cin- 
quante mille  soldats  samaritains.  Par  contre,  nous  devons  exa- 
miner l'interdit  prononcé  contre  les  Samaritains,  tant  à  cause  de 
sa  forme  qu'en  raison  de  la  manière  dont  l'auteur  le  fait  pro- 
noncer, pour  la  fréquence  de  cette  mesure  en  Babylonie  et  surtout 
pour  son  contenu  :  prohibition  du  pain  samaritain  et  refus  d'ad- 
mettre un  Samaritain  dans  le  sein  du  judaïsme  l. 

La  forme  de  l'interdit  et  les  circonstances  qui  accompagnent  le 
prononcé  de  la  peine  sont  exactement  les  mêmes  que  celles  qui 
nous  sont  connues  par  le  gaon  Paltoï  (ixe  siècle)  -.  Celui-ci,  répon- 
dant à  une  Consultation  qui  lui  était  adressée,  déclare  que  pour 
un  débiteur  qui  nie  sa  dette  on  procède  comme  suit  :  On  apporte 
un  rouleau  de  la  Loi,  on  y  cherche  les  malédictions  de  Deut., 
xxvin,. . .  puis  on  prend  des  cors  et  on  amène  des  enfants  de  la 
synagogue  ;  . .  .on  souffle  du  cor  et  on  prononce  sur  le  débiteur  la 
malédiction. . .  malédiction  entière  ;  puis  on  souffle  de  nouveau  du 
cor  et  les  enfants,  ainsi  que  les  assistants,  disent  :  Amen  !  Une 
autre  Consultation  d'un  gaon  babylonien,  rapportée  par  Nathan 
b.  Yehiel  dans  l'Arouch  3,  à  côté  des  particularités  que  contient 
la  réponse  de  Paltoï,  contient  les  détails  suivants  :  «  On  place 
entre  les  mains  du  débiteur  un  rouleau  de  la  Loi,. . .  puis  le  repré- 
sentant du  tribunal  lui  dit  :  Sois  dans  l'interdit  du  tribunal  supé- 
rieur (céleste)  et  du  tribunal  inférieur  (terrestre)...  Puis  on  souffle 
du  cor  et  il  dit  :  Amen  !  »  Une  troisième  Consultation  *,  probable- 
ment de  R.  Haï,  indique  également  que  l'on  dit  :  «  Que  tu  sois 
dans  l'interdit  du  tribunal  supérieur  et  du  tribunal  inférieur»; 
puis  on  lui  lit  Deut.,  xxix,  19,  20,  et,  à  la  fin,  l'inculpé  dit  deux 

1  Cf.  Zunz,  Gottcsdienstl.  Vortrœgc,  2°  éd.,  p.  288-289. 

2  Consultations  des  Gaonim,  éd.  Lyck,  n°  1U;  p*ï2£  "n^lE,  v,  4,  14,  p.  75  a. 

3  S.  v.  nO!T,  m,  229  a. 
*■  Éd.  Lyck,  n°  9. 


LES  D0S1THKENS  DANS  LE  MIDKASCU  33 

fois  :  Amen  ! !  R.  Haï  indique  encore  une  fois 2  pour  le  même  cas 
la  présence  des  enfants,  l'emploi  des  cors  et  du  rouleau  de  la  Loi  ; 
Paltoï  dit  aussi  que  le  prononcé  de  l'interdit  est  communiqué  aux 
communautés  voisines  et  leur  est  annoncé  publiquement  \  Comme 
cette  concordance,  qui  porte  sur  presque  toutes  les  particularités 
de  l'interdit  prononcé  contre  les  Samaritains,  ne  peut  pas  être  for- 
tuite, nous  avons  de  la  sorte  l'origine  babylonienne  de  la  descrip- 
tion des  Pirké;  et  comme  l'interdit  tel  qu'il  est  décrit  par  Paltoï, 
quoique  celui-ci  n'en  soit  pas  l'auteur,  ne  peut  pas  cependant 
avoir  été  aussi  établi  longtemps  avant  lui,  le  récit  des  Pirhé  ne 
remonte  guère  au  delà  du  vin0  siècle. 

On  objectera,  il  est  vrai,  qu'à  l'instar  de  toutes  les  coutumes 
babyloniennes  de  caractère  religieux  qui  ont  leur  origine  en 
Palestine,  et,  malgré  leur  transplantation  en  Babylonie,  n'ont 
subi  que  des  modifications  peu  importantes,  la  forme  de  l'interdit 
décrite  ci-dessus  pourrait  avoir  existé  en  Palestine,  en  sorte 
qu'on  ne  saurait  rien  prouver  de  là  pour  l'origine  et  l'époque  de 
l'apparition  de  notre  récit.  Bien  que  les  sources  palestiniennes  ne 
disent  pas  que,  pour  prononcer  l'interdit,  l'on  prenait  un  rouleau 
de  la  Loi,  par  contre,  elles  montrent  l'usage  de  faire  assister 
les  enfants  comme  témoins  d'une  action  publique,  par  exemple 
lors  d'un  mariage  ou  d'une  vente  de  biens.  En  ces  occasions, 
on  distribuait  aux  enfants  des  épis  rôtis4,  afin  que  plus  tard 
ils  se  souvinssent  de  l'événement  et  pussent  servir  de  témoins5. 
Mais  ce  rapprochement  n'a  rien  de  décisif.  Dans  le  Talmud,  il 
est  question  d'enfants  qui  se  trouvent  justement  dans  la  rue  et  à 
qui  les  gens  de  la  noce  ou  les  parents  du  vendeur  de  la  propriété 
distribuent  des  épis  rôtis,  tandis  qu'en  Babylonie  on  va  quérir  les 
enfants  à  l'école  qui  se  trouve  à  côté  de  la  synagogue,  afin  qu'ils 
soient  témoins  de  la  cérémonie  de  l'interdit. 

Très  instructif  et  tout  à  fait  décisif  pour  l'origine  des  formalités 
de  l'interdit  est  le  rôle  du  schofar  en  cette  circonstance.  Autant 
qu'il  m'en  souvienne,  il  n'y  a  pas  de  passage  dans  le  Talmud  qui 
indique  l'emploi  du  schofar  en  Judée  ou  en  Galilée  dans  de  pareils 
cas.  Dans  ces  provinces,  l'interdit  était  l'arme  dont  se  servait  le 
maître  pour  la  sauvegarde  de  si  propre  dignité  en  face  du  peuple, 

1  Cf.  encore  pl^:  ^IJfO,  p.  73  a,  n°  9. 

2  P.  76  a,  n°  22.  Une  Consultation  de  R.  Schalom  Gaon  (Horowilz,  blZ3  'jnTin 
tTSTOfiTl,  i>  47;  PDVSn  "n3HZ5,  n°  33,  éd.  Lyck,  n°  41;  Mûller,  nnD73,  p.  99, 
n°88)a:nDCQ   KmW    ■p-lTlSl    13*535    «11373    ^r^b'J  ^33^73*1    8113^    33 

wanrrn  «nàim  rnin. 

3  Ed.  LycU,  no  10. 

4  Ketoubot,  n,  1  ;  babli  2S£,  etjér.  Kull.,  i,  60tf,  lignes  24  et  suiv. 
s  Ketoub.,  28  b  ;   To$.,  m,  3. 


54  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

ou  encore,  à  en  juger  par Tanathème  infligé  à  Àkabia  b.  Mahalalel 
par  le  collège  des  docteurs  ',  à  Eliézer  b.  Hyrkanos  par  R.  Gama- 
liel  II 2,  et,  à  en  juger  aussi  par  celui  que  R.  Simon  b.  Gamaliel  H 
voulut  suspendre  sur  R.  Méir3,  et  par  d'autres  cas  signalés  dans 
jér.  Moëd  Kat.,  m,  81  d,  ligne  21  et  suiv.,  c'était  une  arme  entre 
les  mains  du  président  de  l'Ecole  et  du  patriarche  contre  les 
membres  rebelles  du  collège.  Mais,  dans  le  premier  cas,  la  peine 
était  de  moindre  degré  et  n'était  pas  publiée  ;  dans  le  second,  elle 
ne  regardait  que  les  docteurs  et  était  annoncée  par  le  président. 
Si,  d'autre  part,  R.  Josué  b.  Lévi  prétend  connaître  vingt-quatre 
cas  où  il  y  a  lieu  d'administrer  l'interdit4,  ce  chiffre  n'est  qu'un 
chiffre  rond  dont  se  sert  souvent  ce  docteur  5,  et  il  ne  s'agit  tou- 
jours que  de  docteurs.  Mais  dans  tous  ces  cas  il  n'est  jamais  ques- 
tion du  schofar.  En  revanche,  dans  Moëd  Kat.,  16  a,  il  en  est  fait 
mention  par  l'amoréen  babylonien  Raba,  dans  un  passage  où  il  rat- 
tache au  texte  biblique  les  différentes  parties  de  la  procédure  de 
l'interdit  usitée  en  Babylonie.  Ce  docteur  n'était  évidemment  pas 
l'auteur  de  cette  cérémonie,  car  il  en  parle  comme  d'une  chose 
connue,  et,  de  fait,  elle  existait  déjà  au  temps  d'Oulla,  qui  vivait 
au  me  siècle.  Ce  docteur  prétend,  en  effet,  que  Baraq  aurait  avec 
400  schofar  frappé  d'interdit  Méroz,  qui  n'avait  pas  pris  part  au 
combat  contre  Sisera  (Juges,  v,  23).  Ce  fut  probablement  Rab  qui 
organisa  la  procédure  de  l'interdit  ;  il  s'en  sert  pour  contraindre 
le  peuple  à  l'obéissance6.  Mais  lui  non  plus  n'en  fut  pas  l'auteur, 
attendu  que  son  collègue  Samuel  mentionne  l'interdit  comme  une 
mesure  connue7  et  semble  même  s'être  servi  du  schofar  pour  une 
telle  cérémonie  s.  Comme  on  ne  retrouve  rien  de  semblable  en 
Palestine,  on  peut  conclure  de  la  manière  de  procéder  des  deux 
premiers  amoraïm  babyloniens,  que  l'organisation  de  l'interdit 
est  babylonienne  9  ainsi  que  l'emploi  du  schofar10. 


1  Edouyot,  v,  6. 

2  Cf.  Berachot,  19  a. 

3  /.  Moëd  Kat.,  m,  81  c,  en  bas. 

*  Berach.,  19  a  ;  jér.  Moëd  Kat.,  m,  81  d,  18. 

5  Bâcher,  Palacst.  Amoraeer,  I,  150.  note  6. 

6  Moëd  Kat.,  16  a  ;  Yebam.,  52  a  ;  Kidd.,  12  b, 

7  Pesah.,  52  a. 

8  Moëd  Kat.,   16  5  :  fcnra  EJIttl  "ION  t2M2- 

9  Moëd  Kat.,  Ma. 

10  Rab  s'est  occupé  de  l'emploi  du  schofar  dans  l'interdit.  On  rapporte,  dans  Mc#d 
Kat.,  ce  qui  suit  :  «  Un  homme  vioh  nt  ayant  maltraité  un  docteur,  celui-ci  vint  de- 
mander conseil  à  R.  Joseph.  Celui-ci  lui  conseilla  de  le  frapper  d'anathème.  Comme* 
le  docteur  exprimait  son  appréhension  d'employer  un  pareil  mo}en,  R.  Joseph  lui 
répondit  que  l'on  pouvait  édicter  l'anathème  par  écrit.  Le  docteur  déclarant  encore  ce 
moyen  dangereux,  il  lui  dit  :  Phce  la  formule  écrite  dans  un  vase  de  terre,  que  tu  por- 
teras au  cimetière,  et  pendant  quarante  jours  fais  entendre  mille  coups  de  schofar.  Il 


LES  DOSIÏIIEENS  DANS  LE  M1DHASGH  55 

D'ailleurs,  le  schofar  ne  s'employait  en  Palestine  que  dans  des 
actes  en  rapport  avec  l'exercice  du  culte,  le  Rosch  Haschana,  aux 
jeûnes  publics  \  lors  de  la  fixation  et  de  la  proclamation  de  la  néo- 
ménie2,  à  l'approche  du  sabbat,  afin  d'avertir  ceux  qui  étaient  aux 
champs  ou  dans  les  boutiques  qu'ils  eussent  à  cesser  leur  travail 3. 
Par  contre,  en  Babylonie,  on  sonnait  le  schofar,  non  seulement 
pour  annoncer  le  sabbat4,  mais  pour  d'autres  objets.  On  lit  dans 
Sanh.,  1  b  :  Lorsque  R.  Houna  se  rendait  au  tribunal,  il  disait  : 
Prenez  mes  instruments  professionnels,  à  savoir  le  schofar,  pour 
prononcer  l'interdit,  d'après  l'explication  de  Raschi.  Cependant, 
peut-être  le  schofar  servait-il  en  un  autre  cas,  vu  que  dans  Aboda 
Zara,  blb,  il  est  rapporté,  qu'après  une  controverse  à  l'école  les 
cors  de  Raba  sortirent  et  déclarèrent  la  chose  permise,  tandis  que 
les  cors  de  ses  adversaires  l'interdirent 5  ;  d'où  il  ressort  que  les 
docteurs  babyloniens  annonçaient  leurs  décisions  dans  les  matières 
religieuses  à  l'aide  du  cor.  De  même,  lorsqu'un  enterrement  avait 
lieu,  les  cors  exhortaient  la  population  à  y  participer,  comme  il 
est  dit  dans  Moëd.  Kat.,  27  b  :  «  R.  Hamnouna  arriva  dans  un 
endroit  et  entendit  (aaaizn  BrffifTB  bip)  les  sons  du  schofar  pour  un 
mort.  Voyant  des  gens  continuer  leur  travail,  il  dit  :  Vous  serez 
frappés  de  l'interdit  :  n'y  a-t-il  donc  pas  un  mort  ici?  »  Des  son- 
neurs de  cor  accompagnaient  le  convoi.  On  dit   dans  Ketonb., 

suivit  ce  conseil  et  l'homme  violent  mourut.  »    Là-dessus  il  est  dit  dans  le  Talmud  : 

■nan  rmrr  a-n  rma  jprnt*  'n  ^73»  snan  ^73  .  1:37373  ■pjnsaiz)  "mois  ints 

11 731  "Tia  «  Quel  est  le  sens  du  schofar  dans  l'interdit  ?  Que  Dieu  punit  le  condamné. 
Pourquoi  pousse-t-on  des  sons  hrisés  ?  R.  Isaac,  fils  de  R.  Juda,  dit  :  Cela  indique 
la  ruine  de  la  maison  orgueilleuse.  •  Pour  lui,  chaque  lettre  du  mot  T)an  représente 
un  mot.  Le  nom  de  l'auteur  de  la  première  phrase  manque  dans  les  éditions;  les 
Halarhot  G-uedolnt  (éd.  Hildesheimer,  p.  427)  portent  Rab  ;  c'est  Raba  d'après  le  ms. 
de  Munich.  Il  me  paraît  plus  vraisemblable  que  c'était  Rab,  parce  que  celui-ci  exa- 
mine les  points  les  plus  importants  de  l'interdit  de  la  même  manière  dans  Moëd  Kat., 
17  a,  tandis  que  Raba  cherche  dans  une  série  de  versets  le  fondement  biblique  des 
coutumes. 

1  Rosch  ha-Schana,  26  b  et  27  a  ;  cf.  Raschi  sur  Taanit,  15  b,  en  haut. 

2  Nidda,  38  a;  cf.  Raschi  et  Arottch,  s.  p.  113^3. 

3  Josèphe,  Bell,  jud.,  IV,  9,  12;  Soucca,  v,  5  ;  Houllin,  i,  7;  Sabbat,  35  b. 

4  Sabbat,  35  b,  dans  une  baraïta  :  Avant  rentrée  du  sabbat,  il  y  a  six  sonneries  : 
la  première  pour  engager  les  ouvriers  des  champs  à  quitter  le  travail,  la  deuxième 
pour  ceux  qui  sont  employés  dans  la  ville  et  dans  les  magasins,  la  troisième  invite  à 
allumer  les  lumières  du  sabbat,  puis  viennent  trois  sonneries  pour  marquer  la  clôture  ; 
telle  est  l'opinion  de  Nathan  le  Babylonien.  Alors  R.  Simon  b.  Gamaliel  dit:  Que 
peut-on  faire  avec  les  Babyloniens  qui,  comme  dernière  sonnerie  pour  les  signaux, 
ont  la  teroua,  puis  commencent  le  sabbat?  Ce  leur  est  un  usage  venu  des  pères.  Il 
s'agissait  donc  d'une  ancienne  coutume  des  Juifs  babyloniens  qui  s'appuyait  sur  le 
cérémonial  du  temple  de  Jérusalem,  niais  qui,  pour  les  détails,  différait  de  la  coutume 
palestinienne.  C'était  au  bedeau  qu'incombait  la  fonction  en  que  lion. 

6  am  «ran  na  «yin  a-n  i-ntfnD  "9231  "niai   «am  ■ma'rçj  ^pèa 

•  ïnocn  *j73n:   an  na  N:in 


56  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

17  a,  que  la  prescription  d'interrompre  à  cause  d'un  enterrement 
l'étude  de  la  Tora  ne  doit  être  observée  qu'au  cas  où  il  n'y  a  pas 
suffisamment  d'assistants.  Sur  la  question  des  Amoraïm  :  «  Com- 
bien de  participants  faut-il  entendre  par  là?  »  un  docteur  répond, 
au  nom  de  Rab  :  «  12,000  hommes  et  6,000  cors  »  ;  d'après  une 
autre  tradition  :  «  12,000  hommes,  et  parmi  eux  6,000  cors1  ». 
Dans  cet  usage  général  du  schofar  en  Babylonie  je  vois  une  con- 
firmation de  l'hypothèse  que  la  cérémonie  de  l'interdit,  que  com- 
mencent et  finissent  les  sons  du  schofar,  est  d'origine  babylonienne 2 . 

Mais,  d'autre  part,  comme  en  énumérant  ces  particularités,  le 
Talmud  ne  parle  jamais  ni  de  l'emploi  des  rouleaux  de  la  Loi,  ni 
de  la  présence  des  enfants,  ni  de  la  communication  de  l'interdit  à 
d'autres  communautés,  il  en  résulte  que  la  description  de  l'inter- 
dit telle  qu'elle  se  trouve  dans  les  Consultations  des  Gaonim  rap- 
porte des  formalités  en  usage  à  l'époque  post-talmudique.  D'où 
il  résulte  encore  que  le  récit  des  Pirké  di  R.  Eliézer  est,  sous  sa 
forme  actuelle,  d'origine  babylonienne,  plus  exactement  gaonique. 

Si  nous  éliminons  ces  traits  plus  récents  ainsi  que  le  nom  mys- 
térieux de  Dieu  et  la  mention  de  300  prêtres  et  lévites,  il  ne  reste 
que  cette  simple  information  qu'Ezra  et  ses  compagnons  frap- 
pèrent d'interdit  les  Samaritains,  défendirent  leur  pain  et  leur 
admission  dans  le  judaïsme  et  leur  refusèrent  la  participation  à  la 
résurrection.  Ces  détails  sont-ils  empruntés  à  une  ancienne  source 
palestinienne  ? 

1  Ces  chiffres  fantastiques  de  12,000  et  de  G, 000  se  retrouvent  plusieurs  fois  dans  la 
bouche  des  docteurs  babyloniens,  voir  Yebamot,  16  £,  tandis  que  dans  les  mêmes  cas 
ceux  de  Palestine  parlent  de  80,000  et  de  40,000.  Voir  le  Midrasch  sur  Lamentations, 
ii,  2  ;  cf.  jér.  Taanit,  iv,  69  b,  45. 

2  On  lit  dans  les  ^nai  mb^H  (Jellinek,  Beth  ka-Midrasch,  Ilf,  p.  84)  :  t-jbY7} 

•p»vim3i  )^w\  V3^i  V^ft  *p  "infin  V^pin*1  •py'ntti  jvpnntt  ibiatt 
b&mz^b  ï-rnn  rare»  dte  ïiby»  bu:  "rn  n^2  û'P  "»a  û*wd  ™bip 
D^TiBbi  n^-rmbi  n^iasbi  a^aibrb  o^Tonbi  ù^^bi  D^-iiaabi  D"nurô 
Nosbi  nb  i«w  ^nbtf  "ni  tt5"3£*tab  iym  Km  nttibi  naanwa  mbybi  Trb 
aas  bai  natt  bia  yn  rrab-i  ï-hyn  b©  'pa  mabi  -naan  nnabi  maa 

.■nmwfa  babi  an» 

Si  notre  démonstration  est  exacte,  ce  passage,  où  il  est  question,  à  propos  de  l'in- 
terdit dans  le  ciel,  du  schofar  et  des  tribunaux  inférieurs  et  supérieurs,  montre  l'ori- 
gine babylonienne  du  livre.  Ici  nous  avons  aussi  un  passage  parallèle  pour  la  partie 
non  expliquée  du  récit  relatif  à  l'interdit  des  Samaritains,  l'invocation  du  tétragramme 
T25TIS72Ï1  ID125  TlD-  Cette  donnée  mystique  vient  peut-être  de  ce  que,  pour  la  con- 
juration de  la  femme  suspecte  d'adultère  ainsi  que  pour  toute  autre  conjuration  sem- 
blable accompagnée  de  malédiction,  on  devait  prononcer  le  nom  de  Dieu  (Sifré1, 
Nombres,  14  ;  Schebouot,  35  b  ;  Arouch,  s.  v.  DOtl,  III,  229  «  en  bas).  Nous  tiendrons 
également  pour  babyloniens  ces  récits  du  traité  Kalla,  i  :  XûbW2  TT^bM  "a")  P15ÏH 

•p«ri  To?  mia  nnan  a^an  ^n^bn  maa  nrtN  îiba  ntt&n  rrnsnia  nyxn 

Ï121T3  rtmiSa  rsbaa  nmUJÎl,  et  de  la  baraïta  de  Kalla,  i  :  13  -lT3?bN    '"1  fnDtt 

.ûb-is>b  nb-ntt  ib  va  nbant:  oia  bapwn  ba  rma-na  n$n  ^a-iND  rrnra 


LES  DOSITIIKUNS  DANS  LU  M1DH ASCII  57 


II.  L'interdiction  du  pain  des  Samaritains. 

Qu'y  a-t-il  d'historique  dans  ce  récit?  Déjà  les  Tosafistes  en 
plusieurs  endroits  ont  relevé  la  contradiction  de  ce  récit  avec  ce 
que  dit  le  Talmud  sur  le  pain  samaritain.  Dans  le  Talmud  on  va 
jusqu'à  permettre  d'employer  dps  azymes  samaritains  le  soir  de 
Pàque  *  :  iwbx  'n  .nson  ironn  *v  m  eem  tnan  mm»  tiid  niswa 
-i»in  bfcrbîaa  *p  ïi*»ib  pn  .ba-rayo  mx»  ^pi-ipin  "paopa  "para  ^sb  -ioik 
bônur»  nnv  m  ^p^ip^  rmn  ù\-td  m  TpwnD  m*»  te.  Même  R. 
Eléazar,  qui  interdit  l'usage  de  la  maça  samaritaine,  ne  sait  pas 
que  le  pain  samaritain  soit  défendu.  La  solution  des  Tosafistes  ne 
peut  se  soutenir.  On  pourrait  tout  au  plus  admettre  que  la  donnée 
des  Pirlié  est  le  vestige  d'une  période  beaucoup  plus  ancienne  de 
la  législation  judaïque  concernant  les  Samaritains  que  la  baraïta, 
qui  date  des  années  140-170.  Assurément  le  fait  que  les  Tosafistes 
n'essaient  pas  de  produire  un  passage  analogue  de  la  littérature 
talmudique  n'est  pas  pour  faire  supposer  que  les  Pirhé  reflètent 
une  période  d'évolution  qu'on  pourrait  retrouver  dans  le  Talmud. 
Dans  jér.  Aboda  Zara,  v,  45  a,  50,  une  baraïta  porte  :  «  Quand 
peut-on  utiliser  les  azymes  des  Samaritains  après  la  Pâque?  Ceux 
des  particuliers,  trois  semaines  après  la  cuisson  ;  des  boulangers 
citadins  après  trois  jours;  ceux  de  la  campagne  après  une  triple 
cuisson.  R.  Simon  b.  Elazar  dit  :  Ce  qui  concerne  le  particulier  ne 
s'applique  qu'à  un  homme  de  bonne  condition  ou  un  homme  qui 
fait  les  noces  de  son  fils,  si  bien  que  dans  la  semaine  on  cuit  trois 
fois,- etc.  »  On  retrouve  les  mêmes  traits,  quoique  avec  beaucoup  de 
divergences,  dans  le  traité  sur  les  Samaritains,  n,  5,  où  l'on  ajoute 
encore  que  ces  restrictions  ne  sont  à  observer  qu'au  cas  où  les 
Samaritains  n'ont  pas  cuit  les  azymes  pour  la  Pâque  avec  les  Juifs 
ou  bien  ont  célébré  la  fête  un  jour  avant  les  Juifs;  mais,  s'ils  ont 
cuit  les  azymes  avec  les  Juifs  ou  s'ils  célèbrent  la  fête  un  jour 
plus  tard,  on  peut  se  servir  de  leurs  azymes  immédiatement 
après  la  fête'2.  Or,  comme  Simon  b.  Elazar,  l'élève  des  Tannaïtes 
nommés  plus  haut,  qui  était  collègue  du  patriarche  R.  Juda  I  et 
était  souvent  en  polémique  avec  les  Samaritains 3,  ne  sait  rien 

1  Houllin,  ka  ;  Tos.  Pesahim,  i,  15. 

2  La  Tosefta  (Pesahim,  i,  13)  a  D"vtà,  mais  comme  on  dit  de  ces  non-juifs  qu'ils 
observent  la  Pàque,  cuisent  avec  les  Juifs  des  azymes  et  ne  se  distinguent  des  Juifs 
dans  l'accomplissemeut  de  la  Loi  que  par  l'exactitude,  il  est  indubitablement  question 
des  Samaritains. 

3  Bâcher,  Agada  der  Tannaiten,  II,  p.  422. 


58  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

d'une  interdiction  du  pain  samaritain,  cette  mesure  n'avait  pas 
encore  été  prise  au  11e  siècle  après  l'ère  chrétienne.  Quant  à  sup- 
poser qu'une  école  ait  été  plus  sévère  et  ait  défendu  le  pain  des 
Samaritains,  cela  ne  peut  se  soutenir,  attendu  que  les  récits  qui 
parlent  de  mesures  rigoureuses  à  l'égard  des  vivres  samaritains 
ne  mentionnent  pas  le  pain. 

Pour  le  vin  des  Samaritains,  R.  Méïr,  le  collègue  du  patriarche 
Simon  b.  Gamaliel,  qui,  d'ordinaire,  était  favorablement  disposé 
envers  ce  peuple  \  ne  permit  plus  qu'on  en  achetât.  Cette  décision 
lui  avait  été  inspirée  par  un  de  ses  disciples,  Simon  b.  Elazar,  qui 
avait  cru  remarquer  que  leur  vin  était  acheté  à  des  païens2.  Ce- 
pendant on  ne  défendit  même  pas  d'acheter  ch  vin,  car  la  Mischna 3 
contient  une  prescription  concernant  la  façon  de  prélever  la  dîme 
du  vin  samaritain,  et,  encore  un  siècle  plus  tard,  R.  Abahou 
achetait  son  vin  à  des  Samaritains.  C'est  seulement  quand  le. 
soupçon  se  changea  en  certitude  que  les  Samaritains  achetaient 
leur  vin  aux  païens,  que  R.  Hiyya  b.  Abba,  R.  Ammi  et  R.  Assi  le 
défendirent  et  le  déclarèrent  païen.  C'était  vers  la  fin  du  me  siècle, 
d'après  une  indication  du  Talmud  de  Jérusalem,  à  la  suite  de  la 
séparation  des  Samaritains,  lors  de  la  présence  de  Dioctétien  en 
Palestine,  par  conséquent  en  286 4.  A  en  juger  d'après  le  passage 
parallèle  du  Talmud  de  Babylone,  on  pourrait  croire  que  les  Sa- 
maritains, en  cette  occasion,  avaient  été  proclamés  païens  (abi 
ITTito:»  ù^-oi  ûimdjib  v  DM  Ytï);  mais  le  Talmud  de  Jérusalem 
dit  expressément  qu'il  s'agit  uniquement  de  l'interdiction  du  vin, 
et  dans  la  source  babylonienne  il  ne  s'agit  aussi,  en  réalité,  que 
du  vin  et  de  l'abatage  des  animaux;  c'est  seulement  une  ques- 
tion contraire  qui  détermine  le  docteur  anonyme  à  prétendre 
qu'il  ne  s'agit  que  du  m-p*.  Si  donc  les  Samaritains  de  Césarée, 
à  la  suite  de  cette  décision,  demandent  à  R.  Abahou  pourquoi 
les  Juifs  ne  s'adressent  plus  à  eux,  tandis  que  leurs  pères  le  fai- 
saient, et  que  R.  Abahou  leur  répond:  «Vos  ancêtres  n'avaient 
pas  corrompu  leur  voie,  ce  que  vous  avez  fait  »,  il  n'est  ici  aussi 
question  que  du  vin  que  les  Juifs  tiraient,  la  plupart  du'temps,  des 
régions  samaritaines.  L'interdiction  du  pain  n'a  pas  pu  avoir  lieu 
alors,  car  R.  Fïanina,  fils  de  R.  Abahou,  raconte  5  qu'on  demanda 
une  fois  à  son  père  quand  l'on  pouvait  manger  les  azymps  des 
Samaritains  après  la  Pâque.  Il  consulta  R.  Hiyya  b.  Abba,  R.  Assi 

1   Nidda,  vu,  3. 

'  Hotdlra,  G  a  ;  jér.  Abocla  Zara,  v,  44  d,  35. 

3  Demaï,  vu,  4. 

k  Cf.  Frankel,  Introduction,  146a,  note  3. 

5  Jér.  Aboda  Zara,  v,  45  a,  64. 


LES  D0S1THEENS  DANS  LE  MIDRASCH  59 

et  R.  Ammi,  qui  répondirent  dans  le  sens  de  la  baraïta  men- 
tionnée ci-dessus.  Là  il  n'est  fait  aucunement  allusion  à  l'inter- 
diction du  pain,  évidemment  parce  qu'elle  n'avait  pas  encore  été 
prononcée  ni  au  temps  où  la  question  fut  posée  ni  à  l'époque  de 
R.  Hanina,  au  début  du  ive  siècle.  De  même,  un  disciple  de  R. 
Assi,  R.  Jacob  b.  Aha,  permet  de  consommer  les  mets  cuits  par 
les  Samaritains,  s'il  ne  s'y  mêle  pas  de  vin  ;  il  n'est  pas  parlé  de 
pain.  Et  encore  quelques  dizaines  d'années  plus  tard,  vers  350, 
R.  Yossé  dit  que  le  pain  samaritain  n'est  pas  soumis  à  la  dîme, 
attendu  que  les  Samaritains  ont  été  proclamés  païens,  tandis  que 
les  docteurs  détachent  encore  du  pain  le  prélèvement  sacerdotal. 
Par  conséquent,  les  docteurs,  observateurs  si  rigoureux  de  la  loi, 
mangeaient,  vers  le  milieu  du  ive  siècle,  du  pain  samaritain,  et 
aucun  passage,  ni  dans  le  Talmud  palestinien  ni  dans  celui  de 
Babylone  ne  permet  de  supposer  que  jusque  vers  500  l'interdic- 
tion du  pain  samaritain  ait  été  décidée.  Par  conséquent,  l'indica- 
tion des  Pirhé  di  R.  Eliêzer  ne  peut  se  rapporter  à  la  situation 
du  temps  du  Talmud  *. 

Il  y  a  d'autres  indices  que  les  docteurs  du  Talmud  n'allèrent 
pas  jusqu'à  interdire  le  pain  samaritain  :  ce  sont  les  mesures  à 
l'égard  des  objets  de  consommation  des  Samaritains  que  les 
docteurs  palestiniens  considéraient  comme  païens.  R.  Simon 
raconte,  en  effet,  dans  la  Tos.  Demaï,  v,  24  :  «  Pour  ce  qui 
concerne  les  productions  du  sol  samaritain,  il  y  a  des  variations 
Un  jour  nos  docteurs  arrivèrent  dans  les  villes  des  Samaritains 
situées  sur  la  route  militaire.  Lorsqu'on  leur  offrit  des  légumes, 
R.  Akiba  bondit  et  en  préleva  la  dîme,  affirmant  que  sûrement  ils 
n'avaient  pas  été  rédimés.  Là -dessus  R.  Gamaliel  lui  dit  :  «  Gom- 
ment oses-tu  agir  à  rencontre  de  l'avis  de  tes  collègues,  ou  qui  t'a 

1  Dans  jér.  Pcsah.,  i,  27  Z»,  52,  Ton  demande  si  les  Samaritains  méritent  crédit  pour 
l'élimination  du  levain  avant  la  Pàque.  Une  baraïta  déclare  que,  si  les  Samaritains 
préparent  leurs  azymes  avec  les  Juifs,  ils  sont  aussi  dignes  de  foi,  pour  l'élimination 
du  levain,  sinon  nou.  Puis  on  cite  l'opinion  de  R.  Simon  b.  Gamaliel,  que  les  Sama- 
ritains sont,  dans  l'observation  de  leurs  lois,  plus  exacts  que  le  Juifs.  Là  dessus 
R.  Simon  remarque  :  b^N   ljrP5"IS"Dn  "p^py^TS    Y*TVO   ÏTiïVDtfF\2    "iT^m   N1H 

ïn  ■pbpbipm  "p^nan  mafla  "n*w  sbi  mawa  ^b  ûnb  pwa  vtaar  •  Ce 

jugement  ne  vaut  que  pour  le  temps  jadis,  lorsqu'ils  habitaient  d'une  façon  permanente 
dans  leurs  villages;  mais  actuellement  on  ne  saurait  admettre  chez  eux  la  moindre 
observation  de  la  Loi,  ils  sont  suspects  et  corrompus.  »  Les  expressions  montrent  que 
R.  Simon  ne  peut  être  qu'un  Amora.  Comme  il  proclame  les  Samaritains  corrompus 
en  regard  de  ceux  d'autrefois,  il  les  traite  donc  comme  R.  Abouha  et  pourrait  être  le 
contemporain  de  celui-ci.  11  peut  s'agir  ou  de  R.  Simon  b  Abba  ou  de  Simon  b. 
Pazzi,  qui,  tous  les  deux,  étaient  en  relations  avec  K.  Abouha;  le  second,  il  est  vrai, 
dans  le  Talmud  de  Jérusalem,  s'appelle  "117^0,  cf.  cependant  Ketoub,  111  b.  En  tous 
cas,  il  pourrait  être  question  des  Samaritains  habitant  Césarée,  qui,  loin  de  leur  pays, 
se  relâchèrent  de  l'observation  du  culte. 


60  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

autorisé  à  prélever  la  dîme?  »  R.  Akiba  répliqua  :  «  Maître,  ai-je 
donc,  ce  faisant,  créé  une  loi  pour  Israël  ?  Je  n'ai  rédîmé  que  mes 
légumes  à  moi!  »  R.  Gamaliel  reprit  :  «  Sache  que  tu  as  créé  une 
loi  pour  Israël,  en  rédîmant  tes  légumes.  »  Lorsque  R.  Gamaliel 
fut  au  milieu  des  Samaritains,  il  déclara  leur  blé  et  leurs  légumes 
suspects  de  n'être  pas  redîmes,  et  les  autres  productions  du  sol 
comme  ne  l'étant  sûrement  pas.  R.  Gamaliel,  étant  allé  chez  eux 
une  seconde  fois,  les  trouva  moins  attachés  à  la  Loi  ;  alors  il 
déclara  toutes  leurs  productions  du  sol  sûrement  non  rédîmées.  » 
Nous  voyons  là  R.  Gamaliel  (vers  90-117)  s'opposer  d'abord  à  R. 
Akiba,  qui  —  probablement  pour  l'avoir  vu  lui-même  —  avait 
déclaré  les  productions  du  sol  des  Samaritains  non  rédîmées  ; 
puis  lorsqu'il  entre  en  contact  avec  eux  et  s'aperçoit  de  leur  relâ- 
chement, il  se  convertit  peu  à  peu  à  l'opinion  de  R.  Akiba  l. 

Après  R.  Gamaliel  II,  quelques  dispositions  relatives  aux  pro- 
ductions du  sol  des  Samaritains  furent  prises  par  certains  doc- 
teurs de  la  moitié  du  11e  siècle2;  mais  rien  ne  démontre  qu'en 
dehors  de  la  question  de  la  dîme,  les  Samaritains  fussent  placés 
sur  le  pied  des  païens.  Rabbi,  le  rédacteur  de  la  Mischna,  permit 
encore  l'achat  de  vin  samaritain  3  ainsi  que  l'admission  des  Sama- 
ritains à  la  participation  aux  actions  de  grâces  après  le  repas  *, 
alors  que  les  païens  en  sont  exclus  5.  Sans  doute  cette  phrase  qui 
revient  souvent  :  «  Le  Samaritain,  dit  Rabbi,  est  comme  le  païen, 
tandis  que  pour  R.  Simon  b.  Gamliel  il  est  comme  l'Israélite  en 
tout  »,  semble  y  contredire0.  Cependant  cette  opinion  de  Rabbi 
ne  peut  viser  ni  le  vin  ni  le  pain  des  Samaritains,  en  sorte  qu'il 
ne  reste  que  la  rédîmation  pour  laquelle  Rabbi  se  conforma  à  la 
disposition  de  R.  Gamaliel  II.  En  effet,  la  Tos.  Teroumot,  iv,  12, 
14,  dit  :  *praa  *jm  .m  ^nn  -n»  \-n3n  ...wmn  immn  trima  *a 
bfrmzro  ttû  n^iN  biobm  p  «  Si  le  païen  fait  un  prélèvement,  ce 
prélèvement  est  valable  ; . . .  le  Samaritain  est  semblable  au  païen , 
d'après  l'opinion  de  Rabbi,  tandis  que  R.  Simon  b.  Gamliel  dit 

1  Cette  disposition  de  R.  Gamaliel  II  prouve  que  ce  n'est  pas  seulement  après  la 
guerre  de  Bar  Kochba  que  les  docteurs  prirent  position  contre  l'égalité  des  Samari- 
tains avec  les  Juifs  en  matière  de  questions  religieuses.  Schorr  (Hé-C'hahiz,  IV,  72,  2) 
pense  que  la  rigueur  qu  on  marque  envers  eux  après  la  guerre  doit  être  attribuée  à 
leur  participation  à  la  lutte  contre  les  Juifs  :  les  docteurs  s'appliquèrent  à  les  sé- 
parer complètement  des  Juifs;  mais,  pour  ne  pas  olfusquer  les  Uomaine,  ils  auraient 
allégué  des  prétextes  religieux.  L'examen  des  textes  ce  confirme  pas  cette  hypothèse. 

2  Tos.  Demaï,  v,  21-23. 

3  Dcmaï,  vu,  4. 

4  Berakhot,  vu,  1 . 
3  Berakhot,  47  b. 

6  bsb  barna^  \td  tjin  barbxiï  p  fuwiB  im  /m  -mi  ^xd  ^nnà 

■"D1.  Jér.  Berakh.,  vu,  H  b,  14  ;  Demaï,  m,  23  c,  49  ;  vi,  25  d,  51  et  passim. 


LUS  DOSlTilEENS  DANS  LE  M1DRASCM  61 

qu'il  est  semblable  à  l'Israélite.  »  La  Mischna  Terouma,  m,  9, 
exprime  la  même  opinion  de  Rabbi  en  mettant  sur  le  même  pied 
Samaritains  et  païens.  C'est  un  tort  de  généraliser  la  phrase  pro- 
noncée uniquement  pour  le  prélèvement  des  prêtres,  ainsi  que 
nous  l'avons  démontré  et  ainsi  que  l'établissent  encore  les  pas- 
sages sur  l'abatage  des  animaux  dont  nous  allons  maintenant 
dire  un  mot. 

En  cette  matière,  les  Samaritains  étaient  pareils  aux  Juifs, 
comme  le  marque  expressément  la  Tos.  Houilin,  i,  1 l  (ban 
ntntt  bxnw  ib^s&o  bn?  nb^san  "ma  ib^sai  "panira),  et  comme  l'établit 
aussi  par  voie  d'omission  la  Mischna  de  Rabbi  (i,  1).  Si  labaraïta  2 
y  apporte  cette  restriction  qu'il  faut  la  présence  d'un  Juif  lors 
de  la  schehita  ou  que  le  Samaritain  mange  un  morceau  de 
cette  viande,  en  tous  cas  la  schehita  est  reconnue  suffisante  en 
tant  que  telle.  Or,  d'après  Bar  Kappara,  l'un  des  derniers  Tan- 
naïtes,  dans  Houilin,  5  b,  R.  Gamaliel  décréta  avec  son  col- 
lège que  la  schehita  des  Samaritains  n'est  pas  valable.  Gomme 
Rabbi  enseignait  encore  le  contraire,  ce  R.  Gamaliel  ne  peut  être 
que  le  troisième  de  ce  nom,  le  fils  de  Rabbi,  comme  le  supposent 
Raschi  et  récemment  M.  Isaac  Haléwy3.  Cette  résolution  montre 

1  Houilin,  4  b. 

2  Houilin,  3  b  en  bas. 

3  Q-'j'lUJN'l^  mm,  H,  12.  —  Les  Tosafot  objectent  qu'il  aurait  fallu,  dans  ce 
cas,  indiquer  le  nom  du  père,  comme  dans  Abot,  n,  2  :  "^3")  b\B  133  bNT723  p") 
Nv^3n  ÏTnïT\  D'autres  passages  confirment  cette  opinion  ;  ainsi  jér.  Ketoub.,  xin, 
35  û?,  72;  b.  Baba  Batra,  139  b  :  i3"-|3  b&rb»5  pn  "HaT  1Î  ,"1731  b&OElS  3>OT 
lôTC»'»»    "12    Itf   YianTO    "J3>    D^73*IN    D^733n  b3tf  ;   jér.  Kidd.,   m,  G4rf,  48  : 

■n-ia  b&obm  p-i  du:3  ->ib  p  jidiï-p  ^an  Na  "n  "prttia  ^3i  nhn  -,a  apy  "»an  ; 

jér.  Teroum.,  x,  47  è,  63  ;  b.  Houilin,  98  a  :  N3  !"JTÏ52E  Nj^ïI  *<3"1  d'£3  fcmn  "'a"! 

rrott  N3NT  23iai  a^an^a  ^im  tô  ndn  n^b  "i73N  "ma  barba*  p"i  iapb 
û^a-iaa  ;  b.  i\faw«,  6i  &  :  banb)oa  pn  "nan  it  banara  "i^a*  rmm  an  "173N 
bj^bîM  p  "parara  pn  0112373  ittewa  ^an  na  ;  b.  Houilin,  106  a:  ^ai  naa* 
ba  ->b  -ieni  mina  baian  >an  bta  i:a  bapbna  pn  n«  Tibetra  ■pn'p 
p  "piui?  b^b^  ""bvw;  jér.  Haiia,  iv,  60  «,  24  :  :nn3nb  "«a-ia  barbas  p-i  ttîp^a 
n^iain  ">ari  ib  m:n  a*bn  nioa  ^awrn  na*;  Samuel,  R.  Haniua,  K.  Josué 

b.  Lévi  et  R.  Yohanan,  tous  contemporains  de  R.  Gamaliel  III,  le  nomment  de  son 
nom  complet,  bien  qu'il  n'y  eût  aucun  doute  sur  la  personne  dont  ils  voulaient  parler. 
Et  alors  Bar  Kappara,  ou  en  son  nom  le  même  R.  Josué  b.  Lévi,  auraient  omis  le 
nom  du  père,  alors  qu'il  pouvait  être  question  de  R.  Gamaliel  II  ?  Cependant  dans 
Guittin,  37  a  en  haut,  Samuel  dit  que  les  orphelins,  pour  leurs  créances,  n'avaient 
pas  besoin  dans  Tannée  sabbatique  du  b"l3D"nD,  en  vertu  d'une  décision  de  Rabban 
Gamliel  et  de  son  collège.  Comme  R.  Gamaliel  II  n'a  rien  à  voir  avec  cette  question, 
Samuel  n'a  pu  parler  que  du  patriarche  son  contemporain.  A  côté  de  lui  on  indique 
aussi  son  collège,  comme  dans  le  passage  qui  nous  occupe  et  dans  un  autre,  également 
cité  par  Bar  Kappara  et  les  mêmes  docteurs,  dans  Moëd  Kat.,  3  b,  et  jér.  Sabbat,  i, 
3d,  55.  En  ce  dernier  passage,  l'histoire  de  la  loi  de  l'année  sabbatique  qui  y  est 
relatée  témoigne  en  faveur  de  R.  Gamaliel  III,  à  l'époque  duquel  d'autres  adoucisse- 
ments furent  apportés  aux  lois  de  l'année  sabbatique  (Sanh.,  26  a  ;  jér.  Schebiit,  iv, 


62  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

également  que,  en  général,  les  Samaritains  passaient  pour  Juifs 
et  que,  pour  chaque  point  où  ils  ne  paraissaient  pas  dignes  de  con- 
fiance, le  collège  des  docteurs,  sous  la  présidence  du  patriarche, 
prenait  une  décision  spéciale.  Des  informations  précises,  et  non 
pas  seulement  le  silence  des  sources,  établissent  que  le  pain  des 
Samaritains  ne  fut  pas  prohibé. 

Toutefois  deux  passages  du  Talmud  semblent  présupposer  l'in- 
terdiction du  pain  samaritain.  Dans  Houllin,  13a  (Tos.,  n,  20) 
une  baraïta  dit  :  ,^05  'p">  im  ,Trp  ns  idd  ,!-nï  rma*  V*3  ^ttc: 
D"nttttt  vm  t|N  d-nma  un  l^bata  TYrrré  ,trttûip  "nso  rnsD  «  L'aba- 
tage  fait  par  un  hérétique  est  considéré  comme  un  acte  idolâ- 
trique  ;  son  pain  est  comme  celui  des  Samaritains,  son  vin  tst 
interdit,  etc.  »  Il  s'agit  là  d'un  hérétique  dont  les  actes  et  les 
moyens  de  subsistance  sont  jugés  du  point  de  vue  religieux. 
L'abatage  exécuté  par  lui  n'est  pas  considéré  comme  celui  que 
pratique  le  Samaritain,  attendu  que  l'opération  de  ce  dernier  est 
tout  au  plus  déclarée  nulle,  mais  non  œuvre  d'idolâtrie  ;  l'acte 
n'est  pas  non  plus  regardé  comme  l'opération  d'un  païen,  qui  elle 
aussi  est  seulement  déclarée  sans  valeur  [Houllin,  i,  1),  mais 
la  bête  ainsi  tuée  est  considérée  comme  étant  une  bête  offerte 
par  un  Juif  ou  un  païen  à  une  idole  [Houllin,  39  b,  40  a  ;  Tos.% 
n,  13,  18).  Le  passage  laisse  supposer  que  l'hérétique  en  ques- 
tion n'était  pas  traité  en  Samaritain,  mais  plutôt  en  païen  ;  donc 
ici  «  Samaritain  »  serait  rais  pour  «  païen  »,  comme  dans  de 
nombreux  passages.  C'est  ce  que  confirme  le  troisième  point 
où  le  vin  de  l'hérétique  est  désigné  comme  vin  païen,  alors  que 
le  vin  des  Samaritains,  durant  toute  l'époque  des  Tannaïm  et 
sous  les  Amoraïm  jusque  vers  286,  était  autorisé,  comme  nous 
l'avons  vu.  Pour  ce  qui  est  du  cinquième  point,  aux  termes 
duquel  les  produits  du  sol  de  l'hérétique  sont  regardés  comme  non 
redîmes,  il  n'est  pas  facile  de  déterminer  si  là  aussi  il  y  a  assimi- 
lation avec  les  païens,  vu  que  les  Samaritains  depuis  R.  Gama- 
liel  II  étaient  en  cette  matière  regardés  comme  païens,  mais  rien 
ne  dit  le  contraire.  Il  est  donc  hors  de  doute  que  le  pain  de  l'hé- 
rétique était  assimilé  à  celui  du  païen  et  qu'au  lieu  de  «  Samari- 

35  a,  44).  Ce  qui  étonne  c'est  que  Bar  Kappara  aurait  rapporté  une  tradition  au  nom 
drun  docteur,  son  contemporain;  il  faudrait  qu'il  lui  eût  survécu,  ce  qui  n'est  pas 
invraisemblable.  Non  moins  difficile  à  expliquer  est  le  l'ait  que  R.  Yohanan  mangeait 
de  la  viande  abattue  par  les  Samaritains  [Houllin,  5i),  de  même  que  son  disciple 
R.  Assi,  après  que  Gamaliel  III  avec  son  collège,  auqael  appartenait  peut-être  déjà 
R.  Yohanan,  eut  déclaré  nulle  la  schehita.  A-ton  changé  cette  disposition  après  la 
mort  prématurée  de  ce  patriarche  ?  R.  Gamaliel  II,  malgré  ses  mesures  relatives  à  la 
dîme  des  productions  samaritaines,  n'alla  pas  si  loin  dans  la  défiance  à  l'égard  de 
l'observation  de  la  loi  chez  les  Samaritains,  cf.  Guittin,  i,  5. 


LES  DOSITHÉENS  DANS  Ltt  MIDUASCIF  63 

tain  »  il  faut  lire  «  païen  ;  »  de  la  sorte  les  objections  des  Tosa- 
fistes  tombent.  Le  pain  des  païens,  comme  leur  vin,  a  été  défendu 
lorsqu'on  prit,  peu  avant  la  ruine  du  Temple,  dix-huit  mesures 
destinées  à  consommer  la  séparation  des  Juifs  d'avec  les  païens  *. 
C'est  à  cela  que  se  rapporte  notre  baraïta,  mais  le  pain  samaritain 
ne  fut  jamais  prohibé. 

Il  en  est  autrement  du  deuxième  passage  qui  se  trouve  dans  la 
Mischna  Schebiit,  vin,  10  :  «  On  raconta  à  R.  Akiba  que  R. 
Éliézer  avait  coutume  de  dire  que  manger  du  pain  samaritain, 
c'est  manger  de  la  viande  de  porc.  R.  Akiba  répondit  :  Je  ne  veux 
pas  vous  répéter  ce  que  R.  Éliézer  en  dit.  »  Il  est  certain  que 
Fauteur  des  Pirké  di  R.  Éliézer  avait  en  vue  ces  paroles  de  R. 
Éliézer,  quand  il  observait  que  :  «  C'est  pour  cela  qu'il  a  été  dit  : 
Manger  du  pain  samaritain,  c'est  manger  de  la  viande  de  porc.  » 
Seulement  il  présente  la  parole  du  Tanna,  qui  est  censément  l'au- 
teur du  livre,  comme  parole  de  l'école  entière.  Le  contexte  prouve 
qu'il  avait,  comme  nous,  "ma  dans  la  Mischna  et  qu'il  entendait 
parla  le  Samaritain.  De  même,  les  Amoraïm  dans  jér.  Schebiit, 
vu,  38  &,  69  :  .'part  a?  b©  pd  np^b  moWD  nnma  rm  ,"OT  "an  n»N 
T73  nnsn  nrtab  avna  bra  i^»n  rvn  Tntt  ana  ^an  û^a  rrpîn  "an 
«  R.  Yossè  dit  :  D'après  cela  il  est  interdit  d'acheter  le. pain  du 
am-haareç.  R.  Hiskia,  au  nom  de  R.  Aha,  dit  :  Le  Tanna  permet- 
tait de  manger  le  pain  levé  des  Samaritains  tout  de  suite  après 
Pâque.  »  R.  Aha  se  réfère  à  la  baraïta  de  plus  haut  sur  le  levain 
des  Samaritains  immédiatement  après  la  Pâque,  tandis  que  R. 
Yossè  assimile  le  "ma  à  l'homme  du  peuple  en  qui  on  ne  peut 
avoir  confiance,  ce  qui  ne  peut  s'appliquer  qu'au  Samaritain  et 
non  au  païen.  11  est  donc  au  moins  invraisemblable  de  voir 
en  "ma  une  altération  de  "nas,  bien  que  nous  sachions  que  R. 
Éliézer  appartenait  aux  docteurs  qui  approuvèrent  les  mesures 
prises  par  la  majorité  de  l'école  schammaïte  pour  séparer  les 
Juifs  des  païens,  en  opposition  avec  R.  Josué  b.  Hanania,  qui 
les  trouvait  excessives2.  Cependant  R.  Éliézer  n'a  pas  réussi  à 
faire  triompher  son  opinion  si  rigoureuse  à  l'égard  des  Samari- 
tains, attendu  que,  dans  la  suite,  nous  voyons  que  le  pain  samari- 
tain était  permis.  Avant  R.  Éliézer,  c'est-à-dire  avant  la  destruc- 
tion du  Temple,  nous  ne  connaissons  rien  qui  ait  pu  motiver  une 
pareille  défense  :  c'est  seulement  la  lutte  longue  et  sanglante 
entre  les  Juifs  et  les  Samaritains  sous  Cumanus  3  qui  aurait  pu 

1  Jér.  Sabb.,  i,  3c;  Graetz,  III,  802;  Lerner  dans  Magazin,  IX,  1882,  p.  140  et 
suiv. 

»  Sabb.,\$3b-,  Tos.,1,  17;  jér.,  i,  3c,  30. 

J  Josèphe,  Antiq.,  XX,  6,  1-3  ;  Bell,  jud.,  II,  12,  3-7. 


64  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

amener  cette  mesure.  Mais  le  fait  que  plus  tard  on  mangeait  le 
pain  samaritain  sans  qu'on  parle  de  l'abolition  d'une  prescrip- 
tion antérieure  prouve  le  contraire  !.  Il  est  donc  établi  que  l'in- 
terdit et  la  prohibition  du  pain  des  Samaritains  dans  les  Pirliê  n'a 
pas  de  fondement  historique  et  est  une  invention  de  l'époque  gao- 
nique  en  Babylonie. 


III.  Le  refus  de  recevoir  des  prosélytes  samaritains. 


La  défense  d'admettre  les  Samaritains  à  se  convertir  au  ju- 
daïsme, dont  parlent  les  Pirliê,  contredit  l'assertion  formelle  du 
traité  Koniim,  n,  5  :  on  les  reçoit  dès  qu'ils  renient  le  mont  Gari- 
zim  et  reconnaissent  Jérusalem  et  la  résurrection  des  morts2. 
Le  Talmud,  en  parlant  des  personnes  qui  ne  peuvent  pas  être 
accueillies  comme  prosélytes,  dit  [Mischna  Yebamot,  vin,  3)  :  «  Il 
est  défendu  d'accueillir  des  Ammonites  et  des  Moabites,  et  cela  à 
tout  jamais,  mais  les  femmes  moabites  peuvent  être  reçues  dans 
le  judaïsme.  Pour  les  Égyptiens  et  les  Édomites,  hommes  et 
femmes,  on  peut  les  accueillir  dès  la  troisième  génération...  » 
Or  ce  passage  ne  dit  pas  pas  un  mot  des  Samaritains.  Il  est 
vrai  qu'il  faut  distinguer  entre  l'admission  au  judaïsme  et 
l'union  avec  une  juive  3.  Le  traité  Koutim,  immédiatement  avant 
la  mesure  dont  il  est  question  à  propos  des  Samaritains  comme 
prosélytes,  dit  :  Pourquoi  ne  reçoit-on  pas  les  Samaritains  dans 
la  communauté?  Parce  qu'ils  se  mêlèrent  aux  prêtres  des  hauts- 
lieux.  R.  Ismaël  dit  :  A  l'origine,  ce  furent  des  prosélytes  par 
piété  ;  cependant  toute  union  est  interdite  avec  eux,  parce  qu'ils 
ont  dans  leur  sein  des  descendants  d'unions  prohibées  et  parce 
qu'ils  n'accomplissent  pas  le  lévirat  dans  le  cas  d'une  mariée4. 
On  retrouve  cette  explication  dans  j.  Yebam.,  vu,  8&,  65  5.  Ils 

1  Cf.  encore  Jean,  iv,  8  :  Les  disciples  de  Jésus  étaient  allés  à  la  ville  de  Sichem 
pour  y  acheter  de  la  nourriture. 

*  mwim  tpbTBYTa  mm  trm*  nna  tids©»  ,ûms  "pbapîa  ^n^Ntt 

ÛTflÛît. 

3  Cf.  Yebamot,  \6a-b  ;  Mischna,  ibid.,  vin,  3  ,  Yebam.,  76  b  ;  Tossefta  Kiddouschin, 
v,  4,  où  Ton  voit  qu'un  Ammonite  et  un  Égyptien  lurent  reçus  dans  la  communion 
d'Israël,  mais  non  autorisés  à  se  marier  avec  une  juive. 

4  "«ans  uy  ■o-i^rûizj  13372  ?bfccnzra  &oab  D*moK  ûvrori  H72  ^dtd 
15372  ,ûmoN  rra  12372  /|nbnn»  vn  p*i£  "na  "fiaï«  baw>»u3i  13-1  .mtoan 

5  ina  Dira  bN3>»ï5i  ian  nu:n  "jami  ian  î^bipà  3^  r:n  diœe  Dvina 
*iT7272rt  nbnn  b&niai  na  by  «an  -rajn  (cf.  Ketoub.,  m,  i). 


LES  D0S1THËENS  DANS  LE  MIDKASCH  65 

étaient  considérés  comme  des  prosélytes  complets  ;  mais  en  se 
mêlant  avec  des  éléments  étrangers,  ils  s'étaient  enlevé  la  possi- 
bilité de  se  marier  avec  des  Juifs.  C'est  encore  ce  qu'on  lit  dans 
Kidd.,  iv,  31.  La  longue  discussion  instituée  sur  ces  dispositions 
dans  Kidd.,  75  et  1Q,  n'a  d'autre  objet  que  l'inadmissibilité  du  ma- 
riage entre  Samaritains  et  Juifs. 

Si  l'on  cherche,  pour  la  manière  de  considérer  le  cas  des  Sama- 
ritains, un  parallèle  dans  le  Talmud  avec  les  Pirké  di  R.  Éliézer, 
on  constate  que  là  où  la  comparaison  est  possible  il  est  question 
de  l'hérétique  [Hoidlin,  13a  en  bas;  Tos.,  i,  20).  Car,  ainsi  que 
nous  l'avons  vu,  le  pain  de  l'hérétique  est  considéré  comme  païen 
et  ses  enfants  sont  regardés  comme  nés  d'une  union  prohibée,  pour 
qui ,  par  conséquent,  un  mariage  j  uif  est  impossible.  Il  en  résulterait 
que  les  Pirké  traitent  les  Samaritains  en  hérétiques  qui  viennent 
d'abandonner  le  judaïsme.  De  la  sorte  s'expliqueront  les  autres 
parties  de  l'interdit  qui  sont  en  opposition  avec  les  indications  du 
Talmud,  et  l'on  pourra  déterminer  chronologiquement  l'institu- 
tion de  l'interdit.  Nous  possédons,  en  effet,  une  décision  du  gaon 
Natronaï  -  au  sujet  d'une  secte  qui  avait  abandonné  l'observation 
de  plusieurs  prescriptions  fondamentales  du  judaïsme,  parmi  les- 
quelles le  sabbat,  l'interdiction  du  suif  et  du  sang,  les  prohibitions 
matrimoniales,  l'abatage  des  animaux,  et  qui  voulait  revenir  à  la 
religion  d'Israël.  Le  gaon  dit  :  hw  "iwarn  imnii  "np^a  "npa  nbbn 
wn  bawtt  inp"»^  mn  Nb  ib-ai  ,mna«  ibbm  tar-m:tt  fnbim 
...banto^  -îwûD  "pia^n  ■pbaïai  •p-na»©  D*na  n^oa  ma  fma  v^iain 
taras  ^aa  -nna  >*bi  nmya  ta^atnnfi  "pma  \vd  ...pia  -ibbn  bas 
b&rna^a  msm  nwuî  bnpa  ïo^aanb  "jbapb  niaaN  w  û"nîtttt  orras 
ntaoN  ^n  "p^b  banian  D^nT?:72  û"»a-i73i  banta*'  mb  orrmaa  iN^a-n 
. .  ."ip^  ba  "jbapb.  «  S'ils  étaient  des  païens,  d'origine  non  juive,  on 
pourrait  les  recevoir,  comme  les  autres  païens,  après  qu'ils  se 
seraient  circoncis  et  qu'ils  auraient  pris  un  bain  et  ils  devien- 
draient pareils  à  n'importe  quel  Juif;  mais  ceux-là  qui  vécurent 
dans  l'inceste  et  n'écrivirent  point  de  lettres  de  divorce,  ils  ont 
des  enfants  incestueux,  et  ne  sauraient  être  reçus  dans  la  commu- 
nauté, de  crainte  qu'ils  ne  se  marient  avec  des  Juifs  et  n'aug- 
mentent le  nombre  des  enfants  incestueux.  Par  conséquent,  il  faut 

-  *  ittiN  iT3^bN  ^an  ...rrra  rit  amb  tmn^a  bnpa  soab  n-moars  ba 

♦TION  'Jp-'DDa  "Jp^DOI  1NTD  "JP^DOT  lpi£>03  "J^m  ,"imtt  INma  *{NTl 
Tna*l  "'aiDN  ^piniû  mp^SOM  "JM  ib^l  «  Tous  ceux  qui  ne  peuvent  pas  entrer 
dans  la  Communauté  peuvent  se  marier  entre  eux. . .  R.  Éliézer  dit  -.  Ceux  dont  l'ori- 
gine est  sûre  peuvent  se  marier  avec  ceux  qui  réunissent  les  mêmes  garanties,  mais 
non  avec  ceux  dont  l'origine  est  douteuse.  Ceux-ci  ne  peuvent  pas  non  plus  convoler 
avec  leurs  semblables.  Tels  sont,  entre  autres,  les  Samaritains.  » 

2  pni:  "nyta,  o^aan  rraran,  p.  24  «,  n°  i. 

T.  XLIII,  n°  85.  5 


66  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

les  repousser.  »  Dans  le  n°  2"?,  Natronaï  s'exprime  de  la  même 
manière  au  sujet  des  partisans  du  pseudo-messie  Sérène,  qui  eux 
aussi  foulaient  aux  pieds  les  lois  matrimoniales  :  il  faut  dissoudre 
leurs  unions,  regarder  leurs  enfants  comme  issus  de  l'inceste,  il 
faut  annoncer  publiquement  qu'ils  ne  peuvent  pas  entrer  dans  la 
communauté,  ou,  comme  il  est  dit  plus  clairement  dans  le  n°  7  : 
rrcpn  ib  'p&o  son  traita  b&ntm»  biaitt  mm  im^ncm  vby  imdï-j 
dbvb  «  Publiez  qu'ils  ne  sont  pas  admis  dans  la  communauté; 
tenez-les  à  l'écart,  car  ils  sont  nés  dans  l'inceste,  il  n'y  a  pour  eux 
aucune  ressource.  »  Dans  les  Pirhé,  ce  traitement  est  appliqué  aux 
Samaritains.  Que  cela  convienne  justement  à  l'époque  gàonique, 
c'est  ce  qui  ressort  des  Halahhot  Guedolot,  le  compendium  des 
écoles  gaoniques.  Il  y  est  dit 1  :  /nro  hma  in  """rotin  vins  whd 
(?)  Vîrfiûsa  ifrMfci.  TSnîiE  ...fcrvû  i»  a^iroo  yarbyi  dits  by  ^ni3 
"hdni  ...^Tiàntûa  a^nmo  innnw  by  ^SHôtï  ".îrotob  abta  bentmb 
•jN73b  *pa  im  myra  imnNtt  nTEE  -toni  "j^Tûb  ^3  trT"3»  ns  ^binpb 
NnDpn  inb  rnbi  fria  mrïia  nnstai  -m?  -|72NT  «  Cuthéens,  Se- 
bouéens  et  Samaritains  sont  un  peuple  dont  on  ne  saurait  accepter 
de  prosélytes  pour  les  raisons  admises  dans  Kidd.,  76  b,  et  il  n'y 
a  pour  eux  aucune  ressource.  »  La  disposition  de  la  fin  de  ce  pas- 
sage est  littéralement  la  même  que  celle  de  Natronaï  relativement 
à  l'admission  des  hérétiques,  et  l'auteur  déclare  expressément  qu'il 
parle  de  l'accession  des  prosélytes.  Le  passage  du  Talmud  que  les 
Halahhot  citent  à  l'appui  de  leur  décision  ne  traite  pas  la  question 
de  savoir  si  un  Samaritain  peut  être  reçu  comme  prosélyte,  mais 
s'occupe  seulement  d'empêcher  l'union  des  Samaritains  avec  les 
Juifs.  Comme  le  montrent  les  Consultations  du  gaon  Natronaï, 
l'entière  exclusion  des  Samaritains  n'a  été  prononcée  que  lors  de 
l'apparition  de  nouvelles  sectes,  au  vme  et  au  ixe  siècle.  On 
trouve  la  même  décision  dans  Séder  Éliahou  Zouita  (éd.  Fried- 
mann,  p.  169)  :  «  On  n'accueille  pas  dans  le  judaïsme  des  prosé- 
lytes samaritains ,  parce  que  des  membres  des  dix  tribus  se 
sont  mêlés  aux  Samaritains  ;  seul  le  prophète  Élie  pourra  un 
jour  séparer  les  uns  des  autres  ».  Comme  il  s'agit  là  d'une  addition 
que  l'auteur  a  ajoutée  à  Yebamot,  16  a,  on  peut  supposer  que  cet 
auteur  a  vécu  dans  une  région  où  la  question  de  l'admission  des 
Samaritains  présentait  de  l'importance,  et  à  la  même  époque  que 
les  auteurs  des  Pirhè  et  des  Halahhot  Guedolot. 

Il  a  donc  dû  se  produire  certains  faits  qui  déterminèrent  les 
Gaonim  à  assimiler  les  Samaritains  aux  hérétiques,  en  ce  qu'ils 
abandonnèrent  toute  attache  avec  le  judaïsme  et  voulurent  plus 

1  Ed.  Hildesheimer,  443. 


LES  DOSITÏIKENS  DANS  LE  MIDRASCK  67 

tard  y  revenir  ;  ou  bien  ils  provoquèrent  cette  sévère  mesure  par 
leurs  rapports  avec  une  de  ces  sectes.  Y  a-t-il  eu  des  Samaritains 
nn  Babylonie,  où  nous  ramènent  les  Pirkè,  ou  en  Perse,  où  na- 
quirent les  sectes?  Dans  le  Talmud,  à  ma  connaissance,  il  n'y  a 
qu'une  allusion  à  cette  existence  de  Samaritains  en  Babylonie. 
Dans  Guittin,  45  a,  il  est  question  de  la  fuite  d'un  esclave  de  R. 
Hisda  chez  un  Samaritain,  et  des  négociations  entre  le  docteur  et 
le  Samaritain,  qui  se  réfère  àDeut.,  xxm,  16.  Néanmoins,  il  ne  me 
paraît  pas  établi  qu'il  s'agisse  de  Samaritains,  pas  plus  que  dans 
l'histoire  qui  suit,  sur  l'âne  d'Abbaï  qui  s'était  perdu  chez  les  Sama- 
ritains. Par  contre,  l'information  du  Caraïte  Abou-Youssouf  al- 
Kirkissâni  *,  qui  se  rapporte  à  l'époque  de  la  rédaction  des  Pirhé, 
est  digne  d'attention.  Elle  nous  apprend  que  l'hérésiarque  Ismaël 
al-Okbari  (832-842)  aurait  reçu,  d'accord  avec  les  Samaritains, 
dans  la  Genèse,  iv,  8  :  îTTCJîl  ^3  dip,  et  dans  Ex.,  xx,  18  :  a"WTC> 
mViprt  na,  comme  textes  de  la  Bible  2.  Comme  une  telle  concor- 
dance ne  saurait  être  l'effet  du  hasard  et  que  Okbara  se  trouve 
probablement  à  dix  parasanges  de  Bagdad  3,  il  faut  admettre  l'in- 
fluence des  écrits  samaritains  et  des  Samaritains  sur  la  formation 
en  Babylonie  des  nombreuses  sectes  ;  à  moins  de  supposer  qu'Is- 
maël,  que  sa  désignation  de  Baalbeki  fait  originaire  de  Syrie,  ait 
été  dans  son  pays  à  l'école  des  Samaritains.  Mais  si  l'on  considère 
l'observation  citée  plus  haut  des  Halakhot  Gnedolot  sur  les  trois 
peuples  •""ittiD,  Vtax,  "WD,  on  est  amené  à  supposer  l'existence 
de  sectes  samaritaines  en  Babylonie.  Autrement,  on  ne  compren- 
drait pas  ce  qui  aurait  pu  porter  l'auteur  à  parler  des  groupes 
samaritains  n'existant  qu'en  Egypte  et  en  Palestine,  s'il  n'y  en 
avait  pas.  eu  au  moins  un  dans  le  voisinage  des  écoles  babylo- 
niennes. Assurément,  nous  ne  repoussons  pas  l'hypothèse  que 
l'auteur  pouvait  connaître  la  chose  par  une  question  adressée 
de  Palestine  ou  de  l'Afrique  du  nord,  et  qui  énumérait  ces  groupes. 
Cependant  l'accord  des  Halakhot  Guedolot  et  des  Pirhé  di  R. 
Éliézer,  d'une  part,  et  celui  d'Ismaël  al-Okbari  et  des  Samaritains, 
d'autre  part,  indique  la  Babylonie  comme  résidence  des  Samaritains 
en  question.  D'après  ce  que  nous  savons,  il  est  vrai,  les  "wd  et  les 
vnttia  ne  formaient  qu'une  seule  et  même  secte  palestinienne;  mais 
au  cours  des  siècles,  ils  ont  pu  se  différencier,  tandis  que  les  •'snaat, 

1  Ed.  Harkavy,  p.  305  et  315. 

*  De  même  chez  Juda  ha-Dassi  (Alfabet,  98)  :  ÏW^pïH    3rQM  N1H  D3    bû33J3 

a^p-iosn  ibtoi  "psibab  y*m  cnn  mio  nn  np£>  un  -o  r»*»?»  -i^ao 

DH  Û3   "Obn  Û^jTITDIUJ!!    IB^bnntO-  h  dit  que  Ismaël  a  supprimé  comme  faux  le 
kerê  et  ketib,  ayant  désigné  leurs  auteurs  comme  pécheurs  envers  Dieu. 
3  Cf.  Poznanski,  dans  cette  Revue,  XXXIV,  1897,  p.  162. 


68  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

qui  nous  sont  inconnus,  ont  pu  fournir  la  branche  babylonienne 
des  Samaritains.  Signalons  la  supposition  de  D.  Louria1,  que  le 
Cuthéen  a^^o[Pirhé:lvtmo^)t  transplanté  comme  docteur  à  Samarie, 
a  quelque  affinité  avec  les  H$iO£  des  Ralakhof.  Si  cela  est  exact, 
nous  en  conclurons  que  les  Pirliè  et  les  Halakhot  se  rapportent 
au  même  temps  et  aux  mêmes  circonstances.  Comme,  de  plus,  les 
Pirhé  présentent  l'interdit  prononcé  à  Jérusalem  contre  les  Sama- 
ritains comme  ayant  été  adressé  en  Babylonie,  où  il  est  encore 
renforcé,  il  en  résulte  encore  que  l'auteur  s'occupe  de  l'interdiction 
des  Samaritains  en  Babylonie.  D'où  cette  conclusion  qu'à  la  fer- 
mentation du  judaïsme  persan-babylonien  aux  vme  et  ixe  siècles, 
qui  produisit  tant  de  sectes,  les  Samaritains  eurent  aussi  une  part. 
L'une  ou  l'autre  de  ces  sectes  s'appuya  sur  l'antique  opposition 
des  Samaritains  à  l'égard  du  judaïsme  et  reçut  d'eux  des  encoura- 
gements. De  là  vient  que  les  Gaonim  et  leurs  écoles  en  eurent  en 
première  ligne  aux  Samaritains  ;  ils  mirent  dans  la  bouche  d'Ezra 
leur  exclusion  du  judaïsme,  afin  de  déterminer  ainsi  les  adeptes 
de  l'hérésiarque  qui  se  rattachait  à  eux,  comme  Ismaël  al-Okbari, 
à  rompre  l'alliance  avec  les  Samaritains  et  à  réfléchir. 

De  même  le  troisième  point  de  l'interdit,  savoir  que  les  Sama- 
ritains n'auront  pas  part  à  la  résurrection,  est  d'origine  post-tal- 
mudique.  Ce  qui  marque  l'inauthenticité  du  récit,  c'est  que  la 
question  de  la  résurrection  n'a  pas  pu  du  temps  d'Ezra  former 
l'objet  de  la  dispute  et  l'élément  de  la  malédiction.  Sans  doute,  la 
Mischna  Sanh.,  x,  1,  pose  que  quiconque  nie  que  le  Tora  parle  de 
la  résurrection  ne  participe  pas  au  monde  futur,  et  la  baraïta  de 
Sanh.,  90  a,  dit  :  rr^nm  pbn  ib  ïrm  ab  ^sb  ûvittii  rr^nna  neo  am 
d^n^n  «  Il  a  nié  la  résurrection,  il  est  donc  juste  qu'il  n'y  ait  pas 
part.  »  Bien  que  cette  phrase  soit  pareille  jusque  dans  l'expression 
à  celle  de  l'interdit  sur  les  Samaritains,  il  me  paraît  douteux 
qu'elle  s'applique  aux  Samaritains  niant  la  résurrection.  Le  con- 
texte, en  effet,  s'occupe  uniquement  des  hérétiques,  mais  non  du 
point  de  vue  auquel  étaient  placés  dès  l'origine  les  Samaritains. 
A  l'époque  du  Temple,  ce  sont  les  Sadducéens  qui  appellent  sur 
eux  les  rigueurs  des  Pharisiens 2  ;  après  la  ruine  du  Temple,  les 
docteurs  prennent  des  mesures  contre  les  hérétiques.  Gela  ressort 
très  clairement  de  la  baraïta  de  Rosch  ha-Schana,  17  a 3.  Là,  parmi 
les  Juifs  impies,  sont  nommés  également  ceux  qui  nient  la  résur- 

1  Commentaire  des  Pirké  di  R.  Eliézer,  xxxvni,  91c,  note  153. 

2  Berakhot,  ix,  5. 

rrnn  "mib  rn  vernir  ^srrabi  Tos.  Sanh.,  xm,  s. 


, 


LES  DOSITHKENS  DANS  LE  M1DRASCH  69 

rection.  Autant  que  je  sache,  le  Samaritain  n'est  regardé  nulle 
part  dans  le  Talmud  comme  un  hérétique  ;  dès  lors,  Tinterait  qui 
lui  applique  les  dispositions  établies  contre  l'hérétique  ne  peut 
être  que  post-talmudique.  Ces  résultats  concordent  avec  ce  que 
nous  savons  de  l'interdiction  du  pain  et  le  refus  de  recevoir  les 
Samaritains  dans  le  sein  du  judaïsme,  c'est-à-dire  qu'ils  étaient 
assimilés  aux  hérétiques,  et  ce,  dans  la  période  gaonique. 

Après  avoir  établi  que  toutes  les  parties  de  l'interdit  sur  les 
Samaritains  dans  les  PirUé  di  R.  Eliézer  sont  nées  à  l'époque 
gaonique  et  reflètent  la  situation  des  Samaritains  au  vin0  siècle, 
nous  avons  à  examiner  la  question  de  savoir  si  tout  le  morceau 
qui  se  rapporte  aux.  Samaritains  et  dont  l'interdit  forme  la  fin  est 
d'origine  récente.  Le  paragraphe  s'occupe  du  serment  des  frères 
de  Joseph  avant  sa  vente,  du  serment  de  Josué  sur  Jéricho,  du 
serment  des  villes  dans  Juges,  xxi,   du  serment  de  Saùl  dans 
I  Sam.,  xiv,  et  enfin  de  l'interdit  prononcé  contre  les  Samaritains. 
Le  tout,  s'appuyant  sur  des  faits  tirés  de  la  Bible,  montre  que  le 
serment  ou  l'interdit,  une  fois  prononcé,  lie  Dieu  et  les  hommes. 
Cette  unité  de  pensée  prouve  que  ces  juxtapositions  sont  l'œuvre 
d'un  seul  auteur,  mais  non  que  les  diverses  parties  soient  d'ori- 
gine récente  et  gaonique-babylonienne.  Cependant  un  mot  qui 
revient  à  plusieurs  reprises  et  qui  marque  la  pensée  fondamentale 
de  l'ensemble  indique  l'influence  de  ce  temps  et  de  ce  pays.  Ce  mot 
est  celui  de  dnn  dans  le  sens  de  serment,  que  nous  avons  vu  être 
gaonique,  en  tant  que  pour  la  prestation  du  serment  devant  la  jus- 
tice, dans  le  cas  du  débiteur  niant  la  dette,  on  employait  une  longue 
formule  d'interdit.  Dans   Scfiebouot,  35  &-36  a,  nous  trouvons 
toutes  les  expressions  du  serment,  mais  tnri  n'y  est  pas  nommé, 
bien  qu'on  désigne  les  mêmes  faits  de  la  Bible,  de  Josué,  vi,  et  de 
I  Samuel,  xiv,  comme  serment,  avec  malédiction.  De  même  la 
baraïta  de  Scheboaot,  36  a  :  rwrma  "n  ,iibbp  na  /nia  in  /ma  ,ï*an 
signale  comme  contenu  de  Yna  l'interdit  avec  le  serment,  et  cepen- 
dant n'appelle  le  premier  que  "nia,  sans  supposer  l'usage  de  con- 
jurer devant  le  tribunal  avec  l'interdit.  Par  contre,  le  mot  tnn  est 
très  courant  dans  notre  récit,  où  les  frères  de  Joseph  disent  : 
•pian  ,ïmï-n  dnb  "ton  .was  spanb'nan»  irie*  w  ab©  la^a  n^ra 
Tria  umpnb  iDrna  iwy  rra  .mma  abat  d^pn»  d-inn  'pan  f&o  na^a 
Dirafiô  T»^  «btt  d-inn  misa  Nirv  Là  il  est  admis  aussi  que  l'interdit 
ne  vaut  qu'autant  qu'il  est  public,  ce  qui,  à  en  juger  par  les  Consul- 
tations ci-dessus  mentionnées,  est  gaonique.  Il  est  certain  que  nous 
avons  affaire  à  une  forme  de  l'antique  rtb».  A  ce  sujet,  le  livre 
d'Enoch,  vi,  4,  offre  un  parallèle  intéressant  en  disant  des  anges  : 
«  Nous  jurons  par  serment  et  nous  nous  engageons  par  des  conju- 


70  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

rations  à  ne  point  renoncer  à  ce  dessein,  mais  à  réaliser  l'œuvre 
conçue.  Alors  tous  jurèrent  et  s'engagèrent  par  des  conjurations... 
Ils  appelèrent  la  montagne  Hermôn,  parce  que  c'est  là  qu'ils 
avaient  juré  et  qu'ils  s'étaient  liés  solennellement.  »  Voilà  le  mot 
ûnn  pour  désigner  les  conjurations  qui  corroborent  le  serment, 
tout  à  fait  comme  dans  les  Pirhé  di  R.  Éliézer.  On  peut  se  de- 
mander si  entre  les  deux  livres  il  y  a  quelque  rapport  plus  étroit, 
ou  si  c'est  une  coïncidence  fortuite.  Comme,  d'une  part,  il  est  cer- 
tain que  les  Pirhé  n'appartiennent  pas  au  temps  ni  au  cercle  du 
livre  d'Enoch,  qu'au  contraire,  il  y  a  des  preuves  que  le  livre  des 
Jubilés  était  connu  des  docteurs  babyloniens  *  et  que  beaucoup 
de  particularités  de  la  littérature  juive  sur  Enoch  de  la  période 
gaonique  semblent  tirées  du  livre  d'Enoch2,  un  emprunt  est  vrai- 
semblable. D'ailleurs,  d'autres  passages  des.  Pirhé  plaident  en 
laveur  de  cette  opinion.  Le  narrateur  dans  ce  passage  comprenait 
ce  qu'il  y  avait  de  nouveau  dans  cette  assimilation  de  tnn  avec  le 
serment  ;  aussi  dit-il  :  ï-unaram  wniûïi  vm  ûnnn  Nn^p?  ia*i  "ittN 

. .  .ûnrn  YT  «  R.  Akiba  dit  :  Le  serment  c'est  le  hérem,  et  le  hérem 
est  un  serment.  Tu  peux  le  déduire  du  texte  où  Josué  interdit  Jéri- 
cho et  où  Achan  fut  brûlé  pour  avoir  mis  la  main  sur  l'interdit.  » 
Il  serait  difficile  de  trouver  cette  phrase  ou  une  phrase  semblable 
dans  la  littérature  talmudique  et  midraschique.  Même  le  niati  "npo, 
qui  est  encore  plus  récent,  en  reprenant  l'histoire  de  Joseph  vendu 
par  ses  frères,  ne  dit  que  ces  mots  :  ■upaaa'n  ûbs  TO"ip-n  ûdn  pian  mim 
nu:N  ■©■<«  ba  ûb"û  •nM&n  .apa^b  *xaxn  pn  Taïi  inb^b  vnN  njs  œh$ 
im  irra-im  "pb*  isba  "tt-man  y-iws  ,^3  hdb  nm  nain  dn  tu** 
anm,  tout  à  fait  comme  dans  le  Testament  des  douze  patriarches 
(Zabulon,  1).  Or,  comme  tnn  dans  le  récit  des  Pirhé  n'est  pas 
simplement  une  expression  caractéristique,  mais  domine  tout 
l'ensemble,  le  morceau  entier  appartient  à  un  seul  auteur,  de 
l'époque  gaonique.  Mais  cela  n'exclut  pas  la  possibilité  qu'il  ait  uti- 
lisé et  remanié  des  sentences  anciennes,  comme  par  exemple  celle 
de  R.  Éliézer  sur  le  pain  d^s  Samaritains  (Sçhebiit,  vin,  10).  D'au- 
tant plus  que  le  verset  sur  les  neuf  peuplades  dont  se  composait 
la  nation  samaritaine,  se  trouve  dans  Séder  Olam,  xn,  in  fine  3. 
Dès  lors,  les  noms  des  docteurs  samaritains,  Dosithée  et  Zacharie 
(ou  fipiap),  pourraient  provenir  d'une  source  plus  ancienne,  peut- 
être  tannaïtique,  et  représenter  les  sectes,  connues  par  des  sources 

1  Epstein,  d^lïT^  rmaiBlp»,  vu. 
»  Z.D.M.G.,  VII,  1853,  p.  249. 

3  Voir  Bâcher,  Agada  der  Tannaiten,  II,   189,  5,  et  Ratner,  dans  son  édition  du 
Séder  Olam  Jiabba,  p.  50,  note  40. 


LES  D0S1THÉENS  DANS  LE  MIDRASCH  71 

chrétiennes,  qui  florissaient  en  Palestine  au  11e  siècle  après  l'ère 
chrétienne.  Mais  cela  n'est  pas  très  sûr,  comme  le  laissent  sup- 
poser les  Halahhot  Guedolot.  En  tout  cas,  il  est  acquis  que  le 
morceau  des  Pirhé  di  R.  Éliézer  traitant  de  l'interdit  prononcé 
contre  les  Samaritains,  est  d'origine  gaonique  et  babylonienne  et 
qu'il  est  dû  probablement  à  l'effort  fait  par  les  autorités  de  cette 
région  pour  se  défendre  contre  le  grand  mouvement  déterminé  par 
la  formation  des  sectes  dans  le  kalifat  oriental. 

A.  Buchler. 

Vienne,  8  juillet  1901. 


LES  GLOSES  FRANÇAISES  (LOAZIM) 

DE  GERSCHOM  DE  METZ 


'suite  et  fin  ') 


34.  ÉNTRÉZU,  rb'narN,  C,  Houllin,  113  a,  Nnasï  KWi  «  les  boyaux 
du  bas-ventre  ». 

Raschi  donne  le  mot  b*n£33N  ou  bwiûFK,  ÉNTRaZ. 

Le  loaz  de  Gerschom  spb'^'Ttpa'W  est  ponctué  d'une  manière  bizarre  qui 
pourrait  de  prime  abord  le  faire  prendre  pour  un  mot  italien.  Mais  c'est  tout 
simplement  un  mot  italianisé,  et  maladroitement  italianise.  En  effet,  le  mot 
italien  désignant  les  entrailles  est  tiré,  non  pas  de  Hntralia,  mais  de  'intra- 
neum  (et  non  de  'intranea,  comme  le  dit  Kôrting)  :  c'est  le  mot  entragno.  Le 
français  a  également  la  forme  entraignes,  de  'intraneas.  C'est  également  à 
cette  forme  en  -aneas  que  se  rattachent  l'espagnol  entranas  et  le  portugais 
entranhas-  En  supposant  qu'une  forme  italienne,  disparue  dès  le  xie  siècle, eût 
été  faite  sur  le  latin  'intralium,  elle  n'eût  jamais  donné  spVheWW,  mais 
bien  spbnE^N*.  Nous  sommes  donc  amené  à  corriger  simplement  ^b'HWrç 
en  !pb"np3"W,  en  partant  du  type  latin  Hntralium  (le  gloss.  de  Reichenau 
donne  Hniralia).  La  transcription  française  donnera  donc  :  ÉNTRÉLU.  C'est  là 
une  forme  très  ancienne,  où  l'on  sent  encore  la  finale  latin  ~-um. 

Dans  Raschi,  le  mot  b'HMS'^  n'ayant,  jamais  la  finale  -,  doit  se  tirer  du  plu- 
riel intralia,  et  non  du  singulier  intralium. 

35.  FALDESTORO,  Tnaiznbs,  C,  Men.,  (J6,  ipabn  «  chaise  recouverte  de 
cuir  ». 

Le  ms.  porte  "mpttîibs,  faute  évidente  pour  muta^bD.  C'est  le  mot  ro- 
man dérivé  àc*/aldastarium,  refait  sur  faldastuol.  Il  y  a  pourtant  un  doute  au 
sujet  de  la  nationalité  de  ce  mot.  Les  plus  anciens  textes  italiens  donnent 
faldistorio  ou  faldistoro,  et  jamais  faldastoro  ou  faldestoro,  indiqué  par 
notre  loaz  et  qu'on  peut  ponctuer  iTiuiB'lbB  ou  TYîBtt^bDi  mais  non 
■niûtt^bs,  qui  réclamerait  un  i  entre  le  "7  et  le  ©.  —  Raschi  donne  dans  ce 
passage  le  français  ^naiBlbs.  11  est  donc  permis  d'hésiter  entre  le  français 
FALDESTORO,  qui  représenterait  une  prononciation  plus  ancienne  que  celle 
qu'indique  Raschi,  et  le  beaucoup  moins  probable  italien  faldistoro. 

1  Voir  tome  XUI,p.  48  et  237. 


LES  GLOSES  FRANÇAISES  DE  GERSCHOM  DE  METZ  73 

Dans  la  description  qui  entoure  le  loaz  on  semble  avoir  perdu  de  vue  que 
la  caractéristique  de  ce  siège  (allemand  stuhl,  angl.  stool,  anc  alleman  sluol) 
est  d'être  pliant  (faldari).  On  dit  simplement  que  c'est  une  chaise  recouverte 
de  cuir  ;  on  s'en  sert  pour  se  mettre  à  table.  Mais  son  sens  de  siège  pliant, 
qu'il  conserva  pendant  au  moins  deux  siècles  encore,  n'est  même  pas  indiqué. 

36.  FELTRES,  tûnabs,  G,  Bekh.,  29  b,  ^ûftî  «  couvertures  de  laine.  » 

Raschi,  Bekh.,  29  b,  donne  également  le  mottfînabs. 

C'est  le  mot  actuel  feutres,  étoffes  drues,  serrées,  faites  de  laine  ou  de  poil 
agglutine  et  foulé.  Ce  mot  est  dérivé  du  germanique  fdt,  bas  latin  fillrum, 
comme  le  montre  la  comparaison  des  diverses  langues  romanes  :  it.  feltro, 
prov.  feltres,  feutres,  fr.  feltre.  —  Le  mot  filtre,  corps  poreux  (feutre,  étoffe, 
papier,  charbon,  pierre  spongieuse,  etc.)  à  travers  lequel  on  fait  passer  un  li- 
quide pour  le  clarifier,  a  la  même  étymologie  fîltrum,  mais  c'est  un  mot  em- 
prunté à  l'italien  filtro. 

37.  FÉSTEL,  battes,  C,  Houllin,  Mb,  mbip.  C'est  l'os  de  la  cuisse  et,  par 
extension,  la  partie  de  la  jambe  comprise  entre  le  gigot  et  le  sabot. 

Raschi  ne  donne  pas  de  loaz  pour  ce  mot. 

L'édition  du  Talmud  de  Wilna  a  la  forme  btiîtfîs.  A  première  vue  et  pour  peu 
qu'on  ait  l'habitude  de  la  transcription  des  mots  français  en  l'alphabet  hé- 
braïque, on  s'aperçoit  que  cette  leçon  est  fautive.  On  aurait  eu  btfJD,  c'est-à- 
dire  fesal  (os  de  la  fesse)  ou  Fessel  (allemand).  Le  manuscrit  donne  bpiZJD. 
C'est  le  français  tiré  du  latin  fistula,  c'est-à-dire  fis  tel,  forme  secondaire  de 
flstele.  On  s'attendrait  à  FÉSTEL.  Je  crois  que  c'est  la  forme  à  laquelle  on  doit 
s'arrêter.  Il  suffît  de  remplacer,  en  effet,  baiû^p  par  biïU^D;  c'est  un  chan- 
gement parfaitement  autorisé.  C'est  donc  un  paroxyton  encore  bien  vivant  dans 
la  langue  populaire  de  la  fin  du  x9  siècle.  Les  proparoxytons  de  formation  sa- 
vante, nés  très  anciennement,  avaient  conservé  l'accent  latin  tout  en  affaiblis- 
sant ou  même  en  faisant  disparaître  la  première  post-tonique.  L'orthographe 
primitive  de  ce  mot  a  dû  être  'FÉSTELE  (le  second  e  marquant  le  son  faible  de 
Y  a  post-tonique  et  servant  en  même  temps  dV  d'appui).  C'est  peut-être,  d'ail- 
leurs, l'orthographe  indiquée  par  notre  loaz  (cf.  page  précédente).  Puis  le 
mot  a  été  écrit  féstel.  Ce  mot,  appartenant  naturellement  au  domaine  popu- 
laire, est  devenu  festle  ou  festre  (le  son  de  l  linguale  ou  de  r  mouillée  étant 
sensiblement  le  même  ;  cf.  latin  latialis,  latiaris,  ele  ),  et  enfin  fêle,  qui 
existe  actuellement  et  signifie  le  tube  de  fer  à  l'aide  duquel  l'ouvrier  verrier 
[félatier]  lire  la  matière  du  creuset  et  la  souffle.  Quant  au  sens  qu'on  lui  donne 
dans  ce  passage,  il  est  remarquable.  C'est  un  sens  dérivé  de  celui  de  ce 
mot  latin,  qui  signifie  tube  ou  flûte.  La  jambe  du  cheval  faisait  penser  à  un 
tube  ou  à  une  flûte.  C'est  ainsi  qu'actuellement  on  dit  encore  trivialement 
mes  flûtes  pour  mes  jambes,  expression  qui  est  chez  le  peuple  d'un  usage  à 
peu  près  constant.  C'est  une  des  nombreuses  métaphores  appliquées  aux 
parties  du  corps  des  animaux  ou  de  l'homme.  On  dirait  que  l'esprit  français 
continue  à  appliquer  aux  diverses  parties  du  corps  le  même  système  de  tri- 
viales métaphores  depuis  plus  de  dix  siècles  ;  cf.  tête,  boule,  poire,  trogne, 
gueule,  etc.,  et  dans  l'exemple  qui  nous  intéresse,  jambe,  patte,  féstel,  flûte. 


74  HE  VUE  DES  ETUDES  JUIVES 

38.  FRANS,  iûriB,C,  Menahot,  42  b,  yïTM,  franges  de  l'étoffe. 

Raschi  au  môme  endroit,  Men.,  42  b,  donne,  pour  ce  mot,  le  loaz  ©■rç-pB  = 
FENRJES. 

Cette  forme  très  curieuse  établit  d'une  façon  absolue  l'étymologie  du  mot 
"frange  :  'fmbria,  'flmria,  *fimrja,  '/tnrja,  'fenrje,  'frenje,  *  frange. 

Le  mot  donné  par  Gerschom  doit  être  transcrit  FRANS.  C'est  le  mot  qui  a 
donné  l'allemand  Franse,  le  français  fronce.  On  rattache  d'ordinaire  ce  mot  à 
Runzel.  C'est  évidemment  impossible.  Kôrting  pense  que  c'est  le  thème  verbal 
de  'frontiare.  C'est  également  impossible.  Le  verbe  fronzir,  qui  existait  à 
lépoque  de  Raschi,  aurait  dû  former  au  début  du  xie  siècle  /ronze  ou  quelque 
chose  d'analogue.  —  Je  ne  vois  pas  d'étymologie  à  ce  mot,  mais  nos  loazim 
donnent  un  résultat  précieux  bien  que  négatif  :  ils  prouvent  que  les  étymo- 
logies  proposées  jusqu'ici  n'ont  aucune  valeur. 

39.  GRANÉS,  ffl^sni,  C,  Houllin,  99  b,  W3,  grain  des  raisins. 

Raschi  ne  donne  pas  ce  mot. 

Quoique  le  mot  nJna  soit  au  singulier  et  ne  signifie,  en  hébreu,  que  grain, 
il  est  évident  qu'il  s'agit  ici  d'un  certain  nombre  de  grains,  en  un  mot  d'une 
grappe  :  c'est  donc  le  mot  gran-  plus  le  suffixe  es,  latin  -ensis,  *granensis, 
l'ensemble  des  grains,  le  granés. 

40.  GRAVÉLE,  «bma  B,  A  manque,  B.B,  82  a,  tô^tt,  collines  de  sable 
plantées  d'herbes. 

Cf.  Raschi,  Sabb.,  82b,  fcçb^aia,  sol  marécageux;  109  #,  Nb^mx  sable  des 
bords  de  l'eau;  Houllin,  2lb,  Nb^nni,  terre  limoneuse;  Eroubin,  A3  a, 
Nbia*i3,  gravier. 

Le  sens  de  étendue  de  sable  est  donc  celui  qu'indique  l'ensemble  de  ces 
exemples.  —  C'est  le  mot  GRAVÉLE  bien  connu  en  ancien  français,  forme 
dimunitif  du  mot  grève,  'gravèlla,  d'où  gravéle.  Cf.  Psautier  d'Oxford,  gra- 
vèle  de  mer.  —  Le  sens  est  resté  dans  le  mot  graveleux.  C'est  le  même  mot 
que  gravelle,  la  pierre. 

41.  RAMURE,  fcrûto?,  C,  Kerit.,  8  a,  nB3,  excréments  de  poisson  dont  on 
forme  l'ambre  gris. 

L'étymologie  est  l'arabe  'anbar,  le  y  représente  l'aspiration  du  mot  arabe, 
qui  commence  également  par  un  ain. 

Raschi  ne  donne  pas  ce  mot.  Dès  nos  plus  anciens  textes  il  apparaît  sous 
la  forme  ambre,  et  non  hambre.  A  l'époque  de  Gerschon  ïh  aspiré  de  pro- 
venance germanique1  ou  arabe  se  faisait  encore  assez  fortement  sentir  pour 
que  Gerschom  marquât  l'aspiration  par  un  y. 

42.  HANJES,  C,  Eî^îl,  C,  Houllin,  93  a,  Nnoia^bp,  les  os  des  îles. 

Raschi  donne  le    même   mot  au  singulier  :  Npaïl.   Le    loaz    de   Raschi 
doit  être  transcrit  HANCHE  ;  celui  de  Gerschom  HANJES  =  HANCHES. 
La  finale  xû,  avec  palah  devant,  du  loaz  de  Gerschom  prouve  que  le  son  de 

1  Cf.  le  mot  hanjes. 


LES  GLOSES  FRANÇAISES  DE  GERSCHOM  DE  METZ  75 

Va  final  n'était  pas  encore  absolument  assourdi.  De  plus,  c'est  un  excellent 
exemple  pouvant  servir  à  démontrer  que  ce  patah  était  simplement  employé 
pour  marquer  la  finale  —  des  mots  français.  On  ne  peut  songer  à  faire  de 
ce  mot,  à  cause  de  l's  final,  un  mot  italien,  ni,  à  cause  du  p,  un  mot  espagnol 
ou  portugais. 

Quant  aux  71  =  J,  c'est  la  notation  du  son  ca  =  che  parmi  les  Rhénans  de 
langue  française  :  on  confondait  dans  cette  région  française  le  son,;  et  le  son 
ch  et  l'on  prononçait  un  sou  intermédiaire  entre  ces  deux  consonnes.  Les  textes 
prouvent,  en  effet,  que  ch  et  j  sont  indifféremment  notées  par  ">i  ou  p. 

L'étymologie  (germ.  Hanka)  explique  la  persistance  de  Vh  aspirée. 

43.  HARPE,  ND"irr,  G,  Arakhin,  10  a,  bas,  harpe. 

Emprunté  du  germanique  Harpa,  allemand  actuel  Harfe.  La  forme  italienne 
arpa  est  également  empruntée  au  germ.,  mais  en  italien  Vh,  même  d'origine 
germanique,  tombe  très  tôt.  C'est  sous  l'influence  de  l'italien  arpa  qu'on  a 
parfois  écrit  en  français  arpe,  ou  peut-être  simplement  par  suite  d'un  change- 
ment de  nature  de  l'A  initiale.  Raschi,  en  effet,  donne  déjà  le  mot  ndik. 

44.  HOMLON,  flbEirr,  Houllin,  47*,  mtt53,  le  houblon  =  HOMLON. 
Même  mot  dans  Raschi  au  même  passage. 

Celte  ancienne  orthographe,  qui  nous  est  conservée  par  Gerschom  et  par 
Raschi,  rappelle  les  formes  humulum  ou  humlo,  humulo  données  par  le 
Polyptyque  de  Saint-Rémi  de  Reims  et  par  le  Polyptyque  d'Irminon.  Elle 
rend  très  improbable  l'étymologie  proposée  par  Grandgagnage,  adoptée  p?r 
Diez  pour  le  mot  houblon,  c'est-à-dire  soit  la  racine  Hop  du  hollandais,  d'où 
Hopfen,  en  allemand,  hopelon,  en  français,  et  hobelon,  lioblon.  Par  un  singu- 
lier hasard,  Gerschom,  à  côté  de  homlon,  nous  donne  le  slave  b"OT,  Chmél, 
qui  signifie  également  houblon  et  qui  paraît  être  en  rapport  avec  le  mot  qui 
donnerait  l'étymologie  la  plus  acceptable  pour  notre  homlon.  En  effet,  sur 
b^ES  on  a  pu  former  un  'hmlo-,  'hmlonis,  devenu  très  naturellement  'homlo, 
'homlonis,  qui  a  donné  homlon.  Le  s  indique  une  aspiration  qui  est  rendue 
par  Vh  français.  Quant  à  homlon,  houmlon,  il  à  passé  a  houblon  sous  l'in- 
fluence de  la  forme  Hop  de  l'allemand,  qui  signifie  également  houblon.  Tout 
n'est  donc  pas  à  rejeter  dans  l'étymologie  de  Grandgagnage  ;  mais  son  Hop 
ne  joue  qu'un  rôle  secondaire  dans  la  formation  de  ce  mot.  Cf.  les  noms  des 
villes  :  Hombleux,  Homblières  (Aisne,  Dictionnaire  topographique  de  l'Aisne, 
collection  du  ministère  de  l'Instruction  publique),  qui  remontent  à  la  forme 
Humularias.  —  Les  matériaux  manquent  pour  l'étude  de  la  culture  de  celte 
plante.  Mais  il  est  probable  qu'elle  est  d'importation  slave  et  que  ce  n'est  que 
plus  tard  qu'on  a  connu  le  houblon  germanique.  Les  formes  homlon  et  hoblon 
sont  les  témoins  de  ce  double  mouvement. 

4l>.  HUTE,  n^iïi,  AB,  B.B.,6b,  gp^St.  «  C'est,  dit  Gerschom,  une  chaumière 
disposée  de  façon  à  permetlre  aux  eaux  fluviales  de  s'écouler  dans  les  pâ- 
turages. » 

Raschi  n'emploie  pas  ce  mot,  mais  fcpnla  =  BORDEL,  diminutif  de  borde 
(resté  comme  expression  géographique  dans  un  grand  nombre  de  départe- 


76  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

ments  sous  la  forme  La  Borde  ou  Les  Bordes),  du   gothique  baurt,  anglais 
board. 

Le  loaz  de  Gerscliom  se  transcrit  :  HUTE.  Ce  pourrait  être  aussi  bien  l'alle- 
mand Hiltte  que  le  vieux  français  hute.  Mais  aucun  manuscrit  ne  le  signalant 
comme  appartenant  à  la  langue  T231ZJN,  nous  pouvons  en  conclure  à  coup  sur 
que  c'est  bien  l'ancien  français.  11  vient  de  l'ancien  haut-allemand  Enta, 
moyen  haut-allemand  Hutte.  On  en  peut  rapprocher  le  gothique  hethjo, 
sanscrit,  ci,  grec,  xetpat,  latin,  cubare,  primitivement  chambre  où  Ton 
couche. 

46.  ILIÉR,  T^bK,  C,  Houllin,  8  b,  ^5D5,  lombes. 

Le  manuscrit  porte  le  mot  VÔN,  à  transcrire  ALYD.  11  faut  ponctuer  au- 
trement, la  ponctuation  est  d'ailleurs  postérieure  dans  le  manuscrit,  si  on  en 
en  juge  par  la  diiîérence  de  couleurs  des  deux  encres.  Nous  ponctuons 
Tpbçi,  et  nous  changeons  le  *j  final  en  n,  changement  autorisé  par  la  confu- 
sion fréquente  entre  ces  deux  lettres  de  forme  presque  identique.  La  trans- 
cription donne  le  mot  ILIÉR.  Je  dis  que  c'est  le  seul  mot  possible.  On  ne  peut 
songer  au  catalan  illada,  car  le  loaz,  dans  ce  cas,  aurait  eu  assurément  une 
voyelle  finale,  soit  sn^bs,  soit  -n^bN.  Quant  à  l'espagnol  ijar,  il  est  impos- 
sible, ainsi  que  le  provençal  ila,  ilha,  et  le  portugais  ilhal.  Ce  mot  a  pour 
élymologie  le  latin  iliare.  11  est  surtout  employé  dans  le  sens  de  côté,  flanc, 
et  est  généralement  au  pluriel  dans  ce  sens.  Nous  avons  également  la  forme 
féminine  Hier  es  ou  yllièrcs. 

47.  ISTEMEKEL,  b^ttplû'W,  C,  Houllin,  50  #,  &O»"lt:0,W,  l'estomac 
Dérivé  du  grec  ox6[xaxoç,  latin  stomachus,  ce  loaz   nous  présente  un  mot 

français,   à  en  juger  d'après  Yi  prosthélique  et  la  voyelle  e  de  Va  latin  anté- 
tonique. 

L'étymologic  doit  être  'stomachulus,  qui  aurait  donné  régulièrement  la  forme 
estomail  ou  estomayle.  Mais  ce  mot  est  mi-savant,  mi-populaire.  H  est  savant 
par  sa  formation  terminale,  mekel,  et  populaire  par  Yi  prosthétique  qui  pré- 
cède le  groupe  st.  Soit,  en  définitive,  la  transcription  ISTEMEKEL.  On  voit 
qu'à  cette  époque  -achulus  donne  -EKEL  avec  '.'accent  sur  le  premier  e  et  que 
la  dernière  syllabe  était  presque  atone,  ou,  pour  mieux  dire,  prononcée  avec 
beaucoup  moins  d'intensité  que  l'avant-dernière.  C'est  un  réel  paroxyton  en 
présence  duquel  nous  nous  trouvons.  Dans  Rasclii  cette  forme  a  complète- 
ment disparu  et  nous  avons  la  forme  :  ÉSTOMAK,  ^ttiatî'W. 

48.  ISTURDIR,  -p'il'itfUÎ"^,  C,  Houllin,  51  a,  W»pl  rm»,  se  troubler, 
souffrir. 

Le  mot  se  retrouve  dans  Raschi  sous  la  forme  du  substantif  :  ■p^YTiaiOlg, 
éstordison,  Jérémie,  xxm.  De  même,  dans  le  glossaire  302  de  la  Bibl.  Nat., 
•prmu^N  =  ÉSTORDIZON,  pour  traduire  le  mot  irvin  (fol.  1,  2e  ligne).  11 
s'applique  aussi  bien  à  la  perturbation  physique  qu'au  trouble  moral.  Dans 
notre  loaz  il  a  le  sens  neutre  :  rester  étourdi,  être  souffrant.  —  L'i  prosthétique 
suffit  à  faire  rejeter  toute  composition  du  mot  avec  ex.  (Nous  aurions,  en  effet, 
"W  et  non  ->n.  É  et  non  I.)  De  sorte  que  l'étymologic  proposée  par  Korting 


LES  GLOSES  FRANÇAISES  DE  GERSCHOM  DE  METZ        77 

'sturjan  serait  encore  la  moins  mauvaise.  Le  i  et  Pw  (Vu  et  Vi)  de  IsIUrdir 
la  rendent  assez  vraisemblable. 

49.  1STUVE(?)  ou  ESTUVE,  NaiBS)»,  G,  Houllin,  51  a,  KBlDiK,  ouverture 
pratiquée  dans  le  toit. 

Ce  mot  ne  se  trouve  pas  dans  Raschi. 

La  phrase  hébraïque  est  très  claire,  mais  ne  précise  pas  suffisammment 
l'usage  qu'on  faisait  de  ce  trou  percé  dans  le  toit. 

Leloazse  transcrit  ESTUVE.  Gela  désigne-t-il  le  trou  qui  donnait  passage 
à  la  fumée,  comme  le  suppose  M.  Kœnigs  berger?  Je  ne  saurais  l'affirmer. 
Dans  le  doute  je  m'abstiendrai  de  rechercher  l'étymologie  de  ce  mot.  Aussi 
bien,  s'il  vient  de  *  stupa  (comme  le  mot  éluve,  d'après  le  Dictionnaire  général, 
qui,  d'ailleurs,  n'est  pas  absolument  satisfait  de  cette  hypothèse),  il  doit  don- 
ner 1STUVE.  S'il  vient  d'un  composé  de  ex  +  (a??),  il  doit  donner  ES  +  TUVË, 
c'est-à-dire,  en  tout  cas,  -iztn  ou  ti^at. 

Le  mot  est  très  obscur  quant  au  sens  et  quant  à  l'étymologie.  Toutefois  la 
comparaison  avec  les  langues  germaniques,  angl.  stove,  doit  faire  pencher 
pour  la  transcription  1STUVE,  et  l'étymologie  doit  se  trouver  dans  un  mot 
germanique. 

50.  JABRONS,  oanna*",  A.  B*.  B1.,  «arbi,  B'.  Baba  Batra,  ma,  ^r% 
poutres  placées  le  long  du  toit. 

C'est  le  mot  actuel  «  chevrons  ». 

La  notation  "n  ou  i  =  J  est  intéressante.  Elle  nous  donne  un  nouveau  spé- 
cimen de  la  confusion  entre  j  et  ch  dans  la  prononciation  de  l'Est  de  la 
France  et  du  traitement  du  groupe  latin  (C  +  A). 

L'absence  de  ponctuation  ne  nous  permet  pas  d'assurer  d'une  façon  abso- 
lue la  transcription  française,  mais  l'antiquité  de  ce  loaz  doit  nous  faire  pré- 
férer la  forme  la  plus  hébraïque,  c'est-à-dire  CHABRONS,  forme  intermédiaire 
entre  CApR-ûneS  et  CliAVRONS.  —  Ce  mot  technique  a  gardé  le  même  sens 

E 

depuis  le  xe  siècle  jusqu'à  nos  jours. 

51.  JUTE,  t&w\  C,  Houllin,  63  a,  maints  mao,  la  chouette. 

T 

Raschi  traduit  ici  le  mot  par  ZOÉTE,  MU^iiT. 

Gerschom  donne  une  forme  très  curieuse  et  que  je  n'ai  retrouvée  nulle  part: 
JUTE.  Évidemment,  le  •n  est  ici  la  prononciation  défectueuse  donnée  au  ch 
par  le  dialect  messin.  Dans  cette  région  on  prononce  le  ch  et  le  j  d'une  façon 
équivoque  et  qui  correspond  à  un  son  intermédiaire  entre  ch  elj,  de  sorte 
que  les  loazim  représentent  indifféremment  le  son  ch  par  ti  et  le  son  j  par  p. 
Nous  pouvons  donc  transcrire  CHUTE,  au  lieu  de  JUTE.  Nous  avons  ici  non 
pas  le  diminutif,  mais  le  substantif  primitif  sur  lequel  on  a  formé  le  mot 
choue-tte  ;  cf.  ancien  français  choe.  Cette  forme  très  ancienne  doit  faire  reje- 
ter l'étymologie  Kawa.  Je  ne  vois  rien  d'autre  à  proposer. 

52.  laSRE,  fcnob,  C,  Houllin,  58  b,  mnbn. 

Raschi  donne  le  mot  snîb  (même  endroit)  pour  traduire  le  nom  de  cette 
plante.  La  plante  de  Raschi  doit  être  interprété  lézre  ou  lazre   soit  du  latin 


78  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

laserum,  soit  du  latin  *laseram,  féminisé  par  analogie  avec  les  noms  de 
plantes  du  féminin.  Le  mot  de  Gerschom  est  assurément  français;  si  c'était  le 
latin  lasera,  il  serait  ponctué  fcnob;  si  c'était  Tilalien  lasero,  il  serait  ponc- 
tué de  même.  Nous  transcrirons  donc  ce  mot  par  LASRE,  forme  plus  an- 
cienne que  celle  de  Raschi,  puisque  1'*  y  est  conservée  dure  comme  dans  le 
mot  latin  laser,  laserum. 

53.  LÈMSÉL,  b^tf^b,  G,  Houllin,  95  #,  N"ïia*p,  peloton  de  fil. 

Raschi,  Aboda  Zara,  donne  le  mot  •ûb^^iwb  [a);  Baba  Kamma,  119  b, 
b"ntt5Tib  {b)  ;  Menalwt,  41  b,  NM*>b  (c)  ;  Haguiga,  12  a,  btS^Tûb  {d)  ;  Soukla, 
9  a,  b^MTD  Ce)  ;  Bechorot,  22  a,  bilans  ou  b^nattib  (/")• 

M.  Thomas  {Essais  de  phil.  française,  p.  330)  a  montré  que  l'étymologie 
de  lonsel  était  'glomicellum,  celle  de  loisel  ' globicellum  (cf.  à),  et  celle  de 
lemouisels  (cf.  a)  *glomuscellum.  Il  est  intéressant  de  voir  que  toutes  les 
formes  venant  de  glomicellum  ont  conservé  leur  m,  qui  n1est  pas  encore 
passée  à  n.  Le  forme  LÉMSEL  nous  montre  :  1°  que  Vo  protonique  'glomicel- 
lum s'est  transformé  en  e,  ce  qui  n'a  rien  que  d'ordinaire  :  2°  que  la  dernière 
syllabe  porte  la  trace  d'un  rajeunissement  :  on  s'attendrait  plutôt,  en  effet,  à 
cette  époque,  à  la  forme  "LEMZÈL  (C  +  E  =  Z). 

K  K 

54.  LENTRE,  Bnbà£,  Taanit,  25  b,  an^N,  œuf  du  pou. 

Raschi,  Nazir,  39  a,  donne  la  forme  tfi'narb  =  LÉNTRES  et  ici  la 
forme  UTS'nirb,  et,  enfin,  awb,  transcrites  respectivement  LÉNDINES, 
LÉNDE. 

Le  mot  existe  encore  en  français  sous  la  forme  lente.  Le  latin  Uns, 
endis  (même  sens)  est  devenu  en  latin  populaire  *lendinem,  d'où  la  forme 
lendines  (accusatif  pluriel)  de  Raschi,  Taanit,  25  b.  Sur  cette  forme  on  a  refait 
un  lende,  encore  prouvé  par  la  forme  de  Raschi.  Mais  en  même  temps  la 
forme  Uns,  tendis,  sous  l'influence  —  apparemment  —  du  grand  nombre  de 
génitifs  en  -entis  (cf.  dens,  denlis  l,  les  participes  présents  de  la  2e,  de  la  3e  et 
de  la  4e  conjugaison),  est  devenue  Uns,  Sentis.  Cette  forme,  influencée,  à  son 
tour,  par  "lendinis,  est  devenue  "lentinis.  Il  y  a  eu  ainsi  deux  transformations 
à  peu  près  contemporaines  qui  ont  agi  l'une  sur  l'autre.  Lenlinem  a  donné  régu- 
lièrement *lentene,  qui  est  devenue  lentre  et  qui,  contractée  en  lente,  comme 

léndene,  l'avait  été  en  lende,  est  la  forme  actuellement  vivante  en  français, 
lente  len,de 

Tenir e  =  lendene  La  forme  *lendinem  est  celle  qui  a  eu  le  plus  d'expan- 
sion ;  cf.  it.  lendine,  sarde  lendine,  Undiri,  roum.  lindina,  prov.  lende,  cat. 
llemena,  esp.  liendre,  port,  lendea. 

55.  LESCHE,  NplDb,  C,  Houllin,  16  b,  ftèh'iift  fittl^O. 

Gerschom  cite  une  plante  qui  croît  dans  les  marais,  et  qui,  desséchée   est 
assez  tranchante  pour  couper  la  chair  des  animaux. 
Le  même  mot  est  employé  par  Raschi  dans  le  même  sens.  Raschi  l'écrit 

aptt->b. 

Cf.  également  lens,  lentis,  la  lentille. 


LES  GLOSES  FRANÇAISES  DE  GERSCHOM  DE  METZ  79 

La  transcription  de  ce  mot  donne  le  français  :  LESGHE.  Je  le  transcris 
LESCHE  et  non  LISCHE,  par  suite  de  la  comparaison  de  rorthographe  -tfi"b  de 
Raschi  et  de  Portnographe  -u)b  de  Gerschom. 

Ce  mot,  écrit  actuellement  laîche  ou  lèche  et  anciennement  lesche  ou  lèche, 
désigne  en  botanique  le  careœ,  plante  de  la  famille  des  Cypétacécs. 

L'étymologie  de  ce  mot  est  l'ancien  haut-allemand  liska,  act.  Liesch, 
Lieschgras. 

56.  LIMAZ,  y»ib,  G,  Bekh.,  38  «,  ïiTbn,  maladie  de  l'œil,  l'œil  sécrète  une 
mucosité. 

Raschi  (même  endroit)  donne  "p^b  =  LIMON,  pour  désigner  cette  même 
maladie.  Il  réserve  fcwwa^b  ==  LIMAZE  pour  désigner  la  limace.  On  comprend 
aisément  que  cette  mucosité  dont  parle  Gerschom  ait  fait  donner  à  cette 
affection  le  nom  de  limon.  Mais  ce  mot  ne  doit  pas  être  remplacé  —  comme  le 
prétend  M.  Kœnigsberger  —  par  le  mot  "pa^b.  En  effet,  les  deux  mots  sont 
absolument  indépendants  l'un  de  l'autre. 

Le  loaz  de  Gerschom  doit  être  transcrit  limaz.  C'est  la  forme  tout  à  fait  régu- 
lière au  point  de  vue  phonétique,  soit  du  latin  limâcem,  soit  de  limâceum. 
Limaze  de  Raschi  ne  s'explique  que  par  :  limaceam. 

Quant  au  sens  métaphorique  où  il  est  employé  ici,  il  n'a  pas  complètement 
disparu  ;  limace  sert  encore  aujourd'hui  en  langage  de  vétérinaire  à  désigner 
l'inflammation  de  la  place  de  l'intervalle  ihierdigité  du  bœuf,  se  propageant  au 
ligament  situé  dans  cet  espace.  On  comprend  facilement  comment  du  sens 
de  mollusque  rampant,  de  couleur  brunâtre,  on  est  passé  à  celui  d'inflamma- 
tion s'étendant  peu  à  peu  au  ligament  situé  dans  l'intervalle  interdigité  du 
bœuf,  inflammation  d'aspect  brunâtre  et  gélatineux.  Quant  à  la  mucosité  qui  se 
forme  dans  l'œil  à  la  suite  de  différentes  maladies,  quel  rapport  y  a-t-il  entre 
elle  et  la  limace  ?  On  peut  songer  soit  à  la  trace  laissée  par  cet  animal,  soit  à 
l'idée  de  boue,  sédiment,  qui  se  trouve  dans  le  radical  li-tus. 

57.  LOR,  -)ib,  B,  A  manque1,  Baba  Batra,  4  a,  fittan,  laurier. 

La  transcription  du  mot  est  très  claire,  c'est  le  mot  LOR,  du  latin  laurum. 
Ce  mot  â  passé  dans  toutes  les  langues  romanes  :  il.  lauro  (mot  savant)  et 
alloro  (mot  populaire),  rom.  laur,  prov.  laur-s,  anc.  esp.  et  cat.,  lauro' 
port,  louro,  tous  dérivés  de  laurus,  laurum. 

Le  changement  de  au  en  ô  est  très  régulier  au  point  de  vue  phonétique. 

Quel  est  au  juste  l'arbre  désigné  par  le  mot  ndd~i  et  par  le  mol  lôr  ?  L'édi- 
tion du  Talmud  de  Wilna  a  remplacé  le  mot  -ny  par  lp?û")3>  ;  comme  le  fait  re- 
marquer justement  M.  Kœnigsberger  la  correction  a  dû  être  empruntée  à 
Raschi:  wna.ymp  ibtt:  "hdi  n"ib  "p-ripil)  Ca^aimy.  Il  s'agit  donc  dans  ce 
passage  du  platane.  Mais  Raschi  appelle  toujours  (cf.,  par  ex.,  Baba  Batra, 
81  a,  et  Rose  h  Hasch.,23a)  ttî^a  les  fruits  du  laurier.  Gerschom  fait  tout  de 
même  (cf.  le  mot  BAYES).  C'est  donc  le  laurier  dont  il  s'agit  ici,  et  il  est  inu- 
tile de  corriger  le  ms. 

1  Dans  A  le  texte  de  ce  passage  est  altéré.  Il  a  été  gratté  juste  à  l'endroit  où  de- 
vait se  trouver  notre  loaz,  c'est-à-dire  au  folio  5  b. 


80  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Raschi  emploie  aussi  le  mot  lôr.  Mais  nous  trouvons  aussi  le  mot  T^Hib;  LO- 
RIER  (cf.  Guittin,  691)).  Dans  Gerschom  nous  n'avons  qu'un  exemple  de  ce 
mot  11  est  difficile  de  savoir  s'il  existait  seul  ;  mais,  en  tout  cas,  cet  exemple 
nous  montre  que  ce  mot  LOR  était  plus  employé  que  son  dérivé  laurier.  Dans 
Rasclii,  au  contraire,  le  mot  lorier  est  employé  fréquemment.  L'exemple  de 
Gerschom  présente  donc  à  ce  point  de  vue,  par  rapport  aux  loazim  de 
Raschi,  un  caractère  légèrement  archaïque,  celui  d'une  époque  où  Ton  avait 
encore  le  sentiment  que  le  mot  laur  était  le  nom  d'un  arbre,  sans  avoir  besoin 
pour  cela  d'y  ajouter  le  suffixe  -ier. 

58.  LUITON,  irj^b,C,  Meïla,  17  b,  ïvbîan  \%  lutin. 

Raschi  donne  le  même  mot  'pa'nb,  qu'on  a  souvent  lu  lia^ïa  et  qui  dans 
noire  ms.  a  même  encore  cette  forme.  Pour  les  formes  de  ivbwn  "p,  nous 
renvoyons  à  l'intéressant  article  de  M.Israël  Lévi,  Revue,  t.  VIII,  p.  200-202, 
etX,  pp.  66-73. 

Le  loaz  représente  le  mot  actuel  lutin  sous  la  forme  luiton. 

Cette  forme  très  ancienne  du  mot  lutin  doit  faire  penser  que  la  forme  nuiton 
n'est  qu'une  étymologie  populaire,  et  que,  d'autre  part,  l'étymologie  proposée 
par  le  dictionnaire  général  (p.  1433,  col.  1)  de  Neptunus  est  absolument  à  re- 
jeter. Dicz  n'admet  pas  davantage  l'étymologie  de  Frisch,  qui  tire  le  mot  de 
laut  (anc.  ail.  hliit),  ni  celle  de  Grimm  [Mytfi.,  475),  qui  le  tire  du  latin 
luctus,  ni  celle  de  Grandgagnage,  qui  le  fait  venir  de  lut  lit  (angl.  little).  Je 
n'en  vois  aucune  de  raisonnable  à  proposer l. 

59.  MALEJNÏ,  Spbja,  G,  Houllin,  51  a,  *ibjnï"S. 

Le  mot  hébreu  veut  dire  :  se  durcir,  s'encroûter,  se  couvrir  d'une  croûte, 
d'une  crasse.  Gerschom  applique  ce  mot  à  l'ouverture  d'une  plaie  qui  a  séché 
et  sur  laquelle  s'est  formé  le  matant. 

Raschi  nous  offre  en  différents  passages  ce  mot,  qui  signifie  abcès,  bouton, 
pustule  qui  recouvre  toutes  les  parties  du  corps;  voir  Sabb.,  109 b;  Kidd., 

81  a;  B.  K.,  83  b.  —  Matant  n'est  pas  toujours  seul  ;  employé  avec  "pn,  il 
forme  une  locution  composée  qui  s'applique  toujours  aux  abcès  de  la  gorge. 

Du  Gange,  à  Bonum  2.  et  à  Malannus,  donne  ces  mots 'comme  synonymes. 
Bonum  serait  par  antiphrase  le  qualificatif  euphémique  du  malannus.  Il  s'ap- 
plique, dans  l'exemple  cité,  à  une  maladie  d'yeux.  Mais  les  textes  formels  de 
Gerschom  et  de  Raschi  montrent  qu'il  y  a  eu  confusion  dans  Du  Gange.  Il 
s'agit  probablement  d'un  bouton  qui  se  forme  sur  l'œil  et  qui  en  nécessite 
l'ablation. 

Le  vers  4  de  la  strophe  111  d'Alexis 

Nul  n'en  i  at  qui'n  alget  malendos. 

prouve  que  MALENT  est  la  forme  primitive  de  ce  mot.  Il  est  pris  dans  ce 
passage  au  sens  très  général  de  malheureux,  maladif  (cf.  développement  du 
sens  de  chétif). 

1  Cf.  F.  Ed.  Schneegans,  Neptunus-lutin,  Zeïtschrift  fur  romanische  Philologie, 
t.  XXIV,  p.  557-564. 


LES  GLOSES  FRANÇAISES  DE  GERSCilOM  DE  METZ  81 

Le  mot  malandre  ne  doit  avoir  aucun  rapport  avec  ce  mot.  Malandria  a 
donné  Le  savant  malandre,  espèce  de  lèpre. 

D'après  les  textes  que  j'ai  cités,  l'étymologie  du  mot  me  semble  être  malum 
+  inlu,  ou  +  inde,  et  le  loaz  doit  être  transcrit  :  MALENT;  c'est-à-dire  qu'il  a 
dû  être  ponctué  ûabtt.  La  forme  ponctuée  ajbtt  cîe  Raschi  est  postérieure. 

60.  MALHES,  MALES,  tf)ï"fbft,  A,  iDbtt,  B,  Baba  Batra,  67  à,  pBWîn,  sacs 
de  cuir  servant  au  transport  des  raisins. 

Le  ms.  A  nous  donne  la  leçon  MALHES  ;  les  trois  autres  MALES.  Dans  les 
deux  cas,  ce  mot  sert  à  désigner  des  sacs  en  cuir,  faits  de  pièces  de  cuir 
rapportées,  et  servant  au  transport  du  raisin,  par  opposition  aux  sacs  de  peau 
de  chèvre. 

Le  mot  MALHES  est  tiré  de  l'ancien  haut-allemand  malaha,  comme  l'ortho- 
graphe de  A  le  montre  d'une  façon  très  nette.  Le  ïi  ne  semble  donc  pas  être 
purement  orthographique.  La  leçon  de  la  famille  B  indique  un  remaniement, 
un  rajeunissement.  C'est  un  mot  qui  doit  avoir  conservé  jusqu'au  xe  siècle 
l'aspiration  dans  une  syllabe  intérieure. 

Ce  vocable  a  gardé  le  sens  de  sac  en  cuir  destiné  au  transport  des  marchan- 
dises :  en  anglais  {a  mail),  en  français  malle.  Chose  curieuse,  il  a  disparu  en 
allemand,  où  c'est  un  mot  d'origine  latine  qui  lui  a  succédé,  Koffer. 

Raschi  ne  nous  donne  pas  maies.  On  le  trouve  dans  le  «  Pèlerinage  de  Char- 
lemagne  à  Jérusalem  »  : 

«  Et  font  pleines  les  maies.  » 

61.  MASEYR,  "piott,  C,  Houllin,  10  a,  ûin,  broyer. 

Raschi  ne  donne  pas  ce  mot. 

M.  Kœnigsbergcr  le  transcrit  par  mâcher.  Mais  ce  serait  le  seul  exemple  où 
U3  pût  être  rendu  par  CH.  C'est  un  fait  remarquable  que  l'alphabet  hébreu, 
ayant  un  signe  tf)  tout  trouvé  pour  noter  le  CH,  en  a  forgé  un  conventionnel  : 
p,  dont  il  use  sans  exception  pour  représenter  ce  même  son. 

Aussi  bien,  le  sens  du  mot  hébreu  n'est  pas  simplement  mâcher,  mais  en- 
core :  triturer,  broyer  et,  par  extension,  former  une  masse  de  tous  les  grains 
en  les  broyant.  C'est  donc  le  mot  massare,  former  une  masse. 

Le  latin  massare  a  donné  masseir  en  dialecte  messin.  C'est  ici  une  preuve 
de  l'antiquité  de  cette  notation  de  a  Ionique  latin  non  en  position  par  ei  dans 
les  dialectes  de  l'Est  de  la  France.  Cela  prouve  aussi  —  si  on  rapproche  ce  fait 
des  autres  phénomènes  phonétiques  que  présente  Va  dans  ces  mêmes  condi- 
tions —  que  la  fin  du  xe  siècle  est  l'époque  où,  dans  l'Est,  Va  devient  ey  après 
avoir  été  é  comme  dans  tout  le  reste  de  la  France  du  Nord.  La  notation  ^K 
indique  ce  phénomène  d'une  façon  très  précise. 

62.  MAST, otptt,  C,  Taan.,  2\a,  nd^sot  arnpONa,  dans  le  mât  du  navire. 

11  y  a  tout  lieu  de  croire  que  ce  mot  est  un  mot  français.  On  pourrait  avoir 
affaire  au  mot  allemand,  mais  dans  ce  cas  il  y  aurait  eu  probablement  après  la 
mention  'ba  celle  d'TjS^N,  que  l'on  rencontre  presque  toujours  près  d'un  loaz 
allemand,  surtout  quand  ce  dernier  se  rapproche  du  fiançais. 

Etymologic  :  vieux  nordois  maslr,  bien  conservé  en  portugais,  mastro. 
T.  XLIII.  n°  85.  6 


82  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

63.  MAYS,  iB^E,  AB,  Baba  Batra,  67  b,  NnDba  tT. 

C'est  la  poutre  ronde,  en  forme  de  lentille,  du  pressoir  qui  sert  à  extraire 
l'huile  de  l'olive. 

Raschi  donne  le  mot  yi»,  Menahot,  48  a,  dans  le  même  sens,  MAIZ. 

C'est  le  mot  [i.ayî;,  (j-aYiSoç,  venu  de  la  Grèce  dans  la  France  du  Nord  par 
l'intermédiaire  de  la  France  méridionale.  Dans  la  Provincia,  en  effet,  l'olive 
était  abondante  ;  l'huile  d'olive  donnait  lieu  à  une  grande  industrie. 

Ce  mot  prouve  qu'au  xe  siècle  le  y  intervocalique  avait  bien  le  son  yod. 
Il  n'est  pas  tombé,  car  la  transcription  de  Gerschom  eût  été  "WTp  et  non 
É^É,  MAls  et  non  MAYS.  C'est  la  forme  la  plus  ancienne  et,  pour  ainsi  dire, 
le  décalque  de  la  prononciation  romance.  Ce  mot  à  l'accusatif  a  donné  [xayîSa, 
MA1D,  comme  le  prouve  la  forme  MAIZ  de  Raschi,  forme  de  nomina- 
tif refaite  sur  une  forme  d'accusatif  =  MAID  4-  S  =  {/.ayiS  +  si  cf.,  d'ailleurs, 
le  français  met,  mait,  et  le  mot  tapis. 

Le  même  mot  se  retrouve  dans  Raschi,  Pes.,  30  ô,  au  sens  de  pétrin. 

Il  existe  encore  sous  la  forme  mail,  met,  ou  maie  avec  les  sens  de  :  huche 
au  pain,  pelle  dont  se  sert  le  fabricant  de  laiton  pour  mêler  la  calamine  et  la 
poudre  de  charbon,  caisse  dont  le  fond  est  propre  à  recevoir  les  cordages  que 
l'on  y  fait  égoutter  après  les  avoir  goudronnés,  de  table  sur  laquelle  on  dis- 
pose le  marc  de  raisin  pour  le  presser,  de  couvercle  que  l'on  place  sur  le 
raisin  et  sur  lequel  s'exerce  la  pression,  de  caisse  où  le  fabricant  de  poudre 
tamise  le  salpêtre. 

64.  MÉSLES,  îobtû^»,  C,  Houllin,  51  b,  "nû"^,  filet  formé  de  mailles. 

Raschi  ne  donne  pas  ce  mot  ici.  C'est  évidemment  MËSLE.  On  trouve  par- 
fois en  ancien  français  cette  forme  de  maille,  dont  on  considère  néanmoins 
l'étymologie  comme  devant  être  rapportée  à  :  "metallea.  Au  point  de  vue  du 
sens,  il  n'y  a  pas  de  difficulté  à  passer  du  sens  de  maille,  petite  monnaie  de 
métal,  à  celui  de  maille  de  filet,  en  prenant  comme  intermédiaire  cotte  de 
maille.  Mais,  au  point  de  vue  phonétique,  mesle  ne  peut  être  ramené  à  *me- 
tallea.  Vs  était  sûrement  prononcée,  comme  le  prouve  notre  loaz.  Je  présume 
que  ce  mot  doit  être  séparé  dans  les  dictionnaires  d'ancien  français  du  mot 
maille.  Ils  doivent  former  deux  articles  distincts.  Peut-être  pourrait-on  voir 
dans  mesle  un  dérivé  du  latin  macula,  influencé  par  le  verbe  meslet  ;  en 
d'autres  termes,  une  étymologie  populaire  où  l'idée  de  la  forme  de  ces  fils 
qui  semblent  tous  se  joindre  les  uns  aux  autres  ne  serait  pas  étrangère. 

65.  METAL,  b^att,  A,  ^batt,  B,  Baba  Batra,  89  #,  'p-iao'%  espèces  de 
fontes  mélangées. 

Le  ms.  Adonne  METAL. 

Les  mss.  B',  B»,B3,  donnent  iba».  Il  est  probable  qu'il  faut  lire  *>batt,  le  n 
final  étant  souvent  pris  pour  un  ^  et  vice  versa. 

Dans  A  je  lirais  également  b^att,  au  lieu  de  baw,  en  supposant  que  le  scribe 
aura  pris  pour  le  ",  qui  indique  un  loaz,  le  i  placé  entre  a  et  b. 

Dans  Menah.,  28  a,  Raschi  traduit  le  même  mot  par  rsatt,  ce  qui  confirme 
la  double  rectification  de  batt  et  de  iba». 


LES  GLOSES  FRANÇAISES  DE  GERSCHOM  DE  METZ  83 

C'est,  en  effet,  dit  Gerschom  un  alliage  de  plusieurs  métaux.  C'est  donc  le 
lalin  "metalleum,  français  METAZ,  dont  le  féminin  "metallea  a  subsisté  dans 
les  populaires  médaille  et  meaille,  maille.  La  prononciation  ancienne  du 
mot  est  bien  METAZ  et  non  MÉTAL,  comme  l'indique  l'orthographe  de  notre 
loaz.  La  transcription  par  b^ûtt  ou  ^bzûtt,  et  non  par  bïTM  ou  "ibû"'»,  en  est 
une  preuve  absolue.  D'ailleurs,  le  mot  maille  suffit  à  prouver  que  Ve  de  me- 
taille  (cf.  ci-dessus)  devait  être  un  e  féminin.  On  a,  en  effet,  la  succession 
suivante  :  melaille,  médaille,  meaille,  maille.  La  transformation  de  médaille  en 
maille  est  relativement  moderne. 
Remarque.  —  Si   l'on  admet  la  forme  ïbutt,  c'est-à-dire  melalo,  on  n'y 

u 
peut  encore  voir  qu'un  mot  français  savant,  dont  la  dernière  voyelle  repré- 
sente la  désinence  -um  de  metall-um.  Nous  avons  plusieurs  exemples  de  la 
conservation  de  cette  posttonique.  Mais,  en  aucun  cas,  il  ne  peut  s'agir  du  mot 
italien  metalo,  qui  eût  été  transcrit  ibra*^  par  Gerschom. 

66.  MOLSE,  Uîbi?2,  C,  Houllin,  62  b,  [mîi\]  Wl5  TT2,  [espèce  de  plante 
qui  croît]  entre  les  arbres. 

Raschi,  Sabbat,  20b,  explique  le  mot  NTNÎ  par  NUîbitt,  MOLSE. 

Ce  mot  est  très  intéressant.  Il  nous  donne,  avec  l'ancienne  forme  la  véri- 
table étymologie  du  mot  français  au  sens  de  plante  cryptogame  cellulaire. 
Littré,  le  Dictionnaire  général  etKôrting  font  dériver  moïse  de  l'ancien  haut- 
allemand  mos  (allemand  moderne  moos),  qui  serait  apparenté  au  latin  muscus. 
11  faut  évidemment  transcrire  notre  loaz  Moïse.  Cette  forme  nous  reporte  à  un 
latin  *mulsa,  signifiant  la  chose  douce  (supin  populaire  de  mulceo  —  *mulsum , 
ou  *mulsus,  a,  um).  Cette  forme  est,  d'ailleurs,  attestée  dans  les  textes  bas- 
latins. 

Le  français  moïse,  le  provençal  mousa,  le  catalan  molsa  sont  évidemment  des 
développements  du  latin  mulsa. 

Quant  à  l'italien  musco,  muschio,  au  roum.  muschiu,  au  rhétoroman  muste, 
mûschiel,  miskel,  meschel,  ce  sont  des  transformations  du  mot  latin  muscus  et 
de  son  diminutif  musculus. 

Ici  donc  (comme  pour  le  mot  tapid,  cf.  ce  mot),  notre  texte  nous  montre 
une  double  série  :  1°  la  France  forme  un  groupe  avec  la  Provence  et  la  Cata- 
logne. Représentant  :  mulsa. 

2°  Les  pays  de  la  Romania  orientale  forment  un  second  groupe.  Représen- 
tant :  muscus,  musculus. 
i  i 

Mousse  vient  également,  quand  il  signifie  écume  qui  se  produit  à  la  surface 

de  certains  liquides,  d'un  latin  mulsa.  Mais  ce  mot  latin  vient  de  mulgeo  au 
supin  :  "mulsa,  c'est-à-dire  écume  semblable  à  celle  qui  se  forme  sur  le  lait, 
quand  on  vient  de  le  traire. 

Ces  deux  mots  absolument  différents  de  sens  et  d'élymologie  doivent  for- 
mer deux  articles  différents  dans  les  dictionnaires. 

Rem.  —  Dans  Job,  xxx,  3,  Raschi  parlé  d'une  herbe  amère  et  l'explique  par 
le  loaz  NiDitt.  La  chute  de  PL,  qui  pourrait  étonner  dans  des  manuscrits  fran- 
çais du  xme  siècle,  n'a  rien  d'étrange  dans  les  transcriptions  hébraïques  de 
l'époque  de  Raschi.  A  l'époque  de  Gerschom  le  fait  serait  plus  surprenant. 
C'est  encore  une  preuve  de  l'antériorité  du  glossaire  de  Gerschom. 


8/i  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

67.  MOSKE,  MOSKERON,  Npttltt,  linp^itt,  C,   Houllin,  58  b,  Np3  fcWW. 

Raschi  rend  ces  mots  par  Nattât  =  ZINZE  et  Nb^at^ar,  Z1NZELE,  du  latin 
cimicem,  devenu  *cimce,  *cince,  zinze,  et  du  diminutif  cincella,  cite  dans  le 
glossaire  de  Reichcnau;  ce  mot  zmzele  a  été  ensuite  remplacé  par  le  mot 
punaise. 

Raschi  emploie  aussi  le  mot  cité  par  Gerschom,  mais  sous  la  forme 
ttJSTlttJ'pÎE  =  MOYSERONS.  Cette  forme  postule  un  latin  *mucsarones,  ou,  tout 
au  moins,  est  un  diminutif  du  mot  muise,  provenant  de  *mucsa  pour  MOSCA 
(le  peuple  dit  encore  le  dixe  *=  dicse  pour  le  disque). 

Les  deux  loazim  de  Gerschom  MOSCHE,  et  MOSCHERON,  Np^"itt  et  pnpWTB-, 
représentent  le  laiin  musca  et  son  diminutif,  soit  *muscaronem.  La  ponctua- 
tion, d'une  part,  et,  d'autre  part,  l'absence  de  signe  diacritique  prouvent  que 
p  doit  être  transcrit  K.  D'autres  exemples  tirés  de  Gerschom  nous  montrent 
que  le  CA  était  devenu  CHE  en  français  dès  cette  époque  et  dans  la  région 
messine  ;  il  y  a  donc  pour  Gerschom  hésitation  dans  le  traitement  de  c  +  a. 

Quant  aux  sens  dont  ces  mots  sont  susceptibles,  ils  sont  indiqués  en  hé- 
breu d'une  façon  précise,  NnTH,  mouche,  aussi  grosse  qu'une  sauterelle 
(Raschi,  Guitlin,  86  b),  et  Npn,  moucheron,  insecte  à  peu  près  de  la  taiile 
d'une  punaise. 

08.  MUZE,  $hlV2,  C,  Houllin,  49  b,  O""^»- 

Raschi  donne  pour  ce  mot  {Sabbat, i08a)  la  traduction  N-p-n^b^,  SAL- 
MOYRE.  Le  mot  ^b^l73  n'apparaît  pas  dans  son  commentaire,  et  Godefroy  n'en 
cite  d'exemple  en  vieux  français  que  sous  la  forme  muire. 

Cependant  étant  donné  le  grec  à^upo;,  composé  de  à);,  sel,  et  de 
{j-ûpoç,  saumure,  et  le  latin  salmuria,  composé  de  sa!,  sel,  et  de  muria,  sau- 
mure ;  d'autre  part  l'italien  moja,  le  roumain  mura,  moare,  le  rhétoroman 
muora,  mura,  et  le  français  même  salmuyre  (ex.  de  Raschi)  composé  de  sal 
et  de  muire,  \\  est  évident  que  nous  avons  affaire  à  une  forme  tirée  du  latin 
muria.  Nous  savons  que  k;  bà  indique  VI  mouillée;  nous  transcrirons  donc 
ce  mot  :  mu/e.  LV  et  l'I  lingual  latins  étant  souvent  pris  l'un  pour  l'autre,  on 
aura  eu  successivement  :  muria,  mulia,  mule. 

Le  sens  du  mot  hébreu  concorde  absolument  avec  cette  explication  puis- 
qu'il signifie  Fischlake,  Salzbriihe. 

Remarquons,  en  outre,  que  ce  mot  présente  un  aspect  plus  archaïque  que 
celui  que  donne  Raschi,  où  le  mot  muria,  mûrie  ir  mouillé  comme  l'indique 
bien  la  notation  N"P"n72bU3  de  Sabbat,  108  a)  a  déjà  besoin  d'être  renforcé  dans 
son  sens  par  le  mot  sal. 

69.  awas-n»,  A,  KBBTitt,  BlB\  NUS"n»,  B3,  Baba  Batra,  6  a,  NmsN. 

B3  doit  être  évidemment  pour  NasmE. 

A  fait  précéder  le  loaz  des  mots  ï»1D«  "piabn,  en  langue  allemande.  Nous 
pouvons  transcrire  murfete,  murfatna,  allemand  moderne  mauerfette,  poutre 
transversale  dans  un  mur.  Ge  loaz  n'éclaire  en  rien  l'étymologie  du  mot  alle- 
mand. L'explication  donnée  par  Grimm  {Deulsches  Wôrterbucâ,  III,  1573)  est 
bien  peu  satisfaisante. 


LES  GLOSES  FRANÇAISES  DE  GERSCHOM  DE  METZ  85 

70.  NEDEL,  VtVD,  C,  Houllin,  lô0a-b,  NniBp,  arc. 

Raschi  donne  b^VQ,  BODËL,  boyau.  «  C'est,  en  effet,  le  boyau  en  forme 
d'arc  au  milieu  duquel  il  y  a  de  la  graisse.  ». 

On  ne  peut  songer  à  corriger  bT3  en  BODEL;  il  serait  surprenant,  en  effet, 
que  le  scribe  eût  pris  deux  fois  de  suite  un  n  pour  un  5  et  un  i  pour  un  i. 
C'est  probablement  le  boyau  qui  repose  sur  l'anus,  c'est-à-dire  un  des  boyaux 
du  gros  intestin,  le  rectum,  qui  a,  en  effet,  la  forme  très  caractéristique  d'un 
arc.  Quant  à  i'étymologic  du  mot,  on  peut  proposer  (comme  l'indique  M.  Kœ- 
nigsberger,  sans  pousser  suffisamment  loin)  le  mot  nates,  qui  a  donné  en 
français  nages  (*naticas)  et  dont  un  diminutif  nat-ellum  a  pu  donner  NEDÉL. 
Cela  serait  d'autant  plus  vraisemblable  que  la  notation  b*ï  (et  non  b"^)  indique 
un   e  tonique. 

71.  ORIENTAL,  OR1ENTEL,  bD^IN,  b^^nN,  voir  article  Kro. 

72.  NlMttî^N,  VOirAISTRE. 

73.  OURTIES,  ttî^tnw,  C,  Houllin,  62  J,  ^sbn. 

Rascbi,  Houllin,  63  a,  donne  le  même  mot  avec  le  même  sens:  un  ms 
donne  toutefois  la  forme  îarPLî'-nN  =  OUKTIJES,  qui  prouve  une  influence 
provençale. 

Le  c  entre  t  et  a  est  devenu  un  yod  avant  de  tomber  entièrement  ;  c'est  ce 
que  prouve  notre  loaz  OURTYES.  La  réduction  de  iye  à  ie  est  facile  à  com- 
prendre, mais  est  postérieure  ;  c'est  ainsi  que  dans  Rascbi  je  trouve,  à  côté  de 
la  forme  citée,  le  loaz  :  tt5art311N,  OURTIES.  La  notation  par  n  (U)  prouve  qu'il 
faut  ponctuer  le  loaz  ©TÛ1W  =  OURTYES.  Le  mot  *aurtyes  >erait  absolu- 
ment impossible. 

Le  sens  du  mot  est  identique  au  sens  du  français  actuel  orties. 

74.  OUSERYES,  ^"niD-ia,  AB ,  Baba  Batra,  69  a,  ûTins  biB  rrûaba, 
pierres  qui  sont  devant  les  portes  et  qui  servent  à  étayer  les  linteaux. 

D'autre  part,  le  ms.  A,  pour  expliquer  «b^bn  Np"in,  donne  le  mot 
anaiû*nN,  et  B1,  B2,  B»  traduisent  ces  mêmes  mots  par  armo  (voir  au  mot 
PORCHE),  partie  du  bâtiment  qui  est  construite  devant  une  maison.  Enfin, 
Raschi,  MenaJwt,  33  b,  donne  le  mot  ao-uaiN  pour  désigner  les  jambages  de 
la  porte. 

Il  résulte  de  l'ensemble  de  ces  passages  que  le  mot  TB'wnia'iN  doit  se  lire 
OUSERYES;  c'est  le  mot  actuel  huisseries,  qui  désigne,  non  plus  les  «jam- 
bages »  de  la  porte,  mais  bien. les  ornementations  de  ces  jambages. 

La  base  du  mot  est  le  latin  ostium  devenu  de  bonne  heure  *  ossium. 

Le  mot  fcnatDVN  est  obscur.  Ce  doit  être  une  altération  de  fina^D^N,  et  il 
doit  être  transcrit  aistre.  L'étymologie  atrium  a  dû  être  influencée  par  le  mot 
estre  de  exterum,  et  c'est  à  une  étymologic  populaire  qu'on  devrait  cette  pro- 
nonciation de  Vs,  qui  est  attestée  par  notre  loaz. 

75.  PANICATa  (italien).  NUNp^Np,  C,  Men,.,  15b,  "part,  pain  grillé,  trempé 
dans  du  miel,  du  lait  ou  de  la  graisse. 

Le  mot  ne  se  retrouve  pas  dans  Raschi. 


86  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

C'est  le  participe  passé  pris  substantivement  du  verbe  latin  panificare,  qui  a 
donné  en  français  pannechier,  pannequier  et  penegier. 

La  ponctuation  indique  un  mot  italien  PANICaTA,  qui  semble  montrer  que 
l'origine  du  mot  français  pannequet,  cité  par  Littré,  d'après  la  Maison  rustique 
de  Mme  de  Genlis  et  «  désignant  une  sorte  de  pâtisserie  »,  doit  être  cherché  du 
côté  du  latin  panificare. 

Je  rappelle  que  M.  Thomas  a  proposé  l'anglais  pancake  comme  étymologie  du 
français  pannequet. 

76.  PERS,  lû^B,  G,  Houllin,  62  b,  ibms  anïN,  hysope  de  la  couleur  de  l'an- 
timoine ou  du  fucus. 

Raschi  ne  donne  pas  ce  mot. 

C'est  évidemment  le  mot  PÉRS,  avec  l'S  finale  très  fortement  prononcée, 
comme  l'indique  la  notation  tu. 

Le  mot  ^blTO  ne  désigne  pas,  d'une  façon  suffisamment  précise,  la  matière 
prise  comme  terme  de  comparaison  ;  c'est  aussi  bien  le  stïbium  que  le  fucus. 

D'ailleurs,  rien  de  plus  indécis  que  les  noms  de  couleur  :  d'après  les  textes 
d'ancien  français,  per  signifie  bleu,  mais  bleu  très  foncé  tirant  sur  le  noir  ;  le 
mot  rappelle,  par  l'élasticité  de  son  sens,  le  oîvoua  7i6vxov  d'Homère  ou  le  cœru- 
leum  mare  des  Latins. 

L'étymologie  du  mot  n'est  pas  établie.  Litlré  indique persicum;  mais  il  y  a 
bien  des  difficultés.  Notons  Yé  de  notre  loaz,  dû  peut-être  à  l'influence  de  IV 
suivant. 

77.  PIKFIGE,  j«b:pb,  C,  Houllin,  102  #,  «mabp,  beefigue. 

«  Avis  fere  tota  ossea  et  parum  habens  carnis.  » 

Raschi,  qui  ne  donne  pas  de  loaz  pour  ce  mot,  fait  remarquer  {Houllin,  \02b) 
que  c'est  un  oiseau  d'une  extrême  maigreur. 

La  transcription  du  loaz  de  Gerschom  est  très  délicate.  On  peut  hésiter 
entre  P1GFIGE  et  PÉGF1GE.  Dans  le  1"  cas,  le  mot  signifierait  PIKFIGE  (le  g 
représentant  le  son  k  dans  l'Est  de  la  France)  et  s'appliquerait  à  l'oiseau  qui 
pique  les  figues  avec  son  bec.  Dans  le  second  (PÉGF1GE),  avec  la  prononcia- 

rn  h 

tion  donnée  dans  l'Est  de  la  France  au  y  et  au  — ■'  ce  serdit  le  mot  beefigue, 
oiseau  qui  bèque  les  figues. 

La  préférence  doit  aller  à  PIKFIGE.  Le  mot  BEC  a  Ve  de  par  l'étymologie 
beccum  en  ancien  français,  de  même  qu'en  •  français  moderne.  La  transcrip- 
tion serait  donc,  dans  *  e  cas,  ÉCPsas,  et  non  éwbjpb,  c'est-à-dire  PÈGFIGE  et 
non  PÉGFIGE.  Le  mot  pic,  au  contraire,  ayant  ï,  doit  se  ponctuer  -:pb  ,  et  la 
forme  PIG  représente,  en  dernière  analyse,  la  forme  pic-  du  substantif  verbal 
de  piquer,  ou  dérivé  de  pic-  plcc. 

Les  deux  mois  désignent,  d'ailleurs,  le  même  oiseau.  C'est  bien  au  beefigue 
que,  en  tout  cas,  nous  avons  affaire;  mais  le  mot  beefigue  n'apparaît  qu'en  1539  ; 
c'est  un  composé  postérieur  à  piefigue.  Formé  du  substantif  verbal  bec  de 
bequer,  il  désigne  l'oiseau  qui  bèque  les  figues,  qui  fait  des  figues  sa  becquée. 
La  composition  des  deux  mots  est  donc  dans  un  rapport  très  étroit.  Nous  avons  : 

beefigue  bec 

piefigue        pic  * 


LES  GLOSES  FRANÇAISES  DE  GERSCHOM  DE  METZ  87 

78.  PIPE,  nd^d,  G,  Arakhin,  10  a,  b"«bn. 

C'est  un  des  instruments  dont  on  se  sert  dans  le  Temple. 

Raschi  le  traduit  par  u:b^bp,  calernels,  des  chalumeaux  des  flûtes. 

Gerschom  donne  ici  le  mot  PIPE,  dans  le  sens  de  chalumeau,  sur  lequel 
on  joue  de  la  musique.  C'est  le  substantif  verbal  de  pipare,  piper,  mot 
savant. 

Ce  mot  pipe  est  resté  en  anglais  dans  ce  sens.  On  a  conservé  en  français 
dans  ce  sens  aussi  le  diminutif  pipeau  (*pipellum). 

79.  NitbD,  C,  Houllin,  54  a,  KTT  NSS- 

T    " 

Slave  plézo,  servant  à  désigner  l'os  large  de  Pépaule,  l'omoplate. 

80.  PORES,  UÎ-niD,  C,  Houllin,  47  #,  ^TTO,  poireaux, 

Mot  employé  par  Gerschom  pour  désigner  les  poireaux  qui  sont  de  couleur 
verte. 

Raschi  traduit  de  même  Soukka,  34  b,  mwtfQ,  PORÉYS. 

C'est  le  latin  porellum,  qui  a  donné  au  singulier  porel,  au  pluriel,  porels. 

Notre  loaz  montre  que  VI  était  tombé  devant  Vs,  signe  du  pluriel.  Vs  se 
prononçait  donc  très  fortement,  comme  nous  le  faisons  dans  le  mot  fils. 

N.-B.  —  Notre  loaz  est  ponctué  PORIS  =  ttî^ib.  Je  ne  trouve  pas  trace 
dans  l'ancien  français,  ni  dans  aucune  langue  romane  de  cet  i,  qui  postulerait 
un  *por-ilum.  Je  suppose  donc  que  c'est  une  erreur  du  ponctuateur,  qui  aura 
ponctué  ■»,  au  lieu  de  \ 

81.  (AISTRE),  PORGE,  finW"K,   A,   BrhiD,  B,   Baba  Batra,  61a  Np^s 

Nous  avons  pour  le  même  mot  deux  loazim  différents. 

1.  Le  mot  porje,  fr.  mod.  porche,  est,  dit  Gerschom,  «  le  corps  de  bâtiment 
que  l'on  construit  devant  une  maison.  » 

La  forme  du  mot  est  intéressante,  elle  représente  la  première  transforma- 
tion du  latin  porticum,  ayant  donné  *portigum,  puis  *portjum.  -  Le  mot 
porche  vient  du  latin  *porlicam,  sous  l'influence  de  porta.  Le  mot  porche  sert 
encore  dans  la  langue  populaire  à  désigner  la  porte  d'une  église. 

2.  AISTRE,  voir  OUSEYRES. 

82.  POSLE,  Nbttîis,  A,  B,  Baba  Batra,  78a,  ^bpb"»p.  C'est  la  courroie  qui 
sert  à  retenir  le  bât  ou  la  selle  sur  le  dos  de  l'animal,  en  passant  sous  la 
queue. 

Littré  donne  :  potières  {s.  f.  pi.),  terme  de  bourrelier,  courroies  qui 
joignent  la  fauchère  au  bât. 

Fauchère  est  le  correspondant  français  du  provençal  fauquiero  ;  potière,  le 
correspondant  français  du  provençal  moderne  pouiliero,  dérivé  de  poilo, 
pouilo,  polo.  Or,  nous  trouvons  en  italien  la  forme  posola,  d'où  posoliera. 
Notre  loaz  nous  donne  la  forme  poste,  qui  représente  le  primitif  de  potière. 
Nous  avons  donc  la  série  de  rapports  : 

Posle  Polo  Posola  . 


Poslière        Pouiliero        Posoliera 


88  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Ces  six  mots  ont  évidemment  la  même  origine.  M.  Thomas  propose  ^postula. 
Mais  c'est  impossible,  car  nous  aurions  en  ancien  fr.  postle,  en  prov. 
postlo,  en  it.  postola.  Cependant  l'idée  est  bonne,  et  j'admettrai  un  *posula, 
représentant  post  avec  sa  prononciation  pos,  connu  et  indiqué  notamment  par 
l'abréviation  po  dans  les  manuscrits. 

83.  RAYMS,  ^73^n,A,œ^^,Bl,«5)3^n,B,îB,,5aôa5^ra,73a,rins:,i,ÛttrT. 

Levy,  III,  266  ay  traduit  ce  mot  par  Steuer,  Ruder.  Le  texte  hébreu  indique, 
en  effet,  que  ce  sont  des  instrumenls  qui  servent  de  rames  et  de  gouvernail. 
Le  ms.  A  donne  seul  un  loaz  ponctué.  Nous  pouvons  ponctuer  les  autres 
d'après  lui. 

Le  mot  français  transcrit  est  RÂYMS.  Très  intéressante  au  point  de  vue 
phonétique,  la  ponctuation  prouve  que  dans  l'Est  de  la  France,  à  la  fin  du 
x*  siècle,  E  latin  tonique  non  en  position  était  passé  à  la  diphtongue  AY. 
Raschi,  Ketoub.,  85  a,  donne  îûtt^n,  ce  qu'il  faut  probablement  interpréter 
U5tt,,v"i,  reyms.  Les  mss.  n'étant  pas  ponctués,  on  ne  peut  toutefois  donner 
cette  conjecture  comme  assurée. 

Abstraction  faite  de  la  comparaison  de  Gerschom  et  de  Raschi,  nous  avons 
ici  un  exemple  intéressant  de  la  transformation  de  e  tonique  latin  non  en  po- 
sition en  ay.  Cela  nous  permettrait  peut-être  de  supposer  que  cet  e  dans 
l'Est  de  la  France  a  subi  l'influence  de  l'allemand  ei.  A  Nancy  et  aux  environs, 
dans  les  Vosges  aussi,  on  prononce  le  nom  propre  René,  Renay  ou  Renéy  ou 
un  son  intermédiaire  entre  Renay e  et  Renéye;  c'est  un  phénomène  analogue 
à  celui  qui  est  noté  d'une  manière  si  précise  par  notre  ms.  A.  Cependant  je 
ne  voudrais  pas  trop  insister  sur  ce  point,  car  la  question  est  assez  com- 
plexe. On  peut  songer  à  l'influence  de  ramus  sur  remus.  Ramus  a  donné 
raim  et  remus,  reim,  et  le  sens  de  ramus,  rameau,  branche  d'arbre,  n'est 
pas  fort  éloigné  du  sens  de  remus,  morceau  de  bois  d'une  forme  spéciale. 
Ainsi  le  composé  remare  de  remus,  origine  du  français  ramer,  d'où  le  mot 
rame  (fém.),  qui  n'apparaît  avec  ce  genre  qu'au  xvie  siècle.  Toutefois,  en 
prov.  on  a  conservé  le  mot  rems,  en  it.  remo,  et  il  faut  admettre  que  l'analo- 
gie ne  se  serait  exercée  qu'en  français.  Mais  n'est-ce  pas  la  caractéristique 
même  de  l'analogie  d'agir  d'une  façon  capricieuse  et  sans  règles  fixes  ? 

84.  RASTEL,  bûffi'n,  B1,  batm,  Bs,  B3,  A  manque,  Baba  Batra,  36 b,  aa^tl). 

M.  Kœnigsberger  traduit  ce  mot  par  Riester.  11  s'agit  d'un  instrument  qui 
sert  à  ratisser  la  terre  une  fois  que  le  blé  est  semé.  On  ne  voit  pas  ce  que  le 
Riester,  le  manche  de  la  charrue,  aurait  à  faire  dans  cette  opération.  En  outre, 
la  lecture  Riester,  qui  irait  bien  avec  la  leçon  B1  (à  condition  de  changer  le 
b  en  "i  —  ce  qui  n'est  permis  qu'à  défaut  de  transcription  littérale  possible), 
n'est  pas  acceptable  avec  la  leçon  de  B*,  B3. 

En  réalité  nous  avons,  d'après  B2,  B3,  RASTÈL  ou  RASTÈL,  et,  d'après  B1, 
RÉSTÈL  =  Râteau. 

Ce  mot  est  formé  de  ras-  (de  radere,  sup.  rasum),  auquel  s'est  ajoute  le  suf- 
fixe -tellum.  L'accent  étant  sur  -ellum  (suffixe),  la  protonique  initiale  était 
prononcée  avec  moins  d'acuité  et  Va  a  pu  passer  facilement  à  e  ou  à  é.  Ce 
n'est  pas  la  règle  générale,  mais  il  y  a  quelques  exemples  de  ce  traitement. 


LES  GLOSES  FRANÇAISES  DE  GERSCHOM  DE  METZ  89 

85.  ROBJE  WARAJNZE,  pTJMT*'  N"nO,  C,  Houllin,  28  a,  fcob,  teinture 
rouge. 

Raschi  ne  donne  pas  ces  mots,  ou  les  traduit  par  d'autres,  difficiles  à  com- 
prendre. 

Je  suppose  que  fcr^o  est  pour  aravi,  ROBJE.  Le  mot  serge  (amD)  n'a,  en 
effet  aucun  sens  ici,  et  l'on  doit  chercher  une  combinaison  de  lettres  se  rap- 
prochant le  plus  possible  du  loaz  tel  qu'il  est  écrit,  mais  offrant  un  sens. 
L'étymologie  est  le  titre  :  rubium. 

Le  mot  p13731.11,  transcrit  littéralement  JERAMNIK,  qui  n'a,  lui  non  plus,  au- 
cun sens,  peut  être  transformé  en  ys^TT,  les  deux  ni  devenant  n,  le  n 
restant  n,  le  73  étant  confondu  avec  le  n  souvent  liés  ensemble  et  p  de- 
venant  y;  soit,  finalement  WARANZE  =  garance. 

Raschi  donne  cette  expression  môme,  N£3TiWVi,  dans  Sabb.,  89  b. 

L'explication  serge  germanik  de  M.  Kœnigsberger  n'est  pas  sérieuse. 
L'expression  entière  est  donc  ROBJE  WARANZE,  rouge  garance.  Mais  cela  ne 
nous  indique  rien  pour  l'etymologie  du  mot  garance,  toujours  obscure  et 
inconnue. 

85.  RUMP1D,  a)  niiôttin,  C,  Houllin,  80  a,  ÏTOMttJS, 

RUMPIR,  b)  -PD73T-I,  C,  Houllin,  28a,  C37312, 

RUMPEDURE,  c^KTïDttTI,  C,  Houllin,  57  a,  n[3173U5. 

Dans  l'exemple  a,  il  s'agit  de  la  trachée-artère  qui  est  brisée;  c'est  le 
participe  passé  qui  est  employé.  Dans  l'exemple  b,  Gerschom  donne  simple- 
ment la  traduction  du  mot  VU"®  à  l'infinitif.  Dans  l'exemple  c,  Gerschom 
donne  la  traduction  par  un  substantif  du  substantif  naitttfJ  tiré  du  verbe  Qnxb. 

En  partant  de  b,  qui  est  ponctué,  nous  transcrirons  ainsi  :  b,  RUMPïR; 
a,  RUMPYD. 

La  forme  rumpir  montre  qu'au  latin  rumpere,  rompre,  on  avait  substitué 
la  forme  *rump-fre,  sous  l'influence  apparemment  de  senllre,  finïre,  verbes 
qui  sont  beaucoup  plus  nombreux  que  ceux  de  la  conjugaison  -e  en  français. 

La  forme  RUMPYD  est  la  forme  régulière  de  *rumpftum  : 

l'umpid  finid    sentid  t    . 

'rumpilum        finitum        sentitum 

Les  deux  n  servent  à  marquer  ici  d'une  façon  très  nette  la  quantité  î  de 
rumpltum. 

Quant  à  la  forme  an'HDEVi,  RUMPEDURE,  elle  répond  au  thème  étymo- 
logique :  rumpitura. 

Dans  les  exemples  a,  b,  c,  Vu  latin  contre-tonique,  suivi  du  groupe  mp, 
avait  encore  nettement  le  timbre  de  u  (comme  le  montre  l'orthographe  de 
b)  à  la  fin  du  xe  siècle. 

Ce  mot  qui  a  existé  en  ancien  français  est  resté  dans  le  dialecte  lorrain, 
où,  sous  la  forme  rompure,  il  signifie  hernie;  il  a,  d'ailleurs  ce  sens  égale- 
ment en  ancien  français. 

87.  RUNZlR,i.iî3"n,  G,  Houllin,  44  a,  TW\  se  contracter. 

Raschi,  Houllin,  43  b,  donne  le  loaz  T^nan  RETRAYR,  de  retrahere.  C'est 


90  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

le  mot  correspondant  d'une  façon  absolue  au  mot  contracter  ;  il  est,  en  effet, 
composé  de  re  +  trahere,  comme  contracter  Test  de  cum  +  tractare  (du  su- 
pin tractum  de  trahere). 

Quant  au  loaz  de  Gerschom,  il  est  de  formation  germanique  et  dérive  du  mot 
Runza,  pli,  d'où  runzir,  se  plier,  se  contracter. 

Le  T  (Z)  peut  étonner,  on  s'attendrait  au  son  É,  Z.  Mais  il  peut  y  avoir  eu  un 
rajeunissement  de  ce  mot,  rajeunissement  assez  ancien  pourtant,  car  au 
xnr  siècle  on  eût  dit  ronsir  et  écrit  "P03"n. 

88.  SANBOJE,  éwiîMIZJ,  AB,  B.  B.,  78  a,  -»W3*7  nna^ltt,  litière,  chaise  à 
porteurs. 

Ce  mot  ne  se  retrouve  pas  dans  Raschi. 

M.  Kœnigsberger  en  rapproche  un  passage  de  Raschii  Pes.,  56  a,  où  se 
trouve  :  piaaœ,  SANBUC,  le  sureau.  Ce  mot  n'a  rien  à  faire  avec  notre  loaz. 
Celui-ci  correspond  à  l'ancien  fr.  SANBOJE.  Ce  mot  comme  nous  le  montre 
l'orthographe  du  loaz,  vient  du  latin  sambuca,  grec  <hxia6ûxy|.  11  a  le  sens  de 
harpe  ou  de  machine  de  guerre  servant  a  escalader.  Cette  machine  était  com- 
posée d'une  échelle  portée  sur  un  chariot  et  munie,  à  sa  partie  supérieure, 
d'une  plate-forme,  sur  laquelle  pouvaient  se  placer  une  vingtaine  d'hommes. 
De  ce  sens  à  celui  de  litière,  il  semble  qu'il  y  ait  un  grand  pas  à  franchir. 
Mais  ce  qu'on  retint  du  mot,  ce  fut  son  sens  de  véhicule,  qui  sert  facilement 
d'intermédiaire. 

La  notation  je  représente  soit  la  première  transformation  du  ca  en  ga,  d'où 
je,  soit  la  prononciation  du  die  de  l'Est  de  la  France,  peu  différente  du  son.;"* 
et  dont  nous  avons  quelques  exemples  dans  notre  recueil  de  loazim. 

89.  SANKOLTRE,  npb^nûpT,  C,  Menait.,  42  b,  fc6"U  ÉPB3H  «  sorte  de  cou- 
leur vermillon  ». 

Raschi  donne  plusieurs  fois,  notamment  Houllin,  Mb,  53  a,  93  b,  42  a, 
Pes  ,  74  b,  et  Bèça,  22  a,  le  mot  "TH'iS'ijpâtb,  qui  signifie  t  rougir  en  parlant 
de  la  peau  »,  soit  :  SANKOTURER,  qu'il  faut  probablement  lire  :  sankotrer, 

"pnanpaiD. 

M.  Epstein  voit  dans  le  loaz  de  Gerschom  un  mot  allemand  ;  mais  il  oublie 
de  dire  lequel.  M.  Kœnigsberger  coupe  p\  change  a  en  d  et  traduit  ce  mot 
par  soif  ré. 

En  le  rapprochant  du  mot  de  Raschi,  j'y  verrais  un  fcnabnpStf),  radical  du 
verbe  TnaipSTD  (un  SANKULTRE,  radical  du  verbe  sankotrer). 

Le  mot  serait  composé  de  (sanguis-\-  colorare),  et  nous  aurions  ici  le  subs- 
tantif sankoltre,  formé  de  sanguis  +  color.  Le  mot  coltre  serait  dans  ce  cas 
un  intéressant  vestige  du  nominatif  de  couleur. 

Le  loaz  de  Gerschom  a,  par  suite  de  la  conservation  de  l'b,  un  caractère  plus 
archaïque  que  celui  de  Raschi. 

90.  SAPE,  NDU3,  B,  A  manque,  B.  B.,  80b,  nS£:i3,  sapin. 

Dans  Bèça,  33  b,  Raschi  donne  NDU?  =  SAPE. 

Ce  mot  vient  de  "sappus.  Il  est  de  formation  populaire.  En  effet,  les  deux  p  se 
sont  réduits  à  un  seul,  et  pourtant  la  voyelle  d'appui,  qui  prouve  que  les  deux 


LES  GLOSES  FRANÇAISES  DE  GERSCHOM  DE  METZ  91 

p  ont  été  prononcés  distinctement  à  une  époque  antérieure  au  x°  siècle,  a 
persisté.  On  a  donc  eu  *sappum,  puis  sappe,  puis  SAPE,  au  xe  siècle. 

Le  mot  sape  est  plus  ancien  que  sapin;  il  nous  reporte  à  une  époque  où 
les  noms  d'arbre  tiraient  directement  leur  forme  du  prototype  latin  sans  avoir 
recours  à  un  suffixe  quelconque  de  dérivation  (cf.  les  mots  laur,  ci-dessus, 
et  til,  ci-dessous). 

91.  SÉY,  -n©,  Is.,  xl vi,  1,  voir  akropid  (1). 

92.  SIGLE,  Nb:niB,  C,  Men.,  10  b,  8rw*%  seigle. 

Raschi  donne  la  forme  SÉGLE  =  Rbvqp,  représentant  le  latin  *sè~cale.  Le 

loaz  de  Gerschom,  transcrit  SIGLE,  répond  au  latin  "secale. 

Cette  forme  est  intéressante  en  ce  qu'elle  montre  :  1°  que  le  latin  *sec~ale 
est  devenu  *secale  avant  de  devenir  *secale  ;  2»  que  la  forme  *secale  est  an- 
terieure,  comme  le  demanderait  la  seule  logique,  à  "secale;  3°  que  le  c  inter- 
vocalique  ne  s'est  changé  en  g  qu'après  que  e  était  changé  en  ié,  car  sigle 
ne  s'explique  que  par  la  forme  *sieigle,  d'un  antérieur  *siéicle. 

93.  SISÈLE,  NbttPl»,  G,  Houllin,  17«,n^p  b-Oa. 

On  peut,  dit  Gerschom,  couper  la  chair  des  animaux  avec  certains  objets, 
mais  non  avec  la  scie  qui  sert  à  couper  le  blé. 

Raschi  traduit,  Houllin,  15  b,  ce  mot  serpe  de  la  moisson  par  Rb^atbB, 
FALZILE. 

Notre  loaz  est  assez  embarrassant.  C'est  très  probablement  le  latin  cisellus. 
Mais  cisellus  aurait  donné  à  cette  époque  zisel.  D'autre  part,  le  N  Anal  ne 
ne  s'explique  guère.  C'est  également  le  n  final  qui  défend  d'accepter  l'hypo- 
thèse de  l'allemand  Sichel  proposé  par  M.  Kœnigsberger.  M.  Kœnigsberger  n'a 
pas  non  plus  songé  à  la  difficulté  de  la  transcription  du  son  ch  par  t9.  H  faut 
admettre  comme  pis  aller  :  1°  que  ce  mot,  par  analogie  avec  les  mots  sie, 
falzile,  serpe,  qui  sont  des  féminins,  aura  été  féminisé  à  son  tour  :  il  cor- 
respondrait dès  lors  au  latin  *cisella  ;  2°  que  par  assimilation  et  par  analogie 
peut-être  aussi  de  secare  et  de  scindere,  le  z  se  serait  changé  en  sifflante 
dure  ;  on  aurait  eu  "scisclla,  d'où  très  régulièrement  siséle. 

Le  ta  prouve  que  Vs  intervocalique  est  encore  dure  dans  le  dialecte  franco- 
messin  de  la  fin  du  x°  siècle. 

94.  soriz,  c,  ymiû,  Arakhin,  19  b,  rmap. 

C'est  le  muscle  de  la  partie  supérieure  du  bras,  placé  un  peu  au-dessus  de 
l'aisselle  à  laquelle  on  applique  les  tephilin. 

Raschi  donne  le  mot  ÏÏTT3,  13RaD0N,  devenu  ensuite  braon  et  breon. 

Le  mot  soriz,  qui  représente  le  latin  *soricem,  sert  encore  aujourd'hui 
à  désigner  le  muscle  charnu  qui  tient  à  l'os  du  manche  de  gigot,  près  de  la 
jointure,  et  l'espace  qui  est  dans  la  main  entre  le  pouce  et  l'index.  En  vieux 
français  il  désigne  le  muscle  charnu  qui  tient  à  la  rotule  de  la  jambe  et  au 
coude.  Le  vieux  français  a  également  le  diminutif  souriseure,  muscle  charnu 
qui  tient  à  la  rotule. 

Le  rapprochement  du  latin  mus  et  musculum,  et  du  français  muscle  et  sou- 


92  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

ris  est  curieux,  en  ce  sens  qu'il  montre  la  même  métaphore  appliquée  à 
deux  choses  de  sens  fort  différents,  mais  entre  lesquelles  le  même  rapport  est 
apparu  deux  fois  en  des  esprits  différents  et  à  plusieurs  siècles  d'intervalle. 

95.  SPANDS,  UH3DUJ,  C,  Arakhin,  250,  K^ian  "mil),  creux  des  rochers 
dans  les  champs  où  s'amassent  les  eaux. 

La  racine  du  verbe  "spandere  est  à  la  base  de  ce  mot.  Il  a  dû  y  avoir  une 
influence  de  expandere,  devenu  ispandere,  d'où  espandre,  et  de  spargere, 
qui  a  le  même  sens  que  expandere,  devenu  espandre.  D'où  la  forme  hypo- 
thétique "spandere,  puis  spands,  qui  serait  le  thème  verbal  d'un  ancien 
"spandre,  pris  substantivement. 

Je  ne  retrouve  ce  mot  nulle  part  ailleurs  que  dans  Gerschom. 

Nous  avons  toutefois  les  mots  épandre,  épandage,  qui  rendent  très  possible 
l'emploi  d'un  mot  qui,  s'il  avait  continué  à  vivre  serait  devenu  ;  épands.  Re- 
marquons que,  quel  que  soit  le  rapport  de  sens  entre  espondes  (Raschi)  et 
spands  (Gerschom),  Ye  prothétique  existe,  au  temps  de  Raschi,  devant  le 
groupe  sp,  il  n'existe  pas  encore  au  temps  de  Gerschom  (cf.  spiku). 

96.  SPIKU,  ipic»,  C,  Keritout,  6  a,  Tti  rfrn©. 

Raschi  donne  le  mot  rps^N,  espig,  forme  française  de  spïcar. 

La  forme  ip^DUD  pourrait  être  l'italien  venant  de  spïcum.  En  italien  mo- 
derne, nous  n'avons  que  le  mot  spiga  du  féminin  ;  mais  en  italien  ancien 
nous  trouvons  aussi  la  forme  spico.  Le  français  épi  venant  du  lalin  spïcum, 
nous  nous  trouvons  plutôt  en  présence  de  la  forme  toute  primitive  SPÏK'U,  où  Yit 
latin  serait  encore  sensible,  surtout  après  une  explosive  terminant  un  mot. 
En  prononçant  spic,  on  sent  un  élément  de  voyelle  après  le  c  ;  c'est  cet  élé- 
ment de  voyelle  qui  est  représenté  par  le  \  A  l'époque  de  Gerschom,  le  sp, 
comme  nous  le  voyons  par  d'autres  loazim,  n'a  pas  besoin  dV  proslhélique. 

97.  SPIZE,  N!T>Ett,  AB,  B,  B.,  8  a,  TW1  tOB. 

Il  s'agit,  dans  ce  passage,  des  différents  impôts  auxquels  sont  soumis  les  ha- 
bitants des  villes;  ils  doivent,  entre  autres  contributions,  payer  pour  la  pa- 
lissade qui  défend  l'entrée  de  la  ville  et  qu'on  appelle  N1TDU3.  M.  K.  en  fait 
un  mot  allemand. 

Aucun  des  mss.  n'indique  ce  mot  comme  tel.  D'ailleurs,  l'allemand  Spitze 
signifie  pointe;  mais  comment  passer  de  ce  sens  à  celui  de  palissade?  Un  en- 
semble de  pointes?  C'est  bien  improbable. 

Je  proposerai  un  latin  *sp7cia\  dérivé  de  spicus  ou  spica,  au  sens  de 
pieu  par  suite  de  la  ressemblance  qu'un  pieu  peut  offrir  par  sa  forme  barbe- 
lée avec  un  épi  de  blé.  L'ensemble  de  plusieurs  spicae  ou  spici  aurait  été 
appelée  *sp7cia,  d'où  spTze.  Le  sens  de  ce  mot  spicus  est  maintes  fois  attesté, 
et  il  désigne  encore  aujourd'hui,  sous  la  forme  épi,  le  crochet  de  fer  placé  au 
haut  d'un  mur  pour  empêcher  qu'on  ne  l'escalade. 

L'absence  de  Ye  prothétique  ne  prouve  rien  contre  l'hypothèse  émise  ci- 
dessus.  Nous  le  voyons  par  d'autres  exemples. 

1  Cf.  Spiceum,  a  um  (Foreellini,  V,  596,  2). 


LES  GLOSES  FRANÇAISES  DU  GERSGHUM  DE  METZ  93 

98.  TALPE,  Nebcp,  C,  Eoullin,lkb,  isiUJ,  tubérosité  sciatique. 

Le  sens  donné  à  ce  mot  n'apparaît  pas  dans  notre  recueil  de  loazim.  Raschi 
donne,  Houllin,  89  a,  le  mot  NsbiD,  qui  désigne  la  chair  épaisse  qui  enve- 
loppe le  haut  de  l'os  de  la  hanche  et  qui  en  recouvre  la  convexité  comme  une 
cuiller.  Mais  il  est  impossible  d'admettre,  comme  le  veut  M.  Kœnigsberger 
(p.  48,  n°  101),  que  ce  mot  soit  celui  de  Gerschom  :  on  n'arriverait  pas,  en 
effet,  au  mot  PULPE  par  la  transcription  KsbD.  Et  si  Ton  admet  la  confusion 
très  possible  de  s  et  de  ia,  on  ne  s'explique  plus  la  ponctuation. 

Le  mot  fitàba  transcrit  TALPE  a  très  bien  pu  servir  à  désigner  la  grosseur 
large  et  arrondie  formée  par  la  réunion  des  bords  postérieur  et  inférieur  de  l'os 
iliaque.  Nous  avons,  dans  le  commentaire  de  Gerschom,  un  certain  nombre 
de  noms  d'animaux  qui  servent  à  désigner  certaines  parties  du  corps  offrant 
à  l'imagination  des  rapports  parfois  difficiles  à  retrouver,  mais  qui  n'en  ont  pas 
moins  existé  dans  l'esprit  de  nos  ancêtres. 

«  Le  mot  taupe  est  encore,  dit  Littré,  le  nom  vulgaire  et  vieilli  d'une  es- 
pèce de  loupe  irrégulière,  sinueuse,  formée  sous  les  téguments  de  la  tête  qui 
sont  soulevés  comme  la  terre  fouillée  par  la  taupe.  » 

Il  n'y  a  pas  besoin  d'un  grand  effort  d'imagination  pour  trouver  un  rapport 
entre  la  tubérosité  sciatique  et  la  forme  de  Pâmas  de  terre  soulevé  par  une 
taupe  en  creusant  son  trou. 

99.  TALPÉ,  NDbtf,  G,  Houllin,  92  b,  "maiûi». 

«  C'est,  dit  Gerschom,  un  oiseau  qui  vole  pendant  la  nuit  et  non  le  jour  ». 
Quel  rapport  ce  mot  a-t-il  avec  la  taupe?  Raschi  donne  le  mot  Nibp 
ynitZJ  ==  CHALVE  SORIZ.  Faut-il  admettre  une  errreur  du  copiste  et  rétablir 
chalve  soriz  d'après  Raschi  ? 

100.  TÀPID.Tsa,  ABl,  ansœ.-B8,  B.  B.,  13*,  ynn£3. 

La  leçon  de  B2  est  évidemment  fausse,  mais  facile  à  rétablir,  c'est  'psrj  — 
TAP1Z  x,  cas  régime  pluriel.  Raschi  {il?.)  a  le  même  mot  écrit  de  la  même  fa- 
çon :  «  Tapis  qui  sert  à  l'ornement  des  sièges  »,  Tpp. 

L'étymologie  du  mot  tapiz  est  embarrassante.  La  comparaison  des  diffé- 
rentes langues  romanes,  it.  tapelo,  esp.-port.  tapete,  prov.  tapitz,  fr.  tapiz, 
tapis,  doit  nous  faire  supposer  deux  séries  :  l'une  comprenant  l'italien,  l'es- 
pagnol et  le  portugais-latin  tapete{m),  tapelum  ;  l'autre  le  français  et  le  pro- 
vençal tapis,   tapiz,  du  grec  tomhc  TawïSoç. 

M.  Cornu  [Romania,  Vil,  p.  752)  avait  proposé  «  pour  expliquer  Ys  du  mot 
tapis  »  le  grec  xa^xtov  latinisé  Hapelium.  Mais  deux  objections  rendent  cette 
hypothèse  inadmissible  :  1°  Ce  mot  eût  été  traité  comme  mot  populaire  et 
eût  donné  :  tabiz.  2°  Le  cas-régime  et  le  cas-sujet  auraient  été  tous  deux  : 
tabiz. 

K 

Au  x8  et  au  xi*  siècles,  bien  que  certaines  villes,  comme  Troyes,  Beauvais, 
Reims,  Arras,  Saint-Quentin,  eussent  des  fabriques  de  tapisseries,  les  tapis 
veloutés  venaient  en  France  de  l'Orient.  Au  xne  siècle  on  leur  donnait  même 

1  L'espagnol  et  le  portugais  tapiz^  peu  employé  d'ailleurs,  sont  influencés  par 
le  provençal.  K 


94  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

le  nom  de  tapis  sarrasinois  et  leurs  fabricants  s'appelaient  des  Sarrasinois. 
L'importation  se  faisait  par  la  Grèce  et  les  ports  de  Provence.  11  est  donc  tout 
naturel  que  ce  mot  nous  soit  parvenu  par  le  provençal.  Nous  avons  donc  la 
forme  Tarciôa,  qui  explique  bien  la  forme  française  tapid  et  la  forme  prov. 
tapit  *,  sur  lesquelles  on  refait  un  nominatif  tapiz  =  (tapid  -f  s) 

==  (tapit  +  s). 

Puis  tapis  est  venu  postérieurement.  Ces  deux  formes  sont  les  cas  d'un 
même  mot  savant,  ayant  subi  les  lois  de  la  déclinaison. 

101.  TARÉDRES,  1DW1B,  G,  Ârakh.,  23  ô,  l'Haut,  doloires. 

C'est  le  mot  par  lequel  le  traduit  Raschi,  NTvnbx  DOLOYRE. 

Ce  mot  est  formé  sur  la  racine  celtique  *  tarais,  soit  le  latin  "taratrum^  qui 
donne  régulièrement  tarédre,  d'où  plus  tard  tarére  et  plus  tard,  par  change- 
ment de  suffixe,  tarière.  Raschi,  dans  Kiddouschin,  21  b,  emploie  la  forme 
awna.  Mais  nous  trouvons  aussi  chez  lui  la  même  forme  fcnTna  que  chez 
Gerschom.  Le  sens  de  ce  mot  n'a  pas  varié,  comme  la  plupart  des  sens  des 
mots  techniques,  qui  offrent  une  grande  force  de  résistance. 

102.  TEZ,  b^a,  C,  Houllin,  51  &,  Nnnttn. 

Raschi  emploie  ce  mot  pour  désigner  le  tilleul  lui-même  ;  Gerschom  l'em- 
ploie à  la  fois  pour  désigner  la  tilleul  et  le  liber  du  tilleul. 

Ce  mot  tel  qu'il  est  dans  Gerschom  est  assez  difficile  à  transcrire  d'une  fa- 
çon rigoureusement  phonétique  : 

1°  Doit-on  transcrire  til  ou  tel.  Étant  donné  til-ia,  on  doit  avoir  rigoureuse- 
ment tel  {Yei  est  marqué  par  é  dans  notre  glossaire).  Raschi  donne  ^b*"b,  ce 
qui  doit  être  transcrit  le/. 

2°  VI  n'étant  pas  mouillée  et  l'étymologie  tili-a  étant  certaine,  faut-il  pen- 
ser que  b^  indique  IV  mouillée,  auquel  cas  on  transcrivait  b"<a  te/? 

Je  crois  que  c'est  la  seconde  hypothèse  qui  s'impose. 

103.  TENDROM,  ûVfiaa,  C,  Bekh.,  37  a,  ùinon,  cartilage  de  l'oreille. 

A 
La  même  glose  dans  Raschi,  Ex.,  xxix  20,  se  présente  sous  les  variantes 

TENDROS  DTTT5Î3,  TENROM  DTTDa,  TÉNROS  OTira,  TORNOS  Dima,  TEN- 
DRON Tmna,  tandrom  drrrab,  tenrom  tnaia,  tandron  iwara. 

J'ai  cité  ces  variantes  pour  montrer  combien  il  est  difficile  de  se  prononcer 
d'après  la  graphie  de  Gerschom  sur  la  valeur  de  la  première  voyelle.  Doit-on 
transcrire  len-  ou  tan-1  Je  pencherais  pour  ten-drom,  en  rapprochant  ce  mot 
de  son  étymologie  latine  *tenr~umen.  Il  est  difficile  d'admettre  avec  Littré  que 
ce  soit  un  diminutif  de  tendre.  M.  Thomas  a  rapproché  {Etym.  fr.,  p.  285)  les 
mots  aigrun,  plus  tard  aigrin  et  égrain,  latin  *acrumen  et  *Chaussum  de  *cal- 
ciumen.  La  prononciation  de  la  syllabe  finale  est  passée  très  tôt  à  -drom, 

1  Peut-être  sous  l'influence  de  TdwnjTa,  dont  Vr\  était  prononcé  comme  Pi  de 
Towuqa. 

*  Diez,  Etym.  Wdrterbuch,  p.  315,  et  Rudoff  Thurneysen,  Keltoromanitches 
(Halle,  1884),  p.  80. 


LES  GLOSES  FRANÇAISES  DE  GERSCHOM  DE  METZ  95 

comme  le  montrent  les  exemples  de  Raschi;  le  notation  de  Gerschom  ne 
permet  pas  d'une  façon  absolue  d'affirmer  qu'on  prononçait  déjà  à  son  époque 
tendrom.  Vm,  en  tout  cas,  n'est  pas  encore  passé  à  n. 

104.  TEiNE,  N5">na,G,  Houllin,  85  b,  ndtn,  ver  qui  ronge  l'étoffe. 

Raschi  donne  le  motfiw^a,  non  ponctue,  qu'il  faut  lire  :  TÉNE,  fr.  actuel, 
teigne. 

Le  mot  de  Gerschom,  ponctué  d'une  autre  encre  que  les  lettres,  nous  offre  la 
forme  italienne  tiîia  (it.  tigna).  Il  faut  évidemment  restituer,  selon  la  forme 
donnée  par  Raschi,  et  en  faisant  abstraction  de  la  ponctuation,  le  mot  tene, 

Etymologie  tinea,  latin  tinea,  qui  donne,  suivant  les  lois  de  la  phonétique, 
téne. 

105.  TERNURE,  finira  A^.B*  [TPpB,  B3,  B.  B.,  28  ô,  NnODDN. 

La  bonne  leçon  est  donnée  par  A,  B1  et  Bs  ;  B3  est  évidemment  une  faute  de 
copiste. 

«  C'est  une  sorte  de  plante  dont  se  nourrissent  les  animaux.  Il  lui  faut  dix 
jours  pour  croître,  et  on  peut  la  récolter  trois  fois  en  un  mois.  » 

La  question  en  ce  passage  est  de  savoir  si  un  champ  appartient  de  droit  à 
celui  qui  y  a  fait  trois  récoltes.  On  fail  remarquer  qu'il  faut  à  cet  effet 
avoir  fait  des  récolles  de  plantes  ne  poussant  qu'une  fois  par  an,  et  qu'on  ne 
pourrait  se  réclamer  de  trois  récoltes  de  fcmaia  pour  acquérir  un  champ 
en  tant  que  propriétaire. 

Le  mot  hébreu  ayant  un  sens  très  vague,  les  uns  l'ont  expliqué  par  la  lu 
zerne,  d'autres  par  farine  (!),  d'autres  par  foraige{\).  Isaak  de  Siponte  le  tra- 
duit par  "^no,  perzin  (persil). 

En  réalité,  c'est  le  mot  TERNURE,  qui  dans  la  langue  de  Gerschom  devait 
s'appliquer  aune  espèce  particulière  de  lupin  (cf.  ternage). 

106.  téyg,  a^a»  Houilin,  76  a,  (-pas  jiffiba)  firoipn*. 

Jointure  en  langue  slave  se  dit  TEYG.  C'est  le  mot  tchèque  actuel  lèh. 

107.  TONÉDRE,  finY^iB,  C,  Houilin,  86  a,  D^Ean,  le  tonnerre  (mot  à  mot 
les  tonnerres,  c'est-à-dire  les  éclats  de  tonnerre). 

Raschi,  Houilin,  86  «,  traduit  ce  mot  par  éstorbél  =  b'nmuiD'W,  mot  de  la 
même  racine  que  l'allemand  Sturm. 

Gerschom  mentionne  que  ces  éclats  de  tonnerre  sont  accompagnés  de  grêle. 

Le  manuscrit  donne  la  leçon  fin"H3iB,  qu'il  faut  corriger  en  &nT3iB  ;  c'est 
le  latin  tonitruum,  d'où  très  régulièrement  en  français  TONEDRE. 

La  transcription  de  ce  loaz  par  l'anglais  thunder  ou  l'allemand  Donner  est 
impossible  :  le  n  final  défend  de  songer  à  un  mot  de  langue  germanique.  Plus 
tard,  tonédre  est  devenu  tonnerre,  par  assimilation  :  Yi  est  devenu  è  sous  l'in- 
fluence de  rr. 

108.  TORE,  firYîû,  C,  Houilin,  59  a,  Krrïntt. 

Raschi  donne  ici  le  mot  &mn.  C'est  le  même  mot,  sauf  n  pour  le  a. 


*J6  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

L'origine  du  mot  de  ^nfc  prouve  que  c'est  une  plante  dont  l'amertume  est 
la  qualité  principale.  Aussi  bien  Raschi  le  traduit-il  parb""ni5"p72N,  leçon  qui, 
pour  ne  pas  être  donnée  par  les  manuscrits,  n'en  offre  pas  moins  tous  les  carac- 
tères d'authenticité  :  la  place  de  l'adjectif  avant  le  substantif,  la  forme  mas- 
culine du  mot,  le  traitement  phonétique  correct  et  populaire  montrent  qu'on  a 
affaire  à  un  amarum  folium,  qui  d'ailleurs  n'a  pas  laisse  de  traces. 

Quant  à  notre  loaz  il  doit  être  rendu  par  ture  ou  tore.  Du  Cangc  cite  le  mot 
thora,  toxicum  venenum,  qui  ferait  pencher  pour  un  français  tore. 

109.  TRÉBUNU,  WWTB,  C,  Houllin,  8  b,  ^bD5. 

Mot  slave,  comme  l'indique  la  mention  qui  suit  ce  mot.  M.  Kœnigsberger  fait 
remarquer  que  c'est  en  vieux  polonais  le  part,  passé  neutre  du  verbe  qui  si- 
gnifie purger. 

110.  TREMÉYS,  ï3^53nC3,  B1,  B2,  B3.  A  manque,  B.  B.,  36  #,  «  espèce  de  blé 
qui  mûrit  dans  les  trois  derniers  mois  de  l'année  ». 

Raschi  ne  donne  pas  ce  mot.  Il  peut  avoir  le  sens  de  blé.  Isidore,  lib.  17, 
cap.  3  :  Trimense  triticum  ideo  nuncupatum  quia  satum  post  ires  menses 
colligitur.  Tp^vaioç  rcopo;,  Diosc,  lib.  2,  cap.  107.  Gloss.  lat.-fr.  :  trimense, 
une  manière  de  blé  recourgon.  On  appelle  aussi  cette  espèce  de  blé  les  Mar- 
sées,  quod  Martio  mense  sevitur. 

Le  mot  Hremisium  cité  par  Du  Gange  indique  l'espace  de  temps  pendant 
lequel  on  sème  le  tremeis. 

L'ensemble  de  ces  textes  prouve  d'une  façon  absolue  l'étymologie  *tre- 
mense,  devenu  "tremèse,  tremeis. 

Nous  avons  encore  en  français  les  mots  tremeil,  tremesie,  qui  se  rat- 
tachent à  une  origine  analogue. 

111.  VALÉDE,  Kîbs,  à  lire  K*T*ba,  C,  Houllin,  31  a,  NnpD,  la  vallée. 

Le  mot  ne  se  trouve  pas  dans  Raschi. 

On  peut  supposer  que  c'est  le  latin  platea,  donnant  pièce,  pleze  très  régu- 
ièrement.  Mais  d'abord  le  sens  de  ce  mot  étant  assez  vague,  au  lieu  que 
NppD  signifie  précisément  vallée,  il  vaut  mieux  interpréter  ce  mot  par 
RWD,  transcrit  FALÈDE,  latin  vallaia,  fr.  actuel  vallée.  L'F  initial  est,  si  l'on 
accepte  cette  explication,  la  prononciation  donnée  au  V  initial  par  les  popu- 
lations rhénanes  de  langue  française  qui  distinguent  difficilement  le  son  V  du 
son  F,  et  prononcent  un  son  intermédiaire  entre  ces  deux  consonnes.  Cf.  la 
prononciation  alsacienne  actuelle. 

112.  VÉRJES,  «wrâ,  C,  Houllin,  yO  b,  m03Ï:O. 

Raschi  donne  ici  le  mot  TRUZE  =  sb^na.  Il  s'agit  d'un  cep  de  vigne  repo- 
sant sur  des  poteaux  de  bois. 

M.  Kœnigsberger  traduit  ce  mot  par  PERCHES  en  changeant  o  en  s.  Cela 
serait  admissible  si  la  ponctuation   le  permettait.  Mais  le  *  indique  que  nous 

devons  trouver  en  latin  un  mot  en  ê  ou  î  ;  or  pertica  ne  peut  aller. 
C'est  assurément  le  mot  ©TVrpâ,  VERGES,  auquel  nous  avons  affaire  ici.  Il 
ne  resterait  qu'une  difficulté,  celle  de  la  ponctuation  ■£  ;  mais  on  peut  chan- 


LES  GLOSES  FRANÇAISES  DE  GERSCHOM  DE  METZ  97 

ger  cette  ponctuation  en  ■«,  au  lieu  que  la  première  voyelle  du  mot  est  forcé- 
ment  un  è  =  r 
De  plus,  le  sens  est  beaucoup  plus  satisfaisant. 

113.  WARANZE,  yas-rn,  voir  ROBJE. 

114.  ZARKLIZ,  tt^bp/nSI,  lire  ybp"l3É,  C,  Roullin,  25«,  ÙD^O,  travail  qui 
consiste  à  entourer  de  cercles  un  tonneau. 

Ce  mot  ne  se  retrouve  pas  dans  Raschi. 

Ce  mot  est  à  décomposer  en  zarkl  4-  ïs.  La  première  partie  est  le  latin 

circul[um).  Le  arkl-  latin  est  devenu  cercl-,  et,  sous  l'influence  de  IV,  l'e 

s'est  changeons  (fait  phonétique  dont  on  a  de  nombreux  exemples,  e  se  chan- 
geant en  «sous  l'influence  d'une  l  ou  d'un  r  subséquents).  Quant  a  fs,  dont  l's 
finale  est  nettement  prononcée,  comme  le  montre  la  notation  xp^b,  c'est  le  suf- 
fixe ïcium.  On  s'attendrait  à  trouver  cependant  zarkliz  de  *circulicium. 
Faut-il  voir  là  un  rajeunissement  dû  au  scribe?  C'est  très  probable.  Nous 
pouvons  adopter  comme  type  définitif  de  ce  loaz  la  forme  ypbpTHE. 

115.  ZÉMBES,  tonnas,  C,  Arakhin,\Ob,  btJtPX. 

Raschi  donne  au  môme  endroit  ©M'flt,  ZÉNBES 

Quant  au  loaz  de  Gerschom,  doit-on  le  lire  ZËMBE  ou  ZIMBE?  Le  ms.  ne 
donne  aucune  solution,  i£  étant  égal  à  ZI  ou  à  ZE.  Cependant  la  ponc- 
tuation de  Raschi,  d'une  part,  d'autre  part  la  forme  de  cenbel,  dérivé  de  ce 
mot,  font  supposer  un  primitif  cenbe.  Le  type  latin  cymbalum  avait  Yy.  Il 
est  à  remarquer  que  le  psautier  d'Oxford  a  le  mot  cymbles,  mais  l'ortho- 
graphe par  y  montre  que  c'est  une  forme  savante  reproduisant  le  cymbalus 
de  la  Vulgate.  L'accent  est  conservé  dans  ce  mot  comme  dans  d'autres  mots 
d'origine  savante  créés  au  xne  siècle,  ou  avant.  On  est  donc  autorisé  à 
transcrire  ce  mot  zémbe.  Cette  forme  est  antérieure  assurément  à  la  forme 

que  donne  Raschi,  elle  se  rapproche  plus  du  latin  cymba  que  le  mot  de 
Raschi  zénbe.  Il  peut,  il  est  vrai,  subsister  un  doute  et  on  peut  voir  dans  ce 
mot  le  mot  savant  zimbe  de  cimba.  Le  mot  N3tm  est  accompagné  d'un  mot 
"ib^St,  mis  entre  crochets.  Nous  avons  ici  un  exemple  curieux  du  remanie- 
ment de  notre  manuscrit  par  un  copiste  italien.  Ce  mot  est  évidemment  pour 
"•ba^st,  cimbali  ou  cembali,  et  le  copiste  (probablement  celui  qui  a  ponctué 
parfois  d'une  façon  si  originale  les  mots  français  de  Gerschom),  ne  songeant 
point  cette  fois  à  ponctuer  Ênfa"1::  de  façon  à  faire  un  mol  italien,  à  donner 
l'équivalent  en  cette  langue  :  il  faut  lire  cet  italien  Zimbali.  C'est  la  formation 
correcte  et  rigoureusemet  philologique  du  latin  cymbali. 

Le  sens  du  mot  hébreu  est  cymbale,  instrument  dont  on  se  servait  dans  le 
temple. 

116.  ZÉNGLE,  tiàW£,  A,  BJ,  B3,  ab^E,  B1,  B.  B.,  18  a  pan. 

Les  quatre  manuscrits  sont  d'accord.  Ce  mot  signifie  le  bât,  la  ceinture 
qu'on  passe  sous  le  corps  d'une  monture.  Ce  mot  est  également  donné  par 
Raschi  ici  et  dans  Sabbat,  51a,  64  «.  Dans  ce  passage,  Raschi  se  sert  du  mot 
T.  XLIII,  N°  85.  7 


y8  REVUE  DESUETUDES  JUIVES 

sbw^at,  non  pour  traduire  pnn,  mais  pour  traduire  ^p^p,  que  Gerschom 
rend  par  «bia^s  (voir  ce  mot). 

C'est  le  mot  ZËNGLE,  du  latin  cingula.  Ce  mol  latin  classique  est  employé 
dans  le  glossaire  de  Reichenau  pour  désigner  une  sangle  de  cheval.  Notre 
glossaire  nous  montre  que  le  c  +  i  a  conservé  le  son  Z  (as),  il  Ta  encore  dans 

Raschi,  mais  l'i  tonique  en  position  est  passé  à  l'é.  On  retrouve  ce  mot  dans 
la  chanson  de  Roland  :  c'est  cengle.  Il  était  prononcé  Zengle,  comme  le  prouve 
l'orthographe  de  Raschi.  Ce  mot  est  le  même  que  le  fr.  actuel  sangle,  qui, 
par  suite  d'une  fausse  analogie,  a  pris  cette  orthographe  au  xne  siècle  en- 
viron. Ce  mot  est  de  la  même  racine  que  le  mot  ceinture,  cinctura  de  cingo. 

117.  ZENKRON,  "pnpaai:,  C,  Houllin,  74 à,  point  de  réunion  des  trois  nerfs 
du  jarret. 

Le  manuscrit  porte  ivnpa?  ;  on  doit  le  corriger  en  inpaa?,  d'après  les 
manuscrits  de  Raschi  qui  donnent,  Houllin,  76  a,  la  forme  ponctuée  ZENKRON, 
•p'-ip^S. 

Je  ne  crois  pas  que  ce  mot  soit  employé  ailleurs  que  dans  Gerschom  et 
Raschi.  L'étymologie  en  est  impossible  à  établir. 

118.  ZIGONE,  Z1KONE,  fenttiqfc,  A,  N^ip^iS,  B,  B.  B.,  167  a,  Kpm,  tuyau  de 
cuir  dont  on  se  sert  pour  tirer  de  l'eau  du  puits. 

La  famille  B  donne  l'orthographe  ftp^p^at,  que  nous  sommes  autorisé  à 
écrire  tr^p^at  et  d'après  A  et  d'après  le  loaz  de  Raschi,  Lévit.,xi,  19,  où  ce 
mot  sert  à  désigner  «  l'oiseau  qu'on  appelle  la  pieuse  à  cause  de  sa  douceur 
envers  les  autres  animaux  ». 

Dans  B  le  mot  apparaît  (très  probablement  par  hasard)  sous  une  forme  abso- 
lument savante;  dans  A,  qui  est  la  bonne  leçon  sous  une  forme  semi-popu- 
laire. Le  g  (résultat  de  c  entre  i  et  o)  s'est  maintenu  jusqu'au  xne  siècle.  Mais 
la  forme  complètement  populaire  serait  à  cette  époque  zeone,  qui  est  deve- 
nue plus  tard  le  français  populaire  ceogne. 

Quant  au  sens  du  mot  ici,  il  s'explique  par  l'analogie  que  présente  ledit 
tuyau  avec  le  cou  et  le  bec  de  la  cigogne.  Cigogne  encore  employé  dans  la 
langue  technique  pour  désigner  un  levier  coudé,  la  manivelle  (en  forme  de 
levier  coudé)  d'une  meule  à  repasser.  La  même  extension  de  sens  est  à  re- 
marquer en  italien,  esp.,  prov.  et  portugais  :  cicogna,  cicouogno,  cigueîîa, 
cigonha. 

119.  iPTnri.rt,  "larn,  B.  B.,  90  a,  fraction  de  abDiy. 

120.  a^sba,  A,  LrsbD,  B,  B.  B.,  2  à,  haie  de  roseaux. 

12t.  a.  ©ar**»,  B8,  B.  B.,  i65*,^oipin,  c,  tzrananp,  Bech.,  51  a, rnro-n, 
pièce  de  monnaie. 

Ces  deux  mots,  que  je  ne  retrouve  pas  aux  passages  correspondants  de 
Raschi,  doivent  n'en  former  qu'un,  puisqu'ils  glosent  tous  deux  le  même 
terme  hébreu.  Mais  je  ne  vois  aucune  explication  possible  ou  présentable. 

122.  am-nbn,  c,  Bekh.,fâà,  nriûn. 

Raschi  donne  plusieurs  fois  le  même  mot  avec  une  orthographe  identique, 


LES  GLOSES  FRANÇAISES  DE  GERSGHOM  DE  METZ  yy 

cf.,  entre  autres,  Bekh.,  43a,  «■'Mntabn,  «mTïbn,  bossus;  Sabbat,  54  a,  et 
Houllin,  122  a,  Nain'rbn,  bosse  du  chameau. 

Le  mot  doit  être  un  loaz  germanique,    mais  je  ne    puis  trouver  aucune 
explication. 

123.  ipabnln,  G,  Houllin,  25  £,  û£2  ">b3,  vases  en  os. 

124.  "pEia-nis,  Houllin,  55  ô,  "^rptD  fi^bD^iB». 

125.  y^p,  G,  Tamid,  29  b,  ]72V  yy,  bois  d'olive  dont  on  fait  de  la  résine. 

M.  Kœnigsberger  propose  un  Kien,  fort  douteux,  pour  la  transcription  de 
ce  mot. 

CONCLUSION. 

Tableau  phonétique  du  français  parlé  dans  la  région  messins 
par  les  Juifs  a  la  fin  du  x»  siècle. 

I.  Voyelles. 

A.  Toniques. 

I.  1°  A  en  syllabe  ouverte  en  latin  =  é,  tirant  sur  éi;  a  -f  c  -f-  a  »  yy  ; 

a  -+-  m  =  aym;  a  +  c  -f-  e  =  az. 
2°  A  allemand  syll.  ouv.  =  a. 
3°  A  syll.  fermée  =  a  ;  a  +  n  =  en. 

II.  1°  E  syll.  ouv.  =5  è. 

2°  E  syll.  fermée  =  è  :  suivi  de  g  ou  de  c  =  i. 

III.  1°  E,  1  syll.  ouv.  =  e,  tendant  sur  ei. 
2°  Ë,Y  syll.  f.  =  é. 

N.  B.  u  est  traité  comme  i. 

IV.  1  syll,  ouv.  ou  f.  =  i. 

N.  B.  y\  est  prononcé  tantôt  é  tantôt  i. 
V.  0  syll.  ouv.  ou  f.  =  ô. 
VI.  0  syll.  ouv.  ou  f.  =  6. 
VII.  0  syll.  ouv.  ou  f.  =  ii. 
V11I.  AU  syll.  ouv.  =  o.  (Pas  d'exemple  assuré  en  syll.  fermée. 

B.  Atones. 

a)  Posttoniques. 

I.  A  devient  e,  lequel  est  fortement  prononcé  et  tend  à  i  devant  s. 

II.  Toutes  les  autres  voyelles  tombent,  sauf  u,  qui  persiste  en  deux  exemples 

sous  la  forme  u. 

b]  Interioniques. 

A  devient  e;  les  autres  voy.  tombent,  sauf  devant  deux  consonnes, 
auquel  cas  un  e  d'appui  se  développe. 


1IMI  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

c)  Antétoniques. 

A  reste  a  *  ;   e  -}-  n  donne  en;  e,  i  =  e  •;  f  =  i;  o  =  ô3  ,  o~  u  —  6, 

ou,  ii. 

IL  Consonnes. 

J.  1.  G  +  a  initial  =  k  ou  ch.  Il  y  a  hésitation  entre  ces  deux  sons.  La 
notation  par ,;  permet  d'affirmer  que  le  c  -t-  a  était  transformé  dès 
lors,  en  cette  région,  en  ch.  G  fait.  4-  i  =  z.  (Exception  pour  sisèle, 
cf.  ce  mot.)  G  +  o,  c  +  u  init.  ==  c. 
2.  lntervoc.  Voy.  +c  +  e  oui  =  S;i  +  (c  +  e  final)  =  z  ;  a  +  c  +  a 
=  y  ;  i  +  c  +.a  =  y.  Subsiste  encore  entre  e,  o  et  u  sous  forme  de  c . 
Entre  i  et  o  =  g 4. 

II.  G  intervoc.  =  y. 

III.  V  initial  —  v,   noté  parfois  D  ;  inlervocalique  =  v  ;  interv.   final  en 

roman  =  f. 

IV.  B  initial  =  b  ;  intervoc.  =  v. 

V.  F  initial  =  f  ;  intervoc.  :  aucun  exemple. 
VI.  T  interv.  =  û;  final  ==  d  non  encore  caduc;  tombe  dans  le   groupe 

(rt  (i)  c  +  voy.)  t  +  i  +  v  =  z. 
VIL  P  init.  =  p  ;  intervoc.  =  6. 

V11I.  H  =  dans  les  mots  d'origine  allemande,  arabe  et  slave  seulement. 
IX.  L  =  1,  1  4-  mouillure  =  l. 
X.  R  =  v. 
XL  M  —  ni  ;  m  +  1  —  ml  sans  intercalation  de  b ,  m  +  b  = :  m  ou  nb  ; 

m  +  R  =  mR. 
XII.  N  =  n  ;   n  -f  mouillure  —  n  ;  n  +  b  =  nb  ;  n  +  p  =  np  ;  n  -f  r  =  ndr. 
N  tombe  devant  s;  n  +  d  -f  voy.  -f  n  —  NTR. 

XIII.  R=r;n+  mouillure  =  l. 

XIV.  1.  S  initiale  =  s;  S  initiale  +  p  =  SF  sans  voyelle  prosthétique  :  S  ini 

tiale  +  t  —  1ST;  S  initiale  -f  c  :  traitement  douteux  (cf.  ascume). 

2.  S  intervoc.  —  s. 

3.  S  finale  =  s. 
XV.  X  =  CS  devenu  1S. 

XVI.  Z  =  Z. 

Remarque  i.  Toutes  les  consonnes  doubles   se  réduisent   à  une  consonne 

simple. 
Remarque  II.  Il  y  a  un  proparoxyton  à  relever  dans  nos  loazim,  c'est  :  cha- 
mere.  Pour  estele,  istemekel,  dont  le  dernier  n'est,  d'ailleurs,  guère 

assuré,  voir  les  paragraphes  les  concernant. 

Louis  Brandin. 

1  Deux   exceptions  apparentes  :  nédel  et  réstel;  mais  ce  sont  des  mots  formés  à 
l'aide  de  diminutifs. 

2  i  devient  parfois  a  sous  l'influence  de  roui  subséquent  :  balenz,  zarklir. 

3  Affaibli  en  é  dans  lémsel. 

4  Devient^'  dans  samboje;  g  dans  fige,  sige. 


AZHAROT  EN  JUDÉO-PERSAN 


La  littérature  judéo-persane  étant  encore  peu  connue  l,  je  me 
hasarde  à  publier  ce  morceau  liturgique,  qui  se  trouve  à  la  fin  du 
manuscrit  1356  du  fonds  hébreu  de  la  Bibliothèque  Nationale  de 
Paris.  C'est  un  pïout ,  composé  à  l'exemple  de  Saadia,  dlbn 
Gabirol  et  d'autres  auteurs,  par  un  certain  Mosché  ben  Ishak,  en 
réunissant  et  en  mettant  en  vers  les  tariag  miswot  :  l'ensemble 
de  telles  compositions,  qu'on  lit  à  la  fête  de  la  Pentecôte,  forme  ce 
qu'on  appelle  des  azharot  «  avertissements  ».  Salomon  ibn  Gabi- 
rol, dont  les  azharot  sont  récitées  les  jours  de  Pentecôte  par  les 
Sefardim,  a  été  le  principal  modèle  des  païtanim  de  la  Perse,  qui 
traduisirent  son  poème  en  vers  2  ;  notre  auteur  en  a  imité  la 
forme,  il  a  mis  ce  pïout  en  vers  de  quatre  pieds,  dont  les  trois  pre- 
miers riment  entre  eux,  la  terminaison  finale  de  chaque  vers  ou 
quatrain  étant  û'n  ;  il  en  a  également  imité  la  mesure,  à  savoir, 
un  yaled  et  quatre  voyelles  pour  chaque  pied  ou  hémistiche. 
Naturellement,  il  n'a  pas  suivi  le  même  ordre  qu'Ibn  Gabirol, 
parce  que,  ayant  employé  la  même  mesure  et  la  même  rime,  il 
lui  aurait  aussi  fallu  user  des  mêmes  termes.  Il  a  rassemblé  dans 
la  première  partie  de  son  poème  les  248  commandements  positifs 
pour  qu'ils  fussent  récités  le  premier  jour  de  la  Pentecôte,  et 
dans  la  seconde,  les  365  prohibitions,  destinées  au  second  jour 
de  la  fête.  Puis  il  a  traduit  en  quatrains  persans3  toute  la  pre- 
mière partie  et  le  commencement  de  la  seconde.  Enfin,  il  a  placé 
en  tête  du  poème  une  préface  écrite  en  persan  dans  le  même 
genre  que  la  traduction.  Ces  quatrains  ressemblent  tout  à  fait  à 
ceux  des  poètes  persans  :  chaque  quatrain  ou  distique  consiste  en 
quatre  hémistiches  dont  le  premier,  le  deuxième  et  le  quatrième 
riment  ensemble,  le  troisième  ne  rimant  avec  aucun.  Le  mètre  est 

1  Tout  ce  qui  a  été  publié  jusqu'ici,  ce  sont  des  poèmes  du  genre  tnesnevi  sur  David 
et  Samuel,  Z.  D.  M.  <?.,  t.  XLVII,  202,  par  P.  Horn. 

'  Tel  est  le  cas  de  Benjamin  ben  Mischael,  dont  je  me  propose  également  de  publier 
le  poème. 

5  Ou  comprend  que,  étant  en  vers,  la  traduction  est  libre  ;  elle  est  aussi  plus  éten- 
due que  le  texte. 


102  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

le  hazadj,  dont  la  forme  régulière  est  mafâîlun  (y ).  Hâtons- 
nous  d'ajouter  que  le  hazadj,  dans  ces  quatrains,  est  très  irré- 
gulier et  très  variable,  ce  qui  constitue  précisément  la  particula- 
rité des  roubaîyat  ou  quatrains  persans.  Pour  la  préface,  il  a 
employé  un  hazadj  madhhoûf  se  composant,  dans  chaque  hémis- 
tiche,  de   trois  pieds,  dont  le  troisième  n'a   que  trois  syllabes 

(^ 1^ 1^ — II).  Mais  comme  tous  les  vers  de  ladite  préface 

se  scandent  invariablement  ainsi,  cela  constitue  une  anomalie  par 
rapport  aux  règles  habituelles. 

Il  s'agirait  maintenant  de  déterminer  où  et  quand  ce  païtan  a 
vécu.  On  peut  dire  sans  hésitation  que  Mosché  ben  Ishâk  était  un 
rabbin  persan,  et  que  l'auteur  de  ces  azharot  est  celui  qui  en  a 
fait  la  traduction  et  la  préface.  En  effet,  il  exprime,  dans  cette 
dernière,  son  hésitation  à  entreprendre  un  travail  si  ardu  après 
Ibn  Gabirol,  qui  fut  «  un  homme  puissant  et  supérieur  ».  Mais  les 
renseignements  sur  les  Juifs  de  Perse  faisant  défaut,  on  ne  peut 
pas  savoir  les  dates,  même  approximatives,  de  sa  naissance  et  de 
sa  mort.  Tout  ce  que  Ton  peut  affirmer,  c'est  qu'il  est  postérieur  à 
Salomon  ibn  Gabirol. 

Pour  établir  le  texte,  je  me  suis  servi,  en  dehors  du  manuscrit 
susdit  (A),  qui  est  incomplet1  et  plein  de  fautes,  du  manuscrit  T  28 
de  la  collection  Elkan  Adler,  de  Londres  -  (B).  Ce  dernier  est  com- 
plet et  beaucoup  plus  correct.  La  transcription  dans  A  est  essen- 
tiellement basée  sur  la  prononciation  ;  elle  ne  tient  pas  compte  des 
équivalents  graphiques  ;  ainsi  le  g  (tch)  est  représenté  par  as  ;  le 
f  (gh)  tantôt  par  à  et  tantôt  par  p,  le  i*>,  prononcé  en  persan  comme 
un  s,  par  o  ;  le  ^^  prononcé  en  persan  comme  z,  par  t  ;  tandis  que 
dans  B,  le  ~  est  transcrit  par  a  ;  le  4  toujours  par  à  ;  le  <jb  tantôt  par 
as  et  tantôtpar  T  ;  le  o  par  n.  Le  £  est  représenté  dans  les  deux 
manuscrits  par  i,  et  le  ô  par  à.  Ce  même  signe  représente  dans  A 
le  damma  ou  la  voyelle  ou,  de  sorte  que  i  et  à  peuvent  indiquer 
soit  les  lettres  hh  et  /*,  soit  hou  et  pou.  Le  même  signe  placé  sur 
un  n  muet  à  la  fin  du  mot  est  pour  le  hamzfh  mis  à  la  fin  de  ces 
mots  quand  ils  sont  à  l'état  construit;  il  faut  alors  ajouter  la 
voyelle  i  après  le  ST.  Par  exemple,  'ma  est  pour  8o  bereï.  J'ai 
adopté  pour  le  »  la  lettre  a:  et  pour  le  £  le  à,  afin  d'éviter  toute 
confusion.  Quant  aux  autres  lettres,  je  les  ai  laissées  telles  qu'elles 
sont  dans  les  manuscrits. 

M.  Seltgsohn. 

1  Non  seulement  toute  la  seconde  partie  y  manque,  mais  même  aussi  la  fin  de  la 
première. 

8  Je  tiens  à  remercier  ici  M.  E.  Adler  d'avoir  bien  voulu  si  gracieusement  envoyer 
son  manuscrit  pour  moi  à  M.  Israël  Lévi. 


AZHAROT  EN  JUDEO-PEKSAN  103 


TRADUCTION   DE   LA    PRÉFACE. 

Au  nom  de  Celui  qui,  par  sa  grâce  et  sa  générosité,  a  créé  le  monde 
et  donné  la  prophétie  à  Moïse  et  à  Aaron,  la  progéniture  d'Amran  ; 
dans  leur  cœur  il  n'y  avait  point  d'hostilité. 

C'était  *  un  berger  de  moutons  dans  la  plaine  ;  il  les  menait  un  à 
un  humblement.  Dieu  (qu'il  soit  exalté),  voyant  qu'il  lui  conviendrait, 
dit  :  «  Qu'il  soit  notre  berger  »  ! 

Cet  homme  sublime  monta  sur  le  mont  Sinaï  pour  quarante  jours  ; 
Dieu  lui  donna  les  tables  de  diamant  ;  les  premières  furent  jetées  par 
terre  et  lui,  reparaissant,  en  rapporta  d'en  haut  de  nouvelles. 

Il  apporta  pour  nous  divers  commandements  qui,  tant  que  le  monde 
existera,  seront  nos  guides,  afin  que  les  infidèles  ne  saisissent  l'oc- 
casion d'accabler  sous  le  poids  de  leurs  mensonges  le  peuple  d'Israël. 

Nous  observons  deux  cent  quarante-huit  commandements;  nous 
comptons  trois  cent  soixante -cinq  prohibitions;  le  nombre  des 
membres  et  des  veines  '  nous  sert  de  moyen  mnémotechnique  ;  nous 
n'admettons  aucune  excuse  ni  dans  les  commandements  ni  dans  les 
prohibitions. 

Au  bout  d'un  certain  temps,  un  homme  érudit,  puissant,  nommé 
Salomon  a,  a  réuni  en  vers  tous  les  commandements,  tels  que  nous 
les  avions  entendus  sur  le  mont  Sinaï. 

Son  âme  repose  dans  le  Paradis  ;  jamais  on  n'a  vu  dans  le  monde  et 
jamais  on  n'a  entendu  un  homme  doué  d'un  tel  esprit  qui  pût  réunir 
les  commandements. 

Quoique  je  ne  sois  ni  intelligent  ni  capable  de  dire  les  louanges  du 
Puissant,  cette  feuille  a  fait  une  telle  impression  dans  mon  cœur 
qu'elle  doit  être  un  guide  pour  les  hommes. 

J'ai  dans  mon  cœur  tous  les  commandements  et  toutes  les  prescrip- 
tions pour  réunir  une  à  une  les  marques  de  la  foi  mosaïque,  telles 
qu'elles  sont  écrites  dans  la  Tora,  afin  que  ma  composition  arrive 
finalement  au  ciel. 

J'écris  quelques  lignes  sur  les  commandements;  elles  exhaleront 
pour  les  hommes  une  bonne  odeur  comme  le  parfum.  Lorsque  les 
créatures  de  ce  monde  me  porteront  leur  souvenir4,  elles  seront  pour 
moi  comme  uq  bouclier  et  comme  une  tente  5. 

Quoique  je  loue  nuit  et  jour,  cependant  devant  lui6,  je  parais  une 
mouche;  c'était  un  homme  puissant  et  illustre,  et  moi,  humble, 
qu'est-ce  que  je  vaux  devant  lui  ? 

1  Moïse. 

2  tr™  ïi"oiûi  ûnn^  tftjru 

1  C'est  Salomou  ibn  Gabirol. 

4  C'est-à-dire  lorsque  je  ne  serai  plus. 

5  C'est-à-dire  un  abri. 

6  Ibn  Gabirol. 


10  i 


REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 


Il  est  pareil  à  un  vase  et  moi  à  un  gobelet1;  cetle  propriété  nous  a 
été  dévolue  de  la  part  de  Dieu.  J'immerge  chaque  souille  dans  le  vin  8 
pour  achever  ce  traité. 

Si,  quand  je  m'en  irai,  cette  feuille  a  quelque  valeur,  elle  viendra 
devant  mon  cercueil.  Au  moment  où  tous  les  gens  pleureront,  alors 
mes  lèvres  souriront. 

Quoique  je  n'aie  pas  vu  dans  le  monde  un  homme  armé,  j'ai  en 
tendu  mille  coups  de  l'ennemi;  semblable  à  un  oiseau  emprisonné, 
quelle  que  soit  la  hauteur  de  la  prison,  je  la  franchis  en  volant. 

Si  c'est  une  imitation,  un  commentaire  ou  une  traduction,  personne 
ne  l'effacera.  J'ai  éprouvé  beaucoup  de  difficultés  jusqu'à  ce  que  je 
l'eusse  trouvé  ;  mon  cœur  est  lacéré  à  cause  de  cet  homme. 

Celui  qui  est  instruit,  qu'il  vienne  maintenant  le  lire,  mais  celui 
qui  est  ignorant  ne  le  comprendra  pas.  C'est  une  pièce  théologique  ; 
que  les  hommes  instruits  la  lisent  tous  les  ans  à  la  fête  de  la  Pen- 
tecôte. 


F»  180  v° 

p  i-ro)tt  '»  n"na  tpssn  tk  rrnriTN  rnoon  i-raaw  î&nnn«  a&*na 

.rwpn  ba  is  rT'aarsn  pnar  'a 

maaa   in  iNm  &bN*  t-û  î>«a 

fman*  iwi^n  *->b*i  nrnN  mas 

t^ntntt  m  ^na-ii  an  m  k^ 

nin»  ïndié  in  i««a  Nnèiia 


r-maôon  bib  11  mia*  ï=at3a 

t^-inna  iNiasoia  iNDii  ^ma 
a*bacm  pn  p^ab  mi  ama<  nai 


r<tbaom  pn  nma  mb  unana    awa*  nma  i»  maa  nsi  m  bnk 


NbNDT    "IN  133273    inoa    taVI 

■^laç  *naa*a  ii3  taba*y  a*n  na 
■me  bamzr  t=np  na  mst 

Û"nN7313  'TR3  3>7333    N73  NI   rt"0« 
D"nfiT3    m^    "JT-n   N31   n?3N3 

aoaon  rra  "jn  ûn3  !-rnb« 

a«ao3n  ma  rroa  a*73  cnmso 

ïrrna  oa  vnaa  in  bxrw 

mwo  ^iv  an  nab  "pat  nsn 


wb-na*  mb  ma  'ispn 

■nax  ï»»ns  a*s  nna  mrn«a 

maao  non  nàao  ta3ip  ana*a?3 

aman  ram  n«r  mas»  n"7an 

TJN3  INWO  am    1Î3>  -IN731Z) 

t^an  nm:  m  Tiiîa  tn  m>aT 

F°  181  r». 

au  ma  nh  mat»  ytïin  oa:a 

nm73*,N  nsaa  «mi  ma 

mata  273s  «a  ma  a*n  mas»  na 


1  J'ai  puisé  en  lui  mon  inspiration  comme  un  gobelet  puise  dans  le  vase. 

2  II  veut  dire  :  Je  bois  le  vin  de  ce  vase,  c'est-à-dire  je  m'inspire  de  lui. 

3  a  -pa. 

*  a  nna  în. 

8  a  mî3>tt. 


AZÏ1AR0Ï  EN  JUDEOPEHSAN  ]i)r 

p^nsw  nna  tn  Nn  m?j  taa"naa        p^wbi  Sipa^a  ano^a  ni  na 
p-^Nbâ  nna  NTaa  rn  masa  na    nna  nnN  bn  m  NnnDir  i^n  Nn73 


1N73^n  oon  na  taon  OnN  Naa 
1N73Noa  naN  non  i»  u:pa  no 

nU3>  lli  natfJNa   lN73'in73    0Nia73 

nnari  nao  pk  173  nna  în  naaa 

fca^NTaa  nn::?  in  œ^s  je  ^bi 

a^wa  ri2c  in  ra^aa  "nos  tn  173 

nbNin  i*n  pn  aa«a  tn  ttd-  na 

i-nbNon  1*n  taaNon  \a73N73na 

1-iijS    ttî^D   NU^D    Û"nNE*a 

n^Niaia  nna'à  13b  anaiN  NnTa 
DT3©  iTaon  tn  nwo  }NnNTH 

b^Tis  ■»»  ^>Na  ma  "73  naN 

niaNnna  oa  pn  n^aân  an 

niaNna  "73  oaaiN  !  nna  tn  abT 


1N73-15T    -I73N    3N73n   D1NT  bna 

mina  nnicnaa  mii   -«iNOTa 

HL3D  na£  Nn  mX73T   173   OTNOa 

nanN  "iN*1  abNa>  pbâ  i*i£  NnTa 
ta^sjn  nnaN  aiai  ni  nx  naN 

iT&nD  non  tw  ti73  in  ma 
i-rbwB  1731  in  itfîNa  iNo  nnp 
173  -W  nn  ntanà  n^Na  ni  anâ 

F°  181  v<\ 

n^Nia  nnb^  i^n  aanèn  nn  naN 

iN-na  naiaNa  pbâ  na  npi  i«m 

63i*^a  "73&0  iNna  m  ni  naN 

n^Na  aan  nn  in  na  ">an73  ifi«s 

niaNa  snn^s  naN  1:373  in  naN 

anÔN"1  na  un  ainaa  n73m  ""oa 


Sxb  nia  p-çanâa  intn3  N73N     bNn  in  s^s  na^aa  i\n  N3Nn  ni 

bNO  nn  myiaia  ^n  nanTaa  naaNaa  N3N-J  annTa  ->nNbN 

nu5N  manan  a>anNi  nn^  bpiaTa  ba>  manaia  bia  iiaNn  tavb  mnnrN 

manap  ta^ns  "naNna  ï7aian  nmiûTan  tama  nan 
nu;a>  rmaw  bba  nota  na  bn-in73  "on  -noan  noa^o 
û"»muîp  nbiabiaa     nanb  vmnntN     naob  b^  naïaa     nanb  bmn?3  -«a^ 
t^nam  "inb  ^^ià  m73  t«  Nn  pT  C)nn  aaia  n^^aa 

Nn  n^aaT  rtk  aaia  nai^D  anN  ^nn  Nn  mnnTN 

taa-<nnaa  an  maN    m73N  nj-'aab     m»tt)n  matTam     mTaan  ïJDa  anaTa 

■»3n5  DNTan  iNa  n^n  i^aon  . 

^anNDD  vn  la  lanana 
••ay  aa  ab  no_n     ^n  m">na  bç^a 
NnN^iaN  r^73aT  anoa 
^aa:n  naaa  Nn73  nnnN 

3  nnaa  aN  ">iïiatn 

|F°  182  v°. 


*  "aNna  n^  Nna  iN73ns 
-,3N^aD  iNaa  naaia  nN\nÔN 
a^nana  n^a^b     ^aanp  mana 
NnNia^a  3>7aaai  bpy  aa 

à 

Nn  nN^o  ma  nn  ini733a 


tana^   ipnb      nna  bNn^a^a      nn73   naD73  ban 


mNa  no^n  a>nasi  ianu;n 
^n«n  ixy  Nn  iN73nâ  yiat 


■>nN73u:  naN  Nia  iN7ana 
nna  nN\nâN  N73  nb73  na 


1  b,  non. 
*  A,  ^Nâa. 

3  nnaa  a  ici  le  sens  de  inaa  «  si  nous  les  examinons  ».  Voir  Gesenius,  5.  v 


106  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

D"nainn  t»  b*      ^j  ^dnuîs  ainb      ^airo  la^ao      ^o  :>*  "maya 
n*WKT3  n  I»  na  pnoms  mîtro  p  û*1"13  "nô  m 

mwûu  abi  i&oaô   iios«       i^ttiui  min  tnwoa  ia-i3>  na 
a-nnia  minnianb     mwbst  Yrottib     m»a  wy  -n?3     mfc»  bu)  d^wids 

nÈ^ai  ûn3"iN  isnào  b^jna       nattawa  it  ^»  ^aoaap  o^an 
nian  *mi  i:no-is  wramt  nna     a*n  B3£  *jn  nâattan  m  nriNna 

F»  183  r°. 

unis  i«fc  -uzîn     3ian  o-on  N73ra     ara-n  mn  onar     srain  ïf*H  03-n 
nnoœs  NroiN  o-nr>  -n«na      nnoa  rr«3  nno  &b*  "îi  whp 
nnoaia  bn  ww  wa  -iï3a      -pT&na  hst^d  annota  anea» 
û*nap  ^nab  nya    nm3»  NiS7an  ma    nre»  *]-n  abi    nn73U53  in  npnir 
idkd  •»»  ma-nn  ntt»  purfi        uîN3  ^3  -nu»!  !*na  n&ma 
uîNaiN  i-iTo  ïia  m  ^w  nb«ar        pan  npi  narip   in   -Qfio 
ûmffi  an-ib     nnn  sns  p     ntm  ï^aîi  ab-iy     ru  by  as^n  d^n 
•o^n  -ia  r-r^-n  t^apra  ^aa  t*n  *MTriaM  nar^n 

■*r»33  na  in  ■nn  na  aantroa       r-wea  nattj^i)  Tranb  yak 
lamw  r?r  «bi     sbynn  sb  i-pata     ab"iy?3  a-^-np     aba  ^anp 
p3"nà  tn  mp»  idu:n3  p^an  HP  ma  iN:aip 

•jN3-np  fia  jen»  nstw  ^3  "vaisa  2-iT3  ma  larb  tn 

F»  183  v°. 

ûnmo  an  -nus  *rtr\t3p  ma  «b-i   nmno»  *w  nais:  fmn  mata  mira 
mobwaT  a»  -iNTriT  nnna         nobana  -»3  3«na  lamé 
nobfiwaa  *aft  mari  nniaa  na  rnawa  y-uar  raa  I9f*>i 

cmo  VHf  ban    yspa  fTfW  abi    yapb  mata  -ina    yanb  TiKa  nn* 

&TNO   **R    Nia    JKBnh  DTN723   T.N  p33N  WHB)  1N"n73 

t=TN33    m  125*73    Tmn       iN^Nna  -13  "JN^Db  Hi73H  D115N33 

D^-iatrt  "j-»3ab     rtb^tt  ïiwy  wwn     rrbiao  ay  "fma     nbina  np  mnnaa 
-ias  "jm  îzJNa  tt^  taaip  ^aÊ  "iaa  nroi  l^na  bna  m 

nai  u;3ia  ^  ina  tni  iid      nb">73  nn  pa  n-i  toniart  m 

ûn^iay  aa  a^ay     nia  amab  nosa     nô^tD  n^  ^^cb    niay  uîin  ïamp 

F»  184  r<>. 

iraa  in  ■j^nnôSS  aèb  tn       i3  m»  fii  n»73  p-ia  y^â 
■n  n£ai  -iMNim  wn  inttîia  n-ia  -i^d  ^y  m 

D*»Tnw  nxa     ^a-ainn  nai-irn     îawa  y*73n  nyab     ^n  ^bx  noa  b->ba 


1  Ce  mot  a  ici  le  sens  général  :   «  les  païens  ». 
1  Pour  -|Ù3. 

*  ■  Concubine  ». 

*  D'après  la  traduction  persane,  il  faudrait  U3U3^^^• 


AZHAROT  EN  JUDÉO-PERSAN  107 

t>wd  !  naoa  t^n  wiib  basa  T«a  aaaa  nos  pnp 

tk  n^bm  T*Effl  nnso  Tï         p  13H  no}  in  itf  nnâraN 

'tzmnaa  shy*i     ^tc  «b  ^Taiia     îznn  p  iniâ     îznp  ûn?3  -visa 

mes  i-itd  nâ  ma  ŒHN73  lus  ni      -hnmt  nu  Tiaaa  yxâ  ikt  bn« 

-n&na  pa  in  na  rôrf-ma  »tû  tk  in  iauî  ^3  "pa» 

erina  jninb     ms-ijn  itfb  uni     innsb  ibbïI     m^ab  nspb 

■norô  xn  p-na  f<i  fc^stëfo     wnêa  wa  naz?3  "wn  n^aan 

F»  184  f». 

wna  03*1  laiaraa  an  lim     it  Nap  tn   an  ©aria  hd  "Wi 

ta'npa  D3  tran*     nsb  bbsnnb     ^ans  ">aaN  -o     -«roa  ">n$»œ 
tama  an  na  -wïh  rnsnâa  ptN     DTaœ  ma  m  are  nnirn  D373 
canna  pna  cmiN  froa    ni  Œn^arj  nnpi  no  nrfl  "lïia 
ûmi  "m  npmaizj    nnTauîa  aa*  -raab   nnas  "12  -panb    nma»  m^  ranpb 
•nw  bna  ">ma  i>n  na  "i-pa  nainp  tn3  rraa© 

■n*a  Tina  ^ona  in  t^n  in  au  a  r*n   nna  maa 

tam-ia  Dan  ban     naw  ïmaan     naaa  ia:n  r<bi     "na*  na*  rtanp 
•naa  4'ban73  -»Diaa  iani3  *nay  taxbà  naa  in  na 

s  t  r 

n«so  èwia  laiN  ^  nanâ  ao  na  p  npa>  sn  rea 

tanan  nrana     oapb  jrtibifln  oa  ">ba  pan  a^n     oaia  in  fthjys 

■»aara  ^anunaa  w*73  ^aauitB  pia  nina  nana 

*aa*on  tn  im  tarna  aas  nana  in  naa*on  na  oann 

F»  185  r-. 

«camp  bra  17312:     5ana*i  nna  ma     anaya  nsa  mia     anna  a^n  }n 
nnaat  n;atta  nauna  aao  tn       nnsaia  tabiâ  nataia  ann  m 
frisa  natir  ifrt  an?  ta*       Ti^wùrta  ^oa  rano  na  mais 
cnit3  a-na*  N-im     a-«i£in  ^bani     d^nn  ^  -mrai     n^ssen  aai^  ansu: 
■^onna  in  tn  noi  -«noa^n  ">oms  2 ma  i^nd  Ni  nn 

m?:   arnbt  ^a.sn   Va^T  "laxon  naa  ■«©a  \nd  n^ 

7  DmoM  n^y  "na     ©©npn^  aana     uî^in  i\s  -iTai^an     ïîn  bain  abu:-« 
tin  -ni>  n^  na?a  ■'kini  n^a      n-iN»^  it  T^aa  nti"i£n  na 
viara  n\xa  nan^Ta  n^ia  ©nsm  iwj  ^ana  t»n3 

tzny^ab  n^ii:     onana  nsiai     anai  -mû  in  niTan     onTa  nnx  niib 

1  II  faudrait  peut-être  ftl£3. 

2  C'est-à-dire  comme  les  autres  frères. 

3  Cet  hémistiche  ne  correspond  pas  à  l'hébreu. 

4  b,  n;3Nai. 

5  Dans  le  sens  de  naiN  •  fenêtre  ». 

6  Pour  tTÉmp. 

7  Ce  distique  manque  en  A. 


108  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

n3Nan  nNTN  ittn  ^raya  TNnn     nsana  Tip  man  iik  ia  ^aa 

ns&H  ania  ia  nn'n  ■«•«'Ta   p  tano»  a^y  «a  na  rrc:Nn  naT 

iaa-np-in  D^:pT     nafe  tn  'pnn     naa  in  nnNai     nab  naira  aa&o 

naaa  nom  nains  n->  taaia  nraa     naNki  nYioa  ma  ^ibia  naa 

naN  r-ioas-^B  TNa  dhe-p      naanaî  i»  **mN  nn:  ^a  r*ri 

F°  185  v. 

&^j,éi  tnaaa     mina  iteaan     rmpa  na  mbab     nnra  swown 

"©amT  p*»  iNa  lhifi«t*iaw  «a*»  ^aa  im  ni:  naaa 

tta^aa  noM  nniîîij  nn©»  min  n»«a  icaia  tanaa 

tainî-ibi  nr^b    nicnai  N^n  msanb  ta^an  latb    mErab  fcannb 

ffi*»a  nanarr  rja  ^dtj2  p  brna  «y*B  nbn  laaa  na  ^oaa  p  am 

ia^b  ar  rraawpa  ma  na  p  ma  nawa  n«a  -ma  r»a  "^aia 

tam^aa  aranb     :ai72n  atb  a^ban  ana  nan  tainna     aitttan  rao  nau: 

T    : 

na  qpea  s^n  mzjttta  in  nn        na  pna  r^aa  naos  ûnsn 

naiaT  p  ■%  niaa*n  an  nraa     ttnpwa  ma  npi  no  ïfa«o  n- 

ûmTtaja  taiabbi     a^ap  13  m'awibi    D^asn  ûnb  ma    capbi  ^ipa  ïnaa 

3  m  nnaa«D  1N3  avmn  pa      m  m  "in  aannwn  "naa?a  ia*aa 

■nn»  C]bî  riit  niais  nan  asn    brré  ï«ama  nar«aa  anan  lam 

taamva  nar*n:n     "ca^na  ma>  tzpbpra     a^a»  mbp     taneip  baaoi 

F°  186  ro. 

pna  mnra  mnan  ma  a  pna  yaoi  rn^a  nom»N 

pan  boâ  mana  ttaasnD»  m    n;a*baaa  nma  nn  h*ia  an  D^bpiû 

tarniaa  mbabi     nna»i  rîbm     «nmsa  a>aia  naia     nrnsnn  p*ai 

a^an  ma  !"jï3^»?b  ban  ûnbna       tsytjta  u:n^a  nn^a  pna  naaa 

ta^wna  *;«  ^n  nu:i^  p  n;aD         nnsa  r:a  na^ia  rsb-i?    pnp 

laanaana  qi^a     D^ainsTa  bnb     û^a^an  D"naaa     tsw<l  i^a   bnt 

^éfcbn  *jn  tn  Tina  mara         ^â^ba  nna  ^in  nna  nnava 

^D^a  àna  ^î"1  in  "jaanp  mia         non  Ttn'i  o-n-rt   n^Na  n^^ 

ta^nan  njy^^uîa     nnn  «b  «iôw     ttp  a^  nbna»     nmab  n^nb 

nn^ai:  nar:  ^^i  "pus*  l^nnp        nnista  nxa  t|«bb  rî->n  ^rsNi: 

nnians  "ma  •'laœa  na  pa  nnn  in  ^nm  7^n  ^aa 

tanasya  n7:nnn     ï:7jn  bax  caNT     ^ain  m^nbi     "w?on  abiab 

«  Pour  nriNà- 

2  Pour  œa'ni:.  A  ^aa^nu. 

*  11  est    question   ici   de  «   seize   faces   »  par  une  réminiscence    d'un  passage    du 
Talmud. 

*  La  ville  pierreuse  est  Hébron  ;  le  paitan  emploie  ce  nom  pour  la  rime. 

5  C'est  une  répétition. 

6  D'après  la  traduction,  il  faudrait  *33J3. 

7  b,  nn. 


AZHARUT  EN  JUDÉO-PERSAN  109 

oosnN  anND  "j^^t  ma  Nn  no         yoiDTa  non  np  aso  p«n  «  tu 
do  nna  na^on  rppiTa  nia  no  pis  b»»  Ta  tan  nnô  na« 

F°  186  v». 

tan^n»  a-^nb     nv  nra«     ann  "nbn  a^n   ama  îNsan  *^«i 
n?aNna  tn  Traha  "nbn  ara«  nTa&rp  T^nsTa  arjô  nnba«na 

rvaabo  ntaaa  an  ^o  nai-p  nrn    ^ay  btoa  rvna  no  nia  û-iba>73  nar 
.D'npiBb  apaisai     nWra  pipa    rîa*tsa  sainn     nbuTaa  wn»n 
n«n  nio  nn  mon  faia  et      ino  m  nnà  nno  ^oo  na  ûbs^a 
neuna  Tna  sm  nnô  ns^no  ni  «riWoa  niONai  pnrçp  iwa 

tanna  pm     taiOTa  Tir  Nbn     om  •>sm  "nasb     otbn  17a  anpnb 
n&o  nn  non  îDTanaa  dœn  "wm         nao  nuo  in  naTTa  ©*s  nn&ra 
naa  nn  ni?an  nnooso  naina  i*»*^^  i&rpa  nia  n»H  inoa 

toanai  nsia  fcbi     mm  «b  "pnian     mn  «b  -n^ia     naTTaa  p-^bnnb 
■nisïia  «a  n3  ni  nnaawa  "«psa        "na  naTTa  nô  tn  ran«  Y^aa 
■nan  T»in  na  po  n^àn  pT:  n;nn  mos  nian  -nn  nniona 

tj^irra  -iboNTai     nnnb  ta-^bio     nnTan  bs  cotono     nntn  naana 
nao  nn  non  dion  tana  ^na      n«o  aaô  *jn  nnaT  t^sq  naran 

F»  187  r». 

"Iftfâ  n33"l03     K3T08B   n3nO         Sp3t  13310  ^NONS  001172  Û^TablO 

b^-iiN  ba>  ûnoa     tanoa  uîip  wau     *  onbi  num     3  onbn  b«  nman 
■n&n  n3  pn  1^3  naa  &o  nioia  nia       itno  mp  n3  t*n  ma»»  "^a 
■n^na  iDn^a  ">nnn  noa  noa     TNn3^a  »  bp->37a  nn  yco  nw  T»bs 
ta*nm7a  on  itbn     tzrra  basai     ta^sa  ^3ab  nax     Q^a^p  n;b  -n»\a 
1-173  nv>^a  lanéa  p  rnasi   nnô  ï&nn  i^vn  ni  n;oia  p  ^103 
T-ia  in  don  •  -nap  nooao  ninn  nob«bn  "j^p"1  no  "«nTOia  noa 

ta-'iTaTT  -iNttîm     m72NO  Ta»  taan     -nTau:  nioi  m«3     mttn^i  ^asti  b-'N 
Tsw"«a  en  nnai  naa  iNn^onoa  tîhsn  ^«5731  in»  i^-ma 

TNnno  no&nT  nan  n^paaa     nooND  ra  Nns^N  niTan  Ta  ^a->n 
tD-«-nn"j  nann     taa->ain  yin  n3i7aw     ta^3n7a  û^aam     toa^3^7a  to->  û-»ana 
nooKs  ni  on  nowio  na  ni  "jbTa     noo^D  no  uis  nna  no  ^7a  n;7ao 

F»  187  v». 

nooNo  «3  mn  nai^a  -nnw  pi     no^bT  iri^a  min  ->7a  a»ia  nuîna 

ta^nn^a  taa^Ta-»     rman  i^n^i     r\^v  n7a  yaTaa     n^n^oi  n 

1  B,  yia». 
1  A,  uni. 

*  Verbe  dénominatif  formé  de  ûfib  «  pain  ». 
4  Le  texte  porte  par  erreur  ûnn- 

•  Sic.  D'ordinaire  les  lexiques  traduisent  «  charbon  »  par  aîWT. 

«  B,  min. 


110  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

iraNca  ia  it  "«aman  ia  ni  iraNa  nim  în  D"*a  ira  ^aNia 
iraNa  *|nd  oaaN  bai  ira  ara  ni  uni  na  -^ara  mra  p^Nb  Naa 
amn  in  naT*     ïnfiraTs  inunraa     inumtja  rosira     naTa^Ts  nb^ 

las  nsi  Nia  o^a  nmoà  las  lara  Naia  p^a   hi^nt 

wid  ma  m»p  na  N">  imaa  tin  }a-ip  in  mra  *|nd  jnse 

trima  ibN  mn     ana^  iraNii     rip^  naa    amsan  ra-wm 
bNiaN  nisTan  nia  vxvétti        bNn  ia  bam  mira  ni  yiax 
bap  -naraa  ni  mura  mra»  naa  rai-wa  a^ai  tnho 

tam?2ira  m.nbi     N»a  y$a7am     tffca»  kiïi  taai     N7aa  ba  inaa 
iniie  ni  na  "nia  raita      ini  rua  ia  non  o^aa  ranttNa 
i«ia  il?:  \»i  ira  TNinrtN  nia  mba  ^aT  TNa  ia 

amass  îoara  Nin     na>aia  a^n  ■»»     naôim  airNa     n^iir  mna 
iaNno  in  Diai  raiaan7a  iaNi  pia  cpd  pia  ^ns 

F»  188  r». 

laNia  *S*  iraa  ^raaaia  iraNaa  iNa  inii  aN  «a 

taaminan  *pia     inpTaa  ana»  nv  aa>  mraa     ms>ra  nbai 

*]Na  "pn  na"»a  noiai  nrais  «a  ^Nbi   n?a  iraNina  ra-»i73 

*]Nd  ma  in  pbâ  "»pNa  ni  là  ywaa  101a  n:jaiN 
tomiN^n  ^aa     bainn  ai  iTaa     baia  *p  in»     baio  nraiam 

nb->ba>  intn  noaaNi  raboà  ï-rbTitt  ma  ra^amaira 

nb-aa   iaia  «n  aib->a  n  iraNa  bNntt  11a  aNaraN 

tamnzaTpn  raNii     iaami  a^bai  &">aTNb  prai     a^ara  miax  nrai 

ibwaa  lin  in  raia  ia  T*è  ibaca  pnai  un  nia  n 

ibNTaa  iàm  «ira  ^nb  in  mo  ra^Nîinoi  ia«m  r^a  n  in 
trnaio  û^aman     min«  inpbi     rnniypra  pi     nrvpa  a>aa  uni 

nnoraa  nn  ra^Nia  isna  nnoa   rapa   ■na5ï  iraNa  iaN 

nnoa  in  ma  1735*  tn  mra  itno  nîNn  ^bai  nraâ  în 

tamnaa  taa^aa     anT  naara  taai  y^a  pip  ^ara     ^iiitTaa  arm 

F°  188  v». 

l^«a  m  an  in  pip  ypNia         i^n  via»  ni  raanra  raran 
i^«ra  boia  ra^^T^aND     "jni  o^.a  ^hn  ^73  aN  nam  nit 
tamin  »  nara     nninaa  nN'»a73     ï-rmnN  natm     nmi-»a  naraT» 

inNa  bri»  ona  raran  Na  imirar  m  lira   ni  nrn 

inna  bnTa  aià  ^Nn  *»aai  n  un  laip  mra  i,nd  *;ii 

tomisan  ava     a^raip  niia^a     tD^raaa  inNi     ta^raaib  tai^iaa 
iraïaa  pn  iNaa  iyaa73  irais  nTaNa  na  i^Na  pia 

1  A,  amin  IN  naraa  ;  seulement  la  traductioa  persane  est  d'après  B. 


AZHÀKUT  EN  JUDEO-PEKSAN  111 

^îaian  ik  hb-o  rn  m  y$6  riTaïàa  *niiB  biài»» 

*  cmna  dni  aa     !  on?:  «i-b  a^n     on?2i  na  moab     an^ia  tnan  rm 
fraisa  r^ian  pâ  id*  ma       jkwn  Vî  m  Tiaa  irtSM  rtti 
•jn^-oi  TO  ">om  an  tn  3K3a:  •wna  TNa  iidi  itô03T 

ta-nm  û-^b     Troa  nbbi*     ^asp»  apbi     Tnatrra  n^an 
■nNEi»  t*n  TET  tnitabri  ^iwk  TNa  ni  Ninar  naos 

••ini  na  JfcïnSi    ïNio-nna        s-uabn   in  ynpm  f<i  nroNa 
tam?3i>3i  a-wanb     -p»  nnam     -p*  aiauîbi     *pia  aie  dsi 

F°  189  r«. 

ININT*  IZîà  ->73ip  aniB    011B   ")72^         in-in"7  ri   13inti}   s^i    i-irobn 
Ini&o  q^bâ  -nmi  iaa  jws  "»iaa  t&o  noaaai  nn^3 

£a*m»n  *iaab     imp^a  an^bi     unp  ^31  a  ai     ipnp  û*  anab 
^nvn  m  ban  ùikhx  non  y«a  "hni^  non  r^i  yao  mp 

*nxn  rani*  in  r*n  ïti  Nins        ->om  iznp7a  in  na  aasi   m  3 


tmnbi  N?3U!tb     »  D^awas  *tp 

T    * 

iTN*na  1N33  t*n  n-na  3^ni 
iTNaa  iS  isains   mua  in3 


a^ama  tra^n    a^anar.  ^tnto  pa 

iino  bi?  ia  ©T"*?  n&nn 

ûrj>«  dok  noain  na  bna  *jnia 

û^nnarj  awten    'npw  nbina     np^  pam     npb  niaan 

marr  "jn  "jnb  t«o  *;n  toneï  -ni  do^iz  ni? 

nsana  "ai  *ii3  a^5>  ^a  -iaa  inana  nsa  ban  in 

n-nEKtt  ^nittiabi     nbanib  ia*ipb   nbian  maanpa     nbj>7ji  nsittia 

man  inaî  ra3"ia  pip      ^iiin  \aa  ^a  niana  m  nian 

ïrbNjrn  pn  mai  p  yaa 
nb->n73  pip  iwa     nban  ni  -ma 

F»  189  v. 

ïinia'na  t^n  nban  N?a  inia 
nb"Ti73  •pet  iuî«a  maaip  ni 


ms1  *iNa  pn  po  in  ini  ns: 
a^ii^uî  dn  is^sa     nbiban  nnawa 


mn^D-iD  nnD?3  pnp  indi: 

nnuriB  in  uîi^  nia  ■hba  i^n 


rzs^-ny^n  -i^bi     B3T^  ibin  d^i    uî^inb  as  ^-»aiu     ^npb  •jiuîn-i  ûi^ 

■•tno  y^â  bn«  m  Taaa 

non  yxâ  ni  in  1-3  ^173  bin 

n?3n  ns  N^anb     n?3p  nj>  iisobi 

"nN73ia  N-i^n  a^a  m«i  npia 

sron  non  ->73N73n  nnsn  nsna 

mvn  iDM-i  nnary     nspn  û^anat 

nm  -ii3  laaN^nnN  int  iNip 


•na-i  m  tn  pn  "<3a  13  anona 
4  ^T«n  niNn  irpis  i*mn 
ûnaio^  ai^b     n»"1?::!  n^ataa 
*n«  *i^Na  ^a373  dis  in3  n 
■»-ini  nny^p  *jia:  naia  in  ^iN73\a 
unes  ma^nnb     ns^na  ma^î 
rrr'Tia  ia  nansn  ibni  nias^   ' 


1  Le  sujet  de  ûn73  est  UNI  3N  dans  l'hémistiche  suivant. 

*  C'est-à-dire  pas  plus  qu'en  qualité  de  parents. 
3  C'est-à-dire  le  grand-prêtre. 

*  A,  -nNO. 


112  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

ïW  Yi  ^îacn  nn-i  -flS'pa  ■'Ta  nazi  *PNa  r*wn  *p-n 

anan  nrifi*bi     rtmM  as  nns?     nnitta  niaa  an     nmaia  -naa  av» 
■n^ê  tiina  n^à  nari  naaa  -n^a  na6  na  noaa&o  ■usa 

■n^a  na*i  TNa  N«na  "ôa         ina-ia  nan   vn  noaatti  n-ist^ 

Fo  190  r°. 

ammb  runnn     matab  "pfiwn  •p»     maab  bam     manb  naaa 
ï-TDNnai  w  ia  bar  -iwaia  tonS  tasa   -oiab  "jt  naaa 

1  naana  "»a  nstNa  "jt  wnn  f-na  T"ân  nsa-i  "nsna 

a^nanai  tnanp     a^ianrr  ma     a'Wn  Vttbi     a^an  laipb 
rmn  rjirttn  nema  ania  a-naa     c^4-n«   )pn  ■»»  yaâ  rutaaa  van 
j^nrw  ^paa  iN-na  fmâ         ■cm  ttIc  nana  inddn  -îae* 
a^naew  nw     mtoÇi  "rayb     main  ^na  aai     mm»  a^ianb 
laraaTn  na*r  -i&n  -n^ai      jôma  T**a  ariNira  ni  nh  ^nt 
lanm  aiai  a*«*î  jwa  mi         t-iasâi  nan  "na  maa  n^naa 
tam-n  t-i^a^an     minn  1>j  s-^ttaa     rm»n  «ipa     miîo  "pa-i^a 
norak^N  an«  ^isba  p  y&ô  r-ioa-n  ■nn   tn  w«  nwà 

tnarp^  *p  aas  wwèK  anaa  tin  ia*a  na  a^aa    a^NHa 

a^-pn^a  inai     mipn  a^arib     nrrab  "p*3     rrntDi  a^na 
>n  in  -iâ  ït<a  para  ic  'pas  t^nnss  jniDi  r^na^à  :nia 

mi  ûntt^p  Hïm  y -ii25   a-naa  abaya  r<n  n'axa  na^a  pa 

F°  190  v». 

a*n»  to  mpianb     a-wan  nmnrtb     B"waa  mbiab-i     •a^aa  iia^b 
^NBNa  na-iaa  iâ  n»a  naiabr  *|Na  ^""«rta  im'TO  "p  ïtj 

^nb  Na  tsn  "jbn  aa   naaaana  nao  Maa  ti»  "^ti  ia&6a 

cannai  -pa?^     mî^a  ">3iNn     -nn  nba-«T     n-i^ia  b^a^ 
13^723  xa  -ia  a^a:  lia  nia^nn     "i3Na-i  t^n  ia^i7j  ^sis  lia  rrâ 
"lîNâa  t<^i  yaaa  rta  pa      n^a  la-n^  abxy  m  nwnfira 
ta^Niaa  ba^bi     a^^a?:  n^sa     a^N^ub  naan     a^iai:  qnaa 
lans  imp  naa  n^n  r<rt  aaa  iaiN  5inaa  t^-i  t^rs  a^aax 

iriMna  ^psa  n^i  p-ip  isna         '  m  amn^i  "h^n  n^w  -n 
a^-inb  rsbnrt     mmsra  is^^a     mni:a   maynnb     miXTXn  yipnbi 
i-pa  rtni  "^aNT^  iia^a  na»  l^n^aD  ^is  ^t  ^a^a  nrra 

■n'ïna  npi  ^a  w  nbn  nax  np^pn  tn  m-naa  nw  no*ia 

ta-i-nnaa  nmay     -naan  n-nabi     nwiab  «iparti     niapb  a^b-na 
la-iNi  naD  naaa^T  la^pwa       la-isaa  n^S"»S  tn  ma  mina 

1  a,  riDNaa. 

8  Sî'c  ;  il  faudrait  plutôt  la^TTl. 

*  Sic.  Peut-être  pour  D^Nbca;  la  version  persane  ne  parle  que  d'animaux  purs, 


AZHAROT  EN  JUDE04*ERSAN  t13 

1  iBTfifâ  noa\x  "jNif  r\iii6  *73ia       p^iâ  ni  T\xa  «n  tkt  b&mN 

wHrh  abnn     n©*b  û^nb     nonb  nbnn     nioa^  nnbi 
p  «no  num  •'Nia  în  ino  '-çtûd      p  an  3  nbfira  tn  *p  rm  «""a 
p  tria  finnnpi  ma  p  isba         "p]  mi  *p  m  laaa&n  twb 
&-IÏ1T3  sn^j  Kaa     maa  nvnbi     nnnab  simm     man  nana 

TfinDa   1TN    pEJ  nraiO  T«Ka    *pO    1X1    )1W\0 

T»a  cb  mn»  'ma  T>ba         rnsbo  "p«  niMa  pba  nnaT 
donnas  "pn^n     nn?3n  û*»iaaa     nn»b  rnbrw  pn     nnzab  naan  ■»£ 
tnib  baw  nrbna  no"«3  na   noa  v^a  ^ne>  aa  an  s^na^aa 

t\n  dms  "p  nas  T»nr  -a"1  m  nn  nna  aia  'nia  m 

û"naoa  tpiTaa     ©ip  nos:  13a1'     anftïi  d-n  dan     anp  nata  ava 
^asttON  n^ïï  wim  î^sa  ■'a&n  yaa  na  n^a  naia 

■rçai  rpiTa  in  na  aaai  -na  npsa  y\xà  T»S3S  ûôtn 

d^msa  an11  aai     "manpn  r|0"i?aa     nis^pn  yiacbi     msnaïab  cpi72 
fao^a  in  r<n  mban  naniu  w  fan  raaan  tpitt  manaun 

•jNa  DN7:n  2*<n  qoi7:  pa  maaa  a  a  an  tp*!»  non  nsa  a  an 

'  wn9  în  -nbb     t|*  nia  nanb     rpian  i;n»t3     qoitt  aa  naoa 
^aana  an  noa^ak  anian  nin  ^aao  t]Dn7D  noaaan  naioa 

^NaT  tn  >*minttJ  m  nba      ana  nn^îa  mm  nnna  -na  ni 
cnn-iaua  •^ttbn    rna*bttbi  173b bi     mbabi  nrrb    mbanb  rotn 
•janna  iaa*ai  lana  pn  ^Nn  -p         fann»  na»n  mba*  ba*:ap  Tin 
ï&rrba  t^mnaaia  aawna*  *ja*on         na  pa  s^nss  wn  nijfira 
tr-)2u:b  mnra     nbnba  r^napnp     ftban  Tb  ron     nb72a  Nnp  a*wa 
ma  nbn  ©^d'  S|S  non  pb^Dn      ma  ^tn  pat  ^«sa  nnia>2  ^?3u: 
mi  "nNnp  «n  mma  ^n  ïinrta         i«n  ■>»  272a  na  nno  pb^sjn 

û^nan  naab     i^73na  pb^ïn     n^ttna  '■jnab     Tttttïib  û^tta? 
iNaa  nna  ia  ";na3  ifi«  rrnaa  ni  ^nNia?^  nn  ^a^  n-«ba  "jN73np 

nNT  V2  nom  e<n  iNobb^n  a^nà        iran  b^nTo  r<73  'rtnaa  non 
4D"»nanb  mpan     nmoN  3ma  mn^an     «mai  ivb*  ba<b     Nn^n  ûbi^b 
n^^73n  ^nb3>  p^»sa  tn  onna      nœ^s  m  p^  pn  nm  ûbs^a 
n^^3N  pi  ana  nbsi  pa         notttnn   iNi^a  pna  np^bn 
■camp  "pmbsn     tan^a  anr  n^b     ara  bbsnnb     tamab  jaaï-ia 
INa  ^n  in  TNW3  nas  nn  i$w  no^a  oo^a  isaio 

•jno  na  in  bm  l^aa  s^tn  \aTN»3  •      ^nxai:  •pittn  dNu:ai  p^^aa 

1  Le  ms.  A  s'arrêle  ici. 

*  C'est-à-dire  les  tekiot  sont  exécutées  pendant  le  mousaf. 

3  Ignorant. 

4  Les  gens  instruits. 
8  Pour  û'Wmp. 

T.  XLIII,  n°  85.  8 


Il'i  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

EPYinraa  ims     "niyn  ara  bra      ^iina  pnpi     màn  e*^anb 
■haraiD  p-ip  ann  p-n  ma         -n^a  ms  in  na  ^np-i  nna 
•na  *]nsi  -na  ni  TNaa      rrba  -«in  m  ^ss  a^y  lia  Ta» 
tar-im  to  £]intt5     n-ppna  tri*     rrrriab  ©ipn     rrrinta  antabi 
iia^aa  rca-»*  ^nc*  y^â  ni  ita«a  -jnd  "ans  p  norno 

icnd  -j^â  ^n«57ai  nnia  "jTNioa      nfcnoa  in  p  onén  s*n  f^naia 
ûnm»  bjab     nvua*7a  "«aœ     mai  iTa^oa     ni-rinari  mai* 
nabwaa  an^s  "paa  ©awnaa       nabaiï  nai  njas  na  ■»5n»  "na 
îab^bn  "p  nn  "jn  r^n  anNL:o         favi  nsa  tai  rn  p  f-îia 

ïaman  ain  sanàis     ^an  ntflbn     "^b  cnBïib     ^aianTa  nab 
-i«a  m  non  "pas  Nia  p  febètaa  n«a  ■pfô'pi  ^a*  m  rr»Sa 

iNaa  ien  ■pinrt  np  p  s^nn        ït'te  yiw  animai  np  rrna 
tavnaa>n  cna*     ■'©on  p^aynb     -nsan  ba  npni:     [ï)*nDtD  ûïjn  \aaa 
birn»  m  ^aa»a  ni  npis  bsn7a  nia  noiïïN  niai  pian 

bafcrn  "jNiasoiaa  nona*  na«  ï«tk  Ta  ■i»Kbâ  p  *rwn»rï 

D^-iza-ua  niasabi     •  aia  œa^  û^pim     srasana  mtfnnb     anta  av  nwiobi 
nNn  na  -«ri  nanan  an  "pa  ^n     nNna7a  mabi  îài  na«j  iia  n^a 
iNiaa  t*  ^aiaa  t^nasonna       "Wna  hp0à  nï3»n  nomn  naa 

ta^nDO  anabi     ma»b  a-im     maab  ^bam     'mai^  an  7312 
taboa  ^ï3Na   nwanfifcs  viNEa  abr^  nas  naïaa  ynD  ma 

Dbtf*  ni:7an  -unm  Mwa  ^o-«      nirnri  *in  in  na  noaaari  puna 
nn:iy  nm&a     nTa-inp  n7ai:i     marin  ffiinsnb     n7:na  rnsn» 
p  c^na  t^n  pa  nrra  marin       p  ^né  ^n  D^Nna  \snia'aâa 
p  ^^n  in  nasna  ssn  rnao»  npa  m  bis  dujc  ^na  ni 

3  tannaab  inuana     amibb  ûttirb     shapb  ûthsi     wapb  t^aaîi 
rt^s^a  ûn-i723  ûbpsa  ^y  no">72n  iataa  no^n  naaâ^sa 

nuï^na»  ina  ps  "^«a  nnnî  nanp»  rasa  c*<-inna  rr^ia 

em^ri  mnwbn     mnab  rmoa     mbtûb  anboi     nippb  pan 
nsn  ïia:  nom  nanè  ^n73Nbo         n^nno  n^:  ni:  p  no72  pa 
n^n  no  ûin  nam  iMa  nto^do    n^Nrja  yn  11  ^  iN-ipN  to  ni: 
û-«naip  ova  Ta     n^bn  a^n  uj-'wN     n^a^a  ^"«n  ban     n^iap  n«n  ne-» 

no^  ^oa  ini  na  'nfini  3>-i©a  nonn  'nanr  ^T^nà  n«n  no^ 

noin  pidnl:  p  nap  Tin  "jim  n^n  'nai^  in  aa^T  tuj.  "^oa 

o^iam  d^oid     nn-isn   tppna     m72n  a^nb     nna«  a^nb 
om  m©  V3   nbxa  p   ^^a  bNTa  anNiaa  srna  nn^a  aa 

1  SeloD  le  persan,  «  pour  les  éloignés,  le  fruit  sec  est  aussi  bon  ». 

2  Pour  Û^ai^û   «  de  ceux  qui  enseignent  ». 

3  Sic.   Il    vaudrait  mieux   D^^riMb;   d'après    la    traduction    persane,   il    faudrait 

û">-naab. 


AZIIAROT  EN  JUDEO-l'EKSAN  115 

?ki  maa  iNaoN  tni  ai  niin±t         i3Naa  lis  inoN  inton  ia 

amai  mb^byi     mnsb  Haïra     n'n»b  rrpy?:     n'biab  dNm 
ïttfcb  mn  iN^n  inti  laaa         roïrœ»  tn  "ni  nsa  no-Hp 
rtSNàa  Tii  po  a*-*  n©Ki;t     m  in  non  ïiairo  **n»3  "jt  ni 
û"*lôinb  nnn     ib  aip>3  ppnnb     ib  nnb  nai3N     ibpob  an» 
333  tn  ina  bewa  m  dN3ia  iiaa        roo  tn  laa*^  irnaaa  aaan  mi 

331  TN  non    imst  "pÛ  TN    "150  ^73^3    11*1   1S«    nndNIN  133 

tarn-oiai  rrvtffn     inna  b-ONttb     ma  n«  n^pb     naa  na  mai 

lavra-a  pn  tn  113  in  naan  pa  id*h3N  la  na  tn  i«noa  3bra 

•£1131173  -rnTM   mbaH!)**-  138  in  '13N3  *1*1  13*0  lNn3T1D  ÏIÈ 

d-mausn  saïas*     inNro  mtonb     iniON  33*  nroion     ima»  nnbiun 
nno^Na  in  bNa  mai  i«ib  *-nir>    mois  ^iT3  cn  13N3  113  na  ni 
mois  3p3>   isobàro  tn  ino  atiKEa  mania  TNa  i«ana 

û^^n  cnab     173173a  3*1  manb     1731m:  nnam     i^na  nraia  iaia 
in*>  nsia  'nniaa  mn  obs733         in*i  TNa  Tin  m  mira  ira 
ini  imauj3  *jNbiN3  *i:^noa      uni  na'  "O-g*  Ini  r>o  Ta  *|Ta 
û*nD*03  b^irnb     nmnb  **inbiiï3     mrp  dN  ybnb     nm  dN  ûa">b 
noras  in  marhn  it:n  «ri  nit  no3*i  "«1*1  tua**-  no^TNi  iara 

no^p"«  ^n  non  i*n  pi3  VNba  13N3T  111*13  mi  in  inois 

dn^n  13*111     ib  mNa  ni73Ni     "p  aan  rn-no     *p  nra3*  nw  iar 
ma  NmnD  na  **ia  di  ima  pa        ma  ïirk  inNa  *paa  ki  p'rw 
lia  khi  va  irai  11:73  ma  13      maa  na  K3  vn  tai*aN**3  133 

dinzp  iam[7a](a)     inias*  Kb  tjn     inna  nbb     mi3*3  unpn 

Ï13N72T  l^anâi  i*iba         H3N3T  yN3  173  b^Na  amaa 

mNna  ia  *jNro^pno73  ïinit  diias  an  ^iwnis  ûniaiaa 

D1173N3  ^3^oa     ï-fiiD  nN  i*jaïib     nn^n  ainabi     myn  bnpnb 

n33Naa  r>:iiN  1*31  in  130^13  T33Na  mnn  p  y*os  naioa 

iMNia  ^3^a  1©  nnb^  nri3Nirj         nnn  mai  nwiN  dna  133a 

d'niNi  mbipa     1^73^*15  nab     i3*ara  pai     ii»ap  *ia  inN 
1Ni3ir  ïïi  i3ma  nao  iaai  1N13D  ni  1311a  *^p3  13*3373 

1Ni3*on  cnNi  *>snTNiNa         ma  ni  ijmpa  **piN  ^Nin 
d'ii7373a  m*1  r>ib"i     *]iab  nau:  13     ^nai  braism     lia-»  nsnsn 
Tiaa  r<si  ^laa  i«a  in  ma  ni     ma  nri  ia  \aia  noa^Ni  naia 
1^1733  ->^3a  *i">  iniid  iii  13    .        nom  -uni  an  naairj  i^Nii: 
dus  b\a  nb^73     bb73  nai3n  13     bbnn  r>iipbi     brabrab  an^m 
^3Nà  bbn  noaa«i  *>tnm  ni  ^3Nin  birabra  b*^  amy  pa 

">3Na  uns  ina  ki  nb-^73  a^Ni  P3  i«3i»iaè  m?  ma 

Caimb  iiiDT  KbN     m3i3  t<b  ûiab     Tnroio  dm-c     mi73b  imairo 
1NU5  dN    mia  lN73ipn0731  ^0  IfiP    IN  diNii   aiT    dnai73Na 


110 


REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

tarons  n^a  ïtïKi&o  ûdn3 

np-intt  mmn     np\-iïî  mttbna» 

WHBfcfâ   "nn  TNa  ■NSï^ia 


rwa  œnwm  *bvû  ^n»  w  ïtc 

û"mN  rmn  5a»    npi3N3  rmaMatt 

©■«afino  rrnn  m-nis  p» 

ïûnaKa  "éoidti  lii:  rmn 

ans  ûa>  d^aa     nn^n  a*npîib    nrnarca  ànbi     rsmn  12b  nan 

taa^na  IfitfDbn  "n3i  sn  a^aa  d'nna  intn  ma  mnN*n 

û^ns  i&r  ttinni  iêch  ma         nar^  u^d  ûn^a  îina7a  pnp 

a-mnan  û^apr     nbiaa  a^-iTSE     nbiao  ûa»  yapb     nb"i»a  lab  nntj 

d^iua  «73  t*«  *p3i  272a  û'nto        ewm  t*n  rsbiaa  b^ayn  pa 

ta^wrï  p&onm  -rai  i&oa  ^NTaip  'pttî  û'Hib  î-naa&na 


-naasa  i^na  -nat  ûwa 

1^333  &n  i&wmob  n»a  naa 

dnâa  ba>b  p  po  D»7ab»3 

anan  îroa  p  rpENa»  nnat 

dmna  part  l^ï-ra  m  -na« 

dtm  nm  tn  'rrnnss  laiôa 

ï-ion?a  tix  n-iT?a 


INtt^s  dno  là  'm-ia  tn 

anaa  iai  vna  t^rt  *{N72-i£t 

n-nn   tp*n  "pat  t**n  *p  ns^ 

ama  bnTaa  ^anT  i»dvj 

i>mNH  n^3  na»aa  na  oa-in 

rnay  miS7a  an 


inscriptions  hébraïques  en  Bretagne 


Deux  inscriptions  hébraïques,  l'une  du  xvie  siècle,  l'autre  du 
xvne,  tout  récemment  découvertes  dans  le  département  du  Fi- 
nistère, méritent  d'être  publiées  pour  l'intérêt  qu'elles  présentent 
sous  plus  d'un  rapport.  D'une  façon  générale,  elles  servent  à 
constater  la  présence,  au  moins  momentanée,  de  certains  Juifs 
dans  cette  partie  de  la  Bretagne  à  une  époque  où  depuis  trois  ou 
quatre  siècles  ils  n'étaient  plus  admis. 


I 


A  Quimperlé,  sur  une  pierre  en  albâtre  ayant  62  centimètres  de 
hauteur  sur  40  centimètres  de  largeur  et  0,8  centimètres  d'épais- 
seur, se  trouve  une  inscription  hébraïque,  composée  des  douze 
lignes  suivantes  : 


M^x  bipa 

&"niz5  inu: 

ntnbttb  nos* 

û*H"nan  thd 

a£73     Vhy 

::  arr  pn 

sr-ra[btt]  ns 

axa  n-pïib 

ha?    bàa 

lai?  -ntab 

173?    *pna 

naa  ïtto^ 

ïrôtt  i73u: 

nb?  -ni:» 

rnobe  n"na 

rrbwi  nu:3 

CrttM3X 

apan  SSâ 

173?     ^333 

omb   "pdt 

17371     2i*     N"1 

■Î5©n  D3E3 

r-robra  -i73ws    ïnsœb  ■' 

M.  Mayer  Lambert  a  bien  voulu  nous  donner  cette  traduction 
du  texte,  accompagnée  de  notes. 

1.  Entonnez,  chanteurs,  avec  une  voix  de  douleur, 

2.  Le  GaDtique  des  Cantiques  qui  appartient  à  Salomon. 


118  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

3.  Qu'une  pierre  soit  placée  sur  lui  en  monument 

4.  Pour  subsister,  avec  Salomon, 

5.  Afin  que  voie  tout  passant,  de  tout  côté, 

6.  Que  l'homme  soit  déploré  au  milieu  de  son  peuple, 

7.  Dont  est  monté  le  nom  en  haut, 

8.  Elevé  et  sublime,  le  sieur  Salomon, 

9.  Fils  de  R.  Jacob  Semahes. 

10.  Tel  est  son  souvenir  généalogique  au  milieu  de  son  peuple, 

11.  Année  5334,  le  11  Ab1  (?) 

12.  A  dit  à  Salomon  de  reposer. 

Le  haut  de  la  pierre  est  disposé  en  fronton  triangulaire,  dont  le 
sommet  est  occupé  par  une  rosace,  laquelle  coupe  en  deux  par- 
ties la  formule  d'eulogie,  qui  d'ordinaire  constitue  la  fin  de  l'épi- 
taphe  :  c'est  l'abrégé  'n'n'irVn  «  que  son  âme  soit  enveloppée  dans 
l'enveloppe  de  la  vie  »  !  Nous  n'avons  jamais  rencontré  cette  for- 
mule d'épitaphe  ainsi  placée  en  tête. 

A  la  suite  vient  l'inscription,  qui  se  compose  de  six  distiques,  di- 
visés en  quatre  hémistiches.  Les  trois  premiers  hémistiches 
riment  dans  les  distiques  un  à  quatre.  Dans  les  deux  derniers  dy- 
tiques, le  premier  hémistiche  ne  rime  pas  avec  les  deux  suivants, 
Le  dernier  mot  des  distiques  est  toujours  rrobra  (1,  2,  4,  6),  ou 
w  (3,  5), 

Ligne  1.  —  Le  yod  de  tmia  est  cassé.  Le  mot  ir^ptt  a  été 
abrégé  ;  mais  la  dernière  lettre  qui  manque,  faute  de  place,  peut 
aisément  être  devinée  par  le  contexte  et  par  la  rime. 

Ligne  2.  —  La  dernière  lettre,  qui  manque  aussi  faute  de  place, 
ne  souffre  pas  de  doute  :  c'est  un  n,  aisé  à  rétablir,  comme  ci- 
dessus  ligne  1. 

Ligne  3.  —  Le  premier  hémistiche  n'étant  pas  assez  long,  on  a 
mis  quatre  points  '/, ,  pour  remplir  le  blanc. 

Ligne  4.  —  Du  dernier  mot  deux  lettres  ont  disparu  ;  ce  sont 
évidemment  les  lettres  btD.  On  voit  encore  une  trace  du  il)  ;  la  der- 
nière lettre,  un  peu  mutilée  à  gauche,  est  un  n,  non  un  n,  qui  se- 
rait beaucoup  plus  arrondi.  Le  petit  jambage  du  n,  qui  est  tombé, 
manque  de  même  au  second  n  du  mot  nm*»  de  la  ligne  6. 

Ligne  9.  —  Le  nom  izinaras,  qui  rime  avec  omb  de  l'hémistiche 
suivant,  a  la  désinence  es,  fréquente  en  espagnol  et  en  portugais 
(nous  dit  M.  Drouin)  pour  désigner  la  descendance,  «  fils  de  », 
comme  les  finales  ski  en  polonais,  wlcz  ou  off  en  russe,  djian  en 
arménien.  L'ancêtre  du  défunt  se  nommait  donc  Cémah. 

Ligne  11.  -Onne  peut  guère  traduire  autrement  le  mot  itin, 

1  Soit  le  29  juillet  1574. 


INSCRIPTIONS  HÉBRAÏQUES  EN  BRETAGNE  119 

que  par  «  le  Seigneur  »,  car  il  faut  un  sujet  au  verbe  n^B  de  la 
dernière  ligne,  au  lieu  d'en  faire  un  adjectif,  «  amer  »,  quali- 
fiant avec  à  propos  le  nom  de  mois  Ab,  qui  précède  immédia- 
tement. 

Ligne  12.  —  L'expression  complète  est  une  allusion  à  I  Rois, 
vin,  12,  où  Salomon  dit  :  «  Dieu  a  parlé  de  résider  ».  Ici,  c'est 
Dieu  qui  dit  à  notre  Salomon  de  résider,  autrement  dit  :  de  repo- 
ser dans  le  Paradis.  Il  faut  sans  doute  lire  t-wbra  b«.  Une  bri- 
sure aura  fait  disparaître  le  b,  qui  était  peut-être  lié  à  l'a,  soit  en 
une  lettre  :  y. 

Heureusement  les  lacunes  sont  peu  importantes.  M.  Gougoulat, 
tapissier  à  Quimperlé,  propriétaire  de  la  pierre,  l'a  trouvée  pla- 
cée sous  son  escalier  depuis  de  longues  années.  La  maison  qu'il 
possède  par  héritage  avait  appartenu,  avant  l'acquisition  qu'en  a 
faite  son  père,  à  un  menuisier  entrepreneur,  lequel  a  dû  apporter 
la  pierre  chez  lui,  probablement,  à  la  suite  d'une  démolition 
de  l'immeuble. 

L'inscription  est  en  relief,  et  les  lettres  sont  si  saillantes, 
qu'elles  semblent  n'avoir  jamais  été  exposées  aux  intempéries  de 
l'air.  La  pierre  a  dû  rester  des  siècles  dans  une  chapelle  ou  dans 
un  caveau,  car,  si  elle  s'était  trouvée  dans  un  cimetière  depuis  de 
si  longues  années,  l'inscription  serait  effacée. 

Il  n'est  pas  probable  que,  parmi  le  petit  nombre  de  coreligion- 
naires du  défunt  qui  l'auront  enterré  là,  il  se  soit  trouvé  un  écrivain 
capable  de  composer  cette  épitaphe  rimée,  ni  un  lapicide  assez 
habile  pour  l'exécuter  en  relief  sur  albâtre.  On  a  sans  doute  fait 
venir  de  la  Hollande  soit  des  artistes,  soit  la  pierre  toute  prête, 
aussi  bien  que,  de  nos  jours,  dans  des  circonstances  solennelles, 
les  Juifs  d'Espagne  s'adressent  à  leurs  frères  de  Bayonne,  pour 
graver  les  inscriptions  funéraires  en  hébreu  que  l'on  peut  voir 
au  cimetière  de  Madrid. 


II 


La  seconde  inscription  est  bilingue,  semi-hébraïque  et  semi-por- 
tugaise. Quoique  de  cent  vingt  ans  plus  jeune  que  la  première, 
elle  est  beaucoup  moins  bien  conservée.  Elle  se  trouve  à  Lander- 
neau,  au  milieu  de  la  chapelle  de  l'hospice  des  vieillards  tenu  par 
les  sœurs  de  Saint-Joseph,  gravée  sur  une  dalle  en  granit  qui  est 
scellée  horizontalement  dans  le  parquet,  à  l'entrée  du  chœur. 
Malheureusement,  juste  au-dessus  de  cette  dalle,  qui  a  une  lon- 
gueur de  quatre-vingt-onze  centimètres  sur  une  largeur  d   quatre- 


120  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

vingt-six  centimètres,  s'ouvre  une  grille  qui  sert  de  séparation 
entre  l'autel  et  le  reste  de  la  chapelle  :  la  porte  de  cette  grille  touche 
presque  le  sol  et  frotte  la  pierre  à  chacun  da  ses  mouvements,  au 
grand  détriment  de  l'épitaphe.  Un  visiteur  de  la  chapelle  avait 
essayé  de  copier  l'épitaphe  ;  mais  pas  un  mot  de  sa  transcription 
de  l'hébreu  n'offrait  de  sens.  M.  Léon  Brunschwicg,  qui  le  premier 
en  a  reçu  communication,  a  bien  voulu  me  la  signaler.  Une  tenta- 
tive faite  ensuite  par  un  photographe  n'a  pas  réussi.  En  vain,  à  la 
suite  de  l'intervention  de  M.  le  capitaine  du  génie  Raymond  Weill 
auprès  du  maire  de  la  localité,  M.  le  docteur  Kermarec,  celui-ci  a 
fait  faire  par  l'architecte  municipal  un  calque  de  l'inscription  ;  ce 
calque  montre  seulement  combien  les  lacunes  sont  nombreuses. 
C'est  que  la  pierre  a  été  endommagée  encore  d'une  autre  façon, 
comme  l'ont  signalé  les  sœurs  de  l'hospice  :  au  bas  de  la  partie 
hébraïque  de  l'inscription,  des  lettres  ont  disparu  à  la  suite  d'un 
grattage  opéré  pour  enlever  une  tache  produite  par  des  gouttes 
d'huile.  Cependant,  nous  étant  rendu  à  Landerneau,  nous  avons 
pu,  en  comparant  les  vestiges  de  ces  lettres  avec  la  partie  portu- 
gaise bien  conservée,  reconstituer  les  lacunes  du  texte.  Le  voici 
en  entier  : 

naasn 
yutrô  "H  maib»  pror  -nnnn  •  n-nab 

'd'ïo'i  ûbiy  'ab  i:nn   f-isia  a«  unnb 
natxsn] 

S 
Do  Malogrado  de  Ishack 
Machoro  de  Liaô  que  mata 
raô  os  francezes  em  defença 
da  Ilha  em  6  de  AB  2  A.  545i. 
Que  Deos  asa  recolhido  sua 
aima  com  piadade  3. 

C'est  là  un  exemple  unique  en  France,  du  moins  à  notre  con- 
naissance, d'une  épitaphe  semi-hébraïque,  semi-portugaise4,  et  il 
faut  aller  en  Hollande,  à  Oudekerke,  pour  trouver  trente  pierres 

1  C'est  le  mot  miap,  défiguré. 
»  Soit  le  27  juillet  1694. 

3  Sic,  avec  a,  au  lieu  du  moderne  «  piedade  ». 

4  Exception  faite  d'une  inscription  espagnole  sur  une  tombe  juive  du  cimetière  de 
Bayonne  (Henry  Léon,  Hist.  des  Juifs  de  Bayonne,  p.  215),  et  de  deux  inscriptions 
portugaises  du  même  lieu,  découvertes  par  M.  Julien  Vinson. 


insckiptions  hébraïques  en  Bretagne  121 

similaires;  voir  Henriquez  de  Castro,  Keur  van  grafsteenen  op 
de  nederl.  portug.  israeliet.  Begraafplaats  te  Ouderlierh,  Ams- 
terdam, 1886,  fol.).  Cette  publication  peut  aider  à  lire  les  mots 
qui,  dans  la  présente  épitaphe,  sont  imparfaits  ou  presque  effacés. 

Ainsi,  à  la  fin  de  la  3e  ligne,  il  n'y  a  que  des  vestiges  des  trois 
lettres  Stti  ;  en  les  comparant  avec  le  n°  17  de  cet  ouvrage  nous 
avons  reconnu  les  initiales  des  mots1  :  tod  inrrm;  ftrnm,  «  son 
iepos.  ou  la  paix  dont  il  jouira,  sera  glorieux  »  ;  la  présence  de 
deux  eulogies  2,  qui  se  suivent,  se  remarque  dans  ce  même  n°  17, 
de  date  postérieure  3. 

L'inscription  en  portugais  n'est  pas  une  version  littérale  de  la 
partie  hébraïque;  mais  elle  précise  ce  que  la  première  partie 
«nonce  en  termes  trop  vagues.  La  lettre  S  (initiale  du  mot  Sepul- 
turà),  mise  en  tête  de  l'inscription,  pendant  du  premier  mot  hébreu 
nn^tt  (stèle),  est  assez  fruste  ;  aussi  ni  la  première  copie  faite  à 
main  levée,  ni  le  calque  exécuté  par  l'architecte  de  la  municipa- 
lité ne  contiennent  cette  lettre,  ce  qui  a  rendu  le  premier  mot  do 
(de)  incompréhensible. 

Ligne  1.  —  L'orthographe  du  prénom  Ishach  se  retrouve  litté- 
ralement dans  les  inscriptions  d'Henriquez  de  Castro,  au  n°  19. 

Ligne  2.  —  La  transcription  liaô,  avec  la  prononciation  nasale 
de  la  voyelle  finale  (=  on),  donne  avec  précision  la  lecture  du 
mot  hébreu  ^"«b,  dernier  mot  de  la  première  ligne  hébraïque,  que 
Ton  serait  tenté  de  prononcer  Léon.  Ce  nom  géographique,  qui 
rappelle  une  province  d'Espagne,  indique  dans  l'espèce  un  terri- 
toire français,  la  partie  sud-ouest  du  département  du  Finistère, 
ou  l'arrondissement  de  Brest,  englobant  Landerneau.  C'était, 
avant  1790,  l'évêché  de  Léon.  Or,  ce  nom  local,  ajouté  à  celui 
d'Ishack  Machoro,  selon  la  prédilection  des  Ibériens  pour  la  par- 
ticule nobiliaire,  a  probablement  été  conservé  par  la  famille  du 
défunt,  laquelle  a  sans  doute  érigé  la  stèle  à  son  parent  victime 
de  la  guerre.  Ce  qui  le  fait  supposer,  c'est  que  moins  de  dix-huit 
ans  plus  tard,  on  retrouve  ce  nom  dans  un  document  de  procé- 
dure. En  effet,  le  27  février  1712,  un  arrêt  de  défaut  est  rendu  à 
la  requête  du  procureur  du  roi  par  le  siège  présidial  de  Nantes 
contre  les  «  Juifs  Anthoinne  Rodrigue,  sa  femme,  leur  fils  David 
Rodrigue  et  Du  Lion  »,  sans  que  rien  indique  pour  quels  motifs 
ils  étaient  alors  recherchés4. 

1  Isaïe,  xi,  10. 

*  La  seconde  est  la  formule  habituelle  ïlDl£3ri  ;  les  deux  dernières  lettres  con- 
servées font  deviner  les  trois  premières. 

3  La  première  eulogie  y  est  en  toutes  lettres. 

*  Archives  du  greffe  du  palais  de  justice  de  Nantes  :  «  plumitif  du  greffier  criminel, 
commencé  !e  30  novembre  1701  »,  cité  par  M.  Brunschwicg,  Revue,  t.XXXHI,  p.  92 


122  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Ligne  3.  —  Tandis  que,  dans  le  texte  hébreu,  l'expression  «  qui 
a  été  tué  dans  la  guerre  des  Français  »  est  vague,  les  termes  por- 
tugais «  que  matarao  os  francezes  »  disent  nettement  qui  a  tué  ce 
jeune  homme.  Par  là  nous  savons  à  quel  camp  il  appartenait.  On 
sait  qu'en  1694  la  flotte  anglo-batave  attaqua  deux  ou  trois  fois 
les  côtes  de  France.  Après  que  Château-Regnaul  eut  quitté  Brest 
et  la  rade  voisine  de  Bertheaume,  à  l'extrémité  occidentale  de  la 
côte  de  France,  avec  trente-cinq  vaisseaux  faisant  route  vers  le 
Sud,  Malborough  amena  des  troupes  considérables  pour  attaquer 
le  port  de  Brest;  mais  ce  fut  sans  succès,  car  Vauban,  quoique 
venu  à  la  hâte,  était  arrivé  assez  à  temps  pour  défendre  formida- 
blement cette  position  »,  déjà  naturellement  formidable.  Il  se  peut 
que  notre  Ishack  Machoro  ait  été  appelé  comme  pilote  sur  l'un 
des  navires  lancés  à  l'effet  de  forcer  le  goulet  situé  à  l'entrée  du 
port  de  Brest  :  la  flotte  fut  écrasée  le  jour  de  la  bataille  de  Ca- 
maret2,  le  18  juin  1694. 

Ligne  4.  —  Le  mot  Ilha  était  assez  embarrassant.  Sous  ce  nom 
les  dictionnaires  géographiques  ne  désignent  que  deux  endroits  du 
Brésil.  De  quelle  île  donc,  du  voisinage  de  Landerneau,  peut-il 
bien  s'agir?  Est-ce  l'île  «  ronde  »  ou  l'île  «  longue  »,  sises  toutes 
deux  devant  l'entrée  de  Brest?  L'une  et  l'autre  étaient  défendues 
par  les  Français,  lorsque  le  jeune  Portugais  a  tenté,  avec  plus  de 
témérité  que  de  succès,  de  contribuer  à  leur  conquête.  Puisque 
l'île  appelée  «  longue  »  est  en  fait  une  presqu'île,  on  a  pu  appeler 
aussi  inexactement  «  île  »  la  presqu'île  de  Camaret,  où  le  com- 
mandant de  la  flotte  anglo-batave  a  vu  succomber  presque  toutes 
ses  troupes.  C'est  là  qu'après  la  bataille  se  trouvèrent  des  blessés 
en  masse;  delà  notre  Ishack,  mortellement  blessé,  fut  transporté 
à  l'intérieur  des  terres,  dans  un  lazaret,  où  il  succomba  cinq  se- 
maines après. 

Ligne  5.  —  Le  mot  asa,  dont  Ys  est  agrémenté  d'un  tilde  et 
d'une  cédille,  est  une  vieille  forme  portugaise  pour  aia  =  haja  (le 
français  ail),  comme  a  bien  voulu  nous  l'expliquer  M.  Leite  de 
Vasconcellos.  L'ensemble  de  l'eulogie  correspond  tout  à  fait  à  la 
formule  finale  de  l'hébreu. 

Moïse  Schwab. 


1  Voir,    entre  autres,  Heuri  Martin,  Histoire   de  France  (éd.    de   1850],  t.   XVI, 
p.  257-8. 

2  George  Toudouze  raconte  cette  journée  dans  la  Revue  d'histoire  ancienne  et  con- 
temporaine, 1899,  I,  pp.  259-270. 


NOTES  SUR  L'HISTOIRE  DES  JUIFS  EN  ESPAGNE 


I.  La  Persécution  des  Juifs  a  Gordoue  en  1391. 

La  grande  persécution  des  Juifs,  qui,  suscitée  par  les  prédica- 
tions de  l'archidiacre  Ferrand  Martinez,  se  répandit  en  1391  par 
toute  l'Espagne,  partit  de  Séville.  Les  massacres,  qui  ruinèrent 
le  6  juin  la  florissante  communauté  de  Séville,  gagnèrent  Gor- 
doue, où  regorgement  se  pratiqua  huit  ou  neuf  jours  plus  tard1. 

Gordoue,  avec  son  commerce  étendu,  son  industrie  brillante, 
ses  vingt-huit  faubourgs  et  ses  magnifiques  palais,  surnommée  la 
parure  du  monde,  avait,  à  l'instar  de  Tolède,  Saragosse,  Barce- 
lone et  autres  cités  espagnoles,  une  ancienne  grande  «  jude- 
ria  »,  dont  il  est  impossible  de  déterminer  exactement  l'étendue. 
La  porte  d'Almodavar,  appelée  au  temps  des  Maures  «  Bab  Ye- 
houd  »  (porte  des  Juifs),  conduisait  dans  l'ancienne  «  Galle  de  los 
Judios  »  (rue  des  Juifs),  qui  aujourd'hui  porte  le  nom  de  «  Calle 
de  Maïmonides  »  (rue  Maïraonide).  Elle  formait  le  centre  de  la  ju- 
deria,  laquelle  comprenait  encore  les  «  Calles  de  los  Manriques  » 
et  «  de  los  Deanes  »  près  de  la  vieille  cathédrale,  ainsi  que  d'autres 
rues.  Dans  la  «  rue  des  Juifs  »  se  trouvait  la  synagogue,  terminée 
en  1315,  qui,  grâce  aux  efforts  du  R.  P.  Fidel  Fita,  a  été  retrouvée 
il  y  a  environ  vingt  ans.  Il  va  sans  dire  que  ce  n'était  pas  la  seule 
synagogue  qui  existât  dans  la  grande  et  riche  communauté  de 
Gordoue,  et  il  est  inutile  de  s'appuyer,  pour  le  démontrer,  sur  la 
dénomination  de  Mlqdasch  meai  (petit  sanctuaire)  sous  laquelle 
la  synagogue  en  question  est  désignée  dans  l'inscription  :  chaque 
synagogue  est  appelée  Miqdasch  méat.  Comme  tous  les  quartiers 
juifs,  celui  de  Gordoue  était  entouré  de  murs  et  surveillé  par  des 

1  Sur  les  massacres  à  Cordoue  nous  ne  possédons  pas  de  date.  Le  roi  en  fut  in- 
formé a  Ségovie,  où  il  arriva  le  17  juin  1391.  Comme  la  persécution  de  Séville  eut 
lieu,  d'après  Zuniga,  Anales  de  Sevilla,  II,  237,  le  mardi  6  juin  et  que  de  là  elle 
se  propagea  sur  Gordoue  (voir  la  note  suivante),  il  faut  la  fixer  avant  le  17,  donc 
au  14  ou  au  15. 


124  BEVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

archers.  Il  y  avait  aussi  un  castel,  qui  probablement  datait  de 
l'époque  mauresque. 

Sous  prétexte  de  convertir  les  Juifs  au  christianisme,  les  Cor- 
douans  —  et  non  seulement  le  peuple,  mais  aussi  des  personnes 
de  vieille  noblesse  et  du  clergé  —  pénétrèrent  dans  la  juderia  et 
dans  le  castel,  où  les  Juifs  s'étaient  réfugiés.  Leur  chef,  comme 
on  le  suppose  non  sans  fondement,  était  un  homme  de  si  haute 
condition  que  les  juges  n'osèrent  pas  le  punir. 

Avec  une  furie  sauvage  la  populace  se  rua  sur  les  Juifs.  Au 
bout  de  quelques  heures,  boutiques  et  maisons  furent  mises  à  sac 
et  réduites  en  cendres  ;  enfants  et  vieillards  furent  égorgés  sans 
pitié.  Dans  les  rues  et  les  synagogues  les  cadavres  gisaient  par 
monceaux.  Près  de  deux  mille  Juifs  périrent,  beaucoup  d'autres  se 
firent  baptiser1. 

Le  roi  D.  Enrique,  qui  regardait  l'opulente  juderia  comme  sa 
propriété  et  qui  ne  l'appelait  pas  autrement  que  «  ma  juderia  », 
n'en  apprit  pas  la  destruction  sans  douleur.  Les  contributions 
s'en  trouvaient  fortement  réduites.  Le  roi  sévit  donc  contre  la  ville 
avec  la  dernière  rigueur,  ainsi  qu'il  ressort  des  documents  pu- 
bliés récemment  par  D.  Rafaël  Ramirez  de  Arellano  et  empruntés 
aux  archives  municipales  de  Gordoue  2. 

Le  roi  ouvrit  une  enquête  sévère  et  châtia  gravement  les  fau- 
teurs; beaucoup  furent,  sinon  suppliciés,  du  moins  envoyés  en 
exil.  En  raison  du  pillage  des  Juifs  et  de  la  destruction  du  quar- 
tier juif  et  du  castel,  les  émeutiers  durent  acquitter  une  somme 
de  40,000  doublons  d'or,  somme  énorme  pour  l'époque.  Cet  argent 
n'était  pas  destiné  à  dédommager  les  Juifs  que  le  pillage  avait 
plongés  dans  l'extrême  misère,  mais  à  être  versé  dans  la  cassette 
royale.  La  somme  imposée  paraît  avoir  été  primitivement  plus 
considérable  et  avoir  été,  lors  du  séjour  du  roi  à  Cordoue,  en  dé- 
cembre 1395,  réduite  à  40,000  doublons  d'or,  à  la  suite  d'une  en- 
tente avec  la  ville  3. 

La  municipalité  usa  de  tous  les  moyens  pour  esquiver  les  obliga- 
tions qui  lui  étaient  imposées.  Cinq  années  après  l'événement,  elle 
représente  au  roi  qu'au  tumulte  avaient  pris  part  des  personnes 

1  Le  contemporain  Don  Hasdai  Crescas  parle  de  la  persécution  de  Cordoue  dans 
sa  missive  (imprimée  par  Wiener  dans  le  Schévet  Jehouda,  p.  129  ;  voir  aussi 
Monatss.,   XVI,   317)  :  inK    (ba)    ntf     ba«m    U5N    N£">    (rwbiaD»)     Û1ZJ73 

tara-)  yvm  aia  ta:n  n"aiamp  nbnp  mzmpn  nvn  ■paabn 
•rrannb  tim 

2  Boletin  de  la  r.  Academia  de  Bistoria,  XXXVIII,  303  et  suiv. 

3  . . .  cuando  yo  estube  en  la  dicha  ciudad,  en  nombre  del  consejo  délia,  sobre  ra- 
zon  de  la  convenencia  que  commigo  ubisteis  sobre  razon  del  robo  de  la  juderia  de  la 
dicha  ciudad,  Boletin,  303. 


NOTES  Sl'K  L'HISTOIRE  DES  JUIFS  EN  ESPAGNE  125 

de  haute  noblesse  et  des  dignitaires,  qui,  grâce  à  leur  position  et  à 
leurs  parentés,  ne  pouvaient  être  contraintes  au  paiement.  Le  roi 
devait  donc  envoyer  à  Gordoue  un  «  juge  forain  »  (juez  de  fuera) 
avec  pleins  pouvoirs  royaux,  qui,  avec  l'aide  des  fonctionnaires 
municipaux,  recouvrerait  les  amendes.  Effectivement,  le  roi 
confia  à  l'ancien  juge  d'instruction  D.  Pedro  Martinez  cette  dif- 
ficile mission.  Mais,  malgré  ses  efforts,  10,000  doublons  seulement 
rentrèrent.  Cependant,  le  reste  de  la  somme  s'accroissait  par  suite 
des  frais  d'entretien  du  commissaire  royal  et  d'autres  dépenses. 
Afin  de  déterminer  le  roi  à  renoncer  au  reste,  la  municipalité  ré- 
solut d'envoyer  une  personne  de  confiance  au  régent,  qui  le  prie- 
rait instamment  de  s'en  tenir  là,  eu  égard  aux  dépenses  causées 
par  le  séjour  du  roi  à  Gordoue  et  par  l'entretien  du  commissaire 
et  de  son  secrétaire.  Le  25  avril  1398,  le  roi  repoussa  la  demande 
et  déclara  qu'il  ne  consentirait  pas  à  la  diminution  d'un  mara- 
védi.  Quant  à  dédommager  les  Juifs  dépouillés  et  les  enfants  des 
Juifs  massacrés,  ni  le  roi  ni  la  municipalité  n'y  songèrent  un 
instant. 

En  1400,  une  épidémie  éclata  à  Gordoue,  qui,  de  mars  à  juin,  fit 
sept  mille  victimes.  Beaucoup  de  ceux  qui  avaient  pris  part  à  la 
persécution  des  Juifs  périrent  ;  beaucoup  des  condamnés  avaient, 
pour  échapper  à  l'épidémie,  pris  la  fuite.  Dès  lors,  il  n'y  avait 
pas  lieu  de  penser  à  récupérer  les  4,500  doublons  d'or  réclamés 
par  provision.  La  municipalité  tenta  une  nouvelle  démarche 
auprès  du  roi  pour  obtenir  qu'il  renonçât  au  reste.  Mais  le  roi 
tint  bon.  A  la  date  du  20  mars  1401,  il  décréta  que  les  biens  sai- 
sis seraient  immédiatement  mis  en  vente  et  que  les  héritiers  des 
défunts  seraient  contraints  au  payement  des  sommes  imposées  à 
leurs  parents.  Tous  ceux  qui  avaient  quitté  la  ville  devaient 
être  forcés  à  acquitter  leur  dû  dans  leurs  résidences  provisoires  ; 
s'ils  étaient  sans  ressources,  on  devait  s'emparer  de  leur  per- 
sonne, les  conduire  à  Gordoue  et  les  garder  prisonniers  jusqu'à  ce 
qu'ils  eussent  rempli  leurs  obligations  *. 

Plus  le  roi  pressait  pour  le  paiement  de  l'amende,  plus  les 
Gordouans  résistaient.  Toutes  les  menaces  restèrent  sans  effet- 
Sur  ce,  D.  Enrique  mourut  à  la  fin  de  l'année  1406.  Les  meur- 
triers des  Juifs  demeurèrent  impunis. 

1  Boletin,  XXXVIII,  309  et  suiv. 


26  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 


II.  Les  auto-da-fé  a  Cordoue. 

Pendant  plusieurs  siècles  Cordoue  vit  chaque  année  se  dresser 
deux  grands  auto-da-fé  et  presque  chaque  mois  de  petits.  Dans  ces 
petits  auto-da-fé  ne  paraissaient  ordinairement  que  dix  à  vingt 
personnes  en  habits  de  pénitents.  Le  nombre  des  relations  im- 
primées qui  racontent  ces  faits  est  proportionnellement  infime. 

Parmi  les  nombreux  auto-da-fé  qui  furent  célébrés  à  Cordoue, 
dans  la  pleine  acception  du  terme,  l'un  des  plus  fameux  est  celui 
du  29  juin  1665.  Il  y  parut  cinquante-cinq  personnes,  dont  trois 
étaient  condamnées  au  bûcher;  quinze  furent  brûlées  en  effigie; 
vingt  et  un  hommes  et  femmes  furent  exposés  avec  le  san-benito. 
En  ce  jour,  Jorge  Mendez  de  Castro,  un  Portugais,  qui  habitait 
Cordoue,  monta  sur  le  bûcher  avec  sa  femme;  Domingo  Rodriguez 
de  Caceres,  qui  avait  été  également  condamné  à  la  mort  par  le 
feu,  fut,  par  grâce  et  pitié,  étranglé  d'abord,  puis  jeté  dans  les 
flammes. 

L'auto-da-fé  était  regardé  comme  une  grande  fête,  pour  laquelle 
les  chevaliers  et  les  représentants  des  localités  voisines  recevaient 
des  invitations.  Par  une  députation  spéciale  les  chevaliers  et  les 
grands  de  la  ville  de  Xérès  de  la  Frontera  avaient  été  solennelle- 
ment invités  au  grand  auto-da-fé  de  Cordoue;  ils  acceptèrent  l'in- 
vitation avec  joie.  On  réserva  les  fenêtres  des  maisons  situées  à 
proximité  du  tribunal  de  l'Inquisition  et  du  lieu  du  supplice  aux 
plus  nobles  de  la  ville  et  à  leurs  femmes.  Le  sexe  tendre  se  ré- 
jouissait au  spectacle  d'un  auto-da-fé  comme  à  celui  d'un  combat 
de  taureaux. 

Lors  du  grand  auto-da-fé  du  29  juin  1665,  qui  dura  du  matin 
sept  heures  à  neuf  heures  du  soir,  la  ville  s'était  préoccupée  de 
pourvoir  à  la  faim  et  à  la  soif  des  inquisiteurs  et  dignitaires  de 
l'Eglise,  de  la  cour,  des  chevaliers  et  des  grands.  On  comprend  à 
peine  aujourd'hui  comment  ces  hommes  pouvaient,  lors  de  la  pro- 
clamation de  la  sentence,  avoir  l'âme  et  le  cœur  assez  solidement 
assis  pour  absorber  une  telle  quantité  de  nourriture.  On  con- 
somma quatre  veaux,  huit  gros  jambons,  trente  livres  de  viande  de 
mouton  et  de  truffes,  cent  quatre-vingt-six  poulets,  de  grands 
paniers  remplis  de  cerises  et  de  pommes,  une  masse  de  biscuits,  de 
confitures,  etc.,  et  avec  cela  du  vin  et  d'autres  boissons  à  profu- 
sion. En  la  circonstance,  la  ville  de  Cordoue  dépensa  des  sommes 
considérables.  D.  Rafaël  Ramirez  de  Arellano  a  retrouvé  dans  les 


NOTES  SUR  L'HISTOIRE  DES  JUIFS  EN  ESPAGNE  127 

archives  de  la  ville  de  Cordoue  le  compte  détaillé  de  ces  dépenses 
et  il  Ta  publié;  c'est  là  une  contribution  importante  à  l'histoire  de 
l'Inquisition  ».  L'auto-da-fé  du  29  juin  1665  entraîna  des  dépenses 
qui  ne  s'élevèrent  pas  à  moins  de  392,616  maravédis.  Si  chaque 
auto-da-fé  a  coûté  aussi  cher,  on  conçoit  que  la  situation  financière 
du  pays  soit  devenue  si  florissante!  Les  prisonniers  de  l'Inquisition 
n'étaient  pas  à  la  charge  de  l'Etat;  ils  devaient  suffire  eux-mêmes 
à  leurs  dépenses.  Lorsqu'ils  ne  possédaient  rien,  ils  s'obligeaient 
à  acquitter  les  frais  de  leur  entretien,  dès  qu'il  leur  serait  possible 
de  le  faire.  Beaucoup  languissaient  pendant  des  années  dans  les 
prisons  de  l'Inquisition,  n'ayant  pour  se  soutenir  que  le  pain  et 
l'eau  ». 

D.  Luis  Maria  Ramirez  de  las  Casas  Deza  a  réuni  les  auto-da-fé 
tenus  à  Cordoue  et  il  les  a  publiés  à  Cordoue  en  1639  sous  le  pseu- 
donyme de  Gaspar  Matute  y  Luquin  3.  D.  R.  Ramirez  de  Arellano 
y  a  ajouté  ceux  qui  avaient  échappé  à  D.  Luis  Maria 4. 

Lors  de  l'auto-da-fé  du  6  juillet  1666  parurent  vingt-trois  ju- 
daïsants,  hommes  et  femmes.  Le  12  avril  1722,  d'après  la  Rela- 
cion  imprimée,  Diego  de  Herrera,  âgé  de  cinquante-cinq  ans;  Juan 
Nicolas  Lopez  de  la  Pefïa,  âgé  de  vingt-sept  ans;  Catalina  de 
Reyna  y  Médina,  âgée  de  cinquante-huit  ans,  veuve  de  Francisco 
Gabriel  de  Torres  de  Bordeaux,  et  Antonio  Gabriel  de  Torres,  son 
fils,  âgé  de  vingt-quatre  ans,  furent  brûlés  vifs  pour  pratique  du 
judaïsme.  Ce  dernier,  près  de  la  mort,  implora  la  grâce  de  Dieu  et 
ne  permit  pas  au  bourreau  de  lui  lier  les  jambes.  La  douleur  de  ce 
jeune  homme  de  vingt-quatre  ans  fut  «  un  sujet  de  grand  plaisir 
et  d'édification  »,  comme  il  est  dit  expressément5.  Sept  autres 
personnes  furent  condamnées  à  la  prison  perpétuelle;  l'une  d'elles 
était  Josépha  de  Torres,  parente  de  celui  qui  avait  été  brûlé. 

Le  13  juin  1723,  cinq  personnes  :  un  commerçant  âgé  de 
soixante-trois  ans,  Miguel  de  Soto  y  Herrera,  de  Bordeaux  ;  les 
marchands  de  soieries,  Juan  Fernandez  Dias,  de  Colmenar  près 
Malaga,  et  Juan  Félix  Fernandez  de  Grenade  ;  Simon  de  Molina  de 
Malaga,  âgé  de  soixante-quatre  ans,  et  un  jeune  cordonnier  furent 
brûlés  à  Cordoue  pour  avoir  pratiqué  le  judaïsme.  Diego  Antonio 
Muntanes,  qui  était  mort  à  soixante  ans  dans  une  prison  de  l'In- 
quisition, fut  brûlé  en  effigie  ;  plusieurs  de  ses  proches,  ainsi  que 

1  Boletin  de  la  r.  Academia  de  Historia,  XXXVIII,  171  et  suiv. 

*  Boletin,  205  et  suiv. 

3  Coleccion  de  autos  générales  y  particulares  de  fe,  celebrados  por  el  tribunal  de  la 
Inquisition  de  Cordoba,  Gordoba,  Noguer  y  Mante,  14  de  Mayo  1639,  et  non  1636, 
comme  l'indique  M.  Adler  dans  Jetoish  Quarterly  Review,  avril  1901,  p.  429. 

*  Boletin,  p.  164  et  suiv. 

5  Gran  consuelo  y  ediûcacion  de  todo  el  pueblo. 


128  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

la  femme  de  Juan  Fernandez  Dias,  furent  condamnés  à  la  prison 
perpétuelle. 

Dix  mois  après,  le  23  avril  1724,  Maria  Fernandez,  femme  de 
Juan  Félix  Fernandez  ci-dessus  nommé,  qui  mourut  «  en  obser- 
vant fidèlement  la  loi  mosaïque»,  fut  brûlée  en  effigie  avec  son 
père,  Francisco  Fernandez,  et  deux  autres  personnes,  tandis  que 
Bernardo  Philipp  de  Soria  de  Caceres,  Diego  Joseph  Ramos  dit 
Diego  de  Acosta,  un  Portugais,  et  deux  autres  marranes  étaient 
brûlés  vifs.  Seize  judaïsants,  parmi  lesquels  les  médecins  Diego 
del  Aguila  et  Gabriel  de  Anabia,  ainsi  que  Margaretha  Pimentel 
de  Flandres,  âgée  de  quarante-deux  ans,  furent  condamnés  à 
la  prison  perpétuelle  f. 

Ce  n'est  que  vers  la  fin  du  xvine  siècle  que  se  tint  à  Gordoue  le 
dernier  auto-da-fé. 

M.  Kayserling. 

1  La  Relation  de  cet  auto-da-fé  a  été  imprimée. 


NOTES  ET  MÉLANGES 


DE   LA   CONSÉCRATION 

(LÉVITIQUE,  XXVII,  1-24) 

Le  dernier  chapitre  du  Lévitique  contient  les  règles  relatives  à 
la  consécration  des  personnes,  des  meubles  et  des  immeubles.  Ces 
règles,  en  elles-mêmes  fort  simples,  présentent  cependant  des 
obscurités,  parce  que  le  texte  n'indique  pas  nettement  ce  que 
deviennent  les  biens  consacrés  et  pourquoi  il  est  nécessaire  d'en 
estimer  la  valeur.  Nous  allons,  pour  essayer  de  résoudre  ces  diffi- 
cultés, passer  en  revue  les  différents  cas  de  consécration  figurant 
dans  ce  chapitre. 

Premier  cas  :  Consécration  des  personnes  (v.  1-8).  Le  texte 
détermine  la  valeur  d'une  personne  d'après  son  sexe  et  son  âge. 
Si  le  donateur  est  trop  pauvre,  le  prêtre  réduit  la  taxe.  Il  va  de 
soi  que  celui  qui  consacre  sa  personne  n'a  qu'à  payer  au  sanctuaire 
la  somme  fixée  par  le  texte  et  que  lui-même  reste  maître  de  son 
corps. 

Deuxième  cas  :  Consécration  d'une  bête  qu'on  peut  offrir  sur 
l'autel  (v.  9-10).  Une  fois  son  engagement  prononcé,  le  donateur 
n'a  plus  le  droit  de  changer  la  bête  pour  une  autre.  Le  texte  ne 
dit  pas  ce  qu'on  doit  faire  de  la  bête.  D'après  le  Mischna  {Sche- 
qalim,  iv,  7),  quoique  d'ordinaire  les  consécrations  non  explicites 
soient  destinées  à  la  caisse  du  temple  (Ternoura,  vu,  2),  ici  la  bête 
est  consacrée  pour  l'autel.  Selon  R.  Eliézer,  on  vend  la  bête  pour 
offrir  avec  son  produit  des  sacrifices,  et  la  bête  elle-même  doit 
être  offerte  en  sacrifice  par  son  acheteur.  D'après  R.  Josué,  la 
bête,  si  c'est  un  mâle,  est  offerte  sur  l'autel  (pour  le  service  du 
temple).  M.  Wogue,  Pentateuque,  a.  I.,  écrit  :  «  L'animal  offrable 

T.  XLIII,  n°  85.  Ç 


130  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

qu'on  aurait  voué  à  la  caisse  du  temple,  c'est-à-dire  dont  on  aurait 
offert  le  produit  à  cette  caisse,  est  «  chose  sainte  »,  en  ce  sens 
que,  si  on  le  rachète,  on  n'en  a  pas  la  disposition,  mais  il  doit  être 
sacrifié.  »  Il  est  curieux  que  M.  Wogue,  si  fidèle  d'ordinaire  à  la 
tradition  talmudique,  ait  donné  comme  explication  normale  un 
cas  présenté  par  le  Talmud  comme  illégal  (v.  Maïmonide,  Hilhhot 
Arakhin,  v,  5\  à  savoir  celui  où  le  donateur  dit  clairement  que 
l'animal  est  destiné  à  la  caisse  du  temple.  C'est  seulement  dans  ce 
cas  qu'il  peut  y  avoir  rachat.  Quoi  qu'il  en  soit  des  interprétations 
talmudiques,  le  texte  ne  disant  pas  que  la  valeur  de  la  bête  doive 
être  estimée  et  ne  parlant  pas  de  rachat,  il  en  résulte  que  la  bête 
consacrée  est  purement  et  simplement  remise  aux  prêtres,  qui 
l'utilisent  pour  les  sacrifices.  Telle  est  aussi  l'opinion  des  exégètes 
modernes  (v.  Dillmann,  a.  I.). 

Troisième  cas  :  Consécration  d'une  bête  impropre  à  l'autel  (v. 
11-13).  La  bête  est  présentée  au  prêtre,  qui  en  estime  la  valeur. 
Le  propriétaire  a  le  droit  de  la  racheter  en  ajoutant  un  cinquième. 
M.  Wogue  écrit  :  «  L'animal  sera  vendu  (pour  l'usage  commun  et 
au  profit  de  la  caisse  sacrée)  au  prix  fixé  par  le  prêtre  ni  plus  ni 
moins.  »  Knobel,  suivi  par  Dillmann,  s'exprime  ainsi  ;  «  La  bête 
ne  devient  pas  sacrée,  mais  passe,  au  moyen  de  la  vente,  dans  une 
main  étrangère.  »  On  voit  ici  que  l'interprétation  talmudique,  qui 
répond  plutôt  aux  nécessités  de  la  pratique  qu'à  celles  de  l'exé- 
gèse, a  pénétré  même  dans  la  critique  moderne.  Le  texte  lui-même 
ne  parle  pas  de  la  vente  de  l'animal.  Si  le  prêtre  doit  estimer  la 
valeur  de  la  bête,  c'est  parce  que  le  propriétaire  peut  demander  à 
la  racheter,  et  qu'il  est  bon  qu'un  accord,  fait  au  moment  de  la 
donation,  écarte  les  difficultés  pour  l'avenir.  Mais  il  nous  paraît 
inadmissible  que  la  taxation  faite  par  le  prêtre  lie  à  tout  jamais 
le  sanctuaire  lui-même.  Il  est  plus  naturel  de  penser  que  la  bête 
est  remise  au  sanctuaire,  qui  l'utilise  à  son  gré.  Si  le  propriétaire 
veut  la  reprendre  au  sanctuaire,  il  doit  la  racheter  en  payant  un 
cinquième  en  sus  du  prix  fixé  immédiatement  par  le  prêtre. 

Quatrième  cas  :  Consécration  d'une  maison  (v.  14-15).  Le  prêtre 
estime  la  valeur  de  la  maison  et,  si  le  propriétaire  la  rachète,  il 
est  tenu  de  donner  un  cinquième.  Le  mot  ûip"1  p  du  verset  14  a 
évidemment  le  même  sens  que  n^n^  p  du  verset  12.  La  valeur, 
une  fois  fixée,  ne  pourra  être  modifiée  quand  plus  tard  le  proprié- 
taire voudra  racheter  sa  maison.  M.  Wogue  traduit  ûip"1  p  :  «  la 
maison  sera  acquise  »  et  ajoute  en  note  :  «  à  toute  personne  tierce 
qui  voudra  l'acheter,  le  produit  étant  affecté,  selon  le  vœu  du 
donateur,  à  la  caisse  du  temple,  c'est-à-dire,  explique  toujours  le 
Talmud,  à  l'entretien  de  l'édifice  ».  L'explication  de  ûnp  nous 


NOTES  ET  MELANGES  131 

paraît  fausse,  et  le  texte  ne  parle  pas  plus  de  vente  ici  que  plus 
haut.  Dillmann  dit  aussi  que  la  maison  doit  être  vendue,  et  commet 
la  même  erreur  que  M.  Wogue  pour  tnp\  car  il  renvoie  à  xxv, 
30,  où  il  y  a  rmpb  ...dpi.  Le  complément  nnpb  donne  là  au  verbe 
tnp  un  sens  tout  autre  que  dans  notre  passage. 

Cinquième  cas  :  Consécration  d'un  champ  patrimonial  (v.  16-21). 
La  valeur  d'un  champ  est  fixée  à  cinquante  sicles  pour  une  super- 
ficie où  l'on  sème  un  homer  de  blé  et  pour  une  période  jubilaire 
complète.  Si  la  période  jubilaire  est  plus  ou  moins  avancée,  la 
valeur  du  champ  en  sera  d'autant  réduite4.  Si  le  propriétaire 
rachète  le  champ,  il  ajoute  un  cinquième  et  le  champ  lui  appar- 
tient. Mais  s'il  ne  le  rachète  pas  et  s'il  a  vendu  le  champ  à  un 
étranger,  il  ne  sera  plus  racheté.  Au  jubilé,  le  champ  sera  consa- 
cré à  Dieu,  comme  une  terre  interdite,  et  appartiendra  au  prêtre. 
Les  mots  que  nous  avons  soulignés  sont  obscurs,  car  ils  semblent 
se  rapporter  au  donateur  ;  mais  comment  le  donateur  peut-il 
vendre  un  champ  qui  ne  lui  appartient  plus?  D'après  M.  Wogue, 
le  champ  consacré  est  vendu  par  la  caisse  du  temple  et  appartient 
à  l'acheteur  jusqu'au  jubilé.  Avant  cette  vente,  le  donateur  a  droit 
de  rachat,  mais,  après,  il  est  déchu  de  son  droit  (-Dtt  ûêo  se  rap- 
porte à  l'administrateur  de  la  caisse  du  temple).  D'après  Dillmann, 
le  propriétaire  paye  le  prix  du  champ  et  le  garde  à  la  condition  de 
ne  pas  le  vendre  à  autrui.  S'il  le  rachète,  il  paye  un  cinquième  en 
plus.  Mais  s'il  ne  le  rachète  pas  et  qu'il  le  vende  cependant  à  un 
autre,  le  champ  appartient  au  sanctuaire  au  moment  du  jubilé. 
Cette  interprétation  est  tout  à  fait  forcée.  En  effet,  si  le  proprié- 
taire garde  le  champ,  pourquoi  ne  peut-il  pas  le  vendre?  et  s'il  ne 
lui  appartient  pas,  pourquoi  le  garde-t-il  ? 

Les  commentateurs  rabbiniques  ne  semblent  pas  être  d'accord 
sur  ce  que  devient  le  champ.  Maïmonide  (ib.,  iv,  20)  écrit  que,  si 
le  donateur  rachète  le  champ  avant  le  jubilé,  le  champ  lui  fait 
retour.  Raabad,  dans  ses  hassagot,  déclare  qu'il  ne  comprend 
pas  cette  expression  de  Maïmonide,  puisque  le  propriétaire  a  le 
champ.  L'observation  de  Raabad  prouve  que,  d'après  lui,  le  pro- 
priétaire paye  le  champ  et  le  garde,  mais  Maïmonide  admet,  sans 
aucun  doute,  que  le  champ  est  cédé  à  l'intendant  du  temple.  Il  n'y 
a,  en  effet,  aucune  raison  pour  que  le  propriétaire  le  garde. 

Ici,  malgré  la  construction  apparente  de  la  phrase  du  verset  20, 
nous  croyons,  avec  M.  Wogue,  que  les  mots  "Dtt  ûêo,  etc.,  visent 
une  vente  opérée  par  le  sanctuaire.  L'emploi  du  passé  *OT3  après 

1  M.  Wogue  rapporte  le  suffixe  de  ")b  dans  ")b  3tf)m  à  l'acheteur  ou  au  champ, 
ce  qui  est  contraire  à  toute  vraisemblance. 


132  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

le  futur  •wbaîp  nous  paraît  être  un  indice  que  le  sujet  du  second 
verbe  n'est  pas  le  même  que  celui  du  premier  4.  Seulement,  d'après 
nous,  cette  phrase  ne  vient  pas  restreindre  le  droit  de  rachat  du 
propriétaire  pendant  la  période  jubilaire,  mais  elle  a  pour  but 
d'insister  sur  ce  que  ce  droit  de  rachat  expire  totalement  avec  le 
jubilé  :  Quand  même  le  sanctuaire  aurait  aliéné  le  champ  pendant 
la  période  jubilaire  et  l'aurait  vendu  à  un  étranger,  le  jubilé  ne 
rendra  pas  au  propriétaire  primitif  son  droit  de  possession,  mais 
fera  retourner  le  champ  à  l'administration  sacerdotale.  Donc,  à 
défaut  de  rachat  pendant  la  période  jubilaire  où  a  lieu  la  consé- 
cration, l'immeuble  appartient  pour  toujours  au  sanctuaire  :  il  ne 
sera  plus  racheté.  C'est  ce  que  dit  clairement  le  verset  21  :  «  Quand 
le  champ  sort  (des  mains  de  l'acheteur)  au  jubilé,  il  sera  consacré 
à  Dieu  comme  un  champ  interdit  et  deviendra  patrimoine  sacer- 
dotal. »  De  la  sorte,  le  patrimoine  d'un  laïque  peut  être  aliéné  au 
profit  du  sacerdoce.  D'après  R.  Juda,  les  prêtres,  au  moment  du 
jubilé,  paient  (à  la  caisse  du  temple)  pour  prendre  possession  du 
champ.  D'après  R.  Siméon,  ils  le  prennent  sans  rien  payer  ;  enfin, 
d'après  R.  Eliézer,  le  champ  reste  sans  possesseur  particulier  jus- 
qu'à ce  qu'il  soit  racheté  [Arahhin,  vu,  4).  Il  semble  que  ce  der- 
nier docteur  ait  voulu  empêcher  l'aliénation  définitive  du  patri- 
moine des  laïques. 

Sixième  cas  :  Consécration  d'un  champ  acquis  (22-24).  Ce  champ 
n'appartient  pas  en  réalité  au  détenteur,  de  sorte  que  celui-ci  ne 
peut  en  consacrer  que  l'usufruit.  Il  est  tenu  d'en  verser  immédia- 
tement la  valeur  fixée  par  le  prêtre.  Cette  indication  précise  du 
texte  montre  bien  que,  dans  le  cas  précédent,  le  donateur  ne  payait 
rien,  mais  livrait  son  champ,  et  que  l'estimation  de  la  valeur  en 
était  faite  en  vue  du  rachat. 

En  résumé,  le  texte  biblique  ne  dit  pas  que  la  caisse  du  sanc- 
tuaire doive  faire  vendre  les  biens  consacrés.  Mais  il  a,  dans  un 
cas,  envisagé  cette  éventualité  pour  prévenir  une  revendication 
du  donateur.  Aux  temps  talmudiques,  la  vente  des  biens  consacrés 
était  de  règle.  D'autre  part,  l'estimation  que  le  prêtre  fait  des 
immeubles  a  surtout  pour  but  de  régler  le  rachat  que  le  proprié- 
taire peut  opérer  dans  la  première  période  jubilaire. 

Mayer  Lambert. 


1  II  nous  paraît  probable  que  le  verbe  -Dft  devrait  être  ici  au  passif.  Nous  avons 
donné  dans  notre  article  sur  le  nifal  un  grand  nombre  d'exemples  de  la  substitution 
de  l'actif  au  passif  (Revue,  t.  XLI,  p.  203-4). 


NOTES  ET  MÉLANGES  133 


DEUX  LETTRES  D'EMANUEL  PORTO 


La  correspondance  des  Buxtorf,  conservée  à  la  Bibliothèque  de 
l'Université  de  Baie,  a  souvent  déjà  attiré  la  curiosité  des  savants. 
M.  Kayserling  en  a  donné  quelques  extraits  dans  cette  Revue 
(XIII,  260),  mais  personne  encore  ne  s'est  donné  la  peine  de  la 
publier  en  entier  ni  même  de  donner  une  liste  exacte  des  lettres, 
avec  des  renseignements  sur  lescorrespondants.  Je  n'ai  pas  la 
prétention  de  m'acquitter  de  cette  tâche  à  présent;  je  veux  seule- 
ment donner  ici  deux  lettres  d'Emanuel  Porto,  que  M.  H.  Gunz- 
burger,  de  Hegenheim,  a  copiées  pour  moi. 

L'existence  de  ces  deux  lettres  est  signalée  pour  la  première 
fois  par  Carmoly  dans  son  ï-rtv  -om  trnwtt,  Rôdelheim,  1861, 
p.  12.  Carmoly  prétend  les  avoir  vues  à  Bâle,  sans  donner  d'autre 
renseignement. 

D'après  lui,  Emanuel  Porto  s'appelait,  en  hébreu,  R.  Mena- 
hem  Zion  Raba  Port  ;  mais  dans  nos  lettres  il  se  nomme  Me- 
nahem  Zion  Port  Cohen.  Si  nous  ajoutons  encore  qu'il  fut 
rabbin  à  Trieste  et  à  Padoue  et  qu'il  mourut  vers  le  milieu  du 
xvii6  siècle,  c'est  à  peu  près  tout  ce  que  nous  savons  sur  sa 
vie.  Quant  aux  ouvrages  qu'il  a  composés,  Carmoly  en  cite 
quatre,  savoir  : 

1°  "imsb  -ûv  nss,  livre  de  mathématiques,  imprimé  à  Venise 
en  1627; 

2°  iiïtorti  -tfta  nso,  Porto  astronomico,  en  italien,  imprimé  en 
2  vol.  à  Padoue,  en  1637; 

3°  Brève  e  facil  introduzzione  alla  Geografia  et  Trigonometria, 
Padoue,  1640; 

4°  Dipluranologia  ;  explication  de  Jos.,  x,  13  et  d'Isaïe,  xxxviii, 
8.  M.  Steinschneider,  dans  son  article  Die  italienische  Litteratur 
der  Juden  [Monatsschrifl,  XL1II,  p.  419)  donne  comme  titre  hébreu 
du  Porto  astronomico  ûsrû'm  ûsrron  et  comme  date  de  l'impres- 
sion l'année  1636. 

C'est  surtout  le  quatrième  ouvrage  qui  nous  intéresse  en  ce 
moment.  Emanuel  l'avait  composé  d'abord  en  langue  italienne  et 
l'avait  dédié  à  l'empereur  Ferdinand  III.  Alors  il  s'adressa  à 
Buxtorf  afin  de  trouver  un  éditeur  ;  c'est  là  le  but  de  nos  deux 
lettres.  Mais  il  paraît  que  Buxtorf  ne  réussit  pas,  car  Emanuel 


134  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

traduisit  son  ouvrage  en  hébreu  et  en  envoya  le  manuscrit  à 
Lorenzo  Dalmaki,  qui,  de  son  côté,  le  traduisit  en  latin  et  le  pu- 
blia sous  le  titre  :  Dipluranologia,  qua  duo  Sacrse  Scriptural 
miracula  de  egressu  solis  tempore  Ezechise  et  immobilitate  lumi- 
narium  sub  Josue  declarantur.  Patavii,  1643,  in-4*. 

Ces  deux  lettres  datées  l'une  de  Padoue,  20  octobre  5402  (1641) 
et  l'autre  du  20  février  1642,  et  signées  Menahem  Zion  Port 
Cohen,  Emanuel  Porto  chez  les  chrétiens,  n'offrent  pas  un  grand 
intérêt.  L'auteur  demande  à  son  correspondant  de  faire  imprimer 
son  opuscule,  qui  traite  du  recul  de  l'ombre  sur  le  cadran  solaire 
d'Ezéchias,  et  de  l'arrêt  du  soleil  et  de  la  lune  au  temps  de  Josué. 
Gomme  la  première  lettre  est  restée  sans  réponse,  Emanuel  Porto 
en  envoie  une  nouvelle.  Il  demande  en  même  temps  s'il  pourrait 
acheter  à  Bâle  un  exemplaire  du  Talmud  et  à  quel  prix. 

M.   GlNSBURGER. 


1. 


î-mh  np"»  »pîn  .  NmTian  ^braia  ^b  itwt  rmt*  *]ynv  "W/atû 
•pïi  .ra^a  wn  bia  pi*iai  a^an  i"iiab"i  i-mn  iitob  .œTipîi  laaiûba 

n*tni  ^nbm  «b  p  b*  .irasm  rnm  rm  ûnb  w*  nira  rvman  n«  am« 
ntt?  r-nmb  *pD  ï-in  mibnb  .'■pnaa  ûti  ^cb  -ibs  a^rmraa  r^iab 
iir&a  *p3*^a  iw  t^iï-r  ont  îbrt  nson  by  ^bara  y*y  a  nia  a  n^an  Ton 
usa  abi?  n»b  inwarp  1*»b  a^a^an  nb  bs  nain  ^n  bab  i-npN 
vby  isnp^  a^mn  hiaaii  Ea??a  inmb  nDD'inrT  lana^  «btû  "paNN  .mai? 
ana  rnN  nb^N  ^aaK  .vbN  t^iNn»  tant*  "»aa  "na«  )^y  t^nn  -a  nmapb 
bisa  i«#iai  "ïamnb  yen  ^n  -hbn  nujrt  bs  rna^œn  D^a&otapj^an 
nDS^nn  -nna  tp*n  cmeo  tamiaah  i~HZ37an  ^  ">b  inbup  fca,»û,»BÉflattB 
iniN  rnn  bana  "ta^ab  ï-iabî-a  *>b  nnbta^  bina  T^aa  ODia  nnN  anaai 

'  T     :    T     : 

tara^^ai-t  Tmtna  ^mETa-n  r-iN7a  «pa»  ?hnt  ta  t|N  ,-iaTan  man  bs 
aina  Tbîi  "naoa  mrj  N£7a^  ^m^n  tat*  tsn  ,  nry-ji  r-navata  ba> 
ba>  naiy  *a&*  taafio  .pin»  ïa^wa  im  Stis11  t**b  pwb  "na-o  naapni  .t 
*nw*i  .•jrntob  "»aa  aia  &&n  .^marnas  Hoan  vœo  ba  ba>  .-"iotoïi  pin 
^aap  taa^taa  Htai  *5>a^3  vzyi  pi7a  ^N^an  ta^n  bai  .trépan  -ie-in 

lanab  ï-nnntt)Ni  "npfro  Tbttb 
rarnab  a'm  a^Dba  'n  para  naaisa  ar  a"nior  rtaTTàs 
■pan  tamimn  "pa  ^ara  t**npa  ]na  a-ns  fY»x  tafia»  ^mrab  pi» 

Emanuel  Porto  ^nfinpa  a^aïn 

r*4X72N  Nb*na  r-T72^  tza  ^ats  fi»  r-nbab  ^nmb  ^non  «a  w  p.  s. 

:  ts-i^nTan  tan73bn  mo  t^nt:  r-nspb 


NOTES  ET  MÉLANGES  13K 


II 


mnn  rbN  insmïti  ^t-in  btf  ea^miiBs  ^nio  tzrsnn  vhvs  Ht 
Vnptn  W3  *-nb*»  ira*  ramjn  bat  rhtn  ba>  irnàrno  mttbti  a*?:  13"© 
rnvnb  ^i-tn  ^mbm  .wiït  'ni  b^  rrmNttn  t-HEsm  ,s-tti!-p  ^bw 
^nbyw73  ^nœpn  es  a  .mab  irnfinarp  i*»b  ta^Dijah  b^N  ybEi  j-id  ^b 
ta*  Hnapb  tob^u  -n^bn  ab^ta  tara  t^£72-<  r^isttaïi  ta»  ^:*"m!nb 
ntUN  ^ma&tbn  nann  -msnb  -ib  r-nn  Ma  wn  r^b  nn*  tïî  ."TPïDa 
bab  s^toi  lapb  ïsaa  ytt*i©  bina  1^33?  t^aa  hpn*T  13  "j*^  .ihahp 
û^iia&n  "nm  ba  b*  "ptab  i-T3*tt  nitttt  ©p3N  ."Wn  I-tt  "'hana  pb  dtn 
litsm  ï^b  du)73  a^s-iEii  aiara  .i-rua*b  s — 173  :na  ï*tfb  ib«  D^T-in&n 
^•hn  m**  *na*N  -on  ï-ito  ^rm  .  ib«  mb^baa  mab  "D&oariN  .  lo^inb 
rm  barri  ,vms»  -nfciab  nrs***  Tn»*»*)  b*i  »*afciâ  hra*s  tsabiyb 
i-nnbsrrrr  Tina  b*  ^ns  ns  r-ib*"»  bbcnj*  ti  babi  iianc  "jnb  ^b 
pan  taiis  Tnsr  esron  banu^a  *sriph  in&wri  nny  ysnai  i^ana 

Emanuel  Porto  to"Wrî  "p31 

:  r-r-p^b  3m  a^abN  niann  nsia  "nemaya  a  h  tsm  3ms 


NOTE  SUR  UNE  FAMILLE  JUIVE  DE  NOVELLARA  (ITALIE) 


La  plus  jeune  sœur  cTOlinde  Rodrigues,  Amélie,  belle-mère  de 
M.  Alexandre  Bertrand,  membre  de  l'Institut,  et  cousine  germaine 
d'Emile  et  d'Isaac  Pereire,  est  morte  à  Saint-Germain-en-Laye, 
en  1900,  à  l'âge  de  quatre-vingt-huit  ans.  Elle  avait  épousé,  vers 
1838,  M.  Abélard-Servandio  Lévy,  né  à  Paris  le  14  novembre  1795, 
qui  fut  élève  de  l'École  Normale  supérieure,  professeur  de  ma- 
thématiques spéciales  au  Lycée  Charlemagne,  maître  de  con- 
férences à  l'École  Normale;  il  mourut  au  Pecq  (Seine-et-Oise) 
en  1841. 

Servandio  avait  fait  de  brillantes  études  sous  le  premier  Em- 
pire: il  eut  le  prix  d'honneur  de  mathématiques  et  le  deuxième 
prix  de  physique  au  Concours  général.  En  1816,  à  sa  sortie 
de  l'École  Normale,  où  il  avait  été  admis  en  1813,  il  fut  «  chargé 
d'une  mission  scientifique  »  à  l'île  Bourbon,  et  embarqué,   par 


136  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

ordre  du  ministre  de  la  marine  et  des  colonies,  «  sur  la  flûte  de 
S.  M.,  V Eléphant  »,  avec  droit  de  participer  à  la  table  de  l'état- 
major  (ordre  du  28  août  1816,  signé  Edme  Maaduit,  au  nom  du 
conseiller  d'État  chargé  de  la  direction  supérieure  de  l'adminis- 
tration des  colonies).  Ce  n'était  pas  là  une  faveur  :  on  envoyait 
Lévy  professer  à  l'île  Bourbon  parce  qu'on  ne  voulait  pas,  sous  la 
Restauration,  donner  une  place  dans  un  lycée  ou  collège  français 
à  un  Israélite  * . 

Le  navire  qui  portait  Lévy  fut  assailli  par  la  tempête  au 
sortir  du  port  de  Rochefort,  et  jeté  sur  la  côte  d'Angleterre  à 
Plymouth.  Le  jeune  savant  résolut  de  se  fixer  dans  ce  pays,  où 
il  fut  bientôt  accrédité  par  les  recommandations  de  maîtres 
illustres,  en  particulier  d'Haùy.  Ii  y  passa  dix  ans,  trouvant 
des  ressources  dans  l'enseignement  privé  ;  puis,  marié  et  père 
de  famille,  il  accepta  une  place  de  lecteur  à  l'Université  de 
Liège.  Deux  ans  après  survint  la  Révolution  de  juillet,  qui  lui 
rouvrit  la  porte  de  l'enseignement  dans  son  pays.  Revenu  en 
France,  il  fut  nommé  professeur  de  mathématiques  au  Lycée 
Gharlemagne.  En  1834,  il  perdit  sa  femme  et  se  remaria,  en 
1838,  avec  la  sœur  de  son  camarade  de  collège,  géomètre  dis- 
tingué comme  lui,  Olinde  Rodrigues.  Dans  le  monde  savant, 
Lévy  était  surtout  estimé  comme  minéralogiste,  bien  que  les 
publications  qu'on  lui  doit  portent  également  sur  les  mathéma- 
tiques supérieures2. 

Le  savant  dont  il  vient  d'être  question  était  fils  de  Lazare  Lévi 
(sic),  qui  mourut  à  Paris,  où  ii  exerçait  le  commerce,  vers  1824. 
Lazare  Lévi  avait  épousé  une  catholique,  Marie-Thérèse-Élisabeth 
Mailfert,  née  le  2  juillet  1764,  à  Laon,  morte  à  Paris  le  27  mars 
1833,  au  n°  54  de  la  rue  Culture-Sainte-Catherine.  J'ai  sous  les  yeux 
l'extrait  des  registres  de  baptême  de  la  paroisse  de  Saint-Pierre- 
le- Vieil,  de  la  ville  de  Laon,  signé  de  Deguin,  prêtre,  et  constatant 
le  baptême  de  la  demoiselle  Mailfert,  fille  de  Jean-Marie-François, 
maître  entrepreneur  de  bâtiments,  et  de  Marie-Madeleine  Bertou. 
Il  est  singulier  et  non  sans  intérêt  qu'un  Juif  italien,  marchand 
ambulant,  ait  pu  épouser,  vers  la  fin  du  xvme  siècle,  une  catho- 
lique française  et  avoir  d'elle  des  enfants  qui  furent  élevés  dans 
le  judaïsme. 

Sur  Lazare  Lévi,  Mme  veuve  Servandio  Lévy  possédait  une  pièce 

1  Voir  la  biographie  de  Lévy  publiée  dans  les  Nouvelles  Annales  de  Mathématiques, 
juin  1843. 

*  Description  de  la  collection  de  M.  Turner-Heulard,  3  vol.  in-8  avec  atlas;  Diffe- 
rential  and  intégral  calculus  ;  nombreux  articles  dans  les  revues  scientifiques  d'Edim- 
bourg, la  Correspondance  mathématique  de  Quételet,  etc. 


NOTES  ET  MELANGES  137 

dont  j'ai  eu  communication  par  son  gendre,  M.  Al.  Bertrand,  et 
d'où  résulte  ce  qui  suit  : 

Léon  Lévi  dit  Lazare  naquit  vers  1752  à  Novellara,  ville  qui 
fat  réunie  au  duché  de  Modène  en  1757  et  passa  sous  la  domination 
de  la  maison  d'Esté.  Vers  1768,  il  quitta  Novellara  pour  exercer  le 
commerce  et  n'y  revint  que  douze  ans  après,  en  1780,  proba- 
blement sans  aucun  papier  d'identité.  Il  pria  alors  deux  notables 
négociants  israélites,  appartenant  aux  premières  familles  de  la 
communauté  de  Novellara  (mercanti  ebrei  e  délie  primarie  fa- 
miglie  delV  université  di  Novellara),  Abram  Namyas  dit  Isacco 
Elia  et  Abram  Segré  dit  Iseppe  Miracolo,  de  comparaître  avec  lui 
comme  témoins  devant  le  notaire  public  de  Novellara,  Vincenzo 
Battistini,  dans  le  couvent  supprimé  des  Frères  Servîtes,  et 
d'attester  sous  la  foi  du  serment  —  Vuno  dopo  delV  altro,  secata 
la  penna  alV  uso  ebraico  —  qu'il  avait  vingt-huit  ans  à  peu  près, 
était  originaire  de  Novellara  et  n'avait  commis,  pendant  son  séjour 
dans  cette  ville,  aucun  acte  délictueux.  En  foi  de  quoi  le  notaire 
lui  délivra  un  acte  sur  parchemin,  revêtu  de  son  sceau  aux 
initiales  V.  B. 

Novellara,  d'après  l'annuaire  israélite  italien  de  1901,  compte 
actuellement  trente  Israélites.  Les  expressions  employées  dans 
l'acte  semblent  prouver  que  cette  communauté  était  autrefois  plus 
considérable.  Quant  à  la  prestation  de  serment  more  judaico, 
dont  il  y  est  question,  j'éprouvais  de  l'embarras  à  en  rendre  compte 
et  me  suis  adressé,  pour  obtenir  une  explication,  à  M.  le  Grand- 
Rabbin  de  Florence.  M.  Margoulies  m'a  répondu  qu'il  s'agit  évi- 
demment d'un  serment  par  écrit  et  que  l'expression  employée  «  la 
plume  ayant  été  taillée,  à  la  mode  judaïque  »  fait  allusion  à  l'opé- 
ration que  devait  subir  une  plume  d'oie  pour  devenir  propre  à 
tracer  des  caractères  hébraïques  carrés.  Mon  correspondant 
ajoute  :  «  Aujourd'hui  encore,  à  cet  effet,  on  taille  la  plume  un  peu 
obliquement.  » 

Le  14  septembre  1780,  l'acte  délivré  par  Battistini  fut  certifié 
authentique  par  Blasius  Beccaluva  {cancellarius  coadjator)  et 
muni  d'une  empreinte  du  sceau  de  la  commune,  Commvnitas  (le 
nom  de  la  ville  est  illisible  sur  l'empreinte). 

A  la  troisième  page  du  même  document,  A.  Rota,  prêtre,  vicaire 
général  de  l'évêque  de  Reggio,  archidiacre  de  la  cathédrale, 
atteste  que  Vincent  Battistini  est  bien  le  notaire  public  de  Novel- 
lara et  mérite  toute  créance.  Cette  attestation  est  datée  de  Reggio 
d'Emilia,  chef-lieu  de  la  province  à  laquelle  appartenait  Novel- 
lara, le  15  septembre  1780,  signée  d'A.  Rota,  suivie  du  sceau 
du  signataire  :  Andréas  rota  vicarius  generalis  regii    et    de 


138  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

la  signature  du  notaire  épiscopal ,  de  la  môme  écriture  que 
l'attestation. 

Au  bas  de  la  même  page  sont  trois  visas  en  français,  établissant 
que  Lazare  Lévi  se  rendit,  en  1781,  de  Novellara  en  France,  pour 
y  exercer  le  négoce  de  ville  en  ville  : 

1°  Vu  passer  à  (mot  illisible)  et  permis  d'y  vendre  pendant 
deux  jours,  le  18  juillet  1781.  (Signé)  Deroullède  com(missai)re 
de  police. 

2°  Vu  passer  à  Montereau  et  permis  de  vendre  pendant  trois 
jours  auplus>  le  22  juillet  1781.  (Signé)  Fauquet. 

3°  Vu  passer  à  Sens,  permis  de  vendre  le  2$  juillet  1781. 
(Signé)  illisible,  maire. 

C'est  sans  doute  au  cours  d'un  de  ses  voyages  que  Lazare  Lévi 
épousa  Mlle  Mailfert,  de  Laon;  je  n'ai  pas  retrouvé  Pacte  de  ma- 
riage qui  permettrait  de  préciser  la  date  à  laquelle  un  Juif  pouvait, 
sans  se  convertir  préalablement,  épouser  une  catholique. 

Salomon  Reinach. 


BIBLIOGRAPHIE 


Weinstein  (N.-J.).  Zur  Genesis  der  Agada.  II.  Band  :  Die   Alexandrimsche 
Agada.  Francfort,  KaufFmann,   1900;   in-8°  de  275  p. 

Le  présent  ouvrage  s'annonce  comme  la  seconde  partie  d'une  étude 
portant  le  titre  général  :  Zur  Genesis  der  Agada  «  Contribution  à 
l'histoire  de  la  formation  et  du  développement  de  la  littérature  tal- 
mudique  ».  Sur  la  première  partie,  qui  doit  être  publiée  ultérieure- 
ment, nous  trouvons,  dans  la  courte  préface,  cette  indication, 
qu'elle  traitera  de  «  l'Agada  ancienne  se  mouvant  dans  la  voie  des 
Sopherim  ».  La  seconde  partie  a  comme  titre  spécial  :  Die  Alexandri- 
nische  Agada.  L'auteur  ne  veut  pas  désigner  par  là  l'Agada  des  Juifs 
alexandrins,  mais  les  éléments  alexandrins  de  l'Agada  conservés 
dans  la  littérature  juive  traditionnelle,  à  savoir  le  Talmud  et  le  Mi- 
drasch.  Dans  son  introduction  (p.  9-10),  l'auteur  ne  dit  presque  rien 
du  plan  de  son  ouvrage.  De  fait,  cette  seconde  partie  se  divise  en 
quatre  études  distinctes,  qui  n'ont  entre  elles  qu'un  lien  très  faible 
et  qui  ont  pour  but  de  déterminer  l'influence  des  idées  alexandrines 
sur  le  judaïsme  palestinien  et  babylonien. 

La  première  et  la  plus  courte  de  ces  éludes  (p.  41-28)  a  pour  titre  : 
Die  Alexandrinische  geschichtliche  Agada  «  l'Agada  historique  alexan- 
drine  ».  Mais  cette  étude  n'emprunte  ses  matériaux  qu'à  une  seule 
production  de  la  littérature  judéo-alexandrine,  au  livre  de  la  Sa- 
pience  de  Salomon,  qui  appartient  aux  Apocryphes  de  la  Bible 
grecque;  elle  montre  que  dans  différents  passages  de  ce  livre  il  y 
a  de  Y  Agada  historique,  c'est-à-dire  des  enjolivements  et  des  déve- 
loppements de  l'histoire  biblique,  qui  se  retrouvent  aussi  dans  la 
littérature  talmudico-midraschique.  Il  y  a  en  tout  douze  passages 
de  la  Sapience  que  l'auteur  peut  rapprocher  de  parallèles  dans 
l'Agada  palestinienne.  Mais  ce  n'est  que  pour  une  partie  de  ces 
comparaisons  qu'il  s'agit  d'Agada  historique  :  n,  23  et  suiv.  (la  ja- 
lousie dp  Satan)  ;  iv,  10  (l'enlèvement  d'Hénoch)  ;  xvi,  20  (le  goût  de 
la  manne)  ;  xvn,  2-47  (la  description  de  la  neuvième  plaie  d'Egypte); 


140  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

xix,  7  (les  miracles  survenus  pendant  la  traversée  de  la  Mer  Rouge); 
xix,  16  (la  bienveillance  des  Égyptiens  au  début  du  séjour  des  Israé- 
lites). Tarmi  les  autres  passages,  xi,  15-20,  et  xvm,  4-5,  se  rap- 
portent également  au  châtiment  des  Égyptiens  ;  mais  il  s'agit  ici  de 
la  thèse  bien  connue  de  l'Agada  talmudique  que  Dieu  mesure  le 
châtiment  suivant  la  mesure  et  la  nature  de  la  faute.  Le  passage 
talmudique  cité  pour  le  verset  15  du  chap.  xvm  ressort  de  l'angé- 
lologie  et  n'a  aucun  rapport  avec  l'auge  exterminateur  d'Egypte.  Les 
autres  passages  de  la  Sapience  sont  xvi,  5-7  (la  guérison  de  ceux 
qui  furent  mordus  par  les  serpents)  ;  ici  M.  W.,  au  lieu  de  la  célèbre 
Mischna  de  Rosch  Haschana,  ni,  8,  cite  le  passage  parallèle  du  Tal- 
mud  jérusalémite  ;  vn,  25  (la  sagesse  considérée  comme  reflet  de 
la  lumière  éternelle)  ;  ix,  8  (le  prototype  céleste  du  Temple  de  Sa- 
lomon).  Ainsi,  cène  sont  que  quelques  particularités  de  l'Agada  his- 
torique sur  l'Exode  et  sur  le  séjour  en  Egypte  que  l'auteur  peut  citer 
du  livre  de  la  Sapience.  Combien  ces  particularités  semblent  infimes 
en  regard  de  la  masse  presque  inépuisable  d'Agada  historique  que  le 
Talmud  et  le  Midrasch  contiennent  pour  ces  parties  du  récit  biblique. 
Néanmoins,  l'auteur  croit  que  la  priorité  revient  aux  parallèles  ci- 
tés de  la  Sapience  et  que  l'Agada  palestinienne  lui  a  fait  des  em- 
prunts. Car,  selon  lui,  ce  furent  les  Juifs  demeurant  en  Egypte  qui 
«  cherchèrent  à  rendre  compréhensible  aux  Égyptiens  beaucoup 
de  récits  bibliques  se  rapportant  à  l'Egypte,  ou  à  les  orner  de 
quelque  autre  façon  (p.  27)  ».  —  A  la  fin  de  la  préface  (p.  10), 
M.  W.  relève  encore,  avec  une  insistance  particulière,  que  tous  les 
enjolivements  que  les  Juifs  alexandrins  trouvèrent  bon  d'ajouter 
au  fonds  biblique,  au  sujet  du  séjour  et  de  la  sortie  des  Juifs 
d'Egypte,  ont  été  transplantés  en  Palestine,  où  ils  trouvèrent  accès 
dans  la  littérature  talmudique.  Ces  assertions  ne  sont  aucunement 
en  proportion  avec  le  fait  que  nous  fournit  la  première  étude  de 
l'auteur.  En  outre,  la  possibilité  d'une  influence  de  l'école  palesti- 
nienne sur  l'auteur  de  la  Sapience,  qui  permettrait  d'expliquer  faci- 
lement ces  analogies,  est  laissée  tout  à  fait  dans  l'ombre. 

La  conception  de  M.  Weinstein  sur  l'origine  et  le  développement 
de  la  littérature  talmudique,  à  l'histoire  de  laquelle  il  prétend  fournir 
une  contribution,  est  bien  embrouillée;  la  preuve  en  est  dans  l'as- 
sertion suivante  (p.  13)  :  «  Pour  cette  raison,  parce  que  la  Sapience  a 
été  écrite  longtemps  avant  Philon,  il  fautaussi  attribuer  aux  traditions 
agadiques  et  aux  enjolivements  historiques  du  livre  de  la  Sagesse 
une  origine  plus  ancienne  qu'à  ceux  du  Talmud,  car,  à  cette  époque, 
on  ne  trouve  encore  aucune  trace  d'une  Mischna  telle  que  celle  que 
nous  possédons.  Par  conséquent,  si  l'on  trouve  dans  le  Talmud  des 
récits  agadiques  conçus  presque  textuellement  comme  dans  le  livre  de 
la  Sagesse,  nous  pouvons  admettre,  sans  l'ombre  d'un  doute,  que  ce 
sont  des  emprunts  faits  au  livre  de  la  Sagesse  ou,  en  d'autres  termes, 
ce  sont  des  agadas  alexandrines.  »  Ce  serait  perdre  son  temps  que  de 
discuter  cette  assertion,  caractéristique  de  la  méthode  de  l'auteur. 


BIBLIOGRAPHIE  141 

La  seconde  étude  (p.  S9-90)  porte  le  titre  suivant  :  La  doctrine  du 
Logos  dans  VAgada.  Voici  la  thèse  de  l'auteur  d'après  ses  propres 
expressions  (p.  30)  :  «  De  fait,  toutes  les  idées  sur  les  anges  ainsi  que 
sur  le  Métatrou,  lequel  se  substitue  parfois  à  la  Divinité,  contenues 
dans  la  littérature  talmudique,  ne  sont  autre  chose  qu'une  imitation 
exacte  et  précise  de  la  doctrine  philonienne  du  Logos  dans  toutes  ses 
formes  et  manifestations.  »  On  cherchera  vainement  dans  cette 
étude,  d'ailleurs  assez  étendue,  la  moindre  démonstration  de  cette 
affirmation,  qui  nie  simplement  les  autres  sources  de  la  doctrine 
talmudique  sur  les  anges.  Cette  théorie  générale  est  suivie  d'asser- 
tions particulières  où  l'auteur  fait  des  rapprochements  entre  des 
maximes  de  Philon  et  des  sentences  de  l'Agada  et  établit,  comme  un 
fait  évident,  la  filiation  entre  celles-ci  et  celles-là.  Il  utilise  indiffé- 
remment toutes  les  couches  de  la  littérature  traditionnelle  et  il  ad- 
met l'influence  des  écrits  de  Philon  sur  toutes  les  générations  des 
Tannaïtes  et  des  Amoraïm.  On  croirait  vraiment  que  les  écrits  de 
Philon  ont  été  constamment  lus  et  consciencieusement  utilisés  par 
les  maîtres  de  l'Agada  palestinienne. 

Nous  allons  montrer,  par  quelques  exemples,  ce  que  valent 
quelques-unes  de  ces  théories  particulières. 

En  premier  lieu  M.  Weinstein  cite  le  passage  de  Philon  (De  Con- 
fusione  linguarum)  où  les  forces  agissantes  de  l'univers  sont  compa- 
rées aux  serviteurs  du  roi  et  où  Dieu  est  appelé  «  le  père  de  l'Uni- 
vers ».  Il  prétend  expliquer  ainsi  l'idée  «  des  anges  de  service  »  ("OKb» 
miari)  et  la  dénomination  de  Dieu  comme  «  Père  qui  est  au  ciel  » 
(p.  30).  Or,  ni  pour  la  première  idée  (cf.  Daniel,  vu,  10),  ni  pour  la 
dénomination  de  Dieu  comme  «  Père  »,  nous  n'avons  besoin  d'ad- 
mettre une  influence  philonienne.  —  Suit  un  passage  du  De  Somniis  de 
Philon  (r,  22)  sur  les  différents  êtres  vivants  qui  remplissent  l'es- 
pace, appelés  par  les  philosophes  ôafjiovec,  par  l'Écriture  sainte 
«  anges  »,  par  Philon  lui-même  Xdyoï.  Au  sujet  de  ce  passage,  l'auteur 
dit  (p.  33)  :  «  Quelque  absurdes  que  puissent  nous  paraître  ces 
fausses  doctrines,  les  docteurs  du  Talmud,  qui  étaient  adonnés  à 
l'alexandrinisme,  les  ont  adoptées  complètement.  »  Suivant  lui, 
R.  Jonathan  (uie  siècle),  qui,  en  s'appuyant  sur  Ps.,  xxxm,  6,  ex- 
prime l'opinion  que  de  chaque  parole  (ma^)  sortie  de  la  bouche  de 
Dieu  naquit  un  ange  (Hagiga,  \ka),  aurait  été  un  de  ces  docteurs. 
Que  nous  ayons  ici  une  analogie  très  digne  d'attention  avec  les  Xdyoi 
de  Philon,  c'est  évident,  mais  ce  n'est  pas  une  raison  pour  appeler 
l'auteur  de  cette  interprétation  du  passage  des  Psaumes  «  un  fidèle 
disciple  de  Philon  ».De  même,  on  ne  peut  soutenir  la  dépendance  des 
Agadistes  vis-à-vis  de  Philon  en  ce  qu'ils  ont  dit  des  démons  (û"HU;, 
û^Ttt).  D'après  M.  Weinstein  (p.  34),  «  ce  que  Philon  ne  dit  que  d'une 
manière  voilée,  les  agadistes  alexandrins  le  répèlent  sans  ambages  » 
(M.  W.  appelle  «  Agadistes  alexandrins  »  les  Agadistes  palestiniens 
influencés  par  l'alexandrinisme).  Ce  jugement,  contenant  d'ailleurs 
en  lui-même  une  contradiction,   n'est  nullement  confirmé  par  les 


142"  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

exemples  cités  par  notre  auteur.  Même  ce  qu'il  rapporte  plus  loin 
(p.  35  et  suiv.)  au  sujet  des  fonctions  et  de  la  hiérarchie  des  anges, 
n'est  qu'une  analogie  générale  et  ne  permet  pas  d'admettre  l'iu- 
iluence  de  Philon  sur  les  Agadistes.  Il  n'y  a  guère  à  y  songer  ici, 
car  les  traits  essentiels  de  la  doctrine  juive  sur  les  anges  étaient 
déjà  formés  longtemps  avant  Philon. 

Le  rapprochement  des  idées  philoniennes  sur  la  lumière  primitive 
avec  des  opinions  analogues  exprimées  par  les  Agadistes  (p.  37-43)  est 
certes  fort  intéressant.  Des  deux  côtés,  on  s'appuie  sur  le  récit  de 
la  création  de  la  lumière  (Genèse,  i,  3).  Il  est  fort  probable  que  les 
thèses  des  Agadistes  ont  leur  origine  dans  l'ancienne  doctrine  se- 
crète qui  s'est  fondée  sur  le  premier  chapitre  de  la  Genèse  Çnwa 
mm&na).  La  ressemblance  de  ces  thèses  avec  celles  de  Philon  est 
incontestable,  mais  le  fait  qu'il  y  aurait  ici  un  emprunt  à  Philon  et 
que,  dans  les  maximes  agadiques  des  Palestiniens,  il  faut  chercher 
des  idées  philoniennes  ,  ne  peut  être  admis  que  si  on  est  con- 
vaincu a  priori  de  cette  filiation  et  qu'on  introduit  les  idées  de  Philon 
dans  les  paroles  du  Midrasch.  Dans  la  réponse  que  Samuel  b.  Nah- 
man  (Gen.  rabà.,  m,  et  passim)  a  faite  à  la  question  de  la  création  de 
la  lumière,  d'après  Ps.,  civ,  on  ne  peut,  avec  la  meilleure  volonté  du 
monde,  reconnaître  l'idée  du  Logos  créateur.  La  version  de  la  tra- 
dition agadique,  comme  elle  est  présentée  (p.  43)  dans  Tanhouma 
(bîip"H,  au  commencement  de  la  section,  éd.  Buber,  §  7)  n'offre  pas 
non  plus  un  appui  concret  en  faveur  de  celte  conception,  sans  consi- 
dérer que  cette  version  n'est  d'aucune  importance  vis-à-vis  de  la 
source  plus  ancienne  (voir  Die  Agada  der  palastinensiscken  Amorâer, 
I,  120,  545)  pour  établir  l'opinion  primitive  des  Agadistes. 

Le  passage  du  Midrasch  cité  p.  45,  d'après  Exode  raàba,  ch.  xv, 
§  22,  del'éd.  "Wilna,  est  certainement  digne  de  remarque,  mais  seuls 
les  esprits  prévenus  peuvent  y  trouver  «  toute  la  théorie  platoni- 
cienne concernant  la  création  de  l'univers  ainsi  que  l'essence  de  la 
doctrine  philonienne  du  Logos  dans  ses  contours  les  plus  exacts  ». 
Ce  passage  du  Midrasch  ne  peut  pas,  d'ailleurs,  être  invoqué,  car  il 
est  d'une  époque  très  tardive  et  renferme  tout  à  la  fois  des  éléments 
agadiques  anciens  et  des  idées  du  Se  fer  Yecira. 

En  ce  qui  a  trait  à  la  conception  du  «  second  Logos  »  ou  de 
l'homme  primitif,  M.  Weinstein  soutient  aussi  que  «  les  docteurs  de 
l'Agada  ont  suivi  leur  maître  »,  c'est-à-dire  Philon  (p.  47).  De  fait, 
beaucoup  de  passages  agadiques  sur  Adam  donnent  l'impression 
que  l'Agadiste  avait  dans  l'esprit  l'idée  d'un  type  parfait  de  l'homme 
ou  de  l'humanité.  Il  n'est  pas  impossible  que  l'influence  des  idées 
platoniciennes  ou  philoniennes  se  soit  exercée  ici.  Mais  aucune  ac- 
tion directe  des  écrits  de  Philon  ne  peut  être  démontrée  en  cette  cir- 
constance. —  Ce  que  M.  Weinstein  expose  longuement  au  sujet  des 
interprétations  du  mot  ûmnro  (Ex.,  xxv,  40)  est  au  moins  superflu. 
Ces  interprétations  n'auraient  pu  guère  être  différentes,  même  si 
leurs  auteurs,  au  lieu  de  &rp3nnr>,  avaient  lu  ûmaann,  comme  le 


BIHLIOGKAPHIE  143 

porte  le  texte  massorétique.  En  effet,  le  n  aurait  eu  pour  eux  le 
même  sens  que  le  3  dans  Wabxa  (Gen.,  i,  26)  et  "ittbsrn  (Gen.,  i,  27). 
Du  reste,  Philou  ne  veut  pas  parler  de  lam&Td,  comme  M.  Weinstein 
le  dit  (p.  49),  mais  de  ittbxa  (Gen.,  i,  2)  ;  c'est  ce  terme  qu'il  traduit 
par  xax*  eCxdva  [Quis  rerum  divinarum,  §  48,  I,  505)  ;  d'autre  part,  dans 
Exode,  xxv,  40,  la  leçon  ûmaann  est  également  justifiée.  Il  est  donc 
à  la  fois  fort  étrange,  et  la  phrase  montre  la  méthode  et  le  style  de 
notre  auteur,  de  dire  (p.  47)  :  «  Et  pourtant  tous  les  Agadistes,  se 
plaçant  au-dessus  de  ces  faibles  inexactitudes,  lisent  mal,  sciemment 
ou  inconsciemment,  tous  les  passages,  pour  se  mettre  en  harmonie 
avec  la  doctrine  platonicienne  des  idées.  » 

Aux  détails  relatifs  au  «  second  logos  »  se  rattachent  ceux  qui  con- 
cernent Hénoch,  lequel,  d'après  l'auteur,  obtint  le  rang  du  «  second 
logos  »,  après  que  le  premier  Adam  eut  été  «  déchu  de  sa  fonction  de 
Logos  par  le  péché  »  (p.  45).  L'identité  de  cet  Hénoch  transfiguré  en 
Logos  avec  l'ange  supérieur  Métatron  est  prouvée  par  M.  Weinstein, 
d'après  le  Yian  nso,  production  d'une  époque  postérieure,  qui  lui  sem- 
blait propre  à  servir  de  témoignage  en  faveur  des  idées  des  anciens 
agadistes,  en  tant  qu'elles  étaient  «  favorables  à  l'école  alexandrine  ». 
Mais  comment  l'Agada  alexandrine  en  arriva-t-elle  à  appeler  Méta- 
tron Hénoch  promu  au  rang  de  Logos  (p.  57)?  M.  Weinstein  répond 
à  cette  question  par  une  hypothèse  de  Rappoport,  publiée  en  1838 
[Kérem  Ckemed,lll,  51),  hypothèse  d'ailleurs  peu  heureuse.  Rappoport 
fait  dériver  iplï^EPp  de  ^a  forme  verbale  grecque  (AsteTéOi),  qui  est  usitée 
dans  le  Sirach  grec  (xliv,  16)  à  propos  d'Hénoch.  Pour  cela  il  fait  de 
ce  mot  un  substantif,  en  lisants  au  lieu  de  8  et  en  ajoutant  au  mot 
unv.  Il  obtient  ainsi  le  nom  neTETéôïiv  (c'est  ainsi  que  le  mot  est  im- 
primé, en  caractères  grecs,  dans  le  Kérem  Chemed)  et  il  y  voit  le  nom 
d'Hénoch  ^TSBCWO  W  Vnaba  nnD  nhip  êcpo  pi).  La  transcrip- 
tion du  mot  grec  lui  donne  'pnaEa^Ta,  parce  qu'il  suppose  que  le  *i  a 
été  transcrit  fautivement  par  n  et  parce  qu'il  ne  tient  pas  autrement 
compte  des  voyelles.  Cette  hypothèse  de  Rappoport,  qui  est  absolu- 
ment anti-scientifique,  est  considérée  par  M.  Weinstein  comme  la 
seule  explication  exacte  du  mot  ïnEaitt,  et  il  cite  à  l'appui  toute 
une  série  d'arguments  «  philologiques  ».  Il  corrige,  sans  dire  mot,  la 
faute  de  Rappoport  et  met  le  0  à  sa  place  légitime.  Il  ne  s'inquiète 
pas  davantage  de  la  lettre  v  ajoutée  arbitrairement  par  Rappoport  et 
n'explique  nullement  comment  une  forme  verbale  s'est  transformée 
simplement  en  substantif.  M.  Weinstein  ne  mentionne  même  pas  ce 
qu'invoque  Rappoport,  que  le  tuTexeôri  du  Sirach  grec  (M.  W.  cite  en- 
core l'Epître  aux  Hébreux,  xi,  5,  et  la  Sagesse  de  Salomon,  iv,  10)  est 
également  la  traduction  des  LXX  de  Gen.,  v,  24  (jieTéOïjxev).  Il  ne  lui 
vient  pas  plus  à  l'idée  de  songer  que  les  Palestiniens  ne  lisaient  pas 
Sirach  dans  la  traduction  grecque,  mais  dans  l'original  hébreu  et 
que,  par  conséquent,  ils  n'avaient  pas  l'occasion  de  tirer  de  cette 
forme  verbale  le  nom  de  inaafc.  Le  fait  que  la  traduction  grecque 
de  Sirach  était  lue  couramment  en  Palestine  lui  parait  si  naturel, 


m  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

qu'il  croit  que  la  doctrine  relative  à  Hénoch,  exprimée  par  jiexeTé^, 
est  «  la  raison  pour  laquelle  le  livre  de  Sirach  fut  non  seulement 
exclu  du  canon,  mais  même  compris  parmi  les  livres  sévèrement 
prohibés  »!  —  Je  me  bornerai  à  faire  encore  observer  que  dans  le 
Sira  hébreu,  ce  qui  correspond  au  grec  peteTéfci,  c'est  lé  mot  Rp^?1, 
c'est-à-dire  le  passif  du  mot  biblique  npb  (Gen.,  v,  29). 

Je  laisse  de  côté  les  autres  détails  que  l'auteur  donne  sur  le  Me- 
tatron,  quoiqu'il  y  aurait  beaucoup  à  dire  sur  la  manière  dont  il  in- 
terprète les  passages  du  Talmud  et  du  Midrasch  qu'il  cite.  L'iden- 
tité du  Métatron  avec  l'ange  Michael  (p.  70)  ne  nous  paraît  pas  devoir 
être  affirmée  aussi  nettement.  Peu  sûres  sont  les  démonstrations  de 
l'auteur  au  sujet  des  passages  agadiques  traitant  du  Messie,  qu'il  rap- 
proche de  certaines  théories  de  Philon  et  de  passages  du  livre  d'Hé- 
noch  (p.  37  et  suiv).  Ni  son  interprétation  des  passages  agadiques  n'est 
suffisamment  exacte,  ni  l'analogie  qu'il  prétend  exister  entre  ceux- 
ci  et  les  idées  alexandrines  assez  bien  établie.  L'auteur  cite  aussi 
des  passages  du  Nouveau-Testament,  ce  qui  se  comprend,  car  la 
christologie  chrétienne  se  rattache  au  Logos  philonien.  Mais  que  dire 
d'une  assertion  comme  celle-ci  (p,  86)  :  a  II  est  tout  à  fait  hors  de 
doute  que  les  deux  auteurs,  —  l'auteur  de  l'Évangile  de  saint  Jean 
et  l'auteur  de  la  seconde  Épilre  aux  Corinthiens,  dont  il  cite  le  ver- 
set, iv,  4,  —  ainsi  que  l'auteur  de  l'Épitre  aux  Hébreux  étaient  des 
Juifs  alexandrins  1  » 

Dans  la  sentence  de  Siméon  le  Pieux  (Soucca,  52  b)  sur  les  quatre 
forgerons  de  la  vision  de  Zacharie  (n,  3),  il  est  vrai  que  Raschi  inter- 
prète pis  1ïT3  par  Melchissédec;  par  suite,  celui-ci  se  voit  attribuer 
un  rôle  messianique.  M.  Weinstein  en  profite  (p.  84)  pour  citer  aussi 
Philon  comme  source  de  cette  thèse  (I,  4  02,  éd.  Mangey),  parce  que 
Philon  reconnaît  aussi  le  Logos  en  Melchissédec.  Mais,  outre  que 
Philon  ne  donne  pas  encore  de  caractère  messianique  à  la  personne 
de  Melchissédec ,  il  faut  voir  dans  l'expression  talmudique  \TO 
pis  le  grand  -prêtre ,  descendant  d'Aaron ,  le  grand-prêtre  de 
l'époque  messianique.  L'expression  est  analogue  à  celle  de  miBtt 
iDpls  (voir  la  Kedouscha  de  l'office  du  samedi  malin,  cf.  aussi  Ps., 
GXXXII,  9,  p*72£  iiDabi  *pnD). 

Ce  que  M.  Weinstein  dit  à  l'occasion  d'une  parole  d'Abba  b.  Ka- 
hana  sur  le  nom  du  Messie  est  d'une  incroyable  légèreté.  Voici  com- 
ment M.  "W.  reproduit  cette  sentence  (Echa  rabbati,  sur  i,  46,  fin\ 
(p.  85)  :  «  Le  nom  est  Jahvé,  car  ainsi  est-il  dit  dans  l'Écriture  (Jér., 
xxxiii,  46)  :  «  Et  voici  le  nom  qui  lui  sera  donné  :  Jahvé  notre 
Juste  ».  Dans  la  note  (p.  68,  note  438),  le  texte  est  ainsi  conçu  :  ieis  'n 
'H  nb  N-lp"1  "1©N  ÏTH]  (l^pIS  'H  "INIp"'  *1S38  MïO  Ï1T1)  "JEfiGIO 
lapis],  M.  Weinstein  a  mis  entre  parenthèses  la  citation  biblique 
du  Midrasch  et  la  déclare  inexacte  ;  la  seconde  parenthèse  contient 
la  citation  qu'il  croit  juste.  Il  ajoute  :  «  La  façon  inexacte  dont  le 
texte  cité  plus  haut  est  donné  prouve  clairement  qu'on  voulait  ab- 
solument trouver  ici  la  pensée  alexandrine.  »  M.  W.  ne  voit  pas  qu'il 


BIBLIOGRAPHIE  145 

s'agit  non  de  Jér.,  xxxiii,  16,  où  il  est  question  du  nom  de  la  Jéru- 
salem future,  mais  de  Jér.,  xxiii,  6.  Le  désir  de  trouver  chez  l'aga- 
diste  des  idées  alexandrines,  aux  dépens  de  la  correction  du  texte 
biblique,  a  aveuglé  M.  W.  au  point  de  l'empêcher  de  songer  à  ce 
verset  de  Jérémie. 

Le  même  désir  le  pousse  à  chercher  (p.  86)  chez  Philon  la  raison 
pour  laquelle  le  nom  de  Cémah  est  donné  au  Messie,  tandis  que  la 
raison  est  clairement  indiquée  dans  Jér.,  xxiii,  5,  et  Zach.,  vi,  12.  — 
Soutenir  que  les  agadistes  eux-mêmes  donnent  le  mot  ûip»  «  Lieu  », 
soit  au  Logos,  soit  à  l'Èlre  premier  lui-même  (p.  88),  c'est  de  l'arbi- 
traire. Dans  les  passages  en  question,  on  dit  seulement  que  Dieu 
lui-même  est  appelé  Diptt. 

A  la  fin  de  l'étude  sur  ia  doctrine  de  Logos  dans  l'Agada,  M.  Wein- 
stein  dit  (p.  90)  :  «  Cette  doctrine  a  exercé  de  graves  ravages  dans  le 
sein  du  judaïsme  palestinien  et  a  fortement  altéré  la  pureté  de  l'idée 
monothéiste,  car,  de  même  que  Philon,  elle  considérait  le  Logos 
comme  une  seconde  divinité  et  l'adorait  comme  telle.  »  L'accusation 
portée  ici  contre  Philon  doit  être  rejetée  énergiquement.  Quelque 
contradictoire  que  soit  l'idée  de  Philon  sur  le  Logos,  on  ne  peut  lui 
contester  sa  foi  monothéiste  ou  —  suivant  les  termes  de  M,  W.  —lui 
attribuer  des  idées  polythéistes  (voir  aussi  p.  94).  —  «  On  se  trompe 
absolument,  dit  Zeller  [Die  Philosophie  der  Griechen,  III,  2,  3e  éd., 
p.  378),  quand  on  considère  le  Logos  philonien  comme  une  personne 
distincte  de  Dieu  et  quand  on  admet  que  ce  terme  désigne  Dieu  seu- 
lement sous  un  aspect  déterminé,  dans  le  sens  de  son  existence. 
D'après  Philon,  le  Logos  est  l'un  et  l'autre,  mais  n'est  aucune  des 
deux  choses  exclusivement...  Philon  n'a  pu  réussira  réunir  les 
deux  conceptions  sans  contradiction.  A  plus  forte  raison  ne  pouvait- 
il,  en  raison  de  ses  idées  transcendantes  sur  la  divinité  et  de  son  dé- 
sir d'éviter  tout  contact  entre  Dieu  et  le  monde,  se  décider  à  voir 
dans  les  forces  de  la  nature  des  qualités  et  l'action  directe  de  la  di- 
vinité. Il  ne  lui  restait  donc  aucune  autre  ressource  que  d'assumer 
la  responsabilité  de  ces  contradictions,  et  il  a  pu  le  faire  d'autant 
plus  facilement  que,  selon  toute  apparence,  il  ne  les  a  pas  re- 
marquées. » 

Ce  que  M.  W.  dit  des  ravages  causés  par  la  doctrine  du  Logos,  en 
Palestine  n'est  pas  plus  fondé  que  les  accusations  de  polythéisme 
dirigées  contre  la  doctrine  philonienne.  M.  W.  en  voulant  parler  de  la 
diffusion  de  la  doctrine  du  Logos  parmi  les  Juifs  de  Palestine,  dit 
(p.  90)  :  «  Tous  ceux  qui  s'adonnèrent  à  cette  doctrine  ou  qui  avaient 
l'habitude  de  discuter  là-dessus  avec  les  docteurs  du  Talmud  (Tan- 
naïtes  et  Amoraïm)  sont  toujours  désignés  dans  les  écrits  talmu- 
diques  par  l'expression  de  «  Minim  ».  C'est  encore  là  une  affirma- 
tion non  prouvée.  Voyons,  si  dans  l'étude  qui  suit  et  qui  porte  le 
titre  Die  Minim,  cette  affirmation  sera  quelque  peu  corroborée. 

Cette  troisième  étude  (p.  91-156),  malgré  le  développement  de  l'ar- 
gumentation, n'ajoute  rien  d'essentiel  à  nos  connaissances  sur  les 

T.  XLIII,  n°  85.  10 


146  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Minim  de  la  littérature  traditionnelle.  Dès  le  commencement  de  ce 
chapitre  (p.  92),  nous  lisons  :  Dans  Gen.,  i,  27,  Philon  trouve  le 
fondement  de  sa  théorie  du  Logos  et,  en  conséquence,  il  lui  donne 
pour  auteur  Moïse  lui-même  (De  mundi  opificio,  I,  4)  ;  d'autre  part, 
Samuel  b.  Nahman,  au  nom  de  Jonathan  (Gen.  rabèa,  en.  vm),  dé- 
clare trouver  dans  Gen.,  r,  26,  le  passage  biblique  qui  servait  aux 
Minim  pour  prouver  la  vérité  de  leurs  idées  fausses.  «  Nous  voyons 
par  là,  dit  M.  W.,  que  l'école  alexandrine  était  désignée  sous  le  nom 
des  Minim.  »Une  telle  logique  n'a  pas  besoin  d'être  discutée.  M.Wein- 
stein  ne  s'inquiète  pas  de  ce  que  Philon  s'appuie  sur  un  autre  verset 
biblique  que  Samuel  b,  Nahman  et  que  dans  la  parole  de  celui-ci, 
ce  n'est  pas  l'idée  de  la  «  ressemblance  »,  mais  le  pluriel  (TOya)  qui 
forme  le  point  de  départ  exégétique. 

Le  même  défaut  de  logique  se  retrouve  dans  l'argumentation  de  la 
page  93,  mais  nous  n'insisterons  pas  davantage.  A  partir  de  la 
page  95,  l'auteur  aborde  le  véritable  sujet  de  cette  étude,  l'explication 
du  mot  Minim,  «  dont  l'étymologie  n'a  pas  encore  été  établie  jus- 
qu'ici d'une  manière  satisfaisante.  » 

La  nouvelle  explication  du  mot  nous  est  présentée  —  soyons  mo- 
dérés —  dans  une  bizarre  reconstruction  de  l'histoire  de  la  tribu  de 
Siméon.  Il  nous  faut  renoncer  à  reproduire,  même  en  abrégé,  cet  ex- 
posé historique  avec  ses  multiples  digressions.  La  quintessence  de 
l'argumentation  de  M.  Weinstein  est  à  peu  près  ceci  :  Les  Siméonites 
avaient  exterminé  les  Meïnim  et  s'étaient  établis  (en  Arabie)  dans 
les  lieux  occupés  par  ce  peuple  (I  Chr.,  iv,  41);  cet  événement  eut 
lieu  à  l'époque  du  roi  Saûl.  Mais  comme  il  est  aussi  question  des 
Meïnim  aux  siècles  postérieurs,  il  y  a  lieu  de  conclure  que  les  Si- 
méonites furent  désignés  du  nom  du  peuple  exterminé  par  eux.  La 
tribu  de  Siméon  était  turbulente  dès  l'époque  de  Moïse  :  «  Elle  était 
connue  dans  toute  la  nation  comme  licencieuse,  sans  frein  et  aussi 
sans  mœurs,  et  on  n'en  parlait  pas  volontiers.  Quand  on  était  forcé 
d'en  parler  dans  le  cours  d'un  récit,  on  le  faisait  d'une  manière  dé- 
tournée et  en  employant  d'autres  noms  »  (p.  107).  Les  Meïnim 
(II  Chron.,  xxvi,  7)  contre  lesquels  Dieu  protège  le  roi  Ousia  étaient 
donc  des  Siméonites,  de  même,  ceux  qui  sont  nommés  dans  Ezra 
il,  50  (=  Néh.,  vu,  52).  Mais  l'auteur  de  la  Chronique  désigne  aussi 
les  Siméonites  (p.  115)  sous  le  nom  des  traiE*  ,  par  exemple 
II  Chron.,  xxvi,  8,  et  xx,  1.  Il  résulte  de  ce  dernier  passage,  comparé 
avec  v.  10  et  22  (où,  au  lieu  de  traitt*,  on  nomme  les  habitants  de  la 
montagne  de  Séïr),  que  les  habitants  de  la  montagne  de  Séïr  n'étaient 
pas  des  Edomites,  mais  «  des  Siméonites  qui  habitaient  l'Arabie 
Pétrée.  »  L'expédition  racontée  dans  II  Chron.,  xxv,  5-12,  était  une 
expédition  de  représailles  contre  les  Siméonites  ;  a  le  royaume  de 
Juda  savait  désormais  que  ses  propres  compatriotes,  habitant  main- 
tenant la  montagne  de  Séïr,  lui  avaient  fait  la  guerre  comme  alliés 
d'autres  tribus  ».  Dans  Isaïe,  xxi,  11-12,  le  prophète  s'adresse  aux 
Siméonites.  Sous  le  roi  Ezéchias,  un  vent  de  tolérance  commença 


BIBLIOGRAPHIE  147 

à  souffler  en  faveur  des  Minim  (==  Meïnim  =  Siméonites),  si  dure- 
ment persécutés.  Les  «  états  généalogiques  des  Siméonites  »  furent 
établis  (d'après  I  Chron.,  iv,  42).  «  Mais  beaucoup  de  Siméonites,  qui 
étaient  connus  sous  le  nom  de  Minim,  restèrent  dans  leurs  résidences 
de  l'Arabie  du  sud-ouest  (sic),  dans  ces  contrées  qui  étaient  déjà  plus 
égyptiennes,  comme  cela  résulte  des  sources  talmudiques  »  (p.  122). 
A  partir  de  là,  l'auteur  se  livre  à  une  grande  digression  sur  le  système 
du  calendrier  juif  en  citant  le  livre  des  Jubilés  et  le  livre  d'Hénoch. 
Dans  le  «  désert  d'Atad  »,  comme  on  le  voit  par  j.  Sanhédrin,  i,  2  (pas- 
sage parallèle  à  b.  Berachot,  63  b),  il  y  eut  un  sanctuaire,  où  la  fixation 
du  calendrier  de  l'année  différait  de  celle  du  judaïsme  palestinien 
(p.  4  41).  C'était  le  sanctuaire  des  Siméonites  ou  Minim,  qui  avaient 
conservé  l'ancienne  méthode  de  comput  «  d'après  le  cours  du  soleil  » 
(p.  446)  et  dont  les  descendants  vivaient  encore  à  l'époque  talmudique 
dans  la  même  contrée,  dans  «  l'Arabie  Pétrée  »  (p.  147).  A  la  fin,  l'au- 
teur nous  fournit  encore  les  révélations  suivantes  :  «  Par  la  guerre 
qui  eut  lieu  entre  les  Israélites  et  les  Ethiopiens,  dans  laquelle  beau- 
coup de  Siméonites  combattirent  dans  les  rangs  des  Ethiopiens 
(M.  W.  a  déduit  cela  de  II  Chron.,  xiv,  12,  où  Tù  =  nVW,'  I  Chron., 
iv,  39)  nous  apprenons  aussi  pourquoi  le  livre  d'Hénoch,  qui  calcule 
les  fêtes  juives  et  le  calendrier  de  l'année  d'après  le  cours  du  soleil 
se  trouve  en  langue  éthiopienne.  Sans  doute  il  est  possible  et  même 
probable  que  le  livre  d'Hénoch  ait  été  écrit  à  l'origine  en  hébreu  et 
qu'ensuite  il  ait  été  traduit  en  éthiopien  pour  une  partie  de  la  tribu 
de  Siméon  qui  s'était  établie  en  Ethiopie,  ce  qui  confirme  notre  ar- 
gumentation, savoir  que  ce  sont,  à  vrai  dire,  les  Siméonites  aux- 
quels se  joignirent  beaucoup  de  Juifs  alexandrins  professant  la 
doctrine  du  Logos,  qui,  sous  le  nom  de  Minim,  étaient  si  décriés 
dans  le  judaïsme  palestinien  et  dont  le  Patriarche  combattit  si  vigou- 
reusement l'influence  néfaste.  » 

Cette  hypothèse  sur  l'origine  du  nom  de  Minim  et  le  récit  des 
aventures  de  la  tribu  de  Siméon  qui  y  est  rattaché  désarment  toute 
critique.  C'est  l'élucubration  d'une  imagination  déréglée,  le  produit 
de  cette  manie  des  combinaisons  qui  ne  tient  aucun  compte  ni  de 
l'histoire,  ni  de  la  géographie,  ni  de  l'exégèse,  ni  de  la  critique,  nous 
allions  dire  ni  du  bon  sens.  Tout  cela  pour  arriver  à  une  explication 
du  mot  Minim  qui  ne  se  concilie  même  pas  avec  les  propres  hypo- 
thèses de  l'auteur;  car  elle  est,  à  vrai  dire,  en  contradiction  directe 
avec  son  hypothèse  sur  le  Logos  exposée  dans  l'étude  précédente.  Si 
la  dénomination  de  Minim  était,  depuis  une  époque  ancienne  —  dès 
avant  l'exil  babylonien,  —  la  désignation  injurieuse  des  Siméonites, 
elle  ne  peut  être  considérée  comme  la  dénomination  des  partisans  de 
la  théorie  du  Logos.  Ce  que  M.  Weinstein  dit  dans  le  passage  final  cité 
plus  haut,  «  qu'un  grand  nombre  de  juifs  alexandrins  professant  la 
doctrine  du  Logos  se  rangèrent  parmi  les  Siméonites  »,  étant  une 
conjecture  absolument  sans  fondement,  ne  suffit  pas  pour  établir  un 
lien  entre  ces  deux  hypothèses.  Ainsi  l'auteur  se  trouve  avoir  écarté 


4i8  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

lui-même  une  supposition  par  l'autre.  En  réalité,  l'une  et  l'autre 
manquent  de  tout  fondement  historique. 

La  quatrième  étude,  la  plus  étendue  de  l'ouvrage  (p.  157-250),  a 
comme  titre  :  «  La  lutte  du  Patriarche  contre  les  idées  polythéistes 
essayant  de  pénétrer  dans  les  écoles  juives  de  la  Palestine  ».  Par 
idées  polythéistes,  l'auteur  entend,  comme  il  a  déjà  été  dit  plus  haut, 
les  idées  se  rattachant  à  la  théorie  du  Logos.  Ces  idées  trouvèrent 
parmi  les  docteurs  palestiniens,  Tannaïtes  et  Amoraïm,  de  nombreux 
partisans,  et  les  Patriarches,  c'est-à-dire  surtout  Gamliel  II  à  Jabné 
et  ensuite  son  petit-fils  Juda  I,  dirigèrent  principalement  leurs  efforts 
contre  ces  théories  et  essayèrent  de  les  déraciner  complètement. 
Telle  est  la  pensée  maîtresse  qui  guide  M.  Weinstein  et  qui  lui  sert 
à  expliquer  les  relations  les  plus  diverses  ainsi  que  les  maximes  con- 
cernant les  idées  des  docteurs  palestiniens  au  premier  siècle  de  l'ère 
chrétienne.  Il  lui  suffit,  pour  cela,  de  voir  partout  la  trace  de  ses 
Minim,  c'est-à-dire  des  partisans  du  Logos,  et  dans  le  patriarcat  le 
défenseur  du  monothéisme  pur.  Ici  non  plus  ce  n'est  pas  un  examen 
méthodique  des  données  contenues  dans  les  documents  originaux, 
mais  l'hypothèse  établie  a  priori  et  donnée  naïvement  comme  une 
vérité  pour  expliquer  le  reste.  Cet  article  est  déjà  trop  long  pour  que 
je  puisse  même  analyser  le  contenu  de  ce  chapitre.  Obligé  de  me 
borner  je  citerai  seulement  quelques  détails.  Le  règlement  de  Gam- 
liel II  au  sujet  de  l'admission  à  l'Académie  (Berach.,  28  a)  vise  les 
Minim  (p.  467  et  s.),  «  les  juifs  alexandrins  dont  la  foi  monothéiste 
était  suspectée  »  (p.  174).  —  La  défense  de  Juda  I,  de  rapporter  des 
Halachot  hors  de  l'Académie  (Moed  Katon,  16&),  s'adresse  «  aux  par- 
tisans de  la  philosophie  alexandrine  »  qui  avaient  l'habitude  d'a- 
border ceux  qui  sortaient  des  Académies  et  de  leur  adresser  des 
questions  halachiques  pour  les  amener  à  un  entretien  sur  les  ques- 
tions défendues  de  leur  doctrine  du  Logos,  (p.  186).  —A  l'occasion  du 
récit  concernant  Aher,  qui  appartenait  aussi  aux  Minim,  notons  cette 
perle  :  «  L'habitude  de  monter  à  cheval  le  jour  du  sabbat  paraît  avoir 
été  l'hameçon  (Angelschnur)  de  la  secte  des  Minim»  (p.  483).  —  «Les 
docteurs  du  Sud  (Bar  Kappara,  Hoschaya),  grâce  à  leur  penchant 
pour  les  doctrines  alexandrines  perdirent  toute  considération  et  toute 
dignité  (p.  4  88).  »  —  Juda  I  résida  d'abord  dans  le  Sud  de  la  Pales- 
tine, à  Lod;  mais  pour  préserver  son  entourage  autant  que  possible 
de  l'influence  alexandrine,  il  dut  se  résoudre  à  fuir  la  région  du  Sud 
et  à  fixer  sa  résidence  dans  le  Nord,  d'abord  à  Tibériade,  ensuite  à 
Sepphoris.  Il  ne  se  rendit  pas  immédiatement  dans  cette  dernière 
ville,  parce  qu'elle  n'était  pas  complètement  pure  de  Minim,  c'est-à- 
dire  de  Juifs  alexandrins  et  de  leurs  partisans  (p.  201).  —  Samuel 
Hakaton  était  «  favorablement  disposé  pour  les  Minim  »;  non  seule- 
ment il  approuvait  leurs  dogmes  religieux,  pour  lesquels  ils  étaient 
haïs  et  persécutés,  mais  il  acceptait  aussi  leur  doctrine  du  Logos, 
qu'ils  font  remonter  à  Hénoch  »  (p.  210).  —  Le  pieux  Samuel  le  Petit, 
dont  on  disait  à  sa  mort  :  «  Hélas  pour  l'humble  et  pieux  disciple 


BIBLIOGRAPHIE  149 

de  Hillel  l'Ancien  »  [Sot a,  48#),  était  un  partisan  des  Miniml  Notre 
auteur  impute  la  même  tare  à  d'autres  Tannaïm  et  Amoraïm.  Ainsi,  il 
qualifie  de  Min  le  grand  Amora  Simon  b.  Lakisch,  qui  pour  cette 
raison  —  je  ne  sais  où  il  a  pris  cette  indication  fausse  —  ne  reçut  pas 
l'ordination  (p.  227).  R.  Méïr  aussi  fut  réprimandé  par  Juda  I, 
lorsque,  «  dans  le  cours  des  ans,  il  manifesta  publiquement  ses 
goûts  pour  les  doctrines  grecques,  le  Patriarche,  veillant  avec  soin  et 
sollicitude  à  écarter  du  judaïsme  toute  idée  polythéiste  et  à  main- 
tenir le  mosaïsme  dans  sa  pureté,  au-dessus  de  toutes  les  évolutions 
de  l'opinion  (p.  230)  ».  —  Mais  laissons  là  ces  citations  qui  feront, 
pour  le  moins,  sourire  ceux  qui  ont  quelque  idée  exacte  de  l'his- 
toire et  de  la  manière  de  penser  des  Tannaïm  et  des  Amoraïm.  Il  a 
fallu  singulièrement  torturer  les  textes  pour  arriver  à  de  pareils  ré- 
sultats. —  Au  surplus,  cette  étude  ne  paraît  étendue  que  parce 
qu'elle  est  grossie  de  nombreuses  digressions  très  éloignées  du  sujet 
principal.  Elle  ne  contient  que  très  peu  de  matériaux  pour  cette  hy- 
pothèse de  l'auteur,  que  les  Patriarches  palestiniens  jouaient  le  rôle 
de  defensores  fidei  contre  les  grands  savants  contemporains. 

Je  ne  mentionnerai  encore  que  brièvement  l'appendice  que 
M.  Weinstein  a  ajouté  à  ses  études.  Le  titre  en  est  :  «  Continuation 
de  cette  lutte  entre  les  partisans  et  les  adversaires  de  la  philosophie 
religieuse  de  Maïmonide  (p.  251-272)  ».  D'après  M.  W.,  Maïmonide 
continue  la  lutte  contre  la  théorie  du  Logos  :  «  Le  premier  et  le  plus 
ardent  adversaire  de  la  philosophie  de  Maïmonide,  Abraham  b.  David, 
était  favorablement  disposé  pour  la  doctrine  du  Logos  ou  Métatron  ». 
L'auteur  ne  parle  pas  du  tout  des  luttes  entre  les  partisans  et  les 
adversaires  de  Maïmonide.  Par  contre,  il  cite  des  passages  du  Zokar, 
dont  l'auteur  a  pensait  au  sujet  du  Logos  comme  Philon  »  (p.  265); 
pareillement  «  un  autre  auteur  qui  ilorissait  à  la  même  époque  mi- 
cabbaliste,  mi-philosophe,  Abraham  b.  David,  l'auteur  de  ÏEmouna 
Rama,  qui  exprime  la  même  pensée,  mais  d'une  manière  moins 
mystérieuse  (p.  269)  ».  On  voit  que  sur  le  terrain  de  la  philosophie 
religieuse  du  moyen  âge,  M.  Weinstein  fidèle  à  ses  idées,  ne  manque 
pas  d'une  certaine  originalité! 

Dans  notre  analyse  du  contenu  essentiel  de  l'ouvrage  de  M.  Weins- 
tein, nous  avons  appelé  l'attention  sur  des  points  qui  provoquent  la 
contradiction  et  qui  trahissent  le  défaut  de  méthode  scientifique. 
Mais  il  y  a  encore  dans  cet  ouvrage  une  foule  de  détails  où  se  révèle 
une  science  singulière! 

P.  42,  1.  40,  Samuel  b.  Isaac  est  appelé  le  fils  du  célèbre  agadiste 
Isaac,  sans  qu'on  essaie  même  de  justifier  cette  prétendue  filiation. 
(Voir  Die  Agada  der  palâst. :  Amorâer,  III,  34). 

P.  63,  note  76,  nous  cueillons  l'énormité  suivante  :  «  On  sait  que 
le  S  se  change  souvent  en  8,  comme  on  le  voit  par  le  substantif  àv- 
epioiio;  ,  quand  il  s'unit  à  d'autres  substantifs  ou  quand  il  est 
abrégé.  »   Les  mots  composés   avec  «vïjp  (àvSp-)   proviennent  donc 

d'dvOpwTtoç. 


150  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

P.  77,  note  41  fi,  içç  est  dérivé  sans  plus  d'explication  de  ïiattî, 
«  s'égarer  ». 

P.  90,  note  146  (de  même  p.  496).  L'expression  Nrna&o  à  côté  du  nom 
OïttB  ja  pn^i  'n  {Pesahim,  MZb)  est  considéré  par  M.  W.  comme  une 
épithète.  Dans  une  des  citations  il  traduit  :  «  R.  Jizchak  de  l'Agada  », 
dans  l'autre  :  «  R.  J.  PAgadiste  ».  En  réalité,  «n-Ufin  signifie  «  celui 
de  l'Agada  »,  l'auteur  de  maximes  agadiques  ;  de  même  que  NrtftttfJT 
(ib.)  signifie  «  celui  de  la  Halacha  ». 

P.  405,  en  haut  :  «  La  région  que  les  Ammonites  habitaient  forme 
la  limite  sud-ouest  de  la  Palestine  »  ! 

P.  109.  Le  territoire  arabe  que,  selon  M.  W.,  les  Siméonites  ont 
conquis  (ici  M.  W.  suit  une  hypothèse  bien  connue  de  Dozy)  était, 
d'après  la  p.  409,  1.  42,  presque  toute  l'Arabie  du  sud.  Plus  bas 
(p.  4  47,  l.  44),  ils  habitaient  l'Arabie  Pétrée,  qui,  p.  4  46,  1.  44,  est  ap- 
pelée *  l'Arabie  heureuse  ». 

P.  442.  A  l'appui  de  la  correction  citée  plus  haut  de  tpaitt*  en 
ùm^tt  (II  Ghron.,  xx,  4),  M.  W.  donne  la  règle  suivante,  à  son  avis 
«  inestimable  »,  qu'il  prétend  avoir  trouvée  dans  la  Bible,  à  propos  du 
dénombrement  des  tribus  ou  des  générations  patriarcales  :  «  Là  où 
une  génération  est  désignée  d'après  le  nom  de  son  premier  ancêtre, 
ce  nom  se  trouve  toujours  sous  la  forme  du  singulier,  tandis  que  la 
génération  est  désignée  par  le  pluriel,  parce  qu'elle  représente  les 
fils  de  celui  qui  a  porté  ce  nom.  De  même  qu'on  ne  trouve  pas  dans 
l'Écriture  sainte  Erb&ruD"»,  au  lieu  de  bîntt^  "^a,  de  même  on  ne 
peut  trouver  tm&ott,  au  lieu  de  atntt  ■rça  ou  û^ie*,  au  lieu  de  "^a 
yvny,  parce  que  cela  est  contraire  à  l'usage  de  la  langue  de  cette 
époque.  Mais  les  passages  où  on  trouve  to^aatitt  ou  trai»?  sont  sûre- 
ment une  interpolation.  »  Quant  à  la  teneur  de  cete  règle  singuliè- 
rement formulée  (où  le  mot  interpolation  est  sans  doute  mis  pour 
corruption),  nous  n'en  ferons  pas  une  plus  longue  analyse.  Mais  ce 
qui  est  dit  de  D^aNitt  et  tarara*  est  démontré  inexact  par  Deut., 
il,  14  et  20.  Du  reste,  la  correction  en  faveur  de  laquelle  cette  règle 
a  été  établie  est  depuis  longtemps  connue  et  admise  d'après  la  Sep- 
tante. 

P.  158.  dnN  irvna  "isïib,  Lév.,  xxvi,  44.  M.  W.  rapproche  arbitrai- 
rement ce  passage  tel  qu'il  est  employé  dans  Megilla,  Ma,  de  "W*t3îl 
rma.  Or,  là  il  s'agit  de  Dieu  qui  ne  brise  pas  son  alliance  avec 
Israël,  même  après  que  Rome  l'a  assujetti  ;  tandis  qu'ici  il  est  ques- 
tion de  la  rupture  de  l'alliance,  qui  est  le  fait  de  l'Israélite  infidèle. 

P.  167,  1.  7.  «  Gésarée  était  située  sur  le  rive  sud  de  la  mer  Médi- 
terranée. »  On  veut  parler  de  la  partie  méridionale  du  rivage  pales- 
tinien de  la  Méditerranée. 

P.  169,  note  36.  Le  Targoum  des  Prophètes  est  appelé  pseudo-Jo- 
nathan. Or,  ce  nom  est  celui  du  Targoum  palestinien  sur  ie  Pen- 
tateuque. 

P.  473,  note  50.  Le  Tannaïte  mpOETn  p  ""OT  'n  (R.  Yosé,  fils  de  la 
Damasienne,  voir  Levy,  I,  426  a  ;  Die  Agada  der  Tannaiten,  I,  393) 

\ 


BIBLIOGRAPHIE  151 

est  appelé  par  M.  W.  «  R.  José  de  Damas  ».  mpDttTtt  est,  selon  lui, 
le  nom  de  la  ville  elle-même,  et  dans  une  note,  il  donne  l'étymo- 
logie  suivante,  exprimée  laconiquement  «  mpo»-m  —  taifin  ptfiE  = 
ptttt  tsnNi  ». 

P.  182.  «  Elischa  b.  Abuia  se  plaça  à  la  tête  des  Minim  (ce  que 
M.  W.  déduit  de  Kohélet  rab.,  sur  i,  8,  où  awnuin  "Wr  n'est  autre 
que  Aher).  Il  oublia  que  par  l'union  de  l'Occident  avec  l'Orient,  un 
enfant  était  né  qui  prétendait  posséder  toutes  les  qualités  de  ses 
deux  pères,  et  que  ce  furent  des  Juifs  grecs  abusés  et  égarés  qui  fa- 
vorisèrent cette  naissance. . .  ;  de  sorte  que,  désormais,  il  fallut  plus 
que  jamais  veiller  sur  la  pureté  de  l'idée  monothéiste.  »  —  C'est  un 
des  rares  passages  du  livre  où  il  est  fait  allusion  au  christianisme. 

P.  188,  note  98  :  «  Le  célèbre  agadiste  R.  Lévi  bar  Ghama  ».  Le 
célèbre  agadiste  Lévi  n'est  jamais  désigné  avec  ce  nom  patrony- 
mique. 

P.  191,  1.  16  :  «  Dans  la  doctrine  platoniciennne  citée  plus  haut 
(Timée,  V),  il  y  a  une  attaque  dissimulée  contre  la  doctrine  mosaïque, 
contre  le  monothéisme.  » 

P.  220.  Au  cours  d'une  singulière  dissertation  sur  ^pn&wriïi 
(Exode.,  xx,  2),  dans  l'explication  donnée  à  ce  mot  par  Hanania,  le 
neveu  de  Josué  b.  Hanania  (j.  Soukka,  54  c;  Pesikta  R.,  ch.  xxi  fin) 
se  trouve  l'aperçu  caractéristique  suivant  sur  la  conjugaison  hé- 
braïque :  «  On  sait  que  la  difficulté  des  conjugaisons  (sic)  des  verbes 
hébreux  consiste  en  grande  partie  en  ce  qu'ils  sont  réunis  aux  pro- 
noms en  un  seul  mot  et  sont  conjugués  avec  eux.  »  Toute  cette  dis- 
sertation est  la  chose  la  plus  abstruse  que  l'on  puisse  imaginer. 
Malheureusement  elle  est  trop  longue  pour  être  reproduite  ici.  Or, 
M.  W.  est  tellement  convaincu  de  son  absolue  justesse,  qu'il  ajoute  : 
«  Nous  avons  ainsi  la  preuve  qu'à  l'époque  de  R.  Gamliel  II  et  de 
son  contemporain  R.  Akiba,  le  texte  biblique  n'était  pas  encore 
ponctué,  car,  sans  cela,  toutes  ces  règles  concernant  la  manière  de 
lire  les  mots  de  certains  passages  importants  auraient  été  inu- 
tiles. »  Gomme  s'il  fallait  encore  une  preuve  pour  établir  que  la 
ponctuation  du  texte  biblique  n'existait  pas  encore  au  ier  ni  au 
ne  siècle  ! 

En  matière  de  citations  hébraïques  et  grecques,  M.  W.  procède  avec 
beaucoup  de  négligence.  Ainsi  p.  27,  d'après  Sota,  12  a,  il  cite,  N3n 
nT?btf  "i  m,  au  lieu  deïi*m)  p  iï*bK  'n  W  «an.  Dans  la  tra- 
duction allemande  du  passage  (p.  27,  2,  3)  :  R.  Schimon  ben  Eléazar, 
au  lieu  de  R.  El.  b.  S. 

P.  67,  note  87,  d'après  Gen.  r.,  ch.  xxi  ;  Pesikta,  éd.  Friedmann, 
p.  192  a,  dbi*  bu)  vnms,  au  lieu  de  dbu  b«3  vrrrd.  P.  95,  en  bas, 
•pbio  biaw,  au  lieu  de  "ptabiOE.  —  Pour  les  textes  grecs,  qui  con- 
tiennent une  masse  de  fautes  d'impression,  je  me  bornerai  à  rap- 
porter des  citations  de  la  Sapience. 

P.  17,  note  16  (Sapience,  9,  8).  Après  àyte  <jou  manque  :  Ouffiaanfpwv 
lifpni&a  ffX7ivf,c.  —  P.  18,  note  20  (11,  20)  après  *pi8|i$,  il  manque  xcà 


152  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

<TTa8|Aîj>.  —  P.  20  note  24  (16,  20  et  suiv,),  au  lieu  de  oùpavou,  lire  oùpavoO; 
au  lieu  de  ùitfoxixxk,  lire  Oudataaiç;  au  lieu  de  67reépxu>v,  lire  ûicepeTwv.  — 
P.  22  et  24  (17,  2),  après  dyiov  (lire  aywv),  il  manque  âvojiot;  au  lieu  de 
•7te8ïiT<x,  lire  ite8f,Tat. 

La  négligence  dans  la  traduction  des  textes  est  plus  regrettable 
encore  que  la  négligence  dans  les  citations.  Dans  la  traduction  de  la 
Sapience,  7,  26  et  suiv.,  p.  16  :  «  Elle  est  la  lumière  luisante  du 
monde  »  ;  or,  l'original  est  ainsi  conçu  :  àicaûYaj[x«  yip  èaxi  cpwc&ç 
dïôfou  «  elle  est  un  reflet  de  la  lumière  éternelle  ».  On  en  arrive  à  sup- 
poser que  la  traduction  allemande  de  M.  Weinstein  est  faite  d'après 
une  version  hébraïque  de  la  Sapience,  et  qu'il  a  pris  fcabny  tin  «  lu- 
mière éternelle  »  pour  la  «  lumière  du  monde  ».  —  9,  8  (p.  17)  :  «  Que 
tu  as  possédée  à  l'origine  ».  Le  texte  grec  porte  :  fjv  icpoïiTofjiaaa;  ait' 
°OTK  «  que  tu  as  préparé  dès  le  commencement  ».  Ici  aussi  il  semble 
avoir  traduit  la  version  hébraïque  ûip  m:p.  —  11,  20  (p.  18)  :  «  Gréé 
et  ordonné  »,  texte  grec  :  ôiétaÇaç.  —  18,  15  (p.  24)  :  «  Au  milieu  de  la 
contrée  coupable  »  ;  texte  grec  :  efc  ji^ov  xt^  <fteOp(<xç  piç  «  dans  le  pays 
voué  à  la  ruine  ».  —  Ibid.,  v.  16  :  «  Avec  des  cadavres  »,  texte  grec  : 
•avrffoo  «  avec  la  mort  ».  —  Dans  la  traduction  de  la  IIe  Ep.  aux  Co- 
rinth.,  4,  4  (p.  81)  :  «  Par  la  lumière  de  la  splendeur  de  la  nou- 
velle du  Messie  »  ;  texte  grec  :  tôv  «pomanôv  toû  tb&yyt'ktoii  tT,<;  fofoç  xoù 
XpisTOû  (Weizsacker  traduit  :  «  par  l'évangile  luisant  de  la  splendeur 
du  Christ  »). 

P.  47,  1.  8  :  «  Le  saint,  loué  soit-il,  s'enveloppe  d'un  vêtement  »  ;  le 
texte  hébreu  dit  ïifcbtiîa  ïY'npïi  Epyrû.  Il  traduit  donc  comme  s'il  y 
avait  rtabtta.  Toutefois,  ce  passage  est  traduit  exactement  plus  loin  : 
«  comme  dans  un  vêtement  ».  Peut-être  aussi  le  mot  «  comme  »  a-t-il 
été  omis  ici.  —  P.  63,  note  78,  il  cite  le  passage  de  Sanheïrin,  38  #,  et 
le  rend  ainsi  :  «  Dans  le  Talmud,  dans  le  verset  de  l'Exode,  24,  1,  où 
il  est  dit  :  t  Et  il  dit  à  Moïse  :  Monte  vers  Dieu  »,  le  pronom  il  est 
interprété  comme  se  rapportant  au  Métatron.  »  Or,  le  pronom  il  ne  se 
trouve  que  dans  la  traduction  allemande  de  ce  passage  biblique.  Celui- 
ci  dit  simplement  :  'T\  ba  irb?  T£N  ïiot  b&o.  Dans  la  réponse  que 
R.  Idit  donne,  en  cet  endroit,  au  Min,  c'est  'n  btf  qui  est  interprété 
comme  se  rapportant  au  Métatron  et  on  dit  pour  cette  raison  que 
celui-ci  porte  le  même  nom  que  son  maître  (im  diûa  ieiû;z5  fnOBJa  ïitî. 

P.  168,  }"-n  iliy  (Berach.,  28  a)  seraient  les  valets  d'armes  de  R. 
Gamliel.  Et  les  'pO'nn  ""byn  [Berach.,  27  h)  sont,  en  réalité,  «  des 
hommes  cuirassés  »,  «  attendu  que  les  gouvernements  en  question 
avaient  l'habitude  de  seconder  les  Patriarches  palestiniens  en  met- 
tant à  leur  disposition  une  force  armée  pour  leur  assurer  de  l'auto- 
rité et  les  mettre  en  état  de  punir  ».  C'est  la  paraphrase  de  la  pre- 
mière explication  donnée  dans  l'Aruch  (s.  v.  OTD),  mais  la  seconde 
explication,  également  adoptée  par  Raschi,  qui  dit  que  l'expression 
doit  être  prise  au  figuré,  est  seule  exacte.  C'est  ce  que  confirme  le 
verbe  0"nnïi,  formé  du  substantif  grec  et  qui  désigne  la  lutte  de 
députations  savantes. 


BIBLIOGRAPHIE  153 

P.  200,  1.  45  :  «  ceci,  d'après  le  patriarche,  s'arrangerait  ainsi...  » 
Or  le  patriarche  (Juda  II)  se  borne  à  citer  une  sentence  de  R.  Eléazar 
b.  Pedat.  —  P.  204,  1.  6.  D'une  «  peine  disciplinaire  qui  consistait 
dans  l'éloignement  (c'est-à-dire  expulsion)  du  savant  incriminé  de  la 
Palestine  »  on  ne  trouve  pas  la  moindre  trace  dans  les  textes  cités 
à  ce  propos.  —  La  sentence  d'Éléazar  b.  Pedat  dans  les  deux  Talmud 
est  mal  comprise  ou  n'est  pas  comprise  du  tout  (note  140);  dans 
mon  article  Zur  Geschichte  der  Ordination  [Monatsschrift,  XXXVIII, 
p.  125),  j'ai  donné  à  ce  sujet  d'amples  détails.  —  P.  213,  1.  9  :  «  Em- 
mène ton  neveu  hors  de  Palestine  et  viens  ensuite  chez  moi.  »  Ceci 
doit  être  la  traduction  des  mots  &m  ^n»  la  anati  {Nidda,  24  b). 
Raschi  explique,  conformément  au  sens,  M!-ï  par  Nnn  «  amène  » 
(c'est-à-dire  :  avec  toi). 

Notons  encore  le  goût  de  l'auteur  pour  la  répétition  des  mèmts 
citations  données  dans  le  texte  original  et  en  traduction.  Le  célèbre 
dialogue  entre  Simon  b.  Yehoçadak  et  Samuel  b.  Nahman  est  re- 
produit deux  fois  (p.  17  et  p.  41  ;  voir  aussi  p.  43).  Le  passage 
d'Exode  rabba,  ch.  xv,  mentionné  plus  haut,  est  cité  trois  fois  dans 
le  texte  et  dans  la  traduction  (p.  44;  p.  195;  p.  242),  chaque  fois 
avec  une  autre  traduction.  V.  aussi  p.  18,  note  18,  cf.  p.  49,  note 
38  ;  p.  15,  note  7,  cf.  avec  p.  207,  note  146  ;  p.  204,  note  240,  cf.  p.  227, 
note  138. 

Eu  ce  qui  concerne  le  style,  les  passages  que  nous  avons  cités  ont 
déjà  montré  que  l'auteur  ne  se  distingue  ni  par  la  précision  ni  par 
la  correction.  Il  est  souvent  malheureux  dans  le  choix  de  ses  expres- 
sions et  il  pèche  beaucoup  contre  la  langue  et  la  syntaxe.  Je  me  bor- 
nerai à  citer  encore  ces  quelques  exemples.  La  première  étude  com- 
mence ainsi  :  «  Par  les  grands  progrès  que  la  littérature  orientale  a 
faits  dans  les  derniers  temps,  il  est  maintenant  hors  de  doute  que  le 
pseudographe  «  la  Sagesse  de  Salomon  »  est  une  production  alexan- 
drine  (p.  11).  »  —  Jbid.,  1.  19  :  «  Toutes  les  divinités  de  l'antiquité  et 
parfois  aussi  du  moyen  âge.  »  —  P.  19, 1.  2  :  «  La  différence  entre  la 
race  helléniste  et  la  race  juive  »  (on  veut  dire  «  entre  les  Hellènes  et 
les  Juifs  »). 

Je  ne  parlerai  pas  des  nombreuses  fautes  d'impression  de  l'ouvrage, 
mais  il  est  désagréable  de  trouver  plusieurs  fois  «  theosopthisch  »  au 
lieu  de  theosophisch  ;  que  le  Midrasch  sur  les  Psaumes  soit  appelé 
Schochar  Tob,  au  lieu  de  Schocher  Tob.  —  L'ouvrage  3p3^  "p?  [En 
YaJwb)  est  cité,  p.  64,  1.  13  et  27,  sous  le  nom  «  Eijin  Jakob  »  ;  ibid., 
note  81,  sous  celui  de  «  Aïjin  Jakob  »  (M.  W.  ne  connaît-il  pas  Deut., 
xxxiii,  28).  —  Le  nom  de  Bar  Kappara  (fcCisp  "in)  se  trouve,  p.  187, 
sous  trois  formes  :  B.  Kappara,  B.  Kappora,  B.  Kapara.  —  P.  22,  1.  1  : 
R.  Iusua;  ib.,  1.  5,  R.  Eliasar. 

Dans  les  indications  des  passages,  il  y  a  aussi  beaucoup  de  négli- 
gences fâcheuses  :  p.  19,  1.  4,  Isaïe,  xx,  20,  1.  Is.,  xxvn,  8;  —  p.  26, 
note  41,  xxi,  8,  1.  xxix,  8  ;  ib.,  note  43,  d'après  Soph.  Sal.  ;  compl. 
xix,  16;  —p.  81,  note  127,  avant  Épitre  aux  Cor.,  ajouter  II;  — p.  107, 


154  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

note  38,  au  lieu  de  xv,  1.  xvi  ;  —  p.  170,  note  63,  après  Tanchouma, 
ajouter  :  éd.  Buber. 

A  la  fin  de  cette  analyse  où  je  n'ai  pu  relever  qu'une  partie  des 
détails  de  l'ouvrage  de  M.  Weinstein  méritant  d'être  critiqués,  je  dois 
exprimer  le  regret  que  l'auteur  ait  employé  beaucoup  de  science  et  de 
sagacité,  ce  qu'il  est  impossible  de  lui  dénier,  à  poursuivre  une  idée 
préconçue  et  à  interpréter  d'une  manière  forcée  des  textes  nombreux 
en  vue  de  son  système.  Un  manque  absolu  de  méthode  scientifique, 
l'habitude  de  ne  tenir  aucun  compte  des  travaux  antérieurs,  si  nom- 
breux en  cette  matière,  un  goût  effréné  pour  les  hypothèses,  une  foi 
absolue  en  ses  propres  idées,  une  complète  absence  de  critique  dans 
l'emploi  des  sources,  tout  cela  fait  que  cet  ouvrage,  composé  non  sans 
esprit,  malgré  la  richesse  des  matériaux,  doit  être  considéré  comme 
pauvre  en  résultats.  L'auteur  n'a  pas  montré  qu'il  ait  le  droit  de  juger 
l'état  présent  de  la  science  du  judaïsme,  comme  il  l'a  fait  au  début 
de  son  Introduction. 

Budapest. 

W.  Bâcher. 


Publications  de  la  Société  littéraire  israélite 
de   Hongrie  : 

1)  A  zsidôk  torténcte  Btidapesten  (Histoire  des  Juifs  à  Budapest,  depuis  les 

temps  les  plus  anciens  jusqu'en  1867),  par  Alexandre  Buchler.  Budapest,  1901  ; 
in-8°  de  524  p. 

2)  Az  1848-49-iki  magyar  szabad«iàgh:ircz  es  a  zsidok  (La  Révolution 

hongroise  de  1848-49  et  les  Juifs),  par  Bêla  Bernstein,  avec  une  préface  de 
Maurice  Jôkai.  Budapest,  1899  ;  in-8#  de  344  p. 

3)  Szcntirâs  (La  Bible),  tomes  I  et  II.   Budapest,  1898  et  1900;  in-8*  de  410  et 

350  p. 

4)  Évkiinyv    (Annuaires  de  la  Société   littéraire  israélite  de  HoDgrie),  4  vol.,  1898- 

1901,  rédigés  par  W.  Bâcher  et  J.  Banogzy.  Budapest,  in-8*  de  372,  406,  385  et 
440  p. 

1  )  Depuis  notre  dernier  compte  rendu  (voir  Revue,  juillet-septembre 
1897),  la  Société  littéraire  israélite  de  Hongrie  a  publié  huit  nou- 
veaux volumes,  qui  attestent  le  zèle  infatigable  avec  lequel  elle  pour- 
suit son  œuvre.  Deux  de  ces  volumes  sont  une  contribution  très 
précieuse  à  l'histoire  du  judaïsme  dans  l'Europe  orientale,  deux 
autres  nous  donnent  le  commencement  de  la  traduction  hongroise  de 
la  Bible  attendue  depuis  si  longtemps  ;  les  Annuaires,  enfin,  dans  leur 
riche  variété,  reflètent  l'activité  de  cette  Société,  qui  exerce  une 
influence  si  bienfaisante  sur  la  partie  éclairée  des  Juifs  magyars. 


BIBLIOGRAPHIE  155 

t  L'histoire  des  Juifs  à  Budapest  depuis  les  temps  les  plus  an- 
ciens jusqu'au  dualisme  (1867)  »  est  l'œuvre  de  M.  Bùchler,  rabbin 
de  Keszthely,  et  a  remporté  le  prix  Tencer.  La  capitale  hongroise 
s'appelle  actuellement  Budapest,  mais  dans  l'histoire  du  judaïsme, 
la  communauté  n'est  pas  connue  sous  ce  nom.  Jusque  vers  le  milieu 
du  xviii6  siècle,  l'Europe  connaît  bien  la  Kehila  Ofen  (Bude),  puis 
celle  d'Alt-Ofen  (O-Buda),  mais  ce  n'est  qu'au  xixc  siècle  qu'on  com- 
mence à  parler  de  celle  de  Pest.  M.  Bùchler  était  donc  amené  à  di- 
viser son  travail,  d'après  le  développement  historique  de  la  capitale 
hongroise,  en  trois  parties.  La  première,  et  c'est  la  plus  importante, 
est  celle  qui  concerne  Bude  (Ofen  —  p.  1-266);  puis  vient  celle  qui 
traite  d'O-Buda  (Alt-Ofen  —  p.  267-328)  ;  finalement,  nous  avons  la 
partie  la  plus  récente  de  cette  histoire  :  celle  de  la  communauté  de 
Pest  (p.  329-511). 

Tous  ceux  qui  s'occupent  de  l'histoire  des  Israélites  savent  que  la 
communauté  d'Ofen  était  célèbre  dès  le  moyen  âge  et  qu'elle  brillait 
d'un  vif  éclat  aux  xvie  et  xvir3  siècles.  M.  Bùchler  croit  que  les  pre- 
miers Juifs  y  arrivèrent,  non  pas  avec  les  Magyars  conquérants  du 
pays  vers  la  fin  du  ixe  siècle,  mais  seulement  au  xe,  peut-être  même 
au  xie  siècle.  C'étaient  des  Israélites  immigrés  soit  des  provinces 
allemandes  limitrophes,  soit  des  provinces  slaves.  Sous  la  dynastie 
d'Arpad  (1000-1301),  la  communauté  s'éleva  au  premier  rang  ;  elle  le 
conserva  dans  les  siècles  suivants,  car  c'est  elle  qui  était  chargée  de 
représenter  auprès  des  autorités  les  autres  communautés  juives  de 
Hongrie.  Le  roi  Bêla  IV  lui  octroya,  par  une  charte  datée  de  1251, 
certains  privilèges.  La  synagogue  construite  près  de  la  «  Porte  juive  » 
existait  déjà  en  1307.  Le  sort  tolérable  des  Israélites  de  Bude  devait 
être  connu  à  l'étranger,  car  on  rencontre  souvent  dans  les  documents 
des  détails  sur  l'immigration  des  Juifs  étrangers  à  Bude.  Ainsi  les 
sources  mentionnent  que  des  Juifs  français,  chassés  probablement 
au  commencement  du  xve  siècle  de  leur  pays,  s'y  établirent  ;  que 
leur  nombre  était  assez  considérable  et  qu'en  1433  ils  parlaient  en- 
core le  français.  Un  autre  fait  qui  prouve  l'opulence  de  la  commu- 
nauté, c'est  qu'au  commencement  du  xvie  siècle  elle  paye,  sur  les 
2,000  florins  d'impôts  que  la  ville  devait  verser  au  trésor  royal,  juste 
la  moitié.  Un  de  ses  rabbins  les  plus  célèbres  vers  la  fin  du  xve  siècle, 
Akiba  Kohen,  est  dénommé  par  ses  contemporains  :  «  prince  de  Bude  ». 

Malgré  cette  prospérité  et  cette  renommée,  les  persécutions  par- 
tielles ne  manquaient  pas.  Ainsi  en  1495,  cinq  ans  après  la  mort  de 
Mathias  Corvin,  lorsque  le  pays  se  trouva  sous  le  sceptre  des  faibles 
et  inertes  Jagellons,  la  populace  donna  la  chasse  aux  Juifs,  mais 
la  communauté  fut  protégée  par  Maximilien,  empereur  romain, 
dont  les  descendants  devaient  bientôt  monter  sur  le  trône  de  Hon- 
grie. La  chronique  a  conservé  de  cette  époque  le  nom  d'un  Juif  con- 
verti, Senior  Etel  ben  Ephraïm,  qui  reçut  le  nom  d'Eméric  Szeren- 
csés,  obtint  les  plus  hautes  charges  et  se  montra  toujours  grand  pro- 
tecteur de  ses  anciens  coreligionnaires. 


156  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

La  bataille  de  Mohacs  (1526)  mit  fin  à  la  communauté  florissante  de 
Bude.  A  la  nouvelle  du  désastre,  qui  soumit  un  tiers  de  la  Hongrie 
pour  cent  cinquante  ans  à  la  domination  turque,  une  grande  partie 
des  Juifs  s'enfuirent.  Ceux  qui  restaient  remirent  au  pacha  Ibrahim 
les  clefs  de  la  forteresse.  Le  sultan  Soliman  fit  son  entrée  dans  la  ca- 
pitale le  11  septembre,  le  jour  du  Jeûne  de  Gedalia;  il  se  montra  très 
bienveillant  ;  mais  le  22  du  même  mois,  il  fit  transporter  sur  ses  ga- 
lères tous  les  Juifs  de  Bude  et  d'Esztergom  (Gran)  en  Turquie.  «  Leur 
faire  quitter  ce  pays,  disait-il,  c'est  les  délivrer  de  leur  misère.  »  On 
les  établit  à  Gonstantinople,  à  Sophia,  à  Gavala,  à  Widdiu,  à  Salo- 
nique  et  à  Plewna.  Le  célèbre  rabbin  de  Bude,  Naftali  Kohen  ben 
Isaac,  accompagna  ses  fidèles  à  Sophia,  où  il  vivait  encore  en  1532. 

Peu  à  peu,  la  communauté  se  reconstitua.  Dans  un  recensement 
de  1580  on  trouve  de  nouveau  quatre-vingt-huit  familles  juives.  «  Si 
les  Magyars,  dit  M.  Bùchler,  les  tondaient,  les  Turcs  les  écorchaient.  » 
Le  quartier  juif  fut  rétabli  sous  le  nom  de  «  Mahallé  i  jehudian  », 
mais  le  gouvernement  turc  chargea  plusieurs  Israélites  de  la  percep- 
tion des  impôts  et  des  contributions.  Les  Juifs  de  Bude  devinrent 
des  sujets  loyaux  des  sultans.  Ce  loyalisme  envers  les  conquérants 
excita  souvent  la  colère  des  Magyars.  L'empereur-roi  Rodolphe,  à  qui 
on  conseilla  des  représailles,  loua,  au  contraire,  cette  fidélité  en  di- 
sant :  a  Je  ne  doute  pas  que  nos  sujets  israélites,  si  l'occasion  se 
présente,  se  montreront  tout  aussi  braves  et  fidèles.  »  «  Ismaël  et 
son  gendre  Esau  »  (c'est  ainsi  que  les  Juifs  appelaient  les  Turcs  et 
l'empereur-roi)  firent  enfin  la  paix  (1606);  la  communauté  s'accrut 
d'émigrés  espagnols,  autrichiens,  polonais,  moraves  et  même  sy- 
riens, de  sorte  qu'au  xvne  siècle  on  y  célébrait  le  culte  selon  trois 
rites  :  espagnol,  allemand  et  syrien.  Le  plus  célèbre  rabbin  de  Bude 
était  alors  Ephraïm  Kohen,  élu  en  1666,  et  dont  le  nom  était  connu 
partout  où  l'on  s'occupait  du  Talmud. 

M.  Bùchler  trace  le  tableau  de  la  vie  intellectuelle  de  cette  com- 
munauté, décrit  le  désastre  causé  au  moment  de  la  reprise  de  Bude 
par  les  troupes  impériales  (1686),  les  tentatives  du  cardinal  Kollo- 
nics,  qui  voulait  chasser  les  Juifs  du  territoire  hongrois  —  la  haine 
de  ce  fanatique  contre  les  protestants  n'était  pas  moindre  —  et  les 
nombreuses  vexations  que  les  Autrichiens,  devenus  maitres  de  la 
Hongrie,  firent  subir  aux  Israélites  de  Bude.  Ici  l'intérêt  du  volume 
commence  à  languir;  en  effet,  les  chapitres  x  et  xi  de  cette  pre- 
mière partie  constituent  plutôt  l'histoire  de  certaines  familles  juives. 
Nous  apprenons  encore  que  Marie-Thérèse,  cette  reine  avisée,  mais 
peu  scrupuleuse  dans  ses  moyens  d'action,  expulse  les  Juifs  de  Bude 
en  1746  et  qu'ils  n'obtiennent  la  permission  d'y  revenir  que  sous 
Joseph  II.  Depuis  la  fin  du  xvmc  siècle,  la  communauté  s'est  déve- 
loppée régulièrement.  Après  la  Révolution  de  1848-49,  il  y  avait 
4,976  Israélites,  mais  malgré  ce  nombre,  Bude  ne  jouissait  plus  de 
la  renommée  qu'elle  avait  sous  la  domination  turque. 

La  communauté  d'O-Buda  (AH-Ofen)  se  constitua  lorsque  Marie-, 


BIBLIOGRAPHE  157 

Thérèse  expulsa  les  Juifs  de  Bude.  Elle  acquit  une  grande  renommée 
sous  le  rabbin  Moïse  Munz,  originaire  de  Brody,  élu  eu  4789.  Sa  fa- 
meuse discussion  avec  Chorin,  l'auteur  d'Emek  Hachavé  (1803),  les 
persécutions  que  ce  dernier  comme  adepte  des  réformes  dut  subir, 
sont  les  chapitres  les  plus  intéressants  de  cette  partie. 

Là  communauté  de  Pest  prit  naissance  sous  Joseph  II,  dont  l'édit 
de  tolérance  (1783)  permettait  aux  Juifs  de  s'y  établir  définitivement. 
Son  grand  développement,  —  elle  compte  aujourd'hui  80,000  âmes,  — 
est  intimement  lié  à  l'élan  prodigieux  de  la  capitale  hongroise,  qui, 
d'après  le  dernier  recensement,  dépasse  700,000  habitants.  Les  meil- 
leures pages  de  cette  partie  sont  celles  que  M.  Bùchler  consacre  à 
l'activité  des  rabbins  Wahrmann  (élu  en  4799),  Schwab  (1836)  et  Mei- 
sel  (1859)  ;  au  mouvement  réformiste  inauguré  par  Einhorn,  qui,  sous 
le  nom  d'Edouard  Horn,  déploya,  après  la  Révolution,  son  activité 
comme  journaliste  et  conférencier  à  Paris.  Le  récit  de  la  participa- 
tion des  Juifs  à  cette  révolution  aurait  pu  être  retranché,  puisque 
cet  épisode  est  traité  avec  tous  les  détails  nécessaires  dans  le  livre 
de  M.  Bernstein. 

M.  Biïchler  a  ajouté  à  son  ouvrage  consciencieux  et  puisé  aux 
meilleures  sources,  un  appendice  où  nous  trouvons  le  texte  hébreu 
de  certaines  coutumes  de  l'ancienne  communauté  de  Bude,  se  rap- 
portant aux  repas,  aux  fiançailles,  au  divorce,  à  l'héritage  et  aux 
prières. 

2)  Le  volume  de  M.  Bernstein,  rabbin  de  Szombathely,  retrace,  d'a- 
près les  archives  de  plusieurs  villes  et  les  journaux  contemporains, 
la  part  prise  par  les  Juifs  à  la  guerre  d'indépendance  de  1848-49.  Peu 
après  la  Révolution,  Edouard  Horn,  dans  un  livre  publié  à  Leipzig 
{Die  Révolution  und  die  Juden  in  Ungarn,  4  851),  avait  dit  que  vingt 
mille  Juifs  hongrois  avaient  participé  à  ce  mouvement  insurrec- 
tionnel. Ce  chiffre  est  probablement  un  peu  exagéré.  Ce  qui  est 
prouvé,  c'est  que  les  Israélites  ont  déployé  une  grande  activité  au 
moment  de  la  Révolution.  Ils  ont  donné  leur  sang  et  leur  argent  à 
la  cause  magyare. 

Pourtant,  à  l'aube  même  de  la  liberté,  en  mars  4  848,  ils  furent 
massacrés,  par  la  population,  dans  plusieurs  villes.  Lorsque  la  Diète 
vota  l'émancipation  de  toutes  les  races  habitant  le  sol  hongrois,  les 
Israélites  seuls  furent  exclus  de  ce  bénéfice.  Kossuth  s'y  opposa, 
non  pas,  certes,  par  antipathie  contre  la  race,  mais  parce  qu'il  pré- 
voyait que  leur  émancipation  en  masse  susciterait  la  haine  des 
autres  nationalités.  Il  s'en  est  expliqué  plus  tard,  dans  ses  discours 
à  Londres.  —  M.  Bernstein  retrace  la  situation  des  Israélites  hon- 
grois avant  4  848  ;  la  journée  du  45  mars  ;  les  persécutions  qu'ils  ont 
subies  lorsque  la  Révolution  éclata,  persécutions  tellement  violentes 
que  plusieurs  communautés  pensèrent  sérieusement  à  émigrer  en 
Amérique  ;  les  difficultés  que  les  Juifs  eurent,  quelques  mois  plus 
tard,  pour  entrer  dans  la  garde  nationale  ;  le  rôle  qu'ils  ont  joué 
parmi  les  honvéds  —  M.  Bernstein  donne  la  liste  complète  de  ceux  que 


158  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

les  documents  mentionnent  —  ;  leurs  sacrifices  de  toute  nature  pour 
soutenir  aussi  longtemps  que  possible  la  lutte  ;  leur  résistance  dans 
le  sud  delà  Hongrie  à  l'appel  de  Yillyrisme,  c'est-à-dire  à  la  coalition 
des  Serbes  et  des  Croates  pour  combattre  les  Magyars  ;  la  vengeance 
des  Autrichiens  ;  la  rançon  demandée  par  les  vainqueurs  aux  diffé- 
rentes communautés  privées.  Haynau  seul  leur  imposa,  outre  des 
contributions  énormes  en  nature,  2,300,000  florins.  Cette  somme  fut 
réduite  à  un  million  et  devait  constituer  plus  tard  le  fonds  d'études 
dont  les  intérêts  ont  servi  à  la  création  de  la  première  Ecole  normale 
primaire  juive  et  à  celle  du  séminaire  israélite  de  Budapest.  Le  der- 
nier chapitre  de  ce  livre  intéressant  parle  des  Juifs  de  l'émigration 
de  1849  et  donne  la  biographie  des  plus  illustres  parmi  eux. 

M.  Jokai,  le  grand  romancier,  témoin  de  cette  lutte  pour  la  liberté, 
à  laquelle  il  participa  par  la  plume  et  par  l'épée,  a  écrit  une  courte 
préface  à  ce  volume,  où  il  constate  qu'en  Hongrie  les  Juifs  furent 
toujours  les  adeptes  les  plus  fervents  de  l'idée  nationale,  de  la  li- 
berté. 

3)  Une  traduction  hongroise  de  la  Bible  répondant  aux  exigences 
de  l'exégèse  moderne  et  au  progrès  de  la  langue  magyare,  était 
attendue  depuis  longtemps.  On  ne  pouvait  guère  plus  avoir  recours 
aux  traductions  des  protestants  et  des  catholiques  faites  aux  xvie  et 
xvne  siècles,  au  moment  des  luttes  religieuses.  M.  Bloch  (Ballagi), 
qui  avait  entrepris,  il  y  a  cinquante  ans,  une  traduction,  n'a  trouvé 
nul  encouragement  de  la  part  du  consistoire  de  Pest.  Aujourd'hui, 
la  situation  a  changé.  On  explique  la  Bible,  dans  les  écoles  primaires 
israélites,  en  magyar.  La  traduction  entreprise  par  la  Société  litté- 
raire sera  donc  partout  bien  accueillie.  Le  premier  volume,  conte- 
nant le  Pentateuque,  est  dû  également  à  M.  Bernstein,  dont  la  traduc- 
tion a  été  revue  par  M.  Blau,  professeur  au  séminaire  de  Budapest. 
Le  deuxième  volume,  contenant  Josué,  les  Juges,  Samuel,  les  Rois,  est 
dû  au  rabbin  Jules  Fischer,  ancien  élève  du  séminaire,  actuellement 
à  Prague.  MM.  Banoczi,  Bâcher  et  Krauss  ont  revu  sa  traduction,  qui 
offre  ainsi  les  garanties  nécessaires  au  point  de  vue  de  la  fidélité  et 
au  point  de  vue  de  la  langue. 

4)  Les  Annuaires  présentent  le  même  intérêt  que  les  années  pré- 
cédentes. Outre  les  communications  relatives  à  la  vie  intérieure  de 
la  Société,  aux  conférences  qu'elle  organise,  nous  y  trouvons  une 
partie  littéraire  très  nourrie.  Nous  y  relevons  pour  l'année  1898  : 
Une  description  des  principales  synagogues  de  V Europe,  par  M.  L.  Pa- 
loczy  ;  M.  Bâcher  rend  compte  de  l'importante  découverte  faite  en 
Egypte  du  Fragment  de  V Ecclésiastique;  M.  Rado  retrace  la  carrière 
du  pédagogue  hongrois  Maurice  Karman,  le  fondateur  de  l'Ecole 
pratique  de  l'enseignement  secondaire,  dont  on  a  fêté  le  jubilé  en 
1897  ;  M.  Kayserling  parle  de  Noa  Mordeckaï,  juif  américain,  qui,  le 
premier  dans  notre  siècle,  eut  l'idée  de  fonder  un  Etat  juif  ;  M.  Bûch- 
ler  publie  des  notes  intéressantes  sur  le  costume  des  Juifs  hongrois 
à  la  fin  du  xvuie  siècle  ;  M.  A.  Rosenberg  parle  de  la  réception  des 


BIBLIOGRAPHIE  159 

prosélytes  dans  le  juîaïsme  ;  M.  Venetianer  retrace  avec  beaucoup  de 
savoir  les  tentatives  des  philologues  hongrois  du  xvne  et  du  xvui° 
siècles  dans  le  domaine  des  études  comparées  des  langues  hébraïque  et 
magyare;  M.  Waldapfel  donne,  d'après  le  livre  de  Banoczi,  l'histoire 
de  l'unique  Ecole  normale  d'instituteurs  Israélites  hongrois  (4857-97)  ; 
M.  Samu  donne  ses  impressions  de  voyage  à  Jérusalem  ;  M.  Peisner 
énumère  les  Juifs  hongrois  qui  durent  émigrer  à  la  suite  de  la  Révo- 
lution de  4848,  et  M.  Bernstein  parle  de  la  réforme  du  culte  Israélite 
que  cette  révolution  a  fait  naître.  —  Année  489^  :  Balassa  :  L'ethno- 
graphie du  judaïsme  hongrois  ;  Rosenberg  :  Le  monothéisme  et  la  doc- 
trine de  sélection  ;  Mandl  :  Kazinczy  et  les  Juifs  (Kazinczy,  inspecteur 
des  écoles  sous  Joseph  II,  fut  le  premier  à  faire  sortir  les  Israélites 
de  leur  isolement  et  voulut  les  faire  participer  aux  réformes  huma- 
nitaires de  l'empereur)  ;  Goldschmied  :  La  Renaissance  allemande  et 
la  Bible  ;  Bârâny  :  Contributions  à  l'histoire  des  Juifs  à  Kecskemét  ; 
Lôwy  :  Y  origine  du  dicton:  La  lettre  tue,  l'esprit  vivifie;  M.  Brody 
trace  un  tableau  très  intéressant  des  Chants  d'amour  dans  la  poésie 
hébraïque  à  V époque  hispano  -arabe  et  caractérise  particulièrement 
Moïse  ibn  Ksra  et  Juda  Halévi  ;  M.  Weisz  donne  la  biographie 
de  Kollinszhy,  le  jeune  rabbin  tombé  le  6  octobre  4848  sur  les 
barricades  de  Vienne;  Neumann  la  nécrologie  de  Philippson,  au- 
quel le  rabbin  de  Budapest,  Kayserliog,  a  consacré  dernièrement 
une  biographie  (Leipzig  4898).  M.  Frisch  dresse  des  statistiques  très 
intéressantes  qui  démontrent  les  conséquences  des  lois  politico-ecclé- 
siastiques en  vigueur  depuis  4  896  ;  M.  Vajda  étudie  le  sort  des  Juifs 
d'Alexandrie;  M.  Flesch  parle  de  l'hospitalité  dans  le  Talmud ; 
M  Bûchler  des  sacrifices  pour  les  empereurs  romains  au  temple  de 
Jérusalem;  M.  Krauss  cherche  dans  les  Livres  saints  des  analogies 
avec  Vépée  d'Attila  ;  M.  Grùnhut  décrit  la  Communauté  Israélite  hon- 
groise à  Jérusalem;  finalement,  M.  Bâcher  donne  un  aperçu  ingé- 
nieux des  trois  traductions  juives  de  la  Bible  :  les  Septante,  Saadia 
et  Moïse  Mendelssohn. 

Année  4900  :  Havas  :  Petôfi  (les  rares  passages  où  le  grand  poète 
lyrique  mentionne  les  Juifs  montrent  qu'il  avait  beaucoup  de  sym- 
pathies pour  eux)  ;  Bâcher  :  Szirach  en  danger  (à  propos  des  études 
de  M.  Israël  Lévi  sur  le  texte  hébreu  nouvellement  découvert)  ; 
Székely  :  Statistique  des  Juifs  en  Hongrie  (en  4720,  il  y  en  avait  42,655; 
en  4805,  127,846  ;  en  1842,  244,632  ;  en  4  869,  552,4  33  ;  en  4  890,  725,222)  ; 
Acsâdy  :  L'esprit  ecclésiastique  et  tes  Juifs;  M.  Mezei  décrit  l'état  na- 
vrant des  écoles  juives  dam  la  Hongrie  du  Nord;  Kecskeméti  :  Sor- 
ciers de  Kanaan  ;  Bloch  :  Quelques  feuilles  antisémitiques  françaises  pen- 
dant la  grande  Révolution  (détails  intéressants  sur  l'abbé  Grégoire  et 
sur  les  attaques  dirigées  contre  lui)  ;  Pollak  :  Les  Juifs  de  Nagymar- 
ton  ;  Kont  :  Eugène  Manuel  ;  Krauss  :  Manuscrits  hébreux  dans  l'an- 
cienne bibliothèque  de  Bude  ;  Hazai  :  Prières  des  Sabbathariens  (publie 
plusieurs  poésies  magyares  de  cette  secte  fondée  au  xvne  siècle  par 
le  chancelier  Péchi  en  Transylvanie);  Stein  :  Optimisme  religieux 


160  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

(conférence  faite  par  le  savant  professeur  de  l'Université  de  Berne  à 
Berlin)  ;  Schwarz  :  Les  Juifs  en  Croatie  ;  Bùchler  :  De  Judaeis  (sur  la 
loi  votée  par  la  Diète  hongroise  en  4790-91  );  Heller  :  Eléments  bibliques 
dans  les  poésies  de  Michel  Tompa  ;  Eisler  :  Les  études  juives  d'Apaczai 
(cartésien  hongrois  du  xvne  siècle,  auteur  d'une  Encyclopédie  parue 
en  1655). 

Année  1901  :  Heller  :  Hommage  à  Vorosmarty  (à  l'occasion  du  cen- 
tenaire de  la  naissance  du  grand  poète  national  ;  jugement  du  poète 
sur  les  Juifs  et  ses  propositions  en  leur  faveur)  ;  Bâcher  :  Martyrs 
juifs  dans  le  calendrier  chrétien  (étude  sur  les  Macchabées)  ;  Beck  : 
Létat  actuel  des  Juifs  en  Roumanie  ;  Goldschmied  :  Le  style  juif; 
Neumann  :  Nietzsche  et  le  judaïsme  ;  Weisz  :  La  société  Israélite  de  Ko- 
lozsvar  (on  y  organise  des  conférences  depuis  deux  ans);  Kecske- 
méti  :  Les  Mînim  (Cf.  Revue  des  Études  juives,  1899):  Mandl  ;  L'in- 
struction des  Juifs  hongrois  sous  Joseph  11  (1780-90)  (étude  détaillée 
puisée  aux  archives)  ;  Eisler  :  Les  grands  rabbins  de  Transylvanie  ; 
Rosenberg  :  La  légende  de  la  création  dans  la  Bible  et  chez  les  Grecs  ; 
Vajda  :  La  mort  d' 'Agrippa,  roi  des  Juifs  ;  Kayserling  :  Luzzato  et  les 
savants  juifs  de  Hongrie  (d'après  la  correspondance  du  savant  ita- 
lien) ;  Pillilz  :  Une  lettre  inédite  de  Luzzato;  Alexander  :  Sur  le  Mar- 
chand de  Venise,  de  Shakespeare  (étude  esthétique). 

Chaque  volume  contient,  en  outre,  des  poésies  originales  ou  imi- 
tées des  poètes  juifs  du  moyen  âge,  des  récits  sur  la  vie  privée  en 
Hongrie  et  les  souvenirs  de  l'humoriste  Agai  sur  ses  parents. 

Nous  pouvons  voir  par  cette  simple  énumération  que  les  éditeurs 
de  l'Annuaire  s'efforcent  de  donner  à  cette  belle  publication  un  cachet 
scientifique.  Les  collaborateurs,  pour  la  plupart  anciens  élèves  du 
séminaire  de  Budapest,  montrent  que  l'enseignement  qu'ils  y  ont 
reçu  porte  les  meilleurs  fruits. 

J.  Kont. 


ADDITIONS  ET  RECTIFICATIONS 

Tome  XLII,  p.  195,  1.  6.  Au  lieu  de  «  Nissan  fut  placé  au  dimanche  », 
lire  «  au  mardi  ».  —  A.  Epstein. 

Ibid.,  p.  273.  A  l'article  de  M.  Schwab  sur  «  Un  secrétaire  de  Raschi  », 
comparez  mon  travail  «  Schemaja  der  Schùler  und  Secretàr  Raschi's  » 
{Monatsschrift,  XLI,  p.  257  et  suiv.).  —  A.  Epstein. 

Ibid.,  p.  276,  note.  M.  A.  Epstein,  Schemaja  der  Schiller  uni  Secretàr 
Raschi's,  dans  la  Montasschrift,  t.  XLI  (tirage  à  part,  Berlin,  1897,  p.  4), 
admet,  selon  une  donne'e  de  R.  Jacob  Tarn  dans  le  Se  fer  ha-Yaschar,  que 
Schemaja  a  été  le  beau-père  d'un  petit-fils  de  Raschi,  savoir  de  Samuel  b, 
Me'ïr.  —  A.  Marx. 

Le  gérant  : 

Israël  Lévi. 

VERSAILLES,    IMPRIMERIES    CERF,    59,    RUE    DUPLESSIS. 


CONTRIBUTIONS 

A  LA  GÉOGRAPHIE  DE  LA  PALESTINE 

ET  DES  PAYS  VOISINS 


SUITE 


II 


LÀ     GEOGRAPHIE    DES    TABLETTES     DEL-AMARNA. 

Au  débat  de  l'année  1888  des  fellahs  découvrirent,  sur  la  rive 
orientale  du  Nil,  à  El-Amarna,  une  collection  de  tablettes  d'argile 
—  troiscent  vingt  environ  — recouvertes  d'inscriptions  cunéiformes, 
lettres  adressées  au  roi  d'Egypte,  au  xive  siècle  av.  J.-C,  par  des 
souverains  étrangers,  chefs  de  villes  palestiniennes  ou  syriennes, 
agents  royaux.  Ces  précieux  documents,  publiés  et  traduits  par 
M.  Hugo  Winckler,  dans  la  Keilinscrifllichen  Bibliolheli,  font 
connaître  une  série  de  noms  de  villes  et  de  pays  dont  l'emplace- 
ment est  le  plus  souvent  incertain.  Il  semble  utile  de  reprendre 
les  études  géographiques  auxquelles  ces  tablettes  ont  donné  déjà 
lieu,  en  se  plaçant  à  un  point  de  vue  qui  n'a  pas  été  encore  envi- 
sagé, en  sériant  les  tablettes  d'après  les  formules  protocolaires 
employées.  L'emploi  des  mêmes  formules  par  deux  personnages 
paraît  établir  entre  eux  un  lien  de  voisinage  ;  l'usage  des  for- 
mules les  plus  humbles  dénote  une  plus  grande  sujétion' de  l'au- 
teur de  la  tablette  à  l'égard  de  son  correspondant. 

Les  formules  comprennent  :  1°  les  titres  du  destinataire;  2°  les 
noms  et  qualités  de  l'expéditeur  ;  3°  les  salutations. 

1  Voir  Bévue  des  Études  juives,  t.  XXXV.  p.  185. 

T.  XLIII,  n°  86.  Il 


162 


REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 


A.  Titres  du  destinataire. 

Pour  la  clarté  de  cette  étude,  on  ne  considérera  que  les  tablettes 
adressées  au  Roi  d'Egypte,  et  l'on  adoptera  la  traduction  et  le 
classement  de  M.  Hugo  Winckler. 

Les  formules  peuvent  se  ramener  à  neuf  types  avec  de  nom- 
breuses variantes. 

a.  Formules  royales. 


1.  à  X.,  Roi  d'Egypte,  7,  8  du  Roi  de  Kardouniach, 

2.  à  X.,  le  grand  Roi,  Roi  d'Egypte,  10  du  même, 

3.  à  X  ,  mon  frère,  6  du  môme, 

4.  à  X.,  Roi  d'Egypte,  mon  frère,  ou  2,  4,  5,  9,  11  du  même,  16  du  Roi  de 


au  Roi  d'Egypte,  mon  frère, 


àX.,    Roi   d'Egypte,    mon   frère 

mon  gendre  qui  m'aime  et  que        Mitani, 

j'aime, 
à  mon  Seigneur,  le  Roi  d'Egypte,    36  de  Ztd 

mon  père. 


Mitani,  25,  2Q,  27,  28,  29  et  30  du 
Roi  d'Alaschia, 
17.  18,  19,  20,  21,  23  et  21  du  Roi  de 


le  fils  du  Rui. 


b.  Formules  vassales. 


.  au  Roi,  mon  Seigneur, 


39  et  40  d'Abd-Achrat  d'Amour,  71, 
96,  99  et  104  de  Rib-Addi  de  By- 
blos,  122  de  la  ville  d'Irqata,  125 
de  Addou.  .  .ia  et  de  Battiil,  131  de 

Riiri amil  de  Khachabou,  144 

de  Namiavaza,  145  de  X.,  146  dl- 
takkama,  156  d'Abimilki  de  Tyr, 
161  d'Artamanja  amil  de  Zirba- 
cbani,  162  de  Lapaja,  164  d'Addou- 
acharidou,  175  d'Arzavaja,  amil 
de  Mikhiza,  179,  180,  182,  183  et 
184  d'Abd-khiba  de  Jérusalem,  186 
de  X.,  187  et  188  d'Addou-mikhir, 
189  de  Tagi,  191  de  X.,  198  de 
Chouvardata,  202  du  Roi  de  Kha- 
souri,203  d'Abd  tiichi,amildeKha- 
zoura,  220  de  Chamou-Addou,  amil 
deCbamkbouna,  231  de  Baiaja,  238 
de  Jama,  241  de  Chipti-Addi,  242 
de  Chiptouri.  . .,  245  de  Dacbrou, 
246  et  247  de  Zitrijara,  250  de  l'nmil 
de  Doubou,  251  de  l'amil  de  Q.i- 
nouou,  252  d'Abd -milki,  amil  de 
Chaskhimi,  253  d'Amajachi,  255  de 


CONTRIBUTIONS  A  LA  GEOGRAPHIE  DE  LA  PALESTINE 


163 


8.  au  Roi  d'Egypte,  mon  Seigneur. 


Badouza,  258  de  . .  .khilija,  261  de 
Zichamimi,  263  de  l'amil  de  Na- 
zima,  261  de  Dijati,  265  de  Tagi, 
268  de  Soubajadi,  270,  273,  278, 
279  et  285  de  X., 
41  de  Dounip. 


c.  Formules  d'adoration  solaire  simple- 


9. 

10. 
11. 


12. 


à  X.,  le  fils  du  Soleil,  mon  Sei-    138  et  139  d'Akizzi  de  Qalna, 

gneur, 
au  Roi,  mou  Soleil, 
à  mon  Seigneur,  le  Soleil, 


au  Roi, 
Ici), 


mon  Seigneur,  mon  So- 


13.  au  Roi,  mon  Seigneur,  le  Soleil, 

14.  au  Roi,  le  Soleil,  mon  Seigneur, 

15.  au  Soleil,  le  Roi,  mon  Seigneur, 

le  Roi  d'Egypte. 


93  de  Rib-Addi  de  Byblos, 

58  et  69  du  même  ;  dans  le  corps  des 
lettres  38  d'Abd-Achrat  d'Amour, 
288  de  X.,  et  289  de Addou. 

63,  76,  78,  86,  94,  103  et  107  de  Rib- 
Addi,  119  de  Hyblos  1  0  d'Akizzi 
de  Qatna,  153  d'Abiinilki  de  Tyr, 
163  de  Lapaja,  178  de  Jabitiri  (?\ 
181  d'Abd-khiba  de  Jérusalem,  194 
et  195  de  Biridija,  amil  de  Makidda, 
244  de  Dachrou,  249  de  Chalija, 
256  de  Moutzou.  . .,  fils  de  Lapaja, 
262  de  Nouourtouja  .  .  .ma,  271 
d'Abdna. . ., 

98  de  Rib-Addi, 

38  d'Abd-Achrat, 

37  de  Ramman-nirari  de  Noukhach- 
chi. 


d.  Formule  'polythéiste. 
1G.  au  Roi,  mon  Seigneur, mes  Dieux.    143  de  Namiavaja. 


e.  Formules  solaires  polythéistes. 


17.  au  Roi,  mon  Soleil,  mes  Dieux, 

18.  au  Roi, mon  Seigneur,  mes  Dieux, 

le  Soleil, 

19.  au    Roi,    mon    Seigneur,     mes 

Dieux,  mon  Soleil, 


151  et  152  d'Abd-milki  de  Tyr. 

176  d'Arzavaja,  197  de  Jarta  (?),  260 
de  Rouchmania,  amil  de  Tarouna, 

149.  150,  154  et  155  d'Abimilki  de 
Tyr,  165,  166  et  167  de  Chouvar- 
data,  168,  169,  170,  171  et  172  de 
Milkili,  173  et  174  de  Ninour,  1~7 
d'Arzavaja,  190  de  Tagi,  193  de 
Biridija,  amil  de  Makidda,  199  et 
200  de  Ghouvardata  206  de  Ja- 
pakbi    de   Gezer,    214   de  Jabitiri, 

221  de  Choumad 2£0  de  Baiaja, 

239,  240  et  275  d'Addou-daian, 
248  de  Zitrijara,  259  de  Khiziri, 
266  et  274  de  Jakhzibaia,  284  de  X- 


164 


REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 


f.  Formules  solaires  monothéistes. 

20.  au  Grand  Roi,  mon  Seigneur,  mon    48,  49  el  51  d'Aziri, 

Dieu,  mon  Soleil, 

21.  au  Roi,  mon  Seigneur,  mon  Dieu,    42,  43  et  47  d'Aziri,  117  de  X.,  127  de 

mon  Soleil.  la  ville  deToubikhi,132d'Ildaaja..., 

amil  de  Khazi,  134  de  ...varzana, 
amil  de  Khazi,  192  de  Biridija,232et 
233deChoutarnadeMouchikhouna, 
267  de  Jamiouta,  amil  de  Ga(?)da- 
chouna,  283  d'Il(?)kha. . .  ;  dans  le 
corps  du  texte,  249  deChatija. 

g.  Formules  au  Soleil  du  Ciel. 


22.  au  Roi,  mon   Seigneur,  le  Soleil    157,  158  et  159  des  amils  d'Akko,  228 

du  Ciel.  de  Choubandi,  254  de    Jiktasou, 

2ù9  de  X.,  272  d'Inbaouta  ;  dans  le 
corps  du  texte,  262  de  Nouourtou- 
ja.  .  .ma, 

23.  au  Grand  Roi,  mon  Seigneur,  le    216  de  Dagan-takala, 

Soleil  au  Ciel, 


24.  au  Roi,  mon  Seigneur,  mon  So- 
leil, mes  Dieux,  le  Soleil  du 
Ciel, 


25.  au  Roi,  mon  Seigneur,  mon  Dieu, 
mon  Soleil,  le  Soleil  du  Ciel. 


160  de  Zitatna,  amil  d'Akko,  204  et 
205  de  Japakhi  de  Gézer,  207,  208, 
209,  210,  211,  212  et  213  de  Jitia, 
amil  d'AsqaloD,  217  de  Zimridi, 
amil  de  Lakich,  224,  225,  226,  227 
et  229  de  Choubandi,  234,  235  et 
236  de  Pou-addi,  amil  de  Vourza, 
213  de  Chipli..,,  257  de  Sourachar, 
amil  de  . .  .tiacbna,  277  de  X., 

218  de  Jabn-iilou  de  Lakich. 


h.  Formules  au  Souffle  de  la  vie. 

26.  au  Roi,  le  Souffle  de  ma  vie,         .129  et  130  d'Ammounira,  amil  de  Be- 

rout, 

27.  au  Roi,  mon  Seigneur,  le  Souffle    129  a  du  même, 

de  ma  vie, 

28.  au  Roi,  mon  Seigneur,  mon  So-    128  du  même,  147  de  Zimrida,   amil 

leil,  mes  Dieux,  le  Souffle  de        de  Sidon. 
ma  vie. 

i.  Autres  formules. 

29.  au  Roi,  mon  Seigneur,   le   Sei-    53,  61,  62,  70,  73,  74,  79,  85,  88  et 

gneur  (ou  le  Roi  ou  le  Soleil)        91  de  Rib-Addi  de  Byblos, 
des  pays, 


CONTRIBUTIONS  A  LA  GEOGRAPHIE  DE  LA  PALESTINE  165 

30.  au  Seigneur  des  pays,  au  Roi  des    55,  56,  (50,  64,  72,  77,  80,  81,  83,  84, 
pays,  au  Grand  Roi,  au  Roi  de        87,  100  et  101  du  même, 
la  bataille. 

On  saisit  tout  de  suite  l'importance  de  ces  formules,  en  cons- 
tatant qu'à  Ascalon  et  à  Akko,  Ton  fait  usage  des  formules  au  So- 
leil du  Ciel,  à  Tyr  de  la  formule  au  Roi  mon  seigneur,  mes 
Dieux,  mon  Soleil,  à  Sidon  et  Beyrout  des  formules  au  Souffle 
de  la  vie,  à  Byblos  des  formules  au  Seigneur  des  pays,  au  Roi 
de  la  Bataille;  ainsi  les  nationalités  s'accusent,  même  sur  le 
bord  de  la  mer,  où  les  différences  de  langage  tendent  à  s'atténuer. 


B.  Signatures. 

a.  Formules  royales. 

31.  renonciation   du   titre  royal  est 

suivie  généralement  des  mois,: 
ton  frère. 

b.  Signatures  simples. 

32.  le  nom  sans  qualificatif.  131  de  Biiri...,  amil  de  Khachabou, 

132  d'Ildaja...,  amil  de  Kbazi, 
147  de  Zimrida,  amil  de  Sidon, 
175  d'Arzavaja,  amil  de  Mikhiza, 
202  du  Roi  de  Khazouri,  220  de 
Chamou-Addou,amildcChamkhou- 
na,  264  de  Dijali. 

c.  Formules  de  politesse. 

33.  ton  serviteur,  37  de  Ramman-nirari,  41  des  gens  de 

Dounip,  42,  43,  47,  48,  49  et  51 
d'Aziri,  69,  76,  78,  86,  91,  93,  94, 
98,  99,  103  et  107  de  Rib-Addi, 
119  et  120  de  Rabimour,  138,  139 
et  140  d'Akizzi  de  Qalna,  145  de 
X.,  116  d'Itakkama,  149,  150,  151, 
■  152,  153.  154,  155  et  156  d'Abi- 
milki  de  Tyr,  161  d'Artanianja  de 
Zir-bacbani,162deLapaja,164d'Ad- 
dou-acbaridou,  166  do  Cbouvar- 
dala,  173  de  Ninour,  178  de  X., 
179, 180, 181, 182, 183  et  184  d'Abd- 
khiba   de   Jérusalem,    186   de   X., 


166 


REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 


34.  le  serviteur  du  Roi, 


35.  le  fidèle  serviteur  du  Roi, 


36.  ton  fidèle  serviteur. 


188  d'Addou-mikhir,  189  de  Tagi, 
3  91  de  X.  3  98,  199  et  201  de 
Chouvardatîi,  203  d'Abd-tirachi  de 
Khazouia,  215  et  216  de  Dagan- 
takala,  280  et  231  de  Baiaja,  232 
et  233  de  Choutarna  de  Mouchi- 
khouua,  234  de  Pou-Addi  de  Vour- 
za,  237  de  Mout-Addi,  238  de  Jama, 
246  et  247  de  Zitrijara,  250  de  l'amil 
de  Doubou,  251  de  l'amil  de  Qa- 
nouou,  252  d'Abd-Milki,  amil  de 
Chaskhimi,  253  d'Amajachi,  254 
de  Jiktasou,  255  de  Badouza,258de 
...khilija,  259  de  Khiziri,  261  de 
Zichamimi,  263  de  l'amil  de  Nazi- 
ma,  265  de  Tagi,  268  de  Souba- 
jadi,  270  de  X.,  272  d'Inbaouta,  279, 
284,  2S5  et  291  do  X.,  289  de  . .  . 
Addou,  290  d'Akizzi, 

39  et  40  d'Abd-Achrat,  221  de  Chou- 
mad. . .,  267  de  Jamiouta,  amil  de 
Ga(?)dachouua, 

187  d'Addou-mikhir,  193,  194  et  195 
de  Biridija  de  Makidda,  244  et  245 
de  Dachrou, 

192  de  Biridija. 


d.  Formules  cVhumilitè. 


37.  Ion  serviteur,  le  soc  de  tes  pieds, 

38.  ton  serviteur,  la  poussière  de  tes 

pieds, 


39.  ton  serviteur  et  la  poussière  que 

tu  foules, 

40.  ton  serviteur,  et  la  poussière  sous 

les    pieds   du    Roi,   mon  Sei- 
gneur (mon  Dieu,  mon  Soleil), 


53  de  Rib-Addi, 

38  d'Abd-Achrat,  96  de  Rib-Addi, 
128,  129,  129  a  et  130  d'Ammou- 
nira  de  Berout,  143  de  Namiavaju, 
160  deZiatatna  d'Akko,  165  et  167 
de  Chouvardala,  168.  169,  170,  171 
et  172  de  Milkili,  174  do  Ninour, 
190  de  Tagi,  200  de  Chouwardala, 
206  de  Japakhi  de  Gçzer,  214  de 
Jabitiri,  217  de  Zimridi  de  Lakich, 
228  et  229  de  Choubandi,  2:6 
de  Pou-Addi  de  Vourza,  239  d'Ad- 
dou-daian,  241  de  Chipti-Addi, 
242  de  Chiptouri . .  . ,  243  de  Chip- 
ti...,  249  de  Chatija,  266  de 
Jakhzibaia,  271  d'Abd-na...,  274 
de  X.,  275  de  ...daian,  283  de 
Il(?)kha..., 

163  de  Lapaja, 

131  de  .  ..varzaua  de  Khazi,  249  de 
Chatija  de.  . . 


CONTRIBUTIONS  A  LA  GÉOGRAPHIE  DE  LA  PALESTINE 


167 


41.  le  fidèle  serviteur  du  Hoi,  la  pous- 
sière des  pieds  du  Roi, 

la  poussière  de  tes  pieds,  le  sol 
que  tu  foules, 

ton  serviteur,  la  poussière  de  tes 
pieds,  le  sol  que  tu  foules, 

le  serviteur  du  Roi,  la  poussière 
de  ses  pieds,  et  le  sol  qu'il 
foule, 

ton  serviteur,  la  poussière  des 
pieds  du  Roi,  mon  Seigneur, 
mon  Soleil  et  la  terre  qu'il 
foule, 

ton  serviteur,  la  poussière  de  tes 
pieds,  la  boue  que  tu  foules, 
47.  ton  serviteur,  la  poussière  de  tes 
pieds,  le  trône  sur  lequel   tu 
sièges,  le  soc  de  tes  pieds. 


42 


43 


44. 


45 


40 


176  d'Arzavaja,    197    de   Jarta,   271 
d'Abd-na . . . , 

141  de  Ara.  .  .  de  Koumidi, 

177  d'Arzaja,  248    »  e    Zitrijara,    256 
de  Moutzou...,  277  do  X., 

157  de  Sourata  d'Akko,  158  et  159  de 
Zatatna  d'Akko, 

262  de  Nou(?)ourtouja. .  .ma, 


260  de  Rouchmania  de  Tarouna. 
144  de  Namiavaia. 


e.  Chefs  des  dépôts  de  cavales. 

48.  ton  serviteur,  la  poussière  de  tes    204  et  205  de  Japakhi  de  Gézer,  207, 
pieds,  levaletde  tes  chevaux.        208,209,  210,211,212  et213de  Jitia 

d'Asqalon,  218  de  Jabni-il  ou  de  La- 
kich,  224,  225,  226  et  227  de  Chou- 
bandi,  235  de  Pou-Addi  de  Vourza, 
243  de  Chipti. .  .,257  de  Sourachar 
de  .  .    tiachna,  269  de  X. 


C.   Salutations 


a.  Salutations  simples. 


A). 

50. 


51 


52. 


53. 


à  tes  pieds  je  tombe, 
aux    pieds   de    mon 
tombe, 


238  de  Jama,  261  de  Zichamimi, 
37  deRammanni-rari  de  Noukachchi, 
125  d'Addou...  et  de  Batiil,  175 
d'Arzavaja  de  Mikhiza,  186  de  X., 
202  du  Roi  de  Khazouri,  237  de 
MouL-Addi,  273  de  X., 
aux  pieds  du  Roi,  mon  Seigneur,    162  de   Lapaja,  166  de  Chouvardata, 

je  tombe,  265  de  Tagi,  285  de  X., 

devant  le  Soleii,  mon  Seigneur,    289  de  X-, 

je  tombe, 
aux  pieds  de  mon  Seigneur,  mon  .93  de  Rib-Addi  de  Byblos,  140  d'A- 
Soleil,  je  tombe.  kizzi  de  Qatna. 


b.  Les  sept  salutations  simples. 

54.  Sept  fois  je  tombe  aux  pieds  de    138  et  139  d'Akizzi  de  Qatna. 
mon  Seigneur. 


168 


REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 


c.  Les  sept  salutations  répétées. 


42  d'Aziri,  247  de  Zitrijara, 


55.  aux  pieds  de  mon  Seigneur,  sept    260  de  Rouchmania  de  Tarouna, 

fois,  sept  fois, 

56.  sept  et  sept  fois  aux  pieds  de  mon 

Seigneur  je  tombe, 

57.  aux  pieds  du  Roi  sept  et  sept  fois    242  de  Chiptouri. . . , 

je  tombe, 

58.  aux  pieds  du  Roi,  mon  Seigneur,     38  et  40  d'Abd-Achrat,  63,  85  et  104 

sept  et  sept  fois  je  tombe,  de  Rib-Addi,  de  Byblos,  122  des 

chefs  d'Irqata,  129  d'Ammounira 
de  Berout,  133  de  X.,  141  d'Ara..., 
amil  de  Koumidi,  143  de  Namia- 
vaja,  149,  150,  151,  152,  153,154, 
155  et  156  d'Abi-milki  de  Tyr,  161 
d'Artanianja  de  Zir-bachani,  164 
d'Addou-acharidou,  177  d'Arzaja, 
179,  180,  181,  182,  183  et  184 
d'Abd-kbiba  de  Jérusalem,  187  et 
188  d'Addou-mikhir,  189  de  Tagi, 
191  de  X.,  203  d'Abd-tircbi  de 
Kbazoura,  220  de  Chamou-Addou 
de  Cbamkbouna,  221  de  Chou- 
mad...,  251  de  l'amil  de  Qa- 
nouou,  252  de  Abd-milki  de  Chas- 
khimi,  253  d'Amajasi,  2Ô4  de  Jik- 
tasou,  255  de  Badouza,  259  de  Kbi- 
ziri,  263  de  l'amil  de  Nazima,  264 
de  Dijati,  272  d'Inbauota,  278  et 
279  de  X.,  283  d-Il(?)kha. . ., 
215  et  216  de  Dagan-takala, 


59 


sept  et  sept  fois  aux  pieds  du 
Grand  Roi,  mon  Seigneur,  je 
tombe, 

60.  aux  pieds  de    mon    Seigneur  le 

Soleil  (aux  pieds  du  Soleil, 
mon  Seigneur)  sept  et  sept  fois 
je  tombe, 

61.  aux  pieds  du  Roi  le  Soleil  sept  et 

sept  fois  je  tombe. 
2.  aux  pieds  de  mon  Seigneur,  mon 
Soleil,    sept    et    sept    fois  je 
tombe, 

68.  aux  pieds  du  Roi,  mon  Seigneur, 
mon  Soleil,  sept  et  sept  fois  je 
tombe, 


64.  aux  pieds  du  Roi,  mon  Seigneur, 
le  Soleil  rayonnant,  sept  et  sept 
fois  je  tombe, 


53,  70,  87  et  98  de  Rib-Addi,  119  de 
Rabimour, 


69  de  Rib-Addi, 

55,  56,  60,  61,  62,  65,  72,  75,  76,  77, 
78,  79,  80,  81,  83,  84,  86,  94,  99, 
100,  101,  103  et  107  de  Rib-Addi, 
146  d'Itakkama. 

58  et  73  de  Rib-Addi,  163  de  Lapaja, 
192,  194  et  195  de  Biridija,  231  de 
Baija,  244  de  Dacbrou,  256  de 
Mouizou...,  262  de  Nouourtonja- 
ma, 

144  de  Namiavaza, 


CONTRIBUTIONS  A  LA  GÉOGRAPHIE  DE  LA  PALESTINE 


169 


65.  aux  pieds  du  Roi,  mon  Soleil,  le 

Soleil  du  Ciel,  sept  et  sept  fois 
je  me  jette, 

66.  Sept  et   sept  fois  je  tombe  aux 

pieds  du  Roi.  mou  Seigneur, 
mon  Dieu,  mon  Soleil, 

67.  aux  pieds  du  Roi,  mon  Seigneur, 

mon  Dieu,  mon  Soleil,  le  Soleil 
du  Ciel,  sept  et  sept  fois  je 
tombe, 

68.  aux  pieds  du  Roi,  mon  Seigneur, 

mes  Dieux,  mon  Soleil,  sept  et 
sept  fois  je  tombe, 


69.  aux  pieds  de  mon  Seigneur,  mes 

Dieux,  le  Soleil,  le  Souffle  de 
ma  vie,  sept  et  sept  fois  je 
tombe, 

70.  aux  pieds  du  Roi,  mon  Seigneur, 

mon  Soleil,  mes  Dieux,  le 
Souffle  de  ma  vie,  sept  et  sept 
fois  je  tombe. 


211  de  Jitia  d'Asqalon,  217  de  Ziin- 
ridi  de  Lakicb,  229  de  Choubandi, 

43,  48,  49  et  51  d'Aziri,  64  et  74  de 
Rib-Addi,  134  de  .  .  .varzana  de 
Kbazi,  249  de  Chalija, 

277  de  X., 


165  et  167  de  Chouvardata,  168,  169, 
170,  171  et  172  de  Milkili,  173  et 
174  de  Ninour,  176  dArzavaja, 
178  de  X.,  190  de  Tagi,  193  de 
Biridija,  197  de  Jarta ,  200  de 
Chouvardata,  206  de  Iapakhi  de 
Ge'zer,  214  de  Jabitiri,  239  et  240 
d'Addou-daian,  241  de  Chipti- 
Addi,  266  de  Jakbzibaia,  274  de 
X.,  275  de  ...daian,  284  de  X., 

147  de  Zimrida  de  Sidon, 


128  d'Ammounira  de  Beyrout. 


d.  Les  sept  prostemements  répétés  dans  la  poussière. 

71.  dans  la  poussière  des  pieds  du  131  de  Biiri...  de  Khachabou,  138 
Roi,  mon  Seigneur,  sept  et  sept  d'Ildaja...  de  Khazi,  232  et  233  de 
fois  je  tombe.  Cboutarna  de  Mouchikbouna,  247 

•     de  Jamiouta  de  Ga(?)dacbouna. 

e.  Les  sept  prostemements  et  renversements. 


72.  aux  pieds  de  mon  Seigneur,  je 

me  jette  sept  et  sept  fois  de  la 
poitrine  et  du  dos, 

73.  aux  pieds  du  Roi,  mon  Seigneur, 

je  me  jette  sept  et  sept  fois  de 
la  poitrine  et  du  dos, 

74.  aux  pieds  du  Roi,  mon  Seigneur, 

le  Soleil  du  Ciel,  je  me  jette 
sept  et  sept  fois  de  la  poitrine 
et  du  dos, 


201  de  Chouvardata,  270  de  X., 


198  et  199  de  Chouvardata,  207,  208, 
209,  212  et  213  de  Jitia  d'Asqalon, 
236  de  Pou-Addi  de  Vourza,  246  de 
Zitrijara, 

157  de  Sourata  d'Akko,  159  de  Za- 
tatna  d'Akko,  205  de  Japakhi  de 
Gézer,  210  de  Jitia  d'Asqalon,  224, 
225,  226  et  227  de  Choubandi, 


171» 


REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 


75.  aux  pieds  du  Roi,  mon  Seigneur, 

mon  Dieu,  mon  Soleil,  le  Soleil 
du  Ciel,  sept  et  sept  fois  je 
me  jette  de  la  poitrine  et  du 
dos, 

76.  aux  pieds  du  Roi,  mon  Seigneur, 

mes  Dieux,  le  Soleil  du  Ciel, 
sept  et  sept  fois  je  me  jette  de 
la  poitrine  et  du  dos, 

77.  aux  pieds  du  Roi,  mon  Seigneur, 

mes  Dieux,  mon  Soleil,  le 
Soleil  du  Ciel,  sept  et  sept  fois 
je  me  jette  de  la  poitrine  et  du 
dos, 

78.  de  la  poitrine  et  du  dos,  sept  et 

sept  fois,  aux  pieds  du  Roi, 
mon  Seigneur,  mon  Soleil,  mes 
Dieux,  je  tombe, 

79.  aux  pieds  du  Roi,  mon  Seigneur, 

je  tombe  sept  fois  aux  pieds  du 
Roi,  mon  Seigneur,  et  sept  fois 
de  la  poitrine  et  du  dos. 


218  de  Jabni-ilou  de  Lakicb. 


158  de  Zatatna  d'Akko, 


204  de  Japakhi  de  Ge'zer,  228  de  Chou- 
bandi,  234  et  235  de  Pou-Addi  de 
Vourza,  243  de  Chipti...,  257  de 
Sourachar  de  .  ..tiachna, 

230  de  Baiaja,  248  de  Zitrijara, 


3(J  d'Abd-Achrat. 


Il  est  difficile  de  se  reconnaître  au  milieu  de  ces  formules  tant 
elles  sont  multiples.  L'emploi  d'une  même  formule  par  deux 
personnages  établit  bien  entre  eux  un  lien,  mais  un  lien  fragile. 
Mais  lorsque  ces  deux  mêmes  personnages  se  rencontrent  pour 
employer  deux  et  surtout  trois  des  formules  précédentes,  il 
devient  probable  qu'ils  appartiennent  à  la  même  contrée.  Parfois 
cependant  le  même  individu  a  recours  à  des  formules  différentes  : 
il  faut  donc  s'attendre  à  trouver  des  zones  mal  délimitées,  et  par- 
fois même  se  pénétrant  mutuellement. 


D.  Palestine. 


Les  formules  72-79  d'aplatissement  devant  le  roi  d'Egypte 
devaient  être  d'un  usage  courant  dans  les  territoires  placés 
sous  la  dépendance  immédiate  de  ce  souverain.  On  les  trouve 
employées  : 

1°  par  les  chefs  d'Asqalon,  de  Lakicb,  de  Gézer; 

2°  par  les  chefs  d'Akko  ; 

3°  par  les  chefs  de  Vourza  et  de. . .  tiachna,  par  Choubandi, 

Chipti . . . ,  un  inconnu  (269)  ; 
4°  par  Ghouvardata,  Zitrijara,  Baiaja,  un  inconnu  (270). 


CONTRIBUTIONS  A   LA  GEOGRAPHIE  DE  LA  PALESTINE  171 

Les  personnages  des  trois  premiers  groupes  s'adressent  au  Soleil 
du  Ciel  (formules  22-25)  ;  ceux  des  premier  et  troisième  groupes  se 
qualifient  de  valets  d0s  chevaux  (formule  48). 

Voilà  donc  une  première  région  qui  surgit  du  chaos. 

Avant  d'en  poursuivre  l'exploration,  il  faut  toutefois  écarter 
une  objection  que  ne  manqueront  pas  de  faire  ceux  qui  attribuent 
à  Jabitiri  le  commandement  des  villes  de  Gaza  et  de  Jaffa,  se  fon- 
dant sur  le  passage  de  la  tablette  214  :  «  Veuille  demander  le  Roi, 
mon  Seigneur,  si  je  garde  la  porte  de  Azzati  et  la  porte  de  Ja- 
pou.  »  Jabitiri  se  sert  d'autres  formules  que  les  chefs  d'Asqalon, 
de  Lakich  et  de  Gézer.  Quelle  explication  donner  de  cette  ano- 
malie? Soutenir  que  Jabitiri  commandait  une  ville  à  deux  portes, 
différente,  d'ailleurs,  de  Gaza  et  de  Jaffa.  Mais  les  villes  à  deux 
portes  étaient  à  l'époque  excessivement  rares.  Josué  en  men- 
tionne une  :  Schamaraï  les  deux  portes  (xv,  36)  ;  le  Ier  Livre  des 
Chroniques  (iv,  31)  en  assigne  une  autre  à  la  tribu  de  Siméon  ;  les 
tablettes  d'El-Amarna  n'en  signalent  aucune. 

Mais  l'identification  de  Azzati  et  de  Gaza  est-elle  admissible? 
La  distance  de  Gaza  à  Jaffa  est,  à  vol  d'oiseau,  de  70  kilomètres. 
Comment  est-il  possible  de  les  rattacher  l'une  à  l'autre?  Asqalon 
ne  se  dresse-t-il  pas  entre  elles?  Si  Ton  examine  attentivement  le 
texte  de  la  tablette  214,  on  y  retrouve  d'ailleurs  les  mêmes  for- 
mules, et  même  des  phrases  entières  des  tablettes  190  de  Tagi  et 
239  d'Ad-doudaian.  Ces  personnages  sont  étrangers  à  la  région  du 
Soleil  au  Ciel  et  des  sept  prosternements  et  sept  renversements. 
Azzati  diffère  donc  de  Gaza. 

La  contrée  du  Soleil  du  Ciel  comprenat  tous  les  dépôts  des 
chevaux  égyptiens.  Ces  dépôts  dnvaient  êtrd  échelonnés  le  long 
d  s  routes;  ainsi  on  lit  dans  235  de  Vourza  :  «  (à  cause  de)  l'en- 
nemi pas à  conduire  la  caravane  à »  Vourza  doit  être 

cherché,  d'autre  part,  dans  le  voisinage  d'Ascalon  :  Pou-Addi  de 
Vourza  (236)  a  près  de  lui  ragent  royal  Rianap,  dont  la  fidélité  au 
roi  est  attestée  par  Jitia  d'Asqalon  (213). 

Le  Chipti...,  auteur  de  la  tablette  243,  semble  identique  à 
Chipti-Addou  (241),  à  Çhipti-Addi,  de  la  tablette  219  trouvée  à 
Tel-IIesy  ;  il  apparaît  comme  l'auxiliaire  de  Zimrida  de  Lakich 
et  devait  voisiner  avec  lui.  Peut-être  doit-on  le  retrouver  avec 
un  nom  dénaturé  par  le  poinçon  d'Abd-khiba  de  Jérusalem  dans 
le  passage  suivant  de  la  tablette  181  :  «  Vois,  Tourbacha  a  été 
assommé  à  la  porte  de  Zilou,  et  le  roi  ne  bouge  pas  ;  vois,  Zim- 
rida de  Lakich  :   ses  serviteurs  ont  tenté  de  le  prendre  pour  le 


172  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

tuer;  Japti-Addi  a  été  assommé  à  la  porte  de  Zilou,  et  le  roi  ne 
bouge  pas.  » 

Il  convient  toutefois  d'observer  que  la  tablette  217a  met  en 
scène  également  Tudur-ba-zou,  Ja-ab-ti-oha-oa  et  la  ville  La- 
ki-chi  ;  ce  qui  amènerait  à  différencier  Chipli-Addi  de  Japti-Àddi» 
tout  en  les  faisant  résider  l'un  et  l'autre  dans  la  même  contrée. 

Lakich  a  été,  on  le  sait,  retrouvé  à  Tel-Hesy.  Ziiou,  situé  dans 
le  voisinage,  paraît  correspondre  à  Tell  en  Nejileh,  l'Eglon  de  Jo- 
sué.  A  la  même  région  appartient  la  ville  de  Moumouraachti  (217a), 
dont  le  nom  rappelle  Mo>pa<y6éi,  Morasthi  de  VOnomasticon,  patrie 
du  prophète  Michée,  localité  proche  de  Beit  Djibrin  *. 

Le  site  de  . .  .tiachna,  — M.  Winckler  voudrait  lire  Kitiachna, — 
reste  indécis.  Il  est  impossible  de  rien  dire  sur  la  résidence  de 
Ghoubandi. 

Quant  à  Gézer,  Gazri,  elle  jouait  dès  cette  époque  un  rôle  im- 
portant :  elle  est  qualifiée  (239)  amt-ti  cliarri,  servante  du  Roi, 
comme  Tyr  (150),  Sidon  (147)  et  Byblos  (55  et  119). 

Abd-khiba  de  Jérusalem  se  plaint  (180)  de  l'aide  prêtée  par  Gézer 
à  ses  ennemis  :  «  Sache  le  Roi  que  tous  les  pays  se  sont  ligués 
contre  moi,  afin  que  le  Roi  prenne  souci  de  sa  terre.  Vois  la  con- 
trée de  Gézer,  celle  d'Asqalon,  la  ville  de  Lakich  leur  ont  donné 
des  vivres,  de  l'huile  et  tout  ce  qui  leur  faisait  défaut.  » 

Gézer  fut  pris  par  Lapaja  (163). 

Les  tablettes  rapprochent,  d'ailleurs,  de  Gézer  différents  noms. 
Japakhi  de  Gézer  signale  (205)  la  révolte  de  son  plus  jeune  frère 
et  l'occupation  par  lui  de  la  ville  Mou. .  .khazi.  Abd-khiba  nous 
montre  (183)  les  guerriers  de  Gaazri  (Gézer),  de  Giimti  et  de 
Kiilti  marchant  ensemble  à  la  conquête  du  territoire  de  Roubouti. 
Addou-daian  (219)  associe  Gézer  et  Khoubouti  (ou  mieux  Rou- 
bouti). 

Japakhi  de  Gézer  fait,  d'ailleurs,  usage  de  diverses  formules,  19 
et  24,  68  et  74,  77,  ce  qui  dénote  une  situation  sur  la  frontière  de 
la  région  considérée. 

Ghouvardata  ,  le  premier  des  personnages  du  quatrième 
groupe,  comme  Japakhi  fait  usage  de  diverses  formules,  7  et  19 
[au  Roi,  mon  Seigneur,  mon  Soleil,  mes  Dieux),  68,  72  et  73. 
C'est  sans  nul  doute  un  voisin,  voisin  d'ailleurs  important,  à  en 
juger  par  le  nombre  de  ses  ennemis  :  «  Sache  le  Roi  mon  Sei- 
gneur que  trente  localités  me  sont  hostiles(166).  »  Il  avait  pour  allié 
Milkiil,  qui  écrivait  :  «  Sache  le  Roi  mon  Seigneur  que  forte  est 

1  Guérin,  Judtfe,  II,  p.  328. 


CONTRIBUTIONS  A  LA  GÉOGRAPHIE  DE  LA  PALESTINE  173 

l'hostilité  contre  moi  et  contre  Chouvardata  (176)  »  ;  pour  adver- 
saires Abd-hiba,  qui  mandait  au  roi  :  «Vois  l'acte  qu'ont  perpétré 
Milkivi  et  Chouvardata  contre  les  pays  du  Roi  mon  Seigneur» 
(183),  et  Lapaja,  dont  il  salua  la  mort  avec  joie  :  «  Lapaja  est 
mort  qui  avait  pris  nos  villes  ;  vois,  Lapaja  était  du  parti  d'Abd- 
khiba  »  (165);  comme  centre  d'opérations  Kiilti,  ainsi  qu'en  té- 
moigne ce  passage  d'une  de  ses  lettres  :  «  Le  Roi  mon  Seigneur 
m'a  chargé  de  mener  la  guerre  contre  Kiilti.  J'ai  fait  la  guerre  ; 
elle  s'est  rendue,  elle  est  redevenue  mienne,  ma  ville.  Pourquoi 
Abd-khiba  a-t-il  écrit  aux  amis  de  Kiilti  :  prenez  de  l'argent  et  joi- 
gnez-vous à  moi  ?  Sache  le  Roi  mon  Seigneur  qu'Abdkhiba  a  pris 
ma  ville  (165).  »  La  prise  de  Kiilti  est,  d'ailleurs,  confirmée  par  la 
tablette  167. 

Zitrijara,  qui,  sur  deux  tablettes  (246  et  24S),  emploie  une  for- 
mule de  sept  prosiernemenls  et  renversements,  qui  s'adresse 
l'une  (248)  au  Roi,  mon  Seigneur,  mon  Soleil,  mes  Dieux  (for- 
mule 19),  et  compare,  dans  l'autre  (246),  le  roi  au  Soleil  dit  Ciel, 
est  bien  du  même  pays. 

On  parlera  plus  loin  de'  Baiaja,  le  troisième  personnage  du 
quatrième  groupe,  et  des  chefs  dAkko. 

On  doit  signaler  tout  d'abord  un  groupement  de  trois  person- 
nages, Jabitiri,  Tagi  et  Addou-daian.  Comparez  les  lettres  190  de 
Tagi,  214  de  Jabitiri  et  239  d'Addou-daian  :  on  les  dirait  com- 
posées par  le  même  rédacteur.  On  y  lit  des  phrases  qu'on  ne  re- 
trouve nulle  part  ailleurs  :  «  Je  regarde  ici  et  je  regarde  là,  et  il 
ne  fait  pas  clair;  je  regarde  le  Roi  et  il  fait  clair.  —  On  peut  sortir 
une  brique  de  son  logement,  mais  on  ne  me  sortira  pas  de 
dessous  les  pieds  du  Roi.  » 

Le  contenu  des  lettres  justifie  pleinement  le  rapprochement  : 
ainsi  239  signale  l'acte  de  Biia,  fils  de  Goûlat,  contre  la  ville  de 
Gézer;  214  nous  montre  Jabitiri  gardant  la  porte  d'Azzati  et  la 
porte  de  Japou,  et  178  fait  connaître  l'attaque  de  Japou  par  le 
même  Biia. 

La  tablette  178  paraît  émaner,  comme  214,  de  Jabitiri  ;  la  si- 
gnature a  disparu,  mais  Fauteur  relate  l'envoi  de  son  frère  à  Japou 
pour  la  garde  de  la  ville,  ce  qui  concorde  bien  avec  l'attribution 
de  deux  villes  à  Jabitiri  faite. par  214.  De  ces  deux  villes  l'une, 
Japou,  est  incontestablement  JafFa,  l'autre,  Azzati,  pourrait  bien 
correspondre  à  Azot,  Esdoud,  qui  fut  plus  tard  l'une  des  métro- 
poles phiiistines. 

Addou-daian  devait  résider  non  loin  de  Gézer,  puisqu'il  signale 
(239)  l'agression  de  cette  ville  par  Biia.  C'était  un  voisin  de  Jabi- 


174  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

tiri.  Sur  ses  tablettes  239 .  240  et  275,  il  se  sert  des  mêmes  formules, 
nos  19,  38  et  68,  que  Jabitiri.  Il  n'était  pas  très  éloigné  d'Asqalon, 
de  Vourza  et  de  Lakich,  puisqu'il  fait  mention  de  deux  fonction- 
naires égyptiens,  Rianap,  connu  par  des  tablettes  d'Asqalon 
(263)  et  de  Vourza  (236);  et  M*ïa,  nommé  sur  une  tablette  de 
Lakich  (218).  «  Elle  s'est  soulevée  la  ville  Toumoarka  contre  moi, 
et  j'ai  maintenu  seulement  la  ville  de  Mankhatichoum  pour  mettre 
à  la  disposition  du  Roi  mon  Seigneur.  Mais  vois,  Maïa  l'a  prise  et 
y  a  installé  son  rabitsi  ;  mais  donne  l'ordre  à  Rianap,  mon  rabitsi, 
de  me  faire  restituer  la  ville  et  je  la  tiendrai  à  la  disposition  du 
Roi  mon  Seigneur.  »  (239.) 

La  contrée  habitée  par  Addou-daïan  est  donc  bien  définie  ;  la 
carte  du  P.  E.  F.  y  place,  entre  Esdoud  et  Tell  Djezer,  un  village 
Moukheizin,  dont  le  nom  rappelle  Mankhatichoum. 

Le  troisième  personnage  du  groupe  considéré  est  Tagi,  qui 
résidait  à  Gintikirmil  :  «  Vois,  Gintikirmil  appartient  à  Tagi,  et 
les  gens  de  Ginti  sont  tombés.  »  (185.)  Il  avait  pour  gendre 
Milkiil,  que  l'on  trouve  toujours  au  premier  plan  de  la  scène  poli- 
tique. Milkiil  emploie  les  formules  19,  38  et  68,  dont  se  servent 
Japakhi  de  Gézer  et  Chouvardata  :  il  qualifie,  dans  le  corps  d'une 
de  ses  lettres  (169),  le  roi  de  Soleil  dit  Ciel,  ce  qui  le  rattache 
ainsi  nettement  à  la  région  examinée  en  premier  lieu. 

Il  eut  à  lutter  contre  Lapaja,  qui  s'empara  de  Gézer  et  essaya 
de  s'en  disculper  en  écrivant  au  roi  :  «  Que  le  Roi  mon  Seigneur 
veuille  ne  pas  croire  à  ma  faute.  Est-ce  bien,  d'ailleurs,  une  faute  de 
ma  part  que  d'être  entré  dans  Gézer  et  d'avoir  ordonné  de  raser  la 
ville?  Que  le  Roi  prenne  tous  mes  biens  et  tous  ceux  de  Milkili, 
afin  de  statuer  sur  la  conduite  de  Milkili  à  mon  égard  !  »  Le  texte 
est  bien  suggestif:  d'une  part,  Japakhi  de  Gézer  n'a  pas  parti- 
cipé à  toutes  ces  luttes  dans  lesquelles  s'entremêlent  sans  cesse 
Abd-khiba,  Lapaja,  Chouvardata,  Milkiil,  Tagi,  Arzavaja  ;  d'autre 
part,  il  semble  que  le  motif  de  la  contestation  de  Lapaja  et  de 
Milkiil  soit  précisément  Gezer  ;  Japakhi  serait  donc  mort  avant 
le  déchaînement  général  des  appétits,  et  Milkili  lui  aurait  succédé 
à  Gézer. 

Plus  tard,  Milkili  s'allia  avec  les  fils  de  Lapaja  (164,  180,  182, 
186),  avec  les  fils  d'Arzavaja  (186),  avec  Chouvavdata  (110,  183), 
et  naturellement  on  le  retrouve  aux  côtés  de  son  beau-père  Tagi 
(182,  186). 

Les  faits  les  plus  saillants  de  sa  vie  sont  : 

1°  sa  lutte  à  Gézer  avec  Lapaja,  dont  il  vient  d'être  question; 

2°  sa  campagne  avec  Chouvardata  :  «  Vois  l'acte  de  Milkili  et 
de  Chouvardata  contre  la  terre  du  Roi  :  ils  ont  soudoyé  les  guer- 


COxNTHIliUTlUNS  A  LA  GÉOGRAPHIE  DE  LA  PALESTINE  175 

riers  de  Gaasri  (Gézer),  Gumti  et  Kiilti  et  pris  le  territoire  de 
Roubouti.  Le  territoire  royal  est  aux  mains  des  Khabiri.  Kt  voici 
même  qu'une  ville  du  territoire  de  Ourousalim  du  nom  de  Bet  Ni- 
nib,  une  ville  du  Roi,  est  aux  mains  des  gens  de  Kiilti.  »  (183  ) 
Kvilti,  on  le  sait,  est  à  Chouvardata,  Gimti  à  Tagi  ;  Gézer  appa- 
raît encore  ici  dans  la  dépendance  de  Milkili. 

3°  La  prise  de  Roubouti  :  «  Vois  l'acte  de  Milkili  et  de  Tagi  ; 
après  qu'ils  eurent  pris  la  ville  de  Roubouti. .  .  »  (182.) 

Baiaja,  qui  a  été  signalé  plus  haut  comme  employant  une  des 
formules  des  sept  prosternements  et  renversements  (formule  78), 
donne  au  Roi  les  mêmes  appellations  que  Milkili,  Jabitiri  et 
Addou-daian  (formule  19).  Il  semble  ne  faire  qu'un  avec  Biia,  fils 
de  Goûlat,  qui  attaqua  tour  à  tour  Japou  (178)  et  Gézer  (.'39)  et 
devait  habiter  une  localité  située  entre  ces  deux  villes. 

Akko,  territoire  du  Soleil  du  Ciel,  fut  commandé  successive- 
ment par  les  amils  Charata,  ou  Sourata,  et  Choutatna,  ou  Zatatna, 
son  fils.  Cette  filiation  est  établie  par  la  tablette  11,  qui  nous  a 
transmis  de  précieux  détails  sur  l'état  du  pays.  Dans  ce  document, 
le  roi  de  Kardouniach  se  plaint  au  roi  d'Egypte  que  des  marchands 
Babyloniens  retenus  en  Kenaan  —  Kinakhktii  —  par  leurs  affaires 
aient  été  attaqués  dans  la  ville  deKhi-in-na-tou-ni  par  les  gens  de 
Chonoumadda,  fils  de  Baloummii,  et  de  Choutaatna,fils  de  Charaa- 
toum  d'Akka,  dévalisés  et  assassinés  ;  deux  seulement  auraient 
survécu,  l'un,  amputé  de  ses  pieds,  serait  auprès  de  Choumadda, 
l'autre  aurait  été,  après  son  rétablissement,  retenu  au  service  de 
Ghoutaatna.  Le  roi  demande  le  châtiment  des  coupables,  afin 
d'assurer  la  circulation  des  caravanes  entre  les  deux  pays. 

Ce  document  nous  fait  donc  connaître  un  point  de  la  grande 
route  des  caravanes.  Cette  localité  est  également  nommée  par  la 
tablette  196  :  «  Zourata  a  pris  Lapaja  de  Magidda  et  m'a  dit  :  en 
bateau,  je  veux  l'amener  au  Roi  ;  mais  Zourata  Ta  pris  et  ex- 
pédié de  Khinatouna  chez  lui,  et  Zourata  a  pris  de  l'argent 
comme  rançon  de  sa  main.  »  Khinatoun  ne  saurait  donc  être 
confondu  avec  Hannathon  (Josué,  xix,  14)  sur  la  frontière  de 
Zabulon  et  de  Nephtali,  mais  doit  être  cherché  dans  la  région 
compris*  entre  El-Lejjoun  (l'ancien  Meguiddo)  et  Akko,  peut- 
être  à  El-Harbaj  de  la  carte  du  P.  E.  F.,  Tell  et  Herbadjeh 
de  Guérin  *  (nombreuses  sources,  tell  peu  élevé  avec  vestiges 
d'enceinte). 

1  Guérin,  Description  de  la  Galilée,  I,  401. 


176  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Ghonoumadda,  fils  de  Baloummii,  paraît  être  le  même  person- 
nage que  Chamou-Addou,  amil  de  Chaamkhouna  (120),  que  Chou- 
mad...  (121),  qui  se  qualifie,  comme  Sourata  (157)  et  Zatatna 
(158,  150)  d'Akko  de  Serviteur  du  Roi. 

Choumad...  parle  de  son  père,  probablement  son  aïeul,  Kou- 
zouna,  qui  pourrait  avoir  légué  son  nom  à  un  tell  situé  au  sud-est 
d'Akko,  Tell  Keisan. 

En  parcourant  le  formulaire,  on  a  pu  constater  la  rareté  de 
l'emploi  des  formules  le  serviteur  du  Roi  (formule  34)  ou  le  fidèle 
serviteur  du  Roi  (formules  35,  36,  41).  11  semble  qu'elles  n'aient 
eu  cours  que  dans  une  région  déterminée. 

Biridija,  amil  de  Makida,  Makidda,  Magiddo  (Meguiddo,  auj.  El- 
Lejjun),  signe  ton  fidèle  serviteur  (192),  ou  le  fidèle  serviteur  du 
Roi  (193, 194,  195^;  Jarta,  qui,  dépouillé  par  les  gens  de  Taakh..., 
vient  se  réfugier  auprès  de  Biridija,  prend  le  même  titre  (197). 

Addou-mikhir  fait  de  même  (187;.  Ce  p  Tsonnage  fut  capturé  en 
même  temps  que  Lapaja  par  Z ourata  d'Akko,  puis  relâché  contre 
rançon  (19G).  Il  est  mis  en  scène  par  une  tablette  mutilée  (185), 
qui  parle  de  Ginti-Kirmiil  et  de  Kiilti,  de  Lapaja,  de  Milkili  et  de 
Tagi  :  <r  Les  troupes  de  garnison  que  tu  envoyais  par  Khaja, 
mon...  Addou-mikhir  (les)  a  prises,  il  (les)  a  placées  dans  son 
territoire  dans  la  ville  Khazati.  » 

L'habitat  de  Addou-Mikhir  devant  vraisemblablement  être 
cherché  en  Samarie,  on  se  croit  fondé  à  retrouver  sous  la  forme 
Khazati  une  ville  d'Ephraïm.  «  Leurs  possessions  (des  enfants 
d'Ephraïm)  et  leurs  résidences  furent  Bethel  et  ses  filles,  vers 
l'orient  Naaran,  vers  l'occident  Guézer  et  ses  filles,  Schekem  et 
ses  filles  jusqu'à  Ghazzaet  ses  filles  »  (I  Chr\,  vu,  28). 

Ghazza  correspond  peut-être  auKuriet  Hajja,  centre  d'une  vé- 
ritable constellation  de  villages  ou  de  ruines:  Baka,  el-Funduk, 
Ferata,  le  Pirathon,  dans  la  terre  d'Ephraïm  (Juges,  xir,  15)  — 
Kuryett  Jitt-Kh.  Asâfeh,  Kefr  Kaddum. 

Arzavaja  (ou  Arzaja),  amil  de  Mikhiza,  se  dit  également  le 
fidèle  servi leur  du  Roi  (176)  :  l'une  de  ses  trois  tablettes  (1*77) 
parle  de  Gazri  (Gézer),  et  conduit  à  placer  sa  résidence  dans  la 
région  comprise  entre  les  possessions  d'Addou-mikhir  et  Gézer. 
On  est  confirmé  dans  cette  opinion  par  les  plaintes  d\ibd-khiba 
contre  les  agissements  des  fils  de  Lapaja  et  des  fils  d'Arzava 
(182),  et  on  en  vient  à  penser  que  Mikhiza  doit  être  cherché  sur 
la  lisière  de  la  Samarie  et  dans  les  environs  de  Gézer.  Or  c'est 
précisément  de  ce  côté  que  se  trouvait  Maqaç  du  Ier  Livre  des 
Rois. 


CONTRIBUTIONS  A  LA  GÉOGRAPHIE  DE  LA  PALESTINE  177 

«  Salomon  avait  placé  douze  intendants  sur  tout  Israël...;  voici 
leurs  noms  :  Ben-Hour,  préposé  à  la  montagne  d'Ephraïm,  Bên- 
Déqer,  préposé  à  Maqaç,  à  Schaâlbim,  à  Beth  Schémesch,  à  Elon, 
à  Beth  Hanan  ;  Bén-Hésed,  préposé  à  Aroubboth  ainsi  qu'à  Soko 
et  à  tout  le  pays  de  Héfer  ;  Bên-Abinadab,  préposé  à  la  hauteur  de 
Dor.. .  ;  Baana  ben  Ahiloud,  préposé  à  Thaanak  et  à  Meguiddo 
et  à  tout  Betschean  »  (iv,  8-12). 

Ainsi,  la  première  circonscription  comprenait  la  montagne 
d'Ephraïm,  la  seconde  les  terres  des  Danites,  la  troisième  à  peu 
près  le  territoire  de  Manassé  —  Soko  se  retrouvant  à  Ghoueiké, 
au  sud-est  de  Kakoun,  et  le  pays  de  Héfer  étant  celui  du  roi  Ke- 
nanéen,  vaincu  par  Josué  (xn,  1*7),  la  vallée  de  l'oued  Fâria,  — 
la  quatrième  Dor,  la  cinquième  Taanak,  Meguiddo  et  la  vallée  de 
Bethsan. 

Le  Livre  des  Rois  confirme  donc  nos  déductions  sur  le  site  de 
Mikhiza,  il  circonscrit  même  le  champ  des  recherches  en  excluant 
la  région  montagneuse  d'Ephraïm.  On  pourrait  songer  au  site 
d'El-Kubab  ou  à  celui  d'Amwas  :  une  ruine  voisine,  Kh.  Deir 
Dâkir,  fait  survivre  à  travers  les  âges  le  nom  de  l'ancien  inten- 
dant de  Salomon. 

Une  voisine  d'Arzavaja  est  certainement  cette  Ninour  dont 
nous  possédons  deux  tablettes,  173,  174,  qui  nous  ont  transmis  de 
précieux  détails  : 

«  Sache  le  Roi  mon  Seigneur  que  les  SA.-GAS  ont  envoyé  à 
Aialouna  et  à  Tsaarkha  et  ont  pillé deux  fils  de  Milkili  »  (173). 

«  Que  le  Roi  sauve  son  pays  de  la  main  des  SA-GAS,  afin  qu'ils 
ne  le  pillent  pas.  Prise  est  la  ville  Tsapouna  »  (174). 

Il  s'agit  dans  le  premier  passage  des  deux  villes  danites,  Ayya- 
lon  et  Gorèa  (Josué,  xix,  41-42). 

A  côté  des  personnages  qui  viennent  d'être  passés  en  revue, 
Lapaja  joue  un  rôle  important.  Agent  égyptien,  tour  à  tour 
chargé  de  la  garde  de  deux  villes  qui  tombèrent  aux  mains  de 
l'ennemi  (162)  et  de  la  conduite  des  caravanes  royales  à  destina- 
tion de  Khanigalbat  et  de  Kardouniach(256),  il  passe  son  temps  à 
batailler  contre  Milkili,  auquel  il  prend  Gézer  (163),  contre  Chou- 
vardata,  qu'il  dépouille  de  plusieurs  villes  (165),  contre  Biri- 
dija,  amil  de  Makida,  qui  en  référait  au  Roi  en  ces  termes  : 
«  Sache  le  Roi  mon  Seigneur  que  depuis  le  départ  des  troupes  La- 
paja a  exercé  des  hostilités  contre  moi. . .  Vois,  il  a  formé  le  des- 
sein de  s'emparer  de  Makida  »  (195),  et  qui,  malgré  sa  plainte, 
s'en  trouvait   bientôt  dépossédé  (196),  contre   Zourata  d'Akko, 

T.  XLIII,  n°  86.  12 


478  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

qui  le  fit  prisonnier  et  ne  le  relâcha  que  moyennant  une  forte 
rançon  (196),  et  enfin  contre  les  gens  du  pays  de  Gina,  qui  le 
tuèrent  (164). 

Dans  ses  luttes,  il  ne  paraît  avoir  eu  qu'un  allié.  Abd-khiba  de 
Jérusalem. 

On  ne  possède  de  Lapaja  que  deux  tablettes  dans  lesquelles  il 
emploie  les  formules  7  et  12,  33  et  39,  51  et  63. 

Lapaja  laissa  deux  fils,  qui  héritèrent  de  ses  goûts  batailleurs. 
Biridija  de  Makida  les  accuse  de  trahison  (192)  ;  Abd-khiba  lui- 
même  porte  contre  eux  pareille  accusation  et  dénonce  comme 
leurs  complices  Milkili  (180),  les  fils  d'Arzavaja  et  Milkili  (182). 
Addou-acharidou  se  plaint  longuement  au  roi  des  menaces  qu'ils 
lui  ont  adressées.  «  Ainsi  m'ont  parlé  les  deux  fils  de  Lapaja  : 
exerce  hostilité  contre  les  gens  du  pays  de  Gina,  parce  qu'ils  ont 
tué  notre  père.  Si  tu  t'y  refuses,  nous  sommes  tes  ennemis.  Que 
le  Dieu(?)  du  Roi  mon  Seigneur  me  garde  d'exercer  des  hostilités 
contre  les  gens  du  pays  de  Gina  !  Et  qu'il  plaise  au  Roi,  mon 
Seigneur,  envoyer  un  de  ses  grands  à  Namiavaja1,  lui  donner 
l'ordre  :  (entre  en  campagne)  contre  les  deux  fils  de  Lapaja  ou  tu 
es  un  rebelle  »  (164). 

Cette  tablette  permet,  d'ailleurs,  de  compléter  le  portrait  de 
Lapaja  :  «  Et  ils  m'ont  dit  (les  fils  de  Lapaja)  :  exerce  hostilité, 
comme  notre  père,  contre  le  Roi  ton  Seigneur,  lorsqu'il  campait 
vis-à-vis  la  ville  Ghou-na  (?)  et  la  ville  Bour...  et  la  ville  Kha- 
rabou. . .  et  les  dépeuplait  et  la  ville  Gitirimou. . .  » 

On  ne  peut  s'empêcher  de  rapprocher  ce  dernier  nom  de  la  Gat- 
Rimmon  danite  (Josué,  xix,  45),  que  M.  Clerraont-Ganneau  *  pro- 
pose de  placer  à  Ramleh  ;  Kharabou  de  El-Khurab  au  nord  de 
Ludd,  Bour. . .  du  Benê-Beraq  danite  (Josué,  xix,  45).  Toutes  ces 
localités  rentrent  bien  dans  le  cadre  des  exploits  de  Lapaja. 

Le  nom  de  Gina  rappelle  celui  de  Val-de-Qana,  qui  formait  la 
frontière  de  Manassé  (Josué,  xvi,  8  ;  xvn,  9),  le  Wadi-Kanah  de 
la  carte  du  P.  E.  F. 

On  possède  une  tablette  de  Moutzou...,  fils  de  Lapaja,  accusant 
réception  d'un  ordre  du  roi  lui  enjoignant  de  conduire  une  cara- 
vane dirigée  sur  Khanigalbat  :  il  emploie  les  formules  12,  43  et  63. 

En  regard  des  principaux  personnages  dont  on  a  retracé  le 
rôle  se  place  Abdkhiba  du  pays  et  delà  ville  d'Ourousalim-Jérusa- 
lem.  Il  se  différencie  d'eux  par  une  certaine  dignité  ;  il  emploie 
généralement  les  formules  les  plus  simples  :  7,  33,  58. 

1  Namiavaza  opérait  dans  les  environs  de  Makida  (159). 

1  Glermout  Ganneau,  Recueil  d'archéologie  orientale,  III,  273. 


CONTRIBUTIONS  A  LA  GÉOGRAPHIE  DE  LA  PALESTINE  179 

Ce  n'est  pas  un  prince  (khazianu)  :  «  Ce  pays  de  Jérusalem  ni 
mon  père  ni  ma  mère  ne  me  l'a  donné,  le  puissant  bras  du  Roi 
me  Ta  donné  (180)  ;  je  ne  suis  pas  prince,  je  suis  un  Ou-i-ou  du  roi 
qui  lui  paie  tribut  »  (181).  C'est,  en  quelque  sorte,  un  gouverneur 
de  province,  visité  par  des  rabitsou  :  «  Aussi  vrai  que  le  Roi  vit, 
parce  que  j'ai  dit  au  rabits  du  Roi  mon  Seigneur...  »  (179)  ; 
«jusqu'à  l'arrivée  de  Paouroule,  rabits  du  Roi,  à  Jérusalem,  Adaja 
avec  la  garnison  s'était  mis  en  rébellion  contre  le  Ou-i-ou.  . .  du 
Roi.  Sache  le  Roi  qu'il  m'a  dit  :  Adaja  s'est  détaché  de  moi,  ne  la 
lui  abandonne  pas  (la  ville)  »  (180);  «  lorsque. . .  le  rabits  du  Roi 
vint  à  moi,  je  lui  ai  donné  13. . .  et. . .  esclaves.  Lorsque  Chota,  le 
rabits  du  Roi,  vint  à  moi,  je  lui  ai  donné,  à  Chouta,  en  cadeau  pour 
le  Roi  mon  Seigneur  21  femmes  esclaves. . .  20. . .  »  (181)  ;  «  il  n'y 
a  pas  de  garnison  du  Roi  ici.  Aussi  vrai  que  le  Roi  vit,  si  Pouourou 
vient  à  la  cour,  il  m'a  abandonné,  il  est  en  Chazati.  Puisse  le  Roi 
m'envoyer  une  garnison  pour  défendre  le  pays  !  Tout  le  pays  du 
Roi  va  être  perdu.  Envoie  Jankhamou,  afin  qu'il  veille  sur  le  pays 
du  Roi  »  (182). 

Abd-khiba  ne  désigne  pas  les  ennemis  par  les  idéogrammes  dont 
la  lecture  phonétique  matérielle  serait  SA-GAS.  Il  les  appelle,  et 
il  est  le  seul  à  les  appeler  ainsi,  des  Khabiri. 

«  Parce  que  j'ai  dit  au  rabits  du  Roi  mon  Seigneur  pourquoi 
favorisez-vous  les  Khabiri  »  (179)?  «  Les  Khabiri  dévastent  tout 
le  pays  du  Roi  »  (1*79). 

«  Vois,  cet  acte  est  un  acte  de  Milkiil  et  un  acte  des  fils  de  La- 
paja,  qui  livrent  le  pays  du  Roi  aux  Khabiri  »  (180). 

«  Maintenant  les  Khabiri  occupent  les  villes  du  Roi  »  (181). 

«  Car  s'il  n'y  a  pas  de  troupes,  le  pays  va  tomber  aux  mains  des 
Khabiri  »  (183). 

Dans  une  de  ses  lettres  (180),  Abdkhiba  parle  à  deux  reprises 
des  Kachi.  Après  avoir  dénoncé  l'acte  de  Milkiil  et  des  fils  de  La- 
paja,  livrant  la  terre  du  Roi  aux  Khabiri,  il  écrit  :  «  Vois,  ô  Roi 
mon  Seigneur,  je  suis  innocent  au  sujet  des  Kachi  (amilûti 
Kachi).  » 

Et  plus  loin  :  «  Et  si  l'on  a  perpétré  une  mauvaise  action  contre 

les  gens  du  pays  Kachi-amilûti  (mâtu)  Kachi- les  gens  du 

pays  Kachi-amili  (mâtu)  Kachi-  dans  mon  territoire.  » 

L'on  ne  peut  s'empêcher  de  rapprocher  de  ce  passage  cet  autre 
de  la  tablette  181  du  même  Abd-khiba  :  «Aussi  longtemps  que  des 
vaisseaux  étaient  sur  mer,  le  puissant  bras  du  Roi  a  maintenu  le 
pays  Na-akh-ri-ma  et  le  pays  Ka-ach-si,  mais  maintenant  les 
Khabiri  occupent  les  villes  du  Roi.  » 


180  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

On  verra  plus  loin  que  les  pays  de  Naakhrina  et  de  Kaachsi 
doivent  être  cherchés  dans  la  Syrie  centrale  et  dans  la  région  du 
Gasius.  Abd-khiba  oppose  donc  à  une  époque  où  la  puissance  de 
l'Egypte  était  reconnue  par  les  régions  reculées  de  la  Syrie,  la 
situation  du  pays  à  l'heure  où  il  écrivait,  mais  l'on  ne  saurait  rien 
dire  sur  l'origine  des  bandes  Khabiri,  SA-GAS,  GAS,  Ghouti,  qui 
pillaient  telle  ou  telle  région. 

Un  passage  de  la  tablette  180  fait  bien  saisir  toute  l'étendue  de 
la  zone  d'action  d' Abd-khiba  :  «  Vois  le  territoire  de  Gazri  (Gézer), 
celui  d'Asqalon  et  la  ville  de  Lakich  leur  ont  donné  vivres,  huile 
et  tous  leurs  besoins.  » 

Par  suite,  le  secteur  dans  lequel  doivent  être  cherchées  les  loca- 
lités énumérées  sur  les  tablettes  d'Abd-khiba  paraît  être  borné, 
au  nord,  par  la  ligne  Ramleh-Jérusalem,  et  au  sud  par  la  ligne 
Tell-Hesi- Jérusalem . 

La  plaine  de  Jalouna,  où  la  caravane  du  roi  est  pillée  (180), 
doit  correspondre  à  la  campagne  de  Yalo. 

Le  territoire  de  Ghiiri  qui  tombe  jusqu'à  Ginti-kirmiil  aux 
mains  de  l'ennemi  (181)  est  la  région  comprise  entre  le  mont 
Séir1  (Josué,  xv,  10)  et  Gath,  entre  l'oued  el  Hamar  et  l'oued 
es  Sourar. 

Bit  Ninib,  que  la  tablette  183  place  dans  le  territoire  de  Jéru- 
salem, ville  d'un  dieu  solaire  babylonien,  a  été  rapproché  par  le 
R.  P.  Lagrange2  de  Beth-Chémech  (I  Sam.,  vi,  9),  Ir  Ghémech 
de  Dan  (Jos.,  xix,  41),  aujourd'hui  Ain  Schems.  Cette  idée  est 
bien  séduisante  ;  il  est  toutefois  permis  de  se  demander  si  le  pas- 
sage déjà  rappelé  de  la  tablette  183  permet  de  l'accueillir  :  Beth 
Ninib  y  est  représentée  comme  plus  voisine  de  Jérusalem  que  le 
territoire  de  Roubouti,  conquis  par  les  guerriers  de  Gézer,  de 
Gimti  et  de  Kilti.  Où  était  ce  territoire  de  Roubouti?  On  ne  le  sait 
pas.  On  pourrait  rapprocher  de  ce  nom  Yarmout  (Josué,  xv,  35), 
aujourdhui  Kh.  el-Yarmouk,  ou  encore  songer  à  Harabba  (Josué, 
xv,  60),  que  nous  avons  proposé  de  retrouver  à  Sethaf 3.  Dans  un 
cas  comme  dans  l'autre,  la  prise  de  la  localité  correspondant  à 
l'Ain-Schems  actuel  n'aurait  pu  être  considérée  comme  une  aggra- 
vation de  la  situation  créée  par  la  conquête  du  territoire  de  Rou- 
bouti. D'autre  part,  la  tablette  1*73  nous  montre  Tsarkha,  aujour- 
d'hui Surik,  voisine  d'Ain-Schems,  dans  la  sphère  d'action  des 
fils  de  Milkili  et,  par  conséquent,  de  Gézer;  comment  expliquer 

1  Revue,   XXIX,   p.  175  :  Marinier,  Nouvelles  recherches    géographiques   sur   la 
Palestine. 
■  Revue  biblique,  1899,  p.  130. 
»  Rtvu*t  XXIX,  p.  177. 


CONTRIBUTIONS  A  LA  GÉOGRAPHIE  DE  LA  PALESTINE  181 

la  prise  de  Bit  Ninib  par  les  gens  de  Kilti  et  non  par  ceux  de  Gézer 
(183)  ?  Pour  ces  différentes  raisons,  il  semble  qu'il  faille  renoncer 
à  l'identification  de  Bit  Ninib  avec  Ain-Schems. 

On  a  proposé  de  retrouver  Kilti  dans  Qeïla(Jos.,xv,44;  ISam., 
xxiii,  3),  auj.  Kh.  Kila.  On  ne  saurait  se  ranger  à  cette  opinion  : 
en  voyant  Lapaja  dépouiller  Chouvardata  de  plusieurs  de  ses 
villes  (165),  il  faut  chercher  pour  Kilti  un  site  moins  éloigné  vers 
l'est.  Ce  site,  si  Ton  admet  l'identification  proposée  plus  haut 
pour  Moumourachti,  devait  se  trouver  au  nord  de  Beit-Djibrin.  On 
pourrait  songer  à  une  localité  du  Djebel  Khulil,  Deir  Doubban,  où 
se  trouvent  des  latonies  analogues  à  celles  de  Beit  Djibrin.  Gimti, 
dont  les  guerriers  sont  encadrés  par  ceux  de  Gézer  et  de  Kilti 
(183),  pourrait  être  placé,  ainsi  que  nous  l'avons  proposé  ',  au  Kh. 
el-Mensîyeh. 

La  ville  de  Tyr  faisait  bien  partie  de  la  région  palestinienne. 
Abdmilki  de  Tyr  emploie  le  plus  souvent  la  formule  19,  au  Roi 
mon  Seigneur,  mon  Soleil,  mes  Dieux,  comme  Chouvardata,  Ar- 
zavaja,  Ninour,  Biridija,  Japakhi,  Biridija,  Addou-daian,  etc.  11 
n'en  est  pas  de  même  de  Sidpn  et  de  Béryte,  où  l'on  ne  connaît 
que  les  formules  au  Souffle  de  la  vie.  Entre  Tyr  et  Sidon  il  y  a 
donc  une  frontière  nettement  marquée. 

Avant  de  la  franchir,  il  convient  de  dresser  l'inventaire  des  ta- 
blettes d'El-Amarna  appartenant  à  la  Palestine.  Le  recueil  de 
Winckler  semble,  à  première  vue,  les  ranger  dun°  149  au  n°  293. 
Aux  quatre-vingt-huit  tablettes,  dont  l'origine  palestinienne  a  été 
ci-dessus  nettement  reconnue,  on  peut  ajouter  : 

N°  254  de  Jiiktasou,  qui  s'adresse  au  Soleil  du  Ciel. 

N°  262  de  Nou(?)-our-tou-ja.. .  ma,  qui  donna  au  roi  d'Egypte  le 
même  titre. 

N°  269  de  x,  valet  des  chevaux,  qui  agit  de  même. 

N°  270  de  x,  qui  emploie  la  formule  des  sept  prosternements  et 
des  sept  renversements. 

N°  272  et  277  de  Inbaouta  et  de  a?,  qui  s'adressent  au  Soleil  du  Ciel. 

N°  266  et  274  de  Jakhzibaia,  qui,  sur  la  tablette  274,  donne  au  roi 
le  titre  de  Soleil  du  Ciel. 

N°  284  de  x,  qui  offre  les  analogies  de  rédaction  les  plus  frap- 
pantes avec  les  deux  tablettes  précédentes. 

N°  259  de  Khiziri,  qui  déclare  fournir  appui  à  Maia,  le  rabits 
royal,  dont  on  a  relaté  les  rapports  avec  Jabni-il  de 
Lakich  et  Addou-daian. 

1  Revue,  XXXIV,  p.  58  :  Marmier,  La  Schefela  et  la  Montagne  de  Juda. 


182  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Nos  246,  247  et  248  de  Zitrijara,  qui  pratique  les  sept  prosterne- 
ments  et  les  sept  renversements. 

Nos  244  et  245  de  Dachrou,  qui  s'intitule,  comme  Biridija  de  Ma- 
kida,  Arzavaja,  Jaarta,  Addou-mikhir,  etc.,  le  fidèle  ser- 
viteur du  Roi  ;  —  la  tablette  245  reproduit  identique- 
ment, sauf  le  nom,  la  tablette  n°  187  d'Addou-mikhir  ; 
on  peut  donc  tenir  Dachrou  pour  un  voisin  immédiat  et 
en  faire  conséquemment  un  habitant  du  territoire  qui  fut 
plus  tard  la  Samarie. 

N°  278  de  x.  —  Cette  tablette  est  la  reproduction  exacte  de  la 
tablette  n°  244. 

Ceci  porte  à  cent  quatre  le  nombre  des  tablettes  provenant  de 
la  Palestine.  L'origine  d'une  quarantaine  reste  indécise. 

G.  Marmier. 
(il  suivre.) 


CULTES  ET  RITES  SYRIENS  DANS  LE  TALMUD 


La  question  des  rapports  des  Juifs  avec  les  polythéistes  au  mi- 
lieu desquels  ils  vivaient  a  été  Tune  des  préoccupations  domi- 
nantes des  docteurs  de  l'âge  talmudique  ;  ils  l'ont  résolue,  comme 
l'on  sait,  dans  le  sens  le  plus  restrictif,  et  le  traité  Aboda  Zara 
nous  a  conservé  la  longue  liste  des  mesures  qu'ils  ont  édictées 
pour  éviter  à  Israël  toute  contamination  avec  l'idolâtrie.  Ces 
prescriptions,  qui  prêtent  à  d'intéressantes  comparaisons  !  avec 
celles  que  le  christianisme  élabora  à  la  même  époque  et  dans  le 
même  but,  ont  un  caractère  essentiellement  pratique.  Faites  pour 
protéger  le  fidèle  contre  tout  contact  impur,  elles  condamnent  en 
bloc  le  paganisme  haï  et  ne  nous  donnent  que  par  exception  des 
renseignements  explicites  sur  l'ennemi  qu'il  s'agit  de  combattre  : 
rares  sont  les  bonnes  fortunes  telles  que  la  conservation  du  ca- 
talogue des  «  pratiques  amorhéennes2  »,  document  si  important 
pour  l'histoire  de  la  religion  et  de  la  magie  populaires  en  Syrie. 

Mais,  quand  même  il  se  borne  à  citer  incidemment  quelque 
culte  païen,  le  Talmud  est  une  source  d'informations  qui  mérite 
de  ne  pas  rester  inaperçue.  Étant  donnés  le  naufrage  total  des  lit- 
tératures sémitiques  non  monothéistes  (nous  n'avons  plus  de 
l'œuvre  des  écrivains  de  langue  araméenne  que  ce  que  TÉglise  et 
la  Synagogue  nous  ont  conservé),  et  l'extrême  pauvreté  de  l'épi- 
graphie  indigène  de  la  Palestine  et  de  la  Syrie  centrale  et  septen- 
trionale, nous  ne  possédons  guère,  sur  les  religions  syriennes  de 
l'époque  gréco-romaine,  que  les  renseignements  fournis  par  les 
textes  (épigraphiques  ou  littéraires)  de  langue  grecque  ou  latine. 
Le  Talmud  permet  de  suppléer,  sur  quelques  points,  au  silence  de 
la  tradition  indigène  dont  il  nous  donne  un  reflet  direct.  Contem- 
porains et  compatriotes  de  ces  Syriens  qui  ne  nous  sont  plus 
visibles  que  sous  un  déguisement  exotique,  les  docteurs  de  la 
Mischna  nous  fournissent  parfois  le  moyen  de  nous  représenter, 

1  Voir  Le  Blanjt,  Journal  des  Savants,  1890,  pp.  309-20. 
*  Tosefta  Schabbat,  vi  et  vu. 


184  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

sous  leur  aspect  sémitique,  des  faits  qui  ne  nous  apparaissaient 
que  réfractés  par  l'atmosphère  gréco-latine. 


I.  La  Triade  héliopolitaine. 


Il  y  a  quelques  années,  le  premier  supplément  du  t.  III  du 
Corpus  inscriptionum  latinarum  rééditait1,  avec  un  commentaire 
d'Hoffmann,  une  inscription  d'Athènes  déjà  connue  par  le  AéXxiov2  ; 
c'était  une  dédicace  au  Jupiter  d'Héliopolis,  à  Vénus  et  à  Mercure. 
La  mention  de  ce  dernier  dieu  était  particulièrement  intéressante, 
le  Zeus  de  Ba'albek  étant  connu  de  longue  date,  ainsi  que  sa  parèdre 
Vénus 3  ;  plus  remarquable  encore  était  le  groupement  des  trois 
divinités,  dont  on  ne  pouvait  cependant  conclure  à  la  réalité  d'une 
triade  fixe  héliopolitaine,  l'association  de  Mercure  au  couple  Jupi- 
ter-Vénus* pouvant  être  fortuite.  Tout  doute  à  cet  égard  a  été  levé 
par  la  publication,  faite  presque  simultanément  par  les  Pères  Ron- 
zevalle5  et  Lammens6,  d'une  dédicace  en  termes  identiques  trouvée 
à  Deir-el-Qal'a.  Aucun  des  deux  éditeurs  n'avait  reconnu  le  nom  de 
Mercure,  dont  les  deux  premières  lettres  subsistent  seules;  la  res- 
titution qui  fixe  le  sens  du  texte  a  été  proposée  indépendamment 
par  Paul  Perdrizet7  et  Franz  Gumonts,  le  premier  rappelant 
l'inscription  athénienne,  et  le  second  signalant  une  dédicace  de 
Zellhausen  en  Hesse  9,  consacrée  à  Jupiter  Optimus  Maximus 
Heliopolitanus,  à  Vénus  et  à  Mercure.  L'accord  de  ces  documents 
de  provenance  géographique  si  différente  suffirait  à  prouver  que, 

1  CIL,  III,  SuppL,  I,  7280. 

»  AeXtiov,  1888,  p.  190. 

3  Le  Jupiter  heliopolitanus  apparaît  sur  de  nombreux  monuments  de  l'époque  ro- 
maine (cf.  Drexler,  s.  v.  Heliopolitanus,  Roscher's  Lexikon,  t.  I,  col.  19S7,  et  les 
travaux  de  Perdrizet,  Cumont,  Ronzevalle,  cités  plus  loin).  Sa  compagne  est  nommée 
dans  un  texte  littéraire  du  milieu  du  ive  siècle  [Anonymi  totius  orbis  descriptio,  ap. 
Geogr.  gr.  minores,  II,  p.  518),  dans  le  titré  du  chapitre  d'Eusèbe  où  est  racontée 
la  dévastation  du  sanctuaire  héliopolitain  {Vie  de  Constantin,  II,  53)  et  dans  l'ins- 
cription de  Carnuntum  (u.  4). 

*  Une  inscription  de  Carnuntum  [CIL,  III,  SuppL,  III,  1139)  associe  le  Jupiter 
d'Héliopolis  à  la  Vénus  qualifiée  de  victrix. 

5  Comptes  rendus  de  VAc.  des  Inscr.,  1900,  p.  255. 

6  Musée  belge,  1900.  p.  302,  n°  39. 

7  Comptes  rendus  de  VAc.  des  Inscr.,  1901,  p.  131,  et  Revue  des  études  anciennes, 
1901,  p.  258. 

8  Musée  belge,  1901,  p.  149. 

9  Westdeutsche  Zeitschrift,  Korrespondenzblatt,  XVI,  1897,  p.  172  ==  Brambach, 
CIRh,  1048.  La  lecture  de  ce  texte  difficile  est  due  à  Domaszewski,  qui  a  cru  re- 
trouver  dans  Mercure    le   Wodan   des    Germains   et  considérait  son    association   à 

upiter  et  à  Vénus  comme  le  signe  d'un  singulier  syncrétisme  sémito-germanique. 


CULTES  ET  RITES  SYRIENS  DANS  LE  TALMUD  185 

dans  la  théologie  de  l'Héliopolis  romaine,  une  étroite  connexité 
unissait  les  trois  divinités. 

Leur  témoignage  serait  confirmé,  si  l'on  pouvait  en  croire  une 
spirituelle  hypothèse  de  Perdrizet,  par  celui  de  différents  monu- 
ments archéologiques *  ;  plusieurs  soffites  des  sanctuaires  de  Bae- 
tocécé  2  et  de  Ba'albek  3  représentent  un  aigle  tenant  dans  ses 
serres  un  caducée,  et  accosté  de  deux  génies  dont,  dans  le  relief 
de  Baetocécé,  la  main  levée  projette  sur  l'oiseau  un  faisceau  de 
lumière4.  Perdrizet  a  cherché  à  montrer  que  ces  représentations 
constituent  de  véritables  tableaux  symboliques  où  l'aigle  figure 
Jupiter5,  le  caducée,  Mercure.  Les  deux  génies  représenteraient 
Hespéros  et  Phosphoros 6,  l'étoile  du  soir  et  celle  du  matin,  dédou- 
blement de  la  planète  Vénus. 

Ces  ingénieuses  combinaisons  doivent  être  écartées.  La  reli- 
gion héliopolitaine  a  fort  bien  pu  emprunter  à  la  Grèce  l'aigle 7  et 
le  caducée;  elle  n'a  guère  pu  s'accommoder,  pour  sa  Vénus,  même 
planétaire,  du  sexe  masculin  donné  aux  génies  Hespéros  et  Phos- 
phoros. L'Assyrie  avait  sans  doute  devancé  la  Grèce  en  distin- 
guant deux  moments  dans  la  carrière  de  Dilbat-Vénus,  et  en  assi- 
gnant une  divinité  distincte  à  l'étoile  du  matin  et  à  celle  du  soir, 
mais  ce  sont  des  déesses  :  «  Dilbat  au  lever  du  soleil  est  Ischtar 


1  Comptes  rendus  Ac.  lnscr.,  1901,  p.  218,  et  Revue  des  études  anciennes,  1901, 
p.  260. 

s  Le  plus  correctement  reproduit  [Revue  des  études  anciennes,  1901,  pp.  262-3)  par 
Perdrizet,  qui  indique  les  publications  antérieures. 

3  Wood,  Baalbek,  pi  XXXIV  ;  Frauberger,  Akropolis  von  Baalbek,  pi.  XVI. 
Wroth  {Catalogue  of  greek  Coins  of...  Syria,  pp.  293  et  lxviii)  avait  déjà  conclu, 
de  la  présence  du  caducée  sur  une  monnaie  d'Héliopolis,  à  l'existence  d'un  Mercure 
local. 

*  Perdrizet  aurait  dû  signaler  une  représentation  analogue  à  Palmyre.  Wood  a  pu- 
blié [Ruines  de  Palmyre,  pi.  XVIII,  H)  un  relief  du  grand  temple  qui  représente 
l'aigle  tenant  dans  ses  serres  deux  torches;  de  chaque  côté  de  la  composition  se 
tient  un  génie  portant  également  une  torche  ;  l'intention  de  représenter  des  divinités 
ouraniennes  est  accusée  par  le  semis  d'étoiles  qui  couvre  le  champ  ;  à  noter  la  re- 
présentation des  sept  planètes. 

5  Cf.  Cumont,  Festschrift  Benndorf,  p.  291. 

6  La  remarque  avait  été  faite  par  Dussaud,  Revue  archéol.,  1897,  t.  I,  p.  328. 

7  Le  détail  de  l'aigrette,  inconnue  de  l'art  grec,  qui  fait  de  l'oiseau  un  aigle  orien- 
tal (Volney,  État  politique  de  la  Syrie,  ch.  vin  ;  éd.  Didot,  p.  258-9),  ne  saurait 
rien  prouver  contre  la  réalité  de  l'emprunt.  Il  y  a  loin  aussi  du  rôle  joué  par  l'aigle 
dans  la  légende  d'Etana  et  de  sa  dépendance  vis-à-vis  de  Schamasch  (allégués  par 
Cumont,  Festschrift  Benndorf,  p.  295,  note,  à  l'appui  de  l'hypothèse  d'une  origine 
orientale)  à  la  fonction  de  substitut  emblématique  du  dieu  solaire.  Anatoliennes,  et 
non  sémitiques,  sont  les  figures  d'aigles  (du  mont  Argée  ?)  s'abattant  sur  des  bé- 
liers ou  d'autres  animaux  ou  objets,  dans  lesquels  Heuzey  a  cru  trouver  des 
représentations  mythologiques  (Comptes  rendus  de  l'Ac.  des  Inscr.,  1895,  p.  50)  : 
cette  interprétation  est  fort  douteuse,  et,  si  elle  était  établie,  il  faudrait  sans  doute 
admettre  ici  encore  une  influence  hellénique. 


186  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

parmi  les  déesses  ;  Dilbat  au  coucher  du  soleil  est  Belit  parmi  les 
étoiles  ».  »  Les  théologiens  qui  ont  inspiré  les  monuments  de  Bae- 
tocécé  et  d'Héliopolis,  comme  celui  de  Palmyre  décrit  plus  haut, 
auraient  donc  été  étrangers  à  la  conception  sémitique,  qui  ne  per- 
mettait en  aucun  cas  de  figurer  la  Vénus  sous  des  formes  viriles. 

D'autre  part,  en  ce  qui  concerne  l'interprétation  du  caducée,  si 
Ton  rapproche  les  soffites  de  Baetocécé  et  d'Héliopolis  de  celui  de 
Palmyre,  qui  n'en  diffère  que  par  la  substitution  de  la  torche  au 
symbole  mercurien,  on  doute  que  ce  dernier  puisse  à  lui  seul  re- 
présenter Mercure;  au  même  titre  que  la  torche,  le  caducée  est  un 
simple  substitut  du  foudre  habituellement  placé  entre  les  serres  de 
l'oiseau  céleste.  L'aigle  porteur  de  la  torche  représentant  Be'el 
Schamin,  l'aigle  au  caducée  doit  représenter  lui  aussi  un  seul 
dieu  suprême,  défini  par  une  attribution  spéciale.  Dès  lors,  les 
deux  génies  placés  symétriquement  aux  côtés  de  l'aigle  ne  peuvent 
représenter  que  deux  dieux  compagnons  du  soleil. 

Aussi  doit-on  donner  raison  à  Dussaud  d'avoir  récemment  rap- 
pelé2, pour  expliquer  les  génies  baetocéciens,  le  texte  où  Julien 
raconte  que  les  Edesséniens  donnaient  deux  parèdres  au  soleil, 
Azizos  et  Monimos,  que  l'exégèse  savante  du  ive  siècle  identifiait 
aux  planètes  Mars  et  Mercure.  Il  croit,  en  conséquence,  que  le  sof- 
fite  de  Hosn-Souleiman  représente  Zeus  Baetocécien,  Azizos  et 
Monimos,  Cette  interprétation  est  exacte  dans  l'ensemble,  mais 
rien  ne  prouve  qu'en  dehors  d'Edesse  on  ait  visé  particulièrement 
le  couple  Azizos-Monimos.  Pour  Palmyre,  on  doit  rapprocher  du 
soffite  la  représentation  d'une  tessère3,  figurant  Bc'el  Schamin, 
ayant  à  sa  droite  un  dieu  solaire  à  tête  radiée,  et  à  sa  gauche  un 
dieu  caractérisé  par  le  croissant  lunaire;  ce  groupe  nous  donne 
sans  doute  l'image  anthropomorphique  du  trio  dont  le  soffite 
groupe  symboliquement  les  emblèmes.  On  reconnaît  d'ordinaire 
dans  les  deux  dieux  secondaires  Malkibol  et  Aglibol,  souvent  asso- 
ciés sur  les  monuments,  et  qu'un  texte  palmyrénien  rapproche 
curieusement  de  Be'el   Schamin4;  mais,  d'autre  part,  une  ins- 

1  Rawlinson,  Cun.  mscr.  of  W.  A.,  III,  pi.  53,  2,  1.  35-6.  Dans  le  panthéon 
arabe,  on  cite  de  même  les  deux  'Ouzza  ;  Wellhausen  ayant  prouvé,  contre  Robert- 
son  Smith  ,  qu1,  Ouzza  a  représenté  la  planète  Vénus  (Reste  arab.  Heidenthums, 
2e  éd.  p.  38  et  suiv.  ),  l'hypothèse  de  Noeldeke  (*'#.,  p.  38,  note  3,  et  p.  244),  qui  voit 
dans  les  deux  'Ouzza  l'étoile  du  matin  et  celle  du  soir,  semble  devoir  prévaloir.  Si, 
comme  Ta  avancé  Noeldeke  (Zeitschr.  d.  morg.  Gesellsck.,  1895,  p.  715),  le  culte 
planétaire  chez  les  Arabes  est  d'origine  assyro-baby Ionienne,  le  dédoublement  de  la 
déesse  est  sans  doute  dû  à  Pintroduction,  chez  les  Sémites  méridionaux,  de  la  con- 
ception d'Ischtar-Belit,  indigène  dans  la  région  de  PEuphrate, 

2  Dussaud,  Revue  Arch.y  1901,  II,  430. 

3  Vogué,  Inscriptions ,  n°  126  a. 
*  Vogué,  loc.  cit.,  n*  93. 


CULTES  ET  RITES  SYRIENS  DANS  LE  TALMUD  187 

cription,  connue  depuis  peu,  a  révélé  l'existence,  à  Palmyre,  d'un 
couple  Azizou-Arçou1,  dont  le  premier  élément  est  identique  à 
l'Azizos  d'Edesse.  Dans  une  ville  à  population  hybride  et  à  pan- 
théon composite,  comme  Tadmor,  l'un  et  l'autre  rapprochement 
peuvent  être  justes  et  valoir  pour  des  milieux  différents.  Pour 
Héliopolis  et  Baetocécé,  nous  manquons  de  toute  donnée;  toute 
hypothèse  serait  oiseuse.  Le  seul  fait  qui  soit  établi,  c'est  qu'en  ce 
qui  concerne  le  dieu  céleste  suprême  et  ses  suivants,  il  y  a  eu 
unité  de  pensée  dans  le  monde  sémitique,  d'Edesse  à  la  Syrie  cen- 
trale :  mais  cette  unité  ne  s'est  certainement  pas  étendue  aux 
noms  divins2. 

Il  reste  à  expliquer  le  caducée  des  Zeus  de  Baetocécé  et  d'Hé- 
liopolis.  Dussaud  croit  que  «  cet  attribut,  emprunté  à  l'un  des 
acolytes  de  la  divinité,  a  pour  fonction  de  préciser  que  l'aigle  ne 
représente  pas  ici  Jupiter  tonnant  ».  Mais  un  pareil  transfert  de 
l'attribut  d'un  des  génies  secondaires  au  dieu  suprême  est  incon- 
cevable, et  d'ailleurs  la  raison  alléguée  par  Dussaud  repose  sur 
une  observation  erronée.  A  Palmyre  aussi,  on  a  évité  de  placer  le 
foudre  entre  les  serres  de  l'aigle  ;  et  pourtant  Be'el  Schamin  était 
si  bien  un  Jupiter  tonnant  que  son  nom  grec  est  Zeus  Kêrau- 
mos3.Dans  toute  la  Syrie,  le  grand  dieu  céleste  est  en  même  temps 
dieu  de  la  foudre  et  de  l'éclair,  les  inscriptions  de  la  Damascène, 
de  la  Batanée,  d'Antorados,  de  Kition4en  font  foi,  et  rien  ne 
ne  porte  à  croire  qu'il  faille  excepter  Héliopolis  et  Baetocécé  de  la 
règle  générale. 

Si  le  caducée  ne  caractérise  ni,  comme  le  demande  Perdrizet, 
le  Mercure  des  inscriptions,  ni,  comme  le  veut  Dussaud,  le  génie 
Monimos-Mercure,  il  ne  peut  appartenir  qu'au  Zeus  suprême  lui- 
même  :  celui-ci  a  donc  dû,  par  quelque  côté,  être  lui-même  rap- 
proché d'Hermès.  Que  tel  a  été  le  cas,  nous  l'apprenons  par  une 
inscription  de  Portus  5,  qui  donne  au  grand  dieu  de  Ba'albek  l'ap- 
pellation de  Jupiter  optimus  maximus  Angélus  heliopolitanus. 
Comme  le  Ba'al  suprême  n'a  pu  exercer  les  fonctions  subalternes 
souvent  attribuées  au  fils  de  Maia,  Angélus  ne  peut  guère  désigner 
en  lui  que  le  psychopompe  6.  S'il  est  permis  de  conjecturer  que,  tel 

1  Sobernheim,  Beitr.z.  Assyriol.,  IV,  p.  211.  Cf.  Clermont-Ganneau,  Recueil, 
IV,  p.  203. 

*  Clermont-Ganneau  [Recueil,  IV,  p.  323)  a  proposé  de  rapprocher  d'Azizos  et  de 
Monimos  le  Daianou  et  le  Mischarou,  où  Piuches  a  cru  voir  des  acolytes  du  soleil  : 
pour  apprécier  le  sens  véritable  de  ces  noms,  voir  l'hymne  à  Schamasch  publié  par 
Brunow  (Zeitsch.  Assyr.,  t.  IV,  surtout  p.  10,  1.  45);  cf.  Jastrow,  Religion,  p.  640. 

3  Zeitschr.  d.  Morg.  Ges.,  XV,  p.  615. 

*  Waddington,  2195,  2739;  CIG.,  4520;  Rev.  Arch.,  1864,  II,  p.  49. 
8  CIL,  XIV,  24. 

6  Cf.  Fr.  Cumont,  Hypsistos,  p.  o  (extrait  du  Journ*  Instr.  Publ.  Bely.,  1897). 


188  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

que  ses  congénères  égyptiens,  le  Zeus  heliopolitès  emmenait  les 
âmes  des  morts  dans  les  régions  infernales  —  supposition  pleine- 
ment admissible  pour  un  dieu  dont  l'antiquité  croyait  le  culte 
d'origine  égyptienne  —  l'épithète  conservée  par  le  texte  de  Portus 
ouvrirait  un  jour  sur  l'eschatologie  sémitique  au  second  siècle. 

Quels  sont  les  dieux  syriens  qui  se  cachent  sous  les  noms  latins 
de  Jupiter,  de  Vénus  et  de  Mercure  ? 

En  ce  qui  concerne  Mercure  ',1'épigraphie  grecque  de  la  région 
voisine  d'Héliopolis  nous  offre  le  choix  entre  deux  équivalences: 
deux  inscriptions  grecques,  l'une  de  Ham  2,  l'autre  de  Souq  Ouâdi 
Barada3,  accompagnent,  en  effet,  le  nom  de  Mepxoupioç  d'une  dési- 
gnation particulière,  transcription  ou  traduction  empruntées  à  la 
langue  indigène. 

Le  premier  de  ces  textes  est  une  dédicace  Mspxoupiw  ocopuvco  xwpjç 
Xàfjuovoç.  Cette  appellation  de  «  seigneur  de  Khamon  »  rappelle 
immédiatement  l'usage,  universel  dans  les  religions  syriennes,  de 
dénommer  le  dieu  d'après  le  lieu  de  son  culte.  Le  nom  original  ne 
peut  guère  être  que  i»n  b^a  Ba'al  (ou  plutôt  Be'el)  Hamon.  Or  le 
culte  de  ce  dieu  semble  bien  avoir  existé,  à  l'époque  romaine,  dans 
la  Syrie  centrale  :  une  inscription  latine  de  Sarmizegethusa 4  con- 
tient le  nom  d'un  dieu  syrien  Bebellahamon5,  que  nous  pensons 
devoir  corriger  en  Behellahamon  6.  Ham  est  à  quelques  lieues  de 
Ba'albek,  et  le  village  faisait  sans  doute  partie  de  la  banlieue  d'Hé- 

1  Hoffmann  a  proposé  d'y  reconnaître  Nabû,  le  dieu  assyrien  de  la  planète  Mer- 
cure [CIL,  III,  Suppl.,  p.  280).  Curaont  [Musée  belge,  1901,  p.  149),  se  rappelant 
sans  doute  l'équivalence  indiquée  par  Jainblique  et  Julien  entre  Hermès  et  Mo- 
nimos  (Julien,  Or.,  IV,  p.  150),  retrouve  à  Ba'albek  le  parèdre  édessénien  d'Hélios. 

2  Glermont-Ganneau,  Bec.  d'Arch.  Or.,  t.  I,  p.  22  ;  Dussaud-Macler,  Voyage  au 
Safa,  p.  211.  Cf.  Perdrizet,  Bev.  des  et.  anc,  1901,  p.  264. 

3  Waddington,  1875a. 

4  CIL,  III,  Suppl.  2,  7954.  Il  s'agit  de  la  dédicace  d'un  certain  P.  Aelius  Theimes 
à  ses  dix  patrii,  Malagbel,  Manavat,  Benefal  et  Bebellahamon.  Mommsen  (Bom. 
Gesck.,  t.  V,  p.  426)  et  Noeldeke  (CIL,  III,  7954)  estiment  que  le  dédicant  est  cer- 
tainement d'origine  palmyrénienne.  Cette  affirmation  n'est  prouvée  ni  par  son  nom 
(car  si  l'on  rencontre  plusieurs  exemples  à  Palmyre  —  Waddington  2591,  2595,  2624 
et  2584,  d'après  une  heureuse  correction  de  Noeldeke  ;  cf.  pour  l'épigraphie  sémi- 
tique, Lidzbarski,  Randbuch,  p.  385  —  il  est  très  fréquent  aussi  dans  les  pays 
nabatéens),  ni  par  celui  de  ses  dieux  :  Malagbel  est  aussi  coelesyrien,  Manavat  est 
seulement  nabatéenne  et  arabe  (cf.  Lidzbarski,  loc.  cit.,  p.  313,  et  Wellhausen, 
Beste  arab.  Heidenthums,  p.  25  et  suiv.)  et  le  groupement  des  quatre  divinités  est 
bien  différent  de  celui  qu'on  attend  d'un  Palmyrénien  invoquant  son  panthéon  na- 
tional. 

5  Sur  les  interprétations  données  jusqu'ici  à  ce  nom,  cf.  Drexler,  dans  Roscher, 
Lexihon,  t.  II,  col.  2297  :  leur  insuffisance  semble  montrer  la  nécessité  d'une  cor- 
rection. —  Nous  nous  contentons  de  signaler,  sans  la  juger  susceptible  d'une  solu- 
tion, la  question  de  savoir  s'il  y  a  un  rapport  entre  ce  Behellahamon  (si  c'est  bien 
ainsi  qu'il  faut  rétablir  le  mot)  et  le  Ba'al  Hamon  de  Carthage. 

6  Cf.  Beheleparus  et  Beellefarus  {Bev.  Hist.  des  Bettg.    1888,  t.  I,  p.  218  et  suiv,). 


CULTES  ET  RITES  SYRIENS  DANS  LÉ  TALMUD  189 

liopolis  ;  on  peut  penser  que  c'est  la  divinité  locale  de  cette  xoSpj 
qui  a  pénétré  dans  le  panthéon  du  chef-lieu. 

Nous  préférons  cependant  l'identification  qui  nous  est  offerte 
par  l'inscription  d'Abila  de  Lysanias  (Souq  Ouâdi  Barada).  Nous 
y  lisons,  après  une  lacune  difficile  à  combler,  le  double  nom  divin, 
lu  par  Waddington  [Mejpxoupiou  Ma//t[6V]]Xou  :  la  restitution  MaX- 
■/ifrfooo  s'impose  d'autant  plus  que  la  forme  affectée  par  le  lambda 
de  l'inscription  prête  facilement  à  confusion  avec  le  /,  et  que 
MayjtêYjXoç  est  inconnu  par  ailleurs  *. 

Abila  appartenait,  au  point  de  vue  religieux,  à  la  sphère  d'attrac- 
tion du  sanctuaire  d'Héliopolis  ;  l'épigraphie,  numériquement  très 
restreinte  de  la  ville  et  de  ses  environs  immédiats,  nous  a  livré 
une  et  peut-être  deux  inscri étions,  où  Clermont-Ganneau 2  a  re- 
connu la  mention  de  Zeus  Héliopolitès3.  Nous  sommes  donc  au- 
torisés à  rapporter  au  Mercure  de  Ba'albek  le  Mercure-Malkibel 
d'Abila. 

Malkibel  n'est  pas  un  inconnu  :  c'est  le  dieu  palmyrénien  bnsbtt, 
dont  l'existence  est  attestée  par  de  nombreux  documents  ,  et  qui 
est  sans  doute  originellement  identique  au  hïi'jhn  punique  4  et 
certainement  aussi  phénicien  5. 

1  La  correction  a  été  indiquée  par  Meyer  dans  l'art.  Ba'al,  rarement  lu,  qui 
figure  parmi  les  Addenda  du  t.  I  de  Roscher  (col.  2876).  Elle  a  été  suggérée  depuis 
par  Dussaud  et  Macler  [Voyage  au  Safa,  p.  211,  note  1),  qui,  il  est  vrai,  considèrent 
Mepxoupio;  comme  un  nom  propre  d'homme  dont  MaXxiërjXou  serait  le  patronymique. 

1  Clermont-Ganneau,  Bec  d'Arch.  Or.,  t.  II,  p.  7;  IV,  p.  48  (restitution  douteuse). 

8  L'influence  des  cultes  héliopolitains  à  Abila  (si  Leukas  est  véritablement  Abila) 
est  plus  fortement  attestée  s'il  est  vrai,  comme  le  Dr  Rouvier  cherche  à  le  montrer 
dans  un  mémoire  inédit,  que  Ton  puisse  prouver  par  le  revers  des  monnaies  de  Leukas 
«  que  le  fronton  du  grand  temple  de  Ba'albek  devait  être  couronné  par  la  statue 
du  soleil  dans  uu  quadrige  au  galop,  tenant  un  fouet  dans  la  main  droite  et  un  globe 
dans  la  main  gauche  »  (Roozevalle,  Comptes  rendus,  1891,  p.  456).  Macrobe  décrivait 
le  Jupiter  d'Héliopolis  comme  brandissant  un  fouet  à  la  manière  des  cochers  {Satur- 
nales, I,  xxm,  14)  ;  différentes  médailles  montrent  le  soleil  tenant  le  fouet,  emblème 
du  quadrige  qu'il  mène,  et  le  globe,  symbole  de  domination  universelle  (Cumont, 
Revue  d'Hist.  et  Litt.  relig.,  1896,  p.  445;  Mithra,  t.  I,  p.  123).  D'autre  part,  un 
monument  palmyrénien  bien  connu  (Lajard,  Cyprès  pyramidal,  ap.  Mémoires  Ac. 
Inscrit.  XX,  pi.  1)  représente  un  dieu  couronné  par  la  victoire  (traduction  plas- 
tique de  l'épithèle  de  à>ixr]Toç)  et  montant  dans  un  char  atte.é  de  quatre  grillons  : 
il  s'agit  ici  du  Sol-Malakbel  de  Palmyre. 

4  CIS.,  I,  i,123  (Malte),  147  (Sardaigne),  194  et  380  (Cartilage),  à  restituer  ib.,  195. 
Dans  ces  cinq  textes  (dédicaces  à  Ba'al  Hamon  ou  à  Tanit  Penè  Ba'al  et  Ba'al  Ha- 
mon),  le  nom  du  dieu  figure  dans  la  formule  restée  énigmatique  h^'2'Dbl2  32£Dr 
Cippe  de  Milkiba'al. 

5  Le  rapprochement  entre  les  dieux  phénicien  et  palmyrénien  a  été  fait  par 
Ph.  Berger  [L'Ange  d'Astarté,  ap.  La  Faculté  de  théologie  protestante  de  Paris  à 
M.  Edouard  Heuss,  p.  46),  qui  a  reconnu  que  «  leurs  noms  sont  formés  des  mêmes 
éléments  ».  Mais,  tenant  compte  de  l'éloignement  géographique  des  groupes  d'ins- 
criptions relatifs  aux  deux  dieux  et  de  la  diversité  des  panthéons  phénico-puuique  et 
palmyrénien,  il  n'appliquait  pas  à  Malkibel  sa  théorie  de  «  l'ange  de  Ba'al  » .  Les 
monuments  d'Abila  et  d'Héliopolis,  qui   nous  renseignent  sur  le  culte  de  Malkibel 


190  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Malkibel  était  assimilé,  dans  un  des  monuments  qui  lui  sont  con- 
sacrés1, à  Sol;  cette  équivalence  montre  que,  pas  plus  que  tant 
d'autres  figures  des  panthéons  syriens,  il  n'a  échappé  à  la  contami- 
nation astronomique.  Sur  quelle  hase  a  pu  s'opérer  son  identi- 
fication avec  Mercure 2  ? 

Elle  semble  due  à  un  rapprochement  étymologique.  Si  l'on  com- 
pare les  différentes  transcriptions  grecques  du  nom  sémitique,  on 
constate  des  variantes  significatives.  La  forme  MaX^iê^Àoç,  que 
nous  avons  trouvée  à  Abila,  est  isolée;  c'est  pourtant  la  plus 
conforme  probablement  à  la  prononciation  primitive;  elle  forme 
exactement  pendant  aux  transcriptions  Aglibôlos  et  Iaribôlos 
(Vnba*  et  Vum*1).  Beaucoup  plus  fréquentes  sont  les  transcriptions 
Malachbel,  Malagbel  et  même  Malachibel,  dont  le  premier  élément 
indique  une  prononciation  plus  voisine  du  mot  maVak,  «  messa- 
ger »,  que  de  l'étymologique  Malk.  Nous  sommes  donc,  suivant 
toute  apparence,  en  présence  du  même  phénomène  qui  a  suscité, 
à  côté  de  la  transcription  normale  'IapifJcbXoç,  un  'Ispà6<oXoç,  «  qui, 
tout  en  rappelant  d'assez  près  la  vocalisation  du  mot  sémitique 
rrp  «  mois  «...avait  l'avantage  de  prêter  à  un  rapprochement 
avec  Upoç,  «  saint3  ».  Y  a-t-il  véritablement  eu,  dans  le  cas  de 
Hierabôlos,  influence  d'un  vocable  grec,  comme  le  veut  M.  Gler- 
mont-Ganneau  ?  Il  est  plus  probable  que  c'est  sur  le  terrain  sé- 
mitique que  la  transformation  s'est  opérée4.  Les  vieux  noms  com- 
posés Jarhibol  et  Malkibol  étaient  devenus  inintelligibles  et  on 
leur  donna  un  semblant  de  signification  en  rapprochant  l'un  du 
mot  yerah  «  mois  »,  l'autre  du  mot  mal" ah  «  messager  ». 

Malkibel  a  donc  pu  être  rapproché  de  Mercure,  le  messager  des 
dieux,  sur  la  foi  d'une  étymologie  populaire 5. 

dans  les  vallées  du  Barada  et  du  Litani,  établissent,  entre  le  dieu  de  la  côte  phéni- 
cienne et  celui  de  Palmyre,  le  trait  d'union  qui  faisait  défaut  :  elles  nous  autorisent 
même,  dans  une  certaine  mesure,  à  revendiquer  pour  le  culle  de  Malkibel  une  ori- 
gine cœlésyrienne.  Le  bel,  final  du  mot,  inclina,  en  effet,  à  croire  qu'il  était  à  Tad- 
mor  un  étranger  fraîchement  naturalisé  :  c'est  la  forme  araméenne  commune  du  nom, 
nettement  distincte  de  la  forme  plus  particulièrement  palmyrénienne  bol,  qui  apparaît 
non  seulement  dans  les  noms  divins  'Aglibol  et  Jarhibol,  mais  dans  les  noms  de 
personnes  ou  de  tribus,  comme  Zabdibol  ou  Mattabol. 

1  CIL,  VI,  710. 

2  On  pourrait  être  tenté  de  croire,  à  raison  du  Mepxovptoçdes  inscriptions  grecques 
d'Abila  et  de  Khamôn,  que  le  rapprochement  est  dû  à  quelque  particularité  du 
culte  ou  du  mythe  du  dieu  latin,  à  l'exclusion  de  celui  d'Hermès,  dont  on  atten- 
drait plutôt  le  nom  :  en  réalité,  la  mention  de  Mercure  est  due  à  la  forte  influence 
romaine  qui  semble  s'être  exercée,  à  partir  du  second  siècle,  sur  la  Syrie  centrale. 
Les  dédicaces  à   Mepxoupioç  datent,  l'une  de  201,  l'autre  de  173. 

3  Clermont-Ganneau,  Recueil,  t.  II,  p.  121. 

*•  Hierobolus  de  CIL,  III,  1108,  n'est  pas  certain  ;  cf.  Eph.  Epigr.,  IV,  p.  66. 
5  On  sait    que    Philippe    Berger    a   essayé    (L'Ange    cTAstarté)    d'expliquer  par 
mal'ek  le  ^bft  des  noms  divins,  comme  Milki'aschtart,  Milkiba'al,  Milki'osir.  Cette 


CULTES  ET  RITES  SYRIENS  DANS  LE  TALMUD  191 

Mercure  n'était  vraisemblablement  qu'un  nouveau  venu  dans 
l'association  des  grandes  divinités  héliopolitaines  ;  suivant  toutes 
apparences,  la  triade  est,  dans  les  pays  sémitiques,  une  for- 
mation secondaire  et  tardive,  et  le  nom  ne  peut  être  donné  qu'à 
un  groupement  organique,  et  c'est  à  tort  qu'on  Ta  appliqué 
à  la  juxtaposition  accidentelle  de  trois  divinités  indépendantes1. 
Le  noyau  central  et  suprême  du  panthéon  d'Héliopolis  était 
formé  par  le  dieu  et  la  déesse,  dont  l'association  correspond  à 
celle  que  les  inscriptions  nous  font  connaître  à  Carthage  entre 
Ba'al  Hamon  et  Tanit,  à  Boçra  entre  Zeus  et  Héra  %  à  Kition 
entre  Kéraunios  et  Kéraunia 3,  à  Hiérapolis  entre  Adad  et 
Atergatis. 

Ce  sont  précisément  ces  deux  derniers  noms  qu'on  a  voulu  appli- 
quer au  Zeus  et  à  la  Vénus  de  Ba'albek  4  ;  on  se  fondait  sur  le 
passage  où  Macrobe  nous  parle  d'Adad  et  Atergatis  immédiate- 
ment après  avoir  décrit  le  Zeus  héliopolitain.  Mais  le  texte  des 
Saturnales  5  n'autorise  guère  à  reporter  sur  les  dieux  d'Héliopolis 
les  renseignements  donnés  sur  le  couple  d'Hiérapolis  6  ;  les  détails 
fournis  par  le  compilateur  stir  le  Zeus  de  Ba'albek  sont  en  har- 
monie avec  ce  que  les  monuments  nous  ont  appris  de  ce  dieu  ;  ils 
ne  s'accordent  aucunement  avec  ce  qu'il  rapporte  comme  carac- 
téristique d'Adad.  D'ailleurs,  la  transition  «  ne  sermo  per  sin- 
gulorum  nomina  deorum  vagetur  »  paraît  bien  indiquer  que 
Macrobe  prend,  à  l'appui  de  la  théorie  qu'il  a  longuement  sou- 
tenue, un  dernier  exemple,  naturellement  différent  de  celui  qu'il 
vient  de  citer,  et  que  les  Assyrii  (Syriens)  adorateurs  d'Adad  de 

thèse  se  heurtait  aussitôt  à  de  graves  objections  (cf.  Clermont-Ganneau,  Revue  cri- 
tique, 1880,  t.  I,  p.  200),  et  J.  Halévy  a  eu  sans  doute  raison  de  déclarer  que  le, 
d'ailleurs  incompréhensible,  niniDpbw  ^INbfa  de  l'inscription  de  Ma'soub  la  con- 
damnait définitivement  [Revue  des  Études  juives,  XII,  p.  110).  Il  est  curieux  de  cons- 
tater que  cette  interprétation  moderne  a  été  celle  des  Syriens  des  premiers  siècles  de 
l'ère  chrétienne,  oublieux  du  sens  original  de  ces  noms  composés  divins,  obscurs  en- 
core pour  nous. 

1  Rien  n'indique,  d'ailleurs,  que  ce  soit  à  une  influence  chaldéenne  (comme  le 
propose  Gumont,  Musée  bel  (je,  1901,  p.  149)  qu'est  due  la  formation  des  tardives 
triades  syriennes.  L'association  d'Anou,  «le  Bei  et  d"Ea  (trois  figures  masculines) 
n'a  vraisemblablement  jamais  eu  de  caractère  cultuel.  (Cf.  Jasirow,  Religion  of 
Babyloma,  p.  150,  et  Tiele,  Zeitschr.  f.  Assyr.,  XIV,  p.  189.) 

8  Waddington,  2739. 

3  Waddington,  1922. 

*  Preller,  Rom.  Mytk.,  3«  éd.,  t.  II,  p.  403  ;  Hoffmann  ad  CIL.,  III,  Suppl,  7280  ; 
Lenormant,  Q-at.  Arch.,  1876,  p.  78  et  suiv. 

5  Macrobe,  Saturnales,  I,  xxm,  10-16  (Zeus  Heliopolitès)  ;  17  et  suiv.  (Adad  et 
Adargatis) . 

6  Drexler  (Roscher,  Lexikon,  t.  I,  1987)  hésite  à  suivre  Preller  et  Lenormant  dans 
l'identification  du  Jupiter  avec  Hadad.  Cf.  Ronzevalle,  Comptes  Rendus,  1901,  p.  4  43 
«rt  suiv. 


192  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

xxiii,  17,  sont  distincts  des  Assyrii,  dévots  au  Zeus  d'Héliopolis, 
de  xxiii,  10*. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  aux  combinaisons  par  lesquelles 
on  a  voulu  déterminer  récemment  encore2  le  nom  original  du 
Zeus  ;  le  Talmud  nous  semble  contenir  une  donnée,  généralement 
négligée  jusqu'à  présent,  mais  décisive  pour  la  solution  du  pro- 
blème. 

Rab,  le  grand  docteur  du  début  de  la  dynastie  Sassanide,  fixait 
à  cinq  le  nombre  des  sanctuaires  païens  «  stables  »  du  monde 
sémitique  septentrional:  Bel  à  Babylone,  Nebo  à  Borsippa,  Naschr 
chez  les  Arabes,  'Atar'ata  à  Mabog-Hiérapolis,  Çeripha  à  Ascalon 
«  Lorsque  Dimé  vint  [de  Palestine  en  Babylonie],  on  ajouta  le 
yerid  duEn-Baki  et  Nadbaka  3  d^Akko  4.  » 

Dimé  vivait  au  commencement  du  ive  siècle,  mais  la  tradition 
que,  conformément  à  son  rôle  habituel  5,  il  introduisit  dans  les 
écoles  de  la  Babylonie  était  certainement  antérieure  au  séjour  en 
Syrie  pendant  lequel  il  l'a  recueilli.  Il  nous  apprend  que,  de  son 
temps  encore,  la  localité  d"En-Baki  possédait  un  culte  caracté- 
risé par  un  Tn\  La  signification  véritable  du  mot,  longtemps 
traduit  par  marché,  a  été  reconnue  par  Hoffmann  :  comparant  les 
sens  de  la  racine  en  arabe,  où  warada  répond  particulièrement  à 
l'idée  de  «  descendre  à  l'eau  »,  en  araméen,  oiiyarda  ne  signifie 
plus  que  «  bassin,  étang  »,  il  a  montré  qu'il  désigne  une  cérémo- 
nie caractérisée  par  une  procession  dont  le  but  était  une  nappe 
d'eau  et  rapproché  avec  raison  du  yerid  la  maiouma  qui  se  célé- 

1  Si  Macrobe  n'établit  entre  le  dieu  de  Ba'albek  et  celui  de  Mabog  qu'une  dis- 
tinction confuse,  la  raison  en  est  dans  son  syncréiisme  systématique  :  correspondant 
l'un  et  l'autre  au  soleil,  ils  sont  au  fond  identiques,  en  dépit  de  leur  individualité 
apparente. 

*  Ronzevaile,  Comptes  Rendus,  1901,  p.  476. 

3  Variante  erronée  :  Natberah.  Nous  reviendrons  plus  loin  sur  fD-13. 

*  Talmud  de  Babylone,  Aboda  Zara,  11  b.  —  R.  Dimè  de  Neharde'a  proposait,  il 
est  vrai,  de  corriger  :  Nadbaka  d"En-Beki  et  le  yerid  d'4Akko;  mais  cette  interver- 
sion repose,  sans  doute,  sur  une  tentative  d'Harmonisation  entre  notre  texte  et  un 
passage  du  Talmud  de  Jérusalem  {Aboda  Zara,  39  d)  où  sont  cités  les  yerid  de  Gaza, 
d'^Akào,  et  de  Botna.  Mais  le  Yerouschalmi  ne  mentionne  les  deux  premiers  de  ces 
yerid  que  pour  déclarer  qu'il  n'y  a  pas  évidence  de  destination  idolâtrique.  La  fête 
païenne  célébrée  dans  ces  villes  était  accompagnée  d'un  marché  qui  avait  pris  une 
importance  propre  assez  grande  pour  faire  oublier  l'origine  idolâtrique  de  la  réunion. 
Hoffmann  (Zeitsch.  f.  Assyr.,  1896,  p.  241)  a  suivi  à  tort  Dimé  de  Neharde'a,  et 
placé,  en  conséquence,  Nadbaka  à  'En-Baki  :  la  ressemblance  entre  [Nadjbaka  et 
Baki  lui  a  paru  autoriser  un  rapprochement  entre  MâSfiayoç  et  Ma'albek-Ba'albek. 
Nous  n'insisterons  pas  sur  ce  que  ces  concordances  ont  de  superficiel  :  mais  le  point 
de  départ  de  l'hypothèse  d'Hoffmann  est  faux,  car  Dimé  de  Neharde'a  est  postérieur 
d'un  demi-siècle  au  Dimé  qui  introduisit  la  tradition  en  Babylonie,  et  son  remanie- 
ment tardif  et  tendancieux  ne  saurait,  sans  preuve,  être  substitué  au  texte  primitif. 

5  Bâcher,  Agada  der  Amorâer,  III,  p.  691. 


CULTES  ET  RITES  SYRIENS  DANS  LE  TALMUD  193 

brait  au  bord  de  la  mer  '.  Nous  connaissions  déjà  pour  Hiéra- 
polis2  le  rite  du  puisement  de  l'eau  et  les  cérémonies  analogues  de 
Jérusalem3,  d'Aphaka4  et  du  temple  de  Bel  à  Babel3,  comme 
aussi  les  différents  yerid  sur  lesquels  nous  aurons  à  revenir,  nous 
montrent  quels  furent,  dans  le  monde  sémitique,  la  diffusion  et 
l'importance  de  ce  type  de  fête. 

lEn-Baki  est  cité,  à  titre  de  grand  sanctuaire,  à  côté  d'Hiérapo- 
lis,  d''Akko,  d'Ascalon,  pour  ne  citer  que  les  noms  syriens  ;  si 
4En-Baki  n'est  pas  Héliopolis,  la  plus  illustre  des  villes  saintes 
de  la  Syrie  romaine  ne  figure  pas  sur  la  liste  qui  prétend  les 
énumérer. 

'En-Baki  n'est  pas  une  des  grandes  cités  historiques  de  la  Syrie; 
si  elle  figure  dans  le  Talmud,  c'est  exclusivement  en  raison  de 
l'importance  religieuse  qu'elle  avait  acquise  à  une  date  d'ailleurs 
récente,  puisqu'elle  ne  figurait  pas  encore  dans  la  tradition  que 
Rab  avait  recueillie  au  commencement  du  me  siècle  et  que,  d'ail- 
leurs, aucune  source  ancienne,  en  dehors  de  la  phrase  de  R.  Dimé, 
ne  mentionne  son  nom  sémitique,  resté  toujours  obscur.  Tout  cela 
convient  parfaitement  à  Héliopolis  ;  aucun  des  documents  relati- 
vement nombreux  qui,  à  partir  des  tablettes  d'El-Amarna  et  des 
inscriptions  royales  égyptiennes,  nous  renseignent  sur  la  géogra- 
phie de  la  Syrie  centrale,  n'a  fourni  un  nom  qui  puisse  être  rap- 
proché avec  probabilité6  de  sa  désignation  grecque  ou  arabe.  La 


*  Zeitschr.  f.  Assyr.,  1896,  pp.  241  et  246.  En  même  temps  qu'Hoffmann,  Seybold 
arrivait  à  une  conclusion  identique  au  sujet  du  sens  fondamental  de  la  racine  T*p, 
«  aller  à  l'aiguade,  à  l'abreuvoir  »,  et,  il  en  tirait  l'étymologie  la  plus  plausible 
qu'on  ait  proposée  du  nom  du  Jourdain  (Mittheil.  deutsch.  Palâstinavereins,  1896, 
p.  11).  M.  Clermont-Ganneau  a,  à  C3  propos,  attiré  l'attention  (ib.,  p.  27)  sur  le 
nom  d'une  des  sources  de  Gézer,  'Ain  yardi  ('Ain  Yerdeh  dans  le  plan  du  P.  La- 
grange,  Revue  biblique,  t.  VIII,  p.  422).  Nous  avons  vraisemblablement  dans  yardi 
une  survivance  de  l'araméen  yardà.  Il  n'est  pas  probable  que  la  source  ait  été  le  siège 
d'un  yerid,  encore  que  l'existence,  à  Gézer,  d'une  curieuse  l'orme  de  la  légende  de 
Noé,  Survey  W.  Pal.  Memoirs  (t.  II,  p.  444,  et  Clermout-Ganneau,  Archaeol.  Re- 
searches,  t.  il,  p.  237)  rappelle  singulièrement  les  mythes  diluviaux  d'Hiérapolis  et 
de  Botna  :  mais  la  tradition  de  Gézer  est  attachée,  non  à  l" Ain- Yardi,  mais  à  une 
source  voisine,  T'Ain-et-tannour. 

2  De  Syria  Dea,  47:  7iavriy0pte;  xe  piyicrTou,  xtxXeovxoa  os  lç  t9|v  ),i[xvy)v  xa- 
xa^àaieç.  Katabasis  traduit  exactement  T^"p,  ce  que  xàXsovxou  indique,  d'ailleurs, 
expressément. 

3  Voir,  sur  le  rite  de  la  «  maison  de  la  puiseuse  »  (Soukka,  iv,  9  ;  Tosefta,  iv, 
1-9)  Venezianer,  Eleusinische  Mysterien  im  jerusalemischen  Tempel  (ap.  Monatsblaetter 
de  Brull,  1897).  Mauss  (Année  sociolog.,  t.  II,  p.  271)  et  Hubert  (Rev.  Et.  Juiv., 
t.  XXXVI,  p.  318)  ont  soutenu  avec  raison,  dans  leurs  recensions  de  cet  opuscule, 
que  le  rite  est  indigène  en  Palestine. 

*  Sozomène,  Hist.  eccl.,  II,  4,  5;  Zosime,  I,  58. 

5  Rawlinson,  Cun.  Inscr.,  t.  IV,  p.  461.  Cf.  Hubert,  Rev.  Et.  juin.,  t.  XXXVI, 
p.  318. 

6  Halévy   (Revue  Sémiti/ue,  t.  I,  p.  379)    et  Winckler  (Mitth.  vorderas.   Gesch.) 

T.  XLIII,  N°  86.  13 


194  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

notoriété  du  sanctuaire  date  du  moment  où  l'émigration  syrienne 
a  répandu  à  travers  le  monde  romain  le  culte  de  Zeus,  sa  splen- 
deur extérieure  du  jour  où  les  empereurs  construisirent  les 
temples  dont  les  ruines  colossales  sont  encore  debout. 

Nous  n'avons  point  fait  entrer  en  considération  jusqu'à  présent 
le  nom  même  d"En-Baki  ;  il  frappe  pourtant  dès  le  premier  abord 
par  l'identité  du  second  de  ses  termes  avec  le  second  élément  du 
moderne  Ba'albek1.  On  a  depuis  longtemps  reconnu,  en  donnant 
il  est  vrai  de  ce  dernier  élément  une  étymologie  erronée,  que  ce 
nom  composé  de  «  Ba'al  de  Bak  »  a  dû  désigner  le  dieu  avant  la 
ville.  Le  talmudique  *^a  y>y  nous  révèle  la  forme  primitive  du  nom 
du  lieu  dont  le  Ba'al  devait  faire  une  si  rapide  fortune2,  et  de 
nombreux  parallèles  prouvent  qu'un  nom  de  dieu  peut  devenir  un 
nom  de  lieu  :  de  'Ain-Baki  à  Ba'al-Baki  le  passage  est  aisé3.  Le 
nom  de  "on^n  est  appliqué,  d'ailleurs,  dans  un  passage  du  Talmud 
même,  à  une  localité  dont  on  nous  dit  seulement  qu'elle  était  re- 
nommée pour  la  qualité  de  son  ail  ;  suivant  toute  vraisemblance, 
elle  est  identique  à  notre  Ba'albek4.  Mais  serait-elle  différente 
qu'il  n'en  faudrait  pas  moins  conclure  de  la  seule  existence  d'un 
pareil  vocable  géographique  à  celle  d'un  nom  divin  formé  des 
mêmes  éléments.  Nous  sommes  donc  autorisés  à  penser  que  Zens 
héliopoliies  ne  fait  que  rendre  exactement  "Cù  hn:  la  forme 
grecque  et  la  latine  ont  dû  se  mouler  sur  l'expression  sémitique. 

Nous  manquons  de  toute  donnée  pour  déterminer  le  nom  de  la 
Vénus  ;  peut-être  était-elle  simplement  appelée  Ba'alat  Baki  ;  mais 
il  n'est  pas  impossible  qu'à  l'époque  romaine  elle  ait  pris  le  nom, 
primitivement  hiérapolitain,  de  cette  'Atar'até  qui,  de  l'Euphrate 
aux  rivages  de  l'ancienne  Philistée,  absorba  si  bien  dans  son  culte 

1896,  p.  206)  ont  essayé  de  montrer  que  Ba'albek  répond  à  la  Dunip  des  textes 
cunéiformes  et  égyptiens  du  xv8  siècle  ;  mais  leur  conclusion  s'appuie  sur  des  com- 
binaisons  fragiles. 

1  La  disparition  de  la  voyelle  faible  finale  est  aisément  explicable. 

5  L'élément  *p3>  de  'En-Baki  est  facilement  séparable  du  seul  essentiel  '•Oa  ; 
or,  Baki  est  cité  dans  un  texte  agadique  du  Talmud  de  Babylone  (Pesahim,  117  a) 
comme  le  siège  d'un  culte  idolâtrique  (celui  de  l'idole  de  Mikha)  ;  Baki  est  sans 
doute  identique,  comme  l'a  pensé  Oppenheimer  [Hammagid,  1867,  p.  29),  à  Hélio- 
polis —  Ba'albek  ;  voir,  sur  la  chute  du  premier  élément  de  combinaisons  analogues 
(En-Gannim,  notamment,  est  devenu  Djanin)  KamplTmeyer,  ap.  Zeitschr,  Palâst. 
Ver.,  1893,  p.  1.  Wetzstein  a  montré  (ap.  Delitzsch,  Comment,  ilber  lesaias,  3e  éd., 
p.  700)  que  le  phénomène  s'est  reproduit  à  l'époque  arabe,  et  l'on  peut  ajouter  des 
exemples  nouveaux  à  ceux  qu'il  a  groupés  :  c'est  ainsi  qu"Ain  Hirmil  (la  source  de 
la  Vieille)  citée  au  xme  siècle  par  Dimischqi  n'est  plus  aujourd'hui  qu'Hirmil. 

3  Les  textes  assyriens  et  égyptiens  nous  font  connaître  deux  Ba'alçaphon,  situés 
l'un  au  nord  de  la  Syrie,  l'autre  au  sud.  Voir  aussi  les  noms  bibliques  comme 
Ba'al  Gad,  Ba'al  Hamon,  Ba'al  Me'on,  etc.  :  le  nom  du  dieu  suffit  à  désigner  le 
sanctuaire  et  par  suite  la  localité  (cf.  le  «  proximus  ardet  Ucalegon  »  de  Virgile). 

*  Neubauer,  Géogr.  du  Talmud,  p.  298. 


CULTES  ET  RITES  SYRIENS  DANS  LE  TALMUD  !9S 

le  culte  des  anciennes  déesses  locales  que,  pour  lui  donner  un  nom 
qui,  suivant  la  règle,  correspondît  au  lieu  dont  elle  était  maî- 
tresse, il  fallut  l'appeler  la  déesse  syrienne. 


II.  Le  yerid  de  Tyr. 

S'il  restait  un  doute  sur  l'identité  du  yerid  et  de  la  xarapàstç  lç 
Xifxvïjv,  les  renseignements  d'Aboda  Zara  sur  Tyr  et  Botna  suf- 
firaient sans  doute  à  le  lever. 

Il  y  avait  dans  la  ville  phénicienne  un  tt  semblable  à  celui 
que  nous  rencontrerons  à  Botna  :  la  panégyrie  s'y  accompagnait 
d'un  marché.  R.  Hiyya  b.  Abba,  ayant  fait  acheter  des  sandales 
au  marché,  fut  vivement  réprimandé  pour  ce  fait  par  un  collègue 
rigoriste l . 

Une  «  procession  à  la  source  »  a  réellement  existé  à  Tyr,  et  un 
heureux  hasard  a  voulu  qu'elle  ait  été  pratiquée  jusqu'à  la  fin  du 
dernier  siècle.  La  description  de  la  cérémonie,  telle  que  nous  l'ont 
laissée,  d'après  des  témoignages  oculaires,  Volney  2  et  Mariti  3, 
n'est  pas  intéressante  seulement  en  tant  qu'elle  relate  un  cu- 
rieux survival  du  culte  antique,  elle  peut  être  utilisée,  à  côté  de 
ce  que  nous  ont  laissé  Lucien  et  Sozomène,  pour  la  reconstitution 
de  ce  qu'ont  dû  être,  bien  antérieurement  au  christianisme,  les 
rites  agraires  dont  Hiérapolis,  Jérusalem,  Botna  et  les  villes  à 
maiouma  étaient  périodiquement  le  siège. 

Je  reproduis  le  récit  peu  accessible  de  Mariti,  qui  est  un  té- 
moin d'autant  plus  précieux  qu'il  ne  comprend  rien  à  la  scène 
qu'il  décrit.  Tous  les  détails  du  tableau  sont  à  retenir  : 

«  Dans  les  premiers  jours  d'octobre  de  chaque  année,  l'eau  (du 
puits  de  Ras-el-'Ain)  fermente,  soulève  le  sable  et  devient  bour- 
beuse, au  point  qu'il  n'est  plus  possible  d'en  faire  aucun  usage.  On 
y  remédie  en  jettant  cinq  ou  six  cruches  d'eau  de  mer,  qui  clari- 
fient la  source  en  moins  de  deux  heures. . .   » 

(Quand  on  s'informe  de  la  raison  du  fait)  «  les  habitants  de 
Sour  répondent  seulement  qu'ils  ont  vu  pratiquer  cette  opéra- 
tion par  leurs  ancêtres,  et  qu'ils  le  font  à  leur  exemple  ;  c'est, 
ajoutent-ils,  le  mariage  de  l'eau  de  mer  avec  celle  de  la  terre. 

»  La  superstition  a  érigé  en  fête  publique  le  jour  destiné  à  cette 

1  Talmud  de  Jérusalem,  Aboda  Zara,  i,  k  [39  b). 

2  Volney,  Etat  politique  de  la  Syrie,  ch.  vu.  [Œuvres  complètes,  éd.  Didot,  p.  252). 

3  Mariti,   Voyages  dans  V  île  de  Chypre...  (Trad.  franc.),  t.  II,  p.  205-6. 


196  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

opération.  Réunis  sur  la  grande  place,  ils  se  rendent  aux  puits 
avec  le  même  ordre  que  nous  observons  dans  nos  processions  les 
plus  solennelles.  C'est  un  honneur  de  porter  les  cruches,  dont  les 
vieillards  eux-mêmes  sont  jaloux  ;  pendant  qu'on  les  verse,  tous 
s'enchaînent  par  la  main,  forment  un  long  cercle  et  dansent  au 
son  des  instruments  ;  après  quoi  l'on  retourne  à  la  ville  avec  toute 
l'allégresse  qu'inspire  un  triomphe.  » 

Ritter  *  et  Movers2  ont  reconnu  le  véritable  sens  de  ce  «  cu- 
rieux reste  des  Adonies  antiques  resté  dans  les  mœurs  du 
pays 3  »,  si  directement  apparenté  aux  7cavvjYupte;  hiérapolitaines 
al' eç  ôàXXacaav  vofjuÇovxai  4. 

Sur  le  yerid  de  Tyr,  le  Talmud  ajoute  un  détail  qui  ne  semble 
pas  avoir  été  remarqué  jusqu'à  présent  par  les  historiens  occiden- 
taux de  Dioclétien,  bien  qu'il  fournisse  sur  un  point  de  la  poli- 
tique du  grand  empereur  un  renseignement  sans  doute  authen- 
tique. R.  Simon  ben  Yohanan,  s'étant  rendu  à  Tyr,  y  trouva  une 
inscription  disant  : 

«  Moi,  Dioclétien,  empereur,  j'ai  consacré  ce  yerid  de  Tyr  au  gé- 
nie protecteur  de  mon  frère  Herculius  pendant  huit  jours.  » 

Le  texte  a  pu  difficilement  être  inventé  de  toutes  pièces  :  il  se 
réfère  par  voie  d'allusion  à  des  faits  incontestables.  Le  collègue 
de  Dioclétien  à  l'Empire,  Maximien,  était  considéré  comme  son 
frère  et  les  discours  officiels  comparaient  le  lien  qui  les  unissait 
à  la  parenté  de  Romulus  et  de  Rémus6. 

D'autre  part,  on  sait  que  Maximien  prit  le  surnom  de  Hercu- 
lius, comme  Dioclétien  celui  de  Jovius.  «  Jupiter  et  Hercule  sont 
les  dieux  protecteurs  personnels  des  deux  empereurs7.  »  Or,  Tyr 
était  la  ville  de  ce  Melqart  depuis  des  siècles  assimilé  à  Héra- 
klès,  le  gad  de  Maximien.  Il  est  pleinement  possible  que  Dioclé- 
tien (qui  était  en  fait  seul  chargé  de  l'administration  de  la  partie 
orientale  de  l'empire)  ait  pris  quelque  mesure  destinée  à  rehaus- 
ser l'éclat  de  la  panégyrie  tyrienne,  en  tant  qu'elle  était  une  cé- 

1  Ritter,  Erdkunde,  XVII,  pp.  351-357. 

2  Movers,  Phônizier,  t.  II,  p.  241.  Cf.  Baudissin,  Studicn,  t.  II,  p.  181. 

3  Renan,  Mission  de  Phénicie,  p.  594. 
*  De  Dea  Syria,  §  48. 

5  Talmud  de  Jérusalem,  Aboda  Zara,  i,  4  (39  3).  Cf.  Rappoport,  Erech  MilliHi 
230;  Fùrst,  Zeitschr.  morg.  Gesellsch.,  t.  XLVIII,  685. 

6  Paneg.  Maxim.  Aug.  dictus,  4,  11.  (Panegyrici,  éd.  Bahrens,  pp.  92  et  100). 

7  R.  Peter,  art.  Hercules,  ap.  Roscher,  I,  col.  2999.  Cf.  të.j  2999  et  suiv.,  la  liste 
des  monuments  qui  qualifient  Maximien  d'Herculius. 


CULTES  ET  RITES  SYRIENS  DANS  LE  TALMUD  197 

rémonie  du  culte  d'Héraklès,  patron  d'un  des  deux  Augustes. 
C'était  une  croyance  vivace  en  pays  sémitique  que  celle  qui  assi- 
gnait à  certains  hommes  la  protection  spéciale  d'un  dieu  :  elle  est 
affirmée,  dans  l'épigraphie  de  l'époque  impériale,  par  des  noms 
propres  tels  que  *tiraî  Nebogaddi  »,  «  Nebo  est  mon  Gad  »,  Tniis 
«  Nebo  est  Gad  »,  titrai*  «  'Até  est  Gad  2  »,  etc.  La  forme  nou- 
velle que  Dioclétien  donne  au  dogme  officiel  de  la  divinité  impé- 
riale était  donc  adaptée  à  l'avance  à  la  conception  syrienne. 

Nous  savons  par  Nonnus  3  de  quel  éclat  fut  entouré,  jusqu'après 
le  triomphe  final  du  christianisme,  le  culte  d'Héraklès  Astrokhi- 
tôn  ;  rien  n'empêche  d'admettre  que  l'antique  et  toujours  illustre 
sanctuaire  ait  attiré,  pendant  l'un  de  ses  voyages  en  Syrie,  l'at- 
tention du  pieux  empereur,  et  que  celui-ci  se  soit  montré  sou- 
cieux d'honorer  le  prototype  divin  de  son  associé  à  l'empire,  et 
par  là  même  de  proclamer,  sous  une  forme  accommodée  aux 
croyances  locales,  le  lien  qui  unissait  aux  Augustes  le  grand  dieu 
tyrien.  On  ne  saurait  assurément  affirmer  que  le  document  tal- 
mudique  reproduise  textuellement  l'original  que  R.  Simon  pré- 
tendait avoir  déchiffré  ;  du  moins  la  version  qu'il  nous  a  trans- 
mise ne  blesse-t-elle  aucune  vraisemblance  historique,  et  sup- 
pose-t-elle  un  groupement  de  faits  qui  n'a  guère  pu  être  imaginé 
de  toutes  pièces. 


III.  Le  yertd  deBotna. 

Le  yerid  de  Botna  semble  avoir  inspiré  aux  docteurs  palesti- 
niens une  horreur  particulière  :  son  caractère  idolâtrique  est 
déclaré  manifeste  ;  on  le  considère  comme  le  type  des  cérémo- 
nies illicites4. 

Il  est  singulier  que  l'on  ait  pu  méconnaître  jusqu'à  présent 
le  site  auquel  correspond  ce  nom  :  Neubauer5,  Levy6,  Hoffmann7, 

1  Clermont-Ganneau,  Recueil,  t.  III,  p.  168. 

2  C.  1.  S.,  II,  139;  Vogué,  Inscriptions,  84, 143.  Pour  la  Phénicie,  l'interprétation 
de  n^ia  (C.  1.  S.,  I,  93;  cf.  Noeideke,  Zeitschr.  morg.  Ges.,  t.  XLII,  p.  471)  et  la 
lecture  de  Tiïlî  (Levy,  Siegel  und  Gemmen,  10)  sont  douteuses. 

3  Nonnus,  Dionysiaques,  L,  xl. 

4  Talmud  de  Jérusalem,  Aboda  Zara,  i,  4,  in  fine. 

5  Neubauer,  Géographie  du  Talmud,  p.  262.  Le  Midrasch  (Bereschit  Eabba,  47) 
reproduit  au  sujet  des  trois  grands  yerid  la  tradition  du  Talmud,  mais  substitue  au 
nom  de  Botna  celui  de  Botnan  :  Neubauer  rapproche  très  justement  ce  Botnan  (natu- 
rellement identique  à  Botna)  du  Betanin  d'Eusèbe  (qu'il  faut,  d'ailleurs,  lire  BriÔavtu. 
Cf.  infra). 

6  Levy,  Wôrterbuch,  s.  v.   ïlDU^a 

7  Hoffmann,  Zeitschr.  f,  AssyrioL,  XI,  p.  241. 


198  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

ont  proposé  tour  à  tour  d'y  voir  Betonim  de  Gad,  la  Batanée  et 
Batnan  près  de  Harran.  En  réalité,  Botna  n'est  que  secondaire- 
ment un  nom  géographique  :  le  mot  désigne  le  Térébinthe,  et  le 
yerid  de  Botna  [ïiîvro.  h®  j-mT»)  répond  au  mercatus  terebinthi 
de  saint  Jérôme  *,  au  tottoc.  . .  ov  vuv  Tspéêivôov  Trpofrayopsuouciv  que 
Sozomène  décrit  longuement2,  au  Terebint hus, dont  V Itinéraire  fa 
Bordeaux  3  nous  dit  qu'Abraham  y  habita  et  creusa  le  puits  qu'on 
trouve  sous  l'arbre.  Situé  dans  le  voisinage  immédiat  d'Hébron,  le 
Botna  indiquait,  en  effet,  de  l'aveu  de  toute  l'antiquité  judéo- 
chrétienne,  le  Elôné  Mamré  où  le  patriarche  avait  reçu  la  visite 
des  anges  4.  Aujourd'hui  encore,  le  lieu  s'appelle  Khallet  el  Bot- 
meh3.  Botna  n'est  mentionné,  en  dehors  d'Aboda  Zara,  que  dans 
un  seul  texte  du  Talmud  :  on  racontait 6  que  c'est  là  qu'Hadrien  fit 
vendre  les  Juifs  captifs  après  le  désastre  de  Bettar.  Cette  tradi- 
tion palestinienne  se  retrouve  dans  saint  Jérôme,  qui  invoque 
comme  source  les  «  veteres  historias  et  traditiones  plangentium 
Judreorum7  »,  et  note,  d'ailleurs s,  à  ce  propos,  que  de  son  temps 
le  marché  annuel  continuait  à  être  fréquenté  9. 

Au  moment  où  saint  Jérôme  écrivait  son  commentaire  sur 
Zacharie,  le  yerid  de  Botna  avait  depuis  plus  d'un  demi-siècle,  en 
tarit  que  centre  d^n  culte  païen,  perdu  le  droit  à  l'existence  :  sur 


1  Saint  Jérôme,  Comm.  Jerémie,  XXXI  (t.  IV,  p.  1065). 

2  Sozomène,  Bist.  eccl.,  II,  iv. 

3  1t.  a  Bordigala,  p.  19-20  (éd.  Tobler). 

4  Les  principaux  textes  ont  déjà  été  réunis  par  Reland,  Palœstina,  p.  711  et  suiv.; 
et.  Guérin,  Judée,  t.  III,  p.  280  et  suiv. 

C'est  évidemment  du  même  térébinthe  qu'il  est  question  dans  la  curieuse  notice 
que  les  Onomast.  d'Eusèbe  et  de  Jérôme  nous  transmettent  à  propos  du  'Ain  lévi- 
tique  (Lagarde,  Onomastica  sacra,  pp.  92  et  220)  :  "Atv...  etrci  6e  xo>u.y)  vOv  By)Gavip. 
>£yo[x£vo  dcTro  p"  <7Y]u.£itùv  Tyj;  Tspe^tvâou,  Xe3pwv  ôè  àuo  Teasâfitov..  —  Ain...  est  et 
usque  hodie  ville  liettienuim  nomiue  secundo  lapide  a  terebintho,  hoc  esta  tabernaculu 
Abraham,  quattuor  milibus  a  Hebron.  La  forme  du  pluriel  donnée  au  nom  du  village 
(=  D^lûDJ  se  rapproche  plus  que  Botna  (qui  désigne  entre  ses  congénères  le  téré- 
bintbe  sacré)  de  l'Eloné  Mamré  de  la  Genèse  hébraïque.  Le  rapprochement  institué 
entre  'Ain  et  le  térébinthe  est  un  signe  de  l'importance  attachée  à  la  fontaine  voisine 
de  l'arbre.  La  notice  sur  Enaim  —  'Hvatu.  (Lagarde,  loc.  cit.,  pp.  121  et  259)  est 
contaminée  par  une  donnée  relative  au  térébinthe,  qui  repose,  sans  doute,  sur  une 
confusion. 

5  Guérin,  Judée,  t.  III,  p.  280.  L'arabe  boutm  dérive  (Frânkel,  Ar.  Lehnwôrter, 
p.  139)  du  NTOmïl  araméen,  qui  coexiste  dans  le  Talmud  avec  NSaïS  dans  le  sens 
de  «   térébinthe  ». 

6  Talmud  de  Jérusalem,  Kilaïm,  ix,  1. 

7  Saint  Jérôme,  Comm.  Zach.,  xi  (VI,  885). 

8  Ib.  :  tabernaculum  Abrahœ...  ubi  nunc  per  annos  singulos  mercatus  celeberri- 
mus  exercetur. 

9  Cf.  sur  le  sanctuaire  du  Térébinthe,  dont  tous  les  éléments  essentiels  subsistent 
encore  aujourd'hui,  Rosen,  Zeitschr.  morg.  Gesellsch.,  XII,  p.  504  ;  Palestine  Eœpl. 
Fund,  t.  III,  p.  332;  Nestlé,  Mitth.  Pal'.  Ver.y  1895,  p.  56. 


CULTES  ET  RITES  SYRIENS  DANS  LE  TALMUU  199 

un  rapport  de  sa  belle-mère  Eutropia,  l'empereur  Constantin  y 
avait  interdit  les  cérémonies  qui,  depuis  des  siècles  sans  doute, 
étaient  célébrées,  chaque  été,  autour  du  térébinthe  et  de  la  fon- 
taine sacrés.  Saint  Jérôme  attribuait  aux  tristes  souvenirs  de  la 
répression  de  la  révolte  de  Bar  Koklieba  l'aversion  des  Juifs 
fidèles  pour  remplacement  d'Eloné  Mamré  :  ce  que  nous  savons, 
par  Sozomène1,  des  rites  qui  y  élaient  célébrés,  nous  l'explique 
bien  mieux. 

La  panégyrie  attirait  non  seulement  des  gens  du  pays,  mais  des 
étrangers  accourus  de  Phénicie  et  du  pays  des  Arabes,  et  dont 
quelques-uns,  d'ailleurs,  n'étaient  amenés  que  par  le  désir  d'ache- 
ter ou  de  vendre. 

C'est  le  puits  qui  est  au  voisinage  immédiat  de  l'arbre  qui 
semble  le  centre  de  toutes  les  cérémonies,  comme  il  est  de  l'es- 
sence du  w  :  on  y  allume  des  lampes  (de  même  qu'à  Jérusalem, 
à  la  fête  de  la  puiseuse,  on  allume,  dans  le  parvis  des  femmes,  des 
candélabres  autour  desquels  dansent,  avant  de  partir  pour  la  fon- 
taine de  Siloé,  des  hommes  porteurs  de  torches)2;  on  accomplit 
aux  alentours  des  sacrifices  d'animaux  de  choix3,  on  y  fait  des 
libations  de  vin,  on  y  jette  des  gâteaux,  des  pièces  de  monnaie, 
etc.,  et  ces  opérations  troublent  l'eau  et  la  rendent  impropre 
à  la  consommation  pendant  la  fête  4.  Ces  fêtes  s'accomplissent 
tJSswç  ;  Mariti  parle  de  V  «  allégresse  »  manifestée  par  les  gens  de 
Tyr,  et  le  nom  de  la  fête  de  Jérusalem,  m&OOT  ma  nfiM,  in- 
dique la  même  joie  religieuse.  Nous  ne  savons  malheureusement 
pas  la  date  précise  de  cette  fête  :  le  terme  vague  d'été,  dont  se 
sert  Sozomène,  peut  faire  hésiter,  en  somme,  entre  le  mois  de  juin, 
auquel  différents  textes  classiques  placent  la  mort  d'Adonis,  — 

1  Eusèbe,  Vie  de  Constantin,  111,  52;  Sozomène,  loc.  cit.;  Socrate,   Hist.  eccl.,  I, 

XVIII. 

2  Ces  rites  se  célébraient  certainement  aussi  au  sanctuaire  d'Aphaka  :  ils  se  sont 
conservés  sur  place.  •  Les  métoualis,  dit  le  Dr  Rouvier  [Bull.  arch.  com.  trav.  hist., 
1900,  p.  196),  ne  se  contentent  pas  de  pendre  des  loques  au  figuier,.  .  .  ils  déposent 
à  l'entrée  du  canal  supérieur  des  lampes  d'huile,...  ils  font  brûler  des  parfums, 
surtout  de  l'encens.  »  Rouvier  signale  (ib.,  197,  note  2)  des  pratiques  analogues, 
encore  en  vigueur  à  Beyrouth,  au  réservoir  de  Karm-el-Aris  et  à  la  source  dite  Ain- 
Oumm-Raissé. 

3  Le  détail  de  la  victime,  engraissée  avec  le  plus  grand  soin  pendant  Tannée  pour 
être  offerte  en  sacrifice  à  la  panégyrie,  rappelle  le  passage  du  Midrasch  (Bamidbar 
rabba,  10,  3)  où  est  décrite  la  légendaire  maiouma  des  douze  tribus  d'Israël  :  «  Chaque 
tribu  faisait  défiler  devant  elle  tout  son  troupeau,  on  choisissait  la  bête  la  plus 
grasse  et  on  regorgeait.  »  L'agadiste  s'est  inspiré  pour  sa  description  de  fantaisie 
d'une  cérémonie  idolâtrique,  d'un  fait  d'observation  courante. 

*  Ce  troublement  (peut-être  intentionnel)  de  Teau  est  à  rapprocher  du  phénomène 
équivalent  sigDalé  à  la  source  tyrienne,  ainsi  que  de  la  légende  rapportée  par  Pau- 
sanias  (IV,  35,  9)  au  sujet  de  la  source  de  Joppé.  Cf.  Robertson  Smith  ,  Religion 
çf  Sémites,  p.  173  et  suiv,,  et  Frazer,  Pausanias,  III,  p.  454. 


200  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

c'est  à  peu  près  à  juin  que  correspond  Tammouz  —  et  celui,  plus 
tardif,  de  Tischri,  auquel  se  place  la  fête  de  la  puiseuse,  laquelle 
concorde  pour  l'époque  avec  la  procession  de  Tyr  (fin  septembre 
ou  commencement  d'octobre)  ;  malgré  tout,  la  première  hypo- 
thèse reste  la  plus  vraisemblable.  Mais,  quelle  que  soit  la  date 
exacte,  il  n'est  pas  douteux  que  cette  panégyrie  qui  tire  son  nom 
du  térébinthe,  que  cette  procession  à  la  fontaine  (dont  les  rites 
doivent  être  déclarés  parallèles  à  ces  cérémonies  de  l'immersion 
admirablement  interprétés  par  Mannhardt)  S  que  ces  allumages 
de  flambeaux  —  qu'ils  concordent  pour  la  date  avec  les  feux  de  la 
Saint-Jean  ou  ceux  de  la  Toussaint  —  que  ces  sacrifices  de  gâ- 
teaux, enfin,  ne  présentent  tous  les  traits  caractéristiques  du  ri- 
tuel agraire 9 . 

Nous  pouvons  remonter,  pour  l'histoire  de  ce  lieu  sacré,  plus 
haut  que  les  écrivains  chrétiens,  plus  haut  aussi  que  les  textes 
talmudiques,  dont  le  plus  ancien  ne  dépasse  véritablement  pas 
le  second  siècle.  Josèphe  parle  deux  fois  de  l'arbre  de  Mamré, 
et  ses  renseignements,  si  brefs  qu'ils  soient,  ne  manquent  pas 
d'intérêt. 

Dans  les  Antiquités3,  il  raconte  que  «  Abram  habitait  près  du 
chêne  appelé  Ogygé  ».  (Chêne  traduit  «  Elôn  »,  conformément  à 
la  tradition  que  contredisait,  aux  premiers  siècles  de  l'ère  chré- 
tienne, l'existence  avérée  d'un  térébinthe4.)  Ogygé  pouvait  sem- 
bler inexplicable  5  ;  on  avait  reconnu  cependant 6  que  «  ce  nom 
rappelle  celui  d'un  roi  de  l'antiquité  grecque,  à  l'époque  duquel 
les  traditions  placent  un  déluge  analogue  à  celui  de  la  Bible  ».  La 
célébration,  à  Elôné  Mamré,  d'un  yerid  exactement  équivalent  à 
la  Katabasis  d'IIiérapolis,  permet  de  conjecturer  qu'au  sanc- 
tuaire judéen  comme  dans  le  temple  de  la  déesse  syrienne,  une 
légende  du  déluge  se  rattachait  aux  rites  aquatiques  pratiqués 
au  «  puits  d'Abraham  »  ;  on  peut  voir  dans  le  fait  une  remar- 

1  Mannhardt,  Antike  Wald-  und  Feldkulte,  II,  p,  275  et  suiv.;  voir  aussi  sur  le 
mythe  d'Adonis,  Frazer,  Golden  Bough   (2e  éd.),  t.  II,  p.  115  et  suiv. 

2  Voir,  pour  la  signification  solaire  du  culte  de  l'arbre  et  du  rite  des  flambeaux, 
les  faits  réunis  par  Frazer,  Golden  Bough,  t.  I,  pp.  117,  188;  t.  II,  p.  121  ;  t.  III, 
p.  236. 

3  Josèphe,  Antiq.,  I,  x,  4. 

4  C'est  sans  doute  par  l'opposition  entre  la  réalité  et  la  signification  de  «  chêne  » 
attachée  à  Elôn  que  s'explique  l'hésitation  entre  quercus  et  terebinihus  qui  se 
manifeste  dans  Eusèbe  et  Jérôme  par  des  phrases  presque  comiques  :  «  drys,  dit  le 
premier,  id  est  quercus  Mambre...,  quae  usque  ad  aetatem  infantise  meae  et  Cons- 
tantii  régis  imperium  terebinthus  monstrabatur  pervetus  et  annos  magnitudine  indi- 
cans  ». 

8  Gall,  Altisraelitische  gultstâtte,   p.  52,  note  2;  Weill,  trad.  des  Antiquités,  t.  I, 
p.  44,  note  3. 
6  Weill,  loc.  cit. 


CULTES  ET  RITES  SYRIENS  DANS  LE  TALMUD  201 

quable  confirmation  des  vues  exprimées  par  Hubert  '  sur  les 
rapports  des  mythes  diluviaux  avec  les  rites  agraires. 

D'autre  part,  Josèphe  raconte  2  que  l'arbre  passait  pour  remon- 
ter à  la  création  du  monde.  Si  l'on  cherche  à  replacer  ce  frag- 
ment de  tradition  dans  l'ensemble  des  croyances  dont  Botna  a  été 
le  centre,  on  soupçonne  que  Josèphe  nous  a  conservé,  sous  une 
forme  affaiblie,  le  souvenir  d'un  mythe  cosmogonique  dans  lequel 
le  Térébinthe  jouait  un  rôle.  Les  mythes  locaux  attribuaient  peut- 
être  au  térébinthe  d'Hébron  une  fonction  analogue  à  celle  du 
Kischkanou  3  d'Eridu,  «  le  Kischkanou  noir,  né  sur  un  sol  pur, 
semblable  au  brillant  lapis-lazuli,qui  s'étend  au-dessus  del'Apsou 
(l'Océan  primordial  et  mythique4)  »,  et  d'une  façon  générale  à 
celle  de  l'arbre  qui  apparaît  dans  un  certain  nombre  de  textes  sé- 
mitiques ou  de  mythes  d'origine  sémitique. 

Nous  ne  toucherons  pas  aux  questions  difficiles  que  soulève 
l'existence,  dans  un  lieu  auquel  la  tradition  juive  rattachait  le 
nom  d'un  patriarche,  l'ensemble  de  rites  et  de  mythes  que  nous 
venons  de  signaler;  rappelons  simplement  que,  sous  le  règne  de 
David,  Hébron  nous  est  présenté  comme  un  lieu  de  culte  où  Absa- 
lom,  le  fils  du  roi,  va  s'acquitter  d'un  vœu  5. 


IV.  Nadbaka. 


Parmi  les  inscriptions  grecques  de  Syrie  recueillies  dans  le 
CIG,  figure  sous  les  n08  4450  et  4451  (cf.  aussi  4449),  une  petite 
série  de  dédicaces  adressées  à  Sélamanès6  et  à  un  autre  dieu, 
dont  le  nom  est  donné,  dans  le  texte  épigraphique  du  n°  4451, 
sous  la  forme  MAABAXQ  (au  datif).  Franz,  égaré  par  un  rappro- 
chement   erroné    avec    le  Malakbel    palmyrénien,    préféra  lire 

1  Hubert.  Bévue  Archéol.,  1899,  II,  p.  355. 

2  Josèphe,  Guerre  jud.,  IV,  ix,  7. 

3  RawlinsoD,  Cun.  Inscr.,  IV,  xv,  51  b.  On  ne  sait  à  quel  végétal  correspond  le 
Kischkanou.  Pinches  [Rcv.  Bist  des  Rel.,  1901,  1,  pp.  278  et  282)  veut  y  voir  la 
vigne,  mais  il  n'y  a  à  cette  opinion  aucun  motif  plausible. 

4  Cf.  Stucken,  Astralmythen,  p.  70  :  «  Das  Wasser  der  Tiefe  und  der  Weisheit.. . 
und  der  Weltbaum  gehoren  zusammen  in  nordischer  wie  in  babylonischer  Mytho- 
logie. » 

5  II  Samuel,  xv,  7. 

6  Le  Schoulmanou  du  panthéon  assyrien.  L'antiquité  du  culte  de  ce  dieu  en  Syrie 
est  attestée  par  un  monument  égyptien  (étudié  par  Spiegelberg,  puis  par  Lidzbarski, 
Zeitschr.  f.  Assyr.,  XII,  pp.  120  et  328),  qui  renferme  une  invocation  adressée 
à  Retchep  -  Schalmun ,    association    de    noms  divins    comparable   à    celle   qu'offrent 

nipb»3tttt>K  /lo&ob»  ,byn^ba. 


202  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Mà[X]êayoç  le  nom  divin,  encore  que  le  texte  précédent  assurât  la 
réalité  du  o  * .  Mieux  inspiré,  Stark  2  reconnut  la  véritable  lec- 
ture, mais  en  retenant  l'identification  avec  Malakbet,  qui  a  joui 
pendant  un  demi-siècle  d'une  faveur  injustifiée3. 

Il  y  a  quelques  années,  M.  Clermont-Ganneau  a  repris,  dans  son 
article  sur  les  Inscriptions  du  Cheikh  Barakât*,  l'étude  du  groupe 
des  dédicaces  du  Corpus,  accru  de  textes  nouveaux  du  même 
type ,  tout  en  déclarant  que  les  lectures  Màopa/oç  et  MàXêayoç 
n'étaient  pas  complètement  exclues  ;  il  déclarait,  après  l'examen 
des  copies  plus  nombreuses  et  plus  sûres  que  celles  dont  avaient 
disposé  Franz  et  Stark,  que  Mào6a/oç  représentait  la  forme  la 
plus  probable. 

Presque  en  même  temps,  et  sans  connaître  la  publication  pré- 
cédente,  Hoffmann  5  et  Krauss6  rapprochèrent  indépendamment 
Mào6a/oç  du  dieu  Nadbaka  (ï-oaia)  que  le  Talmud  place  à  Ptolémaïs- 
'Akko  :  la  comparaison  des  deux  mots  incline  immédiatement  à 
rapporter  Màoêayoç  à  la  racine  ^nn.  11  faut  tenir  compte  cependant 
de  la  variation  <ie  la  préformante  :  Hoffmann  a  rappelé  qu'elle  ne 
constitue  qu'un  phénomène  secondaire.  Barth  a,  en  effet,  montré7 
que  devant  toute  racine  renfermant  une  labiale,  l'assyrien  rem- 
plaçait par  un  noun  le  min  conservé  comme  préfixe  par  la  gé- 
néralité des  dialectes  sémitiques  ;  on  peut  donc  considérer  Mad- 
bak  et  Nadbaka  comme  les  deux  variantes  du  même  mot,  la  der- 
nière étant  affectée  par  la  loi  propre  à  l'assyrien.  Par  un 
heureux  hasard,  la  Mischna  nous  offre  le  même  vocable  sous  les 
deux  formes  :  ^ma  et  *]ym,  nidbak  et  midbak  s  sont  des  termes 
synonymes  qui  ont  le  sens  d'  «  assise  d'une  muraille  »  ;  nidbak 
(qui  existe  déjà  dans  l'araméen  biblique)  est  évidemment  iden- 
tique à  l'assyrien  nadbaku9,  «  muraille  rocheuse,  paroi  mon- 
tagneuse ».  Il  est  au  premier  abord  déconcertant  de  trouver 
la  forme  non-assyrienne  MàSfJa^oç  au  Djebel  Barakât,  dans 
une  région  toute  pénétrée  d'influences  assyriennes  10,  alors  que 


1  C7&..44K0,  donne  MA APAXQ. 

*  Stark,  Gaza,  p.  571 . 

3  Mommsen,  Rom.  Gesch.,  t.  V,  p.  452;  cf.  Roscher,  Lexikon,  t.  II,  c.  2296. 

*•  Clermont-Ganneau,  Et.  d'arch.  or.,  II,  p.  35. 

6  Zeitschr.f.  Assyriologie,\.  XI,  p.  246. 

6  Semitic  Studies  in  mem.  of  Kohut,  p.  343. 

7  Zeitschr.  f.  Ass.,  II,  p.  111.  Cf.  Frânkel,  Fremdwôrter,  p.  133. 

8  Cf.  Levy,  Worterbuch,  s.  v. 

9  Le  rapprochement  a  été  l'ait  par  Delitzsch,  Assyr.  Grammatik,  p.  172. 

10  Madbakhos  est  associé,  dans  les  inscriptions  du  Dj.  Barakât,  au  dieu  Selamanès, 
qui  est,  comme  nous  l'avons  dit,  le  Schoulraanou  des  cunéiformes.  A  une  faible  dis- 
tance se  dresse  la  montagne  appelée  au  moyeu  à^e  Djebel  Nebo,  du  nom  d'un  autre 
dieu  assyrien  ;  voir  enfin  les  monuments  de  Wêrab,   également  dans  le  voisinage. 


CULTES  ET  RITES  SYRIENS  DANS  LE  TALMUD  203 

c'est  'Akko  qui  fournit  en  Nadbaka  le  nom  du  type  caractéris- 
tique de  la  langue  des  cunéiformes.  Mais  ce  renversement  de  la 
répartition  qui,  dans  l'état  de  nos  connaissances,  aurait  paru  na- 
turel peut  fort  bien  tenir  à  des  causes  secondaires  dont  l'in- 
suffisance de  notre  information  nous  interdit  de  rendre  compte. 

L'équivalence  de  MàBSayoç  et  de  ttM13  semblait  pouvoir  être  te- 
nue pour  établie,  quand  la  découverte  d'un  nouveau  document 
vint  la  remettre  en  question. 

Dans  son  mémoire  de  1895,  Clermont- Ganneau  s'était  de- 
mandé — ■  avec  une  hésitation  commandée  par  la  légère  incerti- 
tude qui  lui  semblait  planer  encore  sur  la  forme  véritable  du  nom 
—  si  Màoêa/oç  n'était  pas  une  transcription  du  mot  araméen  miE 
«  autel  »  et  si  l'on  n'était  pas  en  présence  «  d'un  dieu  bétyle, 
d'un  Zsùç  Bo)(i.d<;  '  ». 

Nous  savons  aujourd'hui  que  dans  la  région  même  du  Djebel 
Barakât,  c'est  bien  par  pw^oç  que  l'on  interprétait  le  nom  Màô- 
êa^oç.  En  effet,  l'expédition  américaine  de  Syrie  a  découvert  au 
Djebel  Barîscha  une  dédicace  adressée  Âil  Bwpo  [xe^aXo),  que  Litt- 
mann  a  immédiatement  rapprochée  des  monuments  analogues 
consacrés  à  Madbakhos,  en  en  déduisant  pour  ce  dernier  mot  la 
forme  originale  rmtt  2.  Clermont-Ganneau,  apès  avoir  signalé 
cette  trouvaille  et  revendiqué,  en  ce  qui  concerne  l'équation  Mào- 
ëa^oç-na^tt-pcoj/.oç,  des  droits  de  priorité  qui  sont  incontestables  3, 
a  proposé4  de  rattacher  la  notion  d'un  dieu  Autel  au  culte  de  la 
pierre  carrée  et  de  l'énigmatique  nama  de  Pètra5. 

Il  n'est  pas  douteux  que  Màoêa/oç  ait  été,  dès  l'époque  gréco- 
romaine,  interprété  par  mitt  et  traduit  par  Bw^oç.  Mais  il  n'est  pas 
certain  que  nous  ayons  là  l'explication  et  l'étymologie  véritable 
du  nom  sémitique.  Philologiquement  et  historiquement,  la  thèse 
de  MM.  Clermont-Ganneau  et  Littmann  se  heurte  à  de  très  sé- 
rieuses difficultés. 

D'abord,  MàSêa^oç  serait  de  Madbah  une  transcription  insolite. 
Le  heth 6,  sans  doute,  est  quelquefois,  dans  les  textes  épigraphiques 

1  Clermont-Ganneau,  Etudes  d'archéol.  orientale,  t.  II,  p.  49,  note  2. 

*  Butler  et  Littmann,  ap.  Americ.  Journal  of  Arch.t  1900,  p.  435. 
3  Clermont-Ganneau,  Recueil,,  t.  IV,  p.  164. 

*  Clermont-Ganueau,  £#.,  p.  248. 

5  Je  crois  qu'il  faut  plutôt  rapprocher  ïianitt  (dont  la  lettre  finale  peut  difficile- 
ment avoir  une  fonction  différente  de  celle  du  HtZJ^p  de  la  même  ligne,  C7&,  II,  198] 
des  noms  divins  yéménites  U^panfa,  3  5*7)3  3  nE  et  "pa^anTa  (Fell,  Zeitschr.  morg. 
Gesellsch.,  t.  LIV,  p.  237,  note  1  ;  Weber,  Mittheil.  vorder.  Gesellsch.,  1901,  p.  56)  : 
l'explication  proposée  par  Fell  pour  ces  noms  ne  semble  d'ailleurs  pas  définitive. 

6  11  est  bon  de  faire  remarquer  que  le  heth  de  NU  3*7  fa  ou  713773  répond  au  hâ 
doux  arabe,  et  qu'il  est  d'ailleurs  assez  douteux  que  les  dialectes  syriens  des  ra- 
meaux araméen  et  bébréo-phénicien  aient  possédé  le  khâ  fricatif  (cf.  en  ce  qui  con- 


204  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

grecs  transcrit  y  en  tête  du  mot  :  bien  plus  souvent,  même  en  ce 
cas,  il  n'est  pas  exprimé,  l'alphabet  grec  n'ayant  pas  de  signe  qui 
pût  rendre  cette  forte  expiration1.  Mais  je  ne  connais  aucun 
exemple  épigraphique 2  certain  d'une  transcription  y  du  n  se- 
conde ou  troisième  radicale  :  *w>  donne  Jaraios,  bi:wn  Jaribo- 
los  ou  Jérablos,  mp  Kozê,  ittbmo  Moatemos3  ;  Soaimos  et  Koai- 
phos  correspondent,  suivant  des  rapprochements  dus  à  Lidzbarski4, 
à  Sohairn  et  Qohaif;  dans  l'inscription  mosaïque,  très  tardive 
d'ailleurs,  de  Mâdebâ,  Bêlomarsea  est  la  transcription  de  ma 
rira 5.  Le  y  est,  dans  la  règle,  réservé  à  l'expression  du  Uaph. 

Ce  premier  obstacle  n'est  sans  doute  pas  infranchissable  :  on  ne 
saurait  prétendre  qu'une  transcription  y  du  n  doux  médial  ou  final 
soit  impossible.  Plus  grave  est  l'objection  que  l'on  peut  adresser, 
du  point  de  vue  de  l'histoire  religieuse,  à  l'introduction  dans  le 
panthéon  sémitique  d'un  dieu  Autel. 

Le  mot  madbah-mizbèah  6,  qui  désigne  l'autel  dans  les  langues 
araméenne,  hébraïque  et  phénicienne,  signifie  proprement  l'objet 
matériel  sur  lequel  on  immole  la  victime  offerte  à  Dieu.  Cet  ac- 
cessoire du  sacrifice  peut-il  devenir  un  Dieu?  Nous  ne  le  croyons 
pas,  non  que  le  sacrifice  en  général  suppose  la  divinité  —  nous 
savons  que  dans  un  grand  nombre  de  cas  c'est  des  formes  primi- 
tives du  sacrifice  qu'elle  s'est  dégagée  — ,  mais  parce  qu'un  sacri- 
fice assez  développé  pour  utiliser  un  autel  caractérisé  comme  lieu 
d'immolation  par  un  nom  tel  que  mizbèah  nécessairement  a  une 

cerne  les  noms  propres  hébraïques,  Siegfried,  Zeitschr.  f.  ait  test  ornent.  Wissensch., 
t.  IV,  pp.  35  et  70;  Kamffmeyer,  Zeitschr.  Palàst.  Ver.,  1892,  p.  24  et  suiv.). 
Dans  la  majorité  des  cas  où  nous  le  rencontron?,  le  y  semble  rendre  un  n  dur,  et 
cela  dans  des  noms  appartenant  peut-être  souvent  à  des  dialectes  à  khâ,  et  qui  en 
tout  cas  se  rencontrent  dans  des  régions  influencées  par  des  éléments  arabes. 

1  rH72n  est  transcrit  Ehamratè;  "lTVtt  correspond  peut-être  à  Khaiamos  et  b&mfi 
à  Kheeilos  (Dussaud-Macler,  Voyage  au  Sa  fa,  p  155)  ;  "j-pn  est  transcrit  à  la  fois  Khai- 
ranès  et  Airanès,  le  palmyrénien  NTn  et  le  sinaitique  TV  H  équivalent  peut-être 
respectivement  à  Airos  et  Khairos  ;  mais  les  formes  grecques  Abihos,  Addoudanès, 
Ala,  Amelathos,  Annèlos,  Arsa,  Aretas,  Asasos  (Cf.  Lidzbarski,  Handbuch,  p.  269 
et  suiv.),  Hias,  Ouros,  Alaphtha  (Clermont-Ganneau,  Recueil,  t.  IV,  pp.  121, 
141,  143,  149),  Ababathè,  A  Uni  os  (Lidzbarski,  Ephemeris,  pp.  218,  220)  attestent  la 
prévalence  de  Télision  du  n  même  initial. 

2  Je  laisse  de  côté  les  transcriptions  savantes  des  œuvres  littéraires  (cf.  sur  celles  de 
Josèphe,  J.  Weill,  traduct.  des  Antiquités  judaïques,  t.  I,  p.  18,  note  2,  et  p.  31, 
note  1). 

3  Clermont -Ganneau,  Recueil,  t.  IV,  p.  170;  cf.  ib.,  p.  169-170,  une  série 
d'équivalences  entre  des  noms  safaïtiques  et  des  noms  connus  par  l'épigraphie 
grecque,  qui  confirment  notre  thèse  (dans  "iHON  —  "Auyapoç  la  troisième  lettre 
est  un  khâ  dur);  l'ASaSvaSivayyjç  delà  bilingue  de  Tello  transcrit  un  mot  assyrien. 

v  Lidzbarski,  Ephemeris,  t.  I,  pp.  218,220. 

8  Cf.  Bùchler,  Revue  Et.  juiv.,  1901,  t.  I,  p.  125,  et  Clermont-Ganneau,  Recueil, 
t.  IV,  p.  276. 

6  La  racine  rDÏ  est  pansémitique. 


CULTES  ET  RITES  SYRIENS  DANS  LE  TALMUD  205 

personnalité  constituée  en  dehors  de  lui.  C'est  en  vain  qu'on  rap- 
proche l'autel  de  la  pierre  sacrée  (qui  semble  dans  certains  cas 
avoir  servi  au  sacrifice  l),  et  il  ne  servirait  à  rien  de  rappeler  la 
théorie  par  laquelle  Robertson  Smith 2  a  cherché  à  expliquer  la 
formation  du  numen,  qui,  nous  dit-on  3,  est  incorporé  dans  les 
pierres  comme  celle  de  Pètra,  car  la  transformation  de  la  pierre  à 
sacrifices  en  bétyle  réceptacle  de  la  divinité  n'a  pu  s'accomplir 
sous  le  couvert  d'un  mot  aussi  transparent  que  celui  de  mttt 
=  mTO  ,  qui  caractérise  d'un  trait  trop  accusé  la  fonction  de 
l'objet  pour  laisser  subsister  l'équivoque  qui  serait  nécessaire 
pour  qu'un  dieu  pût  arriver  à  se  dégager  du  bloc.  Toutes  les  dif- 
ficultés s'évanouissent  si  l'on  suppose  que  le  nom  original  du  dieu 
du  Djebel-Barakât  a  eu  la  forme  —  très  légèrement  hypothétique 

—  de  ^mtt  ou  ïtsaitt,.  à  peine  différente  du  roniD  talmudique.  C'est 
l'étymologie  populaire  (peut-être  maniée  par  un  Syrien  d'origine 
grecque)  qui  aura  assigné  à  ce  vocable  le  sens  de  snaia,  qui  en 
est  phonétiquement  si  voisin  :  plus  d'une  interprétation  savante  — 
pour  ne  parler  que  des  tentatives  d'explication  de  noms  sémitiques 

—  conservée  par  le  pseudo-Méliton,  Tertullien  4  ou  Macrobe  s, 
dépasse  celle-là  en  absurdité.  MàoSa/oç  pourra  être  considéré 
comme  la  transcription  normale  d'un  nom  divin  attesté  par  un 
texte  syrien  précis,  et  le  dieu  «  Autel  »  devra  être  considéré,  non 
comme  un  vestige  d'une  pensée  religieuse  archaïque,  mais  comme 
le  produit  d'une  exégèse  de  basse  époque. 

Isidore  Lévy. 


1  Cf.  Lagrange,  Revue  biblique,  1901,  pp.  225,  227,  242. 
s  Robertson  Smith,  Religion  of  the  Sémites  (2e  éd.),  p.  201. 

3  Lagrange,  loc.  cit.,  p.  225,  semble  suivi  par  Clermont-Ganneau,  Recueil,  t.  IV, 
p.  249. 

*  Cf.  les  exemples  cilés  Revue  d'hist.  des  Relig  ,  1899,  t.  If,  p.  370  et  suiv. 
5  Macrobe,  Saturnales,  I,  21,  17. 


LES  ANOMALIES 
DU  PLURIEL  DES  NOMS  EN  HÉBREU 


Dans  notre  étude  sur  le  pluriel  hébreu  {Revue,  t.  XXIV,  p.  99 
et  suiv.),  nous  avons  fait  remarquer  combien  sont  nombreux  les 
substantifs  qui  n'ont  pas  de  singulier.  De  plus,  beaucoup  de  ces 
pluralia  tanlum,  ainsi  que  d'autres  noms  pluriels,  sont  employés 
avec  la  même  valeur  que  le  singulier.  Nous  désirons  reprendre  en 
détail  cette  question  et  compléter  la  statistique  des  pluriels  anor- 
maux, car  les  grammaires  les  plus  récentes  cherchent  à  expli- 
quer l'emploi  du  pluriel  sans  distinguer  les  véritables  pluralia 
tantum  parmi  les  noms  qui  n'ont  pas  de  singulier,  et  d'autre 
part,  elles  établissent  des  catégories  de  pluriels  d'étendue,  d'abs- 
traction, d'action,  qui,  selon  nous,  n'ont,  au  point  de  vue  gram- 
matical ou  lexicographique,  qu'une  importance  très  restreinte. 


I.  Noms  dont  le  singulier  manque  fortuitement. 

Il  y  a  beaucoup  de  noms  dont  on  ne  trouve  pas  le  singulier  dans 
la  Bible,  simplement  parce  que  les  Écritures  nont  pas  eu  l'occa- 
sion de  l'employer.  Il  est  utile  d'énumérer  ces  noms  pour  les  sé- 
parer de  ceux  dont  le  singulier  était  réellement  inusité1.  Nous 
les  rangeons  par  ordre  alphabétique  de  racines  : 

^ba»,  iban^N,  d^iD-i^N,  tnbïw  et  mbï-rct,  mais  (outres),  mniN, 
ûTia  (hiboux),  û^B-Y-nonN,  trnniariN,  fcptPMK,  ire»,  û^n  (Is.,  xiii, 
22),  fcpttb^  et  irab^,  Jrsba  (bœufs),  iraa  (géants),  ma»,  '"rôa1» 

1  Nous  avons   laissé  de  côté   les  adjectifs,  qui  avaient  forcément  tous  un  singu- 
lier. Nous  avons  toutefois  cité  les  adjectifs  pris  substantivement. 

2  Le  signe  '  à  la  fin  du  mot  signifie  que  ce  mot  ne  se  trouve  qu'avec  les  suffixes. 


LES  ANOMALIES  DU  PLURIEL  DES  NOMS  EN  HEBREU  207 

rnaiN,  rrriN,  nvuJN,  trsttN,  ■rû-ft'ùf,  a^a  (devins) ?  tnâba,  tarra, 
rwa-pa,  -naa,  "«fta,  a^bsa,  ^anpa,  a^ap-ia.  a^TKa,  a^aa  (sauterelles, 
citernes),  m*aa73  "^ly  et  mTia  (coupures),  r-if^ia,  a^a,  a*nja, 
mnwTs,  a^aba,  imba,  a^itia,  -naa,  '■waa,  a-nana,  m-m,  mnm,  a^ain. 
etcw,  û^in  •  nrbi,  a^i^am.  a^bb-n,  mo^rt,  a-m,  ow»t, 
nviT,  mp"n,  mnsra,  n-rarp,  a^pj,  ûwt  et  a^aianT,  anan,  a^nan, 
■min,  cimn,  a-wan,  t-nbn»,  a-'abrra,  mabim  ^pbn,  fca^aTan, 
*p73n,  a^ann,  aa^aann,  a^mn,  a-a-nnV'fS  a^aann,  aa-ônn,  a^mn, 
ta^irnn,  rnaatin,  ^ian,  a^-ina,  ^ba->,  a^air?,  aa^aa/v  a-1»-'.,  mp:r 
(branches),  ûv\  a^b*\  Hma,  ta^aa,  nvba,  mab^a,  a-naa,  r-nnaa, 
nnana,  rrnrçna,  rçianab,  a-bib,  mtôib,  fcpiataçib,  mnpa,  mambtt, 
S-WTO,  mbib»,  fca*nb#,  taTibw,  a^?:,  ta"n*na,  maïaia,  ta^a, 
ta^bnbrra,  pnhajs,  mbnj,  maa,  ^scsa.  ma^aa,  mïï^s,  ^baa,  ca^aaa 
ta^a,  n-ppatt,  mp^:,  a^na,  aa^aaa,  ta-ma,  mana,  a*voa, 
Iavn73073,  û,,D',3?o,  mnac»,  a^ana,  a^ana,  a^ay ,  '-na?  (œuvres), 
'Trayia,  a^na%  a^bTtf,  ta^aïaî^,  méra*»,  'mura^,  t-nb*b5>,  a^*aa>. 
r-nana»,  'Wtf,  aa^pn?,  mne?,  ma-irua?,  aa^rirtf,  a^aa,  a^na 
(plaques),  rmba,  mb*a,  a^pa,  nwpa,  a^rna,  a^rncN,  r-nana, 
a^ama,  aa^air,  &T\aat,  fca^lhx,  ?a*a»,  rrôest,  rmros,  ta^aip, 
minp,  Cavbp,  aa^a-naap,  manap,  "Wip,  aa-oip,  a^np,  aa^o^p, 
mtop,  a^an,  a^aan ,  a^am ,  a^am.  ta^aa-i,  a'oan,  aa-o^an, 
mban,  nmoDi,  a^aan,  a^npn  et  mnpn,  a^am,  rvrato,  a^annto, 
a^ab,  msSç,  nvaia,  lawife,  tarant,  aaïa^aiâ,  matais»,  m^jiD, 
ta^iâ,  ta^arâM ,  a^airâ,  m-nâ,  'mnbia,  a^abb,  rvmab,  taa^apb, 
mnià-rô,  ■'bvnzj,  aa">aiNn  et  DTaNin,  a^an,   ma>bna,  ta^an  et  maan. 


IL  Noms  douteux. 

Aux  noms  qui  précèdent  nous  en  ajouterons  d'autres  dont  le 
sens  ou  la  forme  sont  incertains,  en  les  rangeant  par  ordre  al- 
phabétique : 

a^aaba  et  a^aabN,  aa^aaN  et  maaa,  aaT:aiaN,  a^a  (mensonges), 
mnaa,  rma,  »a5an,  "nan,  ^an,  aa^aaian8,  ta-'ayaa,  mbiaw3, 
(Josué,  xvi,  9),  in-iaTa,  oibpa»,  ^irrn,  '?im,  aan-T?a,  r-nn-T7a, 
n-ibat)  (II  Ghr.,   iv,  21),  rma/E,  mna»n,  ta^Ta»,  ta^tt,    ta^aa , 

ta-oa,  n«aa,  'naa,   a^aTa^a ,    aniira,   a-»aa,    mnba,  aa^aa,   r-nna, 

1  Voir  ci-dessous  p.  213. 

*  Peut-être  faut-il  lire   tf:n  «  en  hâte»,  et  0^73  serait  une  dittographie  de  (1353 

a*natOo. 

a  II  faut  sans  doute  vocaliser  mbiatt 


208  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

mnD,  'tïb,  mrrna,  d^btw:,  awis,  d^at  (images),  d^ir  (habitants 
du  désert),  da^it,  '•xap,  nittan,  tren  (archers),  rriia&n,  man,  ^n, 
mpm,  a^-jb,  'nvrô  (Ez.;  xxvn,  25),  trnip  (Jér.,  v,  10),  -^bia, 
■^aia,  '•'bb-in. 


III.  Pluralia  tantum. 

D'autres  substantifs  paraissent  n'avoir  pas  eu  de  singulier,  tout 
au  moins  dans  la  période  littéraire,  car  les  uns  sont  trop  fréquem- 
ment employés  pour  qu'on  puisse  attribuer  au  hasard  l'absence  du 
singulier,  d'autres  ont  une  acception  qui  n'indique  pas  le  pluriel. 
On  doit  remarquer  que,  si  plusieurs  noms  de  cette  seconde  caté- 
gorie sont  traduits  par  des  pluriels,  cela  doit  tenir  souvent  à  la 
forme  plurielle  qui  a  induit  en  erreur  les  exégètes.  Ainsi,  tout  le 
monde  traduit  d^ann  par  grillage,  mais  Enabtt  par  échelons  ;  or, 
d^abia  peut  être  un  réseau  de  lattes,  et,  par  conséquent,  n'être  pas 
plus  un  vrai  pluriel  que  d^a^n. 

Nous  rangeons  ces  noms  d'après  leur  forme  : 

1.  Noms  qui  ont  une  voyelle  autre  que  le  pi'é  sous  la  première 
ou  la  seconde  radicale  ,  ou  deux  voyelles  :  a)  Racines  fortes  : 
û^aiâa,  aa^r,  û^m,  aanM .  n^asiû,  tav^ann,   r-iia^bn  et  '"«a^bri 

T     :  T  "S  -  T  T  T  -: 

(Job,  xxix,  5),  niD'H!-!1.  Avec^rn  dans  la  troisième  radicale  :  mpbn, 
ca^ann,  ma?p,  ta">a^:p  mabs,  fc-nâbé,    E^abiâ  ;  6)  Racines  faibles  : 

ta^ntt,  tan1"î>   d^j,   da^S    d-oa,  tznaa3,  d^k  (douleurs),  'miâ, 

2.  Noms  avec  pnia  sous  la  seconde  radicale  :  a)  êto  sous  la 
première  radicale  :  tr©gja_,  Emna  et  rmna,  débina,  ï-nœia, 
can^in ,  rman ,  tnbnn ,  EraiST ,  d^pj ,  da-HYnn,  aa^aian,  dimn, 
d^piuîn,  ^msp  (Job,  xvu,  10),  mb-iba,  a^pritt,  û^rw,  û^wa  et  rnwa, 
d-onb:?,  ta^-itt?  et  ni933t^,  a^piiày,  Ewa,  ^ms,  da-mpa,  t-nasi  *, 
d^anau;,  taraipiD.  —  b)  pin  sous  la  première  et  tu:n  dans  la  se- 
conde :  trmaa,  t=jvr#a,  a^avtf  et  mena,  d^bnb^,  tzi^bibrt,  trpiiân, 
EmÊn,  ûTnets,  d^rnaa,  amfcb,  d-wb»  et  n-iab»,  d^aaa,  fca-wna, 
a-mpa,  a-mpa,  dmais,  d^pi?:^,  ûwap,  a-mbp,  ûtnp-i,  taranpn 
û^biau;  ,  ûmEtâ.  —  c)  Préfixe   n    :  '-»b-imn ,   mabïrn ,  maiartn  , 

1  II  se  pourrait  que  dans  ces  noms  le  plfl  fût  l'altération  d'un  p*")T23. 
*  Telle  est  la  prononciation  traditionnelle  du  mot  d^fà,  et  il  n'y  a  aucune  raison 
pour  la  déclarer  inexacte. 

3  dnaa  n'a  de  commun  que  la  racine  avec  d^aa,  et  répond  à  l'arabe  finâ 
«  enclos  ». 

4  Peut-être  faut-il  lire  aussi  DINS"!  dans  Proverbes,  m,  8. 


LES  ANOMALIES  L)l'  l'LUMEL  DES  NOMS  EN  HEBREU  209 

nibiann,  awbnn,  ta^anann  et  manann,  fc-naabn,  û^pnntjn,  bmu:n, 
a^inan  et  ï-nmnan,  d^»n,  mswr1,  nvasJn.  Avec  la  deuxième 
radicale  "i  ou  ">  :  a*»a«n,  niabïi  (=  ma"pbn)  matian,  mwan.  Trois 
noms  à  première  radicale  tia?;  n'ont  pas  de  p-itt  :  rrnbin,  rhaann, 
maann. 

3.  Noms  avec  préfixes  n  :  a)  Voyelle  yizp  :  QTO,  mbaa», 
matbma,  mswantt,  a^bba^a,  d^bys»  et  mbato»,  tapana»,  ta^wt», 
a^npn».  —  Racines  faibles  :  m^ona,  d"nsna,  û^n^,  —  &)  Voyelle 
■nat  :  marra,  D^bnp»  et  f-nbrtpa.  —  Racines  faibles  :  ts-naitt 
et  fTHOta,  d-naitt  et  r-maitt  ,  msan».  —  c)  Voyelle  incer- 
taine :  rvnpTO,  npntt,  ^irra,  maso»,  "pn*»,  mabatt,  mbnawa, 
m«jn»i  mban»,  mbara,  "nauJ»,  monta.  —  d)  Voyelle  dbn  : 
nmtaa,  dn"i?27a.  —  Racines  faibles  :  vniatt,  '"»w».  —  e)  Voyelle 
plta  :  û^DKtt,  mabirra,  Dwan»  û^ds».  —  Racines  faibles  :  û^biro, 
dTrra,  rvwwMi  B^iânatè,  D'ma.fc,  a^TiTa-  —  f)  Avec  redoublement 
de  la  troisième  radicale  :  a)  avec  uns  :  ta^ifitta,  btims»»,  mbnra, 
awa»,  a^aaaa,  awa»,  a^wj  et  mawa,  ta^p1»*:»,  a^apana,  rrabato, 
a^ana,  a^aaM,  avaia»,  Km»»].  —  p)  avec  pnia  :  a^sarra,  a^an^a. 

4.  Avec  préfixe  a  :  crtinsa. 

5.  Avec  suffixe  :  cnan^s,  D"nn»biB. 

6.  Noms  quadrilitères  :  a)  Racine  bilitère  répétée  :  ta^nsna, 
rmana,  a^anan ,  a^bpï,  a^mnnn,  mbaba,  a^aaaa,  ûviï,  a^Karsx, 
ninsnat,  a^anazaras,  ûviWïï,  d^bnbn,  awj*n.  — V)  Divers:  ma>aa*aa, 
a^aiana,  a^DiDwsa.  n^naa,  rrïrnaJp©,  amaa,  maana,  awife. 

On  peut  y  ajouter  quelques  noms  dont  le  singulier  est  très 
rare  :  1.  nw,  d^ban  (douleurs),  mb^ba».  —  2.  a^anap,  ûTnna, 
ûvaibç,  aianps),  s^anaafn.  —  3.  d*>nno?a,  a^aprra,  d^aioïaa. 

Il  suffit  de  comparer  cette  liste  à  celle  des  substantifs  dont  le 
singulier  manque  fortuitement,  pour  voir  que  la  forme  des  noms 
a  ici  une  très  grande  importance.  Les  vrais  pluralia  tantum  sont 
principalement  :  1°  des  noms  avec  voyelle  p-iia  pour  la  deuxième 
radicale  ;  2°  des  noms  avec  ;a:n  dans  la  troisième  radicale;  3°  des 
noms  avec  préfixe  a  ;  4°  des  noms  quadrilitères.  Gomme  il  est  dif- 
ficile de  croire  que  c'est  par  hasard  que  les  noms  de  ces  catégo- 
ries n'ont  pas  de  singulier  et  ont  l'acception  du  singulier,  nous 
maintenons  l'opinion  émise  par  nous  dans  l'article  précité,  que  la 
plupart  de  ces  noms  masculins  pluriels  avaient,  à  l'origine,  une 
terminaison  féminine  ay-.  Comme  cette  terminaison  servait  aussi 

1  Voir  plus  bas  a^aïa^n. 

s  La  terminaison  ay  après  la  voyelle  pTIÎ  rappelle  les  formes  de  l'infinitif  dans 
l'araméen  talmudique  et  mandéen  ^pî|ï3p  et  ^b^ûapN,  etc.  (voir  Nôldeke,  Man- 
dâlsche  Grammatik,  p.  142  et  suiv.).  —  Sur  les  noms  hébreux  qui  ont  conservé  cette 
terminaison,  voir  Kôaig,  II,  p.  117  et  suiv. 

T.  XI  III,   N°  80.  14 


210  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

à  marquer  le  pluriel,  ces  noms  ont  fini  par  être  traités  comme 
des  pluriels  et  ont  reçu  ensuite  à  l'absolu  la  terminaison  îm  *. 
Quelques-uns  avaient  la  terminaison  féminine  at,  et,  par  analogie 
avec  les  noms  en  ay  de  même  signification,  ont  été  aussi  trans- 
formés en  pluriels.  Par  exemple,  une  forme  tanhoumay  est  de- 
venue tanhoumîm-  et,  par  analogie,  tanhoumat  est  devenue  tan- 
houmôt.  Il  est  probable  cependant  que  certains  noms,  notam- 
ment les  concrets,  avaient  primitivement  un  singulier,  qui,  pour 
une  raison  quelconque,  est  tombé  en  désuétude.  Par  exemple,  le 
mot  trtt  a  pu  avoir,  à  un  certain  moment,  un  singulier  !TE,  qui, 
par  suite  de  sa  ressemblance  avec  le  pronom  rwa,  a  été  supplanté 
par  le  pluriel2.  Il  est  donc  permis  de  parler  de  pluriels  d'étendue 
et  d'action  3,  mais  seulement  en  ce  sens  que  l'espace  peut  être  en- 
visagé dans  ses  différentes  parties  et  l'activité  dans  ses  manifesta- 
tions successives  ;  ainsi  ûtbiïï,  comme  dwitt,  peut  désigner  les 
différents  cieux  ou  hauteurs,  et  mb*Dtt  les  diverses  actions, 
comme  mn^,  les  exploits.  Mais  nous  ne  pouvons  guère  admettre 
de  pluriels  d'abstraction  ,  car  l'abstraction  ne  peut  amener  le 
pluriel.  Le  pluriel,  dans  les  abstraits,  ne  peut  s'expliquer  que 
par  une  transformation  morphologique  ou  analogique  du  singu- 
lier en  pluriel  ou  par  la  substitution  d'une  idée  concrète  à 
l'idée  abstraite. 

Le  mot  ÛT173,  qui  n'est  employé  que  comme  pluriel,  a  eu  sûre- 
ment à  l'origine  un  singulier,  qu'on  retrouve  dans  d'autres  dia- 
lectes sémitiques,  et,  qui,  en  hébreu,  a  été  remplacé  par  izjin. 


IV.  Le  pluriel  poétique. 

La  poésie  aimant  l'emphase  et  mettant  volontiers  le  concret  à  la 
place  de  l'abstrait,  il  est  naturel  qu'on  y  trouve  des  pluriels  dont 

1  C'est  ce  qui  explique  pourquoi  des  mots  comme  d^TVl,  EmiDD,  D^MS. 
Ù^TDpUJ,  "HTI3N  n'ont  pas  la  forme  des  pluriels  ségolés.  Le  mot  Û^lbiï),  en  arabe 
sal/oâ,  prouve  la  justesse  de  notre  théorie. 

2  Nous  pensons  maintenant  avec  Kôaig  [Syntaxe,  p.  199,  en  note)  que  le  pluriel 
dans  Û^73  et  les  noms  semblables  ne  vient  pas  d'une  confusion  entre  le  yod  radical  et 
le  yod  du  pluriel.  En  elïet,  £OT2  et  frP7212J  sont  aussi  des  pluriels  en  araméen  ;  or,  en 
araméen  une  confusion  de  ce  genre  aurait  pu  difficilement  se  produire.  —  Le  pluriel 
en  âyim,  dans  C2^72,  EP73TZ5,  D'^û,  s'explique  comme  le  pluriel  en  âyin  des  parti- 
cipes des  verbes  "i'b  araméens,  par  exemple,  \^y .  Le  ton  a  passé  de  la  derniè.e  syllabe, 
qui  était  fermée,  à  l'avant-dernière,  qui  était  ouverte,  el  le  pin  est  devenu  b;ef. 

3  Voir  Geseuius-Kautzsch,  §  124  b-d. 


LES  ANOMALIES  DU  PLURIEL  DES  NOMS  EN  HÉBREU  211 

le  singulier  seul  est  employé  en  prose1.  Nous  les  répartissons 
comme  les  pluralia  tantum,  en  : 

1°  Noms  qui  ont  une  voyelle  autre  que  le  plus  sous  la  première 
et  la  seconde  radicale  :  d">a^N,  û^in  (force)  dw»  et  mtra,  ^ddn, 
r-nbdN,  nittfia,  my»a,  d*n»a,  ^naa,  n^nn  (Eccl.,  x,  10),  mwan  et 
r-nttsrj,  d">ottn,  m-nn,  menn,  d^au:n,  dw,  frmij,  ma»,  fhifcba), 
nifcpa,  d"nno  (Prov.,  xi,  11),  m-ia*  (Job,  xxxi,  36),  torobv, 
mis*,  ^nns  (Micha.,  vu,  5),  mpTO,  m»np,  ma«p,  r-nrro»,  mai», 

SF3B». 

2°  Noms  avec  pi»  :  tarratt2  (foi)  et  main»,  d*»bw ,  mnaa 
mbi»a,  mn»\ 

3°  Noms  avec  préfixe  53  :  mis»,  ûTiûa»,  d^iwnw,  dmon»  (Ps., 
xxiv,  34),  d^s^nn,  rmbi»,  mb»»a,   d-rnatt  et  mms»,  mpistn, 
•wptt  (Ez.,  xxviii,  7;  Ps.,  lxviii,  36;  lxxiii,  17),  ^arnw,  d^pn-i» 
■>aa»tt  (Gen.,xLix,  4),  ^a>»»  (Ps.,  xlvi,  5;  lxxxiv,  2;  cxxxn,  5,7), 

4°  Divers  :  mbiia,  minba,  msian,  mbîin,  miai3n,  mmsn 
'■Win  (Ps  ,  lxxxviii,  17)  moato. 

On  voit  que,  si  plusieurs  noms  appartiennent  aux  formes 
usuelles  des  pluralia  tanlurn,  beaucoup  d'autres  ont  des  formes 
variées. 

Il  est  à  noter  que  quelques-uns  de  ces  noms  sont  souvent  trai- 
tés comme  des  féminins  singuliers.  Ainsi  :  mnna  (Jér.,  xn,  4; 
Joël,  1,  20;  Job,  xn,  7);  mrrba  (Job,  xxvn,  20)  ;  nittsn  (Prov., 
1, 20  ;  ix,  1),  ce  qui  montre  que  ôt  est  considéré  comme  une  simple 
terminaison  emphatique  à  la  place  de  ai*,  mm»  est  traité  comme 
un  masculin  singulier  dans  Is.,  xvi,  8,  et  Habacouc,  ni,  17,  peut- 
être  par  analogie  avec  in». 

Très  rarement  le  singulier  est  poétique  alors  que  le  pluriel  est 
usité  en  prosp.  C'est  le  cas  pour  ïrib»,  n«h  «  vie  »,  dnb»,  à  côté  de 
û^nbN,  d^n,  d^b». 

Quelques  noms  ont  le  pluriel  au  même  sens  que  le  singulier, 
sans  distinction  de  prose  ou  de  poésie  :  1DO  et  d^IBO  «  lettres  » 
(Tl  Rois  ,  xix  ,   14) ,  m»N  ou  -n»N  et  fca*nl»«*i  biss  et  tanbus  ; 

1  Nous  laissons  de  côté  les  noms  dont  le  pluriel  est  aussi  usité  eu  prose. 

2  Le  singulier  'pfàN  est  aussi  poétique. 

3  11  en  est  de  même  pour  ni3»n73  (Jér.,  iv,  14;  li,  29  ;  Prov.,  xv,  22  ;  xx,  18] 
et  n^LÛn  (H  Rois,  m,  3  et  passim  ;  Is.,  lix,  12).  Le  mot  ma»n73  Peu<<  désigner  ici 
un  plan  et  n^!13n  un  péché  (celui  qui  a  consisté  à  fabriquer  les  veaux  de  Dan  et  de 
Béthel). 

*  dn"T1»N  est  traité  comme  un  féminin  singulier  dans  Ps.,  xxxvn,  31,  et  lxxiii,  2 
ketib. 


212  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

ittoe  et  nvYQft  ou  mtDS,  to-is  et  news:  ou  rrntwfc»  *aœ  et  to'W 
«  écarlate  »,  $£Mi  et  ■wifc'itt  «  issue  du  jour  !  ». 


V.  Différences  de  sens  entre  le  nom  au  singulier 

ET   LE    NOM   AU    PLURIEL. 

Quelques  substantifs  ont  un  pluriel  d'une  signification  autre  que 
celle  du  singulier  :  Ce  sont  tik  «  feu  »  cptin  «  îles,  oracles  (?)  »  ; 
iïrtb  «  lame  »,  d^ïib  «  incantations  »;  nb  «  parties  sexuelles  de  la 
femme  »  et  rnra  «  gonds  »  ;  ïitfitt  et  riNitt  «  vision  »,  mantt  «  mi- 
roirs »  ;  Frtin  «  chant  »,  d^2n  «  autruches  »  ;  dbu;  «  payement  », 
»fcbiu  «  sacrifice  de  payement  »  ;  spto  «  serpent  »,  twito  «  sé- 
raphins ». 

Le  pluriel  d"W  de  ai  «  sang  »  désigne  le  sang  versé  et  le  prix  du 
sang,  le  pluriel  fcaTsa?  de  d?  «  peuple  »  désigne  souvent  les  mânes. 

Les  mots  tran,  nn^b,  dénias  qui  ne  sont  pas  de  vrais  pluriels, 
désignent  le  froment,  l'orge,  le  lin  comme  matière,  tandis  que  nan, 
ttnbto,  ttrnbfi  les  désignent  comme  espèces.  La  même  différence  a 
pu  exister  à  l'origine  entre  ibb  et  d"nVi».. 

Le  singulier  de  certains  noms  s'est  seulement  maintenu  dans 
les  locutions  spéciales  :  celui  de  o^a  «  barres,  membres  »  ne  se 
rencontre  que  dans  "nb  «  seul»  et  ina  *n  (Ex.,  xxx,  34)  «  en 
parties  égales  »  ;  celui  de  d^s  «  face  »  dans  }ô  «  face  à,  rapport  à 
ce  que,  de  peur  que  »2  ;  Tina  et  n^nd  ne  sont  usités  au  singulier  que 
comme  adverbes,  tandis  que  les  substantifs  sont  ta'mnH  et  rvwnD. 

La  préposition  'pa  a  le  pluriel  rïti^a  avec  une  nuance  d'idée  par- 
ticulière :  nr/3  veut  dire  :  entre  les  uns  et  les  autres,  tandis  que 
■pn  ne  s'applique  qu'à  un  des  côtés,  de  sorte  qu'il  faut  mettre  une 
seconde  fois  pn  ou  b  3. 

nna  a  le  même  sens  que  "nriN  4,  où  la  terminaison  \  est  l'an- 
cienne terminaison  féminine,  comme  en  arabe  hawlay  (autour) 
existe  àcôté  de  hawla.  "ntiN  a  la  même  forme  que  "niiî^  qui  n'est 
pas  un  vrai  pluriel,  car  devant  les  suffixes  les  voyelles  ne  changent 
pas,  exemple  *p7Ç£. 

1  Dans  ^pmjTn  et  ï-pmjîn  (Ez.,  xvi,  33  ;  xxm,  7  et  ailleurs);  ^SlfcO  [ib.,  xvi, 
56);  "psin,  {ib-,  xxvn,  33),  le  suffixe  est  peut-être  purement  emphatique, et  ne  suffit 
pas  à  prouver  l'existence  des   pluriels  toTnaïn,  Û^lfiW,  ta^in. 

2  Cf.  le  sens  de  l'arabe  djihat  «  face,  rapport  ». 

3  Gesenius-Kautzsch,  p.  294,  note  1. 

*  Dans  Beréschit  rabba,  sur  Gen.,  xv,  1,  R.  Youdan  prétend  que  i^HN  désigne 
une  suite  immédiate  et  ntlN  une  suite  plus  éloignée.  Rab  Houna  émet  l'opinion 
inverse. 


LES  ANOMALIES  OU  PLURIEL  DES  NOMS  EN  HÉBREU  213 


VI.  Différences  de  forme  entre  le  nom  au  singulier 

ET    LE    NOM   AU   PLURIEL. 

Outre  la  grande  différence  qui  existe  entre  le  radical  singulier 
et  le  radical  pluriel  des  ségolés1,  on  peut  relever  quelques  noms 
où  le  singulier  n'a  pas  la  même  racine  ou  le  même  radical  que  le 
pluriel. 

Tout  d'abord,  le  mot  )$&  sert  de  pluriel  à  nb?  et  'npn  à  -niû 
(Exode,  xxi,  37  et  ailleurs)  ;  »ti55a  sert  de  pluriel  à  ©■»«,  et  tmÛD 
(racine  ">ir:i)  à  Itïisn  (racine  ms) 2. 

Ensuite,  tfin  a  pour  pluriel  nHîpn  ou  ^ïiE*;  mrrfbfc  et  nnbs 
r-nnbsfcj  n^M,  rnatttt  et  mâ&w;  rtss?^,  b^;  mb,  m^i'b  ;  S-nkn, 
rrraa,    n-itm,  fcr-iaaft;  yp>%    r-maa-in  ;  ' Nantt: ;  ta^aroa;  œiir, 
to^'^iD-»  ;  rip'-nD,  mpnïï  ;  arob,  manb 

Ces  noms  ont  pu  avoir,  à  l'origine,  des  formes  différentes,  dont 
les  unes  sont  restées  usuelles  pour  le  singulier  et  les  autres  pour 
le  pluriel.  Pour  quelques  autres  noms  il  n'y  a  pas  lieu  de  supposer 
des  formes  primitivement  différentes  du  singulier  et  du  pluriel  : 
ainsi,  *içn  a  le  pluriel  d^toN  état  construit  "ntta  parce  que  de- 
vant les  suffixes  de  la  troisième  radicale  le  rèsch  amène  la  voyelle  i, 
cf.  triEN  et  noh,  ïnon.  On  peut  en  dire  autant  pour  les  ségolés 
qui  ont  comme  voyelle  de  la  seconde  radicale,  au  pluriel,  un  p*in, 
au  lieu  de  yjzp  4  :  yv\  *:pp,  rv^p  font  au  pluriel  ta^tas,  d^os, 
mfl-ip  {=  m^-ip).  Très  vraisemblablement  on  doitaussi  faire  dériver 
tra-nn  de  tnn,  ^pa  de  bas,  a^M  de  bsi,  d^3£  (épines)  de  riss, 
mmmy  de  nnu  et  peut-être  it*tô  de  n:â. 

Il  est  permis  aussi  de  voir  dans  msHa  de  in  a  et  mfoâa  de  ttab 
des  pluriels  avec  ûbn,  au  lieu  de  y^p. 

Nous  rappelons  que  les  ségolés,  ayant  au  pluriel  la  voyelle  de  la 
seconde  radicale,  tandis  que  le  singulier  a  la  voyelle  dans  la  pre- 
mière, nous  présentent  une  série  de  pluriels  brisés  qui  sont  de- 
venus mixtes  par  l'adjonction  des  terminaisons  du  pluriel  sain, 
comme  en  arabe  :  banoûna  =  bnayoûna  est  le  pluriel  de  ibn  = 
biny  ;  'aradoûna  de  "ard,  etc5. 


1  Wo\t  Revue,  t.  XXIV,  p.  104. 

»  Nous  renouçoûs  à  croire  que  t^uUi  vienne  de  ^fc*  («'£.,  p.  109,  note  2). 

3  Le  Aetibyi^TQ  (II  Sam.,  xxi,  20)  doit  peut-être  se  lire  ^fa  ===  ni'TO  (Nombres, 
xxii,  32).  —  Le  ketib  t^^1*Vfi  se  rencontre  dans  Prov.  xvxn,  19;  xxi,  9,  19  ;  xxnx, 
29  ;  xxv,  24  ;  xxvi,  21  :  xxvn,  15. 

*  Voir  Revue,  t.  XXIV,  p.  105. 

5  Voir  Revue,  ibidem.,  p.  104. 


214  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 


VII.  Les  du ali a  tantum. 


Un  certain  nombre  de  duels  n'ont  pas  de  singulier.  Pour  les  uns, 
ce  fait  doit  être  considéré  comme  fortuit,  mais  pour  d'autres,  la 
nature  de  l'objet  désigné  par  le  duel  pouvait  exclure  l'emploi 
du  singulier. 

Dans  la  première  catégorie  on  peut  ranger  :  d^SN,  d^pDN,  'vn, 
drsbn,  d^sn,  tr^^-D,  tran»,  d^-pra  tzpsycr  '-«nns,  '■'bonp.  Dans  la 

T  ' 

seconde  :  ctssn,  îd^td,  Sa^oas»,  d^nbittt,  ûth,  û^birô,  d^D,  tomsip, 
trnsiûtt.  Le  motûTibx*  (Eccl.,  x,  18)  est  douteux. 

Quelques-uns,  enfin,  ont  un  singulier  avec  un  autre  sens  : 
le  mot  trrw  désigne  le  fond,  la  partie  la  plus  reculée  d'un 
objet,  tandis  que  rpv  veut  dire  côté  ;  tp-iiiii:  veut  dire  midi,  et 
■"lîifc,  d'après  l'opinion  la  plus  répandue,  fenêtre,  mais  plus  vrai- 
semblablement, toit  en  double  pente1;  d^DN  signifie  narines,  et 
qs  nez,  colère. 

Mayer  Lambert. 

1  Halévy,  Recherches  bibliques,  p.  118,  en  note. 


SUR 

LES  DEUX  PREMIERS  LIVRES  DES  MACCHABÉES 


L'original  hébreu  du  Ier  livre  des  Macchabées. 

L'original  du  Ier  livre  des  Macchabées  nous  est,  paraît-il,  enfin 
rendu!  Après  la  découverte  des  fragments  de  Ben  Sira,  celle  du 
plus  fameux  ouvrage  historique  des  Juifs  :  le  xixe  siècle  aura  eu 
toutes  les  surprises.  Ce  n'est  plus,  cette  fois,  la  gueniza  du  Caire 
qui  nous  livre  le  précieux  document  poursuivi  depuis  tant  de 
siècles,  c'est  un  manuscrit  de  Paris  s 'occupant  principalement  de 
questions  rituelles.  Bien  mieux,  ce  texte  original  de  I  Macch.  a  été 
publié  récemment  par  notre  éminent  confrère  M.  D.  Ghwolson  *, 
qui  ne  s'est  pas  douté  de  la  trouvaille  qu'il  venait  de  faire,  et  les 
lecteurs  ne  se  sont  pas  avisés  non  plus  qu'ils  se  trouvaient  en 
présence  d'un  des  plus  vénérables  monuments  de  la  littérature 
hébraïque.  M.  Chwolson,  sans  se  prononcer  nettement  sur  la 
valeur  de  ce  texte,  laissait  cependant  assez  clairement  entendre 
qu'à  son  sens,  il  devait  provenir  du  milieu  d'où  est  sorti  le  Yosi- 
phon,  c'est-à-dire  de  l'Italie  méridionale  (xe  siècle).  Il  était  réservé 
à  M.  Schweizer2  de  reconnaître  la  vérité  :  ce  document,  malheu- 
reusement fragmentaire,  est  bel  et  bien,  selon  lui,  l'original  dont 
dérivent  les  versions  grecque  et  syriaque.  Ou  cette  thèse  est  fon- 
dée en  droit,  et  il  faut  saluer  avec  gratitude  cette  précieuse  décou- 
verte, ou  c'est  la  fantaisie  d'un  chercheur  grisé  par  le  désir 
d'étonner,  et  il  faut  avoir  le  courage  de  le  montrer,  pour  que, 
dans  la  suite,  on  ne  vienne  pas  invoquer  son  témoignage.  Exa- 
minons donc  les  arguments  que  fait  valoir  M.  S.  en  faveur  de 
son  opinion.  Gomme  on  le  devine,  c'est  la  comparaison  de  l'hé- 

1  Dans  le  T<  b*   yap,  VII,  1896-97. 

*   Untersuchtingen  ûber    die    Reste  eines   kebràischm  Textes   vom    ersten    Makka- 
bàerbuch.  Berlin,  Poppelauer,  1901. 


216  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

breu  avec  les  versions  qui  devra  mettre  en  lumière  l'antériorité 
de  l'hébreu  sur  celles-ci. 

Les  preuves  ne  sont  pas  toutes  de  même  qualité  :  il  en  est  qui 
ne  prouvent  absolument  rien.  Telles  sont  les  suivantes  :  Au  ch.  i, 

1,  le  grec  porte  :  xcd  è[3a<7''X£U(7£v   àvr'  aùrou    7rpoT£pov   £7Ù   ty[V    'EAXàox 

«  Et  [Alexandre]  régna  à  sa  place  en  premier  sur  la  Grèce.  »  Ces 
mots,  dénués  de  sens,  paraît-il,  s'éclairent  par  l'hébreu  :  *]hn  *iiii« 
•jv  by  TOliBann  «  qui  régna  d'abord  sur  la  Grèce  »,  c'est-à-dire 
seulement.  Pourquoi  ce  sous -entendu,  s'il  est  nécessaire,  est 
possible  uniquement  en  hébreu,  et  non  en  grec,  c'est  ce  qu'on 
oublie  de  nous  apprendre.  En  fait,  il  est  hors  de  doute  que  ttoôteoûv 
et  MîmûN^a  ont  exactement  le  même  sens. 

i,  11.  Les  hellénistes  conseillent  de  faire  alliance  avec  les 
peuples  voisins,  car,  disent-ils,  c'est  depuis  que  nous  nous  sommes 
séparés  d'eux  que  nous  ont  atteints  beaucoup  de  malheurs  :  ôVt 

à^'TjÇ   £y(op''(70"/][i.£v   a7r'  aùxojv   £Ûp£V    7j;j.aç  xaxà   TuoÀXà.  [=  m3H  "iSl^wïl 

mr).  Mais,  dit  M.  S.,  c'est  un  anachronisme  :  les  malheurs  ne 
sont  venus  qu'après.  —  Comme  si  ces  hellénistes,  partisans  des 
rois  Séleucides ,  ne  pouvaient  pas  faire  allusion  aux  malheurs 
essuyés  précédemment  dans  la  lutte  entre  Ptolémée  et  Antiochus 
le  Grand  !  —  Bien  meilleur  est  l'hébreu  :  ann  ûrpb^tt  TiD3  un  *a 
ttVtt»!  TvHn  jwb*  «  Car  si  nous  nous  écartons  d'eux,  nous  arrivera 
le  grand  malheur.  »  Le  traducteur  grec,  dit  M.  S.,  s'est  trompé 
sur  le  sens  de  ùs  ^,  si  non,  qu'il  a  rendu  par  depuis  que;  il  a 
bien  été  obligé,  ensuite,  de  remplacer  le  futur  par  le  passé.  Mais 
comment  l'expression  dtt  ia  peut-elle  se  confondre  avec  depuis 
que  (tne)  ?  Si  l'on  veut  s'appuyer  sur  des  confusions  de  traduc- 
teur, encore  faut-il  que  ces  méprises  soient  vraisemblables,  ce 
qui  n'est  guère  le  cas  ici. 

M.  S.  se  sert  de  beaucoup  d'arguments  de  cette  force.  S'il 
n'en  produisait  que  de  semblables,  il  n'y  aurait  pas  même  lieu  de 
discuter  sa  thèse;  mais  d'autres  paraissent  plus  spécieux. 

m,  3,  il  est  dit  de  Juda  Macchabée:  Il  élargit  la  gloire  de  son 
peuple,  se  revêtit  d'une  cuirasse  comme  un  géant,  se  ceignit  de 
ses  armes  de  guerre  et  engagea  les  combats,  protégeant  le  camp 
de  son  épée.  Ces  derniers  mots  sont  exagérés,  dit  M.  S.  :  on  n'a 
assurément  jamais  rien  dit  de  semblable  ! 

Or,  ici  encore,  l'hébreu  nous  a  conservé  une  leçon  bien  préfé- 
rable :  W3nio  hy  min  j|bra*n  «  et  il  tira  son  épée  sur  ses  reins  ». 
La  confusion  est  ici  manifeste  :  t]bui"n  a  été  pris  pour  ^btzm  «  il 
jeta  »,  et  irpSnÊ  «  ses  reins  »  pour  irpantt  «  son  camp  ».  — Mais 
pourquoi,  dans  ce  cas,  le  grec  ne  dirait-il  pas  :  «  Et  il  jeta  son 
épée  sur  son  camp?»  Mystère.  En  outre,  est-il  certain  que  la 


SUR  LES  DEUX  PREMIERS  LIVRES  DES  MACCHABÉES  217 

phrase  hébraïque  soit  préférable  ?  «  Tirer  son  épée  sur  ses  reins  » 
est  une  image  singulièrement  risquée,  dont  il  n'y  a  pas  de  spé- 
cimen dans  la  Bible.  Ce  n'est  pas  tout,  et  ceci  est  grave  :  pourquoi 
ne  pas  dire  ywo,  et  employer  cette  forme  incorrecte  trama,  qui 
ne  peut  même  pas  se  justifier  par  un  exemple  biblique  ?  J'imagine 
que  M.  S.  a  été  victime  d'une  coquille  qui  s'est  glissée  dans  l'édi- 
tion de  M.  Ghwolson  :  il  faut  lire  irparwa  «  son  camp  »  comme 
plusieurs  fois  dans  les  versets  suivants. 

La  preuve  la  plus  séduisante  fournie  par  M.  S.  à  l'appui  de  sa 
thèse  est  celle  que  fournit  ni,  9.  Juda,  y  est-il  dit,  mit  en  rage  de 
nombreux  rois  et  en  joie  Jacob  par  ses  exploits  ;  sa  mémoire  sera 
éternellement  bénie;  il  parcourut  les  villes  de  Juda,  fit  périr  les 
impies,  détourna  la  colère  (divine)  d'Israël,  fut  renommé  jus- 
qu'aux extrémités  de  la  terre  et  réunit  ceux  qui  avaient  péri 
(xat  ffuvTqyayev  àTroXXu[i.évotjç).  Les  derniers  mots  détonnent,  surtout 
à  la  fin  du  couplet.  Or,  remarque  M.  S.,  le  verset  suivant  com- 
mence ainsi  :  xai  tfuv^yaysv  'AttoXXojvioç  «  Et  Apollonius  réunit  ». 
Ne  voit-on  pas  immédiatement  que  xaï  crovrjyaysv  à7roXXu[/.évouç  est 
une  dittographie?  Comme  l'hébreu  justement  n'a  pas  ces  mots,  il 
en  résulte  qu'il  représente  l'original.  Cet  argumentum  a  silentio 
aurait  quelque  poids  si  l'hébreu,  comparé  au  grec,  n'offrait  pas 
d'autres  lacunes  ;  mais,  en  fait,  il  n'y  a  presque  pas  un  seul  verset 
où  ne  se  rencontrent  des  lacunes  de  ce  genre,  et  le  plus  souvent 
ces  omissions  sont  très  fâcheuses,  car  elles  portent  sur  des  détails 
techniques,  qu'on  aurait  le  plus  grand  intérêt  à  lire.  Si  les  autres 
omissions  doivent  être  mises  sur  le  compte  des  copistes,  —  ce  que 
nous  ne  croyons  pas  —  pourquoi  celle-ci  ferait-elle  exception? 

L'auteur  établit  de  la  même  façon  l'originalité  de  l'hébreu  par 
rapport  au  syriaque  :  comme  la  méthode  d'interprétation  est  celle 
que  nous  venons  de  voir  en  exercice,  inutile  d'insister. 

Si  la  conclusion  de  M.  S.  devait  être,  malgré  tout,  admise,  le  bé- 
néfice ne  serait  grand  ni  pour  l'histoire  des  temps  racontés  par  le 
livre  des  Macchabées,  ni  môme  pour  la  critique  du  texte  :  presque 
tous  les  renseignements  circonstanciés  qui  font  Tintérêt  du  livre, 
dates,  noms  de  localités  et  de  personnes  ont  été  supprimés, 
nombre  d'épisodes  laissés  de  côté.  Les  lacunes  sont  encore 
moins  graves  que  les  absurdités1  :  les  copistes — toujours  dans 

1  Pour  n'en  citer  qu'un  exemple  :  i,  1G,  les  versions  portent  que  les  hellénistes 
pratiquèrent  Pépiplasme,  opération  que  \e  Talmud  désigne  par  les  mots  'TJft 
n:»"!^.  Au  lieu  de  cela,  on  lit  en  hébreu  :  Dnb"1?  Dtt  "IDE  N51  «  ils  ne  se  circon- 
cirent pas  »  !  Le  texte  parlerait  donc  des  hellénistes  qui  n'avaient  que  huit  jours  !  — 
Joseph  b.  Salomon  de  Carcassonne,  qui  a  vécu  avant  1050,  dans  son  piout  célèbre, 
sur  lequel  nous  reviendrons,  dit  très  exactement  :  nb"l^  ^©173. 


218  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

l'hypothèse  de  M.  S.  —  ont  dû  ne  rien  comprendre  à  la  marche 
des  événements;  aussi  leur  importe-t-il  peu  que  ce  soit  à  la 
suite  d'une  défaite  ou  d'une  victoire  que  les  Juifs,  par  exemple, 
rentrent  à  Jérusalem.  La  géographie  n'est  pas  non  plus  ce  qui  les 
inquiétait  fort  :  que  le  théâtre  des  opérations  fût  dans  le  Midi  ou 
dans  le  Nord,  ils  modifiaient  le  nom  des  champs  de  bataille  avec 
une  insouciance  ingénue,  comme  gens  s'embarrassant  peu  de  ces 
détails  vulgaires.  Aussi  M.  S.  est-il  obligé  de  leur  venir  en  aide  et 
de  corriger  à  tout  propos  leurs  erreurs  techniques.  Nous  gagne- 
rions donc  uniquement  à  la  découverte  de  ces  fragments  de  pos- 
séder un  spécimen  de  la  littérature  hébraïque  du  ier  siècle  avant 
l'ère  chrétienne. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  un  fragment  de  ce  monument  que 
nous  a  conservé  le  ms.  de  Paris  ;  il  nous  fournit  même  un  mor- 
ceau du  IIe  livre  des  Macchabées.  Serait-ce  l'original  aussi?  Cette 
fois  la  découverte  serait  intéressante,  car  l'auteur  du  11e  livre, 
qui  a  écrit  en  grec,  nous  apprend  qu'il  s'est  borné  à  abréger 
l'œuvre  de  Jason  de  Cyrène,  rédigée  en  grec  naturellement.  Je  ne 
sais  si  M.  S.  a  prévu  l'objection,  quoique  M.  Chwolson  ait  signalé 
l'intercalation  ;  peut-être  la  vise-t-il  quand  il  dit  que  le  copiste 
avait  sous  les  yeux  une  rédaction  du  Ier  livre  des  Macchabées 
plus  complète  que  celle  dont  proviennent  le  grec,  le  syriaque  et 
le  latin  ».  On  va  voir  comment  était  conçue  cette  forme  plus  com- 
plète de  l'ancienne  version. 

vu,  27  Et  Nicanor  arriva  à  Jérusalem  avec  une  nombreuse  armée 
et  envoya  à  Juda  et  à  ses  frères  faussement  des  paroles  de  paix,  28 
disant  :  Qu'il  n'y  ait  plus  de  guerre  entre  moi  et  vous,  car  je  suis 
venu  avec  peu  d'hommes  pour  vous  voir  pacifiquement.  29  II  vint 
vers  Juda  et  le  salua,  et  les  ennemis  tendirent  des  pièges  pour  prendre 
Juda.  30  Juda,  voyant  leur  ruse  et  reconnaissant  qu'ils  agissaient 
avec  fraude,  car  il  avait  agi  avec  astuce,  se  détourna  de  Jérusalem,  et 
ils  ne  voulurent  (lire  :  il  ne  voulut)  plus  le  voir.  31  Nicanor,  s'aper- 
cevant  que  son  projet  avait  été  percé  a  jour,  sortit  du  côté  de  Kefar 
Samlah  et  combattit  avec  Juda  aux' environs.  32  Juda  fut  défait  par 
lui  et  s'enfuit  dans  la  ville  de  David. 

Alors  les  prêtres  se  présentèrent  devant  Nicanor  et  le  saluèrent.  Ayant 
poursuivi  Juda,  qui  avait  conclu  avec  lui  une  alliance  et  [après  qu'ils] 
avaient  fait  une  paix  d'amitié  et  qu'il  avait  gravi  la  montagne  de  Sion, 
voyant  la  force  de  la  ville,  il  rompit  le  pacte,  et  il  rencontra  Juda  à 
Samarie.  Nicanor  se  proposa  d'attaquer  Juda  le  jour  du  Sabbat.  Les 
Juifs  qui  étaient  avec  lui  lui  dirent  :  Honore  Dieu,  qui  a  ordonné  de 
révérer  le  sabbat  et  de  l'observer,  car  Dieu  est  grand  et  élevé  dans  le 

1  En  fait,  ces  trois  versions  n'en  font  qu'une,  car  le  syriaque  et  le  latin  sont  des 
traductions  du  grec. 


SUR  LES  DEUX  PREMIERS  LIVRES  DES  MACCHABEES  219 

ciel.  —  Et  moi,  je  suis  grand  et  fort  sur  la  terre,  et  je  remplirai  les  ordres 
de  mon  maître.  —  Or,  avec  Juda  était  peu  de  monde  et  ils  eurent  extrême- 
ment  peur  de  Nicanor  et  de  sa  forte  armée.  Ils  revêtirent  des  armes  qui 
n'étaient  ni  des  casques  ni  des  lances,  mais  des  prières  et  des  conso- 
lations. 

33  Après  cela,  Nicanor  gravit  la  montagne  de  Sion  et  les  prêtres  se 
présentèrent  pour  le  saluer. 

Il  est  superflu  de  faire  ressortir  l'incohérence,  les  contradic- 
tions et  les  répétitions  qui  choquent  en  ce  récit;  il  est  impossible 
de  les  expliquer  autrement  que  par  une  maladroite  intercalation 
dans  la  trame  de  I  M.  du  morceau  souligné,  emprunté  à  II  M. 
Parler  d'une  forme  plus  complète  à  ce  propos,  c'est  soutenir  une 
gageure. 

Ce  qui  n'est  pas  moins  une  gageure,  c'est  le  principe  même  des 
recherches  poursuivies  par  M.  S.  ;  ici  il  faut  lui  céder  la  parole  : 
«  Le  plus  ancien  texte  est  la  version  grecque,  dont  dérivent  toutes 
les  autres  traductions.  Si  donc  on  trouve  un  texte  racontant  la 
lutte  des  Macchabées,  on  devra  présumer  qu'il  découle  du  plus 
ancien  texte,  à  savoir  du  grec.  »  C'est  une  nécessité  qui  ne  s'im- 
pose pas.  Si  aujourd'hui,  en  Russie,  quelqu'un  s'avise  de  retra- 
duire en  hébreu  le  livre  des  Jubilés,  par  exemple,  il  n^st  pas  à 
présumer  qu'il  se  serve  nécessairement  de  la  version  éthiopienne, 
qui  est  la  plus  ancienne  ;  il  peut  tout  aussi  bien,  au  moins,  utiliser 
une  traduction  allemande  faite  sur  l'éthiopien.  Pourquoi  notre 
fragment  hébreu  ne  serait-il  pas  une  traduction  du  latin  ?  Aveu- 
glé par  le  principe  qu'il  a  adopté,  M.  S.  n'a  même  pas  envisagé 
cette  éventualité  !  Or,  une  simple  comparaison  avec  cette  version 
lui  aurait  montré  du  premier  coup  que  telle  est  la  vérité  :  notre 
texte  hébreu  est  tout  bonnement  traduit  du  latin.  Il  n'y  a  même 
aucun  mérite  à  faire  cette  découverte.  Pour  ces  sortes  de  pro- 
blèmes, nous  possédons  un  critérium  presque  infaillible,  ce  sont 
les  noms  propres  :  il  est  bien  rare  que  les  traductions  n'y  impri- 
ment pas  leur  marque.  Gomme,  malgré  les  suppressions  que  nous 
avons  signalées  plus  haut,  il  reste  encore  quelques-uns  de  ces 
noms,  l'épreuve  sera  aisée. 

vi,  1,  dwb">K  wn  "O  yttum  «  Il  apprit  que,  dans  la  ville  d'Elima- 
dem.  »  M.  S.  corrige  le  dernier  mot  en  D^b^K  «  Elimaïs  ».  Il  ne 
faut  rien  corriger  :  le  latin  portant  :  civitatem  Elymaidem,  le 
traducteur  n'a  pas  changé  ce  mot,  quoiqu'il  soit  à  Y  accusatif. 

Quelquefois  le  traducteur  s'avise  de  supprimer  la  marque  de 
l'accusatif.  Ainsi,  vin,  9,  au  latin  «  apud  Helladam  »  correspond 
!Y7*ba  !  Au  commencement  du  livre,  le  traducteur,  à  propos 
d'Alexandre,  avait  mieux  rendu  le  même  mot  par  \\\  qui  était  sans 


220  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

aucun  doute  la  forme  usitée  au  temps  des  Macchabées.  Mais, 
comme  au  en.  vin  il  est  question  de  toutes  sortes  dépeuples,  le 
traducteur  a  cru  à  un  autre  nom. 

Il  n'est  pas  plus  heureux  avec  les  noms  géographiques  de  la 
Palestine,  comme  on  va  le  voir. 

vu,  40.  G.  :  'Aoacà,  latin  :  Adarsa,  hébreu  :  wiritf  maa  (réminis- 
cence de  I  Rois,  xvi,  2,  K£ia  n^n,  nom  de  personne).  Le  même 
mot  revient  au  verset  45,  mais  là  le  latin,  par  erreur,  écrit  :  ab 
Adazer.  Or,  l'hébreu  a  cette  leçon  barbare  :  "fiïm  M.  S.  propose 
ici  encore  une  correction  ! 

On  voit,  d'ailleurs,  que  le  traducteur  a  vécu  en  pays  roman  :  il 
prononce  certaines  consonnes  à  la  manière  occidentale.  C'est  ainsi 
que  Galatia  (vin,  2)  devient  Galicia  (tia  =  cia),  srifbn.  La  patrie 
de  ce  traducteur  ne  peut  être  que  l'Italie  ;  en  effet,  il  articule  le  j 
comme  un  g,  à  la  manière  de  cette  région.  Voilà  pourquoi  Jason 
est  rendu  par  "pn  «  Gazon  »  (vin,  1*7);  c'est  ce  qui  s'observe  aussi 
dans  le  Yosiphon,  écrit,  comme  on  le  sait,  en  Italie,  au  xe  siècle. 

Ce  traducteur  s'est  trahi  bien  souvent  par  des  contre-sens  de 
toutes  sortes.  Il  serait  fastidieux  de  les  relever  un  à  un  ;  signa- 
lons-en seulement  quelques  échantillons.  Le  latin  porte  (i,  27-28)  : 
«  Et  ingerauerunt  principes  et  seniores;  virgines  et  juvenes  infir- 
mati  sunt,  et  speciositas  mulierum  immutata  est.  Omnis  maritus 
sumpsit  lamentum  et  quse  sedebant  in  thoro  maritali  lugebant.  » 
Ces  mots  sont  la  traduction  du  grec,  et  l'authenticité  en  est  at- 
testée par  la  forme  littéraire,  le  parallélisme.  Voici  ce  qu'ils 
deviennent  en  hébreu  :  t-nsntûtt  vn  i-viEti  û^tï»m  ^birib  *i*  iDnp-n 
fTOa^  *ifc  U5D5  bsi  «  Ils  se  lamentèrent  jusqu'à  en  être  malades,  les 
belles  femmes  changèrent,  et  toute  âme  pleura  amèrement.  »  Il 
n'est  pas  impossible  que  Y  amertume ,  qui  n'est  pas  en  latin,  pro- 
vienne du  mot  maritus,  «  mari  »,  mal  lu.  Le  traducteur  commet, 
en  effet,  de  ces  étourderies.  iv,  8,  on  lit  :  «  Ne  timueritis  multitu- 
dinem  eorum  et  impetum  eorum  ne  formidetis  »  En  hébreu  : 
innn  ba  dirbsn  "jtti  mw  n-nsa  "îan-vi  ba  «  Ne  craignez  pas  l'abon- 
dance de  leur  nombre  et  ne  vous  effrayez  pas  de  leurs  pieds.  » 
On  voit  facilement  la  cause  de  l'erreur,  m,  6  :  «  Et  repulsi  sunt 
inimici  ejus  prse  timoré  ejus,  et  omnes  operarii  iniquitates  con- 
turbati  sunt,  et  directa  est  salus  in  manu  ejus.  »  H.  :  rn-na  ibiiarm 
vps  runrcnfi  naram  Tttim  ïtoti  "W?  bsi  «  Ses  ennemis  furent 
épouvantés,  et  il  détruisit  tous  les  artisans  d'iniquité,  et  le  salut 
resta  en  sa  main.  »  Directa  est  la  traduction  de  sùoogjôt)  =  pm. 
Le  traducteur  a  lu  direlicta  l  ! 

1  M.  S.  tire  argument  en  faveur  de  sa  thèse  d'une  variante  de  l'hébreu  où  au  Jieu 
de  «  et  la  terre  se  tint  tranquille  devant  Alexandre  »  —  à  la  suite  de  ses   conquêtes 


SUR  LES  DEUX  PREMIERS  LIVRES  DES  MACCHABÉES  221 

i,  24-25,  l'hébreu  porte  :  «  Il  prit  l'argent  et  l'or,  et  les  vases 
précieux,  et  il  prit  tout  le  trésor,  et  ils  les  envoyèrent  {sic)  et 
les  emporta  dans  son  pays,  et  il  détruisit  le  tout  et  parla  avec  or- 
gueil et  jactance.  »  Au  lieu  de  cela  on  lit  dans  les  versions  :  «  Il 
enleva  aussi  l'argent  et  l'or,  et  les  vases,  et  les  trésors  cachés, 
qu'il  trouva.  Et  il  fit  un  grand  carnage...  »  Or,  ces  derniers 
mots  sont  ainsi  rendus  en  latin  :  et  fecit  cœdem  Jiominnm.  Le 
traducteur  a  pris  hominnm  pour  omnium  !  De  là  sa  phrase 
absurde. 

Quant  aux  traductions  inexactes,  elles  sont  nombreuses  :  ni, 
17,  Tan  m  d?  hy  =  contra  multitudinem  tantam  et  fortem  ;  il 
faudrait  ptm.  iv,  56,  raronn  hv  mWttm  rjmoun  r-nbi?  ibjn 
«  Et  ils  offrirent  des  holocaustes  avec  joie  et  avec  des  cantiques 
pour  le  salut  =  et  obtulerunt  holocausta  cum  Isetitia  et  sacrifi- 
cium  salutaris  taudis.  Ces  derniers  mots  sont  la  traduction 
exacte  du  grec  :  ôuc'av  a-a>T7)pfou  xai  aivetrewç.  Or  ces  termes  sont 
la  version  fidèle  et  ordinaire  dans  la  Septante  de  ù^biu  mT  et 
min  rot  (voir,  entre  autres,  Lévit.,  vu,  11-12).  —  Deux  versets 
plus  loin  le  latin  dit  :  «  Et  facta  est  laetitia  in  populo  magna  valde, 
et  aversum  est  opprobrium  gentium.  »  Or,  opprobrium  gentium, 
comme  oveiBo;  IGvàW,  est  sûrement  la  traduction  de  d?  nain,  voir 
Isaïe,  xxv,  8;  Michée,  vi,  16,  et  I  Sam.,  xvn,  26.  L'hébreu  dit, 
au  lieu  de  cela,  trias  r»D^n  *n«  s^in  ■•a.  «  Car  avait  été  détourné 
l'opprobre  contre  les  nations.  »  Faut-il  relever  encore  les  divers 
cas  où  le  texte  doit  parler  du  sanctuaire,  et  où,  le  latin  disant 
sancta,  l'hébreu  rend  le  mot  par  trtimp  «  les  saints  »,  ce  qui 
défigure  complètement  le  sens? 

Il  serait  superflu  d'insister.  Il  est  de  toute  évidence  que  notre 
texte  hébreu  est  une  traduction,  très  souvent  fautive,  du  latin. 
Cette  version,  ainsi  que  l'a  bien  deviné  M.  Chwolson,  a  été  écrite 
en  Italie,  où  s'était  produit  une  véritable  renaissance  de  l'hébreu 
biblique,  comme  l'atteste  le  Yosiphon  l. 

Ce  qui  reste  du  travail  de  M.  S.,  ce  sont  les  renseignements 
sur  l'auteur  du  livre  où  se  trouve  ce  fragment  et  l'époque  où  il  a 
vécu.  Ici  l'argumentation  nous  paraît  excellente,  mais  c'est  celle 
de  M.  Chwolson,  et  M.  S.  a  oublié  de  nous  en  avertir. 


—  Thébreu  dit  trembla,  tressaillit,  ce  qui'  vaut   mieux,  paraît-il.    C'est    qu'au    lieu 
de  siluit  qui  est  dans  le  latin,  le  traducteur  a  lu  insiluit  ou  saluit. 

1  Je  montrerai  dans  la  suite  de    ces  études  que  ce  n'est  pas  la  seule  traduction 
faite  par  les  Juifs,  des  Apocryphes  latins. 


222  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

IL 

LA   DATE  DE  LA  RÉDACTION  DU  IIe  LIVRE  DES  MACCHABÉES. 


M.  B.  Niese,  préparant  le  troisième  volume  d'une  histoire  des 
Etats  grecs  et  macédoniens,  s'est  trouvé  dans  la  nécessité  d'exa- 
miner la  valeur  documentaire  des  deux  premiers  livres  des  Mac- 
chabées pour  l'époque  qu'il  étudie  l.  Félicitons-nous  de  cette  bonne 
fortune  qui  nous  vaut  le  travail  d'un  historien  de  profession  et  d'un 
helléniste  consommé  sur  un  sujet  traité  jusqu'ici  presque  unique- 
ment par  des  exégètes.  Le  savant  qui  a  publié  l'admirable  édition 
des  œuvres  de  Josèphe  devenue  classique  n'est  pas  de  ceux  qui 
parlent  pour  ne  rien  dire.  Nous  aurons  donc  tout  profit  à  l'écouter, 
quitte  à  discuter  ses  opinions,  s'il  y  a  lieu. 

Le  IIe  livre  des  Macchabées  (que  nous  désignerons  par  les  lettres 
II  M.)  est,  ainsi  qu'on  le  lit,  n,  23,  l'extrait  d'un  ouvrage  de  Jason 
de  Cyrène,  qui  comprenait  cinq  livres.  C'est,  en  réalité,  une  his- 
toire de  Juda  Macchabée.  Le  récit  est  précédé  d'une  ou  de  deux 
lettres  adressées  par  les  Juifs  de  Judée  à  ceux  d'Egypte  pour  les 
inviter  à  fêter  avec  eux  la  délivrance  d'Israël  et  la  purification  du 
Temple.  Cette  introduction  s'étend  longuement  sur  la  légende  du 
feu  de  l'autel  qui  fut  emporté  et  caché  en  lieu  sûr  par  les  Juifs 
emmenés  en  Perse  et  retrouvé  plus  tard  par  Néhémie  :  à  la  place 
de  feu,  ce  fut  une  eau  épaisse  qu'on  découvrit  ;  jetée  sur  le  bois  de 
l'autel  et  le  sacrifice,  elle  s'enflamma  avec  tout  ce  qu'elle  avait 
touché.  La  missive  est  datée  de  l'année  188  de  l'ère  des  Séleucides 
(=  125-124  avant  J.-C).  Comme  elle  fait  partie  intégrante  de 
l'ouvrage,  il  n'est  pas  étonnant  que  dans  le  Cod.  Alexandrinus 
le  livre  s'appelle  Lettre,  et,  dans  le  Vendus,  Abrégé  des  gestes 
de  Juda  Macchabée. 

I  et  II  M.,  quoique  apparentés  par  l'esprit  qui  les  traverse,  sont 
loin  de  se  ressembler  sur  tous  les  points.  Ainsi,  la  mort  d'An- 
tiochus  n'y  est  pas  contée  de  la  même  façon;  Matathias  ne  joue 
aucun  rôle,  et  son  nom  n'est  même  pas  prononcé  dans  II  M.;  en 
revanche,  ce  livre  rapporte  longuement  les  démêlés  de  Jason  et 
de  Ménélas  dont  I  M.  ne  souffle  mot,  quoique  Ménélas  soit  inter- 
venu dans  les  événements;  II  M.  mentionne,  en  outre,  divers 
incidents  de  l'histoire  de  Syrie  et  des  noms  de  personnes  qui  sont 

1  Kritik  der  beiden  Makkabâerbûcher.  Berlin,  1900. 


SUR  LES  DEUX  PREMIERS  LIVRES  DES  MAGGHARÉES  223 

totalement  inconnus  à  I  M.  La  parenté  d'esprit  qu'on  vient  de 
signaler  et  qui  se  trahit  dans  les  deux  livres  par  la  même  con- 
ception de  l'histoire  n'est  pas  très  étroite  :  II  M.  se  distingue  par 
l'amour  du  merveilleux  et  la  prédilection  pour  les  légendes  popu- 
laires ;  il  s'oppose  nettement  à  I  M.  par  ses  croyances  eschatolo- 
giques,  proclamant  le  dogme  de  l'immortalité  de  l'âme,  tandis  que 
I  M.  n'en  parle  pas  là  même  où  ce  serait  de  circonstance,  comme 
lors  de  la  mort  de  Matathias.  C'est  ce  qui  a  fait  croire  que  II  M.  est 
l'œuvre  d'un  Pharisien,  et  I  M.  d'un  Sadducéen  (Geiger).  Jusqu'ici 
c'était  I  M.  qui  était  réputé  le  plus  digne  de  foi,  tandis  que  II  M. 
était  taxé  de  romanesque.  On  n'avait  recours  à  celui-ci,  et  encore 
avec  réserve,  que  pour  les  parties  de  l'histoire  sur  lesquelles  se 
tait  I  M.  On  a  été  jusqu'à  dire  (Kosters)  que  tout  II  M.  est  pure 
fiction  littéraire,  que  l'auteur  feint  seulement  d'abréger  Jason  de 
Cyrène,  qu'en  réalité,  il  se  borne  à  broder  sur  le  canevas  fourni 
par  I  M.  M.  Niese  renverse  la  proposition  :  II  M.  est  la  source  la 
plus  ancienne  et,  par  moments,  la  plus  pure. 

La  date  de  composition  de  1  M.  nous  est  fournie  par  le  livre 
lui-même.  A  la  fin  du  ch.  xvi  et  dernier,  il  dit,  en  effet  :  «  Le 
reste  de  l'histoire  de  Jean  (Hyrcan) ,  ses  guerres,  ses  exploits, 
ses  constructions  de  murs,  et,  en  général,  tous  ses  actes  sont 
consignés  dans  les  annales  de  son  pontificat,  qui  commencèrent 
à  l'époque  où  il  remplaça  son  père.  »  L'ouvrage  a  donc  été  écrit 
après  104,  année  de  la  mort  de  Jean  Hyrcan  ;  comme,  d'autre 
part,  la  dynastie  hasmonéenne  est  encore  dans  tout  son  éclat, 
il  ne  peut  être  postérieur  à  l'an  63,  date  de  l'entrée  de  Pompée 
à  Jérusalem. 

Pour  II  M.,  il  faut  faire  entrer  en  ligne  de  compte  la  date  con- 
signée dans  l'Introduction  :  125-4.  Seulement,  pour  cela,  il  est 
nécessaire  d'écarter  tout  d'abord  les  objections  dirigées  d'ordinaire 
contre  l'emploi  de  ce  renseignement  :  si  la  lettre  est  apocryphe  ou 
si  elle  a  été  soudée  après  coup  à  II  M.,  elle  est  sans  valeur  pour  la 
détermination  de  l'âge  du  livre.  Or,  précisément  elle  a  toutes  les 
apparences  d'une  simple  fiction  littéraire  et  elle  est  tout  à  fait 
étrangère  au  livre  qui  la  suit.  Quant  à  ce  livre,  comme  il  est  farci 
de  légendes,  il  doit  avoir  été  rédigé  longtemps  après  les  événe- 
ments. Cette  thèse,  admise  presque  unanimement,  M.  Niese  entre- 
prend de  la  détruire,  et  c'est .  ce  qui  fait  l'originalité  de  son 
travail. 

La  lettre  peut  se  résumer  ainsi  :  «  Nous,  vos  frères  de  Judée, 
vous  invitons  à  vous  associer  à  nous  pour  célébrer  la  fête  de  la  pu- 
rification du  temple  »,  et,  à  ce  propos,  nous  allons  raconter  l'his- 
toire de  Juda  Macchabée  et  de  ses  frères  d'après  l'ouvrage  de 


224  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Jason  de  Cyrène  1 .  Cette  lettre  est  donc  de  l'abréviateur  ;  il  importe 
peu,  par  conséquent,  qu'elle  renferme  des  absurdités  et  n'ait  pu 
être  écrite  par  la  communauté  de  Jérusalem.  Il  est  vrai  qu'on  met 
en  contraste  le  style  de  la  lettre  et  celui  du  livre;  mais  cette  dif- 
férence, dit  M.  N.,  s'explique  d'elle-même  :  dans  l'Introduction, 
l'auteur  fait  œuvre  personnelle;  dans  la  suite,  il  se  contente 
d'abréger;  l'opposition  est  donc  entre  le  style  de  l'auteur  et  celui 
de  Jason  de  Cyrène  remanié.  Reste  encore  une  objection  plus 
grave  :  les  circonstances  de  la  mort  d'Antiochus  varient  dans  la 
lettre  et  dans  le  corps  du  livre  ;  l'abréviateur  n'aurait  pas  commis 
la  sottise  de  se  contredire  à  quelques  pages  d'intervalle.  A  cela, 
voici  ce  que  répond  M.  N.  :  dans  la  lettre  il  ne  s'agit  pas  de  la  mort 
d'Antiochus  IV,  mais  de  celle  d'Antiochus  VII  Sidétès,  mort 
en  129-8.  L'histoire  est  évidemment  apocryphe  et  il  peut  sembler 
étonnant  que  la  vérité  se  soit  transformée  si  rapidement  en 
légende.  Mais  ces  altérations  s'observent  dans  d'autres  écrits. 
En  outre,  certains  termes  du  récit  de  la  lettre  ne  s'appliquent 
qu'à  Antiochus  Sidétès,  tels  ceux  qui  font  envoyer  en  Perse 
les  troupes  qui  étaient  dans  la  ville  sainte.  Il  est  vrai,  enrin,  qu'il 
est  question  dans  la  même  lettre  d'un  Juda  qui  aurait  rassemblé 
tous  les  éléments  du  récit  et  que  ce  Juda  est  pris  d'ordinaire 
pour  Juda  Macchabée  :  mais  pourquoi  ne  serait-ce  pas  un 
autre  Juda? 

Ces  diverses  objections  ainsi  écartées,  il  reste  donc  que  II  M. 
a  été  écrit  en  125-124,  par  conséquent  avant  I  M.  Il  ne  faut  plus 
parler  maintenant  d'emploi  de  I  M.  par  II  M.,  ni  de  polémique  de 
celui-ci  contre  celui-là.  Si  les  conceptions  religieuses  ou  histo- 
riques diffèrent  dans  les  deux  livres,  l'opposition  n'a  pas  besoin 
d'être  voulue.  Ainsi,  dans  IM.,vn,  13,  les  Hassidéens  viennent 
se  soumettre  à  Alcime  et  à  Baçchide,  tandis  que,  dans  II  M.,  xiv, 
6,  le  même  parti  est  dénoncé  à  Démétrius  comme  celui  dont  Juda 
est  le  chef.  Rien  de  plus  naturel  que  deux  historiens  ne  consi- 
dèrent pas  les  faits  sous  le  même  jour;  mais,  en  fait,  ici  même 
II  M.  n'est  pas  nécessairement  en  désaccord  avec  I  M.,  parce  que 
la  dénonciation  émane  d'Alcime,  que  l'auteur  dépeint  sous  les 
plus  noires  couleurs. 

M.  N.  aborde  maintenant  un  autre  ordre  de  preuves  tendant  à 

8  Voici  les  termes  de  M.  N.,  p.  11  :  «  Denn  wir  hoffen,  so  schliesot  der  Brief, 
dass  Gott,  der  das  Volk  errettet  hat,  sich  weiter  erbarmen  und  uns  von  der  ganzen 
Erde  wieder  zusammenfûhren  wird  ;  denn  er  hat  uns  aus  grosser  Gel'ahr  befreit  und 
die  heilige  Stâtte  gereinigt.  Was  aber  die  Geschichte  des  Judas  Makkabàos  und  seiner 
Bruder  angeht,  so  wollen  wir  jetzt  versuchen,  das  Wcrk  Jasons  von  Kyrene,  der 
darùber  in  fûnf  Buchern  gehandell,  in  einem  Buch  auszuziehen,  hojfen  damit  ein 
niitzliches  Werk  tu  thun  und  beginnen  mit  der  Erxdhlung.  » 


SUR  LES  DEUX  PREMIERS  LIVRES  DES  MACCHABEES  225 

relever  la  véracité  de  l'auteur  de  II  M.  et  en  même  temps  à  attester 
l'âge  qui  vient  d'être  assigné  à  ce  livre.  Ses  renseignements  sur 
l'histoire  de  Syrie  sont  d'accord  avec  ce  qu'on  sait  par  ailleurs. 
C'est  ainsi  qu'il  mentionne  un  Ptolémée   Macron,  gouverneur  de 
Chypre;  or,  Polybe  nous  apprend  que  ce  Ptolémée  a  administré 
longtemps  cette  île.  Même  obervation  touchant  Philippe.  L'auteur 
était  donc  bien  informé  sur  les  affaires  de  Syrie.  Il  ne  l'était  pas 
moins  sur  celles  de  la  Judée;  il  ne  manque  pas  de  spécifier  les 
fonctionnaires  qui  commandent  à  Samarie,  en  Judée,  en  Cœlésy- 
rie,  en  Phénicie.  D'autre  part,  et  ceci  est  plus  instructif  encore, 
ces  divers  fonctionnaires  portent  les  titres  que  leur  assignent  les 
auteurs  grecs  ou   les   inscriptions.  Héliodore  est  in\  tùw   Trpay- 
(jLaxcov  :  c'est  le  titre  du  plus  haut  chef  chez  les  Séleucides  et  c'est 
celui  dont  était  revêtu  justement  Héliodore  d'après  une  inscrip- 
tion grecque.  Même  les  passages  fabuleux  ne  laissent  pas  de  con- 
tenir des  détails  révélant  une  sérieuse  connaissance  d'Antiochus  et 
de  son  temps.  La  chute  de  ce  roi  qui  provoque  sa  maladie  est  pro- 
bablement du  domaine  de  la  fible,  mais  cette  fable  paraît  bien 
avoir  été  celle  qui  circulait  alors,  car,  au  dire  de  Granius  Lici- 
nianus,  l'accident,  s'il  n'arriva  pas  à  Antiochus  vivant,  arriva  à 
son  corps.  Autre  détail  significatif  :  Antiochus  promet,  s'il  guérit, 
de  faire  des  Juifs  les  égaux  des  Athéniens.  L'auteur  qui  lui  prête 
ce  langage  connaissait  bien  ses  sentiments,  car  Antiochus  avait 
une  véritable  passion  pour  les  Athéniens.  —  On  déclare  d'ordinaire 
apocryphe  la  lettre  des  Romains  aux  Juifs.  Or,  les  termes  qui  y 
figurent  sont  ceux  de  la  chancellerie  du  11e  siècle.  Ce  n'est  pas 
par  hasard  que  Quintus  Memmius  et  Titus  Manlius  n'ont  pas  de 
cognomen  :  tel  était  l'usage  en  ce  siècle,  et  cet  usage  était  déjà 
périmé  vers  l'an  100.  —  Enfin,  la  langue  de  II  M.  est  celle  de  la 
littérature  du  même  siècle;  c'est  celle,  entre  autres,  de  Polybe. 
Un  falsificateur,  si  habile  qu'on  veuille  le  supposer,  n'aurait  pas 
montré  une  telle  science. 

Partant  de  ces  résultats  acquis,  M.  N.  croit  pouvoir  en  tirer  des 
conclusions  sur  l'œuvre  de  Jason  de  Cyrène,  sans,  d'ailleurs, 
perdre  de  vue  la  démonstration  qu'il  s'est  proposée.  Jason  veut 
raconter  l'histoire  de  ses  frères  à  la  manière  grecque,  c'est-à-dire 
en  mêlant  à  la  relation  des  faits  la  rhétorique  du  temps.  S'il 
grossit  les  chiffres  et  exagère  l'importance  des  exploits  de  ses 
héros,  il  suit  l'exemple  de  ses  modèles  grecs,  tels  que  Théopompe, 
Clitarque,  etc.  Comme  l'édification  est  le  but  principal  de  sa  nar- 
ration, il  emploie  couramment  les  légendes,  ainsi  que  tous  les 
historiens  de  son  temps.  Ses  apparitions  célestes  sont  calquées  sur 
celles  des  auteurs  grecs;  il  n'a  fait  que  remplacer  Apollon  ou 

T.  XLIII,  N°  86.  15 


226  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Héraclès  par  des  anges.  La  mort  d'Antiochus  est  la  mort  classique 
et  convenue  des  tyrans  et  des  princes  impies,  tels  qu'Agathocle 
et  Sulla.  Tous  ces  traits  ne  sont  donc  pas  des  indices  de  moder- 
nité. Pour  sa  valeur,  l'œuvre  de  Jason  est  à  mettre  sur  le  même 
rang  que  celle  d'un  Callisthènes  ou  d'un  Josèphe,  lequel,  malgré 
l'abus  de  sa  rhétorique  et  sa  partialité  indéniable,  est  néanmoins 
consulté  avec  profit. 

Pour  la  date  de  composition  de  cette  histoire  en  cinq  livres,  elle 
peut  être  placée  avant  l'année  153-152,  aucune  allusion  n'y  étant 
faite  au  principat  de  Jonathan  ou  de  Simon.  On  a  voulu,  il  est 
vrai,  y  voir  une  hostilité  marquée  à  la  dynastie  macchabéenne, 
ce  qui  reculerait  la  date  de  la  rédaction  de  l'ouvrage  ;  mais  cette 
hostilité  ne  se  manifesterait  que  par  l'effacement  voulu  des  frères 
de  Juda  ;  or,  justement  le  héros  principal  du  livre  n'éclipse  pas  ses 
frères,  qui  sont  souvent  nommés  à  côté  de  lui,  à  la  différence  de 
I  M.,  qui  le  met  seul  en  scène. 

Non  content  d'avoir  lavé  II  M.  des  reproches  dont  il  a  été  jus- 
qu'ici l'objet,  à  l'avantage  de  I  M.,  dont  on  vante  la  valeur,  M.  N. 
s'attaque  à  ce  dernier  avec  l'intention  non  dissimulée  d'en  montrer 
l'infériorité  par  rapport  à  son  rival.  Que  I  M.  soit  une  précieuse 
source  historique,  M.  N.  n'en  disconvient  pas;  mais  encore 
doit-on  y  distinguer  deux  éléments  de  valeur  inégale.  Les  cha- 
pitres i-vn,  qui  embrassent  les  huit  premières  années  de  luttes, 
courent  parallèlement  à  II  M.  :  c'est  que  les  deux  livres  s'inspirent 
de  Jason  de  Cyrène.  Les  chapitres  vm-xvi  portent  sur  25  années 
et  s'occupent  tout  autant  des  rois  syriens  et  égyptiens  que  des 
Juifs;  en  outre,  ils  sont  bourrés  de  documents,  tels  que  la  corres- 
pondance avec  les  Romains,  les  Lacédémoniens.  Ces  pièces  ne  sont 
pas  originales,  cela  va  sans  dire  \  et  même  elles  peuvent  être 
falsifiées.  Gomme  le  montre  la  chronologie  suivie  en  ces  chapitres, 
l'auteur  a  probablement  consulté,  pour  cette  partie,  les  chroniques 
syriennes.  Dans  la  trame  du  récit  se  remarquent  des  lacunes 
notables  :  rien  sur  les  années  160-153  ni  sur  les  incidents,  pénibles 
pour  la  dignité  du  pontificat,  qui  précédèrent  l'insurrection  et  qui 
se  lisent  dans  II  M.  Ce  silence  est  évidemment  prémédité  et  décèle 
la  partialité  de  l'auteur,  apologiste  de  la  dynastie  hasmonéenne. 
Ces  tendances  se  manifestent  encore  autrement  :  Matathias,  avant 
de  mourir,  à  l'instar  du  patriarche  Jacob,  aJresse  des  recomman- 
dations à  ses  fils  «  :  Voici  votre  frère  Simon,  je  sais  que  c'est  un 
homme  prudent  :  Écoutez-le  toujours,  il  vous  servira  de  pè.e  ». 

1  C'est  nous  qui  ajoutons  cette  incise,  car  M.  N.  paraît  croire  que  l'original  de  I  M. 
était  écrit  en  grec. 


SUR  LES  DEUX  PREMIERS  LIVRES  DES  MACCHABÉES  227 

Or,  rien  n'avait  signalé  jusque-là  Simon  à  la  préférence  de  son 
père.  Certainement  l'auteur  a  voulu  Taire  sanctionner  par  l'ancêtre 
de  la  famille  le  principat  de  Simon.  C'est  dans  le  même  dessein 
qu'il  a  créé  de  toutes  pièces  la  personne  de  Matathias,  dont  le 
nom  ne  paraît  même  pas  dans  II  M.  —  Quant  à  sa  supériorité  dans 
la  manière  de  raconter,  il  ne  faut  pas  trop  la  vanter;  si,  effective- 
ment, il  dédaigne  les  légendes  populaires,  il  n'en  sacrifie  pas 
moins  au  g  mt  de  la  rhétorique  et  de  l'exagération.  En  somme, 
c'est  un  écrivain  à  système,  partisan  déterminé  des  Hasmonéens, 
qui  rogne  et  ajoute  à  la  réalité  pour  les  besoins  de  sa  cause. 

Pour  le  détail  des  campagnes,  il  ne  doit  pas  non  plus  être  tou- 
jours préféré  à  II  M.  Dans  un  chapitre  excellent,  M.  Niese,  con- 
fronte les  récits  parallèles  de  I  et  II  M.  et  montre  que  beaucoup 
d'épisodes  sont  rapportés  dans  1  M.  avec  moins  de  rigueur  que 
dans  II  M.,  sont  moins  vraisemblables  ou  révèlent  le  parti-pris. 
Les  futurs  historiens  de  la  lutte  des  Macchabées  devront  lire  avec 
soin  cette  analyse  fine  et  serrée. 

L'étude  de  M.  Niese  peut,,  elle  aussi,  se  diviser  en  deux  parties  : 
l'une  a  pour  but  de  montrer  l'antiquité  de  II  M.,  l'autre  de  réha- 
biliter ce  livre,  au  détriment  de  I  M.  Ce  sont  donc  des  thèses 
ou,  pour  mieux  dire,  des  apologies,  et  c'est  là  un  défaut  dont  le 
lecteur  finit  par  s'apercevoir.  Peut-être  eût-il  été  plus  sage  de  ne 
pas  vouloir  avoir  trop  raison  ;  de  la  sorte,  on  eût  laissé  aux  cha- 
pitres vraiment  solides  toute  leur  force. 

Maintenant  que  vaut  ce  plaidoyer?  A  notre  avis,  il  ne  prouve 
absolument  rien,  parce  qu'il  découle  tout  entier  d'une  prémisse 
fausse.  Toute  l'argumentation  est  fondée  sur  l'unité  d'auteur 
de  l'Introduction  et  de  l'Epitomé.  Que  si  l'Introduction  n'est 
pas  de  l'abréviateur,  il  ne  reste  plus  de  données  certaines 
sur  la  date  du  livre  :  il  faut  donc  à  tout  prix  que  les  contra- 
dictions entre  le  début  et  la  suite  de  l'ouvrage  soient  écartées.  Or, 
M.  N.  a  bien  vu  que  ces  contradictions  sont  flagrantes  :  la  mort 
d'Antiochus  est  contée  tout  autrement  dans  l'Introduction  que 
dans  le  livre.  Pour  avoir  raison  de  l'objection,  M.  N.  avance  qu'il 
ne  s'agit  pas  dans  l'Introduction  d'Antiochus  IV,  mais  d'Antio- 
chus VII  Sidétes.  On  jugera  de  la  valeur  de  cet  expédient  en  repla- 
çant le  récit  dans  son  contexte.  C'est  après  avoir  invité  les  Juifs 
d'Egypte  à  fêter  avec  eux  le  25  kislew  que  leurs  frères  de  Judée 
leur  racontent  la  manière  dont  ils  ont  été  délivrés  de  leurs  maux 
par  la  mort  d'Antiochus.  A  en  croire  M.  N.,  la  lettre  recomman- 
derait donc  la  célébration  de  la  fête  rappelant  la  délivrance  des 
Juifs  sous  A ntiochus  IV  en  citant  les  circonstances  de  la  mort 
d'Antiochus  VII!  Il  saute  aux  yeux  qu'il  ne  peut  s'agir  que  d'une 


228  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

seule  et  même  époque,  qu'il  y  a  un  lien  indissoluble  entre  la  célé- 
bration de  la  fête  du  25  kislew  465  et  la  mort  d'Antiochus  qui  Ta 
provoquée.  Ce  lien  apparaît  encore  dans  la  fin  de  la  lettre  :  «  Car 
Dieu  vient  de  nous  délivrer  de  grandes  calamités  et  de  purifier  le 
temple.  »  Ce  n'est  pas  au  temps  d'Antiochus  VII  que  le  temple  a 
été  purifié,  mais  à  l'époque  d'Antiochus  IV.  L'expédient  déses- 
péré que  M.  N.  est  réduit  à  appeler  à  son  aide  ne  vaut  guère  plus 
que  celui  dont  il  s'avise  à  propos  de  Juda.  Après  avoir  parlé  des 
mémoires  écrits  par  Néhémie,  les  Juifs  de  Jérusalem  ajoutent, 
dans  leur  lettre  :  «  De  même,  Juda  a  eu  soin  de  rassembler  tout  ce 
qui  avait  été  dispersé,  par  suite  de  la  guerre  que  nous  avons  eu  à 
soutenir,  et  cela  est  conservé  chez  nous.  »  Si  ce  Juda  était  un  per- 
sonnage quelconque,  on  ne  manquerait  pas  de  le  désigner  avec 
plus  de  précision;  pour  qu'on  se  borne  à  ce  seul  nom,  il  faut  qu'il 
soit  aussi  célèbre  que  Néhémie,  et  ce  Juda  ne  peut  être  que  le 
héros  de  la  guerre.  Et  cela  prouve  encore  que  l'Antiochus  dont  on 
raconte  la  mort  est  l'Antiochus  contemporain  de  Juda,  c'est-à- 
dire  Antiochus  IV.  Reste  donc  la  contradiction  entre  les  deux  ré- 
cits de  cette  mort,  contradiction  insoluble  si  l'auteur  de  la  lettre 
est  l'auteur  de  l'abrégé  de  Jason. 

Qui  plus  est,  l'auteur  de  la  lettre  semble  avoir  voulu  prévenir 
la  supposition  gratuite  de  M.  N.,  que  c'est  la  préface  mise  par 
l'abréviateur  à  son  œuvre.  En  effet,  à  la  suite  du  passage  relatif  à 
Juda  qui  vient  d'être  cité  se  lisent  ces  mots  :  «  Si  vous  deviez  en 
avoir  besoin,  envoyez  des  gens  pour  les  prendre  (ces  mémoires)  et 
vous  les  apporter.  »  L'abréviateur  aurait  bien  mal  su  son  métier, 
si,  pour  amorcer  son  travail,  il  avait  pris  un  tel  soin  de  dépister 
le  lecteur  ;  il  lui  aurait  fallu  au  moins  ajouter  que  c'était  précisé- 
ment là  ce  qu'avait  fait  Jason.  En  outre,  il  est  bien  visible  que 
dans  le  corps  de  l'Epitomé  l'auteur  ne  se  doute  plus  qu'il  s'adresse 
censément  aux  destinataires  de  la  lettre  de  Jérusalem  ;  c'est  pour- 
quoi il  déclare  «  avoir  voulu  alléger  la  tâche  de  ceux  qui  voudraient 
se  rappeler  les  événements  et  être  utile  à  ceux  à  qui  arriverait  son 
livre;  il  a  procédé  à  cette  réduction  de  l'ouvrage  de  Jason  en  vue 
du  gré  que  lui  en  sauraient  bien  des  personnes  ».  Ce  sont  là  propos 
à  l'adresse  du  grand  public.  Or,  cette  déclaration  suit  immédiate- 
ment la  lettre  soi-disant  introductive. 

Ce  n'est  pas  tout  :  dans  la  lettre  il  n'est  parlé  que  de  la  fête  de 
la  purification  ;  le  livre,  s'il  était  destiné  à  satisfaire  la  curiosité 
des  Juifs  d'Egypte,  devrait  donc  s'arrêter  au  ch.  x,  où  sont  ra- 
contées cette  purification  et  l'institution  de  la  fête.  Au  lieu  de  cela, 
la  narration  continue  et  s'achève,  au  ch.  xv,  avec  la  mort  de  Ni- 
canor  et  V institution  de  la  fête  de  Nicanor:  «  Et  l'on  décréta  que 


SUR  LES  DEUX  PREMIERS  LIVRES  DES  MACCHABEES  229 

cette  journée  ne  resterait  pas  sans  une  solennité,  laquelle  serait 
fixée  au  13e  jour  du  12e  mois,  qui  en  langue  syriaque  se  nomme 
Adar,  la  veille  de  la  fête  de  Mardochée.  »  Si  l'abréviateur  avait 
composé  la  lettre  comme  préface  à  son  œuvre,  il  n'aurait  pas 
manqué  de  recommander  également  cette  fête  de  Nicanor. 

Le  seul  trait  commun  et  spécial  à  l'Introduction  et  à  l'Abrégé, 
c'est  la  désignation  de  la  fête  du  25  kislew  sous  le  nom  de  «  fête 
des  Tabernacles  »  ;  mais  connaissons-nous  assez  bien  la  manière 
dont  se  célébrait  Hanoucca  en  Egypte  pour  affirmer  que  tel  n'était 
pas  un  des  noms  de  cette  fête  dans  ce  pays?  Que  si,  effective- 
ment, Hanoucca  y  avait  ce  caractère,  il  n'est  pas  étonnant  que 
deux  écrits  différents  composés  en  cette  région  ■  emploient  la 
même  dénomination. 

D'aiileurs,  à  lire  sans  parti  pris  la  lettre,  on  reconnaît  aussitôt 
qu'elle  poursuit  pour  principal  but  l'explication  du  rite  de  la  fête 
du  feu 2.  Dans  son  embarras,  l'auteur  accumule  tous  les  souvenirs 
agadiques  pouvant  contribuer  à  cette  explication.  Ce  feu,  ce  sont 
les  prêtres  qui  l'ont  emporté  de  l'autel  lors  de  l'exil,  puis  caché 
dans  le  creux  d'une  citerne  et  sans  eau.  Et  ce  feu  se  transforme 
en  une  eau  épaisse,  qui,  retrouvée  par  Néhémie,  jette  des  flammes3. 
Mais,  plus  loin  il  est  dit  que  ce  feu  s'est  manifesté  de  la  même  façon 
que  dans  le  désert  et  lors  de  l'inauguration  du  temple  par  Salo- 
mon.  Ces  deux  interprétations  sont  d'ailleurs  contradictoires  *. 
Quoi  qu'il  en  soit,  l'intention  est  visible,  et  l'auteur  ne  s'est  guère 
soucié  d'écrire  pour  amorcer  une  histoire  des  événements.  Si  l'on 
veut,  à  toute  force,  établir  un  lien  entre  la  lettre  et  le  corps 

1  Que  la  lettre  n'ait  pas  été  rédigée  en  Judée,  c"est  ce  qu'atteste  suffisamment  cet 
étrange  détail  :  «  Les  gens  de  Néhémie  appelèrent  cela  Nephtar,  ce  qui  signitie 
purification;  communément  on  l'appelle  Nephtaï.  »  Le  mot  Nephtar  ou  Nephtaï 
étant  étranger  à  l'hébreu  et  à  l'araméeu  (Ù2DD  est  le  naphte  simplement)  dans  le  sens 
de  purification,  il  en  résulte  qu'une  pareille  étymologie  est  le  t'ait  d'un  Juif  de 
l'étranger. 

3  Et  non  des  lumières,  ce  qui  montre  bien  que  la  fête  n'était  pas  célébrée  dans  le 
pays  de  l'auteur  comme  elle  l'était  en  Palestine  déjà  au  i«r  siècle.  Nous  n'examinons 
pas  ici  la  thèse  de  M.  A.  Biichler  (Das  Sendschreiben  der  Jerusalemer  an  die  Juden  in 
JEgypten,  Monatsschrift,  XLI,  1897,  p.  481  et  suiv.),  d'après  laquelle  la  lettre  ren- 
fermerait de  nombreuses  iuterpolations  faites  au  Ier  siècle  de  l'ère  chrétienne  :  nous 
suivons  l'argumentation  de  M.  N.,  qui  fait  de  toute  l'Introduction  un  bloc. 

3  II  y  a  ici  vraisemblablement  un  emprunt  à  une  légende  racontant  la  découverte 
du  naphte.  Que  cette  légende  vienne  de  Perse,  comme  le  prétend  M.  Buchler, 
après  Grimm  et  Keil,  peu  importe. 

4  II  y  a  même  contradiction  entre  ces  deux  interprétations  et  celle  de  II  M.,  x,  3, 
où  est  racontée  la  purificatim  du  temple.  Là  on  dit  qu'après  avoir  purifié  le  sanc- 
tuaire et  construit  un  nouvel  autel,  on  mit  en  feu  des  (ou  les)  pierres  et  on  en  tira 
du  feu  avec  lequel  on  otfrit  le  sacrifice  (xoù  7tupco<javxs;  ÀîOou;  xoù  7typ  ix  toutcov 
),aê6vxe:  àvYJveyxav  Ôu^îavj.  Le  nouveau  feu  avait  donc  une  autre  origine  que  celui  de 
Moïse  et  de  Salomon. 


230  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

du  livre,  il  faudra  dire  que  l'abréviateur,  utilisant  ce  document, 
qu'il  avait  trouvé  on  ne  sait  où,  l'a  placé  en  tête  de  son  ouvrage 
pour  lui  servir  d'introduction.  Mais  cette  hypothèse  n'est  aucune- 
ment nécessaire,  car  ce  peut  être  la  fantaisie  d'un  ancien  copiste 
qui  a  réuni  les  deux  pièces.  Ce  point  est,  au  reste,  sans  intérêt. 
Ce  qui,  en  tout  cas,  nous  paraît  démontré,  c'est  que  l'auteur  de  la 
lettre  n'est  pas  l'abréviateur  de  Jason  de  Cyrène;  nous  ne  savons 
donc  plus  rien  de  la  date  de  la  rédaction  ni  de  notre  Epitomé 
ni  de  l'Histoire  de  Jason. 

Restent,  il  est  vrai,  les  conclusions  que  M.  Niese  tire  de  la 
langue  et  des  expressions  techniques  de  II  M  *.  Mais  on  conviendra 
qu'elles  n'offrent  pas  la  même  valeur  qu'une  date  précise. 

Israël  Lévi. 

P.  S.  —  J'avais  bien  deviné  que  rpan»  dans  l'édition  de 
M.  Chwolson  devait  être  une  faute  d'impression  pour  warro.  Le 
ras.,  qui  vient  seulement  d'être  rendu  à  la  Bibl.  Nation.,  porte,  en 
effet,  watto.  Nouvel  exploit  des  coquilles! 

1  II  ne  sera  plus  permis  désormais  de  voir  en  II  M.  une  amplification  de  I  M. 


AÏIQUIA,  FEMME  DE  JÉSUS  FILS  DE  SIKA 


La  popularité  de  Jésus  fils  de  Sira  dans  les  pays  orientaux  est 
faite  pour  nous  surprendre.  J'ai  déjà  étudié  ici  la  légende  de  la 
nativité  merveilleuse  de  cet  enfant  du  miracle,  fils  sans  père,  qui, 
par  une  confusion  aisée  à  comprendre,  a  pris  en  partie  les  traits 
de  Jésus1.  Voici  un  nouvel  avatar  de  ce  moraliste  :  les  Musul- 
mans, ou  plutôt  les  Chrétiens  orientaux,  l'ont  converti  en  vizir 
de  Salomon.  Et  cela  était  tout  naturel  :  comme  il  a  composé  un 
ouvrage  de  sagesse,  ouvrage  joint  dans  les  Bibles  chrétiennes 
aux  Proverbes,  il  allait  de  soi  qu'il  devait  tenir  sa  science  du  Sage 
par  excellence.  Aussi  la  traduction  arabe  de  l'Ecclésiastique  que 
renferme  le  ms.  n°  50  du  fonds  arabe  de  la  Bibliothèque  Nationale 
et  qui  est  identique  à  celle  de  la  Polyglotte  porte-t-elle  le  titre 
suivant  :  «  Le  livre  de  Ischoua  fils  de  Schîrakh,  secrétaire  de  Sa- 
lomon fils  de  David,  roi  d'Israël  à  Jérusalem.  » 

Sa  sagesse,  si  grande  qu'elle  fût,  n'égalait  pas  cependant  celle 
de  sa  femme  Afiquia.  D'où  vient  ce  nom,  c'est  ce  que  j'ignore  ; 
aux  arabisants  de  résoudre  ce  petit  problème  littéraire.  En  tout 
cas,  l'histoire  dont  elle  est  l'héroïne  ne  manque  pas  de  saveur. 
A  ma  connaissance,  elle  est  restée  jusqu'ici  inédite,  quoiqu'elle 
soit  signalée  dans  le  catalogue  des  mss.  syriaques  et  celui  des 
mss.  arabes  de  la  Bibliothèque  Nationale.  Elle  se  trouve  dans 
trois  mss.  de  cette  Bibliothèque  :  1°  au  n°  50  du  fonds  arabe 
(fo*  105&-108&);  au  n°  132  du  même  fonds  (124a-127a);  au  n°  179 
du  fonds  syriaque  (f°  126),  en  caractères  carschouni,  à  la  suite 
de  l'Ecclésiastique,  traduit  en  arabe  par  Basilius,  évêque  de 
Tibériade. 

J'ai  prié  M.  Séligsohn  de  vouloir  bien  traduire  cette  histoire. 
Dans  les  notes  qui  accompagnent  la  version,  la  lettre  A  désigne  le 
ms.  n°  50,  B  le  132,  G  le  1"79.  Les  variantes  sont  généralement 
insignifiantes.  M.  Séligsohn  a  utilisé  principalement  les  mss.  A  et 
B,  qui  sont  les  plus  soignés. 

*  Revue,  t.  XXIX,  p.  197  et  s. 


232  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Histoire  de  l'épouse  de  Josué,  fils  de  Schîrakh,  avec  Salomon, 
le  roi  sage  K 

Il  a  été  raconté  que  Salomon,  le  roi  sage,  fils  de  David,  fut  informé 
que  l'épouse  de  Josué,  fils  de  Schirakh,  son  ministre  *,  "était 3  une  belle 
femme,  bien  prise,  au  corps  plein  \  à  la  chair  éclatante,  à  la  forme 
parfaite,  à  l'intelligence  saine,  à  l'esprit  fécond,  à  la  parole  douce, 
éloquente,  d'un  bon  caractère,  possédant  toutes  les  qualités,  sur- 
passant toutes  les  femmes  et  toutes  les  filles  d'Israël,  et  que  tous 
ceux  qui  étaient  à  Jérusalem  désiraient  la  voir,  lui  parler  et  lui  être 
présentés  afin  de  constater  la  réalité  de  ses  qualités  et  de  savoir  la 
hauteur  de  sa  sagesse.  Salomon  lui  envoya  alors  son  eunuque  confi- 
dent 5,  pour  lui  dire:  «  Le  roi  désire  avoir  un  rendez-vous  avec  toi 
pour  causer.  »  Lorsqu'elle  eut  entendu  ces  paroles  du  serviteur 6,  dites 
au  nom  du  roi,  son  cœur  se  serra,  et,  ayant  soupiré  du  plus  profond 
de  sa  poitrine,  elle  dit  au  serviteur  :  Dis  à  mon  seigneur  le  roi  :  «  Ta 
sagesse  subtile7  a  conquis  le  monde  tout  entier,  comment  donc  une 
si  mauvaise  pensée  peut-elle  se  présenter  à  ton  esprit  ?  L'abondance 
de  ta  science  et  ta  culture  eût  pu  mettre  les  ignorants  et  les  sots  au 
milieu  des  sages.  Si  ta  volonté  est  d'agir  lentement  jusqu'à  ce  que 
tu  accomplisses  ton  désir,  il  n'est  pas  pratique  de  l'exécuter  pendant 
que  mon  mari  est  dans  la  ville  afin  qu'il  ne  soit  pas  déshonoré8; 
car  on  ne  ressaisit  pas  ce  qui  s'est  échappé.  »  Lorsque  l'eunuque  eut 
rapporté  cette  réponse  au  roi  Salomon,  celui-ci  la  médita  et  il  cher- 
cha un  moyen  d'éloigner  le  mari9. 

Il  manda  donc  Josué,  son  ministre,  et  lui  dit  :  «  Mon  fils,  j'ai  des 
affaires  importantes  auprès  du  roi  de  Tyr  10,  et  je  ne  vois  personne 
que  je  puisse  envoyer  à  ta  place,  car  je  connais  ton  intelligence  et  la 
beauté  de  ton  discours.  »  Josué  lui  dit  :  «  Puisse  monseigneur  le  roi 
vivre  éternellement  !  Il  sera  fait  comme   tu  l'as  ordonné.   »  Le  roi 

1  B.  :  t  Histoire  de  Fiquia,  l'épouse  vertueuse  de...  Schîrakh,  ministre  de  Salo- 
mon, fils  de  David.  Elle  est  utile  à  écouter.  » 

2  C.  :  «  son  trésorier  et  ministre  •. 

3  C.  :  «  qu'il  n'y  avait  pas  parmi  les  femmes  d'Israël  ni  dans  tout  Jérusalem  une 
femme  aussi  saine  qu'elle  en  son  corps  et  parfaite  en  son  intelligence,  et  il  dé- 
sira etc.  ». 

k  Ces  trois  mots  ne  sont  pas  dans  B. 

5  C.  porte  :  siklûbl  «  un  Slave  »  ;  il  est  difficile  de  dire  si  ce  mot  signifie  ici  un 
Slave  ou  simplement  un  «  esclave  »,  dans  le  sens  dérivé  de  ce  mot. 

6  B.  et  C.  portent  :  «  maître  »,  ce  qui  veut  dire  que  ce  n'était  pas  un  simple 
esclave  comme  les  autres. 

7  B.  :  «  brillante  ». 

8  A.  :  t  Si  telle  est  ta  volonté,  il  faut  que  mon  seigneur  revienne  sur  cette  pensée 
et  qu'il  ne  la  mette  point  à  exécution,  afin  que  sa  réputation  ne  soit  pas  ruinée.  » 

9  B.  :  •  Lorsque  le  messager  eut  rapporté  cette  réponse  au  roi  et  que  ces  paroles 
eurent' pénétré  dans  ses  oreilles,  il  fut  enchanté  de  la  beauté  de  son  langage  et  il 
éprouva  encore  un  plus  grand  désir  de  la  voir.  » 

10  C.  :   «  Mossoul.  » 


AFIQUIA  FEMME  DE  JÉSUS  FILS  DE  SIRA  233 

écrivit  des  lettres  et  les  remit  à  Josué,  qui  s'embarqua  comme  un 
prince,  comblé  d'honneurs.  Il  reçut  de  belles  choses,  des  cadeaux1, 
et  une  escorte  de  soldats  et  de  pages. 

Puis  le  roi  Salomon  ordonna  à  son  eunuque  d'aller  chez  Afiquià, 
l'épouse  de  Josué,  fils  de  Schîrakb,  et  de  lui  annoncer  qu'il  irait  la 
voir.  L'eunuque  partit  et  dit  à  Afiquiâ  ce  que  le  roi  lui  avait  ordonné. 
Afîquiâ  lui  répondit  :  «  Dis  à  mon  maître,  le  roi  :  Si  moi,  son  humble 
servante,  j'ai  mérité  ce  grand  honneur  de  recevoir  le  roi  dans  ma 
maison,  je  le  prie,  je  l'adjure  de  ne  rien  manger  avant  de  se  pré- 
senter devant  moi.  »  L'eunuque  quitta  la  femme  de  Josué  et  s'en 
alla  répéter  au  roi  tout  ce  qu'elle  avait  dit. 

Entre  temps,  Afîquiâ  fit  venir  son  cuisinier  et  lui  dit  :  «  Je  veux  que 
tu  me  prépares  quarante  mets  de  mouton,  de  volaille  et  de  poisson, 
et  que  tu  y  mettes  beaucoup  d'épices  et  d'assaisonnements,  que  tous 
ces  mets  aient  le  même  goût,  mais  un  aspect  différent.  »  Puis  elle  fit 
faire  du  pain  blanc  de  farine  très  fine,  d'un  goût  exquis,  mais  de  dif- 
férentes formes.  De  même,  plusieurs  sortes  de  boissons  très  agréables 
et  de  couleurs  variées,  en  somme  tout  ce  qui  convient  aux  rois  2. 
Lorsque  le  moment  de  la  visite  du  roi  approcha,  elle  étendit  dans 
la  chambre  de  Josué  un  beau  tapis,  tel  qu'il  convient  en  présence 
d'un  roi3. 

Lorsque  le  soir  fut  venu  et  que  quelques  heures  de  la  nuit  furent 
passées,  le  roi  Salomon  se  présenta  dans  l'appartement  d'Afiquiâ  :  on 
portait  devant  lui  des  flambeaux  pour  éclairer  le  chemin  jusqu'à  ce 
qu'il  arriva  à  la  salle  tapissée,  dont  l'aspect  l'émerveilla.  Afîquiâ 
entra,  accompagnée  d'une  de  ses  servantes  \  et  se  prosterna  devant 
le  roi,  lui  disant  :  «  Que  le  roi  soit  le  bienvenu,  bien  que  la  maison 
de  son  vil  serviteur  Josué  n'ait  pas  mérité  d'être  foulée  par  ses 
nobles  pieds.  »  Elle  s'assit  et  sa  servante  se  tint 5  derrière  la  porte 
de  cette  salle.  Puis  elle  donna  des  ordres  et  l'on  plaça  la  table  devant 
le  roi,  qui  l'admira  ainsi  que  les  différents  mets  et  les  pains  qui  y 
étaient  placés.  Elle  dit  d'apporter  les  viandes  de  chaque  espèce,  et  le 
roi  mangea  avec  appétit  à  cause  de  leur  saveur  et  de  leur  bonne 
mine.  Il  attendit  les  autres  services,  mais  il  acquit  la  certitude  que 
tout  ce  qu'on  lui  présentait  avait  la  même  saveur;  il  en  mangea  donc 
avec  satiété  et  retira  ses  mains.  On  mit  devant  lui  diverses  boissons, 
qu'il  goûta  seulement  sans  boire. 

Il  devina  par  la  sagesse  divine,  qui  résidait  en  lui  plus  que  dans 
toute  autre  personne,  que  tout  ce  qui  avait  été  préparé  pour  ce  ban- 
quet avait  un  but  déterminé  Alors  il  dit  à  Afiquiâ  :  «Je  te  rends  grâce 

1  II  paraît,  d'après  C,  que  ces  cadeaux  étaient  pour  le  roi  auprès  duquel  il  se 
rendait. 

2  B.  :  «  tout  ce  qui  convient  aux  nobles  et  aux  gens  distingués  ».  A  partir  de 
«  et  que  tu  y  mettes  beaucoup  »  jusqu'ici  manque  dans  C. 

3  Ce  passage  n'est  pas  dans  B. 

*  G.  :  «  accompagnée  de  ses  servantes  et  elles  se  prosternèrent,  etc.  ». 
5  C.  :  «  et  ses  servantes  se  tinrent  derrière  la  porte,  etc.  ». 


234  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

de  ton  hospitalité  ;  mais  par  la  vérité  de  mon  Seigneur  le  Dieu 
d'Israël,  je  t'adjure,  ô  Afîquiâ!  de  me  faire  connaître  le  sens  caché  de 
ces  divers  mets  et  boissons.  »  Afîquiâ  répondit  :  «  L'intelligence  suffit 
à  mon  roi  sans  qu'il  soit  besoin  de  dire  qu'il  a  acquis  la  sagesse 
du  monde  entier1.  Que  vaut  une  chandelle  qui  s'éteint  auprès  du 
du  soleil  éclatant  ?  Quelle  explication  peut  te  donner  une  vile  servante 
qui  parle  à  son  maître  le  roi,  puisque  le  souffle  de  Dieu  (béni  soit 
son  nom),  qui  anime  son  corps  aujourd'hui,  cache  la  puanteur  et  la 
sanie  qui  en  couleront  demain  2,  et  les  vers  qui  parcourront  ses 
membres  dans  le  tombeau  ?  C'est  surtout,  le  jour  du  jugement  qu'elle 
aura  à  souffrir,  car  Dieu  la  fera  ressusciter  nue  pour  qu'elle  ait  honte 
de  ses  péchés3.  »  Salomon  lui  dit:  u  Combien  ta  naissance  dans  ce 
monde  est  agréable  !  Puisse  celui  qui  t'entend  être  rempli  de  ta 
ta  sagesse!  » 

Le  roi  se  leva  à  l'instant,  émerveillé  de  ce  qu'il  avait  vu  et  entendu 
de  la  bouche  de  cette  femme  noble  et  chaste.  En  sortant  de  la  porte, 
une  pierre*  se  détacha  de  la  couronne  qu'il  portait  sur  la  tête  sans 
qu'il  s'en  aperçût  et  tomba  entre  les  ais  qui  garnissaient  le  seuil  de 
la  maison  de  Josué.  Personne  ne  la  vit  et  elle  y  resta  jusqu'au  retour 
de  Josué.  Celui-ci  la  ramassa  et,  la  prenant  en  main,  la  reconnut. 
Il  acquit  ainsi  la  certitude  que  le  roi  était  venu  dans  sa  maison  et 
son  cœur  se  serra  d'angoisse.  Il  n'approcha  pas  de  sa  femme,  s'éloi- 
gna de  la  couche  nuptiale,  et  cela  dura  deux  ans;  car  il  ne  demanda 
pas  à  sa  femme  de  lui  raconter  comment  la  chose  s'était  passée, 
et  elle  ne  lui  demanda  pas  non  plus  la  raison  de  ce  délaissement. 
Elle  ne  voulait  pas  lui  dire  :  «  Pourquoi  as-tu  déserté  ton  lit  ?  »  afin 
qu'il  ne  crût  pas  qu'elle  le  demandait  seulement  pour  satisfaire 
ses  sens. 

Après  le  dit  laps  de  temps,  la  mère  d'Afiquiâ,  regardant  le  visage  de 
sa  fille,  s'aperçut  que  cette  dernière  changeait,  que  sa  beauté  dispa- 
raissait et  que  ses  membres  maigrissaient  et  s'affaiblissaient.  Elle  dit 
alors  à  sa  fille  :  <'  Ma  chère,  de  quelle  maladie  souffres-tu  ?  car  je 
vois  ton  corps  maigri  et  ta  beauté  changée.  »  Afiquiâ  se  leva,  prit  sa 
mère  par  la  main  et  l'emmena  dans  un  coin  retiré,  où  elle  lui  raconta 
tout  ce  qui  s'était  passé.  Elle  lui  dit  que  son  cœur  était  plus  ulcéré  à 
cause  de  sou  mari  que  de  sa  propre  faiblesse.  La  mère  se  leva  immé- 
diatement, se  rendit  auprès  de  Salomon  et  elle  eut  une  entrevue 
privée  avec  lui,  car  elle  jouissait  d'un  grand  honneur  auprès  du  roi. 
Elle  lui  dit  :  «  Mon  seigneur,  puisse  le  roi  vivre  éternellement  !  Ta 
servante  a  un  jardin  5  vers  lequel  je  regarde  après  Dieu  pour  me  con- 


1  C.  :  «  ta  sagesse  te  suffit  et  au  monde  entier  ». 

2  C.  :  «  demain  elle  sera  jetée  dans  la   tombe,  hors  de   tout  endroit  habité,  et  son 
âme  sera  exposée  nue,  car  l'âme  est  immortelle  ». 

3  L'esseutiel  manque  à   la  réponse  d'Aûquia  :  elle  a  voulu  faire  entendre  au   roi 
qu'il  a  bien  tort  de  la  poursuivre,  car  toutes  les  femmes  se  ressemblent. 

k  C.  :  (  un  rubis  ». 
5  C.  :  «  une  vigne  ». 


AFIQU1A  FEMME  DE  JESUS  FILS  DE  SIKA  235 

soler.  Je  l'ai  confié  à  un  jardinier  pour  le  soigner  sans  négligence1. 
Je  ne  lui  ai  pas  parlé  de  ce  jardin  depuis  deux  ans,  mais  aujourd'hui 
je  l'ai  visité,  j'en  ai  fait  le  tour,  et  j'ai  constaté  que  tout  le  jardin  a 
été  dévasté!  Maintenant,  je  demande  au  roi  de  juger  entre  moi  et  le 
jardinier  qui  a  ruiné  mon  jardin.  »  Le  roi  lui  dit  :  «  Qu'est-ce  qui  t'a 
fait  négliger  le  jardin  jusqu'à  présent?  »  car  le  roi  comprit  le  sens  et 
l'interprétation  de  ces  paroles. 

Il  fit  venir  Josué  et  le  fit  asseoira  côté  de  sa  belle-mère,  puis  il  dit 
à  cette  dernière  :  «  Répète  tout  ce  que  tu  viens  de  me  raconter*.  »  Elle 
répéta  son  récit,  puis  elle  se  tut.  Alors  Salomon  dit  à  Josué  :  «  Que 
penses-tu  de  cela  et  quel  est  le  sens  de  ce  récit?  »  Josué  répondit: 
«  Tout  ce  que  ma  belle-mère  a  raconté  est  vrai  ;  mais  je  n'avais 
jamais  négligé  le  service  du  jardin  jusqu'au  jour  où  le  roi  m'envoya 
en  Syrie  3.  Lorsque  je  revins  de  mon  voyage  et  que  je  me  présentai 
devant  la  porte  du  jardin  pour  y  entrer  j'y  aperçus  les  traces  d'un 
lion  redoutable  que  j'ai  reconnu4,  et  j'ai  craint  d'être  déchiré  par  ses 
griffes.  »  Le  roi  Salomon  lui  dit  :  «  Ecoute  ce  que  je  vais  te  dire.  Le  lion 
est  entré,  comme  tu  l'as  dit,  mais  aussi  vrai  que  le  Dieu  d'Abraham, 
d'Isaac,  de  Jacob,  de  Moïse  et  d'Aaron  est  vivant,  qu'il  est  puissant, 
qu'il  veille  sur  nous  et  entend  mon  serment,  ce  lion  n'a  rien  goûté 
des  fruits  de  ce  jardiu  ni  de  la  vigne  qui  y  est  plantée,  hors  des 
paroles  aimables  et  sages  qui  font  du  bien  à  ceux  qui  les  entendent. 
Maintenant,  mon  cher  fils,  lève-toi  avec  une  joie  parfaite  et  une  allé- 
gresse complète,  console  ton  cœur,  écartes-en  le  moindre  doute. 
Entre  dans  ton  jardin  et  dans  ta  vigne,  soigne-la  selon  son  mérite, 
car  elle  est  noble  devant  Dieu,  maître  des  armées.  » 

Josué  se  leva,  se  prosterna  devant  le  roi,  avec  sa  belle-mère,  et 
retourna  chez  lui.  Il  s'assit  près  d'Afiquiâ,  son  épouse,  à  qui  il 
demanda  de  lui  narrer  toute  cette  histoire.  Elle  lui  conta  tout  ce  qui 
s'était  passé  depuis  le  commencement  jusqu'à  la  fin,  quel  était  l'ordre 
du  roi,  quelle  avait  été  sa  réponse  et  comment  le  roi  avait  quitté  sa 
maison.  Josué  loua  alors  le  Seigneur,  Dieu  d'Israël,  à  qui  appartient 
la  louange,  la  gloire,  la  sainteté,  maintenant  et  pour  toujours  jusqu'à 
l'éternité. 

M.  René  Basset,  l'homme  de  France  qui  connaît  le  mieux  la 
littérature  folklorique,  a  bien  voulu,  sur  ma  demande,  me  fournir 
la  bibliographie  de  ce  conte  ;  dans  les  lignes  qui  suivent,  je  ne  fais 
qu'utiliser  les  renseignements  qu'il  a  mis  à  ma  disposition,  avec 
un  empressement  et  une  obligeance  dont  je  ne  saurais  trop  le 
remercier. 

1  G.  :  «  elle  continua  à  me  donner  des  fruits  et  c'est  pour  cela  que  je  L'ai  confiée 
à  ce  vigneron  pour  qu'il,  etc.  ». 

*  B.  ajoute  :  «  que  la  présence  de  Josué  ne  te  gêne  pas  ». 
3  B.  :  «  Mossoul  ». 

*  B.  ajoute  :  <c  qui  y  était  passé  ». 


236  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Le  conte  d'Afiquia  est  très  connu,  quoique  sous  aucune  forme 
il  n'ait  pour  personnages  ceux  qui  paraissent  dans  notre  texte 
arabe.  Il  se  compose  de  deux  parties  facilement  séparables,  l'une 
pourrait  s'intituler  :  les  différents  mets  au  même  goût,  ou  toutes 
les  fermes  se  ressemblent;  l'autre  :  la  trace  du  lion.  De  lait, 
ces  deux  thèmes  n'ont  pas  toujours  été  réunis  :  le  premier  se 
retrouve  seul  dans  le  pseudo-El-Khaouarizini,  Mofidel'Oloum 
(le  Caire,  1310,  p.  86),  dans  Cotte,  Le  Maroc  contemporain  [V 'aris, 
1859,  p.  65)  ;  le  second  dans  les  Mischlé  Sandibar,  le  Sintypas, 
dans  deux  ouvrages  arabes  du  ixe  siècle  —  là  le  roi  est  Chosroes 
Parwiz  (Nœldeke,  Z.D.M.G.,  XXXIII,  p.  523),  —  dans  Mathieu  de 
Vendôme,  Comedia  Milonis,  ouvrage  du  xne  siècle  (Moritz  Haupt, 
Exempta  poesis  latinœ  medii  œvi,  Vienne,  1834,  p.  19-28)  —  là 
la  femme  s'appelle  Afra  l  et  le  roi  est  celui  de  Constantinople.  La 
rédaction  la  plus  connue  de  ce  conte  est  celle  du  Décaméron  de 
Boccace  (où  le  roi  est  Philippe-Auguste,  et  la  femme  la  marquise 
de  Mon  fer  rat). 

Mais  dans  la  littérature  orientale,  les  deux  thèmes  se  pré- 
sentent déjà  soudés  ;  tel  est  le  cas  dans  les  Sept  vizirs  et  dans  les 
Mille  et  une  nuits,  éd.  Habicht,  nuits  980-1,  xv,  157  2. 

La  version  arabe,  mal  rédigée,  d'ailleurs,  dans  la  première 
partie,  n'est  donc  intéressante  que  par  les  noms  propres  qui  y 
figurent.  Dans  quel  milieu  s'est  produite  la  transposition?  Il  est 
peu  vraisemblable  que  ce  soit  chez  les  Juifs,  qui  n'avaient  aucune 
raison  de  mettre  Jésus  ben  Sira  en  relation  avec  Salomon.  Seuls 
les  Musulmans  ou  les  Chrétiens  d'Orient  ont  pu  commettre  un  tel 
anachronisme. 

Israël  Lévi. 

P.  S.  —  Par  une  coïncidence  curieuse,  Miss  Gibson  vient  de 
publier  le  texte  C,  d'après  le  ms.  de  Paris,  dans  ses  Apocrypha 
arabica.  Peut-on  vraiment  ranger  un  tel  conte  sous  la  rubrique 
Apocryphes  ? 


1  Faut-il  rapprocher  de  ce  nom  celui  d'Afiquia  ?  Le  yod  et  le  resch  se  ressemblent 
dans  l'écriture  arabe. 

.  2  Voir  principalement  pour  l'histoire  de  ce  conte,  Landau,  Die  Quelle  des  Deka- 
meron,  p.  42  et  suiv.;  Marc  Monnier,  Les  Contes  populaires  en  Italie,  p.  100  et  suiv. 


UN  RECUEIL 

DE 

CONSULTATIONS  INÉDITES  DE  RABBINS 

DE  LA  PHANCE  MÉRIDIONALE 

(SUITE  *) 


X.  Un  procès  dans  le  Comté  de  Montbêliard,  vers  4340.  Le 
procès  dont  il  va  être  question  est  intéressant  en  lui-même,  par 
les  personnages  qu'il  met  en  scène,  la  province  où  il  s'est  débattu 
et  les  renseignements  historiques  qu'il  fournit. 

Un  certain  Samuel  Hayyim,  qui  exerçait  la  profession  de  ban- 
quier, avait  pour  associé  Samson,  fils  de  Samuel.  Celui-ci  n'était 
pas  le  premier  venu  :  durant  les  persécutions  qui  avaient  sévi  en 
Allemagne,  il  avait  fait  de  grands  sacrifices  d'argent  pour  secourir 
ses  coreligionnaires.  Or,  ce  Samson  avait  donné  quittance  au  sire 
de  Montfaucon  pour  la  créance  considérable  qu'avait  sur  lui 
Samuel  Hayyim.  C'était,  disait-il,  sous  menace  de  mort  qu'il  avait 
consenti  à  cet  abandon  de  la  créance  lors  de  la  persécution  de 
aimïba,  et  même  il  avait  dû  ajouter  encore  à  ce  cadeau  un  don 
d'argent.  A  la  mort  de  Samuel,  les  filles  de  ce  dernier,  dont 
l'une  s'appelait  Josia,  réclamèrent  à  Samson  la  somme  dont  il 
avait  gratuitement  donné  décharge  au  sire  de  Montfaucon.  Elles 
citèrent  Samson  devant  le  tribunal  rabbinique  —  on  ne  dit  pas 
de  quelle  ville  — ,  invoquant  une  décision  prise  par  Méir  d'Al- 
lemagne, c'est-à-dire  Méir  de  Rothenbourg  2,  dans  un  cas  ana- 

1  Voir  Revue,  t.  XXXVill,  p.  103  et  suiv.  ;  t.  XXXIX,  p.  76  et  suiv.  ;  p.  226 
et  suiv. 

3  Peut-être  Schemaria,  fils  de  B.  Méïr  d?  Allemagne ,  qui  fut  consulté  concurrem- 
ment avec  Mardochée  —  le  père  de  notre  Isaac  — ,  Pérèç  b.  Elie  de  Gorbeil,  sou 
petit-fils,  David  b.  Lévi,  auteur  du  Dn573)  Jacob  Profeg  et  Juda  fils  de  Calonymos 


238  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

logue.  Le  défenseur  était  condamné  au  paiement  dans  le  délai  de 
trente  jours.  Il  pouvait  toutefois  choisir  un  arbitre  conjointement 
avec  l'autre  partie.  Si  défendeur  et  demandeur  n'étaient  pas  d'ac- 
cord (le  passage  n'est  pas  clair  à  cause  d'une  lacune),  ils  devaient 
dans  les  huit  jours  porter  l'affaire  dans  la  ville  de  ibVh.  La  sen- 
tence est  signée  par  les  membres  du  tribunal;  malheureusement 
le  ms.  est  ici  déchiré;  il  ne  reste  que  le  nom  du  premier  de  ces 
rabbins,  d^n  yy  h'fi'n  dpJh],  Jacob,  fils  de  Eç  Hayyim. 

Samson  ne  se  tint  pas  pour  battu  et  en  appela  aux  rabbins  de 
Provence  et  d'Allemagne.  Il  alla  devant  le  tribunal  de  Joseph 
■naYiB,  qui  lui  donna  raison  :  il  n'avait  qu'à  jurer  avoir  été  con- 
traint sous  menace  de  mort  d'acquitter  la  créance  pour  être  irres- 
ponsable de  son  acte.  La  décision  est  signée  par  Joseph,  fils  de 
Jacob  —  qui  est  vraisembablement  le  même  que  Joseph  vortiD  — , 
Isaac,  fils  de  Samuel,  et  Pérèç,  fils  de  Hayyim. 

Cet  acte,  paraît-il,  n'avait  pas  découragé  les  héritières  de 
Samuel  Hayyim,  car  Samson  jugea  nécessaire  d'envoyer  aux 
rabbins  un  nouveau  mémoire,  où  ses  arguments  étaient  exposés 
avec  plus  de  détails.  Il  y  protestait  contre  la  décision  de  Jacob  de 
p-naimca,  qui  l'avait  condamné.  Ce  rabbin  était  certainement  le 
président  du  tribunal  devant  lequel  il  avait  été  cité  en  première 
instance.  Ce  juge  avait  fait  preuve  de  partialité  dans  les  termes 
mêmes  de  la  sentence  :  tandis  que  les  plaignantes  y  étaient  dési- 
gnées en  termes  flatteurs  et  recevaient  des  épithètes  honorables1, 
le  défendeur  y  était  traité  comme  le  premier  venu.  Samson  déclare 
avoir  prêté  serment  devant  le  tribunal  du  grand  rabbin  Joseph, 
fils  de  Moïse  de  iktsmto.  De  cette  formalité  furent  témoins,  entre 
autres,  Hayyim,  frère  du  défendeur  et  mari  d'une  des  plaignantes, 
et  un  certain  Abraham  Cortès  (ttPïmp).  Il  montrait  que  la  consul- 
tation de  Méir  de  Rothenbourg  qui  avait  servi  à  le  faire  condam- 
ner avait  été  tronquée  pour  les  besoins  de  la  cause2. 

Un  rabbin  allemand  prit  parti  pour  Samson,  c'était  R.  Menahem 
de  Spire,  mVvDïi  mTVîi  )12  ;  il  approuvait  la  décision  de  Joseph 
permettant  au  défendeur  de  se  libérer  au  moyen   du  serment. 

Un  rabbin  français  non  moins  célèbre,  Samson,  fils  d'Isaac, 
s'était  prononcé  dans  le  même  sens. 

Le  beau-père  de  Samson,,  le  «  généreux»3  Nathan,  fils  du 

de  Lunel,  était-il  un  fils  de  Méïr  de  Rothenbourg  (voir  Revue,  t.  XII,  p.  66).  Tous 
ces  rabbins  ayant  vécu  à  la  fin  du  xin»  siècle  et  au  commencement  du  xiv«  et  Méïr 
de  Rothenbourg  étant  mort  en  1293,  on  s'explique  que  son  fils  ait  été  consulté. 

1  En  efiet,  le  mot  nT-pS^ïl  relevé  par  Samson  est  celui  qu'emploie  Jacob,  fils  de 
de  Eç  Hayyim. 

2  Reproche  fondé,  comme  on  le  voit  par  la  consultation  de  Méir  de  Rothenbourg. 
1  Voir,  sur  ce  titre,  Zunz,  Zur  Geschichte,  p.  190. 


UN  RECUEIL  DE  CONSULTATIONS  DE  RABBINS  239 

«  généreux  »  Matathias,  et  ses  proches  se  remuaient  beaucoup 
pour  faire  triompher  les  droits  de  Samson.  La  partie  adverse,  de 
son  côté,  faisait  circuler  des  factums  reproduisant  la  sentence 
rendue  contre  Samson,  l'accusant  de  retenir  l'avoir  des  héritières. 
Il  semble  même  que  les  populations  avaient  reçu  communication 
de  l'arrêt,  pour  agir  en  conséquence  à  l'égard  du  condamné. 

Ses  partisans  envoyèrent  à  notre  Isaac  b.  Mardochée  Petit  un 
homme  instruit,  Isaac,  fils  d'Isaac,  appelé  communément  Isaac 
Saki.  Notre  rabbin  provençal  s'empressa  de  rédiger  le  mémoire 
qu'on  lui  demandait  et  conclut  en  faveur  de  Samson;  seulement, 
il  traitait  la  question  au  point  de  vue  du  droit  pur,  sans  prononcer 
de  noms  propres.  Isaac  Saki  lui  écrivit  ensuite  pour  solliciter 
une  nouvelle  consultation  ou  le  prier  de  s'associer  aux  décisions 
prises  par  les  rabbins  de  Provence  et  d'Allemagne  qui  avaient  fait 
défense  aux  Israélites  de  parler  en  mauvaise  part  de  Samson  et 
intimé  l'ordre  à  tous  d'avoir  à  lui  remettre  les  pièces  dont  il  avait 
à  se  plaindre.  Dans  la  sentence  de  ces  rabbins,  on  faisait  ressortir 
les  mérites  de  Samson,  les  services  qu'il  avait  rendus  à  ses  coreli- 
gionnaires pendant  les  persécutions  qui  avaient  eu  pour  théâtre 
l'Allemagne  :  il  avait  par  ses  sacrifices  pécuniaires  sauvé  beau- 
coup de  ses  frères.  Isaac  Petit  ne  manqua  pas  de  s'associer  à  la 
sentence  de  ses  collègues,  et  il  rédigea  plusieurs  mémoires  pour 
justifier  son  opinion. 

Tels  sont  les  faits  relatés  dans  différentes  pièces  de  notre  recueil 
de  consultations.  Ces  pièces  sont  les  suivantes  : 

1°  F0  183  b.  Décision  rendue  par  le  premier  tribunal  devant 
lequel  avait  été  évoquée  l'affaire  [Pièces  justificatives,  X  a); 

2°  F°  184  a-b.  Relation  de  la  procédure  suivie  par  Samson  : 
envoi  de  ses  plaintes  aux  rabbins  de  Provence  (c'est-à-dire  du 
Midi)  et  d'Allemagne,  avec  la  signature  du  2e  tribunal  auquel  en 
avait  appelé  le  défendeur  (Pièces  justificatives,  X  b)  ; 

3°  Ib.  Résumé  du  mémoire  envoyé  ensuite  par  Samson  aux 
rabbins  pour  protester  contre  la  décision  de  R.  Jacob  de  pTû-ûra 
(Pièces  justificatives,  Xc); 

4°  F«  184  &-185  b.  Récit  par  Isaac  Petit  de  la  venue  d'Isaac  b. 
Isaac,  porteur  de  l'arrêt  rendu  contre  Samson  et  lui  deman- 
dant une  consultation.  Puis,  cette  première  consultation  (Pièces 
justificatives,  début,  X  d),  signée  Isaac,  fils  de  défunt  R.  Mar- 
dochée; 

5°  185  è-186  a.  Menahem  de  Spire,  ayant  été  informé  exacte- 
ment des  faits,  a  donné  raison  à  Joseph  ^3iia.  Résumé  de  ses 
paroles  avec  notes  d'Isaac,  y^K  =  prn^  ntttf  (Pièces  justifica- 
tives y  extraits,  Xe); 


240  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

6°  186  a-187  a.  Résumé  de  l'opinion  de  R.  Pérèç,  avec  remarques 
d'Isaac; 

"7°  187  a-188  a.  Isaac  Petit  raconte  qu'il  vient  de  recevoir  les 
lettres  d'Isaac  b.  Isaac  et  du  parti  de  Samson  lui  demandant  d'ex- 
primer à  nouveau  son  opinion.  A  la  suite,  la  nouvelle  consultation 
d'Isaac  Petit  [Pièces  justificatives,  X  f)  ; 

8°  188  a-b.  Lettre  d'Isaac  [fils  d'Isaac]  adressée  à  notre  Isaac 
au  nom  de  Samson,  fils  de  Samuel,  et  de  son  beau-père,  Nathan, 
fils  de  Matathias,  pour  le  remercier  de  son  intervention  et  revenir 
encore  sur  le  point  en  litige  [Pièces  justificatives,  X  g)  ; 

9°  188  &-189  a.  Réponse  d'Isaac  Petit  (Pièces  justificatives,  Xh)\ 

10°  189  a-191  b.  Mémoire  consultatif  envoyé  aux  rabbins  par 
Isaac  Petit; 

11°  191  &-193  a.  Autre  mémoire  du  môme  sur  la  question; 

12°  193  a-194  a.  Autre  discussion  de  la  matière  du  procès. 

Il  faut  essayer  de  déterminer  maintenant  la  région  où  se  débat- 
tit le  procès.  C'était  vraisemblablement  le  domaine  du  sire  de 
Montfaucon,  car,  autrement,  Samson  n'aurait  pas  été  soumis  à 
une  contrainte  comme  il  l'alléguait.  A  l'époque  où  se  produisirent 
les  événements  auxquels  il  est  fait  allusion  dans  nos  pièces,  le 
sire  de  Montfaucon  était  comte  de  Montbéliard  et  ses  terres  et 
fiefs  couvraient  la  plus  grande  partie  du  nord  du  département 
actuel  du  Doubs.  Il  est  donc  tout  naturel  que  les  intéressés  se 
soient  adressés  concurremment  aux  rabbins  de  l'Allemagne  et  de 
la  Provence,  c'est-à-dire  du  Gomtat  et  du  Dauphiné  l.  Des  liens 
rattachaient,  d'ailleurs,  la  province  à   l'Allemagne:  le  sire   de 
Montfaucon  était  vassal  de  l'empereur,  et  même  après  que  Phi- 
lippe de  Valois  l'eut  fait  passer  sous  sa  suzeraineté,  le  seigneur 
se  rendit  auprès  de  Louis  de  Bavière,   en  1339,   pour  recevoir 
l'investiture. 

La  date  approximative  du  procès  nous  est  fournie  par  la  men- 
tion d'une  persécution  dirigée  contre  les  Juifs  d'Allemagne  et  d'Al- 
sace :  awnïba.  Cette  persécution  ne  peut  être  que  celle  de  1336-38, 
bien  connue  par  les  exploits  sanglants  d'Armleder.  Elle  fit  rage 
surtout  dans  la  Haute- Alsace  en  1338,  à  Rouffach,  Soultz,  Herlis- 
heim,  Ribeauvillé,  Berkheim,  Kaisersberg,  Mulhouse,  Ensisheim, 
Cernay,  Thann,  Altkirch  etc.,  c'est  à  dire  à  proximité  du  territoire 
du  sire  de  Montfaucon.  On  comprend  mieux  ainsi  l'intervention  de 
Samson  en  faveur  de  ses  coreligionnaires,  et  mieux  aussi  la  con- 
trainte subie  par  lui  :  le  sire  de  Montfaucon  évidemment  exploita 

1  Ils  ne  consultent  pas  les  rabbins  de  France,  c'est-à-dire  de  la  France  septentrio- 
nale, parce  que  depuis  1322  il  n'y  avait  plus  de  Juifs  dans  le  pays. 


UN  RECUEIL  DE  CONSULTATIONS  DE  RABBINS  241 

la  situation.  C'était  alors  Henri,  «  un  des  princes  les  plus  belli- 
queux de  son  temps  ».  Il  venait  de  sortir  vaincu  d'une  longue 
lutte  contre  Eudes  IV  de  Bourgogne,  lutte  qu'il  avait  soutenue 
avec  les  principaux  seigneurs  de  la  Franche- Comté.  Philippe  de 
Valois,  pris  pour  arbitre,  avait  rendu,  le  13  juin  1337,  une  sen- 
tence accablante  pour  les  confédérés  :  Henri  dut  se  rendre  prison- 
nier au  Louvre  puis  dans  une  forteresse  où  il  resta  trois  mois1. 
C'est  probablement  pendant  cette  guerre  qu'il  eut  besoin  du  con- 
cours des  Juifs,  et,  à  son  retour,  il  trouva,  pour  se  libérer  de  ses 
engagements,  le  moyen  ingénieux  qui  provoqua  le  procès  qu'on 
vient  de  lire. 

Quelle  est  cette  ville  de  rcbn  dont  le  tribunal  devait  être  saisi 
par  Samson  de  sa  réclamation?  Elle  figure  déjà  dans  les  Deux 
livres  de  commerce  analysés  ici  par  Isidore  Loeb  (VIII,  p.  176). 
Notre  regretté  maître  se  demandait  si  ce  nom  n'était  pas  identique 
à  celui  de  Dôle  abri,  mentionné  également  dans  ces  registres.  Il 
n'en  est  rien,  car  jamais  l'orthographe  de  ce  nom  n'a  varié,  et  n'a 
comporté  d's.  On  ne  saurait  non  plus  prendre  le  *r  pour  la  préposi- 
tion de,  comme  il  arrive  souvent,  et  lire  le  mot  d'Oulens,  loca- 
lité appartenant  justement  aux  sires  de  Montfaucon,  car  il  est 
peu  probable  qu'on  ait  eu  besoin  de  cette  préposition  avec  le 
mot  «  ville  »  TJ,  comme  c'est  le  cas  ici,  et  que  dans  les  Deux 
livres  de  commerce,  comme  dans  notre  ms.,  le  nom  se  soit  pré- 
senté justement  sous  cette  forme  exceptionnelle2. 

Quant  aux  rabbins  qui  jouèrent  un  rôle  dans  le  débat,  quelques- 
uns  seulement  nous  sont  connus. 

C'est  d'abord,  outre  Isaac  Petit,  Joseph  iima,  le  même,  sans 
aucun  doute,  que  Joseph  b.  Jacob  qui  présidait  le  tribunal  de  ttjbn. 
Justement,  Isaac  de  Lattes  le  cite  comme  un  contemporain  d'Isaac; 
d'après  le  même  auteur,  il  fut  mis  à  mort  pendant  les  persécutions 

1  Voir  F.  de  GiDgins,  Recherches  historiques  sur  les  acquisitions  des  sires  de  Mont- 
faucon,  dans  Mémoires  et  documents  publiés  par  la  Société  d'histoire  de  la  Suisse 
romande,  t.  XIV  (1857).  —  Précédemment,  Jean  de  Ghalon-Arlay  voulant  emprunter, 
en  1309,  150  1.  à  un  Juif  de  Dôle  et  celui-ci  exigeant  une  caution,  ce  fut  Jean,  sire 
de  Montfaucon,  qui  la  fournit  (Bévue,  VII,  9).  Ce  Jean  était  un  client  d'Héliot  de  Ve- 
soul  (iô.,  IX,  43).  F.  de  Gingins  dit  qu'il  ne  pas  faut  confondre  la  maison  de  Mont- 
faucon en  Bourgogne  (celle  dont  nous  parlons  en  ce  .  moment)  avec  celle  des  sei- 
gneurs de  Montfalcon  en  Bugey,  et  il  renvoie,  à  l'appui  de  son  dire,  à  Guichenon, 
Histoire  de  la  Bresse,  continuation  de  la  3°  partie,  p.  174.  Ces  Montfalcon  étaient 
barons  de  Flaccieu,  et  seigneurs  des  Terreaux  et  de  la  Balme  sur  Assens.  Mais 
cette  distinction  n'est  vraie  qu'à  partir  de  la  seconde  moitié  du  xive  siècle.  Cette 
maison,  en  fait,  se  rattachait  aux  comtes  de  Montbéliard. 

*  M.  Gross,  que  nous  avons  consulté  à  ce  sujet,  croit  que  ce  nom  peut  cependant 
désigner  la  ville  de  Dôle,  attendu  que  dans  beaucoup  de  ces  termes  géographiques 
Fhébreu  ajoute  un  s  qui  n'est  ni  en  français,  ni  en  latin,  par  exemple  dans  Anjou 
tÛT^S  —  Anjous. 

T.  XLIII,  N°  86.  16 


42  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

de  1348  (peste  noire)1.  Il  habitait  alors,  sans  doute,  la  Franche- 
Comté  ou  le  Dauphiné. 

L'identité  de  Samson ,  fils  d'Isaac ,  ne  laisse  place  à  aucune 
hésitation  ;  c'est  incontestablement  Samson,  fils  d'Isaac  de  Ghinon, 
un  de  ceux  qu'Isaac  de  Lattes  mentionne  aussi  à  côté  de  Joseph 
131TJ  et  d'Isaac  Petit  ;  c'est  l'auteur  célèbre  du  mrnnD  'o  Nos 
documents  servent  ainsi  à  résoudre  définilivement  un  problème 
de  chronologie  relatif  à  la  date  de  la  mort  de  ce  rabbin.  Alors 
que  le  Youhasin  (éd.  Filipowski,  p.  233)  la  place  en  1312,  le 
Schalschélet  Hakabbala  (éd.  Vienne,  53  b)  en  1310,  et  M.  Gross 
vers  1330,  nous  voyons  encore  consulter  Samson  de  Ghinon  après 
1339.  Ainsi  se  confirme  en  partie  l'hypothèse  de  Graetz,  qui  le  fait 
vivre  jusqu'en  1350. 

Joseph  de  iNT^an»  est  évidemment  le  même  que  Joseph  de 
■jKTarwa  (Mussidan,  Dordogne)  dont  M.  Gross  (Gallia  judaica, 
p.  338  et  107)  a  retrouvé  le  nom  dans  le  Likkouté  Amarhel,  éd.  de 
Vienne,  p.  34.  C'était  le  gendre  de  Baruch  de  iswta,  qui  correspon- 
dit avec  Salomon  b.  Adret  et  Samson  de  Rodez,  c'est-à-dire  Sam- 
son de  Chinon,  qui  demeura  à  Rodez.  Ces  renseignements  confir- 
ment la  date  que  nous  assignons  au  procès  dont  nous  nous  occu- 
pons. D'autre  part,  étant  donnée  l'aire  géographique  où  doit  être 
placé  le  tribunal  de  ce  Joseph  de  Mussidan,  il  est  à  présumer  que 
^BSîa  désigne  bien  Besançon. 

Mais  il  nous  est  impossible  d'établir  l'identité  des  autres  rabbins 
qui  se  prononcèrent  dans  ce  débat.  On  ne  sait  rien  ni  de  Menahem 
de  Spire,  ni  de  Jacob  b.  Eç  Hayyim  de  pmniznca.  Quelle  était, 
même,  cette  dernière  localité?  On  croirait  volontiers  à  une  faute 
de  copiste  pour  p-rma-oo,  Strasbourg,  si  ce  nom  n'était  pas  porté 
par  un  autre  rabbin,  Joseph  Hayyim,  fils  d'Aron  pTnunu2.  Il 
est  peu  vraisemblable  qu'une  pareille  erreur  ait  été  commise  par 
deux  scribes  différents.  Notre  Jacob  b.  Eç  Hayyim  était-il  ap- 
parenté à  ce  Joseph  Hayyim  ? 

XL  Isaac,  fils  de  Mardochée  Kimhi  ou  Petit,  et  ses  corres- 
pondants. On  voit ,  par  la  simple  énumération  des  mémoires 
composés  par  notre  Isaac  à  propos  de  ce  procès,  la  fécondité  de 
son  activité.  Cette  activité  se  manifeste  déjà  dans  les  diverses 
consultations  de  lui  conservées  dans  deux  mss.  analysés  ici 
par  M.  Neubauer3.  Dans  le  premier  (au  British  Muséum,  n°  Add. 
22.089),    elles  figurent  :   1°  69  6,    100  c    (destinataire   :   Yehiel 

1  Schaaré  Sion,  éd.  Buber,  p.  47. 

1  Voir  Jew.  Quart.  Review,  XIV,  p.  191. 

3  Voir  Revue,  t.  XII,  p.  81  et  suiv. 


UN  RECUEIL  DE  CONSULTATIONS  DE  HABWNS  243 

b.  Hanasi  R.  Moïse  Wi  izjin),  101  d,  103  d-l01c  (réponse  au 
même  Yehiel),  358  d,  363  a  (destinataire  :  Jacob  de  Carcas- 
sonne).  Dans  le  second  (à  la  Bodléienne,  n°  2550  du  Catal.  Neu- 
bauer),  elles  constituent  les  nos  78,  79,  97,  98,  109,  112  (ré- 
ponse à  Bondia  Duran  de  Perpignan),  115  et  123.  Mais  c'est 
dans  notre  ms.  que  se  montre  le  mieux  l'autorité  qui  s'atta- 
chait à  sa  science  rabbinique  et  l'étendue  de  ses  connaissances 
talmudiqûes.  Les  fos  119  &-205  b  forment  un  recueil  incomplet  — 
car  le  ms.  s'arrête  brusquement  au  milieu  d'une  phrase  —  de  sa 
correspondance.  Le  recueil  fut  composé  par  un  de  ses  disciples, 
comme  le  dit  la  mention  placée  au  f°  119  b  :  "un  mbaiûtt  iba 
rf'nbt  ■Wfà.'n  bran  mn  fa  Yati  pnr  'nn  irmxib.  «  Consultations 
adressées  à  notre  maître  R.  Isaac  —  que  Dieu  le  protège  —  fils  de 
défunt  le  grand  R.  Mardochée.  »  Les  différentes  pièces  de  cette 
compilation  ne  sont  pas  toutes  signées ,  mais  le  nom  de  notre 
rabbin  y  reparaît  assez  souvent  pour  qu'il  ne  reste  aucun  doute 
sur  la  provenance  de  ces  consultations  anonymes,  destinées,  d'ail- 
leurs, pour  la  plupart,  au  même  correspondant,  comme  nous  le 
verrons. 

D'après  Isaac  de  Lattes  (ib.,  p.  47),  Isaac  Petit  est  l'auteur  de 
nombreux  écrits,  d'un  commentaire  de  la  plus  grande  partie  du 
Talmud,  de  novelles  rabbiniques  et  de  décisions  :  bVlDïl  toanm 
■îan  kiïti  3>"d  û^b  '"^tt  m-o^n  TPûp  wra  'na  pnar  'n 
r-nwann  nwsai  Tittbnn  a-na  &posi  D'wrm  iBT-psn  taman. 
Nous  ignorons  les  travaux  qu'il  a  consacrés  aux  «  autres  sciences  », 
dont  parle  Isaac  de  Lattes,  mais  nos  Consultations  apportent, 
pour  le  reste,  la  confirmation  du  dire  de  ce  rabbin.  Il  y  est 
plusieurs  fois  question  de  ses  commentaires  du  Talmud  ,  en 
particulier,  de  celui  de  Yebamot  ;  enfin,  un  de  ses  disciples 
mentionne  un  traité  de  lui,  relatif  au  Talmud,  du  nom  de  •nytD 
ÏTSt.  C'est  précisément  le  titre  de  l'ouvrage  d'Isaac  de  Lattes  qui 
vient  d'être  cité. 

Les  matières  sur  lesquelles  portent  ces  écrits  divers  étaient,  sans 
doute,  traitées  à  l'école  qu'il  dirigeait.  Un  de  ses  disciples  lui 
rappelle  une  interprétation  qu'il  lui  a  entendu  donner  d'un  passage 
du  Talmud,  alors  qu'il  suivait  ses  leçons  à  Orange  (131  a). 

Les  détails  biographiques  contenus  dans  ses  Consultations  sont, 
comme  on  le  devine,  fort  maigres.  Une  note  y  revient  fréquem- 
ment :  ce  sont  des  doléances  sur  l'excès  de  ses  occupations.  C'est 
qu'il  apportait  dans  l'exercice  de  ses  devoirs  professionnels  une 
grande  conscience  ;  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  à  propos  du  procès 
de  Samson,  il  étudiait  à  fond  les  questions  qui  lui  étaient  soumises 
et  souvent  en  s'y  reprenant  à  plusieurs  fois. 


244  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Il  avait  eu  pour  maître,  outre  son  frère  Mardochée,  R.  Ascher, 
qui  est  probablement  Ascher  de  Lunel  (156  a).  Du  vivant  de  son 
père,  reconnu  lui-même  pour  une  autorité  en  matière  rabbinique, 
il  avait  acquis  une  grande  notoriété  et,  de  toutes  parts,  on  le 
consultait.  C'est  ainsi  que  son  avis  fut  sollicité  une  fois  dans  un 
débat  qui  agita,  en  1305,  tous  les  rabbins  du  Midi.  Isaac  Haccohen 
de  Manosque,  discutant  avec  son  ancien  élève  Baruch,  dans  un 
moment  de  colère  le  traita  d'ignorant,  de  fou,  de  méchant  et 
d'entêté.  A  quoi  l'autre  répondit  par  une  critique  voilée  qu'Isaac 
considéra  comme  une  offense.  Il  adressa  de  tous  côtés  des  lettres 
à  ses  collègues  pour  les  faire  juges  de  l'injure  et  leur  demander  si 
linsolent  ne  devait  pas  être  frappé  d'excommunication,  mesure 
qu'il  avait  prise.  Isaac  Josué  b.  Immanuel  de  Lattes,  dans  son 
recueil  de  Consultations,  ne  nous  a  pas  conservé  moins  de  quatre 
réponses  qui  lui  furent  envoyées  à  ce  sujet  :  1°  de  Yekoutiel  b. 
Samuel  ;  2°  de  Méir  b.  Isaïe,  David  b.  Samuel  d'Estella,  Joseph 
Samuel  b.  Abraham,  Baruch  b.  Néria,  et  Nehémia  b.  Schealtiel, 
habitants  d'Avignon  l  ;  3°  d'Abraham  b.  Isaac  d'Aix,  David  b. 
Samuel,  Salomon  b.  Juda  et  Joseph  Samuel  b.  Abraham2  ;  4°  «  des 
plus  petits  du  troupeau  d'Arles  »  :  Salomon  b.  Juda3,  Jacob  b. 
Salomon  b.  Isaac,  Juda  b.  Salomon  b.  Juda,  Abraham  b.  Juda 
b"»nu3^,  Juda  b.  Todros  b.  Juda,  Samson  b.  Jacob,  Menahem  b. 
Ruben,  Yomtob  b.  Joseph,  Juda  b.  Calonymos.  Notre  recueil  de 
Consultations  nous  montre  que  Mardochée  Petit  dut  également 
donner  son  avis  sur  le  point  en  litige  et  Mardochée  nous  apprend 
que  son  fils,  sur  les  instances  d'Isaac  de  Manosque,  avait  déjà  écrit 
son  sentiment  sur  les  questions  de  droit  soulevées  par  le  différend 
et  les  divers  incidents  qui  s'y  étaient  greffés4.  La  réponse  de  Mar- 
dochée, comme  la  demande,  ne  renferme  aucun  nom  propre,  mais 
comme  la  question  est  exactement  la  même  que  celle  du  recueil 
d'Isaac  de  Lattes,  il  n'est  pas  douteux  qu'elle  fut  adressée  à  Isaac 
de  Manosque.  La  seule  variante  qu'offre  notre  document  porte  sur 
la  repartie  de  Baruch.  D'après  les  autres  textes,  il  aurait  dit  à  son 
maître  :  «  Si  je  suis  ignorant,  ce  n'est  pas  à  cause  de  ma  paresse 
et  pour  avoir  négligé  de  fréquenter  les  écoles  :  moi,  je  n'ai  pas 
voyagé  dans  le  monde  pour  me  promener.  »  D'après  le  nôtre,  la 
riposte  est  plus  brève  et  plus  circonstanciée  :  «  Si  je  suis  un  igno- 
rant, ce  n'est  pas  pour  être  allé  à  Rome  et  avoir  passé  la  mer  l  » 

1  Tel  me  paraît  être  le  sens  du  mot  Avignon  qui  termine  ces  signatures. 

2  David  b.  Samuel  et  Joseph  Samuel  avaient  déjà  signé  la  précédente  déclaration. 
Joseph  Samuel  était  le  fils  d'Abraham  d'Aix. 

*  Le  même  que  dans  le  précédent  document. 

4  L'intervention  dont  il  est  parlé  dans  la  demande  adressée  à  Mardochée  est  celle 
de  rabbins  français. 


UN  RECUEIL  DE  CONSULTATIONS  DE  RABBINS  245 

Quel  souvenir  se  rattachait  ainsi  à  un  voyage  d'Isaac  de  Ma- 
nosque,  c'est  ce  que  nous  ignorons  [Pièces  just.,  XI). 

Une  autre  fois,  certains  savants  de  Narbonne  soumirent  à  notre 
Isaac  un  cas  relatif  à  la  cérémonie  du  déchaussement  et  il  trans- 
mit leur  lettre  au  célèbre  Salomon  b.  Adret,  parce  que  l'opinion 
de  celui-ci  était  enjeu  (Pièces  justifîcat.,  XII).  Par  la  signature, 
on  voit  que  son  père  vivait  encore. 

Isaac  n'était  pas  le  seul  savant  de  sa  famille.  Il  avait  un  frère 
médecin,  du  nom  de  Maestre  Astrug  (voir  plus  loin). 

Le  seule  date  qui  se  rencontre  dans  ses  Consultations  est  celle 
d'Iyar  1339  (129  b)  : 

***bn  a"s   n*"N   unn  ©an   VDroio   ïtmi  •poBiaa  Nit^a  ito  *iy 

*nnrû,i  û-nnarr  triEr-nn  *p-^b  vibiinn  wsyi  trac  ûvm  "««as  ^b 
toiafco  dia^-"   Tibab  bas  rtrab»i"i  b?   tsbi  ihn  Ss  b*   nr»nn 

La  liste  de  ses  correspondants  ajoute  quelque  peu  à  nos  connais- 
sances sur  les  rabbins  de  ce  temps.  Nous  l'avons  dressée  en  suivant 
l'ordre  des  matières  de  notre  recueil  : 

1°  Nathan  Hayyim  de  Draguignan  (f°  119  &- 121  &),  qui  lui 
adresse,  coup  sur  coup,  deux  lettres  en  l'accablant  de  compli- 
ments. Il  lui  exprime  ses  condoléances  à  propos  de  la  mort  de  son 
frère  Astrug  (Pièces  justificat.,  XIII).  Peut-être  est-ce  le  même 
que  Crégut  Hayyim  de  Draguignan  qui  se  trouvait  à  Hyères  vers 
1340.  (Consultations  d'Isaac  de  Lattes,  p.  88,  d'après  Gross,  Gallia 
jadaica,  p.  170.) 

2°  Yedaya  b.  Samuel  de  Lunel,  alias  Bonet  de  Lunel ,  qui 
lui  écrit  au  nom  de  sa  communauté  ;  mais  quelle  était  cette 
communauté  ?  Nous  l'ignorons.  Nous  savons  seulement  qu'elle 
faisait  partie  des  États  du  Pape,  c'est-à-dire  du  Comtat  Venaissin. 
En  effet,  la  consultation  débute  par  ces  mots  :  Un  chrétien  avait 
affermé  de  notre  seigneur  le  Pape  les  produits  d'une  localité 
appelée  Montaget.  Ledit  chrétien  avait  préposé  deux  Juifs  à  la 
perception  de  ces  produits  et  les  avait  chargés  de  procéder  aux 
vendanges  et  à  la  fabrication  du  vin,  de  manière  que  ce  vin  pût 
être  vendu  à  la  population  juive  [Pièces  justificatives,  XIV). 

3°  Joseph  de  Lunel,  rabbin  de  Marseille.  Il  n'est  pas  sûr  que  ce 
rabbin  ait  correspondu  avpc  notre  Isaac.  Voici,  en  effet,  tout  ce 
qu'on  lit  à  son  sujet  :  b^nVi  rpT  '-n  1OT  ïrwbflHBtt  dDfin  Tnabi 
i:pn  V^  man  v^mn  mn  anse  rm  bsn  pbin  «  Termes  du  savant 
de  Marseille  nommé  Joseph  de  Lunel.  Il  conteste  tout  ce  qu'a  écrit 


246  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

le  rabbin  allemand,  mais  nous  n'avons  pas  ses  paroles  »  (125  a). 
Ce  titre  est  obscur  et  l'on  ne  devine  pas  le  motif  pour  lequel  il  a 
été  inscrit  ici,  d'autant  plus  que  dans  la  consultation  précédente,  il 
n'est  pas  question  de  ce  rabbin  allemand.  —  Joseph  de  Lunel  est- 
il  identique  à  Joseph  b.  Yohanan,  qui  fut  rabbin  de  Marseille  vers 
1343?  Dans  ce  cas,  celui-ci  ne  serait  pas  Joseph  b.  Yohanan 
Trêves,  comme  le  croit  M.  Gross.  Mais,  à  notre  connaissance,  le 
nom  de  Yohanan  n'était  pas  fréquent  dans  le  Midi  de  la  France  ; 
l'identité  de  notre  Joseph  de  Lunel  avec  Joseph  b.  Yohanan  ne 
paraît  donc  pas  plausible.  11  est  plus  vraisemblable  que  c'est  le 
même  que  Joseph  b.  Juda  Lunel,  rabbin  de  Marseille,  qui  en  1343 
signa  un  document  dans  une  affaire  où  notre  Isaac  Petit  et  Lévi 
b.  Gerson  furent  consultés  (Voir  Isaac  de  Lattes,  Consultations, 
p.  87  et  93). 

4°  Nathan,  fils  du  saint  et  pieux  Isaac.  Pendant  qu'il  était  à 
l'école  d'Isaac,  à  Orange,  son  maître  avait  été  interrogé  sur  l'inter- 
prétation d'un  passage  talmudique  et  avait  à  ce  propos  présenté 
des  objections  devant  ses  élèves.  Nathan  lui  écrit  son  opinion 
sur  la  question.  Il  ajoute  qu'ayant  consulté  ses  manuscrits,  il  y  a 
trouvé  de  vieilles  Tosafot  rédigées  de  la  main  de  Jacob  de  "va^ia, 
contenant  l'objection  et  la  réponse  données  plus  haut  et  expri- 
mées déjà  par  R.  Isaac  —  un  des  Tosafistes  de  ce  nom.  Il  a  retrouvé 
la  même  opinion  dans  le  recueil  d'Éliézer  de  Touques  sous  le  nom 
de  Samuel  b.  Hayyim  (de  Verdun,  Tosafiste  célèbre,  élève  de 
R.  Tam).  Il  envoie  en  même  temps  ses  compliments  à  son  frère 
Maestre  Astruc.  —  Ce  Nathan  ne  nous  est  pas  autrement  connu; 
nous  ne  savons  pas  davantage  en  quelle  circonstance  son  père 
Isaac  mourut  martyr  de  sa  foi,  ou  victime  d'un  mouvement  popu- 
laire (ce  qu'indique  l'épithète  saint).  —  Quant  au  nom  de  ■Mima 
qui  se  rencontre  ici  pour  la  première  fois,  comme  on  ne  sait  où  le 
placer  sur  la  carte,  il  serait  vain  de  vouloir  l'identifier1.  A  la 
lettre  de  son  correspondant,  Isaac  Petit  répond,  entre  autres, 
qu'il  a  déjà  traité  la  question  controversée  dans  son  commentaire 
de  Yebamot. 

(A  la  suite  de  cette  réponse  vient  une  consultation  de  Samuel 
b.  Gerson  en  réponse  à  la  demande  d'Eléazar  de  Tarascon  (133  a). 
Cette  pièce  semble  s'être  égarée  en  cet  endroit.) 

4°  Don  Dieulosal  dCUzès.  Il  soumet  un  problème  de  casuistique 
à  Isaac  Petit  (voir  Pièces  justificatives,  XV),  et  celui-ci  y  répond 
en  démontrant  longuement  que  la  question  ne  peut  même  pas  se 
poser  (133  b  —  135  b,  lacune  dans  le  ms.).  Dieulosal  réplique  en 

1  II  y  a  un  Avessé  dans  l'Anjou 


UN  RECUEIL  DE  CONSULTATIONS  DE  RABBINS  247 

montrant  que  l'hypothèse  n'est  pas  si  invraisemblable  (136  &  — 
141  a).  Isaac  riposte  à  cette  attaque  (141  a  -  143  a).  —  Don  Dieu- 
losal  d'Uzès,  qualifié  par  Isaac  de  tobusn  tDn  «  savant  parfait  », 
n'était  pas  connu  jusqu'ici. 

5°  Hayyim.  Un  certain  Hayyim  avait  également  soumis  un  cas 
à  Isaac  Petit,  et  ce  dernier  n'avait  pas  manqué  de  répondre  à  la 
demande  de  son  correspondant.  Cette  consultation  fut  suivie  d'une 
nouvelle  lettre  de  Hayyim  (la  première  de  notre  recueil,  143  a-b), 
sollicitant  du  maître  un  complément  d'instruction.  Isaac,  cette  fois 
encore,  s'empressa  de  fournir  tous  les  éclaircissements  désirables 
(f°  143  b  —  146  a).  Après  cette  pièce  viennent  ces  mots  :  «  Nom- 
breuses sont  les  lettres  qui  furent  écrites  sur  cette  question,  mais 
comme  elles  sont  trop  longues  et  qu'elles  ont  été  réunies  dans  un 
recueil  composé  par  un  des  disciples  de  R.  Isaac,  je  me  suis  dis- 
pensé de  les  copier.  En  outre,  le  consultant  a  rédigé  des  vers  à  la 
manière  des  chanteurs  à  la  fin  de  ses  lettres  et  les  voici.  »  [Pièces 
justificatives,  XVI.  ) 

Il  paraît  qu'Isaac,  occupé  des  affaires  publiques,  n'avait  pas  eu 
le  temps  ni  l'idée  de  jeter  un  regard  sur  le  factum  de  Hayyim.  Plus 
tard  l'ayant  ouvert  en  présence  de  ses  disciples,  il  exprima  tout 
haut  son  irritation  :  il  était  fatigué  de  répondre  à  un  quidam  aussi 
ignorant,  qui  ne  le  comprenait  même  pas  :  comme  si,  dit-il,  je  par- 
lais copte  ou  grec.  Que  si  l'un  de  ses  élèves  voulait  se  donner  la 
peine  de  lui  répliquer,  il  lui  en  laissait  la  liberté.  Ce  fut  Isaac  b. 
Samuel1  qui  accepta  cette  tâche,  et  il  s'en  acquitta  avec  vivacité 
et  rudesse.  De  (°  147  a  à  150  b  se  lit  la  réponse  de  cet  Isaac  :  il 
prend  une  par  une  les  assertions  de  Hayyim  et  les  combat  vigou- 
reusement (voir  Pièces  justificatives,  XVII). 

5°  Anonyme  désigné  sous  le  titre  «  mon  frère».  A  partir  du 
f°  151  b  viennent  des  consultations  et  de  simples  décisions  d'Isaac 
en  réponse  à  des  questions  posées  par  un  correspondant  qu'il 
appelle  simplement  son  frère.  Il  ne  semble  pas  de  prime  abord 
y  avoir  de  raison  de  voir  dans  ce  titre  un  simple  terme  d'amitié. 
Ce  qui  confirmerait  cette  opinion,  c'est  qu'Isaac  emploie  cou- 
ramment, dans  la  discussion,  des  expressions  comme  celle-ci  : 
«  sache,  mon  frère  »,  «  vois,  mon  frère  »,  «je  te  montrerai  », 
«  je  vais  t'écrire  ce  que  j'ai  lu  »  ;  en  outre,  il  n'use  d'aucun  de  ces 
compliments  hyperboliques  qui  étaient  de  style  à  l'adresse  des 
correspondants  ordinaires.  Mais,  comme  plus  loin,  172a,  cet 
inconnu  se  sert  d'expressions  d'humilité  qui  détonneraient  dans 

1  Un  Isaac  b.  Samuel  signe,  en  qualité  de  témoin  un  acte  rédigé  à  Forcalquier  en 
1326  (ms.  du  British  Muséum  cité  plus  haut,  f°  33).  On  a  vu  plus  haut  qu\in  des 
membres  du  tribunal  de  tfjbTT,  vers  1339,  portait  également  ce  nom. 


248  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

la  bouche  d'un  frère  (voir  Pièces  justificatives,  XVIII),  il  faut 
renoncer  à  cette  hypothèse. 

Parmi  ces  courtes  consultations,  il  en  est  qui  ne  sont  pas  sûre- 
ment adressées  à  cet  anonyme.  L'une  d'elles  est  envoyée  à  un 
certain  Méir  (Pièces  justificatives,   XIX). 

Dans  le  nombre,  il  en  est  qui  ne  manquent  pas  d'intérêt  pour  le 
fond.  Nous  signalerons,  entre  autres,  celle  de  f°  159  a-b  qui  est 
relative  aux  enterrements  ayant  lieu  le  second  jour  de  fête  (voir 
Pièces  justificatives,  XX),  celle  de  f°  160  (Pièces  just.,  XXI).  C'est 
ainsi  que  par  lui  on  apprend  que  les  Juifs  méridionaux  avaient 
l'habitude  de  dresser  leurs  contrats  de  mariage  devant  le  notaire. 
Son  correspondant  anonyme  le  consulte  au  sujet  des  Juifs  qui 
afferment  l'octroi  du  vin  (161  a-&),  des  femmes  dont  le  mari  s'est 
baptisé  et  qui  veulent  divorcer  (voir  Pièces  justificatives,  XXII), 
d'une  femme  qui  avait  été  chassée  de  France  par  l'exil  et  avait 
abandonné  son  mari  devenu  chrétien  (Pièces  just.,  XXIII). 

6°  Yehiel,  fils  de  Moïse  Wi  ttna.  (177  &-179). 

Le  ms.  du  British  Muséum  contient  deux  autres  questions  de  ce 
même  rabbin  adressées  à  notre  Isaac;  c'est  tout  ce  que  nous 
savons  de  lui.  Ce  terme  détruira  était-il  une  simple  épithète  ou 
un  nom  de  famille?  Dans  l'acte  cité  plus  haut  et  qui  fut  signé  à 
Forcalquier  en  1326,  un  des  témoins  s'appelle  tw  Sa  y^nN 
bti  lira.  On  a  vu  plus  haut  un  autre  rabbin  de  la  région  qui  joint 
ce  qualificatif  au  nom  de  son  père. 

1°  Samuel  b.  Mardochée.  Le  père  de  ce  rabbin  portant  le  mê.ne 
nom  que  celui  d'Isaac  Petit,  on  serait  également  tenté  de  faire  de 
Samuel  et  d'Isaac  deux  frères,  mais  les  formules  dont  Samuel  se 
sert  dans  sa  lettre  excluent  cette  supposition  (voir  Pièces  justifi- 
catives, XXIV).  Samuel  b.  Mardochée  n'est  probablement  pas  non 
plus  le  même  que  le  correspondant  de  Salomon  b.  Adret1,  car 
s'il  a  échangé  des  lettres  avec  ce  dernier,  il  devait  être  pour  le 
moins  le  contemporain  d'Isaac,  s'il  n'était  pas  son  aîné,  et  il  ne 
s'intitulerait  pas  ici  «  l'un  de  ses  plus  jeunes  disciples  ». 

8°  Lévi  b.  Gerson.  C'est  le  fameux  théologien,  si  hardi  dans  ses 
conceptions  philosophiques.  On  doutait  jusqu'ici  qu'il  se  fût  jamais 
occupé  de  casuistique.  Il  a  bien  rédigé  des  commentaires  sur 
la  méthodologie  talmudique  et  sur  les  passages  agadiques  du 
ch.  v  de  Baba  Balra;  mais  on  ne  savait  pas  au  juste  s'il  avait 
jamais  traité  des  questions  pratiques  comme  les  rabbins  de  son 
temps.  Une  consultation  sur  ^tjs  hs  que  lui  attribue  Joseph 
Alaschcar  est  peut-être,  en  réalité,  de  notre  Isaac  (Revue,  XXXIX, 

1  Gross,  Revue,  t.  IV, 


UN  RECUEIL  DE  CONSULTATIONS  DE  RABBINS  249 

p.  76  et  suiv.).  Un  autre  document  du  même  genre,  daté  du  lor  jan- 
vier 1343,  est,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  inséré  dans  le  Re- 
cueil d'Isaac  de  Lattes  (p.  87-93).  Or,  dans  la  signature,  il  écrit 
«  le  plus  jeune  des  jeunes  élèves  »,  et  à  cette  date,  il  avait  cin- 
quante-trois ou  cinquante-cinq  ans  et  avait  déjà  composé  ses 
ouvrages  les  plus  importants.  «  Il  est  très  douteux,  dit  M.  Neu- 
bauer  (Les  Écrivains  juifs  français  du  XIV6  siècle,  p.  599 
ou  253),  que  Lévi  se  soit  appelé  à  cet  âge  le  plus  jeune  des 
jeunes,  quoiqu'une  formule  de  modestie  semblable  soit  possible  ; 
d'un  autre  côté,  après  la  composition  de  tant  d'ouvrages  philoso- 
phiques et  des  interpétations  de  la  Bible  au  sens  rationaliste, 
nous  n'admettons  guère  qu'on  l'ait  consulté  comme  autorité  rab- 
binique.  Nous  croyons,  par  conséquent,  que  Fauteur  de  la  réponse 
est  un  des  homonymes  de  Lévi  ben  Gerson.  »  Dans  notre  docu- 
ment, Isaac  répond  incontestablement  au  célèbre  Lévi  ben  Gerson 
et  non  à  un  de  ses  homonymes;  c'est  au  moins  l'opinion  du  dis- 
ciple d'Isaac  qui  a  rédigé  le  registre  de  ses  Consultations,  car  il 
l'appelle  «  le  philosophe  théologien  »;  d'autre  part,  notre  Isaac  lui 
parle  d'un  ton  qui  trahit  la  vénération  qu'il  professait  pour  lui. 

On  voit  par  la  réponse  d'Isaac  que  Lévi  b.  Gerson  avait  rédigé 
un  opuscule  traitant  d'une  question  de  casuistique  pour  laquelle 
il  avait  été  en  discussion  avec  le  «  grand  prêtre  »,  c'est-à-dire 
Isaac  Hacohen  b.  Juda  de  Manosque  *,  suivant  la  note  marginale 
de  notre  ras.,  qui  est  probablement  de  la  main  de  Joseph  b. 
Leb.  Cet  Isaac  de  Manosque  était  un  autre  correspondant  de 
notre  Isaac.  Dans  sa  lettre,  Lévi  b.  Gerson  avait  fait  allusion, 
semble-t-il,  à  l'acte  d'irritation  dont  nous  avons  parlé  plus  haut. 
Notre  Isaac  proteste  de  son  respect  pour  son  homonyme,  dont 
l'autorité  est  aujourd'hui  universellement  reconnue  et  qui  est 
maintenant  très  âgé,  et  il  dit  qu'il  n'a  pas  voulu  s'immiscer  dans 
la  querelle «. 

La  réponse  d'Isaac  Petit  n'occupe  pas  moins  de  11  feuillets,  et 
nous  regrettons  de  ne  pas  pouvoir  la  reproduire  in  extenso 
{Pièces  justificatives,  XXV).  Le  ton  de  la  lettre  est  très  digne  et 
Isaac  parle  avec  émotion  d'Isaac  de  Manosque. 

9°  Ibn  Merwan  b.  Moïse  de  May r argues  (116  a-1 18  a).  Ce 
rabbin  ne  consulta  pas  Isaac,  mais,  au  contraire,  fut  sollicité  par 

1  Le  même  probablement  qui  signe  le  document  du  ms.  du  Br.  Mus.,  32a,  et  le 
n°  114  du  ms.  de  la  Bodléienne  :  "{^Drî  !"mrP  '"13  mb^ïT  pn^.  C*est  lui 
que  consulte  une  fois  Isaac  Petit,  et  il  lui  répond  :  Comment  un  savant  comme  toi 
interroge-t-il  un  homme  comme  moi  ?  11  signe  également  :  pn^  "PJPXÏl  "ON 
iTTDn  rnim  ""H  mb^n-  (Consultations  d'Isaac  de  Lattes,  p.  51.) 

1  II  semble  ainsi  se  mettre  en  contradiction  avec  l'assertion  de  son  père,  voir  plus 
haut. 


250  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

celui-ci  d'exposer  son  opinion  sur  une  question  de  lettre  de  répu- 
diation (Pièces  justificatives,  XXVI).  Leras.  du  British  Muséum 
contient  une  autre  réponse  de  cet  auteur,  f°  67  a,  signée  jKVitt  \2& 
(puan  ba  dbvb  p*H£  =)  sabir  mM-p^»]*!  nvn  '-a. 

Les  lumières  que  notre  Recueil  de  Consultations  nous  apporte 
sur  l'activité  des  rabbins  du  xme  siècle  et  de  la  première 
moitié  du  xive,  comme  aussi  les  nombreux  problèmes  littéraires 
qu'il  soulève,  montrent  que,  malgré  la  richesse  de  nos  informa- 
tions sur  ce  temps,  nous  sommes  loin  de  le  connaître  à  fond.  Il 
faudra  de  nombreuses  bonnes  fortunes  semblables  à  celle  qui  nous 
a  fait  entrer  en  possession  de  ce  ms.  pour  que  nous  puissions  dé- 
peindre avec  précision  et  sous  toutes  ses  faces  la  vie  de  ces  com- 
munautés du  midi  de  la  France,  où  l'étude  du  Talmud,  jointe  à 
celle  des  autres  sciences,  ne  subit  pas  d'éclipsé  jusqu'à  la  fin  du 
xive  siècle  *. 

Israël  Lévi. 


APPENDICE 
x. 

183  6.   En  tête  vient  une  ligne  coupée  par  le  relieur,  puis 

(a) 

bai»©  'i  a^Sii  *p 
•p  îwnw  'n  -mm  b*  wnu)  wn  n&«p  rm  w»  fiisu)  bip 
banaiz)  'n  aiwi  maa  nvraaïi  vb*  iyfy'*  xyaTt  brpa  bwnw  'nsn 
ï-ra  |rrflpne  tnanb  m-r  ^a  i?aNb  rpnvnen  ïwït  ni»  a^n 
i-rn  û^?3^di  voaa  baa  t^aam  "pbinn  rrm  lie»©  'na  naia 
iniDs  mn  ipbNDan»  nu:  mn  b\o  "-îaïai-n  "ittiaa  wnp«  anis 
rpircn  -n««  'na  ^"w  j^d^t  'awrçi  /noioi  tiidee  'in  bu: 
'm&o  ,'bnxia  n;b  -wbp  t-n^a  '?ûn  ■**»  r^bi  "i-pan  bu:  Trmiaia 
r-ianan-  'tt^ab  ia^n»  t^bn  ,*"Oi  ■»©»  a-ib  ûnon  t-rôam  anw?  'o 
San  ïsen  t»n  «j^n  ■*«  p^n  ^dosi  aoai  hrrô   «ibn»  iosn 

1  T.  XXXIX,  p.  227,  nous  avons  identifié  la  forme  ^bifc  avec  i3>bO  et  donné  à 
David  b.  Saul  le  patronymique  Sali.  C'est  probablement  à  tort,  i^bst  doit  plutôt  être 
pris  pour  une  formule  eulogique  =  !"PrP  ûbl^b  p"H£,  «t  signifie  simplement 
«  défunt  ». 

2  Baba  Kamma,  98  a. 

3  Ketoubot,  86  a  ;  cf.  5a£«  Kamma,  98  6. 

4  Voir  Baba  Batra,  70  a. 

5  Ketoubot,  85  *. 


UN  RECUEIL  DE  CONSULTATIONS  DE  RABBINS  251 

/tairr  pi  in»  t^Doa^  KoaNi  taynya  n^an  «b  un  t^na  maïaa 
,Ta*  tt-iu»  ^*  irm  'S'naôrpna  n"aa  nain  -nbm  Ta»  "pttjaro 
lass*  bmaa  "nm  Taan  i"a  -itth  yna  ma  *p^  ^  s^nsnaun 
J-in  /inN  inpcT  s^nanfin  'a^ab  ïr^aa  ba  nabi  wan  *paan 
ina  aan  mis  S*  r<bx  ocna  esb  dn  'Taa^Na  '^Na  '-irr  "piob 
î-nn  taaw?  'a^a  a"$  /ntas  nt  nbiT  laaa  bwa  t^tbi  -inas  mt»b 
mm  r**nr7N  mn  nmN  da  pan  b-na  "paa  laaa  ^n-nb  oaan 
n"an  *wn  o^sb  inaato  -i"an  b*  ia-iîa  pb  ,ûbizjb  a-^m  r^na 
ï-tt  -nna-<  in  ï-it  laanaa  nman  nnN  et»  'b  fin  ts^n  b&oa\a 
wao">   Nb  taatn  fâîTosb  nfmïh  i^^i  *inN   rtn  ^n^  dan  Tain 

iva  THW1 ta^n    'nn 

s*nfi   "nn dw  'n   fin   u)bn 

ts-nn  y?  -V'm  ap*|>] pno  npma  i:rwa 

Ensuite  cinq  lignes  disparues. 

184  a.  (b) 

naaiua  TaaiUNai  ï-iara-wnsa  a^aa^ïi  ba  vmaa>a  nbu)  "prais  Yan 
iaa>  d^auîa  "nanta  rp'p  Tnrt  *sé3  Taa  na^Tai  *&rtn  nanann  ba> 
■Varna  anv  ITfï  «b  "ppbDa-ia  niab  «iîin  s-inn  ibdid  na>a  *a 
taiba  Nbn  maa>  c^b  p  ïrfi  dan  ,iau:a  maansn  bap  a^n  banne 
j^tirtn  ifcârtn  oawa  naa  na^a  Nirt  d&n  /ibra  na^aia  na  mtasb 
(i.  Noai)  Naoa"!  sentis  ^im  ainn  ntas  n-nioaa  naaoa  oat*  ■aaai 
Sa>  irpnaMi  nu:n  -loawa  a>au^uj  rrn  fan  pddt  ,mtt5a  t^DDai 
■»T  j**api  mai   nNitb  irnaa   ma   t**b   ï-it  rnbi    Tiûtbfr   ain    inn^ 

;  ntas'i*i  main 
npy^  '-in  t)Ov 
bN"i7ai2?  'na  pnr^ 
d^n  'n'rt'a  ynD 

W 

naaa  mw  iiy   i3i  biia  |^bà  i^maibn   mis   a^aanb  nbà    'i? 

:  p^nnuî-i^T  npy->  'n  nnn  mn 
t»<"i!iu5  larub  ^in^  mbs  nnarr  n-in  nana  ^a  main  nbnn 
ynnam  (mTaj  *jNnp  rmm  "ji^a  in^bn  mrainn  naT  "in-in  liujbn 
■•naittî  db-i^b  m^nnb  Tata  nn^  Stiîlf©  'na  '"ia>  #ï3Ynn  liujbn  nara 
.nTn  Tâsîl  ba  p-in  îiu:a>  ia^3Nb  nu:N7:  nrwwn  na«  nvainh 
.•jittîaia  '"ian  yan^n  ta^3  main  mta^  rr»n  rwrnn  ^nd  n?  nan 
ain  iniwNT  Ûf^atû  du:n  n^ïiia.  '{-'Dm^?^^  pn  r»  rs^n  t^b  dbi^73T 
nnn  usina  rr«r-tm  uî^n  &uja  iî^k  ab  (rtk)  rîba^  Nb  "îpbsaitt  ")U5  buî  bna 
t]*inu;n73  ^înai  .n-'by  ran  N^rr  n^n  p  nm  dw^i  .t^inrr  n«5M  n"1 
mia-n*»n  ipbnusa  muîn^ïi  ^ax  nn^ias  nn«   i^by  btai7:rj  nuîa»  aonrt 

1  Consultations  de  Méir  de  Rothenbourg,  éd.  M.  Bloch  (ù'iTlft   maïUJn  ^1$^} 
•^ina  '-13),  Berlin,  1891,  p.  212. 


252  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

SnaM  mn  S»  la*1"!  *-paa  ^arrratt  t-ianaia  j>aiaai  ,  pidYv 
•^riN  tn^n  'nrt  a©  mm  iNmaxaiET  ma?3  'n  "nïi  p  rpi^  "in 
îradi  lawip  ûï-naN  'mi  aa  muînvïi  nnN  b3>a  f  ira  Tara  'nîi  a>ana:-! 
nT2N  nvanri  ban  ,rrm«aîa  nwnna  îib«  ba  n^aiTai  d^riN  a^aaa 
...Man  û"»»U5rt   'a'a'Ta'n'n  nanun  ^a  mbtaa  an  *^d 

184 1.  {d) 

iTara  112:721   11U573U5  'mn  nd72    la^bN   t— ran  bTO   fcadn  sa    -nai 
nmar;  *prab  w»am  ^"p^ra  pnar  'n  aman  î^ir:  pnafc^  Ym  pnar  'nîi 
•p-DT  sba  n^ano  iiairan  \nanai  "pmn  ba>   m:n  amab  -«37373  rapai 

.îTairab  ï-ît-i  :  rmndrj7:  ra^N 

1855.  le) 

■nn»  'ro  mbimn  nwa»n  "p3  tamswr  anaTa  '"«an  bimn  ann 
n"nrt  m<asb  Tnam  ^av1  'nh  ipssra  pi  poon  ia  nTas:-:  ima^mn 
1723  ï^iDDd-i  NddT  ï^ï-iï-ï  nwi  p^d  nwara  riN-ia  •jiir373,o 
mias  p^aia  -Tnnra  "pN-ia  ù^ainia  'T2n  air:  and  'i*  ...tmnandra 
•primai  pifin  ba»  nbararai  ^maasan»  arniTa  mairanTa  ïm  ^am 
pian  "pxim  man  iffism  manw   bap  pitni  dîna    ^oni«  vrtuj 

Miipbn  braraa  la^arrï  •pariai  amn  masb 
.i-natpa.  s-jt  î-rtara  a"a> 

187  a.  (/•) 

■naaN  araai  pnar  i"na  pmr  Yn'ma  rmma  "mb  la^art  i^iada» 
aindb  •'57272  ©pab  vanp  nwai  lahin  iTaa  ptaTaia  'nns-i  bra  mndM 
man  vràmn  naara  d"^n  inbjnb  dinars  Sa  ba>  ^a»a  nranan 
fimb  ttaEnambi  tsaras  ^aan  aa>  d^donbi  /toot  nuisn  musa 
mûirn  '517272  iTa^aô  dda>  i>o!-nz:  ïtowd  'nnn  ba»  nai  warna  ba 
miTan  drj72  nbN  nnw  rwen  'iai  ïraa»  ninaab  iicn»  misai»  t«™ 
nnp^^:  rn^mna  ^72  latnïn  n^b^  inai  ^aratw  ba  bj  1^72 
!-i73d  nbarnb  1217272  itd  nidx  rn^i  nbian  bnp  bdb  i^i^^i  immom 
m^b72  m  bv  iaai  la^maiya  Tid-ONa  ■noa-inii»  nntani  n^a  rmu:s3 
iin  m^i  irt72d  bi^ia  by  nt  ■jiy  bina  ^a  d^-1172  dn72N72i  mani 
SaN  naa  rba>  ïiN2£"«tt5  mn  dit:  'nncna  taiî<  diu:  aaan  s^ba 
inNTi  ^tt^Domo  M72b  ^nTadoïi  rtbs  bd  n^  ^niNnai  /mb  i^^"«  bdn 
naid  ^sd  Dm  ^-03 n  tabiyn  *ima9  dib^m  roawri  ^rn  ^naiian 
imnaanurt  d272N  /dbiid-'  yiNa  ^la^r:  yiapm  .dbtî^i  dn^  i^ma 
tz^abinm  d^auî722  m^iim  *ioznn  nn«  d*»ma63m  mT-i^rr  û^ma^m 
^ttsas  dibuî  nvnaTia  n^dN  ï-nnnrt  ^a»  pb  d^duîn  ■'dbin  drs^dma 
■pi  pna  taaibn  iab-»i  d^n  id-iït»  p  dib^  bx  b«  ib^  man 
dai^bai  riN72^ïi  n«  ïmni  taïT'sa  itJ"«bï5i  Sab  dibab  d^3»  nndim 
n^nnx  ^d  ï-5Ni^72i  iiNi^a  n«aïîi  mnnn  ru<api  irnsn  i-i«bn»  rian 
inibdm  baan  ïjidi  naia  tn72N  air72  ma^nbi  i-iia^n  nu"jp  bd 
TD721   anT72   d^mnidn  aa^anb   ^iNm  ,in72a72i   nazsnb  tsnNn   a^anb 


UN  RECUEIL  DE  CONSULTATIONS  DE  RABBINS  253 

mi  t-nb^NTa  mi  *sai  b*  VmtKïib  dma^m  dnbd^a  im  d^ana 
mm  a^aïai  d^bbd  dra^nbi  ammbi  diaaa  m»»  bwib  tan»dn 
a^s^a  mb*  ^aa  nb&o  iibn  miii  "nia»  'pams  nvns  baa  *&  ba> 
taraia  Tiba  nmaai  r»n»«  mum  pis  *pi  ^73  d^Lun»  fcars  uni 
i-mwa  û"nana  m*\a  nai^  bnb  ï-nb^bs  me  "pi  mab  carnb* 
mpbnm  maap  mi  iawa  maa  na«  ïmbsK»  yia*  b«  mi  ^nbabi 
anmn  nx  marabi  manaKaïi  manb  mpbna  ^n  ûiasab  iTanam 
raaib  a^nttN  urw  anm  in  ^lai  ïJ3  la  rrnstti  taTaia  utn  toipb 
B^iDi  -noi  asiû»  ab  ddn  bdi  r-np»*n  ab  maian  ion  mpix 
taniap  taaiiab  iamn  bab  mcMb  a^ap*73i  m^b  ^^73  amsab 
ammab  irai  pn*  niiann  m  dan  ipab  d^iin  ta^ra  im«  ipu: 
tamiai  iujn  ûinwri  idii  pis  piir  tanpixi  i"i  -na*  nbna  pnt 
isïto  ma  mais  rnan  iaa  ma*»  b*  rwai«  biaiib  ûiini  a^»na 
t»îtt  i*xbi  nxa  i7aa>b  ai:a  umi  aama»i  anm  œ-w  laa  nttbab 
Kiàtiïib  i»in  ->sb  nb*7a  nba>»  bam  i»*  îittba  m  i»*3a  îinmpi 
•p*  t^nrr  %  'mai  rsbsai  rtEhwn  bm  pu3n3?7a  mam  nai  ira* 
•■wrb  nbm»  ib  ywa  m»i«  a*»d  1*  nbma  iwa  iba*1  ibibs 
ûiiDa«  b*  w  'nai  «in  s*nn  'idi  ïirnia  ma*ai  t^nn  b*  ijabisiiia 
i"n  nain  maa  îrvm  nfiiisa  ma*»  nasa  ma  flan  'ro  n?3  p  M*  dni 
^d2N  a>i  du:  11b*  ïrxiii  s**bœ  îm^a  '»mi  Kin  kdii  p  r»*oii 
s-j»b  i373don  pb  ,m»bi*  rsbm»  ib  pN  *-i  nu:  vby  t^"»atin  dN 
mis  naam  Tîdu:^  n*a  nn*^Di  dm»  'n  a-in  bimn  isai  i73^dor;u5 
Sd  b*  inj^oi  pn^  'in  p  iiu:»^  n"nn  nam»  nmT  u3»uj  -pn» 
nn^  b«i73D  'mrt  p  Tua»^  'nsn  p  pu:»u:  'mrt  iaa  rs^in  ta->nan73rt 
trrrro  i»a  nm?3n  rousnii  n*ia«3  *auî3T  bNiwjîi  'na  ^ps  t^^ia 
t^a^  ^73  nujN  ixmi:3"i73tai  qd*i^  'n  ism»  anrt  b\a  13^  maa  ima 
.damnriN  nrrnnb  i^n  û^a^p  d-u:*»  ima*  nna  nujwx  *]b»n  ^in» 
in  nwnn  mmuîi  mai»  imiana  mnu573n  bd  b*  i3»ddn  pi 
iaa-i  i->b*  d^ddnu:  n»b  'T3rr  fTa»©  'mn  maa  naa  naa  i&wf  mita 
rmdna  inuj^  D^73dn    bipb  dn*73iu:m  'y*1  1i^»^  'nn    131173    lam&oa 

:  *"3  ^d^i»  ia  pmr>  dmnrs  d^ibiai 
•^n*i  mana  lad  mm  masb  "ji^»^  'rnn  03N3u:  aaiNn  b*i 
pDi  xiaa  '^dnu:  Ca^iwh  n*na  i»i*  *>3N  ^n*i73u:m  d""73">  m;  nra 
S^ibi  msians  ^iwb  nîa  wtD  'sy&o  di3N  t^inu:  in»  mtas  ma 
ion  pi  #i"a«"in  auîNiai  rtîb  i73"«ddrî  dam  mabrin»  mai  ma» 
pu  N»bl  d3N3  t^»b*  ->bidbi  ,i^nna  ifia©l  b"T  ->1N73  r<aN  n*i 
:  iimrt  j^in  pi  a"im  mirs  n*ib  '^dni  pas  r^ba  maa  i^a 
ï-in73i73  i"aa  1-1112  na^iTa  iaauj  mia»  i-nad?  ^-"b  i^arr  nam 
N3£Ti  dn»  1U5N  m"»Nini  abi*  1*1  nnyn  dabmi  ana  iuî^i  aiuîm 
iba  1*  tsibttS  an  nbiuî  ra3N  iujn  dimipa  Tiian  in»Nb  fin 
ppi  ta-iiaa  nnbsïib  i^irn  lûead  hiit  uni  nmnn  ^af>ai»b  nm 
ao:i->   bx   dnaiûi    ta»ibu5   m*a    bbanan    n»u:i   îb*    dniNan    mi 

,*"a  -«du»  'ia  pnif  d-»»u:a 


254  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

M 
pnar  'nn  ribraiû  nnsN  obis 

-na^  p^ii:  ii^n  a^aiNb  msttti  *naa  ^aab  mnnapfcw  mp«  pimja 
da-nrr  npnan  ^o  tarmttrt  raen  rmanaia  *n«  rmnn  nro  trarn 
p  jpwfti  n"nrr  nam»  prmyar:  a-iïn  hwa  p  inra  nta  r-îT  damai 
imnm  fnhn  û^braETan  wn  ib  *jn  "jn  rosntDn  ^im  n"nn  ia-ns 
'-i  a^-iaïn  p  "jna  'n  sens»  ttmrn  baïaia  a^an  p  f-nattis  '*i  "inn 
•pnan  si©t>i  "paa  ba>  ainnbi  amab  anb  r-nia*  bmann  bar  rpnms 
■^a  aaiN  naa  "pttjTara  'n  'narn  ma*  nia**  tnb^rnaïn  nmiN  br  bsusari 

.NSJ-nba  nntsa  ï-r^nrr 

A  la  un   : 

■^nwai  Jna  'naim  ït©»ib   'n  ...n»»  ibir  «sb  babi  anrt  na-iTab  aibiai  ' 

.n"nbT  pnr^  Tntn  p  pn^  to$s? 

.nnaNïn  dkt  naiian 
prn^  'a  prtati  'n  'nn  na-na  „.«pma  t^zrm&n  Npnai-n 

189  a. 

aipaïain  ib->:ama  nanatan  nan  ba»  OTnaan  'fnani  ^maa  wan 

../pMia  'natn 
natrarns  mavba  ^ly^ïi  naai  bantt'rçai  Diana  ^pa  Êtfrw  "na  man 
nra*  isb  miTio  da  naa  d"<babiaai  D^ainN  d-nan  ona  "«mern 
nain  waria  ba>  njnran  ^aa  irons  rjam  /»b*k  ama  bam  ,^na»n 
^nann  bam  aaNn  "ni  ba>  mtaon  poab  pim  oa  ;rmTan  him  ban 
dinaipr;  phrwrâ  iman  rnbnn  viansc  naa  Nta  »*Ynûfcp®  ^sbi 
"•mam  -na  ï^as  nania  tnaa  "na»  'paT'an  r<nNabn  "pb^Na  *tom 
'■^dni  d">a->nïn  niabffl  "pa  û^bsnan  d^Dibnn  matpa  ia  ^nbbai  ^:n 
manaian  ibaa  um^  ba>  n;maa  n^aa'rtbi  ^nab  n;a  bd  *pjaia  fwv 
r-naïasa»  m  nu  npna  ^d  -ma  nn  ,"pnsnbi  ïmin  b^anbi  m»pn 
ann  "«Tittb  an  Dibci  -ranau:  n?2  ainab  mb^ba  ^^t:  ^n^bns 
!-îit"in7aa  aman  raaad  ïamn  rtba»abi  ■jitût:©  'in  nann  »OD3^ 
.pnir-'  d">73\Da  bot*  bx  umm  "r^a  wpnn  pTom 

XI 

118  & 

nabna  nr  nN  m  ^nxinx  d^an  ■'T'Tabn  -ouï  ba»  bsittî  ^a»  nbnn 
nann  d^an  ■n^abn  ujw^:  rjT  nauj  rtTi  rîa\a  nr  enp  nn  Nip  htt 
TT»an  ba>  in^n  aa^a  dnpbnww  ^i:-«  nann  d^7adn  ^^»bn  \dt:u:  rtn 
-i-i-ia-i  ba»  "in^n  a->u:n  pna  Nain  yn^rt  oa»  a>^:n  nmu:  1-b  «npn 
TnDyuj  b^auîa  in  worib  Tbbmu  raw  ^-«a^N  ynNr;  aa'  ^aN  dN 
tDN  TT^ariTa  bina   yrcN-n  mrp   dN  C]n  nia  baira  ^3N-i  a*1?  naa»?: 


UN  RECUEIL  DE  CONSULTATIONS  DE  RABBINS  255 

'in  an™  nriN  aann  na  nta»  pna  ims  "pta  dN  t)tt  mn«  'ian 
taaiia  ter  dn  yn«n  ■«jaan  v*  "«b  "nanti  dtms  web  pi»  «in© 
"in«n  uni  NrrnpBNm  nrarr  '•"17373  ib  tnpu:  rro  ba»  imnab  nn»  dan 
■naaaio  in  ■nia  "pria  en  "man  b*  nain*  a^tan  vrfaiï  vba»  nra-iTarr 
a^«5fen  hte  -nai»  nna  aan  «a  dN  biNirjb  *b  ia-<  na»  ,rto  p-ib-nn 
f-rtan  Tpam»  rra  naob  "»na  -13  tort  vba»  pnbnn  ba»  nams 
*mm  na-na  îb  n^aib  tok»  vas  o-nnnb  ims  ïttàfcft  taarn 
ib  "i73N  rba»  pibnn  -frwn  aai  r-rT  ba»  imai  vrais  a  irorm  naba 
.rttfla  prçn  p^ttb  Mba  bd  ba>  mbaia  ton  nn«  ïia-n« 
~aba  -nia  "pn  ï&o  VNia  dnann  a^u-ras  dnptt  batti  ...na-iian 
b^nnnia  nn«  "i!i73a  taan  tna  nn«m  dann  ton  b-rin^n  v^bn 
ann  top  naa  D"nain  n«ii)  •paybn  ..nabn  nai  ba>  iBiabi  ns-inb 
anaia  ï-raai  nmba»  -ib  ainab  ia  Tssm  pnaro  ^aab  naTan  bnan 
£vaitab  awwi  *n  vrmarb  itûép  "H  ia  iz^  nie&o  "H  ia  ©1  dm 
•pfflt*  'na  larHîa  aman  planai  npiana  tamaba  ta^wbi 

XII 

126  a 

masp    n^a    "Wra    "na    priir*1  n"irj>a7a    rrbaraa    nbaiDït   tn&i 
mw  p  nabia  'i  bvûn  a-n  b«   snnbiab  biniam  rjaiana  rosn 

.ï-i'n'b'T 
pain  }innnn  pbnniu  narbn  ba>a»a  rraia-iaa  an-wa  îwya 
*a-iOB  tnnia  uns  aiaa  dia  n»Kai  vaara»  ^asa  pbn  rrri  yn«b 
i-raa  irmatia  23*373:1  bn  ribN«5  ^m  by  dno  d^iairr  la^a»  ly-^am 
û^bYMtt  ia^ma*aa  iaa»7a^  p»*bn  ia^«n  rsb  abn^Ta©  dnb  naa©rri  bnoc 
S*attn  mis  br  dnb  33Vm  irrri  nana  bnos  dri?:  i:bap  ^h^n 
ma  nma  da  itbfi  y-iao  ^aaiN^asb  nra^b  d^aa^s  n^aa  na  nasbnu: 
mt  biOB  itba»  ^730*  npa>  lab  i^n  |pVip  r-nb-»baa  a»iap  ia"n 
maiffln  n^nn  pttb  naïuîn   nm»a    dnb   innau:  ï-173   ma:p   na^-n 

...dna^rn  im«  yp  by  na^bx  "ia^a-i 
ian  ^3sa  jrnan  t^^nan  ^^abna    na^an  -^asb  naana-i  la^ujauj  nn^i 
^a^aïib  npa»n  12b   a»^iT'  mT   ba»  ^73^aa  -i?3Naia  n73    r<"in   in^n   bn 
'na  pnat"1  ppn  naa»n  "173N  ma  .t^i^n  d*»73Uî  naNb73  ^a  n^n^i  n-nn 

.y"-'  na-ia-m  ■orra 

XIII. 

120«-J.  Fin  de  la  lettre  : 

^saa  inpn^n  nmn  Tmr  ba  rta  n73N  mm  mnm  *t'*7N-i  h*vn 
mna  cn    û^nb^rr  innx  npbn    bx  basn    T^ba»  naiTarr  ^sai  iam» 

1  Veut-il   dire   par  là   que  Salomon  b.  Adret  serait  venu  dans  le    Languedoc,  et 
1U)b"ia  désignerait-il  le  pays  Toulousain  ? 


256  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

ï*narï  inxa  pna  bina  a^nîn  npian  ^l'o  -wb*  ^an  sona  ra-npn 
'n'a'at'a'n  annaux  nara-wa  ûbttïi  "pm  pas  -121  iK^niN  na  -raaan 
rppbnn  innn  nbarn  tzpïiba  *p3>  pa  n^N  b^naai  mrçsa  Da> 
to^m  na"Wa  nia  ïi-np  nraN  t-nam  )vbyn  oVuri  bi*  rrnîran 
-pn^  wm  a^s  to*>nbN  ba  mb«  i-ib*  n©N  ï-ib*»n  inaab  nb 
npna*  "atapa  t^-in  [as  &ma  ï^air  n;Na£  nan"1  njb*3  ^  b*  ^'a"1 
.tra^nn  f-po  'a  rnnaa  "p^s-a-ni  .a^n  ^na  *pmœ»i 
to^bbnai  b-na  nauj  imnara  nTabnb  -naa  n^im  Ta>  bnaa 
nr  maïai  nnas:  nsio^  tidoi  mw  "p'ab  ^nba  nvs  ba  mais? 
i73iy  namba  TDôn  by  mîitah  nî^rr  im«Bn  maanbi  nnbnab  mabiri 
nama  bvran  "n«an  maa  p  prof  'n  pli:  fima  'mars  ann  iaaa>  oab 

,'o««  'w   aiirj  'n 

XIV. 

122a. 

.inat  anp  ann  namab  nbtfiaa  nbwan  pnt 

fcwjn  a^abra  ibaa  rba  d^na'ï-n  Tiasan  nbannir:  aa  traa  i^a 

î-iaim  bm  anb  naia  manca  rjbny  ïiasn  lûDin  ba  ^dn  aa^  toa 
ma-]?"1  Nb  maann  *pan  nvnnïi  *nana  manb^nm  mpsan  naaa 
oab  thwï  r-nb^an  ^aica  liOTn  "aa-^  a^naa  *pbN  masm  ©^m 
-pas  irm^a  mp  ^mn  ïaa>a  naTnpao  "isab  inop  "-pnnb  aar 
:  waian  n*  NaN  t<b  uni  "inaabab  -neaHTi  inaia  aia  *çb 
t^opa  "inN  nsa  mfcnan  maiDKïi  laana  naana  riap  ina  -^n^aa 
û^beniD*'  ""Dto  vnnn  n^p^n  raipn  iman  ïia  larb  aan  aaia 
•pna  vbN  anan  la»  "j^ataîri  miananfi  imN  inya  bapbi  apbb 
-na?  toaiaa  ^ns  pbn  tonna  maa>a  ann"1  pbnb  n-»nn  irrwaprt 
nna7ob  inaïaiû  n^^a  to^a  N^n^n  "j^n  nb  innsa^is  arraa?  înann  na 
rm«ianm  D^oan  ams  a^:  piom  na^in  babana  p  nn«  panurb 
tona^  hy  ^a^ri  naïaan  ims  ,ùr^by  mx  ^n^ra  rsaai  "it«  nnn 
n^a  nris^b  nann  nuD^a  ^n^a  i^n  ntro^iDi  napb^  SrbNhsJiïi 
n-«aa  n^n^a  im»ci  l^^n  innan  anasba  tc^  n^bNn^r;  ,im«  naipn 
na  p^Tnai  T»by  a^b'i:  rvi-pn  m^rsb  ainan  njnnrra  nu:N  nianrr 
û^ann  m»i  nnD  nnoa  n;^  ûi^a  n^n^n-  n^aa  nmm  nnaa  irm 
mn^  n^an  nin^n  n^a  nmsa  *iau:  id^oiïi  tou:  "na  n^a  rrnTî 
V^  imNu:  ana  larau:  na  na^T^a  prma  mr?  tortbœa  V  rn^ba 
tonnai»  i33>att  lar  nn^  .naiprr  ^niaana  mn  û^oart  imsa  t^^o 
nnN  .pian  nra  naïaanj  n«a  imap  -pb*  toi^ps-  a*»b«ntt5^n  ans» 
■^asa  mosb  ">aiN  ia  maia  "i^n^n  na^ra  pTma  p  ït1:!  nann^D 
aisv  ï-r^rt^ffl  n;^ni:^  ?n^  ^an^i  a->ia  mbiau)  n^  n^rr  n^ms 
^m  ûi^a  tonba  b^ia  ia^  ûra  amm  nnsao  d'^ni  na^an 
r<2:a-«  un  ^V  na  na«  naian  q^îb  «n-1  ia^i  ^a  btt  im^na 
fr«n^    ,Dnbia   t^-^nu:    n-^an   imsa  toa  naaa    mp*1  xb    yaia  ^m« 


UN  RECUEIL  DE  CONSULTATIONS  DE  RABBINS         257 

FT*nibn  ines  ama  -iU3N  amm  nnsTan  Iran  ï-mo«  t^ttta  %rita 

nab  fan  ûmn  Nba  »wî_  rncnn    un    ta  a*"  î^pama    Katwa    t^nn 

TCn   ibia    *-p3ÎTtt5    "^Btt   ,3355    OBna   DTÏlb   NTD3    t^tirïTD    "Ittlbl   1"nb 

Tps  fcoîi  ni2JM3  nspn  tthb  mn  /la^  r-n*»a  fpim  m  5*115  ib 
.thd*73  iman  a-p"»  -ptn  -pmbia  un  *a  ûr«  &ibantDi!n  nainn 
wû  û-'bfioœ^n  an  ^n  .^i^n  mo«  12  12b  ntr-ia  mn  ûrajar:  ib«  "obij 
bk  n,*n  rrmbaiSK  ïbroaïi  û-ia  -nsan  ins  nap  an  *a  riTj&n  p  -nriN 
^bïï  -nsn  aw^^  j^aonb  r*ôia  vï»n  naipn  p  mnio  "pian  n*a  tien 
a  nie  ï-wpïi  ^dto  nsnb  >nm  owrs  ta^-nsn  sw  tiaTa  "nia-»» 
*aa  aa«  m«  npsnaa  r-n  ^astt  .irrr  raSEaT  b&nia*»  s»*î*inia  w 
^an  irai  ""prfài  —inn  ia*N  ara  "rama  ï"pa  m^to  t-*aia  ^nïi 
•ntt&n  "waa  iar»ttwnb  lab  pn  -na  bia  mn  mo^  ia  pnrnn  ams 
.r<bn73N  t^ama  wro  nnN  m72Na  -in  artbia  mn  nbnrflfltt  N5*rwt 
*N7aa  aa^Nïib  la^ba»  t— i">rr  "nabi  an?aiN  mi  nia  ^3273  amnanb 
nn?:Nn  ï-ntm  "^n  ï-tneu  nnaaro  maan  pima  N-irr  wpyi  "n7a50 
£a*nnaa  i:naN  vn  na?aNa  mna*rb  s^bmjN  nana  ta»  ^«  mina 
tan^na  pn  rwtn  ^w»  !T53bj*a  «b  pa  wt  *a  tan-oï^a  t*<bi 
nbia*  ^ywi  ba  infirma  n?a  a*a*na:  naa  -nwbbi  /ia*b«  mnwt 
toj*^  laa-iN  "pn  taian  nia&m  miaao  :  maya  ma  wm  atna  nayb 
mr-p  *7aia  ïnT  ibrp  *aa  mattta  aman  nay  yanan  latBna  îb  aibia 

.b^ibn  a*ana  -haï  rtn  bmb  baoTaia  n"a 
n>:*nri 
.tpaattm  awm  ^ax  n^TTDim  n^nn  iipn  nwann  mp»  ^aiD  bn3 
'n  ann  ims  Tiaa  rs"rtaa  pmr  n"nrr  bbian  aann  D^ttb^an  rtatt 

:b"s:T  ^ann^ 

XV. 
133*. 

Tn»«  aysa  labrm  iibNW  ya^ab  ^nanttn  '■jnîian  ma  ,J\D^7a  ^tt1 
.uîsub  pnnwn  air^b  Nan72  a^an  "piab  ^3iu:b  iixan^  ^nian  manp 
na  Tvnri  «7aian  n^-ip  nbxu:  N^ipNi  r-na^p7a  n-iTiia  a^  wan 

•ptfîb    Ï-I»    ^"TNI    p*1    ^721     5HN    N'b   "»37372    iHNbDÎ     ^a     ïnbDNa    ^3^70723 

■^pbnu5  nnx  mb^  "paVi  nmna  mipb  bia^  N73ian  a«n  bNiusn 
ru  nbiî  n^a  voft  nna-»  aujn  aaN  pn  ypr&  «b  ts^bapT:  'j-roa 
■^biNi  .mbttjn  "is  by  c^72"io  Nip^i  nncnD  n^a  n-nna  t^snp^ 
a^  spram  s-mn  bto  n^na  maata  t^mpb  bw  Nirr  a«  n^ian 
ï-ïron  ^rr  ï-int  a^i  na  «np"»  Nb  Nnnu:  d'^nt  mina  trïmpn 
aaiN  k]nui:*,u5  ^y  ï-irrr  aaip72a  psan  aaa:  p«a  ^na?m  t^b 
ia  nsab  nankin  t^tbn  a:nnb  «bx  nmn  «b  t^bn  rby  a^nb 
p  laa^NU?  riTa  ^aTaa  maia  mbinttn  r<-ir;^  1:373  rrN"nph  no^ 
s^nipnia  aa-in7am  n^yn  •paia  ^arm  b^arrrr  Nim  nman  Sa:x 
ib^sN  ïn^npa  r-rrpw  nbiTTa  nmnrr  nsoa  ii^r:  T^san»  miaata 
S*  fcajnrmo  ir^n  ^«an72\a   ^a^a  a^"in72m  na  b^  nn«  na^n 

T.  XLIII,  N°  86.  17 


258  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

nnb-iT  in  "pfiw  piaiWiri  )n  *msù>  istn  t^bi  -layTara  t^bi  ne 
^2W:d  ban  b^N  t^in©  ^3273  s-it  iwa  ba»  -niaJnnb  ■pSirna 
r-n&Taa  f^Taion  arm  srn  i-mn  ncoa  'nias:  i-iirnprsu:  •pracn 
ppi  inujN?^  ana.  Tiasa  minn  narip  mx»bi  ï-ït  ■j^ayb  a>3ia  irs 
vron  d"ip7a  den  arran  ^iri72  nnîonp  ï-rnn  ^-n  îb  "paia  ^nrux 
îarac^a  r-J72  ba»  ônb  «3*n  tarmnNtû  TOb  ^mannb  da^a-na&nn 
h%r\  barra  t-iunn  B^oai^oi  îia  "pbnaia  anaon  na»i&n  wân 
dian  wia  i-raaï  ûvp  "pabi  ■aab  mna  Irwsaa  iiabapN  s-inanpb 

:  ^mana  nNcn?ûrî  rasas 


XVI 


146  a. 


■pna  -oi  im:r*w  avïm  n-OTan  rrabnrj  by  rrna.Kh  "ian  nam 

Taa»iaa  a»"a  pw  'n  ann  i-nabnE  iriN  maa»  o-naipa  anaa 

■nmnaN  tpoa  -nnap  *pi  D*na  rian  bairan  da  :  pnab  abra 

:  TDiu:b  s-in 

ûbpu573  obsa  "p&o  "paio  ûdno  r-i«bwrû  Nb  nm  ïTaîïî  "H?^  r-)7aa»b 
dbia»  laiau  nai  ba»  0^-073  r-rTam  tin  "îan  abn  pis  ^aaa 


D*>D1S-1  mana»    t=i3L2a    1Î0731 

.ta^sniBn  n7aa»b  a-waanTai 

*ra  ûnasan  ba»  "pîi  «bb 
:  ûaiJpja  dTanab  aim  m-i 

r-iana73  iam  îrb'nffl  ba»  dn 
narnTa  abri  -ina^ap  npa» 

na»tab  abn  ûmN  mpa»b  nï 
r-ia»D*ua  îrrnn  Hanarvi  ûa 

nan  nTaam  "nmu  tau;b  -ma 

na»a-ip   onab  aa*"  onai  ma» 

na»aaa  Nbi  nia  ibénsm 

:  na»ianD  inm  i-rbanb  ta^na 

n3>na73   anan  -imbi   ût 

na»n  ba  Nbi  oa»a  b7aa>-i  j»n  s^bi 

na»aa5a  -»-ind  a^ttî"1  rpaan 

:  na^n  ya»n  pn  *prq  a^n 


Ainsi  disposé  dans  le  ms. 


ÏOiifti  V^n  b">ba  ba  ^bbiab 

u^tù  iujpn  û^avaNm  D^a^ïi  b^ 
nns»  ny  ^nan  "<aa  nuîn  ,maa 

rna>T  ^a^aNi  ta^pa  br  -n» 
mpTa»  pny"»n  îaiip  nbaa  dN 

•\byj2  rrdnm  m  ba»  -na*  -«a 
nn-173  na7aa  dmpbnb  ton  \n 

ninïî  V*1  *5y'1  V3^  ^D  ^^  DN 

Disi  rpra  "ns  q^b  a-^na  dN 

irnai  r-iaNi  d^iT  nusa»-»  ri7a 

^aDi:',  n7am  bx  iannb  duîsa 

nbrja  û^ttîaNïi  dnab  ai^aa 

nNT  nb-»U5  ba»  dn">«îa>  a"irj  «b 

•m  ba»  -na^i  «an^  n«5«  wxn 

■>-id  ba  iba^T  NTa»  pb  ian^ 

(^4  suivre.) 


UN  CHANSONNIER  MARRANE 

ANTOINE   DE   MONTORO 


De  même  que  dans  la  plupart  des  villes  de  l'Andalousie,  il  y  eut 
à  Gordoue,  dès  l'an  1391,  un  grand  nombre  de  néo-chrétiens. 
Grâce  à  leurs  alliances  avec  des  familles  nobles,  ils  jouissaient 
d'une  grande  considération,  mais  leur  fortune  et  l'influence  qu'ils 
acquirent,  particulièrement  sous  le  règne  du  roi  Henri  IV,  leur 
attirèrent  la  haine  de  la  population,  que  les  sermons  d'Alonso  de 
Espina,  l'ennemi  le  plus  acharné  de  ses  anciens  coreligionnaires, 
attisaient  toujours  davantage.  Bientôt  les  vieux-chrétiens  et  les 
néo-chrétiens  formèrent  des  partis  étroitement  fermés,  en  hostilité 
marquée.  A  la  tête  des  premiers,  se  trouvait  l'évêque  D.  Pedro  de 
Gordoue,  l'ennemi  juré  des  néo-chrétiens.  Il  les  accusait  de  rester 
attachés  fidèlement  au  judaïsme,  tout  en  professant  en  apparence 
le  christianisme,  et  de  pratiquer  secrètement  les  usages  des  Juifs. 
Le  peuple,  dans  sa  haine  contre  eux,  n'était  que  trop  enclin  à 
ajouter  foi  aux  accusations  perfides  que  le  clergé  dirigeait  contre 
eux  et  n'attendait  que  l'occasion  pour  se  jeter  sur  les  opulents 
néo-chrétiens,  piller  leurs  magasins  et  dépôts  de  marchandises  et 
s'emparer  de  leurs  trésors. 

L'occasion  ne  tarda  pas  à  se  présenter.  Sur  le  conseil  et  sous  les 
auspices  du  fanatique  évêque  D.  Pe'dro,  il  s'était  formé  à  Cordoue 
une  confrérie,  sous  le  nom  de  «  Caridad  »,  dont  l'accès  était  in- 
terdit aux  néo-chrétiens,  ce  qui  contribua  à  augmenter  la  scission 
entre  les  deux  partis.  Or,  lorsque  la  confrérie  fut  inaugurée,  le 
14  mars  1473,  par  une  grande  procession,  tandis  que  les  maisons 
des  rues  à  travers  lesquelles  passa  le  cortège  étaient  richement 
décorées,  celles  des  néo-chrétiens,  qui,  pour  faire  une  manifesta- 
tion, ne  voulaient  pas  prendre  part  à  la  fête,  étaient  dépourvues 
de  toute  ornementation.  Au  coin  de  la  rue  des  maréchaux-ferrants, 
«  Galle  de  la  Herreria  »,  la  procession  fit  tout  à  coup  halte  :  du 


260  r  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

haut  d'une  fenêtre  de  la  maison  qui  appartenait  à  un  des  plus 
riches  néo-chrétiens,  une  jeune  fille  avait  versé  par  mégarde  de 
l'eau  sale,  et  l'on  prétendait  qu'elle  avait  atteint  une  statue  de  la 
Vierge.  On  y  vit  une  profanation  préméditée.  Aussitôt  des  milliers 
de  voix  s'unirent  au  violent  cri  de  vengeance  poussé  par  un  maré- 
chal-ferrant  du  nom  d'Alonso  Rodriguez,  et  ce  cri  se  transmit 
dans  toute  la  ville  avec  la  rapidité  de  l'éclair.  La  foule,  avide  de 
pillage,  se  prépara  à  massacrer  les  néo-chrétiens,  ces  maudits 
hérétiques,  à  incendier  leurs  maisons  et  à  piller  leurs  richesses 
mobilières. 

Pour  mettre  un  frein  à  ces  excès,  on  vit  accourir  D.  Alonso 
Fernandez  de  Aguilar,  dont  la  femme,  née  Pacheco,  appartenait  à 
une  famille  de  marranes  très  influente  et  très  étendue.  D.  Alonso, 
accompagné  de  son  plus  jeune  frère,  D.  Gonzalo  Fernandez  de 
Gordoue,  «  el  Gran  Capitan  »,  qui  devint  plus  tard  la  gloire  de 
l'armée  espagnole,  arrivait  avec  une  troupe  armée,  pour  protéger 
les  néo-chrétiens  ;  il  somma  la  foule  de  renoncer  à  ses  honteux 
desseins  et  de  se  retirer.  Au  lieu  d'obéir,  le  violent  agitateur 
Alonso  Rodriguez  insulta  le  noble  comte,  devant  lequel  tout 
Cordoue  baissait  la  tête,  et  prit  à  son  égard  une  attitude  me- 
naçante, si  bien  que  celui-ci  l'étendit  à  terre  d'un  coup  de  lance. 
La  foule,  effrayée,  se  dispersa  précipitamment.  La  tranquillité 
se  trouvait  rétablie  en  apparence.  D.  Alonso  retourna  en  son 
palais. 

Les  fidèles  partisans  du  maréchal-ferrant  déposèrent  son  ca- 
davre sur  un  brancard  et  le  portèrent  processionnellement  dans 
l'église  Saint-Laurent,  située  à  proximité.  Le  peuple,  aveuglé  par 
son  fanatisme,  en  fit  un  martyr  et  l'honora  comme  un  saint.  Il  se 
persuada  que  le  mort  faisait  des  mouvements,  et,  au  cri  de  «  Miracle, 
miracle!  »  la  foule,  excitée  par  un  chevalier  de  Cordoue, du  nom  de 
Pedro  de  Aguayo,  de  réputation  très  mauvaise  et  ennemi  de 
D.  Alonso  de  Aguilar,  courut  aux  armes  et  se  rua  de  nouveau  sur 
les  néo-chrétiens,  massacrant,  brûlant  et  pillant  tout.  D.  Alonso 
accourut  au  secours  de  ceux  qu'on  attaquait  avec,  son  frère  et 
d'autres  chevaliers,  suivis  d'une  troupe  d'hommes  d'armes  ;  il  fut 
accueilli  à  coups  de  pierres.  Il  s'en  fallut  de  peu  qu'il  n'eût  le 
même  sort  que  le  connétable  Miguel  Lucas  de  Iranzo,  qui,  huit 
jours  après,  en  voulant  protéger  les  néo-chrétiens  poursuivis  à 
Ja6n,  fut  massacré  dans  l'église  par  les  meneurs.  Craignant  pour  la 
vie  de  D.  Alonso,  on  le  força  à  se  retirer  dans  le  château-fort,  où 
ceux  des  néo-chrétiens  qui  eurent  la  chance  de  se  sauver  trou- 
vèrent aussi  asile  et  protection.  Dès  lors,  la  foule,  avide  de  butin, 
put  se  livrer  sans  crainte  au  pillage  et  à  la  dévastation  par  le  feu. 


UN  CHANSONNIER  MARRANE  261 

Des  jeunes  filles  furent  violées,  des  femmes  et  des  enfants  mas- 
sacrés sans  pitié.  On  traita  les  néo-chrétiens  bien  plus  cruelle- 
ment que  Ton  n'avait  traité  les  Juifs  quatre-vingt-deux  ans  plus 
tôt.  Au  bout  de  trois  jours,  la  rage  du  meurtre  et  du  pillage  était 
assouvie  et  avait  pris  fin.  D.  Alonso  et  ses  protégés  abandonnèrent 
le  château-fort  et  la  ville.  Sa  valeur  chevaleresque  et  sa  généro- 
sité d'âme  furent  mises  en  suspicion  de  la  façon  la  plus  insultante 
par  ses  adversaires.  Pour  prévenir  le  retour  de  désordres  sem- 
blables, le  conseil  de  la  ville  prit  la  résolution  que  désormais  aucun 
néo-chrétien  ne  pourrait  habiter  Gordoue  et  les  environs,  à  plus 
forte  raison  qu'il  ne  pourrait  occuper  de  fonctions  publiques  *. 

A  la  suite  de  ces  tumultes,  beaucoup  d'habitants  de  Gordoue, 
sans  doute  des  parents  des  néo-chrétiens,  avaient  abandonné  la 
ville  ;  d'autres  étaient  tombés  dans  un  dénûment  tel  qu'ils  ne  pou- 
vaient plus  payer  les  impôts  et  remplir  leurs  obligations  envers  la 
ville*. 

Plusieurs  d'entre  les  néo- chrétiens  échappés  à  la  mort  se  réfu- 
gièrent à  Séville  avec  l'espoir  de  retourner  à  Gordoue  quand  l'ani- 
mosité  dont  ils  étaient  l'objet  se  serait  calmée.  Parmi  ceux  qui 
avaient  trouvé  un  refuge  dans  le  château-fort  et  qui  s'étaient  fixés 
ensuite  temporairement  à  Séville,  se  trouvait  aussi  le  poète  Antoine 
de  Montoro,  dont  les  poèmes  viennent  d'être  rassemblés  pour  la 
première  fois  ;  tirés  de  divers  manuscrits  et  ouvrages,  ils  ont  été 
publiés  avec  une  excellente  préface  et  de  nombreuses  notes  expli- 
catives d'une  main  compétente3. 

Antoine  de  Montoro,  un  des  plus  sympathiques  poètes  du 
xve  siècle,  dont  la  renommée  dépassa  les  frontières  de  sa  patrie 
et  dont  nous  nous  sommes  déjà  occupé  il  y  a  quarante-trois  ans, 
dans  la  mesure  où  ses  œuvres  nous  étaient  accessibles4,  était  né, 
en  1404,  à  Montoro,  dans  la  province  de  Cordoue.  Il  appartenait  à 
une  famille  juive  et  était  lui-même  juif.  Nous  ne  savons  guère  ce 
qui  le  détermina  à  embrasser  le  christianisme.  Lui-même  déclara 
à  un  âge  avancé  : 

J'ai  des  fils  et  des  petits-fils, 
un  père  pauvre,  très  vieux, 

1  J.  Amador  de  los  Rios,  Historia  de  ios  Judios  en  Espana  y  Portugal,  111,  152  et 
s.;  Rafaël  Ramirez  de  Areilano,  Anton  de  Montoro  y  su  testamento  (Madrid,  1900), 
p.  4  et  suiv. 

1  Revista  de  Archivos,  anno  IV  (1900),  p.  724. 

3  Cancionero  de  Anton  de  Montoro  \el  Ropero  de  Côrdoba),poeta  del  siglo  XV,  reu- 
nido,  ordenado  y  anotado  por  Don  Emilio  Cotarelo  y  Mon  (Madrid,  José  Perales  y 
Martiuez,  1900). 

k  M.  Kayserling,  Anton  de  Montoro,  dans  Deutsches  Muséum,  éc],  par  Robert  Prutz, 
1858,  n»  23. 


nDVUEj    VEjO    H,!  UUEiO    JUiVEiO 


ma  mère  Dona  Jamila, 

une  fille  non  mariée,  une  sœur 

qui  ne  se  sont  pas  approchés  des  fonts  baptismaux  l. 

Comme  nous  l'apprenons  par  son  testament2,  il  était  le  fils  de 
Fernando  Alfonso  de  Baena  Ventura  et,  par  suite,  proche  pa- 
rent, peut-être  même  cousin,  du  poète  Juan  Alfonso  de  Baena, 
appelé  «  el  judino  »  «  le  juif  »,  qui  était  commis  des  finances  de  la 
cour  du  roi  D.  Juan  II  de  Castille  :  c'est  le  compilateur  du  célèbre 
«  Cancionero  »  de  Baena  qui  porte  son  nom. 

Antoine  de  Montoro,  le  célèbre  poète  qui  n'était  ni  chevalier  ni 
noble,  mais  qui  était  loin  d'être  aussi  pauvre  qu'on  l'a  prétendu 
jusqu'ici,  appartenait  à  la  corporation  peu  estimée  des  fripiers  ; 
lui-même  s'appelle  souvent  el  Ropero  et,  dans  son  testament, 
Aljabibe,  mots  qui  signifient  «  fripier  ».  Les  fripiers  de  Cordoue, 
comme  on  le  voit  par  les  «  Ordenanzas  3  »,  étaient  soumis  à  un 
contrôle  sévère.  Ils  ne  pouvaient  vendre  les  vieux  habits  que  dans 
un  état  de  propreté  absolue,  et  il  leur  était  défendu  de  vendre 
comme  bons  ceux  qui  étaient  mauvais  ;  en  cas  de  contravention, 
les  habits  étaient  confisqués  et  les  vendeurs  punis  d'une  amende 
de  deux  cents  maravédis,  un  tiers  de  l'amende  revenait  aux  plai- 
gnants. Gomme  c'est  encore  le  cas  à  Barcelone,  Madrid  et  dans 
d'autres  villes  d'Espagne,  ils  ne  pouvaient  vendre  ces  vêtements 
que  dans  certaines  rues;  même  les  vestes  neuves,  jubones,  ne 
pouvaient  «  suivant  un  antique  usage  »  être  vendues  que  «  sur  la 
place  aux  poissons  ». 

Le  commerce  de  friperie  n'empêcha  pas  Montoro  de  s'adonner, 
dès  sa  jeunesse,  à  la  poésie.  Il  s'essaya  dans  les  genres  les  plus 
variés,  mais  il  se  sentait  surtout  attiré  vers  l'épigramme,  genre 
dans  lequel  il  produisit  d'excellentes  choses.  Beaucoup  de  poètes 
renommés  et  estimés,  tels  que  Juan  de  Mena  et  le  marquis  de  San- 
tillane,  ne  dédaignèrent  pas  d'entrer  en  relations  avec  lui  et  en 
parlèrent  avec  éloge.  Mais  il  eut  aussi  ses  détracteurs,  qui  trai- 
taient le  pauvre  fripier  du  haut  de  leur  orgueil.  C'étaient  des 
poètes  et  des  musiciens  composant  des  poésies  à  gages,  eux-mêmes 

1  Cancionero,  n°  CXXII  : 

. . .  tengo  hijos  y  nietos 
y  padre  pobre  muy  viejo  ; 
y  madré  Doua  Jamila, 
y  hija  moza,  y  hermana, 
que  nunca  entraron  en  pila. 

2  Rafaël  Ramirez  de  Arellano,  l.  c,  p.  6  et  s. 

3  Les  Ordenanzas,  tirées  des  archives  de  la  ville  de  Cordoue,  ont  été  publiées  par 
Rafaël  Ramirez  de  Arellano,  Bevista  de  Arckivos,  p.  726  et  s. 


UN  CHANSONNIER  MARANE  263 

de  basse  extraction  et  appartenant  à  la  même  race  que  Montoro, 
comme,  par  exemple,  Juan  de  Agraz  d'Albacete  *,  serviteur  du 
comte  de  Niebla,  le  Gomendador  Roman,  Juan  de  Valladolid  et 
Rodrigo  Cota.  Il  est  amusant  de  voir  comme  ces  néophytes  se 
disaient  de  dures  vérités  et  cherchaient  à  se  ridiculiser  en  rappe- 
lant la  religion  à  laquelle  naguère  ils  appartenaient. 

Montoro,  qui  était  aimé  et  recherché  dans  les  salons  les  plus 
distingués  de  Gordoue,  eut  l'occasion,  lors  de  la  présence  du  roi  D. 
Henri  IV  dans  la  ville  des  Califes,  de  faire  aussi  la  connaissance, 
parmi  d'autres  courtisans,  du  Gomendador  ou  Commandeur  Roman. 
Roman  était  au  service  du  duc  d'Albe,  D.  Garci  Alvarez  de  Tolède, 
et  devint  plus  tard  commandeur  d'un  ordre  militaire  ;  il  composa 
plusieurs  poèmes  religieux  de  longue  haleine  et  prit  l'attitude 
d'un  chrétien  bigot.  Bientôt  une  querelle  éclata  entre  lui  et  Mon- 
toro, et  ils  s'injurièrent  sans  ménagement.  Il  faut  avouer  que 
Roman  avait,  en  fait  de  termes  injurieux,  un  vocabulaire  fort 
riche  ;  il  appelle  Montoro  l'ivrogne,  le  jars,  la  bosse  poétique,  le 
marchand  de  fruits,  d'œufs,  de  miel  et  de  chandelles,  de  ficelles, 
d'épingles,  de  bagues  fausses  et  de  mille  bagatelles,  qui  court  les 
villages  pour  acheter  de  vieilles  ferrailles,  marchandant  humble- 
ment comme  un  bon  juif  pauvre.  Il  dit  qu'il  a  hérité,  en  quelque 
sorte,  de  la  malhonnêteté  de  son  père,  qui,  en  sa  qualité  de  hazan 
ou  d'officiant,  aurait  transformé  les  chants  d'église  pour  les  chanter 
à  ses  jours  de  fête2.  Montoro  lui  répondit  avec  calme  et  dignité. 
Il  lui  rappela  qu'il  avait  toujours  embrassé  la  Tora,  qu'il  avait,  en 
sa  qualité  de  parent  de  Benjamin  et  de  frère  de  Don  Semtob,  parlé 
des  Chérubins  et  que  dans  la  rue  des  Juifs  il  avait  juré  par  le  Dieu 
unique.  Il  lui  demandait  pourquoi  il  prenait  cette  attitude  si  fière  ! 
Il  n'était  pourtant  qu'un  marrane,  tout  à  fait  méprisable,  circoncis 
par  un  rabbin,  c'est-à-dire  tout  à  fait  un  juif.  Quoiqu'il  fît  semblant 
d'être  un  pieux  chrétien,  s'il  venait  à  Tavara,  probablement  son 
lieu  de  naissance,  tous  les  Juifs  l'appelleraient  par  son  nom  et  il 
mangerait  sans  doute  avec  plaisir  Yadafbia  avec  de  la  poitrine 

1  Des  poésies  de  Juan  Agraz  se  trouvent  à  l'appendice  du  Cancionero  de  Anton 
de  Montoro,  p.  301  et  s. 
*  Cancionero  de  Ant.  de  Montoro,  n°  142  : 

No  quiero  que  de  judio 
recibais  mote  de  mi, 
porque  ya  lo  sois  y  frio, 
mas  de  aquel  gordo  vacio 
de  ese  vuestro  padre  si  ; 
de  cuyo  oûcio,  con  sones, 
heredastes  por  motetes 
de  furtar  à  las  canciones, 
y  asonar  los  villancetes 


264  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

d'oie,  qui  cuit  toute  une  nuit,  même  sans  accompagnement  de 
jambon  ». 

Roman  ne  fut  pas  en  reste  pour  la  réponse  :  tout  le  monde,  dit-il, 
sait  qu'il  est  un  marrane,  mais  à  lui,  Montoro,  il  a  un  conseil  à 
donner  : 

Qu'il  ne  mange  que  des  moutons  saignés, 

et,  comme  son  père,  qu'il  révère  l'ancienne  loi, 

qu'il  se  lave  les  mains, 

et  qu'il  ne  soit  pas  avide  du  jambon  défendu  ; 

qu'il  prononce  la  bénédiction  sur  le  vin, 

et  dévore,  le  vendredi  soir,  des  cous  d'oie  farcis  ; 

qu'il  ne  mange  jamais  ce  que  le  rabbi  déclare  défendu, 

et  célèbre  toujours  le  sabbat  avec  joie  et  extase  ; 

qu'il  ait  toujours  devant  les  yeux  l'honnêteté  et  la  pudeur, 

et  qu'il  se  régale  d'azymes  aux  fêtes  de  Pâque  ; 

qu'au  jour  du  Grand  Pardon,  il  s'abstienne  de  toute  raillerie, 

qu'il  soit  plein  de  contrition,  de  larmes  et  de  douleur  s. 

Un  rival  d'Antoine  de  Montoro,  c'était  Juan  de  Valladolid,  qui 
était  aussi  né  juif  et  qu'on  appelle  habituellement  Juan  Poeta.  Il 
était  de  très  basse  extraction  :  son  père  était  crieur  public  à  Val- 
ladolid. Dans  un  poème  injurieux,  Montoro,  exaspéré  de  jalousie, 
dit  de  lui  : 

Sais-tu  qui  était  ton  père  ? 
Un  crieur  public,  un  bourreau  ; 
Et  —  ris  donc  !  —  ta  mère  ? 
La  servante  d'un  cabaretier3. 

Il  se  rendit  en  Italie  et  vécut  dans  les  cours  de  Naples,  Mantoue 

1  Cancionero,  u°  144  : 

.  ..aunque  esteis  acristianado, 

yo  me  creo 
que,  si  â  Tavara  pasais, 
vos  serès  apedreado 

por  hebreo. 
. .  .adafina  d'ansaron 
que  cocio  la  noche  toda, 

sin  tocino. 


*  Cancionero.  n°  146  : 


Cancionero,  n°  159 


Trovad  en  corner  cenceno 

la  fîesta  de  cabanuelas  (fête  des  cabanes  au  lieu  de  fête  de 
Pâque). 

Sabéys  quién  es  su  padre  ? 
Un  verdugo,  pregonero  ; 
Y  queréis  reir?  su  madré, 
Criada  de  un  mesonero. 


UN  CHANSONNIER  MARRANE  265 

et  Milan,  comme  improvisateur  et  astrologue.  A  son  retour  dans 
sa  patrie,  il  fut  fait  captif  par  des  pirates  maures,  qui  l'amenèrent 
à  Fez,  mais  qui  ne  tardèrent  pas  à  le  remettre  en  liberté.  A  Fez,  il 
se  maria  avec  une  Mauresque,  après  avoir  déjà  épousé  une  juive 
du  nom  de  Iamila  et  aussi,  à  ce  qu'on  assure,  une  chrétienne.  Il 
passa  quelques  années  à  la  cour  des  rois  de  Navarre  et  ensuite 
s'établit  à  Gordoue.  Les  poètes  espagnols  contemporains  ne  disent 
guère  de  bien  de  lui  ;  ils  ne  l'appellent  pas  autrement  que  Judio, 
mais  auprès  des  grands,  même  auprès  de  la  reine  Isabelle,  il  était 
en  haute  faveur1. 

Montoro  veut  donner  un  bon  avis  à  Juan,  son  bon  et  grand  ami, 
et  le  prie  de  l'accueillir  comme  venant  d'un  frère  :  «  Nous  appar- 
tenons, dit-il,  à  la  même  race  ;  toi  et  moi,  nous  sommes  des  Juifs  ; 
les  offenses  qu'on  te  fait  sont  les  miennes  et  les  dommages  que  je 
subis  sont  les  tiens.  »  Montoro  affichait  cette  prétention  fausse 
qu'aucun  autre  troubadour  ne  devait  participer  aux  bénéfices  pro- 
venant de  ses  compatriotes.  Juan  ayant  reçu  une  certaine  somme 
du  Conseil  de  la  ville  de  Gordoue,  il  l'attaqua,  l'accusant  de  faire 
des  hâbleries  et  lui  reprochant  de  l'avoir  plagié.  Ils  s'insultèrent 
et  insultèrent  leurs  parents  réciproquement,  de  la  façon  la 
plus  vile2. 

Montoro  jouissait  d'une  faveur  particulière  auprès  du  noble 
D.  Pedro  de  Aguilar,  qu'il  a  beaucoup  célébré,  et  auprès  de  son 
fils  D.  Alonso,  le  protecteur  des  néo-chrétiens  souvent  mentionné 
par  lui.  Le  pauvre  fripier  fut  un  des  premiers  que  le  regard  cour- 
roucé du  maréchal-ferrant  atteignit  ;  dépouillé  de  tout,  il  trouva 
un  refuge  chez  D.  Alonso,  dans  PAlcazar.  Après  la  triste  catas- 
trophe, il  adressa  à  son  sauveur  et  protecteur,  qui  se  défendait 
contre  toute  louange,  à  ce  bon  et  noble  chevalier  de  véritable  sang 
royal  qui  était  profondément  attristé  du  malheur  qui  avait  frappé 
les  néo-chrétiens,  un  de  ses  plus  beaux  poèmes,  où  il  reconnaît 
très  librement  que  les  néo-chrétiens  eussent  mieux  fait  de  rester 
juifs  3. 

Montoro  paraît  avoir  abjuré  le  judaïsme  seulement  à  un  âge 
avancé.  Il  se  plaignit  à  une  personne  de  la  magistrature  de  Gordoue 
de  ne  trouver  que  de  la  viande  de  cochon  mise  en  vente  à  la  bou- 
cherie, de  sorte  qu'il  était  obligé,  poussé  par  la  faim,  de  violer  le 
serment  prêté  par  ses  parents  et  aïeux 4. 

Un  noble  seigneur  ayant  retiré  sa  promesse  de  lui  faire  cadeau 

1  Cancionero,  p.  341  et  s. 

5  Cancionero,  no  156  et  s. 

3  Cancionero,  n°  32. 

*  Cancionero,  n°  75. 


266  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

d'un  petit  cochon,  sous  prétexte  qu'il  venait  à  peine  de  se  faire 
chrétien,  il  lui  écrivit  :  «  Ne  savez-vous  donc  pas  comment  j'ai 
obtenu  le  certificat  de  baptême?  Et  vous,  indiscret,  vous  m'avez 
promis  aussitôt  de  m'envoyer  un  de  ces  animaux  que  le  rabbin 
proscrit ! .  » 

Montoro  resta  juif  toute  sa  vie.  Dans  un  poème  adressé  à  la 
reine  Isabelle,  il  se  plaint  de  ce  que,  malgré  les  années  passées 
depuis  sa  conversion  à  la  foi  chrétienne,  on  le  considérait  toujours 
comme  juif;  qu'il  ne  pouvait  parvenir  à  effacer  la  tare  originelle 
et  qu'on  l'appelait  toujours  le  «  vieux  et  méprisable  juif  ».  Ce 
poème,  qu'il  compose  à  l'âge  de  soixante-dix  ans,  montre,  d'ail- 
leurs, très  clairement  combien  il  tenait  peu  sérieusement  à  sa 
nouvelle  croyance  religieuse  2. 

Il  resta  aussi  juif  de  cœur,  car  il  s'intéressa  toujours  vivement 
au  sort  de  ses  malheureux  coreligionnaires  persécutés.  Après  le 
pillage  des  néo-chrétiens  à  Carmona,  en  l'an  1474 3,  Montoro 
adressa  au  roi  une  plainte  émue*.  Il  réprimanda  le  poète  Rodrigo 
Cota  de  Tolède  qui  affectait  une  piété  excessive  et  qui,  comme 
Montoro  le  lui  reprochait  avec  une  amère  ironie,  invitait  ses  pa- 
rents, un  jour  de  sabbat,  à  venir  manger  du  porc,  parce  qu'il  se 
rangeait  du  côté  des  persécuteurs  5. 

De  sa  femme,  Thérèse  Rodriguez,  qui  de  son  premier  mariage 
avait  une  fille  du  nom  d'Aldonza,  Montoro  eut  deux  filles,  Léonora, 
mariée  au  fabricant  de  paillettes  Juan  Rodriguez,  et  Katharina, 
l'épouse  d'un  cerlain  Alonso  Tormy,  et  deux  fils,  Martin  et  Gon- 
zalez. L'un  d'eux  avait,  comme  son  père,  des  aptitudes  de  poète. 
De  Séville,  où  il  s'était  réfugié  après  les  troubles  de  Gordoue,  il 

1  Cancionero,  n°  87  : 

No  sabeis  como  gané 
carta  de  cristiano  lindo  ? 
Y  vos,  senor  importuno, 
en  las  mandas  muy  prolixo, 
mandad  luego  enviarme  uno 
de  los  quel  Rabi  maldïxo. 

*  Cancionero,  n°  36  : 

Ob  Ropero  amargo,  triste, 
que  no  sientes  tu  dolor  ! 
Secenta  anos  que  naciste 

por  do  mi  culpa  se  escombre, 
no  pude  perder  el  nombre 
de  viejo  puto  y  judio. 

3  L'église  de  S.  Bios  à  Carmona  aurait  été  construite  sur  l'emplacement  de  la  syna- 
gogue dans  l'ancienne  Juderia,  Boletin  de  la  r.  Academia  de  Historia,  IX,  333. 

4  Cancionero,  n°  33. 
8  Cancionero,  n°  163, 


UN  CHANSONNIER  MARRANE  267 

était  retourné  à  sa  première  résidence.  C'est  là  que,  souffrant 
et  affaibli,  il  fit  son  testament,  le  31  mars  1477.  Il  en  ressort 
que  notre  fripier  et  troubadour  était  un  homme  aisé1.  Il  mit 
ordre  à  ses  affaires,  partagea  son  bien  et  pourvut  au  sort  de  sa 
femme,  qui  lui  avait  rendu  de  nombreux  et  bons  services  ;  il 
mourut  probablement  pendant  Tannée  1477.  Il  ne  vivait  plus 
lors  de  l'établissement  de  l'Inquisition  et  de  la  catastrophe  de 
Tablada  où  plusieurs  de  ces  coreligionnaires  furent  brûlés  vifs, 
le  6  février  1481 2. 

M.  Kayserling. 


1  Rafaël  Ramirez  de  Arellano,  Anton  de  Montoro  y  su  testamento,  p.  6  et  s. 
1  Cancionero,  prologo,  p.  22. 


NOTES  ET  MÉLANGES 


NOTES  EXEGÉTIQUES 

1.  Zacharie,  iv,  7. 

Parmi  les  exemples  de  substantifs  sans  article  accompagnés 
d'adjectifs  déterminés  figure  bvttîi  nn  (Zach.,  iv,  7).  Le  passage 
même  où  ces  mots  se  trouvent  présente  d'assez  grandes  diffi- 
cultés. Dans  les  versets  4  et  5  le  prophète  demande  à  l'ange  ce 
que  signifient  les  sept  lampes  du  candélabre  qu'il  aperçoit  dans 
sa  vision.  Le  verset  6  commence  ainsi  :  L'ange  me  répondit,  en 
disant  :  «  Voici  la  parole  de  l'Eternel  à  Zorobabel,  etc.  »  Cette 
réponse  ne  se  rapporte  pas  du  tout  à  la  question  du  prophète,  et 
pour  trouver  la  suite  de  6  a,  il  faut  prendre  au  verset  10  les  mots 
nba  rwnia  et  suivants.  Tout  le  passage  depuis  *im  mr  jusqu'à  Ta 
bamt  est  donc  intercalé,  et  paraît  former  un  fragment  d'une  pro- 
phétie consacrée  spécialement  à  Zorobabel,  dont  Zacharie  ne 
parle  pas  ailleurs.  Dans  ce  fragment,  le  verset  7  est  particuliè- 
rement obscur.  On  traduit  le  commencement  :  ïnaïi  nn  tins*  *>» 
Tnmsb  par  :  «  Qui  es-tu,  grande  montagne,  devant  Zorobabel? 
(Tu  deviendras)  une  plaine.  »  Cette  apostrophe  à  la  montagne  est 
bien  singulière  et  l'ellipse  du  verbe  «  être  »  devant  *ïrc)i»b  est 
très  dure.  L'absence  d'article  devant  **i  nous  amène  à  penser  que, 
au  lieu  de  nrr  ïrriK,  il  faut  lire  lïtrr  pn  et  que  *n  est  le  vestige  d'un 
verbe  tel  que  vifcun  ou  trrçDK  "O.  Le  sens  serait  :  je  changerai  la 
grande  montagne  devant  Zorobabel  en  plaine.  La  fin  du  verset 
!ib  "jn  "jn  mwzîn  mû&ntt  }aan  na  amm  est  probablement  altérée, 
mais  nous  ne  nous  chargeons  pas  de  la  restituer  dans  sa  forme 
primitive. 

2.    DlTTOGRAPHIES   VERTICALES. 

Si  l'absence  de  l'article  dans  un  substantif  accompagné  d'an 


NOTES  ET  MÉLANGES  269 

adjectif  qui  a  l'article  peut  se  justifier  quelquefois  par  l'usage  tal- 
mudique,  il  n'en  est  pas  de  même  du  cas  inverse.  On  peut  a  priori 
affirmer  qu'il  y  a  une  faute  de  copiste  lorsque  le  substantif  est 
déterminé  et  que  l'adjectif  appositif  n'a  pas  d'article.  Dans  Jéré- 
mie,  xxii,  26,  on  trouve  mna  •pan.  Cornill  (dans  la  Bible  en  cou- 
leurs) supprime  avec  raison  le  n,  le  sens  de  la  phrase  indiquant, 
d'ailleurs,  que  yiB  doit  être  indéterminé.  Mais  la  présence  du  n 
s'explique  quand  on  remarque  à  la  ligne  suivante  (verset  27)  le 
mot  ynttiT  Nous  avons  là  un  nouvel  exemple  de  dittographie  ver- 
ticale. De  même,  dans  Ezéchiel,  xxxix,27,  au  lieu  de  ûm  ûTOtt; 
il  faut  lire  *i  û^a,  Cornill,  dans  son  livre  sur  Ezéchiel,  supprime 
DW,  mais  il  est  plus  simple  de  biffer  le  rt.  Cette  lettre  provient 
du  mot  tman  qui  est  juste  au-dessous  (verset  28). 

Mayer  Lambert. 


QUEL  EST  LE  PSAUME  DE  LA  DÉDICACE  DtJ  TEMPLE  ? 


La  suscription  du  psaume  xxx  :  «  Cantique  de  la  dédicace  du 
Temple  »  n'a,  comme  on  sait,  aucun  rapport  précis  avec  le  contenu 
de  ce  psaume.  Il  y  est  question  des  actions  de  grâces  d'un  homme 
qui  relève  d'une  maladie  grave  et  qui  remercie  Dieu  de  l'avoir 
sauvé  miraculeusement,  de  l'avoir  retiré  des  bords  du  gouffre  et 
d'avoir  changé  sa  tristesse  en  allégresse.  Les  exégètes  sont  tombés 
d'accord,  en  partie,  pour  expliquer  ce  psaume  symboliquement  et 
pour  désigner  la  «  maladie  »  et  le  «  gouffre  »  comme  l'époque  de 
l'exil  ou  le  temps  des  persécutions  religieuses  sous  Antiochus. 
Dans  ce  dernier  cas,  la  composition  de  ce  cantique  devrait  être 
placée  à  l'époque  des  Macchabées  ;  «  celui  qui  prie  »  serait  la  com- 
munauté, et  la  guérison  dont  il  s'agit,  le  rétablissement  du  service 
divin. 

Cette  hypothèse  se  heurte  à  cette  considération  que  dans  un 
cantique  chanté  par  la  communauté  «  pour  la  dédicace  du  Temple  », 
tout  ne  peut  être  symbolique  et  qu'il  faudrait,  du  moins,  qu'un 
verset  ou  un  mot  parlât  du  Temple  et  de  sa  destination.  Or,  tel 
n'est  pas  le  cas. 

Beaucoup  d'interprètes  et,  à  leur  tête,  Ibn  Ezra  et  dans  les 
temps  modernes  Delitzsch,  ont  émis  une  autre  hypothèse  :  il  serait 


270  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

question  ici  de  l'inauguration  du  palais  de  David  (II  Sam.,  v, 
11).  David  relevait  alors  d'une  grave  maladie,  à  ce  qu'ils  supposent. 
Mais  la  Bible  ne  parle  nullement  de  ce  fait.  Il  n'est  également 
pas  vraisemblable  que  David  ait  célébré  «  i'inauguration  de  son 
palais  »,  car  cette  expression  ne  s'emploie  nulle  part  pour  une 
maison  privée. 

Une  autre  énigme  que  nous  offre  la  version  alexandrine  de  ce 
psaume,  grâce  aux  leçons  arméniennes,  si  importantes  pour  la 
critique  du  texte  grec,  nous  permet  d'arriver  à  une  explication 
satisfaisante.  Le  psaume  xxix  :  ù^ba  ^sa  ^b  inn  wb  TWTtt  porte 
dans  les  Septante  cette  incompréhensible  suscription  :  kqooiou 
c  x  7) v -?)<;.  A  défaut  d'une  explication  suffisante  de  ces  deux  mots, 
on  (Delitzsch,  Baethgen)  admet  que  <7xr,vr)  est  mis  ici  pour  cxtjvo- 
7t7)Yia  «  la  fête  des  Cabanes  »  ;  eÇooiou  répondrait  (comme  ailleurs 
dans  les  Septante)  à  rns*.  La  suscription  équivaudrait  donc  à 
l'expression  hébraïque  mmon  mas*b,  et  ce  cantique  aurait  été 
chanté,  pendant  l'office,  «  le  dernier  jour  de  la  fête  des  Cabanes  », 
le  Schemini-Açéret.  On  cite  à  l'appui  le  passage  du  Talrnud, 
Soucca,  5.5  a,  où  l'on  fait  figurer  ce  psaume  parmi  les  cantiques 
de  la  fête  des  Cabanes.  Toutefois  cette  hypothèse  —  sans  compter 
qu'aucun  des  psaumes  des  fêtes  ne  porte  une  pareille  suscription 
en  grec  —  a  contre  elle  les  raisons  décisives  suivantes  : 

1°  Dans  le  passage  cité  du  Talrnud,  où  l'on  énumère  les  psaumes 
des  fêtes  intermédiaires,  il  est  dit  ffl  tt»  li^N^a  wb  bu:  ibina 
tnbN  tfa  ""b  "an  û"ntt\s  :  ce  cantique  était  donc  chanté  le  premier 
jour.  Il  n'y  a  pas  d'erreur  possible,  car  on  donne,  pour  chaque 
jour  des  fêtes  intermédiaires,  un  signe  mnémotechnique,  **ïiïJÉti 
ou  "^aSWttT.  En  tout  cas,  il  n'est  pas  question  de  la  fête  d'Açéret. 

2°  Si  le  glossateur  alexandrin  avait  mal  compris  la  tradition  et 
ajouté  une  remarque  aussi  inutile  que  fausse,  il  aurait  dû  con- 
naître assez  le  grec  pour  savoir  que  cxt^  ne  signifie  jamais  la  fête 
des  Cabanes,  et  qu'il  faudrait,  au  moins,  cx-rivwv  ou  ffxïjvo7U7jYÎaç. 
C'est  cette  difficulté  sans  doute  qui  a  déterminé  M.  Jacob  '  à  ad- 
mettre l'hypothèse  que  vx-ip^  pst  une  glose  fautive  et  qu'à  l'ori- 
gine il  n'y  avait  que  le  mot  e|o8iou  =  mitjb.  Mais,  comme  on 
l'a  déjà  remarqué,  cette  hypothèse  n'a  aucun  point  d'appui  dans 
la  tradition. 

Or,  j'ai  trouvé  dans  la  version  vieille-arménienne,  que  l'on  a 
commencé  récemment  à  apprécier  selon  son  mérite  pour  le  con- 
trôle du  texte  grec2,  les  leçons  suivantes,  qui  jettent  un  jour 

1  Zeitschrift  f.  alttestam.  Wissensch.,  de  Stade,  1896,  p.  289. 

*  M.  Preuschen,  Zeitschr.  f.  neutestam.  Wiss.,  1900,  p.  108,  reconnaît  la  valeur 


NOTES  ET  MÉLANGES  271 

curieux  à  la  fois  sur  le  Ps.  xxix,  et  sur  la  suscription  du  Ps.  xxx. 
L'arménien  a,  dans  ses  éditions  et  dans  des  manuscrits,  les  sus- 
criptions  suivantes  pour  le  Ps.  xxix  : 

A.  «  Psaume  de  David,  cantique  (ou  des  cantiques)  de  l'inaugu- 
ration du  Temple  »,  saghmos  nawakateatz  tadjarin  =  liïnrn 
(mari)  ba^ï-rn  roaji  (ou  -nira»)  tiû  Tttb.  Telle  est  la  leçon  de 
diverses  éditions  et  du  God.  Arm.  11  de  la  Bibliothèque  impériale 
et  royale  de  Vienne.  Ce  serait  donc  la  suscription  que  la  Massora 
et  les  Septante  n'ont  que. pour  le  Ps.  xxx. 

B.  «  A  la  sortie  et  à  rentrée  et  en  dressant  la  tente  »  (helanel  yew 
i  mtanel  yew  i  harkanel  zhhoran  ==  à  peu  près  (ptBEM  h«)  nNs;3 
ppttïi  trpnan  [ptawrj  b«]  Klaà*  (ou,  au  lieu  de  la  fin  :  briNï-t  rvtoïai. 
ce  qui  en  arménien  est  traduit  de  la  même  façon).  Cette  variante 
est  citée,  d'après  des  manuscrits,  dans  l'édition  critique  de  la  Bible 
de  Zohrab  (Venise,  1805). 

Ces  leçons  suggèrent  l'hypothèse  suivante  :  la  suscription 
mar:  nain  tuj  m»T73  appartient,  en  réalité,  au  psaume  précé- 
dent, auquel  elle  convient  fort  bien.  L'invocation  solennelle  :  naïi 
unp  rwm  "«b  TinniBin  tsn  ma  ■*!  «  Donnez  à  Dieu  gloire  et 
puissance.  Prosternez-vous  devant  l'Éternel  dans  son  sanctuaire 
magnifique  »,  est  si  bien  faite  pour  la  dédicace  d'un  temple,  et  la 
fin  (v.  9)  nias  "i»n  iba  iba^-tan  «  Et  dans  son  temple,  tout  pro- 
clame sa  gloire  »,  confirme  si  bien  le  contexte  qu'il  y  a  lieu  de 
s'étonner  que  la  suscription  ait  pu  être  transportée  en  tête  du 
psaume  suivant1. 

On  peut  même  remarquer  que  le  Ps.  xxiv,  7-10,  qui  est  aussi  un 
psaume  de  dédicace  (il  est  aussi  expliqué  comme  tel  dans  Sabbaty 
30  a)  et  qui  parle  de  «  l'entrée  du  roi  de  la  gloire  »,  est  de  date 
plus  récente,  qu'il  suppose  le  Ps.  xxix  déjà  connu,  puisqu'il  lui  em- 
prunte ses  principaux  traits.  En  effet,  la  question  posée  dans  Ps., 
xxiv,  8,  TiaMi  ^btt  riT  *»  «  qui  est  le  roi  de  la  gloire?  »  se  rapporte 
évidemment  à  «  la  gloire  de  Dieu  »  mentionnée  plusieurs  fois  dans 
le  Ps.  xxix  (m  a  a  -itfiK  iba  iba^nan  ,tr:nrr  Tiaan  ba  ,*naa  'nb  narj). 
Dans  ce  même  Ps.  il  est  dit  aussi  abvb  ^b»  ■«  asm  «  Et  l'Éternel 
demeurera  roi  à  jamais  ».  La  réponse  qui  soulève  un  nouvel  ordre 
d'idées  :  «  Dieu  est  le  fort  et  le  puissant  »,  "naai  ïw  ■",  rappelle 

des  mss.  arméniens  pour  les  pseudépigraphes.  La  versi.n  de  l'Ancien  Testament  n'a 
pas  encore  été  étudiée  scientifiquement.  Une  étude  de  M.  Ermoni  (Compte  rendu 
du  4'  Congrès  scientifique  international  à  Fribourg,  1897,  IIe  section,  p.  317-351) 
est  sans  valeur  pour  la  science. 

1  Peut-être  a-t-on  voulu  aussi  désigner  par  "p^bt!  ",T"1N"D',T"IN  "13TO  (v.  5)  et 
m"13H  Eptarn  (v.  9),  les  cèdres  employés  pour  la  construction  du  temple,  et  par 
U5N  manb  ai&in»  les  flammes  de  l'autel. 


272  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

sûrement  xxrx,  1  :  T3h  ni»,  ainsi  que  la  description  de  la  toute- 
puissance  divine  et  la  conclusion  "jrp  unsb  iy  11  «  L'Éternel  donne 
la  force  à  son  peuple.  » 

Or,  ce  psaume  de  la  dédicace  du  temple,  qui  est  le  véritable, 
a  peut-être  eu,  à  l'époque  la  plus  ancienne,  une  suscription 
qui  nous  a  été  conservée  dans  la  seconde  variante  l  :  nN^s 
•pTOtt  D^p!-m  ["pran  bs]  maai  (pttfcrt  ris).  Gela  rappelle  la  phrase 
de  l'Exode,  x,  35-36  :  nnsan  ...ynart  2D3n  "W.  L'expression  s£oo-:ou 
(TXTjVYiç  (qui  n'a  aucun  rapport  avec  la  fête  des  Cabanes)  est  donc 
un  fragment  de  phrase  et  doit  être  complétée  par  efadSou  xat... 
&Tt6x£  scràOYj  7]  (tx^vV]  «  en  sortant,  en  entrant,  lorsque  la  tente  était 
dressée  ».  Effectivement,  on  trouve  dans  I  Chron.,  xxvm,  29,  à 
propos  de  l'érection  de  la  tente  sacrée  sous  David  et  de  l'introduc- 
tion de  l'arche  dans  le  sanctuaire,  les  versets  de  notre  psaume  : 
imp  rmm  'nb  ■nnmpri  /;>b  vain. 

Notre  hypothèse  devient  presque  une  certitude,  si  nous  com- 
parons le  Psaume  96  (95)  dans  la  version  des  lxx.  Nous  y 
trouvons  encore  une  suscription  étonnante  sans  aucune  base  dans 
l'hébreu  :  ots  6  olxoç  wxooô[A7]Tat  [/.exà  TYjV  alx(JiaX(o(7tav.  Vulgate  : 
quando  domus  aedificabatur  post  captivitatem.  En  regardant  de 
près,  nous  rencontrons  ici  aussi  les  versets  déjà  connus  (7-9)  : 
«"->b  Tinnian  éM2X  tcû  ^b  mil  ,î:h  atp  +•$  latt.  C'est  donc,  d'après 
la  tradition  alexandrine,  le  chant  particulier  de  la  dédicace  du 
Temple.  Pour  le  Ps.  29  (28)  la  Vulgate  a  la  version  :  «  in  consum- 
matione  tàbernaculi  »,  elle  le  regarde  donc  comme  appartenant 
au  temps  de  David. 

Quanta  ceux  qui,  à  tort,  ne  veulent,  en  aucun  cas,  reconnaître 
de  psaumes  authentiques  du  temps  de  David,  ils  peuvent  expli- 
quer les  suscriptions  arméniennes  de  la  façon  suivante  :  à  l'époque 
où  la  collection  des  Psaumes  a  été  faite,  sur  la  foi  de  la  relation, 
I  Chron.,  xvi,  28,  on  a  rapporté  ce.  psaume  à  l'érection  de  la  tente 
sacrée  sous  David,  tandis  qu'en  réalité,  il  a  servi  à  la  dédicace  du 
Temple.  Peut-être  aussi  a-t-il  été  remplacé  à  l'époque  des  Mac- 
chabées par  le  psaume  symbolique  xxx,  de  sorte  que  la  transpo- 
sition de  la  suscription  ne  serait  pas  une  simple  erreur. 

Vienne,  juin  1901. 

Armand  Kaminka. 


1  La  version  arménienne  de  la  Bible  a  été  faite,  d'après  des  relations  tout  à  fait 
concordantes,  vers  l'an  430,  sur  des  exemplaires  des  Septante  particulièrement  dignes 
de  conûance  (qui  provenaient  peut-être  du  n*  ou  du  m"  siècle).  Les  textes  dont  se 
servaient  les  savants  arméniens  sont  désignés  comme  «  authentiques  »  (Voir  Ko- 
rioun,  Vie  de  Mesrop  ;  Moïse  de  Khorène,  Histoire  d'Arménie,  III,  61  ;  F.  Murad, 
Araratet  Mâsis,  Heidelberg,  1901,  p.  87). 


NOTES  ET  MÉLANGES  273 


L'AUGURE  FULV1US  ET  L'ENFANT  JESUS 

Un  des  plus  célèbres  tableaux  de  chevalet  de  Domenico  Ghir- 
landaio  est  Y  Adoration  des  Bergers,  qu'il  peignit,  en  1485,  pour 
la  chapelle  des  Sassetti  à  Santa  Trinità  de  Florence,  et  qui  est 
aujourd'hui  conservée  à  l'Académie.  Dans  la  composition,  dans  le 
traitement  réaliste  des  figures  de  bergers  —  ces  têtes,  dit  Vasari, 
qu'on  estimait  comme  des  choses  divines  —  l'artiste  s'est  visible- 
ment inspiré  du  fameux  tableau  du  Flamand  Hugo  van  der  Goes, 
sur  le  même  sujet,  peint  quelques  années  auparavant  pour  l'hôpital 
de  Santa  Maria  Nuova  ;  mais,  tandis  que  le  peintre  néerlandais  a  em- 
prunté ses  motifs  d'architecture  aux  églises  romanes  et  gothiques 
qu'il  voyait  dans  son  pays,  le  Florentin,  imbu  de  réminiscences 
classiques,  a  demandé  les  siens  aux  ruines  de  Rome,  qu'il  avait 
deux  fois  visitées.  L'humble  étable  où  vient  de  naître  l'enfant 
divin  a  un  auvent  soutenu  par  deux  élégants  pilastres  corinthiens; 
dans  un  lointain  charmant,  tout  peuplé  de  vivantes  figurines,  le 
cortège  des  rois  mages  s'achemine  sous  un  arc  de  triomphe,  proche 
parent  de  celui  de  Titus,  et  sur  l'architrave  duquel  on  lit  l'in- 
scription : 

GN.  POMPEIO  MAGNO  HIRCANVS  PONT.  P(osuit?). 

Mais  le  détail  le  plus  curieux,  c'est  la  crèche  même,  d'où  le  petit 
Jésus  a  été  extrait,  et  sur  le  bord  de  laquelle  se  penchent  un  âne 
et  un  bœuf,  ouvrant  un  œil  jaloux  ou  curieux.  Cette  crèche  n'est 
pas  la  modeste  auge  en  bois  ou  en  pierre,  grossièrement  taillée, 
que  représentent  la  plupart  des  compositions  analogues1;  c'est 
la  cuve  en  marbre  d'un  sarcophage  romain,  décorée  de  moulures 
et  d'une  massive  guirlande  de  fleurs  et  de  fruits.  Sur  la  face  anté- 
rieure de  cette  cuve  et,  en  partie,  masquée  par  un  des  bergers 
agenouillés,  facile  néanmoins  à  restituer  intégralement,  se  lit  le 
distique  suivant  : 

ENSE  CADENS   SOLYMO   POMPEÏ  FVLVIV[s]   AVGVR 
NVMEN  AIT  QVAE  ME  CONTEG[et]  VRNA  DABIT. 

C'est-à-dire  (car  ce  latin  un  peu  alambiqué  mérite  qu'on  le  tra- 
duise) : 

«  Fulvius,  augure  de  Pompée,  tombant  sous  l'épée  d'un  Juif,  s'écrie  : 
L'urne  qui  recouvrira  mes  cendres  donnera  naissance  a  un  dieu.  » 

1  Max  Schmid,  Die  Darstellung  der  Qeburt  Christi  in  der  bildenden  Kunst,  Stutt- 
gart, 1890. 

T.  XLIII,  N°  86.  « 


27i  BEVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Ainsi  Ghirlandaio  s'est  fait  l'écho  d'une  légende  suivant  laquelle 
la  crèche  où  fut  nourri  Jésus  était  le  sarcophage  d'un  certain 
Fulvius,  augure  dans  l'armée  de  Pompée,  et  tué  lors  de  la  prise  de 
Jérusalem  par  les  Romains  soixante-trois  ans  auparavant.  Il  est 
presque  inutile  de  dire  à  nos  lecteurs  que  l'histoire,  c'est-à-dire 
Josèphe,  ne  connaît  aucun  personnage,  aucun  fait  pareil.  Trois 
Romains  se  distinguèrent  à  la  prise  de  Jérusalem  l  ;  tous  les  trois 
ont  des  noms  commençant  par  F  —  Faustus  Sylla,  et  les  centu- 
rions Furius  et  Fabius  —  mais  aucun  d'eux  ne  s'appelait  Fulvius, 
aucun  n'exerçait  les  fonctions  d'augure.  D'autre  part,  rien,  ce 
semble,  dans  les  Évangiles  canoniques  ou  apocryphes  n'a  pu  sug- 
gérer Tétrange  tradition  illustrée  par  Ghirlandaio.  L'art  chrétien 
primitif  l'ignore  et  aussi,  que  je  sache,  l'art  médiéval.  Elle  n'était 
certainement  pas  courante  à  l'époque  de  la  Renaissance  :  Sannazar 
dans  les  vers  de  son  De  parlu  virginis  (II,  444  suiv.),  où  il  décrit 
la  naissance  du  Christ,  paraît  en  avoir  pris  exactement  le  contre- 
pied  2.  D'où  le  peintre  florentin  l'a-t-il  donc  tirée?  De  son  inspira- 
tion? Cela  est  peu  probable.  Lui  a-t-elle  été  racontée  par  un  des 
érudits  dont  il  paraît  avoir  fait  sa  société,  puisqu'il  se  plaisait  à 
reproduire  leurs  traits  dans  ses  fresques,  comme  Ange  Politien, 
Marsile  Ficin,  Cristoforo  Landini,  etc.  ?  Cette  hypothèse  est  assu- 
rément séduisante  ;  elle  s'autoriserait  de  faits  analogues  dans  l'his- 
toire des  peintures  de  Pinturicchio  et  de  Raphaël  au  Vatican.  Mais 
on  ne  fait  ainsi  que  reculer  la  difficulté,  car  il  restera  toujours  à 
savoir  si  l'humaniste  quel  qu'il  soit  qui  a  fourni  à  Ghirlandaio 
l'épisode  de  la  prophétie  de  Fulvius  l'a  inventé  de  toutes  pièces  ou 
l'a  trouvé  dans  quelque  document  antérieur.  Mes  recherches  à  ce 
sujet —  une  enquête  prolongée  dans  les  livres  3  et  auprès  d'hagio- 
graphes  compétents  —  n'ont  abouti  à  aucun  résultat.  C'est  dans 
l'espoir  de  provoquer,  d'un  côté  ou  de  l'autre,  quelque  communi- 
cation susceptible  d'éclairer  ce  petit,  problème  d'érudition  que  j'ai 
demandé  à  la  Revue  l'hospitalité  pour  la  note  que  l'on  vient  de 
lire.  Après  tout,  ne  s'agit-il  pas  encore  d'un  a  conte  juif  »  ? 

Théodore  Reinach. 


1  Josèphe,  Ant.  jnd.,  XIV,  4,  4. 

*  Sancte  puer,  non  te  Partis  operosa  columnis 

Atria,  non  variata  Phrygum  velamina  textu 

Excepere  :  jaces  nullo  speetabilis  auro, 

Augustum  sed  vix  stabulum,  maie  commoda  sedes, 

Et  fragiles  calami  lectœque  paludibus  herbse 

Fortuitum  dant  ecce  torum. . . 
Vasari,  Burckhardt,  Growe  et  Cavalcaselle,  Steinmann  (Ghirlandaio,  1897),  etc. 


NOTES  ET  MELANGES  275 


UN  CONFLIT  DANS  LA  COMMUNAUTÉ  HISPANO-PORTUGAISE 
D'AMSTERDAM  -  SES  CONSÉQUENCES 


Dans  la  jeune  communauté  hispano-portugaise  d'Amsterdam, 
formée  de  Marranes  qui  professaient  des  opinions  religieuses  di- 
vergentes, il  devait  forcément  naître  des  différends.  A  côté  de 
la  première  synagogue  nommée  Beth  Jacob,  «  Maison  de  Jacob  », 
et  fondée  en  1597  par  un  homme  instruit  et  brûlant  d'un  zèle  ar- 
dent pour  le  judaïsme,  Jacob  Tirado,  on  en  éleva  une  deuxième, 
en  1608,  sous  le  nom  de  Nevé  Schalom,  «  Demeure  de  la  paix  », 
parce  que  la  première  était  devenue  insuffisante,  et  aussi  parce 
qu'il  y  avait  des  conflits  d'opinions.  Dix  ans  plus  tard,  un  certain 
nombre  de  membres  se  séparèrent  des  deux  communautés  exis- 
tantes pour  organiser  une  troisième  synagogue  appelée  Beth 
Israël,  «  Maison  d'Israël  ».  On  prétend  que  cette  séparation  avait 
été  provoquée  par  les  discours  sévères  et  les  actes  rigoureux  du 
rabbin  lsaac  Uziel,  venu  de  Fez.  Il  semble  pourtant  qu'elle  était 
encore  due  à  une  autre  circonstance,  dont  on  n'avait  pas  tenu 
compte  jusqu'à  présent. 

Il  se  produisit,  en  effet,  dans  la  communauté  d'Amsterdam,  un 
différend  d'une  importance  telle  qu'à  côté  du  rabbin  de  Lublin,  on 
crut  nécessaire  de  s'adresser  encore  à  un  autre  rabbin  célèbre  de 
Pologne  pour  connaître  son  avis  sur  le  point  en  litige  :  c'était 
R.Joël  Sirks,  de  Brscesz,  en  Lithuanie.  Ce  rabbin  exposa  les  faits 
de  la  façon  suivante  '  : 

i-6*  -o  ùitjïî»»  t:  rtpirn  yiNtt  y-^a  ia*ttia  ma*  Sip 
i-nz5*  m*-i  trnizii  ...yncti  -lïraB  NDinr?  ^a-iba  «in  y-narr 
Sa  ittiiai  i73B"inizj"«  mb*  ...r-ibbiann  nb-na  nan  Nirt  nrtN  ynpa 
■nm  by  whi2  »b»  vaan  naab  Nu;a  n^a  ïit  ^a  Nim  ab  -n->aN 
yanbnEn  lavab  ^^  nbiu:  nbaprt  'tjana  as  ûmrmaNa  ^"t  waan 
■W$a  arana  «b  ^a  n»fco  ^n  rrb*  ^a*n  m72Nn  nTaan  rraanrt  b* 
p^nin  *n*i  ,an«  Sa  -jui^a  t-irr  rrnnai  wpDio^on  pn  êdn  ^a 
/însnb  bniN  t-ina^-i  a^aisn  ta^iaaN  vbN  Spsb  ■mNttiaa 
r-nsn  nn«  m^b  fna  a^aa-iarn:  TriN  a  "in  i»«b  *à  rnaiDn  i-unn 
rrnoaa  ^na  ^ntab  tûn  vnyftn  ^aai  Sripri  i/mb  marra  airnab 
wa  annn  tamian  ra^arns  ims  SiNiab  anmaia  ta^an  ■wb'YVSfc 
tei  "imtt  iiDNrt  S*  -iïïni  rittÎNa  *-r  sa  îrhttwj  -na^ai  na^nà 
Sata   p"P^  ^rïïa   3"-aa    main  a^aanm    rmtt^wn  fc-n»aona 

1  Consultations  de  R.  Joël  Sirks  (Francl'ort-sur-Mein,  1697),  n°  4  (5),  p.  3  </,. 


276  HEVUË  DES  ÉTUDES  JUIVES 

tana  nbtûanattî  trbam  ï-rbaa  aorr  &nïiii  wsin  ^p  b*  unuîsn  ntmn 
nanrr  NDinrt  *aibsn  153b  «b  n:rrna  roabn  ib^sa  *o  a-moN 
r<b\a  Dn  Sipa  nE&n  n*£>  rtmaa  ^"na^rr  raenb  ira* 
111533  ban  vb*  iiDan  "iba&ota-i  N">nn  rj-nann  hy  "îmata^ 
ba  .nbni  niûaïra  "ibaîn  ùiSDab  "ik-p  «b  D?n  natpnE  maya  pi 
ûroa»K  *p*w  û^pna-iE  n-oan  rr»b»a  anaa  îrarab  :wi  inb« 
.•pbaib  p"p"j  Yns  ann  i3sa  ûnxrnn  n»r*prûi 

Un  médecin  d'Amsterdam  avait  parlé  avec  dédain  des  aggadot  et 
s'était  moqué  de  la  cabbale,  affirmant  que  c'étaient  là  des  mois  vides  de 
sens  et  que  seule  la  philosophie  enseignait  la  sagesse;  il  avait  même 
réussi  à  gagner  à  ses  idées  plusieurs  membres  notables  de  la  com- 
munauté. Ce  médecin,  qui  était  un  des  administrateurs  de  la  com- 
munauté, avait  également  nommé  comme  sacrificateur  (schohèl)  un 
individu  qui  ignorait  totalement  les  règles  de  la  schehita,  comme 
l'avait  prouvé  un  examen  que  les  deux  rabbins,  d'accord  avec  l'ad- 
ministration des  deux  synagogues,  lui  avaient  fait  subir.  Les  rab- 
bins, toujours  d'accord  avec  les  administrateurs,  avaient  alors  fait 
publier  dans  les  deux  synagogues,  que  la  viande  de  toutes  les  bêtes 
tuées  par  ce  schohèt  était  trèfa  et  que  les  usteusiles  où  cette  viande 
avait  été  cuite  étaient  devenus  impropres  à  l'usage.  Le  médecin,  ne 
tenant  nul  compte  de  cette  publication,  avait  proclamé  dans  la  syna- 
gogue, en  sa  qualité  d'administrateur,  qu'il  ne  fallait  pas  prendre  en 
considération  la  décision  des  rabbius  et  qu'on  pouvait  continuer  à 
consommer  en  toute  sécurité,  sous  sa  responsabilité,  la  viande  des 
animaux  égorgés  par  le  schohèt  inculpé.  Et,  en  effet,  une  partie  de  la 
communauté  ne  s'était  fait  aucun  scrupule  de  suivre  son  avis. 

Une  des  conséquences  de  ce  conflit  sensationnel  fut  la  fondation 
de  la  troisième  synagogue,  Beth  Israël,  en  1618,  année  où  l'appel 
des  rabbins  d'Amsterdam  parvint  à  R.  Joël  Sirks  à  Brscesz.  L'année 
suivante,  celui-ci  fut  nommé  rabbin  àCracovie.  Les  trois  rabbins 
qui  s'étaient  adressés  à  leurs  collègues  de  Pologne  étaient  :  Jo- 
seph Pardo,  décédé  en  1619  ;  Isaac  Uziel ,  décédé  en  1622  ,  et 
Saùl  Lévi  Morteira,  qui  n'avait  été  nommé  qu'en  1616. 

Et  le  médecin  qui  avait  provoqué  ce  conflit  et  qui  peut  être  con- 
sidéré comme  un  précurseur  d'Uriel  Acosta,  qui  était-ce?  Tout 
simplement  le  portugais  Abraham  Farrar,  appelé  aussi  Simon 
Lopès  Rosa,  président  de  la  plus  ancienne  synagogue  d'Amster- 
dam, de  Beth  Jacob.  Nous  ne  savons  pas  s'il  a  été  réellement 
frappé  d'excommunication,  comme  le  conseillait  R.  Joël  Sirks. 
Il  mourut  cette  même  année,  le  14  décembre  1618,  suivi  dans  la 
tombe  neuf  jours  plus  tard,  le  23  décembre,  par  sa  femme  Sara  *. 

M.  Kayserling. 

1  Biblioieca  espanola-portugucta  judaica,  p.  44. 


NOTES  ET  MÉLANGES  277 


LES  JUIFS  DE  NAPLES 


Depuis  que  Ferdinand  d'Aragon  avait  banni  les  Juifs  d'Espagne, 
la  menace  d'expulsion  était  suspendue  comme  une  épée  de  Damo- 
clès  sur  la  tête  de  leurs  coreligionnaires  de  Naples.  Longtemps 
avant  que  Charles-Quint  ne  revînt  de  son  expédition  victorieuse 
en  Afrique,  il  avait  eu  l'intention  de  chasser  les  Juifs  de  Naples. 
Mais  des  considérations  financières  et  ie  fait  que  les  chrétiens  ne 
pouvaient  s'occuper  des  affaires  d'argent  désignées  sous  le  nom 
d'usure,  avaient  empêché  le  pieux  et  avide  empereur  de  donner 
suite  à  son  dessein.  En  l'an  1528,  pendant  la  guerre  qu'il  diri- 
geait contre  ses  ennemis  d'Italie,  alliés  de  François  Ier,  roi  de 
France,  il  fut,  de  différents  côtés,  sollicité  de  prendre  des  me- 
sures au  sujet  des  impôts  que  les  Juifs  de  Naples  avaient  à  payer. 
Il  s'adressa  alors  au  vice-roi  de  Naples,  son  cousin,  Philibert  de 
Châlons,  prince  d'Orange,  pour  lui  demander  s'il  lui  paraissait 
plus  avantageux  d'expulser  les  Juifs  ou  de  continuer  à  les  tolérer 
et  d'employer  les  impôts  qu'ils  payaient  aux  dépenses  de  l'État. 
C'est  ce  que  nous  apprend  une  lettre  datée  du  19  juillet  1528,  qui 
figure  dans  les  archives  de  Vienne  et  qui  a  été  récemment  publiée 
pour  la  première  fois.  Voici  le  passage  en  question  : 

«  Oultre  ce,  l'on  nous  a  fait  grande  instance  de  plusieurs  coustez, 
de  disposer  de  l'office  et  tribut  des  Juifz,  lequel  a  dernièrement  va- 
qué par  le  trespas  de  César  Feramosce,  ce  qu'avous  différé  pour- 
veoir,  pour  le  désir  qu'avons  de  chasser  lesdits  Juifz  dudit  royaume, 
et  pour  ce  que  aucuns  nous  disent  que  c'est  proffit  de  les  entretenir, 
tant  pour  evitler  que  les  chrestiens  ne  exercent  les  usures  comme 
eulx  font  que  aussi  pour  le  proffit  que  la  court  en  peut  avoir,  avons 
conclud  de  remettre  à  vous  que  vous  informez  deuement  de  ce  que 
vous  semblera  plus  convenable  ou  d'entretenir  lesdits  Juifz,  moyen- 
nant le  tribut  qu'ils  payent,  ou  de  les  en  chasser  du  tout.  Et  vous 
estes  d'advis  que  l'on  les  doye  entretenir,  seroit  mieulx  appliquer 
ledit  tribut  au  proffit  de  nostre  court  pour  ayder  aux  frais  d'icelle 
que  de  le  bailler  a  autruy  *.  » 

Philibert  de  Châlons,  dont  la  réponse  ne  nous  est  pas  parvenue, 
ne  conseilla  sûrement  pas  de  chasser  les  Juifs,  car  ceux-ci  res- 
tèrent à  Naples  encore  douze  ou  treize  ans. 

M.  Kayserling, 

*  Bolttin  de  la  r,  Academia  de  Historia,  t.  XXXIX,  p.  180. 


BIBLIOGRAPHIE 


REVUE  BIBLIOGRAPHIQUE 

ANNÉE   1901. 

(Les  indications  en  français  qui  suivent  les  titres  hébreux  ne  sont  pas  de  V auteur  du  livre, 
mais  de  V auteur  de  la  bibliographie,  à  moins  qu'elles  ne  soient  entre  guillemets.) 


1.  Ouvrages  hébreux. 

D^bfflTTl  "p^  rnïlX  '0  Ahawalh  Ziou  We-Jeruscholaiin.  Varianten  u. 
Ergânzungen  des  Textes  des  Jerusalemitischen  Talmuds  nach  alten 
Quelien  u.  handscbr.  Fragmenten  edirt,  mit  kritischen  Noten  u.  Eilâu- 
terung  versehen  von  B.  Ratuer.  Traktat  Berachoth.  Wilna,  Koram,  1901  ; 
in-8°  de  vi  +  218  p. 
Voir  plus  loin. 

Û^^n  )Wb  "Iir-IN  'o  Enthâlt  ùber  7000  rabbinische  Lehren,  Sentenzen, 
Sprùcuwôrter  etc.  wie  auch  viele  denselben  entsprechende  lateinische, 
deutsche,  franzôsi;che,  russische  u.  polnische  ...von  K.-W.  Perle.  Var- 
sovie, impr.  Schuldberg,  1900  ;  in-8°  de  336  p. 

On  a  déjà  composé  nombre  de  recueils  des  proverbes,  sentences  et  dictons 
rabbiniques;  mais,  sans  conteste,  celui-ci  est  un  des  meilleurs  et  des  plus 
complets.  L'auteur,  comme  de  juste,  a  suivi  l'ordre  alphabétique;  toutefois 
il  ne  manque  pas,  quand  il  y  a  lieu,  de  citer  les  parallèles.  Les  explications 
sont  généralement  ae  bon  aloi.  Peut-être  aurions-nous  élagué  beaucoup 
d'articles  qui  n'ont  rien  à  faire  dans  une  pareille  collection.  Ainsi  toutes  les 
traditions  commençant  par  les  mots  DV7I  IDIN  «  ce  jour-là,  le  même 
jour  »,  ou  «  Emma  Schalom  femme  de  R.  Elazar,  était  sœur  de  Rabban 
Gamliel  ».  Mais  nous  aurions  mauvaise  grâce  à  lui  en  vouloir  de  cet  excès 
de  conscience,  qui,  somme  toute,  ne  sera  pas  sans  profit.  Nous  le  chica- 
nerions plutôt  sur  la  peine  qu'il  s'impose  inutilement  pour  justifier  cer- 
taines sentences    un   peu   étranges.  Voir  n°  3,716,  sur  les  mots  ^pfabn  b'D 

d^n  r^bn  i^a  wros  Hbiai  ûpiD  i^nib  nsn,  où  il  veut  corriger 

"Ij^Ntiî  en  i^ïTlZJ  —  comme  si,  d'ailleurs,  on  avait  jamais  ainsi  parlé!  Nous 
aurions  voulu  aussi  que  toutes  les  fois  qu'un  proverbe  est  annoncé  dans  le 
Talmud  par  ">U3^N  "HfaN  «  comme  dit  le  peuple  »,  ces  mots  ne  fussent  pas 


BIHLÏOGRAPHIK  279 

omis,  ce  qui  est  le  cas  assez  souvent.  Mais,  ces  réserves  laites,  nous  recom- 
mandons chaleureusement  aux  chercheurs  comme  aux  moralistes'  et  aux 
théologiens  cette  œuvre  de  premier  ordre,  qui  leur  rendra  les  meilleurs 
services. 

Û'TJ  mmfct  Orchoth  Chajim  von  R.  Aharon  Hakohen  aus  Lunel.  Zweiter 
Teil.  Zum  ersten  Maie  hrsg.  u.  mit  Stellennachweisen  u.  Anmerkungen 
versehen  von  Dr  M.  SchlesiDger.  lre  et  2e  livraisons.  Berlin,  impr. 
Itzkowski,  1899-1900;  gr.  in-8°  de  p.  1-221.  (Publication  de  la  Société 
Mekitze  Nirdamim.) 

D^TlDNHn  niTn  Dorot  Harischonim.  Die  Geschichte  und  Literatur  Israels, 
von  Isaak  Halevy.  Th.  II.  umfasst  den  Zeitraum  von  der  Beendigung 
der  Mischnah  bis  zum  Abschiusse  des  Talmuds.  Francfort,  impr.  Slo- 
botzky,  1901  ;  in-8°  de  619  p. 

On  lira  dans  le  prochain  numéro  un  compte  rendu  détaillé  de  ce  volume 
et  uDe  étude  particulière  sur  une  opinion  exprimée  par  l'auteur,  articles  dus 
à  deux  de  nos  plus  savants  collaborateurs.  Nous  dirons  cependant  dès  à 
présent  que  ce  deuxième  volume  mérite  les  éloges  qui  ont  salué  le  troisième: 
c'est  la  même  connaissance  approfondie  du  Talmud,  la  même  finesse  d'esprit 
et  les  mêmes  prouesses  de  subtilité.  Mais  les  défauts  vont  en  s'accusant;  si 
la  composition  n'est  pas  plus  gauche  ni  le  style  pire  — c'était  impossible — , 
en  revanche  le  ton  a  gagné  en  grossièreté.  Cette  histoire  n*a  rien  d'une  his- 
toire :  c'est  une  critique  passionnée  des  opinons  de  Graetz,  Weiss,  Frankel  et 
Rappoport.  Chaque  page  est  illustrée  par  des  bordées  d'injures  lancées  à  ces 
coryphées  de  la  science  juive.  Elles  ne  sont  même  pas  variées,  elles  sont 
toutes  dans  le  goût  de  celles-ci  :  •  Graetz  a  commis  la  faute  la  plus  grossière  ; 
Frankel  s'est  trompé  stupidement;  Weiss  n'a  même  pas  compris  ses  devan- 
ciers. Ces  erreurs,  personne  ne  se  les  permettrait  s'il  s'agissait  d'autre  chose 
que  de  l'histoire  juive,  mais  la  science  allemande  a  toutes  les  impertinences, 
etc.  »  Pour  arriver  à  l'énoncé  d'un  fait  précis  ou  d'une  opinion  positive,  il 
faut  d  abord  subir  plusieurs  pages  de  discussions  agrémentées  de  ces  re- 
frains, et  encore  le  plus  souvent  l'opinion  attendue  ne  se  produira- t-elle 
qu'après  de  longs  détours.  Quant  à  l'esprit  critique  qui  distingue  M.  H., 
ou  en  aura  une  idée  par  le  détail  qui  suit  :  Il  est  dit  dans  Meila,  17  a,  que 
l'empire  romain  ayant  défendu  aux  Israélites  de  célébrer  le  sabbat  et  de  pra- 
tiquer la  circoncision  et  leur  ayant  ordonné  d'avoir  commerce  avec  leurs 
femmes  indisposées,  Rabbi  Ruben  b.  Istroboli  se  rasa  la  tête  [à  la  ma- 
nière romaine]  et  se  mêla  à  eux  [aux  sénateurs  probablement]  et  leur  dit  : 
Vaut-il  mieux  avoir  un  ennemi  qui  s'enrichisse  ou  qui  s'appauvrisse?  —  Qui 
s'appauvrisse.  —  Alors  permettez  aux  Juifs  de  ne  pas  travailler  le  sabbat 
etc.  On  révoqua  donc  l'édit,  mais  ensuite  on  s'aperçut  que  celui  qui  avait 
ainsi  parlé  était  un  Juif,  et  on  renouvela  la  loi.  Une  telle  histoire,  dit  M.  H., 
montre  avec  la  précision  la  plus  grande  que  la  ehose  (la  révocation  de  l'édit) 
fut  l'œuvre  de  l'empereur  et  des  sénateurs,  que  c'est  aux  sénateurs  qu'eut 
affaire  Ruben!  Si  encore  M.  H.  nous  avertissait  qu'il  ne  faut  pas  prendre 
le  récit  à  la  lettre,  que  celte  fable  peut  être  la  déformation  d'une  tradition 
non  absolument  fantastique,  on  pourrait  discuter  avec  lui.  Mais  ce  sont 
réserves  dont  il  ne  s'avise  pas,  n'ayant  pas  des  idées  bien  arrêtées  sans 
doute  sur  l'organisation  des  pouvoirs  constitués  à  Rome.  Que  pour  l'histoire 
de  cette  période,  Graetz  ait  travaillé  rapidement,  qu'il  ait  pris  trop  au  sérieux 
certains  renseignements  de  caractère  agadique,  tout  le  monde  en  convenait 
avant  que  M.  H.  se  fût  imposé  la  tâche  de  le  montrer,  avec  ces  cris  et  ces 
gestes.  Mais  puisque  M.  H.  évolue  avec  tant  d'aisance  dans  tous  les  recoins 
du  Talmud,  il  aurait  dû  employer  son  érudition  à  une  besogne  plus  utile,  à 
nous  mieux  renseigner  que  nous  ne  le  sommes  sur  l'activité  de  chacun  de 
ces  rabbins.  Or,  le  plus  souvent  sa  critique  est  négative  ;  aux  opinions  de 
ceux  qu'il  pourfend  de  ses  traits  il  ne  substitue  absolument  rien.   Ainsi, 


280  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

prenons  R.  Papa,  une  des  6gures  les  plus  curieuses  et  les  plus  expressives 
du  rabbinisme  babylonien  au  ive  siècle  ;  M.  H.  s'avisera-t-il  de  nous  livrer 
son  impression  sur  le  caractère  de  ce  rabbin;  nous  fera-t-il  remarquer,  par 
exemple,  la  naïveté  de  ses  conceptions,  son  penchant  pour  les  superstitions? 
Nous  montrera -t-il  en  quoi  Papa  était  bien  de  son  temps,  et,  pour  cela, 
rassemblera-t-il  les  traits  pouvant  servir  à  dépeindre  cette  époque?  C'est 
bien  mal  connaître  notre  auteur  que  d'attendre  de  lui  un  tel  effort;  il  est  trop 
fatigué,  d'ailleurs,  de  la  lutte  qu'il  a  menée,  tout  le  long  du  chapitre,  contre 
Graetz  et  Weiss  et  d'avoir  dit  —  ou  plutôt  crié  —  que  le  premier  est  un 
ignare  et  l'autre  un  faussaire,  que  c'est  bien  là  la  science  allemande!  —  Que 
si,  de  ce  gros  volume,  on  élaguait  ces  injures  et  ces  critiques  oiseuses  pour 
ne  retenir  que  les  considérations  et  faits  nouveaux,  il  tomberait  plusieurs 
centaines  de  pages. 

1NV1  Dîwân  des  Abû-1-Hasan  Jehuda  ha-Levi,  unter  Mitwirkung  nam - 
hafter  Gelehrter  bearbeitet  u.  mit  einer  ausfùhrlichen  Einleitung  versehen 
von  Dr  H.  Brody.  I.  Band  :  Nichtgottesdienstliche  Poésie  (Anmerkungen. 
II.  Lieferung).  Berlin,  impr.  Itzkowski,  1900;  in-8°  de  p.  97-224.  (Publi- 
cation de  la  Société  Mekitze  Nirdamim.) 

Ù^arûTa  PEPbn  Briefwecbsel  zwischen  A.-J.  Weizenfeld  und  Rapoport, 
Halberstamm,  Mieses,  Keller,  Jaffa,  Mendelssobn  u.  a.  Vorangebend 
Biographie  Weizenfeld's  (Ein  Beitrag  zur  Gescbichte  der  Aufklârung  der 
Juden  in  Krakau),  von  F. -H.  Wetstein.  Cracovie,  Faust,  1900;  in  8°  de 
100  p. 

FW^a  d^TlîTîl.  Les  Juifs  en  Chine,  par  Marcus  Adler,  trad.  de  l'anglais 
par  Elhanan  Segal.  Wilna,  impr.  Pirodjnikof,  1901  ;  in-8°  de  36  p. 

Traduction  d'un  article  publié  dans  la  Jew.   Quart.  Review,  t.  XIII. 

Ù^blDTY-  Jérusalem.  Jahrbuch  zur  Befôrderung  einer  wissenscbaftlicb  ge- 
nauen  Kenntniss  des  jetzigen  u.  des  alten  Palâstinas,  hrsg.  von 
A. -M.  Luncz.  Band  V.  Heft  3.  1900;  Band  V.  Heft  4.  1901.  Jérusalem, 
chez  l'auteur;  in-16  de  p.  189-382. 

b&nu^  y-lN  mb  Litterarischer  Palâstina-Almanach  fur  das  Jahr  5661-1900/ 
1901  hrsg.  von  A.-M.  Luncz.  VI.  Jahrgang.  Id.  fur  das  Jahr  5662-1901/ 
1902-  Jérusalem,  chez  l'auteur  ;  in-16  de  172  et  184  p. 

Ces  Alraanachs  contiennent  des  notices  intéressantes,  ei  particulier  sur 
les  colonies  juives.  Dans  celui  de  1901  nous  avons  lu  avec  plaisir  quelques 
extraits  d'auteurs  rapportant  des  traditions  sur  certains  monuments  ou  lieux 
célèbres  de  la  Palestine. 

d'Vaipbîl  '0  Sefer  Ha-Likkutim.  Sammlung  altérer  Midraschim  u.  wissen- 
schaftlicher  Abhandluugen.  4.  Th.  Collectaneen  aus  dem  alten  Midrasch 
Jelamdenu  zum  4.  B.  M.;  5  Th.  ...zum  5.  B.  M.  ;  mit  Noten,  Quellen- 
nachweis  u.  Einleitung  versehen  von  L.  Grùnhut.  Jérusalem  [Francfort, 
Kauffmann],  1900  ;  in-8°  de  20  p.  -f  85  ff.  ;  1901,  14  p.  -f  ff.  86-170. 

C'est  une  excellente  idée  d'avoir  réuni  les  extraits  du  Yelamdènou  qui  se 
trouvent  dans  le  Yaikout  et  dans  d'autres  ouvrages.  On  se  rappelle  qu'ici 
même  M.  Neubauer  a  publié  un  certain  nombre  de  citations  de  ce  Midrasch. 
J'aime  mieux  M.  G.  dans  ce  rôle  d'éditeur  que  dans  celui  d'historien  de  la 
littérature.  Sa  méthode,  en  effet,  est  un  peu  déconcertante  ;  si,  par  exemple, 
on  lui  objecte  un  texte  qui  le  gêne,  il  y  répond  simplement  en  taxant 
d'interpolation  le  passage.  C'est  ce  qu'il  fait,  par  exemple  pour  rétorquer 
mes  critiques  touchant  l'âge  du  Midrasch  des  10  exils.  —  Les  notes  qui 
accompagnent  le  texte  du  Yelamdènou  sont  sobres  et  suffisantes. 


BIBLIOGRAPHIE  281 

31U  bdlZi  U5T1E  Sechel  Tob.  Gommentar  zum  ersten  u.  zweiten  Buch  Mosis 
von  Rabbi  Menachem  ben  Salomo  verfasst  i.  J.  1139,  zum  ersten  Maie 
hrsg.,  kritisch  bearbeitet,  commentirt  u.  mit  einer  ausfùhrlichen  Ein- 
leilung  versehen  von  Salomon  Buber.  Berlin,  impr.  Itzkowski,  1900  ;  gr. 
in-8°  deux  -+-  336  p.  (Publication  de  la  Société  Mekitze  Nirdamim.) 

Ce  commentaire  est  de  la  même  famille  que  ceux  de  Raschi  et  de  Tobia 
b.  Eliézer;  il  est  surtout  midraschique,  mais  l'ait  cependant  une  place  à 
l'interprétation  rationnelle.  Inutile  de  dire  que  cette  édition  olfre  toutes  les 
qualités  qui  distinguent  les  travaux  de  M.  Buber;  personne  ne  se  meut 
avec  plus  d'aisance  dans  la  littérature  midraschique,  qu'il  connaît  à  la  per- 
fection. 

m-n3>!n   'pïûbîl  "pbE  «  Dictionnaire   de   la  langue  hébraïque    ancienne  et 
moderne,  par  E.  Ben  Jehouda  ».  Fascicules  1  et  2,  M  à  amN.  Jérusalem, 
.1900;  in-4°. 

Voir  Revue,  t.  XXXVI,  p.  315. 

ia"UZ)D3  N"ip?2  Mikra  ki-Pheschuto.  Scholien  u.  krit.  Bemerkungen  zu  den 
heilig.  Schriften  der  Hebrâer,  von  A.  Ehrlich.  3.  Theil.  Die  Propheten. 
Berlin,  Poppelauer,  1901  ;  in-8°  de  vi  -j-  519  p. 

N"mb  nnDU57J  Die  Familie  Lurie  von  ihren  Anfângen  bis  auf  die  Gegen- 
wart,  nebst  einer  Abhandlung  ùber  Elia  b.  Mose  Loanz,  von  Abraham 
Epstein.  Vienne,  impr.  «  Industrie  »,  1901  ;  in-8°  de  63  p. 

nTilHfiï"»  UTn-nïT  rVlttî  'O.  Consultations  d'Isaac  b.  Scheschet,  publiées 
d'après  le  ms.  de  Leyde  par  David  Frankel,  aux  frais  de  la  Société  "lD!31ël 
d^SW  VlSttJ.  Munkacs,  impr-  Kohn  et  Klein,  1901  ;  in-8°  de  112  p. 

Ce  sont  les  Consultations  du  célèbre  Isaac  b.  Scheschet  conservées  dans  le 
cod.  Warner,  nQ  50  (ce  que  ne  dit  pas  l'éditeur),  et  dont  il  a  été  déjà  question 
ici  (voir  Bévue,  t.  XXXIX,  p.  86  et  89).  En  réalité,  même  les  Consultations 
attribuées  par  le  copiste  à  Isaac  b.  Scheschet  ne  sont  pas  toutes  de  ce  rab- 
bin, plusieurs  sont  de  Moïse  Halawa.  C'est  ce  que  le  regretté  S.-J.  Hal- 
berstam,  suivi  par  Weiss,  avait  reconnu,  et  la  découverte  faite  par  M-  El- 
kan  Adler  d'une  collection  de  Consultations  de  ce  Moïse  a  enlevé  tout 
doute  sur  ce  point  (voir  Revue,  ib.).  Nous  nous  expliquons  qu'un  auteur 
vivant  en  Galicie  ignore  l'existence  de  notre  Revue,  mais  il  devrait  avoir 
lu  au  moins  le  Dor  Dor  Wedorschaw  de  Weiss.  La  Société  Dovevè  Sifte 
Yeschènim,  jeune  émule  des  Mekitzè  Nirdamim,  aurait  pu  exiger  de  son 
collaborateur,  M.  David  Frankel,  une  plus  grande  érudition  littéraire.  Si 
encore  ce  défaut  était  racheté  par  les  qualités  requises  des  éditeurs!  Mais, 
sous  ce  rapport  encore,  la  Société  ne  paraît  pas  avoir  eu  la  main  heureuse  ; 
nous  avons  pu  nous  en  assurer  en  comparant  la  lettre  de  Moïse  Halawa  a 
Yohanan,  fils  de  Matatia  de  Paris,  telle  que  nous  l'avons  éditée,  avec  la 
reproduction  qu'en  donne  M.  Fr.  Quand  il  arrive  à  ce  savant  de  corriger 
le  texte,  c'est  inutilement  et  comme  pour  montrer  son  inexpérience  : 
ne  corrige-t-il  pas  nT^ïl  d^  «  quoique  »  par  riTïl  dN  !  Quelquefois 
peut-être  il  suit  servilement  la  teneur  du  ms.,  mais  dans  ce  cas,  il  devrait 
signaler  les  fautes.  Ainsi,  on  lit  ^"ipn  "17)^,  au  lieu  de  !-J3Hpn  1D^  ; 
SO-»  ..."p-ntfiN,  au  lieu  de  "DO"1-  On  lit  encore  :  £*b  b"T  i3D  .NUîn  ttb 
*"|*l!-in.  Le  ms.  est  peut-être  ainsi  conçu  ;  mais  on  aurait  pu  appeler  l'at- 
tention sur ^  cette  étrange  phrase;  en  réalité,  il  faut  :  b*7  *^D  NUJn  ttb 
"linn  NT1  DVTAT'  Où  se  manifeste  une  légèreté  significative,  c'est  dans  la 
phrase  ï"mrO  ]3DT7  "Ôfa  ;  ces  mots  inintelligibles  sont  dépourvus  de 
toute  note;  or  il  faut  frOirD  «  un  objet  de  raillerie  ».  Là  où  nous  avons 
avoué  n'avoir  pas  compris  le  jeu  de  mots  de  l'auteur,  M.  Fr.  n'a  pas  été 
plus    heureux,    par   exemple    à    propos     de    mm    d"IN    "O^tt    db^3"|.. 


282  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Mais  M.  Fr.  se  tire  d'affaire  aisément  :  il  supprime  tout  bonnement  le  mot 
ÏTin,  qui  le  pêne.  —  Ce  ms.  de  Leyde  contient  entre  autres,  comme  on  le 
sait,  deux  Consultations  de  Yohanan  b.  Matatia  et  de  Joseph  b.  Matatia  ; 
nous  sommes  bien  aise  de  les  avoir  maintenant  sous  les  yeux  :  elles  se  rap- 
portent à  deux  phases  d'un  même  procès,  qui  s'était  débattu  à  Ancône  en 
1399.  Les  deux  rabbins  étaient  sans  doute  déjà  en  Italie,  où  ils  se  réfu- 
gièrent après  l'expulsion  des  Juifs  de  France.  Ce  Joseph,  fils  de  Matatia, 
était  bien,  comme  le  croit  M.  Gros?,  le  même  que  Joseph  de  Trêves,  de- 
meurant à  Dijon.  Ce  qui  est  curieux,  c'est  qu'il  semble  du  vivant  de  son 
frère,  tout  en  exerçant  comme  celui-ci  les  fonctions  de  rabbin,  avoir  été 
le  représentant  des  Juifs  de  France.  11  existe,  en  effet,  aux  archives  de  la 
Côte-d'Or  {Invent,  sommaire,  série  B,  V,  11309)  un  acte  de  l'année  1391  ou 
1392,  par  lequel  «  Joseph  de  Trêves,  maître  en  la  lui  des  Juifs,  demeurant 
à  Dijon,  donne  quittance  générale  à  tous  les  Juifs  et  Juives  demeurant  au 
royaume  de  France  de  la  langue  d'oil  de  tout  ce  dont  ils  étaient  rede- 
vables envers  lui  ».  Ce  Joseph  de  Trêves  exerçait,  d'ailleurs,  aussi  le  mé- 
tier de  banquier  en  société  avec  Durant  de  Carpentras,  et  c'est  peut-être  à 
ce  titre  qu'il  était  créancier  de  ses  coreligionnaires  pour  avoir  avancé  pour 
eux  une  somme  réclamée  par  le  fisc. 

bNTvZT  "'OS  mibin  Histoire  des  Israélites  d'Italie  par  Isaac-Raphaël  Aske- 
nazi.  Cracovie,  impr.  Fischer,  1901  ;  24  p. 

mttJ  nnstDfc  mibin  'O.  Geschichte  der  Faniilie  Schor,  ihr  Leben  u.  lite- 
rar.  Whken  von  der  Mitte  des  15.  Jahrhunderts  bis  auf  die  Gegenwart. 
Francfort,  J.  Kauffmann,  1901  ;  22  p. 

L'ancêtre  de  cette  famille  serait  le  fameux  Joseph  Bekhor  Schor;  mais  on 
oublie  de  nous  montrer  la  filiation.  Le  nom  de  Schor,  étant  comme  les  armes 
parlantes  de  Joseph,  n'était  pas  toujours  un  nom  de  famille. 

l"y  nSDft  by  mDDin  Tos'foth  zum  Tract.  Aboda  Sara  zura  Rabbi  El- 
cbanan.  Sohn  des  Rabbi  Isak  aus  Dompair  (sic)  lebte  im  XII.  Sâculum 
zum  ersten  Mal  (sic)  hrsg.  mit  Anmerkungen  von  David  Frânkel. 
Husiatyn,  Société  Dobhebhe  Sifthe  Jeschenim,  19ul  ;  in-8°  de  n  -f- 
92  p. 

Ici  nous  ne  pouvons  pas  contrôler  les  lectures  de  l'éditeur,  mais  nous  pre- 
nons encore  sur  le  vif  son  inexpérience.  Dans  l'Introduction,  très  courte, 
il  dit  qu'il  a  réuni  un  à  un  tous  les  renseignements  qu'il  a  pu  trouver  sur 
Elhanan,  l'auteur  de  ces  Tosafot.  Il  laisse  à  de  plus  grands  savants  le  soin 
de  compléter  son  œuvre.  Or,  s'il  avait  connu  l'existence  de  la  Gallia  judaica 
de  M.  Gross,  il  se  serait  épargné  une  peine  inutile  et  surtout  une  compa- 
raison peu  flatteuse  pour  son  amour-propre.  —  Ce  recueil  de  Tosafot  est 
celui  que  possédait  Luzzatto  (ce  que  ne  dit  pas  M.  Fr.).  Mais  d'après  Luz- 
zatto,  le  ms.  s'arrêtait  aux  gloses  d'Aboda  Zara,  61  a,  tandis  que  d'après 
le  texte  de  M.  Fr.,  il  le  fait  au  i°  35.  Et  cependant  c'est  indubitablement 
le  même  ms.,  se  terminant  par  les  mots  :  «  Jusqu'ici  va  le  traité  (TlDn) 
d'Elhanan  fils  de  R.  Isaac  de  Dampierre.  A  partir  de  là  c'est  celui  de 
R.  Juda  b.  Isaac  de  Brienne,  qui  a  commenté  les  Tosafot  d'Elhanan,  fils  de 
R.  Isaac.  » 

nVOMÏl  110  ifib  NnDOin!!  La  Tossefta  disposée  suivant  l'ordre  des  Misch- 
nayot,  traite  Houllin,  avec  commentaire  !TH8  l'Pàrr,  par  A.  Schwarz. 
Francfort,  Kauffmann,  1901;  in-8°  de  81  p. 

Û^nt  110  NnDOin  Tosefta  Ordo  Moed  mit  Commentar  "OTva  nb^n  par 
Mordechai  Friedmann.  3e  partie.  Francfort,  Kauffmann,  1901  ;  in-8°  de 
168  p. 

ÛHTrnN  dlblûn  '0    José  b.  Jose's  Aboda   nebst  verschiedenen  anderen 


BIBLIOGRAPHIE  283 

Pijutim  mit  dom  Commentar  des  Abudraham,  aus  Handschriften   hrsg. 

von  L.-Ph.    Prins.  Berlin,  impr.  Itzkowski,    1900;  gr.  in-8°  de   186  p. 
(Publication  de  la  Société  Mekitze  Nirdamim.) 


2.  Ouvrages  en  langues  modernes  l. 

Adler  (Cyrus)  et  Casanowicz  (I.-M.).  Descriptive  catalogue  of  a  collée-^ 
tion  oi'  objects  of  Jewish  cérémonial  deposited  in  the  U.  S.  National 
Muséum  by  Hadji  Ephraim  Benguiat.  Washington,  Government  prin- 
ting  office,  1901  ;  in-8°  de  p.  539-561  +  36  planches.  (Smithsonian  Insti- 
tution, from  the  Report  of  the  U.  S.  National  Muséum  for  1899.) 

Adler  (II. )•  Our  provincial  brethren.  A  sermon.  Londres,  A.  Isaacs,  1901; 
13  p.  (The  North  London  Pulpit,  n°  16.) 

The  Amherst  Papyri,  being  an  account  of  the  Greek  Papyri  in  the  collec- 
tion of . . .  Lord  Amherst,  by  B.-P.  Grenfell  and  A. -S.  Hunt.  Part  I  :  The 
Ascension  of  Isaiah  and  other  theological  Fragments.  Londres,  Frowde, 
1900;  gr.  in-4°  de  vi  +  48  +  9  planches. 

Analecta  Argentinensia,  vatikanische  Akten  und  Regesten  zur  Geschichle 
des  Bistums  Strassburg  im  XIV  Jahrhundert.  . .  von  Ernst  Hauviller. 
Bd.  I.  —  Strasbourg,  1900;  in-8°. 

N°  204.  Mandement  pontifical  (Avignon,  11  avril  1330)  autorisant  l'union 
des  revenus  de  la  paroisse  de  Dossenheim  ou  de  Schwindratzheim  (Alsace) 
au  monastère  de  Schwarzach,  ruiné  par  les  guerres  de  Louis  de  Bavière  et 
les  obligations  qu'il  a  contractées  envers  les  Juifs  (H.) 

Baentsgh  (B.).  Exodus-Leviticus,  ùbersetzt  u.  erklàrt.  Gottingue,  Van- 
denhoeck  et  Ruprecht;  in-8°  de  iv  -j-  441  p.  (Handkommentar  zum 
Alten  Testament  hrsg.  von  W.  Nowack). 

Bamberger  (S.).  Historische  Berichte  ùber  die  Juden  der  Stadt  und  des 
ehemaligen  Fùrstentums  Aschaffenburg.  Strasbourg,  J.  Singer,  1900  ; 
in-S°  de  v-112  p.  (H.) 

Baron  (D.).  Ancient  scriptures  and  the  modem  jew.  Londres,  Hodder, 
1900  ;  in-8<>  de  356  p. 

Baron  (David).  La  question  juive  et  sa  solution,  ou  le  Présent  et  l'Avenir 
d'Israël,  avec  une  introduction  du  Dr  Pierson,  traduit  par  D.  Lortsch. 
—  Lyon  et  Lausanne  (s.  d.)  ;  in- 16  de  vin-79  p.  (H.) 

Basset  (R).  Nédromah  et  les  Traras.  Paris,  Ernest  Leroux,  1901  ;  in-8°  de 
xvni  -(-  238  p.  (Publications  de  l'Ecole  des  letties  d'Alger,  t.  XXIV.)  ■ 
La  contrée  de  Nédromah,  à  l'extrême-ouest  de  l'Alpérie,  fut  le  berceau  des 
Alraohades.  Des  traces  d'inll  ence  juive,  d  après  M.  Basset,  s'y  remarqueraient  : 
tels  le  nom  de  Oulad  Ischou,  forme  hébraïque  de  l'arabe  Isa,  Sidi  Oucha,  fils  de 
Noun,  encore  vénéré  de  dos  jours  par  les  Juifs  et  les  Musulmans.  Il  est  vrai  que 
le  culte  rendu  à  un  sanctuaire  placé  sous  l'invocation  d'un  personnage  biblique 
peut  s'expliquer  par  la  vénération  des  Musulmans  pour  les  héros  de  l'Ecriture. 
Mais  il  s'agit,  non  d'un  monument  commémoratif,  mais  d'un  tombeau,  objet 
d'un  pèlerinage.  Or,  dit  M.  B.,  «  on  peut  poser  comme  une  vérité  générale 
que  la  vénération  du  tombeau  d'un  prophète  commun  aux  trois  religions   a 


1  Les  notices  signées  (H.)  soot  de  M.  P.  Hildenfinger. 


284  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

d'abord  été  le  fait  des  Juifs,  puis  des  chrétiens  (sans  que  ce  second  degré  se 
rencontre  partout),  et  qu'elle  a  passé  des  premiers  aux  Musulmans,  soit 
directement,  soit  par  l'intermédiaire  des  seconds  ».  Cette  vérité  sera  démon- 
trée par  une  longue  série  d'exemples  dans  un  appendice  spécial.  Une  autre 
preuve  de  l'influence  juive  est  la  localisation  à  Tlemcen  d'une  légende  cora- 
nique d'origine  juive  (?)  où  figure  Josué.  C'est  à  la  suite  de  l'aventure 
contée  par  cette  légende  que  Moïse  rencontre  Kidhr  dont  les  actions  incom- 
préhensibles lui  paraissent  contraires  à  la  justice  parce  qu'il  n'en  connaît  pas 
le  sens  caché.  —  M.  B.  aurait  pu  ajouter  que  cette  légende  se  racontait 
dans  l'Afrique  du  Nord  avec  le  nom  de  Josué  (b.  Lévi),  remplaçant  celui  de 
Moïse,  comme  le  montre  le  Hibbour  Yafé  de  R.  Nissim  de  Kairouan 
(xie  siècle).  —  M.  B.  croit  que  la  tradition  suivant  laquelle  Josué  est  en- 
terré dans  cette  région  a  peut-être  quelque  rapport  avec  celle  qui  fait  aller 
en  Afrique  les  Chananéens  chassés  de  Palestine.  (Nous  signalons  à  ce  propos 
à  M.  B.,  justement  si  friand  de  bibliographie,  ce  passage  du  Talmud  de 
Jérusalem,  Schebiit,  36  c  :  Josué  dit  aux  populations  chananéennes  qu'elles 
pouvaient  émigrer  si  elles  le  désiraient;  les  Girgasiens  le  firent  et  se  ren- 
dirent en  Afrique.}  —  Les  traditions  indigènes  corroborent  ces  conclusions. 
Elles  rapportent  que  les  Mediouna,  fixés  aux  environs  de  Tlemcen,  étaient 
de  religion  juive  avant  l'arrivée  des  Musulmans;  une  légende  place  dans  le 
Maghreb,  près  du  fleuve  Sabbatique  (Ouadi's  Sebt,  Ouadi'r  Remel)  une  popu- 
lation juive  qui  aurait  donné  à  Alexandre  des  conseils  de  modération  et  de 
sagesse.  On  sait,  d'autre  part,  que  l'Afrique  du  Nord  était  habitée  par  des 
Juifs  avant  de  tomber  aux  mains  des  Arabes.  —  Cet  ensemble  d'indices  est-il 
suffisant  pour  attester  l'influence  juive  en  cette  région  spéciale?  La  moindre 
inscription  datée  serait  autrement  probante.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  thèse  de 
M.  Basset  nous  a  valu  un  appendice  qui  forme  un  hors  d'oeuvre  dans  l'ou- 
vrage, mais  qui  est  un  chapitre  bien  instructif  de  folk-lore.  «  Pour  établir 
que  la  vénération  du  tombeau  de  Josué  a  pour  point  de  départ  une  pratique 
juive  »,  M.  Basset  a  «  rassemblé  des  exemples  du  même  genre  ayant  pour 
objet  les  personnages  de  la  Bible  dont  les  tombeaux  ont  été  et  sont  encore 
vénérés  par  les  Juifs,  les  Chrétiens  et  les  Musulmans.  »  Cette  liste  peut  être; 
complétée  —  ainsi  M.  B.  ne  dit  presque  rien  de  la  Perse,  où  se  trouvent  de 
nombreux  tombeaux  de  celte  nature,  —  mais  elle  est  singulièrement  riche, 
et  elle  donne  une  idée  de  la  vaste  érudition  de  notre  savant  confrère  ;  elle 
sera  consultée  avec  fruit  comme  un  répertoire  précieux.  M.  B.  établit  d'abord 
pour  chaque  légende,  qu'elle  a  une  origine  juive,  puis  qu'elle  est  devenue 
chrétienne  pour  être  adoptée  ensuite  par  les  Musulmans.  Seulement  M.  B. 
ne  montre  pas  que  toujours  la  légende  locale  ait  passé  par  ces  divers  stades, 
et  c'est  justement  le  postulat  de  sa  thèse.  Il  n'est  même  pas  prouvé  que  ces 
légendes  aient  fait  leur  première  apparition  chez  les  Juifs.  Ainsi  la  légende 
qui  fait  enterrer  Adam  à  Jérusalem  n'est  pas  nécessairement  juive  parce 
qu'elle  est  consignée  dans  la  Caverne  des  Trésors,  qui  renferme  beaucoup 
d'éléments  agadiques  :  il  en  faudrait  trouver  des  preuves  dans  l'ancienne 
littérature  midraschique.  A  ma  connaissance,  le  seul  texte  qui  parle  de  la 
tombe  d'Adam  est  le  Pirké  de  R.  Eliézer,  qui  l'identifie  avec  celle  de 
Machpéla. 

Batten  (L.-W.)-  The  Old  Testament  fre-m  the  modem  point  of  view.  New- 
York,  Gorham,  1901  ;  in-12  de  340  p. 

Baudissin  (W.-W.-Graf.).  Einleitung  in  die  Bûcher  des  Alten  Testamentes. 
Leipzig,  Hirzel,  1901  ;  in-8°  de  xvm  -f-  824  p. 

Baumont  (H.).  Histoire  de  Lune'ville.  Lune'ville,  1900;  in-8°. 

Sous  Stanislas,  deux  familles  juives  à  Lunéville  ;  seize  en  1785.  A  cette 
date,  le  roi  «  tolère  »  l'établissement  d'une  synagogue;  le  cimetière  demandé 
en  1787  n'est  obtenu  qu'en  1791.  Naturellement  les  Juifs  sont  en  butte  aux 
suspicions  et  aux  haines  des  commerçants.  Il  leur  est  même  interdit  jusqu'en 


BIBLIOGRAPHIE  28b 

1791  de  traverser  la  cour  du  château  (p.  211).  La  Société  populaire  fait 
fermer  la  synagogue  pendant  la  Révolution  (p.  363).  Le  12  septembre  1808, 
en  application  du  décret  du  17  mars  1808,  le  Conseil  de  ville  accorde  à 
29  chefs  de  familles  le  certificat  constatant  qu'ils  ne  se  sont  pas  livrés  à 
l'usure,  et  l'ajourne  ou  le  refuse  pour  neuf  autres  (p.  469).  En  1840  (p.  559), 
le  nombre  des  Israélites  s'élève  à  510,  et  en  1843  le  maire  adresse  à  leur  sujet 
au  gouvernement  un  rapport  des  plus  favorables.  (H.) 

Benoit  (G.)-  La  prédication  rabbinique  au  xix°  siècle.  Thèse.  Montauban, 
impr.  Granié,  1900;  in-8°  de  90  p. 

Benzinger  (J.).  Die  Bûcher  der  Chronik  erklârt.  Tubingue,  Mohr,  1901  ; 
in-8°  de  xvm  -f"  141  p.  (Kurzer  Hand-Commentar  zum  Alten  Testament, 
hrsg.  von  K.  Marti.) 

Bericht  (19.)  ùber  die  Lehranstalt  fur  die  Wissenschaft  des  Judenthums. 
Vorangeht  :  Die  âltesten  Phasen  in  der  Entwickelung  der  jùd.  Predigt, 
von  S.  Maybaum.  Berlin,  impr.  Itzkowski,  1901  ;  in-8°  de  44  -j-  16  p. 

Bericht  (34.)  ùber  den  Religions-Unterricht  der  Synagogengemeinde  zu 
Kônigsberg.  Das  Judentum  eine  Religion  der  Schule,  von  Félix  Perles. 
Kônigsberg,  impr.  Jacoby,  1901  ;  35  p. 

Bevan  (F.).  Last  parabel  of  Ezechiel.  Londres,  Thynne,  1900;  in-8°  de 
200  p. 

Bertholet  (A.).  Leviticus  erklârt.  Tubingue,  Mohr,  1901  ;  in-8°  de  xx  -4- 
104  p.  (Kurzer  Hand-Commentar  zum  Alten  Testament,  hrsg.  von  K. 
Marti). 

Blogh  (I.)  et  Lévy  (E.).  Histoire  de  la  littérature  juive  d'après  G.  Karpelès. 
Paris,  Leroux,  1901  ;  in-8°  de  683  p. 

Œuvre  qui  rendra  des  services  et  sir  laquelle  nous  reviendrons  dans  le 
prochain  numéro. 

Blogh  (Isaac).  Le  Judaïsme  et  la  femme.  Nancy,  impr.  Berger-Levrault, 
1901  ;  20  p. 

Blogh  (M.).  Das  mosaisch  -  talmudische  Strafgerichtsverfahren  ,  voir 
Jahresbericht  (XXIV)  der  Landes-Rabbinerschule  in  Budapest. 

Boisson.  La  Sainte  Bible.  Traduction  française  faite  sur  l'hébreu,  sur  les 
Septante,  la  Vulgate  et  autres  versions.  Ancien  Testament.  4  vol.  Lyon, 
Vitte,  1900  ;  in-16  de  424  +  510  +  486  -f  454  p. 

Bottenwjeser  (M.).  Outline  of  the  neo-hebraic  apocalyptic  literature.  Cin- 
cinnati, imp.  Jennings  de  Pye,  1901  ;  in-8°  de  vi  -4-  45  p. 

La  seule  chose  intéressante  que  nous  ayons  lue  dans  ce  travail  est  la 
comparaison  du  S.  Héchalot  avec  les  Livre  des  Secrets  d'Hénoch.  Quant  à 
la  notice  sur  l'Apocalypse  d  Élie,  Sèder  Eliakou,  à  laquelle  l'auteur  avait 
consacré  une  étude,  en  1897  (étude,  dit  le  prospectus,  qui  est  le  garant  de 
la  valeur  de  la  présente  monographie!),  c'est  de  la  haute  fantaisie. 

Charles  (R—H.).  Ascension  of  Isaiah,  translated  from  the  Ethiopie  ver- 
sion, which,  together  with  the  new  Greek  fragment,  the  Latin  versions 
and  the  Latin  translation  of  the  Slavonic,  is  hère  published  in  full,  edi- 
ted  with  introduction,  notes  and  indices.  New-York,  Macmillan,  1900; 
in-12  de  lxxiii  -f"  155  p. 


286  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Cheyne  (T.-K.)  and  Black  (J.-S.).  Encyclopœdia  biblica.  Vol.  2  EK. 
Londres,  Black,  1901  ;  in-f». 

Chwolson  (D.).  Die  Blutanklage  u.  sonslige  mittelalterliche  Beschuldi- 
gungen  der  Juden.  Nach  der  zweiten  vielfach  verànderten  u.  verbesserten 
Ausgabe  von  1880  aus  dem  Russischen  ùbersetzt  u.  mit  vielen  Verbesse- 
rungen  u.  Zusâtzen  vom  Autor  verseben.  Francfort,  Kauffmann,  1901  ; 
in-8°  de  xv  +  362  p. 

11  faut  être  reconnaissant  à  M.  C.  d'avoir  rendu  accessible  à  la  majorité 
des  lecteurs  un  travail  excellent  connu  seulement  de  ceux  qui  savent  le 
russe.  Le  contraste  entre  ce  travail  et  celui  de  M.  H.-L.  Strack,  consacrés 
tous  les  deux  au  même  sujet,  l'accusation  du  meurtre  rituel  portée  contre 
les  Juifs,  est  extrêmement  frappant.  Tandis  que  M.  H.-L.  S.  s'efforce  de 
laisser  parler  les  faits,  en  s'effaçant  lui-même,  au  risque  même  de  produire 
une  impression  de  sécheresse,  M.  C.  écrit  avec  une  verve  qui  tient  tou- 
jours en  haleine  le  lecteur;  son  tempérament  combattif  ne  saurait  se  ré- 
soudre à  une  œuvre  de  statistique,  et  ces  qualités  rendent  sa  démonstra- 
tion vivante  et  émouvante.  Les  considérations  générales  ne  l'effraient  pas, 
et  il  sème  à  travers  ses  plaidoyers  des  idées  profondes  et  lumineuses.  Il 
n'oublie  rien  d'essentiel,  mais  ne  relève  que  ce  qui  est  essentiel.  En  fait, 
l'étude  de  cette  accusation  ne  constitue  qu'une  partie  du  travail  de  M.  C. 
Le  premier  chapitre,  qui  forme  la  moitié  de  l'ouvrage,  est  une  réfutation 
éloquente  et  savante  des  erreurs  courantes  sur  l'enseigenement  du  Tal- 
niud  et  des  rabbins  touchant  le  christianisme  et  les  chrétiens.  A  ce  propos, 
M.  C.  étudie  avec  ampleur  l'histoire  du  Pharisaïsme  et  en  retrace  la  doc- 
trine avec  la  compétence  qu'on  lui  connaît.  Une  de  ses  idées  de  prédilection 
est  que  le  christianisme  à  l'origine  était  conforme  au  Pharisaïsme,  et  que  les 
Pharisiens  visés  par  les  Evangiles  ne  sont  que  les  faux  Pharisiens,  dénoncés 
par  les  Pharisiens  eux-mêmes.  Que  M.  G.  se  laisse  ainsi  entraîner  par 
l'esprit  de  système  au  delà  de  la  vraisemblance,  il  ne  servirait  de  rien  de  le 
dissimuler,  mais  les  historiens  qui  veulent  atteindre  à  l'impartialité  devront 
méditer  ces  pages  vigoureuses  où  le  rôle  des  Sadducéens  et  des  Pharisiens 
les  rapports  du  christianisme  avec  le  judaïsme,  l'esprit  du  Talmud  et  de  la 
morale  juive,  sont  mis  en  pleine  lumière. 

Collegio  rabbinico  Ilaliano.  Relazione  sul  bicnnio  1899-1900,  seguita  da 
a)  Cenni  storici  sul  Collegio  rabbinico  di  Raffaello  Prato,  b)  Commemo- 
razione  di  S.  D.  Luzzatto  di  Ismar  Elbogen.  Florence,  impr.  Galletti  et 
Cassuto,  1901  ;  in-8°  de  35  -f  52  +  xxn  p. 

Cooke  (A.-W.).  Palestine  in  geography  and  in  history.  Vol.  2.  Londres, 
Kelly,  1901  ;  in-8°  de  266  p. 

Cornill  (G. -IL).  Die  rnetrischen  Stùcke  des  Bûches  Jeremia.  Leipzig, 
1901;  in-8°  de  vm  -f  40  p. 

Les  études  sur  ia  prosodie  et  la  strophique  des  écrivains  bibliques  se  sont 
multipliées  dans  les  dernières  années,  mais  les  résultats  en  sont  sujets  à  cau- 
tion. La  plupart  des  exégètes  ou  philologues  qui  ont  écrit  sur  ces  matières  ont 
transformé  en  systèmes  des  observations  qui  s'appliquaient  à  des  morceaux 
ou  à  des  versets  isolés,  et  ils  ont  cru  avoir  découvert  les  lois  générales  de  la 
composition  poétique  ou  prophétique.  Le  travail  de  M.  Cornill  ne  fait  mal- 
heureusement pas  exception  à  la  règle... 

En  préparant  le  texte  de  Jérémie  pour  la  Bible  en  couleurs,  M.  Cornill  a 
cru  s'apercevoir  que  les  morceaux  poétiques  de  ce  prophète  étaient  formés 
d'octastiches  ou  de  quatrains  dont  chaque  ligne  a  deux  stiches,  et  il  vient  de 
publier  ces  morceaux  ainsi  disposés. 

Ce  qui  enlève,  dès  l'abord,  toute  confiance  dans  le  système  de  M.  Cornill, 
c'est  que  le  premier  morceau    apparaît,  pour  ceux  qui  n'ont  pas  l'esprit  pré- 


BIBLIOGRAPHIE  287 

venu,  comme  étant  de  la  simple  prose.  On  n'y  voit  pas  trace  de  parallélisme 
et  on  n'y  découvre  aucun  indice  de  style  poétique.  Il  est  très  vrai  que  par- 
fois les  prophètes  s'élèveut  jusqu'à  la  poésie,  mais  ce  n'est  vraiment  pas  le 
cas  pour  le  premier  chapitre  de  Jérémie.  Et  l'on  se  demande  alors  pourquoi 
l'auteur  aurait  écrit  en  octastiches. 

Si  cependant  la  répartition  en  stiches  et  en  strophes  correspondait  à  une 
division  naturelle  des  phrases,  nous  serions  obligés  de  l'accepter.  Mais,  dès 
les  premières  lignes,  l'arbitraire  des  procédés  employés  par  M.  Cornill  est 
manifeste.  Dans  le  premier  verset  (i,  15),  le  mot  mDT7273  est  placé  dans  un 
stiche,  et  son  complément  mi  Dit  V'IN  dans  l'autre.  Est-il  possible  qu'un 
écrivain  hébreu  ait  séparé  de  la  sotte  un  nom  construit  du  corn  auquel  il 
est  annexé?  Les  mots  m"!D2£  V"lN  forment  un  stiche  avec  'î"j  DN5,  mais 
cette  dernière  locution  forme  un  stiche  à  elle  seule  au  verset  19  et  ailleurs. 

Les  stiches  varient  de  longueur  dans  des  proportions  énormes.  Ils  vont  de 
sept  lettres,  p.  ex.,  ni,  19,  tf^**)niS  JOl,  à  vingt-cinq  lettres,  dans  fil,  5, 
V>53TZ3n  ûbtDTPai  ïmïTO  "ll^n.  La  division  en  strophes  ne  tient 
aucun  compte  de  la  séparation  logique  des  pensées.  On  peut  en  juger  par 
les  versets  4  et  6  du  chapitre  n  : 

banizji  ma  mnstDE  bai  ap:s^  ma  'n  nan  ïyji'O 

ibyjz  ipm  rD  b-i?  ^a  wmaN  inse  n?2 

'ï-t  ma  i-ien  »bi  ibami  bann  ^nrtN  nabm 

nan^a  wn  ^bittn  _  D-n^  y-iN7a  wn  nbjrifi 

mnbati  ma  yn^a  rtmttîi  nan?   yn&*a 

du:  din  aur  fitbi  d-»n  na  na?  ab   y-i^a 

Il  serait,  avec  la  méthode  de  M.  Cornill,  très  facile  de  découper  en  octa- 
stiches les  premiers  versets  de  la  Bible  et  la  Bible  tout  entière.  Nous 
aurions  : 

■pNn  nan  û*»OTn  n«  û^nba  an  a  miaana 

ûirrn  "»3S3  b?  ^îzjm  inai  inn  nnvt  ■pam 

û"»»tt   -os  by  nsma  a/nb«  mm 

m»  "«mi  ms  W  D*»nb«  -i^an 

et  ainsi  de  suite.  11  est  évident,  en  effet,  que  l'on  peut  toujours  diviser  uu 
verset  hébreu  quelconque  en  fragments  de  deux,  trois,  quatre  ou  cinq  mots, 
et  qu'on  arriverait  à  des  résultats  analogues  avec  des  ouvrages  écrits  en 
n'importe  quelle  langue  et  dans  la  prose  la  plus  prosaïque.  A  notre  grand 
regret,  nous  sommes  obligé  de  dire  que  le  travail  de  M.  Cornill  sur  les  mor- 
ceaux métriques  de  Jérémie  nous  semble  être  le  fruit  d'une  illusion.  — 
Mayer  Lambert. 

Coudenhove  (H. -G.).  Das  Wesen  des  Antisemitismus.  Berlin,  Calvary, 
1901;  gr.  in-8°  de  528  p. 

Contient  d'excellentes  choses  et  est  écrit  avec  une  rare  vigueur. 

Delahache  (Georges).  Juifs.  Paris,  P.  Ollendorff,  1901  ;  45  p. 
Plein  d'aperçus  piquants  et  justes. 

Deutsch  (I.).Die  Regierungszeit  der  judâischen  Kônigin  Salome  Alexandra 
und  die  Wirksamkeit  des  Rabbi.  Simon  ben  Schetach.  Francfort,  Kauff- 
mann,  1901;  in-8°  de  45  p. 

Duhm  (B.).  Das  Buch  Jeremia  erklàrt.  Tubingue,  Mohr,  1901.  (Kurzer  Hand- 
Commentar  zum  Alten  Testament,  hrsg.  von  K.  Marti). 

Dumas  (R.).  Pourquoi  les  Hébreux  n'ont-ils  pas  eu  de  mythologie?  Mar- 
seille, impr.  Barlatier,  1901  ;  in-8°  de  129  p. 


288  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Ebstein  (W.)«  Die  Medizin  im  Allen  Testament.  Stuttgard,  Enke,  1900; 
in-8°  de  vin  -j-  184  p. 

Ehrmann  (H.)-  Durch's  Jabr.  Essays  ùber  die  gehobenen  Momente  des 
jùdischen  Pflichtlebens  in  allen  Monaten  des  Jahres.  Francfort,  HofmaDn, 
1900;  in-8°  de  xiv  +530  p. 

Eppenstein  (S.)-  Ishak  ibn  Baroun  et  ses  comparaisons  de  l'hébreu  avec 
l'arabe.  Paris,  Durlacher,  1901  ;  iii-8°  de  45  p.  ^Tirage  à  part  de  la  Revue 
des  Etudes  juives,  t.  XLI-XL1I.) 

Erbt  (W.).  Die  Purimsage  in  der  Bibel.  Untersuchungen  ùber  das  Buch 
Ester  u.  der  Estersage  verwandte  Sagen  des  spâteren  Judenthums.  Ber- 
lin, Reimer,  1900  ;  in-8°  de  v  +  92  p. 

Eys  (W.-J.  van).  Bibliographie  des  Bibles  et  des  Nouveaux  Testaments  en 
langue  française  des  xve  et  xvie  siècles.  I.  Bibles.  Genève.  H.  Kundig, 
1900;  in-8°  de  vin  -f  211  p.  (H.) 

Fabrège  (F.)-  Histoire  de  Maguelone.  T.  II.  Paris,  A.  Picard,  1900; 
in-4°. 

Déjà  dans  le  t.  I,  l'auteur  avait  donné  quelques  indications  sur  les  Juifs. 
Le  t.  Il  comprend  encore  à  leur  sujet  quelques  pages  (p.  473-481)  plulôt 
médiocres.  A  quoi  bon  ces  considéraiions  sur  les  Juifs  en  général,  considé- 
rations appuyées,  d'ailleurs,  sur  des  citations  de  l"abbé  Lémann  et  de  Gou- 
geuot  de  Mousseaux?  A  quoi  bon  publier  à  nouveau  un  acte  déjà  édité 
par  M.  Saige?  (P.  479-480.)  Et  quel  rapport  entre  M.  de  Rothschild  (p.  474, 
n.  2)  et  les  Juifs  de  l'évêché  au  xiu6  siècle?  (H.) 

Flemming  (J.)  et  Radermagher  (L.).  Das  Buch  Henoch.  Leipzig,  Hinrichs, 
1901  ;  in-8°  de  172  p. 

Fôrster  (G.).  Das  mosaiscbe  Strafrecht  in  seiner  geschichtlichen  Entwi- 
ckelung.  Leipzig,  Veit,  1900;  in-8°  de  91  p. 

Fridmann  (Léon).  Me'thode  de  lecture  hébraïque.  Paris,  Durlacher,  1901  ; 
in-8°  de  67  p. 

Friedmann  (A.).  Die  Geschichte  ôer  Juden  in  Ingolstadt  (1300-1900).  In- 
golstadt,  Krûll,  1900;  in-8°  de  27  p.  (II.) 

Galliner  (J.).  Abraham  Ibn  Ezra's  Hiobkommenlar  auf  seine  Quellen  un- 
tersucht.  Berlin,  Poppelauer,  1901  ;  in-8°  de  59  p. 

Gaster  (M.).  History  of  tbe  ancient  Synagogue  of  the  Spanish  and  Portu- 
guese  Jews.  A  mémorial  volume  written  specially  to  celebrate  the  two- 
hundredth  anniversary  of  ils  inauguration,  1701-1901.  Londres  [impr. 
Harrison],  1901  ;  in-4°  de  iv  -j-  201  p.,  avec   illustrations  et  fac-similés. 

Geisendorf  (T.).  L'avènement  du  roi  messianique  d'après  l'apocalyptique 
juive  et  les  évangiles  synoptiques.  Thèse.  Cahors,  impr.  Coueslant, 
1900;  in-8<>  de  256  p. 

Giesebreght  (Fr.).  Die  alttestamentliche  Schâtzung  des  Gottesnamens 
und  ihre  geschichtliche  Grundlage.  Kônigsberg,  1901  ;  in-8°  de  144  p. 

Pour  saisir  la  portée  des  expressions  bibliques,  il  importe  de  les  replacer 
dans  le  cadre  des  idées  anciennes.  Ce  principe,  que  les  exégètes  et  les  théo- 
logiens oublient  quelquefois,  M.  Giesebrecht  l'applique  d'une  façon  très  in- 
téressante dans  son  étude  sur  la  valeur  que   la  Bible  attribue  au  nom   de  la 


BIBLIOGRAPHIE  289 

divinité.  Nous  nous   bornerons  à   indiquer  les  résultats  les   plus   saillants 
de  ce  travail. 

Le  nom,  pour  les  peuples  primitifs,  avait  une    très  grande  importance.  Il 
n'est    pas  un   simple  signe,  mais  uue  sorte  d'objet  réel,  qui  exerce  une  in- 
fluence  sur  l'être   qui  le  porte.  Celui  qui  connaît  ce  nom  et  sait  s'en  servir 
peut  obtenir  l'apparition  de  l'être  dont  il  désire  le  secours.  Invoquer  le  nom 
de  Dieu,  c'est  donc  contraindre  la  divinité  à  exaucer  les  supplications  qu'on 
lui  adresse.   Sans  doute  cette   idée  a  pu   s'épurer  avec  le  cours  des  siècles, 
mais  elle  a  donné  naissance  à  des  formules  liturgiques  qui  ont  persisté.  Le 
nom  divin  est  une  sorte  de  talisman  très  puissant  pour  les  bénécntïtions  et  les 
malédictions.  D'autre  part,  le  nom  est  le  représentant  de  la  divinité  ;  il  remplit 
parfois  le  même  rôle  que  Vange  ou  la  face  de  Dieu.  C'est  ainsi  qu'on  peut 
s'expliquer  l'expression  du  Deutéronome  :  Dieu  fait  résider  son  nom  dans  le 
sanctuaire.  Entre  l'idée  vulgaire  que  Dieu  séjourne  lui-même  dans  son  temple, 
et  la  conception  spiritualiste  de  la  divinité,  l'écrivain  biblique  a  fait  une  sorte 
de  compromis.  Dieu  ne  réside  pas  dans  une  maison,  mais  son  nom,  qui  est  son 
émanation,  peut  être  localisé.  Le  nom  divin  inspire  non  seulement  le  respect, 
mais  encore  la  terreur,  et  il  peut  être  dangereux  de  le  prononcer.  L'habitude 
de   remplacer  le  nom   propre  de  Dieu  par  un    équivalent  paraît   remonter  à 
une  assez  haute  antiquité.  C'est  ce  qui  explique  que  dans  les  noms  propres 
des  Sabéens,  qui  étaient  polythéistes  comme  le  prouvent  les  inscriptions,  on 
trouve  si   fréquemment  le  nom    êl.  Ce  nom    n'est  pas  l'indice  d'un   syncré- 
tisme monothéiste,  mais  il  remplace  un  nom  propre  quelconque  de  divinité, 
que  l'on   redoutait  de  faire  entrer  dans  un  nom  propre  humain.  Au  lieu  du 
nom  propre,  on  emploie  aussi  les   termes  de  parenté,  père,  frère,  oncle,  ou 
simplement  le  mot  :    son  nom  :  Samuel,  par  exemple,  signifie  :  son  nom  est 
Dieu,  c'est-à-dire    JHVH  est  Dieu,  et  équivaut  à   DiJlbaC»   N1Ï1  'H-    On 
trouve  des  noms  analogues  en  phénicien. 

L'ouvrage  de  M.  Giesebrecht  mérite  d'attirer  l'attention  de  ceux  qui  s'oc- 
cupent d'études  bibliques  ou  de  folklore.  Il  a  le  grand  mérite  de  substituer  à 
des  définitions  vagues,  dont  M.  G.  reproduit,  en  les  critiquant,  quelques 
échantillons,  des  notions  précises  et  exactes  sur  le  rôle  que  joue  le  nom 
divin  dans  la  Bible.  —  Mayer  Lambert. 

Glaser  (E.).  Jehowah-Jovis  und  die  drei  Sôhne  Noah's.   Ein  Beitrag  zur 
vergleichenden  Gôtterlehre.  Munich,  Lukaschik,  1901  ;  in-8°  de  28  p. 

Grunbaum  (M. ).  Gesammelte  Aufsàtze  zur  Sprach-und  Sagenkunde,  hrsg. 
von  Félix  Perles.  Berlin,  Calvary,  1901  ;  in-8°  de  xvin  -j-  600  p. 

Ce  volume  de  mélanges  contient  :  1°  un  long  travail  paru  dans  la  Z.  D. 
M.  G.,  XXXI,  Contributions  à  la  mythologie  comparée  tirées  de  la  Hagada 
(p.  1-23");  2»  une  étude  publiée  dans  le  même  recueil,  t.  XXXIX  et  XL, 
sur  le  Schem  Hammephorasch  considéré  comme  le  calque  d'tme  expression  ara- 
méenne  et  sur  les  imitations  verbales  en  général  (p.  238-434);  3°  une  courte 
note  sur  les  différents  degrés  de  V ivresse  dans  les  récits  populaires  (p.  435- 
/|41]  ;  4°  des  miscellanées  :  L'étoile  Vénus:  les  Minim  dans  le  Talmud  (p. 
412-456)  ;  5°  Assimilation  et  étymologies  populaires  dans  le  Talmud  (p.  457- 
409);  6°  Les  «  deux  mondes  »  chez  les  auteurs  arabo-persans  et  juifs  (p.  470- 
514);  1°  A  propos  de  «  Jussuf  et  Suleicha  »  (p.  515-551);  8°  L'édition  de 
Schechta-Wssehrd  de  Jussuf  et  Suleicha  (p.  552-593).  L'ouvrage  se  termine 
par  deux  index,  celui  des  matières  et  celui  des  mots  hébreux,  composés  par 
M.  Félix  Perles,  qui  a  écrit  également  l'introduction.  Il  faut  remercier  notre 
jeune  collaborateur  et  d'avoir  réédité  ces  diverses  études  et  de  les  avoir  rendues 
utilisables  par  la  confection  de  ces  index.  On  sait,  en  ellel,  que  Grunbaum 
ne  s'est  jamais  avisé  de  fournir  à  ses  lecteurs  les  moyens  de  se  débrouiller  au 
milieu  de  ses  dissertations  scientifiques,  faites  de  pièces  et  de  morceaux  se 
suivant  dans  un  désordre  parfait.  Ce  défaut  de  composition  a  été  pour  beau- 
coup dans  l'indifférence  qui  a  généralement  accueilli  ses  travaux.  Peut-être 
l'éditeur  de   ses  Mélanges,  qui  a   eu   la  bonne  idée  de  rejeter  au  bas  des 

T.  XLIII,  n°  86.  19 


290  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

pages  les  notes  qui  émaillent  le  texte  même,  aurait-il  rendu  aux  lecteurs  Un 
service  plus  grand  encore  en  coupant  ce  texte  par  des  têtes  de  chapitres. 
Cela  est  vrai  surtout  du  premier  travail,  qui,  à  notre  sens,  est  celui  qui 
fait  le  plus  honneur  à  son  auteur.  Dans  cette  étude,  bourrée  de  faits  et 
d'idées,  Grûnbaum  a  rapproché  un  grand  nombre  d'agada  de  fictions  ana- 
logues, et  pour  cela  il  a  mis  à  profit  ses  lectures  immenses,  sa  connaissance 
exacte  des  langues  anciennes  et  modernes,  classiques  et  orientales.  En 
un  sens,  il  est  permis  de  dire  qu'il  a  été  le  père  des  études  folkloriques 
juives.  Ce  qui  ajoutait  plus  d'autorité  à  ses  aperçus,  c'est  que  chez  lui  le 
littérateur  se  doublait  d'un  philologue  consommé.  Malheureusement  Grûn- 
baum, après  avoir  confronté  les  dires  analogues,  jugeait  son  rôle  terminé, 
laissant  aux  lecteurs  le  soin  de  conclure.  Ainsi  entendue,  la  méthode  com- 
parative est  stérile.  Mais  ce  n'est  pas  un  mince  mérite  qu'avoir  amené  à  pied 
d'oeuvre  les  matériaux  que  d'autres  utiliseront  pour  leurs  constructions. 
Nous  avons  eu  trop  souvent  l'occasion  de  tirer  parti  des  richesses  offertes 
ainsi  par  l'auteur  pour  ne  pas  rendre  à  sa  mémoire  l'hommage  de  reconnais- 
sance qui  lui  est  dû.  Ce  recueil  est  indispensable  à  quiconque  veut  se  faire 
une  idée  nette  de  la  agada,  c'est-à-dire  des  inventions  poétiques  de  l'ima- 
gination juive  —  en  dehors  de  la  Bible  et  des  apocryphes  —  et  des  éléments 
populaires  et  universels  qui  y  sont  entrés. 

Guerrieri  (G.).  Gli  Ebrei  a  Brindisi  e  a  Lecce,  1409-1497.  Contributo  alla 
storia  dell'  usura  nell1  Italia  méridionale.  Turin,  Bocca,  1900  ;  in-8°  de 
32  p.  (Extrait  des  Studi  Senese,  XVII.)  (H.) 

Gunkel  (IL).  Genesis,  iibersetzt  u.  erklârt.  Gottingue,  Vandenhoeck  et 
Ruprecht,  1900  ;  in-8°  de  vin  -f-  lxxiv  -f-  450  p.  (Handkommentar  zum 
Alten  Testament  hrsg.  von  W.  Nowack). 

Guthe  (H.)  andBATTEN  (L.-W.).  Thebooks  of  Ezra  and  Nehemiah.  Leipzig, 
Hinrichs,  1901  ;  gr.  in-8°  de  70  p.  (Collection  P.  Haupt.) 

Hague  (G.)-  Some  practical  studies  in  the  history  and  biography  of  the  Old 
Testament  (Genesis  to  Deuteronomy).  New-York,  Réveil,  1901  ;  in-8°  de 
546  p. 

Halévy  (J.).  Recherches  bibliques.  L'histoire  des  origines  d'après  la  Ge- 
nèse. Texte,  traduction  et  commentaire.  Paris,  Leroux,  1901  ;  in-8°  de 
153  p. 

Hartmann  (P.-D.).  Das  Buch  Ruth  in  der  Midrasch-  Litteratur.  Francfort, 
J.  Kauffmann,  1901  ;  in-8°  de  xiv  +  100  p. 

Ces  sortes  de  monographies  sont  de  très  utiles  contributions  à  l'histoire  de 
l'exégèse  biblique.  Elles  serviront  un  jour  à  la  composition  d'un  dictionnaire 
de  la  Bible  d'après  les  anciens  interprètes.  Il  faut  être  reconnaissant  aux 
savants  consciencieux  qui  préparent  les  matériaux  de  ce  vaste  répertoire. 
Dès  à  présent,  on  les  consultera  avec  profit.  M. H.,  très  justement,  a  fait 
entrer  dans  son  inventaire  les  anciennes  versions,  comme  la  Peschito  et  le 
Targoum;  mais  pourquoi  en  a-t-il  exclu  les  Septante? 

Hering  (F.).  Die  homiletische  Behandlung  des  Alten  Testaments.  Leipzig, 
Deichert,  1901  ;  in-8°  de  168  p. 

Holzinger  (H.).  Das  Buch  Josua  erklârt.  Tubingue,  Mohr,  1901  ;  in-8°  de 
xxii  -}-  103  p.  (Kurzer  Hand-  Commentar  zum  A.  T.  hrsg.  von  K.  Marti). 

Hommbl  (F.).  Der  Gestirndienst  der  alten  Araber  u.  die  allisraelitische 
Ueberlieferung.  Munich,  Lukaschik,  1900  ;  in-8°  de  32  p. 


BIBLIOGRAPHIE  291 

Horovitz  (M.)-  Die  Inschriften  des  alten  Friedhofs  der  israel.  Gemeinde 
zu  Frankfurt  a.  M.  Francfort,  Kauffmaiin,  1901  ;  in- 8°  de  lui  -f-  768  p. 

Jahresberieht  (VIII.)  der  israelilisch-  theologischen  Lehranslalt  in  Wien 
fur  das  Schuljahr  1900-1901.  Voran  geht  :  Der  hermeneutische  Syllo- 
gismus  in  der  talmudischen  Litteratur.  Ein  Beitrag  zur  Geschichte  der 
Logik  im  Morgenlande  vom  Rector  Prof.  Dr  Adolf  Schwarz.  Vienne, 
Verlag  der  israel. -theol.  Lehranstalt,  1901  ;  in-8°  de  210  p. 

Jahresberieht  (XXIV.)  der  Landes-Rabbinerschule  in  Budapest  ûber  das 
Schuljahr  1900-1901.  Vorangeht  :  Das  mosaisch-  talmudische  Strafge- 
richtsverfahren,  von  Prof.  Moses  Bloch.  Budapest,  1901  ;  in-8°  de  iv  + 
71  -f  32  p. 

Jahres-Bericht  des  jûd.-theolog.  Seminars  Frânckel'sche  Stiftung.  Voran 
geht  :  Geschichte  der  Juden  in  Schlesien.  III.  Von  1400-1437.  Von 
M.  Brann.  Breslau,  impr.  Sçhatzky,  1901  ;  in-8°  de  p.  81-104  -f-  p.  xxxv- 
lxx  -f-  12  p. 

Jewish  Encyclopedia  (The).  A  descriptive  record  of  the  history,  religion, 
literature  and  customs  of  the  Jewish  people  from  the  earliest  times  to 
the  présent  day.  Vol  I  :  Aach-Apocalyptic  literatur.  New-York  et 
Londres,  Funk  et  Wagnalls  Cic,  1901  ;  gr.  in-4°  de  xxxvm  +  685  p. 

Notre  savant  collaborateur  M.  S.  Poznanski  rendra  compte  prochainement 
de  cette  importante  publication.  Nous  voudrions  dire  dès  à  présent  l'im- 
pression qu'elle  nous  a  produite.  Qu'on  ait  fait  autour  de  cette  œuvre  une 
réclame  exagérée  —  et  coûteuse  —  cela  n'est  pas  douteux  ;  que  l'excès  des 
illustrations  inutiles  ou  même  naïves  soit  quelque  peu  agaçant,  nous  en 
convenons  encore  ;  qu'on  ait  chargé  de  certains  articles  des  savants 
dont  l'autorité  n'est  pas  indiscutable,  bien  qu'il  nous  en  coûte  de  le 
dire,  le  fait  est  indéniable.  Mais  ces  défauts  n'empêchent  pas  la  Jewish 
Encyclopedia  de  répondre  à  ce  qu'on  attendait  d'elle,  d'être  un  instru- 
ment de  travail  dont  le  besoin  se  faisait  sentir  depuis  longtemps  et 
qu'on  n'espérait  plus.  De  nos  jours,  il  est  impossible,  même  au  génie  le 
plus  encyclopédique,  ae  tout  savoir  —  et  encore  ne  parlons-nous  que  des 
choses  juives;  — le  plus  instruit,  lorsqu'il  veut  s'éclairer  sur  un  point,  est 
embarrassé  parfois,  faute  de  savoir  s'orienter.  Avec  la  Jew.  Encyclopedia  la 
science  sera  à  la  portée  de  chacun.  D'autant  plus  que  généralement  les  édi- 
teurs ont  distribué  aux  savants  les  mieux  qualifiés  les  articles  de  leur  compé- 
tence. C'est  ainsi  que  l'article  Alexandrie  est  l'œuvre  de  M.  E.  Schurer,  Alsace 
de  R.  Reuss,  Alphabet  de  Lidzbarski,  les  notices  sur  les  rabbins  de  l'agada 
de  M.  Bâcher,  l'histoire  d'Espagne  de  M.  Kayserling.  L'Encyclopedia  a  mis 
en  lumière  les  qualités  de  deux  savants  jusqu'ici  peu  connus  :  M.  S.  Men- 
delsohn,  collaborateur  de  notre  Bévue,  qui  traite  de  la  biographie  des  doc- 
teurs du  Talmud,  et  surtout  M.  L.  Ginzberg,  qui  a  fourni  le  plus  de  tra- 
vail. Ce  jeune  savant  possède  une  sérieuse  érudition  dans  le  domaine  de 
l'ancienne  littérature  juive  comme  dans  celui  du  moyen  âge  ;  il  a  lu  et  il 
a  du  jugement.  Une  innovation  très  heureuse,  qui  justement  lui  est  due,  est 
la  biographie  des  personnages  bibliques  d'après  l'Agada.  L'auteur,  cela 
va  sans  dire,  s'est  contenté,  de  donner  le  sommaire  des  matières  éparses 
dans  les  Midraschim  sans  faire  de  recherches  sur  l'origine  de  ces  éléments. 
—  Nous  faisons  les  vœux  les  plus  sincères  pour  la  réussite  de  cette  belle 
entreprise,  qui  fait  honneur  aux  Etals-Unis.  Quand  les  éditeurs  pourront-ils 
planter  le  drapeau  au  faîte  de  l'édifice,  ils  ne  le  savent  pas  eux-mêmes,  sans 
doute  ;  mais  pour  y  arriver  plus  sûrement,  qu'ils  nous  fassent  grâce  d 
toute  cette  imagerie,  de  toutes  ces  pages  de  musique,  de  ces  photogra 
phies  de  synagogues  américaines,  etc.,  dont  on  se  passerait  sans  regret. 


292  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Joesten.  Zur  Geschichte  der  Hexen  und  Juden  in  Bonn.  Eine  Kulturge- 
schichtliche  Studie.  Bonn,  C.  Georgi,  1900;  in-8°  de  47  p. 

La  partie  la  plus  importante  de  cette  étude  est  réservée  aux  Juifs.  Elle 
compreud  surtout  la  publication  (pp.  14-31)  d'une  ordonnance  de  16S6  en  sept 
chapitres.  Quelques  notes  sur  les  Juifs  au  xvme  siècle,  particulièrement  sur 
les  mesures  prises  par  le  gouverneur  contre  les  Juifs  mendiants.  Les 
pp.  41-47  sont  consacrées  au  xixe  siècle.  (H.) 

Jorga  (N.).  Notes  et  extraits  pour  servir  à  l'histoire  des  Croisades  au 
xv°  siècle.  Seconde  série.  Paris,  1899;  ia-8°. 

Mentionne,  d'après  les  comptes  d'Alphonse  1er,  roi  de  Naples,  les  paie- 
ments faits  à  des  Juifs  convertis  (1447-1451)  (p.  48).  —  Publie  (p.  255), 
d'après  les  Archives  d'État  de  Naples,  un  mandement  imposant  une  amende 
aux  Juifs  de  Calabre  (et  des  Abruzzes,  de  la  Terre  de  Labour,  etc.),  en  com- 
pensation des  vexations  et  dépenses  que  les  Juifs  de  Terre  Sainte  sont 
accusés  d'avoir  causées  au  monastère  des  Frères  Mineurs  de  Sion.  —  Un 
appendice  est  consacré  à  Bertrand  Mignarelli  de  Sienne,  qui  voyagea  en 
Orient,  et  à  deux  de  ses  ouvrages,  non  connus  de  Baluze  et  qui  peuvent 
intéresser  en  quelques  points  l'histoire  des  Juifs.  (H.) 

Journaux  (Les)  du  Trésor  de  Philippe  VI  de  Valois,  suivis  de  YOrdinarium 
thesauri  de  1338-1339,  publiés  par  Jules  Viard.  Paris,  impr.  Nationale, 
1899  ;  in-4°.  (Collection  des  documents  ine'dits.) 

Les  registres  du  Trésor  de  1328  et  1349  mentionnent  :  le  versement  fait  à 
Philippe  Ior  d'Anjou  par  Roger  de  Tours  et  Jean  Payen,  commissaires  sur 
le  fait  des  Juifs  en  Languedoc,  d'une  somme  de  5,000  1.  t.  en  compte  sur 
une  somme  de  70,000  1.  dues  à  ce  prince  par  Philippe-le-Bel  (p.  2);  —  un 
autre  versement  fait  au  Trésor  (avril  1349)  par  Benedict  Broissardi,  commis- 
saire sur  le  fait  des  Juifs  en  Languedoc  (p.  182)  —  une  recette  de  9  1.  t. 
(mai  1349)  versée  par  Jean  de  Saint-Adieu,  commis  à  la  poursuite  des  dettes 
des  Juifs  dans  les  bailliages  de  Bourges  et  d'Auvergne  (p.  231).  (H.) 

Julius  (C).  Die  griechischen  Danielzusâtze  und  ihre  kanonische  Geltung. 
Fribourg-en-Brisgau,  Herder,  1901  ;  in -8°  de  xi  +  183  p.  (Biblische 
Studien  hrsg.  von  O.  Bardenhewer.  VI.  Band.  3.  u.  4.  Heft.) 

Kahn  (S.).  Notice  sur  les  Israélites  de  'Nîmes  (672-1808).  Nîmes,  impr.  La 
Laborieuse,  1901  ;  in-8°  de  48  p. 

Karppe  (S.).  Étude  sur  les  origines  et  la  nature  du  Zohar,  précédée  d'une 
étude  sur  l'histoire  de  la  Kabbale.  Paris,  Félix  Alcan,  1901  ;  in-8°  de  x 
+  604  p. 

[Kaufmann].  Gedenkbuch  zur  Erinnerung  an  David  KaUfrnanUj  hrsg.  von 
M.  Brannund  F.  Rosenthal.  Breslau,  Schles.  Buchdruckerei  v.  S.  Schott- 
laender,  1900;  gr.  in-8°  de  n  +  n  +  lxxxviii  +  682+  112  p. 
Table  des  matières  : 

1.  Rosenthal  :  David  Kaufmann  ; 

2.  M.  Brann  :  Verzeichniss  der  Schriften   u.  Abhandlungen  David  Kauf- 

manns; 

3.  J.  Barth  :  Ueber  Sacharia  Cap.  8; 

4.  D.  II.  Millier  :  Strophenbau  in  den  Proverbien; 

5.  Théodore  Reinach  :  Notes  sur  le  second  livre  du  Contre   Apion  de  Jo- 

sèphe; 

6.  Adolf  Bûchler  :  Zur  Verproviantirung  Jerusalems  im  Jahre  69/70  nach 

Chr.; 

7.  Ludwig  Blau  :  Wie  lang  stand  die  althebrâische  Schrift  bel  den  Juden 

im  Gebraueh? 


BIBLIOGRAPHIE  293 

8.  M.  Friedmann  :  Eine  Abraham-Légende  ; 

9.  Immanuel  Low  :  Die  Finger  in  Litteratur  und  Folklore  der  Juden; 

10.  l^naz  Goldziher  :  Die  Sabbathinstitution  im  Islam; 

11.  D.  Simonsen  :  Tobit-Aphorismen  ; 

12.  Israël  Abraharos  :  An  Arabie  fragment  of  the  scroll  of  Anthiochus  ; 

13.  M.  Schwab  :  Des  versions  hébraïques  d'Aristote; 

14.  E.-N.  Adler  :  Aleppo; 

15.  M.  Lambert  :  Nouveaux  fragments  du  commentaire  de  Saadia  sur  Isaïe 

(xl,  2-5  et  10-11); 

16.  Montz  Steinschneider  :  Saadia  Gaon's  arabische  Schriften  : 

17.  Samuel  Poznanski:  Jacob   ben  Ephraïm,  ein  antikarâischer  Polemiker 

des  X.  Jahrhunderts; 

18.  Wilbelm   Bâcher  :    Jehuda  Ibn   Tibbon's   Irrthumer  in   seiner   Saadia- 

Uebersetzung; 

19.  S.  H.  Margulies  :  Textkritische  Bemerkungen  zum  4.,  5.  und  6.  Capi- 

tel  des  Emunoth  we-Deoth  ; 

20.  M.  Gaster  :  Geniza-Fragmeute; 

21.  N.    Porges  :    Uebër   die    Echtheit  der  dem  Dûnasch  b.   Labrât    zuge- 

schriebenen  Kritik  gegen  Saadia; 

22.  A.  Berliner  :  Zur  Charakteristik  Raschi's; 

23.  Neubauer  :  A  Geniza  fragment; 

24.  A.  Epstein  :  Die  Wormser  Minhagbùcher  ; 

25.  Philipp  Bloch  :  Ueber  Simon  WoliF  Auerbach,  Oberrabiner  von   Gross- 

polen; 

26.  Lewinsky  :  Der  Hildesheimer  Rabbiner  Samuel  Hameln  ; 

27.  Israël  Lévi  :  Alexandre  et  les  Juifs  d'après  les  sources  rabbiniques; 

28.  A.  Sidon  :  Die  Controverse  der  Synhedrialhâupter; 

29.  M.  Horowitz  :  Aus  meinem  Brief'wechsel  mit  David  Kaufmann; 

20.  D.   Feuchtwang  :  Epitaphien     mahrischer    Landes-und    Localrabbinpr 
von  Nikolsburg  ; 

31.  M.  Brann  :  Eine  Sammlung  Fiirther  Grabschriften; 

32.  Al.  Bûchler  :  Die  Grabschrift  des  Mardochai  Mochiach; 

33.  Bernhard  Ziemlich  :    Eine  Biicherconfiscation   zu  Fiirth  im  Jahrel702; 

34.  Gustav  Karpeles:  Heinricb  Heine's  Stammbaum  vâterlicherseits; 

35.  Emanuel  Baumgarten  :  Zur  Mâhrisch  Ausseer  Affaire; 

36.  Leopold  Lôwenstein  :  David  Oppenheim; 

37.  Samuel  Krauss  :  Joachim  Edler  von  Popper  ; 

38.  Max  Freudenthal  :  R.  David  Frànckel; 

39.  Bêla  Bernstein:  Die  Tolerauztaxe  der  Juden  in  Ungarn  ; 

40.  Albert    Wolf  :    Das  jùd.  Berlin   gegen  Ende   des  18.   Jahrhunderts,  in 

Abbildungen  und  Medaillen  ; 

41.  M.  Gûdemann  :  Stelluug  der   jùd.    Litteratur  in  der   christlich-theolog. 

Wissenschaft  wâhrend  und  am  Eudedes  19.  Jahrhunderts; 

42.  M.  Klein:  David  Kaufmann  als  philosophischer  Schni'tsteller; 

43.  Hermann  Cohen  :  Autonomie  und  Freiheit. 

Partie  hébraïque  : 

1.  M.  Friedlaender  :  Commentaire    arabe   sur   la  péricope    fiblîî^  par      n 

auteur  de  l'école  allégoriste; 

2.  Salomon  Buber  :  Commentaire  de  Joseph  Cara  sur  les  Lamentations; 

3.  S.  Schechter  :  Version   du   U^^Tp,  d'après  un  fragment  de   la  Gueniza 

du  Caire  ; 

4.  S.-P.  Rabinowitz  :  Contributions  à  l'histoire  des  communautés  juives  de 

Lithuanie  au  xvin9  siècle  ; 

5.  F.  Wetstein  :  Archives  de  la  communauté  juive  de  Cracovie  ; 

6.  S.-J.  Halberstam  (feu)  :  Liste  des  documents  inédits  publiés  par  David 

Kaufmann. 


294  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Kônig  (E.).  Das  Berufungsbewusststein  der  alttestamentlichen  Propheten. 
Barmen,  Wapperthaler  Traktat-Gesellschaft,  1900  ;  in-8°  de  28  p. 

Kônig    (E.)-    Hebràisch  u    Semilisch.    Prolegomena  u.   Grandliniea   einer 
Geschichte  der    sernitiscken    Sprachen,   nebst    einem  Exkurs  ùber  die 
vorjosuanische    Sprache   Israels   u.   die  Pentateuchquelle  P   G.  Berlin, 
Reuther  et  Reichard,  1901  ;  in- 8°  de  vm  -f-  128  p. 
Voir  plus  loin. 

Kônig  (E.).  Stilistik,  Rhetorik,  Poetik  in  Bezug  auf  die  biblische  Litteratur 
komparativisch  dargestellt.  Leipzig,  Dietrich,  1900  ;  in-8°  de  vi  -f- 
421  p. 

Kohut  (Adolph).  Berùhmte  israelitische  Mânner  u.  Frauen  in  der  Kultur- 
geschichte  der  Menschheit.  2.  Band.  Leipzig-  Keudnitz,  A. -H.  Payne, 
s.  d.  ;  gr.  in-8°  de  vi  -(-  432  -f-  de  nombreux  portraits  el  illustrations. 

Kraetzsghmar  (R.).  Prophet  und  Seher  im  alten  Israël.  Tubingue,  Mobr, 
1901  ;  in-8°  de  32  p. 

Labande  (H.-L.).  Les  Doria  de  France.  Paris,  A.  Picard,  1899;  in-8°. 

On  sait  qu'en  un  grand  nombre  de  cas  les  Juifs  du  moyen  âge  n'ont  été 
que  les  agents  de  financiers  chrétiens.  Notamment  dans  le  midi  delà  France, 
il  était  difficile  aux  Juifs  de  lutter  contre  la  haute  banque  italienne.  Le  tra- 
vail de  M.  L.  donne  quelques  nouveaux  exemples  de  ces  faits.  Jossé  Latès, 
de  Saint-Remy,  Bonafos  Falco,  de  Tarascon,  Massip  de  Lisbonne,  de 
Cavaillon,  Abraham  Jacob,  de  Salon,  servent  ainsi  de  courtiers  à  Louis 
Doria,  un  des  rois  du  commerce  méridional  au  xv«  siècle,  chambellan  du 
roi  René,  propriétaire  de  comptoirs  à  Gênes,  Marseille,  Arles,  Tarascon, 
Avignon  et  Montpellier  (p.  63-64).  Baptiste  de  Ponte  (p.  134)  se  sert  de 
même  des  Juifs  pour  ses  achats  de  blé,  de  cuivre  et  surtout  de  laines.  (H.) 

Lattes  (G.;.  Vita  e  opère  di  Elia  Benaniozegh.  Livourne,  impr.  Belforte, 
1901  ;  in-8°  de  165  p.  (Avec  le  portrait  de  Benamozegb.) 

lejeal  (G.).  Jésus  l'Alexandrin.  Paris,  Maisonneuve,  1901  ;  iu-8°  de 
129  p. 

Lévi  (Israël).  L'Ecclésiastique  ou  la  Sagesse  de  Jésus,  rils  de  Sira.  Texte 
original  he'breu,  e'dité,  traduit  et  commenté.  2°  partie  :  III,  6,  à  XVI,  26; 
extraits  de  XVIII,  XIX,  XXV  et  XXVI  ;  XXXI,  11,  à  XXXIII,  3  ; 
XXXV,  19,  à  XXXVIII,  27  ;  XLIX,  11,  à  fin.  Paris,  Leroux,  1901  ;  in-8° 
de  lxx  -f-  243  p.  (Bibliothèque  de  l'École  des  Hautes-Études.  Sciences 
religieuses.  10e  volume,  fascicule  2e.) 

Ayant  interrompu,  dans  la  crainte  de  fatiguer  l'attention  des  lecteurs,  nos 
études  sur  les  nouveaux  fragments  de  l'Ecclésiastique  (voir  Mevue,  XXXIX, 
1  et  177  ;  XL,  1  et  253),  nous  nous  permettons  de  résumer  très  succinc- 
tement ici  les  divers  chapitres  de  l'introduction  de  ce  2«  fascicule.  Après  une 
description  des  quatre  exemplaires  du  texte  (dont  l'un  n'est  qu'un  recueil  de 
morceaux  choisis),  nous  abordons  le  problème  qui  a  déjà  fait  couler  tant 
d'encre:  les  fragments  hébreux  représentent-ils  l'original?  Après  une  nou- 
velle étude,  nous  avons  cru  devoir  persévérer  dans  certaines  conclusions 
que  connaissent  nos  lecteurs  :  le  cantique  alphabétique  de  la  fin  est  la  retra- 
duction de  la  version  syriaque  ;  les  mss.  B  et  A  contiennent  des  doublets 
généralement  empruntés  à  la  même  version  et  se  trahissant,  entre  autres, 
par  les  contre-sens  et  la  langue,  mais  il  n'y  a  pas  de  doublets  provenant  du 
grec  (contrairement  à  ce  que  nous  avions  admis  un  instant).  Toutefois    ces 


BIBLIOGRAPHIE  29b 

interpolations  et  corrections  ne  prouvent  pas  que  tout  le  texte  soit  une  retra- 
duction; des  indices  internes  contredisent  péremptoirement  une  pareille 
hypothèse,  à  laquelle  nous  nous  étions  rallié  avec  trop  de  précipitation. 
En  gros,  nos  fragments  représentent  donc  bien  l'original,  mais  avec  des 
altérations  diverses,  et  des  interpolations  dues  à  un  auteur  qui  utilisait  la 
version  syriaque.  Un  chapitre  est  consacré  à  l'étude  d'un  cantique  nouveau, 
qui  manque  dans  les  versions  et  qui  contient  à  la  fois  une  bénédiction  rela- 
tive aux  Sadocites  et  des  morceaux  ayant  trait  à  l'avènement  du  Messie.  Ces 
morceaux  sont  contraires,  par  l'esprit,  aux  conceptions  authentiques  de 
l'auteur,  et,  d'autre  part,  offrent  une  ressemblance  étonnante  avec  le  Sche- 
monè  Esrè  ou  les  Dix-Huit  bénédictions,  œuvre  des  Pharisiens.  Après  une 
discussion,  très  pénible,  nous  concluons,  faute  de  mieux,  à  cette  hypothèse, 
que  ce  Psaume  a  conservé  des  traces  de  sa  forme  primitive  —  la  mention 
des  Sadocites,  par  exemple,  —  mais  a  été  corrompu  par  un  scribe  qui  y  a 
fait  entrer  des  éléments  empruntés  au  Schemoné  Esrè.  —  La  vieille  version 
latine,  connue  déjà  au  commencement  du  me  siècle,  est  intéressante  pour 
l'imtoire  du  texte,  parce  que,  bien  que  calquée  sur  le  grec,  elle  révèle  des 
corrections  faites  incontestablement  d'après  l'hébreu  et  quelquefois  le 
syriaque,  mais  ces  variantes  sont  généralement  celles  d'une  revision  du 
grec  dont  Clément  d'Alexandrie,  mort  en  217,  a  gardé  de  nombreuses 
leçons.  EnGn,  nous  essayons  de  montrer  que  diverses  opinions  hérétiques 
de  l'auteur,  sa  misogynie,  sa  prédilection  pour  certains  lieux  communs 
révèlent  une  influence  de  l'hellénisme,  spécialement  des  idées  d'Euripide. 
Nous  avions  déjà,  dans  le  premier  fascicule,  signalé  cette  action  de  l'hellé- 
nisme sur  les  procédés  littéraires  de  l'auteur.  —  En  disant  «  deuxième  partie  », 
nous  avons  voulu  ne  pas  déclarer  clos  notre  travail,  espérant,  contre  toute 
attente,  la  découverte  de  nouveaux  fragments.  En  terminant,  nous  prions  les 
lecteurs  de  vouloir  bien  consulter  la  table  des  additions  et  rectifications,  de 
nombreuses  fautes  s'étant  produites  à  l'impression  et  nos  vues  s'étant  parfois 
modifiées  avec  une  étude  du  texte  plus  attentive  et  mieux  informée.  Que 
beaucoup  de  nos  explications  et  interprétations  laissent  subsister  des  doutes 
et  n'emportent  pas  la  conviction,  nul  ne  le  sait  mieux  que  nous;  nous  ne 
nous  sommes  pas,  d'ailleurs,  fait  faute  de  dénoncer  nos  hésitations  et  notre 
incertitude. 

Lévy  (Emile).  Israël  au  xixe  siècle.  Deux  sermons.  Bayonne,  impr.  Lespès, 

1900  ;  22  p. 

Lewin  (M.).  Wo  wâren  die  Zehn  Stâmme  Israels  zu  suchen?  Francfort, 
KaufTmann,  1901  ;  in-8°  de  143  p. 

Loisy  (A-).  Études  bibliques.  Paris,  Picard,  1901  ;  in-8°  de  161  p. 

Margel  (M.).  Der  Segeu  Jakobs,  Midrasch  Bereschith  Rabba,  Par.  98, 
1-20  ;  99,  1-4,  ùberselzt  und  kritisch  behandelt.  Francfort,  Kauffmann, 

1901  ;  in-8°  de  82  p. 

Mariano  (R.).  Giudaismo,  paganismo,  impero  romano.  Antecedenti  sto- 
rici  immediati  del  cristianismo.  Vol.  III.  Florence,  Barbera,  1901;  in-16 
de  326  p. 

Marti  (K.).  Das  Bach  Daniel  erklârt.  Tubingue,  Mohr,  1901;  in-8°  de 
xxin  +  98  p.  (Kurzer  Hand-Commentar  zum  Alten  Testament,  hrsg. 
von  K.  Marti.) 

Martin  (P.).  Histoire  de  la  ville  de  Lodève  depuis  ses  origines  jusqu'à  la 
Révolution.  Montpellier,  1900  ;  2  vol.  in-8°. 

Quelques  mots  (p.  291-293)  sur  les  Juifs  au  moyen  âge,  d'après  l'ouvrage 
de  M.  Saige.  Les  Juifs  sont  sous  l'autorité  de  l'évêque,  et  par  un  mande- 


296  REVUE  DES  UTUDES  JUIVES 

ment  de  1306,  dont  l'analyse  est  reproduite  par  M.  Martin  dans  son  Cartu- 
laire  de  la  Ville  de  Lodève  (Lodève,  1900,  in-8,  n°  lxxiv),  Philippe  IV  recon- 
naît les  droits  (taxes,  péages,  juridiction)  de  Déodat  de  Boussagues.  —  Au 
xvme  siècle,  des  marchands  juifs  d'Avignon  assistent  aux  foires  :  ils  doivent, 
en  arrivant,  Caire  consigner  leur  nom  à  l'Hôtel  de  ville,  et  les  registres  du 
Conseil  de  ville  portent  ainsi  des  signatures  en  hébreu  ou  en  français 
(p.  233-234)  (H). 

Me  Curdy  (J.-F.).  History,  prophecy  and  monuments  of  Israël  and  the 
nations.  Vol.  V.  3.  New-York,  Macmillan,  1901  ;  in-8°  de  xxm  -j~  470  p. 

Meinhold  (J.).  Die  «  Lade  Jahwes  ».  Tubingue,  Mohr,  1900;  in-8°  de  45  p. 

Mitteilungen  der  Gesellschaft  fur  jùd.  Volkskunde,  hrsg.  von  M.  Grùn- 
wald.  Heft  VIII.  Hambourg,  à  la  Société,  1901  ;  in-8°  de  p.  1-109. 

Contient  :  Einiges  aus  den  Memoiren  der  Glùckel  von  Hameln,  von  L. 
Ysaye  ;  Die  Sprache  der  Memoiren  Glùckels  von  Hameln  ;  Ein  hebr.  Lied 
zu  Simchath-Thora  aus  Buchara  und  Jemen,  von  W.  Bâcher;  Engelnamen, 
von  S.  Krauss,  etc. 

Mitteilungen  der  Gesellschaft  fur  jùd.  Volkskunde,  hrsg.  von  M.  Grùnwald. 
Heft  VIII.  Hambourg,  à  la  Société  [1901,  2e  fascicule]  ;  in-8°  de  p.  111- 
392  -f  4  planches. 

Contient  principalement  une  étude  de  M.  Grùnwald  sur  les  noms  hébreux 
et  la  traduction  d'un  mémoire  de  M.  Bersohn  sur  les  anciennes  synagogues 
en  bois  de  Pologne. 

Morel  (O.).  Mémoires  et  documents  publiés  par  la  Société  de  l'École  des 
Chartes.  111.  La  Grande  chancellerie  royale  et  l'expédition  des  lettres 
royales  de  l'avènement  de  Philippe  de  Valois  à  la  fin  du  xivc  siècle. 
Paris,  Picard,  1900,  in-8°  de  359-362  p. 

Renseignements  nouveaux  sur  les  tarifs  spéciaux  auxquels  était  soumis, 
au  xive  siècle,  l'enregistrement  des  lettres  des  Juifs.  Le  Sceau  des  Juifs, 
créé  par  Philippe-Auguste,  avait  été  supprimé  en  1229.  Lorsqu'en  1317  une 
ordonnance  permit  aux  Juifs  récemment  rentrés  en  France  le  prêt  sur  lettres 
en  même  temps  que  le  prêt  sur  gages,  l'enregistrement  de  leurs  contrats  se 
fit  par  les  voies  ordinaires,  mais  un  tarif  spécial  leur  fut  appliqué.  M.  M. 
publie  trois  règlements  donnant  en  détail  le  prix  des  lettres  de  chancellerie 
sous  Philippe-le-Bel  et  sous  Charles  V.  Sous  Philippe-le-Bel,  les  Juifs 
paient  le  double,  et  pour  les  chartes,  le  triple  du  prix  ordinaire.  Charles  V 
abaissa  un  moment  le  tarif  au  début  de  son  règne,  mais  quelques  années 
après  les  Juifs  de  France  payaient  pour  leurs  chartes  12  1.  parisis  (au  lieu 
de  3,  tarif  ordinaire),  les  Juifs  de  Navarre,  21  1.  2  s.  tournois,  c'est-à-dire 
le  double  des  chartes  de  Navarre,  et  les  Juifs  de  Champagne  42  1.  t., 
c'est-à-dire  le  quadruple  des  chartes  de  Champagne,  qui  déjà  étaient  sou- 
mises a   un  tarif  beaucoup  plus  élevé.  (H.) 

Neteler  (B.).  Beitrag  zur  Untersuchung  der  Geschichte  des  alttestament- 
lichen  Kanons.  Munster,  Theissing,  1901  ;  in-8°  de  32  p. 

Neviasky  (A.).  !H3H  ÏTTP  ""p*^  \T\b"0  Rituel  du  judaïsme,  traduit  pour  la 
première  fois  sur  l'original  chaldéo-rabbinique  et  accompagné  de  notes 
et  remarques  de  tous  (!)  les  commentateurs.  V.  Orléans,  Michau,  1901  ; 
in-8°  de  96  p.  —  Id.,  VI,  85  p. 

On  voit  que  le  nom  de  l'auteur  de   cette  publication   a   changé  :  ce  n'est 
plus  maintenant  M.  de  Pavly.  C'est  le  seul  changement  à  constater. 

Niebuhr  (C).  Tell  El  Amarna  period.  Relations  of  Egypt  and  Western 
Asia  in  the  15th  century  B.  C.  Londres,  Nrtt,  1901  ;  in-8°  de  64  p. 


BIBLIOGRAPHIE  297 

Niese  (B.).  Krilik  der  bciden  Makkabi'ierbûcher,  ncbst  Beitrâgen  zur  Ge- 
schicbte  der  makkabàiscbcn  Erbebung.  Berlin,  Weidmann,  1900;  in-8° 
de  iv  4"  H**  P» 

Voir  plus  haut,  p.  222. 

Nowagk(W.).  Richter-Rulh,  ûberselzt  u.  erkliirt.  Gottingue,  Vandenhoeck 
et  Ruprecbt,  1900  ;  in-8°  de  xxviri  -4-  201  p.  (Handkommentar  zum 
Alten  Testament  brsg.  von  W.  Nowack.) 

Ottley  (R.-L.).  Short  history  of  the  Ilebrews  to  the  Roman  period.  Cam- 
bridge, University  Press,  1901  ;  in-8°  de  332  p. 

Paterson  (J.-A.).  Tbe  book  of  Numbers.  Leipzig,  Hinricbs,  1900;  in-8° 
de  67  p.  (Collection  Haupt.) 

Peters  (M.-C).  Wit  and  wisdom  of  the  Talmud.  Introd.  by  H.-P.  Mendes. 
New- York,  Baker  et  Taylor,  1900  ;  in-12  de  169  p. 

Philippson  (L.).  Haben  wirklich  die  Juden  Jesum  gekreuzigt  ?  2.  Aufl.  mit 
einem  Vorwort  von  M.  Philippson.  Leipzig,  Kaufmann,  1901  ;  in-8°  de 
64  p. 

P-oznanski  (S.)-  Miscellen  ùber  Saadja  III.  Bie  Berecbnung  des  Erlosungs- 
jabres  bei  Saadja.  Berlin,  Calvary,  1901;  in-8°  de  39  p.  (Tirage  à  part 
de  la  Monatsschrift,  44e  anne'e.) 

Praetorius  (F.).  Das  Targum  zum  Bucb  der  Richter  in  jemenischer  Ueber- 
lieferung.  Berlin,  Reuther  et  Reichard,  1900  ;  in-8°  de  v  -f-  61  p. 

Praetorius  (F.).  Uebcr  die  Herkunft  der  bebr.  Accente.  Berlin,  Reuther 
et  Reichard,  1901;  in-8°  de  v  +  54  p. 

Rapaport  (M.-W.).  Der  Talmud  u.  sein  Recht.  IV.  Theil.  Formen  der  Obli- 
gation. Stuttgart,  1901  ;  in-8°  de  49  p.  (Sonderabdruck  aus  Zeitscbr.  fur 
vergleichende  Rechtswissenschaft.  XV.  Bd.) 

Reinach:  (Th.).  Histoire  des  Israélites  depuis  la  ruine  de  leur  indépen- 
dance nationale  jusqu'à  nos  jours.  2e  édition  revue  et  corrigée.  Paris, 
Hachette,  1901  ;  in-8°  de  xix  +415  p. 

Il  y  aurait  quelque  impertinence  de  notre  part  à  apprécier  cette  deuxième 
édition  :  il  nous  faudrait  redire,  et  moins  bien  à  moins  de  le  copier,  le 
jugement  porté  ici  même,  sur  la  première,  par  notre  regretté  Isidore  Loeb 
(t.  IX,  p.  306).  M.  Th.  Reinach  n'a  rien  changé  au  cadre,  et  il  a  eu  raison  : 
il  est  parfait  et  il  a  fallu  un  véritable  tour  de  force  pour  grouper  des  faits 
qui  ont  eu  pour  théâtre  les  régions  les  plus  diverses  dans  un  ordre  har- 
monieux, à  la  fois  logique  et  chronologique.  Il  a  fallu  également  toutes  les 
ressources  d'un  style  éloquent  et  pittoresque,  précis  et  élégant  pour  faire 
de  cette  histoire  un  livre  de  lecture  attachant,  non  seulement  pour  les 
Israélites,  mais  pour  tous  ceux  qui  veulent  s'instruire.  La  littérature  nuit 
souvent  à  la  science  :  ici  elle  la  sert.  M.  Th.  Reinach  s'est  proposé  —  et  à 
notre  avis  il  y  est  parvenu  —  d'atteindre  à  l'impartialité;  cette  équité  est 
assurément  alliée  à  la  sympathie,  mais  cette  disposition  d'esprit  n'est-elle 
pas  une  des  conditions  essentielles  d'un  jugement  éclairé  ?  M.  Th.  Reinach 
avait  déjà  fait  admirer,  dans  la  première  édition,  ces  qualités  multiples  et 
rarement  réunies,  mais,  en  1882,  il  abordait  seulement  le  domaine  de  l'his- 
toire juive  et  se  contentait  de  rendre  accessible,  en  le  condensant  et  en  l'a- 
nimant, l'immense  travail  de  Graetz.  Depuis,  M.  Reinach  a  eu  l'occasion 
d'examiner  directement  beaucoup  de  matériaux  de  cette  histoire,  en  parti- 
culier les  textes  relatifs  au  Judaïsme  et  aux  Juifs  daus  le  monde  grec  et  dans 


298  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

l'empire  romain;  notre  Revue  a  mis  au  jour  des  documents  nouveaux  et  de 
prix  dont  il  a  su  reconnaître  l'importance;  ^histoire  des  Juifs  de  France 
s'est  considérablement  enrichie  et  précisée.  Aussi,  la  deuxième  édition,  toute 
fidèle  qu'elle  soit  au  plan  de  la  première,  en  diffère-t-elle  notablement  par 
les  rectifications,  les  additions  et  les  suppressions  ;  c'est,  en  réalité,  une  nou- 
velle œuvre,  que  nous  ne  craindrons  pas  d'appeler  un  chef-d'œuvre.  Qu'on 
y  puisse  relever  quelques  erreurs  de  détail,  que  la  bibliographie  de  la  fin 
mette  sur  le  même  plan  des  travaux  de  premier  ordre  et  des  opuscules  sans 
intérêt,  que  les  réflexions  servant  de  conclusion  ne  soient  pas  du  goût  de  tous 
les  lecteurs,  ce  sont  là  menues  critiques  qui  ne  troublent  en  rien  l'impression 
que  laisse  cet  ouvrage,  supérieur  en  beauté,  en  philosophie  et  en  savoir  à 
tous  ses  devanciers. 

Russell  (G.)  and  Lewis  (H. -S.)-  The  Jew  in  London.  A  study  of  racial 
character  and  present-day  conditions,  with  an  introduction  by  Canon 
Barnett  and  a  préface  by  the  right  honor.  James  Bryce.  Londres,  Fisher 
Unwin,  1900  ;  in-8°  de  xlv  +  238+1  carte. 

Saadia  Al-Fajjumi's  arabische  Psalmenùbersetzung  u.  Commentar  (Psalm 
50-72),  hrsg.,  ùbersetzt  u.  mit  Anmerkungen  versehen  von  S.  Baron. 
Berlin,  Poppelauer,  1900;  in-8°  de  83  +  xxix  p. 

Sarowy  (W.).  Quellenkritische  Untersuchungen  zur  Geschichte  Kônig 
Salomos.  Dissertation.  Kœnigsberg,  Leupold,  1900  ;  in-8°  de  55  p. 

Schiefer  (F.-W.).  Die  religiôsen  und  ethischen  Anscbauungen  des  IV. 
Ezrabuches  im  Zusammenhang  dargestellt.  Ein  Beitrag  zur  jùd.  Reli- 
gionsgeschichte.  Leipzig,  Dôrffling  et  Franke,  1901  ;  in-8°  de  vu  +  76  p. 

Sch.la.tter  (A.).  Israels  Geschichte  von  Alexander  dem  Grossen  bis  Ha- 
drian.  Stultgard,  Vereinbuchhandlung,  1900  ;  in-8°  de  342  p. 

Schlœgl  (N.)«  Ecclesiasticus  (39,  12-49,  16),  ope  artis  criticre  et  metricae 
in  formam  originalem  redactus.  Vienne,  Mayer  et  Gie,  1901  ;  in-4°  de 
xxxv  +  72  p. 

Schmalzl  (P.).  Das  Buch  Ezechiel  erklârt.  Vienne,  Mayer  et  C'%  1901  ; 
in-8°  de  xi  +  473  p. 

Schneider  (G.).  Die  zehn  Gebote  des  Moses  in  moderner  Beleuchtung. 
Francfort,  Neuer  Frankfort.  Verlag,  1901  ;  in-8°  de  x  +  106  p. 

Scholz  (A.  von).  Kommentar  ùber  den  Prediger.  Leipzig,  Woerl,  1901  ; 
in  8°  de  vu  +  xxvm  +  229  p. 

Schwarz  (Ad.).  Der  hermeneutische  Syllogismus  in  der  talmud.  Litteratur, 
voir  VIII.  Jahresbericht  der  israel.-tùeol.  Lehranstalt. 

Schweizer  (A.).  Untersuchungen  ùber  die  Reste  eines  hebr-  Textes  vom 
ersten  Makkabàerbuch.  Berlin.  Poppelauer,  1901  ;  in-8°  de  103  +  13  p. 
Voir  plus  haut,  p.  215. 

Sera.ph.im  (B.).  Soothssayer  Balaam,  or  transformation  of  a  sorcerer  into  a 
prophet.  Londres,  Rivington,  1901  ;  in-8°  de  392  p. 

Siegfried  (G.).  Esra,  Nehemia  und  Esther  ùbersetzt  u.  erklârt.  Gottingue, 
Vandenhœck  et  Ruprecht,  1901  ;  in  8°  de  iv  +  175  p.  (Handkommeutar 
zum  A.  T.   hrsg.  von  W.  Nowack.) 

Silbbrstein  (E.).  Conrad  Pellicanus,  ein  Bjitrag  zur  Geschichte  des  Stu- 


BIBLIOGRAPHIE  299 

diums    der  hebraischen  Sprache  in  dcr  ersten    lliilfte   des  XVI.    Jahr- 
hunderts.  Berlin,  Mayer  el  Muller,  1900;  in-8"  de  vm  -f-  104  p. 

Le  ch.  i,r,  consacré  à  la  bibliographie  de  Pellican,  met  en  œuvre  des  ren- 
seignements déjà  connus,  notamment  sur  les  relations  avec  Paul  Pfedersheimer 
et  Michel  Adam,  Juifs  convertis,  avec  Reuchlin,  etc.  Le  ch.  n  étudie  l'œuvre 
de  Pellican  comme  grammairien  dans  son  De  modo  legendi  et  intclligendi 
hebrœi,  dans  ses  Grammatice  hebraica  elementa,  dans  VInstitutiuncula,  im- 
primée à  la  suitede  l'édition  de  saint  Jérôme,  faite  à  Bàle  en  1516.  Le  ch.  ni 
est  consacré  à  ses  travaux  d'exégèse  et  à  ses  traductions  bibliques.  Enfin, 
M.  S.  dresse  une  liste  des  écrivains  de  la  littérature  rabbinique  que  Pellican 
a  étudiés  ou  traduits.  (H.) 

Simonsen  (D  ).  Hebraisk  bogtryk  i  aeldre  og  nyere  tid.  Copenhague, 
impr.  Nielson  et  Lydiche,  1901;  gr.  iu-4"de  29  p  ,  avec  16  reproductions 
photographiques  et  fac-similés. 

Les  plus  anciennes  et  plu6  curieuses  éditions  hébraïques. 

Sinker  (R.)'  Essays  and  studies.  Cambridge,  Deighton,  Bell  et  Cie,  1900  ; 
in-8°  de  v  -f-  21  p.  (Contient,  entre  autres  :  The  maxims  of  tue  Jewish 
Fathers,  The  authorship  of  Psalm  ex,  The  Jewish  Sabbath,  Christ  in  the 
Talmud,  Kippod,  Manasseh  or  Moses  (Juges,  xvm,  30),  On  grâce  at 
meals  in  the  Jewish  Church). 

Smith  (G.-A.).  Modem  criticism  and  the  preaching  of  the  Old  Testament. 
Londres,  Hodder  et  Stoughton,  1901  ;  iu-8°  de  xn  -f-  325  p. 

Steuernagel  (C).  Die  Einwanderung  der  israelit.  Stâmme  in  Kanaan. 
Berlin,  Schwet3chke,  1901;  in-8°  de  vin  +  131  p. 

Stosgh  (G.).  Alttestamentliche  Studien.  V.  Theil  :  Die  Urkunden  der 
Samuelsgeschichte.  Gùtersloh,  Bertelsmann,  1900;  in-8°  de  vu  -\-  200  p. 

Stragk  (H.-L.>  Grammatik  des  Biblisch-aramàisohen  mit  den  nach  Hand- 
schriften  berichtigten  Texten  u.  einem  Wôrterbuch.  3.  grossenteils 
neubearbeitete  Auflage.  Leipzig,  J.-C.  Hinrichs,  1901;  in-8°  de  40  + 
60  p. 

Le  succès  de  cette  grammaire,  qui  en  est  déjà  à  sa  troisième  édition,  est 
légitimé  par  les  qualités  qui  la  distinguent,  à  savoir  :  précision,  netteté  et 
concision.  Nous  louons  surtout  l'auteur  d'avoir  fourni  aux  lecteurs  des  spé- 
cimens des  textes  avec  ponctuation  et  accentuation  supralinéaire.  Seulement 
l  eût  été  bon  de  dire  la  valeur  de  ces  signes. 

Strack  (H.-L.).  Die  Sprùche  der  Vâter.  Ein  ethischer  Mischna-Traktat, 
hrsg.  u.  erklârt.  3.  wesentlich  verbesserte  Auflage.  Leipzig,  Hinrichs, 
1091  ;  in-8°  de  58  p. 

Nouvelle  édition  excellente. 

Swete  (H.-B.)-  An  introduction  to  the  Old  Testament  in  Greek.  With  an 
appendix  containing  the  letter  of  Aristeas  éd.  by  J.  Thackeray.  Cam- 
bridge, University  Press,  1900  ;  in-8°  de  xi  +  592  p. 

Taylor  (G.).  Cairo  Genizah  palimpsests,  hebrew-greek,  from  the  Taylor- 
Schechter  collection,  including  a  fragment  of  psalm  XXII  according  to 
Origen's  Hexapla-  11  collotype  plates.  Londres,  Clay,  1901  ;  in-4°  de 
104  p. 

Tedesghi  (I.-R.).  La  Cabbala  o  la  fllosofia  religiosa  degli  Israeliti.  Trieste, 
impr.  Morterra,  1901  ;  16  p. 


300  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

Textus  hebraici  emendationes  quibus  in  Vetere  Testamento  Neerlandice  ver- 
tendo  usi  sunt  A.  Kuenen,  J.  Hooykaas,  W.-H.  Kosters,  H.  Oort,  éd. 
Oort.  Leyde,  Brill,  1901  ;  in-8"  de  iv  +  150  p. 

Urquhart  (J.).  Die  neueren  Entdeckungen  u.  die  Bibel.  2.  Band.  Von 
Abraham  bis  zum  Auszug  aus  Aegypten.  Uebersetzt  von  E.  Splied. 
Stuttgart,  Kielmann,  1901  ;  in-8°  de  xir  +  331  p. 

Vigouroux  (F.)-  La  Sainte  Bible  polyglotte,  contenant  le  texte  hébreu  ori- 
ginal, le  texte  gçec  des  Septante,  le  texte  latin  de  la  Vulgate  et  la  tra- 
duction française  de  Glaire.  Ancien  Testament.  T.  II.  Paris,  Roger  et 
Chemoviz,  1901  ;  in -8°  de  xi  -f-  913  p. 

Wiernik  (P.).  ytiSTOW  WiT1»  N^*7  History  of  the  Jews  from  the  earliest 
period  to  the  présent  time.  New-York,  Rabinowitz,  1901  ;  in-8°  de  381  p. 
En  jargon  judéo-allemand  et  caractères  hébraïques. 

Worcester  (E.).  The  book  of  Genesis  in  the  light  of  modem  knowledge. 
New- York,  Me  Clure,  Philipps  et  Gie,  1901  ;  in-12  de  xx  -f  572  p. 

Worms  (M.).  Die  Lehre  von  der  Anfangslosigkeit  der  Welt  bei  den  mittel- 
alterlichen  arabischen  Philosopher!  des  Orients  u.  ihre  Bekampfung 
dnrch  die  arabischen  Theologen  (Mutakallimun).   Munster,    Aschendorff, 

1900  ;  in-8°  de  vin  +  70  (Beitrage  zur  Geschichte  der  Philosophie  des 
Mittelalters.  Texte  u.  Untersuchungen  hrsgg.  von  G.  Baeumker  u. 
G.-F.    Hertiing.  Bd.  III.  Heft  IV.). 

Contient  en  appendice  une  dissertation  d'Averroès  sur  la  question  d'après 
la  version  hébraïque. 

Wright  (A  ).  Psalms  of  David  and  higher  criticism  ;  or,  was  David  the 
sweet  psalmist  of  Israël.  Londres,  Oliphant,  1900  ;  in-8°  de  266  p. 

Zimmern  (H.).  Biblische  und  babylonische  Urgeschichte.  Leipzig,  Hinrichs, 

1901  ;  in-8°  de  40  p. 

Zwiebel  (S.).  Perlenschnur  talmud.  Weisheit.  Drohobycz,  impr.  Zupnik, 
1901;  18  p. 

Zeller-Werdmuller  (H.).  Die  Zùrcher  Stadtbùcher  des  XIV.  und  XV. 
Jahrhunderts.  I.  Leipzig,  1899  ;  in-8°. 

Ces  registres  renferment  naturellement  un  grand  nombre  de  délibérations 
relatives  aux  Juifs  de  Zurich  :  juridiction  réservée  au  Conseil  de  ville 
(p.  270-p.  35),  décision  visant  les  appels  portés  aux  tribunaux  rabbiniques 
de  Worms  et  de  Rothenburg  ;  règlements  pour  la  synagogue  (p.  270) 
et  le  cimetière  (p.  269)  ;  réglementation  du  prêt  (p.  33,  66,  300);  situation 
des  Juifs  bourgeois  de  la  ville  (p.  87,  125,  260)  et  étrangers  (p.  320)  ;  mesures 
prises  en  leur  faveur,  sauvegardes,  responsabilité  des  pères  et  maîtres  dont 
les  enfants  et  domestiques  malmènent  des  Juifs  (p.  143)  ;  interdiction  de 
paraître  en  public  pendant  la  semaine  sainte  (p.  17),  etc.  Les  pièces  173  et 
174  du  2e  livre  (p.  341-343)  montrent  le  retentissement  sur  la  communauté 
de  Zurich  du  martyre  des  Juifs  de  Schaffhouse  (1401).  Après  avoir  assuré  de 
nouveau  la  sauvegarde  des  Juifs,  la  ville  semble  cependant  en  avoir  fait 
poursuivre  deux.  (H.). 

3.  Périodiques. 

The  American  journal  of  semitic  languages  and  literatures  (Chi- 
cago, trimestriel).  =  =  Vol.    XVII,   1901.  =  =  Na  2,  janvier.  Henry 


BIBLIOGRAPHIE  301 

Hayman  :  The  blessing  of  Moses,  ils  genesis  and  structure.  —  G.  Ric- 
ker  Berry  :  A  note  on  Gen.,  6,  3.  =  =  N°  3,  avril.  =  =  Julius-A.  Be- 
wer  :  Lexical  notes  (1OT',  Amos,  I,  11;  îinN,  Deut.,  xxxn,  21  ;  "IU3N, 
Is.,  i,  17;  nt,  la.,  i,  7;  ttttan,  Ps.,  lxviii,  28;  lins,  Is.,  xlii,  22).  — 
—  M.  L  Margolis  :  Notes  on  some  'passages  in  Amos  (ni,  12;  iv,  3; 
iv,  5;  v,  6).  =  —  No  4,  juillet.  =  =  J.  Barth  :  Beitràge  zur  Suffix- 
lehre  des  Nord-Semitischen.  —  Ed.  Kônig  :  The  emphatic  state  in  Ara- 
maic  =  =  Vol.  XVIII.  =  =  N°  1,  octobre.  Hans  H.  Spoer  :  The  origin 
and  interprétation  of  the  tetragrammaton. 

Revue  biblique    internationale  (Paris,   trimestrielle)  =  —    10*  année, 

1901.  =  =  N°  1,  janvier.  A.  van  Hoonacker  :  Notes  sur  l'histoire  de  la 
Restauration  juive  après  l'exil  de  Babylone  {suite,  n°  2).  —  Lagrange  : 
Études  sur  les  religions  se'mitiques.  I.  Les  Sémites.  —  Hubert  Grimme  : 
Mètres  et  strophes  dans  les  fragments  hébreux  du  ms.  A  de  l'Ecclésias- 
tique {suite,  n03  2-3).  —  Vincent  :  Le  tombeau  des  Prophètes.  =  = 
N°  2,  avril.  =  =  Hackspill  :  Études  sur  le  milieu  religieux  et 
intellectuel  contemporain  du  Nouveau-  Testament  {suite,  n°  3). —  La- 
grange :  Éludes  sur  les  religions  sémitiques.  II.  Enceintes  et  pierres 
sacrées.  —  Hugues  Vincent  :  Monuments  en  pierres  brutes  dans  la  Pa- 
lestine occidentale.  =  =  N°  3,  juillet.  =s  —  Condamin  :  Les  chants 
lyriques  des  Prophètes.  Strophes  et  chœurs.  —  Van  Kasteren  :  L'Ancien 
Testament  d'Origène.  —  Vincent  :  Hypogée  antique  à  Jérusalem  =  = 
N°  4,  octobre.  =  —  Prat  :  Le  nom  divin  est-il  intensif  en  hébreu  ?  — 
Lagrange  :  L'inscription  de  Mésa.  —  Du  même  :  Études  sur  les  religions 
sémitiques.  III.  Les  déesses  Achéra  et  Astarté. 

The  Jewish  quarterly  Keview  (Londres).  =  =■  Vol.  XIII,  1901.  =•  = 
N°  50,  janvier.  C.-G.  Montefiore  :  Rabbinic  judaism  and  the  Epistles  of 
St.  Paul.  —  S.  Schechter  :  Geniza  spécimens  (acte  de  mariage,  1082,  entre 
David  Ilanasi,  fils  de  Daniel  Hanasi,  et  Nasia,  Karaïte,  fille  de  R.  Moïse, 
fils  d'Aron  Ilacohcnj.  —  H.  Hirschfeld  :  Mohammedan  criticism  of  the 
Bible.  —  Miss  Nina  Davis  :  An  aspect  of  Judaism  in  1901.  —  F.-C.  Co- 
nybeare  :  The  Testaments  of  the  XII  Patriârchs  {suite).  —  H.-S.-Q.  Hen- 
riques  :  The  Jews  and  the  English  law.  —  Moritz  Steinschneider  :  An 
introduction  to  the  Arabie  literature  of  the  Jews  {suite,  n°51).  —  Israël 
Zangwill  :  Poetry.  Adon  Olam.  —  W.  Bâcher  :  Zur  Mozaikkarte  von 
Madaba.  — ■  Samuel  Poznanski  :  Einige  Bemerkungen  zu  einem  alten 
Bùcher-Catalog. —  Israël  Lévi  :  Errata  à  /.  Q.  £.,  XIII,  1  et  suiv. — 
H. -P.  Chajes  :  Der  Name  3KW;  pbn.  =  =  N°  51,  avril.  =  =  S.  Sche- 
chter :  Geniza  spécimens  (critique  de  la  Bible  sous  forme  de  pizmon)>  — 
G.  Buchanan  Gray  :  The  Encyclopaedia  biblica  (vol.  I  and  II)  and  the 
textual  tradition  of  hebrew  proper  names.  — E.-N.  Adler  :  Autos  da  fé  and 
Jews.  —  Abram  S.  Isaacs  :  The  Talmud  in  history.  —  G.  Margoliouth  :  A 
Muhammadan  Gommentary  on  Maimonides  Mishneh  Torah.  — I.  Abra- 
hams  :  Niese  on  the  two  Books  of  the  Maccabees.  —  David  Kaufmann  : 
I.  Die  Vertreibung  der  Marranén  aus  Venedig  im  Jahre  1550.11.  Die  Ver- 
brennung  der  talmudischen  Litteratur  in  der  Republik  Venedig.  —  D.-S. 
Margoliouth  :  The  legend  of  the  apostasy  of  Maimonides.  —  W.  Bâcher  : 
Zur  der  von  Algûhiz  citirten  Uebersetzung  aus  Jesaja.  —  M.  Simon  :  On 
Josephus,  Wars,  V,  5,  7.  — E.-N.  Adler  :  Kaiaitica.  —  E.-N.  Adler  and 
I.  Broydé  :  An  ancient  bookseller's  Catalogue.  —  —  Juillet.  =  =  S.-J. 
Salomon  :  Art  and  Judaism.  —  K.  Kohler  :  Abba,  father,  title  of  spiritual 


302  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

leader  and  saint.  —  T.  "Tyler  :  The  origin  of  the  tetragrammaton. —  S. -A. 
Hirsch  '.  Some  literary  trilles.  —  Morris  Jastrow  :  The  Hebrew  and  Ba- 
bylonian  accounts  of  création.  — A.  Harkavy  :  Fragments  of  anti-karaite 
writings  of  Saadia  in  the  impérial  public  library  at  St.-Petersburg.  — 
M.  Berlin  :  Psalms  IX  and  X.  —  A.  Bûchler  :  Der  Patriarch  R.  Jehuda  I. 
und  die  griechisch-romischen  Stàdle  Palâstinas.  —  W.  Bâcher  :  Zu 
Schechters  neueslem  Geniza  Funde.  —  S.  Poznanski  :  Einige  vorlâu- 
flge  Bemerkungen  zu  dem  Geniza-Fragmente  /.  Q.  R.,  XIII,  345  fï.  (sur 
le  même  texte).  =  =  Vol.  XIV,  octobre.  =  =  Lionel  Abrahams  :  Me- 
na?seh  ben  Israel's  mission  to  Oliver  Cromwell.  —  J.  Skinner  :  Notes 
on  a  newly  acquired  Samaritan  manuscript.  —  S.  Schechter  :  Ge- 
niza spécimens.  Saadyana  (I.  premières  pages  du  Séfer  Hagaîouy  ;  II. 
trois  fragments  du  Séfer  Hamoadim,  divisé  en  versets,  avec  points- 
voyelles  et  accents;  III.  fragment  du  même  ouvrage,  peut-être;  IV. 
sept  morceaux  se  rattachant  à  la  querelle  de  Saadia    et  de    Ben  Méir). 

—  Morris  Joseph  :  Religious  life  in  the  home.  —  R.  Gottheil  :  Gleanings 
from  Spanish  and  Portuguese  archives.  —  C.-G.  Montefiore  :  The  désire 
for  immortality.  —  H.-M.  Adler  :  The  Jews  in  southem  Italy.  —  W.  Bâ- 
cher :  Einhebrâisch-persiches  Liederbuch.  —  N.  Porges  :  Zu  Schechter's 
neuestem  Geniza-Funde  (voir  le  numéro  précédent  ;  M.  N.  Porgès  dit, 
avec  raison,  que  les  attaques  contre  la  Bible  contenues  dans  ce  texte 
ne  sont  pas  de  l'auteur  de  l'écrit,  mais  sont  des  objections  aux- 
quelles il  répondait,  montrant  ainsi  que  les  savants  avaient  autre  chose 
à  faire  qu'à  s'occuper  des  minuties  de  la  Massora  et  de  la  grammaire).  — 
S  -A.  Hirsch  :  Isaiah  XLV,  18,  19-  —  M.  Kayserling  :  Autos  da  Fé  and 
Jews.  —  Critical  notices  (intéressants  comptes  rendus,  dus  à  M.  C.-G. 
Montefiore,  de  Krauskopf,  Rabbïs  impressions  of  the  Oberammergau  pas- 
sion Play  y  et  de  Loisy ,  Études  bibliques  et  La  religion  d'Israël).  — 
H.  Hirschfeld  :  Descriptive  Catalogue  of  Hebrew  mss.  of  the  Montefiore 
library. 

Honatsschrift   fur    Gcschichte  und  YYisseiiseliaft    des  Jiidentliums 

(Berlin).  ±=  —  44e  année,  1900.  =  =  N°  9,  septembre.  Dr  L.  Katzenel- 
son  :  Die  rituellen  Reinheitsgesetze  in  der  Bibel  u.  im  Talmud  (suite, 
n°  10).  —  Samuel  Poznanski  :  Miscellen  ùber  Saadja  (III.  Die  Berech- 
nung  des  Erlôsungsjahres  bei  Saadja,  fin,  nos  11-12).  — Léo  Bâck  :  Zut 
Charakteristik  des  Levi  ben  Abraham  ben  Chajjim.  —  J.  Kracauer  :  Ver- 
zeichniss  der  von  Pfefferkorn  1510  in  Frankfurt  a.  M.  confiscirlen  jûd. 
Bûcher  {suite,  n°  10).  ==  N°  10,  octobre.  =  ==  D.  Grûnewald  :  Einige 
Bemerkungen  zu  Maimuni's  Mischna-Commentar  des  Tractats  Erubin.  — 
J.  Elbogen  :  S.  D.  Luzzato's  Stellung  zur  Bibelkritik.  =  =  N0S  11-12, 
novembre-décembre.  =  =  [Bassfreund]  :  Die  Erwiihnuug  Jochanans  des 
Hohenpriesters  im  Pseudojonathan  zu  Deuter.,  33,  11,  und  das  an- 
geblich  hohe  Alter  dièses  Targum.  —  S.  Eppenstein  :  Die  hebr.-ara- 
bische  Sprachvergleichung  des  Jehuda  ibn  Koreîsch.  —  Moritz  Stein- 
schneider  :  Isak  Israeli.  —  C.  Werner  :  Zum  Autograph  Abraham 
Maimuni's.  —  Albert  Wolf  :  Zwei  auf  Judentaufen  bezùgliche  Medaillen. 

—  Zwei  ungedruckte  italienische  Briefe  S.-D.  Luzzatto's.  —  ===  45e  an- 
née, 1901  (Breslau,  Koebner).  =  =  Nos  1-2,  janvier-février.  H.  Flesch  : 
Zur  Exégèse  der  verschiedenen  Namen  der  Stiftshiite.  —  J.  Krengel  : 
Variae  lectiones  zur  Tosefta.  —  A.  Epstein  :  Die  nach  Raschi  benann- 
ten  Gebâude  in  Worms.  —  S.  Horovitz  :  Das  hebrâisch-persische  Wôr- 
terbucb    des  Salomo    ben    Samuel.  —  F.  H.  Wetstein  :   Ursprung    des 


BIBLIOGRAPHIE  303 

Faliennamens  bfcm.  =  =  Nos  3-4,  mars-avril.  =  =  Léo  Bâck  :  Har- 
nack's  Vorlesungen  ùbor  das  Wesen  des  Christenthums.  —  J.  Krengel  : 
O^bïp^DN.  —  M.  Steinschneider  :  Saadia  Gaons  arabische  Schriften.  — 
Ad.  Schmiedl  :  Raudbemerkungen  zu  Saadia's  Pentateuch-Uebersel- 
zung. —  M.  Steinschneider  :  Zur  Litteratur  der  Maimoniden.  —  H.  ber- 
ger :  Der  Gommentar  des  R.  Benjamin  b.  Jehuda  zu  den  Sprùcben.  — 
F. -H.  Wetstein  :  Noch  ein  Wort  uber  die  jùngst  in  Krakau  aufgefun- 
denen  Grabschriften.  —  Albert  Wolf  :  Ein  Amulet  der  Sammlung 
Strauss.  —  Lewinsky  :  Ein  Aktenstùck  zur  Geschichte  der  Juden  in 
Hildesheim  aus  dem  Anfange  des  18.  Jahrhunderts.  —  Immanuel  Lôw  : 
Miscellen  (sur  les  Fragmententargum  éd.  par  Ginsburger).  =  =  N0s  5-6- 
7,  mai-juillet.  =  =  M.  Brann  :  Die  Familie  Frankel.  —  Al.  Kisch  : 
Prager  Notizen  zur  Biographie  Zach.  Frankels.  —  J.  Eschelbacher  :  Za- 
charias  Frankel  —  M.  Gùdemann  :  Zach.  Frankel.  Von  ihm  u.ùber  ibn. 
—  L.  Treitel  :  Zach.  Frankels  Verdienste  um  die  Septuaginta-Forschung. 
L.  Dobschûtz  :  Zach.  Frankels  Einleitung  in  die  Michnah. — A  Schwarz  : 
Die  Ehe  im  biblischen  Altertum.  —  M.  Fried  :  Das  Losen  im  Tempel 
zu  Jérusalem.  —  W.  Bâcher  :  Die  Gelehrten  von  Càsarea.  —  S.  Horo- 
vitz  :  Analecten.  —  B.  Ziemlich  :  Die  Anklage  des  Jad  hachasakah  Mai- 
muni's.  —  M.  Brann  :  Verzeichniss  der  Schriften  u.  Abhandlungen  Za- 
charias  Frankels. 

Zvitschrift  fur  die  alttestamentliche  Wissensehaft  (Giessen,  semes- 
triel). —  =±  21e  année,  1901.  =  =  N°  1 .  Bernh.  Luther:  Die  israel. 
Stamme.  —  Georg  Béer  :  Ps.,  lxxiii,  246  :  ^npn  Tns  ^HNl.  —  H.-P. 
Chajes  :  Miscellen  (1.  Ez.,  xxvn,  4  ;  2.  Ps  ,  ex  ;  3.  Prov.,  xxv,  11b- 
12 b).  —  A.  Bùchler  :  Das  Entbloasen  der  Schulter  und  des  Armes 
als  Zeichen  der  Trauer.  —  Paul  Volz  :  Die  Handauflegung  beim 
Opfer.  —  J.  Goettsberger  :  Die  syro-armenischen  u.  die  syro-kopti- 
schen  Bibelcitate  aus  den  Scholien  des  Barhebràus.  —  K.  Haacke  :  Zu 
Jerem.,  2,  17.  —  P.  Placidus  Steininger  :  Ein  neues  hebr.  Wort.  — 
B.  Stade  :  Die  Kesselwagen  des  salomon.  Tempels  I  Kôn.  7,  27-39.  — 
Siegmund  Fraenkel  :  Zu  Ben  Sira.  —  K.  Budde  :  Die  ursprùngliche  Be- 
deutung  der  Lade  Jahwe's.  —  A.  Mez  :  Nochmals  Ri.  7,  5,  6.  — 
Cheyne  :  The  image  of  jealousy  in  Ezechiel.  —  D.  Meinhold  :  Miscel- 
len (Jes.,  xl,  10  ;  lu,  13  ;  lxi,  6  b).  —  Bibliographie.  =  =  N°  2.  =  = 
W.-R.  Arnold  :  The  composition  of  Nahum  1-2.  3.  —  E.  Baumann  :  Zwei 
Einzelbemerkungen.  I.  Jes.,  18,  4;  2.  Jes.  7,  8,  9.  — M.  L.  Margolis  :  A 
passage  in  Ecclesiasticus  (xxxiv,  16,  même  explication  et  même  con- 
clusion dans  mon  commentaire  ad  loc).  —  P.  Kahle  :  Beitrâge  zur 
Geschichte  der  hebraischen  Punktation  (fragments  de  la  Bible  avec  un 
nouveau  système  de  ponctuation  ;  je  possède  un  morceau  du  même 
exemplaire,  morceau  que  j'ai  acheté'  à  l'Exposition  de  1900  ;  l'article 
est  très  intéressant.  Signalons,  à  cette  occasion,  une  autre  étude  du 
même  auteur,  Zur  Geschichte  der  hebr.  Accente,  Z.  D.  M.  G.,  LV,  sur 
des  fragments  avec  ponctuation  babylonienne;  le  fonds  du  Caire  que 
que  j'ai  acquis  pour  le  compte  de  M.  le  Baron  Edmond  de  Rothschild  en 
renferme  également.)  —  W.  Bâcher  :  Zu  Ed.  Kônigs  neuestem  Werke 
(Stilistik,  Rhetorik,  Poetik  in  Bezug  auf  die  bibl.  Litteratur).  —  Eb. 
Nestlé  :  Miscellen  (1.  Ein  moabitisches  Karthago  ?  2.  Gen.  xvi,  14;  3. 
Sap.  Salom.  ir,  8-9).  —  Stade  :  Kônig  Joram  von  Juda. 

Zeitschrift    fur     hebraeische     Bibliographie  (Francfort,    bimestriel). 


304  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

=  =:4e  année,  1900.  —  =  N°  1.  M.  Steinschneider  :  Christliche  Hebrais- 
ten  [suite  et  fin,  n08  2-6  ;  1-4  de  Tannée  1901).  —  S.  Poznanski  :  Mittei- 
lungeu   aus   handschrifLlichen    Bibel-Commentaren    (V.  Fragment  eines 
[arab.]   Commentars  zu   Leviticus).  —  H.  Brody  :  Elazar   ben  Jakob  ha- 
Babli  (ce  poète,,  qui  a  vécu  en  pays  musulman,   ne  serait-il  pas  l'auteur 
de  la  version  du  Kalila   ve  Dimna  faite  sur  l'arabe  et  publiée  par  J.  De- 
renbourg?).  ==N°2.  H.  Brody  :   Ueber  die  Makame  TÛN  ÛfiW.  =  = 
N°  3.  =  ==  Simonsen  :  Abgekùrzte  hebrâische  Schriftstellernamen.  ===== 
N°  4.  =  =  M.  Steinschneider  :  Arabische   Hymnen.  =  =  N°  5.  =  = 
G.  Margoliouth  :  Levi  b.   Gershon's  Introduction  to  his  Commentary  on 
the   book  of  Proverbs.  —  J.  Horovitz  :  Ein  arabischer  Brief  an  R.  Cha- 
nanel.  =  =  N°  6.  —  =  W.  Bâcher  :  Zum  Schrifttum  u.  Ritus  der  Juden 
von    Buchara.   —    Poznanski    :    Miscelle    (sur   l'auteur    de    la    lettre    à 
R.  Hananel).  =  =  5^  année,  1901.  =  =  N°  1.  P. -T.  Weikert  :  Aus  Mon- 
tefiascone.  —  S-    Krauss  :  Eine  orientalische  Ketbuba.  =  =  N°  2.  =  = 
A.  Marx  :  Eine   Sammelhandschrifl  im  Besitze  des    Herrn  A.    Epstein 
(contient,  outre  les    sept  petites  Massechtot,    la  plupart  des    anciennes 
chroniques  juives  et  des  petits  midraschim).  =====  N°  3.  =====  H.  Abra- 
mowitz  :  Shaar  ha-Shir.  —  A.  Iïarkavy  :  Zu  Chajjudsch'  viertem  gramm. 
Werke.  =  =  N°  4.  =  =  S.  Poznanski  :    Mitteilungen   aus  handschrift- 
lichen  Bibel-Commentaren.  Tanchum   Jeruschalmi's  Psalmen-Gommen- 
tar.  =  =  N°  5.  =====  S.  Eppenstein  :   Verbesserungen  u.   Ergiinzungen 
zu    Joseph  Kimchi's  Miscble-Commenlar.  —  "W.  Bâcher  :  Ein   Ritual- 
compendium  in  persischer  Sprache.  —  M.  Steinschneider  :  Miscellen  u. 
Notizen  :  Arabische  Quellen  ûber  Juden;  Zur  Parabel  von  den  drei  Rin- 
gen;  Der  Jude  im  Tùrkischeu  Schattentheater  ;  Zur  Galamiliit  der  Hirten 
u.  Aussàlzigen  (1320-1). 


5.  No' es  et  eatiaits  divers. 

—  =  Le  Boletin  de  la  Real  Academia  de  la  Historia  de  Madrid  continue  à 
enrichir  la  science  juive  d'études  diverses  et  de  documents.  Notre  col- 
laborateur M.  Kayserling  les  utilise  pour  les  notes  qu'il  publie  ici  sur 
l'histoire  des  Juifs  en  Espagne.  Relevons  les  articles  suivants  :  No- 
vembre 1899,  Fidel  Fita  :  Repoblacion  de  Fuencarral  a  mediados  del 
siglo  XV.  Datos  ineditos  ;  janvier  1900,  Gabriel  Llabrés  :  Los  Judios  mal- 
lorquines. Goleccion  diplomatico  desde  el  ano  1247  al  1387;  Fidel  Fita 
et  G.  Llabrés  :  Privilegios  de  los  hebreos  mallorquines  en  el  codice  Pueya 
[suite  et  fin,  février-juin,  cf.  Morel-Fatio,  Revue,  t.  IX);  Fidel  Fita: 
Fragmentos  de  un  Ritual  hispano-hebreo  del  siglo  XV.  ;  mars,  Fidel 
Fita  :  Los  judios  mallorquines  y  el  concilio  de  Viena  ;  avril,  Fidel  Fita  : 
Aguilar  de  Campoo.  Documentos  y  monumentos  hebreos;  décembre, 
Juan  de  Dios  de  la  Rada  y  Delgado  :  La  sinagoga  mayor  de  Toledo  ; 
avril  1901  :  Rafaël  Ramirez  de  Arellano  :  Matanza  de  judios  en  Cor- 
doba,  1391. 

=  =  Revue  des  Ecoles  de  V Alliance  Israélite.  Publication  trimestrielle.  Pa- 
ris, Durlacher.  Cette  Revue  a  pour  but  de  permettre  aux  instituteurs  de 
l'Alliance  israélite  d'échanger  leurs  vues  sur  l'œuvre  à  laquelle  ils  col- 
laborent et  les  innovations  à  y  apporter.  Mais,  en  même  temps,  elle  se 
propose  de  réunir  des  monographies  âur  les  communautés  juives 
d'Afrique  et  d'Orient,  légendes  locales,  monuments,  pierres  tombales, 


BIBLIOGRAPHIE  305 

guenizot,  etc.  Dans  les  trois  premiers  numéros,  avril-juin,  juillet-sep- 
tembre et  octobre-de'cembre  1901,  ce  programme  a  déjà  été  mis  à  exécu- 
tion avec  un  grand  succès.  Il  faut  signaler  particulièrement  les  articles 
de  M.  Moïse  Nahon  :  Roumis  et  Forasteros  (au  Maroc),  le  mauvais  œil; 
de  M.  Cohen,  La  reine  bulgare  Théodora  ;  de  M-  F.  Abib,  Notes  sur  les 
Israélites  de  Téhéran;  de  M.  Confino,  La  communauté  juive  d'ispahan  ; 
diverses  notes  sur  des  Pourim  locaux  :  Le  Pourim  de  Saragosse,  célèbre' 
le  17-18  Schebat  en  Sicile,  à  Jérusalem,  Aïdin,  Smyrne,  Mélasso  et  Sa- 
lonique,  de  Los  Christianos  (1er  eloul,  au  Maroc)  d'Alger  ;  une  enquête 
sur  le  mauvais  œil,  qui  a  provoqué  déjà  diverses  réponses;  plusieurs 
études  de  M.  Franco  sur  la  communauté  israélite  de  Safed  (intéres- 
santes, mais  dénotant  une  connaissance  insuffisante  de  l'histoire). 
On  remarquera  la  part  faite  avec  raison  au  folklore.  Un  des  meilleurs 
morceaux  jusqu'ici  parus  est  assurément  la  leçon  de  notre  collaborateur, 
M.  Julien  Weill  :  «  A  propos  de  l'enseignement  de  l'histoire  juive  ».  Ce 
sont  d'excellents  conseils  en  même  temps  qu'une  vue  d'ensemble  sur 
cette  histoire  et  la  manière  de  l'enseigner. 

:  =  Antologia  ebraica.  Depuis  Tisri  5662  (septembre  1901)  paraît  sous  ce 
titre,  à  Livourne,  par  les  soins  de  1'  «  École  supérieure  rabbinique  »  de 
cette  ville,  une  revue  mensuelle  consacrée  aux  études  juives.  Si  cette 
publication  pouvait  ressusciter  en  Italie  le  mouvement  qui  a  produit 
S.-D.  Luzzatto  et  ses  élèves  ! 

:  —  Ost  und  West.  Illustrierte  Monatsschrift  fur  modernes  Judenthum. 
Premier  numéro  :  janvier  1901  (libr.  Calvary,  Berlin).  Revue  littéraire, 
artistique  et  même  scientifique. 

:  =  The  Jeioish  Encyclopedia.  The  launching  of  a  great  work.  Publisher's 
Announcement  on  the  completion  of  the  first  volume  (New-York  et 
Londres,  Funk  et  Wagnalls,  1901).  Ce  prospectus,  admirablement  im- 
primé et  contenant  des  centaines  de  photographies  des  collaborateurs 
de  cette  «  grande  œuvre  »,  doit  être  enregistré  comme  le  signe  d'une  ré- 
volution dans  les  mœurs  de  la  librairie  —  au  moins  de  la  librairie  juive 
et  scientifique.  Le  lecteur  y  gagne  de  pouvoir  contempler  une  foule  de  sa- 
vants connus  et  inconnus,  et  même  l'écriture  et  des  spécimens  de  cor- 
rections d'épreuves  de  quelques-uns  de  ces  savants.  Si  ce  luxe  de  pu- 
blicité doit  assurer  le  succès  de  l'entreprise,  nous  nous  inclinerons  devant 
ce  savoir-faire  de  nos  confrères  transatlantiques,  tout  en  regrettant  que  le 
public  ait  besoin,  pour  être  alléché,  de  tels  moyens  de  séduction  ! 

-  ■=  A  historié  jewish  banquet  in  the  City  of  New- York  (impr.  Pli.  Cowen). 
Dans  ce  banquet  «  historique  »  on  but  au  succès  de  la  Jewish  Encyclo- 
pedia,  et  M.  Isidore  Singer  exposa  le  plan  d'une  Université  juive-amé- 
ricaine. Ce  projet  fut  ,  paraît-il,  accueilli  avec  enthousiasme.  Nous 
faisons  des  vœux  sincères  pour  la  réussite  de  cette  idée,  sans  y  croire 
beaucoup. 

Israël  LÉvr. 


T.  XLIII,  N°  86.  20 


806  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 


Kônig  (Eduard).  Hebraisch  und  Semitisch,  Prolegomena  und  Grundlinien 
einer  Geschichte  der  Semitischen  Sprachen,  nebst  einem  Excurs  ùber  die  vorjosua- 
nische  Sprache  Israels  und  die  Peutateuchquelle  PC. Berlin,  Reuther  et  Reichard, 
1901;in-8°  de  vin  +  128  p. 


Nous  avons  rendu  compte  ici  même  des  deux  dernières  parties  de 
la  Grammaire  hébraïque  de  M.  Kônig,  à  laquelle  est  venu  s'ajouter 
le  volume  intitulé  Stilistik,  Rhetorik,  Poetik  (Leipzig,  1900).  Pour 
compléter  son  œuvre,  la  plus  considérable  que  la  philologie  hé- 
braïque ait  produite  depuis  longtemps,  M.  Kônig  projette  une  gram- 
maire comparée  et  historique  des  langues  sémitiques.  Gomme  travail 
préparatoire,  M.  Kônig  vient  de  publier  une  brochure  assez  étendue, 
où  il  étudie  quelques  points  saillants  de  l'histoire  des  langues  sé- 
mitiques. 

Au  début,  M.  Kônig  examine  l'origine  du  langage,  dans  lequel  il 
voit,  non  pas  une  révélation,  mais  a  la  résultante  inconsciente  des 
facultés  corporelles  et  intellectuelles  spécifiques  de  l'homme  ».  Les  élé- 
ments primordiaux  du  langage  sont  :  l'imitation  des  sons  perçus  par 
Thomme,  la  reproduction  volontaire  des  cris  arrachés  à  l'homme  par 
ses  diverses  sensations  ou  sentiments,  la  différenciation  des  consonnes 
d'après  l'intensité  de  l'effort  accompli  dans  un  acte,  l'emploi  instinctif 
de  certains  sons  comme  particules  démonstratives  (articles,  pronoms, 
etc.),  l'application  des  premiers  sons  qu'émet  la  bouche  de  l'enfant 
aux  êtres  qui  l'entourent  (papa,  maman). 

La  comparaison  des  langues  d'un  même  groupe  permet-elle  de 
conclure  à  l'existence  d'une  langue  commune  primitive  d'où  sont 
sorties  les  langues  de  ce  groupe?  Oui,  dit  M.  Kônig,  car  cette  hypo- 
thèse explique  plus  naturellement  la  similitude  des  mots  les  plus 
usuels  et  des  formes  grammaticales,  que  l'hypothèse  d'emprunts  ré- 
ciproques. Pour  retrouver  cette  langue-mère  nous  devons  étudier 
comment  se  sont  formées  les  langues  dont  l'histoire  nous  est  entiè- 
rement connue,  telles  que  les  langues  romanes,  issues  du  latin.  On 
y  remarque,  en  général,  la  substitution  des  voyelles  longues  aux 
diphtongues,  la  suppression  des  voyelles  brèves,  l'addition  de  sons 
accessoires,  tels  que  le  mouillage,  l'adoucissement  des  consonnes, 
le  raccourcissement  des  mots,  la  négligence  dans  l'emploi  des  flexion  > 
et  leur  remplacement  par  des  mots  auxiliaires,  etc.,  le  tout  servant 
à  faciliter  la  prononciation  et  à  augmenter  la  clarté.  Des  change- 
ments analogues  se  remarquent  dans  les  dialectes  sémitiques  mo- 
dernes. 

S'appuyant  sur  ces  faits  pour  la  comparaison  des  langues  sémi- 
tiques anciennes,  M.  Kônig  montre  que  la  phonétique  et  la  vocali- 
sation de  l'arabe  littéral  ne  sont  pas  artificielles,  comme  on  l'a  pré- 
tendu. Il   examine   ensuite  les  caractères   particuliers   de  l'arabe, 


BIBLIOGRAPHIE  307 

de  l'éthiopien,  de  l'assyrien,  de  l'hébreu l  et  de  l'araméen 2  ;  et,  de 
cette  étude,  M.  Kônig  conclut  que  l'arabe  est  la  langue  sémitique 
qui  a  le  mieux  conservé  les  formes  primitives.  Il  rappelle  les  di- 
verses phases  par  lesquelles  l'idée  de  l'antiquité  de  l'arabe  a  passé 
chez  les  grammairiens  modernes.  Si  l'arabe  n'est  pas  la  langue  sémi- 
tique originale,  car  il  présente  lui  aussi  des  formes  secondaires,  il 
s'en  rapproche  le  plus. 

M.  Kôuig  passe  ensuite  à  la  division  des  langues  sémitiques.  Il  re- 
pousse les  arguments  sur  lesquels  M.  Hommel  s'était  appuyé  pour 
répartir  les  langues  sémitiques  en  deux  groupes  :  l'assyrien  d'une 
part,  l'arabe,  l'araméen  et  le  cananéen  de  l'autre.  Il  réfute  ensuite 
louguement  —  trop  longuement  à  notre  avis  —  l'idée  de  M.  Hommel, 
que  les  Juifs,  au  temps  de  Josué,  parlaient  arabe,  et  qu'il  en  reste 
des  traces  dans  le  code  sacerdotal.  Après  cette  digression,  M.  Kônig 
montre  que  M.  Hommel  a  eu  tort  de  vouloir  opposer,  en  second 
lieu,  l'araméen  et  l'arabe  au  cananéen  (c'est-à-dire  à  l'hébreu),  car 
l'hébreu  et  l'arabe  ont  des  caractères  communs  et,  de  même,  l'ara- 
méen et  l'hébreu. 

On  a  voulu  soutenir  que,  en  ce  qui  concerne  les  sibilantes,  l'ara- 
méen avait  un  caractère  plus  primitif  que  l'arabe.  M.  Kônig  établit 
que  la  thèse  inverse  est  plus  vraisemblable.  Pour  ce  qui  touche  les 
particularités  de  la  morphologie  de  l'arabe,  Michaelis,  de  Lagarde, 
Hoffmann  ont  eu  tort  d'y  voir  des  inventions  des  grammairiens,  et 
on  se  tromperait  en  tenant  la  richesse  de  l'arabe  comme  plus  mo- 
derne que  la  pauvreté  de  l'araméen  ou  même  de  l'hébreu.  Le  rang 
de  succession  que  Ewald  a  assigné  aux  langues  sémitiques  est  mal 
fondé. 

Dans  un  dernier  chapitre,  M.  Kônig  conclut  que  les  langues  sémi- 
tiques représentent  des  développements  différents  d'un  même  idiome. 
Les  Sémites  ont  formé  deux  courants,  l'un  a  suivi  le  Tigre  et  l'Eu- 
phrate,  ce  sont  les  Assyro-Babyloniens  ;  l'autre  s'est  établi  plus  à 
l'ouest,  ce  sont  les  Arabes  et  les  Araméens.  Entre  ceux-ci  sont  venus 
se  placer  les  Hébreux,  qui  s'étaient  détachés  des  Assyro-Babylo- 
niens. Au  point  de  contact  entre  l'hébreu  et  le  cananéen  s'est  formé 
le  dialecte  de  Sindjirli,  et  entre  l'arabe  et  le  babylonien  se  trouvent 
le  minéen,  le  hadramotite  et  l'éthiopien. 

Nous  ne  saurions  souscrire  entièrement  à  cette  division  des 
langues  sémitiques,  qui  est  fondée  beaucoup  plus  sur  la  phonétique 
que  sur  la  morphologie.  Les  sons  se  modifient  beaucoup  plus  facile- 
ment que  les  formes  grammaticales  ;  c'est  donc  d'après  celles-ci  qu'il 

1  A  cette  occasion  M.  Kônig  maintient,  contre  M.  Barth,  que  les  désinences  poé- 
tiques i  et  ô  sont  bien  les  terminaisons  des  cas.  Il  aurait  pu  réfuter  le  principal  argu- 
ment de  M.  Barth,  à  savoir  que  i  et  6  sont  accentués,  tandis  que  a  ne  l'est  pas,  en 
faisant  remarquer  que  l'analogie  des  suffixes  pronominaux  ?  et  o"  a  pu  exercer  ici  son 
influence. 

*  M.  Kônig  émet  ici  une  opinion  de  la  justesse  de  laquelle  nous  sommes  depuis 
longtemps  convaincu,  à  savoir  que  la  terminaison  de  l'état  emphatique  n'est  pas 
autre  chose  que  Va  de  l'accusatif. 


308  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

faut,  avant  tout,  apprécier  la  parenté  des  langues  sémitiques.  Aussi 
croyons-nous  que  l'assyrien  et  l'éthiopien  forment  un  groupe  spé- 
cial, car  ces  deux  langues  ont  de  nombreux  traits  communs,  dont  les 
deux  principaux  sont  :  l'absence  de  passif  interne  et  l'existence  du 
futur  avec  voyelle  a  de  la  première  radicale  :  ipaqid,  yefaqii.  Ce 
groupe,  qu'on  peut  appeler  oriental-méridional,  s'oppose  au  groupe 
occidental-septentrional,  qui  comprend  l'arabe,  l'hébreu  et  l'araméen. 

Les  autres  critiques  que  nous  avons  à  faire  ne  portent  que  sur  des 
points  de  détail. 

Page  2.  —  Ce  n'est  pas  aux  savants  juifs  que  revient  l'honneur 
d'avoir  défini  l'homme  :  un  animal  parlant.  Cette  définition  remonte 
à  Aristote,  qui  avait  dit  :  un  animal  raisonnable.  Par  suite  du 
double  sens  de  *o>ç  et  de  ses  dérivés,  l'animal  raisonnable  est  de- 
venu, chez  les  traducteurs  syriens,  arabes  et  juifs,  l'animal  parlant. 

Page  6.  —  M.  Kônig  croit,  avec  d'autres,  que  la  voyelle  u  indique 
la  dépression  de  l'âme,  et  que,  pour  ce  motif,  elle  sert  au  passif.  Ce 
symbolisme,  en  lui-même  peu  vraisemblable,  est,  dans  l'espèce, 
tout  à  fait  inexact,  car  la  voyelle  u  exprime  Y  activité  dans  le  verbe  à 
l'imparfait,  et  c'est  sans  doute  pour  cette  raison  même  qu'elle  est 
devenue  la  caractéristique  du  passif.  Le  passif  n'est,  en  effet,  qu'un 
actif  dans  lequel  le  complément  direct  est  devenu  le  sujet  gramma- 
tical. Il  est  à  noter  que  la  voyelle  u  dans  les  désinences,  préfixes  et 
suffixes  pronominaux  exprime  l'indépendance,  par  opposition  à  Vi 
et  à  Va.  L'w  marque,  en  effet,  la  première  personne  au  passé  (qalal- 
tu)  \  le  nominatif  dans  les  noms,  l'indicatif  dans  l'imparfait,  et,  dans 
les  préfixes  verbaux,  il  est  employé  pour  le  causatif  :  yuqattil , 
yu{a)qtil  II  serait  étonnant,  enfin,  que  la  voyelle  haute  (en  arabe  ra/1) 
indiquât  l'abaissement  de  l'âme  ! 

Page  7.  —  M.  Kôoig  trouve  incontestable  que  les  dentales  et  autres 
particules  démonstratives  marquent  l'excitation,  et  c'est  pourquoi 
elles  sont  employées  pour  le  causatif.  C'est  encore  du  symbolisme.  Il 
nous  semble  beaucoup  plus  naturel  de  penser  qu'une  particule  dé- 
monstrative précédant  un  verbe  donne  l'idée  d'une  action  accomplie 
par  un  autre  :  celui-là  tuer  signifie  :  (faire  que)  un  autre  (que  soi- 
même)  tue,  c'est-à-dire  faire  tuer. 

Page  56.— D'après  M.  Kônig,  le  suffixe  tumd  dans  antumâ, qataltumâ 
contiendrait  la  terminaison  du  pluriel  devant  la  marque  du  duel. 
Tout  d'abord,  il  aurait  mieux  valu  parler  de  huma ,  car,  selon  toute 
vraisemblance,  tumâ  est  composé  de  ta  +  huma,  comme  tum  de  ta  -f* 
hum  et  tunna  de  ta  -j-  Jiunna.  Quant  à  huma,  malgié  l'apparence,  il 
ne  réunit  pas  le  pluriel  avec  le  duel;  car,  en  réalité,  hum  est  une 
abréviation  de  humû=  hum  -f-  û,  de  même  que  humna  vient  de  hum 
-f-  na;  or,  la  vraie  marque  du  masculin  pluriel  est  û  dans  humil,  de 

1  II  nous  paraît  infiniment  probable  que  Vi  dans  "Ctf,  V33N,  TlPÛp,  "^  est  une 
altération  de  Vu,  Cet  i  n'a  rien  à  voir  avec  Vi  du  suffixe  de  la  première  personne 
des  nom?  qui  vient  de  tua,  ni  avec  le  suffixe  ni. 


BIBLIOGRAPHIE  309 

même  que  na  dans  humna  indique  le  féminin  pluriel,  cf.  qatal-ûf 
qataln-a.  Mais  hum  tout  seul  égale  huw  dans  huwa  =  huw  +  a  l;  cf. 
qaial-a.  Donc,  dans  huma  on  a  simplement  le  pronom  personnel  de  la 
3e  personne  avec  le  suffixe  a  du  duel. 

Page  58.  —  Les  grammairiens  européens  nous  paraissent  s'être 
trompés,  à  la  suite  des  grammairiens  arabes,  sur  l'élymologi«  de 
l'arabe  awwal  «  premier  ».  Ce  mot  est,  selon  nous,  pour  'aw'al,  de  la 
racine  bfcO,  qui  existe  en  hébreu  dans  le  verbe  b-wn  «  commencer  », 
et  c'est  un  superlatif,  comme  le  grec  prôlos,  le  latin  primus,  Falle- 
mandent.  Le  diptotisme  de  'awwal  en  est  la  preuve,  de  même  que 
la  forme  du  féminin  'ûlay  pour  wiïlay,  comme  kubray  de  "akbar. 
Awwal    s'est    formé   de    "aioal,   comme   en    hébreu  "iN^s  de  "ifcnat 

7  T  -  T    : 

Il  ne  peut  venir  de  la  racine  biN,  qui,  en  arabe,  signifie  «  aboutir  » 
et  non  pas  «  commencer  ».. 

Page  62.  —  Nous  ne  comprenons  pas  pourquoi  M.  Kônig  veut  que 
Va  dans  na  soit  plus  primitif  que  Yi  dans  binl,  alors  que  l'hébreu  a 
lui  aussi  la  voyelle  i  dans  "•na.  Il  est  vrai,  que,  en  hébreu  Va  se 
change  souvent  en  i  dans  une  syllabe  fermée  non  accentuée,  mais  in- 
versement un  i  primitif  est  souvent  remplacé  par  a  dans  une  syllabe 
fermée  accentuée.  Dans  des  cas  semblables  la  prononciation  arabe 
nous  paraît  avoir  une  valeur  décisive  ;  car  les  voyelles  arabes  ont 
beaucoup  moins  varié  que  les  voyelles  hébraïques. 

Page  64.  —  Il  est  possible  que  la  forme  yaqatil,  qu'on  trouve  eu 
assyrien  et  en  éthiopien,  soit  protosémitique,  mais  ce  n'est  pas  une 
raison  pour  que  yaqtul  en  dérive  par  contraction.  L'arabe  ne  nous 
présente  pas  de  contractions  de  ce  genre.  Qatal,  qaiil,  qatul  ne  sont 
pas  nécessairement  plus  auciens  que  qtal,  qtil,  qtul,<\\ii  se  trouvent 
dans  l'imparfait  et  l'impératif  de  toutes  les  langues  sémitiques. 

Ibid.  —  La  terminaison  a  de  iibcjptf  ne  vient  pas  forcément  de  an, 
car,  en  hébreu,  il  a  pu  y  avoir  confusion  entre  le  subjonctif  et  l'éner- 
gique. 

Ibid.  —  D'où  M.  Kônig  sait-il  que,  dans  l'arabe  classique,  l'impéra- 
tif uqtul  a  le  ton  sur  la  première  syllabe? 

Les  quelques  observations  que  nous  venons  de  formuler  visent 
beaucoup  moins  les  théories  de  M.  Kônig  que  les  concessions  qu'il  a 
cru  devoir  faire  aux  théories  adverses.  C'est  dire  que  nous  sommes 
très  heureux  de  voir  ce  savant  grammairien  repousser  les  systèmes 
à  la  mode  et  refuser  de  remettre  en  doute  les  faits  acquis  pour  le 
plaisir  de  dire  du  nouveau.  Nons  attendons  avec  impatience  la  gram- 
maire comparée  que  M.  Kônig  projette  de  faire,  et  dans  laquelle  on 
retrouvera  l'érudition  profonde,  la  science  raisonnée  et  raisonnable 
qui  distiDguent  ses  écrits. 

Maykr  Lambert. 


1  Ceci  explique  l'emploi  du  73,  en  phénicien  et   peut-être   en  hébreu,  dans  173b, 
comme  suffixe  de  la  troisième  personpe  du  singulier, 


310  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 


Ratner(B.).  Ù-ibUiTTH  ï"P!Jt  nSÏTN  *)E>0-  Variantes  et  additious  pour  le  texte  du 
Talmud  de  Jérusalem  d'après  d'aucienues  sources.  Traité  de  Berachot.  Wilua, 
Romm  frères,  1901  ;  in-8°  de  vi  +  218  p. 


De  tous  les  écrits  de  la  tradition  juive  le  texte  du  Talmud  pales- 
tinien (jérusalémite)  est  celui  quia  souffert  le  plus  du  temps.  Dans 
sa  forme  la  plus  complète,  telle  que  nous  l'avons  dans  l'édition  prin- 
ceps (Venise,  Bomberg,  vers  1522),  les  deux  derniers  «  Ordres  »  ne 
sont  représentés  que  par  le  traité  de  Nidda,  interrompu  au  milieu  :  les 
quatre  derniers  chapitres  du  traité  de  Sabbat  et  le  dernier  chapitre 
du  traité  de  Makkot  manquent.  Les  quatre  manuscrits  cités  dans  la 
note  finale  de  cette  édition,  ainsi  qu'à  la  fin  du  traité  de  Sabbat,  et  qui 
ont  été  utilisés  pour  cette  première  édition,  peuvent  être  considérés 
comme  perdus.  Tout  au  plus  le  manuscrit  de  Leyde  (de  l'an  1289),  le 
seul  qui  soit  connu  jusqu'ici,  pourrait-il  être  pris  pour  l'un  de 
ces  quatre  manuscrits.  Aucun  autre  manuscrit  du  Talmud  palesti- 
nien ou  même  de  traités  isolés  de  ce  Talmud  n'a  encore  été  retrouvé. 
Seuls  quelques  fragments  ont  paru  au  jour  dans  ces  derniers  temps. 
Le  texte  de  l'édition  princeps  est  tout  à  fait  défectueux,  sans  doute  à 
cause  de  l'état  des  manuscrits  qui  ont  servi  à  l'établir,  et  les  impres- 
sions suivantes  faites  sur  l'édition  de  Venise  (Gracovie,  1609  ;  Kro- 
toschin,  1866)  ont  encore  augmenté  le  nombre  des  fautes.  Bn  raison 
de  cela,  quelques  éditions  partielles  ont  de  l'importance  pour  le  texte 
du  Yerouschalmi,  pour  avoir  été  faites  d'après  d'autres  manuscrits 
que  l'édition  princeps,  comme,  par  exemple,  l'édition  de  quelques 
traités  avec  le  Commentaire  de  Josué  Benvenisti  (3>tz)nrp  rtlii),  Cons- 
tantinople,  1662)  et  les  éditions  d'Amsterdam  (1710)  et  de  Mayence 
(1878)..  Une  source  particulièrement  utile  pour  la  critique  du  texte  du 
Talmud  de  Palestine,  ce  sont  les  citations  de  ce  Talmud  dans  les  au- 
teurs anciens.  Zacharias  Frankel,  mon  défunt  maître,  dout  nous  allons 
célébrer  le  centenaire  et  dont  les  travaux  sur  le  Yerouschalmi  consti- 
tuent un  des  principaux  mérites,  a  déjà  mis  à  profit,  dans  la  mesure 
la  plus  large,  ces  citations  du  Yerouschalmi,  dans  son  Commentaire 
sur  les  premiers  traités  {Berachot,  Pea,  1874).  Il  y  a  quelques  années 
M.  Chwolson  (dans  un  journal  hébreu)  engageait  les  talmudistes  de 
Russie  à  étudier  à  fond  les  sources  anciennes,  halachiques  et  autres, 
afin  d'y  recueillir  les  matériaux  pour  la  correction  et  l'amélioration  du 
texte  du  Talmud  de  Palestine.  Il  est  inutile  de  rappeler  que,  pour  un 
travail  de  ce  genre,  il  faut  non  seulement  être  familiarisé  avec  la 
littérature  talmudique  et  midraschique,  mais  posséder  un  véritable 
esprit  scientifique.  Il  suffit  de  rappeler  le  nom  de  M.  Rabbinowiçz, 
l'inoubliable  auteur,  enlevé  trop  prématurément  à  sa  grande  tâche, 
qui  a  accompli  ce  travail  pour  le  Talmud  de  Babylone  de  la  manière 
la  plus  remarquable.  La  tâche   recommandée  par  Chwolson  vient 


BIBLIOGRAPHIE  311 

d'être  remplie  par  un  savant  de  Wilna,  dont  L'érudition  et  l'esprit 
scientifique  s'étaient  déjà  affirmés  dans  un  ouvrage  important,  l'édi- 
tion critique  du  Sérier  Olam,  précédée  d'une  introduction  bien  me- 
née. Dans  le  présent  volume,  M.  B.  Ratuer  donne  le  commencement 
du  travail  inspiré  par  Chwolson  :  Yapparatus  critique  du  texte  du 
traité  de  Berachot  du  Talmud  palestinien,  formé  à  l'aide  d'ouvrages 
anciens  de  la  littérature  halachique  et  agadique.  —  A  la  fin  de  la 
préface  (p.  vi),  M.  Ratner  expose  brièvement  les  raisons  pour  les- 
quelles il  ne  réimprime  pas  lui-même  le  texte,  en  y  ajoutant,  sous 
forme  de  notes,  les  variantes  qu'il  a  trouvées.  Un  semblable  système 
serait  sans  doute  le  plus  commode,  et  l'auteur  aurait  pu  se  dispenser 
de  réimprimer  plusieurs  fois  maintes  variantes  qui  se  trouvent  chez 
divers  auteurs,  comme  il  a  dû  le  faire.  D'autre  part,  le  système  choisi 
par  lui  a  l'avantage  de  fournir  dans  son  ensemble  tout  le  passage  tel 
qu'il  figure  dans  la  source  en  question  et  de  fournir  la  leçon  divergente 
dans  la  citation,  sans  imposer  l'obligation  de  consulter  la  source. 
M.  Ratner  ajoute  au  texte  de  l'édition  princeps  du  Talmud  jérusa- 
lémite,  qu'il  accompagne  ligne  par  ligne  de  ses  remarques,  les  va- 
riantes des  éditions  partielles  mentionnées  ci-dessus  et  surtout  les 
citations  des  anciennes  autorités,  après  avoir  fait  ressortir  les  leçons 
divergentes  offertes  par  ces  citations.  Parfois  il  cite  aussi  le  passage 
parallèle  de  la  Tosefta  et  du  Talmud  babylonien,  et  surtout  il  se 
livre,  au  sujet  des  variantes  les  plus  importantes,  à  une  dissertation 
approfondie.  Cependant  il  ne  perd  jamais  de  vue  le  véritable  but  de 
sou  travail  et  il  s'efforce  de  réunir  complètement  les  éléments  de 
critique  textuelle  sur  le  passage  en  question,  en  tant  que  ce  texte  est 
établi  par  les  sources  auxquelles  on  a  eu  recours.  Il  cherche  à  faci- 
liter l'interprétation  du  texte  —  quoique  rarement  —  par  des  notices 
explicatives  personnelles  et  surtout  par  les  citations  des  explications 
d'auteurs  plus  anciens  sur  les  passages  du  Yerouschalmi.  De  la  pré- 
face de  l'auteur  (p.  v),  nous  extrayons  les  phrases  suivantes,  qui  ré- 
sument les  résultats  de  son  travail  :  «  Dans  les  écrits  des  anciens, 
on  cite  beaucoup  de  phrases  du  Yerouschalmi  qui  manquent  com- 
plètement dans  nos  éditions.  J'ai  indiqué  les  passages  auxquels 
appartiennent  ces  phrases.  Le  manuscrit  le  plus  complet  du  Yerou- 
schalmi fut  celui  qui  a  servi  à  R.  Eliézer  b.  Joël  Halévi  (rp:iîn!"i)> 
car  il  cite  beaucoup  de  phrases  de  ce  texte  qui  étaient  inconnues  de 
ses  contemporains.  Il  faut  aussi  tenir  compte  du  fait  que  les  leçons 
du  Yerouschalmi  varient  chez  les  auteurs  des  divers  pays,  suivant  la 
variété  des  manuscrits  qui  y  étaient  répandus.  —  Il  faut  noter  encore 
que  R.  Ascher  b.  Yehiel,  dans  son  commentaire  sur  Berachot,  cite 
le  Yerouschalmi  avec  des  leçons  remarquables  qui  ont  été  écartées 
dans  les  nouvelles  éditions  de  ce  Talmud  au  profit  de  la  forme 
usuelle  du  texte.  Ces  leçons  d'Ascheri  concordent  avec  le  texte  de 
l'édition  de  Gonstantinople.  Les  citations  du  Yerouschalmi  des  an- 
ciennes autorités  concordent  souvent  avec  l'édition  d'Amsterdam  ou 
avec  celles  de  Venise  et  de  Mayence.  »  A  ces  remarqu     contenues 


312  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

dans  la  préface,  ajoutons-ea  encore  quelques-unes  qui  se  trouvent 
dans  l'ouvrage  même  et  qui  sont  intéressantes  pour  l'histoire  du 
Talmud  de  Palestine.  L'auteur  de  l'annï  ms  (R.  Isaac  de  Vienn-  ) 
avait  sous  les  yeux  des  textes  différents  du  Yerouschalmi  (p.  172  sur 
11c,  3)  ;  Joseph  Karo,  dans  le  t\W  ma,  a  utilisé  plus  d'un  manuscrit 
du  Yerouschalmi  (p.  117,  sur  8c,  53)  ;  on  voit  parla  remarque  de  Jo- 
sué  Benvenisti  sur  j.  Berachot,!  a  2,  que  les  variantes  qu'on  trouve 
chez  Salomon  Syrileio  ne  proviennent  pas  d'un  manuscrit,  mais  de 
modifications  arbitraires  de  ce  commentateur  (p.  90);  Salomon  Adeni, 
dans  son  commentaire  sur  la  Mischna  nnbffl  ro^bw,  composé  à  Jé- 
rusalem en  1617,  utilise  l'édition  princeps.  Toutefois  il  a  eu  aussi 
sous  les  yeux  le  Commentaire  de  Salomon  Syrileio,  ainsi  que  des 
manuscrits  du  Yerouschalmi  (p  34);  les  citations  du  Yrerouschalmi 
dans  les  Tossafot  sur  Berachot  portant  le  nom  d'Ascheri  (niDOin 
lûfinn)  prouvent  que  ces  Tossafot  n'ont  pas  Ascheri  pour  auteur  (p.  95, 
173).  —  Ces  remarques,  intéressantes  au  point  de  vue  de  l'histoire 
littéraire,  le  sont  moins  pour  l'objet  principal  de  l'ouvrage  ;  il  en  est 
de  même  des  démonstrations  établissant  que  les  anciennes  autorités 
halachiques  avaient  recours  souvent  au  Talmud  de  Palestine  pour  la 
fixation  de  la  Ilalacha  (voir  la  remarque  sur  %d  27,  se  rapportant  a 
Maïmonide,  Hilch.  Keriat  Schéma,  i,  9). 

Les  cas  où  M.  R.  prouve,  sur  la  foi  d'anciennes  citations,  que  daus 
notre  texte  des  passages  entiers  ont  été  omis,  sont  particulièrement 
remarquables  :  P.  21 ,  sur  3  c  4  ;  p.  22,  sur  3c  6  ;  p.  23,  sur  3c  26  ;  p.  76, 
sur  6043;  p.  86,  sur  6  d  35;  p.  121,  sur  8  d  87  ;  p.  176,  sur  H  c  51  ;  p. 209. 
sur  14#62;  p.  2I3,  sur  14a  73.  —Dans  d'autres  cas,  les  citations 
nous  indiquent  une  forme  différente  du  texte  ordinaire.  Par  exemple, 
p.  43,  sur  4c  8  ;  p.  45,  sur  4c  27;  p.  59,  sur  5#  44;  p.  60,  sur  5  0  65;  p.  78. 
sur  6  £56  ;  p.  81,  sur  6 1)  71  ;  p.  109,  sur  8  a  39;  p.  120,  sur  %d  51  ;  p.  173, 
sur  4c  5;  p.  174,  sur  11  c  17.  Quelquefois  les  variantes  offrent,  au  lieu 
d'une  expression  incompréhensible  ou  peu  claire,  l'expression  exacte 
et  originale.  Ainsi,  par  exemple,  sur  3c  74  :  *p720  (ou  ^pno),  au  lieu 
de  nno  (p.  27)  ;  sur  4  b  64  :  T?ûn?2,  au  lieu  de'WE  (p.  41).  Des  variantes 
dignes  de  remarque  sont  :  sur  Zd  35,  fTTib ,  au  lieu  de  ïbblS  (p.  32): 
sur  5a  46,  ÉttWK,  au  lieu  de  K233pn«  (p.  54);  sur  1b  45,  rrnpw  ^N 
(1.  rv»*ip"»K),  au  lieu  de  f<in  *pa*  (p.  94);  sur  9  a  54,  naOtt,  au  lieu  de 
TOnE  (p.  129,  d'après  R.  Yona  sur  Berachot,  26  à,  qui  explique  le 
mot  par  l'araméen  n^O  ;  le  verbe  serait  donc  quelque  chose  comme 
l'équivalent  de  T|J3p3).  —  Dans  la  variante  nous  trouvons  quelquefois 
la  véritable  forme  du  mot  comme,  par  exemple,  sur  1d  55,  ÏT^EIB» 
(infinitif  peal  avec  le  suffixe),  au  lieu  de  écjbïïW  (p.  10).  Sur  ""in» 
(inf.  peal),  3  c  51,  une  variante  porte  ^rroE,  une  autre  Nrwïï,  c'est-à- 
dire  l'infinitif  peal,  qui  ici  n'est  pas  a  sa  place  (p.  25,  une  troisième  va- 
riante f**"»îrifc  ^12  est  à  corriger  en  aoin^»,  et  celle-ci  en  s^^rrai», 
ce  qui  est  une  autre  forme  de  l'inf.  peal,  voir  Dalman,  Grammalik 
des  jild.  palàst.  Aramaïsch,  p.  289). 

Les  variantes  donnent  souvent  le  véritable  auteur  d'une  sentence 


bIBLlOGRAPHIE  313 

dont  le  nom  a  été  altéré  dans  le  texte  ordinaire  du  Yerouschalmi. 
Ainsi,  par  exemple,  p.  26,  sur  3  c  58,  rrpîn  "1,  au  lieu  de  rrpxn  (car  il 
ne  peut  être  question  ici  que  de  R.  Ilizkia,  l'Amora  de  Césarée 
du  ive  siècle,  et  non  de  Ilizkia,  le  fils  de  Iliyya).  —  P.  29,  sur  7rf27, 
MTOH  '3  nj-in  'n,  au  lieu  de  £^r:n  '3  mzn  'n.  —  P.  38,  sur  kb  9,  D©3 
31,  au  lieu  de  n:ih  an  Dca.  —  P.  477,  sur  11  c  64,  risr  'n  , 
au  lieu  de  prm  '-).  —  P.  121,  sur  8<*75,  1*3«  "1  d©a  wmri  'n,  au 
lieu  de  1338  'n  ÛTD3  1H3K  'n  —P.  179,  sur  11  «M,  ]:nr  'iD«a  NriN  'n, 
au  lieu  de  t^n^  'n  (d'après  cela  l'explication  de  Deuiéronome  , 
xxxiii,  23,  donnée  dans  mon  Agada  der  palâst.  Amoràer,  III,  p.  137, 
n'est  pas  d'Aha,  mais  de  Yohanan).  —  P.  182,  sur  12 a  6,  311  b*«n  'n 
m  cm  rmm,  au  lieu  de  rmrP  311  f-on.  —  P.  194,  sur  12^31 
(ch.  ix  au  commencement),  devant  3^1072  DIN  !T»n  as  il  faut  mettre 
W  Y». 

Dans  la  chaîne  de  la  tradition,  4  a  68,  les  variantes  réunies  par  Rat- 
ner  (p.  17)  offrent  la  véritable  leçon  :  TH  *3"i  (au  lieu  de  "niN  '"!). 
Toutefois  il  omet  de  confirmer  le  fait.  Voir  à  ce  sujet  Buber,  sur  son 
Tanhouma,  *]b  ^b,  1,  note  3;  Ag.  der  pal.  Amoraer,  III,  704,  3.  De 
même,  M.  Ratner  néglige  de  donner  l'indication  exacte  des  auteuis 
dans  les  passages  suivants  :  6  d  8,  où  TOQV  dans  les  éditions  est  plus 
exact  que  llbttV  (p.  84);  1  b  24,  ^33  na  rmrr  "i,  et  non  rmrP  'n 
c^dn  nD  (p.  93)  ;  9  d  8  (p.  13i),  ^n  '1  est  à  rejeter  d'après  le  passage 
parallèle  j.  Gittin,  klb  83,  et  aussi  à  cause  de  ïanhoum  b.  Hiyya,  qui 
ailleurs  aussi  rapporte  des  sentences  de  Simlaï  {voix  Agada  d.  pal. 
Amoraer,  I,  554,  3)  ;  \\  a  70  (p.  163)  )Pj  'm  pnar  'n  est  seul  exact, 
comme  ou  le  voit  par  les  passages  parallèles  (ci.  Agada  der  Tannailen,, 
11,399,6). 

Comme  on  le  voit  par  les  derniers  exemples,  M.  Ratner  ne  tient 
pas  un  compte  suffisant  du  secours  qu'offre  le  Talmud  palestinien 
lui-même,  c'est-à-dire  des  passages  parallèles.  En  tout  cas,  il  eût 
réuni  des  matériaux  suffisants  pour  la  critique  du  texte  de  beaucoup 
de  passages  du  traité  de  Berackot,  s'il  avait  cité  les  passages  paral- 
lèles d'autres  traités.  Cette  omission  est  particulièrement  sensible, 
par  exemple,  p.  40  (sur  4#38j,  où  il  fallait  citer  Schekalim,  47#,  et 
Moed  Katoa,  83  c,  et  non  simplement  le  Midrasch  Samuel,  chap.  xix. 
Sur  Ha  16  (p.  106),  cf.  Taanit,  65c;  de  même,  sur  les  passages  sui- 
vants. —  Sur  \\b  4i  (p.  214),  il  fallait  renvoyer  nou  seulement  à 
Exode  r.,  ch.  xn,  et  Lév .  r.  ch.  xxiv,  mais  aussi  à  j.  Sanhédrin,  18  a 
(voir  encore  d'autres  passages  parallèles  dans  Ag.  d.  pal.  Am.,  li, 
82,  1).  — Sur  4a  5,  M.  Ratner  renvoie  à  Yalkout  sur  Gen.,xxxn,  9, 
et  prétend  que  le  Yerouschalmi  ne  contient  qu'un  extrait  de  la  ver- 
sion plus  complète  coutenue  dans  le  Yalkout.  En  réalité,  cette  version 
est  empruntée  à  Gen.  r  ,  ch.  lxxviii  (§  3;,  et  le  Yalkout  a  simplement 
omis  de  mentionner  la  source.  D'ailleurs,  il  est  possible  qu'a  l'ori- 
gine la  version  complète  se  trouvait  aussi  dans  le  Yerouschalmi. 

Sur  9#30,  M.  Ratner  (p.  122)  cite  la  remarque  importante  d'Azou- 
la'i  (qov>  rm,  sur   Yorè  Dèa ,  276)  que   les  mots  'n  dwn  bN  "pas 


314  REVUE  DES  ETUDES  JUIVES 

sont  une  glose  marginale  ayant  passé  par  erreur  dans  le  texte. 
M.  Ratner  veut  lui-même  retrouver  une  pareille  glose  (p.  124)  dans  les 
mots  '•S'Çiïl  -oy  'n  lias,  9  b  19,  parce  que  dans  les  Midraschim  on  ne 
trouve  rien  de  semblable  sur  Yosé  le  Galiléen.  Cependant  c'est  là 
un  argument  insuffisant,  cf.  encore  Ag.  der  Tannaiten,  I,  361.  Par 
contre,  on  peut  considérer  les  mots  se  trouvant  dans  VEschkol  après 
rmrp  am  t^t-i^T  yy\  (12  d  41),  savoir  rrn  ï-mrttbn  (p.  195),  comme 
une  glose  explicative  se  rapportant  à  rrnïT  m.  De  même,  dans  la 
même  source,  p.  72  (sur  6  a  72),1Nttù  -ittiba  est  une  glose  sur 
l'aram.  ïtonoi.  Souvent  la  leçon  du  texte  édité  doit  être  préférée  à 
la  leçon  ressortant  des  anciennes  citations,  surtout  là  où  celle-ci  est 
facile  à  reconnaître  comme  une  corruption  de  la  leçon  exacte.  11  eût 
été  bon  que  M.  Ratzer  signalât  comme  telles  les  variantes  de  ce 
i^enre.  Ainsi,  p.  15  (sur  3  a  56)  :  s^rns,  au  lieu  de  t^îTlS  ;  p.  22  (sur 
a  c  6),  "pnN  "in  rmrn  n,  au  1.  de  "pas  -,a  ">or  'n  ;  il?.,  "nb  fa  irnrp  'n, 
eu  1.  de  "nb  }a  yttlim  '*i;  p.  40  (sur  4£  21),  *)T3>bN  fa  'ia'-i,  au  1.  de 
NaN  la  'ta'n;  p.  52  (sur  kd  50),  Tn»,  au  1.  de  "pn*  ;  p.  103  (sur 
le  66),  \nl  ba,  au  1.  de  "JN73  ba.  —  M.  Ratner  explique  fort  bien  les 
variantes  de  l'édition  d'Amsterdam  (1710)  sur  11  b  25,  "iT^bN  '"D,  au 
1.  de  û"m73N  a^na^i  rtfta;  il  explique  cette  variante  comme  une 
fausse  interprétation  de  l'abréviation  ^Dn~n7ûK  D"na*i  rtaa)  N""13  , 
qu'on  a  lue  par  erreur  t**î"~ia  (p.  166). 

Relevons  tout  pariiculièrement  une  remarque  très  heureuse  de 
M.  Ratner  sur  7  d  il  (p.  105).  Elle  concerne  le  passage  de  j.  Pesahim, 
i\d  13  :  p"i  ma  aN  û"H7:b  ma«»  mbsfi  nttN  *nb  *ja  JïBiïT  "t.  Les 
trois  derniers  mots  Cp*r  ma  atf)  résistent  à  toute  interprétation. 
M.  Ratner  les  explique  d'une  façon  très  simple  grâce  à  l'hypothèse 
suivante.  Dans  le  traité  de  Pesahim  il  y  avait  ici  primitivement  toute 
la  longue  série  de  sentences  qu'on  trouve  dans  le  traité  de  Bera- 
chot,  de  la  71  à  1  d  27.  Tout  ce  passage,  qui  commence  par  les  mots 
ariàb  maa»  mbsn  nttN  "nb  la  yia-im  'n  et  qui  termine  par  les 
mots  'pi  n>,3  2N>  fut  omis  dans  Pesahim  et  on  n'y  conserva  que  les 
mots  du  commencement  et  de  la  fin.  Sans  doute  il  y  avait  devant  at* 
p*7  ma  la  formule  abréviative  'nai  qu'on  a  omise.  M.  Ratner  apporte 
ainsi  des  preuves  positives  du  fait  que  les  anciennes  autorités  ont 
aussi  lu  le  passage  en  question  dans  le  traité  de  Pesahim.  Par  l'Intro- 
duction au  Talmud  jérusalémite  de  Frankel  pttbiDTTH  1^1373),  qu'il 
ne  paraît  pas  connaître,  M.  R.  aurait  pu  apprendre  que  les  anciens 
copistes  se  sont  permis  d'omettre  dans  le  texte  du  Yerousctaalmi  des 
passages  parallèles  (p.  142 b,  u^tonb  ananan  :nD72  ï-nn  rma  ïianai 
mnN  na07:a  ^aa  t**ap  îtto  nwr  'OToa).  Voici  encore  quelques  re- 
marques : 

P.  1  (sur  2  a  41),  au  1.  de  *pb  ,mt\  M.  Ratner  met  'pttb  "plin,  sans 
indiquer  d'où  il  a  tiré  cette  leçon.  Il  donne  seulement  une  explication 
du  terme  û^ins».  En  réalité,  "pttb  ■hxi  est  la  leçon  véritable.  C'est 
un  verbe  impersonnel  avec  le  seus  :  il  y  a  en  eux  de  l'inquiétude 
(voir  Levy,  IV,  170  #).  p!ib  ^iir  se  trouve  sous  la  forme  hébraïque 


BIBLIOGRAPHIE  3j5 

dans  ùnb  ITnï,  M.   Rosch  Haschana.  t,  fia  (22  a).  A  l'exemple  d'Eiia 
Wilna,  Frankel  corrige  "»n£"i  en  "nan,  ce  qui  est  naturellement  inu- 
tile. —  P.  25,  I.  8,  au  lieu  de  "pin,  lire'p'ntt.  —  P.  61  (sur  5  c  21).  La 
leçon  ^^sntt  (au  lieu  de  naniDtt)  se  trouve  aussi  dans  Koh.  r.,  sur 
vi,  2.  —  P.  69   (sur  6  a  25).  L'hypothèse   sur  nmnà  (qu'il  faudrait 
lire  nains  et  considérer  comme  une  épithète  de  l'Amora  précédem- 
ment nommé)  a  déjà  été  faite  par  Mendelsohn,  voir  Revue,  XXXIX, 
306;   cf.   iè.,    XL,   127).  —    P.    69  (sur  6  29-24).   Ce   n'est    pas  b^np 
"■bias,  mais  "nb^3N  b"np  qui  est  la  leçon  exacte.  Voir  Ag.  d.  pal.  Amo- 
ràer,   III,    13,  2.    —  P.    69,   1.    9,    du    bas,  au  lieu    de  "J^bs  ,  lire 
nubo.  —  P.  70  (sur  6a,  43  et  45).  M.   Ratner  considère  la  variante 
fra  '1,  au  lieu  de  fnD  'n,  d'une  citation,  comme  la  leçon  exacte  et  il 
ajoute  :  NnN  nn  &otî  "- n  "ntiN  InD  n^n  ]na  'n.  En  réalité,  le  frère  de 
Hiyya  b.  Abba  s'appelait  "pD  '")  ;  voir  j.  Sabb.,  5  b  35  ;  le  passage  pa- 
rallèle à  ce  passage  du  Yerouschalmi,  Gen.  r.,  ch.  vi  (mais  non  Koh. 
rabb.,  sur  ni,  2)  intercale,  il  est  vrai,  entre  '")  et  "j^d  le  nom  de  fris, 
mais  cette  addition  manque  dans  les  mss.  de  Gen.  rabba  (voir  Ag.  d. 
pal.  Am. ,111,  178,6).  Du  reste,  \TO   "i,  nommé  daus  j.  Pesak.,  6  a,  n'est 
pas  le  plus  ancien  Amora  de  ce  nom,  le  frère  de  Hiyya  b.  Abba,  mais 
un  Amora  plus  récent  (v.  Ag.  d.  pal.  4m., III,  734,  Monatschrift,  1901, 
p.  306),  un  contemporain  de  Hizkia,  nommé  en  même  temps  que  lui. 
—  P.  90  (sur  6^72),  M.  Ratner  est  d'avis   que   la  leçon  de  l'édition 
d'Amsterdam,  ^-PTOtitt  £ON,  est  plus  exacte  que  la  leçon  ordinaire, 
^Etro  N^N  'n.  En  réalité,  la  remarque  de  R.  Hizkia  (c'est  ÏTptn  rî 
qu'il  faut  mettre,  au  lieu  de  ïrpTn)  se  rapporte  à  la  sentence,  qui  pré- 
cède (1.  67),  de  R.  Abba  au  nom  de  Rab.  —  P.  96  (sur  1b  61).  M.  Rat- 
ner cite  Tossafot  sur  Megilla,  s.  v.,  nbicn,  et  critique  la  note  margi- 
nale 12311733  ;  selon  lui,  il  s'agirait  de  fait  de  notre  passage  du  Yerou- 
schalmi. Or,  l'indication  ttJTitta  est  exacte,  car  l'explication  du   mot 
nbiatb  (Is.,  xliv,  27)  se  trouve  aussi  dans  les  deux  ouvrages  midra- 
schiques  :  Echa  r.,  proemium,  n°  23,  et  Koh.  t.,  sur  xn,  7.  —  P.  97 
(sur  7  c).  La  conséquence  que  M.  Ratner  tire  de  la  sentence  de  Méïr, 
sur  I  Sam.,  i,  12,  est  incompréhensible  pour  moi.  La  sentence   de 
Méïr  (voir  Ag.  d.  Tann.,  II,  22),  rapportée  par  une  série  d'auteurs  de 
la  tradition,  n'a  aucun  lien  avec  les  sentences  précédentes  d'autres 
docteurs  concernant  l'âge  de  Samuel.  —  P.  111  (sur  8  0  67).  Au  sujet 
de  la  phrase  ÛV  bnn  moin  rnbsn  'a  bbsntt  rvn  bsimnN,  M.  Ratner 
observe  qu'il    faudrait  peut-être  lire   r-^riN  'i.    Frankel  aussi    (dans 
son  Commentaire)  fait    cette  remarque  :  mya  nr>N  'jao  ttî^tt)  -KZDB&o 
^nsno.  Il  n'y  a  pas  de  motif  pour  admettre  cette  hypothèse.  Evidem- 
ment la  valeur  morale  attribuée  par  la  légende  à  Ahitofel  devait  être 
caractérisée  aussi  par  le  fait  que,  dans  les  trois  offices  quotidiens  de 
la   prière,  il  introduisait  toujours  une  prière  nouvelle.  Très  vrai- 
semblablement ceci  repose  sur  une   interprétation  du  nom  par  un 
notarikon  :  [ï-r]bDn   Oa^n  M©]».  On  peut  admettre   aussi  que   le 
psaume  lv  a  exercé  une  influence  en  cette  circonstance.  Dans  ce 
psaume,  le  v.  14,  d'après  l'ancienne  interprétation,  se   rapporte  à 


316  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

Ahilofel  (voir  Targoum,  in  l.\  Sanhédrin,  4060).  Si  dans  le  même 
psaume,  v.  18,  David  dit  de  lui-même  ïirpm  û"n!nat1  ^ipm  aiy,  c'est- 
à-dire  déclare  que  lui-même  priait  trois  fois  par  jour,  l'ancienne 
agada  voyait  là  une  allusion  à  Ahitofel,  à  qui  ou  attribuait  une 
habitude  spéciale  en  ce  qui  concerne  la  prière  :  David  veut  dire 
que  lui  aussi  faisait  chaque  jour  trois  nouvelles  prières  (voir 
encore  ma  remarque  à  ce  sujet  dans  le  1~i^n,  3U  partie  ,  qui 
paraîtra  prochainement).  —  P.  118  (sur  $d  20).  Au  sujet  de  l'hy- 
pothèse qu'il  y  aurait  eu  ici  FTï"p  3N  ^n^Tars  bs,  voir  Agada 
der  babyloriischen  Amoràer,  p.  28,  note  193.  —  P.  4  22  (sur  9  a). 
Sur  la  question  soulevée  ici  par  Ratner,  voir  Ag.  d.  pal.  Am.,  I,  223. 
—  P.  176  (sur  11  c  55).  Au  sujet  de  la  correction  de  l'erreur  de  Séder 
Haddorol,  voir  Ag.  d.  pal.  Am.,  III,  54,  4.  —P.  187  (sur  12  £  13,.  Au 
lieu  de  t^n  "n  nn  con,  R.  Méïr  de  Rolhenbourg  a  la  véritable  le- 
çon, c^inn  m  nn  f-Otf,  que  j'ai  déduite  du  contexte  (Ag.  d.  pal.  Am., 
III,  2,  note  4),  —  P.  191  (sur  12c  55).  L'indication  de  la  marge  de  Yal- 
kout,  II,  §  680  :  n"D  myia  iMb-TOTT»,  est  fautive.  Au  lieu  de  ^3ab©l^, 
il  faut  ^bnn.  L'expression  en  question  se  trouve  Berach.,  64  a.  — 
P.  193  (sur  12c  58).  Il  eût  fallu  citer  les  passages  parallèles  Soukki, 
34  cl  7,  et  Megilla,  72  a  27,  d'où  il  ressort  que  R.  Tanhouma  est  l'au- 
teur de  la  sentence  (voir  Ag.d. pal.  Am.,  III,  468).  —  P.  196  (sur 
13  al).  Ici  il  eût  fallu  citer  comme  source  Tanhouma,  éd.  Buber, 
rmiî &rn,  7,  que  Yalkout  sur  Josué,  24  (§  33)  a  reproduit. 

Il  faut  encore  appeler  l'attention  sur  un  côté  extérieur  de  l'ouvrage 
de  M.  Ratner,  qui  en  rend  l'emploi  sensiblement  malaisé.  Si  l'on  veut 
y  chercher  les  variantes  de  quelque  passage,  on  ne  les  trouve  pas 
indiquées,  comme  dans  les  notes  ci-dessus,  par  colonnes  et  lignes.  Au 
contraire,  au  commencement  de  chaque  paragraphe  il  n'y  a  que  l'in- 
dication du  chapitre  et  de  la  Halacha.  Or,  on  sait  qu'une  «  Halacha  » 
du  Yerouscbalmi  s'étend  souvent  sur  plusieurs  colonnes.  Ainsi, 
par  exemple,  à  la  p.  21-39  de  l'ouvrage  de  M.  Ratner,  il  y  a  environ 
cinquante  paragraphes  qui  tous  sout  marqués  de  la  suscriptiou  N"d 
N"ïi  (soit  'n  robn  'N  P"id).  Ils  se  rapportent  à  j.  Berach.,  3  c  1-3  <^  47. 
Si  on  étudie  d'une  façon  continue  le  texte  du  Talmud,  il  n'y  a  pas 
d'inconvénient  à  suivre  les  remarques  de  M.  Ratner,  mais,  si  on  veut 
s'en  servir  pour  des  passages  isolés  du  texte,  cela  prend  du  temps 
et  devient  pénible.  En  continuant  son  travail  pour  les  autres  traités 
du  Yerouscbalmi,  que  le  savant  auteur  veuille  bien  obvier  à  cet  in- 
convénient. En  outre,  il  serait  à  désirer  que  les  variantes  dans  les 
citations  fussent  marquées  par  d'autres  caractères. 

Pour  termiuer,  qu'il  me  soit  encore  permis  de  mentionner  une 
omission  frappante  dont  l'auteur  s'est  rendu  coupable.  Il  ne  tient 
presque  aucun  compte  du  Commentaire  de  Frankel  sur  le  traité  Be- 
rachot  (je  ne  l'ai  trouvé  mentionné  que  p.  69,  sur  6  a  25,  à  propos 
d'une  particularité  insignifiante)  ;  or,  Frankel,  dans  son  Commen- 
taire et  dans  les  grandes  gloses  qui  l'accompagnent,  comme  nous 
l'avons  déjà  dit  plus  haut,  se  réfère  fréquemment  aux  citations  du 


ADDITIONS  KT  RECTIFICATIONS  317 

Yerouschalmi  fournies  parles  auteurs  anciens  et,  par  suite,  il  a  ainsi 
préparé  la  voie  à  la  collection  systématique  de  ces  variantes  faite 
par  M.  Ratner.  Il  est  curieux  que  M.  Ratner  donne  à  sou  ouvrage  à 
peu  près  le  même  nom,  D^biaTm  ï"pat  narrât,  que  Frankel  a  choisi 
pour  son  Commentaire  {]VZ.  nan&t).  Quelle  que  soit  la  raison  qui  a 
motivé  la  conduite  du  savant  de  Wilna  à  l'égard  de  son  glorieux 
prédécesseur,  il  peut  cependant  en  être  considéré  comme  un  disciple 
et  continuateur,  non  seulement  à  cause  du  nom  de  son  ouvrage,  mais 
aussi  pour  son  dévouement  à  l'étude  du  Yerouschalmi.  Puisse-t-il 
mener  à  bonne  fin  son  œuvre  et  contribuer  ainsi  à  faire  mieux  com- 
prendre le  Talmud  palestinien  ! 

Budapest,  sept.  1901.  W.   BaGHER. 


ADDITIONS  ET  RECTIFICATIONS 

Tome  XLI,  p.  126.  Itzig  ou  Isaac  Mëir  de  Phalsbourg  vécut  dix  ans 
dans  la  maison  du  rabbin  Joseph  Steinhardt  à  Nidernay  ou  Niderenheim, 
et  partit  ensuite  avec  lui  à  Furlh.  11  y  fit  pendant  plusieurs  années  des 
conférences  talmudiques  à  des  jeunes  gens  et  il  publia  les  Novelles  de 
Joseph  Berlin  sur  les  quatre  parties  du  code  rituel,  qui  avaient  paru  sous 
le  titre  de  ap^  "Itfa,  et  qu'il  accompagna  des  consultations  dues  à  Joseph 
Steinhardt,  Joseph  Oettingen,  rabbin  à  Wassertrùdingen,  et  d'autres,  ainsi 
que  de  remarques  et  d'additions  (Furth,  1767).  Avant  que  Itzig,  qui  devint 
le  gendre  de  Sleinhardt,  n'occupât  le  siège  rabbinique  à  Uffholz,  il  e'tait  — 
^-ittSnn  naiïïa  —  à  Moulzig  (Préface  d'isaacMéïr  au  npjn  -|fca,  Consulta- 
li  ,ns  rp*P   "pnaT,  II,  nos  12  et  26).  —  M.  Kayserling. 

Ibid.,  p.  134.  —  Wolf  Buhl  ou  Bùhl  (bîTa)  était  aussi  en  correspon- 
dance avec  Joseph  Steinhardt  (^OT1  p"DT,  II,  n°  11).  —  M.  K. 

Tome  XLII,  p.  243,  1.  31.  Lire  N^Din,  au  lieu  de  ^"lït.  —  P.  243, 1.  33.  Le 
mot  l^bïS,  qu'il  faut  d'ailleurs  lire  l"1"1  ^>  n'a  aucun  sens  ici  :  Gerschom 
dit  :  "p  b^  M"73ipU:N  «  l'écume  du  vin  ».  —  P.  245,  1.  18.  Lire  n^m  ">bna, 
au  lieu  de  D'H'ïïm  ^bna.  Gerschom  écrit  :  nbnp,  leçou  conforme  à  celle  de 
l'Arouch  —  76. ,  1.  27.  Au  lieu  de  "pTNN,  lire  Û^TNtt.  La  référence  B.  B.% 
114  6,  ne  doit  pas  avoir  la  même  signification  que  d'ordinaire,  car  dans 
Baba  Bâfra,  114  b,  il  n'est  question  ni  de  'JTtftf,  ni  de  D^TNE.  M.  B.  a 
voulu  parler  probablement  du  feuillet  du  ms.  —  76.,  1.  34  "H3>  ne  veut  pas 
dire  d'après  Raschi  :  «  fruits  du  laurier  »,  mais  «  laurier  »  :  c'est,  dit-il, 
l'arbre  sur  lequel  poussent  des  «  baies  »  et  qu'on  appelle  «  laurier  ».  — 
P.  246,  1.  31.  Lire  89  6,  au  lieu  de  896.  —  P.  247,  1.  16.  La  référence  doit 
être  fausse,  car  on  ne  trouve  pas  en  Baba  Batra,  90  a  (ni  même  en  b)  de 
mot  "*i?2n.  D'autre  part,  les  dictionnaires  ignorent  l'existence  d'un  mot 
")7Dn  signifiant  «  vin  de  marc  ».  —  P.  248,  1.  31.  L'édition  de  Wilna  porte 
"pî~ïï>,  leçon  qui,  au  moins,  n'est  pas  contraire  aux  règles  de  transcrip- 
tion ordinaires.  —  P.  249,  1.  28.  Lire  Nn^ttTl  ÎWODtt.  La  glose  TJ^lbp 
ne  paraît  pas   se  rapporter  au  mur,   mais  aux  fenêtres  ou  aux  montants. 

Gerschom  dit.  en  effet:  ^as  b?  rrb*  ^aim  roi  es  nvm  rtr»nm... 
-i"i^^:nbp  pmp«  orna  •nao  fwjM  "«aa  by  mbna  maibn  inbna  «  et  on 

bâtit  sur  le  quatrième  mur,  sur  toute  l'étendue,  de  grandes  fenêtres   repo- 


318  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 

sant  sur  des  montants,  semblables  à  ceux  qu'on  appelle  closter.  —  P.  250, 
1.  1.  Lire  B.  B.,  81  a.  Au  lieu  de  renvoyer  à  Raschi  Bosch  Haschana,  23  a, 
il  était  plus  simple  de  dire  qu'ici  Baba  Batra,  81  a,  Raschi  donne  ce  même 
mot  b^TTp  avec  cette  explication  :  «  arbre  qui  croît  dans  la  mer  et  qui  est 
très  rare  ».  —  Dans  l'éd.  de  Wilna,  à  la  suite  de  la  glose  b^lp  de  Ger- 
schom  vient  "ibllp,  qui  a  tout  l'air  d'une  interpolation.  —  II).,  1.  24.  Dans 
l'éd.  de  Wilna,  Gerschom   dit  seulement  :  parfum  qu'on  appelle  cos  ». 

Tome    XLI1I,    p.   71,  1.  1.    La   glose  porte  uniquement,    comme    le   dit 
G.    lui-même,  sur  le  mot  Nn33.  —  lb.,   11e   1.  avant   la  fin.   Lire  96b  et 
•ypablT.  —  P.  73,  1.  14.  Référence  fautive,  il  faut  90  6.  —  lb.,  12e  1.  avant 
la  fin.  11  faut  riDTD  ou  pTïl  nD"0,  et  non  DD^.  —  P.  75,  9e  1.  avant  la  fin. 
Lire  ,,73T,p"l.  —  P.  76,  1.  20.  Dire  plutôt  :  «  Petites  poutres  en  saillie  ».  — 
P.  77,  1.  10.  Pourquoi  citer  tant  de  passages  où  Raschi  donne  cette  glose 
excepté    justement   celui    d'ici  ?  —    lb.,    1.    21.   Où   se    trouve   ia    forme 
fcnrb  ?  —  P.  78,  1.  10.  Raschi  disant  "jwb,  il  reste  à  se  demander  si  les 
deux  mots  n'en  sont  pas  un  seul  ;  *J"l  et  y  se  confondant  fréquemment  dans 
les  mss.  —  lb.,  1.  35.  Si  l'éditeur  du  Talmud  de  Wilna  a  remplacé  "n*  par 
"P72"")?,  c'est  parce  qu'il  a  pensé  à  Baba  Batra,  81  a,  où  précisément  le  Tal- 
mud explique  ]173"1^  par  "H*,  et  où  Raschi  traduit  le  nom  de  l'arbre  par 
laurier.  Il   est  probable    que  Gerschom  ici  en  écrivant  "T)3>  a  voulu  hé- 
braïser  (au  singulier).  —  P.  80,   1.  23.  Référence  fautive.  —   P.  81,  1.  4. 
Raschi  donne  le  même  mot  ici,  dans  Baba  Batra,  676.  Dans  certaines  édi- 
tions, la  glose  de  Raschi  est  écrite  cy'"n70  met.  —  P.  83,  1.  1.   Il  faut  dire 
que  NpOTa  est  la  glose  de  NnT»*!,  et  *p-iptt>n?3  celle  de  Npn.   —  P.   81, 
1.  16.  Raschi  donne  le  mot  au  même  endroit,  62  b.   —  P.  84,  3e  1.  avant  la 
fin.  Lire  N^nn,  au  lieu  de  pan.  —  Raschi,  dans  Berachot,  37  b,  glose  le 
même  mot,  mais  d'une  autre  façon  ;  il  dit  :   «  espèce  de  pIp^blD  qu'on 
émiette  dans  le  pot  ».  —  P.  86,  1.  9.  Raschi   donne   une  glose  différente  : 
•plbDTDN.  —  lb.,  1.  23.  Lire  rrb^bn.  —  P.  87,  1.  14.  Raschi  a  la  même  glose, 
N£T"n.  —  P.  88,  1.  1.   Dans  l'édition  de  Wilna,    on   lit  N"^")D,  qui  a  peut- 
être  quelque  rapport  avec  la  glose  Np"lD   de  Raschi,  qui  signifie  «  couleur 
de  peau  rouge».  —  P.  88,  dern.  ligne.  La  glose  de  Raschi,  436,  porte  sur  un 
autre  mot,  p"D.  Le  texte  de  Gerschom  est  assez  difficile  à  comprendre,  car 
il  dit    :    "pi m   T"^b3   -PT31-I  JllDb  T^O-»  ^O-im  &to">ÊO.  Que    vient  faire 
là  le  dernier  mol?  —  P.  89,  1.  9.  Lire  NriM-itt.  —  lb.,  1.  25.  Lire  fcOrM. 

—  lb.,  1.  27.  La  référence  42  a  est  erronée.  —  lb.,  4°  1.  avant  la  fin.  Au  lieu 
de  rnûaiD,  lire  ""D'Jin,  ou  Vl'ûM  comme  R.  H.,  23  #.  —  P.  92,  1.  21.  Au 
lieu  de  92  b,  lire  63  a.  —  P.  93,  1.  19.  On  ne  voit  pas  que  Gerschom  em- 
ploie le  mot  dans  un  autre  sens  que  Raschi.  G.  dit  :  «  chose  qui  croît 
autour  de  l'arbre  appelé  tel,  et  R.  :  «  . .   à  l'écorce  de  l'arbre  appelé  tel  ». 

—  lb.,  11e  1.  avant  la  fin.  Lire  Oinort.  —  P.  94,  1.  4.  Lire  N:rON\  au  lieu 
de  ÊO^N.  —  lb.,  1.  28.  Il  n'est  pas  inutile  d'avertir  que  d'après  Gerschom, 
c'est  une  glose  slave.  —  lb.,  1.  32.  Ce  n'est  pas  ce  mot,  mais  mim  que 
Raschi  traduit  ainsi.  Cela  n'a  pas  d'importance,  d'ailleurs.  —  P.  95,  1.  2. 
C'est  dans  Pesahim,  39,  que  Raschi  donne  cette  autre  glose,  comme  le 
remarquent  les  Tosafot.  —  lb.,  7e  1.  avant  .'a  fin.  Ce  n'est  pas  m03lbs  que 
Raschi  traduit  par  treille,  mais  *pa  «  vigne  ».  Le  texte  de  la  baraïta  porte  : 
Une  vigne  d'or  se  trouvait  à  la  porte  du  héchal  et  était  suspendue  sur  des 
mOD*lbl3  ;  quiconque  faisait  vœu  d'un  grain  ou  d'une  grappe  les  y  pen- 
dait. —  Israël  Lévi. 


Le  gérant,  Israël  Lévi. 


TABLE  DES  MATIERES 


REVUE. 

ARTICLES  DE  FOND. 

Brandin  (Louis).    Les  gloses  françaises  (Loazim)  de  Gerschom 

de  Metz  (fin) 72 

Bùchler  (Ad).  Les  Dosithéens  dans  le  Midrasch.  L'interdit  pro- 
noncé contre  les  Samaritains  dans  le  Pirké  di  R.  Eliézer.  50 

Goldziher  (T.).  Mélanges  judéo-arabes 1 

Kayserltng  (M.).  I.  Notes  sur  l'histoire  des  Juifs  en  Espague  .  123 

IL  Un  chansonnier  marrane.  Antoine  de  Montoro 259 

Lambert  (Mayer).  Les  anomalies  du  pluriel  des  noms  en  hébreu.  206 

Lévi  (Israël).  I.  Sur  les  deux  premiers  livres  des  Macchabées.  215 

IL  Aflquia.  femme  de  Jé^us,  fils  de  Sira , 231 

III    Un  recueil  de  Consultations  inédites  de  rabbins  de  la 

France  méridionale 237 

Lévy  (Isidore).  Cultes  et  rites  syriens  dans  le  Talmud 183 

Marmier  (GénéralG.).  Contributions  à  la  géographie  de  la  Pales- 
tine et  des  pays  voisins  (suite) 161 

Monceaux  (Paul).  La  Bible  latine  eu  Afrique  (fin) 15 

Schwab  (M.).  Inscriptions  hébraïques  en  Bretagne 117 

Seligsohn  (M.).  Azharot  judéo-persanes 101 

NOTES  ET  MÉLANGES. 

Ginsburger  (M.).  Deux  lettres  d'Emanuel  Porto 133 

Kaminka    (Armand).   Quel   e.-t   le   Psaume   de   la    dédicace  du 

Temple  ? 269 

Kayserling  (M.).  L  Un  contlit  dans  la   communauté  hispano- 
portugaise  d'Amsterdam 275 

II.  Les  Juifs  de  Na pies 277 

Lambert  (Mayer).  I.  De  la  consécration  (Lévit.,  xxvn,  1-24) 133 

IL  Notes  exégétiques 268 

Reinach  (Salomon).  Note  sur  une  famille  juive  de  Novellara 

(Italie) 135 

Reinach  (Théodore).  L'augure  Fulvius  et  l'enfant  Jésus 273 


120  REVUE  DES  ÉTUDES  JUIVES 


BIBLIOGRAPHIE. 


Bâcher  (W.).  I.  Zur  Genesis  der  Agada.  II.  Die  Alexandrinische 

Agada,  par  N.-J.  Wkinsiein 139 

II.  û^bizjrm  ÏTX  nnnN  'o.  Variantes  et  additions  pour  le 

texte  du  Talmud  de  Jérusalem,  par  B.  Ratner 310 

Kont  (J.).  Publications  de  la  Société  littéraire  israélite  de  Hon- 
grie       454 

Lambert  (Mayer).    Hebràisch   u.   Semitisch.    Prolegoœena  u. 
Grundlinien  einer   Geschichte   der  semitiechen  Spra- 

chpn,  par  E.  Kônig 306 

Lévi  (Israël).  Revue  bibliographique,  année  4901 278 

Additions  et  rectifications 160  et  317 

Table  des  matières 319 


VERSAILLES,  IMPRIMERIES  CERF,  59,  RUE  DUPLESSIS. 


DS 
101 
U5 
t.L3 


Revue  des  études  juives; 
historia  iudaica 


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