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REVUE
DU
BAS-POITOU
Tome iv. - .Janvier, Févhiku, Mars 1891.
REVUE
DU
BAS-POITOU
PARAISSANT TOUS LES TROIS MOIS
4^ iR.nnée. — V Tjivraison .
•"rr.jK:.trtt..T.a
FONTENAY-LE-COMTE
BUREAUX : RUE BENJAMIN FILLON
ccc^^^^'^^^^oo
^ NIORT
PARIS
E LECHEVALIER
30, Quai des Gd'-Augustms ^
1891
L. CLOUZOT
2, rue des Halles.
rHÊGEr7rC£NT£R
IIBIMRY
LA VENDEE QUI S'EN VA
LES GENTILHOMMIERES EN BAS-POITOU
XV', XVI» cSc XVII» SIÈCLES
I.
JACQUES Androuet Ducerceau, l'auteur du volume si
recherché : Des plus excellents hastiments de France, et de
no7nhre d'autres livres d'architecture, meubles, serru-
reries^ arabesques, caissons, etc, etc., classe en trois séries
distinctes les édifices qu'il compose ou dont il donne la des-
cription : ceux de grand état, de moyen état et de petit état.
C'est à cette dernière catégories qu'appartiennent très cer-
tainement les bâtisses dont nous allons publier quelques
spécimens dans l'intéressante Revue du Bas-Poitou. Il
importe, en effet, de les sauver de l'oubli, car presque toutes
sont à la veille de disparaître, ayant été abandonnées par
leurs propriétaires des XVIII* et XIX° siècles, qui les trou-
vaient de trop petit état pour abriter désormais leurs per-
sonnes et leurs familles, les positions étant devenues plus
importantes et les fortunes plus prospères. Il importe avant
de les décrire de remonter à l'origine delà plupart d'entr'elles.
A la suite de la Guerre de Cent ans, après les meurtrières
défaites de Crécy, de Poitiers et d'Azincourt, oii l'élite de la
noblesse française était restée sur les champs de bataille, il
fallut créer des fournées de nouveaux gentilshommes; la ma-
6 LA VENDÉE QUI s'eN TA.
gistrature el les échevinages y pourvurent abondamment.
Mais la plupart de ces nouveaux gentilshommes, dans le Bas-
Poitou surtout, étaient peu favorisés de la fortune : ils ne
pouvaient avoir la prétention d'édifier des enceintes féodales
comme les La Trémoïlle à Talmont, ou les de Chabot à
Aspremont et les de Ghasteigner à la Roche-Posay. Cepen-
dant ils voulurent donner à leurs corps de logis, très en
diminutif, les divers systèmes défensifs de la grande forte-
resse. Des douves, peu profondes il est vrai, entourèrent
l'assiette où s'assit leur demeure. Cette demeure s'établit
autant que possible sur un plan carré, avec cour centrale en-
tourée de bâtiments sur ses quatre faces; à chaque angle
une tour ronde, si les moyens le permettaient. L'une de ces
tours, plus forte que les autres, simulait le donjon ; mais les
murailles étaient en médiocre moellonage et les murs
offraient à peine un mètre d'épaisseur. Absence complète de
mâchicoulis; parfois un ou deux moucharabis avaient la pré-
tention de les remplacer. Le système défensif se bornait à
des meurtrières percées un peu partout à chaque étage des
tours ; le corps de logis destiné au seigneur de ce petit do-
maine avait en général sa façade orientée à l'est ou au sud.
Dans la cour intérieure, un escalier à vis gironnait au centre
de cette façade, ou dans l'un des angles, dans une tour ronde
ou à pans octogonale.
Ce système défensif, bien qu'il n'eût qu'une minime im-
portance, permettait d'éviter les surprises que les nombreux
groupes de partisans qui couraient les grands chemins, sur-
tout pendant les Guerres de Religion, ne manquaient pas de
tenter lorsqu'ils se trouvaient en face d'un logis ne leur
otTrant ni tours ni meurtrières capables de repousser un
assaut. Plus tard, vers la fin du XVP siècle, quand, sous le
règne du grand Béarnais, les passions religieuses furent tout
à fait calmées, la plupart des gentilshommes Poitevins,
bouchèrent créneaux et meurtrières; les hautes murailles qui
fermaient les cours empêchant l'air et la lumière d'y pénétrer
LA VENDEE QUI S EN VA 7
tombèrent à leur tour, principalement dans la direction de
l'est et du sud. Ceci explique pourquoi nous voyons la plu-
part de ces gentilhommières ayant deux façades seulement
toujours en retour d'équerre, l'une recevant le soleil levant,
l'autre, celui de plein midi; de cette façon l'angle inscrit par
ces façades se trouvait toujours garanti des vents du nord et
de l'ouest. Liénard de la Rau, en sculptant les armes de la
ville de Fontenay dans l'attique de la jolie fontaine de cette
ville, avaitété tellement frappé de l'aspect uniforme de ces bâ-
tisses qu'il a tenu à en rappeler le souvenir en ciselant un
petit logis seigneurial ainsi construit sur le côté droit de la
fontaine symbolique oi^i se désaltèrent les deux licornes char-
gées de purifier les eaux de la source'. En regard à gauche,
comme pendant encore plus nombreux à coup sûr, il a placé
un moulin à vent. Ce dernier type avait dû le frapper, en effet,
non moins que celui des gentilhommières ; car nous nous
souvenons encore d'avoir vu, dans notre jeunesse, une véri-
table armée de moulins à vent agiter leurs grands bras
tout autour de l'horizon fontenaisien.
Tant que les guerres de Religion avaient duré, les proprié-
taires des demeures dont nous cherchons à perpétuer le
souvenir habitaient peu leurs manoirs ; pour la plupart
protestants, ils prenaient par escalade le château de Fontenay,
l'abbaye de Saint-Michel-en-Lherm, etc., etc., et finissaient
par se faire battre à Moncontour. A toutes ces années de
désordre et de guerre intestine succédait enfin, sous le plus
intelligent de nos Rois, une ère de prospérité et de gran-
deur depuis longtemps inconnue. Les gentilhommières
abandonnées par leurs propriétaires les voyaient enfin reve-
nir ; l'arquebuse et la lourde épée de Tolède, aux gardes
finement ciselées, étaient accrochées au manteau de la
cheminée plus ou moins chargée d'une riche ornementation
de caryatides à figures grimaçantes et de cartouches enla-
• Voir dans les erablf^mes de Paul .Iovf> la propri(^t<^ singulière attribué»
aux licornes.
8 I.A VKNDKK Mil s'en VA
ÇHiit les .irmolries du sei^denr dais li^ips cuirs toujours
agencés avi^o goùl. C'est uiio les |)ln> intéressantes parlicu-
larilés des constructions Ijas-poitevinesque le nombre consi-
déral)le des cheminées sculptées existant dans ces modestes
demeures. Par contre, les grands châteaux nous en otTrent
de très rares exemples. Nous en connaissons plus de vingt-
cinq ou trente, et un plus grand nombre encore ont été dé-
truites. C'est qu'il faisait bon dans les longues soirées d'hiver,
en ce pays où le bois était plus commun que les pierressur
les routes, de s'étendre dans ces énormes sièges à haut dos-
sier en contemplant les figures étranges et fantastiques que
l'imagination originale et féconde de l'ornemaniste avait
fait jaillir de la pierre ; ici c'était tout un poème bizarre
supporté par deux énormes griiïons à tête de lion : en
haut. Hercule, armé de sa massue, était pour ses hauts
faits couronné de lauriers; plus bas la Mélusine, comme
la V'^énus d'Alfred de Musset dans Rolla, tordait d'une
main ses cheveux en se regardant dans un miroir placé
dans son autre main, puis des caryatides sans nombre,
des cuirs armoriés, des frises superbes à coquilles et pal-
mettes alternées. Moulures, entablements, tout disparaissait
sous les oves, les grecques, les méandres et fleurons de toutes
sortes. Une autre de ces cheminées colossales voyait tout
son manteau occupé par un énorme cerf à la ramure véri-
table ; mollement couché sur le gazon, il semblait effrayé par
quelque péril prochain. En effet, on apercevait dans le fond
du bus-relief des chiens gros comme des taupes, un veneur
le cor à la bouche sonnant un à vue à faire trembler le&
arbres de la forêt, où sont percliés des oiseaux plus gros que
ledit veneur et ses chiens : cette scène, inspirée sans doute
par le célèbre du Fouilloux, dut être fort prisée à l'époque,
car nous en connaissons plusieurs reproductions'. En effet,
rien n'était plus séduisant, pour un gentilhomme Bas-Poi-
tevin, (jne de contempler perpétuellement sous ses yeux,
« Sur celle de Terre-Neuve et au café Helvétique.
LA vp:Nr>ÉK 01' t s'kn va 9
quand une flamme ;ir-(1ente se torduil d.ins l'àlrp, un sou-
venir de ohasse où il av.iit sans diuiip élé mM6, car ne
l'oublions pas, c'ojait surtout la piissiou la plus entraînante
pour la haute et moyenne noblesse de nos contrées: élevée
au milieu d'un pays qui par ses champs entourés de grands
arbres ne faisait qu'une masse verdoyante avec les nom-
breuses forêts qu'on y trouve ; elle passait une portion de
son existence, puissamment secondée par une race de chiens
encore renommés de nos jours, à forcer les fauves inépui-
sables dont ces vastes forêts étaient remplies : ces poursuites
souvent dangereuses, dans des bois épais criblés de ravins
et de rochers énormes, lui rappelaient les luttes passées :
les journées s'écoulaient rapides, le corps ne perdait rien de
sa souplesse et de sa vigueur. Ces hommes de fer habitués à
vivre frugalement et à coucher sur la dure.setrouvèrentainsi
tout préparés, pour soutenir, deux siècles plus tard, la lutte ho-
mérique la plus glorieuse dont l'histoire ait à faire mention. Il
y aurait à coup sûr une étude bien intéressante et d'enseigne-
ments divers sur la vie intime pratiquée dans ces intérieurs
honnêtes, où se trouvaient toujours d'heureux ménages, où
le respect des ancêtres était la première vertu des enfants.
Mais, outre que nous ne nous sentons pas de force à sonder
les profondeurs d'un pareil sujet, nous préférons passer la
plume à un poète du XVI" siècle connu par sa coopération
h. \dL Satire Ménippép, m^âs dont le charmant poème sur les
Plaisirs du GentilJiomme champêtre, quoique bien moins
célèbre, mériterait à coup sûr les honneurs d'une nouvelle
éditio.n. Nous laissons donc la parole à Nicolas Rapin ;
personne ne saurait mieux dire et mieux penser que lui.
Tout y serait parfait, n'était certaine liberté de langage dont
on s'offusquait peu alors, mais dont il ne nous plaît aucune-
ment de prendre la responsabilité.
La deuxième ou troisième édition des Plaisirs du Gentil-
homme champHre parut en 1583 à Paris, chez la veuve Lucas
Braver. M. Benjamin Fillon possédait un exemplaire de ce
10 LA VENDÉE QUI s'eN VA
petit volume in-12 de 36 feuillets, à peu près introuvable
aujourd'hui. En 1853. il eut l'heureuse idée d'en faire im-
primer une nouvelle édition sur papier ve^ffé dans le même
format : mais celle nouvelle édition, tirée seulement à cent
exemplaires, est également devenue rarissime. En voici le
titre : Z.*^'? Plnhir.'i du Gentilhomme champêtre de Nicolaf>
Rapin, prpcédéa d'une notice biographique par Benjamin Fil-
lon. 'vParis, Techner, libraire éditeur, place du Louvre 20,
1853). D'après l'auteur de cette réimpression, Nicolas Rapin
devait avoir 40 ans. lorsqu'il mit au jour ce petit poème.
(( Il était pourvu d'un bon emploi, s'était fait un certain re-
nom parmi les beaux esprits, et de récents dégoûls étaient
venus lui faire comprendre le charme de la solitude. Il était
doncdnns les roudilious les plus favorables pour écrire le<;
Plais/ni du Gentilhomme champêtre. De plus, la lassitude des
guerres civiles était arrivée à un tel point qu'une roaclion
violente s'était opérée dans tous les esprits, et qu'une foule
d'<''crivains selaient mis à louer, en vers et en prose, les
douceurs de la vie rustique ; mais aucun d'eux n'a donné à
son œuvre la portée toute particulière de celle de Rapin. »
On s'étonnera peut-être qu'en publiant de nouveau cette
poésie nous ne donnions pas la gravure de la demeure où
elle a pu être composée : Terre-Neuve a été si fréquemment
reproduit qu'il nous a semblé préférable de graver des gen-
tilhommières antérieures comme date, et menacées peut-être
d'une disparition prochaine. Nous croyons donc devoir
mettre sous les yeux du lecteur l'intéressante construction de
Saint-Juire-Champf/illon avec sa tour à pans contenant l'esca-
lier, sa liante lucarne à fronton aigu décoré sur les rampants
de crochets à ieuilli's dr chicorée. Les douves, les tourelles
d'enceinte y subsistaient encore il y a quelque > a. mens, ainsi
que le grand portail cintré et le petit portillon pourles piétons ;
le tout surmonté de trois édicules à frontons triangulaires
décorés des armoiries du maître du logis'. La seconde planche
* Nous conservons pour ]o numéro prochain de la Revue la publication
du petit poôme de N. Rapin qui n'uirait pu trouver sa place dans celui-ci.
LA VENDÉE QUI s'eN VA 11
représente la Grande Rhée, située au milieu de la forêt de
Vouvant. Cette bâtisse est également du XW** siècle, sauf
quelques remaniements exécutés au XVI" ; son enceinte de
douves et ses portes d'entrée ont disparu, mais elle a con-
servé son vieil escalier de pierre et des cheminées Louis XII
dont nous donnons les profils bien composés*.
Terre-Neuve, 10 mars 1891.
0. DE ROCHEBRUNE.
' Nous empruntons à l'étude publiée par M. René Vallette sur le chciteau
de Saint-Juire, dans Les Paysages et Mnnuinents du Poitou (Art. Sainte-
Hermine et rHermenauIf,p. 10 eti 1)1ps renseignements historiques suivants;
« Quelques-uns des seigneurs de Saint-Juire nous sont connus : en 15G4,
M. de Montorgueil; en 1608, Louis Jaillard ; en 1649, P^-ançois .Jaillard;
en 1754, Bérault de L'Angle; en 17.t6, Gaspard Forien , du vivant duquel
fut interdite la chapelle du château, détruite en 1841. En 1790, la sœur de
M. Forien fit successivement passer par alliance le château de Saint-Juire
entre les mains de M. de la Motte et de M. de Prévigneau. En 1840, nous
trouvons M. Avice de la Carte de Mougon. dont le fils, Prosper, vendit en
1854 tout le domaine k M. Pelletreau, épicier à Sainte-Hermine.
Les Mougon descendaient des d'Aubigné par N. de Razillv, ce qui expliquait
l'existence au château de Saint-Juire d'un richissime chartrier et d'une
galerie de tableaux non moins remarquables, parmi lesquels se trouvaient les
portraits d'Agrippa d'Aubigné en costume de chevalier de l'ordre du Saint-
Esprit, de M"» de Maintenon et de Louis XIV.
On y voyait également deux petits canons en bronze très artistement ciselés,
et dont l'un fait partie de la collection de M. 0. de Rochehrune. »
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
(Suite. J
— -OOO^OO*-
Biographids inédites des Vendéens et des Chouans
Par M. de la Fontanelle de Vaudoré.
D
ENÉCHAUD, officier d'infanterie dans l'armée royale
(lu Bas-Poitou, signa après la Restauration l'adresse
au lloi.
DES NOUHES DE LOUGHERIE (Alexis-Hilaire), troisième
fils d'Alexis-Henri des Nonhes et de Marie-Anne d'Aulx, n6
à la Gacaudière en 1756.
Après avoir fait, de 1767 à 1773, ses études au collège de
Bressiiire, Alexis des Nonhes entra aux dragons de Condé,
en 1777, et bientôt après aux volontaires du Chevalier de
Larminat. A cette occasion, le marquis de Lescure, père du
héros Vendéen, qui commandait les dragons, adressa au
chevalier de Larminat, avec un excellent certificat, une lettre
où on lit: « Je vous recommande particulièrement le jeune
Alexis des Nouhes qui est peu riche, mais de la noblesse la
plus ancienne et la plus distinguée. .le l'ai eu quinze mois
dans le régiment de Condé-Dragons, et il y a été fort sage. »
Il épousa, en 1782, Jeanne-BVançoise-Marie-Madeleine, fille
de feu messire Florent Mercier de Marigny, chevalier de
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC 13
Saint-Louis, et de Marie-Thérèse de Fesques de la Roche-
bousseau, qui habitait la seigneurie de la Gallière, paroisse
des Aubiers (Deux-Sèvres.)
En 1790, il était capitaine. Ayant donné sa démission d'of-
ficier, il se retira à la Gallière où il vécut tranquille pendant
trois ans. C'est laque son voisin et ami de Calais, l'un des
principaux chefs de l'échauffourée du Moulin-Cornet, vint,
en 1792, le solliciter de prendre part au mouvement insurrec-
tionnel royaliste. Alexis des Nouhes refusa, mais il ne put
longtemps résister à l'enthousiasme des paysans d'alentour
qui l'avaient proclamé chef de la division des Aubiers, et en
1793, il prit lui-même les armes, bien qu'il n'eût alors aucune
confiance dans le succès de l'insurrection. Si l'on veut se
rendre compte des faits et gestes d'Alexis des Nouhes pen-
dant la guerre de Vendée, il faut suivre cette division, qu'il a
partout et toujours conduite au feu avec une rare intrépidité.
M"" de la Rochejaquelein appelle ces va,illants les Grenadiers
de la Grande Armée; Crétineau-Joly dit que Sparte eiit été
fière de les compter au nombre de ses enfants, et tous les histo-
riens sont d'accord pour en louer l'incomparable bravoure.
La division des Aubiers se distingua surtout à l'attaque du
Pont de Vrines, à la prise de Thouars, à la bataille de Tor-
fou, et ce fut malgré ses prodiges de valeur que l'armée ven-
déenne fut battue àCholet. A la bataille du Mans, c'était à la
tête.de cette division qu'Henri delà Rochejaquelein opposa
une suprême résistance aux troupes victorieuses de Kléber.
A Savenay enfin , quand les Vendéens étaient irrémé-
diablement perdus, une trentaine de chefs survivants, parmi
lesquels Alexis des Nouhes, réunirent environ 2000 paysans
sur une éminence adossée à un petit bois, pour y
mourir en combattant. Kléber a dit "quelque part que cette
poignée de héros tint tête à son armée pendant deux heures
avec la rage du désespoir. La plupart furent massacrés, et de
ce nombre Alexis des Nouhes et son intrépide femme, qui
l'avait accompagné durant toute la campagne d'Outre-Loire.
14 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
Ils laissaient un fils, qui avait été confié à la garde d'un
fidèle serviteur nom'mé Ghouteau, des Aubiers, et qui, malgré
son jeune âge, combattit vaillamment, en 1796, sous les
ordres de Stolllet. Il reprit les armes en 1799, sous ceux du
marquis de Grignon, assista, comme capitaine, aux combats
des Aubiers, de Somloire et de Chambretaud, et était à
quelques pas de Louis de la Rochejaquelein quand celui-ci
fut mortellement frappé sur le champ de bataille des Mathes.
Retiré à la campagne pendant la Restauration, il se livra
avec passion aux plaisirs de la chasse, et succomba aux
suites d'une chute de cheval, en octobre 1830.
DESPREZ DE MONTPEZAT, gentilhomme poitevin d'une
famille très ancienne^, habitait les environs de la Châtaigne-
raie lorsque la guerre de la Vendée éclata. Il y prit part
comme officier, passa la Loire et fut grièvement blessé à
l'attaque de Gandé'.
DENI AU, officier de d'Elbée, 1793, de Saint-Ghristophe-
du-Bois.
DENIAUD, officier vendéen, de Montournais.
DESTOUGHES (le chevalier Gharles - René -Dominique
Sochet), chef d'escadre, brigadier des armées navales,
commandeur de l'ordre royal et militaire* de Saint-Louis et
chevalier de l'ordre de Gincinnatus, avait servi en Amérique
avec une grande distinction.
Arrêté à Luçon, en raison de la part prise par son fils à
l'insurrection vendéenne, le chevalier Destouches fut con-
duit à Fontenay, où son procès allait s'instruire, quand la
ville fut prise par l'armée royaliste. Il la suivit alors et fit
avec elle la campagne d'Gutre-Loire. Admis dans les conseils,
* Un autre membre de cette famille, Jean-Philippe-César Desprez de
Montpe/at, seigneur de la Graslière, près Mouilleron-en-Pareds, y fut arrêté
pendant la Terreur. Traduit devant la commission militaire de Fontenay, il
fut condamné à mort et guillotiné.
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC 15
notamment dans celui qui se tint à Fougères, c'est lui qui avait
proposé d'ouvrir une communication avec l'Angleterre par
les côtes du Poitou, pour aller au loin ctiercher des ports.
Ayant échappé au désastre de Savenay, il vint avec ses
deux nièces M"" de Bernon, chercher un asile chez un fer-
mier de la paroisse de Prinquiau. 11 y tomba dangBreuse-
ment malade^ et après avoir reçu les secours de la religion
de la main d'un prêtre qui lui aussi avait reçu l'hospitalité
dans le voisinage, il mourut à l'âge de soixante-sept ans.
DESTOUGHES (le chevalier), [flls du précédent], servit dans
les Chouans et fut même blessé au pied par une balle dans
une rencontre ; mais cette blessure ne fut pas dangereuse.
Ayant été arrêté comme agent du comité de Frotté et de
l'Angleterre, il fut conduit à Goutances. Il n^y resta pas long-
temps. Par un trait d'audace sans égal;, il fut en effet bien-
tôt enlevé, en plein jour et à main armée, des prisons de cette
ville. Ge coup de main fut fait avec tant de précipitation que
la garnison n'eut pas le temps de s'y opposer'.
DOUESPE DU FOUGERAY (D.-F. de la), anobli et pro-
testant, resta soumis au parti du roi et abandonna son châ-
teau de l'Oie, commune de St-Florence, poursuivre la Grande
Armée. Arrêté après le passage de la Loire^ il fut condamné
à mort comme Vendéen, le 6 janvier 1794, par la commission
militaire d'Angers.
DOUESPE DE LA BIFFARDIÈRE fJ.-A. de la), parent du
précédent, protestant comme lui et domicilié au Boupère, fut
* Dans ses Biographies vendéennes (t. ii, p. 347), M. Merland dit qu'après
aToir été blessé dans une affaii-e, aux portes de la Roche-sur-Yon, il fut pris
chez des paysans qui l'avaient caché, et conduit à Nantes. 11 allait y être
fusillé, quand un généreux citoyen, M. Caumartin, commisbaire général de
l'arnoée, le fit entrer à l'hôpital et facilita son évasion ; repris dans le châ-
teau, où il avait cherché un asile, il fut encore sauvé par Caumartin qui le
contia à un lionnète homme de Nantes, chez lequel il resta trois ans. 11 n'en
uortit qu'au moment où le décret d'amnistie lui permit de se montrer en
toute sécurité.
16 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
également condamné à mort comme Vendéen, le 1" dé-
cembre 1793 (2 frimaire an II), parle tribunal criminel du
département de la Vendée*.
DUBOIS DE LA PATELLIÈRE, de Soulans, officier ven-
déen, s'étant trouvé à la prise de Noirmoutiers, oîi il se dis-
tingua, fut nommé par le général Charette commandant en
second de l'île, sous le chevalier de Tinguy. Lors de l'attaque
des républicains, il ne fut point d'avis de capituler et proposa
au contraire de se défendre jusqu'à la mort, ajoutant que
la garnison était dans les mêmes sentiments. Ne se démen-
tant point lorsque les généraux Haxo et Dutruy attaquèrent
la ville et que les royalistes se battaient avec le plus grand
acharnement dans les retranchements, Dubois s'y porte avec
célérité. Bientôt renversé, il se brûla la cervelle, en disant ç'î/'îV
ne voulait pas mourir par la main des bourreaux de son Roi.
DUBOIS DES GARANGERIES, officier vendéen, signa
l'adresse de 1814.
* Il avait d'abord, dit M. Léon Aude dans ses Etudes historiques et admi-
nistrnfives sur la Vendre (art. I,e TaUud Sainte-Geinnie) accueilli les
nouveaux j)rincipes, comme une conséquence des théories sociales qui occu-
paient alors les esprits, même dans les classes élevées de la société. Mais les
excès de la République n'avaient pas tardé à changer ses dispositions.
Homme paisible d'ailleurs et inoffensif, if passait pour avoir une grande
fortune. C'était un avantage qui le venAiùi suspect : être suspect, c'était
être (ligne de la mort, et la prison en était le chemin infaillible.
Il fut arrêté comme prévenu d'être un des chefs des révoltés, et conduit
en prison à Foiitenay, d'où il s'échappa le tridi, .'i frimaire, an II (23 no-
vembre 17'.»;î). Mais des gens du pays, ses voisins, l'arrêtèrent bientôt aux
environs de la Grignonnière (commune du Tallud de Sainte-Gemme), où il se
tenait caché, et malgré les offres considérables qu'il leur fit. le conduisirent
le a frimaire à Fontenay. Le tribunal criminel le jugea le 1 [ ; le Vl, il était
guillotiné.
Le Conseil général décida que « les noms des vertueux citoyens qui ont
servi la République en livrant à la vengeance des lois l'un des conspirateurs
contre la patrie, en résistant à l'appât des sommes considérables offertes
avec instance par La Douëspe pour obtenir sa liberté, seraient inscrits au
pi'ocès-verbal. »
I..1 condamnation emportait la confiscation des. biens au profit de la
Kepubliqui' ; 1p Conseil envoya des commissaii'es pour saisir les sommes con-
sidérables en or et en argenterie que la RitTardière avait cachées à La
Rocardière.
AUTOl'R DU DRAPEAU BLANC 17
DU GHAFFAULT (Gabriel), gentilhomme vendéen, neveu
du Gordon rouge, s'attacha à Gharette dès que celui-ci com-
mença à figurer comme chef de parti. Il se fit remarquer à
l'attaque de Machecoui. le 20 juin 1793, au siège de Nantes,
où son général l'envoya pour s'assurer du départ de la grande
armée vendéenne, qu'on disait avoir levé le siège de la ville
de l'autre côté de la Loire, et au combat du bois du Moulin-
aux-Ghèvres où. il fut blessé au bras.
Du Ghafïault s'est toujours montré par son courage digne
du nom qu'il portait, et en 1814 il devait commander toute la
cavalerie du Bas-Poitou. Il était alors chef de la cohorte de
garde nationale du département de la Vendée.
En 1815, il ne fut pas un des derniers à courir aux armes
et il donna de nouvelles preuves de son intrépidité. Le grade
de maréchal de camp lui fut reconnu, et il comptait parmi les
députés envoyés au Roi par le troisième Gorps.
Deux autres gentilshommes du même nom firent, comme
officiers, partie de la Grande Armée Vendéenne et y mon-
trèrent beaucoup de courage. Etant parvenus à échapper aux
désastres d'Outre-Loire, ils se cachèrent dans les environs
de Savenay. Ayant ensuite passé la Loire pour retourner en
Vendée, ils furent rencontrés par des soldats de Gharette qui
les prirent pour des espions et les fusillèrent'.
DUGHESNE DE DENANT (le baron Jacques-Joseph-Flo-
rent), fils de Nicolas-Dominique Duchesne, baron de Denant,
et de Marie-Anne-Josèphe-Marguerite de Morais, né le 10
septembre 1777, au château de Denant, près Fontenay-le-
Comte.
Il sortait à peine de l'enfance, quand la Révolution éclata.
Il ne rejoignit pas moins l'armée vendéenne et devint bientôt
' Nous ne savons de quels du Chaffault M. de la Fontenelle a entendu
pai-lei' ; mais nous pouvons ajouter aux noms précités celui d'Alexis-Gilheit,
tils de François-Sylvestre du ChafiFault, et de Marie-Françoise-Aimée Marin
de la Guignardière, ancien officier de marine, qui servit sous Gharette et
. Lescure et fut tué à la déroute du Mans, en môme temps qu« son frère,
H«nri-Barthélemy.
ToMB IV. — Janvier, Février, Mars 18W1. 2
18 AUTOUR DU DHAPEAU BLANC
iiidede camp du prince de Talmont'. Il passa la Loire et
donna des preuves de courage et de sang-froid dans plusieurs
circonstances, notamment à Torfou et à Entrâmes où il reçut
plusieurs blessures, et au commencement de la bataille de
Dol où il rallia un grand nombre de fuyards. Il resta caché
pendant plusieurs mois dans une ferme des environs, cou-
chant dans la grange et échappant toujours aux perquisitions
faites par les Bleus. Le fils des gens qui le cachèrent ayant
tiré à la milice et devant partir pour l'armée, de concert avec
les autorités, qui ne le trahirent point, il prit sa place et
sous le nom de ce jeune homme il fut envoyé à l'armée de
Sambre-et-Meuse. Après la pacification de la Jaunais, il revint
dans la Vendée et prit part à l'insurrection de 1799. Pour
prix de ses loyaux services, il obtint en 1814 la croix de
Saint-Louis.
En 1815, il fut chargé avec du Pérat, après le combat de
Thouars, de négocier la suspension des hostilités.
Il avait épousé, en 1798, Marie-Géleste-Rosalie Gontard,
fille de Charles-Guillaume Gontard, ancien maire de la ville
d'Angers, et mourut au château de la Pichonnière en Gharcé,
près Brissac (Maine-et-Loire), le 19 janvier 1868.
DUGHESNE (Ferdinand), oncle du précédent, émigra ,
rentra en France où il échappa à une Gommission militaire
et devint, en 1799 et 1800, un des principaux officiers de la
division Janvre de la Bouchetière, dépendant de l'armée
d'Aulichamp'.
DUGHESNE, de la Gaubrelière, fut, dans la campagne de
1815, commissaire ordonnateur du corps vendéen du centre
et officier d'état-major.
' Il fut plu« tard employé aux états-majors des dififérentes armées, et le
'xîS mai 1815, il fut nooimé colonel d'état-major à celle de la Rochejaquelein.
* Plusieurs membres de la famille Duchesne de Denant sont morts victimes
de la Révolution. Marie-An^^élique-Jacqueline et Adélaïde furent condam-
nées îi mort par la commission militaire séante h, Nantes, le 17 nivôse an
Il ; Marie-Angélique-Geneviève de Jouvencourt, femme de Jacques-Charles-
Florent Duchesne, qui avait suivi les armées vendéennes, fut faite prison-
nière et périt do misère dans les pruons du Mans (!•'' nivôse an II).
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC 19
DU GHILLOU (Pélix-Glabat), beau-frère de Boisy de Lande-
baudière et habitant la paroisse de la Gaubretière, servit
comme officier dans l'armée de Gharette et signa l'arrêté de
Beaurepaire du 6 décembre 1794, pris par cette armée et
celle du centre contre le général Stofflet.
Du Gliillou fut assez heureux pour survivre aux guerres
vendéennes.
DU GLOUDY, divisionnaire de l'armée de Gharette, se
trouva avec son corps au rassemblement de trois divisions
qui eut lieu, en octobre 1794, au marais Perrier, entre
Ghallans et Saint-Jean-de-Mont. Ce corps prit Ghallans sans
opposition et se dirigea sur Saint-Gilles-sur-Vie. Mais les
républicains, instruits de ce mouvement, s'étaient repliés là
et avaient pris des dispositions pour se défendre. Le 31 oc-
tobre, vers huit heures du soir, les Vendéens, voyant les
postes évacués et se trouvant maîtres de la rivière de Vie,
marchèrent au pas de charge sur les républicains. Ceux-ci
répondirent par un feu de file soutenu et une vive canon-
nade et la bataille dura jusqu'à minuit. Les habitants du
marais, bons seulement pour se défendre, étaient alors
découragés et du Gloudy et les autres chefs firent de vains
efforts pour les engager à charger de nouveau. Il fallut songer
à la retraite, après une perte considérable d'hommes, causée
particulièrement par l'artillerie ennemie. Les divisions de
Joly et de Savin furent celles qui partagèrent avec les soldats
de du Gloudy les désastres de cette journée, dont le succès
pour les patriotes fut dû à l'adjudant-général Charlery.
Du Gloudy n'a pas survécu aux guerres vendéennes.
DUHOUX D'HAUTERIVE', ancien militaire, chevalier de
» Pierre Duhoux d'Hauterive, né le 12 août 1746, fils de Jean Duhoux
d'Hauterive, gouverneur de Noirmoutiers, et de Charlotte de JuUiot. Page
du prince de Condé, sous-lieutenant de la légion de Condé en 17(Ui, capitaine
au régiment de Cambrésis en 1778 ; démissionnaire et chevalier de Saint-
Louis en 1787. Il avait d'abord rejoint l'armée de Condé, puis l'armée ven-
déenne. Pris et fusillé à Noirmoutier, le 9 janvier 1794.
20 AUTOUR DU DRAPKAU BLANC
Saint-Louis et gouverneur de l'île de Noirmoutier avant la
Révolution, émigra et fit la campagne de 1792 à l'armée de
Condé. En mars 1793, il rejoignit les Vendéens à Beaupréau
et fut, à raison de ses services militaires et de sa qualité de
beau-frère de d'Elbée, considéré comme officier général.
Nommé membre du conseil de l'armée royale et aide-major du
marquis de Donissan, il fut en même temps créé gouverneur
général des pays conquis, place qui lui valut le comman-
dement de Beaupréau, l'un des points les plus intéressants
de In Vendée militaire.
11 appuya fortement, à Saumur, le projet de nommer Cathe-
lineau généralissime, et établit peu après, de concert avec de
Marigny, des moulins à poudre à Mortagne, à Mallièvre et à
Beaupréau. Il signa l'adresse aux Français faite à Fontenay
le 27 mai 1793,1a sommation adressée le 2 juin suivant à
l'autorité municipale de Nantes, la délibération prise le 12 du
même mois à Saumur et portant nomination de Gathelineau
au grade de généralissime, et la proclamation « à tous les
bons Français » donnée à Ghâtillon-sur-Sèvre le 24 août de la
même année.
Duhoux accompagna son beau-frère d'Elbée blessé, lorsque
celui-ci se retira à Noirmoutiers. Il comptait que Charette lui
rendrait le commandement de cette île ; ce qui n'eut pas lieu
et ce dont il se plaignit amèrement. Le général vendéen en
ayantété instruit, réponditque le gouvernement de l'île n'était
pas dû à celui qui n'avait pas su le conserver, que Noir-
moutier appartenait à ceux qui en avaient fait la conquête,
et que le chevalier deTinguy, qui était de ce nombre, devait
dès lors commander. Au surplus, l'île fut bientôt prise par les
républicains et, au mépris de la capitulation, portant que la
garnison serait prisonnière de guerre, Duhoux fut fusillé
avec le général d'Elbée et une foule d'autres Vendéens (7 jan-
vier 1794)'.
'M.irffuerite-Charlotte Duhoux d'Hauterive, épouse du général d'Elbée, fut
de ce nombre.
AUTOUR DU DRAPEAi: liLANÇ îl
Duhoux était un homme de mérite, mais il ne joua pas un
aussi grand rôle que ses talents et sa position devaient le
faire supposer.
DUHOUX (le chevalier), cousin du précédent et neveu du
général républicain du même nom, commanda une division
de la grande armée catholique, se distingua dans plusieurs
occasions, notamment au combat de Meurs et d'Erigné, en
avant des Ponts-de-Gé, le 26 juillet 1793, de Beaulieu et de
Saint-Lambert, le 19 septembre de la même année, et enfin
à la bataille de Gholet. Il eut alors à combattre son oncle, le
général Duhoux, qui commandait l'armée républicaine ; il le
battit, lui prit son artillerie, et le poursuivit jusqu'aux Ponts-
de-Cé. On prétend même que le chevalier Duhoux, qui était
un des meilleurs lieutenants de d'Elbée, dit aux Vendéens à
Chalonnes : « Prenez patience, mon oncle ne vous laissera
pas manquer de munitions ! » S'il s'exprima ainsi, ce ne l'ut
que pour encourager les siens, car il est à remarquer que les
Vendéens, dans toutes leurs guerres, n'ont jamais usé il'
ir.ôyens de corruption, et le chevalier Duhoux les aurait muins
LîiiùiiùL cul liu.i \c [ja.->.-Li,,-;e de l.i Loire, et la Grande Ai-iaéc
s-'étant réorgauibée à V'araclus, le cliovalii-i' Duluux. qui avait
l'acilitu la traversée en se porlant de Saint-FloreuL à cette
précédente localité, fui noiumé adjudant-général en second.
Sun premier acte dans ce nouveau poste tut de repousser les
républicains jusqu'aux portes d'Angers et de battre l'adju-
dant-général patriote Tabary, qui perdit deux canons. Le
général Aulanier sortit des Ponts-de-Gé avec les garnisons
de Valenciennes et de Gondé ; n.ais il fut battu à son tour.
Pendant tout le reste de la campagne, le chevalier Duhoux
fut de môme très utile à son parti, commanda l'arrière-garde
à la bataille de Laval, devint, à Fougères, membre du conseil
militaire et finit par périr à la bataille du Mans.
G'élait un jeune homme de vingt ans, fort brave, mais
étourdi en proportion de son courage.
22 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
DUPLESSIS, avocat à la Roche-sur- Yon, devint membre du
conseil supérieur de l'armée catholique et royale, établi à
Châtillon-sur-Sèvre en 1793. Il signa en cette qualité l'ordon-
nance du 24 juillet 1793 sur les biens nationaux, le règlement
général du 2 août de la même année sur la circulation des
assignats républicains, et celui du l" août, organique de
l'ordre judiciaire. 11 fut aussi, par la proclamation du Conseil
supérieur du 20 du même mois, chargé du visa des assignats
de 25 sous. Ayant survécu aux guerres vendéennes, Duplessis
devint plus tard procureur du roi au tribunal de première
instance de Bourbon-Vendée*.
DURCOT DE PUYTESSON, ancien officier français émi-
gré, chef de la division de Ghauché sous Suzannet en 1815,
joua un rôle considérable en Vendée pendant les dernières
années de l'Empire, pour préparer l'insurrection'-'.
DUTEMPLE, officier vendéen, fut nommé, à l'organisation
de Pouzauges, adjudant-major de l'armée de la Basse-Vendée.
DUVAU DE GHAVAGNES, aide de camp dans les armées
vendéennes, signa en 1814 l'adresse au Roi^ ♦♦
La Fontenelle de Vaudoré.
(A suivre).
' Nommé le 52 novembre 1815, il y exerça ses fonctions jusqu'au 17
•eptembre 1821.
• A. des Nouhes, Album des généraux Vendéens, p. 91.
' Madame Duvau de Chavagnes, née de Sapinaud de Boishuguet, proprié-
taire (lu rh;iteau de la Barbinière. en Saint-Laurent-sur-Sèvre, fut victime
des noyades de Carrier à Nantes, en décembre 1793.
UN DISCIPLE DE VITRUVE EN BAS-POITOU
L'i^RCHITEGTE JULIEN MAUCLERG
(1513-1577)
"j" lJTV5^T5=»i*-
IL serait superflu de vanter les mérites du XVI" siècle et
de rappeler le brillant essor que cette époque sut im-
primer aux lettres et aux arts. Au milieu de la fermen-
tation générale qui agitait alors les centres intellectuels, une
impression extraordinaire se produisit sur les esprits élevés et
élégants. Une ère nouvelle s'ouvrit tout à coup, les lettres
se ranimèrent au contact des anciens, et les arts, vivifiant la
forme antique par l'esprit chrétien, atteignirent une incom-
parable hauteur. Le Bas-Poitou n'échappa point à cette
salutaire influence et sans parler de la savante pléiade
d'illustrations fontenaisiennes, dont l'éclosion a donné un
si juste renom à l'ancienne capitale de ce pays, nous en
trouvons une éloquente preuve dans ce seigneur du Ligneron
et de la Brossardière', Julien Mauclerc, qui ne craignit pas
de déroger en maniant l'équerre et le compas de l'architecte
et en allumant les fourneaux du faïencier.
Curieuse figure, du reste, que celle de ce petit gentil-
homme, perdu au fond de sa province et cherchant derrière
* Le Ligneron est situé dans la paroisse d'Aspremont, au sud du bourg
la Brossardière est en Coëx.
24
l\\iu:hitkcte julien mauglerc
les épaisses murailles de son manoir à faire revivre la science
de Vitruve et les procédés de Bernard Palissy.
Né en 1513, d'une famille très attachée à la cause huguenote,
Julien Mauclerc, à l'exemple de nombreux gentilshommes
iiMiiliiiiiiiiiiiiiiiiiMillliliiiiJiillimmiiwiiiiiiiiwlimmiiiiiiiiiiiM
Portrait de Mauclerc.
poitevins, embrassa la cause du roi de Nav^irre'. La paix
faite, il abandonna le métier des armes et se retira au Ligne-
ron, où il écrivit le Traitté de V architecture suivant Vitriwe,
'Suivant le P. \ni:6\i\ {Pu ysagi's et Monuments du Poitou, art Saint-
nillcs, p 10. et S), la Réloriiie aurait mèine été introduite à Saint-Gilles
par Julien Mauclero qui avait épousé la vc:iV3 de Guillnuine Danyau, seigneur
de ce lieu.
l'architkcie jllikn mauclehc 25
« ouvrage, disait l'éditeur, qui n'est pas moins glorieux pour
les Français qu'il l'est pour son autheur. » Gomme l'indique
le titre, il y est traité » des cinq ordres de colomnes : Toscane,
Dorique, Ionique^ Corinthe et Composite, divisées en sept
chapitres, qui enseignent lews différentes proportions, mesures
et noms propres, suivant la pratique des plus anciens archi-
tectes grecs et romaiîis, comme aussi de tous les membres gé-
néraux et particuliers nécessaires à la construction des temples y
palais, châteaux, forteresses et tous autres bastiments avec
leurs dépendances. »
Cinquante planches^ également dessinées par Mauclerc,
accompagnent le texte. La première, à laquelle a été emprunté
le portrait de l'auteur reproduit plus haut, est une représen-
tation allégorique de l'art rustique'. On y voit l'image des
neuf Muses, des sept Vertus cardinales, des sept Arts libéraux,
des cinq Corps réguliers, des trois Grâces et des trois Parques.
Au dessus de la tête de Julien sont gravés ces deux vers :
En fuyant oisiveté
Jk acquiers IMMQRTALITK.
Tout à fuit au liaut du poptic|ue, on voit deux mains tenant,
l'une une épée, l'autre an compas, avec cette devise : Prest à
^oi^Z/a/re, qui reflète assez exactement l'existence de Mauclerc.
Cette planche porte au bas l'inscription suivante :
« Première- planche des- oevvres- de* archiïectvre* de'
JvLIEN- MaVCLERC GENTILHOMME" POITEVIN" SEIGNEVR" DV.
LIGNERON* MavCLERG" CONTENENT" SA" DEVISE" ET EFFIGIE"
EN" LAN" DE* SOW AAGE " 53* DE" SON' INVENTION" DESPEINTE"
DE SA" MAIN" ET' PARACHEVÉE" DESTRE" TAILLÉE AV " BVRIN '
AV MOIS' DE' SEPTEMBRE' 1566.
Il n'est point tout à fait exact d'attribuer l'invention de
cette planche à Mauclerc. Ce dernier parait, m efïet, avoir
' Le cliché de ce portrait nous a étt^ obligeamment communiqué par
M. J. Robuchon, des Paysages et Monuments du Poitou .
26 l'architecte julien mauclerg
copié l'agencement d'une des planches de Sébastien Serlio*,
dans son ouvrage des Trente Portes (publié en 1560 par
Guillaume Rouille), et s'est contenté de lui donner des pro-
portions plus grandes et d'y intercaler des emblèmes qui
n'existaient pas sur le modèle.
L'œuvre de Mauclerc n'a rien, du reste, d'absolument ori-
ginal. Comme le dit V Avant-Propos de l'éditeur, « il faut sça-
voir que M. de Mauclerc a suivy le grand Vitruve et que tout
ce qu'il en a escrit et mis en dessein n'est qu'une fidelle
démonstration de ce que ce premier des architectes en a
'discouru ; il s'est attaché à bien esclaircir ses préceptes, il a
conservé partant la justesse de ses règles et ne diminuant ou
augmentant rien de ses leçons, il s'en est servy comme du
plus solide fondement qu'il pourrait donner à son entreprise. »
Il serait néanmoins injuste de ne pas reconnaître des mé-
rites à cet ouvrage. « Les soins qu'il y a apportez, l'exacte
justesse qu'il adonnée aux mesures de ses colonnes, la re-
cherche des plus convenables ornements et des moindres
particularitez qu'il a remarqués dans les corps et dans tous
leurs membres, feraient passer son ouvrage pour un miracle,
si les étrangers n'avaient point préoccupé nos esprits de
ce qu'ils ont escrit sur la matière. » A dire vrai, cet éloge
un peu pompeux serait plutôt mérité par le fini des gravures,
toutes signées du monogramme de René Boyvin {Renatus
Boyvimis Andegavensis faciebat, io7ô).
Quelque diligence qu'il ait mise dans la composition de son
Architecture, Mauclerc fut surpris par la mort avant d'avoir
pu la livrer au public. C'est ce qui explique comment les
planches sont datées de 1566, alors que l'ouvrage n'a vu le
jour qu'en 1648. C'est seulement, eneffet.à cette dernière date,
que Pierre Daret, graveur ordinaire du roy, fit paraître
l'œuvre du gentilhomme-artiste bas-poitevin. Il y fit môme
quelques adjonctions empruntées aux architectes italiens
' Sébastien Serho, architecte, né à Bologne en 1475, appelé par François l*"-
à. Fontainebleau, nommé par lui surintendant des bâtiments de la couronne
et décédé en 1552.
l'architecte julien mauclerg 27
Scamozi et Paladio, et y glissa des ornements de frises à la
manière de Vignole'.
La bibliothèque de M. 0. de Rochebrune renferme trois
exemplaires de cet ouvrage devenu rarissime ; l'un d'eux,
successivement possédé par MM. Thomas Arnauldet et Ben-
jamin Fillon, paraît avoir appartenu à Mauclerc lui-môme.
M. deRochebrune possède égalementdans sa collection d'ico-
nographie vendéenne une copie in-folio du portrait de Mau-
clerc faite au XVIP siècle par un anonyme, et oîi la partie ar-
chitecturale empruntée à Serlio est remplacée par une con-
tre-façon de celle d'un portrait de Vignole gravé vers la
même époque'.
Doué de multiples aptitudes^, Mauclerc avait établi au Li-
gfleron une fabrique de bouteillages en terre blanche, ainsi
que le prouvent des Lettres Patentes de François II, datées de
1560 et reproduites par Benjamin Fillon dans son Art de terre
chei les Poitevins (p. 138 et s.). Si nous en croyons M. Lièvre
[Histoire des Protestants du Poitou, T. III. p. 165), Mauclerc ne
se contentait pas de cultiver les arts avec succès : il se
serait également adonné à la Botanique et aurait même à ses
moments perdus rimé deux petits poèmes.
Il est au moins avéré qu'il fut un disciple émérite de Vi-
truve,etce titre suffit à lui assurer une honorable place parmi
nos illustrations vendéennes.
V Inventaire des Autographes de la Collection B. Fillon,
place sa mort vers 1577,
A trois siècles de là, unautre gentilhomme vendéen devait
apporter à l'art français le tribut de son immense talent et
nous donner une éclatante preuve que la terre qui a produit
tant de héros sait encore enfanter des génies.
René Vallette.
• Scamoji (Vincent), célèbre architecte, né à Vicence en 1552, mort A
Venise en 1616. Vignole (plus connu sous le nom de Jacq. Barozzio),
archite '.te également de mérite, né à Vignole, petite ville du duché de
Modène, en 1;)07, mort à Rome en 1573.
'L'ouvrage de .Julien Mauclerc aurait été, suivant B. Fillon, réimprimé
en Angleterre au XVII» siècle.
CHEZ LES GALLO-ROMAINS
DU PAYS DE MAILLEZAIS
i^loN CHER Directeur,
>
DKGiDÉMF.NT le pays do Maillezais est une mine inépui-
sable (l'ubsorvations pour les anthropologistes et les
clinrcheurs, s'il est vrai surtout que les tombeaux
soient le critérium de la science archéologique!
En 1^29, nous indiquions à celte même place les curieuses
trouvailles faites à Bouillé-Gourdault. En 1890, nous y si-
gnalions la découverte des souterrains-rofuges de Chalais.
Quelques mois après, des andouillers de cerf de l'époque
préhistorique étaient déterrés dans le port de La Corne ù
2" 50 de profondeur sous le bris.
Et voilà que la pioche du terrassier, nous met en présence
de trois antiques nécropoles, toutes situées dans les com-
munes de Mazeau 'et de Saint-Sigismond, pendant qu'un
laboureur exhume du sol de Benêt les vestiges d'habitations
anciennes encore incomplètement explorées, et deux stèles
de l'époque gallo-romaine d'une assez belle conservation.
Vous voyez donc qu'il est bon de scruter cette curieuse
région jusque dans ses coins les plus reculés, puisque, de ses
obscurités, on peut quelquefois faire jaillir bien des lumières
qui pourront peut-être éclairer d'un jour nouveau l'histoire
encore bien incomplète de la vieille humanité.
GHEZ LES GALLO-ROMAINS DU PAYS DE AIAILLEZAIS 29
Les trois cimetières qu'on vient de retrouver sont situés
sur les bords de ce vieux golfe des Pictons où, dans tous
les temps, les populations, mises en mouvement par des im-
pulsions irrésistibles, se sont pressées à l'envi.
Des silex, dos poteries, des instruments de bronze, des
armes, des monnaies, trouvés çà et là aux confins de la
plaine et du marais vendéen, sont avec ces champs de l'éternel
repos les témoins irrécusables du séjour sur ce sol de races
diverses depuis longtemps éteintes, mais qui toutes ont
formé entre elles les anneaux d'une chaîne non interrompue
de peuples se succédant les uns aux autres depuis des
milliers d'années, et dans les mêmes lieux, tant est puis-
sante chez l'homme la force de l'habitude.
La première de ces nécropoles, appelée du nom caractéris-
tique de Terres-Noires, est jusqu'à présent la mieux explorée.
Elle est placée en bordure de la route de Saint-Sig'ismond
au Mazeau, à quelques cents mètres à peine du magnifique
canal de Gourdault et des rives ombreuses et poétiques de
l'Autise, dont les flots bleus devaient, pour les Aryens, porter
vers le pays de l'avenir l'âme de leurs chers défunts.
Les deux autres confinent aussi à la lisière de cette mélan-
colique plaine de Benêt, dont les dernières ondulations aux
teintes uniformes, d'un brun intense, viennent se terminer
presque sans transition avec un riche marais, coupé de ca-
naux, parsemé d'îles aux formes géométriques, se détachant
en bossage sur le fond vert d'arbres à la végétation puissante
et forte.
SÉPULTURES. — ORIENTATION. — OBJETS DIVERS.
Si jusqu'à présent aucun fragment de pierre tombale ou de
sarcophage n'a été trouvé dans les fouilles, on n'en a pas
moins retiré, bien que les précautions voulues n'aient pas
toujours été [)rises, une assez grande quantité de vases de
30 CHEZ LES GALLO-ROMAINS
formes diverses, el une cinquantaine de squelettes dont
presque tous avaient des dimensions athlétiques. Le crâne
et la rotule étaient énormes ; le tibia mesurait en moyenne
0. 10 de plus que celui d'un homme de taille ordinaire, et les
os des bras étaient extrêmement allongés. On peut affirmer
sans crainte que quelques-uns de ces squelettes mis au jour
mesuraient près de deux mètres.
Dans la plupart de ces sépultures, remontant au IIP siècle,
ainsi que nous l'expliquerons plus loin, les morts avaient
la face tournée vers le nord ou le nord-est de préférence, et
l'orientation de cette nécropole avait sans nul doute son
origine dans une croyance chère aux populations primitives.
On peut supposer aussi qu'un souvenir de ces grandes
migrations dont les Celtes avaient laissé de nombreuses
traces, dans la Ghersonèse cimbrique surtout, ait pu faire
choisir cette orientation, qui était presque toujours celle de
leurs villages, et leur faire tourner de préférence leurs
prières et leurs morts du côté d'où leurs dogmes sont venus ?
C'est fort probable"?
Peut-être encore que l'île d'Helgoland (Terre sainte), où
l'antique dieu du feu, Loki, avait son principal sanctuaire,
était le centre d'attraction où tout convergeait pour nos pères,
à moins que ce ne fût vers les mystérieuses régions hyper-
boréennes où les Grecs plaçaient le mythique Abaris ?
Selon la coutume empruntée aux Étrusques et chère aux
Gaulois, les restes mortels dont nous nous occupons avaient
été déposés en terre, plus ou moins profondément, selon le
rang et la position occupés par le défunt dans la société.
Beaucoup de ces tombes contenant des corps superposés
faisaient rêver à des inhumations simultanées du Breur, du
frère d'armes, avec son dévoué, son soldure', mort avant
lui, à ce mépris de la mort poussé jusqu'au fanatisme qui
* Personne n'ijjnore du reste que le chœur de presque toute» les églifei,
ainsi que les cimetières chrétiens sont tournés vers le levant.
' Commentaires de César : lirre III.
f.
DU PAYS DE MAILLEZAIS 31
faisait dire à Horace, Non paventis funera Galliœ (Odes, livre
IV, ode XIII).
Gomme dans le pays des Méryahs, les épouses ne s'étaient-
elles point, là aussi, précipitées dans le tombeau de leurs
époux, vêtues comme au jour de leurs fiançailles, et s'écriant
à l'instar de Gamma, la belle prêtresse de Galatic « Je vais
rejoindre pour toujours celui auquel j'avais donné toute mon
âme, mon bien aimé Sinat !
Dans presque toutes les sépultures, le long des bras,
quelquefois près du crâne, entre les pieds du mort, contre
ses épaules, parfois même jusque sur sa poitrine, on a trouvé
des vases en terre ou en verre de toutes grandeurs et de
toutes espèces, qui afîectaient le plus souvent la forme
d'ustensiles d'un usage commun'.
Quelques-uns de ces vases, sur lesquels nous reviendrons
plus loin, contenaient des fragments d'os, des débris de
squelettes d'oiseaux, etc, témoins irrécusables du festin
funèbre dont on avait réservé sa part à celui qui partait
pour le long voyage dont personne ne revient.
Du reste, il est prouvé aujourd'hui que les Gaulois, se
refusant énergiquement à l'idée du néant, crurent longtemps
reconnaître dans les soupirs du vent, dans le doux murmure
de l'onde, dans les voix étranges solennelles et mystérieuses
des solitudes, les gémissements et les appels de ceux qui
les avaient quittés.
De là ce respect profond des morts, qui est toujours de-
meuré si vivace chez nous, cette croyance à l'immortalité de
l'âme qui faisait que la sépulture constituait pour ainsi dire
un devoir élevé se rattachant à ce dogme^ On plaçait à côté
* Dans le cimetière gallo-romain de Bordeaux, les vases qui accompa-
gnaient les squelettes étaient ordinairement près delà tête, près des hanches
et à coté des pieds. Les vases étaient des espèces de bouteilles à ventre très
renflé, à goulot fort étroit, n'ayant pour la plupart qu'une anse.
' César trouve le culte des morts si en honneur et si bien conservé chez
les Gaulois, qu'il ne peut s'empêcher de l'admirer tout en cherchant brutale-
ment à l'anéantir. (Les funérailles des Gaulois, etc., p. 66.)
32 CHEZ LES GALLO-ROMAINS
du défunt ce qu'il avait le mieux aimé de son vivant — à
l'enfant un jouet, le lait des brebis — à la femme ses pa-
rures, des (leurs odorantes — à l'homme ses armes et
quelquefois son cheval de bataille'.
Quant aux pauvres, on avait soin de leur donner tout au
moins une paire de souliers neufs pour pouvoir entreprendre
le voyage de Walhalla. Alors l'absence presque complète de
monnaies et de parures semblerait faire croire que les
cimetières dont nous nous occupons étaient destinés à la
classe pauvre.
Si l'on tient compte du nombre relativement faible des
sépultures mises à jour, ne peut-on pas admettre aussi que
ces nécropoles étaient destinées aux inhumations du per-
sonnel domestique d'une de ces villas gallo-romaines, si
nombreuses en Vendée, au sujet desquelles Benjamin Fillon
ne craignait pas d'affirmer, au congrès archéologique tenu
à Fontenay en 1846, qu'il n'y avait peut-être pas « une seule
« commune, sinon du marais, du moins de la plaine ou du
« bocage, qui n'eût quelque trace d'habitation romaine. »
D'ailleurs les découvertes nombreuses faites depuis un siècle
dans notre pays démontrent, à n'en pas douter, que dès le
II' siècle, sous la monarchie des Antonins, et plus tard sous
Postliumus, Lollianus, Victorinus, Marius etTétricus, pendant
le règne desquels la Gaule fut indépendante, toutes les
magnificences du midi avaient envahi notre contrée, et
qu'aux maisons de terre et de bois avaient succédé des
maisons de pierre et de marbre. Cette affirmation est du
reste corroborée par les belles études auxquelles se sont
livrés le général de Vaudoncourt, Valckenaër et Thierry'.
Dans un des vases se trouvait renfermée une défense de
• M. Massé, architecte à Paris, a trouvé dernièrement, près de Saint-Maur-
les-Fossés, des sépultures gauloises rentermant des femmes entourées d'en-
fants avec coupes ;i fond conique, des fibules, des appliques de bronze et des
anneaux.
» Hiatoire depuis la ConquHe romaine. — Géographie des Gaules. —
Histoire de la Gaule snus In Domitiatioii, romaine.
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DU PAYS DK MAIl.LlîZAIS ',i'3
sanglier', l'animal clier aiix Gaulois, symbole naturel de
leur force farouche uL de leur vii' s luviige, dans !e '. forêts et
les marécages qui couvraient .(ulrefois une grande partie de
leur territoire.
Si on la pu dire avec beaucoup de vérité que les fossiles
sont les médailles de l'histoire du globe, on peut affirmer
aussi que les médailles sont les yeux de l'histoire, mais,
malheureusement jusqu'à présent une seule pièce de monnaie
a été trouvée dans les poteries. Cette pièce en bronze porte
croyons-nous, l'empreinte d'Aurélien : elle représente d'un
côté cet empereur ayant un soldat devant lui et sacrifiant sur
un autel. On y distingue les lettres P. E. A. S. — A. G. sans
doute Pietas Aug. Sur l'autre côté, on y croit distinguer
l'hercule des bords du Rhin, relevant la personnification de
la patrie caractérisée par le chêne symbolique du culte drui-
dique Pourtant cette dernière particularité ne se trouve
guère que sur les pièces au nom de Posthume.
Ceci paraît être une sorte d'anomalie qu'il est, croyons-
nous, assez facile d'expliquer, par ce fait, que quelques types
do monnaies adoptés dans certaines régions gauloises, ont
été immobilisés ou incomplètement modifiés, surtout au
moment où l'Empire romain assailli de tous côtés par les
peuples du nord, changeait à chaque instant de maître.
GONSIDÉRATÎOiNS SUR L'ART DE TERRE.
« L'art de terre, dit Bernard Palissy, est de tous les arts,
« le plus ancien, le plus noble, le plus utile à la République, »
et le savant polonais Joachim Lelewel, dans une lettre à
Benjamin Fillon, écrivait de son côté « l'histoire de la céra-
« mique, c'est l'histoire de l'humanité tout entière, »
* Oïl en a trouvé dans une loule de sépultures attribuées aux Gaulois,
notamment sur la place Saint-Pierre à Nantes, — à Saint-George de Mon-
taigu, — h Mareuil-sur-le-Lay, — à Saint-Médard-des-Prés, — dans les puits
funéraires du Bernard.
ToMK IV. — Janvier, Février, Mars 1891. 3
34 CHEZ LES GALLO-ROMAINS
(( Dans les poteries modelées par les hommes depuis le
a jour où la main commença à façonner l'argile, ajoute un
a peu plus loin le même auteur, je vois les rameaux de la
« race humaine, leurs mariages, déplacements, fusion de
« branches, notés clair par une forme, un procédé de fa-
« brique, une couleur, un vernis. — La terre estla bibliothèque
« de livres encore inconnus qui attendent les clairvoyants. »
Peu de gens pourraient_, croyons-nous, à l'instar de
Lelewel affirmer par l'inspection de quelques vases, la filia-
tion des peuples, d'autant mieux que la plupart des plus
anciens trouvés sous toutes les latitudes de notre pays, pré-
sentent une singulière uniformité de lignes, mais il n'en est
pas moins constant, que de l'identité de fabrication des outils
et des ustensiles^ on peut jusqu'à un certain point conclure à
l'identité de race.
On peut aussi être puissamment aidé dans cette étude par
l'ornementation populaire qui, comme la philologie, et plus
encore peut-être, est une des clefs de l'ethnographie.
Bien que les poteries avec reliefs ou ornements trouvées
dans les nécropoles du Mazeau ne soient pas très nom-
breuses, nous croyons pourtant que leur reproduction et leur
description que nous donnons plus loin, ne seront peut-être
pas inutiles pour ceux qui désirent restituer aussi complè-
tement et sincèrement que possible, l'histoire des divers
groupes cthnog-raphiques de notre Bas-Poitou, en môme
temps que la statistique géographique des Gaules, sous la
domination romaine.
D'ailleurs, ce pays mêlé d'une façon toute particulière aux
grandes invasions qui pendant de longs siècles ont modifié
d'une façon plus ou moins heureuse la physionomie primi-
tive de ses habitants, conserve encore dans les noms de
quelques-unes de ses localités, TKTauges, La Romagne,
Marmande, Morlagne, Epagne etc ; la trace d'anciennes colo-
nies étraugères importées chez nous à partir de la fin du
III» siècle.
DU PAYS DE MAILLEZAIS 35
Ce problème de la restitution des races ne nous paraît pas
insoluble, pour les savants, et nous serions fort heureux,
si, modeste pionnier, nous pouvions y apporter un des élé-
ments destinés à l'élucider.
VASES EN VERRE ET EN TERRE.
La plupart de ces derniers trouvés dans les cimetières du
Mazeau et de Saint-Sigismond, sont en terres rougeâtres,
griseS;, brunes ou blanchâtres, de qualités bien différentes,
et cette diversité n'a pas été sans influer sur la teinte et le
brillant de la couverte, sorte de vernis allant du rouge pâle
au brun foncé, dont sont revêtus quelques-uns de ces
vaisseaux. Ce vernis a subi par son long contact avec la terre
un commencement de décomposition qui se produit si l'on
n'y prend garde, sous la moindre pression des doigts.
Disons aussi; pour n'y plus revenir, que la plupart des vases
revêtant la forme de brocs, vases à verser, vases à libations,
ont sur le côté un petit trou qui nous paraît avoir été fait in-
tentionnellement : peut-être pour qu'ils ne puissent plus
servir à d'autres usages, peut-être pour se conformer à un
rite religieux ?
Nous n'avons trouvé que quelques fragments de poteries
noires vernissées, et de ces poteries rouges en terre de
Samos, tant vantées par Pline et dont Martial disait « qu'on
ne peut refuser des invitations à des tables somptueuses,
quand on est en état de se faire servir de bonnes fèves à
l'huile sur un plat de terre rouge. »
Sur le bord d'une coupe élégante, mais malheureusement
brisée, avait été artistement reproduit en relief le lotus,
cette fleur par excellence de l'antique Orient, que les prêtres
tiennent au bout de leurs mains fluettes dans les palais de
Niniveetde Khorsabad, et dont le pistil aurait, dit-on, servi
de type à tous les vases à libations des races antiques.
36 CHKZ LKB (iAI.hU-Kii.MAI.NS
Parmi ceux liouves beaucoup ont été laits au tour : d'autres,
aux formes plus correctes, ont été, croyons-nous, préparés
dans des moules dont quelques-uns devaient être de plusieurs
pièces, car il eût été bien difficile de dresser dans des moules
d'un seul morceau des vases à renflem mt comme ceux dé-
sii^nés par les lettres .1. S. T. D'ailleurs avec un peu d'at-
tention on reconnaît sur certains vases sigillés, de petites
nervures qui se profilant irrég-ulièrement^ indiquent le point
de jonction des pièces du moule, dans lequel on imprimait
en creux les ligures, au moyen d'estampilles ou de poinçons
en relief. Il se peut aussi que les dessins et les oves du
vase décrit plus loin sous la niarque S, aient été faits avec un
cachet sur de la terre encore molle, car les ornements sem-
blables, ne sont pas toujours placés les uns par rapport aux
autres, dans une position symétrique.
Parmi les vases retrouvés intacts ou à peu près, et dont
les types existent en plus ou moins grand nombre, nous
allons signaler ceux qui nous ont paru les plus intéressants.
Le vase (K) est en terre d'un rouge pâle, légèrement can-
nelé à la partie supérieure, avec anse à rainure', col allongé
et couronne. Ses dimensions sont : hauteur, 19 cent., diamètre
14 cent., ouverture circulaire 2cent., six rangées de traits faits
à la pointe, et deux autres imitant des espèces de guillochis
ornent lu couronne. Sur la panse nous avons pu lire les deux
lettres N. A. qui sont sans doute la première syllabe du nom
du potier.
Le vase (J) a dû servir d'urne cinéraire, car nous estimons,
avec de Gaumont et d'autres auteurs, que les deux modes de
sépulture, l'inhumation et l'incinération ont été dans le môme
temps (Ml usage dans les cimetières gallo-romains. Il est en
terre fine d'un rouge pâle et brisé en partie. Il représente
en relier, une chasse au cerf, un de ces sujets les plus fré-
« Des moules trouvés ii .\rle8, h Nimes, à Nancy, h Lyon, à Bordeaux et
dans beaucoup d'autres localités où il a existé des fabriques de poterie,
étaient faits on terre cuito rougt-àtre d'un grain assez fin et sans couverte.
DU PAYS DE MAILLEZAIS 37
quemment employés sur les vases sigillés. Les traits du cerf
sont fortement accusés, tandis qu'il n'en est pas ainsi de
ceux du chien.
Une sorte d'ornementation végétale où l'on distingue le
lotus, court au pourtour de ce vase, dont la forme est on ne
peut plus gracieuse. Ses dimensions principales sont : hau-
teur 17 cent. 1/2 — largeur extrême 14 cent. — orifice circu-
laire 7 cent.
Sur celui désigné par la lettre (S) se détache en face d'un
coq, une femme presque nue, dans une position tant soit peu
lascive. Cette femme, aux formes athlétiques, est noncha-
lamment penchée, la main droite appuyée sur un objet un
peu effacé qui ressemble à un thyrse. Le bras gauche est
replié sous un angle aigu, et la main posée sur la poitrine.
Une plante, sorte de graminée, un cordon en torsade et des
oves régnent tout autour de ce vase qui nous paraît offrir
une certaine valeur historique, surtout à cause du gallinacé
symbolique qu'il porte, et sur lequel nous reviendrons plus
loin. Ses dimensions principales sont : largeur 16 cent.,-—
hauteur 10 cent., — hauteur des oves et du cordon 1 cent. 30.
Le vase (L) en terre plus pâle, et de qualité inférieure,
revôtabsolumentla forme qu'affectent aujourd'huiles poteries
qui dans les appartements servent à suspendre certaines
plantes. Il est à bourrelet circulaire de 18 cent, et n'ofîre
rien de remarquable, sinon sa parfaite conservation.
L'urne (0) en terre grise grossièrement préparée, est de la
plus grande simplicité : elle ne se recommande guère que
par sa forme pure et gracieuse. C'est une sorte de plat à
hauts bords presque perpendiculaires, divisés à mi-hauteur
par un bourrelet pouvant servir de base à un couvercle.
Or dans les sépultures pauvres, ce couvercle consistait sou-
vent en un tesson de poterie, ou en une simple pierre plate.
Une grande bouteille carrée en verre (M) de 0,005 d'épais-
seur, s'est trouvée entre les pieds d'un squelette. Elle mesure
en tout 26 cent, -de hauteur sur 10 cent. 1/2 de largeur, et son
38 CHEZ LES GALLO-RONiAINS
orifice circulaire avec rebord a 6 cent, de hauteur sur 5 cent
1/2 de largeur. Elle est munie d'une anse de même matière.
D'autres en assez grand nombre, et absolument semblables
à celles trouvées dans le tombeau de la femme artiste à
Saint-Médard des Prés, et gravées dans Poitou-Vendée étaient
placées dans des positions diverses. Une seule différant de
forme, présente en coupe ce qu'on appelle vulgairement un
baril. Klle mesure environ 15 cent, de hauteur sur 8 cent,
de largeur, et se trouve actuellement en la possession de
M. P. pharmacien à Marans.
Un joli vase (T) trouvé par nous à la tête d'une enfant avec
trois autres objets dont nous donnons ci-après la description
est d'une conservation parfaite.
Sa forme est très gracieuse, et les dessins en creux qu'il
porte sur la panse ont été faits avec beaucoup de soin. C'est
une sorte d^ornementation végétale qui se répète. La terre
presque blanche est recouverte intérieurement et extérieu-
rement d'un vernis brun-foncé. La hauteur est de 9 cent,
l'orifice de 4 cent, et le plus grand diamètre de 7 cent.
A côté se trouvait une petite urne funéraire (D) ressemblant
étonnamment à celles trouvées au Langon et dessinées
dans Poitou-Vendée (n'^Get 10) (B. Fillon et de Rochebrune).
Elle mesure 13 cent. 1/2 de hauteur pour un diamètre maxi-
mum de 7 cent. 1/2 et une ouverture de 12 millimètres. Elle
ne possède aucun ornement. La terre d'un rouge pâle n'a
point de couverte.
Sur la poitrine de l'enfant se trouvait une sorte d'assiette
(I) d'une conservation admirable portant dans le fond un
poinçon. Son plus grand diamètre est de 18 cent., le plus
petit de 9 cent, et sa hauteur de 5 cent.
La terre d'un rouge pâle est couverte d'un vernis qui lui
donne toutes les apparences de celle de Samos. Près de la
main droite de l'enfant se trouvait une coupe en verre (Q)
renversée intentionnellement pensons-nous. La hauteur to-
tale est de 7 cent, pour une largeur de 8 cent.
DU PAYS DE MAILLEZAIS 39
Cette coupe, cette fleur solidifiée comme dit Du Gleuziou,
placée aux côtés de cette enfant ravie à l'afîection des siens à
l'aurore de la vie, avait sans nul doute plus d'un sens caché.
Symbole féminin par excellence chez tous les Aryens, sym-
bole superbe du mariage chez les Gaulois, n'a-t-elle point été
placée dans cette position renversée pour indiquer que cette
enfant n'avait pu, comme la belle Gyptis offrir le boire amou-
reux au vaillant guerrier que dans ses rêves dorés elle avait
peut-être choisi ■?
Et cette urne, née elle aussi de l'imitation de la corolle
fermée du loLus, ne dit-elle pas éloquemment que le fruit
succède à la fleur, comme la mort à la vie, et que dans
l'étude des farons d'être du fruit, l'homme a trouvé les
motifs de tous les vases à conserver ?
STÈLES OU GIPPES.
Le.s deux stèles ou cippes trouvées à Benêt sont sur-
montées de frontons triangulaires, vierges de toute inscrip-
tion tumulaire. Sur la base de l'une est gravée en relief, le
croissant de Diane, et sur celle de l'autre une sorte de pomme
de pin. Deux acrotères devaient probablement se trouver au-
dessus des chapiteaux, qui supportent le couronnement.
La stèle la mieux conservée a une largeur de 58 cent, et
une hauteur totale de i'^SS. Dans une niche semi-circulaire
elle contient l'effigie en buste d'une femme dont les cheveux
sont disposés de manière à former un bourrelet ou torsade
autour du front; c'est du reste la coiffure dont on trouve
beaucoup d'exemples dans les effigies des femmes romaines.
Une sorte de tunique décolletée embrasse la poitrine, sur
laquelle elle parait fixée à l'aide d'une bande triangulaire. La
taille est serrée à la ceinture par un cordon, et les manches
paraissent fortement étoffées. De la main droite elle tient
une bouteille à long col (sorte cVamptdla) et de l'autre un
vase à boire ou pociihtm.
■i(> ClIKZ LES (i.ALLO-ROMAlNS
Deux de ces poculwn se trouvent sous le buste do la femme,
ce qui tendrait à faire croire qu'elle faisait le commerce des
liquides, d'autant mieux que les cippes étaient presque
toutes revêtues d'ornements ou emblèmes faisant allusion à
lap rofession du défunt.
Mais comme un grand nombre de stèles gallo-romaines
déposées notamment aux musées d'Autun , de Bordeaux,
d'Auxerre, de Sens, de Ghâlons, etc ; montrent des bustes
dans la même position et tenant les mêmes objets, il faut voir
croyons-nous dans ces ornements répétés, un symbole des
libations faites en l'honneur des mânes du défunt et pas
autre chose. C'est une des conséquences de la fameuse for-
mule D M S. fDiis manibus sacniin) qui, générale sur les
tombeaux gallo-romains, ne cessa que quand le christianisme
l'eut fait abandonner.
Les stèles recouvraient ordinairement la cavité renfermant
l'urne cinéraire, et les Romains répandant du vin sur les
cendres du mort afin qu'elles pussent être recueillies plus faci-
lement, ne pourrait-on pas voir dans lespoculum un souvenir
de cette cérémonie ? aux savants de répondre.
La deuxième stèle d'une hauteur total de 1 mètre 10 pour
une largeur de 54 cent, était posée sur une pierre formant
soubassement, dans laquelle on l'avait encastrée. Elle pré-
sentait sensiblement une section demi-circulaire.
Dans la niche presque carrée est représenté à mi-corps et
en bas-relief un homme dont les traits sont loin d'être aussi
bien conservés que ceux de la femme.
La partie supérieure des épaules seule émerge avec la tête,
au dessus du bloc, dans lequel a été creusée la niche : aucun
attribut n'existe.
Ces deux monuments funéraires, comme la plupart de leurs
analogues, ont du être appliqués contre des massifs de
maçonnerie dont la trace est encore visible, ainsi que nous
l'a fait remaniuer du reste, le propriétaire M. Tristant. Ils
devaient Aire reliés aux massifs (|ui les soutenaient par des
DU PAYS DE MAU.LEZAIS 41
crampons dont noas avons cru distinguer l'empreinte sur la
paroi latérale des cippes.
Le faire de ces deux stèles est grossier, et bien que rap-
pelant une époque de décadence, elles n'en sont pas moins
curieuses à plus d'un titre, d'autant mieux qu'elles sont peut-
être jusqu'à présent les seules trouvées en Vendée qui n'aient
pas été brisées ou détruites sans qu'on connût leur signi-
fication.
PREUVES D'UNE ORIGINE GALLO-ROMAINE
Dans le savant ouvrage Poitou-Vendée, Benjamin Fillon
dit (' le cadastre combiné avec les anciens aveux, registres
censiers et autres titres de même nature, peuvent prêter un
grand secours à la géographie gauloise. >> Or dans le cas qui
nous occupe, les noms celtiques ou gallo-romains plus ou
moins altérés. (Liez : Liacum), d'origine gallo-romaine,
Auchais, {Anciacum), Civray [Civitaricum) près duquel on voit
encore aujourd'hui les restes d'une voie romaine et des frag-
ments d'une borne milliaire, Retz, Aujugé, le Vanneau, etc;
abondent aux alentours de Mazeau et de Saint-Sigismond et
viennent corroborer l'opinion que nous avons émise au début
de ce travail, à savoir que nous nous trouvons bien en pré-
sence de cimetières gallo-romains.
Et puis cette pièce de monnaie qui a dû être frappée après
la victoire d'Aurélien sur les Germains, c'est-à-dire vers 272
ou 274. Ces ossements de géants, ces vases et ces stèles aux
caractères gallo-romains indéniables, indiquent à n'en pas
douter que les lieux d'où ils proviennent n'étaient autre chose
qu'une des nécropoles de cette époque, si communes en
Vendée, surtout sur les contrées limitrophus de l'Océan, et
que les sépultures mises à jour doivent être de la fin du III*
ou du commencement du IV* siècle, à un moment où le chris-
tianisme n'avait point encore probablement fait son appari-
42 CHEZ LES GALLO-ROMAINS
lion dans le pays des Pictons, car jusqu'à présent, aucun
objet rappelant cette religion n'a été trouvé?
D'ailleurs, si l'on veut bien jeter un coup d'œil sur la carte,
on verra que les Terres-Noires sont à peu de distance du
Bas-des-Eaux, où en 1862 des travaux de dessèchements
mirent à jour plusieurs milliers de petits billons, et de
petits bronzes du IlPsiècle, aux effigies de divers empereurs.
C'est une nouvelle preuve que les habitants du territoire
du Mazeau et de Saint-Sigismond, qui formait l'extrême
limite de la terre ferme du pays des Pictons, furent romani-
sés presque aussitôt après la conquête; tant était forte la
puissance colonisatrice de la race envahissante.
Ces poteries, ces pièces de monnaie, d'une même période
qu'on a rencontrées auVeillon, à Jard, à Saint-Denis du
Payré, à Nalliers, au Mazeau, à Grues, etc., mais générale-
ment dans les parties de notre département peu éloignées
de la mer, sont aussi la preuve évidente que notre pays a
été, à l'époque indiquée par la nature des objets formant
ces dépôts, victime de quelque grande catastrophe que nous
n'hésiterions pas à faire remonter au terrible soulèvement
des BagaudeS;, vers 280.
Ces quelques considérations établies nous croyons devoir
appeler l'attention des hommes compétents sur certaines
particularités au moins curieuses qui nous ont frappé et qui
une fois élucidées, pourraient sans nul doute être d'un grand
secours pour l'histoire et les sciences.
Dans la description du vase S nous avons parlé d'un coq
placé à côté d'une femme que nous croyons être une de ces
Jeunes vierges appelées Walkyries, qui dans la religion
d'Odin, excitaientles guerriers à la lutle, en leur versant de la
bière et de l'hydromel. Quoi qu'il en soit, il n'est pas douteux,
en présence de ce document, que le coq était bien l'emblème
choisi par les Gaulois, comme symbole général du courage,
de l'activité et de la vigilance, et ce, malgré l'opinion con-
traire de Edme Hereau et de Vaudoncourt qui prétendent
DU PAYS DE MAILLEZAIS 43
que l'emblème des Gaulois, était une aigle aux ailes éployées
qui, placée sur le cimier du casque était l'ornement exclusif
et le signe caractéristique du commandement.
ANALOGIE DANS LA FORME ET LA MATIÈRE DES
VASES TROUVES AU MAZEAU ET SAINT-SIGISMOND,
AVEC D'AUTRES PAYS ÉLOIGNÉS.
Si l'on consulte l'ouvrage remarquable déjà cité (Poitou-
Vendée) on se convaincra que les vases décrits sous les
lettres J. S. de ce mémoire, sont contemporains de ceux trou-
vés au Lang-on et à Jard. Nous ne serions même pas surpris
qu'ils sortissent des mêmes ateliers que ceux possédés par
feu B. Fillon, signés Germanus, et par le musée de la Roche-
sur-Yon, signés Paternus et qui sont du IIP siècle (Jard, III
page 56). Or, M. Hucher dans ses intéressantes études parues
dans le Biilletbi monumental, signale le nom de Paternus,
moulé de la même manière sur des poteries trouvées dans
des contrées de la France très éloignées l'une de l'autre, et il
en conclut que les fabricants de moules, beaucoup moins
nombreux que les fabricants de poteries, fournissaient les
mêmes matrices à un grand nombrç de fabriques répandues
sur les divers points de la Gaule.
Comment expliquer autrement en effet l'existence des
mêmes types, se produisant du nord au sud, de l'est à l'ouest
et qu'on rencontre partout en Vendée, à Niort, à Jort (Cal-
vados), à Dreu-le-Roy (Cher), à Soings, à Gièvres, à Tours et
à Paris en plein quartier latin ?
D'un autre côté les vases en verre trouvés dans les nécro-
poles dont nous venons de parler, ont ainsi que nous l'avons
déjà dit, des épaisseurs, des teintes verdâtres et des formes
diverses qui, dans leur ensemble, peuvent être complètement
assimilées à ceux trouvés en 1845, dans le tombeau de la
femme artiste de Saint-Médard-des-Prés. Seule à peu près,
-ii chp:z lks gallo-romains
une coupe en verre très mince légèrement irisé, est une
exception et semble faire croire qu'elle a été déposée près
d'une enfant appartenant à une famille aisée : le verre à cette
époque élant considéré comme un objet de luxe*. L'identité
parfaite qui existe entre ces objets en verre, et ceux recueillis
au Langon, Jard et dans la forêt de Mervent, nous
donnent la conviction qu'ils ont été fabriqués dans ce dernier
lieu, abondamment pourvu de matières premières, et où il
existait des verreries dès le règne de Trajan'. Tout fait sup-
poser que cette région privilégiée exportait même du verre
au-delà du pays des Pictons.
Si l'on tient compte de cette analogie frappante que nous
venons de signaler, de ce je ne sais quoi de mystérieux, qui
dans nos campagnes du Bas-Poitou et de la Bretagne surtout,
enveloppe encore les manieurs d'argile et les villages oii sé-
journent ces potiers qui ne se marient guère qu'entre eux ?
Si le rôle que la contemplation de la plante a joué dans les
diverses évolutions de l'esprit humain est véritablement
immense '.*
S'il est vrai, comme l'affirme M. de Longuemar, que le sol
de nos marais ait fourni les matériaux employés dans les
poteries fabriquées par les anciennes populations?
Que conclure de tout cela, sinon que les figiili, comme les
vitriari ont formé pendant des siècles des corporations
* C'est ce qui cxpliiiue au Mazeau la rareté de ces fioles qui, bien qu'ap-
pelées lacrymatoii'es étaient tout simplement destinées à contenir des par-
fums. Ces vases tr6s fra^'iies avaient du être enfermés dans des coffrets en
bois pourri depuis longtemps, ce que semble du reste prouver la présence
de clous recueillis autour d'eux. Près de l'un on i trouvé une clef qui, d'après
Jouanct, pourrait être reganlôe comme un témoignage honorable rendu à la
mémoire d'une bonne mère de famille, en considérant qu'au moment du
mariage, la femme recevait les clefs, et que ce gage de bonne administration
intérieure ne lui était enlevé qu'en cas île répudiation. Une laïue de plomb
sans inscription a été également recueillie sous la tête d'un squelette. Dans
une des nécropoles quelques sarcophages d'une seule pièce en pierre calcaire
étaient çà et \W placés irrégulièrement entre des vases. Ils étaient vides.
» Voir notre notice: les fours à verriers de la fonH de Mervent. Impri-
merie Lalolve (\':uint'.s, iss'i .
DL" PAYS DE MAlLI.liZAlS 45
fermées, dressant côte à cô le leurs fours dès le deuxième siècle,
maintenant en activité leur industrie sur les décombres de la
société romaine et sur ceux de l'empire franc, et léguant
comme un héritage sacré à leurs descendants, ces procédés
de fabrication et ces formes dont quelques-unes il faut bien le
reconnaître, n'ont pas varié sensiblement depuis des siècles!
CONSIDÉRATIONS ETHNOGRAPHIQUES ET ANTHRO-
POLOGIQUES
Si les nomsde Givray, de Liez, etc., sont d'origine gallo-
romaine, ceux de \b. Baf aille et Gorge-Bataille, points situés
près du Mazeau, ne rappellent-ils pas aussi l'échec que firent
subir aux Normands, le 6 novembre 852, près du pont de Bril-
lac (commune de Goulon), Rainulphe, comte de Poitiers et
Renaud, comte des Herbiers, qui avait sous sa dépendance
Tiffauges, le pays de prédilection des Teiphales ou Teifîaliens?
Ces Teiphales, si l'on en croit quelques auteurs, seraient
entrés dans les Gaules vers 406 sous la conduite de Goar, roi
des Aldins, qui d'après Jornandes et Arcère l'historien de la
Rochelle, auraient occupé d'abord certains points du cours
de la Basse-Loire, et qui, battus plus tard par Ghildéric et
Egidius, se seraient établis dans la région inondée de la Sèvre
Niortaise appelée ensuite de leur nom Pagiis alanensis (Aul-
nis-Aunis.)
Ces Alains dont les congénères les Ossetes habitent au-
jourd'hui le Caucase, étaient selon le témoignage d'Ammien
Marcellin, de Sidonius et de Grégoire de Tours, d'une taille
gigantesque, agiles, modérément blonds et d'humeur assez
douce. Les Teiphales étaient également des géants de sept
pieds, mais d'une brutalité extraordinaire. D'après une fort
belle étude publiée par M. Laumonier, dans la première
année do la Hevue du Bas-Poitou (pages 62, 63 et suivantes)
46 CHEZ LES GALLO-ROMAINS
quelques paysans des cantons limitrophes des Deux-Sèvres
et delà Charente-Inférieure, auraient conservé, bien qu'un
peu superficiellement les liens de parenté qui les uniraient à
la race des Alains.
L'historien de la Rochelle prétend que les Golliberts ou
CoUibrits des marais du Bas-Poitou, dont parle le moine
Pierre de Maillezaisdans sa chronique du XP siècle, n'étaient
autres que des descendants des Teiffaliens. Le bon abbé
ajoute que ces hommes rendaient un culte à la pluie (a cultu
inibriinii) ce qui semble prouver qu'ils demeurèrent païens
longtemps après leur entrée dans les Gaules.
D'aucuns au contraire affirment que les Golliberts ftêtes
libres) devenus plus tard les huttiers, descendent des Agé-
sinates Cambolectris, ou des colons gaulois chassés de leurs
bonnes terres du centre du Poitou par les Teiphales.
Quoi qu'il en soit, il est prouvé aujourd'hui qu'une partie
de ces derniers, se retira de bonne heure sur les confins de
l'Aunis et du Poitou, et y vivait encore au XI* siècle, isolée
et fort redoutée du voisinage.
Sans vouloir médire des braves Nioleurs de la Sèvre, on
peut bien affirmer que l'influence de la race sarmatique a
été assez considérable, pour laisser des traces encore visibles
aujourd'hui parmi bon nombre d'entre eux.
D'un autre côté, Malte-Brun dans son ouvrage (La France
illustrée) prétend qu'on a cru reconnaître dans des fouilles
faites il y a environ 80 ans, sur le territoire de la commune
de Saint-Sigismond, des ossements provenant de géants,
dont la conformation et les dimensions différaient essentiel-
lement du type gaulois. '^
Arcère, déjà cité, a signalé aussi desossements gigantesques
trouvés près de la Rochelle et M. Jean Laumonier, attaché à
l'école d'anthropologie de Paris, a exhumé lui-même d'un
cimetière de la région des ossements qui rappellent entière-
mel les traits propres des Alains*.
* De quelques populations du Bas-Poitou. Revue déjà citée page 62-63.
A
DU PAYS DE MAILLEZAIS 47
S'il est prouvé aujourd'hui que des Celtes, des Germains,
des Franks, des Visig-oths, forment le fond même de la
population poitevine, n'y aurait-il point, entre les découvertes
récentes dont nous venons de parler et les données si com-
plexes fournies par des auteurs si différents, de curieux
rapprochements à faire, et des études bien intéressantes au
point de vue des races qui, dans les premiers siècles de l'ère
chrétienne, ont dii se juxtaposer sur notre sol, mais qui
toutes ont plus ou moins subi l'influence des Romains?
Nous posons la question. Aux savants de la résoudre.
Bien cordialement à vous.
Louis Brochet.
Fontenay-le-Comte, le 16 mars 1891.
LIIOTE DE JEANNE DIRC
A POITIERS
-^^^s<&-
Maiîre Jesn RABAT EAU, président au Parlement de Paris
RIEN de ce qui louche à l'épopée de Jeanne d'Arc n'est
aujourd'hui indifférent. Pour glorilier l'héroïne, l'art
s'unit au patriotisme, l'Eglise prépare ses autels, les
bibliothèques offrent leurs dernières richesses, et les partis,
faisant trêve à leurs luttes, semblent vouloir se donner la
main. Cet universel hommage est bien de nature à ranimer
les esprits découragés, au déclin d'un siècle sceptique ; il
prouve qu'au fond du cœur de la vieille France le sentiment
national se conserve inaltérable sous l'étendard de la virgi-
nale libératrice.
Le haut intérêt qu'elle inspire rejaillit évidemment sur ses
contemporains. Ceux qui se sont trouvés mêlés à son exis-
tence ont laissé pour la plupart quelque vestige dans les
chroniques du temps ; et c'est en grande partie, il n'en faut
point douter, pour avoir figuré aux premières lignes de son
histoire (jue le nom de Jean Rabateau est parvenu jusqu'à
nous. Le pei'sonnage, comme on l'a justement observé,* ne
' lî. I..'il;iiii. Mémoires des Antiqunirfs de l'Ouesl. t. XXXVI, p. 17.
l'hôte UE JEANNE d'ARG A POITIERS 49
fut pas de médiocre importance; avocat général, conseiller
au Parlement, membre du conseil de Charles Vil, président
de la Gourdes Comptes, ambassadeur du Roi, président au
Parlement de Paris, il a gravi non sans éclat les degrés de la
fortune. Et cependant aucun de ces titres peut-être ne l'eût
sauvé de l'oubli ; avant tout, la postérité devait retenir de lui
le fait d'avoir hébergé la Pucelle à Poitiers, lorsqu'elle y fît
séjour, dès le début de sa providentielle mission.
Au moment où l'antique cité, fière de ce glorieux souvenir,
s'apprôte à l'immortaliser, il m'a semblé particulièrement
actuel de mettre en relief la physionomie de l'homme qui,
par le privilège insigne dont il fut investi, apparaît à cinq
siècles de distance comme le gardien d'un dépôt sacré. — A
vrai dire, cette étude ne saurait être une biographie, elle
n'en a ni les données ni la prétention ; les matériaux sont
malheureusement trop rares, et force est de laisser souvent
dans la région des conjectures ce que l'esprit aimerait ins-
crire au compte des réalités. Les historiens, en effet, sont
presque tous muets sur le personnage qui m'occupe ; ceux
qui en parlent ne lui accordent guère qu'une simple mention
limitée au principal épisode de sa carrière. Nombre de
mes recherches, je l'avoue, sont demeurées sans résultat;
en vain ai-je interrogé les archives de Rouen, • d'Orléans,
de Bourges, le « Britisli Muséum » : nulle trace de
cet homme d'Etat n'y est consignée. Le cabinet des
estampes de la Bibliothèque nationale lui-même n'en con-
serve aucun trait dans la série des grands parlemen-
taires. L'important ouvrage de Blanchard ne lui attribue
qu'une courte notice, et tandis que toutes celles consacrées
aux autres présidents, sont précédées de leurs armes, seule,
au nom de Rabateau, la page reste blanche sous le mortier
présidentiel'. Pour les reconstituer, ces armes, à peine
subsistent quelques débris d'un sceau rongé par le temps.
Le reste est à l'avenant : je livre néanmoins les fragments
' F. Blanchaid. Les Prt'sidenis du Parlement de Paris, p. 83. — Paris, 1647,
Tome iv. — Janvier, Février, Mars 1891. 4
50 l/llÔTE DE JEANNE J)"aRG
(liie j'ai pu réunir, estimant que leur principal mérite est
d'ôlre en majorité inédits, et ne me dissimulant pas la dif-
ficullé de les relier entre eux. Ils permettent du moins de
suivre, en dépit de bien des lacunes, les étapes lointaines
d'une vie qui, par la raison supérieure de son point d'attache
à celle de la vierge lorraine, ne pique pas seulement la
curiosité, mais présente encore un véritable attrait.
Jean Rabateau appartient à la galerie des hommes célèbres
que revendique à bon droit le Bas-Poitou. Il est né à Fonte-
nay-le-Gomte vers l'année 1370' ou 1375^; M. Beauchet-
Filleau, pour lui assigner son lieu d'origine, hésite entre
cette ville et, la Gaillère, près Volvire (Velluire). Il tenait
ladite seigneurie du chef de ses ancêtreS;, mais rien n'indique
qu'il y reçut le jour. Au surplus, un renseignement précieux
éclaircit tout à fait la question, en naême temps qu'il témoigne
de la pieuse fidélité de Rabateau au souvenir de sa patrie :
c'est un passage de la chronique paroissiale de Notre-Dame
de Pontenci,y relatant que, le 8 mai 1425, il fonda lui-même
<( une messe chantée, en commémoration de son baptême
reçu à pareil jour dans cette église. » Par une coïncidence,
au moins digne de remarque, la date du 8 mai devait être
celle de la délivrance d'Orléans et du plus éclatant triomphe
de la Pucelle.
Sa famille, « bonne et ancienne » au témoignage de Blan-
chard, parait avoir dès ce temps exercé à Fontenay différentes
charges. Faut-il compter parmi ses aïeux un Michel Rabateau
« pannifex » qui au siècle précédent, en 1267, figure au rôle
• D'après B. Fillon. Catalogne de la vente de ses autographes.
* D'api-f'ïs Heaiichel-Filloau. (Dictionnaire historique des familles du Poi.
iojtj. J'opinerais Tolontiers pour cette dernière date, en raison de la longue
carrière du personnage.
V
A POITIERS 51
de ceux qui doivent payer le jeudi après la Notre-Dame de
mars ? 11 y a tout lieu de le supposer. Le même est mentionné
sur la liste des habitants qui, sous le règne de Philippe le
Hardi se sont cotisés pour aider à la reconstruction de
« l'hôtel de Dieu » de Fontenay*. •
Rabateau possédait certainement dans cette ville une
maison située « non loin du fief des Deux-Seigneurs et du
couvent des Frères Mineurs (couvent des Gordeliers, au
Puits Saint-Martin), ainsi qu'il résulte d'un acte en date du
18 janvier 1460, ayant trait à la deuxième fondation des
sœurs du Tiers-Ordre de Saint-François par Catherine Tor-
roille, veuve de Méry-Bertin^ n
Il hérita de certaines propriétés familiales par la cession
que lui fit de tous ses biens Rabasteau, dit l'aîné, seigneur
de la Tousche-sur-Vendée (paroisse de Volvire), lequel les
tenait lui-même de Rabasteau, dit le Jeune, seigneur de la
Vergne (paroisse du Puy-de-Serre), époux de Catherine de
Machecoult' : ce transport devait donner lieu, entre ses héri-
tiers, à l'acte de transaction du 1" juin 1452, dont je parlerai
plus loin*.
M. Beauchet-Filleau estime que le futur président au Par-
lement de Paris entra dans la magistrature sous les auspices
de Pierre Boschet, son compatriote. Je n'en ai point trouvé
* Anciennes archives du château de Soubise. Archives de la ville de Fon-
tenay-le-Comte.
> Papiers de la Fontenelle de Vaudoré. Bibliothèque de Niort.
^ Beauchet-Filleau, loc. cit.
* Il y a lieu de mentionner encore, comme membre de sa famille, son
neveu Jean Rabasteau, sieur de la Rabastelièrp^ qui fut lieutenant-général
au siège de Fontenay, et eut de Marie Thébault une fille, Marie, qui épousa
en août 1545 Jacques Foucher, sieur de la Barrouère et de Puy-Greffier.
(Beauchet-Filloau). — Les archives nationales possèdent une pièce où figure
un Guillaume Rabateau, escuyer, demeurant à Méry-sur- Yonne. C'est l'acte
d'« amoisonnement »ou arrentement « d'une maison, granche et jardin séans
en ladite paroiche », à lui consenti par le Fi'ère Pierre, ministre de « la
grant maison Dieu » de Pi'ovins, et passé dans cette ville le "29 mai 1369. Ce
Rabateau ne saurait être de la même famille que le MÔtre. (Arch. JJ.
100, no 571).
~)2 l'hôte de .lEANNE d'ARC
la preuve certaine. De môme aucun texte ne s'est rencon-
tré sous mes yeux établissant d'une manière positive que
Jean Rabateau ait tout d'abord été juge prévôtal de sa
ville natale; mais, sur la foi du savant ouvrage Poitou
fit Vendée, je l'admets facilement, considérant en outre que
tel était bien l'ordre naturel de sa carrière, avant qu'elle ne
s'ouvrît sur de plus larg-es horizons.
Comment fut-il amené à quitter les bords de la Vendée et
à s'éloigner d'un pays où sans doute il ne devait jamais reve-
nir, du moins pour des séjours prolongés ? Là encore les
documents font défaut. Se laissa-t-il guider par sa propre
inspiration et le souci légitime de s'élever dans la hiérarchie
judiciaire ? Géda-t-il à des influences amies désireuses de
l'y aider? Déjà sa notoriété s'imposait-elle à ce point?. .
Quoiqu'il en soit, et le regret de cette lacune exprimé, le
voici désormais sur le théâtre qu'il ne quittera plus : j'ai
nommé le Parlement.
Un très intéressant ouvrage, de publication récente', fait
toucher du doigt combien était complexe à l'époque le rôle
joué par ce corps important. Il ne faut pas oublier que les
nouvelles institutions de la France, au sortir du Moyen âge,
sont encore dans la période de formation, par conséquent
d'incertitude et de confusion. Elles s'élaborent avec peine et
s'établissent avec lenteur jusqu'au jour où elles recevront du
temps leurs délimitations respectives. Certes, les parlemen-
taires existent; depuis Philippe le Bel, les légistes, suivant
le terme consacré, ont fait leur œuvre et souvent, il faut le
dire, œuvre néfaste ; mais le rôle exclusivement judiciaire
du Parlement n'est point encore défini ; ses membres, en
raison de leurs attributions indécises, s'adjugent une sorte
d'omnipotence que dans la suite, au souvenir sans doute de
cette genèse, ils n'abandonneront pas aisément. L'histoire
des règnes ultérieurs sera pleine des revendications de ce
« Félix Aubert. Le Parlement de Paris de Philippe Le Bel à Charles VU.
Picard, 1890, p. 53.
A POITIERS 53
qu'ils croiront être leurs prérogatives. Au XV' siècle, tandis
que la patrie agonisait sous l'efïort combiné de l'invasion
anglaise et de la faction bourguignonne, alors que tout était
à la fois en question et en péril, le Parlement présentait donc
autant le caractère" d'une assemblée politique que celui d'un
collège judiciaire ; la situation de ceux qui le composaient se
trouvait en conséquence singulièrement grandie.
La première fois que nous y rencontrons Jean Rabateau,
c'est à la date du 7 février 1416 ; il figure comme procureur
du duc de Berry, dernier survivant des frères de Charles V.
En sa qualité sans doute de capitaine général de Paris, le
vieux duc, qui n'avait plus que quatre mois à vivre, s'op-
posait « à toutes fins à ce que M' Bureau Boucher ou autre ne
soit reçeuà l'office de maistre des requêtes de l'ostel du Roy,
nostre sire, et qu'il ne soit miz en possession et saisine que
tenait M* J. de Norry'. »
Le Parlement était naturellement appelé à connaître de
l'affaire, en vertu de son rôle de grand tribunal administratif.
Ayant à enregistrer les lettres de nomination de la plupart
des fonctionnaires, qu'ils relevassent ou non de son autorité
immédiate, il prenait de lasorteune part indirecte mais réelle
aux nominations elles-mêmes, et jugeait également les op-
positions mises à cet enregistrements
Nous ignorons le sort de la réclamation confiée au talent
de M° Rabateau, de même qu'il ne nous est pas permis de
connaître le jeu d'intrigues qui donna naissance à l'incident.
Si la nomination de M° Bureau Boucher émanait du Roi en
personne, il y a tout lieu de penser que, pour la défense de
M* J. de Norry, le procureur invoqua la folie de l'infortuné
Charles VI universellement reconnue. L'état, en effet, du
pauvre roi le rendait fatalement le jouet des compétitions
de son entourage, et la salutaire influence du duc de Berry,
tout dévoué à ses intérêts, avait été évidemment surprise.
* X 1 a 4791. fol. 35.
• A. Maury. L'administration française avant la Révolution. Revue des
Deiuc-Mondes \81'i, p. GOl. — V. Aubort. loc. cit.
54 l'hôte de JEANNE d'ARC
Lamentable tableau que cet intérieur royal! un monarque
privé habituellement de la raison, une reine dissolue que
l'ambition devait bientôt conduire à pactiser avec les pires
ennemis du trône, et la mort impitoyable fauchant les reje-
tons de leur dynastie ! Le duc de Guyenne, héritier de la
couronne, s'était éteint prématurément à la suite d'excès de
toutes sortes; le nouveau Dauphin, duc de Touraine, allait le
suivre dans la tombe le 5 avril 1417, à la fleur de sa quinzième
année; et celui qui devait porter dans l'histoire le nom de
Charles VII n'était alors que le comte de Ponthieu, enfant de
treize ans à peine. Ilgrandissaitàlacourangevinédu roi Louis
de Sicile, soustrait ainsi aux pernicieux exemples des siens
par sa future belle-mère la reine Yolande, énergique figure
de dévouement et de loyauté en des temps si troublés.
Les événements allaient se précipiter. Les plus fermes
appuis de la royauté disparus (le duc de Berry emporté par
l'âge, le roi de Sicile par la maladie), nul obstacle ne se
dressait devant les projets funestes du roi d'Angleterre et de
Jean sans Peur. Au moment même où la flotte anglaise dé-
barque pour envahir la France, le duc de Bourgogne entre en
campagne avec six mille écuyers et trente mille archers".
L'heure de la calamité nationale a sonné. Charles VI, tantôt
Armagnac, tantôt Bourguignon, suivant son humeur du
moment, sent toutefois en lui comme un réveil du sentiment
royal. Dans les intervalles de lucidité que lui laisse la maladie,
il a conscience du péril; il cherche autour de lui ceux qui
peuvent lui prêter secours, et en première ligne il s'adresse
à son Parlement. La double invasion, commencée le 1" août
1417, s'achemine de succès en succès.vers la capitale. Dès
le 4, le Parlement reçoit les lettres royales contenant la for-
mule du serment de fidélité dont le maiheuj'eux roi réclame
le renouvellement à « ses justiciers, officiers et subjects » :
lu lendemain même, le serment solennel est prêté par la
• De Beaucourt. Histoire de Charles VU, t. II, p. 24.
A POITIERS 55
Cour entière et les mains se lèvent pour soutenir le trône
ébranlé*.
La composition du Parlement à cette séance mémorable
nous a été transmise par l'histoire. Le premier président
était alors M» R. Maug-er, et ses deux collègues M'' P. Le
Fèvre et J. de Vaily. Adam de Gambray, que nous verrons
plus tard siéger au rang suprême en même temps que Ra-
bateau, était à cette époque membre de la Gliambre des en-
quêtes. Enfin, et c'est là surtout ce qui nous intéresse, Jean
Rabateau lui-même y est mentionné, non plus au nombre
des procureurs, mais parmi les avocats. Il s'était donc élevé
de ce degré depuis l'année précédente, et, dans la sincérité
de son cœur, il jurait à la royauté l'attachement loyal qu'il ne
cessa jamais de lui témoigner.
L'instant était venu pour les vrais serviteurs du pays de
se montrer résolus. A peine Charles VI est-il livré à l'ennemi
du dehors et du dedans que le Dauphin prend le titre de lieu-
tenant-général du royaume, déplace le gouvernement, et
par cet acte d'énergique i.idépendance sauve les destinées
de la patrie. La plupart des grands officiers de son
père le suivent et le soutiennent : le principe monar-
chique traditionnel est sauf ; la lutte suprême s'engage : la
vie nationale est en jeu. Dans cette détresse la tâche du
Dauphin est accablante, car tout est à refaire sinon à créer.
' « Ce joui" furent apportées et présentées à la Cour certaines lettres
royaux ou ordonnances addressans aux connestable, chancellier, à, la dicte
Cour et à tous justiciers et ofliciers, donnés le IV» jour de ce mois,
conienant icelles lettres la forme et teneur du serment sur fidélité et loyauté
que 1« roy voulait et avait ordonné estre faict et renouvelle par ses
dicts justiciiM's, officiers et subjects, lesquelles lettres sont enregistrées en
la dicte Cour au livre des ordonnances, lesquelles lettres furent liies en la
chambre du Parlement, en la présence des présidons et conseillers dudict
Parlement, des enquestes comme des requostes du palais, et aussy en la pré-
sence des notaires, des huissiers, advocats et procureurs de la dicte Cour du
Parlement, lesquels après la lecture des dictes lettres et ordonnances firent
le serment, selon la teneur des dictes lettres, tant présidens comme autres ;
c'est assavoir Me R. Mauger etc.. » (Suit la liste des membres du Parlement).
D. Félibien et Lobineau. Ilisloire de Paris. Preuves et pièces justificatives.
II, p. 5G:;. Paris, Desprez, 1725.
56 l'HÙTE de JEANNE D'ARC
Un de ses premiers soucis est d'assurer « bonne et briefve
expédition de justice' »; le Parlement de Poitiers est ins-
titué par les lettres données à Niort le 21 septembre 1418'.
Dès le 1" décembre il entre en séance, commençant régu-
lièrement « à tenir et exercer la juridiction souveraine, du
royaume^ » Les plus notables magistrats de l'ancienne Cour
du Parlement de Paris le composent, et le président Jean
de Vaily est désigné pour leur chef. Dix-huit années devaient
s'écouler avant le retour dans la capitale, années d'exil labo-
rieux et de patriotiques angoisses ; c'est durant cette période
douloureuse que va se dessiner la haute personnalité de
maître Jean Rabateau.
Tout porte à croire qu'au début il remplit à Poitiers la
fonctiond'avocat, que nous l'avons vu occuper précédemment
à Paris. En tous cas, il ne compte pas encore parmi les dix-
sept magistrats qui furent tout d'abord répartis entre les
différentes chambres du Parlement et dont nous avons la
liste complète*. Peu après sans doute, il fut promu au rang
de conseiller, et, selon toute apparence, lors de la vacance
d'un siège. En 1425, trois ans après la mort de Charles VI,
nous le trouvons en effet avec ce titre dans le document
suivant, qui est la deuxième des seize pièces originales
signées dd lui, et conservées sous son nom au cabinet des
titres de la Bibliothèque nationale :
' Jauvenel, p. 3t)0.
* Il fut bientôt suivi ilu Fudemenl de Toulouse qui créé le 20 mars i420,
fut transporté à Béziers en 1425 et réuni définitiv.'Ui.'nt à celui de Poitiers
le 7 octobre 1428.
» Ordonnances des rois de France, t. x. p. 47'/-80.
* Voici Ic-urs noms : .Jean de Vaily, président : Jean Jouvenel, Guillaume
Toreau, Armand de iMarb', Bureau Bouclier, tous les quatre anciens maîtres
des requètt's du roi ; .Jean Tudert, doyen de Paris ; Guillaume d.' Marie,
doyen de iSenlis ; Guillaume de Launay, arcliidiacre de Meaux ; Guillaume
(iuérin. archidiacre dû Poitiers ; Nicolas Potin, Jean Gentien. Jean Girard,
.\dam de Camliray. llu{,'ues Coiuberel, Tliibaiit de Vitry, Guillaume de Quiel-
deville et Nicolas Kschalart id.- Reaucourt. i, p. 112).
A POITIERS
57
Quittance de cent livres tournois donnée, par Jehan Rabateau a
Henry Blandin, receveur de l'aide mis sur le pays de Poitou.
— (10 juin 1425.)
Saichent tous que je Jehan Rabateau, conseillier du Roy nostre
seigneur, confesse avoir eu et receu de Henry Blandin, receveur de
l'aide de L™ livres tournois mis sus au païs de Poictou au mois de
novembre dernier passé pour la prosécucien de la paix et les autres
affaires du Roy nostredit seigneur et de sa seigneurie, la somme de
cent livres tournois que Messeigneurs l'evesque de Poictiers , le
vicomte de Thouars et le maistre des arbalestriers de France,
commissaires en ceste partie ordonnée par le Roy nostredit sei-
gneur, avoyent et ont ordonné à moy estre paiée et délivrée par
ledit receveur des deniers de sa recepte, sur la somme de XVI™
livres tournois tant du principal d'icellui aide que du pardessus,
distribuée, divisée et départie par mesdits seigneurs, par vertu du
pouvoir à eulx donné par le Roy nostredit seigneur à plusieurs
seigneurs barons et autres pour plusieurs causes. Si comme par un
roole de parchemin donné le huitième jour de décembre dernier
passé, signé et scellé de mesdits seigneurs de Poictiers, Thouars et
maistre des arbalestriers, peut à plain appansoir de ce, soubz mes
seing manuel et signet le XIX'' jour dejuingl'an mil CCCC vingt
et cinq'.
• BibHdtlti-que Xationale.
30b n» 2.
— Caliiiift (les Titres, volume '2411.1, article b4,
58 l'hôte de JEANNE d'ARC
Pour avoir l'intelligence complète de cette pièce et des
quittances analogues qui seront mentionnées au cours de ce
travail, il n'est pas inutile de faire connaître la manière dont
les officiers du Parlement étaient rétribués de leurs services.
La rémunération était d'autant plus nécessaire que la plupart
se trouvaient dans une situation fort précaire. Sans doute,
une exemption générale d'impôts leur était toujours assurée;
ils avaient en outre la ressource des épices ou dons des
parties en cause, pratique abusive, successivement tolérée,
réglementée et abolie' ; mais, en fuyant la capitale, beaucoup
d'entre eux avaient fait le sacrifice de leurs biens et par là
même étaient réduits aune vraie misère. Il est probable que
dans une proportion impossible à déterminer, M'' Rabateau
n'échappa point à la loi commune de l'appauvrissement ;
ceci suffirait àexpliquer le soin minutieux que nous le verrons
apporter plusieurs fois à la réclamation intégrale de ses
gages.
Ce ne fut pas un des problèmes les moins difficiles à ré-
soudre pour Charles VII que de procurer les moyens d'exis-
tence à tous ceux qui soutenaient sa querelle. Vis-à-vis des
seigneurs de son entourage, il recourait à l'abandon des
terres, à la cession des châteaux et châtellenies, en dépit du
préjudice causé à l'étendue, et aux forces du pouvoir royal.
Un instant interrompues par suite des remontrances des
Etats provinciaux ou généraux (comme il arriva notamment
après ceux réunis à Poitiers en octobre 1425), les aliénations
du domaine retrouvèrent prompte faveur, et force était bien
de les laisser s'accomplir sans entrave^ Pour faire face à ses
autres innombrables obligations financières, le Roi usait de
son privilège de frapper monnaie et d'en régler le cours,
puis empruntait aux bonnes villes, aux marchands, aux con-
seillers du Irône les moins éprouvés. C'étaient là les remèdes
habituels à une pénurie qui allait chaque jour en s'aggra-
* De Bcaucourt. II, p. 572-7Ô.
' Cf. do Ueaucourt, II, p. 5G3, t;37.
A POITIERS 59
vant* ; mais un appoint important des recettes royales était
aussi fourni par les a aides » que votaient les Etats, et oii
nous rencontrons le principe du consentement de l'impôt
par le pays.
Ces subsides n'étaient pas de leur nature périodiques : ils
n'étaient accordés qu'au cas de nécessité et sur l'appel du
prince ; en fait, dans le désarroi des finances, une année ne
passait point sans qu'on y eût recours. Aussi les Etats, tant
du Languedoil que du Languedoc, demandèrent-ils à dilte-
rentes reprises que l'impôt ait un caractère régulier, qu'il soit
direct, annuel et payable au terme fixé par avance, en un
mot que « l'aide » sous forme de taille soit substitué aux
a aides' »
Le !"■ novembre 1424, les Etats, réunis à Poitiers depuis
l'avant-veille, avaient voté un million^ « pour la prosécucion
de la paix et les autres affaires du roi nostre dit seigneur et
de sa seigneurie », ainsi qu'il est dit dans le texte ci-dessus
reproduit. Sur cette aide consentie par les provinces du Lan-
guedoil, la part contributive du Poitou* avait été fixée à cin-
quante mille livres que le receveur Henry Blandin était
chargé de percevoir et de consacrer auxdites « affaires »
parmi lesquelles devait bien être rangé le payement des of-
ficiers du Parlement. Suivant le vœu émis dans des assem-
blées précédentes, la répartition de l'aide était faite avec le
concours « d'aucuns prudhommes du pays, en petit nombre,
jurés et élus par ordonnance royale*. » C'est pourquoi nous
voyons figurer dans la pièce en question Hugues de
« Le roi en était arrivé à metti-e en yajje les .joyaux de la couronne. Cf.
Archives du Poitou, II, 298.
' De Beaucourt. II. p. 581.
» id .. p. 083.
* La province du Poitou n'avait cessé de s'imposer, notamment dès 1418,
au moment de l'arrivée duDauphin à Bourges. Kn i4'20,elle votait4'2000 francs;
en 1421, 24000 écus; en 142-2, ÎOOOOO francs; sans compter sa participation aux
subsides accordés par les Ktats du Languedoil réunis à Bourges, puis à SoUes.
Cf. de Beaucourt. I. p. 357. II. p. 631.
» Id. I. p. 363,
60 l'hôte de JEANNE D ARC
Combarel, évêqae de Poitiers et membre du Parlement, Louis
d'Amboise. vicomte de Tliouars, et le grand-maître des arba-
létriers, Jean de Torsay' « commissaires en cette partie or-
donnée par le Roy » ayant, en ce qui les concerne, à répartir
seize mille livres tournois de l'aide entre « plusieurs seigneurs
barons et autres pour plusieurs causes. » La somme de cent
livres qui revenait à Jean Rabateau lui fut donc allouée régu-
lièrement par eux le 8 décembre 1424, et, le 19 juin suivant,
elle lui était remise par Henry Blandin qui en recevait quit-
tance. J'ai pensé que cette somme était due au conseiller à
raison de sa fonction, mais rien ne le prouve absolument :
elle peut aussi bien lui avoir été versée en récompense d'un
service quelconque ou à litre de pure libéralité royale, fait
qui n'était pas rare.
Le document que je viens d'analyser est le seul qui se ren-
contre sur notre personnage durant « les longues années, dit
Blanchard, où il fit la charge de conseiller on la Cour de
Parlement séante à Poitiers «Jusqu'au moment où « il fut ho-
noré de celle d'advocat général criminel, le vingt-deuxième
jour d'aoust mil quatre cens vingt-sept, au lieu et place de
maislre Guillaume le Tur » appelée l'office de président\
Depuis 1418 Rabateau, dans l'accomplissement de ses devoirs
de magistrat, avait connu les difficultés quotidiennes où la
justice pouvait à peine se frayer passage; il avait pris part
sans nul doute aux différentes réunions des Etats, spécia-
lement à celles qui s'étaient tenues près du Parlement ; il
avait vu, au milieu môme du malheur public, se nouer
des intrigues diverses, naître les disputes d'influence, et il
assistait alors à l'élévation du favori La Trémoïlle écartant
le connétable de Richemonl. Personnellement il n'était pas
• Il allait avoir hicntM pour successeur Jean Malet, sire de Graville. — P.
Anselme. JJixloire géncalogi<jue, t. VIII. p. 87. — Pièces originales. 642 :
Chabot.
» « Ce jour, en vertu des lettres royaux, maistre Jean Rabatteau a esté
receu aJvocatdu Roy au lieu de maistre Guillaume le Tur » (Hibl. Nationale.
l-'onUs français n«2l,3o:. Parlement de Poitiers.)
A POITIKRS 61
encore parvenu au point culminant de sa carrière ; mais
avant de l'atteindre^ il allait traverser la plus glorieuse phase
de sa vie.
II.
Ce fut au commencement de mars 1429 que la simple fille
des champs appelée par Dieu au relèvement de la patrie
entra dans Poitiers et reçut à la maison de la Rose l'hospi-
talité de M" Jean Ra bateau. Elle venait de^araître à Ghinon
où, après avoir reconnu Charles VII dans la foule de ses
seigneurs, elle avait déterminé sa conviction en pénétrant
son royal secret'. La cour du prince, surprise par l'étrangeté
de rave"hture, était plus hésitante ; aussi bien^ dans le but de
dissiperions les doutes, l'examen de la mission de Jeanne
avait-il été résolu. Pour y procéder, la ville parlementaire,
capitale du pauvre royaume, se trouvait indiquée : la Pucelle
ne doutait pas qu'elle y eut « fort affaire », mais elle comp-
tait sur l'aide du ciel et elle y allait « de par Dieu'. »
Arrivé à ce point de mon étude, je n'ai garde d'oublier que
ce serait sortir de son vrai cadre si j'y relatais les documents,
d'ailleurs connus, sur le séjour de l'héroïne dans la vieille
ville. Les recherches que d'autres ont poursuivies à ce sujet
ne trouvent point ici leur place'' : au demeurant, rien ne
saurait s'ajouter à la gloire de Jeanne d'Arc, et je n'ai que le
seul souci d'en projeter un rayon sur le personnage dont
j'essaye de reconstituer l'histoire.
Et d'abord une question vient naturellement à l'esprit.
* « Je te dis de la part de Messire, que tu es vray héritier de Franco et fils
du roi ». — Cf : tous les historiens de Jeanne d'Arc.
* « En nom Dieu, je scay que je y auray bien h faire, mais Messire me ay-
dera » (Cousinot, Chronique de la Pucelle, p 27.").
' Lire en particulier le récit attachant et nouvellement paru de M. B.
Ledain : Jeanne d'Arc à Poitiers. Revue poitevine et saintongeoise, n» du
15 mari 1891.
62 l'hôte de jeanne d'arc
Comment iM" Rabalcau l'ut-il appelé entre tous à recevoir la
Pucelle sous son toit? Il ne manquait pas de grands seigneurs
parmi les conseillers de Charles VII auxquels ce rôle pouvait
être dévolu. Lui-même, nous le savons, tint à accompagner
l'humble bergère qui promettait la délivrance du pays' : il eût
pu la loger près de lui et môme en son château royal ; mais
en la tenant à l'écart durant le temps que les examens se
poursuivirent, il semble précisément avoir cherché à ne rien
enlever de leur indépendance et de leur sincérité. Le Par-
lement du moins ne comptait-il pas dans son sein nombre de
membres que leur situation plus haute et leur notoriété plus
grande désignaient mieux que l'avocat général criminel,
à l'honneur d'accueillir celle qui déjà était la confidente du
Roi?. Comment donc expliquer un tel choix, car on ne
saurait mettre en doute qu'ayant suivi Jeanne à Poitiers,
Charles Vil ne se soitenquis de lui assigner sa demeure?
Je trouve la réponse à la question dans cette phrase d'une
simplicité si éloquente de la Chronique de la Pucelle :
a Elle l'ut amenée en la cité de Poitiers et logée en l'hostel
d'un nommé maistre Jean Rabateau qui avait espousé une
bonne femme, auquel on la bailla en garde. »
Il s'agissait donc en premier lieu de protéger l'apparente
faiblesse de la jeune fille. Sa situation délicate réclamait
des égards particuliers; près d'elle il fallait placer une
personne qui lui assurât tous les respects, et les convenances
demandaient que cette personne fût une femme. La vertu et
l'éminentc piété (\m ornaient l'épouse de Jean Rabateau
rélevèrent à ce poste tout de confiance et de tact. Charles VII
ne fit sans doute en cela que ratifier l'opinion générale,
et la qualification touchante que reçoit dans la chronique
la dame Rabateau dit assez de quelle considération elle
jouissait en son temps.
On pourrait aussi fournir du séjour de Jeanne chez l'avocat
* Dépositions de Gobert Thibault et du Jean d'Aulou. (Quicherat. Procès.
t. III. p. 7J et 209). — Cousinot, p. 275 et '^80.
A POITIERS 63
général criminel une explication d'an genre, différent : je ne
fais que l'indiquer sans y attacher plus d'importance ; elle
n'a en elle-même rien de contradictoire avec la précédente
et serait plutôt de nature à la corroborer. Dans un intéres-
sant travail sur le Parlement royal à Poitiers, M. D. Neuville
nous apprend que ledit Parlement se servait volontiers de
« personnes honorables » non seulement pour garder ses
prisonniers, mais encore pour loger ses témoins ou séquestrer
certaines gens*. « Lorsque l'hôte judiciaire, ajoute-t-il,
devait être l'objet d'une surveillance minutieuse, de soins
délicats, on lui choisissait l'hôtel d'un conseiller ou d'un autre
officier. «L'auteur en cite alors plusieurs exemples et observe
en outre que « bien entendu les gens auxquels on envoyait
ainsi des hôtes judiciaires étaient payés de leurs frais. »
Il ne me paraît pas impossible que Jeanne ait été reçue
à ce titre chez M' Rabaleau. Conduite à Poitiers pour
être soumise à l'examen le plus circonstancié de la part
des membres du Parlement, sans parler des théologiens
et des matrones, elle présentait en réalité toutes les condi-
tions de l'hôte judiciaire. Suivant les termes cités plus haut
elle devait exactement être « l'objet d'une surveillance mi-
nutieuse aussi bien que de soins délicats » et rien par consé-
quent n'indique qu'on ait abandonné en sa faveur un usage
établi. Mais il ne reste pas moins très vraisemblable qu'au
moment où sa résidence allaitêtre fixée, Charles Vil en per-
sonne ait voulu l'entourer de toutes les garanties désirables.
En tous cas, il demeure certain que le choix pouvant s'exercer
entre les ditférents hôtels parlementaires de la ville, celui de
Jean Rabateau fut spécialement préféré en raison de la
femme de bien qui était sa compagne et allait devenir, durant
trois semaines d'épreuves, l'ange tutélaire de laPucelle.
Ce motif en quelque sorte de sauvegarde est d'autant plus
plausible qu'il n'est pas isolé dans fhistoire de Jeanne d'Arc.
Il semble au contraire que ce fut de sa part, ou de celle de ses
' D. Neuville. Le Parlement royal à Poitiers. Revue historique, t. VI, p. 18.
Q4 l'hùte de .ikanne d'arc
compagnons qui y veillaient, une habitude et comme un parti
pris, en arrivant dans chaque ville, de ne prendre gîte que
dans la maison où elle était assurée de rencontrer une femme
d'une vertu éprouvée et indiscutable. A Chinon déjà, avant sa
comparution devant le Roi, elle était descendue « chieux une
bonne femme » dans une humble hôtellerie près du château*.
A Orléans, elle sera reçue au grand hôtel de la Porte-Renart
ou hôtel de l'Annonciade' par Jacques Boucher, trésorier du
duc d'Orléans, époux d'une femme de sainte réputation'.
Plus tard, deux mois après le sacre de Charles VII à Reims,
lorsqu'elle reviendra à Bourges, elle sera hébergée par la de-
moiselle Marguerite LaTouroulde, dont la déposition au
procès de réhabilitation est pleine de captivants détails*.
Chose singulière, l'histoire, qui a gardé des vertus de
l'épouse de Jeau Rabaleau un si fîdôle souvenir, n'a point con-
servé trace certaine de son nom. Ne croirait-on pas qu'a-
joutant à tous ses mérites celui d'une réserve sans doute
excessive, la pieuse femme ait voulu rester dans l'ombre
aux yeux de la postérité ? Les archives du château de Blain
possédaient un document qui semblerait au premier abord
devoir être d'un précieux secours pour nos recherches. C'est
une transaction passée à la date du 28 septembre 1451 « entre
noble et puissant l'Archevêque, seigneur de Soubise, et mes-
sire Thomas de Vivonne, sieur de Marigné, à cause de leurs
femmes, fiUes et uniques héritières de feu noble et puissant
Jean Ra bateau, sieur de la Caillerie (ou Caillère) et d'Ausance,
conseiller du Roy et président en sa Cour de Parlement »
» Qiiich.irat. Procès, t. i, p. 50 et U:). —Cf. G. de Cougny. Charles VII et
Jeanne d' Arc à Chinon, 1879, iii-S». — «le Beaucourt. t ii, p. 206. D'après ce
ilernier, c'est par erreur que M. Vallet de Viriville (Histoire de Charles VII,
t. II, p. ;«6) la fait loger dans la tour du Couidray avant d'avoir été reçue
par le Koi ; erreur reproduite avec extension dans un opuscule récent :
Jeanne d'Arc à Poitiers, par l'abbé Donizeau, p. 15, Oudin, 1891.
* Li^o Taxil ot Paul Fescli. Le martyre de Jeanne d'Arc, p. 19l.Letou7.ey,
1890.
» Quicherat, t. m, p. 34,
* J. Fabre. Nouveaux détails sur le procès de réhabilitation de Jeanne
d'Arr, 1888, t. i, p. 200.
A POITIERS 65
d'une part, « et noble damoiselle Anne de Châleaubrient,
veuve d'icelui feu président » d'autre part. Cette pièce au-
thentique, mentionnée en outre par dom Vilievielle*, ne nous
permet pas de douter qu'Anne de Ghâteaubrient ne fut vrai-
ment femme de Rabateau. Mais est-elle bien la même que
l'hôtesse de Jeanne d'Arc à Poitiers?
La raison d'hésiter vient de ce que dans l'un de ses remar-
quables travaux. Benjamin Fillon donne à l'épouse de notre
personnage le nom de Jeanne Pidalet'. Nulle part ailleurs,
il est vrai, je n'ai pu relever pareille indication ; j'ajoute aussi
que l'érudit auteur estime que cette femme, son mari étant
mort, parut au procès de réhabilitation de la Pucelle et « y
donna les plus grands détails. » Ce dernier point me
semble loin d'être prouvé; du moins, aucun des ouvrages si
complets et si nombreux sur le sujet n'y fait même la plus
plus légère allusion. Au cas où la femme de Rabateau aurait
alors existé ou pu figurer au procès, elle n'eût assurément
pas manqué d'y être appelée, et son témoignage était d'un
trop grand poids pour que les historiens et chroniqueurs
l'aient négligé. S'il m'était permis d'exprimer toute ma pen-
sée en pareille matière, je dirais qu'une confusion très expli-
cable a pu s'opérer dans les souvenirs de l'auteur, et que
peut-être il attribue à la compagne de Rabateau la déposition
pleine d'intérêt, et certainement détaillée, qui émana de
Charlotte Boucher, femme Guillaume Havet, fille de Jacques
Boucher, l'hôte de Jeanne d'Arc à Orléans, rappelant elle-
même ce qu'elle tenait de la bouche de sa mère'.
Mais cette controverse mise à part, je reviens à la pre-
mière assertion du savant archéologue, et du moment que
sur une question historique de telle importance, il avance un
nom qu'aucun autre, à ma connaissance, n'a prononcé, je
* Dom Villevielle. Trésor généalogique. Paris, Champion t. ii, p. 121. Les
deux premiers volumes seulement sont imprimés à l'heure actuelle.
* B. Fillon. Compte-rendu du congrès archéologique de Fontenay, 1864.
* Quicherat, t, m. p. 34.
ToMb; IV. — Janvier, Février, Mars 1891. 5
66 l'HOTE DK .IKANNK d'aRC
reste convaincu qu'il la puisé à une source absolument
véricli(iue, bien qu'elle demeure cachée. J'en suis d'autant
plus impressionné que ce nom se trouve lié aux premières
origines du Parlement de Poitiers. Dès le i''^ décembre 1418,
en etîet, le Dauphin confiait la charge de procureur général
à Benoît Pidalet , qui entra presqu'immédiatement en
fonctions, comme le prouve une quittance du 14 janvier
1410'. Il ne les conserva pas longtemps, car au commen-
cement du règne, le 18 août 1423, il était remplacé par Pierre
Cousinot qui, lui au contraire, ne les abandonna qu'en 1438
pour celles de président au Parlement de Paris'. Benoît
Pidalet était évidemment le parent de cette Jeanne dont
parle M. Fillon ; j'incline même à penser qu'il était son
père. L'avocat général aurait ainsi contracté un mariage de
haute convenance et favorisé sa carrière, en épousant,
comme nous dirions dans le langage moderne, la fille de
son chef de service. Ce serait lui faire injure si nous n'ad-
mettions pas qu'il fut séduit en môme temps chez sa com_
pagne par les qualités qui allaient la faire briller au meilleur
rang des femmes de la cité, et trouver à bref délai leur
épanouissement lors de la réception de la Pucelle. 11 ne
tarda pas sans doute à perdre cette femme vertueuse qui
mourut sans lui laisser d'enfants. Dans l'espoir de s'assurer
une descendance, il se serait alors remarié avec Anne de
Ghâleaubriant, et même à une date très rapprochée, car il ne
faut pas oublier que les deux filles issues de cette union
étaient déjà établies en 1451. Je ne crois pas qu'on puisse
autrement concilier les pièces que j'ai mises en présence :
l'explication en est peut-être osée, mais c'est la seule qui
permette de tenir compte de l'une et de l'autre.
(A suivre). Henri Daniel-Lacombe.
' Clairambault, S5, p. 6717.
■^ De Beaucourt, II, p. h'il.
LA VENDÉE A TRAVERS LES LÉGENDES
SAINT MÀKTIN ET SAiNT-NICOLÂS M BKKM
Saint-Martin et Saint-Nicolas de Brem : deux communes
en une seule paroisse ; deux sœurs non rivales, mais
un peu jalouses! La première, remplie d'espoir, grandit
sans cesse, élève de nouvelles demeures et regarde, avec
une pitié teintée d'envie, sa pauvre voisine qu'elle est obligée
de traiter de sœur aînée
Cette dernière, la plus petite commune du département
\^144 hectares, 131 âmes), s'en va déclinant. Elle a vu morceler
toutes ses métairies, diminuer ses ressources, Saint-Martin
se détacher d'elle ; cependant ses habitants, malgré la tris-
tesse du présent et de l'avenir, n'en affectent pas moins
une certaine supériorité sur ceux de Saint-Martin. Va-
guement ils.se souviennent d'un passé brillanf, attesté
par des ruines pittoresques ; ils montrent orgueilleuse-
r-S LA VENDÉE A TRAVERS LES LÉGENDES
ment, sur la rive droite du ruisseau le Gournail ou
Brandeau, des débris ensevelis sous les sables de la côle.
C'est Brem. leur antique berceau. Un tumulus colossal, près
de leur église, s'appelle, soit le château, parce qu'il fut sans
doute transformé au Moyen âge en butte féodale, soit le
tombeau du Grand Brenn, à côté duqu'-l se trouve - appa-
rence de minuscule tumulus — le toi^Tbeau du Petit Brenn.
D'où, dit-on, la désignation de Brem pour la commune.
Des savants cherchent ailleurs l'étymologie. N'a-t-on pas
dans le grec, bremein, et dans le vieux français, bramer,
(rugir, crier). Jadis, la mer, s'engoufîrant dans l'étroit goulet
occupé par le lit du Gournail et aujourd'hui ensablé, venait
ruqir contre les rochers de la bourgade gauloise. D'autres
savants soutiennent que « Brem » dérive du sanscrit Brani^.)
M terre fertile en blé ». D'autres encore.. . Mais cela suffit
pour les profanes de mon genre. Car, en dépit d'une con-
fiance, d'une admiration sans bornes pour les sciences en
général et la science étymologique en particulier, je crains
que le désir de tout expliquer ne fasse parfois errer les plus
érudits.
Je connais un journalier du nom de Merlet et haut de près
de six pieds. On l'appelle Saquet, sa femme est Saquette,
ses enfants sont les petits Saquels. Si jamais mon Merlet
passe à l'état de grand homme — hypothèse peu probable,
il se contente d'être un homme grand — et si la postérité
recherchait la racine du surnom, certes il se produirait cin-
quante explications meilleures les unes, meilleures les
autres ; la vraie, seule, resterait dans l'ombre. Qui s'avise-
rait en etfet que Merlet, non, Saquet, s'éLant trouvé pendant
la guerre de 1870 au Moulin-Saquet, près Paris, avait pris
'habitude, de retour chez lui, où nepleuvaient paslesobus,de
s'écrier souvent « On est mieux ici qu'au Moulin-Saquet ».
De là le sobriquet.
Pour moi, pardon de l'hérésie, c'est un peu l'histoire de
toutes les élymologies.
LA VE.VDÉK A TRAVERS LES LÉGENDES 69
» ♦
Le bourg- de Saint-Nicolas est situé à un kilomètre et demi
de l'Océan, dans un site abrupte, sauvage, digne du pinceau
d'un maître. Son église — XI" et XIP siècles — en partie
ruinée, présente une très remarquable façade en plein cintre,
une abside, des absidioles et un escalier à vis, maintenant
muré ; le tout sur des fondements mérovingiens, peut-être
même romains.
Une dalle du pavage intérieur jouit d'un heureux privilège :
celui de faire marier richement dans l'année les personnes
méritantes qui posent le pied dessus. Des exemples récents
confirment la véracité de la tradition. Par malheur, la dalle
merveilleuse est inconnue, ce qui force les amateurs à passer
sur tous les pavés.
Un prieuré, dont il ne subsiste que d'insignifiants vestiges,
attenait à l'église et relevait du monastère de Marmoutier de
Tours. A côté, se voit une ancienne maison noble, La Court, ,
objet de bien des récits, difficiles à relater dans ces pages.
Le tumulus, baigné par le Gournail, et au pied duquel
saint Martin aurait creusé un port, montre quelques pans
de murs datant de la féodalité. Il a 22 mètres de hauteur,
170 mètres de circonférence moyenne, et est sillonné, croit-
on, de souterrains renfermant un trésor immense sous la
garde d'un chien redoutable. En tous cas, les touristes auront
plus à se méfier de la population reptilienne gitée sur la
butte que du gardien infernal, bien que la contrée soit fré-
quemment honorée de visites diaboliques dont la plus célèbre
date du siècle dernier. Lors d'un bal, déguisé en galant cava-
lire, messire Satanas enleva, preuve de son bon goût, une
jolie fille du village, sa danseuse. Ne lui en voulons pas trop,
la tentation était forte même pour le démon !
A peu de distance du tumulus, sur le territoire de Bréti-
7j la vkndkk a travers lks légendes
î^nolles, se découpe, dans la direction de la mer, un dolmen,
la Pierre du Diable ou desSoubises. La table, inclinée sur un
de ses supports, vire aux sonneries du clocher de Saint-
Nicolas. L'abbé Baudry (antiquités celtiques) remarque ma-
lig-nemenl que Téglise ne possède pas de cloche Pure
calomnie, Saint-Nicolas en a une qui vaut bien, ma foi, une
clochette de taille raisonnable.
On jouit, à cet endroit, d'une vue splendide sur la mer, les
[îlaiiips de BrétignoUes et d'Olonne, sur la vallée dénudée du
Gournail et sur Saint-Nicolas qui, grâce à un singulier effet
d'optique, prend l'aspect d'un vaste bourg. Les maisons et
l'église de Saint-Martin quoique à 1 kilomètre de distance, pa-
raissent se rapprocher et sesuperposent avec celles de Saint-
Nicolas, de manière à donner l'illusion d'une petite ville.
De son côté, Saint-Martin, sur les hauteurs qui dominent
les marais du havre de la Gâchère, possède au lieu dit la
Vigie, — ruine d'un télégraphe aérien, — un panorama des
plus étendus. Le bourg de Saint-Martin se montre seul, et
Saint-Nicolas semble se dissimuler dans son vallon. Sur un
rayon de plus de vingt-cinq kilomètres, la côte se déroule
nellementle long de l'infinie nappe marine, et les premiers
coteaux boisés du Bocage marquent l'horizon terrestre.
L'église de Saint-Martin n'offre aucun intérêt. Son chœur,
d'une date reculée^, était, au temps où la mer couvrait les
marais de la Gâchère, une chapelle de pèlerinage. Aux alen-
tours, quelques tombes, une croix de Malte récemment encas-
trée dans un monument au Père de Montfort, et deux autres
monuments religieux modernes, en granit, sur le territoire
dp la commune, méritent un coup-d'œil.
Le passé ne se signale que par des maisons nobles, aujour-
d'hui des fermes, la Mnlnièr(\ la l^lanronnière, etc., et par
lA VENDÉE A ThAVERS LES LÉGENDES 71
un menhir, celui de la Crulière. Monstrueux caillou blanc de
2'"fi0 de haut sur 2">50 de large, cette pierre « qui n'a pas tou-
joursétélà » estqualifîéed'aérolitheparcertainsarchéologues.
A noter, deux jolies versions sur sa présence dans le pré de
la Crulière.
Une vache et son jeune gardien, qui, dans un accès de
colère, s'était donné au diable, lui et sa bête, furent écrasés
sous ce bloc tombé de la main du prince des ténèbres.
Satan, ayant parié de jeter entre le continent et l'île d'Yeu
un pont gigantesque, avant le chant du coq^, réquisitionna
tous ses sujets. Par précaution, afin d'avoir plus de temps
à lui, il enivra le chantre du matin. Mais sa ruse produisit
un effet inattendu : mis en gaîté par le vin, le coq se réveilla
au milieu de la nuit, et, sans souci des heures, commença à
chanter gaillardement. Les diablotins surpris abandonnèrent
les pierres qu'ils apportaient, et ce fut ainsi que la contrée
se trouva jonchée des pierres du Diable, de la Crulière et
autres.
La croyance au merveilleux, à la sorcellerie, est très vi-
vace et très répandue dans le pays, encore que les habitants
l'avouent difficilement.
La Fontaine des Grolles (corbeaux), petit creux de rochers,
ferait disparaître du jour au lendemain, les pierres lancées
dans son eau pure et intarissable.
On se montre à la dérobée des sorciers, gens ayant la
faculté de se transformer en quenots (petits ânes), pour le
ttjurment des chrétiens. Aussi un quenot est-il, la nuit, un
objet de frayeur.
Ne sait-on pas que dans ces derniers temps, un honnête
métayer, revenant sur le tard de la foire de la Mothe, fut
escorté tout à coup par un quenot. En vain, il essaya de
dépister l'animal en entrant dans diverses métairies, le
quenot obstiné le rattrapait toujours. Ayant oublié sa veste
dans une de ses stations, l'inquiétude du m^/«<.s devint de
l'affolement, lorsque le quenot lui cria d'une voix terrible :
Qu'as-tu fait de la veste ?
72 LA VKNDKP: a TIUVKRS les LÉr.KNDES
De mystérieuses lumières se montrent parfois près de la
métairie de la Nisandière.
— Quand je vis, un soir, me raconta un brave homme, une
chandelle surgir brusquement et me suivre, vous savez, à
partir du gros chêne-vert, non je n'ai pas eu paow\ mais j'ai
senti quelque chose me passer dans le dos. Je n'ai pas eu
paour, jepuis le jurer, mais dam, mes cheveux s'étaient
dressés roides sur ma tête, et j'ai galopé vivement à la
maison où j'ai pris le lit pour quinze jours.
A cette même Nisandière se rattache le souvenir d'une
bizarre aventure qui a, comme les précédents récits, son
côté moral.
Nous avons vu la vertu récompensée par le singulier pri-
vilège du dallage de Saint-Nicolas ; la colère et la mauvaise
foi punies à propos du menhir de la Criilière et des pierres
druidiques ; les inconvénients de la danse et ceux des foires
nous ont été démontrés ; nous allons constater maintenant
les dangers des prévpils.
Des paroissiens munis de tels enseignements, doivent être
bien proches de la perfection ! Heureux le curé de Brem !
A l'occasion d'un préveil, une nombreuse réunion avait lieu
à la Nisandière ; elle terminait dignement une fête bien
commencée
Ce qui se dit et se fit en cette veillée mémorable, pointue
vous le narrerai, et pour deux raisons. D'abord, je -l'ignore.
Ensuite je vous avouerai que, n'ayant pas hérité de la plume
de Waller Scott, ma description serait pâle, très pâle. Mieux
vaut donc laisser l'imagination d'un chacun travailler à sa
fantaisie et calculer combitui de galettes et de bouteilles ont
péri en cette soirée vendéenne.
Je sais seulement que ce « pas trop fin » de Jean-Désiré —
les bons camarades vous gratifient volontiers d'un qualificatif.
LA VENDÉE A TRAVERS LES LÉGENDES 73
et Jean ne manquait pas de bons camarades — se penchait
souvent vers la fille de la maison, accotée à l'angle du foyer.
La gentille enfant n'avait point trop l'air de le décourager,
et les parents souriaient au manège des jeunes gens.
Quelques gars, vexés de la préférence accordée à Jean —
un grain de jalousie ne messied pas. même sous le chaume —
se rappelèrent fort à propos avoir gagné à Valuette, au pauvre
amoureux, trois bouteilles de vin nouveau.
Les dettes de jeu sont sacrées. Malgré son déplaisir évident
l'infortuné s'exécuta, et courut au bourg deVairé.peu éloigné
de la Nisandière, chercher le premier jus des dernières ven-
danges.
A son retour, au passage d'un échalier, il rencontra une
personne qu'il connaissait bien, et ne sut résister au plaisir
d'un brin de causette.
C^étaitun tort assurément. Mais, qui n'eut pas agi de même?
Dans la vie, les plus sérieux, les plus rigoristes n'ont-ils ja-
mais heurté sur leur chemin un souvenir d'antan ? Passent-
ils sans s'arrêter? Non. Durant l'espace d'un instant, ils re-
vivent leurs jeunes années, ils se bercent des joies disparues,
et ensuite, bientôt du reste, désillusionnés, ils reprennent
leur route.
Ne vous étonnez donc pas que Jean, en revoyant brusque-
ment une ancienne amie — ils avaient métivé ensemble — se
soit laissé reprendre dans les filets du passé, et que la voix
des premières amours ait résonné doucement à son cœur !
En causant, les jeunes gens arrivèrent au lieu dit la Croix-
Blanche. Déjà, à celte époque, des décombres informes mar-
quaient seuls son emplacement.
Un feu éclairait de lueurs rougeàtres et intermittentes la
scène la plus étrange. Des hommes de tout âge, dos femmes
échevelées, demi-nues, des mendiantes, des mendiani s dégue-
nillés échappés au crayon de Gallot, donnaient la main à des
monstres hideux, sans nom. Cette foule affreuse lancée dans
une ronde enragée, tournait aux accents d'une méinppéc bi-
74 LA VIM»KE A TRAVERS Lf-S LÉGENDES
zarre, enserrant de ses anneaux le monticule de pierres sur
lequel se profilait la silhouette fantastique et immobile d'un
bouc aux yeux verdâtres ironiques. Par moments, les possé-,
dés s'arrêtaient, des verres pleins d'un liquide brûlant circu-
laient on ne sait comment, et les rangs, un instant rompus,
se reliaient et repartaient plus frénétiques à travers les ge-
nêts et les bruyères.
D'abord effrayé, Jean rassuré par son amie, s'enhar-
dit jusqu'à prendre place avec elle dans la ronde, après avoir
déposé soigneusement ses bouteilles derrière une haie.
Tout à coup, au plus fort des danses, une voix s'élève
criant « Où allons-nous ? ». « A cent lieues d'ici », répond
une autre voix, et un tourbillon irrésisiible enlève la ronde,
la dépose, toujours tournoyant, dans un cimetière où —
horreur 1 — les tombes entr'ouvertes livrent passage à de
sinistres fantômes aux ricanements funèbres, qui se glissent,
ombres légères, parmi les nouveaux arrivés.
Jean, glacé d'épouvante, essaie de fuir, de rompre le cercle.
C'est en vain. Ses compagnons l'entraînent avec une rapi-
dité insensée. Lps voilà dans une sombre forêt de sapins
gigantesques, au milieu d'une neige épaisse. Un profond
sillon est bientôt creusé dans le blanc linceul de la nature,
et la demande « Où allons-nous » réveille les silencieux échos
des bois Cette fois, Jean, stylé par son amie qui a eu pitié
de son mortel elfroi, répond vivement « Tournons bride ».
Un éclair, zébrant l'espace, illumine la ronde infernale qui se
retrouve inatantanémentà la Croix-Blanche. Le bouc aux yeux
fixes disparaît dans une gerbe d'étincelles, le feu s'éteint, et
Jean, étourdi, n'aperçoit plus dans l'obscurité de la nuit,
qu'une troupe de quenots fuyant dans tous les sens, à travers
les haies.
Machinalement, le jeune gars reprit le vin, cause de son
excentrique voyage, et se dirigea vers la Nisandière, une,
bouteille sous chaque bras et la troisième dans son Jabot .
Souillé de boue, se soutenant à peine, pâle, hâve, une branche
LA VENDÉE A TRAVERS LES LÉGENDES 75
d'épicéa de la forêt magique passée à son chapeau, Jean
arriva devant la porte de la métairie au lever du soleil.
Quel accueil ! A la clarté des premiers rayons de l'astre
du jour perçant les brumes matinales, une rangée mena-
çante de poings fermés se dressa formidable. Aucun ne
manquait, depuis les vastes battoirs du grand-père en passant
parles rudes mains du père, de la mère, des fils jusqu'au
poing mignon de la fille.
A cette vue, Jean détala rapidement, poursuivi;, au milieu
dos huées, par les chiens de la métairie. Abasourdi, hors
d'haleine, il se réfugia chez lui, et tombant harassé sur un
escabeau, essaya de rassembler ses idées.
Jugeant la situation à coup sûr déplorable, il voulut puiser
des forces et des cohsolations dans ses chères bouteilles.
Elles étaient vides ! Succombant sous ce dernier malheur, il
s'endormit la tête sur la table.
Avec le sommeil, le repos ne vint pas. En songe, un abîme
insondable s'ouvrit sous lui. Une angoisse poignante étrei-
gnait sa poitrine. Vainement, il s'efforçait de se retenir, il
glissait, tombait dans le gouffre vertigineux, et le vide béant
qui l'aspiraitinexorablement, se creusait, de plus en plus noir,
de plus en plus attirant. Et dans cette chute effroyable, chute
sans fin, tourbillonnaient, bandes hurlantes et forcenées, les
danseurs de la ronde infernale, les blafards fantômes de la
nuit, le bouc aux yeux luisants, la branche de sapin « du pays
des rameaux. » Et de leurs spirales immenses, pareilles aux
volées de grolles de sinistre augure, qui t'enveloppaient de
replis mouvants, il entendait bruire à ses oreilles : — Tu as
pris part au sabbat, roule, roule dans le vide éternel, roule
pour l'éternité !
Jeunes gens, fuyez les préveils du diable !
G. Henri Colins.
CHARTES
CONCERNANT LA FONDATION
DE
NOTRE-DAME LA BLANCHE
A NO IRMOUTIER
(Suite').
Donation faite a l'abbaye de l'Isle Dieu par Jean Cathus,
CHEVALIER, ET OlIVE SA FEMME , DES FIEFS DE SaINT-
HyLAIRE, DE LA BeGONNE ET DE DIVERSES RENTES (12351.
UNivERSis Christi fideli-
bus presentem cartu-
lam inspecturis, A., liu-
milis vicarius Asianen-
sis. salutem in Domino.
Noveritis quod .Tohannes Ca-
thuis, miles, in [mea] presencia
constitutus, dédit et concessit
in perpetuum Dec et abbacie
Insule Del, pro saluto anime
A TOUS les fidèleschrétiens
qui liront cette charte,
A., humble vicaire d'Ai-
zenay, salut en Notre-
Seigneur.
Sachez que .lean Cathuis' ,
chevalier, s'étant présenté de-
vant moi, donna et concéda à
perpétuité à Dieu et à l'abbaye
de risle-Dieu, pour le salut de
• Voir la livraison de septembre 1890.
' Le titre porte Cathus et le texte Cathuis. Les Cathus ont laissé leur nom
dans le Bas-Poitou à plusieurs maisons nobles, la Cathusière, le Rois-Cathus
les Gran|j:es-rathus. Au XV"" siècle, une maison de la grand'rue de Noirmou-
tier leur appartenait. Ils ont fourni un sénéchal de la Garnache, en H85,
et un des écuyers du combat des Trente. Jean Cathus. sieur des Granges, fut
capitiine du château de Talmont sous François l^r. Us portaient de gueules
au chut on léopard d'or, acompagné d'étoiles de m>''me sans nombre.
CHARTES DE NOTRE-DAME LA BLANCHE A NO BMOUTIFÎR 77
sue et animarum patris et ma-
tris sue, et omnium parentum
et amicorum suorum, tam vi-
vorum quam mortuorum, ter-
ciampartemiurisfeodalis,quam
habebat in quartio vinee quam
Stephanus Maunier, et filia
sua tenent, juxta basllicam
sancti Hylarii sitam ; necnon et
terciam partem quarterii vinee
quam tenet familia Willelmi
Dayn, m feodo de la Begone ;
s[....] decimam et terragium
terre que est ad Spinam, de
feodo dicti Johannis Cathuis.
Necnon et duos solidos super
plantam que fuit defuncti Fer-
rechatjuxta domum ej usdem de-
functi sitam; superterram quam
tenet Badaon, juxta praedictam
plantam, VIll'i ; superterram Pu-
tei, quam tenet Maschereau, IIP
IIII''; super domum DalidenlP;
super domum et areolumWille-
miAtlionetet Willelmi Hymbert,
XV''; super herberiagium. Johan-
nis Goreden, X''; super domum
quamfueratPetriMassent,quam
tenetWillelmusVellet,XII^ su-
per ortum Juliani, VIII'' , super
domum et ortum Marcelli Ri-
vere IIII'' ; super vineam Wll-
son âme, de ses père et mère,
de tous ses parents et de ses
amis, tant vivants que morts,
la tierce partie du droit féodal
qu'il avait dans le quart d'une
vigne dont Etienne Maunier
et sa fllle jouissent près de la
chapelle de Saint-Hilaire*, et
la tierce partie d'un autre droit
de quart dans la vigne dont
jouit Guillaume Dayn,auflefde
la Bégone'; la. . . dîme et le ter-
rage de la terre qui est à l'E-
pine dans le fief dit de Jean
Cathuis. Et aussi 2 sous sur le
plantis qui fut à feu Ferrechat,
auprès de sa maison -, 8 deniers
sur la terre dont jouit Badaon,
près dudit plantis ; 3 sous 4 de-
niers sur la pièce du Puits dont
jouit Maschereau ; 2 sous sur la
maison Daliden ; 15 deniers sur
la maison et l'aire de Guillaume
Athonet et de Guillaume Imbert:
10 deniers surl'herbergementde
Jean Goreden ; 12 deniers sur la
maison qui fut à Pierre Massent^
et dont jouit Guillaume Vellet;
8 deniers sur le jardin de Julien;
4 deniers sur la maison et le
jardin de Marcel Rivière; l de-
nier de recette sur la vigne de
* Construite par les ordres de Saint-Filbert, en l'honneur du premier
apôtre de l'Ile, elle l'ut détruite au XVII" siècle par les Hollandais. Jules Piet
en a découvert et décrit les substructions (Fouilles archéologiques à Noir-
moutier). Près de la chapelle Saint-Hilaire, existait, au XlVe et au XV» siècles,
un village appelé la Philibertière, qui a disparu, mais sur l'emplacement
duquel se trouve le clos Saint-Philbert.
* Actuellement le fief Régon.
' Poui-Masson. Le patois ne fait point de différence entre les terminaisons
an et on. Dans les chansons de Nicolas Vénereau, c/i«n5a/ts, et pai:illans
riment avec Luzan et négociants.
•8
CHARTES DE NOThE-UAME LA BLANCHE
lelmi Dayn, 1'' de recepto ; cum
omni jure alio quodcumque
dictus Johannes Catliuis, super
res premissas liab'^-bat et liabere
debebat , et indo Cratresdicte
abbacie in perpetuum investi-
vit; quidquid et juris dicebat se
Labere in herberiagio defuncti
Willeimi Chotar, dictis fratri-
bus omnino quitavit imperpe-
tuum et concessit, Oliva uxore
sua concedente dicta dona om-
nia, sponte sua et jurante quod
ipsa dona,occasione aliqua, pei-
se, vel per alios, revocare de ce-
tero nuliatenus acceptabit. Ut
igitur dictarum. rerum dicta
concessio firma in posterum et
stabilis perseveret, nos, ad peti-
cionem dictorum viri et uxoris,
presentem cartulam,sigilli nos-
tri munimine roboratam, fra-
tribus dicte abbacie duximus,
concedendam inperhempnem
dictarum rerum memoriam et
testimonium veritatis.
Actum in octavis beati Nicho-
laï hyemalis, apud Belverium,
anno dominiM CC XXX quinto.
Guillaume Dayn; avec toutautre •
droit, que ledit Cathuis avait ou
pouvait avoir sur les choses
susdites, et dont il a investi
les frères de l'abbaye à per-
pétuité ; il abandonna aussi
entièrement et concéda à per-
pétuité aux dits religieux tout
le droit qu'il prétendait avoir
dans l'hébergement de feu Guil-
laume Chotar, et cela du con-
sentement d'Olive sa femme, qu
ledonnede plein gré et qui jure
que les dites donations ne se-
ront jamais révoquées par elle
ou par autrui. Afin que la dite
donation reste stable et assurée
à tout jamais, nousavons déli-
vré à la demande des dits mar
et femme, cette çhartj imune
d) notre sceau, en souvenri
perpétuel desdites choses et eu
témoignage de la vérité.
Fait dans l'octave de Saint-
Nicolas d'hiver (6 décembre), à
Beauvoir, l'an de N.-S., 1235., i
L'origiaal de cette pièce appartient à Lud. Jacobsen.
LkTTRK liK F^IKRKE DE IJREUX DUC DE BRETAGNE ET DE MARGUERITE
DE MuXTAIGU SA FEMME, SEKÎNEUR ET DAME DE LA GARNACHE, CON-
FIRMANT TOUS LES BIENS DONNÉS DANS LEURS TERRES (1236).
PETRUS, dux Britannie,
cornes l\ichemundie,do-
minus Ganaspie et Mar-
garita uxor ejus, uni-
versis présentes litteras inspec-
turis, salutem in Domino.
lERRE, duc de Bretagn '
P comte de Richemonde
seigneur de laGarnache-
etMarguerite,sa femme,
à tous ceux qui les présente,
lettres verront, salut en Nôtres
Seigneur.
A NOIKMOUTIER
79
Noveritis pro certo quod, nos,
divina moti caritate et anima-
rum nostrarum salutis pio ac-
censi desiderio, omnia leyata
et donaciones omniniodas que
in terris, juridictionis nostre
subjectis, facte fuerunt fratri-
bus Insuie Dei, Cisterciensis
ordinis, cujus sumus lamilia-
ritati et beneficiis, per Dei gra-
ciam, sociati, possessiones
etiam omnimodas quasindictis
terris habent et possident, gra-
tas in perpetuum habemus et
Armas, et dictis fratribus, tam
presentibus quam posteris,
dictas res quiète et pacifiée,
bona fide et verbo fldei, conco-
dimus in perpetuum possiden-
das. Nos vero, admajorem hu-
jusmodi concessionnis nostre
roboris firmitatem, présentes
litteras sigillorum nostroruni
munimine roboratas, memora-
tis fratribus duximus conce-
dendasinteslimoniumveritatis.
Actum anno Domini M" CL"
XXX seito.
Sachez et ayez pour certain
que, poussés par l'amour de
Dieu et inspirés du pieux désir
du salut de nos âmes, nous
avons pour agréables et assurés
à tout jamais tous les legs et
donations de toutes sortes qui,
dans les terres soumises à
notre juridiction, ont été faites
aux religieux de l'Isle-Dieu de
l'ordre de Citeaux, avec les-
quels,par la grâce de Dieu, nous
sommes associés d'amitié et
d'oeuvres, et aussi tous les
biens qu'ils ont et possèdent
dans les mêmes terres. Nous
concédons ces dites choses aux
dits religieux tant présents que
futurs, de bonne foi et par ser-
ment, afin qu'ils en jouissent
tranquillement et en paix et,
pour affirmer davantage notre
concession et lui donner plus
de force, nous leur avons délivré
les présentes lettres munies de
nos sceaux en témoignage de
la vérité.
Fait Fan du Seigneur 1236.
L'année 1236 est celle du mariage de Pierre de Dreux et
de Marguerite de Moataigu, veuve d'Hugues de Thouars.
Cette charte e.-t reproduite d'après un vidimus de la cour de
Raiz, eu Boula, de 1424, appartenant à A. Jacobsen (Voir
aussi D. Fonteiieau, t. i, p. 361). Le vidimus ajoute :
La pièce est scellée de deux sceaux peiidans en snye roge, en
l'un desquelx est contenu un homme à cheval tenant une
épée en sa main, et en l'autre scel, une damoiselle tenant nn
oiseau sur sa main sénestre. Ce dernier est le sceau particulier
de Marguerite de Monlaigu, dame de la Garnache.
80 CHARTES DK NOTRF.-DAMK LA BLANCHE
Pierre de Dreux, « par lu grâce de Dieu, associé d'amitié et
d'oeuvres, » aux religieux de la Blanche, avait passé une
piirlie de sa vie à piller et à maltraiter les gens d'église, en
ptirticulier les clercs de la ville de Nantes. La mort le
surprit avant qu'il ait eu le temps de répondre à toutes les
assignations à lui adressées par les abbayes et les chapitres
des terres de sa juridiction.
L'histoire lui a donné le nom de Pierre Mander c, non pas,
comme on le croit généralement, à cause de ces faits, mais
parce que, destiné à l'Eglise, en qualité de cadet^ il avait brus-
quement jeté le froc qui ne convenait guère à son caractère
turbulent et brouillon.
Pîiilippe-Auguste fut mal inspiré le jour, où il lui fît
épouseï- l'héritière du duché de Bretagne, Alix, fille de Guy de
Tliouars; il croyait pouvoir compter sur un prince issu comme
lui de Louis le Gros, et détourner ainsi les Bretons de l'al-
liance anglaise. Mauclerc, au contraire, ne cessa de lutter
contre l'autorité royale; s'il ne put empêcher la duchesse, sa
première femme, d'assister au sacre de saint Louis, il se fit
l'allié des Anglais, l'instigateur de toutes les coalitions contre
Blanche de Castille et son fils. Saint Louis, après lui avoir
plusieurs fois pardonné, marcha contre lui et le força de se
rendre à merci (1237). Contraint d'abandonner la Bretagne à
son fils, le duc changea de vie, prit la croix et fit le ser_
ment, sérieusement cette fois, de servir cinq ans dans la
Terre-Sainte. En attendant le départ de la croisade, il par-
courut la France, comme chevalier errant, sous le nom de
Pierre de Bruine, d'une seigneurie qu'il possédait près de
Boissons'.
Marguerite devenue maîtresse d'elle même, par suite de la ré-
solution prise par son époux,confirma, en 1239, toutes les dona-
tions, faites à l'abbaye : « Nos legata et donaciones onviimodas
' Son fils, .Iran 1. ilit le Roux, l'imita dans sa promi^re manière d'agi
••nvt'rs l'église et se fit pareillement excommunier.
A NOIRMOUrJER
81
que in terris juridictiunis uostre fratribus Insule Dei fade
fuer tint, g ratas in perpetmnn habemus. » Cette pièce, dit dom
Fôr.teneaa, t. i, p. 365, portait autrefois un sceau dont le
contre-sceau était aux armes de Dreux au franc quartier
d'hermines, avec la légende S. {sigillum) M. {M ar guérite) Dne
(domine) B¥i Montagu'.
Au mois de novembre 124i_, die mercurii ante festum beati
Andrée a/)Os/o/2, Marguerite, appelée dans un N'\(i'\mw^ : domina
bone memorie, mourant au château de la Garnache, fit en
faveur de la Blanche le legs qui suit.
Universis Christi fldelibus
presentem caitulam inspectu-
ris, Margarita Montisacuti et
Gasnapie domina et hères, salu-
tem in eo qui Salvator est in se
sperantium et redemptor.
Noveritis quod nos in ultimo
volontatis articulo constituta,
présente et consentiente cliaris-
simo viro nostro Petro de
Brana, dedimus, concessimus
A tous les fidèles chrétiens
qui la présente charte verront,
Marguerite de Montaigu, dame
et héritière de la Garnache,
salut en celui qui est le Sau-
veur et le Rédempteur de ceux
qui espèrent en lui.
Sachez, que comme dernière
volonté, Pierre de Braine, notre
bien aimé mari, étant présent
et consentant, nous donnons,
concédons et léguons, la divine
' Les armes de Pierre de Dreux (Haient echiquetêes d'argent et d'azur,
avec bordure de t/ueules, au franc quartier d'hernihies ti'è.s imparfaitement
dessinées ; celles de Montaigu, d'argent à la croix d'azur, cantonnée de
quatre aiglettes de gueules.
Le franc canton ne provenait pas des armes de Bretagne, qui n'avaient
encore rien de fixe, mais lut leur origine (^voir l'Hermine, par S. de la Ni-
collière, Revuede Bretagne et de Vendée, 1871). L'ambitieux cadet de famille
avait pris ce franc canton pour se distinguer de ses frères, avant son
mariage avec la duchesse Alix. Ses hermines, différentes de la forme qu'elles
prirent plus tard, ressemblaient à la partie inférieure des pièces de vair de
ses aïeux les Coucy.
Jacobsen possède un ridimus de cette lettre délivré par Andres de Buxe-
ria, custos tune temporis sigilli senechallie Pictavensis, qnondam apud
Rocham super Oyon, pro domino rege Franeie, constitutus, suivi de la
mention : Datum auiem huismodi instrumentum visionis et inspec-
tionis et sigidatum sigillo j)redicti Régis, per me, Andream de Buxeria, ad
relacionem Pétri Cfiolard elerici mei, cui /idem ad hibui pleniorern. die
lune ante festum beati Georgl martiris (•^:J avril) anno M" CCC» A'» l».
Tome iv. — Janvier, Février, Mars 1891. 6
^•.>
CHARTES DE NOTRE-DAME LA IlLANGHE
et legavimus divina provi-
dcntiu disponcnte pro remedio
cl salute anime nostre, in pu-
raiu et perpetuam elemosynam
abbatie Insuie Dei de Nigro
nionasterio', abbati et monachis
ejusdem loci, Cistorciensis ordi.
nis ibidem Deo deservientibus,
(î solidoscurrentis monete sitos
in redditibus portuum nostro-
l'um pertinentiura ad castel-
laniam Gasnapie, eisdem abbati
et monachis,veleorum mandate
per manum seneschalli Gasna-
pie' in eodum castro in quni-
dena Purificationis béate Marie
in perpetuum, annis singulis
persolvendos etc.
Providence devant en disposer
pour le soulagement et le salut
de notre âme, en pure et per-
pétuelle aumône, à l'abbaye de
l'Ile Dieu de Noirmoutier et à
l'abbé et aux moines de l'ordre
de Citeaux qui s'y consacrent au
service de Dieu, cent sous de
monnaie courante, assis sur
les revenus des ponts appar-
tenant à la chatellenie de la
Garnache, devant être soldés à
l'abbé et aux moines susdits ou
à leur ordre, chaque année et à
perpétuité, par les mains du
sénéchal de la Garnache, dajis
ce château, en la quinzaine
qui suit la fête de la Purification
de la bienheureuse Marie etc.
Celte charte recueillie par dom Fonteneau (l. i, p. 371)
portail autrefois deux sceaux celui de Pierre de Braine,
revenu pour assister aux derniers moments de sa femme, et
celui de Marsruerite.
En 1237, Boucharde du Plessis-Bouchard et Guillaume de
Mauldon. chevalier, son mari, comparaissaient devant Jean,
humble doyen d'Aizeuay, agissant comme notaire apos-
tolique, |)our confirmer un don fait par eux, l'année précé-
dente, pour le salulde leurs âmes et de celles de leurs parents,
en pure aumône, aux moines de l'Iie-Dieu : Quidquidjuris ha-
firbanl el haberc poterantin domiôns et terris et vineis dlctorum
fratrum passim in liarbastria constilutis.
Ces droils (dictumjus elemosijnatum] étunl un propre de la
' C'est la première fois que nous voyons apparaître, au lieu d'Héro, le mot
Nigrum monaslerium.
» Une charte de Huzay ilonne le nom du sénéchal de la Garnache pour
Pierre de Braine en liJG. U s'appelait Guillaume Enjoubaud, chevalier.
Pierre, d.-pouillé du duché de Bretagne, était devenu usufruitier de la sei-
gneurie de la Garnache parla mort de Marguerite.
A NOIRMOUTIER
83
femme, elle fait serment de ne jamais les revendiquer, ni
de faire à leur sujet une réclamation quelconque. La pièce
fut remise aux moines, munie du sceau du doyen d'Aizenay
et de celui de Guillaume de MauléonV
Quelques années plus tard Bouchardo, devenue veuve,
apposait son sceau à la pièce suivante:
Universi Christi fldelibus pré-
sentes iitteras inspecturis,
Bucharda do PlesseixBuchard,
domina vidua, salutem in
Domino.
Noveritis quod ego dedi et
concessi,in puramelemosynam,
Deoetabbacie Insuie Dei, in qua
meam preelegi habere sepul-
turam,centum areas salinarum
cum suis pertinentes habendas
et possidendas in perpetuum,
quas, ego et Guillemus de Ma-
loleone, miles, quondam vir
meus, fecimus propriis sump-
tibus, sitas in Maresio novo,
apud Hero insulam, ante
pontem Maresii Borre et juxta
alias centum areas salinarum,
quas dedi et conccssi in per-
petuum Savarico clerico et
suis heredibus, juxta maresium
de Chaice, in predicto Maresio
novo constitutas'.
A tous les fidèles chrétiens
qui lirontces lettres, Boucharde
du Plessis -Bouchard , dame
veuve, salut enNotre-Seigneur.
Sachez que j'ai donné et con-
cédé, en pure aumône, à Dieu
et à l'abbaye de l'Isle-Dieu,
dans laquelle j'ai choisi le lieu
de ma sépulture, cent aires de
salines avec leurs dépendances,
pour les avoir et posséder à
perpétuité, salines que Guil-
laume de Mauléon, chevalier,
mon mari, et moi, avons éta-
blies à nos frais, en Marais-
neuf, dans l'ile d'Her, avant le
pont du Marais-Boure et tou-
chant à cent autres aires de
salines que j'ai données et con-
cédées à perpétuité à Savary,
clerc, et à ses héritiers, proche
le Marais Ghessé, situées aussi
dans le Marais neuf.
* Dom Fonteneau, t. i, p. 3G7.
* Les dépendances d'un marais sont ses vivres [branches et autres réser-
voirs d'eau saléej , ses bossis, terres cultivées entre les réservoirs et
formant tahis, et ses iesseliers, où le sel est réuni en mulon après avoir été
recueilli à, l'aide de la siraauge sur les tablettes des œillets ou des aires
salantes.
Les libéralités de Boucharde du Plessis-Rouchard envers l'abbaye ne se
bornèrent pas aux dons précités. Elle lui donna également la partie do la
ville située entre la petite place, la grande rue et le quai, appelée depuis le
fief des religieux ou quartier de la Boucharde.
84
CHARTES DE NOTRE-DAME I.A BLANCHE
Fratres vero dicte abbacie.
meis precibus inclinati, quera-
(iara ex eis monachum sacer-
dotem, railii charitative in
pei'petuuin concesserunt, qui,
pro salute anime mee et ani-
raanim patris et matris mee et
omnium parentum et ami-
corum meorum, preces Dei
offerat et quotidianum Domino
misse obsequium administret.
Quia, vero etc.
Actum anno Domini M" CC°
XXXX" primo'.
Les religieux de ladite abbaye
accueillant mes prières, m'ont
cliaritablement accordé à per-
pétuité un moine prêtre, choisi
parmi eux, afin qu'il prie Dieu
pour le salut de mon âme et
des âmes de mes père et mère,
de mes parents et de mes amis
et offre chaque jour à Dieu le
saint sacrifice de la messe à
ces intentions. Mais, pour, etc.
Fait l'an du Seigneur 1241.
Donation, par Catherine des Bretesches, femme d'Olivier
DE GazOU, a son lit DE MORT, DE 30 SOUS 6 DENIERS DE RENTE
AU CLOS DE PORNICHET, AUX RELIGIEUX DELA BlANGHE (1238).
Universis présentes litteras
inspecturis, G. prior elemosi-
narie Nannetensis^ G. presbi-
ter sancti Donaciani, persona
Nannetensis diocesis, et Olive-
rius de Cazou, miles, eternam
in domino salutem.
Universorum commendamus
memorie, quod cum Katharina
quoudam uxor dicti Oliverii de
Cazou, filiaGuillelmi des Brete-
ches, militis, in extremis labora-
ret,in ultimasuavoluntatecons-
tituta, nobis presentibus, suum
taliter condidit testamontum ;
videlicet ,quod ipsa dédit et con-
cessit Deo et abbacie de Insula
A tous ceux qui ces présentes
lettres verront, Gaudefroy, pri-
eur de l'aumônerie de Nantes,
Gauthier, prêtre, curé de Saint-
Donatien, du diocèse de Nantes,
et Olivier de Cazou, chevalier,
salut éternel en Notre-Seigneur,
Nous recommandons à la
mémoire de tous que Cathe-
rine, autrefois femme dudit
Olivier, fille de Guillaume des
Bretesches, chevalier, étant en
danger de mort, et voulant
faire connaître ses dernières vo-
lontés, nous a transmis comme
suit son testament, à savoir
qu'elle a donné et concédé à
* Dom Fonteneau t. i, p. 3G0, Le sceau de l;t dauic n'existe plus.
» Une ruH dans les bas-chemins de Saint-Donalien à Nantes, est dite la
rue do l'AumAiierie.
A NOIRMOUTIER
85
Dei.Cisterciensis ordinis, XXX^'
solidos et VI denarios annui
redditus, in perpetuum perci-
piendos super parte sua de
clodicio de Pornichet, in Hero
insula cunstituto , quantum
fratres dicte abbacie ab ipsa
tenebant et colebant ad par-
tem; ita quod in bonis omnibus
que fuerint et de cetero fient in
dicta abbacia et toto ordine
Gistersiensi , anima dicte de-
functe consors et partices ha-
beatur in perpetuum. Ipsa
eciam de dicto redditu in manu
nostra quos sui exequtores
testamenti constituit, sedesse-
sivit, et precepit quod nos ses-
sixemus et investiremus fratres
abbacie supradicte , quod nos
fecimus, présentes litteras si-
gillorum nostrorum munimine
roboratas,dictis fratribus, super
hec exibentes, in testimonium
veritatis.
Datum Nannetis , die lune
proximapostDominicam in quo
cantatur : Invocavit me. Anno
Domini M" CC" XXX" octavo.
Dieu et à l'abbaye de l'isle-
Dieu de l'ordre de Cîteaux,
30 sous et T) deniers de rente
annuelle, devant être perçus à
perpétuité sur sa part du clos
de Pornichet, situé dans l'île
d'Héro, que les frères de ladite
abbaye tenaient déjà d'elle et
cultivaient en partie, afin que
l'âme de la défunte fut partici-
pante, à tout jamais, à tous les
avantages spirituels , dont
jouissent et dont jouiront à
l'avenir ladite abbaye et l'ordre
de Giteaux tout entier. Elle
même s'est dessaisie de ce re-
venu entre nos mains, à nous
qui sommes ses exécuteurs
testamentaires, et nous a or-
donné d'en saisir et investir les
frères de la susdite abbaye, ce
que nous avons fait, remettant
auxdits religieux les présentes
lettres, munies de nos sceaux,
en témoignage de la vérité.
Donné à Nantes , le lundi
après le dimanche oii l'on
chante Invocavit me (I" di-
manche de carême) , l'an du
Seigneur 1238 (1239 n. s.)-
(Extrait des Archives d'Ant. Jacobsen). Les sceaux manquent.
On trouve aux archives de la préfecture de Nantes [H. 56
Buzaij), un billet, ayant pareillement rapport aux dernières
volontés de Catherine des Bretesches. C'est une attestation
du prieur de l'aumônerie de Nantes, Gauf (ridus), du curé de
S;>int-Donatien, (raut [ieriis) et d'Olivier CacAo , chevalier,
exécuteurs testamentaires de ladite dame, portant qu'à l'ar-
ticle rie la mort, elle entend céder à l'abbaye de Buzay
80
CHARTES DE NOTRE DAME LA BLANCHE
toutes les choses pour lesquelles elle est en procès avec elle,
savoir une terre occupée par Thibaud de l'Aroidière et
un ayral dans la paroisse de Port-Saint-Père.
Les Bretesches paraissent être des juveigneurs de la
famille de Raiz, dont la croix orne lï'cu du chevalier Guil-
laume des Bretesches, sur la pierre tombale, dite du Croisé,
de l'église de Sainte-Marie de Pornic.
Olivier de Cazou, deCacho, de CA^cAo, n'a rien de commun
avec Olivier de Coche ou de Ghoche. Les Cazou, ainsi que
nous l'a fait remarquer Arth. de l'Isle, paraissent être les
Casso, sieifi's de IWmjle, en Donges, dont parle de Courcy
dans son Nobiliaire de Bretagne, t. 1, p. 152. Ils portaient de
giteti/es à la bande de vair.
Don FAIT PAii Pierre Joubert de Talmond, chevalier, et
AliénoRi sa femme, de divers héritages a Noirmoutifr
AVEC confirmation d'uNE RENTE QUE GaTHERINK DES BrE-
TESCHES, SOEUR d'AlIÉNOR et FEMME d'OlIVIER DE GhAGHO,
avait autrefois léguée a l'abbaye (1241).
Universis Christi fiidelibus
présentes litteras inspecturis,
Jotiannos , liumilis decanus
Azianensis, saintem in Domino.
Noveritis quod Petrus .loberts
de Tlialemundo, miles, et Alie-
nordis, uxor eiusdem, quondam
filia Guillelmi do Breteclies,
militis,in nostra presencia (^ons-
titiiti, dedorunt et concesse-
runt in perpétua lielemosina,
iJeo et l'ratril)us abbacie Insuie
Dei, quicquid liabebant et pos-
A tous les fidèles chrétiens
qui les présentes lettres verront,
.Jean, humble doyen d'Aizenay,
salut en notre Seigneur.
Sac'i.ez tous que Pierre Jobert
de Thalemond, chevalier, et
Aliénor sa femme, fille de Guil-
laume des Bretesches, chevalier,
donnèrent et concédèrent en
notre présence, en perpétuelle
aumône à Uieu et aux frères de
l'abbaye de l'Ue-Dieu, tout ce
qu'ils avaient et possédaient
A NOIRMOUTIER
87
sidebant in mestiveriis* clodi-
cii, quod vocatur Pornichet, in
Hero insula siti, quod dicti
fratres de ipsis tenent et de
suis predecessoribus diu et
tenuerunt. Concesserunt et
eisdem l'ratribus XXX" solidos
et VI denai'ios annui redditus,
in Assumptione béate Marie,
eisdem persolvendos, quos Ka-
tharina, soror dicte Alienordis,
quondam uxor Oliverii de Cha-
cho, militis, in supradicto clo-
dicio,fi^tribus le^averat supra-
dictis
- Preterea,quidquid supradicti
fratres prout habebant et pos-
sidebant in supradicto clodicio,
jam dicti vir et uxor, dictis
fratribus, concesserunt haben-
dum pacifiée et quiète in perpe-
tuum possidendum. Quia vero
supradicta concessa ex parte
dicte uxoris jure hereditario
movebant, ipsa in manu mea
juravit quod concessa hujus-
modi per se, vel per aliam per-
sonam revocare nullatenus
attemptabiie.
In quorum rerum testimo-
nium, nos et sepedictus Petrus
Joberts, ad peticionem sepedicte
Alienordis, sepedictis fratribus,
présenter dedimus litteras si-
gillorum nostroi'um munimine
roboratas.
dans lesmétivages du clos appelé
Pornichet. dans l'Ile d'Héro,
que les dits religieux tiennent
et ont tenu d'eux et de leurs
prédécesseurs depuis long -
temps. Ils ont concédé pareil-
lement aux mêmes religieux
:¥) sols et 0 deniers de revenu
annuel, devant leur être payés
lejourde l'Assomption de sainte
Marie, rente que Catherine,
sœur de la dite Aliénor, et
autrefois épouse d'Olivier de
Chacho, chevalier, avait léguée
sur le dit clos, aux religieux
susdits.
En outre les dits mari et
femme ont concédé pour en
jouir en paix et en repos aux
dits religieux tout ce que ceux-
ci avaient et possédaient déjà
dans le dit clos. Comme les
choses susdites appartenaient
par droit d'iiéritage à la dite
épouse, celle-ci a juré entre
mes mains que, ni par elle ni
par autre personne, elle ne ré-
clamoraitjamaisrien des choses
ainsi concédées.
En foi de quoi nous et ledit
Pierre Joubert, à la demande de
ladite Aliénor, avons présente-
ment remis aux dits religieux ces
lettres munies de nos sceaux.
' Mkstiva : prœstatio ex frumento quod in agris colligitur et metitiir.
Mestiveria ; /rHc'HS ex mestiva collccti (In mesticariis habeant monachi
medielatem imam, alla medietate ad personam ecclesie rémanente. Cliarte
citée par du Carifie).
On dit faire la mettre pour couper le bl<5 : le temps des m,étives pour
le temps des moissons.
S8
CIIARTKS DE NOTRE-DAME L\ BLANCHE
DatAira anno ab Incarnacione
Doniini M° CC° quadra^'esimo
primo.
Donné l'an de l'Incarnation
du Seigneur 1241.
Archives d'Ant. Jacobsen ; pas de traces de sceaux. Dnm
Fonteneau (1. i, p. 371), fait à tort de cet Olivier, qui est le
même personnage que celui de la pièce précédente. Olivier
de Choché dont il a été parlé plus haut.
Don fait par Pierre Doucèt et bienvenue sa femme a
l'abraye de Noirmoutirr (1262).
(Letjatum Prtri Doiilcpt et Beîteventue, ejits uxoris, abbacie
dp Nigro monasterio datnm.)
Universis présentes litteras
nspecturis, Savaricus, humilis
decanus Azianensis, salutem
in Domino.
Noverit is quod Petrus Doucet
et Benevenuta, uxor ejus, in
nostra presencia personaliter
constituti, dederunt et conces-
serunt, in puram et perpetuam
helemosinara, Deo et abbacie
de insula Dei, Cysterciensis
ordinis, quidquid habebant et
liabere potebant in terra que
vocatur la chaucee filie Ni-
cholai Pel[iparii,sitaen l'Espoy,
in Bugiiio, habendum in per-
petuum pacifiée et tenendum ;
dicta vero Benevenuta, adquam
ros spectabat, racione patri-
monii, juravit in manu uostia,
spontanea voluntate, quod per
se, vel per alium, contra dictam
A tous ceux qui les présentes
lettres verront, Savary, humble
doyen d'Aizenay, saluten Notre
Seigneur.
Sachez que Pierre Doucet et
Bienvenue sa femme, ayant
comparu en notre présence, ont
donné et concédé en pure et
perpétuelle aumône à Dieu et
à l'abbaye de l'Isle-Dieu. de
l'ordre de Citeaux, tout ce qu'ils
avaient ou pouvaient avoir,
daiiS la terre, qui porte le nom
de la Chaussée de la fille de
Nicolas Pelletier, située à
l'Epoy, en Boin, pour l'avoir et
enjouir en paix à perpétuité. La
dite Bienvenue, que la chose re
gardait, puisqu'elle faisait par-
tie de son patrimoine, a juré
entre nos mains, spontanément
et sans y être contrainte, qu'elle
\ NOIRMOUTIERS
89
donacionem de cetero non
faciet, vel veniet in futurum.
Ad quorum peticionem, pre-
sentibus litteris sigillum nos-
trum apposiviraus in testa-
monium veritatis.
Datum in octabis Assuncionis
béate Marie, anno Doniini M.°
CC" lX* secundo.
ne ferait rien ni par elle ni
par autre personne, contre la
d. donation et qu'elle ne serait
pas troublée à l'avenir.
A la demande des donataires
nous avons apposé notre sceau
aux présentes lettres en témoi-
gnage de la vérité.
Donné dans l'Octave de l'As-
somption de la bienheureuse
Marie, l'an de N. -S. 1202.
Le sceau sur deux lacs de parchemin a été enlevé. La pièce
sur parchemin est d'une très jolie écriture du XIII* siècle.
Elle appartient à Ant. Jacobsen. La forme latine du mot
Pelletier, Pelliparius, est à noter. Bienvenue, d'après le texte
de la lettre, doit être la fille de ce Nicolas Pelle' ier. Savary
est indiqué par Aillery dans son Pouillé parmi les doyens
d'.\izenay; nous le voyons, en 1258, affirmer le don de 20 sous
de rente annuelle supra medietatem maresiide Gandrillon, in
Bflreario, datos religiosis de Buzayo a Reginal de Neger, mi-
lite, dfifimclo, ciim ai^senaii et voliintate A?Jieli?ie îixoris ejus.
Alphonse, fricre de Saint Louis, comte de Poitiebs et de
Toulouse, confirme les acquisitions faites par l'abbaye,
dans le Poitou (1267).
Alfonsus, filius régis P'rancie,
comes Pictavie et Tholose, uni-
versis présentes litteras inspec-
turis, salutem in Domino.
Notum facimus, quod nos,
intuitu pietatis ac favore Y-eli-
gionis. liberaliter concessimus
viris religiosis, abbati ot con-
ventui de Insula Dei. Cister-
Alphonse , fils du roi de
France, comte de Poitiers et de
Toulouse, à tous ceux qui les
présentes lettres verront, salut
en Notre-Seigneur.
Nous vous faisons savoir que,
par esprit de piété et par zMe
de la religion , nous concé-
dons libéralement aux reli-
gieux, abbé et couvent de
90
CHARTES DE NOTRE-DAME LA BLANCHE
ciensis ordinis , Pictavensis
diocesis, ut tam ipsi quam suc-
cessores sui, universa et sin-
gula, que ab eisdem in nostris
feudis, seu retrofeudis, infra
metus comitatus Pictavensis
sunt licite vel fuerint aquisita,
habeant, teneant , explectent
et possideant in perpetuum,
pacifiée et quiète.
Volenteset concedentes quod
per nos , heredos vel succes-
sores nostros, non possintdicti
abbatis et conventus, seu suc-
cessores sui, compelli acquisita
liujus modi , extra raanum
suam ponere , in toto vel in
parte, et eadem acquisita, vel
etiara acquirenda, dictis abl)atJ
et conventui liberaliter confir-
mamus.
In cujus rei testimonium
prefatis abbati et conventui,
nomini monasterii sui, présen-
tes litteras dedimus sipilli nostri
munimine i-oboratas.
ActumapudLongum pontem,
anno Domini M^CCoLX septimo,
mense novembris.
risle-Dieu, de l'ordre de Ci-
teaux, du diocèse de Poitiers-
tant pour eux que pour leurs
successeurs, tous et chacun des
acquêts qu'ils ont faits ou
feront licitement dans nos fiefs
ou arrière fiefs, dans les limiteg
du comté du Poitou, afin qu'ils
les aient, tiennent, exploitent
et possèdent à perpétuité en
paix et sans être inquiétés.
Voulant et concédant que,
par nous, nos héritiers ou nos
successeurs , lesdits abbé et
couvent et leurs successeurs
ne puissent être forcés à
abandonner lesdits acquêts, en
tout ou partie, et nous confir-
mons libéralement auxdits abbé
et couvent ces acquêts et
même ceux qu'ils pourraient
faire à l'avenir.
En foi de quoi nous avons
donné aux susdits abbé et cou-
vent, au nom de leur monas-
tère , les présentes lettres
munies de notre sceau.
Fait à Longpont, au mois de
novembre de l'an de notre Sei-
gneur 1267.
L'original, vu par dom Pontenean (p. 373), portait attaché
à un cordon rond de soie rouge, un grand sceau de matière
blancJTe, enduit d'une couleur jaunâtre, ressemblant à du
plaire. Sur un des côtés se voyait un clievalior'; sur l'autre
une croix, qui d'après le dessin donné pajr le savant béné-
• Le scp:iii li" \l|)linnsp de l'oitiprs. donm'' pu- Wallon, représente un che-
valier dont l'i''cu. l'oiiinii" l;i couverture pourpointe du cheval est moitié
France, moitic'' Castille.
A NOIRMOUTIERS 91
dictin, est la croix vidée, déchue et, pomniPtée des comtes
de Toulouse'.
Digne fils de Blanche de Castille et grand justicier comme
le roi son frère, Alphonse rétablit l'ordre et la justice dans
ses vastes domaines, non d'une façon autoritaire, mais en
convoquant à de grandes assises ses évêques, ses barons
et des légistes. Le règne de la loi succédait au pouvoir du
sabre.
Au mois d'octobre 1270, le samedi avant la fête de saint
André apôtre, Savary, vicomte de Thouars, confirme en faveur
des religieux tous les dons leur ayant été faits, tant à Bouin
que dans ses autres fiefs et arrière-fiefs. Lud. Jacobsen
possède le vidimus sur lequel a été prise la copie de dom
Fonteneau. Il est sans date et a été rédigé par Guillemus, hii-
milts capellanus de Nigro monasterio, et maffister Nicholaus
de Gucmaspia, clericiis'.
Maurice de Bellevi^e^ dont les moines avaient eu beaucoup
à se plaindre, dut s'exécuter à son tour. Il ne pouvait le
refuser au comte de Poitiers qui venait de lui faire rendre
justice par Girard Chabot, baron de Raiz.
Noverit univeraas vestra, écrit-il, au mois de mars 1272
(1273 n. s.), quodjios, ardore pietatis et caritatis accensi, Deuin
habentes pre ocidis, pro remedio ayiiine nostre et parenftim
nostroruni litteram, seu cartam, Pétri de Ganmpia defiincti,
tiim temporifi domini Gimaspie ah eodem Petro, Deo etabbacie
' Lud. .lacobsen possède une copie de ce titre, rZ-digé à, la Blanche, en IGlit ,
par Boucher et Chotard notaires, sous les yeux du frère Jean Guyon. procu-
reur de l'abbaye. '
» Nous avons retrouva ce Nicolas de la Garnauhe dans une charte de
Girard Chabot, seigneur de Raiz, qui le nomme, avec Jean Pichard, expert dans
un procès intenté aux moines par les frères Gorios pour des réparations à
faire à une chaussée de l'île de Bouin.
(iuanaspia est une forme latine à joindre à Gasnapia, Gnnaspia, Gasna-
chia et Guannache.
' 1266, Nobilis vir, Mauricius de Bella Villa, dominus Gasnapie et Montis
acuti. — 1268. Dominus Mauricius de Bella Villa, dominus de Garnesche
(Chartes de Husay).
92 CHNRTES DE NOTRE DAME LA BLANCHE
lucide Dei de Nigro ?nonasferio concessamjaiidamus appro-
ôamus et paritor confirmamiis.
Maurice, après avoir reproduit en entier la charte de Pierre
de la Garnache, confirme les donations faites par Marguerite
de Montaigu et divers autres bienfaiteurs.
Dom Fonteneau en donnant cette lettre n'en reproduit pas
la fin, très difficile à déchiffer sur l'original, qui appartient à
Lud. .lacobsen ; un certain nombre de mots s'y trouvant
détruits.
La voici telle qu'elle a été lue par S. de la NiooUière.
Item, omnia legata seu helemonnas et donationes omnimodas que-
cianque,a quibuscumque, ubicumque,m terris jicridicioni noslre sub-
jectis. Fade fuerunt fratribus predicte abbacie Insvl [e] Dei de Nigro
monasterio, poss[essione.<}] eciam omnimodas quas in dictis terris quo-
quomodo habent et possident, çjratas in perpetuum habentes et firmas
eisdem fratribus approba7nics, per omnia et penitus confirmamus.
Donavimus eciam, et donamus in[puram] et perpeticam helemosinam,
concessimus et concedimics,sine spe aliqua revocandi, predicte abbacie
et fratribus eiusdem, loci, omne jus qvod habetnus et habere possumvs
et debeynus quoquomodo in ayraudo seu a sil[^o\ ad Belvearium
inler domum Guillelmi de Haya, ex una parte, et domum quondam
Mauricii Oeth defuncti, ex altéra, et eciam in sabulis Johannis Saune-
rii,civisNannetensis, Johannis Boyssea, Danielis Coyfaut, etheredum
Grayfer,cum suis pertinenciis quibuscumque, sitis adportumd...elt...
ar..,in eadem pra...a,et eciam in sabulis et podiis* omnibus etterrisap-
pellalis les Parées' cum suis pertinenciis quibuscumque, sitis prope
Oroez, inparrochia sancti Johannis de Montibus, a calciata appellata
calciata^ deSpina usque ad calciatam clausnre de maresio d" Oroez, et in
tribus solidis censualibus quos habemus et habere consuevimus super
quatuor domos et terra)», quam dictas bail. . . a nobis cepit et habuit,
' Podium. Pé XiHMienr, dune : Ex. Le Y'é-l.nyé. poâiutn ahbatis Le mou-
lin (lu Pé
» Parées, vallées ou cols dans les dun»^s : Kx. La Parée-coupée, à la Tresson.
On appelle, à Saint-Jean de Monts, jtnrrsleus, et par corruption jxirii-iens,
les individus j)eu fortunés, se construisant une habitation dans les dunes.
sans en demander la permission à, personne.
» Ca/c'i'a^f, chaussée, charraud.— Calciata clausurr^, la chaussée de clô-
ture du marais d'Orouet.
A NOIRMOUTIERS 93
existentes infra metas prediclas, retenta nobis tantuni juridicione
super homines nostros, nunc in dictis quatuor domibus manentes
[sicuLi\ habemus alibi super ho i.iines vavassores de castelli Gasnapie,
in recompensacioneyn et permutacionem. Ayraudi apud
Castrum ncvum, juxla do'>nuni dicti Guillebon, ex una parle, et
juxta doani Castri nuvi\ ex altéra, a nobis et heredibus ?iostris ra-
cione die solidorum in perpetuum de cetero possidend
Nos vero quodquod proprietatis et \d\ ominii, cujuscutyique juridi-
cionis in omnibus 7-ebus superius nominatis confirmatis et donatis
et concessis, habemics et habere possumus et debemus quoquoniodo,
dictis fratribus tam presentibus quam futuris misencorditer [con/ir-
mamus] bona fide et verbo vere fidei, predictis fratribus, concedentes
prediclas res omnes etsingulas libère, quiète et pacifice abeisdem in
perpetuum possidendas, nicllam nobis inde Juridiccionem retinentes,
nec nostris heredibus, vel successoribus in futurum.
Nos vero ad majorem hujusmodi, consummationis, donacionis,con-
cessionis nostrarum roboris firmilatem, présentes Litteras sigilli nos-
tri munimineroboratas, memoratis fratribus duximus concedendas
in testimoniwn veritatis.
Actum, die sabbati post feslum sancti Gregorii, anno Domini
M" CC° septuagesimo secundo, mense marcii^.
Le sceau de Maurice deBelleville manque. Dugast-Matifeux
l'a donné d'après un conlract passé entre Maurice de Belle-
ville, chevalier seignor de Montagu el de la Gasnac/ie et Jean
Barbastre de Beauvoir. Autour du contre scel, g-ironné de. . .
etdevair, on lit 7 GTRAS.M.D. BELLEVILLE. Le sceau re-
présente un chevalier armé de toutes pièces, tenant de la main
droite une épée et de la g-auche un écu gironné de douze
pièces comme le contre scel"\
Le XIII* siècle se termine sans nous présenter d'autres
chartes et ce travail pourrait être considéré comme achevé
puisque nous n'avons pu faire de recherches dans la biblio-
thèque de Thomas Phillips.
' Jusqu'à la douve de Château-Neuf.
" Le i2 mars, 1273, n. s.
» Notice sur les châteaux et les seigneurs de la Garnache et de Beauvoir,
par de Sourdeval.
94 CHARTES DE NOTKE-UAME LA BLANCHE
Nous ne pouvons résister toutefois au désir de citer deux
pièces intéressantes au point de vue des origines du français.
L'une est une quittance d'amortissement' donnée à l'abl^aye
par Jean vicomte de Thouars; l'autre une reconnaissance des
droits de bris et naufrage, par Amaury III. sire de Craon.
L'unité de langage n'existait pas encore, et le français se
composait de patois variant d'une seigneurie à l'autre.
Quittance de Jean I'% vicomte de Thouars aux moines de
Nermoustier, ije tous les acquêts, donations et légats
F"AiTS en ses fiefs (1318).
A tous ceaus qui cestes présentes lectres voirront et oirront, Jehan
vicontede Thouars, seigneur de Thalemont, salut en Nostre-Seigneur.
Sachent tous que nous, lohan du susdict, afine* |a] religious homs
labbe et 11 convens de Nermoustier de l'ordre de Cisteas, por eaus,
por lours successeours et por lour abbaie, de toutes les conquestes,
courances', aumosnes, legatz, esohanges, donacions, achaz, que ilz
et lours predecesseours hont* fait et qui lour hont ete donees de
quelconquez personnez que ceu soit, en quaucunquez manière que
ceu soit, en touz et par touz nous fiez et rereftez* de tout le temps
passe jusque à la date de cestes présentes lectres, de la quau finance,
nous nouz tenons por nous, por nous hers etpor nous successeours
por bein paye et por beih satihfie et volons et consentons por nous
et por nous hers et por nous successeours que le dict abbe et cou-
vent et lor abbaie et lours successeours et ceuus qui de eaus hauront
* On désignait sous le nom d'awor<issem«nt l'acte par lequel' les biens de
main-morte ^'talent dégagés des droits qu'ils devaient k tout changement de
seigneur.
' Aftner, terminer une affaire pendante.
* Rentes. Plus tard le mot courans a été employé pour les arrérages de rente-
* L'emploi de l'/i avant les temps du verbe avoir, est une réminiscence de
habere. Nous le retrouverons dans la charte suivante, où hont s'écrira
hant, ce qui est plus rapproché du latin.
» Rerefiefs pour arrière-fiefs.
Sceau et coutre-sceau de Jean 1, Ticomte de Thouars.
90 CHARTES UK NOTRE-DAME LA BLANCHE
cause, tiengent, explectent* par eaus ou par hautres, lesconquestes,
courances et autres cliozes de susdites, sans ceu que nous, nous
hers", ne nous successeo^rs, ne ceaus qui de nous hauront cause,
les puissons pour lorcer, ne constreindre à les mettre hors de lor
main, ne faire autre finance en temps avenir.
En tesmoing ue quelles cliozes, nous havons done au dict abbe
et couvent cestes présentes lectres sceellees de notre propre sceel.
Done et fait le samedi avant la feste de Noustre-Dame^ en meaoust,
l'an de l'Incarnation de Noustre-Seigneor lehu Crist mil treis cens
dez et oit (1318).
La pièce qui nous a été ctjmmuiiiquée par Lud. Jacobsen
porte sur double parchemin un sceau de cire brune, de
76 millimètres de diamètre, présentant, dans un champ orne-
menté de huit lobes arrondis, un chevalier sur un cheval
caparaçonné, lancé au galop de gauche à droite. Les armes
de Thouars se voient sur le caparaçon et aussi sur le bouclier
du chevalier, lequel tient une épée nue de la main droite.
De la légende en lettres onciales, il ne reste que les mots
JoJiis munclo. — Le contre-sceau parfaitement con-
servé , de 20 millimètres de diamètre, représente dans le
champ, l'écudes Thouars semé de fleurs de lys au franc
canton. Légende Cow^/vf si {gû\\xm) Joh'is vie. de Thoarcio,
mil. (Voir gravure ci-contre).
Jean ], vicomte de Thouars, seigneur de Talmont, de Mau-
léon et (le l'île de Ré, avait, cinq ans auparavant, été fait
chevalier par Pliilippe-le-Bel, roi de France, d'où l'abrévia-
tion, m^7. pour militis. Il avait épousé en premières noces
Blanche de Brabant, et en deuxièmes Jeanne de Matha qui,
lui survécut.
Les seigneuries de Mauléon, de Talmont et de l'île de Ré
étaient venues aux Thouars par Aaliz, dame de Mauléon et
de Talmont, fille du célèbre Savary de Mauléon, épouse de
Guy 1, vicomte de Thouars, et mère d'Aimery VIH.
Kn basse \-^.iin\iéiexplectent. Voir l;i charte d'.Vlplionse de Poitiers
» Noii.'^ pour nos ; — Hers, iK'-ritiers, a pr.'côdé le mot hoirs ; ^Ne pour ni.
' Noustre pour notre ; on dit encore noutre fils, noutre maison.
A NOIHMOUTIEH 97
Dboit de Bris continué a l'abbaye de l'Isle-Dieu, par
Amauri III, SIRE de Graon et de Noirmoutier, comme
TUTEUR de Maurice son fils, et en vertu d'une tran-
saction PASSÉE entre les RELIGIEUX ET GUILLAUME DE
Sainte-Maure. (1321, n. s., 16 février 1320.)
A tous ceaux qui cestes présentes lectres verront et oirront, Almari
sire de Craon et de Nermoustier, salut en Nostre Seigneur. Saclient
touz que nous comme tuctour et léal administrateur de Morice,
nostre fllz, fust débaz et contems moliuz' entre nous, d'une part, et
religieux homes l'îibbé et le couvent de l'Isle-Dieu de Nermoustier
de l'ordre de Siteaux, d'autre, sur ceu que nous disions que une neif
estoict pecée» en nostre hisle de Nermoustier et que les dits abbé et
couvent en aveient pourté, ou faict pourter grant quantité de vins
dou pecey' de la dite neit, qui a nous apparteneient, et requérions
qu'ils nous feissent restitucion des dits vins en tant comme il les
aveient pris, et nous en feissent amande ; les dits religieux pro-
poussent dou contraire, disens que ledit pecey et les dits vins leur
appartement, parce qu'ils disoient que en leu*, ou le dit pecey avint,
est leur, par le titre dou don de fondeur de leur ygleisse», c'est à
scavoir de Pierre, seigneur de la Garnache, qui peur le temps estoit
seigneur de la dicte ylle, qui leur donna tout le pecey qui avendreit
ei cheireit dedens les meites* qui sensuivent, c'est à savoir dès le
cheif dou bois de la Niellerez achevant au cheif des murs aus dits
religieux, d'une oart, jouques à la chapelle à la Madeleine, d'autre,
lour demeureit, sans ce qu'il peust appartenir audit Seigneur. Et
disoient encore les dits religious que, depuis le pecey davant dit,
s'ouvrit débaz et centemps entre noble homme monsseur Guillome
de Saincte More, jadis seigneur do la dite ylle d'une part, et les dits
religieux, d'autre, et, par certaine composition de paiz faicte entre
ledit monsseur Guillome apparoissoit par autres lettres, ledit pecey
' Pour mu.
» Pécée pour brisée, dépecée, mise en pièces.
' Pecey pour bris.
'* Au lieu.
s Du fondateur de rK<^lise.
• De meta, borne ; cheirait du verbe cheoir.
' Linière.
Tome iv. — Janvier, Février, Mars 1891. 7
98 CHARTES DE NOTRE-DAME LA BLANCHE
lour appartenoit et disoient encoure les dits religioux que touz-
jours hant esté en casine' et en possession d'espleister ledit pecey,
quant le cas y avenoit dedens les meitez desus dites. Nous, après
avoir veu et diligemment regardé et en grant délibération de nostre
conseil, les lectres et les convenances faictes entre le davant dit
monssour Guillome de Saincte More et les davant diz religioux, le
davant dit pecey, lour ostreions et con fermons dedens les meitez
desus dictes, selont la l'orme et la tenour des lectres et des conve-
nances faites entre le davant dit monssour Guillome et les davant
diz religioux. Item hant fine à nous les davant diz religioux, tant
des chousses, qui lour liant esté données, que corne de lour aquôs
des cliousses qui s'ensegant' ; c'est assaveir vint hayres' de sallines,
qui furent Thomas Larballetier, et vint et cinq sous de rende sus
tout l'eritage au dit Thomas, et vint sous de rende sus l'eritage de
Johan Garnier, et dix sous de rende sus la messon Aymeri Chant,
et deux sous de rende sus la messon Estiene Floury. sisse en la ruhe
Nostre Dame, et diz et oyt homez* de vignes en treiz leus en Bégou-
nères', et deux sous de rende sus la messon Perrine Jordeyn, sisse
à la Madaleine, et vint et cint sous de rende sus les marais Bourre
et une pièce de terre au GloudisBaranger ; et par lesquelles finances
des chousses desus dites, en tant come il nous touchoit par resson
de nostre droit, havons eu des davant diz religioux six vins livres
de bonne monnoye courante, des quex nos nous tenons apayez, et
volons et octreions, pour nous et pour les nous ; que les davans diz
religioux et lour successors teingent et espleittent à touz jours-
mais, les davant dites chousses pasiblement, et en la forme et en la
menère, que tenoient ceaux de nous, dont ils hant la causse, et sauvé
et détenu avons esprésement nostre haute et basse justice, seigno-
rie et tout ceu qui s'en dépent, et toutes nos autres rendes et
devoirs et autres servitumes quelques ils soient, et aux chousses
susdites tenir, garder féaument et léaument, nous obligeons nous
et nous biens et nous successeurs, meubles et immeubles.
En tesmoign de laquelle chousse nous avons doné aus davans
diz religioux cestes présentes lectres scellées de nostre propre
sceau.
' Pour saisine, saisie ; expleister, exploiter.
' Qui s'en suivent.
■' Aires ou œillet».
^•Jlommée, ce qu'un liomine peut bêcher dans une journée.
' Le fiel' Bégon.
A NOIRMOUTIER 99
Donné au Buron, le dimeinche emprès les octaves de nostre Dame
Chamdelour, l'an de grâce mil trois cenz et vint*.
L'original de cette pièce, qui était dans les archives de la
Blanche, est passé dans les mains d'Ant. Jacobsen ; une copie
existe dans les manuscrits de dom Ponteneau, t. i, p. 379.
Le sceau losange de Graon sur lac de parchemin a disparu,
nous le donnons d'après une autre pièce des archives de
l'abbaye'.
D' Viaud-Grand-Marais.
(A suivre).
♦ 1321, n. s.
' Le sceau losange d'or et de gueules des Craon est resté le sceau de
Noirinoutier, sous les Sully, et même pendant quelque temps sous les
de la Trémoille.
JOURNAL
D'UN FONTENAISIEN
PENDAP^T LA UÉVOLUTION
(Suite).
I 7s>:i
2-12 janvier. — Des individus armés se portent à la mairie
de l'Ile d'Yeu, enlèvent les rôles des contributions, et les
brillent eu demandant le rétablissement de l'ancien régime.
Quelques riches particuliers, le commissaire des classes de
la marine etBélard, receveur d'enregistrement, sont les ins-
tigateurs de la révolte.
18 janvier. — A dix heures du matin, la municipalité de
Fontenay se rend au Palais royal de la ville, oi^ se trouvent
réunis les autres corps administratifs;, pour procéder à l'ins-
tallation des membres du tribunal criminel. Le procureur de
la commune prononce alors un discours, et requiert que
les lettres patentes de président diidil tribunal accor-
dées à M. Raison, ainsi que l'extrait du procès-verbal de
l'Assemblée électorale du 8 septembre, portant nomination
do MM. Dupuy et Goupilleau, pour accusateur public et
grenier, soient lues parle secrétaire-greffîer, et que lesdits
PENDANT LA. REVOLUTION 101
sieurs soient reçus au serment, porté par la loi du 24 août
1790. Le maire a ensuite pris la parole, a prié les sieurs Rai-
son, Dupuy et Goupilleau de lever la njain, et de prêter le
serment de maintenir, de tout leur pouvoir, la Constitution
du royaume, d'être fidèles à la Nation, à la Loi et au Roi,
et de remplir, avec exactitude et impartialité, les fonctions
de leur office; à quoi ils ont répondu, l'un après l'autre,
« Je le jure. »
Ce serment prêté, le conseil-général de la commune a
installé lesdits sieurs Raison, Dupuy et Goupilleau ; et, au
nom du peuple, par l'organe du maire, a prononcé l'enga-
gement de porter au tribunal et à ses jugements, le respect
et l'obéissance dus par tout citoyen à la loi et à ses organes.
Le District des Sables informe le Directoire de département
que des troubles ont éclaté à l'Ile d'Yeu.
A cette nouvelle, l'Assemblée arrête que trois compagnies
du 60'' régiment d'infanterie, ci-devant /?o?/«/-marme, orga-
nisé aux Sables, se porteront sur les lieux, avec deux pièces
de campagne, et que les instigateurs des troubles seront
saisis et dénoncés au directeur du jury*.
21 janvier. — Dumourisz informe le district des Sables
que le deuxième bataillon du 60" partira de cette ville le 24
du courant, et sera remplacé par le 1" bataillon du 51% en
garnison à la Rochelle, par suite de mésintelligence avec
la population de cette ville. Le Directoire proteste. contre la
venue de ce régiment, dont le nom seul alarme la popu-
lation.
23 janvier. — Deux bataillons du 51' d'infanterie (ci-devant
la Sarre) venant do la Rochelle, arrivent à Luçon.
24 janvier. — Belliard et Pommeray, capitaines du ba-
taillon de la Vendée, remettent au Directoire des Sables un
pli du Département, annonçant qu'il sera envoyé en cette
* L?s coupables furent arrêtés et le calme rétabli.
i02 JOURNAL d'un FONTENAISIEN '
ville cinq compagnies du 2" bataillon du 84* (Rohan), au
lieu et place du 2« bataillon du bi*.
25 janvier. — L'état-major, une compagnie de grenadiers,
et une de fusiliers du l" bataillon du 51° partent de Luçon,
se rendant à Niort. La garde nationale de Fontenay se rend au
devant du détachement. Les deux troupes fraternisent et tra-
versent la ville en criant « Ça ira ' ». Trois compagnies du
!•' bataillon et trois du 2* partent également de Luçon et se
rendent aux Sables. L'état-major du 2^ bataillon, une com-
pagnie de grenadiers, et deux de fusiliers, se dirigent sur
Nantes par Chantonna^. Une compagnie du l"' bataillon reste
cantonnée à Luçon, en remplacement de celle du 60* qui y
tenait garnison. Dumouriez mande au district des Sables
qu'il va recevoir, sous peu, deux pièces de campagne avec
cent coups à tirer par pièce.
8 février. — Mercereau, administrateur du district des
Sables, nommé commissaire à l'effet de ramener la tran-
quillité à l'île d'Yeu, informe ses collègues, qu'après y avoir
laissé un détachement de 12 homm.es, pour empêcher do
nouveaux troubles, il en était reparti le matin, ramenant le
surplus du détachement de 75 hommes du 60% emmené
avec lui.
9 février. — La caisse patriotique de Fontenay fait une
émission de cinq mille livres de bons de confiance, mis en
réserve lors de sa création. — Un décret de l'Assemblée
nationale confisque tous les biens des émigrés.
20-22 février. — Des attroupements séditieux se forment à
la Boissière des Landes, à l'instigation du sieur Robin^ prêtre
intrus de la paroisse, contre le citoyen Raynaud, maire de
la commune.
28 février. — Le District des Sables fait conduire à la
Monnaie de Nantes, 320 livres de métal de cloche et 54 livres
de cuivre, provenant du couvent des Gordeliers d'Olonne, des
PENDANT LA RÉVOLUTION 103
Capucins des Sables et de Tabbaye de Bois-Grolland, pour
être convertis en numéraire.
29 février. — La 1'* compagnie du bataillon de la Vendée,
commandée par Belliard, part pour Challans.
2 mars. — La 1" compagnie dudit bataillon arrive aux
Sables. Elle va coucher le lendemain à St-Gillcs, et de là
à Challans.
5 mars. — Un arrêté du Directoire de département expulse
tous les prêtres réfractaires remplacés dans leurs fonctions,
qui ne sont pas originaires de la Vendée et ne peuvent
justifier d'une année de résidence.
8 mars. — La 3' compagnie du bataillon de la Vendée va
tenir garnison à la Roche-sur- Yon.
9 mars. — Un nouvel arrêté appelle, au chef-lieu du dépar-
temen.t_, tous les prêtres réfractaires, remplacés dans leurs
fonctions. Ils sont tenus de venir, chaque jour, à onze heures
du matin, au secrétariat du Département^ s'inscrire sur un
registre ad hoc, pour y constater leur présence. Une pension
de 250 francs est allouée à ceux dépourvus de moyens
d'existence.
10 mars. — Le détachement de cavalerie ;, caserne aux
Sables, en part pour se rendre à Saintes (Charente-Inférieure).
La 2' compagnie du bataillon de la Vendée part de Fontenay
pour les Herbiers.
14 mars. — Le bataillon de la Loire-Inférieure vient tenir
garnison aux Sables, en remplacement du 2* bataillon du
84% dirigé sur l'Ile-de-Rhé.
15 mars. — Le 2' bataillon du 84" de ligne part des Sables
pour la Rochelle.
18 mars. — Des attroupements séditieux se forment à
Angles pour s'opposer au recrutement^ et se livrent à des
violences sur Dardel, président du district et commissaire.
104 JOURNAL d'un FONTENAISÎEN
20 mars. — Epaud, curé de Saint-Nicolas-de-Brem , est
condamné à trois jours de détention pour violation du secret
des lettres.
21 mars. — Les administrateurs de la Vendée informent
le général de Verteuil, des dispositions prises pour le can-
tonnement des troupes, dans le département de la Vendée
et sur le littoral de la Loire-Tnférieure.
25 mars. - Trois compagnies du bataillon de la Loire-
Inférieure partent pour Talmont.
26 mars. — Dumouriez , devenu ministre des affaires
étrangères, remercie la municipalité de Fontenay du titre
de citoyen de cette ville, qu'elle vient de lui offrir.
28 mars. — Goupilleau(J. P.,) greffier du tribunal criminel,
et Denfer du Glousy sont élus commandant en chef et en
second de la garde nationale de Fontenay.
30 mars. — Deux compagnies du 84° de ligne, venues de
Challans, arrivent aux Sables. Elles en repartent, le lende-
main, pour se rendre àLuçon.
1"' avril. — A trois heures du soir, Goupilleau et Denfer,
élus commandants de la garde nationale de Fontenay, entrent
à rilotel de ville et annoncent que ladite garde est convoquée
sur la place. La municipalité les y accompagne. Un déta-
chement va ensuite chercher le drapeau, qui est placé au
centre du carré. Le maire prononce alors un discours ap-
proprié à la circonstance, proclame Goupilleau comman-
dant de la garde nationale, requiert de le reconnaître dans
ses fonctions, et de lui obéir dans tout ce qu'il commandera
au nom de la loi. Goupilleau proclame ensuite les officiers
de l'étiit-major et ceux des différentes compagnies, ainsi
que les sergents, caporaux et tambour-maître.
PENDANT LA RÉVOLUllON 105
5 avril. — La 2" compagnie du bataillon de la Vendée,
cantonnée aux H3rbiers, se transporte à Saint-Fulgent.
— Un décret de l'Assemblée Nationale prohibe tout
costume ecclésiastique et religieux.
16 avril. — La 4* compagnie du bataillon delà Vendée
part de Fontenay pour les Sables.
21 avril. — Une loi porte fabrication de monnaie avec
le métal provenant des églises paroissiales, succursales et
oratoires nationaux.
23 avril. — Le bataillon de la Vendée députe Gratton,
son commandant à l'Assemblée Nationale, pour demander à
être envoyé aux frontières. Goupilleau (de Fontenay) re-
commande à son cousin d'appuyer sa demande.
26 avril. — Un décret de l'Asssemblée nationale décide que
les ecclésiastiques, qui refuseront de se soumettre 'i la cons-
titution civile du clergé, seront déportés.
28 avril. — Les deux compagnies du bataillon de la Ven-
dée cantonnées à Ghallans et à Saint-Gilles arrivent aux
Sables.
29 avril. — La municipalité de Fontenay fait une émission
de .35,000 livres de billets de confiance de la caisse patrioti-
que ; 20,000 de quinze sols ; 25,000 de douze sols et 20,000 de
cinq sols.
— Les deux compagnies du bataillon de la Vendée partent
des Sablfs pour se rendre à Fontenay, afin d'y rejoindre le ba-
taillon, quia reçu l'ordre de .te rendre à l'armée du Nord.
30 avril. — Li municipalité publie un nouveau règlement
pour le service de la garde nationale.
l'ornai. - Le bataillon de la Vendée quitte Fontenay pour
se rendre à Avesnes (Nord). Il est remplacé par deux com-
106 JOURNAL d'un FONTENAISIEN
pagnies de fusiliers «in bataillon do volontaires des Deux-
Sèvres.
Le Directoire du district arrête l'état des domaines natio-
naux, aliénés à là municipalité de Fontenay, par décret du
8 février 1791.
10 mai. — La municipalité procède à la reconnaissance des
meubles inventoriés, le 2 septembre, chez les Lazaristes, et
appose les scellés sur la bibliothèque, en présence de Ghi-
nanlt, Jean-Baptiste, supérieur de la maison.
14 mai. — Poëy d'Avant' (Viclor-Faustin), savant numis-
matiste, naît à Fontenay'.
18 mai. — La municipalité autorise la plantation d'un arbre
de la liberté.
19 mai. —Le sieur Jallays de la Barre, Pierre-Benjamin,
agent royaliste, se rend à Fontenay, porteur d'jn passeport,
délivré par les comtes d'Arlois et de Provence, réunis à Go-
blentz.
20 mai. — L'arbre de la liberté est planté, à trois heures
du soir, aux cris de « Vive la Nation !» en présence dos admi-
nistrations, de la garde nationale, et delà compagnie du ba-
taillon de volontaires des Deux-Sèvres. Get arbre avait été
coupé dans la forêt deVouvent, sur la proposition de La-
pa^ra^ Alexandre, président de la Société populaire. Il était
recouvert de bandes de peintures tricolores, surmonté du
bonnet de la liberté et d'une banderole tricolore, flottant au
gré des vents.
• Il était fiU de Poey d'Avant, Joan-Aiigustin, natif de Pau, receveur du
domaine national et président do la Société populaire de Fontenay, mort
(l;ins cotte ville, le 8 juin 1801.
» 11 e.st mort dans cette même ville lo 3 juillet 1864.
' Ouvrier tapissier, natif de Bordeaux. Il fut fait pi'isonnier par les re-
belles, le 13 mars 93, au combat de Saint-Fulgent. Les papiers, saisis sur lui,
prouvent que c'était un émissaire de Roland, ministre de l'intérieur.
PENDANT LA RÉVOLUTION 107
21 mai. — Un arrêté du Directoire de département destitue
les sieurs Sabouraud et Rogues, desservants de l'Hôpital-
général et de l'Hôtel-Dieu, sur leur refus de prêter le serment
constitulionnel.
La municipalité de Luçon arrête l'émission de 1,500 livres
de billets de confiance de 4. 8, 12, 16 et 20 sols, à échanger
contre des assignats de 50 livres et au-dessus.
27 mai. — Le général de Verteuil donne l'ordre à la com-
pagnie de volontaires cantonnés à Bourgneuf de se rendre
aux Sables. 80 prêtres environ, non conformistes, internés à
Fontenay, y célèbrent la messe à l'Hôpital général, depuis
trois heures du matin jusqu'à midi et demie.
29 mai. — La compagnie du bataillon de la Loire-Infé-
rieure se rend des Sables à Talmont.
31 mai. — Pétion, maire de Paris, accuse réception au
médecin Dupuy (Louis-Benjamin), de Fontenay, d'un mémoire
sur les moyens dassurer la subsistance des grandes villes en
cas de disette.
Le Directoirede département nomme Bruet;, Jean, ci-devant
bénédictin à Mortagne, en qualité de desservant de l'Hôpital-
général, au traitement de 500 livres paran, et de GefTré, prêtre
de Niort, comme desservant de l'Hôtel-Dieu, aux appointements
de 700 livres.
1" juin. — Rodrigue confirme Bruet et Geffré dans leurs
fonctions de desservants.
2 juin. — Le Directoire du district autorise la municipalité
à faire enlever, sans délai, les cloches des chapelles des
couvents des Lazaristes, des Filles de l'Union-Ghrétienne,
des religieuses de Saint-François et de Notre-Dame, et à
les faire transporter à l'hôtel du district.
4 juin. — Cinq compagnies du 77" régiment d'infanterie
108 JOURNAL d'un FONTENAISIEN
(ci-devant la Marche), presque tout entière composé d'Alsa-
ciens, venant de la Rochelle, arrivent <à Luçon.
6 juin. — Deux des cinq compagnies du 77°, arrivées à
Luron le 4, en partent pour se rendre aux Sables ; deux
autres se rendent à Fontenay, la 5" reste cantonnée à Luçon.
Les deux compagnies du bataillon des Deux-Sèvres can-
tonnées à Fontenay et à la Châtaigneraie retournent à Niort,
et sont remplacées par celles du 77" venant de Luçon.
Bailly, ex-maire de Paris, et sa femme, arrivent à
Fontenay dans les premiers jours du mois.
Ils y séjournent quelques jours et se rendent à Nantes.
8 juin. — Un arrêté du Directoire de département renvoie,
dans leurs départements respectifs, les prêtres insermentés,
non originaires de la Vendée, qui avaient été remplacés.
11 juin. — Pervinquière, procureur-général-syndic, arrive
aux Sables; Il va rendre visite au Directoire du district.
15 juin. — Trois compagnies du 77' de ligne, arrivent aux
Sables.
17 juin. — Gavoleau, ci-devant curé de Péault, prête ser-
ment en qualité de vicaire constitutionnel de la cathédrale
de Luçon.
20 juin. — Le Directoire de département invite les admi-
nistrateurs des hôpitaux et du collège de la ville, les rece-
veurs, trésoriers, secrétaires et commis des mômes bureaux,
à prêter le serment civique dans la huitaine, sous peine de
destitution L'Assemblée nationale décide que les fonction-
naires publics et ecclésiastiques insermentés, qui se seront
rétr^actés ou se rétracteraient, seront privés de tout traitement
et pension.
21 juin. — Morcicu" du Rocher, substitut du procureur-gé-
PENDANT LA REVOLUTION 109
général-syndic, est envoyé à la Rochelle, pour retirer des
magasins de la ville les 4,800 quintaux de blé que le gou-
vernement avait fait venir de l'étranger, afin d'être répartis
entre les six districts du département.
23 juin. — Les moutons et brebis mérinos de la bergerie-
modèle de Péault sont vendus à Luçon, sur la demande
Je Gavoleau, son directeur. Cette vente produit 4,142 livres.
26 juin. — La municipalité de Fontenay est autorisée à
faire enlever deux des trois cloches de l'église Saint-Jean, pour
être envoyées à l'Hôtel des monnaies de la Rochelle, afin
d'employer le produit de leur valeur en travaux de charité.
La caisse patriotique fait une nouvelle émission de 48,000
livres de billets de confiance ainsi divisés : 30,000 de 15 sols,
30,000 de douze sols et 30,000 de cinq sols.
30 juin. — Un nouvel arrêté du Directoire de département
appelle au chef-lieu tous les prêtres réfractaires qui étaient
restés dans leurs cures.
8 juillet. — Une loi de l'Assemblée législative déclare la
patrie en danger.
14 juillet. — On célèbre à Fontenay l'anniversaire de la
3" fédération.
A dix heures du mutin, la municipalité s'est rendue à
l'Hôtel de ville, ainsi que plusieurs officiers municipaux et
maires des différents cantons du district, pendant que les
gardes nationales de la ville et des environs se réunissaient
sur la place d'Armes. A onze heures, la municipalité, pré-
cédée de ses collègues des autres cantons, s'est rendue
à l'Hôtel du département, où. avaient été convoqués tous
les corps administratifs et judiciaires. A onze heures et
demie, les gardes nationales descendent de la place d'armes,
musique et tambours en tête, et se rendent au champ de la
Fédération,au bruit des salves d'artillerie. Aleur passage dans
110 JOURiNAL d'un FONTENAISIEN
la Graiul'Rue, les autorités, réunies à l'Hôtel du département,
entrent dans les rangs dans l'ordre ci-après : 1» Le Direc-
toire de département ; 2" le Directoire de district; 3° le Tribu-
nal criminel ; 4° La Municipdlité; 5» le Tribunal de district et
les autres corps à la suite. Le cortège, passant par la grande
rue des Loges et la rue Saint-Nicolas, est arrivé dans la grande
prairie, où se trouvait élevé un amphithéâtre et l'autel de la
Patrie. Une salve d'artillerie a annoncé son arrivée. Les auto-
rités ont gravi les degrés de l'estrade et, devant l'autel de la
Patrie, en face, se sont rangés en hémicycle les gardes natio-
nales, les deux compagnies du 77« régiment et la gendar-
merie nationale. Le maire, entouré des officiers municipaux,
s'avançant alors sur le devant de l'estrade, a rappelé dans un
discours le respect de l'obéissance dus à la loi, l'importance
de l'exécution du pacte fédératif pour l'affermissement de la
Constitution et le salut de la patrie. Il a ensuite lu la formule
du serment; et tous les corps administratifs, les gardes natio-
nales, les troupes de ligne et la gendarmerie, ont juré son
maintien. Le cortège est ensuite redescendu de l'amphithéâtre
et s'est rendu, dans le même ordre, à l'Hôtel du département,
au bruit de l'artillerie et de la musique, en passant par le Pont-
Neuf et la place d'armes.
A sept heures et demie du soir, des lampions ont été allu-
més autour des pyramides élevées sur la place d'armes, ainsi
qu'aux arbres de la dite place, où des musiciens ont fait
danser une foule immense très avant dans la nuit.
Au-dessus de l'estrade élevée dans la prairie, il y avait
une inscription portant ces mots :
LA LIBERTÉ OU LA MORT.
Sur les coluuties.de chaque côté, deux autres ainsi conçues:
FIDÉLITÉ: A LA CONSTITUTION. SOUMISSION A LA LOI ;
Sur les quatre faces de l'autel de la patrie, les quatre
inscriptions ci-après :
PENDANT LA RÉVOLUTION lll
AUTEL DE LA PATRIE. — LIBERTÉ. - SÛRETÉ. -
PROPRIÉTÉ.
15 juillet. — Trois compagnies du 77' de ligne partent
des Sables pour se rendre à Rochelort (Gharenle-lnlérieure).
16 juillet. — Les deux compagnies du même régiment,
tenant garnison à Fontenay, depuis le 6 juin précédent^ et
suspectées de favoriser la contre-révolution, quittent la
ville, à l'instigation du Directoire du département, et sont di-
rigées sur la Châtaigneraie, Montaigu, la Roche-sur-Yon et
Luron.
19 juillet. — La patrie ayant été déclarée en danger, le
Conseil-général de la commune arrête qu'il est en état
de surveillance permanente et qu'il continuera, sans interrup-
tion, ses fonctions, jusqu'au moment où le Corps législatif
aura déclaré que la patrie a cessé de l'être ; il invite tous les
citoyens au maintien du bon ordre et de la tranquillité^ à l'ob-
servation des lois, à la soumission aux autorités.
Tous les citoyens en état de porter les armes^ ayant fait le
service de gardes nationales, sont déclarés en état d'activité
permanente. Us sont, en outre, tenus de déclarer, dans la hui-
taine, le nombre et la nature desarmes dont ils sont pourvus.
Tout homme résidant ou voyageant dans la commune, est
tenu de porter la cocarde tricolore. Toute personne, revêtue
d un signe de rébellion, sera poursuivie devant les tribunaux
ordinaires ; et, si c'est intentionnellement, elle sera punie de
mort, conformément à l'article 17 de la loi du 8 juillet 1792.
21 juillet. — Les Sœurs grises de l'Hôpital se refusent à
aller entendre la messe des prêtres conformistes.
22 juillet, — Le Conseil-général de département décide que
les séances seront publiques, à dater de ce jour.
23 ivlkt. — L'église de Pîssotle esc fermée, -rar crdr* da '
DepiT^einiec: e: Les clefs déposées à ia. m.:
24 juiileC- — Le r ■ ^ 'iire de déparfceïLuiJj-i i=L i-L__.i:iie i
- ■ ' f amaes oalJDaaiiLS, à prec
àiiT t«i . :.e -ii vrZ'f ics moatoas de ia i-er-
..:—-- ^ .:.. rise. en. ûticre^ le ïr - ' " ^t an chef-
kcû ûè '- f s cai^âiiOâ et asiÈres boioches ^ ; c~;i aux maios
des ÏNà:- - l'i-
25 imUei — Le Directoire t . anx citoveas Je déclarer
à lear :: . r, ïa natïire des arm.es et [aquiac-
- - r - - _ . . en. e:; i de lia îoî d' .
^ - -t
26 juillet- — Ld-D.. - -re arrête . _ : de quatre pièces
de cajttïMi de Miice, sur aifâss de jj. — ^: i_-ie. da caiïlîre di^
q(iiafire_, et; aonmiâ poor cctnmiissaire Biomacoy^ Fim de ses
-nem hrffs. pooir ader à Ri ._ .ji ea fe'r^ "^r'-n-î" ^rfion. aÊrii:
'"jie cent ûOkiiets et Ttufft coups â mitra— c
27 pnllet. — Le Direcsonre décide qu'El preniira scssessioa
itt convint de ITTeiGiiL dirétiaiMie pour y teniir ses séances.
28 jailli — Le T - de «i . _ zamt arrête (que lies"
FâMesc- - .ie de FonEenay serf^ntii r^imfg^ -,
- .-s de Loç©!!. a maitns '.: - me préÉêreiilL se relirer dajas
^ " . _ i.
2r '"jn-lec. — -, _ Te-'îtr-aiit citoy?!! - - - •
ati Z —eut ame i - . . .- . _
Çe r- ^ Ssors de 'a. C':i ^ ■ - *h:ir*:r?!^s "îe "'ii.j-
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pr'ne Ti -'.s ne Le lépariemeii; icLt aasser iatr= ^^ ^^r^c
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pLut^^d .c. _ -c l2 août: snivanL
CHOSES D'ART
SUR le désir qui nous en a été exprimé par quelques-uns
de nos lecteurs, nous reproduisons ci-après les divers
articles publiés par notre Directeur sur les dernières
eaux-fortes de M 0. de Rochebrune.
I
Une nouvelle kal-fortk de M. 0. de Rochebrune. — La
FAr-ADE DU CHATEAU DE LA ROCHEFOUCAULD.
10 décemoie i^yO.
S'il était encore possible de douter de la supériorité artistique de
l'eau-forte, il suffimit. pour s'en convaincre, de jeter les yeux sur
la splendide planche que M 0. de Rochebrune vient de consacrer au
château de la Rochefoucauld (Charente).
On l'a dit avec raison : La France est le pays que le Français con-
naît le moins, gui connaissait la somptueuse demeure de François
de la Rochefoucauld avanr que le maitrp i^iaveur en ait révélé les
merveilles architecturales ?
Ancienne construction féodale, élevée sur les rives ombreuses de
la Tardoire, ce château a été l'objet de nombreux remaniements. Au
XVI« siècle notamment, on en fit disparaître les courtines pour y
lojrer des façades plus appropriées aux goûts artistiques de l'époque.
Tome iv — .Janvier. Kévrier. Mars 189i. 8
1 1 ', CHOSES u ARTS
Celle que représente la planche de M. de Rochebrune est couronnée
de charmantes lucarnes et flanquée de deux puissantes tours, dont
l'une, à droite, date du XIV« siècle, et l'autre, celle de la chapelle,
rappelle la brillante époque de la Renaissance. Tout le long de cette
façade règne une terrasse avec balustres Louis XVI, du haut de la-
quelle l'oeil embrasse les plus riants paysages.
Ce même côté gauche de la planche nous montre une portion des
bâtiments élevés au nord, à la fin du XVIF siècle, et appuyés à une
troisième tour du XV«. De la construction primitive du XIl" siècle,
on ne voit que le sommet du donjon, qui ne compte pas moins de 30
mètres de hauteur. La vieille église romane, aujourd'hui désallèctée,
dont la silhouette absidale s'aperçoit également à gauclie, au-dessous
du moulin moderne, est sans doute contemporaine du donjon. Dé-
tail curieux : cette imposante demeure est construite sur une vaste
grotte, probablement creusée à l'époque préhistorique, et dont la
présence ne se ti-ahit à l'extérieur que par un petit oculus percé
dans le mur de la terrasse.
De cet ensemble, dont la nature et l'art se disputent l'intérêt,
M. de Rochebrune a fait une superbe reproduction. Jamais peut-
être la pointe de l'éminent aquafortiste, dont le passé est cependant
si riche de succès et de gloire, n'avait été mieux inspirée. Dans sa
restitution des grands châteaux historiques, écrivait naguère de lui
un critique parisien, il y a certainement du Piranèse. Qu'en eùt-il
donc pensé s'il avait eu sous les yeux l'œuvre d'aujourd'hui ?
.Jusqu'alors, en effet, l'architecture était à peu près l'unique source
cil l'insatiable talent de M. de Rochebrune aimait à se désaltérer,
S'adonnant à l'heure pi-ésente à une nouvelle manière, il a su fondre
avec une perfection que la plume est impuissante à rendre la majesté
de la demeure antique avec le charme du paysage printannier. Si
bien que l'œil ne sait ce qu'il doit le plus admirer, du relief des
sculptures, de la limpidité des eaux, ou de la frondaison ensoleillée
des bois. C'est tout à la fois la possession du pittoresque et de la
vérité.
Brel", le front du maitro a beau se couronner de neige, sa main
plus sùro que jamais semble avoir fait un pacte avec la jeunesse.
L'incomparable planciio de la Rochefoucauld en est une éloquente
preuve, qui ne sera point démentie par celles que nous font espérer
les merveilleux croquis dont sont remplis les cartons de l'atelier de
Terre-Neuve.
CHOSES d'art 1 15
II
La. SECONDK FArADK DU CHATEAU DE LA ROCHEFOUCAULD.
30 janvier 1891.
De même qu'il est, de par le monde, des oeuvres divines dont
rétonnante splendeur se joue victorieusement des plumes les mieux
douées, de même il est des productions humaines dont la perfection
délie la plus avisée critique. Les eaux-fortes de notre éminent com-
patriote, M. 0. de Rochebrune, sont de ce nombre, et il est presque
téméraire d'en essayer l'éloge.
Doué d'un talent qui ne se lasse jamais, le maître graveur, dont
nous saluions il y a quatre semaines une superbe vue du château
de la Rochefoucauld , vient de donner en quelques jours à cette
oeuvre remarquable un digne pendant, où les qualités accoutumées
de l'artiste se retrouvent au grand complet et éclatent plus mani-
festement que jamais.
C'est encore le château de la Rochefoucauld — cette magnifique
demeure Renaissance, construite en 1523 par l'architecte Antoine
Fontan — qui a tenté la pointe de M. de Rochebrune ; nous ne de-
vons pas nous en plaindre, car la façade ouest que nous présente
la nouvelle planche n'est certes pas d'un moindre intérêt architec-
tural que la précédente.
Cette façade du X.VI« siècle a été, comme toutes les autres du
même château, intercalée entre des constructions d'une époque an-
térieure : à gauche, une grosse tour ronde du XIV® siècle, et à
droite, une poterne flanquée de deux petites tours de même époque.
On aperçoit en fuite, derrière cette poterne, le majestueux donjon
X1I« siècle, un corps de bâtiment du XVIl" et une tour d'angle
du XIV».
Un des plus curieux morceaux de cette façade est à coup sûr la
balustrade, dont les festons se déroulent sous les lucarnes de la
toiture. Formée de compartiments oblongs renfermant alternative-
ment les initiales F et A des prénoms de François de la Rochefoucauld
et d'Anne de Polignac, son épouse, elle repose sur une série de co-
quilles encadrées dans une riche moulure formant arcatures con-
I 16 CHOSES D AHT
tinues dans toute lu longueur. Ces arcatures s'appuient elles-mêmes
sur des modillons ou culots variés rappelant les grotesques obscé-
nats du XII* siècle.
A voir, du reste, le parlait état de conservation extérieure de la
pierre, on se croirait en face d'un château récemment édifié. Mais
l'illusion s'évanouit rapidement, dès qu'on en franchit le seuil.
L'état de délabrement de l'intérieur fait, en effet, peine à voir. N'est-
ce pas trop souvent, hélas ! le sort réservé à ces merveilleuses
bâtisses oii la noblesse française — cette grande prodigue de sang
et d'or — épuisa naguère le meilleur de ses ressources, quand sonna
l'heure de l'éclosion artistique du XVI« siècle?
Le pavillon central, éclairé par quatre fenêtres étagées, renferme
un magnifique escalier en vis de Saint-Gilles, avec voûtes en trompe
dans les angles, qui rappelle celui de Chàteaudun, Les marches,
d'une seule pierre, ont de 3 à 4 mètres de long sur 1 mètre de large
environ. L'artiste a sculpté suil'appui-main du dernier palier un
singulier personnage à capuchon et à casaquin orné de grelots, qui
doit figurer leboullbn du château. Du haut de la lanterne de ce
monumental escalier, on aperçoit toutes les charpentes de l'édifice
— véritable forêt de limandes de chêne, dont la carcasse renversée
d'un navire donnerait une assez juste idée.
La fenêtre à double croisée, qui touche le tourillon situé à gauche
de la façade, versait le jour dans un charmant boudoir Louis XllI,
dont le décor du plafond et des murs dénote chez le peintre qui l'a
exécuté une grande habileté dans l'art de filer les arabesques et
d'appliquer l'or. Cariatides et monogrammes, corbeilles de fruits et
paysages se disputent les panneaux, dont le nombre, au dire de la
tradition, égalait celui des propriétés de la famille de la Ro-
chefoucauld.
Les ouvertures qu'on aperçoit dans le glacis du soubassement
éclairaient les magnifiques cuisines placées dans les substructions.
II y a eu dans les deux immenses cheminées placées dos à dos de
ces cuisines de telles flambées, que le contre-cœur qui sert aux
deux et qui n'a pas moins de 80 centimètres d'épaisseur, est percé à
jour. Ces cheminées, qui rappellent assez exactement celles de l'an-
cienne abbaye de Saint-Michel-en-l'Herm, ont chacune neuf mètres de
largeur. Le confortable de l'intérieur répondait parfaitement, on le
voit, au luxe du dehors.
Ce merveilleux ensemble est admirablement rendu par la planche
de M. de Rochebrune. On y trouve reproduits avec une surprenante
fidélité, en même temps que les mille et un détails des sculptures,
I
CHOSES d'art 1 17
tous les effets de lumière, la vivacité des ombres, le mouvement des
toitures et le coloris du paysage.
Bref— il nous plait de le redire — en confiant au cuivre les magni-
ficences de ce monument, M. de Rnchebrune a doublement mérité
de l'art français ; car il a tout à la fois sauvé de l'oubli un des tré-
sors de notre architecture et ajouté une admirable page à l'histoire
de la gravure.
lll.
La. cocr intérieure du château de la Rochefoucauld
par m. 0. de rochebrun'e.
■^o mars 1891.
L'œuvre du maitre graveur de Terre- Xeuve eût été incomplète,
s'il n'avait pas ajouté à la collection de ses admirables eaux-fortes
la vue de la cour intérieure du château de la Rochefoucauld.
De toutes les splendeurs que l'architecte de la Renaissance a se-
mées comme à pleines mains dans cette royale demeure, il n'est
peut-être rien, en effet, de plus merveilleusement original que ces
trois étages de galeries superposées avec leurs voûtes à nervures
et à clefs pendantes. -îe n'essaierai point d'en faire ici la description. .
Ce sont là merveilles que le burin seul du maitre pouvait faire
revivre.
Avec l'immense talent qui l'a depuis longtemps placé au premier
rang des artistes dont la France s'honore, M. de Rochebrune a
su rendre tous les détails de cette construction avec une vé-
rité et un éclat surprenants.
A la droite de la planche, on aperçoit une grande et belle fenêtre
ogivale, qu'encadrent de vigoureuses poussées de lierres et qui
éclaire le chevet de la chapelle du château.
•letons-y un rapide coup d'oeil. La porte, que la gravure ne pou-
vait donner, est bien composée comme mise en scène, mais la facture
en est plus que médiocre Tout ce qui y est figuré est d'une exécu-
tion fâcheuse. Les apôtres et les têtes d'anges sont plus particuliè-
rement maltraités. Cette ornemenration est sans doute l'œuvre de
quelque imagier du crû qui venait de travailler aux figures gro-
tesques des cathédrales. Il a, en eflFet, placé dans tous ses culots les
1 1S CHOSE? d'art
plus étranges et les plus libres conc:!ptions. On se croirait on plein
moyen âge.
Si l'on peut reprocher (lo la sécheresse r.n\ arabesques des pi-
lastres et de la lourdeur au galbe des chapiteaux, il faut reconnaître
que l'ensemble des lignes architecturales a de la puissance et de la
grandeur. L'intérieur de la chapelle a de même fort grand air. La
Révolution de 03 y a malheureusement mis sa griffe, en billant tous
les écussonsdes voûtes.
Avant de dire adieu au cliàteau de la Rochefoucauld, visitons
encore la grande salle de réception aux magnifiques poutrelles
moulurées, la salle à manger dont les panneaux représentent,
peintes sur toile et à la colle, les Fables de la Fontaine, et un petit
oratoire décoré de rinceaux, de paysages et de fruits, d'un très joli
ton et d'une parfaite conservation.
Au fond de la cour, se détache en clair sur un moelleux tapis de
gazon une petite coupole du XVI* siècle supportée par quatre co-
lonnes. Elle recouvre un puits très profond, creusé au pied du
donjon des XI" et XII» siècles, dont l'allure toujours imposante
semble se jouer de tout — des révolutions, des orages et des ans.
Tel est le talent du maître dont il m'a plu de faire une fois encore l'é-
loge, et dont les œuvres rediront aux générations d'après toutce dont
est capable la passion du travail alliée à la puissance du génie.
René Vatj.ette.
QUEL [ÉTAIT LE CAPITAINE
DU CHÂSTEL DE Li ROCHE-SUR- YON
EN 1 369 ?
Mon cher Directeur,
Il se propage, dans le champ de l'histoire, de ces erreurs qui ont
le privilège de vivre avec tant de résistance que tous les efforts des
chercheurs restent impuissants à les déraciner de l'opinion publique.
L'inexactitude que j'ai à vous signaler aujourd'hui est peu de
chose en réalité. Le fait historique auquel elle se rattache n'a point
été dénaturé. Toutefois il m'a semblé opportun de vous proposer
une rectification à introduire dans le quatrième fascicule de ce Dic-
tionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, de
MM. Beauciiet-Filleau, qui restera comme un des travaux de pre-
mier ordre consacrés à l'iiistoire de notre région.
Ouvrez-le à la page 557 (col. \) du premier volume, vous y lirez
ce qui suit :
« Blondeau (Jean), gouverneur en 13(39 de la ville et château de la
Roche-sur-Yon, les livra à Jean Chandos en échange d'une somme
de 0,000 liv. et se retira à Angers, oii, convaincu de trahison, il fut
condamné par le prince Louis, fils du roi Jean, à être lié dans un
sac et précipité dans la Loire, ce qui fut exécuté (B. A. 0 1847, 108). »
Nulle entorse n'a été donnée à la vérité historitiue. Il s'est ren-
contré, en 1309, dans notre Bas-Poitou, qui dépendait alors du duché
d'Anjou et relevait de la couronne de France, un capitaine ciiargé
de la garde du « chastcl de la Roche-sur-Yon », lequel était reven-
diqué par l'Angleterre depuis le traité de Brétigny.
['}{) QUEL ÉTAIT LE CAl'ITAINK
Se voyant assiégé, au commencement de juillet, par plus de 3 000
lances au service des Anjîlais, intimidé sans doute (il est de ces fai-
blesses qu'on a peine à s'expliquer) par les engins formidables qu'on
avait amenés de Tliouars et de Poitiers pour battre les remparts de
la forteresse, ce gouverneur oublia qu' « elle estoit bien taillie de
lui tenir un an se mestier faisoit », et, circonvenu par le duc de
Cambridire, il la livra dans les premiers jours d'août, moyennant
« six mil frans françois » pour les approvisionnements laissés aux
vainqueurs.
Et c'était au moment où Amaury de Craon, lieutenant du roi
dans l'Anjou, le Maine et la Touraine, recueillait f^es troupes à
Baugé pour venir à son secours, que « ledit chastiel, qui estoit
biaus et forts, fut vendu à nos ennemis. »
Froissart laconte que ce capitaine, « qui n'estoit mie bien soutilz,
comment qu'il fust assés bons chevaliers », se laissa conduire par
les Anglais jusqu'à la cité d'Angers, et, aussitôt son arrivée, fut
pris et jeté en prison par l'ordre du duc d'Anjou.
Et il ajoute que « de nuit, il fut boutés on un sa ch et jettes en la
rivière (la Maine et non la Loire) qui là keurt et noiiés. »
Ainsi le traître a existé, il a même été puni de sa forfaiture, ce
qu'il est presque consolant d"apprendre.
Mais quel était son véritable nom? D'où était-il originaire? Cette
« énigme, restée longterap?< insoluble pour tous les historiens du
Poitou », M. Siméon Luce a eu la bonne fortune de la deviner, et
c'est grâce à ses recherches aux Archives nationales, complétées
encore par celles de M. Paul Guérin', que nous pouvons apporter
quelques éclaircissements sur la question.
Froissart appelle notre capitaine Jehan Blondiau.f^, et le manus-
crit d'Amiens* nous donne Jehan Blondiau.v ou Blondieil.
De leur côté, les documents consultés aux Archives nationales le
désignent toujours sous le nom de Jean ou Jehan Belon.
Qui sait si Froissard, en défigurant son nom, n'a pas employé
Blondeati pour Belomieau, diminutif poitevin et angevin de Beloni
— Notez que je vous soumets ici la supposition, fort acceptable du
reste, de M. Siméon Luce.
.lehan Roion était d'Anjou, peut-être même d'Angers, oh il possé-
• Tierneil des d or umenf s concernant le Poitou, contenus dans les Registres
de la Chîincellerie de France, et pul)lii'^s dans les Archives historiques du
J'oilou, S. Luce t. XIII, (xvii et xix).
» Livre 1 (le l'.'-d. S. Luce. t. vu, p. ifil.
' Livre i de IVd. S. Luce, t. vu, p. .',70 et :!7|.
DU CHASTEL DE LA HOCHE-SUR-YON 121
dait une maison, située au tertre Saint-Laurent, qui lui fut confis-
quée par le roi Charles V, à cause de son « crime de lèse-majesté et
trahison », et donnée au clerc Jean de la Barre, en vertu d'un acte
daté de l'abbaye de Jumièges (24 août 1369).
Il détenait aussi le manoir de Renoué*, près de Loudun, qui
fut acquis, après sa mort, par Guy Mauvoisin, huissier d'armes du
roi, et vendu par lui au duc d'Anjou, qui lui-même le céda (22 mai
1375) aux religieuses de Fontevrault pour cent livres tournois de
rente qu'il leur devait.
Ce manoir était compris dans les deux cents livres de terres ou de
rente octroyées par le roi Charles à son « amé » Guy Mauvoisin sur
les biens confisqués de -Jean Belon (Paris, 12 janvier 1370), donation
dont la confiscation fut signée d'abord au « chastel du Loir », le 9
février de la même année, puis à Paris, le 12 avril suivant.
Nous trouvons encore une valeur de « Vllxxfrans », distraite, à
une date inconnue, des biens de Jean Belon, et assignée à Pierre
Guédon, dont les héritiers en vendent la jouissance, le 20 mars 1375,
à récuyer Jean Ghapperon .
D'où nous pouvons conclure que notre gouverneur avait une
origine qui était loin d'être roturière, et que plus d'un domaine lui
appartenait dans la province du Poitou commo dans celle d'Anjou.
Il est probable que Guillaume Beslon, chevalier, qui, en 1389,
possédait dans le Poitou le fief de Poix*, et avait épousé Jeanne de
Derfé, n'était point pour lui un étranger.
Jean Belon avait pour armoiries un écu portant trois tourteaux ,
le premier chargé d'un lion passant, perché, timbré d'un heaume de
face, aimé de trois tourteaux sur champ festonné.
Elles se trouvent reproduites sur trois sceaux, dont sont restées
munies des pièces contenues dans de? registres qui portent la délé-
gation de Tittes .çceZ^é?, et sont conservés à la Bibliothèque nationale\
\m m%^w ïïi
Nous savons pu- h'i que le 2"î mars 1331 (n. st.), à Tonnay-Bou-
tonne, il délivrait une quittance de gages pour services de guerre en
' Communes de Saint-Jean de Sauves et la Chaussée (Vienne).
» Poué ou l'oez, ccininune de Culion (Vienne).
* V. Ci. Demay. Inventaire ries sceaux de la collection 'lairambaulf, t. i, p.
!I3, n«s87li, 880 etSSI. La léj,'ende a été détruite sur le premier et le troisième
de ces sceauY. Celui qui porte le n^" 880 est un sceau rond de 18 millimî"tres,
et conserve ces fragments de la légende. ..
\'^'^ OVEL ÉTAIT M. CxFiTAIN» IH (JHASTEL
Sninton^p; qnn, loTjfôvrior 1:350 (n st.), il en diMivrnit un ^ nutiv, à
Pounnco, :\ l'ôcuvr^i' Guillnumo do ClKxumont, prair les -uorros
ù'AuJou ot du Mnino. et que 1p -^'A mai 1303, en qualité de maréchal
de Monseigneur de Craon, il scellait la montre du chevalier Tean
de Cressy.
En 1:î49, Jean Belon laissait mettre au pillage (les coupables pré-
tendirent avoir agi d'après ses ordres) les hébergements et manoirs
d'un habitant de Saint-Maixent, nommé Jean Faysiprent.
On sait qu'à cette malheureuse époque les crimes contre les per-
sonnes et les propriétés se multipliaient dans ur.e proportion ef-
frayante. L'acte de brigandage qu'autorisa Belon resta impuni
comme tant d'autres, et cependant la victime était morte subi-
tement de douleur à la vue de ses moissons dévastées, et ses enfants
furent réduits à la misère.
En cette circonstance, le lieutenant de Jean de Lisle, capitaine
pour le roi en Poitou, (il était aussi sans doute châtelain de Saint-
Maixent) fit preuve d'une faiblesse dont nous n'oserions justifier les
tristes conséquences.
A une époque qui n'a pas pu être précisée, Belon devenait capi-
taine de Vendôme.
Et le9 juin 13()3, maréchal d'Amaury de Craon, il adressait un
mandement pour faire payer la solde de Guy de Laval et des hommes
de sa compagnie.
Quand fut-il nommé « garde et capitaine de la tour ou chastel et
de la ville de la Roche-sur- Yon, laquelle le duc d'Anjou lui avoit
bailliée, confians de sa loyaltéet preudhommie » ? Nous l'ignorons.
Quand fut-il puni de sa trahison? Il nous serait difficile de
donner la date précise. Mais nous pouvons affirmer que, le 12 janvier
1.370, il attendait encore qu'on eût statué sur son sort, et que le
9 février, il « avoit esté jugié, condempné etmizaexecucionde mort. »
Quelle honte d'avoir ainsi terminé dans l'ignominie une carrière de
chevalier, qui en somme ne fut pas toujours sans reproche, et d'avoir
eu la naïveté de croire que la possession d'une grosse somme d'or et
d'argent est capable de compenser la perte de l'honneur!
La Roche-suv-Yon, 5 mars 1891.
EuG. Louis.
CHRONIQUE
DANS sa séance du 10 janvier 1891. le conseil municipal de Fon-
tenay-le-Comte a autorisé la fabrique de l'église Notre-Dame
■ à établir sur la ruelle qui contourne son chevet une passerelle
donnant accès à une sacristie de création récente. Cette sacristie
nouvelle permettra tout à la fois de restituer à l'église les chapelles
Renaissance aujourd'imi fermées et dont l'intérêt artistique est in-
contestable, et de dégager les verrières de l'abside actuellement en
partie masquées.
Les amateurs d'art sauront gré à M. 0. de Rochebrune d'avoir
mené à bien une campagne dont il a été l'ardent promoteur, et qui
ne peut qu'accroître l'intérêt de la basilique Fontenaisienne.
M. l'abbé Lacroix, vicaire à Saint-Joseph de la Villette, a été
reconnu digne du grade de docteur ès-lettres après une thèse
brillamment soutenue en Sorbonne.
La tlièsp française de M. l'abbé Lacroix roulail sur l'épiseopat du
cardinal de Richelieu à Luçon. Cet intéressant sujet a fourni à
M. l'abbé Lacroix matière à un travail des i)lus sérieux et des
plus documentés, plein de révélations curieuses sur cetre grande
figure du cardinal de Richelieu.
La Revue du Bas-Poitou, dans son numéro de janvier 1889, a
publié (Ml primeur la conférence faite sur ce même sujet par
M. l'abbé Lacroix à la réunion générale des Antiquaii'es de l'Ouest
du 0 janvier de la même année.
A la séance du 'A décembre 1890 de la Société de statistique des
Ueux-Sèvres, M. Roy a présenté un vase qui lui avait été cédé par
M. Raoul de Rochebrune, propriétaire au château de la Court.
Le château de la Court ayant appartenu à M. Fillon, on a cru que
cet objet avait fait partie de sa collection, et on était surpris qu'il
n'en eût pas parlé. '-De nouveaux renseignements fournis par M. de
Rochebrune nous apprennent qu'il vient de chez son beau-père,
M. Rampillon des Magnils.
124 CHMOMQUK
Ce vase, lonjî de 0,60 centimètres et haut de 0,30 centimètres, a
la forme d'un ovale très allongé, avec cette particularité que la base
est d'une dimension bien plus grande que l'ouverture qui n'a que 7
'centimètres de largeur, ce qui lui donne une grande stabilité.
La terre est noirâtre avec traces de vernis vert. La panse est or-
née de dessins à la roulette. Deux tenons placés <à chaque extrémité
servaient à le transporter.
Un autre vase semblable a été trouvé à Sainte-Hermine, il y a
quelques années, et acheté par le musée de Saint-Germain. Il est
orné des mêmes dessins, et de plus, il porte des emblèmes religieux.
Enfin, un troisième vase fait partie de la collection de M. Jous-
seaume, à Fontenay-le-Comte.
L'ornementation de ce dernier est formée de losanges et entière-
ment enduite d'un vernis vert.
Ce sont les trois seuls spécimens connus jusqu'à présent.
De quelle époque sont ces vases? A quel usage étaient ils destinés?
M. le conservateur de Saint-Germain ne se prononce pas ; il l'a
acheté à titre de rareté, écrivait-il il y a quelques jours à M. Emile
Breuillac, et ne peut ilire qu'une chose : Ce n'est ni gaulois, ni gallo-
romain.
L'idée que ces vases pouvaient servir à transporter des liquides
sur des bateaux (tous trois provenant de localités voisines du Marais)
a engagé M. Desaivre à demander des renseignements en Hollande,
où les transports sur les canaux sont fréquents.
D'après l'avis de M\I Loemans et Pleyte, directeur et conserva-
teur du musée d'antiquités de Leyde, on n'a jamais rien vu de sem-
blable au point de vue du transport des liquides.
M. O. de Rochebrune a terminé, depuis notre dernier fascicule,
deux nouvelles et magnifiques eaux fortes sur le Château de la Ro-
chefoucauU. M. René Vallette en a donné plus haut la description.
L'éininent aquafortiste vendéen, dont le talent est infatigable ,
prépare en ce moment une autre grande planche qui représentera le
Château de Saint-Ouen-des-Toits (Mayenne).
M. Roy, de la Châtaigneraie, vient d'enrichir sa précieuse collec-
tion numismatique d'une centaine de monnaies romaines en bronze
trouvées près de Saint- Pierre-du-Chemin.
M. Henri Béraldi va publier prochainement dans son onzième
volume des Graveurs du XIX" siècle (Paris, Conquet), le catalogue
complot de l'œuvre de notre très distingué collaborateur, M. 0, de
Rochebrune.
. Ce cataio^rue sera grouj^é par séries pour les petites planches et
CHRONIQUE ' 125
cliaque gravure plus importante aura un numéro à part avec indi-
cation des divers états.
MM. de Rochebrune et Brochet ont fait en février dernier une
e.vcursion archéologique à Benêt et ont trouvé, dans des fouilles
opérées aux environs, deux curieuses stèles gallo-romaines, dont la
description et le dessin ont été donnés dans un article spécial de
M. L. Brochet.
Les 17 et 18 mai prochain, un grand concours musical d'orphéons,
de fanfares et d'harmonie, aura lieu à Fontenay-le-Comte, sous la
présidence de M. Laurent de Rillé. De grandes fêtes seront organi-
sées à cette occasion par la municipalité.
Le 25 janvier IS91, notre érudit collaborateur, M. L. Brochet,
agent-voyer d'arrondissement a fait, à la Bibliothèque populaire de
Fontenay, une très remarquable conférence historique sur Fonte-
nay dans le passé.
Le 28 lévrier et le 1" mars 1891, M. de Bernoff a fait à la RÔche-
sur-Yon deux conférences sur la Yie russe — l'une au Cercle
militaire ot l'autre au Cercle du Commerce.
Le Congrès annuel des Sociétés savantes s'ouvrira à la Sorbonne,
le mardi 19 mai et durera jusqu'au 23. On trouvera aux bureaux de
la Revue les différents programmes de ce Congrès.
M. Odiu, pharmacien aux Sables-d'Olonue, a offert au musée de la
Rochelle un madrépore provenant des récifs de Rochebonne.
Le syndicat des agriculteurs de la Vendée a tenu, le 12 janvier
1891, son assemblée générale annuelle à la Roche-sur- Yon. Le
Publicateur de la Vendée (N" du 25 janvier 1891) en a donné le
compte rendu.
M. le docteur Blé, médecin à la Roche- sur- Yon, et M. .loussemet,
maire de Longeville, viennent d'être nommés ofîlciers d'Académie.
M. Anatole Mercier, de Saint-Maurice-des-Noues, vient d'obtenir
un diplôme de littérateur que lui a délivré la Société « Le Phare
littéraire de Paris », dont il lait partie.
Avec l'assentiment de M lo docteur Gouraud, propriétaire des
ruines du château de Talmont, MM. Loquet et Libaudière, archi-
tectes à la Roche-sur-Yon, y ont récemment pratiqué des fouilles qui
ont amené la découverte d'un tronçon de canon.
126 CIIHONIOUE — NÉCROLOGIE
NÉCROLOGIE
M. L0U1S-V[CT0R-ALEXANDRE-CESAU BOSCAL DE REALS ,
comte DE MORNAC, lieutenant- colonel d'infanterie en retraite,
ollicier de la Lé^'ion d'honneur, né le 9 mai 1829, à Beaufou (Vendée),
décédé à Versailles, le (i janvier 1891. (Voir l'article publié par la
Revue de Saintonge et d'Aunis, du l-^' mars 1891).
M. GUSTAVE RIVALLAND , membre du conseil municipal de
Fontenay-le-Comte, décédé à Saison (Cochincliine), le 21 janvier
1891."
M. FRADIN, maire de Sallertaine, décédé le 24 janvier 1891. A ses
obsèques, M. de Baudry d'Asson, député de la Vendée, a prononcé
un discours. (N" du 25 janvier 1891, du Publicateur de la Vendée)
M"»" MARGUERITE PÉROLE, fille de la Charité, décédéo à l'hospice
de Fontenay dans sa 80" année, le 29 janvier 1891.
M. GRASSAL, décédé à l'Aiguillon-sur-Vie, fin janvier 1891.
Officier de très grand mérite, ayant pris une part glorieuse aux
luttes de la dernière guerre, il crut devoir, en 1871, dit le Publica-
teur de la Vendée (N" du 28 janvier 189n, quitter les rangs de l'ar-
mée active. Quoique jeune encore, il était chef de bataillon et che-
valier de la Légion d'honneur.
M. FÉLIX RAISON, décédé à Vouvant fin janvier 1891. La Vendée,
) a publié sur lui un long article nécrologique.
M. LE SAFFRE, membre de la Gonféroncs de Saint-Vincent-de-
Paul, décédé à Ghallans, le 4 février 1891 .
M. l'abbé PIERRE-HENRI PIGMAUD, ancien curé de Saint-Malo-
des-Bois, décédé à Mormaison, le 4 février 1891.
M. l'abbé ÉTIENJNE GENDRON, curé de Saint-Hilaire-ie-Loulay,
décédé le 16 février 1891, à l'âge de 82 ans. Né à Noirmoutier le
3 novembre 1814, M. l'abbé Gendron fut ordonné prêtre le 19 dé-
cembre 1840. Après avoir exercé pendant quatre ans les fonctions
CHRONIQUE — NÉCROLOGIE 127
de vicaire aux Essarts, il fut nommé successivement curé de Tif-
fauges en 1844, de Saint-Michel-en-l'Herm en 1850. et enfin de
Saint-Hilaire-de-Loulay le 15 avril 1858.
M. l'abbé ANTOINE CLÉNET, ancien curé de Martinet, décédé le
17 février 1891. Né à la Gaubretière le 31 mai 1810, M. l'abbé Clénet
fut ordonné prêtre le 8 septembre 1833 et envoyé comme vicaire à
Cugand, puis aux Sables-d'Olonne. Nommé curé de Martinet le 14
septembre 1845, il y exerça le saint ministère durant 45 années. Il
vivait retiré depuis trois mois environ.
M. LÉOPOLD FAVRE, imprimeur à Niort, né à Champagné-les-
Marais (Vendée), le 12 octobre 1817, décédé à Niort le 17 février 18'.)1,
dans sa 74* année.
On lui doit la publication de plusieurs œuvres vendéennes, no-
tamment V Histoire de Maillerais, par Charles Arnauld (l vol. in-8«
1840), l'Histoire des comtes de Poictou et ducs de Guyenne, par Jean
Besly, nouvelle édition, 1 vol. in-8° 1840 -, Notes et croquis sur la
Vendée, parE. de Montbail, (1 vol. in-4° 1843).
La Revue Poitevine a donné dans son numéro du 15 mars 1891,
un article nécrologique assez détaillé sur M. Favre et une bibliogra-
phie des travaux édités par lui.
M. THÉOPHILE ESGONNIÈRE , décédé le 18 février 1891, à la
Roche-sur-Yon.
M"' MARIE-LÉONIE LEMERCIER, née LIBAUDILRE, décédée à
Nantes, le 21 février I89t, dans sa 44* année.
M. l'abbé BOUTEAU, décédé aux Sables-d'Olonne, à l'âge de 83 ans,
dans la nuit du 20 au 21 février 1891.
M"" MÊLANIE DUBOIS, veuve de M. AUGUSTIN BELLET, ancien
notaire, décédée à Chaix, Vendée, le 24 février 1891, dans sa 86* année.
M. AUGUSTIN-ANDRÉ BOGQUIER, maire de Nesmy depuis 1852,
décédé le 26 février 1891 .
Madame la comtesse EDOUARD DE MONTI DE REZÉ, décédée à
Nantes fin févi'ier 1891.
M. l'abbé MILLASSEAU, ancien doyen du Poiré-sur-Vie, décédé le
4 mars à Beaupréau (Maine-Loire).
Narcisse-François Millasseau, né le 13 novembre 1824, àMcnomblct,
128 CHRONIQUE — NKCROLOGIl-:
ordonné prêtre le 18 décembre 1847, remplit d'abord les fonctions de
vicaire il N.-D. de Fontenay. Il fut nommé curé de Poiré-de-Velluire
en 1840, curé de Bazoges-en-Pareds en 1854, et curé doyen du Poiré-
sur-Vie, le 31 juillet 1864.
Le mauvais état de sa santé l'avait forcé de donner sa démission
le s mars 1884.
M. l'abbé PHILIPPE GUIOCHET, né à Beaulieu, le 2 mars 1866,
ordonné le 15 juin 1889, ancien vicaire de Mareuil, décédé le 10 mars
M. l'abbé BONNAUD, ancien curé de Notre-Dame de Charzais,
décédé le 5 avril 1891 à Fontenay-le-Comte, dans sa 78^ année.
D'une érudition profonde, M. Bonnaud a cultivé toutes les sciences
profanes ou ecclésiastiques et publié de nombreux travaux. La
place nous manque pour en donner la Bibliographie complète.
CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE 129
BIBLIOGRAPHIE
-^>53S5<&-
NOTRE confrère et ami, M. C. Chappot de la Chanonie, qui s'est
déjà fait une réputation dans les lettres, vient d'ajouter un
nouveau titre à sa double renommée d'écrivain et d'érudit,
en publiant chez Pion les Mémoires politiques et littéraires
du général Tercier.
Ce sont les confidences, parfois un peu maussades, d'un courageux
soldat dont l'âme a été froissée par l'ingratitude et l'oubli de ses
amis, et qui dit tout ce qu'il peut de ceux qu'il a rencontrés dans sa
vie militaire de 1770 à 1816. Entré au service, volontaire dans le
régiment de Normandie-Infanterie, il a fait la guerre d'Amérique, a
été dans l'intimité absolue de la future impératrice Joséphine, a
fait la guerre de Vendée, combattu à Quiberon parmi les royalistes,
a été incarcéré au Templa lors de la conspiration de Cadoudal et a
assisté à la rentrée des Bourbons qui ont fait de lui un maréchal de
camp. On devine l'intérêt de ces Mémoires, que M. de la Chanonie
a précédés d'une excellente préface et accompagnés de précieuses
annotations.
Nous venons de recevoir le 4® fascicule du Dictionnaire historique
et généalogique des familles du Poitou, de MM. Beauchet-Filleau .
C'est pour nous une nouvelle occasion de faire l'éloge de cette
grande œuvre.
Nous y avons relevé les noms suivants qui appartiennent au Bas-
Poitou : Bernon (St-Martin l'Ars), Bertaud (la Roche-sur-Yon), Ber-
thelot (Luçon), Berthon (Fontenay), Berlin (Fontenay), Bertrand de
la Roche-Henri, Bertrand de Saint-Fulgent, Bertrand de la Bazi-
nière, Béry (Cheffois), Beshj (Fontenay), de Bessay (Luçon), Beuf-
vier des Paliniers (Palligny , au Tallud Saint-Gemme), Beugnon
(Menomblet,Vouvent), Beurrey de ChcUeauroux, Biaille deGermond,
Bienvenu (Fontenay), Uignolet (id.), Billaud (id.), Billy (Saint Michel-
en-l'Herm), de Biré, Birotheau (la Chaize-le-Vicomte), Birotteau
des Burondières (Saint-Julien-des-Landes), Blouin (Marsais-Sainte-
ToME IV. — Janvier, Février, Mars 1891. 9
130 CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE
a
Radegonde>, Bocquier (Fontenay), Le Bœuf des Moulinets et de Saint-
Mars, du Bois (1-ontenay). Boisson (Le Langon, Saint-Hilaire-le-
Vouhis, Saint-Mars-la-Réorthe, Mortagne), Bonamy (Maillezais)
Portce«ne (Fontenay), Bonneaic de Beauregard (Saint-Hilaire-sur-
l'Autisc), Bonnet (Fontenay), Bonnin (Fontenay), Boscal de Réalsde
Mornac...
Dans le discours prononcé par lui à l'ouverture du Congrès ar-
chéologique de Francs tenu à Brive en juin 1890, M. le comte de
Marsy, directeur de la Société française d'archéologie, président du
Congrès, a bien voulu consacrer à la Revue du Bas-Poitou le passage
suivant :
« En Vendée, M. René Vallette a entrepris la publication d'une
Revue du Bas-Poitou, dans laquelle une large part est faite à
l'archéologie et ou il a la bonne fortune d'avoir pour collaborateur
un de nos artistes les plus distingués, M. Octave de Rochebrune,
qui lui prête souvent le concours de son burin et donne, par ses
eaux-fortes, une valeur exceptionnelle à ce recueil. »
Nos plus sincères remerciements à M. le comte de Marsy.
Nous avons eu souvent l'occasion de faire ici l'éloge des Paysages
et Monuments du Poitou, de M. J. Robuchon ; mais nous sommes
loin d'avoir dit de cette superbe publication tout le bien qu'elle
mérite. Les dernières livraisons qui viennent de paraître ne sont
point pour modifier notre opinion, et nous no pouvons que féliciter
absolument directeur et collaborateurs de leur parfaite exécution.
Ces livraisons sont les suivantes : Saint-Gilles-sur-Vie (Vendée),
par le R. P. Ingold, Palluau et Aspremont par M. l'abbé H. Boutin,
et Ligugé (Vienne), par M. de la Marsonnière. Temps et place nous
manquent aujourd'hui pour en parler plus longuement, mais nos
lecteurs ne perdront rfen pour attendre.
La monographie de Champdeniers (Deux-Sèvres), par M. Léo
Desaivre ost sous presse. Celles de la Châtaigneraie et Saint-Hi-
laire-des-Log es (Vendée), par M. René Vallette sont en préparation.
Extrait du volume du Conseil général de la Vendée, (2* session
ordinaire de 1890, etc., pp. lOG à 144) : Rapport de l'archiviste du
département, par G. Barbaud, archiviste de la Vendée, dont la
majeure partie consiste en extraits d'anciens registres paroissiaux
très intéressants pour l'histoire des familles du Bas-Poitou. Les
communes dont M. G. Barbaud a dépouillé l'an passé l'ancien état-
civil, sont les suivantes : Auzais, Chaix, Charzay, Fontaines, Le
CHRONIQUE ^— BIBLIOGRAPHIE 131
Langon, Longèves, Montreuil, L'Orbrie, Pissotte, Le Poiré-de-
Velluire, Saint-Médard-des-Prés, Velluire, Saint-Gilles-sur-Vie,
L'Aiguillon-sur-Vie, Bretigiiolles, La Chaize-Giraud, Coëx, Croix-
de-Vie, Le Fenouillet, Givrand , Saint-Hilaire-de-Rié , Saint-
Martin-de-Brem, Saint-Nicolas-de-Brem , Notre-Dame-de-Monts ,
Soullans.
Nous venons de recevoir de M. Louis Vives, (éditeur, 13, rue
Delambre, Paris) le Traité d'iconographie chrétienne de notre
éminent collaborateur Mer X. Barbier de Montault. (2 fort voljames
in-8° accompagnés de planches et dessins nombreux par M. Henri
Nodet, architecte) Cet ouvrage, témoignage nouveau de la science
profonde de l'auteur, mérite plus qu'une simple mention. Aussi au-
rons-nous grand plaisir à en faire ici une complète analyse.
Sous ce titre Curiosités testamentaires, notre aimable et spirituel
confrère Henry Bourgeois, avocat à la Roche-sur-Yon, a réuni dans
un'e brochure des plus originales une collection des testaments
historiques les plus bizarres.
Intéressant travail, à chaque ligne duquel percent la verve prime-
sautière et lafine humour du sympathique auteur. (1 fr. chez l'auteur)
A la séance publique annuelle de la Société des Antiquaires de
l'Ouest (4 janvier 1891), M. B. Ledain, président, a lu un discours sur
Savary de Mauléon, qui fut au XI IP siècle seigneur de Fontenay-le-
Corateet d'une grande partie du Bas-Poitou. Ce discours a été repro-
duit par le Courrier delà Fig/zng (numâros des 15 et 16 janvier 1831).
Sous le titre : Les Poètes Poitevins, un des plus distingués collabo-
rateurs du Publicateur de la Yendée, J. Gière, (M. l'abbé Jean-
Jacques Rousseau) a complété d'une très-intéressante façon dans ce
journal la brochure publiée sur le même sujet par M Olivier de
Gourcull et dont nous avons précédemment annoncé l'apparition.
Dans le /''/ja^ra du 23 janvier 1831, sous le titre Thermidor aux
Archives et la signature Maurice Barrée : « M. Benjamin Fillon avait
constitué sur le 9 thermidor un dossier donC aucune t scène de
théâtre n'atteindra l'effet dramatique.
« Tous les principaux acteurs du drame s'y faisaient entendre par
des pièces capitales. Heure par heure, on suivait la marche des
événements à la Convention, dans les comités, à la commune. »
Sous ce titre : Lu République ouverte, notvQ excellent confrère
M. Rémy de Simony, directeur du Publicateur de la Vendée,
vient de publier une brochure d'actualité politique, dont les pages
132 CHRONIQUE-BIBLIOGRAPHIE
éloquentes sont écrites style d'un incisif, et où l'élégance de la
forme s'allie merveilleusement à la vigueur des principes.
Notre savant collaborateur et ami M. Edgar Bourloton, se pro-
pose de publier prochainement dans les volumes des Archives his-
toriques du Poitou, le cartulaire de l'abbaye de Maillezais.
Le très-spirituel directeur de la Revue Poitevine et Saintongeaise,
notre ami, Jos. Bertlielé, a consacré dans le n" du 15 février 1^91
de son recueil (p. 58), une charmante page au compte rendu de la
petite fête offerte l'été dernier par notre directeur aux collabora-
teurs de la Revue du Bas-Poitou,. La page est même tellement cliar-
mante que notre modestie se refuse à la reproduire ici.
Grand merci tout de même à l'auteur !
M. Ch. Escudier, dessinateur à Niort, dans le but de perpétuer le
souvenir des costumes du pays qui disparaissent trop vite, au gré
des amateurs de pittoresque, vient de livrer au public les deux pre-
mières séries de ses Costumes Poi^erm^. La troisième série sera, nous
dit-on, consacrée aux costumes de la Vendée. (Niort. — Clouzot,
éditeur).
Tous nos vœux de succès.
Sous le titre : les Œuvres de V Église, notre distingué confrère
M. Adrien-Dubé, directeur de VEtoile de la Vendée a publié dans son
numéro du 15 février 1891 un très intéressant article où il passe ra-
pidement en revue les principales fondations hospitalières et cha-
ritables du Bas-Poitou.
Dans le même numéro de ÏEloile, notre excellent collaborateur et
ami, M. H. Collins, a publié sous le titre : Mon Carnet, un char-
mant, mais trop flatteur compte rendu d'une excursion faite par
lui au Bocage vendéen, en septembre dernier.
U. le baron Imbert de Saint- Amand poursuit chez Dentu la publi-
cation de ses très remarquables études sur Les Femmes des Tuileries-
Son dernier volume, qui vient de paraître, a pour titre Les dernières
anyièes de la duchesse de Berry.
La Revue Poitevine et Saintongeaise continue avec un intérêt
toujours soutenu la publication de ses livraisons mensuelles. Voici le
sommaire des derniers fascicules parus :
N" 8n. — Beaux- Arts. — Le musée de la ville de Poitiers, son ori-
gine, son passé, son présent (suite et fin), par P.-Am. Brouillet.
Nécrologie. — M. JAidowic Guette, par Louis Lévesque.
Histoire poitevine. — Etymologie du nom de Ligugé, par H. d'Ar"
CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE 133
bois de Jubainville. — Un singulier privilège, par Ernest Lévesque
— L'imprimerie des Oratoriens de Niort, par Jos. Berthelé.
Revue des Sociétés savantes, par Jos. Berthelé.
Chronique bibliographique. — Notices et comptes rendus, — Index
bibliographique, par Jos, Berthelé.
Gravures. — Monnaies poitevines de Richard Cœur-de-Lion, par
Georges Musset.
N° 87. — Histoire. — Jeanne d'Arc à Poitiers, par B. Ledain.
Archéologie. — Quelques croix de cimetières du département des
Deux-Sèvres, par Jos. Berthelé.
Nécrologie poitevine. — Ludowic Guette, par Louis Lévesque. —
Léopold Favre, par Jos. Berthelé.
L'Annuaire de la Société d'Emulation de la Vendée, pour l'année
1890, contient les très intéressantes études suivantes :
:^otice sur la cathédrale de Luçon. Manuscrit anonyme prove-
nant de l'ancienne collection B.Fillon, communiqué par M. A.Bitton.
— Procès-verbaux d'apposition descellés et d'inventaire à Vévêchè de
Luçon, lors du décès de Pierre Nivelle (10-15 février 1660). Coll. Du-
gast-Matifeux. — Extrait d'un inventaire dresse par l'abbé Dupin,
aumônier de Pierre Nivelle après le décès de ce prélat (7 mars 1660).
Collection Dugast-Matifeux. —Renseignements sur un portrait de
P. Nivelle par Lebrun dAlbanne. Collection B. Fillon. — Résultat de
l'analyse d'un denier d'argent du règne de Gordien III, découvert
au Veillon, en 1856, par M. A. Bertault. — Les devancières des
femmes de France. Procès-verbal de la séance de la Société popu-
laire de Fontenay-le-Peuple du 13 floréal an 2. — Renseignements
biographiques sur Pierre et Abraham Gasteau, sieur du Vignault,
maires de Fontenay,par B. Fillon. — Documents pour servir à l'His-
toire de l'Instruction publique en Yendée, pendant la Révolution,
par M. A. Bitton. — Notes sur la Châtellenie delà Gerbaudière, par
M. G. ToRTAT. — Poésies patoises, par M. J. Gukrin. — Les réquisi-
tions de l'armée catholique et royale dans la paroisse du Poiré-sur-
Vie, publiées par M. E. Louis et A. Rouillf:. — Nécrologie. Emile
Beaussire, par M. Euo. Louis.
De M. le marquis des Granges de Surgères, de la Société des Bi-
bliophiles contemporains: De la possession du Livre (/envers, 1890,
22 p.
M. Gaston Fraigniaud, conseiller de préfecture à la Roche-sur-
Yon, a publié dans la Revue illustrée des Provinces de l'Ouest (n' de
décembre, pp. 271 à 276) une étude sur V Ancien château de l'Ile-
d'Yeu, avec figures.
134 CHRONIQUE — • BIBLIOGRAPHIE
Dans le même recueil : Be l'autre côté du Gois, par notre excellent
collaborateur et ami, M. Eugène Louis.
Dans le Correspondant du 25 novembre, pp. 749 à 7G0 : La Vendée
héroïque, par M. de Lescure.
Da,nsVEtoilede la Vendée, {n° dn 19 février 1891): Messire Cle-
menceau de la Clêmencière, grand chantre en dignité du chapitre de
Luçon au XVI« siècle, par M. A. Pontdevie. (Reprod. d'un article
publié en 1880 dans la Semaine Catholique de Luçon).
Du môme journal (n" du 8 mars 1891) : Souvenirs Vendéens. Une
Jeanne d'Arc Vendéenne ou Renée Bordereau dite Langevin, par
l'abbé II. Boulin.
Sous cette même rubrique Souvenirs Vendéens, Y Etoile d\i 12 mars
1891 a reproduit un chapitre de la conférence de M. René Vallette :
« La Fenime en Bas-Poitou ».
Il vient de paraître, chez l'éditeur de musique Emile Chatot (rue
des Petits-Champs, P.aris), une délicieuse romance de M. Arthur de
la Voûte : Libellules,. SUT des paroles de Noél Bazan. C'est là un petit
chef-d'œuvre de mélodie et de simplicité. Toutes nos lectrices mu-
siciennes voudront avoir Libellules sur leurs pianos.
Dans le. Publicateur de la Vendée (n" du 9 janvier 1891) :
Un Épisode des guerres de la Vendée, ili"^ Sophie de Sapinaud et
M"* Robert de Lézardière.
Dans le même journal (n° du II janvier) : Deux Cygnes blancs tirés
sur l'étang du Blanc, poésie de M. le docteur Bourgeois, député.
Pour paraître prochainement la Chronique de VÉlevage hippique
de la circonscription do la Roche-sur- Yon, par M. Louis Hamon
auteur du Slood-Book Vendéen. (La Roche-sur-Yon, prix : 3 fr. 75).
Dans le Libéral delà Vendée (n'Ww 22 février 1891) : Recherches
HISTORIQUES SUR LA VENDÉE [.de M. A. ^Mion \, Récit de l'élection de
Rodrigue, curé de Fougère, aux fonctions d'évéque constitutionnel de
la Vendée par Gh Goupilleau, président de l'Assetnbiée électorale.
(Orig. collection Dugast-Matifeux).
De M. Paul Guillerot : La situation hippique en Vendée.
(La Roche-sur-Yon. Yvonnet ]8d\, 14 p. in-12).
Aux Propriétaires, éleveurs et Sportmen du département de la
Vendée — tel est le titre d'un intéressant opuscule récemment
publié par M. le comte de Bresson, chez M. Gouraud, libraire-
éditeur, Fontenay-le-Comte.
CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE 135
De M. André Joubert : Documents inédits pour servir à Vhistoire
de Vile de Noirmoutier sous Louis XIV (Vannes, impr. Lafolye, in-8*
de 11 pp.)-
De M. Lebedel, inspecteur de l'enseignement primaire : Quelques
notes historiques sur le département de la Vendée (in-12 31 p. Leguy
imp. Colin).
Le l"^"" fascicule de la Revue des sciences naturelles de VOuest, dont
nous avons précédemment annoncé la fondation, vient de paraître,
(broch. in-8°, 90 p. Tours, Bousrez).
Nous n'avons que des éloges à en faire, et dans le nombre des
r savants articles qui le composent nous signalerons notamment les
suivants : Les Provinces de VOuest à V Académie des Sciences de Paris
par Marcel Baudouin ; Histoire des sciences : Une lettre de Brou-
gniart : d'Orbigny, par A. Odin ; Etat de VostréicuUure en Bretagne
et en Vendée, par Bouclion-Brandely.
Ajoutons que nos distingués compatriotes MM. Odin et Baudouin,
font partie du Comité de rédaction de la nouvelle Revue.
Signalons aussi l'apparition d'un nouveau journal quotidien
régional, Le Nouvelliste de VOuest. Son premier numéro est daté
du 16 mars 1891.
Voici les sommaires des Chroniques de Bas-Poitou que nous
avons fait paraître dans le Publicateur de la Vendée depuis notre
dernier numéro :
I. L'histoire d'une Caserne. — Le Quartier Belliard. — Revue de
cavalerie. — Dumouriez et les jolies Fontenaisiennes. — Rompez
les rangs !
(,15 janvier 1891).
II. Le 21 janvier 1793. — Une page des Mémoires inédits de
Mercier du Rocher. — Le Supplice du Roi raconté par Santerre
— Profil de Vauteur.
(21 janvier 1891).
III. Les Misères de Vhiver. — Pour les pauvres, sHl vous plait. —
Une Loterie à Challans au siècle dernier. — La Promenade du Roy-
bœuf sous Vancien régime. — Les faux-monnayeurs et la Cacau-
dière.
(29 janvier 1891),
IV. Héroïnes vendéennes.
(12 février 1891).
136 CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE
V. A propos d'un concert militaire. — Le 93^ de ligne pendant
la campagne de France. — LOdysiée de son Drapeau. — Les Der-
nières cartouches de Saint-Privat. — Fidèle à sa devise.
(15 mars 1891).
Au moment de mettre sous presse, nous recevons l'Histoire de
l'Abbaye royale de Saint-Michel-en-V Herm, de notre très distingué
collaborateur, M. L. Brochet, (Baud , Fontenay , grand in-S") ,
Nous donnerons ultérieurement une plus complète analyse de cette
remarquable étude dont nous ne pouvons aujourd'hui que signaler
l'apparition.
R. UE TniVERCAY.
Le Directeur-Gérant : R. VALLETTE.
Vannes. — Imprimerie LAFOLYK.
I
LE PEINTRE LANSYER
ET SON ŒUVRE
ESQUISSE BIOGRAPHIQUE
EN face de la charmante image que notre éminent com-
patriote, Emmanuel Lansyer, a bien voulu tracer de
lui-même pour la Revue du Bas-Poitou, nous avions eu
l'espoir d'imprimer quelques pages magistrales du distingué
critique auquel nous sommes déjà redevable de notices
remarquées sur Paul Baudry et sur M. 0. do Rochebrune.
La maladie, qui, depuis de longs mois, a immobilisé la
plume si merveilleusement inspirée de notre collaborateur
et ami, A. Bonnin, en a d3cidé autrement. Nous nous borne-
rons donc à tracer aujourd'hui une rapide esquisse biogra-
phique du maître, dont le dernier Salon a consacré une nou-
velle fois l'immense talent.
Emmanuel Lansyer est d'origine vendéenne.
C'est, en effet, à l'île de Bouin qu'il est né, — au milieu des
ajoncs d'or et doucement bercé par la chanson des vagues.
Adiré vrai, il quitta de bonne heure le pays natal ; mais^
comme il me l'écrivait un jour, le souvenir des genêts en
fleurs et des marais salants a laissé dans son cœur une
inelfaçable tendresse pour la terre vendéenne.
ToMK IV. — Avril, Mai, Juin 1891. 10
138 '-»i l'EINTRE LANSVEll
11 avait à peine truis ans. quand il suivit sa lamille à ' '
Pontleroy, où son père venait 'i'être nomme médecin du
collc'ge (1838).
De 18i3à 18'i7, nous le Irouvons sur les bancs du petit col-
l^ge dcMachecoul, puis il entre nu lycée de Nantes, où ilresli;
de 18i8 à 1852. Dès le lycée, il eut le désir d'être peintre,
mais ne put venir à bout de lopposition de son père qui,
après avoir voulu en faire un percepteur ou un notaire, fi-
nit par lui permettre, comme pis aller, d'étudier l'archilec-
ture. D'abord dessinateur chez un de ses parents, M. Dau-
vergne, arctiitecte du département de l'Indre;, il put enfin
venir à Paris en 1857. Il entra à l'atelier de Viollet-le-Duc
qui venait de s'ouvrir, mais là, son goût pour le dessin et la
peinture s'accentuant de plus en plus, il jeta, en 1861, le tire-
lignes aux orties. Il reçut de Lamottie, élève de Ingres et de
H. Flandrin, d'excellents conseils en ce qui louche le dessin.
Il traversa ensuite rapidement les ateliers de Glaize, de Cour-
l)etet de Harpignies. C'est chez ce dernier, qu'après avoir eu
un dessin au fusain reçu au Salon de 1861, il exécuta, pour le
Salon de 1863 le tableau intitulé : Un Poste au bordée la mer.
Mais malgré les conseils de son excellent maître et ami,
le tableau fut refusé. Ce fut un bien, parce que, cette même
année 1863, Newkerke ouvrit l'exposition des Refusés où le
Poste eut la chance d'être vu et élogieusement apprécié par
la Critique, à la grande joie du débutant qui voyait son nom
imprimé pour la première fois.
En 1864, deux tableaux Pins 7naritimes, passèrent très ina-
perçus au Salon. Seul, Théophile Gauthier leur consacra
quelques mots.
L'année suivante, Lansyer fui mieux traité et reçut une
médaille pour : Une Lisière de bois à Douarnenez — et pour
les Bords de VEUée au Faoïiët. Il en reçut une autre aux
Salons de 1869 et de 1873, et fut décoré de la Légion d'honneur
en 1881.
Il a également trouvé dans les suffrages de ses collègues
ET SON OEUVRE 139
une nouvelle et tïtitteuse consécration de son remarquable
talent. C'est ainsi que, de 1881 à 1801, Lansyer a tous les ans
été réélu membre du jury de peinture aux Salons de Paris,
et toujours maintenu membre du Comité de la Société des
Artistes Français. Au.k termes du nouveau règlement, il
reste membre du « grand jury», sur lequel chaque année,
le jury de 20 membres doit être tiré au sort.
De 1864 à 1891, Lansyer a exposé à tous les Salons. Trois
de ses tableaux : Le Château de Pierre fonds, la Lande de
Kerlouarneck, le Pavillon de miisiqne du petit Trianon,
appartiennent au musée du Luxembourg, et une de ses der-
nières toiles, le Port de Menton, si justement remarquée au
Salon de 1891, vient de lui être achetée par l'Etat. Les mu-
sées de La Roche-sur- Yon, Lille, Nantes, Angers, Tours,
Rennes, Quimper, Alençon_, Dunkerque, Auxerre, Carcas-
sonne, Compiègne, Castres, en France ; Boston (Etats-Unis),
Sidney (Australie) possèdent également des œuvres de lui.
Lansyer a exécuté en outre des décorations au Palais de
la Légion d'honneur et à la Cour de Cassation. La manu-
facture des Gobelins a de même fait, d'après un de ses mo-
dèles, une très jolie verdure destinée au palais du Sénat. Les
études de fleurs et de feuillages que motiva ce modèle ap-
partiennent à V Ecole nationale des Arts Décoratifs et sont
exposées au Musée des Arts décoratifs.
La ville de Paris possède aussi de lui un nombre impor-
tant de vues de la capitale qui, ayant figuré en 1889 à l'Ex-
position universelle, sont destinées à prendre place dans
les collections historiques du musée Carnavalet. De lui
sont encore les dessins qui illustrent le livre publié par le
bureau des travaux historiques de la ville de Paris sur les
« Inscriptions parisiennes. » Ces dessins représentent des
maisons ou monuments habités par des personnages illustres
de la cité.
Cette esquisse, bien que rapide, permet de juger de l'im-
portance de l'œuvre du maître Vendéen. On peut la diviser
140 LE PEINTRK LANSYER ET SON OEUVRE
en trois genres principaux : 1» le paysage pur ; 2» le paysage
maritime et les marines; 3» le paysage d'architecture : vues
de villes, châteaux, etc. En ce dernier genre ses principales
œuvres ont eu pour sujets : Pierrefonds, le Mont Saint-Mi-
chel, le château de Ménars, près Hlois, le château de Ghe-
nonceaux, le château de Saint-Loup (Deux-Sèvres), de Loches
(Indre-et-Loire), la ville et le château de Glisson, etc. A Paris :
La cour d'honneur de la Sorbonne (au palais de la Sorbonnej,
les ruines de la Cour des comptes, le palais Mazarin, le palais
de la Légion d'honneur,, la Cour du mai au Palais, et de
nombreuses vues des vieilles rues démolies. Il exécute à
l'heure présente une vue de la place de la Concorde pour le
salon des Lettres de l'Hôtel de ville. Cette œuvre — il n^en
faut pas douter — sera en tous points digne de ses devan-
cières. Lansyer a peint avec un égal succès quelques por-
traits et fait un certain nombre de fort jolies aquarelles.
Non content d'être un artiste au talent puissant et juste-
ment admiré de tous, Emmanuel Lansyer s'est aussi maintes
fois révélé à un public plus privilégié, comme un lettré dé-
licat et un rimeur habile. C'est qu'en effet, celui qui a su si
magistralement brosser tant de belles toiles,
Possède un gentil brin de plume
A son crayon.
Les pages exquises que nous avons la bonne fortune
d'offrir à nos lecteurs ne sont point pour nous démentir.
René Vallette.
DE PARIS A MENTON
NOTES DE VOYAGE
Paris 29 mai, Bourbon 30 mai ISiil.
Cher Monsieur Vallette,
Vous voulez que je vous raconte la genèse — quel grand
mot pour d'aussi modestes choses — de mes doux
petits derniers du Salon de 91 ? A quoi vous exposez-
vous ! Tenez, je remonte au Déluge :
Il a tant plu
Qu'on ne sait plus
Dans quel mois il a le plus plu !
Ni moi non plus -,
Mais au surplus.
S'il eut moins plu ^
Ça m'eût plus plu !
Ainsi chantait la commère d'une petite revue de Bobino
en 1861. Trente ans plus tard, novembre 91, il pleut toujours !
— << Il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville »,
dirais-je comme Verlaine, si j'étais symboliste et élégiaque.
Mais ce n'est pas sur mon cœur qu'il pleut, c'est sur la cica-
trice que m'a laissée au côté l'impeccable bistouri du grand
chirurgien Peyrot^ et l'excellent homme que je viens re-
mercier de m'avoir sauvé la vie, me conseille, pour parfaire
la cure si bien commencée par lui, de m'en aller au pays du
soleil. C'est dit. Trois mille kilomètres inscrits sur mon
billet circulaire, et en route pour Menton, par le chemin des
écoliers.
Première étape, Thiers. Ce n'est pas qu'il pleuve^, mais
tous les couteaux qui s'y fabriquent no parviendraient pas à
couper le brouillard enveloppant la ville et ses alentours. Au
coin d'une rue sombre, un pauvre cochon qu'oii égorge et qui
142 LE PEINTRE LANSYËR
défend son lard. Deux affreux petits fouchtras troitvent ra
très drôle, et s'égosillent à imiter les cris du pauvre mori-
bond. Voilà tout ce que j'ai vu à ïhiers, d'où le brouillard me
conduit jusqu'à Clermont-Ferrand. Ici le nuage se dissii^e,
mais je suis tombé en pleine toire. Partout des femmes
colosses, des zim-zim, des turlulutus et des boum boum!
Aussi, bien vite en wagon pour Nîmes. Et je roule tout un
jour au milieu d'un incessant caléidoscope de hautes mon-
tagnes, d'eaux courantes, de tunnels, de viaducs, de vieux
villages et de tours en ruines accrochés à des rochers gran-
dioses.—Séjour à Nîmes ; études d'après le temple de Diane,
les Arènes. Charmante ville, avec les ruines que je viens de
nommer, la Maison carrée, la Fontaine rappelant, avec ses
escaliers, ses balustrades, ses grands pins, derrière lesquels
s'élève la tour Magne, les villas romaines dont Fragonard
nous a laissé de si pittoresques dessins. Un jour au pont du
Gard, dans un paysage superbe, gardant, avec ses arbres
déracinés, la trace des dernières inondations qui ont ravagé
les bords du Gard. — Aigues-Mortes, bien curieux vestiges
de donjon et de remparts bâtis par Saint-Louis et Philippe le
Hardi, mais pâture d'architecte et d'archéologue plutôt que
de peintre. Arles, inextricable labyrinthe de rues tortueuses
et mal pavées, où l'on trouve à chaque pas de précieux res-
tes de monuments et d'habitations racontant les splendeurs
et les prospérités de l'antique ville, depuis les Romains
jusqu'à la lin du siècle dernier; où l'Artésienne qui passe,
d'un pas rythmique et élégamment cadencé, nous montre,
encore intacte, l'idéale beauté des types san-asin, i-omain et
grec ; où telle place a gardé la physionomie des places que
Pannini peignait à Rome vers 1750. — Marseille, dont le vieux
port, plein de grands voiliers et de petites barques, rappelle
encore çà et là, par les constructions qui l'entourent, la
vue que nous en a laissée, au Louvre, Joseph Vernet, le
peintre des ports de France. — Toulon, ne sentant pas plus
la bergamote qu'au temps où le président de Brosses y ad-
DE PARIS A- MENTON U3
mirait les superbes « vaisseaux du Roy », remplacés aujour-
d'hui par rintorme et camarde siliiouette des cuirassés
aussi-laids à voir de près que de loin, et dont les marins disent
que ces chefs-d'œuvre de mécanique subtile et précise
seraient bientôt détraqués au moindre usage de guerre.
Hélas ! Puissions-nous n'avoir pas à en faire la redoutable ex-
périence. Jadmire en passant les cariatides du Puget,
soutenant le balcon de l'hôtel de ville. Mais voici la neige et le
mistral glacé. Vite allons-nous-en. Je traverse sans arrêt,
Hyùres, Bormes, Lavandou, Saint-Tropez, Saint-Raphaël. Il
pleut à torrents, il fait un vent du diable, et c'est dans un
cyclone que j'arrive à Menton, le 1'' décembre.
Menton? C'est là Menton? Oii sont donc les grands bois
d'oliviers, de citronniers et d'orangers oii, il y a vingt ans,
dans la citerne aux calmes eaux bleues, la Mentonnaise,
coiffée comme une figurine de Tanagra, du chapeau de paille
en forme de cône aplati, venait remplir sa cruche émaillée
de vert? Oi^i sont les tranquilles villas bâties à la vieille mode
italienne si simple, et s'harmonisant si bien avec la nature
méditerranéenne? De toutes ces choses d'autrefois, je ne
trouve plus autour de moi, que de rares et informes ves-
tiges. Sauf sur quelques sommets, presque partout les bois
sont tombés, laissant la place aux chalets grotesques, aux
vulgaires villas où, sur les toits, hurle de loin, le rouge
aveuglant des tuiles de Montchatiin, brodées de lamentables
épis et crêtes enterre cuite d'uTi rougo non moins féroce.
Cet amas de bâtisses réalise le rêve également prétentieux et
banal de la villégiature française et cosmopolite, et l'épicier
enrichi, le roi en exil, le parvenu des nouvelles couches, le
noble de plus ou moins vieille souche y rivalisent, à de bien
rares exceptions près, du plus déplorable goût. Puis ce
sont d'énormes et démesurées casernes, aux ambitieuses
appellations, escaladant, au travers des villas, depuis la mer,
les pentes inférieures de la montagne, et, à grands renforts
d'écriteaux gigantesques, d'alléchantes affiches, de chasseurs
144 LE PEINTRE LANSYER
à casquettes gallonnées, d'omnibus monstres à tous les trains,
se disputant les rastaquouères de toutes races. La race la
plus pullulante, c'est- l'Anglais. Il est ici chez lui. Des so-
ciétés britanniques ou américaines lui ont acheté tout le
pays en bloc, pour le lui revendre ou le lui louer en détail,
bien nettoyé des oliviers séculaires, millénaires même, dont
les ramures vénérables évoquant les antiques bois sacrés
sont remplacées par le feuillage en zinc des arbustes et des
plantes exotiques.
Aoh! l'Anglais, avec sa langue de cacatoès, comme dit
Caliban du Figaro, sa casquette de palefrenier, son veston à
carreau, ses longs souliers pointus, l'Anglais semble avoir
apporté, sous sa plate semelle, sa fuligineuse patrie, et
lorsque le soleil, comme il arrive trop souvent en ce début
de l'hiver, s'enveloppe de nuages, c'est à croire que le fils
d'Albion a fait venir avec lui le ciel de Londres.
« No thorough fare » On ne passe pas ici, écrit-il à chaque
carrefour, et si, vous Français, vous tentez de violer cette
agaçante consigne, un garde de X... and C» limited, vous
expulse bel et bien : No thorough ! no thorough fare !
Eli! quoi, c'est là Menton, et vous êtes resté dans
cette galère, allez-vous me dire? Eh oui, j'y suis resté.
Peu à peu, un jour de ci, un jour de là, je découvrais de
belles, très belles choses, que mes déconvenues de l'ar-
rivée m'avaient empêché de voir. C'était d'abord, dans
la vieille ville, ayant gardé, au milieu de l'envahissant van-
dalisme des modernités, beaucoup de son caractère d'an-
cienne cité italienne. Puis, en allant loin de la ville nouvelle,
je retrouvais, là oii la hache et la truelle n'avaient pas encore
achevé leur œuvre de destruction, les antiques oliviers
dont les majestueux troncs s'enchevêtrent avec les treilles
grimpantes, les branches tourmentées des figuiers, et mêlent
le gris argenté de leur feuillage grêle au vert vif des oran-
gers et des citronniers pailletés de l'or rouge ou pâle de
leurs fruits. Et j'allais ainsi de Roquebrune à Gastellar, en
DE PARIS A MENTON 145
France, de Grimaldi à Vintimille, en Italie, là, tout près, non
sans avoir à subir parfois les crispantes et crispiniennes
tracasseries des douaniers italiens de la frontière. Et, plus
d'une fois, de décembre à mars, j'ai déjeuné sous la tonnelle
et les oliviers de l'auberge Garibaldi, en territoire italien.
Modeste et maigre chère, mais un petit vi7io da paese assez
potable, et un gai Asti spumante ; mais, surtout, une vue
délicieuse s'étendant, par dessus le vieux Menton et son
port, jusqu'à la montagne qui domine Monaco, la Tête de
Chien, dont la ligne est admirable, et dont le bleu et le violet
tendre se glacent de rose et d'or sous le radieux soleil.
Voilà qui me dédommageait du noir que je broyais quel-
quefois pendant les trop nombreux jours sombres où je
voyais, de ma chambre, la bleue Méditerranée prendre, sous
les ciels bas, des tonalités ternes et blafardes. Le plus lourd
ennui ne me venait pas de là : il me tombait sur les épaules,
il m'étreignait la cervelle à la table d'hôte de mon hôtel, une
de ces grandes vilaines casernes susnommées. Trois mois
durant, à l'un des bouts de la longue table, je me suis assis
au milieu des mêmes Anglais et Anglaises, n'ayant pour pers-
pective que des Anglaises et des Anglais encore, panachés
de Roumaines et d'Indiens, d^Américains et d'Allemands
avec — rari nantes in gurgite vasto, — trois ou quatre Français
noyés au milieu de cette légion rastaquouère. Que n'étais-je
Daumier, devant toutes ces laideurs et ces grimacesi nterna-
tionales ; Seul, un charmant petit visage de fillette Parisienne
eût trouvé grâce devant mon crayon impitoyable. !
Mais laissons là tons ces grotesques. Le ciel s'est éclairci,
et me voici debout avant l'aube. En bas, devant la grille de
Thôtel, m'attend un petit âne bon enfant, je lui arrime mon
bagage sur léchine et il chemine, conduit par une vieille
mentonnaise qui me sert de guide au travers du pays. Un
peu vif parfois, l'air matinal, mais qu'est-ce que cela auprès
des froids sibériens que signalent tous les journaux, et dont
tous nos amis, restés à Paris, se plaignent dans leurs lettres,
14l5 UK PARIS A MENTON
I
enviant mon sort; et, arrivé à l'endroit du « motif, » j'endosse
une épaisse pelisse, j'entortille mes jambes d'une couverture
de voyage et je reste là trois heures, assis à travailler. Pé-
nibles, mes premières études. Je viens d'être malade toute
une année, mon œil s'est déshabitué de voir, et ma main
n'est plus l'instrument docile qu'il faut au peintre pour
exprimer ce qu'il voit et ce qu'il sent. Puis je me trouve tout
d'un coup transporté devant une nature si différente de notre
nord, que ma difficulté à peindre s'en augmente. A cela
viennent s'ajouter, les deu.K premiers mois, de l'réquentes
variations de température. Non qu'il fasse jamais bien froid,
mais souvent le temps reste couvert, et le midi sans soleil
n'a plus ni forme, ni couleur. Au contraire, quels éclats sous
la pleine lumière, ((délies transparences et quelles finesses
d'atmosphère! Peu à peu je m'accoutume à cette couleur
nouvelle et, laissant de côté mes premiers essais mal venus,
je me mets à attaquer le ton avec plus de franchise et de
décision. Un mois de février superbe achève de me mettre
entrain et me permet de terminer;, entre autres études, les
deux vues : Port de Menton et Quai Bonaparte que j'envoie au
Salon. Je travaille à l'un sur la jetée, à l'autre sur un trottoir
étroit et, comme toujours en pareille situation, il faut m'abs-
traire complètement des curieux et des badauds faisant
cercle, et ne répondre que par des oui et des non, à dessein
cassants, aux plus indiscrets et aux plus raseurs. On se fait
à cela du reste, on finit par ne plus voir que son motif et sa
toile, mais parfois on ne peut s'empêcher pourtant de saisir
au vol des remarques d'une prétention et d'une ineptie iné-
narrables.
(juelqu;jfois, par les jours gris, j'allais à la recherche et à
la découverte des motifs, si nombreux par endroits dans
cette ail:nirable région. C'est un des plaisirs du peintre que
cette cil /ssc uii d'un clin d'œil, par la pensée, il voit le tableau
luit; mais que de distance, presque toujours, entre cette
cho<(< rôvéeet sa réalisation !
DE PARIS A MENTON 147
Parlerai-je da « Café de Paris » ainsi nommé parce qu'il
est tenu par un Italien et que les feuilles allemandes et an-
glaises y noient les journaux français? J'avais le plaisir d'y
rencontrer chaque jour le peintre monégasque Florence^,
lequel a traduit les plus beaux aspects de son pays en tant de
dessins charmants et d'aquarelles brillamment enlevées avec
des dextérités et des éclats bien italiens. Dans sa très cour-
toise obligeance, il avait toujours à m'indiquer le chemin de
quelque beauté pittoresque loin des routes battues. Etais-je
seul, je me livrais à la lecture des rares journaux français
disponibles, car ce Tortoni Mentonnaisest si loin de Paris, du
bouillonnementde la grande chaudière, queparfois je me sur-
prenais à ne pas comprendre l'écho que tel ou tel article m'en
apportait ; et telle tartine d'art ou de littérature, telle abra-
cadabrante doctrine du modernisme à outrance me plongeait
dans de véritables ahurissements. Je n'étais plus au point
pour avaler sans trop de haut-le-cœur, par exemple, l'indi-
geste pâtée d'une dithyrambique réclame à propos du colos-
sal génie de quelque Tartempion, proclamé par un chroni-
queur en délire et crachant son encre à la face des grands
artistes consacrés par l'admiration des siècles.
Je m'y reprenais aussi à plusieurs fois pour comprendre
les multiples et hétéroclites théories développées par « XEn-
quète sur révolution littéraire yt^onveriQ à VËcho de Paris:
où les interwiewés se jetaient à la tête leur symbolisme,
leur décadentisme, leur dilettantisme, leur magisme et leur
sadisme! Que dirait Pantagruel, pensais-je, en face de
toutes ces « verbocinations »?C'estpour le coup, s'il revenait,
qu'il s'écrierait: «Que diable da langaige est cecy I » Au
milieu de cette nature d'une si noble et si harmonique beauté,
comment comprendre cette sorte de rut vers l'outrance de
toutes les laideurs, ces boues jetées à l'œuvre de tous les
grands hommes i>ar tout ces petits insectes se décernant
chacun un brevet de génie à propos de leurs vers scalo-
pendres et de leurs inintelligibles proses, où ils se corn-
l.'iS UE PARIS A MENTON
1
plaisent à « escorier la coticule de nostre vernacule gai-
licque » pour emprunter à Rabelais le langage de son escho*
lier limosin.
Ouf ! est-ce que je me serais emballé? C'est bien vieux
jeu, par ce grand vent de blague universelle qui souffle.
Mais il faut me résignera être vieux jeu : je suis de 1835.
J'ai gardé, à mes cinquante-six ans, les enthousiasmes et les
admirations de ma jeunesse. — Bah ! me souffle à l'oreille
l'ombre de Figaro, presse-toi de rire de tout, de peur d'être
obligé d'en pleurer. Voici, précisément, belle occasion de
rire : c'est, comme me le raconte la lettre d'un ami, « ce ma-
riage à la mairie religieuse, avecMarmottan, curé municipal,
Jules Simon, évêque laïque, l 'organiste Lamoureux, la Mar-
seillaise nuptiale et la cohue panachée. » Il rit, mon ami,
mais son rire est jaune, car il continue : « La réclame est par-
tout, dans l'art, la littérature et l'épicerie. Je ne suis plus de
ce temps ! je le trouve médiocre ennuyeux et grossier. Nous
n'étions pas de cette force-là, hein? Nous avons eu évidem-
ment tort. Nous étions naïfs et honnêtes... des jobards, quoi.
— Ces fumisteriesde décadentseisymbolistesmedégoûtent. ! »
Mais revenons au pays de l'Oranger. Mes adieux faits à
Menton, me voici à Villefranche-sur-Mer, antique petite ville
italienne restée très pittoresque, mais pas pour longtemps
désormais, car les carrières éventrent déjà la montagne qui
l'enserre et la surmonte. Ici le rastaquouère et l'Anglais n'ont
pas encore pris pied, ils ne sont que des oiseaux de passage.
Sur les quais étroits^, en famille, les pêcheurs raccommodent
leurs filets brunis par le tan, et les bateliers vous invitent
à traverser la rade, pour le moment vide de ses habituels
cuirassés, lesquels promènent leur informe chaudronnerie
vers je ne sais quelles escales méditerranéennes. Char-
mante, lapetite ville avec ses rues escarpées aux maisons arc-
boutées darcades mitoyennes, avec tout un lacis d'escaliers et
de passages couverts. Tout près, sontBeaulieu et Saint-Jean,
où je vais voisiner avec mon excellent maître et ami. Henri
DE PARIS MENTON 149
Harpigiiies et me faire écorcher vif à ce fallacieux gargot
intitulé : .4 la Renommée de la Bouillabaisse. Pays d'écor-
chement^ à preuves encore la Retenue de Beaulieu, où deux
bons amis parisiens m'ont un jour emmené faire un déjeûner
excellent, mais combien salé pour leur bourse! Ici, comme
partout, rtiôtel-caserne et la villa banale et prétentieuse font
la guerre aux oliviers, aux citronniers, etc. Le peu qui reste
est à vendre. A vendre les idylliques vergers, aux clôtures
de rosiers et de géraniums, tout diaprés de cultures de fleurs,
et, en mars, tout fleuris d'arbres fruitiers blancs et roses,
autour de la vieille maison modeste, au toit en tuiles creuses,
aux Persiennes vertes, et dont le soleil dore le badigeon rosé
entre les ombres grêles et tremblantes des gigantesques
oliviers. A vendre ! à vendre ! — « For Sale ! For Sale ! »
S'adresser à John Bull and C". — Combien d'hôtels vides,
cependant, de villas closes à louer; car l'âme des grands bois
détruits se venge : un krach s'est appesanti sur toute cette
terre exploitée jusqu'à saturation.
Mais la saison d'hivernage touche à sa fin ; il est temps de
rentrer chez soi. En route donc pour Paris. Brûlons Nice, ce
grand caravansérail banal, ne restons à Cannes, non moins
banale, que le temps d'y retrouver en dînant, tout l'intime et
affectueux accueil habituel d'une famille parisienne amie,
réunie là pour soigner l'un des siens. Allons déjeunera
Grasse, pour y constater que la parfumerie y ïdiii florès, mais
qu'il n'y a rien là qui me retienne, dans la patrie du peintre
exquis, Fragonard, dont on voit le buste au jardin public. —
Puis vite à Fréjus où m'attend un ami non moins amoureux
que moi des beaux paysages et des belles choses d'art. Pen-
dant quelques jours, je vais avoir le plaisir d'être guidé par
son choix, son goût très fin et très épuré. Nous admirons
tout d'abord ensemble les ruines romaines, la mélancolique
campagne de Fréjus, et la place où fut son port.
Ensuite, nous voici à Marligues; de bien laids bateaux sur
de calmes eaux faisant miroirs. Ou dirait comme une mo-
150 DE PARIS A MENTON
deste petite Venise de pêcheurs. L'excellent peintre Ziem,'
devant les pauvres maisons ((ui s'effritent, y vient se ressou-
venir des palais vénitiens. Près de là sont les ruines encore
imposantes du château de Fos, au bord d'un marais aux
jonchères couchées bas par le mistral. Dans les collines ro-
cheuses de l'Estaque, il souffle aussi, l'enragé mistral, mais
nous nous abritons derrière des roches et la tour d'un
moulin abandonné pour y faire notre étude, coupée par un
joyeux et frugal déjeûner d'olives et d'œufs durs, au
milieu des ajoncs tout en lleurs qui me grisent en évoquant
pour moi le parfumé souvenir des écoles buissonnières où,
dans les laudes vendéennes de Machecoul, j'allais lire, à
douze ans, Paul et Virginie, par quelque belle journée prin-
tanière, pleine de bourdonnements d'abeilles et de vols de
papillons. — Nous avons traversé , toujours courant , la
vieille ville parlementaire d'Aix, autrefois rivale de Dijon,
et remplie encore, comme elle, de vieux hôtels artistocra-
tiques et de monuments très remarquables, puis après un
déjeûner à Perthuis, au milieu des maquignons en blouse
bleue, bouffis et suants, mangeant de leurs gros doigts sales
et boudinés, nous partons à pied pour laTour-d'Aigues, pour-
suivis par le mistral au travers d'une plaine aux très banales
cultures. Que c'est loin, la tour d'Aiguës 1 Et voici que nous
avons peur de ne trouver, au bout de notre fatigante marche,
qu'une chose insignifiante. Vaine crainte, heureusement. Les
voici enfin, les ruines de la Tour-d'Aigues, le château des
barons de Cental, bâti au XVI* siècle dans un admirable
style et ([ui porte comme l'empreinte, surtout dans sa porte
d'entrée en forme d'arc triomphal, des constructions ro-
maines, éparses dans la région. Hélas ! cette merveille sert
de carrière, et les fines sculptures que l'incendie du siècle
dernier et le pillage de 1702 n'avaient pas toutes détruites
servent maintenant de but aux cailloux des enfants qui
passent. Gomment se peut-il que les monuments historiques
n'aient pas étendu leur protection sur ces pauvres vestiges
DE PARIS A MENTON 151
dont riiiconscieiit vandalisme local n'aura bientôt plus laissé
pierre sur pierre? — Nous venons coucher à Arles, et le
lendemain nous allons visiler les ruines de l'abbaye de Mont-
majour dont la haute lour carrée, l'église, le cloître, la cha-
pelleisolée, et les bâtiments d'habitation présentent à chaque
pas de superbes profils se détachant sur de beaux fonds de
montagnes. — Un dimanche à Sainl-Rémy : sous les hauts
platanes du cours, nous nous att<irdons à ndmirer. prome-
nant, en beaux atours, leurs sculpturales beautés,, les sœurs
des Arlésiennes, costumées comme elles. En dehors de la
ville, nous avons aussi des regards admiratifs pour les bas
reliefs de l'arc de triomphe et du mausolée romains. A côté,
nous descendons dans la carrière anticjue d'où ils sont sortis.
En ces profondeurs, des oppositions d'ombre et de lumière
produisent des effets g-randioses, et nous voudrions voir là,
toute blanche sur les ténébreuses excavations, quelque belle
fille de Saint-Rémy drapée à l'antique. — Après une visite à
Beaucaire, à Tarascon, l'iliuslre patrie de Tartarin^ je serre
les mains de mon compagnon d'une semaine et vais tout
droit à Avignon, à Villeneuve-lès-Avig"non où les papes ont
laissé, parmi tant de raines, tant de traces superbes de leur
passage.
Mais j'ai peur d'abuser de votre patience à me lire, mon
cher Monsieur Vallette^ et j'abrège, en ne nommant que
pour mémoire Garpentras^ le pays des berlingots ; Orange et
ses ruinesromaines; l'église de Brou que les maîtres maçons,
menuisiers et tailleurs d'images mirent trente ans à par-
faire, et qu'ils ont emplie de chefs-d'œuvre aussi merveilleux
d'invention que de main d'œuvre ; Besançon, qui me paraît
bien noir au sortir des éclatants aspects du midi ; enfin, der-
nière étape, Dijon, l'Athènes bourguignonne, où sont nés
tant d'hommes illustres et qui, malgré la perte de ses rem-
parts anciens, malgré le vandalisme acharné contre les der-
nières pierres de sa forteresse bâtie par Louis XI, montre
encore un grand nombre de monuments civils et religieux,
152
DE PARIS A MENTON
de maisons et d'hôtels d'une grande beauté, et dont le musée
est rempli de merveilles.
ISavril : rentrée à Parisaprès cent soixante jours d'absence.
Cela dit, cher Monsieur Vallette, puissiez-vous Le pas
trop maudire mon bavardage, et croyez moi, comme tou-
jours, votre tout dévoué.
Lansyer.
r
LU SIEGE DES SâBLES-D'OLONNE
EN 1793
Récit authentique tiré des Archives Jiationales, départemen-
tales et municipales, des Archives historiques du Ministère
de la Guerre et des collections particulières.
I
LA ville des Sables d'Olonne luttait contre la noblesse et
le clergé depuis le commencement de la Révolution.
Les gentilshommes du bas Poitou, convoqués par le
marquis de Loynes de la Coudraye et par le baron Robert
de Lézardière à des réunions que les officiers du roi qua-
lifiaient « d'illégales*, )> tenues à Pontenay-le-Gomte les 28
janvier, iO et 11 février 1789, avaient tenté d'organiser, sur
l'exemple des nobles et du haut clergé de Bretagne, la résis-
tance à l'élection des députés aux Etats Généraux. Les bour-
geois sablais avaient aussitôt rédigé et lait présenter, par le
négociant J.-M.-J.-Fr. G'audin et le notaire royal Delange
l'aîné, au Corps de ville, qui l'adopta le 13 février, une reven-
dication très énergique des droits du Tiers-Etat contre les
deux ordres ^< trop privilégiés*. •>
La ville des Sables s'était enthousiasmée des grands évé-
nements accomplis à Versailles et à Paris, serment du Jeu
de Paume, prise de la Bastille, nuit du 4 août. Elle avait
accepté avec reconnaissance toutes les lois égalitaires de
» Voir la correspondance île l'intendant de Paris et du .sénéchal de Fon-
tenuy. Archives nationales, B m 121 et 124.
* 3e registre des délibérations de la mairie de Salles et Archives nationales
F''' m, Vendée 7.
Tome iv. — Avril, Mai, Juin 1891. 11
154 LE blÈGE DES SABLES-d'uLUNNE EN 1793
l'Assemblée constiLaanle. Elle s'élail empressée de signer
une soumission de 800.000 livres pour Tachai de biens natio-
naux ci-devant ecclésiastiques et d'installer sa maison com-
mune dans lo couvent des Capucins'
Elle n'avait pas hésité à adopter la Constitution civile du
cleriié à élire et à installer les curés élus. Contre les mande-
ments et contre les instructions secrètes de Ms' de Mercy,
évAque de Luçon, sa niuiiieipiilité avait publié une proclama-
tion qui rélutait h-s arguments du haut clergé, qui démas-
quait «< son but mléressé : arrêter la vente des biens ecclé-
siastiques ; » qui essayait de prou er aux paysans déjà fana-
tisés que l'on voulait ^< l'aire d'eux les vils instruments de la
vengeance et de l'ambition aristocratiques » et « allumer
une guerre civile, pour renverser la Constitution avant qu'on
eût pu en recueillir les fruits » (27 janvier 1791).
Elle avait coopéré avec ardeur à la répression rapide des
graves soulèvements ruraux suscités par les prêtres inser-
mentés aux mois d'avril et mai de cette môme année 1791,
dans le district de Challans. à Saint-Jean-de-Monts, Apre-
mont, Saint-Ghristophe-du-Ligneron. Le mois d'après (20-
29 juin), durant la crise causée par la fuite du roi, elle avait
surpris les agissements des nobles, qui eussent dirigé contre
elle une attaque, si Louis XVI n'avait pas été arrêté à Va-
rennes ; elle avait suscité l'expédition de garde nationale et
de troupe de ligne qui dissipa le rassemblement factieux,
visita le château de la Marzelle et brûla la maison de la Prou-
tière, on conspiraient les Loynes de la Coudraye, les Robert
de Lézardière et de la Salle.
La ville des Sables avait réclamé d'avance' et accueilli avec
un éclatant patriotisme la déclaration de guerre aux ennemis
extérieurs delaRévolution; au manifeste du ducdeBrunswick,
dont les royalistes avaient adressé ironiquement une copie à
la muiiici|)alité, elle avait répoudu orticiellement d'un ton à
' L;i soumission de la ville des Sables est aux Archives nationales,
Q» 180.
' '<» re},'istr«' des délibérations de la mairie des Sables.
' Pétition ;\ Louis XVI, rédipré» par la citoyenne Achard et adopti'-R par la
Société ambulante des Amis de la Con.><titutioii, le 7 lévrier 17a'2.
LE SIÈGE DES SABLES-DOLONNE EN 1793 155
la fois narquois et très fier : u Monsieur le duc a trop de
talents et trop d'esprit pour penser un instant intimider par
de vaines menaces des Français qui ont juré de vivre libres
ou de mourir . . Osez les atfaquer ! C'est aux champs de
la victoire qu'ils vous attendent ! »' (12 août 1792).
Surveillant, depuis l'orig-ine, les menées des prêtres ré-
fractaires. elle avait, dès le mois d'avril 1792, réclamé de
l'Assemblée législative' l'expulsion de « ces rebelles aux lois
de leur patrie, qui abusaient de la crédulité populaire pour
allumer le flambeau de la guerre civile », et proposé « l'exil
de ces furieux » dans les Ktats du Pape. L'Assemblée nationale
ayant décrété la transportation hors du territoire national des
prêtres insermentés (27 mai), elle avait eu à faire embarquer
pour l'Espagne, depuis le 23 juillet jusqu'au 14 janvier 1793,
183 ecclésiastiques du département^
Après avoir adhéré à la Révolution du 10 août, elle avait
acclamé la République, et laissé passer le procès du Roi
sans protostation. Elle était, d'ailleurs ;, en ce moment,
presque exclusivement préoccupée des préparatifs de la
guerre maritime: elle en reçut la déclaration avec enthou-
siasme ; et pas un de ses vaillants matelots ne se déroba au
devoir envers la patrie*.
Tels étaient les titres des Sables-d'Olonne à devenir l'ob-
jectif de la première opération militaire sérieuse de la grande
insurrection catholique et royale. Celle-ci avait besoin d'un
port, pour recevoir les secours de l'émigration et de l'Angle-
terre ; ne pouvant l'enlever ni en Vendée ni en Bretagne,
elle alla le chercher jusqu'au fond de la Normandie ; sa
suprême espérance, brisée devant les Sables, puis devant
Nantes, fut anéantie devant Granville le li décembre 1793.
* Cofrespondance de la mairie des Sables, ;i l;i d; ti^.
* Pétition des citoyens et citoyennos de la vilh> des Sables, dont le premier
signataire est le maire, P. Gandin jeune, reçue le 18 avril 1702, par le
commission des Douze, Archives nationales, D xl g 3-16.
î D'après les délibérations successives du Conseil général de la commune,
registres mss. des Sables.
* Vérification faite sur les registres de l'inscription maritime par
M. Dusser, commissaire de la marine aux Sables, aujourd'hui à la Rochelle
lî)6 LE SIKGE DRS SABLKS-U'V-ONNE EN 1793
II
Le i2 et le 13 février 1793, se produisent sur la côte de
Vendée, à Saint-Jean-de-Monts, des attroupements « qui
maltraitent les patriotes, et enlèvent le bonnet de la liberté,
avec effraction , de la partie du clocher où il était placé. » Le
jug-e de paix appelle des gendarmes et des g-ardes-nalionaux
de Saint-Gilles-sur-Vie, afin d'assurer l'exécution des mandats
d'amener décernés contre plusieurs des émeutiers. Il par-
vient à se saisir de l'un deux et va faire une perquisition chez
lo curé réfractaire, qui a donné asile aux autres. Il est en-
touré, insulté, frappé, « par une foule d'hommes armés de
fourches et de faux, qui délivrent le prisonnier et l'emmènent
en chantant. >> Il signale au district de Challans la nécessité
« d'envoyer des troupes considérables pour empêcher le sou-
lèvement général qu'il craint. » Le district met en réquisition
la gendarmerie et les gardes-nationales de Challans, Beauvoir
et Saint-Gilles. L'ordre paraît se rétablir'.
Quelques jours plus tard, le 28 février, un rassemblement
aussi considérable se forme à Landeronde. Les maisons des
patriotes sont envahies ; on leur enlève leurs armes. Le dis-
trict des Sables se hâte d'envoyer son procureur-syndic,
Biret, avec les grenadiers de la garde nationale. Pour donner
l'exemple, le conventionnel Gandin, qui vient d'arriver dans
sa ville natale, en congé, « endosse la giberne et le havresac
et marche contre les révoltés*. »
Le 2 mars, Achard et Girard, commissaires du départe-
ment, chargés de réorganiser la garde nationale, voient
éclater un soulèvement dans les communes de Bcaulieu, la
Molhe-Achard et Landevieille. Ils écrivent aux autorités des
Subies : « La chose publique est en danger, le ^ocsin sonne
dans |il(lsieurs paroisses, les malveillants parcourent les
campagnes, excitant de paisibles laboureurs à la révoltecontre
' .\iialyjji' tli'S iliMihéralioii^ ilu District d^' Ciialians.
' <'ojn])te reiulu (le(}au<lin au Couiilt' (K' siiroté i;t'nérale, mars 1704, broch.
df s p. in-8", i-olli>ci. ivuiulomu'au i\u\ Archives )Mtionitk'.$, A\) xvi-79.
LE SIÈGE DES SABLES-d'oLOXNE EN 1793 157
la loi. » Le district commande l'envoi de 50 gardes nationaux
et réclame des troupes de ligne à l'administration départe-
mentale. La générale est battue ; une compagnie est expédiée,
une autre préparée pour le soir. Le conseil de la commune
et le directoire du district tiennent séance de nuit. Vers deux
heures du matin, les administrateurs de la Roche-sur-Yon
font savoir que « leur chef-lieu est menacé d'incendie « ; le
commissaire Biret avertit qu'il ne peut disposer pour la Roche
du détachement qu'il a reçu. La générale est battue de
nouveau et un autre détachement de la garde nationale se
met en route, pour arriver avant midi à la Mothe-Achard.
A dix heures du matin, Micheau, maire de l'Ile-d'Olonne,
signale que quatre inconnus circulent à travers les villages,
ramassant des armes et des munitions ; que cinq ou six habi-
tants de la commune se sontrendusauxrassemblements delà
Mothe, Landevieille et Beaulieu ; que plusieurs jeunes gens
de Vairé vont se joindre aux attroupements de Sainte-Flaive ;
que, d'après un bruit très répandu, « demain doit être le jour
de la réunion*. »
Ces mouvements préliminaires ont été pris au sérieux à
Fontenay par le département. Un de ses membres, Rouillé,
est délégué auprès des autorités de Niort, pour demander
tout de suite de la cavalerie, et, auprès du lieutenant général
"Verteuil, à la Rochelle, pour obtenir des troupes de ligne et
du canon.
Le directoire des Deux-Sèvres, convaincu de la gravité du
péril par les explications verbales du commissaire de la
Vendée, en môme temps que par les lettres très pressantes
des autorités des Sables-d'Olonne, décide de délibérer à huis
clos, dans la nuit du 3 au 4 mars, sur les mesures à prendre.
« Considérant que, la République étant une et indivisible, tous
les concitoyens qui la composent doivent se regarder et se
trai ter comme frères; «considérant aussi «lareconnaissance duc
à ses voisins de Vendée pour les bons oHices qu'il en a reçus»,
en août 1792, lors des atîaires de Châtillon et de Bressuire, il
pressée chef de la légion de lagarde nationale de Niort de mettre
Analyse dos délibérations . In ilistrict des Sablf^s, Arch. <ie la \'en(1Jf'.
V
15S LE SIÈGE DES SABLES-D'OLONNE EN 1793
immédiatement la cavalerie à la disposition des autorités ven-
déennes: il réclame du commissaire des guerres les chevaux
d'émigrés qui ont été réunis dans les casernes : il oflre une
compagnie d'éclaireurs, une compagnie de volontaires natio-
naux, même une partie de la garde nationale sédentaire, si
les circonstances l'exigent; il invite la municipalité niortaise
à prêter les sabres et pistolets disponibles pour l'armement
des hommes du dépôt de cavalerie ; il avance 2 000 livres au
capitaine Frappier, pour la solde de la garde nationale à
cheval, que cet officier conduit rapidement au secours des
patriotes vendéens'.
Dans cette môme nuit du 3 au i mars^ arrivaient aux Sables,
avec un commissaire départemental, 200 gardes nationaux,
17 canonniers et une pièce de campagne. Le 5, un autre com-
missaire y amenait 120 gardes nationaux et 2 canons.
Ce jour et le lendemain matin 6, le procureur syndic Biret
assure au district « que les insurgés sont totalement en fuite ;
qu'il a un grand nombre de prisonniers ; que les chefs sont
arrêtés, et qu'il n'existe plus de danger pour la chose pu-
blique. )»
Cependant, le 5 au soir, un cultivateur des environs de la
Motae-Achard, réfugié aux Sables, déposait « qu'il était
venu des brigands pour le contraindre lui et ses trois fils à
marcher avec eux contre les Messieurs qui égorgeaient tous
les citoyens des paroisses, » et que, sur leur menace de re^
venir « les faire brûler etégorger »,il avaitdù laisser parlir les
deux aînés de la famille'. On faisait inlérroger par le juge de
pai?c les 80 prisonniers ramonés des attroupements dissipés:
quelque discrètes et contradictoires que fussent leurs ré-
ponses, elles « laissaient entrevoir une vaste conspiration-'. «
Le 9 mars, à cinq heures du soir, un courrier extraordi-
naire du département apporte la loi du 24 février sur le re-
crutement de 300,000 hommes, avec lafi.vation du contingent
à fournir pour la Vendée, 4,197 hommes pour une population
* Registre du département des Deux-Sèvres, séancedes 3-4 mars 177:!. îi Niort.
> Délibération du district des Sables.
'Compte rendu deGaudin.
LE SIÈGE DES SABLES-D'oLONNE EN 1793 159
évaluée à 305,610 habitants. T^e district dps Sables devait
lever 520 hommes. On discute un peu ce chiffre, que quelques
administrateurs trouvent trop fort, tous les jeunes g-ens de
la côte étant déjà montés sur les vaisseaux de la République.
Le district se hâte de désig-ner les commissaires chargés
d'opérer la répartition par cantons. Ceux-ci se rendent sans
relard aux chefs-lieux, où ils doivent procéder à l'exécution
de la loi, c'est-cà-dire obtenir le nombre d" hommes fixé par
engagement volontaire ou clioix libre enlro les appelés,
et;, si cela n'est pas possible, par tirage au sort'.
Cette levée de défenseurs de la patrie contre la coalitioil
européenne fournit l'occasion de généraliser'dans la Vendée
et d'étendre dans les départements limitrophes de la Lbitiè^
Inférieure, de M;îine-et-Loire, des Deux-Sèvres, ainsi qWè
dans plusieurs districts de l'intérieur de l'ancienne Bretagne,
le soulèvement rural préparé depuis le commencement
même de la Révolution par la noblesse et par le clergé anti^
constitutionnel.
111
Ln 11 mars, le district de Ghallans écrit à toutes les auto-
rités du voisinage, à celles de Nantes, les plus rapprochées,
en môme temps qu'à celles des Sables, de Fontenay, de Niort
et de la Rochelle, et au général commandant la 12« division
militaire :
« Le désordre est à son comble dans la ville de Machecoul.
Le feu est au district, plusieurs bons citoyens ont été indi-
gnement massacrés et leurs corps jetés dans les rues. Les
insurges sont au nombre de plus de 3000. Le tocsin de la
rév.olte a sonné dans plus de dix paroisses de ce malheuieux
district. Nos gardes nationaux sont actuellement à Beauvoir,
oi cupés à apaiser pareille sédition. Dans ce moment un cour-
rier de Palluau nous arrive et demande à grands cris du
secours. Les officiers municipaux de Legé sont écrasés, ainsi
' D^liliôration du flistrict des Sables.
100 i.E siÈr.E DES sarles-d'olonne en 1793
que la gendarmerie de Palluan. Des forces, citoyens ! sinon,
tout le pays va être envahi par les rebelles. Envoyez-nous à
l'instant le plus de monde qu'il vous sera possible avec des
canons surtout. Nous sommes extrêment pressés' »
Sur « cette lettre affligeante », reçue le 12, à cinq heures du
matin, le disti'ict des Sables ordonne l'envoi au district de
Challans de 20 hommes de la garde nationale de la ville et
d'une partie des détachements de Fontenay et de Luçon, qui
y sont arrivés la semaine précédente. A sept heures, survient
dp Palluan une réquisition du commissaire du département,
Gallet, auquel sont expédiés 120 hommes avec deux pièces de
canon. Les patriotes de Talmont et d'Olonne sont appelés à
faire le service intérieur des Sables ; mais, comme les
demandes de secours se réitèrent, on envoie encore une com-
pagnie vers Palluan"-'.
Dans la matinée du 13, on apprend : d'abord que les déta-
chements dirigés sur Palluau ont été taillés en pièces ; d'un
autre côté, que, ne pouvant résister, les administrateurs de
Cliallans, « ont pris le parti de faire enlever la caisse et les pa-
piers du district, pour se replier avec la force armée et les
bons citoyens. » Vers minuit, en effet, arrivaient aux Sables
les administrateurs, la garde nationale et aussi de nombreux
habitants de Ghallans\ Dans la matinée du lendemain, se
présentaient la garde nationale et la municipalité de Saint-
Gilles, averties de l'évacuation du district et ayant constaté
l'impossibilité de soutenir « l'approche des brigands in-
surgés » de toutes les paroisses du voisinage*. Peu après,
rentraient les débris du corps expéditionnaire, qui rappor-
taient «que plusieurs d'entre eux avaient été faits prisonniers
et massacrés : que les ennemis étaient maîtres de toutes les
routes jusqu'à quelques lieues de la ville'. » Grâce à l'intré-
' Lettre signée du vice-président Molrain, de l'administrateur Ganachau»
et du si'ci'^tnii'e Ferrv ; aux Ai-chivcs historiques du ministère de la guerre ;
arm*''e de la n'serve.
' Analyse des délibérations dfs districts et de la commune des Sables,
s Délibérations des districts des Sables et de Challans.
* Arrêté de la municipalité de Saint-Gilles, dans les papiers de cette localité.
* iJélilx'ratioM de la commune des Sables, l'i mars.
LE SIÈGE DES SABLES-d'oLONNE EN 1793 101
pidité de quelques canonniers fontenaisiens et. sablais, avait
été sauvée la seule pièce de canon emmenée'.
La commune, le 13 au matin, propose une réunion extraor-
dinaire des diverses autorités constituées, et « le maintien,
comme commandant en chef des forces sablaisps, du citoyen
Gaudin aîné. »
. Gaudin (Joseph-Marie-Jacques-Prançois), était dans toute
la force de lage. Il était né le 15 janvier 1754, d'une lamille
d'origine espagnole depuis très longtemps établie aux
Sables, et qui, de père en fils, faisait des armements pour la
grande pêctie à la morue. Tout jeune, h l'occasion de la
guerre avec l'Anglelerre pour l'indépendance des Etats-Unis
d'Amérique, il avait été onrôlé dans la compagnie locale des
canonniers garde-côtes ; il y avait montré les plus heureuses
dispositions pour l'étude et la pratique de l'art militaire. Dès
les premiers instants de la Révolution, aussi gai qu'enthou-
siaste, il avait entraîné ses compatriotes dans le mouvement
libéral. Il avait, avant tous, mis à son chapeau la cocarde
patriotique, et arboré le drapeau tricolore aux mâts de ses
navires. Il avait organisé la garde nationale et ouvert le
premier club. Il avait accepté, pour le soustraire à la no-
blesse, le commandement des soldats-citoyens. On le fit
maire de la ville, malgré ses refus réitérés, qui prolongèrent
pendant plusieurs semaines la crise de la formation de la
première municipalité élue. Il remplit ses fonctions adminis-
tratives dans les circonstances les plus délicates, au gré de
la grande majorité de ses concitoyens. Il usa de son autorité
pour rechercher, découvrir et faire réprimer les complots
aristocratiques et cléricaux. Les électeurs du département
de la Vendée le nommèrent représentant du peuple sans
qu'il eût posé sa candidature. A cette époque héroïque, on
eût, du reste, passé pour un intrigant, si l'on s'était soi-
même présenté ; mais, comme il y avait péril et de l'honneur
et de la vie à porter le drapeau dans la lutte à mort engagée
entre la Révolution et l'Ancien régime, il étiit impossible de
se dérober aux suffrages de ses concitoyens. Gaudin se dis-
Conipt« i-fndu de Gaudin.
1(V^> LE SIKGE DES SABLES-D'OLONNE EN 1703
»
tingua'à la Législalive par des travaux assidus au Go:-iiif('
de la marine, ainsi que par un rapport décisif sur la sup-
pression des Congrégations religieuses et l'aliénafion de
leurs biens. An rommencement de In session de la Conven-
tion nationale, comme il le confesse lui-môme en son
compte-rendu de ITU'i au Comité de sûreté générale, « il ne
marcha pas aussi bien, quelque pures que fussent ses inten-
tions. » H pencha du côté de la Gironde contre la Montagne
et tu ijcand aie, dans le proct-s du Roi, en refusant « de se pro-
noncer sur la culpabilité de Louis, parce qu'il ne se croyait
pas revêtu du caractère do juge », en réclamant l'appel au
peuple; en opinant, contre la mort, pour la détention jusqu'à
la paix. Car, s'écria-t-il, annonçant un Bonaparte avec une
clairvoyance merveilleuse, mais le croyant apercevoir en
la personne du futur Louis-Philippe T", le fils d'Egalité,
« il est [.hi^ de l'intérêt des royalistes que de celui dos
républicains (que le roi) meure. Dans des temps plus favo-
rables, il adonné sa mesure; homme faible, lâche etcruel, il
perdit l'aristocratie en.voulant perdre In; liberté; elle a
autant de sujet de se plaindre de lui:q=ue nous; ce n'est pas
l'homme qu'il lui faut pour ramener l'ancien ordre de choses
et appuyer ses prôtenliôns. Si, après de longues agitations,
quelqu'un pouvait être dangereux à la République, ce serait un
jeune guerrier parlant le langage de la liberté dans nos tri-
bunes patriotiques et-emportant les retranchements à la lôte
de nos escadrons ; fce serait un jeune guerrier, l'amour de nos
soldats, tandis qu!' son 'père inspire un si vif intérêt dans
cette ville immense* »
' C. Meriand. Biographies: Kendéennes, t. u, p. ;'fi2. dit ((ue le discours tW
Gaudin, dans le pruoès du roi, n'ii jamais été imprimé, fut même supprimé
du procès-vi>rli;il et du compte rendu de la Convention, et que rien ne fut
mentionné de-i liuc^ies qui interrompirent l'orateur ni des trois coups de feu
qu'il essuya ;ia sortir de la séancf.
('est ine\;i t. C. Meriand n'a eu de M. Léon Aude (jui- le hrouiUnn du dis-
eours de Gnudin. L'Opinion de Gandin existe, imprimée en une feuille in-S»
de riniprim -rie nationale et se trouve, aux Archives, dans la Collection
Rondonne:iii. \ous la donnerons, avec celles de Morisson et de Fayau. et
aver les votes motivés émis par tons les députés de la Vendée au cours des
appels nominaux des Ij, Itl, 17, 19 janvier 17!)J, au ch. XXVI de l'ouvra^v
doenmi'tiiaire (ju.- nous préparons, Iji préparation île laCinerre delà Vendre.
Paul 1)11 lion t l'-diti'ur, l'a ri s.
LE SIÈGE DES SABLES-D'oLONNE EN 1793 103
Après l'exécution de Louis XVI, Gaudin l'aîné obtint un
congé et se hâta de retourner dans son pays, dont, depuis
des années, il avait prévu le bouleversement. Que serait-il
advenu de la ville des Sables si sa pofiularité, ses talents
militaires et sa vaillan(3e joyeuse lui avaient manqué au mois
de mars 1793' ?
Dans la journée du 13, le district appelle la commune à dé-
libérer avec lui, et l'on arrête :
« 1» Qu'il sera formé un plan de défense ;
« 2" Qu'il sera nommé un commandant général provisoire
pour diriger la force armée ;
« 3° Qu'un comité de défense sera composé du comman-
dant provisoire, de trois aides-de-camp, de deux administra-
teurs du directoire (du district) et de deux membres du conseil
général de la commune.
« A l'instant, l'administration, le conseil de la commune
et les difîérents corps militaires nomment par acclamation
commandant provisoire le citoyen Gaudin l'aîné, député à la
Convention nationale, maintenant en celte ville par congé.
« De suite, on s'occupe de la nomination du comité de
défense. Le choix tombe sur les citoyens Mercereau, Ber-
nard, administrateurs du district, et Biret, procureur-syndic ;
Sasss, Mergeteau et Garniar. membres du conseil général
• .\près le siège des Sables, Gaudin fut assez longteinp.s maintenu en mis-
sion en Vendée. Sa conduite, exclusivement patriotique durant la crise giron-
dine malgré ses sympathies personnelles pour k-s proscrits du 31 mai et du V
juin, l'empêcha de dert'nir victime des suspicions héb M-tistcs. Mais, ({uand il
rentra ;\ la Convention, il eut à se défendre devant le comité de sùreti- géné-
rale contre des accusations de fédéralisme, et même de royalisme, proférées
par Bourdon (de l'Oise). Il ne crut point ;\ la pacification df 170! et. en main-
tenant la Vendée maritime sur le qui vive, il empêcha la reprise d'armes de
Charette de devenir désastreuse. Membre du conseil des Cinq-Cents, puis
des .anciens, et même nommé au Corps législatif, malgré sa désiipprolialinn
du Dix-huit brumaire, il rentra complèti-ment dans la vie privée pcndanl
l'Empire, qu'il détestait au point de ne vouloir jamais ouvrir le Moniteur ni
même le liulleliii de la Grande Arniée. 11 avait épousé une jeune femme, et
était redevenu mondain comme avant la Révolution 11 montait des représen-
tations théâtrales et faisait des cliansons grivoises, anti-mouacales, <'n fran-
çais et en patois, ^aelques-unes eU- ces dernières sont restées dans le m.--
raoire des marins sablais. Il mourut en 1818.
Ifi'i LE PIÈGE DES SABT.ES-d'OLONNE EN 1703
de la commune ; Rouillé jeune, commandant de bataillon de
la Vendée, et Gràtton. lieutenant de gendarmerie'. ))
Le 14, les deux districts des Sables de et Gliallans délibèrent
avec la commune. « Considérant qu'il n'y a pas de temps à
perdre pour réunir autour de la ville les forces nécessaires à
sa défense et à la protection des propriétés menacées dans
une grande partie du département de la Vendée par les
révoltés qui y dominent, » ils arrêtent :
i" « D'expédier sur le champ un commissaire » — le maire,
Gaudin jeune, — « vers les autorités constituées de l'île de
Ré, pour leur exposer la situation et leur demander les secours
d'hommes et d'artillerie qui seraient à leur disposition ; »
2° D'expédier à la Rochelle, au lieutenant général Verteuil,
commandant la 12" division militaire, un autre commissaire,
un grenadier de la garde nationale, Goui".
La mer « était affreuse^ ; » Gaudin jeune et Goui s'embar-
(luèrent néanmoins à travers les plus grands dangers et rem-
plirent leur mission.
Dans la nuit, sur la proposition du commandant général
J.-M. Gaudin, les administrations réunies rédigeaient et e.x-
pédiaient une adresse à la Convention nationale et une lettre
au représentant Goupilleau (de Montaigu), réclamant de très
prompts secours, « la position devenant de plus en plus effra-
vante*. •
IV
Durant la môme nuit du 14 au 15 mars, est apportée une
déclaration signée : « la garde royale composée à Ghallans »,
et contresignée par 43 habitants faits prisonniers. Il y est
proposé « une bonne et solide paix •> et môme « le dépôt des
' .\rrôté (lu 13 mars 17;i3, rei:istres du district «les Snbles aux Archives
(le la Vendée,
s Arrêté du 14, ihid.
' Compte rendu de Gaudin.
* Registres du district.
LE SIÈGE DES SABLES-DOLONNE EN 1703 165
armes dans un magasin, afin que ceux sur lesiiuels elles otit
été prises en soient ressaisis ; » cela aux quatre conditions
suivantes : « 1" qu'il soit installé des prêtres couformistesdans
toutes les paroisses; 2» qu'il ne soit pas procédé au tire-
ment ordonné par la Convention ; 3" la suppression des pa-
tentes ; 4" 1 i retrait de l'arrêté déparfementRl obligeant les pa-
rents d'émigrés à se rendre au chef-lieu. » La « garde royale»
appelle les administrateurs du district de Ghallans ses « très
chers frères » ; elle leur fait observer qu'elle épargne à leur
ville « le désastre qui afflige la ville de Machecoul » — c'est-
à-dire qu'elle traite convenablement les prisonniers qui ail-
leurs sont massacrés ; — elle se montre presque tendre en
faisant l'étalage menaçant des forces dont elle dispose : « Nous
vous écrivons les larmes aux yeux et les armes à la main.
Nous ne demandons pas la guerre; mais nousne lacraignons
pas. . . Nous sommes ici 18,000 hommes, assemblés de toutes
les paroisses circonvoisines ; à chaque minute il en arrive
d'autres, et il nous en est offert. Tous ont décidé de mourir
pour la victoire. . . Finalement nous souhaitons de cœur et
d'esprit que la fraternité, la liberté et l'égalité subsistent
entre nous, et conséquemment amnistie réciproque... Nous
attendons votre réponse et sommes vos frères*. »
Les districts de Ghallans et des Sables, tenant ensemble
Conseil d'administration le 15, dès six heures du matin, qua-
lifient M d'ignomineuses » les conditions ainsi proposées pour
la paix et l'amnistie ; ils prennent l'arrêté suivant :
"... Considérant que la lettre insolente écrite par les
révoltés met lo comble à leur impudence et annonce formel-
lement leurs sinistres projets, et que, malgré leurs pro-
messes, les amis de la liberté et de l'égalité n'en doivent at-
tendre que mort et destruction ; que la retraite du détache-
ment cantonné à Palluau a dû considérablement augmenter
les espérances et le courage des révoltés; qu'enhardie par
ce premier succès, leur audace peut concevoir et exécuter
' Ce document très connu, partout cité, a été produit en 1847 par Ben-
jamin Fillon dans son intéressant recueil de Pièces contre-révolutionnaires,
p. 54-56.
106 LE SIKGE DES SABLES d'oLONNE EN 1793
»
les plus criminels desseins, et qu'il est à craindre que cette
révolte soit combinée avec une descente sur nos cotes. . .
« Considérant, en outre, que la conservation de la liberté
et de l'égalito, ainsi que des propriétés, sont commises aux
soins desadministrations; qu'elles ont fait serment de mourir
à leur poste plutôt «lue d'y laisser porter atteinte;
« Arrêtent qu'il sera envoyé à la Rochelle un commissaire
pour exposer au lieutenant général Verteuil la situation dé-
sastreuse du pays, et le requérir avec instance d'envoyer ici
toutes les forces disponibles, sous peine d'être responsable
sur sa personne et ses biens d'événements résultant du refus
de se conformer à ladite réquisition ; comme aussi de requérir
la mise dehors de deux frégates pour venir protéger cette côte.
« Arrête, en outre, que son commissaire se retournera par
devers toutes les administrations pour requérir d'elles tous
les secours dont elles peuvent disposer, lui recommandant
surtout de ne pas manquer de communiquer à toutes les
sociétés populaires l'étendue des dangers où se trouve la
chose publique, espérant que leur zèle et leur patriotisme
réchaufferont l'ardeur et le courage des citoyens en état de
voler au secours du pays menacé. . . »
Le citoyen Massé, déjà commissaire du département, est
nommé commissaire des districts, et part immédiatement*.
Le vieux lieutenant-général de Marcé, attaché à la 12*
division militaire, avait annoncé, le 13, au ministre de la
guerre, son départ de Rochefort pour la Rochelle, avec un
noyau de gardes nationales de la Charente, qu'il espérait
grossir en route, de manière à arriver promptement « à
Nantes, avec des forces majeures », capables de « réduire les
malveillants à rentrer dans le devoir-. »
Le commandant de la 12* division militaire, le lieutenant-
général Verteuil, le 14. rapporte au ministre : que la veille
Marcé est arrivé de Rochefort, a emmené de la Rochelle les
troupes qu'il y avait lui-même préparées pour aller secourir
les Sables, et marche à la rencontre des révoltés ; qu'ayant
' Dt'-libération des districts réunis des Sables et de Challans.
» Arcliivfs historiijUt's de la Guerre ; armée îles eûtes.
LE SIKGE DES SABLES-u'uLONNE EN 1793 107
reçu « une lettre de la municipalité des Sables, le prévenant
qu'un bâtiment à trois mâts croise en vue de ce port, tire
des coups de canon, et qu'on a inleré de là des liaisons avec
les révoltés, il en a envoyé copie par coui'rler au comman-
dant de la marine à Rochefort, le requérant de faire sortir le
bâtiment dont il pourrait disposer pour aller reconnaître ce
bâtiment suspect et lui donner la chasse. » Seins attendre, il
a expédié le yacht \ Enfant en croisière.'
Le 1(3, à 4 heures du matin, les districts réunis des Sables
et de Challans apprennent du grenadier Goui que le général
de Marcé marche avec 1500 hommes sur Ghantonnav, d'où il
se portera à la Roche-sur- Yon\ Grâce sans doute à ce com-
missaire, 200 hommes de troupe de ligne arrivent de Luçon,
avec 200 gardes nationaux- de Saint-Michel-en-l'Herm et
autres communes patriotes des Marais séchés.
A six heures, le citoyen Paudevin, revenant de l'île de Ré,
annonce qu'il va en arriver 400 hommes' et quatre pièces de
canon. A cinq heures de l'après-midi,- les Rétois débarquent
au nombre de cinq à six" cents'\ et leur commandant,
Foufand. se présente aux districts. Le commandant général
provisoire, Gaudin l'aîné, apporte en ce moment « un plan
d'attaque. » Sur l'observation d'un nfembre» qu'il ne faudrait
pas entraver les opérations comm,e.ncées par le général
de Marcé, on décide d'abandonner toute opération ofïen-
sive jusqu'à ce qu'on se soit entendu avec lui. » Un courrier
est dirigé à sa rencontre^ vers onze heures du soir.
Dans la séance du 17, présidée par le commissaire du dé-
parlement Gallet, le capitaine de la compagnie de gardes
nationales de la Tranche, Benoît, est chargé d'aller, lui aussi,
à la rencontre de Marcé et de le mettre au plus tôt en com-
munication avec la place des Sables. Dans la séance du 18, à
laquelle assiste l'autre commissaire du département. Massé,
de retour de sa mission à la Rochelle, on prend de nom-
breuses mesures de défense: les chevaux sont mis en réqui-
» Archives historiques de la Guerre ; armée des côtes.
* Délibération des districts.
' Chiffres doniiéf^ dun:? le compte rendu de (liiudin.
lus LE SIÈGE DES SABLES-d'oLONNE EN 1793
silioii pour les troupes prêtes à partir ; la garde-nationale
mobilisée reçoit la solde de campagne; une solde est aussi
accordée à celle qui doit rester à l'intérieur de la ville, « en
raison du service forcé et de la misère générale ; » elle est la
même que le salaire des ouvriers employés aux armes, aux
munitions et aux forfifications : trente sous par jour*.
La commune s'occupe avec une activité fébrile de l'appro-
visionnement en toute sorte de comestibles. La direction des
subsistances;, à faire rentrer des termes du voisinage, que
l'ennemi n'a pas encore pillées, est confiée aux ardents pa-
triotes de Talmont et de Saint-TIilaire, les frères Duroussy.
Les barques chargées de grains, qui se trouvent dans le port,
sont saisies avec l'autorisation du district. Le pain est taxé à
quatre sous la livre, le vin à cinq sous la bouteille, les œufs
il trois sous la douzaine, le beurre à vingt-quatre sous la livre.
D'après les renseignements apportés à l'hôtel de ville, les
insurgés royalistes se massent dans la direction des Sables;
ils sont maîtres de la Mothe-Actiard, de Vairé, du passage de
lu Grève et de la Gachère*.
A trois heures de l'après-midi; le 18, la générale est battue;
[lUisicurs sorties sont laites. Le soir, les postes sont doublés.
A on/.c heui-es la générale est battue de nouveau, sur la
IfUisse nouvelle de l'apparition des rebelles à Olonne. 11
devient certtiin que la ville va être investie de tous les côtés
!»ai- (tes bandes très nombreuses. Elle a pour se défendre
:i.OOÛ hum mes armés, 8 pièces de canon^, 200 cavaliers et
300 marins'.
IV
« Le 19 mars 17. )3. l'iiii II de la llépubli<|iic française, à
six hennis (du suir,, les officiers des différents corps mili-
taires;, réunis on la ville des Sables d'Olonnci pour sa dé-
' iJélibér.ition des districts.
5 Déliljér.-itions du conseil i^viiéral du la cnnimunc, 17 et 18 mars
* Notes inariiiscriti's d'Adrien r.olliiK't, d'après la copi<> qu'à Iti^n voulu
nous ciiinuiiini(iucr M. Odin, pliarmacion aux Sables.
LE SIÈGE DES SABLES-D OLONNE EN 1793 169
fense, se sont assemblés dans une des salles de la maison
des séances da district, pour procéder à la formation de l'état-
major de l'armée et aux autres opérations militaires néces-
saires dans la circonstance.
« Le citoyen Foucaud, colonel du bataillon des gardes
nationales de l'île de Ré, a pris le fauteuil à l'invitation de
l'Assemblée, et le citoyen Testard, officier de la garde natio-
nale de Fontenay, a été prié de prendre place au bureau en
qualité de secrétaire provisoire'. . . »
Gaudin , précédemment nommé commandant en chef ,
voulait céder le commandement à « l'ancien et brave officier
rétois. » L'Assemblée s'y est opposée et a exigé qu'ils seraient-
l'un et l'autre commandants généraux, « la plus grande con-
fiance et la plus parfaite harmonie régnant entre eux^ )> ■
Ont été élus : commandant général de l'armée, le citoyen
Foucaud ; commandant en second, Gaudin, député à la Con-
vention ; adjudant général, E.-L de Ghezeau, adjudant gé-
néral de l'île de Ré; commandant de place. Rouillé père ;•
aides-majors, Gorbier, Benoist et Gaborit, ce dernier pour la'
Ghaume ; aides-de-camp, Rouillé fils, Bastard, Guérin et
Feuvre ; commandant d'artillerie, le citoyen Prévost.
« Ges officiers ont été proclamés dans leurs grades res-
pectifs, et l'Assemblée a de nouveau ratifié leur choix par un
assentiment unanime.
« Un membre a observé que la force armée était composée
de différents détachements ([u'il convenait de former en com-
pagnies, et qu'il convenait aussi de tirer des différents déta-
chements quelques compagnies de pionniers et de travail-
leurs. . . .
« Gette proposition a été acclamée. . . Les citoyens officiers
Testard, Jaiméraut, Ghaigneau, Gordon, Vosgien et Renau-
dineau ont été nommés du Gomité chargé de présenter un plan
d'organisation des compagnies et de formation de compagnies
de travailleurs le plus tôt possible.
' Première séance du Comité militaire, puis de Salut public rfr la ville
des Sables, extrait du procès-verbal entièrement int'-dit.
» ("oinpte rendu de Gaudin.
Tome iv. — Avril, Mai, Juin 1891. 12
[-[) LE SIÈGK DKS SABLES-u'Oi-l )NNE EN l/O^Î
tt Un membre a représenté de qiK^le imporlance était le
secret des délibérations du Conseil militaire ... Il a proposé
de le rôduire au seul nombre d'officiers indispensable . . .
« Cette motion a été accueillie avec transport, et l'Assem-
blée a nommé pour membr.^s du Conseil de direction des
opérations militaires : les d 'ux commandants généraux, l'ad-
judant général, le commandant de la cavalerie (le citoyen
Poiraudière), le commantant de la gendarmerie (le citoyen
Maullàtre), le commmdant de la lia^ne (le citoyen Pril). >.
Dans l'après-midi du 20 mars, siir les trois heures, le dé-
partement de la Vendée avertit par courrier extraordinaire
la ville des Sables que le général de Marcé, après un enga-
gement heureux à l'Oie ou à Chantonnay, le 18, a été mis en
déroule complète, le 19, à. Pont-Charron (Saint-Philbert d;;
Pont-Charrault), destitué par les commissaires de la Conven-
tion et emprisonné à la Roc h '^, lie ; sur le champ de bataille
même, le commandant de l'armée de la Vendée a été confié
au chef de brigade Boulard, qui" s'occupe de rallier les
tri3upes et d'en réunir de nouvelles.
Les deux districts des S ibles et do Ch dlans se réunissent
aussitôt avec la commime en « Conseil général des aulorités
civiles, B sous la présidence du commissaire du département
de la Vendée, iavesti de tous ses pouvoirs ; ils prennent
l'arrêté suivant :
« Le Conseil;, convaincu de la force du serment qu'il a fait
de mourir à sm poste . .
« Vu les dépêches arfligeantes adressées par le départe-
ment au citoyen Gallet, commissaire, en date de ce jour. (|ui
lui annoncent la déroute complète de l'armée des patriotes à
l'Oie ;
c Considérant que la ville des Sables est entourée de toutes
parts par des bandes de brigands qui portent partout le
meurtre et le pillage ;
« Considérant que cette ville présente quelques moyens de
défense et que chacun est digne de montrer à ces forcenés
un front digne de la linerté, si des secours nous sont donnés ;
«' Le Conseil nomme commissaires les citoyens Jousson
ft .Massé, deux de ses membres, ({u'il investit de tous ses
l^E SIÈGE DES SABLES-DOLONNE EN 179:^ 171
pouvoirs, pour se transporter sur-le-champ à Ih Rochelle et
à Rochefort, à l'effnt de présenter à ces deux villes la posi-
tion fâcheuse oîi se trouve la chose publique dans ces can-
tons, et leur demander tous les secours cfui sont en leur pou-
voir, tant en liommes armés qu'en munitions de guerre et
en comestibles, dont suit le détail, savoir :
« 2,000 fusils au moins, 50 boulets de 8, 400 de 4, 200 gar-
gousses à mitraille pour canons de 4, des pierres à fusil,
des étoupilles et des lances à feu en proportion; 2 pièces de
position avec leurs munitions; 2 ou 3 chaloupes canonnières
et une corvette, qui ne tire pas plus de 2 pieds d'eau et à la-
quelle on creusera un lit dans le port;
« Que les corvettes ou frégates, qui croiseront sur ces pa-
rages, viennent de temps en temps mouiller en cette rade
pour conférer avec l'administration et (amener) le plus de
troupes que l'on puisse envoyer ;
« Qu'il soit également fourni de la farine en échange de
grain, les moulins placés hors la ville pouvant manquer;
des salaisons et du biscuit ; du charbon de terre et du bois ;
enfin des matelas et des couvertes pour coucher la troupe,
l'habitant ne pouvant suffire à loger tout le monde. »
Les commissaires doivent insister sur ce que « l'elTicacité
des secours dépend d'une prompte exécution. » Ils sont em-
barqués à 10 heures du soir'.
Au même moment, les appels les plus pressants surviennent
des communes des Moutiers-les-Mauxfaits et de Talmont.
De celle-ci et de Saint-Hilaire , rentrent à minuit, avec
quelques gardes nationaux, les frères Duroussy, « découragés
de n'avoir pas vu arriver les forces que le Conseil avait pro-
mises. » Une démarche pressante est faite auprès du com-
mandant militaire ; le procureur syndic du district des
Sables, Biret, et le citoyen Benoit, delà Tranche, sont en-
voyés à Talmont pour « fortifier le courage des autorités, »
et les engager « à conserver leur poste jusqu'à la dernière
extrémité. »
' Extrait du procès-verbal du Conseil général des autoritéa civiles des Sald^s,
dans 1p romstre de district. Arch. de I" Vemlce.
172 LE SIKGE DES ^ABLES-d'oLONNE EN 1703
Dans les journées du 21 et du 22, le Conseil général des
autorités civiles reçoit à chaque instant des informations sur
la révolte des villages voisins et sur l'approche du corps prin-
cipal des insurgés. A la demande des commissaires de la
commune, du maire Gaudin jeune et de l'inarénieur Dorotte,
les prisonniers, dont le trop grand nombre* exige un service
particulier et produit de la fermentation », sont « exportés à
la citadelle de Ré. « Il en reste des mouvements antérieurs
au siège, et il en a été fait beaucoup dans une attaque sur la
Grève.
Le commandant général Foucaud, au retour d'une expédi-
tion à la Gachère, rapporte : c J'ai fait faire une décharge d'ar-
tillerie qui a coûté à l'ennemi une cinquantaine d'hommes,
sans que ma troupe ait reçu aucune blessure L'ennemi
paraît être dirigé avec assez d'ordre, ce qui fait croire qu'il
a des chefs habiles*. »
Le second commandant général, Gaudin, fournit plus de
détails sur cette expédition, dont le but important ne put
être atteint^ :
« Nous craignions les secours des Anglais, et les royal'stes
étaient maîtres de Saint-Gilles-sur-Vie. Nous résolûmes de
leur enlever ce port. En conséquence, nous sortîmes de la
ville et nous nous avançâmes, avec 400 hommes et 2 pièces
do canon, jusqu'à deux lieues. Nous trouvâmes l'ennemi
retranché au dcKà d'une petite rivière qu'il nous fallait
passer, et, malgré une fusillade et une canonnade très vives,
qui Im" tuèrent beaucoup de monde, nous ne pûmes le dé-"
busquer.
(' Ce fut im bonheur; les brigands étaient beaucoup
plus forts que nous ne le croyions. Il nous fallut donc prendre
le parti de nous en tenir à la défensive en attendant de nou-
veaux secours. »
* Extrait <\u procès-verbal du Conseil général des autorités civiles de
Sal.les.
' Cr>iii|iti' r.'ndii (lo GniKlin.
LE SIÈGE DES SABLES-u'OLONNE EN 1793 173
VI
Le 23 mars, à neuf heures du matin, se réunit le Comité
militaire, pour se compléter d'un membre de chacune des
administrations civiles. Sont nommés, pour le district de
Challans, Luminais ; pour la commune des Sables, Gheval-
lereau, avec Biret, procureur syndic du district. Le Comité se
constitue définitivement sous la présidence du colonel Fou-
caud ; Biret secrétaire. Il convient de se rassembler deux
lois par jour, à neuf heures du matin et à six heures du soir.
Les ingénieurs, dont le principal est le citoyen Dorotte,
(déjà employé dans l'administration de la province du Poitou
avant 1789, et, en 1794, ingénieur en chef du Département.
Veng-é'), sont chargés « d'exécuter les travaux de lortihcaLions
que le Comité estime les plus urgents : placer une pièce de
18 sur le monticule des Grandes-Portes, une autre aux
Grandes-Portes; une troisième pièce à la porte de la Cùte;
une quatrième, de 4, dans le demi-lune à établir vers le pli du
mur de la ville ; remplacer cette pièce à la Barre par une pièce
de 8 qui est sur la place de la Liberté, où sera mise une pièce
de 12 ; faire un cavalier en avant de la redoute Saint-Nicolas. »
En séance extraordinaire, tenue à deux heures de l'après-
midi, le Comité reçoit diverses dépositi(jiis relatives à des
propos et agissements de partisans et d'espions des rebelles.
La commune vient de surprendre un essai de distribution de
cocardes blanches à la Chaume, et un maçon de la localité,
Joseph Perrocheau, a été arrêté porteur d'une correspon-
dance suspecte\ Un propriétaire de bateaux au village de
la Ptoulière a menacé un soldat des Sables, Jean Letard, do
« le couper en morceaux, si lui et les insurgés avaient le
dessus » et « un archer de marine, Levai, a dit que le plus
' Il y ade Dorotte des rapports importants sur les travaux exécutés dans
les porls lies Sables, de 8aint-Gilles, de la liarre-de-Mont, et aux dij,'uea de
N'oirmoutier durant la Révolution, aux Archives nationales P'**, 741 et 157.
• Ce Ferroche.iU a été condamné à nioi't, comme espioii, le 1 8 avril 171)3,
par la Commission militaire des Sables.
174 I.E SIRGR DES SABI.ES-d'oLONNR EN 1793
courl |»Hrli des patriotes était de mettre bas les armes et de
se rendre aux insurgés, qui ne faisaient aucun mal. » La
dénonciation présente un certain intérêt, ayant été apportée
par deux volontaires de la quatrième compagnie, Saurin et
Savin. C'étaient deux réfugiés de la commune de Saint-
Etienne-du-Bois, insurgée par deux de leurs homonymes,
sans doute leurs parents, l'un dit « le Parisien » et
l'autre « le Pelé' ». De ces derniers, est resté célèbre
J. Savin, dont la présence, en habit vert, avec des épau-
lettes ronges', était signalée à la tête d'une des plus grosses
bandes assiégeant les Sables, et qui fut en effet l'auxi-
liaire de Joly, puis le iîdèle lieutenant de Gharette, coopé-
rant à sa reprise d'armes de 1790, et pris, six jours après
lui, par le général Meyer, le 29 mars de cette année'. Il
y avait à Saint-Etienne-du-Bois quatre Savin, Charles-Fran-
çois, commandant en second, Marc-Antoine^ lieutenant,
Michel et Georges, gardes nationaux, qui, avec le comman-
dant en premier, Saurin, s'étaient distingués comme patriotes,
au mois de septembre 1790. Ils avaient été, un dimanche
d'assemblée près de leur bourg, insultés, attaqués, par des
' Ils sont ainsi désiirnés dans l'inlerrogatoire subi par un blessé, Gouin,
laboureur, 24 ans, à riiùpiiiil des Sables, et reçu par Jousson, administrateur
du district de Cliallans, le 31 mars 179:!.
» D'après l'enquête du juge de paix de Beaulieu-sous-la-Roche, p. 44 «les
Documents inédits sur les soulèvements de mars 1793 publié* par M. le
V'e B. d'Af-fOurs (in-8, Saint-Nazaire 1883;.
' llefçistres de la correspondance de la municipalité des Sables, à la date
du 30 mars 179fj.
Cette lettre du général Meyer fixe la date jusqu'alors inconnue de la mort
du général divisionnaire de Cliarette L'ancien vicaire général de l'évêque de
Luçon, qui devint, sous l'Empire, évêque d'Orléans, après avoir été l'un
des pr imoteurs de l'insurrection vendéenne, Brumauld de Beauregard, rap-
porte dans ses Mém.oires que le général Savin fut surpris à Beaulou, oJ il
était lui-même caciié, par une patrouille républicaine qui le fusilla dans les
environs. D'après la tradition populaire, il aurait été arrêté au village de la
Sauzaie, près des Lues, conduit à Montaigu et exécuté <lans les fossés du
château. M. Cli. Dugast-Matifeux, de Montaigu. nous a écrit que J. Savin «dut
être, en effet, conduit à Montaigu comparaître devant une commission mili-
taire formée pour la circonstance, condamné à mort et fusillé derrière la
maison de la CaiUaiidière. » Je n'en doute aucunement, ajoute notre vénérable
et savant ami, quoique l'acte de décès ne soit pas consigné sur nos registres
d'état civil, soit qu'on considérait que le jugement en tenait lieu, soit parce
que l'emplacement di- l'exécution ne faisait pas partie de la ooramune de
Miuitai'ju. "
1J5 sjKGE DES sablks-d'ulunne kn 1793 175
gens de ISeaufou, des Lues et du Poiré, qui voulaient « dé-
sarmer la yarde nationale et anéantir les bourgeois, pour
ladéiense du clergé et de la noblesse. » Sur leurs démarches
réitérées auprès ie la munieipalilé du lieu, qui n'osait
agir, et auprès des distiicts de Challans et de la Roche-
sur-Yon^ invités à poursuivre les émeutiers, l'Assemblée
constituante elle-même s'était émue; le dossier des offaires
de Vendée, dans les cartons de ses Comités des recherches et
des rapports', s'ouvre par la copie des pièces relatives à cette
première manifestation rurale contre la garde nationale, qui
ne fut pas prise au sérieux;, mais dont la date seule prouve
que, depuis trois ans, se préparait la grande guerre catho-
lique et royale de 1793.
Le Comité militaire, exclusivement occupé de la défense
des Sables, n'aspirait point à la dictature civile; il ne con-
sacra pas une séance de plus à la réception des dépositions.
Le 24 mars', u considérant que la meilleure manière de
garantir la sûreté de la ville est de surveiller l'ennemi, de
connaître SLS positions, ses manœuvres et ses ressources;
que, pour y parvenir, il faut des agents secrets et sîirs. mais
que leurs démarches sont très coûteuses, vu les risques à
courir », il arrêtait de demander au commissaire muni des
pleins pouvoirs de l'administration départementale, « une
somme de 3000 livres pour pourvoir aux dépenses secrètes
que les circonstances exigeraient. » La somme fut accordée ;
Biret fut chargé de l'emploi des fonds pour 1 espionnage ;
mais le Comité décida «de ne recevoir, quant à présent, que
1 000 livres*. ..
Cn Cii|(itaine de navire. Rouillé, était venu déclarer, dans
la journée du 23 « que son beau-père avait, dans un gîte
nommé la Nicolière, près les Arpents, paroisse de Saint-Hi-
laire-de-Talmont, la quantité de 12 à 14 milliers de bois et
plusieurs charretées de broussailles, qu'il offrait de livrer au
prix courant pour les besoins de la ville. « A la séance du
soir, le Comité mililaire s'occupe de cette alTaire et aussi
d'une communication de la commune des Sables sur « des
* .Vrchives nationales p. D xxix lô.
' AnaMe rie la suite du procès-verbal du Comité militaire.
176 l.K SliUiK UKS SAlîl.ES-D'iiLdXNE EN ITUli
citoyens possédant des blés, bois et fourrages. » u Pénétré de
l'impérieuse nécessité d'approvisionner la ville », il décide
que le lendemain matin, à 7 heures, un détachement de
cavalerie escortera « les voitures et charrettes nécessaires
pour conduire en ville les 12 milliers de bois qui sont dans
les taillis du beau-père du citoyen Rouillé; » de plus, « que
l'on s'emparera de tous les bois, blés, vins et fourrages qui
pourront se trouver dans les lieux ci-après dénommés : à la
Bauduère, chez le citoyen Pesot; au Fenestreau, chezMoreau
et Pinson ; à la Courbe, chez Herbert ; et à l'Abbaye de
Saint-Jean, chez Boisson ; bien entendu, que tous les objets
dont on s'emparera seront payés au taux ordinaire'. »
Le citoyen Duroussy, commissaire aux subsistances, ré-
clame un détachement « pour s'emparer du château 4e la Gui-
gnardière, où, écrit-il, il y a des émigrés avec plusieurs at-
troupés. « Le Comité militaire décide (|ue, < vu le mauvais
temps, l'opération sera retardée jusqu'au lendemain; ce
dernier en avertit le citoyen Durussy'. » Il ne s'agissait
rien moins que d'enlever DuchalTault ou se» fils, rentrés dans
leur manoir pour soulever Avrillé, le Poirouxet les environs,
et formant l'armée de la gauche, pour arriver sur les Sables
en môme temps que l'armée de la droite, commandée par
Guerry du Cloudy, et soutenir l'attaque principale dirigée de
la Mothe-Achard par Savin et par Joly, commandant généraP.
DuchatTault, père, avait été. le 23 février 1791, le promoteur
d'une 1res caractéristique rébellion de la paroisse d'Avrillé
contre la Constitution civile du clergé et, en particulier,
contre la vente des biens dépendant du i)rieuré-cure. Cette
affaire avait été l'objet d'un rapport de Cochon-Lapparent
à l'Assemblée nationale, qui avait ordonné des poursuites
au mois de juillet suivant. Le prévenu avait eu le
temps de s'enfuir et n'avait pas reparu depuis''.
* Analyse de la suitr du procès-verbal militaire.
* Lettre citée par Savary, Guerre des Vendéens et des Chouans, t. i, p. \i,l
123.
* Sylvestro-Franvois Duchalîault de la Guiynardière, seigneur d'Avrillé par
sa femme, était le neveu de l'illustre marin bucliaffault de Besné, lieutenant
général des années navales.
On verra plus loin que l'un de ses ftls deviiil suspecta Joly.
LE SIÈGE DES SABLKS-d'oLONNE EN 1793 177
Les districts réunis des Sables et de Gtiallans écrivaient, le
23 mars, à la Convention :
»... L'incendie, allumé dans le département de la Loire-
Inférieure, embrase maintenant tout le département de la
Vendée. Nos malheurs sont incalculables; nous avons à re-
gretter un grand nombre de nos concitoyens tombés sous le
poignard du fanatisme religieux et nobilier (sic). Citoyen
ministre, depuis vingt-neuf jours nous sommes en guerre,
abandonnés à nous-mêmes, sans armes, sans munitions, et
presque sans forces, à la réserve de 500 hommes de l'île de
Ré, qui ont eu la générosité de venir à notre secours et qui
font notre principale défense. Toutes nos communications
sont coupées avec Nantes, Challans, Machecoul et Fontenay,
sans espoir de pouvoir les ouvrir, si nous ne sommes promp-
tement secourus. Nous vous épargnerons le récit des atro-
cités et des brigandages exercés par ces monstres sur les
patriotes des contrées conquises. La vie des femmes et des
enfants n'a pas «lênie été respectée. Venez promptement à
notre secours; le péril est imminent'. »
fA suivre). Gh.-L. Chassin.
parce qu'il n'avait pas amené devant les Sables, au moment décisif, les
troupes qu'il avait promises II prit part à toute la j::uerre de Vendée, il
passa la Loire avec l'armée principale et était de la déroute du Mans. II
étnigra ensuite et fut fait chevalier de Saint-Louis à l'arméf du prince de
Condé en 171)8. Devenu veuf, il se fit ordonner prêtre en 1^03, et en 1808 des-
servit la cure de la Guionnière près de Montaigu, où il était né le 5 décembre
1734, d'après la précieuse note que nous a fourni son compatriote, notre
très érudit ami M. Ch. Dugast-Matifeux. Il mourut chanoine honoraire de la
cathédrale de Nantes, le 9 avril 1822.
Tandis qu'il était prêtre, il maria lui-même l'un de ses neuf enfants,
Jacques-Gabriel Ducliaffault, avec la nièce de celui-ci, c'est-à-dire sa propre
petite-fille. Ce dernier Duchaffuult commanda une division dans l'armée
insurrectionnelle de Vendée en 1815, mais, après la mort de son père, il se
brouilla avec ceux « qui n'avaient rien oublié ni rien appris, » et devint
député libéral. 11 a signé la fameuse adresse de i2l et pleinement adhéré à
la Révolution de 1830. On l'a surnommé « le La Fayette de la Vendée. »
Tous ses frères avaient péri dans la guerre civile, la plupart dans l;i,
campagne d'Outre-Loire en 170', avec sa mère et plusieurs femmes de la
famille, (d'après M. Chardon, i.'s Veadéetis dans la Sarthe.) M"» la mar-
quise de la Rochejaquelein rapporte, dans ses Mémoires, que deux des jeunes
Duchaffault échappèrent au désastre de Savenay, voulurent rejoindre Cha-
rette. furent arrêtés à ses avant-postes, pris pour des espions et fusillés.
* Il est bien entendu t/ue cha</ue auteur est responsalde des idées ou
opinions émises dans ses articles. N. D. L. H.
A TRAVERS
LES CLOCHERS DU BAS-POITOU
II
DOYENNE DE SAINT-JEAN-DE-MONTS-
A. — Le Clocher de Saint- Jean-de-Monts.
Le clocher est très ancien, de même âge peut-être que la
tour massive qui le supporte. Cette tour, sous laquelle s'ouvre
un portail cintré, a probablement été construite par les
Anglais, jadis maîtres du l^oilou, et peut remonter jusqu'au
\1P sii c'e. L'histoire ne nous fournit qu'un seul lait certain,
l'agrandissement de l'église en i390, aux trais d'iiu nommé
Jacques Veillon. Celle date est aussi, selon nous, celle o"ù la
chai ellenie de Saint-Jean, dépendant de Nolre-Dame-de-
Monls, lut définitivement érigée en paroisse.
M. le curé Moran. avec le concours de ses paroissiens,
entreprit de reconstruire l'église : c'était deu.x. ans avant la
Ré.olution. Les travaux étaient presque achevés, quand
A TRAVERS LKS CLOCIIliRS DU HAS-POITOU IT'J
vinrent les troubles de 93. L'édifice fut la proie des fiammes',
à l'exception du clocher, qui lut protégé, comme point de
repère, par les administrateurs de la Marine.
a Saint-Jean-de-Monts possédait autrefois trois cloches non
moins belles que celles d'aujourd hui. Dès les premiers
troubles, les habitants, craignant qu'elles ne fussent enlevées,
les descendirent du clocher et les cachèrent dans un abreu-
voir du Marais, entre la Grande-Maison et les Granges, à
gauche de la « Gharraud. » L'étourderie d'un paysan les
livra, trois ans plus tard, aux républicains. Un détachement
se rendant de Challans à Sainl-Jean-de-Monts, fut forcé de
laisser derrière lui une pièce de canon enfoncée dans la vase
de la coupe du Glousis. Les maraîchins s'empressèrent de la
retirer et de la mettre en lieu de sûreté. Lorsque les Bleus
revinrent pour l'emmener, ils ne purent que constater sa
disparition. Le commandant, apercevant un paysan, lui de-
manda où était la couleuvrine.
a I au sais-ja, répondit-il, à moins qu'a sèje avec les
« clioches. » — Cette phrase était à peine achevée que le
maraîcliin, l'épée sous la gorge, fut contraint de conduire les
soldats à l'endroit où les cloches étaient enfouies. On les
relira de la vase et on les envoya à la refonte. Ceci se passait
le 11 août 1796.
Lorsque la tranquillité fut rétablie, vers 1803, on exhuma
' Les vases sacrés furent volé.s. On n<? réussit à sauver (ju'un ostensoir en
argent doré, qui se, conserve encore précieasement dans l'église de Saint-
Jeun-de-Monis. M. Evellin, qui sy connaît, décrit ainsi ce curit^ux ostensoir :
« Sur une plate-forme, deux anges debout et dont les ailes sont mobiles, sup-
« portent à bout de bras un petit monument ogival, à clochetons, de torme
« carrée et d'un bon ti-avail d'orlèvrerio. Ce petit monument en forme de
« chapelle, est garni de glaces sur ses quatre faces ; l'une de ses laces
« s'ouvre à charnières, pour permettre de placer facilement, à l'intérieur,
« une petite boîte ronde dans laquelle on met l'iiostie,
« Une légende gravée au burin avec une grande délicatesse sur la plate-
« forme de cet objet, ne peut laisser aucun doute ni sur la date de sa fabri-
« cation, ni sur sa destination. Voici le texte de celte légende en gothique :
f CEST : PORTE DIEU : EST : DE : SAINT : lEAN : DE : MONS
POYSENT : 111 : MARS : VI : ONCES : FAIT LAN : MIL : CCCC : VI. »
18W A TRAVERS
*
le eanon républicain, dont les débris, transportés à Nantes,
servirent à fabriquer une nouvelle cloche. Cassée en 1808,
refondue avec une autre l'année suivante, et fêlée de nou-
veau, cette cloche fut remplacée par la grosse qui existe
aujourd'hui. » [M. E. Gallet. Annuaire de la Société d'Emu-
lation de la Vendée, page 92).
Cette cloche est sans contredit l'une des plus ornementées
que nous ayons vues jusqu'ici. En voici l'inscription :
(Main) Nommée Marie-Caroline-Uenriette par très-haut ;,
très-puissante et très-excellente princesse, Son Altesse
(Main) Royale, Madame, duchesse de Berry et par son au-
guste fils, très-haut et très-e\celletit prince, So?i Altesse
(Main) Royale, Monseuineiir duc de Bordeaux, représentés
pur dame Marie-Charlotte-Suzanne, Tècle Douches, marquise
(Main) de Foresta et par M. le chevalier Benjamin de May-
nard. J'ai été bénite par M^' René-François Soyer, évêcjue
(Main) de Lucon, le 3 Juillet i 829, anniversaire du passage
de Madame, duchesse de Berry aux Mattes. Marguilliers M. M. C.
(Main) Mourain, P. Fortin, U. Jmjuet, J. Baud, J. B. Chad-
lou, maire, Bruneteau, curé.
Faite par Sarrazin, à Nantes, 1 S '^9.
Il serait trop long' de parler en détail de tous les ornements
qui sont sur cette cloche. Nous nous contenterons de signaler
les principaux.
An sommet sont suspendus 4 trophées, au milieu desquels
on distingue des tambours, des hallebardes, des enseignes...
des gerbes de blé, avec le Sacré-Cœur au milieu ; ces tro-
phées sont reliés par des guirlandes.
Une belle croix fleurie occupe ce qu'on pourrait appeler la
fa(;a<le de la cloche. Au centre de la croix il y a un cœur
enflammé et percé d'une flèche ; au-dessus, un angelot lient
une couronne suspendue.
Au pied de la croix se trouve un tombeau sur lequel se
dresse un trophée d'armes. .X côlé un ang-clot porte un ca-
LES CLOCHERS DU BAS-POITOU Igl
ducée de la main droite, tandis que la gauche place une cou-
ronne sur une levrette, symbole de la fidélité.
A l'opposé sont les armes de France, avec le diadème
royal et deux médaillons, dont l'un porte un navire et l'autre
représente une tête d'homme.
A droite de la croix, est une Vierge tenant le sceptre d'une
main et de l'autre l'Enfant-Jésus. A gauche, on voit la marque
du fondeur.
« Anniversaire du passage de Madamp, duchesse de Berry,
aux Mattes. » Ces mots pourraient ne pas être compris d'un
certain nombre de lecteurs. Tout le monde sait bien que la
duchesse de Berry est venue en Vendée en 1828, mais ce qui
est moins connu ce sont les motifs pour lesquels cette prin-
cesse est allée visiter les Mattes. Le petit village des Mattes,
qui dépend de la paroisse de Saint-Hilaire de Riez, se trouve
sur la route du Pierrier à Saint-Hilaire. Il fut le théâtre d'un
double triomphe. En 1622, au mois d'avril, Louis XIH. avec
le concours des braves habitants du Marais, battit les pro-
testants qui étaient commandés par le duc de Rohan-Sou-
bise et l'action commença précisément au pont des Mattes.
En 1815, au mois de mai, sur le même point, les Bleus,
sous la conduite du général Estève, attaquèrent les royalistes
de Louis de la Rochejaquelein. Ce dernier fut tué au moment
où il criait: « En avant! Vive le roi ! » Les soldats faiblissent
aussitôt, quand arrivent au pas de course les A^araîctiins
armés de leurs ninrjucs et de leurs longues canardières. Les
Bleus sont bientôt en pleine déroute. A l'endroit où Louis de
la Rochejaquelein est tombé, s'élève aujourd'hui un petit
bosquet ; au milieu est une allée et c'est au fond de cette allée
qu'on voit une colonne, surmontée jadis d'une fleur de lys.
C'est le lieu précis où le héros a été tué, aussi sur la colonne
on lit ces mots : « IHc cecidit ! » Quelques pas plus loin, du
côté de la mer, se dresse une grande croix massive, sur le
piédestal de laquelle on déchiffre péniblement cette inscrip-
tion :
lî^-J A TRAVKRS
u Sur ce terlre a été tué et it.'i.
« Couvert de terre, Louis de la Rochejaquelein. »
En 1822, ou 1823, ce monument assez modeste fut inau-
guré solennellement par M. l'abbé AfTre. vicaire général de
Luron, mort archevêque de Paris.
On comprend quelles raisons une princesse catholique et
française pouvait avoir de faire le pèlerinage des Mattes,
treize ans après la mort si glorieuse d"un des plus ardents
champions de la royauté.
La duchesse de Berry voulait assister à la bénédiction des
cloches de Saint-Jean-de-Monts, avec son fils Henri de
Bourbon : une cérémonie splendide se préparait à cette oc-
casion, mais la chute de Charles X (1830) renversa ces projets,
et le baptême des cloches se fit à huis-clos.
Quant au fondeur, M. Sarrazin, de Nantes, voici ce que
M. .los. Berlhelé nous en dit, à la date du 31 mai 1889 :
« 11 existe une cloche de Sarrazin, à l'église paroissiale de
Saint-Laurent-sur-Sèvre. Cette cloche, datée de 1827, porte la
marque du fonrleur, qui serait, à ma connaissance actuelle,
pour le Poitou, l'un des trois plus modernes fondeurs qui
aient employé la marque pour leur signature. Les deux
exemples de marques les plus récents que j'ai vus sont de
François Peigney, à Pamproux (Deux-Sèvres) en 1848, et de
Nicolas Peigney, à Benêt (Vendée) en 1849. »
M. Sarrazin a dû fournir aux églises de la région un grand
nombre de cloches, car les fondeurs actuels, et particu-
lièrement M. Astier, reconnaissent avoir souvent vu son nom
ou sa marque sur celles qu'ils ont refondues.
Outre l'intéressante cloche que nous venons d'étudier,
l'église de Saint-Jean-de-Monts en possède trois autres de
fabrication toute récente.
5* Sur la petite, on lit :
î.an 1 888, Léon XIII pape, Clovis-Nlcolas-Joseph Catteatt,
irr/m" de Luron, Pierre Besson, chanoine honoraire, etiré de
LES CLOCHERS DU BAS POITOU 183
S'iint-Jea?i-de-Moîits, M. Annani Lenoir, maire, j'ai été
bénite et m'aipdle Bcnoit-Joaeph. Mon parrain a été Jcan-
Jo.^eph Haballafid, curé, et ma marraine dame Boux de Casson,
née de Cormdier.
Fonderie de Bollée, an Mans. Amédée Bollée, fils aîné suc-
cesseur .
Cette cloche est ornée d'une croix fleurie, d'une Vierge,
d'un S:icré-Gœar et des insignes de la Papauté. Sur la robe,
on remarque sept petites croix et des g'uirlandes de Heurs
diverses.
2" Sur la seconde cloche.
I.'an i>i88, LéonXUI pipe, Clovis-Nicolas-Josenh Cattean,
évêque de Liiçon, Pierre Besson, chanoine honoraire^ curé de
Saint-Jean-de-Monts, Armand Lenoir, maire, f ai et'', bénite et
m'appelle Jf^n Baptiste Mon parrain a été Olivier Boux de
Casson, conseiller {/éniral, et ma marraine Victorine Chappot
de la Chanonie.
Mêmes ornements que sur la précédente.
8° Sur la troisième cloche :
L'an 1 8 88, LéonXlll, paie, Clovis-Nicolas-Joseph Catteau,
évêque de Lucon, Pierre Besson, chanoine honoraire., curé de
Saint'Jeande-Monts, Armand Lenoir, maire, j'ai été bénite et
m'appelle Louis-Marie GriQnon de Montfort. Mon parrain a
été Emile Poulain, aspirant de marine et ma marraine Aimée
M ilcent, décorée du prix Monthr/on en 1878.
Ces quatre cloches donnent les notes suivantes : Si bémol,
sol, fa et mi bémol.
B. —Le Clocher de Notre-Dame-de-Monts.
L'église de Notro-Dame peut remonter , d'après M. de
Sourdeval, jusqu'au Xl° siècle, mais elle a dû subir bien des
transformations avant d'arriver h l'état où nous la voy(ms
184 A TRAVRRS
aujourd'hui. Cependant, l'histoire est muette à ce sujet, pen-
dant bien des siècles'.
« Au commencement du XVIll" siî'cle, l'église avait trois
grandes nefs, un beau clocher et une magnifique sonnerie de
quatre cloches, dont deux furent bénites en 1720. L'une,
nommée Renée, eut pour parrain messire René-Claude de la
Rochcfoucault, chevalier, seigneur du Breuil et de la pa-
roisse, capitaine général des gardes-côtes, et pour marraine
dame Louise-Anne Robert, son épouse. Le parrain de la
seconde cloche fut messire Gabriel Raynard, curé. »
(M. E. Gallet. Annuaire, p. 86.)
Le 7 avril 1741, le clocher s'écroula, mais sans causer le
moindre dommage aux cloches et à ^horloge^ Il fut immé-
diatement reconstruit, avec la grande nef de l'église. L'édifice
disparut en grande partie au milieu des troubles révolution-
naires et dut être relevé plus tard, sur les anciens fonde-
ments, mais sans architecture, car les ressources et les
ouvriers habiles faisaient complètement défaut.
Le clocher est un point de repère pour les navigateurs qui
entrent dans le goulet de Fromentine.
Chose curieuse ! Par suite de l'amoncellement des sables
autour des murailles, l'église tend peu à peu à disparaître et
* Dans une charti- ilu 11 janviiM- 113G, le pape Innocent II donnant le dé-
nombrement des })ossessioiis de Maraioutiers, nomme l'éjilise de Notre-
Dame ; « Ecclesùe de Monlihus, cnnt altaribus, decimis et omnibus ad
« eam pertinentibus. »
» 7 avril 1741.
Le septième avril, le vendredi après les Pâques sur les quatre heures et
demie du soir, le clocher de l'église, chargé de quatre belles cloches, manqua
par les fondements et entraîna, par sa chute, toute l'église, qui avait deux
ailes, était belle et très spacieuse; les cloches et l'horloge n'en furent pas
rompues. Signé : Bonnin, curé.
L'église, réédifié»!, lut bénite le 25 décembre 174:1, par M. Merceroii, alors
curé.
La graiiile porte, au couchant, est le reste de l'ancienne église; (die est
surmontée de mascarons indiquant le douzième siècle.
{Annuaire de la Vendée 1875, page 125).
I.ES CLUCllKKS DL" BAS-P(tlTOU 185
si rcnvahissement continue, elle sera complètement ense-
velie au bout de quelques siècles.
Des quatre cloches mentionnées plus haut, il n'en reste
plus qu'une, datée de 1697 et de minime importance. Elle a
pour unique ornement un écu portant la croix avec deux
palmes.
Notre-Dame possède une autre cloche , dont voici l'ins-
cription ;
(Main) J'ai été nommée à Notre-Dame-de-Monts i,ar
M. Pierre Pelloquiii et Françoise Creux, mes (Main) parrain
et marraine, MM. Auguste Taconet, ipaire, F. Thibaud, ad-
joint, P. 1 cifjné, trésorier, (Main) P. Pelloquin, M. Jodet,
J.-P. Pouvreau, et J. Artus, secrétaire , tous membres du
Coïiseil de fabrique.
Faite par Jean Voruz, à Nantes, l'an i S2ô.
La robe de la cloche n'est ornée que de filets simples, mais
la croix, qui s'élève sur trois degrés, est fleurie de myosotis.
L'église de Notre-Dame était excessivement riche au
Moyen-Age et jusqu'à la Révolution. A cette époque, on mit
en sûreté les vases sacrés et ce que la sacristie avait de plus
précieux. Que sont devenus ces trésors? La tradition affirme,
paraît-il, qu'ils sont toujours enfouis dans une crypte sous
l'ancien chœur de l'église. Nous faisons des vœux pour que
des fouilles soient exécutées le plus tôt possible pour savoir
ce qu'il y a de vrai dans cette croyance populaire.
G. -^ Le Clocher de la Barre-de-Monts'.
Avant la Révolution, la Barre-de-Monts n'était qu'un
-impie village possédant une chapelle vicarialc. Le cliape-
' Quelle est l'origine do ce nom ? Nous l'avons en vain clierchée clans les
«écrits de M. Gallet et de M. de Sourdeval. Seul, M. l'ab'jé Noulleau, ancuMi
uré de cette paroisse, s'est posé la question, à laquelle il a ainsi répondu :
ToMiL IV. — Avril, Mai, Juin 1801. 13
ISli A TRAVKHS
kiiii, qui dépendait de Notre-Dame, remplissait eu déliuitive'
les fonctions de curé, car il avait sou [tresbytère qui porte
encore aujourd'hui le nom de Vicairie; il célébrait chaque
malin le saint sacrifice de la messe, officiait solennellement
les jours du dimanche et les jours de fêtes, enseignait le
catéchisme aux petits enfants et adminislraitles sacrements;
cependant les fidèles étaient obligés, comme paroissiens de
Notre-Dame, d'assister, un dimanche par mois, à la grand'-
messe de la paroisse.
Le premier chapelain connu fui messire Miehautlqui vivait
en 1633 ; le dei'iiier, M. Bouleau, venu en 17U0, disparut
pendant la Révolution el devint, vers 1824, vicaire général du
diocèse de Luçon.
La chapelle vicariale échappa aux incendies de 03 et fut
remplacée, en 1812, j)ar une modeste église construite dans
la forme des granges du Marais. L'ancienne cloche, qui avait
été cachée pendant les }ours de la Terreur, ne fut retrouvée
que dans le carême de 1853, enfouie dans une pièce de terre
attenant à l'église, au nord-est. Elle fut achetée par la fabrique
et bénite par M. Bonin, prédicateur de la station.
Le premier curé de la Barre fut ^L Deshaies, auquel suc-
cédèrent MM. Palvadeau el Pajol.
La cloche, qui fut refondue en 1872 el don! M. Pajol fit l'ac-
« On peut supposer que la Barre a Hé ainsi noiiiiiiée parce que lîi se trouva
« une interruption à cette longue suite de montagnes de sable qui bordent
« l'Océan. » {Manuscrit de M. l'abbé Nonlleau, conservé aux Archives pa-
roissiales). C'est en etïet à la Barre que finissent les monts ; c'est là qu'ils
sont barrés par la mer.
On poui-ra-t trouver une autre explication. Pourquoi ce mot : liarre-de-
Monts ne signifierait-il pas barrière de 3ïO»/s, ojjposée à renvahisst»nient
de la mer < On sait qu'autrefois l'Océan couvrait la presque totalité du
marais occidental de la Vendée, et le golfe ainsi formé était séparé de la
haute ra'^r par une cliaine de rochers et de monticules sablonneux, large de
2001) mètres et longue de plus de trois lieues. Cette barrière infranchissable
aurait pu dans son ensemble être appelée « la Bar re-de- Monts » ; mais, selon
nous, ce nom ne fut donné qu'à la pointe la plus occidentale de ce cap très
avancé qui s'étend de Saint-GiUes-sur-Vie jusqu'à l'embouchure du Grand
KUer. li'enceinte du goUe était parsemée d'iles, calcaires dont les [ilus im-
portantes "Haie nt celles du Perrier et de Snllcrtaine.
LKS CLOCHERS DU BA^S-P01T0L■ 187
quisition cii 1813, (5taifc à l'cxtérieLu* de l'église, soutenue seu-
li'uicnt par deux poteaux. Ce ne l'utfju'eu 182i ((ue le cloclier
fut construit. C'est aussi le môme curé (|ui fit bâtir le pi-es-
bytôre; d'abord un simple rez-de-cliau?sée, la maison curiale
fut exhaussée en 1810. A M. Pajot, succéda M. NouIIkmu, doiil
le principal mérite fut d'élever, en iSil, l'église telle ((u'elle
est aujourd'hui avec ses stalles, ses statues et ses petits autels
Le clocher de la Barre renferme deux cloches, l'une de
1872 et l'autre de 1890.
1" Sur la plus ancienne, se lit l'inscription suivante :
« L'an i^12, j'ai éti] bénite pour réfjiist' delà llanc-de-
« Monts, par M. Gabriel Goiiraud, vicaire nénéral de L cuit.
« .1/. Louis Trichet, curé de la paroisse, et nommée Marie-
« Louise par mes parrain, et marraine. M. Patrice Baul et
« Mme FélicHé Renaud, née Pontoizeau. MM. Narcisse Jodet,
« Patrice Baud, Jean Burgaud, Louis (iuillet, Hnioit Pontoi-
« zeau, Pierre Paradis, fabriciens. »
« liollée et ses /ils, fondeurs-accordeurs au Mans. »
Trois guirlandes ornent la robe de la cloche; celle d'en bas
îst composée de roses. D'un côté on voit une belle croix
Jeurie: de l'autre, c'est la sainte Vierge, les mains jointes
>ur la poitrine et les pieds reposant sur un globe. Sept fl(;urs
)lacées à égale distance, complètent l'ornementation de celti;
;loche.
2" L'auti-e cloche est tout à fuit récente, puisqu'elle ii r\r
)aptisée il ya quelques mois à peine. " L'a/i df N.-S. 1 S!H> et
le 4 novembre, fai été bénite, pour la paroissf^ de la Ikirrr-
de-Monts, par M. Louis Charpentier, curé dr la cathédralr
de Luron, nssi.té Ue M. Emile Sureau, curé de la paroisse :
et nommée Clémentine-Emilie-Joséphine, par tnrs pa,r>-aiii
et marraine, M. Clément Poulain de Nantes cl dame \'fi,rr
liautureau, née Sureau. MM. Narcisse Jodet, maire, Aiujustr
Grassineaud, président, Joseph Paradis, trésorier, .\u<iti.^!<
'^1 lus, Jean Gaboril , Jean Mih-mt, f'ibririrux. «
188 A TRAVERS
a
]SoTA. — Non loin du bourg de la Bariv s'élevait autrefois une maison
noble appartenant aux sires de Beaumanoir. Les scign.'urs de cette famille
furent, à cette époque, d'après le Père Anselme :
Brienl de Beaumanoir, vicomle du Bessu, seigneur delà
Claye, de la Touche-Huet, de MonLgerval, de Gennes etde la
Barre, qui lui l'ail chevalier à la bataille do Gastillon en Gu-
yenne, devint chambellan du roi Louis XI et mourut en li85.
Il épousa Marguerite de Creux, dame de la Folie, dont il eut :
Gilles do Beaumanoir, seigneur de la Ba^re, chambellan de
François II, duc de Bretagne, qui combattit pour la conquête
de Naples, avec le roi Charles VllI, on li95, fut armé che-
valier à la bataille de Fornoue et devint chambellan du roi en
1498.
Les armes de Jean de Beaumanoir, maréchal de France en
1505, sont :
tt D'azur à onze billettes d argent placées 4, .'i, /. »
La maison habitée par cette famille a disparu presque
complètement: quelques pierres seulement en rappellent le
souvenir. L'humble habitation, élevée sur ces ruines antique-
porle encore, paraît-il, le nom prétentieux de Beau Manoi
w.
D. — Le Clocher du Perrier'.
La fondation de cette paroisse remonte au moins jusqu'au
XIP siècle, car la fabrique possédait autrefois des archives
datant de cette époque.
' Quelle est l'étymologie de ce nom? Voici ce qu'en jjensail. eu 18;.8,
M. Charles Mourain de Sourdeval :
Le nom de Perrier semble indiquer un novau rocheux, qui cept'iidant
n'existe pas. Il ost vrai que ce nom est ainsi formulé par l'orthographe mo-
derne et officielle. Mais dans les anciens documents, on trouve: Sanctus
Salvator de Perio, Saini-Sauveur du iVIarais du Perlez, Périé, Périer. Les
habitants liu lieu prononcent Prère. Or le noyau de l'île n'est pas rocheux,
mais sablonneux ; il se trouve à cent ou deux cents mètres, au noi'd du
bourg... 11 porte les noms d'Ile -Paradis, de Pé-de-l'Ile, de Pé-de-Riez ; et
je nie (leiniiiiile si ce derniei' nom eoiilraolé n';uii-ail pas donné lieu au nom
LES CLOCHERS DU BAS-POITOU 180
I/égiise, qui n'a pas précisément de caciiot architectural,
porfe cependant, au témoignante de M. de Sourdeval,
quelques (races de construction du Moyen Age.
Avant la Révolution, il existait au Perrier un recueil très
curieux, renfermant les «Titres de la Fabrique. » Il avait
été établi en 1788, sur la demande de messire Antoine delà
Barre,curé de la paroisse, et par les soins de. Jacques NauUeau,
procureur fiscal, on présence du sieur Henri Collinet de la
Charrault, sénéchal de la seigneurie etchàtelleniedu Perrier.
Les pièces, détériorées pour la plupart, furent transcrites mi-
nutieusement par Pierre-Charles Josse, expert habile de la ville
de Pouzauges, moyennant la somme de 500 francs. En tôle du
registre, se trouvait l'histoire de la paroisse ; puis, par ordre
d'ancienneté, venait la copie des parchemins originaux inté-
ressant la fabrique. Le document le plus vieux date du
Xll" siècle. Le suivant est une rente de sept sols, consentie par
Pierre Rotissea, devant le sieur Girard, notaire, le 23 sep-
tembre 1389. Chose curieuse 1 Ces actes étaient formulés en
patois et portaient, pour les noms propres, Roiissea pour
Rousseau, Micha, pour Michaud, Massoiinea pour Massonneau,
etc.Lesdonationsétaientfaiteshabituellementen vued'obtenir
une place de sépulture, sous le ballet ou dans l'intérieur de l'é-
glise. Quand il y avait vente au profit de la fabrique, on suivait
l'usage établi dans presque toutes les paroisses poitevines,
dont les affaires se traitaient soit devant la grande porte de
l'église, sous le ballet, soit dans le cimetière devant la croix
Ozanne, ou Hozannièrc. Après la messe, au son de la cloche,
les notables y étaient convoqués, au nombre de douze,
formant ■< la portion la meilleure et la plus saine des
habitants. »
(le Périt! et par suitft :\ colni de Perrier. Le motp'j dans le pays est g<'iu'rali'-
ment emplny/^ pour (''minence. — I,e marais du Perrier touche le pa.vs de
Riez ; il est donc possible que le mot Perrier veuille dire, dans son «^tyuni-
logie. «éminonce du pays de Riez. » Le Fouillé de Lnçon marque: Snnctus,
Sah'ator de Piru. » — Pnr une charte originale conservéi' aux Archives de
Maine-et-Loire et qui remonte environ à l'année |-2i)o, Maurice de Montaigu
donne à l'abbaye de Fontevrault 100 sous de rente sur ses revenus du nui-
rais du Perier, maresii dan Perer.
l'.l ) A TRAVEUS
a
Le legi-lic, coutonnnl des délails aussi curieux et aussi
inlércssnnt^, n'oxisle mallieureusement plus. Sauvé de la
deslniclioii ni 171» i pur les soins du sieur Naulleau, il devint
lapropriélé d'une famille (pii le fit vendre à vil prix. Malgré
les r.'cli"rclios les plus actives et les plus intelligentes, il a
été impossible de savoir ce qu'il est devenu. Quant aux titres
originaux, ils devinrent la proie des flammes dans les pre-
miers jours du mois de mai ITOi, lorsque la colonne infer-
nale, envoyée par Turreau ci commandée par Dutruy, vint
incendier le bourg du Perrier. Nous devons dire, à la louange
dos Iniliil.iuts, qu'ils se défendirent avec un courage héroïque,
ne cédant le terrain que pas à pas, se servant de chaque
maison, de chaque fossé pour résister aux soldais envahis-
seurs de la Révolution. Le nombre seul l'emporta. La popu- .
lation fut massacrée en grande partie; toutes les fermes
furent brûlées ; toutes les maisons du bourg furent décou-
verles pour alimenter les feux du bivouac républicain. La
charpente de l'église ne fut pas épargée ; la sacristie seule,
qui servait de logement à l'état-major, garda ses planches et
sa couverture d'ardoises.
Ce n'est qu'en 1810 que le sanctuaire fut restauré par
M. Lambert, curé de la paroisse.
Quelques années plus tard, le 7 juin 1815, les cloches du
Perrier annoncèrent la mort de Louis de la Rochejaquelein , tué
trois jours auparavant, au glorieux combat des Mottes. Le
corps du brave royalislo fut inhumé dans le cimetière de la
paroisse, d'où il fui li'ansport('', Tannée suivante, à St-Aubin-
de-Baubigné.
Les cloches qui sonnèrent en 1815 pour la sépulture de
l-iouis de la Rochejacquelein, n'existent plus Elles furciil
refondues en 1817 et remplacées par celle qui habite aujour-
d'Iiui. en compagnie d'une autre sœur, le cloclicr rlu Perr-ier.
1" Sur l;i [)lns ancienne se lit l'inscription suivante en
gros caractères :
////// <oni>^ livres je pf-ao.
I.KS CLOCfIBRS DU I5AS-P0IT01I {[){
J'ai été nommée au Perrier MaCrieatherine par Jean- Joseph
Boizard, mon parrain, et Catherine Bernard^ ma marrai?ie.
M. Jacque Lambert, curé et président du conseil de fabrique.
Fabriciens : André \auleau, trésorier, Charles fiernard,
Jacques Nauleau, Jacques Thibaudet Jean Crochet, secrétaire.
Faite p',r Jean Voruz, à Nantes, Vin 1817 .
Cette cloche n'a poLu- lout ornement que de simples filets,
avec deux croix, l'nno neurdelysée et l'autre couverte de
myosotis.
2" Sur la grosse cloclie. on lit :
Fqo nominor Joannes Baptista et fidèles ah (d) sacra voco.
Me condidit Ernestus BoÙée, annu l S5.') \ patrinus, Jacobus
î.ambert, olim rectnr hujusce parochitn : matrimi-. Maria
Vriqîieau.
C'est-à-dire : Je me nomme Jean-Baptiste et j'appelle les
fidèles aux offices sacrés. Ernest Bollée m'a fondue, dans
l'année 1855; j'ai eu pour parrain; Jacques Lambert, ancien
curé de celte paroisse, et pour marraine, Marie Vrigneau.
Cette cloche a plus d'ornements que la précédente. C'est
d'abord, en face, un crucifix, et à l'opposé la sainte Vierge
tenant l'enfant Jésus dans ses bras ; ensuite, à droite, c'est
un évêque en pied, et à gauche, ce sont les armes de Ms"" Rail-
les. Des guirlandes entourent la cloche, avec des suspensions .
qui représentent les vases sacrés et les objets qui servent au
culte.
E. — Le Clocher de SouUans'.
C'est probablement dans le cours du .X.II'^^ ou du Xlll" sit-clc
que fut fondée la paroisse de Saint-Tlilairc deSoullans. Drs le
' Autrolnis pt plus qu'aujoiir.rimi, \c pnys do Soiillnns t'tait, oommo. celui
(le Cliallnns, composé de torrcs incultes et do landes. .Vussi, l'étymoiogie de
ces deux noms pai'ait être celle-ci : Challans, CapiU landium, commence-
ment des landes ; et Sonllans. S.ub landibus, au milieu des landes.
192 A TRAVERS
a
commencement du XIV» siècle, elle est desservie par des re-
ligieux de l'abbaye de Nieul-sur-l'Autise, qui vivaient sous la
règle de saint Augustin. A cette époque, en effet, le Grand-
Gauthier (manuscrit conservé aux Archives de Poitiers) fait
celte mention expresse en parlant de Soullans : « Esl rorpi-
larium (Abbaye de Nieul). » Ces mots signifient que cette
église dépendait tellement des religieux réguliers de Saint-
Augustin, qu'elle ne pouvait être confiée qu'à des sujets de
cet ordre. Les prêtres chargés d'administrer la paroisse
portaient le nom de prietir, qu'ils changèrent en celui de ciiré,
quand l'abbaye de Nieul fut sécularisée en 1715.
L'église actuelle fui construite au milieu du XVII* siècle,
une vingtaine d'années avant le clocher qui date de iOTi.
L'édifice est de style grec; cependant plusieurs fenêtres sont
en ogive et durent être ouvertes à une époque bien posté-
rieure. Il ne faut pas manquer de signaler aux amateurs le
rétable du grand autel, qui est vraiment fort curieux dans
son ensemble et rappelle la seconde moitié du XVIP siècle.
Le sanctuaire, avec sa flèche qui le domine de plus de 140
pieds, n'eut pas beaucoup à souffrir pendant la Révolution,
et servit longtemps d'asile au curé de la paroisse, M. Nœau ,
qui aurait pu, comme un grand nombre de ses confrères,
mettre ses jours à l'abri en prenant le chemin de l'exil. Mais
ce pasteur fidèle ne put se résoudre à quitter son cher trou-
peau. Au plus fort de la tourmente, il se tint caché, célébrant,
pendant la nuit et dans les granges, le saint sacrifice de la
messe. Un jour il fut surpris par les Bhitis, au moment où il
venait d'achever une cérémonie religieuse; à peine eut-il le
temps de recommander son âme à Dieu, qu'il fut impitoyable-
ment massacré, près de la ferme des Clouzils, sur sa paroisse
l^ns cloches. — Extrait du registre paroissial de Soullans :
AnjovrcVlnil, 10 juillet 177 i, a été hénitc la a rosse, cloche
nominée Gabrielle-Charlolte . Elle a eu pour parrain, messire
Gabriel Buor do ht Mulonière, priettr-curé de ce lieu cl pour
LKS CLOCHERS DU BAS-POITOU 193
marraine dame J canne-Marie-Charlotte Babeaii, dame de Lé-
znrdière. La bénédiction a été faite par messire Piéride Bioii,
airé de Croix- de-Vie, directeur de la corférence\ ont nqné au
registre : Babeau de Lézardière, D\o^ de la Midenière, Cathe-
rine de la Salle, Bobert de la Verrie, Marie de Lézardière,
Gilberte des Villates, Louise de la Proiitière, Bobert ae Lézar-
dière, Louis de Lézardière, chevalier de Lézardière Macé de
la Barbeloy, Gouraud, curé de la Garnache, Bouhier, curé du
Fenouiller, Travers de Grand-lieu, Bonin de la Bonnière,
Bioif, curé de Croix-de-Vie.
La famille de la Salle-Lézardière possédait le château de
Vérie, qui est aujourd'hui habité par M. Olivier Boux de
Gasson, conseiller général et maire de Ghallans.
Messire Gilles-Gabriel Buor de la Mulenière, prieur-curé
lie Soullans, de 1750 à 1772, était précédemment vicaire de
«Ihallans. Il mourut des suites d'une chute de cheval, à l'âge
de 45 ans. le 18 janvier 1772 et fut inhumé, deux jours après,
dans le chœur de l'église, en présence de MM. Milloin, curé
(le Perrier, Riou, curé de Croix-de-Vie, Gourant, curé de la
Garnache, Tortereaii, curé de Ghallans, Lainez, vicaire de
céans.
— Au sortir de la Révolution, il n"y avait qu'une seule
cloche dans le clocher de Soullans ; elle fut remplacée par
une autre en 1810. Cette dernière fut refondue en 1830 et bé-
nite en même temps qu'une deuxième cloche qui existe
encore aujourd'hui. La plus petite fut brisée en 1863, époque
h laquelle M. l'abbé Jodet, curé actuel de la paroisse, fil
l'acliat de deux nouv.'^lles cloches. Voici les inscriptions :
1880 (cloche moyi:n.\k)o
<^ Je m'appelle Louise- Eugénie. Parrain M. Louis- Joseph de
Badereau, chevalier de Saint-Louis, marraine Madame Euqé-
nie-Marguerite-Nicole-Ma: ie Berthier de Viviers, épouse de
lui A TRAVKRs
.]/ de liadercau, /ils de M. Louis-Pierre- Aimé. — Rat/nard,
euré de Soullans, M. J. Ques. Massonneau, maire, François-
Victor Loué, Edouard Bour eau, André Guillut, Jean Besseau,
Jacques Cornevin, marguilliers, conseillés (sic) de la fabrique
de Soidlans, en 1 8.^0. »
« Faite par Marque.'-Viet, fondeur à Villedieu. »
— La croix, élevée sur quatre gradins, est ornée d'une
branche de vigne, garnie de pampre et de raisins. A l'opposé,
on voit une reproduction de l'Assomption de Murillo. La
cloche n'a pas d autre ornement. Son poids est de 700 kilog.
et son prix d'achat a été de 2,500 francs.
— Nous ne connaissons pas le tondeur. « Serait-ce. nous
écrit M. Joseph Berthelé. le prédécesseur de Paul Havard.
fondeur à Villedieu (Manche), qui a fourni des cloches à
Mortagne et à la Maison-Mère de la Sagesse, à Saint-Laurent-
sur-Sèvre. »
— Le curé, M. Louis Raynard (1829-18.%), né à la Ghapelle-
Palluau en 1801, élail vicaire du Perrier, sous l'habile direc-
tion de M. Lambert, lorsqu'il fut désigné pour la cure de
Soullans. 11 est décédé dans sa famille à l'âge de 35 ans, le
1(3 novembre 18:56, universellement regretté par ses parois-
siens, qui avaient pu reconnaître en lui les qualités et les
vei'tus d'un bon pasteur.
18(58 (r.ROssK cloche).
« ./ ai clé hajjtisér par M. Ilruri de Lcspinay, vicaire qénér >!
de Luron. Je m'appelle Jacquemine-Marquerite-Gabriellc-
Euf/é nie-Marie. — Parrain M. Henri-Gabriel de la Tou^ du Pm,
marrainr Euqéfiie-LoHise-Jeanne de Baderean de Saint-
Marlin. épouse de M. François-Marie-Euqène Le Fournier
l)[jaur.dlv . »
•' Joseph-Marie Jodoi ^ curé , M M . Louis Bodri Lacroix.
LES GLuCHERS DU H AS-POITOU I'.»5
mu'u'fi, Louis Thesson, Romain Mardneau, Ja-cques Cornevin,
Jules Puirou, Pierre Vrignaud, conseillers de fahrique. »
« liollée, père et fils, fondeurs au Mans, 1863.i>
Au-dessus des derniers mots, sont représentées deux mé-
dailles obtenues par les tondeurs. — La croix est fleurie et
n'a rien de remarquable, mais du côté opposé le sujet est
intéressant. C'est la sainle Vierge, couronnée d'étoiles ot re-
posant, sur un globe, son pied qui écrase la tête du serpent
infernal. Le globe est soutenu par un agneau qu'entoure une
ciuréole et devant lequel se tient un ange les ailes déployées
et les mains croisées sur la poitrine. — Quatre guirlandes
environnent la cloche ; les deux supérieures sont plus larges
el plus belles que les deux autres. A sept endroits également
espacés, se trouvent des ornements en forme de croix fleuries.
On remarque aussi deux médaillons ; celui de droite repré-
sente le buste de N.-S. couronné d'épines et celui de gauche
tiffure ime Mater dolorosa, avec auréole.
Cette cloche qui pèse 1180 kilog. a coûté 3,060 fr.
18()f] (petite cloche)
fai été baptisée par M. Henri de Lespinay, vicaire général
de ÏAicon. Je nï appelle Caroline-Joséphine-Pauline. Parrain
M. Charles Roux de Commequiers\ marraine Mme Pauline
Méry, épouse de M. Josjph Chéguillaume. Joseph-Marie Jodet,
curé. MM. Louis Bodet- Lacroix, maire, Louis Thesson, Romain
Martineau, Jean Cornevin, Yves Puirou, Pierre Vrignaud, con-
seillers de la fabrique, 1 1^63. »
« Bollée, père et fis. fondeurs au Mans »
' M. Ch. de Commequiers a puhlii- en isr.». un ouvrafre intitulé « Etudes
philosopJnr/ue.<t » qu'il a. fait suivre d'un roman r<-lij:ieux fort intoressnnt,
ayant pour titre : « La Vierge de Saine. » Cette puldicaiion a éW- jadis très
appréciée par des hommes compétents et aujourd'hui encore on pi-ui hi
lire avec intérêt et profit.
19G
A TRAVERS T.ES CLOCHERS DU BAT-POITOU
D'un côté s'élève la croix ; de l'autre, nous avons été
surpris de ne pas y voir, suivant l'usage, l'image de la sainte
Vierge. A 7 cndroils, également distants les uns des autres,
la cloche est ornée de croix treffiées qu'on désigne sous lo
nom de croix Saint-Lazare. Le bas de la robe est entouré
d'une guirlande formée de feuilles de vigne et de grappes de
raisins. Le poids de la cloche est de 450 kilog et son prix a
été de 1620 fr.
Mentionnons, en terminant, un fait extraordinaire. Le
vénérable curé qui a fait, au nom de la Fabrique, l'acquisilion
de ces deux dernières cloches, est toujours de ce monde.
Depuis 1836, il administre la paroisse do Soullans, avec un
zèle qui semble défier le nombre des années, et dans trois
lustres, il sera centenaire ! ! !
L. Tetllet,
vie. de Challans.
(A suivre).
\
ÉCRIN POÉTIQUE
LES DEUX CROIX
A mon ami Tablé H. Lumontagne.
Votre lettre est bien douce et bien triste à la lois !
Vous vous réjouissez de cette noble croix
Qu'a daigné sur mon cœur attacher le Saint-Père ;
Et puis vous ajoutez — cela me désespère ! —
Que vous sentez, hélas ! de plus en plus vos yeux
Se voiler, à ce point de ne pas voir les cieux.
Vous ayez l'amertume, alors que j'ai la joie,
Et votre croix, à vous, c'est Dieu qui vous l'envoie.
Mon pauvre vieil ami; qu'elle est lourde à porter,
Et qu'au mont du Calvaire il est dur de monter!
Bien que sur votre front — rare et beau privilège —
Les ans accumulés aient fait fleurir leur neige,
Vous avez conservé la fraîcheur de l'esprit.
Et la pensée en vous sans cesse chante et rit ;
Mais votre main, que l'œil savait si bien eonduire.
Oisive désormais, ne peut plus la traduire.
Votre main qui volait d'un vol d'oiseau léger !
11 vous faut pour m'écrire un secours étranger!
Combien sous un tel coup défailliraient peut-être ;
Vous, votre âme est vaillante. . . et c'est l'âme d'un prêtre !
Comme un chêne, qu'en vain l'ouragan frappe et tord,
Ami, vous resterez droit, souriant et fort.
Jusqu'à ce que Jésus, dessillant vos prunelles.
Déploie à vos regards les clartés éternelles !
Emile Grimaud.
:ju août 1888.
UN CHAPITRE
DE MA VIE ARCHÉOLOGIQUE
■'-CCifo'^
Où l'auteur prouve :
Que souvent en certain cas,
11 arrive que l'on trouve,
Ce que l'on ne cherchait pas!
{Histoire de la Grand' mèn').
BIEN des gens à notre époque recherchent ce au'on esL
convenu d'appeler des antiquités. C'est le triomphe
du bibelot sans pour cela que ceux qui s'y livrent,
visent au titre pompeux d'antiquaire.
Je fais comme eux.
Dans cette chère manltî, j'ai trouvé les émotions les plus
intimes, les joies les plus douces, que l'on puisse reiicdiil ler
en dehors du loyer l'amilial.
Si les profanes se tordent au milieu d'un fou rire e^n voyant
jouer l^a (Irammstirc, j'applaudis volontiers, mais je reste
impénitent.
11 faut laisser « les bouquets à /curs liries y> et ne j.iinais
ôter « l€:> 7ii(h des buissons. >-
UN CHAPITRE DE MA VIK ARCHÉOLOGIQUE l'Jl)
Quel plaisir de s'en aller le cœur rempli d'espérance à la
recherche d'un objet qui sera peut-être la perle de la collec-
tion ! de s'enfoncer dans le rêve au point que ni le soleil qui
vous rôtit, ni la pluie qui vous change en éponge, ne peuvent
vous détourner de la radieuse vision.
11 arrive même qu'elle devient une extase, où le ciel le plus
noir reste un pur étlier, le ruisseau, débordé ou non. une
onde qui murmure, et les fondrières des chemins perdus, lu
simple métamorphose de leur sable d'or.
Malheureusement, et trop souvent hélas ! le fétiche lanl
caressé disparaît au bout de la route, et la Iriste réalité ne
vous met en présence que d'un air hébélé ou d'un sourire
narquois.
Mais qu'importe la désillusion ! N'est-ellc pas largement
compensée par ces heures d'ivresse, dans lesquelles, tout à
la recherche de votre idéal^ vous avez pu oublier ce que Cha-
teaubriand appelle « les tristes rivages du monde » et où.ajou-
terai-je, l'hJden a laissé si peu de traces.
Déconfit mais non vaincu, vous recommencez le lendemain.
On est si heureux d'être l'inventeur de ses richesses.
Le chercheur endurci fuit le grand marchand, et se défie
des merveilleux étalages. Gomme en général, il ne possède
pas le rossignol avec lequel le roi des Dieux força la porte
le Danaé, il préfère aux vitrines éclatantes la sombre ar-
rière-boutique du fripier, ses amoncellements de vieilles
["errailles^ et surtout, c'est là sa grande passion, les expédi-
tions plus ou moins fructueuses dont le terme lui promet une
conquête. Car enfin :
S'il est des juurs amers il on est de si doux !
200 l^N CIJAl'lTKK
Une gaillarde paysanne m'avait signalé chez un de ses
voisins, vieillard assez revêche et vivant seul, la présence de
j)lusieurs gros livres qu'on disait provenir d'un couvent dé-
truit à la Révolution.
La villageoise en était certaine ! Elle tenait le fait d'un gar-
çon meunier, très savant, qui les avait vus en montant la
pochée dans le grenier du vieux.
Us étaient superbes !
Ravi du renseignement, je vis immédiatement défiler
toutes les éditions rares, revêtues de reliures alléchantes,
cachant sous leurs précieux fers les noms des officines les
plus recherchées.
Je supputai tout ce que pouvaient bien avoir été les ri-
chesses bibliographiques des bons moines, et ce que leur
succession avait la chance de contenir, eu conséquence, d'in-
cunables, d'Aide Manuce,deFrobeniusde Baie, sans compter,
les Elzévirs, les Plant in. . . et les bibles à gravures donc 1
Il fallait se presser il fallait partir. . . Mon voyage était
résolu.
Comme je m'y disposais, je reçus par un heureux hasard,
pour le lendemain, l'invitation d'un ami qui réunissait
joyeuse compagnie et m'engageait à venir augmenter le
nombre de ses convives.
Il habitait alors un ancien manoir, situé comme une véri-
table étape sur le chemin que j'avais à parcourir pour me
rendre à Vin puce, où dormaient, dans leur poussière, les
épaves monacales.
Me voilà donc en route, fouettant cocotte, moins pressée
que moi d'arriver.
Après trois heures, je distinguais ce qui restait des toits
aigus de la gentilhommière, et quelques instants plus tard
DE MA VIK ARCHÉOLOGIQUE 201
je tombais dans les bras de ceux qui m'attendaient. Ne con-
sacrant à l'arrivée que le temps nécessaire à une large dis-
tribution de poignées de main, et ne voulant pas que mon
expédition me fit manquer l'heure si sereine d'un bon dîner,
je pris congé ouvrant mon parapluie, autant contre l'eau qui
tombait, que contre les lazzis des camarades qui ne me les
ménageaient pas.
11 faisait ce que Ton appelle un temps de chien. La neige
et les giboulées de la fin de décembre luttaient à qui
mieux mieux contre l'ardeur qui m'emportait; insensible
à ce déluge je cheminais plein d'espoir, sans être trop préoc-
cupé de la réception qui allait m'être faite par le dragon
gardien du dépôt enchanté, lui qui voyait au moins un sorcier
dans chaque étranger. J'invoquai le dieu de l'audace, et
rendu, j'ouvris la porte.
L'accueil fut plus cordial que je ne m'y attendais.
Je lui exposai l'objet de ma visite. Je lui dis que j'aimais
beaucoup les livres^ que la lecture était la plus intéressante
des occupations, et que possédant déjà un certain nombre
d'ouvrages anciens, je désirais continuer leur recherche, et
en acquérir d'autres si j'en trouvais l'occasion.
Tout en débitant ma harangue, je m'étais assis en ouvrant
un gros paquet de tabac dont, moi qui ne fume pas, je
m'étais muni, ainsi que d'une gourde bien remplie, (gâteaux
de miel sur lesquels j'étayais ma réussite) et j'en fis les hon-
neurs au vieux.
Je vis de suite que cet argument le touchait autant que
mon éloquence, quoiqu'il m'eut écouté d'un air rusé que mon
enthousiasme prenait pour de la bienveillance.
Il fuma, nous fumâmes. Lui avec tout le plaisir que lui
dormait un tabac qui ne coûtait rien, et qu'arrosait un rhum
fort à son goût. Deux mannes pour une, dans son désert,
tombant de mon ciel enchanté.
« Trop honnête, monsieur, trop honnête, finit-il enfin par
me dire, fermant à demi ses deux petits yeux gris. Je vou-
ToME IV. — Avril, Mai, Juin 1891. 14
202 UN CHAPITRE
drais bien vous être utile, mais je n'ai pas été aux écoles et
je ne sais pas lire. Si je le savais, les livres qui sont dans
mon Planchet ne pourraient point me faire savant; mais
puisque vous souhaitez de les voir, nous n'avons qu'à
monter... »
Des livres Hébreux, Grecs, ou Lai in... medis-je!
Grimpant alors à réchelle qui servait d'escalier, il me pré-
céda au grenier. J'allais être en face de mon rêve. . . Nous y
étions. . .
Avec un geste plein de malice, me désignant dans un coin
le simulacre de trois gros volumes posés symétriquement
sur un petit meuble qui faisait corps avec eux : Via monsieur,
dit-il !
Si j'eusse eu besoin de lunette, je l'aurais trouvée discrè-
tement cachée sous les in-folios. , .
C'était. . . vous comprenez ?. . . le voyag^e aux Pays-Bas. . .
doré sur tranche. . . encore ! !
Ahuri, je ne sais si je pris le temps de remercier mon hôte.
En trois bonds je dégringolais de l'échelle, poursuivi de
l'affreuse vision... ouvrant lu porte, me plongeant dans
l'averse, et appelant les ténèbres à mou secours
Je cheminai dans la nuit, de l'humeur d'Hippolyte sur le
chemin de Mycène, et la- pluie, fidèle pleureuse, en pitié de
ma douleur, escorta mon deuil jusqu'au gîte.
Mes amis m'y avaient préparé une ovation. Mon soin le
plus empressé fût de m'y soustraire, et surtout de m'abs-
tenir de leur conter mon aventure.
Je me sauvai donc en attendant le souper, me réfugier sous
le manteau d'une immense cheminée où s'étageait en prépa-
ration un vrai bûcher inquisitorial.
Ce n'était pas tï'op pour me sécher.
Le feu a toujours été un de mes meilleurs compagnons, et
je le considère comme le plus cher ami de l'humanité, quand
il n'est pas celui dos batailles.
Approchant donc le plus près possible de l'àtre, un énorme
DE MA VIE ARCHÉOLOGIQUE 203
fauteuil, où s'étaient assis très certainement, les originaux
de tous les portraits de famille pendus en rangée guerrière le
long des murs, je me laissai aller sur mon siège archéologique.
11 ne s'agissait plus qae d incendier mes bûches et d'oublier
mes déceptions. Tenant donc ma bougie d'une main, et éten-
dant l'autre dans une corbeille remplie de papiers, j'en sortis
une vieille lettre.
La flamme léchait déjà sa cornière jaunie, mais comme
elle ne brûlait pas assez vite au gré de mes jambes glacées ;
force me fut de la déplier.
Mes yeux en l'ouvrant tombèrent sur un en tête datée de
Marly, le 30 mai 1714. C'était, sans préparation, rentrer d'un
seul bond dans le domaine de la curiosité, malgré la douleur
de ma plaie saignante.
Je lus sans m'arrêter, trois grandes pages d'une écriture
longue et serrée qui se terminaient par cette signature :
Mainteiion !
Jugez de l'enthousiasme de ma surprise : la grande, la
sévère marquise, venait elle-même chasser mes soucis avec
une lettre écrits tout exprès pour mon bonheur.
Sans être fataliste, on peut quelquefois admettre la destinée.
Je n'avais plus froid. Faisant aux mânes de Torquemada,
l'offrande de mon bûcher resté noir, je bénis la pluie, la neige,
l'ouragan et, tombant à deux genoux devant le bienheureux
panier, source de ma découverte, je procédai à son in-
ventaire.
En vain les appels désespérés de la cloche ; en vain les cris
les amis sonnant l'hallali du festin, et,lamort des maîtresses
Douleilles, m'arrivaient en tempête ; cris, supplications, tout
'ut inutile, jo continuai mon œuvre jusqu'au dernier chiffon.
L'amour féroce du grimoire avait chassé jusqu'aux ten-
tations qu'apportaient au gourmet, les effluves parfumées
échappées des succulences culinaires.
Alors radieux, je me relevai. J'avais ajouté deux nouveaux
autographes au premier.
204 UN CHAPITRE DE MA VIE ARCHÉOLOGIQUE
a
G.ispard de Coli.5:ny, amiral en Guyemie Churcliill. duc el
prince de Malborourg- descendirent avec M""^ de Maint enon
dîner avec moi.
Mes amis sortaient de table quand j'y arrivais.
Ne comprenant rien à l'exubérence de ma joie, ils me
crurent atteint d'un accès de delirium. Tirant alors de ma
poche mes précieuses conquêtes j'essayai de leur prouver
que c'était moi qui avait fait le meilleur régal.
Ils restèrent tous incrédules 1
Le lendemain, poursuivant mes recherches, j'appris que le
chartrier du château en alimentait depuis longtemps toutes
les cheminées, de même qu'il fournissait les couvertures
des conserves de l'office.
Une lettre de d'Artagnan y prenait des fumig'ations de vi-
naigre, tandis qu'un parchemin signé Constant d'Aubigné
trônait sur un autre magnifique bocal.
Depuis hélas, tout a disparu ! Châtelain, archives, manoir
plus rien au pays, que les regrets des vieux amis, et des
ruines, qui pleurent d'être veuves de celui quelles ont aimé' !
Pour moi de cette page de ma vie, il me reste un bien doux
souvenir ! un de ceux qui reposent au fond de l'âme sous un
lambeau de ciel, avec les amitiés d'autrefois, et que l'âge qui
arrive, y retrouve toujours plein de charme et de jeunesse.
Gabriel de Fontaines.
* Le château dont il est question ici, est le château de Saint-Juire, décrit
dans les Paysages et Mo^iumoits du Poitou par M. René Vallette, et dont
la fler MC de mars 1801 adonné une délicieuse gravure du si habile maître
Fontenaisien, mon vieil ami M. Octave de Kochebrune .C'est là que je dé-
couvris, en même temps que ces précieux autographes, le portrait
(TAggrippa d'Aubigné, préposé à la garde des trous d'un plancher, sous un
tus de blé. Cette peinture, sans êti*e un chel-d'œuvre, est d'une très bonne
l;icture, et surtout rarissime.
11 n'existe qu'à Genève, un autre portrait de lui, bien que protestant, il
porte le haussecol de l'ordre du Saint- Ksprit.
Deux autres portraits de Jouveuet le Jeune, et signés, faisaient partie de la
très curieuse et très nombreuse galerie des tableaux de famille, dans
laquelle se trouve sûrement, à mon avis, un Rigault, mais sans signature.
l'ortraits ft cliartrier sont aujourJ'Iiui très religieusement conservés au
ciiàteau de 'l'ibidi. chez M. le comte de Mougon, un vieil ami doublé d'un
g rand cœur.
UNE EXCURSION
CHEZ LES GALLO-ROMAINS DE S^-DENIS DU PAYRÉ
-<xx>Sooo-
SUR les riants coteaux de Sainf-Denis-du-Payré, où se
récoltaient naguère ces excellents petits vins blancs
qui après la sieste faisaient les délices des moines de
3aint-Michel-en-rHerm, si l'on en croit leur abbé Balthazar
Poictevin ; — sur le sommet de ce promontoire aux formes
gracieuses et allongées qui se détache hardiment au milieu
l'un océan de prairies ; — en face de la baie de l'Aiguillon
lernier souvenir de la mer des Pictons qui, au XII' siècle
mcore, baignait cette poétique région, la pioche du terrassier
àent d'exhumer, il y a quelques jours à peine, des restes
■emarquables d'une civilisation déjà vieille de près de
leux mille ans.
D'ailleurs, ce pays mêlé d'une façon toute particulière aux
:randes invasions qui, pendant de longs siècles, ont modifié
l'une façon plus ou moins heureuse la physionomie primitive
le ses habitants, chez lesquels est néanmoins toujours
emeuré vivace, un noble sentiment d'indépendance, conserve
ncore, dans les noms de quelques-uns de ses ténements, la
race de races depuis longtemps éteintes, mais qui toutes ont
Drmé les anneaux d'une chaîne non interrompue de peuples
e succédant les uns aux autres, dans les mêmes lieux, depuis
es milliers d'années, Ici, c'est la Grande Game, la Fâche,
lus loin Bone Morte , dont les noms celtiques rappellent
200' UNE EXCURSION CHEZ LES GALLO-ROMAINS
l'existence de monuments mégalithiques sur lesquels une
note d'infamie fut jetée d'abord par les prêtres des dieux de
Rome et ensuite par les chrétiens, pour éloigner les popu-
lations gauloises de ces sanctuaires vénérés.
La Romagnc du Paire évoque à son tour la trace d'une
ancienne colonie romaine importée, sans nul doute, dès les
premiers temps de l'occupation, et le coteau de Montjoii [mom
Jovis,moiit de Jupiter) indique;, à n'en pas douter, que là aussi
le maître de l'Olympe reçut les honneurs divins.
Est-ce que la Tonnelle des Fées, oh^QT\di\o'\ve situé en bor-
dure de la route de Grues à Lairoux, non loin de l'ancienne
maison seigneuriale du Guy et de Paire, n'est pas, depuis le
IV' siècle, le témoignage irrécusable de l'importance de ce
point stratégique, d'où l'on pouvait signaler aux habitants de
la côte et de la plaine la venue des pirates ? Gomment ne pas
admettre avec Benjamin Fillon, que l'importance de ce pas-
sage, sorte de gué donnant accès dans le Talmondais, eût
décidé quelques-uns des compagnons de Glovis ou de ses
successeurs à fixer leur demeure en ce lieu appelé pendant le
moyen âge Paire de Ciirzon !
C'en est assez pour démontrer de quelle utilité sont, tant
au point de vue ethnographique qu'au point de vue géogra-
phique, les découvertes qui- peuvent éclairer d'un jour nou-
veau l'histoire encore bien incomplète de notre chère province.
Modeste pionnier, nous aimons à croire que des plumes
autorisées ne dédaigneront pas d'apporter leurs lumières,
dans une étude qui louche si intimement aux évolutions
diverses de l'esprit humain. Cette étude, faite consciencieuse-
ment, peut tirer de l'ombre bien des points encore obscurs
des religions anciennes, et nous serions heureux si, pour
notre part, nous pouvions y apporter un des éléments des-
tinés à l'élucider ou à l'éclairer.
DE SAINT-DEMS DU PAYRÉ 207
OBJ RTS TROUVÉS
Le premier objet consiste en un tombeau en pierres cal-
caires de Ravarre, échantillonnées avec soin, reliées entre
elles par de forts crampons en fer de 0,"15 de longueur,
0,'° 01 de largeur et 0,'°022 d'épaisseur. Ce tombeau, du poids
de plus de 1600 kilos, renfermait le squeletle d'un homme
jeune encore, à en juger par certains indices, notamment
par la conservation étonnante des dénis.
Le squelette, orienté vers le nord-ouest', était intact. Il
tenait dans la main droite, l'obole due au fameux Garon,
afin que le passage de l'Achéron s'effectuât sans encombre.
C'était une pièce do monnaie, à l'eiïigie de Claude (G), c'est-
à-dire du 1*' siècle de notre ère.
A côté de ces restes étaient rangés à droite :
1° Une jolie bélière en bronze (G), de 0,"14 sur 0,'"007 en
moyenne, avec attaches du même métal.
2° Un petit couteau (F) également en bronze, de O.^U de
longueur, placé avec la bélière sous le pied droit du défunt.
3° Deux vases (E) en terre noire micacée avec rebord
très-saillant sur la panse. Ils sont fortement, étranglés à
leur partie supérieure, et leurs dimensions moyennes sont
do 0,'"12 sur 0, "08.
4* Une bouteille carrée (A), en verre verdâtre avec anse.
Sa hauteur est de 0,'"12 sur 0, "'09 de largeur pour un goulot
qui n'a que O.'^OIS de diamètre.
5' Une autre bouteille en verre (D), également carrée avec
anse. Elle mesure O.'^OQ sur 0 "'055 et est absolument sembla-
ble à d'autres trouvées au Mazeau et à S^-Môdard-des-Prés
dans un tombeau d'une femme artiste du III' siècle.
6° Une petite coupe aussi en verre (B), d'une minceur
* Toutes les sf^pultures f^allo-romaines trouvées par nous en Vendée
avaient cette orientation qui n'était que la conséquence d'un dogme religieux
■ her aux populations ;;auloises.
208 UNE EXCURSION CHEZ LES GALLO-ROMAINS
J
extrême, pourtant des filets en creux. Son orifice supérieur
mesure O.^OTS pour une hauteur de C^OT. et la base n'a que
0,°03 : tous ces objets, qui sont aujourd'hui la propriété de
M. Jolly de Luçon, sont d'une conservation étonnante.
A la tête du cercueil, mais en dehors, se trouvaient :
1° Une fort jolie coupe en terre (V), d'un rouge brun
intense, portant en relief, à son pourtour, des oves faits à
l'aide d'un cachet sur l'argile encore molle ; le diamètre de
l'orifice est de 0,"18 pour une hauteur de Oj'^OO : le pied
mesure O,"'0bl de largeur.
2" Une sorte d'urne (S) en terre d'un rouge pâle, d'une forme
puro et gracieuse. C'est une sorte de plat à hauts bords pres-
que perpendiculaires, divisés aune certaine hauteur par un
bourrelet pouvant servir d'appui à un couvercle malheu-
reusement brisé.
3° Une assiette en terre noire grossière avec couverte ou
sorte de vernis.
Le 2" tombeau, trouvé à 15™ du premier et dont nous donnons
les dessins ci-joints, était, comme presque tous ceux de
l'époque gallo-romaine, creusé dans un bloc unique de pierre
de Charente de 2, "45 de longueur extrême, pour une hauteur
deO.^SO : la largeur était del,"10, l'épaisseur des parois laté-
rales de 0,18, celle du fond 0,"20. — Le couvercle formé de
deux morceaux creusés en arc de cerche était recouvert par
une rangée de moellons calcaires du pays maçonnés avec du
mortier, sans nul doute afin de le protéger. Le poids de ce I
sarcophage énorme est sensiblement de 3600 kilogrammes.
Il avait absolument la même orientation que celui dont nous
avons parlé plus haut et le squelette qu'il renfermait était
réduit en poussière. Dans l'intérieur,, on a rencontré :
1* Des vases brisées en terre et en verre, absolument sem-
blables à ceux contenus dans le premier cercueil.
2° Une sorte de petite S'^rpelte(H)en bronze de 0,^025 de lar-
geur maximum pour une longueur de O.^'OS.
3' Une espèce de couteau ou poignard (K) en bronze, aplati
Objets gallo-romair-LS trouvés dans
à S^-Denis- dii- Pavr ë .
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DE SAINT-DENIS DU PAYRÉ 209
vers la pointe et arrondi à la partie inférieure dont là douille
retient encore un reste de manche en bois.
4° Une bag-ue romaine J) en bronze avec entaille et soudure
en argent au point (a). ■
5° Une pièce de monnaie un peu fruste que nous croyons
être à l'effigie d' Antonin le Pieux, c'est-à-dire de la fin dé la
première moitié du deuxième siècle.
EN DEHORS DES TOMBEAUX
Non loin des tombeaux dont nous venons de parler^ ont été
trouvés également un assez grand nombre d'autres objets,
dont nous allons décrire seulement les principaux
1° Deux grands vases (U) en terre d'un gris rougeâtre de
qualité inférieure faits au tour. Le plus grand, dont la panse
mesure Qj^'iS. pour une hauteur de 0,'"20, a le col muni d'une
couronne, et, sur son pourtour, des raies concentriques.
2° Un autre (T), en terre noire veinée de blanc, qui parait
avoir eu un long contact avec le feu, a son rebord supérieur
terminé par une torsade : son diamètre principal est de 0,'"12
pour une hautenr de Ot^lO.
3° Un vase (Oj en terre grise recouverte d'un vernis rou-
geâtre affecte une forme bizarre qu'on pourrait comparer à
celles de tenailles entr'ouvertes. D'un côté, c'est une sorte de
coupe très évasée, de O.^IO de diamètre pour des parois d'une
grande minceur, et de l'autre une espèce de coquetier de
Oi^OS de diamètre, comme ceux que nous avons trouvés au
Langon.
4" Une coupe élégante (M) en terre imitant celle de Samos,
mais malheureusement brisée , sur le bord de laquelle
avait été arlistement reproduit en relief le lotus, cette fleur
par excellence de l'antique Orient, que les prêtres tiennent
dans leurs mains fluettes dans les palais de Ninive et de
Khorsabad reconstitués par M"" etM'"'= Dieulafoy, et dont le pis-
■JIO UNE EXCURSION CHEZ LES GALLO-ROMAINS
til aurait, dit-on, servi de type à tous les vases à libations
des races antiques.
5* Sur un autre vase en terre grise très fine, dont il ne reste
plus que des fragments , — avaient été représentés des
phdu i: et une danse de faunes et de bacchantes.
6* Une petite fiole en verre bleu foncé dite lacrymatoire,
destinée à contenir des parfums, mesure 0",10 de hauteur ;
la base, fortement évasée, est surmontée d'un cylindre creux
de O^.Ol de diamètre.
T Une coupe U8 verre (N), d'une minceur et d'une trans-
parence très-grandes; a sa base formée d'une sorte de cône
dont la partie supérieure émerge du fond du vase. Le diamètre
est de O^.IOS pour une hauteur de 0,045.
8' Une bouteille ronde (Y) aussi en verre mince d'une con-
servation étonnante, porte sur son pourtour quatre rouelles.
Elle mesure en tout 0"',175 de hauteur sur O^.OS de larg-eur,
et son orifice avec rebord a 0'",035 de hauteur sur 0 025 de
diamètre : elle est munie d'une anse de môme matière.
9" Une autre, carrée, brisée en partie, devait mesurer environ
0'",26 de hauteur sur 0.10 de largeur, et son orifice circulaire
avec rebord, 0™,055delarg-eur : elle était munie d'une anse en
verre d'une teinte verdâtre.
10* Une faucille (Q) en ter de 0,40 de longueur totale pour
une section de 0,045. Le manche, également en fer, percé d'un
trou de 0,015, ;i nu diamètre de 0™,035. Il est terminé par
une boule de même métal.
11° Une sorte de lance en bronze oxydé (R) de 0'",12 de
longueur pour une section maximum de0™,03;
12" Une pièce de monnaie on bronze (J) portant d'un côté,
avec la légende Colv7iia Nemausis, le symbole bien connu du
crocodile enchaîné au pied d'un palmier, et de l'autre deux
effigies, sans doute celle d'Auguste, restituée par son gendre
Agrippa, et celle de ce dernier.
i;.{ Un fort joli iniroii' circulaire à pied en bronze argenté,
;iV' <• iiurli'l découpé à jour, portant d'un côté la rouelle carac-
DE SAINT-DENIS DU PAYRÉ 211
téristique de cette 6i3oque. Soi. diamètre est de 0"", 095 et sa
liauteur semblable. Il présente la plus grande analogie avec
celui trouvé à Pompéi, et reproduit à la page 401 de l'tiistoire
romaine de Duruy.
CONCLUSIONS.
De tout ce que nous venons de dire, il ressort clairement
que, dès les premières années de l'ère chrétienne, les arts
avaient, àla suite deslégions, pénétré jusqu'à Saint-Denis-du-
Payré, et que sur les points les plus reculés du littoral bas-
poitevin la civilisation romaine régnait en maîtresse incon-
testée : — qu'il n'est pas invraisemblable d'admettre non plus
que les objets trouvés, souvenir d'une villa peuvent se rap-
porter à l'époque glorieuse et prospère du règne de cet empe-
reur à qui ses contemporains reconnaissants donnèrent le
surnom de Père du genre humain.
On peut affirmer aussi que les vases en terre que nous
avons décrits présentent comme forme et comme exécution,
une analogie frappante avec ceux trouvés notamment à Jard,
au Veillon, à Nalliers, au Mazeau, au Langon,à S'-Médard-
des-Prés, à S^-Georges de Montaigu, àChavagnes en Paillers,
mais généralement dans les parties de notre département
peu éloignées de la mer : ce qui tendrait éprouver une fois
de plus, que les mêmes types se sont longtemps immobilisés
dans les mêmes lieux, et aussi que les fabricants de moules,
beaucoup moins nombreux que les fabricants de poterie,
fournissaient les mêmes matrices à un grand nombre de
fabriques répandues sur les diverses points de la Gaule.
Des considérations analogues nous permettent également
d'affirmer, croyons-nouS;, que les vases en verre, objets de
luxe dans les premiers temps de l'ère chrétienne, devaient
appartenir à des familles aisées^ et que les tombeaux en
pierre étaient sûrement ceux de personnages de marque
212 UNE EXCURSION CHEZ LES GALLO-ROMAINS
mais d'origine gauloise sans doute, à en juger par les instru-
ments en bronze qui ornaient leur sépulture.
Si l'on tient compte aussi de l'identité parfaite qui existe
entre ceux trouvés à S'-Denis-du-Doyen et ceux recueillis à
Jard, au Mazeau, à S'-Médard-des-Prè s et dans la
forêt de Mervent on acquiert encore la conviction qu'ils ont
été fabriqués dans ce dernier lieu, abondamment pourvu de
matières premières, et où il existait sûrement des verreries,
dès le rogné de Trajan'.
De ces divers rapprochements et de ce je ne sais quoi de
de mystérieux qui, dans nos campagnes du Bas-Poitou et de
la Bretagne surtout, enveloppe encore les manieurs d'argile,
dont les procédés de fabrication et les formes n'ont pas varié
sensiblement depuis des siècles, on peut encore en inférer :
Que les figuli comme les vitriari poitevins ont formé pen-
dant des siècles des corporations fermées, dressant côte à
côte leurs fours, peut-être dès le règne de Nerva, maintenant
en activité leur industrie sur les décombres de la société
romaine et sur ceux de l'empire franc — gardant pieusement,
à travers les révolutions, les traditions et les plus beaux se-
crets de la verrerie antique, qu'ils transmettront comme un
héritage sacré, de génération en génération, à ces gentils-
hommes verriers que la Révolution Française devait trouver,
ainsi que l'a dit Benjamin Fillon, « en devoir de fabriquer,
l'épée au flanc, la coupe des banquets patriotiques de 1789 »
Fontenay-le-Gomte, le 20 juin 1891,
Louis Brochet.
* Voir notre notice : Les fours à verrier de la forât de Mervent — Impri-
merie Lafolye (Vannes 1889).
1
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i
NOTICE GÉNÉALOGIQUE
SUR LA MAISON DE LA FONTENELLE
AUCUNE g-énéalogie de la maison de la Fontenelle n'a
encore été publiée. Cette famille étant essentiellement
vendéenne, il nous a paru intéressant de donner ici
sa filiation suivie, depuis l'année 1450 ou environ.
Suivant une généalogie manuscrite faite au milieu du
siècle dernier, un Pierre de la Fontenelle, que nous croyons
fils de Paul de la Fontenelle et d'Antoinette Durcot, étant
protestant, se vit frappé par la révocation de l'Edit de Nantes
et forcé de passer à l'étranger. Il se réfugia en Hollande où
il fit souche. Les quelques lignes de cette généalogie ma-
nuscrite qui lui sont consacrées, et plusieurs lettres datées
de Hollande et de Batavia, sont les seuls documents que
nous ayons pu trouver concernant cette branche. C'est ce qui
nous a engagé à placer Pierre de la Fontenelle et sa descen-
dance parmi les noms isolés.
La maison de la Fontenelle s'éteignit en 1858 en la per-
sonne de Eiigèyie-Charles- Armand de la Fontenelle qui n'a-
vait eu qu'un fils mort sans enfanls avant lui. Elle portait
pour armes : d'azur au croissant d'argent montant, en abîme^
surmonté d'une étoile d'or et cantonné de 4 étoiles de même.
•Jl't NOTICE GÉNÉALUGIQUE
Nous nous sommes servi pour dresser la généalogie que
nous donnons ici, des papiers de famille des la Fontenelle
que nous possédons. De nombreuses recherches faites à la
Bibliotlièque nationale et un travail manuscrit de M. Théo-
phile de Tinguy, qu'il nous a fort aimablement communiqué^
nous ont permis de la compléter.
N<;)MS ISOLÉS.
1085. — Garinus de Fontanill fait un don de terrain lors de son
entrée en religion, à l'abbaye de Saint-Florent de Saumur'.
1388. — Pierre de la Fontenelle, qualifié Vallet transige avec Ai-
mery Royrand- le 17 mars 1388.
Pierre de la Fontenelle, que nous croyons fils de Paul de la Fonte-
nelle et de damoiselle Antoinette Durcot, était protestant, il se réfu-
gia en Hollande après la révocation do l'Edit de Nantes. Il épousa à
Bruxelles, quelques années après, demoiselle Eugénie Le Riche. Il
prit du service en Hollande et devint brigadier en chef de toutes
les tioup(!S Hollandaises aux Indes.
Il mourut à Batavia en 1748, laissant :
!• Antoine de la Fontenelle , capitaine au régiment de grenadiers
de Son Excellence le lieutenant-général Baron de Dorth.
2° Guillemine de la Fontenelle, mariée à Juste van den Boogaard,
membre des États de la province d'Utrecht^
Première: Branche.
Jean de la Fontenelle, ec. sgr. de la Fontenelle, épouse Marie Hugon
dame de la Viollière. Il vivait encore le 12 lévrier 1506, jour oii il
• Bibliothèque Nationale Cabinet des Titres. Carrés d'IIozier, volume -263,
pago -293, article La Fontenelle). Copie collationnée en 17io, ou environ, sur
le cartulaire noir dii Saint-Florent de Saumur.
» Titre cité dans la sentence de maintenue de noblesse donnée par Gaucher
de Sainte-Marthe à Paul de la Fontenelle le G mai 1599. (papiers de famille).
' Nous ne savons si cette branche existe encore en Hollande. Une généa-
logie manuscrite du siècle dernier s'arrête à Antoine de la Fontenelle. Nous
y ayons puisé les renseignements ^ue nous donnons ici.
SUR LA MAISON DE LA FONTENELLE 215
rezid aveu au sieur de Montaigu, tant pour lui que pour ses cohé-
ritiers, pour sa maison de la Fontenelle, par acte signé Groton no-
taire à Montaigu'.
Il eut pour enfants :
Jacques de la Fontenelle qui suit, et plusieurs autres cités sans
leurs prénoms dans un acte, dont il est fait mention dans la sentence
de maintenue de noblesse, donnée, le 24 septembre 1667, à Paul de
la Fontenelle, par M. de Barentin.
Il
Jacqitesde la Fontenelle, bc. sgr. de la VioUière et de la Fontenelle,
fils de Jean de la Fontenelle et de Marie Hugon dame de la VioUière,
épouse par contrat du 30 octobre 1485, passé devant Guerry notaire
à Montaigu^, damoiselle Jeanne Guerry^, fille de Jean Guerry, éc. sgr.
de laLimousinière,et de damoiselle Andrée Drouêllin. Le 29 mai 1480,
Jacques de la Fontenelle obtient un certificat de Roland de la Térie*
roy de Canarie, commis à mener et conduire les nobles de la vicomte
de Thouars, par lequel ce dernier affirme que Jacques de la Fonte^
nelle a bien et loyalement servi le roi sous la charge de Mgr de
Bressuire. Le certificat signé : Dubreuil Greffier, par commandement
du roy de Canarie. Le 13 mars, lui et Jeanne Guerry sa femme,
transigent avec Yvon Guerry, ec. sgr de la Limousinière, au sujet
du partage des successions de Jehan Guerry et d'Antoinette Drouêl-
lin, leurs père et mère décédés, de Jean Guerry leur frère aîné, et de
Gabriel Guerry leur oncle paternel, par acte passé devant Prévost
notaire de la cour des Essarts et Nicolas Guerry prêtre, notaire à
Montaigu^ Jacques de la Fontenelle vivait encore le 6 juin 1499 jour
où il rend hommage à Gilles sgr de Belleville, de Cosnac et de Mon-
taigu, chev., conseiller du chambellan du Roy et grand bouteiller
de France, des choses pour lesquelles luy et ses prédécesseurs avaient
' Acte citj dans la maintenue de noblesse donnée à Paul de la Fontenelle.
le 24 septembre 1667 par M. de Barentin (papiers de famille.)
> Contrat de mariage; papiers de famille.
* Guerry porte : d'azur à trois besanls d'or posés deux et un.
* Cité dans la maintjnue de noblesse donnée le 6 mai 1599 à Paul de la
Fontenelle par Gaucher de Sainte-Martbe et signé : Saiacte-Marthe et Vallée
(papiers de famille.)
* Copie sur papier vidimSe et collationnée sur l'original (Archives dv la
VioUière). Note communiquée par M. Tliéopliile di' Tinguv.
210 NOTICE GÉNÉALOGIQUE
coutume d'«Hre hommes de foy par hommarje du dit sgr de Belle-
ville et de ses prédécesseurs, à cause de la dite seigneurie et baronnie
de Muntaigu, par acte signé : Cotcrcier' .
Il eut pour enfants :
r Jean qui suit.
2» Jacques delà Fontenelle, mort sans postérité'
;^" Marquise, mariée par contrat du 27 1515, passé à la
Fontenelle par devant Etienne Guerry, notaire à Montaigu, et Pierre
Rorteau, notaire à Mareuil, à Georges Bonnet, fils de Jean Bonnet et
de N Térys^
III
Jean de la Fontenelle, ec. sgr. de la Fontenelle et de la VioUière
fils aine et principal héritier de Jacques de la Fontenelle, ec. sgr.
de la Fontenelle et de la VioUiére, et île damoiselle Jeanne Guerry,
épouse par contrat du 27 juin* 1509 passé devant de La Cour et
Buet, notaires à Montaigu, damoiselle Marguerite Bellineau». Le
12 novembre 1518, il reçoit de Georges Bonnet et de Marquise de la
Fontenelle quittance de certaine somme qu'il leur devait aux
termes de leur contrat de mariage^. Par testament du 20 mars 1532,
son oncle Pierre Grénesac, prêtre, sgr. de la Gernigaudière, fonda
une cliapellenie ou stipendie d'une messe par semaine de l'office de
la Conception de la Vierge et lui donne, à lui et à son fils aîné et,
d'ainé en aîné, le droit de présentation et de collation de cette cha-
pellenie, comme il est dit dans un acte du 11 novembre 1638, par
lequel à l'occasion d'une vacance et de la présentation d'un nouveau
chapelain, le sgr. de la VioUière et de la Gernigaudière et son fils
aîné, priaient Mer l'Evêque de Luçon de vouloir bien annexer ladite
' Bibliothèque nationale. Cabinet des Titres. Carrés d'Hozier, volume 263
page '295.
* Généalogie manuscrite (papiers de famille.)
' Original en parchemin (Archives de la Viollière) . Note communiquée par
M. Théophile cleTinguy).
* Contrat de mariage cité dans la maintenue de noblesse donnée à Paul
de la Fontenelle le 24 septembre 16G7 par M. de Barantin (Papiers de famille).
* Bellineau portait : d'azur ii trois tètes de bélier arrachées d'ai'gent posées
deux et un et une étoile de même en chef.
■* Archives de la Viollière. (Note communiquée par M. Théophile de Tinguy.
SUR LA MAISON DE LA FONTENELLE .217
chapellenie de la Gernigaudière à leur chapelle de la Viollière. Cet
acte passé devant Jean Caillé et François Audureau, notaires des
chastellenies de la Jarrie, la Raslière et la Merlatière' . Jean de la
Fontenelle rend aveu le 27 mai 1534 pour son hostel noble de la
Fontenelle à François de la TrémoïUe par acte signé : Buet'. Mar-
guerite Bellineau était morte au moment du mariage de Jean de
la Fontenelle, le 0 février 1546'.
Ils eurent pour enfants :
1» Jean qui suit.
2" Antoine de la Fontenelle, qui fit ses études de droit à l'univer-
sité de Paris et auquel furent délivrées des lettres de scholarité le
1«'' septembre 1546*.
30 Anne de la Fontenelle, mariée à François Martin fils de Jamet
Martin et de Marguerite Texier, par contrat du 26 novembre 1543
passé devant A?idrè Guerry et Guillaume Regnard, notaires de la ba-
ronnie de Montaigu*
4° Marie de la Fontenelle, mariée à Pierre Moreau^.
IV
Jean de la Fontenelle, éc lyer seigneur de la Fontenelle, de la Viol-
lière et de la Gernigaudière, fils aîné et principal héritier de Jean de
la Fontenelle et de Marguerite Bellineau, épousa, par contrat du 6
février 1.540^ passé devant Jouslain et Planchot, notaires à Rocheser-
vière, damoiselle /ac<}'?fe^^(3 de Bavro^, fille aînée de René de Barro,
' Idem.
* Titre cité clans la maintenue de noblesse donnée à Paul de la Fontenelle
le 24 septembre 1667 par M. de Barentin (Papiers de famille).
'Bibliothèque nationale, cabinet des Titres, carrés d'Hozier,vol. 263 p. 297.
4 Original, archives de la Viollière (Note communiquée par M. Théophile
de Tinguy).
* Grosse en parchemin (idem).
« Citée dans un aveu i-endu le 3 août LofiO à M^e Louis de la Trémoïlle par
Jacquetto de Barro, veuve de Jean de la Fontenelle, écuyer seigneur du dit
lieu. Acte signé : Guerry et Girai-d, notaires ;\ Montaigu. Bibliothèque
nationale, cabinet des Titres. Carrés d'Hozier, vol. 263, page 300.
' Contrat de inai-iage. Bildiothèque nationale, cabinet des Titres, carrés
d'Hozier, volume 203, page 297.
* Barro portait : d'az*ir à 3 sceptres d'or posés en barre et une bande
de gueules brochant sur le tout.
Tome iv. — Avril, Mai, Juin 1891. 15
■Jia . NOTICE GENEALOGIQUE
>
écuyer seigneur de la Vrignaj'e-Clienue, et de dame Perrine de la For-
nerie Le 15 mai 1540, il paya devant Rorteau et Petiteau, notaires
à la Chaizele-Vicomte, la somme de :50 livres dues par son père à Mar-
quise de la Fontenelle, veuve de Georges Bonnet*. Jean de la Fonte-
nelle transigea le 8 avril 1540 avec Colas Guerry au sujet d'un droit
de four' et signa aux contrats de mariages de Jacques Aubert\ ec.
sgr. de laNormandelière, son cousin germain, avec Perxette Chabot,
et de Sulpice Chabot, ec. sgr. de la Chabotterie, avec Noémi Aubei't,
passés par devant Triidot et Renaudin, notaires à Rocheservière, le
11 février 1554.
Ils eurent pour enfants :
r César qui suit.
■i" Charles de la Fontenelle, mort sansalliance^
o" Cassanclre de la Fontenelle, mariée à René de Folles''', ec. sgr. de
Foreilles.
4" Guillemetle de la Fontenelle, mariée à Pie^'re Grandouin, elle
était morte avant le ID octobre 1.50-i".
V
César de la Fontenelle, ec. sgr. de la Fontenelle, de la Viollière et
do la Gernigaudièro, fils aine et principal héritier de Jean de la Fon-
tenelle, ec. sgr. des dits lieux, et de .Jacquette de Barro, épousa, par
' Archives de la Viollière. (Note communiquée i)ar M. Tliéopliile de
Tinguy.
» Bibliothèque nationale. Cabinet des Titres, carrés d'Ilo/ier volume 2G3
page 300.
' Vidimus en papier délivré par Hyacinthe Aubert éc. sgr. du Petit-
Thouarsdu dit acte dé double mariage transcrit et coUationné à Puytesson
par Audureau et Remaud notaires ii Saint-Denys la Chevasse le î6 octobre
17C7. (Archives delà Viollière). Note communiquée par M. Théophile de
Tinguy).
* Aubert portrait : d'azur au haubert d'or.
* Généalogie manuscrite, (papiers de famille .
® I3il>liothèquc nationale, cabinet des Titres, carrés d'IIozier, volume 'G3,
)»age 300.
' Acte du partage du 19 octobre 15G2, cité dans la maintenue de noblesse
donnéeàFrançoisGermaiiicus delaFontenellepay M.de^Iaupeou le 27 novembre
1697, (papiers de lainilli").
SUR LA MAISON DE LA PONTENELLE 219
contrat du 22 décembre 1506' passé devant Grolland et de la Botte-
bouère, notaires à Rocheservière, damoiselle Jeanne GouUard'^, fille
de M""® Alexandre GouUard, ec. sgr de Péré, et de Jacquette Durcot
veuve de René Bertrand, ec. S'^r. de Boulloigneau II était encore mi-
neur le 12 juillet 1564'', oii Rolland Bertrand, ec. sgr. du Chastenay,
rend hommage à Loys de la Ti'émoïlle, duc de Thouarçois, Baron de
Montaigu etc., au nom et comme tuteur de César de la Fontenelle,
écuyer par acte signé : Robin. Le 2 juin 1871, il rend aveu au sei-
gneur de Montaigu, par acte signé Beduit et de Bet, notaires à
Montaigu*. Le 12 avril 1572, il partage la succession de ses père et
mère, Jean de la Fontenelle et Jacquette de Barro, avec Cassandre
de la Fontenelle sa sœur, femme de René de Folles, ec. sgr. de Fo-
reilles, par acte signé Grolleau et Bouffandeau, notaires'. César de la
Fontenelle mourut vers 1595 et Jeanne GouUard sa femme l'année
suivante, comme on le voit par l'acte de curatelle de leur plus jeune
fils Daniel de la Fontenelle, qui ne fut pourvu d'un tuteur qu'à
l'âge de quatorze ans seulement"^.
Us eurent pour enfants :
1» Paul, qui suit.
2° Daniel delà Fontenelle^ ec. sgr. de la Boucherie'.
'i'^ Jean de la Fontenelle,ec. sgr. de la Maisonneuve, qui fut l'auteur
d'une branche rapportée plus loin.
4" Anne de la Fontenelle, mariée à René le Jaif, sieur de la Roche^.
* Bililiolhèque nationale cabinet des Titres, carrés d'Hozier, volume 2(33
page 302 et maintenue de noblesse donnée par M. de Barentin à Paul de la
Fontanelle, papiers de famille).
» GouUard porte : d'azur au lion d'or rampant armé couronné et langue
de gueules.
s Bibliothèque nationale, cabinet des Titres, carrés d'Hozier volume 262
page 301.
* Acte cité dans la maintenue de noblesse donnée par M. de Barentin à
Paul de la Fontenelle le 24 septembre 1007 (papiers de famille).
» Idem.
« expédition sur papier, signée David, greffier (Archives de la V'iollicre
note communiquée par M. Théophile de Tinguy.
' Nommé avec ses frères et sciur dans l'acti- de partage du 12 juillet 1603
(Hibliothèque nationale, cabinet des Titres, carrés d'Hozier, volume 2U3,
page il 4.
" Le Jay portait: d'argent k 3 fasces d'azur vairées.
" Acte de partage du 12 juillet 1603. Bibliothèque nationale, cabinet def
Titres, carrés d'Hozier, volume 263, page 314 et suivantes.
220 NOTICE GÉNÉALOGIQUE
\I
Paul de la Fontenelle, chev. sgr. de la VioUière, du Puy de Bras-
say et delà Gernigaudière, fils aîné de César de la Fontenelle et de
Jeanne (lOullard, épouse, par contrat du 5, juin 1594', passé par-
devant ^ean Gouraiid et Jacques de la Botebouére, notaires à Roche-
servière, damoiselle Odette Thevenin^, dame de la Mosnerie, fille de
feu Anselme Tliévenin,ec. sgr. delà Roche Tliévenin, et de damoiselle
Jeanne Poictevin. Le 20 juin 15'.i8,il rend liommage,pour ses maisons,
terres et seigneuries de la VioUière et de la Gernigaudière, par acto
passé devant Jacques Thibaudeau, sénéchal de la baronnie de Mon-
taigu* , et fut l'année suivante, comme on le voit par l'acte de curn-
telle du 19 avril 1599, nommé tuteur de son frère Daniel. Le 12 juil-
let IGOoMl partage avec Daniel de la Fontenelle, ec. sgr. de la Boschr-
rie, Jean de la Fontenelle, ec. sgr. de la Maison-Neuve et René Le
Jay, sgr. de !a Roche, mari de Anne de la Fontenelle, ses frères et
soeur, les biens de ses père et mère, par acte passé devant Jérôme
Le Jay et Guillaume Favreau, notaires à Saint-Denys-la-Clievasse.
Il rend aveu, le 5 octobre 1(111, à Charlotte de Nassau, princesse
d'Orange, à cause de son hostel noble de la Fontenelle* et passe, en
mars 1010, un acte de convenances avec Odette Thévenin sa femme,
par devant. facquesMoreau et Nicolas Guéreau, notaires à laMerla-
tière^. Le 20 septembre 1024, Paul de la Fontenelle est maintenu noble
par ser.tence de Denis Amelot, signée Amelot, Moreau et Davy», et le
11 novembre 10I5S, avec son fils aine Pierre, usant de leur droit de
présentation et de collation à la chapellenie de la Gernigaudière, ils
désignèrent comme chapelain Jean Audureau, curé de la Copecha-
gnière, par acte passé devant F. Audureau et Jean Caillé, notaires
' Hiblioth'" que nationale, cabinet des Titres, carrés d'Hozier volume 263,
page :ill.
' Thévenin portait : de gueules au léopard d'argent.
* Ori;:inal en parchemin (Archives de la VioUière ; note communiquée
par M. Tliéophile d.^ Tinguy,
* Bibliothèque nationale, cabinet des Titres, carrés d'Hozier, volume 263,
page 314.
" Titre cité dans la sentence de maintenue do nobles.se donnée par M. de
li.ir.-ntin h Paul de hi Fontenelle le 24 septembre 1007.
' .\rchive.s de la Violliôre.
■ Original, papiers de famille.
SUR LA MAISON' DE LA FONTENELLE 221
des Chatellenies de la Jarrie, la Raslière et la Merlatière'. Cette
présentation fut agréée et la collation confirmée par lettres du
24 novembre 1638, signées : Petrus ep. Lucionensis, et contresignées :
Mauvillain^. Odette Thévenin mourut le 18 avril 1637 et Paul de la
Fontenelle le 15 juin 1643^
Us eurent pour enfants :
\° Pierre qui suit.
2" Claude de la Fontenelle'*, né le 15 novembre 1598, mort en bas
âge.
3" GJiarles de la Fontenelle, né le 17 mars 1617 à la VioUière' ; il
embrassa l'état ecclésiastique et était chapelain de la chapelle de
Saint-Sébastien en l'église de Notre-Dame de Bressuire en 1645® ,
4° Jeanne de la Fontenelle, née le 17 septembre 1595', mariée à An-
toine Marin^, ec. sgr.de la Motte de Belleville, par contrat du 14 no-
vembre 1618, passé devant Fermillonet Thoinas, notaires de la ba-
ronnie de Montaigu'.
.5* Hélène de la Fontenelle, née à la VioUière le 27 mars 1600'°,ma-
riée le 16 février 1640** k Louis Li?igier'^, chev. sgr. de la Villenière.
6" Antoinettede la Fontenelle, née le 11 S3ptembre 1602 à la Viol-
lière et mariée à noble homme François Renou, sieur de la Pouppe-
tièro'"''.
7" Odette de la Fontenelle, née à la VioUière le 3 avril 1606'*, reli-
gieuse à Montaigu.
•d "
' Grosse en parchemin (Archives de la VioUière) ; note communiquée par
M. Th. de Tinguy.'
* Original en parchemin (id).
* Pierres tombales conservées dans l'église de la Copechagnière.
* Extraits des registres paroissiaux da la Copechagnière.
5 Idem.
6 Ordonnance d'appointements en cours de Poitiers. (Archives de la Viol-
lière).
^ Registres paroissiaux de la Copechagnière.
8 Marin portait : de gueules au lion d'argent armé et lampassé de sable.
" Note communiquée par MM. Beauchet Filieau.
'" Registres paroissiaux de la Copechagnière.
" Extrait des registres de la Copechagnière (papiers de famille).
'* Lingier portait ; d'argent à la fasce de gueules, fuselée de sept pièces,
accompagnée de huit mouchetures d'hermines rangées quatre en chef et
quatre en pointe.
'•' Extrait des registres paroissiaux de la Copechagnière (i)apiers de famille;.
'* IJcm.
ooo
NOTICE GÉNÉALOGIQUE
8" Louise de la Fontenelle, née à la VioUière le 21 février IGIO.'
0» Marie de la Fontenelle, née à la VioUière le IH mai 1612», reli-
gieuse à Bressuire.
VII.
Pierre de la Fontenelle, ec. sjiT. delà Fontenelle et de la VioUière,
fils aîné et principal héritier de Paul de la Fontenelle, ec. sgr. de la
VioUière, la Fontenelle, la Gernigaudière et le Puy de Brassay, et de
damoiselle Odette Tliévenin, naquit à la VioUière, paroisse de laCo-
pechagnière, le? septembre loOT^. il épousa, par contrat du 18 oc-
tobre Hi^l'* passé devjint Brialot et Bernard, notaires à Bressuire,
damoiselle Perrine 3Iaynard^,û\le aînée de Barthélémy Maynard.sgr.
duPetit-Puys, de la Gourbeillerieet de la Tigouère, et de damoiselle
Marguerite de la Tigouère. 11 signa avec son père le contrat de ma-
riage de Gilles Dureot, chev, sgr, de Puytesson, avec damoiselle
Louise du Tréhan,en date du 7 septembre 1632, passé devant Fleury
et Badreau, notaires". Le 31 juillet 1635, il partage l'héritage de ses
père et mère avec ses frères et sœurs, par acte passé devant Simon
Lessaict et Jean Caillé, notaires à la Merlatière' et il rend aveu, le
23 mars 1645', à Gabrielle de Machecoul, à cause de son hostel de la
Fontenelle. Il fut enterré à la Copechagnière le !«'■ avril 1656^. Per-
rine Maynard, sa femme, vivait encore le 14 aoîit 1676, époque où
elle fait son testament"*.
Ils eurent pour enfants.
1" Patcl qui suit.
' Klein.
« Idem
* Idem.
♦ 13ibHot!;èque nationale, c;il)inet de Titres, cari-t^s d'ilo/.ier, volume 203,
page 317.
^ Maynard portait : d'arj^ent à une hure de sani^lier do sable ayant ses
défen.ses d'argent et languée de gueules.
^ Archives de Puytesson (Note communiquée pnr M. 'l'héojjhile de Tiiii;uy,
» l^ibliotlièque nationale, cabinet des Titres, carrés d'IIozier, volume 203,
page 320.
" Papiers de famille.
9 Extrait des registres paroissiaux de la Copechagnière; papiers de famille.
*" Papiers de famille.
SUR LA MAISON DE LA FONTEXELLE 223
2" Charles de la Fontenelle, né le 21 août 1633 à la VioUière. mort
en bas âge'.
3° François-Germanie de la Fontenelle, auteur de la branche du
Péré.
4* César de la Fontenelle, né à la Viollière le 19 mars 1640, marié à
Charlotte PéraïUt-, dame de la Marinière, fille de noble homme Pierre
Pérault s"" de la Marinière, contrôleur général du T.iillon de Poitiers,
et de damoiselle Marie Bret, par contrat du 30 décembre 1069 passé
par devant Colhereau et Bailletheau, notaires à la Chaize-le-Vicomte;
dont une fille Marie- Chariot te de la Fontenelle mariée' à René-
Prosper Sapinaud'*, sgr. de l'Herbergement.
5" Jacques de la Fontenelle, né à la Viollière le 9 novembre 1642».
6° Autre Charles de la Fontenelle, né à la Viollière le 19 septembre
16446.
7° Marie de la Fontenelle, née à la Viollière le 24 mars 163F, ma-
riée à François de Meaussê, ec. sgr. de Coulaines. Ce fut à elle qu'é-
chut en partage la terre de la Gernigaudière'*.
8* Louise delà Fontenelle, née à la Viollière le 17 octobre 1634 et
enterrée à la Copechagnière le 6 juillet 1705^.
9" Hélène de la Fontenelle, née à la Viollière le 19 février 1638'".
10" Madeleine de la Fontenelle, née à la Viollière le 16 juin 1641' .
11° Renée de la FontenelU, née à la Viollière le 29 juillet 1646".
12° Perrine de la Fontenelle, née à la Viollière le 3 juillet 1648'^
religieuse de l'ordre de Saint-François à Niort.
13° Françoise- Renée de la Fontenelle, née à la Viollière le 21 mars
16.'54".
' Extrait des registres paroissiaux de la Copechagnière; (papiers de famille.
* Contrat de mariat;e; (papiers de famille).
3 Génôalouie manuscrite (papiers de famille).
'■* Sapinaud : d'argent à 3 merlettes de sable posées 2 et 1.
* Extrait des reiiistres paroissiaux de la Copechagnière (papiers de lamille).
6 Idem.
7 Idem.
» Note communiquée par M Théophile de Tinguy.
'■* Extraitdes registres paroissiaux de la Copechagnière; (i)ai)ier.s de famille).
"^ Idem.
*' Idem.
'* Idem.
*■' Idem.
* Idem.
224 XOTIGli: GÉNÉALOGIQUE
Vlll.
Paul de la Fontenelle, cliev. sgv de la Fontenelle et de la Viollière,
fils aine et principal héritier de Pierre de laFoutenelle, ec. sgr. dudit
lieu, et de dame Perrine Maynard, né à la Viollière le 9 novembre
1632', épouse, par contrat du 19 avril 1659, passé devant G. Badreau
et L. Fleury, notaires à Montaigu'. Antoinette Durcot', fille de feu
messire Gilles Durcot, chev. sgr. de Puytesson et de Chauché, et de
damoiselle Louise du Tréhan. Il rend hommage à Gabriel de Mache-
coul. pour son hostel de la Fontenelle dit: la Viollière, le 21 juin
164P, et est maintenu noble par sentence de Jacques-Honoré Baren-
tin du 24 septembre 100~*. Il partagea, le 2 juin 1070®, avec ses frères
et sœurs. Le 7 février 1707, Paul de la Fontenelle fit son testament
olographe, dans lequel il est dit que sa femme Antoinette Durcot
l'avait précédé dans la tombe, que Paul-Alexandre est son fils aîné
et que sa fille Antoinette-Renée est religieuse à Thouars^
Sous l'influence de sa femme Antoinette Durcot, qui était hugue-
note fervente, il embrassa la religion prétendue réformée. Lors de
la révocation de l'Edit de Nantes, il résolut de passer dans un pays
protestant. Au printemps de l'année 1688, il avait réussi à joindre
les côtes de la Normandie avec sa femme, un fi[s et une fille, lors-
qu'ils furent découverts, arrêtés et emprisonnés à Coutances, puis
à Rouen. Il fut relâché, puis arrêté de nouveau en 1698, conduit à
Saumur, d'où on le transféra au château de Nantes deux ans après".
Il avait abjuré, puisqu'il est mentionné dans les registres parois-
siaux de la Copechagnière comme ayant été enterré le 5 septembre
1709^ Il laissa pour enfants :
r Paul- Alexandre, qui suit :
' Idem.
• Bibliothèque nationale, cabinet des Titres, cari-és d'Hozier, volu me 203
paL'e 1U.
* Durcot portait : d'or à trois pommes de pin de sinople posées 2 et 1.
* Papiers de famille.
* Idem.
• Bibliothèque nationale, cabinet des Titres, carrés d'Hozier, volume 263,
page o24.
' Archives de la Viollière; note communiquée par M. Théophile de Tinguy.
• Histoire des protestants du Poitou, par Auyuste Lièvre, volume m, p. 13J.
" Extrait des registres paroissiaux rie la Copechairnièro ; (papiers de famille.)
SUR LA MAISON DE LA PONTENELLE 225
2" Marc- Antoine de la Fontenelle' ;
3° 31ane delà Fontenelle, majeure le 13 novembre 1709, et inhumée
le 27 septembre 171V) à la Copeciiagnière*.
4° Antoinette de la Fontenelle, religieuse à Thouars, décédée en
1703» .
5° Jeanne de la Fontenelle, mariée le 21 octobre 1698, à Louis-
Hector, cliev. sgr. de Tirpoil et de la Remonière, fils de Louis-Hector
et de damoiselle Suzanne Thévenin* *.
6» Louise de la Fontenelle, décédée jeune*.
IX
Paul-Alexandre de la Fontenelle, chev. sgr. de laViollière, fils
aîné de Paul de la Fontenelle chev. sgr. de la Viollière, et de damoi-
selle Antoinette Durcot, épouse, le 25 septembre 1705, par contrat
passé devant G. Massonet Boyvineau, notaires aux Essarts, damoi-
selle Marie-Magdeleine de Chevigne' , fille de M'® Pierre de Chevigné
Chevigné porte : de gueules à quatre fusées accolées en fasoe d'or, accom-
pagnée de huit hesants du même rangés quatre en chef et quatre en pointe,
chev. sgr. de la Limonnière,et de dame Philottée Reigner. Il mourut
à la Viollière le V" février 1709, et fut inhumé le lendemain en la
chapelle Saint-Louis de l'église de la Copechagnière*. Sa veuve se
remaria avec Philippe-Auguste Bruneau, chev. sgr de la Giroulière^.
Ils eurent pour enfants :
1° Paul de la Fontenelle, né le 20 juin 1707, mort en bas âge"*.
' Généalogie manuscrite, papiei's de famille.
' Extrait des registres paroissiaux de la Copechagnièi'e (papiers de famille^.
' Généalogie manuscrite, papiers de famille.
* Partage du 13 novembre 1709 ; Bibliothèque nationale, cabinet des Titres,
carré d'Hozier, volume 263. page 341.
' Hector portait : d'azur à trois tours d'or.
« Note communiquée par. M. Théophile de Tinguy.
"^ Bibliothèque nationale, cabinet des Titres, carrés d'Hozier, volume 263,
page 337.
* Extrait des i-egistres paroissiaux de la Copechagnière ; (papiers de famille).
^ Partage sous-seings privés de la succession, 23 juillet 1725. (Archives île
la Viollière).
«0 Idem.
226 NOTICE GÉNÉALOGIQUE
a
2° Charles-Alexa7idre, qui suit.
3" Marie-Madeleine-Antoinetle de la Fontenelle.
4° Marguerite-Madeleine de la Fontenelle*, née à la Viollière le 6
mars ITOiS, mariée à René-Joseph de Goué, sgr de la Renaudière*.
Charles-Alexandre de la Fontenelle, chev. sgr, de la Viollière,
de la Limonnière, puis de la Chabotterie, fils aîné et principal hé-
ritier de Paul-Alexandre de la Fontenelle, chev. sgr. de la Viollière,
et dedamoiselle MaTie-Magdelaiue de Ohevigné, naquit à la Viol-
lière le :>1 mars 1709, et fut baptisé le même jour en l'église de la
Copechagnière^. Il épousa, le 26 novembre 1737, par contrat passé
devant Merlet et Gautreau notaires, daraoiselle Anne-Rence Tho-
massel'*, fille d'Antoine Thomasset, ec. sgr. de la Gestière, et de
damoiselle Louise Gazeau, qui, par son testament olograplic en date
du Uijuin 1744, institua son mari son légataire universel, et porta
ainsi dans la maison de la Fontenelle les seigneuries de Ghoisy,
l'Enclave de Saint-Denis-la-Chevasse et la Chabotterie».
Leurs enfants furent :
I" Charles- Alexandre , qui î^uit :
::i" Gabrielle-Anne de la Fontenelle, née le 22 juin 1739, qui épousa
son cousin-germain Joseph-Charles-Marie de Goué , chev. sgr. du
Marchais, fils de René-Joseph de Goué et de damoiselle Madeleine-
Antoinette de la Fontenelle.
3» Philippe- J ose})] i de la Fontenelle, né le 29 novembre 1740 et dé-
cédé le même jour.
4° Anne- Marguerite de la Fontenelle, née le 19 juillet 1712, décédée
âgée d'un mois".
' Extrait îles registres i)ax'oissiaux de laCopechagnière ; papiers de famille.
' Di? Goiit' porte : d'or an lion de gueules, surmonti' d'une tleiir de lys
d'azur.
* Extrait des l'egistres paroissi;iux tle laCopechagnière, papiers de famille.
* Bil)liotlu\jue nationale, cabinet des titres, carrés d'Hozier, volume Zd'o,
page 34!).
Thomasset ])orlait .• d'urgent ;i cinq mouchetures d'hrrminesde sable, trois
et deux; au chef d'azur soutenu de sable, chargé d'un griffon passant d'or,
armé et iamjiiissé de gueules.
* Note communiquée par M. Th. de Tinguy.
" Registres j)arois.siaux_,di' Saint-Sulpice-le-Verdon.
SUR LA MAISON DE LA FONTENELLE 227
XL
Charles- Alexandre de la Fontenelle, chev. sgr. de Clioisy, l'En-
;'!ave de Saint-Denj^s-la-Chevasse, la Chabotterie, la VioUière et
iiutres lieux, fils de Charles-Alexandre de la Fontenelle et de damoi-
^elle Renée Tliomasset, né à la maison noble de la Chabotterie, le 4
juin 1744', et liaptisé le lendemain en l'église de Saint-Sulpice le
Verdon. U fut tenu sur les fonts baptismaux par messire Charles-
Antoine Durcot, chev. sgr. du Tréhant, et par damoiselle Perrine
Bruneau de la Giroulière Le 16 mai 1760, il fut reçu page de la
Q^rande écurie du Roi'. Gliarles-Alexandre de la Fontenelle, épousa
damoiselle N. . . Poictevin de la Rochette*. Il mourut sans postérité.
V'8 Paul de Chabot.
(A suivre).
' Bibliothèque nationale, ciibinet des Titres, carrés d'Hozier, volume 263,
page 351.
' Bibliothèque nationale, cabinet des Titres. Preuves de noblesse des pages
ie la Grande Ecurie du Roy, volume 284, p. 53.
' Généalogie manuscrite (papiers de famille).
Poictevin, porte : de gueules, à trois haches d'armes d'argent, emmanchées
[le sable, aboutées du second, posées en pal 2 et 1.
LA MARECHALERIE
CELTIQUE ET GALLO-ROMAINE
A FONTENAY-LE-COMTE
Monsieur le Directeur.
Dans une de mes précédentes con-espondances (N" 2, IIl«année
Revue du Bas-Poitou) je vous avais entretenu d'un fer à cheval de
l'époque moyen âge, trouvé à Fontenay-le-Comte, pendant le cours
de travaux de terrassements.
Ce sujet vous avait paru intéressant et vous lui aviez donné les
honneurs de la publicité dans votre excellent journal.
Dans ces notes rédigées sans la plus petite prétention, je vous
annonçais que cette découverte curieuse ne resterait pas isolée mais
devait être considérée comme un jalon dont il fallait conserver la
trace, parce qu'il nous conduirait ultérieurement à d'autres trou-
vailles du même ordre.
Mes prévisions se sont réalisées plus rapidement que je ne le pen-
sais et je vous fais part aujourd'hui de quelques documents nouveaux
que j'ai pu recueillir sur un chantier qui vient de s'ouvrir tout der-
nièrement à Fontenay-le-Gomte dans le centre même de la ville.
Ce sont encore de vieux fers à cheval qni sont en cause, mais tan-
dis que le premier dont je vous ai parlé ne remontait qu'au moyen
âge, ceux-ci, leurs doyens d'un grand nombre d'années, appartien-
nent à l'époque celtique etgaUo-romaine et ont au moins 2000 ans.
Ces fers se sont rencontrés en assez grand nombre, nous en avons
ramassé, entiers ou incomplets, environ une centaine.
L'endroit précis de leur stationnement était rue Haute des Loges
et rue de la Harpe : rues voisines d'une très ancienne place on se
D
fer celtique
O&ptcmlre et Octolre lS90 danô ùô
me^ cU la i^Tfoarpn , cle /cl Jb)-dai.7^e,
cl la cfraruM Jlcte..
fer q allô -romain
¥^^~^
tr'H. I AfOi^tj/A.lveS-
LA MARÉCHALKRIE CELTIQUE ET GALLO-ROMAINE 229
tenaient autrefois les marchés et où s'assemblaient les maîtres
I ouvriers de toutes sortes.
Il résulte de l'examen des documents sur l'histoire de l'ancienne
ville, que ces rues étaient de vieux chemins celtiques ou romains
et que cet emplacement, aujourd'hui la place du Commerce,
était un des coins les plu.s mouvementés de la cité — et, d'après
la configuration du. sol, le point central où aboutissaient les
voies de communications qui mettaient Fontenay-le-Comte en
relation d'un côté avec la mer, de l'autre avec la voie de terre.
Ce renseignement absolument certain, et d'ailleurs facile à contrô-
ler, va nous servir de base pour étayer l'hypothèse suivante dont,
pour être sincère, nous n'affirmons cependant pas l'authenticité —
C'est qu'à cette place (environs du pont des Sardines), en un temps
où tous les échanges se faisaient par colportage, il devait y avoir là
où convergeaient tant d'intérêts, des moyens de mettre à couvert et
de garantir de la main des aventuriers, les pacotilles et les animaux
qui les transportaient... Petit à petit des quartiers entiers se sont
construits : hôtellerie, hangars, écuries ont remplacé les cons-
tructions plus primitives de nos pères.
Partant de là, nous pouvons facilement en déduire, d'après ce que
nous voyons chaque jour, qu'autour de ces lieux de réunions, de ces
marchés, devaient vivre des artisans de tous les métiers, attirés là
pour exploiter leur industrie. — Et rien ne s'oppose à ce que le
maréchal ferrant fût l'un d'eux.
On voit encore de nos jours, les ouvriers de cette profession
rechercher de préférence les abords des villes, des grandes écuries,
des champs de foire où ils trouvent facilement à s'employer.
De déduction en déduction, nous en arrivons à émettre cette idée :
c'est que ces fers trouvés à 2 mètres au-dessous du sol moderne,
sur le terrain primitivement habité par les Celtes et les Gaulois, sont
tout simplement de vieilles ferrures usées par les chevaux et aban-
données par les clients de l'atelier au moment où ils faisaient ferrer
leurs chevaux chez les maréchaux du pays.
J'émets une thèse sans preuves, mais les circonstances locales la
rendent tellement plausible, que nous n'hésitons pas à la croire
très près de la vérité.
Nous avons vu d'ailleurs en Afrique, chez les Arabes des tentes, de
ceux qui méprisent la maison de pierres, — le maréchal- ferrant
suivre les marchés chargé de son outillage, travailler de son état
pendant la durée de la journée et repartir le soir pour son gourbi
absolument comme le marchand ambulant , abandonnant sur le
sol les vieilles déferres considérées comme étant d'un vil prix.
230 l'A MAKKCIIALERIE
Nos Celtes, avantde se fixer sur un rivage, ont dû sans aucun doute
agir ainsi jusqu'à ce qu'enfin, attachés à une vie plus sédentaire,
ils aient, comme nos populations rurales modernes, choisi un jour
de foire pour conduire leurs chevaux chez les maîtres ferreurs fixés
dans les villes.
Ainsi, et pour conclure, je crois que, jusqu'à témoignages plus
autorisés, il reste dans le domaine des choses logiques et rationnelles
que ces fers sont des épaves d'ateliers de maréchalerie celtique ou
gauloise et gallo-romaine. — Ateliers établis dans la partie la plus
industrieuse et la plus populeuse de la ville de Fontenay.
Je joins à ces quelques mots, et pour l'intelligence de ce qui pré-
cède, les modèles de ces fers.
Le no 1 est d'origine celtinue.
Le 2« se rapproche beaucoup du fer gallo-romain.
Le 3'' est un fer d'âne (equus asinus). — Il est d'un type celti-
que parfaitement pur — Sa présence indique qu'à cet âge lointain,
le petit solipède auquel il servait de chaussure était déjà dans
nos contrées le serviteur de nos ancêtres.
Je ne saurais donner une idée plus exacte de ces fers, qu'en
reproduisant ici la description qu'en a fait M. Mégnin, lauréat de
l'Institut, dans son savant Mémoire sur la Maréchalerie française.
« Tous ces fers des premiers temps, dit-il, sont d'origine celtique ;
« ils sont petits, étroits et faibles de métal, constamment percés de
« si;t trous dont l'ouverture extérieure est fortement étampée en
€ forme longitudinale pour loger la base de la tête du clou. Cette
« tête se termine en T conique ou en clef de violon pour servir
V. de crampon auxiliaire à ceux des talons, qui toutefois ne sont pas
« constants. — Le peu d'épaisseur et surtout de largeur du fer a
« toujours fait distendre celui-ci à chaque étampure de manière à
^^ festonner le bord externe du 1er. L'épaisseur de celui-ci est de
« 3 ou 4 millimètres et sa largeur de 15 à 16, entre chaque trou, ce
« qui indique la dimension du métal ou de la barre avant l'étam-
i page. Le poids de ces fers ne dépasse pas 90 à 120 grammes et
* nous les verrons augmenter progressivement de grandeur et de
<.< poids à mesure que nous les examinerons dans les âges suivants. »
« Il est à remarquer que ces fers sont complètement plats, c'cst-
« à-dire sans ajusture et sans pinçons ; les clous montrent qu'ils
« étaient rivés très-bas comme dans la ferrure arabe et cosaque
« et qu'ils étaient appliqués sur des pieds non parés »
Fers gallo-romains « La domination romaine ne parait pas avoir
LA MARÉCHALERIE CELTIQUE ET GALLO-ROMAINE 231
« eu beaucoup d'influence sur la maréchalerie gauloise — les mêmes
« errements ont été suivis pendant les premières époques de cette
« période. Le fer à cheval gallo-romain a identiquement les
« mêmes caractères que le fer celtique : trois trous de chaque côté,
« chaque trou portant une étampure deux fois plus longue que
« large pour recevoir la tète allongée elle-même du clou et le pro-
« léger contre l'usure tout en lui laissant une forte saillie exté-
« rieure ; le pourtour du fer festonné et dessinant par ses contours
« la place de chaque trou ; chaque branche terminée par une épon-
« ge à crampons, l'ensemble des saillies des têtes des clous et des
« crampons formant un plan régulier. Le métal est d'une extrême
« ductilité, comme celui de tous les fers antiques, et d'une pâte
« très-blanche. »
« M. Quiquerez, en Suisse, a constaté le même fait, il fait s'^u-
« lement remarquer (ce qui est sensible pour nos fers de Fontenay-
« le-Comte), que les fers gallo-romains sont un peu plus grands que
< les fers celtiques. — Ainsi, après avoir établi que tous ces fers cel-
« tiques ne dépassaient pas 90 à 100 grammes, il reconnaît que ceux
« des temps romains arrivaient jusqu'à 180 et même 245 grammes,
« ce qui indique toujours une race de chevaux légers et à pieds
« petits. »
La lecture de ces extraits ne nous avait laissé aucun doute sur la
parenté lointaine de nos fers vendéens. Néanmoins nous avons
tenu à consulter M. Mégnin lui-même et M, le Professeur de
maréchalerie à l'Ecole de Cavalerie de Saumur, dont l'opinion fait
autorité dans la question. Nous avons soumis à ces messieurs
quelques échantillons de ces fers récemment récoltés au cours des
travaux de la canalisation et tous les deux nous ont complètement
confirmé, par attestation écrite, l'origine celtique et gallo-romaine
de ces types de ferrure.
Capitaine D. . . .
L'AUTOPSIE DE RICHELIEU
^^sii^^ia^^
PARMI les vieux in-folio poudreux légués à nos bi_
bliolhcques par les deux siècles précédents, il n'en
est pas de plus intéressants à parcourir que le«- an-
ciens recueils d'arrêts. Presque toujours leurs commenta-
teurs joignent une connaissance profonde du droit écrit et
du droit coutumier à une haute teinture littéraire, et dans
leurs discussions ardues, oii toutes les ressources de la dia-
lectique sont mises en jeu, des vers de Virgile ou d'Ovide
viennent, de la façon la plus inattendue, corroborer une dé-
cision du Parlement.
Un de ces ouvrages de poids, tombé entre nos mains, il y a
quelque temps, renferme d'intéressants commentaires his-
toriques sur les arrêts rendus par les Cours souveraines de
France pendant la seconde moitié du XVII* siècle. Le Jour-
nal du Palais — tel est son titre abrégé', — contient, entre
mille dissertations, une curieuse notice sur l'autopsie du
cardinal Richelieu, et en particulier sur son cerveau. Ces
détails n'ayant point été relevés jusqu'ici, croyons-nous, par
les biographes du célèbre ministre, nous avons pensé qu'il
y aurait intérêt à les rééditer.
' Voici le titre entier : Journal du Palais ou Recueil des principales
décisions de tous les Parlements et Cours souveraines de France sur les
questions Ivs plus importantes de droit civil, de coutume, de matières cri-
minelles et bênéficiales, et de droit public, par feu Maîtres Claude Blon-
deau et Galiriel Gucret, avocats au Parlement . Quatrième édition, revue
corrif/ée et augmentée, dédiée à 3/ï' le premier président. — A Paris, quay
des Augustitis, chez David, père, libraire,à la Providence et au roi David.
MDCCLV. -1 vol. grand in-l».
L AUTOPSIE DE RICHELIEU 233
L'auteur commentant un arrêt rendu le 30 décembre 1694
par le Grand Conseil su^^ les questions suivantes* :
« Si M. de Richelioii, ayant peu de biens propres, potivoit
disposer comme il a fait de tous ses acquêts en quelques cou-
tumes qu'ils soient situées ;
« Ou si les acquêts ont été subrogés de droit au défaut de
propres, particulièrement dans les coutumes où cette subro-
gation a lieu ;
« S'il suffit d'avoir des propres sans considérer leur quantité
pour poutwir disposer d'acquêts beaucoitp plus considérables ;
» Ou s'il en faut une quantité proportionnée aux acquêts^; »
termine ainsi sa dissertation ;
« Nous pouvons ajouter, à l'éloquent éloge que M. l'avocat
général Briçonnet a fait de M. le cardinal de Richelieu, un
autre éloge physique que j'ai extrait d'une philosophie ma-
nuscrite composée par M. de Marigné, excellent philosophe»
et qui nous doit convaincre que la nature avoit travaillé sin-
gulièrement à la sublimité de l'esprit et à l'élévation de la
fortune de ce grand personnage.
(' Les hommes illustres ont presque toujours des singu-
larités dans la composition de leur tempérament : nous
en avons un exemple assez récent dans la personne du grand
cardinal de Richelieu, premier ministre d'Etat.
«J'ai appris de son chirurgien ordinaire, qu'après sa mort
il eut ordre d'embaumer son corps, ce qu'il fit en présence
de plusieurs personnes de distinction et de la plus haute
qualité. Il trouva dans les parties intérieures de son corps
une très belle conformation répondante à celle des membres
et à la figure extérieure.
« Lorsqu'il fit l'ouverture de la tête pour en tirer le cerveau,
il lui parut des singularités toutes extraordinaires.
' Par son testament lait à Narbonne, le 23 mai 1642, Richelieu avait
distribué tous ses biens k sa famille, mais le partage ayant été fait d'une
façon inégale et sans tenir compte de l'orij^inc- des biens donnés, il en
résulta une longue série de procès.
> T. n, p. 882.
Tome iv. — Avril, Mai, Juin 1891. 16
234 LALTOI'SIE DIS RIGHKLIEU
».
« Il remarqua d'abord que les deux Inblos du craue élaient
minces et poreuses, et qu'aux endroits les plus épaix, il y
avoit peu de substance spongieuse et osseuse qu'on appelle
disploé; en sorte que d'un coup de poing on auroit pu faci-
lement enfoncer ce crâne qui est extrêment dur et épais dans
les autres pour résister aux impressions du dehors qui ne
sont pas trop violentes.
o Ensuite, ayant ouvert le cerveau, il le trouva tout grisâtre
et d'une consistance bien plus ferme qu'à l'ordinaire. Il était
d'une odeur suave et agréable, au lieu qu'il a coutume d'être
blanchâtre, mol, aqueux et d'une odeur un peu fétide.
a Mais ce qui parut fort surprenant est que dansée cerveau
il y avoit le double des ventricules ordinaires, chacun d'eux
en ayant un autre qui lui étojt supérieur et formoit un double
étage, tant au devant qu'au derrière, et au milieu particu-
lièrement, dans lequel se forment et se perfectionnent les
esprits les plus purs de la puissance discursive servans aux
opérations de l'entendement; les ventricules de devant
servans à l'imagination et ceux du ventricule de derrière
servans au mouvement, au sentiment et à la mémoire.
a Cette avantageuse conformation marque l'excellence et la
vigueur de l'esprit vital et sensitif qui avoient formé ces
doubles ventricules dans le cerveau, l'un au dessus de l'autre.
De sorte que comme il y avoit huit cavités organiques, au
lieu de quatre accoutumées, il s'y faisoit double quantité
d'esprits en général ; lesquels outre cela, chacun dans leur
magasin et double ventricule, s'épuroient et se dégageoient
tellement de la matière, en se communiquant et montant de
l'étage inférieur au supérieur, qu'ils étoient comme quin-
tessonciés et multipliés en vigueur et action, i)fiaucoup au
delà de l'ordinaire. »
Se 7ion è vero ê bene trovato.
Roger Drouault.
CHRONIQUE
■«Ma»
LA Vendée a été peu représentée cette année au Salon parisien.
Mais le nombre y était avantageusement remplacé par la
qualité. Signalons notamment, au palais de l'Industrie : deux
remarquables toiles de notre distingué collaborateur, M. E.
Lansyek, Le quai Bonaparte à Menton et le Port de Menton (Ce
dernier a été acheté par l'Etat) ;
— Une statue de M. Garnier, deMouzeuil, représentant la Terre;
— Un charmant médaillon de M. Raguet, des Sables-d'Olonne,
reproduisant le profil d'un jeune homme ;
— Deux jolies eaux-fortes de M. Alasonière, de la Roche-sur- Yon
{La Romance à la Mode et le portrait de M. Gonzalès Guineau) ;
— Et enfin deux dessins à l'aquarelle de M. Libaudière, architecte
à la RochQ-^\xv-\ on {Eglise des Sables d'Olonne et Collégiale d'Oiron),
qui ont valu à l'auteur une mention honorable.
M. 0. de Rochebrune vient d'ajouter à son œuvre une merveilleuse
page. Nous voulons parler de la superbe planche qu'il a consacrée
au Château de Sainl-Ouên-les-Toits (Mayenne). M. René Vallette en
a donné une description raisonnée dans la Vendée du 24 mai 1891.
L'éminent aquafortiste fontenaisien est allé faire récemment une
excursion artistique dans la Sarthe et la Mayenne et il en a rapporté
de très jolis et très importants motifs, qui lui permettront d'exé-
cuter prochainement deux grandes planches sur le C/ia^eat* du Lude,
deux sur le Château dit Rocher, près Evron, et une sur le Château
de Landifer, près Baugé.
Au Congrès des Sociétés savantes qui s'est tenu à la Sorbonne en
mai ilcrnici', M. Rqw Vallette a fait deux communications. La jirc-
236 CHRONIQUE
mière est relative à l'ancienne corporation des tuiliers et chauxniers
du village de Bourseguin (commune de Bourncau) et qui était con-
nue sous le nom de « Cour bachique de Bourceguin » Dans la se-
conde, il est question d'un marché passé en 1618, entre la fabrique
de Notre-Dame de Fontenay et le sieur Féti, pour l'acquisition
d'un tableau de Vianino de Crémone, représentant la mort de la Vierge.
Le musée de la Roche-sur-You vient de s'augmenter de trois ta-
bleaux. L'un est une toile d'Etex représentant des Dryades dans un
bois. Le second, envoyé par l'Etat, est une toile de Latouche, inti-
tulée les FlocJis. Le troisième est un portrait de femme, daté de
1826, et signé « Auguste, via Dellengerghe », qui a été acheté par
M. le maire, pour le musée. Ce dernier portrait est ravissant et dans
un parfait état de conservation. — M. Ambroise Baudry va égaleme it
faire don au musée des épreuves photographiques des peintures
que son frère fit pour l'Opéra. Ces épreuves, les seules qui restent
de celles qui ont été tirées, seront placées autour du monument de
Paul Baudry, au-dessus de l'escalier, elles en compléteront heureu-
sement la décoration.
dn a placé, le i3 avril, à l'Institut, dans la galerie de la salle des
Pas-Perdus, le buste de notre regretté compatriote M. Beaussire,
prédécesseur de M. de Pressensé à l'Académie des sciences morales
et politiques. Ce buste a été sculpté par M. Bogino.
Nous serions partisan, dit à ce propos VEcho de Luçon, qu'une
souscription publique s'ouvrit ici et dans le dépai'tement pour assurer
à Emile Beaussire l'érection de son image sur une des places pu-
bliques de sa ville natale.
Le 2S mai dernier, le V.M" d'infanterie en garnison à Fontenay-le-
Comte a joyeusement célébré l'anniversaire de la bataille de Bautzen,
à laquelle son aîné prit une glorieuse part. A cette occasion, une
fête tout à la fois foraine, dramatique et musicale a été donnée dans
la cour de la caserne Duchaffaull, par les officiers et soldats du ré-
giment. Nous avons eu le plaisir d'y applaudir notamment une
pantomine de Larcher, le Rêve de Pierrot, que notre distingué
compatriote, M. A. de la Voûte avait accompagnée d'un charmant
thème musical.
Le 93» de ligne en garnison à la Roche-sur- Yon, a également fêté
très brillamment, le 9 juillet, l'anniversaire de la bataille de Wagram,
dont le nom glorieux est brodé sur son drapeau. A cette occasion
un Historique du US» régiment d'infanterie, accompagné d'une
CHRONIQUE 237
eau-forte de F. Alasonière et de plusieurs gravures, a été publié
chez M""' veuve Yvonnet, imprimeur-éditeur, à la Roche-sur-Yon,
par M, le capitaine Duroisel.
Notre excellent ami Henri Bourgeois a obtenu, dans le concours
annuel de la Société protectrice des animaux, une médaille d'argent
pour son intéressante brochure « hitelllgenee des animaux. » Qu'il
nous permette de lui adresser à cette occasion nos plus sincères féli-
citations.
Le 8 mai 1891, M. l'abbé Méchineau, archiprêtre de N.-D. de Fon-
tenay, a procédé, au Gué-de-Velluire, à la bénédiction et à la pose de
de la première pierre de l'église paroissiale, dont notre collaborateur
et ami, M. Joseph Libaudière, architecte à la Roche-sur-Yon, pour-
suit la restauration sur les ruines d'une ancienne chapelle dédiée à
Sainte-Macrine.
Le Concours musical qui a eu lieu à Fontenay au mois de mai
nous a permis d'applaudir une nouvelle et très remarquable com-
position de notre distingué compatriote M. Rousse, La Chanson de
CEpée, qui a été exécutée au Festival d'honneur par toutes les
Sociétés chorales réunies.
Dans la session d'avril dernier, le Conseil général de la Vendée a
-illoué une somme de 300 francs à notre collaborateur M. L. Bro-
chet, pour l'aider dans ses travaux archéologiques.
M. René Bazin, professeur de droit à la Faculté libre d'Angers et
auteur d'études littéraires si justement couronnées par l'Académie
française, a prononcé un discours, — chef d'œuvre de finesse et
d'esprit, — à la réunion des Anciens élèves du collège Richelieu, de
Luçon, le 30 juin 1891.
La collection archéologique de M. 0. de Rochebrune vient de
s'enrichir d'un joli andouiller de cerf de l'époque préhistorique,
récemment trouvé dans de la tourbe, aux environs de Benêt.
La comtesse de Beaumont, morte tout dernièrement, a légué par
testament au musée du Louvre la Vérité, de Paul Baudry. Ce
tableau est une des œuvres populaires du maitre.
Le .91 juin 1891, M. l'abbé Garnier a fait à Fontenay, dans la salle
du Patronage et en présence de 500 personnes, une conférence
publique très applaudie sur La nécessité du repos dominical au
point de vue économiste, religieux et social.
A la séance du 13 juin 1891, M. Lefebvre-Pontalis a déposé sur le
238 CHRONIQUE
a
bureau de l'Académie des sciences morales et politiques un exem-
plaire des Recherche-f historiques sur le général Belliard, de M. l'abbé
Staub, ancien aumônier de la garnison d'Orléans. L'accueil flatteur
fait par l'Académie au nouveau volume de notre vénéré compatriote'
n'est point pour nous suprendre, car c'est, en même temps qu'une
oeuvre patriotique, par laquelle l'auteur a bien mérité de l'armée
française, un ouvrage particulic-remePit intéressant pour notre
histoire locale.
M. l'abbé Lacroix, docteur ès-lettres, a fait. le 27 avril 1891, une
conférence publique sur Richelieu à Luçon. au cercle catholique des
étudiants du Luxembourg.
En exécution d'un décret du IG juillet 1891, M. le Ministre du
commerce, de l'industrie et des colonies a accordé une médaille
d'honneur en vermeil à M. Jules Jobert, ouvrier imprimeur depuis
58 ans dans Vlmprimerie Robuchon, actuellement Imprimerie A.
Baud, gendre et successeur.
La restauration de la curieuse église de \ouvent va se poursuivre
sous l'intelligente direction de M. Filuzeau, architecte, inspecteur
des édifices diocésains.
Le 14 juin dernier, une cloche, sortant des ateliers de M. BoUée,
fondeur au Mans, a été baptisée à Saint-Ben oît-sur-Mer.
On lit dans une brochure intitulée Nouveau système de monture
des cloches, Pont-à-Mousson, 1868, p. 39, à propos de l'ancienne
sonnerie de Saint-Epyre, de Nancy. »
« La grosse cloche ayant été cassée dans les premiers jours de
janvier 1747, fut refondue au mois d'août suivant ; elle portait cette
inscription sur le contour, au sommet :
J'ai été nommée Louise par Stanislas, roi de Pologne, PARRAI^,
Louise-Adelaide de Bourbon-Conty, princesse de la Roche-sur- Yon,
marraine, en 1747.
Jean Burel et Jean Barbier, Fondeurs.
« Toutes ces cloches disparurent à la Révolution. »
X. B. DE M.
CHRONIQUE — NÉCROLOGIE 239
NÉCROLOGIE
M
JULES FAUCHERON, chapelier, vice-président du conseil
intérieur du Cercle catholique d'ouvriers de Fontenay, dé-
cédé le 15 avril 1881, dans sa 69'' année.
M-»* ETIENNE ROBERT DU BOTNEAU, née Eugénie Bréchard,
décédée à Fontenay-le-Comte fin avril 1891, dans sa 79« année.
Le Publicateur de la Vendée a donné, dans son numéro du l'^ mai
1891, un article biographique de la défunte.
«
M. LOUIS-HILARION, VICOMTE DE BEGDELIÈVRE, décédé au
château de Bigny, le 7 mai 1891, à l'âge de 72 ans.
Cette mort met en deuil les familles Bascher de Beaumarchais et
de Beaulort, auxquelles nous offrons le tribut de nos douloureux
hommages.
M. PAUL-JOSEPH GUILLEROT, ancien architecte, décédé à la
Roche-sur-Yoïi, le 15 mai 1891, dans sa 78*^ année.
Dans notre Chronique du Bas-Puitou, insérée au Piiblicateur de
la Vendée, du 24 juin, nous avons donné une rapide esquisse de
l'œuvre considérable accomplie par le regretté défunt.
M. HERCULE CHRISTIN, ancien' président de la Société de se-
cours mutuels de Fontenay, décédé à l'ontenay dans sa 74'' année,
le 29 mai 1891.
Nous adressons au docteur Octave Christin, fils unique du défunt,
et notre ancien camarade d'école, l'expression de nos sincères et
amicales condoléances.
M. l'abbé FLAVIEN ALLARD, né àBournezeau en 1830, ancien curé
du diocèse du Mans, décédé à la Bretonnière, à l'âge de 55 ans, en
mai 1891.
240 CHRONIQUE — NÉCROLOGIE
a
M"» DÉSIRKE-CI'XESTE PLANTIEZ, décédée à Noirmoutiers, dans
sa 64« année, le 6 juin 1891.
M. JEAN-BAPTISTE BOUFFIEK, adjoint principal du génie en
retraite, chevalier de la Légion d'honneur, mort à Oraison (Basses-
Alpes), le 8 juin 1891.
M. EVARISTE PORTEAU, président du tribunal civil do. la Roche-
sur-Yon, officier d'académie, décédé à la Roche-sur-Yon,le 1" juillet
1891.
M. L'ABBÉ GUIBERT, curé de Grosbreuil, décédé le 4 juillet 1891,
à l'âge de 57 ans.
M. BOUGHAUD. conducteur principal des ponts et chaussées en
retraite, décédé à la Roche-sur- Yon, le 13 juillet 1891.
M. Rinjonneaux, propriétaire du Café Helvétique, à Fontenay-le-
Comte, vient de faire la découverte d'un fusil de la Grande Guerre,
au canon rayé et à la crosse ornée d'un cœur Vendéen et de l'ins-
cription suivante : STOFLET — 1793, gravés en creux.
A sa séance du 20 juin 1891, le Conseil municipal des Sables-d'O-
lonne a voté une somme de 130 francs pour l'acquisition d'un por-
trait gravé du général Collineau, qui sera placé dans le salon de la
Mairie, avec cette inscription au-dessous de l'encadrement : Au gé-
néral Collineau, hommage du Conseil municipal.
Le général Collineau, dont ^l. Ludovic Vallette écrivit naguère la
Biographie, est, — on le sait, — un des plus glorieux enfants de la
ville des Sables-d'Olonne.
Nous apprenons avec plaisir que M Charier, maire de Fontenay-
le-Comte, et auquel on doit la création récente d'une Commission
des Archives municipales,' se propose de restituer à la ville les nom-
breux manuscrits que notre distingué compatriote B. Fillon lui
avait empruntés pour la rédaction de ses études sur l'Histoire
vendéenne.
Nous apprenons, au moment de mettre sous presse, la mort de
deux de nos compatriotes qui ont tenu un rang considérable dans le
monde des Arts et des Lettres : EDOUARD GUITTON, statuaire,
décédé le 17 juillet à l'âge de 66 ans, à Paris, et inhumé le 24. â La
Rochesur-Yon ; — ADRIEN DLZAMY, ancien secrétaire-général des
Boulfes-Parisiens, auteur de nombreuses pièces, qui dirigeait, en
l'absence de Rodolphe Salis, les pittoresques représentations du
Clial noir, décédé le 28 juillet, à l'âge de 52 ans, à l'hôpital Lariboisière.
CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE 241
BIBLIOGRAPHIE
Mie vice-amiral Jurien de la Gravière, membre de l'Académie
française et de l'Académie des sciences, a publié tout
dernièrement, chez Firmin Didot, un volume qui ajoutera
certainement à la réputation si méritée que l'éminent
auteur s'est depuis longtemps acquise dans le monde des lettrés.
Cet ouvrage, qui a pour titre le Siège de la Rochelle, sera lu avec
fruit par tout le monde et notamment par les amateurs d'histoire
poitevine.
En traçant ces pages, le savant amiral n'a pas seulement écrit un
livre précieux et utile : il a encore accompli une bonne œuvre, car le
volume se vend au profit de la Société centrale de sauvetage ; ce
qui lui crée un titre de plus à la sympathie du public.
Notre très distingué ami, M. Marius Sepet, vient de faire paraître
chez Mame, à Tours, une nouvelle édition de sa remarquable étude
sur Jeanne d'Arc. Ce volume de GOO pages, imprimé avec grand luxe
et orné de nombreuses illustrations dues au talent de nos meilleurs
artistes, vient tout à lait à son heure. Aussi nous ne doutons point
de l'immense succès qui lui est réservé. Ce sera pour le sympathique
auteur une consécration nouvelle de son érudition profonde et de
son ardent patriotisme.
M. H. Bagnenier-Desormeaux, le zélé secrétaire généj-al de la
Société littéraire et artistique de l'Ouest, a récemment publié dans
la Revue d'Anjou une étude pleine d'intérêt sur un conven-
tionnel Choletais. Michel-Louis Talot, adjudant général (1755-1828).
L'aimable et savant auteur nous en a adressé un tirage à part sous
forme d'une élégante brochure grand in-8° de 98 pages, éditée chez
Germain et Grassin, libraires à Angers. (Cette brochure, mise
en vente au prix de 2 francs, se trouve en dépôt aux bureaux de la
Revue )
242 CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE
J
I.es Paysages et Monuments du Poitou viennent de décrocher un
nouveau succès avec les livraisons (\eChampdeniers et de xlfa-icTM-
e/i-G^^me; nous en (élicitons de tout c(Bur ïq padrono délia casa.
Le texte, rédigé par M. le docteur Léo Desaivre, est une œuvre
savante pleine d'intérêt, et les illustrations, traitées avec le senti-
ment artistique qu'y apportent habituellement MM. J. Robuchon
et G. Girault, nous ont également permis d'applaudir à l'heureux
début d'un jeune dessinateur, dont le crayon est plein de promesses,
et qui n'est autre que le propre fils du i^rand directeur, Eugène
Robuchon.
Après Champdeniers, doivent prochainement paraître les livrai-
sons de la Châtaigneraie et de Saint-Hilaire-des-Loges, par M. René
Vallette.
A l'ombre des puissants lauriers de leurs aînés, les Paysages et
Monuments de la Bretagne commencent eux aussi à sortir de terre.
M. J. Robuchon arrive du fond de la vieille Armor, avec une col-
lection de merveilleux clichés et un bouquet de sympathiques ad-
hésions qui lui présagent de nouveaux triomphes. C'est Auray qui
ouvrira le l'eu, avec un texte signé d'un des plus beaux noms de la
terre bretonne, M. Georges de Cadoudal.
Le succès du livre récent de notre éminent collègue de la Société
littéraire et artistique de l'Ouest, M. B.-H. Gausseron, Comment
vivre à deux, a engagé l'éditeur à faire une nouvelle mise en vente
des autres ouvi-ages de la même série, publiés d'abord anonyme-
ment, et assez remarqués, dès 'eur apparition, pour être honorés
d'une souscription par le Ministère de l'Instruction publique. Il
commence par Qa^: faire de nos filles'^, question d'un intérêt de plus
en plus pressant, dont M. H.-B. Gausseron ne se contente pas
d'analyser les éLinents, mais dont il indique toutes les solutions
possibles (Libroiri ■ illustrée, 8, rue Saint-Josepli ; un beau volume
in-18 Jésus; prix i! fr. .50). Après avoir considéré la femme dans
l'enfant et esquissé spirituellement le tableau composé de l'éduca-
tion d'hiei et de l'éducation d'aujourd'hui, l'auteur passe en revue
toutes les conditions où la femme peut mettre à profit son travail et
ses talents : la littérature, les arts, l'enseignement, le commerce,
les emplois de bureau, les travaux d'aiguille, l'agriculture, la science,
la politique même, toutes les branches de l'activité humaine sont
étudiées au point de vue des ressources qu'elles lui ofïrent. Mais
nulle part l'auteur n'oublie et ne laisse oublier que la grande (onc-
tion de la femme c'est d'être mère, et que son véritable rôle, en
dépit des nécessités de l'existence dans une société encore très im-
CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE 243
parfaite, c'est de créer la famille, et, en donnant à ses enfants la
force physique et morale, d'assurer à la fois le bonheur du foyer do-
mestique et l'avenir du pays. — Un index des professions et des
établissements d'instruction ouverts aux femmes permet de trouver
facilement, dans le volume, les renseignements spéciaux que l'on
voudrait y chercher.
Notre distingué compatriote et ami, M. Edmond Biré, vient de
publier chez Perrin, 55, quai des Grands-Augustins, un livre où
l'on retrouve les brillantes qualités de style et d'érudition qui dis-
tinguent réminent critique littéraire.
Victor Hugo après iSSO, tel est le titre de cette étude puissante et
originale.
M. le duc de la Trémoille doitprochainement publier avec la colla-
boration de M. Henri Clouzot : Les fiefs de la vicomte de Thoitars
d'après V Inventaire de d753.
Notre collaborateur et ami, M. Henri Daniel-Lacombe, a récem-
ment fait paraître chez Oudin, imprimeur-éditeur à Poitiers, une
Notice sur Le comte Aijmar d'Abzac de Ladouze (in-8' 15 pages).
Nous n'étonnerons aucun de nos lecteurs en leur disant tout le
ctiarme de ces pages, oii la délicatesse du cœur le dispute aux
mérites de l'esprit.
M. René Vallette a publié dans le journal La Vendée (n" du 24 juin
IWl) le compte rendu à^Une excursion archéologique faite quelques
jours auparavent k Pay ré-sur- Veinj^èe par l'auteur, accompagné de
MM. deRochebruneet Brochet.
La Revue Bénédictine, de l'abbaye de Maredsous, (Belgique) a
publié sous le titre Une brochure de M. Vabbé Denis, une docte et
virulente riposte à l'opinion émise par M. le curé de Saint-Etienne-
de-Brillouet sur le chant Grégorien, au dernier Congrès catholique
de Nantes, et reproduite dans sa récente étude intitulée Léon
XIII et Dom Pothier.
A l'occasion du retour de mai, M l'abbé Verdon, vicaire de Pou-
zauges, a fait paraître une 3" édition de son Mois de Marie (Nantes,
Emile Grimaud). Sous le pseudonyme Jean de Magné, M. l'abbé .1. .1.
Rousseau lui a consacré, dans la Semaine catholique de Luçon du
11 avril 1891 , une Etude bibliographique des plus délicatement
244 CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE
a
écrites, comme tout ce qui sort de la plume si merveilleusement
trempée du savant curé de Saint-Denis-la-Chevasse.
Du Correspondant (n" du 25 février) : Richelieu, évêque, par P.
Bertrand.
Dans la Revue des sciences ecclésiastiques d'avril 1891 : La Doc-
trine spirituelle du Bienheureux Grignon de Montfort, par J. Didiot.
M. l'abbé E. Robin a fait paraître dans la Semaine catholique de
Luçon, (N°* des 21^ et 30 mai 1891), une notice biographique très étu-
diée sur le vénéré abbé Bonnaud, dont nous annoncions la mort dans
notre précédent fascicule.
Le dernier des numéros d», cette Semaine renferme égalemant
riiistoirc légendaire de la Chapelle de sainte Radegonde à la Géné-
touze.
Dans la Vendée du l*"" mai 1891, sous la rubrique Chronique mu-
sicale et la signature Si-Bémol (Henri Ayraud), un intéressant ar-
ticle sur M. A. de la Voûte, le compositeur fontenaisien, et sur ses
œuvres musicales.
Le :> volume de Chrétiens et hommes célèbres au XIX' siècle, par
M. Baraud, curé de la Caillière, vient de paraître chez Téqui, h-
braire-éditeui- à Paris.
De notre érudit collaborateur M. l'abbé Teillet, Notes et docu-
ments sur V église paroissiale de Ghallans; (brocli, in-S", 19 p.. Vannes,
Lafolye, 1891. — (Ext. delà Revue historique de VOuest).
m
Le Bulletin de la Société de statistique sciences, lettres et arts des
Deux-Sèvres a reproduit, dans son numéro de janvier-mars 1891. le
rapport lu par M. René Vallette au Congrès de Nantes, sur la Con-
servation des momiments religieux'.
Ce rapport, communiqué à la séance du 4 février IS'.il, avait été
l'objet d'une approbation unanime de la Société.
Dans le Publicateur de la Vendée du 17 avril 1891, sous la ru-
brique C^usKRiis : \e Château de Beaumarchais, par le R. P. Ingold,
de l'Oratoire. Article emprunté à l'une des dernières livraisons des
Paysages et Monuments du Poitou, de M. -J. Robuchon.
Chez Auguste Baud, iraprimnur libraire, Fontenay, 1891 :
Grand concours musical d'orphéonf, d'harmonies et fanfares. —
Programme. — (broch. in-8" '36 p.)
CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE 245
M. l'abbé Staub, ancien aumônier de la garnison d'Orléans,
prépare une notice biographique sur Le Colonel de La Roque-Latour,
ancien commandant du dépôt de Remonte de Fontenay, décédé
récemment à Paris.
De notre très distingué collaborateur et ami, M. le comte Louis de
la Rochebrochard : Louis de la Roche jaquelein {Vendée et Portugal).
Souvenirs inédits, publiés sous forme d'une charmante brochure
grand in-S" de 50 pages. — Saint-Maixent. Reversé 1891. (Ext. du
Bulletin de la Société de Statistique des Deux-Sèvres).
De M. Augustin Rouillé : Assignats et Papiers-Monnaie. Guerres
de Vendée et Chouannerie 1793-1796, in-4'' de 80 p. avec planches et
fac-similé. La Roche-sur- Yon, veuve Ivonnet 1891.
La. Revue Poitevine et Saintongeoise, du 15 juillet 1891, nous ap-
prend que M. Jos. Berthelé vient de terminer la rédaction d'un
volume sur l'histoire de l'art campanaire dans le nord de la France.
Le<! monuments élevés à la mémoire de Paul Baudry, au Musée de
la Roche-sur- Yon et au cimetière du Père-Lachaise, 1880-1890. —
Charmante broch. gr. in-8°, 20 p. avec grav. et dess. (Paris, Bureaux
de la Gazette des Beaux- Arts).
Le sommaire du dernier numéro de la Revue des Sciences natu-
relles de l'Ouest^ était ainsi composé : Zoologie : Notice sur le saumon
de la Dordogne, par Kunstler. — Biologie : Le sens de la vue chez les
Anthropodes, par le D' A. Peytoureau. — Géologie : Existe-t-il une
série d'assises nouvelles entre les « schistes rouges » et le « grès
armoricain », par P. Lebesconte. — Faunes régionales : Catalogue
des crustacés podophtalmaires des côtes de la Vendée, par A. Odin. —
Sociétés savantes : Des provinces de l'Ouest à l'académie des sciences
de Paris, par Marcel Baudoin. — L'Ouest anthropologique au Congrès
de Limoges de 1890, par le D"" M. E. — La botanique dans les sociétés
savantes de l'Ouest, par •). Douteau. —Sciences naturelles appli-
quées : La sardine et les travaux auxquels elle a donné lieu en 1890
(Rapport de M. Pouchet). — L'enseignement agricole supérieur à la
faculté des sciences de Poitiers. — Principaux champignons comes-
tibles de l'Ouest. — Les ferments du cidre. — Les huîtres d'Ustonde.
— La reproduction du homard. — Bibliographie — Notice nécro-
logique : Marie Rouault, par A. Orain. — Sociétés savantes de
l'Ouest : Société d'émulation de la Vendée.
« Paris : 14, I^ouU'vard Saint-Germain.
246 CHRONIQUE — bibliographie
>
Titres des Chroniques de Bas-Poitou parues dans le Publicateiir
de la Vendée, depuis notre dernier fascicule :
25 mai 1891 . L'Anniversaire de la délivrance d'Orléans. — Les vo-
lontaires de Bas-Poitou sous l'étendard de la Pucelle. — L'hôte de
Jeanne d'Arc à Poitiers. — La morl d'un * tnameluck ». — Napo-
léon 1^^ à Fontenay.
10 juin 1891. — Deux profils d'architectes. — Paul Guillerot et
Julien Mauclerc. — Le Compas en Bas- Poitou aux XVP et XJX*
siècles.
13 juillet 1891 . — Le peintre Lansyer et son œuvre.
Nous avons précédemment annoncé l'apparition des deux pre-
mières séries d'une publication qui est appelée à un légitime succès.
Nous entendons parler des costumes poitevins, gravés à l'eau-forte
par M. Escudier, l'artiste niortais si distingué, qui a déjà maintes
fois franchi avec honneur le seuil des Salons parisiens, soit comme
peintre, soit comme dessinateur.
La troisième série, qui vient de paraître, est plus spécialement
consacrée aux types vendéens. Nous y retrouvons :
1» La Cabanière (Marais de la Sèvre) ;
le" La Cabanière (Luçon, Ghaillé, etc.) ;
:^o Une vieille femme de Fontenay ;
4" La Cabanière en costume de travail ;
.5" Une paysanne des environs de Fontenay ;
5» La grisettp de Fontenay.
M. E. Mayeux, le généralissime des chemins de fer de l'Etat, vient
de faire paraître un charmant Guide illustré aux bains de ^ner, dont
le texte est dû à la plume toujours si gracieusement trempée de
(i. Harry, et dont les dessins sont signés d'un nom bien connu dans
le monde artistique parisien, H. Lanos.
R. DE Thiercay.
^^
Le Directeur-Gérant : R. VALLETTE.
Vaniif'S. — Iniprimprie LAFOLVK.
t
LA VENDÉE QUI S'EN VA
~JC*«
LES MOULIÈRES ET LE VIEUX GHASSENON
COMME illustration du poème de Nicolas Rapin que
nous publions dans la 3° livraison de la quatrième
année de la Revue du Bas-Poitou, nous donnons deux
gentilhommières voisines de Fontenay oi^i notre poète a dû
très cottainement lire aux propriétaires de céans le manus-
crit de cette intéressante poésie. Si Bouillé-Gourdault, la
demeure importante de du Fouilloux, n^eût pas été entière-
ment reconstruite après la mort du célèbre veneur, nous
l'eussions également publiée, car la vieille demeure de l'in-
trépide chasseur a dû également abriter plus d'une fois le
poète fontenaisien avec lequel il entretenait des relations
d'amitié. Mais de l'antique logis du XVI" siècle, il ne reste
pas pierre sur pierre : tout a été réédifié scus la dernière
moitié du règne de Louis XIII. C'est pourquoi nous nous
sommes contenté de graver le petit manoir des Moulières
près l'Hermenault, qui offre l'un des types les plus complets
des gentilhommières poitevines'. Rien n'y manque : on y
retrouve la vaste cour carrée, entourée de bâtiments et de
tours et pavillons formant défenses, un beau portail surmon-
' Le manoir des Moulières était habité au XV1I« siècle par la l'amille
Priouzeau. L'un de ses membres, Mathurin, qui av;iit épousé, en Ki.îO, de-
moiselle Françoise Moreau, fille de défunt noble homme René Moreau, sieur
de la Guedessière, en Saint-Hilaire du Voust, était conseiller et élu pour
le roy en l'élection de Fontenay-le-Comte. 11 eut de son mariage avec
Tome iv. — Juillet, Août, Septembre 1891. • 17
248 LA VENDÉE QUI SEN VA
téd'un édiculedo style dorique; à côté s'ouvre le portillon pour,
les piétons ; le tout agrémenté de pilastres à joints refendus et
de riches cordons et entablements de bel appareil. Cet en-
semble seigneurial est complété par une frise d'un fort dia-
mètre. La tour de l'escalier, accolée au pavillon de la cour,
appartient encore au XV' siècle ; tout le reste a été repris au
XVn% car on y voit, sur le portail et sur une jolie lucarne du
pavillon, les dates 1660 et 1665, et en outre cette fort honnête
devise : Falll quam fallere prssstat. La seconde gentilhom-
mière est située au Vieux-Chassenon. Là encore une portion
de l'enceinte appartient auXV* siècle, mais le reste a dû être
remanié à la fin du règne de Henri IV. Nous avons pu re-
constituer la décoration peinte d'une curieuse cheminée en
pierre située au rez-de chaussée. D'épaisses couches de
chaux avaient conservé toute la fraîcheur des fleurs et ara-
besques, qui rappellent le système décoratif de la cheminée
peinte par Pierre Nivelle, évêque de Luçon, dans la maison
qui lui appartenait, près de la mairie actuelle de celt(i ville'.
Nous transcrivons maintenant le poème de Nicolas Rapin,
en conservant scrupuleusement l'orthographe du temps.
LES PLAISIRS DU GENTILHOMME CHAMPÊTRE
0 trois fois heureuse noblesse,
Qui méprisant les grands honneurs.
Par la vertu qui nous adresse.
Avez connu quelle détresse
Se trouve à la cour des seigneurs.
Françoise Moreau dix enfants. Cette dsscendance pait fin avec Renée
Priouzeau, morte fille vers 1698, et qui léyua aux Pères Jésuites de Fontenay,
pour fonder une chaire de théologie morale, tous ses meubles, immeubles
et acquêts, ainsi que la tierce partie dans ses anciens domaines. Le dit lej.rs
se montait à plus de 200 000 livres à prendre sur la terre des Moulières qui
valait à cette époque-là 12 000 livres de rentes. Par suite de ce même décès,
les Moulières échurent à Kcné Moreau, écuyer, seigneur de Marillet et du
Plessis, cousin-germain de la défunte et aîné de la famille Moreau, dans
laquelle cette terre resta fort longtemps. (Archives de M. Guy de Fontaines.)
« Le Vieux-Chassenon fut possédé pendant les XVIIe et XVIII» siècles, par
les Mauras;ce qui explique, aux quatre coins de la cheminée, la présence
de leur blason et de ceux des familles alliées.
LA VI.NDEE QUI S EN VA
Qui ne portant jamais envie
Sur une autre condition,
Libres n'avez point asservie
La franchise de vostre vie
Aux'griffes de l'ambition
Heureux celui qui loin d'affaires
Comme les gens du temps passé ;
Avecques ses boeufs ordinaires
Laboure les champs que ses pères
En propres lui ont délaissé.
De qui la noblesse connue
Ne vint jamais en question,
Mais de longue main est tenue,
Comme si elle était venue
D'un des enfants de Francien.
De qui la maison est bastie
Sans grande somptuosité,
De peu de logis assortie.
Belle entrée et belle sortie.
Avec toute commodité.
De qui la terre bien bornée
Se joint au clos de la maison,
De prés et garenne entournée,
D'un bois et d'un estang ornée
Et d'une fuye en la cloison .
Qui n'a point en son voisinage
De prince ni de grand seigneur :
Mais seul commande en son village,
Sans s'obliger à davantage
Qu'à vivre selon son humeur.
Qui n'estant embrouillé d'usure.
Ni de rentes à prix d'argent,
Sa despense à son bien mesure,
Et, sans faire à personne injure.
Ne craint notaire ni sergent.
240
Ô50 LA VENDÉE QUI S'EN VA
Qui en un lemps bien pacifique
Xe voit plus fort que lui ciiez soi,
Mais sans querelle domestique,
Sur sa petite République
Commande comme un petit Roi.
Qui n'oit plus sonner la Diane
D'un trompette ni d'un tambour;
Mais plustotau braire d'un asne,
Au chant d'un coq ou d'une cane,
S'éveille dès le point du jour.
Qui n'est point homme d'ordonnance,
De monstre, ni d'arrière-ban :
Mais en sa salle a pour défense
L'épieu, le harnois, et la lance
Et l'arquebuse de Milan.
Qui pourtant a vu de la guerre
Pour en parler en devisant.
Sans plus vouloir vendre sa terre
Pour mille inimitiés acquerre
Aux troubles civils d'apresent.
Qui n'espouse point de querelle
Si le droit n'y est apparent ;
Mais ne craint de monter en selle,
Quand l'occasion l'y appelle.
Pour son ami ou son parent.
Qui a trois chevaux en l'estable.
Six chiens courants, deux lévriers,
Six épagneux, et pour la table
L'aulour ou le lanier traitable.
Sans faucons et sans esperviers.
Qui a le furet et la poche.
Et les panneaux tant seulement.
Pour aider à fournir la broche.
Quand une compagnie approche.
Sans en user journellement.
LA VENDÉE QUI s'EN VA 251
Quelquefois il va voir sa vigne
Et la fait clore de halliers,
D'aubespins plantés à la ligne,
Où se pourmenant il aguigne
Le labeur de ses journaliers.
Quelquefois le long d'un rivage
Il voit conduire son troupeau.
Voit ses vaches en pasturage,
L'une bonne pour le laitage,
L'autre meilleure à porter veau.
Maintenant tout seul il visite
Ses champs de semence couverts,
Qui ont dessus le dos escrite
Une espéi^ence non petite,
Pareille aux fleurs des arbres verts.
Et s'il voit quelque herbe maligne
La bonne plante surmonter,
11 l'arrache dès la racine.
Ou coupe la torte houssine
Qui boit le suc sans rien porter.
Puis curieux du jardinage,
S'il a vu de bon fruit ailleurs.
Il met d'un généreux courage
Lui-même la main à l'ouvrage
Pour enter des greffes meilleurs.
Et en la saison de karesme.
Aux jours de jeusne et de pardon,
Pescher en son estang il aime,
Et se plaist à tirer luy-mesme
La vache ou le hausse-verdon'.
Maintenant il se vient estendre
Sous un vieux chesne dans les bois,
Couché dessus l'herbette tendre,
En un lieu ou il puisse entendre
Des oiseaux la plaintive voix.
• Carrelet.
252 LA VENDÉE QUI S'EN VA
Tanstôt, sur la belle verdure.
Les fleurs du dos il va foulant
Auprès d'une fontaine pure,
Pour s'endormir au doux murmure
D'un ruisseau lentement coulant.
Et si par fortune il rencontre
La bergère seule à l'écart,
Le jeu d'amourette il lui monstre.
Ou se contente de la monstre,
S'il n'y peut avoir plus grand part,
Pour elle son cœur ne s'allume
De flamme ni de feu mortel.
Comme ces fols ont de coustume,
A qui la teste sert d'enclume
Et l'enfant Amour de martel.
Mais aussitôt que les fleurettes
Tombent à la chaleur du ciel.
Il met en des cruches bien nettes
Le doux ouvrage des avettes'.
Séparant la cire du miel.
Et lorsque le soleil deserre
Ses rayons pour la venaison.
Les foins en des greniers il serre.
Les lins il arrache de terre.
Pour mesnager à la maison.
Puis voici les belles mestives.
Dont le profit et la valeur
Rend les familles attentives,
S'ofTrant aux peines excessives
Du travail et de la chaleur.
Ce n'est rien qui ne voit le maistre,
Quelques fois au plus fort du chaut,
Au milieu des champs apparoistre.
Tous ses ouvriers reconnoistre
Et pourvoira ce qui défaut
Abeilles.
LA VENDÉE QUI s'eN VA 253
Sa présence sert de conduite
A la troupe de ses scieurs,
Courbés d'une longue entresuite,
Qui ont la face toute cuite.
Et le front baigné de sueurs.
Il fait apprester de bonne heure
Les liens, le crible, le fléau :
De sa grange il oste l'ordure.
Et, battant le grain, il mesure
Combien de gerbes au boisseau.
Et tandis que chacun travaille.
Il ne laisse pas quelquefois
De prendre en jouant une caille.
Le perdreau de bonne maille.
Ou de boire à l'ombre d'un bois.
Mais quand l'automne vient espendre
Mille fruicts de son large sein,
0 quel plaisir il a de prendre
La pomme rouge que vient rendre
Un bel ente fait de sa main !
Et cette grappe souveraine,
Digne présent de l'immortel.
Pour en faire à la Magdeleine
Une devotieuse estrenne.
Au plus beau lieu du grand autel.
0 que les tonneaux il arrange
Et les futailles de bon cœur
Pour y recevoir la vendange
Et voir le gracieux échange
Du fruit noir en rouge couleur !
0 quel plaisir quand il entonne
Ce breuvage desja fumeux.
Et qu'en un muid il emprisonne
Ce dieux furieux qui bouillonne
D'un flot et reflot écumeux.
254 LA VENDÉE QUI S'EN VA
Que s'il a chez lui de fortune
(Chose rare pour le jourd'liui !)
Une femme non importune,
Qui de cette charge commune
Reçoive sa part comme lui;
Telles que celles du vieil âge
Dont les maris, bons aux charrois,
Retournans de leur labourage,
Engendroient d'un masle courage
Des capitaines et des rois :
Heureux si venant de la chasse.
Ou d'ailleurs, il trouve tout prest
Son souper cuit de bonne grâce,
Avec une riante face
Qui plus que.leslvivres lui plaist.
Tout le service de sa table
Aux rôtisseurs est inconnu :
Mais qui le rend plus délectable.
De sa cour, ou de son estable,
Ou de sa chasse il est venu.
Sa mesnagère alors regarde
D'avoir du fruict le long de l'an :
Et pour lui de bonne heure garde
Ceux qui sont de meilleure garde,
Du bon chrestien et du milan .
Mais quandjes pluyes et la glace
Ramènent la froide saison,
Pour n'être oisif en une place,
Il va s'échauffer à la chasse
Du loup ou de la venaison.
Et^pour le plaisir il assemble
Ses meilleurs voisins d'alentour,
Qui amassent leur meute ensemble
Et, comme bon à chacun semble.
Se vont visiter tour à tour.
LA VENDÉE QUI S'EN VA 255
Quelquefois avec l'arquebuse
Il va dessus l'eau giboyer,
Et dès le matin s'j- amuse,
Ou son plomb et sa poudre il use,
Bien souvent sans aucun loyer.
Ou va voir ses gens en besogne :
L'un qui fend du bois pour buscher.
Et prend plaisir de voir la trogne
De l'autre qui ses yeux renfrogne
Pour faire un chesne tresbucher.
Quelquefois de tout soin délivre.
D'un plus chaut habit revestu,
Il lit dedans quelque bon livre
Qui monstre comme il faut ensuivre
Le beau chemin de la vertu.
Au soir, avec sa femme il cause,
Tous deux près du feu se chauffans.
De quelque plus privée chose ;
Ou en devisant il dispose
Du partage de ses enfants.
Et s'il vient quelque feste grande
De sa paroisse ou de son nom,
Ses parents et voisins il mande.
Qui viennent en joyeuse bande
Célébrer ce jour de renom.
Pour eux à la ville il n'envoyé
Chercher du plus exquis gibier,
Mais privement il les festoyé
D'un cochon, d'un chapon, d'une oye.
Et des pigeons du colombier.
Du seul revenu de sa chasse
Il leur donnera le levraut,
La perdrix et la tourte grasse,
Les lapereaux et la bécasse,
Le héron ou le courbe-jaut.
256 LA VENDÉE QUI S EN VA
Là il faut boire à la bouteille,
Tous d'un accord, et du meilleur ;
Là d'une joyeuse merveille,
Chacun par ordre se réveille
Et se rend de tous assailleur.
Là ne se parle que de rire,
Et de gausser en liberté :
On n'y oit point d'autrui médire
On n'y veut à personne nuire
Ni de fait ni de volonté.
Leur repas est libre et modeste,
D'herbes et de fruits mélangé ;
N'engendrant un hocquet moleste
Qui volontiers aux banquets reste
Après que l'on a trop mangé.
Aussi ne leur faut-il point faire
Tant de despens au médecin,
Ni en drogues d'apothicaire ;
Aussi personne en leur affaire
Ne vient espier le bassin.
Qui est celui, qui eust envie
Manger des paons et faisans.
Et changer cette heureuse vie
A la friandise asservie
Des misérables courtisans,
Qui est celui, je vous supplie.
Qui parmi cet heureux séjour
Les grandeurs du monde n'oublie,
Et la sotte mélancolie
Que l'on prend à faire l'amour.
Vivez contents, ù gentilshommes.
Avec la paix et la santé,
Estimans vos fruits et vos pommes,
Plus que ne fait ses grosses sommes
L'usurier de peur tourmenté
LA VENDÉE QUI s'EN VA ^2T)7
Si vous n'avez auprès d'un prince
Des estats et des pensions
Pour gouverner quelque province;
Aussi perisonne ne vous pince
Et n'observe vos actions.
Vous ne cherchez point l'artiflce
Pour attraper un don d'un Roi,
Ou pour voler un bénéfice,
Ou pour faire vendre un office
Contre la raison et la loi.
Vous n'estes point en une salle
A vous mocquer d'un estranger,
Et par trahison deloyalle,
D'un compagnon qui vous égale,
Ne taschez pointa vous venger.
Si vous n'estes auprès des dames
A danser et faire l'amour,
Aussi ne sentez-vous les flammes
Et l'ennui dont ces pauvres âmes
Sont tourmentées nuict et jour.
Aussi n'avez-vous point la peine
De vous friser tout le matin,
De faire bien sentir l'haleine.
Et chacun jour de la semaine
Changer de veloux et satin .
De gaudronner votre chemise
Et toujours y porter la main ;
De vous habiller à la guise
Tantost d'un seigneur de Venise
Tantost d'un chevalier romain.
Vivez donc aux champs, gentils-hommes
Vivez sains et joyeux cent ans,
Francs du malheur des autres hommes
Et des factions ou nous sommes
En un si misérable temps.
258 LA VENDÉE QUI s'eN VA
Puissiez-vous laisser en vieil âge
Vos enfants sans dissension,
Votre fils aîné hors de page,
Se contentant de l'avantage
Des fiefs en la succession.
Ainsi se termine ce petit poème dont le dernier souhait
ne devait pas être exaucé, car les enfants de Rapin se dis-
putèrent sa succession jusqu'à ce que le plus liquide en fût
absorbé par les hommes de loi. C'est à coup sûr la meilleure
page de son œuvre, et certaines strophes d'un puissant na-
turalisme n'auraient pu ôtre désavouées par Victor Tlugo.
Toujours est-il que Rnpin, qui avait rassemblée Terre-Neuve
une collection assez nombreuse d'objets d'arts, une impor-
tante bibliothèque, espérant les y voir religieusement con-
servées, n'eut pas la consolation suprême de voir accomplir
ce désir. Tout fut transporté à Poitiers et dispersé. Nous
n'avons pu retrouver que quelques volumes sans intérêt, avec
cette devise écrite de sa main sur chaque ouvrage : Cerlum
vota pete finem\
' Le volume le plus important de poésies composé par N. Rapin a pour
litre : Len œuvn's latines et françaises de Nicolas Rapin. Poitevin, grand
prévosi delà connesiablie de France. Tomlieau de l'auteur avec plusieurs
éloges. A Paris, chez Olivier de Varennes, rue Saint-Jacques h, la Vietoire.
IfilO, in-lo.
Nous en possédons deux exemplaires dont l'un a appartenu :\ Jean Morison.
architecte constructeur de Terre-Neuve, et l'autre à Marie de la Tour d'Au-
vergne, duchesse de la Trémoïlle.
Terre-Neuve, 24 juin 18'.)1.
0. DE ROCHEBRUNE.
L'HOTE DE JEANNE DIRG
A POITIERS
Maitre Jean RA BA TE A U, président au Parlement de Paris
f Suite*.)
aOO^CXx
LE ménage Rabateau vivait à l'hôtellerie de la Rose, en
ce temps rniie des maisons les plus renommées de la
ville. Faisant partie de l'agglomération comprise entre
les rues actuelles du Marché, Notre-Dame la Petite, Saint-
Etienne et du Petit-Maure, elle se trouvait au cœur même
de la cité, non loin du Palais, au centre des affaires et de la
vie publique. Aussi bien sa position, avantageuse comme sa
célébrité, y faisaient affluer les étrangers. Cette réputation
ne devait pas tarder à disparaître. Soixante ans plus tard, en
elt'et, elle n'était déjà plus qu'un vague souvenir d'enfance
pour le propriétaire d'alors. M* Jean Bouciiet, l'historien des
Annales d'Aquitaine, ainsi qu'en témoigne le texte bien
connu qu'il est utile de rappeler :
« J'ay ouy dire en ma jeunesse et dès l'an mil quatre cents
quatre-vinglz et quinze, à feu Gristolle du Peirat, lors de-
mourant à Poictiers et près ma maison;, (|ui avoyt près de
cent ans, qu'en ma dicte maison y avoit une liostcllerie ou
pendoit l'enseigne de la Roze, où la dicte Jehannc estoit
'Voir la livraison de murs 18'Jl.
2fi0 l'hOTE de JEANNE d'ARC
logée ; et qu'il la veit monter à cheval toute armée à blane
pour aller audit lieu d'Orléans , et me monstra une petite
pierre qui est au coing de la rue Saint-Estienne, où elle print
avantage pour monter sur son cheval'. » {A?inales d'Aqui-
taine, éd. de 1644, p. 246).
Si les contemporains eurent à ce point la mémoire courte,
doit-on s'étonner que de nos jours il y ait eu peine à pré-
ciser l'emplacement d'une construction détruite depuis tant
d'années, et dont pas un vestige ne subsiste? Le problème
semble d'autant plus difficile que les documents sur le
séjour de Jeanne d'Arc à Poitiers sont extrêmement rares,
ei que non seulement linterrogatoire de la Pucelle a été
supprimé, mais aussi le registre des délibérations de la mai-
son de ville à cette époque : toutes pièces qui eussent cer-
tiiinement éclairé d'une lumière très vive la question qui
nous occupe. Grâce, aux patientes recherches de l'histoire et
de l'archéologie locales, elle paraît désormais complètement
tranchée. Résumons-la en quelques mots.
Ceux qui les premiers ont abordé cette étude se sont uni-
quement préoccupés du passage précité de Jean Bouchet qui
place la pierre fameuse connue sous le nom de « Montoir
de Jeanne d'Arc » à l'angle de la rue Saint-Etienne; ils en ont
conclu que l'hôtel de la Rose était nécessairement situé à
l'intersection de cette rue avec celle du Petit-Maure. Mais
ils n'ont point pris garde que la rue actuelle Saint-Etienne
n'avait pas encore cette dénomination du vivant de l'auteur
des Annales d'Aquitaine. En ce temps le nom de Saint-
Etienne était donné à la rue que nous appelons aujourd'hui
Sainte-Marthe. Là est le point essentiel ; c'est pour l'avoir
oublié que MM. de Sainte-Hermine et de Ghergé ont à tort
désigné l'emplacement susdit^
' Houchet avait alors dix-neut ans, étant né en 1476. Le même fait est ré-
pété par André Thevet, dans sa Cltorographle luiiverselle, t. ii, fol. 581,
comme le ten;int lui aussi de la bouche de Jean Bouchet.
Cf. Wallon, Histoire de Jeanne d'Arc, p. 92. — De la Marsonnière, Un
dritme au logis de la Lycurne, p. 2;i.
' H. Ledain. Mémoires des antiquaires de l'Ouest, t. xxvvi, p. 13.
A POITIERS 261
Il est vrai que leur opinion se trouvait confirmée par une
sorte de croyance populaire. Lorsqu'en 1825 des travaux de
pavage furent opérés dans la rue du Petit-Maure, les ouvriers
brisèrent malencontreusement un bloc granitique « d'un noir
verdâtre et micacé' », qui passait auxyeux des habitants pour
le montoir de laPucelle. Plein de respect pour ce souvenir,
le conservateur de la bibliothèque publique, M. l'abbé Gibault,
et un autre antiquaire, M- de la Fontenelle, recueillirent les
fragments de cette pierre, qui, après avoir séjourné long-
temps au temple Saint- Jean, sont maintenant déposés au
musée de la ville, sous le numéro 8020. Malgré l'autorité in-
contestable qui s'attache d'habitude aux traditions, il faut
bien reconnaître que celle-ci est absolument contredite par
le texte de Jean Bouchet. Il est probable que la pierre dis-
parut lors de la transformation successive du quartier, et
peut-être en même temps que la Rose elle-même tombait sous
la pioche des démolisseurs. On ne saurait admettre, en effet,
que dans un but de préservation elle ait été transportée au
coin de la rue du Petit-Maure. En ce dernier endroit, il y avait
déjà sans doute une borne similaire, comme à l'angle de la
plupart des rues à cette époque, précisément dans le but
d'aider les cavaliers. La pierre historique détruite, c'est elle
qui l'aura naturellement remplacée dans la légende.
L'assertion formelle de Bouchet ne permet pas de douter
que le « montoir » n'occupât le « coing » de la rue actuelle
Sainte-Marthe ; mais elle n'indique ni l'emplacement de la
Rose dans cette rue, ni même qu'elle y fut certainement située.
De ce qu'à l'angle de la rue, en effet, se trouvait la pierre sur
laquelle Jeanne « print avantage », il ne suit pas forcément
que l'hôtel où elle avait logé devait être placé dans la même
rue. Et c'est, rappelons-le, par suite d'une semblable fausse
déduction que l'erreur signalée plus haut a été commise. En
d'autres termes, lorsque la Pucelle, le 24 mars 1120, sur le
He Chergé. Guide du voyageur à Poitiers^ p. 257.
262 l'hoti-: dk jeanne u'arc
poinl de quitter lu ville, [)arul « toutarmée à blanc » et s'élança,
sur son cheval aux acclamations du peu}3le, le cortège royal
aurait tout aussi bien pu se former à un point quelconque de
la ville désigné d'avance, sur une place publique ou ailleurs ;
o'il semble plus naturel et plus véridique qu'on vint la quérir
à la maison même qu'elle habitait, ce n'était pas nécessaire,
au sens absolu du mot. 11 n'en l'ut toutefois pas autrement :
l'héroïne n'eut en réalité que quelques pas à taire pour
atteindre la pierre qui lui servit à se mettre en selle » aussi
gentiment que si elle n'avait fait autre chose tout le temps de
sa vie'. » Un texte d'une importance souveraine établit posi-
tivement que la Rose était bien située dans l'ancienne rue
Saint-Rtienne ; sa découverte est due à l'érudition du regretté
M. Rédet, ancien archiviste de la Vienne" ; et c'est à cet acte
du 13 juillet 1465 qu'il faut se reporter, pour avoir la vraie
connaissance de la question.
Intervenu au sujet d'un règlement entre divers créanciers
d'un défunt, il mentionne, parmi les biens lui ayant appar-
tenu, une maison dite de la Roche « assise en la paroisse de
Notre-Dame la Petite de Poictiers, laquelle tient d'une part à
la Grant Rue par laquelle l'on va du Palays de Poictiers à
Saint-Pierre-le-Grant de Poitiers; d'autre à la ruelle qui vient
de Saint-Etienne à la Rouze ; d'aultre à la maison de Jehan
Tenetier et à la maison Jousselin-Pontenier, en laquelle de-
meure de présent Symon Biron et Estienne Le Serruzier; et
d'aultre à la maison de la vefve feu Marc Duboys. »
D'après cette pièce, la maison dy la Roche occupait l'un
des deux angles formés par la jonction des rues actuelles
Sainte-Marthe et Notre-Dame la Petite, ou du moins en était
très voisine. Ce point établi, restait à préciser lequel des
deux angles est ici en cause. Tout récemment, un archéologue
distingué a fait de cette difficulté un examen approfondi, et
» Chronique de lu Pucclle, p. 278.
• Rédet. Poitiers au moyen âge. Les enseignes, les tours des remparts.
Mé»i. des antiq, de l'Ouest, t. xix, p. 456.
Le Montoir de Jeanne d'Arc
i
^ ■ ' / / j ■ //
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ù. j\ i.<>tattn-t. Aje^ S^x'Vi'XA^. a- Ckjxx et ccrnàeroee ait
.//lu^e Cie /a v^/e de i-Javùerà .àouJ ce- /L?é^C2o.
LifM. LAfBire, i*Ntes
A POITIERS 263
par de curieux rapprochements de textes qu'accompagnent
d'ingénieux raisonnements, il est arrivé à conclure que la
maison de la Roche se trouvait à l'angle ou tout près de
l'angle que Ton rencontre à gauche quand on quitte la rue
Notre-Dame la Petite pour entrer dans celle de Sainte-
Marthe'.
A vrai dire, tel qu'il est conçu, le titre du 13 juillet 1465,
qui « est l'unique base de la discussion' », ne prouve pas di-
rectement que l'hôtel de la Rose était situé de ce même côté
de la rue; mais, je me hâte de le reconnaître, si cette dé-
monstration péremptoire paraît difficile à établir, les argu-
ments donnés par M. Barbier n'ont pas moins leur pleine et
définitive valeur.
Il est certain que tout milite en laveur de la solution pro-
posée, à savoir que « l'impasse assez large et carrossable qui
existe encore dans la rue Sainte-Marthe et conduit à un
grand emplacement à usage de cour et de jardin, pourvu
d'un puits, ainsi que l'indiquent les anciens plans, servait
d'accès principal à l'antique hôtellerie de la Rose^ >). J'insiste
particulièrement sur la disposition encore actuelle de ce
passage qui rappelle très naturellement sa destmation pre-
mière. Avec les siècles, les constructions disparaissent et
font place à de nouvelles ; l'aspect d'un quartier se modifie
entièrement; les rues changent de noms : mais il arrive plus
rarement que le tracé lui-même de ces rues et impasses soit
abandonné, surtout dans le centre des villes où la population
est plus dense, encore moins dans ce coin du vieu x
Poitiers auquel l'imagination peut encore, de nos jours, re-
constituer aisément sa physionomie du XV siècle.
Au cours de son intéressante dissertation, M. Barbier nous
♦ A. Barbier. Chronique de Poitiers aux XVe et XVI* siècles. Mthn. des
Antiq. de l'Ouest, 2» série, t. xiii, année 1890, p. 467.
Md.
» l(i. Ce passage constitue actuellement une des entrées de la propriété
Rpbeilleau (N» lllT du plan cadastral).
Tome iv. - Juillet, .Vout, Skptemhrk 1891. ^>^
264 L'HOTE de JEANNE DARG
apprend que la lecture de divers litres l'a déterminé à iden--
tifier la situation de l'hôtel Sainte-Marthe avec celle de la
Rose. Cet hôtel, dit-il, « aurait ainsi subi des changements
de nom sans avoir changé de destination pendant plus de
trois cents ans. Successivement il s'appelle Chariot-David à
cause, paraît-il, de la disposition du terrain qui affecte la
forme de la constellation de la Grande-Ourse, puis Saiiile-
Marthe pour honorer la famille qui habite le voisinage.
La petite ruelle de Sainte Etienne reçoit les mêmes bap-
têmes imposés par l'usage et l'importance de l'hôtellerie qui
est l'établissement de ce genre le plus fréquenté dans ce
quartier populeux et en renom. » Je souscris d'autant plus
volontiers à cette opinion qu^elle me paraît expliquer, d'une
manière fort plausible, la rapidité avec laquelle le souvenir
de la Rose s'était éclipsé, un siècle à peine écoulé depuis
que Jeanne d'Arc y avait trouvé gîte. Assurément le chan-
gement de nonl a dû en être la principale cause. Si la maison
n'avait pas continué d'exister à l'état d'auberge, elle aurait
bien plus facilement conservé sa dénomination première ;
elle serait demeurée dans le langage populaire le « logis de
la Rose », et cette appellation se serait perpétuée, comme il
advint pour celles des autres habitations marquantes de la
ville* ; au lieu de cela, l'enseigne une fois modifiée, la confu-
sion n'a pas tardé, et après elle l'oubli.
Opposera-t-on la déclaration positive de Jean Bouchct ?
Celui-ci, je lésais, est très affirmatif : par deux fois il dit
« ma maison » en parlant de l'ancien bôtel de la Rose. Mais,
pour ne rien détruire de ce qui semble si bien confirmé par
ailleurs, est-il donc impossible de croire qu'au moment où
parlait l'historien poitevin, cette maison, devenue réellement
sa propriété, n'avait perdu que pour un temps sa destination
originelle, et qu'elle devait la retrouver après lui sous une
autre appellation ? Bien plus, (on peut aller loin sur la voie
V. Kedet. loc. cit.
A POITIERS 265
des hypothèses), pourquoi ne pas supposer qu'une partie
seulement des bâtiments de l'ancienne Rose était habitée
par Jean Bouchet, celle précisément où « pendait jadis l'en-
seigne, » comme il le dit, peut-être enfin celle même qui
avait logé Rabateau et abrité Jeanne d'Arc; le reste élan!
maintenu à l'état d'hôtel public, et, en raison de sa trop
grande étendue, se prêtant mal aux appropriations d'une ré-
sidence particulière? Ai-je besoin d'ajouter que j'ouvre cet
aperçu sous les plus expresses réserves, soucieux unique-
ment d'appuyer une thèse qui me paraît bien vraisemblable.
IV
Quoiqu'il en soit, nous voici renseignés sur l'emplacement
qu'occupait la demeure de M» Jean Rabateau. La Rose étant,
comme nous venons de le voir, un hôtel public, nul doute
qu'il y résidait à titre de simple locataire*. Venu à Poitiers
au moment de la réorganisation du Parlement, il olail pro-
bablement descendu dans cette hôtellerie, et depuis lors il y
était tout simplement resté. Les circonstances très aléatoires
de l'entreprise du Dauphin, jointes aux menaces de plus en
plus en plus redoutables de l'invasion, ne lui avaient pro-
bablement point conseillé de se rendre acquéreur d'une
maison, en admettant même que ses ressources le lui
eussent permis.
Il est cependant à noter — et je le signale aussitôt — que
Rabateau eut dans Poitiers une habitation à lui propre. L;i
chose nous est connue par un texte qui faisait partie des
manuscrits de l'abbaye de Saint-Hilaire delà Celle, et est rap-
porté dans dom Fonteneau^ Cette pièce n'est autre que cellt'
de la fondation du célèbre collège de Puygarreau, le 7 avril
1478, par « Françoise Gillier, dame de Puigarrcau et Vernueil,
« M. Donizeau avance sans preuves qu'il en était propriétaire, et, malgré
tout ce qui a été dit à ce sujet, commet encore l'erreur île placer la Rose rue
du Petit-Maure. V. Jeanne d'Arc à Poitiers, p. 18.
' Dom Fonteneau, t. .xii. p. 685.
266 l'HOTE de JEANNE UAUC
veuve de feu noble homme maîlre Jt'liaii Barbin, conseiller
et avocat fiscal de Charles VII, en la cour de parlement à
Paris »^ celui-là même qui avait suivi de près la Pucelle ;i
Poitiers, et déposa d'une façon si complète au procès do
réhabilitation, le 30 avril 1456'.
La généreuse donatrice abandonnait « aux dits maîtres et
boursiers et à leurs futurs successeurs pour leur logis, de-
meurance et lieu dudit collège sa maison assise eu la ville et
cité de VoWÀQYS^ qui fut à maître Jean Rahatcau; avec les
cours, jardin, entrée et issue, tout ainsi que la tenait et possé-
dait en so)i vivant ledit feu Rabateau ; lenaut d'une part aux
maisons, courts et jardin de M^' de Bressuivre, et par le de-
vant à la rue publique par laquelle on va de la Poissonnerie
de Poitiers à l'église de Saint-ililaire de la Celle, d'autre
touche à la maison et court de M^'' de Mortemart, d'autre à
la maison de sire Jean Pacquier, d'autre au jardin de laBellue,
femme de Guillaume Chabol et sieur seigneur de Vaires,
et d'un bout touche à la grand rue tendani dudit hostelde
Mortemart à l'église des Jacobins de Poitiers. »
Je pense que Rabateau acheta la maison en question, lors-
qu'il revint à Poitiers après son séjour de Bourges, où l'a-
vaient appelé ses fonctions de président de la chambre des
comptes, ainsi que nous le verrons plus tard. Ayant alors à
se loger pour la seconde fois dans la vieille ville, il jugea
sans doute le moment venu d'y devenir propriétaire, la si-
tuation des affaires publiques paraissant moins tendue et
son étoile en pleine croissance.
Mais en 1429, tout fait présumer que ni lui ni son épouse
ne songeaient à ce parti. Les murs de la Rose leur
offraient un abri suffisant; on peut compter d'ailleurs qu'ils
ny étaient point traités à la manière des étrangers ; j'estime
((u'ils avaient un logement indépendant, aménagé au gré de
leurs habitudes, tel enfin (ju'il convenait à la position de
l'avocal général criminel.
' I.i' même jour que Muruucrite La Touroulde. Cl", "de Beaucouit, t. v,
ji. iJSii. iioti' i". — QuicheiMt. Prorcs, t. m, p 8;'.
A 1>0ITIERS 267
M. Barbier croit qu'une maison d'assez vaste importance,
située rue Notre-Dame la Pefi te et portant encore trace d'or-
nements du XV« siècle, était celle de Christophe Dupcrrat,
le voisin presque centenaire dont parle Jean Bouchot. En
tous cas, elle était « contiguë à la Rose d'un côté et en ;ir-
rière*. » Le même auteur n'est pas éloigné de penser qu'elle
avait été précédemment la demeure de la dame Macée', où
le conseil royal avait coutume de se réunir"', et que de plus
elle pouvait communiquer avec celle de Rabateau par un
passage intérieur. Cette circonstance ne doit pas rester ina-
perçue : je suis très porté à y voir une des raisons princi-
pales (sans préjudice de celles déjà exprimées) qui décidèrent
du choix de l'habitation de Jeanne d'Arc. La proximité des
deux maisons présentait une série d'avantages qu'il est facile
de concevoir ; si, en outre, elles se trouvaient réellement
reliées, sans que nécessité fût de traverser la voie publique,
c'était au mieux de la commodité et'de la sécurité. Il ne faut
pas oublier, en effet, que la commission chargée d'interroger
la Pucelle avait été nommée par le conseil royal. Elle en était
donc l'émanation directe ; on comprend dès lors combien il
importait qu'elle pût correspondre facilement avec lui. Enfin,
dans l'incertitude du résultatfmal de l'examen, le conseil ava t
dû saisir avec empressement le moyen d'y faire procéder
sans bruit, et de soustraire le plus possible la jeune fille à
la curiosité populaire.
Ces diverses considérations amènent à supposer que
Jeanne ne quitta guère la maison de son hôte durant tmil le
séjour de Poitiers. En admettant que cette liberté lui ailiMè
laissée, son costume d'homme lui eût rendu difficile d'en
user, sans exciter l'étonnement général ; depuis son départ
' A. Barbier, loc. cit.
2 Famille municipale de la cité, Cf. : Ledain, Histoire sommai n- dr la
rilfe de Poitiers, p. 113. — Id. Méni. anfiq. de l'Ouest, t. xxvi. p. 17. — M.
Jeanne d'Arc à Poitiers, Revue Poitevine etSaintonfieoisr, p. 68.
î « ... Et erat tune consilium régis confrregatuni in ilonio cujusdam co-
nominat» la Macée... » Déposition de iVère Seguin. Quicherat, Procès, t.
m, p. "^O:!.
268 l'hOTE de JEANNE D'ARC
de Domrémy elle avait adopté cet habit, et les motifs de
chaste réserve dont elle-même s'expliqua lui défendaient
d'y renoncer'. Ainsi donc sa vie était bien plutôt celle d'une
recluse. A peine quelques échappées matinales ou tardives,
sous la conduite de la dame Rabateau, tandis que la cité se
livrait au sommeil ; les sanctuaires du voisinage en étaient
l'unique but ; agenouillée sous les voûtes déjà séculaires de
Noire-Dame, devant la Vierge protectrice qui deux siècles
plus tôt avait déjoué la ruse de l'Anglais, la bergerette sen-
tait s'affermir sa mission surnaturelle, et saint Etienne, le
premier martyr du Christ, pouvait lui donner la vision du
bûcher de Rouen !
Le reste des jours se passe en entier sous le toit de la Rose.
C'est là qu'ont lieu tous les interrogatoires, là que l'humble
nile confond docteurs et savants par la spontanéité de ses
réponses et la netteté de ses affirmations, là que se dévoilent
u son humilité, sa virginité, sa dévotion, son honnêteté, sa
« simplesse'. » N'est-il pas permis de croire que, par un
supplément d'information bien naturel en ^a cause, les
membres de la commission aient, à différentes reprises, fait
discourir l'avocat général et sa compagne sur les habitudes
de celle qui était associée de si près à leur vie, sur l'emploi
de son temps, ses paroles, ses prédictions, ses actes ; et
pouvons-nous douter du sens de leurs réponses ? Elles nous
seraient sans doute connues, si le procès-verbal, ce « registre
de Poitiers » auquel la Pucelle devait se référer sans cesse
devant ses accusateurs, n'avait été, comme le dit Quicherat,
« égaré par la négligence ou détruit par la politique'. »>
' «... Et me .semble qn'en cet estât je conserverai mieux ma TJrginité de
pensée et de fait. » Chroni(/ue de la Pucelle, p 27C.
Quicherat, t. m, p. 391, — de Beaucourt, t. ir, p. 211.
" Quicherat, Aperçus nouveaux sur l'histoire de Jeanne d'Arc, p. 4. —
M. Siméon Luce (Jeanne d'Arc à Domrémy, p. 274) donne à ce sujet une
explication historique d'une portée restreinte et bien insuffisante qu'il est
hors de propos de discuter ici. M. Ledain {Jeanne d'Arc à Poitiers) la com-
bat victorieusement en concluant que « très probablement ce fut à Poitiers,
dès I'.3|, que fut perpétré le forfait. »
A POITIERS 269
J'observe avec intention le fait que Jeanne sortit à peine
de la demeure de Rabateau. Il suffirait de cette seule donnée
pour prouver implicitement qu'elle ne subit point autre part
la série de ses interrogatoires, si la chose d'ailleurs n'était
absolument confirmée par les documents du temps. Par
suite de la présence du Parlementa Poitiers, on a pu se mé-
prendre sur le rôle qu'il pouvait être appelé à remplir dans
la circonstance*. La vérité est que tout fut réglé sans son
intervention, en tant que corps constitué. La commission,
nous l'avons vu, était désignée non par lui, mais par le con-
seil royal, elle comprenait surtout des théologiens, et si,
comme il est à croire, quelques membres de la cour de jus-
tice y étaient adjoints, elle n'en conservait pas moins l'ori-
gine extra-parlementaire. En fait, ainsi que je l'ai déjà fait
remarquer, la Pucelle fut vraiment l'objet de l'enquête at-
tentive des magistrats qui composaient le Parlement; mais
ils agissaient ainsi, plutôt de leur initiative individuelle que
par délégation spéciale, mus par les sentiments complexes
qui dirigeaient chacun vers l'hôtel de la Rose'. II est donc
inexact de soutenir que certaines séances eurent lieu au Pa-
lais, et encore plus de spécifier la salle où elles se passèrent".
Ainsi tombe du même coup l'allégation fantaisiste de Vol-
taire quand, au chapitre VI de son Histoire du Parlement de
Paris, il avance que « le faible Parlement de Poitiers n'eut guère
d'autres fonctions que celles de casser inutilement les arrêts
de celui -de Paris (le Parlement bourguignon) et de fléclarer
Jeanne d'Arc pucelle. » Il n'est pas douteux que 1 él;it pliy-
' V. l'abbé Donizeau. Jeanne cV Arc à Poitiers, p. 18 et suivantes. (C
Ledain. Examen d'une brochure intitulée : Jeanne iV Arc. à Poitiers. l'erne
Poitevine et Saintongeoise, n» du 15 mai 1891, p. 151.
» Au demeurant, ceci n'infirme pas le titre d' « liôte judiciair»- » qn^ l'ai
mentionné comme pouvant être attribué \x. .Jeanne d'Arc. Si elle ne ri-b'Viiit
pas directement de la juridiction du Parlement, elle était bien soumise :'i uni-
procédure assimilable à la sienne.
* De Chergé. Guide du voi/agenr à Poitiers, p. 220.— M. Arren /iV//j-
port au Conseil municipal de Poitiers sur l'érection d'une statue n Jeanne
d^Arr. Courrier de la Vienne, n» du in août 1890.
270 L'HOTE de JEANNE d'ARC
t
sique de Jeanne fut examiné ; mais, pour cela, on n'appela
ni théologiens, ni magistrats' ; et « quant à cette dernière
plaisanterie, aussi fausse que le reste dit a,vec raison un
auteur, si on croyait devoir s'y arrêter, on verrait que le Par-
lement de Poitiers n'a jamais reçu ni accompli la mission
dont il s'agit', i^ Les matrones, mais les matrones seules,
remplirent l'office ([ui leur tut confié. M. Lcdain, d'après
M. Vallet de Viriville, assure qu'elles s'en acquittèrent à
Ghinon^ ; peut-être le continuèrent-elles à Poitiers, si l'on in-
terprète dans ce sens une phrase de la déposition du frère
Séguin\
Ce qu'il faudrait pouvoir décrire maintenant, c'est l'exis-
tence de cette enfant prédestinée, entre ses deux hôtes de-
venus ses deux protecteurs. N'est-ce pas ainsi qu'elle les con-
sidère, et ne se sentent-ils pas eux-mêmes son plus naturel
appui ? Après les longues épreuves que lui font subir ses
divers interlocuteurs, avec quelle joie elle retrouve la paix de
ce foyer aimé 1 Là plus de suspicions ni d'arguties ; rien que
le conseil, l'encouragement, la claire vue de son avenir.
Alors, rassurée et confiante, bénissant Dieu d'avoir mis sur
sa route ces deux cœurs qui la comprennent, elle leur livre
tous les secrets du sien. Elle dit les pénibles étapes depuis
Domrémy, l'insistance de ses voix, les appréhensions de la
nature, mais aussi le sentiment continuel du secours divin.
Elle parle de ceux qu'elle a laissés là-baS;, et sa voix se
remplit de larmes ; elle raconte l'entrevue mystérieuse avec
le gentil Dauphin ; elle promet la victoire ; et c'est dans tout
son être comme le frémissement du patriotisme. A la fois
nnïve et réfléchie, mélange de grâce virginale et de maturité
' « Amplius p(>r mulieri'S doctas, perilas virgines, viduas et conjugatiis,
ciii-iosissime perçu ncta tu r. qu!>' niliil aliud quod muliebi-eiu lionestateiii nique
n.ituram decet, sent'nint. » Quicherat. t. v, p. tllK
' Houtaric Actes du Pnrlemeni Oe Paris, t. i. Notice snr les arrhires ilit
l'aiiemetit, par Griin, p. ccxiu.
s Ledain, Kxamen d'iciie hro. hure. loc. cit.
* Quicherat, t. m, p. 205,
A POITIERS 271
virile, elle se réjouit et pleure, elle espère et se résigne,, elle
exhorte, elle prie surtout ! Une chapelle est là tout près, à
l'intérieur de la Rose, probablement simple oratoire de la
pieuse dame Rabateau ; après chaque repas elle a coutume
de s'y rendre ; elle y passe en outre une partie des journées ;
ses hôtes l'y surprennent la nuit' ; ou bien ils la trouvent
ébauchant la fière lettre qu'elle adressera prochainement aux
Anglais, en la personne de Bedlord ; et quand ils se retirent,
la laissant tout à son recueillement ou à son inspiralinn,
l'avocat général peut en vérité dire à sa compagne « voici lu
libératrice prédite au Roi'. »
Comment encore exprimer la délicatesse suave du com m orce
qui s'établit entre ces deux femmes, le sujet de leurs en ire-
tiens, l'échange de leurs sentiments ? Chez l'une le libre don
d'un cœur plein de reconnaissance; chez l'autre tout co f|ui
peut se concevoir d'un rôle quasi-maternel. Rt qu'il est
loin, ce rôle, de l'attitude que paraît insinuer un historien
quand il dit de la dame Rabateau « qu'elle était chargée
d'observer Jeanne dans tous les détails de sa vie et de
sa conversation^ » N'oublions pas qu'elle est » la bonne
femme » de la chronique, et laissons à celles doni pailc
frère Séguin leur tâche ingrate et soupçonneuse.
A mesure que les interrogatoires approchent de leur ti-rmo,
uneaffluencede plus en plus nombreuse se presse dans ladi'-
meurede Jean Rabateau. 11 est naturel qucdes dames, dunioi-
selles et bourgeoises ne soient pas les dernières à visilcr
celle qui devait être la gloire et l'honneur de son sexe*. » (VcM
à elles surtout que la vénérée maîtresse du logis révèle les
vertus de l'enfant confiée à sa sollicitude. Entendons-la l'airo
' Déposition de Jean Barbin. Ouicherat. t. m, p. Si.
> Parole de Jean Erault. d'après la déposition de J Harbin.
»P. Ayrolles. La Pucelle devant l'Eglise et son tonp.s, IS'.io. p. \;. — I^
même auteur pose une distinction erronée, en disant que Jeanne « descend uf
d'abord à^l'hôtel de la Rose, si-journa dans la suite clipz Jean Knhiit.au. .
* T,edain. Jeanne d'Arc à Poitiers, loc. cit. p. 7t.
272 L'HOTE de JEANNE D'ARC
J
cet éloge. Elle y apporte avec la pleine mesure de sa ten-
dresse, le discernement parfait qu'exige sa mission tutélaire.
Elle préserve la jeune fille de toutes questions indiscrètes ;
elle la montre telle qu'elle est réellement, l'envoyée de Dieu ;
et l'accent de sa profonde conviction accroît le courant de
sympathie qui va devenir bientôt une démonstration en-
lliousiaste.
Enfin Jeanne peut partir ; les docteurs l'ont décidé. Sa
« probacion est faite « ; nul mal ne se trouve en elle, et « loin
(le l'empescher d'aller à Orléans avec ses gens d'armes, le
Riii doit la faire conduire honnestement en sperant en Dieu*. »
Mais avant de lui donner tonte sa liberté, Charles VII va
l'emmener à Chinon oîi il retourne. Les chroniqueurs ont
tracé le tableau de ce départ triomphal du 24 mars, sans dire
toutefois la composition du cortège. Je suis tenté de m'en
l'i'jouir, car au cas où les époux Rabateau n'y auraient pas
li.-iiré, 1,1 désillusion serait grande. N'est-U pas tout naturel,
en effet, de les voir chevaucher aux côtés de la Pucelle, par-
tageant sa joie, s'unissant plus que jamais à ses patrio-
Iii|iu3s espérances? L'esprit ne saurait se résoudre à croire
que des liens formés dans une circonstance si exceptionnelh'
aient été subitement rompus. La maternelle gardienne de
Jeanne, si l'on admet qu'elle fut la fille de Benoît Pidalet,
n'avait désormais, nous Tavons vu, que peu de temps à
p^lS:^er sur terre ; peut-être mourut-elle sous le regard de
celle qu'elle avait si bien protégée, et son cœur ne pouvait
souhaiter fin plus douce. En tous cas, m.algré le silence de
l'histoire, il faut la compter au nombre des femmes coura-
geuses et dévouées qui, ayant à leur tête la vaillante raine
de Sicile, formaient l'entourage intime de la Pucelle, tandis
que sort mari devait en être un des plus zélés compagnons.
Si la supposition est toute gratuite, les textes du moins ne
la c )ntredisent pas. Bien au contraire, le nom de llabateau,
i,iiiiiMii'r;it, Prnrès. t. iir, p. 391.
A POITIERS 273
qui apparaît à peine durant les deux années qui vont suivre,
se trouve joint à celui de l'héroïne dans la quittance sui-
vante, datée d'Orléans le 19 janvier 1430 :
« A Jehan Morchoasne, pour argent baillé pour Tachât de six
chappons, neuf perdris, treize congnins' et, ung fesan, présentez- à
lehanne la Pucelle. maistre Jehan de Velly, maistre Jehan Rabateau
et monseigneur de Mortemar, le XIX^ jour de janvier — 6' 12^4''
parisis'. »
Jeanne venait alors de Bourges où elle s'était rendue près
de la Reine, après avoir passé Noël à Jargeau-'. Les jours de
revers commençaient, précédant ceux de la captivité et de la
trahison. Dans le moment, elle rejoignait le Roi à Sully, et,
au cours du voyage, s'était arrêtée à Orléans dont les habi-
tants lui faisaient fête en souvenir de ses prodiges*. Nous l'y
trouvons accompagnée de Jean Rabateau et du président
lean de Vaily'. L'avocat général ne s'éloignait donc pas de la
Pucelle à l'heure de la tristesse : en fût-il de même jusqu'à
la fin ?
A défaut de renseignements matériels sur la question, il
semble bien que nous ayons les données morales pour la
trancher. Si Rabateau était tout dévoué à la Pucelle, il n'en
était pas moins la créature de Charles VIL La fortune
* Signification inconnue d'après La Curne de Sainte-Palaye (Dict. de
'ancien langage français, t. iv, p, 175.) — Probablement connin. s. m.
apin, ou counin ou counil, même sens (C^ Jaubert. Glossaire du centre de
la France, 2e édit. pp. 174 et !188.)
' Cédules originales d'Orléans, liasse 1, pièce U. — Cf. Quicherat, Procès t.
V. p. 270.
' De Beaucourt, t. ii, p. 240.
* C'est peut-être à cette époque qu'elle loua du Chapitre la maison où ellij
comptait se retirer au milieu de ses amis, une fois le pays pacifiA, et qn'i-lli.'
le devait jamais habiter. — Cf. Quicherat. Documents nouveaux sur Jeanne
VArc. Revue historique, t. xix, p. GG.
* 11 serait possible que ce ne fût pas le président lui-même, lequel t'init
impotent à la fin de ses jours et mourut en 1484, mais bien son fils Jean du
Vaily, archidiacre de Tours en l'église de Poitiers, conseiller au Parlement ft
futur évêque d'Orléans. — Cf. Blanchard, io Vaily. — Desmazes. Parlemeni
de Paris, p. 193. — Aubert. Parlement de Paris. Sa compétence, p. 3S0.
274 l'hotr iie jeannk d'arc a poitiers
*
du serviteur était intimement lide à celle du maître; leur
politique ne dut pas différer. Ce qu'on a donc pu dire de celle
du Roi, surtout pour l'expliquer et l'excuser, doit ôtre répété,
je le crois, toutes proportions gardées, en ce qui concerne le
magistrat. Mais si Rabateau fut de l'immense parti des silen-
cieux, du moins son passé répond que jamais il ne trempa
dans la faction perfide qui ne cessait de poursuivre la Pucelle
de ses jalouses intrigues et dont le chancelier Regnault de
Chartres était le principal artisan. Plus d'une fois, tandis
qu'avaient lieu les criminels interrogatoires du château de
Rouen, il dut se rappeler ceux tout autres de l'hôlei de la
Rose. Quels changements en deux années! Et cependant, ne
s'agissait-il pas toujours de la même Jeanne, de la libératrice
du pays ? Certes il eût été beau pour lui de suivre l'exemple
de La Hire. Dût-il être seul à défendre la victime, il eût pu
paraître dans la salle où siégeaient ces nouveaux docteurs
inspirés par la haine et, au mépris de sa vie, leur dire en
face : tels n'étaient pas vos devanciers! Mais les héros
de cette trempe sont rares dans l'histoire. Au demeurant,
n'oublions pas que pour juger impartialement un caractère,
il faut le placer à son époque et dans son milieu, de même
que tout fait historique est inséparable des circonstances qui
le produisent.
Bien que le contraire ait été avancé', Jean Rabatoau mourut
avant le procès de réhabilitation ; il suffit pour s'en convaincre
de rappeler les termes mêmes d.e la déposition de François
Garivel : « m domo defuncti magisiri Johannis Raf)a/eau\ »
S'il eût parlé, avec quelle émotion il aurait traduit ses chers
souvenirs, et comme il se sérail vengé alors d'un silence
presqu'imposé ! Pas n'était besoin toutefois de son témoi-
gnage pour qu'il fût associé à la mémoire de la Pucelle ; et
c'est peut-être la récompense de sa fidélité.
fA suivre >. ITrnri Daxiel-Lacombe.
♦ Benmhet-Filleau. loc. cit.
' Quicliprnt. Procès, t. in, p. lu.
PALLUAU ET LES CLÉREMBAULT
PARMI les nombreuses maisons seigneuriales qui pos-
sédèrent successivement la châfellenie ou la baronnie
de Palluau, aucune, assurément, ne lui procura
autant d'illustration que celle des Clérembault. Elle en con-
serva la propriété pendant tout le dix-septième siècle (du
23 mai 1607 au 19 novembre 1713), rebâtit le château,
contribua à donner à U petite bourgade formée à l'ombre
de ses murs une importance commerciale qui n'a fait que
se développer depuis, en favorisant les foires et les marchés
anciennement établis ; elle la rendit célèbre surtout par le
renom et les titres que s'acquirent plusieurs de ses membres
dans l'armée;, la cléricature et les lettres.
La gracieuse obligeance de M. le duc de la Trémoille, qui
a mis naguère à notre disposition les pièces du riche
chartrier de Thouars concernant Palluau, nous a permis
d'étudier l'histoire de cette famille d'après les documents
originaux, et de compléter les renseignements qui nous sont
fournis d'ailleurs par les historiens du Poitou.
C'est le fruit de cette étude que nous offrons aujourd'hui
aux lecteurs de la Revue du lias-Poitoif, dans ces pages
d'histoire locale dont l'intérêt fera peut-être pardonner la
longueur.
276 PALLIIAU ET LES CLÉREMBAULT
*
La famille de Glérembault est Tort ancienne. Le P.
Anselme, dans son Histoire généalogique, cite un Geoffroy
Glérembault, chevalier, seigneur du Plessis en 1117. Le
Plessis-ClérembanU, appelé aujourd'hui simplement Le
Plessis^ Le Gratid-Plessis, éidiil jadis une ?naiso?i-7ioble de la
paroisse d'Aizenay ; c'est là, vraisemblablement, que cette
famille a pris naissance, pour se ramifier plus tard en
plusieurs branches, en même temps qu'elle augmentait ses
possessions et son influence.
En 1269;, nous trouvons un Guy Glérembault faisant hom-
mage de la seigneurie du Blanc, qu'il tenait de sa femme,
fille d'Aimery Gondebaut, à Alphonse de t^rance, comte de
Poitiers.
En 1354, Jean Glérembault, chevalier, donne quittance, le
10 décembre, à Jean Ghauvel, trésorier des guerres, de 10
livres 17 sols. Son sceau, en cire rouge, est chargé de hinf
bnrelles et à' une étoile au 1.
Dès le XIV" siècle, plusieurs membres de cette famille
s'illustrent dans les armes. Gitons Macé Glérembault, .che-
valier, seigneur du Plessis-Glérembault et de la Plesse, qui
fut lieutenant du sire de Craon et capitaine général pour le
Boy en Bretagne, Anjou et Maine, en 1347 ; Guillaume Gié.
rembault, son fils^ qui servait le Roy avec deux chevaliers et
({uatre écuyers, sous Amaury sire de Craon, en 1351 et 1355 ;
Jean Glérembault, seigneur du Plessis, de la Baulée, de la
Plesse et de la Touche-Gelée, qui servait sous le connétable
de Glisson, en 1380; Gilles Glérembault, fils du précédent,
seigneur de la Plesse ut du Plessis-Glérembault, qui com-
battait contre les Anglais, sous les ordres du roi de Sicile,
duc d'Anjou, avec dix-neuf écuyers de sa compagnie, en 1412 ;
Antoine Glérembault, qui fut fait chevalier du Croissant,
par le roi de Sicile, en 1447.
Au commencement du XVI* siècle, Jacques Glérembault,
PAX.LUAU ET LES GLÉREMBAULT 277
fils de Gilles Clérembault (deuxième du nom), vicomte de
Montrevault;, est qualifié seigneur de la Gurdoiière de Chan-
tebuzain, delà Salle elc...
Cette simple nomenclature indique déjà d'une manière
générale, par les titres et les alliances, que cette famille
augmenta rapidement ses possessions et sa lortune. Mal-
heureusement pour son honorabilité, toutes ses acquisitions
ne furent pas toujours marquées au coin de la probité et de
la justice. La vérité historique nous fait un devoir de déclarer
ici qu'elles furent même, plusieurs fois, le fruit de pilleries
et de véritables brigandages. Nous allons en fournir la preuve.
Le premier grief que nous invoquerons contre les sei-
gneurs de Clérembault remonte à la fin de la Guerre de
Cent ans, à l'année 1452. L'abbaye de Saint-Michel-en-
l'Herm, dont les richesses étaient un objet de convoitise pour
ses puissants voisins^ fut alors prise et pillée par le vicomte
de Thouars, homme 'débauché et joueur émérite, qui se fit
aider par le sire de Chateaubriand et un grand nombre de
gentilshommes, complices de ses violences et de son injus-
tice. Parmi eux figurait un Clérembault, seigneur de Chante-
buzain, delà châtellenie de Palluau'.
Mais c'est surtout pendant les Guerres de Religion, qui
firent de la seconde moitié du XVI* siècle une époque si
désastreuse pour notre Bas-Poitou, que les seigneurs de
Clérembault se signalèrent dans ce genre d'expéditions.
Dans tout le pays, ce n'était que scènes de pillage et de
désordres ; les crimes les plus déplorables étaient commis
au grand jour par les huguenots ou des seigneurs qui, sous
prétexte de religion, satisfaisaient leurs vengeances ou leurs
convoitises particulières et personnelles. C'est ainsi que,
pour nous borner à la contrée de Palluau, nous constatons
que, de 1562 à 1568, le service religieux fut interrompu dans
les églises de Saint-Pierre-du-Luc, de Beaufou, d'Aizcnay,
* L. Brochet. Hist. de l'abbaye royale de Saint-Michehen-l'Herm, p. 3J.
278 l'Ai. LU AU ET LES CLÉREMBAULT
de Saint-Paul-Mont-Penit, de Falleron et de Saint-Chris-
tophe, parce que les huguenots, ou leurs alliés, les avaient
pillées, ruinées, et en avaient chassé les desservants\
Les seigneurs de Ghautebuzain étaient-ils huguenots, à
cette époque? Nous ne serions pas éloigné de le croire; tou-
jours est-il qu'ils avaient les réformés pour amis et leur don-
nèrent la main en plusieurs rencontres, pour partager ensuite
avec eux les dépouilles des catholiques^.
Le 29 juin 1562, de connivence avec plusieurs autres sei-
gneurs, Jacques et Louis de Glérembault chassèrent le
prieur de Saint-Gervais, François Prévost. Ils tuèrent même
un de ses serviteurs et allèrent briser ses meubles chez
Antoine Prévost, seigneur de la Rembrinière ; puis^ à partir
de ce jour, ils s'arrogèrent la jouissance du prieuré, plu-
sieurs années durant'.
Les Grands Jours, qui se tinrent à Poitiers en l'année 1507,
eurent à juger les frères Henri, Jacques et Louis de Glérem-
bault, pour un grief non moins odieux et non moins criant.
Après avoir fait des rassemblements illicites d'hommes
« armés à blanc » en leur maison de Ghautebuzain, « ils s'é-
« talent transportés avec eux au prieiiré de Saint-Paiil-Mont-
« Penit qu'ils avaient saccagé, ayant volé les meubles et fruits
« diidit prieuré, occis les bêtes, blessé et navré les gens et les
« mercenaires du prieur, maître Guillaume Gilbert. » Ils
occupaient ledit prieuré et le détenaient par force et contre
toute justice depuis cinq ans, quand, sur la demande du
prieur, la haute cour eut à statuer sur ces faits de brigan-
dage. Prévenus à temps, les délinquants se dérobèrent à la
• Remontrances faites au roi par l'évêque de Luçon (Mb'' Thiercelin), vers
1565. (Notes du tome m de Vïlist. rlii Poitou, par Tliibau<leau, p. 517 et suiv.).
• Dans une note de son Etat du Poitou sous Louis XIV, p. t09, M. Du-
gast-Matil'eux dit positivement, en parlant de Pliilippe de Clérembault, le
maréchal de France, et de son frère, l'c'vêque de Poitiers, qu'ils étaient issus
de parents calvinistes, mais qui se convertirent.
• Histoire des moines et des évrques de Luçon, par l'abbé du Treesay,
t. Il, p. 03.
PALLUAU ET LES CLÉREMBAULT 279
justice, dont ils prévoyaient bien la rigueur à leur endroit.
Donc, bien loin de répondre aux sommations de comparoir
qui leur furent faites, ils se cachèrent prudemment et se
laissèrent condamner par défaut. Voici la teneur même de
l'arrêt des Grands Jours que M. Paul Marcheg-ay a découvert
jadis à. Londres, dans une bibliothèque du British Muséum : *
« . . Pour la réparation desquels cas, ladite cour a con-
« damné et condamne lesdits défendeurs et défaillants à être
« décapités devant l'église de Notre-Dame la Gratide de cette
« dite ville de Poitiers, sur tin échafaud qui, pour ce faire,
(1 sera mis et dressé audit lieu, si pris et appréhendés peuvent
« être en leurs personnes, en effigies qui seront mises et ap-
« posées à un tableau, lequel sera mis et attaché à un poteau
«' qui, pour ce faire, sera planté et mis audit marché. »
« Et a déclaré et déclare tous et chacun des biens desdits
« défendeurs et défaillants, étant e?i pays où confiscation a
« lieu, acquis et confisqués à qui il appartiendra, . . . sur
« lesquels biens et autres non sujets à confiscation la cour a
(( adjujé la somme de 6000 livres parisis envers ledit
« Gilbert demandeur »
« Outre, ladite cour a ordonné et ordonne que la inaison de
« C hante- Buzain en laquelle se sont faites lesdites assemblées
« sera démolie et rasée de fond en comble, avec défense aux-
« dits défendeurs et à leurs successeurs de la réédifier et rebâ-
« tir sans permission et autorité du roi... et, outre, a ladite
« cour, ordonné et ordonne que ledit Gilbert sera remis en
1 posse'ision dudit prieuré, revenus, profits et émoluments
« dHcelui\
Henri, Jacques et Louis de ClérembauU ne furent exécutés
qu'eu effigie. Plus tard ils obtinrent des lettres de rémission
ou de pardon, sauvèrent ainsi leur vie, préservèrent leur
maison de Ghantebuzain de la démolition à laquelle elle
' Marcheg-ay. Becherches historiques sur le département de lu Vendée,
première série, p. 84 et ss.
Tome iv. — Juillet, .\out, SiopTENUiRE 18i»l. 19
280 PALLUAU ET LES GLÉHEMBAULT
avait été condamnée et accrurent môme l'éclat et la richesse ■
de leur lamille au point que leur fils et neveu, nommé
Jacques de Glérembault, de simple vassal de la baronnie de
Palluau en devint propriétaire moins de cinquante ans
après l'arrêt des Grands-Jours de Poitiers.
* •
Le 15 juillet 1601, Jacques de Glérembault, le futur baron
de Palluau, épousait Louise Rigault de Millepieds dont il
eut sept enfants, quatre garçons et trois filles. Les plus
célèbres d'entre eux furent : Philippe qui devint comte de
Palluau après son père, et maréchal de France ; Gilbert,
qui eut les titres d'abbé de Jard, de la Ghalade* et de Noir-
mont, et qui fut évêque de Poitiers (1658-1680); René, cheva-
lier de Malte, mort jeune.
Le 23 mai 1607, en vertu d'un contrat il' échange passé entre
lui et Loys Gouffier, Jacques de Glérembault devenait pos-
sesseur et titulaire de la baronnie de Palluau. Get acte où il
est qualifié noble et ptiissant chevalier, seigneur de Chante-
buzain, la Gordonère, Villegaie et la Cybretière, est conservé
au chartrier deThouars. Voici en quelques mots l'objet du
contrat d'échange :
D'une part, Loys GouCfier cédait à Jacques de Glérembault
« la baronniCy terre et seiyjoeurie de Palluau, cha :tel du lie.
« avec les droitz de baromiie, Justice et juridictio)i, fief, cens,
« rentes, terrages, hommages, droits de vente, aiibetiages,
« espaves, bians, vacances, fouages, etc.. prés, terres, bor-
dages, moulins, forests, landes et tout ce qui en despend...
« et y compris la rente de cent livres deubz, par chascun an, à
* Cette abbaye fut mise de force en commende par Louis XIV et le premier
abbé commendataire, nommé plenariâ ac regiâ potestate, fut Gilbert de
Clérembault-Palluau, qui entre en possession sans élection canonique, sans
même attendre les bulles pontificales. Des usurpations de ce genre étaient
alors aussi fréquentes que déplorables. {Recherches historiques sur l'as-
semblée de 1682, par Charles Gérin, p. 2To).
PALLUAU ET LES GLÉREMBAULT 281
« baronnie de Palluau^ à cause de la baronnic, terres, sei-
« gneurie d' Aspremont )>
D'autre part, Jacques de Glérembault, « demeurant en sa
« maison de Chantebuzain, paroisse de Grand- Landes, en
« Poictou, « cédait, en échange, à Loys Gouffier : « la terre
« et seigneurie de la Gordonère, paroisse de Mélay, au comté
de Chemillé . . . et tout ce qui dépend de la susdicte terre »
(qu'il tenait de son père Hardy de Glérembault) ; « pkis la
« maison noble de la Cybretière avcc\toutes ses dépendances...
« et les mestayries appelées la mestayrie du lieu de la Cybre-
« tière, de la Chausserie, de la Brunelière, de Montbail, de la
« Frélonnière, de la Marinière et du Pas le tout situé sur
« paroisses du Vieux- Pouzauges et ae Saint-Mesmin, Le
« Breuil, La Meille^aye et environs; » (desquelles terres il
dispose au nom de son épouse Louise Rigault et de Jacques
Rigault, frère aîné de sa femme').
Le contrat passé, il restait à l'acquéreur de Palluau une
formalité à remplir, celle de Vhom?nage et de Vaveu qu'il
devait faire à la duchesse de Thouars, Gharlotte de Nassau,
veuve de Glaude de la Trémoille, dont il devenait le vassal.
Mais il y mit, paraît-il, une telle lenteur qu'il vit, pour ce
retard, son acquisition frappée de saisie le 20 juin suivant.
Le 2 août de la même année, il offrit de faire hommage ; mais
la duchesse était absente. Le nouveau baron ergota alors,
mais sans aboutir, avec les procureurs de la cour de Thouars
et ce n'est que le 9 juillet 1609, qu'il finit par régulariser défi-
nitivement sa situation vis-à-vis de sa suzeraine.
En avril 1622, il prenait une part glorieuse à l'expéditiiju
du roi Louis XIII contre les Huguenots de Benjamin Rohan-
Soubise, dans l'île de Riez. Soubise, après s'ôlre emparé du
fort de la Ghaume, grâce à une capitulation dont il devait
violer tous les termes, menaça Talmond qu'il n'osa assiéger
et se contenta de courir le pays en tous sens, pour le ran-
• Chartrier de Thouars.
282 PALLUAU ET LES CLÉREMBAULT
çonner cruellement, piller les églises et les châleaux des*
caLholiques. C'est alors qu'informé de ces désordres, le jeune
roi Louis XIII résolut d'y mettre un terme et fit une descente
en Bas-Poitou, à la tête d'une armée de huit mille hommes.
Jacques de Clérembaull, seigneur de Ghantebuzain et de
Palluau, y commandait le régiment de Navarre. Les Calvi-
nistes dont l'armée était aussi nombreuse que celle du roi et
qui, de plus, avaient des canons, n'osèrent pas livrer bataille.
Ils se laissèrent acculer dans l'île de Riez, pensant, peut-être,
qu'ilsy seraient à couvert des poursuites de l'armée royale.
Maisdans la nuit du 15 au 16 avril, au moment de la basse mer,
cette armée pénétra dans l'île par le gué de Besse avec un
entrain sans pareil, à la suite de Bassompierre et du comte de
Palluuu qui lui donnèrent l'exemple en se jetant à l'eau des
premiers. On sait le reste, les soldats de Soubise, surpris de
ce coup d'audacC;, n'essayèrent même pas de résister ; leur
déroule futcomplète et un grand nombre fut impitoyablement
massacré^ malgré les efîorts du roi pour leur sauver la vie' .
Dans son Etat du Poitoti soua Louis XIV {\). 472), M. Dugast-
Matifeux dit que Louis XIII (sans doute pour récompenser
Clérembault de sa participation à l'expédition de Riez) érigea .
la baronuie de Palluau en comté, par lettres patentes datées
du camp d'Apremont ^^avril 1622), en faveur de son fils
Philippe. Mais cette assertion semble contredite par une
pièce du chartier deThouars contenant le refus d'acceptation
d'un aveu présenté par la veuve du maréchal Philippe de
Clérembault, en 1605. L'un des motifs de refus est ainsi
formulé : « Uaveii est encore défectueux^ parce qu'au présente
« la baronaie de Palluau sous le titre de compté (sic), sans que
<■ l'oîî rapporte aucune lettre d'érection el le consentement de
« MonseKjneur le duc de la TrémoiUe sans lequel la d. terre
« lia pti être érigée en coiupté ^ » Nous croyons que cette
' Voir rint'ressante relation de cette expédition publiée par M. .Mourain de
Sourdeval dans V Annuaire de la Soc. d'Emul. delà Vendée. 1S60, p. 07 et
ss. — Voir aussi Thibaudeau Hist. du Poitou, tome m, p. 253-54.
» Chartrier de Thouars.
PALLUAIJ ET LES CLÉREMBAULT 283
érection ne lut faite que plus tard, en faveur de Jérôme l^he-
lipeaux de Pontchartrainqui l'obtint de Louis XIV par lettres
patentes datées du mois de décembre 1713. C'est aussi l'opinion
de M. Marchegay. El si, antérieurement à cette date, le titre
de comte est donné aux Glérembault^ ce n'est que par défé-
rence et d'une manière purement honorifique.
Le 14 mai 1629, Jacques de Glérembault rendait encore
un aveu de sa baronnie de Palluau et, dès les premiers mois
de l'année 1631, il mourait, laissant ses propriétés et ses titres
à son second fils Philippe.
L'aîné, du nom de Louis, était mort en bas âge.
♦ *
Philippe, chef du nom de Clérambaidl- Palluau, n'avait que
vingt-quatre ans quand il succcéda à. son père. Comme lui,
il avait embrassé la carrière des armes où il devail le sur-
passer en mérites comme en gloire. Dès l'âge de seize ans, il
avait commencé à porter les armes. Simple capitaine dune
compagnie de chevau-légers, sous les ordres de Comtsalaud,
colonel de la cavalerie légère de France, il fui appelé, en celte
qualité, à faire partie d'une expédition en Italie, en août 1636.
Il se trouva au combat de Tessin, puis, l'année suivante, on
le retrouve au siège de Landrecies et, en 1640, à l'attaque des
lignes d'Arras. Devenu alors maréchal de camp, Clérembaull
prenait part, comme tel, au siège de Perpignan, en 1642 ;
l'année d'après, il accompagnait le grand Condé au siège de
Thionville et, en 1644, l'aidait à gagnfer la célèbre bataille de
Fri bourg. Il combattit encore à Nordlingen, on 1645. Après
ces divers exploits, il lui pourvu delà charge de mestre de
camp général de la cavalerie légère et servit encore auN
sièges de Philipsbourg, de Courtray, de DunUerque, de la
Bassée et de Lens. Enfin, nommé lieutenanl général dea
armées du roi, il les commanda aux sièges d'Ypres. de
liellpgardo et do Moiilroinl, on Berry, place don! il 111 dé-
284 PALLUAU ET LES CLEREMBAUT/r
I
molir les fortifications après l'avoir prise d'assaut, puis il
lut fait maréchal de France par lettres royales données à
Paris, le 18 février 1653. L'insigne de sa dignité, c'est-à-dire
le bâton, lui fut remis le 1" juin de la même année. Quoi
qu'en ait dit une critique malveillante, ses glorieux états de
service et sa valeur militaire méritaient cette dictinclion
honorifi(|ue.
En 1059, il accompagna Mazarin aux conférences de Vile
des Faisans, sur la Bidassoa, qui amenèrent le traité des
Pyrénées.
Philippe de Glérembault reçut encore, en récompense de
ses services, le 31 décembre 1661, les titres de gouverneur
du Berry et de bailli de cette province, de chevalier des
ordres etc. . . Il était alors à l'apogée de sa gloire.
Une vie aussi mouvementée que la sienne ne lui permit
guère, on le comprend, de l'aire de longs séjours dans son
château de Palluau. Quand il n'était pas à l'armée, il se
tenait le plus ordinairement à la cour. Le séjour de Paris
convenait mieux, d'ailleurs, à la noblesse de ce temps pour
mener une vie facile. C'est ainsi que notre maréchal n'é-
chappa point entièrement aux séductions de cette débauche
dont le roi lui-même donnait l'exemple, et qu'on le vit faire
sa cour à la trop célèbre Ninon de Lenclos'. Cela ne i'em-
pêfhail pas, néanmoins, de s'occuper de ses afTaires domes-
tiques. En prenant possession de l'héritage paternel, il ren-
dait, le 14 mai 1G31, un aveu pour sa terre et seigneurie de
Palluau. La nomenclature de ses fiefs, bien que couvrant
Imiic-six rouleaux de parchemin, n'était pas, il faut le croire,
suffisamment détaillée et assez complète, car Vaveu fut
blâmé pour nombre d'articles et finalement condamné à être
réformé conformément aux blâmes, par une sentence des
Hn((uêtes du Palais datée du mois de février 1038.
' Itohrbacher. Histoire unix^ . de l'Église catholique (Kditinn Rriday.Lyon.
tome XI, p. 229 }
PALLUAU ET LES CLÉREMBAULT 285
Il serait curieux d'étudier dans tous ses détails la suite de
cette chicane féodale dont toutes les pièces, conserv(fes au
Ghartrier de Thouars, forment une liasse considérable. On
y voit, en résumé, que si Philippe de Clérembault savait ba-
tailler pour les intérêts de la France et de son roi, il ne né-
gligeait pas, entre temps, de défendre ses propres intérêts
devant la justice des cours, mais pas toujours avec assez
de raison peut-être'. L'affaire de son aveu fut pendante jus-
qu'au 27 janvier 1645. A cette date, un arrêt de condamna-
tion confirma la sentence des requêtes du Palais du 27 fé-
vrier 1638 et, le 3 février suivant, Philippe de Clérembault
fut obligé de s'exécuter et de payer une amende fixée par la
cour à douze livres tournois^.
En 1650, le baron de Palluau augmenta ses propriétés en
achetant la totalité de l'île de Bouin. 11 acquit la moitié soumise
à la coutume du Poitou de maître René ou Châlellier-Barlot,
le 28 juillet, et l'autre moitié, soumise à la coutume de Bre-
tagne, de Charles Châtaignier de la Grollière et de son épouse
Anne de Machecoul, le 7 décembre. L'île de Bouin n'était
alors qu'une simple seigneurie ; elle fut érigée en baronie,
en 1714, en faveur du comte Phelypeaux de Pontchartrain.
L'année qui suivit sa promotion au grade de maréchal de
France, le 26 avril 1654, Clérembault épousait, à Paris, Louise-
' Le Chartrier de Thouars renferme au moins quinze jugements rendus
contre Clérembault pour l'affaire de sa réformation d'areu, du 13 mars
16.31, date du premier, jusqu'au 27 janvier 1645. date du dernier ; ce qui
prouve que le maréchal était aussi bon chicaneur que bon batailleur et ne
se rendait pas facilement.
» Voici la copie du reçu de cette somme faite sur l'original {Chartrier
de Thouars)
« J'ai reçu de M« de la Trémouille ^nthimé (sicl par les mains de
« M'^ Malherbe, son procureur, la somme d« 12 livres tournois pour ii.ic
« amande (sic) en laquelle M'f' Phili^ype de Clérembault a été condaitnif'
« envers le roy par arrêt du XXVII janvier 1645. dont le quitte. Fait- ta
« Paris, le 3" jour de février 1645.
« Quittance du receveur général des amandes de la cour, des amandes
« ordinaires de 12 livres tournois. »
« Pour le droit de quittance, 4 sols parisis. ■*
286 PALLUAU ET LES CLÉREMBAULT
Françoise Boulhillier, la fille du secrétaire d'Elat Chavigny
(Bouthillier, seigneur de Chavigny).
M. Benjamin Fillon possédait jadis l'original du contrat de
mariage du maréchal, contrat qui fut passé solennellement
au Louvre, en présence du roi Louis XIV et de la reine-mère.
Nous ne savons ce qu'est devenue cette pièce intéressante,
depuis la mort du célèbre archéologue. Quoi qu'il en soit,
grâce à l'obligeance de M. Dugast-Matifeuxqui eut autrefois
l'heureuse idée d'en copier quelques lignes, nous pouvons
mettre sous les yeux de nos lecteurs le commencement et la
fin de l'acte.
« Contrat de mariage entre haut et puissant seigneur Phi-
« lippe de Clérambault, comte de Palluau et de Tisle de Bouyn,
•' conseiller du roy en tous ses conseils et maréchal de
« France, fils de défunt haut et puissant seigneur Jacques de
« Clérambault, vivant chevalier, seigneur dudit Palluau,
« Chantebuzain, Villegay et autres places; et de haute et
« puissante dame Louise Rigault, jadis son épouse, demeu-
« rant à Paris, en son hôtel^ rue Traversante, paroisse de
(( Saint-Roch, pour lui en son nom, d'une part; et haute et
« puissante dame Anne Philippeaux, veuve de défunt haut
« et puissant seigneur Léon Bouthillier,, vivant chevalier,
« seigneur de Chavigny, conseiller du roy en ses conseils,
« grand trésorier et commandeur de ses ordres et ministre
« d'Elat, demeurant en cette ville de Paris, rue du roy de
« Sicile, paroisse de Saint-Paul, au nom et comme stipulant
« en cette partie pour damoiselle Louise-Françoise Bouthil-
« lier sa fille, à ce présente et de son consentement, d'autre
« part : lesquelles parties, pour raison du futur mariage
(( desdits seigneur maréchal de Clérambault et damoiselle L.
« F. Bouthillier, reconnaissent et confessent avoir fait et font
( ensemble les promesses et conventions qui ensuivent, en
•' la présence et de l'autorité de très haut, très auguste et
« très magnanime prince Louis, par la grâce de Dieu roy
« (1p France et de Navarre, très hnut très puissant et très
PALLUAU ET LES GLÉREMBAULT 287
« auguste et très magnanime princesse Anne, par la grâce
« de Dieu reine de France, mère dudit seigneur roy etc..
« de Monseigneur l'éminentissime et révérendissime cardi-
(( nal Jules Mazarini ; et aussi en la présence et par l'avis et
« consentement, savoir, de la part du seigneur de Clérem-
« bault, futur époux, de l'illustrissime messire Gilbert de
«■ Glérambault, son frère, conseiller du roy en ses conseils,
u abbé commendataire des abbayes de Jard, Bulurbault {sic,
« pour Breuil-Herbault, sans doute)
Le reste manque. L'acte se termine ainsi :
« Fait et passé, savoir par Leurs Majestez et Son Eminence
« auchasteaudu Louvre, à Paris, et, par les parties et autres
« seigneurs et dames, en l'hostel de la dame de Chavigny, le
« 26* jour d'avril, après midi. »
Nous nous plaisons à penser quelle belle fête ce fut dans
le vieux château de Palluau, quand le maréchal, son illustre
seigneur, y conduisit pour la première fois sa jeune et bril-
lante épousée ! La trompe du guetteur eut à peine signalé
leur arrivée, que !a population de la petite cité dut se porter
en masse aux abords du château, des bannières multicoloi'es
furent hissées au sommet des tours, les canons tonnèrent en
signe d'allégresse, les ponts-levis abaissèrent majestueuse-
ment leurs lourds tabliers et tous les vassaux au grand complet,
réunis aux hommes d'armes de la place^, vinrent se ranger
dans la cour d'honneur et otîrir aux nobles arrivants l'hom-
mage et le salut de bienvenue. Puis ce furent des fêtes et des
galas où la population villageoise ne fut point oubliée el eut
sa part de franche li/jpée et de plaisirs.
Sans doute la demeure seigneuriale fut trouvée trop vieille,
trop sombre et trop démodée par notre jeune châtelaine
accoutumée aux splendeurs des riches salons du Louvre.
C'est pourquoi on peut conjecturer très vraisemblablement
que dès ce jour sa reconstruclion fut décidée, bien qu'elle
n'ait été entreprise ou terminée qu'en 1661 seulement.
C'est ici le lieu de dire quelques mots du château dont on
288 PALLUAU ET LES CI.ÉREMBAULT
voit encore les ruines à Palluau. Nous résumerons briè-
vement ce que nous en avons dit dans les Paysarjes et monu-
ments du Poitou, publiés par M. Jules Robuchon.
Le premier document écrit qui fasse mention expresse du
château de Palluau est un compte de gestion « de Guillaume
Oiivrart, chastelain de Palluau, pour son tr^fi puissant et ho-
noré sgr MonsQr de Laval (Gui XII] et de Chàteaubrient, des
rcccpfes et mises quil a fait en ladite chnlellenie, depuis le
W ÏP jour de fevrer , Vanmil trois cens seixante et neuf, jusques
au VT'' jour d'avril que furent Pasques, Van mil H I {cent)
seixa7iteet onze*. » Mais il est certain qu'il faut remonter bien
au delà du XIV* siècle pour avoir la date de sa fondation.
Nous trouvons en effet les noms do sénéchaux, de viguiers
et de seigneurs de Palluau jusque vers le milieu du XI* siècle,
ce qui suppose évidemment, dès cette époque, l'existence en
ce lieu d'un château ou d'une importante demeure seigneu-
riale qu'on aura agrandie et fortifiée dans la suite. Toujours
est-il qu'au XIV« siècle, le château de Palluau était complet
avec donjon, enceinte fortifiée, fossés, pont-levis et tous les
bâtiments accessoires comme ceux de la maréchaussée, de la
fuie etc.. Il était alors défendu par une garnison, comme
en fait foi la pièce dont nous avons parlé plus haut.
Le donjon, qui devait être une construction assez impor-
tante, ne fut achevé que vers la fin du XV* siècle par Guil-
laume Petit, valet, alors gouverneur du château au nom du
corn le de Penthièvre, et, à la même époque, de grandes ré-
paralions furent faites au château lui-même, réparations qui
ne coûtèrent pas moins de cinq à six mille livres.
Si le château de Palluau avait besoin d'être réparé dès le
XV siècle, parce qu'il était alors en mauvais état, il devait
' Ce ilociiment très curieux et très intéressant qui nous a été communiqué
p:ir son pro])riétaire, M. Duirast-Matifeux, est un rouleau, formé d'une bande
ili' parchemin, mesurant 'i^SO de longueur sur 0,;>8 h 0,30 centimètres de
largeur. Il y est question (Tacfiats de poudre, pour la défense du château où
il y avait déjà des canons i^n 13G9 ! (J3 ans après Crécy), de réparation des
arbalètes du donjon, des ponts-levis, d'achat de vivres pour la garnison etc., «te.
PALLUAU ET LES CLÉREMBAULT 289
être, sans doute, bien plus endommagé encore, deux siècles
plus lard, quand Philippe de Glérembault entreprit de le re-
bâtir.
En quelle année précise eut lieu cette reconstruction? Aucun
document ne l'indique^ et nous n'avons pu découvrir aucune
date en explorant aussi attentivement que possible les ruines
actuelles du château. Mais ce que nous cherchions en vain
sur les cartouches surmontant les linteaux des portes et des
fenêtres^ nous l'avons trouvé, le croira-t-on ? au fond d'une
cheminée, sur une belle plaque de fonte qui ne mesure pas
moins d'un mètre de hauteur. Cette plaque est ornée de
deux blasons accostés, le premier, t burelé d'argent et de sable
de dix pièces, » qui est de Glérembault, et le second, « d'azur
à trois fusées d'or, » qui est de Bouthillier (famille de l'épouse
du maréchal). Les deux écus sont surmontés d'une couronne
de marquis et ont pour supports deux éléphants et deux
bâtons de maréchal fleurdelisés, posés en X. La date de 1661
y est très lisible ainsi que deux G entrelacés qui rappellent
la lettre initiale du nom de Glérembault. Mais cette date de
1661 n'a pas été mise là fortuitement et sans raison par le
fondeur. Nous nous sommes donc demandé ce qu'elle peut
bien signifier. Or elle ne marque pas l'année où le titre
de maréchal de France fut conféré au seigneur de Palluau,
puisqu'il avait reçu ce titre huit ans auparavant, en 1653,
comme nous l'avons dit plus haut; elle n'indique pas davan-
tage son mariage qui, nous l'avons vu, remonte à 1054; encore
moins son entrée en jouissance du château, ce qui nous re-
porte à 1630. Elle ne peut donc, selon nous^ indiquer autre
chose que la date de la reconstruction du château.
Gette même plaque devait se retrouver jadis dans la plupart
des cheminées du château ; mais il n'en reste plus aujourd'hui
que trois ou quatre. Les autres ont été brisées ou dispersées".
' Nous en avons trouvé une en parfait état de conservation dans la ciie-
minée de cuisine delà maison dite du Saint-Coin, à Saint-Etienn<'-<lu-lîois
200 PALLUAL' ET LES CLÉREMBAULT
»
Le style adopté dans la reconstruction fut le style de la
Renaissance. Ce genre d'architecture qui s'inspirait de l'art
antique, apparut en France après les premières guerres
d'Italie, se développa sous François I", et semble avoir atteint
sa perfection sous les règnes de Henri II et Henri III. Ce fut,
on le sait, sous Louis XIII et son successeur, pendant la pre-
mière moitié du XVIP siècle, que les castels et les manoirs
qui servaient de demeures aux familles nobles perdirent peu
à peu ce caractère formidable que la féodalité leur avait im-
primé. De cette époque datent ces hôtels somptueux, bien dif-
férents des châteaux du moyen âge, qui, pour l'extérieur du
moins, personne n'en disconviendra, ressemblaient trop à
des prisons. Les tours, tourelles, échauguettes, murs for-
tifiés, pont-levis, donjons, crénaux et mâchicoulis se voient
encore dans la plupart des constructions de ce genre, mais
non comme défense de guerre : ce n'est plus qu'une décora-
Lion militaire. De loin , ces châteaux ressemblent à des
forteresses et Ils ne sont en réalité que des maisons de
plaisance.
Tel dut être le château du Palluau quand il eut été rebâti
par son illustre propriétaire le maréchal Philippe de Clérem-
bault. Toutefois, hâtons-nous de le dire, quoique bâti pendant
le grand siècle de Louis XIV et contemporain des édifices
somptueux élevés par Philibert Delorme, Bullant,^Androuet,
du Cerceau, Levau, Perrault et Mansard, notre château, autant
du moins qu'il est permis d'en juger présentement, n'avait
rien qui rappelât, même de loin, la splendeur du Louvre et
des Tuileries. Malgré la correction de ses lignes qui ne
manquent pas d'une certaine grandeur, l'ensemble du bâti-
ment devait paraître lourd et sans grâce. C'est le jugement
qu'en a porté VioUet-le-Duc, un maître dans l'art de bâtir,
après inspection faite des ruines actuelles.
Le maréchal ne jouit pas longtemps de son œuvre. H fut
pris d'une maladie de langueur, dès l'année 1562, et ni les
médecins auxquels il eut recours, ni les eaux do Bourbon
PALLUAU ET LES CLÉREMBAULT 291
dont il essaya, ni l'air pur et salubre de sa campagne de
Palluau ne purent refaire sa santé altérée. Trois ans après,
lo 24 juillet 1665, il mourait à Paris à lage de 59 ans. Son
corps fut aussitôt rapporté à Palluau où il l'ut enterré dans
l'église du lieu'. Quant à son épouse, elle lui survécut long-
temps et ne le rejoignit dans la tombe que dans les premières
années du siècle suivant.
De tous les membres de la famille Glérembault dont l'iiis-
toire a enregistré les noms, aucun ne saurait être mis en pa-
rallèle avec le maréchal. Il fut, incontestablement, la gloire
la plus brillante de cette illustre famille du Bas-Poitou
Une peinture du XVII» siècle qui se voit encore au musée
de Versailles nous a conservé son portrait physique. Quant
à son portrait moral, il a été tracé par les plumes diverses
qui nous le représentent sous un jour plus ou moins favo-
rable. Nous reproduisons ici, comme nous paraissant le plus
original et le plus véridique, celui qu'en a fait le duc de Saint-
Simon dans ses Mémoires : « Le maréchal de Glérembault,
.' dit-il, était homme de qualilé, bon homme de guerre, et
(- avait été mestre de camp général de la cavalerie fort à la
• mode sous le nom de comte de Palluau, avant qu'il prît son
*' nomi lorsqu'il devint maréchal de France. C'était un homme
« de beaucoup d'esprit orné, agréable, plaisant, insinuant et
« souple, avec beaucoup de manège, toujours bien avec les
« ministres, fort au gré du cardinal Mazarin et fort aussi au
(^ gré du monde et toujours parmi le meilleur. Le comte de
« Palluau, ajoute en note le spirituel auteur, devint maréchal
« de France en 1653 On était alors en pleine Fronde et les
* L'église paroissiale de Palluau se trouvait alors flans l'enceinte même du
château ; une pièce de vigne, jadis appelée « la vigne du Dois, » aujourd'hui
convertie en prairie, marque son emplacement, un peu en deçà des tours de
r.'Utrée qui étaient aflectées au logement du chapelain Cette église servit
iiu culte jusqu'aux premiers mois de l'année 179'. où elle lut en partie brûlée
par la colonne infernale de Commaire. D'après la tradition locale, la tombe
du maréchal de Glérembault l'ut alors violée et les ossements en ayant été
retirés furent jetés avec mépris et dérision dans les fossés du château.
292 PALLUAU ET LES CLÉREMBAULÏ
(( poètes satiriques n'épargnèrent pas un général qui était
« resté fidèle à Mazarin. Blot lui décocha le couplet suivant :
A ce grand maréchal de France,
Favori de Son Eminence,
Qui a si bien battu Persan,
Palluau, ce grand capitaine.
Qui prend un château dans un an
Et perd trois places par semaine .
Au dire de Saint-Simon, le maréchal était un homme d'es-
prit et ses contemporains ne le jugèrent pas moins favora-
blement, puisque peu d'années après sa mort, on a publié
ses Co7iversations avec le chevalier de Méré^. C'est à Poitiers
que le maréchal s'étant retiré, pendant six mois environ, à
cause de sa mauvaise santé, près de l'évêque son frère, se
lia d'un commerce intime avec le chevalier dé Méré'. Ils par-
tageaient leur temps entre le jeu. la promenade et les con-
versations ; « Mais, dit l'éditeur des Conversations, leur jeu
<( n'f'taif qu'un amusement ; et c'est ainsi qu'il en faut user
• Mémoires du duc de Saint-Simon. Edition Hachette, tome xni, p. t5.
î Les conversations de M. D, C. (de Clérembuult) et du C. D. M. (chevalier
do Méré) imprimées à Paris, chez Claude Barbin, en 1660, 1 vol. in-12 ;
réimprimées en 1675, et de nouveau à Lyon, en 1677.— Le chevalier de
Méré était un Poitevin ; son vrai nom est Georges Brossin (Voir ce nom
dans Droux du Px,adier, Bibliotl,. hist. et critique du Poitou, tome iv,p.244).
« Le maréchal de C. est ce qu'on appello un .calant homme qui sait parfai-
« tement le monde. Il a passé sa vie à la cour ou à l'armée et pi-u do gens
0 ont eu plus que lui cet esprit naturel qui fait que l'on est habile et
« agréable. Avec sa langue embarrassée il ne laisse pas de .s'expliquer de
« bonne grâce... » (Première conversation).
ï Gilbert <le Clérambault, évêque de Poitiers, était prêtre du diocèse de
Luçon, docteur en droit canonique, quand il reçut du pape Alexandre VII
ses bulles pour l'évêché de Poitiers, le 1" avril 1658. Sacré le 21 juillet de
la même année dans l'église des Jésuites de la rue Saint-Antoine, il ne prit
possession de son siège que le I.i mars de l'année suivante. Pendant toute la
durée de son épiscopat. il lutta contre le chapitre de Saint-Hilaire qui, se
prévalant d'anciens privilèges accordés à leur église, empiétaient sur la ju-
ridiction de l'Ordinaire. (V. Thibaudeau, Hist. du Poitou, tome i<>r, p. 58 et
ss.). Gilbert de Clérembault jouissaient des revenus d'un grand nombre
(l'abbayes (Lieu-Dieu-en-Jard et Breuil-llerbault, au diocèse de Luçon). 11
mourut le 3 janvier 1680 (Gallia Christiana, t. ii, col. 1208).
PALLUAU ET LES CLÉREMBAULT 293
tt avec ses vrais amis : ca?' si le grand jeu ne détruit pas l'a-
<i mitié, du moi?is elle en pourrait être altérée » (2' convers.
(( p. 68). D'après le même, le maréchal employait au jeu un
« temps considérable. » (Voir 3° convers.p. 149; — 4» couvers.
p. 152 ; — 5" convers. p. 247 ; — 6'= convers. p. 248).
Sainte-Beuve a fait aussi du maréchal de Glérembault le
sujet d'un de ses portraits littéraires. « Ce maréchal au parler
« bègue, dit-il en résumé, avait des manières affectées et
tt devait être /y/ws adroit courtisan que grand guerrier. «
Notre étude sur le maréchal de Glérembault ne serait pas
complète, si nous n'ajoutions au sien le portrait de sa dame
tel que nous l'a lotisse le duc de Saint-Simon. On peut dire
qu'il est fait d'après nature ; car l'auteur paraît avoir été ad-
mis dans l'intimité de la maréchale. Laissons-lui donc de
nouveau la parole ; « La maréchale de Glérembault était
tt gouvernante de la reine d'Espagne, fille de Monsieur, qui
(i se prit à elle de diverses choses et la chassa assez mallion-
« nêtement. Elle était parente assez proche et fort amie de
tt M. et de M"^ la chancelière et allait souvent à Pontcliar-
tt train avec eux. C'est où je l'ai fort vue et chez eux, à la cour.
« C'était une vieille très singulière, et, quand elle était en
« liberté et qu'il lui plaisait de parler, d'excellente et de très
« plaisante compagnie, pleine de traits et de sel qui coulait
V* de source, sans faire semblant d'y toucher et sans aucune
« affectation. Hors de là, des journées entières sans dire une
« parole. Etant jeune, elle avait pensé mourir de la poitrine,
tt et avait eu la constance d'être une année entière sans pro-
« férer un mot. Avec sa tranquillité, son indifférence^ sa
« froideur naturelle, l'habitude lui en était restée. On ne
t saurait avoir plus d'esprit qu'elle en avait, ni d'un tour
ce plus singulier. Quoique venue fort tard à la cour, elle en
« était passionnée et instruite à surprendre de tout ce qui s'y
« passait dont, quand elle daignait en prendre la peine, les
« récits étaient charmants ; mais elle ne se laissait aller que
« devant bien peu de personnes et bien en particulier. •■
■^94 PALLUAU ET LES GLÉRKMBAULT
u Avare au dernier point, elle aimait le jeu passionnémeni
« et ces conversations particulières et reserrées et rien du
a tout autre chose. Je me souviens qu'à Pontchartrain, par
« le plus beau temps du monde, elle se mettait, en revenant
« de la messe, sur le pont qui conduit aux jardins, s'y lour-
« nail lentement de tous côtés, puis disait à la compagnie :
(' Pû((r aujourd'hui, me voilà bien promenée ; Oh ! bieti qu'on
« 7ie m' en parle plus, et mettons-nous à jouer tout à l'heure. »
« Et, de ce pas, prenait des cartes qu'elle n'interrompait que
« le temps des deux repas, et trouvait mauvais encore qu'on
« la quitlàt à deux heures après minuit. Elle mangeait peu,
(c souvent sans boire, au plus, un verre d'eau. Qui l'aurail
« crue, on aurait fait son repas sans quitter les cartes. Elle
'< savait beaucoup en histoire et en sciences, jamais il n'y
" paraissait. Toujours masquée, en carrosse, en chaise, à
« pied par les galeries : c'était une ancienne mode qu'elle
" n'avait pu quitter, même dans le carrosse de Madame. Elle
« disait que son teint s'élevait en croûte sitôt que l'air le
« frappait ; en effet, elle le conserva beau toute sa vie qui
« passa quatre-vingts (ms\ sans, d'ailleurs, avoir jamais
« prétendu en beauté. Avec tout cela elle était fort considérée
<( et comptée. Elle prétendait connaître l'avenir par des cal-
« culs et de petits points et cela l'avait attachée à Madame
« qui aimait fort ces sortes de curiosités; mais la maréchale
« s'en cachait fort.
« Il faut donner le dernier trait à cette espèce de person-
« nage. Elle avait une sœur religieuse à Saint-Antoine, à
« Paris, qui, à ce qu'on disait, avait pour le moins autant
« d'esprit et de savoir qu'elle : c'était la seule personne
« qu'elle aimât. Elle Fallait voir très souvent de Versailles,
« et, quoique très avare, mais fort riche, elle l'accablait de
" présents. Cette fille tomba malade; elle la fut voir et y
« envoya sans cesse. Lorsqu'elle la sut fort mal et comprit
» KUe mourut le 27 novembre 17.'J, à l'âge de 89 ans. (P. Anselme, t. vu.).
PALLUAU ET LES CLÉREMBAULT 2Ô5
« qu'elle n'en reviendrait pas : « Oh ! bien, dit-elle, ma pauvve
« sœur, qu'on ne ni en parle plus ! » Sa sœur mourut et
« oncques depuis elle n'en a parlé, ni personne à elle. Pour
« ses deux fils, elle ne s'en souciait point et n'avait pas grand
a tort, quoiqu'en grande mesure avec elle; elle les perdit
'.( tous deux; il n'y parut pas et dès les premiers moments'. »
Les dernières lignes de cette longue citation nous ap-
prennent que le maréchal de Glérembault laissa deux fils :
Jules et Philippe-, .lulcs, l'aîné, lui succéda dans ses titres
et propriétés.
Jules de Glérembault ne suivit points et pour cause, la
carrière des armes. « C'était, a écrit Saint-Simon, un vilain
bossu qui avait de l'esprit et de la science. » Il entra dans les
ordres, prit le grade de licencié en théologie à la faculté de
Paris, et fut pi'omu au sacerdoce. Le château de Palluau eut-
il l'honneur de l'avoir pour hôte? Nous ne saurions le dire ;
mais il est à croire que, s'il y vint, le nouveau propriétaire n'y
fit que de rares et courtes apparitions. Le Ghartrier de Thouars
renferme deux procurations de \mpour faire hommage et
rendre aveu de Palluau : la première est du 19 juillet 1684 et
la seconde du 8 juillet 1699. Son aveu du 28 septembre 1699,
que nous avons sous les yeux, est plein de données fort inté-
' Mémoires du duc de Saint-Siinon (Kdition Hachette, tome ii^, p. 350-01).
» Le P. Anselme mentionne aussi une fille du nom de Térèse. — Philippe,
le cadet, (|ui porta le titre honorifique de comte de Palliidu, fut colonel
d'un régiment de son nom, brigadier d'armée en 1690, puis maréchal de
camp en 1693. Il se noya dans le Danube, à la désastreuse bataille d'Hochs-
tedt, en 1704, ayant mieux aimé franchir le fleuve ;i la nage avec son cheval
que de se constituer prisonnier. — A la mort de son mari, la maréchale de
Glérembault s'empressa de présenter aveu pour faire hommage de Palluau ;
mais elle fut déclarée non recevable, à moins qu'elle ne justifiât d'iHre
propriétaire par quelque contrat de délaissement qui lui en aurait été lait.
Cesl son fils, Messire Jules de Clérembnult, fils aine, qui doit faire aveu.
(Chartrier de Thouars).
Tome iv. — Juillet, Août, Septembrk 1801. 20
296 PALLUAL" KT LES CLÉRKMBAULT
ressanles pour l'histoire de la contrée de Palluau à cettG
époque ; mais cette pièce ne peut trouver place ici à cause
de sa longueur, ni s'analyser ; sa nature môme s'y oppose.
Toutes ces pièces nous disent que le baron de Palluau avait
pour résidence ordinaire son hôtel de Paris rue des Bons-
Enfants, paroisse Saint-Eustache. Aucune ne mentionne sa
présence à Palluau, môme transitoire.
Pourvu des riches bénéfices de quatre abbayes (Saint-
Taurin d'Evreux — Lieu-Dieu en Jard — Saint-Savin et Ghar-
treuve) notre abbé commendataire put facilement se livrer à
son goût pour les choses de l'esprit, dans lesquelles il acquit,
paraît-il, une certaine réputation, puisqu'il fut jugé digne
d'occuper l'un des quarante fauteuils de l'Académie française.
Il y remplaça le fabuliste La Fontaine^, et, comme il était
tout contrefait, des plaisants d'alors dirent, en riant, qu'on
avait nommé Esope à la place de La Fontaine'.
Quels furent ses titres littéraires pour obtenir les honneurs
académiques? nous les ignorons ; nous ne connaissons de
lui aucun écrit. Il est à croire, cependant, qu'il publia
quelques œuvres et attira ainsi sur lui l'attention du public
lettré. Le duc de Saint-Simon le laisse entendre, quand il dit
qu' « il ne produisait pas beaucoup. >> A la Bibliothèque na-
tionale, département des Manuscrits, il y atout un fonds, dit
fonds Clérembaud. Mais ce Clérembaud n'a rien de commun
avec les Clérembault-Palluau, objet de cette étude. C'est ainsi
du moins, qu'en a jugé un de nos savants amis de Paris que
nous avons chargé de prendre des informations à ce sujet. Il
faut en dire autani, paraît-il, du poète Clérembaud. qui h
donné son nom à un Chansonnier manuscrit conservé égale-
ment à la Bibliothène nationale et dont M. Charles Gérin
donne des extraits pleins d'un esprit fin et satirique, dans
ses Recherches sur V Assemblée de 1 683.
Somme toute, son œuvre littéraire devait être assez peu
' Nouvelle Biographie générale. Paris, \M?, 'an nom de Cl^rembault).
PALLUAU ET LES CLÉREMBAULT ?97
importante, puisqu'il n'en est pas resté trace dans l'iiistoire.
Notre immortel mourut le 17 août 171 i, en sa résidence de
I^aris. Sa mère, la maréchale de Clérembault, dit Saint-Simon,
ne crut pas que ce fût la peine de s'en affïiger\ »
L'année qui précéda sa mort, Jules de Clérembault s'était
déjà dessaisi de son titre de baron de Palluau et de ses droits
sur cette terre et son château. Voici, en effet, ce qu'on lit
dans le Journal de Danjeau, sous la date du 19 novembre
1713 : « M. de Pontchartrain achète des terres de la maré-
({ chale de Clérembault. en Poitou, dont la principale est
« Palluau, où il y a un très beau château et assez bien meu-
« blé. Ces terres valent 20.000 livres de rente; il en donnera
« 200,000 fr., argent comptant,' et une pension viagère de
u 18,000 fr. à la maréchale de Clérembault et, après sa mort,
a il donnera une pension de 15,000 fr. à l'abbé de Clérem-
(( bault^ son fils, l'académicien-. >>
Cette dernière clause de la vente ne put sortir son efîet,
cir, ainsi que nous l'avons dit, le fils précéda la mère dans
le tombeau. La douairière vécut jusqu'en 1722 : elle s'éteignit
à l'âge de 89 ans et avec elle le nom illustre des Clérembault-
i\Tlluau.
Pour terminer cette étude, nous transcrirons ici la des-
cription des limites du comté de Palluau d'après un aveu de
1754. Cet aveu n'étant que la reproduction , mais mieux
ordonnée, des aveux précédents rendus par Jules et Philippe
de Clérembault, nous donnera par conséquent l'étendue de
la baronnie des seigneurs de Clérembault dont nous venons
d'esquisser l'histoire. Les limites sont indiquées avec une
telle précision qu'il est facile, dit M. Marchegay, d'en tracer
* Mémoires. Tome vu, p. 98 (édition Hachette).
» Journal de Danjeau, t. xv, p. 29 (Paris, Firmiri Didot, ISâ'.i).
298 PALLUAU KT LES CLÉREMBAULT
exactement les contours sur la carte de Gassini ou sur celle*
de l'état-major*.
«« Le comté, terre et seigneurie de Palluau se tient pt
« confronte d'une part aux terres de la baronnie d'Aspre-
« mont, au Bois (Je la Lévinière, paroisse de Mâché et aux
« terres du tènement de l'Ondière, ruisseau entre deux, qui
« sépare ledit tènement du fief et tènement de la Pénardière,
« tenue dudit comté; aux landes et terres de la Mongie, la
« Faguelinière, l'Eraudière, la Charrie et la Givrandière qui
« sont de la paroisse d'Aspremont. D'autre (part, se tient) à
« la rivière de Vie qui est toute dudit comté de Palluau, et
« ce, depuis Mâché jusqu'au gué de la Boutière, tenant à la
« châtellenie d'Aizenay, ladite rivière entre deux. »
« De là tient aux terres de la baronnie de Bellevilie, qui
« sont la Rémondière, la Grande Courolière et la Boutière,
« et aux terres de la principauté de la Roche-sur- Yon, ruis-
« seau entre deux, jusqu'au tènement de l'Auspierre et en-
« suite au tènement de la Vésinière , la Ganterie, le Fief-
« Râteau, jusqu'à l'étang de Roche-Quairie. Et de là, en
« remontant le long de la rivière de Boulogne (la Petite
« Boulogne), tient au tènement des terres de la Petite-Vergne,
« la Picaudière, le Fief-Gourdeau, ladite rivière entre deux,
« Taillepied et la Ricoulière qui sont de la principauté du
u Luc. »
t Et allant en avant, tient au tènement de la Guichère et
t( Domangère et au Gué du Rete qui sont de la châtellenie de
« Rocliecervière; et ensuite descendant le long de la rivière
«. de la Logne jusqu'au Gué-Papin, à l'entrée de Legé, et au-
* Nous avons donné ce tracé des limites du comté de Palluau pour les
Paysages et monuments du Poitou, par M.Jules Robuchon. d'après la carte
de l'état-major.
PALLUAU ET LES CLÉREMBAULT 299
« delà jusqu'au moulin du Merceron, en suivant le cours de
u ladite rivière jusqu'à un ruisseau près le moulin Guérin,
« appelé le ruisseau Arrivé. De là joignant les terres de Ro-
« checervière. de Legé, de la Benate , remontant par le
« chemin qui conduit de Rochecervière à Touvois, le long
« des terres du prieuré de Péranche, ledit chemin entre deux,
« jusqu'à la forêt de Touvois y conduisant et tournant ladite
(( forêt jusqu'à la métairie de la Haye, appartenant aux héri-
« tiers du seigneur comte de Vertus. Et de là, le long du
« ruisseau joignant les terres de ia Vannerie jusqu'au gué et
« pas de Machecoul; continuant à descendre ledit ruisseau
« jusqu'à la métairie et tènement du Gensif-Nouhaud et
« terres de la châtellenie de Touvois ; de là aux dépendances
« des métairies du Breuil-Herbaud et de la Jaubreticre,
« paroisse de Falleron. »
« Tient aussi aux terres et censives de la Gommanderie
« des Habites et de Goudrie, d'autre (part) à la baronnie de
« Gommequiers, savoir au tènement de la Blanchère-Bardin
(( et aux terres de la Grossinière, et, de là, passant au bourg
« de Saint-Ghristophe-du-Ligneron , y comprenant ledit
« bourg jusqu'aux terres du Verger ; ensuite tenant aux
« landes de Douaimes (ou les chênes), d'autre, à la rivière
« du Ligneron, au fief et tènement de Geoffroi . . Fief-Fou-
» caud. Fief-de-la-Glergerie et Fief-Giraut et tendant au bourg
«de Gommequiers, comprenant partie d'icelui. »
« Et encore tient aux prés du château de Gommequiers et
« aux fiefs de la Ghaulière, la Vrignousière et les Brigas-
u sières, la Garouère, l'Avau, la Noue, le tout en la baron-
« nie de Gommequiers et de là au chemin tendant au Pas-
« au-Peton et à la rivière de Vie, et suivant ladite rivière de
« Vie jusqu'à la baronnie d'Aspremont ; tenant encore à la
« baronnie de Ryé, le chemin du Pas-au-Peton au Gné-au-
« Rou entre deux. »
« Et, en outre, les enclaves dépendant dudit comté de
« Palluau au delà de la rivière de Vie, dans la paroisse d'Ai-
300 PALLUAU ET T.ES CLÉREMBAULT
»
« zeiiay qui sont la maison noble de la Gharpenterie, fiefs
« et dépendances d'icelle'. »
Du château rebâti par le maréchal Philippe de Glérembault,
il ne reste plus maintenant cfue des ruines, non sans gran-
deur, mais sans intérêt pour le touriste aussi bien que pour
l'archéologue. Comme aux temps anciens, il domine de sa
sombre majesté toutes les maisons de la petite cité à laquelle
il a donné naissance, et qui semble encore son humble
vassale ; avec cette diiïérence toutefois que celle-ci se pré-
sente avec des airs de vie et de jeunesse, tandis qu'il ap-
paraît morne, décrépit, découronné et recouvert, de la base
jusqu'au sommet, d'un épais manteau de lierre, semblable
à un vieillard de haute stature que font trembler le poids des
ans et la froidure des hivers.
On devine, en le visitant, que la Révolution a passé par
là avec ses torches incendiaires.
Dans son Génie du Christianisme, Chateaubriand a con-
sacré quelques belles pages à la peinture des ruines, cette
poétique des morts, comme il l'appelle, et il distingue avec
raison deux sortes de ruines : l'une ouvrage du te^ips, l'autre
ouvrage des hommes. « Les premières, dit-il, n'ont rien de
« désagréable, parce que la nature travaille auprès des ans.
« Les secondes sont plutôt des dévastations que des ruines ;
« elles n'offrent que l'image du néant sans une puissance
« réparatrice. Ouvrage du malheur et non des années, elles
u ressemblent aux cheveux blancs sur la tête de la jeu-
ce nesse... » Cette impression est de celles que ressent le
visiteur qui promène ses regards et ses pas à travers les
ruines du château de Palluau. Ce lierre à la sombre ver-
dure qui recouvre ses murs dégradés et noircis est comme
un immense voile de deuil jeté par la nature sur leur tris-
tesse et leur nudité. Des centaines d'oiseaux v cherchent,
* liccherche.t historiques sur le âépnrtcmeni de la V(>mh'e piir M. Mîu--
che^ay (1' série, p. 93 et !)4i.
FALLU AU ET LES CLÉREMBAULT 301
au printemps, un abri pour leurs nids et leurs couvées et
seuls, leurs cris et leurs gazouillements viennent désormais
interrompre le silence de mort de cette demeure dévastée.
Demandez aujourd'hui aux habitants de Palluau qui a bâti
leur château, qui l'a habité jadis ? C'est à peine s'ils se sou-
viennent de ce que leur en ont appris leurs ancêtres et
quelques anciens seulement nommeront encore le maréchal
de Glérembault : Sic transit glcria miindi! »
L'abbé H'" Buutln.
m
[
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
(Suite)
Biographies inédites des chefs Vendéens et des Chouans
Par M. de la Fontenelle de ^'audoré
ELBÉE (Madame Duhoux d'Hauterive, femme Gigot d'),
sœur de l'ancien gouverneur de Noirmoutiers, jouissait, dans
sa terre de Beaupréau, qu'elle habitait avant la Révolution,
d'un juste renom de vertu et de Aarité. Lorsque la guerre
de la Vendée éclata, elle partagea souvent les dangers de son
mari, l'accompagna dans l'île de Noirmoutiers et finalement
périt à ses côtés. Ce qui lui causa à ses derniers moments
le plus de chagrin, fut de voir M"" Mourain,qui lui avait donné
asile, partager son sorl, victime de l'amitié qu'elle lui avait
témoignée.
FORESTIER (l'abbé), frère du commandant de la cavalerie
d'Anjou, se fit comme lui remarquer par son zèle pour la
cause royale pendant l'insurrection. 11 signa en 1814 l'adresse
des Vendéens au Roi, et devint plus lard curé de la Pomme-
rave-sur-Sèvre.
GAZEAU DE LA BOISSIÈRE (L. C.)', brigadier des armées
du Roi, vivait retiré dans sa terre de Grosbreuil, lorsqu'il
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC 303
fut arrêté comme suspect, en qualité de gentilhomme, et
traduit devant la commission militaire des Sables-d'Olonne,
qui le condamna à mort, le 22 mars 1794, comme contre-ré-
volutionnaire et Vendéen. Il était âgé de cinquante-sept ans.
GAZh:AU (Victor de), parent du précédent, capitaine aide
de camp du général de Sapinaud, signa en 1814 l'adresse des
Vendéens au Roi.
GAZEAU (aîné), capitaine de chasseurs vendéens, signa
en 1814 l'adresse au Roi.
GAZEAU (jeune), frère du précédent et de la même famille
que les deux mentionnés plus haut, souscrivit pareillement
à l'adresse de 1814.
GENAY (Joseph), fils de Jean Genay , originaire de la Châtai-
gneraie, sénéchal de Gourlay, et de Marie Garnier des Mar-
menières. Après avoir fourni comme officier une brillante
carrière pendant l'insurrection vendéenne, il se retira à
Courlay, où il mourut le 20 juillet 1845, âgé de 82 ans.
\
GODREAU, capitaine d'état-major à l'armée du Centre,
signa, le 27 juin 1815, la protestation des Herbiers.
GOGUÉ (l'abbé), aumônier de la Basse-Vendée, disputa au
P. Doussin l'honneur de rendre les derniers devoirs au brave
divisionnaire Guérin, tué à l'attaque de Saint-Cyr.
Resté fidèle à Gharette, i'abbé Gogué, peu après la mort de
ce dernier, fut lui-même arrêté dans la paroisse de la Roche-
sur-Yon, qu'il desservait comme vicaire, et conduit devant le
général républicain Gaultier. Celui-ci lui présenta une lettre
sans date ni signature, adressée au général vendéen et trou-
vée sur lui, par laquelle il lui offrait, dans son extrémité, les
hommes de sa paroisse alors soumise. Gogué reconnut la
lettre comme sienne, fut condamné à être fusillé et marcha
à la mort avec calme et courage.
304 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
»
GOUIN (P.), officier vendéen, fat nommé par le général
Gharette après la prise de Noirmoutiers, commandant de
Barbâtre sons Dubois, de Soulans. A la reprise de l'île parles
républicains, il commandait une partie de la cavalerie royale
et, ayant été fait prisonnier, il fut fusillé le 7 janvier 1794,
au mépris de la capitulai ion.
GOULAlNE(le marquis de), des environs de Rocheservière,
parut comme chef des Vendéens de celte contrée, dès les
premiers soulèvements. Lorsque l'abandon précipité de Ma-
checoul fit perdre momentanément à Gharette la confiancedes
royalistes, Goulaine et particulièrement sa femme excitèrent
parmi leurs vassaux une grande animosité contre ce général
et l'on alla même jusqu'à délibérer si on ne le mettrait pas à
mort. En guerre civile, on est trop volontiers disposé à
accuser de trahison le chef dont le succès n'a pas couronné
les efîorls. De Goulaine n'en continua pas moins à servir sous
les ordres de Gharette, il coopéra même, aux Herbiers, le 9
décembre 1793, à sa nomination au grade de général en chef,
et fut adjoint à la députatiou chargée d'aller lui porter celte
décision.
Le marquis de Goulaine commandait, aux portes de Nantes,
le camp de Villeneuve, qui s'étendait jusqu'aux Sorinières,
lorsqu'on annonça l'armée de Mayence. Pour empêcher sa
jonction avec le surplus des républicains, les troupes des
camps de Villeneuve et de Torfou, formées des corps com-
mandés par la Sécherie et Massip et de la division Lyrot de
la Patonillère, firent, le 31 août 1793, une tentative contre le
camp qui couvrait Nantes. Les Vendéens se présentèrent à
portée de canon, mais le général Emmanuel Grouchy, à la
tête d'un corps de grenadiers, les repoussa bientôt à l'arme
blanche et leur enleva tous leurs retranchements et même
quelques villages voisins qu'ils avaient également fortifiés.
Revenus à la charge, le 5 septembre, les royalistes ne furent
pas plus heureux. Les républicains leur infligèrent une
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC 305
sanglante défaite, qui leur coûta cinq à six cents hommes et
une pièce de canon. Ce même jour, l'avant-garde des Mayen-
çais entrait à Nantes et se rangeait en bataille sur deux lignes
dans la prairie de Mauves. La précision avec laquelle ce corps
manœuvra fut très admirée, et l'administration du déparle-
ment de la Loire-Inférieure ofîrit une couronne à chaque
général et à chaque drapeau de la division. Le commandant
en chef, Aubert-Dubayet, prononça à cette occasion un dis-
cours républicain. A ce même instant, les Vendéens réappa-
raissaient en vue du camp des patriotes et ouvraient sur eux
une violente fusillade. Les balles sifllaient aux oreilles des
généraux et des conventionnels qui assistaient à la cérémonie.
C'est alors que Merlin de Thionville, toujours fougueux,
s'avança sans crainte de la mort vers les royalistes, et leui-
parla d'une voix tellement haute et ferme, que sa voix fut
entendue malgré l'éloignement et le bruit des armes. Le
silence se fit bientôt de part et d'autre, et les Vendéens
surpris d'apprendre l'arrivée de l'armée de Mayence, prirent
aussitôt , de l'ordre même de leurs chefs , le parti de
la retraite.
Le marquis de Goulaine a survécu à la Reslauration et a
signé, en 1S14, avec le titre de colonel adjoint à l'olal-major,
l'adresse des Vendéens au Roi. Peu apri'S, la décoration de
Saint-Louis lui fat conférée.
GOULAINE (la marquise de), épouse du précédent, et femme
très intrigante, loin de compter parmi les nombreuses admi-
ratrices de Charette, fut au contraire un de ses adversaires
les plus déclarés, et ameuta notamment contre lui l(3s habi-
tants de Rocheservière et des environs, lorsque, ses soldat-s
l'ayant abandonné, il fut forcé d'évacuer Machecoul. Un petit
succès des habitants de Legé sur les troupes républicaines
enhardit encore leur insolence envers le général. La mar-
quise de Goulaine écrivit à cette occasion une leUre à M. de
Royrand pour demander sa destitution. Charetle, qui était à
306 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
«
Vieillevigne, voulut se diriger surMontaigu, où se trouvaient
précisément Royrand et le chevalier de la Roche. Il expédia
en éclaireurs deux cavaliers ; mais ceux-ci revinrent bientôt
en annonçant qu'ils avaient été fort mal reçus et que le même
accueil attendait vraisemblablement le général. Dès lors, forcé
de revenir sur ses pas, Gharette alla camper avec son corps
d'armée, réduit à cinq cents hommes, dans les landes de
Bouaye ; et, outré de se voir traiter ainsi par ses collègues,
il proposa à ses soldats de se venger de l'injustice qui leur
était faite, en attaquant les républicains à Saint-Colombin.
Dès le lendemain, il marcha sur ce bourg, battit les douze
cents patriotes qui l'occupaient, et qui étaient en partie com-
posés d'un détachement du Boyal-Provence, en tua un grand
nombre, et fit prisonnier le surplus, à l'exception de quelques
hommes qui se sauvèrent à Saint-Philbert. La caisse mili-
taire, un drapeau, un canon et de la poudre restèrent aux
mains des vainqueurs . A son retour dans la lande de Bouaye,
Gharette fut rejoint par Royrand. Ge dernier, qui était venu
dans l'intention de le destituer, revint à de meilleurs senti-
ments quand il apprit sa victoire de Saint-Golombin.
Cependant le chevalier de la Roche, qui commandait à
Montaigu en l'absence de Royrand, refusa d'y recevoir les
prisonniers envoyés par Gharette et de donner des vivres à
l'escorte composée de soixante cavaliers et de deux cents
fantassins. G'était une nouvelle lettre de la marquise de Gou-
laine, dans laquelle elle flétrissait la prétendue incapacité de
Gharette et de ses officiers, qui avait déterminé le chevalier
de la Roche à faire une aussi fâcheuse réception au com-
mandant de l'escorte. Celui-ci ne se tint point pour battu, et
devant ses menaces, il fallut céder. Entre temps, la marquise
de Goulaine, qui était alors à Montaigu, fit venir près d'elle
l'officier supérieur envoyé par Ghar3tte, et eut avec lui une
entrevue qui se termina par une vive altercation. Royrand,
instruit directement de ces faits par les officiers de l'escorte,
se rendit aussitôt à Montaigu, blâma la conduite du cheva-
lier de la Roche, et répara par les égards qu'il témoigna à
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC 307
ses hôtes le mauvais accueil dont ils avaient été primitive-
ment l'objet. Le succès commun du Pont-James scella la
réconciliation des deux généraux vendéens. Au moment de
3e séparer, Charette fit savoir àRoyrand qu'il n'ignorait point
[a cabale qui avait été montée contre lui. Et comme Royrand
feignait une ignorance absolue, Charette tira de sa poche la
copie de la lettre de la marquise de Goulaine au chevalier
de la Roche. Sur ces entrefaites, arriva un exprès de cette
même dame, qui, ayant appris la réconciliation des deux
généraux, écrivait à Charette lui-môme pour le féliciter du
succès de ses armes. Le héros vendéen ne prit pas la peine
de décacheter la missive et la renvoya à son auteur en di-
sant qu'il méprisait ses compliments autant que ses injures.
— Commen ttrouvez-vous ma galanterie, demanda Charette
à Royrand ?
— Très à propos, répondit en riant le vieux militaire.
GOULEPOT, officier vendéen, commandait une paroisse
dans les environs de la GarnachC;, lorsqu'il fut, peu après la
pacification de la Jaunais, arrêté par les républicains, avec
onze de ses soldats, et conduit à Nantes où ils furent condam-
nés à mort et passés parles armes, sous prétexte d'un ras-
semblement illégal. Cette atrocité fut une des causes qui
poussèrent les royalistes à recommencer les hostilités.
GRÉGOIRE (René), des environs de Mouilleron-en-Pareds,
fit vaillamment toutes les guerres vendéennes et fut en
dernier lieu major de la division de la Flocellière. 11 servait,
en juillet 1814, dans la garde royale à pied de Bourbon-
Vendée'.
GRÉGOIRE, frère du précédent, et capitaine de cavalerie
dans les armées vendéennes^ signa en 1814 l'adresse au Roi.
La Fontenelle de Vaudoré.
(A suivre).
' Kii 1816, il était niaire de Mouilleron.
» Sous d'iilbée.
CONTRIBUTION
A L'HISTOIRE DE FONTENAY-LE-COMTE
EN dépouillant, au'c Archives nationales, une série de
cartons relatifs au Poitou, nous avons rencontré une
liasse de vingt-cinq dossiers « plus ou moins fournis »,
ainsi que l'exprime la cote officielle inscrite sur la chemise qui
les renferme, et qui se rattachent tous aux concessions faites
par le roi, de 1760 à 1776, à divers particuliers, dos ompla-
cements des anciens fossés et remparts de la ville do Fon-
tenay. Quelle a été l'occasion de ces acquisitions à cette
époque? Nous l'avons vainement cherchée dans les histoires
déjà parues sur Fontenay, parmi lesquelles figurent au
premier rang les lîeclierches historiques sur Fontenay publiées
par M. Benjamin Fillon. Dans cet ouvrage, notre savant
compatriote a tiré fort bon parti, pour l'époque antérieure à
la Révolution, des faits épars dans les histoires générales, et,
pour la période révolutionnaire, des documents originaux
qu'il avait personnellement recueillis ou qui lui avaient été
communiqués; mais, en réalité, ce travail, qui ne fut point
précédé de Recherches de documents inéi/its, ne justifie qu'im-
parfaitement le titre, môme modesti,', qui lui a été donné.
Sans qu'il soit besoin d'autant de science ni d'autant de talent,
il reste encore à faire l'histoire de Fontenay d'après les docu-
ments inédits existants, et peut-être, dans ce cadre^ aurons-
nous la témérité filiale do l'entreprendre un jour.
A l'histoire de FONTli.NAY-LE-COMTK 309
Des documents dont nous publions aujourd'hui le résumé,
il ressort, qu'au milieu du XVIU* siècle, l'emplacement des
anciens remparts de la ville était encore à peu près intact, et
couvert en quelques endroits par les ruines des tours et des
murailles. On venait de percer la route de Niort à Luçon, de
créer la place d'Armes, et l'on parlait de construire le Pont-
Neuf; une fièvre d'embellissement saisit la ville rajeunie, et
ce prétexte apparaît dans toutes les demandes de concession
qui nous sont passées sous les yeux. L'acquisition des ter-
rains se fit dans les formes suivantes : requête de l'acqué-
reur au roi, avec exposé des motifs et désignation du ter-
rain; renvoi de la requête à l'intendant de la province, M. de
Blossac, pour avis; réponse de M. de Blossac, avec avis fa-
vorable; arrêt du Conseil du Roi approuvant la vente et en
déterminant les conditions. Mallioureusement un certain
nombre de dossiers sont fort incomplets, quelques-uns ne
renferment qu'une pièce, tandis que d'autres en contiennent
une douzaine, par exemple, lorsqu'il se présentait deux
acquéreurs pour la même parcelle ; dans quelques dossiers
est annexé à la demande un plan du terrain, plan sans
intérêt, aucune confrontation n'étant indiquée.
La première demande de concession remonte à 1760, et
émane de « Jean Cardin, écuyer, secrétaire ordinaire du
roi de Pologne, duc de Lorraine » ; il s'agit d'un terrain de
?8 toises de long sur 10 de large, contigu à l'ancien mur de
la ville, et d'un autre terrain de 45 toises de long sur 10 de
large, « tenant du nord et du couchant aux terres de Guine-
foUe, du midi à des jardins, de l'ouest aux vestiges d'un
ancien ouvrage avancé du château et qui un est séparé par
un fossé. » Un arrêt du Conseil du roi, (ni date du 13 mai
1700, accéda à la demande, moyennant un cens annuel et per-
pétuel de 20 sols.
1 4 avril 1761 .—Arrêt du Conseil concédant à Jean-Baptisle-
Antoine Savary des Forges, conseiller procureur de Sa Ma-
jesté en l'élection de Fontenay, et lieutenant rlu maire de la
310 CONTRIBUTION
ville, un terrain de 22 toises de long sur 12 de large, en mon^
tant à la porte Saint-Michel, pour deux livres de rente an-
nuelle et perpétuelle.
S mars 1 763. — Arrêt du conseil concédant au même un
terrain de <)0 toises de long sur 20 à 22 de large, voisin du
précèdent, pour trois livres de cens annuel et perpétuel.
3 I Juillet 1764. — Arrêt du conseil concédant à Charles
Beaussier, « habitant de Fontenay-le-Gonte, propriétaire de
la plus belle auberge de cette ville où logent presque toute
la noblesse et les personnes de distinction, » d'un terrain
faisant partie des anciens fossés, de 3 toises et 5 pieds de
large sur 10 toises de long, tenant d'un bout à la rivière, et
d'autrj à un tout petit passage qui va du grand chemm aux
Halles, pour 25 sols de cens annuel et perpétuel.
30 juillet 1765. — Arrêt du conseil concédant à Thérèse
Arnault, veuve de François-Augustin Joly de Saint-Picq,
un terrain de 19 toises de long sur 10 de large, faisant partie
autrefois du grand chemin, pour 3 livres de cens annuel et
perpétuel.
Jê2 octobre 1765. — Arrêt du conseil concédant à Jean
Gerbault, un terrain faisant partie des anciens fossés et d'un
ancien cliemin « près la place récemment construite, tenant
du levant à la rue qui descend au faubourg du Puy Saint-
Martin, du midi à la nouvelle rue, du nord à la grande route
de Niort aux Sables-d'Olonne, du couchant à la même route
vis-à-vis la nouvelle place, » de 12 toises au levant, 25 au
midi, 28 au nord et 3 au couchant, pour 28 sols de cens an-
nuel et perpétuel.
1 7 mars 1 767 . — Arrêt du conseil concédant à Guerry de
la Barre, lieutenant de maréchaussée au département de
Fontenay-le-Gomte, d'un terrain de 84 toises, confrontant o au
levant à sa maison, au couchant à la nouvelle rue construite
vis-à-vis un coin de la place publique, établie depuis deux ans
A l'histoire de fontenay-le-comte 311
pour rembellissement de la ville et qui conduit à la rue du
faubourg Sainte-Catherine et à celle du faubourg du Bé-
douard, du midy à la rue contretournant ladite place », pour
20 sols de cens annuel et perpétuel.
12 janvier 1768. Arrêt du conseil concédant à Louis-
Alexandre Brunet, écuyer, seigneur de la Grange et de la
Martinière, un terrain, ancien fossé, de 7 toises de long sur
20 de large, touchant à la maison dudit Brunel, pour un
demi-boisseau d'avoine de cens annuel et perpétuel.
2ô septembre 1770. — Arrêt du conseil concédant à Gharles-
Augustin-Jean-Louis-Bonnamy de Bellelontaine, maître par-
ticulier des eaux et forêts à Fontenay, un terrain « de 132
toises carrées de superficie, le long de la nouvelle route faite
depuis cinq à six ans, des Sables à Niort, et partie de l'an-
cien mur de la ville et une vieille tour en ruine '), moyennant
un cens annuel et perpétuel d'un sol par toise superficielle.
6 août 1771. — Arrêt du conseil concédant à Jean Guyot,
procureur à Fontenay-le-Gomte, un terrain de 12 à 15 pieds
de large sur 110 à ll8 de long, situé « près la porte Saint-
Michel, sur la gauche en sortant, le long du grand chemin et
où l'on avait planté récemment quelques ormeaux », pour 4
livres de cens annuel et perpétuel.
12 mai 177.2. — Arrêt du conseil concédant à Marie-Mar-
guerite de Villedon du Petit- Val, veuve du sieur Petit du
Petit-Val, un terrain de 12 à 15 pieds de large sur 115 à 118
pieds de long, dépendant des anciennes fortifications de la
ville de Fontenay, depuis la tour de la porte Saint-Michel,
sur la gauche en sortant, le long du grand chemin, jusqu'à
la tour voisine du jardin du sieur Auniont, médecin, pour 5
livres 10 sols de cens annuel et perpétuel.
S décembre 1772. — Arrêt du conseil concédant à Louis
Buor de Bois-Lambert << une portion de terrain faisant au-
trefois partie des fossés du château do Fontenay, confrontant
312 CONTRIBUTION
»
du levant, sur 9 toises, au chemin qui conduit de la porte
aux Canes au faubourg du Marchou; du couchant, sur 12
toisos 1/2, aux murs du château ; du nord, sur 17 toises, aux
murs du château: du midi, à la rue de la Fontaine et à la
maison dudit Buor, pour 4 livres de cens annuel et perpétuel.
30 mars 1773. — Arrêt du conseil concédant à Augustin -
Edouard Berraud de Langle, chevalier de l'ordre royal et
militaire de Saint-Louis, ancien capitaine au régiment royal
Comtois, un terrain de 346 toises de superficie, dépendant
des anciens fossés et murs de la ville, tenant du midi au pont
aux Chèvres, du levant au terrain et à la tour concédés au
sieur Bonnamy, du nord à la maison dudit Berraud, du midi
à la grande route de Niort aux Sables, moyennant un cens
annuel et perpétuel d'un sol par toise superficielle.
8 février 1774. — Arrêt du conseil concédant àBoutin, lieu-
tenant général de police à Fontenay, une partie du mur en
ruine de la ville, depuis la porte Saint-Michel jusqu'à la petite
tour, au nord, qui sépare son jardin d'avec la maison cl la
cour de derrière de Savary des Forges, moyennant un cens
annuel et perpétuel d'un sol par toise superficielle.
1ô février 1774. — Arrêt du conseil concédant à Nicolas
Beurreyde Beauvais, conseiller ausiège royal etsénéthaussée
de Fontenay, deux portions de terrain des anciens fossés
près la porte Saint-Michel, vis-à-vis la nouvelle place, le
chemin de Niort aux Sables entre deux, d'une contenance de
110 toises, tenant du levant à une ruelle, du midi au chemin
de Niort aux Sables, du couchant à une place, du nord à une
rue, moyennant un cens annuel et perpétuel d'un sol par
toise superficielle.
22 mars 1774. — Arrêt du conseil concédant à Pierre-
Claude Dupuy, procureur du roi de la maréchaussée géné-
rale du Poitou à la résidence de Fontenay, un terrain des
anciens fossés, sur lequel il y a d'anciens murs et deux tours,
de 230 toises carrées, tenant du levant au pont aux Chèvres,
A L HISTOIRE DE FONTEiNAY-LE-COMT E 313
du couchant au sieur Aumont, du nord à ladite ville <\v Fmi
tenay, du midi à la grande route qui conduit de Luçon à
Niort, moyennant un cens annuel et perpétuel d'un sol par
toise superficielle.
25 avril I77f.-^ Arrêt du conseil concédant à Cliarles-
Esprit Parenteau un terrain de 32 toises 1/2 faisant autrefois
partie des fossés de ladite ville, tenant à la rivière de Vendée
sur 13 toises, à la grosse tour et au mur de ladite ville, et
au jardin de M. Boisniseau, la porte aux Canes entre deux,
moyennant un cens annuel et perpétuel d'un sol par toise
superficielle.
32 septembre i 7 74. — Arrêt du conseil concédant à Brunet,
écuyer {voy. plus haut), un terrain faisant partie des an-
ciennes fortifications, moyennant un cens annuel et perpétuel
d'un sol par toise superficielle.
lô avril i775. — Arrêt du conseil concédant à Marie-
Thérèse Branchu de Brilhac^ veuve du sieur Panier do la
Chauvelière, ancien conseiller en l'élection de Fontenay, de
portion de murs et fossés de ladite ville, de 14 toises de lon-
gueur, touchant à sa maison, moyennant un cens annuel et
perpétuel de 4 sols par toise superficielle.
29 août 1 7 75. — Arrêt du conseil concédant à Marie-Mar-
guerite de Villedon ('v. plus haut), une tour et 6 toises de
remparts conduisant de ladite tour au jardin des demoiselles
de la Beaugizière, pour 5 sols de cens annuel et perpétuel.
6 février 1776. - Arrêt du conseil concédant à Joseph-
Marie Dubureau, notaire à Fontenay, un terrain de 70 pieds
de long sur 13 de large, faisant partie des anciens murs de
la ville, tenant à la maison dudit, à l'auberge du Pctit-Louvn
et à l'écurie de cette auberge, et un terrain de 20 pieds carrés
tenant d'une part à la rivière, d'autre au jardin de la dame
de Boisniseau, pour 20 sols de cens annuel et perpétuel.
21 fccricr 177 6. — Arrêt du cunsuil concédant à Savary
314 CONTRIBUTION A l'hISTOIRÉ DE FONTENAY-LE-COMTE
I
des Forges (v. pins haut) un terrain de 14 toises de long sur
de large, tenant du levant aux remparts de ladite ville, du
couchant au chemin qui conduit de la porte Saint-Michel aux
hauteurs du faubourg du Marchou, du midi au corps de garde
de la porte Saint-Michel, du nord au terrain hors le rempart,
déjà concédé, pour 25 sols de cens annuel et perpétuel.
2 juillet 17 76. — Arrêt du conseil concédant à Michel
Paimparé, curé de la paroisse des Loges, partie de l'ancien
mur de la ville tenant au jardin de la demoiselle Paimparé,
dont ledit est tuteur, pour 30 sols de cens annuel et perpétuel.
15 novembre 1776. — Arrêt du conseil concédant à
François-Marie Raison, conseiller en la sénéchaussée de
Fontenay, et à Fallourd, bourgeois de Fontenay, partie des
anciens murs tenant du levant à la rivière et du couchant aux
maisons desdits, sur une longueur de 7 toises, moyennant
un cens annuel et perpétuel d'un sol par toise superficielle.
Les dossiers s'arrêtent à cette dernière date, et pour-
raient être sans doute complétés soit par les titres en la
possession des propriétaires actuels des emplacements sus-
désignés, soit par les minutes des notaires.
Edgar Bourloton.
(î^îiroiuques ^aWaises
VIII
L'HOPITAL SAINT-JOSEPH
[Si(ile)
-ooo^ooo-
Chacun de nous aime les choses d'autrefois,
parce qu'il y retrouve sa propre jeunesse res-
suscitée.
LE zèle des Sœurs de charité, leur dévouement, avaient
répandu sur les malades de l'hôpital une bienfaisance
tellement providentielle que pendant un siècle la popu-
lation qui les vénérait n'eut jamais à exprimer de plaintes
contre elles ; on ne pouvait supposer qu'un jour surviendrait
où leurs bontés ne recevraient pour récompenses que les plus
injustes violences.
Hélas ! dans la succession des choses d'ici-bas, qui pourrait
compter sur l'immuabilité des sentiments humains ? Gomme
pour les vieux arbres, les institutions les meilleures subissent
quelquefois de jalouses malveillances. Les clochers des
villages sonnaient partout ; mais ce n'était plus cette poétique
316 CHRONIQUES SABLAISES
>
harmonie qui dans les jours de paix avait pour tant de cœurs
tinté le chant divin de l'Angelus ; c'était hélas ! le tocsin de la
patrie. Un sentiment de malaise s'étendait largement ; des
clameurs incohérentes produisaient l'effet d'une grosse pierre
tombant dans le marais, et tout le peuple coassant coassait à
l'envi, sans bien s'expliquer la justice et l'utilité de ses récri-
minations, comme dans la comédie des grenouilles d'Aris-
tophane. Il fallait du nouveau. Les religieuse de l'hôpital, ces
dignes sœurs de la misère, jusqu'alors si populaires, en firent
la triste expérience ! Les injustices, les ingratitudes, les
lâches attaques, ne sont-elles pas le lot habituel, la récom-
pense ordinaire des plus grands et des meilleurs ? Sous l'ins-
piration des harangueurs habitués des foules, le peuple
apprit qu'il n'était pas de sa dignité de supporter plus long-
temps la pression de ces femmes dont le chevet des ma-
lades est le champ de bataille, duquel elles ne s'étaient pas
éloignées depuis 1695, et cet idiot stupide applaudit ; aussi
comprend-on la dédaigneuse sévérité de Laprade, lorsqu'il
qualifie l'homme un être demi-Dieu et demi hnite !
Ces victimes du devoir furent chassées. Un prochain avenir
ne pouvait manquer de révéler le mérite de celles qui leur
succéderaient. On chargea de ce soin onze femmes laïques,
étrangères et inconnues à la ville, prises au hasard, et qu'au-
cuuH aptitude particulière n'avait préparées ou désignées au
choix des administrateurs du district. Telles furent les cito-
yennes : Olive Morisson, veuve Boiscourbeau, Bodet, Cons-
tance Boiscourbeau, Françoise Pertuzé, Julie-Marie-Thérèse
Danieau, Marillet, Victoire Boiscourbeau, Catherine Pertuzé,
et Louise-Jeanne-Françoise Danieau. Elles se réunirent à la
maison commune, et, en présence du conseil, et du consen-
tement de l'agent national, elles prêtèrent le serment suivant :
« Je jure de maintenir la Liberté et l'Egalité, d'être fidèle à
la Nation et à la Loi, et de mourir à mon poste. » Immédia-
tement après, elles procéiièrent par éleiHion à la nomination
d'une directrice (jui fut la citoyenne veuve Boiscourbeau.
CHRONIQUES SABLAISES 317
Elle se rendirent alors à l'hôpital, accompagnées par les ci-
toyens Dardel et Sané, commissaires délégués par la muni-
cipalité;, qui les installèrent dans leurs fonctions.
Dans les destinées des peuples, il survient quelquefois
des circonstances singulières et imprévues qui, fatalités iné-
vitables, en groupent tout à coup, avec une piquante régularité,
les faits remarquables, de telle sorte qu'en en parcourant le
récit l'esprit s'arrête étonné sur les éphémérides les moins
attendues. Tel a toujours été le mois d'avril dans les Annales
de la ville des Sables.
Les Sœurs de charité assistèrent à l'installation des nou-
velles hospitalières. Elles présentèrent leurs comptes à la
vérification des administrateurs, après l'approbation desquels
elles se retirèrent. Leur gestion économe, même avec les
difficultés qu'on leur avait créées, avait pu jusqu'à la fin suffire
aux besoins de l'hôpital ; l'ère nouvelle qui s'ouvrait en lui
substituant l'administration laïque allait donner la mesure
de la désespérante impuissance officielle.
Le 5 avril 1885, un journal religieux a dit : « Les nouvelles
hospitalières des Sables se signalèrent bientôt par leur dila-
pidations ; elles furent dénoncées à ce sujet au Comité
ré.'olutionnaire, comme régalant leurs connaissances aux
dépens des malades et de la choso publique. »
C'est avec une véritable trisliîsse que nous voyous ces
ignobles injures surgir encore, sans vérification, d'archives
administratives où avaient pu se déposer en même temps
bien d'autre clameurs gratuites; à une époque surtout où, sous
les excilalions Dantoniennes, s'organisaient avec ardeur et la
Terreur et les propagations des massacres de septembre.
Toutes ces attaques irréfléchies sembleraient être spéciale-
ment dirigées, comme un dernier écho, contre les amis des
imprudents narrateurs actuels de ces accusations ridicules.
Sans attribuer aux nouvelles hospitalières plus de mérite
qu'elles n'en eurent, nous ferons observer que les médecins
qui vivaient avec elles, partageant leurs travaux, les privations
318 CHRONIQUES SABLAISES
de toute sorte dont était accablé leur service de bienfaisance,
devaient constater mieux que qui que ce soit les difficultés
naturelles de leur position, ainsi que les services qu'elles ne
cessèrent de rendre. Ils ne manquèrent jamais d'en rendre
témoignage avec justice et charité, et n'eurent pour elles que
des sentiments d'estime et de reconnaissance. Pendant neuf
années la veuve Boiscourbeaudirigeal'hôpital. Dèsle principe,
une des sœurs Portiizé, ayant épousé le médecin Gouin, s'était
retirée de l'hôpital. La seconde resta toujours fidèle compagne
de la Directrice. Les six autres ne quittèrent leur service que
successivement dans les années qui suivirent.
Quant aux dilapidations et aux gaspillages dont elles sont
avec une si facile légèreté accusées d'avoir régalé leurs cjn-
naissances, nous nous demandons quels ils auraient pu être,
en considérant les générosités accordées aux médecins
eux-mêmes pour leur propre alimentation :
«c Le 8 prairial an III (27 mai 1795), le Comité de Salut
public de la Convention nationale, après avoir pris connais-
sance du rapport de la Commission des secours publics.
Arrête :
Il sera fourni chaque jour, jusqu'à ce qu'il en ait été autre-
ment ordonné, aux officiers et employés de l'administration
des hospices militaires de la République, une ration de pain
de munition de 24 onces; et une livre de viande. Cette four-
niture n'aura lieu cependant que lorsque l'extrême difficulté
de se procurer des subsistances aura été certifiée par les mu-
nicipalités dans l'arrondissement desquelles sont établis des
hôpitaux militaires. »
Les officiers de santé militaires des Sables reçurent notifi-
cation de cet arrêté, et furent admis à profiter de cette
faveur.
La misère et le dénuement de toutes choses étaient tels,
que le 22 fructidor an 11 (8 septembre 1794) la municipalité
d'Olonne ayant fait don à l'hôpital de dix livres de beurre
CHRONIQUES SABLAISES :U0
pour l'usage des malades, le directeur, ne sachant comment
en témoigner son admiration et sa reconnaissance, écrivit au
Club des Sables qui, dans une circulaire aux municipalités
voisines, exalta cet exemple incroyable de patriotisme et de
générosité.
LES MP:DECINS de L'HOPITAL.
Le chmirgien Jacques Laisné.
Derrière les hommes qui se montrent, il en est d'autres qui
donnent sans compter leur intelligence à la grandeur du
pays, leur travail à sa richesse, leur vie à sa défense, et leur
dévouement à ses misères.
Nous avons vu le docteur Robert Veillon, sieur du Veiilon,
contribuer à la fondation de l'hôpital dont il fut le premier
administrateur. Après sa mort, ses confrères s'unirent à son
entreprise avec respect. Leur abnégation et leur zèle ne se
démentirent jamais. Leur service eut entre eux une durée
triennale, et chacun, à juste titre, considéra comme un hon-
neur sa participation à cette oeuvre de dévouement et de
bienfaisance. Dans les vieilles familles sablaises, (jn cite avec
bonheur les noms de ceux que l'on appelait alors les pères
des pauvres. Ainsi : le docteur Vincent, aïeul de la famille
Postaire; le docteur Linyer; le docteur Duget, aïeul do la
famille Ocher; le docteur Sourrouilla; le chirurgien Guyonnet;
le docteur Gouin ; le docteur Menantoau; et de nos jours
encore, c'est avec vénération que l'on prononce les noms des
docteurs Benoist, père et fils^ et du chirurgien Jacques Laisné.
Jacques Laisné naquit aux Sables le 1" août 1764. A la Ré-
volution, il partit pour la frontière, et servit à l'armée du
Rhin. Lorsqu'il revint, il était pauvre, et n'avait pas di; res-
sources pour terminer ses études médicales. Il fut nccuoilli à
320 CHRONIQUES SABLAISIIS
l'hôpilal militaire des Sables (séminaire actuel), en qualité
d'aide-chirurgien. Il se hâta de se marier, ce qui lui permit,
peu de temps après, d'obtenir les grades qui lui manquaient.
Dans ces temps de profonde désorganisation générale, des
jurys d'examen furent créés et parcoururent les départements.
Ce fut à l'un d'eux, sous la direction du célèbre Chaussier,
qu'il obtint ses derniers degrés, et il revint à l'hôpital mili-
taire des Sables.
A cette époque^ c'était l'hôpital militaire qui fournissait le
chirurgien de l'hôpital Saint-Joseph qui était alors le chirur-
gien Quyonnet. Mais, le 4 septembre 1796, une lettre des
officiers de santé en chef avertit les administrateurs que^, par
suite de la suppression d'un grand nombre d'officiers de
santé, il ne leur serait plus possible de donner de chirurgien
à l'hospice civil de la commune des Sables. Le chirurgien
Guyonnet fut donc supprimé. Le chirurgien Jacques Laisné
lui succéda. Ses contemporains répètent avec gratitude quelle
fut pendant 47 années l'existence de dévouement, de zèle, de
charité ininterrompus de cet habile et vénérable praticien
dont les goûts éminemment artistiques donnèrent encore
plus d'éclat à sa réputation.
Il mourut le 25 décembre 1843, et, le 4 janvier 1844, j'eus le
grand honneur de lui succéder.
Le D'Benoist, père, avait été le premier médecin permanent
et rétribué de l'hôpital. A sa mort (15 mars 1840), son fils, le
D'Augustin, lui succéda. Lui-même, élantmort Iel3mail878,
lut remplacé le 30 du môme mois par le D' Billiotte.
U' Makcel Petitkau.
RECHERCHES HISTORIQUES SUR LA VENDÉE
— ^— n/wvUWAv-»'
CE QUE DEVINT
L'ÉGLISE N.-D. DE FONTENAl
PENDANT LA RÉVOLUTION
tXXO^OOO
/
1739.
10 mars. — Giraudeaxi, Claude-Toseph-Viotor, professeur de Rhé-
torique du collège de Fontenay, donne lecture d'un mémoire aux cu-
rés, assemblés à la euro de Notre-Dame, pour délibérer sur la nomi-
nation des députés du clergé aux Etats-Généraux.
12 août. — François Coirier, carrier, l'un des meneurs de l'émeute,
qui éclata dans la ville, à l'occasion de la cherté du grain, est pendu
à 3 heures du matin, devant la grande porte de l'église.
1790.
29 janvier, — Les assemblées électorales se réunissent à cinq
heures du soir, à Notre-Dame, pour assister à la proclamation et à
la prestation de serment des membres de la première municipa-
lité.
9 mai — Celle-ci assiste à un Te Deum chanté à l'occasion de
la prestation de serment des milices nationales.
14juillet, — Le clergé de la ville, réuni tout entier à Notre-
Dame, y chante un Te Dsuin, en présence do la municip.ilité, i!t
l'occasion de la fête de la Fédération.
322 RECiiKHrniES historiques
15 septembre. — Le Directoire de district assiste à une grand'
messe, célébrée par Bridault, curé de Notre-Dame, à l'occasion de
son entrée en fonctions.
2 décembre. — On y célèbre une messe du Saint-Esprit à l'occa-
sion de l'installation des juges du tribunal du district, avec le con-
cours de la musique de la garde nationale, en présence d'une
aflluence considérable.
1791
30 janvier. — Bridault, doyen de Notre-Dame, y prête, mais
avec certaines restrictions, le serment exigé par la loi.
9 février. — Richard du Page, procureur-général-syndic, informe
les procureurs du district que le dimanche, 27 février suivant, aura
lieu dans l'église Notre-Dame, l'élection d'un nouvel évèque de Luçoii,
en remplacement de Mercy, déclaré démissionnaire.
27 février. — L'assemblée électorale se réunit à Notre-Dame.
Bridault inaugure les opérations par la célébration d'une messe.
28 février. — Servant, .le'tn-Sylvain, supérieur de l'Oratoire de
Saumur, y est élu évêque constitutionnel du département, à huit
heures du soir, par 77 voix.
1 mars. — L'élu de la veille est proclamé évêque, par Goupilleau
(de Montaigu), président du collège électoral. La cérémonie y est
suivie d'un Te Deum.
•^5 avril. — On dépose à la voûte de l'église les étendards et gui-
dons de la milice nationale.
1 mai. — On y bénit le drapeau, et on y proclame les officiers de
la garde nationale. La cérémonie est suivie d'une messe célébrée
par l'abbé Giraudeau, principal du collège.
2 mai. — Sur le refus de Servant d'accepter les fonctions épisco-
pales, l'assemblée électorale, de nouveau réunie à Notre-Dame, y
élit évêque François Ambroiso Rodrigue, curé de Fougère.
3 mai. — Rodrigue y est proclamé évêque constitutionnel de la
Vendée, à six heures du malin.
10 mai. — Perreau, .Tean B'*, prieur des .Jacobins, y est élu curé
constitutionnel, en remplacement de Bridault, démissionnaire.
SUR LA VEiNUÉli 323
17 mai. — Perreau y prête serment, à dix heures du matin, en
présence des membres du Directoire du département et du district,
des juges du Tribunal, et de la troupe de ligne.
1792.
22 septembre. — La municipalité décide la suppression de deux
djscinq cloches de l'église, afin d'en convertir le métal en numéraire.
11 octobre. — Les commissaires, chargés de leur enlèvement,
exposent à la municipalité que l'opération est terminée, que l'une
d'elles pèse 912 livres et l'autre 673. Le Conseil général décide
qu'elles seront envoyées à l'Hôtel des Monnaies de la Rochelle.
13 octobre. — La municipalité supprime la sonnerie de la re-
traite, et le salaire alloué au sacristain pour ce service.
1 décembre. — Il est alloué douze livres à Perdreau, couvreur,
pour avoir enlevé, en octobre, les armoiries gravées aux clés de voûte
de l'église.
■^o'
1793.
11 mars. —On commence, à 7 heures du matin, les opérations
relatives au tirage au sort, sous la direction des commissaires,
Pierre-Jean Fillon, l'ainé, et Dupuy, Pierre-Claude. Elles prennent
fin le surlendemain.
17 mai. — On y reçoit les troupes, arrivées le 15 mai de Niort, et
qui ont concouru à la victoire remportée, la veille, par le généra.
Chalbos sur les Vendéens, dans la plaine de Pissotte.
25 mai. — Les Vendéens s'emparent de Marie- Jeanne^ sur les
Républicains, et la déposent en grande pompe dans l'église.
26 mai. — L'abbé Barbotin^ aumônier de l'armée catholique
' Magnifique pièce de huit en bronze, présent de Louis XIII au cardinal
Richelieu portée du château de Richelieu à Saumur i)ar les républicains.
Elle était fort longue et ornée des armes du cardinal, ainsi que de beaux
ornements, au milieu desquels on distinguait une image de la Viergo. Klle
se trouve actuellement au musée d'artillerie, dont elle est l'un des orne-
niants (N* 66 section N, artillerie de gros calibre).
» Fils d'un maçon né à Fontenay, rue des Loges, d'abord vicaire de Saint-
Oeorges-du-Puv de la Garde (Maine-et-Loire), puis curé de Saint-l'ierr.- de
Vérins, arrêté" à Cholet, le -'H novembre 1802, exilé k Surin jusqu'au ;)o
mars 1806, mort i\ Sainte-Gemme (Deux-Sèvres).
•^■~4 RECHERCHES HISTORIQUES
y célèbre une messe solennelle d'actions de grâces pour la victoire
remportée la veille. Les chefs y assistent en corps. Les troupes
en armes, y amènent les habitants.
29 mai. — Le Comité provisoire y convoque la populatiop, à six
heures du soir. On y décide l'envoi d'un matériel typographique et
de trois imprimeurs à Saint- Laurent-sur-Sèvre, et celui de céréales
à la Forêt-sur-Sèvre. On y approuve ensuite les mesures prises
pour combattre l'insalubrité de l'air, provoquée par les miasmes
pestilentiels, qui se dégagent des cadavres d'hommes et d'animaux,
laissés sans sépulture.
16 août. — L'église esta!Tectée au logement d'un corps de troupes,
arrivant de Niort.
17 août. — On y caserne les grenadiers de la Convention et le
3^ bataillon de la formation d'Orléans.
27 août. — La municipalité demande l'autorisation de consacrer
la valeur de trois lampes d'argent ayant échappé au pillage des
Vendéens à l'achat de vases sacrés pour la célébration du culte.
31 août. — Un vol d'ornements sacrés y est commis par !es
troupes.
10 septembre. — Testard, nouvellement élu maire, y prête
serment à l'occasion de son installation.
20 septembre. — On y proclame les nouveaux membres de la mu-
nicipalité, nommés parle représentant Fayau, en remplacement de
ceux suspendus.
23 septembre. — La municipalité ro;'Oit l'ordre d'enlever les
fleurs de lys, et autres emblèmes existant encore, tant sur la flèche
que sur le tabernacle du maitre-autel et autres dépendances.
5 octobre - On y convoque les jeunes gens de 18 à 25 ans et
autres individus, afin de marcher en masse contre les rebelles, au
son du tocsin de la liberté, sous la direction de Papin et Poôcy-d'.\-
vant, nommés à cet effet par le district.
22 octobre. — Rondard, charpentier, reçoit l'ordre de descendre
l'une des trois cloches restant dans le clocher.
28 octobre. — La municipalité propose l'enlèvement des bancs
de l'église et leur remplacement par des chaises, et de faire servir
les pierres tombales du cimetière, à la confection du pavé de l'église.
SUR LA VENDÉE 325
12 novembre. — Le Directoire du département publie un arrêté
relatif à la destruction de tout signe extérieur d'un culte quel-
conque, dans le délai de huit jours, et à la suppression de toute dis-
tinction de lieu de sépulture.
15 novembre. — On y incinère les titres féodaux, en présence du
Conseil général de la commune. On y proclame égaleraient les lois,
sur l'enlèvement des signes de la royauté et de la féodalité.
17 novembre. — Le conseil général du département donne
l'ordre d'enlever, sauf un, tous les confessionnaux et de les trans-
former en guérites, afin de mettre les factionnaires à l'abri du mau-
vais temps. — Les bancs sont également supprimés.
19 novembre. — Le département accepte l'ofïre, faite par la muni-
cipalité, des bois provenant de ces mêmes bancs.
20 novembre. — La municipalité adjuge au sieur Daniau, cou-
vreur de Niort, les travaux relatifs à l'enlèvement des fleurs de
lys, des clochers de la ville, pour une somme de 800 livres, ainsi qu'à
la substitution de flammes tricolores, en cuivre, aux croix et aux
coqs qui surmontent les flèches.
22 novembre. — On interdit aux curés la faculté de sonner les
cloches On descend celles qui restent dans l'église Notre-Dame, à l'ex-
ception de celle servant de timbre à l'horloge.
27 novembre. — On y proclame les citoyens Arnad et Mage
procureur et membre de la municipalité, en présence des membres
du district et du Conseil général de la commune.
30 novembre. — On y célèbre la première décade de frimaire, en
présence de la Société populaire, des administrations, des tribunaux
et de la population Des discours patriotiques y sont prononcés. La
fête est terminée par des chants et des hymnes à la liberté.
3 décembre. — Les objets de cuivre et d'argent, qui se trouvent
dans l'église, sont enlevés et portés à l'ilôtei du district.
•
4 décembre. — On enlève les statues, ornements et peintures
existant dans l'église ; Notre-Dame perd alors ses statues d'évan-
gélistes, exécutées en 16;20. par les sculpteurs Louis Poyret, Claude
Gellot et Toussaint Bouton. Cet édifice prend le nom de Temple de
la Raison, et ne sert plus qu'à la célébration des fêtes républicaines.
326 RECHERCHES HISTORIQUES
8 décembre. — Perreau, curé de Notre-Dame, se démet de ses
fonctions curiales.
10 décembre. — On y célèbre la décade, à midi, en présence de
Lequiiiio, représentant du peuple. La cérémonie est suivie d'un ban-
quet de famille, au milieu des chants et des cris de« vive la Répii-
bliquel » Après le festin, des danses se forment, dans toutes les par-
ties de l'édifice, et sont suivies d'une séance de la Société populaire.
30 décembre. — On y célèbre la fête, en l'honneur de la prise de
Toulon, en présence du représentant Laignelot.
1794.
20 janvier. — A 8 heures du matin, 83 citoyens, requis pour se
rendre à Chantonnay,sont convoqués dans le temple.
22 février. — La municipalité arrête qu'elle prendra possession
de la cure de Notre-Dame afin de l'affecter à une succursale de
l'hôpital général pour les convalescents, dès son évacuation par
Perreau, directeur de l'établissement.
23 avril. — Drouin, instructeur de la garde nationale, est
autorisé à montrer l'exercice dans le temple.
21 mai. — L'agent national communique à la municipalité un
arrêté du Comité de Salut public, du 23 floréal an II, ordonnant de
substituera l'inscription
TEMPLE DE LA RAISON
Ces mots :
« LE PEUPLE FRANÇOIS RECONNAIT L'ETRE SUPREME
ET L'IMMORTALITÉ DE L'AME. »
et d'y lire publiquement, pendant un mois, les jours de décade, le
rapport et le décret.
26 mai. — La municipalité décide qu'un bonnet de la liberté, ser-
vant de girouette, sera placé sur le Temple de la Raison, au lieu et
place de la flamme tricolore qu'on avait projeté d'y mettre.
2 juin. — La municipalité invite le district à faire enlever les
guenilles, déposées dans le Temple de l'Être Suprême, pour pouvoir y
célébrer la fête du 20 prairial.
SUR LA VENDÉK 327
5 juin. —On alloue à Daniau 1126 livres 15 sous, pour l'eulève-
ment de Heurs des lys des églises de Notre-Dame et de Saint-Nicolas,
ainsi que des croix et des flèches, remplacées par des bonnets.
16 juillet. — Le temple de l'Ètre-Supréme devient un atelier
d'armes et de construction d'engins de guerre.
20 août. — Les charpentiers et menuisiers des communes de
rOrberie, Saint-Michel-le-Clous, Pissotte et Sérigné, requis de con-
fectionner dix mille manches d'outils, pour les pionniers de l'armée,
se rassemblent dans le temple.
22 août. — Brothier, inspecteur des subsistantes militaires, de-
mande au district qu'on mette, à sa disposition, le tfemple de la Rai-
son, pour le convertir en magasin à fourrages. La municipalité s'y
refuse, attendu, dit-elle, que c'est le seul édifice public capable de
contenir les citoyens lors des réunions, soit pour l'instruction, soit
pour l'exercice de leurs droits politiques.
14 octobre. — Les charpentiers de la commune s'y réunissent
pour préparer les matériaux nécessaires à la transformation des
halles en écuries, pour les chevaux des transports militaires.
28 octobre. — Papin, agent salpètrier, est autorisé à y brûler
des marcs de raisins pour la fabrication du salpêtre.
31 octobre. — On y célèbre la fête des victoires nationales, en
présence des représentants Dornier et Auger, des autorités et de
détachements de tous les corps militaires. Dillon, Dornier et Brisson
y prononcent successivement des discours, suivis de divers chants
et d'hymnes pat.-iotiques. La fête se termine aux cris de, Vive la Ré-
publique\ Vive la Convention Nationale !
3 novembre. — Le citoyen Vautier, serrurier, est requis de s'em-
parer du fer, provenant du temple de la Raison, pour fabriquer les
clous nécessaires aux tombereaux de la ville.
10 décembre. — On y célèbre la fête consacrée au malheur, en
présence des représentants Auger et Dornier, des autorités et du
général en chef Alexandre Dumas.
1795.
21 janvier. — on y célèbre la fête anniversaire de la chute du
dernier des tyrans.
Tome iv. — Juillet, août, septembre 1891. 22
328 RECHERCHES HISTORIQUES
a
9 mars. — On alloue à Rondard, aîné, charpentier, -Zï'o livres 16
sous, pour frais de démolition des statues et des croix des églises
paroissiales de la ville, en décembre 1793.
«
15 mai. — En raison de l'état de ruine des Halles, la municipalité
permet aux marchands d'étaler leurs marchandises dans le temple
de la Raison, lors de la foire du 25 juin.
22 juin. —Conformément au vœu de la loi du II prairial, la mu-
nicipalité arrête qu'il sera ouvert un registre, pour recevoir les
souscriptions et déclarations des ministres, qui voudront exercer un
culte dans un temple. Les citoyens Brisson, maire, et Hervé, notable,
sont nommés commissaires pour faire enlever, sans délai, le théâtre
construit dans le temple de la Raison, lequel est provisoirement, et
jusqu'à nouvel ordre, désigné pour la célébration des cultes et des
assemblées politiques.
8-9 juillet. — On y procède aux opérations relatives à la réor-
ganisation de la garde nationale, en vertu de la loi du 28 prairial.
26 juillet. — La municipalité fait enlever les inscriptions placées
aux portes du temple.
3 août. — Cette assemblée arrête que les marchés aux grains de
la commune se tiendront désormais dans le temple de la Raison.
10 août. — On y célèbre la fête anniversaire du 10 août.
14 août. — Les habitans y sont convoqués, pour assister à la
réorganisation de la garde nationale.
15 août. — La municipalité alloue 03 livres, pour fourniture de
l'eau, destinée à y éteindre de la chau.K pour les réparations à
effectuer à la prison.
7 septembre. — Il est alloué à Bégaud, charpentier, 80 livres
pour frais de démolition du théâtre, y élevé pour la célébration
des fêtes décadaires.
1796.
8 janvier. — La m'é réclame du département les fonds nécessaires
pour les réparations à effectuer au temple de la Raison, l'enlève-
ment des plombs ayant dégradé le bâtiment de telle façon, que les
vofttes sont inondées et menacent d'une ruine prochaine.
SUR LA TENDÉE 329
25 mai. — Le temple est converti en minage au blé.
21 septembre. — On y célèbre la fête anniversaire de la fonda-
tion de la République.
14 décembre. — La municipalité décide que les marchés ces-
seront de s'y tenir, et qu'ils auront lieu au minage comme aupa-
ravant.
1797.
21 janvier. — On y célèbre, la fête anniversaire de la mort du
dernier des tyrans.
30 mars. — Les autorités civiles et militaires y sont convoquées
pour assister à la fête de la .Jeunesse. Des récompenses y sont
données aux élèves les plus méritants.
4 avril. — Le temple est désigné pour la tenue de l'assemblée
électorale du département.
9-14 avriL — On y élit les députés au Corps législatif et les
divers fonctionnaires publics de la Vendée.
29 avriL — On y célèbre la fête des époux.
28 juin. — On y célèbre la fête de l'agriculture.
21 septembre. — On y célèbre la fête anniversaire de la Ion-
dation de la République.
21 octobre. — Un service funèbre a lieu, à 4 heures du soir, en
l'honneur du général Hoche, en vertu de la loi du 0 vendémiaire.
12 décembre. — Petit-Laurent, commandantde place, est autorisé
h, y placer les pièces de canon et caissons arrivés des Sables.
15 décembre. — La municipalité arrête que les fêtes décadaires
y seront célébrées de dix heures à midi.
1798.
6 juillet. — Le ministre du culte catholique n'ayant pas observé
le calendrier républicain, la municipalité arrête que le temple du
quartier Saint-Nicolas, oii ce culte se célébrait, sera immédiatement
fermé.
330 RECHERCHES HISTORIQUES SUR LA VENDÉE
22 septembre. — On y célèbre la fête anniversaire de la fondation
de la République.
1799.
15 février. — Attendu l'état de dégradation du temple de la
Raison, l'Administration centrale du département met l'église de
l'Union chrétienne à la disposition de la municipalité, pour la célé-
bration des fêtes décadaires.
19 mai. — On y convoque les citoyens de 10 à 60 ans pour l'élec-
tion des officiers et sous-officiers de la garde nationale qui sont
proclamés le 29 mai suivant.
8 juin. — On y célèbre un service funèbre en l'honneur des mi-
nistres français assassinés à Rastadt.
10 octobre. — Une cérémonie semblable y fut célébrée en l'iion-
noui- du général Joubert, tué à Novi le 15 août précédent.
1800.
11 février. — L'église Notre-Dame est enfin rendue au culte ca-
tholique. L'abbé Brault purifie le sanctuaire et y célèbre l'office divin.
1803.
8 septembre. — M. de Mandolx, évéque de la Rochelle, y officie pou-
tificalement à la grand'messe et aux vêpres, en présence d'une foule
nombreuse. Il est accompagné de MM. Paillon, son grand vicaire,
et Fournier, son secrétaire.
1807.
30 août. — On enlève le bonnet phrygien du sommet de la flèche,
et on le remplace par une croix de for, surmontée d'un coq en cuivre
rouge.
A. BiTTON.
(JSoies manuscrites extraites de dive) s documents de ma collection)
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
-^>S3S2^<^
LE DICTIONNAIRE DES FAMILLES DU POITOU
Des raisons de santé nous ont forcé d'ajourner la Chronique qui
termine d'habitude chacune de nos livraisons : nous terons toutefois
une exception en faveur du Dictionnaire des Familles au Poitou,
dont la savante direction vient de compléter le premier volume.
Nous sommes, en effet, trop heureux de saisir cette nouvelle oc-
casion pour hautement féliciter MM. Beauchet-Filleau] de la labo-
rieuse et érudite persévérance avec laquelle ils poursuivent la
réédition d'un ouvrage si utile à tous les habitants de notre pro-
vince — que ces habitants soient historiens, publicistes ou simples
curieux.
Qu'on ne se plaigne plus surtout de la lenteur avec laquelle les
fascicules voient le jour. Les auteurs, en agissant ainsi, ont leurs
raisons, et nous y applaudissons de tout cœur. Une œuvre de la
nature de ce Dictionnaire ne se fait pas au pied levé. Il faut aller
chercher les renseignements nécessaires un peu partout, sur les
rciyons des bibliothèques publiques, au fond des tiroirs particuliers,
dans les cartons de mairie et jusques sur les dalles armoriées do
nos vieilles églises ou de nos champs de repos.
Certaines gens viendront sans doute parfois au-devant des au-
teurs, les mains pleines de détails sur leurs familles. Mais encore
doit-on en contrôler l'exactitude, ces collaborateurs d'un moment
étant souvent guidés par un sentiment d'amour-propre exagéré,
plutôt que par une ardente passion de la vérité.
Enfin, il faut le dire aussi, MM. Beauchet-Filleau ne se sont poin<
bornés à la confection d'un simple Nobiliaire poitevin ; ils ont ter.u
332 NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
à, ouvrir les colonnes de leur Dictionnaire à toutes les personnes ,
qui se sont illustrées dans les armes, le clergé, la noblesse, la ma-
gistrature, les lettres, les sciences et les arts. Ils feront ainsi suc-
cessivement défiler devant nous tous les personnages qui appar-
tiennent à l'histoire du Poitou, en même temps que les faits consi-
dérables auxquels ils ont été mêlés.
Ceux de nos lecteurs qui possèdent le premier volume de ce Dic-
tionnaire s'associeront certainement aux éloges que nous décernons
de grand cœur à celte œuvre colossale — véritable Livre d'or du
Poitou — qui devrait se trouver dans toutes les bibliothèques de
notre contrée.
R. DE Thivercay.
Le Directeur-Gérant : R. VALLKTTE.
Vannes. — Imprimerie LAFOLYK.
UN MENSONGE DE RICHELIEU
"tfe^j&aj--
IL ne s'agit pas ici d'un de ces mensonges diplomatiques,
et pour ainsi dire professionnels, que se permettent sou-
vent les hommes d'État pour défendre, ou pour faire pré-
valoir les intérêts de leur pays. En morale, ces sortes de
mensonges sont entourés de tant de circonstances atté-
nuantes que leur gravité en est singulièrement diminuée.
Mais le fait que nous avons à raconter est d'un ordre in-
time et privé. Ainsi que nous l'établirons, Richelieu a com-
mis un mensonge manifeste et bien caractérisé, et, ce qui
aggrave encore sa faute, c'est le Pape lui-môme qu'il atrompé.
Exposons d'abord l'affaire en détail ; il sera ensuite loisible
au lecteur d'en tirer les conséquences qu'il voudra touchant
l'honnêteté du grand ministre.
Il faut dire, à sa décharge, qu'il n'était encore ni ministre,
ni cardinal, ni même évêque, quand il fît ce mensonge. Il
n'avait que vingt-et-un ans ; mais déjà il appartenait à l'Église,
puisqu'il était diacre et qu'il sollicitait la faveur d'être or-
donné prêtre et sacré évêque.
J'ai raconté ailleurs* comment Richelieu, après la démis-
sion de son frère Alphonse, avait été pourvu par Henri IV
* Richelieu à Luçon, sa jeunesse, son épiscopat , par l'abbé L. Lacroix,
docteur ès-lettres. Paris, Letouzoy et Ané, 1890, in-S».
Tome iv. — Octobre, novembre, décembre. 23
33 i USJ MENSONGE DE RICHELIEU
■
de l'évêchô de Luçon, qui, depuis plus d'un demi-siècle, était
dans sa Camille, à titre de fief héréditaire.
Mais les lettres patentes du roi ne suffisaient pas pour que
le jeune prélat pût prendre possession de son siège ; il lui
fallait encore obtenir de Rome l'institution canonique et, au
préalable, la dispense d'âge pour être ordonné prêtre.
Or, en 1605, quand Henri IV le nomma évêque de Luçon,
il n'avait que vingt ans, et d'ordinaire la Cour romaine
n'accorde de dispense qu'aux clercs qui sont dans leur vingt-
troisième année.
Richelieu se trouvait donc en présence d'une grave diffi-
culté. Tout autre, à sa place, aurait attendu, non pas l'âge
canonique qui est de vingt-cinq ans, mais du moins cet âge
de vingt-trois ans qui est exigé pour être ordonné prêtre avec
dispense légitime.
Mais le jeune évêque de Luçon, poussé sans doute par sa
mère, avait hâte d'entrer en jouissance de son bénéfice.
C'est en vain que le cardinal de Joyeuse et M. d'Alincourt,
ambassadeur à Rome, le recommandèrent à la bienveillance
du Pape ; malgré leurs sollicitations , malgré même les
instances de Henri IV, Paul V ne se pressait pas d'envoyer
les bulles demandées.
Résolu d'en finir avec tous ces retards, Richelieu quitte
brusquement Paris et arrive à Rome pendant l'automne de
l'année 1606.
Il ne lui déplaisait pas de faire, dans cette ville, l'expérience
de ses talents diplomatiques et de devoir uniquement aux
charmes de sa personne et à la distinction de son esprit le
succès d'une affaire, dans laquelle ses puissants patrons
avaient presque échoué.
L'abbé de Pure a raconté, dans un petit livre à peu près
inconnu, des détails fort curieux sur le séjour de Richelieu à
Rome. Ce serait sortir de notre sujet que de les reproduire ici.
Qu'il nous suffise de dire que Paul V^ gagné par l'élégance
et la parfaite correction de ce jeune évêque, qui parlait
UN MENSONGE DE RICHELIEU 335
le latin avec une étonnante facilité, et qui joignait aux
grâces de la diction des connaissances théologiques bien su-
périeures à son âge, lui accorda, avec beaucoup de compli-
ments, la dispense nécessaire pour être ordonné.
En vertu de cette dispense, Richelieu reçut la prêtrise, et
peu de temps après, le 17 avril 1G07, il fut sacré évoque par
le cardinal de Givry qui avait quitté son siège de Metz pour
résider à Rome, où il défendait les intérêts français.
Voilà donc Richelieu au comble de ses désirs. Il quitte
Rome avec tous les insignes de l'épiscopat, revient à Paris
pour être r2çu docteur en SorbonnO;, et quelques mois après,
à la grande surprise de tout le monde, il va prendre pos-
session de cet évêché de Luçon « le plus gueux et le plus crotté
de France », comme il disait, et pendant huit années à peu
près consécutives, il garde la résidence et donne à son clergé
l'exemple de toutes les vertus.
Tout serait donc parfait, si, à l'origine de cette carrière
épiscopale si digne et si bien remplie, il n'y avait pas une
regrettable supercherie.
Voici très exactement le fait que nous caractérisons par ce
mot de supercherie. Afin d'obtenir plus facilement la dis-
pense d'âge dont il avait besoin pour être ordonné, Richelieu
s'est vieilli de deux ans et a présenté au Pape l'extrait
de baptême de son frère ; et, grâce à ce subterfuge qui
lui donnait vingt-trois ans, il s'est fait accorder une dis-
pense qu'on lui aurait certainement refusée à \ingt-et-un.
C'est Matthieu de Morgues, abbé de Saint-Germain, qui, le
premier, a révélé au public ce mensonge de Richelieu :
« Les premiers tours de la souplesse de son esprit parurent
à Rome, où il trompa le pape Paul cinquième, luy ayant fait
entendre qu'il avait l'asge pour être évoque ; et après son
sacre, ayant eu recours à l'absolution du Saint-Père, qui dit,
en présence de quelques cardinaux, qu'il recognoissait en la
façon et aux actions de ce jeune homme que, s'il vivait
longtemps, il serait un grand fourbe. Ces paroles sorties de
336 UN MENSONGE DE RICHELIEU
a
la bouche de l'Oracle de vérité ont été prophétiques, et l'ex-
périence nous a fait voir que Paul V ne les avait point dites
comme homme, mais comme Pape qui ne peut mentir', n
C'est sur la foi de ce texte que les contemporains de Riche-
lieuluiontreproché d'avoir trompé le Pape. Seulement, comme
l'abbé de Saint-Germain avait publié ce fait en 1631, à une
époque où il était brouillé avec le cardinal, beaucoup de gens
avaient récusé son témoignage, pensant que son hostilité
déclarée enlevait tout crédit à sa parole, et ils avaient
d'autant plus raison de se tenir ainsi sur la réserve à ce
sujet, que ce même Matthieu de Morgues, dans le Théologien
sans passion, qu'il avait publié précédemment, avait justifié
la conduite toute gracieuse du Pape par la science éminente
de l'évêque deLuçon : « Le pape Paul V, disait-il, avait voulu
que son sacre devançât l'âge qu'on doit attendre pour le rece-
voir, parce que la science et la sagesse avaient prévenu les
années'. »
Qui croire en effet, l'ennemi implacable ou le courtisan de
Richelieu? Si l'auteur a dit vrai en racontant le mensonge, il
a manqué de franchise et de courage en gardant le silence
dans son premier ouvrage, et le moins qu'on puisse faire,
c'est d'annuler les deux témoignages l'un par l'autre, et de
n'accorder aucune créance à un auteur qui a soutenu succes-
sivement, sur le même points, deux opinions toutes contraires.
Si donc nous n'avions que le témoignage de l'abbé de Saint-
Germain, la mémoire de Richelieu n'aurait pas grand'chose
à souffrir de ses accusations. Mais malheureusement pour le
grand homme d'État^ il n'y a pas lieu d'appHqucr en sa faveur
le vieil axiome de droit romain : Testis tmus , tcstis jiulhis,
car les témoins qui déposent contre lui sont aussi nombreux
que décisifs.
* Très humble, très véritable et très importante remonstrance au Roy,
p. 16, dans le Recueil de pièces pour la défense de la Reine mère .Anvers,
1643, in-4».
* Le Théologien sans 2^oi.ssion,, p. 11.
UN MENSONGE DE RICHlîLTEU 337
C'est d'abord Montglat qui, dans ses Mémoires, raconte que
Richelieu, à Rome, « supposa un faux baptistaire'. »
D'autre part, voici un texte qui a plus d'importance encore,
puisqu'il émane d'un ami de Richelieu. Gabriel de l'Aubépine,
évêque d'Orléans, était h Rome en 1G20, peu de temps après
la demande du cardinalat pour l'évêque de Luçon. L'affaire
ne marchait pas toute seule, et le candidat s'impatientait des
obstacles qu'on lui suscitait. L'évêque d'Orléans, qui était
tout dévoué à ses intérêts, lui écrivait le 12 novembre 1620 :
a Vous ne trouverez pas mauvais d'être averti que votre
promotion n'était pas encore assurée et que le Pape était
bien averti de trois choses qui vous peuvent nuire :
Qu'aviez juré avoir rage, étant à Rome, et que ne l'aviez
pas' i>
Il fallait que la supercherie de Richelieu eût fait à Rome
une assez vive impression pour qu'on s'en souvînt encore
après quinze ans, et qu'on en fît une arme pour empêcher sa
promotion au cardinalat.
D'ailleurS;, cette persuasion que Richelieu avait trompé le
Pape sur son âge véritable s'était si bien accréditée chez les
Romains que, même après la mort du cardinal;, on racontait
encore cette anecdote dans les salons, et que certains écri-
vains du temps s'empressaient de la noter dans leurs
Mémoires.
Nous avons, à cet égard, un document extrêmement cu-
rieux, qui confirme pleinement le fait que nous venons de
raconter, et qui a été mis en lumière, pour la première fois,
au cours de notre soutenance en Sorbonne, par M. B. Zeller,
maître de conférences à la Faculté des Lettres de Paris.
Nous sommes heureux de pouvoir le placer ici sous les yeux
de nos lecteurs, grâce à l'aimable obligeance de M. Zeller
qui a bien voulu nous le communiquer.
' Moniglat: Mémoires, p. 22.
- Archives des Affaires étrangères. Rome, t. 23.
338 UN MENSONGE DE RICHELIEU
I
Ce texte est tiré d'un recueil manuscrit intitulé :
THEODORI AMIDENII
Summoriim Pontificiim
Et S. R. E. cardinalium omnium
suo œvo defunctorum, elogia\
L'auteur, Amidenius, en flamand Amayden, était né à Bois-
le-Duc, au Pays-Bas, vers la fin du XVP siècle. Le catalogue
de la bibliothèque de la Minerve dit qu'il « florissait » encore
en 1654. Il était donc tout à fait le contemporain de Riche-
lieu, et déjà, à ce titre, son témoignage mérite quelque crédit.
Amayden devait être un catholique très militant, car il avait
été chassé de son pays pour cause de religion. Il était venu
se fixer à Rome, oi\ on lui avait donné un emploi dans les bu-
reaux de la chancellerie pontificale. Cet office le faisait vivre
dans l'intimité dos prélats et des cardinaux de la cour ro-
maine, et par conséquent il se trouvait en situation d'être bien
renseigné sur les intrigues et les cabales qui se formaient
autour du Pape.
C'était un esprit très délié et très ouvert; il nous est resté
de lui un certain nombre d'ouvrages, imprimés ou manuscrits,
qui se rattachent aux genres les plus différents.
Comme jurisconsulte, il a écrit un traité sur VOffice et la
juridiction du Dataire.
Comme poète, on cite de lui une comédie qui eut un très
grand succès : La dama frullosa, et une autre pièce intitulée :
Il canto del ortolano.
Mais ses goûts devaient le porter de préférence vers les
travaux historiques, car, outre ses Eloges des cardinaux et des
papes, il a encore laissé des chroniques fort curieuses sur les
Familles nobles de Rome.
Enfin, le recueil de ses Lettres, adressées aux plus grands
personnages de son temps, prouve que sa situation, à Rome,
' Biblioth. Corsini n» 282. —De la Minerve E»-12.
UN MENSONGE DE RICHELIEU 339
était considérable et qu'il était tenu en très haute estime par
ses contemporains. Ce devait être un de ces laïques à la fois
très versés dans le droit et dans la théologie, comme les
papes aimaient à se les attacher, età qui ils accordaient toute
confiance, quand il s'agissait de régler certaines affaires
épineuses pour lesquelles un prélat eût été mal à l'aise.
Le livre d'Amayden sur les papes et les cardinaux de son
temps est à coup sûr le plus important et le plus curieux de
ses ouvrages manuscrits qui nous ont été conservés. Il fait au-
torité à ce point que Baronius en a cité de très nombreux
passages dans ses Annales ecclésiastiques.
D'ailleurs, l'auteur l'a composé dans un but qui écarte toute
idée de scandale ou de passion politique : c'était pour l'ins-
truction de son fils. Il voulait que ces chroniques, rédigées
sans aucune préoccupation de publicité, et qui devaient rester
dans sa famille, missent ce jeune homme au courant de ce
que nous appellerions aujourd'hui les dessous de la politique,
afin qu'il fût plus tard en mesure de lui succéder dans les
charges qui lui avaient été confiées.
Ces notices biographiques sont du reste écrites avec une
entière liberté. Quoique très bon catholique, Amayden ne se
gêne pas pour conter, sur les papes et les cardinaux, les
anecdotes les plus piquantes, quelquefois môme les plus
légères. Avec un peu de malveillance, on y trouverait sans
peine les éléments d'une chronique scandaleuse qui ne man-
querait pas d'intérêt, tant l'auteur est bien informé de toutes
choses.
La notice qu'il a consacrée au cardinal de Richelieu est
assez complète'; mais il est manifeste qu'il n'avait aucun
goût pour le ministre de Louis XllI. A défaut de cette notice,
nous en aurions la preuve dans un autre opuscule qu'il a
publié sous ce titre : Discours sur les dangers où se trouve le
Royaume de France à cause de Vabsence du duc d'Orléans. Je
* Elle comprend 19 pages in-4o, 789-808.
340 UN MENSONGE DE RICHELIEU
I
n'ai pas lu ce discours ; mais le titre seul m'autorise à penser
que la politique du Cardinal devait y être prise à partie et
que l'auteur lui reprochait surtout ses sévérités contre le
frère du Roi.
Cependant le ton général de la notice de Richelieu est calme
et modéré. On sent bien qu'elle n'a pas été écrite par un ami
du cardinal ; mais elle n'est pas non plus Toeuvre d'un
pamphlétaire. Elle présente donc un caractère d'autorité et
d'impartialité qui ne permet guère de révoquer en doute les
faits qu'elle raconte.
Ces renseignements biographiques, que nous devons éga-
lement à l'érudition de M. Zeller, auront, je l'espère, donné
une idée assez exacte de l'auteur : j'ai hâte maintenant de
citer le texte d'Amayden relatif au mensonge qui est en
question.
Après quelques détails sur la mort du père de Richelieu et
sur la démission de son frère, qu'il appelle Louis, au lieu
d'Alphonse, Amayden ajoute ce qui suit :
« Armandus, accepte régis diplomate, tendit Romam, ibique se
Ludovicumfingens.in vimdiplomatisregii.petiit sacerdotio insigniri.
« Verum obstabat minor setas, cum vigesimum primum annum *
non excederet, in quâ eetate Sedes apostolica non solet dispensare
ad ecclesias cathédrales, nisi cum principibus, non autem cum nobi-
litate vulgari.
« Nihilominus, ad preces oratoris Gallise Paulus V, pontifex maxi-
mus, quia multa pro Armando allegabantur, aliquibus cardinalibus
negotium examinandum commisit, apud quos is tantum elTecit ut
sacerdotio dignus judicaretur. Scitum deinde fuit quod Regium
diploma comiperat et,abraso gertnani nomine^auum superinduxerai:
unde pontifex Paulus de eo effatus est : « Magnus litteratus, sed
magnus nequam ! »
Le texte est, ce me semble, aussi précis et aussi afflrmatif
que possible. Richelieu, au dire de notre auteur, avait
' Le texte dit : Vifjcsimum quintum annum; maisce doit être une faute
de l'auteur ou du copiste, car en 1006 Richelieu avait 21 ans.
UN MENSONGE DE RICHELIEU 341
commis un faux véritable, en substituant son nom à celui de
son frère, et c'est par ce moyen déloyal qu'il avait obtenu
d'être ordonné avant l'âge.
Du reste, Amayden se plaît à reconnaître que Richelieu
avait une science éminente, dont les Italiens eux-mêmes
avaient été vivement frappés : « Quantum ad scientiam attinet,
erat illa non mediocris in eo, sed cximia. »
L'auteur raconte même qu'étant un jour en visite chez le
cardinal Pinelli, celui-ci, au cours de la conversation, vint à
lui parler de Richelieu et lui dit : « Connaissez-vous ce prêtre
français ? Il demande une dispense pour l'épiscopat. Sa
science est telle qu'au jugement du cardinal Bellarmin, il est
capable de gouverner, non pas seulement un diocèse, mais
le monde entier. »
Ce témoignage si flatteur et en même temps si prophétique
rappelle la fine remarque d'André du Ghesne disant, à propos
du séjour de Richelieu à Rome, « que les Italiens furent
contraints de rompre le vœu qu'ils font presque tous de
n'admirer que fort sobrement ce qui naît hors de leur pays'. »
Toute la cour romaine fut sous le charme du jeune prélat,
et le souvenir de cette séduction qu'il avait exercée dut con-
tribuer beaucoup, sinon à faire oublier, du moins à lui faire
pardonner sa supercherie.
Ces différents témoignages, si affirmatifs qu'ils soient, sont
cependant loin d'avoir l'importance d'un dernier document
qu'il nous reste à produire et qui a l'autorité irrécusable
d'une pièce officielle. C'est le bref adressé par Paul V lui-
même à l'évêque de Luçon, en date du 9 décembre 1600, et
dont le texte se trouve dans V Histoire des évêques de Metz.
Les termes en sont très flatteurs et très élogieux pour le
jeune prélat. Le Pape lui dit qu'il l'a placé à la tête de l'église
de Luçon, moins sur la recommandation du roi de France,
« André du Chesne : Hist. généalogique de la Maison du Plessis- Riche-
lieu, p. 74.
342 UN MENSONGE DE RICHELIEU
■
que par un acte spontané de sa libéralité. 11 espère donc que
son épiscopat sera fructueux, bien qu'il n'ait encore que
vingt-trois ans : « Licet ipse, sicut accepimus, m vigesimo
tertio œtatis anno tantitm ^onstitutus existas*. »
Celte fois, la supercherie est flagrante.
En décembre 1606, Richelieu avait vingt-et-un ans trois
mois, puisqu'il était né le 9 septembre 1585 ; et si le Pape lui
accorde la dispense demandée, parce qu'il le sait âgé de vingt-
trois ans, sicut accepi7nus, on est dans la nécessité de sup-
poser qu'il n'a pu être induit en erreur que par Richelieu lui-
même. Gomment celui-ci s'y est-il pris? A-t-il directement
trompé le Pape en lui présentant une requête orale, ou bien
lui a-t-il fait remettre une pièce fausse dans laquelle son pré-
nom avait été substitué à celui de son frère? Cette seconde
hypothèse est la plus vraisemblable, d'abord parce qu'elle
est tout à fait conforme à la relation d'Amayden, et qu'ensuite
il est dans les traditions romaines de n'accorder de dispense
que sur le vu des pièces écrites et officielles.
Dès lors, nous arrivons à cette conclusion que Richelieu
a réellement menti au Pape, et que c'est grâce à un faux en
écriture qu'il a été ordonné prêtre et sacré évêque.
Il ne nous appartient pas de qualifier sa conduite dans cette
circonstance. Il est évident que, de nos jours, un pareil acte
serait très sévèrement blâmé et qu'il entraînerait même la
nullité de l'ordination.
Mais au XVIP siècle, et surtout à Rome, on se montrait
plus accommodant. Paul V lui-même pardonna de bonne
grâce au coupable, sans lui infliger de punition, se conten-
tant de prédire qu'il deviendrait un jour un grand fourbe.
Quant aux contemporains, on sent, à la manière dont ils
racontent le fait, qu'ils y voient moins un mensonge pro-
prement dit qu'une espièglerie do jeune homme. L'abbé de
Saint-Germain l'appelle « un tour de la souplesse de son
• Le R. p. Meurisse : Hist. des Èvéques de Mets, 1GS3, in-4, p. 660.
UN MENSONGE DE RICHELIEU 343
esprit ». Pourquoi nous montrerions-nous plus rigoureux que
le Pape et plus sévères que les ennemis du cardinal ?
On sait qu'un des récents historiens de Napoléon, le géné-
ral Jung, a raconté que le futur Empereur était entré à l'école
de Brienne, en 1778, en présentant l'acte de baptême de son
frère Joseph'.
Richelieu, on vient de le voir, avait eu recours à un stra-
tagème tout semblable pour se faire admettre au sacerdoce
et à l'épiscopat, avec cette dilférence qu'il s'était vieilli de
deux ans, tandis que Napoléon s'était rajeuni dedix-huitmois.
N'est-ce pas une coïncidence curieuse et étrange que les
deux plus grands génies politiques de la France, que les deux
hommes qui ont le plus fortement marqué leur empreinte
dans notre organisation nationale, aient commencé leur car-
rière par un mensonge ? Assurément ce trait est fâcheux pour
leur mémoire. Mais, comme me disait un jour un homme
d'esprit, devant qui je faisais ce rapprochement, « on
leur pardonnerait volontiers ce premier mensonge, s'ils s'en
étaient tenus à celui-là ! »
L. Lacroix,
Docteur ès-lettres,
Aumônier au lycée Michelet.
Vanves (Seine).
♦ Jung: : Hist. cl". Napoléon, t. i, p. 49.
NUMISMATIQUE BAS-POITEVINE
DEUX MÉDAILLONS ROMAINS
DE TIDÈRE ET DE DRUSUS
En bronze doré.
-OOO^OOO-
DANs l'avant-dernière livraison^ de la Revue du Bas-
Poitou, M. Brochet, agent-voyer d'arrondissement, a
donné une description des plus intéressantes d'objets
gallo-romains trouvés à Saint-Denis du Payré, soit dans les
tombeaux mis au jour, soit en dehors de ces mêmes sé-
pultures.
Les deux rarissimes médaillons que nous avons gravés
et que nous allons essayer de décrire, bien que nos con-
naissances en numismatique soient assez bornées, pro-
viennent-ils de la même découverte? Nous serions tenté de
le supposer, car ils ont été recueillis vers la même époque à
la Court-de-Saint-Cyr par M. R. de Rochebrune qui les tenait
d'un terrassier de Saint-Denis du Payré.
Au reste, quelle qu'en soit la provenance, ces deux médail-
lons nous semblent offrir un intérêt réel, tant par leur belle
conservation que par la rareté de ces objets^ même dans les
collections publiques.
Mionnet et Cohen, que nous avons consultés, ne donnent
qu'un médaillon de bronze à Tibère ; le revers qu'ils indiquent
est le môme ; ce n'est donc pos un type nouveau. Ils n'en at-
tribuent pas à Drusus, fils de Tibère.
H - A X e
oy'^s.J.!.• •■ * rvi£_D>vrLLOKS RoMAiMS TrBEKË F- T Drus US
DEUX MÉDAILLONS ROMAINS 345
Le plus grand, consacré à Tibère, est d'une conservation
remarquable et complètement revêtu d'une épaisse dorure
cachée par place sous une couche de matières noirâtres et
gr.asses, comme si ce médaillon eût été en contact avec un
corps en décomposition. Son diamètre est de 35 millimètres,
mais il est contourné d'un fil de bronze en torsade également
doré et terminé par une faible bélière qui porte son dia-
mètre total à 38 millimètres. La lettre est fortf elle, en grandes
majuscules de plus de trois millimètres. La tête est d'un bon
modelé, tournée à droite avec couronne de laurier. La face
porte cette légende (en majuscules) : Ti. Glavdivs. C.esar.
AvG. PM. TR. PI. M. ppp. Le revers est orné d'un temple avec
une grande porte cintrée cantonnée de quatre colonnes et sur-
montée d'un fronton triangulaire et d'un attique décoré de
rosaces circulaires. Sur cet attique s'élève une figure équestre,
un guerrier combattant armé d'un javelot, Drusus probable-
ment, car ce revers lui est consacré. Le cheval qui le sup-
porte se cabre et pose le pied gauche sur le globe du monde.
A droite et à gauche de cette figure équestre, on voit deux
grands trophées de trois boucliers oblongs à extrémités poin-
tues et surmontés d'un casque. Dans le champ les lettres :
S. G. ; la légende du revers porte, toujours en grandes ma-
juscules : Nero. Glavdivs. Drvsvs. Germani. m. p. Le ventre
du cheval montre seul trace d'usure. Le reste est à fleur de
coin. La lettre intacte est d'un beau style.
Le médaillon de Drusus est plus petit : il n'a guère que 27
millimètres. La torsade dont il était entouré, quoique bien
plus forte, a été usée par un frottement prolongé ; car avec
cette torsade, également dorée ainsi que le reste de la pièce, il
n'atteint que 30 millimètres comme diamètre total. La bé-
lière est très grande et très forte à double torsade. Ge mé-
daillon a été longtemps porté, soit suspendu aune enseigne,
soit sur la poitrine du miles ou soldat, car cette bélière est usée
et presque coupée à son point de suspension. La tête, tournée
à gauche et non laurée, a subi un frottement prolongé ciui a
340 DEUX MÉDAILLONS ROMAINS
fait disparaître le modelé d'une partie de la joue et des che-
veux. La légende, également plus fatiguée, est celle-ci: Drvsvs.
C^iSAR. Ti. AvG. F. DivL AvG. N. Au revers : Rome assise sur
lactiaise curule. En légende : G. G. S. i. i. i. : A l'exergue :
S. G. Comme à l'autre médaillon, la dorure très épaisse porte
la trace de matières graisseuses noirâtres qui y sont forte-
ment attachées. La conservation est moins belle, les traces
d'usure, beaucoup plus nombreuses, prouvent qu'il a été porté
très longtemps. Gomme modelé et comme style, il accuse la
même facture et la même habileté que celui de Tibère.
Terre-Neuve, .20 novembre 1891.
0. DE ROCHEBRUNE.
UNE AMAZONE VENDÉENNE
MADAME BULKELEY
LE quatorzième jour de mai de l'an de grâce 1753, mcssire
Guy-Barth61t-':ny Talour, écuycr, sieur de la Cartrie,
conseiller du roi en la Chambre des Comptes de Bre-
tagne, faisait baptiser son huitième enfant, une fille, à
Angers.
L'enfant reçut les prénoms de Céleste-Julie-Michelle, et eut
pour parrain et marraine son frère, Jean-Michel, et sa sœur,
Julie-Ambroise'.
Si quelqu'une de ces fées, dont les merveilleuses histoires
ont charmé notre enfance, eût apporté un don à la fillette,
la visiteuse se fût sans doute ainsi exprimée, au grand éba-
* Le quatorzième jour de may mil sept cent cinquante-trois, Cé^ss^e-^uZie-
Michele, née de ce jour, fille de Guy-Barthélemy Talour. ('cuyer, sieur de la
Carterie, conseiller secrétaire du roy, auditeur h la Chambre des Comptes de
Bretagne, et de dame Jeanne OUivier, son épouse, a été baptisée par nous,
prêtre chapelain de cette église, soussigné. Ont été parrains : Jean-Michel
Talour, frère de l'enl'ant, et demoiselle Julie Talour, sœur de l'enl'ant,
soussignés avec nous ; le père présent qui a signé :
Talour de la Cartrie, Talour, Talour ;
J. Varanne, prôtre.
(Archives de la paroisse de Saint-Michel-du-Tertre.)
348 UNE AMAZONE VENDÉENNE
hissement du grave magistrat : « Je te donne la beauté et'
« la fraîcheur, c'est pourquoi tu auras quatre époux ; je te
« donne l'énergie et l'amour des jeux virils, aussi tes bijoux
« les plus chers seront un sabre et des pistolets; fille de robe,
a tu chargeras dans les mêlées sanglantes, et tu cacheras une
« âme de mousquetaire sous ton corps de femme. »
Mais la fée ne parut pas, envolée pour jamais comme tant
d'autres croyances naïves et jolies ; messire Talour acheva
ses jours en paix et décéda en novembre 1774, sans s'être
jamais douté, le digne homme, que sa brune Céleste con-
duirait quelque jour au feu les Brigands déguenillés du Bas-
Poitou.
Tout arrive, même l'invraisemblable, même l'impossible.
Ironie de l'hérédité, c'est d'une famille de robins, compassés,
majestueux, presque sacerdotaux, que sort ce casse-cou
d'amazone Bulkeley, tête folle qui dansera les soirs de ba-
taille, et fera sauter par la fenêtre, à coups de cravache, les
hommes de loi qui la houspilleront.
Pourtant, Céleste Talour de la Cartrie avait sucé — comme
on disait jadis — de bons principes avec le lait, bizarre mais
nutritif mélange : les magistrats de l'ancien régime, peu
badins par éducation, élevaient leurs enfants de façon sévère.
C'était le temps où les parlem.enis préféraient l'exil aux
basses complaisances,, et où l'on pouvait dire très justement :
raide comme la justice. Nous avons changé tout cela.
La famille des Talour remontait, en Anjou, au seizième
siècle, et comptait d'excellentes alliances dans cette province.
Les amateurs de généalogies liront avec quelque intérêt •
les renseignements suivants :
Le premier des Talour, venu de Normandie en Anjou, fut
Pierre, avocat à Angers, qui possédait le domaine de la
Cartrie en 1590. Il épousa Elye Migon et mourut en 1616.
Voici la liste de ses descendants directs :
A. — Barthélémy Talour de la Cartrie, avocat à Angers,
épousa Claude Herbereau des Cheminaux.
MADAME BULKELEY 340
B. — Barthélémy, avocat à Angers, écuyer, secrétaire or-
dinaire de la Chambre du roi, prit pour femme Françoise
Dugrès.
G. — Barthélémy épousa Marie Denays.
D. — Mathieu, écuyer, d'abord officier au régiment de la
Gervezais, fut pourvu, par lettres du 8 juin 1704, de l'office de
conseiller secrétaire du roi, maison et couronne de France,
en la chancellerie près le Parlement de Metz : il fut pourvu,
par lettres du 16 juillet 1713, de l'office de conseiller du roi,
secrétaire auditeur en la Chambre des Comptes de Bre-
tagne* .
Il avait épousé Marguerite du Bailleul.
Mathieu Talour, sieur de la Cartrie, fut maintenu dans sa
qualité d'écuyer par ordonnance de M. de Chauvin, inten-
dant de la généralité de Touraine, en septembre 1715.
Il mourut le 28 avril 1733, et fut inhumé dans l'église pa-
roissiale de Sainte-Croix d'Angers.
E. — Guy-Barthélemy succéda à son père dans son office
de conseiller secrétaire auditeur de la Chambre des Comptes
de Bretagne, le 5 juin 1733.
11 épousa, le 24 février 1733, Jeanne Ollivier, fille de mes-
sire Ollivier, ancien consul et échevin de la ville d'Angers,
et mourut à l'âge de 73 ans, en 1774.
Guy-Barthélemy eut neuf enfants : 1° Toussaint-Ambroise,
né le 25 janvier 1743, marié le 28 novembre 1768, à Saipt-
Maurille d'Angers, avec Anne-MichellederEtoille;2'' .Jeanne-
Ambroise ; 3° Julie-Ambroise; 4° Adélaïde-Joséphine; 5" Jean-
Michel; 6" Alexandre-Gilles-Hercule, génovéfain, né en 1750;
1" Charles-Guy, né en 1751 ; 8° Céleste-Julie-Michelle, née en
1753 ; 9° Jean-Barthéleniy'-Gencviève, né en 1755.
* La charge de Mathieu Talour était l'une de celles créées par l'édit
royal d'avril 1704. Les lettres patentes de 165!) conféraient la noblesse aux
membres de la Chambre des Comptes, tout en constatant que « la plupart des
officiers de ladite Chambre sont nobles d'extraction. » Cf. //js^oire rfe /a
Chambre des Comptes de Bretagne, par H. db Fourmont. Paris, 1854.
Tome iv. — Octobre, novembre, décembre. 24
350 UNE AMAZONE VENDEENNE
Le partage des biens entre Toussaint-Ambroise et ses
frères et sœurs eut lieu par acte de 1776*.
Il comprenait un hôtel et des immeubles à Angers, et la
propriété de la Gartrie', consistant en maison d'habitation,
quatre métairies, quatre closeries, etc.
Guy Barthélémy, père deGéleste.avaitun frère et une sœur.
La sœur, Marie-Marguerite, née en 1705, épousa Gilles
François de la Grandière. Le frère, Jean-Jacques Talour', che-
valier, sieur de la Villenière et de Quinze, avocat aux Parle-
ments de Paris et de Bretagne, fut pourvu^ le 26 août 1740, de
la charge de conseiller maître ordinaire en la Chambre des
Comptes de Bretagne.
On trouve dans les archives de Maine-et-Loire, au dossier
Talour, un curieux mémoire, signifié par Jean-Jacques en
1767, et en appelant d'une sentence qui le condamnait à qua-
lifier de « haut et puissant seigneur », pour hommage et aveu
de la Villenière, messire Walsh, comte de Serrant, seigneur
du Plessis-Macé.
D'après le mémoire de Jean-Jacques , l'origine de la
noblesse des Talour est dans les fonctions de secrétaire ordi-
naire de la Chambre du roi, auxquelles fut appelé par le
conseil de régence, le 22 mars 1651, Barthélémy Talour de la
Cartrie.
* Cf. Archives de la Bibliothèque nationale, collection Chérin.
a « La Carterie (château, commune de Bécon. — Boscus de Quartai'ia,
« 1080-10S6. — Cart. Saint-Nicolas, p. 149). — Boscus qui Carteria dicitur
« (1135. Ep. Saint-Nicol. p. 70). Le village delà Quarterie, 1592 (E. 3:196). —
« Ancien bois dévoué à l'abbaye de Saint-Nicolas en partie par le seigneur de
« Trêves. Le domaine transformé appartenait en 1590 ;i l'avocat Pierre
« Talour, bienfaiteur de l'IIAtel-Dieu d'Angers, mort le 1 1 juin 1616, et dont
« la famille tient rang, pendant deux cents ans, au barreau d'Angers. Le
« 8 février 1701, noble homme Mathieu Talour acquit du roi les droits
« honorifiques de la paroisse de Bécon pour les réunir à son domaine. Un
« de ses héritiers, Jean-Barthélsmy-Geneviève Talour, vendit la terre, le
« 3 mai 1783, à Marie-Anne-Louise de Varice, veuve de Louis-Gaëlan-
« Baltazar de Meaulne. — Aujourd'hui à M. de Villebiot. »
(Dictionnaire historique de Maine-et-Loire. )
3 Sui Jean-Jacques Talour, consulter le Dictionnaire historique de
Maine-et-Loire, par le savant M. Célestin Port,
MADAME BULKELEY 351
Les alliances des Talour sont avec les Herbereau, les
Fouquet (de la famille du maréchal duc de Belle-Isle), les
Gupif, les Dupont d'Anjou, etc., etc.
Talour porte : D'azur à la croix pattée d argent chargée au
milieu d'un cœur de gueides\
Le frère aîné de Céleste, messire Toussaint-Ambroise
Talour de la Cartrie, avait épousé, le 28 novembre 1768,
Anne-Michelle de l'Etoille. De ses trois sœurs, la première,
Jeanne-Ambroise, avait épousé, le 14 février 1764, messire
René-Prosper Sapineau, chevalier, seigneur du Bois-Huguet;
la seconde, Julie-Ambroise, avait épousé, le 6 juillet 1775,
messire Louis-Félicité de Jousbert de Roche-Tremer, che-
valier^; la troisième, Adélaïde-Joséphine, avait épousé, le 6
octobre 1772, messire Hercule-Gilles, chevalier de la Gran-
dière, seigneur du Plessis, capitaine au régiment d'Aquitainc-
Infanterie.
Céleste Talour de la Cartrie, dont la fortune s'élevait h
quarante mille livres, après règlement définitif des succes-
sions paternelle et maternelle, épousa en 1779 un gentil-
homme du Bas-Poitou, mon arrière-grand oncle, Louis -
Henry-Marie Chappot delà Brossardière^, né comme elle en
* Cf. Audouys, mss. 794. p. 167, Archives de la ville d'Angers.
> Marie-Louis-Félicité de Jousbert de Roche-Tremer était fils de messire
Louis-Pierre de Jousbert de Roche-Tremer, chevalier, seigneur de Bois-
Groleau, la Saulais. et de feue à-d^mQ Marie-Anne-Françoise de Théronneau.
de la paroisse des Herbiers, diocèse de Luçon.
* D'une famille ancienne de Bas-Poitou, qui s'est divisée en deux branches
dans la première moitié du XVII" siècle et a été maintenue dans sa noblesse
par Barentin, commissaire du roi dans la province de Poitou. (V. Catalogue
alphabétique des nobles de la généralité de Poitiers. Poitiers, 1667,
page 25).
La branche aînée portait le nom de « de la Brossardière », et s'est éteinte
en 1821, dans la personne de Gabrielle-Elie-Victoire Chappot de la Bros-
sardière, dame du Jarry.
La branche cadette eut pour auteur le troisième fils de Pierre Chappot de
la Brossardiére, Henry Chappot, écuyer, seigneur de la Chanonie, lieute-
nant particulier au présidial de la Rochelle de 1644 h 1697.
Cette branche, qui a de nombreux représentants en Vendée, a relevé, par
autorité d'un jugement du tribunal de la Koche-sur-Yon, en date du 18 mars
1867, le nom de « de la Chanonie », supprimé dans les actes depuis 1793
352 UNE AMAZONE VENDÉENNE
M
1753, et d'une fortune assez considérable. Les auteurs de
Louis-Henry-Marie Chappot de la Bossardière étaient messire
Charles-Henry Chappot, chevalier, seigneur de la Brossar-
dière, capitaine de cavalerie U'gère, brigadier des gendarmes
de la garde du roi', chevalier de Saint-Louis, inspecteur des
chasses du duc d'Orléans ; et dame Marie-Marguerite de
Morais, qui trouvera à la Terreur, ainsi que deux de ses filles,
une mort sanglante sous les baïonnettes républicaines.
Après son mariage, Céleste Talour abandonna l'Anjou et
vint habiter avec son mari le château de la Brossardiôre,
en Saint-André d'Ornay, près la Roche-sur-Yon. Elle eut de
cette union une fille, Amlnte, née le 31 mars 1781', et qui
périt misérablement, de privations et de douleur, dans la
prison révolutionnaire d'Angers.
Louis Chappot de la Brossardière mourut le 27 avril 1785,
en pleine jeunesse''.
* Les gendarmes de la garde du roi formaient un corps de cavalerie
d'élite et privilégié, dont tous les membres, ayant rang d'officier, devaient être
gentilshommes, ou du moins issus de familles anciennes et notables, et jouir
d'un revenu déterminé. Le capitaine de la compagnie était le roi. Dans ce
corps, les maréchaux-de-logis et les deux plus anciens brigadiers avaient
rang de capitaine de cavalerie, et les brigadiers celui de lieutenant de cava-
lerie. Pendant une partie de l'année, les gendarmes et officiers qui n'étaient
pas de service près du roi vivaient dans leurs terres. Les gendarmes de la
garde, qui s'illustrèrent dans un grand nombre de batailles sous Louis XIII,
Louis XIV et Louis XV, avaient été créés par Henri IV, sous le titre
d'Hommes d'armes des ordonnances du roi ; ils furent supprimés en 1787.
Le père de Charles, Louis C. de la Brossardière, chovalier de Saint-Louis,
avait servi également, comme maréchal-des-logis, aux gendarmes de la
garde du roi; il prit part, de 1G91 à 1714, au combat de Leuze où il fut
blessé, au siège de Namur, aux batailles de Steinkerque et de Nerwinde, à la
course de Tongres, aux batailles d'Oudenarde et de Malplaquet, au siège de
Fribourg. — Son grand oncle, Pierre C. de la Brossardière, servit dans le
même corps pendant quatorze ans, et fut blessé mortellement à la batailla
deLens(1648). — Son grard-père, Louis C. delà Brossardière, maire de Poi-
tiers en 1667, avait aussi fait partie des gendarmes de la garde.
Cf. Abréffé chronologique et historique de la Maison du roi, etc., par Le
Pippro de Nœufville, 1734. — Dictionnaire militaire, 1759. — Histoire des
divers corps de la Maison militaire des Rois de France, par llouUier, 1818.—
Recherches historiques sur Vancienne Gendarmerie française, 1759, etc.
' Cf. Ai'i'ENDicE ^ pièce I.
' Cf. Appendice — pièce IL
MADAME BULKELEY 353
Sa veave le pleura correctement pendant une année tout
entière, et même un peu plus. Mais les circonstances vou-
lurent qu'elle rencontrât un jeune officier du régiment de
Walsh', alors en garnison à l'île d'Oléron :
La perte d'un époux ne va point sans soupirs :
On fait beaucoup de bruit et puis on se console. . .
Le jeune officier se nommait William Bulkeley : il avait
vingt ans- , de la grâce, de l'esprit, une taille colossale. Issu
de ces Bulkeley qui ont donné à la France des lieutenants-gé-
néraux', il était entré au régiment de Walsh en 1785, grâce à
l'appui de son oncle, Richard Butler, ancien lieutenant-co-
lonel en Walsh, et brigadier des armées du roi.
1 Walsh, formé en l(5Gl,fut d'abord Royal-Irlandais, puis Gardes-irlan-
daises.Le d\ic iVOrmond en fut le premier colonel; M Borington rem-
plaça le duc d'Ormond, et donna son nom au régiment. Venu en France
en 1889 après la capitulation de Limarick, Walsh fut successivement la
propriété de M. de Rothe, puis de son fils, tous deux morts lieutenants-géné-
raux. En 1766, le régiment fut donné à milord W eniworlh-Dillon, comte de
Roscomon, et prit le nom de Roscomon. Après le comte de Roscomon, ma-
réchal de camp, décédé en 1770, le régiment prit le nom de son nouveau
colonel, M. de WalsJi, comte de Serrant.
En 1790. le régiment, après le retour d'un des bataillons, qui avait séjourné
à l'Ile-de-France pendant plusieurs années, fut mis en garnison dans les
villes du Morbihan, et, après un court séjour à Longwy et Verdun, revint
en Bre+agne. où il resta jusqu'à la pacification de l'Ouest ; il était devenu le
92^ régiment d'infanterie.
L'uniforme de Walsh, à partir de 1775, était : habit et veste rouges ; collet,
parements et culottes blancs, et boutons jaunes.
Dans le ré'^'iment de Walsh, comme dans les autres corps irlandais, les
officiers et la plupart d°s sous-officiers étaient nobles, et descendaient de
meilleures familles d'Irlande
ConsulttT : Observations historiques sur Vorigine, les services et l'état
civil des officiers irlandais au service de la France, adressées à V Assamblée
nationale, et Histoire de Vancienne Infarderie française, par Susane.
- William Bulkeley é^i-M^ né le 7 décembre 170 ■, à Clammel (Irlando) .
s François, comte de Bulkeley, né en 1686 à Londres ; colonel en I5ul-
keley ; brigadier d'infanterie en 1719 ; maréchal de camp en 17:'-4 ; lieutenant-
général en 1738 ; gouverneur de Saint-Jean Pied-de-Port en 1751 ; chevalier
des ordres du Roi en 1748; décédé en 1756.
Le comte de Bulkeley avait fait les campagnes de HoUande (170-2). —
Espagne (1703). — Portugal (17ui). — Comté de Nice v1705). — Espagne (17U6,
354 UNE AMAZONE VENDÉENNE
La belle veuve épousa le beau sous-lieulenant en novembre
1786* .
Le nom de Bulkeley, célèbre dans les fastes de l'armée, était
porté par l'un des régiments de celte héroïque phalange
irlandaise, qui n'a jamais marchandé à la France le sang de
ses membres, et a payé plus que largement la dette de l'hospi-
talité' .
1707,1708, 1709). — Dauphiné M710, 1711, 171-2j. — Rhin (1713). —Espagne
(l'jU). — Espagne (1719). — Rhin (1733, 1734, 1735). — Bavière et Bohème
(1742). — Allemagne (1743). — Flandre fl '44). — Rhin (1745). — Flandre
(1746. 1747, 1748).
Henry-François, comte de Buîkeley-, fils du précédent, né à Paris en
1739, fut successivement colonel de Buîkeley en 1742; brigadier en 1762;
maréchal de camp en 1770; lieutenant-général en 1784; il avait rempli, de
1770 à 1775, les hautes fonctions de ministre plénipotentiaire pi-ès la diète
de l'Empire, et quitta le service en 1784 : il était chevalier de Saint-Louis.
* Cf. Appendice — pièce III.
* «Ily eut au commencement de 1692, après la capitulation de Limerick,
plus de 20.000 Irlandais de troupe réglée servant dans les armées du roi,
sans compter un nombre prodigieux de volontaires et d'officiers, qui ser-
virent à la suite non seulement de ces troupes, mais même de différents
corps de l'armée française. » (V. Observations historiques.)
De 1733 h 1775, le régiment Buîkeley fournit notamment l'attaque des
lignes d'Ettlingen et le siège de Philisbourg; il fit la campagne de 1735 sur
la Moselle ; puis la campagne d'Allemagne, où il assista à la bataille de
Dettingen, au combat de Rheinweiler, ;iux sièges de Menin, Ypres et Furnes,
à la bataille de Fontenoy. Lors de la campagne de Flandre de 1746, il prit
part aux batailles de Rocoux et de Lawield, et au siège de Maëstricht.
Pendant la guerre de Sept ans, il combattit aux affaires de Corbach,
Warbourg et Villingshausen ; sa défense de Marbourg en 1761 est restée
célèbre.
L'uniforme de Buîkeley était l'habit rouge, pai-ements verts, veste verte,
culotte blanche, boutons blancs de deux en deux, d'un seul cùté jusqu'aux
poches coupées en travers et garnies de trois boutons ainsi que les manches;
boutonnières et galon de chapeau blancs. Les drapeaux d'ordonnance étaient
ondes de llammes rougef, noires et jaunes dans chaque carré, avec la croix
blanche. En 1775, le corps prit les insignes et le costume de l'ancien régi-
ment Dillon. CF. Susane, Histoire de l'ancienne Infanterie française.)
Dans les régiments irlandais, la solde était, sous Louis XIV, de trois livres
dix sols par jour pour les lieutenants en premier, et de vingt deux sols par
jour pour les lieutenants en second.
En 1748, d'après VEtai général des troupes, Buîkeley comptait 705
hommes, coûtant par an 232 livres, 6 sols, 3 deniers.
Buîkeley, devenu Dillon, a formé la 157« demi-brigade (organisation de
1794), comprenant le l" bataillon du 87» de ligne, le 13e bataillon des
Vosges, et le 4» bataillon de Loir-et-Cher.
MADAME B lkk:,i:y 35.")
Le régiment Bulkeley, ancien MontcasscU et Lee, arrivé en
•France en 1690, garda le nom de Bulkeley du 10 septembre
1733 au 26 avril 1775 ; à cette époque, il fut incorpore dans
un autre régiment et devint Dillon; Bulkeley, entre cent com-
bats, s'était illustré à la bataille de Fontenoy, où, avec Clare,
Dillon, Roth, Berwick et Lally, il avait puissamment aidé la
Maison du roi à briser la marche victorieuse de la terrible
infanterie anglaise.
William Bulkeley était digne des siens; devant cet officier
instruit, énergique, vigoureux et dévoué, la carrière mili-
taire s'ouvrait facile. Les charmes de Vénus ne l'empêchaient
point de voler aux travaux de Mars, et, depuis son mariage
jusqu'en 1788, il fit de son temps deux parts, Tune donnée à
ses devoirs militaires, l'autre accordée aux doux loisirs, sous
les vieilles chênaies de la Brcssardière.
En 1788, William Bulkeley pnrtit avec son bataillon pour
l'Ile de France : M""" Bulkeley et sa fille, Aminte de la Bros-
sardièrc, suivirent dans cette longue étape, qui dura trois
années, leur mari et beau-pèrC;, promu lieutenant. Le ba-
taillon ne revint en France qu'à la fin de 1790, pour être n\is
en garnison dans les villes du Morbihan.
Le mouvement révolutionnaire allait s'accentuant chaque
jour ; la monarchie française tombait en ruines, faute d'avoir
su ouosé se défendre contre les maladresses de ses amis, les
subtilités des rhéteurs, les violences de la canaille : Louis
XVI n'était plus que Momiciir Veto, en attendant de devenir
le roi-martyr. Bulkeley se souvint du loyal serment prêté
au roi de France; en 1792 il brisa son épée, non sans
regret, disant, avec une fîôre devise, '.[mq mieux vaut honneur
qrihonneurs.
356 UNE AMAZONE VENDÉENNE
II
Dans les premiers jours de mars 1793, la Vendée, dressée
contre la République, commença la guerre immortelle qui, sui-
vantlejugementdugénéralFoy, «arevèlu d'une splendeur in-
comparable quelques pages de notre histoire » ; mais ce peuple^,
qui jetait aux régicides le non scrviam de sa fidélité et de sa
foi, n'avait ni armés, ni chefs : on sait comment des victoires
successives lui donnèrent les premières; les chefs, lui-même
se les choisit, obligeant les gentilhommes du pays, presque
tous anciens officiers, à marcher à sa tête et à prendre la
direction pratique d'un mouvement strictement populaire à
son origine.
Les royalistes des environs de la Roche-sur-Yon se mirent
sous les ordres de Bulkeley et de de Ghouppes' . Bulkeley
prit sans hésiter le commandement qu'on lui assigna impé-
rativement, comme on l'avait fait à Gharette, à Béjarry, à
Verteuil, à tant d'autres. Le 15 mars, il commença par s'em-
parer de la Roche-sur-Yon;, alors chef-lieu de district, et y
établit un camp, destiné à servir de base à ses opérations
militaires.
Si l'on en croyait sur parole le citoyen Hillaireau, juge de
paix de la Roche, dans sa déposition sur la prise de la ville,
M""" Bulkeley se serait montrée quelque peu exaltée ce jour-
là ; voici en effet ce que le fonctionnaire républicain raconte^
le 29 août 1793, devant la municipalité. La citation est extraite
d'une longue et curieuse pièce tirée de la collection révolu-
tionnaire du savant M. Dugast-Matifeux, qui a bien voulu
m'ouvrir très obligeamment ses précieuses archives :
* De Chouppes était un descendant du marquis de Ghouppes. lieutenant-
général. Sur ce personnage, qui ne fut pas à l'abri de tout reproche, con-
sultez l'Etat du Poitou sous Louis XIV, par M. Dugast-Matileux, p. 120.
MADAME BULKELEV 357
La domestique des citoyennes G. . . vint nous dire que la Roclio allait
re brûiéd. Quel parti prendre dans la circonstance puur sauver la petite
propriété de chaque individu î Je pris celui d'écrire au sieur Bulkeley et
l'engageai de venir renvoyijr tous ses gens qui s'attroupaient mal à propos.
Il n'y manq'.'a pas en lisant ma lettre. Il s'y rendit et s'opposa à tout le mal
que les malheureux se proposaient de faire.
Le déclarant ajoute : que le sieur Ruchaud père, des Fontenelles de
Saint-André, est venu plusieurs fois prier les commandants des insurgés de
tuer les prisonniers et de faire piller toutes les maisons de la Roche ; que
la femme du sieur Bulkeley aurait bien été de cet avis , mais quo lui
(Bulkeley) et de Ghouppes s'y étaient toujours opposés, et que sans eux le
pays serait perdu, etc. . .
On notera en passant cet hommage rendu par un adver-
saire à la modération de Bulkeley, dont le caractère était
« doux », suivant l'expression même de M. de la Fontenelie
de Vaudoré'.
Le camp de la Roche ne comptait, en dehors des rassem-
blements, qu'un effectif d'environ trois cents hommes à poste
fixe, d'après les déclarations que firent quatre déserteurs,
le 24 juillet 1793. Il est mentionné dans cette pièce, tirée des
archives municipales de la Roche-sur-Yon, et publiée par le
journal la Vendée le 12 juin 1885, que des soldats royalistes,
« la moitié seulement possède des fusils, le reste est armé
de fourches de fer et de piques. »
Les archives dont je viens de parler contiennent un certain
nombre de pièces tirées de la correspondance de Bulkeley
avec Joly, de Ghouppes, Cumonl du Buisson, Mercier et Gha-
rette. Il existe notamment, de ce dernier, deux lettres adres-
sées à Bulkeley; la première est relative à une demande de
munitions ; voici la seconde :
A Legé, ce 51 mai 1795.
Monsieur,
Depuis le sticcès des armes de la Grande-Armée à Fontenay , je n'en ai
pas entendu pailer. J'attends quatre officiers de ir.on armée que j'y ai en-
voyés il y a trois jours. Aussitôt leur arrivée, je m'empresserai d-; vous
faire part de leur rapport.
* Cf. Autour du Drapeau blanc, article Talour de la Cartrie.
-358 UNE AMAZONE VENDÉENNE
Si, comme je le crains, la grande armée se porte sur d'autres endroits, je'
ferai tout mon possible pour m'unir avec M. Roirand (sic), forcer les bri-
gands dans leurs tavernes, et si bien les traiter qu'ils n'aient plus d'envie
de venir mordre à la grappe.
Il y a, à ce qu'un m'a assuré, un rassemblement de quinze cents hommes
sous les ordres de M. Beaumelet dans le Marais. Il a, il y a quelques jours,
donné une vigoureuse chasse aux Bleus, et en a tué beaucoup. Nous sommes
menacés d'une vigoureuse attaque ; mais qui dit Bleu dit Jean-foutre, et je
crois qu'ils ne sont nullement disposés à remplir leurs promesses.
Il y eut, hier au soir, un combat auprès de Nantes. Les patriotes ont été
repoussés vigoureusement. J'en ai aujourd'hui la certitude, sans avoir les
détails du combat.
J'ai l'honneur d'être avec respect. Monsieur, votre très humble et très
obéissant serviteur.
Le chevalier Charettb.
On retrouve dans ce billet le môme épistolier qui répondait,
en une ligne devenue historique, aux propositions de restau-
ration orléaniste que lui présentait Dumouriez :
Mon cher Dumouribz,
Dites au fils du citoyen Egalité d'aller se faire f. . .
Le chevalier Cuarette.
Le 3 juin 1793, de Ghouppes et Bulkeley adressèrent « aux
« habitants des paroisses formant la division militaire du
« camp de la Roche-sur-Yon » l'avis suivant, intéressant
à connaître tant au point de vue des idées émises que du
style de Bulkeley, qui l'avait rédigé :
Généreux habitants des campagnes.
Vous avez secoué le joug de la tyrannie et de l'oppression qui pesait sur
vos tètes ; vous avez chassé et dispersé ces hommes qui s'étaient arrogé le
droit de vous gouverner par la force et de vous faire reconnaître et adopter
des lois subversives de tous les principes d'honnêteté, de justice et d'équité
dont vous n'avez pas voulu vous écarter-, vous êtes restés fidèles à votre
reUgion, que l'on a cherché à vous enlever et à anéantir par toutes sortes
de moyens ; vous avez conservé vos temples et l'exercice de votre culte que
l'on voulait ditruire ; vous avez sauvé vos ministres persécuté et proscrits
MADAME EULKELEY 359
parc3 qu'ils sont restés fidèles aux principes invariables de cette religion
sainte qui fait votre principale consolation ; vous combattez aussi pour
rétablir le trône et la monarchie française renversée par des factieux qui
en trempant leurs mains dans le sang de leur roi et en l'assassinant lâche-
ment, ont cru affermir leur cruelle domination et consolider leur souverai-
neté. Votre généreux dévouement a été jusqu'ici couronné du succès qui
devait suivre une cause aussi juste et aussi louable que celle que vous
avez embrassée.
Mais, mes chers amis, votre carrière n'est pas encore finie ; votre roi n'est
pas encore placé sur le trône; nous vivons dans ce moment sans lois, sans
gouvernement, sans autorité reconnue. Cependant, ce n'est que par les
lois qu'un grand peuple peut se maintenir en société ; ce n'est que par elles
que chaque individu peut espérer trouver la paix et la tranquillité dans
ses foyers ; c'est par elles aussi que le faible est à couvert de l'oppression
du plus tort ; les lois sont enfin la sauvegarde de la vie, de l'honneur et
de la propriété de chaque citoyen. La religion peut quelquefois suppléer à
leur faiblesse et à leur inexistence, mais elle n'est pas toujours sulfisante,
parce que tous les hommes ne sont pas doués des mêmes principes d'équité
et de justice, et que d'ailleurs le gouvernement civil est, dans une inlinité
de circonstances, entièrement étranger au gouvernement spirituel.
C'est par ces considérations et dans les seules vues d'une utilité dont vous
sentirez tout le prix, que les chefs que vous vous êtes choisis pour diriger
vos opérations militaires, ne pouvant subvenir par eux-mêmes à tous vos
besoins, entendre vos réclamations, décider vos dill'érends, régler vos intérêts
de famille et vos droits civils, ont cru devoir établir, au nom et sous le
bon plaisir du roi, et en attendant seulement que son autorité soit reconnue
et proclamée, un Conseil provisoire d'administration et de justice, auquel
vous pourrez journellemeTt vous adresser dans vos besoins particuliers et
pour tout ce qui sera relatif aux affaires qui regardent l'ordre et l'intérêt
publics.
En conséquence, au nom de ce même ordre, de ce même intérêt public qui
nous anime seul et qui doit, dans ce moment, animer tout bon Français; au
nom de ce monarque que vous demandez et qui bientôt va vous gouverner
par lui-même, nous vous invitons à vous adresser avec confiance à ceux
que nous avons choisis pour le gouvernement provisoire de vos paroisses et
de vos familles. Nous invitons également vos dignes pasteurs, dont le zèle
et le dévouement nous sont connus, de concourir avec nous à maintenir
parmi vous la paix, l'union et la concorde, sans laquelle nous ne pouvons
opérer le bien, ni obtenir le succès de nos entreprises. Suivez donc leurs
sages conseils, soyez soumis à leurs instructions, dociles et confiants dans
les décrets de la divine Providence, qui jusqu'il nous a soutenus et a fait
360 UNE AMAZONE VENDÉENNE
prospérer nos armes. Bientôt vous verrez la paix renaître dans le royaume?
et le bonheur dans TÉiat et dans vos familles.
Fait au camp de la Roche-sur- Yon, par nous, commandants soussignés,
le 3 juin 1793, l'an premier du règne do Louis XVII.
Bulkeley. De Chouppes.
On voit, par la constitution du conseil provisoire, que
Bulkeley cherchait à organiser d'une façon pratique l'admi-
nistration locale des pays qu'il commandait ; un billet qu'il
écrit à de Chouppes, le 8 avril, démontre de plus qu'il tenait
sévèrement la main à l'exécution de ses ordres touchant la
sécurité publique :
Mon ami, on vient dms l'instant de me découvrir quelques indices du vol
fait chez M""' Joussemet ; le porteur de la présenta vous en rendra compte ;
il sera bon de prendre des mesures promptes et sûres pour faire la fouille
chez l'homme en question, et s'il se découvre quelque chose, il sera à propos
d'arrêter la servante de la dénommée cy-dessus, ainsi que l'homme dont il
s'agit
Passante un autre détail, Bulkeley ajoutait :
J'attends de vos nouvelles pour agir. Je viens d'acheter vingt barriques
de vin de Ménardeau, 55 livres en numéraire, ce (jui fait 1 100 livres qu'il
faudrait déterrer. J'espère que votre colique sera passée. Tout à vous bien
sincèrement.
De Chouppes, qui était alorsretii^é, très malade, ensatcrredu
Plessis, près de la Perrière, laissa peser sur Bulkeley l'entière
responsabilité etles charges du commandement. lldutmourir
vers la fm de 1793 ou au commencement de 1794 en quelque
endroit ignoré ; Ins membres du district de la Roche-sur-Yon
signalent encore ses agissements, en décembre 1793, au
général Bard, commandant à Luçon.
D'après un document républicain de la collection de
M. Dugast-Matifeux, les citoyens Sterlin et Falourd,dans une
déposition faite à l'administration du district des Sables-
d'Ulonne le 23 juillet 1793, déclarent « que la dame Bulkeley...
« est commise... (avec d'autres femmes qu'ils citent) pour
MADAME BULKELEY 361
« surveiller les femmes patriotes, et ordonne leur arrestation.
« Ces femmes exercent une grande tyrannie et font beaucoup
« de mal. »
Témoignage d'ennemis ; de son côté, la Révérende Mère
Sainton, prieure de l'abbaye fontevrislo des Cerisiers, en la
paroisse de Fougère, femme remarquable tant par l'énergie
du caractère que par la hauteur de l'intelligence, écrivait à
M'"^ Bulkeley, en juillet 1793, la lettre suivante ', obscure en
quelques passages, oii la bonne religieuse mêlait les aiïaires
de son couvent, les compliments à Bulkeley et à sa femme,
s'ans omettre les soins à donner aux petits oiseaux dont on
veut obtenir de la postérité :
Madame, je vous envoie avec grand plaisir le couple de bouvreuils que je
vous ai promis. Leur nourriture ordinaire est du mil, du sèneson et du
plantain. Et si vous voulez avoir de leur famille, vous leur donnerez la
liberté de se promener moyennant un petit arbre et du genêt, tel que j'ai eu
l'honneur de vous le dire. Je désire que ces petits musiciens ajoutent un
nouvel agrément à votre voillier (sic), et vous prouvent, Madame, le dévoue-
ment sincère que vous m'avez inspiré.
M^'^ Mareschal a été voir M. Baudry d'Asson ; elle m'a apporté une lettre
que j'écris icy, vous en prendrez lecture et mêla renverrez, s'il vous plaît.
L'état de tous nos biens lui a été fourni, etc.. etc.
Le camp que vous tenez si dignement, et qui mérite tant d'éloges à M. votre
époux, est si essentiel à la sûreté de tout le pays que le moindre démem-
brement y porterait le plus grand préjudice. J'espère que tous les esprits se
concilieront pour un bien si général, et j'en fais le vœu de tout mon cœur.
Pendant toute la période qui s'étend du 15 mai au 23 août
1793, M"° Bulkeley se contenla de veiller, de concert avec son
mari, à l'entretien et à l'organisation des troupes. Dans ces
occupations militaires, elle puisa sans doute le goût des
armes, et les événements allaient bientôt faire delà belle An-
gevine une amazone siaon sans reproches, du moins sans
peur.
* Cette lettre m'a été obligeamment communiquée par M. l'abb-^ Pont-
devie.
862 UNE AMAZONE VENDÉENNE
Les royalistes étaient maîtres de la contrée ; Gharette, des
Abbayes, Joly, Savin, Bulkeley, Pajot, n'avaient encore en-
gagé leurs troupes que dans des escarmouches sans gros ré-
sultat ; la partie se jouait ailleurs, h Chemillé, 5 Cholet, à
Thouars, à Fontenay, à Saumur, à Luçon, à Chantonnay,
où la grande armée avait accumulé victoires sur victoires.
Le 17 août 1793, les troupes du Bas-Poitou, qui déjà avaient
donné au fatal siège de Nantes, à côté des Angevins et des
Haut-Poitevins, opérèrent leur jonction avec la grande armée
et marchèrent sur Luçon oi^i les attendait la défaite.
Le 23 août 1793, le général républicain Mieskouski prend
possession de la Roche-sur-Yon ; à partir de cette date,
M""" Bulkeley va combattre presque chaque jour, à la tête
d'une compagnie de cavaliers d'élite qu'elle a recrutés et
choisis parmi les meilleurs soldats de son camp.
Dès le 26 août, elle marche au feu : ^< Gharette, — dit Beau-
champ dans son Histoire de la guerre de la Vendée, — attaqua
« la Roche-sur-Yon de concert avec Joly et îSavin, ayant l'es-
« poir de s'en emparer par surprise. Le 26 août, les trois
« colonnes royalistes donnèrent en même temps : Joly sur la
«. Mothe-Achard, Gharette parle Poiré, Savin par les Essarts.
« Mais le général Mieskousky, commandant la division des
« Sables-d'Olonne, culbuta les avant-gardes ennemies et
« ne fit point de quartier. Après d'inutiles efforts, les trois
« chefs furent forcés de se retirer. Une belle femme âgée
« de trente ans, Madame de Beauglie' , se fit remarquer dans
« la division de Joly. Elle était à la tête d'une compagnie à sa
« solde. On la vit protéger la retraite et combattre en véri-
« table amazone. »
Parlant de cette même affaire. Le Bouvier-Desmortiers
s'exprime ainsi, dans sa Vie du général Gharette : « Les ro-
« yalistes perdirent très peu de monde, parce que la cavalerie
* Le nom nulkeley se prononce Beiikly, d'où l'orthographe fantaisiste
qu'ont souvent adoptée les historiens.
MADAME BULKELEY 363
« protégea la retraite avec le plus grand courage. On re-
« marqua principalement une belle femme', attachée à l'ar-
ec mée de Joly, qui faisait le Qoup de pistolet avec des dragons
« républicains dont elle arrêta Ui poursuite ; madame de
« Beauglie, femme d'un officier du régiment de Walsh, com-
« mandait une compagnie de chasseurs qu'elle entretenait,
« dit-on, à ses frais, et portait l'uniforme, vôtue en amazone.
« Son caractère guerrier ne lui ôtait rien des agréments de
« son sexe ; aussi aimable en société que brave au champ de
bataille, elle désira faire connaissance avec Gharette, dont
« la réputation de bravoure et de galanterie l'avait pré-
« venue en sa faveur. Elle l'accompagna à son quartier géné-
« rai, où elle resta quelque temps. »
Joly, qui commandait les royalistes des environs de la
Mothe-Achard, avait été en relations constantes avec Bul-
keley depuis le commencement des hostilités ; après l'évacua-
tion de la ville de la Roche, Bulkeley se joignit à lui, ainsi
qu'une partie de ses hommes, mais cette alliance dura peu.
Le vieux chirurgien détestait la noblesse, et ne manquait pas
une occasion de faire parade de ses sentiments ; d'autre part,
ses façons rudes, souvent grossières, ne pouvaient être long-
temps tolérées par William Bulkeley, à plus forte raison par
i^/[me Bulkeley, dont le caractère était des plus vifs. On se sé-
para; les Bulkeley vinrent servir sous les ordres de Gharette,
quittant sans regret le terrible chef qui, le soir de la sanglante
bataille de Legé, agenouillé près des corps de deux de ses
fils, l'un mourant, l'autre tué dans les rangs royalistes, don-
nait l'ordre de fusiller son troisième enfant, passé aux répu-
blicains et fait prisonnier.
Gharette tenait alors son camp de Legé : « Son quartier
« général, différent en cela de ceux de Lescure, de Gathe-
« lineau, de Bonchamps et de M. Henri, n'a rien d'austère,
« rien de religieux, dit Grétineau-Joly ; c'est le camp de
<- Richard Gœur-de-Lion en présence de celui de saint Louis.
* D'après une tradition de famille, M""e Bulkeley était de petite taille.
364 UNE AMAZONE VENDÉENNE
« On y voit des femmes jeunes et belles, attirées là par sa
« réputation de galanterieet d'audace toutes françaises. Elles
M tiennent autour du général une espèce de cour voluptueuse.
« Chaque jour amène un nouveau divertissement, chaque
« nuit un nouveau bal. Plongé dans cette ivresse des sens,
« qu'il est heureux de partager, Charette oublie les combats.
« Il semble avoir fait deux parts de sa vie: l'une est consa-
« crée au danger, l'autre au plaisir ; l'une se dévoue au
« martyre et à la gloire, l'autre s'écoule dans les fêtes.
« Aujourd'hui il supporte avec un stoïcisme digne d'un sage
« de la Grèce les privations, les insomnies et les longues
« marches ; demain, le péril disparu, il ne restera plus de
« tant d'énergie qu'un sybarite se couvrant de soie comme
« un courtisan de Louis XV, et faisant des moindres détails
« de sa toilette une importante affaire.
« Parmi ces femmes, « dont le courage égale toujours la
« beauté, et qui, amazones vendéennes, ne le cèdent en
« intrépidité à aucun soldat de l'armée », Grétineau-Joly cite
.c M'^Mela Rochefoucauld et « M^^de Beauglies » ; «cette der-
« nière, douée de tous les avantages de la nature et de l'édu-
« cation, suivit l'armée des Sables à la tête d'une compagnie
« de chasseurs qu'elle-même avait organisée. Au commence-
« ment du combat, elle se trouvait toujours à l'avant-garde,
« chargeant la première; mais, au moment oh la retraite
« devenait périlleuse. M"* de Beauglies se présentait pour la
« protéger. Elle connut Charette sur les champs de bataille.
« Sa réputation de galanterie et de bravoure était faite.
« M™* de Beauglies abandonna le camp un peu sauvage de
« Joly pour régner au quartier-général de Legé. Ce fut un
<i soin qu'elle partagea avec M"" de Charette, la sœur du gé-
« néral. »
Ce mélange d'épicuréisme et de courage stoïque du célèbre
chef royaliste a frappé tous les historiens de la Vendée
militaire : le grand admirateur de Charette, Le Bouvier-Des-
mortiers, plaide pour son héros dans une page trop amu-
sante pour n'être pas citée :
MADAME BULKELEY 365
« Gharette, plus ardent que sensible, trouva et suivit cons-
« tamment la maxime de Bufïon, qu'en amour il n'y a de bon
« que le physique. 11 aima les femmes beaucoup pour lui,
« fort peu pour elles. Toujours vaincu, jamais soumis, il se
« livrait aux emportements de sa passion, sans plier son
« âme aux insinuations caressantes et quelquefois perfides
« d'une maîtresse. Cet empire sur lui-même, qu'il sut ravir
« à la beauté, ne le rendit pas moins délicat dans ses liaisons,
« et jamais l'indiscrétion frivole, la piquante ironie ou la
« critique amère, défauts presque inséparables de l'homme
« à bonnes fortunes, n'affligèrent l'objet dont il avait par-
« tagé les plaisirs. Femmes sensibles qui fûtes aimées de
a lui, vous aviez quelquefois à vous plaindre de sa légèreté,
« mais vous sentiez le prix de sa délicatesse ; vous n'accusiez
« point sa langueur, et de beaux souvenirs peuvent vous
«. enorgueillir d'avoir couronné des myrtes de l'amour celui
« qui devait l'être un jour des palmes de la gloire. . .
« Né galant, Gharette pouvait-il rester insensible aux
« charmes de la beauté qui venait se réfugier dans son camp
« et lui demander asile contre la violence des soldats répu-
« blicains? Souverain du pays qu'il avait conquis par ses
« armes, lui fera-t-on un crime des victoires plus douces
« qu'il remportait sur les dames de sa cour? Il régnait dans
« leurs cœurs comme dans ceux de ses soldats, et des cadeaux
« de toute espèce, en plumes, en broderies, divers ouvrages
« tissés par la délicatesse, offerts par la reconnaissance, et
« peut-être par un sentiment plus vif, attestaient publique-
« ment l'empire qu'il avait sur elles ; si quelques-unes mê-
« lèrent en secret les myrtes de l'amour aux lauriers de la vic-
« toire, censeurs ! dites ce que vons auriez fait à sa place ! »
M""* Biilkeley fut-elle au nombre de ces « nouvelles
Camilles , de ces nouvelles Penthésilées* », qui « mêlèrent
' « Leurs femmes, leurs maîtresses se signalaient par un courage au-
dessus de leur sexe, et surtout par une férocité qui en faisait la honte. On
▼it de nouvelles Camilles, de nouvellesPenthésilées affronter tous les dangers,
Tome iv. — Octobre, novembre, décembre. 25
366 UNE AMAZONE VENDEENNE
en secret les myrtes de l'amour aux lauriers de la victoire,
en murmurant : « Foin des censeurs »? La chose est possible,
et M. de la Fontenelle, qui n'en avait point reçu la confidence,
l'affirme de façon catégorique dans son manuscrit : « Une
« union intir-.-ie », dit-il, « se forma entre le général Gharette
« et cette amazone. »
La question est délicate : on nous permettra de laisser à
M. de la Fontenelle la responsabilité de son dire, et de passer.
Cependant la situation devient grave ; la Convention,
efîrayée des succès royalistes, envoie en Vendée les meilleurs
soldats de la République, ces Mayençais légendaires, qui, sortis
par une glorieuse capitulation des villes de Mayence et Valen-
ciennes, avec la liberté et les honneurs de la guerre, arrivent
dans l'Ouest, précédés d'une réputation d'héroïsme invincible.
Ils sont vingt-quatre mille, et font monter l'efîectif des forces
républicaines, dans l'Ouest, à un total de près de cent-vingt
mille hommes, non comprises les gardes nationales.
En peu de jours, Canclaux et Kléber s'emparent de postes
importants situés entre Nantes et Montaigu ; ils obligent
Gharette à se replier sur l'Anjou avec son armée, trop
inférieure en nombre pour lutter avec avantage.
Le 19 septembre 1793,une grande bataille se livre à Torfou.
Les Vendéens de Gharette, harassés par des marches forcées,
commençaient à plier et à prendre la déroute, quand leurs
femmes, qui suivaient l'armée, s'arment de bâtons et de
fourches et forcent les fuyards de revenir au combat. La"
mêlée devient furieuse : du côté des Blancs, Lescure et Gha-
rette ramènent dix fois leurs soldats à l'ennemi ; Bonchamp
blessé marche au feu porté sur un brancard. Du côté des
Bleus, Kléber, l'épaule brisée d'une balle, refuse de quitter
porter l'eflfroi et la mort jusque dans les rangs de l'armée républicaine. » —
Mémoires du général Turreau.
On remarquera que Turreau, qui accuse de férocité les femmes de Vendée,
était l'organisateur des colonnes infernales.
MADAME BULKELEY 367
le champ de bataille et continue à se battre, soutenu par
ses Mayençais ; Merlin de Thionville fait preuve du plus
brillant courage; mais les Vendéens finissent par tourner les
troupes républicaines et remportent une victoire complète.
Dans cette sanglante journée, M'"'Bulkeley. qui n'avait pas
quitté Gharette, reçut deux coups de sabre.
La victoire de Torfou est suivie immédiatement de deux
autres succès royalistes, à Montaigu et à Saint-Fulgent :
quelques jours après, à la suite d'incidents peu graves, Gha-
rette et les Bas-Poitevins se séparaient de la grande armée
et rentraient dans leur pays.
Bulkeley et sa femme refusèrent d'accompagner Gharette ;
ils restèrent avec l'armée angevine. Peut-être ne voulurent-
ils pas s'associer à une retraite qui compromettait la cause
royaliste; peut-être, mû par un sentiment d'une autre aature,
Bulkeley saisit-il avec empressement l'occasion de quitter
un voisinage trop galant.
Après la bataille de Gholet, oii Lescure, Bonchamp, d'Elbée,
furent mortellement atteints, la grande armée passa la Loire
et commença en Bretagne la marche historique qui débute
par la victoire de Laval pour se terminer par la défaite et le
massacre des Vendéens à Savenay. Bulkeley, sa femme et sa
belle-fille, Aminte de la Brossardière, suivirent l'armée
royaliste sur la route funèbre qu'elle parcourut, et qu'on
pourrait nommer le calvaire de la Vendée. M""" de la Roche-
jaquelein a tracé le tableau tragique de ces scènes de larmes
et de sang, que Westermann décrivait de son côté au Gomité
de Salut public, dans une lettre datée du 24 décembre 1793 :
« Il n'y a plus de Vendée, citoyens républicains. Elle est
« morte sous notre sabre libre. Je viens de l'enterrer dans
« les marais et dans les bois de Savenay. Suivant les ordres
« que vous m'aviez donnés, j'ai écrasé les enfants sous les
« pieds des chevaux, massacré les femmes, qui, au moins
« pour celles-là, n'enfanteront plus de brigands. Je n'ai pas
368 UNE AMAZONE VENDÉENNE
« un prisonnier à me reprocher. J'ai tout exterminé. . . Les
« routes sont semées de cadavres. Il y en a tant, que sur plu-
« sieurs endroits ils font pyramide. On fusille sans cesse à
a Savenay ; car^ à chaque instant, il arrive des brigands qui
•« prétendent se rendre prisonniers. Kléber et Marceau ne
« sont pas là. Nous ne faisons pas de prisonniers ; il fau-
« drait leur donner le pain de la liberté, et la pitié n'est pas
« révolutionnaire. » ,
La belle-mère de M""" Bulkeley, M"» de la Brossardière,
avait été massacrée par les Républicains après la bataille du
Mans, précédant de quelques semaines dans la mort ses deux
filles, Gabrielle de la Brossardière, M"" de Guinebaud de la
Minière, fusillées en février 1794, '.et son neveu, Pierre
Cliappot de la Ghanonie, égorg-é à la Roche-sur- Yon.
M'"" Bulkeley, d'abord plus heureuse, échappa aux bourreaux
de Westermann et réussit à passer la Loire, avec sa fille et
son mari ; ils se dirigeaient tous les trois vers l'armée de
Gharette, quand ils furent arrêtés au Loroux-Sottereau, le 4
nivôse an 11(24 décembre 1793); ils devaient, jusqu'au bout,
partager le sort de la Vendée vaincue.
[A suivre).
G. DE LA Ghanonie.
AUTRE VIE
A M. E, du Tiers,
N'avez- VOUS pas senti de singuliers frissons,
Aux heures de silène e où notre âme se livre,
En rêvant d'une vie où nous ne pouvons \ivre..
Quand, près d'elle, pourtant, sans cesse nous passons?
Vie entrevue ainsi qu'une attirante étoile,
Fleur rayonnante, éclose en un ciel lourd d'ennui,
Ou, comme un continent, manqué d'un jour de toile.
Par le vaisseau qui va se perdre dans la nuit.
Une vie idéale où tous se réalisent
Nos désirs, apaisés en merveilleux accords.
Là nos illusions frêles prennent un corps.
Loin du monde fangeux où leurs ailes s'enlisent.
L'àme a trouvé la paix des amours infinis,
Et les baisers n'ont plus rien des saveurs amcres
Qu'à nos lèvres laissaient les amours éphémères,
Les cœurs qui se cherchaient sont enfin réunis.
370 AUTRE VIE
Et les yeux, les yeux chers, dont les claires prunelles
Avaient caché tant d'ombre et tant de trahisons.
Ont la limpidité franche des horizons
Oirilluminent soudain des lueurs éternelles.
Oublieux du jéel qui nous trompe et nous ment,
Nous suivons dans l'azur l'essor divin des rêves
Comme un vol d'oiseaux blancs que le sable des grèves
Ucflète dans un calme et doux miroitement.
Mais cette vie, hélas ' sans cesse nous échappe
A laquelle aspirait le plus pur de nos cœurs.
Et nous marchons, plies sous le poids des rancœurs,
Jusqu'au jour où la mort libératrice frappe.
Les cœurs ne battent plus et les corps sont raidis,
Mais les yeux qu'on a clos, dans les bleus paradis
S'ouvrent aux visions des amours qui demeurent.
Je ne les plains pas ceux qui meurent.
Zarul.
UNE EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE
A POUSSAI
J'entends parfois des gens se plaindre de l'étendue
donnée par mon ami, M. J. Robuchon, à ses Paysages
et Monuments du Poitou. Le fait est pour surprendre.
Je ne croyais pas que le beau pût lasser, et— je l'avoue,
sans honte — je suis de ceux qui, au contraire, en félicitent
absolument l'intrépide auteur. A tout dire, je le lui dois bien
un peu. Grâce, en efîet, à sa magnifique œuvre, digne sœur
cadette de Poitou et Vendée, j'aurai bientôt parcouru la
Vendée entière et admiré toutes les merveilles que la nature
et l'art y ont à î'envi prodiguées. N'est-ce pds un peu le cas de
tous ceux qui la lisent ; et chacun d'eux ne devrait-il pas
équitablement rendre hommage au talent du compatriote
qui a élevé à la gloire de la patrie commune cet impérissable
monument ?
Cette pensée m'obsédait, tandis que récemment nous che-
minions ensemble vers Foussay, cette vieille cité industrielle,
si bien faite pour tenter l'archéologue , et dont l'antique
splendeur a trouvé un irrécusable témoin dans les précieux
restes de sa primitive église.
Notre première visite a, du reste, été pour elle, et cela
avec grande justice, carde tous les édifices dont l'époque
romane a doté le Bas-Poitou, l'église de Foussay est sans
372 UNE EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A FOUSSAY
contredit l'un de ceux qui méritent le plus de fixer l'attention.
Quand je dis l'église, c'est du portail que j'entends parler,
car c'est le seul débris roman qui ait survécu aux dépréda-
tions dont cet édifice a été victime. Encore ne s'agil-il que
du rez-de-chaussée de ce portail, le pignon ayant été refait
au XV siècle. Ce rez-de-chaussée est composé d'une grande
archivolte plein cintre autour de laquelle se déroule le tableau
delà redoutable sentence finale. Les deux arcades aveugles
qui le flanquent, à droite et à gauche, ofTrent sur leurs
tympans quelques-uns des principaux traits de la Prédication
et de la Passion du Christ. L'arcade aveugle du côté de
l'Évangile représente la Descente de Croix. Le Christ tient
encore par la main gauche à l'instrument de son supplice, au
pied duquel on retrouve l'effigie de Joseph d'Arimathie, de
Nicodème, de saint Jean et de la Vierge Marie, qui, saisissant
le bras droit de son fils, le seul détaché de la croix, le porte
afîectueusementà ses lèvres. Au-dessus des bras de la croix,
on aperçoit deux bustes mutilés élevant une draperie des
deux mains pour se voiler le visage en signe d'affliction.
C'est la double image du soleil et de la lune, que le moyen
âge fait assister l'un et l'autre au supplice de l'Homme-Dieu.
Au-dessous de ce bas-relief, on lit cette curieuse inscription,
gravée sur la pierre en caractères de la fin du XIP siècle :
. . . RAVDUS : AVDEBERTVS DSCO : lOHE :
ANGEmACO : ME FECIT.
Comme l'a dit fort justement M. de Longuemar dans la
description raisonnée qu'il donnait naguère de ce portail', la
présence de cette signature au bas de l'image du Crucifie-
ment de Foussay est « un fait assez rare dans les œuvres de
ces temps reculés, pendant lesquels les artistes semblaient
avoir fait abnégation de leur individualité, pour se confondre
dans leur immense corporation ».
' Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, t- xx,an.1S.i3.
Illf
;or;'j','(]IJiiil'''''''-!Mi
J'iir/di! j)i'l)îriji(il de l'h;/li\e de
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'i-tscii/ (Vcndôo).
UNE EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A FOUSSAY Slli
L'autre bas-relief, logé dans l'arcade de droite qui répond
au côté de l'épître, représente le souper chez Simon et le
Nolime tangere. Autour de cette jolie composition, le sculp-
teur s'est plu à prodiguer toute la fécondité de son ciseau.
Il l'a richement encadrée dans un cercle de feuillage que
supportent les troncs de deux palmiers et les fûts tordus en
spirales de deux colonnes torses, reposant elles-mêmes sur
d'élégants rinceaux, comme l'école romane les savait fouiller
dans la pierre. Cette intéressante décoration végétale se re-
trouve dans la façade de Fontaines, et tout me porte à
croire que l'ornementation de cette église, aussi bien que
celle de l'église de la Gaillère, sont l'o&uvre du même
artiste de Saint-Jean-d'A.ngély qui a signé le portail
de Foussay. Il convient, du reste, d'ajouter que toute
la partie décorative de ce portail n'est pas son fait. Au-
dessus des trois arcades règne une longue corniche qui
repose sur une série de m.odillons qui offrent les types
habituels des vertus et des vices adoptés par les imagiers
de l'école romape. Ces modillons, de même que les métopes,
les archivoltes et les chapiteaux, dénotent le faire naïf et
simple, presque maladroit, des sculpteurs encore inex-
périmentés du XP siècle. ' Cette curieuse façade est classée
comme monument historique depuis 1888. Mais les vains
efforts que j'ai récemment tentés, de concert avec M. Hubert de
Fontaines, pour empêcher que Ton ne replaçât l'affreux ballet
qui en cache toutes les merveilles architecturales, me font
craindre que cette classification officielle ne soit pas toujours
assez efficace pour entraver l'œuvre néfaste du vandalisme
local.
Le reste de l'église appartient au XV" siècle. Les voûtes en
ont été détruites pendant les guerres de religion. Les ner-
vures des arceaux qui subsistent descendent directement
sur la base des colonnes sans l'intermédiaire de chapiteau.x.
La tour du clocher, à l'intérieur do l'église, est décorée d'unt^
jolie frise en gothique flamboyant. Le chevet osl droit et
374 UNE EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A FOUSSAY
percé de deux grandes fenêtres ogivales qui répondaient
naguère aux deux nefs de l'édifice. Une de ces fenêtres a été
bouchée. Dans le chœur on aperçoit encore quelques vestiges
de l'ancienne église romane (colonnes et chapiteaux à figures
grimaçantes). M. Gabriel de Fontaines possède dans sa riche
collection archéologique un précieux émail {portrait de saint
Jean-Baptiste) qui provient de l'église de Foussay.
L'habitation du prieur de Foussay, que nous visitons au
sortir de l'église, était située derrière le chevet de cet édifice,
auquel elle était reliée par un large passage voûté en ber-
ceau. Quelques restes assez intéressants de l'ancien prieuré
subsislent encore : citons notamment un cellier voûté du
XIII° siècle, une fuie octogonale, et dans l'habitation prin-
cipale deux cheminées d'appartements supérieurs dont les
manteaux sont assez curieusement décorés." Sur l'un d'eux
se voit un monogramme encadré de branches de laurier et
surmonté d'un tortil de baron avec crosse et mitre. On sait,
par certains titres, que les prieurs s'intitulaient « barons de
Foussay ».
L'autre, restauré avec un soin digne d'éloges par mon
ami M. Paul-Emile Boucher, le fils du maître de céans, porte
au centre un soleil encadré par le tortil de baron formant
autour un cercle fermé. Aux angles du haut est sculpté le
tortil surmonté d'une mitre et d'une crosse ; aux angles cor-
respondants du bas, le monogramme représenté sur la pré-
cédente cheminée.
Grâce aux intéressantes communications historiques de
M. le docteur Pineau, quelques-uns des titulaires du prieuré
de Foussay nous sont connus : Jean Morisset, qui obtint en
1599 les lettres patentes d'Henri IV, portant création de foires
et marchés à Foussay ; François Deparis ; Pierre-Simon
UNE EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A FOUSSAY
375
Dreux, conseiller-aumônier du roy, chanoine de l'ég-lise
Notre-Dame de Paris, qu'on retrouve à Foussay de 1640 à
1673; Hubert Le Masle, dont on constate la présence au
mariag-e de Jean Thubin, sieur de Sérigné, le 20 avril 1678,
et qui, étant mort à Foussay le7 juillet 1691, fut enterré dans
le chœur de l'église ; René-Charles du Verger de la Roche-
Jacquelein, prêtre, docteur de Sorbonne, aumônier de feu
Madame la Dauphine, abbé de Saint-Polycarpe, qui figura
comme parrain le 18 octobre 1691 et mourut en 1705 ; Louis-
Adrien DE Thumèry de Boissèze, chevalier, seigneur baron
de Né, bachelier en théologie de la Faculté de Paris, parrain
le 19 mars 1718 ; Dom Antoine Perrin, religieux de l'ordre
de Saint-Benoist, mort en 1789; et enfin Jean-Baptiste
Vannier, prêtre du diocèse de Langres, nommé prieur le
30 novembre 1789, par Ms' César Guillaume de la Luzerne,
évêque de Langres, pair de France et abbé commandataire
de l'abbaye de Bourgueil, mais qui ne put jouir de son prieuré.
Ce prieuré dépendait depuis le X" siècle de l'abbaye de
Bourgueil, à laquelle Guillaume Fier à Bras et son épouse
Emma en avaient fait cession.
376 UNE EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A FOUSSAY
J'ai dit, au début de ce récit, queFoussay avait été naguère
un centre commercial de quelque importance. J'ajouterai
qu'il comptait alors parmi ses habitants un grand nombre
de petits manufacturiers : tisserands^ sergetiers, filtoupiers,
tondeurs de draps, écardeurs de laine, corroyeurs, etc.. De
ce passé industriel, nous retrouvons un intéressant vestige
dans la curieuse maison qui s'élève auprès de l'église et sur
le linteau de porte de laquelle nous relevons cette inscription:
CE LOGIS APPARTIENT A FRANÇOIS LAVRENT
MARCHANT, DEMOVRANT A FOVSSAYS,
A ÉTÉ COMMENCÉ LE VIII""= DE MARS 1552.
De l'autre côté de celle façade, sur la cour, on voyait jadis
une petite loggia composée de trois arcades cintrées et d'une
porte. Cette construction, unique en Vendée, a malheureu-
sement été détruite, il y a deux ans. Grâce au croquis qu'en
avait pris M. de Rochebrune avant sa. destruction, nous
pouvons en donner une fidèle image. Ce Laurent, qui possé-
dait une tannerie à la Caquinière, devait probablement faire
le commerce des cuirs. Suivant M. B. Fillon, les habi'ants
de Foussay envoyaient les produits de leur industrie com-
mune dans les magasins du Mayençais Rodolphe Lanvot,
d'où ils reçurent peut-ôlre en écharîge les premières émana-
tions des doctrines de Luther. Ce qui est certain, c'est que
la population Foussayenne manifesta de bonne heure sa
sympathie pour les idées nouvelles.
C'est tellement vrai que dès 1503. cette localité possédait
son église et avait un pasteur du nom de Jacques Chrestien.
Au XVIP siècle, un temple existait au village do la Buar-
dière. Paul de Vendée y allait faire ses dévotions.
IntiM'dit on 100.")J(' Icinnle (le la. Buai'dièi'i' fui démoli peu
UNE EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A FOUSSAY
377
après. Dès lors, les protestants de cette région furent con-
traints de se réunir en plein air. Ils n'en lurent pas moins
poursuivis et traqués. Dauban, de Maigresouris, qui jouis-
sait d'une grande considération, fut plus particulièrement
) tX**A
<^ ' ■ it /CDI^e^mmJi—
^ . tJt*/tt».M^r^
Restes de la loggia de la Maison François Laurent,
à Foussay.
en butte aux embûches du sénéchal de Fonteiiay, Moriccau
de Gheusse. Ce dernier, trompé par un faux bruit d'après
lequel Dauban devait prêcher dans les premiers jours de
mars sur les ruines du temple de la Bu^rdière, passa en vain
deux jours et deux nuits à l'attendre, caché à une portée de
378 UNE EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A FOUSSAY
mousquet de ce hameau inhabité. Faute de le saisir, l'inten-
dant du Poitou le condamna, en 1779, par contumace, à être
pendu en effigie sur la place de Fontenay. Un dernier ren-
seignement historique prouvera mieux que toutes autres
affirmations combien la doctrine de Luther avait trouvé
d'adeptes dans ce pays. Dans le relevé des conversions opé-
rées par les Dragonnades en 1681 et inscrites dans le rôle
des nouveaux convertis, Foussay figure pour 425 convertis.
Il n'est dès lors pas surprenant qu'à l'époque des guerres
religieuses les protestants de Foussay se soient unis à leurs
coreiigionnaires de Fontenay et autres localités voisines pour
s'emparer de Luçon et mettre à sac toutes ses églises. Celle
de Foussay n'eut pas moins à souffrir des exactions hugue-
notes, et il fallut rien moins que l'avènement de Henri IV
pour ramener la paix dans cette population. L'avisé mo-
narque estima avec raison que le meilleur moyen pour at-
teindre ce but était de favoriser le commerce en multipliant
les occasions de trafic et il accorda en 1599, au prieur de
l'endroit, Jean Morisset, six foires nouvelles par an et un
marché par semaine. La levée de ces foires fut faite, le 3
mars de cette même année, par Michel Deberland, sieur de
Villdfort, grand maître visiteur et réformateur des mar-
chandises et mesures de Guyenne, de Poitou, de Saintonge
et d'Aunis. Les curieuses solennités célébrées à cette occa-
sion ont.été consignées dans un procès-verbal dont l'original
appartient à M. Poisson, de Paris, et que les Paysaqes et
Monuments du Poitou ont partiellement reproduit.
Si la population ouvrière était jadis considérable à Foussay,
Taristocratie y comptait également de nombreux représen-
tants. Je citerai en première ligne les Viète et les Besly,
dont certains des membres se sont fait un nom illustre dans
les sciences et dans les lettres françaises. Jacques Viète
UNE EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A FOUSSAY 37i>
habitait l'ancienne hôtellerie encore existante « où pend
l'enseigne de Sainte-Catherine ». Jean Besly, avocat du roi,
historien et bibliophile de haut mérite, qui pourrait bien êlre
né à Foussay oii les membres de sa famille pullulaient au
XV? et XVII' siècles, y acheta lui-même des terres en 1621.
Les Vatable du Beugnon, les Draux de la Groisinière, les de
Bierge et les Ghantreau de la Jouberderie habitaient égale-
ment dans le bourg. Un des membres de cette famille, le
chevalier Louis de Ghantreau, ancien adjudant-major au
régiment de Hainault, prit sous M. de Lescure une glorieuse
part aux différentes campagnes de l'armée vendéenne.
Les environs n'étaient pas moins noblement habités. La
Mesnaudière et la Fournière appartenaient aux Garipault dont
l'un, André, maire et capitaine de Fontenay, fit, en 1432,
preuve du dévouement le plus méritoire au cours d'une épi-
démie qui ravageait la ville. La Lanfraire fut successivement
habitée au XVIP siècle par la famille Bouhereau, qui a mar-
qué dans les luttes du protestantisme, et par Magdelon Ma-
rin, sieur de la Ghastelandière. La Bressaire et Trié étaient
aux Brunet, dont l'un des représentants, Joseph-Alexandre
Brunet de Trié, ancien mousquetaire de Louis XV, repose
sous une modeste dalle du cimetière de l'Orbrie. La Jacotière
fut possédée par Glande d'Aubigné et par sa femme Jeanne
Tiraqueau, dont le nom a illustré les annales fontenai-
siennes. Jean Picard (1606), Anne Bray (1646). Marie-Anne de
Nesmon (1716) et Henri Grimouard de la Loge (1772), se suc-
cédèrent dans la terre noble de la Touche-Moureau, si pitlo-
resquement située sur les bords de la Vendée. La Digotith-e,
aujourd'hui simple .hameau, fut peut-être le berceau du
célèbre mathématicien Viète. Ge qui est certain, c'est qu'un
des membres de cette famille, demoiselle Jeanne Viète, veuve
de Jean Gabriau, sieur de Riparfon, conseiller au parlement
de Bretagne, possédait en 1624 la Bigotière et la Bretinière.
Peut-être aussi la Guérinière a-t-elle donné son nom à l'il-
lustre commensal de Pluvinel, l'auteur du Traité de cavalerie,
si apprécié sous Louis XV.
380 UNE EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A FOUSSAY
Mais la plus importante des terres voisines de Foussay
était à coup sûr celle de Sérigny ou Sérigné, dont les droits de
sergentise féodale sur Mervent, Maigre-Souris, Veulx et la
Boutrie, créaient à ses seigneurs une situation considérable
dans le pays. Longtemps possédé par les Thubin, les Girault
de la Goutancière et les Brunet de la Riaillière, le château
de Sérigny, qui a conservé quelques restes de son ancienne
physionomie féodale, appartient aujourd'hui à M. Hubert de
Fontaines, b. l'obligeance duquel je dois une grande partie
de ces renseignements.
Et je terminerai cette rapide excursion à travers Thistoire
et l'archéologie foussayenne par une visite aux curieuses ta-
pisseries XVII" siècle de Beauvais et de Flandre, qui gar-
nissent les murs du Petit-Logis de mon excellent ami le doc-
teur Bourasseau, assuré que je ne saurais laisser le lecteur
sous le ciiarme d'un plus riant paysage ni d'un plus hospi-
talier amphitryon.
René Vallette.
LE SIEGE DES SÂBLES-D'OLONNE
EN 1793
Récit authentique tiré" des Archives nationales, départemen-
tales et inunicipales, des Archives historiques du Miîiistère
de la Guerre et des collections particulières.
VII.
LE 24 mars, — dimanche des Rameaux, — le Conseil gé-
nérai des districts et de la commune ouvre sa séance
dès six heures du matin. A huit heures, un courrier,
détaché par l'avant-poste de Pierre-Levée, annonce que l'en-
nemi s'avance sur la routes des Sables. A dix heures, un
second courrier faitsavoir que les postesd'Olonneet de Pierre-
Levée, — à une lieue des Sables, — ont été obligés de se
replier sur la ville. Ordre est aussitôt donné de battre la
générale*.
Le canon d'alarme est tiré en même temps, rapporte un
témoin oculaire, l'ancien échevin de la Chaume, André Colli-
net\ « On court aux armes de toutes parts, sur la nouvelle.
' Reg. du district des Sables.
' Notes manuscrites sur les Sables et la Chaume.
Tome iv. — OgtobrE; novembre, décembre. 2(>
382 LE SIÈGE DES SABLES-DOLONNE EN 1793
que l'ennemi se porte vers la ville et qu'il est déjà au Pont-
Chartaut. Son avant-garde paraît à la hauteur de Pierre-Levée
avec le drapeau blanc portant l'inscription : « Vaincre ou
mourir! » 600 hommes de garde nationale, 120 hommes de
troupe de ligne, 200 cavaliers et deux pièces de canon partent
des Sables. Le gros de l'ennemi paraît sur la hauteur pendant
que 300 des siens se dirigent sur Olonne, s'en emparent et
y sonnent le tocsin. A la vue des Sablais, ils font halte.
L'armée sablaise s'avance jusqu'à la Vennerie oîi les deux
armées en présence se tirent plusieurs coups de canon. A
trois heures, on voit l'ennemi se diviser en trois bandes
pour envelopper les Sablais. Ceux-ci l'ont retraite au ruisseau
des Filées. Le piquet^ qui était sur la route d'Olonne, se replie
aussi... L'une des colonnes ennemies, de 2,000 hommes, se
dirige, par le chemin de traverse, sur la route de Talmond ;
uneautre, de 3,000 hommes, sur le couvent des Religieuses ; le
reste, sur le poste de la Barre, avec 4,000 hommes.
Sur les cinq heures, après une canonnade, lisons-nous
dans le procès-verbal de l'Assemblée permanente des
districts des Sables et de Ghallans réunis, il est con-
duit à l'administration un parlementaire de l'armée des re-
belles, chargé d'une missive dont la teneur suit :
« Messieurs,
« Vous n'ignorez pas la position actuelle de la France. Le fléau de
a la guerre civile s'y propage et afflige principalement notre mal-
» heureux pays. Nous nous combattons depuis quinze jours ; vous^
« pour soutenir des principes qui ont renversé le trône et l'autel,
« détruit et rompu tous les liens de la société ; et 7ious, pour nous
« défendre de l'oppression et de la tyrannie qui nous accablaient
« et pour le rétablissement de l'ordre et de la paix.
a Vous nous qualifiez de Brigands, lorsque nous ne faisons que
« défendre nos vies et nos propriétés.
« Une loi, que vous avez adoptée comme princip3 fondamental do
« votre prétendu gouvernement républicain, est la souveraineté
« résidant essentiellement dans le peuplo. Eh bien ! ce peuple sou-
LE SIÈGE DES SABLES-d'oLONNE EN 1793 383
« verain veut des lois, un roi et l'exercice libre de sa religion. Tel
« a été son vœu, et vous l'avez méprisé. Il s'est levé tout entier. Il
« a opposé la force à la tyrannie. Si, dans les premiers moments, il
« a commis quelques excès, ce n'est que parce qu'il n'a pas assez de
« principes pour savoir contenir dans des bornes légitimes sa trop
« juste indignation. Les actes de violence auxquels il s'est porté ne
« terniront plus ses succès ; la religion y a mis le seul frein qui
« pouvait les arrêter.
« La loi de la milice a seule fait éclater l'indignation du peuple
« concentrée depuis si longtemps par tous les maux qu'on lui a faits.
« L'arrêté tyrannique de votre département, du 25 février dernier, a
« produit le même effet sur les chefs qui conduisent notre rassemble-
« ment. Le même sentiment d'oppression a éclaté de toutes parts et
« a réuni presque dans un seul instant cette force que nous vous
« opposons.
« Ouvrez les yeux, Messieurs, et vous reconnaîtrez facilement les
« causes des maux qui nous affligent tous !
< La Francen'était plus qu'un chaos. Le trône renversé, la religion
« méprisée et proscrite, nos propriétés usurpées, nos vies, celles de
« nos femmes et de nos enfants, menacées : tels sont les justes
^< motifs qui nous ont mis les armes à la main. Nous avons tous
« juré de ne les déposer qu'avec succès ou après une victoire com-
« plète.
« Sachez, Messieurs, que ce que vous appelez notre insurrection
« existe et se propage dans tous les départements ; nous en avons
« la certitude.
« Combien de sang va couler ! Et ce sang est celui de nos frères, de
« nos amis, et même de ce peuple à qui vous devez votre existence !
« Car Messieurs, si vous espériez encore, malgré vos défaites, rem-
« porter la victoire, elle ne pourrait vous conduire qu'à un fléau
« plus cruel et plus destructeur que la guerre civile, la famine '. Et
« comment encore vous défendrez-vous de vos ennemis du dehors ?
« Vous pouvez encore éviter ces malheurs. Nous vous en conju-
« rons même, au nom de la religion qui nous anime, du Dieu qui nous
« conduit et nous fait prospérer ; au nom de vos femmes et do vos
« enfants détenus, gémissants dans les prisons, qui vous appellent
« et vous tendent les bras ! Encore une fois, ouvrez les yeux ! dé-
« plorez vos erreurs '.Au lieu d'être nos ennemis, soyez nos frères
« et nos amis ! Vos vies seront en sûreté parmi nous. Epargnez le
a sang qui va couler !
« Vous ne pouvez résister à l'armée qui vous assiège, et si, dans
384 LE SIÈGE DES sables-d'olonne EN 1793
<< trois heures, nous ne recevons pas une réponse satisfaisante, si
« notre parlementaire n'est pas traité et respecté comme il doit .
f l'être, si les portes de la ville ne s'ouvrent, si vous ne rendez les
e armes, nous ne répondons plus de votre salut, et vous et la ville
t qui vous renferme serez traités suivant les rigueurs de la guerre.
« Le commandant général du camp près les Sables, ce 24 mars
c i795, JoLY. »
« Le Conseil,
« Après avoir pris lecture de cette pièce et avoir fait subir un
interrogatoire sur cahier séparé audit parlementaire,
« Les procureurs-syndics entendus,
« A arrêté et arrête que ledit parlementaire sera traduit à la
maison de détention, avec les 1ers aux pieds, pour être livré aux
mains de la justice'.
« Il a été annoncé que les troupes rentraient et que l'ennemi
poursuivait.
« Le Conseil arrête aussitôt que, d'après les principes qui le
dirigent et le serment que chacun de ses membres a fait de mourir
à son poste, ferme et calme, chacun d'eux resterait à son poste
attendre le résultat du siège.
« Sur les neuf heures, il a été annoncé que le siège avait cessé et
que l'ennemi, ayant reçu un léger échec, se repliait sur Olonne et
la Mothe-Achard ; que cependant quelques pillards se tenaient
surtout du côté des Grandes Portes et de la Côte.
« Au même instant, le citoj^en Jousson, commissaire, est entré
et a annoncé l'arrivée du yacht VEnfant en rade avec des muni-
tions de guerre et des vivres. Son collègue Massé était resté pour
prévenir le départ des troupes attendu d'un jour à l'autre
« Le Conseil fait expédier une chaloupe au général Verteuil pour
l'instruire du siège que soutient la ville et le prie d'expédier les
troupes demandées et promises depuis huit jours
« A cinq heures du soir, des citoyens d'Olonne rapportent que
l'ennemi est en nombre considérable-. »
' C'était un jeune homme d'Aizenay, Jean Arnaud, :igé de 18 ans, et exer-
çant le métier de taillandier. Il fut condamné à mort le .'i avril par la
Commission militaire des Sables.
* Procès-verbal immédiatement dressé, extrait du registre des délibéra-
tions du district des Sables.
LE SIÈGE DES SABLES-D'OLONNE EN 1793 385
André Collinet' raconte ainsi la fin de la journée du24 mars:
« On n'a rien répondu à la sommation .
« Les ennemis se sont avancés pour forcer la barrière. Le feu a
commencé de toutes parts ; mais nos canons de 8 et de 12 leur en
ont imposé. Leurs boulets sans force venaient tomber aux pieds
des murs de la ville. Ils ont tenté d'escalader les murs du couvent,
mais une vive fusMlade à propos les a fait se retirer, après avoir tiré
de part et d'autre dix-sept coups de canon. Le jour s'est fermé,
le feu a cessé.
« Le vent était nord, le temps beau. Le soir, est arrivée en rade
une corvette escortant un navire chargé de poudres et de munitions.
On a fait rentrer en ville les farines restant dans les moulins. »
Le procès-verbal particulier de la municipalité% très bref,
constate que « le combat a duré plusieurs heures, que l'en-
nemi a fait des pertes, et qu'il n'y a eu personne de tué parmi
les assiégés. »
Gaudin aîné a ainsi rendu compte de cette journée' :
« Le 24 mars, les brigands vinrent attaquer les Sables. Nous
sortîmes au-devant d'eux pour leur en imposer, et primes une posi-
tion t'^lle que nous étions toujours à même d'opérer une retraite
sous le canon de la place. Un cavalier des brigands vint à nous; il
demanda le commandant; on me l'amena. 11 me remit une sommation
de rendre la ville aux troupes de Louis XVII. Cette sommation,
pleine de promesses et de menaces en cas de résistance, était
adressée aux commandants et aux administrateurs des Sables. Je
dis à Foucaud, en la lui donnant : « Mettez-la en poche ; nous le
montrerons à nos administrateurs après l'affaire ! » Et, l'ennemi se
trouvant à portée, elle s'engagea aussitôt Nous ne tardâmes pas à
effectuer notre retraite, nous étant aperçus que son aile gauche
gagnait sur la ville pour l'attaquer, tandis que son corps de bataille
nous amusait. Elle se fit avec ordre, et après avoir tenté plusieurs
petites attaques sur différents points, les brigands battirent la re-
traite à l'entrée de la nuit, et partirent, emportant leurs morts^
ne laissant que les traces de leur sang et quelques cadavres de
chevaux tués par notre canon »
» Notes manuscrites.
2 Reir. (le la mairie des Sables.
* Compto-rendu de Gaudin.
386 LE SIÈGE DES SABLES-d'OLONNE EN 1703
Aussitôt de retour du champ de bataille;, Gaudin écrivait
à son collègue Niou', commissaire préposé avec Trullard et
Mazade à la défense des côtes, et qui se trouvait en ce mo-
ment à la Rochelle :
o Secourez promptement notre ville des Sables, mon cher ami, si
vous ne voulez pas qu'elle tombe aux mains des "révoltés ; car, de
moment à autre, un débarquement des Anglais peut ajouter à la
position critique ou nous nous trouvons. C'est tout ce que nous
pouvons faire que de résister actuellement. Nous sommes sur les
dents par les veilles et les fatigues que nous causent chaque jour
les aristocrates et nos paysans égarés. Au moment où je vous écris,
nous sommes assiégés par plus de 3,000 hommes. Nous avons fait une
sortie sur eux ; mais, après une courte canonnade, nous avons été
obligés de nous replier, de crainte d'être enveloppés. L'ennemi a
marché contre nos murs avec une audace incroyable. Nous l'avons
repoussé. Cependant le siège n'est pas fini et nous pouvons éprouver
de nouvelles attaques. Je vous le répète : un prompt secours ! Nous
saurions mourir plutôt que de rendre notre ville. Mais j'espère que
vous ne nous réduirez pas à cette extrémité. Nous avons la moitié
de nos gardes nationaux sans fusils. Tâchez de nous en envoyer
quelques-uns, et songez que, si vous ne nous donnez pas de quoi
nous défendre, nous ne pourrons faire de sorties ; on serait réduit
à mourir de faim. L'ennemi est bien armé et a du canon. »
VIII.
Le « commandant général du camp près les Sables » était
bien connu des patriotes sablais.
Le 2 septembre 1792, il avait élé expulsé de l'assemblée
des électeurs du département de la Vendée réunis à la Châ-
taigneraie pour nommer leurs députés à la Convention. Pro-
cureur de la commune de la Chapelle-IIermier, il avait fait
de sa maison l'asile de l'ancien curé insermenté Brillaud,
dont la présence, dans un coffre, pendant une perquisition,
« Lettre dont la copie, contresignée par Niou et Trullard, se trouve aux
Arch. (Hist. de la guerre, arrnée des Votes).
LE SIÈGE DES sables-d'olonne EN 1793 387
s'était révélée par une mèche de cheveux qui traversait le
trou de la serrure*. Déjà, en 1891, il avait été poursuivi, avec
son domestique, pour « voie de fait et injure grave contre
un arpenteur et manœuvres tendantes à empêcher la
promulgation et l'exécution des décrets de l'Assemblée
constituante ». Mais cette procédure criminelle avait été
abolie par l'amnistie du 15 septembre' Le 8 aoiit 1702, il avait
été cité à comparaître devant le district des Sables pour
€ la conduite plus qu'indigne » qu'il avait tenue en pré-
sentant un « état évidemment infidèle » des frais qu'il préten-
dait avoir faits « pour la formation des matrices des rôles de
sa communauté ■>. Le district, « après s'être expliqué avec
lui », lui avait déclaré a qu'il improuvait sa conduite et lui
avait enjoint de se mieux comporter à ravenir\ »
Né à Bordeaux, vers 1760, il avait servi dans le régiment
de Flandre d'où il était sorti sergent. Il avait été amené dans
la Basse-Vendée par Henri Servanteau de la Brunière, de
Beaulieu, surnommé le Chasseur, dont le fils émigra'.
Il s'était marié à la Chapelle-Hermier où il exerçait toute
sorte de métiers : horloger, cordonnier, tailleur, forgeron,
en même temps qu'artiste peintre et architecte, de plus chi-
, rurgien d'une adresse éprouvée, ce qui lui valut une popula-
rité considérable dans la région*. Ses enrôlements de paysans,
préparés de longue main, lui avaient fourni un corps armé
relativement important dès le début de l'insurrection de
» D'après une brève notice de M. A. Bitton, le collaborateur de Benjamin
Fillon dans la merveilleuse reconstitution des Archives de la ville de Fon-
tenav-le-Comte, brûlées durant la guerre civile.
' D'après l'état des procédures supprimées que nous avons tirées de
grenier du greffe du tribunal civil des Sables.
ï Délibération du district des Sables, 26 avril, 8 et 16 août 1792, aux
Archives du déparieme/it de la Vendée.
* Notice de M. A. Bitton.
« D'après les deux premiers cahier des Mémoires inédits de Mercier du
Rocher, dont la copie fait partie de la colUction Dugast-Matifeux, et qui
ont été communiqués à Louis Blanc (Histoire de la Révolution française,
t. vin, p. 316).
388 LE SIÈGE DES SABLES-d'OLONNE EN 1793
>
1793 et permis de prendre la tête de l'expédition contre les
Sables, que les Lézardière, du Poiroux, et les du Chaffault,
d'Avrillé, avaient déjà voulu tenter au mois de juin 1791.
S'il avait réussi, il aurait acquis, dans la Vendée maritime,
une situation beaucoup plus importante que celle de Gathe-
lineau dans l'Anjou vendéen.
L'insuccès de sa première campagne l'exaspéra et contre
les prêtres, — dont plusieurs encore aujourd'hui, comme
M. l'abbé Pontdevie le traitent de « catholique douteux », —
et contre les nobles, qu'il accusait de ne pas l'avoir franche-
ment secondé*. Ce « démocrate royaliste' » éprouvait pour
Charette de laContriela plus profonde antipathie ; Charette le
tenait pour « un fou ou un homme dangereux^ ». Cependant
Joly, après avoir pris part à l'occupation de Fontenay le 25 mai,
coopéraitavec sonrival à l'attaque de Nantes, puis aux luttes
avec l'armée de Mayence à Torfou, Montaigu et Saint-Fulgent.
11 avait dans satroupedeuxde ses filsqui furenttuésàsescôtés
dans la même action'*. Un troisième, l'aîné, s'était engagé parmi
les volontaires de la Vendée en 1791, avait assisté à la vic-
toire de Jemmapes, puis avait abandonné le bataillon, vers la
fin d'avril 1793, à cause des embarras que la conduite de son
père* lui causait vis-à-vis de ses camarades, pour passer dans ♦
la légion du Nord que commandait Westermann, alors à
Cambrai, et un peu plus tard envoyé en Vendée. Il se trouvait
aux Sables-d'Olonne, le 21 mai, parmi les volontaires du
5" bataillon de la Marne ; on l'arrêtait le 10 juin", le voisinage
de l'armée de son père rendant sa présence suspecte. Le
12 juillet, il comparaissait, sous l'accusation d'espionnage
• D'après la correspondance entre les chefs, conservée aux Archive» histo-
riques de la guerre.
' Comme l'appelle Théodore Muret {Hist. des Guerres de l'Ouest), t. i, p. 49.
' Notice de M. A. Bitton.
4 Notice de Heauchamp dans la Biographie universelle de Michaud.
s Notice de M. A. Bitton.
• Livre d'ordre, et de correspondance du général Boulard, aux dates du 21
mai et 10 juin.
LK SIÈGE DES SABLES-D'OLONNE EN 1793 389
pour les révoltés, devant la commission militaire de la Ro-
chelle qui l'acquittait. Rentré à son bataillon, il était fait pri-
sonnier dans une rencontre et conduit à son père qui impi-
toyablement ordonna de le fusiller*.
Les forces principales de l'armée catholique et royale dans
la Haute-Vendée et l'Anjou ayant passé la Loire pour être
finalement exterminées à Savenay, les chefs de laBasse-Ven-
dée, Gharetfce et Joly, qui n'avaient pas quitté le pays, se dis-
putèrent le commandement général qui échut au premier.
Joly, si violent qu'il avait brûlé la cervelle au chef de l'ar-
tillerie Leblanc pour un refus de poudre, éclata contre Cha-
rette en plein comité royaliste. Lorsque peu après, au mois
d'août 1795, s'opéra la jonction des troupes de Charette avec
celles de Stofflet, Joly, accusé d'avoir détourné les approvi-
sionnements, fut poursuivi par une compagnie de chasseurs
au milieu de ses troupes qui, en majeure partie, l'aban-
donnèrent, l'entendant appeler traître ; il fut atteint au
moment où il essayait de traverser la Loire et massacré. Des
cavaliers furent même envoyés à la Rcche-sur-Yon arrêter
sa femme qu'ils fusillèrent. — « Joly est mort, s'écriait-elle
au moment de l'arrestation ; Charette n'eût pas osé, lui
vivant, toucher un cheveu de ma tête'* ! «
Mais revenons au siège des Sables et faisons remarquer
que si Joly commandait en chef, il avait constitué, à la
Mothe-Achard , un conseil de guerre qui comprenait,
d'abord lui, puis un de ses fils, ensuite Jean Ruchaud,
Dubois et A. Pineau, enfin les ci-devant nobles d'Espi-
nasseau, du Fief, avec les trois chevaliers du Ghaffault',
Buor et de la Voyrie''.
• D'après Mercier du Rocher.
» Cette trop brève notice sera complétée ailleurs et nous ne manquerons
pas d'utilisé-' les précieux renseignements que M. René Vallettc a tirés des
notes de la Fontenelle de Vaudoré et publiés h notre intention dans VÉtoile
de la Vendée du 15 novembre 1891.
•' Benjamien Fillon : Pièces contre-révolutionnaires, p. 60.
4 L'un des fils du comte du Chaffault de la Guignardière.
390 LE SIÈGE DKS SABLES D'OLONNE EN 1793
La marche vers les Sables, sur la droite, pendant que l'ar-
mée de la Mothe préparait son mouvement, était dirigée par
Guerry du Gloudy et Josse de Rorthais, les deux gentils-
hommes qui,aumois de mai 1791, avaient été les plus compro-
mis dans les insurrections d'Apremont et de Saint-Christophe
du Ligneron. A la suite de l'avortement des premières ten-
tatives contre-révolutionnaires, étouffées avec tant d'éner-
gie par les patriotes des districts des Sables et de Challans
secourus par lesNantais, les principaux instigateurs, les Ro-
bert de Lézardière, les Loynes de la Goudraie, n'avaient pas
profité de l'amnistie de la Constituante pour se réinstaller
dans leurs châteaux, dont deux d'ailleurs avaient été
brûlés. Ils s'étaient en allés, les uns à Paris, les autres
vers Châtillon, le nouveau centre de rassemblement ;
quelques-uns avaient émigré à Goblentz et à Jersey. Mais
ceux qui étaient revenus ou étaient restés plus ou moins
cachés, comme les Tinguy, les La Roche-Saint-André, les La
Barbelais, les Baudry-d'Asson, se trouvèrent prêts à marcher
au moment depuis longtemps attendu*. Pour un qui parut se
faire prier comme Gharette aspirant au commandement su-
prême, vingt anciens seigneur^ organisèrent eux-mêmes leurs
métayers en compagnies. L'ancien garde du corps, Antonin
d'Angely^ se rencontra à point dans la commune de Sainte-
Poy pour devenir le directeur des subsistances de l'armée
de Joly, et le préposé à la garde des patriotes prisonniers,
l'ancien officier irlandais au service du roi de France, Wil-
liam Bulkeley^, pour chasser les autorités républicaines de
laRoche-sur-Yon et organiser militairement la région. Les ab-
sents furent même brillamment remplacés par leurs femmes.
Dans les premières semaines du mois de mars, il y eut au
» D'après la correspondance entre les chefs, aux archives du ministère de
la guerre.
> Condamné à mort le 24 septembre 1793 (Papiers de la commission mili-
taire des Sables, aux archives du département de la Vendée).
• Fusillé à Angers le 3 janvier 1794.
LE SIÈGE DES SABLES-D'OLONNE EN 17U3 391
moins trois comités organisés par l'initiative des dames et
dont elles restèrent les chefs : à Goëx, M""" de l'Espinay de la
Roche' ; à Apremont, la vieille M"' de la Rochefoucauld',
née Suzanne Poictevin. La jeune et belle M""' de la Roche-
foucauld', le 13 mars, un pistolet au poing, avait envahi la
maison commune de la Garnache et s'y était installée
présidente du Conseil catholique et royal".
IX.
Durant la nuit du 24 au 25 mars, raconte André Collinet',
«tous les habitants étaient debout; onveillaitpartout ; l'ennemi
était aux portes. Aussitôt le matin, on a renvoyé demander
des secours à la Rochelle. On s'attendait à une nouvelle at-
taque, mais lI n'a paru personne. On a été instruit que les
assaillants s'étaient retirés à Olonne et dans les villages voi-
sins après avoir éprouvé de grandes pertes. D'après les rap-
ports des prisonniers, leur armée était forte de 8 à 9,000
hommes.
« Dans la matinée^ on était assez tranquille ; on s'occupait
à fortifier le mieux possible la ville avec des canons de 36,
empruntés au fort Saint-Nicolas ; à faire moudre du blé, etc.
Toutes les six heures, on envoyait à la Rochelle faire con-
naître la position.
« A une heure du soir, la générale a battu sur l'avis que
1 D'après le jugement de Riou, procureur de cette commune, condamné à
moi't le 5 ayril. (Commission militaire des Sables.^
* Condamnée à mort, aux Sables, le 17 mai 1793.
s Id. le 24 janvier 1794.
* D'après la correspondance inédite entre les chefs, que nous donnerons
tome III de notre ouvrage La préparation de la Guerre de Vendée, dont le
premier volume vient de paraître chez Paul Dupont, Paris.
* Notes manuscrites.
392 LE SIÈGE DES sables-d'olonne EN 1793
les royalistes se portaient sur la Chaume, par Sauveterre ;
on s'est disposé en conséquence; mais c'était une fausse
alerte.
« Sur les huit heures du matin, le 25, « un capitaine de marine,
arrivant de Nantes, rapporte que, depuis cette ville, tous les
bourgs et villages sont en insurrection et ont arboré le dra-
peau blanc, que Nantes est bien tranquille et fait des sorties
continuelles. »
Le Conseil des autorités civiles réunies « profite du pre-
mier moment tranquille » pour informer de la position des
Sables, — u la plus triste sans doute que puissent supporter
des républicains qui ont juré de vaincre ou de mourir, puis-
qu'ils ont presque douté un moment de leur salut », — les
commissaires delà Convention qui se trouvaient à la Rochelle,
en Vendée ou dans les départements voisins.
Les administrateurs font à ces « citoyens, leurs amis »,
le récit de l'attaque repoussée la veille, et ajoutent :
« Après plusieurs décharges de son côté, l'ennemi battit en
retraite à l'entrée de la nuit et se dispersa dans les villages
qui nous entourent. Le commandant-général a fait pendant
la nuit de fréquentes patrouilles hors la ville, et nos braves
frères d'armes ont eu l'intrépidité d'aborder un de ces villages
(jù les brigands avaient passé la nuit, et plusieurs paresseux
ont été très facilement enveloppés et amenés aux Sables.
D'après leurs dépositions et le rapport de nos piquets,
l'ennemi ne s'est replié que pour se réunir et se porter sur
le bourg de la Chaume. Ce poste ne peut être défendu que
par un grand nombre de troupes, tandis que la prudence
exige que les postes des trois portes soient maintenus tels
qu'ils ont été formés hier, car il serait possible que le bruit
(lue répand l'ennemi d'attaquer tel quartier ne fût qu'un
leurre pour nous attirer dans le piège. Dans cette perplexité
cruelle, nos braves frères sont presque épuisés. Leur courage
seul les soutient,mais il n'est pas croyable qu'ils puissent tenir
longtemps, toujours sur pied et couchant au bivouac. Nous
Ld SIÈGE DES SABLES-d'oLONNE EN 1703 393
venons de nouveau réclamer des secours que votre généreuse
amitié ne nous refuseracertainementpas. Ces secours doivent
être de toute espèce, soit en munitions de guerre, si vous
en avez, soit en hommes armés. Faites en sorte, chers
concitoyens, de nous expédier surtoutledernier renfort. Avec
vous, nous espérons toutes sortes de succès ; sans vous,
notre position est désespérante, car nous n'avons encore reçu
aucune forcearmée de la Rochelle, et l'insouciance du général
Verteuil ne nous laisse aucun espoir de ce côté. De grâce,
frères et amis, des forces, le plus promptement possible !
Nous n'avons plus que le côté de la mer qui soit libre ! »
Aux mêmes, aux autorités militaires et civiles de la Ro-
chelle, de Niort, de Nantes, ainsi qu'au ministre de la guerre,
le commissaire du département de la Vendée et les adminis-
teurs desdistricts desSablesetde Ghallans transmettent copie
de cette adresse fiévreuse et très amère du 26 mars 1793 :
A LA CONVENTION NATIONALE.
c Citoyens,
« En sollicitant les secours qui nous paraissaient nécessaires,
nous vous avons à différentes fois rendu compte de notre situation.
Elle devient de plus en plus terrible, et, si vous ne nous envoyez
pas des secours prompts et importants, il est clair que les Sables,
seul point de trente lieues de côtes qui appartienne encore à la
République, seront bientôt, demain peut-être, au pouvoir des
rebelles.
« Déjà ils sont en possession de Noirmoutier et de l'Ile d'Yeu'.
Dans ce dernier lieu, ils ont dû trouver trente et quelques canons
qu'il vont tourner contre notre ville. De ce port de Tlle d'Yeu vont
partir des bâtiments armés qui tenteront par mer les efforts que
nos ennemis font par terre. Déjà nous avons soutenu un assaut
contre environ quatre mille hommes qui, disent quelques prison-
niers que nous avons faits, doivent revenir incessamment avec des
' La nouvelle de la prise de l'Ile d'Yeu sur la sommation de Guerry de la
Fortinière s'était répandue ; on sut le lendemain quelle était fausse.
394 LR SIÈGE DES SABLES-D'oLONNE EN 1793
canons et de nouvelles forces, chose maintenant très facile de la
part des ennemis, puisqu'ils possèdent des lieux d'où ils en peuvent
tirer,
« Depuis onze jours nous avons reçu de la municipalité de l'île
de Ré cinq cents hommes qui ne se proposaient qu'un séjour de
huit jours ici. Nous voyons que ces braves gens de l'Ile de Ré ne
resteront pas longtemps à notre défense, si nous ne sommes pas
secourus, parce que, sans secours, eus et nous devons tomber en
la puissance de l'ennemi.
« De ces faits il résulte que nous avons besoin de force armée pour
repousser l'ennemi loin de nos murs et d'une ou deux frégates pour
opposer aux forces de mer que nos ennemis vont tirer de l'Ile d'Yeu
et de Npirmoutier. Sans secours, nous vous le répétons, ne comptez
plus sur ce pays !
« Nous ne vous cacherons pas, citoyens, que, depuis que nous vous
avertissons de la progression de nos dangers, nous sommes étonnés
de nous voir abandonnés, comme si la plus froide indifférence fût le
seul sentiment que nous pouvons inspirer ! Cela fût-il vrai que notre
sort malheureux ne vous toucherait point, l'intérêt général de la Ré-
publique devrait au moins exciter le zèle d'un des pères du peuple
que ses collègues envoient pour veiller sur le salut public dans ce
pays. Nous espérons que vous allez faire voler à notre secours et
que ce secours va venir par mer : c'est la voie la plus prompte et
la plus sûre.
« C'est la seule réponse utile à la patrie que vous puissiez nous
faire, et cette réponse, nous vous la demandons au nom de nos
femmes éplorées, au nom de nos enfants qui ont le couteau sus-
pendu sur la gorge, au nom de la République entière qui fera dans
l'abandon de notre pays une perte très difficile à réparer.
« Et si, chose incroyable ! nos réclamations étaient inutiles ; si,
après une défense vigoureuse, la République perd notre pays, ce
n'est pas nous, citoyens, qui serions responsables des événements !
« Signé : Gai.let, commissaire du département de la Vendée ; —
Mercereau ; — BouHiER, viceprésidents de C administration du district
des Sables ; — Mourain, vice-président dit district de Challans ; —
Merlet, p. Jousson, Bodet, administrateurs du district de Challans ;
— Bermond, administrateur des Sables ; — Merland, procureur-
syndic du district de Challans ; — G. Renout, — Gourdon ; — Gana-
chaud, secrétaire de Challans'. »
La correspondance des autorités des Sables au moment du siège se
trouve aux Archives his'.oriques de la guerre (armée des cùtes.\en copies cer-
tifiées authentiques par les représentants Niou et ïrullard.
LE SIÈGE DES SABLES-D'OLONNE EN 1793 395
Cette adresse à la Convention et les lettres d'envoi qui
l'accompagnaient furent portées à la Rochelle par deux
commissaires, Benoît et Jousson, investis des pleins pouvoirs
du conseil des autorités civiles; ils s'embarquèrent dans la
journée du 26.
Noirmoutier, dont le chef-lieu était républicain et la cuai-
mune de Barbâtre royaliste, avait été attaqué le 16 mars par
Guerry de la Fortinière, chef des rebelles tirés de l'île de
Bouin, de Beauvoir, de Saint-Gervais et autres bourgs de
la côte voisine. La garde nationale, composée de 100 hommes,
sous le commandement de Richer père, n'avait pas eu le
temps d'empêcher les Barbâtrois d'introduire Tennemi dans
l'île. La patache des douanes, qui ne comptait que 14
hommes d'équipage, n'avait pas pu résister ; il y avait été
pris 8 pierriers, 14 fusils et 5espingoles. Le 17, la ville s'était
soumise à la sommation faite au nom de Louis XVII et du
régent duroyaume*. Tout de suite, Guerry de la Fortinière,
sur la demande de Guerry du Claudy, en marche pour re-
joindre Joly, avait expédié de l'artillerie, des munitions et
des marins de Barbâtre, afin de servir à faire le siège des
Sables, considéré par les divers comités royalistes de Chal-
lans, de la Roche-sur-Yon, de l'Oye, de Saint-Fulgent, comme
l'objectif capital du premier mouvement insurrectionneP.
Dans la matinée du 26, un capitaine de chaloupe, parti pour
Nantes, entrait seul aux Sables et déclarait aii Conseil des
autorités civiles que « son équipage avait été arrêté par les
insurgés, maîtres de Noirmoutier ».
Le 27, « sur les quatre heures de l'après-midi, se sont pré-
sentés les citoyens Jean-Joseph Gatineau et François Turbé,
députés de la commune de l'Ile d'Yeu, qui ont déposé sur le
' Recherches sur l'Ile de Noirmoutier, par François Piet, Nantes 1863,2'' éd.
p. 540-^)42.
a D'après divers billets échangés entre les chefs parmi les 70 pièces saisies
à Vairé et à la Mothe-Achard le 8 avril, Archives historiques de la guerre
(armée de la réserve et armée des côtes).
396 LE SIKGE DES SABLES-D'OLONNE EN 1703
bureau une lettre du conseil général de ladite commune,
accompagnée de la copie d'une lettre, datée de Noirmoutier
le 23 du mois et signée Guerry, chevalier de la Fortinière,
prenant la qualité de commandant en chef de ladite île au
nom de Monsieur Régent, du Royaume. » Cette pièce était une
sommation aux insulaires « de se rendre, d'arborer le drapeau
contre-révolutionnaire et de lui donner en otages trois des
notables habitants pour gages de leur fidélité, avec acte
authentique signé des propres habitants' ».
Les autorités constituées des districts des Sables et de
Challans, « satisfaites des dispositions où sontles habitants de
l'Ile d'Yeu de résister aux agressions des rebelles,
(( Arrêtent de requérir le yacht VEnfant d'aller établir sa
croisière dans les parages de l'Ile d'Yeu, afin de la protéger
contre les invasions des brigands et mettre sous sa protection
les bâtiments chargés de comestibles qui se trouvent en re-
lâche à nie d'Yeu.
« La municipalité de Saint-Martin de Ré et le général Ver-
teuil, commandant la 12" division militaire, sont prévenus
de l'impossibilité de rien distraire de la défense des Sables-. »
IJEnfant était embossé dans le port ; son artillerie et son
équipage débarqués auraient pu être très utiles à la défense
des Sables. Le conventionnel Gaudin n'avait cependant pas hé-
sité à faire requérir son envoi à l'Ile d'Yeu, et ce fut en effet
sa présence qui empêcha les royalistes, maîtres de Noir-
moutier, de saisir ce point maritime important''.
Ce même jour 27^ était publiée avec une certaine solennité
et affichée sur les murs des villes la délibération suivante du
Conseil général des autorités civiles :
« Il a été fait un rapport du meurtre commis, dans ia journée de
dimanclie, par les scélérats qui assiègent cette ville, dans la personne
du citoyen Châtagnior, habitant de la commune d'Olonne, qui, livré
« La sommation faite à l'Ile d'Yeu a été donnée dans les Pièces contre-
révolutionnaire de Benjamin Fillon, p. 10-11.
* Reg. du district des Sables, délibérations des -6 et 27 mars.
' Compte-rendu de Gaudin.
LE SIÈGE DES SABLES-D'OLONNE EN 1793 307
traîtreusement aux mains des rebelles, préféra une mort glorieuse à
une lâche trahison de ses devoirs et de ses sentiments.
« L'assemblée, profondément affligée de l'assassinat du citoyen
Châtaigner, pénétrée de reconnaissance et d'admiration pour la
conduite héroïque de ce généreux citoyen,
« Le commisaaire-procureur-syndic entendu,
« Arrête qu'il est accordé à la veuve dudit Châtaigner un secours
provisoire de deux cents livres, et que l'enfant dont elle est en-
ceinte sera placé au rang de ceux nourris et entretenus par la
Nation ;
« Arrête, en outre, qu'il sera écrit à la Convention nationale
pour l'instruire de l'horrible assassinat du citoyen Châtaigner et des
détails afin qu'elle prenne en grande considération la position mal-
heureuse de ladite veuve'. »
Le Comité militaire avait reçu de la commune, le 25, la pro-
position de faire enlever les boulets et les bombes qui se
trouvaient dans le fort Saint-Nicolas de la Chaume. Il avait
autorisé les réquisitions nécessaires pour cette opération.
Le lendemain, à l'unanimité, il approuve la demande de l'un
de ses membres de faire « transporter et monter sur la place
de la Liberté les canons du fort Saint-Nicolas, attendu qu'il
esta craindre que l'ennemi ne s'empare de ce fort naturelle-
ment mal défendu et auquel on ne peut fournir qu'une faible
garnison. » Mais^ le 27 au soir, cette décision est rapportée ;
le Comité arrête « qu'il sera placé deux pièces de 18 dans la
redoute de Saint-Nicolas pour battre la campagne, et qu'il
sera posé des barres à l'entrée de ladite redoute ; l'officier
qui commande le poste de la Chaume tiendra jusqu'à la der-
nière extrémité, et, s'il est forcé de se replier, il fera enclouer
toute l'artillerie ; il sera pratiqué un retranchement dans l'in-
térieur de Saint-Nicolas, et le détachement qui garde ce poste
sera porté à 210 hommes avec le nombre de canonniers né-
cessaire pour le service des pièces. »
Dans la journée du 26, le Comité militaire avait envoyé à
Pierre-Levée un détachement pour s'emparer de plusieurs
' Reg. des délibérations du district des Sable», h la date.
Tome iv. — Octobre, novembre, décembre. ?7
398 LG SIÈGE DES sables-d'olonne EN 1793
milliers de plomb et d'une certaine quantité de pains pré- '
parés pour l'ennemi ; puis se porter sur Olonne, « y casser les
cloches et saisir les séditieux. » Le 27 au matin, Le Comte
commande expressément la réoccupation des postes avancés
d'Olonne et de Pierre-Levée que l'attaque du dimanche précé-
dent a forcé d'abandonner. Il arrête qu'il sera expédié « des
détachements de cavalerie dans ces deux endroits, qu'ils y
feront les patrouilles nécessaires pour observer les mouve-
ments de l'ennemi, et se replieront aussitôt qu'ils ne seraient
pas en force. Ces détachements feront tous les matins le
rapport au commandant général de ce qu'ils auront découvert
pendant la nuit; ils seront relevés tous les vingt-quatre
heures... Le secrétaire du Comité est pressé de chercher
des espions, de les envoyer dans les lieux les plus commodes
pour reconnaître l'ennemi, sa force et ses dispositions. »
Ce môme jour, il est donné au commandant de la cavalerie
a ordre de faire partir des détachements escortés de voi-
tures pour conduire en ville des bois et fourrages, dont on a
de pressants besoins. » Le soir, il est « recommandé à la
commune » de faire enjoindre à tous les citoyens qui ont des
chevaux de les mener sur la place de la Liberté au pre-
mier coup de la générale, sous peine de punitions exem-
plaires. » Les administrations réunies sont invitées « à re-
quérir tous les citoyens armés de fusils doubles, de les dé-
poser, dans le jour, au Comité, afin d'armer la cavalerie. »
Pour le lendemain matin 7 heures, toute la cavalerie est
commandée afin d'aller ramener en ville tous les fourrages,
bois et blés, qui se trouvent au Penestrau, commune de Châ-
teau-d'Olonne. Il est décidé « qu'en cas d'une nouvelle at-
taque, il sera placé des avant-postes sur les hauteurs des
moulins, et que ces moulins seront occupés ; il sera de
môme placé quatre-vingts hommes dans le couvent des reli-
gieuses. »
Le 28 au matin, le Comité militaire s'occupe de régler les
signaux à faire, en cas de danger, par l'aviso la Cousine, ca-
LE SIÈGE DES SABLES-d'oLONNE EN 1793 399
pitaine La Brière. Il arrête : 1° que le pavillon rouge, au mât
de misaine, et un coup de canon seront les signes de l'ennemi
extérieur en force ; le pavillon sera hissé et amené autant de
fois qu'il paraîtra de voiles ; 2° le pavillon anglais, au mât de
misaine, sera le signal de bâtiments français ; 3° une cornette
au mât de misaine, avec un coup de canon, sera le signal
d'un bâtiment suspect ; 4» le pavillon hollandais au grand
mât, avec un coup de canon, sera le signal pour le commis-
saire de la marine afin d'envoyer des forces à bord*. »
Le premier des signaux faits par la Cousine rendit l'espé-
rance aux défenseurs des Sables, au moment mônie où une
vedette signalait l'occupation d'Olonne et la marche d'un
autre détachement de rebelles vers le Château. Enfin on
voyait, dans le demi-cercle de la superbe plage, s'avancer une
corvette républicaine escortant six navires qui bientôt dé-
barquaient 20 tonneaux de froment^ 300 barriques de vin,
du bois, des munitions' et quelques soldats. C'étaient, avec
des volontaires de la Rochelle, des grenadiers de la Gironde,
avant-garde du 1" bataillon, que devaient incessamment
suivre le 2" et le 9*. Ceux-ci cependant, transportés dans de
mauvaises chaloupes, ne purent débarquer, après une tra-
versée très longue et très pénible, que par compagnies, le 29,
le 30 et le 31. Encore l'artillerie, « par suite de l'impéritie
ou de la trahison d'un patron de barque, » alla-t-elle s'égarer
dans les parages de Noirmoutier, au risque de tomber entre
les mains des insurgés. Les artilleurs, « tenant les marins
suspects au bout de leurs fusils », la firent ramener à la Ro-
chelle, d'où elle ne put être reconduite aux Sables que le
5 avril\
L'undes trois représentants du peuple chargés, en vertu du
' Analyse et extraits des procès-Yerbaux du Comité militaire de la ville des
Sables.
> Notes manuscrites d'André CoUinet, à la date du 28 mars.
» P. 8 à 40 de V Expédition en Vendée de deux bataillons de la Gironde.
par Brives-Cazes, d'après Savary et les arcliives de Bordeaux.
l
400 LE SIÈGE DES SABLES-D'OLONNE EN 1793
décret du 22 janvier 1793, de l'inspection des côtes de l'Océan
de Bayonnu à Lorient, Mazade, de Lot-et-Garonne, aussitôt
l'insurrection vendéenne éclatée, avait couru, dans la pa-
triotique ville de Bordeaux, requérir le plus de secours
possibles. Le département de la Gironde lui avait accordé la
formation immédiate de deux bataillons d'infanterie pris
dans la garde nationale du chef-lieu le IG mars, et qui;, dès
le 18, pouvaient être, avec deux pièces de canon et quarante
cavaliers, dirigés sur Blaye, où s'achevait leur organisation.
Le 23, ils étaient à Saintes, aux ordres du « commandant de
la force armée de la Gironde », L. Dumas, qui avait augmenté
la cavalerie de 200 gendarmes et de 64 gardes nationaux
de Libourne. Le général qui venait d'être mis à la tête de
l'armée de la Vendée, Beaufranchet d'Ayat, lui réclama
sa cavalerie pour Niort^ la cavalerie niortaise ayant été
envoyée au secours des patriotes vendéens, et lui com-
manda d'aller à la Rochelle se rattacher à la subdivision
du chef de brigade Boulard. Le collègue de Mazade,
Niou, assisté du troisième membre de la mission des
côtes, TruUard, constata que le corps d'armée de Boulard
ne pouvait pas se mettre en marche par terre assez vite
pour arriver à temps aux Sables. Malgré les réclamations de
Noon, uvi le chef d'état-major de l'armée de la Vendée, il
requit le commandant de la 12" division militaire, Verteuil,
de faire embarquer les volontaires de Bordeaux aussitôt leur
arrivée à la Rochelle.
«■ La ville des Sables », — expliquaient Trullard et Niou,
dans une lettre à Boulard', — « est toujours dans le danger
le plus imminent. Ce danger nous a paru d'autant plus grand
que les troupes de Ré, qui étaient requises de s'y rendre,
ont été retenues par les habitants de cette île, et qu'une
partie des troupes qui nous sont arrivées refusaient d'y aller.
Enfin nous avons obtenu que les premiers bataillons de
' DuîO mars, aux Archives historiques delà guerre (armée des côtes).
LE SIÈGE DES SABLES-D"0L0NNE EN 1793 401
Bordeaux et de la Rochelle se rendraient dans la place assié-
gée. Cette mesure était d'autant plus nécessaire que les ha-
bitants de l'île de Ré, qui défendent les Sables, voulaient
absolument retourner dansleur pays depuis qu'ils ont appris
la reddition de Noirmoutier pris par les rebelles. Le pre-
mier bataillon de Bordeaux ayant nanilesté les plus vives
inquiétudes, on ne parvint à le calmer qu'en l'assurant que
le second le suivrait et que le général Dumas irait les re-
joindre. D'après ces considérations, il ne nous a pas paru
possible de changer les mesures prises dans cette circons-
tance, et malgré la réquisition du chef d'état-major Nouvion',
qui ne nous est parvenue qu'à minuit. Il nous aurait paru
extrêmement imprudent de manquer de parole au premier
bataillon de Bordeaux. C'est pourquoi le second va aussi se
rendre aux Sables. Dumas et Niou le suivront. Des forces
aussi imposantes repousseront sans doute les brigands, et,
si vous venez, comme vous nous le marquez, près de cette
ville, avec 1600 hommes d'infanterie et 150 chevaux,, il ne
vous sera pas difficile d'opérer une jonction avec l'armée
bordelaise dont vous disposerez après comme vous le ju-
gerez convenable... Niou et Dumas partent ce soir à deux
heures pour les Sables. Trois frégates et un aviso vont venir
dans la rade des Sables. Peut-être ne trouverez-vous pas
hors de propos, quand vous serez sur les lieux, de tenter lu
reprise de Noirmoutier. L'insolence de « Monsieur Guerry,
« chevalier de la Fortinière », mériterait bien d'être châtiée.
Au surplus, vous prendrez cette observation pour ce qu'elle
vaut. »
XL
Les grenadiers de Bordeaux et les volontaires de la Ro-
chelle, aussilôt débarqués, le 28 mars au soir, prenaient part
à une sortie coiuiuilc jiisqu à Olonnc, fine les rebelles éva-
cn:iii'nt.
• Niou r^ippllo à tort ^(^néiiil.
402 LE SIÈGE DES SABLES-d'oLONNE EN 1793
On comptait en ce moment aux Sables, note André
Gollinet* : « 3.000 fantassins, non compris 350 homm.es de
troupe de ligne, 230 cavaliers, 360 marins, et 1.500 hommes
non armés ; 5.400 femmes, enfants et vieillards ; en tout :
10.816 personnes. »
Le quartier général de l'armée catholique royale, dont Joly
s'était institué commandant général, était établi à la Mothe-
Achard. Ce jour, jeudi sainte « sous les halles du bourg, les
prêtres réfractaires dirent la messe, firent communier
bsaucoup de leurs gens, distribuèrent des chapelets et de
petits cordons rouges bénits. Après un sermon doux et pa-
thétique — du curé du Luc^ — ils donnèrent la bénédic-
tion et l'absolution générale à toute l'armée, qui, après avoir
bien bu et mangé le fruit de ses rapines, se mit en marche
vers les Sables. Elle partit de la Mothe à trois heures du soir,
menant avec elle 16 pièces d'artillerie, 17 chariots ; les Roya-
listes, armés de bâtons ferrés, de faulx tournées à l'envers
et de fusils, étaient au nombre de 15 à 16.000.
« Une autre colonne, à peu près de même force et con-
duite par le sieur du Chafîault, partie d'Avrillé, devait éga-
lement se porter sur la ville et attaquer la porte de Sainte-
Croix. »
Dans la soirée, « un piquet de cavalerie sablaise aperçut,
vers la Grassière, l'armée qui s'avançait. A six heures et
demie, on tira le canon d'alarme, la générale fut battue; tout
le monde prit les armes. A sept heures, chacun était à son
poste ; la corvette se rapprocha de la plage pour être en posi-
tion de défendre l'entrée des barrières. A neuf heures, les
habitants d'Olonne rapportèrent avoir vu à Pierre-Levée l'en-
nemi. » Celui-ci y mit au pillage la belle propriété du riche
financier Pezot et but les seize barriques de vin qui garnis-
saient son cellier'.
' Notes manuscrites.
* Rapporte l'érudit sablais, M. le docteur Marcel Petiteau, dans « l'éphé-
méride sablaise » de ï Etoile de la Vend<^e des 28-29 mars 1889.
LE SIÈGE DES SABLES-D'OLONNE EN 1793 403
« La pleine mer était à cinq heures, la lune en son plein, le
temps beau. La nuit fut très claire. L'ennemi s'avança en
silence jusqu'à la tournée |d'01onne où il établit ses batteries ;
son infanterie se logea dans les chemins creux de droite et
de gauche. »
Le 29 mars, vendredi saint, « à deux heures et demie du
matin, les avant-postes reconnaissent les positions. A la
pointe du jour, l'ennemi tire deux coups de canon à mitraille
et à boulet. La ville riposte. Le feu continue de part et d'autre.
Notre artillerie, d'un plus fort calibre, mieux servie, porte la
terreur parmi l'ennemi.
« Dès six heures du matin, quelques-uns commencent à
prendre la fuite pjir Olonne et Pierre-Levée, de sorte qu'à
sept heures il ne reste que ceux qui avaient trouvé place
dans les chemins creux et derrière les retranchements.
« Alors une partie de notre infanterie fait un mouvement
afin d'attaquer la droite do l'ennemi et une décharge. Le
commandant, voyant l'impossibilité de forcer l'ennemi à se
retirer sans exposer son monde, rentre.
« Les royalistes, désespérés de l'abandon d'une partie de
leuis troupes, ayant appris que la colonne d'Avrillé n'arrivait
pas, se décidèrent à tirer à boulets rouges. Plusieurs maisons
furent atteintes ;à sept heures et demie, un boulet mit le feu
chez le citoyen Blay, procureur. La plupart des boulets
passaient par dessus la ville et allaient tomber en mer.
« A huit heures et quart, un boulet des Sablais, donnant
dans le fourneau aux boulets rouges, communiqua le feu aux
poudres qui étaient près de la batterie, et occasionna une
explosion qui tua et blessa tous ceux qui servaient la bat-
terie. Les ennemis se retirèrent de leur retranchement, et,
cherchant à se sauver, s'éparpillèrent dans les champs. La
ville alors redoubla son feu, et il en fut tué beaucoup.
« Le sieur Rouillé s'avança à cheval vers le campement.
Il fut entouré par un peloton royaliste. Il aurait été tué si
la cavalerie, qui le suivait de près, n'était venu dissiper
l'ennemi.
404 LE SIÈGE DES SABLES-D'OLONNE EN 1703
« L'infanterie, au nombre de 2,000 liommes environ, dé-
bouclie par différents points de la ville ; elle poursuit les
fuyards jusqu'au-delà de Pierre-Levée où elle s'arrête. La
cavalerie continue la poursuite jusqu'à Pont-Chartaut.
« Lorsque le général Joly vit le feu aux poudres et deux
hommes enlevés en l'air^ puis brûlés, il s'écria : « Nous
sommes perdus ! » Ce qui mit la terreur. Ils s'enfuirent tous,
laissant armes, sabots^ etc. Joly, pour donner du temps aux
siens, descendit de cheval, mit le feu à une pièce de 18 qui
restait chargée, remonta à cheval et partit au galop. Cela
réussit à lui sauver nombre d'hommes. Le feu du canon
ralentit la marche de nos troupes ; quand Rouillé arriva, il
ne trouva plus personne. ... .
« L'attaque a duré deux heures trois quarts. La ville a tiré
310 coups de canon; lennemi, environ les deux tiers. La
journée a été sanglante, la victoire complète ; la plaine était
couverte de sabots, faulx, fourches, etc.
a Parmi les morts, on a reconnu plusieu's ; -Hres; un a
été tué dans la cour de Pierre-Levée. On reconnu aucun
noble.
« Nous n'avons perdu que le sieur B^rthomé, orfèvre, par
son imprudence; .deux hommes ont été légèrement blessés.
« On a fait environ 100 prisonniers, dont deux tués par
les gardes nationaux de Bordeaux.
« Nos vedettes ont été fusillées près de Talmont par l'a-
vant-garde ennemie; cette division — probablement celle de
du Chaffault, venant trop tard d'Avrillé, — s'est arrêtée
quand elle a su la défaite de Joly.
« 11 a été sabré dans les rues des Sables cinq ou six bri-
gands. Quatre gendarmes à cheval ont promené entre deux
chevaux un de ces malheureux, tenu par une corde ; il avait
deux coups de sabre sur la figure, un coup de feu à poudre ;
il était tête nue, couvert de sang ; on lui a coupé la tête dans
la Grand'Rue ; on le disait chef et ci-devant noble
« A l'allaque de la ville, ce sont les royalistes qui ont lire
«''^^ .Ici AS aii. :ii'.
LE SIÈGE DES SABLES-D'OLONNE EN 1793 405
les deux premiers coups de canon. Le commandant, lorsque
l'infanterie partit, fit proclamer qu'aucun citoyen ne devait
sortir delà ville sans armes. Un ancien charpentier, sourd
et mendiant, n'en tint pas compte, fut pris par les brigands
et tué.
« Les habitants d'Olonne se sont très bien montrés; il n'en
est pas de môme de ceux du Château.
«Tandis que les gens. du Château indiquaient aux royalistes
les chemins conduisant à la Chaume, de ce faubourg formant
le côté droit du port des Sables et du côté de la terre sans
défense sortaient, aussitôt après l'explosion, 300 gardes na-
tionaux d'Olonne qui fermaient aux fuyards le refuge des
marais salants*. »
Au récit de l'ancien échevin de la Chaume, écrit pendant
les événements on aussitôt après, on peut ajouter quelques
impressions immédiatement transmises par des volontaires
ayant pris part à la bataille.
L'un des grenadiers girondins racontait^ dans une lettre
publiée le 4 avril par le Jotirnal de Bordeaux^, l'attaque de
Joly, « l'éclatement de ses poudres sous une bombe de la
ville », sa déroute et la poursuite des rebelles :
a L'armée de la République et 200 hommes de cavalerie
furent mis à leurs trousses ; pendant trois heures entières,
on fit une boucherie terrible de ces scélérats, dont on a tué
300 et blessé un plus grand nombre.. .. Après les avoir
poursuivis à plus d'une lieue et demie, nous sommes rentrés
triomphants dans la ville des Sables.. . Nous n'avons perdu
que deux volontaires : l'un a été atteint d'un boulet, et l'autre,
n'ayant pas d'uniforme, a été tué par ses frères d'armes qui
l'ont pris pour un de ces scélérats. Nous aurions |)oiir-
suivi plus loin notre victoire, mais il y avait vingt-ijuatre
heures que notre armée était sous les armes et qu'elle
' Notes luanusci iti'S (rAndr/' Collinet
» Reproduite pai- l'rivL'S-Cazes, 1. c. p. 34.
406 LE SIÈGE DES sables-d'olonne EX 1793
n'avait ni bu ni mangé. Ce succès nous aurait coûté un bien
plus grand nombre d'iiommes sans la prudence du brave
général qui commande notre armée, et si les ennemis eusse nt
été mieux armés. Ils n'avaient à leur- disposition que 3C0 fu-
sils, parmi lesquels il y en avait au moins un cent qui
n'étaient propres qu'à la chasse ; le reste était armé de
fourches, de piques et de bâtons. Dans les pièces trouvées,
on a remarqué un registre où étaient inscrits les noms de
ces malheureux, auxquels on promettait un certain nombre
de journaux de terre avec des litres de valeur, etc, etc. »
Le capitaine de la cavalerie de Niort, expédié en Vendée au
premier appel', Frappier, écrivait des Sables, aussitôt après
l'action, au directoire du département des Deux-Sèvres' :
« Nous avons eu un feu roulant de six heures. Ils
nous ont envoyé des boulets rouges qui ont mis le feu à deux
maisons. Nous avons fini par leur démonter leur artillerie,
avons foncé sur eux, et les six mille brigands se sont enfuis.
Nous en avons tué deux cents et nous sommes emparés de
tous leurs canons. Le coup décisif est porté. Ils sont dans le
plus grand désordre et nous n'avons plus rien à craindre
ici. Nous y avons 3,000 hommes . »
J.-M. Gaudin ne s'empressa pas de faire lui-même le rap-
port de la victorieuse défense des Sables dont il était l'au-
teur principal. C'est seulement un an plus tard, et pour se
défendre contre des accusations de fédéralisme et même de
royalisme proférées par Bourdon (de l'Oise], qu'il se décida
à rappeler ses titres à la reconnaissance nationale. Voici son
bref récit de la nuit et de la journée du 29 mars'' :
« J'écrivais lettres sur lettres à mon collègue Niou,
à la Rochelle, pour lui faire savoir ma situation, et, de son
* Voir plus haut dans notre premier article.
» Lettre affichée en placard à Niort et à Fontenay ; A7-ch. ?iist. de la guerre,
armée des Côtes.
* Compte rendu au Comité de sûreté générale par Gaudin, député de la
Vendée, 3 p. in-8, 5 mars nui, collection Bondonneau, Arch.nat. AD XVI 79.
LE SIÈGE DES SABLES-D'OLONNE EN 1793 i07
côté, il faisait tous ses efforts pour me secourir prompte-
ment ; mais il n'arriva à temps qu'une compagnie de grena-
diers de Bordeaux et un petit détachiement de volon-
taires rochelais. La garnison des Sables se montait en tout à
quatorze ou quinze cents hommes. Nous n'avions pas mille
hommes bien armés; les brigands parurent sur les trois
heures du soir ; ils étaient dix-huit à vingt mille hommes. Ils
s'emparèrent d'abord des villages environnant la ville et
vinrent, dans la nuit, établir leurs batteries à trois cents
toises de ses murs, à l'embranchement des routes de
Nantes et de Beauvais. Leur cavalerie fit replier nos avant-
postes qui tirèrent sur elle quelques coups de fusil. Cette
manœuvre était pour qu'on ne s'aperçût pas de leurs tra-
vaux; mais j'en avais déjà eu connaissance, et, après avoir
fait tirer à grosse mitraille une pièce qui enfilait la route, afin
de la nettoyer, je pus les reconnaître et disposai mes bat-
teries en conséquence. Le 29, à quatre heures et demie du
matin, l'ennemi ouvrit son feu. On s'aperçut bientôt qu'il
tirait à boulets rouges et tout fut disposé pour prévenir l'in-
cendie qui n'eut lieu que dans une seule maison, les boulets
étant mal chauffés et les canonniers des brigands fort ma-
ladroits. Il n'en était pas de même des nôtres; en moins de
quatre heures, ils démontèrent les pièces des ennemis,
firent sauter leur forge et mirent le feu à un de leurs tnaga-
sins à poudre, ce qui leur causa une grande frayeur. Nous
en profitâmes ; nous sortîmes sur eux et leur tuâmes plus de
cinq cents hommes; toutes leurs munitions, leurs vivres et
leur artillerie tombèrent en notre pouvoir. Ils avaient près
de vingt bouches à feu, dont deux pièces de 18 livres de
balles. Nous n'avions que quelques gendarmes et cavaliers
volontaires armés de pistolets de poche et de briquets. Les
brigands avaient une cavalerie fort leste; elle nous donna
un spectacle horrible ; nous la vîmes poursuivre et sabrer
des malheureux qui se sauvaient et ne voulaient pas se ba tire;
indigné de cette action atroce, je fis diriger vers elle quelques
408 LE SIÈGE DES SABLES-D'OLONNE EN 1793
coups de canon. Si nous avions eu de la cavalerie, nous ex-
terminions entièrement les armées de Charette, Joly, Savin,
Saint-Pal , etc.;, qui s'étaient réunies pour attaquer les
Sables.
« Le soir même de cette heureuse journée, mon collègue
Niou arriva sur une frégate avec plusieurs bâtiments de
guerre et de transport : ils étaient chargés de troupes et de
munitions. Il vit les. cadavres et. les dépouilles des ennemis ;
il fut surpris du courage que nous avions montré avec si peu
de moyens de défense. Nous avions si peu de canons que je
fus obligé de faire servir de vieilles pièces en fer dont deux
se félirent pendant le combat et ne blessèrent heureusement
personne. Niou vit la maison commune convertie en arsenal
et remplie de poudre que j'y avais fait transporter des pou-
drières situées hors de la ville. La municipalité, dont mon
frère étaijt jnaire, s'était froidement tenue sur ce volcan,
tandis que des boulets rouges le traversaient en tous sens.
Niou ne put s'empêcher. de s'écrier : « Ah! que vous êtes
braves! » Boulard, qui arriva peu après avec le reste de son
armée, rendit le même hommage à la belle défense que nous
avions faite.. . » ,
Un biographe, qui a écrit la viç du conventionnel Gaudin
d'après des papiers de famille qui ne se retrouvent plus',
ajoute aux faits. rapportés dans ce compte-rendu, qu'il ne
connaissait pas, que le boulet qui mit le feu aux poudres de
Joly partit de la batterie du Thabor, et que toute la population
était pendant la lutte aux remparts; «les femmes elles-mêmes
faisaient bonne contenance, excitant les hommes à se bien
conduire. »
Cn. L. Ghassin.
(A suivre.')
\ C. Merland : Biographies vendéennes , t. n, p. 3Ô1-412.
QUELQUES DOCUMENTS INÉDITS
SUR LA VENDÉE
Extraits des papiers de la famille Symonnaidt de Girassac.
Parmi les papiers que M. Courteaud, curé d'Adilly
(Deux-Sèvres), a récemment offerts à la Société des
Antiquaires de l'Ouest, il en est plusieurs qui inté-
ressent la Vendée. Je vais en donner copie :
1. — 1674.
Il est ordonné aux gentilshommes du dernier escadron de Niort,
commandé par le sieur de Ghantecourt, de se rendre à S'-Benoist,
le premier jour de juillet, et à S'-Vincent et la .leard et le Bernard
et auxdits abitans de les resevoir en payant.
Fait au Sables, le 28 juin 1074.
Le duc de la Vieuville*
Par mon Seigneur
Taconnet.
2. — 1674.
Monsieur Chantecour m'ayant chargé de vous envoler copie de
l'ordre qu'il a receu de Monsieur le gouverneur, et vous prier de sa
part de vous rendre le troisiesmo du mois à la couchée à Fontenay,
' Pair de France, chevalier d'honneur de la Reine, gouverneur et lieute-
nant-général pour le roi du Haut et Bai-Poitou, Chàtelleraudaia etLoudunaii.
410 QUELQUES DOCUMENTS INÉDITS SUR LA VENDÉE
pour de là aller audict lieux ordonné, il vous en sera obligé et moy
en mon particulier qui suis, Monsieur,
Votre très humble et très obéissant
PORTEBOUTON.
Le premier de juillet 1674.
A Monsieur Monsieur de petit fief Monsay, à Monsay.
3. _ 1674.
Nous soubsigné, commandant l'un des escadrons de la noblesse
de l'Eslection de Nyort sur les costes de Poictou, certifflons que
Jean Simonneau, escuyer, sieur du Petit-Fief, demeurant à Monzay,
parroisse de Faye-sur-Ardin', a comparu à Luçon à la reveue qui
fut faite des dits gentilshommes, suivant l'ordonnance de Monsei-
gneur le Duc de la Vieuville, gouverneur de cette province de Poitou,
et qu'il a servi dans notre escadron depuis le second juillet jusqu'à
ce jourd'huy qu'il se retire chez luy, suivant l'ordre que nous en
avons reçeu.
Fait aux Sables, le vingt septiesme jour de Juillet mil six c<înt
soixante quatorze.
Chantecour
4. — 1697.
Ce 2 Juillet 1697.
Monsieur,
. 11 vient dans le moment que je vous écris, de m'estre rendu un
pacquetdeM. le Marquis de Vérac, Lieutenant Général de cette
Province, dans lequel j'ay trouvé un Ordre de M^ le Maréchal de
Tourville, daté de la Rochelle, qui porte ordre à tous les Gentils-
hommes nommés pour cette année au Ban de se rendre le dix du
présent mois aux Sables d'Olonnes, en état de servir le reste de
cette campagne et, incontinent vostre arrivée, de vous assembler
pour choisir trois Gentils-hommes pour estre nommé un Com-
mandant, trois pour la place de Commissaire, trois pour celle de
Trésorier et trois pour celle de ControUeur, lesquels vous envoirés
à M^ le Maréchal, pour estre par luy choisis. C'est l'avis que vous
donne.
Monsieur,
Vostre très humble et très obéissant serviteur
PUNGNY
lieutenant particulier
Affaires du Roy.
A Monsieur, Monsieur Simonnault, S"" de Jarassacq, à Niort.
' Jean Symonnault, écuyer, seigneur de Monzay et de Girassac, paroisse
de Faye-sur-Ardin, fils de Pierre, conseiller du roi, élu de l'élection de Niort,
échevin et maire de cette Yille.
QUELQUES DOCUMENTS IiNÉDlTS SUR LA VENDÉE 411
5. — 1697.
Le Marquis de Circé, conseiller du Roy et son grand sénéchal de
Civray et S*-Maixant.
Sertifions à tous qu'il appartiendra que Monsieur de Girarsac s'est
rendeu aux Sables, suyrant l'ordre de Monsieur le Maréchal de
Tourville, lequel estoit nommé pour servire aux ban cete présente
anné et luy avons acordé le présant sertifiquat pour luy valloir et
servir se que de raison.
Falot aux Sables le quatorze juillet 1697.
ClRCÉ.
Cachet armorié sur cire rouge.
6. — 1758.
A La Rochelle, ce 14 Juin 1758.
La Noblesse, dans tous les tems. Monsieur, a témoigné tant
d'empressement pour se signaler contre les Ennemis du Roy et de
l'Etat, que dans les circonstances présentes, où les Anglois pa-
roissent avoir le dessein d'attaquer les Côtes du Poitou, de Sain-
tonge et du Pays d'Aunis, Sa Majesté est persuadée que la Noblesse
de ces provinces se portera avec le môme zèle à lui rendre ses
services.
Elle m'a ordonné de l'assembler dans les lieux que je lui indi-
queray, qui sont, à S'-Jean d'Angely pour la Noblesse du Haut-
Poitou, à Fontenay et Luçon en aide s'il en est besoin, pour celle
du Bas-Poitou, k Saintes pour la Noblesse de Saintonge et à Marans
pour la Noblesse d'Aunis.
C'est pourquoi. Monsieur, en conséquence des Ordres du Roy, j'ay
l'honneur de vous écrire, pour vous dire que Sa Majesté compte sur
votre zèle et votre fidélité et qu'aussi-tôt la présente lettre reçue,
vous vous rendrez avec armes et cheval au lieu indiqué pour l'as-
semblée de Messieurs les Gentils-hommes de chaque Province, où
arrivés, ils choisiront un d'entr'eui pour les commander, sous mes
Ordres. Je le prie, lorsque le choix do Messieurs de la Noblesse de
chaque Province sera fait, de m'en informer, d'attendre mes Ordres
et de se tenir prêt, avec Messieurs les Gentils-hommes qu'il com-
mandera, à se porter où je jugeray qu'il sera nécessaire pour le ser-
vice du Roy.
Les Maires et échevins ^des villes indiquées pour s'assembler,
412 QUELQUES DOCUMENTS INÉDITS SUR LA VENDÉE
auront ordre de fournir des logemens à Messieurs de la Noblesse, à
mesure qu'ils arriveront.
Je suis très parfaitement, Monsieur, votre très humble et très
obéissant serviteur.
Le maréchal dh Senectere
7. — 1775.
Comme Procureur de la Fabrique de Damvix, j'ai reçeu de
Jacques Prunier, de la petitte Bernegoue, à l'acquit de la ditte fa-
brique, la somme de quarante une livres qui me restoit à payer des
frais de l'instance où. j'ai occupé pour laditte Fabrique contre ledit
Prunier et feu M^ de Girassacq, son maître, qui avait pris la garentie.
Fait et cause en la châtellenie de Damvix. dont je tient quitte
ledit Prunier sur son remboursement, ainsy qu'il avisera.
A Maillezay, ce vingt trois mars mil sept cent soixante quinze.
Prezeau.
X. Barbier DE Mont AULX.
ETAT POLITIQUE ET MILITAIRE
DE LA BASSE-VENDÉE ET DU POITOU
DANS LA PREMIÈRE PARTIE DU MOIS D'AOUT 1793
D'après le Rapport des Adjudants-Généraux
GRAMMONT et HAZARD
LE mois de juillet 1793 avail élé néfaste à larrPxée révo-
lutionnaire, en Vendée. En dehors des succès de
Westermann, à Ghâtillon le 3, et de Tuncq à Luçon
le 30, les Républicains n'avaient eu à enregistrer que des
déroutes :1e 5 à Ghâtillon, le ITàMontilliers, le 18 à Vihiers, le
26 aux Ponts-de-Gé. Biron' qu'on accusait en haut lieu d'être
trop mou, mais dont le plus grand tort était d'être brouillé
avec Ronsin% l'adjoint au ministre de la guerre, Biron, dis-je,
* Armand-Louis de Gontaut, duc de Lauzun, né le 13 avril 17i7, célèbre
avant la Révolution par ses aventures galantes, avait suivi Lafayctte en
Amérique; rentré en France, il prit le titre de duc de Biron en 1788, h la
mort de son oncle. Commandant de l'armée du Rhin en 179?, puis de l'ar-
mée des Alpes en 1793. Envoyé en Vendée en mai 1793, destitué le 12 juillet.
Condamné à mort par le tribunal révolutionnaire de Paris le l«'i!invier 1794.
a Charles-Philippe Ronsin, né à Soissons, poète dramatique obscur, lié
avec Danton et Marat. Nommé d'abord, grâce à eux, commissaire-ordon-
nateur ;i l'armée des Pays-Bas, puis adjoint au ministre de la guerre. —
Devenu ensuite général de l'armée révolutionnaire. Condamné à mort et
guillotiné le 23 mars 1794, pour avoir cherché à renverser la Convention.
Tome iv. — Octobre, novembre, décembre. 28
414 ÉTAT POLITIQUE ET MILITAIRE
fatigué de se voir sans cesse dénoncé à la tribune de la Gon- •
vention, avait envoyé sa démission plusieurs fois déjà; elle ne
fut pas acceptée. Mais quelques jours après, une bombe d'un
autre genre éclate sur sa tête. Un nommé Rossignol', la
veille septembriseur, ce jour-là lieutenant-colonel de la
35° division de gendarmerie, a été arrêté àFontenay pendant
qu'il prêchait l'indiscipline et le pillage aux soldats'. On
accuse Biron de cette arrestation faite par Westermann;
deux jours après un décret le rappelle. Le même jour, —
12 juillet, — Rossignol était fait général de brigade\
Aux demandes de secours en hommes, et surtout en véri-
tables officiers^ sachant leur métier, la Convention et le
Conseil exécutif répondaient par l'envoi d'un nombre incal-
culable de commissaires et d'agents de toutes sortes a se
' Jean-Antoine Rossignol, né à Paris en 1759, était garçon offèrre lors
de la Révolution. Il se fit bientôt remarquer par l'exaltation de ses opinions,
et se proclama l'un des vainqueurs de la Bastille, quoiqu'il n'eût, dit-on,
aucun droit à y prétendre. Après avoir figuré comme chef d'émeute dans
toutes les insurrections de cette époque, il obtint, par la protection des
meneurs les plus avancés, le grade de lieutenant-colonel, et fut employé à
la 3b6 division de gendarmerie, formée en majeure partie des Gardes fran-
çaises et des vainqueurs de la Bastille ; il futr envoyé en Vendée avec elle,
dès le début de l'insurrection. Brave, mais sans talent aucun, il afficha un
un cynisme révoltant. Nommé général de brigade le 12 juillet 1795, général
de division et commandant en chef de l'armée des côtes de la Rochelle, le
28 du même mois, il fut presque continuellement battu par les Vendéens.
On disait de lui :
Tant que, dans la Vendée, le Rossignol chantera.
L'armée de la République déroutera.
{Mémoires d'un ancien a^hninistraieur militaire, p. 109). — Attaqué et
dénoncé à maintes reprises par les représentants Philippeaux, Goupilleau de
Fontenay, Merlin, Cavaignac, etc., il fut défendu par ses amis Carrier et
Collot d'IIerbois. Arrêté après le 9 thermidor, il fut enlermé au fort de Ham,
où «es amis parvinrent à le faire oublier. Compris dans l'amnistie du 26 oc-
tobre 1795, il prit part en 1796 h, la conspiration de Babœuf et de Drouet.
Traduit devant la Cour martiale de Vendôme, il fut acquitté. Au 18 fruc-
tidor an V, il se décl ra pour le Directoire. Proscrit le premier, après le
18 brumaire, par Bonaparte, puis déporté après l'attentat da 3 nivôse, on
croit qu'il mourut en 1802 dans une des îles de l'Archipel indien.
* Le comte de la Boutetière: Le Chevalier de Sapinaud et les Chefs ven-
déens du Centre, p. 116.
* Savary : Guerre des Vendéens et des Chouans. I, p .^7:^.
DE LA BASSE-VENDÉE ET DU POITOU 415
regardant comme les directeurs de l'armée, blâmant, censu-
rant, exaltant à leur gré les opérations des généraux'», et
dont le seul emploi était de semer la division et la défiance
parmi les troupes. Au lieu d'officiers sérieux et capables, on
envoyait dans l'Ouest un ramas d'histrions et de sans-culotte
dignes des héros des Cinq-Cents Livres, qui les escortaient,
mais incapables de commander à une armée sérieusement
organisée. « C'est ainsi, écrivaient Merlin de Douai et
« Cavaignac, dans leur rapport du 20 juillet', que le citoyen
« Ronsin vient d'être fait général de brigade sans passer
« par aucun des grades intermédiaires\ C'est ainsi que le
« citoyen Grammont" vient, de comédien qu'il a été jusqu'à
« présent, d'être nommé chef de bataillon et adjudant-
« général*. »
Le Comité de Salut public et la Convention ne trouvèrent
d'autre remède à tous ces maux que de décréter, le 2G juillet,
* Rapport des représentants du peuple Merlin de Douai, Gillet et Cavai-
gnac, au Comité de Salut public. — Ancenis, 20 juillet 1793 . — Dépôt de la
guerre, armée des côtes de Brest, section 5, carton 12, à sa date.
' Ibid.
' Ils se trompent, il avait passé par tous les grades en quatre jours. « Si
« l'on devait juger le mérite militaire par un avancement rapide, dit
« l'officier patiùote Savary (I, p. 539), Ronsin pourrait être placé aux premiers
« rangs. Le I*"" juillet 1793, il fut nommé pour son début capitaine au 18^
« chasseurs à cheval, le 2, chef d'escadron, le 3, chef de brigade, le 4, gé-
« néral de brigade. » 11 faut ajouter pourtant qu'il attendit 3 gi'ands mois,
jusqu'au 1 octobre, pour devenir général de division ; mais on le fit en môme
temps chef de l'armée révolutionnaire.
* Nourry, dit Roselly, dit Grammont, né en 175i à la Rochelle, débuta au
Théâtre-Français le 5 février 1779 dans le rC>\e de Tancrède. Sociétaire en
1786, il quiita le Théâtre-Français en 1791, pour la scène dirigée par la
Montausier. Démagogue farouche en 1792, adjudant-général en Vendée,
puis chef d'état-major de l'armée révolutionnaire en 1793 ; condamné h mort
et exécuté le 11 avril 1794.
5 Cette appréciation peu flatteuse était général^ parmi les représentants.
On peut s'en convaincre en lisant cet extrait d'une lettre de Goupilleau,
datée du 13 juillet 1793: «Il n'est pas de sous-lieutenant qui ne veuille
« être général, les généraux en sous-ordre ne cherchent qu'à supplanter le
« général en chef, dans l'espoir de lui succéder; il n'y a pas jusqu'à Ronsin
« quiy aspire, Ronsin qui ne prend pas même la peine de voiler son ani-
« mosité et dont l'entourage révolto ici tout le monde. » — (Papiers Go U'
pilleau, cités par M. de la Boutetiôre, j). 11 H.)
416 ÉTAT POLITIQUE ET MILITAIRE
qu'il serait procédé à l'épuration de l'état-major, pour y'
substituer aux modérés des généraux d'un patriotisme pro-
noncé, lisez : sans-culotte*. — Le ministre de la guerre avait,
deux jours auparavant, fait Rossignol commandant en chef
de l'armée des côtes de la Rochelle, avec le grade de général
de division. Pour compléter son décret, la Convention ap-
prouva, le 27, cette nomination que Ronsin fit mettre le 31 à
l'ordre de l'armée.
Ce même jour, Rossignol remercia Bouchotte'* de sa nomi-
nation, lui disant que l'administration n'était pas dans sa
partie, qu'il s'en reposait sur les lumières et l'activité infa-
tigable de Ronsin ; aussi demandait-il ce dernier comme
chef d'état-major. « Je pars, ajoutait-il, pour Tours, Chinon,
Niort et les Sables^ » Mais Bouchotte se montra peu em-
pressé de répondre. Ronsin d'ailleurs déclina cptte charge*,
aimant mieux conserver sa situation d'adjoint au ministre,
qui, pour obéir aux prescriptions d'un décret récent, allait
lui imposer l'obligation de rentrer à Paris, et l'éloigner ainsi
des régions dangereuses où la guerre était allumée.
C'est sans doute cet abandon de Ronsin qui modifia les
projets de Rossignol ; il ajourna son départ, et nomma, pour
le remplacer dans sa tournée d'inspection, une série de com-
missaires choisis, comme on devait s'y attendre, parmi les
jacobins les plus purs, mais aussi les plus incapables, de son
entourage. Sur la rive droite de la Loire, ni lui, ni l'adjoint
ne savaient exactement jusqu'où s'étendait son comman-
dement. Il envoya de ce côté deux commissaires, sans
mandat régulier, qui, ngn contents de visiter les postes de
Saint-Georges-sur-Loire et d'Ingrandes dépendant de l'armée
* Jean-Baptiste-Xûël Boochotte, né à Metz le 23 décembre 1754, militaire
à 16 ans, capitaine de hussards en 1792, lieutenant-colonel, gouverneur de
Cambraj, puis ministre de la guerre le 4 avril 1793.
' Dépit de la Guerre: Armée des Cotes de la Rochelle ; section 5, carton 4.
* Henri Wallon : Les Représentants du Peuple en Mission et la justice
révolutionnaire dans les départements en Van II. Tome i, p. 147.
DE LA BASSE-VENDÉE ET DU POITOU 417
des côtes de la Rochelle, se rendirent à Varades et à Ancenis,
qui étaient dans le ressort de l'armée des côtes de Brest et
qu'occupaient des troupes aux ordres de Ganclaux'. On prit
ces commissaires pour des espions, et ce ne fut qu'à
grand'peine qu'ils obtinrent du représentant Cavaignac
d'être renvoyés à Saumur^
En Basse- Vendée, Rossignol délégua des militaires, mais
quels militaires! les adjudants-généraux Grammont et Ha-
zard, dont les services étaient du même genre que les siens.
Grammont, nous l'avons vu, était un ancien comédien dont
* Jean-Baptiste-Camille Canclaux, né. à Paris le t août 1740. Volontaire
dans un régiment de cavalerie en 1750, colonel en 1772, chevalier de Saint-
Louis en 1793, maréchal de camp en 1788, général en chef de l'armée des
côtes de Brest en 1793, défenseur de Nantes contre les Vendéens, signataire
du premier traité de paix avec Charette, grand officier de la Légion
d'honneur le 14 juin 1804, comte d'Empire et sénateur le 22 octobre suivant,
en 1814 nomiaé pair de France parle roi, mort le 30 décembre 1819.
^ Cavaignac au Comité de Salut public, Ancenis 4 août 1793. (Dépôt de
la Guerre. Armée des Côtes de Brest, section 5, carton 12, à sa date.) Cette
lettre serait tout entière à citer, qu'on nous permette au moins d'en rap-
porter une partie ! « .... Cette armée (celle des côtes de la Rochelle) est
« mal commandée. Ses chefs en général sont des sots, des ivrognes ou des
« fripons. Un trait que j'ai dû recueillir pour vous donner uni idée de leurs
« connaissances militaires et de la régularité qu'ils mettent dans leurs opô-
« rations, le voici : Avant-hier, comme je retournais d'ingrande h Ancenis,
« j'appris, à. Varades, que des individus se disant commissaires du général
« Rossignol et de Ronsin avaient demandé à. connaître l'état de ce poste,
« et que de là ils s'étaient rendus à Ancenis. Je me hâtai de m'y rendre,
« bien fondé à croire que ces deux individus étaient des espions de l'autre
« rive, puisque Varades est l'avant-garde de l'armée d'Ancenis, qui est de
n l'armée des eûtes de Brest et non de celle de la Rochelle, ce que le général
« Rossignol et Ronsin surtout ne pouvaient pas ignorer. Je les trouvai prêts
(( à s'en retourner. Je me convainquis par l'interrogat ('sic) que je leur fis
« subir, qu'ils étaient réellement les envoyés de Ronsin et du général Ros-
« signol, et que ceux-ci ne connaissaient ni la carte, ni la position de l'ar-
« mée à laquelle ils étaient attachés ; qu'ils avaient cru que l'armée d'.\n-
« cenis, commandée par Canclaux, général en chef de l'armée des côte» de
« Brest, dépendait de celle des eûtes de la Rochelle. Je les fis repartir de
« suite, quoique j'eusse peut-être dû les faire arrêter, attendu qu'ils n'avaient
« ni grade militaire, ni mission légale, et que leur démarche pouvait oxciter
« des soupçons contre eux. Jugez par là, citoyens collègues, si l'on doit être
« surpris qu'on fasse dans cette armée de la mauvaise besogne ? Kst-ce donc
« par commissaire que les généraux doivent faire la visite des postes? Ne
« doivent-ils pas y aller eux-m^m'^s, ou envoyer des adjudants généraux qui
« puissent leur rendre des comptes exacts?,... »
418 ÉTAT POLITIQUE ET MILITAIRE
le nom véritable était Nourry. Originaire de la Rochelle, il
avait débuté au Théâtre-Français sous le nom de Roselly ;
après quelques mois, on le siffla tellement qu'il fut obligé de
quitter la scène. I! ne dut qu'à la protection de Marie- Antoi-
nette de pouvoir reparaître en public quelque temps après.
La reconnaissance ne l'empêcha pas, plus tard, de présider
au supplice de sa bienfaitrice, et d'envoyer son fils' tremper
son mouchoir dans le sang de cette malheureuse reine. Il
avait été amené en Vendée par son ami Ronsin ; on sait
comment ses talents y étaient appréciés par les représentants
du peuple. Son collègue, Hazard, était lui aussi un militaire
du même genre : ancien religieux génovéfain, il avait;, dès le
commencement de la Révolution^ donné les plus grandes
marques de son ardeur républicaine. Le 20 novembre 1791,
il était venu à la barre de l'Assemblée législative faire hom-
mage d'un catéchisme patriotique qu'il avait rédigé « d'après
les principes consacrés par la Constitution ». Un peu aupa-
ravant, il avait fondé à Saint-Denis une institution pour l'é-
ducation civique et patriotique des fils d'aristocrates^ Venu
en Vendée avec les bataillons de Paris, il s'était dès lors
attaché à la fortune de Rossignol. Il devint plus tard chef de
l'état-major général de l'armée des côtes de Brest.
Les deux adjudants-généraux partirent le premier août,
ils visitèrent Poitiers, Saint-Maixent, Niort, la Rochelle,
Luçon et les Sables-d'Olonne. Leur mission n'était pas
seulement militaire, le choix de leurs personnes l'indique
assez ; ils devaient aussi s'enquérir de la situation politique,
de l'esprit des populations et des troupes, en un mot faire
une inquisition en règle . Partout oii ils passèrent, ils jouèrent
aux petit s proconsuls, s'arrogeant des pouvoirs qu'ils n'avaient
nullement, s'imposant aux municipalités et aux chefs de
' Il en avait fait son aide-de-camp. A. Nourry- G rammont, né à Limoges,
sous-lieutenant dans l'armée révolutionnaire. Condamné à mort et exécuté
avec son père le 11 avril 1794 ; il n'avait que 19 ans.
" liéimpression de l'Ancien Moniteur, X, p. 421.
DE LA BASSE-VENDÉE ET DU POITOU 419
corps, passant des revues, se faisant donner des escortes.
Nous verrons, d'après î eux-mêmes, qu'ils ne furent pas re-
çus partout avec un grand entiiousiasme. On leur contesta
même les droits auxquels ils prétendaient ; nous verrons
aussi comment ils se vengèrent en dénonçant tout le monde
dans leur rapport.
Le cinq août, ils étaient à la Rochelle, d'où ils envoyèrent
à Ronsin et à Rossignol un premier rapport sommaire que
nous n'avons pas pu retrouver. Mais ils ont consigné leurs
observations tout au long dans un mémoire rédigé aussitôt
leur arrivée à Saumur, le quinze août. Ce mémoire, déposé
aux archives du Ministère delà Guerre', a été analysé en partie
par Savary'. Nous croyons cependant qu'il est assez inté-
ressant pour être publié en entier. On y verra que les villes
de la Basse- Vendée et du Poitou restées aux mains des
patriotes étaient pour la plus grande partie habitées par des
modérés; et les commissaires les soupçonneront toutes
d'être entachées de fédéralisme.
Voici le texte môme de ce rapport :
Arméb des Côtbs Au nom de la République française
DELA Rochelle une et indivisible.
A Saumur, le 14 août 1793, Van Je^ '
de la République.
RAPPORT
Des adjudants-généraux Hazard et Grammont aux généraux Ros-
signol, commandant en chef, et Ronsin, adjoint au ministre delà
guerre, sur la situation politique et militaire des armées des
' Dépôt delà Guerre. Archives historuiues : Armée des cotes de la Ro-
chelle, section 5, carton 4, à sa date.
» Guerre des Vendéens et des Chouans contre la République française,
II, pages 18 à 22.
^ Une main inconnue a écrit au crayon, h, la suite de cette date :« 27 ther-
midor an II. » En fait, nous sommes au 27 thermidor an I.
420 ÉTAT POLITIQUE ET MILITAIRE
côtes de la Rochelle, depuis Poitiers iusqu'axtx Sables-d'Olonne,
inclusivement :
il
Citoyens Généraux,
Le compte rapide que nous vous avons rendu en date de la Rochelle, le 5
de ce mois, par un courrier extraordinaire chargé de toutes les pièces rela-
tives aux états de situation, tant pour le disponible des hommes que pour
celui des vivres et munitions, depuis Poitiers jusqu'à la Rochelle inclusive-
ment, est parfaitement conforme à la vérité ; cependant nous allons revenir
sur toutes ces villes, pour vous donner communication des instructions ulté-
rieures que nous en avons tirées au retour de notre voyage.
POITIERS*.
Cette ville a besoin de la plus grande surveillance. L'esprit public est nul,
les corps administratifs sont gangrenés d'aristocratie; le peu de bons ré;?u-
blicains qui s'y rencontrent sont l'objet de la persécution des autorités
constituées et des chefs de corps^ -, le commandant temporaire et le commis-
• La plus grande partie «les renseignements sur Poitiers contenus dans
les notes de ce modeste travail sont dus h l'extrême obligeance de
MM. Lièvre, bibliotliécaire de la ville, et Prosper Puisay, directeur du très
intéressant Bulletin municipal de la ville de Poitiers. Qu'ils veuillent bien
tous deux recevoir mes remerciements. H. B. D.
■■' Voici les noms des principaux administrateurs et chefs de corps de
Poitiers à cette époque: Président du directoire du département : M. Charles
Montault-Desislks, évêque constitutionnel de la Vienne ; Maire : M. Motel,
orfèvre ; Procureur de la commune : Conneau ; Substitut : Clément père ;
Officiers municipaux : Hélion, Clément, Fradin, Gervais, Chauveau, Des-
seaux, Loindé, Servant et Maury ; Président du Tribunal criminel :
M. Brault ; Président du Tribunal du district : M. Arnault. — M. Montault-
Desisles était né à Loudun le 30 avril 1755, il avait fait ses études clas-
siques chez les Oratoriens de Saumur et son droit ;\ Poitiers, oii il prit sa
licence le 15 janvier 1776 Déjà il était reçu avocat au Parlement, lorsque
la mort d'une jeune fille à laquelle il était fiancé transforma son avenir, dit
M. Port (Dictionnaire historique de Maine-et-Loire). Il entra au séminaire
Saint-Sulpice, puis revint à, Poitiers terminer ses études tliéologiques.
Consacré le 19 avril 1783, il fut nommé de suite vicaire à Loudun. Il adhéra
à la Constitution civile du clergé. Elu en juin 1790 membre de l'administra-
tion du district de Poitiers, en juillet de la même année, membre du direc-
toire du département de la Vienne, il fut appelé par ses concitoyens à
l'évôché constitutionnel de Poitiers le 4 septembre suivant et fut installé le
5 octobre, sans quitter l'administration du département dont il devint pré-
sident. Sa modération bien sincère le désignait aux menaces des terroristes
DE LA BASSE-VENDEE ET DU POITOU 421
saire-onlonnateur de c«tte place* sont à remplacer le plus tôt possible pour
le bien de la République ; le premier n'étant point à la hauteur de la Révo-
lution, et le deuxième étant trop à la bassesse de l'aristocratie. La mesure
urgente à prendre en ce moment serait de jetter (sicj promptement dang
cette place un commandant provisoire sans-culottes (sic) et la déclan r en
état de siège ; sans quoi Poitiers ne nous sera d'aucune utilité dans notre
dernière entreprise contre la Vendée ; il serait trop impolitique de confier
aux autorités constituées dune ville, qui m^iterait sans cesse contre nos opé-
rations militaires, la garde des prisonniers que nous allons faire et le soin
de pourvoir aux besoins de nos armées*.
qui dominaient Poitiers. Dénoncé à plusieurs reprises, notamment dans le
rapport que nous reproduisons, il fut incarcéré quelque temps après, puis
envoyé h Paris pour y être jugé par le tribunal révolutionnaire. Il eut le
bonheur d'y arriver le lendemain du 9 thermidor. Au bout de quelques mois
il recouvra sa liberté, et se retira dans une de ses propriétés, à Loudun. Lors
du Concordat pour le rétablissement du culte catholique, il fut un des pre-
miers à abjurer ses erreurs constitutionelles. Nommé évéque d'Angers le
14 avril 1802, il réorganisa peu à peu son diocèse et y rétablit la paix reli-
gieuse. 11 est mort saintement dans sa ville épiscopale, le 29 juillet 1839.
H. B. D.
' Je n'ai pu découvrir quel était le commandant temporaire de Poitiers
au commencement d'août 1793. Le commissaire-ordonnateur s'appelait-
JuJARDY ;il n'existe à Poitiers aucun renseignement sur son compte. 11 est h
croire d'ailleurs qu'il ne joua dans cette ville qu'un rùle très efifacé, obligé
qu'il était sans doute de suivre les armées. 11 était supplée àl'oiiiers par le
commissaire des guerres, Jean Alexandre, contre lequel porte très vraisem-
blablement la dénonciation de Grammont et d'Hazard. C'est une figure cu-
rieuse à étudier que celle de cet Alexandre ; fils naturel de Jean-Jacques
Rousseau, il était i\ la fois horloger, mécanicien et doreur, avant la Révolu-
tion. Pendant la Terreur, il eut à Poitiers une très grande influence, et
sut se comporter toujours en honnête citoyen, dit son b'Ograplie. M. P.
Puisay. Suspendu de ses fonctions après des dénonciations qui plus tard
furent reconnues calomnieuses, il reprit son ancien métier. En 180?, il
inventa, le premier, un système de communication à longue distance qui
n'est autre chose que cette admirable découverte qu'on appela plus tard la
Télégraphie électrique. 11 voulait donner son invention au Premier Consul ;
malheureusement celui-ci lui refusa une audience de cinq minutes, et
Alexandre, justement froissé, garda pour lui son invention. Il est mort dans
la plus affreuse misère à Angoulême, en 1831.
' C'est là une calomnie purement gratuite et une dénonciation qui coûta
bien cher à ceux qui en furent victimes. MM. Montault, Motel, Alexandre et
autres avaient pourtant donné assez de preuve» de leur dévouement à la
Révolution pour qu'on les épargnât. II. B. D.
422 ÉTAT POLITIQUE ET MILITAIRE
SAINT-MAIXENT'.
Cette place est importante par l'abondance des vivres qu'elle peut procu-
rer à l'armée dans son arrondissement -, mais elle a besoin d'un commandant
temporaire qui ne soit pas de la légion de Westermann' ; elle offrira encore
une grande ressource pour y retirer un grand nombre de prisonniers.
NIORTa.
Cette ville aie plus grand besoin de l'état-major général des sans-
« Cette ville partagea dès le principe l'esprit révolutionnaire le plus
avancé, aussi voyons-nous les commissaires lui être plutôt favorables. Si
Rossignol n'avait pas été arrêté dans ses murs, ils seraient sans doute bien
plus ardents. Les habitants avaient en effet accepté d'enthousiasme la Cons-
titution de 1793, et la Convention avait applaudi à leurs déclai'ations, ap-
portées h la tribune le 20 juillet par Lecointe — Puyraveau.
• C'était le lieutenant-colonel des chasseurs à, cheval de l'ancienne
légion du Nord, devenue la légion de "Westermann, ce pourrait-être San-
doz. Cet officier avait sous ses ordres environ 3,000 hommes, pour la
plupart pillards et indisciplinés. Il ne faudrait pas d'ailleurs croire que
c'est là la raison des termes du rapport qui nous occupe. Rossignol
(il était alors adjudant-général), à son passage à Saint-Maixent, le 29 juin
précédent, avait été dénoncé par ce commandant de place, comme ayant
cherché par les propos les plus incendiaires à mettre la troupe en rébel-
lion contre ses chefs, et s'était glorifié de ces agissements. A\'estermann,
instruit de ce qui s'était passé, « considérant que le citoyen Rossignol a déjà
prêché la même insubordination contre le général Biron à Niort ; qu'il est
urgent d'arrêter les projets d'une personne aussi dangereuse à la tète d'un
corps, qui partout ne prêche que la révolte, » avait pris un arrêté ordonnant
l'arrestation immédiate du chef de la 35<^ division de gendarmerie et sa mise
en jugement (Sarary, I, 328). On comprend dès lors l'animosité de Rossignol
et de ses amis contre Westermann et tout particuliêrent contre l'officier
commandant la place de Saint-Maixent.
• La ville de Niort, dit M. A. Chevallier, se présentait, dès avant 1789,
comme la principale cité du Poitou, sinon par l'importance de sa population,
du moins par l'intelligente activité de ses habitants et la prospérité
chaque jour croissante de son commerce. Cette prospérité, Niort la
devait sans doute, sous l'ancien régime, h son heureuse situation sur le
penchant de deux collines séparées par une vallée fertile qu'arrose la Sèvre,
rivière navigable dans presque tout son parcours. Sans craindre cependent
d'être démenti, on peut affirmer que sa fortune n'a pris tout son essor
que depuis les guerres de la Vendée, époque h laquelle la présence dans ses
murs du quartier général de l'armée républicaine y fit affluer des capitaii-x
considérables (ffist. des villes de France de Guillebert, tome iv). liin récla-
DE LA BASSE-VENDÉE ET DU POITOU 423
culottes, et de la commission militaire* ; l'esprit public est contre-révo-
lutionnaire, et les autorités constituées sont fédéralistes et bironistes». La
première mesure de sagesse est de mettre cette place en état de siège.
Lorsque Tarmôe sortira de Niort, si l'on n'use point de cette précaution, elle
pourra se regarder comme entre deux feux.
LA ROCHELLE'.
Il faut avoir yu la fédération du Dix Aoiit dans cette ville pour juger la
nécessité oîi est la République de porter un œil attentif sur cette place
mant pour Niort la présence de l'état-major général, les commissaires ré-
pondaient aux désirs et je dirai mt'me aux besoins de la population. Il est
à croire qu'ils se firent dans leur rapport, du moins sur ce point, l'écho des
demandes qui leur furent adressées. On devait être en effet très chagrin
du départ de Biron et de l'éloignement du nouveau général en chef resté
jusque-là Ji Tours et à Saumur. Mais on désirait sans doute la présence de
Rossignol dans un tout autre but que celui indiqué dans ce rappport.
' Sans attendi'e la commission militaire, il y avait en fonctions à Niort,
comme partout, un tribunal criminel présidé par Brian, et dont l'accusateur
public était Leblois.
^ Le maire de Niort était à cette épociue Jean- Jacques- Daniel Gi:ii.hE\iEAV,
doeteur en médecine ; il avait été élu en décembre 179 J. Le procureur de
la commune était son neveu, du même nom et médecin comme lui, mort
conservateur de la Bibliothèque de la ville. Les deux Guillemeau et un
membre de la commune, nommé Rouget, avaient, le 15 mars 1793, sauvé la
vie à environ deux cents pi'êtres réfractaires, arrêtés dans les départements de
la Vendée, de Maine-et-Loire et des Deux-Sèvres, qu'on avait enfermés dans
le donjon du château de Niort. Une compagnie d« Marseillais, qui passait
pour aller dans la Vendée, voulait les massacrer avant de partir. Grâce à
l'énergie et au courage des trois officiers municipaux, cette boucherie fut
évitée. Le président du directoire du département étdit René-Jacquen Moris-
SET, né h Niort le 28 février 1765, avocat, membre du district en 1790, pré-
décesseur immédiat de Guillemeau à la mairi* , élu président du dépar-
tement à l'unanimité en 1793. Président de l'assemblée départementale
sous l'Empire, baron, chevalier de la Légion d'honneur, conservateur des
eaux et forêts, député en 1813 et 1814, 181G et 1817, mort en 1826 estimé de
tous. Ses collègues du directoire élaiont en 1793 : Guiluaud, de Parthenay ;
Averti, imprimeur à Niort ; Fribault, de Thouars ; Jard aîné ; Froa ;
Sanzeau, de Parthenay ; Viollkt, de Chef-Boutonne ; Giliun, ancien ora-
torien, était procureur général syndic.
(Renseignements fournis par Vérudit M. Chotard, conservateur de la
Bibliothèque de Niort.)
^ Dans cette partie du rapport, on sent les basses rancunes de Grammont
contre ses compatriotes qui n'ont pas su apprécier ses talents ; son désir de
vengeance apparaît nettement contre tout ce qui tient un rang un peu
4?i ÉTAT POLITIQUE ET MILITAIRE
exposée à nos ennemis ?n/('n"e?i;'5 et extérieurs, le maire', ami intime d»
Biron, à la tête de la cérémonie, faisant crier -. Vive la République, et se
refusant à ajouter une et indivisible^, nous disant très sèchement que cette
addition était sous-entendue ; le général Verteuil*, homme de paille, est le
jouet des nombreux royalistes do cette ville. Le commandant de la garde
nationale, Touron*. faisant les fonctions d'adjudant-général et de com-
élevé dans sa ville natale. Les Rochelais pourtant avaient embrassé de bon
gré les principes révolutionnaires. Seules, un certain nomljre de vieilles
familles avaient montré peu de sympathie pour ce nouveau régime ; mais la
masse de la population n'avait pu admettre la Terreur ; au commencement
de mars, 80 personnes au moins étaient déjà incarcérées pour leurs opinions
modérées. La guerre de la Vendée causa de grandes craintes dans la ville,
qui se voyait à la veille d'être attaquée du cAté de la tei're par les insurgés
et du côté de la mer par les Anglais, dont la flotte bloquait l'entrée du
port. Les habitants formèrent de nombreux bataillons de volontaires, qui
luttèrent avec ardeur contre les adversaires du gouvernement établi.
Un misérable ouvrier horloger, nommé Parent, sans ressources, sans tra-
Tail, arrivé de Paris à la Rochelle en 1790, dominait dans le Club rochelais
des Amis de la Constitution. Il devint, dit Dupont, l'idole des plus ignobles
terroristes et l'efiFroi des citoyens honnêtes. Cet homme fut l'âme de toutes
les mesures de violence prises ;\ la Rochelle et l'organisateur des assassinats
et des exécutions qui eurent lieu dans cette ville. Il ne faisait d'ailleurs que
suivre les instigations de Billaud-Varennes, qui ne cessait de faire retentir
la Convention de ses déclamations contre l'incivisme de sa ville natale,
poussant l'infamie la plus atroce jusqu'à désigner son propi'e père narmi
les ennemis de la République qu'il importait de supprimer. (Conf. Dupont:
Hist. de la Rochelle.)
* C'était Dély, il avait été élu le 2 décembre 179Î. Il fit preuve d'une grande
fermeté et, malgré ses opinions avancées, d'une grande douceur envers les
prisonniers. Surrexcitée par la nouvelle de la défaite subie au l'ont de Saint-
Fulgent par la garde nationale delà Rochelle (16 mars 179S), la population
voulait se porter aux derniers excès. Dans la nuit du 20 au 21 mars, un indi-
vidu nommé Lévèque ayant témoigné son contentement du succès des Ven-
déens, allait être mis en pièces, quand Dély, accompagné des officiers muni-
cipaux Delacoste et Admyrault, se précipite au-devant de ses concitoyens,
lait à Lévêque un rempart de son corps et le sauve par son courage, ainsi
que les prisonniers royalistes qu'on voulait écharper. Malheureusement il
ne put, malgré son dévouement et l'énergie du commandant Thouron, sauver
quelques heures plus tard la vie de quatre malheureux prêtres réfractaires,
que la populace du port finit par égorger (Cf. ibicl. pp. 577 et 580).
' Pour bien se rendre compte de toute la perfidie d'une pareille dénon-
ciation, il faut se souvenir que nous sommes au 15 août 1793, c'est-à-dire à
quelques semaines seulement de l'écrasement des Fédéralistes et des Giron-
dins, alors que P.ordeaux n'avait pas encore ouvert ses portes à Tallien.
^ Verteuil était lieutenant-général avant la Révolution. Lorsqu'éclata
la guerre de Vendée, il commandait à la Rochelle la 129 division militaire.
^ Thouron. Il était commandant de la garde nationale de la Rochelle dès
la formation de ce corps. Au début de l'insurrection vendéenne, il forma
DE LA BASSE-VENDÉE ET DU POITOU 425
mandant temporaire de la ville, homme très suspect, souffrant que les gre-
nadiers des bataillons, au mépris de la loi, portent encore des bonnets à
plaques fleurs délysées*- et des fleurs de lys sur les retroussis de l'habit.
C'est ce môme Touron qui souleva ses bataillons et vint signifier en notre
présence au général Verteuil, au moment où nous allions passer la revue de
la force armée, que ses bataillons ne reconnaissaient que lui pour général,
et nous força d'exhiber nos pouvoirs, et d'en faire lecture au milieu de la
place. C'est ce même Touron qui engagea les chefs de bataillon à ne point
passer notre revue, et fut cause que le nommé Donné à Dieu [sic), com-
mandant du 5« bataillon, s'y refusa formellement et manqua, comme nous
l'avons déjà dit, de causer une insurrection générale; nous regardons
Touron plus coupable que Donnéadieu, qui s'est laissé égarer.
avec sa troupe la majeure partie de l'armée du général Marcé sous les
ordres duquel il servit comme chef de la légion du centre, avec le grade
d'adjudant général. Il assista comme tel à la bataille du 19 mars 1703 entre
Chantonnay et Saint-Fulgent, où les troupes républicaines furent entière-
ment battues. Ce fut lui qui, par son courage, parvint avec Boulard et Es-
prit Baudry à sauver l'artillerie et les débris de l'armée. II fut signalé à la
Convention pour sa bravoure dans cette occasion. {Réimp de l'Ane. Mon.
XV, 784). 11 ramena à la Rochelle sa troupe fort éprouvée. Hélas ! un cer-
tain nombre des gardes nationaux de la ville avaient péri dans la défaite. La
nouvelle de ce désastre amena une émeute, ainsi que nous l'avons vu plus
haut. Thouron, après avoir contribué par son courage à sauver, avec le maire
Dély, les malheureux enfermés à la prison des Dames-Blanches, ne put
malgré ses efforts arracher quatre pauvres prêtres à la fureur populaire.
Dans cette circonstance le chef de la garde nationale ne voulut pas, pour
défendre les prisonniers, ordonner à sa troupe de faire feu sur la populace ;
sans doute ce fut une faute, mais peut-on la reprocher bien amèrement, en
pleine guerre civile, à un homme qui venait de donner tant do preuves de
son courage et de son dévouement, et qui d'ailleurs suivit on tous points les
instructions du maire? Thouron, non content d'avoir payé de sa personne
contre L^s ennemis de l'idée et du gouvernement qu'il servait, avança encore
de sa bourse dix-sept mille livres pour l'oru^anisation et réquii)ement de la
garde nationale, prévoyant bien cependant qu'on ne pourrait le rembourser.
' (Sic). Quel crime abominable ! Avait-on donc le temps et les moyens, au
milieu d'une guerre de lous les jours, de modifier instantanément les uni-
formes ? Ce n'étaient pas d'ailleurs les fleurs de lys qui pouvaient enij)i"cher
les soldats de Thouron de se battre ; les meilleures troupes envoyées en
Vendée, l'armée de Mayence elle-mêmp, avaient encore l'uniforme royal. Et
pourtant c'est avec des niaiseries de cette sorte qu'on faisait alors fusiller ou
guillotiner ses ennemis. Les commissaires laissent trop voir qu'ils cherchent
surtout à faire punir les manques d'égards dont le chef de la garde natio-
nale rochelaise s'était rendu coupable envers eux-mêmes. On comprend du
l'esté qu'un militaire comme lui n'eût pas eu grande considération pour
nos deux adjudants-généraux..
426 ÉTAT POLITIQUE ET MILITAIRE
Nous vous observons, citoyens généraux, que la tour de la Lanterne» ren-
ferme en ce moment plus de mille brigands prisonniers -, il est instant d«
faire passer des ordres très prompts, pour leur translation dans l'intérieur,
soit à Angoulôme, soit au château de Jarnac ; ces prisonniers disent haute-
ment que tant que Biron aurait commandé l'armée patriote, l'armée catho-
lique était assurée de ses succès. La prison de la ville est également engor-
gée de personnes de différents sexes, tant émigrés qu'Anglais-, ils crient im-
punément ; Vive Louis XVII! Il s'en est évadé huit le jour môme de la fédéra-
tion, et l'on n'a fait aucune recherche ni poursuite !!!'' Cette indifférence
nous paraît impardonnable, avec d'autant plus de raison que, dans la nuit
même du 10 au 11, des placards contre la République, et au nom de
Louis XVII, ont été affichés jusqu'à la porte du général Verteuil et dans tous
les coins de la ville. Le décret contre les assignats royalistes a fait lever la
tête aux aristocrates marqués ; les armateurs, négociants et autres riches de
la ville en sont gonflés de rage, mais ils sentent qu'il faut s'y soumettre.
Nous ol)serverons que la masse entière du peuple ne participe en rien à
toutes ces infamies, et que lui seul fait éclater une joie républicaine.
LUÇON^
A notre arrivée dans les environs de cette ville, nous avons trouvé le
* L'entrée du port de la Rochelle était défendue par les trois tours de la
Guine, de Saint-Nicolas, et de la Lanterne, cette dernière un peu sar la
gauche en venant de la mer ; puis, sur un plan plus éloigné, se trouvait la
tour de l'Horloge. Une grande partie des malheureux enlevés ou faits pri-
sonniers dans la Vendée avaient été dirigés sur la Rochelle. Dès le mois de
juin 1793, la tour de la Lanterne en était encombrée ; on dut bientôt leur
affecter aussi les tours Saint-Nicolas et de l'Horloge. A la fin, il sévit, parmi
ces prisonniers accumulés dans des espaces trop restreints, une maladie
contagieuse terrible, qu'ils communiquèrent aux juges qui les envoyaient à
l'échafaud 1 Daas la seule tour de la Lanterne, il périt environ 2&0 pri-
sonniers, 60 furent guillotinés. Les autres, employés à divers travaux par
la municipalité, survécurent à la pacification et furent renvoyés dans leur
pays, après le 15 février 1796.
« L'état des prisonniers vendéens était tel qu'ils excitaient un intérêt
général ; à la Municipalité, au Club de Pai-ent môme, on les appelait les
pauvres brigands. Le Conseil de la commune dut s'occuper d'améliorer leur
sort. (Dupont : Histoire de la Rochelle, p. 583.)
'Autrefois Luçon se trouvait au fond d'un golfe formé par l'Océan ; cette
ville, par suite du retrait de la mer, est ;\ présent située sur le bord du
Marais qui occupe la place de ce même golfe.
DE LA BASSE-VENDEE ET DU POITOU 427
poste des Quatre-Ghemias» fort mal gardé ; il était nuit, et aucune sûreté
n'était prise. Nous en fîmes l'observation au commandant du poste qui ne
sut que nous répondre ; mais un gendarme à cheval nous dit avec une arro-
gance extrême qu'il préferait rancien régime au service de la République.
Nous relevâmes ce propos criminel, en le prévenant que nous allions en
faire notre rapport au général de brigade Tuncq . A peine fûmes-nous re-
connu» à ce poste important, nous dirigeâmes nos pas vers la ville dont
nous trouvâmes le post« d'entrée aussi mal gardé que le premier, une pièce
de canon absolument abandonnée, l'entrée de la ville engorgée par des voi-
tures. Lorsque nous demandâmes l'officier du poste, un canonnier vint nous
dire fort insolemment, après nous avoir fait reconnaître, que nous étions
tGU» égaux, qu'il savait le service, et qu'il n'avait pas besoin de nos obser-
vations. De suite, nous nous rendîmes auprès du général de brigade Tuncq
qui était déjà prévenu de notre arrivée, nous lui fîmes personnellement le
rapport le plus succinct sur la situation des postes que nous venions de
passer. Il nous répondit, avec la morgue d'un vieux général de l'ancien
régime^ , qu'un général de brigade à la tête d'une armée victorieuse'' n'avait
pas besoin de leçons. Nous ne parlerons pas des épithètes personnelles,
parce que nous sommes républicains.
Le lendemain, avant de nous mettre en marche pour nous rendre aux
' I^ste situé en avant et à une demi-lieue de Luçon, célèbre dans les
guerres de la Vendée. Le principal grief des commissaires est, encore lîi, de
n'avoir pas été reçus avec assez d'égards. Le commandant du poste, ou plutAt
camp des Quatre-Chemins,était le chef de bataillon Canikr, sujet anglais qui
servait dans l'armée républicaine. Il ayait la confiance absolue de ses soldats,
ce qui ne l'empêcha pas d'être dénoncé à maintes reprises, et d'èti-e forcé
plus tard à se retirer.
- Tuncq était gendarme de la connétablie de l'Isle de France avant la
Révolution ; il prit les armes après le 10 août 1792, et fut fait général. Em-
ployé dans l'armée de la Vendée en 1793, dénoncé à la Convention, il fut
suspendu et reçut l'ordre de se retirer h 10 lieues du théâtre de la guerre.
C'était le 13 août, l'armée vendéenne menaçait Luçon de toutes parts ; les
représentants Goupilleau et Bourdon de l'Oise ne tinrent aucun compte de
cette suspension, ils créèrent même Tuncq général de division. Le lende-
main, c'est-à-dire quelques jours après la visite des commissaires, il rempor
tait une brillante victoire à Chantonnay. Un échec subi au même endroit,
quelque temps après, permit à Ronsin d'utiliser contre lui les dénonciations
de Grammont et d'Hazard;il fut arrêté et conduit à Taris ; le procès et
l'exécution de ses ennemis le sauvèrent de la guillotine. Emidoyé plus tard
en Italie (1798), il est mort d'une chute de cheval vers la fin de 170').
î Dénonciation assez mal venue : Tuncq était fils d'un tisserand, et nous ve-
nons de voir qu'il était simple gendarme sous Vancien régime.
* Il avait remporté déjà une grande victoire en avant de Luçon le 30 juillet.
/.»;
428 ETAT POLITIQUE ET MILITAIRE
Sables-d'Oloane, noas requîmes le citoyen Percebois*, commandant tempo-
raire de la ville, de nous donner une escorte de cavalerie pour nous accom-
pagner jusqu'aux tables ; nous étions en voiture, les chasseurs étaient à
cheval et se préparaient à nous escorter, lorsque Tuncq arriva, leur défendit
de nous suivre, menaçant le commandant temporaire de la prison, et ajouta,
devant la troupe, que nous n'avions aucun droit à nous faire accomilagner.
Nous ne faisons aucune réflexion sur cette conduite, qui compromettait notre
mission, puisque nous côtoyions les postes avancés des Brigands.
Nous nous sommes donc rendus seuls aux Sables et auprès du général
Boulard^, à Olonne ; l'accueil de ce général, la fermeté, la connaissance dans
ses devoirs, voilà ce que nous avons aperçu dans Boulard. Forcés de repas-
ser encore par Lucon et de là nous porter à la pointe de l'Aiguillon^, comme
nous y avait invités le général Boulard, afin de prendre connaissance de
cette plage qui offre depuis longtemps aux émigrés la facilité d'une des-
cente, nous fîmes à la municipalité de Lucon une réquisition pour avoir
deux chevaux, mais bientôt Tuncq s'opposa, sous de vains prétextes, et re-
tarda notre départ jusqu'au lendemain, et ce ne fut qu'à une prière particu-
lière de Grammont que nous obtînmes deux chevaux d'un particulier de
l'endroit.
Nous ne pouvons passer sous silence l'activité du commandant temporaire
Percebois, brave et ferme dans ses devoirs. Les menaces arbitraires et les
mauvais traitements dont nous avons été témoins n'altèrent point son cou-
rage répjblicain. ^
Nous vous demandons, citoyens généraux, l'élargissement du citoyen
Philippe Guesdon, espion de la République, et qui a bien servi son pays ;
cet homme essentiel à notre armée a encouru l'animadversion arbitraire de
Tuncq parce qu'il a reçu de nous une indemnité de cent livres avec pro-
messe de se rendre à Niori sitôt que l'état-major y serait. Les pièces ci-
jointes^ vous prouveront son innocence et l'injustice de sa détention. Nous
vous remettons également deux pièces authentiques qui attesteront la ma-
nière arbitraire dont Tuncq se fait délivrer des rations pour son armée et
élude sa responsabilité.
« Percebois, chef de bataillon, s'était distingué à la bataille du 30 et avait
mérité les éloges de son général.
» Henri-François Boulard, né à Paris vers 1746 ; mort à la Rochelle vers
l'an III (171)4). Chevalier de Saint Louis et major du régiment de la Vieille-
Marine avant la Révolution ; colonel du 60« de Ligne, puis général de brigade.
11 se distingua par ses talents et sa bravoure dans la guerre de Vendée, où
il commanda malgré lui.
î Canton de Luçon, département de la Vendée.
•' Malheureusement les pièces annoncées manquent au dépôt de la guerre ;
il eût été intéressant de savoir ce qu'était cet espion dans un pays où les
généraux républicains se plaignirent à chaque instant de n'en point trouver.
DE LA BASSE-VENDÉE ET DU POITOU 429
SITUATION MILITAIRE DE LUGON.
Infanterie 5371 hommes
Cavalerie 4I4 ^
Canonniers 203 »
Total 5988 hommes
treize pièces de canons de quatre avec leurs caissons, et une pièce de huit,
le tout abondamment pourvu de gargousses et de boîtes à mitrailles.
SITUATION MILITAIRE DES SABLES.
l""» colonne 3207 hommes
2» colonne de Baudry 1521 »
1" colonne 153 »
2* colonne 45 >.
^ ^ 1" colonne 214 »
Canonniers ]
( 2« colonne 35 »
Total 5175 hommes
Boulard a huit pièces de quatre et Baudri' trois pièces de quatre et une de
huit, le tout abondamment pourvu.
Infanterie disponible. .
'2» colonne de Baudry 1521
Cavalerie
2* colonne 45
OBSERVATIONS SUR LES VIVRES.
Ces deux armées de Luçon et des Sables peuvent marcher sur-le-champ;
outre leurs magasins particuliers, le moindre succès qui nous ouvrira
' Esprit Baudry était chef de bataillon au 4« régiment d'infanterie de
marine, au début de la gaerre de Vendée. 11 fut employé en cette qualité dans
l'armée du général Marcé. A la déroute du Pont de Saint-Fulgent('19 mars 1793),
il contribua puissamment, avec Thouron et Boulard, à sauver l'artillerie et
les débris de l'armée. Depuis, il avait constamment commandé la 2* division
de l'armée des Sables. Suspendu peu de temps après le rapport deGrammont
et Hazard, il reçut l'ordre de se rendre à, Rochefort-sur-Mer et de n'en pas
sortir. Au mois de juin 1794, alors qu'on craignait une descente îles Anglais,
le représentant Topsent le nomma commandant provisoire de cette place; au
mois de juillet suivant, nous le retrouvons revôtu du grade de chef de bri-
gade, commandant les volontaires nationaux formés avec le 48 régiment
d'infanterie de marine, son ancien corps. {Dépôt de la Guerre. Armi'-e des
cAtes de la Rochelle.)
Tome iv. — Octobre, novembre, décembre. 29
430 ÉTAT POLITIQUE ET MILITAIRE
l'entrée chez les Brigands nous assure des fournitures immenses. Le district
seul de Fontenay renferme des subsistances capables de nourrir l'armée
pendant deux ans ; nous le tenons des administrateurs eux-mêmes de ce
district, et c'est une grande erreur de supposer prendre les Brigands par la
faim.
Parles états ci-joints, vous verrez, citoyens généraux, que l'armée des
Sables a son dixième au moins de malades ; nous vous dénonçons à cet elfet
l'horrible insouciance des autorités constituées des Sables*, qui laissent les
hôpitaux dans un état de pénurie affreuse ; les malades manquent des
choses les plus nécessaires ; au moment où nous y étions, il n'y avait pas un
médicament dans la pharmacie. Le nommé Roi, apothicaire du pays, patriote
comme son nom, a osé refuser les secours qu'il pouvait apporter aux malades,
et a motivé son refus de la manière la plus indécente, injuriant la nation et
avilissant les assignats qu'on lui oflrait pour prix de sa marchandise.
Cependant les fièvres, communes en ce pays pendant les mois d'août et de
septembre, ne seraient rien si l'on purgeait dans les premiers accès, et
deviendront mortelles pour notre armée si l'on ne se hâte d'envoyer des
remèdes.
Vous saurez aussi que depuis deux mois il a été impossible au général
Boulard d'aller en avant : 1° faute delnoyens de sûreté de subsistances
qu'éludaient les autorités constituées des Sables et d'Olonne' ; 2» relativement
aux ordresqu'il reçut du général Ghalboss , en date de Niort, qui lui mandait
* L'Administration municipale des Sables se composait alors du maire
Gatjdin, de Belange, Bécherel, Boulineau, Gobert, Achard, officiers muni-
cipaux, et Rouillé, procureur de la commune. Les Sablais avaient, dès le
commencement de la Révolution, donné des preuves non équivoques de leur
ardeur républicaine. Au début du soulèvement vendéen, sous les ordres du
conventionnel Gaudin, le propre frère du maii*«, ils avaient lutté victorieu-
sement contre les paysans de Jolly et de Savin. Mais Gaudin était brouillé
avec lesterrorist-'s, depuis qu'il avait proclamé à la tribune de la Convention
l'incompétence de cette assemblée à juger Louis XVI; les Montagnards ne
lui pardonnèrent jamais cette intervention.
^ Le maire d'Olonne était alors M. Jannel.
' Fra?i70i5 CuALBos, né ;i Cubières (Lozère). Il était militaire avant la Ré-
volution ; l'émigration d'un grand nombre d'officiers nobles favorisason avan-
cement, mais cet avancement si rapide exalta considérablement son orp:ueil.
Il fut envoyé à Fontenay le 22 mars 17'J3, comme chef de brigade ; fait géné-
ral peu de jours après, il prit part ;\ tous les combats qui eurent lieu dans
cette région avec des alternatives de succès et de défaites. Mommé général
de division après sa victoire du 16 mai à Fontenay, il était à la bataille de
Cliolet le l.') octobre. La modestie do Kléljer fît donner ;i Chalbos le comman-
dement eu chef de l'armée républicaine apivs la retraite de Rossignol. Au
mois de novembre 179^, Chalbos malade obtint de se retirer. Il est mort
commandant de place à Mayence le ?> février 1803.
DE LA BASSB-VENDÉE ET DU POITOC 431
de se tenir prêt à marcher pour l'époque du 20 juillet, et qui révoqua de suite
ce même ordre sans lui en motiver lus raisons. Le général Boulard nous a
donné communication de sa correspom lance; ce rapprochement sera facile
à faire avec les événements du 15 et du 18 juillet*.
Un abus à détruire promptement, c'est la malversation et l'agiotage qui
s'exercent impunément, sous l'autorisation des autorités constituées de»
Sables. Lorsqu'il est question du maximum des différentes denrées qui y sont
sujettes, la loi est ponctuellement observée envers le peuple ; mais lorsqu'un
négociant du pays se trouve pourvu do ces mêmes denrées, le maximum est
augmenté d'un tiers ; c'est ce qui nous a été attesté pir des républicains.
Ce qui surprendra, c'est que les bons habitants des campagnes, que l'on
voulait séduire par la hausse du maximum, ont laissé taxer d'un tiers en sus
et ensuite, de leur propre volonté, ont rejeté cette augmentation frau-
duleuse en se conformant au maximum décrété.
Nous ne cesserons, citoyens généraux, de vous répéter qu'il est instant de
déclarer en état 'le siège toutes les villes pareilles qui avoisinent ces dépar-
tements ennemis de la patrie et infestés d'un aussi abominable brigandage.
Nous vous observons que, depuis une lieue de Saint-Gilles' jusques et
près la rivière de Nantes, les Brigands occupent la côte, ce qui peut lournir
une étendue de huit lieues. Le drapeau blanc y flotte de manière que ce
signal détestable attire les scélérats qui veulent se coaliser avec les Brigands.
Il existe à l'île d'Aix, près la Rochelle, un excellent bataillon de la Cha-
rente-Inférieure, particulièrement exercé dans les meilleurs principes, et qui
brûle du désir de combattre l'ennemi. Il sollicite à grands cris d'être em-
ployé-, on peut d'autant plus facilement le satisfaire qu'il serait important
de le remplacer par un bataillon de Lot-et-Garonne campé actuellement sous
les murs de la Rochelle, qui n'est ni discipliné, ni exercé; des commissaires
envoyés par ce département nous ont fait eux-mêmes la demande de cet
échange qui vous paraîtra utile pour le bien de l'armée.
Yoilà, citoyens généraux, le rapport exact et succinct de tous les rensei-
gnements que nous avons pris dans la mission que vous nous avez conliéc,
l'espace de quatorze jours.
Les adjudants-généraux,
Hazard. Gram.mont.
• Les ordres de Chalbos existent encore au Dépôt de la Guerre, et dans
l'un d'eux '20 juillet 1793) le général suspend le mouvement on avant or-
donné par sa lettre précédente (qui porte la même date), en expliquant qu'il
vient d'apprendre la déroute de Vihiers(18 juillet) etqu'il convient d'attendre.
» Saint-Gilles-sur-Vie, chef-lieu de canton du département de la Vendée
dans l'arrondissement des Sables-d'Olonne ; petit port assez important situé
432 ÉTAT POLITIQUE ET MILITAIRE
Comme nous le disions au début de cette étude, on voit que
ce rapport est bien plus une œuvre de délation et de ven-
geance qu'un exposé sérieux de la situation militaire du
pays. Il n'en pouvait être autrement; les commissaires se
sont surtout préoccupés de satisfaire leurs rancunes person-
nelles et celles de leurs amis, en dénonçant les uns et les
autres, et particulièrement Montault-Desilles et Tuncq, qui
ne durent qu'à d'heureux hasards d'échapper au supplice qui
les attendait.
Grammont ne resta pas longtemps en Vendée ; en récom-
pense de ses services, son ami Ronsin l'emmena avec lui à
Paris. L'adjoint au Ministre de la guerre en fit son chef
d'état-major à l'armée révolutionnaire, et l'ex-comédien
put parader tout à son aise dans les bureaux de la rue de
Ghoiseul. On le vit, en costume militaire, jouer au naturel
les rôles tragiques*. Mais son triomphe fut court ; un décret
du 16 nivôse an III (5 janvier 1794) ordonna sa mise en accusa-
tion avec son fils, Chaumette', Beysser^ et 21 autres personnes
prévenues d'avoir trempé dans le complot d'Hébert, Gloots
et Ronsin. Poursuivi devant le tribunal révolutionnaire de
Paris, le 21 germinal suivant (8 avril 1794), il fut condamné à
à l'embouchure do la rivière de Vie, dans le fond de la baie de la Gâchera.
La côte, occupée par les Vandéens de Charette, n'était guère abordable du
côté de la mer, l'ile de Noirmoutiers étant à ce moment occupée par les
Républicains.
* Nouvelle Biographie universelle, de Rabbe et autres.
2 Pierre-Gaspard, dit Anaxagoras Chaumette, né à Neversle24mars 17G3,
clerc de procureur avant la Révolution, membre puis procureur de la
commune de Paris, l'un des chefs du parti Hébertiste, dans la ruine duquel
il périt.
' Jean-Michel Beysser, né h Rlbauvillers, en Alsace, chirurgien dans un
régiment des Indes Orientales, puis capitaine au service de la Hollande.
Rentré en France au commencement de la Révolution, il était colonel
de dragons à Lorient en 1791 ; fait général de brigade au début de
l'insurrection vendéenne, il fut l'un des plus braves défenseurs de Nantes
contre l'armée catholique, en juin iVîi3. Destitué comme fédéraliste, puis
replacé, ses ennemis surent le faire impliquer dans la conspiration d'Hébert
et de Ronsin, i\ laquelle il paraît avoir été complètement étranger. Il
passait pour être un des plus beaux hommes de France.
DE LA BASSE-VliNDÉb: ET DU POITOU 433
mort après quatre jours de débats, pour avoir, dit le juge-
ment, « de complicité avec Ronsin, Hébert, Cloots et autres
« déjà frappés du glaive de la loi, conspiré contre la liberté
a et la sûreté du Peuple français, envoûtant troubler l'Etat
« par une guerre civile, dans laquelle des conjurés devaient
« dissoudre la Représentation nationale, assassiner ses
« membres et les patriotes, détruire le gouvernement répu-
« blicain, s'emparer de la Souveraineté du Peuple, et donner
« un tyran à la France'. »
Plus heureux, Hazard, devint chef de l'état-major général
de l'armée des côtes de Brest, lorsque Rossignol en reçut le
commandement ; on le retrouve à Malo en février 1794. Il
sut pourtant abandonner assez à temps son protecteur pour
n'être pas complètement entraîné dans sa disgrâce. Empri-
sonné d'abord en même temps que Rossignol, mais vigou-
reusement défendu par le représentant Savary, il réussit à
échapper aux conséquences de la révolution du 9 thermidor.
«J'ai vu avec peine sur la liste des généraux, s'écriait en
« 1795 le représentant Goupilleau, un nommé Hazard qui il
« y a six ans était génovefain, il y a deux ans maître d'école,
.« et qui depuis a été le principal agent de Rossignol, qui a fait
tt avec lui les guerres de la Vendée et participé aux horreurs
« qui ont été commises. Ce Hazard a même été en prison avec
« lui, et aujourd'hui il est employé dans nos armées avec un
« grade supérieur'- ! »
Il devint général. Assez adroit pour se faire oublier, il passa
inaperçu au milieu des bouleversements qui dès lors se suc-
cédèrent avec rapidité.
H. Baguenier-Desormeaux.
' Réimpression de Vancien Moniteur : XX, 191 et 203.
Ibid XXV, 370.
SOUVENIRS DE JEUNESSE
DEUX VENDÉENS AUX JEUX FLORAUX'
-ONOOgOOO-
. . Mes études terminées au lycée de Bourbon-Vendée et
mon diplôme de bachelier ès-lettres conquis à Poitiers (1849),
j'étais rentré près de mon père, à Luçon. Je rimais à peu
près chaque jour, et les pièces s'entassaient au fond d'un
tiroir secret à ce réservé.
Sur ces entrefaites, j'avais été mis en rapport avec le curé
d'un village des environs de la Bretonnière, M. l'abbé Hip-
poly te Lamontagne, qui avait, lui aussi, la passion de la rime
etqui s'était surtout adonné à la fable. Nos relations devinrent
bientôt intimes. Nous nous visitions souvent : je franchissais
lestement la distance qui me séparait de la Bretonnière, et le
bon curé venait, de temps à autre, déjeuner avec nous. Il
était aimable, gai, spirituel. Mon père ne Taimait pas moins
que moi.
Un matin, en déjeunant à la maison, M. Lamontagne nous
parla d'une certaine Académie des Jeux Floraux, de Toulouse,
qui décernait des fleurs, chaque année, aux meilleures pièces
' A l'occasion de la mort récente de son « vieux maître et bien tendre ami »
M. l'abbé Lamontagne, notre cher poète vendéen Emile Grimaud a eu
l'aimable pensée de détacher pour nous cette page inédite de ses Souvenirs
de Jeunesse.
DEUX VENDÉENS AUX JEUX FLORAUX 435
devers qu'on lui envoyait. J'en isrnorais absolument l'oxis-
tence. Nous résolûmes de nous renseigner à ce sujet et de
concourir. Mon père insinuant que M. le curé seul avait des
chances de succès : « Eli bien I lui dis-je, si je remporte une
fleur, t'engages-tu à me laisser l'aller chercher? Me paieras-
tu le voyage de Toulouse? » — « Oh 1 bien volontiers ! et, en
prenant cet engagement, je ne cours pas grand risque, » flt-il
en riant. — « Monsieur le curé, répondis-je^ vous êtes
témoin de la promesse ; je la rappellerai en temps et lieu. »
Et nous concourûmes. M. Lamontagne avait envoyé une
ode : Conquêtes de la Religion et de la Science, et une fable :
L Ecole des Amis ; moi, une hymne à la Vierge : La Chapelle
de Marie, et une fable : L'Alouette et le Moineau.
Un matin du mois de mars (1853) — une neige épaisse
couvrait la terre — le facteur sonne à notre porte et remet
un large pli à mon adresse, portant cette mention : « Aca-
démie des Jeux Floraux. » M. le vicomte de Panât, secrétaire
perpétuel, m'annonçait que ma fable avait remporté le prix.
J'avais gagné mon voyage de Toulouse !
Je pris, comme on dit, mes jambes à mon cou, et, malgré
la neige, je me rendis à la Bretonnière. Il me tardait, d'une
part, d'annoncer ma réussite à mon compagnon de poésie ;
de l'autre, de connaître la sienne ; car je ne doutais pas qu'il
ne fût couronné lui aussi.
En me voyant apparaître, le bon curé, stupéfait, s'écria :
(j Eh ! mon très cher, qui donc peut vous amener par un
temps pareil?.. . » — Je lui montrai la bienheureuse lettre
de M. de Panât. Pour lui, il n'en avait reçu aucune; ce qui
m'étonna et me contraria beaucoup. J'étais confus, je l'avoue,
de l'emporter, avec mes vingt ans, sur un homme de près de
quarante, et d'un talent mûr et éprouvé.
En somme, notre tentative n'avait point si mal réussi : le
bon abbé avait ses deux pièces imprimées au recueil des
Jeux Floraux; l'une des miennes, la Chapelle de Marie, parti-
436 DEUX VENDÉENS AUX JEUX FLORAUX
cipait au même honneur, et l'autre remportait la primevère
d'argent.
Tandis que je nepersistais pas à concourir, M. Lamontagne
n'abandonnait point la lutte, et, un peu plus tard, il obtenait
un œillet pour sa piquante fable : Le Loup renvoyé absous.
Emile Grimaud.
LE GÉNÉRAL DE GATHELINEiU
-X*-
JE professe à l'égard de nos gloires vendéennes une trop sincère
admiration pour ne pas m'incliner respectueusement devant
la tombe à peine fermée qui vient de recevoir la précieuse
dépouille du général de Catlielineau, et rendre un dernier hommage
à la mémoire de celui qui ne fut pas seulement l'honneur du parti
royaliste, mais de la France entière.
Petit-fils de héros, héros lui-même, Henri de Cathelineau avait à
peine l'âge de porter les armes, qu'il combattait déjà vaillamment
aux côtés de son père, — ce digne fils du Sami de l'Anjou, que iix
Restauration avait anobli et que les soldats de la monarchie de
Juillet tuèrent dans une ferme des environs de Jallais.
Henri Cathelineau, condamné lui-même à mort par coutumace,
réussit à se réfugier en Suisse, d'où il passa au Portugal avec le
maréchal de Bourmont, le vainqueur d'Alger au service de don
Miguel. En rentrant en France, il épousa M"« de Kermel, d'une an-
cienjne famille bretonne, et eut quinze enfants dont dix sont en-
core vivants : quatre fils et six filles.
On le retrouve en 1860 à Rome, cherchant à organiser pour la dé-
fense du Saint-Siège un corps de croisés. Mais cette idée n'ayant
pas été approuvée par Pie IX, Cathelineau revint en France et vécut
oublié dans sa modeste résidence du Pin-en-Mauges jusqu'au jour
où l'invasion allemande lui remit i'épéeà la main. Après nos pre-
mières défaites, ce soldat de race courut i\ Tours et obtint l'autorisa-
tion de former un corps franc où chefs et soldats combattirent
comme s'ils avaient tous été dos Cathelineau.
Fait successivement, au cours de cette valeureuse campagne
438 LE GÉNÉRAL DE CATHELINEAU
cheralier de la Légion d'honneur, officier et général de brigade,
Henri de Cathelineau licencia sa troupe après la Commune et rentra
dans la vie civile, gardant jusqu'à la dernière heure, sans tapage
comme sans faiblesse, sa foi en la branche ainée de la Maison de
France.
Bien qu'âgé de soixante dix-huit ans, il semblait, par sa démarche
vive et son robuste tempérament, devoir résister à tous les chocs.
Il a suffi d'un vulgaire accident, arrivé au château de Squividan,
près Quimper, chez un neveu de M"'* de Cathelineau, pour l'emporter
en quelques jours.
Son éloge peut se résumer dans ce mot du maréchal de Canrobert :
« Je ne sais ce que pensent de Cathelineau ses amis, mais si je
savais le nombre des braves, je saurais aussi le nombre de ses
admirateurs. »
Les funérailles ont eu lieu, le 26 novembre, au Pin-en-Mauge,
le berceau des Cathelineau, au milieu d'un immense concours de
peuple, de noblesse et de clergé. A sa glorieuse dépouille, on avait
joint dans un même triomphe le corps de son père et les restes du
généralissime de 1793, que les petits-fils des Géants de la Vendée
militaire s'étaient fait un devoir d'escorter en armes.
Et maintenant les trois Cathelineau, réunis dans une seule et même
gloire, reposent sous les modestes dalles de l'église paroissiale du
Pin-en-Mauges, à l'ombre de l'étendard du Sacré-Cœur qu'ils
avaient pris pour blason, et du drapeau blanc fleurdelysé qu'ils ont
teint si souvent de leur généreux sang.
R.V.
CORRESPONDANCE
UN MOT PERSONNEL
SERAIT-IL toujours exact qu'avec trois lignes d'un homme, on
peut le faire pendre ? — Au cours de la monographie histo-
rique et archéologique que je consacrais récemment, dans les
Paysages et monuments du Poitou^ au canton de la Châtai-
gneraie, j'ai dû, à l'article fiazo^(î5-(3n-PrtrecZ.9, rappeler, pour être
complet, le tragique événement dont le château de Pulteau avait
été le témoin en 1793. Sachant, du reste, combien il est délicat de
toucher à ce chapitre de notre histoire locale, je m'étais borné en
note à cette simple mention :
« O^est dans la cour du château de Pulteau qu'une colonne répu-
« blicaine^ se rendant en 1793 de la Châtaigneraie à la Caillère,
« massacra plusieurs habitants des villages environnants qui y
« étaient venus chercher asile et protection. «
Et, pour bien prouver qu'il n'y avait dans l'évocation de ce souve-
nir historique aucune intention malveillante, j'ajoutais :
a Le même château évoque le souvenir du docteur Loyau, ancien
député, qui y fit le premier essai de culture d\i topinambour, du
maïs-fourrage et du trèfle incarnat. »
Le descendant de M . Loyau en a pensé autrement et, oubliant —
440 CORRESPONDANCE
naturellement — l'hommage auquel je n'étais point tenu, il s'en
prend à moi de ce qu'à tort sans doute la tradition populaire, dont
je n'ai que faire, accuse son ancêtre de n'avoir pas empêché le
massacre de 1793. La Revue rîi^ ^«5-^ Poi^oif n'ayant pas été préci-
sément créée pour venger les gloires méconnues des anciens
patriotes, j'aurais pu me contenter d'opposer un sourire à une ré-
clamation dont la teneur de ma note démontre suffisamment
l'inanité. Mais j'ai réfléchi qu'en ce faisant, j'exposerais l'aimable
directeur des Paysages- et monuments du Poitou à des désagréments
qu'il ne mérite pas. Je vais donc combler les vœux de M. Loyau en
rééditant gracieusement la déclaration que son ancêtre faisait, le
28 août 1793, aux autorités de Fontenay.
Qu'apprendra-t-elle au public ? Absolument rien, si ce n'est un
nouveau crime de la Révolution, qu'un plus habile ami de cette
dernière eût pris soin de cacher. ,
René Vallette.
« Je déclare qu'étant depuis quelques jours avec ma femme et une de mes
nièces à ma maison de Pulteau, commune de Basoges, district de la Châ-
taigneraie, j'ai eu connaissance, le 8 pluviôse, qu'une colonne de l'armée ré-
publicaine était arrivée à la Châtaigneraie, que de là elle devait se porter à
la Caillère, chef-lieu de canton, à trois quarts de lieues de la maison de
Pulteau. Bien persuadé qu'un patriote n'avait rien à craindre de l'armée,
j'allai le lendemain, jour de la décade, sur les neuf heures du matin ; j'en-
tends dans le village, dont ma maison fait partie, le bruit de chevaux ; à ce
bruit, je sors dans ma cour et je m'avance pour aller au-devant de l'armée.
Le le"" cavalier qui m'aperçoit brûle deux amorces sur moi ; je lui dis que je
suis patriote et que les armes républicaines ne doivent être tournéesque
contre les ennemis de la chose publique; je vais alors parler à un chef qui
n'était pas encore dans ma cour; le cavalier que je venais de quitter aper-
çoit dans la cour ma femme et ma nièce ; il va sur elles le pistolet à la
main et leur demande le portefeuille ; je rentre dans la cour qui, quoique
grande, se trouve remplie par la cavalerie et plusieurs volontaires ; je fus
consigné dans ma maison avec ma femme et ma nièce ; un officier m'arracha
m.a montre et mon 'portefeuille, et le pillage le plus horrible eut lieu. Ce
que les brigands n'avaient pas emporté, les patriotes l'enlevèrent. L'armée
qui avait investi le village et qui s'était portée dans les villages voisins
s'était emparée de plusieurs habitants. Ces habitants furent fusillés sans
forme de procès; 27 périrent dans ma cowr. Dans ce nombre, des hommes
tranquilles furent sacrifiés. Les membres de la Commission municipale cou-
rurent les plus grands dangers ; ils furent traités de brigands et pillés
comm,e tels.
A Fontenay, le 28 août, l'an deuxième de la République française, une et
indivisible. Signé : Loyau.
[Extrait de la guerre de la Vendée et des Chouans, ■par Lequinio, repré-
sentant du peuple, député par le département du Morbihan. A Paris, i*""
Brumaire an III).
CORRFPPONDANnE 441
II.
VICTIME DU TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAmE
Il a été plusieurs fois question, au cours des travaux publiés
dans la Revue, du rôle considérable joué à Fontenay, au début de
la Révolution, par M. Pichard du Page, procureur-général-syndic.
Son arrière-petit-fils, M. Quentin Pichard du Page, nous prie de
compléter les renseignements donnés précédemment par ces
quelques lignes empruntées au Dictionnaire des Familles du Poitou
de M. Beauchet-Filleau :
« Pichard du Page, dénoncé une première fois lors de la prise
d'armes vendéenne, fut traduit devant un Conseil de guerre comme
l'un des promoteurs de la rébellion. Mis en liberté, il vit — et c'é-
tait un triste présage — ses juges dénoncés pour avoir prononcé
son acquittement. Dénoncé par Carrier et Fayau, il fut l'objet d'un
décret spécial de la Convention nationale qui l'appelait à compa-
raître devant le tribunal révolutionnaire de Paris, qui le condamna
à mort le 28 avril et le fit exécuter le 6 mai 1794. »
III.
CHEZ NOS VOISINS
EXCURSION AU PAYS SAINTONGEAIS
Monsieur le Directeur,
Je viens vous donner le compte rendu de l'excursion annuelle
de la Commission des Arts.
La Société avait choisi cette année, pour but de ses pérégrina-
tions, l'arrondissement de Saintes. La date de l'excursion était le
442 CORRESPONDANCE
11 juin : quinze membres s'étaient fait inscrire, parmi lesquels nous
comptions quatre dames.
Notre sympatliique président, M. Musset, n'ayant pu se joindre
à nous, c'est M. Xambeu qui est cliargé de conduire la caravane,
secondé à merveille par M. Poirault, trésorier de la Société. Voici
les noms des autres excursionnistes. Nous devons placer au pre-
mier rang, M. Fouau, promoteur de l'excursion, M. l'abbé Noguès,
Aymard, le baron Oudet, sa femme et ses deux filles, M^^» Poirault,
Lacour, juge d'instruction à Saintes, L. Béraud, avocat à la
Rochelle, Pédezer, ingénieur des chemins de fer de l'État, et...
votre serviteur.
Vers huit heures, nous arrivons à la station de Gemozac, im-
portant chef-lieu de canton de l'arrondissement de Saintes. Le
clocher en forme d'éteignoir attire de loin les regards. Cet édifice
n'offre rien de bien intéressant, sauf la coupole rappelant le ro-
mano-bizantin et quelques chapiteaux de même style. Le reste
est moderne. Il existe près de Gemozac un monticule entouré de
fossés. D'après la tradition il faudrait y voir les restes d'un fort
construit à l'époque des guerres de religion.
En 1589, le maréchal de Matignon, commandant l'armée catho-
lique, se rendit maître du château. Malheureusement, il n'y a plus
de traces de cette motte féodale, appartenant en 1641 à Louis
Bouchard d'Aubeterre, mort en 1655.
Cette famille d'Aubeterre était une des plus illustres de Sain-
tonge. François Bouchard, vicomte d'Aubeterre, fut maréchal de
France sous Louis XIII.
Nous prenons la route de Mortagne-sur-Gironde, petite ville
située à 14 kilomètres de Gemozac. Le soleil est radieux et tout fait
présager que nous aurons une journée splendide pour exécuter
notre scientifique promenade. La route est plantée de beaux arbres -,
à droite et à gauche, on longe des prairies entrecoupées de bois
et de vignes nouvellement replantées.
Après avoir dépassé le chemin de Madiou, village renfermant les
restes d'une abbaye de bénédictins, on traverse la Scudre, une des
rivières les plus importantes du département, mais c'est ici un
ruisseau insignifiant parce que nous sommes très rapprochés de
sa source. Un peu plus loin, nous passons au milieu de landes rap-
pelant celles des environs de Bordeaux. Enfin, nous découvrons à
l'horizon le clocher de Mortagne .
Je ne parlerai point de l'église de cette localité parce qu'elle
CORRESPONDANCE 443
n'offre aucun intérêt archéologique. Je me contenterai de dire que
la situation de Mortagne-sur-Gironde est ravissante, gracieusement
perchée sur un coteau dominant la rive droite du deuve. Possé-
dant fort peu de documents concernant l'histoire de cette bour-
gade ayant obtenu au moyen âge le titre de ville, je sais seule-
ment qu'il existait là une citée importante pendant l'occupation
romaine, puisque l'on a découvert des traces de thermes remon-
tant aux premiers siècles de l'ère chrétienne. Dans les environs
on voit encore les vestiges d'une forteresse jadis importante. Sous
le règne de Charles VI, en 1407, les barons de Saintonge, soumis à
l'autorité royale, s'emparèrent de cette citadelle et chassèrent du
pays les Anglo-Gascons.
Nous nous rendons à l'Ermitage de Saint-Martial consistant en
une chapelle et plusieurs chambres creusées dans le roc. Le pre-
mier évéque de Limoges, vivant dans le premier siècle de la chré-
tienté, était venu, d'après la légende, s'établir sur les bords de la
Gironde avec un certain nombre de disciples. Dans la chapelle, la
balustrade du choeur est monolithe, quoique percée à jour. Deux
statues sont placées de chaque côté de l'autel : l'une représente le
saint patron du lieu et l'autre saint Antoine. Par un escalier, éga-
lement creusé dans la roche, nous arrivons au sommet de la ialaise.
Vue splendide sur les côtes du Médoc. Près de notre observatoire,
se trouve un moulin à vent hors de service, servant d'ânier aux
navigateurs.
Le déjeuner a lieu au port de Mortagne -, puis on remonte en
voiture pour Saint-Seurin d'Uzet. Avant d'arriver à cette localité,
nous visitons le château du lieu appartenant à M. le marquis de
Saint-Seurin. Bien que le propriétaire soit absent, nous sommes
admis à visiter cette gentilhommière consistant seulement en un
vaste rez-de-chaussée. Une terrasse, ornée d'une balustrade imitant
le style Louis XVI, entoure le terrain occupé par la maison. La mer,
en grondant furieusement, vient battre le rocher sur lequel a été
bâti ce petit castel, véritable demeure d'un poète : Dulce et déco-
rum est in donio poeticâ mori ! ! !
Je n'ai point à parler de Saint-Seurin d'Uzet, modeste commune
de 500 habitants dotée d'un port moins important que celui de
Mortagne. La route serpente à travers des falaises assez élevées,
puis on s'arrête près d'un hameau appelé la Brissonnerie pour aller
visiter le Fà. D'après la chronique, il existait dans cet endroit une
ville romaine, probablement l'ancienne Tamnum, mentionnée par
Peutinger. On a découvert des restes de la voie romaine venant de
444 CORRESPONDANCE
Blaye et se dirigeant ensuite sur Saintes en passant par Saint-
Romain de Benêt, au pied duquel se trouvait le Portas Santonum.
Nous arrivons à Talmont, modeste village comptant à peine 250
habitants. Autrefois, il était protégé par un château fort ayant
appartenu au XV« siècle à la famille de Montauzier. Un document en
date du 4 février 1413 donne la description du blason de Jacques,
seigneur d'Hailly, capitaine du château de Talmont : « Ecu à la bande
« fuselée, penché, timbré d'un heaume, cime d'une hure, supporté
« par deux lions, au champ rétriculé. » En 1440, Charles VII donne
à l'amiral Prévent de Coêtivy les terres de la vignerie de Talmont,
après les avoir enlevées aux Anglais. Je retrouve une ancienne charte
en date du 4 juillet 1472, par laquelle le roi Charles VIII fait abandon
de la redevance due à la couronne consistant en 400 tonneaux de
blé représentant une somme de 200 livres tournois pour réparer
les fortifications de la dite ville « devant laquelle peuvent venir
« chaque jour aborder les Angloys, nos ennemis et autres >. En
1574, pendant les guerres de religion, la forteresse se rendit aux
soldats de La Noue, capitaine protestant. Reprise peu de temps après
par l'armée catholique, cette place fut occupée deux ans plus tard
par Condé, combattant par la Réforme, pour retomber de nouveau
le mois suivant au pouvoir des papistes. Le chevalier de Longchamp,
abandonné par ses gens, fut tué sur la brèche. Le château n'existe
plus. On fait voir près de l'église une falaise isolée sur laquelle on
distingue un amas informe de pierres. C'est tout ce qui reste de
l'ancienne demeure des Montauzier*.
L'église mérite une mention spéciale, car, d'après les archéologues,
c'est une intéressante basilique du Xl« siècle. Malheureusement la
mer sape sans cesse le rocher sur lequel elle est bâtie. Nous sommes
dant ^'admiration devant les belles sculptures romanes du portail
septentrional divisé en trois parties ; les deux côtés latéraux sont
murés. Les pierres ravagées par le temps ont été remplacées par
des moellons blancs sans aucune ornementation. Peste soit de l'ar-
chitecte qui a ainsi gâté cette merveille de style roman ! ! ! La
façade occidentale a été rebâtie au XV« siècle. L'abside demi-
arrondie est écrasée par une sacristie du plus mauvais effet et
allant se relier au portail nord. Les fenêtres, aux archivoltes à tête
' Je crois que M. Victor Billaud, dans un livre intitulé Royan et ses envi-
rons (18«8), a commis une erreur en disant que l'ancien cliâteau de Talmont-
sur-Gironde avait appartenu à la famille de la Trémoille. Il aura confondu
avec Talmont (Vendée).
CORRESPONDANCE 445
de diamant, peuvent remonter au XII* siècle. Dans l'intérieur, on y
rencontre le même style, avec deux transepts derrière lesquels
sont accolées deux chapelles.
Le signal du départ est donné. Nous n'avons que le temps néces-
saire pour nous rendre à la station de Cozes. Cependant nous arri-
vons avant le départ du train de Saintes, et avant de nous séparer
nous adressons nos remerciements aux organisateurs de l'eicursion
pour nous avoir procuré les délices d'une aussi bonne journée.
Quant à moi. M, le Directeur, je vous dis au revoir et vous prie
d'agréer l'assurance de mes sentiments dévoués.
Ed. du Trémond.
Tome iv. — Octobre, novembre, décembre. 30
CHRONIQUE
Nous nous proposons de commencer dans la première li-
vraison de 1892 la publication d'Études historiques et
arcliéologiques sur tous les Châteaux de la Yendée. A cet
effet, nous prendrons la liberté d'adresser prochainement aux pro-
priétaires.de ces châteaux un questionnaire que nous leur saurons
gré de nous retourner le plus promptement possible après avoir eu
l'aimable soin d'y répondre d'une complète façon.
Notre excellent confrère et ami, Jos. Berthelé, directeur de la
Revue poitevine et saintongeaise, vient de quitter les Archives des
Deux-Sèvres pour celles de l'Hérault. Nous applaudirions sans
réserve à un avancement bien justifié par les mérites de celui qui
en est l'objet, si cet avancement n'éloignait pas en même temps de
nous un érudit collaborateur et un charmant ami. Toutefois, ce
n'est point un adieu que nous entendons formuler à cette place. Le
nouvel hôte de Montpellier a trop justement conquis par ses tra-
vaux droit de cité en Poitou, pour qu'il ne s'y laisse pas fréquem-
ment ramener. C'est du moins le vœu que nous formons de tout
cœur et que forment avec nous tous ceux qui l'y ont connu et aimé.
Le précieux musée archéologique de M. 0. de Rochebrune vient
de s'enrichir de deux grands panneaux de verdure assez intéressants :
l'un de 3 mètres sur 3, l'autre de 5 sur 3. Le dernier surtout a diî
être mis sur le métier dans les Flandres. C'est un sous-bois dans
le style des gravures de Sadeler et de Martin Devos, avec arbres
de grand style et premiers plans chargés à profusion de toutes ces
CHRONlQLE -447
plantes aquatiques et sylvestres que les peintres dessinaient avec
une allure toute magistrale sur leurs cartons et que les ouvriers
tisseurs modelaient avec une grande entente de l'harmonie dos cou-
leurs tout en rehaussant savamment les reliefs par des nuances
de soie bouton d'or d'un merveilleux elTet. « Que nous sommes loin
aujourd'hui de ces effets décoratifs si plaisants à l'œil, nous disait à
ce propos l'heureux possesseur des richesses artistiques du château
de Terre-Neuve ! Il semble que tout l'effort de nos tisseurs modernes
dans les grandes fabriques de l'Etat doive se borner à reproduire
en trompe-l'œil le tableau d'un maître quelconque. Vieille routine
impardonnable, quand on a sous les yeux les chefs-d'œuvre tissés
aux XVI», XVII* et XVIII"^ siècles. » M. 0. de Rochebrune a rapporté
ces deux panneaux d'un récent voyage fait par lui aux environs
de Saint-Savin (Vienne).
Jetons, avant de quitter le château de Terre-Neuve, un regard
indiscret dans l'atelier du maître : nous y verrons sur le chantier
une magnifique planche représentant le Château du Lude, et qui
aura, nous en sommes certain, à sa sortie de presse, un grand re-
tentissement dans le monde des arts.
Notre érudit collaborateur, M. le docteur Marcel Petiteau. vient
de donner une nouvelle preuve du culte filial qu'il professe pour
les gloires de sa ville natale, en élevant, dans le jardin attenant à
sa demeure, un monument chargé de rappeler aux générations à
venir comment l'héroïque pécheur Daniel Fricaud préserva la ville
des Sables d'une destruction complète durant le bombardement
de 1696.
C'était pendant la dernière période de la guerre contre la Ligue
d'Augsbourg ; les alliés menaçaient continuellement nos cotes, à
l'aide d'une flotte d'environ cent quarante voiles. Le 10 juillet 1096,
l'amiral hollandais Russel se présenta devant la ville des Sables
pour la bombarder.
Il avait capturé en mer un pauvre pêcheur qu'il contraignit de
lui servir de pilote et auquel il demanda des indications précises
sur l'étendue de la ville des Sables pour la bombarder avec succès.
« Vous voyez, — dit le malin Sablais, —ces maisons sur la plage ?
Eh bien ! la ville est aussi largo que longue. La masse des iiabita-
tions est derrière cette rangée. »
Les canons et obusiers anglo-bataves furent pointés en consé-
quence et lancèrent deux ou trois mille bombes qui passaient par-
dessus les maisons et tombaient à trois cents mètres au-delà.
448 CHRONIQUE
Quelques-unes atteignirent le quartier de la Chaume où elles dé-
truisirent une quarantaine de maisons , mais la plupart vinrent
allumer dans le port un immense incendie.
L'amiral Russel se félicitait en voyant la flamme s'élever vers le
ciel, et ne doutait point que, grâce aux indications précises de
Daniel Fricaud, la ville ne fût bientôt complètement incendiée.
Celui-ci, qui feignait de donner à contre-cœur ces précieux ren-
seignements, ne laissait pas que d'être très étonné de l'incendie de
maisons dans un endroit où il savait n'en pas exister. Il en eut plus
tard l'explication. Les Sablais, également surpris de la maladresse
persistante des pointeurs de l'amiral Russel, avaient accumulé près
du port des quantités de paille considérables. Ils y mettaient le feu
au fur et à mesure que les bombes venaient s'éteindre dans l'eau,
et par ce stratagème faisaient croire à l'ennemi que pas un de ses
projectiles n'était perdu.
Persuadé qu'il avait brûlé la ville, l'amiral Russel se retira, lais-
sant en manière de reconnaissance la liberté à Daniel Fricaud. Il
est certain que sans la ruse de ce dernier, si bien favorisée par la
sagacité de ses compatriotes, la ville des Sables, qui n'avait pour
se défendre que quatre vieilles pièces de canon hors d'usage, eût
été absolument détruite.
M. le docteur Petiteau, à qui nous devons ces intéressants détails,
conserve précieusement l'une des bombes envoyées par les obu-
siers hollandais.
La maquette du monument élevé au cimetière du Père-Lachaise
à la mémoire de Paul Baudry vient d'arriver à la Roche-sur- Yon.
Cette maquette, image fidèle du monument, représente « la France
en deuil pleurant l'illustre mort et le génie des Arts couronnant en
Paul Baudry une des plus brillantes incarnations de l'art ». Elle
sera placée prochainement dans une des salles du Musée de la ville.
A propos de l'érection de la nouvelle église de Saint-Laurent-sur-
Sèvre, nous lisons dans la Revue de V Ouest an 17 novembre 1891,
les intéressantes lignes qui suivent :
«.< Les pèlerins venant par les routes de Mortagne, de Cliolet ou
de Châtillon, sont frappés tout d'abord de l'aspect monumental du
nouveau sanctuaire digne du P. Montfort. M. l'architecte Fraboulet
a tiré parti des précieuses ressources que lui offrait le style roman
du XII« siècle.
« Il faut attendre l'achèvement complet du monument pour en
étudier les détails. Mais la partie que l'on achève suffit à donner
une idée de l'impression que produira l'ensemble.
CHRONIQUE -449
« L'abside dont les fondements sont baignés par la Sèvre étonne
par ses belles proportions, et le clocher, arrivé déjà à 50 mètres,
emprunte un cachet surprenant de légèreté, d'élégance, aux deux
tourelles octogonales dont il est flanqué. Il sera surmonté d'une
lanterne ajourée supportant un élégant campanile qui élèvera la
Croix à 75 mètres.
« L'emploi de la pierre granitique donne à l'édifice un aspect impo-
sant et sévère.
« Dans son état actuel, l'église de Saint-Laurent comprend le
transept, le chœur et le sanctuaire, indépendamment de la vaste
crypte qui, avec ses cinq chapelles et ses cinq autels, a les propor-
tions d'une église. »
Notre excellent confrère et ami, Louis Chappot de la Chanonie,
qui publie dans ce fascicule une si intéressante biographie de
M™« de Bulkeley, prépare un curieux travail sur le Costume clans
les armées vendéennes. L'aimable auteur a bien voulu nous pro-
mettre la primeur de quelques-uns des chapitres de cette nouvelle
étude qui ajoutera certainement au juste renom dont il jouit parmi
les lettrés et les savants de notre époque.
A la séance du 4 novembre 1891 de la Société de statistique des
Deux-Sèvres, M. le docteur Pineau a donné communication de Vln-
ventaire et partage des meubles et effets de défunte Louise Grollier,
veuve de Jacques Dorin, seigneur du Poyron, et épouse en secondes
noces de Julien Doyneau, seigneur des Doues (26 octobre — 4 no-
vembre 1661).
Le Poyron est une ancienne habitation seigneuriale voisine de
Fontenay-le-Comte, récemment restaurée avec un goût très délicat
par M. deChantreau.
Notre distingué collaborateur et ami, M. Louis de laRochebrochard,
a été, dans la séance du 4 novembre dernier de la. Société de statistique
des deux-Sèvres, élu secrétaire en remplacement de notre regretté
confrère Jos. Berthelé, nommé archiviste de l'Hérault.
Tous nos compliments au nouvel élu.
M. Gaston Guillemet, député de la Vendée, est l'auteur d'un récent
rapport historique très complet sur la censure théâtrale.
Parmi les projets de loi d'intérêt local déposé par le ministre de
l'intérieur, nous remarquons celui tendant à distraire des communes
de Champagné-los-Marais et de Sainte-Radcgonde-des-Noyers la sec-
tion de Moreilles pour l'ériger en commune distincte.
Moreilles était naguère le siège d'une importante abbaye.
450 CHROXTQUR
Un de nos jeunes compatriotes, M. Léon David, vient d'obtenir à
Paris un éclatant succès. M. David, que les derniers concours du
Conservatoire avaient mis en relief, a été engagé à l'Opéra-Comique
et débutera très probablement dans une prochaine reprise du
Barbier de Séville.
Dans sa séance du 14 novembre, le conseil municipal de la Roche-
sur-Yon a décidé qu'un monument serait érigé au cimetière en
souvenir des jeunes gens de la ville qui sont morts ou disparus
penâant la guerre de 1870.
Nous applaudissons de grand cœur à la pieuse et patriotique
pensée qui a dicté cette décision que devraient imiter toutes nos
cités vendéennes. C'est, en effet, comme nous avons eu l'occasion
de récrire ailleurs, un devoir sacré de rappeler la glorieuse mémoire
des braves qui ont succombé dans les batailles de 1870 et de 1871.
A l'occasion de la Sainte-Cécile, la Société chorale de Fontenay-
le-Comte a chanté, le 22 novembre dernier, dans la chapelle de
rilospice de cette ville, un salut qui prouve, en môme temps que le
mérite grandissant des choristes, le talent incontesté de leur direc-
teur. Nous avons plus particulièrement goûté l'O Salutaris et le
Laiidate, deux nouvelles et remarquables pages musicales de
M. Alfred Rousse.
A une aussi bonne école, M. Joseph Rousse — le flls de notre dis-
tingué concitoyen — ne pouvait manquer de devenir lui-même
un virtuose. La presse parisienne a été en juillet dernier absolu-
ment unanime à célébrer le véritable et bien légitime succès qu'il
a obtenu dans le concert de fin d'année des élèves de l'École
d'orgue de M. E. Gigout, en exécutant une magistrale fantaisie de
Saint-Saëns.
Encouragé par les intéressantes découvertes gallo-romaines qu'il
a faites naguère à Ghamporté. près Pouzauges, M. Eugène des Nouhes,
de la Cacaudière, vient de mettre partiellement à jour, à V Abbaye
Rambaud, même commune, une allée souterraine conduisant à
deux chambres qu'il croit funéraires et qui selon nous auraient
simplement servi de refuge aux époques troublées de notre histoire.
Nous faisons des vœux pour que de nouvelles fouilles nous
apportent une solution décisive.
Nous saluons avec une affectueuse reconnaissance la nouvelle col-
laboration qu'inaugure dans ce fascicule la charmante poésie inti-
tulée ■ Autre vie. C'est, du reste, bien inutilement que l'auteur
CHRONIQUE 451
cherche à se dissimuler sous le pseudonyme de ZabuL Les lettrés
de notre région auront aisément reconnu à la brillante allure des
vers la plume délicate d'un de nos plus aimables confrères des bords
fleuris de la Sèvre.
La Glorification des Arts français, par Luc-Olivier Merson, une
tapisserie dans le genre des délicieuses tapisseri^îs de Fontainebleau
et destinée à l'Ecole des Beaux-Arts, est en ce moment sur le
métier, aui Gobelins.
M™' la duchesse d'Uzès a fait représenter, le 2G novembre der-
nier, sur le tliéàtre de Bonnelle, une charmante pièce intitulée : Les
Mains blanches, et signée du nom de Lefebvre, le distingué socié-
taire de la Comédie-Française. Si nous en parlons ici, c'est que
l'auteur de cette pièce s'est beaucoup inspiré, en l'écrivant, de
l'histoire de nos guerres vendéennes.
Le R. P. Ingold quitte définitivement la Vendée. Nous en éprou-
vons un vif regret, et nous osons espérer que ses nouvelles fonctions
n'empêcheront pas le savant oratorien de nous accorder parfois
encore son appréciée collaboration.
Notre excellent ami, M. Claude deMonti de Rezé, vient de recevoir
la croix de chevalier de Saint-Grégoire-le-Grand. Tous ceux qui
comme nous ont pu apprécier les mérites du nouveau chevalier,
s'associeront certainement aux cordiales félicitations que nous lui
adressons.
Nous apprenons au moment de mettre sous presse que la Société
littéraire et artistique de VOicest, dont le siège est à Paris, se pro-
pose de tenir son congrès annuel de 1892 à Fontenay-le-Comte. Des
fêtes, dont le programme n'est pas encore arrêté, sellaient orga-
nisées à ce propos, de concert avec la municipalité, et un buste
serait élevé à la mémoire de notre illustre concitoyen Nicolas
Rapin.
Nous apporterons avec plaisir à la réalisation de ce projet notre
plus dévoué concours.
Nous avons déjà eu maintes fois Toccasion de signaler ici le talent
de sculpture de notre distingué collaborateur et ami, M. Jules Ko-
buchon, directeur des Paysages et Monuments du Poitou. Ce talent
vient de s'affirmer une fois de plus dans les deux récents médail-
lons de MM. Benjamin Fillon et Octave de Rochebrune qui — nous
en avons le ferme espoir — recevront au Salon prochain l'accueil
flatteur qu'ils méritent.
•452 CHRONIQUE — NÉCROLOGIE
NÉCROLOGIE
L'affectueuse collaboration que notre ami HENRI DANIEL-
LACOMBE a toujours accordée à cette Revue nous fait un
devoir de lui offrir publiquement un témoignage de bien
douloureuse sympathie à l'occasion du deuil cruel qui l'a récemment
frappé. Son père, M. JOSEPH-FLAVIEN DANIEL-LACOMBE, notaire
honoraire, est, en effet, décédé presque subitement, en octobre
dernier, dans sa charmante retraite de la Corbedomère, si bien faite
pour goûter VOtium cum digyiitale du poète.
Aux éminentes qualités dont il fit preuve comme notaire, M. Daniel-
Lacombe joignait le charme aujourd'hui de plus en plus rare d'un
aimable et érudit causeur.
M. l'abbé PROSPER-ALEXANDRE GUÉRITEAU, chanoine hono-
raire du diocèse de Luçon, décédé le 29 octobre 1891 à la Roche-
sur-Yon .
M. l'abbé JULES RICHARD, curé de Saint-Joseph de l'Oie, décédé
le 3 novembre 1891, à l'âge de 52 ans.
La R. Mère SAINTE-EUPHRASIE, de la Congrégation des Ursu-
lines de Jésus, dite de Chavagnes, décédée le 5 novembre à Cha-
vagnes-en-Paillers, à l'âge de 89 ans.
M""" CHABOT DE PÈCHEBRUN, née Louise Perreau, décédée le
11 novembre 1891, à Fontenay-le-Comte.
M. CALIXTE DORION, décédé à Saint-Paul-Mont-Penit, le 12
novembre 1891. Lors des funérailles célébrées le 14, M. le sénateur
Halgan a prononcé une oraison funèbre reproduite dans le Publi-
cateurde la Vendée du 18 novembre.
M»« HENRY DE PUIBERNEAU, décédée à son château de Buchi-
gnon, le 14 novembre, à l'âge de 74 ans.
M"" MARIE-THÉRKSE DE LINIERS, fille de la Charité, supérieure
de l'hôpital de la Paix, décédée, le 12 novembre, à Constantinople.
CHBONinUE — NECROLOGIE 453
M"' la comtesse D'AUTICHAMP. née DE SUZANNET, morte en son
château d'Autroche (21 novembre 1891). Le nom des familles que
cette mort met en deuil évoque le glorieux souvenir de deux des
héroïques combattants de la Vendée militaire.
M. l'abbé HIPPOLYTE LAMONTAGNE. décédé à Nalliers, le 24 no-
vembre 1891, à l'âge de 80 ans.
Esprit cultivé et délicat, M. l'abbé Lamontagne a composé de
nombreuses pièces de vers, dont la plupart ont été publiées dans le
journal la Vendée sous le pseudonyme de Larivière.
M. l'abbé AUGUSTE MÉCHINEAU, archiprêtre de Notre-Dame de
Fontenay, décédé le 30 novembre 1891, dans sa soixante-dix-septième
année.
La Vendée, le Publicateur, V Avenir Indicateur lui ont consacré
d'élogieux articles dans leurs numéros du 2 décembre.
M. RAYMOND CHABOT DE PÈCHEBRUN, décédé le 30 novembre
1891, à Fontenay-le-Comte, à l'âge de 82 ans.
M. l'abbé PIERRE-JEAN MIGNÉ, curé de Saint-Michel-Mont-
Malchus, décédé le 30 novembre 1891, à l'âge de 64 ans.
M. l'abbé LÉON-AUGUSTE GUÉRINEAU, curé de la Flocellière.
décédé le 1"" décembre, à l'âge de 50 ans.
45'i CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
LORSQUE novembre — ce mois des pieux souvenirs et des mélan-
coliques chrysanthèmes — ramène autour de nous ces
délicieux paysages d'automne oii toutes les teintes s'étalent
à l'envi sur la palette de la nature, depuis l'émeraude persistant et
vivace des pins jusqu'à l'ocre bronzé des feuilles de chêne qui
s'envolent en bruissant, il fait bon parcourir, un livre aimable à la
main, les discrets sentiers de nos bois embaumés de parfums sau-
vages et bordés de roses bruyères.
Ce livre, un jeune poète de Bretagne — la terre bénie des vaillants
de la plume comme des preux de l'épée — vient de nous l'ofîrir
sous le modeste titre : Par la Lande. Lande fleurie, toute pleine
des souvenirs de Chateaubriand et de Lucile et dont le frissonne-
ment des arbres évoque encore, les soirs de tempête, la grande
image de Lamennais'.
Pour n'être écrite qu'en prose, l'excursion tout à la fois historique
et archéologique à laquelle M. René Vallette nous convie dans les
dernières livraisons des Paysages et Monuments du Poitou n'en est
pas moins intéressante. Ces livraisons, accompagnées de nom-
breuses illustrations dues au talent éprouvé de MM. J. Robuchon et
G. Girault, sont plus particulièrement consacrées à l'histoire des
cantons vendéens de la Châtaigneraie et de Saint-Eilaire-des-Loges.
Nous recevons de notre distingué confrère, M. A. de la Bouralière,
la réimpression de la savante notice sur Saint-Hilaire de Poitiers
qu'il a précédemment publiée dans les Paysages et Monuments du
Poitou. Cette réimpression, qui sort des presses de notre compa-
triote M. A. Baud, imprimeur à Fontenay-le-Comte. est accom-
pagnée d'une lettre-appendice de M. Alfred Richard (in-4'' de 38 pp
avec héliog. hors texte et fig. dans le texte).
Chaque année, la chute attristée des feuilles coïncide avec la
joyeuse envolée des almanachs nouveaux. Citons parmi ceux qui
nous arrivent : Le grand Almanach vendéen (imprimé à Fontenay,
chez Gouraud), V Almanach très complet de la Vendée (imprimé à la
Hoche-sur-Yon, chez Tremblay).
Victor Thomas : Par la Lande. Rt^nnes, Caillière, 1S9I, t78 p. in-12
CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE 455
Extrait du compte rendu de la séance du 15 octobre 1891 de la
Société des Antiquairea de l'Ouest : « M. le Président signale deux
communications faites en mai dernier par M. René Vallette au
congrès des Sociétés savantes à la Sorbonne. »
Les Annales (1889) de la Société des Sciences naturelles de la
Charente-Inférieure (la Rochelle, in-S** 32 p., typ. E. Martin IHQô)
contiennent le compte rendu de l'excursion géologique et botanique
faite par la Société dans la forêt de Vouvant. Ce compte rendu
est l'œuvre du docteur Termonia.
Le dernier fascicule de la. Revue des Sciences naturelles de l'Ouest
dont nous donnons plus loin le sommaire contient de notre
savant compatriote, M. A. Odin, la fin du Catalogue des Crustacés
podophthalmaires recueillis sur les côtes de la Vendée.
De notre éminent collaborateur M?' X. Barbier de Montault :
Inscriptions relatives à Claude Lorrain à Rome. (Ext. de la Lor-
raine-Artiste du 5 juillet 1891.)
De M. René Vallette : Block-notes vendéens. — Mouzeuil et
l'Assassinai de Guise {La Vendée du 2 octobre 1891)'.
— Souvenirs de la Grande Guerre. — Le Général Jolly et la Divi-
sion vendéenne des Sables-d' Olonne (Lettre à M. Cli. L. Chassin :
Etoile de la Vendée, N° du 15 novembre 1891).
— Instantané Vendéen. — M. Claude de Monti de Rezé (Vendée
du 29 novembre 1891).
— Les Prieurs et Curés de Notre-Dame de Fontenay {Vendée du
9 décembre 1891).
'Qd.Xi^lQ. Revue poitevine et saintongeoise, N° du 15 octobre 1S91 :
V Inventairp- archéologique de V Abbaye des Châtelliers (suite), par
Ms'' X. Barbier de Montault.
-- Deux Jours à Carrépuits, par .Tos. Berthelé (Compte rendu
d'une excursion campanologique dédié k son ami René Vallette,
directeur de la Revue du Bas-Poitou.
N" du 15 novembre 1891 : L'Imprimerie à Thouars, par A. de la
Bouralière ;
— L'Inventaire des Châtelliers (suite) ;
— Mention de la thèse {Du Mundium) présentée par Alfred
Giraud pour obtenir le diplôme d-nrchiviste paléographe (Extraits
du Livret de V Ecole des Charles reliait' à notre région).
456 CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE
Sous le titre « Un Ari^e historique », le Publicateur de la Vendée
(N° du 6 novembre 1891) a publié un intéressant article sur les des-
cendants du Saule de Sainte-Hélène que possède le chef-lieu du
département de la Vendée.
Notre aimable et érudit confrère, Henri Bourgeois, avocat à la
Roche-sur-Yon, poursuit dans l'Etoile de la Vendée, des Sables-
d'Olonne, La Réhabilitation des Animaux calomniés.
De notre savant collègue le D'' Marcel Baudouin : Il n'y a pas une
seule Crèche en Vendée (Libéral de la Vendée du 30 octobre 1891).
— L'Excès des Naissances en Vendée en 180O {Libéral du 6 no-
vembre 1891).
— Les Crustacés de la Vendée {Libéral du 15 novembre).
— A propos du Sinistre maritime des Sables. — Les Canots de
sauvetage {Libéral du 20 novembre 1891).
Dans le même journal (N» du 23 octobre 1S91) : Recherches his-
toriques sur la Vendée (de M. A. Bitton) ; Lettre de convocation
pour servir au ban du Poitou adressée à Paul Sonnet d'Auzon,
écuyer, seigneur de Puy-Greffier, par François Derazes, lieutenant
général en la sénéchaussée du Poitou (15 juin 1G97).
Le Libéral a également commencé, dans son numéro du 23 octobre
1891, la publication d'une nouvelle tirée des guerres de Bretagne et
de Vendée, Peau de Bique, due à la plume de M. Maxime Audouin,
de la Société des gens de lettres, et dédiée à notre collaborateur et
ami M. Eugène Louis.
Nous devons à ce dernier une très comolète notice biographique
sur Gaston Guitton, le distingué sculpteur vendéen.
De notre compatriote et confrère Edme Paz, du Gil Blas, une char-
mante, mais attristée pièce de vers : Le jour des MortSy parue dans
le Libéral de la Vendée du 4 novembre 1891 .
Le fascicule n" 6 de V Architecture et Sculpture en France, de
M. L. Noo (Paris, Dujardin, 17, rue Bonaparte), vient de paraître.
Il contient plusieurs jolies reproductions de monuments de notre
région, et notamment des détails sur l'église romane d'Aulnay
(Charente-Inférieure), la galerie XVI* siècle de l'hôtel de ville de
la Rochelle, et le puits de môme époque qui se trouve dans la
cour du château de Nantes.
La magnifique publication des Paysages et Monuments du Poitou
CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE 457
se poursuit sans que le haut intérêt artistique et littéraire <lont son
directeur a su l'empreindre ait fléchi un seul instant. Les dernières
livraisons sont consacrées au Loudunais et accompagnées de mer-
veilleuses héliogravures. Le texte est dû à la plume érudite de
M. Roger Drouault.
M. René Vallette prépare actuellement pour ce même ouvrage
une livraison sur Benêt.
Parues récemment chez Clouzot : Les Veillées vendéennes de x\I. G.
Boisson.
En préparation : Les Fiefs de la Vicomte de Thouars, d'après l'In-
ventaire de 1753, publiés par le duc de la Trémoille et Henri Clouzot.
Ivol. in-4°.
Les dernières Chroniques de Bas-Poitou insérées au Publicateur
de la Vendée :
— Les Commanderies de Champgillon et de Féolette(2 octobre 18U1).
— Le Château de Saint-Mesmin en 1793 (9 octobre).
— Pèlerinages vendéens (29 octobre 1891).
Les Mémoires du Général d'Autichamp devant le Tribunal (9 no-
vembre 1891).
Extrait du compte rendu du Congrès archéologique de France,
tenu à Évreux en 1890 :
(Séance du 2 juillet) : « M. René Vallette signale les récentes
découvertes faites en Vendée par MM. de Rochebrune et le comte
de Fleury, et offre les articles publiés à ce sujet dans la Revue du
Bas-Poitou. Sont-ce des fabriques de poteries ou des ateliers pour la
préparation de la soude destinée à la confection du sa.von ? L'opinion
des archéologues n'est pas encore fixée sur ce point, et M. Vallette
demande si des trouvailles analogues n'ont pas été faites en Nor-
mandie. »
Notre très distingué collaborateur, M. de la Marsonnière, prési-
dent de Idij Société des Antiquaires de l'Ouest, vient de donner dans
sa Claudia Varenilla^ une nouvelle preuve du charme de sa plume
et de l'érudition de son esprit.
Ce « récit des temps gallo-romains » nous donne une exacte et
charmante peinture de la vie sociale des Gaules sous le règne de
Marc-Aurèle. L'auteur a emprunté ses personnages à l'histoire du
* 1 vol. in-12 de 348 j). Lecêne et Oudin, Paris, 3 fr. 50. En vente à Fon-
tenay, chez M™» Jules Robuchon.
458 CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE
pays Picton et il s'est inspiré dans sa mise en scène des remar-
quables ruines découvertes à, Sanxay par le K. P. de la Croix.
Pourparaitreprochainement chez M. L.-P. Gouraud, imprimeur-
éditeur à Fontenay, « une gerbe poétique formée des plus jolies
pièces de vers de feu M. l'abbé Gonet, ancien curé-doyen de Saint-
Gilles-sur-Vie. » Cette opulente gerbe, nous dit M. l'abbé Goulpeau
qui prend soin de sa publication, comprend : Une vie légendaire
de saint Martin de Vertou en 2,000 vers, précédée d'une disser-
tation due à la plume si universellement érudite de notre colla-
borateur, M. l'abbé H. Boutin.
Chez M-^ veuve Ivonnet, imprimeur à la Roche-sur- Yon :
La Mort d\in Cœur, poésie de M. Georges Duplessis (petit in-16
sur papier anglais).
Le Résumé de V Historique du 93^, dont il a été tiré trois éditions :
l'une à 100 exemplaires sur papier de Hollande in-8° carré-, la
seconde à 300 sur papier anglais, toutes deux épuisées ; enfin la
3* édition dite édition du sotdat sur in-S" couronne, tirée à 3,000 et
touchant à sa fin.
La Situation hippique en Vendée, par M. P. Guilleret (in-S* carré).
La livraison de novembre de la Revue de Bretagne et Yendée
contient un article de M. Dominique : Caillé Figures de mon Pays,
Mes trois Parents, qui renferme une étude familière de la vie et des
œuvres de Stéphane Halgan, le délicat poète dont l'héritage politique
a été si dignement recueilli par son frère, M. Emmanuel Halgan.
Dans le Publicateur de la Vendée du 27 novembre 1891, sous la
signature A. Rouillé : Le Moulin de la Garde, intéressante légende
yonnaise.
Le tome I*"" du savant ouvrage que notre distingué collaborateur,
M. Ch. L. Chassin, va consacrer à la Préparation de la Guerre de
Vendée, sortira de presse très prochainement. Cet ouvrage sera
complet en trois volumes, qui seront suivis de la Vendée vatriote
en un nombre égal de tomes.
A signaler également la récente apparition d'un charmant volume
dû à la plume d'une anonyme, dont tous les lettrés ont déjà ap-
précié la délicate érudition : Un Canton du Bocage vendéen. Sou-
venirs de la Grande Guerre (Chez Lacuve-Melle, in-l>' de 308 p.)
Gomme nous l'avions précédemment annoncé, le 11^ volume qui
vient de paraître de l'important ouvrage de M.Henri Béraldi sur
CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE
459
Les Graveurs du XIX^ siècle (Paris, Conquet,-5, rue Drouot), con-
tient une intéressante monograpliie de notre éminent compatriote,
M. 0, de Rochebrune, ainsi que le catalogue complet de ses œuvres
jusqu'à ce jour.
De M. Barbaud, l'aimable et savant archiviste de la Vendée : son
Rapport sur la Situation des Archives départementales pendant Vannée
1890-1891. (Nombreux et intéressants relevés des Archives commu-
nales de Dompierre, Lairière (ancienne paroisse aujourd'hui réunie
à la commune de la Perrière), de Sainte-Cécile, de Saint-Florence de
voie, de Saint-Martin des Noyers, à'Aizenay, de la Genétouze, des
Lues et de Saligny.)
Notre ami, Henri BoRirgeois a commencé dans VÉtoile du 6 dé-
cembre liSOl une étude sur les Cathelineau (1793-1891). Cette
étude, très savamment écrite, est précédée d'une introduction dont
nous partageons absolument l'esprit.
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Quatrième Année
TABLE DES MATIÈRES
Texte. V
I. — La Vendée qui s'en va. — Les Gentilhommières en
Bas-Poitou aux XV% XVI'= et XVII« siècles, par
M. 0. DE ROCIIEBRUNE 5
IL -- Autour du Drapeau blanc. — Biographies inédites
des Vendéens et des Chouans {Suite), par M. de
LA FONTENELLE DE VAUDORÉ 12
m. — Un disciple de Vitruve en Bas-Poitou. — L'archi-
tecte Julien Mauclerc (1513-1577), par M. René
Vallette 23
IV. — Chez les Gallo-Romains du Pays de Maillezais, par
M. L. Brochet 2R
V. — L'Hôte de Jeanne d'Arc à Poitiers : maître Jehan
Rabatcau, président au parlement de Paris, par
M. Hlnri Daniel-Làcombe 4«
VI. — La Vendée à travers les légendes : St-Martin et St-
Nicoias-de-Brem, par M. Henri Colins r>7
VIL — Chartes concernant la fondation de Notre-Dame la
Blanche à Noirmoutier, par M. le docteur Viaud
Grand-Marais 7x
VIII. — Le journal d'un Fontenaisien pendant la Révolution
(Suite), p-àv M. A. BiTTON 1""
IX. — Choses d'art, par M. Renk Vallette in
462 TABLE DES MATIÈRES
X. — Quel était le capitaine du Chastel de la Roche-sur-
Yon en 1369? par M. Eugène Louis... .,. ... IIU
XI. — Chronique, par M. K. de TmvERrAY 123
XII. — Le peintre Lansyer et son œuvre. — Esquisse
biographique, par M. René Vallette
— De Paris à Menton, notes de A'oyages, par
M. Lansyer 137
XIII. — Le siège des Sables d'Olonne en 1793, par M. Ch.
L. Chassin 1.53
XIV. — A travers les clochers du Bas-Poitou, par M. L
Teillet ... 178
XV. — Ecrin poétique: Les deux croix, poésie par M.
Emile Grimaud l'.)7
XVI. — Un chapitre de ma vie archéologique, par M. Ga-
briel DE Fontaines 198
XVll. — Une excursion chez les Gallo-Homains de Saint-
Denis du Payré, par M. Louis Brochet 20r>
XVIII. — Notice généalogique sur la maison de la Fonce-
tenelle, par M. le V* P. de Chabot ,.. 213
XIX. — La maréchalerie celtique et gallo-romaine à Fon-
tenay-le-Comte, par M. Le Capitaine D 228
XX. — L'autopsie de Richelieu, par M Roger Drouault. 232
XXI. —Chronique, par M. R. de Thiverçay 23.5
XXII. -■ La Vendée qui s'en va. — Les Moulières et le
vieux Chassenon. — Plaisirs du gentilhomme
champêtre, par M. 0. de Rochebrune 247
XXIII. — L'hôte de Jeanne d'Arc à Poitiers {Suite), par
M. Henri Daniel-Lacombe 259
XXIV. — Palluauet les Clérembault, par M. l'abbé H. Boutin. 275
XXV. — Autour du drapeau blanc— Biographies inédites des
Vendéens et des Chouans (Svite), par M. de la
Fontenelle de Vaudoré 302
XXVI. — Contribution à l'histoire de Fontenay-le-Comte, par
M. Edgar Bourloton 308
TABLE DES MATIÈRES 463
XXVII. — Chroniques sablaises. — L'hôpital Saint-Joseph
(Suite), par M. le D"" Ma.rcei, Petiteau 31 [>
XXVIII. — Recherches liistoriques sur la Vendée. — Ce que
devint l'église N.-I). de Fontenay pendant la Ré-
volution, par M. A. BiTTON 3-21
XXIX. — Notes bibliographiques, par M. R. de Tuiverçay. . . 331
XXX. — Un mensonge de Richelieu, par M. l'abbé Lacroix,
docteur ès-lettres 333
XXXI. — Deux médaillons romains de Tibère et Drusus, par
M. 0. DE ROCHEBRUNE 344
XXXII. — Une amazone vendéenne : M™" de Bulkeley, par
M. C. DE LA Chanonie 347
XXXIII. — Poésie : Autre vie par Zabui 309
XXXIV. — Une excursion archéologique à Foussay, par René
Vallette 37 1
XXXV. — Le Siège des Sables en 1793 (Suite), parCii. L.Cmassin 3©1
XXXVI. — Documentsinéditssur la Vendée, par Me' X. Barbier
DE MONTAULT 409
XXXVII. — Etat politique et militaire de la Basse- Vendée et du
Poitou en 1793, par M. Baguenier-Desormeaux.. 413
XXXVIII.— Deux Vendéens aux Jeux Floraux, par M. Emile
Grimaud 434
XXXIX. — Le Général Cathelineau, par R. V... , 437
XXXX. — Correspondance, par E. du Trémond 43'.»
XXXXI. — Chronique, par M. R. DE TniVERÇAY 440
Gravures.
I. — Le château de Ste-Juire (XV^ siècle), eau-forte de
M. 0. DE ROCIIEBRUNE. ... l
II. -La Grand'Rhée, id.,par M. 0. deRociiebrune. ... 9
III.- Portrait de rarchitecto Julien Mauclerc 24
IV. — Objets gallo-romains trouvés dans le canton de Mail-
lezais (2 planches;iithog.), par M. L. Brochet. ... 3"4
464 TABLE DES MATIÈRES
V. Fac-similé de la signature et du sceau de Jehan
Rabateau, l'hôte de Jeanne d'Arc à Poitiers, dessi-
nés à la plume par G. Girault ô7
VI. — St-Nicolas et St-Martin-de-Brem, croquis à la plume
de G. Girault.. 67
Vil. — Sceau et contre-sceau de Jean I*"", vicomte de
Thouars, par le même 95
VIII. — Portrait à la plume de Lansyer, par lui-même... 136
IX. — Objets gallo-romains trouvés âSaint-Denis-du-Payré
(2 planches lithographiques), par M. L. Brochet. 208
X. — Fers à cheval celtiques et gallo-romains, dessin à. la
plume par le même 228
XL — La Grand'Court des Moulières (XVII« siècle), eau-
forte de M. 0. DE ROCHEBRUNE 246
XII. — Le vieux Chassenon (XVI I« siècle) , eau-forte du
même 255
XIII. — Le Montoir de Jeanne d'Arc, conservé au musée de
Poitiers • -63
XIV. — Médaillons romains de Tibère et Drusus, eau-forte
par M. 0. DE ROCHEBRUNE 345
XV. — Le portail principal de l'église de Foussay, dessin à
la plume de G. Girault 205
XVI. — Restes de la Loggia de la maison François Laurent
à Foussay, par le même 307
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