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Full text of "Revue du Bas-Poitou"

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REVUE 


DU 


BAS-POITOU 


Tome  iv.  -  .Janvier,  Févhiku,  Mars  1891. 


REVUE 


DU 


BAS-POITOU 


PARAISSANT    TOUS     LES    TROIS     MOIS 


4^   iR.nnée.   —   V    Tjivraison . 


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FONTENAY-LE-COMTE 

BUREAUX     :     RUE     BENJAMIN      FILLON 

ccc^^^^'^^^^oo 

^  NIORT 


PARIS 

E      LECHEVALIER 

30,  Quai  des  Gd'-Augustms  ^ 

1891 


L.     CLOUZOT 
2,  rue  des  Halles. 


rHÊGEr7rC£NT£R 
IIBIMRY 


LA  VENDEE  QUI  S'EN  VA 


LES    GENTILHOMMIERES    EN    BAS-POITOU 


XV',    XVI»    cSc    XVII»    SIÈCLES 


I. 


JACQUES  Androuet  Ducerceau,  l'auteur  du  volume  si 
recherché  :  Des  plus  excellents  hastiments  de  France,  et  de 
no7nhre  d'autres  livres  d'architecture,  meubles,  serru- 
reries^ arabesques,  caissons,  etc,  etc.,  classe  en  trois  séries 
distinctes  les  édifices  qu'il  compose  ou  dont  il  donne  la  des- 
cription :  ceux  de  grand  état,  de  moyen  état  et  de  petit  état. 
C'est  à  cette  dernière  catégories  qu'appartiennent  très  cer- 
tainement les  bâtisses  dont  nous  allons  publier  quelques 
spécimens  dans  l'intéressante  Revue  du  Bas-Poitou.  Il 
importe,  en  effet,  de  les  sauver  de  l'oubli,  car  presque  toutes 
sont  à  la  veille  de  disparaître,  ayant  été  abandonnées  par 
leurs  propriétaires  des  XVIII*  et  XIX°  siècles,  qui  les  trou- 
vaient de  trop  petit  état  pour  abriter  désormais  leurs  per- 
sonnes et  leurs  familles,  les  positions  étant  devenues  plus 
importantes  et  les  fortunes  plus  prospères.  Il  importe  avant 
de  les  décrire  de  remonter  à  l'origine  delà  plupart  d'entr'elles. 
A  la  suite  de  la  Guerre  de  Cent  ans,  après  les  meurtrières 
défaites  de  Crécy,  de  Poitiers  et  d'Azincourt,  oii  l'élite  de  la 
noblesse  française  était  restée  sur  les  champs  de  bataille,  il 
fallut  créer  des  fournées  de  nouveaux  gentilshommes;  la  ma- 


6  LA    VENDÉE    QUI    s'eN    TA. 

gistrature  el  les  échevinages  y  pourvurent  abondamment. 
Mais  la  plupart  de  ces  nouveaux  gentilshommes,  dans  le  Bas- 
Poitou  surtout,  étaient  peu  favorisés  de  la  fortune  :  ils  ne 
pouvaient  avoir  la  prétention  d'édifier  des  enceintes  féodales 
comme  les  La  Trémoïlle  à  Talmont,  ou  les  de  Chabot  à 
Aspremont  et  les  de  Ghasteigner  à  la  Roche-Posay.  Cepen- 
dant ils  voulurent  donner  à  leurs  corps  de  logis,  très  en 
diminutif,  les  divers  systèmes  défensifs  de  la  grande  forte- 
resse. Des  douves,  peu  profondes  il  est  vrai,  entourèrent 
l'assiette  où  s'assit  leur  demeure.  Cette  demeure  s'établit 
autant  que  possible  sur  un  plan  carré,  avec  cour  centrale  en- 
tourée de  bâtiments  sur  ses  quatre  faces;  à  chaque  angle 
une  tour  ronde,  si  les  moyens  le  permettaient.  L'une  de  ces 
tours,  plus  forte  que  les  autres,  simulait  le  donjon  ;  mais  les 
murailles  étaient  en  médiocre  moellonage  et  les  murs 
offraient  à  peine  un  mètre  d'épaisseur.  Absence  complète  de 
mâchicoulis;  parfois  un  ou  deux  moucharabis  avaient  la  pré- 
tention de  les  remplacer.  Le  système  défensif  se  bornait  à 
des  meurtrières  percées  un  peu  partout  à  chaque  étage  des 
tours  ;  le  corps  de  logis  destiné  au  seigneur  de  ce  petit  do- 
maine avait  en  général  sa  façade  orientée  à  l'est  ou  au  sud. 
Dans  la  cour  intérieure,  un  escalier  à  vis  gironnait  au  centre 
de  cette  façade,  ou  dans  l'un  des  angles,  dans  une  tour  ronde 
ou  à  pans  octogonale. 

Ce  système  défensif,  bien  qu'il  n'eût  qu'une  minime  im- 
portance, permettait  d'éviter  les  surprises  que  les  nombreux 
groupes  de  partisans  qui  couraient  les  grands  chemins,  sur- 
tout pendant  les  Guerres  de  Religion,  ne  manquaient  pas  de 
tenter  lorsqu'ils  se  trouvaient  en  face  d'un  logis  ne  leur 
otTrant  ni  tours  ni  meurtrières  capables  de  repousser  un 
assaut.  Plus  tard,  vers  la  fin  du  XVP  siècle,  quand,  sous  le 
règne  du  grand  Béarnais,  les  passions  religieuses  furent  tout 
à  fait  calmées,  la  plupart  des  gentilshommes  Poitevins, 
bouchèrent  créneaux  et  meurtrières;  les  hautes  murailles  qui 
fermaient  les  cours  empêchant  l'air  et  la  lumière  d'y  pénétrer 


LA   VENDEE    QUI    S  EN    VA  7 

tombèrent  à  leur  tour,  principalement  dans  la  direction  de 
l'est  et  du  sud.  Ceci  explique  pourquoi  nous  voyons  la  plu- 
part de  ces  gentilhommières  ayant  deux  façades  seulement 
toujours  en  retour  d'équerre,  l'une  recevant  le  soleil  levant, 
l'autre,  celui  de  plein  midi;  de  cette  façon  l'angle  inscrit  par 
ces  façades  se  trouvait  toujours  garanti  des  vents  du  nord  et 
de  l'ouest.  Liénard  de  la  Rau,  en  sculptant  les  armes  de  la 
ville  de  Fontenay  dans  l'attique  de  la  jolie  fontaine  de  cette 
ville,  avaitété  tellement  frappé  de  l'aspect  uniforme  de  ces  bâ- 
tisses qu'il  a  tenu  à  en  rappeler  le  souvenir  en  ciselant  un 
petit  logis  seigneurial  ainsi  construit  sur  le  côté  droit  de  la 
fontaine  symbolique  oi^i  se  désaltèrent  les  deux  licornes  char- 
gées de  purifier  les  eaux  de  la  source'.  En  regard  à  gauche, 
comme  pendant  encore  plus  nombreux  à  coup  sûr,  il  a  placé 
un  moulin  à  vent.  Ce  dernier  type  avait  dû  le  frapper,  en  effet, 
non  moins  que  celui  des  gentilhommières  ;  car  nous  nous 
souvenons  encore  d'avoir  vu,  dans  notre  jeunesse,  une  véri- 
table  armée  de  moulins  à  vent  agiter  leurs  grands  bras 
tout  autour  de  l'horizon  fontenaisien. 

Tant  que  les  guerres  de  Religion  avaient  duré,  les  proprié- 
taires des  demeures  dont  nous  cherchons  à  perpétuer  le 
souvenir  habitaient  peu  leurs  manoirs  ;  pour  la  plupart 
protestants,  ils  prenaient  par  escalade  le  château  de  Fontenay, 
l'abbaye  de  Saint-Michel-en-Lherm,  etc.,  etc.,  et  finissaient 
par  se  faire  battre  à  Moncontour.  A  toutes  ces  années  de 
désordre  et  de  guerre  intestine  succédait  enfin,  sous  le  plus 
intelligent  de  nos  Rois,  une  ère  de  prospérité  et  de  gran- 
deur depuis  longtemps  inconnue.  Les  gentilhommières 
abandonnées  par  leurs  propriétaires  les  voyaient  enfin  reve- 
nir ;  l'arquebuse  et  la  lourde  épée  de  Tolède,  aux  gardes 
finement  ciselées,  étaient  accrochées  au  manteau  de  la 
cheminée  plus  ou  moins  chargée  d'une  riche  ornementation 
de  caryatides  à  figures  grimaçantes  et  de  cartouches  enla- 

•  Voir  dans  les  erablf^mes  de  Paul  .Iovf>  la  propri(^t<^  singulière  attribué» 
aux  licornes. 


8  I.A    VKNDKK    Mil    s'en    VA 

ÇHiit  les  .irmolries  du  sei^denr  dais  li^ips  cuirs  toujours 
agencés  avi^o  goùl.  C'est  uiio  les  |)ln>  intéressantes  parlicu- 
larilés  des  constructions  Ijas-poitevinesque  le  nombre  consi- 
déral)le  des  cheminées  sculptées  existant  dans  ces  modestes 
demeures.  Par  contre,  les  grands  châteaux  nous  en  otTrent 
de  très  rares  exemples.  Nous  en  connaissons  plus  de  vingt- 
cinq  ou  trente,  et  un  plus  grand  nombre  encore  ont  été  dé- 
truites. C'est  qu'il  faisait  bon  dans  les  longues  soirées  d'hiver, 
en  ce  pays  où  le  bois  était  plus  commun  que  les  pierressur 
les  routes,  de  s'étendre  dans  ces  énormes  sièges  à  haut  dos- 
sier en  contemplant  les  figures  étranges  et  fantastiques  que 
l'imagination  originale  et  féconde  de  l'ornemaniste  avait 
fait  jaillir  de  la  pierre  ;  ici  c'était  tout  un  poème  bizarre 
supporté  par  deux  énormes  griiïons  à  tête  de  lion  :  en 
haut.  Hercule,  armé  de  sa  massue,  était  pour  ses  hauts 
faits  couronné  de  lauriers;  plus  bas  la  Mélusine,  comme 
la  V'^énus  d'Alfred  de  Musset  dans  Rolla,  tordait  d'une 
main  ses  cheveux  en  se  regardant  dans  un  miroir  placé 
dans  son  autre  main,  puis  des  caryatides  sans  nombre, 
des  cuirs  armoriés,  des  frises  superbes  à  coquilles  et  pal- 
mettes  alternées.  Moulures,  entablements,  tout  disparaissait 
sous  les  oves,  les  grecques,  les  méandres  et  fleurons  de  toutes 
sortes.  Une  autre  de  ces  cheminées  colossales  voyait  tout 
son  manteau  occupé  par  un  énorme  cerf  à  la  ramure  véri- 
table ;  mollement  couché  sur  le  gazon,  il  semblait  effrayé  par 
quelque  péril  prochain.  En  effet,  on  apercevait  dans  le  fond 
du  bus-relief  des  chiens  gros  comme  des  taupes,  un  veneur 
le  cor  à  la  bouche  sonnant  un  à  vue  à  faire  trembler  le& 
arbres  de  la  forêt,  où  sont  percliés  des  oiseaux  plus  gros  que 
ledit  veneur  et  ses  chiens  :  cette  scène,  inspirée  sans  doute 
par  le  célèbre  du  Fouilloux,  dut  être  fort  prisée  à  l'époque, 
car  nous  en  connaissons  plusieurs  reproductions'.  En  effet, 
rien  n'était  plus  séduisant,  pour  un  gentilhomme  Bas-Poi- 
tevin,  (jne  de  contempler   perpétuellement  sous   ses  yeux, 

«  Sur  celle  de  Terre-Neuve  et  au  café  Helvétique. 


LA  vp:Nr>ÉK  01' t  s'kn  va  9 

quand   une    flamme  ;ir-(1ente  se  torduil    d.ins    l'àlrp,  un   sou- 
venir de  ohasse    où    il   av.iit  sans    diuiip  élé    mM6,    car  ne 
l'oublions  pas,  c'ojait  surtout  la  piissiou  la  plus   entraînante 
pour  la  haute  et  moyenne  noblesse  de  nos  contrées:  élevée 
au  milieu  d'un  pays  qui  par  ses  champs  entourés  de  grands 
arbres  ne  faisait  qu'une  masse   verdoyante   avec  les   nom- 
breuses  forêts  qu'on  y  trouve  ;  elle  passait  une  portion  de 
son  existence,  puissamment  secondée  par  une  race  de  chiens 
encore  renommés  de  nos  jours,  à  forcer  les  fauves  inépui- 
sables dont  ces  vastes  forêts  étaient  remplies  :  ces  poursuites 
souvent  dangereuses,  dans  des   bois  épais  criblés  de  ravins 
et  de  rochers  énormes,  lui    rappelaient  les   luttes  passées  : 
les  journées  s'écoulaient  rapides,  le  corps  ne  perdait  rien  de 
sa  souplesse  et  de  sa  vigueur.  Ces  hommes  de  fer  habitués  à 
vivre  frugalement  et  à  coucher  sur  la  dure.setrouvèrentainsi 
tout  préparés,  pour  soutenir,  deux  siècles  plus  tard,  la  lutte  ho- 
mérique la  plus  glorieuse  dont  l'histoire  ait  à  faire  mention.  Il 
y  aurait  à  coup  sûr  une  étude  bien  intéressante  et  d'enseigne- 
ments divers  sur  la  vie  intime  pratiquée  dans  ces  intérieurs 
honnêtes,  où  se  trouvaient  toujours  d'heureux  ménages,  où 
le  respect  des  ancêtres  était    la   première  vertu  des  enfants. 
Mais,  outre  que  nous  ne  nous  sentons  pas  de  force  à  sonder 
les  profondeurs  d'un  pareil  sujet,  nous  préférons   passer  la 
plume  à  un  poète  du  XVI"  siècle  connu   par  sa  coopération 
h.  \dL  Satire  Ménippép,  m^âs  dont  le  charmant  poème  sur  les 
Plaisirs   du    GentilJiomme  champêtre,    quoique    bien    moins 
célèbre,  mériterait  à  coup  sûr  les  honneurs  d'une   nouvelle 
éditio.n.    Nous   laissons   donc  la    parole   à   Nicolas    Rapin    ; 
personne  ne  saurait  mieux  dire  et  mieux   penser  que  lui. 
Tout  y  serait  parfait,  n'était  certaine  liberté  de  langage  dont 
on  s'offusquait  peu  alors,  mais  dont  il  ne  nous  plaît  aucune- 
ment de  prendre  la  responsabilité. 

La  deuxième  ou  troisième  édition  des  Plaisirs  du  Gentil- 
homme champHre  parut  en  1583  à  Paris,  chez  la  veuve  Lucas 
Braver.  M.    Benjamin  Fillon  possédait    un   exemplaire  de  ce 


10  LA    VENDÉE    QUI    s'eN    VA 

petit  volume  in-12  de  36  feuillets,  à  peu  près  introuvable 
aujourd'hui.  En  1853.  il  eut  l'heureuse  idée  d'en  faire  im- 
primer une  nouvelle  édition  sur  papier  ve^ffé  dans  le  même 
format  :  mais  celle  nouvelle  édition,  tirée  seulement  à  cent 
exemplaires,  est  également  devenue  rarissime.  En  voici  le 
titre  :  Z.*^'?  Plnhir.'i  du  Gentilhomme  champêtre  de  Nicolaf> 
Rapin,  prpcédéa  d'une  notice  biographique  par  Benjamin  Fil- 
lon.  'vParis,  Techner,  libraire  éditeur,  place  du  Louvre  20, 
1853).  D'après  l'auteur  de  cette  réimpression,  Nicolas  Rapin 
devait  avoir  40  ans.  lorsqu'il  mit  au  jour  ce  petit  poème. 
((  Il  était  pourvu  d'un  bon  emploi,  s'était  fait  un  certain  re- 
nom parmi  les  beaux  esprits,  et  de  récents  dégoûls  étaient 
venus  lui  faire  comprendre  le  charme  de  la  solitude.  Il  était 
doncdnns  les  roudilious  les  plus  favorables  pour  écrire  le<; 
Plais/ni  du  Gentilhomme  champêtre.  De  plus,  la  lassitude  des 
guerres  civiles  était  arrivée  à  un  tel  point  qu'une  roaclion 
violente  s'était  opérée  dans  tous  les  esprits,  et  qu'une  foule 
d'<''crivains  selaient  mis  à  louer,  en  vers  et  en  prose,  les 
douceurs  de  la  vie  rustique  ;  mais  aucun  d'eux  n'a  donné  à 
son  œuvre  la  portée  toute  particulière  de  celle  de  Rapin.  » 

On  s'étonnera  peut-être  qu'en  publiant  de  nouveau  cette 
poésie  nous  ne  donnions  pas  la  gravure  de  la  demeure  où 
elle  a  pu  être  composée  :  Terre-Neuve  a  été  si  fréquemment 
reproduit  qu'il  nous  a  semblé  préférable  de  graver  des  gen- 
tilhommières antérieures  comme  date,  et  menacées  peut-être 
d'une  disparition  prochaine.  Nous  croyons  donc  devoir 
mettre  sous  les  yeux  du  lecteur  l'intéressante  construction  de 
Saint-Juire-Champf/illon  avec  sa  tour  à  pans  contenant  l'esca- 
lier, sa  liante  lucarne  à  fronton  aigu  décoré  sur  les  rampants 
de  crochets  à  ieuilli's  dr  chicorée.  Les  douves,  les  tourelles 
d'enceinte  y  subsistaient  encore  il  y  a  quelque  >  a. mens,  ainsi 
que  le  grand  portail  cintré  et  le  petit  portillon  pourles  piétons  ; 
le  tout  surmonté  de  trois  édicules  à  frontons  triangulaires 
décorés  des  armoiries  du  maître  du  logis'.  La  seconde  planche 

*  Nous  conservons  pour  ]o  numéro  prochain  de  la    Revue    la    publication 
du  petit  poôme  de  N.  Rapin  qui  n'uirait  pu  trouver   sa   place   dans  celui-ci. 


LA    VENDÉE    QUI    s'eN    VA  11 

représente  la  Grande  Rhée,  située  au  milieu  de  la  forêt  de 
Vouvant.  Cette  bâtisse  est  également  du  XW**  siècle,  sauf 
quelques  remaniements  exécutés  au  XVI"  ;  son  enceinte  de 
douves  et  ses  portes  d'entrée  ont  disparu,  mais  elle  a  con- 
servé son  vieil  escalier  de  pierre  et  des  cheminées  Louis  XII 
dont  nous  donnons  les  profils  bien  composés*. 

Terre-Neuve,  10  mars  1891. 

0.    DE  ROCHEBRUNE. 


'  Nous  empruntons  à  l'étude  publiée  par  M.  René  Vallette  sur  le  chciteau 
de  Saint-Juire,  dans  Les  Paysages  et  Mnnuinents  du  Poitou  (Art.  Sainte- 
Hermine  et  rHermenauIf,p.  10  eti  1)1ps  renseignements  historiques  suivants; 
«  Quelques-uns  des  seigneurs  de  Saint-Juire  nous  sont  connus  :  en  15G4, 
M.  de  Montorgueil;  en  1608,  Louis  Jaillard  ;  en  1649,  P^-ançois  .Jaillard; 
en  1754,  Bérault  de  L'Angle;  en  17.t6,  Gaspard  Forien  ,  du  vivant  duquel 
fut  interdite  la  chapelle  du  château,  détruite  en  1841.  En  1790,  la  sœur  de 
M.  Forien  fit  successivement  passer  par  alliance  le  château  de  Saint-Juire 
entre  les  mains  de  M.  de  la  Motte  et  de  M.  de  Prévigneau.  En  1840,  nous 
trouvons  M.  Avice  de  la  Carte  de  Mougon.  dont  le  fils,  Prosper,  vendit  en 
1854  tout  le  domaine  k  M.  Pelletreau,  épicier  à  Sainte-Hermine. 

Les  Mougon  descendaient  des  d'Aubigné  par  N.  de  Razillv,  ce  qui  expliquait 
l'existence  au  château  de  Saint-Juire  d'un  richissime  chartrier  et  d'une 
galerie  de  tableaux  non  moins  remarquables,  parmi  lesquels  se  trouvaient  les 
portraits  d'Agrippa  d'Aubigné  en  costume  de  chevalier  de  l'ordre  du  Saint- 
Esprit,  de  M"»  de    Maintenon  et  de   Louis    XIV. 

On  y  voyait  également  deux  petits  canons  en  bronze  très  artistement  ciselés, 
et  dont  l'un  fait  partie  de  la  collection  de  M.  0.  de  Rochehrune.  » 


AUTOUR  DU  DRAPEAU  BLANC 


(Suite.  J 


— -OOO^OO*- 


Biographids  inédites  des    Vendéens  et  des  Chouans 

Par  M.  de  la  Fontanelle  de  Vaudoré. 


D 


ENÉCHAUD,  officier  d'infanterie  dans  l'armée  royale 
(lu  Bas-Poitou,  signa  après  la  Restauration  l'adresse 
au  lloi. 


DES  NOUHES  DE  LOUGHERIE  (Alexis-Hilaire),  troisième 
fils  d'Alexis-Henri  des  Nonhes  et  de  Marie-Anne  d'Aulx,  n6 
à  la  Gacaudière  en  1756. 

Après  avoir  fait,  de  1767  à  1773,  ses  études  au  collège  de 
Bressiiire,  Alexis  des  Nonhes  entra  aux  dragons  de  Condé, 
en  1777,  et  bientôt  après  aux  volontaires  du  Chevalier  de 
Larminat.  A  cette  occasion,  le  marquis  de  Lescure,  père  du 
héros  Vendéen,  qui  commandait  les  dragons,  adressa  au 
chevalier  de  Larminat,  avec  un  excellent  certificat,  une  lettre 
où  on  lit:  «  Je  vous  recommande  particulièrement  le  jeune 
Alexis  des  Nouhes  qui  est  peu  riche,  mais  de  la  noblesse  la 
plus  ancienne  et  la  plus  distinguée.  .le  l'ai  eu  quinze  mois 
dans  le  régiment  de  Condé-Dragons,  et  il  y  a  été  fort  sage.  » 

Il  épousa,  en  1782,  Jeanne-BVançoise-Marie-Madeleine,  fille 
de  feu   messire   Florent  Mercier  de  Marigny,  chevalier  de 


AUTOUR  DU  DRAPEAU  BLANC  13 

Saint-Louis,  et  de  Marie-Thérèse  de  Fesques  de  la  Roche- 
bousseau,  qui  habitait  la  seigneurie  de  la  Gallière,  paroisse 
des  Aubiers  (Deux-Sèvres.) 

En  1790,  il  était  capitaine.  Ayant  donné  sa  démission  d'of- 
ficier, il  se  retira  à  la  Gallière  où  il  vécut  tranquille  pendant 
trois  ans.  C'est  laque  son  voisin  et  ami  de  Calais,  l'un  des 
principaux  chefs  de  l'échauffourée  du  Moulin-Cornet,  vint, 
en  1792,  le  solliciter  de  prendre  part  au  mouvement  insurrec- 
tionnel royaliste.  Alexis  des  Nouhes  refusa,  mais  il  ne  put 
longtemps  résister  à  l'enthousiasme  des  paysans  d'alentour 
qui  l'avaient  proclamé  chef  de  la  division  des  Aubiers,  et  en 
1793,  il  prit  lui-même  les  armes,  bien  qu'il  n'eût  alors  aucune 
confiance  dans  le  succès  de  l'insurrection.  Si  l'on  veut  se 
rendre  compte  des  faits  et  gestes  d'Alexis  des  Nouhes  pen- 
dant la  guerre  de  Vendée,  il  faut  suivre  cette  division,  qu'il  a 
partout  et  toujours  conduite  au  feu  avec  une  rare  intrépidité. 
M""  de  la  Rochejaquelein  appelle  ces  va,illants  les  Grenadiers 
de  la  Grande  Armée;  Crétineau-Joly  dit  que  Sparte  eiit  été 
fière  de  les  compter  au  nombre  de  ses  enfants,  et  tous  les  histo- 
riens sont  d'accord  pour  en  louer  l'incomparable  bravoure. 
La  division  des  Aubiers  se  distingua  surtout  à  l'attaque  du 
Pont  de  Vrines,  à  la  prise  de  Thouars,  à  la  bataille  de  Tor- 
fou,  et  ce  fut  malgré  ses  prodiges  de  valeur  que  l'armée  ven- 
déenne fut  battue  àCholet.  A  la  bataille  du  Mans,  c'était  à  la 
tête.de  cette  division  qu'Henri  delà  Rochejaquelein  opposa 
une  suprême  résistance  aux  troupes  victorieuses  de  Kléber. 

A  Savenay  enfin ,  quand  les  Vendéens  étaient  irrémé- 
diablement perdus,  une  trentaine  de  chefs  survivants,  parmi 
lesquels  Alexis  des  Nouhes,  réunirent  environ  2000  paysans 
sur  une  éminence  adossée  à  un  petit  bois,  pour  y 
mourir  en  combattant.  Kléber  a  dit  "quelque  part  que  cette 
poignée  de  héros  tint  tête  à  son  armée  pendant  deux  heures 
avec  la  rage  du  désespoir.  La  plupart  furent  massacrés,  et  de 
ce  nombre  Alexis  des  Nouhes  et  son  intrépide  femme,  qui 
l'avait  accompagné  durant  toute  la  campagne  d'Outre-Loire. 


14  AUTOUR  DU  DRAPEAU  BLANC 

Ils  laissaient  un  fils,  qui  avait  été  confié  à  la  garde  d'un 
fidèle  serviteur  nom'mé  Ghouteau,  des  Aubiers,  et  qui,  malgré 
son  jeune  âge,  combattit  vaillamment,  en  1796,  sous  les 
ordres  de  Stolllet.  Il  reprit  les  armes  en  1799,  sous  ceux  du 
marquis  de  Grignon,  assista,  comme  capitaine,  aux  combats 
des  Aubiers,  de  Somloire  et  de  Chambretaud,  et  était  à 
quelques  pas  de  Louis  de  la  Rochejaquelein  quand  celui-ci 
fut  mortellement  frappé  sur  le  champ  de  bataille  des  Mathes. 

Retiré  à  la  campagne  pendant  la  Restauration,  il  se  livra 
avec  passion  aux  plaisirs  de  la  chasse,  et  succomba  aux 
suites  d'une  chute  de  cheval,  en  octobre  1830. 

DESPREZ  DE  MONTPEZAT,  gentilhomme  poitevin  d'une 
famille  très  ancienne^,  habitait  les  environs  de  la  Châtaigne- 
raie lorsque  la  guerre  de  la  Vendée  éclata.  Il  y  prit  part 
comme  officier,  passa  la  Loire  et  fut  grièvement  blessé  à 
l'attaque  de  Gandé'. 

DENI  AU,  officier  de  d'Elbée,  1793,  de  Saint-Ghristophe- 
du-Bois. 

DENIAUD,  officier  vendéen,  de  Montournais. 

DESTOUGHES  (le  chevalier  Gharles  -  René -Dominique 
Sochet),  chef  d'escadre,  brigadier  des  armées  navales, 
commandeur  de  l'ordre  royal  et  militaire*  de  Saint-Louis  et 
chevalier  de  l'ordre  de  Gincinnatus,  avait  servi  en  Amérique 
avec  une  grande  distinction. 

Arrêté  à  Luçon,  en  raison  de  la  part  prise  par  son  fils  à 
l'insurrection  vendéenne,  le  chevalier  Destouches  fut  con- 
duit à  Fontenay,  où  son  procès  allait  s'instruire,  quand  la 
ville  fut  prise  par  l'armée  royaliste.  Il  la  suivit  alors  et  fit 
avec  elle  la  campagne  d'Gutre-Loire.  Admis  dans  les  conseils, 


*  Un  autre  membre  de  cette  famille,  Jean-Philippe-César  Desprez  de 
Montpe/at,  seigneur  de  la  Graslière,  près  Mouilleron-en-Pareds,  y  fut  arrêté 
pendant  la  Terreur.  Traduit  devant  la  commission  militaire  de  Fontenay,  il 
fut  condamné  à  mort  et  guillotiné. 


AUTOUR    DU    DRAPEAU    BLANC  15 

notamment  dans  celui  qui  se  tint  à  Fougères,  c'est  lui  qui  avait 
proposé  d'ouvrir  une  communication  avec  l'Angleterre  par 
les  côtes  du  Poitou,  pour  aller  au  loin  ctiercher  des  ports. 

Ayant  échappé  au  désastre  de  Savenay,  il  vint  avec  ses 
deux  nièces  M""  de  Bernon,  chercher  un  asile  chez  un  fer- 
mier de  la  paroisse  de  Prinquiau.  11  y  tomba  dangBreuse- 
ment  malade^  et  après  avoir  reçu  les  secours  de  la  religion 
de  la  main  d'un  prêtre  qui  lui  aussi  avait  reçu  l'hospitalité 
dans  le  voisinage,  il  mourut  à  l'âge  de  soixante-sept  ans. 

DESTOUGHES  (le  chevalier),  [flls  du  précédent],  servit  dans 
les  Chouans  et  fut  même  blessé  au  pied  par  une  balle  dans 
une  rencontre  ;  mais  cette  blessure  ne  fut  pas  dangereuse. 
Ayant  été  arrêté  comme  agent  du  comité  de  Frotté  et  de 
l'Angleterre,  il  fut  conduit  à  Goutances.  Il  n^y  resta  pas  long- 
temps. Par  un  trait  d'audace  sans  égal;,  il  fut  en  effet  bien- 
tôt enlevé,  en  plein  jour  et  à  main  armée,  des  prisons  de  cette 
ville.  Ge  coup  de  main  fut  fait  avec  tant  de  précipitation  que 
la  garnison  n'eut  pas   le  temps  de  s'y  opposer'. 

DOUESPE  DU  FOUGERAY  (D.-F.  de  la),  anobli  et  pro- 
testant, resta  soumis  au  parti  du  roi  et  abandonna  son  châ- 
teau de  l'Oie,  commune  de  St-Florence,  poursuivre  la  Grande 
Armée.  Arrêté  après  le  passage  de  la  Loire^  il  fut  condamné 
à  mort  comme  Vendéen,  le  6  janvier  1794,  par  la  commission 
militaire  d'Angers. 

DOUESPE  DE  LA  BIFFARDIÈRE  fJ.-A.  de  la),  parent  du 
précédent,  protestant  comme  lui  et  domicilié  au  Boupère,  fut 

*  Dans  ses  Biographies  vendéennes  (t.  ii,  p.  347),  M.  Merland  dit  qu'après 
aToir  été  blessé  dans  une  affaii-e,  aux  portes  de  la  Roche-sur-Yon,  il  fut  pris 
chez  des  paysans  qui  l'avaient  caché,  et  conduit  à  Nantes.  11  allait  y  être 
fusillé,  quand  un  généreux  citoyen,  M.  Caumartin,  commisbaire  général  de 
l'arnoée,  le  fit  entrer  à  l'hôpital  et  facilita  son  évasion  ;  repris  dans  le  châ- 
teau, où  il  avait  cherché  un  asile,  il  fut  encore  sauvé  par  Caumartin  qui  le 
contia  à  un  lionnète  homme  de  Nantes,  chez  lequel  il  resta  trois  ans.  11  n'en 
uortit  qu'au  moment  où  le  décret  d'amnistie  lui  permit  de  se  montrer  en 
toute  sécurité. 


16  AUTOUR  DU  DRAPEAU  BLANC 

également  condamné  à  mort  comme  Vendéen,  le  1"  dé- 
cembre 1793  (2  frimaire  an  II),  parle  tribunal  criminel  du 
département  de  la  Vendée*. 

DUBOIS  DE  LA  PATELLIÈRE,  de  Soulans,  officier  ven- 
déen, s'étant  trouvé  à  la  prise  de  Noirmoutiers,  oîi  il  se  dis- 
tingua, fut  nommé  par  le  général  Charette  commandant  en 
second  de  l'île,  sous  le  chevalier  de  Tinguy.  Lors  de  l'attaque 
des  républicains,  il  ne  fut  point  d'avis  de  capituler  et  proposa 
au  contraire  de  se  défendre  jusqu'à  la  mort,  ajoutant  que 
la  garnison  était  dans  les  mêmes  sentiments.  Ne  se  démen- 
tant point  lorsque  les  généraux  Haxo  et  Dutruy  attaquèrent 
la  ville  et  que  les  royalistes  se  battaient  avec  le  plus  grand 
acharnement  dans  les  retranchements,  Dubois  s'y  porte  avec 
célérité.  Bientôt  renversé,  il  se  brûla  la  cervelle,  en  disant  ç'î/'îV 
ne  voulait  pas  mourir  par  la  main  des  bourreaux  de  son  Roi. 

DUBOIS  DES  GARANGERIES,  officier  vendéen,  signa 
l'adresse  de  1814. 

*  Il  avait  d'abord,  dit  M.  Léon  Aude  dans  ses  Etudes  historiques  et  admi- 
nistrnfives  sur  la  Vendre  (art.  I,e  TaUud  Sainte-Geinnie)  accueilli  les 
nouveaux  j)rincipes,  comme  une  conséquence  des  théories  sociales  qui  occu- 
paient alors  les  esprits,  même  dans  les  classes  élevées  de  la  société.  Mais  les 
excès  de  la  République  n'avaient  pas  tardé  à  changer  ses  dispositions. 
Homme  paisible  d'ailleurs  et  inoffensif,  if  passait  pour  avoir  une  grande 
fortune.  C'était  un  avantage  qui  le  venAiùi  suspect  :  être  suspect,  c'était 
être  (ligne  de  la  mort,  et  la  prison  en  était  le  chemin  infaillible. 

Il  fut  arrêté  comme  prévenu  d'être  un  des  chefs  des  révoltés,  et  conduit 
en  prison  à  Foiitenay,  d'où  il  s'échappa  le  tridi,  .'i  frimaire,  an  II  (23  no- 
vembre 17'.»;î).  Mais  des  gens  du  pays,  ses  voisins,  l'arrêtèrent  bientôt  aux 
environs  de  la  Grignonnière  (commune  du  Tallud  de  Sainte-Gemme),  où  il  se 
tenait  caché,  et  malgré  les  offres  considérables  qu'il  leur  fit.  le  conduisirent 
le  a  frimaire  à  Fontenay.  Le  tribunal  criminel  le  jugea  le  1  [  ;  le  Vl,  il  était 
guillotiné. 

Le  Conseil  général  décida  que  «  les  noms  des  vertueux  citoyens  qui  ont 
servi  la  République  en  livrant  à  la  vengeance  des  lois  l'un  des  conspirateurs 
contre  la  patrie,  en  résistant  à  l'appât  des  sommes  considérables  offertes 
avec  instance  par  La  Douëspe  pour  obtenir  sa  liberté,  seraient  inscrits  au 
pi'ocès-verbal.  » 

I..1  condamnation  emportait  la  confiscation  des.  biens  au  profit  de  la 
Kepubliqui'  ;  1p  Conseil  envoya  des  commissaii'es  pour  saisir  les  sommes  con- 
sidérables en  or  et  en  argenterie  que  la  RitTardière  avait  cachées  à  La 
Rocardière. 


AUTOl'R  DU  DRAPEAU  BLANC  17 

DU  GHAFFAULT  (Gabriel),  gentilhomme  vendéen,  neveu 
du  Gordon  rouge,  s'attacha  à  Gharette  dès  que  celui-ci  com- 
mença à  figurer  comme  chef  de  parti.  Il  se  fit  remarquer  à 
l'attaque  de  Machecoui.  le  20  juin  1793,  au  siège  de  Nantes, 
où  son  général  l'envoya  pour  s'assurer  du  départ  de  la  grande 
armée  vendéenne,  qu'on  disait  avoir  levé  le  siège  de  la  ville 
de  l'autre  côté  de  la  Loire,  et  au  combat  du  bois  du  Moulin- 
aux-Ghèvres  où.  il  fut  blessé  au  bras. 

Du  Ghafïault  s'est  toujours  montré  par  son  courage  digne 
du  nom  qu'il  portait,  et  en  1814  il  devait  commander  toute  la 
cavalerie  du  Bas-Poitou.  Il  était  alors  chef  de  la  cohorte  de 
garde  nationale  du  département  de  la  Vendée. 

En  1815,  il  ne  fut  pas  un  des  derniers  à  courir  aux  armes 
et  il  donna  de  nouvelles  preuves  de  son  intrépidité.  Le  grade 
de  maréchal  de  camp  lui  fut  reconnu,  et  il  comptait  parmi  les 
députés  envoyés  au  Roi  par  le  troisième  Gorps. 

Deux  autres  gentilshommes  du  même  nom  firent,  comme 
officiers,  partie  de  la  Grande  Armée  Vendéenne  et  y  mon- 
trèrent beaucoup  de  courage.  Etant  parvenus  à  échapper  aux 
désastres  d'Outre-Loire,  ils  se  cachèrent  dans  les  environs 
de  Savenay.  Ayant  ensuite  passé  la  Loire  pour  retourner  en 
Vendée,  ils  furent  rencontrés  par  des  soldats  de  Gharette  qui 
les  prirent  pour  des  espions  et  les  fusillèrent'. 

DUGHESNE  DE  DENANT  (le  baron  Jacques-Joseph-Flo- 
rent), fils  de  Nicolas-Dominique  Duchesne,  baron  de  Denant, 
et  de  Marie-Anne-Josèphe-Marguerite  de  Morais,  né  le  10 
septembre  1777,  au  château  de  Denant,  près  Fontenay-le- 
Comte. 

Il  sortait  à  peine  de  l'enfance,  quand  la  Révolution  éclata. 
Il  ne  rejoignit  pas  moins  l'armée  vendéenne  et  devint  bientôt 

'  Nous  ne  savons  de  quels  du  Chaffault  M.  de  la  Fontenelle  a  entendu 
pai-lei'  ;  mais  nous  pouvons  ajouter  aux  noms  précités  celui  d'Alexis-Gilheit, 
tils  de  François-Sylvestre  du  ChafiFault,  et  de  Marie-Françoise-Aimée  Marin 
de  la  Guignardière,  ancien  officier  de  marine,  qui  servit  sous  Gharette  et 
.  Lescure  et  fut  tué  à  la  déroute  du  Mans,  en  môme  temps  qu«  son  frère, 
H«nri-Barthélemy. 

ToMB  IV.  —  Janvier,  Février,  Mars  18W1.  2 


18  AUTOUR  DU  DHAPEAU  BLANC 

iiidede  camp  du  prince  de  Talmont'.  Il  passa  la  Loire  et 
donna  des  preuves  de  courage  et  de  sang-froid  dans  plusieurs 
circonstances,  notamment  à  Torfou  et  à  Entrâmes  où  il  reçut 
plusieurs  blessures,  et  au  commencement  de  la  bataille  de 
Dol  où  il  rallia  un  grand  nombre  de  fuyards.  Il  resta  caché 
pendant  plusieurs  mois  dans  une  ferme  des  environs,  cou- 
chant dans  la  grange  et  échappant  toujours  aux  perquisitions 
faites  par  les  Bleus.  Le  fils  des  gens  qui  le  cachèrent  ayant 
tiré  à  la  milice  et  devant  partir  pour  l'armée,  de  concert  avec 
les  autorités,  qui  ne  le  trahirent  point,  il  prit  sa  place  et 
sous  le  nom  de  ce  jeune  homme  il  fut  envoyé  à  l'armée  de 
Sambre-et-Meuse.  Après  la  pacification  de  la  Jaunais,  il  revint 
dans  la  Vendée  et  prit  part  à  l'insurrection  de  1799.  Pour 
prix  de  ses  loyaux  services,  il  obtint  en  1814  la  croix  de 
Saint-Louis. 

En  1815,  il  fut  chargé  avec  du  Pérat,  après  le  combat  de 
Thouars,  de  négocier  la  suspension  des  hostilités. 

Il  avait  épousé,  en  1798,  Marie-Géleste-Rosalie  Gontard, 
fille  de  Charles-Guillaume  Gontard,  ancien  maire  de  la  ville 
d'Angers,  et  mourut  au  château  de  la  Pichonnière  en  Gharcé, 
près   Brissac  (Maine-et-Loire),   le  19  janvier  1868. 

DUGHESNE  (Ferdinand),  oncle  du  précédent,  émigra  , 
rentra  en  France  où  il  échappa  à  une  Gommission  militaire 
et  devint,  en  1799  et  1800,  un  des  principaux  officiers  de  la 
division  Janvre  de  la  Bouchetière,  dépendant  de  l'armée 
d'Aulichamp'. 

DUGHESNE,  de  la  Gaubrelière,  fut,  dans  la  campagne  de 
1815,  commissaire  ordonnateur  du  corps  vendéen  du  centre 
et  officier  d'état-major. 

'  Il  fut  plu«  tard  employé  aux  états-majors  des  dififérentes  armées,  et  le 
'xîS  mai  1815,  il  fut  nooimé  colonel  d'état-major  à  celle  de  la  Rochejaquelein. 

*  Plusieurs  membres  de  la  famille  Duchesne  de  Denant  sont  morts  victimes 
de  la  Révolution.  Marie-An^^élique-Jacqueline  et  Adélaïde  furent  condam- 
nées îi  mort  par  la  commission  militaire  séante  h,  Nantes,  le  17  nivôse  an 
Il  ;  Marie-Angélique-Geneviève  de  Jouvencourt,  femme  de  Jacques-Charles- 
Florent  Duchesne,  qui  avait  suivi  les  armées  vendéennes,  fut  faite  prison- 
nière et  périt  do  misère  dans  les  pruons  du  Mans  (!•''  nivôse  an    II). 


AUTOUR  DU  DRAPEAU  BLANC  19 

DU  GHILLOU  (Pélix-Glabat),  beau-frère  de  Boisy  de  Lande- 
baudière  et  habitant  la  paroisse  de  la  Gaubretière,  servit 
comme  officier  dans  l'armée  de  Gharette  et  signa  l'arrêté  de 
Beaurepaire  du  6  décembre  1794,  pris  par  cette  armée  et 
celle  du  centre  contre  le  général  Stofflet. 

Du  Gliillou  fut  assez  heureux  pour  survivre  aux  guerres 
vendéennes. 

DU  GLOUDY,  divisionnaire  de  l'armée  de  Gharette,  se 
trouva  avec  son  corps  au  rassemblement  de  trois  divisions 
qui  eut  lieu,  en  octobre  1794,  au  marais  Perrier,  entre 
Ghallans  et  Saint-Jean-de-Mont.  Ce  corps  prit  Ghallans  sans 
opposition  et  se  dirigea  sur  Saint-Gilles-sur-Vie.  Mais  les 
républicains,  instruits  de  ce  mouvement,  s'étaient  repliés  là 
et  avaient  pris  des  dispositions  pour  se  défendre.  Le  31  oc- 
tobre, vers  huit  heures  du  soir,  les  Vendéens,  voyant  les 
postes  évacués  et  se  trouvant  maîtres  de  la  rivière  de  Vie, 
marchèrent  au  pas  de  charge  sur  les  républicains.  Ceux-ci 
répondirent  par  un  feu  de  file  soutenu  et  une  vive  canon- 
nade et  la  bataille  dura  jusqu'à  minuit.  Les  habitants  du 
marais,  bons  seulement  pour  se  défendre,  étaient  alors 
découragés  et  du  Gloudy  et  les  autres  chefs  firent  de  vains 
efforts  pour  les  engager  à  charger  de  nouveau.  Il  fallut  songer 
à  la  retraite,  après  une  perte  considérable  d'hommes,  causée 
particulièrement  par  l'artillerie  ennemie.  Les  divisions  de 
Joly  et  de  Savin  furent  celles  qui  partagèrent  avec  les  soldats 
de  du  Gloudy  les  désastres  de  cette  journée,  dont  le  succès 
pour  les  patriotes  fut  dû  à  l'adjudant-général  Charlery. 

Du  Gloudy  n'a  pas  survécu  aux  guerres  vendéennes. 

DUHOUX  D'HAUTERIVE',  ancien   militaire,   chevalier  de 

»  Pierre  Duhoux  d'Hauterive,  né  le  12  août  1746,  fils  de  Jean  Duhoux 
d'Hauterive,  gouverneur  de  Noirmoutiers,  et  de  Charlotte  de  JuUiot.  Page 
du  prince  de  Condé,  sous-lieutenant  de  la  légion  de  Condé  en  17(Ui,  capitaine 
au  régiment  de  Cambrésis  en  1778  ;  démissionnaire  et  chevalier  de  Saint- 
Louis  en  1787.  Il  avait  d'abord  rejoint  l'armée  de  Condé,  puis  l'armée  ven- 
déenne. Pris  et  fusillé  à  Noirmoutier,  le  9  janvier  1794. 


20  AUTOUR  DU  DRAPKAU  BLANC 

Saint-Louis  et  gouverneur  de  l'île  de  Noirmoutier  avant  la 
Révolution,  émigra  et  fit  la  campagne  de  1792  à  l'armée  de 
Condé.  En  mars  1793,  il  rejoignit  les  Vendéens  à  Beaupréau 
et  fut,  à  raison  de  ses  services  militaires  et  de  sa  qualité  de 
beau-frère  de  d'Elbée,  considéré  comme  officier  général. 
Nommé  membre  du  conseil  de  l'armée  royale  et  aide-major  du 
marquis  de  Donissan,  il  fut  en  même  temps  créé  gouverneur 
général  des  pays  conquis,  place  qui  lui  valut  le  comman- 
dement de  Beaupréau,  l'un  des  points  les  plus  intéressants 
de  In  Vendée  militaire. 

11  appuya  fortement,  à  Saumur,  le  projet  de  nommer  Cathe- 
lineau  généralissime,  et  établit  peu  après,  de  concert  avec  de 
Marigny,  des  moulins  à  poudre  à  Mortagne,  à  Mallièvre  et  à 
Beaupréau.  Il  signa  l'adresse  aux  Français  faite  à  Fontenay 
le  27  mai  1793,1a  sommation  adressée  le  2  juin  suivant  à 
l'autorité  municipale  de  Nantes,  la  délibération  prise  le  12  du 
même  mois  à  Saumur  et  portant  nomination  de  Gathelineau 
au  grade  de  généralissime,  et  la  proclamation  «  à  tous  les 
bons  Français  »  donnée  à  Ghâtillon-sur-Sèvre  le  24  août  de  la 
même  année. 

Duhoux  accompagna  son  beau-frère  d'Elbée  blessé,  lorsque 
celui-ci  se  retira  à  Noirmoutiers.  Il  comptait  que  Charette  lui 
rendrait  le  commandement  de  cette  île  ;  ce  qui  n'eut  pas  lieu 
et  ce  dont  il  se  plaignit  amèrement.  Le  général  vendéen  en 
ayantété  instruit,  réponditque  le  gouvernement  de  l'île  n'était 
pas  dû  à  celui  qui  n'avait  pas  su  le  conserver,  que  Noir- 
moutier appartenait  à  ceux  qui  en  avaient  fait  la  conquête, 
et  que  le  chevalier  deTinguy,  qui  était  de  ce  nombre,  devait 
dès  lors  commander.  Au  surplus,  l'île  fut  bientôt  prise  par  les 
républicains  et,  au  mépris  de  la  capitulation,  portant  que  la 
garnison  serait  prisonnière  de  guerre,  Duhoux  fut  fusillé 
avec  le  général  d'Elbée  et  une  foule  d'autres  Vendéens  (7  jan- 
vier 1794)'. 

'M.irffuerite-Charlotte  Duhoux  d'Hauterive,  épouse  du  général  d'Elbée,  fut 
de  ce  nombre. 


AUTOUR    DU    DRAPEAi:    liLANÇ  îl 


Duhoux  était  un  homme  de  mérite,  mais  il  ne  joua  pas  un 
aussi  grand  rôle  que  ses  talents  et  sa  position  devaient  le 
faire  supposer. 

DUHOUX  (le  chevalier),  cousin  du  précédent  et  neveu  du 
général  républicain  du  même  nom,  commanda  une  division 
de  la  grande  armée  catholique,  se  distingua  dans  plusieurs 
occasions,  notamment  au  combat  de  Meurs  et  d'Erigné,  en 
avant  des  Ponts-de-Gé,  le  26  juillet  1793,  de  Beaulieu  et  de 
Saint-Lambert,  le  19  septembre  de  la  même  année,  et  enfin 
à  la  bataille  de  Gholet.  Il  eut  alors  à  combattre  son  oncle,  le 
général  Duhoux,  qui  commandait  l'armée  républicaine  ;  il  le 
battit,  lui  prit  son  artillerie,  et  le  poursuivit  jusqu'aux  Ponts- 
de-Cé.  On  prétend  même  que  le  chevalier  Duhoux,  qui  était 
un  des  meilleurs  lieutenants  de  d'Elbée,  dit  aux  Vendéens  à 
Chalonnes  :  «  Prenez  patience,  mon  oncle  ne  vous  laissera 
pas  manquer  de  munitions  !  »  S'il  s'exprima  ainsi,  ce  ne  l'ut 
que  pour  encourager  les  siens,  car  il  est  à  remarquer  que  les 
Vendéens,  dans  toutes  leurs  guerres,  n'ont  jamais  usé  il' 
ir.ôyens  de  corruption,  et  le  chevalier  Duhoux  les  aurait  muins 

LîiiùiiùL  cul  liu.i  \c  [ja.->.-Li,,-;e  de  l.i  Loire,  et  la  Grande  Ai-iaéc 
s-'étant  réorgauibée  à  V'araclus,  le  cliovalii-i'  Duluux.  qui  avait 
l'acilitu  la  traversée  en  se  porlant  de  Saint-FloreuL  à  cette 
précédente  localité,  fui  noiumé  adjudant-général  en  second. 
Sun  premier  acte  dans  ce  nouveau  poste  tut  de  repousser  les 
républicains  jusqu'aux  portes  d'Angers  et  de  battre  l'adju- 
dant-général  patriote  Tabary,  qui  perdit  deux  canons.  Le 
général  Aulanier  sortit  des  Ponts-de-Gé  avec  les  garnisons 
de  Valenciennes  et  de  Gondé  ;  n.ais  il  fut  battu  à  son  tour. 

Pendant  tout  le  reste  de  la  campagne,  le  chevalier  Duhoux 
fut  de  môme  très  utile  à  son  parti,  commanda  l'arrière-garde 
à  la  bataille  de  Laval,  devint,  à  Fougères,  membre  du  conseil 
militaire  et  finit   par  périr  à  la  bataille  du  Mans. 

G'élait  un  jeune  homme  de  vingt  ans,  fort  brave,  mais 
étourdi  en  proportion  de  son  courage. 


22  AUTOUR   DU    DRAPEAU    BLANC 

DUPLESSIS,  avocat  à  la  Roche-sur- Yon,  devint  membre  du 
conseil  supérieur  de  l'armée  catholique  et  royale,  établi  à 
Châtillon-sur-Sèvre  en  1793.  Il  signa  en  cette  qualité  l'ordon- 
nance du  24  juillet  1793  sur  les  biens  nationaux,  le  règlement 
général  du  2  août  de  la  même  année  sur  la  circulation  des 
assignats  républicains,  et  celui  du  l"  août,  organique  de 
l'ordre  judiciaire.  11  fut  aussi,  par  la  proclamation  du  Conseil 
supérieur  du  20  du  même  mois,  chargé  du  visa  des  assignats 
de  25  sous.  Ayant  survécu  aux  guerres  vendéennes,  Duplessis 
devint  plus  tard  procureur  du  roi  au  tribunal  de  première 
instance  de  Bourbon-Vendée*. 

DURCOT  DE  PUYTESSON,  ancien  officier  français  émi- 
gré, chef  de  la  division  de  Ghauché  sous  Suzannet  en  1815, 
joua  un  rôle  considérable  en  Vendée  pendant  les  dernières 
années  de  l'Empire,  pour  préparer  l'insurrection'-'. 

DUTEMPLE,  officier  vendéen,  fut  nommé,  à  l'organisation 
de  Pouzauges,  adjudant-major  de  l'armée  de  la  Basse-Vendée. 

DUVAU  DE  GHAVAGNES,  aide  de  camp  dans  les  armées 
vendéennes,  signa  en  1814  l'adresse  au  Roi^  ♦♦ 

La  Fontenelle  de  Vaudoré. 
(A  suivre). 

'  Nommé  le  52  novembre  1815,  il  y  exerça  ses  fonctions  jusqu'au  17 
•eptembre  1821. 

•  A.  des  Nouhes,  Album  des  généraux  Vendéens,  p.  91. 

'  Madame  Duvau  de  Chavagnes,  née  de  Sapinaud  de  Boishuguet,  proprié- 
taire (lu  rh;iteau  de  la  Barbinière.  en  Saint-Laurent-sur-Sèvre,  fut  victime 
des  noyades  de  Carrier  à  Nantes,  en  décembre  1793. 


UN  DISCIPLE  DE  VITRUVE  EN  BAS-POITOU 


L'i^RCHITEGTE  JULIEN  MAUCLERG 


(1513-1577) 


"j"  lJTV5^T5=»i*- 


IL  serait  superflu  de  vanter  les  mérites  du  XVI"  siècle  et 
de  rappeler  le  brillant  essor  que  cette  époque  sut  im- 
primer aux  lettres  et  aux  arts.  Au  milieu  de  la  fermen- 
tation générale  qui  agitait  alors  les  centres  intellectuels,  une 
impression  extraordinaire  se  produisit  sur  les  esprits  élevés  et 
élégants.  Une  ère  nouvelle  s'ouvrit  tout  à  coup,  les  lettres 
se  ranimèrent  au  contact  des  anciens,  et  les  arts,  vivifiant  la 
forme  antique  par  l'esprit  chrétien,  atteignirent  une  incom- 
parable hauteur.  Le  Bas-Poitou  n'échappa  point  à  cette 
salutaire  influence  et  sans  parler  de  la  savante  pléiade 
d'illustrations  fontenaisiennes,  dont  l'éclosion  a  donné  un 
si  juste  renom  à  l'ancienne  capitale  de  ce  pays,  nous  en 
trouvons  une  éloquente  preuve  dans  ce  seigneur  du  Ligneron 
et  de  la  Brossardière',  Julien  Mauclerc,  qui  ne  craignit  pas 
de  déroger  en  maniant  l'équerre  et  le  compas  de  l'architecte 
et  en  allumant  les  fourneaux  du  faïencier. 

Curieuse   figure,   du  reste,   que  celle  de   ce  petit  gentil- 
homme, perdu  au  fond  de   sa  province  et  cherchant  derrière 


*  Le  Ligneron    est  situé   dans  la  paroisse  d'Aspremont,  au  sud  du  bourg 
la  Brossardière  est  en  Coëx. 


24 


l\\iu:hitkcte  julien  mauglerc 


les  épaisses  murailles  de  son  manoir  à  faire  revivre  la  science 
de  Vitruve  et  les  procédés  de  Bernard  Palissy. 

Né  en  1513,  d'une  famille  très  attachée  à  la  cause  huguenote, 
Julien  Mauclerc,   à  l'exemple  de  nombreux  gentilshommes 


iiMiiliiiiiiiiiiiiiiiiiMillliliiiiJiillimmiiwiiiiiiiiwlimmiiiiiiiiiiiM 

Portrait  de  Mauclerc. 


poitevins,  embrassa  la  cause  du  roi  de  Nav^irre'.  La  paix 
faite,  il  abandonna  le  métier  des  armes  et  se  retira  au  Ligne- 
ron,  où  il  écrivit  le  Traitté  de  V architecture  suivant  Vitriwe, 


'Suivant  le  P.  \ni:6\i\  {Pu  ysagi's  et  Monuments  du  Poitou,  art  Saint- 
nillcs,  p  10.  et  S),  la  Réloriiie  aurait  mèine  été  introduite  à  Saint-Gilles 
par  Julien  Mauclero  qui  avait  épousé  la  vc:iV3  de  Guillnuine  Danyau,  seigneur 
de  ce  lieu. 


l'architkcie  jllikn  mauclehc  25 

«  ouvrage,  disait  l'éditeur,  qui  n'est  pas  moins  glorieux  pour 
les  Français  qu'il  l'est  pour  son  autheur.  »  Gomme  l'indique 
le  titre,  il  y  est  traité  »  des  cinq  ordres  de  colomnes  :  Toscane, 
Dorique,  Ionique^  Corinthe  et  Composite,  divisées  en  sept 
chapitres,  qui  enseignent  lews  différentes  proportions,  mesures 
et  noms  propres,  suivant  la  pratique  des  plus  anciens  archi- 
tectes grecs  et  romaiîis,  comme  aussi  de  tous  les  membres  gé- 
néraux et  particuliers  nécessaires  à  la  construction  des  temples  y 
palais,  châteaux,  forteresses  et  tous  autres  bastiments  avec 
leurs  dépendances.  » 

Cinquante  planches^  également  dessinées  par  Mauclerc, 
accompagnent  le  texte.  La  première,  à  laquelle  a  été  emprunté 
le  portrait  de  l'auteur  reproduit  plus  haut,  est  une  représen- 
tation allégorique  de  l'art  rustique'.  On  y  voit  l'image  des 
neuf  Muses,  des  sept  Vertus  cardinales,  des  sept  Arts  libéraux, 
des  cinq  Corps  réguliers,  des  trois  Grâces  et  des  trois  Parques. 
Au  dessus  de  la  tête  de  Julien  sont  gravés  ces  deux  vers  : 

En  fuyant  oisiveté 

Jk  acquiers  IMMQRTALITK. 

Tout  à  fuit  au  liaut  du  poptic|ue,  on  voit  deux  mains  tenant, 
l'une  une  épée,  l'autre  an  compas,  avec  cette  devise  :  Prest  à 
^oi^Z/a/re,  qui  reflète  assez  exactement  l'existence  de  Mauclerc. 

Cette     planche    porte     au     bas    l'inscription     suivante  : 

«  Première-  planche    des-  oevvres-  de*  archiïectvre*   de' 

JvLIEN-  MaVCLERC  GENTILHOMME"  POITEVIN"  SEIGNEVR"  DV. 
LIGNERON*  MavCLERG"  CONTENENT"  SA"  DEVISE"  ET  EFFIGIE" 
EN"  LAN"  DE*  SOW  AAGE  "  53*  DE"  SON'  INVENTION"  DESPEINTE" 
DE  SA"  MAIN"  ET'  PARACHEVÉE"  DESTRE"  TAILLÉE  AV  "  BVRIN  ' 
AV    MOIS'    DE'    SEPTEMBRE'    1566. 

Il  n'est  point  tout  à  fait  exact  d'attribuer  l'invention  de 
cette  planche  à  Mauclerc.   Ce  dernier  parait,  m  efïet,  avoir 

'  Le   cliché   de   ce   portrait   nous  a    étt^  obligeamment   communiqué    par 
M.  J.  Robuchon,  des  Paysages  et  Monuments  du  Poitou . 


26  l'architecte  julien  mauclerg 

copié  l'agencement  d'une  des  planches  de  Sébastien  Serlio*, 
dans  son  ouvrage  des  Trente  Portes  (publié  en  1560  par 
Guillaume  Rouille),  et  s'est  contenté  de  lui  donner  des  pro- 
portions plus  grandes  et  d'y  intercaler  des  emblèmes  qui 
n'existaient  pas  sur  le  modèle. 

L'œuvre  de  Mauclerc  n'a  rien,  du  reste,  d'absolument  ori- 
ginal. Comme  le  dit  V Avant-Propos  de  l'éditeur,  «  il  faut  sça- 
voir  que  M.  de  Mauclerc  a  suivy  le  grand  Vitruve  et  que  tout 
ce  qu'il  en  a  escrit  et  mis  en  dessein  n'est  qu'une  fidelle 
démonstration  de  ce  que  ce  premier  des  architectes  en  a 
'discouru  ;  il  s'est  attaché  à  bien  esclaircir  ses  préceptes,  il  a 
conservé  partant  la  justesse  de  ses  règles  et  ne  diminuant  ou 
augmentant  rien  de  ses  leçons,  il  s'en  est  servy  comme  du 
plus  solide  fondement  qu'il  pourrait  donner  à  son  entreprise.  » 

Il  serait  néanmoins  injuste  de  ne  pas  reconnaître  des  mé- 
rites à  cet  ouvrage.  «  Les  soins  qu'il  y  a  apportez,  l'exacte 
justesse  qu'il  adonnée  aux  mesures  de  ses  colonnes,  la  re- 
cherche des  plus  convenables  ornements  et  des  moindres 
particularitez  qu'il  a  remarqués  dans  les  corps  et  dans  tous 
leurs  membres,  feraient  passer  son  ouvrage  pour  un  miracle, 
si  les  étrangers  n'avaient  point  préoccupé  nos  esprits  de 
ce  qu'ils  ont  escrit  sur  la  matière.  »  A  dire  vrai, cet  éloge 
un  peu  pompeux  serait  plutôt  mérité  par  le  fini  des  gravures, 
toutes  signées  du  monogramme  de  René  Boyvin  {Renatus 
Boyvimis  Andegavensis  faciebat,  io7ô). 

Quelque  diligence  qu'il  ait  mise  dans  la  composition  de  son 
Architecture,  Mauclerc  fut  surpris  par  la  mort  avant  d'avoir 
pu  la  livrer  au  public.  C'est  ce  qui  explique  comment  les 
planches  sont  datées  de  1566,  alors  que  l'ouvrage  n'a  vu  le 
jour  qu'en  1648. C'est  seulement,  eneffet.à  cette  dernière  date, 
que  Pierre  Daret,  graveur  ordinaire  du  roy,  fit  paraître 
l'œuvre  du  gentilhomme-artiste  bas-poitevin.  Il  y  fit  môme 
quelques   adjonctions  empruntées   aux   architectes    italiens 

'  Sébastien  Serho,  architecte,  né  à  Bologne  en  1475, appelé  par  François  l*"- 
à.  Fontainebleau,  nommé  par  lui  surintendant  des  bâtiments  de  la  couronne 
et  décédé  en  1552. 


l'architecte  julien  mauclerg  27 

Scamozi  et  Paladio,  et  y  glissa  des  ornements  de  frises  à  la 
manière  de  Vignole'. 

La  bibliothèque  de  M.  0.  de  Rochebrune  renferme  trois 
exemplaires  de  cet  ouvrage  devenu  rarissime  ;  l'un  d'eux, 
successivement  possédé  par  MM.  Thomas  Arnauldet  et  Ben- 
jamin Fillon,  paraît  avoir  appartenu  à  Mauclerc  lui-môme. 
M.  deRochebrune  possède  égalementdans  sa  collection  d'ico- 
nographie vendéenne  une  copie  in-folio  du  portrait  de  Mau- 
clerc faite  au  XVIP  siècle  par  un  anonyme,  et  oîi  la  partie  ar- 
chitecturale empruntée  à  Serlio  est  remplacée  par  une  con- 
tre-façon de  celle  d'un  portrait  de  Vignole  gravé  vers  la 
même  époque'. 

Doué  de  multiples  aptitudes^,  Mauclerc  avait  établi  au  Li- 
gfleron  une  fabrique  de  bouteillages  en  terre  blanche,  ainsi 
que  le  prouvent  des  Lettres  Patentes  de  François  II,  datées  de 
1560  et  reproduites  par  Benjamin  Fillon  dans  son  Art  de  terre 
chei  les  Poitevins  (p.  138  et  s.).  Si  nous  en  croyons  M.  Lièvre 
[Histoire  des  Protestants  du  Poitou,  T.  III.  p.  165),  Mauclerc  ne 
se  contentait  pas  de  cultiver  les  arts  avec  succès  :  il  se 
serait  également  adonné  à  la  Botanique  et  aurait  même  à  ses 
moments  perdus  rimé  deux  petits  poèmes. 

Il  est  au  moins  avéré  qu'il  fut  un  disciple  émérite  de  Vi- 
truve,etce  titre  suffit  à  lui  assurer  une  honorable  place  parmi 
nos  illustrations  vendéennes. 

V Inventaire  des  Autographes  de  la  Collection  B.  Fillon, 
place  sa  mort  vers  1577, 

A  trois  siècles  de  là,  unautre  gentilhomme  vendéen  devait 
apporter  à  l'art  français  le  tribut  de  son  immense  talent  et 
nous  donner  une  éclatante  preuve  que  la  terre  qui  a  produit 
tant  de  héros  sait  encore  enfanter  des  génies. 

René  Vallette. 

•  Scamoji  (Vincent),  célèbre  architecte,  né  à  Vicence  en  1552,  mort  A 
Venise  en  1616.  Vignole  (plus  connu  sous  le  nom  de  Jacq.  Barozzio), 
archite  '.te  également  de  mérite,  né  à  Vignole,  petite  ville  du  duché  de 
Modène,  en  1;)07,  mort  à  Rome  en  1573. 

'L'ouvrage  de  .Julien  Mauclerc  aurait  été,  suivant  B.  Fillon,  réimprimé 
en  Angleterre  au  XVII»  siècle. 


CHEZ   LES   GALLO-ROMAINS 

DU  PAYS  DE  MAILLEZAIS 


i^loN   CHER  Directeur, 

> 

DKGiDÉMF.NT  le  pays  do  Maillezais  est  une  mine  inépui- 
sable (l'ubsorvations  pour  les  anthropologistes  et  les 
clinrcheurs,  s'il  est  vrai  surtout  que  les  tombeaux 
soient  le  critérium  de  la  science  archéologique! 

En  1^29,  nous  indiquions  à  celte  même  place  les  curieuses 
trouvailles  faites  à  Bouillé-Gourdault.  En  1890,  nous  y  si- 
gnalions la  découverte  des  souterrains-rofuges  de  Chalais. 
Quelques  mois  après,  des  andouillers  de  cerf  de  l'époque 
préhistorique  étaient  déterrés  dans  le  port  de  La  Corne  ù 
2"  50  de  profondeur  sous  le  bris. 

Et  voilà  que  la  pioche  du  terrassier,  nous  met  en  présence 
de  trois  antiques  nécropoles,  toutes  situées  dans  les  com- 
munes de  Mazeau  'et  de  Saint-Sigismond,  pendant  qu'un 
laboureur  exhume  du  sol  de  Benêt  les  vestiges  d'habitations 
anciennes  encore  incomplètement  explorées,  et  deux  stèles 
de  l'époque  gallo-romaine  d'une  assez  belle  conservation. 

Vous  voyez  donc  qu'il  est  bon  de  scruter  cette  curieuse 
région  jusque  dans  ses  coins  les  plus  reculés,  puisque,  de  ses 
obscurités,  on  peut  quelquefois  faire  jaillir  bien  des  lumières 
qui  pourront  peut-être  éclairer  d'un  jour  nouveau  l'histoire 
encore  bien  incomplète  de  la  vieille  humanité. 


GHEZ    LES    GALLO-ROMAINS    DU    PAYS   DE    AIAILLEZAIS  29 

Les  trois  cimetières  qu'on  vient  de  retrouver  sont  situés 
sur  les  bords  de  ce  vieux  golfe  des  Pictons  où,  dans  tous 
les  temps,  les  populations,  mises  en  mouvement  par  des  im- 
pulsions irrésistibles,  se  sont  pressées  à  l'envi. 

Des  silex,  dos  poteries,  des  instruments  de  bronze,  des 
armes,  des  monnaies,  trouvés  çà  et  là  aux  confins  de  la 
plaine  et  du  marais  vendéen,  sont  avec  ces  champs  de  l'éternel 
repos  les  témoins  irrécusables  du  séjour  sur  ce  sol  de  races 
diverses  depuis  longtemps  éteintes,  mais  qui  toutes  ont 
formé  entre  elles  les  anneaux  d'une  chaîne  non  interrompue 
de  peuples  se  succédant  les  uns  aux  autres  depuis  des 
milliers  d'années,  et  dans  les  mêmes  lieux,  tant  est  puis- 
sante chez  l'homme  la  force  de  l'habitude. 

La  première  de  ces  nécropoles,  appelée  du  nom  caractéris- 
tique de  Terres-Noires,  est  jusqu'à  présent  la  mieux  explorée. 
Elle  est  placée  en  bordure  de  la  route  de  Saint-Sig'ismond 
au  Mazeau,  à  quelques  cents  mètres  à  peine  du  magnifique 
canal  de  Gourdault  et  des  rives  ombreuses  et  poétiques  de 
l'Autise,  dont  les  flots  bleus  devaient,  pour  les  Aryens,  porter 
vers  le  pays  de  l'avenir  l'âme  de  leurs  chers  défunts. 

Les  deux  autres  confinent  aussi  à  la  lisière  de  cette  mélan- 
colique plaine  de  Benêt,  dont  les  dernières  ondulations  aux 
teintes  uniformes,  d'un  brun  intense,  viennent  se  terminer 
presque  sans  transition  avec  un  riche  marais,  coupé  de  ca- 
naux, parsemé  d'îles  aux  formes  géométriques,  se  détachant 
en  bossage  sur  le  fond  vert  d'arbres  à  la  végétation  puissante 
et  forte. 


SÉPULTURES.  —  ORIENTATION.  —  OBJETS  DIVERS. 

Si  jusqu'à  présent  aucun  fragment  de  pierre  tombale  ou  de 
sarcophage  n'a  été  trouvé  dans  les  fouilles,  on  n'en  a  pas 
moins  retiré,  bien  que  les  précautions  voulues  n'aient  pas 
toujours  été  [)rises,  une  assez  grande  quantité  de  vases  de 


30  CHEZ    LES    GALLO-ROMAINS 

formes  diverses,  el  une  cinquantaine  de  squelettes  dont 
presque  tous  avaient  des  dimensions  athlétiques.  Le  crâne 
et  la  rotule  étaient  énormes  ;  le  tibia  mesurait  en  moyenne 
0. 10  de  plus  que  celui  d'un  homme  de  taille  ordinaire,  et  les 
os  des  bras  étaient  extrêmement  allongés.  On  peut  affirmer 
sans  crainte  que  quelques-uns  de  ces  squelettes  mis  au  jour 
mesuraient  près  de  deux  mètres. 

Dans  la  plupart  de  ces  sépultures,  remontant  au  IIP  siècle, 
ainsi  que  nous  l'expliquerons  plus  loin,  les  morts  avaient 
la  face  tournée  vers  le  nord  ou  le  nord-est  de  préférence,  et 
l'orientation  de  cette  nécropole  avait  sans  nul  doute  son 
origine  dans  une  croyance  chère  aux  populations  primitives. 

On  peut  supposer  aussi  qu'un  souvenir  de  ces  grandes 
migrations  dont  les  Celtes  avaient  laissé  de  nombreuses 
traces,  dans  la  Ghersonèse  cimbrique  surtout,  ait  pu  faire 
choisir  cette  orientation,  qui  était  presque  toujours  celle  de 
leurs  villages,  et  leur  faire  tourner  de  préférence  leurs 
prières  et  leurs  morts  du  côté  d'où  leurs  dogmes  sont  venus  ? 
C'est  fort  probable"? 

Peut-être  encore  que  l'île  d'Helgoland  (Terre  sainte),  où 
l'antique  dieu  du  feu,  Loki,  avait  son  principal  sanctuaire, 
était  le  centre  d'attraction  où  tout  convergeait  pour  nos  pères, 
à  moins  que  ce  ne  fût  vers  les  mystérieuses  régions  hyper- 
boréennes  où  les  Grecs  plaçaient  le  mythique  Abaris  ? 

Selon  la  coutume  empruntée  aux  Étrusques  et  chère  aux 
Gaulois,  les  restes  mortels  dont  nous  nous  occupons  avaient 
été  déposés  en  terre,  plus  ou  moins  profondément,  selon  le 
rang  et  la  position  occupés  par  le  défunt  dans  la  société. 

Beaucoup  de  ces  tombes  contenant  des  corps  superposés 
faisaient  rêver  à  des  inhumations  simultanées  du  Breur,  du 
frère  d'armes,  avec  son  dévoué,  son  soldure',  mort  avant 
lui,  à  ce  mépris   de  la  mort  poussé  jusqu'au  fanatisme  qui 

*  Personne  n'ijjnore  du  reste  que  le   chœur  de   presque  toute»  les  églifei, 
ainsi  que  les  cimetières  chrétiens  sont  tournés  vers  le  levant. 
'  Commentaires  de  César  :  lirre  III. 


f. 


DU    PAYS    DE    MAILLEZAIS  31 

faisait  dire  à  Horace,  Non  paventis  funera  Galliœ  (Odes,  livre 
IV,  ode  XIII). 

Gomme  dans  le  pays  des  Méryahs,  les  épouses  ne  s'étaient- 
elles  point,  là  aussi,  précipitées  dans  le  tombeau  de  leurs 
époux,  vêtues  comme  au  jour  de  leurs  fiançailles,  et  s'écriant 
à  l'instar  de  Gamma,  la  belle  prêtresse  de  Galatic  «  Je  vais 
rejoindre  pour  toujours  celui  auquel  j'avais  donné  toute  mon 
âme,  mon  bien  aimé   Sinat  ! 

Dans  presque  toutes  les  sépultures,  le  long  des  bras, 
quelquefois  près  du  crâne,  entre  les  pieds  du  mort,  contre 
ses  épaules,  parfois  même  jusque  sur  sa  poitrine,  on  a  trouvé 
des  vases  en  terre  ou  en  verre  de  toutes  grandeurs  et  de 
toutes  espèces,  qui  afîectaient  le  plus  souvent  la  forme 
d'ustensiles  d'un  usage  commun'. 

Quelques-uns  de  ces  vases,  sur  lesquels  nous  reviendrons 
plus  loin,  contenaient  des  fragments  d'os,  des  débris  de 
squelettes  d'oiseaux,  etc,  témoins  irrécusables  du  festin 
funèbre  dont  on  avait  réservé  sa  part  à  celui  qui  partait 
pour  le  long  voyage  dont  personne  ne  revient. 

Du  reste,  il  est  prouvé  aujourd'hui  que  les  Gaulois,  se 
refusant  énergiquement  à  l'idée  du  néant,  crurent  longtemps 
reconnaître  dans  les  soupirs  du  vent,  dans  le  doux  murmure 
de  l'onde,  dans  les  voix  étranges  solennelles  et  mystérieuses 
des  solitudes,  les  gémissements  et  les  appels  de  ceux  qui 
les  avaient  quittés. 

De  là  ce  respect  profond  des  morts,  qui  est  toujours  de- 
meuré si  vivace  chez  nous,  cette  croyance  à  l'immortalité  de 
l'âme  qui  faisait  que  la  sépulture  constituait  pour  ainsi  dire 
un  devoir  élevé  se  rattachant  à  ce  dogme^  On  plaçait  à  côté 


*  Dans  le  cimetière  gallo-romain  de  Bordeaux,  les  vases  qui  accompa- 
gnaient les  squelettes  étaient  ordinairement  près  delà  tête,  près  des  hanches 
et  à  coté  des  pieds.  Les  vases  étaient  des  espèces  de  bouteilles  à  ventre  très 
renflé,  à  goulot    fort  étroit,  n'ayant  pour  la  plupart  qu'une  anse. 

'  César  trouve  le  culte  des  morts  si  en  honneur  et  si  bien  conservé  chez 
les  Gaulois,  qu'il  ne  peut  s'empêcher  de  l'admirer  tout  en  cherchant  brutale- 
ment à  l'anéantir.  (Les  funérailles  des  Gaulois,  etc.,  p.  66.) 


32  CHEZ   LES    GALLO-ROMAINS 

du  défunt  ce  qu'il  avait  le  mieux  aimé  de  son  vivant  —  à 
l'enfant  un  jouet,  le  lait  des  brebis  —  à  la  femme  ses  pa- 
rures, des  (leurs  odorantes  —  à  l'homme  ses  armes  et 
quelquefois  son  cheval  de  bataille'. 

Quant  aux  pauvres,  on  avait  soin  de  leur  donner  tout  au 
moins  une  paire  de  souliers  neufs  pour  pouvoir  entreprendre 
le  voyage  de  Walhalla.  Alors  l'absence  presque  complète  de 
monnaies  et  de  parures  semblerait  faire  croire  que  les 
cimetières  dont  nous  nous  occupons  étaient  destinés  à  la 
classe  pauvre. 

Si  l'on  tient  compte  du  nombre  relativement  faible  des 
sépultures  mises  à  jour,  ne  peut-on  pas  admettre  aussi  que 
ces  nécropoles  étaient  destinées  aux  inhumations  du  per- 
sonnel domestique  d'une  de  ces  villas  gallo-romaines,  si 
nombreuses  en  Vendée,  au  sujet  desquelles  Benjamin  Fillon 
ne  craignait  pas  d'affirmer,  au  congrès  archéologique  tenu 
à  Fontenay  en  1846,  qu'il  n'y  avait  peut-être  pas  «  une  seule 
«  commune,  sinon  du  marais,  du  moins  de  la  plaine  ou  du 
«  bocage,  qui  n'eût  quelque  trace  d'habitation  romaine.  » 
D'ailleurs  les  découvertes  nombreuses  faites  depuis  un  siècle 
dans  notre  pays  démontrent,  à  n'en  pas  douter,  que  dès  le 
II' siècle,  sous  la  monarchie  des  Antonins,  et  plus  tard  sous 
Postliumus,  Lollianus,  Victorinus,  Marius  etTétricus,  pendant 
le  règne  desquels  la  Gaule  fut  indépendante,  toutes  les 
magnificences  du  midi  avaient  envahi  notre  contrée,  et 
qu'aux  maisons  de  terre  et  de  bois  avaient  succédé  des 
maisons  de  pierre  et  de  marbre.  Cette  affirmation  est  du 
reste  corroborée  par  les  belles  études  auxquelles  se  sont 
livrés  le  général  de  Vaudoncourt,  Valckenaër  et  Thierry'. 

Dans  un  des  vases  se  trouvait  renfermée  une  défense  de 

•  M.  Massé,  architecte  à  Paris,  a  trouvé  dernièrement,  près  de  Saint-Maur- 
les-Fossés,  des  sépultures  gauloises  rentermant  des  femmes  entourées  d'en- 
fants avec  coupes  ;i  fond  conique,  des  fibules,  des  appliques  de  bronze  et  des 
anneaux. 

»  Hiatoire  depuis  la  ConquHe  romaine.  —  Géographie  des  Gaules.  — 
Histoire  de  la  Gaule  snus  In  Domitiatioii,  romaine. 


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DU    PAYS    DK    MAIl.LlîZAIS  ',i'3 

sanglier',  l'animal  clier  aiix  Gaulois,  symbole  naturel  de 
leur  force  farouche  uL  de  leur  vii'  s  luviige,  dans  !e  '.  forêts  et 
les  marécages  qui  couvraient  .(ulrefois  une  grande  partie  de 
leur  territoire. 

Si  on  la  pu  dire  avec  beaucoup  de  vérité  que  les  fossiles 
sont  les  médailles  de  l'histoire  du  globe,  on  peut  affirmer 
aussi  que  les  médailles  sont  les  yeux  de  l'histoire,  mais, 
malheureusement  jusqu'à  présent  une  seule  pièce  de  monnaie 
a  été  trouvée  dans  les  poteries.  Cette  pièce  en  bronze  porte 
croyons-nous,  l'empreinte  d'Aurélien  :  elle  représente  d'un 
côté  cet  empereur  ayant  un  soldat  devant  lui  et  sacrifiant  sur 
un  autel.  On  y  distingue  les  lettres  P.  E.  A.  S.  —  A.  G.  sans 
doute  Pietas  Aug.  Sur  l'autre  côté,  on  y  croit  distinguer 
l'hercule  des  bords  du  Rhin,  relevant  la  personnification  de 
la  patrie  caractérisée  par  le  chêne  symbolique  du  culte  drui- 
dique Pourtant  cette  dernière  particularité  ne  se  trouve 
guère  que  sur  les  pièces  au  nom  de  Posthume. 

Ceci  paraît  être  une  sorte  d'anomalie  qu'il  est,  croyons- 
nous,  assez  facile  d'expliquer,  par  ce  fait,  que  quelques  types 
do  monnaies  adoptés  dans  certaines  régions  gauloises,  ont 
été  immobilisés  ou  incomplètement  modifiés,  surtout  au 
moment  où  l'Empire  romain  assailli  de  tous  côtés  par  les 
peuples  du  nord,  changeait  à  chaque  instant  de  maître. 

GONSIDÉRATÎOiNS  SUR  L'ART  DE  TERRE. 

«  L'art  de  terre,  dit  Bernard  Palissy,  est  de  tous  les  arts, 
«  le  plus  ancien,  le  plus  noble, le  plus  utile  à  la  République,  » 
et  le  savant  polonais  Joachim  Lelewel,  dans  une  lettre  à 
Benjamin  Fillon,  écrivait  de  son  côté  «  l'histoire  de  la  céra- 
«  mique,  c'est  l'histoire  de  l'humanité  tout  entière,  » 

*  Oïl  en  a  trouvé  dans  une  loule  de  sépultures  attribuées  aux  Gaulois, 
notamment  sur  la  place  Saint-Pierre  à  Nantes,  —  à  Saint-George  de  Mon- 
taigu,  —  h  Mareuil-sur-le-Lay,  —  à  Saint-Médard-des-Prés,  —  dans  les  puits 
funéraires  du   Bernard. 

ToMK  IV.  —  Janvier,  Février,  Mars  1891.  3 


34  CHEZ   LES   GALLO-ROMAINS 

((  Dans  les  poteries  modelées  par  les  hommes  depuis  le 
a  jour  où  la  main  commença  à  façonner  l'argile,  ajoute  un 
a  peu  plus  loin  le  même  auteur,  je  vois  les  rameaux  de  la 
«  race  humaine,  leurs  mariages,  déplacements,  fusion  de 
«  branches,  notés  clair  par  une  forme,  un  procédé  de  fa- 
«  brique,  une  couleur,  un  vernis.  —  La  terre  estla  bibliothèque 
«  de  livres  encore  inconnus  qui  attendent  les  clairvoyants.  » 

Peu  de  gens  pourraient_,  croyons-nous,  à  l'instar  de 
Lelewel  affirmer  par  l'inspection  de  quelques  vases,  la  filia- 
tion des  peuples,  d'autant  mieux  que  la  plupart  des  plus 
anciens  trouvés  sous  toutes  les  latitudes  de  notre  pays,  pré- 
sentent une  singulière  uniformité  de  lignes,  mais  il  n'en  est 
pas  moins  constant,  que  de  l'identité  de  fabrication  des  outils 
et  des  ustensiles^  on  peut  jusqu'à  un  certain  point  conclure  à 
l'identité  de  race. 

On  peut  aussi  être  puissamment  aidé  dans  cette  étude  par 
l'ornementation  populaire  qui,  comme  la  philologie,  et  plus 
encore  peut-être,  est  une  des  clefs  de  l'ethnographie. 

Bien  que  les  poteries  avec  reliefs  ou  ornements  trouvées 
dans  les  nécropoles  du  Mazeau  ne  soient  pas  très  nom- 
breuses, nous  croyons  pourtant  que  leur  reproduction  et  leur 
description  que  nous  donnons  plus  loin,  ne  seront  peut-être 
pas  inutiles  pour  ceux  qui  désirent  restituer  aussi  complè- 
tement et  sincèrement  que  possible,  l'histoire  des  divers 
groupes  cthnog-raphiques  de  notre  Bas-Poitou,  en  môme 
temps  que  la  statistique  géographique  des  Gaules,  sous  la 
domination  romaine. 

D'ailleurs,  ce  pays  mêlé  d'une  façon  toute  particulière  aux 
grandes  invasions  qui  pendant  de  longs  siècles  ont  modifié 
d'une  façon  plus  ou  moins  heureuse  la  physionomie  primi- 
tive de  ses  habitants,  conserve  encore  dans  les  noms  de 
quelques-unes  de  ses  localités,  TKTauges,  La  Romagne, 
Marmande,  Morlagne,  Epagne  etc  ;  la  trace  d'anciennes  colo- 
nies étraugères  importées  chez  nous  à  partir  de  la  fin  du 
III»  siècle. 


DU    PAYS    DE    MAILLEZAIS  35 

Ce  problème  de  la  restitution  des  races  ne  nous  paraît  pas 
insoluble,  pour  les  savants,  et  nous  serions  fort  heureux, 
si,  modeste  pionnier,  nous  pouvions  y  apporter  un  des  élé- 
ments destinés  à  l'élucider. 


VASES  EN  VERRE  ET  EN  TERRE. 

La  plupart  de  ces  derniers  trouvés  dans  les  cimetières  du 
Mazeau  et  de  Saint-Sigismond,  sont  en  terres  rougeâtres, 
griseS;,  brunes  ou  blanchâtres,  de  qualités  bien  différentes, 
et  cette  diversité  n'a  pas  été  sans  influer  sur  la  teinte  et  le 
brillant  de  la  couverte,  sorte  de  vernis  allant  du  rouge  pâle 
au  brun  foncé,  dont  sont  revêtus  quelques-uns  de  ces 
vaisseaux.  Ce  vernis  a  subi  par  son  long  contact  avec  la  terre 
un  commencement  de  décomposition  qui  se  produit  si  l'on 
n'y  prend  garde,  sous  la  moindre  pression  des  doigts. 

Disons  aussi;  pour  n'y  plus  revenir,  que  la  plupart  des  vases 
revêtant  la  forme  de  brocs,  vases  à  verser,  vases  à  libations, 
ont  sur  le  côté  un  petit  trou  qui  nous  paraît  avoir  été  fait  in- 
tentionnellement :  peut-être  pour  qu'ils  ne  puissent  plus 
servir  à  d'autres  usages,  peut-être  pour  se  conformer  à  un 
rite  religieux  ? 

Nous  n'avons  trouvé  que  quelques  fragments  de  poteries 
noires  vernissées,  et  de  ces  poteries  rouges  en  terre  de 
Samos,  tant  vantées  par  Pline  et  dont  Martial  disait  «  qu'on 
ne  peut  refuser  des  invitations  à  des  tables  somptueuses, 
quand  on  est  en  état  de  se  faire  servir  de  bonnes  fèves  à 
l'huile  sur  un  plat  de  terre  rouge.  » 

Sur  le  bord  d'une  coupe  élégante,  mais  malheureusement 
brisée,  avait  été  artistement  reproduit  en  relief  le  lotus, 
cette  fleur  par  excellence  de  l'antique  Orient,  que  les  prêtres 
tiennent  au  bout  de  leurs  mains  fluettes  dans  les  palais  de 
Niniveetde  Khorsabad,  et  dont  le  pistil  aurait,  dit-on,  servi 
de  type  à  tous  les  vases  à  libations  des  races  antiques. 


36  CHKZ    LKB    (iAI.hU-Kii.MAI.NS 

Parmi  ceux  liouves  beaucoup  ont  été  laits  au  tour  :  d'autres, 
aux  formes  plus  correctes,  ont  été,  croyons-nous,  préparés 
dans  des  moules  dont  quelques-uns  devaient  être  de  plusieurs 
pièces,  car  il  eût  été  bien  difficile  de  dresser  dans  des  moules 
d'un  seul  morceau  des  vases  à  renflem  mt  comme  ceux  dé- 
sii^nés  par  les  lettres  .1.  S.  T.  D'ailleurs  avec  un  peu  d'at- 
tention on  reconnaît  sur  certains  vases  sigillés,  de  petites 
nervures  qui  se  profilant  irrég-ulièrement^  indiquent  le  point 
de  jonction  des  pièces  du  moule,  dans  lequel  on  imprimait 
en  creux  les  ligures,  au  moyen  d'estampilles  ou  de  poinçons 
en  relief.  Il  se  peut  aussi  que  les  dessins  et  les  oves  du 
vase  décrit  plus  loin  sous  la  niarque  S,  aient  été  faits  avec  un 
cachet  sur  de  la  terre  encore  molle,  car  les  ornements  sem- 
blables, ne  sont  pas  toujours  placés  les  uns  par  rapport  aux 
autres,  dans  une  position  symétrique. 

Parmi  les  vases  retrouvés  intacts  ou  à  peu  près,  et  dont 
les  types  existent  en  plus  ou  moins  grand  nombre,  nous 
allons  signaler  ceux  qui  nous  ont  paru  les  plus  intéressants. 

Le  vase  (K)  est  en  terre  d'un  rouge  pâle,  légèrement  can- 
nelé à  la  partie  supérieure,  avec  anse  à  rainure',  col  allongé 
et  couronne.  Ses  dimensions  sont  :  hauteur,  19 cent.,  diamètre 
14  cent.,  ouverture  circulaire  2cent.,  six  rangées  de  traits  faits 
à  la  pointe,  et  deux  autres  imitant  des  espèces  de  guillochis 
ornent  lu  couronne.  Sur  la  panse  nous  avons  pu  lire  les  deux 
lettres  N.  A.  qui  sont  sans  doute  la  première  syllabe  du  nom 
du  potier. 

Le  vase  (J)  a  dû  servir  d'urne  cinéraire,  car  nous  estimons, 
avec  de  Gaumont  et  d'autres  auteurs,  que  les  deux  modes  de 
sépulture,  l'inhumation  et  l'incinération  ont  été  dans  le  môme 
temps  (Ml  usage  dans  les  cimetières  gallo-romains.  Il  est  en 
terre  fine  d'un  rouge  pâle  et  brisé  en  partie.  Il  représente 
en  relier,  une  chasse  au  cerf,   un  de  ces  sujets  les  plus  fré- 

«  Des  moules  trouvés  ii  .\rle8,  h  Nimes,  à  Nancy,  h  Lyon,  à  Bordeaux  et 
dans  beaucoup  d'autres  localités  où  il  a  existé  des  fabriques  de  poterie, 
étaient  faits  on  terre  cuito  rougt-àtre  d'un   grain  assez  fin    et  sans  couverte. 


DU    PAYS   DE    MAILLEZAIS  37 

quemment  employés  sur  les  vases  sigillés.  Les  traits  du  cerf 
sont  fortement  accusés,  tandis  qu'il  n'en  est  pas  ainsi  de 
ceux  du  chien. 

Une  sorte  d'ornementation  végétale  où  l'on  distingue  le 
lotus,  court  au  pourtour  de  ce  vase,  dont  la  forme  est  on  ne 
peut  plus  gracieuse.  Ses  dimensions  principales  sont  :  hau- 
teur 17  cent.  1/2  —  largeur  extrême  14  cent.  —  orifice  circu- 
laire 7  cent. 

Sur  celui  désigné  par  la  lettre  (S)  se  détache  en  face  d'un 
coq,  une  femme  presque  nue,  dans  une  position  tant  soit  peu 
lascive.  Cette  femme,  aux  formes  athlétiques,  est  noncha- 
lamment penchée,  la  main  droite  appuyée  sur  un  objet  un 
peu  effacé  qui  ressemble  à  un  thyrse.  Le  bras  gauche  est 
replié  sous  un  angle  aigu,  et  la  main  posée  sur  la  poitrine. 
Une  plante,  sorte  de  graminée,  un  cordon  en  torsade  et  des 
oves  régnent  tout  autour  de  ce  vase  qui  nous  paraît  offrir 
une  certaine  valeur  historique,  surtout  à  cause  du  gallinacé 
symbolique  qu'il  porte,  et  sur  lequel  nous  reviendrons  plus 
loin.  Ses  dimensions  principales  sont  :  largeur  16  cent.,-— 
hauteur  10  cent.,  —  hauteur  des  oves  et  du  cordon  1  cent.  30. 

Le  vase  (L)  en  terre  plus  pâle,  et  de  qualité  inférieure, 
revôtabsolumentla  forme  qu'affectent  aujourd'huiles  poteries 
qui  dans  les  appartements  servent  à  suspendre  certaines 
plantes.  Il  est  à  bourrelet  circulaire  de  18  cent,  et  n'ofîre 
rien  de  remarquable,  sinon  sa  parfaite  conservation. 

L'urne  (0)  en  terre  grise  grossièrement  préparée,  est  de  la 
plus  grande  simplicité  :  elle  ne  se  recommande  guère  que 
par  sa  forme  pure  et  gracieuse.  C'est  une  sorte  de  plat  à 
hauts  bords  presque  perpendiculaires,  divisés  à  mi-hauteur 
par  un  bourrelet  pouvant  servir  de  base  à  un  couvercle. 
Or  dans  les  sépultures  pauvres,  ce  couvercle  consistait  sou- 
vent en  un  tesson  de  poterie,  ou  en  une  simple  pierre  plate. 

Une  grande  bouteille  carrée  en  verre  (M)  de  0,005  d'épais- 
seur, s'est  trouvée  entre  les  pieds  d'un  squelette.  Elle  mesure 
en  tout  26  cent,  -de  hauteur  sur  10  cent.  1/2  de  largeur,  et  son 


38  CHEZ   LES    GALLO-RONiAINS 

orifice  circulaire  avec  rebord  a  6  cent,  de  hauteur  sur  5  cent 
1/2  de  largeur.  Elle  est  munie   d'une  anse  de  même  matière. 

D'autres  en  assez  grand  nombre,  et  absolument  semblables 
à  celles  trouvées  dans  le  tombeau  de  la  femme  artiste  à 
Saint-Médard  des  Prés,  et  gravées  dans  Poitou-Vendée  étaient 
placées  dans  des  positions  diverses.  Une  seule  différant  de 
forme,  présente  en  coupe  ce  qu'on  appelle  vulgairement  un 
baril.  Klle  mesure  environ  15  cent,  de  hauteur  sur  8  cent, 
de  largeur,  et  se  trouve  actuellement  en  la  possession  de 
M.  P.  pharmacien  à  Marans. 

Un  joli  vase  (T)  trouvé  par  nous  à  la  tête  d'une  enfant  avec 
trois  autres  objets  dont  nous  donnons  ci-après  la  description 
est  d'une  conservation  parfaite. 

Sa  forme  est  très  gracieuse,  et  les  dessins  en  creux  qu'il 
porte  sur  la  panse  ont  été  faits  avec  beaucoup  de  soin.  C'est 
une  sorte  d^ornementation  végétale  qui  se  répète.  La  terre 
presque  blanche  est  recouverte  intérieurement  et  extérieu- 
rement d'un  vernis  brun-foncé.  La  hauteur  est  de  9  cent, 
l'orifice  de  4  cent,  et  le  plus  grand  diamètre  de  7  cent. 

A  côté  se  trouvait  une  petite  urne  funéraire  (D)  ressemblant 
étonnamment  à  celles  trouvées  au  Langon  et  dessinées 
dans  Poitou-Vendée  (n'^Get  10)  (B.  Fillon  et  de  Rochebrune). 
Elle  mesure  13  cent.  1/2  de  hauteur  pour  un  diamètre  maxi- 
mum de  7  cent.  1/2  et  une  ouverture  de  12  millimètres.  Elle 
ne  possède  aucun  ornement.  La  terre  d'un  rouge  pâle  n'a 
point  de  couverte. 

Sur  la  poitrine  de  l'enfant  se  trouvait  une  sorte  d'assiette 
(I)  d'une  conservation  admirable  portant  dans  le  fond  un 
poinçon.  Son  plus  grand  diamètre  est  de  18  cent.,  le  plus 
petit  de  9  cent,  et  sa  hauteur  de  5  cent. 

La  terre  d'un  rouge  pâle  est  couverte  d'un  vernis  qui  lui 
donne  toutes  les  apparences  de  celle  de  Samos.  Près  de  la 
main  droite  de  l'enfant  se  trouvait  une  coupe  en  verre  (Q) 
renversée  intentionnellement  pensons-nous.  La  hauteur  to- 
tale est  de  7  cent,  pour  une  largeur  de  8  cent. 


DU    PAYS    DE    MAILLEZAIS  39 

Cette  coupe,  cette  fleur  solidifiée  comme  dit  Du  Gleuziou, 
placée  aux  côtés  de  cette  enfant  ravie  à  l'afîection  des  siens  à 
l'aurore  de  la  vie,  avait  sans  nul  doute  plus  d'un  sens  caché. 
Symbole  féminin  par  excellence  chez  tous  les  Aryens,  sym- 
bole superbe  du  mariage  chez  les  Gaulois,  n'a-t-elle  point  été 
placée  dans  cette  position  renversée  pour  indiquer  que  cette 
enfant  n'avait  pu,  comme  la  belle  Gyptis  offrir  le  boire  amou- 
reux au  vaillant  guerrier  que  dans  ses  rêves  dorés  elle  avait 
peut-être  choisi  ■? 

Et  cette  urne,  née  elle  aussi  de  l'imitation  de  la  corolle 
fermée  du  loLus,  ne  dit-elle  pas  éloquemment  que  le  fruit 
succède  à  la  fleur,  comme  la  mort  à  la  vie,  et  que  dans 
l'étude  des  farons  d'être  du  fruit,  l'homme  a  trouvé  les 
motifs  de  tous  les  vases  à  conserver  ? 

STÈLES  OU  GIPPES. 

Le.s  deux  stèles  ou  cippes  trouvées  à  Benêt  sont  sur- 
montées de  frontons  triangulaires,  vierges  de  toute  inscrip- 
tion tumulaire.  Sur  la  base  de  l'une  est  gravée  en  relief,  le 
croissant  de  Diane,  et  sur  celle  de  l'autre  une  sorte  de  pomme 
de  pin.  Deux  acrotères  devaient  probablement  se  trouver  au- 
dessus  des  chapiteaux,  qui  supportent  le  couronnement. 

La  stèle  la  mieux  conservée  a  une  largeur  de  58  cent,  et 
une  hauteur  totale  de  i'^SS.  Dans  une  niche  semi-circulaire 
elle  contient  l'effigie  en  buste  d'une  femme  dont  les  cheveux 
sont  disposés  de  manière  à  former  un  bourrelet  ou  torsade 
autour  du  front;  c'est  du  reste  la  coiffure  dont  on  trouve 
beaucoup  d'exemples  dans  les  effigies  des  femmes  romaines. 
Une  sorte  de  tunique  décolletée  embrasse  la  poitrine,  sur 
laquelle  elle  parait  fixée  à  l'aide  d'une  bande  triangulaire.  La 
taille  est  serrée  à  la  ceinture  par  un  cordon,  et  les  manches 
paraissent  fortement  étoffées.  De  la  main  droite  elle  tient 
une  bouteille  à  long  col  (sorte  cVamptdla)  et  de  l'autre  un 
vase  à  boire  ou  pociihtm. 


■i(>  ClIKZ    LES    (i.ALLO-ROMAlNS 

Deux  de  ces  poculwn  se  trouvent  sous  le  buste  do  la  femme, 
ce  qui  tendrait  à  faire  croire  qu'elle  faisait  le  commerce  des 
liquides,  d'autant  mieux  que  les  cippes  étaient  presque 
toutes  revêtues  d'ornements  ou  emblèmes  faisant  allusion  à 
lap  rofession  du  défunt. 

Mais  comme  un  grand  nombre  de  stèles  gallo-romaines 
déposées  notamment  aux  musées  d'Autun  ,  de  Bordeaux, 
d'Auxerre,  de  Sens,  de  Ghâlons,  etc  ;  montrent  des  bustes 
dans  la  même  position  et  tenant  les  mêmes  objets,  il  faut  voir 
croyons-nous  dans  ces  ornements  répétés,  un  symbole  des 
libations  faites  en  l'honneur  des  mânes  du  défunt  et  pas 
autre  chose.  C'est  une  des  conséquences  de  la  fameuse  for- 
mule D  M  S.  fDiis  manibus  sacniin)  qui,  générale  sur  les 
tombeaux  gallo-romains,  ne  cessa  que  quand  le  christianisme 
l'eut  fait  abandonner. 

Les  stèles  recouvraient  ordinairement  la  cavité  renfermant 
l'urne  cinéraire,  et  les  Romains  répandant  du  vin  sur  les 
cendres  du  mort  afin  qu'elles  pussent  être  recueillies  plus  faci- 
lement, ne  pourrait-on  pas  voir  dans  lespoculum  un  souvenir 
de  cette  cérémonie  ?  aux  savants  de  répondre. 

La  deuxième  stèle  d'une  hauteur  total  de  1  mètre  10  pour 
une  largeur  de  54  cent,  était  posée  sur  une  pierre  formant 
soubassement,  dans  laquelle  on  l'avait  encastrée.  Elle  pré- 
sentait sensiblement  une  section  demi-circulaire. 

Dans  la  niche  presque  carrée  est  représenté  à  mi-corps  et 
en  bas-relief  un  homme  dont  les  traits  sont  loin  d'être  aussi 
bien  conservés  que  ceux  de  la  femme. 

La  partie  supérieure  des  épaules  seule  émerge  avec  la  tête, 
au  dessus  du  bloc,  dans  lequel  a  été  creusée  la  niche  :  aucun 
attribut  n'existe. 

Ces  deux  monuments  funéraires,  comme  la  plupart  de  leurs 
analogues,  ont  du  être  appliqués  contre  des  massifs  de 
maçonnerie  dont  la  trace  est  encore  visible,  ainsi  que  nous 
l'a  fait  remaniuer  du  reste,  le  propriétaire  M.  Tristant.  Ils 
devaient  Aire  reliés  aux  massifs  (|ui  les   soutenaient  par  des 


DU    PAYS    DE    MAU.LEZAIS  41 

crampons  dont  noas  avons  cru  distinguer  l'empreinte  sur  la 
paroi  latérale  des  cippes. 

Le  faire  de  ces  deux  stèles  est  grossier,  et  bien  que  rap- 
pelant une  époque  de  décadence,  elles  n'en  sont  pas  moins 
curieuses  à  plus  d'un  titre,  d'autant  mieux  qu'elles  sont  peut- 
être  jusqu'à  présent  les  seules  trouvées  en  Vendée  qui  n'aient 
pas  été  brisées  ou  détruites  sans  qu'on  connût  leur  signi- 
fication. 


PREUVES   D'UNE  ORIGINE  GALLO-ROMAINE 

Dans  le  savant  ouvrage  Poitou-Vendée,  Benjamin  Fillon 
dit  ('  le  cadastre  combiné  avec  les  anciens  aveux,  registres 
censiers  et  autres  titres  de  même  nature,  peuvent  prêter  un 
grand  secours  à  la  géographie  gauloise.  >>  Or  dans  le  cas  qui 
nous  occupe,  les  noms  celtiques  ou  gallo-romains  plus  ou 
moins  altérés.  (Liez  :  Liacum),  d'origine  gallo-romaine, 
Auchais,  {Anciacum),  Civray  [Civitaricum)  près  duquel  on  voit 
encore  aujourd'hui  les  restes  d'une  voie  romaine  et  des  frag- 
ments d'une  borne  milliaire,  Retz,  Aujugé,  le  Vanneau,  etc; 
abondent  aux  alentours  de  Mazeau  et  de  Saint-Sigismond  et 
viennent  corroborer  l'opinion  que  nous  avons  émise  au  début 
de  ce  travail,  à  savoir  que  nous  nous  trouvons  bien  en  pré- 
sence de  cimetières  gallo-romains. 

Et  puis  cette  pièce  de  monnaie  qui  a  dû  être  frappée  après 
la  victoire  d'Aurélien  sur  les  Germains,  c'est-à-dire  vers  272 
ou  274.  Ces  ossements  de  géants,  ces  vases  et  ces  stèles  aux 
caractères  gallo-romains  indéniables,  indiquent  à  n'en  pas 
douter  que  les  lieux  d'où  ils  proviennent  n'étaient  autre  chose 
qu'une  des  nécropoles  de  cette  époque,  si  communes  en 
Vendée,  surtout  sur  les  contrées  limitrophus  de  l'Océan,  et 
que  les  sépultures  mises  à  jour  doivent  être  de  la  fin  du  III* 
ou  du  commencement  du  IV*  siècle,  à  un  moment  où  le  chris- 
tianisme n'avait  point  encore  probablement  fait   son  appari- 


42  CHEZ    LES    GALLO-ROMAINS 

lion  dans  le  pays  des  Pictons,  car  jusqu'à  présent,  aucun 
objet  rappelant  cette  religion  n'a  été  trouvé? 

D'ailleurs,  si  l'on  veut  bien  jeter  un  coup  d'œil  sur  la  carte, 
on  verra  que  les  Terres-Noires  sont  à  peu  de  distance  du 
Bas-des-Eaux,  où  en  1862  des  travaux  de  dessèchements 
mirent  à  jour  plusieurs  milliers  de  petits  billons,  et  de 
petits  bronzes  du  IlPsiècle,  aux  effigies  de  divers  empereurs. 

C'est  une  nouvelle  preuve  que  les  habitants  du  territoire 
du  Mazeau  et  de  Saint-Sigismond,  qui  formait  l'extrême 
limite  de  la  terre  ferme  du  pays  des  Pictons,  furent  romani- 
sés  presque  aussitôt  après  la  conquête;  tant  était  forte  la 
puissance  colonisatrice  de  la  race  envahissante. 

Ces  poteries,  ces  pièces  de  monnaie,  d'une  même  période 
qu'on  a  rencontrées  auVeillon,  à  Jard,  à  Saint-Denis  du 
Payré,  à  Nalliers,  au  Mazeau,  à  Grues,  etc.,  mais  générale- 
ment dans  les  parties  de  notre  département  peu  éloignées 
de  la  mer,  sont  aussi  la  preuve  évidente  que  notre  pays  a 
été,  à  l'époque  indiquée  par  la  nature  des  objets  formant 
ces  dépôts,  victime  de  quelque  grande  catastrophe  que  nous 
n'hésiterions  pas  à  faire  remonter  au  terrible  soulèvement 
des  BagaudeS;,  vers  280. 

Ces  quelques  considérations  établies  nous  croyons  devoir 
appeler  l'attention  des  hommes  compétents  sur  certaines 
particularités  au  moins  curieuses  qui  nous  ont  frappé  et  qui 
une  fois  élucidées,  pourraient  sans  nul  doute  être  d'un  grand 
secours  pour  l'histoire  et  les  sciences. 

Dans  la  description  du  vase  S  nous  avons  parlé  d'un  coq 
placé  à  côté  d'une  femme  que  nous  croyons  être  une  de  ces 
Jeunes  vierges  appelées  Walkyries,  qui  dans  la  religion 
d'Odin,  excitaientles  guerriers  à  la  lutle,  en  leur  versant  de  la 
bière  et  de  l'hydromel.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  n'est  pas  douteux, 
en  présence  de  ce  document,  que  le  coq  était  bien  l'emblème 
choisi  par  les  Gaulois,  comme  symbole  général  du  courage, 
de  l'activité  et  de  la  vigilance,  et  ce,  malgré  l'opinion  con- 
traire de  Edme  Hereau   et  de   Vaudoncourt  qui  prétendent 


DU    PAYS    DE   MAILLEZAIS  43 

que  l'emblème  des  Gaulois,  était  une  aigle  aux  ailes  éployées 
qui,  placée  sur  le  cimier  du  casque  était  l'ornement  exclusif 
et  le  signe  caractéristique  du  commandement. 


ANALOGIE  DANS  LA  FORME  ET  LA  MATIÈRE  DES 
VASES  TROUVES  AU  MAZEAU  ET  SAINT-SIGISMOND, 
AVEC  D'AUTRES  PAYS  ÉLOIGNÉS. 

Si  l'on  consulte  l'ouvrage  remarquable  déjà  cité  (Poitou- 
Vendée)  on  se  convaincra  que  les  vases  décrits  sous  les 
lettres  J.  S.  de  ce  mémoire,  sont  contemporains  de  ceux  trou- 
vés au  Lang-on  et  à  Jard.  Nous  ne  serions  même  pas  surpris 
qu'ils  sortissent  des  mêmes  ateliers  que  ceux  possédés  par 
feu  B.  Fillon,  signés  Germanus,  et  par  le  musée  de  la  Roche- 
sur-Yon,  signés  Paternus  et  qui  sont  du  IIP  siècle  (Jard,  III 
page  56).  Or,  M.  Hucher  dans  ses  intéressantes  études  parues 
dans  le  Biilletbi  monumental,  signale  le  nom  de  Paternus, 
moulé  de  la  même  manière  sur  des  poteries  trouvées  dans 
des  contrées  de  la  France  très  éloignées  l'une  de  l'autre,  et  il 
en  conclut  que  les  fabricants  de  moules,  beaucoup  moins 
nombreux  que  les  fabricants  de  poteries,  fournissaient  les 
mêmes  matrices  à  un  grand  nombrç  de  fabriques  répandues 
sur  les  divers  points  de  la  Gaule. 

Comment  expliquer  autrement  en  effet  l'existence  des 
mêmes  types,  se  produisant  du  nord  au  sud,  de  l'est  à  l'ouest 
et  qu'on  rencontre  partout  en  Vendée,  à  Niort,  à  Jort  (Cal- 
vados), à  Dreu-le-Roy  (Cher),  à  Soings,  à  Gièvres,  à  Tours  et 
à  Paris  en  plein  quartier  latin  ? 

D'un  autre  côté  les  vases  en  verre  trouvés  dans  les  nécro- 
poles dont  nous  venons  de  parler,  ont  ainsi  que  nous  l'avons 
déjà  dit,  des  épaisseurs,  des  teintes  verdâtres  et  des  formes 
diverses  qui,  dans  leur  ensemble,  peuvent  être  complètement 
assimilées  à  ceux  trouvés  en  1845,  dans  le  tombeau  de  la 
femme  artiste  de  Saint-Médard-des-Prés.  Seule  à  peu  près, 


-ii  chp:z  lks  gallo-romains 

une  coupe  en  verre  très  mince  légèrement  irisé,  est  une 
exception  et  semble  faire  croire  qu'elle  a  été  déposée  près 
d'une  enfant  appartenant  à  une  famille  aisée  :  le  verre  à  cette 
époque  élant  considéré  comme  un  objet  de  luxe*.  L'identité 
parfaite  qui  existe  entre  ces  objets  en  verre,  et  ceux  recueillis 

au  Langon,  Jard et  dans  la   forêt  de  Mervent,  nous 

donnent  la  conviction  qu'ils  ont  été  fabriqués  dans  ce  dernier 
lieu,  abondamment  pourvu  de  matières  premières,  et  où  il 
existait  des  verreries  dès  le  règne  de  Trajan'.  Tout  fait  sup- 
poser que  cette  région  privilégiée  exportait  même  du  verre 
au-delà  du  pays  des  Pictons. 

Si  l'on  tient  compte  de  cette  analogie  frappante  que  nous 
venons  de  signaler,  de  ce  je  ne  sais  quoi  de  mystérieux,  qui 
dans  nos  campagnes  du  Bas-Poitou  et  de  la  Bretagne  surtout, 
enveloppe  encore  les  manieurs  d'argile  et  les  villages  oii  sé- 
journent ces  potiers  qui  ne  se  marient  guère  qu'entre  eux  ? 

Si  le  rôle  que  la  contemplation  de  la  plante  a  joué  dans  les 
diverses  évolutions  de  l'esprit  humain  est  véritablement 
immense  '.* 

S'il  est  vrai,  comme  l'affirme  M.  de  Longuemar,  que  le  sol 
de  nos  marais  ait  fourni  les  matériaux  employés  dans  les 
poteries  fabriquées  par  les  anciennes  populations? 

Que  conclure  de  tout  cela,  sinon  que  les  figiili,  comme  les 
vitriari  ont    formé  pendant    des    siècles    des  corporations 

*  C'est  ce  qui  cxpliiiue  au  Mazeau  la  rareté  de  ces  fioles  qui,  bien  qu'ap- 
pelées lacrymatoii'es  étaient  tout  simplement  destinées  à  contenir  des  par- 
fums. Ces  vases  tr6s  fra^'iies  avaient  du  être  enfermés  dans  des  coffrets  en 
bois  pourri  depuis  longtemps,  ce  que  semble  du  reste  prouver  la  présence 
de  clous  recueillis  autour  d'eux.  Près  de  l'un  on  i  trouvé  une  clef  qui,  d'après 
Jouanct,  pourrait  être  reganlôe  comme  un  témoignage  honorable  rendu  à  la 
mémoire  d'une  bonne  mère  de  famille,  en  considérant  qu'au  moment  du 
mariage,  la  femme  recevait  les  clefs,  et  que  ce  gage  de  bonne  administration 
intérieure  ne  lui  était  enlevé  qu'en  cas  île  répudiation.  Une  laïue  de  plomb 
sans  inscription  a  été  également  recueillie  sous  la  tête  d'un  squelette.  Dans 
une  des  nécropoles  quelques  sarcophages  d'une  seule  pièce  en  pierre  calcaire 
étaient  çà  et  \W  placés  irrégulièrement  entre  des  vases.  Ils  étaient  vides. 

»  Voir  notre  notice:  les  fours  à  verriers  de  la  fonH  de  Mervent.  Impri- 
merie Lalolve  (\':uint'.s,    iss'i  . 


DL"    PAYS    DE    MAlLI.liZAlS  45 

fermées,  dressant  côte  à  cô le  leurs  fours  dès  le  deuxième  siècle, 
maintenant  en  activité  leur  industrie  sur  les  décombres  de  la 
société  romaine  et  sur  ceux  de  l'empire  franc,  et  léguant 
comme  un  héritage  sacré  à  leurs  descendants,  ces  procédés 
de  fabrication  et  ces  formes  dont  quelques-unes  il  faut  bien  le 
reconnaître,  n'ont  pas  varié  sensiblement  depuis  des  siècles! 


CONSIDÉRATIONS  ETHNOGRAPHIQUES   ET  ANTHRO- 
POLOGIQUES 

Si  les  nomsde  Givray,  de  Liez,  etc.,  sont  d'origine  gallo- 
romaine,  ceux  de  \b.  Baf aille  et  Gorge-Bataille,  points  situés 
près  du  Mazeau,  ne  rappellent-ils  pas  aussi  l'échec  que  firent 
subir  aux  Normands,  le  6  novembre  852, près  du  pont  de  Bril- 
lac  (commune  de  Goulon),  Rainulphe,  comte  de  Poitiers  et 
Renaud,  comte  des  Herbiers,  qui  avait  sous  sa  dépendance 
Tiffauges,  le  pays  de  prédilection  des  Teiphales  ou  Teifîaliens? 

Ces  Teiphales,  si  l'on  en  croit  quelques  auteurs,  seraient 
entrés  dans  les  Gaules  vers  406  sous  la  conduite  de  Goar,  roi 
des  Aldins,  qui  d'après  Jornandes  et  Arcère  l'historien  de  la 
Rochelle,  auraient  occupé  d'abord  certains  points  du  cours 
de  la  Basse-Loire,  et  qui,  battus  plus  tard  par  Ghildéric  et 
Egidius,  se  seraient  établis  dans  la  région  inondée  de  la  Sèvre 
Niortaise  appelée  ensuite  de  leur  nom  Pagiis  alanensis  (Aul- 
nis-Aunis.) 

Ces  Alains  dont  les  congénères  les  Ossetes  habitent  au- 
jourd'hui le  Caucase,  étaient  selon  le  témoignage  d'Ammien 
Marcellin,  de  Sidonius  et  de  Grégoire  de  Tours,  d'une  taille 
gigantesque,  agiles,  modérément  blonds  et  d'humeur  assez 
douce.  Les  Teiphales  étaient  également  des  géants  de  sept 
pieds,  mais  d'une  brutalité  extraordinaire.  D'après  une  fort 
belle  étude  publiée  par  M.  Laumonier,  dans  la  première 
année  do  la  Hevue  du   Bas-Poitou  (pages  62,  63  et  suivantes) 


46  CHEZ   LES    GALLO-ROMAINS 

quelques  paysans  des  cantons  limitrophes  des  Deux-Sèvres 
et  delà  Charente-Inférieure,  auraient  conservé,  bien  qu'un 
peu  superficiellement  les  liens  de  parenté  qui  les  uniraient  à 
la  race  des  Alains. 

L'historien  de  la  Rochelle  prétend  que  les  Golliberts  ou 
CoUibrits  des  marais  du  Bas-Poitou,  dont  parle  le  moine 
Pierre  de  Maillezaisdans  sa  chronique  du  XP  siècle,  n'étaient 
autres  que  des  descendants  des  Teiffaliens.  Le  bon  abbé 
ajoute  que  ces  hommes  rendaient  un  culte  à  la  pluie  (a  cultu 
inibriinii)  ce  qui  semble  prouver  qu'ils  demeurèrent  païens 
longtemps  après  leur  entrée  dans  les  Gaules. 

D'aucuns  au  contraire  affirment  que  les  Golliberts  ftêtes 
libres)  devenus  plus  tard  les  huttiers,  descendent  des  Agé- 
sinates  Cambolectris,  ou  des  colons  gaulois  chassés  de  leurs 
bonnes  terres  du  centre  du  Poitou  par  les  Teiphales. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  prouvé  aujourd'hui  qu'une  partie 
de  ces  derniers,  se  retira  de  bonne  heure  sur  les  confins  de 
l'Aunis  et  du  Poitou,  et  y  vivait  encore  au  XI*  siècle,  isolée 
et  fort  redoutée  du  voisinage. 

Sans  vouloir  médire  des  braves  Nioleurs  de  la  Sèvre,  on 
peut  bien  affirmer  que  l'influence  de  la  race  sarmatique  a 
été  assez  considérable,  pour  laisser  des  traces  encore  visibles 
aujourd'hui  parmi  bon  nombre  d'entre  eux. 

D'un  autre  côté,  Malte-Brun  dans  son  ouvrage  (La  France 
illustrée)  prétend  qu'on  a  cru  reconnaître  dans  des  fouilles 
faites  il  y  a  environ  80  ans,  sur  le  territoire  de  la  commune 
de  Saint-Sigismond,  des  ossements  provenant  de  géants, 
dont  la  conformation  et  les  dimensions  différaient  essentiel- 
lement du  type  gaulois.  '^ 

Arcère,  déjà  cité,  a  signalé  aussi  desossements  gigantesques 
trouvés  près  de  la  Rochelle  et  M.  Jean  Laumonier,  attaché  à 
l'école  d'anthropologie  de  Paris,  a  exhumé  lui-même  d'un 
cimetière  de  la  région  des  ossements  qui  rappellent  entière- 
mel  les  traits  propres  des  Alains*. 

*  De  quelques  populations  du  Bas-Poitou.  Revue  déjà  citée  page  62-63. 

A 


DU    PAYS   DE    MAILLEZAIS  47 

S'il  est  prouvé  aujourd'hui  que  des  Celtes,  des  Germains, 
des  Franks,  des  Visig-oths,  forment  le  fond  même  de  la 
population  poitevine,  n'y  aurait-il  point,  entre  les  découvertes 
récentes  dont  nous  venons  de  parler  et  les  données  si  com- 
plexes fournies  par  des  auteurs  si  différents,  de  curieux 
rapprochements  à  faire,  et  des  études  bien  intéressantes  au 
point  de  vue  des  races  qui,  dans  les  premiers  siècles  de  l'ère 
chrétienne,  ont  dii  se  juxtaposer  sur  notre  sol,  mais  qui 
toutes  ont  plus  ou  moins  subi  l'influence  des  Romains? 

Nous  posons  la  question.  Aux  savants  de  la  résoudre. 

Bien  cordialement  à  vous. 

Louis  Brochet. 

Fontenay-le-Comte,  le  16  mars    1891. 


LIIOTE  DE  JEANNE  DIRC 


A    POITIERS 


-^^^s<&- 


Maiîre  Jesn  RABAT  EAU,  président  au  Parlement  de  Paris 


RIEN  de  ce  qui  louche  à  l'épopée  de  Jeanne  d'Arc  n'est 
aujourd'hui  indifférent.  Pour  glorilier  l'héroïne,  l'art 
s'unit  au  patriotisme,  l'Eglise  prépare  ses  autels,  les 
bibliothèques  offrent  leurs  dernières  richesses,  et  les  partis, 
faisant  trêve  à  leurs  luttes,  semblent  vouloir  se  donner  la 
main.  Cet  universel  hommage  est  bien  de  nature  à  ranimer 
les  esprits  découragés,  au  déclin  d'un  siècle  sceptique  ;  il 
prouve  qu'au  fond  du  cœur  de  la  vieille  France  le  sentiment 
national  se  conserve  inaltérable  sous  l'étendard  de  la  virgi- 
nale   libératrice. 

Le  haut  intérêt  qu'elle  inspire  rejaillit  évidemment  sur  ses 
contemporains.  Ceux  qui  se  sont  trouvés  mêlés  à  son  exis- 
tence ont  laissé  pour  la  plupart  quelque  vestige  dans  les 
chroniques  du  temps  ;  et  c'est  en  grande  partie,  il  n'en  faut 
point  douter,  pour  avoir  figuré  aux  premières  lignes  de  son 
histoire  (jue  le  nom  de  Jean  Rabateau  est  parvenu  jusqu'à 
nous.  Le  pei'sonnage,  comme  on  l'a  justement  observé,*  ne 

'  lî.  I..'il;iiii.  Mémoires  des  Antiqunirfs  de  l'Ouesl.  t.  XXXVI,  p.  17. 


l'hôte    UE    JEANNE    d'ARG    A    POITIERS  49 

fut  pas  de  médiocre  importance;  avocat  général,  conseiller 
au  Parlement,  membre  du  conseil  de  Charles  Vil,  président 
de  la  Gourdes  Comptes,  ambassadeur  du  Roi,  président  au 
Parlement  de  Paris,  il  a  gravi  non  sans  éclat  les  degrés  de  la 
fortune.  Et  cependant  aucun  de  ces  titres  peut-être  ne  l'eût 
sauvé  de  l'oubli  ;  avant  tout,  la  postérité  devait  retenir  de  lui 
le  fait  d'avoir  hébergé  la  Pucelle  à  Poitiers,  lorsqu'elle  y  fît 
séjour,  dès  le  début  de  sa  providentielle  mission. 

Au  moment  où  l'antique  cité,  fière  de  ce  glorieux  souvenir, 
s'apprôte  à  l'immortaliser,  il  m'a  semblé  particulièrement 
actuel  de  mettre  en  relief  la  physionomie  de  l'homme  qui, 
par  le  privilège  insigne  dont  il  fut  investi,  apparaît  à  cinq 
siècles  de  distance  comme  le  gardien  d'un  dépôt  sacré.  —  A 
vrai  dire,  cette  étude  ne  saurait  être  une  biographie,  elle 
n'en  a  ni  les  données  ni  la  prétention  ;  les  matériaux  sont 
malheureusement  trop  rares,  et  force  est  de  laisser  souvent 
dans  la  région  des  conjectures  ce  que  l'esprit  aimerait  ins- 
crire au  compte  des  réalités.  Les  historiens,  en  effet,  sont 
presque  tous  muets  sur  le  personnage  qui  m'occupe  ;  ceux 
qui  en  parlent  ne  lui  accordent  guère  qu'une  simple  mention 
limitée  au  principal  épisode  de  sa  carrière.  Nombre  de 
mes  recherches,  je  l'avoue,  sont  demeurées  sans  résultat; 
en  vain  ai-je  interrogé  les  archives  de  Rouen,  •  d'Orléans, 
de  Bourges,  le  «  Britisli  Muséum  »  :  nulle  trace  de 
cet  homme  d'Etat  n'y  est  consignée.  Le  cabinet  des 
estampes  de  la  Bibliothèque  nationale  lui-même  n'en  con- 
serve aucun  trait  dans  la  série  des  grands  parlemen- 
taires. L'important  ouvrage  de  Blanchard  ne  lui  attribue 
qu'une  courte  notice,  et  tandis  que  toutes  celles  consacrées 
aux  autres  présidents,  sont  précédées  de  leurs  armes,  seule, 
au  nom  de  Rabateau,  la  page  reste  blanche  sous  le  mortier 
présidentiel'.  Pour  les  reconstituer,  ces  armes,  à  peine 
subsistent  quelques  débris  d'un  sceau  rongé  par  le  temps. 
Le  reste  est  à  l'avenant  :  je  livre  néanmoins  les  fragments 

'  F.  Blanchaid.  Les  Prt'sidenis  du  Parlement  de  Paris,  p.  83.  —  Paris,  1647, 
Tome  iv.  —  Janvier,  Février,  Mars  1891.  4 


50  l/llÔTE    DE   JEANNE    J)"aRG 

(liie  j'ai  pu  réunir,  estimant  que  leur  principal  mérite  est 
d'ôlre  en  majorité  inédits,  et  ne  me  dissimulant  pas  la  dif- 
ficullé  de  les  relier  entre  eux.  Ils  permettent  du  moins  de 
suivre,  en  dépit  de  bien  des  lacunes,  les  étapes  lointaines 
d'une  vie  qui,  par  la  raison  supérieure  de  son  point  d'attache 
à  celle  de  la  vierge  lorraine,  ne  pique  pas  seulement  la 
curiosité,  mais  présente  encore  un  véritable  attrait. 


Jean  Rabateau  appartient  à  la  galerie  des  hommes  célèbres 
que  revendique  à  bon  droit  le  Bas-Poitou.  Il  est  né  à  Fonte- 
nay-le-Gomte  vers  l'année  1370'  ou  1375^;  M.  Beauchet- 
Filleau,  pour  lui  assigner  son  lieu  d'origine,  hésite  entre 
cette  ville  et, la  Gaillère,  près  Volvire  (Velluire).  Il  tenait 
ladite  seigneurie  du  chef  de  ses  ancêtreS;,  mais  rien  n'indique 
qu'il  y  reçut  le  jour.  Au  surplus,  un  renseignement  précieux 
éclaircit  tout  à  fait  la  question,  en  naême  temps  qu'il  témoigne 
de  la  pieuse  fidélité  de  Rabateau  au  souvenir  de  sa  patrie  : 
c'est  un  passage  de  la  chronique  paroissiale  de  Notre-Dame 
de  Pontenci,y  relatant  que,  le  8  mai  1425,  il  fonda  lui-même 
<(  une  messe  chantée,  en  commémoration  de  son  baptême 
reçu  à  pareil  jour  dans  cette  église.  »  Par  une  coïncidence, 
au  moins  digne  de  remarque,  la  date  du  8  mai  devait  être 
celle  de  la  délivrance  d'Orléans  et  du  plus  éclatant  triomphe 
de  la  Pucelle. 

Sa  famille,  «  bonne  et  ancienne  »  au  témoignage  de  Blan- 
chard, parait  avoir  dès  ce  temps  exercé  à  Fontenay  différentes 
charges.  Faut-il  compter  parmi  ses  aïeux  un  Michel  Rabateau 
«  pannifex  »  qui  au  siècle  précédent,  en  1267,  figure  au  rôle 

•  D'après  B.  Fillon.  Catalogne  de  la  vente  de  ses  autographes. 

*  D'api-f'ïs  Heaiichel-Filloau.  (Dictionnaire  historique  des  familles  du  Poi. 
iojtj.  J'opinerais  Tolontiers  pour  cette  dernière  date,  en  raison  de  la  longue 
carrière  du  personnage. 


V 


A   POITIERS  51 

de  ceux  qui  doivent  payer  le  jeudi  après  la  Notre-Dame  de 
mars  ?  11  y  a  tout  lieu  de  le  supposer.  Le  même  est  mentionné 
sur  la  liste  des  habitants  qui,  sous  le  règne  de  Philippe  le 
Hardi  se  sont  cotisés  pour  aider  à  la  reconstruction  de 
«  l'hôtel  de  Dieu  »  de  Fontenay*.  • 

Rabateau  possédait  certainement  dans  cette  ville  une 
maison  située  «  non  loin  du  fief  des  Deux-Seigneurs  et  du 
couvent  des  Frères  Mineurs  (couvent  des  Gordeliers,  au 
Puits  Saint-Martin),  ainsi  qu'il  résulte  d'un  acte  en  date  du 
18  janvier  1460,  ayant  trait  à  la  deuxième  fondation  des 
sœurs  du  Tiers-Ordre  de  Saint-François  par  Catherine  Tor- 
roille,  veuve  de  Méry-Bertin^  n 

Il  hérita  de  certaines  propriétés  familiales  par  la  cession 
que  lui  fit  de  tous  ses  biens  Rabasteau,  dit  l'aîné,  seigneur 
de  la  Tousche-sur-Vendée  (paroisse  de  Volvire),  lequel  les 
tenait  lui-même  de  Rabasteau,  dit  le  Jeune,  seigneur  de  la 
Vergne  (paroisse  du  Puy-de-Serre),  époux  de  Catherine  de 
Machecoult'  :  ce  transport  devait  donner  lieu,  entre  ses  héri- 
tiers, à  l'acte  de  transaction  du  1"  juin  1452,  dont  je  parlerai 
plus  loin*. 

M.  Beauchet-Filleau  estime  que  le  futur  président  au  Par- 
lement de  Paris  entra  dans  la  magistrature  sous  les  auspices 
de  Pierre  Boschet,  son  compatriote.  Je  n'en  ai  point  trouvé 

*  Anciennes  archives  du  château  de  Soubise.  Archives  de  la  ville  de  Fon- 
tenay-le-Comte. 

>  Papiers  de  la  Fontenelle  de  Vaudoré.  Bibliothèque  de  Niort. 
^  Beauchet-Filleau,  loc.   cit. 

*  Il  y  a  lieu  de  mentionner  encore,  comme  membre  de  sa  famille,  son 
neveu  Jean  Rabasteau,  sieur  de  la  Rabastelièrp^  qui  fut  lieutenant-général 
au  siège  de  Fontenay,  et  eut  de  Marie  Thébault  une  fille,  Marie,  qui  épousa 
en  août  1545  Jacques  Foucher,  sieur  de  la  Barrouère  et  de  Puy-Greffier. 
(Beauchet-Filloau).  — Les  archives  nationales  possèdent  une  pièce  où  figure 
un  Guillaume  Rabateau,  escuyer,  demeurant  à  Méry-sur- Yonne.  C'est  l'acte 
d'«  amoisonnement  »ou  arrentement  «  d'une  maison,  granche  et  jardin  séans 
en  ladite  paroiche  »,  à  lui  consenti  par  le  Fi'ère  Pierre,  ministre  de  «  la 
grant  maison  Dieu  »  de  Pi'ovins,  et  passé  dans  cette  ville  le  "29  mai  1369.  Ce 
Rabateau  ne  saurait  être  de  la  même  famille  que  le  MÔtre.  (Arch.  JJ. 
100,  no  571). 


~)2  l'hôte  de  .lEANNE  d'ARC 

la  preuve  certaine.  De  môme  aucun  texte  ne  s'est  rencon- 
tré sous  mes  yeux  établissant  d'une  manière  positive  que 
Jean  Rabateau  ait  tout  d'abord  été  juge  prévôtal  de  sa 
ville  natale;  mais,  sur  la  foi  du  savant  ouvrage  Poitou 
fit  Vendée,  je  l'admets  facilement,  considérant  en  outre  que 
tel  était  bien  l'ordre  naturel  de  sa  carrière,  avant  qu'elle  ne 
s'ouvrît  sur  de  plus  larg-es  horizons. 

Comment  fut-il  amené  à  quitter  les  bords  de  la  Vendée  et 
à  s'éloigner  d'un  pays  où  sans  doute  il  ne  devait  jamais  reve- 
nir, du  moins  pour  des  séjours  prolongés  ?  Là  encore  les 
documents  font  défaut.  Se  laissa-t-il  guider  par  sa  propre 
inspiration  et  le  souci  légitime  de  s'élever  dans  la  hiérarchie 
judiciaire  ?  Géda-t-il  à  des  influences  amies  désireuses  de 
l'y  aider?  Déjà  sa  notoriété  s'imposait-elle  à  ce  point?.  . 
Quoiqu'il  en  soit,  et  le  regret  de  cette  lacune  exprimé,  le 
voici  désormais  sur  le  théâtre  qu'il  ne  quittera  plus  :  j'ai 
nommé  le  Parlement. 

Un  très  intéressant  ouvrage,  de  publication  récente',  fait 
toucher  du  doigt  combien  était  complexe  à  l'époque  le  rôle 
joué  par  ce  corps  important.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  les 
nouvelles  institutions  de  la  France,  au  sortir  du  Moyen  âge, 
sont  encore  dans  la  période  de  formation,  par  conséquent 
d'incertitude  et  de  confusion.  Elles  s'élaborent  avec  peine  et 
s'établissent  avec  lenteur  jusqu'au  jour  où  elles  recevront  du 
temps  leurs  délimitations  respectives.  Certes,  les  parlemen- 
taires existent;  depuis  Philippe  le  Bel,  les  légistes,  suivant 
le  terme  consacré,  ont  fait  leur  œuvre  et  souvent,  il  faut  le 
dire,  œuvre  néfaste  ;  mais  le  rôle  exclusivement  judiciaire 
du  Parlement  n'est  point  encore  défini  ;  ses  membres,  en 
raison  de  leurs  attributions  indécises,  s'adjugent  une  sorte 
d'omnipotence  que  dans  la  suite,  au  souvenir  sans  doute  de 
cette  genèse,  ils  n'abandonneront  pas  aisément.  L'histoire 
des  règnes  ultérieurs    sera   pleine  des  revendications  de  ce 

«  Félix  Aubert.  Le  Parlement  de  Paris  de  Philippe  Le  Bel  à  Charles  VU. 
Picard,  1890,  p.  53. 


A   POITIERS  53 

qu'ils  croiront  être  leurs  prérogatives.  Au  XV'  siècle,  tandis 
que  la  patrie  agonisait  sous  l'efïort  combiné  de  l'invasion 
anglaise  et  de  la  faction  bourguignonne,  alors  que  tout  était 
à  la  fois  en  question  et  en  péril,  le  Parlement  présentait  donc 
autant  le  caractère" d'une  assemblée  politique  que  celui  d'un 
collège  judiciaire  ;  la  situation  de  ceux  qui  le  composaient  se 
trouvait  en  conséquence  singulièrement  grandie. 

La  première  fois  que  nous  y  rencontrons  Jean  Rabateau, 
c'est  à  la  date  du  7  février  1416  ;  il  figure  comme  procureur 
du  duc  de  Berry,  dernier  survivant  des  frères  de  Charles  V. 
En  sa  qualité  sans  doute  de  capitaine  général  de  Paris,  le 
vieux  duc,  qui  n'avait  plus  que  quatre  mois  à  vivre,  s'op- 
posait «  à  toutes  fins  à  ce  que  M'  Bureau  Boucher  ou  autre  ne 
soit  reçeuà  l'office  de  maistre  des  requêtes  de  l'ostel  du  Roy, 
nostre  sire,  et  qu'il  ne  soit  miz  en  possession  et  saisine  que 
tenait  M*  J.  de  Norry'.  » 

Le  Parlement  était  naturellement  appelé  à  connaître  de 
l'affaire,  en  vertu  de  son  rôle  de  grand  tribunal  administratif. 
Ayant  à  enregistrer  les  lettres  de  nomination  de  la  plupart 
des  fonctionnaires,  qu'ils  relevassent  ou  non  de  son  autorité 
immédiate,  il  prenait  de  lasorteune  part  indirecte  mais  réelle 
aux  nominations  elles-mêmes,  et  jugeait  également  les  op- 
positions mises  à  cet  enregistrements 

Nous  ignorons  le  sort  de  la  réclamation  confiée  au  talent 
de  M°  Rabateau,  de  même  qu'il  ne  nous  est  pas  permis  de 
connaître  le  jeu  d'intrigues  qui  donna  naissance  à  l'incident. 
Si  la  nomination  de  M°  Bureau  Boucher  émanait  du  Roi  en 
personne,  il  y  a  tout  lieu  de  penser  que,  pour  la  défense  de 
M*  J.  de  Norry,  le  procureur  invoqua  la  folie  de  l'infortuné 
Charles  VI  universellement  reconnue.  L'état,  en  effet,  du 
pauvre  roi  le  rendait  fatalement  le  jouet  des  compétitions 
de  son  entourage,  et  la  salutaire  influence  du  duc  de  Berry, 
tout  dévoué   à  ses  intérêts,  avait  été  évidemment  surprise. 

*  X  1  a  4791.  fol.  35. 

•  A.    Maury.   L'administration  française  avant  la  Révolution.   Revue   des 
Deiuc-Mondes  \81'i,  p.  GOl.  —  V.  Aubort.  loc.  cit. 


54  l'hôte   de   JEANNE    d'ARC 

Lamentable  tableau  que  cet  intérieur  royal!  un  monarque 
privé  habituellement  de  la  raison,  une  reine  dissolue  que 
l'ambition  devait  bientôt  conduire  à  pactiser  avec  les  pires 
ennemis  du  trône,  et  la  mort  impitoyable  fauchant  les  reje- 
tons de  leur  dynastie  !  Le  duc  de  Guyenne,  héritier  de  la 
couronne,  s'était  éteint  prématurément  à  la  suite  d'excès  de 
toutes  sortes;  le  nouveau  Dauphin,  duc  de  Touraine,  allait  le 
suivre  dans  la  tombe  le  5  avril  1417, à  la  fleur  de  sa  quinzième 
année;  et  celui  qui  devait  porter  dans  l'histoire  le  nom  de 
Charles  VII  n'était  alors  que  le  comte  de  Ponthieu,  enfant  de 
treize  ans  à  peine.  Ilgrandissaitàlacourangevinédu  roi  Louis 
de  Sicile,  soustrait  ainsi  aux  pernicieux  exemples  des  siens 
par  sa  future  belle-mère  la  reine  Yolande,  énergique  figure 
de  dévouement  et  de  loyauté  en  des  temps  si  troublés. 

Les  événements  allaient  se  précipiter.  Les  plus  fermes 
appuis  de  la  royauté  disparus  (le  duc  de  Berry  emporté  par 
l'âge,  le  roi  de  Sicile  par  la  maladie),  nul  obstacle  ne  se 
dressait  devant  les  projets  funestes  du  roi  d'Angleterre  et  de 
Jean  sans  Peur.  Au  moment  même  où  la  flotte  anglaise  dé- 
barque pour  envahir  la  France,  le  duc  de  Bourgogne  entre  en 
campagne  avec  six  mille  écuyers  et  trente  mille  archers". 
L'heure  de  la  calamité  nationale  a  sonné.  Charles  VI,  tantôt 
Armagnac,  tantôt  Bourguignon,  suivant  son  humeur  du 
moment,  sent  toutefois  en  lui  comme  un  réveil  du  sentiment 
royal.  Dans  les  intervalles  de  lucidité  que  lui  laisse  la  maladie, 
il  a  conscience  du  péril;  il  cherche  autour  de  lui  ceux  qui 
peuvent  lui  prêter  secours,  et  en  première  ligne  il  s'adresse 
à  son  Parlement.  La  double  invasion,  commencée  le  1"  août 
1417,  s'achemine  de  succès  en  succès.vers  la  capitale.  Dès 
le  4,  le  Parlement  reçoit  les  lettres  royales  contenant  la  for- 
mule du  serment  de  fidélité  dont  le  maiheuj'eux  roi  réclame 
le  renouvellement  à  «  ses  justiciers,  officiers  et  subjects  »  : 
lu  lendemain   même,  le  serment  solennel  est  prêté  par  la 

•  De  Beaucourt.  Histoire  de  Charles  VU,  t.  II,  p.  24. 


A    POITIERS  55 

Cour  entière  et  les  mains  se  lèvent  pour  soutenir  le  trône 
ébranlé*. 

La  composition  du  Parlement  à  cette  séance  mémorable 
nous  a  été  transmise  par  l'histoire.  Le  premier  président 
était  alors  M»  R.  Maug-er,  et  ses  deux  collègues  M''  P.  Le 
Fèvre  et  J.  de  Vaily.  Adam  de  Gambray,  que  nous  verrons 
plus  tard  siéger  au  rang  suprême  en  même  temps  que  Ra- 
bateau,  était  à  cette  époque  membre  de  la  Gliambre  des  en- 
quêtes. Enfin,  et  c'est  là  surtout  ce  qui  nous  intéresse,  Jean 
Rabateau  lui-même  y  est  mentionné,  non  plus  au  nombre 
des  procureurs,  mais  parmi  les  avocats.  Il  s'était  donc  élevé 
de  ce  degré  depuis  l'année  précédente,  et,  dans  la  sincérité 
de  son  cœur,  il  jurait  à  la  royauté  l'attachement  loyal  qu'il  ne 
cessa  jamais  de  lui  témoigner. 

L'instant  était  venu  pour  les  vrais  serviteurs  du  pays  de 
se  montrer  résolus.  A  peine  Charles  VI  est-il  livré  à  l'ennemi 
du  dehors  et  du  dedans  que  le  Dauphin  prend  le  titre  de  lieu- 
tenant-général du  royaume,  déplace  le  gouvernement,  et 
par  cet  acte  d'énergique  i.idépendance  sauve  les  destinées 
de  la  patrie.  La  plupart  des  grands  officiers  de  son 
père  le  suivent  et  le  soutiennent  :  le  principe  monar- 
chique traditionnel  est  sauf  ;  la  lutte  suprême  s'engage  :  la 
vie  nationale  est  en  jeu.  Dans  cette  détresse  la  tâche  du 
Dauphin  est  accablante,  car  tout  est  à  refaire  sinon  à   créer. 

'  «  Ce  joui"  furent  apportées  et  présentées  à  la  Cour  certaines  lettres 
royaux  ou  ordonnances  addressans  aux  connestable,  chancellier,  à,  la  dicte 
Cour  et  à  tous  justiciers  et  ofliciers,  donnés  le  IV»  jour  de  ce  mois, 
conienant  icelles  lettres  la  forme  et  teneur  du  serment  sur  fidélité  et  loyauté 
que  1«  roy  voulait  et  avait  ordonné  estre  faict  et  renouvelle  par  ses 
dicts  justiciiM's,  officiers  et  subjects,  lesquelles  lettres  sont  enregistrées  en 
la  dicte  Cour  au  livre  des  ordonnances,  lesquelles  lettres  furent  liies  en  la 
chambre  du  Parlement,  en  la  présence  des  présidons  et  conseillers  dudict 
Parlement,  des  enquestes  comme  des  requostes  du  palais,  et  aussy  en  la  pré- 
sence des  notaires,  des  huissiers,  advocats  et  procureurs  de  la  dicte  Cour  du 
Parlement,  lesquels  après  la  lecture  des  dictes  lettres  et  ordonnances  firent 
le  serment,  selon  la  teneur  des  dictes  lettres,  tant  présidens  comme  autres  ; 
c'est  assavoir  Me  R.  Mauger  etc..  »  (Suit  la  liste  des  membres  du  Parlement). 
D.  Félibien  et  Lobineau.  Ilisloire  de  Paris.  Preuves  et  pièces  justificatives. 
II,  p.  5G:;.  Paris,  Desprez,  1725. 


56  l'HÙTE    de   JEANNE    D'ARC 

Un  de  ses  premiers  soucis  est  d'assurer  «  bonne  et  briefve 
expédition  de  justice'  »;  le  Parlement  de  Poitiers  est  ins- 
titué par  les  lettres  données  à  Niort  le  21  septembre  1418'. 
Dès  le  1"  décembre  il  entre  en  séance,  commençant  régu- 
lièrement «  à  tenir  et  exercer  la  juridiction  souveraine,  du 
royaume^  »  Les  plus  notables  magistrats  de  l'ancienne  Cour 
du  Parlement  de  Paris  le  composent,  et  le  président  Jean 
de  Vaily  est  désigné  pour  leur  chef.  Dix-huit  années  devaient 
s'écouler  avant  le  retour  dans  la  capitale,  années  d'exil  labo- 
rieux et  de  patriotiques  angoisses  ;  c'est  durant  cette  période 
douloureuse  que  va  se  dessiner  la  haute  personnalité  de 
maître  Jean  Rabateau. 

Tout  porte  à  croire  qu'au  début  il  remplit  à  Poitiers  la 
fonctiond'avocat,  que  nous  l'avons  vu  occuper  précédemment 
à  Paris.  En  tous  cas,  il  ne  compte  pas  encore  parmi  les  dix- 
sept  magistrats  qui  furent  tout  d'abord  répartis  entre  les 
différentes  chambres  du  Parlement  et  dont  nous  avons  la 
liste  complète*.  Peu  après  sans  doute,  il  fut  promu  au  rang 
de  conseiller,  et,  selon  toute  apparence,  lors  de  la  vacance 
d'un  siège.  En  1425,  trois  ans  après  la  mort  de  Charles  VI, 
nous  le  trouvons  en  effet  avec  ce  titre  dans  le  document 
suivant,  qui  est  la  deuxième  des  seize  pièces  originales 
signées  dd  lui,  et  conservées  sous  son  nom  au  cabinet  des 
titres  de  la  Bibliothèque  nationale  : 

'  Jauvenel,  p.  3t)0. 

*  Il  fut  bientôt  suivi  ilu  Fudemenl  de  Toulouse  qui  créé  le  20  mars  i420, 
fut  transporté  à  Béziers  en  1425  et  réuni  définitiv.'Ui.'nt  à  celui  de  Poitiers 
le  7  octobre    1428. 

»  Ordonnances  des  rois  de  France,    t.   x.  p.  47'/-80. 

*  Voici  Ic-urs  noms  :  .Jean  de  Vaily,  président  :  Jean  Jouvenel,  Guillaume 
Toreau,  Armand  de  iMarb',  Bureau  Bouclier,  tous  les  quatre  anciens  maîtres 
des  requètt's  du  roi  ;  .Jean  Tudert,  doyen  de  Paris  ;  Guillaume  d.'  Marie, 
doyen  de  iSenlis  ;  Guillaume  de  Launay,  arcliidiacre  de  Meaux  ;  Guillaume 
(iuérin.  archidiacre  dû  Poitiers  ;  Nicolas  Potin,  Jean  Gentien.  Jean  Girard, 
.\dam  de  Camliray.  llu{,'ues  Coiuberel,  Tliibaiit  de  Vitry,  Guillaume  de  Quiel- 
deville  et  Nicolas  Kschalart  id.-  Reaucourt.  i,    p.    112). 


A    POITIERS 


57 


Quittance  de  cent  livres  tournois  donnée,  par  Jehan  Rabateau  a 
Henry  Blandin,  receveur  de  l'aide  mis  sur  le  pays  de  Poitou. 
—  (10  juin  1425.) 


Saichent  tous  que  je  Jehan  Rabateau,  conseillier  du  Roy  nostre 
seigneur,  confesse  avoir  eu  et  receu  de  Henry  Blandin,  receveur  de 
l'aide  de  L™  livres  tournois  mis  sus  au  païs  de  Poictou  au  mois  de 
novembre  dernier  passé  pour  la  prosécucien  de  la  paix  et  les  autres 
affaires  du  Roy  nostredit  seigneur  et  de  sa  seigneurie,  la  somme  de 
cent  livres  tournois  que  Messeigneurs  l'evesque  de  Poictiers  ,  le 
vicomte  de  Thouars  et  le  maistre  des  arbalestriers  de  France, 
commissaires  en  ceste  partie  ordonnée  par  le  Roy  nostredit  sei- 
gneur, avoyent  et  ont  ordonné  à  moy  estre  paiée  et  délivrée  par 
ledit  receveur  des  deniers  de  sa  recepte,  sur  la  somme  de  XVI™ 
livres  tournois  tant  du  principal  d'icellui  aide  que  du  pardessus, 
distribuée,  divisée  et  départie  par  mesdits  seigneurs,  par  vertu  du 
pouvoir  à  eulx  donné  par  le  Roy  nostredit  seigneur  à  plusieurs 
seigneurs  barons  et  autres  pour  plusieurs  causes.  Si  comme  par  un 
roole  de  parchemin  donné  le  huitième  jour  de  décembre  dernier 
passé,  signé  et  scellé  de  mesdits  seigneurs  de  Poictiers,  Thouars  et 
maistre  des  arbalestriers,  peut  à  plain  appansoir  de  ce,  soubz  mes 
seing  manuel  et  signet  le  XIX''  jour  dejuingl'an  mil  CCCC  vingt 
et  cinq'. 


•  BibHdtlti-que  Xationale. 
30b  n»    2. 


—  Caliiiift   (les   Titres,    volume  '2411.1,   article  b4, 


58  l'hôte    de    JEANNE   d'ARC 

Pour  avoir  l'intelligence  complète  de  cette  pièce  et  des 
quittances  analogues  qui  seront  mentionnées  au  cours  de  ce 
travail,  il  n'est  pas  inutile  de  faire  connaître  la  manière  dont 
les  officiers  du  Parlement  étaient  rétribués  de  leurs  services. 
La  rémunération  était  d'autant  plus  nécessaire  que  la  plupart 
se  trouvaient  dans  une  situation  fort  précaire.  Sans  doute, 
une  exemption  générale  d'impôts  leur  était  toujours  assurée; 
ils  avaient  en  outre  la  ressource  des  épices  ou  dons  des 
parties  en  cause,  pratique  abusive,  successivement  tolérée, 
réglementée  et  abolie'  ;  mais,  en  fuyant  la  capitale,  beaucoup 
d'entre  eux  avaient  fait  le  sacrifice  de  leurs  biens  et  par  là 
même  étaient  réduits  aune  vraie  misère.  Il  est  probable  que 
dans  une  proportion  impossible  à  déterminer,  M''  Rabateau 
n'échappa  point  à  la  loi  commune  de  l'appauvrissement  ; 
ceci  suffirait  àexpliquer  le  soin  minutieux  que  nous  le  verrons 
apporter  plusieurs  fois  à  la  réclamation  intégrale  de  ses 
gages. 

Ce  ne  fut  pas  un  des  problèmes  les  moins  difficiles  à  ré- 
soudre pour  Charles  VII  que  de  procurer  les  moyens  d'exis- 
tence à  tous  ceux  qui  soutenaient  sa  querelle.  Vis-à-vis  des 
seigneurs  de  son  entourage,  il  recourait  à  l'abandon  des 
terres,  à  la  cession  des  châteaux  et  châtellenies,  en  dépit  du 
préjudice  causé  à  l'étendue, et  aux  forces  du  pouvoir  royal. 
Un  instant  interrompues  par  suite  des  remontrances  des 
Etats  provinciaux  ou  généraux  (comme  il  arriva  notamment 
après  ceux  réunis  à  Poitiers  en  octobre  1425),  les  aliénations 
du  domaine  retrouvèrent  prompte  faveur,  et  force  était  bien 
de  les  laisser  s'accomplir  sans  entrave^  Pour  faire  face  à  ses 
autres  innombrables  obligations  financières,  le  Roi  usait  de 
son  privilège  de  frapper  monnaie  et  d'en  régler  le  cours, 
puis  empruntait  aux  bonnes  villes,  aux  marchands,  aux  con- 
seillers du  Irône  les  moins  éprouvés.  C'étaient  là  les  remèdes 
habituels  à  une  pénurie  qui  allait  chaque  jour  en  s'aggra- 

*  De  Bcaucourt.  II,  p.  572-7Ô. 

'  Cf.  do  Ueaucourt,  II,  p.  5G3,  t;37. 


A   POITIERS  59 

vant*  ;  mais  un  appoint  important  des  recettes  royales  était 
aussi  fourni  par  les  a  aides  »  que  votaient  les  Etats,  et  oii 
nous  rencontrons  le  principe  du  consentement  de  l'impôt 
par  le  pays. 

Ces  subsides  n'étaient  pas  de  leur  nature  périodiques  :  ils 
n'étaient  accordés  qu'au  cas  de  nécessité  et  sur  l'appel  du 
prince  ;  en  fait,  dans  le  désarroi  des  finances,  une  année  ne 
passait  point  sans  qu'on  y  eût  recours.  Aussi  les  Etats,  tant 
du  Languedoil  que  du  Languedoc,  demandèrent-ils  à  dilte- 
rentes  reprises  que  l'impôt  ait  un  caractère  régulier,  qu'il  soit 
direct,  annuel  et  payable  au  terme  fixé  par  avance,  en  un 
mot  que  «  l'aide  »  sous  forme  de  taille  soit  substitué  aux 
a  aides'  » 

Le  !"■  novembre  1424,  les  Etats,  réunis  à  Poitiers  depuis 
l'avant-veille,  avaient  voté  un  million^  «  pour  la  prosécucion 
de  la  paix  et  les  autres  affaires  du  roi  nostre  dit  seigneur  et 
de  sa  seigneurie  »,  ainsi  qu'il  est  dit  dans  le  texte  ci-dessus 
reproduit.  Sur  cette  aide  consentie  par  les  provinces  du  Lan- 
guedoil, la  part  contributive  du  Poitou*  avait  été  fixée  à  cin- 
quante mille  livres  que  le  receveur  Henry  Blandin  était 
chargé  de  percevoir  et  de  consacrer  auxdites  «  affaires  » 
parmi  lesquelles  devait  bien  être  rangé  le  payement  des  of- 
ficiers du  Parlement.  Suivant  le  vœu  émis  dans  des  assem- 
blées précédentes,  la  répartition  de  l'aide  était  faite  avec  le 
concours  «  d'aucuns  prudhommes  du  pays,  en  petit  nombre, 
jurés  et  élus  par  ordonnance  royale*.  »  C'est  pourquoi  nous 
voyons    figurer    dans    la    pièce    en    question    Hugues    de 

«  Le  roi  en  était  arrivé  à  metti-e  en  yajje  les  .joyaux  de  la  couronne.  Cf. 
Archives  du  Poitou,  II,  298. 

'  De  Beaucourt.  II.  p.  581. 

»  id  ..  p.  083. 

*  La  province  du  Poitou  n'avait  cessé  de  s'imposer,  notamment  dès  1418, 
au  moment  de  l'arrivée  duDauphin  à  Bourges.  Kn  i4'20,elle  votait4'2000  francs; 
en  1421,  24000  écus;  en  142-2,  ÎOOOOO  francs;  sans  compter  sa  participation  aux 
subsides  accordés  par  les  Ktats  du  Languedoil  réunis  à  Bourges,  puis  à  SoUes. 
Cf.  de  Beaucourt.  I.  p.  357.  II.  p.  631. 

»  Id.  I.  p.  363, 


60  l'hôte   de    JEANNE    D  ARC 

Combarel,  évêqae  de  Poitiers  et  membre  du  Parlement,  Louis 
d'Amboise.  vicomte  de  Tliouars,  et  le  grand-maître  des  arba- 
létriers, Jean  de  Torsay'  «  commissaires  en  cette  partie  or- 
donnée par  le  Roy  »  ayant,  en  ce  qui  les  concerne,  à  répartir 
seize  mille  livres  tournois  de  l'aide  entre  «  plusieurs  seigneurs 
barons  et  autres  pour  plusieurs  causes.  »  La  somme  de  cent 
livres  qui  revenait  à  Jean  Rabateau  lui  fut  donc  allouée  régu- 
lièrement par  eux  le  8 décembre  1424,  et,  le  19  juin  suivant, 
elle  lui  était  remise  par  Henry  Blandin  qui  en  recevait  quit- 
tance. J'ai  pensé  que  cette  somme  était  due  au  conseiller  à 
raison  de  sa  fonction,  mais  rien  ne  le  prouve  absolument  : 
elle  peut  aussi  bien  lui  avoir  été  versée  en  récompense  d'un 
service  quelconque  ou  à  litre  de  pure  libéralité  royale,  fait 
qui  n'était  pas  rare. 

Le  document  que  je  viens  d'analyser  est  le  seul  qui  se  ren- 
contre sur  notre  personnage  durant  «  les  longues  années,  dit 
Blanchard,  où  il  fit  la  charge  de  conseiller  on  la  Cour  de 
Parlement  séante  à  Poitiers  «Jusqu'au  moment  où  «  il  fut  ho- 
noré de  celle  d'advocat  général  criminel,  le  vingt-deuxième 
jour  d'aoust  mil  quatre  cens  vingt-sept,  au  lieu  et  place  de 
maislre  Guillaume  le  Tur  »  appelée  l'office  de  président\ 
Depuis  1418  Rabateau,  dans  l'accomplissement  de  ses  devoirs 
de  magistrat,  avait  connu  les  difficultés  quotidiennes  où  la 
justice  pouvait  à  peine  se  frayer  passage;  il  avait  pris  part 
sans  nul  doute  aux  différentes  réunions  des  Etats,  spécia- 
lement à  celles  qui  s'étaient  tenues  près  du  Parlement  ;  il 
avait  vu,  au  milieu  môme  du  malheur  public,  se  nouer 
des  intrigues  diverses,  naître  les  disputes  d'influence,  et  il 
assistait  alors  à  l'élévation  du  favori  La  Trémoïlle  écartant 
le  connétable  de   Richemonl.  Personnellement    il  n'était  pas 

•  Il  allait  avoir  hicntM  pour  successeur  Jean  Malet,  sire  de  Graville.  —  P. 
Anselme.  JJixloire  géncalogi<jue,  t.  VIII.  p.  87.  —  Pièces  originales.  642  : 
Chabot. 

»  «  Ce  jour,  en  vertu  des  lettres  royaux,  maistre  Jean  Rabatteau  a  esté 
receu  aJvocatdu  Roy  au  lieu  de  maistre  Guillaume  le  Tur  »  (Hibl.  Nationale. 
l-'onUs  français  n«2l,3o:.  Parlement  de  Poitiers.) 


A    POITIKRS  61 

encore  parvenu  au  point  culminant  de  sa  carrière  ;  mais 
avant  de  l'atteindre^  il  allait  traverser  la  plus  glorieuse  phase 
de  sa  vie. 


II. 


Ce  fut  au  commencement  de  mars  1429  que  la  simple  fille 
des  champs  appelée  par  Dieu  au  relèvement  de  la  patrie 
entra  dans  Poitiers  et  reçut  à  la  maison  de  la  Rose  l'hospi- 
talité de  M"  Jean  Ra bateau.  Elle  venait  de^araître  à  Ghinon 
où,  après  avoir  reconnu  Charles  VII  dans  la  foule  de  ses 
seigneurs,  elle  avait  déterminé  sa  conviction  en  pénétrant 
son  royal  secret'.  La  cour  du  prince,  surprise  par  l'étrangeté 
de  rave"hture,  était  plus  hésitante  ;  aussi  bien^  dans  le  but  de 
dissiperions  les  doutes,  l'examen  de  la  mission  de  Jeanne 
avait-il  été  résolu.  Pour  y  procéder,  la  ville  parlementaire, 
capitale  du  pauvre  royaume,  se  trouvait  indiquée  :  la  Pucelle 
ne  doutait  pas  qu'elle  y  eut  «  fort  affaire  »,  mais  elle  comp- 
tait sur  l'aide  du  ciel  et  elle  y  allait  «  de  par  Dieu'.  » 

Arrivé  à  ce  point  de  mon  étude,  je  n'ai  garde  d'oublier  que 
ce  serait  sortir  de  son  vrai  cadre  si  j'y  relatais  les  documents, 
d'ailleurs  connus,  sur  le  séjour  de  l'héroïne  dans  la  vieille 
ville.  Les  recherches  que  d'autres  ont  poursuivies  à  ce  sujet 
ne  trouvent  point  ici  leur  place''  :  au  demeurant,  rien  ne 
saurait  s'ajouter  à  la  gloire  de  Jeanne  d'Arc,  et  je  n'ai  que  le 
seul  souci  d'en  projeter  un  rayon  sur  le  personnage  dont 
j'essaye  de  reconstituer  l'histoire. 

Et  d'abord  une   question   vient  naturellement  à  l'esprit. 

*  «  Je  te  dis  de  la  part  de  Messire,  que  tu  es  vray  héritier  de  Franco  et  fils 
du  roi  ».  —  Cf  :  tous  les  historiens  de  Jeanne  d'Arc. 

*  «  En  nom  Dieu,  je  scay  que  je  y  auray  bien  h  faire,  mais  Messire  me  ay- 
dera  »  (Cousinot,  Chronique  de  la  Pucelle,  p   27."). 

'  Lire  en  particulier  le  récit  attachant  et  nouvellement  paru  de  M.  B. 
Ledain  :  Jeanne  d'Arc  à  Poitiers.  Revue  poitevine  et  saintongeoise,  n»  du 
15  mari  1891. 


62  l'hôte  de  jeanne  d'arc 

Comment  iM"  Rabalcau  l'ut-il  appelé  entre  tous  à  recevoir  la 
Pucelle  sous  son  toit?  Il  ne  manquait  pas  de  grands  seigneurs 
parmi  les  conseillers  de  Charles  VII  auxquels  ce  rôle  pouvait 
être  dévolu.  Lui-même,  nous  le  savons,  tint  à  accompagner 
l'humble  bergère  qui  promettait  la  délivrance  du  pays'  :  il  eût 
pu  la  loger  près  de  lui  et  môme  en  son  château  royal  ;  mais 
en  la  tenant  à  l'écart  durant  le  temps  que  les  examens  se 
poursuivirent,  il  semble  précisément  avoir  cherché  à  ne  rien 
enlever  de  leur  indépendance  et  de  leur  sincérité.  Le  Par- 
lement du  moins  ne  comptait-il  pas  dans  son  sein  nombre  de 
membres  que  leur  situation  plus  haute  et  leur  notoriété  plus 
grande  désignaient  mieux  que  l'avocat  général  criminel, 
à  l'honneur  d'accueillir  celle  qui  déjà  était  la  confidente  du 
Roi?.  Comment  donc  expliquer  un  tel  choix,  car  on  ne 
saurait  mettre  en  doute  qu'ayant  suivi  Jeanne  à  Poitiers, 
Charles  Vil  ne  se  soitenquis  de  lui  assigner  sa  demeure? 

Je  trouve  la  réponse  à  la  question  dans  cette  phrase  d'une 
simplicité  si  éloquente  de  la  Chronique  de  la  Pucelle  : 
a  Elle  l'ut  amenée  en  la  cité  de  Poitiers  et  logée  en  l'hostel 
d'un  nommé  maistre  Jean  Rabateau  qui  avait  espousé  une 
bonne  femme,  auquel  on  la  bailla  en  garde.  » 

Il  s'agissait  donc  en  premier  lieu  de  protéger  l'apparente 
faiblesse  de  la  jeune  fille.  Sa  situation  délicate  réclamait 
des  égards  particuliers;  près  d'elle  il  fallait  placer  une 
personne  qui  lui  assurât  tous  les  respects,  et  les  convenances 
demandaient  que  cette  personne  fût  une  femme.  La  vertu  et 
l'éminentc  piété  (\m  ornaient  l'épouse  de  Jean  Rabateau 
rélevèrent  à  ce  poste  tout  de  confiance  et  de  tact.  Charles  VII 
ne  fit  sans  doute  en  cela  que  ratifier  l'opinion  générale, 
et  la  qualification  touchante  que  reçoit  dans  la  chronique 
la  dame  Rabateau  dit  assez  de  quelle  considération  elle 
jouissait  en  son  temps. 

On  pourrait  aussi  fournir  du  séjour  de  Jeanne  chez  l'avocat 

*  Dépositions    de  Gobert  Thibault  et  du  Jean  d'Aulou.  (Quicherat.  Procès. 
t.  III.  p.  7J  et  209).  —  Cousinot,  p.  275  et  '^80. 


A   POITIERS  63 

général  criminel  une  explication  d'an  genre,  différent  :  je  ne 
fais  que  l'indiquer  sans  y  attacher  plus    d'importance  ;  elle 
n'a  en  elle-même  rien  de  contradictoire  avec  la  précédente 
et  serait  plutôt  de  nature  à  la  corroborer.  Dans  un  intéres- 
sant travail  sur  le  Parlement  royal  à  Poitiers,  M.  D.  Neuville 
nous  apprend  que  ledit  Parlement  se   servait  volontiers  de 
«  personnes  honorables  »   non  seulement    pour  garder  ses 
prisonniers,  mais  encore  pour  loger  ses  témoins  ou  séquestrer 
certaines    gens*.    «  Lorsque    l'hôte    judiciaire,     ajoute-t-il, 
devait  être  l'objet  d'une  surveillance  minutieuse,    de  soins 
délicats,  on  lui  choisissait  l'hôtel  d'un  conseiller  ou  d'un  autre 
officier.  «L'auteur  en  cite  alors  plusieurs  exemples  et  observe 
en  outre  que  «  bien  entendu  les  gens   auxquels  on  envoyait 
ainsi  des  hôtes   judiciaires    étaient  payés   de   leurs  frais.  » 
Il  ne  me  paraît  pas  impossible  que  Jeanne  ait  été   reçue 
à  ce  titre   chez    M'    Rabaleau.    Conduite    à    Poitiers   pour 
être   soumise  à  l'examen   le   plus   circonstancié  de  la  part 
des   membres  du  Parlement,   sans   parler   des  théologiens 
et  des  matrones,  elle  présentait  en  réalité    toutes  les  condi- 
tions de  l'hôte  judiciaire.  Suivant  les  termes  cités  plus  haut 
elle  devait  exactement  être  «  l'objet   d'une  surveillance  mi- 
nutieuse aussi  bien  que  de  soins  délicats  »  et  rien  par  consé- 
quent n'indique  qu'on  ait  abandonné  en  sa  faveur  un  usage 
établi.  Mais  il  ne  reste   pas  moins  très  vraisemblable  qu'au 
moment  où  sa  résidence  allaitêtre  fixée,    Charles  Vil  en  per- 
sonne ait  voulu  l'entourer  de  toutes  les  garanties  désirables. 
En  tous  cas,  il  demeure  certain  que  le  choix  pouvant  s'exercer 
entre  les  ditférents  hôtels  parlementaires  de  la  ville,  celui  de 
Jean   Rabateau   fut  spécialement  préféré   en  raison  de  la 
femme  de  bien  qui  était  sa  compagne  et  allait  devenir,  durant 
trois  semaines  d'épreuves,  l'ange  tutélaire  de  laPucelle. 

Ce  motif  en  quelque  sorte  de  sauvegarde  est  d'autant  plus 
plausible  qu'il  n'est  pas  isolé  dans  fhistoire  de  Jeanne  d'Arc. 
Il  semble  au  contraire  que  ce  fut  de  sa  part,  ou  de  celle  de  ses 

'  D.  Neuville.  Le  Parlement  royal  à  Poitiers.  Revue  historique,  t.  VI,  p.  18. 


Q4  l'hùte  de  .ikanne  d'arc 

compagnons  qui  y  veillaient,  une  habitude  et  comme  un  parti 
pris,  en  arrivant  dans  chaque  ville,  de  ne  prendre  gîte  que 
dans  la  maison  où  elle  était  assurée  de  rencontrer  une  femme 
d'une  vertu  éprouvée  et  indiscutable.  A  Chinon  déjà,  avant  sa 
comparution  devant  le  Roi,  elle  était  descendue  «  chieux  une 
bonne  femme  »  dans  une  humble  hôtellerie  près  du  château*. 
A  Orléans,  elle  sera  reçue  au  grand  hôtel  de  la  Porte-Renart 
ou  hôtel  de  l'Annonciade'  par  Jacques  Boucher,  trésorier  du 
duc  d'Orléans,  époux  d'une  femme  de  sainte  réputation'. 
Plus  tard,  deux  mois  après  le  sacre  de  Charles  VII  à  Reims, 
lorsqu'elle  reviendra  à  Bourges,  elle  sera  hébergée  par  la  de- 
moiselle Marguerite  LaTouroulde,  dont  la  déposition  au 
procès  de  réhabilitation  est  pleine  de  captivants  détails*. 

Chose  singulière,  l'histoire,  qui  a  gardé  des  vertus  de 
l'épouse  de  Jeau  Rabaleau  un  si  fîdôle  souvenir,  n'a  point  con- 
servé trace  certaine  de  son  nom.  Ne  croirait-on  pas  qu'a- 
joutant à  tous  ses  mérites  celui  d'une  réserve  sans  doute 
excessive,  la  pieuse  femme  ait  voulu  rester  dans  l'ombre 
aux  yeux  de  la  postérité  ?  Les  archives  du  château  de  Blain 
possédaient  un  document  qui  semblerait  au  premier  abord 
devoir  être  d'un  précieux  secours  pour  nos  recherches.  C'est 
une  transaction  passée  à  la  date  du  28  septembre  1451  «  entre 
noble  et  puissant  l'Archevêque,  seigneur  de  Soubise,  et  mes- 
sire  Thomas  de  Vivonne,  sieur  de  Marigné,  à  cause  de  leurs 
femmes,  fiUes  et  uniques  héritières  de  feu  noble  et  puissant 
Jean  Ra bateau,  sieur  de  la  Caillerie  (ou  Caillère)  et  d'Ausance, 
conseiller  du  Roy  et  président  en  sa  Cour  de  Parlement  » 

»  Qiiich.irat.  Procès,  t.  i,  p.  50  et  U:).  —Cf.  G.  de  Cougny.  Charles  VII  et 
Jeanne  d' Arc  à  Chinon,  1879,  iii-S».  —  «le  Beaucourt.  t  ii,  p.  206.  D'après  ce 
ilernier,  c'est  par  erreur  que  M.  Vallet  de  Viriville  (Histoire  de  Charles  VII, 
t.  II,  p.  ;«6)  la  fait  loger  dans  la  tour  du  Couidray  avant  d'avoir  été  reçue 
par  le  Koi  ;  erreur  reproduite  avec  extension  dans  un  opuscule  récent  : 
Jeanne  d'Arc  à  Poitiers,  par  l'abbé  Donizeau,  p.  15,  Oudin,  1891. 

*  Li^o  Taxil  ot  Paul  Fescli.  Le  martyre  de  Jeanne  d'Arc,  p.  19l.Letou7.ey, 
1890. 

»  Quicherat,  t.  m,  p.  34, 

*  J.  Fabre.  Nouveaux  détails  sur  le  procès  de  réhabilitation  de  Jeanne 
d'Arr,  1888,  t.  i,  p.  200. 


A    POITIERS  65 

d'une  part,  «  et  noble  damoiselle  Anne  de  Châleaubrient, 
veuve  d'icelui  feu  président  »  d'autre  part.  Cette  pièce  au- 
thentique, mentionnée  en  outre  par  dom  Vilievielle*,  ne  nous 
permet  pas  de  douter  qu'Anne  de  Ghâteaubrient  ne  fut  vrai- 
ment femme  de  Rabateau.  Mais  est-elle  bien  la  même  que 
l'hôtesse  de  Jeanne  d'Arc  à  Poitiers? 

La  raison  d'hésiter  vient  de  ce  que  dans  l'un  de  ses  remar- 
quables travaux.  Benjamin  Fillon  donne  à  l'épouse  de  notre 
personnage  le  nom  de  Jeanne  Pidalet'.  Nulle  part  ailleurs, 
il  est  vrai,  je  n'ai  pu  relever  pareille  indication  ;  j'ajoute  aussi 
que  l'érudit  auteur  estime  que  cette  femme,  son  mari  étant 
mort,  parut  au  procès  de  réhabilitation  de  la  Pucelle  et  «  y 
donna  les  plus  grands  détails.  »  Ce  dernier  point  me 
semble  loin  d'être  prouvé;  du  moins,  aucun  des  ouvrages  si 
complets  et  si  nombreux  sur  le  sujet  n'y  fait  même  la  plus 
plus  légère  allusion.  Au  cas  où  la  femme  de  Rabateau  aurait 
alors  existé  ou  pu  figurer  au  procès,  elle  n'eût  assurément 
pas  manqué  d'y  être  appelée,  et  son  témoignage  était  d'un 
trop  grand  poids  pour  que  les  historiens  et  chroniqueurs 
l'aient  négligé.  S'il  m'était  permis  d'exprimer  toute  ma  pen- 
sée en  pareille  matière,  je  dirais  qu'une  confusion  très  expli- 
cable a  pu  s'opérer  dans  les  souvenirs  de  l'auteur,  et  que 
peut-être  il  attribue  à  la  compagne  de  Rabateau  la  déposition 
pleine  d'intérêt,  et  certainement  détaillée,  qui  émana  de 
Charlotte  Boucher,  femme  Guillaume  Havet,  fille  de  Jacques 
Boucher,  l'hôte  de  Jeanne  d'Arc  à  Orléans,  rappelant  elle- 
même  ce  qu'elle  tenait  de  la  bouche  de  sa  mère'. 

Mais  cette  controverse  mise  à  part,  je  reviens  à  la  pre- 
mière assertion  du  savant  archéologue,  et  du  moment  que 
sur  une  question  historique  de  telle  importance,  il  avance  un 
nom  qu'aucun  autre,  à  ma  connaissance,  n'a  prononcé,  je 

*  Dom  Villevielle.  Trésor  généalogique.  Paris,  Champion  t.  ii,  p.  121.  Les 
deux  premiers  volumes  seulement  sont  imprimés  à  l'heure  actuelle. 

*  B.  Fillon.  Compte-rendu  du  congrès  archéologique  de  Fontenay,  1864. 

*  Quicherat,  t,  m.  p.  34. 

ToMb;  IV.  —  Janvier,  Février,  Mars  1891.  5 


66  l'HOTE    DK    .IKANNK    d'aRC 

reste  convaincu  qu'il  la  puisé  à  une  source  absolument 
véricli(iue,  bien  qu'elle  demeure  cachée.  J'en  suis  d'autant 
plus  impressionné  que  ce  nom  se  trouve  lié  aux  premières 
origines  du  Parlement  de  Poitiers.  Dès  le  i''^  décembre  1418, 
en  etîet,  le  Dauphin  confiait  la  charge  de  procureur  général 
à  Benoît  Pidalet ,  qui  entra  presqu'immédiatement  en 
fonctions,  comme  le  prouve  une  quittance  du  14  janvier 
1410'.  Il  ne  les  conserva  pas  longtemps,  car  au  commen- 
cement du  règne,  le  18  août  1423,  il  était  remplacé  par  Pierre 
Cousinot  qui,  lui  au  contraire,  ne  les  abandonna  qu'en  1438 
pour  celles  de  président  au  Parlement  de  Paris'.  Benoît 
Pidalet  était  évidemment  le  parent  de  cette  Jeanne  dont 
parle  M.  Fillon  ;  j'incline  même  à  penser  qu'il  était  son 
père.  L'avocat  général  aurait  ainsi  contracté  un  mariage  de 
haute  convenance  et  favorisé  sa  carrière,  en  épousant, 
comme  nous  dirions  dans  le  langage  moderne,  la  fille  de 
son  chef  de  service.  Ce  serait  lui  faire  injure  si  nous  n'ad- 
mettions pas  qu'il  fut  séduit  en  môme  temps  chez  sa  com_ 
pagne  par  les  qualités  qui  allaient  la  faire  briller  au  meilleur 
rang  des  femmes  de  la  cité,  et  trouver  à  bref  délai  leur 
épanouissement  lors  de  la  réception  de  la  Pucelle.  11  ne 
tarda  pas  sans  doute  à  perdre  cette  femme  vertueuse  qui 
mourut  sans  lui  laisser  d'enfants.  Dans  l'espoir  de  s'assurer 
une  descendance,  il  se  serait  alors  remarié  avec  Anne  de 
Ghâleaubriant,  et  même  à  une  date  très  rapprochée,  car  il  ne 
faut  pas  oublier  que  les  deux  filles  issues  de  cette  union 
étaient  déjà  établies  en  1451.  Je  ne  crois  pas  qu'on  puisse 
autrement  concilier  les  pièces  que  j'ai  mises  en  présence  : 
l'explication  en  est  peut-être  osée,  mais  c'est  la  seule  qui 
permette  de  tenir  compte  de  l'une  et  de  l'autre. 

(A  suivre).  Henri  Daniel-Lacombe. 


'  Clairambault,  S5,  p.  6717. 
■^  De  Beaucourt,  II,  p.  h'il. 


LA  VENDÉE  A  TRAVERS  LES  LÉGENDES 


SAINT  MÀKTIN  ET  SAiNT-NICOLÂS  M  BKKM 


Saint-Martin  et  Saint-Nicolas  de  Brem  :  deux  communes 
en  une  seule  paroisse  ;  deux  sœurs  non  rivales,  mais 
un  peu  jalouses!  La  première,  remplie  d'espoir,  grandit 
sans  cesse,  élève  de  nouvelles  demeures  et  regarde,  avec 
une  pitié  teintée  d'envie,  sa  pauvre  voisine  qu'elle  est  obligée 
de  traiter  de  sœur  aînée 

Cette  dernière,  la  plus  petite  commune  du  département 
\^144  hectares,  131  âmes),  s'en  va  déclinant.  Elle  a  vu  morceler 
toutes  ses  métairies,  diminuer  ses  ressources,  Saint-Martin 
se  détacher  d'elle  ;  cependant  ses  habitants,  malgré  la  tris- 
tesse du  présent  et  de  l'avenir,  n'en  affectent  pas  moins 
une  certaine  supériorité  sur  ceux  de  Saint-Martin.  Va- 
guement ils.se  souviennent  d'un  passé  brillanf,  attesté 
par  des    ruines    pittoresques  ;    ils    montrent    orgueilleuse- 


r-S  LA  VENDÉE  A  TRAVERS  LES  LÉGENDES 

ment,  sur  la  rive  droite  du  ruisseau  le  Gournail  ou 
Brandeau,  des  débris  ensevelis  sous  les  sables  de  la  côle. 
C'est  Brem.  leur  antique  berceau.  Un  tumulus  colossal,  près 
de  leur  église,  s'appelle,  soit  le  château,  parce  qu'il  fut  sans 
doute  transformé  au  Moyen  âge  en  butte  féodale,  soit  le 
tombeau  du  Grand  Brenn,  à  côté  duqu'-l  se  trouve  -  appa- 
rence de  minuscule  tumulus  —  le  toi^Tbeau  du  Petit  Brenn. 
D'où,  dit-on,  la  désignation  de  Brem  pour  la  commune. 

Des  savants  cherchent  ailleurs  l'étymologie.  N'a-t-on  pas 
dans  le  grec,  bremein,  et  dans  le  vieux  français,  bramer, 
(rugir,  crier).  Jadis,  la  mer,  s'engoufîrant  dans  l'étroit  goulet 
occupé  par  le  lit  du  Gournail  et  aujourd'hui  ensablé,  venait 
ruqir  contre  les  rochers  de  la  bourgade  gauloise.  D'autres 
savants  soutiennent  que  «  Brem  »  dérive  du  sanscrit  Brani^.) 
M  terre  fertile  en  blé  ».  D'autres  encore..  .  Mais  cela  suffit 
pour  les  profanes  de  mon  genre.  Car,  en  dépit  d'une  con- 
fiance, d'une  admiration  sans  bornes  pour  les  sciences  en 
général  et  la  science  étymologique  en  particulier,  je  crains 
que  le  désir  de  tout  expliquer  ne  fasse  parfois  errer  les  plus 
érudits. 

Je  connais  un  journalier  du  nom  de  Merlet  et  haut  de  près 
de  six  pieds.  On  l'appelle  Saquet,  sa  femme  est  Saquette, 
ses  enfants  sont  les  petits  Saquels.  Si  jamais  mon  Merlet 
passe  à  l'état  de  grand  homme  —  hypothèse  peu  probable, 
il  se  contente  d'être  un  homme  grand  —  et  si  la  postérité 
recherchait  la  racine  du  surnom,  certes  il  se  produirait  cin- 
quante explications  meilleures  les  unes,  meilleures  les 
autres  ;  la  vraie,  seule,  resterait  dans  l'ombre.  Qui  s'avise- 
rait en  etfet  que  Merlet,  non,  Saquet,  s'éLant  trouvé  pendant 
la  guerre  de  1870  au  Moulin-Saquet,  près  Paris,  avait  pris 
'habitude,  de  retour  chez  lui, où  nepleuvaient  paslesobus,de 
s'écrier  souvent  «  On  est  mieux  ici  qu'au  Moulin-Saquet  ». 
De  là  le  sobriquet. 

Pour  moi,  pardon  de  l'hérésie,  c'est  un  peu  l'histoire  de 
toutes  les  élymologies. 


LA    VE.VDÉK    A    TRAVERS    LES    LÉGENDES  69 


»  ♦ 


Le  bourg-  de  Saint-Nicolas  est  situé  à  un  kilomètre  et  demi 
de  l'Océan,  dans  un  site  abrupte,  sauvage,  digne  du  pinceau 
d'un  maître.  Son  église —  XI"  et  XIP  siècles —  en  partie 
ruinée,  présente  une  très  remarquable  façade  en  plein  cintre, 
une  abside,  des  absidioles  et  un  escalier  à  vis,  maintenant 
muré  ;  le  tout  sur  des  fondements  mérovingiens,  peut-être 
même  romains. 

Une  dalle  du  pavage  intérieur  jouit  d'un  heureux  privilège  : 
celui  de  faire  marier  richement  dans  l'année  les  personnes 
méritantes  qui  posent  le  pied  dessus.  Des  exemples  récents 
confirment  la  véracité  de  la  tradition.  Par  malheur,  la  dalle 
merveilleuse  est  inconnue,  ce  qui  force  les  amateurs  à  passer 
sur  tous  les  pavés. 

Un  prieuré,  dont  il  ne  subsiste  que  d'insignifiants  vestiges, 
attenait  à  l'église  et  relevait  du  monastère  de  Marmoutier  de 
Tours.  A  côté,  se  voit  une   ancienne  maison  noble,  La  Court,    , 
objet  de  bien  des  récits,  difficiles  à  relater  dans  ces  pages. 

Le  tumulus,  baigné  par  le  Gournail,  et  au  pied  duquel 
saint  Martin  aurait  creusé  un  port,  montre  quelques  pans 
de  murs  datant  de  la  féodalité.  Il  a  22  mètres  de  hauteur, 
170  mètres  de  circonférence  moyenne,  et  est  sillonné,  croit- 
on,  de  souterrains  renfermant  un  trésor  immense  sous  la 
garde  d'un  chien  redoutable.  En  tous  cas,  les  touristes  auront 
plus  à  se  méfier  de  la  population  reptilienne  gitée  sur  la 
butte  que  du  gardien  infernal,  bien  que  la  contrée  soit  fré- 
quemment honorée  de  visites  diaboliques  dont  la  plus  célèbre 
date  du  siècle  dernier.  Lors  d'un  bal,  déguisé  en  galant  cava- 
lire,  messire  Satanas  enleva,  preuve  de  son  bon  goût,  une 
jolie  fille  du  village,  sa  danseuse.  Ne  lui  en  voulons  pas  trop, 
la  tentation  était  forte  même  pour  le  démon  ! 

A  peu  de  distance  du   tumulus,  sur  le  territoire  de  Bréti- 


7j  la  vkndkk  a  travers  lks  légendes 

î^nolles,  se  découpe,  dans  la  direction  de  la  mer,  un  dolmen, 
la  Pierre  du  Diable  ou  desSoubises.  La  table,  inclinée  sur  un 
de  ses  supports,  vire  aux  sonneries  du  clocher  de  Saint- 
Nicolas.  L'abbé  Baudry  (antiquités  celtiques)  remarque  ma- 

lig-nemenl  que   Téglise  ne   possède  pas   de  cloche Pure 

calomnie,  Saint-Nicolas  en  a  une  qui  vaut  bien,  ma  foi,  une 
clochette  de  taille  raisonnable. 

On  jouit,  à  cet  endroit,  d'une  vue  splendide  sur  la  mer,  les 
[îlaiiips  de  BrétignoUes  et  d'Olonne,  sur  la  vallée  dénudée  du 
Gournail  et  sur  Saint-Nicolas  qui,  grâce  à  un  singulier  effet 
d'optique,  prend  l'aspect  d'un  vaste  bourg.  Les  maisons  et 
l'église  de  Saint-Martin  quoique  à  1  kilomètre  de  distance,  pa- 
raissent se  rapprocher  et  sesuperposent  avec  celles  de  Saint- 
Nicolas,  de  manière  à  donner  l'illusion  d'une  petite  ville. 


De  son  côté,  Saint-Martin,  sur  les  hauteurs  qui  dominent 
les  marais  du  havre  de  la  Gâchère,  possède  au  lieu  dit  la 
Vigie,  —  ruine  d'un  télégraphe  aérien,  —  un  panorama  des 
plus  étendus.  Le  bourg  de  Saint-Martin  se  montre  seul,  et 
Saint-Nicolas  semble  se  dissimuler  dans  son  vallon.  Sur  un 
rayon  de  plus  de  vingt-cinq  kilomètres,  la  côte  se  déroule 
nellementle  long  de  l'infinie  nappe  marine,  et  les  premiers 
coteaux  boisés  du  Bocage  marquent  l'horizon   terrestre. 

L'église  de  Saint-Martin  n'offre  aucun  intérêt.  Son  chœur, 
d'une  date  reculée^,  était,  au  temps  où  la  mer  couvrait  les 
marais  de  la  Gâchère,  une  chapelle  de  pèlerinage.  Aux  alen- 
tours, quelques  tombes, une  croix  de  Malte  récemment  encas- 
trée dans  un  monument  au  Père  de  Montfort,  et  deux  autres 
monuments  religieux  modernes,  en  granit,  sur  le  territoire 
dp  la  commune,  méritent  un  coup-d'œil. 

Le  passé  ne  se  signale  que  par  des  maisons  nobles,  aujour- 
d'hui des  fermes,  la  Mnlnièr(\  la  l^lanronnière,  etc.,  et  par 


lA  VENDÉE  A  ThAVERS  LES  LÉGENDES  71 

un  menhir,  celui  de  la  Crulière.  Monstrueux  caillou  blanc  de 
2'"fi0  de  haut  sur  2">50  de  large,  cette  pierre  «  qui  n'a  pas  tou- 
joursétélà  »  estqualifîéed'aérolitheparcertainsarchéologues. 
A  noter,  deux  jolies  versions  sur  sa  présence  dans  le  pré  de 
la  Crulière. 

Une  vache  et  son  jeune  gardien,  qui,  dans  un  accès  de 
colère,  s'était  donné  au  diable,  lui  et  sa  bête,  furent  écrasés 
sous   ce  bloc  tombé  de  la  main  du  prince  des  ténèbres. 

Satan,  ayant  parié  de  jeter  entre  le  continent  et  l'île  d'Yeu 
un  pont  gigantesque,  avant  le  chant  du  coq^,  réquisitionna 
tous  ses  sujets.  Par  précaution,  afin  d'avoir  plus  de  temps 
à  lui,  il  enivra  le  chantre  du  matin.  Mais  sa  ruse  produisit 
un  effet  inattendu  :  mis  en  gaîté  par  le  vin,  le  coq  se  réveilla 
au  milieu  de  la  nuit,  et,  sans  souci  des  heures,  commença  à 
chanter  gaillardement.  Les  diablotins  surpris  abandonnèrent 
les  pierres  qu'ils  apportaient,  et  ce  fut  ainsi  que  la  contrée 
se  trouva  jonchée  des  pierres  du  Diable,  de  la  Crulière  et 
autres. 

La  croyance  au  merveilleux,  à  la  sorcellerie,  est  très  vi- 
vace  et  très  répandue  dans  le  pays,  encore  que  les  habitants 
l'avouent  difficilement. 

La  Fontaine  des  Grolles  (corbeaux),  petit  creux  de  rochers, 
ferait  disparaître  du  jour  au  lendemain,  les  pierres  lancées 
dans  son  eau  pure  et  intarissable. 

On  se  montre  à  la  dérobée  des  sorciers,  gens  ayant  la 
faculté  de  se  transformer  en  quenots  (petits  ânes),  pour  le 
ttjurment  des  chrétiens.  Aussi  un  quenot  est-il,  la  nuit,  un 
objet  de  frayeur. 

Ne  sait-on  pas  que  dans  ces  derniers  temps,  un  honnête 
métayer,  revenant  sur  le  tard  de  la  foire  de  la  Mothe,  fut 
escorté  tout  à  coup  par  un  quenot.  En  vain,  il  essaya  de 
dépister  l'animal  en  entrant  dans  diverses  métairies,  le 
quenot  obstiné  le  rattrapait  toujours.  Ayant  oublié  sa  veste 
dans  une  de  ses  stations,  l'inquiétude  du  m^/«<.s  devint  de 
l'affolement,  lorsque  le  quenot  lui  cria  d'une  voix  terrible  : 
Qu'as-tu  fait  de  la  veste  ? 


72  LA    VKNDKP:    a    TIUVKRS    les    LÉr.KNDES 

De  mystérieuses  lumières  se  montrent  parfois  près  de  la 
métairie  de  la  Nisandière. 

—  Quand  je  vis,  un  soir,  me  raconta  un  brave  homme,  une 
chandelle  surgir  brusquement  et  me  suivre,  vous  savez,  à 
partir  du  gros  chêne-vert,  non  je  n'ai  pas  eu  paow\  mais  j'ai 
senti  quelque  chose  me  passer  dans  le  dos.  Je  n'ai  pas  eu 
paour,  jepuis  le  jurer,  mais  dam,  mes  cheveux  s'étaient 
dressés  roides  sur  ma  tête,  et  j'ai  galopé  vivement  à  la 
maison  où  j'ai  pris  le  lit  pour  quinze  jours. 

A  cette  même  Nisandière  se  rattache  le  souvenir  d'une 
bizarre  aventure  qui  a,  comme  les  précédents  récits,  son 
côté  moral. 

Nous  avons  vu  la  vertu  récompensée  par  le  singulier  pri- 
vilège du  dallage  de  Saint-Nicolas  ;  la  colère  et  la  mauvaise 
foi  punies  à  propos  du  menhir  de  la  Criilière  et  des  pierres 
druidiques  ;  les  inconvénients  de  la  danse  et  ceux  des  foires 
nous  ont  été  démontrés  ;  nous  allons  constater  maintenant 
les  dangers  des  prévpils. 

Des  paroissiens  munis  de  tels  enseignements,  doivent  être 
bien  proches  de  la  perfection  !  Heureux  le  curé  de  Brem  ! 


A  l'occasion  d'un  préveil,  une  nombreuse  réunion  avait  lieu 
à  la  Nisandière  ;  elle  terminait  dignement  une  fête  bien 
commencée 

Ce  qui  se  dit  et  se  fit  en  cette  veillée  mémorable,  pointue 
vous  le  narrerai,  et  pour  deux  raisons.  D'abord,  je  -l'ignore. 
Ensuite  je  vous  avouerai  que,  n'ayant  pas  hérité  de  la  plume 
de  Waller  Scott,  ma  description  serait  pâle,  très  pâle.  Mieux 
vaut  donc  laisser  l'imagination  d'un  chacun  travailler  à  sa 
fantaisie  et  calculer  combitui  de  galettes  et  de  bouteilles  ont 
péri  en  cette   soirée  vendéenne. 

Je  sais  seulement  que  ce  «  pas  trop  fin  »  de  Jean-Désiré  — 
les  bons  camarades  vous  gratifient  volontiers  d'un  qualificatif. 


LA  VENDÉE  A  TRAVERS  LES  LÉGENDES  73 

et  Jean  ne  manquait  pas  de  bons  camarades  —  se  penchait 
souvent  vers  la  fille  de  la  maison,  accotée  à  l'angle  du  foyer. 
La  gentille  enfant  n'avait  point  trop  l'air  de  le  décourager, 
et  les  parents  souriaient  au  manège  des  jeunes  gens. 

Quelques  gars,  vexés  de  la  préférence  accordée  à  Jean  — 
un  grain  de  jalousie  ne  messied  pas.  même  sous  le  chaume  — 
se  rappelèrent  fort  à  propos  avoir  gagné  à  Valuette,  au  pauvre 
amoureux,  trois  bouteilles   de  vin  nouveau. 

Les  dettes  de  jeu  sont  sacrées.  Malgré  son  déplaisir  évident 
l'infortuné  s'exécuta,  et  courut  au  bourg  deVairé.peu  éloigné 
de  la  Nisandière,  chercher  le  premier  jus  des  dernières  ven- 
danges. 

A  son  retour,  au  passage  d'un  échalier,  il  rencontra  une 
personne  qu'il  connaissait  bien,  et  ne  sut  résister  au  plaisir 
d'un  brin  de  causette. 

C^étaitun  tort  assurément.  Mais,  qui  n'eut  pas  agi  de  même? 
Dans  la  vie,  les  plus  sérieux,  les  plus  rigoristes  n'ont-ils  ja- 
mais heurté  sur  leur  chemin  un  souvenir  d'antan  ?  Passent- 
ils  sans  s'arrêter?  Non.  Durant  l'espace  d'un  instant,  ils  re- 
vivent leurs  jeunes  années,  ils  se  bercent  des  joies  disparues, 
et  ensuite,  bientôt  du  reste,  désillusionnés,  ils  reprennent 
leur  route. 

Ne  vous  étonnez  donc  pas  que  Jean,  en  revoyant  brusque- 
ment une  ancienne  amie  —  ils  avaient  métivé  ensemble  —  se 
soit  laissé  reprendre  dans  les  filets  du  passé,  et  que  la  voix 
des  premières  amours  ait  résonné  doucement  à  son  cœur  ! 

En  causant,  les  jeunes  gens  arrivèrent  au  lieu  dit  la  Croix- 
Blanche.  Déjà,  à  celte  époque,  des  décombres  informes  mar- 
quaient seuls  son  emplacement. 

Un  feu  éclairait  de  lueurs  rougeàtres  et  intermittentes  la 
scène  la  plus  étrange.  Des  hommes  de  tout  âge,  dos  femmes 
échevelées,  demi-nues,  des  mendiantes,  des  mendiani  s  dégue- 
nillés échappés  au  crayon  de  Gallot,  donnaient  la  main  à  des 
monstres  hideux,  sans  nom.  Cette  foule  affreuse  lancée  dans 
une  ronde  enragée,  tournait  aux  accents  d'une  méinppéc   bi- 


74  LA    VIM»KE    A    TRAVERS    Lf-S    LÉGENDES 

zarre,  enserrant  de  ses  anneaux  le  monticule  de  pierres  sur 
lequel  se  profilait  la  silhouette  fantastique  et  immobile  d'un 
bouc  aux  yeux  verdâtres  ironiques.  Par  moments,  les  possé-, 
dés  s'arrêtaient,  des  verres  pleins  d'un  liquide  brûlant  circu- 
laient on  ne  sait  comment,  et  les  rangs,  un  instant  rompus, 
se  reliaient  et  repartaient  plus  frénétiques  à  travers  les  ge- 
nêts et  les  bruyères. 

D'abord  effrayé,  Jean  rassuré  par  son  amie,  s'enhar- 
dit jusqu'à  prendre  place  avec  elle  dans  la  ronde,  après  avoir 
déposé  soigneusement  ses  bouteilles  derrière  une  haie. 

Tout  à  coup,  au  plus  fort  des  danses,  une  voix  s'élève 
criant  «  Où  allons-nous  ?  ».  «  A  cent  lieues  d'ici  »,  répond 
une  autre  voix,  et  un  tourbillon  irrésisiible  enlève  la  ronde, 
la  dépose,  toujours  tournoyant,  dans  un  cimetière  où  — 
horreur  1  —  les  tombes  entr'ouvertes  livrent  passage  à  de 
sinistres  fantômes  aux  ricanements  funèbres,  qui  se  glissent, 
ombres  légères,  parmi  les  nouveaux  arrivés. 

Jean,  glacé  d'épouvante,  essaie  de  fuir,  de  rompre  le  cercle. 
C'est  en  vain.  Ses  compagnons  l'entraînent  avec  une  rapi- 
dité insensée.  Lps  voilà  dans  une  sombre  forêt  de  sapins 
gigantesques,  au  milieu  d'une  neige  épaisse.  Un  profond 
sillon  est  bientôt  creusé  dans  le  blanc  linceul  de  la  nature, 
et  la  demande  «  Où  allons-nous  »  réveille  les  silencieux  échos 
des  bois  Cette  fois,  Jean,  stylé  par  son  amie  qui  a  eu  pitié 
de  son  mortel  elfroi,  répond  vivement  «  Tournons  bride  ». 
Un  éclair, zébrant  l'espace,  illumine  la  ronde  infernale  qui  se 
retrouve  inatantanémentà  la  Croix-Blanche.  Le  bouc  aux  yeux 
fixes  disparaît  dans  une  gerbe  d'étincelles,  le  feu  s'éteint,  et 
Jean,  étourdi,  n'aperçoit  plus  dans  l'obscurité  de  la  nuit, 
qu'une  troupe  de  quenots  fuyant  dans  tous  les  sens,  à  travers 
les  haies. 

Machinalement,  le  jeune  gars  reprit  le  vin,  cause  de  son 
excentrique  voyage,  et  se  dirigea  vers  la  Nisandière,  une, 
bouteille  sous  chaque  bras  et  la  troisième  dans  son  Jabot . 
Souillé  de  boue,  se  soutenant  à  peine,  pâle,  hâve,  une  branche 


LA  VENDÉE  A  TRAVERS  LES  LÉGENDES  75 

d'épicéa  de  la   forêt  magique   passée  à  son  chapeau,  Jean 
arriva  devant  la  porte  de  la  métairie  au  lever  du  soleil. 

Quel  accueil  !  A  la  clarté  des  premiers  rayons  de  l'astre 
du  jour  perçant  les  brumes  matinales,  une  rangée  mena- 
çante de  poings  fermés  se  dressa  formidable.  Aucun  ne 
manquait,  depuis  les  vastes  battoirs  du  grand-père  en  passant 
parles  rudes  mains  du  père,  de  la  mère,  des  fils  jusqu'au 
poing  mignon  de  la  fille. 

A  cette  vue,  Jean  détala  rapidement,  poursuivi;,  au  milieu 
dos  huées,  par  les  chiens  de  la  métairie.  Abasourdi,  hors 
d'haleine,  il  se  réfugia  chez  lui,  et  tombant  harassé  sur  un 
escabeau,  essaya  de  rassembler  ses  idées. 

Jugeant  la  situation  à  coup  sûr  déplorable,  il  voulut  puiser 
des  forces  et  des  cohsolations  dans  ses  chères  bouteilles. 
Elles  étaient  vides  !  Succombant  sous  ce  dernier  malheur,  il 
s'endormit  la  tête  sur  la  table. 

Avec  le  sommeil,  le  repos  ne  vint  pas.  En  songe,  un  abîme 
insondable  s'ouvrit  sous  lui.  Une  angoisse  poignante  étrei- 
gnait  sa  poitrine.  Vainement,  il  s'efforçait  de  se  retenir,  il 
glissait,  tombait  dans  le  gouffre  vertigineux,  et  le  vide  béant 
qui  l'aspiraitinexorablement,  se  creusait,  de  plus  en  plus  noir, 
de  plus  en  plus  attirant.  Et  dans  cette  chute  effroyable,  chute 
sans  fin,  tourbillonnaient,  bandes  hurlantes  et  forcenées,  les 
danseurs  de  la  ronde  infernale,  les  blafards  fantômes  de  la 
nuit,  le  bouc  aux  yeux  luisants,  la  branche  de  sapin  «  du  pays 
des  rameaux.  »  Et  de  leurs  spirales  immenses,  pareilles  aux 
volées  de  grolles  de  sinistre  augure,  qui  t'enveloppaient  de 
replis  mouvants,  il  entendait  bruire  à  ses  oreilles  :  —  Tu  as 
pris  part  au  sabbat,  roule,  roule  dans  le  vide  éternel,  roule 
pour  l'éternité  ! 

Jeunes  gens,  fuyez  les  préveils du  diable  ! 

G.  Henri  Colins. 


CHARTES 

CONCERNANT  LA  FONDATION 

DE 

NOTRE-DAME   LA    BLANCHE 

A     NO  IRMOUTIER 

(Suite'). 


Donation  faite  a  l'abbaye  de  l'Isle  Dieu  par  Jean  Cathus, 

CHEVALIER,     ET     OlIVE      SA      FEMME  ,    DES     FIEFS     DE     SaINT- 
HyLAIRE,    DE   LA    BeGONNE    ET    DE    DIVERSES    RENTES    (12351. 


UNivERSis  Christi    fideli- 
bus  presentem  cartu- 
lam  inspecturis,  A.,  liu- 
milis  vicarius  Asianen- 
sis.  salutem  in  Domino. 

Noveritis  quod  .Tohannes  Ca- 
thuis,  miles,  in  [mea]  presencia 
constitutus,  dédit  et  concessit 
in  perpetuum  Dec  et  abbacie 
Insule  Del,   pro   saluto   anime 


A  TOUS  les  fidèleschrétiens 
qui  liront  cette  charte, 
A.,  humble  vicaire  d'Ai- 
zenay,  salut  en  Notre- 
Seigneur. 

Sachez  que  .lean  Cathuis' , 
chevalier,  s'étant  présenté  de- 
vant moi,  donna  et  concéda  à 
perpétuité  à  Dieu  et  à  l'abbaye 
de  risle-Dieu,  pour  le  salut  de 


•  Voir  la  livraison  de  septembre  1890. 

'  Le  titre  porte  Cathus  et  le  texte  Cathuis.  Les  Cathus  ont  laissé  leur  nom 
dans  le  Bas-Poitou  à  plusieurs  maisons  nobles,  la  Cathusière,  le  Rois-Cathus 
les  Gran|j:es-rathus.  Au  XV""  siècle,  une  maison  de  la  grand'rue  de  Noirmou- 
tier  leur  appartenait.  Ils  ont  fourni  un  sénéchal  de  la  Garnache,  en  H85, 
et  un  des  écuyers  du  combat  des  Trente.  Jean  Cathus.  sieur  des  Granges,  fut 
capitiine  du  château  de  Talmont  sous  François  l^r.  Us  portaient  de  gueules 
au  chut  on  léopard  d'or,  acompagné  d'étoiles  de  m>''me  sans  nombre. 


CHARTES    DE    NOTRE-DAME    LA    BLANCHE   A    NO  BMOUTIFÎR    77 


sue  et  animarum  patris  et  ma- 
tris  sue,  et  omnium  parentum 
et  amicorum  suorum,  tam  vi- 
vorum  quam  mortuorum,  ter- 
ciampartemiurisfeodalis,quam 
habebat  in  quartio  vinee  quam 
Stephanus  Maunier,  et  filia 
sua  tenent,  juxta  basllicam 
sancti  Hylarii  sitam  ;  necnon  et 
terciam  partem  quarterii  vinee 
quam  tenet  familia  Willelmi 
Dayn,  m  feodo  de  la  Begone  ; 
s[....]  decimam  et  terragium 
terre  que  est  ad  Spinam,  de 
feodo  dicti  Johannis  Cathuis. 
Necnon  et  duos  solidos  super 
plantam  que  fuit  defuncti  Fer- 
rechatjuxta  domum  ej  usdem  de- 
functi sitam;  superterram  quam 
tenet  Badaon,  juxta  praedictam 
plantam, VIll'i  ;  superterram  Pu- 
tei,  quam  tenet Maschereau,  IIP 
IIII'';  super  domum  DalidenlP; 
super  domum  et  areolumWille- 
miAtlionetet  Willelmi  Hymbert, 
XV'';  super  herberiagium. Johan- 
nis Goreden,  X'';  super  domum 
quamfueratPetriMassent,quam 
tenetWillelmusVellet,XII^  su- 
per ortum  Juliani,  VIII'' ,  super 
domum  et  ortum  Marcelli  Ri- 
vere  IIII''  ;  super  vineam  Wll- 


son  âme,  de  ses  père  et  mère, 
de  tous  ses  parents  et  de  ses 
amis,  tant  vivants  que  morts, 
la  tierce  partie  du  droit  féodal 
qu'il  avait  dans  le  quart  d'une 
vigne  dont  Etienne  Maunier 
et  sa  fllle  jouissent  près  de  la 
chapelle  de  Saint-Hilaire*,  et 
la  tierce  partie  d'un  autre  droit 
de  quart  dans  la  vigne  dont 
jouit  Guillaume  Dayn,auflefde 
la  Bégone';  la. . .  dîme  et  le  ter- 
rage  de  la  terre  qui  est  à  l'E- 
pine dans  le  fief  dit  de  Jean 
Cathuis.  Et  aussi  2  sous  sur  le 
plantis  qui  fut  à  feu  Ferrechat, 
auprès  de  sa  maison  -,  8  deniers 
sur  la  terre  dont  jouit  Badaon, 
près  dudit  plantis  ;  3  sous  4  de- 
niers sur  la  pièce  du  Puits  dont 
jouit  Maschereau  ;  2  sous  sur  la 
maison  Daliden  ;  15  deniers  sur 
la  maison  et  l'aire  de  Guillaume 
Athonet  et  de  Guillaume  Imbert: 
10  deniers  surl'herbergementde 
Jean  Goreden  ;  12  deniers  sur  la 
maison  qui  fut  à  Pierre  Massent^ 
et  dont  jouit  Guillaume  Vellet; 
8  deniers  sur  le  jardin  de  Julien; 
4  deniers  sur  la  maison  et  le 
jardin  de  Marcel  Rivière;  l  de- 
nier de  recette  sur  la  vigne  de 


*  Construite  par  les  ordres  de  Saint-Filbert,  en  l'honneur  du  premier 
apôtre  de  l'Ile,  elle  l'ut  détruite  au  XVII"  siècle  par  les  Hollandais.  Jules  Piet 
en  a  découvert  et  décrit  les  substructions  (Fouilles  archéologiques  à  Noir- 
moutier).  Près  de  la  chapelle  Saint-Hilaire,  existait,  au  XlVe  et  au  XV»  siècles, 
un  village  appelé  la  Philibertière,  qui  a  disparu,  mais  sur  l'emplacement 
duquel  se  trouve   le  clos  Saint-Philbert. 

*  Actuellement  le  fief  Régon. 

'  Poui-Masson.  Le  patois  ne  fait  point  de  différence  entre  les  terminaisons 
an  et  on.  Dans  les  chansons  de  Nicolas  Vénereau,  c/i«n5a/ts,  et  pai:illans 
riment  avec  Luzan  et  négociants. 


•8 


CHARTES  DE  NOThE-UAME  LA  BLANCHE 


lelmi  Dayn,  1''  de  recepto  ;  cum 
omni  jure  alio  quodcumque 
dictus  Johannes  Catliuis,  super 
res  premissas  liab'^-bat  et  liabere 
debebat ,  et  indo  Cratresdicte 
abbacie  in  perpetuum  investi- 
vit;  quidquid  et  juris  dicebat  se 
Labere  in  herberiagio  defuncti 
Willeimi  Chotar,  dictis  fratri- 
bus  omnino  quitavit  imperpe- 
tuum  et  concessit,  Oliva  uxore 
sua  concedente  dicta  dona  om- 
nia,  sponte  sua  et  jurante  quod 
ipsa  dona,occasione  aliqua,  pei- 
se,  vel  per  alios,  revocare  de  ce- 
tero  nuliatenus  acceptabit.  Ut 
igitur  dictarum.  rerum  dicta 
concessio  firma  in  posterum  et 
stabilis  perseveret,  nos,  ad  peti- 
cionem  dictorum  viri  et  uxoris, 
presentem  cartulam,sigilli  nos- 
tri  munimine  roboratam,  fra- 
tribus  dicte  abbacie  duximus, 
concedendam  inperhempnem 
dictarum  rerum  memoriam  et 
testimonium  veritatis. 

Actum  in  octavis  beati  Nicho- 
laï  hyemalis,  apud  Belverium, 
anno  dominiM  CC  XXX  quinto. 


Guillaume  Dayn;  avec  toutautre   • 
droit,  que  ledit  Cathuis  avait  ou 
pouvait  avoir    sur   les  choses 
susdites,    et  dont  il  a  investi 
les  frères   de  l'abbaye  à  per- 
pétuité ;   il    abandonna    aussi 
entièrement  et  concéda  à  per- 
pétuité aux  dits  religieux  tout 
le  droit  qu'il  prétendait  avoir 
dans  l'hébergement  de  feu  Guil- 
laume Chotar,  et  cela  du  con- 
sentement d'Olive  sa  femme,  qu 
ledonnede  plein  gré  et  qui  jure 
que  les  dites  donations  ne  se- 
ront jamais  révoquées  par  elle 
ou  par  autrui.  Afin  que  la  dite 
donation  reste  stable  et  assurée 
à  tout  jamais,  nousavons  déli- 
vré à  la  demande  des  dits  mar 
et  femme,   cette  çhartj  imune 
d)    notre    sceau,   en  souvenri 
perpétuel  desdites  choses  et  eu 
témoignage  de  la  vérité. 


Fait  dans  l'octave  de  Saint- 
Nicolas  d'hiver  (6  décembre),  à 
Beauvoir,  l'an  de  N.-S.,  1235., i 


L'origiaal  de  cette  pièce  appartient  à  Lud.  Jacobsen. 


LkTTRK  liK  F^IKRKE  DE  IJREUX  DUC  DE  BRETAGNE  ET  DE  MARGUERITE 
DE  MuXTAIGU  SA  FEMME,  SEKÎNEUR  ET  DAME  DE  LA  GARNACHE,  CON- 
FIRMANT TOUS   LES  BIENS  DONNÉS   DANS  LEURS  TERRES    (1236). 


PETRUS,     dux     Britannie, 
cornes  l\ichemundie,do- 
minus  Ganaspie  et  Mar- 
garita   uxor   ejus,  uni- 
versis  présentes  litteras  inspec- 
turis,  salutem  in  Domino. 


lERRE,  duc  de  Bretagn   ' 

P  comte  de  Richemonde 
seigneur  de  laGarnache- 
etMarguerite,sa  femme, 
à  tous  ceux  qui  les  présente, 
lettres  verront,  salut  en  Nôtres 
Seigneur. 


A    NOIKMOUTIER 


79 


Noveritis  pro  certo  quod,  nos, 
divina  moti  caritate  et  anima- 
rum  nostrarum  salutis  pio  ac- 
censi  desiderio,  omnia  leyata 
et  donaciones  omniniodas  que 
in  terris,  juridictionis  nostre 
subjectis,  facte  fuerunt  fratri- 
bus  Insuie  Dei,  Cisterciensis 
ordinis,  cujus  sumus  lamilia- 
ritati  et  beneficiis,  per  Dei  gra- 
ciam,  sociati,  possessiones 
etiam  omnimodas  quasindictis 
terris  habent  et  possident,  gra- 
tas  in  perpetuum  habemus  et 
Armas,  et  dictis  fratribus,  tam 
presentibus  quam  posteris, 
dictas  res  quiète  et  pacifiée, 
bona  fide  et  verbo  fldei,  conco- 
dimus  in  perpetuum  possiden- 
das.  Nos  vero,  admajorem  hu- 
jusmodi  concessionnis  nostre 
roboris  firmitatem,  présentes 
litteras  sigillorum  nostroruni 
munimine  roboratas,  memora- 
tis  fratribus  duximus  conce- 
dendasinteslimoniumveritatis. 

Actum  anno  Domini  M"  CL" 
XXX  seito. 


Sachez  et  ayez  pour  certain 
que,  poussés  par  l'amour  de 
Dieu  et  inspirés  du  pieux  désir 
du  salut  de  nos  âmes,  nous 
avons  pour  agréables  et  assurés 
à  tout  jamais  tous  les  legs  et 
donations  de  toutes  sortes  qui, 
dans  les  terres  soumises  à 
notre  juridiction,  ont  été  faites 
aux  religieux  de  l'Isle-Dieu  de 
l'ordre  de  Citeaux,  avec  les- 
quels,par  la  grâce  de  Dieu,  nous 
sommes  associés  d'amitié  et 
d'oeuvres,  et  aussi  tous  les 
biens  qu'ils  ont  et  possèdent 
dans  les  mêmes  terres.  Nous 
concédons  ces  dites  choses  aux 
dits  religieux  tant  présents  que 
futurs,  de  bonne  foi  et  par  ser- 
ment, afin  qu'ils  en  jouissent 
tranquillement  et  en  paix  et, 
pour  affirmer  davantage  notre 
concession  et  lui  donner  plus 
de  force,  nous  leur  avons  délivré 
les  présentes  lettres  munies  de 
nos  sceaux  en  témoignage  de 
la  vérité. 

Fait  Fan  du  Seigneur  1236. 


L'année  1236  est  celle  du  mariage  de  Pierre  de  Dreux  et 
de  Marguerite  de  Moataigu,  veuve  d'Hugues  de  Thouars. 

Cette  charte  e.-t  reproduite  d'après  un  vidimus  de  la  cour  de 
Raiz,  eu  Boula,  de  1424,  appartenant  à  A.  Jacobsen  (Voir 
aussi  D.  Fonteiieau,  t.  i,  p.  361).  Le  vidimus  ajoute  : 
La  pièce  est  scellée  de  deux  sceaux  peiidans  en  snye  roge,  en 
l'un  desquelx  est  contenu  un  homme  à  cheval  tenant  une 
épée  en  sa  main,  et  en  l'autre  scel,  une  damoiselle  tenant  nn 
oiseau  sur  sa  main  sénestre.  Ce  dernier  est  le  sceau  particulier 
de  Marguerite  de  Monlaigu,  dame  de  la  Garnache. 


80  CHARTES  DK  NOTRF.-DAMK  LA  BLANCHE 

Pierre  de  Dreux,  «  par  lu  grâce  de  Dieu,  associé  d'amitié  et 
d'oeuvres,  »  aux  religieux  de  la  Blanche,  avait  passé  une 
piirlie  de  sa  vie  à  piller  et  à  maltraiter  les  gens  d'église,  en 
ptirticulier  les  clercs  de  la  ville  de  Nantes.  La  mort  le 
surprit  avant  qu'il  ait  eu  le  temps  de  répondre  à  toutes  les 
assignations  à  lui  adressées  par  les  abbayes  et  les  chapitres 
des  terres  de  sa  juridiction. 

L'histoire  lui  a  donné  le  nom  de  Pierre  Mander c,  non  pas, 
comme  on  le  croit  généralement,  à  cause  de  ces  faits,  mais 
parce  que,  destiné  à  l'Eglise,  en  qualité  de  cadet^  il  avait  brus- 
quement jeté  le  froc  qui  ne  convenait  guère  à  son  caractère 
turbulent  et  brouillon. 

Pîiilippe-Auguste  fut  mal  inspiré  le  jour,  où  il  lui  fît 
épouseï- l'héritière  du  duché  de  Bretagne,  Alix,  fille  de  Guy  de 
Tliouars;  il  croyait  pouvoir  compter  sur  un  prince  issu  comme 
lui  de  Louis  le  Gros,  et  détourner  ainsi  les  Bretons  de  l'al- 
liance anglaise.  Mauclerc,  au  contraire,  ne  cessa  de  lutter 
contre  l'autorité  royale;  s'il  ne  put  empêcher  la  duchesse,  sa 
première  femme,  d'assister  au  sacre  de  saint  Louis,  il  se  fit 
l'allié  des  Anglais,  l'instigateur  de  toutes  les  coalitions  contre 
Blanche  de  Castille  et  son  fils.  Saint  Louis,  après  lui  avoir 
plusieurs  fois  pardonné,  marcha  contre  lui  et  le  força  de  se 
rendre  à  merci  (1237).  Contraint  d'abandonner  la  Bretagne  à 
son  fils,  le  duc  changea  de  vie,  prit  la  croix  et  fit  le  ser_ 
ment,  sérieusement  cette  fois,  de  servir  cinq  ans  dans  la 
Terre-Sainte.  En  attendant  le  départ  de  la  croisade,  il  par- 
courut la  France,  comme  chevalier  errant,  sous  le  nom  de 
Pierre  de  Bruine,  d'une  seigneurie  qu'il  possédait  près  de 
Boissons'. 

Marguerite  devenue  maîtresse  d'elle  même, par  suite  de  la  ré- 
solution prise  par  son  époux,confirma,  en  1239,  toutes  les  dona- 
tions, faites  à  l'abbaye  :  «  Nos  legata  et  donaciones  onviimodas 

'  Son    fils,    .Iran  1.  ilit  le  Roux,  l'imita  dans  sa    promi^re   manière  d'agi 
••nvt'rs   l'église  et  se  fit  pareillement  excommunier. 


A    NOIRMOUrJER 


81 


que  in  terris  juridictiunis  uostre  fratribus  Insule  Dei  fade 
fuer  tint, g  ratas  in  perpetmnn  habemus.  »  Cette  pièce,  dit  dom 
Fôr.teneaa,  t.  i,  p.  365,  portait  autrefois  un  sceau  dont  le 
contre-sceau  était  aux  armes  de  Dreux  au  franc  quartier 
d'hermines,  avec  la  légende  S.  {sigillum)  M.  {M ar guérite)  Dne 
(domine)  B¥i  Montagu'. 

Au  mois  de  novembre  124i_,  die  mercurii  ante  festum  beati 
Andrée  a/)Os/o/2, Marguerite, appelée  dans  un  N'\(i'\mw^  :  domina 
bone  memorie,  mourant  au  château  de  la  Garnache,  fit  en 
faveur  de  la  Blanche  le  legs  qui  suit. 


Universis  Christi  fldelibus 
presentem  caitulam  inspectu- 
ris,  Margarita  Montisacuti  et 
Gasnapie  domina  et  hères,  salu- 
tem  in  eo  qui  Salvator  est  in  se 
sperantium  et  redemptor. 

Noveritis  quod  nos  in  ultimo 
volontatis  articulo  constituta, 
présente  et  consentiente  cliaris- 
simo  viro  nostro  Petro  de 
Brana,   dedimus,    concessimus 


A  tous  les  fidèles  chrétiens 
qui  la  présente  charte  verront, 
Marguerite  de  Montaigu,  dame 
et  héritière  de  la  Garnache, 
salut  en  celui  qui  est  le  Sau- 
veur et  le  Rédempteur  de  ceux 
qui  espèrent  en  lui. 

Sachez,  que  comme  dernière 
volonté,  Pierre  de  Braine,  notre 
bien  aimé  mari,  étant  présent 
et  consentant,  nous  donnons, 
concédons  et  léguons,  la  divine 


'  Les  armes  de  Pierre  de  Dreux  (Haient  echiquetêes  d'argent  et  d'azur, 
avec  bordure  de  t/ueules,  au  franc  quartier  d'hernihies  ti'è.s  imparfaitement 
dessinées  ;  celles  de  Montaigu,  d'argent  à  la  croix  d'azur,  cantonnée  de 
quatre  aiglettes  de  gueules. 

Le  franc  canton  ne  provenait  pas  des  armes  de  Bretagne,  qui  n'avaient 
encore  rien  de  fixe,  mais  lut  leur  origine  (^voir  l'Hermine,  par  S.  de  la  Ni- 
collière,  Revuede  Bretagne  et  de  Vendée,  1871).  L'ambitieux  cadet  de  famille 
avait  pris  ce  franc  canton  pour  se  distinguer  de  ses  frères,  avant  son 
mariage  avec  la  duchesse  Alix.  Ses  hermines,  différentes  de  la  forme  qu'elles 
prirent  plus  tard,  ressemblaient  à  la  partie  inférieure  des  pièces  de  vair  de 
ses  aïeux  les  Coucy. 

Jacobsen  possède  un  ridimus  de  cette  lettre  délivré  par  Andres  de  Buxe- 
ria,  custos  tune  temporis  sigilli  senechallie  Pictavensis,  qnondam  apud 
Rocham  super  Oyon,  pro  domino  rege  Franeie,  constitutus,  suivi  de  la 
mention  :  Datum  auiem  huismodi  instrumentum  visionis  et  inspec- 
tionis  et  sigidatum  sigillo  j)redicti  Régis,  per  me,  Andream  de  Buxeria,  ad 
relacionem  Pétri  Cfiolard  elerici  mei,  cui  /idem  ad  hibui  pleniorern.  die 
lune  ante  festum  beati  Georgl  martiris  (•^:J  avril)    anno  M"   CCC»  A'»  l». 

Tome  iv.  —  Janvier,  Février,  Mars  1891.  6 


^•.> 


CHARTES   DE    NOTRE-DAME    LA    IlLANGHE 


et  legavimus  divina  provi- 
dcntiu  disponcnte  pro  remedio 
cl  salute  anime  nostre,  in  pu- 
raiu  et  perpetuam  elemosynam 
abbatie  Insuie  Dei  de  Nigro 
nionasterio',  abbati  et  monachis 
ejusdem  loci,  Cistorciensis  ordi. 
nis  ibidem  Deo  deservientibus, 
(î  solidoscurrentis  monete  sitos 
in  redditibus  portuum  nostro- 
l'um  pertinentiura  ad  castel- 
laniam  Gasnapie,  eisdem  abbati 
et  monachis,veleorum  mandate 
per  manum  seneschalli  Gasna- 
pie' in  eodum  castro  in  quni- 
dena  Purificationis  béate  Marie 
in  perpetuum,  annis  singulis 
persolvendos  etc. 


Providence  devant  en  disposer 
pour  le  soulagement  et  le  salut 
de  notre  âme,  en  pure  et  per- 
pétuelle aumône,  à  l'abbaye  de 
l'Ile  Dieu  de  Noirmoutier  et  à 
l'abbé  et  aux  moines  de  l'ordre 
de  Citeaux  qui  s'y  consacrent  au 
service  de  Dieu,  cent  sous  de 
monnaie  courante,  assis  sur 
les  revenus  des  ponts  appar- 
tenant à  la  chatellenie  de  la 
Garnache,  devant  être  soldés  à 
l'abbé  et  aux  moines  susdits  ou 
à  leur  ordre,  chaque  année  et  à 
perpétuité,  par  les  mains  du 
sénéchal  de  la  Garnache,  dajis 
ce  château,  en  la  quinzaine 
qui  suit  la  fête  de  la  Purification 
de  la  bienheureuse  Marie  etc. 


Celte  charte  recueillie  par  dom  Fonteneau  (l.  i,  p.  371) 
portail  autrefois  deux  sceaux  celui  de  Pierre  de  Braine, 
revenu  pour  assister  aux  derniers  moments  de  sa  femme,  et 
celui  de  Marsruerite. 

En  1237,  Boucharde  du  Plessis-Bouchard  et  Guillaume  de 
Mauldon.  chevalier,  son  mari,  comparaissaient  devant  Jean, 
humble  doyen  d'Aizeuay,  agissant  comme  notaire  apos- 
tolique, |)our  confirmer  un  don  fait  par  eux,  l'année  précé- 
dente, pour  le  salulde  leurs  âmes  et  de  celles  de  leurs  parents, 
en  pure  aumône,  aux  moines  de  l'Iie-Dieu  :  Quidquidjuris  ha- 
firbanl  el  haberc  poterantin  domiôns  et  terris  et  vineis  dlctorum 
fratrum  passim  in   liarbastria  constilutis. 

Ces  droils  (dictumjus  elemosijnatum]  étunl  un  propre  de  la 

'  C'est  la  première  fois  que  nous  voyons  apparaître,  au  lieu  d'Héro,  le  mot 
Nigrum  monaslerium. 

»  Une  charte  de  Huzay  ilonne  le  nom  du  sénéchal  de  la  Garnache  pour 
Pierre  de  Braine  en  liJG.  U  s'appelait  Guillaume  Enjoubaud,  chevalier. 
Pierre,  d.-pouillé  du  duché  de  Bretagne,  était  devenu  usufruitier  de  la  sei- 
gneurie de  la  Garnache  parla  mort  de    Marguerite. 


A    NOIRMOUTIER 


83 


femme,  elle  fait  serment  de  ne  jamais  les  revendiquer,  ni 
de  faire  à  leur  sujet  une  réclamation  quelconque.  La  pièce 
fut  remise  aux  moines,  munie  du  sceau  du  doyen  d'Aizenay 
et  de  celui  de  Guillaume  de  MauléonV 

Quelques  années  plus    tard  Bouchardo,    devenue    veuve, 
apposait  son  sceau  à  la  pièce  suivante: 


Universi  Christi  fldelibus  pré- 
sentes iitteras  inspecturis, 
Bucharda  do  PlesseixBuchard, 
domina  vidua,  salutem  in 
Domino. 

Noveritis  quod  ego  dedi  et 
concessi,in  puramelemosynam, 
Deoetabbacie  Insuie  Dei,  in  qua 
meam  preelegi  habere  sepul- 
turam,centum  areas  salinarum 
cum  suis  pertinentes  habendas 
et  possidendas  in  perpetuum, 
quas,  ego  et  Guillemus  de  Ma- 
loleone,  miles,  quondam  vir 
meus,  fecimus  propriis  sump- 
tibus,  sitas  in  Maresio  novo, 
apud  Hero  insulam,  ante 
pontem  Maresii  Borre  et  juxta 
alias  centum  areas  salinarum, 
quas  dedi  et  conccssi  in  per- 
petuum Savarico  clerico  et 
suis  heredibus, juxta  maresium 
de  Chaice,  in  predicto  Maresio 
novo  constitutas'. 


A  tous  les  fidèles  chrétiens 
qui  lirontces  lettres,  Boucharde 
du  Plessis -Bouchard ,  dame 
veuve,  salut  enNotre-Seigneur. 

Sachez  que  j'ai  donné  et  con- 
cédé, en  pure  aumône,  à  Dieu 
et  à  l'abbaye  de  l'Isle-Dieu, 
dans  laquelle  j'ai  choisi  le  lieu 
de  ma  sépulture,  cent  aires  de 
salines  avec  leurs  dépendances, 
pour  les  avoir  et  posséder  à 
perpétuité,  salines  que  Guil- 
laume de  Mauléon,  chevalier, 
mon  mari,  et  moi,  avons  éta- 
blies à  nos  frais,  en  Marais- 
neuf,  dans  l'ile  d'Her,  avant  le 
pont  du  Marais-Boure  et  tou- 
chant à  cent  autres  aires  de 
salines  que  j'ai  données  et  con- 
cédées à  perpétuité  à  Savary, 
clerc,  et  à  ses  héritiers,  proche 
le  Marais  Ghessé,  situées  aussi 
dans  le  Marais  neuf. 


*  Dom  Fonteneau,  t.  i,  p.   3G7. 

*  Les  dépendances  d'un  marais  sont  ses  vivres  [branches  et  autres  réser- 
voirs d'eau  saléej ,  ses  bossis,  terres  cultivées  entre  les  réservoirs  et 
formant  tahis,  et  ses  iesseliers,  où  le  sel  est  réuni  en  mulon  après  avoir  été 
recueilli  à,  l'aide  de  la  siraauge  sur  les  tablettes  des  œillets  ou  des  aires 
salantes. 

Les  libéralités  de  Boucharde  du  Plessis-Rouchard  envers  l'abbaye  ne  se 
bornèrent  pas  aux  dons  précités.  Elle  lui  donna  également  la  partie  do  la 
ville  située  entre  la  petite  place,  la  grande  rue  et  le  quai,  appelée  depuis  le 
fief  des  religieux  ou  quartier  de  la  Boucharde. 


84 


CHARTES  DE  NOTRE-DAME  I.A  BLANCHE 


Fratres  vero  dicte  abbacie. 
meis  precibus  inclinati,  quera- 
(iara  ex  eis  monachum  sacer- 
dotem,  railii  charitative  in 
pei'petuuin  concesserunt,  qui, 
pro  salute  anime  mee  et  ani- 
raanim  patris  et  matris  mee  et 
omnium  parentum  et  ami- 
corum  meorum,  preces  Dei 
offerat  et  quotidianum  Domino 
misse  obsequium  administret. 
Quia,  vero  etc. 

Actum  anno  Domini  M"  CC° 
XXXX"  primo'. 


Les  religieux  de  ladite  abbaye 
accueillant  mes  prières,  m'ont 
cliaritablement  accordé  à  per- 
pétuité un  moine  prêtre,  choisi 
parmi  eux,  afin  qu'il  prie  Dieu 
pour  le  salut  de  mon  âme  et 
des  âmes  de  mes  père  et  mère, 
de  mes  parents  et  de  mes  amis 
et  offre  chaque  jour  à  Dieu  le 
saint  sacrifice  de  la  messe  à 
ces  intentions.  Mais,  pour,  etc. 


Fait  l'an  du  Seigneur  1241. 


Donation,  par  Catherine  des  Bretesches,  femme  d'Olivier 

DE  GazOU,   a  son  lit  DE   MORT,    DE  30  SOUS  6  DENIERS  DE  RENTE 
AU  CLOS  DE  PORNICHET,  AUX  RELIGIEUX  DELA  BlANGHE  (1238). 


Universis  présentes  litteras 
inspecturis,  G.  prior  elemosi- 
narie  Nannetensis^  G.  presbi- 
ter  sancti  Donaciani,  persona 
Nannetensis  diocesis,  et  Olive- 
rius  de  Cazou,  miles,  eternam 
in  domino  salutem. 

Universorum  commendamus 
memorie,  quod  cum  Katharina 
quoudam  uxor  dicti  Oliverii  de 
Cazou,  filiaGuillelmi  des  Brete- 
ches,  militis,  in  extremis  labora- 
ret,in  ultimasuavoluntatecons- 
tituta,  nobis  presentibus,  suum 
taliter  condidit  testamontum  ; 
videlicet  ,quod  ipsa  dédit  et  con- 
cessit  Deo  et  abbacie  de  Insula 


A  tous  ceux  qui  ces  présentes 
lettres  verront,  Gaudefroy,  pri- 
eur de  l'aumônerie  de  Nantes, 
Gauthier,  prêtre,  curé  de  Saint- 
Donatien,  du  diocèse  de  Nantes, 
et  Olivier  de  Cazou,  chevalier, 
salut  éternel  en  Notre-Seigneur, 

Nous  recommandons  à  la 
mémoire  de  tous  que  Cathe- 
rine, autrefois  femme  dudit 
Olivier,  fille  de  Guillaume  des 
Bretesches,  chevalier,  étant  en 
danger  de  mort,  et  voulant 
faire  connaître  ses  dernières  vo- 
lontés, nous  a  transmis  comme 
suit  son  testament,  à  savoir 
qu'elle  a  donné  et  concédé   à 


*  Dom    Fonteneau    t.    i,    p.  3G0,    Le    sceau  de  l;t  dauic   n'existe    plus. 
»  Une  ruH  dans  les  bas-chemins  de    Saint-Donalien  à  Nantes,  est   dite  la 
rue  do  l'AumAiierie. 


A    NOIRMOUTIER 


85 


Dei.Cisterciensis  ordinis,  XXX^' 
solidos  et  VI  denarios  annui 
redditus,  in  perpetuum  perci- 
piendos  super  parte  sua  de 
clodicio  de  Pornichet,  in  Hero 
insula  cunstituto  ,  quantum 
fratres  dicte  abbacie  ab  ipsa 
tenebant  et  colebant  ad  par- 
tem;  ita  quod  in  bonis  omnibus 
que  fuerint  et  de  cetero  fient  in 
dicta  abbacia  et  toto  ordine 
Gistersiensi  ,  anima  dicte  de- 
functe  consors  et  partices  ha- 
beatur  in  perpetuum.  Ipsa 
eciam  de  dicto  redditu  in  manu 
nostra  quos  sui  exequtores 
testamenti  constituit,  sedesse- 
sivit,  et  precepit  quod  nos  ses- 
sixemus  et  investiremus  fratres 
abbacie  supradicte  ,  quod  nos 
fecimus,  présentes  litteras  si- 
gillorum  nostrorum  munimine 
roboratas,dictis  fratribus, super 
hec  exibentes,  in  testimonium 
veritatis. 

Datum  Nannetis  ,  die  lune 
proximapostDominicam  in  quo 
cantatur  :  Invocavit  me.  Anno 
Domini    M"  CC"  XXX"  octavo. 


Dieu  et  à  l'abbaye  de  l'isle- 
Dieu  de  l'ordre  de  Cîteaux, 
30  sous  et  T)  deniers  de  rente 
annuelle,  devant  être  perçus  à 
perpétuité  sur  sa  part  du  clos 
de  Pornichet,  situé  dans  l'île 
d'Héro,  que  les  frères  de  ladite 
abbaye  tenaient  déjà  d'elle  et 
cultivaient  en  partie,  afin  que 
l'âme  de  la  défunte  fut  partici- 
pante, à  tout  jamais,  à  tous  les 
avantages  spirituels ,  dont 
jouissent  et  dont  jouiront  à 
l'avenir  ladite  abbaye  et  l'ordre 
de  Giteaux  tout  entier.  Elle 
même  s'est  dessaisie  de  ce  re- 
venu entre  nos  mains,  à  nous 
qui  sommes  ses  exécuteurs 
testamentaires,  et  nous  a  or- 
donné d'en  saisir  et  investir  les 
frères  de  la  susdite  abbaye,  ce 
que  nous  avons  fait,  remettant 
auxdits  religieux  les  présentes 
lettres,  munies  de  nos  sceaux, 
en  témoignage  de  la  vérité. 

Donné  à  Nantes ,  le  lundi 
après  le  dimanche  oii  l'on 
chante  Invocavit  me  (I"  di- 
manche de  carême) ,  l'an  du 
Seigneur  1238  (1239  n. s.)- 


(Extrait  des  Archives  d'Ant.  Jacobsen).  Les  sceaux  manquent. 


On  trouve  aux  archives  de  la  préfecture  de  Nantes  [H.  56 
Buzaij),  un  billet,  ayant  pareillement  rapport  aux  dernières 
volontés  de  Catherine  des  Bretesches.  C'est  une  attestation 
du  prieur  de  l'aumônerie  de  Nantes,  Gauf  (ridus),  du  curé  de 
S;>int-Donatien,  (raut  [ieriis) et  d'Olivier  CacAo  ,  chevalier, 
exécuteurs  testamentaires  de  ladite  dame,  portant  qu'à  l'ar- 
ticle rie  la  mort,  elle   entend   céder    à  l'abbaye  de    Buzay 


80 


CHARTES  DE  NOTRE  DAME  LA  BLANCHE 


toutes  les  choses  pour  lesquelles  elle  est  en  procès  avec  elle, 
savoir  une  terre  occupée  par  Thibaud  de  l'Aroidière  et 
un  ayral  dans  la  paroisse  de  Port-Saint-Père. 

Les  Bretesches  paraissent  être  des  juveigneurs  de  la 
famille  de  Raiz,  dont  la  croix  orne  lï'cu  du  chevalier  Guil- 
laume des  Bretesches,  sur  la  pierre  tombale,  dite  du  Croisé, 
de  l'église  de  Sainte-Marie  de  Pornic. 

Olivier  de  Cazou,  deCacho,  de  CA^cAo,  n'a  rien  de  commun 
avec  Olivier  de  Coche  ou  de  Ghoche.  Les  Cazou,  ainsi  que 
nous  l'a  fait  remarquer  Arth.  de  l'Isle,  paraissent  être  les 
Casso,  sieifi's  de  IWmjle,  en  Donges,  dont  parle  de  Courcy 
dans  son  Nobiliaire  de  Bretagne,  t.  1,  p.  152.  Ils  portaient  de 
giteti/es  à  la  bande  de  vair. 


Don  FAIT   PAii   Pierre  Joubert  de  Talmond,  chevalier,  et 
AliénoRi  sa  femme,   de    divers  héritages   a  Noirmoutifr 

AVEC    confirmation    d'uNE    RENTE    QUE    GaTHERINK  DES  BrE- 
TESCHES,   SOEUR  d'AlIÉNOR   et    FEMME  d'OlIVIER    DE   GhAGHO, 

avait  autrefois  léguée  a  l'abbaye  (1241). 


Universis  Christi  fiidelibus 
présentes  litteras  inspecturis, 
Jotiannos  ,  liumilis  decanus 
Azianensis,  saintem  in  Domino. 

Noveritis  quod  Petrus  .loberts 
de  Tlialemundo,  miles,  et  Alie- 
nordis,  uxor  eiusdem,  quondam 
filia  Guillelmi  do  Breteclies, 
militis,in  nostra  presencia  (^ons- 
titiiti,  dedorunt  et  concesse- 
runt  in  perpétua  lielemosina, 
iJeo  et  l'ratril)us  abbacie  Insuie 
Dei,  quicquid  liabebant  et  pos- 


A  tous  les  fidèles  chrétiens 
qui  les  présentes  lettres  verront, 
.Jean,  humble  doyen  d'Aizenay, 
salut  en  notre  Seigneur. 

Sac'i.ez  tous  que  Pierre  Jobert 
de  Thalemond,  chevalier,  et 
Aliénor  sa  femme,  fille  de  Guil- 
laume des  Bretesches, chevalier, 
donnèrent  et  concédèrent  en 
notre  présence,  en  perpétuelle 
aumône  à  Uieu  et  aux  frères  de 
l'abbaye  de  l'Ue-Dieu,  tout  ce 
qu'ils  avaient    et    possédaient 


A    NOIRMOUTIER 


87 


sidebant  in  mestiveriis*  clodi- 
cii,  quod  vocatur  Pornichet,  in 
Hero  insula  siti,  quod  dicti 
fratres  de  ipsis  tenent  et  de 
suis  predecessoribus  diu  et 
tenuerunt.  Concesserunt  et 
eisdem  l'ratribus  XXX"  solidos 
et  VI  denai'ios  annui  redditus, 
in  Assumptione  béate  Marie, 
eisdem  persolvendos,  quos  Ka- 
tharina,  soror  dicte  Alienordis, 
quondam  uxor  Oliverii  de  Cha- 
cho,  militis,  in  supradicto  clo- 
dicio,fi^tribus  le^averat  supra- 
dictis 

-  Preterea,quidquid  supradicti 
fratres  prout  habebant  et  pos- 
sidebant  in  supradicto  clodicio, 
jam  dicti  vir  et  uxor,  dictis 
fratribus,  concesserunt  haben- 
dum  pacifiée  et  quiète  in  perpe- 
tuum  possidendum.  Quia  vero 
supradicta  concessa  ex  parte 
dicte  uxoris  jure  hereditario 
movebant,  ipsa  in  manu  mea 
juravit  quod  concessa  hujus- 
modi  per  se,  vel  per  aliam  per- 
sonam  revocare  nullatenus 
attemptabiie. 

In  quorum  rerum  testimo- 
nium,  nos  et  sepedictus  Petrus 
Joberts,  ad  peticionem  sepedicte 
Alienordis,  sepedictis  fratribus, 
présenter  dedimus  litteras  si- 
gillorum  nostroi'um  munimine 
roboratas. 


dans  lesmétivages  du  clos  appelé 
Pornichet.  dans  l'Ile  d'Héro, 
que  les  dits  religieux  tiennent 
et  ont  tenu  d'eux  et  de  leurs 
prédécesseurs  depuis  long  - 
temps.  Ils  ont  concédé  pareil- 
lement aux  mêmes  religieux 
:¥)  sols  et  0  deniers  de  revenu 
annuel,  devant  leur  être  payés 
lejourde  l'Assomption  de  sainte 
Marie,  rente  que  Catherine, 
sœur  de  la  dite  Aliénor,  et 
autrefois  épouse  d'Olivier  de 
Chacho,  chevalier,  avait  léguée 
sur  le  dit  clos,  aux  religieux 
susdits. 

En  outre  les  dits  mari  et 
femme  ont  concédé  pour  en 
jouir  en  paix  et  en  repos  aux 
dits  religieux  tout  ce  que  ceux- 
ci  avaient  et  possédaient  déjà 
dans  le  dit  clos.  Comme  les 
choses  susdites  appartenaient 
par  droit  d'iiéritage  à  la  dite 
épouse,  celle-ci  a  juré  entre 
mes  mains  que,  ni  par  elle  ni 
par  autre  personne,  elle  ne  ré- 
clamoraitjamaisrien  des  choses 
ainsi  concédées. 

En  foi  de  quoi  nous  et  ledit 
Pierre  Joubert,  à  la  demande  de 
ladite  Aliénor,  avons  présente- 
ment remis  aux  dits  religieux  ces 
lettres  munies  de  nos  sceaux. 


'  Mkstiva  :  prœstatio  ex  frumento  quod  in  agris  colligitur  et  metitiir. 
Mestiveria  ; /rHc'HS  ex  mestiva  collccti  (In  mesticariis  habeant  monachi 
medielatem  imam,  alla  medietate  ad  personam  ecclesie  rémanente.  Cliarte 
citée  par  du  Carifie). 

On  dit  faire  la  mettre  pour  couper  le  bl<5  :  le  temps  des  m,étives  pour 
le  temps  des  moissons. 


S8 


CIIARTKS    DE    NOTRE-DAME    L\    BLANCHE 


DatAira  anno  ab  Incarnacione 
Doniini  M°  CC°  quadra^'esimo 
primo. 


Donné  l'an   de  l'Incarnation 
du  Seigneur  1241. 


Archives  d'Ant.  Jacobsen  ;  pas  de  traces  de  sceaux.  Dnm 
Fonteneau  (1.  i,  p.  371),  fait  à  tort  de  cet  Olivier,  qui  est  le 
même  personnage  que  celui  de  la  pièce  précédente.  Olivier 
de  Choché  dont  il  a  été  parlé  plus  haut. 


Don  fait   par    Pierre    Doucèt    et  bienvenue   sa   femme  a 
l'abraye  de  Noirmoutirr  (1262). 

(Letjatum  Prtri  Doiilcpt  et  Beîteventue,  ejits  uxoris,  abbacie 
dp  Nigro  monasterio  datnm.) 


Universis  présentes  litteras 
nspecturis,  Savaricus,  humilis 
decanus  Azianensis,  salutem 
in  Domino. 

Noverit is  quod  Petrus  Doucet 
et  Benevenuta,  uxor  ejus,  in 
nostra  presencia  personaliter 
constituti,  dederunt  et  conces- 
serunt,  in  puram  et  perpetuam 
helemosinara,  Deo  et  abbacie 
de  insula  Dei,  Cysterciensis 
ordinis,  quidquid  habebant  et 
liabere  potebant  in  terra  que 
vocatur  la  chaucee  filie  Ni- 
cholai  Pel[iparii,sitaen  l'Espoy, 
in  Bugiiio,  habendum  in  per- 
petuum  pacifiée  et  tenendum  ; 
dicta vero  Benevenuta,  adquam 
ros  spectabat,  racione  patri- 
monii,  juravit  in  manu  uostia, 
spontanea  voluntate,  quod  per 
se,  vel  per  alium,  contra  dictam 


A  tous  ceux  qui  les  présentes 
lettres  verront,  Savary,  humble 
doyen  d'Aizenay,  saluten  Notre 
Seigneur. 

Sachez  que  Pierre  Doucet  et 
Bienvenue  sa  femme,  ayant 
comparu  en  notre  présence,  ont 
donné  et  concédé  en  pure  et 
perpétuelle  aumône  à  Dieu  et 
à  l'abbaye  de  l'Isle-Dieu.  de 
l'ordre  de  Citeaux,  tout  ce  qu'ils 
avaient  ou  pouvaient  avoir, 
daiiS  la  terre,  qui  porte  le  nom 
de  la  Chaussée  de  la  fille  de 
Nicolas  Pelletier,  située  à 
l'Epoy,  en  Boin,  pour  l'avoir  et 
enjouir  en  paix  à  perpétuité.  La 
dite  Bienvenue,  que  la  chose  re 
gardait,  puisqu'elle  faisait  par- 
tie de  son  patrimoine,  a  juré 
entre  nos  mains,  spontanément 
et  sans  y  être  contrainte, qu'elle 


\    NOIRMOUTIERS 


89 


donacionem     de     cetero     non 
faciet,  vel  veniet  in  futurum. 


Ad  quorum  peticionem,  pre- 
sentibus  litteris  sigillum  nos- 
trum  apposiviraus  in  testa- 
monium  veritatis. 

Datum  in  octabis  Assuncionis 
béate  Marie,  anno  Doniini  M.° 
CC"  lX*  secundo. 


ne  ferait  rien  ni  par  elle  ni 
par  autre  personne,  contre  la 
d.  donation  et  qu'elle  ne  serait 
pas  troublée  à  l'avenir. 

A  la  demande  des  donataires 
nous  avons  apposé  notre  sceau 
aux  présentes  lettres  en  témoi- 
gnage de  la  vérité. 

Donné  dans  l'Octave  de  l'As- 
somption de  la  bienheureuse 
Marie,  l'an  de  N. -S.  1202. 


Le  sceau  sur  deux  lacs  de  parchemin  a  été  enlevé.  La  pièce 
sur  parchemin  est  d'une  très  jolie  écriture  du  XIII*  siècle. 
Elle  appartient  à  Ant.  Jacobsen.  La  forme  latine  du  mot 
Pelletier,  Pelliparius,  est  à  noter.  Bienvenue,  d'après  le  texte 
de  la  lettre,  doit  être  la  fille  de  ce  Nicolas  Pelle' ier.  Savary 
est  indiqué  par  Aillery  dans  son  Pouillé  parmi  les  doyens 
d'.\izenay;  nous  le  voyons,  en  1258,  affirmer  le  don  de  20  sous 
de  rente  annuelle  supra  medietatem  maresiide  Gandrillon,  in 
Bflreario,  datos  religiosis  de  Buzayo  a  Reginal  de  Neger,  mi- 
lite, dfifimclo,  ciim  ai^senaii  et  voliintate  A?Jieli?ie  îixoris    ejus. 


Alphonse,  fricre  de  Saint  Louis,  comte  de  Poitiebs  et  de 
Toulouse,  confirme  les  acquisitions  faites  par  l'abbaye, 
dans  le  Poitou  (1267). 


Alfonsus,  filius  régis  P'rancie, 
comes  Pictavie  et  Tholose,  uni- 
versis  présentes  litteras  inspec- 
turis,  salutem  in  Domino. 

Notum  facimus,  quod  nos, 
intuitu  pietatis  ac  favore  Y-eli- 
gionis.  liberaliter  concessimus 
viris  religiosis,  abbati  ot  con- 
ventui  de  Insula  Dei.   Cister- 


Alphonse ,  fils  du  roi  de 
France,  comte  de  Poitiers  et  de 
Toulouse,  à  tous  ceux  qui  les 
présentes  lettres  verront,  salut 
en  Notre-Seigneur. 

Nous  vous  faisons  savoir  que, 
par  esprit  de  piété  et  par  zMe 
de  la  religion  ,  nous  concé- 
dons libéralement  aux  reli- 
gieux,    abbé     et    couvent    de 


90 


CHARTES  DE  NOTRE-DAME  LA  BLANCHE 


ciensis  ordinis ,  Pictavensis 
diocesis,  ut  tam  ipsi  quam  suc- 
cessores  sui,  universa  et  sin- 
gula,  que  ab  eisdem  in  nostris 
feudis,  seu  retrofeudis,  infra 
metus  comitatus  Pictavensis 
sunt  licite  vel  fuerint  aquisita, 
habeant,  teneant ,  explectent 
et  possideant  in  perpetuum, 
pacifiée  et  quiète. 

Volenteset  concedentes  quod 
per  nos  ,  heredos  vel  succes- 
sores  nostros,  non  possintdicti 
abbatis  et  conventus,  seu  suc- 
cessores  sui,  compelli  acquisita 
liujus  modi  ,  extra  raanum 
suam  ponere ,  in  toto  vel  in 
parte,  et  eadem  acquisita,  vel 
etiara  acquirenda,  dictis  abl)atJ 
et  conventui  liberaliter  confir- 
mamus. 

In  cujus  rei  testimonium 
prefatis  abbati  et  conventui, 
nomini  monasterii  sui,  présen- 
tes litteras  dedimus  sipilli  nostri 
munimine  i-oboratas. 

ActumapudLongum  pontem, 
anno  Domini  M^CCoLX  septimo, 
mense  novembris. 


risle-Dieu,  de  l'ordre  de  Ci- 
teaux,  du  diocèse  de  Poitiers- 
tant  pour  eux  que  pour  leurs 
successeurs,  tous  et  chacun  des 
acquêts  qu'ils  ont  faits  ou 
feront  licitement  dans  nos  fiefs 
ou  arrière  fiefs,  dans  les  limiteg 
du  comté  du  Poitou,  afin  qu'ils 
les  aient,  tiennent,  exploitent 
et  possèdent  à  perpétuité  en 
paix  et  sans  être  inquiétés. 

Voulant  et  concédant  que, 
par  nous,  nos  héritiers  ou  nos 
successeurs ,  lesdits  abbé  et 
couvent  et  leurs  successeurs 
ne  puissent  être  forcés  à 
abandonner  lesdits  acquêts,  en 
tout  ou  partie,  et  nous  confir- 
mons libéralement  auxdits  abbé 
et  couvent  ces  acquêts  et 
même  ceux  qu'ils  pourraient 
faire  à  l'avenir. 

En  foi  de  quoi  nous  avons 
donné  aux  susdits  abbé  et  cou- 
vent, au  nom  de  leur  monas- 
tère ,  les  présentes  lettres 
munies  de  notre  sceau. 

Fait  à  Longpont,  au  mois  de 
novembre  de  l'an  de  notre  Sei- 
gneur 1267. 


L'original,  vu  par  dom  Pontenean  (p.  373),  portait  attaché 
à  un  cordon  rond  de  soie  rouge,  un  grand  sceau  de  matière 
blancJTe,  enduit  d'une  couleur  jaunâtre,  ressemblant  à  du 
plaire.  Sur  un  des  côtés  se  voyait  un  clievalior';  sur  l'autre 
une  croix,  qui  d'après  le  dessin  donné  pajr  le  savant  béné- 


•  Le  scp:iii  li"  \l|)linnsp  de  l'oitiprs.  donm''  pu-  Wallon,  représente  un  che- 
valier dont  l'i''cu.  l'oiiinii"  l;i  couverture  pourpointe  du  cheval  est  moitié 
France,  moitic''  Castille. 


A    NOIRMOUTIERS  91 

dictin,  est  la  croix  vidée,  déchue  et,    pomniPtée  des  comtes 
de  Toulouse'. 

Digne  fils  de  Blanche  de  Castille  et  grand  justicier  comme 
le  roi  son  frère,  Alphonse  rétablit  l'ordre  et  la  justice  dans 
ses  vastes  domaines,  non  d'une  façon  autoritaire,  mais  en 
convoquant  à  de  grandes  assises  ses  évêques,  ses  barons 
et  des  légistes.  Le  règne  de  la  loi  succédait  au  pouvoir  du 
sabre. 

Au  mois  d'octobre  1270,  le  samedi  avant  la  fête  de  saint 
André  apôtre,  Savary, vicomte  de  Thouars, confirme  en  faveur 
des  religieux  tous  les  dons  leur  ayant  été  faits,  tant  à  Bouin 
que  dans  ses  autres  fiefs  et  arrière-fiefs.  Lud.  Jacobsen 
possède  le  vidimus  sur  lequel  a  été  prise  la  copie  de  dom 
Fonteneau.  Il  est  sans  date  et  a  été  rédigé  par  Guillemus,  hii- 
milts  capellanus  de  Nigro  monasterio,  et  maffister  Nicholaus 
de  Gucmaspia,  clericiis'. 

Maurice  de  Bellevi^e^  dont  les  moines  avaient  eu  beaucoup 
à  se  plaindre,  dut  s'exécuter  à  son  tour.  Il  ne  pouvait  le 
refuser  au  comte  de  Poitiers  qui  venait  de  lui  faire  rendre 
justice  par  Girard  Chabot,  baron  de  Raiz. 

Noverit  univeraas  vestra,  écrit-il,  au  mois  de  mars  1272 
(1273  n.  s.),  quodjios,  ardore  pietatis  et  caritatis  accensi,  Deuin 
habentes  pre  ocidis,  pro  remedio  ayiiine  nostre  et  parenftim 
nostroruni  litteram,  seu  cartam,  Pétri  de  Ganmpia  defiincti, 
tiim  temporifi  domini  Gimaspie  ah  eodem  Petro,  Deo  etabbacie 

'  Lud.  .lacobsen  possède  une  copie  de  ce  titre,  rZ-digé  à,  la  Blanche,  en  IGlit , 
par  Boucher  et  Chotard  notaires,  sous  les  yeux  du  frère  Jean  Guyon.  procu- 
reur de  l'abbaye.  ' 

»  Nous  avons  retrouva  ce  Nicolas  de  la  Garnauhe  dans  une  charte  de 
Girard  Chabot,  seigneur  de  Raiz, qui  le  nomme,  avec  Jean  Pichard,  expert  dans 
un  procès  intenté  aux  moines  par  les  frères  Gorios  pour  des  réparations  à 
faire  à  une  chaussée  de  l'île  de  Bouin. 

(iuanaspia  est  une  forme  latine  à  joindre  à  Gasnapia,  Gnnaspia,  Gasna- 
chia  et   Guannache. 

'  1266,  Nobilis  vir,  Mauricius  de  Bella  Villa,  dominus  Gasnapie  et  Montis 
acuti.  —  1268.  Dominus  Mauricius  de  Bella  Villa,  dominus  de  Garnesche 
(Chartes  de  Husay). 


92  CHNRTES  DE  NOTRE  DAME  LA  BLANCHE 

lucide  Dei  de  Nigro  ?nonasferio  concessamjaiidamus  appro- 
ôamus  et  paritor  confirmamiis. 

Maurice,  après  avoir  reproduit  en  entier  la  charte  de  Pierre 
de  la  Garnache,  confirme  les  donations  faites  par  Marguerite 
de  Montaigu  et  divers  autres  bienfaiteurs. 

Dom  Fonteneau  en  donnant  cette  lettre  n'en  reproduit  pas 
la  fin,  très  difficile  à  déchiffer  sur  l'original,  qui  appartient  à 
Lud.  .lacobsen  ;  un  certain  nombre  de  mots  s'y  trouvant 
détruits. 

La  voici  telle  qu'elle  a  été  lue  par  S.  de  la  NiooUière. 

Item,  omnia  legata  seu  helemonnas  et  donationes  omnimodas  que- 
cianque,a  quibuscumque,  ubicumque,m  terris  jicridicioni  noslre  sub- 
jectis.  Fade  fuerunt  fratribus  predicte  abbacie  Insvl  [e]  Dei  de  Nigro 
monasterio,  poss[essione.<}]  eciam  omnimodas  quas  in  dictis  terris  quo- 
quomodo  habent  et  possident,  çjratas  in  perpetuum  habentes  et  firmas 
eisdem  fratribus  approba7nics,  per  omnia  et  penitus  confirmamus. 
Donavimus  eciam,  et  donamus  in[puram]  et perpeticam  helemosinam, 
concessimus  et  concedimics,sine  spe  aliqua  revocandi, predicte  abbacie 
et  fratribus  eiusdem,  loci,  omne  jus  qvod  habetnus  et  habere  possumvs 

et  debeynus quoquomodo  in  ayraudo  seu  a  sil[^o\  ad  Belvearium 

inler  domum  Guillelmi  de  Haya,  ex  una parte,  et  domum  quondam 
Mauricii  Oeth  defuncti,  ex  altéra,  et  eciam  in  sabulis  Johannis  Saune- 
rii,civisNannetensis,  Johannis  Boyssea,  Danielis  Coyfaut,  etheredum 
Grayfer,cum  suis  pertinenciis  quibuscumque, sitis  adportumd...elt... 
ar..,in  eadem  pra...a,et  eciam  in  sabulis  et  podiis* omnibus  etterrisap- 
pellalis  les  Parées'  cum  suis  pertinenciis  quibuscumque,  sitis  prope 
Oroez,  inparrochia  sancti  Johannis  de  Montibus,  a  calciata  appellata 
calciata^  deSpina  usque  ad  calciatam  clausnre  de  maresio  d" Oroez, et  in 
tribus  solidis  censualibus  quos  habemus  et  habere  consuevimus  super 
quatuor  domos  et  terra)»,  quam  dictas  bail. . .  a  nobis  cepit  et  habuit, 

'  Podium.  Pé  XiHMienr,  dune  :  Ex.  Le  Y'é-l.nyé.  poâiutn  ahbatis  Le  mou- 
lin (lu  Pé 

»  Parées,  vallées  ou  cols  dans  les  dun»^s  :  Kx.  La  Parée-coupée,  à  la  Tresson. 
On  appelle,  à  Saint-Jean  de  Monts,  jtnrrsleus,  et  par  corruption  jxirii-iens, 
les  individus  j)eu  fortunés,  se  construisant  une  habitation  dans  les  dunes. 
sans  en  demander  la  permission  à,  personne. 

»  Ca/c'i'a^f,  chaussée,  charraud.—  Calciata  clausurr^,  la  chaussée  de  clô- 
ture du  marais  d'Orouet. 


A    NOIRMOUTIERS  93 

existentes  infra  metas  prediclas,  retenta  nobis  tantuni  juridicione 
super  homines  nostros,  nunc  in  dictis  quatuor  domibus  manentes 
[sicuLi\  habemus  alibi  super  ho i.iines  vavassores  de  castelli  Gasnapie, 

in  recompensacioneyn  et  permutacionem.  Ayraudi apud 

Castrum  ncvum,  juxla  do'>nuni  dicti  Guillebon,  ex  una  parle,  et 
juxta  doani  Castri  nuvi\  ex  altéra,  a  nobis  et  heredibus  ?iostris  ra- 

cione  die solidorum  in  perpetuum  de  cetero  possidend 

Nos  vero  quodquod  proprietatis  et  \d\  ominii,  cujuscutyique  juridi- 
cionis  in  omnibus  7-ebus  superius  nominatis  confirmatis  et  donatis 
et  concessis,  habemics  et  habere  possumus  et  debemus  quoquoniodo, 
dictis  fratribus  tam presentibus  quam  futuris  misencorditer  [con/ir- 
mamus]  bona  fide  et  verbo  vere  fidei,  predictis  fratribus,  concedentes 
prediclas  res  omnes  etsingulas  libère,  quiète  et  pacifice  abeisdem  in 
perpetuum  possidendas,  nicllam  nobis  inde  Juridiccionem  retinentes, 
nec  nostris  heredibus,  vel  successoribus  in  futurum. 

Nos  vero  ad  majorem  hujusmodi,  consummationis,  donacionis,con- 
cessionis  nostrarum  roboris  firmilatem,  présentes  Litteras  sigilli  nos- 
tri  munimineroboratas,  memoratis  fratribus  duximus  concedendas 
in  testimoniwn  veritatis. 

Actum,  die  sabbati  post  feslum  sancti  Gregorii,  anno  Domini 
M"  CC°  septuagesimo  secundo,  mense  marcii^. 

Le  sceau  de  Maurice  deBelleville  manque. Dugast-Matifeux 
l'a  donné  d'après  un  conlract  passé  entre  Maurice  de  Belle- 
ville,  chevalier  seignor  de  Montagu  el  de  la  Gasnac/ie  et  Jean 
Barbastre  de  Beauvoir.  Autour  du  contre  scel,  g-ironné  de.  . . 
etdevair,  on  lit  7  GTRAS.M.D.  BELLEVILLE.  Le  sceau  re- 
présente un  chevalier  armé  de  toutes  pièces,  tenant  de  la  main 
droite  une  épée  et  de  la  g-auche  un  écu  gironné  de  douze 
pièces  comme  le  contre  scel"\ 

Le  XIII*  siècle  se  termine  sans  nous  présenter  d'autres 
chartes  et  ce  travail  pourrait  être  considéré  comme  achevé 
puisque  nous  n'avons  pu  faire  de  recherches  dans  la  biblio- 
thèque de  Thomas  Phillips. 

'  Jusqu'à  la  douve  de  Château-Neuf. 
"  Le  i2  mars,  1273,  n.  s. 

»  Notice  sur  les  châteaux  et  les  seigneurs  de  la  Garnache  et  de  Beauvoir, 
par  de  Sourdeval. 


94  CHARTES  DE  NOTKE-UAME  LA  BLANCHE 

Nous  ne  pouvons  résister  toutefois  au  désir  de  citer  deux 
pièces  intéressantes  au  point  de  vue  des  origines  du  français. 

L'une  est  une  quittance  d'amortissement'  donnée  à  l'abl^aye 
par  Jean  vicomte  de  Thouars;  l'autre  une  reconnaissance  des 
droits  de  bris  et  naufrage,  par  Amaury  III.  sire  de  Craon. 

L'unité  de  langage  n'existait  pas  encore,  et  le  français  se 
composait  de  patois  variant  d'une  seigneurie  à  l'autre. 


Quittance  de  Jean  I'%  vicomte  de  Thouars  aux  moines  de 
Nermoustier,  ije  tous  les  acquêts,  donations  et  légats 
F"AiTS  en  ses  fiefs  (1318). 


A  tous  ceaus  qui  cestes  présentes  lectres  voirront  et  oirront,  Jehan 
vicontede  Thouars,  seigneur  de  Thalemont,  salut  en  Nostre-Seigneur. 

Sachent  tous  que  nous,  lohan  du  susdict,  afine*  |a]  religious  homs 
labbe  et  11  convens  de  Nermoustier  de  l'ordre  de  Cisteas,  por  eaus, 
por  lours  successeours  et  por  lour  abbaie,  de  toutes  les  conquestes, 
courances',  aumosnes,  legatz,  esohanges,  donacions,  achaz,  que  ilz 
et  lours  predecesseours  hont*  fait  et  qui  lour  hont  ete  donees  de 
quelconquez  personnez  que  ceu  soit,  en  quaucunquez  manière  que 
ceu  soit,  en  touz  et  par  touz  nous  fiez  et  rereftez*  de  tout  le  temps 
passe  jusque  à  la  date  de  cestes  présentes  lectres,  de  la  quau  finance, 
nous  nouz  tenons  por  nous,  por  nous  hers  etpor  nous  successeours 
por  bein  paye  et  por  beih  satihfie  et  volons  et  consentons  por  nous 
et  por  nous  hers  et  por  nous  successeours  que  le  dict  abbe  et  cou- 
vent et  lor  abbaie  et  lours  successeours  et  ceuus  qui  de  eaus  hauront 


*  On  désignait  sous  le  nom  d'awor<issem«nt  l'acte  par  lequel'  les  biens  de 
main-morte  ^'talent  dégagés  des  droits  qu'ils  devaient  k  tout  changement  de 
seigneur. 

'  Aftner,    terminer  une  affaire  pendante. 

*  Rentes.  Plus  tard  le  mot  courans  a  été  employé  pour  les  arrérages  de  rente- 

*  L'emploi  de  l'/i  avant  les  temps  du  verbe  avoir,  est  une  réminiscence  de 
habere.  Nous  le  retrouverons  dans  la  charte  suivante,  où  hont  s'écrira 
hant,  ce  qui  est  plus  rapproché  du  latin. 

»  Rerefiefs   pour  arrière-fiefs. 


Sceau  et  coutre-sceau  de  Jean  1,  Ticomte  de  Thouars. 


90  CHARTES  UK   NOTRE-DAME  LA  BLANCHE 

cause,  tiengent,  explectent*  par  eaus  ou  par  hautres,  lesconquestes, 
courances  et  autres  cliozes  de  susdites,  sans  ceu  que  nous,  nous 
hers",  ne  nous  successeo^rs,  ne  ceaus  qui  de  nous  hauront  cause, 
les  puissons  pour  lorcer,  ne  constreindre  à  les  mettre  hors  de  lor 
main,  ne  faire  autre  finance  en  temps  avenir. 

En  tesmoing  ue  quelles  cliozes,  nous  havons  done  au  dict  abbe 
et  couvent  cestes  présentes  lectres  sceellees  de  notre  propre  sceel. 

Done  et  fait  le  samedi  avant  la  feste  de  Noustre-Dame^  en  meaoust, 
l'an  de  l'Incarnation  de  Noustre-Seigneor  lehu  Crist  mil  treis  cens 
dez  et  oit  (1318). 

La  pièce  qui  nous  a  été  ctjmmuiiiquée  par  Lud.  Jacobsen 
porte  sur  double  parchemin  un  sceau  de  cire  brune,  de 
76  millimètres  de  diamètre,  présentant,  dans  un  champ  orne- 
menté de  huit  lobes  arrondis,  un  chevalier  sur  un  cheval 
caparaçonné,  lancé  au  galop  de  gauche  à  droite.  Les  armes 
de  Thouars  se  voient  sur  le  caparaçon  et  aussi  sur  le  bouclier 
du  chevalier,  lequel  tient  une  épée  nue  de  la  main  droite. 

De  la  légende  en  lettres  onciales,  il  ne  reste  que  les  mots 
JoJiis munclo.  —  Le  contre-sceau  parfaitement  con- 
servé ,  de  20  millimètres  de  diamètre,  représente  dans  le 
champ,  l'écudes  Thouars  semé  de  fleurs  de  lys  au  franc 
canton.  Légende  Cow^/vf  si  {gû\\xm)  Joh'is  vie.  de  Thoarcio, 
mil.  (Voir  gravure  ci-contre). 

Jean  ],  vicomte  de  Thouars,  seigneur  de  Talmont,  de  Mau- 
léon  et  (le  l'île  de  Ré,  avait,  cinq  ans  auparavant,  été  fait 
chevalier  par  Pliilippe-le-Bel,  roi  de  France,  d'où  l'abrévia- 
tion, m^7.  pour  militis.  Il  avait  épousé  en  premières  noces 
Blanche  de  Brabant,  et  en  deuxièmes  Jeanne  de  Matha  qui, 
lui  survécut. 

Les  seigneuries  de  Mauléon,  de  Talmont  et  de  l'île  de  Ré 
étaient  venues  aux  Thouars  par  Aaliz,  dame  de  Mauléon  et 
de  Talmont,  fille  du  célèbre  Savary  de  Mauléon,  épouse  de 
Guy  1,  vicomte  de  Thouars,  et  mère  d'Aimery  VIH. 

Kn  basse  \-^.iin\iéiexplectent.  Voir  l;i  charte  d'.Vlplionse  de  Poitiers 
»  Noii.'^  pour  nos  ;  —  Hers,  iK'-ritiers,  a  pr.'côdé  le  mot  hoirs  ;  ^Ne  pour  ni. 
'  Noustre  pour  notre  ;  on  dit  encore  noutre  fils,  noutre  maison. 


A    NOIHMOUTIEH  97 


Dboit  de  Bris  continué  a  l'abbaye  de  l'Isle-Dieu,  par 
Amauri  III,  SIRE  de  Graon  et  de  Noirmoutier,  comme 
TUTEUR  de  Maurice  son  fils,  et  en  vertu  d'une  tran- 
saction    PASSÉE     entre     les     RELIGIEUX    ET    GUILLAUME    DE 

Sainte-Maure.  (1321,  n.  s.,  16  février  1320.) 

A  tous  ceaux  qui  cestes  présentes  lectres  verront  et  oirront,  Almari 
sire  de  Craon  et  de  Nermoustier,  salut  en  Nostre  Seigneur.  Saclient 
touz  que  nous  comme  tuctour  et  léal  administrateur  de  Morice, 
nostre  fllz,  fust  débaz  et  contems  moliuz'  entre  nous,  d'une  part,  et 
religieux  homes  l'îibbé  et  le  couvent  de  l'Isle-Dieu  de  Nermoustier 
de  l'ordre  de  Siteaux,  d'autre,  sur  ceu  que  nous  disions  que  une  neif 
estoict  pecée»  en  nostre  hisle  de  Nermoustier  et  que  les  dits  abbé  et 
couvent  en  aveient  pourté,  ou  faict  pourter  grant  quantité  de  vins 
dou  pecey'  de  la  dite  neit,  qui  a  nous  apparteneient,  et  requérions 
qu'ils  nous  feissent  restitucion  des  dits  vins  en  tant  comme  il  les 
aveient  pris,  et  nous  en  feissent  amande  ;  les  dits  religieux  pro- 
poussent dou  contraire,  disens  que  ledit  pecey  et  les  dits  vins  leur 
appartement,  parce  qu'ils  disoient  que  en  leu*,  ou  le  dit  pecey  avint, 
est  leur,  par  le  titre  dou  don  de  fondeur  de  leur  ygleisse»,  c'est  à 
scavoir  de  Pierre,  seigneur  de  la  Garnache,  qui  peur  le  temps  estoit 
seigneur  de  la  dicte  ylle,  qui  leur  donna  tout  le  pecey  qui  avendreit 
ei  cheireit  dedens  les  meites*  qui  sensuivent,  c'est  à  savoir  dès  le 
cheif  dou  bois  de  la  Niellerez  achevant  au  cheif  des  murs  aus  dits 
religieux,  d'une  oart,  jouques  à  la  chapelle  à  la  Madeleine,  d'autre, 
lour  demeureit,  sans  ce  qu'il  peust  appartenir  audit  Seigneur.  Et 
disoient  encore  les  dits  religious  que,  depuis  le  pecey  davant  dit, 
s'ouvrit  débaz  et  centemps  entre  noble  homme  monsseur  Guillome 
de  Saincte  More,  jadis  seigneur  do  la  dite  ylle  d'une  part,  et  les  dits 
religieux,  d'autre,  et,  par  certaine  composition  de  paiz  faicte  entre 
ledit  monsseur  Guillome  apparoissoit  par  autres  lettres,  ledit  pecey 

'  Pour  mu. 

»  Pécée  pour  brisée,  dépecée,  mise  en  pièces. 

'  Pecey  pour  bris. 

'*  Au  lieu. 

s  Du  fondateur  de  rK<^lise. 

•  De  meta,  borne  ;  cheirait  du  verbe  cheoir. 

'  Linière. 

Tome  iv.  —  Janvier,  Février,  Mars  1891.  7 


98  CHARTES  DE  NOTRE-DAME  LA  BLANCHE 

lour  appartenoit  et  disoient  encoure  les  dits  religioux  que  touz- 
jours  hant  esté  en  casine'  et  en  possession  d'espleister  ledit  pecey, 
quant  le  cas  y  avenoit  dedens  les  meitez  desus  dites.  Nous,  après 
avoir  veu  et  diligemment  regardé  et  en  grant  délibération  de  nostre 
conseil,  les  lectres  et  les  convenances  faictes  entre  le  davant  dit 
monssour  Guillome  de  Saincte  More  et  les  davant  diz  religioux,  le 
davant  dit  pecey,  lour  ostreions  et  con fermons  dedens  les  meitez 
desus  dictes,  selont  la  l'orme  et  la  tenour  des  lectres  et  des  conve- 
nances faites  entre  le  davant  dit  monssour  Guillome  et  les  davant 
diz  religioux.  Item  hant  fine  à  nous  les  davant  diz  religioux,  tant 
des  chousses,  qui  lour  liant  esté  données,  que  corne  de  lour  aquôs 
des  cliousses  qui  s'ensegant'  ;  c'est  assaveir  vint  hayres'  de  sallines, 
qui  furent  Thomas  Larballetier,  et  vint  et  cinq  sous  de  rende  sus 
tout  l'eritage  au  dit  Thomas,  et  vint  sous  de  rende  sus  l'eritage  de 
Johan  Garnier,  et  dix  sous  de  rende  sus  la  messon  Aymeri  Chant, 
et  deux  sous  de  rende  sus  la  messon  Estiene  Floury.  sisse  en  la  ruhe 
Nostre  Dame,  et  diz  et  oyt  homez*  de  vignes  en  treiz  leus  en  Bégou- 
nères',  et  deux  sous  de  rende  sus  la  messon  Perrine  Jordeyn,  sisse 
à  la  Madaleine,  et  vint  et  cint  sous  de  rende  sus  les  marais  Bourre 
et  une  pièce  de  terre  au  GloudisBaranger  ;  et  par  lesquelles  finances 
des  chousses  desus  dites,  en  tant  come  il  nous  touchoit  par  resson 
de  nostre  droit,  havons  eu  des  davant  diz  religioux  six  vins  livres 
de  bonne  monnoye  courante,  des  quex  nos  nous  tenons  apayez,  et 
volons  et  octreions,  pour  nous  et  pour  les  nous  ;  que  les  davans  diz 
religioux  et  lour  successors  teingent  et  espleittent  à  touz  jours- 
mais,  les  davant  dites  chousses  pasiblement,  et  en  la  forme  et  en  la 
menère,  que  tenoient  ceaux  de  nous,  dont  ils  hant  la  causse,  et  sauvé 
et  détenu  avons  esprésement  nostre  haute  et  basse  justice,  seigno- 
rie  et  tout  ceu  qui  s'en  dépent,  et  toutes  nos  autres  rendes  et 
devoirs  et  autres  servitumes  quelques  ils  soient,  et  aux  chousses 
susdites  tenir,  garder  féaument  et  léaument,  nous  obligeons  nous 
et  nous  biens  et  nous  successeurs,  meubles  et  immeubles. 

En  tesmoign  de  laquelle  chousse  nous  avons  doné  aus  davans 
diz  religioux  cestes  présentes  lectres  scellées  de  nostre  propre 
sceau. 


'  Pour  saisine,  saisie  ;  expleister,  exploiter. 

'  Qui  s'en  suivent. 

■'  Aires  ou  œillet». 

^•Jlommée,  ce  qu'un   liomine  peut  bêcher  dans  une  journée. 

'  Le    fiel'  Bégon. 


A    NOIRMOUTIER  99 

Donné  au  Buron,  le  dimeinche  emprès  les  octaves  de  nostre  Dame 
Chamdelour,  l'an  de  grâce  mil  trois  cenz  et  vint*. 

L'original  de  cette  pièce,  qui  était  dans  les  archives  de  la 
Blanche,  est  passé  dans  les  mains  d'Ant.  Jacobsen  ;  une  copie 
existe  dans  les  manuscrits  de  dom  Ponteneau,  t.  i,  p.  379. 

Le  sceau  losange  de  Graon  sur  lac  de  parchemin  a  disparu, 
nous  le  donnons  d'après  une  autre  pièce  des  archives  de 
l'abbaye'. 

D'  Viaud-Grand-Marais. 
(A  suivre). 


♦  1321,  n.  s. 

'  Le  sceau  losange  d'or  et  de  gueules  des  Craon  est  resté  le  sceau  de 
Noirinoutier,  sous  les  Sully,  et  même  pendant  quelque  temps  sous  les 
de  la  Trémoille. 


JOURNAL 


D'UN    FONTENAISIEN 


PENDAP^T    LA    UÉVOLUTION 


(Suite). 


I  7s>:i 


2-12  janvier.  —  Des  individus  armés  se  portent  à  la  mairie 
de  l'Ile  d'Yeu,  enlèvent  les  rôles  des  contributions,  et  les 
brillent  eu  demandant  le  rétablissement  de  l'ancien  régime. 
Quelques  riches  particuliers,  le  commissaire  des  classes  de 
la  marine  etBélard,  receveur  d'enregistrement,  sont  les  ins- 
tigateurs de  la  révolte. 

18  janvier.  —  A  dix  heures  du  matin,  la  municipalité  de 
Fontenay  se  rend  au  Palais  royal  de  la  ville,  oi^  se  trouvent 
réunis  les  autres  corps  administratifs;,  pour  procéder  à  l'ins- 
tallation des  membres  du  tribunal  criminel.  Le  procureur  de 
la  commune  prononce  alors  un  discours,  et  requiert  que 
les  lettres  patentes  de  président  diidil  tribunal  accor- 
dées à  M.  Raison,  ainsi  que  l'extrait  du  procès-verbal  de 
l'Assemblée  électorale  du  8  septembre,  portant  nomination 
do  MM.  Dupuy  et  Goupilleau,  pour  accusateur  public  et 
grenier,  soient  lues  parle   secrétaire-greffîer,  et  que  lesdits 


PENDANT    LA.    REVOLUTION  101 

sieurs  soient  reçus  au  serment,  porté  par  la  loi  du  24  août 
1790.  Le  maire  a  ensuite  pris  la  parole,  a  prié  les  sieurs  Rai- 
son, Dupuy  et  Goupilleau  de  lever  la  njain,  et  de  prêter  le 
serment  de  maintenir,  de  tout  leur  pouvoir,  la  Constitution 
du  royaume,  d'être  fidèles  à  la  Nation,  à  la  Loi  et  au  Roi, 
et  de  remplir,  avec  exactitude  et  impartialité,  les  fonctions 
de  leur  office;  à  quoi  ils  ont  répondu,  l'un  après  l'autre, 
«  Je  le  jure.  » 

Ce  serment  prêté,  le  conseil-général  de  la  commune  a 
installé  lesdits  sieurs  Raison,  Dupuy  et  Goupilleau  ;  et,  au 
nom  du  peuple,  par  l'organe  du  maire,  a  prononcé  l'enga- 
gement de  porter  au  tribunal  et  à  ses  jugements,  le  respect 
et  l'obéissance  dus  par  tout  citoyen  à  la  loi  et  à  ses  organes. 

Le  District  des  Sables  informe  le  Directoire  de  département 
que  des  troubles  ont  éclaté  à  l'Ile  d'Yeu. 

A  cette  nouvelle,  l'Assemblée  arrête  que  trois  compagnies 
du  60''  régiment  d'infanterie,  ci-devant /?o?/«/-marme,  orga- 
nisé aux  Sables,  se  porteront  sur  les  lieux,  avec  deux  pièces 
de  campagne,  et  que  les  instigateurs  des  troubles  seront 
saisis  et  dénoncés  au  directeur  du  jury*. 

21  janvier. —  Dumourisz  informe  le  district  des  Sables 
que  le  deuxième  bataillon  du  60"  partira  de  cette  ville  le  24 
du  courant,  et  sera  remplacé  par  le  1"  bataillon  du  51%  en 
garnison  à  la  Rochelle,  par  suite  de  mésintelligence  avec 
la  population  de  cette  ville.  Le  Directoire  proteste. contre  la 
venue  de  ce  régiment,  dont  le  nom  seul  alarme  la  popu- 
lation. 

23  janvier.  —  Deux  bataillons  du  51'  d'infanterie  (ci-devant 
la  Sarre)  venant  do  la  Rochelle,  arrivent  à  Luçon. 

24  janvier.  —  Belliard  et  Pommeray,  capitaines  du  ba- 
taillon de  la  Vendée,  remettent  au  Directoire  des  Sables  un 
pli  du  Département,   annonçant  qu'il  sera  envoyé  en  cette 

*  L?s  coupables  furent  arrêtés  et  le  calme  rétabli. 


i02  JOURNAL    d'un    FONTENAISIEN     ' 

ville   cinq  compagnies  du  2"  bataillon  du  84*  (Rohan),   au 
lieu  et  place  du  2«  bataillon  du  bi*. 

25  janvier.  —  L'état-major,  une  compagnie  de  grenadiers, 
et  une  de  fusiliers  du  l"  bataillon  du  51°  partent  de  Luçon, 
se  rendant  à  Niort.  La  garde  nationale  de  Fontenay  se  rend  au 
devant  du  détachement.  Les  deux  troupes  fraternisent  et  tra- 
versent la  ville  en  criant  «  Ça  ira  '  ».  Trois  compagnies  du 
!•'  bataillon  et  trois  du  2*  partent  également  de  Luçon  et  se 
rendent  aux  Sables.  L'état-major  du  2^  bataillon,  une  com- 
pagnie de  grenadiers,  et  deux  de  fusiliers,  se  dirigent  sur 
Nantes  par  Chantonna^.  Une  compagnie  du  l"'  bataillon  reste 
cantonnée  à  Luçon,  en  remplacement  de  celle  du  60*  qui  y 
tenait  garnison.  Dumouriez  mande  au  district  des  Sables 
qu'il  va  recevoir,  sous  peu,  deux  pièces  de  campagne  avec 
cent  coups  à  tirer  par  pièce. 

8  février.  —  Mercereau,  administrateur  du  district  des 
Sables,  nommé  commissaire  à  l'effet  de  ramener  la  tran- 
quillité à  l'île  d'Yeu,  informe  ses  collègues,  qu'après  y  avoir 
laissé  un  détachement  de  12  homm.es,  pour  empêcher  do 
nouveaux  troubles,  il  en  était  reparti  le  matin,  ramenant  le 
surplus  du  détachement  de  75  hommes  du  60%  emmené 
avec  lui. 

9  février.  —  La  caisse  patriotique  de  Fontenay  fait  une 
émission  de  cinq  mille  livres  de  bons  de  confiance,  mis  en 
réserve  lors  de  sa  création.  —  Un  décret  de  l'Assemblée 
nationale  confisque  tous  les  biens  des  émigrés. 

20-22  février.  —  Des  attroupements  séditieux  se  forment  à 
la  Boissière  des  Landes,  à  l'instigation  du  sieur  Robin^  prêtre 
intrus  de  la  paroisse,  contre  le  citoyen  Raynaud,  maire  de 
la  commune. 

28  février.  —  Le  District  des  Sables  fait  conduire  à  la 
Monnaie  de  Nantes,  320  livres  de  métal  de  cloche  et  54  livres 
de  cuivre,  provenant  du  couvent  des  Gordeliers  d'Olonne,  des 


PENDANT   LA    RÉVOLUTION  103 

Capucins  des  Sables  et  de  Tabbaye  de  Bois-Grolland,  pour 
être  convertis  en  numéraire. 

29  février.  —  La  1'*  compagnie  du  bataillon  de  la  Vendée, 
commandée  par  Belliard,  part  pour  Challans. 

2  mars.  —  La  1"  compagnie  dudit  bataillon  arrive  aux 
Sables.  Elle  va  coucher  le  lendemain  à  St-Gillcs,  et  de  là 
à  Challans. 

5  mars.  —  Un  arrêté  du  Directoire  de  département  expulse 
tous  les  prêtres  réfractaires  remplacés  dans  leurs  fonctions, 
qui  ne  sont  pas  originaires  de  la  Vendée  et  ne  peuvent 
justifier  d'une  année  de  résidence. 

8  mars.  —  La  3'  compagnie  du  bataillon  de  la  Vendée  va 
tenir  garnison  à  la  Roche-sur- Yon. 

9  mars.  —  Un  nouvel  arrêté  appelle,  au  chef-lieu  du  dépar- 
temen.t_,  tous  les  prêtres  réfractaires,  remplacés  dans  leurs 
fonctions.  Ils  sont  tenus  de  venir,  chaque  jour,  à  onze  heures 
du  matin,  au  secrétariat  du  Département^  s'inscrire  sur  un 
registre  ad  hoc,  pour  y  constater  leur  présence.  Une  pension 
de  250  francs  est  allouée  à  ceux  dépourvus  de  moyens 
d'existence. 

10  mars.  —  Le  détachement  de  cavalerie  ;,  caserne  aux 
Sables,  en  part  pour  se  rendre  à  Saintes  (Charente-Inférieure). 
La  2'  compagnie  du  bataillon  de  la  Vendée  part  de  Fontenay 
pour  les  Herbiers. 

14  mars.  —  Le  bataillon  de  la  Loire-Inférieure  vient  tenir 
garnison  aux  Sables,  en  remplacement  du  2*  bataillon  du 
84%  dirigé  sur  l'Ile-de-Rhé. 

15  mars.  —  Le  2'  bataillon  du  84"  de  ligne  part  des  Sables 
pour  la  Rochelle. 

18  mars.  —  Des  attroupements  séditieux  se  forment  à 
Angles  pour  s'opposer  au  recrutement^  et  se  livrent  à  des 
violences  sur  Dardel,  président  du  district  et  commissaire. 


104  JOURNAL    d'un    FONTENAISÎEN 

20  mars.  —  Epaud,  curé  de  Saint-Nicolas-de-Brem  ,  est 
condamné  à  trois  jours  de  détention  pour  violation  du  secret 
des  lettres. 

21  mars.  —  Les  administrateurs  de  la  Vendée  informent 
le  général  de  Verteuil,  des  dispositions  prises  pour  le  can- 
tonnement des  troupes,  dans  le  département  de  la  Vendée 
et  sur  le  littoral  de  la  Loire-Tnférieure. 

25  mars.  -  Trois  compagnies  du  bataillon  de  la  Loire- 
Inférieure  partent  pour  Talmont. 

26  mars.  —  Dumouriez  ,  devenu  ministre  des  affaires 
étrangères,  remercie  la  municipalité  de  Fontenay  du  titre 
de  citoyen  de  cette  ville,  qu'elle  vient  de  lui  offrir. 

28  mars.  —  Goupilleau(J.  P.,)  greffier  du  tribunal  criminel, 
et  Denfer  du  Glousy  sont  élus  commandant  en  chef  et  en 
second  de  la  garde  nationale  de  Fontenay. 

30  mars.  —  Deux  compagnies  du  84°  de  ligne,  venues  de 
Challans,  arrivent  aux  Sables.  Elles  en  repartent,  le  lende- 
main, pour  se  rendre  àLuçon. 

1"'  avril.  —  A  trois  heures  du  soir,  Goupilleau  et  Denfer, 
élus  commandants  de  la  garde  nationale  de  Fontenay,  entrent 
à  rilotel  de  ville  et  annoncent  que  ladite  garde  est  convoquée 
sur  la  place.  La  municipalité  les  y  accompagne.  Un  déta- 
chement va  ensuite  chercher  le  drapeau,  qui  est  placé  au 
centre  du  carré.  Le  maire  prononce  alors  un  discours  ap- 
proprié à  la  circonstance,  proclame  Goupilleau  comman- 
dant de  la  garde  nationale,  requiert  de  le  reconnaître  dans 
ses  fonctions,  et  de  lui  obéir  dans  tout  ce  qu'il  commandera 
au  nom  de  la  loi.  Goupilleau  proclame  ensuite  les  officiers 
de  l'étiit-major  et  ceux  des  différentes  compagnies,  ainsi 
que  les  sergents,  caporaux  et  tambour-maître. 


PENDANT    LA    RÉVOLUllON  105 

5  avril.  —  La  2"  compagnie  du  bataillon  de  la  Vendée, 
cantonnée  aux  H3rbiers,  se  transporte  à  Saint-Fulgent. 

—  Un  décret  de  l'Assemblée  Nationale  prohibe  tout 
costume  ecclésiastique  et  religieux. 

16  avril.  —  La  4*  compagnie  du  bataillon  delà  Vendée 
part  de  Fontenay  pour   les  Sables. 

21  avril.  —  Une  loi  porte  fabrication  de  monnaie  avec 
le  métal  provenant  des  églises  paroissiales,  succursales  et 
oratoires  nationaux. 

23  avril.  —  Le  bataillon  de  la  Vendée  députe  Gratton, 
son  commandant  à  l'Assemblée  Nationale,  pour  demander  à 
être  envoyé  aux  frontières.  Goupilleau  (de  Fontenay)  re- 
commande  à  son  cousin  d'appuyer  sa  demande. 

26  avril.  — Un  décret  de  l'Asssemblée  nationale  décide  que 
les  ecclésiastiques,  qui  refuseront  de  se  soumettre  'i  la  cons- 
titution civile  du   clergé,  seront  déportés. 

28  avril.  —  Les  deux  compagnies  du  bataillon  de  la  Ven- 
dée cantonnées  à  Ghallans  et  à  Saint-Gilles  arrivent  aux 
Sables. 

29  avril.  —  La  municipalité  de  Fontenay  fait  une  émission 
de  .35,000  livres  de  billets  de  confiance  de  la  caisse  patrioti- 
que ;  20,000  de  quinze  sols  ;  25,000  de  douze  sols  et  20,000  de 
cinq  sols. 

—  Les  deux  compagnies  du  bataillon  de  la  Vendée  partent 
des  Sablfs  pour  se  rendre  à  Fontenay,  afin  d'y  rejoindre  le  ba- 
taillon, quia  reçu  l'ordre  de  .te  rendre  à  l'armée  du  Nord. 

30  avril.  —  Li  municipalité  publie  un  nouveau  règlement 
pour  le  service  de  la  garde  nationale. 

l'ornai.  -  Le  bataillon  de  la  Vendée  quitte  Fontenay  pour 
se  rendre  à  Avesnes  (Nord).  Il   est  remplacé  par  deux  com- 


106  JOURNAL   d'un    FONTENAISIEN 

pagnies  de  fusiliers  «in  bataillon  do  volontaires  des   Deux- 
Sèvres. 

Le  Directoire  du  district  arrête  l'état  des  domaines  natio- 
naux, aliénés  à  là  municipalité  de  Fontenay,  par  décret  du 
8  février  1791. 

10  mai.  —  La  municipalité  procède  à  la  reconnaissance  des 
meubles  inventoriés,  le  2  septembre,  chez  les  Lazaristes,  et 
appose  les  scellés  sur  la  bibliothèque,  en  présence  de  Ghi- 
nanlt,  Jean-Baptiste,  supérieur  de  la  maison. 

14  mai.  —  Poëy  d'Avant'  (Viclor-Faustin),  savant  numis- 
matiste,  naît  à  Fontenay'. 

18  mai.  —  La  municipalité  autorise  la  plantation  d'un  arbre 
de  la  liberté. 

19  mai.  —Le  sieur  Jallays  de  la  Barre,  Pierre-Benjamin, 
agent  royaliste,  se  rend  à  Fontenay,  porteur  d'jn  passeport, 
délivré  par  les  comtes  d'Arlois  et  de  Provence,  réunis  à  Go- 
blentz. 

20  mai.  —  L'arbre  de  la  liberté  est  planté,  à  trois  heures 
du  soir,  aux  cris  de  «  Vive  la  Nation  !»  en  présence  dos  admi- 
nistrations, de  la  garde  nationale,  et  delà  compagnie  du  ba- 
taillon de  volontaires  des  Deux-Sèvres.  Get  arbre  avait  été 
coupé  dans  la  forêt  deVouvent,  sur  la  proposition  de  La- 
pa^ra^  Alexandre,  président  de  la  Société  populaire.  Il  était 
recouvert  de  bandes  de  peintures  tricolores,  surmonté  du 
bonnet  de  la  liberté  et  d'une  banderole  tricolore,  flottant  au 
gré  des  vents. 

•  Il  était  fiU  de  Poey  d'Avant,  Joan-Aiigustin,  natif  de  Pau,  receveur  du 
domaine  national  et  président  do  la  Société  populaire  de  Fontenay,  mort 
(l;ins  cotte  ville,  le  8  juin  1801. 

»  11  e.st  mort  dans  cette  même  ville  lo  3  juillet  1864. 

'  Ouvrier  tapissier,  natif  de  Bordeaux.  Il  fut  fait  pi'isonnier  par  les  re- 
belles, le  13  mars  93,  au  combat  de  Saint-Fulgent.  Les  papiers,  saisis  sur  lui, 
prouvent  que  c'était  un  émissaire  de  Roland,  ministre   de    l'intérieur. 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  107 

21  mai.  —  Un  arrêté  du  Directoire  de  département  destitue 
les  sieurs  Sabouraud  et  Rogues,  desservants  de  l'Hôpital- 
général  et  de  l'Hôtel-Dieu,  sur  leur  refus  de  prêter  le  serment 
constitulionnel. 

La  municipalité  de  Luçon  arrête  l'émission  de  1,500  livres 
de  billets  de  confiance  de  4.  8,  12,  16  et  20  sols,  à  échanger 
contre  des  assignats  de  50  livres  et  au-dessus. 

27  mai.  —  Le  général  de  Verteuil  donne  l'ordre  à  la  com- 
pagnie de  volontaires  cantonnés  à  Bourgneuf  de  se  rendre 
aux  Sables.  80  prêtres  environ,  non  conformistes,  internés  à 
Fontenay,  y  célèbrent  la  messe  à  l'Hôpital  général,  depuis 
trois  heures  du  matin  jusqu'à  midi  et  demie. 

29  mai.  —  La  compagnie  du  bataillon  de  la  Loire-Infé- 
rieure se  rend  des  Sables  à  Talmont. 

31  mai.  —  Pétion,  maire  de  Paris,  accuse  réception  au 
médecin  Dupuy  (Louis-Benjamin),  de  Fontenay,  d'un  mémoire 
sur  les  moyens  dassurer  la  subsistance  des  grandes  villes  en 
cas  de  disette. 

Le  Directoirede  département  nomme  Bruet;,  Jean,  ci-devant 
bénédictin  à  Mortagne,  en  qualité  de  desservant  de  l'Hôpital- 
général,  au  traitement  de  500  livres  paran,  et  de  GefTré,  prêtre 
de  Niort, comme  desservant  de  l'Hôtel-Dieu,  aux  appointements 
de  700  livres. 

1"  juin.  —  Rodrigue  confirme  Bruet  et  Geffré  dans  leurs 
fonctions  de  desservants. 

2  juin.  —  Le  Directoire  du  district  autorise  la  municipalité 
à  faire  enlever,  sans  délai,  les  cloches  des  chapelles  des 
couvents  des  Lazaristes,  des  Filles  de  l'Union-Ghrétienne, 
des  religieuses  de  Saint-François  et  de  Notre-Dame,  et  à 
les  faire  transporter  à  l'hôtel  du  district. 

4  juin.  —  Cinq  compagnies  du  77"  régiment  d'infanterie 


108  JOURNAL    d'un    FONTENAISIEN 

(ci-devant  la  Marche),  presque  tout  entière  composé   d'Alsa- 
ciens,  venant  de  la  Rochelle,  arrivent  <à   Luçon. 

6  juin.  —  Deux  des  cinq  compagnies  du  77°,  arrivées  à 
Luron  le  4,  en  partent  pour  se  rendre  aux  Sables  ;  deux 
autres  se  rendent  à  Fontenay,  la  5"  reste  cantonnée  à  Luçon. 

Les  deux  compagnies  du  bataillon  des  Deux-Sèvres  can- 
tonnées à  Fontenay  et  à  la  Châtaigneraie  retournent  à  Niort, 
et  sont  remplacées   par  celles  du  77"  venant  de  Luçon. 

Bailly,  ex-maire  de  Paris,  et  sa  femme,  arrivent  à 

Fontenay  dans  les  premiers  jours  du  mois. 

Ils  y  séjournent  quelques  jours  et  se  rendent  à   Nantes. 

8  juin.  —  Un  arrêté  du  Directoire  de  département  renvoie, 
dans  leurs  départements  respectifs,  les  prêtres  insermentés, 
non  originaires  de  la  Vendée,  qui  avaient  été  remplacés. 

11  juin.  —  Pervinquière,  procureur-général-syndic,  arrive 
aux  Sables;  Il  va  rendre  visite  au  Directoire  du  district. 

15  juin.  —  Trois  compagnies  du  77'  de  ligne,  arrivent  aux 
Sables. 

17  juin.  —  Gavoleau,  ci-devant  curé  de  Péault,  prête  ser- 
ment en  qualité  de  vicaire  constitutionnel  de  la  cathédrale 
de  Luçon. 

20  juin.  —  Le  Directoire  de  département  invite  les  admi- 
nistrateurs des  hôpitaux  et  du  collège  de  la  ville,  les  rece- 
veurs, trésoriers,  secrétaires  et  commis  des  mômes  bureaux, 
à  prêter  le  serment  civique  dans  la  huitaine,  sous  peine  de 
destitution  L'Assemblée  nationale  décide  que  les  fonction- 
naires publics  et  ecclésiastiques  insermentés,  qui  se  seront 
rétr^actés  ou  se  rétracteraient, seront  privés  de  tout  traitement 
et  pension. 

21  juin.  — Morcicu"  du  Rocher,  substitut  du  procureur-gé- 


PENDANT    LA    REVOLUTION  109 

général-syndic,  est  envoyé  à  la  Rochelle,  pour  retirer  des 
magasins  de  la  ville  les  4,800  quintaux  de  blé  que  le  gou- 
vernement avait  fait  venir  de  l'étranger,  afin  d'être  répartis 
entre  les  six  districts   du  département. 

23  juin.  —  Les  moutons  et  brebis  mérinos  de  la  bergerie- 
modèle  de  Péault  sont  vendus  à  Luçon,  sur  la  demande 
Je  Gavoleau,  son  directeur.  Cette  vente  produit  4,142  livres. 

26  juin.  —  La  municipalité  de  Fontenay  est  autorisée  à 
faire  enlever  deux  des  trois  cloches  de  l'église  Saint-Jean,  pour 
être  envoyées  à  l'Hôtel  des  monnaies  de  la  Rochelle,  afin 
d'employer  le  produit  de  leur  valeur  en  travaux  de  charité. 
La  caisse  patriotique  fait  une  nouvelle  émission  de  48,000 
livres  de  billets  de  confiance  ainsi  divisés  :  30,000  de  15  sols, 
30,000  de  douze  sols  et  30,000  de  cinq  sols. 

30  juin.  —  Un  nouvel  arrêté  du  Directoire  de  département 
appelle  au  chef-lieu  tous  les  prêtres  réfractaires  qui  étaient 
restés  dans  leurs  cures. 

8  juillet.  —  Une  loi  de  l'Assemblée  législative  déclare  la 
patrie  en  danger. 

14  juillet.  —  On  célèbre  à  Fontenay  l'anniversaire  de  la 
3"  fédération. 

A  dix  heures  du  mutin,  la  municipalité  s'est  rendue  à 
l'Hôtel  de  ville,  ainsi  que  plusieurs  officiers  municipaux  et 
maires  des  différents  cantons  du  district,  pendant  que  les 
gardes  nationales  de  la  ville  et  des  environs  se  réunissaient 
sur  la  place  d'Armes.  A  onze  heures,  la  municipalité,  pré- 
cédée de  ses  collègues  des  autres  cantons,  s'est  rendue 
à  l'Hôtel  du  département,  où.  avaient  été  convoqués  tous 
les  corps  administratifs  et  judiciaires.  A  onze  heures  et 
demie, les  gardes  nationales  descendent  de  la  place  d'armes, 
musique  et  tambours  en  tête,  et  se  rendent  au  champ  de  la 
Fédération,au  bruit  des  salves  d'artillerie.  Aleur  passage  dans 


110  JOURiNAL   d'un   FONTENAISIEN 

la  Graiul'Rue,  les  autorités,  réunies  à  l'Hôtel  du  département, 
entrent  dans  les  rangs  dans  l'ordre  ci-après  :  1»  Le  Direc- 
toire de  département  ;  2"  le  Directoire  de  district;  3°  le  Tribu- 
nal criminel  ;  4°  La  Municipdlité;  5»  le  Tribunal  de  district  et 
les  autres  corps  à  la  suite.  Le  cortège,  passant  par  la  grande 
rue  des  Loges  et  la  rue  Saint-Nicolas,  est  arrivé  dans  la  grande 
prairie,  où  se  trouvait  élevé  un  amphithéâtre  et  l'autel  de  la 
Patrie.  Une  salve  d'artillerie  a  annoncé  son  arrivée.  Les  auto- 
rités ont  gravi  les  degrés  de  l'estrade  et,  devant  l'autel  de  la 
Patrie,  en  face,  se  sont  rangés  en  hémicycle  les  gardes  natio- 
nales, les  deux  compagnies  du  77«  régiment  et  la  gendar- 
merie nationale.  Le  maire,  entouré  des  officiers  municipaux, 
s'avançant  alors  sur  le  devant  de  l'estrade,  a  rappelé  dans  un 
discours  le  respect  de  l'obéissance  dus  à  la  loi,  l'importance 
de  l'exécution  du  pacte  fédératif  pour  l'affermissement  de  la 
Constitution  et  le  salut  de  la  patrie.  Il  a  ensuite  lu  la  formule 
du  serment;  et  tous  les  corps  administratifs,  les  gardes  natio- 
nales, les  troupes  de  ligne  et  la  gendarmerie,  ont  juré  son 
maintien.  Le  cortège  est  ensuite  redescendu  de  l'amphithéâtre 
et  s'est  rendu, dans  le  même  ordre,  à  l'Hôtel  du  département, 
au  bruit  de  l'artillerie  et  de  la  musique,  en  passant  par  le  Pont- 
Neuf  et  la  place  d'armes. 

A  sept  heures  et  demie  du  soir,  des  lampions  ont  été  allu- 
més autour  des  pyramides  élevées  sur  la  place  d'armes,  ainsi 
qu'aux  arbres  de  la  dite  place,  où  des  musiciens  ont  fait 
danser  une  foule  immense  très  avant  dans  la  nuit. 

Au-dessus  de  l'estrade  élevée  dans  la  prairie,  il  y  avait 
une  inscription  portant  ces  mots  : 

LA  LIBERTÉ  OU  LA  MORT. 

Sur  les  coluuties.de  chaque  côté,  deux  autres  ainsi  conçues: 

FIDÉLITÉ:  A  LA  CONSTITUTION.  SOUMISSION  A  LA  LOI  ; 

Sur  les  quatre  faces  de  l'autel  de  la  patrie,  les  quatre 
inscriptions  ci-après  : 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  lll 


AUTEL  DE  LA   PATRIE.  —  LIBERTÉ.  -  SÛRETÉ.    - 

PROPRIÉTÉ. 

15  juillet.  —  Trois  compagnies  du  77'  de  ligne  partent 
des  Sables  pour  se  rendre  à  Rochelort  (Gharenle-lnlérieure). 

16  juillet.  —  Les  deux  compagnies  du  même  régiment, 
tenant  garnison  à  Fontenay,  depuis  le  6  juin  précédent^  et 
suspectées  de  favoriser  la  contre-révolution,  quittent  la 
ville,  à  l'instigation  du  Directoire  du  département,  et  sont  di- 
rigées sur  la  Châtaigneraie,  Montaigu,  la  Roche-sur-Yon  et 
Luron. 

19  juillet.  —  La  patrie  ayant  été  déclarée  en  danger,  le 
Conseil-général  de  la  commune  arrête  qu'il  est  en  état 
de  surveillance  permanente  et  qu'il  continuera, sans  interrup- 
tion, ses  fonctions,  jusqu'au  moment  où  le  Corps  législatif 
aura  déclaré  que  la  patrie  a  cessé  de  l'être  ;  il  invite  tous  les 
citoyens  au  maintien  du  bon  ordre  et  de  la  tranquillité^  à  l'ob- 
servation des  lois,  à  la  soumission  aux  autorités. 

Tous  les  citoyens  en  état  de  porter  les  armes^  ayant  fait  le 
service  de  gardes  nationales,  sont  déclarés  en  état  d'activité 
permanente.  Us  sont,  en  outre,  tenus  de  déclarer,  dans  la  hui- 
taine, le  nombre  et  la  nature  desarmes  dont  ils  sont  pourvus. 
Tout  homme  résidant  ou  voyageant  dans  la  commune,  est 
tenu  de  porter  la  cocarde  tricolore.  Toute  personne,  revêtue 
d  un  signe  de  rébellion,  sera  poursuivie  devant  les  tribunaux 
ordinaires  ;  et,  si  c'est  intentionnellement,  elle  sera  punie  de 
mort,  conformément  à  l'article  17  de  la  loi  du  8  juillet  1792. 

21  juillet.  —  Les  Sœurs  grises  de  l'Hôpital  se  refusent  à 
aller  entendre  la  messe  des  prêtres  conformistes. 

22  juillet,  —  Le  Conseil-général  de  département  décide  que 
les  séances  seront  publiques,  à  dater  de  ce  jour. 


23  ivlkt.  — L'église  de  Pîssotle  esc  fermée,  -rar  crdr*  da  ' 

DepiT^einiec:  e:  Les  clefs  déposées  à  ia.  m.: 

24  juiileC-  —  Le  r  ■  ^  'iire  de  déparfceïLuiJj-i  i=L  i-L__.i:iie  i 

-  ■  '  f amaes  oalJDaaiiLS,  à  prec 
àiiT  t«i                               .     :.e  -ii  vrZ'f  ics  moatoas  de  ia  i-er- 

..:—--  ^  .:..  rise.  en.  ûticre^  le  ïr      -  '  "  ^t  an  chef- 
kcû  ûè  '-  f  s  cai^âiiOâ  et  asiÈres  boioches  ^  ;  c~;i  aux  maios 

des  ÏNà:-  -  l'i- 

25  imUei  — Le  Directoire  t  .  anx  citoveas  Je  déclarer 
à  lear  ::    .                                   r,  ïa  natïire  des  arm.es  et  [aquiac- 

-  -  r  -  -  _  . .  en.  e:;  i  de  lia  îoî  d'  . 

^  -    -t 

26  juillet- — Ld-D..  -      -re arrête     .    _   :   de  quatre  pièces 
de  cajttïMi  de  Miice,  sur  aifâss  de  jj.  — ^:  i_-ie.  da  caiïlîre  di^ 
q(iiafire_,  et;  aonmiâ  poor  cctnmiissaire  Biomacoy^  Fim  de  ses 

-nem hrffs.  pooir  ader  à  Ri ._  .ji  ea  fe'r^  "^r'-n-î" ^rfion.  aÊrii: 

'"jie  cent  ûOkiiets  et  Ttufft  coups  â  mitra— c 

27  pnllet.  —  Le  Direcsonre  décide  qu'El  preniira  scssessioa 
itt  convint  de  ITTeiGiiL  dirétiaiMie  pour  y  teniir  ses  séances. 

28  jailli  —  Le  T  -  de  «i .     _      zamt  arrête  (que  lies" 
FâMesc-                           -  .ie  de  FonEenay  serf^ntii  r^imfg^  -, 

-    .-s  de  Loç©!!.  a  maitns  '.:  -  me  préÉêreiilL  se  relirer  dajas 

^  "     .  _  i. 

2r  '"jn-lec.  —  -,         _  Te-'îtr-aiit  citoy?!!  -  -        -  • 

ati  Z  —eut  ame  i  -    .  .  .-  .  _ 

Çe  r-  ^  Ssors  de  'a.  C':i  ^  ■    -     *h:ir*:r?!^s  "îe  "'ii.j- 

—  r    lies  .      ;  ...       _^ .^ .     -_- 

pr'ne  Ti  -'.s  ne  Le    lépariemeii;  icLt  aasser  iatr=  ^^   ^^r^c 

30  juillet.    —  i_c  iitrLLT  j(ia^'._uec~  p  zie  •■!&  it;.t 

en  '.-^   •         .e-  de  Ltieon.  la  somme  de  -=jl  ^vrea  ç 

t-                           -    -^  de  rariwpe  de  la  ^^ériê.  ^rii  doit  esi"- 
pLut^^d  .c.  _            -c  l2  août:  snivanL 


CHOSES     D'ART 


SUR  le  désir  qui  nous  en  a  été  exprimé  par  quelques-uns 
de  nos  lecteurs,  nous  reproduisons  ci-après  les  divers 
articles  publiés    par  notre  Directeur  sur  les  dernières 
eaux-fortes  de  M   0.   de  Rochebrune. 


I 


Une  nouvelle  kal-fortk  de  M.  0.  de  Rochebrune.  —  La 

FAr-ADE    DU    CHATEAU  DE  LA     ROCHEFOUCAULD. 


10  décemoie  i^yO. 

S'il  était  encore  possible  de  douter  de  la  supériorité  artistique  de 
l'eau-forte,  il  suffimit.  pour  s'en  convaincre,  de  jeter  les  yeux  sur 
la  splendide  planche  que  M  0.  de  Rochebrune  vient  de  consacrer  au 
château  de  la  Rochefoucauld  (Charente). 

On  l'a  dit  avec  raison  :  La  France  est  le  pays  que  le  Français  con- 
naît le  moins,  gui  connaissait  la  somptueuse  demeure  de  François 
de  la  Rochefoucauld  avanr  que  le  maitrp  i^iaveur  en  ait  révélé  les 
merveilles  architecturales  ? 

Ancienne  construction  féodale,  élevée  sur  les  rives  ombreuses  de 
la  Tardoire,  ce  château  a  été  l'objet  de  nombreux  remaniements.  Au 
XVI«  siècle  notamment,  on  en  fit  disparaître  les  courtines  pour  y 
lojrer  des  façades  plus  appropriées  aux  goûts  artistiques  de  l'époque. 

Tome  iv    —  .Janvier.   Kévrier.  Mars  189i.  8 


1  1  ',  CHOSES    u  ARTS 

Celle  que  représente  la  planche  de  M.  de  Rochebrune  est  couronnée 
de  charmantes  lucarnes  et  flanquée  de  deux  puissantes  tours,  dont 
l'une,  à  droite,  date  du  XIV«  siècle,  et  l'autre,  celle  de  la  chapelle, 
rappelle  la  brillante  époque  de  la  Renaissance.  Tout  le  long  de  cette 
façade  règne  une  terrasse  avec  balustres  Louis  XVI,  du  haut  de  la- 
quelle l'oeil  embrasse  les  plus  riants  paysages. 

Ce  même  côté  gauche  de  la  planche  nous  montre  une  portion  des 
bâtiments  élevés  au  nord,  à  la  fin  du  XVIF  siècle,  et  appuyés  à  une 
troisième  tour  du  XV«.  De  la  construction  primitive  du  XIl"  siècle, 
on  ne  voit  que  le  sommet  du  donjon,  qui  ne  compte  pas  moins  de  30 
mètres  de  hauteur.  La  vieille  église  romane,  aujourd'hui  désallèctée, 
dont  la  silhouette  absidale  s'aperçoit  également  à  gauclie,  au-dessous 
du  moulin  moderne,  est  sans  doute  contemporaine  du  donjon.  Dé- 
tail curieux  :  cette  imposante  demeure  est  construite  sur  une  vaste 
grotte,  probablement  creusée  à  l'époque  préhistorique,  et  dont  la 
présence  ne  se  ti-ahit  à  l'extérieur  que  par  un  petit  oculus  percé 
dans  le  mur  de  la  terrasse. 

De  cet  ensemble,  dont  la  nature  et  l'art  se  disputent  l'intérêt, 
M.  de  Rochebrune  a  fait  une  superbe  reproduction.  Jamais  peut- 
être  la  pointe  de  l'éminent  aquafortiste,  dont  le  passé  est  cependant 
si  riche  de  succès  et  de  gloire,  n'avait  été  mieux  inspirée.  Dans  sa 
restitution  des  grands  châteaux  historiques,  écrivait  naguère  de  lui 
un  critique  parisien,  il  y  a  certainement  du  Piranèse.  Qu'en  eùt-il 
donc  pensé  s'il  avait  eu  sous  les  yeux  l'œuvre  d'aujourd'hui  ? 

.Jusqu'alors,  en  effet,  l'architecture  était  à  peu  près  l'unique  source 
cil  l'insatiable  talent  de  M.  de  Rochebrune  aimait  à  se  désaltérer, 
S'adonnant  à  l'heure  pi-ésente  à  une  nouvelle  manière,  il  a  su  fondre 
avec  une  perfection  que  la  plume  est  impuissante  à  rendre  la  majesté 
de  la  demeure  antique  avec  le  charme  du  paysage  printannier.  Si 
bien  que  l'œil  ne  sait  ce  qu'il  doit  le  plus  admirer,  du  relief  des 
sculptures,  de  la  limpidité  des  eaux,  ou  de  la  frondaison  ensoleillée 
des  bois.  C'est  tout  à  la  fois  la  possession  du  pittoresque  et  de  la 
vérité. 

Brel",  le  front  du  maitro  a  beau  se  couronner  de  neige,  sa  main 
plus  sùro  que  jamais  semble  avoir  fait  un  pacte  avec  la  jeunesse. 
L'incomparable  planciio  de  la  Rochefoucauld  en  est  une  éloquente 
preuve,  qui  ne  sera  point  démentie  par  celles  que  nous  font  espérer 
les  merveilleux  croquis  dont  sont  remplis  les  cartons  de  l'atelier  de 
Terre-Neuve. 


CHOSES  d'art  1 15 


II 


La.    SECONDK    FArADK     DU     CHATEAU     DE    LA     ROCHEFOUCAULD. 

30  janvier  1891. 

De  même  qu'il  est,  de  par  le  monde,  des  oeuvres  divines  dont 
rétonnante  splendeur  se  joue  victorieusement  des  plumes  les  mieux 
douées,  de  même  il  est  des  productions  humaines  dont  la  perfection 
délie  la  plus  avisée  critique.  Les  eaux-fortes  de  notre  éminent  com- 
patriote, M.  0.  de  Rochebrune,  sont  de  ce  nombre,  et  il  est  presque 
téméraire  d'en  essayer  l'éloge. 

Doué  d'un  talent  qui  ne  se  lasse  jamais,  le  maître  graveur,  dont 
nous  saluions  il  y  a  quatre  semaines  une  superbe  vue  du  château 
de  la  Rochefoucauld ,  vient  de  donner  en  quelques  jours  à  cette 
oeuvre  remarquable  un  digne  pendant,  où  les  qualités  accoutumées 
de  l'artiste  se  retrouvent  au  grand  complet  et  éclatent  plus  mani- 
festement que  jamais. 

C'est  encore  le  château  de  la  Rochefoucauld  —  cette  magnifique 
demeure  Renaissance,  construite  en  1523  par  l'architecte  Antoine 
Fontan  —  qui  a  tenté  la  pointe  de  M.  de  Rochebrune  ;  nous  ne  de- 
vons pas  nous  en  plaindre,  car  la  façade  ouest  que  nous  présente 
la  nouvelle  planche  n'est  certes  pas  d'un  moindre  intérêt  architec- 
tural que  la  précédente. 

Cette  façade  du  X.VI«  siècle  a  été,  comme  toutes  les  autres  du 
même  château,  intercalée  entre  des  constructions  d'une  époque  an- 
térieure :  à  gauche,  une  grosse  tour  ronde  du  XIV®  siècle,  et  à 
droite,  une  poterne  flanquée  de  deux  petites  tours  de  même  époque. 
On  aperçoit  en  fuite,  derrière  cette  poterne,  le  majestueux  donjon 
X1I«  siècle,  un  corps  de  bâtiment  du  XVIl"  et  une  tour  d'angle 
du  XIV». 

Un  des  plus  curieux  morceaux  de  cette  façade  est  à  coup  sûr  la 
balustrade,  dont  les  festons  se  déroulent  sous  les  lucarnes  de  la 
toiture.  Formée  de  compartiments  oblongs  renfermant  alternative- 
ment les  initiales  F  et  A  des  prénoms  de  François  de  la  Rochefoucauld 
et  d'Anne  de  Polignac,  son  épouse,  elle  repose  sur  une  série  de  co- 
quilles encadrées  dans  une  riche  moulure  formant  arcatures  con- 


I  16  CHOSES    D  AHT 

tinues  dans  toute  lu  longueur.  Ces  arcatures  s'appuient  elles-mêmes 
sur  des  modillons  ou  culots  variés  rappelant  les  grotesques  obscé- 
nats  du  XII*  siècle. 

A  voir,  du  reste,  le  parlait  état  de  conservation  extérieure  de  la 
pierre,  on  se  croirait  en  face  d'un  château  récemment  édifié.  Mais 
l'illusion  s'évanouit  rapidement,  dès  qu'on  en  franchit  le  seuil. 
L'état  de  délabrement  de  l'intérieur  fait,  en  effet,  peine  à  voir.  N'est- 
ce  pas  trop  souvent,  hélas  !  le  sort  réservé  à  ces  merveilleuses 
bâtisses  oii  la  noblesse  française  —  cette  grande  prodigue  de  sang 
et  d'or  —  épuisa  naguère  le  meilleur  de  ses  ressources,  quand  sonna 
l'heure  de  l'éclosion  artistique  du  XVI«  siècle? 

Le  pavillon  central,  éclairé  par  quatre  fenêtres  étagées,  renferme 
un  magnifique  escalier  en  vis  de  Saint-Gilles,  avec  voûtes  en  trompe 
dans  les  angles,  qui  rappelle  celui  de  Chàteaudun,  Les  marches, 
d'une  seule  pierre,  ont  de  3  à  4  mètres  de  long  sur  1  mètre  de  large 
environ.  L'artiste  a  sculpté  suil'appui-main  du  dernier  palier  un 
singulier  personnage  à  capuchon  et  à  casaquin  orné  de  grelots,  qui 
doit  figurer  leboullbn  du  château.  Du  haut  de  la  lanterne  de  ce 
monumental  escalier,  on  aperçoit  toutes  les  charpentes  de  l'édifice 
—  véritable  forêt  de  limandes  de  chêne,  dont  la  carcasse  renversée 
d'un  navire  donnerait  une  assez  juste  idée. 

La  fenêtre  à  double  croisée,  qui  touche  le  tourillon  situé  à  gauche 
de  la  façade,  versait  le  jour  dans  un  charmant  boudoir  Louis  XllI, 
dont  le  décor  du  plafond  et  des  murs  dénote  chez  le  peintre  qui  l'a 
exécuté  une  grande  habileté  dans  l'art  de  filer  les  arabesques  et 
d'appliquer  l'or.  Cariatides  et  monogrammes,  corbeilles  de  fruits  et 
paysages  se  disputent  les  panneaux,  dont  le  nombre,  au  dire  de  la 
tradition,  égalait  celui  des  propriétés  de  la  famille  de  la  Ro- 
chefoucauld. 

Les  ouvertures  qu'on  aperçoit  dans  le  glacis  du  soubassement 
éclairaient  les  magnifiques  cuisines  placées  dans  les  substructions. 

II  y  a  eu  dans  les  deux  immenses  cheminées  placées  dos  à  dos  de 
ces  cuisines  de  telles  flambées,  que  le  contre-cœur  qui  sert  aux 
deux  et  qui  n'a  pas  moins  de  80  centimètres  d'épaisseur,  est  percé  à 
jour.  Ces  cheminées,  qui  rappellent  assez  exactement  celles  de  l'an- 
cienne abbaye  de  Saint-Michel-en-l'Herm,  ont  chacune  neuf  mètres  de 
largeur.  Le  confortable  de  l'intérieur  répondait  parfaitement,  on  le 
voit,  au  luxe  du  dehors. 

Ce  merveilleux  ensemble  est  admirablement  rendu  par  la  planche 
de  M.  de  Rochebrune.  On  y  trouve  reproduits  avec  une  surprenante 
fidélité,  en  même  temps  que  les  mille  et  un  détails  des  sculptures, 


I 


CHOSES  d'art  1  17 

tous  les  effets  de  lumière,  la  vivacité  des  ombres,  le  mouvement  des 
toitures  et  le  coloris  du  paysage. 

Bref— il  nous  plait  de  le  redire  — en  confiant  au  cuivre  les  magni- 
ficences de  ce  monument,  M.  de  Rnchebrune  a  doublement  mérité 
de  l'art  français  ;  car  il  a  tout  à  la  fois  sauvé  de  l'oubli  un  des  tré- 
sors de  notre  architecture  et  ajouté  une  admirable  page  à  l'histoire 
de  la  gravure. 


lll. 


La.  cocr  intérieure  du  château  de  la  Rochefoucauld 
par  m.  0.  de  rochebrun'e. 

■^o  mars  1891. 

L'œuvre  du  maitre  graveur  de  Terre- Xeuve  eût  été  incomplète, 
s'il  n'avait  pas  ajouté  à  la  collection  de  ses  admirables  eaux-fortes 
la  vue  de  la  cour  intérieure  du  château  de  la  Rochefoucauld. 

De  toutes  les  splendeurs  que  l'architecte  de  la  Renaissance  a  se- 
mées comme  à  pleines  mains  dans  cette  royale  demeure,  il  n'est 
peut-être  rien,  en  effet,  de  plus  merveilleusement  original  que  ces 
trois  étages  de  galeries  superposées  avec  leurs  voûtes  à  nervures 
et  à  clefs  pendantes.  -îe  n'essaierai  point  d'en  faire  ici  la  description.  . 
Ce  sont  là  merveilles  que  le  burin  seul  du  maitre  pouvait  faire 
revivre. 

Avec  l'immense  talent  qui  l'a  depuis  longtemps  placé  au  premier 
rang  des  artistes  dont  la  France  s'honore,  M.  de  Rochebrune  a 
su  rendre  tous  les  détails  de  cette  construction  avec  une  vé- 
rité et  un  éclat  surprenants. 

A  la  droite  de  la  planche,  on  aperçoit  une  grande  et  belle  fenêtre 
ogivale,  qu'encadrent  de  vigoureuses  poussées  de  lierres  et  qui 
éclaire  le  chevet  de  la  chapelle  du  château. 

•letons-y  un  rapide  coup  d'oeil. La  porte,  que  la  gravure  ne  pou- 
vait donner,  est  bien  composée  comme  mise  en  scène, mais  la  facture 
en  est  plus  que  médiocre  Tout  ce  qui  y  est  figuré  est  d'une  exécu- 
tion fâcheuse.  Les  apôtres  et  les  têtes  d'anges  sont  plus  particuliè- 
rement maltraités.  Cette  ornemenration  est  sans  doute  l'œuvre  de 
quelque  imagier  du  crû  qui  venait  de  travailler  aux  figures  gro- 
tesques des  cathédrales.  Il  a,  en  eflFet,  placé  dans  tous  ses  culots  les 


1  1S  CHOSE?    d'art 

plus  étranges  et  les  plus  libres  conc:!ptions.  On  se  croirait  on  plein 
moyen  âge. 

Si  l'on  peut  reprocher  (lo  la  sécheresse  r.n\  arabesques  des  pi- 
lastres et  de  la  lourdeur  au  galbe  des  chapiteaux,  il  faut  reconnaître 
que  l'ensemble  des  lignes  architecturales  a  de  la  puissance  et  de  la 
grandeur.  L'intérieur  de  la  chapelle  a  de  même  fort  grand  air.  La 
Révolution  de  03  y  a  malheureusement  mis  sa  griffe,  en  billant  tous 
les  écussonsdes  voûtes. 

Avant  de  dire  adieu  au  cliàteau  de  la  Rochefoucauld,  visitons 
encore  la  grande  salle  de  réception  aux  magnifiques  poutrelles 
moulurées,  la  salle  à  manger  dont  les  panneaux  représentent, 
peintes  sur  toile  et  à  la  colle,  les  Fables  de  la  Fontaine,  et  un  petit 
oratoire  décoré  de  rinceaux,  de  paysages  et  de  fruits,  d'un  très  joli 
ton  et  d'une  parfaite  conservation. 

Au  fond  de  la  cour,  se  détache  en  clair  sur  un  moelleux  tapis  de 
gazon  une  petite  coupole  du  XVI*  siècle  supportée  par  quatre  co- 
lonnes. Elle  recouvre  un  puits  très  profond,  creusé  au  pied  du 
donjon  des  XI"  et  XII»  siècles,  dont  l'allure  toujours  imposante 
semble  se  jouer  de  tout  — des  révolutions,  des  orages  et  des  ans. 

Tel  est  le  talent  du  maître  dont  il  m'a  plu  de  faire  une  fois  encore  l'é- 
loge, et  dont  les  œuvres  rediront  aux  générations  d'après  toutce  dont 
est  capable  la  passion  du  travail  alliée  à  la  puissance  du  génie. 

René  Vatj.ette. 


QUEL  [ÉTAIT  LE   CAPITAINE 

DU  CHÂSTEL  DE  Li  ROCHE-SUR- YON 

EN    1 369  ? 


Mon  cher  Directeur, 

Il  se  propage,  dans  le  champ  de  l'histoire,  de  ces  erreurs  qui  ont 
le  privilège  de  vivre  avec  tant  de  résistance  que  tous  les  efforts  des 
chercheurs  restent  impuissants  à  les  déraciner  de  l'opinion  publique. 

L'inexactitude  que  j'ai  à  vous  signaler  aujourd'hui  est  peu  de 
chose  en  réalité.  Le  fait  historique  auquel  elle  se  rattache  n'a  point 
été  dénaturé.  Toutefois  il  m'a  semblé  opportun  de  vous  proposer 
une  rectification  à  introduire  dans  le  quatrième  fascicule  de  ce  Dic- 
tionnaire historique  et  généalogique  des  familles  du  Poitou,  de 
MM.  Beauciiet-Filleau,  qui  restera  comme  un  des  travaux  de  pre- 
mier ordre  consacrés  à  l'iiistoire  de  notre  région. 

Ouvrez-le  à  la  page  557  (col.  \)  du  premier  volume,  vous  y  lirez 
ce  qui  suit  : 

«  Blondeau  (Jean),  gouverneur  en  13(39  de  la  ville  et  château  de  la 
Roche-sur-Yon,  les  livra  à  Jean  Chandos  en  échange  d'une  somme 
de  0,000  liv.  et  se  retira  à  Angers,  oii,  convaincu  de  trahison,  il  fut 
condamné  par  le  prince  Louis,  fils  du  roi  Jean,  à  être  lié  dans  un 
sac  et  précipité  dans  la  Loire,  ce  qui  fut  exécuté  (B.  A.  0    1847, 108).  » 

Nulle  entorse  n'a  été  donnée  à  la  vérité  historitiue.  Il  s'est  ren- 
contré, en  1309,  dans  notre  Bas-Poitou,  qui  dépendait  alors  du  duché 
d'Anjou  et  relevait  de  la  couronne  de  France,  un  capitaine  ciiargé 
de  la  garde  du  «  chastcl  de  la  Roche-sur-Yon  »,  lequel  était  reven- 
diqué par  l'Angleterre  depuis  le  traité  de  Brétigny. 


['}{)  QUEL  ÉTAIT    LE    CAl'ITAINK 

Se  voyant  assiégé,  au  commencement  de  juillet,  par  plus  de  3  000 
lances  au  service  des  Anjîlais,  intimidé  sans  doute  (il  est  de  ces  fai- 
blesses qu'on  a  peine  à  s'expliquer)  par  les  engins  formidables  qu'on 
avait  amenés  de  Tliouars  et  de  Poitiers  pour  battre  les  remparts  de 
la  forteresse,  ce  gouverneur  oublia  qu'  «  elle  estoit  bien  taillie  de 
lui  tenir  un  an  se  mestier  faisoit  »,  et,  circonvenu  par  le  duc  de 
Cambridire,  il  la  livra  dans  les  premiers  jours  d'août,  moyennant 
«  six  mil  frans  françois  »  pour  les  approvisionnements  laissés  aux 
vainqueurs. 

Et  c'était  au  moment  où  Amaury  de  Craon,  lieutenant  du  roi 
dans  l'Anjou,  le  Maine  et  la  Touraine,  recueillait  f^es  troupes  à 
Baugé  pour  venir  à  son  secours,  que  «  ledit  chastiel,  qui  estoit 
biaus  et  forts,  fut  vendu  à  nos  ennemis.  » 

Froissart  laconte  que  ce  capitaine,  «  qui  n'estoit  mie  bien  soutilz, 
comment  qu'il  fust  assés  bons  chevaliers  »,  se  laissa  conduire  par 
les  Anglais  jusqu'à  la  cité  d'Angers,  et,  aussitôt  son  arrivée,  fut 
pris  et  jeté  en  prison  par  l'ordre  du  duc  d'Anjou. 

Et  il  ajoute  que  «  de  nuit,  il  fut  boutés  on  un  sa  ch  et  jettes  en  la 
rivière  (la  Maine  et  non  la  Loire)  qui  là  keurt  et  noiiés.  » 

Ainsi  le  traître  a  existé,  il  a  même  été  puni  de  sa  forfaiture,  ce 
qu'il  est  presque  consolant  d"apprendre. 

Mais  quel  était  son  véritable  nom?  D'où  était-il  originaire?  Cette 
«  énigme,  restée  longterap?<  insoluble  pour  tous  les  historiens  du 
Poitou  »,  M.  Siméon  Luce  a  eu  la  bonne  fortune  de  la  deviner,  et 
c'est  grâce  à  ses  recherches  aux  Archives  nationales,  complétées 
encore  par  celles  de  M.  Paul  Guérin',  que  nous  pouvons  apporter 
quelques  éclaircissements  sur  la  question. 

Froissart  appelle  notre  capitaine  Jehan  Blondiau.f^,  et  le  manus- 
crit d'Amiens*  nous  donne  Jehan  Blondiau.v  ou  Blondieil. 

De  leur  côté,  les  documents  consultés  aux  Archives  nationales  le 
désignent  toujours  sous  le  nom  de  Jean  ou  Jehan  Belon. 

Qui  sait  si  Froissard,  en  défigurant  son  nom,  n'a  pas  employé 
Blondeati  pour  Belomieau,  diminutif  poitevin  et  angevin  de  Beloni 
—  Notez  que  je  vous  soumets  ici  la  supposition,  fort  acceptable  du 
reste,  de  M.  Siméon  Luce. 

.lehan  Roion  était  d'Anjou,  peut-être  même  d'Angers,  oh  il  possé- 

•  Tierneil  des  d or umenf s  concernant  le  Poitou,  contenus  dans  les  Registres 
de  la  Chîincellerie  de  France,  et  pul)lii'^s  dans  les  Archives  historiques  du 
J'oilou,    S.  Luce  t.  XIII,  (xvii  et  xix). 

»  Livre  1  (le  l'.'-d.   S.  Luce.  t.    vu,  p.    ifil. 

'  Livre  i  de  IVd.    S.  Luce,  t.    vu,  p.  .',70  et  :!7|. 


DU  CHASTEL  DE  LA  HOCHE-SUR-YON  121 

dait  une  maison,  située  au  tertre  Saint-Laurent,  qui  lui  fut  confis- 
quée par  le  roi  Charles  V,  à  cause  de  son  «  crime  de  lèse-majesté  et 
trahison  »,  et  donnée  au  clerc  Jean  de  la  Barre,  en  vertu  d'un  acte 
daté  de  l'abbaye  de  Jumièges  (24  août  1369). 

Il  détenait  aussi  le  manoir  de  Renoué*,  près  de  Loudun,  qui 
fut  acquis,  après  sa  mort,  par  Guy  Mauvoisin,  huissier  d'armes  du 
roi,  et  vendu  par  lui  au  duc  d'Anjou,  qui  lui-même  le  céda  (22  mai 
1375)  aux  religieuses  de  Fontevrault  pour  cent  livres  tournois  de 
rente  qu'il  leur  devait. 

Ce  manoir  était  compris  dans  les  deux  cents  livres  de  terres  ou  de 
rente  octroyées  par  le  roi  Charles  à  son  «  amé  »  Guy  Mauvoisin  sur 
les  biens  confisqués  de  -Jean  Belon  (Paris,  12  janvier  1370),  donation 
dont  la  confiscation  fut  signée  d'abord  au  «  chastel  du  Loir  »,  le  9 
février  de  la  même  année,  puis  à  Paris,  le  12  avril  suivant. 

Nous  trouvons  encore  une  valeur  de  «  Vllxxfrans  »,  distraite,  à 
une  date  inconnue,  des  biens  de  Jean  Belon,  et  assignée  à  Pierre 
Guédon,  dont  les  héritiers  en  vendent  la  jouissance,  le  20  mars  1375, 
à  récuyer  Jean  Ghapperon . 

D'où  nous  pouvons  conclure  que  notre  gouverneur  avait  une 
origine  qui  était  loin  d'être  roturière,  et  que  plus  d'un  domaine  lui 
appartenait  dans  la  province  du  Poitou  commo  dans  celle  d'Anjou. 

Il  est  probable  que  Guillaume  Beslon,  chevalier,  qui,  en  1389, 
possédait  dans  le  Poitou  le  fief  de  Poix*,  et  avait  épousé  Jeanne  de 
Derfé,  n'était  point  pour  lui  un  étranger. 

Jean  Belon  avait  pour  armoiries  un  écu  portant  trois  tourteaux , 
le  premier  chargé  d'un  lion  passant,  perché,  timbré  d'un  heaume  de 
face,  aimé  de  trois  tourteaux  sur  champ  festonné. 

Elles  se  trouvent  reproduites  sur  trois  sceaux,  dont  sont  restées 
munies  des  pièces  contenues  dans  de?  registres  qui  portent  la  délé- 
gation de  Tittes  .çceZ^é?,  et  sont  conservés  à  la  Bibliothèque  nationale\ 


\m  m%^w  ïïi 


Nous  savons  pu-  h'i  que  le  2"î  mars  1331  (n.  st.),  à  Tonnay-Bou- 
tonne,  il  délivrait  une  quittance  de  gages  pour  services  de  guerre  en 

'  Communes  de  Saint-Jean  de  Sauves  et  la  Chaussée  (Vienne). 

»  Poué  ou  l'oez,  ccininune  de  Culion     (Vienne). 

*  V.  Ci.  Demay.  Inventaire  ries  sceaux  de  la  collection  'lairambaulf,  t.  i,  p. 
!I3,  n«s87li,  880  etSSI.  La  léj,'ende  a  été  détruite  sur  le  premier  et  le  troisième 
de  ces  sceauY.  Celui  qui  porte  le  n^"  880  est  un  sceau  rond  de  18  millimî"tres, 
et  conserve  ces  fragments  de  la  légende.  .. 


\'^'^  OVEL   ÉTAIT    M.    CxFiTAIN»     IH     (JHASTEL 

Sninton^p;  qnn,  loTjfôvrior  1:350  (n  st.),  il  en  diMivrnit  un  ^  nutiv,  à 
Pounnco,  :\  l'ôcuvr^i'  Guillnumo  do  ClKxumont,  prair  les  -uorros 
ù'AuJou  ot  du  Mnino.  et  que  1p  -^'A  mai  1303,  en  qualité  de  maréchal 
de  Monseigneur  de  Craon,  il  scellait  la  montre  du  chevalier  Tean 
de  Cressy. 

En  1:î49,  Jean  Belon  laissait  mettre  au  pillage  (les  coupables  pré- 
tendirent avoir  agi  d'après  ses  ordres)  les  hébergements  et  manoirs 
d'un  habitant  de  Saint-Maixent,  nommé  Jean  Faysiprent. 

On  sait  qu'à  cette  malheureuse  époque  les  crimes  contre  les  per- 
sonnes et  les  propriétés  se  multipliaient  dans  ur.e  proportion  ef- 
frayante. L'acte  de  brigandage  qu'autorisa  Belon  resta  impuni 
comme  tant  d'autres,  et  cependant  la  victime  était  morte  subi- 
tement de  douleur  à  la  vue  de  ses  moissons  dévastées,  et  ses  enfants 
furent  réduits  à  la  misère. 

En  cette  circonstance,  le  lieutenant  de  Jean  de  Lisle,  capitaine 
pour  le  roi  en  Poitou,  (il  était  aussi  sans  doute  châtelain  de  Saint- 
Maixent)  fit  preuve  d'une  faiblesse  dont  nous  n'oserions  justifier  les 
tristes  conséquences. 

A  une  époque  qui  n'a  pas  pu  être  précisée,  Belon  devenait  capi- 
taine de  Vendôme. 

Et  le9  juin  13()3,  maréchal  d'Amaury  de  Craon,  il  adressait  un 
mandement  pour  faire  payer  la  solde  de  Guy  de  Laval  et  des  hommes 
de  sa  compagnie. 

Quand  fut-il  nommé  «  garde  et  capitaine  de  la  tour  ou  chastel  et 
de  la  ville  de  la  Roche-sur- Yon,  laquelle  le  duc  d'Anjou  lui  avoit 
bailliée,  confians  de  sa  loyaltéet  preudhommie  »  ?  Nous  l'ignorons. 

Quand  fut-il  puni  de  sa  trahison?  Il  nous  serait  difficile  de 
donner  la  date  précise.  Mais  nous  pouvons  affirmer  que,  le  12  janvier 
1.370,  il  attendait  encore  qu'on  eût  statué  sur  son  sort,  et  que  le 
9  février,  il  «  avoit  esté  jugié,  condempné  etmizaexecucionde  mort.  » 

Quelle  honte  d'avoir  ainsi  terminé  dans  l'ignominie  une  carrière  de 
chevalier,  qui  en  somme  ne  fut  pas  toujours  sans  reproche,  et  d'avoir 
eu  la  naïveté  de  croire  que  la  possession  d'une  grosse  somme  d'or  et 
d'argent  est  capable  de  compenser  la  perte  de  l'honneur! 
La  Roche-suv-Yon,  5  mars  1891. 

EuG.  Louis. 


CHRONIQUE 


DANS  sa  séance  du  10  janvier  1891.  le  conseil  municipal  de  Fon- 
tenay-le-Comte  a  autorisé  la  fabrique  de  l'église  Notre-Dame 
■  à  établir  sur  la  ruelle  qui  contourne  son  chevet  une  passerelle 
donnant  accès  à  une  sacristie  de  création  récente.  Cette  sacristie 
nouvelle  permettra  tout  à  la  fois  de  restituer  à  l'église  les  chapelles 
Renaissance  aujourd'imi  fermées  et  dont  l'intérêt  artistique  est  in- 
contestable, et  de  dégager  les  verrières  de  l'abside  actuellement  en 
partie  masquées. 

Les  amateurs  d'art  sauront  gré  à  M.  0.  de  Rochebrune  d'avoir 
mené  à  bien  une  campagne  dont  il  a  été  l'ardent  promoteur,  et  qui 
ne  peut  qu'accroître  l'intérêt  de  la  basilique  Fontenaisienne. 

M.  l'abbé  Lacroix,  vicaire  à  Saint-Joseph  de  la  Villette,  a  été 
reconnu  digne  du  grade  de  docteur  ès-lettres  après  une  thèse 
brillamment  soutenue  en  Sorbonne. 

La  tlièsp  française  de  M.  l'abbé  Lacroix  roulail  sur  l'épiseopat  du 
cardinal  de  Richelieu  à  Luçon.  Cet  intéressant  sujet  a  fourni  à 
M.  l'abbé  Lacroix  matière  à  un  travail  des  i)lus  sérieux  et  des 
plus  documentés,  plein  de  révélations  curieuses  sur  cetre  grande 
figure  du  cardinal  de  Richelieu. 

La  Revue  du  Bas-Poitou,  dans  son  numéro  de  janvier  1889,  a 
publié  (Ml  primeur  la  conférence  faite  sur  ce  même  sujet  par 
M.  l'abbé  Lacroix  à  la  réunion  générale  des  Antiquaii'es  de  l'Ouest 
du  0  janvier  de  la  même  année. 

A  la  séance  du  'A  décembre  1890  de  la  Société  de  statistique  des 
Ueux-Sèvres,  M.  Roy  a  présenté  un  vase  qui  lui  avait  été  cédé  par 
M.  Raoul  de  Rochebrune,  propriétaire  au  château  de  la  Court. 

Le  château  de  la  Court  ayant  appartenu  à  M.  Fillon,  on  a  cru  que 
cet  objet  avait  fait  partie  de  sa  collection,  et  on  était  surpris  qu'il 
n'en  eût  pas  parlé. '-De  nouveaux  renseignements  fournis  par  M.  de 
Rochebrune  nous  apprennent  qu'il  vient  de  chez  son  beau-père, 
M.  Rampillon  des  Magnils. 


124  CHMOMQUK 

Ce  vase,  lonjî  de  0,60  centimètres  et  haut  de  0,30  centimètres,  a 
la  forme  d'un  ovale  très  allongé,  avec  cette  particularité  que  la  base 
est  d'une  dimension  bien  plus  grande  que  l'ouverture  qui  n'a  que  7 
'centimètres  de  largeur,  ce  qui  lui  donne  une  grande  stabilité. 

La  terre  est  noirâtre  avec  traces  de  vernis  vert.  La  panse  est  or- 
née de  dessins  à  la  roulette.  Deux  tenons  placés  <à  chaque  extrémité 
servaient  à  le  transporter. 

Un  autre  vase  semblable  a  été  trouvé  à  Sainte-Hermine,  il  y  a 
quelques  années,  et  acheté  par  le  musée  de  Saint-Germain.  Il  est 
orné  des  mêmes  dessins,  et  de  plus,  il  porte  des  emblèmes  religieux. 

Enfin,  un  troisième  vase  fait  partie  de  la  collection  de  M.  Jous- 
seaume,  à  Fontenay-le-Comte. 

L'ornementation  de  ce  dernier  est  formée  de  losanges  et  entière- 
ment enduite  d'un  vernis  vert. 

Ce  sont  les  trois  seuls  spécimens  connus  jusqu'à  présent. 

De  quelle  époque  sont  ces  vases?  A  quel  usage  étaient  ils  destinés? 

M.  le  conservateur  de  Saint-Germain  ne  se  prononce  pas  ;  il  l'a 
acheté  à  titre  de  rareté,  écrivait-il  il  y  a  quelques  jours  à  M.  Emile 
Breuillac,  et  ne  peut  ilire  qu'une  chose  :  Ce  n'est  ni  gaulois,  ni  gallo- 
romain. 

L'idée  que  ces  vases  pouvaient  servir  à  transporter  des  liquides 
sur  des  bateaux  (tous  trois  provenant  de  localités  voisines  du  Marais) 
a  engagé  M.  Desaivre  à  demander  des  renseignements  en  Hollande, 
où  les  transports  sur  les  canaux  sont  fréquents. 

D'après  l'avis  de  M\I  Loemans  et  Pleyte,  directeur  et  conserva- 
teur du  musée  d'antiquités  de  Leyde,  on  n'a  jamais  rien  vu  de  sem- 
blable au  point  de  vue  du  transport  des  liquides. 

M.  O.  de  Rochebrune  a  terminé,  depuis  notre  dernier  fascicule, 
deux  nouvelles  et  magnifiques  eaux  fortes  sur  le  Château  de  la  Ro- 
chefoucauU.  M.  René  Vallette  en  a  donné  plus  haut  la  description. 

L'éininent  aquafortiste  vendéen,  dont  le  talent  est  infatigable  , 
prépare  en  ce  moment  une  autre  grande  planche  qui  représentera  le 
Château  de  Saint-Ouen-des-Toits  (Mayenne). 

M.  Roy,  de  la  Châtaigneraie,  vient  d'enrichir  sa  précieuse  collec- 
tion numismatique  d'une  centaine  de  monnaies  romaines  en  bronze 
trouvées  près  de  Saint- Pierre-du-Chemin. 

M.   Henri  Béraldi  va  publier   prochainement  dans   son  onzième 

volume  des  Graveurs  du  XIX"  siècle  (Paris,  Conquet),  le  catalogue 

complot  de  l'œuvre  de  notre  très  distingué  collaborateur,  M.  0,  de 

Rochebrune. 

.     Ce  cataio^rue  sera  grouj^é  par  séries  pour  les  petites  planches  et 


CHRONIQUE  '  125 

cliaque  gravure  plus  importante  aura  un  numéro  à  part  avec  indi- 
cation des  divers  états. 

MM.  de  Rochebrune  et  Brochet  ont  fait  en  février  dernier  une 
e.vcursion  archéologique  à  Benêt  et  ont  trouvé,  dans  des  fouilles 
opérées  aux  environs,  deux  curieuses  stèles  gallo-romaines,  dont  la 
description  et  le  dessin  ont  été  donnés  dans  un  article  spécial  de 
M.  L.  Brochet. 

Les  17  et  18  mai  prochain,  un  grand  concours  musical  d'orphéons, 
de  fanfares  et  d'harmonie,  aura  lieu  à  Fontenay-le-Comte,  sous  la 
présidence  de  M.  Laurent  de  Rillé.  De  grandes  fêtes  seront  organi- 
sées à  cette  occasion  par  la  municipalité. 

Le  25  janvier  IS91,  notre  érudit  collaborateur,  M.  L.  Brochet, 
agent-voyer  d'arrondissement  a  fait,  à  la  Bibliothèque  populaire  de 
Fontenay,  une  très  remarquable  conférence  historique  sur  Fonte- 
nay  dans  le  passé. 

Le  28  lévrier  et  le  1"  mars  1891,  M.  de  Bernoff  a  fait  à  la  RÔche- 
sur-Yon  deux  conférences  sur  la  Yie  russe  —  l'une  au  Cercle 
militaire  ot  l'autre  au  Cercle  du  Commerce. 

Le  Congrès  annuel  des  Sociétés  savantes  s'ouvrira  à  la  Sorbonne, 
le  mardi  19  mai  et  durera  jusqu'au  23.  On  trouvera  aux  bureaux  de 
la  Revue  les  différents  programmes  de  ce  Congrès. 

M.  Odiu,  pharmacien  aux  Sables-d'Olonue,  a  offert  au  musée  de  la 
Rochelle  un  madrépore  provenant  des  récifs  de  Rochebonne. 

Le  syndicat  des  agriculteurs  de  la  Vendée  a  tenu,  le  12  janvier 
1891,  son  assemblée  générale  annuelle  à  la  Roche-sur- Yon.  Le 
Publicateur  de  la  Vendée  (N"  du  25  janvier  1891)  en  a  donné  le 
compte  rendu. 

M.  le  docteur  Blé,  médecin  à  la  Roche- sur- Yon,  et  M.  .loussemet, 
maire  de  Longeville,  viennent  d'être  nommés  ofîlciers  d'Académie. 

M.  Anatole  Mercier,  de  Saint-Maurice-des-Noues,  vient  d'obtenir 
un  diplôme  de  littérateur  que  lui  a  délivré  la  Société  «  Le  Phare 
littéraire  de  Paris  »,  dont  il  lait  partie. 

Avec  l'assentiment  de  M  lo  docteur  Gouraud,  propriétaire  des 
ruines  du  château  de  Talmont,  MM.  Loquet  et  Libaudière,  archi- 
tectes à  la  Roche-sur-Yon,  y  ont  récemment  pratiqué  des  fouilles  qui 
ont  amené  la  découverte  d'un  tronçon  de  canon. 


126  CIIHONIOUE    —    NÉCROLOGIE 


NÉCROLOGIE 


M.  L0U1S-V[CT0R-ALEXANDRE-CESAU  BOSCAL  DE  REALS  , 
comte  DE  MORNAC,  lieutenant- colonel  d'infanterie  en  retraite, 
ollicier  de  la  Lé^'ion  d'honneur,  né  le  9  mai  1829,  à  Beaufou  (Vendée), 
décédé  à  Versailles,  le  (i  janvier  1891.  (Voir  l'article  publié  par  la 
Revue  de  Saintonge  et  d'Aunis,  du  l-^'  mars  1891). 

M.  GUSTAVE  RIVALLAND  ,  membre  du  conseil  municipal  de 
Fontenay-le-Comte,  décédé  à  Saison  (Cochincliine),  le  21  janvier 
1891." 

M.  FRADIN,  maire  de  Sallertaine,  décédé  le  24  janvier  1891.  A  ses 
obsèques,  M.  de  Baudry  d'Asson,  député  de  la  Vendée,  a  prononcé 
un  discours.  (N"  du  25  janvier  1891,  du  Publicateur  de  la  Vendée) 

M"»"  MARGUERITE  PÉROLE,  fille  de  la  Charité,  décédéo  à  l'hospice 
de  Fontenay  dans  sa  80"  année,  le  29  janvier  1891. 

M.  GRASSAL,  décédé  à  l'Aiguillon-sur-Vie,  fin  janvier  1891. 

Officier  de  très  grand  mérite,  ayant  pris  une  part  glorieuse  aux 
luttes  de  la  dernière  guerre,  il  crut  devoir,  en  1871,  dit  le  Publica- 
teur de  la  Vendée  (N"  du  28  janvier  189n,  quitter  les  rangs  de  l'ar- 
mée active.  Quoique  jeune  encore,  il  était  chef  de  bataillon  et  che- 
valier de  la  Légion  d'honneur. 

M.  FÉLIX  RAISON,  décédé  à  Vouvant  fin  janvier  1891.  La  Vendée, 
)  a  publié  sur  lui  un  long  article  nécrologique. 

M.  LE  SAFFRE,  membre  de  la  Gonféroncs  de  Saint-Vincent-de- 
Paul,  décédé  à  Ghallans,  le  4  février  1891 . 

M.  l'abbé  PIERRE-HENRI  PIGMAUD,  ancien  curé  de  Saint-Malo- 
des-Bois, décédé  à  Mormaison,  le  4  février  1891. 

M.  l'abbé  ÉTIENJNE  GENDRON,  curé  de  Saint-Hilaire-ie-Loulay, 
décédé  le   16  février  1891,  à  l'âge  de  82  ans.   Né  à   Noirmoutier   le 
3  novembre  1814,  M.  l'abbé  Gendron  fut  ordonné  prêtre  le  19    dé- 
cembre 1840.  Après  avoir  exercé  pendant  quatre  ans    les  fonctions 


CHRONIQUE    —   NÉCROLOGIE  127 

de  vicaire  aux  Essarts,  il  fut  nommé  successivement  curé  de  Tif- 
fauges  en  1844,  de  Saint-Michel-en-l'Herm  en  1850.  et  enfin  de 
Saint-Hilaire-de-Loulay  le  15  avril  1858. 

M.  l'abbé  ANTOINE  CLÉNET,  ancien  curé  de  Martinet,  décédé  le 
17  février  1891.  Né  à  la  Gaubretière  le  31  mai  1810,  M.  l'abbé  Clénet 
fut  ordonné  prêtre  le  8  septembre  1833  et  envoyé  comme  vicaire  à 
Cugand,  puis  aux  Sables-d'Olonne.  Nommé  curé  de  Martinet  le  14 
septembre  1845,  il  y  exerça  le  saint  ministère  durant  45  années.  Il 
vivait  retiré  depuis  trois  mois  environ. 

M.  LÉOPOLD  FAVRE,  imprimeur  à  Niort,  né  à  Champagné-les- 
Marais  (Vendée),  le  12  octobre  1817,  décédé  à  Niort  le  17  février  18'.)1, 
dans  sa  74*  année. 

On  lui  doit  la  publication  de  plusieurs  œuvres  vendéennes,  no- 
tamment V Histoire  de  Maillerais,  par  Charles  Arnauld  (l  vol.  in-8« 
1840),  l'Histoire  des  comtes  de  Poictou  et  ducs  de  Guyenne,  par  Jean 
Besly,  nouvelle  édition,  1  vol.  in-8°  1840  -,  Notes  et  croquis  sur  la 
Vendée,  parE.  de  Montbail,  (1  vol.  in-4°  1843). 

La  Revue  Poitevine  a  donné  dans  son  numéro  du  15  mars  1891, 
un  article  nécrologique  assez  détaillé  sur  M.  Favre  et  une  bibliogra- 
phie des  travaux  édités  par  lui. 

M.  THÉOPHILE  ESGONNIÈRE ,  décédé  le  18  février  1891,  à  la 
Roche-sur-Yon. 

M"'  MARIE-LÉONIE  LEMERCIER,  née  LIBAUDILRE,  décédée  à 
Nantes,  le  21  février  I89t,  dans  sa  44*  année. 

M.  l'abbé  BOUTEAU,  décédé  aux  Sables-d'Olonne,  à  l'âge  de  83  ans, 
dans  la  nuit  du  20  au  21  février  1891. 

M""  MÊLANIE  DUBOIS,  veuve  de  M.  AUGUSTIN  BELLET,  ancien 
notaire,  décédée  à  Chaix,  Vendée,  le  24  février  1891,  dans  sa  86*  année. 

M.  AUGUSTIN-ANDRÉ  BOGQUIER,  maire  de  Nesmy  depuis  1852, 
décédé  le  26  février  1891 . 

Madame  la  comtesse  EDOUARD  DE  MONTI  DE  REZÉ,  décédée  à 
Nantes  fin  févi'ier  1891. 

M.  l'abbé  MILLASSEAU,  ancien  doyen  du  Poiré-sur-Vie,  décédé  le 
4  mars  à  Beaupréau  (Maine-Loire). 
Narcisse-François  Millasseau,  né  le  13  novembre  1824,  àMcnomblct, 


128  CHRONIQUE    —    NKCROLOGIl-: 

ordonné  prêtre  le  18  décembre  1847,  remplit  d'abord  les  fonctions  de 
vicaire  il  N.-D.  de  Fontenay.  Il  fut  nommé  curé  de  Poiré-de-Velluire 
en  1840,  curé  de  Bazoges-en-Pareds  en  1854,  et  curé  doyen  du  Poiré- 
sur-Vie,  le  31  juillet  1864. 

Le  mauvais  état  de  sa  santé  l'avait  forcé  de  donner  sa  démission 
le  s  mars  1884. 

M.  l'abbé  PHILIPPE  GUIOCHET,  né  à  Beaulieu,  le  2  mars  1866, 
ordonné  le  15  juin  1889,  ancien  vicaire  de  Mareuil,  décédé  le  10  mars 

M.  l'abbé  BONNAUD,  ancien  curé  de  Notre-Dame  de  Charzais, 
décédé  le  5  avril  1891  à  Fontenay-le-Comte,  dans  sa  78^  année. 

D'une  érudition  profonde,  M.  Bonnaud  a  cultivé  toutes  les  sciences 
profanes  ou  ecclésiastiques  et  publié  de  nombreux  travaux.  La 
place  nous  manque  pour  en  donner  la  Bibliographie  complète. 


CHRONIQUE    —   BIBLIOGRAPHIE  129 


BIBLIOGRAPHIE 


-^>53S5<&- 


NOTRE  confrère  et  ami,  M.  C.  Chappot  de  la  Chanonie,  qui  s'est 
déjà  fait  une  réputation  dans  les  lettres,  vient  d'ajouter  un 
nouveau  titre  à  sa  double  renommée  d'écrivain  et  d'érudit, 
en  publiant  chez  Pion  les   Mémoires  politiques  et  littéraires 
du  général  Tercier. 

Ce  sont  les  confidences,  parfois  un  peu  maussades,  d'un  courageux 
soldat  dont  l'âme  a  été  froissée  par  l'ingratitude  et  l'oubli  de  ses 
amis,  et  qui  dit  tout  ce  qu'il  peut  de  ceux  qu'il  a  rencontrés  dans  sa 
vie  militaire  de  1770  à  1816.  Entré  au  service,  volontaire  dans  le 
régiment  de  Normandie-Infanterie,  il  a  fait  la  guerre  d'Amérique,  a 
été  dans  l'intimité  absolue  de  la  future  impératrice  Joséphine,  a 
fait  la  guerre  de  Vendée,  combattu  à  Quiberon  parmi  les  royalistes, 
a  été  incarcéré  au  Templa  lors  de  la  conspiration  de  Cadoudal  et  a 
assisté  à  la  rentrée  des  Bourbons  qui  ont  fait  de  lui  un  maréchal  de 
camp.  On  devine  l'intérêt  de  ces  Mémoires,  que  M.  de  la  Chanonie 
a  précédés  d'une  excellente  préface  et  accompagnés  de  précieuses 
annotations. 

Nous  venons  de  recevoir  le  4®  fascicule  du  Dictionnaire  historique 
et  généalogique  des  familles  du  Poitou,  de  MM.  Beauchet-Filleau . 
C'est  pour  nous  une  nouvelle  occasion  de  faire  l'éloge  de  cette 
grande  œuvre. 

Nous  y  avons  relevé  les  noms  suivants  qui  appartiennent  au  Bas- 
Poitou  :  Bernon  (St-Martin  l'Ars),  Bertaud  (la  Roche-sur-Yon),  Ber- 
thelot  (Luçon),  Berthon  (Fontenay),  Berlin  (Fontenay),  Bertrand  de 
la  Roche-Henri,  Bertrand  de  Saint-Fulgent,  Bertrand  de  la  Bazi- 
nière,  Béry  (Cheffois),  Beshj  (Fontenay),  de  Bessay  (Luçon),  Beuf- 
vier  des  Paliniers  (Palligny  ,  au  Tallud  Saint-Gemme),  Beugnon 
(Menomblet,Vouvent),  Beurrey  de  ChcUeauroux,  Biaille  deGermond, 
Bienvenu  (Fontenay),  Uignolet  (id.),  Billaud  (id.),  Billy  (Saint  Michel- 
en-l'Herm),  de  Biré,  Birotheau  (la  Chaize-le-Vicomte),  Birotteau 
des  Burondières  (Saint-Julien-des-Landes),  Blouin  (Marsais-Sainte- 

ToME  IV.  —  Janvier,  Février,  Mars  1891.  9 


130  CHRONIQUE    —    BIBLIOGRAPHIE 

a 

Radegonde>,  Bocquier  (Fontenay),  Le  Bœuf  des  Moulinets  et  de  Saint- 
Mars,  du  Bois  (1-ontenay).  Boisson  (Le  Langon,  Saint-Hilaire-le- 
Vouhis,  Saint-Mars-la-Réorthe,  Mortagne),  Bonamy  (Maillezais) 
Portce«ne  (Fontenay),  Bonneaic  de  Beauregard  (Saint-Hilaire-sur- 
l'Autisc),  Bonnet  (Fontenay),  Bonnin  (Fontenay),  Boscal  de  Réalsde 
Mornac... 

Dans  le  discours  prononcé  par  lui  à  l'ouverture  du  Congrès  ar- 
chéologique de  Francs  tenu  à  Brive  en  juin  1890,  M.  le  comte  de 
Marsy,  directeur  de  la  Société  française  d'archéologie,  président  du 
Congrès,  a  bien  voulu  consacrer  à  la  Revue  du  Bas-Poitou  le  passage 

suivant  : 

«  En  Vendée,  M.  René  Vallette  a  entrepris  la  publication  d'une 
Revue  du  Bas-Poitou,  dans  laquelle  une  large  part  est  faite  à 
l'archéologie  et  ou  il  a  la  bonne  fortune  d'avoir  pour  collaborateur 
un  de  nos  artistes  les  plus  distingués,  M.  Octave  de  Rochebrune, 
qui  lui  prête  souvent  le  concours  de  son  burin  et  donne,  par  ses 
eaux-fortes,  une  valeur  exceptionnelle  à  ce  recueil.  » 

Nos  plus  sincères   remerciements  à  M.  le  comte  de  Marsy. 

Nous  avons  eu  souvent  l'occasion  de  faire  ici  l'éloge  des  Paysages 
et  Monuments  du  Poitou,  de  M.  J.  Robuchon  ;  mais  nous  sommes 
loin  d'avoir  dit  de  cette  superbe  publication  tout  le  bien  qu'elle 
mérite.  Les  dernières  livraisons  qui  viennent  de  paraître  ne  sont 
point  pour  modifier  notre  opinion,  et  nous  no  pouvons  que  féliciter 
absolument  directeur  et  collaborateurs  de  leur  parfaite  exécution. 
Ces  livraisons  sont  les  suivantes  :  Saint-Gilles-sur-Vie  (Vendée), 
par  le  R.  P.  Ingold,  Palluau  et  Aspremont  par  M.  l'abbé  H.  Boutin, 
et  Ligugé  (Vienne),  par  M.  de  la  Marsonnière.  Temps  et  place  nous 
manquent  aujourd'hui  pour  en  parler  plus  longuement,  mais  nos 
lecteurs  ne  perdront  rfen  pour  attendre. 

La  monographie  de  Champdeniers  (Deux-Sèvres),  par  M.  Léo 
Desaivre  ost  sous  presse.  Celles  de  la  Châtaigneraie  et  Saint-Hi- 
laire-des-Log es  (Vendée),  par  M.  René  Vallette  sont  en  préparation. 

Extrait  du  volume  du  Conseil  général  de  la  Vendée,  (2*  session 
ordinaire  de  1890,  etc.,  pp.  lOG  à  144)  :  Rapport  de  l'archiviste  du 
département,  par  G.  Barbaud,  archiviste  de  la  Vendée,  dont  la 
majeure  partie  consiste  en  extraits  d'anciens  registres  paroissiaux 
très  intéressants  pour  l'histoire  des  familles  du  Bas-Poitou.  Les 
communes  dont  M.  G.  Barbaud  a  dépouillé  l'an  passé  l'ancien  état- 
civil,  sont  les  suivantes  :   Auzais,  Chaix,  Charzay,    Fontaines,    Le 


CHRONIQUE    ^—   BIBLIOGRAPHIE  131 

Langon,  Longèves,  Montreuil,  L'Orbrie,  Pissotte,  Le  Poiré-de- 
Velluire,  Saint-Médard-des-Prés,  Velluire,  Saint-Gilles-sur-Vie, 
L'Aiguillon-sur-Vie,  Bretigiiolles,  La  Chaize-Giraud,  Coëx,  Croix- 
de-Vie,  Le  Fenouillet,  Givrand ,  Saint-Hilaire-de-Rié ,  Saint- 
Martin-de-Brem,  Saint-Nicolas-de-Brem ,  Notre-Dame-de-Monts , 
Soullans. 

Nous  venons  de  recevoir  de  M.  Louis  Vives,  (éditeur,  13,  rue 
Delambre,  Paris)  le  Traité  d'iconographie  chrétienne  de  notre 
éminent  collaborateur  Mer  X.  Barbier  de  Montault.  (2  fort  voljames 
in-8°  accompagnés  de  planches  et  dessins  nombreux  par  M.  Henri 
Nodet,  architecte)  Cet  ouvrage,  témoignage  nouveau  de  la  science 
profonde  de  l'auteur,  mérite  plus  qu'une  simple  mention.  Aussi  au- 
rons-nous grand  plaisir  à  en  faire  ici  une  complète  analyse. 

Sous  ce  titre  Curiosités  testamentaires,  notre  aimable  et  spirituel 
confrère  Henry  Bourgeois,  avocat  à  la  Roche-sur-Yon,  a  réuni  dans 
un'e  brochure  des  plus  originales  une  collection  des  testaments 
historiques  les  plus  bizarres. 

Intéressant  travail, à  chaque  ligne  duquel  percent  la  verve  prime- 
sautière  et  lafine  humour  du  sympathique  auteur.  (1  fr.  chez  l'auteur) 

A  la  séance  publique  annuelle  de  la  Société  des  Antiquaires  de 
l'Ouest  (4  janvier  1891),  M.  B.  Ledain,  président,  a  lu  un  discours  sur 
Savary  de  Mauléon,  qui  fut  au  XI IP  siècle  seigneur  de  Fontenay-le- 
Corateet  d'une  grande  partie  du  Bas-Poitou.  Ce  discours  a  été  repro- 
duit par  le  Courrier  delà  Fig/zng  (numâros  des  15 et  16  janvier  1831). 

Sous  le  titre  :  Les  Poètes  Poitevins,  un  des  plus  distingués  collabo- 
rateurs du  Publicateur  de  la  Yendée,  J.  Gière,  (M.  l'abbé  Jean- 
Jacques  Rousseau)  a  complété  d'une  très-intéressante  façon  dans  ce 
journal  la  brochure  publiée  sur  le  même  sujet  par  M  Olivier  de 
Gourcull  et  dont  nous  avons   précédemment  annoncé  l'apparition. 

Dans  le /''/ja^ra  du  23  janvier  1831,  sous  le  titre  Thermidor  aux 
Archives  et  la  signature  Maurice  Barrée  :  «  M.  Benjamin  Fillon  avait 
constitué  sur  le  9  thermidor  un  dossier  donC  aucune  t  scène  de 
théâtre  n'atteindra  l'effet  dramatique. 

«  Tous  les  principaux  acteurs  du  drame  s'y  faisaient  entendre  par 
des  pièces  capitales.  Heure  par  heure,  on  suivait  la  marche  des 
événements  à  la  Convention,  dans  les  comités,  à  la  commune.  » 

Sous  ce  titre  :  Lu  République  ouverte,  notvQ  excellent  confrère 
M.  Rémy  de  Simony,  directeur  du  Publicateur  de  la  Vendée, 
vient  de  publier  une  brochure  d'actualité  politique,   dont  les  pages 


132  CHRONIQUE-BIBLIOGRAPHIE 

éloquentes  sont  écrites   style  d'un   incisif,  et  où  l'élégance  de  la 
forme  s'allie  merveilleusement  à  la  vigueur  des  principes. 

Notre  savant  collaborateur  et  ami  M.  Edgar  Bourloton,  se  pro- 
pose de  publier  prochainement  dans  les  volumes  des  Archives  his- 
toriques du  Poitou,  le  cartulaire  de  l'abbaye  de  Maillezais. 

Le  très-spirituel  directeur  de  la  Revue  Poitevine  et  Saintongeaise, 
notre  ami,  Jos.  Bertlielé,  a  consacré  dans  le  n"  du  15  février  1^91 
de  son  recueil  (p.  58),  une  charmante  page  au  compte  rendu  de  la 
petite  fête  offerte  l'été  dernier  par  notre  directeur  aux  collabora- 
teurs de  la  Revue  du  Bas-Poitou,.  La  page  est  même  tellement  cliar- 
mante  que  notre  modestie  se  refuse  à  la  reproduire  ici. 

Grand  merci  tout  de  même  à  l'auteur  ! 

M.  Ch.  Escudier,  dessinateur  à  Niort,  dans  le  but  de  perpétuer  le 
souvenir  des  costumes  du  pays  qui  disparaissent  trop  vite,  au  gré 
des  amateurs  de  pittoresque,  vient  de  livrer  au  public  les  deux  pre- 
mières séries  de  ses  Costumes  Poi^erm^.  La  troisième  série  sera,  nous 
dit-on,  consacrée  aux  costumes  de  la  Vendée.  (Niort.  —  Clouzot, 
éditeur). 

Tous  nos  vœux  de  succès. 

Sous  le  titre  :  les  Œuvres  de  V Église,  notre  distingué  confrère 
M.  Adrien-Dubé,  directeur  de  VEtoile  de  la  Vendée  a  publié  dans  son 
numéro  du  15  février  1891  un  très  intéressant  article  où  il  passe  ra- 
pidement en  revue  les  principales  fondations  hospitalières  et  cha- 
ritables du  Bas-Poitou. 

Dans  le  même  numéro  de  ÏEloile,  notre  excellent  collaborateur  et 
ami,  M.  H.  Collins,  a  publié  sous  le  titre  :  Mon  Carnet,  un  char- 
mant, mais  trop  flatteur  compte  rendu  d'une  excursion  faite  par 
lui  au  Bocage  vendéen,  en  septembre  dernier. 

U.  le  baron  Imbert  de  Saint- Amand  poursuit  chez  Dentu  la  publi- 
cation de  ses  très  remarquables  études  sur  Les  Femmes  des  Tuileries- 
Son  dernier  volume,  qui  vient  de  paraître,  a  pour  titre  Les  dernières 
anyièes  de  la  duchesse  de  Berry. 

La  Revue  Poitevine  et  Saintongeaise  continue  avec  un  intérêt 
toujours  soutenu  la  publication  de  ses  livraisons  mensuelles.  Voici  le 
sommaire  des  derniers  fascicules  parus  : 

N"  8n.  —  Beaux- Arts.  —  Le  musée  de  la  ville  de  Poitiers,  son  ori- 
gine, son  passé,  son  présent  (suite  et  fin),  par  P.-Am.  Brouillet. 
Nécrologie.  —  M.  JAidowic  Guette,  par  Louis  Lévesque. 
Histoire  poitevine.  —  Etymologie  du  nom  de  Ligugé,  par  H.  d'Ar" 


CHRONIQUE    —   BIBLIOGRAPHIE  133 

bois  de  Jubainville.  —  Un  singulier  privilège,  par  Ernest  Lévesque 

—  L'imprimerie  des  Oratoriens  de  Niort,  par  Jos.  Berthelé. 
Revue  des  Sociétés  savantes,  par  Jos.  Berthelé. 

Chronique  bibliographique.  —  Notices  et  comptes  rendus,  —  Index 
bibliographique,  par  Jos,  Berthelé. 

Gravures.  —  Monnaies  poitevines  de  Richard  Cœur-de-Lion,  par 
Georges  Musset. 

N°  87.  —  Histoire.  —  Jeanne  d'Arc  à  Poitiers,  par  B.  Ledain. 

Archéologie.  —  Quelques  croix  de  cimetières  du  département  des 
Deux-Sèvres,  par  Jos.  Berthelé. 

Nécrologie  poitevine.  —  Ludowic  Guette,  par  Louis  Lévesque.  — 
Léopold  Favre,  par  Jos.  Berthelé. 

L'Annuaire  de  la  Société  d'Emulation  de  la  Vendée,  pour  l'année 
1890,  contient  les  très  intéressantes  études  suivantes  : 

:^otice  sur  la  cathédrale  de  Luçon.  Manuscrit  anonyme  prove- 
nant de  l'ancienne  collection  B.Fillon,  communiqué  par  M.  A.Bitton. 

—  Procès-verbaux  d'apposition  descellés  et  d'inventaire  à  Vévêchè  de 
Luçon,  lors  du  décès  de  Pierre  Nivelle  (10-15  février  1660).  Coll.  Du- 
gast-Matifeux.  —  Extrait  d'un  inventaire  dresse  par  l'abbé  Dupin, 
aumônier  de  Pierre  Nivelle  après  le  décès  de  ce  prélat  (7  mars  1660). 
Collection  Dugast-Matifeux.  —Renseignements  sur  un  portrait  de 
P.  Nivelle  par  Lebrun  dAlbanne.  Collection  B.  Fillon.  —  Résultat  de 
l'analyse  d'un  denier  d'argent  du  règne  de  Gordien  III,  découvert 
au  Veillon,  en  1856,  par  M.  A.  Bertault.  —  Les  devancières  des 
femmes  de  France.  Procès-verbal  de  la  séance  de  la  Société  popu- 
laire de  Fontenay-le-Peuple  du  13  floréal  an  2.  —  Renseignements 
biographiques  sur  Pierre  et  Abraham  Gasteau,  sieur  du  Vignault, 
maires  de  Fontenay,par  B.  Fillon. — Documents  pour  servir  à  l'His- 
toire de  l'Instruction  publique  en  Yendée,  pendant  la  Révolution, 
par  M.  A.  Bitton.  —  Notes  sur  la  Châtellenie  delà  Gerbaudière,  par 
M.  G.  ToRTAT.  —  Poésies patoises,  par  M.  J.  Gukrin.  —  Les  réquisi- 
tions de  l'armée  catholique  et  royale  dans  la  paroisse  du  Poiré-sur- 
Vie,  publiées  par  M.  E.  Louis  et  A.  Rouillf:.  —  Nécrologie.  Emile 
Beaussire,  par  M.  Euo.  Louis. 

De  M.  le  marquis  des  Granges  de  Surgères,  de  la  Société  des  Bi- 
bliophiles contemporains:  De  la  possession  du  Livre  (/envers,  1890, 
22  p. 

M.  Gaston  Fraigniaud,  conseiller  de  préfecture  à  la  Roche-sur- 
Yon,  a  publié  dans  la  Revue  illustrée  des  Provinces  de  l'Ouest  (n'  de 
décembre,  pp.  271  à  276)  une  étude  sur  V Ancien  château  de  l'Ile- 
d'Yeu,  avec  figures. 


134  CHRONIQUE    — •   BIBLIOGRAPHIE 

Dans  le  même  recueil  :  Be  l'autre  côté  du  Gois,  par  notre  excellent 
collaborateur  et  ami,  M.    Eugène  Louis. 

Dans  le  Correspondant  du  25  novembre,  pp.  749  à  7G0  :  La  Vendée 
héroïque,  par  M.  de  Lescure. 

Da,nsVEtoilede  la  Vendée,  {n°  dn  19  février  1891):  Messire  Cle- 
menceau de  la  Clêmencière,  grand  chantre  en  dignité  du  chapitre  de 
Luçon  au  XVI«  siècle,  par  M.  A.  Pontdevie.  (Reprod.  d'un  article 
publié  en  1880  dans  la  Semaine  Catholique  de  Luçon). 

Du  môme  journal  (n"  du  8  mars  1891)  :  Souvenirs  Vendéens.  Une 
Jeanne  d'Arc  Vendéenne  ou  Renée  Bordereau  dite  Langevin,  par 
l'abbé  II.  Boulin. 

Sous  cette  même  rubrique  Souvenirs  Vendéens,  Y  Etoile  d\i  12  mars 
1891  a  reproduit  un  chapitre  de  la  conférence  de  M.  René  Vallette  : 
«  La  Fenime  en  Bas-Poitou  ». 

Il  vient  de  paraître,  chez  l'éditeur  de  musique  Emile  Chatot  (rue 
des  Petits-Champs,  P.aris),  une  délicieuse  romance  de  M.  Arthur  de 
la  Voûte  :  Libellules,. SUT  des  paroles  de  Noél  Bazan.  C'est  là  un  petit 
chef-d'œuvre  de  mélodie  et  de  simplicité.  Toutes  nos  lectrices  mu- 
siciennes voudront  avoir  Libellules  sur  leurs  pianos. 

Dans  le.  Publicateur  de  la  Vendée  (n"  du  9  janvier  1891)  : 

Un  Épisode  des  guerres  de  la  Vendée,  ili"^  Sophie  de  Sapinaud  et 

M"*  Robert  de  Lézardière. 
Dans  le  même  journal  (n°  du  II  janvier)  :  Deux  Cygnes  blancs  tirés 

sur  l'étang  du  Blanc,  poésie  de  M.  le  docteur  Bourgeois,  député. 

Pour  paraître  prochainement  la  Chronique  de  VÉlevage  hippique 
de  la  circonscription  do  la  Roche-sur- Yon,  par  M.  Louis  Hamon 
auteur  du  Slood-Book  Vendéen.  (La  Roche-sur-Yon,  prix  :  3  fr.  75). 

Dans  le  Libéral  delà  Vendée  (n'Ww  22  février  1891)  :  Recherches 
HISTORIQUES  SUR  LA  VENDÉE  [.de  M.  A.  ^Mion \,  Récit  de  l'élection  de 
Rodrigue,  curé  de  Fougère,  aux  fonctions  d'évéque  constitutionnel  de 
la  Vendée  par  Gh  Goupilleau,  président  de  l'Assetnbiée  électorale. 
(Orig.  collection  Dugast-Matifeux). 

De  M.  Paul  Guillerot  :  La  situation  hippique  en  Vendée. 
(La  Roche-sur-Yon.  Yvonnet  ]8d\,  14  p.  in-12). 

Aux  Propriétaires,  éleveurs  et  Sportmen  du  département  de  la 
Vendée  —  tel  est  le  titre  d'un  intéressant  opuscule  récemment 
publié  par  M.  le  comte  de  Bresson,  chez  M.  Gouraud,  libraire- 
éditeur,  Fontenay-le-Comte. 


CHRONIQUE    —   BIBLIOGRAPHIE  135 

De  M.  André  Joubert  :  Documents  inédits  pour  servir  à  Vhistoire 
de  Vile  de  Noirmoutier  sous  Louis  XIV  (Vannes,  impr.  Lafolye,  in-8* 
de  11  pp.)- 

De  M.  Lebedel,  inspecteur  de  l'enseignement  primaire  :  Quelques 
notes  historiques  sur  le  département  de  la  Vendée  (in-12  31  p.  Leguy 
imp.  Colin). 

Le  l"^""  fascicule  de  la  Revue  des  sciences  naturelles  de  VOuest,  dont 
nous  avons  précédemment  annoncé  la  fondation,  vient  de  paraître, 
(broch.  in-8°,  90  p.  Tours,  Bousrez). 

Nous  n'avons  que  des  éloges  à  en  faire,  et  dans  le  nombre  des 
r  savants  articles  qui  le  composent  nous  signalerons  notamment  les 
suivants  :  Les  Provinces  de  VOuest  à  V Académie  des  Sciences  de  Paris 
par  Marcel  Baudouin  ;  Histoire  des  sciences  :  Une  lettre  de  Brou- 
gniart  :  d'Orbigny,  par  A.  Odin  ;  Etat  de  VostréicuUure  en  Bretagne 
et  en  Vendée,  par  Bouclion-Brandely. 

Ajoutons  que  nos  distingués  compatriotes  MM.  Odin  et  Baudouin, 
font  partie  du  Comité  de  rédaction  de  la  nouvelle  Revue. 

Signalons  aussi  l'apparition  d'un  nouveau  journal  quotidien 
régional,  Le  Nouvelliste  de  VOuest.  Son  premier  numéro  est  daté 
du  16  mars  1891. 

Voici  les  sommaires  des  Chroniques  de  Bas-Poitou  que  nous 
avons  fait  paraître  dans  le  Publicateur  de  la  Vendée  depuis  notre 
dernier  numéro  : 

I.  L'histoire  d'une  Caserne.  —  Le  Quartier  Belliard.  —  Revue  de 
cavalerie.  —  Dumouriez  et  les  jolies  Fontenaisiennes.  —  Rompez 
les  rangs  ! 

(,15  janvier  1891). 

II.  Le  21  janvier  1793.  —  Une  page  des  Mémoires  inédits  de 
Mercier  du  Rocher.  —  Le  Supplice  du  Roi  raconté  par  Santerre 
—  Profil  de  Vauteur. 

(21  janvier  1891). 

III.  Les  Misères  de  Vhiver.  —  Pour  les  pauvres,  sHl  vous  plait.  — 
Une  Loterie  à  Challans  au  siècle  dernier.  —  La  Promenade  du  Roy- 
bœuf  sous  Vancien  régime.  —  Les  faux-monnayeurs  et  la  Cacau- 
dière. 

(29  janvier  1891), 

IV.  Héroïnes  vendéennes. 

(12  février  1891). 


136  CHRONIQUE    —    BIBLIOGRAPHIE 

V.  A  propos  d'un  concert  militaire.  —  Le  93^  de  ligne  pendant 
la  campagne  de  France.  —  LOdysiée  de  son  Drapeau.  — Les  Der- 
nières cartouches  de  Saint-Privat.  —  Fidèle  à  sa  devise. 

(15  mars  1891). 

Au  moment  de  mettre  sous  presse,  nous  recevons  l'Histoire  de 
l'Abbaye  royale  de  Saint-Michel-en-V Herm,  de  notre  très  distingué 
collaborateur,  M.  L.  Brochet,  (Baud  ,  Fontenay  ,  grand  in-S")  , 
Nous  donnerons  ultérieurement  une  plus  complète  analyse  de  cette 
remarquable  étude  dont  nous  ne  pouvons  aujourd'hui  que  signaler 
l'apparition. 

R.    UE  TniVERCAY. 


Le  Directeur-Gérant  :  R.    VALLETTE. 


Vannes.  —  Imprimerie  LAFOLYK. 


I 


LE  PEINTRE  LANSYER 

ET  SON  ŒUVRE 


ESQUISSE  BIOGRAPHIQUE 


EN  face  de  la  charmante  image  que  notre  éminent  com- 
patriote, Emmanuel  Lansyer,  a  bien  voulu  tracer  de 
lui-même  pour  la  Revue  du  Bas-Poitou,  nous  avions  eu 
l'espoir  d'imprimer  quelques  pages  magistrales  du  distingué 
critique  auquel  nous  sommes  déjà  redevable  de  notices 
remarquées  sur  Paul  Baudry  et  sur  M.  0.  do  Rochebrune. 

La  maladie,  qui,  depuis  de  longs  mois,  a  immobilisé  la 
plume  si  merveilleusement  inspirée  de  notre  collaborateur 
et  ami,  A.  Bonnin,  en  a  d3cidé  autrement.  Nous  nous  borne- 
rons donc  à  tracer  aujourd'hui  une  rapide  esquisse  biogra- 
phique du  maître,  dont  le  dernier  Salon  a  consacré  une  nou- 
velle fois  l'immense  talent. 

Emmanuel  Lansyer  est  d'origine  vendéenne. 

C'est,  en  effet,  à  l'île  de  Bouin  qu'il  est  né,  —  au  milieu  des 
ajoncs  d'or  et  doucement  bercé  par  la  chanson  des  vagues. 
Adiré  vrai,  il  quitta  de  bonne  heure  le  pays  natal  ;  mais^ 
comme  il  me  l'écrivait  un  jour,  le  souvenir  des  genêts  en 
fleurs  et  des  marais  salants  a  laissé  dans  son  cœur  une 
inelfaçable  tendresse  pour  la  terre  vendéenne. 

ToMK  IV.  —  Avril,  Mai,  Juin  1891.  10 


138  '-»i    l'EINTRE    LANSVEll 

11  avait  à  peine  truis  ans.  quand    il   suivit  sa  lamille  à    '  ' 
Pontleroy,  où   son  père   venait  'i'être  nomme  médecin  du 
collc'ge  (1838). 

De  18i3à  18'i7,  nous  le  Irouvons  sur  les  bancs  du  petit col- 
l^ge  dcMachecoul,  puis  il  entre  nu  lycée  de  Nantes,  où  ilresli; 
de  18i8  à  1852.  Dès  le  lycée,  il  eut  le  désir  d'être  peintre, 
mais  ne  put  venir  à  bout  de  lopposition  de  son  père  qui, 
après  avoir  voulu  en  faire  un  percepteur  ou  un  notaire,  fi- 
nit par  lui  permettre,  comme  pis  aller,  d'étudier  l'archilec- 
ture.  D'abord  dessinateur  chez  un  de  ses  parents,  M.  Dau- 
vergne,  arctiitecte  du  département  de  l'Indre;,  il  put  enfin 
venir  à  Paris  en  1857.  Il  entra  à  l'atelier  de  Viollet-le-Duc 
qui  venait  de  s'ouvrir,  mais  là,  son  goût  pour  le  dessin  et  la 
peinture  s'accentuant  de  plus  en  plus,  il  jeta,  en  1861,  le  tire- 
lignes  aux  orties.  Il  reçut  de  Lamottie,  élève  de  Ingres  et  de 
H.  Flandrin,  d'excellents  conseils  en  ce  qui  louche  le  dessin. 
Il  traversa  ensuite  rapidement  les  ateliers  de  Glaize,  de  Cour- 
l)etet  de  Harpignies.  C'est  chez  ce  dernier,  qu'après  avoir  eu 
un  dessin  au  fusain  reçu  au  Salon  de  1861,  il  exécuta,  pour  le 
Salon  de  1863  le  tableau  intitulé  :  Un  Poste  au  bordée  la  mer. 
Mais  malgré  les  conseils  de  son  excellent  maître  et  ami, 
le  tableau  fut  refusé.  Ce  fut  un  bien,  parce  que,  cette  même 
année  1863,  Newkerke  ouvrit  l'exposition  des  Refusés  où  le 
Poste  eut  la  chance  d'être  vu  et  élogieusement  apprécié  par 
la  Critique,  à  la  grande  joie  du  débutant  qui  voyait  son  nom 
imprimé  pour  la  première  fois. 

En  1864,  deux  tableaux  Pins  7naritimes,  passèrent  très  ina- 
perçus au  Salon.  Seul,  Théophile  Gauthier  leur  consacra 
quelques  mots. 

L'année  suivante,  Lansyer  fui  mieux  traité  et  reçut  une 
médaille  pour  :  Une  Lisière  de  bois  à  Douarnenez  —  et  pour 
les  Bords  de  VEUée  au  Faoïiët.  Il  en  reçut  une  autre  aux 
Salons  de  1869  et  de  1873,  et  fut  décoré  de  la  Légion  d'honneur 
en  1881. 

Il  a  également  trouvé  dans  les  suffrages  de  ses  collègues 


ET    SON    OEUVRE  139 

une  nouvelle  et  tïtitteuse  consécration  de  son  remarquable 
talent.  C'est  ainsi  que,  de  1881  à  1801,  Lansyer  a  tous  les  ans 
été  réélu  membre  du  jury  de  peinture  aux  Salons  de  Paris, 
et  toujours  maintenu  membre  du  Comité  de  la  Société  des 
Artistes  Français.  Au.k  termes  du  nouveau  règlement,  il 
reste  membre  du  «  grand  jury»,  sur  lequel  chaque  année, 
le  jury  de  20  membres  doit  être  tiré  au  sort. 

De  1864  à  1891,  Lansyer  a  exposé  à  tous  les  Salons.  Trois 
de  ses  tableaux  :  Le  Château  de  Pierre  fonds,  la  Lande  de 
Kerlouarneck,  le  Pavillon  de  miisiqne  du  petit  Trianon, 
appartiennent  au  musée  du  Luxembourg,  et  une  de  ses  der- 
nières toiles,  le  Port  de  Menton,  si  justement  remarquée  au 
Salon  de  1891,  vient  de  lui  être  achetée  par  l'Etat.  Les  mu- 
sées de  La  Roche-sur- Yon,  Lille,  Nantes,  Angers,  Tours, 
Rennes,  Quimper,  Alençon_,  Dunkerque,  Auxerre,  Carcas- 
sonne,  Compiègne,  Castres,  en  France  ;  Boston  (Etats-Unis), 
Sidney  (Australie)  possèdent  également  des  œuvres  de  lui. 

Lansyer  a  exécuté  en  outre  des  décorations  au  Palais  de 
la  Légion  d'honneur  et  à  la  Cour  de  Cassation.  La  manu- 
facture des  Gobelins  a  de  même  fait,  d'après  un  de  ses  mo- 
dèles, une  très  jolie  verdure  destinée  au  palais  du  Sénat.  Les 
études  de  fleurs  et  de  feuillages  que  motiva  ce  modèle  ap- 
partiennent à  V Ecole  nationale  des  Arts  Décoratifs  et  sont 
exposées  au  Musée  des  Arts  décoratifs. 

La  ville  de  Paris  possède  aussi  de  lui  un  nombre  impor- 
tant de  vues  de  la  capitale  qui,  ayant  figuré  en  1889  à  l'Ex- 
position universelle,  sont  destinées  à  prendre  place  dans 
les  collections  historiques  du  musée  Carnavalet.  De  lui 
sont  encore  les  dessins  qui  illustrent  le  livre  publié  par  le 
bureau  des  travaux  historiques  de  la  ville  de  Paris  sur  les 
«  Inscriptions  parisiennes.  »  Ces  dessins  représentent  des 
maisons  ou  monuments  habités  par  des  personnages  illustres 
de  la  cité. 

Cette  esquisse,  bien  que  rapide,  permet  de  juger  de  l'im- 
portance de  l'œuvre  du  maître  Vendéen.  On  peut  la  diviser 


140  LE   PEINTRK    LANSYER  ET   SON    OEUVRE 

en  trois  genres  principaux  :  1»  le  paysage  pur  ;  2»  le  paysage 
maritime  et  les  marines;  3»  le  paysage  d'architecture  :  vues 
de  villes,  châteaux,  etc.  En  ce  dernier  genre  ses  principales 
œuvres  ont  eu  pour  sujets  :  Pierrefonds,  le  Mont  Saint-Mi- 
chel, le  château  de  Ménars,  près  Hlois,  le  château  de  Ghe- 
nonceaux,  le  château  de  Saint-Loup  (Deux-Sèvres),  de  Loches 
(Indre-et-Loire),  la  ville  et  le  château  de  Glisson,  etc.  A  Paris  : 
La  cour  d'honneur  de  la  Sorbonne  (au  palais  de  la  Sorbonnej, 
les  ruines  de  la  Cour  des  comptes,  le  palais  Mazarin,  le  palais 
de  la  Légion  d'honneur,,  la  Cour  du  mai  au  Palais,  et  de 
nombreuses  vues  des  vieilles  rues  démolies.  Il  exécute  à 
l'heure  présente  une  vue  de  la  place  de  la  Concorde  pour  le 
salon  des  Lettres  de  l'Hôtel  de  ville.  Cette  œuvre  —  il  n^en 
faut  pas  douter  —  sera  en  tous  points  digne  de  ses  devan- 
cières. Lansyer  a  peint  avec  un  égal  succès  quelques  por- 
traits et  fait  un  certain  nombre  de  fort  jolies  aquarelles. 

Non  content  d'être  un  artiste  au  talent  puissant  et  juste- 
ment admiré  de  tous,  Emmanuel  Lansyer  s'est  aussi  maintes 
fois  révélé  à  un  public  plus  privilégié,  comme  un  lettré  dé- 
licat et  un  rimeur  habile.  C'est  qu'en  effet,  celui  qui  a  su  si 
magistralement  brosser  tant  de  belles  toiles, 

Possède  un  gentil  brin  de  plume 
A  son  crayon. 

Les  pages  exquises  que  nous  avons  la  bonne  fortune 
d'offrir  à  nos  lecteurs  ne  sont  point  pour  nous  démentir. 

René  Vallette. 


DE     PARIS     A     MENTON 


NOTES  DE  VOYAGE 


Paris  29  mai,  Bourbon  30  mai  ISiil. 

Cher  Monsieur  Vallette, 

Vous  voulez  que  je  vous  raconte  la  genèse  —  quel  grand 
mot  pour  d'aussi   modestes  choses    —  de    mes  doux 
petits  derniers  du  Salon  de  91  ?  A  quoi  vous   exposez- 
vous  !  Tenez,  je  remonte  au  Déluge  : 

Il  a  tant  plu 

Qu'on  ne  sait  plus 

Dans  quel  mois  il   a  le  plus  plu  ! 

Ni  moi  non  plus  -, 

Mais  au  surplus. 

S'il  eut  moins  plu  ^ 

Ça  m'eût  plus  plu  ! 

Ainsi  chantait  la  commère  d'une  petite  revue  de  Bobino 
en  1861.  Trente  ans  plus  tard,  novembre  91,  il  pleut  toujours  ! 
—  <<  Il  pleure  dans  mon  cœur  comme  il  pleut  sur  la  ville  », 
dirais-je  comme  Verlaine,  si  j'étais  symboliste  et  élégiaque. 
Mais  ce  n'est  pas  sur  mon  cœur  qu'il  pleut,  c'est  sur  la  cica- 
trice que  m'a  laissée  au  côté  l'impeccable  bistouri  du  grand 
chirurgien  Peyrot^  et  l'excellent  homme  que  je  viens  re- 
mercier de  m'avoir  sauvé  la  vie,  me  conseille,  pour  parfaire 
la  cure  si  bien  commencée  par  lui,  de  m'en  aller  au  pays  du 
soleil.  C'est  dit.  Trois  mille  kilomètres  inscrits  sur  mon 
billet  circulaire,  et  en  route  pour  Menton,  par  le  chemin  des 
écoliers. 

Première  étape,  Thiers.  Ce  n'est  pas  qu'il  pleuve^,  mais 
tous  les  couteaux  qui  s'y  fabriquent  no  parviendraient  pas  à 
couper  le  brouillard  enveloppant  la  ville  et  ses  alentours.  Au 
coin  d'une  rue  sombre,  un  pauvre  cochon  qu'oii  égorge  et  qui 


142  LE  PEINTRE   LANSYËR 

défend  son  lard.  Deux  affreux  petits  fouchtras  troitvent  ra 
très  drôle,  et  s'égosillent  à  imiter  les  cris  du  pauvre  mori- 
bond. Voilà  tout  ce  que  j'ai  vu  à  ïhiers,  d'où  le  brouillard  me 
conduit  jusqu'à  Clermont-Ferrand.  Ici  le  nuage  se  dissii^e, 
mais  je  suis  tombé  en  pleine  toire.  Partout  des  femmes 
colosses,  des  zim-zim,  des  turlulutus  et  des  boum  boum! 
Aussi,  bien  vite  en  wagon  pour  Nîmes.  Et  je  roule  tout  un 
jour  au  milieu  d'un  incessant  caléidoscope  de  hautes  mon- 
tagnes, d'eaux  courantes,  de  tunnels,  de  viaducs,  de  vieux 
villages  et  de  tours  en  ruines  accrochés  à  des  rochers  gran- 
dioses.—Séjour  à  Nîmes  ;  études  d'après  le  temple  de  Diane, 
les  Arènes.  Charmante  ville,  avec  les  ruines  que  je  viens  de 
nommer,  la  Maison  carrée,  la  Fontaine  rappelant,  avec  ses 
escaliers,  ses  balustrades,  ses  grands  pins,  derrière  lesquels 
s'élève  la  tour  Magne,  les  villas  romaines  dont  Fragonard 
nous  a  laissé  de  si  pittoresques  dessins.  Un  jour  au  pont  du 
Gard,  dans  un  paysage  superbe,  gardant,  avec  ses  arbres 
déracinés,  la  trace  des  dernières  inondations  qui  ont  ravagé 
les  bords  du  Gard.  —  Aigues-Mortes,  bien  curieux  vestiges 
de  donjon  et  de  remparts  bâtis  par  Saint-Louis  et  Philippe  le 
Hardi,  mais  pâture  d'architecte  et  d'archéologue  plutôt  que 
de  peintre.  Arles,  inextricable  labyrinthe  de  rues  tortueuses 
et  mal  pavées,  où  l'on  trouve  à  chaque  pas  de  précieux  res- 
tes de  monuments  et  d'habitations  racontant  les  splendeurs 
et  les  prospérités  de  l'antique  ville,  depuis  les  Romains 
jusqu'à  la  lin  du  siècle  dernier;  où  l'Artésienne  qui  passe, 
d'un  pas  rythmique  et  élégamment  cadencé,  nous  montre, 
encore  intacte,  l'idéale  beauté  des  types  san-asin,  i-omain  et 
grec  ;  où  telle  place  a  gardé  la  physionomie  des  places  que 
Pannini  peignait  à  Rome  vers  1750.  —  Marseille,  dont  le  vieux 
port,  plein  de  grands  voiliers  et  de  petites  barques,  rappelle 
encore  çà  et  là,  par  les  constructions  qui  l'entourent,  la 
vue  que  nous  en  a  laissée,  au  Louvre,  Joseph  Vernet,  le 
peintre  des  ports  de  France.  — Toulon,  ne  sentant  pas  plus 
la  bergamote  qu'au  temps  où  le  président  de   Brosses  y  ad- 


DE    PARIS    A-  MENTON  U3 

mirait  les  superbes  «  vaisseaux  du  Roy  »,  remplacés  aujour- 
d'hui par  rintorme  et  camarde  siliiouette  des  cuirassés 
aussi-laids  à  voir  de  près  que  de  loin, et  dont  les  marins  disent 
que  ces  chefs-d'œuvre  de  mécanique  subtile  et  précise 
seraient  bientôt  détraqués  au  moindre  usage  de  guerre. 
Hélas  !  Puissions-nous  n'avoir  pas  à  en  faire  la  redoutable  ex- 
périence. Jadmire  en  passant  les  cariatides  du  Puget, 
soutenant  le  balcon  de  l'hôtel  de  ville.  Mais  voici  la  neige  et  le 
mistral  glacé.  Vite  allons-nous-en.  Je  traverse  sans  arrêt, 
Hyùres,  Bormes,  Lavandou,  Saint-Tropez,  Saint-Raphaël.  Il 
pleut  à  torrents,  il  fait  un  vent  du  diable,  et  c'est  dans  un 
cyclone  que  j'arrive  à  Menton,  le  1''  décembre. 

Menton?  C'est  là  Menton?  Oii  sont  donc  les  grands  bois 
d'oliviers,  de  citronniers  et  d'orangers  oii,  il  y  a  vingt  ans, 
dans  la  citerne  aux  calmes  eaux  bleues,  la  Mentonnaise, 
coiffée  comme  une  figurine  de  Tanagra,  du  chapeau  de  paille 
en  forme  de  cône  aplati,  venait  remplir  sa  cruche  émaillée 
de  vert?  Oi^i  sont  les  tranquilles  villas  bâties  à  la  vieille  mode 
italienne  si  simple,  et  s'harmonisant  si  bien  avec  la  nature 
méditerranéenne?  De  toutes  ces  choses  d'autrefois,  je  ne 
trouve  plus  autour  de  moi,  que  de  rares  et  informes  ves- 
tiges. Sauf  sur  quelques  sommets,  presque  partout  les  bois 
sont  tombés,  laissant  la  place  aux  chalets  grotesques,  aux 
vulgaires  villas  où,  sur  les  toits,  hurle  de  loin,  le  rouge 
aveuglant  des  tuiles  de  Montchatiin,  brodées  de  lamentables 
épis  et  crêtes  enterre  cuite  d'uTi  rougo  non  moins  féroce. 
Cet  amas  de  bâtisses  réalise  le  rêve  également  prétentieux  et 
banal  de  la  villégiature  française  et  cosmopolite,  et  l'épicier 
enrichi,  le  roi  en  exil,  le  parvenu  des  nouvelles  couches,  le 
noble  de  plus  ou  moins  vieille  souche  y  rivalisent,  à  de  bien 
rares  exceptions  près,  du  plus  déplorable  goût.  Puis  ce 
sont  d'énormes  et  démesurées  casernes,  aux  ambitieuses 
appellations,  escaladant,  au  travers  des  villas,  depuis  la  mer, 
les  pentes  inférieures  de  la  montagne,  et,  à  grands  renforts 
d'écriteaux  gigantesques,  d'alléchantes  affiches,  de  chasseurs 


144  LE    PEINTRE    LANSYER 

à  casquettes  gallonnées,  d'omnibus  monstres  à  tous  les  trains, 
se  disputant  les  rastaquouères  de  toutes  races.  La  race  la 
plus  pullulante,  c'est-  l'Anglais.  Il  est  ici  chez  lui.  Des  so- 
ciétés britanniques  ou  américaines  lui  ont  acheté  tout  le 
pays  en  bloc,  pour  le  lui  revendre  ou  le  lui  louer  en  détail, 
bien  nettoyé  des  oliviers  séculaires,  millénaires  même,  dont 
les  ramures  vénérables  évoquant  les  antiques  bois  sacrés 
sont  remplacées  par  le  feuillage  en  zinc  des  arbustes  et  des 
plantes  exotiques. 

Aoh!  l'Anglais,  avec  sa  langue  de  cacatoès,  comme  dit 
Caliban  du  Figaro,  sa  casquette  de  palefrenier,  son  veston  à 
carreau,  ses  longs  souliers  pointus,  l'Anglais  semble  avoir 
apporté,  sous  sa  plate  semelle,  sa  fuligineuse  patrie,  et 
lorsque  le  soleil,  comme  il  arrive  trop  souvent  en  ce  début 
de  l'hiver,  s'enveloppe  de  nuages,  c'est  à  croire  que  le  fils 
d'Albion  a  fait  venir  avec  lui  le  ciel  de  Londres. 

«  No  thorough  fare  »  On  ne  passe  pas  ici,  écrit-il  à  chaque 
carrefour,  et  si,  vous  Français,  vous  tentez  de  violer  cette 
agaçante  consigne,  un  garde  de  X...  and  C»  limited,  vous 
expulse  bel  et  bien  :  No  thorough  !  no  thorough  fare  ! 

Eli!  quoi,  c'est  là  Menton,  et  vous  êtes  resté  dans 
cette  galère,  allez-vous  me  dire?  Eh  oui,  j'y  suis  resté. 
Peu  à  peu,  un  jour  de  ci,  un  jour  de  là,  je  découvrais  de 
belles,  très  belles  choses,  que  mes  déconvenues  de  l'ar- 
rivée m'avaient  empêché  de  voir.  C'était  d'abord,  dans 
la  vieille  ville,  ayant  gardé,  au  milieu  de  l'envahissant  van- 
dalisme des  modernités,  beaucoup  de  son  caractère  d'an- 
cienne cité  italienne.  Puis,  en  allant  loin  de  la  ville  nouvelle, 
je  retrouvais,  là  oii  la  hache  et  la  truelle  n'avaient  pas  encore 
achevé  leur  œuvre  de  destruction,  les  antiques  oliviers 
dont  les  majestueux  troncs  s'enchevêtrent  avec  les  treilles 
grimpantes,  les  branches  tourmentées  des  figuiers,  et  mêlent 
le  gris  argenté  de  leur  feuillage  grêle  au  vert  vif  des  oran- 
gers et  des  citronniers  pailletés  de  l'or  rouge  ou  pâle  de 
leurs  fruits.  Et  j'allais  ainsi  de  Roquebrune  à  Gastellar,  en 


DE   PARIS   A    MENTON  145 

France,  de  Grimaldi  à  Vintimille,  en  Italie,  là,  tout  près,  non 
sans  avoir  à  subir  parfois  les  crispantes  et  crispiniennes 
tracasseries  des  douaniers  italiens  de  la  frontière.  Et,  plus 
d'une  fois,  de  décembre  à  mars,  j'ai  déjeuné  sous  la  tonnelle 
et  les  oliviers  de  l'auberge  Garibaldi,  en  territoire  italien. 
Modeste  et  maigre  chère,  mais  un  petit  vi7io  da  paese  assez 
potable,  et  un  gai  Asti  spumante  ;  mais,  surtout,  une  vue 
délicieuse  s'étendant,  par  dessus  le  vieux  Menton  et  son 
port,  jusqu'à  la  montagne  qui  domine  Monaco,  la  Tête  de 
Chien,  dont  la  ligne  est  admirable,  et  dont  le  bleu  et  le  violet 
tendre  se  glacent  de  rose  et  d'or  sous  le  radieux  soleil. 

Voilà  qui  me  dédommageait  du  noir  que  je  broyais  quel- 
quefois pendant  les  trop  nombreux  jours  sombres  où  je 
voyais,  de  ma  chambre,  la  bleue  Méditerranée  prendre,  sous 
les  ciels  bas,  des  tonalités  ternes  et  blafardes.  Le  plus  lourd 
ennui  ne  me  venait  pas  de  là  :  il  me  tombait  sur  les  épaules, 
il  m'étreignait  la  cervelle  à  la  table  d'hôte  de  mon  hôtel,  une 
de  ces  grandes  vilaines  casernes  susnommées.  Trois  mois 
durant,  à  l'un  des  bouts  de  la  longue  table,  je  me  suis  assis 
au  milieu  des  mêmes  Anglais  et  Anglaises,  n'ayant  pour  pers- 
pective que  des  Anglaises  et  des  Anglais  encore,  panachés 
de  Roumaines  et  d'Indiens,  d^Américains  et  d'Allemands 
avec  — rari  nantes  in  gurgite  vasto,  — trois  ou  quatre  Français 
noyés  au  milieu  de  cette  légion  rastaquouère.  Que  n'étais-je 
Daumier,  devant  toutes  ces  laideurs  et  ces  grimacesi  nterna- 
tionales  ;  Seul,  un  charmant  petit  visage  de  fillette  Parisienne 
eût  trouvé  grâce  devant  mon  crayon  impitoyable.  ! 

Mais  laissons  là  tons  ces  grotesques.  Le  ciel  s'est  éclairci, 
et  me  voici  debout  avant  l'aube.  En  bas,  devant  la  grille  de 
Thôtel,  m'attend  un  petit  âne  bon  enfant,  je  lui  arrime  mon 
bagage  sur  léchine  et  il  chemine,  conduit  par  une  vieille 
mentonnaise  qui  me  sert  de  guide  au  travers  du  pays.  Un 
peu  vif  parfois,  l'air  matinal,  mais  qu'est-ce  que  cela  auprès 
des  froids  sibériens  que  signalent  tous  les  journaux,  et  dont 
tous  nos  amis,  restés  à  Paris,  se  plaignent  dans  leurs  lettres, 


14l5  UK    PARIS    A    MENTON 

I 

enviant  mon  sort;  et,  arrivé  à  l'endroit  du  «  motif,  »  j'endosse 
une  épaisse  pelisse,  j'entortille  mes  jambes  d'une  couverture 
de  voyage  et  je  reste  là  trois  heures,  assis  à  travailler.  Pé- 
nibles, mes  premières  études.  Je  viens  d'être  malade  toute 
une  année,  mon  œil  s'est  déshabitué  de  voir,  et  ma  main 
n'est  plus  l'instrument  docile  qu'il  faut  au  peintre  pour 
exprimer  ce  qu'il  voit  et  ce  qu'il  sent.  Puis  je  me  trouve  tout 
d'un  coup  transporté  devant  une  nature  si  différente  de  notre 
nord,  que  ma  difficulté  à  peindre  s'en  augmente.  A  cela 
viennent  s'ajouter,  les  deu.K  premiers  mois,  de  l'réquentes 
variations  de  température.  Non  qu'il  fasse  jamais  bien  froid, 
mais  souvent  le  temps  reste  couvert,  et  le  midi  sans  soleil 
n'a  plus  ni  forme,  ni  couleur.  Au  contraire,  quels  éclats  sous 
la  pleine  lumière,  ((délies  transparences  et  quelles  finesses 
d'atmosphère!  Peu  à  peu  je  m'accoutume  à  cette  couleur 
nouvelle  et,  laissant  de  côté  mes  premiers  essais  mal  venus, 
je  me  mets  à  attaquer  le  ton  avec  plus  de  franchise  et  de 
décision.  Un  mois  de  février  superbe  achève  de  me  mettre 
entrain  et  me  permet  de  terminer;,  entre  autres  études,  les 
deux  vues  :  Port  de  Menton  et  Quai  Bonaparte  que  j'envoie  au 
Salon.  Je  travaille  à  l'un  sur  la  jetée,  à  l'autre  sur  un  trottoir 
étroit  et,  comme  toujours  en  pareille  situation,  il  faut  m'abs- 
traire  complètement  des  curieux  et  des  badauds  faisant 
cercle,  et  ne  répondre  que  par  des  oui  et  des  non,  à  dessein 
cassants,  aux  plus  indiscrets  et  aux  plus  raseurs.  On  se  fait 
à  cela  du  reste,  on  finit  par  ne  plus  voir  que  son  motif  et  sa 
toile,  mais  parfois  on  ne  peut  s'empêcher  pourtant  de  saisir 
au  vol  des  remarques  d'une  prétention  et  d'une  ineptie  iné- 
narrables. 

(juelqu;jfois,  par  les  jours  gris,  j'allais  à  la  recherche  et  à 
la  découverte  des  motifs,  si  nombreux  par  endroits  dans 
cette  ail:nirable  région.  C'est  un  des  plaisirs  du  peintre  que 
cette  cil  /ssc  uii  d'un  clin  d'œil,  par  la  pensée,  il  voit  le  tableau 
luit;  mais  que  de  distance,  presque  toujours,  entre  cette 
cho<(<  rôvéeet  sa  réalisation  ! 


DE    PARIS    A    MENTON  147 

Parlerai-je  da  «  Café  de  Paris  »  ainsi  nommé  parce  qu'il 
est  tenu  par  un  Italien  et  que  les  feuilles  allemandes  et  an- 
glaises y  noient  les  journaux  français?  J'avais  le  plaisir  d'y 
rencontrer  chaque  jour  le  peintre  monégasque  Florence^, 
lequel  a  traduit  les  plus  beaux  aspects  de  son  pays  en  tant  de 
dessins  charmants  et  d'aquarelles  brillamment  enlevées  avec 
des  dextérités  et  des  éclats  bien  italiens.  Dans  sa  très  cour- 
toise obligeance,  il  avait  toujours  à  m'indiquer  le  chemin  de 
quelque  beauté  pittoresque  loin  des  routes  battues.  Etais-je 
seul,  je  me  livrais  à  la  lecture  des  rares  journaux  français 
disponibles,  car  ce  Tortoni  Mentonnaisest  si  loin  de  Paris,  du 
bouillonnementde  la  grande  chaudière,  queparfois  je  me  sur- 
prenais à  ne  pas  comprendre  l'écho  que  tel  ou  tel  article  m'en 
apportait  ;  et  telle  tartine  d'art  ou  de  littérature,  telle  abra- 
cadabrante doctrine  du  modernisme  à  outrance  me  plongeait 
dans  de  véritables  ahurissements.  Je  n'étais  plus  au  point 
pour  avaler  sans  trop  de  haut-le-cœur,  par  exemple,  l'indi- 
geste pâtée  d'une  dithyrambique  réclame  à  propos  du  colos- 
sal génie  de  quelque  Tartempion,  proclamé  par  un  chroni- 
queur en  délire  et  crachant  son  encre  à  la  face  des  grands 
artistes  consacrés  par  l'admiration  des  siècles. 

Je  m'y  reprenais  aussi  à  plusieurs  fois  pour  comprendre 
les  multiples  et  hétéroclites  théories  développées  par  «  XEn- 
quète  sur  révolution  littéraire  yt^onveriQ  à  VËcho  de  Paris: 
où  les  interwiewés  se  jetaient  à  la  tête  leur  symbolisme, 
leur  décadentisme,  leur  dilettantisme,  leur  magisme  et  leur 
sadisme!  Que  dirait  Pantagruel,  pensais-je,  en  face  de 
toutes  ces  «  verbocinations  »?C'estpour  le  coup,  s'il  revenait, 
qu'il  s'écrierait:  «Que  diable  da  langaige  est  cecy  I  »  Au 
milieu  de  cette  nature  d'une  si  noble  et  si  harmonique  beauté, 
comment  comprendre  cette  sorte  de  rut  vers  l'outrance  de 
toutes  les  laideurs,  ces  boues  jetées  à  l'œuvre  de  tous  les 
grands  hommes  i>ar  tout  ces  petits  insectes  se  décernant 
chacun  un  brevet  de  génie  à  propos  de  leurs  vers  scalo- 
pendres  et  de  leurs  inintelligibles   proses,  où  ils    se  corn- 


l.'iS  UE   PARIS   A    MENTON 

1 

plaisent  à  «  escorier  la  coticule  de  nostre  vernacule  gai- 
licque  »  pour  emprunter  à  Rabelais  le  langage  de  son  escho* 
lier  limosin. 

Ouf  !  est-ce  que  je  me  serais  emballé?  C'est  bien  vieux 
jeu,  par  ce  grand  vent  de  blague  universelle  qui  souffle. 
Mais  il  faut  me  résignera  être  vieux  jeu  :  je  suis  de  1835. 
J'ai  gardé,  à  mes  cinquante-six  ans,  les  enthousiasmes  et  les 
admirations  de  ma  jeunesse.  —  Bah  !  me  souffle  à  l'oreille 
l'ombre  de  Figaro,  presse-toi  de  rire  de  tout,  de  peur  d'être 
obligé  d'en  pleurer.  Voici,  précisément,  belle  occasion  de 
rire  :  c'est,  comme  me  le  raconte  la  lettre  d'un  ami,  «  ce  ma- 
riage à  la  mairie  religieuse,  avecMarmottan,  curé  municipal, 
Jules  Simon,  évêque  laïque, l 'organiste  Lamoureux,  la  Mar- 
seillaise nuptiale  et  la  cohue  panachée.  »  Il  rit,  mon  ami, 
mais  son  rire  est  jaune,  car  il  continue  :  «  La  réclame  est  par- 
tout, dans  l'art,  la  littérature  et  l'épicerie.  Je  ne  suis  plus  de 
ce  temps  !  je  le  trouve  médiocre  ennuyeux  et  grossier.  Nous 
n'étions  pas  de  cette  force-là,  hein?  Nous  avons  eu  évidem- 
ment tort.  Nous  étions  naïfs  et  honnêtes...  des  jobards,  quoi. 
—  Ces  fumisteriesde  décadentseisymbolistesmedégoûtent.  !  » 

Mais  revenons  au  pays  de  l'Oranger.  Mes  adieux  faits  à 
Menton,  me  voici  à  Villefranche-sur-Mer,  antique  petite  ville 
italienne  restée  très  pittoresque,  mais  pas  pour  longtemps 
désormais,  car  les  carrières  éventrent  déjà  la  montagne  qui 
l'enserre  et  la  surmonte.  Ici  le  rastaquouère  et  l'Anglais  n'ont 
pas  encore  pris  pied,  ils  ne  sont  que  des  oiseaux  de  passage. 
Sur  les  quais  étroits^,  en  famille,  les  pêcheurs  raccommodent 
leurs  filets  brunis  par  le  tan,  et  les  bateliers  vous  invitent 
à  traverser  la  rade,  pour  le  moment  vide  de  ses  habituels 
cuirassés,  lesquels  promènent  leur  informe  chaudronnerie 
vers  je  ne  sais  quelles  escales  méditerranéennes.  Char- 
mante, lapetite  ville  avec  ses  rues  escarpées  aux  maisons  arc- 
boutées  darcades  mitoyennes,  avec  tout  un  lacis  d'escaliers  et 
de  passages  couverts.  Tout  près,  sontBeaulieu  et  Saint-Jean, 
où  je  vais  voisiner  avec  mon  excellent  maître  et  ami.  Henri 


DE    PARIS    MENTON  149 

Harpigiiies  et  me  faire  écorcher  vif  à  ce  fallacieux  gargot 
intitulé  :  .4  la  Renommée  de  la  Bouillabaisse.  Pays  d'écor- 
chement^  à  preuves  encore  la  Retenue  de  Beaulieu,  où  deux 
bons  amis  parisiens  m'ont  un  jour  emmené  faire  un  déjeûner 
excellent,  mais  combien  salé  pour  leur  bourse!  Ici,  comme 
partout,  rtiôtel-caserne  et  la  villa  banale  et  prétentieuse  font 
la  guerre  aux  oliviers,  aux  citronniers,  etc.  Le  peu  qui  reste 
est  à  vendre.  A  vendre  les  idylliques  vergers,  aux  clôtures 
de  rosiers  et  de  géraniums,  tout  diaprés  de  cultures  de  fleurs, 
et,  en  mars,  tout  fleuris  d'arbres  fruitiers  blancs  et  roses, 
autour  de  la  vieille  maison  modeste,  au  toit  en  tuiles  creuses, 
aux  Persiennes  vertes,  et  dont  le  soleil  dore  le  badigeon  rosé 
entre  les  ombres  grêles  et  tremblantes  des  gigantesques 
oliviers.  A  vendre  !  à  vendre  !  —  «  For  Sale  !  For  Sale  !  » 
S'adresser  à  John  Bull  and  C".  —  Combien  d'hôtels  vides, 
cependant,  de  villas  closes  à  louer;  car  l'âme  des  grands  bois 
détruits  se  venge  :  un  krach  s'est  appesanti  sur  toute  cette 
terre  exploitée  jusqu'à  saturation. 

Mais  la  saison  d'hivernage  touche  à  sa  fin  ;  il  est  temps  de 
rentrer  chez  soi.  En  route  donc  pour  Paris.  Brûlons  Nice,  ce 
grand  caravansérail  banal,  ne  restons  à  Cannes,  non  moins 
banale,  que  le  temps  d'y  retrouver  en  dînant,  tout  l'intime  et 
affectueux  accueil  habituel  d'une  famille  parisienne  amie, 
réunie  là  pour  soigner  l'un  des  siens.  Allons  déjeunera 
Grasse,  pour  y  constater  que  la  parfumerie  y  ïdiii  florès,  mais 
qu'il  n'y  a  rien  là  qui  me  retienne,  dans  la  patrie  du  peintre 
exquis,  Fragonard,  dont  on  voit  le  buste  au  jardin  public.  — 
Puis  vite  à  Fréjus  où  m'attend  un  ami  non  moins  amoureux 
que  moi  des  beaux  paysages  et  des  belles  choses  d'art.  Pen- 
dant quelques  jours,  je  vais  avoir  le  plaisir  d'être  guidé  par 
son  choix,  son  goût  très  fin  et  très  épuré.  Nous  admirons 
tout  d'abord  ensemble  les  ruines  romaines,  la  mélancolique 
campagne  de  Fréjus,  et  la  place  où  fut  son  port. 

Ensuite,  nous  voici  à  Marligues;  de  bien  laids  bateaux  sur 
de  calmes  eaux  faisant  miroirs.   Ou  dirait  comme  une  mo- 


150  DE    PARIS    A    MENTON 

deste  petite  Venise  de  pêcheurs.  L'excellent  peintre  Ziem,' 
devant  les  pauvres  maisons  ((ui  s'effritent,  y  vient  se  ressou- 
venir des  palais  vénitiens.  Près  de  là  sont  les  ruines  encore 
imposantes  du  château  de  Fos,  au  bord  d'un  marais  aux 
jonchères  couchées  bas  par  le  mistral.  Dans  les  collines  ro- 
cheuses de  l'Estaque,  il  souffle  aussi,  l'enragé  mistral,  mais 
nous  nous  abritons  derrière  des  roches  et  la  tour  d'un 
moulin  abandonné  pour  y  faire  notre  étude,  coupée  par  un 
joyeux  et  frugal  déjeûner  d'olives  et  d'œufs  durs,  au 
milieu  des  ajoncs  tout  en  lleurs  qui  me  grisent  en  évoquant 
pour  moi  le  parfumé  souvenir  des  écoles  buissonnières  où, 
dans  les  laudes  vendéennes  de  Machecoul,  j'allais  lire,  à 
douze  ans,  Paul  et  Virginie,  par  quelque  belle  journée  prin- 
tanière,  pleine  de  bourdonnements  d'abeilles  et  de  vols  de 
papillons.  —  Nous  avons  traversé  ,  toujours  courant ,  la 
vieille  ville  parlementaire  d'Aix,  autrefois  rivale  de  Dijon, 
et  remplie  encore,  comme  elle,  de  vieux  hôtels  artistocra- 
tiques  et  de  monuments  très  remarquables,  puis  après  un 
déjeûner  à  Perthuis,  au  milieu  des  maquignons  en  blouse 
bleue,  bouffis  et  suants,  mangeant  de  leurs  gros  doigts  sales 
et  boudinés,  nous  partons  à  pied  pour  laTour-d'Aigues,  pour- 
suivis par  le  mistral  au  travers  d'une  plaine  aux  très  banales 
cultures.  Que  c'est  loin,  la  tour  d'Aiguës  1  Et  voici  que  nous 
avons  peur  de  ne  trouver,  au  bout  de  notre  fatigante  marche, 
qu'une  chose  insignifiante.  Vaine  crainte,  heureusement.  Les 
voici  enfin,  les  ruines  de  la  Tour-d'Aigues,  le  château  des 
barons  de  Cental,  bâti  au  XVI*  siècle  dans  un  admirable 
style  et  ([ui  porte  comme  l'empreinte,  surtout  dans  sa  porte 
d'entrée  en  forme  d'arc  triomphal,  des  constructions  ro- 
maines, éparses  dans  la  région.  Hélas  !  cette  merveille  sert 
de  carrière,  et  les  fines  sculptures  que  l'incendie  du  siècle 
dernier  et  le  pillage  de  1702  n'avaient  pas  toutes  détruites 
servent  maintenant  de  but  aux  cailloux  des  enfants  qui 
passent.  Gomment  se  peut-il  que  les  monuments  historiques 
n'aient  pas  étendu  leur  protection  sur  ces  pauvres  vestiges 


DE    PARIS   A    MENTON  151 

dont  riiiconscieiit  vandalisme  local  n'aura  bientôt  plus  laissé 
pierre  sur  pierre?  —  Nous  venons  coucher  à  Arles,  et  le 
lendemain  nous  allons  visiler  les  ruines  de  l'abbaye  de  Mont- 
majour  dont  la  haute  lour  carrée,  l'église,  le  cloître,  la  cha- 
pelleisolée,  et  les  bâtiments  d'habitation  présentent  à  chaque 
pas  de  superbes  profils  se  détachant  sur  de  beaux  fonds  de 
montagnes.  —  Un  dimanche  à  Sainl-Rémy  :  sous  les  hauts 
platanes  du  cours,  nous  nous  att<irdons  à  ndmirer.  prome- 
nant, en  beaux  atours,  leurs  sculpturales  beautés,,  les  sœurs 
des  Arlésiennes,  costumées  comme  elles.  En  dehors  de  la 
ville,  nous  avons  aussi  des  regards  admiratifs  pour  les  bas 
reliefs  de  l'arc  de  triomphe  et  du  mausolée  romains.  A  côté, 
nous  descendons  dans  la  carrière  anticjue  d'où  ils  sont  sortis. 
En  ces  profondeurs,  des  oppositions  d'ombre  et  de  lumière 
produisent  des  effets  g-randioses,  et  nous  voudrions  voir  là, 
toute  blanche  sur  les  ténébreuses  excavations,  quelque  belle 
fille  de  Saint-Rémy  drapée  à  l'antique.  —  Après  une  visite  à 
Beaucaire,  à  Tarascon,  l'iliuslre  patrie  de  Tartarin^  je  serre 
les  mains  de  mon  compagnon  d'une  semaine  et  vais  tout 
droit  à  Avignon,  à  Villeneuve-lès-Avig"non  où  les  papes  ont 
laissé,  parmi  tant  de  raines,  tant  de  traces  superbes  de  leur 
passage. 

Mais  j'ai  peur  d'abuser  de  votre  patience  à  me  lire,  mon 
cher  Monsieur  Vallette^  et  j'abrège,  en  ne  nommant  que 
pour  mémoire  Garpentras^  le  pays  des  berlingots  ;  Orange  et 
ses  ruinesromaines;  l'église  de  Brou  que  les  maîtres  maçons, 
menuisiers  et  tailleurs  d'images  mirent  trente  ans  à  par- 
faire, et  qu'ils  ont  emplie  de  chefs-d'œuvre  aussi  merveilleux 
d'invention  que  de  main  d'œuvre  ;  Besançon,  qui  me  paraît 
bien  noir  au  sortir  des  éclatants  aspects  du  midi  ;  enfin,  der- 
nière étape,  Dijon,  l'Athènes  bourguignonne,  où  sont  nés 
tant  d'hommes  illustres  et  qui,  malgré  la  perte  de  ses  rem- 
parts anciens,  malgré  le  vandalisme  acharné  contre  les  der- 
nières pierres  de  sa  forteresse  bâtie  par  Louis  XI,  montre 
encore  un  grand  nombre  de  monuments  civils   et  religieux, 


152 


DE    PARIS   A   MENTON 


de  maisons  et  d'hôtels  d'une  grande  beauté,  et  dont  le  musée 
est  rempli  de  merveilles. 

ISavril  :  rentrée  à  Parisaprès  cent  soixante  jours  d'absence. 

Cela  dit,  cher  Monsieur  Vallette,  puissiez-vous  Le  pas 
trop  maudire  mon  bavardage,  et  croyez  moi,  comme  tou- 
jours, votre  tout  dévoué. 

Lansyer. 


r 


LU  SIEGE  DES  SâBLES-D'OLONNE 

EN     1793 


Récit  authentique  tiré  des  Archives  Jiationales,  départemen- 
tales et  municipales,  des  Archives  historiques  du  Ministère 
de  la  Guerre  et  des  collections  particulières. 

I 

LA  ville  des  Sables  d'Olonne  luttait  contre  la  noblesse  et 
le  clergé  depuis  le  commencement  de  la  Révolution. 
Les  gentilshommes  du  bas  Poitou,  convoqués  par  le 
marquis  de  Loynes  de  la  Coudraye  et  par  le  baron  Robert 
de  Lézardière  à  des  réunions  que  les  officiers  du  roi  qua- 
lifiaient «  d'illégales*,  )>  tenues  à  Pontenay-le-Gomte  les  28 
janvier,  iO  et  11  février  1789,  avaient  tenté  d'organiser,  sur 
l'exemple  des  nobles  et  du  haut  clergé  de  Bretagne,  la  résis- 
tance à  l'élection  des  députés  aux  Etats  Généraux.  Les  bour- 
geois sablais  avaient  aussitôt  rédigé  et  lait  présenter,  par  le 
négociant  J.-M.-J.-Fr.  G'audin  et  le  notaire  royal  Delange 
l'aîné,  au  Corps  de  ville,  qui  l'adopta  le  13  février,  une  reven- 
dication très  énergique  des  droits  du  Tiers-Etat  contre  les 
deux  ordres  ^<  trop  privilégiés*.  •> 

La  ville  des  Sables  s'était  enthousiasmée  des  grands  évé- 
nements accomplis  à  Versailles  et  à  Paris,  serment  du  Jeu 
de  Paume,  prise  de  la  Bastille,  nuit  du  4  août.  Elle  avait 
accepté  avec  reconnaissance  toutes  les    lois  égalitaires   de 

»  Voir  la  correspondance  île  l'intendant  de  Paris  et  du  .sénéchal  de  Fon- 
tenuy.  Archives  nationales,  B  m  121  et  124. 

*  3e  registre  des  délibérations  de  la  mairie  de  Salles  et  Archives  nationales 
F'''  m,  Vendée  7. 

Tome  iv.  —  Avril,  Mai,  Juin  1891.  11 


154  LE    blÈGE    DES    SABLES-d'uLUNNE    EN    1793 

l'Assemblée  constiLaanle.  Elle  s'élail  empressée  de  signer 
une  soumission  de  800.000  livres  pour  Tachai  de  biens  natio- 
naux ci-devant  ecclésiastiques  et  d'installer  sa  maison  com- 
mune dans  lo  couvent  des  Capucins' 

Elle  n'avait  pas  hésité  à  adopter  la  Constitution  civile  du 
cleriié  à  élire  et  à  installer  les  curés  élus.  Contre  les  mande- 
ments et  contre  les  instructions  secrètes  de  Ms'  de  Mercy, 
évAque  de  Luçon,  sa  niuiiieipiilité  avait  publié  une  proclama- 
tion qui  rélutait  h-s  arguments  du  haut  clergé,  qui  démas- 
quait «<  son  but  mléressé  :  arrêter  la  vente  des  biens  ecclé- 
siastiques ;  »  qui  essayait  de  prou  er  aux  paysans  déjà  fana- 
tisés que  l'on  voulait  ^<  l'aire  d'eux  les  vils  instruments  de  la 
vengeance  et  de  l'ambition  aristocratiques  »  et  «  allumer 
une  guerre  civile,  pour  renverser  la  Constitution  avant  qu'on 
eût  pu  en  recueillir  les  fruits  »  (27  janvier  1791). 

Elle  avait  coopéré  avec  ardeur  à  la  répression  rapide  des 
graves  soulèvements  ruraux  suscités  par  les  prêtres  inser- 
mentés aux  mois  d'avril  et  mai  de  cette  môme  année  1791, 
dans  le  district  de  Challans.  à  Saint-Jean-de-Monts,  Apre- 
mont,  Saint-Ghristophe-du-Ligneron.  Le  mois  d'après  (20- 
29  juin),  durant  la  crise  causée  par  la  fuite  du  roi,  elle  avait 
surpris  les  agissements  des  nobles,  qui  eussent  dirigé  contre 
elle  une  attaque,  si  Louis  XVI  n'avait  pas  été  arrêté  à  Va- 
rennes  ;  elle  avait  suscité  l'expédition  de  garde  nationale  et 
de  troupe  de  ligne  qui  dissipa  le  rassemblement  factieux, 
visita  le  château  de  la  Marzelle  et  brûla  la  maison  de  la  Prou- 
tière,  on  conspiraient  les  Loynes  de  la  Coudraye,  les  Robert 
de  Lézardière  et  de  la  Salle. 

La  ville  des  Sables  avait  réclamé  d'avance'  et  accueilli  avec 
un  éclatant  patriotisme  la  déclaration  de  guerre  aux  ennemis 
extérieurs  delaRévolution;  au  manifeste  du  ducdeBrunswick, 
dont  les  royalistes  avaient  adressé  ironiquement  une  copie  à 
la  muiiici|)alité,  elle  avait  répoudu  orticiellement  d'un  ton  à 

'  L;i  soumission  de  la  ville  des  Sables  est  aux  Archives  nationales, 
Q»  180. 

'  '<»  re},'istr«'  des  délibérations  de  la  mairie  des  Sables. 

'  Pétition  ;\  Louis  XVI,  rédipré»  par  la  citoyenne  Achard  et  adopti'-R  par  la 
Société  ambulante  des  Amis  de  la  Con.><titutioii,  le  7  lévrier  17a'2. 


LE    SIÈGE    DES   SABLES-DOLONNE    EN    1793  155 

la  fois  narquois  et  très  fier  :  u  Monsieur  le  duc  a  trop  de 
talents  et  trop  d'esprit  pour  penser  un  instant  intimider  par 
de  vaines  menaces  des  Français  qui  ont  juré  de  vivre  libres 
ou  de  mourir  . .  Osez  les  atfaquer  !  C'est  aux  champs  de 
la  victoire  qu'ils  vous  attendent  !  »'  (12  août  1792). 

Surveillant,  depuis  l'orig-ine,  les  menées  des  prêtres  ré- 
fractaires.  elle  avait,  dès  le  mois  d'avril  1792,  réclamé  de 
l'Assemblée  législative'  l'expulsion  de  «  ces  rebelles  aux  lois 
de  leur  patrie,  qui  abusaient  de  la  crédulité  populaire  pour 
allumer  le  flambeau  de  la  guerre  civile  »,  et  proposé  «  l'exil 
de  ces  furieux  »  dans  les  Ktats  du  Pape.  L'Assemblée  nationale 
ayant  décrété  la  transportation  hors  du  territoire  national  des 
prêtres  insermentés  (27  mai),  elle  avait  eu  à  faire  embarquer 
pour  l'Espagne,  depuis  le  23  juillet  jusqu'au  14  janvier  1793, 
183  ecclésiastiques  du  département^ 

Après  avoir  adhéré  à  la  Révolution  du  10  août,  elle  avait 
acclamé  la  République,  et  laissé  passer  le  procès  du  Roi 
sans  protostation.  Elle  était,  d'ailleurs  ;,  en  ce  moment, 
presque  exclusivement  préoccupée  des  préparatifs  de  la 
guerre  maritime:  elle  en  reçut  la  déclaration  avec  enthou- 
siasme ;  et  pas  un  de  ses  vaillants  matelots  ne  se  déroba  au 
devoir  envers  la  patrie*. 

Tels  étaient  les  titres  des  Sables-d'Olonne  à  devenir  l'ob- 
jectif de  la  première  opération  militaire  sérieuse  de  la  grande 
insurrection  catholique  et  royale.  Celle-ci  avait  besoin  d'un 
port,  pour  recevoir  les  secours  de  l'émigration  et  de  l'Angle- 
terre ;  ne  pouvant  l'enlever  ni  en  Vendée  ni  en  Bretagne, 
elle  alla  le  chercher  jusqu'au  fond  de  la  Normandie  ;  sa 
suprême  espérance,  brisée  devant  les  Sables,  puis  devant 
Nantes,  fut  anéantie  devant  Granville  le  li  décembre  1793. 


*  Cofrespondance  de  la  mairie  des  Sables,  ;i  l;i  d;  ti^. 

*  Pétition  des  citoyens  et  citoyennos  de  la  vilh>  des  Sables,  dont  le  premier 
signataire  est  le  maire,  P.  Gandin  jeune,  reçue  le  18  avril  1702,  par  le 
commission  des  Douze,  Archives  nationales,  D  xl  g  3-16. 

î  D'après  les  délibérations  successives  du  Conseil  général  de  la  commune, 
registres  mss.  des  Sables. 

*  Vérification  faite  sur  les  registres  de  l'inscription  maritime  par 
M.  Dusser,  commissaire  de  la  marine  aux  Sables,  aujourd'hui  à  la  Rochelle 


lî)6  LE    SIKGE    DRS   SABLKS-U'V-ONNE    EN    1793 


II 


Le  i2  et  le  13  février  1793,  se  produisent  sur  la  côte  de 
Vendée,  à  Saint-Jean-de-Monts,  des  attroupements  «  qui 
maltraitent  les  patriotes,  et  enlèvent  le  bonnet  de  la  liberté, 
avec  effraction ,  de  la  partie  du  clocher  où  il  était  placé.  »  Le 
jug-e  de  paix  appelle  des  gendarmes  et  des  g-ardes-nalionaux 
de  Saint-Gilles-sur-Vie,  afin  d'assurer  l'exécution  des  mandats 
d'amener  décernés  contre  plusieurs  des  émeutiers.  Il  par- 
vient à  se  saisir  de  l'un  deux  et  va  faire  une  perquisition  chez 
lo  curé  réfractaire,  qui  a  donné  asile  aux  autres.  Il  est  en- 
touré, insulté,  frappé,  «  par  une  foule  d'hommes  armés  de 
fourches  et  de  faux,  qui  délivrent  le  prisonnier  et  l'emmènent 
en  chantant.  >>  Il  signale  au  district  de  Challans  la  nécessité 
«  d'envoyer  des  troupes  considérables  pour  empêcher  le  sou- 
lèvement général  qu'il  craint.  »  Le  district  met  en  réquisition 
la  gendarmerie  et  les  gardes-nationales  de  Challans,  Beauvoir 
et  Saint-Gilles.  L'ordre  paraît  se  rétablir'. 

Quelques  jours  plus  tard,  le  28  février,  un  rassemblement 
aussi  considérable  se  forme  à  Landeronde.  Les  maisons  des 
patriotes  sont  envahies  ;  on  leur  enlève  leurs  armes.  Le  dis- 
trict des  Sables  se  hâte  d'envoyer  son  procureur-syndic, 
Biret,  avec  les  grenadiers  de  la  garde  nationale.  Pour  donner 
l'exemple,  le  conventionnel  Gandin,  qui  vient  d'arriver  dans 
sa  ville  natale,  en  congé,  «  endosse  la  giberne  et  le  havresac 
et  marche  contre  les  révoltés*.  » 

Le  2  mars,  Achard  et  Girard,  commissaires  du  départe- 
ment, chargés  de  réorganiser  la  garde  nationale,  voient 
éclater  un  soulèvement  dans  les  communes  de  Bcaulieu,  la 
Molhe-Achard  et  Landevieille.  Ils  écrivent  aux  autorités  des 
Subies  :  «  La  chose  publique  est  en  danger,  le  ^ocsin  sonne 
dans  |il(lsieurs  paroisses,  les  malveillants  parcourent  les 
campagnes,  excitant  de  paisibles  laboureurs  à  la  révoltecontre 


'    .\iialyjji'  tli'S  iliMihéralioii^  ilu  District  d^'  Ciialians. 

'  <'ojn])te  reiulu  (le(}au<lin  au  Couiilt'  (K'  siiroté  i;t'nérale,  mars  1704,  broch. 
df  s  p.  in-8",  i-olli>ci.  ivuiulomu'au  i\u\  Archives  )Mtionitk'.$,  A\)  xvi-79. 


LE    SIÈGE    DES    SABLES-d'oLOXNE    EN    1793  157 

la  loi.  »  Le  district  commande  l'envoi  de  50  gardes  nationaux 
et  réclame  des  troupes  de  ligne  à  l'administration  départe- 
mentale. La  générale  est  battue  ;  une  compagnie  est  expédiée, 
une  autre  préparée  pour  le  soir.  Le  conseil  de  la  commune 
et  le  directoire  du  district  tiennent  séance  de  nuit.  Vers  deux 
heures  du  matin,  les  administrateurs  de  la  Roche-sur-Yon 
font  savoir  que  «  leur  chef-lieu  est  menacé  d'incendie  «  ;  le 
commissaire  Biret  avertit  qu'il  ne  peut  disposer  pour  la  Roche 
du  détachement  qu'il  a  reçu.  La  générale  est  battue  de 
nouveau  et  un  autre  détachement  de  la  garde  nationale  se 
met  en  route,  pour  arriver  avant  midi  à  la  Mothe-Achard. 

A  dix  heures  du  matin,  Micheau,  maire  de  l'Ile-d'Olonne, 
signale  que  quatre  inconnus  circulent  à  travers  les  villages, 
ramassant  des  armes  et  des  munitions  ;  que  cinq  ou  six  habi- 
tants de  la  commune  se  sontrendusauxrassemblements  delà 
Mothe,  Landevieille  et  Beaulieu  ;  que  plusieurs  jeunes  gens 
de  Vairé  vont  se  joindre  aux  attroupements  de  Sainte-Flaive  ; 
que,  d'après  un  bruit  très  répandu,  «  demain  doit  être  le  jour 
de  la  réunion*.  » 

Ces  mouvements  préliminaires  ont  été  pris  au  sérieux  à 
Fontenay  par  le  département.  Un  de  ses  membres,  Rouillé, 
est  délégué  auprès  des  autorités  de  Niort,  pour  demander 
tout  de  suite  de  la  cavalerie,  et,  auprès  du  lieutenant  général 
"Verteuil,  à  la  Rochelle,  pour  obtenir  des  troupes  de  ligne  et 
du  canon. 

Le  directoire  des  Deux-Sèvres,  convaincu  de  la  gravité  du 
péril  par  les  explications  verbales  du  commissaire  de  la 
Vendée,  en  môme  temps  que  par  les  lettres  très  pressantes 
des  autorités  des  Sables-d'Olonne,  décide  de  délibérer  à  huis 
clos,  dans  la  nuit  du  3  au  4  mars,  sur  les  mesures  à  prendre. 
«  Considérant  que,  la  République  étant  une  et  indivisible, tous 
les  concitoyens  qui  la  composent  doivent  se  regarder  et  se 
trai  ter  comme  frères;  «considérant  aussi  «lareconnaissance  duc 
à  ses  voisins  de  Vendée  pour  les  bons  oHices  qu'il  en  a  reçus», 
en  août  1792,  lors  des  atîaires  de  Châtillon  et  de  Bressuire,  il 
pressée  chef  de  la  légion  de  lagarde  nationale  de  Niort  de  mettre 

Analyse  dos  délibérations  . In   ilistrict  des  Sablf^s,   Arch.  <ie  la  \'en(1Jf'. 


V 


15S  LE    SIÈGE    DES   SABLES-D'OLONNE   EN    1793 

immédiatement  la  cavalerie  à  la  disposition  des  autorités  ven- 
déennes: il  réclame  du  commissaire  des  guerres  les  chevaux 
d'émigrés  qui  ont  été  réunis  dans  les  casernes  :  il  oflre  une 
compagnie  d'éclaireurs,  une  compagnie  de  volontaires  natio- 
naux, même  une  partie  de  la  garde  nationale  sédentaire,  si 
les  circonstances  l'exigent;  il  invite  la  municipalité  niortaise 
à  prêter  les  sabres  et  pistolets  disponibles  pour  l'armement 
des  hommes  du  dépôt  de  cavalerie  ;  il  avance  2  000  livres  au 
capitaine  Frappier,  pour  la  solde  de  la  garde  nationale  à 
cheval,  que  cet  officier  conduit  rapidement  au  secours  des 
patriotes  vendéens'. 

Dans  cette  môme  nuit  du  3  au  i  mars^  arrivaient  aux  Sables, 
avec  un  commissaire  départemental,  200  gardes  nationaux, 
17  canonniers  et  une  pièce  de  campagne.  Le  5,  un  autre  com- 
missaire y  amenait  120  gardes  nationaux  et  2  canons. 

Ce  jour  et  le  lendemain  matin  6,  le  procureur  syndic  Biret 
assure  au  district  «  que  les  insurgés  sont  totalement  en  fuite  ; 
qu'il  a  un  grand  nombre  de  prisonniers  ;  que  les  chefs  sont 
arrêtés,  et  qu'il  n'existe  plus  de  danger  pour  la  chose  pu- 
blique. )» 

Cependant,  le  5  au  soir,  un  cultivateur  des  environs  de  la 
Motae-Achard,  réfugié  aux  Sables,  déposait  «  qu'il  était 
venu  des  brigands  pour  le  contraindre  lui  et  ses  trois  fils  à 
marcher  avec  eux  contre  les  Messieurs  qui  égorgeaient  tous 
les  citoyens  des  paroisses,  »  et  que,  sur  leur  menace  de  re^ 
venir  «  les  faire  brûler  etégorger  »,il  avaitdù  laisser  parlir  les 
deux  aînés  de  la  famille'.  On  faisait  inlérroger  par  le  juge  de 
pai?c  les  80  prisonniers  ramonés  des  attroupements  dissipés: 
quelque  discrètes  et  contradictoires  que  fussent  leurs  ré- 
ponses, elles  «  laissaient  entrevoir  une  vaste  conspiration-'.  « 

Le  9  mars,  à  cinq  heures  du  soir,  un  courrier  extraordi- 
naire du  département  apporte  la  loi  du  24  février  sur  le  re- 
crutement de 300,000  hommes,  avec  lafi.vation  du  contingent 
à  fournir  pour  la  Vendée,  4,197  hommes  pour  une  population 

*  Registre  du  département  des  Deux-Sèvres,  séancedes  3-4  mars  177:!.  îi  Niort. 
>  Délibération  du  district  des  Sables. 
'Compte  rendu   deGaudin. 


LE    SIÈGE   DES    SABLES-D'oLONNE   EN    1793  159 

évaluée  à  305,610  habitants.  T^e  district  dps  Sables  devait 
lever  520  hommes.  On  discute  un  peu  ce  chiffre,  que  quelques 
administrateurs  trouvent  trop  fort,  tous  les  jeunes  g-ens  de 
la  côte  étant  déjà  montés  sur  les  vaisseaux  de  la  République. 
Le  district  se  hâte  de  désig-ner  les  commissaires  chargés 
d'opérer  la  répartition  par  cantons.  Ceux-ci  se  rendent  sans 
relard  aux  chefs-lieux,  où  ils  doivent  procéder  à  l'exécution 
de  la  loi,  c'est-cà-dire  obtenir  le  nombre  d" hommes  fixé  par 
engagement  volontaire  ou  clioix  libre  enlro  les  appelés, 
et;,  si  cela  n'est  pas  possible,  par  tirage  au  sort'. 

Cette  levée  de  défenseurs  de  la  patrie  contre  la  coalitioil 
européenne  fournit  l'occasion  de  généraliser'dans  la  Vendée 
et  d'étendre  dans  les  départements  limitrophes  de  la  Lbitiè^ 
Inférieure,  de  M;îine-et-Loire,  des  Deux-Sèvres,  ainsi  qWè 
dans  plusieurs  districts  de  l'intérieur  de  l'ancienne  Bretagne, 
le  soulèvement  rural  préparé  depuis  le  commencement 
même  de  la  Révolution  par  la  noblesse  et  par  le  clergé  anti^ 
constitutionnel. 


111 


Ln  11  mars,  le  district  de  Ghallans  écrit  à  toutes  les  auto- 
rités du  voisinage,  à  celles  de  Nantes,  les  plus  rapprochées, 
en  môme  temps  qu'à  celles  des  Sables,  de  Fontenay,  de  Niort 
et  de  la  Rochelle,  et  au  général  commandant  la  12«  division 
militaire  : 

«  Le  désordre  est  à  son  comble  dans  la  ville  de  Machecoul. 
Le  feu  est  au  district,  plusieurs  bons  citoyens  ont  été  indi- 
gnement massacrés  et  leurs  corps  jetés  dans  les  rues.  Les 
insurges  sont  au  nombre  de  plus  de  3000.  Le  tocsin  de  la 
rév.olte  a  sonné  dans  plus  de  dix  paroisses  de  ce  malheuieux 
district.  Nos  gardes  nationaux  sont  actuellement  à  Beauvoir, 
oi  cupés  à  apaiser  pareille  sédition.  Dans  ce  moment  un  cour- 
rier de  Palluau  nous  arrive  et  demande  à  grands  cris  du 
secours.  Les  officiers  municipaux  de  Legé  sont  écrasés,  ainsi 

'  D^liliôration    du  flistrict   des   Sables. 


100  i.E  siÈr.E  DES  sarles-d'olonne  en  1793 

que  la  gendarmerie  de  Palluan.  Des  forces,  citoyens  !  sinon, 
tout  le  pays  va  être  envahi  par  les  rebelles.  Envoyez-nous  à 
l'instant  le  plus  de  monde  qu'il  vous  sera  possible  avec  des 
canons  surtout.  Nous  sommes  extrêment  pressés'  » 

Sur  «  cette  lettre  affligeante  »,  reçue  le  12,  à  cinq  heures  du 
matin,  le  disti'ict  des  Sables  ordonne  l'envoi  au  district  de 
Challans  de  20  hommes  de  la  garde  nationale  de  la  ville  et 
d'une  partie  des  détachements  de  Fontenay  et  de  Luçon,  qui 
y  sont  arrivés  la  semaine  précédente.  A  sept  heures,  survient 
dp  Palluan  une  réquisition  du  commissaire  du  département, 
Gallet,  auquel  sont  expédiés  120  hommes  avec  deux  pièces  de 
canon.  Les  patriotes  de  Talmont  et  d'Olonne  sont  appelés  à 
faire  le  service  intérieur  des  Sables  ;  mais,  comme  les 
demandes  de  secours  se  réitèrent,  on  envoie  encore  une  com- 
pagnie vers  Palluan"-'. 

Dans  la  matinée  du  13,  on  apprend  :  d'abord  que  les  déta- 
chements dirigés  sur  Palluau  ont  été  taillés  en  pièces  ;  d'un 
autre  côté,  que,  ne  pouvant  résister,  les  administrateurs  de 
Cliallans,  «  ont  pris  le  parti  de  faire  enlever  la  caisse  et  les  pa- 
piers du  district,  pour  se  replier  avec  la  force  armée  et  les 
bons  citoyens.  »  Vers  minuit,  en  effet,  arrivaient  aux  Sables 
les  administrateurs,  la  garde  nationale  et  aussi  de  nombreux 
habitants  de  Ghallans\  Dans  la  matinée  du  lendemain,  se 
présentaient  la  garde  nationale  et  la  municipalité  de  Saint- 
Gilles,  averties  de  l'évacuation  du  district  et  ayant  constaté 
l'impossibilité  de  soutenir  «  l'approche  des  brigands  in- 
surgés »  de  toutes  les  paroisses  du  voisinage*.  Peu  après, 
rentraient  les  débris  du  corps  expéditionnaire,  qui  rappor- 
taient «que  plusieurs  d'entre  eux  avaient  été  faits  prisonniers 
et  massacrés  :  que  les  ennemis  étaient  maîtres  de  toutes  les 
routes  jusqu'à  quelques  lieues  de  la  ville'.  »  Grâce  à  l'intré- 

'  Lettre  signée  du  vice-président  Molrain,  de  l'administrateur  Ganachau» 
et  du  si'ci'^tnii'e  Ferrv  ;  aux  Ai-chivcs  historiques  du  ministère  de  la  guerre  ; 
arm*''e   de  la  n'serve. 

'  Analyse  des  délibérations  dfs  districts  et  de  la  commune  des  Sables, 
s  Délibérations  des  districts  des  Sables  et  de  Challans. 

*  Arrêté  de  la  municipalité  de  Saint-Gilles,  dans  les  papiers  de  cette  localité. 

*  iJélilx'ratioM  de  la  commune  des  Sables,  l'i  mars. 


LE    SIÈGE   DES    SABLES-d'oLONNE   EN    1793  101 

pidité  de  quelques  canonniers  fontenaisiens  et.  sablais,  avait 
été  sauvée  la  seule  pièce  de  canon  emmenée'. 

La  commune,  le  13  au  matin,  propose  une  réunion  extraor- 
dinaire des  diverses  autorités  constituées,  et  «  le  maintien, 
comme  commandant  en  chef  des  forces  sablaisps,  du  citoyen 
Gaudin  aîné.  » 

.  Gaudin  (Joseph-Marie-Jacques-Prançois),  était  dans  toute 
la  force  de  lage.  Il  était  né  le  15  janvier  1754,  d'une  lamille 
d'origine  espagnole  depuis  très  longtemps  établie  aux 
Sables,  et  qui,  de  père  en  fils,  faisait  des  armements  pour  la 
grande  pêctie  à  la  morue.  Tout  jeune,  h  l'occasion  de  la 
guerre  avec  l'Anglelerre  pour  l'indépendance  des  Etats-Unis 
d'Amérique,  il  avait  été  onrôlé  dans  la  compagnie  locale  des 
canonniers  garde-côtes  ;  il  y  avait  montré  les  plus  heureuses 
dispositions  pour  l'étude  et  la  pratique  de  l'art  militaire.  Dès 
les  premiers  instants  de  la  Révolution,  aussi  gai  qu'enthou- 
siaste, il  avait  entraîné  ses  compatriotes  dans  le  mouvement 
libéral.  Il  avait,  avant  tous,  mis  à  son  chapeau  la  cocarde 
patriotique,  et  arboré  le  drapeau  tricolore  aux  mâts  de  ses 
navires.  Il  avait  organisé  la  garde  nationale  et  ouvert  le 
premier  club.  Il  avait  accepté,  pour  le  soustraire  à  la  no- 
blesse, le  commandement  des  soldats-citoyens.  On  le  fit 
maire  de  la  ville,  malgré  ses  refus  réitérés,  qui  prolongèrent 
pendant  plusieurs  semaines  la  crise  de  la  formation  de  la 
première  municipalité  élue.  Il  remplit  ses  fonctions  adminis- 
tratives dans  les  circonstances  les  plus  délicates,  au  gré  de 
la  grande  majorité  de  ses  concitoyens.  Il  usa  de  son  autorité 
pour  rechercher,  découvrir  et  faire  réprimer  les  complots 
aristocratiques  et  cléricaux.  Les  électeurs  du  département 
de  la  Vendée  le  nommèrent  représentant  du  peuple  sans 
qu'il  eût  posé  sa  candidature.  A  cette  époque  héroïque,  on 
eût,  du  reste,  passé  pour  un  intrigant,  si  l'on  s'était  soi- 
même  présenté  ;  mais,  comme  il  y  avait  péril  et  de  l'honneur 
et  de  la  vie  à  porter  le  drapeau  dans  la  lutte  à  mort  engagée 
entre  la  Révolution  et  l'Ancien  régime,  il  étiit  impossible  de 
se  dérober  aux  suffrages  de  ses  concitoyens.  Gaudin  se  dis- 

Conipt«  i-fndu  de  Gaudin. 


1(V^>  LE    SIKGE    DES    SABLES-D'OLONNE    EN    1703 

» 

tingua'à  la  Législalive  par  des  travaux  assidus  au  Go:-iiif(' 
de  la  marine,  ainsi  que  par  un  rapport  décisif   sur  la  sup- 
pression  des  Congrégations  religieuses  et  l'aliénafion   de 
leurs  biens.  An  rommencement  de  In  session  de  la  Conven- 
tion  nationale,    comme    il    le    confesse    lui-môme    en   son 
compte-rendu  de  ITU'i  au  Comité  de  sûreté  générale,  «  il  ne 
marcha  pas  aussi  bien,  quelque  pures  que  fussent  ses  inten- 
tions. »  H  pencha  du  côté  de  la  Gironde  contre  la  Montagne 
et  tu  ijcand aie,  dans  le  proct-s  du  Roi,  en  refusant  «  de  se  pro- 
noncer sur  la  culpabilité  de  Louis,  parce  qu'il  ne  se  croyait 
pas  revêtu  du  caractère  do  juge   »,  en  réclamant  l'appel  au 
peuple;  en  opinant,  contre  la  mort,  pour  la  détention  jusqu'à 
la  paix.  Car,  s'écria-t-il,  annonçant  un  Bonaparte  avec  une 
clairvoyance  merveilleuse,   mais  le    croyant  apercevoir  en 
la  personne   du  futur  Louis-Philippe   T",   le   fils  d'Egalité, 
«  il  est  [.hi^   de  l'intérêt  des    royalistes  que  de   celui    dos 
républicains  (que  le  roi)  meure.  Dans  des  temps  plus  favo- 
rables, il  adonné  sa  mesure;  homme  faible,  lâche  etcruel,  il 
perdit   l'aristocratie   en.voulant    perdre    In;  liberté;    elle   a 
autant  de  sujet  de  se  plaindre  de  lui:q=ue  nous;  ce  n'est  pas 
l'homme  qu'il  lui  faut  pour  ramener  l'ancien  ordre  de  choses 
et  appuyer  ses  prôtenliôns.  Si,  après  de  longues  agitations, 
quelqu'un  pouvait  être  dangereux  à  la  République,  ce  serait  un 
jeune  guerrier  parlant  le  langage  de   la  liberté  dans  nos  tri- 
bunes patriotiques  et-emportant  les  retranchements  à  la  lôte 
de  nos  escadrons  ;  fce  serait  un  jeune  guerrier,  l'amour  de  nos 
soldats,  tandis  qu!'  son  'père    inspire  un  si  vif   intérêt  dans 
cette  ville  immense* » 

'  C.  Meriand.  Biographies:  Kendéennes,  t.  u,  p.  ;'fi2.  dit  ((ue  le  discours  tW 
Gaudin,  dans  le  pruoès  du  roi,  n'ii  jamais  été  imprimé,  fut  même  supprimé 
du  procès-vi>rli;il  et  du  compte  rendu  de  la  Convention,  et  que  rien  ne  fut 
mentionné  de-i  liuc^ies  qui  interrompirent  l'orateur  ni  des  trois  coups  de  feu 
qu'il  essuya  ;ia  sortir  de  la  séancf. 

('est  ine\;i  t.  C.  Meriand  n'a  eu  de  M.  Léon  Aude  (jui-  le  hrouiUnn  du  dis- 
eours  de  Gnudin.  L'Opinion  de  Gandin  existe,  imprimée  en  une  feuille  in-S» 
de  riniprim -rie  nationale  et  se  trouve,  aux  Archives,  dans  la  Collection 
Rondonne:iii.  \ous  la  donnerons,  avec  celles  de  Morisson  et  de  Fayau.  et 
aver  les  votes  motivés  émis  par  tons  les  députés  de  la  Vendée  au  cours  des 
appels  nominaux  des  Ij,  Itl,  17,  19  janvier  17!)J,  au  ch.  XXVI  de  l'ouvra^v 
doenmi'tiiaire  (ju.-  nous  préparons,  Iji  préparation  île  laCinerre  delà  Vendre. 
Paul  1)11  lion  t  l'-diti'ur,  l'a  ri  s. 


LE    SIÈGE   DES    SABLES-D'oLONNE    EN    1793  103 

Après  l'exécution  de  Louis  XVI,  Gaudin  l'aîné  obtint  un 
congé  et  se  hâta  de  retourner  dans  son  pays,  dont,  depuis 
des  années,  il  avait  prévu  le  bouleversement.  Que  serait-il 
advenu  de  la  ville  des  Sables  si  sa  pofiularité,  ses  talents 
militaires  et  sa  vaillan(3e  joyeuse  lui  avaient  manqué  au  mois 
de  mars  1793'  ? 

Dans  la  journée  du  13,  le  district  appelle  la  commune  à  dé- 
libérer avec  lui,  et  l'on  arrête  : 

«  1»  Qu'il  sera  formé  un  plan  de  défense  ; 

«  2"  Qu'il  sera  nommé  un  commandant  général  provisoire 
pour  diriger  la  force  armée  ; 

«  3°  Qu'un  comité  de  défense  sera  composé  du  comman- 
dant provisoire,  de  trois  aides-de-camp,  de  deux  administra- 
teurs du  directoire  (du  district)  et  de  deux  membres  du  conseil 
général  de  la  commune. 

«  A  l'instant,  l'administration,  le  conseil  de  la  commune 
et  les  difîérents  corps  militaires  nomment  par  acclamation 
commandant  provisoire  le  citoyen  Gaudin  l'aîné,  député  à  la 
Convention  nationale,  maintenant  en  celte  ville  par  congé. 

«  De  suite,  on  s'occupe  de  la  nomination  du  comité  de 
défense.  Le  choix  tombe  sur  les  citoyens  Mercereau,  Ber- 
nard, administrateurs  du  district,  et  Biret,  procureur-syndic  ; 
Sasss,  Mergeteau  et  Garniar.  membres  du  conseil  général 


•  .\près  le  siège  des  Sables,  Gaudin  fut  assez  longteinp.s  maintenu  en  mis- 
sion en  Vendée.  Sa  conduite,  exclusivement  patriotique  durant  la  crise  giron- 
dine malgré  ses  sympathies  personnelles  pour  k-s  proscrits  du  31  mai  et  du  V 
juin,  l'empêcha  de  dert'nir  victime  des  suspicions  héb M-tistcs.  Mais,  ({uand  il 
rentra  ;\  la  Convention,  il  eut  à  se  défendre  devant  le  comité  de  sùreti-  géné- 
rale contre  des  accusations  de  fédéralisme,  et  même  de  royalisme,  proférées 
par  Bourdon  (de  l'Oise). Il  ne  crut  point  ;\  la  pacification  df  170!  et.  en  main- 
tenant la  Vendée  maritime  sur  le  qui  vive,  il  empêcha  la  reprise  d'armes  de 
Charette  de  devenir  désastreuse.  Membre  du  conseil  des  Cinq-Cents,  puis 
des  .anciens,  et  même  nommé  au  Corps  législatif,  malgré  sa  désiipprolialinn 
du  Dix-huit  brumaire,  il  rentra  complèti-ment  dans  la  vie  privée  pcndanl 
l'Empire,  qu'il  détestait  au  point  de  ne  vouloir  jamais  ouvrir  le  Moniteur  ni 
même  le  liulleliii  de  la  Grande  Arniée.  11  avait  épousé  une  jeune  femme,  et 
était  redevenu  mondain  comme  avant  la  Révolution  11  montait  des  représen- 
tations théâtrales  et  faisait  des  cliansons  grivoises,  anti-mouacales,  <'n  fran- 
çais et  en  patois,  ^aelques-unes  eU-  ces  dernières  sont  restées  dans  le  m.-- 
raoire  des  marins  sablais.  Il  mourut  en  1818. 


Ifi'i  LE    PIÈGE    DES    SABT.ES-d'OLONNE   EN    1703 

de  la  commune  ;  Rouillé  jeune,  commandant  de  bataillon  de 
la  Vendée,  et  Gràtton.  lieutenant  de  gendarmerie'.  )) 

Le  14,  les  deux  districts  des  Sables  de  et  Gliallans  délibèrent 
avec  la  commune.  «  Considérant  qu'il  n'y  a  pas  de  temps  à 
perdre  pour  réunir  autour  de  la  ville  les  forces  nécessaires  à 
sa  défense  et  à  la  protection  des  propriétés  menacées  dans 
une  grande  partie  du  département  de  la  Vendée  par  les 
révoltés  qui  y  dominent,  »  ils  arrêtent  : 

i"  «  D'expédier  sur  le  champ  un  commissaire  »  —  le  maire, 
Gaudin  jeune,  —  «  vers  les  autorités  constituées  de  l'île  de 
Ré,  pour  leur  exposer  la  situation  et  leur  demander  les  secours 
d'hommes  et  d'artillerie  qui  seraient  à  leur  disposition  ;  » 

2°  D'expédier  à  la  Rochelle,  au  lieutenant  général  Verteuil, 
commandant  la  12"  division  militaire,  un  autre  commissaire, 
un  grenadier  de  la  garde  nationale,  Goui". 

La  mer  «  était  affreuse^  ;  »  Gaudin  jeune  et  Goui  s'embar- 
(luèrent  néanmoins  à  travers  les  plus  grands  dangers  et  rem- 
plirent leur  mission. 

Dans  la  nuit,  sur  la  proposition  du  commandant  général 
J.-M.  Gaudin,  les  administrations  réunies  rédigeaient  et  e.x- 
pédiaient  une  adresse  à  la  Convention  nationale  et  une  lettre 
au  représentant  Goupilleau  (de  Montaigu),  réclamant  de  très 
prompts  secours,  «  la  position  devenant  de  plus  en  plus  effra- 
vante*.  • 


IV 


Durant  la  môme  nuit  du  14  au  15  mars,  est  apportée  une 
déclaration  signée  :  «  la  garde  royale  composée  à  Ghallans  », 
et  contresignée  par  43  habitants  faits  prisonniers.  Il  y  est 
proposé  «  une  bonne  et  solide  paix  •>  et  môme  «  le  dépôt  des 

'  .\rrôté  (lu  13  mars    17;i3,  rei:istres    du  district  «les  Snbles    aux    Archives 
(le  la  Vendée, 
s  Arrêté  du  14,  ihid. 
'  Compte  rendu  de  Gaudin. 
*  Registres  du  district. 


LE    SIÈGE   DES    SABLES-DOLONNE   EN    1703  165 

armes  dans  un  magasin,  afin  que  ceux  sur  lesiiuels  elles  otit 
été  prises  en  soient  ressaisis  ;  »  cela  aux  quatre  conditions 
suivantes  :  «  1"  qu'il  soit  installé  des  prêtres  couformistesdans 
toutes  les  paroisses;  2»  qu'il  ne  soit  pas  procédé  au  tire- 
ment  ordonné  par  la  Convention  ;  3"  la  suppression  des  pa- 
tentes ;  4"  1  i  retrait  de  l'arrêté  déparfementRl  obligeant  les  pa- 
rents d'émigrés  à  se  rendre  au  chef-lieu.  »  La  «  garde  royale» 
appelle  les  administrateurs  du  district  de  Ghallans  ses  «  très 
chers  frères  »  ;  elle  leur  fait  observer  qu'elle  épargne  à  leur 
ville  «  le  désastre  qui  afflige  la  ville  de  Machecoul  »  —  c'est- 
à-dire  qu'elle  traite  convenablement  les  prisonniers  qui  ail- 
leurs sont  massacrés  ;  —  elle  se  montre  presque  tendre  en 
faisant  l'étalage  menaçant  des  forces  dont  elle  dispose  :  «  Nous 
vous  écrivons  les  larmes  aux  yeux  et  les  armes  à  la  main. 
Nous  ne  demandons  pas  la  guerre;  mais  nousne  lacraignons 
pas. . .  Nous  sommes  ici  18,000  hommes,  assemblés  de  toutes 
les  paroisses  circonvoisines  ;  à  chaque  minute  il  en  arrive 
d'autres,  et  il  nous  en  est  offert.  Tous  ont  décidé  de  mourir 
pour  la  victoire. . .  Finalement  nous  souhaitons  de  cœur  et 
d'esprit  que  la  fraternité,  la  liberté  et  l'égalité  subsistent 
entre  nous,  et  conséquemment  amnistie  réciproque...  Nous 
attendons  votre  réponse  et  sommes  vos  frères*.  » 

Les  districts  de  Ghallans  et  des  Sables,  tenant  ensemble 
Conseil  d'administration  le  15,  dès  six  heures  du  matin,  qua- 
lifient M  d'ignomineuses  »  les  conditions  ainsi  proposées  pour 
la  paix  et  l'amnistie  ;  ils  prennent  l'arrêté  suivant  : 

"...  Considérant  que  la  lettre  insolente  écrite  par  les 
révoltés  met  lo  comble  à  leur  impudence  et  annonce  formel- 
lement leurs  sinistres  projets,  et  que,  malgré  leurs  pro- 
messes, les  amis  de  la  liberté  et  de  l'égalité  n'en  doivent  at- 
tendre que  mort  et  destruction  ;  que  la  retraite  du  détache- 
ment cantonné  à  Palluau  a  dû  considérablement  augmenter 
les  espérances  et  le  courage  des  révoltés;  qu'enhardie  par 
ce  premier  succès,  leur  audace  peut  concevoir  et  exécuter 


'  Ce  document  très  connu,  partout  cité,  a  été  produit  en  1847  par  Ben- 
jamin Fillon  dans  son  intéressant  recueil  de  Pièces  contre-révolutionnaires, 
p.  54-56. 


106  LE    SIKGE    DES    SABLES  d'oLONNE    EN    1793 

» 

les  plus  criminels  desseins,   et  qu'il  est  à  craindre  que  cette 
révolte  soit  combinée  avec  une  descente  sur  nos  cotes. . . 

«  Considérant,  en  outre,  que  la  conservation  de  la  liberté 
et  de  l'égalito,  ainsi  que  des  propriétés,  sont  commises  aux 
soins  desadministrations;  qu'elles  ont  fait  serment  de  mourir 
à  leur  poste  plutôt  «lue  d'y  laisser  porter  atteinte; 

«  Arrêtent  qu'il  sera  envoyé  à  la  Rochelle  un  commissaire 
pour  exposer  au  lieutenant  général  Verteuil  la  situation  dé- 
sastreuse du  pays,  et  le  requérir  avec  instance  d'envoyer  ici 
toutes  les  forces  disponibles,  sous  peine  d'être  responsable 
sur  sa  personne  et  ses  biens  d'événements  résultant  du  refus 
de  se  conformer  à  ladite  réquisition  ;  comme  aussi  de  requérir 
la  mise  dehors  de  deux  frégates  pour  venir  protéger  cette  côte. 

«  Arrête,  en  outre,  que  son  commissaire  se  retournera  par 
devers  toutes  les  administrations  pour  requérir  d'elles  tous 
les  secours  dont  elles  peuvent  disposer,  lui  recommandant 
surtout  de  ne  pas  manquer  de  communiquer  à  toutes  les 
sociétés  populaires  l'étendue  des  dangers  où  se  trouve  la 
chose  publique,  espérant  que  leur  zèle  et  leur  patriotisme 
réchaufferont  l'ardeur  et  le  courage  des  citoyens  en  état  de 
voler  au  secours  du  pays  menacé. . .  » 

Le  citoyen  Massé,  déjà  commissaire  du  département,  est 
nommé  commissaire  des  districts,  et  part  immédiatement*. 

Le  vieux  lieutenant-général  de  Marcé,  attaché  à  la  12* 
division  militaire,  avait  annoncé,  le  13,  au  ministre  de  la 
guerre,  son  départ  de  Rochefort  pour  la  Rochelle,  avec  un 
noyau  de  gardes  nationales  de  la  Charente,  qu'il  espérait 
grossir  en  route,  de  manière  à  arriver  promptement  «  à 
Nantes,  avec  des  forces  majeures  »,  capables  de  «  réduire  les 
malveillants  à  rentrer  dans  le  devoir-.  » 

Le  commandant  de  la  12*  division  militaire,  le  lieutenant- 
général  Verteuil,  le  14.  rapporte  au  ministre  :  que  la  veille 
Marcé  est  arrivé  de  Rochefort,  a  emmené  de  la  Rochelle  les 
troupes  qu'il  y  avait  lui-même  préparées  pour  aller  secourir 
les  Sables,  et  marche  à  la  rencontre  des  révoltés  ;   qu'ayant 

'  Dt'-libération  des  districts  réunis  des  Sables  et  de  Challans. 
»  Arcliivfs  historiijUt's  de  la  Guerre  ;  armée  îles  eûtes. 


LE    SIKGE   DES   SABLES-u'uLONNE    EN    1793  107 

reçu  «  une  lettre  de  la  municipalité  des  Sables,  le  prévenant 
qu'un  bâtiment  à  trois  mâts  croise  en  vue  de  ce  port,  tire 
des  coups  de  canon,  et  qu'on  a  inleré  de  là  des  liaisons  avec 
les  révoltés,  il  en  a  envoyé  copie  par  coui'rler  au  comman- 
dant de  la  marine  à  Rochefort,  le  requérant  de  faire  sortir  le 
bâtiment  dont  il  pourrait  disposer  pour  aller  reconnaître  ce 
bâtiment  suspect  et  lui  donner  la  chasse.  »  Seins  attendre,  il 
a  expédié  le  yacht  \ Enfant  en  croisière.' 

Le  1(3,  à  4  heures  du  matin,  les  districts  réunis  des  Sables 
et  de  Challans  apprennent  du  grenadier  Goui  que  le  général 
de  Marcé  marche  avec  1500  hommes  sur  Ghantonnav,  d'où  il 
se  portera  à  la  Roche-sur- Yon\  Grâce  sans  doute  à  ce  com- 
missaire, 200  hommes  de  troupe  de  ligne  arrivent  de  Luçon, 
avec  200  gardes  nationaux-  de  Saint-Michel-en-l'Herm  et 
autres  communes  patriotes  des  Marais  séchés. 

A  six  heures,  le  citoyen  Paudevin,  revenant  de  l'île  de  Ré, 
annonce  qu'il  va  en  arriver  400  hommes'  et  quatre  pièces  de 
canon.  A  cinq  heures  de  l'après-midi,-  les  Rétois  débarquent 
au  nombre  de  cinq  à  six"  cents'\  et  leur  commandant, 
Foufand.  se  présente  aux  districts.  Le  commandant  général 
provisoire,  Gaudin  l'aîné,  apporte  en  ce  moment  «  un  plan 
d'attaque.  »  Sur  l'observation  d'un  nfembre»  qu'il  ne  faudrait 
pas  entraver  les  opérations  comm,e.ncées  par  le  général 
de  Marcé,  on  décide  d'abandonner  toute  opération  ofïen- 
sive  jusqu'à  ce  qu'on  se  soit  entendu  avec  lui.  »  Un  courrier 
est  dirigé  à  sa  rencontre^  vers  onze  heures  du  soir. 

Dans  la  séance  du  17,  présidée  par  le  commissaire  du  dé- 
parlement Gallet,  le  capitaine  de  la  compagnie  de  gardes 
nationales  de  la  Tranche,  Benoît,  est  chargé  d'aller,  lui  aussi, 
à  la  rencontre  de  Marcé  et  de  le  mettre  au  plus  tôt  en  com- 
munication avec  la  place  des  Sables.  Dans  la  séance  du  18,  à 
laquelle  assiste  l'autre  commissaire  du  département.  Massé, 
de  retour  de  sa  mission  à  la  Rochelle,  on  prend  de  nom- 
breuses mesures  de  défense:  les  chevaux  sont  mis  en  réqui- 

»  Archives  historiques  de  la  Guerre  ;  armée  des  côtes. 

*  Délibération  des  districts. 

'  Chiffres  doniiéf^  dun:?  le  compte  rendu  de  (liiudin. 


lus  LE    SIÈGE    DES   SABLES-d'oLONNE    EN    1793 

silioii  pour  les  troupes  prêtes  à  partir  ;  la  garde-nationale 
mobilisée  reçoit  la  solde  de  campagne;  une  solde  est  aussi 
accordée  à  celle  qui  doit  rester  à  l'intérieur  de  la  ville,  «  en 
raison  du  service  forcé  et  de  la  misère  générale  ;  »  elle  est  la 
même  que  le  salaire  des  ouvriers  employés  aux  armes,  aux 
munitions  et  aux  forfifications  :  trente  sous  par  jour*. 

La  commune  s'occupe  avec  une  activité  fébrile  de  l'appro- 
visionnement en  toute  sorte  de  comestibles.  La  direction  des 
subsistances;,  à  faire  rentrer  des  termes  du  voisinage,  que 
l'ennemi  n'a  pas  encore  pillées,  est  confiée  aux  ardents  pa- 
triotes de  Talmont  et  de  Saint-TIilaire,  les  frères  Duroussy. 
Les  barques  chargées  de  grains,  qui  se  trouvent  dans  le  port, 
sont  saisies  avec  l'autorisation  du  district.  Le  pain  est  taxé  à 
quatre  sous  la  livre,  le  vin  à  cinq  sous  la  bouteille,  les  œufs 
il  trois  sous  la  douzaine,  le  beurre  à  vingt-quatre  sous  la  livre. 

D'après  les  renseignements  apportés  à  l'hôtel  de  ville,  les 
insurgés  royalistes  se  massent  dans  la  direction  des  Sables; 
ils  sont  maîtres  de  la  Mothe-Actiard,  de  Vairé,  du  passage  de 
lu  Grève  et  de  la  Gachère*. 

A  trois  heures  de  l'après-midi;  le  18,  la  générale  est  battue; 
[lUisicurs  sorties  sont  laites.  Le  soir,  les  postes  sont  doublés. 
A  on/.c  heui-es  la  générale  est  battue  de  nouveau,  sur  la 
IfUisse  nouvelle  de  l'apparition  des  rebelles  à  Olonne.  11 
devient  certtiin  que  la  ville  va  être  investie  de  tous  les  côtés 
!»ai-  (tes  bandes  très  nombreuses.  Elle  a  pour  se  défendre 
:i.OOÛ  hum  mes  armés,  8  pièces  de  canon^,  200  cavaliers  et 
300  marins'. 


IV 


«  Le  19  mars  17. )3.  l'iiii  II  de  la  llépubli<|iic  française,  à 
six  hennis  (du  suir,,  les  officiers  des  différents  corps  mili- 
taires;, réunis  on  la  ville    des  Sables  d'Olonnci  pour  sa  dé- 

'   iJélibér.ition  des  districts. 

5  Déliljér.-itions  du  conseil  i^viiéral  du  la  cnnimunc,  17  et  18  mars 
*  Notes  inariiiscriti's  d'Adrien    r.olliiK't,  d'après  la  copi<>   qu'à    Iti^n  voulu 
nous  ciiinuiiini(iucr  M.  Odin,  pliarmacion  aux  Sables. 


LE    SIÈGE    DES    SABLES-D  OLONNE    EN    1793  169 

fense,  se  sont  assemblés  dans  une  des  salles  de  la  maison 
des  séances  da  district,  pour  procéder  à  la  formation  de  l'état- 
major  de  l'armée  et  aux  autres  opérations  militaires  néces- 
saires dans  la  circonstance. 

«  Le  citoyen  Foucaud,  colonel  du  bataillon  des  gardes 
nationales  de  l'île  de  Ré,  a  pris  le  fauteuil  à  l'invitation  de 
l'Assemblée,  et  le  citoyen  Testard,  officier  de  la  garde  natio- 
nale de  Fontenay,  a  été  prié  de  prendre  place  au  bureau  en 
qualité  de  secrétaire  provisoire'. . .  » 

Gaudin  ,    précédemment    nommé  commandant    en   chef , 
voulait  céder  le  commandement  à  «  l'ancien  et  brave  officier 
rétois.  »  L'Assemblée  s'y  est  opposée  et  a  exigé  qu'ils  seraient- 
l'un  et  l'autre  commandants  généraux,  «  la  plus  grande  con- 
fiance et  la  plus  parfaite  harmonie  régnant  entre  eux^  )>  ■ 

Ont  été  élus  :  commandant  général  de  l'armée,  le  citoyen 
Foucaud  ;  commandant  en  second,  Gaudin,  député  à  la  Con- 
vention ;  adjudant  général,  E.-L  de  Ghezeau,  adjudant  gé- 
néral de  l'île  de  Ré;  commandant  de  place.  Rouillé  père  ;• 
aides-majors,  Gorbier,  Benoist  et  Gaborit,  ce  dernier  pour  la' 
Ghaume  ;  aides-de-camp,  Rouillé  fils,  Bastard,  Guérin  et 
Feuvre  ;  commandant  d'artillerie,  le  citoyen  Prévost. 

«  Ges  officiers  ont  été  proclamés  dans  leurs  grades  res- 
pectifs, et  l'Assemblée  a  de  nouveau  ratifié  leur  choix  par  un 
assentiment  unanime. 

«  Un  membre  a  observé  que  la  force  armée  était  composée 
de  différents  détachements  ([u'il  convenait  de  former  en  com- 
pagnies, et  qu'il  convenait  aussi  de  tirer  des  différents  déta- 
chements quelques  compagnies  de  pionniers  et  de  travail- 
leurs. . . . 

«  Gette  proposition  a  été  acclamée. . .  Les  citoyens  officiers 
Testard,  Jaiméraut,  Ghaigneau,  Gordon,  Vosgien  et  Renau- 
dineau  ont  été  nommés  du  Gomité  chargé  de  présenter  un  plan 
d'organisation  des  compagnies  et  de  formation  de  compagnies 
de  travailleurs  le  plus  tôt  possible. 


'  Première    séance  du   Comité  militaire,  puis  de  Salut  public  rfr  la  ville 
des  Sables,  extrait  du  procès-verbal  entièrement  int'-dit. 
»  ("oinpte  rendu  de  Gaudin. 

Tome  iv.  —  Avril,  Mai,  Juin  1891.  12 


[-[)  LE    SIÈGK    DKS    SABLES-u'Oi-l  )NNE    EN    l/O^Î 

tt  Un  membre  a  représenté  de  qiK^le  imporlance  était  le 
secret  des  délibérations  du  Conseil  militaire  ...  Il  a  proposé 
de  le  rôduire  au  seul  nombre  d'officiers  indispensable  . . . 

«  Cette  motion  a  été  accueillie  avec  transport,  et  l'Assem- 
blée a  nommé  pour  membr.^s  du  Conseil  de  direction  des 
opérations  militaires  :  les  d  'ux  commandants  généraux,  l'ad- 
judant général,  le  commandant  de  la  cavalerie  (le  citoyen 
Poiraudière),  le  commantant  de  la  gendarmerie  (le  citoyen 
Maullàtre),  le  commmdant  de  la  lia^ne  (le  citoyen  Pril).  >. 

Dans  l'après-midi  du  20  mars,  siir  les  trois  heures,  le  dé- 
partement de  la  Vendée  avertit  par  courrier  extraordinaire 
la  ville  des  Sables  que  le  général  de  Marcé,  après  un  enga- 
gement heureux  à  l'Oie  ou  à  Chantonnay,  le  18,  a  été  mis  en 
déroule  complète,  le  19,  à.  Pont-Charron  (Saint-Philbert  d;; 
Pont-Charrault),  destitué  par  les  commissaires  de  la  Conven- 
tion et  emprisonné  à  la  Roc  h '^,  lie  ;  sur  le  champ  de  bataille 
même,  le  commandant  de  l'armée  de  la  Vendée  a  été  confié 
au  chef  de  brigade  Boulard,  qui"  s'occupe  de  rallier  les 
tri3upes  et  d'en  réunir  de  nouvelles. 

Les  deux  districts  des  S  ibles  et  do  Ch  dlans  se  réunissent 
aussitôt  avec  la  commime  en  «  Conseil  général  des  aulorités 
civiles,  B  sous  la  présidence  du  commissaire  du  département 
de  la  Vendée,  iavesti  de  tous  ses  pouvoirs  ;  ils  prennent 
l'arrêté  suivant  : 

«  Le  Conseil;,  convaincu  de  la  force  du  serment  qu'il  a  fait 
de  mourir  à  sm   poste  . . 

«  Vu  les  dépêches  arfligeantes  adressées  par  le  départe- 
ment au  citoyen  Gallet,  commissaire,  en  date  de  ce  jour.  (|ui 
lui  annoncent  la  déroute  complète  de  l'armée  des  patriotes  à 
l'Oie  ; 

c  Considérant  que  la  ville  des  Sables  est  entourée  de  toutes 
parts  par  des  bandes  de  brigands  qui  portent  partout  le 
meurtre  et  le  pillage  ; 

«  Considérant  que  cette  ville  présente  quelques  moyens  de 

défense  et  que  chacun  est  digne  de   montrer  à  ces  forcenés 

un  front  digne  de  la  linerté,  si  des  secours  nous  sont  donnés  ; 

«'  Le  Conseil  nomme  commissaires  les   citoyens  Jousson 

ft  .Massé,  deux  de  ses  membres,  ({u'il   investit  de  tous   ses 


l^E    SIÈGE    DES    SABLES-DOLONNE    EN    179:^  171 

pouvoirs,  pour  se  transporter  sur-le-champ  à  Ih  Rochelle  et 
à  Rochefort,  à  l'effnt  de  présenter  à  ces  deux  villes  la  posi- 
tion fâcheuse  oîi  se  trouve  la  chose  publique  dans  ces  can- 
tons, et  leur  demander  tous  les  secours  cfui  sont  en  leur  pou- 
voir, tant  en  liommes  armés  qu'en  munitions  de  guerre  et 
en  comestibles,  dont  suit  le  détail,  savoir  : 

«  2,000  fusils  au  moins,  50  boulets  de  8,  400  de  4,  200  gar- 
gousses  à  mitraille  pour  canons  de  4,  des  pierres  à  fusil, 
des  étoupilles  et  des  lances  à  feu  en  proportion;  2  pièces  de 
position  avec  leurs  munitions;  2  ou  3  chaloupes  canonnières 
et  une  corvette,  qui  ne  tire  pas  plus  de  2  pieds  d'eau  et  à  la- 
quelle on  creusera  un  lit  dans  le  port; 

«  Que  les  corvettes  ou  frégates,  qui  croiseront  sur  ces  pa- 
rages, viennent  de  temps  en  temps  mouiller  en  cette  rade 
pour  conférer  avec  l'administration  et  (amener)  le  plus  de 
troupes  que  l'on  puisse  envoyer  ; 

«  Qu'il  soit  également  fourni  de  la  farine  en  échange  de 
grain,  les  moulins  placés  hors  la  ville  pouvant  manquer; 
des  salaisons  et  du  biscuit  ;  du  charbon  de  terre  et  du  bois  ; 
enfin  des  matelas  et  des  couvertes  pour  coucher  la  troupe, 
l'habitant  ne  pouvant  suffire  à  loger  tout  le  monde.  » 

Les  commissaires  doivent  insister  sur  ce  que  «  l'elTicacité 
des  secours  dépend  d'une  prompte  exécution.  »  Ils  sont  em- 
barqués à  10  heures  du  soir'. 

Au  même  moment,  les  appels  les  plus  pressants  surviennent 
des  communes  des  Moutiers-les-Mauxfaits  et  de  Talmont. 
De  celle-ci  et  de  Saint-Hilaire  ,  rentrent  à  minuit,  avec 
quelques  gardes  nationaux,  les  frères  Duroussy,  «  découragés 
de  n'avoir  pas  vu  arriver  les  forces  que  le  Conseil  avait  pro- 
mises. »  Une  démarche  pressante  est  faite  auprès  du  com- 
mandant militaire  ;  le  procureur  syndic  du  district  des 
Sables,  Biret,  et  le  citoyen  Benoit,  delà  Tranche,  sont  en- 
voyés à  Talmont  pour  «  fortifier  le  courage  des  autorités,  » 
et  les  engager  «  à  conserver  leur  poste  jusqu'à  la  dernière 
extrémité.  » 

'  Extrait  du  procès-verbal  du  Conseil  général  des  autoritéa  civiles  des  Sald^s, 
dans  1p  romstre  de  district.  Arch.  de  I"  Vemlce. 


172  LE    SIKGE    DES   ^ABLES-d'oLONNE    EN   1703 

Dans  les  journées  du  21  et  du  22,  le  Conseil  général  des 
autorités  civiles  reçoit  à  chaque  instant  des  informations  sur 
la  révolte  des  villages  voisins  et  sur  l'approche  du  corps  prin- 
cipal des  insurgés.  A  la  demande  des  commissaires  de  la 
commune,  du  maire  Gaudin  jeune  et  de  l'inarénieur  Dorotte, 
les  prisonniers,  dont  le  trop  grand  nombre*  exige  un  service 
particulier  et  produit  de  la  fermentation  »,  sont  «  exportés  à 
la  citadelle  de  Ré.  «  Il  en  reste  des  mouvements  antérieurs 
au  siège,  et  il  en  a  été  fait  beaucoup  dans  une  attaque  sur  la 
Grève. 

Le  commandant  général  Foucaud,  au  retour  d'une  expédi- 
tion à  la  Gachère,  rapporte  :  c  J'ai  fait  faire  une  décharge  d'ar- 
tillerie qui  a  coûté  à  l'ennemi  une  cinquantaine  d'hommes, 

sans  que  ma  troupe  ait  reçu  aucune  blessure L'ennemi 

paraît  être  dirigé  avec  assez  d'ordre,  ce  qui  fait  croire  qu'il 
a  des  chefs  habiles*.  » 

Le  second  commandant  général,  Gaudin,  fournit  plus  de 
détails  sur  cette  expédition,  dont  le  but  important  ne  put 
être  atteint^  : 

«  Nous  craignions  les  secours  des  Anglais,  et  les  royal'stes 
étaient  maîtres  de  Saint-Gilles-sur-Vie.  Nous  résolûmes  de 
leur  enlever  ce  port.  En  conséquence,  nous  sortîmes  de  la 
ville  et  nous  nous  avançâmes,  avec  400  hommes  et  2  pièces 
do  canon,  jusqu'à  deux  lieues.  Nous  trouvâmes  l'ennemi 
retranché  au  dcKà  d'une  petite  rivière  qu'il  nous  fallait 
passer,  et,  malgré  une  fusillade  et  une  canonnade  très  vives, 
qui  Im"  tuèrent  beaucoup  de  monde,  nous  ne  pûmes  le  dé-" 
busquer. 

('  Ce  fut  im  bonheur;  les  brigands  étaient  beaucoup 
plus  forts  que  nous  ne  le  croyions.  Il  nous  fallut  donc  prendre 
le  parti  de  nous  en  tenir  à  la  défensive  en  attendant  de  nou- 
veaux secours.  » 


*  Extrait   <\u   procès-verbal   du    Conseil  général  des   autorités  civiles    de 
Sal.les. 

'  Cr>iii|iti'  r.'ndii  (lo  GniKlin. 


LE    SIÈGE    DES   SABLES-u'OLONNE    EN    1793  173 


VI 


Le  23  mars,  à  neuf  heures  du  matin,  se  réunit  le  Comité 
militaire,  pour  se  compléter  d'un  membre  de  chacune  des 
administrations  civiles.  Sont  nommés,  pour  le  district  de 
Challans,  Luminais  ;  pour  la  commune  des  Sables,  Gheval- 
lereau,  avec  Biret,  procureur  syndic  du  district.  Le  Comité  se 
constitue  définitivement  sous  la  présidence  du  colonel  Fou- 
caud  ;  Biret  secrétaire.  Il  convient  de  se  rassembler  deux 
lois  par  jour,  à  neuf  heures  du  matin  et  à  six  heures  du  soir. 

Les  ingénieurs,  dont  le  principal  est  le  citoyen  Dorotte, 
(déjà  employé  dans  l'administration  de  la  province  du  Poitou 
avant  1789,  et,  en  1794,  ingénieur  en  chef  du  Département. 
Veng-é'),  sont  chargés  «  d'exécuter  les  travaux  de  lortihcaLions 
que  le  Comité  estime  les  plus  urgents  :  placer  une  pièce  de 
18  sur  le  monticule  des  Grandes-Portes,  une  autre  aux 
Grandes-Portes;  une  troisième  pièce  à  la  porte  de  la  Cùte; 
une  quatrième,  de  4,  dans  le  demi-lune  à  établir  vers  le  pli  du 
mur  de  la  ville  ;  remplacer  cette  pièce  à  la  Barre  par  une  pièce 
de  8  qui  est  sur  la  place  de  la  Liberté,  où  sera  mise  une  pièce 
de  12  ;  faire  un  cavalier  en  avant  de  la  redoute  Saint-Nicolas.  » 

En  séance  extraordinaire,  tenue  à  deux  heures  de  l'après- 
midi,  le  Comité  reçoit  diverses  dépositi(jiis  relatives  à  des 
propos  et  agissements  de  partisans  et  d'espions  des  rebelles. 
La  commune  vient  de  surprendre  un  essai  de  distribution  de 
cocardes  blanches  à  la  Chaume,  et  un  maçon  de  la  localité, 
Joseph  Perrocheau,  a  été  arrêté  porteur  d'une  correspon- 
dance suspecte\  Un  propriétaire  de  bateaux  au  village  de 
la  Ptoulière  a  menacé  un  soldat  des  Sables,  Jean  Letard,  do 
«  le  couper  en  morceaux,  si  lui  et  les  insurgés  avaient  le 
dessus  »  et  «  un  archer  de   marine,  Levai,  a  dit  que  le  plus 


'  Il  y  ade  Dorotte  des  rapports  importants  sur  les  travaux  exécutés  dans 
les  porls  lies  Sables,  de  8aint-Gilles,  de  la  liarre-de-Mont,  et  aux  dij,'uea  de 
N'oirmoutier  durant  la  Révolution,  aux  Archives  nationales  P'**,  741    et  157. 

•  Ce  Ferroche.iU  a  été  condamné  à  nioi't,  comme  espioii,  le  1  8  avril  171)3, 
par  la  Commission  militaire  des  Sables. 


174  I.E    SIRGR    DES    SABI.ES-d'oLONNR    EN    1793 

courl  |»Hrli  des  patriotes  était  de  mettre  bas  les  armes  et  de 
se  rendre  aux  insurgés,  qui  ne  faisaient  aucun  mal.  »  La 
dénonciation  présente  un  certain  intérêt,  ayant  été  apportée 
par  deux  volontaires  de  la  quatrième  compagnie,  Saurin  et 
Savin.  C'étaient  deux  réfugiés  de  la  commune  de  Saint- 
Etienne-du-Bois,  insurgée  par  deux  de  leurs  homonymes, 
sans  doute  leurs  parents,  l'un  dit  «  le  Parisien  »  et 
l'autre  «  le  Pelé'  ».  De  ces  derniers,  est  resté  célèbre 
J.  Savin,  dont  la  présence,  en  habit  vert,  avec  des  épau- 
lettes  ronges',  était  signalée  à  la  tête  d'une  des  plus  grosses 
bandes  assiégeant  les  Sables,  et  qui  fut  en  effet  l'auxi- 
liaire de  Joly,  puis  le  iîdèle  lieutenant  de  Gharette,  coopé- 
rant à  sa  reprise  d'armes  de  1790,  et  pris,  six  jours  après 
lui,  par  le  général  Meyer,  le  29  mars  de  cette  année'.  Il 
y  avait  à  Saint-Etienne-du-Bois  quatre  Savin,  Charles-Fran- 
çois, commandant  en  second,  Marc-Antoine^  lieutenant, 
Michel  et  Georges,  gardes  nationaux,  qui,  avec  le  comman- 
dant en  premier,  Saurin,  s'étaient  distingués  comme  patriotes, 
au  mois  de  septembre  1790.  Ils  avaient  été,  un  dimanche 
d'assemblée  près  de  leur  bourg,  insultés,  attaqués,  par  des 

'  Ils  sont  ainsi  désiirnés  dans  l'inlerrogatoire  subi  par  un  blessé,  Gouin, 
laboureur,  24  ans,  à  riiùpiiiil  des  Sables,  et  reçu  par  Jousson,  administrateur 
du  district  de  Cliallans,  le  31  mars  179:!. 

»  D'après  l'enquête  du  juge  de  paix  de  Beaulieu-sous-la-Roche,  p.  44  «les 
Documents  inédits  sur  les  soulèvements  de  mars  1793  publié*  par  M.  le 
V'e  B.  d'Af-fOurs  (in-8,  Saint-Nazaire  1883;. 

'  llefçistres  de  la  correspondance  de  la  municipalité  des  Sables,  à  la  date 
du  30  mars  179fj. 

Cette  lettre  du  général  Meyer  fixe  la  date  jusqu'alors  inconnue  de  la  mort 
du  général  divisionnaire  de  Cliarette  L'ancien  vicaire  général  de  l'évêque  de 
Luçon,  qui  devint,  sous  l'Empire,  évêque  d'Orléans,  après  avoir  été  l'un 
des  pr  imoteurs  de  l'insurrection  vendéenne,  Brumauld  de  Beauregard,  rap- 
porte dans  ses  Mém.oires  que  le  général  Savin  fut  surpris  à  Beaulou,  oJ  il 
était  lui-même  caciié,  par  une  patrouille  républicaine  qui  le  fusilla  dans  les 
environs.  D'après  la  tradition  populaire,  il  aurait  été  arrêté  au  village  de  la 
Sauzaie,  près  des  Lues,  conduit  à  Montaigu  et  exécuté  <lans  les  fossés  du 
château.  M.  Cli.  Dugast-Matifeux,  de  Montaigu.  nous  a  écrit  que  J.  Savin  «dut 
être,  en  effet,  conduit  à  Montaigu  comparaître  devant  une  commission  mili- 
taire formée  pour  la  circonstance,  condamné  à  mort  et  fusillé  derrière  la 
maison  de  la  CaiUaiidière.  »  Je  n'en  doute  aucunement,  ajoute  notre  vénérable 
et  savant  ami,  quoique  l'acte  de  décès  ne  soit  pas  consigné  sur  nos  registres 
d'état  civil,  soit  qu'on  considérait  que  le  jugement  en  tenait  lieu,  soit  parce 
que  l'emplacement  di-  l'exécution  ne  faisait  pas  partie  de  la  ooramune  de 
Miuitai'ju.    " 


1J5  sjKGE  DES  sablks-d'ulunne  kn  1793  175 

gens  de  ISeaufou,  des  Lues  et  du  Poiré,  qui  voulaient  «  dé- 
sarmer la  yarde  nationale  et  anéantir  les  bourgeois,  pour 
ladéiense  du  clergé  et  de  la  noblesse.  »  Sur  leurs  démarches 
réitérées  auprès  ie  la  munieipalilé  du  lieu,  qui  n'osait 
agir,  et  auprès  des  distiicts  de  Challans  et  de  la  Roche- 
sur-Yon^  invités  à  poursuivre  les  émeutiers,  l'Assemblée 
constituante  elle-même  s'était  émue;  le  dossier  des  offaires 
de  Vendée,  dans  les  cartons  de  ses  Comités  des  recherches  et 
des  rapports',  s'ouvre  par  la  copie  des  pièces  relatives  à  cette 
première  manifestation  rurale  contre  la  garde  nationale,  qui 
ne  fut  pas  prise  au  sérieux;,  mais  dont  la  date  seule  prouve 
que,  depuis  trois  ans,  se  préparait  la  grande  guerre  catho- 
lique et  royale  de  1793. 

Le  Comité  militaire,  exclusivement  occupé  de  la  défense 
des  Sables,  n'aspirait  point  à  la  dictature  civile;  il  ne  con- 
sacra pas  une  séance  de  plus  à  la  réception  des  dépositions. 
Le  24  mars',  u  considérant  que  la  meilleure  manière  de 
garantir  la  sûreté  de  la  ville  est  de  surveiller  l'ennemi,  de 
connaître  SLS  positions,  ses  manœuvres  et  ses  ressources; 
que,  pour  y  parvenir,  il  faut  des  agents  secrets  et  sîirs.  mais 
que  leurs  démarches  sont  très  coûteuses,  vu  les  risques  à 
courir  »,  il  arrêtait  de  demander  au  commissaire  muni  des 
pleins  pouvoirs  de  l'administration  départementale,  «  une 
somme  de  3000  livres  pour  pourvoir  aux  dépenses  secrètes 
que  les  circonstances  exigeraient.  »  La  somme  fut  accordée  ; 
Biret  fut  chargé  de  l'emploi  des  fonds  pour  1  espionnage  ; 
mais  le  Comité  décida  «de  ne  recevoir,  quant  à  présent,  que 
1  000  livres*.  .. 

Cn  Cii|(itaine  de  navire.  Rouillé,  était  venu  déclarer,  dans 
la  journée  du  23  «  que  son  beau-père  avait,  dans  un  gîte 
nommé  la  Nicolière,  près  les  Arpents,  paroisse  de  Saint-Hi- 
laire-de-Talmont,  la  quantité  de  12  à  14  milliers  de  bois  et 
plusieurs  charretées  de  broussailles,  qu'il  offrait  de  livrer  au 
prix  courant  pour  les  besoins  de  la  ville.  «  A  la  séance  du 
soir,  le  Comité  mililaire  s'occupe  de  cette  alTaire  et  aussi 
d'une  communication  de  la  commune  des  Sables  sur  «  des 

*  .Vrchives  nationales  p.  D  xxix  lô. 

'  AnaMe  rie  la  suite  du  procès-verbal   du  Comité  militaire. 


176  l.K    SliUiK    UKS    SAlîl.ES-D'iiLdXNE    EN    ITUli 

citoyens  possédant  des  blés,  bois  et  fourrages.  »  u  Pénétré  de 
l'impérieuse  nécessité  d'approvisionner  la  ville  »,  il  décide 
que  le  lendemain  matin,  à  7  heures,  un  détachement  de 
cavalerie  escortera  «  les  voitures  et  charrettes  nécessaires 
pour  conduire  en  ville  les  12  milliers  de  bois  qui  sont  dans 
les  taillis  du  beau-père  du  citoyen  Rouillé;  »  de  plus,  «  que 
l'on  s'emparera  de  tous  les  bois,  blés,  vins  et  fourrages  qui 
pourront  se  trouver  dans  les  lieux  ci-après  dénommés  :  à  la 
Bauduère,  chez  le  citoyen  Pesot;  au  Fenestreau,  chezMoreau 
et  Pinson  ;  à  la  Courbe,  chez  Herbert  ;  et  à  l'Abbaye  de 
Saint-Jean,  chez  Boisson  ;  bien  entendu,  que  tous  les  objets 
dont  on  s'emparera  seront  payés  au  taux  ordinaire'.  » 

Le  citoyen  Duroussy,  commissaire  aux  subsistances,  ré- 
clame un  détachement  «  pour  s'emparer  du  château  4e  la  Gui- 
gnardière,  où,  écrit-il,  il  y  a  des  émigrés  avec  plusieurs  at- 
troupés. «  Le  Comité  militaire  décide  (|ue,  <  vu  le  mauvais 
temps,  l'opération  sera  retardée  jusqu'au  lendemain;  ce 
dernier  en  avertit  le  citoyen  Durussy'.  »  Il  ne  s'agissait 
rien  moins  que  d'enlever  DuchalTault  ou  se»  fils,  rentrés  dans 
leur  manoir  pour  soulever  Avrillé,  le  Poirouxet  les  environs, 
et  formant  l'armée  de  la  gauche,  pour  arriver  sur  les  Sables 
en  môme  temps  que  l'armée  de  la  droite,  commandée  par 
Guerry  du  Cloudy,  et  soutenir  l'attaque  principale  dirigée  de 
la  Mothe-Achard  par  Savin  et  par  Joly,  commandant  généraP. 

DuchatTault,  père,  avait  été.  le  23  février  1791,  le  promoteur 
d'une  1res  caractéristique  rébellion  de  la  paroisse  d'Avrillé 
contre  la  Constitution  civile  du  clergé  et,  en  particulier, 
contre  la  vente  des  biens  dépendant  du  i)rieuré-cure.  Cette 
affaire  avait  été  l'objet  d'un  rapport  de  Cochon-Lapparent 
à  l'Assemblée  nationale,  qui  avait  ordonné  des  poursuites 
au  mois  de  juillet  suivant.  Le  prévenu  avait  eu  le 
temps    de    s'enfuir    et     n'avait    pas    reparu     depuis''. 

*  Analyse  de  la  suitr  du  procès-verbal  militaire. 

*  Lettre  citée  par  Savary,  Guerre  des  Vendéens  et  des  Chouans,  t.  i,  p.  \i,l 
123. 

*  Sylvestro-Franvois  Duchalîault  de  la  Guiynardière,  seigneur  d'Avrillé  par 
sa  femme,  était  le  neveu  de  l'illustre  marin  bucliaffault  de  Besné,  lieutenant 
général  des  années  navales. 

On  verra    plus  loin    que  l'un  de  ses  ftls  deviiil  suspecta  Joly. 


LE    SIÈGE    DES    SABLKS-d'oLONNE    EN    1793  177 

Les  districts  réunis  des  Sables  et  de  Gtiallans  écrivaient,  le 
23  mars,  à  la  Convention  : 

»...  L'incendie,  allumé  dans  le  département  de  la  Loire- 
Inférieure,  embrase  maintenant  tout  le  département  de  la 
Vendée.  Nos  malheurs  sont  incalculables;  nous  avons  à  re- 
gretter un  grand  nombre  de  nos  concitoyens  tombés  sous  le 
poignard  du  fanatisme  religieux  et  nobilier  (sic).  Citoyen 
ministre,  depuis  vingt-neuf  jours  nous  sommes  en  guerre, 
abandonnés  à  nous-mêmes,  sans  armes,  sans  munitions,  et 
presque  sans  forces,  à  la  réserve  de  500  hommes  de  l'île  de 
Ré,  qui  ont  eu  la  générosité  de  venir  à  notre  secours  et  qui 
font  notre  principale  défense.  Toutes  nos  communications 
sont  coupées  avec  Nantes,  Challans,  Machecoul  et  Fontenay, 
sans  espoir  de  pouvoir  les  ouvrir,  si  nous  ne  sommes  promp- 
tement  secourus.  Nous  vous  épargnerons  le  récit  des  atro- 
cités et  des  brigandages  exercés  par  ces  monstres  sur  les 
patriotes  des  contrées  conquises.  La  vie  des  femmes  et  des 
enfants  n'a  pas  «lênie  été  respectée.  Venez  promptement  à 
notre  secours;  le  péril  est  imminent'.  » 

fA  suivre).  Gh.-L.    Chassin. 

parce  qu'il  n'avait  pas  amené  devant  les  Sables,  au  moment  décisif,  les 
troupes  qu'il  avait  promises  II  prit  part  à  toute  la  j::uerre  de  Vendée,  il 
passa  la  Loire  avec  l'armée  principale  et  était  de  la  déroute  du  Mans.  II 
étnigra  ensuite  et  fut  fait  chevalier  de  Saint-Louis  à  l'arméf  du  prince  de 
Condé  en  171)8.  Devenu  veuf,  il  se  fit  ordonner  prêtre  en  1^03,  et  en  1808  des- 
servit la  cure  de  la  Guionnière  près  de  Montaigu,  où  il  était  né  le  5  décembre 
1734,  d'après  la  précieuse  note  que  nous  a  fourni  son  compatriote,  notre 
très  érudit  ami  M.  Ch.  Dugast-Matifeux.  Il  mourut  chanoine  honoraire  de  la 
cathédrale  de  Nantes,  le  9  avril   1822. 

Tandis  qu'il  était  prêtre,  il  maria  lui-même  l'un  de  ses  neuf  enfants, 
Jacques-Gabriel  Ducliaffault,  avec  la  nièce  de  celui-ci,  c'est-à-dire  sa  propre 
petite-fille.  Ce  dernier  Duchaffuult  commanda  une  division  dans  l'armée 
insurrectionnelle  de  Vendée  en  1815,  mais,  après  la  mort  de  son  père,  il  se 
brouilla  avec  ceux  «  qui  n'avaient  rien  oublié  ni  rien  appris,  »  et  devint 
député  libéral.  11  a  signé  la  fameuse  adresse  de  i2l  et  pleinement  adhéré  à 
la  Révolution  de  1830.  On  l'a  surnommé  «  le  La  Fayette  de  la  Vendée.  » 

Tous  ses  frères  avaient  péri  dans  la  guerre  civile,  la  plupart  dans  l;i, 
campagne  d'Outre-Loire  en  170',  avec  sa  mère  et  plusieurs  femmes  de  la 
famille,  (d'après  M.  Chardon,  i.'s  Veadéetis  dans  la  Sarthe.)  M"»  la  mar- 
quise de  la  Rochejaquelein  rapporte,  dans  ses  Mémoires,  que  deux  des  jeunes 
Duchaffault  échappèrent  au  désastre  de  Savenay,  voulurent  rejoindre  Cha- 
rette.  furent  arrêtés  à  ses  avant-postes,  pris  pour  des  espions  et  fusillés. 

*  Il  est  bien  entendu  t/ue  cha</ue  auteur  est  responsalde  des  idées  ou 
opinions  émises  dans  ses  articles.  N.  D.  L.  H. 


A   TRAVERS 

LES  CLOCHERS  DU  BAS-POITOU 


II 


DOYENNE  DE  SAINT-JEAN-DE-MONTS- 


A.  —  Le  Clocher  de  Saint- Jean-de-Monts. 


Le  clocher  est  très  ancien,  de  même  âge  peut-être  que  la 
tour  massive  qui  le  supporte.  Cette  tour,  sous  laquelle  s'ouvre 
un  portail  cintré,  a  probablement  été  construite  par  les 
Anglais,  jadis  maîtres  du  l^oilou,  et  peut  remonter  jusqu'au 
\1P  sii  c'e.  L'histoire  ne  nous  fournit  qu'un  seul  lait  certain, 
l'agrandissement  de  l'église  en  i390,  aux  trais  d'iiu  nommé 
Jacques  Veillon.  Celle  date  est  aussi,  selon  nous,  celle  o"ù  la 
chai  ellenie  de  Saint-Jean,  dépendant  de  Nolre-Dame-de- 
Monls,  lut  définitivement  érigée  en  paroisse. 

M.  le  curé  Moran.  avec  le  concours  de  ses  paroissiens, 
entreprit  de  reconstruire  l'église  :  c'était  deu.x.  ans  avant  la 
Ré.olution.   Les  travaux    étaient    presque  achevés,   quand 


A    TRAVERS    LKS    CLOCIIliRS    DU    HAS-POITOU  IT'J 

vinrent  les  troubles  de 93.  L'édifice  fut  la  proie  des  fiammes', 
à  l'exception  du  clocher,  qui  lut  protégé,  comme  point  de 
repère,  par  les  administrateurs  de  la  Marine. 

a  Saint-Jean-de-Monts  possédait  autrefois  trois  cloches  non 
moins  belles  que  celles  d'aujourd  hui.  Dès  les  premiers 
troubles,  les  habitants, craignant  qu'elles  ne  fussent  enlevées, 
les  descendirent  du  clocher  et  les  cachèrent  dans  un  abreu- 
voir du  Marais,  entre  la  Grande-Maison  et  les  Granges,  à 
gauche  de  la  «  Gharraud.  »  L'étourderie  d'un  paysan  les 
livra,  trois  ans  plus  tard,  aux  républicains.  Un  détachement 
se  rendant  de  Challans  à  Sainl-Jean-de-Monts,  fut  forcé  de 
laisser  derrière  lui  une  pièce  de  canon  enfoncée  dans  la  vase 
de  la  coupe  du  Glousis.  Les  maraîchins  s'empressèrent  de  la 
retirer  et  de  la  mettre  en  lieu  de  sûreté.  Lorsque  les  Bleus 
revinrent  pour  l'emmener,  ils  ne  purent  que  constater  sa 
disparition.  Le  commandant,  apercevant  un  paysan,  lui  de- 
manda où  était  la  couleuvrine. 

a  I  au  sais-ja,  répondit-il,  à  moins  qu'a  sèje  avec  les 
«  clioches.  »  —  Cette  phrase  était  à  peine  achevée  que  le 
maraîcliin,  l'épée  sous  la  gorge,  fut  contraint  de  conduire  les 
soldats  à  l'endroit  où  les  cloches  étaient  enfouies.  On  les 
relira  de  la  vase  et  on  les  envoya  à  la  refonte.  Ceci  se  passait 
le  11  août  1796. 

Lorsque  la  tranquillité  fut  rétablie,  vers  1803,  on  exhuma 


'  Les  vases  sacrés  furent  volé.s.  On  n<?  réussit  à  sauver  (ju'un  ostensoir  en 
argent  doré,  qui  se,  conserve  encore  précieasement  dans  l'église  de  Saint- 
Jeun-de-Monis.  M.  Evellin,  qui  sy  connaît,  décrit  ainsi  ce  curit^ux  ostensoir  : 
«  Sur  une  plate-forme,  deux  anges  debout  et  dont  les  ailes  sont  mobiles,  sup- 
«  portent  à  bout  de  bras  un  petit  monument  ogival,  à  clochetons,  de  torme 
«  carrée  et  d'un  bon  ti-avail  d'orlèvrerio.  Ce  petit  monument  en  forme  de 
«  chapelle,  est  garni  de  glaces  sur  ses  quatre  faces  ;  l'une  de  ses  laces 
«  s'ouvre  à  charnières,  pour  permettre  de  placer  facilement,  à  l'intérieur, 
«  une  petite  boîte  ronde  dans  laquelle    on  met  l'iiostie, 

«  Une  légende  gravée  au  burin  avec  une  grande  délicatesse  sur  la  plate- 
«  forme  de  cet  objet,  ne  peut  laisser  aucun  doute  ni  sur  la  date  de  sa  fabri- 
«  cation,  ni  sur  sa  destination.  Voici  le  texte  de  celte  légende    en  gothique  : 

f  CEST  :  PORTE  DIEU    :    EST  :  DE    :   SAINT   :    lEAN    :    DE   :    MONS 
POYSENT  :  111  :  MARS  :  VI  :  ONCES  :  FAIT   LAN  :  MIL  :  CCCC  :  VI.  » 


18W  A    TRAVERS 

* 

le  eanon  républicain,  dont  les  débris,  transportés  à  Nantes, 
servirent  à  fabriquer  une  nouvelle  cloche.  Cassée  en  1808, 
refondue  avec  une  autre  l'année  suivante,  et  fêlée  de  nou- 
veau, cette  cloche  fut  remplacée  par  la  grosse  qui  existe 
aujourd'hui.  »  [M.  E.  Gallet.  Annuaire  de  la  Société  d'Emu- 
lation de  la  Vendée,  page  92). 

Cette  cloche  est  sans  contredit  l'une  des  plus  ornementées 
que  nous  ayons  vues  jusqu'ici.  En  voici   l'inscription  : 

(Main)  Nommée  Marie-Caroline-Uenriette  par  très-haut  ;, 
très-puissante  et  très-excellente  princesse,  Son  Altesse 

(Main)  Royale,  Madame,  duchesse  de  Berry  et  par  son  au- 
guste fils,  très-haut  et  très-e\celletit  prince,  So?i  Altesse 

(Main)  Royale,  Monseuineiir  duc  de  Bordeaux,  représentés 
pur  dame  Marie-Charlotte-Suzanne,  Tècle  Douches,  marquise 

(Main)  de  Foresta  et  par  M.  le  chevalier  Benjamin  de  May- 
nard.  J'ai  été  bénite  par  M^'  René-François  Soyer,  évêcjue 

(Main)  de  Lucon,  le  3  Juillet  i  829,  anniversaire  du  passage 
de  Madame,  duchesse  de  Berry  aux  Mattes.  Marguilliers  M.  M.  C. 

(Main)  Mourain,  P.  Fortin,  U.  Jmjuet,  J.  Baud,  J.  B.  Chad- 
lou,  maire,  Bruneteau,  curé. 

Faite  par  Sarrazin,  à  Nantes,  1 S '^9. 

Il  serait  trop  long'  de  parler  en  détail  de  tous  les  ornements 
qui  sont  sur  cette  cloche.  Nous  nous  contenterons  de  signaler 
les  principaux. 

An  sommet  sont  suspendus  4  trophées,  au  milieu  desquels 
on  distingue  des  tambours,  des  hallebardes,  des  enseignes... 
des  gerbes  de  blé,  avec  le  Sacré-Cœur  au  milieu  ;  ces  tro- 
phées sont  reliés  par  des  guirlandes. 

Une  belle  croix  fleurie  occupe  ce  qu'on  pourrait  appeler  la 
fa(;a<le  de  la  cloche.  Au  centre  de  la  croix  il  y  a  un  cœur 
enflammé  et  percé  d'une  flèche  ;  au-dessus,  un  angelot  lient 
une  couronne  suspendue. 

Au  pied  de  la  croix  se  trouve  un  tombeau  sur  lequel  se 
dresse  un  trophée  d'armes.  .X  côlé  un  ang-clot  porte  un  ca- 


LES    CLOCHERS    DU   BAS-POITOU  Igl 

ducée  de  la  main  droite,  tandis  que  la  gauche  place  une  cou- 
ronne sur  une  levrette,  symbole  de  la  fidélité. 

A  l'opposé  sont  les  armes  de  France,  avec  le  diadème 
royal  et  deux  médaillons,  dont  l'un  porte  un  navire  et  l'autre 
représente  une  tête  d'homme. 

A  droite  de  la  croix,  est  une  Vierge  tenant  le  sceptre  d'une 
main  et  de  l'autre  l'Enfant-Jésus.  A  gauche,  on  voit  la  marque 
du  fondeur. 

«  Anniversaire  du  passage  de  Madamp,  duchesse  de  Berry, 
aux  Mattes.  »  Ces  mots  pourraient  ne  pas  être  compris  d'un 
certain  nombre  de  lecteurs.  Tout  le  monde  sait  bien  que  la 
duchesse  de  Berry  est  venue  en  Vendée  en  1828,  mais  ce  qui 
est  moins  connu  ce  sont  les  motifs  pour  lesquels  cette  prin- 
cesse est  allée  visiter  les  Mattes.  Le  petit  village  des  Mattes, 
qui  dépend  de  la  paroisse  de  Saint-Hilaire  de  Riez,  se  trouve 
sur  la  route  du  Pierrier  à  Saint-Hilaire.  Il  fut  le  théâtre  d'un 
double  triomphe.  En  1622,  au  mois  d'avril,  Louis  XIH.  avec 
le  concours  des  braves  habitants  du  Marais,  battit  les  pro- 
testants qui  étaient  commandés  par  le  duc  de  Rohan-Sou- 
bise  et  l'action  commença  précisément  au  pont  des  Mattes. 

En  1815,  au  mois  de  mai,  sur  le  même  point,  les  Bleus, 
sous  la  conduite  du  général  Estève,  attaquèrent  les  royalistes 
de  Louis  de  la  Rochejaquelein.  Ce  dernier  fut  tué  au  moment 
où  il  criait:  «  En  avant!  Vive  le  roi  !  »  Les  soldats  faiblissent 
aussitôt,  quand  arrivent  au  pas  de  course  les  A^araîctiins 
armés  de  leurs  ninrjucs  et  de  leurs  longues  canardières.  Les 
Bleus  sont  bientôt  en  pleine  déroute.  A  l'endroit  où  Louis  de 
la  Rochejaquelein  est  tombé,  s'élève  aujourd'hui  un  petit 
bosquet  ;  au  milieu  est  une  allée  et  c'est  au  fond  de  cette  allée 
qu'on  voit  une  colonne,  surmontée  jadis  d'une  fleur  de  lys. 
C'est  le  lieu  précis  où  le  héros  a  été  tué,  aussi  sur  la  colonne 
on  lit  ces  mots  :  «  IHc  cecidit  !  »  Quelques  pas  plus  loin,  du 
côté  de  la  mer,  se  dresse  une  grande  croix  massive,  sur  le 
piédestal  de  laquelle  on  déchiffre  péniblement  cette  inscrip- 
tion : 


lî^-J  A    TRAVKRS 

u  Sur  ce  terlre  a  été  tué  et  it.'i. 

«  Couvert  de  terre,  Louis  de  la  Rochejaquelein.  » 

En  1822,  ou  1823,  ce  monument  assez  modeste  fut  inau- 
guré solennellement  par  M.  l'abbé  AfTre.  vicaire  général  de 
Luron,  mort  archevêque  de  Paris. 

On  comprend  quelles  raisons  une  princesse  catholique  et 
française  pouvait  avoir  de  faire  le  pèlerinage  des  Mattes, 
treize  ans  après  la  mort  si  glorieuse  d"un  des  plus  ardents 
champions  de  la  royauté. 

La  duchesse  de  Berry  voulait  assister  à  la  bénédiction  des 
cloches  de  Saint-Jean-de-Monts,  avec  son  fils  Henri  de 
Bourbon  :  une  cérémonie  splendide  se  préparait  à  cette  oc- 
casion, mais  la  chute  de  Charles  X  (1830)  renversa  ces  projets, 
et  le  baptême  des  cloches  se  fit  à  huis-clos. 

Quant  au  fondeur,  M.  Sarrazin,  de  Nantes,  voici  ce  que 
M.  .los.  Berlhelé  nous  en  dit,  à  la  date  du  31  mai  1889  : 

«  11  existe  une  cloche  de  Sarrazin,  à  l'église  paroissiale  de 
Saint-Laurent-sur-Sèvre.  Cette  cloche,  datée  de  1827,  porte  la 
marque  du  fonrleur,  qui  serait,  à  ma  connaissance  actuelle, 
pour  le  Poitou,  l'un  des  trois  plus  modernes  fondeurs  qui 
aient  employé  la  marque  pour  leur  signature.  Les  deux 
exemples  de  marques  les  plus  récents  que  j'ai  vus  sont  de 
François  Peigney,  à  Pamproux  (Deux-Sèvres)  en  1848,  et  de 
Nicolas  Peigney,  à  Benêt  (Vendée)  en  1849.  » 

M.  Sarrazin  a  dû  fournir  aux  églises  de  la  région  un  grand 
nombre  de  cloches,  car  les  fondeurs  actuels,  et  particu- 
lièrement M.  Astier,  reconnaissent  avoir  souvent  vu  son  nom 
ou  sa  marque  sur  celles  qu'ils  ont  refondues. 

Outre  l'intéressante  cloche  que  nous  venons  d'étudier, 
l'église  de  Saint-Jean-de-Monts  en  possède  trois  autres  de 
fabrication  toute  récente. 

5*  Sur  la  petite,  on  lit  : 

î.an  1 888,  Léon  XIII pape,  Clovis-Nlcolas-Joseph  Catteatt, 
irr/m"  de  Luron,  Pierre  Besson,  chanoine  honoraire,    etiré  de 


LES   CLOCHERS    DU    BAS  POITOU  183 

S'iint-Jea?i-de-Moîits,  M.  Annani  Lenoir,  maire,  j'ai  été 
bénite  et  m'aipdle  Bcnoit-Joaeph.  Mon  parrain  a  été  Jcan- 
Jo.^eph  Haballafid,  curé,  et  ma  marraine  dame  Boux  de  Casson, 
née  de  Cormdier. 

Fonderie  de  Bollée,  an  Mans.  Amédée  Bollée,  fils  aîné  suc- 
cesseur . 

Cette  cloche  est  ornée  d'une  croix  fleurie,  d'une  Vierge, 
d'un  S:icré-Gœar  et  des  insignes  de  la  Papauté.  Sur  la  robe, 
on  remarque  sept  petites  croix  et  des  g'uirlandes  de  Heurs 
diverses. 

2"  Sur  la  seconde  cloche. 

I.'an  i>i88,  LéonXUI  pipe,  Clovis-Nicolas-Josenh  Cattean, 
évêque  de  Liiçon,  Pierre  Besson,  chanoine  honoraire^  curé  de 
Saint-Jean-de-Monts,  Armand  Lenoir,  maire,  f  ai  et'',  bénite  et 
m'appelle  Jf^n  Baptiste  Mon  parrain  a  été  Olivier  Boux  de 
Casson,  conseiller  {/éniral,  et  ma  marraine  Victorine  Chappot 
de  la  Chanonie. 

Mêmes  ornements  que  sur  la  précédente. 

8°  Sur  la  troisième  cloche  : 

L'an  1  8  88,  LéonXlll,  paie,  Clovis-Nicolas-Joseph  Catteau, 
évêque  de  Lucon,  Pierre  Besson,  chanoine  honoraire.,  curé  de 
Saint'Jeande-Monts,  Armand  Lenoir,  maire,  j'ai  été  bénite  et 
m'appelle  Louis-Marie  GriQnon  de  Montfort.  Mon  parrain  a 
été  Emile  Poulain,  aspirant  de  marine  et  ma  marraine  Aimée 
M ilcent, décorée  du  prix  Monthr/on  en  1878. 

Ces  quatre  cloches  donnent  les  notes  suivantes  :  Si  bémol, 
sol,  fa  et  mi  bémol. 

B.  —Le  Clocher  de  Notre-Dame-de-Monts. 

L'église  de  Notro-Dame  peut  remonter ,  d'après  M.  de 
Sourdeval,  jusqu'au  Xl°  siècle,  mais  elle  a  dû  subir  bien  des 
transformations  avant  d'arriver  h  l'état  où   nous  la  voy(ms 


184  A    TRAVRRS 

aujourd'hui.  Cependant,  l'histoire  est  muette  à  ce  sujet,  pen- 
dant bien  des  siècles'. 

«  Au  commencement  du  XVIll"  siî'cle,  l'église  avait  trois 
grandes  nefs,  un  beau  clocher  et  une  magnifique  sonnerie  de 
quatre  cloches,  dont  deux  furent  bénites  en  1720.  L'une, 
nommée  Renée,  eut  pour  parrain  messire  René-Claude  de  la 
Rochcfoucault,  chevalier,  seigneur  du  Breuil  et  de  la  pa- 
roisse, capitaine  général  des  gardes-côtes,  et  pour  marraine 
dame  Louise-Anne  Robert,  son  épouse.  Le  parrain  de  la 
seconde  cloche  fut  messire  Gabriel  Raynard,  curé.  » 

(M.  E.  Gallet.  Annuaire,  p.  86.) 

Le  7  avril  1741,  le  clocher  s'écroula,  mais  sans  causer  le 
moindre  dommage  aux  cloches  et  à  ^horloge^  Il  fut  immé- 
diatement reconstruit,  avec  la  grande  nef  de  l'église.  L'édifice 
disparut  en  grande  partie  au  milieu  des  troubles  révolution- 
naires et  dut  être  relevé  plus  tard,  sur  les  anciens  fonde- 
ments, mais  sans  architecture,  car  les  ressources  et  les 
ouvriers  habiles  faisaient  complètement  défaut. 

Le  clocher  est  un  point  de  repère  pour  les  navigateurs  qui 
entrent  dans  le  goulet  de  Fromentine. 

Chose  curieuse  !  Par  suite  de  l'amoncellement  des  sables 
autour  des  murailles,  l'église  tend  peu  à  peu  à  disparaître  et 

*  Dans  une  charti- ilu  11  janviiM-  113G,  le  pape  Innocent  II  donnant  le  dé- 
nombrement des  })ossessioiis  de  Maraioutiers,  nomme  l'éjilise  de  Notre- 
Dame  ;  «  Ecclesùe  de  Monlihus,  cnnt  altaribus,  decimis  et  omnibus  ad 
«  eam  pertinentibus.  » 

»  7  avril  1741. 

Le  septième  avril,  le  vendredi  après  les  Pâques  sur  les  quatre  heures  et 
demie  du  soir,  le  clocher  de  l'église,  chargé  de  quatre  belles  cloches,  manqua 
par  les  fondements  et  entraîna,  par  sa  chute,  toute  l'église,  qui  avait  deux 
ailes,  était  belle  et  très  spacieuse;  les  cloches  et  l'horloge  n'en  furent  pas 
rompues.  Signé  :    Bonnin,  curé. 

L'église,  réédifié»!,  lut  bénite  le  25  décembre  174:1,  par  M.  Merceroii,  alors 
curé. 

La  graiiile  porte,  au  couchant,  est  le  reste  de  l'ancienne  église;  (die  est 
surmontée  de  mascarons  indiquant  le  douzième  siècle. 

{Annuaire  de  la  Vendée  1875,  page  125). 


I.ES    CLUCllKKS    DL"    BAS-P(tlTOU  185 

si  rcnvahissement  continue,  elle  sera  complètement  ense- 
velie au  bout  de  quelques  siècles. 

Des  quatre  cloches  mentionnées  plus  haut,  il  n'en  reste 
plus  qu'une,  datée  de  1697  et  de  minime  importance.  Elle  a 
pour  unique  ornement  un  écu  portant  la  croix  avec  deux 
palmes. 

Notre-Dame  possède  une  autre  cloche  ,  dont  voici  l'ins- 
cription ; 

(Main)  J'ai  été  nommée  à  Notre-Dame-de-Monts  i,ar 
M.  Pierre  Pelloquiii  et  Françoise  Creux,  mes  (Main)  parrain 
et  marraine,  MM.  Auguste  Taconet,  ipaire,  F.  Thibaud,  ad- 
joint, P.  1  cifjné,  trésorier,  (Main)  P.  Pelloquin,  M.  Jodet, 
J.-P.  Pouvreau,  et  J.  Artus,  secrétaire  ,  tous  membres  du 
Coïiseil  de  fabrique. 

Faite  par  Jean  Voruz,  à  Nantes,  l'an  i  S2ô. 

La  robe  de  la  cloche  n'est  ornée  que  de  filets  simples,  mais 
la  croix,  qui  s'élève  sur  trois  degrés,  est  fleurie  de  myosotis. 

L'église  de  Notre-Dame  était  excessivement  riche  au 
Moyen-Age  et  jusqu'à  la  Révolution.  A  cette  époque,  on  mit 
en  sûreté  les  vases  sacrés  et  ce  que  la  sacristie  avait  de  plus 
précieux.  Que  sont  devenus  ces  trésors?  La  tradition  affirme, 
paraît-il,  qu'ils  sont  toujours  enfouis  dans  une  crypte  sous 
l'ancien  chœur  de  l'église.  Nous  faisons  des  vœux  pour  que 
des  fouilles  soient  exécutées  le  plus  tôt  possible  pour  savoir 
ce  qu'il  y  a  de  vrai  dans  cette  croyance  populaire. 


G.    -^  Le  Clocher  de  la  Barre-de-Monts'. 

Avant    la     Révolution,     la    Barre-de-Monts    n'était   qu'un 
-impie  village  possédant  une  chapelle  vicarialc.  Le  cliape- 

'   Quelle  est  l'origine  do  ce  nom  ?  Nous   l'avons  en  vain  clierchée  clans  les 

«écrits  de  M.  Gallet  et  de  M.  de  Sourdeval.  Seul,  M.  l'ab'jé  Noulleau,  ancuMi 

uré  de  cette  paroisse,  s'est  posé  la  question,  à  laquelle  il  a  ainsi  répondu  : 

ToMiL  IV.  —  Avril,  Mai,  Juin  1801.  13 


ISli  A    TRAVKHS 

kiiii,  qui  dépendait  de  Notre-Dame,  remplissait  eu  déliuitive' 
les  fonctions  de  curé,  car  il  avait  sou  [tresbytère  qui  porte 
encore  aujourd'hui  le  nom  de  Vicairie;  il  célébrait  chaque 
malin  le  saint  sacrifice  de  la  messe,  officiait  solennellement 
les  jours  du  dimanche  et  les  jours  de  fêtes,  enseignait  le 
catéchisme  aux  petits  enfants  et  adminislraitles  sacrements; 
cependant  les  fidèles  étaient  obligés,  comme  paroissiens  de 
Notre-Dame,  d'assister,  un  dimanche  par  mois,  à  la  grand'- 
messe  de  la  paroisse. 

Le  premier  chapelain  connu  fui  messire  Miehautlqui  vivait 
en  1633  ;  le  dei'iiier,  M.  Bouleau,  venu  en  17U0,  disparut 
pendant  la  Révolution  el  devint,  vers  1824,  vicaire  général  du 
diocèse  de  Luçon. 

La  chapelle  vicariale  échappa  aux  incendies  de  03  et  fut 
remplacée,  en  1812,  j)ar  une  modeste  église  construite  dans 
la  forme  des  granges  du  Marais.  L'ancienne  cloche,  qui  avait 
été  cachée  pendant  les  }ours  de  la  Terreur,  ne  fut  retrouvée 
que  dans  le  carême  de  1853,  enfouie  dans  une  pièce  de  terre 
attenant  à  l'église,  au  nord-est.  Elle  fut  achetée  par  la  fabrique 
et  bénite  par  M.  Bonin,  prédicateur  de  la  station. 

Le  premier  curé  de  la  Barre  fut  ^L  Deshaies,  auquel  suc- 
cédèrent MM.  Palvadeau  el  Pajol. 

La  cloche,  qui  fut  refondue  en  1872  el  don!  M.  Pajol  fit  l'ac- 

«  On  peut  supposer  que  la  Barre  a  Hé  ainsi  noiiiiiiée  parce  que  lîi  se  trouva 
«  une  interruption  à  cette  longue  suite  de  montagnes  de  sable  qui  bordent 
«  l'Océan.  »  {Manuscrit  de  M.  l'abbé  Nonlleau,  conservé  aux  Archives  pa- 
roissiales). C'est  en  etïet  à  la  Barre  que  finissent  les  monts  ;  c'est  là  qu'ils 
sont  barrés  par  la  mer. 

On  poui-ra-t  trouver  une  autre  explication.  Pourquoi  ce  mot  :  liarre-de- 
Monts  ne  signifierait-il  pas  barrière  de  3ïO»/s,  ojjposée  à  renvahisst»nient 
de  la  mer  <  On  sait  qu'autrefois  l'Océan  couvrait  la  presque  totalité  du 
marais  occidental  de  la  Vendée,  et  le  golfe  ainsi  formé  était  séparé  de  la 
haute  ra'^r  par  une  cliaine  de  rochers  et  de  monticules  sablonneux,  large  de 
2001)  mètres  et  longue  de  plus  de  trois  lieues.  Cette  barrière  infranchissable 
aurait  pu  dans  son  ensemble  être  appelée  «  la  Bar re-de- Monts  »  ;  mais,  selon 
nous,  ce  nom  ne  fut  donné  qu'à  la  pointe  la  plus  occidentale  de  ce  cap  très 
avancé  qui  s'étend  de  Saint-GiUes-sur-Vie  jusqu'à  l'embouchure  du  Grand 
KUer.  li'enceinte  du  goUe  était  parsemée  d'iles,  calcaires  dont  les  [ilus  im- 
portantes "Haie  nt  celles  du  Perrier  et  de  Snllcrtaine. 


LKS   CLOCHERS   DU    BA^S-P01T0L■  187 

quisition  cii  1813,  (5taifc  à  l'cxtérieLu*  de  l'église,  soutenue  seu- 
li'uicnt  par  deux  poteaux.  Ce  ne  l'utfju'eu  182i  ((ue  le  cloclier 
fut  construit.  C'est  aussi  le  môme  curé  (|ui  fit  bâtir  le  pi-es- 
bytôre;  d'abord  un  simple  rez-de-cliau?sée,  la  maison  curiale 
fut  exhaussée  en  1810.  A  M.  Pajot,  succéda  M.  NouIIkmu,  doiil 
le  principal  mérite  fut  d'élever,  en  iSil,  l'église  telle  ((u'elle 
est  aujourd'hui  avec  ses  stalles,  ses  statues  et  ses  petits  autels 
Le  clocher  de  la  Barre  renferme  deux  cloches,  l'une  de 
1872  et  l'autre  de  1890. 

1"  Sur  la  plus  ancienne,  se  lit  l'inscription  suivante  : 

«  L'an  i^12,  j'ai  éti]  bénite  pour  réfjiist'  delà  llanc-de- 
«  Monts,  par  M.  Gabriel  Goiiraud,  vicaire  nénéral  de  L  cuit. 
«  .1/.  Louis  Trichet,  curé  de  la  paroisse,  et  nommée  Marie- 
«  Louise  par  mes  parrain,  et  marraine.  M.  Patrice  Baul  et 
«  Mme  FélicHé  Renaud,  née  Pontoizeau.  MM.  Narcisse  Jodet, 
«  Patrice  Baud,  Jean  Burgaud,  Louis  (iuillet,  Hnioit  Pontoi- 
«  zeau,  Pierre  Paradis,  fabriciens.  » 
«  liollée  et  ses  /ils,  fondeurs-accordeurs  au  Mans.  » 

Trois  guirlandes  ornent  la  robe  de  la  cloche;  celle  d'en  bas 
îst  composée  de  roses.  D'un  côté  on  voit  une  belle  croix 
Jeurie:  de  l'autre,  c'est  la  sainte  Vierge,  les  mains  jointes 
>ur  la  poitrine  et  les  pieds  reposant  sur  un  globe.  Sept  fl(;urs 
)lacées  à  égale  distance,  complètent  l'ornementation  de  celti; 
;loche. 

2"  L'auti-e  cloche  est  tout  à  fuit  récente,  puisqu'elle  ii  r\r 
)aptisée  il  ya  quelques  mois  à  peine.  "  L'a/i  df  N.-S.  1  S!H>  et 
le  4  novembre,  fai  été  bénite,  pour  la  paroissf^  de  la  Ikirrr- 
de-Monts,  par  M.  Louis  Charpentier,  curé  dr  la  cathédralr 
de  Luron,  nssi.té  Ue  M.  Emile  Sureau,  curé  de  la  paroisse  : 
et  nommée  Clémentine-Emilie-Joséphine,  par  tnrs  pa,r>-aiii 
et  marraine,  M.  Clément  Poulain  de  Nantes  cl  dame  \'fi,rr 
liautureau,  née  Sureau.  MM.  Narcisse  Jodet,  maire,  Aiujustr 
Grassineaud,  président,  Joseph  Paradis,  trésorier,  .\u<iti.^!< 
'^1  lus,  Jean  Gaboril ,  Jean  Mih-mt,  f'ibririrux.  « 


188  A    TRAVERS 

a 

]SoTA.  —  Non  loin  du  bourg  de  la  Bariv  s'élevait  autrefois  une  maison 
noble  appartenant  aux  sires  de  Beaumanoir.  Les  scign.'urs  de  cette  famille 
furent,   à  cette  époque,  d'après  le  Père  Anselme  : 

Brienl  de  Beaumanoir,  vicomle  du  Bessu,  seigneur  delà 
Claye,  de  la  Touche-Huet,  de  MonLgerval,  de  Gennes  etde  la 
Barre,  qui  lui  l'ail  chevalier  à  la  bataille  do  Gastillon  en  Gu- 
yenne, devint  chambellan  du  roi  Louis  XI  et  mourut  en  li85. 
Il  épousa  Marguerite  de  Creux,  dame  de  la  Folie,  dont  il  eut  : 

Gilles  do  Beaumanoir,  seigneur  de  la  Ba^re,  chambellan  de 
François  II,  duc  de  Bretagne,  qui  combattit  pour  la  conquête 
de  Naples,  avec  le  roi  Charles  VllI,  on  li95,  fut  armé  che- 
valier à  la  bataille  de  Fornoue  et  devint  chambellan  du  roi  en 
1498. 

Les  armes  de  Jean  de  Beaumanoir,  maréchal  de  France  en 
1505,  sont  : 

tt  D'azur  à  onze  billettes  d  argent  placées  4,  .'i,   /.  » 

La  maison  habitée  par  cette  famille  a  disparu  presque 
complètement:  quelques  pierres  seulement  en  rappellent  le 
souvenir.  L'humble  habitation,  élevée  sur  ces  ruines  antique- 
porle  encore,  paraît-il,  le  nom  prétentieux  de  Beau  Manoi 


w. 


D.  —  Le  Clocher  du  Perrier'. 

La  fondation  de  cette  paroisse  remonte  au  moins  jusqu'au 
XIP  siècle,  car  la  fabrique  possédait  autrefois  des  archives 
datant  de  cette  époque. 

'  Quelle  est  l'étymologie  de  ce  nom?  Voici  ce  qu'en  jjensail.  eu  18;.8, 
M.  Charles  Mourain  de  Sourdeval  : 

Le  nom  de  Perrier  semble  indiquer  un  novau  rocheux,  qui  cept'iidant 
n'existe  pas.  Il  ost  vrai  que  ce  nom  est  ainsi  formulé  par  l'orthographe  mo- 
derne et  officielle.  Mais  dans  les  anciens  documents,  on  trouve:  Sanctus 
Salvator  de  Perio,  Saini-Sauveur  du  iVIarais  du  Perlez,  Périé,  Périer.  Les 
habitants  liu  lieu  prononcent  Prère.  Or  le  noyau  de  l'île  n'est  pas  rocheux, 
mais  sablonneux  ;  il  se  trouve  à  cent  ou  deux  cents  mètres,  au  noi'd  du 
bourg...  11  porte  les  noms  d'Ile -Paradis,  de  Pé-de-l'Ile,  de  Pé-de-Riez  ;  et 
je   nie  (leiniiiiile  si  ce  derniei'  nom   eoiilraolé  n';uii-ail  pas  donné  lieu  au  nom 


LES    CLOCHERS    DU    BAS-POITOU  180 

I/égiise,  qui  n'a  pas  précisément  de  caciiot  architectural, 
porfe  cependant,  au  témoignante  de  M.  de  Sourdeval, 
quelques  (races  de  construction  du  Moyen  Age. 

Avant  la  Révolution,  il  existait  au  Perrier  un  recueil  très 
curieux,  renfermant  les  «Titres  de  la  Fabrique.  »  Il  avait 
été  établi  en  1788,  sur  la  demande  de  messire  Antoine  delà 
Barre,curé  de  la  paroisse,  et  par  les  soins  de. Jacques  NauUeau, 
procureur  fiscal,  on  présence  du  sieur  Henri  Collinet  de  la 
Charrault,  sénéchal  de  la  seigneurie  etchàtelleniedu  Perrier. 
Les  pièces,  détériorées  pour  la  plupart,  furent  transcrites  mi- 
nutieusement par  Pierre-Charles  Josse,  expert  habile  de  la  ville 
de  Pouzauges,  moyennant  la  somme  de  500  francs.  En  tôle  du 
registre,  se  trouvait  l'histoire  de  la  paroisse  ;  puis,  par  ordre 
d'ancienneté,  venait  la  copie  des  parchemins  originaux  inté- 
ressant la  fabrique.  Le  document  le  plus  vieux  date  du 
Xll"  siècle.  Le  suivant  est  une  rente  de  sept  sols,  consentie  par 
Pierre  Rotissea,  devant  le  sieur  Girard,  notaire,  le  23  sep- 
tembre 1389.  Chose  curieuse  1  Ces  actes  étaient  formulés  en 
patois  et  portaient,  pour  les  noms  propres,  Roiissea  pour 
Rousseau,  Micha,  pour Michaud,  Massoiinea  pour  Massonneau, 
etc.Lesdonationsétaientfaiteshabituellementen  vued'obtenir 
une  place  de  sépulture,  sous  le  ballet  ou  dans  l'intérieur  de  l'é- 
glise. Quand  il  y  avait  vente  au  profit  de  la  fabrique, on  suivait 
l'usage  établi  dans  presque  toutes  les  paroisses  poitevines, 
dont  les  affaires  se  traitaient  soit  devant  la  grande  porte  de 
l'église,  sous  le  ballet,  soit  dans  le  cimetière  devant  la  croix 
Ozanne,  ou  Hozannièrc.  Après  la  messe,  au  son  de  la  cloche, 
les  notables  y  étaient  convoqués,  au  nombre  de  douze, 
formant  ■<  la  portion  la  meilleure  et  la  plus  saine  des 
habitants.  » 

(le  Périt!  et  par  suitft  :\  colni  de  Perrier.  Le  motp'j  dans  le  pays  est  g<'iu'rali'- 
ment  emplny/^  pour  (''minence.  —  I,e  marais  du  Perrier  touche  le  pa.vs  de 
Riez  ;  il  est  donc  possible  que  le  mot  Perrier  veuille  dire,  dans  son  «^tyuni- 
logie.  «éminonce  du  pays  de  Riez.  »  Le  Fouillé  de  Lnçon  marque:  Snnctus, 
Sah'ator  de  Piru.  »  —  Pnr  une  charte  originale  conservéi'  aux  Archives  de 
Maine-et-Loire  et  qui  remonte  environ  à  l'année  |-2i)o,  Maurice  de  Montaigu 
donne  à  l'abbaye  de  Fontevrault  100  sous  de  rente  sur  ses  revenus  du  nui- 
rais du  Perier,  maresii  dan  Perer. 


l'.l  )  A    TRAVEUS 

a 

Le  legi-lic,  coutonnnl  des  délails  aussi  curieux  et  aussi 
inlércssnnt^,  n'oxisle  mallieureusement  plus.  Sauvé  de  la 
deslniclioii  ni  171» i  pur  les  soins  du  sieur  Naulleau,  il  devint 
lapropriélé  d'une  famille  (pii  le  fit  vendre  à  vil  prix.  Malgré 
les  r.'cli"rclios  les  plus  actives  et  les  plus  intelligentes,  il  a 
été  impossible  de  savoir  ce  qu'il  est  devenu.  Quant  aux  titres 
originaux,  ils  devinrent  la  proie  des  flammes  dans  les  pre- 
miers jours  du  mois  de  mai  ITOi,  lorsque  la  colonne  infer- 
nale, envoyée  par  Turreau  ci  commandée  par  Dutruy,  vint 
incendier  le  bourg  du  Perrier.  Nous  devons  dire,  à  la  louange 
dos  Iniliil.iuts,  qu'ils  se  défendirent  avec  un  courage  héroïque, 
ne  cédant  le  terrain  que  pas  à  pas,  se  servant  de  chaque 
maison,  de  chaque  fossé  pour  résister  aux  soldais  envahis- 
seurs de  la  Révolution.  Le  nombre  seul  l'emporta.  La  popu-  . 
lation  fut  massacrée  en  grande  partie;  toutes  les  fermes 
furent  brûlées  ;  toutes  les  maisons  du  bourg  furent  décou- 
verles  pour  alimenter  les  feux  du  bivouac  républicain.  La 
charpente  de  l'église  ne  fut  pas  épargée  ;  la  sacristie  seule, 
qui  servait  de  logement  à  l'état-major,  garda  ses  planches  et 
sa  couverture  d'ardoises. 

Ce  n'est  qu'en  1810  que  le  sanctuaire  fut  restauré  par 
M.  Lambert,  curé  de  la  paroisse. 

Quelques  années  plus  tard,  le  7  juin  1815,  les  cloches  du 
Perrier  annoncèrent  la  mort  de  Louis  de  la  Rochejaquelein ,  tué 
trois  jours  auparavant,  au  glorieux  combat  des  Mottes.  Le 
corps  du  brave  royalislo  fut  inhumé  dans  le  cimetière  de  la 
paroisse,  d'où  il  fui  li'ansport('',  Tannée  suivante,  à  St-Aubin- 
de-Baubigné. 

Les  cloches  qui  sonnèrent  en  1815  pour  la  sépulture  de 
l-iouis  de  la  Rochejacquelein,  n'existent  plus  Elles  furciil 
refondues  en  1817  et  remplacées  par  celle  qui  habite  aujour- 
d'Iiui.  en  compagnie  d'une  autre  sœur,  le  cloclicr  rlu  Perr-ier. 

1"  Sur  l;i  [)lns  ancienne  se  lit  l'inscription  suivante  en 
gros  caractères  : 

//////  <oni>^  livres  je  pf-ao. 


I.KS   CLOCfIBRS    DU    I5AS-P0IT01I  {[){ 

J'ai  été  nommée  au  Perrier  MaCrieatherine  par  Jean- Joseph 
Boizard,  mon  parrain,  et  Catherine  Bernard^  ma  marrai?ie. 

M.  Jacque  Lambert,  curé  et  président  du  conseil  de  fabrique. 

Fabriciens  :  André  \auleau,  trésorier,  Charles  fiernard, 
Jacques  Nauleau,  Jacques  Thibaudet  Jean  Crochet, secrétaire. 

Faite  p',r  Jean  Voruz,  à  Nantes,  Vin  1817 . 

Cette  cloche  n'a  poLu-  lout  ornement  que  de  simples  filets, 
avec  deux  croix,  l'nno  neurdelysée  et  l'autre  couverte  de 
myosotis. 

2"  Sur  la  grosse  cloclie.  on  lit  : 

Fqo  nominor  Joannes  Baptista  et  fidèles  ah  (d)  sacra  voco. 
Me  condidit  Ernestus  BoÙée,  annu  l  S5.')  \  patrinus,  Jacobus 
î.ambert,  olim  rectnr  hujusce  parochitn  :  matrimi-.  Maria 
Vriqîieau. 

C'est-à-dire  :  Je  me  nomme  Jean-Baptiste  et  j'appelle  les 
fidèles  aux  offices  sacrés.  Ernest  Bollée  m'a  fondue,  dans 
l'année  1855;  j'ai  eu  pour  parrain;  Jacques  Lambert,  ancien 
curé  de  celte  paroisse,  et  pour  marraine,  Marie  Vrigneau. 

Cette  cloche  a  plus  d'ornements  que  la  précédente.  C'est 
d'abord,  en  face,  un  crucifix,  et  à  l'opposé  la  sainte  Vierge 
tenant  l'enfant  Jésus  dans  ses  bras  ;  ensuite,  à  droite,  c'est 
un  évêque  en  pied,  et  à  gauche,  ce  sont  les  armes  de  Ms""  Rail- 
les. Des  guirlandes  entourent  la  cloche,  avec  des  suspensions  . 
qui  représentent  les  vases  sacrés  et  les  objets  qui  servent  au 
culte. 

E.  —  Le  Clocher  de  SouUans'. 

C'est  probablement  dans  le  cours  du  .X.II'^^  ou  du  Xlll"  sit-clc 
que  fut  fondée  la  paroisse  de  Saint-Tlilairc  deSoullans.  Drs  le 

'  Autrolnis  pt  plus  qu'aujoiir.rimi,  \c  pnys  do  Soiillnns  t'tait,  oommo.  celui 
(le  Cliallnns,  composé  de  torrcs  incultes  et  do  landes.  .Vussi,  l'étymoiogie  de 
ces  deux  noms  pai'ait  être  celle-ci  :  Challans,  CapiU  landium,  commence- 
ment des  landes  ;  et  Sonllans.  S.ub  landibus,  au  milieu  des  landes. 


192  A    TRAVERS 

a 

commencement  du  XIV»  siècle,  elle  est  desservie  par  des  re- 
ligieux de  l'abbaye  de  Nieul-sur-l'Autise,  qui  vivaient  sous  la 
règle  de  saint  Augustin.  A  cette  époque,  en  effet,  le  Grand- 
Gauthier  (manuscrit  conservé  aux  Archives  de  Poitiers)  fait 
celte  mention  expresse  en  parlant  de  Soullans  :  «  Esl  rorpi- 
larium  (Abbaye  de  Nieul).  »  Ces  mots  signifient  que  cette 
église  dépendait  tellement  des  religieux  réguliers  de  Saint- 
Augustin,  qu'elle  ne  pouvait  être  confiée  qu'à  des  sujets  de 
cet  ordre.  Les  prêtres  chargés  d'administrer  la  paroisse 
portaient  le  nom  de  prietir,  qu'ils  changèrent  en  celui  de  ciiré, 
quand  l'abbaye  de  Nieul  fut  sécularisée  en  1715. 

L'église  actuelle  fui  construite  au  milieu  du  XVII*  siècle, 
une  vingtaine  d'années  avant  le  clocher  qui  date  de  iOTi. 
L'édifice  est  de  style  grec;  cependant  plusieurs  fenêtres  sont 
en  ogive  et  durent  être  ouvertes  à  une  époque  bien  posté- 
rieure. Il  ne  faut  pas  manquer  de  signaler  aux  amateurs  le 
rétable  du  grand  autel,  qui  est  vraiment  fort  curieux  dans 
son  ensemble  et  rappelle  la  seconde  moitié  du  XVIP  siècle. 

Le  sanctuaire,  avec  sa  flèche  qui  le  domine  de  plus  de  140 
pieds,  n'eut  pas  beaucoup  à  souffrir  pendant  la  Révolution, 
et  servit  longtemps  d'asile  au  curé  de  la  paroisse,  M.  Nœau , 
qui  aurait  pu,  comme  un  grand  nombre  de  ses  confrères, 
mettre  ses  jours  à  l'abri  en  prenant  le  chemin  de  l'exil.  Mais 
ce  pasteur  fidèle  ne  put  se  résoudre  à  quitter  son  cher  trou- 
peau. Au  plus  fort  de  la  tourmente,  il  se  tint  caché,  célébrant, 
pendant  la  nuit  et  dans  les  granges,  le  saint  sacrifice  de  la 
messe.  Un  jour  il  fut  surpris  par  les  Bhitis,  au  moment  où  il 
venait  d'achever  une  cérémonie  religieuse;  à  peine  eut-il  le 
temps  de  recommander  son  âme  à  Dieu,  qu'il  fut  impitoyable- 
ment massacré,  près  de  la  ferme  des  Clouzils,  sur  sa  paroisse 

l^ns  cloches.  —  Extrait  du  registre  paroissial  de  Soullans  : 

AnjovrcVlnil,  10  juillet  177  i,  a  été  hénitc  la  a  rosse,  cloche 
nominée  Gabrielle-Charlolte .  Elle  a  eu  pour  parrain,  messire 
Gabriel  Buor  do  ht  Mulonière,  priettr-curé  de  ce  lieu  cl  pour 


LKS    CLOCHERS    DU    BAS-POITOU  193 

marraine  dame  J canne-Marie-Charlotte  Babeaii,  dame  de  Lé- 
znrdière.  La  bénédiction  a  été  faite  par  messire  Piéride  Bioii, 
airé  de  Croix- de-Vie,  directeur  de  la  corférence\  ont  nqné  au 
registre  :  Babeau  de  Lézardière,  D\o^  de  la  Midenière,  Cathe- 
rine de  la  Salle,  Bobert  de  la  Verrie,  Marie  de  Lézardière, 
Gilberte  des  Villates,  Louise  de  la  Proiitière,  Bobert  ae  Lézar- 
dière, Louis  de  Lézardière,  chevalier  de  Lézardière  Macé  de 
la  Barbeloy,  Gouraud,  curé  de  la  Garnache,  Bouhier,  curé  du 
Fenouiller,  Travers  de  Grand-lieu,  Bonin  de  la  Bonnière, 
Bioif,  curé  de  Croix-de-Vie. 

La  famille  de  la  Salle-Lézardière  possédait  le  château  de 
Vérie,  qui  est  aujourd'hui  habité  par  M.  Olivier  Boux  de 
Gasson,  conseiller  général  et  maire  de  Ghallans. 

Messire  Gilles-Gabriel  Buor  de  la  Mulenière,  prieur-curé 
lie  Soullans,  de  1750  à  1772,  était  précédemment  vicaire  de 
«Ihallans.  Il  mourut  des  suites  d'une  chute  de  cheval,  à  l'âge 
de  45  ans.  le  18  janvier  1772  et  fut  inhumé,  deux  jours  après, 
dans  le  chœur  de  l'église,  en  présence  de  MM.  Milloin,  curé 
(le  Perrier,  Riou,  curé  de  Croix-de-Vie,  Gourant,  curé  de  la 
Garnache,  Tortereaii,  curé  de  Ghallans,  Lainez,  vicaire  de 
céans. 

—  Au  sortir  de  la  Révolution,  il  n"y  avait  qu'une  seule 
cloche  dans  le  clocher  de  Soullans  ;  elle  fut  remplacée  par 
une  autre  en  1810.  Cette  dernière  fut  refondue  en  1830  et  bé- 
nite en  même  temps  qu'une  deuxième  cloche  qui  existe 
encore  aujourd'hui.  La  plus  petite  fut  brisée  en  1863,  époque 
h  laquelle  M.  l'abbé  Jodet,  curé  actuel  de  la  paroisse,  fil 
l'acliat  de  deux  nouv.'^lles  cloches.  Voici  les  inscriptions  : 

1880  (cloche  moyi:n.\k)o 

<^  Je  m'appelle  Louise- Eugénie.  Parrain  M.  Louis- Joseph  de 
Badereau,  chevalier  de  Saint-Louis,  marraine  Madame  Euqé- 
nie-Marguerite-Nicole-Ma:  ie  Berthier  de    Viviers,   épouse  de 


lui  A    TRAVKRs 

.]/  de  liadercau,  /ils  de  M.  Louis-Pierre- Aimé.  —  Rat/nard, 
euré  de  Soullans,  M.  J.  Ques.  Massonneau,  maire,  François- 
Victor  Loué,  Edouard  Bour eau,  André  Guillut,  Jean  Besseau, 
Jacques  Cornevin,  marguilliers,  conseillés  (sic)  de  la  fabrique 
de  Soidlans,  en  1  8.^0.  » 
«  Faite  par  Marque.'-Viet,  fondeur  à  Villedieu.  » 

—  La  croix,  élevée  sur  quatre  gradins,  est  ornée  d'une 
branche  de  vigne,  garnie  de  pampre  et  de  raisins.  A  l'opposé, 
on  voit  une  reproduction  de  l'Assomption  de  Murillo.  La 
cloche  n'a  pas  d  autre  ornement.  Son  poids  est  de  700  kilog. 
et  son  prix  d'achat  a  été  de  2,500  francs. 

—  Nous  ne  connaissons  pas  le  tondeur.  «  Serait-ce.  nous 
écrit  M.  Joseph  Berthelé.  le  prédécesseur  de  Paul  Havard. 
fondeur  à  Villedieu  (Manche),  qui  a  fourni  des  cloches  à 
Mortagne  et  à  la  Maison-Mère  de  la  Sagesse,  à  Saint-Laurent- 
sur-Sèvre.  » 

—  Le  curé,  M.  Louis  Raynard  (1829-18.%),  né  à  la  Ghapelle- 
Palluau  en  1801,  élail  vicaire  du  Perrier,  sous  l'habile  direc- 
tion de  M.  Lambert,  lorsqu'il  fut  désigné  pour  la  cure  de 
Soullans.  11  est  décédé  dans  sa  famille  à  l'âge  de  35  ans,  le 
1(3  novembre  18:56,  universellement  regretté  par  ses  parois- 
siens, qui  avaient  pu  reconnaître  en  lui  les  qualités  et  les 
vei'tus  d'un  bon  pasteur. 

18(58  (r.ROssK  cloche). 

«  ./  ai  clé  hajjtisér  par  M.  Ilruri  de  Lcspinay,  vicaire  qénér  >! 
de  Luron.  Je  m'appelle  Jacquemine-Marquerite-Gabriellc- 
Euf/é nie-Marie.  —  Parrain  M.  Henri-Gabriel  de  la  Tou^  du  Pm, 
marrainr  Euqéfiie-LoHise-Jeanne  de  Baderean  de  Saint- 
Marlin.  épouse  de  M.  François-Marie-Euqène  Le  Fournier 
l)[jaur.dlv .  » 

•'    Joseph-Marie   Jodoi  ^   curé  ,    M  M .    Louis    Bodri    Lacroix. 


LES   GLuCHERS    DU    H  AS-POITOU  I'.»5 

mu'u'fi,  Louis  Thesson,  Romain  Mardneau,  Ja-cques  Cornevin, 
Jules  Puirou,  Pierre  Vrignaud,  conseillers  de  fahrique.  » 
«  liollée,  père  et  fils,  fondeurs  au  Mans,  1863.i> 

Au-dessus  des  derniers  mots,  sont  représentées  deux  mé- 
dailles obtenues  par  les  tondeurs.  —  La  croix  est  fleurie  et 
n'a  rien  de  remarquable,  mais  du  côté  opposé  le  sujet  est 
intéressant.  C'est  la  sainle  Vierge,  couronnée  d'étoiles  ot  re- 
posant, sur  un  globe,  son  pied  qui  écrase  la  tête  du  serpent 
infernal.  Le  globe  est  soutenu  par  un  agneau  qu'entoure  une 
ciuréole  et  devant  lequel  se  tient  un  ange  les  ailes  déployées 
et  les  mains  croisées  sur  la  poitrine.  —  Quatre  guirlandes 
environnent  la  cloche  ;  les  deux  supérieures  sont  plus  larges 
el  plus  belles  que  les  deux  autres.  A  sept  endroits  également 
espacés,  se  trouvent  des  ornements  en  forme  de  croix  fleuries. 
On  remarque  aussi  deux  médaillons  ;  celui  de  droite  repré- 
sente le  buste  de  N.-S.  couronné  d'épines  et  celui  de  gauche 
tiffure  ime  Mater  dolorosa,  avec  auréole. 

Cette  cloche  qui  pèse  1180  kilog.  a  coûté  3,060  fr. 

18()f]  (petite  cloche) 

fai  été  baptisée  par  M.  Henri  de  Lespinay,  vicaire  général 
de  ÏAicon.  Je  nï appelle  Caroline-Joséphine-Pauline.  Parrain 
M.  Charles  Roux  de  Commequiers\  marraine  Mme  Pauline 
Méry,  épouse  de  M.  Josjph  Chéguillaume.  Joseph-Marie  Jodet, 
curé.  MM.  Louis  Bodet- Lacroix,  maire,  Louis  Thesson,  Romain 
Martineau,  Jean  Cornevin,  Yves  Puirou,  Pierre  Vrignaud,  con- 
seillers de  la  fabrique,  1 1^63.  » 

«  Bollée,  père  et  fis.  fondeurs  au  Mans   » 

'  M.  Ch.  de  Commequiers  a  puhlii-  en  isr.».  un  ouvrafre  intitulé  «  Etudes 
philosopJnr/ue.<t  »  qu'il  a.  fait  suivre  d'un  roman  r<-lij:ieux  fort  intoressnnt, 
ayant  pour  titre  :  «  La  Vierge  de  Saine.  »  Cette  puldicaiion  a  éW-  jadis  très 
appréciée  par  des  hommes  compétents  et  aujourd'hui  encore  on  pi-ui  hi 
lire  avec  intérêt  et  profit. 


19G 


A   TRAVERS   T.ES   CLOCHERS    DU   BAT-POITOU 


D'un  côté  s'élève  la  croix  ;  de  l'autre,  nous  avons  été 
surpris  de  ne  pas  y  voir,  suivant  l'usage,  l'image  de  la  sainte 
Vierge.  A  7  cndroils,  également  distants  les  uns  des  autres, 
la  cloche  est  ornée  de  croix  treffiées  qu'on  désigne  sous  lo 
nom  de  croix  Saint-Lazare.  Le  bas  de  la  robe  est  entouré 
d'une  guirlande  formée  de  feuilles  de  vigne  et  de  grappes  de 
raisins.  Le  poids  de  la  cloche  est  de  450  kilog  et  son  prix  a 
été  de  1620  fr. 

Mentionnons,  en  terminant,  un  fait  extraordinaire.  Le 
vénérable  curé  qui  a  fait, au  nom  de  la  Fabrique,  l'acquisilion 
de  ces  deux  dernières  cloches,  est  toujours  de  ce  monde. 
Depuis  1836,  il  administre  la  paroisse  do  Soullans,  avec  un 
zèle  qui  semble  défier  le  nombre  des  années,  et  dans  trois 
lustres,  il  sera  centenaire  !  !  ! 

L.  Tetllet, 

vie.  de  Challans. 
(A  suivre). 


\ 


ÉCRIN     POÉTIQUE 


LES  DEUX  CROIX 


A  mon  ami  Tablé  H.  Lumontagne. 

Votre  lettre  est  bien  douce  et  bien  triste  à  la  lois  ! 

Vous  vous  réjouissez  de  cette  noble  croix 

Qu'a  daigné  sur  mon  cœur  attacher  le  Saint-Père  ; 

Et  puis  vous  ajoutez  —  cela  me  désespère  !  — 

Que  vous  sentez,  hélas  !  de  plus  en  plus  vos  yeux 

Se  voiler,  à  ce  point  de  ne  pas  voir  les  cieux. 

Vous  ayez  l'amertume,  alors  que  j'ai  la  joie, 

Et  votre  croix,  à  vous,  c'est  Dieu  qui  vous  l'envoie. 

Mon  pauvre  vieil  ami;  qu'elle  est  lourde  à  porter, 

Et  qu'au  mont  du  Calvaire  il  est  dur  de  monter! 

Bien  que  sur  votre  front  —  rare  et  beau  privilège  — 

Les  ans  accumulés  aient  fait  fleurir  leur  neige, 

Vous  avez  conservé  la  fraîcheur  de  l'esprit. 

Et  la  pensée  en  vous  sans  cesse  chante  et  rit  ; 

Mais  votre  main,  que  l'œil  savait  si  bien  eonduire. 

Oisive  désormais,  ne  peut  plus  la  traduire. 

Votre  main  qui  volait  d'un  vol  d'oiseau  léger  ! 

11  vous  faut  pour  m'écrire  un  secours  étranger! 

Combien   sous  un  tel  coup  défailliraient  peut-être  ; 

Vous,  votre  âme  est  vaillante. . .  et  c'est  l'âme  d'un  prêtre  ! 

Comme  un  chêne,  qu'en  vain  l'ouragan  frappe  et  tord, 

Ami,  vous  resterez  droit,  souriant  et  fort. 

Jusqu'à  ce  que  Jésus,  dessillant  vos  prunelles. 

Déploie  à  vos  regards  les  clartés  éternelles  ! 

Emile  Grimaud. 
:ju  août  1888. 


UN  CHAPITRE 


DE    MA    VIE    ARCHÉOLOGIQUE 


■'-CCifo'^ 


Où   l'auteur  prouve  : 
Que  souvent  en  certain  cas, 
11  arrive  que  l'on    trouve, 
Ce  que  l'on  ne  cherchait  pas! 

{Histoire  de  la  Grand' mèn'). 


BIEN  des  gens  à  notre  époque  recherchent  ce  au'on  esL 
convenu  d'appeler  des   antiquités.  C'est   le  triomphe 
du  bibelot  sans  pour  cela  que  ceux  qui    s'y  livrent, 
visent  au  titre  pompeux  d'antiquaire. 
Je  fais  comme  eux. 

Dans  cette  chère  manltî,  j'ai  trouvé  les  émotions  les  plus 
intimes,  les  joies  les  plus  douces,  que  l'on  puisse  reiicdiil  ler 
en  dehors  du  loyer  l'amilial. 

Si  les  profanes  se  tordent  au  milieu  d'un  fou  rire  e^n  voyant 
jouer  l^a  (Irammstirc,  j'applaudis  volontiers,  mais  je  reste 
impénitent. 

11  faut  laisser  «  les  bouquets  à  /curs  liries  y>  et  ne  j.iinais 
ôter  «  l€:>  7ii(h  des  buissons.  >- 


UN    CHAPITRE    DE    MA    VIK    ARCHÉOLOGIQUE  l'Jl) 


Quel  plaisir  de  s'en  aller  le  cœur  rempli  d'espérance  à  la 
recherche  d'un  objet  qui  sera  peut-être  la  perle  de  la  collec- 
tion !  de  s'enfoncer  dans  le  rêve  au  point  que  ni  le  soleil  qui 
vous  rôtit,  ni  la  pluie  qui  vous  change  en  éponge,  ne  peuvent 
vous  détourner  de  la  radieuse  vision. 

11  arrive  même  qu'elle  devient  une  extase,  où  le  ciel  le  plus 
noir  reste  un  pur  étlier,  le  ruisseau,  débordé  ou  non.  une 
onde  qui  murmure,  et  les  fondrières  des  chemins  perdus,  lu 
simple  métamorphose  de  leur  sable  d'or. 

Malheureusement,  et  trop  souvent  hélas  !  le  fétiche  lanl 
caressé  disparaît  au  bout  de  la  route,  et  la  Iriste  réalité  ne 
vous  met  en  présence  que  d'un  air  hébélé  ou  d'un  sourire 
narquois. 

Mais  qu'importe  la  désillusion  !  N'est-ellc  pas  largement 
compensée  par  ces  heures  d'ivresse,  dans  lesquelles,  tout  à 
la  recherche  de  votre  idéal^  vous  avez  pu  oublier  ce  que  Cha- 
teaubriand appelle  «  les  tristes  rivages  du  monde  »  et  où.ajou- 
terai-je,  l'hJden  a  laissé  si  peu  de  traces. 

Déconfit  mais  non  vaincu, vous  recommencez  le  lendemain. 

On  est  si  heureux  d'être  l'inventeur  de  ses  richesses. 

Le  chercheur  endurci  fuit  le  grand  marchand,  et  se  défie 
des  merveilleux  étalages.  Gomme  en  général,  il  ne  possède 
pas  le  rossignol  avec  lequel  le  roi  des  Dieux  força  la  porte 
le  Danaé,  il  préfère  aux  vitrines  éclatantes  la  sombre  ar- 
rière-boutique du  fripier,  ses  amoncellements  de  vieilles 
["errailles^  et  surtout,  c'est  là  sa  grande  passion,  les  expédi- 
tions plus  ou  moins  fructueuses  dont  le  terme  lui  promet  une 
conquête.  Car  enfin  : 

S'il  est  des  juurs  amers  il  on  est  de  si  doux  ! 


200  l^N    CIJAl'lTKK 


Une  gaillarde  paysanne  m'avait  signalé  chez  un  de  ses 
voisins,  vieillard  assez  revêche  et  vivant  seul,  la  présence  de 
j)lusieurs  gros  livres  qu'on  disait  provenir  d'un  couvent  dé- 
truit à  la  Révolution. 

La  villageoise  en  était  certaine  !  Elle  tenait  le  fait  d'un  gar- 
çon meunier,  très  savant,  qui  les  avait  vus  en  montant  la 
pochée  dans  le  grenier  du  vieux. 

Us  étaient  superbes  ! 

Ravi  du  renseignement,  je  vis  immédiatement  défiler 
toutes  les  éditions  rares,  revêtues  de  reliures  alléchantes, 
cachant  sous  leurs  précieux  fers  les  noms  des  officines  les 
plus  recherchées. 

Je  supputai  tout  ce  que  pouvaient  bien  avoir  été  les  ri- 
chesses bibliographiques  des  bons  moines,  et  ce  que  leur 
succession  avait  la  chance  de  contenir,  eu  conséquence,  d'in- 
cunables, d'Aide  Manuce,deFrobeniusde  Baie,  sans  compter, 
les  Elzévirs,  les  Plant  in. . .  et  les  bibles  à  gravures  donc  1 

Il  fallait  se  presser  il  fallait  partir. .  .  Mon  voyage  était 
résolu. 

Comme  je  m'y  disposais,  je  reçus  par  un  heureux  hasard, 
pour  le  lendemain,  l'invitation  d'un  ami  qui  réunissait 
joyeuse  compagnie  et  m'engageait  à  venir  augmenter  le 
nombre  de  ses  convives. 

Il  habitait  alors  un  ancien  manoir,  situé  comme  une  véri- 
table étape  sur  le  chemin  que  j'avais  à  parcourir  pour  me 
rendre  à  Vin  puce,  où  dormaient,  dans  leur  poussière,  les 
épaves  monacales. 

Me  voilà  donc  en  route,  fouettant  cocotte,  moins  pressée 
que  moi  d'arriver. 

Après  trois  heures,  je  distinguais  ce  qui  restait  des  toits 
aigus  de  la  gentilhommière,  et  quelques  instants  plus  tard 


DE    MA    VIK    ARCHÉOLOGIQUE  201 

je  tombais  dans  les  bras  de  ceux  qui  m'attendaient.  Ne  con- 
sacrant à  l'arrivée  que  le  temps  nécessaire  à  une  large  dis- 
tribution de  poignées  de  main,  et  ne  voulant  pas  que  mon 
expédition  me  fit  manquer  l'heure  si  sereine  d'un  bon  dîner, 
je  pris  congé  ouvrant  mon  parapluie,  autant  contre  l'eau  qui 
tombait,  que  contre  les  lazzis  des  camarades  qui  ne  me  les 
ménageaient  pas. 

11  faisait  ce  que  Ton  appelle  un  temps  de  chien.  La  neige 
et  les  giboulées  de  la  fin  de  décembre  luttaient  à  qui 
mieux  mieux  contre  l'ardeur  qui  m'emportait;  insensible 
à  ce  déluge  je  cheminais  plein  d'espoir,  sans  être  trop  préoc- 
cupé de  la  réception  qui  allait  m'être  faite  par  le  dragon 
gardien  du  dépôt  enchanté,  lui  qui  voyait  au  moins  un  sorcier 
dans  chaque  étranger.  J'invoquai  le  dieu  de  l'audace,  et 
rendu,  j'ouvris  la  porte. 

L'accueil  fut  plus  cordial  que  je  ne  m'y  attendais. 

Je  lui  exposai  l'objet  de  ma  visite.  Je  lui  dis  que  j'aimais 
beaucoup  les  livres^  que  la  lecture  était  la  plus  intéressante 
des  occupations,  et  que  possédant  déjà  un  certain  nombre 
d'ouvrages  anciens,  je  désirais  continuer  leur  recherche,  et 
en  acquérir  d'autres  si  j'en  trouvais  l'occasion. 

Tout  en  débitant  ma  harangue,  je  m'étais  assis  en  ouvrant 
un  gros  paquet  de  tabac  dont,  moi  qui  ne  fume  pas,  je 
m'étais  muni,  ainsi  que  d'une  gourde  bien  remplie,  (gâteaux 
de  miel  sur  lesquels  j'étayais  ma  réussite)  et  j'en  fis  les  hon- 
neurs au  vieux. 

Je  vis  de  suite  que  cet  argument  le  touchait  autant  que 
mon  éloquence,  quoiqu'il  m'eut  écouté  d'un  air  rusé  que  mon 
enthousiasme  prenait  pour  de  la   bienveillance. 

Il  fuma,  nous  fumâmes.  Lui  avec  tout  le  plaisir  que  lui 
dormait  un  tabac  qui  ne  coûtait  rien,  et  qu'arrosait  un  rhum 
fort  à  son  goût.  Deux  mannes  pour  une,  dans  son  désert, 
tombant  de   mon  ciel  enchanté. 

«  Trop  honnête,  monsieur,  trop  honnête,  finit-il  enfin  par 
me  dire,  fermant  à  demi  ses  deux  petits  yeux  gris.  Je  vou- 
ToME  IV.  —  Avril,  Mai,  Juin  1891.  14 


202  UN    CHAPITRE 

drais  bien  vous  être  utile,  mais  je  n'ai  pas  été  aux  écoles  et 
je  ne  sais  pas  lire.  Si  je  le  savais,  les  livres  qui  sont  dans 
mon  Planchet  ne  pourraient  point  me  faire  savant;  mais 
puisque  vous  souhaitez  de  les  voir,  nous  n'avons  qu'à 
monter...   » 

Des  livres  Hébreux,  Grecs,  ou  Lai  in...  medis-je! 

Grimpant  alors  à  réchelle  qui  servait  d'escalier,  il  me  pré- 
céda au  grenier.  J'allais  être  en  face  de  mon  rêve. . .  Nous  y 
étions. . . 

Avec  un  geste  plein  de  malice,  me  désignant  dans  un  coin 
le  simulacre  de  trois  gros  volumes  posés  symétriquement 
sur  un  petit  meuble  qui  faisait  corps  avec  eux  :  Via  monsieur, 
dit-il  ! 

Si  j'eusse  eu  besoin  de  lunette,  je  l'aurais  trouvée  discrè- 
tement cachée  sous  les  in-folios. , . 

C'était. . .  vous  comprenez  ?. . .  le  voyag^e  aux  Pays-Bas. . . 
doré  sur  tranche. . .  encore  !  ! 

Ahuri,  je  ne  sais  si  je  pris  le  temps  de  remercier  mon  hôte. 
En  trois  bonds  je  dégringolais  de  l'échelle,  poursuivi  de 
l'affreuse  vision...  ouvrant  lu  porte,  me  plongeant  dans 
l'averse,  et  appelant  les  ténèbres  à  mou  secours  

Je  cheminai  dans  la  nuit,  de  l'humeur  d'Hippolyte  sur  le 
chemin  de  Mycène,  et  la-  pluie,  fidèle  pleureuse,  en  pitié  de 
ma  douleur,  escorta  mon  deuil  jusqu'au  gîte. 

Mes  amis  m'y  avaient  préparé  une  ovation.  Mon  soin  le 
plus  empressé  fût  de  m'y  soustraire,  et  surtout  de  m'abs- 
tenir  de  leur  conter  mon  aventure. 

Je  me  sauvai  donc  en  attendant  le  souper,  me  réfugier  sous 
le  manteau  d'une  immense  cheminée  où  s'étageait  en  prépa- 
ration un  vrai  bûcher  inquisitorial. 

Ce  n'était  pas  tï'op  pour  me  sécher. 

Le  feu  a  toujours  été  un  de  mes  meilleurs  compagnons,  et 
je  le  considère  comme  le  plus  cher  ami  de  l'humanité,  quand 
il  n'est  pas  celui  dos  batailles. 

Approchant  donc  le  plus  près  possible  de  l'àtre,  un  énorme 


DE    MA    VIE   ARCHÉOLOGIQUE  203 

fauteuil,  où  s'étaient  assis  très  certainement,  les  originaux 
de  tous  les  portraits  de  famille  pendus  en  rangée  guerrière  le 
long  des  murs,  je  me  laissai  aller  sur  mon  siège  archéologique. 

11  ne  s'agissait  plus  qae  d  incendier  mes  bûches  et  d'oublier 
mes  déceptions.  Tenant  donc  ma  bougie  d'une  main,  et  éten- 
dant l'autre  dans  une  corbeille  remplie  de  papiers,  j'en  sortis 
une  vieille  lettre. 

La  flamme  léchait  déjà  sa  cornière  jaunie,  mais  comme 
elle  ne  brûlait  pas  assez  vite  au  gré  de  mes  jambes  glacées  ; 
force  me  fut  de  la  déplier. 

Mes  yeux  en  l'ouvrant  tombèrent  sur  un  en  tête  datée  de 
Marly,  le  30  mai  1714.  C'était,  sans  préparation,  rentrer  d'un 
seul  bond  dans  le  domaine  de  la  curiosité,  malgré  la  douleur 
de  ma  plaie  saignante. 

Je  lus  sans  m'arrêter,  trois  grandes  pages  d'une  écriture 
longue  et  serrée  qui  se  terminaient  par  cette  signature  : 
Mainteiion  ! 

Jugez  de  l'enthousiasme  de  ma  surprise  :  la  grande,  la 
sévère  marquise,  venait  elle-même  chasser  mes  soucis  avec 
une  lettre  écrits  tout  exprès  pour  mon  bonheur. 

Sans  être  fataliste,  on  peut  quelquefois  admettre  la  destinée. 

Je  n'avais  plus  froid.  Faisant  aux  mânes  de  Torquemada, 
l'offrande  de  mon  bûcher  resté  noir,  je  bénis  la  pluie,  la  neige, 
l'ouragan  et,  tombant  à  deux  genoux  devant  le  bienheureux 
panier,  source  de  ma  découverte,  je  procédai  à  son  in- 
ventaire. 

En  vain  les  appels  désespérés  de  la  cloche  ;  en  vain  les  cris 
les  amis  sonnant  l'hallali  du  festin,  et,lamort  des  maîtresses 
Douleilles,  m'arrivaient  en  tempête  ;  cris,  supplications,  tout 
'ut  inutile,  jo  continuai  mon  œuvre  jusqu'au  dernier  chiffon. 

L'amour  féroce  du  grimoire  avait  chassé  jusqu'aux  ten- 
tations qu'apportaient  au  gourmet,  les  effluves  parfumées 
échappées  des  succulences  culinaires. 

Alors  radieux,  je  me  relevai.  J'avais  ajouté  deux  nouveaux 
autographes  au  premier. 


204  UN    CHAPITRE    DE   MA   VIE    ARCHÉOLOGIQUE 

a 

G.ispard  de  Coli.5:ny,  amiral  en  Guyemie  Churcliill.  duc  el 
prince  de  Malborourg-  descendirent  avec  M""^  de  Maint enon 
dîner  avec  moi. 

Mes  amis  sortaient  de  table  quand  j'y  arrivais. 

Ne  comprenant  rien  à  l'exubérence  de  ma  joie,  ils  me 
crurent  atteint  d'un  accès  de  delirium.  Tirant  alors  de  ma 
poche  mes  précieuses  conquêtes  j'essayai  de  leur  prouver 
que  c'était  moi  qui  avait  fait  le  meilleur  régal. 

Ils  restèrent  tous  incrédules  1 

Le  lendemain,  poursuivant  mes  recherches,  j'appris  que  le 
chartrier  du  château  en  alimentait  depuis  longtemps  toutes 
les  cheminées,  de  même  qu'il  fournissait  les  couvertures 
des  conserves  de  l'office. 

Une  lettre  de  d'Artagnan  y  prenait  des  fumig'ations  de  vi- 
naigre, tandis  qu'un  parchemin  signé  Constant  d'Aubigné 
trônait  sur  un  autre  magnifique  bocal. 

Depuis  hélas,  tout  a  disparu  !  Châtelain,  archives,  manoir 
plus  rien  au  pays,  que  les  regrets  des  vieux  amis,  et  des 
ruines,  qui  pleurent  d'être  veuves  de  celui  quelles  ont  aimé'  ! 

Pour  moi  de  cette  page  de  ma  vie,  il  me  reste  un  bien  doux 
souvenir  !  un  de  ceux  qui  reposent  au  fond  de  l'âme  sous  un 
lambeau  de  ciel,  avec  les  amitiés  d'autrefois,  et  que  l'âge  qui 
arrive,   y  retrouve  toujours  plein  de  charme  et  de  jeunesse. 

Gabriel    de  Fontaines. 


*  Le  château  dont  il  est  question  ici,  est  le  château  de  Saint-Juire,  décrit 
dans  les  Paysages  et  Mo^iumoits  du  Poitou  par  M.  René  Vallette,  et  dont 
la  fler MC  de  mars  1801  adonné  une  délicieuse  gravure  du  si  habile  maître 
Fontenaisien,  mon  vieil  ami  M.  Octave  de  Kochebrune  .C'est  là  que  je  dé- 
couvris, en  même  temps  que  ces  précieux  autographes,  le  portrait 
(TAggrippa  d'Aubigné,  préposé  à  la  garde  des  trous  d'un  plancher,  sous  un 
tus  de  blé.  Cette  peinture,  sans  êti*e  un  chel-d'œuvre,  est  d'une  très  bonne 
l;icture,  et  surtout  rarissime. 

11  n'existe  qu'à  Genève,  un  autre  portrait  de  lui,  bien  que  protestant,  il 
porte  le  haussecol  de  l'ordre  du  Saint-  Ksprit. 

Deux  autres  portraits  de  Jouveuet  le  Jeune,  et  signés,  faisaient  partie  de  la 
très  curieuse  et  très  nombreuse  galerie  des  tableaux  de  famille,  dans 
laquelle  se  trouve  sûrement,  à  mon  avis,  un  Rigault,  mais  sans  signature. 

l'ortraits  ft  cliartrier  sont  aujourJ'Iiui  très  religieusement  conservés  au 
ciiàteau  de  'l'ibidi.  chez  M.  le  comte  de  Mougon,  un  vieil  ami  doublé  d'un 
g  rand  cœur. 


UNE  EXCURSION 

CHEZ  LES  GALLO-ROMAINS  DE  S^-DENIS  DU  PAYRÉ 


-<xx>Sooo- 


SUR  les  riants  coteaux  de  Sainf-Denis-du-Payré,  où  se 
récoltaient  naguère  ces  excellents  petits  vins  blancs 
qui  après  la  sieste  faisaient  les  délices  des  moines  de 
3aint-Michel-en-rHerm,  si  l'on  en  croit  leur  abbé  Balthazar 
Poictevin  ;  —  sur  le  sommet  de  ce  promontoire  aux  formes 
gracieuses  et  allongées  qui  se  détache  hardiment  au  milieu 
l'un  océan  de  prairies  ;  —  en  face  de  la  baie  de  l'Aiguillon 
lernier  souvenir  de  la  mer  des  Pictons  qui,  au  XII'  siècle 
mcore,  baignait  cette  poétique  région,  la  pioche  du  terrassier 
àent  d'exhumer,  il  y  a  quelques  jours  à  peine,  des  restes 
■emarquables  d'une  civilisation  déjà  vieille  de  près  de 
leux  mille  ans. 

D'ailleurs,  ce  pays  mêlé  d'une  façon  toute  particulière  aux 
:randes  invasions  qui,  pendant  de  longs  siècles,  ont  modifié 
l'une  façon  plus  ou  moins  heureuse  la  physionomie  primitive 
le  ses  habitants,  chez  lesquels  est  néanmoins  toujours 
emeuré  vivace,  un  noble  sentiment  d'indépendance,  conserve 
ncore,  dans  les  noms  de  quelques-uns  de  ses  ténements,  la 
race  de  races  depuis  longtemps  éteintes,  mais  qui  toutes  ont 
Drmé  les  anneaux  d'une  chaîne  non  interrompue  de  peuples 
e  succédant  les  uns  aux  autres,  dans  les  mêmes  lieux,  depuis 
es  milliers  d'années,  Ici,  c'est  la  Grande  Game,  la  Fâche, 
lus  loin   Bone  Morte ,  dont  les  noms  celtiques  rappellent 


200'  UNE   EXCURSION    CHEZ   LES    GALLO-ROMAINS 

l'existence  de  monuments  mégalithiques  sur  lesquels  une 
note  d'infamie  fut  jetée  d'abord  par  les  prêtres  des  dieux  de 
Rome  et  ensuite  par  les  chrétiens,  pour  éloigner  les  popu- 
lations gauloises  de  ces  sanctuaires  vénérés. 

La  Romagnc  du  Paire  évoque  à  son  tour  la  trace  d'une 
ancienne  colonie  romaine  importée,  sans  nul  doute,  dès  les 
premiers  temps  de  l'occupation,  et  le  coteau  de  Montjoii  [mom 
Jovis,moiit  de  Jupiter)  indique;,  à  n'en  pas  douter,  que  là  aussi 
le  maître  de  l'Olympe  reçut  les  honneurs  divins. 

Est-ce  que  la  Tonnelle  des  Fées,  oh^QT\di\o'\ve  situé  en  bor- 
dure de  la  route  de  Grues  à  Lairoux,  non  loin  de  l'ancienne 
maison  seigneuriale  du  Guy  et  de  Paire,  n'est  pas,  depuis  le 
IV'  siècle,  le  témoignage  irrécusable  de  l'importance  de  ce 
point  stratégique,  d'où  l'on  pouvait  signaler  aux  habitants  de 
la  côte  et  de  la  plaine  la  venue  des  pirates  ?  Gomment  ne  pas 
admettre  avec  Benjamin  Fillon,  que  l'importance  de  ce  pas- 
sage, sorte  de  gué  donnant  accès  dans  le  Talmondais,  eût 
décidé  quelques-uns  des  compagnons  de  Glovis  ou  de  ses 
successeurs  à  fixer  leur  demeure  en  ce  lieu  appelé  pendant  le 
moyen  âge  Paire  de  Ciirzon  ! 

C'en  est  assez  pour  démontrer  de  quelle  utilité  sont,  tant 
au  point  de  vue  ethnographique  qu'au  point  de  vue  géogra- 
phique, les  découvertes  qui-  peuvent  éclairer  d'un  jour  nou- 
veau l'histoire  encore  bien  incomplète  de  notre  chère  province. 

Modeste  pionnier,  nous  aimons  à  croire  que  des  plumes 
autorisées  ne  dédaigneront  pas  d'apporter  leurs  lumières, 
dans  une  étude  qui  louche  si  intimement  aux  évolutions 
diverses  de  l'esprit  humain.  Cette  étude,  faite  consciencieuse- 
ment, peut  tirer  de  l'ombre  bien  des  points  encore  obscurs 
des  religions  anciennes,  et  nous  serions  heureux  si,  pour 
notre  part,  nous  pouvions  y  apporter  un  des  éléments  des- 
tinés à  l'élucider  ou  à  l'éclairer. 


DE    SAINT-DEMS    DU    PAYRÉ  207 


OBJ  RTS  TROUVÉS 


Le  premier  objet  consiste  en  un  tombeau  en  pierres  cal- 
caires de  Ravarre,  échantillonnées  avec  soin,  reliées  entre 
elles  par  de  forts  crampons  en  fer  de  0,"15  de  longueur, 
0,'°  01  de  largeur  et  0,'°022  d'épaisseur.  Ce  tombeau,  du  poids 
de  plus  de  1600  kilos,  renfermait  le  squeletle  d'un  homme 
jeune  encore,  à  en  juger  par  certains  indices,  notamment 
par  la  conservation  étonnante  des  dénis. 

Le  squelette,  orienté  vers  le  nord-ouest',  était  intact.  Il 
tenait  dans  la  main  droite,  l'obole  due  au  fameux  Garon, 
afin  que  le  passage  de  l'Achéron  s'effectuât  sans  encombre. 
C'était  une  pièce  do  monnaie,  à  l'eiïigie  de  Claude  (G),  c'est- 
à-dire  du  1*'  siècle  de  notre  ère. 

A  côté  de  ces  restes  étaient  rangés  à  droite  : 

1°  Une  jolie  bélière  en  bronze  (G),  de  0,"14  sur  0,'"007  en 
moyenne,  avec  attaches  du  même  métal. 

2°  Un  petit  couteau  (F)  également  en  bronze,  de  O.^U  de 
longueur,  placé  avec  la  bélière  sous  le  pied  droit  du  défunt. 

3°  Deux  vases  (E)  en  terre  noire  micacée  avec  rebord 
très-saillant  sur  la  panse.  Ils  sont  fortement,  étranglés  à 
leur  partie  supérieure,  et  leurs  dimensions  moyennes  sont 
do  0,'"12  sur  0, "08. 

4*  Une  bouteille  carrée  (A),  en  verre  verdâtre  avec  anse. 
Sa  hauteur  est  de  0,'"12  sur  0, "'09  de  largeur  pour  un  goulot 
qui  n'a  que  O.'^OIS  de  diamètre. 

5'  Une  autre  bouteille  en  verre  (D),  également  carrée  avec 
anse.  Elle  mesure  O.'^OQ  sur  0  "'055  et  est  absolument  sembla- 
ble à  d'autres  trouvées  au  Mazeau  et  à  S^-Môdard-des-Prés 
dans  un  tombeau  d'une  femme  artiste  du  III'  siècle. 

6°   Une   petite  coupe    aussi    en  verre  (B),   d'une  minceur 

*  Toutes  les  sf^pultures  f^allo-romaines  trouvées  par  nous  en  Vendée 
avaient  cette  orientation  qui  n'était  que  la  conséquence  d'un  dogme  religieux 
■  her  aux  populations  ;;auloises. 


208  UNE   EXCURSION    CHEZ   LES   GALLO-ROMAINS 

J 

extrême,  pourtant  des  filets  en  creux.  Son  orifice  supérieur 
mesure  O.^OTS  pour  une  hauteur  de  C^OT.  et  la  base  n'a  que 
0,°03  :  tous  ces  objets,  qui  sont  aujourd'hui  la  propriété  de 
M.  Jolly  de  Luçon,  sont  d'une  conservation  étonnante. 

A  la  tête  du  cercueil,  mais  en  dehors,  se  trouvaient  : 

1°  Une  fort  jolie  coupe  en  terre  (V),  d'un  rouge  brun 
intense,  portant  en  relief,  à  son  pourtour,  des  oves  faits  à 
l'aide  d'un  cachet  sur  l'argile  encore  molle  ;  le  diamètre  de 
l'orifice  est  de  0,"18  pour  une  hauteur  de  Oj'^OO  :  le  pied 
mesure  O,"'0bl  de  largeur. 

2"  Une  sorte  d'urne  (S)  en  terre  d'un  rouge  pâle,  d'une  forme 
puro  et  gracieuse.  C'est  une  sorte  de  plat  à  hauts  bords  pres- 
que perpendiculaires,  divisés  aune  certaine  hauteur  par  un 
bourrelet  pouvant  servir  d'appui  à  un  couvercle  malheu- 
reusement brisé. 

3°  Une  assiette  en  terre  noire  grossière  avec  couverte  ou 
sorte  de  vernis. 

Le  2"  tombeau,  trouvé  à  15™  du  premier  et  dont  nous  donnons 
les  dessins  ci-joints,  était,  comme  presque  tous  ceux  de 
l'époque  gallo-romaine,  creusé  dans  un  bloc  unique  de  pierre 
de  Charente  de  2, "45  de  longueur  extrême,  pour  une  hauteur 
deO.^SO  :  la  largeur  était  del,"10,  l'épaisseur  des  parois  laté- 
rales de  0,18,  celle  du  fond  0,"20.  —  Le  couvercle  formé  de 
deux  morceaux  creusés  en  arc  de  cerche  était  recouvert  par 
une  rangée  de  moellons  calcaires  du  pays  maçonnés  avec  du 
mortier,  sans  nul  doute  afin  de  le  protéger.  Le  poids  de  ce  I 
sarcophage  énorme  est  sensiblement  de  3600  kilogrammes. 

Il  avait  absolument  la  même  orientation  que  celui  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut  et  le  squelette  qu'il  renfermait  était 
réduit  en  poussière.  Dans  l'intérieur,,  on  a  rencontré  : 

1*  Des  vases  brisées  en  terre  et  en  verre,  absolument  sem- 
blables à  ceux  contenus  dans  le  premier  cercueil. 

2°  Une  sorte  de  petite  S'^rpelte(H)en  bronze  de  0,^025  de  lar- 
geur maximum  pour  une  longueur  de  O.^'OS. 

3'  Une  espèce  de  couteau  ou  poignard  (K)  en  bronze,  aplati 


Objets    gallo-romair-LS    trouvés    dans 

à    S^-Denis- dii- Pavr  ë  . 


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DE    SAINT-DENIS    DU    PAYRÉ  209 

vers  la  pointe  et  arrondi  à  la  partie  inférieure  dont  là  douille 
retient  encore  un  reste   de    manche  en  bois. 

4°  Une  bag-ue  romaine  J)  en  bronze  avec  entaille  et  soudure 
en  argent  au  point  (a).  ■ 

5°  Une  pièce  de  monnaie  un  peu  fruste  que  nous  croyons 
être  à  l'effigie  d' Antonin  le  Pieux,  c'est-à-dire  de  la  fin  dé  la 
première  moitié  du  deuxième  siècle. 


EN  DEHORS  DES  TOMBEAUX 

Non  loin  des  tombeaux  dont  nous  venons  de  parler^  ont  été 
trouvés  également  un  assez  grand  nombre  d'autres  objets, 
dont  nous  allons  décrire  seulement  les  principaux 

1°  Deux  grands  vases  (U)  en  terre  d'un  gris  rougeâtre  de 
qualité  inférieure  faits  au  tour.  Le  plus  grand,  dont  la  panse 
mesure  Qj^'iS.  pour  une  hauteur  de  0,'"20,  a  le  col  muni  d'une 
couronne,  et,  sur  son  pourtour,  des  raies  concentriques. 

2°  Un  autre  (T),  en  terre  noire  veinée  de  blanc,  qui  parait 
avoir  eu  un  long  contact  avec  le  feu,  a  son  rebord  supérieur 
terminé  par  une  torsade  :  son  diamètre  principal  est  de  0,'"12 
pour  une  hautenr  de  Ot^lO. 

3°  Un  vase  (Oj  en  terre  grise  recouverte  d'un  vernis  rou- 
geâtre affecte  une  forme  bizarre  qu'on  pourrait  comparer  à 
celles  de  tenailles  entr'ouvertes.  D'un  côté,  c'est  une  sorte  de 
coupe  très  évasée,  de  O.^IO  de  diamètre  pour  des  parois  d'une 
grande  minceur,  et  de  l'autre  une  espèce  de  coquetier  de 
Oi^OS  de  diamètre,  comme  ceux  que  nous  avons  trouvés  au 
Langon. 

4"  Une  coupe  élégante  (M)  en  terre  imitant  celle  de  Samos, 
mais  malheureusement  brisée  ,  sur  le  bord  de  laquelle 
avait  été  arlistement  reproduit  en  relief  le  lotus,  cette  fleur 
par  excellence  de  l'antique  Orient,  que  les  prêtres  tiennent 
dans  leurs  mains  fluettes  dans  les  palais  de  Ninive  et  de 
Khorsabad  reconstitués  par  M""  etM'"'=  Dieulafoy,  et  dont  le  pis- 


■JIO  UNE    EXCURSION    CHEZ    LES    GALLO-ROMAINS 

til  aurait,  dit-on,  servi  de  type  à  tous  les  vases  à  libations 
des  races  antiques. 

5*  Sur  un  autre  vase  en  terre  grise  très  fine,  dont  il  ne  reste 
plus  que  des  fragments  ,  —  avaient  été  représentés  des 
phdu  i:  et  une  danse  de  faunes  et  de  bacchantes. 

6*  Une  petite  fiole  en  verre  bleu  foncé  dite  lacrymatoire, 
destinée  à  contenir  des  parfums,  mesure  0",10  de  hauteur  ; 
la  base,  fortement  évasée,  est  surmontée  d'un  cylindre  creux 
de  O^.Ol  de  diamètre. 

T  Une  coupe  U8  verre  (N),  d'une  minceur  et  d'une  trans- 
parence très-grandes;  a  sa  base  formée  d'une  sorte  de  cône 
dont  la  partie  supérieure  émerge  du  fond  du  vase.  Le  diamètre 
est  de  O^.IOS  pour  une  hauteur  de  0,045. 

8'  Une  bouteille  ronde  (Y)  aussi  en  verre  mince  d'une  con- 
servation étonnante,  porte  sur  son  pourtour  quatre  rouelles. 
Elle  mesure  en  tout  0"',175  de  hauteur  sur  O^.OS  de  larg-eur, 
et  son  orifice  avec  rebord  a  0'",035  de  hauteur  sur  0  025  de 
diamètre  :  elle  est  munie  d'une  anse  de  môme  matière. 

9"  Une  autre,  carrée,  brisée  en  partie,  devait  mesurer  environ 
0'",26  de  hauteur  sur  0.10  de  largeur,  et  son  orifice  circulaire 
avec  rebord,  0™,055delarg-eur  :  elle  était  munie  d'une  anse  en 
verre  d'une  teinte  verdâtre. 

10*  Une  faucille  (Q)  en  ter  de  0,40  de  longueur  totale  pour 
une  section  de  0,045.  Le  manche,  également  en  fer,  percé  d'un 
trou  de  0,015,  ;i  nu  diamètre  de  0™,035.  Il  est  terminé  par 
une  boule  de  même  métal. 

11°  Une  sorte  de  lance  en  bronze  oxydé  (R)  de  0'",12  de 
longueur  pour  une  section  maximum  de0™,03; 

12"  Une  pièce  de  monnaie  on  bronze  (J)  portant  d'un  côté, 
avec  la  légende  Colv7iia  Nemausis,  le  symbole  bien  connu  du 
crocodile  enchaîné  au  pied  d'un  palmier,  et  de  l'autre  deux 
effigies,  sans  doute  celle  d'Auguste,  restituée  par  son  gendre 
Agrippa,  et  celle  de  ce  dernier. 

i;.{  Un  fort  joli  iniroii'  circulaire  à  pied  en  bronze  argenté, 
;iV'  <•  iiurli'l  découpé  à  jour,  portant  d'un  côté  la  rouelle  carac- 


DE    SAINT-DENIS   DU    PAYRÉ  211 

téristique  de  cette  6i3oque.  Soi.  diamètre  est  de 0"", 095  et  sa 
liauteur  semblable.  Il  présente  la  plus  grande  analogie  avec 
celui  trouvé  à  Pompéi,  et  reproduit  à  la  page  401  de  l'tiistoire 
romaine  de  Duruy. 


CONCLUSIONS. 

De  tout  ce  que  nous  venons  de  dire,  il  ressort  clairement 
que,  dès  les  premières  années  de  l'ère  chrétienne,  les  arts 
avaient,  àla  suite  deslégions,  pénétré  jusqu'à  Saint-Denis-du- 
Payré,  et  que  sur  les  points  les  plus  reculés  du  littoral  bas- 
poitevin  la  civilisation  romaine  régnait  en  maîtresse  incon- 
testée :  —  qu'il  n'est  pas  invraisemblable  d'admettre  non  plus 
que  les  objets  trouvés,  souvenir  d'une  villa  peuvent  se  rap- 
porter à  l'époque  glorieuse  et  prospère  du  règne  de  cet  empe- 
reur à  qui  ses  contemporains  reconnaissants  donnèrent  le 
surnom  de  Père  du  genre  humain. 

On  peut  affirmer  aussi  que  les  vases  en  terre  que  nous 
avons  décrits  présentent  comme  forme  et  comme  exécution, 
une  analogie  frappante  avec  ceux  trouvés  notamment  à  Jard, 
au  Veillon,  à  Nalliers,  au  Mazeau,  au  Langon,à  S'-Médard- 
des-Prés,  à  S^-Georges  de  Montaigu,  àChavagnes  en  Paillers, 
mais  généralement  dans  les  parties  de  notre  département 
peu  éloignées  de  la  mer  :  ce  qui  tendrait  éprouver  une  fois 
de  plus,  que  les  mêmes  types  se  sont  longtemps  immobilisés 
dans  les  mêmes  lieux,  et  aussi  que  les  fabricants  de  moules, 
beaucoup  moins  nombreux  que  les  fabricants  de  poterie, 
fournissaient  les  mêmes  matrices  à  un  grand  nombre  de 
fabriques  répandues  sur  les  diverses  points  de  la  Gaule. 

Des  considérations  analogues  nous  permettent  également 
d'affirmer,  croyons-nouS;,  que  les  vases  en  verre,  objets  de 
luxe  dans  les  premiers  temps  de  l'ère  chrétienne,  devaient 
appartenir  à  des  familles  aisées^  et  que  les  tombeaux  en 
pierre  étaient  sûrement  ceux  de    personnages  de   marque 


212  UNE    EXCURSION    CHEZ    LES    GALLO-ROMAINS 

mais  d'origine  gauloise  sans  doute,  à  en  juger  par  les  instru- 
ments en  bronze  qui  ornaient  leur  sépulture. 

Si  l'on  tient  compte  aussi  de  l'identité  parfaite  qui  existe 
entre  ceux  trouvés  à  S'-Denis-du-Doyen  et  ceux  recueillis  à 

Jard,  au  Mazeau,   à  S'-Médard-des-Prè  s et  dans  la 

forêt  de  Mervent  on  acquiert  encore  la  conviction  qu'ils  ont 
été  fabriqués  dans  ce  dernier  lieu,  abondamment  pourvu  de 
matières  premières,  et  où  il  existait  sûrement  des  verreries, 
dès  le  rogné  de  Trajan'. 

De  ces  divers  rapprochements  et  de  ce  je  ne  sais  quoi  de 
de  mystérieux  qui,  dans  nos  campagnes  du  Bas-Poitou  et  de 
la  Bretagne  surtout,  enveloppe  encore  les  manieurs  d'argile, 
dont  les  procédés  de  fabrication  et  les  formes  n'ont  pas  varié 
sensiblement  depuis  des  siècles,  on  peut  encore  en  inférer  : 
Que  les  figuli  comme  les  vitriari  poitevins  ont  formé  pen- 
dant des  siècles  des  corporations  fermées,  dressant  côte  à 
côte  leurs  fours,  peut-être  dès  le  règne  de  Nerva,  maintenant 
en  activité  leur  industrie  sur  les  décombres  de  la  société 
romaine  et  sur  ceux  de  l'empire  franc  —  gardant  pieusement, 
à  travers  les  révolutions,  les  traditions  et  les  plus  beaux  se- 
crets de  la  verrerie  antique,  qu'ils  transmettront  comme  un 
héritage  sacré,  de  génération  en  génération,  à  ces  gentils- 
hommes verriers  que  la  Révolution  Française  devait  trouver, 
ainsi  que  l'a  dit  Benjamin  Fillon,  «  en  devoir  de  fabriquer, 
l'épée  au  flanc,  la  coupe  des  banquets  patriotiques  de  1789  » 

Fontenay-le-Gomte,  le  20  juin  1891, 

Louis  Brochet. 


*  Voir  notre  notice  :  Les  fours  à  verrier  de  la  forât  de  Mervent  —  Impri- 
merie Lafolye  (Vannes  1889). 


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NOTICE  GÉNÉALOGIQUE 


SUR  LA  MAISON  DE  LA  FONTENELLE 


AUCUNE  g-énéalogie  de  la  maison  de  la  Fontenelle  n'a 
encore  été  publiée.  Cette  famille  étant  essentiellement 
vendéenne,  il  nous  a  paru  intéressant  de  donner  ici 
sa  filiation  suivie,  depuis  l'année  1450  ou  environ. 

Suivant  une  généalogie  manuscrite  faite  au  milieu  du 
siècle  dernier,  un  Pierre  de  la  Fontenelle,  que  nous  croyons 
fils  de  Paul  de  la  Fontenelle  et  d'Antoinette  Durcot,  étant 
protestant,  se  vit  frappé  par  la  révocation  de  l'Edit  de  Nantes 
et  forcé  de  passer  à  l'étranger.  Il  se  réfugia  en  Hollande  où 
il  fit  souche.  Les  quelques  lignes  de  cette  généalogie  ma- 
nuscrite qui  lui  sont  consacrées,  et  plusieurs  lettres  datées 
de  Hollande  et  de  Batavia,  sont  les  seuls  documents  que 
nous  ayons  pu  trouver  concernant  cette  branche.  C'est  ce  qui 
nous  a  engagé  à  placer  Pierre  de  la  Fontenelle  et  sa  descen- 
dance parmi  les  noms   isolés. 

La  maison  de  la  Fontenelle  s'éteignit  en  1858  en  la  per- 
sonne de  Eiigèyie-Charles- Armand  de  la  Fontenelle  qui  n'a- 
vait eu  qu'un  fils  mort  sans  enfanls  avant  lui.  Elle  portait 
pour  armes  :  d'azur  au  croissant  d'argent  montant,  en  abîme^ 
surmonté  d'une  étoile  d'or  et  cantonné  de  4  étoiles  de  même. 


•Jl't  NOTICE    GÉNÉALUGIQUE 

Nous  nous  sommes  servi  pour  dresser  la  généalogie  que 
nous  donnons  ici,  des  papiers  de  famille  des  la  Fontenelle 
que  nous  possédons.  De  nombreuses  recherches  faites  à  la 
Bibliotlièque  nationale  et  un  travail  manuscrit  de  M.  Théo- 
phile de  Tinguy,  qu'il  nous  a  fort  aimablement  communiqué^ 
nous  ont  permis  de  la  compléter. 

N<;)MS  ISOLÉS. 

1085.  —  Garinus  de  Fontanill  fait  un  don  de  terrain  lors  de  son 
entrée  en  religion,  à  l'abbaye  de  Saint-Florent  de  Saumur'. 

1388.  —  Pierre  de  la  Fontenelle,  qualifié  Vallet  transige  avec  Ai- 
mery  Royrand-  le  17  mars  1388. 

Pierre  de  la  Fontenelle,  que  nous  croyons  fils  de  Paul  de  la  Fonte- 
nelle et  de  damoiselle  Antoinette  Durcot,  était  protestant,  il  se  réfu- 
gia en  Hollande  après  la  révocation  do  l'Edit  de  Nantes.  Il  épousa  à 
Bruxelles,  quelques  années  après,  demoiselle  Eugénie  Le  Riche.  Il 
prit  du  service  en  Hollande  et  devint  brigadier  en  chef  de  toutes 
les  tioup(!S  Hollandaises  aux  Indes. 

Il  mourut  à  Batavia  en  1748,  laissant  : 

!•  Antoine  de  la  Fontenelle ,  capitaine  au  régiment  de  grenadiers 
de  Son  Excellence  le  lieutenant-général  Baron  de  Dorth. 

2°  Guillemine  de  la  Fontenelle,  mariée  à  Juste  van  den  Boogaard, 
membre  des  États  de  la  province  d'Utrecht^ 

Première:  Branche. 


Jean  de  la  Fontenelle,  ec.  sgr.  de  la  Fontenelle,  épouse  Marie  Hugon 
dame  de  la  Viollière.  Il  vivait  encore  le  12  lévrier  1506,  jour  oii  il 

•  Bibliothèque  Nationale  Cabinet  des  Titres.  Carrés  d'IIozier,  volume  -263, 
pago  -293,  article  La  Fontenelle).  Copie  collationnée  en  17io,  ou  environ,  sur 
le  cartulaire  noir  dii  Saint-Florent  de  Saumur. 

»  Titre  cité  dans  la  sentence  de  maintenue  de  noblesse  donnée  par  Gaucher 
de  Sainte-Marthe  à  Paul  de  la  Fontenelle  le  G  mai  1599.  (papiers  de  famille). 

'  Nous  ne  savons  si  cette  branche  existe  encore  en  Hollande.  Une  généa- 
logie manuscrite  du  siècle  dernier  s'arrête  à  Antoine  de  la  Fontenelle.  Nous 
y  ayons  puisé  les  renseignements  ^ue  nous  donnons  ici. 


SUR   LA    MAISON    DE   LA   FONTENELLE  215 

rezid  aveu  au  sieur  de  Montaigu,  tant  pour  lui  que  pour  ses  cohé- 
ritiers, pour  sa  maison  de  la  Fontenelle,  par  acte  signé  Groton  no- 
taire à  Montaigu'. 

Il  eut  pour  enfants  : 

Jacques  de  la  Fontenelle  qui  suit,  et  plusieurs  autres  cités  sans 
leurs  prénoms  dans  un  acte,  dont  il  est  fait  mention  dans  la  sentence 
de  maintenue  de  noblesse,  donnée,  le  24  septembre  1667,  à  Paul  de 
la  Fontenelle,  par  M.  de  Barentin. 


Il 


Jacqitesde  la  Fontenelle,  bc.  sgr.  de  la  VioUière  et  de  la  Fontenelle, 
fils  de  Jean  de  la  Fontenelle  et  de  Marie  Hugon  dame  de  la  VioUière, 
épouse  par  contrat  du  30  octobre  1485,  passé  devant  Guerry  notaire 
à  Montaigu^,  damoiselle  Jeanne  Guerry^,  fille  de  Jean  Guerry,  éc.  sgr. 
de  laLimousinière,et  de  damoiselle  Andrée  Drouêllin.  Le  29  mai  1480, 
Jacques  de  la  Fontenelle  obtient  un  certificat  de  Roland  de  la  Térie* 
roy  de  Canarie,  commis  à  mener  et  conduire  les  nobles  de  la  vicomte 
de  Thouars,  par  lequel  ce  dernier  affirme  que  Jacques  de  la  Fonte^ 
nelle  a  bien  et  loyalement  servi  le  roi  sous  la  charge  de  Mgr  de 
Bressuire.  Le  certificat  signé  :  Dubreuil  Greffier,  par  commandement 
du  roy  de  Canarie.  Le  13  mars,  lui  et  Jeanne  Guerry  sa  femme, 
transigent  avec  Yvon  Guerry,  ec.  sgr  de  la  Limousinière,  au  sujet 
du  partage  des  successions  de  Jehan  Guerry  et  d'Antoinette  Drouêl- 
lin, leurs  père  et  mère  décédés,  de  Jean  Guerry  leur  frère  aîné,  et  de 
Gabriel  Guerry  leur  oncle  paternel,  par  acte  passé  devant  Prévost 
notaire  de  la  cour  des  Essarts  et  Nicolas  Guerry  prêtre,  notaire  à 
Montaigu^  Jacques  de  la  Fontenelle  vivait  encore  le  6  juin  1499  jour 
où  il  rend  hommage  à  Gilles  sgr  de  Belleville,  de  Cosnac  et  de  Mon- 
taigu, chev.,  conseiller  du  chambellan  du  Roy  et  grand  bouteiller 
de  France,  des  choses  pour  lesquelles  luy  et  ses  prédécesseurs  avaient 

'  Acte  citj  dans  la  maintenue  de   noblesse  donnée  à  Paul  de  la  Fontenelle. 
le  24  septembre  1667  par  M.  de  Barentin  (papiers  de  famille.) 
>  Contrat  de  mariage;  papiers  de  famille. 

*  Guerry  porte  :  d'azur  à  trois  besanls  d'or  posés  deux  et  un. 

*  Cité  dans  la  maintjnue  de  noblesse  donnée  le  6  mai  1599  à  Paul  de  la 
Fontenelle  par  Gaucher  de  Sainte-Martbe  et  signé  :  Saiacte-Marthe  et  Vallée 
(papiers  de  famille.) 

*  Copie  sur  papier  vidimSe  et  collationnée  sur  l'original  (Archives  dv  la 
VioUière).  Note  communiquée  par  M.  Tliéopliile  di'  Tinguv. 


210  NOTICE    GÉNÉALOGIQUE 

coutume  d'«Hre  hommes  de  foy  par  hommarje  du  dit  sgr  de  Belle- 
ville  et  de  ses  prédécesseurs,  à  cause  de  la  dite  seigneurie  et  baronnie 
de  Muntaigu,  par  acte  signé  :  Cotcrcier' . 
Il  eut  pour  enfants  : 

r  Jean  qui  suit. 

2»  Jacques  delà  Fontenelle,  mort  sans  postérité' 

;^"  Marquise,  mariée  par  contrat  du  27 1515,  passé  à  la 

Fontenelle  par  devant  Etienne  Guerry,  notaire  à  Montaigu,  et  Pierre 
Rorteau,  notaire  à  Mareuil,  à  Georges  Bonnet,  fils  de  Jean  Bonnet  et 
de  N Térys^ 


III 


Jean  de  la  Fontenelle,  ec.  sgr.  de  la  Fontenelle  et  de  la  VioUière 
fils  aine  et  principal  héritier  de  Jacques  de  la  Fontenelle,  ec.  sgr. 
de  la  Fontenelle  et  de  la  VioUiére,  et  île  damoiselle  Jeanne  Guerry, 
épouse  par  contrat  du  27  juin*  1509  passé  devant  de  La  Cour  et 
Buet,  notaires  à  Montaigu,  damoiselle  Marguerite  Bellineau».  Le 
12  novembre  1518,  il  reçoit  de  Georges  Bonnet  et  de  Marquise  de  la 
Fontenelle  quittance  de  certaine  somme  qu'il  leur  devait  aux 
termes  de  leur  contrat  de  mariage^.  Par  testament  du  20  mars  1532, 
son  oncle  Pierre  Grénesac,  prêtre,  sgr.  de  la  Gernigaudière,  fonda 
une  cliapellenie  ou  stipendie  d'une  messe  par  semaine  de  l'office  de 
la  Conception  de  la  Vierge  et  lui  donne,  à  lui  et  à  son  fils  aîné  et, 
d'ainé  en  aîné,  le  droit  de  présentation  et  de  collation  de  cette  cha- 
pellenie,  comme  il  est  dit  dans  un  acte  du  11  novembre  1638,  par 
lequel  à  l'occasion  d'une  vacance  et  de  la  présentation  d'un  nouveau 
chapelain,  le  sgr.  de  la  VioUière  et  de  la  Gernigaudière  et  son  fils 
aîné,  priaient  Mer  l'Evêque  de  Luçon  de  vouloir  bien  annexer  ladite 

'  Bibliothèque  nationale.  Cabinet    des  Titres.  Carrés  d'Hozier,  volume    263 
page  '295. 

*  Généalogie  manuscrite  (papiers  de  famille.) 

'  Original  en  parchemin  (Archives  de  la  Viollière) .  Note  communiquée  par 
M.  Théophile  cleTinguy). 

*  Contrat  de  mariage  cité   dans  la   maintenue  de  noblesse  donnée  à  Paul 
de  la  Fontenelle  le  24  septembre  16G7  par  M.  de  Barantin  (Papiers  de  famille). 

*  Bellineau  portait  :  d'azur  ii  trois  tètes  de  bélier  arrachées  d'ai'gent  posées 
deux  et  un  et  une  étoile  de  même  en  chef. 

■*  Archives  de  la  Viollière.  (Note  communiquée  par  M.  Théophile  de  Tinguy. 


SUR    LA    MAISON    DE    LA   FONTENELLE  .217 

chapellenie  de  la  Gernigaudière  à  leur  chapelle  de  la  Viollière.  Cet 
acte  passé  devant  Jean  Caillé  et  François  Audureau,  notaires  des 
chastellenies  de  la  Jarrie,  la  Raslière  et  la  Merlatière'  .  Jean  de  la 
Fontenelle  rend  aveu  le  27  mai  1534  pour  son  hostel  noble  de  la 
Fontenelle  à  François  de  la  TrémoïUe  par  acte  signé  :  Buet'.  Mar- 
guerite Bellineau  était  morte  au  moment  du  mariage  de  Jean  de 
la  Fontenelle,  le  0  février  1546'. 
Ils  eurent  pour  enfants  : 

1»  Jean  qui  suit. 

2"  Antoine  de  la  Fontenelle,  qui  fit  ses  études  de  droit  à  l'univer- 
sité de  Paris  et  auquel  furent  délivrées  des  lettres  de  scholarité  le 
1«''  septembre  1546*. 

30  Anne  de  la  Fontenelle,  mariée  à  François  Martin  fils  de  Jamet 
Martin  et  de  Marguerite  Texier,  par  contrat  du  26  novembre  1543 
passé  devant  A?idrè  Guerry  et  Guillaume  Regnard,  notaires  de  la  ba- 
ronnie  de  Montaigu* 

4°  Marie  de  la  Fontenelle,  mariée  à  Pierre  Moreau^. 


IV 


Jean  de  la  Fontenelle,  éc  lyer  seigneur  de  la  Fontenelle,  de  la  Viol- 
lière et  de  la  Gernigaudière,  fils  aîné  et  principal  héritier  de  Jean  de 
la  Fontenelle  et  de  Marguerite  Bellineau,  épousa,  par  contrat  du  6 
février  1.540^  passé  devant  Jouslain  et  Planchot,  notaires  à  Rocheser- 
vière,  damoiselle /ac<}'?fe^^(3  de  Bavro^,  fille  aînée  de  René  de  Barro, 

'  Idem. 

*  Titre  cité  clans  la  maintenue  de  noblesse  donnée  à  Paul  de  la  Fontenelle 
le  24  septembre  1667  par  M.  de  Barentin   (Papiers  de  famille). 

'Bibliothèque  nationale,  cabinet  des  Titres,  carrés  d'Hozier,vol.  263  p.  297. 
4  Original,  archives  de  la  Viollière  (Note  communiquée  par  M.  Théophile 
de  Tinguy). 

*  Grosse  en  parchemin  (idem). 

«  Citée  dans  un  aveu  i-endu  le  3  août  LofiO  à  M^e  Louis  de  la  Trémoïlle  par 
Jacquetto  de  Barro,  veuve  de  Jean  de  la  Fontenelle,  écuyer  seigneur  du  dit 
lieu.  Acte  signé  :  Guerry  et  Girai-d,  notaires  ;\  Montaigu.  Bibliothèque 
nationale,  cabinet  des  Titres.  Carrés  d'Hozier,  vol.  263,  page  300. 

'  Contrat  de  inai-iage.  Bildiothèque  nationale,  cabinet  des  Titres,  carrés 
d'Hozier,  volume  203,  page  297. 

*  Barro  portait  :  d'az*ir  à  3  sceptres  d'or  posés  en  barre  et  une  bande 
de  gueules  brochant  sur   le  tout. 

Tome  iv.  —  Avril,  Mai,  Juin  1891.  15 


■Jia  .  NOTICE    GENEALOGIQUE 

> 

écuyer  seigneur  de  la  Vrignaj'e-Clienue,  et  de  dame  Perrine  de  la  For- 
nerie  Le  15  mai  1540,  il  paya  devant  Rorteau  et  Petiteau,  notaires 
à  la  Chaizele-Vicomte,  la  somme  de  :50  livres  dues  par  son  père  à  Mar- 
quise de  la  Fontenelle,  veuve  de  Georges  Bonnet*.  Jean  de  la  Fonte- 
nelle  transigea  le  8  avril  1540  avec  Colas  Guerry  au  sujet  d'un  droit 
de  four'  et  signa  aux  contrats  de  mariages  de  Jacques  Aubert\  ec. 
sgr.  de  laNormandelière,  son  cousin  germain,  avec  Perxette  Chabot, 
et  de  Sulpice  Chabot,  ec.  sgr.  de  la  Chabotterie,  avec  Noémi  Aubei't, 
passés  par  devant  Triidot  et  Renaudin,  notaires  à  Rocheservière,  le 
11  février  1554. 
Ils  eurent  pour  enfants  : 

r  César  qui  suit. 

■i"  Charles  de  la  Fontenelle,  mort  sansalliance^ 

o"  Cassanclre  de  la  Fontenelle,  mariée  à  René  de  Folles''',  ec.  sgr.  de 
Foreilles. 

4"  Guillemetle  de  la  Fontenelle,  mariée  à  Pie^'re   Grandouin,  elle 
était  morte  avant  le  ID  octobre  1.50-i". 


V 


César  de  la  Fontenelle,  ec.  sgr.  de  la  Fontenelle,  de  la  Viollière  et 
do  la  Gernigaudièro,  fils  aine  et  principal  héritier  de  Jean  de  la  Fon- 
tenelle, ec.  sgr.  des  dits  lieux,  et  de  .Jacquette  de  Barro,  épousa,  par 


'  Archives  de  la  Viollière.  (Note  communiquée  i)ar  M.  Tliéopliile  de 
Tinguy. 

»  Bibliothèque  nationale.  Cabinet  des  Titres,  carrés  d'Ilo/ier  volume  2G3 
page   300. 

'  Vidimus  en  papier  délivré  par  Hyacinthe  Aubert  éc.  sgr.  du  Petit- 
Thouarsdu  dit  acte  dé  double  mariage  transcrit  et  coUationné  à  Puytesson 
par  Audureau  et  Remaud  notaires  ii  Saint-Denys  la  Chevasse  le  î6  octobre 
17C7.  (Archives  delà  Viollière).  Note  communiquée  par  M.  Théophile  de 
Tinguy). 

*  Aubert  portrait  :  d'azur  au  haubert  d'or. 

*  Généalogie  manuscrite,  (papiers  de  famille  . 

®  I3il>liothèquc  nationale,  cabinet  des  Titres,  carrés  d'IIozier,  volume  'G3, 
)»age  300. 

'  Acte  du  partage  du  19  octobre  15G2,  cité  dans  la  maintenue  de  noblesse 
donnéeàFrançoisGermaiiicus  delaFontenellepay  M.de^Iaupeou  le  27  novembre 
1697,  (papiers  de   lainilli"). 


SUR   LA    MAISON    DE    LA    PONTENELLE  219 

contrat  du  22  décembre  1506'  passé  devant  Grolland  et  de  la  Botte- 
bouère,  notaires  à  Rocheservière,  damoiselle  Jeanne  GouUard'^,  fille 
de  M""®  Alexandre GouUard,  ec.  sgr  de  Péré,  et  de  Jacquette  Durcot 
veuve  de  René  Bertrand,  ec.  S'^r.  de  Boulloigneau  II  était  encore  mi- 
neur le  12  juillet  1564'',  oii  Rolland  Bertrand,  ec.  sgr.  du  Chastenay, 
rend  hommage  à  Loys  de  la  Ti'émoïlle,  duc  de  Thouarçois,  Baron  de 
Montaigu  etc.,  au  nom  et  comme  tuteur  de  César  de  la  Fontenelle, 
écuyer  par  acte  signé  :  Robin.  Le  2  juin  1871,  il  rend  aveu  au  sei- 
gneur de  Montaigu,  par  acte  signé  Beduit  et  de  Bet,  notaires  à 
Montaigu*.  Le  12  avril  1572,  il  partage  la  succession  de  ses  père  et 
mère,  Jean  de  la  Fontenelle  et  Jacquette  de  Barro,  avec  Cassandre 
de  la  Fontenelle  sa  sœur,  femme  de  René  de  Folles,  ec.  sgr.  de  Fo- 
reilles,  par  acte  signé  Grolleau  et  Bouffandeau,  notaires'.  César  de  la 
Fontenelle  mourut  vers  1595  et  Jeanne  GouUard  sa  femme  l'année 
suivante,  comme  on  le  voit  par  l'acte  de  curatelle  de  leur  plus  jeune 
fils  Daniel  de  la  Fontenelle,  qui  ne  fut  pourvu  d'un  tuteur  qu'à 
l'âge  de  quatorze  ans  seulement"^. 
Us  eurent  pour  enfants   : 

1»  Paul,  qui  suit. 

2°  Daniel  delà  Fontenelle^  ec.  sgr.  de  la  Boucherie'. 

'i'^  Jean  de  la  Fontenelle,ec.  sgr.  de  la  Maisonneuve,  qui  fut  l'auteur 
d'une  branche  rapportée  plus  loin. 

4"  Anne  de  la  Fontenelle,  mariée  à  René  le  Jaif,  sieur  de  la  Roche^. 

*  Bililiolhèque  nationale  cabinet  des  Titres,  carrés  d'Hozier,  volume  2(33 
page  302  et  maintenue  de  noblesse  donnée  par  M.  de  Barentin  à  Paul  de  la 
Fontanelle,    papiers  de  famille). 

»  GouUard  porte  :  d'azur  au  lion  d'or  rampant  armé  couronné  et  langue 
de  gueules. 

s  Bibliothèque  nationale,  cabinet  des  Titres,  carrés  d'Hozier  volume  262 
page  301. 

*  Acte  cité  dans  la  maintenue  de  noblesse  donnée  par  M.  de  Barentin  à 
Paul  de  la  Fontenelle  le  24  septembre  1007    (papiers  de  famille). 

»  Idem. 

«  expédition  sur  papier,   signée   David,  greffier  (Archives    de  la  V'iollicre 
note  communiquée  par  M.  Théophile  de  Tinguy. 

'  Nommé  avec  ses  frères  et  sciur  dans  l'acti-  de  partage  du  12  juillet  1603 
(Hibliothèque  nationale,  cabinet  des  Titres,  carrés  d'Hozier,  volume  2U3, 
page  il 4. 

"  Le  Jay  portait:  d'argent  k  3  fasces  d'azur   vairées. 

"  Acte  de  partage  du  12  juillet  1603.  Bibliothèque  nationale,  cabinet  def 
Titres,  carrés  d'Hozier,  volume  263,  page  314  et  suivantes. 


220  NOTICE    GÉNÉALOGIQUE 


\I 


Paul  de  la  Fontenelle,  chev.  sgr.  de  la  VioUière,  du  Puy  de  Bras- 
say  et  delà  Gernigaudière,  fils  aîné  de  César  de  la  Fontenelle  et  de 
Jeanne  (lOullard,  épouse,  par  contrat  du  5, juin    1594',  passé  par- 
devant  ^ean  Gouraiid  et  Jacques  de  la  Botebouére,  notaires  à  Roche- 
servière,  damoiselle  Odette  Thevenin^,  dame  de  la  Mosnerie,  fille  de 
feu  Anselme  Tliévenin,ec.  sgr.  delà  Roche  Tliévenin,  et  de  damoiselle 
Jeanne  Poictevin.  Le  20  juin  15'.i8,il  rend  liommage,pour  ses  maisons, 
terres  et  seigneuries  de  la  VioUière  et  de  la  Gernigaudière,  par  acto 
passé  devant  Jacques  Thibaudeau,  sénéchal  de  la  baronnie  de  Mon- 
taigu*  ,  et  fut  l'année  suivante,  comme  on  le  voit  par  l'acte  de  curn- 
telle  du  19  avril  1599,  nommé  tuteur  de  son  frère  Daniel.  Le  12  juil- 
let IGOoMl  partage  avec  Daniel  de  la  Fontenelle, ec.  sgr.  de  la  Boschr- 
rie,  Jean  de  la  Fontenelle,  ec.  sgr.  de  la  Maison-Neuve  et  René  Le 
Jay,  sgr.  de  !a  Roche,  mari  de  Anne  de   la   Fontenelle,   ses  frères  et 
soeur,  les  biens  de  ses  père  et  mère,  par  acte  passé  devant  Jérôme 
Le  Jay  et  Guillaume  Favreau,  notaires  à  Saint-Denys-la-Clievasse. 
Il  rend  aveu,  le  5  octobre  1(111,  à   Charlotte    de    Nassau,  princesse 
d'Orange,  à  cause  de  son  hostel  noble  de  la  Fontenelle*  et  passe,  en 
mars  1010,  un  acte  de  convenances  avec  Odette  Thévenin  sa  femme, 
par  devant. facquesMoreau  et  Nicolas  Guéreau,  notaires  à  laMerla- 
tière^.  Le  20 septembre  1024,  Paul  de  la  Fontenelle  est  maintenu  noble 
par  ser.tence  de  Denis  Amelot,  signée  Amelot,  Moreau  et  Davy»,  et  le 
11  novembre  10I5S,  avec  son  fils  aine  Pierre,  usant  de  leur  droit  de 
présentation  et  de  collation  à  la  chapellenie  de  la  Gernigaudière,  ils 
désignèrent  comme  chapelain  Jean  Audureau,  curé  de  la  Copecha- 
gnière,  par  acte  passé  devant  F.  Audureau  et  Jean  Caillé,   notaires 

'  Hiblioth'" que  nationale,  cabinet  des    Titres,    carrés   d'Hozier  volume  263, 
page  :ill. 

'  Thévenin  portait  :  de  gueules  au  léopard  d'argent. 

*  Ori;:inal    en  parchemin    (Archives  de    la  VioUière  ;  note   communiquée 
par  M.  Tliéophile  d.^  Tinguy, 

*  Bibliothèque    nationale,  cabinet  des  Titres,   carrés  d'Hozier,  volume  263, 
page  314. 

"  Titre  cité  dans   la  sentence  de  maintenue  do  nobles.se  donnée  par  M.  de 
li.ir.-ntin  h  Paul  de  hi  Fontenelle  le  24  septembre  1007. 
'  .\rchive.s  de  la  Violliôre. 
■  Original,  papiers  de  famille. 


SUR   LA    MAISON'    DE    LA    FONTENELLE  221 

des  Chatellenies  de  la  Jarrie,  la  Raslière  et  la  Merlatière'.  Cette 
présentation  fut  agréée  et  la  collation  confirmée  par  lettres  du 
24  novembre  1638,  signées  :  Petrus  ep.  Lucionensis,  et  contresignées  : 
Mauvillain^.  Odette  Thévenin  mourut  le  18  avril  1637  et  Paul  de  la 
Fontenelle  le  15  juin  1643^ 
Us  eurent  pour  enfants  : 

\°  Pierre  qui  suit. 

2"  Claude  de  la  Fontenelle'*,  né  le  15  novembre  1598,  mort  en  bas 
âge. 

3"  GJiarles  de  la  Fontenelle,  né  le  17  mars  1617  à  la  VioUière'  ;  il 
embrassa  l'état  ecclésiastique  et  était  chapelain  de  la  chapelle  de 
Saint-Sébastien  en  l'église  de  Notre-Dame  de  Bressuire  en  1645®  , 

4°  Jeanne  de  la  Fontenelle,  née  le  17  septembre  1595',  mariée  à  An- 
toine Marin^,  ec.  sgr.de  la  Motte  de  Belleville,  par  contrat  du  14  no- 
vembre 1618,  passé  devant  Fermillonet  Thoinas,  notaires  de  la  ba- 
ronnie  de  Montaigu'. 

.5*  Hélène  de  la  Fontenelle,  née  à  la  VioUière  le  27  mars  1600'°,ma- 
riée  le  16  février  1640**  k  Louis  Li?igier'^,  chev.  sgr.  de  la  Villenière. 

6"  Antoinettede  la  Fontenelle,  née  le  11  S3ptembre  1602  à  la  Viol- 
lière  et  mariée  à  noble  homme  François  Renou,  sieur  de  la  Pouppe- 

tièro'"''. 

7"  Odette  de  la  Fontenelle,  née  à  la  VioUière  le  3  avril  1606'*,  reli- 
gieuse à  Montaigu. 


•d  " 


'  Grosse  en  parchemin  (Archives  de  la  VioUière)  ;  note  communiquée  par 
M.  Th.  de  Tinguy.' 

*  Original  en  parchemin  (id). 

*  Pierres  tombales  conservées  dans  l'église  de  la  Copechagnière. 

*  Extraits  des  registres  paroissiaux  da  la  Copechagnière. 

5  Idem. 

6  Ordonnance  d'appointements  en  cours  de  Poitiers.  (Archives  de  la  Viol- 
lière). 

^  Registres  paroissiaux  de  la  Copechagnière. 

8  Marin   portait  :  de  gueules  au    lion  d'argent  armé  et  lampassé  de  sable. 

"  Note  communiquée  par  MM.  Beauchet  Filieau. 

'"  Registres  paroissiaux  de  la  Copechagnière. 

"  Extrait  des  registres  de  la  Copechagnière  (papiers  de  famille). 

'*  Lingier  portait  ;  d'argent  à  la  fasce  de  gueules,  fuselée  de  sept  pièces, 
accompagnée  de  huit  mouchetures  d'hermines  rangées  quatre  en  chef  et 
quatre  en  pointe. 

'•'  Extrait  des  registres  paroissiaux  de  la  Copechagnière  (i)apiers  de  famille;. 

'*  IJcm. 


ooo 


NOTICE    GÉNÉALOGIQUE 


8"  Louise  de  la  Fontenelle,  née  à  la  VioUière  le  21  février  IGIO.' 
0»  Marie  de  la  Fontenelle,   née  à  la  VioUière  le  IH  mai  1612»,  reli- 
gieuse à  Bressuire. 


VII. 


Pierre  de  la  Fontenelle,  ec.  sjiT.  delà  Fontenelle  et  de  la  VioUière, 
fils  aîné  et  principal  héritier  de  Paul  de  la  Fontenelle,  ec.  sgr.  de  la 
VioUière,  la  Fontenelle,  la  Gernigaudière  et  le  Puy  de  Brassay,  et  de 
damoiselle  Odette  Tliévenin,  naquit  à  la  VioUière,  paroisse  de  laCo- 
pechagnière,  le?  septembre  loOT^.  il  épousa,  par  contrat  du  18  oc- 
tobre Hi^l'*  passé  devjint  Brialot  et  Bernard,  notaires  à  Bressuire, 
damoiselle  Perrine  3Iaynard^,û\le  aînée  de  Barthélémy  Maynard.sgr. 
duPetit-Puys,  de  la  Gourbeillerieet  de  la  Tigouère,  et  de  damoiselle 
Marguerite  de  la  Tigouère.  11  signa  avec  son  père  le  contrat  de  ma- 
riage de  Gilles  Dureot,  chev,  sgr,  de  Puytesson,  avec  damoiselle 
Louise  du  Tréhan,en  date  du  7  septembre  1632,  passé  devant Fleury 
et  Badreau,  notaires".  Le  31  juillet  1635,  il  partage  l'héritage  de  ses 
père  et  mère  avec  ses  frères  et  sœurs,  par  acte  passé  devant  Simon 
Lessaict  et  Jean  Caillé,  notaires  à  la  Merlatière'  et  il  rend  aveu,  le 
23  mars  1645',  à  Gabrielle  de  Machecoul,  à  cause  de  son  hostel  de  la 
Fontenelle.  Il  fut  enterré  à  la  Copechagnière  le  !«'■  avril  1656^.  Per- 
rine Maynard,  sa  femme,  vivait  encore  le  14  aoîit  1676,  époque  où 
elle  fait  son  testament"*. 
Ils  eurent  pour  enfants. 

1"  Patcl  qui  suit. 

'  Klein. 
«  Idem 

*  Idem. 

♦  13ibHot!;èque  nationale,  c;il)inet  de  Titres,  cari-t^s  d'ilo/.ier,  volume  203, 
page  317. 

^  Maynard  portait  :  d'arj^ent  à  une  hure  de  sani^lier  do  sable  ayant  ses 
défen.ses  d'argent  et  languée  de   gueules. 

^  Archives  de  Puytesson  (Note  communiquée  pnr  M.  'l'héojjhile  de  Tiiii;uy, 

»  l^ibliotlièque  nationale,  cabinet  des  Titres,  carrés  d'IIozier,  volume  203, 
page  320. 

"  Papiers  de  famille. 

9  Extrait  des  registres  paroissiaux  de  la  Copechagnière; papiers  de  famille. 

*"  Papiers  de  famille. 


SUR   LA   MAISON    DE    LA    FONTEXELLE  223 

2"  Charles  de  la  Fontenelle,  né  le  21  août  1633  à  la  VioUière.  mort 
en  bas  âge'. 

3°  François-Germanie  de  la  Fontenelle,  auteur  de  la  branche  du 
Péré. 

4*  César  de  la  Fontenelle,  né  à  la  Viollière  le  19  mars  1640,  marié  à 
Charlotte  PéraïUt-,  dame  de  la  Marinière,  fille  de  noble  homme  Pierre 
Pérault  s""  de  la  Marinière,  contrôleur  général  du  T.iillon  de  Poitiers, 
et  de  damoiselle  Marie  Bret,  par  contrat  du  30  décembre  1069  passé 
par  devant  Colhereau  et  Bailletheau,  notaires  à  la  Chaize-le-Vicomte; 
dont  une  fille  Marie- Chariot  te  de  la  Fontenelle  mariée'  à  René- 
Prosper Sapinaud'*,  sgr.  de  l'Herbergement. 

5"  Jacques  de  la  Fontenelle,  né  à  la  Viollière  le  9  novembre  1642». 

6°  Autre  Charles  de  la  Fontenelle,  né  à  la  Viollière  le  19  septembre 
16446. 

7°  Marie  de  la  Fontenelle,  née  à  la  Viollière  le  24  mars  163F,  ma- 
riée à  François  de  Meaussê,  ec.  sgr.  de  Coulaines.  Ce  fut  à  elle  qu'é- 
chut en  partage  la  terre  de  la  Gernigaudière'*. 

8*  Louise  delà  Fontenelle,  née  à  la  Viollière  le  17  octobre  1634  et 
enterrée  à  la  Copechagnière  le  6  juillet  1705^. 

9"  Hélène  de  la  Fontenelle,  née  à  la  Viollière  le  19  février  1638'". 

10"  Madeleine  de  la  Fontenelle,  née  à  la  Viollière  le  16  juin  1641'  . 

11°  Renée  de  la  FontenelU,  née  à  la  Viollière  le  29  juillet  1646". 

12°  Perrine  de  la  Fontenelle,  née  à  la  Viollière  le  3  juillet  1648'^ 
religieuse  de  l'ordre  de  Saint-François  à  Niort. 

13°  Françoise- Renée  de  la  Fontenelle,  née  à  la  Viollière  le  21  mars 
16.'54". 

'  Extrait  des  registres  paroissiaux  de  la  Copechagnière; (papiers  de  famille. 

*  Contrat  de  mariat;e;  (papiers  de  famille). 

3  Génôalouie  manuscrite  (papiers  de  famille). 

'■*  Sapinaud  :  d'argent   à  3  merlettes  de  sable  posées  2  et  1. 

*  Extrait  des  reiiistres  paroissiaux  de  la  Copechagnière  (papiers  de  lamille). 

6  Idem. 

7  Idem. 

»  Note  communiquée  par  M    Théophile  de  Tinguy. 

'■*  Extraitdes  registres  paroissiaux  de  la  Copechagnière;  (i)ai)ier.s  de  famille). 
"^  Idem. 
*'  Idem. 
'*  Idem. 
*■'  Idem. 
*  Idem. 


224  XOTIGli:    GÉNÉALOGIQUE 


Vlll. 


Paul  de  la  Fontenelle,  cliev.  sgv  de  la  Fontenelle  et  de  la  Viollière, 
fils  aine  et  principal  héritier  de  Pierre  de  laFoutenelle,  ec.  sgr.  dudit 
lieu,  et  de  dame  Perrine  Maynard,  né  à  la  Viollière  le  9  novembre 
1632',  épouse,  par  contrat  du  19  avril  1659,  passé  devant  G.  Badreau 
et  L.  Fleury,  notaires  à  Montaigu'.  Antoinette  Durcot',  fille  de  feu 
messire  Gilles  Durcot,  chev.  sgr.  de  Puytesson  et  de  Chauché,  et  de 
damoiselle  Louise  du  Tréhan.  Il  rend  hommage  à  Gabriel  de  Mache- 
coul.  pour  son  hostel  de  la  Fontenelle  dit:  la  Viollière,  le  21  juin 
164P,  et  est  maintenu  noble  par  sentence  de  Jacques-Honoré  Baren- 
tin  du  24  septembre  100~*.  Il  partagea,  le  2  juin  1070®,  avec  ses  frères 
et  sœurs.  Le  7  février  1707,  Paul  de  la  Fontenelle  fit  son  testament 
olographe,  dans  lequel  il  est  dit  que  sa  femme  Antoinette  Durcot 
l'avait  précédé  dans  la  tombe,  que  Paul-Alexandre  est  son  fils  aîné 
et  que  sa  fille  Antoinette-Renée  est  religieuse  à  Thouars^ 

Sous  l'influence  de  sa  femme  Antoinette  Durcot,  qui  était  hugue- 
note fervente,  il  embrassa  la  religion  prétendue  réformée.  Lors  de 
la  révocation  de  l'Edit  de  Nantes,  il  résolut  de  passer  dans  un  pays 
protestant.  Au  printemps  de  l'année  1688,  il  avait  réussi  à  joindre 
les  côtes  de  la  Normandie  avec  sa  femme,  un  fi[s  et  une  fille,  lors- 
qu'ils furent  découverts,  arrêtés  et  emprisonnés  à  Coutances,  puis 
à  Rouen.  Il  fut  relâché,  puis  arrêté  de  nouveau  en  1698,  conduit  à 
Saumur,  d'où  on  le  transféra  au  château  de  Nantes  deux  ans  après". 

Il  avait  abjuré,  puisqu'il  est  mentionné  dans  les  registres  parois- 
siaux de  la  Copechagnière  comme  ayant  été  enterré  le  5  septembre 
1709^  Il  laissa  pour  enfants  : 

r  Paul- Alexandre,  qui  suit  : 

'  Idem. 

•  Bibliothèque  nationale,  cabinet  des  Titres,  cari-és  d'Hozier,  volu  me  203 
paL'e  1U. 

*  Durcot  portait  :  d'or  à  trois  pommes  de  pin  de  sinople  posées  2  et  1. 

*  Papiers  de  famille. 

*  Idem. 

•  Bibliothèque  nationale,  cabinet  des  Titres,  carrés  d'Hozier,  volume  263, 
page  o24. 

'  Archives  de  la  Viollière;  note  communiquée  par  M.  Théophile  de  Tinguy. 

•  Histoire  des  protestants  du  Poitou,  par  Auyuste  Lièvre,  volume  m,  p.  13J. 
"  Extrait  des  registres  paroissiaux  rie  la  Copechairnièro  ;  (papiers  de  famille.) 


SUR   LA   MAISON    DE    LA    PONTENELLE  225 

2"  Marc- Antoine  de  la  Fontenelle'  ; 

3°  31ane  delà  Fontenelle,  majeure  le  13  novembre  1709,  et  inhumée 
le  27  septembre  171V)  à  la  Copeciiagnière*. 

4°  Antoinette  de  la  Fontenelle,  religieuse  à  Thouars,  décédée  en 
1703» . 

5°  Jeanne  de  la  Fontenelle,  mariée  le  21  octobre  1698,  à  Louis- 
Hector,  cliev.  sgr.  de  Tirpoil  et  de  la  Remonière,  fils  de  Louis-Hector 
et  de  damoiselle  Suzanne  Thévenin*  *. 

6»  Louise  de  la  Fontenelle,  décédée  jeune*. 


IX 


Paul-Alexandre  de  la  Fontenelle,  chev.  sgr.  de  laViollière,  fils 
aîné  de  Paul  de  la  Fontenelle  chev.  sgr.  de  la  Viollière,  et  de  damoi- 
selle Antoinette  Durcot,  épouse,  le  25  septembre  1705,  par  contrat 
passé  devant  G.  Massonet  Boyvineau,  notaires  aux  Essarts,  damoi- 
selle Marie-Magdeleine  de  Chevigne' ,  fille  de  M'®  Pierre  de  Chevigné 

Chevigné  porte  :  de  gueules  à  quatre  fusées  accolées  en  fasoe  d'or,  accom- 
pagnée de  huit  hesants  du  même  rangés  quatre  en  chef  et  quatre  en  pointe, 
chev.  sgr.  de  la  Limonnière,et  de  dame  Philottée  Reigner.  Il  mourut 
à  la  Viollière  le  V"  février  1709,  et  fut  inhumé  le  lendemain  en  la 
chapelle  Saint-Louis  de  l'église  de  la  Copechagnière*.  Sa  veuve  se 
remaria  avec  Philippe-Auguste  Bruneau,  chev.  sgr  de  la  Giroulière^. 

Ils  eurent  pour  enfants  : 

1°  Paul  de  la  Fontenelle,  né  le  20  juin  1707,  mort  en  bas  âge"*. 

'  Généalogie  manuscrite,  papiei's  de  famille. 

'  Extrait  des  registres  paroissiaux  de  la  Copechagnièi'e  (papiers de  famille^. 

'  Généalogie  manuscrite,  papiers  de   famille. 

*  Partage  du  13  novembre  1709  ;  Bibliothèque  nationale,  cabinet  des  Titres, 
carré  d'Hozier,  volume  263.  page  341. 

'   Hector  portait  :  d'azur  à  trois  tours  d'or. 
«  Note  communiquée  par. M.  Théophile  de  Tinguy. 

"^  Bibliothèque  nationale,  cabinet  des  Titres,  carrés  d'Hozier,  volume  263, 
page    337. 

*  Extrait  des  i-egistres  paroissiaux  de  la  Copechagnière  ;  (papiers  de  famille). 
^  Partage  sous-seings  privés  de  la  succession,  23  juillet  1725.  (Archives  île 

la  Viollière). 
«0  Idem. 


226  NOTICE   GÉNÉALOGIQUE 

a 

2°  Charles-Alexa7idre,  qui  suit. 

3"  Marie-Madeleine-Antoinetle  de  la  Fontenelle. 

4°  Marguerite-Madeleine  de  la  Fontenelle*,  née  à  la  Viollière  le  6 
mars  ITOiS,  mariée  à  René-Joseph  de  Goué,  sgr  de  la  Renaudière*. 


Charles-Alexandre  de  la  Fontenelle,  chev.  sgr,  de  la  Viollière, 
de  la  Limonnière,  puis  de  la  Chabotterie,  fils  aîné  et  principal  hé- 
ritier de  Paul-Alexandre  de  la  Fontenelle,  chev.  sgr.  de  la  Viollière, 
et  dedamoiselle  MaTie-Magdelaiue  de  Ohevigné,  naquit  à  la  Viol- 
lière le  :>1  mars  1709,  et  fut  baptisé  le  même  jour  en  l'église  de  la 
Copechagnière^.  Il  épousa,  le  26  novembre  1737,  par  contrat  passé 
devant  Merlet  et  Gautreau  notaires,  daraoiselle  Anne-Rence  Tho- 
massel'*,  fille  d'Antoine  Thomasset,  ec.  sgr.  de  la  Gestière,  et  de 
damoiselle  Louise  Gazeau,  qui,  par  son  testament  olograplic  en  date 
du  Uijuin  1744,  institua  son  mari  son  légataire  universel,  et  porta 
ainsi  dans  la  maison  de  la  Fontenelle  les  seigneuries  de  Ghoisy, 
l'Enclave  de   Saint-Denis-la-Chevasse   et  la  Chabotterie». 

Leurs  enfants  furent  : 

I"  Charles- Alexandre ,  qui  î^uit  : 

::i"  Gabrielle-Anne  de  la  Fontenelle,  née  le  22  juin  1739,  qui  épousa 
son  cousin-germain  Joseph-Charles-Marie  de  Goué  ,  chev.  sgr.  du 
Marchais,  fils  de  René-Joseph  de  Goué  et  de  damoiselle  Madeleine- 
Antoinette  de  la  Fontenelle. 

3»  Philippe- J ose})] i  de  la  Fontenelle,  né  le  29  novembre  1740  et  dé- 
cédé le  même  jour. 

4°  Anne- Marguerite  de  la  Fontenelle,  née  le  19  juillet  1712,  décédée 
âgée  d'un  mois". 

'  Extrait  îles  registres  i)ax'oissiaux  de  laCopechagnière  ;  papiers  de  famille. 
'  Di?  Goiit'   porte  :  d'or  an  lion    de  gueules,   surmonti'    d'une  tleiir  de    lys 
d'azur. 

*  Extrait  des  l'egistres  paroissi;iux  tle  laCopechagnière,  papiers  de  famille. 

*  Bil)liotlu\jue  nationale,  cabinet  des  titres,  carrés  d'Hozier,  volume  Zd'o, 
page  34!). 

Thomasset  ])orlait  .•  d'urgent  ;i  cinq  mouchetures  d'hrrminesde  sable,  trois 
et  deux;  au  chef  d'azur  soutenu  de  sable,  chargé  d'un  griffon  passant  d'or, 
armé  et  iamjiiissé  de  gueules. 

*  Note  communiquée  par  M.  Th.  de  Tinguy. 

"  Registres  j)arois.siaux_,di'  Saint-Sulpice-le-Verdon. 


SUR   LA    MAISON    DE    LA    FONTENELLE  227 


XL 


Charles- Alexandre  de  la  Fontenelle,  chev.  sgr.  de  Clioisy,  l'En- 
;'!ave  de  Saint-Denj^s-la-Chevasse,  la  Chabotterie,  la  VioUière  et 
iiutres  lieux,  fils  de  Charles-Alexandre  de  la  Fontenelle  et  de  damoi- 
^elle  Renée  Tliomasset,  né  à  la  maison  noble  de  la  Chabotterie,  le  4 
juin  1744',  et  liaptisé  le  lendemain  en  l'église  de  Saint-Sulpice  le 
Verdon.  U  fut  tenu  sur  les  fonts  baptismaux  par  messire  Charles- 
Antoine  Durcot,  chev.  sgr.  du  Tréhant,  et  par  damoiselle  Perrine 
Bruneau  de  la  Giroulière  Le  16  mai  1760,  il  fut  reçu  page  de  la 
Q^rande  écurie  du  Roi'.  Gliarles-Alexandre  de  la  Fontenelle,  épousa 
damoiselle  N. . .  Poictevin  de  la  Rochette*.  Il   mourut  sans  postérité. 


V'8  Paul  de  Chabot. 


(A  suivre). 


'  Bibliothèque  nationale,  ciibinet  des  Titres,  carrés  d'Hozier,  volume  263, 
page  351. 

'  Bibliothèque  nationale,  cabinet  des  Titres.  Preuves  de  noblesse  des  pages 
ie  la  Grande  Ecurie  du  Roy,  volume  284,  p.  53. 

'  Généalogie  manuscrite  (papiers  de   famille). 

Poictevin,  porte  :  de  gueules,  à  trois  haches  d'armes  d'argent,  emmanchées 
[le  sable,  aboutées  du  second,  posées  en  pal  2  et  1. 


LA    MARECHALERIE 

CELTIQUE     ET     GALLO-ROMAINE 
A    FONTENAY-LE-COMTE 


Monsieur  le  Directeur. 

Dans  une  de  mes  précédentes  con-espondances  (N"  2,  IIl«année 
Revue  du  Bas-Poitou)  je  vous  avais  entretenu  d'un  fer  à  cheval  de 
l'époque  moyen  âge,  trouvé  à  Fontenay-le-Comte,  pendant  le  cours 
de  travaux  de  terrassements. 

Ce  sujet  vous  avait  paru  intéressant  et  vous  lui  aviez  donné  les 
honneurs  de  la  publicité  dans  votre  excellent  journal. 

Dans  ces  notes  rédigées  sans  la  plus  petite  prétention,  je  vous 
annonçais  que  cette  découverte  curieuse  ne  resterait  pas  isolée  mais 
devait  être  considérée  comme  un  jalon  dont  il  fallait  conserver  la 
trace,  parce  qu'il  nous  conduirait  ultérieurement  à  d'autres  trou- 
vailles du  même  ordre. 

Mes  prévisions  se  sont  réalisées  plus  rapidement  que  je  ne  le  pen- 
sais et  je  vous  fais  part  aujourd'hui  de  quelques  documents  nouveaux 
que  j'ai  pu  recueillir  sur  un  chantier  qui  vient  de  s'ouvrir  tout  der- 
nièrement à  Fontenay-le-Gomte  dans  le  centre  même  de  la  ville. 

Ce  sont  encore  de  vieux  fers  à  cheval  qni  sont  en  cause,  mais  tan- 
dis que  le  premier  dont  je  vous  ai  parlé  ne  remontait  qu'au  moyen 
âge,  ceux-ci,  leurs  doyens  d'un  grand  nombre  d'années,  appartien- 
nent à  l'époque  celtique  etgaUo-romaine  et  ont  au  moins  2000  ans. 

Ces  fers  se  sont  rencontrés  en  assez  grand  nombre,  nous  en  avons 
ramassé,  entiers  ou  incomplets,  environ  une  centaine. 

L'endroit  précis  de  leur  stationnement  était  rue  Haute  des  Loges 
et  rue  de  la  Harpe  :  rues  voisines  d'une  très  ancienne  place  on  se 


D 


fer   celtique 


O&ptcmlre  et  Octolre    lS90   danô  ùô 
me^   cU  la    i^Tfoarpn  ,  cle  /cl  Jb)-dai.7^e, 
cl  la  cfraruM  Jlcte.. 


fer  q  allô -romain 


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tr'H.  I  AfOi^tj/A.lveS- 


LA    MARÉCHALKRIE    CELTIQUE    ET    GALLO-ROMAINE  229 

tenaient  autrefois  les  marchés  et    où   s'assemblaient  les  maîtres 
I  ouvriers  de  toutes  sortes. 

Il  résulte  de  l'examen  des  documents  sur  l'histoire  de  l'ancienne 
ville,  que  ces  rues  étaient  de  vieux  chemins  celtiques  ou  romains 
et  que  cet  emplacement,  aujourd'hui  la  place  du  Commerce, 
était  un  des  coins  les  plu.s  mouvementés  de  la  cité  —  et,  d'après 
la  configuration  du. sol,  le  point  central  où  aboutissaient  les 
voies  de  communications  qui  mettaient  Fontenay-le-Comte  en 
relation  d'un  côté  avec  la  mer,  de  l'autre  avec  la  voie  de  terre. 

Ce  renseignement  absolument  certain,  et  d'ailleurs  facile  à  contrô- 
ler, va  nous  servir  de  base  pour  étayer  l'hypothèse  suivante  dont, 
pour  être  sincère,  nous  n'affirmons  cependant  pas  l'authenticité  — 
C'est  qu'à  cette  place  (environs  du  pont  des  Sardines),  en  un  temps 
où  tous  les  échanges  se  faisaient  par  colportage,  il  devait  y  avoir  là 
où  convergeaient  tant  d'intérêts,  des  moyens  de  mettre  à  couvert  et 
de  garantir  de  la  main  des  aventuriers,  les  pacotilles  et  les  animaux 
qui  les  transportaient...  Petit  à  petit  des  quartiers  entiers  se  sont 
construits  :  hôtellerie,  hangars,  écuries  ont  remplacé  les  cons- 
tructions plus  primitives  de  nos  pères. 

Partant  de  là,  nous  pouvons  facilement  en  déduire,  d'après  ce  que 
nous  voyons  chaque  jour,  qu'autour  de  ces  lieux  de  réunions,  de  ces 
marchés,  devaient  vivre  des  artisans  de  tous  les  métiers,  attirés  là 
pour  exploiter  leur  industrie.  —  Et  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  le 
maréchal  ferrant  fût  l'un  d'eux. 

On  voit  encore  de  nos  jours,  les  ouvriers  de  cette  profession 
rechercher  de  préférence  les  abords  des  villes,  des  grandes  écuries, 
des  champs  de  foire  où  ils  trouvent  facilement  à  s'employer. 

De  déduction  en  déduction,  nous  en  arrivons  à  émettre  cette  idée  : 
c'est  que  ces  fers  trouvés  à  2  mètres  au-dessous  du  sol  moderne, 
sur  le  terrain  primitivement  habité  par  les  Celtes  et  les  Gaulois,  sont 
tout  simplement  de  vieilles  ferrures  usées  par  les  chevaux  et  aban- 
données par  les  clients  de  l'atelier  au  moment  où  ils  faisaient  ferrer 
leurs  chevaux  chez  les  maréchaux  du  pays. 

J'émets  une  thèse  sans  preuves,  mais  les  circonstances  locales  la 
rendent  tellement  plausible,  que  nous  n'hésitons  pas  à  la  croire 
très  près  de  la  vérité. 

Nous  avons  vu  d'ailleurs  en  Afrique,  chez  les  Arabes  des  tentes,  de 
ceux  qui  méprisent  la  maison  de  pierres,  —  le  maréchal- ferrant 
suivre  les  marchés  chargé  de  son  outillage,  travailler  de  son  état 
pendant  la  durée  de  la  journée  et  repartir  le  soir  pour  son  gourbi 
absolument  comme  le  marchand  ambulant ,  abandonnant  sur  le 
sol  les  vieilles  déferres  considérées  comme  étant  d'un  vil  prix. 


230  l'A    MAKKCIIALERIE 

Nos  Celtes,  avantde  se  fixer  sur  un  rivage,  ont  dû  sans  aucun  doute 

agir  ainsi jusqu'à  ce  qu'enfin,  attachés  à  une  vie  plus  sédentaire, 

ils  aient,  comme  nos  populations  rurales  modernes,  choisi  un  jour 
de  foire  pour  conduire  leurs  chevaux  chez  les  maîtres  ferreurs  fixés 
dans  les  villes. 

Ainsi,  et  pour  conclure,  je  crois  que,  jusqu'à  témoignages  plus 
autorisés,  il  reste  dans  le  domaine  des  choses  logiques  et  rationnelles 
que  ces  fers  sont  des  épaves  d'ateliers  de  maréchalerie  celtique  ou 
gauloise  et  gallo-romaine.  —  Ateliers  établis  dans  la  partie  la  plus 
industrieuse  et  la  plus  populeuse  de  la  ville  de  Fontenay. 

Je  joins  à  ces  quelques  mots,  et  pour  l'intelligence  de  ce  qui  pré- 
cède, les  modèles  de  ces  fers. 

Le  no  1  est  d'origine  celtinue. 

Le  2«  se  rapproche  beaucoup  du  fer  gallo-romain. 

Le  3''  est  un  fer  d'âne  (equus  asinus).  —  Il  est  d'un  type  celti- 
que parfaitement  pur  —  Sa  présence  indique  qu'à  cet  âge  lointain, 
le  petit  solipède  auquel  il  servait  de  chaussure  était  déjà  dans 
nos  contrées  le  serviteur  de  nos  ancêtres. 

Je  ne  saurais  donner  une  idée  plus  exacte  de  ces  fers,  qu'en 
reproduisant  ici  la  description  qu'en  a  fait  M.  Mégnin,  lauréat  de 
l'Institut,  dans  son  savant  Mémoire  sur  la  Maréchalerie  française. 

«  Tous  ces  fers  des  premiers  temps,  dit-il,  sont  d'origine  celtique  ; 
«  ils  sont  petits,  étroits  et  faibles  de  métal,  constamment  percés  de 
«  si;t  trous  dont  l'ouverture  extérieure  est  fortement  étampée  en 
€  forme  longitudinale  pour  loger  la  base  de  la  tête  du  clou.  Cette 
«  tête  se  termine  en  T  conique  ou  en  clef  de  violon  pour  servir 
V.  de  crampon  auxiliaire  à  ceux  des  talons,  qui  toutefois  ne  sont  pas 
«  constants.  —  Le  peu  d'épaisseur  et  surtout  de  largeur  du  fer  a 
«  toujours  fait  distendre  celui-ci  à  chaque  étampure  de  manière  à 
^^  festonner  le  bord  externe  du  1er.  L'épaisseur  de  celui-ci  est  de 
«  3  ou  4  millimètres  et  sa  largeur  de  15  à  16,  entre  chaque  trou,  ce 
«  qui  indique  la  dimension  du  métal  ou  de  la  barre  avant  l'étam- 
i  page.  Le  poids  de  ces  fers  ne  dépasse  pas  90  à  120  grammes  et 
*  nous  les  verrons  augmenter  progressivement  de  grandeur  et  de 
<.<  poids  à  mesure  que  nous  les  examinerons  dans  les  âges  suivants.  » 

«  Il  est  à  remarquer  que  ces  fers  sont  complètement  plats,  c'cst- 
«  à-dire  sans  ajusture  et  sans  pinçons  ;  les  clous  montrent  qu'ils 
«  étaient  rivés  très-bas  comme  dans  la  ferrure  arabe  et  cosaque 
«  et  qu'ils  étaient  appliqués  sur  des  pieds  non  parés  » 

Fers  gallo-romains  «  La  domination  romaine  ne  parait  pas  avoir 


LA    MARÉCHALERIE   CELTIQUE    ET    GALLO-ROMAINE  231 

«  eu  beaucoup  d'influence  sur  la  maréchalerie  gauloise  —  les  mêmes 
«  errements  ont  été  suivis  pendant  les  premières  époques  de  cette 
«  période.  Le  fer  à  cheval  gallo-romain  a  identiquement  les 
«  mêmes  caractères  que  le  fer  celtique  :  trois  trous  de  chaque  côté, 
«  chaque  trou  portant  une  étampure  deux  fois  plus  longue  que 
«  large  pour  recevoir  la  tète  allongée  elle-même  du  clou  et  le  pro- 
«  léger  contre  l'usure  tout  en  lui  laissant  une  forte  saillie  exté- 
«  rieure  ;  le  pourtour  du  fer  festonné  et  dessinant  par  ses  contours 
«  la  place  de  chaque  trou  ;  chaque  branche  terminée  par  une  épon- 
«  ge  à  crampons,  l'ensemble  des  saillies  des  têtes  des  clous  et  des 
«  crampons  formant  un  plan  régulier.  Le  métal  est  d'une  extrême 
«  ductilité,  comme  celui  de  tous  les  fers  antiques,  et  d'une  pâte 
«  très-blanche.  » 

«  M.  Quiquerez,  en  Suisse,  a  constaté  le  même  fait,  il  fait  s'^u- 
«  lement  remarquer  (ce  qui  est  sensible  pour  nos  fers  de  Fontenay- 
«  le-Comte),  que  les  fers  gallo-romains  sont  un  peu  plus  grands  que 
<  les  fers  celtiques.  —  Ainsi,  après  avoir  établi  que  tous  ces  fers  cel- 
«  tiques  ne  dépassaient  pas  90  à  100  grammes,  il  reconnaît  que  ceux 
«  des  temps  romains  arrivaient  jusqu'à  180  et  même  245  grammes, 
«  ce  qui  indique  toujours  une  race  de  chevaux  légers  et  à  pieds 
«  petits.  » 

La  lecture  de  ces  extraits  ne  nous  avait  laissé  aucun  doute  sur  la 
parenté  lointaine  de  nos  fers  vendéens.  Néanmoins  nous  avons 
tenu  à  consulter  M.  Mégnin  lui-même  et  M,  le  Professeur  de 
maréchalerie  à  l'Ecole  de  Cavalerie  de  Saumur,  dont  l'opinion  fait 
autorité  dans  la  question.  Nous  avons  soumis  à  ces  messieurs 
quelques  échantillons  de  ces  fers  récemment  récoltés  au  cours  des 
travaux  de  la  canalisation  et  tous  les  deux  nous  ont  complètement 
confirmé,  par  attestation  écrite,  l'origine  celtique  et  gallo-romaine 
de  ces  types  de  ferrure. 

Capitaine  D.  . . . 


L'AUTOPSIE   DE   RICHELIEU 


^^sii^^ia^^ 


PARMI  les  vieux  in-folio  poudreux  légués  à  nos  bi_ 
bliolhcques  par  les  deux  siècles  précédents,  il  n'en 
est  pas  de  plus  intéressants  à  parcourir  que  le«-  an- 
ciens recueils  d'arrêts.  Presque  toujours  leurs  commenta- 
teurs joignent  une  connaissance  profonde  du  droit  écrit  et 
du  droit  coutumier  à  une  haute  teinture  littéraire,  et  dans 
leurs  discussions  ardues,  oii  toutes  les  ressources  de  la  dia- 
lectique sont  mises  en  jeu,  des  vers  de  Virgile  ou  d'Ovide 
viennent,  de  la  façon  la  plus  inattendue,  corroborer  une  dé- 
cision du  Parlement. 

Un  de  ces  ouvrages  de  poids,  tombé  entre  nos  mains,  il  y  a 
quelque  temps,  renferme  d'intéressants  commentaires  his- 
toriques sur  les  arrêts  rendus  par  les  Cours  souveraines  de 
France  pendant  la  seconde  moitié  du  XVII*  siècle.  Le  Jour- 
nal  du  Palais  —  tel  est  son  titre  abrégé',  —  contient,  entre 
mille  dissertations,  une  curieuse  notice  sur  l'autopsie  du 
cardinal  Richelieu,  et  en  particulier  sur  son  cerveau.  Ces 
détails  n'ayant  point  été  relevés  jusqu'ici,  croyons-nous,  par 
les  biographes  du  célèbre  ministre,  nous  avons  pensé  qu'il 
y  aurait  intérêt  à  les  rééditer. 


'  Voici  le  titre  entier  :  Journal  du  Palais  ou  Recueil  des  principales 
décisions  de  tous  les  Parlements  et  Cours  souveraines  de  France  sur  les 
questions  Ivs  plus  importantes  de  droit  civil,  de  coutume,  de  matières  cri- 
minelles et  bênéficiales,  et  de  droit  public,  par  feu  Maîtres  Claude  Blon- 
deau  et  Galiriel  Gucret,  avocats  au  Parlement .  Quatrième  édition,  revue 
corrif/ée  et  augmentée,  dédiée  à  3/ï'  le  premier  président.  —  A  Paris,  quay 
des  Augustitis,  chez  David,  père,  libraire,à  la  Providence  et  au  roi  David. 
MDCCLV.  -1  vol.  grand  in-l». 


L  AUTOPSIE     DE    RICHELIEU  233 

L'auteur  commentant  un  arrêt  rendu  le  30  décembre  1694 
par  le  Grand  Conseil  su^^  les  questions  suivantes*  : 

«  Si  M.  de  Richelioii,  ayant  peu  de  biens  propres,  potivoit 
disposer  comme  il  a  fait  de  tous  ses  acquêts  en  quelques  cou- 
tumes qu'ils  soient  situées  ; 

«  Ou  si  les  acquêts  ont  été  subrogés  de  droit  au  défaut  de 
propres,  particulièrement  dans  les  coutumes  où  cette  subro- 
gation  a   lieu  ; 

«  S'il  suffit  d'avoir  des  propres  sans  considérer  leur  quantité 
pour  poutwir  disposer  d'acquêts  beaucoitp  plus  considérables  ; 

»  Ou  s'il  en  faut  une  quantité  proportionnée  aux  acquêts^;  » 

termine  ainsi  sa  dissertation  ; 

«  Nous  pouvons  ajouter,  à  l'éloquent  éloge  que  M.  l'avocat 
général  Briçonnet  a  fait  de  M.  le  cardinal  de  Richelieu,  un 
autre  éloge  physique  que  j'ai  extrait  d'une  philosophie  ma- 
nuscrite composée  par  M.  de  Marigné,  excellent  philosophe» 
et  qui  nous  doit  convaincre  que  la  nature  avoit  travaillé  sin- 
gulièrement à  la  sublimité  de  l'esprit  et  à  l'élévation  de  la 
fortune  de  ce  grand  personnage. 

('  Les  hommes  illustres  ont  presque  toujours  des  singu- 
larités dans  la  composition  de  leur  tempérament  :  nous 
en  avons  un  exemple  assez  récent  dans  la  personne  du  grand 
cardinal  de  Richelieu,  premier  ministre  d'Etat. 

«J'ai  appris  de  son  chirurgien  ordinaire,  qu'après  sa  mort 
il  eut  ordre  d'embaumer  son  corps,  ce  qu'il  fit  en  présence 
de  plusieurs  personnes  de  distinction  et  de  la  plus  haute 
qualité.  Il  trouva  dans  les  parties  intérieures  de  son  corps 
une  très  belle  conformation  répondante  à  celle  des  membres 
et  à  la  figure  extérieure. 

«  Lorsqu'il  fit  l'ouverture  de  la  tête  pour  en  tirer  le  cerveau, 
il  lui  parut  des  singularités  toutes  extraordinaires. 

'  Par  son  testament  lait  à  Narbonne,  le  23  mai  1642,  Richelieu  avait 
distribué  tous  ses  biens  k  sa  famille,  mais  le  partage  ayant  été  fait  d'une 
façon  inégale  et  sans  tenir  compte  de  l'orij^inc-  des  biens  donnés,  il  en 
résulta  une  longue  série  de   procès. 

>  T.  n,  p.    882. 

Tome  iv.  — Avril,  Mai,  Juin  1891.  16 


234  LALTOI'SIE    DIS    RIGHKLIEU 

». 

«  Il  remarqua  d'abord  que  les  deux  Inblos  du  craue  élaient 
minces  et  poreuses,  et  qu'aux  endroits  les  plus  épaix,  il  y 
avoit  peu  de  substance  spongieuse  et  osseuse  qu'on  appelle 
disploé;  en  sorte  que  d'un  coup  de  poing  on  auroit  pu  faci- 
lement enfoncer  ce  crâne  qui  est  extrêment  dur  et  épais  dans 
les  autres  pour  résister  aux  impressions  du  dehors  qui  ne 
sont  pas  trop  violentes. 

o  Ensuite,  ayant  ouvert  le  cerveau,  il  le  trouva  tout  grisâtre 
et  d'une  consistance  bien  plus  ferme  qu'à  l'ordinaire.  Il  était 
d'une  odeur  suave  et  agréable,  au  lieu  qu'il  a  coutume  d'être 
blanchâtre,  mol,  aqueux  et  d'une  odeur  un  peu  fétide. 

a  Mais  ce  qui  parut  fort  surprenant  est  que  dansée  cerveau 
il  y  avoit  le  double  des  ventricules  ordinaires,  chacun  d'eux 
en  ayant  un  autre  qui  lui  étojt  supérieur  et  formoit  un  double 
étage,  tant  au  devant  qu'au  derrière,  et  au  milieu  particu- 
lièrement, dans  lequel  se  forment  et  se  perfectionnent  les 
esprits  les  plus  purs  de  la  puissance  discursive  servans  aux 
opérations  de  l'entendement;  les  ventricules  de  devant 
servans  à  l'imagination  et  ceux  du  ventricule  de  derrière 
servans  au  mouvement,  au  sentiment  et  à  la  mémoire. 

a  Cette  avantageuse  conformation  marque  l'excellence  et  la 
vigueur  de  l'esprit  vital  et  sensitif  qui  avoient  formé  ces 
doubles  ventricules  dans  le  cerveau,  l'un  au  dessus  de  l'autre. 
De  sorte  que  comme  il  y  avoit  huit  cavités  organiques,  au 
lieu  de  quatre  accoutumées,  il  s'y  faisoit  double  quantité 
d'esprits  en  général  ;  lesquels  outre  cela,  chacun  dans  leur 
magasin  et  double  ventricule,  s'épuroient  et  se  dégageoient 
tellement  de  la  matière,  en  se  communiquant  et  montant  de 
l'étage  inférieur  au  supérieur,  qu'ils  étoient  comme  quin- 
tessonciés  et  multipliés  en  vigueur  et  action,  i)fiaucoup  au 
delà  de  l'ordinaire.  » 

Se  7ion  è  vero  ê  bene  trovato. 

Roger  Drouault. 


CHRONIQUE 


■«Ma» 


LA  Vendée  a  été  peu  représentée  cette  année  au  Salon  parisien. 
Mais   le  nombre  y  était  avantageusement  remplacé  par  la 
qualité.  Signalons  notamment,  au  palais  de  l'Industrie  :  deux 
remarquables  toiles  de  notre   distingué  collaborateur,  M.  E. 
Lansyek,  Le  quai  Bonaparte  à  Menton  et  le  Port  de  Menton  (Ce 
dernier  a  été  acheté  par  l'Etat)  ; 

—  Une  statue  de  M.  Garnier,  deMouzeuil,  représentant  la  Terre; 

—  Un  charmant  médaillon  de  M.  Raguet,  des  Sables-d'Olonne, 
reproduisant  le  profil  d'un  jeune  homme  ; 

—  Deux  jolies  eaux-fortes  de  M.  Alasonière,  de  la  Roche-sur- Yon 
{La  Romance  à  la  Mode  et  le  portrait  de  M.  Gonzalès  Guineau)  ; 

—  Et  enfin  deux  dessins  à  l'aquarelle  de  M.  Libaudière,  architecte 
à  la  RochQ-^\xv-\ on  {Eglise  des  Sables  d'Olonne  et  Collégiale  d'Oiron), 
qui  ont  valu  à  l'auteur  une  mention  honorable. 

M.  0.  de  Rochebrune  vient  d'ajouter  à  son  œuvre  une  merveilleuse 
page.  Nous  voulons  parler  de  la  superbe  planche  qu'il  a  consacrée 
au  Château  de Sainl-Ouên-les-Toits  (Mayenne).  M.  René  Vallette  en 
a  donné  une  description  raisonnée  dans  la  Vendée  du  24  mai  1891. 

L'éminent  aquafortiste  fontenaisien  est  allé  faire  récemment  une 
excursion  artistique  dans  la  Sarthe  et  la  Mayenne  et  il  en  a  rapporté 
de  très  jolis  et  très  importants  motifs,  qui  lui  permettront  d'exé- 
cuter prochainement  deux  grandes  planches  sur  le  C/ia^eat*  du  Lude, 
deux  sur  le  Château  dit  Rocher,  près  Evron,  et  une  sur  le  Château 
de  Landifer,  près  Baugé. 

Au  Congrès  des  Sociétés  savantes  qui  s'est  tenu  à  la  Sorbonne  en 
mai  ilcrnici',  M.  Rqw  Vallette  a  fait  deux   communications.  La  jirc- 


236  CHRONIQUE 

mière  est  relative  à  l'ancienne  corporation  des  tuiliers  et  chauxniers 
du  village  de  Bourseguin  (commune  de  Bourncau)  et  qui  était  con- 
nue sous  le  nom  de  «  Cour  bachique  de  Bourceguin  »  Dans  la  se- 
conde, il  est  question  d'un  marché  passé  en  1618,  entre  la  fabrique 
de  Notre-Dame  de  Fontenay  et  le  sieur  Féti,  pour  l'acquisition 
d'un  tableau  de  Vianino  de  Crémone,  représentant  la  mort  de  la  Vierge. 

Le  musée  de  la  Roche-sur-You  vient  de  s'augmenter  de  trois  ta- 
bleaux. L'un  est  une  toile  d'Etex  représentant  des  Dryades  dans  un 
bois.  Le  second,  envoyé  par  l'Etat,  est  une  toile  de  Latouche,  inti- 
tulée les  FlocJis.  Le  troisième  est  un  portrait  de  femme,  daté  de 
1826,  et  signé  «  Auguste,  via  Dellengerghe  »,  qui  a  été  acheté  par 
M.  le  maire,  pour  le  musée.  Ce  dernier  portrait  est  ravissant  et  dans 
un  parfait  état  de  conservation.  — M.  Ambroise  Baudry  va  égaleme  it 
faire  don  au  musée  des  épreuves  photographiques  des  peintures 
que  son  frère  fit  pour  l'Opéra.  Ces  épreuves,  les  seules  qui  restent 
de  celles  qui  ont  été  tirées,  seront  placées  autour  du  monument  de 
Paul  Baudry,  au-dessus  de  l'escalier,  elles  en  compléteront  heureu- 
sement la  décoration. 

dn  a  placé,  le  i3  avril,  à  l'Institut,  dans  la  galerie  de  la  salle  des 
Pas-Perdus,  le  buste  de  notre  regretté  compatriote  M.  Beaussire, 
prédécesseur  de  M.  de  Pressensé  à  l'Académie  des  sciences  morales 
et  politiques.  Ce  buste  a  été  sculpté  par  M.  Bogino. 

Nous  serions  partisan,  dit  à  ce  propos  VEcho  de  Luçon,  qu'une 
souscription  publique  s'ouvrit  ici  et  dans  le  dépai'tement  pour  assurer 
à  Emile  Beaussire  l'érection  de  son  image  sur  une  des  places  pu- 
bliques de  sa  ville  natale. 

Le  2S  mai  dernier,  le  V.M"  d'infanterie  en  garnison  à  Fontenay-le- 
Comte  a  joyeusement  célébré  l'anniversaire  de  la  bataille  de  Bautzen, 
à  laquelle  son  aîné  prit  une  glorieuse  part.  A  cette  occasion,  une 
fête  tout  à  la  fois  foraine,  dramatique  et  musicale  a  été  donnée  dans 
la  cour  de  la  caserne  Duchaffaull,  par  les  officiers  et  soldats  du  ré- 
giment. Nous  avons  eu  le  plaisir  d'y  applaudir  notamment  une 
pantomine  de  Larcher,  le  Rêve  de  Pierrot,  que  notre  distingué 
compatriote,  M.  A.  de  la  Voûte  avait  accompagnée  d'un  charmant 
thème  musical. 

Le  93»  de  ligne  en  garnison  à  la  Roche-sur- Yon,  a  également  fêté 
très  brillamment,  le  9  juillet,  l'anniversaire  de  la  bataille  de  Wagram, 
dont  le  nom  glorieux  est  brodé  sur  son  drapeau.  A  cette  occasion 
un  Historique  du  US»  régiment    d'infanterie,   accompagné   d'une 


CHRONIQUE  237 

eau-forte  de  F.  Alasonière  et  de  plusieurs  gravures,  a  été  publié 
chez  M""'  veuve  Yvonnet,  imprimeur-éditeur,  à  la  Roche-sur-Yon, 
par  M,  le  capitaine  Duroisel. 

Notre  excellent  ami  Henri  Bourgeois  a  obtenu,  dans  le  concours 
annuel  de  la  Société  protectrice  des  animaux,  une  médaille  d'argent 
pour  son  intéressante  brochure  «  hitelllgenee  des  animaux.  »  Qu'il 
nous  permette  de  lui  adresser  à  cette  occasion  nos  plus  sincères  féli- 
citations. 

Le  8  mai  1891,  M.  l'abbé  Méchineau,  archiprêtre  de  N.-D.  de  Fon- 
tenay,  a  procédé,  au  Gué-de-Velluire,  à  la  bénédiction  et  à  la  pose  de 
de  la  première  pierre  de  l'église  paroissiale,  dont  notre  collaborateur 
et  ami,  M.  Joseph  Libaudière,  architecte  à  la  Roche-sur-Yon,  pour- 
suit la  restauration  sur  les  ruines  d'une  ancienne  chapelle  dédiée  à 
Sainte-Macrine. 

Le  Concours  musical  qui  a  eu  lieu  à  Fontenay  au  mois  de  mai 
nous  a  permis  d'applaudir  une  nouvelle  et  très  remarquable  com- 
position de  notre  distingué  compatriote  M.  Rousse,  La  Chanson  de 
CEpée,  qui  a  été  exécutée  au  Festival  d'honneur  par  toutes  les 
Sociétés  chorales  réunies. 

Dans  la  session  d'avril  dernier,  le  Conseil  général  de  la  Vendée  a 
-illoué  une  somme  de  300  francs  à  notre  collaborateur  M.  L.  Bro- 
chet, pour  l'aider  dans  ses  travaux  archéologiques. 

M.  René  Bazin,  professeur  de  droit  à  la  Faculté  libre  d'Angers  et 
auteur  d'études  littéraires  si  justement  couronnées  par  l'Académie 
française,  a  prononcé  un  discours,  —  chef  d'œuvre  de  finesse  et 
d'esprit,  —  à  la  réunion  des  Anciens  élèves  du  collège  Richelieu,  de 
Luçon,  le  30  juin  1891. 

La  collection  archéologique  de  M.  0.  de  Rochebrune  vient  de 
s'enrichir  d'un  joli  andouiller  de  cerf  de  l'époque  préhistorique, 
récemment  trouvé  dans  de  la  tourbe,  aux  environs  de  Benêt. 

La  comtesse  de  Beaumont,  morte  tout  dernièrement,  a  légué  par 
testament  au  musée  du  Louvre  la  Vérité,  de  Paul  Baudry.  Ce 
tableau  est  une  des  œuvres  populaires  du  maitre. 

Le  .91  juin  1891,  M.  l'abbé  Garnier  a  fait  à  Fontenay,  dans  la  salle 
du  Patronage  et  en  présence  de  500  personnes,  une  conférence 
publique  très  applaudie  sur  La  nécessité  du  repos  dominical  au 
point  de  vue  économiste,  religieux  et  social. 

A  la  séance  du  13  juin  1891,  M.  Lefebvre-Pontalis  a  déposé  sur  le 


238  CHRONIQUE 

a 

bureau  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques  un  exem- 
plaire des  Recherche-f  historiques  sur  le  général  Belliard,  de  M.  l'abbé 
Staub,  ancien  aumônier  de  la  garnison  d'Orléans.  L'accueil  flatteur 
fait  par  l'Académie  au  nouveau  volume  de  notre  vénéré  compatriote' 
n'est  point  pour  nous  suprendre,  car  c'est,  en  même  temps  qu'une 
oeuvre  patriotique,  par  laquelle  l'auteur  a  bien  mérité  de  l'armée 
française,  un  ouvrage  particulic-remePit  intéressant  pour  notre 
histoire  locale. 

M.  l'abbé  Lacroix,  docteur  ès-lettres,  a  fait.  le  27  avril  1891,  une 
conférence  publique  sur  Richelieu  à  Luçon.  au  cercle  catholique  des 
étudiants  du  Luxembourg. 

En  exécution  d'un  décret  du  IG  juillet  1891,  M.  le  Ministre  du 
commerce,  de  l'industrie  et  des  colonies  a  accordé  une  médaille 
d'honneur  en  vermeil  à  M.  Jules  Jobert,  ouvrier  imprimeur  depuis 
58  ans  dans  Vlmprimerie  Robuchon,  actuellement  Imprimerie  A. 
Baud,  gendre  et  successeur. 

La  restauration  de  la  curieuse  église  de  \ouvent  va  se  poursuivre 
sous  l'intelligente  direction  de  M.  Filuzeau,  architecte,  inspecteur 
des  édifices  diocésains. 

Le  14  juin  dernier,  une  cloche,  sortant  des  ateliers  de  M.  BoUée, 
fondeur  au  Mans,  a  été  baptisée  à  Saint-Ben oît-sur-Mer. 

On  lit  dans  une  brochure  intitulée  Nouveau  système  de  monture 
des  cloches,  Pont-à-Mousson,  1868,  p.  39,  à  propos  de  l'ancienne 
sonnerie  de  Saint-Epyre,  de  Nancy.  » 

«  La  grosse  cloche  ayant  été  cassée  dans  les  premiers  jours  de 
janvier  1747,  fut  refondue  au  mois  d'août  suivant  ;  elle  portait  cette 
inscription  sur  le  contour,  au  sommet  : 

J'ai  été  nommée  Louise  par  Stanislas,  roi  de  Pologne,  PARRAI^, 
Louise-Adelaide  de  Bourbon-Conty,  princesse  de  la  Roche-sur- Yon, 
marraine,  en  1747. 

Jean  Burel  et  Jean  Barbier,  Fondeurs. 

«  Toutes  ces  cloches  disparurent  à  la   Révolution.  » 

X.  B.  DE  M. 


CHRONIQUE    —   NÉCROLOGIE  239 


NÉCROLOGIE 


M 


JULES  FAUCHERON,  chapelier,  vice-président  du  conseil 
intérieur  du  Cercle  catholique  d'ouvriers  de  Fontenay,  dé- 
cédé le  15  avril  1881,  dans  sa  69''  année. 


M-»*  ETIENNE  ROBERT  DU  BOTNEAU,  née  Eugénie  Bréchard, 
décédée  à  Fontenay-le-Comte   fin  avril   1891,    dans  sa  79«  année. 

Le  Publicateur  de  la  Vendée  a  donné,  dans  son  numéro  du  l'^  mai 
1891,  un  article  biographique  de  la  défunte. 

« 

M.  LOUIS-HILARION,  VICOMTE  DE  BEGDELIÈVRE,  décédé  au 
château  de  Bigny,  le  7  mai  1891,  à  l'âge  de  72  ans. 

Cette  mort  met  en  deuil  les  familles  Bascher  de  Beaumarchais  et 
de  Beaulort,  auxquelles  nous  offrons  le  tribut  de  nos  douloureux 
hommages. 

M.  PAUL-JOSEPH  GUILLEROT,  ancien  architecte,  décédé  à  la 
Roche-sur-Yoïi,  le  15  mai  1891,  dans  sa  78*^   année. 

Dans  notre  Chronique  du  Bas-Puitou,  insérée  au  Piiblicateur  de 
la  Vendée,  du  24  juin,  nous  avons  donné  une  rapide  esquisse  de 
l'œuvre  considérable  accomplie  par  le   regretté    défunt. 

M.  HERCULE  CHRISTIN,  ancien'  président  de  la  Société  de  se- 
cours mutuels  de  Fontenay,  décédé  à  l'ontenay  dans  sa  74'' année, 
le  29  mai  1891. 

Nous  adressons  au  docteur  Octave  Christin,  fils  unique  du  défunt, 
et  notre  ancien  camarade  d'école,  l'expression  de  nos  sincères  et 
amicales  condoléances. 

M.  l'abbé  FLAVIEN  ALLARD,  né  àBournezeau  en  1830,  ancien  curé 
du  diocèse  du  Mans,  décédé  à  la  Bretonnière,  à  l'âge  de  55  ans,  en 
mai  1891. 


240  CHRONIQUE    —    NÉCROLOGIE 

a 

M"»  DÉSIRKE-CI'XESTE  PLANTIEZ,  décédée  à  Noirmoutiers,  dans 
sa  64«  année,  le  6  juin  1891. 

M.  JEAN-BAPTISTE  BOUFFIEK,  adjoint  principal  du  génie  en 
retraite,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  mort  à  Oraison  (Basses- 
Alpes),  le  8  juin  1891. 

M.  EVARISTE  PORTEAU,  président  du  tribunal  civil  do.  la  Roche- 
sur-Yon,  officier  d'académie,  décédé  à  la  Roche-sur-Yon,le  1"  juillet 
1891. 

M.  L'ABBÉ  GUIBERT,  curé  de  Grosbreuil,  décédé  le  4  juillet  1891, 
à  l'âge  de  57  ans. 

M.  BOUGHAUD.  conducteur  principal  des  ponts  et  chaussées  en 
retraite,  décédé  à  la  Roche-sur- Yon,  le  13  juillet  1891. 

M.  Rinjonneaux,  propriétaire  du  Café  Helvétique,  à  Fontenay-le- 
Comte,  vient  de  faire  la  découverte  d'un  fusil  de  la  Grande  Guerre, 
au  canon  rayé  et  à  la  crosse  ornée  d'un  cœur  Vendéen  et  de  l'ins- 
cription suivante  :  STOFLET  —  1793,  gravés  en  creux. 

A  sa  séance  du  20  juin  1891,  le  Conseil  municipal  des  Sables-d'O- 
lonne  a  voté  une  somme  de  130  francs  pour  l'acquisition  d'un  por- 
trait gravé  du  général  Collineau,  qui  sera  placé  dans  le  salon  de  la 
Mairie,  avec  cette  inscription  au-dessous  de  l'encadrement  :  Au  gé- 
néral Collineau,  hommage  du  Conseil  municipal. 

Le  général  Collineau,  dont  ^l.  Ludovic  Vallette  écrivit  naguère  la 
Biographie,  est,  —  on  le  sait,  —  un  des  plus  glorieux  enfants  de  la 
ville  des  Sables-d'Olonne. 

Nous  apprenons  avec  plaisir  que  M  Charier,  maire  de  Fontenay- 
le-Comte,  et  auquel  on  doit  la  création  récente  d'une  Commission 
des  Archives  municipales,' se  propose  de  restituer  à  la  ville  les  nom- 
breux manuscrits  que  notre  distingué  compatriote  B.  Fillon  lui 
avait  empruntés  pour  la  rédaction  de  ses  études  sur  l'Histoire 
vendéenne. 

Nous  apprenons,  au  moment  de  mettre  sous  presse,  la  mort  de 
deux  de  nos  compatriotes  qui  ont  tenu  un  rang  considérable  dans  le 
monde  des  Arts  et  des  Lettres  :  EDOUARD  GUITTON,  statuaire, 
décédé  le  17  juillet  à  l'âge  de  66  ans,  à  Paris,  et  inhumé  le  24.  â  La 
Rochesur-Yon  ;  —  ADRIEN  DLZAMY,  ancien  secrétaire-général  des 
Boulfes-Parisiens,  auteur  de  nombreuses  pièces,  qui  dirigeait,  en 
l'absence  de  Rodolphe  Salis,  les  pittoresques  représentations  du 
Clial  noir,  décédé  le  28  juillet,  à  l'âge  de  52  ans,  à  l'hôpital  Lariboisière. 


CHRONIQUE    —   BIBLIOGRAPHIE  241 


BIBLIOGRAPHIE 


Mie  vice-amiral  Jurien  de  la  Gravière,  membre  de  l'Académie 
française  et  de  l'Académie  des  sciences,  a  publié  tout 
dernièrement,  chez  Firmin  Didot,  un  volume  qui  ajoutera 
certainement  à  la  réputation  si  méritée  que  l'éminent 
auteur  s'est  depuis  longtemps  acquise  dans  le  monde  des  lettrés. 
Cet  ouvrage,  qui  a  pour  titre  le  Siège  de  la  Rochelle,  sera  lu  avec 
fruit  par  tout  le  monde  et  notamment  par  les  amateurs  d'histoire 
poitevine. 

En  traçant  ces  pages,  le  savant  amiral  n'a  pas  seulement  écrit  un 
livre  précieux  et  utile  :  il  a  encore  accompli  une  bonne  œuvre,  car  le 
volume  se  vend  au  profit  de  la  Société  centrale  de  sauvetage  ;  ce 
qui  lui  crée  un  titre  de  plus  à  la  sympathie  du  public. 

Notre  très  distingué  ami,  M.  Marius  Sepet,  vient  de  faire  paraître 
chez  Mame,  à  Tours,  une  nouvelle  édition  de  sa  remarquable  étude 
sur  Jeanne  d'Arc.  Ce  volume  de  GOO  pages,  imprimé  avec  grand  luxe 
et  orné  de  nombreuses  illustrations  dues  au  talent  de  nos  meilleurs 
artistes,  vient  tout  à  lait  à  son  heure.  Aussi  nous  ne  doutons  point 
de  l'immense  succès  qui  lui  est  réservé.  Ce  sera  pour  le  sympathique 
auteur  une  consécration  nouvelle  de  son  érudition  profonde  et  de 
son  ardent  patriotisme. 

M.  H.  Bagnenier-Desormeaux,  le  zélé  secrétaire  généj-al  de  la 
Société  littéraire  et  artistique  de  l'Ouest,  a  récemment  publié  dans 
la  Revue  d'Anjou  une  étude  pleine  d'intérêt  sur  un  conven- 
tionnel Choletais.  Michel-Louis  Talot,  adjudant  général  (1755-1828). 
L'aimable  et  savant  auteur  nous  en  a  adressé  un  tirage  à  part  sous 
forme  d'une  élégante  brochure  grand  in-8°  de  98  pages,  éditée  chez 
Germain  et  Grassin,  libraires  à  Angers.  (Cette  brochure,  mise 
en  vente  au  prix  de  2  francs,  se  trouve  en  dépôt  aux  bureaux  de  la 
Revue  ) 


242  CHRONIQUE    —   BIBLIOGRAPHIE 

J 

I.es  Paysages  et  Monuments  du  Poitou  viennent  de  décrocher  un 
nouveau  succès  avec  les  livraisons  (\eChampdeniers  et  de  xlfa-icTM- 
e/i-G^^me;  nous  en  (élicitons  de  tout  c(Bur  ïq  padrono  délia  casa. 
Le  texte,  rédigé  par  M.  le  docteur  Léo  Desaivre,  est  une  œuvre 
savante  pleine  d'intérêt,  et  les  illustrations,  traitées  avec  le  senti- 
ment artistique  qu'y  apportent  habituellement  MM.  J.  Robuchon 
et  G.  Girault,  nous  ont  également  permis  d'applaudir  à  l'heureux 
début  d'un  jeune  dessinateur,  dont  le  crayon  est  plein  de  promesses, 
et  qui  n'est  autre  que  le  propre  fils  du  i^rand  directeur,  Eugène 
Robuchon. 

Après  Champdeniers,  doivent  prochainement  paraître  les  livrai- 
sons de  la  Châtaigneraie  et  de  Saint-Hilaire-des-Loges,  par  M.  René 
Vallette. 

A  l'ombre  des  puissants  lauriers  de  leurs  aînés,  les  Paysages  et 
Monuments  de  la  Bretagne  commencent  eux  aussi  à  sortir  de  terre. 
M.  J.  Robuchon  arrive  du  fond  de  la  vieille  Armor,  avec  une  col- 
lection de  merveilleux  clichés  et  un  bouquet  de  sympathiques  ad- 
hésions qui  lui  présagent  de  nouveaux  triomphes.  C'est  Auray  qui 
ouvrira  le  l'eu,  avec  un  texte  signé  d'un  des  plus  beaux  noms  de  la 
terre  bretonne,  M.  Georges  de  Cadoudal. 

Le  succès  du  livre  récent  de  notre  éminent  collègue  de  la  Société 
littéraire  et  artistique  de  l'Ouest,  M.  B.-H.  Gausseron,  Comment 
vivre  à  deux,  a  engagé  l'éditeur  à  faire  une  nouvelle  mise  en  vente 
des  autres  ouvi-ages  de  la  même  série,  publiés  d'abord  anonyme- 
ment, et  assez  remarqués,  dès  'eur  apparition,  pour  être  honorés 
d'une  souscription  par  le  Ministère  de  l'Instruction  publique.  Il 
commence  par  Qa^:  faire  de  nos  filles'^,  question  d'un  intérêt  de  plus 
en  plus  pressant,  dont  M.  H.-B.  Gausseron  ne  se  contente  pas 
d'analyser  les  éLinents,  mais  dont  il  indique  toutes  les  solutions 
possibles  (Libroiri  ■  illustrée,  8,  rue  Saint-Josepli  ;  un  beau  volume 
in-18  Jésus;  prix  i!  fr.  .50).  Après  avoir  considéré  la  femme  dans 
l'enfant  et  esquissé  spirituellement  le  tableau  composé  de  l'éduca- 
tion d'hiei  et  de  l'éducation  d'aujourd'hui,  l'auteur  passe  en  revue 
toutes  les  conditions  où  la  femme  peut  mettre  à  profit  son  travail  et 
ses  talents  :  la  littérature,  les  arts,  l'enseignement,  le  commerce, 
les  emplois  de  bureau,  les  travaux  d'aiguille,  l'agriculture,  la  science, 
la  politique  même,  toutes  les  branches  de  l'activité  humaine  sont 
étudiées  au  point  de  vue  des  ressources  qu'elles  lui  ofïrent.  Mais 
nulle  part  l'auteur  n'oublie  et  ne  laisse  oublier  que  la  grande  (onc- 
tion de  la  femme  c'est  d'être  mère,  et  que  son  véritable  rôle,  en 
dépit  des  nécessités  de  l'existence  dans  une  société  encore  très  im- 


CHRONIQUE    —   BIBLIOGRAPHIE  243 

parfaite,  c'est  de  créer  la  famille,  et,  en  donnant  à  ses  enfants  la 
force  physique  et  morale,  d'assurer  à  la  fois  le  bonheur  du  foyer  do- 
mestique et  l'avenir  du  pays.  — Un  index  des  professions  et  des 
établissements  d'instruction  ouverts  aux  femmes  permet  de  trouver 
facilement,  dans  le  volume,  les  renseignements  spéciaux  que  l'on 
voudrait  y  chercher. 

Notre  distingué  compatriote  et  ami,  M.  Edmond  Biré,  vient  de 
publier  chez  Perrin,  55,  quai  des  Grands-Augustins,  un  livre  où 
l'on  retrouve  les  brillantes  qualités  de  style  et  d'érudition  qui  dis- 
tinguent réminent  critique  littéraire. 

Victor  Hugo  après  iSSO,  tel  est  le  titre  de  cette  étude  puissante  et 
originale. 

M.  le  duc  de  la  Trémoille  doitprochainement  publier  avec  la  colla- 
boration de  M.  Henri  Clouzot  :  Les  fiefs  de  la  vicomte  de  Thoitars 
d'après  V Inventaire  de  d753. 

Notre  collaborateur  et  ami,  M.  Henri  Daniel-Lacombe,  a  récem- 
ment fait  paraître  chez  Oudin,  imprimeur-éditeur  à  Poitiers,  une 
Notice  sur  Le  comte  Aijmar  d'Abzac  de  Ladouze  (in-8'  15  pages). 
Nous  n'étonnerons  aucun  de  nos  lecteurs  en  leur  disant  tout  le 
ctiarme  de  ces  pages,  oii  la  délicatesse  du  cœur  le  dispute  aux 
mérites  de  l'esprit. 

M.  René  Vallette  a  publié  dans  le  journal  La  Vendée  (n"  du  24  juin 
IWl)  le  compte  rendu  à^Une  excursion  archéologique  faite  quelques 
jours  auparavent  k  Pay ré-sur- Veinj^èe  par  l'auteur,  accompagné  de 
MM.  deRochebruneet  Brochet. 

La  Revue  Bénédictine,  de  l'abbaye  de  Maredsous,  (Belgique)  a 
publié  sous  le  titre  Une  brochure  de  M.  Vabbé  Denis,  une  docte  et 
virulente  riposte  à  l'opinion  émise  par  M.  le  curé  de  Saint-Etienne- 
de-Brillouet  sur  le  chant  Grégorien,  au  dernier  Congrès  catholique 
de  Nantes,  et  reproduite  dans  sa  récente  étude  intitulée  Léon 
XIII  et  Dom  Pothier. 

A  l'occasion  du  retour  de  mai,  M  l'abbé  Verdon,  vicaire  de  Pou- 
zauges,  a  fait  paraître  une  3"  édition  de  son  Mois  de  Marie  (Nantes, 
Emile  Grimaud).  Sous  le  pseudonyme  Jean  de  Magné,  M.  l'abbé  .1.  .1. 
Rousseau  lui  a  consacré,  dans  la  Semaine  catholique  de  Luçon  du 
11    avril   1891  ,  une   Etude   bibliographique  des  plus   délicatement 


244  CHRONIQUE    —   BIBLIOGRAPHIE 

a 

écrites,  comme  tout  ce  qui  sort  de  la  plume  si  merveilleusement 
trempée  du  savant  curé  de  Saint-Denis-la-Chevasse. 

Du  Correspondant  (n"  du  25  février)  :  Richelieu,  évêque,  par  P. 
Bertrand. 

Dans  la  Revue  des  sciences  ecclésiastiques  d'avril  1891  :  La  Doc- 
trine spirituelle  du  Bienheureux  Grignon  de  Montfort,  par  J.  Didiot. 

M.  l'abbé  E.  Robin  a  fait  paraître  dans  la  Semaine  catholique  de 
Luçon,  (N°*  des  21^  et  30  mai  1891),  une  notice  biographique  très  étu- 
diée sur  le  vénéré  abbé  Bonnaud,  dont  nous  annoncions  la  mort  dans 
notre  précédent  fascicule. 

Le  dernier  des  numéros  d»,  cette  Semaine  renferme  égalemant 
riiistoirc  légendaire  de  la  Chapelle  de  sainte  Radegonde  à  la  Géné- 
touze. 

Dans  la  Vendée  du  l*""  mai  1891,  sous  la  rubrique  Chronique  mu- 
sicale et  la  signature  Si-Bémol  (Henri  Ayraud),  un  intéressant  ar- 
ticle sur  M.  A.  de  la  Voûte,  le  compositeur  fontenaisien,  et  sur  ses 
œuvres  musicales. 

Le  :>  volume  de  Chrétiens  et  hommes  célèbres  au  XIX'  siècle,  par 
M.  Baraud,  curé  de  la  Caillière,  vient  de  paraître  chez  Téqui,  h- 
braire-éditeui-  à  Paris. 

De  notre  érudit  collaborateur  M.  l'abbé  Teillet,  Notes  et  docu- 
ments sur  V  église  paroissiale  de  Ghallans;  (brocli,  in-S",  19  p..  Vannes, 
Lafolye,  1891. —  (Ext.  delà  Revue  historique  de  VOuest). 

m 
Le  Bulletin  de  la  Société  de  statistique  sciences,  lettres  et  arts  des 

Deux-Sèvres  a  reproduit,  dans  son  numéro  de  janvier-mars  1891.  le 
rapport  lu  par  M.  René  Vallette  au  Congrès  de  Nantes,  sur  la  Con- 
servation des  momiments  religieux'. 

Ce  rapport,  communiqué  à  la  séance  du  4  février  IS'.il,  avait  été 
l'objet  d'une  approbation  unanime  de  la  Société. 

Dans  le  Publicateur  de  la  Vendée  du  17  avril  1891,  sous  la  ru- 
brique C^usKRiis  :  \e  Château  de  Beaumarchais,  par  le  R.  P.  Ingold, 
de  l'Oratoire.  Article  emprunté  à  l'une  des  dernières  livraisons  des 
Paysages  et  Monuments  du  Poitou,  de  M.  -J.  Robuchon. 

Chez  Auguste  Baud,  iraprimnur  libraire,  Fontenay,  1891  : 
Grand  concours  musical  d'orphéonf,  d'harmonies  et  fanfares.  — 
Programme.  —  (broch.  in-8"  '36  p.) 


CHRONIQUE    —   BIBLIOGRAPHIE  245 

M.  l'abbé  Staub,  ancien  aumônier  de  la  garnison  d'Orléans, 
prépare  une  notice  biographique  sur  Le  Colonel  de  La  Roque-Latour, 
ancien  commandant  du  dépôt  de  Remonte  de  Fontenay,  décédé 
récemment  à  Paris. 

De  notre  très  distingué  collaborateur  et  ami,  M.  le  comte  Louis  de 
la  Rochebrochard  :  Louis  de  la  Roche jaquelein  {Vendée  et  Portugal). 
Souvenirs  inédits,  publiés  sous  forme  d'une  charmante  brochure 
grand  in-S"  de  50  pages.  —  Saint-Maixent.  Reversé  1891.  (Ext.  du 
Bulletin  de  la  Société  de  Statistique  des  Deux-Sèvres). 

De  M.  Augustin  Rouillé  :  Assignats  et  Papiers-Monnaie.  Guerres 
de  Vendée  et  Chouannerie  1793-1796,  in-4''  de  80  p.  avec  planches  et 
fac-similé.  La  Roche-sur- Yon,  veuve  Ivonnet  1891. 

La.  Revue  Poitevine  et  Saintongeoise,  du  15  juillet  1891,  nous  ap- 
prend que  M.  Jos.  Berthelé  vient  de  terminer  la  rédaction  d'un 
volume  sur  l'histoire  de  l'art  campanaire  dans  le  nord  de  la  France. 

Le<!  monuments  élevés  à  la  mémoire  de  Paul  Baudry,  au  Musée  de 
la  Roche-sur- Yon  et  au  cimetière  du  Père-Lachaise,  1880-1890.  — 
Charmante  broch.  gr.  in-8°,  20  p.  avec  grav.  et  dess.  (Paris,  Bureaux 
de  la  Gazette  des  Beaux- Arts). 

Le  sommaire  du  dernier  numéro  de  la  Revue  des  Sciences  natu- 
relles de  l'Ouest^  était  ainsi  composé  :  Zoologie  :  Notice  sur  le  saumon 
de  la  Dordogne,  par  Kunstler.  —  Biologie  :  Le  sens  de  la  vue  chez  les 
Anthropodes,  par  le  D'  A.  Peytoureau.  —  Géologie  :  Existe-t-il  une 
série  d'assises  nouvelles  entre  les  «  schistes  rouges  »  et  le  «  grès 
armoricain  »,  par  P.  Lebesconte.  —  Faunes  régionales  :  Catalogue 
des  crustacés  podophtalmaires  des  côtes  de  la  Vendée, par  A.  Odin.  — 
Sociétés  savantes  :  Des  provinces  de  l'Ouest  à  l'académie  des  sciences 
de  Paris,  par  Marcel  Baudoin.  —  L'Ouest  anthropologique  au  Congrès 
de  Limoges  de  1890,  par  le  D""  M.  E.  —  La  botanique  dans  les  sociétés 
savantes  de  l'Ouest,  par  •).  Douteau.  —Sciences  naturelles  appli- 
quées :  La  sardine  et  les  travaux  auxquels  elle  a  donné  lieu  en  1890 
(Rapport  de  M.  Pouchet).  —  L'enseignement  agricole  supérieur  à  la 
faculté  des  sciences  de  Poitiers.  —  Principaux  champignons  comes- 
tibles de  l'Ouest.  —  Les  ferments  du  cidre.  —  Les  huîtres  d'Ustonde. 
—  La  reproduction  du  homard.  —  Bibliographie  —  Notice  nécro- 
logique :  Marie  Rouault,  par  A.  Orain.  —  Sociétés  savantes  de 
l'Ouest  :  Société  d'émulation  de  la  Vendée. 

«  Paris  :  14,  I^ouU'vard  Saint-Germain. 


246  CHRONIQUE  —  bibliographie 

> 

Titres  des  Chroniques  de  Bas-Poitou  parues  dans  le  Publicateiir 
de  la  Vendée,  depuis  notre  dernier  fascicule  : 

25  mai  1891 .  L'Anniversaire  de  la  délivrance  d'Orléans.  — Les  vo- 
lontaires de  Bas-Poitou  sous  l'étendard  de  la  Pucelle.  —  L'hôte  de 
Jeanne  d'Arc  à  Poitiers.  —  La  morl  d'un  *  tnameluck  ».  —  Napo- 
léon 1^^  à  Fontenay. 

10  juin  1891.  —  Deux  profils  d'architectes.  —  Paul  Guillerot  et 
Julien  Mauclerc.  —  Le  Compas  en  Bas- Poitou  aux  XVP  et  XJX* 
siècles. 

13  juillet  1891 .  —  Le  peintre  Lansyer  et  son  œuvre. 

Nous  avons  précédemment  annoncé  l'apparition  des  deux  pre- 
mières séries  d'une  publication  qui  est  appelée  à  un  légitime  succès. 
Nous  entendons  parler  des  costumes  poitevins,  gravés  à  l'eau-forte 
par  M.  Escudier,  l'artiste  niortais  si  distingué,  qui  a  déjà  maintes 
fois  franchi  avec  honneur  le  seuil  des  Salons  parisiens,  soit  comme 
peintre,  soit  comme  dessinateur. 

La  troisième  série,  qui  vient  de  paraître,  est  plus  spécialement 
consacrée  aux  types  vendéens.  Nous  y  retrouvons  : 

1»  La  Cabanière  (Marais  de  la  Sèvre)  ; 

le"  La  Cabanière  (Luçon,  Ghaillé,  etc.)  ; 

:^o  Une  vieille  femme  de  Fontenay  ; 

4"  La  Cabanière  en  costume  de  travail  ; 

.5"  Une  paysanne  des  environs  de  Fontenay  ; 

5»  La  grisettp  de  Fontenay. 

M.  E.  Mayeux,  le  généralissime  des  chemins  de  fer  de  l'Etat,  vient 
de  faire  paraître  un  charmant  Guide  illustré  aux  bains  de  ^ner,  dont 
le  texte  est  dû  à  la  plume  toujours  si  gracieusement  trempée  de 
(i.  Harry,  et  dont  les  dessins  sont  signés  d'un  nom  bien  connu  dans 
le  monde  artistique  parisien,  H.  Lanos. 

R.  DE  Thiercay. 


^^ 


Le  Directeur-Gérant  :  R.    VALLETTE. 


Vaniif'S.  —  Iniprimprie    LAFOLVK. 


t 


LA  VENDÉE  QUI  S'EN  VA 


~JC*« 


LES  MOULIÈRES  ET  LE  VIEUX  GHASSENON 


COMME  illustration  du  poème  de  Nicolas  Rapin  que 
nous  publions  dans  la  3°  livraison  de  la  quatrième 
année  de  la  Revue  du  Bas-Poitou,  nous  donnons  deux 
gentilhommières  voisines  de  Fontenay  oi^i  notre  poète  a  dû 
très  cottainement  lire  aux  propriétaires  de  céans  le  manus- 
crit de  cette  intéressante  poésie.  Si  Bouillé-Gourdault,  la 
demeure  importante  de  du  Fouilloux,  n^eût  pas  été  entière- 
ment reconstruite  après  la  mort  du  célèbre  veneur,  nous 
l'eussions  également  publiée,  car  la  vieille  demeure  de  l'in- 
trépide chasseur  a  dû  également  abriter  plus  d'une  fois  le 
poète  fontenaisien  avec  lequel  il  entretenait  des  relations 
d'amitié.  Mais  de  l'antique  logis  du  XVI"  siècle,  il  ne  reste 
pas  pierre  sur  pierre  :  tout  a  été  réédifié  scus  la  dernière 
moitié  du  règne  de  Louis  XIII.  C'est  pourquoi  nous  nous 
sommes  contenté  de  graver  le  petit  manoir  des  Moulières 
près  l'Hermenault,  qui  offre  l'un  des  types  les  plus  complets 
des  gentilhommières  poitevines'.  Rien  n'y  manque  :  on  y 
retrouve  la  vaste  cour  carrée,  entourée  de  bâtiments  et  de 
tours  et  pavillons  formant  défenses,  un  beau  portail  surmon- 

'  Le  manoir  des  Moulières  était  habité  au  XV1I«  siècle  par  la  l'amille 
Priouzeau.  L'un  de  ses  membres,  Mathurin,  qui  av;iit  épousé,  en  Ki.îO,  de- 
moiselle Françoise  Moreau,  fille  de  défunt  noble  homme  René  Moreau,  sieur 
de  la  Guedessière,  en  Saint-Hilaire  du  Voust,  était  conseiller  et  élu  pour 
le   roy    en    l'élection    de    Fontenay-le-Comte.    11    eut  de  son   mariage  avec 

Tome  iv.  —  Juillet,  Août,  Septembre  1891.         •   17 


248  LA    VENDÉE    QUI    SEN    VA 

téd'un  édiculedo  style  dorique;  à  côté  s'ouvre  le  portillon  pour, 
les  piétons  ;  le  tout  agrémenté  de  pilastres  à  joints  refendus  et 
de  riches  cordons  et  entablements  de  bel  appareil.  Cet  en- 
semble seigneurial  est  complété  par  une  frise  d'un  fort  dia- 
mètre. La  tour  de  l'escalier,  accolée  au  pavillon  de  la  cour, 
appartient  encore  au  XV'  siècle  ;  tout  le  reste  a  été  repris  au 
XVn%  car  on  y  voit,  sur  le  portail  et  sur  une  jolie  lucarne  du 
pavillon,  les  dates  1660  et  1665,  et  en  outre  cette  fort  honnête 
devise  :  Falll  quam  fallere  prssstat.  La  seconde  gentilhom- 
mière est  située  au  Vieux-Chassenon.  Là  encore  une  portion 
de  l'enceinte  appartient  auXV*  siècle,  mais  le  reste  a  dû  être 
remanié  à  la  fin  du  règne  de  Henri  IV.  Nous  avons  pu  re- 
constituer la  décoration  peinte  d'une  curieuse  cheminée  en 
pierre  située  au  rez-de  chaussée.  D'épaisses  couches  de 
chaux  avaient  conservé  toute  la  fraîcheur  des  fleurs  et  ara- 
besques, qui  rappellent  le  système  décoratif  de  la  cheminée 
peinte  par  Pierre  Nivelle,  évêque  de  Luçon,  dans  la  maison 
qui  lui  appartenait,  près  de  la  mairie  actuelle  de  celt(i  ville'. 
Nous  transcrivons  maintenant  le  poème  de  Nicolas  Rapin, 
en  conservant  scrupuleusement  l'orthographe  du  temps. 

LES  PLAISIRS   DU  GENTILHOMME  CHAMPÊTRE 

0  trois  fois  heureuse  noblesse, 
Qui  méprisant  les  grands  honneurs. 
Par  la  vertu  qui  nous  adresse. 
Avez  connu  quelle  détresse 
Se  trouve  à  la  cour  des  seigneurs. 

Françoise  Moreau  dix  enfants.  Cette  dsscendance  pait  fin  avec  Renée 
Priouzeau,  morte  fille  vers  1698,  et  qui  léyua  aux  Pères  Jésuites  de  Fontenay, 
pour  fonder  une  chaire  de  théologie  morale,  tous  ses  meubles,  immeubles 
et  acquêts,  ainsi  que  la  tierce  partie  dans  ses  anciens  domaines.  Le  dit  lej.rs 
se  montait  à  plus  de  200  000  livres  à  prendre  sur  la  terre  des  Moulières  qui 
valait  à  cette  époque-là  12  000  livres  de  rentes.  Par  suite  de  ce  même  décès, 
les  Moulières  échurent  à  Kcné  Moreau,  écuyer,  seigneur  de  Marillet  et  du 
Plessis,  cousin-germain  de  la  défunte  et  aîné  de  la  famille  Moreau,  dans 
laquelle  cette  terre  resta  fort  longtemps.  (Archives  de  M.  Guy  de  Fontaines.) 
«  Le  Vieux-Chassenon  fut  possédé  pendant  les  XVIIe  et  XVIII»  siècles,  par 
les  Mauras;ce  qui  explique,  aux  quatre  coins  de  la  cheminée,  la  présence 
de  leur  blason  et  de  ceux  des  familles  alliées. 


LA    VI.NDEE    QUI   S  EN    VA 

Qui  ne  portant  jamais  envie 
Sur  une  autre  condition, 
Libres  n'avez  point  asservie 
La  franchise  de  vostre  vie 
Aux'griffes  de  l'ambition 

Heureux  celui  qui  loin  d'affaires 
Comme  les  gens  du  temps  passé  ; 
Avecques  ses  boeufs  ordinaires 
Laboure  les  champs  que  ses  pères 
En  propres  lui  ont  délaissé. 

De  qui  la  noblesse  connue 
Ne  vint  jamais  en  question, 
Mais  de  longue  main  est  tenue, 
Comme  si  elle  était  venue 
D'un  des  enfants  de  Francien. 

De  qui  la  maison  est  bastie 
Sans  grande  somptuosité, 
De  peu  de  logis  assortie. 
Belle  entrée  et  belle  sortie. 
Avec  toute  commodité. 

De  qui  la  terre  bien  bornée 
Se  joint  au  clos  de  la  maison, 
De  prés  et  garenne  entournée, 
D'un  bois  et  d'un  estang  ornée 
Et  d'une  fuye  en  la  cloison . 

Qui  n'a  point  en  son  voisinage 
De  prince  ni  de  grand  seigneur  : 
Mais  seul  commande  en  son  village, 
Sans  s'obliger  à  davantage 
Qu'à  vivre  selon  son  humeur. 

Qui  n'estant  embrouillé  d'usure. 
Ni  de  rentes  à  prix  d'argent, 
Sa  despense  à  son  bien  mesure, 
Et,  sans  faire  à  personne  injure. 
Ne  craint  notaire  ni  sergent. 


240 


Ô50  LA    VENDÉE    QUI   S'EN    VA 

Qui  en  un  lemps  bien  pacifique 
Xe  voit  plus  fort  que  lui  ciiez  soi, 
Mais  sans  querelle  domestique, 
Sur  sa  petite  République 
Commande  comme  un  petit  Roi. 

Qui  n'oit  plus  sonner  la  Diane 
D'un  trompette  ni  d'un  tambour; 
Mais  plustotau  braire  d'un  asne, 
Au  chant  d'un  coq  ou  d'une  cane, 
S'éveille  dès  le  point  du  jour. 

Qui  n'est  point  homme  d'ordonnance, 
De  monstre,  ni  d'arrière-ban  : 
Mais  en  sa  salle  a  pour  défense 
L'épieu,  le  harnois,  et  la  lance 
Et  l'arquebuse  de  Milan. 

Qui  pourtant  a  vu  de  la  guerre 
Pour  en  parler  en  devisant. 
Sans  plus  vouloir  vendre  sa  terre 
Pour  mille  inimitiés  acquerre 
Aux  troubles  civils  d'apresent. 

Qui   n'espouse  point  de  querelle 
Si  le  droit  n'y  est  apparent  ; 
Mais  ne  craint  de  monter  en  selle, 
Quand  l'occasion  l'y  appelle. 
Pour  son  ami  ou  son  parent. 

Qui  a  trois  chevaux  en  l'estable. 
Six  chiens  courants,  deux  lévriers, 
Six  épagneux,  et  pour  la  table 
L'aulour  ou  le  lanier  traitable. 
Sans  faucons  et  sans  esperviers. 

Qui  a  le  furet  et  la  poche. 
Et  les  panneaux  tant  seulement. 
Pour  aider  à  fournir  la  broche. 
Quand  une  compagnie  approche. 
Sans  en  user  journellement. 


LA    VENDÉE    QUI    s'EN    VA  251 

Quelquefois  il  va  voir  sa  vigne 
Et  la  fait  clore  de  halliers, 
D'aubespins  plantés  à  la  ligne, 
Où  se  pourmenant  il  aguigne 
Le  labeur  de  ses  journaliers. 

Quelquefois  le  long  d'un  rivage 
Il  voit  conduire  son  troupeau. 
Voit  ses  vaches  en  pasturage, 
L'une  bonne  pour  le  laitage, 
L'autre  meilleure  à  porter  veau. 

Maintenant  tout  seul  il  visite 
Ses  champs  de  semence  couverts, 
Qui  ont  dessus  le  dos  escrite 
Une  espéi^ence  non  petite, 
Pareille  aux  fleurs  des  arbres  verts. 

Et  s'il  voit  quelque  herbe  maligne 
La  bonne  plante  surmonter, 
11  l'arrache  dès  la  racine. 
Ou  coupe  la  torte  houssine 
Qui  boit  le  suc  sans  rien  porter. 

Puis  curieux  du  jardinage, 
S'il  a  vu  de  bon  fruit  ailleurs. 
Il  met  d'un  généreux  courage 
Lui-même  la  main  à  l'ouvrage 
Pour  enter  des  greffes  meilleurs. 

Et  en  la  saison  de  karesme. 
Aux  jours  de  jeusne  et  de  pardon, 
Pescher  en  son  estang  il  aime, 
Et  se  plaist  à  tirer  luy-mesme 
La  vache  ou  le  hausse-verdon'. 

Maintenant  il  se  vient  estendre 
Sous  un  vieux  chesne  dans  les  bois, 
Couché  dessus  l'herbette  tendre, 
En  un  lieu  ou  il  puisse  entendre 
Des  oiseaux  la  plaintive  voix. 


•  Carrelet. 


252  LA    VENDÉE   QUI    S'EN    VA 

Tanstôt,  sur  la  belle  verdure. 
Les  fleurs  du  dos  il  va  foulant 
Auprès  d'une  fontaine  pure, 
Pour  s'endormir  au  doux  murmure 
D'un  ruisseau  lentement  coulant. 

Et  si  par  fortune  il  rencontre 
La  bergère  seule  à  l'écart, 
Le  jeu  d'amourette  il  lui  monstre. 
Ou  se  contente  de  la  monstre, 
S'il  n'y  peut  avoir  plus  grand  part, 

Pour  elle  son  cœur  ne  s'allume 
De  flamme  ni  de  feu  mortel. 
Comme  ces  fols  ont  de  coustume, 
A  qui  la  teste  sert  d'enclume 
Et  l'enfant  Amour  de  martel. 

Mais  aussitôt  que  les  fleurettes 
Tombent  à  la  chaleur  du  ciel. 
Il  met  en  des  cruches  bien  nettes 
Le  doux  ouvrage  des  avettes'. 
Séparant  la  cire  du  miel. 

Et  lorsque  le  soleil  deserre 
Ses  rayons  pour  la  venaison. 
Les  foins  en  des  greniers  il  serre. 
Les  lins  il  arrache  de  terre. 
Pour  mesnager  à  la  maison. 

Puis  voici  les  belles  mestives. 
Dont  le  profit  et  la  valeur 
Rend  les  familles  attentives, 
S'ofTrant  aux  peines  excessives 
Du  travail  et  de  la  chaleur. 

Ce  n'est  rien  qui  ne  voit  le  maistre, 
Quelques  fois  au  plus  fort  du  chaut, 
Au  milieu  des  champs  apparoistre. 
Tous  ses  ouvriers  reconnoistre 
Et  pourvoira  ce  qui  défaut 

Abeilles. 


LA   VENDÉE    QUI    s'eN    VA  253 

Sa  présence  sert  de  conduite 
A  la  troupe  de  ses  scieurs, 
Courbés  d'une  longue  entresuite, 
Qui  ont  la  face  toute  cuite. 
Et  le  front  baigné  de  sueurs. 

Il  fait  apprester  de  bonne  heure 
Les  liens,  le  crible,  le  fléau  : 
De  sa  grange  il  oste  l'ordure. 
Et,  battant  le  grain,  il  mesure 
Combien  de  gerbes  au  boisseau. 

Et  tandis  que  chacun  travaille. 
Il  ne  laisse  pas  quelquefois 
De  prendre  en  jouant  une  caille. 
Le  perdreau  de  bonne  maille. 
Ou  de  boire  à  l'ombre  d'un  bois. 

Mais  quand  l'automne  vient  espendre 
Mille  fruicts  de  son  large  sein, 
0  quel  plaisir  il  a  de  prendre 
La  pomme  rouge  que  vient  rendre 
Un  bel  ente  fait  de  sa  main  ! 

Et  cette  grappe  souveraine, 
Digne  présent  de  l'immortel. 
Pour  en  faire  à  la  Magdeleine 
Une  devotieuse  estrenne. 
Au  plus  beau  lieu  du  grand  autel. 

0  que  les  tonneaux  il  arrange 
Et  les  futailles  de  bon  cœur 
Pour  y  recevoir  la  vendange 
Et  voir  le  gracieux  échange 
Du  fruit  noir  en  rouge  couleur  ! 

0  quel  plaisir  quand  il  entonne 
Ce  breuvage  desja  fumeux. 
Et  qu'en  un  muid  il  emprisonne 
Ce  dieux  furieux  qui  bouillonne 
D'un  flot  et  reflot  écumeux. 


254  LA    VENDÉE    QUI    S'EN    VA 

Que  s'il  a  chez  lui  de  fortune 
(Chose  rare  pour  le  jourd'liui  !) 
Une  femme  non  importune, 
Qui  de  cette  charge  commune 
Reçoive  sa  part  comme  lui; 

Telles  que  celles  du  vieil  âge 
Dont  les  maris,  bons  aux  charrois, 
Retournans  de  leur  labourage, 
Engendroient  d'un  masle  courage 
Des  capitaines  et  des  rois  : 

Heureux  si  venant  de  la  chasse. 
Ou  d'ailleurs,  il  trouve  tout  prest 
Son  souper  cuit  de  bonne  grâce, 
Avec  une  riante  face 
Qui  plus  que.leslvivres  lui  plaist. 

Tout  le  service  de  sa  table 
Aux  rôtisseurs  est  inconnu  : 
Mais  qui  le  rend  plus  délectable. 
De  sa  cour,  ou  de  son  estable, 
Ou  de  sa  chasse  il  est  venu. 

Sa  mesnagère  alors  regarde 
D'avoir  du  fruict  le  long  de  l'an  : 
Et  pour  lui  de  bonne  heure  garde 
Ceux  qui  sont  de  meilleure  garde, 
Du  bon  chrestien  et  du  milan . 

Mais  quandjes  pluyes  et  la  glace 
Ramènent  la  froide  saison, 
Pour  n'être  oisif  en  une  place, 
Il  va  s'échauffer  à  la  chasse 
Du  loup  ou  de  la  venaison. 

Et^pour  le  plaisir  il  assemble 
Ses  meilleurs  voisins  d'alentour, 
Qui  amassent  leur  meute  ensemble 
Et,  comme  bon  à  chacun  semble. 
Se  vont  visiter  tour  à  tour. 


LA   VENDÉE    QUI    S'EN    VA  255 

Quelquefois  avec  l'arquebuse 

Il  va  dessus  l'eau  giboyer, 

Et  dès  le  matin  s'j-  amuse, 

Ou  son  plomb  et  sa  poudre  il  use, 

Bien  souvent  sans  aucun  loyer. 

Ou  va  voir  ses  gens  en  besogne  : 
L'un  qui  fend  du  bois  pour  buscher. 
Et  prend  plaisir  de  voir  la  trogne 
De  l'autre  qui  ses  yeux  renfrogne 
Pour  faire  un  chesne  tresbucher. 

Quelquefois  de  tout  soin  délivre. 
D'un  plus  chaut  habit  revestu, 
Il  lit  dedans  quelque  bon  livre 
Qui  monstre  comme  il  faut  ensuivre 
Le  beau  chemin  de  la  vertu. 

Au  soir,  avec  sa  femme  il  cause, 
Tous  deux  près  du  feu  se  chauffans. 
De  quelque  plus  privée  chose  ; 
Ou  en  devisant  il  dispose 
Du  partage  de  ses  enfants. 

Et  s'il  vient  quelque  feste  grande 
De  sa  paroisse  ou  de  son  nom, 
Ses  parents  et  voisins  il  mande. 
Qui  viennent  en  joyeuse  bande 
Célébrer  ce  jour  de  renom. 

Pour  eux  à  la  ville  il  n'envoyé 
Chercher  du  plus  exquis  gibier, 
Mais  privement  il  les  festoyé 
D'un  cochon,  d'un  chapon,  d'une  oye. 
Et  des  pigeons  du  colombier. 

Du  seul  revenu  de  sa  chasse 
Il  leur  donnera  le  levraut, 
La  perdrix  et  la  tourte  grasse, 
Les  lapereaux  et  la  bécasse, 
Le  héron  ou  le  courbe-jaut. 


256  LA    VENDÉE    QUI    S  EN    VA 

Là  il  faut  boire  à  la  bouteille, 
Tous  d'un  accord,  et  du  meilleur  ; 
Là  d'une  joyeuse  merveille, 
Chacun  par  ordre  se  réveille 
Et  se  rend  de  tous  assailleur. 

Là  ne  se  parle  que  de  rire, 
Et  de  gausser  en  liberté  : 
On  n'y  oit  point  d'autrui  médire 
On  n'y  veut  à  personne  nuire 
Ni  de  fait  ni  de  volonté. 

Leur  repas  est  libre  et  modeste, 
D'herbes  et  de  fruits  mélangé  ; 
N'engendrant  un  hocquet  moleste 
Qui  volontiers  aux  banquets  reste 
Après  que  l'on  a  trop  mangé. 

Aussi  ne  leur  faut-il  point  faire 
Tant  de  despens  au  médecin, 
Ni  en  drogues  d'apothicaire  ; 
Aussi  personne  en  leur  affaire 
Ne  vient  espier  le  bassin. 

Qui  est  celui,  qui  eust  envie 
Manger  des  paons  et  faisans. 
Et  changer  cette  heureuse  vie 
A  la  friandise  asservie 
Des  misérables  courtisans, 

Qui  est  celui,  je  vous  supplie. 
Qui  parmi  cet  heureux  séjour 
Les  grandeurs  du  monde  n'oublie, 
Et  la  sotte  mélancolie 
Que  l'on  prend  à  faire  l'amour. 

Vivez  contents,  ù  gentilshommes. 
Avec  la  paix  et  la  santé, 
Estimans  vos  fruits  et  vos  pommes, 
Plus  que  ne  fait  ses  grosses  sommes 
L'usurier  de  peur  tourmenté 


LA    VENDÉE    QUI    s'EN    VA  ^2T)7 

Si  vous  n'avez  auprès  d'un  prince 
Des  estats  et  des  pensions 
Pour  gouverner  quelque  province; 
Aussi  perisonne  ne  vous  pince 
Et  n'observe  vos  actions. 

Vous  ne  cherchez  point  l'artiflce 
Pour  attraper  un  don  d'un  Roi, 
Ou  pour  voler  un  bénéfice, 
Ou  pour  faire  vendre  un  office 
Contre  la  raison  et  la  loi. 

Vous  n'estes  point  en  une  salle 
A  vous  mocquer  d'un  estranger, 
Et  par  trahison  deloyalle, 
D'un  compagnon  qui  vous  égale, 
Ne  taschez  pointa  vous  venger. 

Si  vous  n'estes  auprès  des  dames 
A  danser  et  faire  l'amour, 
Aussi  ne  sentez-vous  les  flammes 
Et  l'ennui  dont  ces  pauvres  âmes 
Sont  tourmentées  nuict  et  jour. 

Aussi  n'avez-vous  point  la  peine 
De  vous  friser  tout  le  matin, 
De  faire  bien  sentir  l'haleine. 
Et  chacun  jour  de  la  semaine 
Changer  de  veloux  et  satin . 

De  gaudronner  votre  chemise 
Et  toujours  y  porter  la  main  ; 
De  vous  habiller  à  la  guise 
Tantost  d'un  seigneur  de  Venise 
Tantost  d'un  chevalier  romain. 

Vivez  donc  aux  champs,  gentils-hommes 
Vivez  sains  et  joyeux  cent  ans, 
Francs  du  malheur  des  autres  hommes 
Et  des  factions  ou  nous   sommes 
En  un  si  misérable  temps. 


258  LA    VENDÉE    QUI    s'eN    VA 

Puissiez-vous  laisser  en  vieil  âge 
Vos  enfants  sans  dissension, 
Votre  fils  aîné  hors  de  page, 
Se  contentant  de  l'avantage 
Des  fiefs  en  la  succession. 

Ainsi  se  termine  ce  petit  poème  dont  le  dernier  souhait 
ne  devait  pas  être  exaucé,  car  les  enfants  de  Rapin  se  dis- 
putèrent sa  succession  jusqu'à  ce  que  le  plus  liquide  en  fût 
absorbé  par  les  hommes  de  loi.  C'est  à  coup  sûr  la  meilleure 
page  de  son  œuvre,  et  certaines  strophes  d'un  puissant  na- 
turalisme n'auraient  pu  ôtre  désavouées  par  Victor  Tlugo. 
Toujours  est-il  que  Rnpin,  qui  avait  rassemblée  Terre-Neuve 
une  collection  assez  nombreuse  d'objets  d'arts,  une  impor- 
tante bibliothèque,  espérant  les  y  voir  religieusement  con- 
servées, n'eut  pas  la  consolation  suprême  de  voir  accomplir 
ce  désir.  Tout  fut  transporté  à  Poitiers  et  dispersé.  Nous 
n'avons  pu  retrouver  que  quelques  volumes  sans  intérêt,  avec 
cette  devise  écrite  de  sa  main  sur  chaque  ouvrage  :  Cerlum 
vota  pete  finem\ 


'  Le  volume  le  plus  important  de  poésies  composé  par  N.  Rapin  a  pour 
litre  :  Len  œuvn's  latines  et  françaises  de  Nicolas  Rapin.  Poitevin,  grand 
prévosi  delà  connesiablie  de  France.  Tomlieau  de  l'auteur  avec  plusieurs 
éloges.  A  Paris,  chez  Olivier  de  Varennes,  rue  Saint-Jacques  h,  la  Vietoire. 
IfilO,  in-lo. 

Nous  en  possédons  deux  exemplaires  dont  l'un  a  appartenu  :\  Jean  Morison. 
architecte  constructeur  de  Terre-Neuve,  et  l'autre  à  Marie  de  la  Tour  d'Au- 
vergne, duchesse  de  la  Trémoïlle. 

Terre-Neuve,  24  juin  18'.)1. 

0.     DE    ROCHEBRUNE. 


L'HOTE  DE  JEANNE  DIRG 

A   POITIERS 

Maitre  Jean  RA  BA  TE  A  U,  président  au  Parlement  de  Paris 

f  Suite*.) 

aOO^CXx 


LE  ménage  Rabateau  vivait  à  l'hôtellerie  de  la  Rose,  en 
ce  temps  rniie  des  maisons  les  plus  renommées  de  la 
ville.  Faisant  partie  de  l'agglomération  comprise  entre 
les  rues  actuelles  du  Marché,  Notre-Dame  la  Petite,  Saint- 
Etienne  et  du  Petit-Maure,  elle  se  trouvait  au  cœur  même 
de  la  cité,  non  loin  du  Palais,  au  centre  des  affaires  et  de  la 
vie  publique.  Aussi  bien  sa  position,  avantageuse  comme  sa 
célébrité,  y  faisaient  affluer  les  étrangers.  Cette  réputation 
ne  devait  pas  tarder  à  disparaître.  Soixante  ans  plus  tard,  en 
elt'et,  elle  n'était  déjà  plus  qu'un  vague  souvenir  d'enfance 
pour  le  propriétaire  d'alors.  M*  Jean  Bouciiet,  l'historien  des 
Annales  d'Aquitaine,  ainsi  qu'en  témoigne  le  texte  bien 
connu  qu'il  est  utile  de  rappeler  : 

«  J'ay  ouy  dire  en  ma  jeunesse  et  dès  l'an  mil  quatre  cents 
quatre-vinglz  et  quinze,  à  feu  Gristolle  du  Peirat,  lors  de- 
mourant  à  Poictiers  et  près  ma  maison;,  (|ui  avoyt  près  de 
cent  ans,  qu'en  ma  dicte  maison  y  avoit  une  liostcllerie  ou 
pendoit  l'enseigne  de  la   Roze,   où  la  dicte  Jehannc  estoit 

'Voir  la  livraison  de  murs  18'Jl. 


2fi0  l'hOTE    de    JEANNE    d'ARC 

logée  ;  et  qu'il  la  veit  monter  à  cheval  toute  armée  à  blane 
pour  aller  audit  lieu  d'Orléans  ,  et  me  monstra  une  petite 
pierre  qui  est  au  coing  de  la  rue  Saint-Estienne,  où  elle  print 
avantage  pour  monter  sur  son  cheval'.  »  {A?inales  d'Aqui- 
taine, éd.  de  1644,  p.  246). 

Si  les  contemporains  eurent  à  ce  point  la  mémoire  courte, 
doit-on  s'étonner  que  de  nos  jours  il  y  ait  eu  peine  à  pré- 
ciser l'emplacement  d'une  construction  détruite  depuis  tant 
d'années,  et  dont  pas  un  vestige  ne  subsiste?  Le  problème 
semble  d'autant  plus  difficile  que  les  documents  sur  le 
séjour  de  Jeanne  d'Arc  à  Poitiers  sont  extrêmement  rares, 
ei  que  non  seulement  linterrogatoire  de  la  Pucelle  a  été 
supprimé,  mais  aussi  le  registre  des  délibérations  de  la  mai- 
son de  ville  à  cette  époque  :  toutes  pièces  qui  eussent  cer- 
tiiinement  éclairé  d'une  lumière  très  vive  la  question  qui 
nous  occupe.  Grâce,  aux  patientes  recherches  de  l'histoire  et 
de  l'archéologie  locales,  elle  paraît  désormais  complètement 
tranchée.  Résumons-la  en  quelques  mots. 

Ceux  qui  les  premiers  ont  abordé  cette  étude  se  sont  uni- 
quement préoccupés  du  passage  précité  de  Jean  Bouchet  qui 
place  la  pierre  fameuse  connue  sous  le  nom  de  «  Montoir 
de  Jeanne  d'Arc  »  à  l'angle  de  la  rue  Saint-Etienne;  ils  en  ont 
conclu  que  l'hôtel  de  la  Rose  était  nécessairement  situé  à 
l'intersection  de  cette  rue  avec  celle  du  Petit-Maure.  Mais 
ils  n'ont  point  pris  garde  que  la  rue  actuelle  Saint-Etienne 
n'avait  pas  encore  cette  dénomination  du  vivant  de  l'auteur 
des  Annales  d'Aquitaine.  En  ce  temps  le  nom  de  Saint- 
Etienne  était  donné  à  la  rue  que  nous  appelons  aujourd'hui 
Sainte-Marthe.  Là  est  le  point  essentiel  ;  c'est  pour  l'avoir 
oublié  que  MM.  de  Sainte-Hermine  et  de  Ghergé  ont  à  tort 
désigné  l'emplacement  susdit^ 

'  Houchet  avait  alors  dix-neut  ans,  étant  né  en  1476.  Le  même  fait  est  ré- 
pété par  André  Thevet,  dans  sa  Cltorographle  luiiverselle,  t.  ii,  fol.  581, 
comme  le  ten;int  lui  aussi  de  la  bouche  de  Jean  Bouchet. 

Cf.  Wallon,  Histoire  de  Jeanne  d'Arc,  p.  92.  —  De  la  Marsonnière,  Un 
dritme  au  logis  de  la  Lycurne,  p.  2;i. 

'  H.  Ledain.  Mémoires  des  antiquaires  de  l'Ouest,  t.  xxvvi,  p.  13. 


A   POITIERS  261 

Il  est  vrai  que  leur  opinion  se  trouvait  confirmée  par  une 
sorte  de  croyance  populaire.  Lorsqu'en  1825  des  travaux  de 
pavage  furent  opérés  dans  la  rue  du  Petit-Maure,  les  ouvriers 
brisèrent  malencontreusement  un  bloc  granitique  «  d'un  noir 
verdâtre  et  micacé'  »,  qui  passait  auxyeux  des  habitants  pour 
le  montoir  de  laPucelle.  Plein  de  respect  pour  ce  souvenir, 
le  conservateur  de  la  bibliothèque  publique,  M.  l'abbé  Gibault, 
et  un  autre  antiquaire,  M-  de  la  Fontenelle,  recueillirent  les 
fragments  de  cette  pierre,  qui,  après  avoir  séjourné  long- 
temps au  temple  Saint- Jean,  sont  maintenant  déposés  au 
musée  de  la  ville,  sous  le  numéro  8020.  Malgré  l'autorité  in- 
contestable qui  s'attache  d'habitude  aux  traditions,  il  faut 
bien  reconnaître  que  celle-ci  est  absolument  contredite  par 
le  texte  de  Jean  Bouchet.  Il  est  probable  que  la  pierre  dis- 
parut lors  de  la  transformation  successive  du  quartier,  et 
peut-être  en  même  temps  que  la  Rose  elle-même  tombait  sous 
la  pioche  des  démolisseurs.  On  ne  saurait  admettre,  en  effet, 
que  dans  un  but  de  préservation  elle  ait  été  transportée  au 
coin  de  la  rue  du  Petit-Maure.  En  ce  dernier  endroit,  il  y  avait 
déjà  sans  doute  une  borne  similaire,  comme  à  l'angle  de  la 
plupart  des  rues  à  cette  époque,  précisément  dans  le  but 
d'aider  les  cavaliers.  La  pierre  historique  détruite,  c'est  elle 
qui  l'aura  naturellement  remplacée  dans  la  légende. 

L'assertion  formelle  de  Bouchet  ne  permet  pas  de  douter 
que  le  «  montoir  »  n'occupât  le  «  coing  »  de  la  rue  actuelle 
Sainte-Marthe  ;  mais  elle  n'indique  ni  l'emplacement  de  la 
Rose  dans  cette  rue, ni  même  qu'elle  y  fut  certainement  située. 
De  ce  qu'à  l'angle  de  la  rue,  en  effet,  se  trouvait  la  pierre  sur 
laquelle  Jeanne  «  print  avantage  »,  il  ne  suit  pas  forcément 
que  l'hôtel  où  elle  avait  logé  devait  être  placé  dans  la  même 
rue.  Et  c'est,  rappelons-le,  par  suite  d'une  semblable  fausse 
déduction  que  l'erreur  signalée  plus  haut  a  été  commise.  En 
d'autres  termes,    lorsque  la  Pucelle,  le  24  mars  1120,  sur  le 

He  Chergé.  Guide  du  voyageur  à  Poitiers^  p.  257. 


262  l'hoti-:  dk  jeanne  u'arc 

poinl  de  quitter  lu  ville,  [)arul  «  toutarmée  à  blanc  »  et  s'élança, 
sur  son  cheval  aux  acclamations  du  peu}3le,  le  cortège  royal 
aurait  tout  aussi  bien  pu  se  former  à  un  point  quelconque  de 
la  ville  désigné  d'avance,  sur  une  place  publique  ou  ailleurs  ; 
o'il  semble  plus  naturel  et  plus  véridique  qu'on  vint  la  quérir 
à  la  maison  même  qu'elle  habitait,  ce  n'était  pas  nécessaire, 
au  sens  absolu  du  mot.  11  n'en  l'ut  toutefois  pas  autrement  : 
l'héroïne  n'eut  en  réalité  que  quelques  pas  à  taire  pour 
atteindre  la  pierre  qui  lui  servit  à  se  mettre  en  selle  »  aussi 
gentiment  que  si  elle  n'avait  fait  autre  chose  tout  le  temps  de 
sa  vie'.  »  Un  texte  d'une  importance  souveraine  établit  posi- 
tivement que  la  Rose  était  bien  située  dans  l'ancienne  rue 
Saint-Rtienne  ;  sa  découverte  est  due  à  l'érudition  du  regretté 
M.  Rédet,  ancien  archiviste  de  la  Vienne"  ;  et  c'est  à  cet  acte 
du  13  juillet  1465  qu'il  faut  se  reporter,  pour  avoir  la  vraie 
connaissance  de  la  question. 

Intervenu  au  sujet  d'un  règlement  entre  divers  créanciers 
d'un  défunt,  il  mentionne,  parmi  les  biens  lui  ayant  appar- 
tenu, une  maison  dite  de  la  Roche  «  assise  en  la  paroisse  de 
Notre-Dame  la  Petite  de  Poictiers,  laquelle  tient  d'une  part  à 
la  Grant  Rue  par  laquelle  l'on  va  du  Palays  de  Poictiers  à 
Saint-Pierre-le-Grant  de  Poitiers;  d'autre  à  la  ruelle  qui  vient 
de  Saint-Etienne  à  la  Rouze  ;  d'aultre  à  la  maison  de  Jehan 
Tenetier  et  à  la  maison  Jousselin-Pontenier,  en  laquelle  de- 
meure de  présent  Symon  Biron  et  Estienne  Le  Serruzier;  et 
d'aultre  à  la  maison  de  la  vefve  feu  Marc  Duboys.  » 

D'après  cette  pièce,  la  maison  dy  la  Roche  occupait  l'un 
des  deux  angles  formés  par  la  jonction  des  rues  actuelles 
Sainte-Marthe  et  Notre-Dame  la  Petite,  ou  du  moins  en  était 
très  voisine.  Ce  point  établi,  restait  à  préciser  lequel  des 
deux  angles  est  ici  en  cause.  Tout  récemment,  un  archéologue 
distingué  a  fait  de  cette  difficulté  un  examen  approfondi,  et 

»  Chronique  de  lu  Pucclle,  p.  278. 

•  Rédet.  Poitiers  au  moyen  âge.  Les  enseignes,  les  tours  des  remparts. 
Mé»i.  des  antiq,  de  l'Ouest,  t.  xix,  p.  456. 


Le  Montoir  de  Jeanne  d'Arc 


i 


^         ■  '    /  /   j  ■        // 

, /  *  / 

ù.   j\  i.<>tattn-t.  Aje^  S^x'Vi'XA^.  a-  Ckjxx  et  ccrnàeroee ait 
.//lu^e  Cie /a  v^/e  de  i-Javùerà  .àouJ  ce-  /L?é^C2o. 


LifM.  LAfBire,  i*Ntes 


A    POITIERS  263 

par  de  curieux  rapprochements  de  textes  qu'accompagnent 
d'ingénieux  raisonnements,  il  est  arrivé  à  conclure  que  la 
maison  de  la  Roche  se  trouvait  à  l'angle  ou  tout  près  de 
l'angle  que  Ton  rencontre  à  gauche  quand  on  quitte  la  rue 
Notre-Dame  la  Petite  pour  entrer  dans  celle  de  Sainte- 
Marthe'. 

A  vrai  dire,  tel  qu'il  est  conçu,  le  titre  du  13  juillet  1465, 
qui  «  est  l'unique  base  de  la  discussion'  »,  ne  prouve  pas  di- 
rectement que  l'hôtel  de  la  Rose  était  situé  de  ce  même  côté 
de  la  rue;  mais,  je  me  hâte  de  le  reconnaître,  si  cette  dé- 
monstration péremptoire  paraît  difficile  à  établir,  les  argu- 
ments donnés  par  M.  Barbier  n'ont  pas  moins  leur  pleine  et 
définitive  valeur. 

Il  est  certain  que  tout  milite  en  laveur  de  la  solution  pro- 
posée, à  savoir  que  «  l'impasse  assez  large  et  carrossable  qui 
existe  encore  dans  la  rue  Sainte-Marthe  et  conduit  à  un 
grand  emplacement  à  usage  de  cour  et  de  jardin,  pourvu 
d'un  puits,  ainsi  que  l'indiquent  les  anciens  plans,  servait 
d'accès  principal  à  l'antique  hôtellerie  de  la  Rose^  >).  J'insiste 
particulièrement  sur  la  disposition  encore  actuelle  de  ce 
passage  qui  rappelle  très  naturellement  sa  destmation  pre- 
mière. Avec  les  siècles,  les  constructions  disparaissent  et 
font  place  à  de  nouvelles  ;  l'aspect  d'un  quartier  se  modifie 
entièrement;  les  rues  changent  de  noms  :  mais  il  arrive  plus 
rarement  que  le  tracé  lui-même  de  ces  rues  et  impasses  soit 
abandonné,  surtout  dans  le  centre  des  villes  où  la  population 
est  plus  dense,  encore  moins  dans  ce  coin  du  vieu  x 
Poitiers  auquel  l'imagination  peut  encore,  de  nos  jours,  re- 
constituer aisément  sa  physionomie  du  XV  siècle. 

Au  cours  de  son  intéressante  dissertation,  M.  Barbier  nous 

♦  A.  Barbier.  Chronique  de  Poitiers  aux  XVe  et  XVI*  siècles.  Mthn.  des 
Antiq.  de  l'Ouest,  2»  série,  t.  xiii,  année  1890,  p.  467. 

Md. 

»  l(i.  Ce  passage  constitue  actuellement  une  des  entrées  de  la  propriété 
Rpbeilleau  (N»  lllT  du  plan  cadastral). 

Tome  iv.    -  Juillet,  .Vout,  Skptemhrk  1891.  ^>^ 


264  L'HOTE    de    JEANNE    DARG 

apprend  que  la  lecture  de  divers  litres  l'a  déterminé  à  iden-- 
tifier  la  situation  de  l'hôtel  Sainte-Marthe  avec  celle  de  la 
Rose.  Cet  hôtel,  dit-il,  «  aurait  ainsi  subi  des  changements 
de  nom  sans  avoir  changé  de  destination  pendant  plus  de 
trois  cents  ans.  Successivement  il  s'appelle  Chariot-David  à 
cause,  paraît-il,  de  la  disposition  du  terrain  qui  affecte  la 
forme  de  la  constellation  de  la  Grande-Ourse,  puis  Saiiile- 
Marthe  pour  honorer  la  famille  qui  habite  le  voisinage. 
La  petite  ruelle  de  Sainte  Etienne  reçoit  les  mêmes  bap- 
têmes imposés  par  l'usage  et  l'importance  de  l'hôtellerie  qui 
est  l'établissement  de  ce  genre  le  plus  fréquenté  dans  ce 
quartier  populeux  et  en  renom.  »  Je  souscris  d'autant  plus 
volontiers  à  cette  opinion  qu^elle  me  paraît  expliquer,  d'une 
manière  fort  plausible,  la  rapidité  avec  laquelle  le  souvenir 
de  la  Rose  s'était  éclipsé,  un  siècle  à  peine  écoulé  depuis 
que  Jeanne  d'Arc  y  avait  trouvé  gîte.  Assurément  le  chan- 
gement de  nonl  a  dû  en  être  la  principale  cause.  Si  la  maison 
n'avait  pas  continué  d'exister  à  l'état  d'auberge,  elle  aurait 
bien  plus  facilement  conservé  sa  dénomination  première  ; 
elle  serait  demeurée  dans  le  langage  populaire  le  «  logis  de 
la  Rose  »,  et  cette  appellation  se  serait  perpétuée,  comme  il 
advint  pour  celles  des  autres  habitations  marquantes  de  la 
ville*  ;  au  lieu  de  cela,  l'enseigne  une  fois  modifiée,  la  confu- 
sion n'a  pas  tardé,  et  après  elle  l'oubli. 

Opposera-t-on  la  déclaration  positive  de  Jean  Bouchct  ? 
Celui-ci,  je  lésais,  est  très  affirmatif  :  par  deux  fois  il  dit 
«  ma  maison  »  en  parlant  de  l'ancien  bôtel  de  la  Rose.  Mais, 
pour  ne  rien  détruire  de  ce  qui  semble  si  bien  confirmé  par 
ailleurs,  est-il  donc  impossible  de  croire  qu'au  moment  où 
parlait  l'historien  poitevin,  cette  maison,  devenue  réellement 
sa  propriété,  n'avait  perdu  que  pour  un  temps  sa  destination 
originelle,  et  qu'elle  devait  la  retrouver  après  lui  sous  une 
autre  appellation  ?  Bien  plus,  (on   peut  aller  loin  sur  la  voie 

V.  Kedet.  loc.  cit. 


A    POITIERS  265 

des  hypothèses),  pourquoi  ne  pas  supposer  qu'une  partie 
seulement  des  bâtiments  de  l'ancienne  Rose  était  habitée 
par  Jean  Bouchet,  celle  précisément  où  «  pendait  jadis  l'en- 
seigne, »  comme  il  le  dit,  peut-être  enfin  celle  même  qui 
avait  logé  Rabateau  et  abrité  Jeanne  d'Arc;  le  reste  élan! 
maintenu  à  l'état  d'hôtel  public,  et,  en  raison  de  sa  trop 
grande  étendue,  se  prêtant  mal  aux  appropriations  d'une  ré- 
sidence particulière?  Ai-je  besoin  d'ajouter  que  j'ouvre  cet 
aperçu  sous  les  plus  expresses  réserves,  soucieux  unique- 
ment d'appuyer  une  thèse  qui  me  paraît  bien  vraisemblable. 


IV 

Quoiqu'il  en  soit,  nous  voici  renseignés  sur  l'emplacement 
qu'occupait  la  demeure  de  M»  Jean  Rabateau.  La  Rose  étant, 
comme  nous  venons  de  le  voir,  un  hôtel  public,  nul  doute 
qu'il  y  résidait  à  titre  de  simple  locataire*.  Venu  à  Poitiers 
au  moment  de  la  réorganisation  du  Parlement,  il  olail  pro- 
bablement descendu  dans  cette  hôtellerie,  et  depuis  lors  il  y 
était  tout  simplement  resté.  Les  circonstances  très  aléatoires 
de  l'entreprise  du  Dauphin,  jointes  aux  menaces  de  plus  en 
plus  en  plus  redoutables  de  l'invasion,  ne  lui  avaient  pro- 
bablement point  conseillé  de  se  rendre  acquéreur  d'une 
maison,  en  admettant  même  que  ses  ressources  le  lui 
eussent  permis. 

Il  est  cependant  à  noter  —  et  je  le  signale  aussitôt  —  que 
Rabateau  eut  dans  Poitiers  une  habitation  à  lui  propre.  L;i 
chose  nous  est  connue  par  un  texte  qui  faisait  partie  des 
manuscrits  de  l'abbaye  de  Saint-Hilaire  delà  Celle,  et  est  rap- 
porté dans  dom  Fonteneau^  Cette  pièce  n'est  autre  que  cellt' 
de  la  fondation  du  célèbre  collège  de  Puygarreau,  le  7  avril 
1478,  par  «  Françoise  Gillier,  dame  de  Puigarrcau  et  Vernueil, 

«  M.  Donizeau  avance  sans  preuves  qu'il  en  était  propriétaire,  et,  malgré 
tout  ce  qui  a  été  dit  à  ce  sujet,  commet  encore  l'erreur  île  placer  la  Rose  rue 
du  Petit-Maure.  V.  Jeanne  d'Arc  à  Poitiers,  p.  18. 

'  Dom  Fonteneau,  t.  .xii.  p.  685. 


266  l'HOTE    de   JEANNE    UAUC 

veuve  de  feu  noble  homme  maîlre  Jt'liaii  Barbin,  conseiller 
et  avocat  fiscal  de  Charles  VII,  en  la  cour  de  parlement  à 
Paris  »^  celui-là  même  qui  avait  suivi  de  près  la  Pucelle  ;i 
Poitiers,  et  déposa  d'une  façon  si  complète  au  procès  do 
réhabilitation,  le  30  avril  1456'. 

La  généreuse  donatrice  abandonnait  «  aux  dits  maîtres  et 
boursiers  et  à  leurs  futurs  successeurs  pour  leur  logis,  de- 
meurance  et  lieu  dudit  collège  sa  maison  assise  eu  la  ville  et 
cité  de  VoWÀQYS^  qui  fut  à  maître  Jean  Rahatcau;  avec  les 
cours,  jardin,  entrée  et  issue,  tout  ainsi  que  la  tenait  et  possé- 
dait en  so)i  vivant  ledit  feu  Rabateau  ;  lenaut  d'une  part  aux 
maisons,  courts  et  jardin  de  M^'  de  Bressuivre,  et  par  le  de- 
vant à  la  rue  publique  par  laquelle  on  va  de  la  Poissonnerie 
de  Poitiers  à  l'église  de  Saint-ililaire  de  la  Celle,  d'autre 
touche  à  la  maison  et  court  de  M^''  de  Mortemart,  d'autre  à 
la  maison  de  sire  Jean  Pacquier,  d'autre  au  jardin  de  laBellue, 
femme  de  Guillaume  Chabol  et  sieur  seigneur  de  Vaires, 
et  d'un  bout  touche  à  la  grand  rue  tendani  dudit  hostelde 
Mortemart  à  l'église  des  Jacobins  de  Poitiers.  » 

Je  pense  que  Rabateau  acheta  la  maison  en  question,  lors- 
qu'il revint  à  Poitiers  après  son  séjour  de  Bourges,  où  l'a- 
vaient appelé  ses  fonctions  de  président  de  la  chambre  des 
comptes,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  tard.  Ayant  alors  à 
se  loger  pour  la  seconde  fois  dans  la  vieille  ville,  il  jugea 
sans  doute  le  moment  venu  d'y  devenir  propriétaire,  la  si- 
tuation des  affaires  publiques  paraissant  moins  tendue  et 
son  étoile  en  pleine  croissance. 

Mais  en  1429,  tout  fait  présumer  que  ni  lui  ni  son  épouse 
ne  songeaient  à  ce  parti.  Les  murs  de  la  Rose  leur 
offraient  un  abri  suffisant;  on  peut  compter  d'ailleurs  qu'ils 
ny  étaient  point  traités  à  la  manière  des  étrangers  ;  j'estime 
((u'ils  avaient  un  logement  indépendant,  aménagé  au  gré  de 
leurs  habitudes,  tel  enfin  (ju'il  convenait  à  la  position  de 
l'avocal  général  criminel. 

'  I.i'  même  jour  que  Muruucrite  La  Touroulde.  Cl",  "de  Beaucouit,  t.  v, 
ji.  iJSii.  iioti'  i".  —  QuicheiMt.  Prorcs,  t.  m,  p    8;'. 


A   1>0ITIERS  267 

M.  Barbier  croit  qu'une  maison  d'assez  vaste  importance, 
située  rue  Notre-Dame  la  Pefi te  et  portant  encore  trace  d'or- 
nements du  XV«  siècle,  était  celle  de  Christophe  Dupcrrat, 
le  voisin  presque  centenaire  dont  parle  Jean  Bouchot.  En 
tous  cas,  elle  était  «  contiguë  à  la  Rose  d'un  côté  et  en  ;ir- 
rière*.  »  Le  même  auteur  n'est  pas  éloigné  de  penser  qu'elle 
avait  été  précédemment  la  demeure  de  la  dame  Macée',  où 
le  conseil  royal  avait  coutume  de  se  réunir"',  et  que  de  plus 
elle  pouvait  communiquer  avec  celle  de  Rabateau  par  un 
passage  intérieur.  Cette  circonstance  ne  doit  pas  rester  ina- 
perçue :  je  suis  très  porté  à  y  voir  une  des  raisons  princi- 
pales (sans  préjudice  de  celles  déjà  exprimées)  qui  décidèrent 
du  choix  de  l'habitation  de  Jeanne  d'Arc.  La  proximité  des 
deux  maisons  présentait  une  série  d'avantages  qu'il  est  facile 
de  concevoir  ;  si,  en  outre,  elles  se  trouvaient  réellement 
reliées,  sans  que  nécessité  fût  de  traverser  la  voie  publique, 
c'était  au  mieux  de  la  commodité  et'de  la  sécurité.  Il  ne  faut 
pas  oublier,  en  effet,  que  la  commission  chargée  d'interroger 
la  Pucelle  avait  été  nommée  par  le  conseil  royal.  Elle  en  était 
donc  l'émanation  directe  ;  on  comprend  dès  lors  combien  il 
importait  qu'elle  pût  correspondre  facilement  avec  lui.  Enfin, 
dans  l'incertitude  du  résultatfmal  de  l'examen,  le  conseil  ava  t 
dû  saisir  avec  empressement  le  moyen  d'y  faire  procéder 
sans  bruit,  et  de  soustraire  le  plus  possible  la  jeune  fille  à 
la  curiosité  populaire. 

Ces  diverses  considérations  amènent  à  supposer  que 
Jeanne  ne  quitta  guère  la  maison  de  son  hôte  durant  tmil  le 
séjour  de  Poitiers.  En  admettant  que  cette  liberté  lui  ailiMè 
laissée,  son  costume  d'homme  lui  eût  rendu  difficile  d'en 
user,  sans  exciter  l'étonnement  général  ;  depuis  son  départ 

'  A.  Barbier,  loc.  cit. 

2  Famille  municipale  de  la  cité,  Cf.  :  Ledain,  Histoire  sommai n-  dr  la 
rilfe  de  Poitiers,  p.  113.  —  Id.  Méni.  anfiq.  de  l'Ouest,  t.  xxvi.  p.  17.  —  M. 
Jeanne  d'Arc  à  Poitiers,  Revue  Poitevine  etSaintonfieoisr,  p.  68. 

î  «  ...  Et  erat  tune  consilium  régis  confrregatuni  in  ilonio  cujusdam  co- 
nominat»  la  Macée...  »  Déposition  de  iVère  Seguin.  Quicherat,  Procès,  t. 
m,  p.  "^O:!. 


268  l'hOTE    de   JEANNE   D'ARC 

de  Domrémy  elle  avait  adopté  cet  habit,  et  les  motifs  de 
chaste  réserve  dont  elle-même  s'expliqua  lui  défendaient 
d'y  renoncer'.  Ainsi  donc  sa  vie  était  bien  plutôt  celle  d'une 
recluse.  A  peine  quelques  échappées  matinales  ou  tardives, 
sous  la  conduite  de  la  dame  Rabateau,  tandis  que  la  cité  se 
livrait  au  sommeil  ;  les  sanctuaires  du  voisinage  en  étaient 
l'unique  but  ;  agenouillée  sous  les  voûtes  déjà  séculaires  de 
Noire-Dame,  devant  la  Vierge  protectrice  qui  deux  siècles 
plus  tôt  avait  déjoué  la  ruse  de  l'Anglais,  la  bergerette  sen- 
tait s'affermir  sa  mission  surnaturelle,  et  saint  Etienne,  le 
premier  martyr  du  Christ,  pouvait  lui  donner  la  vision  du 
bûcher  de  Rouen  ! 

Le  reste  des  jours  se  passe  en  entier  sous  le  toit  de  la  Rose. 
C'est  là  qu'ont  lieu  tous  les  interrogatoires,  là  que  l'humble 
nile  confond  docteurs  et  savants  par  la  spontanéité  de  ses 
réponses  et  la  netteté  de  ses  affirmations,  là  que  se  dévoilent 
u  son  humilité,  sa  virginité,  sa  dévotion,  son  honnêteté,  sa 
«  simplesse'.  »  N'est-il  pas  permis  de  croire  que,  par  un 
supplément  d'information  bien  naturel  en  ^a  cause,  les 
membres  de  la  commission  aient,  à  différentes  reprises,  fait 
discourir  l'avocat  général  et  sa  compagne  sur  les  habitudes 
de  celle  qui  était  associée  de  si  près  à  leur  vie,  sur  l'emploi 
de  son  temps,  ses  paroles,  ses  prédictions,  ses  actes  ;  et 
pouvons-nous  douter  du  sens  de  leurs  réponses  ?  Elles  nous 
seraient  sans  doute  connues,  si  le  procès-verbal,  ce  «  registre 
de  Poitiers  »  auquel  la  Pucelle  devait  se  référer  sans  cesse 
devant  ses  accusateurs,  n'avait  été,  comme  le  dit  Quicherat, 
«  égaré    par  la    négligence  ou  détruit   par    la  politique'.  »> 

'  «...  Et  me  .semble  qn'en  cet  estât  je  conserverai  mieux  ma  TJrginité  de 
pensée  et  de  fait.  »  Chroni(/ue   de  la  Pucelle,  p    27C. 

Quicherat,  t.   m,  p.  391,  —  de  Beaucourt,  t.  ir,  p.  211. 

"  Quicherat,  Aperçus  nouveaux  sur  l'histoire  de  Jeanne  d'Arc,  p.  4.  — 
M.  Siméon  Luce  (Jeanne  d'Arc  à  Domrémy,  p.  274)  donne  à  ce  sujet  une 
explication  historique  d'une  portée  restreinte  et  bien  insuffisante  qu'il  est 
hors  de  propos  de  discuter  ici.  M.  Ledain  {Jeanne  d'Arc  à  Poitiers)  la  com- 
bat victorieusement  en  concluant  que  «  très  probablement  ce  fut  à  Poitiers, 
dès  I'.3|,  que  fut  perpétré  le  forfait.   » 


A    POITIERS  269 

J'observe  avec  intention  le  fait  que  Jeanne  sortit  à  peine 
de  la  demeure  de  Rabateau.  Il  suffirait  de  cette  seule  donnée 
pour  prouver  implicitement  qu'elle  ne  subit  point  autre  part 
la  série  de  ses  interrogatoires,  si  la  chose  d'ailleurs  n'était 
absolument  confirmée  par  les  documents  du  temps.  Par 
suite  de  la  présence  du  Parlementa  Poitiers,  on  a  pu  se  mé- 
prendre sur  le  rôle  qu'il  pouvait  être  appelé  à  remplir  dans 
la  circonstance*.  La  vérité  est  que  tout  fut  réglé  sans  son 
intervention,  en  tant  que  corps  constitué.  La  commission, 
nous  l'avons  vu,  était  désignée  non  par  lui,  mais  par  le  con- 
seil royal,  elle  comprenait  surtout  des  théologiens,  et  si, 
comme  il  est  à  croire,  quelques  membres  de  la  cour  de  jus- 
tice y  étaient  adjoints,  elle  n'en  conservait  pas  moins  l'ori- 
gine extra-parlementaire.  En  fait,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  fait 
remarquer,  la  Pucelle  fut  vraiment  l'objet  de  l'enquête  at- 
tentive des  magistrats  qui  composaient  le  Parlement;  mais 
ils  agissaient  ainsi,  plutôt  de  leur  initiative  individuelle  que 
par  délégation  spéciale,  mus  par  les  sentiments  complexes 
qui  dirigeaient  chacun  vers  l'hôtel  de  la  Rose'.  II  est  donc 
inexact  de  soutenir  que  certaines  séances  eurent  lieu  au  Pa- 
lais, et  encore  plus  de  spécifier  la  salle  où  elles  se  passèrent". 

Ainsi  tombe  du  même  coup  l'allégation  fantaisiste  de  Vol- 
taire quand,  au  chapitre  VI  de  son  Histoire  du  Parlement  de 
Paris,  il  avance  que  «  le  faible  Parlement  de  Poitiers  n'eut  guère 
d'autres  fonctions  que  celles  de  casser  inutilement  les  arrêts 
de  celui -de  Paris  (le  Parlement  bourguignon)  et  de  fléclarer 
Jeanne  d'Arc  pucelle.  »   Il  n'est  pas  douteux  que  1  él;it  pliy- 


'  V.  l'abbé  Donizeau.    Jeanne  cV  Arc  à    Poitiers,    p.   18    et  suivantes.  (C 
Ledain.  Examen  d'une  brochure   intitulée  :  Jeanne  iV Arc.  à  Poitiers.  l'erne 
Poitevine  et  Saintongeoise,  n»  du   15  mai  1891,  p.  151. 

»  Au  demeurant,  ceci  n'infirme  pas  le  titre  d'  «  liôte  judiciair»-  »  qn^  l'ai 
mentionné  comme  pouvant  être  attribué  \x.  .Jeanne  d'Arc.  Si  elle  ne  ri-b'Viiit 
pas  directement  de  la  juridiction  du  Parlement,  elle  était  bien  soumise  :'i  uni- 
procédure  assimilable  à  la  sienne. 

*  De  Chergé.  Guide  du  voi/agenr  à  Poitiers,  p.  220.— M.  Arren  /iV//j- 
port  au  Conseil  municipal  de  Poitiers  sur  l'érection  d'une  statue  n  Jeanne 
d^Arr.  Courrier  de  la  Vienne,  n»  du  in  août  1890. 


270  L'HOTE    de    JEANNE    d'ARC 

t 

sique  de  Jeanne  fut  examiné  ;  mais,  pour  cela,  on  n'appela 
ni  théologiens,  ni  magistrats'  ;  et  «  quant  à  cette  dernière 
plaisanterie,  aussi  fausse  que  le  reste  dit  a,vec  raison  un 
auteur,  si  on  croyait  devoir  s'y  arrêter,  on  verrait  que  le  Par- 
lement de  Poitiers  n'a  jamais  reçu  ni  accompli  la  mission 
dont  il  s'agit',  i^  Les  matrones,  mais  les  matrones  seules, 
remplirent  l'office  ([ui  leur  tut  confié.  M.  Lcdain,  d'après 
M.  Vallet  de  Viriville,  assure  qu'elles  s'en  acquittèrent  à 
Ghinon^  ;  peut-être  le  continuèrent-elles  à  Poitiers,  si  l'on  in- 
terprète dans  ce  sens  une  phrase  de  la  déposition  du  frère 
Séguin\ 

Ce  qu'il  faudrait  pouvoir  décrire  maintenant,  c'est  l'exis- 
tence de  cette  enfant  prédestinée,  entre  ses  deux  hôtes  de- 
venus ses  deux  protecteurs.  N'est-ce  pas  ainsi  qu'elle  les  con- 
sidère, et  ne  se  sentent-ils  pas  eux-mêmes  son  plus  naturel 
appui  ?  Après  les  longues  épreuves  que  lui  font  subir  ses 
divers  interlocuteurs,  avec  quelle  joie  elle  retrouve  la  paix  de 
ce  foyer  aimé  1  Là  plus  de  suspicions  ni  d'arguties  ;  rien  que 
le  conseil,  l'encouragement,  la  claire  vue  de  son  avenir. 
Alors,  rassurée  et  confiante,  bénissant  Dieu  d'avoir  mis  sur 
sa  route  ces  deux  cœurs  qui  la  comprennent,  elle  leur  livre 
tous  les  secrets  du  sien.  Elle  dit  les  pénibles  étapes  depuis 
Domrémy,  l'insistance  de  ses  voix,  les  appréhensions  de  la 
nature,  mais  aussi  le  sentiment  continuel  du  secours  divin. 
Elle  parle  de  ceux  qu'elle  a  laissés  là-baS;,  et  sa  voix  se 
remplit  de  larmes  ;  elle  raconte  l'entrevue  mystérieuse  avec 
le  gentil  Dauphin  ;  elle  promet  la  victoire  ;  et  c'est  dans  tout 
son  être  comme  le  frémissement  du  patriotisme.  A  la  fois 
nnïve  et  réfléchie,  mélange  de  grâce  virginale  et  de  maturité 

'  «  Amplius  p(>r  mulieri'S  doctas,  perilas  virgines,  viduas  et  conjugatiis, 
ciii-iosissime  perçu ncta tu r.  qu!>'  niliil  aliud  quod  muliebi-eiu  lionestateiii  nique 
n.ituram  decet,  sent'nint.  »  Quicherat.  t.  v,  p.  tllK 

'  Houtaric  Actes  du  Pnrlemeni  Oe  Paris,  t.  i.  Notice  snr  les  arrhires  ilit 
l'aiiemetit,  par  Griin,  p.  ccxiu. 

s  Ledain,  Kxamen  d'iciie  hro.  hure.  loc.  cit. 

*  Quicherat,  t.  m,  p.  205, 


A    POITIERS  271 

virile,  elle  se  réjouit  et  pleure,  elle  espère  et  se  résigne,,  elle 
exhorte,  elle  prie  surtout  !  Une  chapelle  est  là  tout  près,  à 
l'intérieur  de  la  Rose,  probablement  simple  oratoire  de  la 
pieuse  dame  Rabateau  ;  après  chaque  repas  elle  a  coutume 
de  s'y  rendre  ;  elle  y  passe  en  outre  une  partie  des  journées  ; 
ses  hôtes  l'y  surprennent  la  nuit' ;  ou  bien  ils  la  trouvent 
ébauchant  la  fière  lettre  qu'elle  adressera  prochainement  aux 
Anglais,  en  la  personne  de  Bedlord  ;  et  quand  ils  se  retirent, 
la  laissant  tout  à  son  recueillement  ou  à  son  inspiralinn, 
l'avocat  général  peut  en  vérité  dire  à  sa  compagne  «  voici  lu 
libératrice  prédite  au  Roi'.  » 

Comment  encore  exprimer  la  délicatesse  suave  du  com  m  orce 
qui  s'établit  entre  ces  deux  femmes,  le  sujet  de  leurs  en  ire- 
tiens,  l'échange  de  leurs  sentiments  ?  Chez  l'une  le  libre  don 
d'un  cœur  plein  de  reconnaissance;  chez  l'autre  tout  co  f|ui 
peut  se  concevoir  d'un  rôle  quasi-maternel.  Rt  qu'il  est 
loin,  ce  rôle,  de  l'attitude  que  paraît  insinuer  un  historien 
quand  il  dit  de  la  dame  Rabateau  «  qu'elle  était  chargée 
d'observer  Jeanne  dans  tous  les  détails  de  sa  vie  et  de 
sa  conversation^  »  N'oublions  pas  qu'elle  est  »  la  bonne 
femme  »  de  la  chronique,  et  laissons  à  celles  doni  pailc 
frère  Séguin  leur  tâche  ingrate  et  soupçonneuse. 

A  mesure  que  les  interrogatoires  approchent  de  leur  ti-rmo, 
uneaffluencede  plus  en  plus  nombreuse  se  presse  dans  ladi'- 
meurede  Jean  Rabateau.  11  est  naturel  qucdes  dames,  dunioi- 
selles  et  bourgeoises  ne  soient  pas  les  dernières  à  visilcr 
celle  qui  devait  être  la  gloire  et  l'honneur  de  son  sexe*.  »  (VcM 
à  elles  surtout  que  la  vénérée  maîtresse  du  logis  révèle  les 
vertus  de  l'enfant  confiée  à  sa  sollicitude.  Entendons-la  l'airo 


'  Déposition  de  Jean  Barbin.  Ouicherat.  t.  m,  p.  Si. 

>  Parole  de  Jean  Erault.  d'après  la  déposition  de  J    Harbin. 

»P.  Ayrolles.  La  Pucelle  devant  l'Eglise  et  son  tonp.s,  IS'.io.  p.  \;.  —  I^ 
même  auteur  pose  une  distinction  erronée,  en  disant  que  Jeanne  «  descend uf 
d'abord  à^l'hôtel  de  la  Rose,  si-journa  dans  la  suite  clipz  Jean  Knhiit.au.  . 

*  T,edain.  Jeanne  d'Arc  à  Poitiers,  loc.  cit.  p.  7t. 


272  L'HOTE    de   JEANNE    D'ARC 

J 

cet  éloge.  Elle  y  apporte  avec  la  pleine  mesure  de  sa  ten- 
dresse, le  discernement  parfait  qu'exige  sa  mission  tutélaire. 
Elle  préserve  la  jeune  fille  de  toutes  questions  indiscrètes  ; 
elle  la  montre  telle  qu'elle  est  réellement,  l'envoyée  de  Dieu  ; 
et  l'accent  de  sa  profonde  conviction  accroît  le  courant  de 
sympathie  qui  va  devenir  bientôt  une  démonstration  en- 
lliousiaste. 

Enfin  Jeanne  peut  partir  ;  les  docteurs  l'ont  décidé.  Sa 
«  probacion  est  faite  «  ;  nul  mal  ne  se  trouve  en  elle,  et  «  loin 
(le  l'empescher  d'aller  à  Orléans  avec  ses  gens  d'armes,  le 
Riii  doit  la  faire  conduire  honnestement  en  sperant  en  Dieu*.  » 
Mais  avant  de  lui  donner  tonte  sa  liberté,  Charles  VII  va 
l'emmener  à  Chinon  oîi  il  retourne.  Les  chroniqueurs  ont 
tracé  le  tableau  de  ce  départ  triomphal  du  24  mars,  sans  dire 
toutefois  la  composition  du  cortège.  Je  suis  tenté  de  m'en 
l'i'jouir,  car  au  cas  où  les  époux  Rabateau  n'y  auraient  pas 
li.-iiré,  1,1  désillusion  serait  grande.  N'est-U  pas  tout  naturel, 
en  effet,  de  les  voir  chevaucher  aux  côtés  de  la  Pucelle,  par- 
tageant sa  joie,  s'unissant  plus  que  jamais  à  ses  patrio- 
Iii|iu3s  espérances?  L'esprit  ne  saurait  se  résoudre  à  croire 
que  des  liens  formés  dans  une  circonstance  si  exceptionnelh' 
aient  été  subitement  rompus.  La  maternelle  gardienne  de 
Jeanne,  si  l'on  admet  qu'elle  fut  la  fille  de  Benoît  Pidalet, 
n'avait  désormais,  nous  Tavons  vu,  que  peu  de  temps  à 
p^lS:^er  sur  terre  ;  peut-être  mourut-elle  sous  le  regard  de 
celle  qu'elle  avait  si  bien  protégée,  et  son  cœur  ne  pouvait 
souhaiter  fin  plus  douce.  En  tous  cas,  m.algré  le  silence  de 
l'histoire,  il  faut  la  compter  au  nombre  des  femmes  coura- 
geuses et  dévouées  qui,  ayant  à  leur  tête  la  vaillante  raine 
de  Sicile,  formaient  l'entourage  intime  de  la  Pucelle,  tandis 
que  sort  mari  devait  en  être  un  des  plus  zélés  compagnons. 

Si  la  supposition  est  toute  gratuite,  les  textes  du  moins  ne 
la  c  )ntredisent  pas.  Bien  au  contraire,  le  nom  de  llabateau, 

i,iiiiiMii'r;it,    Prnrès.  t.  iir,  p.  391. 


A    POITIERS  273 

qui  apparaît  à  peine  durant  les  deux  années  qui  vont  suivre, 
se  trouve  joint  à  celui  de  l'héroïne  dans  la  quittance  sui- 
vante, datée  d'Orléans  le  19  janvier  1430  : 

«  A  Jehan  Morchoasne,  pour  argent  baillé  pour  Tachât  de  six 
chappons,  neuf  perdris,  treize  congnins'  et,  ung  fesan,  présentez- à 
lehanne  la  Pucelle.  maistre  Jehan  de  Velly,  maistre  Jehan  Rabateau 
et  monseigneur  de  Mortemar,  le  XIX^  jour  de  janvier  —  6' 12^4'' 
parisis'.  » 

Jeanne  venait  alors  de  Bourges  où  elle  s'était  rendue  près 
de  la  Reine,  après  avoir  passé  Noël  à  Jargeau-'.  Les  jours  de 
revers  commençaient,  précédant  ceux  de  la  captivité  et  de  la 
trahison.  Dans  le  moment,  elle  rejoignait  le  Roi  à  Sully,  et, 
au  cours  du  voyage,  s'était  arrêtée  à  Orléans  dont  les  habi- 
tants lui  faisaient  fête  en  souvenir  de  ses  prodiges*.  Nous  l'y 
trouvons  accompagnée  de  Jean  Rabateau  et  du  président 
lean  de  Vaily'.  L'avocat  général  ne  s'éloignait  donc  pas  de  la 
Pucelle  à  l'heure  de  la  tristesse  :  en  fût-il  de  même  jusqu'à 
la  fin  ? 

A  défaut  de  renseignements  matériels  sur  la  question,  il 
semble  bien  que  nous  ayons  les  données  morales  pour  la 
trancher.  Si  Rabateau  était  tout  dévoué  à  la  Pucelle,  il  n'en 
était  pas   moins   la  créature    de  Charles  VIL    La    fortune 

*  Signification  inconnue  d'après  La  Curne  de  Sainte-Palaye  (Dict.  de 
'ancien  langage  français,  t.  iv,  p,  175.)  —  Probablement  connin.  s.  m. 
apin,  ou  counin  ou  counil,  même  sens  (C^  Jaubert.  Glossaire  du  centre  de 
la  France,  2e  édit.  pp.  174  et  !188.) 

'  Cédules  originales  d'Orléans,  liasse  1,  pièce  U.  —  Cf.  Quicherat,  Procès  t. 
V.  p.  270. 
'  De  Beaucourt,  t.  ii,  p.  240. 

*  C'est  peut-être  à  cette  époque  qu'elle  loua  du  Chapitre  la  maison  où  ellij 
comptait  se  retirer  au  milieu  de  ses  amis,  une  fois  le  pays  pacifiA,  et  qn'i-lli.' 
le  devait  jamais  habiter.  —  Cf.  Quicherat.  Documents  nouveaux  sur  Jeanne 
VArc.  Revue  historique,  t.  xix,  p.  GG. 

*  11  serait  possible  que  ce  ne  fût  pas  le  président  lui-même,  lequel  t'init 
impotent  à  la  fin  de  ses  jours  et  mourut  en  1484,  mais  bien  son  fils  Jean  du 
Vaily,  archidiacre  de  Tours  en  l'église  de  Poitiers,  conseiller  au  Parlement  ft 
futur  évêque  d'Orléans.  —  Cf.  Blanchard,  io  Vaily.  —  Desmazes.  Parlemeni 
de  Paris,  p.  193.  —  Aubert.  Parlement  de  Paris.  Sa  compétence,    p.  3S0. 


274  l'hotr  iie  jeannk  d'arc  a  poitiers 

* 

du  serviteur  était  intimement  lide  à  celle  du  maître;  leur 
politique  ne  dut  pas  différer.  Ce  qu'on  a  donc  pu  dire  de  celle 
du  Roi,  surtout  pour  l'expliquer  et  l'excuser,  doit  ôtre  répété, 
je  le  crois,  toutes  proportions  gardées,  en  ce  qui  concerne  le 
magistrat.  Mais  si  Rabateau  fut  de  l'immense  parti  des  silen- 
cieux, du  moins  son  passé  répond  que  jamais  il  ne  trempa 
dans  la  faction  perfide  qui  ne  cessait  de  poursuivre  la  Pucelle 
de  ses  jalouses  intrigues  et  dont  le  chancelier  Regnault  de 
Chartres  était  le  principal  artisan.  Plus  d'une  fois,  tandis 
qu'avaient  lieu  les  criminels  interrogatoires  du  château  de 
Rouen,  il  dut  se  rappeler  ceux  tout  autres  de  l'hôlei  de  la 
Rose.  Quels  changements  en  deux  années!  Et  cependant,  ne 
s'agissait-il  pas  toujours  de  la  même  Jeanne,  de  la  libératrice 
du  pays  ?  Certes  il  eût  été  beau  pour  lui  de  suivre  l'exemple 
de  La  Hire.  Dût-il  être  seul  à  défendre  la  victime,  il  eût  pu 
paraître  dans  la  salle  où  siégeaient  ces  nouveaux  docteurs 
inspirés  par  la  haine  et,  au  mépris  de  sa  vie,  leur  dire  en 
face  :  tels  n'étaient  pas  vos  devanciers!  Mais  les  héros 
de  cette  trempe  sont  rares  dans  l'histoire.  Au  demeurant, 
n'oublions  pas  que  pour  juger  impartialement  un  caractère, 
il  faut  le  placer  à  son  époque  et  dans  son  milieu,  de  même 
que  tout  fait  historique  est  inséparable  des  circonstances  qui 
le  produisent. 

Bien  que  le  contraire  ait  été  avancé',  Jean  Rabatoau  mourut 
avant  le  procès  de  réhabilitation  ;  il  suffit  pour  s'en  convaincre 
de  rappeler  les  termes  mêmes  d.e  la  déposition  de  François 
Garivel  :  «  m  domo  defuncti  magisiri  Johannis  Raf)a/eau\  » 
S'il  eût  parlé,  avec  quelle  émotion  il  aurait  traduit  ses  chers 
souvenirs,  et  comme  il  se  sérail  vengé  alors  d'un  silence 
presqu'imposé  !  Pas  n'était  besoin  toutefois  de  son  témoi- 
gnage pour  qu'il  fût  associé  à  la  mémoire  de  la  Pucelle  ;  et 
c'est  peut-être  la  récompense  de  sa  fidélité. 

fA  suivre  >.  ITrnri  Daxiel-Lacombe. 

♦  Benmhet-Filleau.  loc.  cit. 

'  Quicliprnt.  Procès,  t.  in,  p.  lu. 


PALLUAU  ET  LES  CLÉREMBAULT 


PARMI  les  nombreuses  maisons  seigneuriales  qui  pos- 
sédèrent successivement  la  châfellenie  ou  la  baronnie 
de  Palluau,  aucune,  assurément,  ne  lui  procura 
autant  d'illustration  que  celle  des  Clérembault.  Elle  en  con- 
serva la  propriété  pendant  tout  le  dix-septième  siècle  (du 
23  mai  1607  au  19  novembre  1713),  rebâtit  le  château, 
contribua  à  donner  à  U  petite  bourgade  formée  à  l'ombre 
de  ses  murs  une  importance  commerciale  qui  n'a  fait  que 
se  développer  depuis,  en  favorisant  les  foires  et  les  marchés 
anciennement  établis  ;  elle  la  rendit  célèbre  surtout  par  le 
renom  et  les  titres  que  s'acquirent  plusieurs  de  ses  membres 
dans  l'armée;,  la  cléricature  et  les  lettres. 

La  gracieuse  obligeance  de  M.  le  duc  de  la  Trémoille,  qui 
a  mis  naguère  à  notre  disposition  les  pièces  du  riche 
chartrier  de  Thouars  concernant  Palluau,  nous  a  permis 
d'étudier  l'histoire  de  cette  famille  d'après  les  documents 
originaux,  et  de  compléter  les  renseignements  qui  nous  sont 
fournis  d'ailleurs  par  les  historiens  du   Poitou. 

C'est  le  fruit  de  cette  étude  que  nous  offrons  aujourd'hui 
aux  lecteurs  de  la  Revue  du  lias-Poitoif,  dans  ces  pages 
d'histoire  locale  dont  l'intérêt  fera  peut-être  pardonner  la 
longueur. 


276  PALLIIAU    ET    LES   CLÉREMBAULT 


* 


La  famille  de  Glérembault  est  Tort  ancienne.  Le  P. 
Anselme,  dans  son  Histoire  généalogique,  cite  un  Geoffroy 
Glérembault,  chevalier,  seigneur  du  Plessis  en  1117.  Le 
Plessis-ClérembanU,  appelé  aujourd'hui  simplement  Le 
Plessis^  Le  Gratid-Plessis,  éidiil  jadis  une  ?naiso?i-7ioble  de  la 
paroisse  d'Aizenay  ;  c'est  là,  vraisemblablement,  que  cette 
famille  a  pris  naissance,  pour  se  ramifier  plus  tard  en 
plusieurs  branches,  en  même  temps  qu'elle  augmentait  ses 
possessions  et  son  influence. 

En  1269;,  nous  trouvons  un  Guy  Glérembault  faisant  hom- 
mage de  la  seigneurie  du  Blanc,  qu'il  tenait  de  sa  femme, 
fille  d'Aimery  Gondebaut,  à  Alphonse  de  t^rance,  comte  de 
Poitiers. 

En  1354,  Jean  Glérembault,  chevalier,  donne  quittance,  le 
10  décembre,  à  Jean  Ghauvel,  trésorier  des  guerres,  de  10 
livres  17  sols.  Son  sceau,  en  cire  rouge,  est  chargé  de  hinf 
bnrelles  et  à' une  étoile  au  1. 

Dès  le  XIV"  siècle,  plusieurs  membres  de  cette  famille 
s'illustrent  dans  les  armes.  Gitons  Macé  Glérembault,  .che- 
valier, seigneur  du  Plessis-Glérembault  et  de  la  Plesse,  qui 
fut  lieutenant  du  sire  de  Craon  et  capitaine  général  pour  le 
Boy  en  Bretagne,  Anjou  et  Maine,  en  1347  ;  Guillaume  Gié. 
rembault,  son  fils^  qui  servait  le  Roy  avec  deux  chevaliers  et 
({uatre  écuyers,  sous  Amaury  sire  de  Craon,  en  1351  et  1355  ; 
Jean  Glérembault,  seigneur  du  Plessis,  de  la  Baulée,  de  la 
Plesse  et  de  la  Touche-Gelée,  qui  servait  sous  le  connétable 
de  Glisson,  en  1380;  Gilles  Glérembault,  fils  du  précédent, 
seigneur  de  la  Plesse  ut  du  Plessis-Glérembault,  qui  com- 
battait contre  les  Anglais,  sous  les  ordres  du  roi  de  Sicile, 
duc  d'Anjou,  avec  dix-neuf  écuyers  de  sa  compagnie,  en  1412  ; 
Antoine  Glérembault,  qui  fut  fait  chevalier  du  Croissant, 
par  le  roi  de  Sicile,  en  1447. 

Au  commencement  du  XVI*  siècle,  Jacques  Glérembault, 


PAX.LUAU    ET    LES   GLÉREMBAULT  277 

fils  de  Gilles  Clérembault  (deuxième  du  nom),  vicomte  de 
Montrevault;,  est  qualifié  seigneur  de  la  Gurdoiière  de  Chan- 
tebuzain,  delà  Salle  elc... 

Cette  simple  nomenclature  indique  déjà  d'une  manière 
générale,  par  les  titres  et  les  alliances,  que  cette  famille 
augmenta  rapidement  ses  possessions  et  sa  lortune.  Mal- 
heureusement pour  son  honorabilité,  toutes  ses  acquisitions 
ne  furent  pas  toujours  marquées  au  coin  de  la  probité  et  de 
la  justice.  La  vérité  historique  nous  fait  un  devoir  de  déclarer 
ici  qu'elles  furent  même,  plusieurs  fois,  le  fruit  de  pilleries 
et  de  véritables  brigandages.  Nous  allons  en  fournir  la  preuve. 

Le  premier  grief  que  nous  invoquerons  contre  les  sei- 
gneurs de  Clérembault  remonte  à  la  fin  de  la  Guerre  de 
Cent  ans,  à  l'année  1452.  L'abbaye  de  Saint-Michel-en- 
l'Herm,  dont  les  richesses  étaient  un  objet  de  convoitise  pour 
ses  puissants  voisins^  fut  alors  prise  et  pillée  par  le  vicomte 
de  Thouars,  homme  'débauché  et  joueur  émérite,  qui  se  fit 
aider  par  le  sire  de  Chateaubriand  et  un  grand  nombre  de 
gentilshommes,  complices  de  ses  violences  et  de  son  injus- 
tice. Parmi  eux  figurait  un  Clérembault,  seigneur  de  Chante- 
buzain,  delà  châtellenie  de  Palluau'. 

Mais  c'est  surtout  pendant  les  Guerres  de  Religion,  qui 
firent  de  la  seconde  moitié  du  XVI*  siècle  une  époque  si 
désastreuse  pour  notre  Bas-Poitou,  que  les  seigneurs  de 
Clérembault  se  signalèrent  dans  ce  genre  d'expéditions. 
Dans  tout  le  pays,  ce  n'était  que  scènes  de  pillage  et  de 
désordres  ;  les  crimes  les  plus  déplorables  étaient  commis 
au  grand  jour  par  les  huguenots  ou  des  seigneurs  qui,  sous 
prétexte  de  religion,  satisfaisaient  leurs  vengeances  ou  leurs 
convoitises  particulières  et  personnelles.  C'est  ainsi  que, 
pour  nous  borner  à  la  contrée  de  Palluau,  nous  constatons 
que,  de  1562  à  1568,  le  service  religieux  fut  interrompu  dans 
les  églises  de  Saint-Pierre-du-Luc,  de  Beaufou,  d'Aizcnay, 

*  L.  Brochet.  Hist.  de  l'abbaye  royale  de  Saint-Michehen-l'Herm,  p.  3J. 


278  l'Ai. LU  AU    ET    LES    CLÉREMBAULT 

de  Saint-Paul-Mont-Penit,  de  Falleron  et  de  Saint-Chris- 
tophe, parce  que  les  huguenots,  ou  leurs  alliés,  les  avaient 
pillées,  ruinées,  et  en  avaient  chassé  les  desservants\ 

Les  seigneurs  de  Ghautebuzain  étaient-ils  huguenots,  à 
cette  époque?  Nous  ne  serions  pas  éloigné  de  le  croire;  tou- 
jours est-il  qu'ils  avaient  les  réformés  pour  amis  et  leur  don- 
nèrent la  main  en  plusieurs  rencontres,  pour  partager  ensuite 
avec  eux  les  dépouilles  des  catholiques^. 

Le  29  juin  1562,  de  connivence  avec  plusieurs  autres  sei- 
gneurs, Jacques  et  Louis  de  Glérembault  chassèrent  le 
prieur  de  Saint-Gervais,  François  Prévost.  Ils  tuèrent  même 
un  de  ses  serviteurs  et  allèrent  briser  ses  meubles  chez 
Antoine  Prévost,  seigneur  de  la  Rembrinière  ;  puis^  à  partir 
de  ce  jour,  ils  s'arrogèrent  la  jouissance  du  prieuré,  plu- 
sieurs années  durant'. 

Les  Grands  Jours,  qui  se  tinrent  à  Poitiers  en  l'année  1507, 
eurent  à  juger  les  frères  Henri,  Jacques  et  Louis  de  Glérem- 
bault, pour  un  grief  non  moins  odieux  et   non  moins  criant. 

Après  avoir  fait  des  rassemblements  illicites  d'hommes 
«  armés  à  blanc  »  en  leur  maison  de  Ghautebuzain,  «  ils  s'é- 
«  talent  transportés  avec  eux  au  prieiiré  de  Saint-Paiil-Mont- 
«  Penit  qu'ils  avaient  saccagé,  ayant  volé  les  meubles  et  fruits 
«  diidit prieuré,  occis  les  bêtes,  blessé  et  navré  les  gens  et  les 
«  mercenaires  du  prieur,  maître  Guillaume  Gilbert.  »  Ils 
occupaient  ledit  prieuré  et  le  détenaient  par  force  et  contre 
toute  justice  depuis  cinq  ans,  quand,  sur  la  demande  du 
prieur,  la  haute  cour  eut  à  statuer  sur  ces  faits  de  brigan- 
dage. Prévenus  à  temps,  les  délinquants  se  dérobèrent  à  la 


•  Remontrances  faites  au  roi  par  l'évêque  de  Luçon  (Mb''  Thiercelin),  vers 
1565.  (Notes  du  tome  m  de  Vïlist.  rlii  Poitou,  par  Tliibau<leau,  p.  517  et  suiv.). 

•  Dans  une  note  de  son  Etat  du  Poitou  sous  Louis  XIV,  p.  t09,  M.  Du- 
gast-Matil'eux  dit  positivement,  en  parlant  de  Pliilippe  de  Clérembault,  le 
maréchal  de  France,  et  de  son  frère,  l'c'vêque  de  Poitiers,  qu'ils  étaient  issus 
de  parents  calvinistes,  mais  qui  se  convertirent. 

•  Histoire  des  moines  et  des  évrques  de  Luçon,  par  l'abbé  du  Treesay, 
t.  Il,  p.  03. 


PALLUAU   ET   LES    CLÉREMBAULT  279 

justice,  dont  ils  prévoyaient  bien  la  rigueur  à  leur  endroit. 
Donc,  bien  loin  de  répondre  aux  sommations  de  comparoir 
qui  leur  furent  faites,  ils  se  cachèrent  prudemment  et  se 
laissèrent  condamner  par  défaut.  Voici  la  teneur  même  de 
l'arrêt  des  Grands  Jours  que  M.  Paul  Marcheg-ay  a  découvert 
jadis  à.  Londres,  dans  une  bibliothèque  du  British  Muséum  :  * 

«  . . Pour  la  réparation  desquels  cas,  ladite  cour  a  con- 

«  damné  et  condamne  lesdits  défendeurs  et  défaillants  à  être 
«  décapités  devant  l'église  de  Notre-Dame  la  Gratide  de  cette 
«  dite  ville  de  Poitiers,  sur  tin  échafaud  qui,  pour  ce  faire, 
(1  sera  mis  et  dressé  audit  lieu,  si  pris  et  appréhendés  peuvent 
«  être  en  leurs  personnes,  en  effigies  qui  seront  mises  et  ap- 
«  posées  à  un  tableau,  lequel  sera  mis  et  attaché  à  un  poteau 
«'  qui,  pour  ce  faire,  sera  planté  et  mis  audit  marché.  » 

«  Et  a  déclaré  et  déclare  tous  et  chacun  des  biens  desdits 
«  défendeurs  et  défaillants,  étant  e?i  pays  où  confiscation  a 
«  lieu,  acquis  et  confisqués  à  qui  il  appartiendra, . .  .  sur 
«  lesquels  biens  et  autres  non  sujets  à  confiscation  la  cour  a 

((  adjujé la  somme  de   6000  livres  parisis    envers  ledit 

«  Gilbert  demandeur » 

«  Outre,  ladite  cour  a  ordonné  et  ordonne  que  la  inaison  de 
«  C hante- Buzain  en  laquelle  se  sont  faites  lesdites  assemblées 
«  sera  démolie  et  rasée  de  fond  en  comble,  avec  défense  aux- 
«  dits  défendeurs  et  à  leurs  successeurs  de  la  réédifier  et  rebâ- 
«  tir  sans  permission  et  autorité  du  roi...  et,  outre,  a  ladite 
«  cour,  ordonné  et  ordonne  que  ledit  Gilbert  sera  remis  en 
1  posse'ision  dudit  prieuré,  revenus,  profits  et  émoluments 
«  dHcelui\ 

Henri,  Jacques  et  Louis  de  ClérembauU  ne  furent  exécutés 
qu'eu  effigie.  Plus  tard  ils  obtinrent  des  lettres  de  rémission 
ou  de  pardon,  sauvèrent  ainsi  leur  vie,  préservèrent  leur 
maison  de   Ghantebuzain  de  la   démolition   à  laquelle  elle 


'  Marcheg-ay.  Becherches  historiques  sur   le  département  de  lu    Vendée, 
première  série,  p.  84  et  ss. 

Tome  iv.  —  Juillet,  .\out,  SiopTENUiRE  18i»l.  19 


280  PALLUAU   ET   LES   GLÉHEMBAULT 

avait  été  condamnée  et  accrurent  môme  l'éclat  et  la  richesse  ■ 
de  leur  lamille  au  point    que   leur  fils  et  neveu,   nommé 
Jacques  de  Glérembault,  de  simple  vassal  de  la  baronnie  de 
Palluau  en   devint    propriétaire    moins    de  cinquante   ans 
après  l'arrêt  des  Grands-Jours  de  Poitiers. 

*  • 

Le  15  juillet  1601,  Jacques  de  Glérembault,  le  futur  baron 
de  Palluau,  épousait  Louise  Rigault  de  Millepieds  dont  il 
eut  sept  enfants,  quatre  garçons  et  trois  filles.  Les  plus 
célèbres  d'entre  eux  furent  :  Philippe  qui  devint  comte  de 
Palluau  après  son  père,  et  maréchal  de  France  ;  Gilbert, 
qui  eut  les  titres  d'abbé  de  Jard,  de  la  Ghalade*  et  de  Noir- 
mont,  et  qui  fut  évêque  de  Poitiers  (1658-1680);  René,  cheva- 
lier de  Malte,  mort  jeune. 

Le  23  mai  1607,  en  vertu  d'un  contrat  il' échange  passé  entre 
lui  et  Loys  Gouffier,  Jacques  de  Glérembault  devenait  pos- 
sesseur et  titulaire  de  la  baronnie  de  Palluau.  Get  acte  où  il 
est  qualifié  noble  et  ptiissant  chevalier,  seigneur  de  Chante- 
buzain,  la  Gordonère,  Villegaie  et  la  Cybretière,  est  conservé 
au  chartrier  deThouars.  Voici  en  quelques  mots  l'objet  du 
contrat  d'échange  : 

D'une  part,  Loys  GouCfier  cédait  à  Jacques  de  Glérembault 
«  la  baronniCy  terre  et  seiyjoeurie  de  Palluau,  cha  :tel  du  lie. 
«  avec  les  droitz  de  baromiie,  Justice  et  juridictio)i,  fief,  cens, 
«  rentes,  terrages,  hommages,   droits  de  vente,    aiibetiages, 
«  espaves,  bians,  vacances,  fouages,  etc..  prés,   terres,  bor- 

dages,  moulins,  forests,  landes  et  tout  ce  qui  en  despend... 
«  et  y  compris  la  rente  de  cent  livres  deubz,  par  chascun  an,  à 

*  Cette  abbaye  fut  mise  de  force  en  commende  par  Louis  XIV  et  le  premier 
abbé  commendataire,  nommé  plenariâ  ac  regiâ  potestate,  fut  Gilbert  de 
Clérembault-Palluau,  qui  entre  en  possession  sans  élection  canonique,  sans 
même  attendre  les  bulles  pontificales.  Des  usurpations  de  ce  genre  étaient 
alors  aussi  fréquentes  que  déplorables.  {Recherches  historiques  sur  l'as- 
semblée de  1682,  par  Charles  Gérin,  p.  2To). 


PALLUAU    ET   LES    GLÉREMBAULT  281 

«  baronnie  de  Palluau^  à  cause  de  la  baronnic,  terres,  sei- 
«  gneurie  d' Aspremont )> 

D'autre  part,  Jacques  de  Glérembault,  «  demeurant  en  sa 
«  maison  de  Chantebuzain,  paroisse  de  Grand- Landes,  en 
«  Poictou,  «  cédait,  en  échange,  à  Loys  Gouffier  :  «  la  terre 
«  et  seigneurie  de  la  Gordonère,  paroisse  de  Mélay,  au  comté 
de  Chemillé . . .  et  tout  ce  qui  dépend  de  la  susdicte  terre  » 
(qu'il  tenait  de  son  père  Hardy  de  Glérembault)  ;  «  pkis  la 
«  maison  noble  de  la  Cybretière  avcc\toutes ses  dépendances... 
«  et  les  mestayries  appelées  la  mestayrie  du  lieu  de  la  Cybre- 
«  tière,  de  la  Chausserie,  de  la  Brunelière,  de  Montbail,  de  la 

«  Frélonnière,  de  la  Marinière  et  du  Pas le  tout  situé  sur 

«  paroisses  du  Vieux- Pouzauges  et  ae  Saint-Mesmin,  Le 
«  Breuil,  La  Meille^aye  et  environs;  »  (desquelles  terres  il 
dispose  au  nom  de  son  épouse  Louise  Rigault  et  de  Jacques 
Rigault,  frère  aîné  de  sa  femme'). 

Le  contrat  passé,  il  restait  à  l'acquéreur  de  Palluau  une 
formalité  à  remplir,  celle  de  Vhom?nage  et  de  Vaveu  qu'il 
devait  faire  à  la  duchesse  de  Thouars,  Gharlotte  de  Nassau, 
veuve  de  Glaude  de  la  Trémoille,  dont  il  devenait  le  vassal. 
Mais  il  y  mit,  paraît-il,  une  telle  lenteur  qu'il  vit,  pour  ce 
retard,  son  acquisition  frappée  de  saisie  le  20  juin  suivant. 
Le  2  août  de  la  même  année,  il  offrit  de  faire  hommage  ;  mais 
la  duchesse  était  absente.  Le  nouveau  baron  ergota  alors, 
mais  sans  aboutir,  avec  les  procureurs  de  la  cour  de  Thouars 
et  ce  n'est  que  le  9  juillet  1609,  qu'il  finit  par  régulariser  défi- 
nitivement sa  situation  vis-à-vis  de  sa  suzeraine. 

En  avril  1622,  il  prenait  une  part  glorieuse  à  l'expéditiiju 
du  roi  Louis  XIII  contre  les  Huguenots  de  Benjamin  Rohan- 
Soubise,  dans  l'île  de  Riez.  Soubise,  après  s'ôlre  emparé  du 
fort  de  la  Ghaume,  grâce  à  une  capitulation  dont  il  devait 
violer  tous  les  termes,  menaça  Talmond  qu'il  n'osa  assiéger 
et  se  contenta  de  courir  le  pays  en  tous  sens,    pour  le  ran- 

•  Chartrier  de  Thouars. 


282  PALLUAU    ET   LES    CLÉREMBAULT 

çonner  cruellement,  piller  les  églises  et  les  châleaux  des* 
caLholiques.  C'est  alors  qu'informé  de  ces  désordres,  le  jeune 
roi  Louis  XIII  résolut  d'y  mettre  un  terme  et  fit  une  descente 
en  Bas-Poitou,  à  la  tête  d'une  armée  de  huit  mille  hommes. 
Jacques  de  Clérembaull,  seigneur  de  Ghantebuzain  et  de 
Palluau,  y  commandait  le  régiment  de  Navarre.  Les  Calvi- 
nistes dont  l'armée  était  aussi  nombreuse  que  celle  du  roi  et 
qui,  de  plus,  avaient  des  canons,  n'osèrent  pas  livrer  bataille. 
Ils  se  laissèrent  acculer  dans  l'île  de  Riez,  pensant,  peut-être, 
qu'ilsy  seraient  à  couvert  des  poursuites  de  l'armée  royale. 
Maisdans  la  nuit  du  15  au  16  avril,  au  moment  de  la  basse  mer, 
cette  armée  pénétra  dans  l'île  par  le  gué  de  Besse  avec  un 
entrain  sans  pareil,  à  la  suite  de  Bassompierre  et  du  comte  de 
Palluuu  qui  lui  donnèrent  l'exemple  en  se  jetant  à  l'eau  des 
premiers.  On  sait  le  reste,  les  soldats  de  Soubise,  surpris  de 
ce  coup  d'audacC;,  n'essayèrent  même  pas  de  résister  ;  leur 
déroule  futcomplète  et  un  grand  nombre  fut  impitoyablement 
massacré^  malgré  les  efîorts  du  roi  pour  leur  sauver  la  vie' . 

Dans  son  Etat  du  Poitoti  soua  Louis  XIV  {\).  472),  M.  Dugast- 
Matifeux  dit  que  Louis  XIII  (sans  doute  pour  récompenser 
Clérembault  de  sa  participation  à  l'expédition  de  Riez)  érigea  . 
la  baronuie  de  Palluau  en  comté,  par  lettres  patentes  datées 
du  camp  d'Apremont  ^^avril  1622),  en  faveur  de  son  fils 
Philippe.  Mais  cette  assertion  semble  contredite  par  une 
pièce  du  chartier  deThouars  contenant  le  refus  d'acceptation 
d'un  aveu  présenté  par  la  veuve  du  maréchal  Philippe  de 
Clérembault,  en  1605.  L'un  des  motifs  de  refus  est  ainsi 
formulé  :  «  Uaveii  est  encore  défectueux^  parce  qu'au  présente 
«  la  baronaie  de  Palluau  sous  le  titre  de  compté  (sic),  sans  que 
<■  l'oîî  rapporte  aucune  lettre  d'érection  el  le  consentement  de 
«  MonseKjneur  le  duc  de  la  TrémoiUe  sans  lequel  la  d.  terre 
«  lia  pti  être  érigée  en  coiupté ^  »  Nous  croyons  que  cette 

'  Voir  rint'ressante  relation  de  cette  expédition  publiée  par  M.  .Mourain  de 
Sourdeval  dans  V Annuaire  de  la  Soc.  d'Emul.  delà  Vendée.  1S60,  p.  07  et 
ss.  —  Voir  aussi  Thibaudeau  Hist.  du  Poitou,  tome  m,  p.  253-54. 

»  Chartrier  de  Thouars. 


PALLUAIJ    ET    LES    CLÉREMBAULT  283 

érection  ne  lut  faite  que  plus  tard,  en  faveur  de  Jérôme  l^he- 
lipeaux  de  Pontchartrainqui  l'obtint  de  Louis  XIV  par  lettres 
patentes  datées  du  mois  de  décembre  1713.  C'est  aussi  l'opinion 
de  M.  Marchegay.  El  si,  antérieurement  à  cette  date,  le  titre 
de  comte  est  donné  aux  Glérembault^  ce  n'est  que  par  défé- 
rence et  d'une  manière  purement  honorifique. 

Le  14  mai  1629,  Jacques  de  Glérembault  rendait  encore 
un  aveu  de  sa  baronnie  de  Palluau  et,  dès  les  premiers  mois 
de  l'année  1631,  il  mourait,  laissant  ses  propriétés  et  ses  titres 
à  son  second  fils  Philippe. 

L'aîné,  du  nom  de  Louis,  était  mort  en   bas  âge. 


♦  * 


Philippe,  chef  du  nom  de  Clérambaidl- Palluau,  n'avait  que 
vingt-quatre  ans  quand  il  succcéda  à.  son  père.  Comme  lui, 
il  avait  embrassé  la  carrière  des  armes  où  il  devail  le  sur- 
passer en  mérites  comme  en  gloire.  Dès  l'âge  de  seize  ans,  il 
avait  commencé  à  porter  les  armes.  Simple  capitaine  dune 
compagnie  de  chevau-légers,  sous  les  ordres  de  Comtsalaud, 
colonel  de  la  cavalerie  légère  de  France,  il  fui  appelé,  en  celte 
qualité,  à  faire  partie  d'une  expédition  en  Italie,  en  août  1636. 
Il  se  trouva  au  combat  de  Tessin,  puis,  l'année  suivante,  on 
le  retrouve  au  siège  de  Landrecies  et,  en  1640,  à  l'attaque  des 
lignes  d'Arras.  Devenu  alors  maréchal  de  camp,  Clérembaull 
prenait  part,  comme  tel,  au  siège  de  Perpignan,  en  1642  ; 
l'année  d'après,  il  accompagnait  le  grand  Condé  au  siège  de 
Thionville  et,  en  1644,  l'aidait  à  gagnfer  la  célèbre  bataille  de 
Fri bourg.  Il  combattit  encore  à  Nordlingen,  on  1645.  Après 
ces  divers  exploits,  il  lui  pourvu  delà  charge  de  mestre  de 
camp  général  de  la  cavalerie  légère  et  servit  encore  auN 
sièges  de  Philipsbourg,  de  Courtray,  de  DunUerque,  de  la 
Bassée  et  de  Lens.  Enfin,  nommé  lieutenanl  général  dea 
armées  du  roi,  il  les  commanda  aux  sièges  d'Ypres.  de 
liellpgardo  et   do  Moiilroinl,    on    Berry,   place  don!  il  111  dé- 


284  PALLUAU    ET    LES    CLEREMBAUT/r 

I 

molir  les  fortifications  après  l'avoir  prise  d'assaut,  puis  il 
lut  fait  maréchal  de  France  par  lettres  royales  données  à 
Paris,  le  18  février  1653.  L'insigne  de  sa  dignité,  c'est-à-dire 
le  bâton,  lui  fut  remis  le  1"  juin  de  la  même  année.  Quoi 
qu'en  ait  dit  une  critique  malveillante,  ses  glorieux  états  de 
service  et  sa  valeur  militaire  méritaient  cette  dictinclion 
honorifi(|ue. 

En  1059,  il  accompagna  Mazarin  aux  conférences  de  Vile 
des  Faisans,  sur  la  Bidassoa,  qui  amenèrent  le  traité  des 
Pyrénées. 

Philippe  de  Glérembault  reçut  encore,  en  récompense  de 
ses  services,  le  31  décembre  1661,  les  titres  de  gouverneur 
du  Berry  et  de  bailli  de  cette  province,  de  chevalier  des 
ordres  etc. . .  Il  était  alors  à  l'apogée  de  sa  gloire. 

Une  vie  aussi  mouvementée  que  la  sienne  ne  lui  permit 
guère,  on  le  comprend,  de  l'aire  de  longs  séjours  dans  son 
château  de  Palluau.  Quand  il  n'était  pas  à  l'armée,  il  se 
tenait  le  plus  ordinairement  à  la  cour.  Le  séjour  de  Paris 
convenait  mieux,  d'ailleurs,  à  la  noblesse  de  ce  temps  pour 
mener  une  vie  facile.  C'est  ainsi  que  notre  maréchal  n'é- 
chappa point  entièrement  aux  séductions  de  cette  débauche 
dont  le  roi  lui-même  donnait  l'exemple,  et  qu'on  le  vit  faire 
sa  cour  à  la  trop  célèbre  Ninon  de  Lenclos'.  Cela  ne  i'em- 
pêfhail  pas,  néanmoins,  de  s'occuper  de  ses  afTaires  domes- 
tiques. En  prenant  possession  de  l'héritage  paternel,  il  ren- 
dait, le  14  mai  1G31,  un  aveu  pour  sa  terre  et  seigneurie  de 
Palluau.  La  nomenclature  de  ses  fiefs,  bien  que  couvrant 
Imiic-six  rouleaux  de  parchemin,  n'était  pas,  il  faut  le  croire, 
suffisamment  détaillée  et  assez  complète,  car  Vaveu  fut 
blâmé  pour  nombre  d'articles  et  finalement  condamné  à  être 
réformé  conformément  aux  blâmes,  par  une  sentence  des 
Hn((uêtes  du  Palais  datée  du  mois  de  février  1038. 


'  Itohrbacher.  Histoire  unix^ .  de  l'Église  catholique  (Kditinn  Rriday.Lyon. 
tome  XI,  p.  229  } 


PALLUAU  ET  LES  CLÉREMBAULT  285 

Il  serait  curieux  d'étudier  dans  tous  ses  détails  la  suite  de 
cette  chicane  féodale  dont  toutes  les  pièces,  conserv(fes  au 
Ghartrier  de  Thouars,  forment  une  liasse  considérable.  On 
y  voit,  en  résumé,  que  si  Philippe  de  Clérembault  savait  ba- 
tailler pour  les  intérêts  de  la  France  et  de  son  roi,  il  ne  né- 
gligeait pas,  entre  temps,  de  défendre  ses  propres  intérêts 
devant  la  justice  des  cours,  mais  pas  toujours  avec  assez 
de  raison  peut-être'.  L'affaire  de  son  aveu  fut  pendante  jus- 
qu'au 27  janvier  1645.  A  cette  date,  un  arrêt  de  condamna- 
tion confirma  la  sentence  des  requêtes  du  Palais  du  27  fé- 
vrier 1638  et,  le  3  février  suivant,  Philippe  de  Clérembault 
fut  obligé  de  s'exécuter  et  de  payer  une  amende  fixée  par  la 
cour  à  douze  livres  tournois^. 

En  1650,  le  baron  de  Palluau  augmenta  ses  propriétés  en 
achetant  la  totalité  de  l'île  de  Bouin.  11  acquit  la  moitié  soumise 
à  la  coutume  du  Poitou  de  maître  René  ou  Châlellier-Barlot, 
le  28  juillet,  et  l'autre  moitié,  soumise  à  la  coutume  de  Bre- 
tagne, de  Charles  Châtaignier  de  la  Grollière  et  de  son  épouse 
Anne  de  Machecoul,  le  7  décembre.  L'île  de  Bouin  n'était 
alors  qu'une  simple  seigneurie  ;  elle  fut  érigée  en  baronie, 
en  1714,  en  faveur  du  comte  Phelypeaux  de  Pontchartrain. 

L'année  qui  suivit  sa  promotion  au  grade  de  maréchal  de 
France,  le  26  avril  1654,  Clérembault  épousait,  à  Paris,  Louise- 


'  Le  Chartrier  de  Thouars  renferme  au  moins  quinze  jugements  rendus 
contre  Clérembault  pour  l'affaire  de  sa  réformation  d'areu,  du  13  mars 
16.31,  date  du  premier,  jusqu'au  27  janvier  1645.  date  du  dernier  ;  ce  qui 
prouve  que  le  maréchal  était  aussi  bon  chicaneur  que  bon  batailleur  et  ne 
se  rendait  pas  facilement. 

»  Voici  la  copie  du  reçu  de  cette  somme  faite  sur  l'original  {Chartrier 
de  Thouars) 

«  J'ai  reçu  de  M«  de  la  Trémouille  ^nthimé  (sicl  par  les  mains  de 
«  M'^  Malherbe,  son  procureur,  la  somme  d«  12  livres  tournois  pour  ii.ic 
«  amande  (sic)  en  laquelle  M'f'  Phili^ype  de  Clérembault  a  été  condaitnif' 
«  envers  le  roy par  arrêt  du  XXVII  janvier  1645.  dont  le  quitte.  Fait- ta 
«  Paris,  le  3"  jour  de  février  1645. 

«  Quittance  du  receveur  général  des  amandes  de  la  cour,  des  amandes 
«  ordinaires  de  12  livres  tournois.  » 

«  Pour  le  droit  de  quittance,  4  sols  parisis.    ■* 


286  PALLUAU  ET  LES  CLÉREMBAULT 

Françoise  Boulhillier,  la  fille  du  secrétaire  d'Elat  Chavigny 
(Bouthillier,  seigneur  de  Chavigny). 

M.  Benjamin  Fillon  possédait  jadis  l'original  du  contrat  de 
mariage  du  maréchal,  contrat  qui  fut  passé  solennellement 
au  Louvre,  en  présence  du  roi  Louis  XIV  et  de  la  reine-mère. 
Nous  ne  savons  ce  qu'est  devenue  cette  pièce  intéressante, 
depuis  la  mort  du  célèbre  archéologue.  Quoi  qu'il  en  soit, 
grâce  à  l'obligeance  de  M.  Dugast-Matifeuxqui  eut  autrefois 
l'heureuse  idée  d'en  copier  quelques  lignes,  nous  pouvons 
mettre  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs  le  commencement  et  la 
fin  de  l'acte. 

«  Contrat  de  mariage  entre  haut  et  puissant  seigneur  Phi- 
«  lippe  de  Clérambault,  comte  de  Palluau  et  de  Tisle  de  Bouyn, 
•'  conseiller  du  roy  en  tous  ses  conseils  et  maréchal  de 
«  France,  fils  de  défunt  haut  et  puissant  seigneur  Jacques  de 
«  Clérambault,  vivant  chevalier,  seigneur  dudit  Palluau, 
«  Chantebuzain,  Villegay  et  autres  places;  et  de  haute  et 
«  puissante  dame  Louise  Rigault,  jadis  son  épouse,  demeu- 
«  rant  à  Paris,  en  son  hôtel^  rue  Traversante,  paroisse  de 
((  Saint-Roch,  pour  lui  en  son  nom,  d'une  part;  et  haute  et 
«  puissante  dame  Anne  Philippeaux,  veuve  de  défunt  haut 
«  et  puissant  seigneur  Léon  Bouthillier,,  vivant  chevalier, 
«  seigneur  de  Chavigny,  conseiller  du  roy  en  ses  conseils, 
«  grand  trésorier  et  commandeur  de  ses  ordres  et  ministre 
«  d'Elat,  demeurant  en  cette  ville  de  Paris,  rue  du  roy  de 
«  Sicile,  paroisse  de  Saint-Paul,  au  nom  et  comme  stipulant 
«  en  cette  partie  pour  damoiselle  Louise-Françoise  Bouthil- 
«  lier  sa  fille,  à  ce  présente  et  de  son  consentement,  d'autre 
«  part  :  lesquelles  parties,  pour  raison  du  futur  mariage 
((  desdits  seigneur  maréchal  de  Clérambault  et  damoiselle  L. 
«  F.  Bouthillier,  reconnaissent  et  confessent  avoir  fait  et  font 
(  ensemble  les  promesses  et  conventions  qui  ensuivent,  en 
•'  la  présence  et  de  l'autorité  de  très  haut,  très  auguste  et 
«  très  magnanime  prince  Louis,  par  la  grâce  de  Dieu  roy 
«  (1p  France  et  de  Navarre,    très   hnut   très   puissant  et  très 


PALLUAU    ET   LES    GLÉREMBAULT  287 

«  auguste  et  très  magnanime  princesse  Anne,  par  la  grâce 
«  de  Dieu  reine  de  France,  mère  dudit  seigneur  roy  etc.. 
«  de  Monseigneur  l'éminentissime  et  révérendissime  cardi- 
((  nal  Jules  Mazarini  ;  et  aussi  en  la  présence  et  par  l'avis  et 
«  consentement,  savoir,  de  la  part  du  seigneur  de  Clérem- 
«  bault,  futur  époux,  de  l'illustrissime  messire  Gilbert  de 
«■  Glérambault,  son  frère,  conseiller  du  roy  en  ses  conseils, 
u  abbé  commendataire  des  abbayes  de  Jard,  Bulurbault  {sic, 
«  pour  Breuil-Herbault,  sans  doute) 

Le  reste  manque.  L'acte  se  termine  ainsi  : 

«  Fait  et  passé,  savoir  par  Leurs  Majestez  et  Son  Eminence 
«  auchasteaudu  Louvre,  à  Paris,  et,  par  les  parties  et  autres 
«  seigneurs  et  dames,  en  l'hostel  de  la  dame  de  Chavigny,  le 
«  26*  jour  d'avril,  après  midi.  » 

Nous  nous  plaisons  à  penser  quelle  belle  fête  ce  fut  dans 
le  vieux  château  de  Palluau,  quand  le  maréchal,  son  illustre 
seigneur,  y  conduisit  pour  la  première  fois  sa  jeune  et  bril- 
lante épousée  !  La  trompe  du  guetteur  eut  à  peine  signalé 
leur  arrivée,  que  !a  population  de  la  petite  cité  dut  se  porter 
en  masse  aux  abords  du  château,  des  bannières  multicoloi'es 
furent  hissées  au  sommet  des  tours,  les  canons  tonnèrent  en 
signe  d'allégresse,  les  ponts-levis  abaissèrent  majestueuse- 
ment leurs  lourds  tabliers  et  tous  les  vassaux  au  grand  complet, 
réunis  aux  hommes  d'armes  de  la  place^,  vinrent  se  ranger 
dans  la  cour  d'honneur  et  otîrir  aux  nobles  arrivants  l'hom- 
mage et  le  salut  de  bienvenue.  Puis  ce  furent  des  fêtes  et  des 
galas  où  la  population  villageoise  ne  fut  point  oubliée  el  eut 
sa  part  de  franche  li/jpée  et  de  plaisirs. 

Sans  doute  la  demeure  seigneuriale  fut  trouvée  trop  vieille, 
trop  sombre  et  trop  démodée  par  notre  jeune  châtelaine 
accoutumée  aux  splendeurs  des  riches  salons  du  Louvre. 
C'est  pourquoi  on  peut  conjecturer  très  vraisemblablement 
que  dès  ce  jour  sa  reconstruclion  fut  décidée,  bien  qu'elle 
n'ait  été  entreprise  ou  terminée  qu'en  1661  seulement. 

C'est  ici  le  lieu  de  dire  quelques  mots  du  château  dont  on 


288  PALLUAU   ET   LES   CI.ÉREMBAULT 

voit  encore  les  ruines  à  Palluau.  Nous  résumerons  briè- 
vement ce  que  nous  en  avons  dit  dans  les  Paysarjes  et  monu- 
ments du  Poitou,  publiés  par  M.  Jules  Robuchon. 

Le  premier  document  écrit  qui  fasse  mention  expresse  du 
château  de  Palluau  est  un  compte  de  gestion  «  de  Guillaume 
Oiivrart,  chastelain  de  Palluau,  pour  son  tr^fi  puissant  et  ho- 
noré sgr  MonsQr  de  Laval  (Gui  XII]  et  de  Chàteaubrient,  des 
rcccpfes  et  mises  quil  a  fait  en  ladite  chnlellenie,  depuis  le 
W  ÏP  jour  de  fevrer ,  Vanmil  trois  cens  seixante  et  neuf,  jusques 
au  VT''  jour  d'avril  que  furent  Pasques,  Van  mil  H I  {cent) 
seixa7iteet  onze*.  »  Mais  il  est  certain  qu'il  faut  remonter  bien 
au  delà  du  XIV*  siècle  pour  avoir  la  date  de  sa  fondation. 
Nous  trouvons  en  effet  les  noms  do  sénéchaux,  de  viguiers 
et  de  seigneurs  de  Palluau  jusque  vers  le  milieu  du  XI*  siècle, 
ce  qui  suppose  évidemment,  dès  cette  époque,  l'existence  en 
ce  lieu  d'un  château  ou  d'une  importante  demeure  seigneu- 
riale qu'on  aura  agrandie  et  fortifiée  dans  la  suite.  Toujours 
est-il  qu'au  XIV«  siècle,  le  château  de  Palluau  était  complet 
avec  donjon,  enceinte  fortifiée,  fossés,  pont-levis  et  tous  les 
bâtiments  accessoires  comme  ceux  de  la  maréchaussée,  de  la 
fuie  etc..  Il  était  alors  défendu  par  une  garnison,  comme 
en  fait  foi  la  pièce  dont  nous  avons  parlé  plus  haut. 

Le  donjon,  qui  devait  être  une  construction  assez  impor- 
tante, ne  fut  achevé  que  vers  la  fin  du  XV*  siècle  par  Guil- 
laume Petit,  valet,  alors  gouverneur  du  château  au  nom  du 
corn  le  de  Penthièvre,  et,  à  la  même  époque,  de  grandes  ré- 
paralions  furent  faites  au  château  lui-même,  réparations  qui 
ne  coûtèrent  pas  moins  de  cinq  à  six  mille  livres. 

Si  le  château  de  Palluau  avait  besoin  d'être  réparé  dès  le 
XV  siècle,  parce  qu'il  était  alors  en  mauvais  état,  il   devait 

'  Ce  ilociiment  très  curieux  et  très  intéressant  qui  nous  a  été  communiqué 
p:ir  son  pro])riétaire,  M.  Duirast-Matifeux,  est  un  rouleau,  formé  d'une  bande 
ili'  parchemin,  mesurant  'i^SO  de  longueur  sur  0,;>8  h  0,30  centimètres  de 
largeur.  Il  y  est  question  (Tacfiats  de  poudre,  pour  la  défense  du  château  où 
il  y  avait  déjà  des  canons  i^n  13G9  !  (J3  ans  après  Crécy),  de  réparation  des 
arbalètes  du  donjon,  des  ponts-levis,  d'achat  de  vivres  pour  la  garnison  etc.,  «te. 


PALLUAU    ET   LES    CLÉREMBAULT  289 

être,  sans  doute,  bien  plus  endommagé  encore,  deux  siècles 
plus  lard,  quand  Philippe  de  Glérembault  entreprit  de  le  re- 
bâtir. 

En  quelle  année  précise  eut  lieu  cette  reconstruction?  Aucun 
document  ne  l'indique^  et  nous  n'avons  pu  découvrir  aucune 
date  en  explorant  aussi  attentivement  que  possible  les  ruines 
actuelles  du  château.  Mais  ce  que  nous  cherchions  en  vain 
sur  les  cartouches  surmontant  les  linteaux  des  portes  et  des 
fenêtres^  nous  l'avons  trouvé,  le  croira-t-on  ?  au  fond  d'une 
cheminée,  sur  une  belle  plaque  de  fonte  qui  ne  mesure  pas 
moins  d'un  mètre  de  hauteur.  Cette  plaque  est  ornée  de 
deux  blasons  accostés,  le  premier,  t  burelé  d'argent  et  de  sable 
de  dix  pièces,  »  qui  est  de  Glérembault,  et  le  second,  «  d'azur 
à  trois  fusées  d'or,  »  qui  est  de  Bouthillier  (famille  de  l'épouse 
du  maréchal).  Les  deux  écus  sont  surmontés  d'une  couronne 
de  marquis  et  ont  pour  supports  deux  éléphants  et  deux 
bâtons  de  maréchal  fleurdelisés,  posés  en  X.  La  date  de  1661 
y  est  très  lisible  ainsi  que  deux  G  entrelacés  qui  rappellent 
la  lettre  initiale  du  nom  de  Glérembault.  Mais  cette  date  de 
1661  n'a  pas  été  mise  là  fortuitement  et  sans  raison  par  le 
fondeur.  Nous  nous  sommes  donc  demandé  ce  qu'elle  peut 
bien  signifier.  Or  elle  ne  marque  pas  l'année  où  le  titre 
de  maréchal  de  France  fut  conféré  au  seigneur  de  Palluau, 
puisqu'il  avait  reçu  ce  titre  huit  ans  auparavant,  en  1653, 
comme  nous  l'avons  dit  plus  haut;  elle  n'indique  pas  davan- 
tage son  mariage  qui,  nous  l'avons  vu,  remonte  à  1054;  encore 
moins  son  entrée  en  jouissance  du  château,  ce  qui  nous  re- 
porte à  1630.  Elle  ne  peut  donc,  selon  nous^  indiquer  autre 
chose  que  la  date  de  la  reconstruction  du  château. 

Gette  même  plaque  devait  se  retrouver  jadis  dans  la  plupart 
des  cheminées  du  château  ;  mais  il  n'en  reste  plus  aujourd'hui 
que  trois  ou  quatre.  Les  autres  ont  été  brisées  ou  dispersées". 


'  Nous  en  avons  trouvé  une  en  parfait  état  de  conservation  dans  la    ciie- 
minée  de  cuisine  delà  maison  dite  du   Saint-Coin,  à  Saint-Etienn<'-<lu-lîois 


200  PALLUAL'  ET  LES  CLÉREMBAULT 

» 

Le  style  adopté  dans  la  reconstruction  fut  le  style  de  la 
Renaissance.  Ce  genre  d'architecture  qui  s'inspirait  de  l'art 
antique,  apparut  en  France  après  les  premières  guerres 
d'Italie,  se  développa  sous  François  I",  et  semble  avoir  atteint 
sa  perfection  sous  les  règnes  de  Henri  II  et  Henri  III.  Ce  fut, 
on  le  sait,  sous  Louis  XIII  et  son  successeur,  pendant  la  pre- 
mière moitié  du  XVIP  siècle,  que  les  castels  et  les  manoirs 
qui  servaient  de  demeures  aux  familles  nobles  perdirent  peu 
à  peu  ce  caractère  formidable  que  la  féodalité  leur  avait  im- 
primé. De  cette  époque  datent  ces  hôtels  somptueux,  bien  dif- 
férents des  châteaux  du  moyen  âge,  qui,  pour  l'extérieur  du 
moins,  personne  n'en  disconviendra,  ressemblaient  trop  à 
des  prisons.  Les  tours,  tourelles,  échauguettes,  murs  for- 
tifiés, pont-levis,  donjons,  crénaux  et  mâchicoulis  se  voient 
encore  dans  la  plupart  des  constructions  de  ce  genre,  mais 
non  comme  défense  de  guerre  :  ce  n'est  plus  qu'une  décora- 
Lion  militaire.  De  loin  ,  ces  châteaux  ressemblent  à  des 
forteresses  et  Ils  ne  sont  en  réalité  que  des  maisons  de 
plaisance. 

Tel  dut  être  le  château  du  Palluau  quand  il  eut  été  rebâti 
par  son  illustre  propriétaire  le  maréchal  Philippe  de  Clérem- 
bault.  Toutefois,  hâtons-nous  de  le  dire,  quoique  bâti  pendant 
le  grand  siècle  de  Louis  XIV  et  contemporain  des  édifices 
somptueux  élevés  par  Philibert  Delorme,  Bullant,^Androuet, 
du  Cerceau,  Levau,  Perrault  et  Mansard,  notre  château,  autant 
du  moins  qu'il  est  permis  d'en  juger  présentement,  n'avait 
rien  qui  rappelât,  même  de  loin,  la  splendeur  du  Louvre  et 
des  Tuileries.  Malgré  la  correction  de  ses  lignes  qui  ne 
manquent  pas  d'une  certaine  grandeur,  l'ensemble  du  bâti- 
ment devait  paraître  lourd  et  sans  grâce.  C'est  le  jugement 
qu'en  a  porté  VioUet-le-Duc,  un  maître  dans  l'art  de  bâtir, 
après  inspection  faite  des  ruines  actuelles. 

Le  maréchal  ne  jouit  pas  longtemps  de  son  œuvre.  H  fut 
pris  d'une  maladie  de  langueur,  dès  l'année  1562,  et  ni  les 
médecins  auxquels  il  eut  recours,   ni    les  eaux   do  Bourbon 


PALLUAU  ET  LES  CLÉREMBAULT  291 

dont  il  essaya,  ni  l'air  pur  et  salubre  de  sa  campagne  de 
Palluau  ne  purent  refaire  sa  santé  altérée.  Trois  ans  après, 
lo  24  juillet  1665,  il  mourait  à  Paris  à  lage  de  59  ans.  Son 
corps  fut  aussitôt  rapporté  à  Palluau  où  il  l'ut  enterré  dans 
l'église  du  lieu'.  Quant  à  son  épouse,  elle  lui  survécut  long- 
temps et  ne  le  rejoignit  dans  la  tombe  que  dans  les  premières 
années  du  siècle  suivant. 

De  tous  les  membres  de  la  famille  Glérembault  dont  l'iiis- 
toire  a  enregistré  les  noms,  aucun  ne  saurait  être  mis  en  pa- 
rallèle avec  le  maréchal.  Il  fut,  incontestablement,  la  gloire 
la  plus  brillante  de  cette  illustre  famille  du  Bas-Poitou 

Une  peinture  du  XVII»  siècle  qui  se  voit  encore  au  musée 
de  Versailles  nous  a  conservé  son  portrait  physique.  Quant 
à  son  portrait  moral,  il  a  été  tracé  par  les  plumes  diverses 
qui  nous  le  représentent  sous  un  jour  plus  ou  moins  favo- 
rable. Nous  reproduisons  ici,  comme  nous  paraissant  le  plus 
original  et  le  plus  véridique,  celui  qu'en  a  fait  le  duc  de  Saint- 
Simon  dans  ses  Mémoires  :  «  Le  maréchal  de  Glérembault, 
.'  dit-il,  était  homme  de  qualilé,  bon  homme  de  guerre,  et 
(-  avait  été  mestre  de  camp  général  de  la  cavalerie  fort  à  la 
•  mode  sous  le  nom  de  comte  de  Palluau,  avant  qu'il  prît  son 
*'  nomi  lorsqu'il  devint  maréchal  de  France.  C'était  un  homme 
«  de  beaucoup  d'esprit  orné,  agréable,  plaisant,  insinuant  et 
«  souple,  avec  beaucoup  de  manège,  toujours  bien  avec  les 
«  ministres,  fort  au  gré  du  cardinal  Mazarin  et  fort  aussi  au 
(^  gré  du  monde  et  toujours  parmi  le  meilleur.  Le  comte  de 
«  Palluau,  ajoute  en  note  le  spirituel  auteur,  devint  maréchal 
«  de  France  en  1653    On  était  alors  en  pleine  Fronde  et  les 


*  L'église  paroissiale  de  Palluau  se  trouvait  alors  flans  l'enceinte  même  du 
château  ;  une  pièce  de  vigne,  jadis  appelée  «  la  vigne  du  Dois,  »  aujourd'hui 
convertie  en  prairie,  marque  son  emplacement,  un  peu  en  deçà  des  tours  de 
r.'Utrée  qui  étaient  aflectées  au  logement  du  chapelain  Cette  église  servit 
iiu  culte  jusqu'aux  premiers  mois  de  l'année  179'.  où  elle  lut  en  partie  brûlée 
par  la  colonne  infernale  de  Commaire.  D'après  la  tradition  locale,  la  tombe 
du  maréchal  de  Glérembault  l'ut  alors  violée  et  les  ossements  en  ayant  été 
retirés  furent  jetés  avec  mépris  et  dérision  dans  les  fossés  du  château. 


292  PALLUAU    ET    LES    CLÉREMBAULÏ 

((  poètes  satiriques  n'épargnèrent  pas   un  général   qui  était 
«  resté  fidèle  à  Mazarin.  Blot  lui  décocha  le  couplet  suivant  : 

A  ce  grand  maréchal  de  France, 
Favori  de  Son  Eminence, 
Qui  a  si  bien  battu  Persan, 
Palluau,  ce  grand  capitaine. 
Qui  prend  un  château  dans  un  an 
Et  perd  trois  places  par  semaine  . 

Au  dire  de  Saint-Simon,  le  maréchal  était  un  homme  d'es- 
prit et  ses  contemporains  ne  le  jugèrent  pas  moins  favora- 
blement, puisque  peu  d'années  après  sa  mort,  on  a  publié 
ses  Co7iversations  avec  le  chevalier  de  Méré^.  C'est  à  Poitiers 
que  le  maréchal  s'étant  retiré,  pendant  six  mois  environ,  à 
cause  de  sa  mauvaise  santé,  près  de  l'évêque  son  frère,  se 
lia  d'un  commerce  intime  avec  le  chevalier  dé  Méré'.  Ils  par- 
tageaient leur  temps  entre  le  jeu.  la  promenade  et  les  con- 
versations ;  «  Mais,  dit  l'éditeur  des  Conversations,  leur  jeu 
<(  n'f'taif  qu'un  amusement  ;  et  c'est  ainsi  qu'il  en  faut  user 

•  Mémoires  du  duc  de  Saint-Simon.  Edition  Hachette,  tome  xni,  p.  t5. 

î  Les  conversations  de  M.  D,  C.  (de  Clérembuult)  et  du  C.  D.  M.  (chevalier 
do  Méré)  imprimées  à  Paris,  chez  Claude  Barbin,  en  1660,  1  vol.  in-12  ; 
réimprimées  en  1675,  et  de  nouveau  à  Lyon,  en  1677.—  Le  chevalier  de 
Méré  était  un  Poitevin  ;  son  vrai  nom  est  Georges  Brossin  (Voir  ce  nom 
dans  Droux  du  Px,adier,  Bibliotl,.  hist.  et  critique  du  Poitou,  tome  iv,p.244). 
«  Le  maréchal  de  C.  est  ce  qu'on  appello  un  .calant  homme  qui  sait  parfai- 
«  tement  le  monde.  Il  a  passé  sa  vie  à  la  cour  ou  à  l'armée  et  pi-u  do  gens 
0  ont  eu  plus  que  lui  cet  esprit  naturel  qui  fait  que  l'on  est  habile  et 
«  agréable.  Avec  sa  langue  embarrassée  il  ne  laisse  pas  de  .s'expliquer  de 
«  bonne  grâce...  »  (Première  conversation). 

ï  Gilbert  <le  Clérambault,  évêque  de  Poitiers,  était  prêtre  du  diocèse  de 
Luçon,  docteur  en  droit  canonique,  quand  il  reçut  du  pape  Alexandre  VII 
ses  bulles  pour  l'évêché  de  Poitiers,  le  1"  avril  1658.  Sacré  le  21  juillet  de 
la  même  année  dans  l'église  des  Jésuites  de  la  rue  Saint-Antoine,  il  ne  prit 
possession  de  son  siège  que  le  I.i  mars  de  l'année  suivante.  Pendant  toute  la 
durée  de  son  épiscopat.  il  lutta  contre  le  chapitre  de  Saint-Hilaire  qui,  se 
prévalant  d'anciens  privilèges  accordés  à  leur  église,  empiétaient  sur  la  ju- 
ridiction de  l'Ordinaire.  (V.  Thibaudeau,  Hist.  du  Poitou,  tome  i<>r,  p.  58  et 
ss.).  Gilbert  de  Clérembault  jouissaient  des  revenus  d'un  grand  nombre 
(l'abbayes  (Lieu-Dieu-en-Jard  et  Breuil-llerbault,  au  diocèse  de  Luçon).  11 
mourut  le  3  janvier  1680  (Gallia  Christiana,  t.  ii,  col.  1208). 


PALLUAU    ET    LES    CLÉREMBAULT  293 

tt  avec  ses  vrais  amis  :  ca?'  si  le  grand  jeu  ne  détruit  pas  l'a- 
<i  mitié,  du  moi?is  elle  en  pourrait  être  altérée  »  (2'  convers. 
((  p.  68).  D'après  le  même,  le  maréchal  employait  au  jeu  un 
«  temps  considérable.  »  (Voir  3°  convers.p.  149;  —  4»  couvers. 
p.  152  ;  —  5"  convers.  p.  247  ;  —  6'=  convers.  p.  248). 

Sainte-Beuve  a  fait  aussi  du  maréchal  de  Glérembault  le 
sujet  d'un  de  ses  portraits  littéraires.  «  Ce  maréchal  au  parler 
«  bègue,  dit-il  en  résumé,  avait  des  manières  affectées  et 
tt  devait  être /y/ws  adroit  courtisan  que  grand  guerrier.  « 

Notre  étude  sur  le  maréchal  de  Glérembault  ne  serait  pas 
complète,  si  nous  n'ajoutions  au  sien  le  portrait  de  sa  dame 
tel  que  nous  l'a  lotisse  le  duc  de  Saint-Simon.  On  peut  dire 
qu'il  est  fait  d'après  nature  ;  car  l'auteur  paraît  avoir  été  ad- 
mis dans  l'intimité  de  la  maréchale.  Laissons-lui  donc  de 
nouveau  la  parole  ;  «  La  maréchale  de  Glérembault  était 
tt  gouvernante  de  la  reine  d'Espagne,  fille  de  Monsieur,  qui 
(i  se  prit  à  elle  de  diverses  choses  et  la  chassa  assez  mallion- 
«  nêtement.  Elle  était  parente  assez  proche  et  fort  amie  de 
tt  M.  et  de  M"^  la  chancelière  et  allait  souvent  à  Pontcliar- 
tt  train  avec  eux.  C'est  où  je  l'ai  fort  vue  et  chez  eux,  à  la  cour. 
«  C'était  une  vieille  très  singulière,  et,  quand  elle  était  en 
«  liberté  et  qu'il  lui  plaisait  de  parler,  d'excellente  et  de  très 
«  plaisante  compagnie,  pleine  de  traits  et  de  sel  qui  coulait 
V*  de  source,  sans  faire  semblant  d'y  toucher  et  sans  aucune 
«  affectation.  Hors  de  là,  des  journées  entières  sans  dire  une 
«  parole.  Etant  jeune,  elle  avait  pensé  mourir  de  la  poitrine, 
tt  et  avait  eu  la  constance  d'être  une  année  entière  sans  pro- 
«  férer  un  mot.  Avec  sa  tranquillité,  son  indifférence^  sa 
«  froideur  naturelle,  l'habitude  lui  en  était  restée.  On  ne 
t  saurait  avoir  plus  d'esprit  qu'elle  en  avait,  ni  d'un  tour 
ce  plus  singulier.  Quoique  venue  fort  tard  à  la  cour,  elle  en 
«  était  passionnée  et  instruite  à  surprendre  de  tout  ce  qui  s'y 
«  passait  dont,  quand  elle  daignait  en  prendre  la  peine,  les 
«  récits  étaient  charmants  ;  mais  elle  ne  se  laissait  aller  que 
«  devant  bien  peu  de  personnes  et  bien  en  particulier.  •■ 


■^94  PALLUAU    ET    LES    GLÉRKMBAULT 

u  Avare  au  dernier  point,  elle  aimait  le  jeu  passionnémeni 
«  et  ces  conversations  particulières  et  reserrées  et  rien  du 
a  tout  autre  chose.  Je  me  souviens  qu'à  Pontchartrain,  par 
«  le  plus  beau  temps  du  monde,  elle  se  mettait,  en  revenant 
«  de  la  messe,  sur  le  pont  qui  conduit  aux  jardins,  s'y  lour- 
«  nail  lentement  de  tous  côtés,  puis  disait  à  la  compagnie  : 
('  Pû((r  aujourd'hui,  me  voilà  bien  promenée  ;  Oh  !  bieti  qu'on 
«  7ie  m' en  parle  plus,  et  mettons-nous  à  jouer  tout  à  l'heure.  » 
«  Et,  de  ce  pas,  prenait  des  cartes  qu'elle  n'interrompait  que 
«  le  temps  des  deux  repas,  et  trouvait  mauvais  encore  qu'on 
«  la  quitlàt  à  deux  heures  après  minuit.  Elle  mangeait  peu, 
(c  souvent  sans  boire,  au  plus,  un  verre  d'eau.  Qui  l'aurail 
«  crue,  on  aurait  fait  son  repas  sans  quitter  les  cartes.  Elle 
'<  savait  beaucoup  en  histoire  et  en  sciences,  jamais  il  n'y 
"  paraissait.  Toujours  masquée,  en  carrosse,  en  chaise,  à 
«  pied  par  les  galeries  :  c'était  une  ancienne  mode  qu'elle 
"  n'avait  pu  quitter,  même  dans  le  carrosse  de  Madame.  Elle 
«  disait  que  son  teint  s'élevait  en  croûte  sitôt  que  l'air  le 
«  frappait  ;  en  effet,  elle  le  conserva  beau  toute  sa  vie  qui 
«  passa  quatre-vingts  (ms\  sans,  d'ailleurs,  avoir  jamais 
«  prétendu  en  beauté.  Avec  tout  cela  elle  était  fort  considérée 
<(  et  comptée.  Elle  prétendait  connaître  l'avenir  par  des  cal- 
«  culs  et  de  petits  points  et  cela  l'avait  attachée  à  Madame 
«  qui  aimait  fort  ces  sortes  de  curiosités;  mais  la  maréchale 
«  s'en  cachait  fort. 

«  Il  faut  donner  le  dernier  trait  à  cette  espèce  de  person- 
«  nage.  Elle  avait  une  sœur  religieuse  à  Saint-Antoine,  à 
«  Paris,  qui,  à  ce  qu'on  disait,  avait  pour  le  moins  autant 
«  d'esprit  et  de  savoir  qu'elle  :  c'était  la  seule  personne 
«  qu'elle  aimât.  Elle  Fallait  voir  très  souvent  de  Versailles, 
«  et,  quoique  très  avare,  mais  fort  riche,  elle  l'accablait  de 
"  présents.  Cette  fille  tomba  malade;  elle  la  fut  voir  et  y 
«  envoya  sans  cesse.  Lorsqu'elle  la  sut  fort  mal  et  comprit 

»  KUe  mourut  le  27  novembre  17.'J,  à  l'âge  de  89  ans.  (P.  Anselme,  t.  vu.). 


PALLUAU  ET  LES  CLÉREMBAULT  2Ô5 

«  qu'elle  n'en  reviendrait  pas  :  «  Oh  !  bien,  dit-elle,  ma  pauvve 
«  sœur,  qu'on  ne  ni  en  parle  plus  !  »  Sa  sœur  mourut  et 
«  oncques  depuis  elle  n'en  a  parlé,  ni  personne  à  elle.  Pour 
«  ses  deux  fils,  elle  ne  s'en  souciait  point  et  n'avait  pas  grand 
a  tort,  quoiqu'en  grande  mesure  avec  elle;  elle  les  perdit 
'.(  tous  deux;  il  n'y  parut  pas  et  dès  les  premiers  moments'.  » 
Les  dernières  lignes  de  cette  longue  citation  nous  ap- 
prennent que  le  maréchal  de  Glérembault  laissa  deux  fils  : 
Jules  et  Philippe-,  .lulcs,  l'aîné,  lui  succéda  dans  ses  titres 
et  propriétés. 


Jules  de  Glérembault  ne  suivit  points  et  pour  cause,  la 
carrière  des  armes.  «  C'était,  a  écrit  Saint-Simon,  un  vilain 
bossu  qui  avait  de  l'esprit  et  de  la  science.  »  Il  entra  dans  les 
ordres,  prit  le  grade  de  licencié  en  théologie  à  la  faculté  de 
Paris,  et  fut  pi'omu  au  sacerdoce.  Le  château  de  Palluau  eut- 
il  l'honneur  de  l'avoir  pour  hôte? Nous  ne  saurions  le  dire  ; 
mais  il  est  à  croire  que,  s'il  y  vint,  le  nouveau  propriétaire  n'y 
fit  que  de  rares  et  courtes  apparitions.  Le  Ghartrier  de  Thouars 
renferme  deux  procurations  de  \mpour  faire  hommage  et 
rendre  aveu  de  Palluau  :  la  première  est  du  19  juillet  1684  et 
la  seconde  du  8  juillet  1699.  Son  aveu  du  28  septembre  1699, 
que  nous  avons  sous  les  yeux,  est  plein  de  données  fort  inté- 

'  Mémoires  du  duc  de  Saint-Siinon  (Kdition  Hachette,  tome  ii^,  p.  350-01). 

»  Le  P.  Anselme  mentionne  aussi  une  fille  du  nom  de  Térèse.  —  Philippe, 
le  cadet,  (|ui  porta  le  titre  honorifique  de  comte  de  Palliidu,  fut  colonel 
d'un  régiment  de  son  nom,  brigadier  d'armée  en  1690,  puis  maréchal  de 
camp  en  1693.  Il  se  noya  dans  le  Danube,  à  la  désastreuse  bataille  d'Hochs- 
tedt,  en  1704,  ayant  mieux  aimé  franchir  le  fleuve  ;i  la  nage  avec  son  cheval 
que  de  se  constituer  prisonnier.  —  A  la  mort  de  son  mari,  la  maréchale  de 
Glérembault  s'empressa  de  présenter  aveu  pour  faire  hommage  de  Palluau  ; 
mais  elle  fut  déclarée  non  recevable,  à  moins  qu'elle  ne  justifiât  d'iHre 
propriétaire  par  quelque  contrat  de  délaissement  qui  lui  en  aurait  été  lait. 
Cesl  son  fils,  Messire  Jules  de  Clérembnult,  fils  aine,  qui  doit  faire  aveu. 
(Chartrier  de  Thouars). 

Tome  iv.  —  Juillet,  Août,  Septembrk  1801.  20 


296  PALLUAL"    KT    LES    CLÉRKMBAULT 

ressanles  pour  l'histoire  de  la  contrée  de  Palluau  à  cettG 
époque  ;  mais  cette  pièce  ne  peut  trouver  place  ici  à  cause 
de  sa  longueur,  ni  s'analyser  ;  sa  nature  môme  s'y  oppose. 
Toutes  ces  pièces  nous  disent  que  le  baron  de  Palluau  avait 
pour  résidence  ordinaire  son  hôtel  de  Paris  rue  des  Bons- 
Enfants,  paroisse  Saint-Eustache.  Aucune  ne  mentionne  sa 
présence  à  Palluau,  môme  transitoire. 

Pourvu  des  riches  bénéfices  de  quatre  abbayes  (Saint- 
Taurin  d'Evreux —  Lieu-Dieu  en  Jard  —  Saint-Savin  et  Ghar- 
treuve)  notre  abbé  commendataire  put  facilement  se  livrer  à 
son  goût  pour  les  choses  de  l'esprit,  dans  lesquelles  il  acquit, 
paraît-il,  une  certaine  réputation,  puisqu'il  fut  jugé  digne 
d'occuper  l'un  des  quarante  fauteuils  de  l'Académie  française. 
Il  y  remplaça  le  fabuliste  La  Fontaine^,  et,  comme  il  était 
tout  contrefait,  des  plaisants  d'alors  dirent,  en  riant,  qu'on 
avait  nommé  Esope  à  la  place  de  La  Fontaine'. 

Quels  furent  ses  titres  littéraires  pour  obtenir  les  honneurs 
académiques?  nous  les  ignorons  ;  nous  ne  connaissons  de 
lui  aucun  écrit.  Il  est  à  croire,  cependant,  qu'il  publia 
quelques  œuvres  et  attira  ainsi  sur  lui  l'attention  du  public 
lettré.  Le  duc  de  Saint-Simon  le  laisse  entendre,  quand  il  dit 
qu'  «  il  ne  produisait  pas  beaucoup.  >>  A  la  Bibliothèque  na- 
tionale, département  des  Manuscrits,  il  y  atout  un  fonds,  dit 
fonds  Clérembaud.  Mais  ce  Clérembaud  n'a  rien  de  commun 
avec  les  Clérembault-Palluau,  objet  de  cette  étude.  C'est  ainsi 
du  moins,  qu'en  a  jugé  un  de  nos  savants  amis  de  Paris  que 
nous  avons  chargé  de  prendre  des  informations  à  ce  sujet.  Il 
faut  en  dire  autani,  paraît-il,  du  poète  Clérembaud.  qui  h 
donné  son  nom  à  un  Chansonnier  manuscrit  conservé  égale- 
ment à  la  Bibliothène  nationale  et  dont  M.  Charles  Gérin 
donne  des  extraits  pleins  d'un  esprit  fin  et  satirique,  dans 
ses  Recherches  sur  V Assemblée  de  1 683. 

Somme  toute,  son  œuvre  littéraire  devait  être  assez  peu 

'  Nouvelle  Biographie  générale.  Paris,  \M?,  'an  nom  de  Cl^rembault). 


PALLUAU  ET  LES  CLÉREMBAULT  ?97 

importante,  puisqu'il  n'en  est  pas  resté  trace  dans  l'iiistoire. 

Notre  immortel  mourut  le  17  août  171  i,  en  sa  résidence  de 
I^aris.  Sa  mère,  la  maréchale  de  Clérembault,  dit  Saint-Simon, 
ne  crut  pas  que  ce  fût  la  peine  de  s'en  affïiger\  » 

L'année  qui  précéda  sa  mort,  Jules  de  Clérembault  s'était 
déjà  dessaisi  de  son  titre  de  baron  de  Palluau  et  de  ses  droits 
sur  cette  terre  et  son  château.  Voici,  en  effet,  ce  qu'on  lit 
dans  le  Journal  de  Danjeau,  sous  la  date  du  19  novembre 
1713  :  «  M.  de  Pontchartrain  achète  des  terres  de  la  maré- 
({  chale  de  Clérembault.  en  Poitou,  dont  la  principale  est 
«  Palluau,  où  il  y  a  un  très  beau  château  et  assez  bien  meu- 
«  blé.  Ces  terres  valent  20.000  livres  de  rente;  il  en  donnera 
«  200,000  fr.,  argent  comptant,'  et  une  pension  viagère  de 
u  18,000  fr.  à  la  maréchale  de  Clérembault  et,  après  sa  mort, 
a  il  donnera  une  pension  de  15,000  fr.  à  l'abbé  de  Clérem- 
((  bault^  son  fils,  l'académicien-.  >> 

Cette  dernière  clause  de  la  vente  ne  put  sortir  son  efîet, 
cir,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  le  fils  précéda  la  mère  dans 
le  tombeau.  La  douairière  vécut  jusqu'en  1722  :  elle  s'éteignit 
à  l'âge  de  89  ans  et  avec  elle  le  nom  illustre  des  Clérembault- 
i\Tlluau. 


Pour  terminer  cette  étude,  nous  transcrirons  ici  la  des- 
cription des  limites  du  comté  de  Palluau  d'après  un  aveu  de 
1754.  Cet  aveu  n'étant  que  la  reproduction  ,  mais  mieux 
ordonnée,  des  aveux  précédents  rendus  par  Jules  et  Philippe 
de  Clérembault,  nous  donnera  par  conséquent  l'étendue  de 
la  baronnie  des  seigneurs  de  Clérembault  dont  nous  venons 
d'esquisser  l'histoire.  Les  limites  sont  indiquées  avec  une 
telle  précision  qu'il  est  facile,  dit  M.  Marchegay,  d'en  tracer 

*  Mémoires.  Tome  vu,  p.  98  (édition  Hachette). 

»  Journal  de  Danjeau,  t.  xv,  p.  29  (Paris,  Firmiri  Didot,  ISâ'.i). 


298  PALLUAU    KT    LES    CLÉREMBAULT 

exactement  les  contours  sur  la  carte  de  Gassini  ou  sur  celle* 
de  l'état-major*. 

««  Le  comté,  terre  et  seigneurie  de  Palluau se  tient  pt 

«  confronte  d'une  part  aux  terres  de  la  baronnie  d'Aspre- 
«  mont,  au  Bois  (Je  la  Lévinière,  paroisse  de  Mâché  et  aux 
«  terres  du  tènement  de  l'Ondière,  ruisseau  entre  deux,  qui 
«  sépare  ledit  tènement  du  fief  et  tènement  de  la  Pénardière, 
«  tenue  dudit  comté;  aux  landes  et  terres  de  la  Mongie,  la 
«  Faguelinière,  l'Eraudière,  la  Charrie  et  la  Givrandière  qui 
«  sont  de  la  paroisse  d'Aspremont.  D'autre  (part,  se  tient)  à 
«  la  rivière  de  Vie  qui  est  toute  dudit  comté  de  Palluau,  et 
«  ce,  depuis  Mâché  jusqu'au  gué  de  la  Boutière,  tenant  à  la 
«  châtellenie  d'Aizenay,  ladite  rivière  entre  deux.  » 

«  De  là  tient  aux  terres  de  la  baronnie  de  Bellevilie,  qui 
«  sont  la  Rémondière,  la  Grande  Courolière  et  la  Boutière, 
«  et  aux  terres  de  la  principauté  de  la  Roche-sur- Yon,  ruis- 
«  seau  entre  deux,  jusqu'au  tènement  de  l'Auspierre  et  en- 
«  suite  au  tènement  de  la  Vésinière ,  la  Ganterie,  le  Fief- 
«  Râteau,  jusqu'à  l'étang  de  Roche-Quairie.  Et  de  là,  en 
«  remontant  le  long  de  la  rivière  de  Boulogne  (la  Petite 
«  Boulogne),  tient  au  tènement  des  terres  de  la  Petite-Vergne, 
«  la  Picaudière,  le  Fief-Gourdeau,  ladite  rivière  entre  deux, 
«  Taillepied  et  la  Ricoulière  qui  sont  de  la  principauté  du 
u  Luc.  » 


t  Et  allant  en  avant,  tient  au  tènement  de  la  Guichère  et 
t(  Domangère  et  au  Gué  du  Rete  qui  sont  de  la  châtellenie  de 
«  Rocliecervière;  et  ensuite  descendant  le  long  de  la  rivière 
«.  de  la  Logne  jusqu'au  Gué-Papin,  à  l'entrée  de  Legé,  et  au- 

*  Nous  avons  donné  ce  tracé  des  limites  du  comté  de  Palluau  pour  les 
Paysages  et  monuments  du  Poitou,  par  M.Jules  Robuchon.  d'après  la  carte 
de  l'état-major. 


PALLUAU  ET  LES  CLÉREMBAULT  299 

«  delà  jusqu'au  moulin  du  Merceron,  en  suivant  le  cours  de 
u  ladite  rivière  jusqu'à  un  ruisseau  près  le  moulin  Guérin, 
«  appelé  le  ruisseau  Arrivé.  De  là  joignant  les  terres  de  Ro- 
«  checervière.  de  Legé,  de  la  Benate ,  remontant  par  le 
«  chemin  qui  conduit  de  Rochecervière  à  Touvois,  le  long 
«  des  terres  du  prieuré  de  Péranche,  ledit  chemin  entre  deux, 
«  jusqu'à  la  forêt  de  Touvois  y  conduisant  et  tournant  ladite 
((  forêt  jusqu'à  la  métairie  de  la  Haye,  appartenant  aux  héri- 
«  tiers  du  seigneur  comte  de  Vertus.  Et  de  là,  le  long  du 
«  ruisseau  joignant  les  terres  de  ia  Vannerie  jusqu'au  gué  et 
«  pas  de  Machecoul;  continuant  à  descendre  ledit  ruisseau 
«  jusqu'à  la  métairie  et  tènement  du  Gensif-Nouhaud  et 
«  terres  de  la  châtellenie  de  Touvois  ;  de  là  aux  dépendances 
«  des  métairies  du  Breuil-Herbaud  et  de  la  Jaubreticre, 
«  paroisse  de  Falleron.  » 

«  Tient  aussi  aux  terres  et  censives  de  la  Gommanderie 
«  des  Habites  et  de  Goudrie,  d'autre  (part)  à  la  baronnie  de 
«  Gommequiers,  savoir  au  tènement  de  la  Blanchère-Bardin 
((  et  aux  terres  de  la  Grossinière,  et,  de  là,  passant  au  bourg 
«  de  Saint-Ghristophe-du-Ligneron  ,  y  comprenant  ledit 
«  bourg  jusqu'aux  terres  du  Verger  ;  ensuite  tenant  aux 
«  landes  de  Douaimes  (ou  les  chênes),  d'autre,  à  la  rivière 
«  du  Ligneron,  au  fief  et  tènement  de  Geoffroi  . .  Fief-Fou- 
»  caud.  Fief-de-la-Glergerie  et  Fief-Giraut  et  tendant  au  bourg 
«de  Gommequiers,  comprenant  partie  d'icelui.   » 

«  Et  encore  tient  aux  prés  du  château  de  Gommequiers  et 
«  aux  fiefs  de  la  Ghaulière,  la  Vrignousière  et  les  Brigas- 
u  sières,  la  Garouère,  l'Avau,  la  Noue,  le  tout  en  la  baron- 
«  nie  de  Gommequiers  et  de  là  au  chemin  tendant  au  Pas- 
«  au-Peton  et  à  la  rivière  de  Vie,  et  suivant  ladite  rivière  de 
«  Vie  jusqu'à  la  baronnie  d'Aspremont  ;  tenant  encore  à  la 
«  baronnie  de  Ryé,  le  chemin  du  Pas-au-Peton  au  Gné-au- 
«  Rou  entre  deux.  » 

«  Et,  en  outre,  les  enclaves  dépendant  dudit  comté  de 
«  Palluau  au  delà  de  la  rivière  de  Vie,  dans  la  paroisse  d'Ai- 


300  PALLUAU    ET    T.ES    CLÉREMBAULT 

» 

«  zeiiay  qui  sont  la  maison  noble  de  la  Gharpenterie,  fiefs 
«  et  dépendances  d'icelle'.  » 

Du  château  rebâti  par  le  maréchal  Philippe  de  Glérembault, 
il  ne  reste  plus  maintenant  cfue  des  ruines,  non  sans  gran- 
deur, mais  sans  intérêt  pour  le  touriste  aussi  bien  que  pour 
l'archéologue.  Comme  aux  temps  anciens,  il  domine  de  sa 
sombre  majesté  toutes  les  maisons  de  la  petite  cité  à  laquelle 
il  a  donné  naissance,  et  qui  semble  encore  son  humble 
vassale  ;  avec  cette  diiïérence  toutefois  que  celle-ci  se  pré- 
sente avec  des  airs  de  vie  et  de  jeunesse,  tandis  qu'il  ap- 
paraît morne,  décrépit,  découronné  et  recouvert,  de  la  base 
jusqu'au  sommet,  d'un  épais  manteau  de  lierre,  semblable 
à  un  vieillard  de  haute  stature  que  font  trembler  le  poids  des 
ans  et  la  froidure  des  hivers. 

On  devine,  en   le  visitant,   que  la  Révolution   a  passé  par 
là  avec  ses  torches  incendiaires. 

Dans  son  Génie  du  Christianisme,  Chateaubriand  a  con- 
sacré quelques  belles  pages  à  la  peinture  des  ruines,  cette 
poétique  des  morts,  comme  il  l'appelle,  et  il  distingue  avec 
raison  deux  sortes  de  ruines  :  l'une  ouvrage  du  te^ips,  l'autre 
ouvrage  des  hommes.  «  Les  premières,  dit-il,  n'ont  rien  de 
«  désagréable,  parce  que  la  nature  travaille  auprès  des  ans. 
«  Les  secondes  sont  plutôt  des  dévastations  que  des  ruines  ; 
«  elles  n'offrent  que  l'image  du  néant  sans  une  puissance 
«  réparatrice.  Ouvrage  du  malheur  et  non  des  années,  elles 
u  ressemblent  aux  cheveux  blancs  sur  la  tête  de  la  jeu- 
ce  nesse...  »  Cette  impression  est  de  celles  que  ressent  le 
visiteur  qui  promène  ses  regards  et  ses  pas  à  travers  les 
ruines  du  château  de  Palluau.  Ce  lierre  à  la  sombre  ver- 
dure qui  recouvre  ses  murs  dégradés  et  noircis  est  comme 
un  immense  voile  de  deuil  jeté  par  la  nature  sur  leur  tris- 
tesse et  leur  nudité.   Des  centaines   d'oiseaux   v  cherchent, 


*  liccherche.t  historiques  sur  le  âépnrtcmeni  de  la  V(>mh'e    piir  M.  Mîu-- 
che^ay  (1'  série,  p.  93  et  !)4i. 


FALLU  AU    ET    LES    CLÉREMBAULT  301 

au  printemps,  un  abri  pour  leurs  nids  et  leurs  couvées  et 
seuls,  leurs  cris  et  leurs  gazouillements  viennent  désormais 
interrompre  le  silence  de  mort  de  cette  demeure  dévastée. 
Demandez  aujourd'hui  aux  habitants  de  Palluau  qui  a  bâti 
leur  château,  qui  l'a  habité  jadis  ?  C'est  à  peine  s'ils  se  sou- 
viennent de  ce  que  leur  en  ont  appris  leurs  ancêtres  et 
quelques  anciens  seulement  nommeront  encore  le  maréchal 
de  Glérembault  :  Sic  transit  glcria   miindi!  » 

L'abbé  H'"  Buutln. 


m 


[ 


AUTOUR  DU  DRAPEAU  BLANC 


(Suite) 


Biographies  inédites  des    chefs    Vendéens    et   des    Chouans 


Par  M.  de  la  Fontenelle  de  ^'audoré 


ELBÉE  (Madame  Duhoux  d'Hauterive,  femme  Gigot  d'), 
sœur  de  l'ancien  gouverneur  de  Noirmoutiers,  jouissait,  dans 
sa  terre  de  Beaupréau,  qu'elle  habitait  avant  la  Révolution, 
d'un  juste  renom  de  vertu  et  de  Aarité.  Lorsque  la  guerre 
de  la  Vendée  éclata,  elle  partagea  souvent  les  dangers  de  son 
mari,  l'accompagna  dans  l'île  de  Noirmoutiers  et  finalement 
périt  à  ses  côtés.  Ce  qui  lui  causa  à  ses  derniers  moments 
le  plus  de  chagrin,  fut  de  voir  M""  Mourain,qui  lui  avait  donné 
asile,  partager  son  sorl,  victime  de  l'amitié  qu'elle  lui  avait 
témoignée. 

FORESTIER  (l'abbé),  frère  du  commandant  de  la  cavalerie 
d'Anjou,  se  fit  comme  lui  remarquer  par  son  zèle  pour  la 
cause  royale  pendant  l'insurrection.  11  signa  en  1814  l'adresse 
des  Vendéens  au  Roi,  et  devint  plus  lard  curé  de  la  Pomme- 
rave-sur-Sèvre. 


GAZEAU  DE  LA  BOISSIÈRE  (L.  C.)',  brigadier  des  armées 
du  Roi,  vivait  retiré  dans   sa   terre   de  Grosbreuil,   lorsqu'il 


AUTOUR  DU  DRAPEAU  BLANC  303 

fut  arrêté  comme  suspect,  en  qualité  de  gentilhomme,  et 
traduit  devant  la  commission  militaire  des  Sables-d'Olonne, 
qui  le  condamna  à  mort,  le  22  mars  1794,  comme  contre-ré- 
volutionnaire et  Vendéen.  Il  était  âgé  de  cinquante-sept  ans. 

GAZh:AU  (Victor  de),  parent  du  précédent,  capitaine  aide 
de  camp  du  général  de  Sapinaud,  signa  en  1814  l'adresse  des 
Vendéens  au  Roi. 

GAZEAU  (aîné),  capitaine  de  chasseurs  vendéens,  signa 
en  1814  l'adresse  au  Roi. 

GAZEAU  (jeune),  frère  du  précédent  et  de  la  même  famille 
que  les  deux  mentionnés  plus  haut,  souscrivit  pareillement 
à  l'adresse  de  1814. 

GENAY  (Joseph),  fils  de  Jean  Genay ,  originaire  de  la  Châtai- 
gneraie, sénéchal  de  Gourlay,  et  de  Marie  Garnier  des  Mar- 
menières.  Après  avoir  fourni  comme  officier  une  brillante 
carrière  pendant  l'insurrection  vendéenne,  il  se  retira  à 
Courlay,  où  il  mourut  le  20  juillet  1845,  âgé  de  82  ans. 

\ 

GODREAU,  capitaine  d'état-major  à  l'armée  du  Centre, 
signa,  le  27  juin  1815,  la  protestation  des  Herbiers. 

GOGUÉ  (l'abbé),  aumônier  de  la  Basse-Vendée,  disputa  au 
P.  Doussin  l'honneur  de  rendre  les  derniers  devoirs  au  brave 
divisionnaire  Guérin,  tué  à  l'attaque  de  Saint-Cyr. 

Resté  fidèle  à  Gharette,  i'abbé  Gogué,  peu  après  la  mort  de 
ce  dernier,  fut  lui-même  arrêté  dans  la  paroisse  de  la  Roche- 
sur-Yon,  qu'il  desservait  comme  vicaire,  et  conduit  devant  le 
général  républicain  Gaultier.  Celui-ci  lui  présenta  une  lettre 
sans  date  ni  signature,  adressée  au  général  vendéen  et  trou- 
vée sur  lui,  par  laquelle  il  lui  offrait,  dans  son  extrémité,  les 
hommes  de  sa  paroisse  alors  soumise.  Gogué  reconnut  la 
lettre  comme  sienne,  fut  condamné  à  être  fusillé  et  marcha 
à  la  mort  avec  calme  et  courage. 


304  AUTOUR  DU  DRAPEAU  BLANC 

» 

GOUIN  (P.),  officier  vendéen,  fat  nommé  par  le  général 
Gharette  après  la  prise  de  Noirmoutiers,  commandant  de 
Barbâtre  sons  Dubois,  de  Soulans.  A  la  reprise  de  l'île  parles 
républicains,  il  commandait  une  partie  de  la  cavalerie  royale 
et,  ayant  été  fait  prisonnier,  il  fut  fusillé  le  7  janvier  1794, 
au  mépris  de  la  capitulai  ion. 

GOULAlNE(le marquis  de),  des  environs  de  Rocheservière, 
parut  comme  chef  des  Vendéens  de  celte  contrée,  dès  les 
premiers  soulèvements.  Lorsque  l'abandon  précipité  de  Ma- 
checoul  fit  perdre  momentanément  à  Gharette  la  confiancedes 
royalistes,  Goulaine  et  particulièrement  sa  femme  excitèrent 
parmi  leurs  vassaux  une  grande  animosité  contre  ce  général 
et  l'on  alla  même  jusqu'à  délibérer  si  on  ne  le  mettrait  pas  à 
mort.  En  guerre  civile,  on  est  trop  volontiers  disposé  à 
accuser  de  trahison  le  chef  dont  le  succès  n'a  pas  couronné 
les  efîorls.  De  Goulaine  n'en  continua  pas  moins  à  servir  sous 
les  ordres  de  Gharette,  il  coopéra  même,  aux  Herbiers,  le  9 
décembre  1793,  à  sa  nomination  au  grade  de  général  en  chef, 
et  fut  adjoint  à  la  députatiou  chargée  d'aller  lui  porter  celte 
décision. 

Le  marquis  de  Goulaine  commandait,  aux  portes  de  Nantes, 
le  camp  de  Villeneuve,  qui  s'étendait  jusqu'aux  Sorinières, 
lorsqu'on  annonça  l'armée  de  Mayence.  Pour  empêcher  sa 
jonction  avec  le  surplus  des  républicains,  les  troupes  des 
camps  de  Villeneuve  et  de  Torfou,  formées  des  corps  com- 
mandés par  la  Sécherie  et  Massip  et  de  la  division  Lyrot  de 
la  Patonillère,  firent,  le  31  août  1793,  une  tentative  contre  le 
camp  qui  couvrait  Nantes.  Les  Vendéens  se  présentèrent  à 
portée  de  canon,  mais  le  général  Emmanuel  Grouchy,  à  la 
tête  d'un  corps  de  grenadiers,  les  repoussa  bientôt  à  l'arme 
blanche  et  leur  enleva  tous  leurs  retranchements  et  même 
quelques  villages  voisins  qu'ils  avaient  également  fortifiés. 
Revenus  à  la  charge,  le  5  septembre,  les  royalistes  ne  furent 
pas    plus    heureux.    Les  républicains    leur   infligèrent  une 


AUTOUR  DU  DRAPEAU  BLANC  305 

sanglante  défaite,  qui  leur  coûta  cinq  à  six  cents  hommes  et 
une  pièce  de  canon.  Ce  même  jour,  l'avant-garde  des  Mayen- 
çais  entrait  à  Nantes  et  se  rangeait  en  bataille  sur  deux  lignes 
dans  la  prairie  de  Mauves.  La  précision  avec  laquelle  ce  corps 
manœuvra  fut  très  admirée,  et  l'administration  du  déparle- 
ment de  la  Loire-Inférieure  ofîrit  une  couronne  à  chaque 
général  et  à  chaque  drapeau  de  la  division.  Le  commandant 
en  chef,  Aubert-Dubayet,  prononça  à  cette  occasion  un  dis- 
cours républicain.  A  ce  même  instant,  les  Vendéens  réappa- 
raissaient en  vue  du  camp  des  patriotes  et  ouvraient  sur  eux 
une  violente  fusillade.  Les  balles  sifllaient  aux  oreilles  des 
généraux  et  des  conventionnels  qui  assistaient  à  la  cérémonie. 
C'est  alors  que  Merlin  de  Thionville,  toujours  fougueux, 
s'avança  sans  crainte  de  la  mort  vers  les  royalistes,  et  leui- 
parla  d'une  voix  tellement  haute  et  ferme,  que  sa  voix  fut 
entendue  malgré  l'éloignement  et  le  bruit  des  armes.  Le 
silence  se  fit  bientôt  de  part  et  d'autre,  et  les  Vendéens 
surpris  d'apprendre  l'arrivée  de  l'armée  de  Mayence,  prirent 
aussitôt  ,  de  l'ordre  même  de  leurs  chefs ,  le  parti  de 
la  retraite. 

Le  marquis  de  Goulaine  a  survécu  à  la  Reslauration  et  a 
signé,  en  1S14,  avec  le  titre  de  colonel  adjoint  à  l'olal-major, 
l'adresse  des  Vendéens  au  Roi.  Peu  apri'S,  la  décoration  de 
Saint-Louis  lui  fat  conférée. 

GOULAINE  (la  marquise  de),  épouse  du  précédent,  et  femme 
très  intrigante,  loin  de  compter  parmi  les  nombreuses  admi- 
ratrices de  Charette,  fut  au  contraire  un  de  ses  adversaires 
les  plus  déclarés,  et  ameuta  notamment  contre  lui  l(3s  habi- 
tants de  Rocheservière  et  des  environs,  lorsque,  ses  soldat-s 
l'ayant  abandonné,  il  fut  forcé  d'évacuer  Machecoul.  Un  petit 
succès  des  habitants  de  Legé  sur  les  troupes  républicaines 
enhardit  encore  leur  insolence  envers  le  général.  La  mar- 
quise de  Goulaine  écrivit  à  cette  occasion  une  leUre  à  M.  de 
Royrand  pour  demander  sa  destitution.  Charetle,  qui  était  à 


306  AUTOUR    DU    DRAPEAU    BLANC 

« 

Vieillevigne,  voulut  se  diriger  surMontaigu,  où  se  trouvaient 
précisément  Royrand  et  le  chevalier  de  la  Roche.  Il  expédia 
en  éclaireurs  deux  cavaliers  ;  mais  ceux-ci  revinrent  bientôt 
en  annonçant  qu'ils  avaient  été  fort  mal  reçus  et  que  le  même 
accueil  attendait  vraisemblablement  le  général.  Dès  lors,  forcé 
de  revenir  sur  ses  pas,  Gharette  alla  camper  avec  son  corps 
d'armée,  réduit  à  cinq  cents  hommes,  dans  les  landes  de 
Bouaye  ;  et,  outré  de  se  voir  traiter  ainsi  par  ses  collègues, 
il  proposa  à  ses  soldats  de  se  venger  de  l'injustice  qui  leur 
était  faite,  en  attaquant  les  républicains  à  Saint-Colombin. 
Dès  le  lendemain,  il  marcha  sur  ce  bourg,  battit  les  douze 
cents  patriotes  qui  l'occupaient,  et  qui  étaient  en  partie  com- 
posés d'un  détachement  du  Boyal-Provence,  en  tua  un  grand 
nombre,  et  fit  prisonnier  le  surplus,  à  l'exception  de  quelques 
hommes  qui  se  sauvèrent  à  Saint-Philbert.  La  caisse  mili- 
taire, un  drapeau,  un  canon  et  de  la  poudre  restèrent  aux 
mains  des  vainqueurs .  A  son  retour  dans  la  lande  de  Bouaye, 
Gharette  fut  rejoint  par  Royrand.  Ge  dernier,  qui  était  venu 
dans  l'intention  de  le  destituer,  revint  à  de  meilleurs  senti- 
ments quand  il  apprit  sa  victoire  de  Saint-Golombin. 

Cependant  le  chevalier  de  la  Roche,  qui  commandait  à 
Montaigu  en  l'absence  de  Royrand,  refusa  d'y  recevoir  les 
prisonniers  envoyés  par  Gharette  et  de  donner  des  vivres  à 
l'escorte  composée  de  soixante  cavaliers  et  de  deux  cents 
fantassins.  G'était  une  nouvelle  lettre  de  la  marquise  de  Gou- 
laine,  dans  laquelle  elle  flétrissait  la  prétendue  incapacité  de 
Gharette  et  de  ses  officiers,  qui  avait  déterminé  le  chevalier 
de  la  Roche  à  faire  une  aussi  fâcheuse  réception  au  com- 
mandant de  l'escorte.  Celui-ci  ne  se  tint  point  pour  battu,  et 
devant  ses  menaces,  il  fallut  céder.  Entre  temps,  la  marquise 
de  Goulaine,  qui  était  alors  à  Montaigu,  fit  venir  près  d'elle 
l'officier  supérieur  envoyé  par  Ghar3tte,  et  eut  avec  lui  une 
entrevue  qui  se  termina  par  une  vive  altercation.  Royrand, 
instruit  directement  de  ces  faits  par  les  officiers  de  l'escorte, 
se  rendit  aussitôt  à  Montaigu,  blâma  la  conduite  du  cheva- 
lier de  la  Roche,  et  répara  par  les   égards   qu'il  témoigna  à 


AUTOUR  DU  DRAPEAU  BLANC  307 

ses  hôtes  le  mauvais  accueil  dont  ils  avaient  été  primitive- 
ment l'objet.  Le  succès  commun  du  Pont-James  scella  la 
réconciliation  des  deux  généraux  vendéens.  Au  moment  de 
3e  séparer,  Charette  fit  savoir  àRoyrand  qu'il  n'ignorait  point 
[a  cabale  qui  avait  été  montée  contre  lui.  Et  comme  Royrand 
feignait  une  ignorance  absolue,  Charette  tira  de  sa  poche  la 
copie  de  la  lettre  de  la  marquise  de  Goulaine  au  chevalier 
de  la  Roche.  Sur  ces  entrefaites,  arriva  un  exprès  de  cette 
même  dame,  qui,  ayant  appris  la  réconciliation  des  deux 
généraux,  écrivait  à  Charette  lui-môme  pour  le  féliciter  du 
succès  de  ses  armes.  Le  héros  vendéen  ne  prit  pas  la  peine 
de  décacheter  la  missive  et  la  renvoya  à  son  auteur  en  di- 
sant qu'il  méprisait  ses  compliments  autant  que  ses  injures. 

—  Commen  ttrouvez-vous  ma  galanterie,  demanda  Charette 
à  Royrand  ? 

—  Très  à  propos,  répondit  en  riant  le  vieux  militaire. 

GOULEPOT,  officier  vendéen,  commandait  une  paroisse 
dans  les  environs  de  la  GarnachC;,  lorsqu'il  fut,  peu  après  la 
pacification  de  la  Jaunais,  arrêté  par  les  républicains,  avec 
onze  de  ses  soldats,  et  conduit  à  Nantes  où  ils  furent  condam- 
nés à  mort  et  passés  parles  armes,  sous  prétexte  d'un  ras- 
semblement illégal.  Cette  atrocité  fut  une  des  causes  qui 
poussèrent  les  royalistes  à  recommencer  les  hostilités. 

GRÉGOIRE  (René),  des  environs  de  Mouilleron-en-Pareds, 
fit  vaillamment  toutes  les  guerres  vendéennes  et  fut  en 
dernier  lieu  major  de  la  division  de  la  Flocellière.  11  servait, 
en  juillet  1814,  dans  la  garde  royale  à  pied  de  Bourbon- 
Vendée'. 

GRÉGOIRE,  frère  du  précédent,  et  capitaine  de  cavalerie 
dans  les  armées  vendéennes^  signa  en  1814  l'adresse  au  Roi. 

La  Fontenelle  de  Vaudoré. 
(A  suivre). 

'  Kii  1816,  il  était  niaire  de  Mouilleron. 
»  Sous  d'iilbée. 


CONTRIBUTION 

A  L'HISTOIRE  DE  FONTENAY-LE-COMTE 


EN  dépouillant,  au'c  Archives  nationales,  une  série  de 
cartons  relatifs  au  Poitou,  nous  avons  rencontré  une 
liasse  de  vingt-cinq  dossiers  «  plus  ou  moins  fournis  », 
ainsi  que  l'exprime  la  cote  officielle  inscrite  sur  la  chemise  qui 
les  renferme,  et  qui  se  rattachent  tous  aux  concessions  faites 
par  le  roi,  de  1760  à  1776,  à  divers  particuliers,  dos  ompla- 
cements  des  anciens  fossés  et  remparts  de  la  ville  do  Fon- 
tenay.  Quelle  a  été  l'occasion  de  ces  acquisitions  à  cette 
époque?  Nous  l'avons  vainement  cherchée  dans  les  histoires 
déjà  parues  sur  Fontenay,  parmi  lesquelles  figurent  au 
premier  rang  les  lîeclierches  historiques  sur  Fontenay  publiées 
par  M.  Benjamin  Fillon.  Dans  cet  ouvrage,  notre  savant 
compatriote  a  tiré  fort  bon  parti,  pour  l'époque  antérieure  à 
la  Révolution,  des  faits  épars  dans  les  histoires  générales,  et, 
pour  la  période  révolutionnaire,  des  documents  originaux 
qu'il  avait  personnellement  recueillis  ou  qui  lui  avaient  été 
communiqués;  mais,  en  réalité,  ce  travail,  qui  ne  fut  point 
précédé  de  Recherches  de  documents  inéi/its,  ne  justifie  qu'im- 
parfaitement le  titre,  môme  modesti,',  qui  lui  a  été  donné. 
Sans  qu'il  soit  besoin  d'autant  de  science  ni  d'autant  de  talent, 
il  reste  encore  à  faire  l'histoire  de  Fontenay  d'après  les  docu- 
ments inédits  existants,  et  peut-être,  dans  ce  cadre^  aurons- 
nous  la  témérité  filiale  do  l'entreprendre  un  jour. 


A    l'histoire    de    FONTli.NAY-LE-COMTK  309 

Des  documents  dont  nous  publions  aujourd'hui  le  résumé, 
il  ressort,  qu'au  milieu  du  XVIU*  siècle,  l'emplacement  des 
anciens  remparts  de  la  ville  était  encore  à  peu  près  intact,  et 
couvert  en  quelques  endroits  par  les  ruines  des  tours  et  des 
murailles.  On  venait  de  percer  la  route  de  Niort  à  Luçon,  de 
créer  la  place  d'Armes,  et  l'on  parlait  de  construire  le  Pont- 
Neuf;  une  fièvre  d'embellissement  saisit  la  ville  rajeunie,  et 
ce  prétexte  apparaît  dans  toutes  les  demandes  de  concession 
qui  nous  sont  passées  sous  les  yeux.  L'acquisition  des  ter- 
rains se  fit  dans  les  formes  suivantes  :  requête  de  l'acqué- 
reur au  roi,  avec  exposé  des  motifs  et  désignation  du  ter- 
rain; renvoi  de  la  requête  à  l'intendant  de  la  province,  M.  de 
Blossac,  pour  avis;  réponse  de  M.  de  Blossac,  avec  avis  fa- 
vorable; arrêt  du  Conseil  du  Roi  approuvant  la  vente  et  en 
déterminant  les  conditions.  Mallioureusement  un  certain 
nombre  de  dossiers  sont  fort  incomplets,  quelques-uns  ne 
renferment  qu'une  pièce,  tandis  que  d'autres  en  contiennent 
une  douzaine,  par  exemple,  lorsqu'il  se  présentait  deux 
acquéreurs  pour  la  même  parcelle  ;  dans  quelques  dossiers 
est  annexé  à  la  demande  un  plan  du  terrain,  plan  sans 
intérêt,  aucune  confrontation  n'étant  indiquée. 

La  première  demande  de  concession  remonte  à  1760,  et 
émane  de  «  Jean  Cardin,  écuyer,  secrétaire  ordinaire  du 
roi  de  Pologne,  duc  de  Lorraine  »  ;  il  s'agit  d'un  terrain  de 
?8  toises  de  long  sur  10  de  large,  contigu  à  l'ancien  mur  de 
la  ville,  et  d'un  autre  terrain  de  45  toises  de  long  sur  10  de 
large,  «  tenant  du  nord  et  du  couchant  aux  terres  de  Guine- 
foUe,  du  midi  à  des  jardins,  de  l'ouest  aux  vestiges  d'un 
ancien  ouvrage  avancé  du  château  et  qui  un  est  séparé  par 
un  fossé.  »  Un  arrêt  du  Conseil  du  roi,  (ni  date  du  13  mai 
1700,  accéda  à  la  demande,  moyennant  un  cens  annuel  et  per- 
pétuel de  20  sols. 

1 4  avril  1761  .—Arrêt  du  Conseil  concédant  à  Jean-Baptisle- 
Antoine  Savary  des  Forges,  conseiller  procureur  de  Sa  Ma- 
jesté en  l'élection  de  Fontenay,  et  lieutenant  rlu  maire  de  la 


310  CONTRIBUTION 

ville,  un  terrain  de  22  toises  de  long  sur  12  de  large,  en  mon^ 
tant  à  la  porte  Saint-Michel,  pour  deux  livres  de  rente  an- 
nuelle et  perpétuelle. 

S  mars  1  763.  —  Arrêt  du  conseil  concédant  au  même  un 
terrain  de  <)0  toises  de  long  sur  20  à  22  de  large,  voisin  du 
précèdent,  pour  trois  livres  de  cens  annuel  et  perpétuel. 

3  I  Juillet  1764.  —  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Charles 
Beaussier,  «  habitant  de  Fontenay-le-Gonte,  propriétaire  de 
la  plus  belle  auberge  de  cette  ville  où  logent  presque  toute 
la  noblesse  et  les  personnes  de  distinction,  »  d'un  terrain 
faisant  partie  des  anciens  fossés,  de  3  toises  et  5  pieds  de 
large  sur  10  toises  de  long,  tenant  d'un  bout  à  la  rivière,  et 
d'autrj  à  un  tout  petit  passage  qui  va  du  grand  chemm  aux 
Halles,  pour  25  sols  de  cens  annuel   et  perpétuel. 

30  juillet  1765.  —  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Thérèse 
Arnault,  veuve  de  François-Augustin  Joly  de  Saint-Picq, 
un  terrain  de  19  toises  de  long  sur  10  de  large,  faisant  partie 
autrefois  du  grand  chemin,  pour  3  livres  de  cens  annuel  et 
perpétuel. 

Jê2  octobre  1765.  — Arrêt  du  conseil  concédant  à  Jean 
Gerbault,  un  terrain  faisant  partie  des  anciens  fossés  et  d'un 
ancien  cliemin  «  près  la  place  récemment  construite,  tenant 
du  levant  à  la  rue  qui  descend  au  faubourg  du  Puy  Saint- 
Martin,  du  midi  à  la  nouvelle  rue,  du  nord  à  la  grande  route 
de  Niort  aux  Sables-d'Olonne,  du  couchant  à  la  même  route 
vis-à-vis  la  nouvelle  place,  »  de  12  toises  au  levant,  25  au 
midi,  28  au  nord  et  3  au  couchant,  pour  28  sols  de  cens  an- 
nuel et  perpétuel. 

1  7  mars  1  767 .  —  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Guerry  de 
la  Barre,  lieutenant  de  maréchaussée  au  département  de 
Fontenay-le-Gomte,  d'un  terrain  de  84  toises,  confrontant  o  au 
levant  à  sa  maison,  au  couchant  à  la  nouvelle  rue  construite 
vis-à-vis  un  coin  de  la  place  publique,  établie  depuis  deux  ans 


A  l'histoire  de  fontenay-le-comte  311 

pour  rembellissement  de  la  ville  et  qui  conduit  à  la  rue  du 
faubourg  Sainte-Catherine  et  à  celle  du  faubourg  du  Bé- 
douard,  du  midy  à  la  rue  contretournant  ladite  place  »,  pour 
20  sols  de  cens  annuel  et  perpétuel. 

12  janvier  1768.  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Louis- 
Alexandre  Brunet,  écuyer,  seigneur  de  la  Grange  et  de  la 
Martinière,  un  terrain,  ancien  fossé,  de  7  toises  de  long  sur 
20  de  large,  touchant  à  la  maison  dudit  Brunel,  pour  un 
demi-boisseau  d'avoine  de  cens  annuel  et  perpétuel. 

2ô  septembre  1770.  —  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Gharles- 
Augustin-Jean-Louis-Bonnamy  de  Bellelontaine,  maître  par- 
ticulier des  eaux  et  forêts  à  Fontenay,  un  terrain  «  de  132 
toises  carrées  de  superficie,  le  long  de  la  nouvelle  route  faite 
depuis  cinq  à  six  ans,  des  Sables  à  Niort,  et  partie  de  l'an- 
cien mur  de  la  ville  et  une  vieille  tour  en  ruine '),  moyennant 
un  cens  annuel  et  perpétuel  d'un  sol  par  toise  superficielle. 

6  août  1771.  —  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Jean  Guyot, 
procureur  à  Fontenay-le-Gomte,  un  terrain  de  12  à  15  pieds 
de  large  sur  110  à  ll8  de  long,  situé  «  près  la  porte  Saint- 
Michel,  sur  la  gauche  en  sortant,  le  long  du  grand  chemin  et 
où  l'on  avait  planté  récemment  quelques  ormeaux  »,  pour  4 
livres  de  cens  annuel  et  perpétuel. 

12  mai  177.2.  —  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Marie-Mar- 
guerite de  Villedon  du  Petit- Val,  veuve  du  sieur  Petit  du 
Petit-Val,  un  terrain  de  12  à  15  pieds  de  large  sur  115  à  118 
pieds  de  long,  dépendant  des  anciennes  fortifications  de  la 
ville  de  Fontenay,  depuis  la  tour  de  la  porte  Saint-Michel, 
sur  la  gauche  en  sortant,  le  long  du  grand  chemin,  jusqu'à 
la  tour  voisine  du  jardin  du  sieur  Auniont,  médecin,  pour  5 
livres  10  sols  de  cens  annuel  et  perpétuel. 

S  décembre  1772.  —  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Louis 
Buor  de  Bois-Lambert  <<  une  portion  de  terrain  faisant  au- 
trefois partie  des  fossés  du  château  do  Fontenay,  confrontant 


312  CONTRIBUTION 

» 

du  levant,  sur  9  toises,  au  chemin  qui  conduit  de  la  porte 
aux  Canes  au  faubourg  du  Marchou;  du  couchant,  sur  12 
toisos  1/2,  aux  murs  du  château  ;  du  nord,  sur  17  toises,  aux 
murs  du  château:  du  midi,  à  la  rue  de  la  Fontaine  et  à  la 
maison  dudit  Buor,  pour  4  livres  de  cens  annuel  et  perpétuel. 

30  mars  1773.  —  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Augustin - 
Edouard  Berraud  de  Langle,  chevalier  de  l'ordre  royal  et 
militaire  de  Saint-Louis,  ancien  capitaine  au  régiment  royal 
Comtois,  un  terrain  de  346  toises  de  superficie,  dépendant 
des  anciens  fossés  et  murs  de  la  ville,  tenant  du  midi  au  pont 
aux  Chèvres,  du  levant  au  terrain  et  à  la  tour  concédés  au 
sieur  Bonnamy,  du  nord  à  la  maison  dudit  Berraud,  du  midi 
à  la  grande  route  de  Niort  aux  Sables,  moyennant  un  cens 
annuel  et  perpétuel  d'un  sol  par  toise  superficielle. 

8  février  1774. —  Arrêt  du  conseil  concédant  àBoutin,  lieu- 
tenant général  de  police  à  Fontenay,  une  partie  du  mur  en 
ruine  de  la  ville,  depuis  la  porte  Saint-Michel  jusqu'à  la  petite 
tour,  au  nord,  qui  sépare  son  jardin  d'avec  la  maison  cl  la 
cour  de  derrière  de  Savary  des  Forges,  moyennant  un  cens 
annuel  et  perpétuel  d'un  sol  par  toise  superficielle. 

1ô  février  1774.  —  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Nicolas 
Beurreyde  Beauvais,  conseiller  ausiège royal etsénéthaussée 
de  Fontenay,  deux  portions  de  terrain  des  anciens  fossés 
près  la  porte  Saint-Michel,  vis-à-vis  la  nouvelle  place,  le 
chemin  de  Niort  aux  Sables  entre  deux,  d'une  contenance  de 
110  toises,  tenant  du  levant  à  une  ruelle,  du  midi  au  chemin 
de  Niort  aux  Sables,  du  couchant  à  une  place,  du  nord  à  une 
rue,  moyennant  un  cens  annuel  et  perpétuel  d'un  sol  par 
toise  superficielle. 

22  mars  1774.  —  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Pierre- 
Claude  Dupuy,  procureur  du  roi  de  la  maréchaussée  géné- 
rale du  Poitou  à  la  résidence  de  Fontenay,  un  terrain  des 
anciens  fossés,  sur  lequel  il  y  a  d'anciens  murs  et  deux  tours, 
de  230  toises  carrées,  tenant  du  levant  au  pont  aux  Chèvres, 


A    L  HISTOIRE    DE    FONTEiNAY-LE-COMT E  313 

du  couchant  au  sieur  Aumont,  du  nord  à  ladite  ville  <\v  Fmi 
tenay,  du  midi  à  la  grande   route  qui   conduit  de   Luçon  à 
Niort,  moyennant  un  cens  annuel  et  perpétuel  d'un   sol  par 
toise  superficielle. 

25  avril  I77f.-^  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Cliarles- 
Esprit  Parenteau  un  terrain  de  32  toises  1/2  faisant  autrefois 
partie  des  fossés  de  ladite  ville,  tenant  à  la  rivière  de  Vendée 
sur  13  toises,  à  la  grosse  tour  et  au  mur  de  ladite  ville,  et 
au  jardin  de  M.  Boisniseau,  la  porte  aux  Canes  entre  deux, 
moyennant  un  cens  annuel  et  perpétuel  d'un  sol  par  toise 
superficielle. 

32  septembre  i  7  74.  —  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Brunet, 
écuyer  {voy.  plus  haut),  un  terrain  faisant  partie  des  an- 
ciennes fortifications,  moyennant  un  cens  annuel  et  perpétuel 
d'un  sol  par  toise  superficielle. 

lô  avril  i775.  —  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Marie- 
Thérèse  Branchu  de  Brilhac^  veuve  du  sieur  Panier  do  la 
Chauvelière,  ancien  conseiller  en  l'élection  de  Fontenay,  de 
portion  de  murs  et  fossés  de  ladite  ville,  de  14  toises  de  lon- 
gueur, touchant  à  sa  maison,  moyennant  un  cens  annuel  et 
perpétuel  de  4  sols  par  toise  superficielle. 

29  août  1  7  75.  —  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Marie-Mar- 
guerite de  Villedon  ('v.  plus  haut),  une  tour  et  6  toises  de 
remparts  conduisant  de  ladite  tour  au  jardin  des  demoiselles 
de  la  Beaugizière,  pour  5  sols  de  cens  annuel  et  perpétuel. 

6  février  1776.  -  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Joseph- 
Marie  Dubureau,  notaire  à  Fontenay,  un  terrain  de  70  pieds 
de  long  sur  13  de  large,  faisant  partie  des  anciens  murs  de 
la  ville,  tenant  à  la  maison  dudit,  à  l'auberge  du  Pctit-Louvn 
et  à  l'écurie  de  cette  auberge,  et  un  terrain  de  20  pieds  carrés 
tenant  d'une  part  à  la  rivière,  d'autre  au  jardin  de  la  dame 
de  Boisniseau,  pour  20  sols  de  cens  annuel  et  perpétuel. 

21  fccricr  177  6.  — Arrêt  du  cunsuil   concédant  à  Savary 


314       CONTRIBUTION    A    l'hISTOIRÉ    DE   FONTENAY-LE-COMTE 

I 

des  Forges  (v.  pins  haut)  un  terrain  de  14  toises  de  long  sur 
de  large,  tenant  du  levant  aux  remparts  de  ladite  ville,  du 
couchant  au  chemin  qui  conduit  de  la  porte  Saint-Michel  aux 
hauteurs  du  faubourg  du  Marchou,  du  midi  au  corps  de  garde 
de  la  porte  Saint-Michel,  du  nord  au  terrain  hors  le  rempart, 
déjà  concédé,  pour  25  sols  de  cens  annuel  et  perpétuel. 

2  juillet  17  76.  —  Arrêt  du  conseil  concédant  à  Michel 
Paimparé,  curé  de  la  paroisse  des  Loges,  partie  de  l'ancien 
mur  de  la  ville  tenant  au  jardin  de  la  demoiselle  Paimparé, 
dont  ledit  est  tuteur,  pour  30  sols  de  cens  annuel  et  perpétuel. 

15  novembre  1776.  —  Arrêt  du  conseil  concédant  à 
François-Marie  Raison,  conseiller  en  la  sénéchaussée  de 
Fontenay,  et  à  Fallourd,  bourgeois  de  Fontenay,  partie  des 
anciens  murs  tenant  du  levant  à  la  rivière  et  du  couchant  aux 
maisons  desdits,  sur  une  longueur  de  7  toises,  moyennant 
un  cens  annuel  et  perpétuel  d'un  sol  par  toise  superficielle. 

Les  dossiers  s'arrêtent  à  cette  dernière  date,  et  pour- 
raient être  sans  doute  complétés  soit  par  les  titres  en  la 
possession  des  propriétaires  actuels  des  emplacements  sus- 
désignés,  soit  par  les  minutes  des  notaires. 

Edgar  Bourloton. 


(î^îiroiuques  ^aWaises 


VIII 


L'HOPITAL    SAINT-JOSEPH 


[Si(ile) 


-ooo^ooo- 


Chacun  de  nous  aime  les  choses  d'autrefois, 
parce  qu'il  y  retrouve  sa  propre  jeunesse  res- 
suscitée. 


LE  zèle  des  Sœurs  de  charité,  leur  dévouement,  avaient 
répandu  sur  les  malades  de  l'hôpital  une  bienfaisance 
tellement  providentielle  que  pendant  un  siècle  la  popu- 
lation qui  les  vénérait  n'eut  jamais  à  exprimer  de  plaintes 
contre  elles  ;  on  ne  pouvait  supposer  qu'un  jour  surviendrait 
où  leurs  bontés  ne  recevraient  pour  récompenses  que  les  plus 
injustes  violences. 

Hélas  !  dans  la  succession  des  choses  d'ici-bas,  qui  pourrait 
compter  sur  l'immuabilité  des  sentiments  humains  ?  Gomme 
pour  les  vieux  arbres,  les  institutions  les  meilleures  subissent 
quelquefois  de  jalouses  malveillances.  Les  clochers  des 
villages  sonnaient  partout  ;  mais  ce  n'était  plus  cette  poétique 


316  CHRONIQUES   SABLAISES 

> 

harmonie  qui  dans  les  jours  de  paix  avait  pour  tant  de  cœurs 
tinté  le  chant  divin  de  l'Angelus  ;  c'était  hélas  !  le  tocsin  de  la 
patrie.  Un  sentiment  de  malaise  s'étendait  largement  ;  des 
clameurs  incohérentes  produisaient  l'effet  d'une  grosse  pierre 
tombant  dans  le  marais,  et  tout  le  peuple  coassant  coassait  à 
l'envi,  sans  bien  s'expliquer  la  justice  et  l'utilité  de  ses  récri- 
minations, comme  dans  la  comédie  des  grenouilles  d'Aris- 
tophane. Il  fallait  du  nouveau.  Les  religieuse  de  l'hôpital,  ces 
dignes  sœurs  de  la  misère,  jusqu'alors  si  populaires,  en  firent 
la  triste  expérience  !  Les  injustices,  les  ingratitudes,  les 
lâches  attaques,  ne  sont-elles  pas  le  lot  habituel,  la  récom- 
pense ordinaire  des  plus  grands  et  des  meilleurs  ?  Sous  l'ins- 
piration des  harangueurs  habitués  des  foules,  le  peuple 
apprit  qu'il  n'était  pas  de  sa  dignité  de  supporter  plus  long- 
temps la  pression  de  ces  femmes  dont  le  chevet  des  ma- 
lades est  le  champ  de  bataille,  duquel  elles  ne  s'étaient  pas 
éloignées  depuis  1695,  et  cet  idiot  stupide  applaudit  ;  aussi 
comprend-on  la  dédaigneuse  sévérité  de  Laprade,  lorsqu'il 
qualifie  l'homme  un  être  demi-Dieu  et  demi  hnite  ! 

Ces  victimes  du  devoir  furent  chassées.  Un  prochain  avenir 
ne  pouvait  manquer  de  révéler  le  mérite  de  celles  qui  leur 
succéderaient.  On  chargea  de  ce  soin  onze  femmes  laïques, 
étrangères  et  inconnues  à  la  ville,  prises  au  hasard,  et  qu'au- 
cuuH  aptitude  particulière  n'avait  préparées  ou  désignées  au 
choix  des  administrateurs  du  district.  Telles  furent  les  cito- 
yennes :  Olive  Morisson,  veuve  Boiscourbeau,  Bodet,  Cons- 
tance Boiscourbeau,  Françoise  Pertuzé,  Julie-Marie-Thérèse 
Danieau,  Marillet,  Victoire  Boiscourbeau,  Catherine  Pertuzé, 
et  Louise-Jeanne-Françoise  Danieau.  Elles  se  réunirent  à  la 
maison  commune,  et,  en  présence  du  conseil,  et  du  consen- 
tement de  l'agent  national,  elles  prêtèrent  le  serment  suivant  : 
«  Je  jure  de  maintenir  la  Liberté  et  l'Egalité,  d'être  fidèle  à 
la  Nation  et  à  la  Loi,  et  de  mourir  à  mon  poste.  »  Immédia- 
tement après,  elles  procéiièrent  par  éleiHion  à  la  nomination 
d'une  directrice  (jui    fut  la  citoyenne  veuve   Boiscourbeau. 


CHRONIQUES    SABLAISES  317 

Elle  se  rendirent  alors  à  l'hôpital,  accompagnées  par  les  ci- 
toyens Dardel  et  Sané,  commissaires  délégués  par  la  muni- 
cipalité;, qui  les  installèrent  dans  leurs  fonctions. 

Dans  les  destinées  des  peuples,  il  survient  quelquefois 
des  circonstances  singulières  et  imprévues  qui,  fatalités  iné- 
vitables, en  groupent  tout  à  coup,  avec  une  piquante  régularité, 
les  faits  remarquables,  de  telle  sorte  qu'en  en  parcourant  le 
récit  l'esprit  s'arrête  étonné  sur  les  éphémérides  les  moins 
attendues.  Tel  a  toujours  été  le  mois  d'avril  dans  les  Annales 
de  la  ville  des  Sables. 

Les  Sœurs  de  charité  assistèrent  à  l'installation  des  nou- 
velles hospitalières.  Elles  présentèrent  leurs  comptes  à  la 
vérification  des  administrateurs,  après  l'approbation  desquels 
elles  se  retirèrent.  Leur  gestion  économe,  même  avec  les 
difficultés  qu'on  leur  avait  créées, avait  pu  jusqu'à  la  fin  suffire 
aux  besoins  de  l'hôpital  ;  l'ère  nouvelle  qui  s'ouvrait  en  lui 
substituant  l'administration  laïque  allait  donner  la  mesure 
de  la  désespérante  impuissance  officielle. 

Le  5  avril  1885,  un  journal  religieux  a  dit  :  «  Les  nouvelles 
hospitalières  des  Sables  se  signalèrent  bientôt  par  leur  dila- 
pidations ;  elles  furent  dénoncées  à  ce  sujet  au  Comité 
ré.'olutionnaire,  comme  régalant  leurs  connaissances  aux 
dépens  des  malades  et  de  la  choso  publique.  » 

C'est  avec  une  véritable  trisliîsse  que  nous  voyous  ces 
ignobles  injures  surgir  encore,  sans  vérification,  d'archives 
administratives  où  avaient  pu  se  déposer  en  même  temps 
bien  d'autre  clameurs  gratuites;  à  une  époque  surtout  où,  sous 
les  excilalions  Dantoniennes,  s'organisaient  avec  ardeur  et  la 
Terreur  et  les  propagations  des  massacres  de  septembre. 
Toutes  ces  attaques  irréfléchies  sembleraient  être  spéciale- 
ment dirigées,  comme  un  dernier  écho,  contre  les  amis  des 
imprudents  narrateurs  actuels  de  ces  accusations  ridicules. 
Sans  attribuer  aux  nouvelles  hospitalières  plus  de  mérite 
qu'elles  n'en  eurent,  nous  ferons  observer  que  les  médecins 
qui  vivaient  avec  elles,  partageant  leurs  travaux,  les  privations 


318  CHRONIQUES    SABLAISES 

de  toute  sorte  dont  était  accablé  leur  service  de  bienfaisance, 
devaient  constater  mieux  que  qui  que  ce  soit  les  difficultés 
naturelles  de  leur  position,  ainsi  que  les  services  qu'elles  ne 
cessèrent  de  rendre.  Ils  ne  manquèrent  jamais  d'en  rendre 
témoignage  avec  justice  et  charité,  et  n'eurent  pour  elles  que 
des  sentiments  d'estime  et  de  reconnaissance.  Pendant  neuf 
années  la  veuve  Boiscourbeaudirigeal'hôpital.  Dèsle  principe, 
une  des  sœurs  Portiizé,  ayant  épousé  le  médecin  Gouin,  s'était 
retirée  de  l'hôpital.  La  seconde  resta  toujours  fidèle  compagne 
de  la  Directrice.  Les  six  autres  ne  quittèrent  leur  service  que 
successivement  dans  les  années  qui  suivirent. 

Quant  aux  dilapidations  et  aux  gaspillages  dont  elles  sont 
avec  une  si  facile  légèreté  accusées  d'avoir  régalé  leurs  cjn- 
naissances,  nous  nous  demandons  quels  ils  auraient  pu  être, 
en  considérant  les  générosités  accordées  aux  médecins 
eux-mêmes  pour  leur  propre  alimentation  : 

«c  Le  8  prairial  an  III  (27  mai  1795),  le  Comité  de  Salut 
public  de  la  Convention  nationale,  après  avoir  pris  connais- 
sance du  rapport  de  la  Commission  des  secours  publics. 
Arrête  : 

Il  sera  fourni  chaque  jour,  jusqu'à  ce  qu'il  en  ait  été  autre- 
ment ordonné,  aux  officiers  et  employés  de  l'administration 
des  hospices  militaires  de  la  République,  une  ration  de  pain 
de  munition  de  24  onces;  et  une  livre  de  viande.  Cette  four- 
niture n'aura  lieu  cependant  que  lorsque  l'extrême  difficulté 
de  se  procurer  des  subsistances  aura  été  certifiée  par  les  mu- 
nicipalités dans  l'arrondissement  desquelles  sont  établis  des 
hôpitaux  militaires.  » 

Les  officiers  de  santé  militaires  des  Sables  reçurent  notifi- 
cation de  cet  arrêté,  et  furent  admis  à  profiter  de  cette 
faveur. 

La  misère  et  le  dénuement  de  toutes  choses  étaient  tels, 
que  le  22  fructidor  an  11  (8  septembre  1794)  la  municipalité 
d'Olonne  ayant  fait  don  à  l'hôpital  de  dix  livres  de  beurre 


CHRONIQUES    SABLAISES  :U0 

pour  l'usage  des  malades,  le  directeur,  ne  sachant  comment 
en  témoigner  son  admiration  et  sa  reconnaissance,  écrivit  au 
Club  des  Sables  qui,  dans  une  circulaire  aux  municipalités 
voisines,  exalta  cet  exemple  incroyable  de  patriotisme  et  de 
générosité. 


LES  MP:DECINS  de  L'HOPITAL. 
Le  chmirgien  Jacques  Laisné. 

Derrière  les  hommes  qui  se  montrent,  il  en  est  d'autres  qui 
donnent  sans  compter  leur  intelligence  à  la  grandeur  du 
pays,  leur  travail  à  sa  richesse,  leur  vie  à  sa  défense,  et  leur 
dévouement  à  ses  misères. 

Nous  avons  vu  le  docteur  Robert  Veillon,  sieur  du  Veiilon, 
contribuer  à  la  fondation  de  l'hôpital  dont  il  fut  le  premier 
administrateur.  Après  sa  mort,  ses  confrères  s'unirent  à  son 
entreprise  avec  respect.  Leur  abnégation  et  leur  zèle  ne  se 
démentirent  jamais.  Leur  service  eut  entre  eux  une  durée 
triennale,  et  chacun,  à  juste  titre,  considéra  comme  un  hon- 
neur sa  participation  à  cette  oeuvre  de  dévouement  et  de 
bienfaisance.  Dans  les  vieilles  familles  sablaises,  (jn  cite  avec 
bonheur  les  noms  de  ceux  que  l'on  appelait  alors  les  pères 
des  pauvres.  Ainsi  :  le  docteur  Vincent,  aïeul  de  la  famille 
Postaire;  le  docteur  Linyer;  le  docteur  Duget,  aïeul  do  la 
famille  Ocher;  le  docteur  Sourrouilla;  le  chirurgien  Guyonnet; 
le  docteur  Gouin  ;  le  docteur  Menantoau;  et  de  nos  jours 
encore,  c'est  avec  vénération  que  l'on  prononce  les  noms  des 
docteurs  Benoist,  père  et  fils^  et  du  chirurgien  Jacques  Laisné. 

Jacques  Laisné  naquit  aux  Sables  le  1"  août  1764.  A  la  Ré- 
volution, il  partit  pour  la  frontière,  et  servit  à  l'armée  du 
Rhin.  Lorsqu'il  revint,  il  était  pauvre,  et  n'avait  pas  di;  res- 
sources pour  terminer  ses  études  médicales.  Il  fut  nccuoilli  à 


320  CHRONIQUES    SABLAISIIS 

l'hôpilal  militaire  des  Sables  (séminaire  actuel),  en  qualité 
d'aide-chirurgien.  Il  se  hâta  de  se  marier,  ce  qui  lui  permit, 
peu  de  temps  après,  d'obtenir  les  grades  qui  lui  manquaient. 
Dans  ces  temps  de  profonde  désorganisation  générale,  des 
jurys  d'examen  furent  créés  et  parcoururent  les  départements. 
Ce  fut  à  l'un  d'eux,  sous  la  direction  du  célèbre  Chaussier, 
qu'il  obtint  ses  derniers  degrés,  et  il  revint  à  l'hôpital  mili- 
taire des  Sables. 

A  cette  époque^  c'était  l'hôpital  militaire  qui  fournissait  le 
chirurgien  de  l'hôpital  Saint-Joseph  qui  était  alors  le  chirur- 
gien Quyonnet.  Mais,  le  4  septembre  1796,  une  lettre  des 
officiers  de  santé  en  chef  avertit  les  administrateurs que^,  par 
suite  de  la  suppression  d'un  grand  nombre  d'officiers  de 
santé,  il  ne  leur  serait  plus  possible  de  donner  de  chirurgien 
à  l'hospice  civil  de  la  commune  des  Sables.  Le  chirurgien 
Guyonnet  fut  donc  supprimé.  Le  chirurgien  Jacques  Laisné 
lui  succéda.  Ses  contemporains  répètent  avec  gratitude  quelle 
fut  pendant  47  années  l'existence  de  dévouement,  de  zèle,  de 
charité  ininterrompus  de  cet  habile  et  vénérable  praticien 
dont  les  goûts  éminemment  artistiques  donnèrent  encore 
plus  d'éclat  à  sa  réputation. 

Il  mourut  le  25  décembre  1843,  et,  le  4  janvier  1844,  j'eus  le 
grand  honneur  de  lui  succéder. 

Le  D'Benoist,  père,  avait  été  le  premier  médecin  permanent 
et  rétribué  de  l'hôpital.  A  sa  mort  (15  mars  1840),  son  fils,  le 
D'Augustin,  lui  succéda.  Lui-même,  élantmort  Iel3mail878, 
lut  remplacé  le  30  du  môme  mois  par  le  D'  Billiotte. 

U'  Makcel  Petitkau. 


RECHERCHES  HISTORIQUES  SUR  LA  VENDÉE 


— ^— n/wvUWAv-»' 


CE  QUE  DEVINT 

L'ÉGLISE  N.-D.  DE  FONTENAl 

PENDANT  LA  RÉVOLUTION 

tXXO^OOO 


/ 


1739. 


10  mars.  —  Giraudeaxi,  Claude-Toseph-Viotor,  professeur  de  Rhé- 
torique du  collège  de  Fontenay,  donne  lecture  d'un  mémoire  aux  cu- 
rés, assemblés  à  la  euro  de  Notre-Dame,  pour  délibérer  sur  la  nomi- 
nation des  députés  du  clergé  aux  Etats-Généraux. 

12  août.  —  François  Coirier,  carrier,  l'un  des  meneurs  de  l'émeute, 
qui  éclata  dans  la  ville,  à  l'occasion  de  la  cherté  du  grain,  est  pendu 
à  3  heures  du  matin,  devant  la  grande  porte  de  l'église. 


1790. 


29  janvier,  —  Les  assemblées  électorales  se  réunissent  à  cinq 
heures  du  soir,  à  Notre-Dame,  pour  assister  à  la  proclamation  et  à 
la  prestation  de  serment  des  membres  de  la  première  municipa- 
lité. 

9  mai  —  Celle-ci  assiste  à  un  Te  Deum  chanté  à  l'occasion  de 
la  prestation  de  serment  des  milices  nationales. 

14juillet,  —  Le  clergé  de  la  ville,  réuni  tout  entier  à  Notre- 
Dame,  y  chante  un  Te  Dsuin,  en  présence  do  la  municip.ilité,  i!t 
l'occasion  de  la  fête  de  la  Fédération. 


322  RECiiKHrniES  historiques 

15  septembre.  —  Le  Directoire  de  district  assiste  à  une  grand' 
messe,  célébrée  par  Bridault,  curé  de  Notre-Dame,  à  l'occasion  de 
son  entrée  en  fonctions. 

2  décembre.  —  On  y  célèbre  une  messe  du  Saint-Esprit  à  l'occa- 
sion de  l'installation  des  juges  du  tribunal  du  district,  avec  le  con- 
cours de  la  musique  de  la  garde  nationale,  en  présence  d'une 
aflluence  considérable. 


1791 


30  janvier.  —  Bridault,  doyen  de  Notre-Dame,  y  prête,  mais 
avec  certaines  restrictions,  le  serment  exigé  par  la  loi. 

9  février.  —  Richard  du  Page,  procureur-général-syndic,  informe 
les  procureurs  du  district  que  le  dimanche,  27  février  suivant,  aura 
lieu  dans  l'église  Notre-Dame, l'élection  d'un  nouvel  évèque  de  Luçoii, 
en  remplacement  de  Mercy,  déclaré  démissionnaire. 

27  février.  —  L'assemblée  électorale  se  réunit  à  Notre-Dame. 
Bridault   inaugure  les  opérations  par  la  célébration   d'une  messe. 

28  février.  —  Servant,  .le'tn-Sylvain,  supérieur  de  l'Oratoire  de 
Saumur,  y  est  élu  évêque  constitutionnel  du  département,  à  huit 
heures  du  soir,  par  77  voix. 

1  mars.  —  L'élu  de  la  veille  est  proclamé  évêque,  par  Goupilleau 
(de  Montaigu),  président  du  collège  électoral.  La  cérémonie  y  est 
suivie  d'un  Te  Deum. 

•^5  avril.  —  On  dépose  à  la  voûte  de  l'église  les  étendards  et  gui- 
dons de  la  milice  nationale. 

1  mai.  —  On  y  bénit  le  drapeau,  et  on  y  proclame  les  officiers  de 
la  garde  nationale.  La  cérémonie  est  suivie  d'une  messe  célébrée 
par  l'abbé  Giraudeau,  principal  du  collège. 

2  mai.  —  Sur  le  refus  de  Servant  d'accepter  les  fonctions  épisco- 
pales,  l'assemblée  électorale,  de  nouveau  réunie  à  Notre-Dame,  y 
élit  évêque  François  Ambroiso  Rodrigue,  curé  de  Fougère. 

3  mai.  —  Rodrigue  y  est  proclamé  évêque  constitutionnel  de  la 
Vendée,  à  six  heures  du  malin. 

10  mai.  —  Perreau,  .Tean  B'*,  prieur  des  .Jacobins,  y  est  élu  curé 
constitutionnel,  en  remplacement  de  Bridault,  démissionnaire. 


SUR    LA    VEiNUÉli  323 

17  mai.  —  Perreau  y  prête  serment,  à  dix  heures  du  matin,  en 
présence  des  membres  du  Directoire  du  département  et  du  district, 
des  juges  du  Tribunal,  et  de  la  troupe  de  ligne. 

1792. 

22  septembre.  —  La  municipalité  décide  la  suppression  de  deux 
djscinq  cloches  de  l'église, afin  d'en  convertir  le  métal  en  numéraire. 

11  octobre.  —  Les  commissaires,  chargés  de  leur  enlèvement, 
exposent  à  la  municipalité  que  l'opération  est  terminée,  que  l'une 
d'elles  pèse  912  livres  et  l'autre  673.  Le  Conseil  général  décide 
qu'elles  seront  envoyées  à  l'Hôtel  des  Monnaies  de  la  Rochelle. 

13  octobre.  —  La  municipalité  supprime  la  sonnerie  de  la  re- 
traite, et  le  salaire  alloué  au  sacristain  pour  ce  service. 

1  décembre.  —  Il  est  alloué  douze  livres  à  Perdreau,  couvreur, 
pour  avoir  enlevé, en  octobre,  les  armoiries  gravées  aux  clés  de  voûte 
de  l'église. 


■^o' 


1793. 

11  mars.  —On  commence,  à  7  heures  du  matin,  les  opérations 
relatives  au  tirage  au  sort,  sous  la  direction  des  commissaires, 
Pierre-Jean  Fillon,  l'ainé,  et  Dupuy,  Pierre-Claude.  Elles  prennent 
fin  le  surlendemain. 

17  mai.  —  On  y  reçoit  les  troupes,  arrivées  le  15  mai  de  Niort,  et 
qui  ont  concouru  à  la  victoire  remportée,  la  veille,  par  le  généra. 
Chalbos  sur  les  Vendéens,  dans  la  plaine  de  Pissotte. 

25  mai.  —  Les  Vendéens  s'emparent  de  Marie- Jeanne^  sur  les 
Républicains,  et  la  déposent  en  grande  pompe  dans  l'église. 

26  mai.  —  L'abbé   Barbotin^    aumônier  de  l'armée   catholique 

'  Magnifique  pièce  de  huit  en  bronze,  présent  de  Louis  XIII  au  cardinal 
Richelieu  portée  du  château  de  Richelieu  à  Saumur  i)ar  les  républicains. 
Elle  était  fort  longue  et  ornée  des  armes  du  cardinal,  ainsi  que  de  beaux 
ornements,  au  milieu  desquels  on  distinguait  une  image  de  la  Viergo.  Klle 
se  trouve  actuellement  au  musée  d'artillerie,  dont  elle  est  l'un  des  orne- 
niants  (N*  66  section  N,   artillerie  de  gros    calibre). 

»  Fils  d'un  maçon  né  à  Fontenay,  rue  des  Loges,  d'abord  vicaire  de  Saint- 
Oeorges-du-Puv  de  la  Garde  (Maine-et-Loire),  puis  curé  de  Saint-l'ierr.-  de 
Vérins,  arrêté"  à  Cholet,  le  -'H  novembre  1802,  exilé  k  Surin  jusqu'au  ;)o 
mars  1806,  mort  i\  Sainte-Gemme  (Deux-Sèvres). 


•^■~4  RECHERCHES    HISTORIQUES 

y  célèbre  une  messe  solennelle  d'actions  de  grâces  pour  la  victoire 
remportée  la  veille.  Les  chefs  y  assistent  en  corps.  Les  troupes 
en  armes,  y  amènent  les  habitants. 

29  mai.  —  Le  Comité  provisoire  y  convoque  la  populatiop,  à  six 
heures  du  soir.  On  y  décide  l'envoi  d'un  matériel  typographique  et 
de  trois  imprimeurs  à  Saint- Laurent-sur-Sèvre,  et  celui  de  céréales 
à  la  Forêt-sur-Sèvre.  On  y  approuve  ensuite  les  mesures  prises 
pour  combattre  l'insalubrité  de  l'air,  provoquée  par  les  miasmes 
pestilentiels,  qui  se  dégagent  des  cadavres  d'hommes  et  d'animaux, 
laissés  sans  sépulture. 

16  août. —  L'église  esta!Tectée  au  logement  d'un  corps  de  troupes, 
arrivant  de  Niort. 

17  août.  —  On  y  caserne  les  grenadiers  de  la  Convention  et  le 
3^  bataillon  de  la  formation  d'Orléans. 

27  août.  —  La  municipalité  demande  l'autorisation  de  consacrer 
la  valeur  de  trois  lampes  d'argent  ayant  échappé  au  pillage  des 
Vendéens  à  l'achat  de  vases  sacrés  pour  la   célébration  du  culte. 

31  août.  —  Un  vol  d'ornements  sacrés  y  est  commis  par  !es 
troupes. 

10  septembre.  —  Testard,  nouvellement  élu  maire,  y  prête 
serment  à  l'occasion  de  son  installation. 

20  septembre.  —  On  y  proclame  les  nouveaux  membres  de  la  mu- 
nicipalité, nommés  parle  représentant  Fayau,  en  remplacement  de 
ceux  suspendus. 

23  septembre.  —  La  municipalité  ro;'Oit  l'ordre  d'enlever  les 
fleurs  de  lys,  et  autres  emblèmes  existant  encore,  tant  sur  la  flèche 
que  sur  le  tabernacle  du  maitre-autel  et  autres  dépendances. 

5  octobre  -  On  y  convoque  les  jeunes  gens  de  18  à  25  ans  et 
autres  individus,  afin  de  marcher  en  masse  contre  les  rebelles,  au 
son  du  tocsin  de  la  liberté,  sous  la  direction  de  Papin  et  Poôcy-d'.\- 
vant,  nommés  à  cet  effet  par  le  district. 

22  octobre.  —  Rondard,  charpentier,  reçoit  l'ordre  de  descendre 
l'une  des  trois  cloches  restant  dans  le  clocher. 

28  octobre.  —  La  municipalité  propose  l'enlèvement  des  bancs 
de  l'église  et  leur  remplacement  par  des  chaises,  et  de  faire  servir 
les  pierres  tombales  du  cimetière,  à  la  confection  du  pavé  de  l'église. 


SUR    LA    VENDÉE  325 

12  novembre.  —  Le  Directoire  du  département  publie  un  arrêté 
relatif  à  la  destruction  de  tout  signe  extérieur  d'un  culte  quel- 
conque, dans  le  délai  de  huit  jours,  et  à  la  suppression  de  toute  dis- 
tinction de  lieu  de  sépulture. 

15  novembre.  —  On  y  incinère  les  titres  féodaux,  en  présence  du 
Conseil  général  de  la  commune.  On  y  proclame  égaleraient  les  lois, 
sur  l'enlèvement  des  signes  de  la  royauté  et  de  la  féodalité. 

17  novembre.  —  Le  conseil  général  du  département  donne 
l'ordre  d'enlever,  sauf  un,  tous  les  confessionnaux  et  de  les  trans- 
former en  guérites,  afin  de  mettre  les  factionnaires  à  l'abri  du  mau- 
vais temps.  —  Les  bancs  sont  également  supprimés. 

19  novembre.  —  Le  département  accepte  l'ofïre,  faite  par  la  muni- 
cipalité, des  bois  provenant  de  ces  mêmes  bancs. 

20  novembre.  —  La  municipalité  adjuge  au  sieur  Daniau,  cou- 
vreur de  Niort,  les  travaux  relatifs  à  l'enlèvement  des  fleurs  de 
lys,  des  clochers  de  la  ville,  pour  une  somme  de  800  livres,  ainsi  qu'à 
la  substitution  de  flammes  tricolores,  en  cuivre,  aux  croix  et  aux 
coqs  qui  surmontent  les  flèches. 

22  novembre.  —  On  interdit  aux  curés  la  faculté  de  sonner  les 
cloches  On  descend  celles  qui  restent  dans  l'église  Notre-Dame, à  l'ex- 
ception de  celle  servant  de  timbre  à  l'horloge. 

27  novembre.  —  On  y  proclame  les  citoyens  Arnad  et  Mage 
procureur  et  membre  de  la  municipalité,  en  présence  des  membres 
du  district  et  du  Conseil  général  de  la  commune. 

30  novembre.  —  On  y  célèbre  la  première  décade  de  frimaire,  en 

présence  de  la  Société  populaire,  des  administrations,  des  tribunaux 
et  de  la  population  Des  discours  patriotiques  y  sont  prononcés.  La 
fête  est  terminée  par  des  chants  et  des   hymnes  à  la  liberté. 

3  décembre.  —  Les  objets  de  cuivre  et  d'argent,  qui  se  trouvent 
dans  l'église,  sont  enlevés  et  portés  à  l'ilôtei  du  district. 

• 

4  décembre.  —  On  enlève  les  statues,  ornements  et  peintures 
existant  dans  l'église  ;  Notre-Dame  perd  alors  ses  statues  d'évan- 
gélistes,  exécutées  en  16;20.  par  les  sculpteurs  Louis  Poyret,  Claude 
Gellot  et  Toussaint  Bouton.  Cet  édifice  prend  le  nom  de  Temple  de 
la  Raison,  et  ne  sert  plus  qu'à  la  célébration  des  fêtes  républicaines. 


326  RECHERCHES   HISTORIQUES 

8  décembre.  —  Perreau,  curé  de  Notre-Dame,  se  démet  de  ses 
fonctions  curiales. 

10  décembre.  —  On  y  célèbre  la  décade,  à  midi,  en  présence  de 
Lequiiiio,  représentant  du  peuple.  La  cérémonie  est  suivie  d'un  ban- 
quet de  famille,  au  milieu  des  chants  et  des  cris  de«  vive  la  Répii- 
bliquel  »  Après  le  festin,  des  danses  se  forment,  dans  toutes  les  par- 
ties de  l'édifice,  et  sont  suivies  d'une  séance  de  la  Société  populaire. 

30  décembre.  —  On  y  célèbre  la  fête,  en  l'honneur  de  la  prise  de 
Toulon,  en  présence  du  représentant  Laignelot. 


1794. 


20  janvier.  —  A  8  heures  du  matin,  83  citoyens,  requis  pour  se 
rendre  à  Chantonnay,sont  convoqués  dans  le  temple. 

22  février.  —  La  municipalité  arrête  qu'elle  prendra  possession 
de  la  cure  de  Notre-Dame  afin  de  l'affecter  à  une  succursale  de 
l'hôpital  général  pour  les  convalescents,  dès  son  évacuation  par 
Perreau,  directeur  de  l'établissement. 

23  avril.  —  Drouin,  instructeur  de  la  garde  nationale,  est 
autorisé  à  montrer  l'exercice  dans  le  temple. 

21  mai.  —  L'agent  national  communique  à  la  municipalité  un 
arrêté  du  Comité  de  Salut  public,  du  23  floréal  an  II,  ordonnant  de 
substituera  l'inscription 

TEMPLE  DE  LA  RAISON 
Ces  mots  : 

«  LE  PEUPLE  FRANÇOIS   RECONNAIT  L'ETRE    SUPREME 
ET  L'IMMORTALITÉ  DE   L'AME.  » 

et  d'y  lire  publiquement,  pendant  un  mois,  les  jours  de  décade,  le 
rapport  et  le  décret. 

26  mai.  —  La  municipalité  décide  qu'un  bonnet  de  la  liberté,  ser- 
vant de  girouette,  sera  placé  sur  le  Temple  de  la  Raison,  au  lieu  et 
place  de  la  flamme  tricolore  qu'on  avait  projeté  d'y  mettre. 

2  juin.  —  La  municipalité  invite  le  district  à  faire  enlever  les 
guenilles,  déposées  dans  le  Temple  de  l'Être  Suprême,  pour  pouvoir  y 
célébrer  la  fête  du  20  prairial. 


SUR   LA    VENDÉK  327 

5  juin.  —On  alloue  à  Daniau  1126  livres  15  sous,  pour  l'eulève- 
ment  de  Heurs  des  lys  des  églises  de  Notre-Dame  et  de  Saint-Nicolas, 
ainsi  que  des  croix  et  des  flèches,  remplacées  par  des  bonnets. 

16  juillet.  —  Le  temple  de  l'Ètre-Supréme  devient  un  atelier 
d'armes  et  de  construction  d'engins  de  guerre. 

20  août.  —  Les  charpentiers  et  menuisiers  des  communes  de 
rOrberie,  Saint-Michel-le-Clous,  Pissotte  et  Sérigné,  requis  de  con- 
fectionner dix  mille  manches  d'outils,  pour  les  pionniers  de  l'armée, 
se  rassemblent  dans  le  temple. 

22  août.  —  Brothier,  inspecteur  des  subsistantes  militaires,  de- 
mande au  district  qu'on  mette,  à  sa  disposition,  le  tfemple  de  la  Rai- 
son, pour  le  convertir  en  magasin  à  fourrages.  La  municipalité  s'y 
refuse,  attendu,  dit-elle,  que  c'est  le  seul  édifice  public  capable  de 
contenir  les  citoyens  lors  des  réunions,  soit  pour  l'instruction,  soit 
pour  l'exercice  de  leurs  droits  politiques. 

14  octobre.  —  Les  charpentiers  de  la  commune  s'y  réunissent 
pour  préparer  les  matériaux  nécessaires  à  la  transformation  des 
halles  en  écuries,  pour  les  chevaux  des  transports  militaires. 

28  octobre.  —  Papin,  agent  salpètrier,  est  autorisé  à  y  brûler 
des  marcs  de  raisins  pour  la  fabrication  du  salpêtre. 

31  octobre.  —  On  y  célèbre  la  fête  des  victoires  nationales,  en 
présence  des  représentants  Dornier  et  Auger,  des  autorités  et  de 
détachements  de  tous  les  corps  militaires.  Dillon,  Dornier  et  Brisson 
y  prononcent  successivement  des  discours,  suivis  de  divers  chants 
et  d'hymnes  pat.-iotiques.  La  fête  se  termine  aux  cris  de,  Vive  la  Ré- 
publique\  Vive  la  Convention  Nationale  ! 

3  novembre.  —  Le  citoyen  Vautier,  serrurier,  est  requis  de  s'em- 
parer du  fer,  provenant  du  temple  de  la  Raison,  pour  fabriquer  les 
clous  nécessaires  aux  tombereaux  de  la  ville. 

10  décembre.  —  On  y  célèbre  la  fête  consacrée  au  malheur,  en 
présence  des  représentants  Auger  et  Dornier,  des  autorités  et  du 
général  en  chef  Alexandre  Dumas. 

1795. 

21  janvier.  —  on  y  célèbre  la  fête  anniversaire  de  la  chute  du 
dernier  des  tyrans. 

Tome  iv.  — Juillet,  août,  septembre  1891.  22 


328  RECHERCHES    HISTORIQUES 

a 

9  mars.  —  On  alloue  à  Rondard,  aîné,  charpentier,  -Zï'o  livres  16 
sous,  pour  frais  de  démolition  des  statues  et  des  croix  des  églises 

paroissiales  de  la  ville,  en  décembre  1793. 

« 

15  mai.  —  En  raison  de  l'état  de  ruine  des  Halles,  la  municipalité 
permet  aux  marchands  d'étaler  leurs  marchandises  dans  le  temple 
de  la  Raison,  lors  de  la  foire  du  25  juin. 

22  juin.  —Conformément  au  vœu  de  la  loi  du  II  prairial,  la  mu- 
nicipalité arrête  qu'il  sera  ouvert  un  registre,  pour  recevoir  les 
souscriptions  et  déclarations  des  ministres,  qui  voudront  exercer  un 
culte  dans  un  temple.  Les  citoyens  Brisson,  maire,  et  Hervé,  notable, 
sont  nommés  commissaires  pour  faire  enlever,  sans  délai,  le  théâtre 
construit  dans  le  temple  de  la  Raison,  lequel  est  provisoirement,  et 
jusqu'à  nouvel  ordre,  désigné  pour  la  célébration  des  cultes  et  des 
assemblées  politiques. 

8-9  juillet.  —  On  y  procède  aux  opérations  relatives  à  la  réor- 
ganisation de  la  garde  nationale,  en  vertu  de  la  loi  du  28  prairial. 

26  juillet.  —  La  municipalité  fait  enlever  les  inscriptions  placées 
aux  portes  du  temple. 

3  août.  —  Cette  assemblée  arrête  que  les  marchés  aux  grains  de 
la  commune  se  tiendront  désormais  dans  le  temple  de  la  Raison. 

10  août.  —  On  y  célèbre  la  fête  anniversaire  du  10  août. 

14  août.  —  Les  habitans  y  sont  convoqués,  pour  assister  à  la 
réorganisation  de  la  garde  nationale. 

15  août.  —  La  municipalité  alloue  03  livres,  pour  fourniture  de 
l'eau,  destinée  à  y  éteindre  de  la  chau.K  pour  les  réparations  à 
effectuer  à  la  prison. 

7  septembre.  —  Il  est  alloué  à  Bégaud,  charpentier,  80  livres 
pour  frais  de  démolition  du  théâtre,  y  élevé  pour  la  célébration 
des  fêtes  décadaires. 

1796. 

8  janvier.  —  La  m'é  réclame  du  département  les  fonds  nécessaires 
pour  les  réparations  à  effectuer  au  temple  de  la  Raison,  l'enlève- 
ment des  plombs  ayant  dégradé  le  bâtiment  de  telle  façon,  que  les 
vofttes  sont  inondées  et  menacent  d'une  ruine  prochaine. 


SUR    LA    TENDÉE  329 

25  mai.  —  Le  temple  est  converti  en  minage  au  blé. 

21  septembre.  —  On  y  célèbre  la  fête  anniversaire  de  la  fonda- 
tion de  la  République. 

14  décembre.  —  La  municipalité  décide  que  les  marchés  ces- 
seront de  s'y  tenir,  et  qu'ils  auront  lieu  au  minage  comme  aupa- 
ravant. 


1797. 


21  janvier.  —  On  y  célèbre,  la  fête  anniversaire  de  la  mort  du 
dernier  des  tyrans. 

30  mars.  —  Les  autorités  civiles  et  militaires  y  sont  convoquées 
pour  assister  à  la  fête  de  la  .Jeunesse.  Des  récompenses  y  sont 
données  aux  élèves  les  plus  méritants. 

4  avril.  —  Le  temple  est  désigné  pour  la  tenue  de  l'assemblée 
électorale  du  département. 

9-14  avriL  —  On  y  élit  les  députés  au  Corps  législatif  et  les 
divers  fonctionnaires  publics  de  la  Vendée. 

29  avriL  —  On  y  célèbre  la  fête  des  époux. 

28  juin.  —  On  y  célèbre  la  fête  de  l'agriculture. 

21  septembre.  —  On  y  célèbre  la  fête  anniversaire  de  la  Ion- 
dation  de  la  République. 

21  octobre.  —  Un  service  funèbre  a  lieu,  à  4  heures  du  soir,  en 
l'honneur  du  général  Hoche,  en  vertu  de  la  loi  du  0  vendémiaire. 

12  décembre. —  Petit-Laurent,  commandantde  place,  est  autorisé 
h,  y  placer  les  pièces  de  canon  et  caissons  arrivés  des  Sables. 

15  décembre.  —  La  municipalité  arrête  que  les  fêtes  décadaires 
y  seront  célébrées  de  dix  heures  à  midi. 


1798. 


6  juillet.  —  Le  ministre  du  culte  catholique  n'ayant  pas  observé 
le  calendrier  républicain,  la  municipalité  arrête  que  le  temple  du 
quartier  Saint-Nicolas,  oii  ce  culte  se  célébrait,  sera  immédiatement 
fermé. 


330  RECHERCHES    HISTORIQUES    SUR   LA    VENDÉE 

22  septembre.  —  On  y  célèbre  la  fête  anniversaire  de  la  fondation 
de  la  République. 

1799. 

15  février.  —  Attendu  l'état  de  dégradation  du  temple  de  la 
Raison,  l'Administration  centrale  du  département  met  l'église  de 
l'Union  chrétienne  à  la  disposition  de  la  municipalité,  pour  la  célé- 
bration des  fêtes  décadaires. 

19  mai.  —  On  y  convoque  les  citoyens  de  10  à  60  ans  pour  l'élec- 
tion des  officiers  et  sous-officiers  de  la  garde  nationale  qui  sont 
proclamés  le  29  mai  suivant. 

8  juin.  —  On  y  célèbre  un  service  funèbre  en  l'honneur  des  mi- 
nistres français  assassinés  à  Rastadt. 

10  octobre.  —  Une  cérémonie  semblable  y  fut  célébrée  en  l'iion- 
noui-  du  général  Joubert,  tué  à  Novi  le  15  août  précédent. 

1800. 

11  février.  —  L'église  Notre-Dame  est  enfin  rendue  au  culte  ca- 
tholique. L'abbé  Brault  purifie  le  sanctuaire  et  y  célèbre  l'office  divin. 

1803. 

8  septembre.  —  M.  de  Mandolx,  évéque  de  la  Rochelle,  y  officie  pou- 
tificalement  à  la  grand'messe  et  aux  vêpres,  en  présence  d'une  foule 
nombreuse.  Il  est  accompagné  de  MM.  Paillon,  son  grand  vicaire, 
et  Fournier,  son  secrétaire. 

1807. 

30  août.  —  On  enlève  le  bonnet  phrygien  du  sommet  de  la  flèche, 
et  on  le  remplace  par  une  croix  de  for,  surmontée  d'un  coq  en  cuivre 
rouge. 

A.   BiTTON. 

(JSoies  manuscrites  extraites  de  dive)  s  documents  de  ma  collection) 


NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES 


-^>S3S2^<^ 


LE    DICTIONNAIRE    DES    FAMILLES    DU    POITOU 


Des  raisons  de  santé  nous  ont  forcé  d'ajourner  la  Chronique  qui 
termine  d'habitude  chacune  de  nos  livraisons  :  nous  terons  toutefois 
une  exception  en  faveur  du  Dictionnaire  des  Familles  au  Poitou, 
dont  la  savante  direction  vient  de  compléter  le  premier  volume. 

Nous  sommes,  en  effet,  trop  heureux  de  saisir  cette  nouvelle  oc- 
casion pour  hautement  féliciter  MM.  Beauchet-Filleau]  de  la  labo- 
rieuse et  érudite  persévérance  avec  laquelle  ils  poursuivent  la 
réédition  d'un  ouvrage  si  utile  à  tous  les  habitants  de  notre  pro- 
vince —  que  ces  habitants  soient  historiens,  publicistes  ou  simples 
curieux. 

Qu'on  ne  se  plaigne  plus  surtout  de  la  lenteur  avec  laquelle  les 
fascicules  voient  le  jour.  Les  auteurs,  en  agissant  ainsi,  ont  leurs 
raisons,  et  nous  y  applaudissons  de  tout  cœur.  Une  œuvre  de  la 
nature  de  ce  Dictionnaire  ne  se  fait  pas  au  pied  levé.  Il  faut  aller 
chercher  les  renseignements  nécessaires  un  peu  partout,  sur  les 
rciyons  des  bibliothèques  publiques,  au  fond  des  tiroirs  particuliers, 
dans  les  cartons  de  mairie  et  jusques  sur  les  dalles  armoriées  do 
nos  vieilles  églises  ou  de  nos  champs  de  repos. 

Certaines  gens  viendront  sans  doute  parfois  au-devant  des  au- 
teurs, les  mains  pleines  de  détails  sur  leurs  familles.  Mais  encore 
doit-on  en  contrôler  l'exactitude,  ces  collaborateurs  d'un  moment 
étant  souvent  guidés  par  un  sentiment  d'amour-propre  exagéré, 
plutôt  que  par  une  ardente  passion  de  la  vérité. 

Enfin,  il  faut  le  dire  aussi,  MM.  Beauchet-Filleau  ne  se  sont  poin< 
bornés  à  la  confection  d'un  simple  Nobiliaire  poitevin  ;  ils  ont  ter.u 


332  NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES 

à,  ouvrir  les  colonnes  de  leur  Dictionnaire  à  toutes  les  personnes , 
qui  se  sont  illustrées  dans  les  armes,  le  clergé,  la  noblesse,  la  ma- 
gistrature, les  lettres,  les  sciences  et  les  arts.  Ils  feront  ainsi  suc- 
cessivement défiler  devant  nous  tous  les  personnages  qui  appar- 
tiennent à  l'histoire  du  Poitou,  en  même  temps  que  les  faits  consi- 
dérables auxquels  ils  ont  été  mêlés. 

Ceux  de  nos  lecteurs  qui  possèdent  le  premier  volume  de  ce  Dic- 
tionnaire s'associeront  certainement  aux  éloges  que  nous  décernons 
de  grand  cœur  à  celte  œuvre  colossale  —  véritable  Livre  d'or  du 
Poitou  —  qui  devrait  se  trouver  dans  toutes  les  bibliothèques  de 
notre  contrée. 

R.  DE  Thivercay. 


Le  Directeur-Gérant  :  R.  VALLKTTE. 


Vannes.  —  Imprimerie  LAFOLYK. 


UN  MENSONGE  DE  RICHELIEU 


"tfe^j&aj-- 


IL  ne  s'agit  pas  ici  d'un  de  ces  mensonges  diplomatiques, 
et  pour  ainsi  dire  professionnels,  que  se  permettent  sou- 
vent les  hommes  d'État  pour  défendre,  ou  pour  faire  pré- 
valoir les  intérêts  de  leur  pays.  En  morale,  ces  sortes  de 
mensonges  sont  entourés  de  tant  de  circonstances  atté- 
nuantes que  leur  gravité  en  est  singulièrement  diminuée. 

Mais  le  fait  que  nous  avons  à  raconter  est  d'un  ordre  in- 
time et  privé.  Ainsi  que  nous  l'établirons,  Richelieu  a  com- 
mis un  mensonge  manifeste  et  bien  caractérisé,  et,  ce  qui 
aggrave  encore  sa  faute,  c'est  le  Pape  lui-môme  qu'il  atrompé. 
Exposons  d'abord  l'affaire  en  détail  ;  il  sera  ensuite  loisible 
au  lecteur  d'en  tirer  les  conséquences  qu'il  voudra  touchant 
l'honnêteté  du  grand  ministre. 

Il  faut  dire,  à  sa  décharge,  qu'il  n'était  encore  ni  ministre, 
ni  cardinal,  ni  même  évêque,  quand  il  fît  ce  mensonge.  Il 
n'avait  que  vingt-et-un  ans  ;  mais  déjà  il  appartenait  à  l'Église, 
puisqu'il  était  diacre  et  qu'il  sollicitait  la  faveur  d'être  or- 
donné prêtre  et  sacré  évêque. 

J'ai  raconté  ailleurs*  comment  Richelieu,  après  la  démis- 
sion de  son  frère  Alphonse,  avait  été  pourvu  par  Henri  IV 

*  Richelieu  à  Luçon,  sa  jeunesse,  son  épiscopat ,  par  l'abbé  L.  Lacroix, 
docteur  ès-lettres.  Paris,  Letouzoy  et  Ané,  1890,  in-S». 

Tome  iv.  —  Octobre,  novembre,  décembre.  23 


33 i  USJ    MENSONGE    DE    RICHELIEU 

■ 

de  l'évêchô  de  Luçon,  qui,  depuis  plus  d'un  demi-siècle,  était 
dans  sa  Camille,  à  titre  de  fief  héréditaire. 

Mais  les  lettres  patentes  du  roi  ne  suffisaient  pas  pour  que 
le  jeune  prélat  pût  prendre  possession  de  son  siège  ;  il  lui 
fallait  encore  obtenir  de  Rome  l'institution  canonique  et,  au 
préalable,  la  dispense  d'âge  pour  être  ordonné  prêtre. 

Or,  en  1605,  quand  Henri  IV  le  nomma  évêque  de  Luçon, 
il  n'avait  que  vingt  ans,  et  d'ordinaire  la  Cour  romaine 
n'accorde  de  dispense  qu'aux  clercs  qui  sont  dans  leur  vingt- 
troisième  année. 

Richelieu  se  trouvait  donc  en  présence  d'une  grave  diffi- 
culté. Tout  autre,  à  sa  place,  aurait  attendu,  non  pas  l'âge 
canonique  qui  est  de  vingt-cinq  ans,  mais  du  moins  cet  âge 
de  vingt-trois  ans  qui  est  exigé  pour  être  ordonné  prêtre  avec 
dispense  légitime. 

Mais  le  jeune  évêque  de  Luçon,  poussé  sans  doute  par  sa 
mère,  avait  hâte  d'entrer  en  jouissance  de  son  bénéfice. 

C'est  en  vain  que  le  cardinal  de  Joyeuse  et  M.  d'Alincourt, 
ambassadeur  à  Rome,  le  recommandèrent  à  la  bienveillance 
du  Pape  ;  malgré  leurs  sollicitations ,  malgré  même  les 
instances  de  Henri  IV,  Paul  V  ne  se  pressait  pas  d'envoyer 
les  bulles  demandées. 

Résolu  d'en  finir  avec  tous  ces  retards,  Richelieu  quitte 
brusquement  Paris  et  arrive  à  Rome  pendant  l'automne  de 
l'année  1606. 

Il  ne  lui  déplaisait  pas  de  faire,  dans  cette  ville,  l'expérience 
de  ses  talents  diplomatiques  et  de  devoir  uniquement  aux 
charmes  de  sa  personne  et  à  la  distinction  de  son  esprit  le 
succès  d'une  affaire,  dans  laquelle  ses  puissants  patrons 
avaient  presque  échoué. 

L'abbé  de  Pure  a  raconté,  dans  un  petit  livre  à  peu  près 
inconnu,  des  détails  fort  curieux  sur  le  séjour  de  Richelieu  à 
Rome.  Ce  serait  sortir  de  notre  sujet  que  de  les  reproduire  ici. 

Qu'il  nous  suffise  de  dire  que  Paul  V^  gagné  par  l'élégance 
et  la  parfaite    correction  de  ce  jeune  évêque,  qui  parlait 


UN    MENSONGE    DE    RICHELIEU  335 

le  latin  avec  une  étonnante  facilité,  et  qui  joignait  aux 
grâces  de  la  diction  des  connaissances  théologiques  bien  su- 
périeures à  son  âge,  lui  accorda,  avec  beaucoup  de  compli- 
ments, la  dispense  nécessaire  pour  être  ordonné. 

En  vertu  de  cette  dispense,  Richelieu  reçut  la  prêtrise,  et 
peu  de  temps  après,  le  17  avril  1G07,  il  fut  sacré  évoque  par 
le  cardinal  de  Givry  qui  avait  quitté  son  siège  de  Metz  pour 
résider  à  Rome,  où  il  défendait  les  intérêts  français. 

Voilà  donc  Richelieu  au  comble  de  ses  désirs.  Il  quitte 
Rome  avec  tous  les  insignes  de  l'épiscopat,  revient  à  Paris 
pour  être  r2çu  docteur  en  SorbonnO;,  et  quelques  mois  après, 
à  la  grande  surprise  de  tout  le  monde,  il  va  prendre  pos- 
session de  cet  évêché  de  Luçon  «  le  plus  gueux  et  le  plus  crotté 
de  France  »,  comme  il  disait,  et  pendant  huit  années  à  peu 
près  consécutives,  il  garde  la  résidence  et  donne  à  son  clergé 
l'exemple  de  toutes  les  vertus. 

Tout  serait  donc  parfait,  si,  à  l'origine  de  cette  carrière 
épiscopale  si  digne  et  si  bien  remplie,  il  n'y  avait  pas  une 
regrettable  supercherie. 

Voici  très  exactement  le  fait  que  nous  caractérisons  par  ce 
mot  de  supercherie.  Afin  d'obtenir  plus  facilement  la  dis- 
pense d'âge  dont  il  avait  besoin  pour  être  ordonné,  Richelieu 
s'est  vieilli  de  deux  ans  et  a  présenté  au  Pape  l'extrait 
de  baptême  de  son  frère  ;  et,  grâce  à  ce  subterfuge  qui 
lui  donnait  vingt-trois  ans,  il  s'est  fait  accorder  une  dis- 
pense qu'on  lui  aurait  certainement  refusée  à  \ingt-et-un. 

C'est  Matthieu  de  Morgues,  abbé  de  Saint-Germain,  qui,  le 
premier,  a  révélé  au  public  ce  mensonge  de  Richelieu  : 
«  Les  premiers  tours  de  la  souplesse  de  son  esprit  parurent 
à  Rome,  où  il  trompa  le  pape  Paul  cinquième,  luy  ayant  fait 
entendre  qu'il  avait  l'asge  pour  être  évoque  ;  et  après  son 
sacre,  ayant  eu  recours  à  l'absolution  du  Saint-Père,  qui  dit, 
en  présence  de  quelques  cardinaux,  qu'il  recognoissait  en  la 
façon  et  aux  actions  de  ce  jeune  homme  que,  s'il  vivait 
longtemps,  il  serait  un  grand  fourbe.  Ces  paroles  sorties  de 


336  UN    MENSONGE    DE    RICHELIEU 

a 

la  bouche  de  l'Oracle  de  vérité  ont  été  prophétiques,  et  l'ex- 
périence nous  a  fait  voir  que  Paul  V  ne  les  avait  point  dites 
comme  homme,  mais  comme  Pape  qui  ne  peut  mentir',  n 

C'est  sur  la  foi  de  ce  texte  que  les  contemporains  de  Riche- 
lieuluiontreproché  d'avoir  trompé  le  Pape.  Seulement, comme 
l'abbé  de  Saint-Germain  avait  publié  ce  fait  en  1631,  à  une 
époque  où  il  était  brouillé  avec  le  cardinal,  beaucoup  de  gens 
avaient  récusé  son  témoignage,  pensant  que  son  hostilité 
déclarée  enlevait  tout  crédit  à  sa  parole,  et  ils  avaient 
d'autant  plus  raison  de  se  tenir  ainsi  sur  la  réserve  à  ce 
sujet,  que  ce  même  Matthieu  de  Morgues,  dans  le  Théologien 
sans  passion,  qu'il  avait  publié  précédemment,  avait  justifié 
la  conduite  toute  gracieuse  du  Pape  par  la  science  éminente 
de  l'évêque  deLuçon  :  «  Le  pape  Paul  V,  disait-il,  avait  voulu 
que  son  sacre  devançât  l'âge  qu'on  doit  attendre  pour  le  rece- 
voir, parce  que  la  science  et  la  sagesse  avaient  prévenu  les 
années'.  » 

Qui  croire  en  effet,  l'ennemi  implacable  ou  le  courtisan  de 
Richelieu?  Si  l'auteur  a  dit  vrai  en  racontant  le  mensonge,  il 
a  manqué  de  franchise  et  de  courage  en  gardant  le  silence 
dans  son  premier  ouvrage,  et  le  moins  qu'on  puisse  faire, 
c'est  d'annuler  les  deux  témoignages  l'un  par  l'autre,  et  de 
n'accorder  aucune  créance  à  un  auteur  qui  a  soutenu  succes- 
sivement, sur  le  même  points,  deux  opinions  toutes  contraires. 

Si  donc  nous  n'avions  que  le  témoignage  de  l'abbé  de  Saint- 
Germain,  la  mémoire  de  Richelieu  n'aurait  pas  grand'chose 
à  souffrir  de  ses  accusations.  Mais  malheureusement  pour  le 
grand  homme  d'État^  il  n'y  a  pas  lieu  d'appHqucr  en  sa  faveur 
le  vieil  axiome  de  droit  romain  :  Testis  tmus ,  tcstis  jiulhis, 
car  les  témoins  qui  déposent  contre  lui  sont  aussi  nombreux 
que  décisifs. 


*  Très  humble,  très  véritable  et  très  importante  remonstrance  au  Roy, 
p.  16,  dans  le  Recueil  de  pièces  pour  la  défense  de  la  Reine  mère  .Anvers, 
1643,  in-4». 

*  Le  Théologien  sans  2^oi.ssion,,  p.  11. 


UN    MENSONGE    DE    RICHlîLTEU  337 

C'est  d'abord  Montglat  qui,  dans  ses  Mémoires,  raconte  que 
Richelieu,  à  Rome,  «  supposa  un  faux  baptistaire'.  » 

D'autre  part,  voici  un  texte  qui  a  plus  d'importance  encore, 
puisqu'il  émane  d'un  ami  de  Richelieu.  Gabriel  de  l'Aubépine, 
évêque  d'Orléans,  était  h  Rome  en  1G20,  peu  de  temps  après 
la  demande  du  cardinalat  pour  l'évêque  de  Luçon.  L'affaire 
ne  marchait  pas  toute  seule,  et  le  candidat  s'impatientait  des 
obstacles  qu'on  lui  suscitait.  L'évêque  d'Orléans,  qui  était 
tout  dévoué  à  ses  intérêts,  lui  écrivait  le  12  novembre  1620  : 
a  Vous  ne  trouverez  pas  mauvais  d'être  averti  que  votre 
promotion  n'était  pas  encore  assurée  et  que  le  Pape  était 
bien  averti  de  trois  choses  qui  vous  peuvent  nuire  : 
Qu'aviez  juré  avoir  rage,  étant  à  Rome,  et  que  ne  l'aviez 
pas' i> 

Il  fallait  que  la  supercherie  de  Richelieu  eût  fait  à  Rome 
une  assez  vive  impression  pour  qu'on  s'en  souvînt  encore 
après  quinze  ans,  et  qu'on  en  fît  une  arme  pour  empêcher  sa 
promotion  au  cardinalat. 

D'ailleurS;,  cette  persuasion  que  Richelieu  avait  trompé  le 
Pape  sur  son  âge  véritable  s'était  si  bien  accréditée  chez  les 
Romains  que,  même  après  la  mort  du  cardinal;,  on  racontait 
encore  cette  anecdote  dans  les  salons,  et  que  certains  écri- 
vains du  temps  s'empressaient  de  la  noter  dans  leurs 
Mémoires. 

Nous  avons,  à  cet  égard,  un  document  extrêmement  cu- 
rieux, qui  confirme  pleinement  le  fait  que  nous  venons  de 
raconter,  et  qui  a  été  mis  en  lumière,  pour  la  première  fois, 
au  cours  de  notre  soutenance  en  Sorbonne,  par  M.  B.  Zeller, 
maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Paris. 
Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  le  placer  ici  sous  les  yeux 
de  nos  lecteurs,  grâce  à  l'aimable  obligeance  de  M.  Zeller 
qui  a  bien  voulu  nous   le  communiquer. 

'  Moniglat:  Mémoires,  p.  22. 

-  Archives  des  Affaires  étrangères.  Rome,  t.  23. 


338  UN    MENSONGE    DE    RICHELIEU 

I 

Ce  texte  est  tiré  d'un  recueil  manuscrit  intitulé  : 

THEODORI  AMIDENII 

Summoriim  Pontificiim 
Et  S.  R.  E.  cardinalium  omnium 
suo  œvo  defunctorum,  elogia\ 

L'auteur,  Amidenius,  en  flamand  Amayden,  était  né  à  Bois- 
le-Duc,  au  Pays-Bas,  vers  la  fin  du  XVP  siècle.  Le  catalogue 
de  la  bibliothèque  de  la  Minerve  dit  qu'il  «  florissait  »  encore 
en  1654.  Il  était  donc  tout  à  fait  le  contemporain  de  Riche- 
lieu, et  déjà,  à  ce  titre,  son  témoignage  mérite  quelque  crédit. 

Amayden  devait  être  un  catholique  très  militant,  car  il  avait 
été  chassé  de  son  pays  pour  cause  de  religion.  Il  était  venu 
se  fixer  à  Rome,  oi\  on  lui  avait  donné  un  emploi  dans  les  bu- 
reaux de  la  chancellerie  pontificale.  Cet  office  le  faisait  vivre 
dans  l'intimité  dos  prélats  et  des  cardinaux  de  la  cour  ro- 
maine, et  par  conséquent  il  se  trouvait  en  situation  d'être  bien 
renseigné  sur  les  intrigues  et  les  cabales  qui  se  formaient 
autour  du  Pape. 

C'était  un  esprit  très  délié  et  très  ouvert;  il  nous  est  resté 
de  lui  un  certain  nombre  d'ouvrages, imprimés  ou  manuscrits, 
qui  se  rattachent  aux  genres  les  plus  différents. 

Comme  jurisconsulte,  il  a  écrit  un  traité  sur  VOffice  et  la 
juridiction  du  Dataire. 

Comme  poète,  on  cite  de  lui  une  comédie  qui  eut  un  très 
grand  succès  :  La  dama  frullosa,  et  une  autre  pièce  intitulée  : 
Il  canto  del  ortolano. 

Mais  ses  goûts  devaient  le  porter  de  préférence  vers  les 
travaux  historiques,  car,  outre  ses  Eloges  des  cardinaux  et  des 
papes,  il  a  encore  laissé  des  chroniques  fort  curieuses  sur  les 
Familles  nobles  de  Rome. 

Enfin,  le  recueil  de  ses  Lettres,  adressées  aux  plus  grands 
personnages  de  son  temps,  prouve  que  sa  situation,  à  Rome, 

'    Biblioth.  Corsini  n»  282.  —De  la  Minerve  E»-12. 


UN    MENSONGE    DE    RICHELIEU  339 

était  considérable  et  qu'il  était  tenu  en  très  haute  estime  par 
ses  contemporains.  Ce  devait  être  un  de  ces  laïques  à  la  fois 
très  versés  dans  le  droit  et  dans  la  théologie,  comme  les 
papes  aimaient  à  se  les  attacher,  età  qui  ils  accordaient  toute 
confiance,  quand  il  s'agissait  de  régler  certaines  affaires 
épineuses  pour  lesquelles  un  prélat  eût  été  mal  à  l'aise. 

Le  livre  d'Amayden  sur  les  papes  et  les  cardinaux  de  son 
temps  est  à  coup  sûr  le  plus  important  et  le  plus  curieux  de 
ses  ouvrages  manuscrits  qui  nous  ont  été  conservés.  Il  fait  au- 
torité à  ce  point  que  Baronius  en  a  cité  de  très  nombreux 
passages  dans  ses  Annales  ecclésiastiques. 

D'ailleurs,  l'auteur  l'a  composé  dans  un  but  qui  écarte  toute 
idée  de  scandale  ou  de  passion  politique  :  c'était  pour  l'ins- 
truction de  son  fils.  Il  voulait  que  ces  chroniques,  rédigées 
sans  aucune  préoccupation  de  publicité,  et  qui  devaient  rester 
dans  sa  famille,  missent  ce  jeune  homme  au  courant  de  ce 
que  nous  appellerions  aujourd'hui  les  dessous  de  la  politique, 
afin  qu'il  fût  plus  tard  en  mesure  de  lui  succéder  dans  les 
charges  qui  lui  avaient  été  confiées. 

Ces  notices  biographiques  sont  du  reste  écrites  avec  une 
entière  liberté.  Quoique  très  bon  catholique,  Amayden  ne  se 
gêne  pas  pour  conter,  sur  les  papes  et  les  cardinaux,  les 
anecdotes  les  plus  piquantes,  quelquefois  môme  les  plus 
légères.  Avec  un  peu  de  malveillance,  on  y  trouverait  sans 
peine  les  éléments  d'une  chronique  scandaleuse  qui  ne  man- 
querait pas  d'intérêt,  tant  l'auteur  est  bien  informé  de  toutes 
choses. 

La  notice  qu'il  a  consacrée  au  cardinal  de  Richelieu  est 
assez  complète';  mais  il  est  manifeste  qu'il  n'avait  aucun 
goût  pour  le  ministre  de  Louis  XllI.  A  défaut  de  cette  notice, 
nous  en  aurions  la  preuve  dans  un  autre  opuscule  qu'il  a 
publié  sous  ce  titre  :  Discours  sur  les  dangers  où  se  trouve  le 
Royaume  de  France  à  cause  de  Vabsence  du  duc  d'Orléans.  Je 

*  Elle  comprend  19  pages  in-4o,  789-808. 


340  UN   MENSONGE   DE   RICHELIEU 

I 

n'ai  pas  lu  ce  discours  ;  mais  le  titre  seul  m'autorise  à  penser 
que  la  politique  du  Cardinal  devait  y  être  prise  à  partie  et 
que  l'auteur  lui  reprochait   surtout  ses  sévérités  contre  le 

frère  du  Roi. 

Cependant  le  ton  général  de  la  notice  de  Richelieu  est  calme 
et  modéré.  On  sent  bien  qu'elle  n'a  pas  été  écrite  par  un  ami 
du  cardinal  ;  mais  elle  n'est  pas  non  plus  Toeuvre  d'un 
pamphlétaire.  Elle  présente  donc  un  caractère  d'autorité  et 
d'impartialité  qui  ne  permet  guère  de  révoquer  en  doute  les 
faits  qu'elle  raconte. 

Ces  renseignements  biographiques,  que  nous  devons  éga- 
lement à  l'érudition  de  M.  Zeller,  auront,  je  l'espère,  donné 
une  idée  assez  exacte  de  l'auteur  :  j'ai  hâte  maintenant  de 
citer  le  texte  d'Amayden  relatif  au  mensonge  qui  est  en 
question. 

Après  quelques  détails  sur  la  mort  du  père  de  Richelieu  et 
sur  la  démission  de  son  frère,  qu'il  appelle  Louis,  au  lieu 
d'Alphonse,  Amayden  ajoute  ce  qui  suit  : 

«  Armandus,  accepte  régis  diplomate,  tendit  Romam,  ibique  se 
Ludovicumfingens.in  vimdiplomatisregii.petiit  sacerdotio  insigniri. 

«  Verum  obstabat  minor  setas,  cum  vigesimum  primum  annum  * 
non  excederet,  in  quâ  eetate  Sedes  apostolica  non  solet  dispensare 
ad  ecclesias  cathédrales,  nisi  cum  principibus,  non  autem  cum  nobi- 
litate  vulgari. 

«  Nihilominus,  ad  preces  oratoris  Gallise  Paulus  V,  pontifex  maxi- 
mus,  quia  multa  pro  Armando  allegabantur,  aliquibus  cardinalibus 
negotium  examinandum  commisit,  apud  quos  is  tantum  elTecit  ut 
sacerdotio  dignus  judicaretur.  Scitum  deinde  fuit  quod  Regium 
diploma  comiperat  et,abraso  gertnani  nomine^auum  superinduxerai: 
unde  pontifex  Paulus  de  eo  effatus  est  :  «  Magnus  litteratus,  sed 
magnus  nequam  !  » 

Le  texte  est,  ce  me  semble,  aussi  précis  et  aussi  afflrmatif 
que  possible.   Richelieu,   au  dire    de  notre    auteur,    avait 


'  Le  texte  dit  :  Vifjcsimum  quintum  annum;  maisce  doit  être  une  faute 
de  l'auteur  ou  du  copiste,  car  en  1006  Richelieu  avait  21  ans. 


UN   MENSONGE   DE    RICHELIEU  341 

commis  un  faux  véritable,  en  substituant  son  nom  à  celui  de 
son  frère,  et  c'est  par  ce  moyen  déloyal  qu'il  avait  obtenu 
d'être  ordonné  avant  l'âge. 

Du  reste,  Amayden  se  plaît  à  reconnaître  que  Richelieu 
avait  une  science  éminente,  dont  les  Italiens  eux-mêmes 
avaient  été  vivement  frappés  :  «  Quantum  ad  scientiam  attinet, 
erat  illa  non  mediocris  in  eo,  sed  cximia.  » 

L'auteur  raconte  même  qu'étant  un  jour  en  visite  chez  le 
cardinal  Pinelli,  celui-ci,  au  cours  de  la  conversation,  vint  à 
lui  parler  de  Richelieu  et  lui  dit  :  «  Connaissez-vous  ce  prêtre 
français  ?  Il  demande  une  dispense  pour  l'épiscopat.  Sa 
science  est  telle  qu'au  jugement  du  cardinal  Bellarmin,  il  est 
capable  de  gouverner,  non  pas  seulement  un  diocèse,  mais 
le  monde  entier.  » 

Ce  témoignage  si  flatteur  et  en  même  temps  si  prophétique 
rappelle  la  fine  remarque  d'André  du  Ghesne  disant,  à  propos 
du  séjour  de  Richelieu  à  Rome,  «  que  les  Italiens  furent 
contraints  de  rompre  le  vœu  qu'ils  font  presque  tous  de 
n'admirer  que  fort  sobrement  ce  qui  naît  hors  de  leur  pays'.  » 

Toute  la  cour  romaine  fut  sous  le  charme  du  jeune  prélat, 
et  le  souvenir  de  cette  séduction  qu'il  avait  exercée  dut  con- 
tribuer beaucoup,  sinon  à  faire  oublier,  du  moins  à  lui  faire 
pardonner  sa  supercherie. 

Ces  différents  témoignages,  si  affirmatifs  qu'ils  soient,  sont 
cependant  loin  d'avoir  l'importance  d'un  dernier  document 
qu'il  nous  reste  à  produire  et  qui  a  l'autorité  irrécusable 
d'une  pièce  officielle.  C'est  le  bref  adressé  par  Paul  V  lui- 
même  à  l'évêque  de  Luçon,  en  date  du  9  décembre  1600,  et 
dont  le  texte  se  trouve  dans  V Histoire  des  évêques  de  Metz. 
Les  termes  en  sont  très  flatteurs  et  très  élogieux  pour  le 
jeune  prélat.  Le  Pape  lui  dit  qu'il  l'a  placé  à  la  tête  de  l'église 
de  Luçon,  moins  sur  la  recommandation  du  roi  de  France, 


«  André  du  Chesne  :  Hist.  généalogique  de   la  Maison  du  Plessis- Riche- 
lieu, p.  74. 


342  UN   MENSONGE    DE    RICHELIEU 

■ 

que  par  un  acte  spontané  de  sa  libéralité.  11  espère  donc  que 
son  épiscopat  sera  fructueux,  bien  qu'il  n'ait  encore  que 
vingt-trois  ans  :  «  Licet  ipse,  sicut  accepimus,  m  vigesimo 
tertio  œtatis  anno  tantitm  ^onstitutus  existas*.  » 

Celte  fois,  la  supercherie  est  flagrante. 

En  décembre  1606,  Richelieu  avait  vingt-et-un  ans  trois 
mois,  puisqu'il  était  né  le  9  septembre  1585  ;  et  si  le  Pape  lui 
accorde  la  dispense  demandée,  parce  qu'il  le  sait  âgé  de  vingt- 
trois  ans,  sicut  accepi7nus,  on  est  dans  la  nécessité  de  sup- 
poser qu'il  n'a  pu  être  induit  en  erreur  que  par  Richelieu  lui- 
même.  Gomment  celui-ci  s'y  est-il  pris?  A-t-il  directement 
trompé  le  Pape  en  lui  présentant  une  requête  orale,  ou  bien 
lui  a-t-il  fait  remettre  une  pièce  fausse  dans  laquelle  son  pré- 
nom avait  été  substitué  à  celui  de  son  frère?  Cette  seconde 
hypothèse  est  la  plus  vraisemblable,  d'abord  parce  qu'elle 
est  tout  à  fait  conforme  à  la  relation  d'Amayden,  et  qu'ensuite 
il  est  dans  les  traditions  romaines  de  n'accorder  de  dispense 
que  sur  le  vu  des  pièces  écrites  et  officielles. 

Dès  lors,  nous  arrivons  à  cette  conclusion  que  Richelieu 
a  réellement  menti  au  Pape,  et  que  c'est  grâce  à  un  faux  en 
écriture  qu'il  a  été  ordonné  prêtre  et  sacré  évêque. 

Il  ne  nous  appartient  pas  de  qualifier  sa  conduite  dans  cette 
circonstance.  Il  est  évident  que,  de  nos  jours,  un  pareil  acte 
serait  très  sévèrement  blâmé  et  qu'il  entraînerait  même  la 
nullité  de  l'ordination. 

Mais  au  XVIP  siècle,  et  surtout  à  Rome,  on  se  montrait 
plus  accommodant.  Paul  V  lui-même  pardonna  de  bonne 
grâce  au  coupable,  sans  lui  infliger  de  punition,  se  conten- 
tant de  prédire  qu'il  deviendrait  un  jour  un  grand  fourbe. 

Quant  aux  contemporains,  on  sent,  à  la  manière  dont  ils 
racontent  le  fait,  qu'ils  y  voient  moins  un  mensonge  pro- 
prement dit  qu'une  espièglerie  do  jeune  homme.  L'abbé  de 
Saint-Germain  l'appelle  «   un  tour  de  la  souplesse  de  son 

•  Le  R.  p.  Meurisse  :  Hist.  des  Èvéques  de  Mets,  1GS3,  in-4,  p.  660. 


UN    MENSONGE    DE    RICHELIEU  343 

esprit  ».  Pourquoi  nous  montrerions-nous  plus  rigoureux  que 
le  Pape  et  plus  sévères  que  les  ennemis  du  cardinal  ? 

On  sait  qu'un  des  récents  historiens  de  Napoléon,  le  géné- 
ral Jung,  a  raconté  que  le  futur  Empereur  était  entré  à  l'école 
de  Brienne,  en  1778,  en  présentant  l'acte  de  baptême  de  son 
frère  Joseph'. 

Richelieu,  on  vient  de  le  voir,  avait  eu  recours  à  un  stra- 
tagème tout  semblable  pour  se  faire  admettre  au  sacerdoce 
et  à  l'épiscopat,  avec  cette  dilférence  qu'il  s'était  vieilli  de 
deux  ans,  tandis  que  Napoléon  s'était  rajeuni  dedix-huitmois. 

N'est-ce  pas  une  coïncidence  curieuse  et  étrange  que  les 
deux  plus  grands  génies  politiques  de  la  France,  que  les  deux 
hommes  qui  ont  le  plus  fortement  marqué  leur  empreinte 
dans  notre  organisation  nationale,  aient  commencé  leur  car- 
rière par  un  mensonge  ?  Assurément  ce  trait  est  fâcheux  pour 
leur  mémoire.  Mais,  comme  me  disait  un  jour  un  homme 
d'esprit,  devant  qui  je  faisais  ce  rapprochement,  «  on 
leur  pardonnerait  volontiers  ce  premier  mensonge,  s'ils  s'en 
étaient  tenus  à  celui-là  !  » 

L.  Lacroix, 

Docteur    ès-lettres, 
Aumônier  au  lycée  Michelet. 

Vanves  (Seine). 


♦  Jung:  :  Hist.  cl".  Napoléon,  t.  i,  p.  49. 


NUMISMATIQUE  BAS-POITEVINE 


DEUX  MÉDAILLONS  ROMAINS 


DE  TIDÈRE  ET  DE  DRUSUS 


En    bronze  doré. 


-OOO^OOO- 


DANs  l'avant-dernière  livraison^  de  la  Revue  du  Bas- 
Poitou,  M.  Brochet,  agent-voyer  d'arrondissement,  a 
donné  une  description  des  plus  intéressantes  d'objets 
gallo-romains  trouvés  à  Saint-Denis  du  Payré,  soit  dans  les 
tombeaux  mis  au  jour,  soit  en  dehors  de  ces  mêmes  sé- 
pultures. 

Les  deux  rarissimes  médaillons  que  nous  avons  gravés 
et  que  nous  allons  essayer  de  décrire,  bien  que  nos  con- 
naissances en  numismatique  soient  assez  bornées,  pro- 
viennent-ils de  la  même  découverte?  Nous  serions  tenté  de 
le  supposer,  car  ils  ont  été  recueillis  vers  la  même  époque  à 
la  Court-de-Saint-Cyr  par  M.  R.  de  Rochebrune  qui  les  tenait 
d'un  terrassier  de  Saint-Denis  du  Payré. 

Au  reste,  quelle  qu'en  soit  la  provenance,  ces  deux  médail- 
lons nous  semblent  offrir  un  intérêt  réel,  tant  par  leur  belle 
conservation  que  par  la  rareté  de  ces  objets^  même  dans  les 
collections  publiques. 

Mionnet  et  Cohen,  que  nous  avons  consultés,  ne  donnent 
qu'un  médaillon  de  bronze  à  Tibère  ;  le  revers  qu'ils  indiquent 
est  le  môme  ;  ce  n'est  donc  pos  un  type  nouveau.  Ils  n'en  at- 
tribuent pas  à  Drusus,  fils  de  Tibère. 


H  -  A  X  e 


oy'^s.J.!.•  •■  *  rvi£_D>vrLLOKS  RoMAiMS  TrBEKË  F- T  Drus  US 


DEUX   MÉDAILLONS   ROMAINS  345 

Le  plus  grand,  consacré  à  Tibère,   est  d'une  conservation 
remarquable  et  complètement  revêtu  d'une  épaisse  dorure 
cachée  par  place  sous  une  couche  de  matières  noirâtres  et 
gr.asses,  comme  si  ce  médaillon  eût  été  en  contact  avec  un 
corps  en  décomposition.  Son  diamètre  est  de  35  millimètres, 
mais  il  est  contourné  d'un  fil  de  bronze  en  torsade  également 
doré  et  terminé  par   une  faible   bélière  qui  porte  son  dia- 
mètre total  à  38  millimètres.  La  lettre  est  fortf  elle,  en  grandes 
majuscules  de  plus  de  trois  millimètres.  La  tête  est  d'un  bon 
modelé,  tournée  à  droite  avec  couronne  de  laurier.  La  face 
porte  cette  légende  (en  majuscules)  :  Ti.  Glavdivs.  C.esar. 
AvG.  PM.  TR.  PI.  M.  ppp.  Le  revers  est  orné  d'un  temple  avec 
une  grande  porte  cintrée  cantonnée  de  quatre  colonnes  et  sur- 
montée d'un   fronton  triangulaire  et  d'un  attique  décoré  de 
rosaces  circulaires.  Sur  cet  attique  s'élève  une  figure  équestre, 
un  guerrier  combattant  armé  d'un  javelot,  Drusus  probable- 
ment, car  ce  revers  lui  est  consacré.  Le  cheval  qui  le  sup- 
porte se  cabre  et  pose  le  pied  gauche  sur  le  globe  du  monde. 
A  droite  et  à  gauche  de  cette  figure  équestre,   on  voit  deux 
grands  trophées  de  trois  boucliers  oblongs  à  extrémités  poin- 
tues et  surmontés  d'un  casque.  Dans  le  champ  les  lettres   : 
S.  G.  ;  la  légende  du  revers  porte,  toujours  en   grandes  ma- 
juscules :  Nero.  Glavdivs.  Drvsvs.  Germani.  m.  p.  Le  ventre 
du  cheval  montre  seul  trace  d'usure.  Le  reste  est  à  fleur  de 
coin.  La  lettre  intacte  est  d'un  beau  style. 

Le  médaillon  de  Drusus  est  plus  petit  :  il  n'a  guère  que  27 
millimètres.  La  torsade  dont  il  était  entouré,  quoique  bien 
plus  forte,  a  été  usée  par  un  frottement  prolongé  ;  car  avec 
cette  torsade,  également  dorée  ainsi  que  le  reste  de  la  pièce,  il 
n'atteint  que  30  millimètres  comme  diamètre  total.  La  bé- 
lière est  très  grande  et  très  forte  à  double  torsade.  Ge  mé- 
daillon a  été  longtemps  porté,  soit  suspendu  aune  enseigne, 
soit  sur  la  poitrine  du  miles  ou  soldat,  car  cette  bélière  est  usée 
et  presque  coupée  à  son  point  de  suspension.  La  tête,  tournée 
à  gauche  et  non  laurée,  a  subi  un  frottement  prolongé  ciui  a 


340  DEUX  MÉDAILLONS   ROMAINS 

fait  disparaître  le  modelé  d'une  partie  de  la  joue  et  des  che- 
veux. La  légende, également  plus  fatiguée, est  celle-ci:  Drvsvs. 
C^iSAR.  Ti.  AvG.  F.  DivL  AvG.  N.  Au  revers  :  Rome  assise  sur 
lactiaise  curule.  En  légende  :  G.  G.  S.  i.  i.  i.  :  A  l'exergue  : 
S.  G.  Comme  à  l'autre  médaillon,  la  dorure  très  épaisse  porte 
la  trace  de  matières  graisseuses  noirâtres  qui  y  sont  forte- 
ment attachées.  La  conservation  est  moins  belle,  les  traces 
d'usure, beaucoup  plus  nombreuses, prouvent  qu'il  a  été  porté 
très  longtemps.  Gomme  modelé  et  comme  style,  il  accuse  la 
même  facture  et  la  même  habileté  que  celui  de  Tibère. 

Terre-Neuve,  .20  novembre  1891. 

0.    DE    ROCHEBRUNE. 


UNE  AMAZONE  VENDÉENNE 


MADAME  BULKELEY 


LE  quatorzième  jour  de  mai  de  l'an  de  grâce  1753,  mcssire 
Guy-Barth61t-':ny  Talour,  écuycr,  sieur  de  la  Cartrie, 
conseiller  du  roi  en  la  Chambre  des  Comptes  de  Bre- 
tagne, faisait  baptiser  son  huitième  enfant,  une  fille,  à 
Angers. 

L'enfant  reçut  les  prénoms  de  Céleste-Julie-Michelle,  et  eut 
pour  parrain  et  marraine  son  frère,  Jean-Michel,  et  sa  sœur, 
Julie-Ambroise'. 

Si  quelqu'une  de  ces  fées,  dont  les  merveilleuses  histoires 
ont  charmé  notre  enfance,  eût  apporté  un  don  à  la  fillette, 
la  visiteuse  se  fût  sans  doute  ainsi  exprimée,  au  grand  éba- 

*  Le  quatorzième  jour  de  may  mil  sept  cent  cinquante-trois,  Cé^ss^e-^uZie- 
Michele,  née  de  ce  jour,  fille  de  Guy-Barthélemy  Talour.  ('cuyer,  sieur  de  la 
Carterie,  conseiller  secrétaire  du  roy,  auditeur  h  la  Chambre  des  Comptes  de 
Bretagne,  et  de  dame  Jeanne  OUivier,  son  épouse,  a  été  baptisée  par  nous, 
prêtre  chapelain  de  cette  église,  soussigné.  Ont  été  parrains  :  Jean-Michel 
Talour,  frère  de  l'enl'ant,  et  demoiselle  Julie  Talour,  sœur  de  l'enl'ant, 
soussignés  avec  nous  ;  le  père  présent  qui  a  signé  : 

Talour  de  la  Cartrie,  Talour,  Talour  ; 

J.  Varanne,  prôtre. 
(Archives  de  la  paroisse  de  Saint-Michel-du-Tertre.) 


348  UNE  AMAZONE  VENDÉENNE 

hissement  du  grave  magistrat  :  «  Je  te  donne  la  beauté  et' 
«  la  fraîcheur,  c'est  pourquoi  tu  auras  quatre  époux  ;  je  te 
«  donne  l'énergie  et  l'amour  des  jeux  virils,  aussi  tes  bijoux 
«  les  plus  chers  seront  un  sabre  et  des  pistolets;  fille  de  robe, 
a  tu  chargeras  dans  les  mêlées  sanglantes,  et  tu  cacheras  une 
«  âme  de  mousquetaire  sous  ton  corps  de  femme.  » 

Mais  la  fée  ne  parut  pas,  envolée  pour  jamais  comme  tant 
d'autres  croyances  naïves  et  jolies  ;  messire  Talour  acheva 
ses  jours  en  paix  et  décéda  en  novembre  1774,  sans  s'être 
jamais  douté,  le  digne  homme,  que  sa  brune  Céleste  con- 
duirait quelque  jour  au  feu  les  Brigands  déguenillés  du  Bas- 
Poitou. 

Tout  arrive,  même  l'invraisemblable,  même  l'impossible. 
Ironie  de  l'hérédité,  c'est  d'une  famille  de  robins,  compassés, 
majestueux,  presque  sacerdotaux,  que  sort  ce  casse-cou 
d'amazone  Bulkeley,  tête  folle  qui  dansera  les  soirs  de  ba- 
taille, et  fera  sauter  par  la  fenêtre,  à  coups  de  cravache,  les 
hommes  de  loi  qui  la  houspilleront. 

Pourtant,  Céleste  Talour  de  la  Cartrie  avait  sucé  —  comme 
on  disait  jadis  —  de  bons  principes  avec  le  lait,  bizarre  mais 
nutritif  mélange  :  les  magistrats  de  l'ancien  régime,  peu 
badins  par  éducation,  élevaient  leurs  enfants  de  façon  sévère. 
C'était  le  temps  où  les  parlem.enis  préféraient  l'exil  aux 
basses  complaisances,,  et  où  l'on  pouvait  dire  très  justement  : 
raide  comme  la  justice.  Nous  avons  changé  tout  cela. 

La  famille  des  Talour  remontait,  en  Anjou,  au  seizième 
siècle,  et  comptait  d'excellentes  alliances  dans  cette  province. 

Les  amateurs  de  généalogies  liront  avec   quelque  intérêt  • 
les  renseignements  suivants  : 

Le  premier  des  Talour,  venu  de  Normandie  en  Anjou,  fut 
Pierre,  avocat  à  Angers,  qui  possédait  le  domaine  de  la 
Cartrie  en  1590.  Il  épousa  Elye  Migon  et  mourut  en  1616. 
Voici  la  liste  de  ses  descendants  directs  : 

A.  —  Barthélémy  Talour  de  la  Cartrie,  avocat  à  Angers, 
épousa  Claude  Herbereau  des  Cheminaux. 


MADAME   BULKELEY  340 

B.  —  Barthélémy,  avocat  à  Angers,  écuyer,  secrétaire  or- 
dinaire de  la  Chambre  du  roi,  prit  pour  femme  Françoise 
Dugrès. 

G.  —  Barthélémy  épousa  Marie  Denays. 

D.  —  Mathieu,  écuyer,  d'abord  officier  au  régiment  de  la 
Gervezais,  fut  pourvu,  par  lettres  du  8  juin  1704,  de  l'office  de 
conseiller  secrétaire  du  roi,  maison  et  couronne  de  France, 
en  la  chancellerie  près  le  Parlement  de  Metz  :  il  fut  pourvu, 
par  lettres  du  16  juillet  1713,  de  l'office  de  conseiller  du  roi, 
secrétaire  auditeur  en  la  Chambre  des  Comptes  de  Bre- 
tagne* . 

Il  avait  épousé  Marguerite  du  Bailleul. 

Mathieu  Talour,  sieur  de  la  Cartrie,  fut  maintenu  dans  sa 
qualité  d'écuyer  par  ordonnance  de  M.  de  Chauvin,  inten- 
dant de  la  généralité  de  Touraine,  en  septembre  1715. 

Il  mourut  le  28  avril  1733,  et  fut  inhumé  dans  l'église  pa- 
roissiale de  Sainte-Croix  d'Angers. 

E.  —  Guy-Barthélemy  succéda  à  son  père  dans  son  office 
de  conseiller  secrétaire  auditeur  de  la  Chambre  des  Comptes 
de  Bretagne,  le  5  juin  1733. 

11  épousa,  le  24  février  1733,  Jeanne  Ollivier,  fille  de  mes- 
sire  Ollivier,  ancien  consul  et  échevin  de  la  ville  d'Angers, 
et  mourut  à  l'âge  de  73  ans,  en  1774. 

Guy-Barthélemy  eut  neuf  enfants  :  1°  Toussaint-Ambroise, 
né  le  25  janvier  1743,  marié  le  28  novembre  1768,  à  Saipt- 
Maurille  d'Angers,  avec  Anne-MichellederEtoille;2''  .Jeanne- 
Ambroise  ;  3°  Julie-Ambroise; 4° Adélaïde-Joséphine;  5"  Jean- 
Michel;  6"  Alexandre-Gilles-Hercule,  génovéfain,  né  en  1750; 
1"  Charles-Guy,  né  en  1751  ;  8°  Céleste-Julie-Michelle,  née  en 
1753  ;  9°  Jean-Barthéleniy'-Gencviève,  né  en  1755. 

*  La  charge  de  Mathieu  Talour  était  l'une  de  celles  créées  par  l'édit 
royal  d'avril  1704.  Les  lettres  patentes  de  165!)  conféraient  la  noblesse  aux 
membres  de  la  Chambre  des  Comptes,  tout  en  constatant  que  «  la  plupart  des 
officiers  de  ladite  Chambre  sont  nobles  d'extraction.  »  Cf.  //js^oire  rfe /a 
Chambre  des  Comptes  de  Bretagne,  par  H.  db  Fourmont.  Paris,  1854. 

Tome  iv.  —  Octobre,  novembre,  décembre.      24 


350  UNE  AMAZONE  VENDEENNE 

Le  partage  des  biens  entre  Toussaint-Ambroise  et  ses 
frères  et  sœurs  eut  lieu  par  acte  de  1776*. 

Il  comprenait  un  hôtel  et  des  immeubles  à  Angers,  et  la 
propriété  de  la  Gartrie',  consistant  en  maison  d'habitation, 
quatre  métairies,  quatre  closeries,  etc. 

Guy  Barthélémy,  père  deGéleste.avaitun  frère  et  une  sœur. 
La  sœur,  Marie-Marguerite,  née  en  1705,  épousa  Gilles 
François  de  la  Grandière.  Le  frère,  Jean-Jacques  Talour',  che- 
valier, sieur  de  la  Villenière  et  de  Quinze,  avocat  aux  Parle- 
ments de  Paris  et  de  Bretagne,  fut  pourvu^  le  26  août  1740,  de 
la  charge  de  conseiller  maître  ordinaire  en  la  Chambre  des 
Comptes  de  Bretagne. 

On  trouve  dans  les  archives  de  Maine-et-Loire,  au  dossier 
Talour,  un  curieux  mémoire,  signifié  par  Jean-Jacques  en 
1767,  et  en  appelant  d'une  sentence  qui  le  condamnait  à  qua- 
lifier de  «  haut  et  puissant  seigneur  »,  pour  hommage  et  aveu 
de  la  Villenière,  messire  Walsh,  comte  de  Serrant,  seigneur 
du  Plessis-Macé. 

D'après  le  mémoire  de  Jean-Jacques  ,  l'origine  de  la 
noblesse  des  Talour  est  dans  les  fonctions  de  secrétaire  ordi- 
naire de  la  Chambre  du  roi,  auxquelles  fut  appelé  par  le 
conseil  de  régence,  le  22  mars  1651,  Barthélémy  Talour  de  la 
Cartrie. 

*  Cf.  Archives  de  la  Bibliothèque  nationale,  collection  Chérin. 

a  «  La  Carterie  (château,  commune  de  Bécon.  —  Boscus  de  Quartai'ia, 
«  1080-10S6.  — Cart.  Saint-Nicolas,  p.  149).  — Boscus  qui  Carteria  dicitur 
«  (1135.  Ep.  Saint-Nicol.  p.  70).  Le  village  delà  Quarterie,  1592  (E.  3:196).  — 
«  Ancien  bois  dévoué  à  l'abbaye  de  Saint-Nicolas  en  partie  par  le  seigneur  de 
«  Trêves.  Le  domaine  transformé  appartenait  en  1590  ;i  l'avocat  Pierre 
«  Talour,  bienfaiteur  de  l'IIAtel-Dieu  d'Angers,  mort  le  1 1  juin  1616,  et  dont 
«  la  famille  tient  rang,  pendant  deux  cents  ans,  au  barreau  d'Angers.  Le 
«  8  février  1701,  noble  homme  Mathieu  Talour  acquit  du  roi  les  droits 
«  honorifiques  de  la  paroisse  de  Bécon  pour  les  réunir  à  son  domaine.  Un 
«  de  ses  héritiers,  Jean-Barthélsmy-Geneviève  Talour,  vendit  la  terre,  le 
«  3  mai  1783,  à  Marie-Anne-Louise  de  Varice,  veuve  de  Louis-Gaëlan- 
«  Baltazar  de  Meaulne.  —  Aujourd'hui  à  M.  de  Villebiot.  » 

(Dictionnaire  historique  de  Maine-et-Loire. ) 

3  Sui  Jean-Jacques  Talour,  consulter  le  Dictionnaire  historique  de 
Maine-et-Loire,  par  le  savant  M.  Célestin  Port, 


MADAME    BULKELEY  351 

Les  alliances  des  Talour  sont  avec  les  Herbereau,  les 
Fouquet  (de  la  famille  du  maréchal  duc  de  Belle-Isle),  les 
Gupif,  les  Dupont  d'Anjou,  etc.,  etc. 

Talour  porte  :  D'azur  à  la  croix  pattée  d argent  chargée  au 
milieu  d'un  cœur  de  gueides\ 

Le  frère  aîné  de  Céleste,  messire  Toussaint-Ambroise 
Talour  de  la  Cartrie,  avait  épousé,  le  28  novembre  1768, 
Anne-Michelle  de  l'Etoille.  De  ses  trois  sœurs,  la  première, 
Jeanne-Ambroise,  avait  épousé,  le  14  février  1764,  messire 
René-Prosper  Sapineau,  chevalier,  seigneur  du  Bois-Huguet; 
la  seconde,  Julie-Ambroise,  avait  épousé,  le  6  juillet  1775, 
messire  Louis-Félicité  de  Jousbert  de  Roche-Tremer,  che- 
valier^; la  troisième,  Adélaïde-Joséphine,  avait  épousé,  le  6 
octobre  1772,  messire  Hercule-Gilles,  chevalier  de  la  Gran- 
dière,  seigneur  du  Plessis,  capitaine  au  régiment  d'Aquitainc- 
Infanterie. 

Céleste  Talour  de  la  Cartrie,  dont  la  fortune  s'élevait  h 
quarante  mille  livres,  après  règlement  définitif  des  succes- 
sions paternelle  et  maternelle,  épousa  en  1779  un  gentil- 
homme du  Bas-Poitou,  mon  arrière-grand  oncle,  Louis - 
Henry-Marie  Chappot  delà  Brossardière^,  né  comme  elle   en 

*  Cf.  Audouys,  mss.  794.  p.  167,  Archives  de  la  ville  d'Angers. 

>  Marie-Louis-Félicité  de  Jousbert  de  Roche-Tremer  était  fils  de  messire 
Louis-Pierre  de  Jousbert  de  Roche-Tremer,  chevalier,  seigneur  de  Bois- 
Groleau,  la  Saulais.  et  de  feue  à-d^mQ  Marie-Anne-Françoise  de  Théronneau. 
de  la  paroisse  des  Herbiers,  diocèse  de  Luçon. 

*  D'une  famille  ancienne  de  Bas-Poitou,  qui  s'est  divisée  en  deux  branches 
dans  la  première  moitié  du  XVII"  siècle  et  a  été  maintenue  dans  sa  noblesse 
par  Barentin,  commissaire  du  roi  dans  la  province  de  Poitou.  (V.  Catalogue 
alphabétique  des  nobles  de  la  généralité  de  Poitiers.  Poitiers,  1667, 
page  25). 

La  branche  aînée  portait  le  nom  de  «  de  la  Brossardière  »,  et  s'est  éteinte 
en  1821,  dans  la  personne  de  Gabrielle-Elie-Victoire  Chappot  de  la  Bros- 
sardière,  dame  du  Jarry. 

La  branche  cadette  eut  pour  auteur  le  troisième  fils  de  Pierre  Chappot  de 
la  Brossardiére,  Henry  Chappot,  écuyer,  seigneur  de  la  Chanonie,  lieute- 
nant particulier  au  présidial  de    la  Rochelle  de  1644  h  1697. 

Cette  branche,  qui  a  de  nombreux  représentants  en  Vendée,  a  relevé,  par 
autorité  d'un  jugement  du  tribunal  de  la  Koche-sur-Yon,  en  date  du  18  mars 
1867,  le  nom  de    «   de  la  Chanonie  »,  supprimé  dans  les  actes  depuis  1793 


352  UNE  AMAZONE  VENDÉENNE 

M 

1753,  et  d'une  fortune  assez  considérable.  Les  auteurs  de 
Louis-Henry-Marie  Chappot  de  la  Bossardière  étaient  messire 
Charles-Henry  Chappot,  chevalier,  seigneur  de  la  Brossar- 
dière,  capitaine  de  cavalerie  U'gère,  brigadier  des  gendarmes 
de  la  garde  du  roi',  chevalier  de  Saint-Louis,  inspecteur  des 
chasses  du  duc  d'Orléans  ;  et  dame  Marie-Marguerite  de 
Morais,  qui  trouvera  à  la  Terreur,  ainsi  que  deux  de  ses  filles, 
une  mort  sanglante  sous  les  baïonnettes  républicaines. 

Après  son  mariage,  Céleste  Talour  abandonna  l'Anjou  et 
vint  habiter  avec  son  mari  le  château  de  la  Brossardiôre, 
en  Saint-André  d'Ornay,  près  la  Roche-sur-Yon.  Elle  eut  de 
cette  union  une  fille,  Amlnte,  née  le  31  mars  1781',  et  qui 
périt  misérablement,  de  privations  et  de  douleur,  dans  la 
prison  révolutionnaire  d'Angers. 

Louis  Chappot  de  la  Brossardière  mourut  le  27  avril  1785, 
en  pleine  jeunesse''. 

*  Les  gendarmes  de  la  garde  du  roi  formaient  un  corps  de  cavalerie 
d'élite  et  privilégié, dont  tous  les  membres,  ayant  rang  d'officier,  devaient  être 
gentilshommes,  ou  du  moins  issus  de  familles  anciennes  et  notables,  et  jouir 
d'un  revenu  déterminé.  Le  capitaine  de  la  compagnie  était  le  roi.  Dans  ce 
corps,  les  maréchaux-de-logis  et  les  deux  plus  anciens  brigadiers  avaient 
rang  de  capitaine  de  cavalerie,  et  les  brigadiers  celui  de  lieutenant  de  cava- 
lerie. Pendant  une  partie  de  l'année,  les  gendarmes  et  officiers  qui  n'étaient 
pas  de  service  près  du  roi  vivaient  dans  leurs  terres.  Les  gendarmes  de  la 
garde,  qui  s'illustrèrent  dans  un  grand  nombre  de  batailles  sous  Louis  XIII, 
Louis  XIV  et  Louis  XV,  avaient  été  créés  par  Henri  IV,  sous  le  titre 
d'Hommes  d'armes  des  ordonnances  du  roi  ;  ils  furent  supprimés  en  1787. 

Le  père  de  Charles,  Louis  C.  de  la  Brossardière,  chovalier  de  Saint-Louis, 
avait  servi  également,  comme  maréchal-des-logis,  aux  gendarmes  de  la 
garde  du  roi;  il  prit  part,  de  1G91  à  1714,  au  combat  de  Leuze  où  il  fut 
blessé,  au  siège  de  Namur,  aux  batailles  de  Steinkerque  et  de  Nerwinde,  à  la 
course  de  Tongres,  aux  batailles  d'Oudenarde  et  de  Malplaquet,  au  siège  de 
Fribourg.  —  Son  grand  oncle,  Pierre  C.  de  la  Brossardière,  servit  dans  le 
même  corps  pendant  quatorze  ans,  et  fut  blessé  mortellement  à  la  batailla 
deLens(1648).  —  Son  grard-père,  Louis  C.  delà  Brossardière,  maire  de  Poi- 
tiers en  1667,  avait  aussi  fait  partie  des  gendarmes  de  la  garde. 

Cf.  Abréffé  chronologique  et  historique  de  la  Maison  du  roi,  etc.,  par  Le 
Pippro  de  Nœufville,  1734.  —  Dictionnaire  militaire,  1759.  —  Histoire  des 
divers  corps  de  la  Maison  militaire  des  Rois  de  France,  par  llouUier,  1818.— 
Recherches  historiques  sur   Vancienne    Gendarmerie  française,  1759,  etc. 

'  Cf.  Ai'i'ENDicE  ^  pièce  I. 

'  Cf.  Appendice  —  pièce  IL 


MADAME    BULKELEY  353 

Sa  veave  le  pleura  correctement  pendant  une  année  tout 
entière,  et  même  un  peu  plus.  Mais  les  circonstances  vou- 
lurent qu'elle  rencontrât  un  jeune  officier  du  régiment  de 
Walsh',  alors  en  garnison  à  l'île  d'Oléron  : 

La  perte  d'un  époux  ne  va  point  sans  soupirs  : 
On  fait  beaucoup  de  bruit  et  puis  on  se  console. . . 

Le  jeune  officier  se  nommait  William  Bulkeley  :  il  avait 
vingt  ans-  ,  de  la  grâce,  de  l'esprit,  une  taille  colossale.  Issu 
de  ces  Bulkeley  qui  ont  donné  à  la  France  des  lieutenants-gé- 
néraux', il  était  entré  au  régiment  de  Walsh  en  1785,  grâce  à 
l'appui  de  son  oncle,  Richard  Butler,  ancien  lieutenant-co- 
lonel en  Walsh,  et  brigadier  des  armées  du  roi. 


1  Walsh,  formé  en  l(5Gl,fut  d'abord  Royal-Irlandais,  puis  Gardes-irlan- 
daises.Le  d\ic  iVOrmond  en  fut  le  premier  colonel;  M  Borington  rem- 
plaça  le  duc  d'Ormond,  et  donna  son  nom  au  régiment.  Venu  en  France 
en  1889  après  la  capitulation  de  Limarick,  Walsh  fut  successivement  la 
propriété  de  M.  de  Rothe,  puis  de  son  fils,  tous  deux  morts  lieutenants-géné- 
raux. En  1766,  le  régiment  fut  donné  à  milord  W eniworlh-Dillon,  comte  de 
Roscomon,  et  prit  le  nom  de  Roscomon.  Après  le  comte  de  Roscomon,  ma- 
réchal de  camp,  décédé  en  1770,  le  régiment  prit  le  nom  de  son  nouveau 
colonel,  M.  de  WalsJi,  comte  de  Serrant. 

En  1790.  le  régiment,  après  le  retour  d'un  des  bataillons,  qui  avait  séjourné 
à  l'Ile-de-France  pendant  plusieurs  années,  fut  mis  en  garnison  dans  les 
villes  du  Morbihan,  et,  après  un  court  séjour  à  Longwy  et  Verdun,  revint 
en  Bre+agne.  où  il  resta  jusqu'à  la  pacification  de  l'Ouest  ;  il  était  devenu  le 
92^  régiment   d'infanterie. 

L'uniforme  de  Walsh,  à  partir  de  1775,  était  :  habit  et  veste  rouges  ;  collet, 
parements  et  culottes  blancs,  et  boutons  jaunes. 

Dans  le  ré'^'iment  de  Walsh,  comme  dans  les  autres  corps  irlandais,  les 
officiers  et  la  plupart  d°s  sous-officiers  étaient  nobles,  et  descendaient  de 
meilleures  familles   d'Irlande 

ConsulttT  :  Observations  historiques  sur  Vorigine,  les  services  et  l'état 
civil  des  officiers  irlandais  au  service  de  la  France,  adressées  à  V Assamblée 
nationale,  et  Histoire  de  Vancienne  Infarderie  française,  par  Susane. 

-     William  Bulkeley  é^i-M^  né  le  7  décembre  170  ■,  à  Clammel  (Irlando) . 

s  François,  comte  de  Bulkeley,  né  en  1686  à  Londres  ;  colonel  en  I5ul- 
keley  ;  brigadier  d'infanterie  en  1719  ;  maréchal  de  camp  en  17:'-4  ;  lieutenant- 
général  en  1738  ;  gouverneur  de  Saint-Jean  Pied-de-Port  en  1751  ;  chevalier 
des  ordres  du  Roi  en  1748;  décédé  en  1756. 

Le  comte  de  Bulkeley  avait  fait  les  campagnes  de  HoUande  (170-2).  — 
Espagne  (1703).  —  Portugal  (17ui).  —  Comté  de  Nice  v1705).  —  Espagne (17U6, 


354  UNE  AMAZONE  VENDÉENNE 

La  belle  veuve  épousa  le  beau  sous-lieulenant  en  novembre 
1786*  . 

Le  nom  de  Bulkeley, célèbre  dans  les  fastes  de  l'armée,  était 
porté  par  l'un  des  régiments  de  celte  héroïque  phalange 
irlandaise,  qui  n'a  jamais  marchandé  à  la  France  le  sang  de 
ses  membres,  et  a  payé  plus  que  largement  la  dette  de  l'hospi- 
talité' . 


1707,1708,  1709).  —  Dauphiné  M710,  1711,  171-2j.  —  Rhin  (1713).  —Espagne 
(l'jU).  —  Espagne  (1719).  —  Rhin  (1733,  1734,  1735).  —  Bavière  et  Bohème 
(1742).  —  Allemagne  (1743).  —  Flandre  fl '44).  —  Rhin  (1745).  —  Flandre 
(1746.   1747,  1748). 

Henry-François,  comte  de  Buîkeley-,  fils  du  précédent,  né  à  Paris  en 
1739,  fut  successivement  colonel  de  Buîkeley  en  1742;  brigadier  en  1762; 
maréchal  de  camp  en  1770;  lieutenant-général  en  1784;  il  avait  rempli,  de 
1770  à  1775,  les  hautes  fonctions  de  ministre  plénipotentiaire  pi-ès  la  diète 
de  l'Empire,  et  quitta  le  service  en   1784  :  il  était  chevalier  de  Saint-Louis. 

*  Cf.  Appendice  —  pièce  III. 

*  «Ily  eut  au  commencement  de  1692,  après  la  capitulation  de  Limerick, 
plus  de  20.000  Irlandais  de  troupe  réglée  servant  dans  les  armées  du  roi, 
sans  compter  un  nombre  prodigieux  de  volontaires  et  d'officiers,  qui  ser- 
virent à  la  suite  non  seulement  de  ces  troupes,  mais  même  de  différents 
corps  de  l'armée  française.  »  (V.  Observations    historiques.) 

De  1733  h  1775,  le  régiment  Buîkeley  fournit  notamment  l'attaque  des 
lignes  d'Ettlingen  et  le  siège  de  Philisbourg;  il  fit  la  campagne  de  1735  sur 
la  Moselle  ;  puis  la  campagne  d'Allemagne,  où  il  assista  à  la  bataille  de 
Dettingen,  au  combat  de  Rheinweiler,  ;iux  sièges  de  Menin,  Ypres  et  Furnes, 
à  la  bataille  de  Fontenoy.  Lors  de  la  campagne  de  Flandre  de  1746,  il  prit 
part  aux  batailles  de  Rocoux  et  de  Lawield,  et  au  siège  de  Maëstricht. 

Pendant  la  guerre  de  Sept  ans,  il  combattit  aux  affaires  de  Corbach, 
Warbourg  et  Villingshausen  ;  sa  défense  de  Marbourg  en  1761  est  restée 
célèbre. 

L'uniforme  de  Buîkeley  était  l'habit  rouge,  pai-ements  verts,  veste  verte, 
culotte  blanche,  boutons  blancs  de  deux  en  deux,  d'un  seul  cùté  jusqu'aux 
poches  coupées  en  travers  et  garnies  de  trois  boutons  ainsi  que  les  manches; 
boutonnières  et  galon  de  chapeau  blancs.  Les  drapeaux  d'ordonnance  étaient 
ondes  de  llammes  rougef,  noires  et  jaunes  dans  chaque  carré,  avec  la  croix 
blanche.  En  1775,  le  corps  prit  les  insignes  et  le  costume  de  l'ancien  régi- 
ment Dillon.  CF.  Susane,  Histoire  de  l'ancienne  Infanterie  française.) 

Dans  les  régiments  irlandais,  la  solde  était,  sous  Louis  XIV,  de  trois  livres 
dix  sols  par  jour  pour  les  lieutenants  en  premier,  et  de  vingt  deux  sols  par 
jour  pour  les  lieutenants  en  second. 

En  1748,  d'après  VEtai  général  des  troupes,  Buîkeley  comptait  705 
hommes,  coûtant  par  an  232  livres,  6  sols,  3  deniers. 

Buîkeley,  devenu  Dillon,  a  formé  la  157«  demi-brigade  (organisation  de 
1794),  comprenant  le  l"  bataillon  du  87»  de  ligne,  le  13e  bataillon  des 
Vosges,  et  le  4»  bataillon  de  Loir-et-Cher. 


MADAME  B   lkk:,i:y  35.") 

Le  régiment  Bulkeley,  ancien  MontcasscU  et  Lee,  arrivé  en 
•France  en  1690,  garda  le  nom  de  Bulkeley  du  10  septembre 
1733  au  26  avril  1775  ;  à  cette  époque,  il  fut  incorpore  dans 
un  autre  régiment  et  devint Dillon;  Bulkeley,  entre  cent  com- 
bats, s'était  illustré  à  la  bataille  de  Fontenoy,  où,  avec  Clare, 
Dillon,  Roth,  Berwick  et  Lally,  il  avait  puissamment  aidé  la 
Maison  du  roi  à  briser  la  marche  victorieuse  de  la  terrible 
infanterie  anglaise. 

William  Bulkeley  était  digne  des  siens;  devant  cet  officier 
instruit,  énergique,  vigoureux  et  dévoué,  la  carrière  mili- 
taire s'ouvrait  facile.  Les  charmes  de  Vénus  ne  l'empêchaient 
point  de  voler  aux  travaux  de  Mars,  et,  depuis  son  mariage 
jusqu'en  1788,  il  fit  de  son  temps  deux  parts,  Tune  donnée  à 
ses  devoirs  militaires,  l'autre  accordée  aux  doux  loisirs,  sous 
les  vieilles  chênaies  de  la  Brcssardière. 

En  1788,  William  Bulkeley  pnrtit  avec  son  bataillon  pour 
l'Ile  de  France  :  M"""  Bulkeley  et  sa  fille,  Aminte  de  la  Bros- 
sardièrc,  suivirent  dans  cette  longue  étape,  qui  dura  trois 
années,  leur  mari  et  beau-pèrC;,  promu  lieutenant.  Le  ba- 
taillon ne  revint  en  France  qu'à  la  fin  de  1790,  pour  être  n\is 
en  garnison  dans  les  villes  du  Morbihan. 

Le  mouvement  révolutionnaire  allait  s'accentuant  chaque 
jour  ;  la  monarchie  française  tombait  en  ruines,  faute  d'avoir 
su  ouosé  se  défendre  contre  les  maladresses  de  ses  amis,  les 
subtilités  des  rhéteurs,  les  violences  de  la  canaille  :  Louis 
XVI  n'était  plus  que  Momiciir  Veto,  en  attendant  de  devenir 
le  roi-martyr.  Bulkeley  se  souvint  du  loyal  serment  prêté 
au  roi  de  France;  en  1792  il  brisa  son  épée,  non  sans 
regret,  disant,  avec  une  fîôre  devise,  '.[mq  mieux  vaut  honneur 
qrihonneurs. 


356  UNE    AMAZONE   VENDÉENNE 


II 


Dans  les  premiers  jours  de  mars  1793,  la  Vendée,  dressée 
contre  la  République, commença  la  guerre  immortelle  qui,  sui- 
vantlejugementdugénéralFoy,  «arevèlu  d'une  splendeur  in- 
comparable quelques  pages  de  notre  histoire  »  ;  mais  ce  peuple^, 
qui  jetait  aux  régicides  le  non  scrviam  de  sa  fidélité  et  de  sa 
foi,  n'avait  ni  armés,  ni  chefs  :  on  sait  comment  des  victoires 
successives  lui  donnèrent  les  premières;  les  chefs,  lui-même 
se  les  choisit,  obligeant  les  gentilhommes  du  pays,  presque 
tous  anciens  officiers,  à  marcher  à  sa  tête  et  à  prendre  la 
direction  pratique  d'un  mouvement  strictement  populaire  à 
son  origine. 

Les  royalistes  des  environs  de  la  Roche-sur-Yon  se  mirent 
sous  les  ordres  de  Bulkeley  et  de  de  Ghouppes'  .  Bulkeley 
prit  sans  hésiter  le  commandement  qu'on  lui  assigna  impé- 
rativement, comme  on  l'avait  fait  à  Gharette,  à  Béjarry,  à 
Verteuil,  à  tant  d'autres.  Le  15  mars,  il  commença  par  s'em- 
parer de  la  Roche-sur-Yon;,  alors  chef-lieu  de  district,  et  y 
établit  un  camp,  destiné  à  servir  de  base  à  ses  opérations 
militaires. 

Si  l'on  en  croyait  sur  parole  le  citoyen  Hillaireau,  juge  de 
paix  de  la  Roche,  dans  sa  déposition  sur  la  prise  de  la  ville, 
M"""  Bulkeley  se  serait  montrée  quelque  peu  exaltée  ce  jour- 
là  ;  voici  en  effet  ce  que  le  fonctionnaire  républicain  raconte^ 
le  29  août  1793,  devant  la  municipalité.  La  citation  est  extraite 
d'une  longue  et  curieuse  pièce  tirée  de  la  collection  révolu- 
tionnaire du  savant  M.  Dugast-Matifeux,  qui  a  bien  voulu 
m'ouvrir  très  obligeamment   ses  précieuses  archives  : 


*  De  Chouppes  était  un  descendant  du  marquis  de  Ghouppes.  lieutenant- 
général.  Sur  ce  personnage,  qui  ne  fut  pas  à  l'abri  de  tout  reproche,  con- 
sultez l'Etat  du  Poitou  sous  Louis  XIV,  par  M.  Dugast-Matileux,  p.  120. 


MADAME    BULKELEV  357 

La  domestique  des  citoyennes  G.  .  .  vint  nous  dire  que  la  Roclio  allait 
re  brûiéd.  Quel  parti  prendre  dans  la  circonstance  puur  sauver  la  petite 
propriété  de  chaque  individu  î  Je  pris  celui  d'écrire  au  sieur  Bulkeley  et 
l'engageai  de  venir  renvoyijr  tous  ses  gens  qui  s'attroupaient  mal  à  propos. 
Il  n'y  manq'.'a  pas  en  lisant  ma  lettre.  Il  s'y  rendit  et  s'opposa  à  tout  le  mal 
que  les  malheureux  se  proposaient  de  faire. 

Le  déclarant  ajoute  :  que  le  sieur  Ruchaud  père,  des  Fontenelles  de 
Saint-André,  est  venu  plusieurs  fois  prier  les  commandants  des  insurgés  de 
tuer  les  prisonniers  et  de  faire  piller  toutes  les  maisons  de  la  Roche  ;  que 
la  femme  du  sieur  Bulkeley  aurait  bien  été  de  cet  avis  ,  mais  quo  lui 
(Bulkeley)  et  de  Ghouppes  s'y  étaient  toujours  opposés,  et  que  sans  eux  le 
pays  serait  perdu,  etc. . . 

On  notera  en  passant  cet  hommage  rendu  par  un  adver- 
saire à  la  modération  de  Bulkeley,  dont  le  caractère  était 
«  doux  »,  suivant  l'expression  même  de  M.  de  la  Fontenelie 
de  Vaudoré'. 

Le  camp  de  la  Roche  ne  comptait,  en  dehors  des  rassem- 
blements, qu'un  effectif  d'environ  trois  cents  hommes  à  poste 
fixe,  d'après  les  déclarations  que  firent  quatre  déserteurs, 
le  24  juillet  1793.  Il  est  mentionné  dans  cette  pièce,  tirée  des 
archives  municipales  de  la  Roche-sur-Yon,  et  publiée  par  le 
journal  la  Vendée  le  12  juin  1885,  que  des  soldats  royalistes, 
«  la  moitié  seulement  possède  des  fusils,  le  reste  est  armé 
de  fourches  de  fer  et  de  piques.  » 

Les  archives  dont  je  viens  de  parler  contiennent  un  certain 
nombre  de  pièces  tirées  de  la  correspondance  de  Bulkeley 
avec  Joly,  de  Ghouppes,  Cumonl  du  Buisson,  Mercier  et  Gha- 
rette.  Il  existe  notamment,  de  ce  dernier,  deux  lettres  adres- 
sées à  Bulkeley;  la  première  est  relative  à  une  demande  de 
munitions  ;  voici  la  seconde  : 

A  Legé,  ce  51  mai  1795. 
Monsieur, 

Depuis  le  sticcès  des  armes  de  la  Grande-Armée  à  Fontenay  ,  je  n'en  ai 
pas  entendu  pailer.  J'attends  quatre  officiers  de  ir.on  armée  que  j'y  ai  en- 
voyés il  y  a  trois  jours.  Aussitôt  leur  arrivée,  je  m'empresserai  d-;  vous 
faire  part  de  leur  rapport. 

*    Cf.  Autour  du  Drapeau  blanc,  article  Talour  de  la  Cartrie. 


-358  UNE    AMAZONE   VENDÉENNE 

Si,  comme  je  le  crains,  la  grande  armée  se  porte  sur  d'autres  endroits,  je' 
ferai   tout   mon  possible  pour  m'unir  avec  M.  Roirand  (sic),   forcer  les  bri- 
gands dans  leurs  tavernes,  et   si  bien  les  traiter  qu'ils  n'aient  plus  d'envie 
de  venir  mordre  à  la  grappe. 

Il  y  a,  à  ce  qu'un  m'a  assuré,  un  rassemblement  de  quinze  cents  hommes 
sous  les  ordres  de  M.  Beaumelet  dans  le  Marais.  Il  a,  il  y  a  quelques  jours, 
donné  une  vigoureuse  chasse  aux  Bleus,  et  en  a  tué  beaucoup.  Nous  sommes 
menacés  d'une  vigoureuse  attaque  ;  mais  qui  dit  Bleu  dit  Jean-foutre,  et  je 
crois  qu'ils  ne  sont  nullement   disposés  à  remplir   leurs  promesses. 

Il  y  eut,  hier  au  soir,  un  combat  auprès  de  Nantes.  Les  patriotes  ont  été 
repoussés  vigoureusement.  J'en  ai  aujourd'hui  la  certitude,  sans  avoir  les 
détails  du  combat. 

J'ai   l'honneur  d'être   avec   respect.  Monsieur,  votre  très  humble  et  très 

obéissant  serviteur. 

Le  chevalier   Charettb. 

On  retrouve  dans  ce  billet  le  môme  épistolier  qui  répondait, 
en  une  ligne  devenue  historique,  aux  propositions  de  restau- 
ration orléaniste  que  lui  présentait  Dumouriez  : 

Mon  cher  Dumouribz, 

Dites  au  fils  du  citoyen  Egalité  d'aller  se  faire  f. . . 

Le  chevalier  Cuarette. 

Le  3  juin  1793,  de  Ghouppes  et  Bulkeley  adressèrent  «  aux 
«  habitants  des  paroisses  formant  la  division  militaire  du 
«  camp  de  la  Roche-sur-Yon  »  l'avis  suivant,  intéressant 
à  connaître  tant  au  point  de  vue  des  idées  émises  que  du 
style  de  Bulkeley,  qui  l'avait  rédigé  : 

Généreux  habitants  des  campagnes. 

Vous  avez  secoué  le  joug  de  la  tyrannie  et  de  l'oppression  qui  pesait  sur 
vos  tètes  ;  vous  avez  chassé  et  dispersé  ces  hommes  qui  s'étaient  arrogé  le 
droit  de  vous  gouverner  par  la  force  et  de  vous  faire  reconnaître  et  adopter 
des  lois  subversives  de  tous  les  principes  d'honnêteté,  de  justice  et  d'équité 
dont  vous  n'avez  pas  voulu  vous  écarter-,  vous  êtes  restés  fidèles  à  votre 
reUgion,  que  l'on  a  cherché  à  vous  enlever  et  à  anéantir  par  toutes  sortes 
de  moyens  ;  vous  avez  conservé  vos  temples  et  l'exercice  de  votre  culte  que 
l'on   voulait  ditruire  ;  vous  avez  sauvé  vos  ministres  persécuté    et  proscrits 


MADAME    EULKELEY  359 

parc3  qu'ils  sont  restés  fidèles  aux  principes  invariables  de  cette  religion 
sainte  qui  fait  votre  principale  consolation  ;  vous  combattez  aussi  pour 
rétablir  le  trône  et  la  monarchie  française  renversée  par  des  factieux  qui 
en  trempant  leurs  mains  dans  le  sang  de  leur  roi  et  en  l'assassinant  lâche- 
ment, ont  cru  affermir  leur  cruelle  domination  et  consolider  leur  souverai- 
neté. Votre  généreux  dévouement  a  été  jusqu'ici  couronné  du  succès  qui 
devait  suivre  une  cause  aussi  juste  et  aussi  louable  que  celle  que  vous 
avez  embrassée. 

Mais,  mes  chers  amis,  votre  carrière  n'est  pas  encore  finie  ;  votre  roi  n'est 
pas  encore  placé  sur  le  trône;  nous  vivons  dans  ce  moment  sans  lois,  sans 
gouvernement,  sans  autorité  reconnue.  Cependant,  ce  n'est  que  par  les 
lois  qu'un  grand  peuple  peut  se  maintenir  en  société  ;  ce  n'est  que  par  elles 
que  chaque  individu  peut  espérer  trouver  la  paix  et  la  tranquillité  dans 
ses  foyers  ;  c'est  par  elles  aussi  que  le  faible  est  à  couvert  de  l'oppression 
du  plus  tort  ;  les  lois  sont  enfin  la  sauvegarde  de  la  vie,  de  l'honneur  et 
de  la  propriété  de  chaque  citoyen.  La  religion  peut  quelquefois  suppléer  à 
leur  faiblesse  et  à  leur  inexistence,  mais  elle  n'est  pas  toujours  sulfisante, 
parce  que  tous  les  hommes  ne  sont  pas  doués  des  mêmes  principes  d'équité 
et  de  justice,  et  que  d'ailleurs  le  gouvernement  civil  est,  dans  une  inlinité 
de  circonstances,   entièrement  étranger  au   gouvernement   spirituel. 

C'est  par  ces  considérations  et  dans  les  seules  vues  d'une  utilité  dont  vous 
sentirez  tout  le  prix,  que  les  chefs  que  vous  vous  êtes  choisis  pour  diriger 
vos  opérations  militaires,  ne  pouvant  subvenir  par  eux-mêmes  à  tous  vos 
besoins,  entendre  vos  réclamations,  décider  vos  dill'érends,  régler  vos  intérêts 
de  famille  et  vos  droits  civils,  ont  cru  devoir  établir,  au  nom  et  sous  le 
bon  plaisir  du  roi,  et  en  attendant  seulement  que  son  autorité  soit  reconnue 
et  proclamée,  un  Conseil  provisoire  d'administration  et  de  justice,  auquel 
vous  pourrez  journellemeTt  vous  adresser  dans  vos  besoins  particuliers  et 
pour  tout  ce  qui  sera  relatif  aux  affaires  qui  regardent  l'ordre  et  l'intérêt 
publics. 

En  conséquence,  au  nom  de  ce  même  ordre,  de  ce  même  intérêt  public  qui 
nous  anime  seul  et  qui  doit,  dans  ce  moment,  animer  tout  bon  Français;  au 
nom  de  ce  monarque  que  vous  demandez  et  qui  bientôt  va  vous  gouverner 
par  lui-même,  nous  vous  invitons  à  vous  adresser  avec  confiance  à  ceux 
que  nous  avons  choisis  pour  le  gouvernement  provisoire  de  vos  paroisses  et 
de  vos  familles.  Nous  invitons  également  vos  dignes  pasteurs,  dont  le  zèle 
et  le  dévouement  nous  sont  connus,  de  concourir  avec  nous  à  maintenir 
parmi  vous  la  paix,  l'union  et  la  concorde,  sans  laquelle  nous  ne  pouvons 
opérer  le  bien,  ni  obtenir  le  succès  de  nos  entreprises.  Suivez  donc  leurs 
sages  conseils,  soyez  soumis  à  leurs  instructions,  dociles  et  confiants  dans 
les  décrets  de  la  divine  Providence,  qui  jusqu'il   nous  a  soutenus  et  a   fait 


360  UNE  AMAZONE  VENDÉENNE 

prospérer  nos  armes.  Bientôt  vous  verrez  la   paix  renaître   dans  le  royaume? 
et  le  bonheur  dans  TÉiat  et   dans  vos  familles. 

Fait  au  camp  de  la  Roche-sur- Yon,  par  nous,  commandants  soussignés, 
le  3  juin  1793,  l'an  premier  du  règne  do  Louis  XVII. 

Bulkeley.  De  Chouppes. 

On  voit,  par  la  constitution  du  conseil  provisoire,  que 
Bulkeley  cherchait  à  organiser  d'une  façon  pratique  l'admi- 
nistration locale  des  pays  qu'il  commandait  ;  un  billet  qu'il 
écrit  à  de  Chouppes,  le  8  avril,  démontre  de  plus  qu'il  tenait 
sévèrement  la  main  à  l'exécution  de  ses  ordres  touchant  la 
sécurité  publique  : 

Mon  ami,  on  vient  dms  l'instant  de  me  découvrir  quelques  indices  du  vol 
fait  chez  M""'  Joussemet  ;  le  porteur  de  la  présenta  vous  en  rendra  compte  ; 
il  sera  bon  de  prendre  des  mesures  promptes  et  sûres  pour  faire  la  fouille 
chez  l'homme  en  question,  et  s'il  se  découvre  quelque  chose,  il  sera  à  propos 
d'arrêter  la  servante  de  la  dénommée  cy-dessus,  ainsi  que  l'homme  dont  il 
s'agit 

Passante  un  autre  détail,  Bulkeley  ajoutait  : 

J'attends  de  vos  nouvelles  pour  agir.  Je  viens  d'acheter  vingt  barriques 
de  vin  de  Ménardeau,  55  livres  en  numéraire,  ce  (jui  fait  1 100  livres  qu'il 
faudrait  déterrer.  J'espère  que  votre  colique  sera  passée.  Tout  à  vous  bien 
sincèrement. 

De  Chouppes,  qui  était  alorsretii^é,  très  malade,  ensatcrredu 
Plessis,  près  de  la  Perrière,  laissa  peser  sur  Bulkeley  l'entière 
responsabilité  etles  charges  du  commandement. lldutmourir 
vers  la  fm  de  1793  ou  au  commencement  de  1794  en  quelque 
endroit  ignoré  ;  Ins  membres  du  district  de  la  Roche-sur-Yon 
signalent  encore  ses  agissements,  en  décembre  1793,  au 
général  Bard,  commandant  à  Luçon. 

D'après  un  document  républicain  de  la  collection  de 
M.  Dugast-Matifeux,  les  citoyens  Sterlin  et  Falourd,dans  une 
déposition  faite  à  l'administration  du  district  des  Sables- 
d'Ulonne  le  23  juillet  1793,  déclarent  «  que  la  dame  Bulkeley... 
«  est  commise...  (avec  d'autres  femmes  qu'ils   citent)  pour 


MADAME    BULKELEY  361 

«  surveiller  les  femmes  patriotes,  et  ordonne  leur  arrestation. 
«  Ces  femmes  exercent  une  grande  tyrannie  et  font  beaucoup 
«  de  mal.  » 

Témoignage  d'ennemis  ;  de  son  côté,  la  Révérende  Mère 
Sainton,  prieure  de  l'abbaye  fontevrislo  des  Cerisiers,  en  la 
paroisse  de  Fougère,  femme  remarquable  tant  par  l'énergie 
du  caractère  que  par  la  hauteur  de  l'intelligence,  écrivait  à 
M'"^  Bulkeley,  en  juillet  1793,  la  lettre  suivante  ',  obscure  en 
quelques  passages,  oii  la  bonne  religieuse  mêlait  les  aiïaires 
de  son  couvent,  les  compliments  à  Bulkeley  et  à  sa  femme, 
s'ans  omettre  les  soins  à  donner  aux  petits  oiseaux  dont  on 
veut  obtenir  de  la  postérité  : 

Madame,  je  vous  envoie  avec  grand  plaisir  le  couple  de  bouvreuils  que  je 
vous  ai  promis.  Leur  nourriture  ordinaire  est  du  mil,  du  sèneson  et  du 
plantain.  Et  si  vous  voulez  avoir  de  leur  famille,  vous  leur  donnerez  la 
liberté  de  se  promener  moyennant  un  petit  arbre  et  du  genêt,  tel  que  j'ai  eu 
l'honneur  de  vous  le  dire.  Je  désire  que  ces  petits  musiciens  ajoutent  un 
nouvel  agrément  à  votre  voillier  (sic),  et  vous  prouvent,  Madame,  le  dévoue- 
ment sincère  que  vous  m'avez  inspiré. 

M^'^  Mareschal  a  été  voir  M.  Baudry  d'Asson  ;  elle  m'a  apporté  une  lettre 
que  j'écris  icy,  vous  en  prendrez  lecture  et  mêla  renverrez,  s'il  vous  plaît. 
L'état  de  tous  nos  biens  lui  a  été  fourni,  etc..  etc. 

Le  camp  que  vous  tenez  si  dignement,  et  qui  mérite  tant  d'éloges  à  M.  votre 
époux,  est  si  essentiel  à  la  sûreté  de  tout  le  pays  que  le  moindre  démem- 
brement y  porterait  le  plus  grand  préjudice.  J'espère  que  tous  les  esprits  se 
concilieront  pour  un  bien  si  général,  et  j'en  fais  le  vœu  de  tout  mon  cœur. 

Pendant  toute  la  période  qui  s'étend  du  15  mai  au  23  août 
1793,  M"°  Bulkeley  se  contenla  de  veiller,  de  concert  avec  son 
mari,  à  l'entretien  et  à  l'organisation  des  troupes.  Dans  ces 
occupations  militaires,  elle  puisa  sans  doute  le  goût  des 
armes,  et  les  événements  allaient  bientôt  faire  delà  belle  An- 
gevine une  amazone  siaon  sans  reproches,  du  moins  sans 
peur. 

*  Cette  lettre  m'a  été  obligeamment  communiquée  par  M.  l'abb-^  Pont- 
devie. 


862  UNE  AMAZONE  VENDÉENNE 

Les  royalistes  étaient  maîtres  de  la  contrée  ;  Gharette,  des 
Abbayes,  Joly,  Savin,  Bulkeley,  Pajot,  n'avaient  encore  en- 
gagé leurs  troupes  que  dans  des  escarmouches  sans  gros  ré- 
sultat ;  la  partie  se  jouait  ailleurs,  h  Chemillé,  5  Cholet,  à 
Thouars,  à  Fontenay,  à  Saumur,  à  Luçon,  à  Chantonnay, 
où  la  grande  armée  avait  accumulé  victoires  sur  victoires. 

Le  17  août  1793,  les  troupes  du  Bas-Poitou,  qui  déjà  avaient 
donné  au  fatal  siège  de  Nantes,  à  côté  des  Angevins  et  des 
Haut-Poitevins,  opérèrent  leur  jonction  avec  la  grande  armée 
et  marchèrent  sur  Luçon  oi^i  les  attendait  la  défaite. 

Le  23  août  1793,  le  général  républicain  Mieskouski  prend 
possession  de  la  Roche-sur-Yon  ;  à  partir  de  cette  date, 
M"""  Bulkeley  va  combattre  presque  chaque  jour,  à  la  tête 
d'une  compagnie  de  cavaliers  d'élite  qu'elle  a  recrutés  et 
choisis  parmi  les  meilleurs  soldats  de  son  camp. 

Dès  le  26  août,  elle  marche  au  feu  :  ^<  Gharette,  —  dit  Beau- 
champ  dans  son  Histoire  de  la  guerre  de  la  Vendée,  — attaqua 
«  la  Roche-sur-Yon  de  concert  avec  Joly  et  îSavin,  ayant  l'es- 
«  poir  de  s'en  emparer  par  surprise.  Le  26  août,  les  trois 
«  colonnes  royalistes  donnèrent  en  même  temps  :  Joly  sur  la 
«.  Mothe-Achard,  Gharette  parle  Poiré,  Savin  par  les  Essarts. 
«  Mais  le  général  Mieskousky,  commandant  la  division  des 
«  Sables-d'Olonne,  culbuta  les  avant-gardes  ennemies  et 
«  ne  fit  point  de  quartier.  Après  d'inutiles  efforts,  les  trois 
«  chefs  furent  forcés  de  se  retirer.  Une  belle  femme  âgée 
«  de  trente  ans,  Madame  de  Beauglie' ,  se  fit  remarquer  dans 
«  la  division  de  Joly.  Elle  était  à  la  tête  d'une  compagnie  à  sa 
«  solde.  On  la  vit  protéger  la  retraite  et  combattre  en  véri- 
«  table  amazone.  » 

Parlant  de  cette  même  affaire.  Le  Bouvier-Desmortiers 
s'exprime  ainsi,  dans  sa  Vie  du  général  Gharette  :  «  Les  ro- 
«  yalistes  perdirent  très  peu  de  monde,  parce  que  la  cavalerie 

*    Le  nom  nulkeley  se    prononce   Beiikly,   d'où    l'orthographe  fantaisiste 
qu'ont  souvent  adoptée  les  historiens. 


MADAME    BULKELEY  363 

«  protégea  la  retraite  avec  le  plus  grand  courage.  On  re- 
«  marqua  principalement  une  belle  femme',  attachée  à  l'ar- 
ec mée  de  Joly,  qui  faisait  le  Qoup  de  pistolet  avec  des  dragons 
«  républicains  dont  elle  arrêta  Ui  poursuite  ;  madame  de 
«  Beauglie,  femme  d'un  officier  du  régiment  de  Walsh,  com- 
«  mandait  une  compagnie  de  chasseurs  qu'elle  entretenait, 
«  dit-on,  à  ses  frais,  et  portait  l'uniforme,  vôtue  en  amazone. 
«  Son  caractère  guerrier  ne  lui  ôtait  rien  des  agréments  de 
«  son  sexe  ;  aussi  aimable  en  société  que  brave  au  champ  de 

bataille,  elle  désira  faire  connaissance  avec  Gharette,  dont 
«  la  réputation  de  bravoure  et  de  galanterie  l'avait  pré- 
«  venue  en  sa  faveur.  Elle  l'accompagna  à  son  quartier  géné- 
«  rai,  où  elle  resta  quelque  temps.  » 

Joly,  qui  commandait  les  royalistes  des  environs  de  la 
Mothe-Achard,  avait  été  en  relations  constantes  avec  Bul- 
keley  depuis  le  commencement  des  hostilités  ;  après  l'évacua- 
tion de  la  ville  de  la  Roche,  Bulkeley  se  joignit  à  lui,  ainsi 
qu'une  partie  de  ses  hommes,  mais  cette  alliance  dura  peu. 
Le  vieux  chirurgien  détestait  la  noblesse,  et  ne  manquait  pas 
une  occasion  de  faire  parade  de  ses  sentiments  ;  d'autre  part, 
ses  façons  rudes,  souvent  grossières,  ne  pouvaient  être  long- 
temps tolérées  par  William  Bulkeley,  à  plus  forte  raison  par 
i^/[me  Bulkeley,  dont  le  caractère  était  des  plus  vifs.  On  se  sé- 
para; les  Bulkeley  vinrent  servir  sous  les  ordres  de  Gharette, 
quittant  sans  regret  le  terrible  chef  qui,  le  soir  de  la  sanglante 
bataille  de  Legé,  agenouillé  près  des  corps  de  deux  de  ses 
fils,  l'un  mourant,  l'autre  tué  dans  les  rangs  royalistes,  don- 
nait l'ordre  de  fusiller  son  troisième  enfant,  passé  aux  répu- 
blicains et  fait  prisonnier. 

Gharette  tenait  alors  son  camp  de  Legé  :  «  Son  quartier 
«  général,  différent  en  cela  de  ceux  de  Lescure,  de  Gathe- 
«  lineau,  de  Bonchamps  et  de  M.  Henri,  n'a  rien  d'austère, 
«  rien  de  religieux,  dit  Grétineau-Joly  ;  c'est  le  camp  de 
<-  Richard  Gœur-de-Lion  en  présence  de  celui  de  saint  Louis. 

*    D'après    une  tradition    de  famille,  M""e  Bulkeley   était  de  petite  taille. 


364  UNE   AMAZONE    VENDÉENNE 

«  On  y  voit  des  femmes  jeunes  et  belles,  attirées  là  par  sa 
«  réputation  de  galanterieet  d'audace  toutes  françaises.  Elles 
M  tiennent  autour  du  général  une  espèce  de  cour  voluptueuse. 
«  Chaque  jour  amène  un  nouveau  divertissement,  chaque 
«  nuit  un  nouveau  bal.  Plongé  dans  cette  ivresse  des  sens, 
«  qu'il  est  heureux  de  partager,  Charette  oublie  les  combats. 
«  Il  semble  avoir  fait  deux  parts  de  sa  vie:  l'une  est  consa- 
«  crée  au  danger,  l'autre  au  plaisir  ;  l'une  se  dévoue  au 
«  martyre  et  à  la  gloire,  l'autre  s'écoule  dans  les  fêtes. 
«  Aujourd'hui  il  supporte  avec  un  stoïcisme  digne  d'un  sage 
«  de  la  Grèce  les  privations,  les  insomnies  et  les  longues 
«  marches  ;  demain,  le  péril  disparu,  il  ne  restera  plus  de 
«  tant  d'énergie  qu'un  sybarite  se  couvrant  de  soie  comme 
«  un  courtisan  de  Louis  XV,  et  faisant  des  moindres  détails 
«  de  sa  toilette  une  importante  affaire. 

«  Parmi  ces  femmes,  «  dont  le  courage  égale  toujours  la 
«  beauté,  et  qui,  amazones  vendéennes,  ne  le  cèdent  en 
«  intrépidité  à  aucun  soldat  de  l'armée  »,  Grétineau-Joly  cite 
.c  M'^Mela  Rochefoucauld  et  «  M^^de  Beauglies  »  ;  «cette  der- 
«  nière,  douée  de  tous  les  avantages  de  la  nature  et  de  l'édu- 
«  cation,  suivit  l'armée  des  Sables  à  la  tête  d'une  compagnie 
«  de  chasseurs  qu'elle-même  avait  organisée.  Au  commence- 
«  ment  du  combat,  elle  se  trouvait  toujours  à  l'avant-garde, 
«  chargeant  la  première;  mais,  au  moment  oh  la  retraite 
«  devenait  périlleuse.  M"*  de  Beauglies  se  présentait  pour  la 
«  protéger.  Elle  connut  Charette  sur  les  champs  de  bataille. 
«  Sa  réputation  de  galanterie  et  de  bravoure  était  faite. 
«  M™*  de  Beauglies  abandonna  le  camp  un  peu  sauvage  de 
«  Joly  pour  régner  au  quartier-général  de  Legé.  Ce  fut  un 
<i  soin  qu'elle  partagea  avec  M""  de  Charette,  la  sœur  du  gé- 
«  néral.  » 

Ce  mélange  d'épicuréisme  et  de  courage  stoïque  du  célèbre 
chef  royaliste  a  frappé  tous  les  historiens  de  la  Vendée 
militaire  :  le  grand  admirateur  de  Charette,  Le  Bouvier-Des- 
mortiers,  plaide  pour  son  héros  dans  une  page  trop  amu- 
sante pour  n'être  pas  citée  : 


MADAME    BULKELEY  365 

«  Gharette,  plus  ardent  que  sensible,  trouva  et  suivit  cons- 
«  tamment  la  maxime  de  Bufïon,  qu'en  amour  il  n'y  a  de  bon 
«  que  le  physique.  11  aima  les  femmes  beaucoup  pour  lui, 
«  fort  peu  pour  elles.  Toujours  vaincu,  jamais  soumis,  il  se 
«  livrait  aux  emportements  de  sa  passion,  sans  plier  son 
«  âme  aux  insinuations  caressantes  et  quelquefois  perfides 
«  d'une  maîtresse.  Cet  empire  sur  lui-même,  qu'il  sut  ravir 
«  à  la  beauté,  ne  le  rendit  pas  moins  délicat  dans  ses  liaisons, 
«  et  jamais  l'indiscrétion  frivole,  la  piquante  ironie  ou  la 
«  critique  amère,  défauts  presque  inséparables  de  l'homme 
«  à  bonnes  fortunes,  n'affligèrent  l'objet  dont  il  avait  par- 
«  tagé  les  plaisirs.  Femmes  sensibles  qui  fûtes  aimées  de 
a  lui,  vous  aviez  quelquefois  à  vous  plaindre  de  sa  légèreté, 
«  mais  vous  sentiez  le  prix  de  sa  délicatesse  ;  vous  n'accusiez 
«  point  sa  langueur,  et  de  beaux  souvenirs  peuvent  vous 
«.  enorgueillir  d'avoir  couronné  des  myrtes  de  l'amour  celui 
«  qui  devait  l'être  un  jour  des  palmes  de  la  gloire. . . 

«  Né  galant,  Gharette  pouvait-il  rester  insensible  aux 
«  charmes  de  la  beauté  qui  venait  se  réfugier  dans  son  camp 
«  et  lui  demander  asile  contre  la  violence  des  soldats  répu- 
«  blicains?  Souverain  du  pays  qu'il  avait  conquis  par  ses 
«  armes,  lui  fera-t-on  un  crime  des  victoires  plus  douces 
«  qu'il  remportait  sur  les  dames  de  sa  cour?  Il  régnait  dans 
«  leurs  cœurs  comme  dans  ceux  de  ses  soldats, et  des  cadeaux 
«  de  toute  espèce,  en  plumes,  en  broderies,  divers  ouvrages 
«  tissés  par  la  délicatesse,  offerts  par  la  reconnaissance,  et 
«  peut-être  par  un  sentiment  plus  vif,  attestaient  publique- 
«  ment  l'empire  qu'il  avait  sur  elles  ;  si  quelques-unes  mê- 
«  lèrent  en  secret  les  myrtes  de  l'amour  aux  lauriers  de  la  vic- 
«  toire,  censeurs  !  dites  ce  que  vons  auriez  fait  à  sa  place  !  » 

M""*  Biilkeley  fut-elle  au  nombre  de  ces  «  nouvelles 
Camilles  ,  de  ces  nouvelles  Penthésilées*  »,  qui  «  mêlèrent 

'  «  Leurs  femmes,  leurs  maîtresses  se  signalaient  par  un  courage  au- 
dessus  de  leur  sexe,  et  surtout  par  une  férocité  qui  en  faisait  la  honte.  On 
▼it  de  nouvelles  Camilles,  de  nouvellesPenthésilées  affronter  tous  les  dangers, 

Tome  iv.  —  Octobre,  novembre,  décembre.  25 


366  UNE  AMAZONE  VENDEENNE 

en  secret  les  myrtes  de  l'amour  aux  lauriers  de  la  victoire, 
en  murmurant  :  «  Foin  des  censeurs  »?  La  chose  est  possible, 
et  M.  de  la  Fontenelle,  qui  n'en  avait  point  reçu  la  confidence, 
l'affirme  de  façon  catégorique  dans  son  manuscrit  :  «  Une 
«  union  intir-.-ie  »,  dit-il,  «  se  forma  entre  le  général  Gharette 
«  et  cette  amazone.  » 

La  question  est  délicate  :  on  nous  permettra  de  laisser  à 
M.  de  la  Fontenelle  la  responsabilité  de  son  dire,  et  de  passer. 

Cependant  la  situation  devient  grave  ;  la  Convention, 
efîrayée  des  succès  royalistes,  envoie  en  Vendée  les  meilleurs 
soldats  de  la  République,  ces  Mayençais  légendaires,  qui,  sortis 
par  une  glorieuse  capitulation  des  villes  de  Mayence  et  Valen- 
ciennes,  avec  la  liberté  et  les  honneurs  de  la  guerre,  arrivent 
dans  l'Ouest,  précédés  d'une  réputation  d'héroïsme  invincible. 
Ils  sont  vingt-quatre  mille,  et  font  monter  l'efîectif  des  forces 
républicaines,  dans  l'Ouest,  à  un  total  de  près  de  cent-vingt 
mille  hommes,  non  comprises  les  gardes  nationales. 

En  peu  de  jours,  Canclaux  et  Kléber  s'emparent  de  postes 
importants  situés  entre  Nantes  et  Montaigu  ;  ils  obligent 
Gharette  à  se  replier  sur  l'Anjou  avec  son  armée,  trop 
inférieure  en  nombre  pour  lutter  avec  avantage. 

Le  19  septembre  1793,une  grande  bataille  se  livre  à  Torfou. 
Les  Vendéens  de  Gharette,  harassés  par  des  marches  forcées, 
commençaient  à  plier  et  à  prendre  la  déroute,  quand  leurs 
femmes,  qui  suivaient  l'armée,  s'arment  de  bâtons  et  de 
fourches  et  forcent  les  fuyards  de  revenir  au  combat.  La" 
mêlée  devient  furieuse  :  du  côté  des  Blancs,  Lescure  et  Gha- 
rette ramènent  dix  fois  leurs  soldats  à  l'ennemi  ;  Bonchamp 
blessé  marche  au  feu  porté  sur  un  brancard.  Du  côté  des 
Bleus,  Kléber,  l'épaule  brisée  d'une  balle,  refuse  de  quitter 


porter  l'eflfroi  et  la  mort  jusque  dans  les  rangs  de  l'armée  républicaine.  »  — 
Mémoires  du  général  Turreau. 

On  remarquera  que  Turreau,  qui  accuse  de  férocité  les  femmes  de  Vendée, 
était  l'organisateur  des  colonnes  infernales. 


MADAME   BULKELEY  367 

le  champ  de  bataille  et  continue  à  se  battre,  soutenu  par 
ses  Mayençais  ;  Merlin  de  Thionville  fait  preuve  du  plus 
brillant  courage;  mais  les  Vendéens  finissent  par  tourner  les 
troupes  républicaines  et  remportent  une  victoire  complète. 
Dans  cette  sanglante  journée,  M'"'Bulkeley.  qui  n'avait  pas 
quitté  Gharette,  reçut  deux  coups  de  sabre. 

La  victoire  de  Torfou  est  suivie  immédiatement  de  deux 
autres  succès  royalistes,  à  Montaigu  et  à  Saint-Fulgent  : 
quelques  jours  après,  à  la  suite  d'incidents  peu  graves,  Gha- 
rette et  les  Bas-Poitevins  se  séparaient  de  la  grande  armée 
et  rentraient  dans  leur  pays. 

Bulkeley  et  sa  femme  refusèrent  d'accompagner  Gharette  ; 
ils  restèrent  avec  l'armée  angevine.  Peut-être  ne  voulurent- 
ils  pas  s'associer  à  une  retraite  qui  compromettait  la  cause 
royaliste;  peut-être,  mû  par  un  sentiment  d'une  autre  aature, 
Bulkeley  saisit-il  avec  empressement  l'occasion  de  quitter 
un  voisinage  trop  galant. 

Après  la  bataille  de  Gholet,  oii  Lescure,  Bonchamp,  d'Elbée, 
furent  mortellement  atteints,  la  grande  armée  passa  la  Loire 
et  commença  en  Bretagne  la  marche  historique  qui  débute 
par  la  victoire  de  Laval  pour  se  terminer  par  la  défaite  et  le 
massacre  des  Vendéens  à  Savenay.  Bulkeley,  sa  femme  et  sa 
belle-fille,  Aminte  de  la  Brossardière,  suivirent  l'armée 
royaliste  sur  la  route  funèbre  qu'elle  parcourut,  et  qu'on 
pourrait  nommer  le  calvaire  de  la  Vendée.  M"""  de  la  Roche- 
jaquelein  a  tracé  le  tableau  tragique  de  ces  scènes  de  larmes 
et  de  sang,  que  Westermann  décrivait  de  son  côté  au  Gomité 
de  Salut  public,  dans  une  lettre  datée  du  24  décembre  1793  : 

«  Il  n'y  a  plus  de  Vendée,  citoyens  républicains.  Elle  est 
«  morte  sous  notre  sabre  libre.  Je  viens  de  l'enterrer  dans 
«  les  marais  et  dans  les  bois  de  Savenay.  Suivant  les  ordres 
«  que  vous  m'aviez  donnés,  j'ai  écrasé  les  enfants  sous  les 
«  pieds  des  chevaux,  massacré  les  femmes,  qui,  au  moins 
«  pour  celles-là,  n'enfanteront  plus  de  brigands.  Je  n'ai  pas 


368  UNE  AMAZONE  VENDÉENNE 

«  un  prisonnier  à  me  reprocher.  J'ai    tout  exterminé. . .  Les 

«  routes  sont  semées  de  cadavres.  Il  y  en  a  tant,  que  sur  plu- 

«  sieurs  endroits  ils  font  pyramide.   On  fusille  sans  cesse  à 

a  Savenay  ;  car^  à  chaque  instant,  il  arrive  des  brigands  qui 

•«  prétendent  se  rendre  prisonniers.  Kléber  et  Marceau  ne 

«  sont  pas  là.  Nous  ne  faisons  pas  de   prisonniers  ;  il  fau- 

«  drait  leur  donner  le  pain  de  la  liberté,  et  la  pitié  n'est  pas 

«  révolutionnaire.  »                                                 , 

La  belle-mère  de  M"""  Bulkeley,  M"»  de  la  Brossardière, 
avait  été  massacrée  par  les  Républicains  après  la  bataille  du 
Mans,  précédant  de  quelques  semaines  dans  la  mort  ses  deux 
filles,  Gabrielle  de  la  Brossardière,  M""  de  Guinebaud  de  la 
Minière,  fusillées  en  février  1794,  '.et  son  neveu,  Pierre 
Cliappot  de  la  Ghanonie,  égorg-é  à  la  Roche-sur- Yon. 
M'""  Bulkeley,  d'abord  plus  heureuse,  échappa  aux  bourreaux 
de  Westermann  et  réussit  à  passer  la  Loire,  avec  sa  fille  et 
son  mari  ;  ils  se  dirigeaient  tous  les  trois  vers  l'armée  de 
Gharette,  quand  ils  furent  arrêtés  au  Loroux-Sottereau,  le  4 
nivôse  an  11(24  décembre  1793);  ils  devaient,  jusqu'au  bout, 
partager  le  sort  de  la  Vendée  vaincue. 

[A  suivre). 

G.  DE  LA  Ghanonie. 


AUTRE   VIE 


A  M.   E,  du  Tiers, 

N'avez- VOUS  pas  senti  de  singuliers  frissons, 
Aux  heures  de  silène  e  où  notre  âme  se  livre, 
En  rêvant  d'une  vie  où  nous  ne  pouvons  \ivre.. 
Quand,  près  d'elle,  pourtant,  sans  cesse  nous  passons? 

Vie  entrevue  ainsi  qu'une  attirante  étoile, 
Fleur  rayonnante,  éclose  en  un  ciel  lourd  d'ennui, 
Ou,  comme  un  continent,  manqué  d'un  jour  de  toile. 
Par  le  vaisseau  qui  va  se  perdre  dans  la  nuit. 


Une  vie  idéale  où  tous  se  réalisent 

Nos  désirs,  apaisés  en  merveilleux  accords. 

Là  nos  illusions  frêles  prennent  un  corps. 

Loin  du  monde  fangeux  où  leurs  ailes  s'enlisent. 


L'àme  a  trouvé  la  paix  des  amours  infinis, 
Et  les  baisers  n'ont  plus  rien  des  saveurs  amcres 
Qu'à  nos  lèvres  laissaient  les  amours  éphémères, 
Les  cœurs  qui  se  cherchaient  sont  enfin  réunis. 


370  AUTRE    VIE 

Et  les  yeux,  les  yeux  chers,  dont  les  claires  prunelles 
Avaient  caché  tant  d'ombre  et    tant  de  trahisons. 
Ont  la  limpidité  franche  des  horizons 
Oirilluminent  soudain  des  lueurs  éternelles. 


Oublieux  du  jéel  qui  nous  trompe  et  nous  ment, 
Nous  suivons  dans  l'azur  l'essor  divin  des  rêves 
Comme  un  vol  d'oiseaux  blancs  que  le  sable  des  grèves 
Ucflète  dans  un  calme  et  doux  miroitement. 


Mais  cette  vie,  hélas  '  sans  cesse  nous  échappe 

A  laquelle  aspirait  le  plus  pur  de  nos  cœurs. 

Et  nous  marchons,  plies  sous  le  poids   des  rancœurs, 

Jusqu'au  jour  où  la  mort  libératrice  frappe. 


Les  cœurs  ne  battent  plus  et  les  corps  sont  raidis, 
Mais  les  yeux  qu'on  a  clos,  dans  les  bleus  paradis 
S'ouvrent  aux  visions  des  amours  qui  demeurent. 

Je  ne  les  plains  pas  ceux  qui  meurent. 

Zarul. 


UNE  EXCURSION  ARCHÉOLOGIQUE 


A  POUSSAI 


J'entends  parfois  des  gens  se  plaindre  de  l'étendue 
donnée  par  mon  ami,  M.  J.  Robuchon,  à  ses  Paysages 
et  Monuments  du  Poitou.  Le  fait  est  pour  surprendre. 
Je  ne  croyais  pas  que  le  beau  pût  lasser,  et—  je  l'avoue, 
sans  honte  —  je  suis  de  ceux  qui,  au  contraire,  en  félicitent 
absolument  l'intrépide  auteur.  A  tout  dire,  je  le  lui  dois  bien 
un  peu.  Grâce,  en  efîet,  à  sa  magnifique  œuvre,  digne  sœur 
cadette  de  Poitou  et  Vendée,  j'aurai  bientôt  parcouru  la 
Vendée  entière  et  admiré  toutes  les  merveilles  que  la  nature 
et  l'art  y  ont  à  î'envi  prodiguées.  N'est-ce  pds  un  peu  le  cas  de 
tous  ceux  qui  la  lisent  ;  et  chacun  d'eux  ne  devrait-il  pas 
équitablement  rendre  hommage  au  talent  du  compatriote 
qui  a  élevé  à  la  gloire  de  la  patrie  commune  cet  impérissable 
monument  ? 

Cette  pensée  m'obsédait,  tandis  que  récemment  nous  che- 
minions ensemble  vers  Foussay,  cette  vieille  cité  industrielle, 
si  bien  faite  pour  tenter  l'archéologue ,  et  dont  l'antique 
splendeur  a  trouvé  un  irrécusable  témoin  dans  les  précieux 
restes  de  sa  primitive  église. 

Notre  première  visite  a,  du  reste,  été  pour  elle,  et  cela 
avec  grande  justice,  carde  tous  les  édifices  dont  l'époque 
romane  a  doté  le  Bas-Poitou,  l'église  de  Foussay  est  sans 


372  UNE   EXCURSION  ARCHÉOLOGIQUE    A   FOUSSAY 

contredit  l'un  de  ceux  qui  méritent  le  plus  de  fixer  l'attention. 
Quand  je  dis  l'église,  c'est  du  portail  que  j'entends  parler, 
car  c'est  le  seul  débris  roman  qui  ait  survécu  aux  dépréda- 
tions dont  cet  édifice  a  été  victime.  Encore  ne  s'agil-il  que 
du  rez-de-chaussée  de  ce  portail,  le  pignon  ayant  été  refait 
au  XV  siècle.  Ce  rez-de-chaussée  est  composé  d'une  grande 
archivolte  plein  cintre  autour  de  laquelle  se  déroule  le  tableau 
delà  redoutable  sentence  finale.  Les  deux  arcades  aveugles 
qui  le  flanquent,  à  droite  et  à  gauche,  ofTrent  sur  leurs 
tympans  quelques-uns  des  principaux  traits  de  la  Prédication 
et  de  la  Passion  du  Christ.  L'arcade  aveugle  du  côté  de 
l'Évangile  représente  la  Descente  de  Croix.  Le  Christ  tient 
encore  par  la  main  gauche  à  l'instrument  de  son  supplice,  au 
pied  duquel  on  retrouve  l'effigie  de  Joseph  d'Arimathie,  de 
Nicodème,  de  saint  Jean  et  de  la  Vierge  Marie,  qui,  saisissant 
le  bras  droit  de  son  fils,  le  seul  détaché  de  la  croix,  le  porte 
afîectueusementà  ses  lèvres.  Au-dessus  des  bras  de  la  croix, 
on  aperçoit  deux  bustes  mutilés  élevant  une  draperie  des 
deux  mains  pour  se  voiler  le  visage  en  signe  d'affliction. 
C'est  la  double  image  du  soleil  et  de  la  lune,  que  le  moyen 
âge  fait  assister  l'un  et  l'autre  au  supplice  de  l'Homme-Dieu. 
Au-dessous  de  ce  bas-relief,  on  lit  cette  curieuse  inscription, 
gravée  sur  la  pierre  en  caractères  de  la  fin  du  XIP  siècle  : 

. . .  RAVDUS  :  AVDEBERTVS  DSCO  :  lOHE  : 
ANGEmACO  :  ME  FECIT. 

Comme  l'a  dit  fort  justement  M.  de  Longuemar  dans  la 
description  raisonnée  qu'il  donnait  naguère  de  ce  portail',  la 
présence  de  cette  signature  au  bas  de  l'image  du  Crucifie- 
ment de  Foussay  est  «  un  fait  assez  rare  dans  les  œuvres  de 
ces  temps  reculés,  pendant  lesquels  les  artistes  semblaient 
avoir  fait  abnégation  de  leur  individualité,  pour  se  confondre 
dans  leur  immense  corporation  ». 

'  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest,  t-  xx,an.1S.i3. 


Illf 


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J'iir/di!  j)i'l)îriji(il  de  l'h;/li\e  de 


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•  I  \i><jj  • 


'i-tscii/   (Vcndôo). 


UNE    EXCURSION   ARCHÉOLOGIQUE    A   FOUSSAY  Slli 

L'autre  bas-relief,  logé  dans  l'arcade  de  droite  qui  répond 
au  côté  de  l'épître,  représente  le   souper   chez  Simon  et  le 
Nolime  tangere.  Autour  de  cette  jolie  composition,  le  sculp- 
teur s'est  plu  à  prodiguer  toute  la  fécondité  de   son   ciseau. 
Il  l'a  richement  encadrée  dans  un   cercle  de   feuillage  que 
supportent  les  troncs  de  deux  palmiers  et  les  fûts  tordus  en 
spirales  de  deux  colonnes  torses,  reposant   elles-mêmes   sur 
d'élégants  rinceaux,  comme  l'école  romane  les  savait  fouiller 
dans  la  pierre.  Cette  intéressante  décoration  végétale  se  re- 
trouve dans  la  façade  de   Fontaines,    et   tout  me  porte  à 
croire  que  l'ornementation  de  cette  église,   aussi  bien  que 
celle   de  l'église  de    la   Gaillère,   sont    l'o&uvre    du   même 
artiste    de    Saint-Jean-d'A.ngély    qui    a    signé     le    portail 
de  Foussay.  Il    convient,   du    reste,    d'ajouter    que    toute 
la  partie  décorative   de  ce   portail   n'est    pas  son    fait.  Au- 
dessus  des  trois   arcades   règne   une  longue  corniche   qui 
repose  sur  une   série  de  m.odillons    qui   offrent  les   types 
habituels  des  vertus  et  des   vices  adoptés   par  les  imagiers 
de  l'école  romape.  Ces  modillons,  de  même  que  les  métopes, 
les  archivoltes   et  les  chapiteaux,  dénotent  le  faire  naïf  et 
simple,   presque  maladroit,    des    sculpteurs    encore  inex- 
périmentés du  XP  siècle.  '  Cette  curieuse  façade  est  classée 
comme  monument  historique  depuis  1888.  Mais  les   vains 
efforts  que  j'ai  récemment  tentés,  de  concert  avec  M.  Hubert  de 
Fontaines,  pour  empêcher  que  Ton  ne  replaçât  l'affreux  ballet 
qui  en  cache  toutes  les   merveilles  architecturales,   me   font 
craindre  que  cette  classification  officielle  ne  soit  pas  toujours 
assez  efficace  pour  entraver  l'œuvre  néfaste  du   vandalisme 
local. 

Le  reste  de  l'église  appartient  au  XV"  siècle.  Les  voûtes  en 
ont  été  détruites  pendant  les  guerres  de  religion.  Les  ner- 
vures des  arceaux  qui  subsistent  descendent  directement 
sur  la  base  des  colonnes  sans  l'intermédiaire  de  chapiteau.x. 
La  tour  du  clocher,  à  l'intérieur  do  l'église,  est  décorée  d'unt^ 
jolie  frise   en  gothique   flamboyant.  Le  chevet   osl    droit  et 


374  UNE    EXCURSION   ARCHÉOLOGIQUE   A  FOUSSAY 

percé  de  deux  grandes  fenêtres  ogivales  qui  répondaient 
naguère  aux  deux  nefs  de  l'édifice.  Une  de  ces  fenêtres  a  été 
bouchée.  Dans  le  chœur  on  aperçoit  encore  quelques  vestiges 
de  l'ancienne  église  romane  (colonnes  et  chapiteaux  à  figures 
grimaçantes).  M.  Gabriel  de  Fontaines  possède  dans  sa  riche 
collection  archéologique  un  précieux  émail  {portrait  de  saint 
Jean-Baptiste)  qui  provient  de  l'église  de  Foussay. 


L'habitation  du  prieur  de  Foussay,  que  nous  visitons  au 
sortir  de  l'église,  était  située  derrière  le  chevet  de  cet  édifice, 
auquel  elle  était  reliée  par  un  large  passage  voûté  en  ber- 
ceau. Quelques  restes  assez  intéressants  de  l'ancien  prieuré 
subsislent  encore  :  citons  notamment  un  cellier  voûté  du 
XIII°  siècle,  une  fuie  octogonale,  et  dans  l'habitation  prin- 
cipale deux  cheminées  d'appartements  supérieurs  dont  les 
manteaux  sont  assez  curieusement  décorés."  Sur  l'un  d'eux 
se  voit  un  monogramme  encadré  de  branches  de  laurier  et 
surmonté  d'un  tortil  de  baron  avec  crosse  et  mitre.  On  sait, 
par  certains  titres,  que  les  prieurs  s'intitulaient  «  barons  de 
Foussay  ». 

L'autre,  restauré  avec  un  soin  digne  d'éloges  par  mon 
ami  M.  Paul-Emile  Boucher,  le  fils  du  maître  de  céans,  porte 
au  centre  un  soleil  encadré  par  le  tortil  de  baron  formant 
autour  un  cercle  fermé.  Aux  angles  du  haut  est  sculpté  le 
tortil  surmonté  d'une  mitre  et  d'une  crosse  ;  aux  angles  cor- 
respondants du  bas,  le  monogramme  représenté  sur  la  pré- 
cédente cheminée. 

Grâce  aux  intéressantes  communications  historiques  de 
M.  le  docteur  Pineau,  quelques-uns  des  titulaires  du  prieuré 
de  Foussay  nous  sont  connus  :  Jean  Morisset,  qui  obtint  en 
1599  les  lettres  patentes  d'Henri  IV,  portant  création  de  foires 
et  marchés  à  Foussay  ;   François    Deparis  ;   Pierre-Simon 


UNE   EXCURSION    ARCHÉOLOGIQUE    A    FOUSSAY 


375 


Dreux,  conseiller-aumônier  du  roy,  chanoine  de  l'ég-lise 
Notre-Dame  de  Paris,  qu'on  retrouve  à  Foussay  de  1640  à 
1673;  Hubert  Le  Masle,  dont  on  constate  la  présence  au 
mariag-e  de  Jean  Thubin,  sieur  de  Sérigné,  le  20  avril  1678, 
et  qui,  étant  mort  à  Foussay  le7  juillet  1691,  fut  enterré  dans 
le  chœur  de  l'église  ;  René-Charles  du  Verger  de  la  Roche- 
Jacquelein,  prêtre,  docteur  de  Sorbonne,  aumônier  de  feu 
Madame  la  Dauphine,  abbé  de  Saint-Polycarpe,  qui  figura 
comme  parrain  le  18  octobre  1691  et  mourut  en  1705  ;  Louis- 


Adrien  DE  Thumèry  de  Boissèze,  chevalier,  seigneur  baron 
de  Né,  bachelier  en  théologie  de  la  Faculté  de  Paris,  parrain 
le  19  mars  1718  ;  Dom  Antoine  Perrin,  religieux  de  l'ordre 
de  Saint-Benoist,  mort  en  1789;  et  enfin  Jean-Baptiste 
Vannier,  prêtre  du  diocèse  de  Langres,  nommé  prieur  le 
30  novembre  1789,  par  Ms'  César  Guillaume  de  la  Luzerne, 
évêque  de  Langres,  pair  de  France  et  abbé  commandataire 
de  l'abbaye  de  Bourgueil,  mais  qui  ne  put  jouir  de  son  prieuré. 
Ce  prieuré  dépendait  depuis  le  X"  siècle  de  l'abbaye  de 
Bourgueil,  à  laquelle  Guillaume  Fier  à  Bras  et  son  épouse 
Emma  en  avaient  fait  cession. 


376  UNE    EXCURSION    ARCHÉOLOGIQUE    A   FOUSSAY 


J'ai  dit,  au  début  de  ce  récit,  queFoussay  avait  été  naguère 
un  centre  commercial  de  quelque  importance.  J'ajouterai 
qu'il  comptait  alors  parmi  ses  habitants  un  grand  nombre 
de  petits  manufacturiers  :  tisserands^  sergetiers,  filtoupiers, 
tondeurs  de  draps,  écardeurs  de  laine,  corroyeurs,  etc..  De 
ce  passé  industriel,  nous  retrouvons  un  intéressant  vestige 
dans  la  curieuse  maison  qui  s'élève  auprès  de  l'église  et  sur 
le  linteau  de  porte  de  laquelle  nous  relevons  cette  inscription: 

CE  LOGIS  APPARTIENT  A  FRANÇOIS  LAVRENT 

MARCHANT,  DEMOVRANT  A  FOVSSAYS, 

A  ÉTÉ  COMMENCÉ  LE  VIII""=  DE   MARS  1552. 

De  l'autre  côté  de  celle  façade,  sur  la  cour,  on  voyait  jadis 
une  petite  loggia  composée  de  trois  arcades  cintrées  et  d'une 
porte.  Cette  construction,  unique  en  Vendée,  a  malheureu- 
sement été  détruite,  il  y  a  deux  ans.  Grâce  au  croquis  qu'en 
avait  pris  M.  de  Rochebrune  avant  sa.  destruction,  nous 
pouvons  en  donner  une  fidèle  image.  Ce  Laurent,  qui  possé- 
dait une  tannerie  à  la  Caquinière,  devait  probablement  faire 
le  commerce  des  cuirs.  Suivant  M.  B.  Fillon,  les  habi'ants 
de  Foussay  envoyaient  les  produits  de  leur  industrie  com- 
mune dans  les  magasins  du  Mayençais  Rodolphe  Lanvot, 
d'où  ils  reçurent  peut-ôlre  en  écharîge  les  premières  émana- 
tions des  doctrines  de  Luther.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que 
la  population  Foussayenne  manifesta  de  bonne  heure  sa 
sympathie  pour  les  idées  nouvelles. 

C'est  tellement  vrai  que  dès  1503.  cette  localité  possédait 
son  église  et  avait  un  pasteur  du  nom  de  Jacques  Chrestien. 
Au  XVIP  siècle,  un  temple  existait  au  village  do  la  Buar- 
dière.  Paul  de  Vendée  y  allait  faire  ses  dévotions. 

IntiM'dit  on  100.")J(' Icinnle  (le  la.    Buai'dièi'i'    fui   démoli  peu 


UNE   EXCURSION  ARCHÉOLOGIQUE   A  FOUSSAY 


377 


après.  Dès  lors,  les  protestants  de  cette  région  furent  con- 
traints de  se  réunir  en  plein  air.  Ils  n'en  lurent  pas  moins 
poursuivis  et  traqués.  Dauban,  de  Maigresouris,  qui  jouis- 
sait d'une    grande   considération,  fut  plus   particulièrement 


)  tX**A 


<^   '  ■  it  /CDI^e^mmJi— 


^  .  tJt*/tt».M^r^ 


Restes  de  la  loggia  de  la  Maison  François  Laurent, 

à  Foussay. 


en  butte  aux  embûches  du  sénéchal  de  Fonteiiay,  Moriccau 
de  Gheusse.  Ce  dernier,  trompé  par  un  faux  bruit  d'après 
lequel  Dauban  devait  prêcher  dans  les  premiers  jours  de 
mars  sur  les  ruines  du  temple  de  la  Bu^rdière,  passa  en  vain 
deux  jours  et  deux  nuits  à  l'attendre,  caché  à  une  portée  de 


378  UNE    EXCURSION   ARCHÉOLOGIQUE   A  FOUSSAY 

mousquet  de  ce  hameau  inhabité.  Faute  de  le  saisir,  l'inten- 
dant du  Poitou  le  condamna,  en  1779,  par  contumace,  à  être 
pendu  en  effigie  sur  la  place  de  Fontenay.  Un  dernier  ren- 
seignement historique  prouvera  mieux  que  toutes  autres 
affirmations  combien  la  doctrine  de  Luther  avait  trouvé 
d'adeptes  dans  ce  pays.  Dans  le  relevé  des  conversions  opé- 
rées par  les  Dragonnades  en  1681  et  inscrites  dans  le  rôle 
des  nouveaux  convertis,  Foussay  figure  pour  425  convertis. 
Il  n'est  dès  lors  pas  surprenant  qu'à  l'époque  des  guerres 
religieuses  les  protestants  de  Foussay  se  soient  unis  à  leurs 
coreiigionnaires  de  Fontenay  et  autres  localités  voisines  pour 
s'emparer  de  Luçon  et  mettre  à  sac  toutes  ses  églises.  Celle 
de  Foussay  n'eut  pas  moins  à  souffrir  des  exactions  hugue- 
notes, et  il  fallut  rien  moins  que  l'avènement  de  Henri  IV 
pour  ramener  la  paix  dans  cette  population.  L'avisé  mo- 
narque estima  avec  raison  que  le  meilleur  moyen  pour  at- 
teindre ce  but  était  de  favoriser  le  commerce  en  multipliant 
les  occasions  de  trafic  et  il  accorda  en  1599,  au  prieur  de 
l'endroit,  Jean  Morisset,  six  foires  nouvelles  par  an  et  un 
marché  par  semaine.  La  levée  de  ces  foires  fut  faite,  le  3 
mars  de  cette  même  année,  par  Michel  Deberland,  sieur  de 
Villdfort,  grand  maître  visiteur  et  réformateur  des  mar- 
chandises et  mesures  de  Guyenne,  de  Poitou,  de  Saintonge 
et  d'Aunis.  Les  curieuses  solennités  célébrées  à  cette  occa- 
sion ont.été  consignées  dans  un  procès-verbal  dont  l'original 
appartient  à  M.  Poisson,  de  Paris,  et  que  les  Paysaqes  et 
Monuments  du  Poitou  ont  partiellement  reproduit. 


Si  la  population  ouvrière  était  jadis  considérable  à  Foussay, 
Taristocratie  y  comptait  également  de  nombreux  représen- 
tants. Je  citerai  en  première  ligne  les  Viète  et  les  Besly, 
dont  certains  des  membres  se  sont  fait  un  nom  illustre  dans 
les  sciences  et  dans  les    lettres  françaises.  Jacques  Viète 


UNE   EXCURSION   ARCHÉOLOGIQUE   A    FOUSSAY  37i> 

habitait  l'ancienne  hôtellerie  encore  existante  «  où  pend 
l'enseigne  de  Sainte-Catherine  ».  Jean  Besly,  avocat  du  roi, 
historien  et  bibliophile  de  haut  mérite,  qui  pourrait  bien  êlre 
né  à  Foussay  oii  les  membres  de  sa  famille  pullulaient  au 
XV?  et  XVII'  siècles,  y  acheta  lui-même  des  terres  en  1621. 
Les  Vatable  du  Beugnon,  les  Draux  de  la  Groisinière,  les  de 
Bierge  et  les  Ghantreau  de  la  Jouberderie  habitaient  égale- 
ment dans  le  bourg.  Un  des  membres  de  cette  famille,  le 
chevalier  Louis  de  Ghantreau,  ancien  adjudant-major  au 
régiment  de  Hainault,  prit  sous  M.  de  Lescure  une  glorieuse 
part  aux  différentes  campagnes  de  l'armée  vendéenne. 

Les  environs  n'étaient  pas  moins  noblement  habités.  La 
Mesnaudière  et  la  Fournière  appartenaient  aux  Garipault  dont 
l'un,  André,  maire  et  capitaine  de  Fontenay,  fit,  en  1432, 
preuve  du  dévouement  le  plus  méritoire  au  cours  d'une  épi- 
démie qui  ravageait  la  ville.  La  Lanfraire  fut  successivement 
habitée  au  XVIP  siècle  par  la  famille  Bouhereau,  qui  a  mar- 
qué dans  les  luttes  du  protestantisme,  et  par  Magdelon  Ma- 
rin, sieur  de  la  Ghastelandière.  La  Bressaire  et  Trié  étaient 
aux  Brunet,  dont  l'un  des  représentants,  Joseph-Alexandre 
Brunet  de  Trié,  ancien  mousquetaire  de  Louis  XV,  repose 
sous  une  modeste  dalle  du  cimetière  de  l'Orbrie.  La  Jacotière 
fut  possédée  par  Glande  d'Aubigné  et  par  sa  femme  Jeanne 
Tiraqueau,  dont  le  nom  a  illustré  les  annales  fontenai- 
siennes.  Jean  Picard  (1606),  Anne  Bray  (1646).  Marie-Anne  de 
Nesmon  (1716)  et  Henri  Grimouard  de  la  Loge  (1772),  se  suc- 
cédèrent dans  la  terre  noble  de  la  Touche-Moureau,  si  pitlo- 
resquement  située  sur  les  bords  de  la  Vendée.  La  Digotith-e, 
aujourd'hui  simple  .hameau,  fut  peut-être  le  berceau  du 
célèbre  mathématicien  Viète.  Ge  qui  est  certain,  c'est  qu'un 
des  membres  de  cette  famille,  demoiselle  Jeanne  Viète,  veuve 
de  Jean  Gabriau,  sieur  de  Riparfon,  conseiller  au  parlement 
de  Bretagne,  possédait  en  1624  la  Bigotière  et  la  Bretinière. 
Peut-être  aussi  la  Guérinière  a-t-elle  donné  son  nom  à  l'il- 
lustre commensal  de  Pluvinel,  l'auteur  du  Traité  de  cavalerie, 
si  apprécié  sous  Louis  XV. 


380  UNE    EXCURSION   ARCHÉOLOGIQUE   A   FOUSSAY 

Mais  la  plus  importante  des  terres  voisines  de  Foussay 
était  à  coup  sûr  celle  de  Sérigny  ou  Sérigné,  dont  les  droits  de 
sergentise  féodale  sur  Mervent,  Maigre-Souris,  Veulx  et  la 
Boutrie,  créaient  à  ses  seigneurs  une  situation  considérable 
dans  le  pays.  Longtemps  possédé  par  les  Thubin,  les  Girault 
de  la  Goutancière  et  les  Brunet  de  la  Riaillière,  le  château 
de  Sérigny,  qui  a  conservé  quelques  restes  de  son  ancienne 
physionomie  féodale,  appartient  aujourd'hui  à  M.  Hubert  de 
Fontaines,  b.  l'obligeance  duquel  je  dois  une  grande  partie 
de  ces  renseignements. 

Et  je  terminerai  cette  rapide  excursion  à  travers  Thistoire 
et  l'archéologie  foussayenne  par  une  visite  aux  curieuses  ta- 
pisseries XVII"  siècle  de  Beauvais  et  de  Flandre,  qui  gar- 
nissent les  murs  du  Petit-Logis  de  mon  excellent  ami  le  doc- 
teur Bourasseau,  assuré  que  je  ne  saurais  laisser  le  lecteur 
sous  le  ciiarme  d'un  plus  riant  paysage  ni  d'un  plus  hospi- 
talier amphitryon. 

René  Vallette. 


LE  SIEGE  DES  SÂBLES-D'OLONNE 

EN     1793 


Récit  authentique  tiré" des  Archives  nationales,  départemen- 
tales et  inunicipales,  des  Archives  historiques  du  Miîiistère 
de  la  Guerre  et  des  collections  particulières. 


VII. 


LE  24  mars,  —  dimanche  des  Rameaux,  —  le  Conseil  gé- 
nérai des  districts  et  de  la  commune  ouvre  sa  séance 
dès  six  heures  du  matin.  A  huit  heures,  un  courrier, 
détaché  par  l'avant-poste  de  Pierre-Levée,  annonce  que  l'en- 
nemi s'avance  sur  la  routes  des  Sables.  A  dix  heures,  un 
second  courrier  faitsavoir  que  les  postesd'Olonneet  de  Pierre- 
Levée,  —  à  une  lieue  des  Sables,  —  ont  été  obligés  de  se 
replier  sur  la  ville.  Ordre  est  aussitôt  donné  de  battre  la 
générale*. 

Le  canon  d'alarme  est  tiré  en  même  temps,  rapporte  un 
témoin  oculaire,  l'ancien  échevin  de  la  Chaume,  André  Colli- 
net\  «  On  court  aux  armes  de  toutes  parts,  sur  la  nouvelle. 

'  Reg.  du  district  des  Sables. 

'  Notes  manuscrites  sur  les  Sables  et  la  Chaume. 

Tome  iv.  —  OgtobrE;  novembre,  décembre.  2(> 


382  LE   SIÈGE   DES   SABLES-DOLONNE   EN    1793 

que  l'ennemi  se  porte  vers  la  ville  et  qu'il  est  déjà  au  Pont- 
Chartaut.  Son  avant-garde  paraît  à  la  hauteur  de  Pierre-Levée 
avec  le  drapeau  blanc  portant  l'inscription  :  «  Vaincre  ou 
mourir!  »  600  hommes  de  garde  nationale,  120  hommes  de 
troupe  de  ligne,  200  cavaliers  et  deux  pièces  de  canon  partent 
des  Sables.  Le  gros  de  l'ennemi  paraît  sur  la  hauteur  pendant 
que  300  des  siens  se  dirigent  sur  Olonne,  s'en  emparent  et 
y  sonnent  le  tocsin.  A  la  vue  des  Sablais,  ils  font  halte. 
L'armée  sablaise  s'avance  jusqu'à  la  Vennerie  oîi  les  deux 
armées  en  présence  se  tirent  plusieurs  coups  de  canon.  A 
trois  heures,  on  voit  l'ennemi  se  diviser  en  trois  bandes 
pour  envelopper  les  Sablais.  Ceux-ci  l'ont  retraite  au  ruisseau 
des  Filées.  Le  piquet^  qui  était  sur  la  route  d'Olonne,  se  replie 
aussi...  L'une  des  colonnes  ennemies,  de  2,000  hommes,  se 
dirige,  par  le  chemin  de  traverse,  sur  la  route  de  Talmond  ; 
uneautre,  de  3,000  hommes,  sur  le  couvent  des  Religieuses  ;  le 
reste,  sur  le  poste  de  la  Barre,  avec  4,000  hommes. 

Sur  les  cinq  heures,  après  une  canonnade,  lisons-nous 
dans  le  procès-verbal  de  l'Assemblée  permanente  des 
districts  des  Sables  et  de  Ghallans  réunis,  il  est  con- 
duit à  l'administration  un  parlementaire  de  l'armée  des  re- 
belles, chargé  d'une  missive  dont  la  teneur  suit  : 

«  Messieurs, 

«  Vous  n'ignorez  pas  la  position  actuelle  de  la  France.  Le  fléau  de 
a  la  guerre  civile  s'y  propage  et  afflige  principalement  notre  mal- 
»  heureux  pays.  Nous  nous  combattons  depuis  quinze  jours  ;  vous^ 
«  pour  soutenir  des  principes  qui  ont  renversé  le  trône  et  l'autel, 
«  détruit  et  rompu  tous  les  liens  de  la  société  ;  et  7ious,  pour  nous 
«  défendre  de  l'oppression  et  de  la  tyrannie  qui  nous  accablaient 
«  et  pour  le  rétablissement  de  l'ordre  et  de  la  paix. 

a  Vous  nous  qualifiez  de  Brigands,  lorsque  nous  ne  faisons  que 
«  défendre  nos  vies  et  nos  propriétés. 

«  Une  loi,  que  vous  avez  adoptée  comme  princip3  fondamental  do 
«  votre  prétendu  gouvernement  républicain,  est  la  souveraineté 
«  résidant  essentiellement  dans  le  peuplo.  Eh  bien  !  ce  peuple  sou- 


LE   SIÈGE   DES   SABLES-d'oLONNE    EN    1793  383 

«  verain  veut  des  lois,  un  roi  et  l'exercice  libre  de  sa  religion.  Tel 
«  a  été  son  vœu,  et  vous  l'avez  méprisé.  Il  s'est  levé  tout  entier.  Il 
«  a  opposé  la  force  à  la  tyrannie.  Si,  dans  les  premiers  moments,  il 
«  a  commis  quelques  excès,  ce  n'est  que  parce  qu'il  n'a  pas  assez  de 
«  principes  pour  savoir  contenir  dans  des  bornes  légitimes  sa  trop 
«  juste  indignation.  Les  actes  de  violence  auxquels  il  s'est  porté  ne 
«  terniront  plus  ses  succès  ;  la  religion  y  a  mis  le  seul  frein  qui 
«  pouvait  les  arrêter. 

«  La  loi  de  la  milice  a  seule  fait  éclater  l'indignation  du  peuple 
«  concentrée  depuis  si  longtemps  par  tous  les  maux  qu'on  lui  a  faits. 
«  L'arrêté  tyrannique  de  votre  département,  du  25  février  dernier,  a 
«  produit  le  même  effet  sur  les  chefs  qui  conduisent  notre  rassemble- 
«  ment.  Le  même  sentiment  d'oppression  a  éclaté  de  toutes  parts  et 
«  a  réuni  presque  dans  un  seul  instant  cette  force  que  nous  vous 
«  opposons. 

«  Ouvrez  les  yeux,  Messieurs,  et  vous  reconnaîtrez  facilement  les 
«  causes  des  maux  qui  nous  affligent  tous  ! 

<  La  Francen'était  plus  qu'un  chaos.  Le  trône  renversé,  la  religion 
«  méprisée  et  proscrite,  nos  propriétés  usurpées,  nos  vies,  celles  de 
«  nos  femmes  et  de  nos  enfants,  menacées  :  tels  sont  les  justes 
^<  motifs  qui  nous  ont  mis  les  armes  à  la  main.  Nous  avons  tous 
«  juré  de  ne  les  déposer  qu'avec  succès  ou  après  une  victoire  com- 
«  plète. 

«  Sachez,  Messieurs,  que  ce  que  vous  appelez  notre  insurrection 
«  existe  et  se  propage  dans  tous  les  départements  ;  nous  en  avons 
«  la  certitude. 

«  Combien  de  sang  va  couler  !  Et  ce  sang  est  celui  de  nos  frères,  de 
«  nos  amis,  et  même  de  ce  peuple  à  qui  vous  devez  votre  existence  ! 
«  Car  Messieurs,  si  vous  espériez  encore,  malgré  vos  défaites,  rem- 
«  porter  la  victoire,  elle  ne  pourrait  vous  conduire  qu'à  un  fléau 
«  plus  cruel  et  plus  destructeur  que  la  guerre  civile,  la  famine  '.  Et 
«  comment  encore  vous  défendrez-vous  de  vos  ennemis  du  dehors  ? 

«  Vous  pouvez  encore  éviter  ces  malheurs.  Nous  vous  en  conju- 
«  rons  même,  au  nom  de  la  religion  qui  nous  anime,  du  Dieu  qui  nous 
«  conduit  et  nous  fait  prospérer  ;  au  nom  de  vos  femmes  et  do  vos 
«  enfants  détenus,  gémissants  dans  les  prisons,  qui  vous  appellent 
«  et  vous  tendent  les  bras  !  Encore  une  fois,  ouvrez  les  yeux  !  dé- 
«  plorez  vos  erreurs  '.Au  lieu  d'être  nos  ennemis,  soyez  nos  frères 
«  et  nos  amis  !  Vos  vies  seront  en  sûreté  parmi  nous.  Epargnez  le 
a  sang  qui  va  couler  ! 

«  Vous  ne  pouvez  résister  à  l'armée  qui  vous  assiège,   et  si,  dans 


384  LE  SIÈGE  DES  sables-d'olonne  EN   1793 

<<  trois  heures,  nous  ne  recevons  pas  une  réponse   satisfaisante,  si 
«  notre  parlementaire   n'est  pas  traité  et  respecté  comme  il  doit . 
f  l'être,  si  les  portes  de  la  ville  ne  s'ouvrent,  si  vous  ne  rendez  les 
e  armes,  nous  ne  répondons  plus  de  votre  salut,  et  vous  et  la  ville 
t  qui  vous  renferme  serez  traités  suivant  les  rigueurs  de  la  guerre. 

«  Le  commandant  général  du  camp  près  les  Sables,  ce  24  mars 
c  i795, JoLY.  » 

«  Le  Conseil, 

«  Après  avoir  pris  lecture  de  cette  pièce  et  avoir  fait  subir  un 
interrogatoire  sur  cahier  séparé  audit  parlementaire, 

«  Les  procureurs-syndics  entendus, 

«  A  arrêté  et  arrête  que  ledit  parlementaire  sera  traduit  à  la 
maison  de  détention,  avec  les  1ers  aux  pieds,  pour  être  livré  aux 
mains  de  la  justice'. 

«  Il  a  été  annoncé  que  les  troupes  rentraient  et  que  l'ennemi 
poursuivait. 

«  Le  Conseil  arrête  aussitôt  que,  d'après  les  principes  qui  le 
dirigent  et  le  serment  que  chacun  de  ses  membres  a  fait  de  mourir 
à  son  poste,  ferme  et  calme,  chacun  d'eux  resterait  à  son  poste 
attendre  le  résultat  du  siège. 

«  Sur  les  neuf  heures,  il  a  été  annoncé  que  le  siège  avait  cessé  et 
que  l'ennemi,  ayant  reçu  un  léger  échec,  se  repliait  sur  Olonne  et 
la  Mothe-Achard  ;  que  cependant  quelques  pillards  se  tenaient 
surtout  du  côté  des  Grandes  Portes  et  de  la  Côte. 

«  Au  même  instant,  le  citoj^en  Jousson,  commissaire,  est  entré 
et  a  annoncé  l'arrivée  du  yacht  VEnfant  en  rade  avec  des  muni- 
tions de  guerre  et  des  vivres.  Son  collègue  Massé  était  resté  pour 
prévenir  le  départ  des  troupes  attendu  d'un  jour  à  l'autre 

«  Le  Conseil  fait  expédier  une  chaloupe  au  général  Verteuil  pour 
l'instruire  du  siège  que  soutient  la  ville  et  le  prie  d'expédier  les 
troupes  demandées  et  promises  depuis  huit  jours 

«  A  cinq  heures  du  soir,  des  citoyens  d'Olonne  rapportent  que 
l'ennemi  est  en  nombre  considérable-.  » 


'  C'était  un  jeune  homme  d'Aizenay,  Jean  Arnaud,  :igé  de  18  ans,  et  exer- 
çant le  métier  de  taillandier.  Il  fut  condamné  à  mort  le  .'i  avril  par  la 
Commission  militaire  des  Sables. 

*  Procès-verbal  immédiatement  dressé,  extrait  du  registre  des  délibéra- 
tions du  district  des  Sables. 


LE    SIÈGE    DES   SABLES-D'OLONNE   EN    1793  385 

André  Collinet' raconte  ainsi  la  fin  de  la  journée  du24  mars: 

«  On  n'a  rien  répondu  à  la  sommation . 

«  Les  ennemis  se  sont  avancés  pour  forcer  la  barrière.  Le  feu  a 
commencé  de  toutes  parts  ;  mais  nos  canons  de  8  et  de  12  leur  en 
ont  imposé.  Leurs  boulets  sans  force  venaient  tomber  aux  pieds 
des  murs  de  la  ville.  Ils  ont  tenté  d'escalader  les  murs  du  couvent, 
mais  une  vive  fusMlade  à  propos  les  a  fait  se  retirer,  après  avoir  tiré 
de  part  et  d'autre  dix-sept  coups  de  canon.  Le  jour  s'est  fermé, 
le  feu  a  cessé. 

«  Le  vent  était  nord,  le  temps  beau.  Le  soir,  est  arrivée  en  rade 
une  corvette  escortant  un  navire  chargé  de  poudres  et  de  munitions. 
On  a  fait  rentrer  en  ville  les  farines  restant  dans  les  moulins.  » 

Le  procès-verbal  particulier  de  la  municipalité%  très  bref, 
constate  que  «  le  combat  a  duré  plusieurs  heures,  que  l'en- 
nemi a  fait  des  pertes,  et  qu'il  n'y  a  eu  personne  de  tué  parmi 
les  assiégés.  » 

Gaudin  aîné  a  ainsi  rendu  compte  de  cette  journée'  : 

«  Le  24  mars,  les  brigands  vinrent  attaquer  les  Sables.  Nous 
sortîmes  au-devant  d'eux  pour  leur  en  imposer,  et  primes  une  posi- 
tion t'^lle  que  nous  étions  toujours  à  même  d'opérer  une  retraite 
sous  le  canon  de  la  place.  Un  cavalier  des  brigands  vint  à  nous;  il 
demanda  le  commandant;  on  me  l'amena.  11  me  remit  une  sommation 
de  rendre  la  ville  aux  troupes  de  Louis  XVII.  Cette  sommation, 
pleine  de  promesses  et  de  menaces  en  cas  de  résistance,  était 
adressée  aux  commandants  et  aux  administrateurs  des  Sables.  Je 
dis  à  Foucaud,  en  la  lui  donnant  :  «  Mettez-la  en  poche  ;  nous  le 
montrerons  à  nos  administrateurs  après  l'affaire  !  »  Et,  l'ennemi  se 
trouvant  à  portée,  elle  s'engagea  aussitôt  Nous  ne  tardâmes  pas  à 
effectuer  notre  retraite,  nous  étant  aperçus  que  son  aile  gauche 
gagnait  sur  la  ville  pour  l'attaquer,  tandis  que  son  corps  de  bataille 
nous  amusait.  Elle  se  fit  avec  ordre,  et  après  avoir  tenté  plusieurs 
petites  attaques  sur  différents  points,  les  brigands  battirent  la  re- 
traite à  l'entrée  de  la  nuit,  et  partirent,  emportant  leurs  morts^ 
ne  laissant  que  les  traces  de  leur  sang  et  quelques  cadavres  de 
chevaux  tués  par  notre  canon    » 

»  Notes  manuscrites. 

2  Reir.  (le  la  mairie  des  Sables. 

*  Compto-rendu  de  Gaudin. 


386  LE    SIÈGE   DES   SABLES-d'OLONNE    EN    1703 

Aussitôt  de  retour  du  champ  de  bataille;,  Gaudin  écrivait 
à  son  collègue  Niou',  commissaire  préposé  avec  Trullard  et 
Mazade  à  la  défense  des  côtes,  et  qui  se  trouvait  en  ce  mo- 
ment à  la  Rochelle  : 

o  Secourez  promptement  notre  ville  des  Sables,  mon  cher  ami,  si 
vous  ne  voulez  pas  qu'elle  tombe  aux  mains  des  "révoltés  ;  car,  de 
moment  à  autre,  un  débarquement  des  Anglais  peut  ajouter  à  la 
position  critique  ou  nous  nous  trouvons.  C'est  tout  ce  que  nous 
pouvons  faire  que  de  résister  actuellement.  Nous  sommes  sur  les 
dents  par  les  veilles  et  les  fatigues  que  nous  causent  chaque  jour 
les  aristocrates  et  nos  paysans  égarés.  Au  moment  où  je  vous  écris, 
nous  sommes  assiégés  par  plus  de  3,000  hommes.  Nous  avons  fait  une 
sortie  sur  eux  ;  mais,  après  une  courte  canonnade,  nous  avons  été 
obligés  de  nous  replier,  de  crainte  d'être  enveloppés.  L'ennemi  a 
marché  contre  nos  murs  avec  une  audace  incroyable.  Nous  l'avons 
repoussé.  Cependant  le  siège  n'est  pas  fini  et  nous  pouvons  éprouver 
de  nouvelles  attaques.  Je  vous  le  répète  :  un  prompt  secours  !  Nous 
saurions  mourir  plutôt  que  de  rendre  notre  ville.  Mais  j'espère  que 
vous  ne  nous  réduirez  pas  à  cette  extrémité.  Nous  avons  la  moitié 
de  nos  gardes  nationaux  sans  fusils.  Tâchez  de  nous  en  envoyer 
quelques-uns,  et  songez  que,  si  vous  ne  nous  donnez  pas  de  quoi 
nous  défendre,  nous  ne  pourrons  faire  de  sorties  ;  on  serait  réduit 
à  mourir  de  faim.  L'ennemi  est  bien  armé  et  a  du  canon.  » 


VIII. 

Le  «  commandant  général  du  camp  près  les  Sables  »  était 
bien  connu  des  patriotes  sablais. 

Le  2  septembre  1792,  il  avait  élé  expulsé  de  l'assemblée 
des  électeurs  du  département  de  la  Vendée  réunis  à  la  Châ- 
taigneraie pour  nommer  leurs  députés  à  la  Convention.  Pro- 
cureur de  la  commune  de  la  Chapelle-IIermier,  il  avait  fait 
de  sa  maison  l'asile  de  l'ancien  curé  insermenté  Brillaud, 
dont  la  présence,  dans  un  coffre,  pendant  une  perquisition, 

«  Lettre  dont   la  copie,  contresignée  par  Niou  et  Trullard,  se  trouve  aux 
Arch.  (Hist.  de  la  guerre,  arrnée  des  Votes). 


LE  SIÈGE  DES  sables-d'olonne  EN  1793  387 

s'était  révélée  par  une  mèche  de  cheveux  qui  traversait  le 
trou  de  la  serrure*.  Déjà,  en  1891,  il  avait  été  poursuivi,  avec 
son  domestique,  pour  «  voie  de  fait  et  injure  grave  contre 
un  arpenteur  et  manœuvres  tendantes  à  empêcher  la 
promulgation  et  l'exécution  des  décrets  de  l'Assemblée 
constituante  ».  Mais  cette  procédure  criminelle  avait  été 
abolie  par  l'amnistie  du  15  septembre'  Le  8  aoiit  1702,  il  avait 
été  cité  à  comparaître  devant  le  district  des  Sables  pour 
€  la  conduite  plus  qu'indigne  »  qu'il  avait  tenue  en  pré- 
sentant un  «  état  évidemment  infidèle  »  des  frais  qu'il  préten- 
dait avoir  faits  «  pour  la  formation  des  matrices  des  rôles  de 
sa  communauté  ■>.  Le  district,  «  après  s'être  expliqué  avec 
lui  »,  lui  avait  déclaré  a  qu'il  improuvait  sa  conduite  et  lui 
avait  enjoint  de  se  mieux  comporter  à  ravenir\  » 

Né  à  Bordeaux,  vers  1760,  il  avait  servi  dans  le  régiment 
de  Flandre  d'où  il  était  sorti  sergent.  Il  avait  été  amené  dans 
la  Basse-Vendée  par  Henri  Servanteau  de  la  Brunière,  de 
Beaulieu,  surnommé  le  Chasseur,  dont  le  fils  émigra'. 
Il  s'était  marié  à  la  Chapelle-Hermier  où  il  exerçait  toute 
sorte  de  métiers  :  horloger,  cordonnier,  tailleur,  forgeron, 
en  même  temps  qu'artiste  peintre  et  architecte,  de  plus  chi- 
,  rurgien  d'une  adresse  éprouvée,  ce  qui  lui  valut  une  popula- 
rité considérable  dans  la  région*.  Ses  enrôlements  de  paysans, 
préparés  de  longue  main,  lui  avaient  fourni  un  corps  armé 
relativement    important  dès  le  début   de  l'insurrection  de 


»  D'après  une  brève  notice  de  M.  A.  Bitton,  le  collaborateur  de  Benjamin 
Fillon  dans  la  merveilleuse  reconstitution  des  Archives  de  la  ville  de  Fon- 
tenav-le-Comte,  brûlées  durant  la  guerre  civile. 

'  D'après  l'état  des  procédures  supprimées  que  nous  avons  tirées  de 
grenier  du  greffe  du  tribunal  civil  des  Sables. 

ï  Délibération  du  district  des  Sables,  26  avril,  8  et  16  août  1792,  aux 
Archives  du  déparieme/it  de  la  Vendée. 

*  Notice  de  M.  A.  Bitton. 

«  D'après  les  deux  premiers  cahier  des  Mémoires  inédits  de  Mercier  du 
Rocher,  dont  la  copie  fait  partie  de  la  colUction  Dugast-Matifeux,  et  qui 
ont  été  communiqués  à  Louis  Blanc  (Histoire  de  la  Révolution  française, 
t.  vin,    p.  316). 


388  LE    SIÈGE   DES   SABLES-d'OLONNE   EN    1793 

> 

1793  et  permis  de  prendre  la  tête  de  l'expédition  contre  les 
Sables,  que  les  Lézardière,  du  Poiroux,  et  les  du  Chaffault, 
d'Avrillé,  avaient  déjà  voulu  tenter  au  mois  de  juin  1791. 
S'il  avait  réussi,  il  aurait  acquis,  dans  la  Vendée  maritime, 
une  situation  beaucoup  plus  importante  que  celle  de  Gathe- 
lineau  dans  l'Anjou  vendéen. 

L'insuccès  de  sa  première  campagne  l'exaspéra  et  contre 
les  prêtres,  —  dont  plusieurs  encore  aujourd'hui,  comme 
M.  l'abbé  Pontdevie  le  traitent  de  «  catholique  douteux  »,  — 
et  contre  les  nobles,  qu'il  accusait  de  ne  pas  l'avoir  franche- 
ment secondé*.  Ce  «  démocrate  royaliste'  »  éprouvait  pour 
Charette  de  laContriela  plus  profonde  antipathie  ;  Charette le 
tenait  pour  «  un  fou  ou  un  homme  dangereux^  ».  Cependant 
Joly,  après  avoir  pris  part  à  l'occupation  de  Fontenay  le  25  mai, 
coopéraitavec  sonrival  à  l'attaque  de  Nantes,  puis  aux  luttes 
avec  l'armée  de  Mayence  à  Torfou,  Montaigu  et  Saint-Fulgent. 

11  avait  dans  satroupedeuxde  ses  filsqui  furenttuésàsescôtés 
dans  la  même  action'*.  Un  troisième,  l'aîné,  s'était  engagé  parmi 
les  volontaires  de  la  Vendée  en  1791,  avait  assisté  à  la  vic- 
toire de  Jemmapes,  puis  avait  abandonné  le  bataillon,  vers  la 
fin  d'avril  1793,  à  cause  des  embarras  que  la  conduite  de  son 
père*  lui  causait  vis-à-vis  de  ses  camarades,  pour  passer  dans  ♦ 
la  légion  du  Nord  que  commandait  Westermann,  alors  à 
Cambrai,  et  un  peu  plus  tard  envoyé  en  Vendée.  Il  se  trouvait 
aux  Sables-d'Olonne,  le  21  mai,  parmi  les  volontaires  du 
5"  bataillon  de  la  Marne  ;  on  l'arrêtait  le  10  juin",  le  voisinage 
de  l'armée  de  son  père  rendant  sa  présence  suspecte.  Le 

12  juillet,  il   comparaissait,  sous  l'accusation  d'espionnage 

•  D'après  la  correspondance  entre  les  chefs,  conservée  aux  Archive»  histo- 
riques de  la  guerre. 

'  Comme  l'appelle  Théodore  Muret  {Hist.  des  Guerres  de  l'Ouest),  t.  i,  p.  49. 

'  Notice  de  M.  A.  Bitton. 

4  Notice  de  Heauchamp  dans  la  Biographie  universelle  de  Michaud. 

s  Notice  de  M.  A.  Bitton. 

•  Livre  d'ordre,  et  de  correspondance  du  général  Boulard,  aux  dates  du  21 
mai  et  10  juin. 


LK    SIÈGE    DES    SABLES-D'OLONNE   EN    1793  389 

pour  les  révoltés,  devant  la  commission  militaire  de  la  Ro- 
chelle qui  l'acquittait.  Rentré  à  son  bataillon,  il  était  fait  pri- 
sonnier dans  une  rencontre  et  conduit  à  son  père  qui  impi- 
toyablement ordonna  de  le  fusiller*. 

Les  forces  principales  de  l'armée  catholique  et  royale  dans 
la  Haute-Vendée  et  l'Anjou  ayant  passé  la  Loire  pour  être 
finalement  exterminées  à  Savenay,  les  chefs  de  laBasse-Ven- 
dée,  Gharetfce  et  Joly,  qui  n'avaient  pas  quitté  le  pays,  se  dis- 
putèrent le  commandement  général  qui  échut  au  premier. 
Joly,  si  violent  qu'il  avait  brûlé  la  cervelle  au  chef  de  l'ar- 
tillerie Leblanc  pour  un  refus  de  poudre,  éclata  contre  Cha- 
rette  en  plein  comité  royaliste.  Lorsque  peu  après,  au  mois 
d'août  1795,  s'opéra  la  jonction  des  troupes  de  Charette  avec 
celles  de  Stofflet,  Joly,  accusé  d'avoir  détourné  les  approvi- 
sionnements, fut  poursuivi  par  une  compagnie  de  chasseurs 
au  milieu  de  ses  troupes  qui,  en  majeure  partie,  l'aban- 
donnèrent, l'entendant  appeler  traître  ;  il  fut  atteint  au 
moment  où  il  essayait  de  traverser  la  Loire  et  massacré.  Des 
cavaliers  furent  même  envoyés  à  la  Rcche-sur-Yon  arrêter 
sa  femme  qu'ils  fusillèrent.  —  «  Joly  est  mort,  s'écriait-elle 
au  moment  de  l'arrestation  ;  Charette  n'eût  pas  osé,  lui 
vivant,  toucher  un  cheveu  de  ma  tête'*  !  « 

Mais  revenons  au  siège  des  Sables  et  faisons  remarquer 
que  si  Joly  commandait  en  chef,  il  avait  constitué,  à  la 
Mothe-Achard ,  un  conseil  de  guerre  qui  comprenait, 
d'abord  lui,  puis  un  de  ses  fils,  ensuite  Jean  Ruchaud, 
Dubois  et  A.  Pineau,  enfin  les  ci-devant  nobles  d'Espi- 
nasseau,  du  Fief,  avec  les  trois  chevaliers  du  Ghaffault', 
Buor  et  de  la  Voyrie''. 

•  D'après  Mercier  du  Rocher. 

»  Cette  trop  brève  notice  sera  complétée  ailleurs  et  nous  ne  manquerons 
pas  d'utilisé-'  les  précieux  renseignements  que  M.  René  Vallettc  a  tirés  des 
notes  de  la  Fontenelle  de  Vaudoré  et  publiés  h  notre  intention  dans  VÉtoile 
de  la  Vendée  du  15  novembre  1891. 

•'  Benjamien  Fillon  :  Pièces  contre-révolutionnaires,  p.  60. 

4  L'un  des  fils  du  comte  du  Chaffault  de  la  Guignardière. 


390  LE    SIÈGE   DKS    SABLES  D'OLONNE   EN    1793 

La  marche  vers  les  Sables,  sur  la  droite,  pendant  que  l'ar- 
mée de  la  Mothe  préparait  son  mouvement,  était  dirigée  par 
Guerry  du  Gloudy  et  Josse  de  Rorthais,  les  deux  gentils- 
hommes qui,aumois  de  mai  1791,  avaient  été  les  plus  compro- 
mis dans  les  insurrections  d'Apremont  et  de  Saint-Christophe 
du  Ligneron.  A  la  suite  de  l'avortement  des  premières  ten- 
tatives contre-révolutionnaires,  étouffées  avec  tant  d'éner- 
gie par  les  patriotes  des  districts  des  Sables  et  de  Challans 
secourus  par  lesNantais,  les  principaux  instigateurs,  les  Ro- 
bert de  Lézardière,  les  Loynes  de  la  Goudraie,  n'avaient  pas 
profité  de  l'amnistie  de  la  Constituante  pour  se  réinstaller 
dans  leurs  châteaux,  dont  deux  d'ailleurs  avaient  été 
brûlés.  Ils  s'étaient  en  allés,  les  uns  à  Paris,  les  autres 
vers  Châtillon,  le  nouveau  centre  de  rassemblement  ; 
quelques-uns  avaient  émigré  à  Goblentz  et  à  Jersey.  Mais 
ceux  qui  étaient  revenus  ou  étaient  restés  plus  ou  moins 
cachés,  comme  les  Tinguy,  les  La  Roche-Saint-André,  les  La 
Barbelais,  les  Baudry-d'Asson,  se  trouvèrent  prêts  à  marcher 
au  moment  depuis  longtemps  attendu*.  Pour  un  qui  parut  se 
faire  prier  comme  Gharette  aspirant  au  commandement  su- 
prême, vingt  anciens  seigneur^  organisèrent  eux-mêmes  leurs 
métayers  en  compagnies.  L'ancien  garde  du  corps,  Antonin 
d'Angely^  se  rencontra  à  point  dans  la  commune  de  Sainte- 
Poy  pour  devenir  le  directeur  des  subsistances  de  l'armée 
de  Joly,  et  le  préposé  à  la  garde  des  patriotes  prisonniers, 
l'ancien  officier  irlandais  au  service  du  roi  de  France,  Wil- 
liam Bulkeley^,  pour  chasser  les  autorités  républicaines  de 
laRoche-sur-Yon  et  organiser  militairement  la  région.  Les  ab- 
sents furent  même  brillamment  remplacés  par  leurs  femmes. 
Dans  les  premières  semaines  du  mois  de  mars,  il  y  eut  au 

»  D'après  la  correspondance  entre  les  chefs,  aux  archives  du  ministère  de 
la  guerre. 

>  Condamné  à  mort  le  24  septembre  1793  (Papiers  de  la  commission  mili- 
taire des  Sables,  aux  archives  du  département  de  la  Vendée). 

•  Fusillé  à  Angers  le  3  janvier  1794. 


LE   SIÈGE    DES   SABLES-D'OLONNE   EN    17U3  391 

moins  trois  comités  organisés  par  l'initiative  des  dames  et 
dont  elles  restèrent  les  chefs  :  à  Goëx,  M"""  de  l'Espinay  de  la 
Roche'  ;  à  Apremont,  la  vieille  M"'  de  la  Rochefoucauld', 
née  Suzanne  Poictevin.  La  jeune  et  belle  M""'  de  la  Roche- 
foucauld', le  13  mars,  un  pistolet  au  poing,  avait  envahi  la 
maison  commune  de  la  Garnache  et  s'y  était  installée 
présidente  du  Conseil  catholique  et  royal". 


IX. 


Durant  la  nuit  du  24  au  25  mars,  raconte  André  Collinet', 
«tous  les  habitants  étaient  debout;  onveillaitpartout  ;  l'ennemi 
était  aux  portes.  Aussitôt  le  matin,  on  a  renvoyé  demander 
des  secours  à  la  Rochelle.  On  s'attendait  à  une  nouvelle  at- 
taque, mais  lI  n'a  paru  personne.  On  a  été  instruit  que  les 
assaillants  s'étaient  retirés  à  Olonne  et  dans  les  villages  voi- 
sins après  avoir  éprouvé  de  grandes  pertes.  D'après  les  rap- 
ports des  prisonniers,  leur  armée  était  forte  de  8  à  9,000 
hommes. 

«  Dans  la  matinée^  on  était  assez  tranquille  ;  on  s'occupait 
à  fortifier  le  mieux  possible  la  ville  avec  des  canons  de  36, 
empruntés  au  fort  Saint-Nicolas  ;  à  faire  moudre  du  blé,  etc. 
Toutes  les  six  heures,  on  envoyait  à  la  Rochelle  faire  con- 
naître la  position. 

«  A  une  heure  du  soir,  la  générale  a  battu  sur  l'avis  que 

1  D'après  le  jugement  de  Riou,  procureur  de  cette  commune,  condamné  à 
moi't  le  5  ayril.  (Commission  militaire  des  Sables.^ 

*  Condamnée  à  mort,  aux  Sables,  le  17  mai  1793. 
s  Id.  le  24  janvier  1794. 

*  D'après  la  correspondance  inédite  entre  les  chefs,  que  nous  donnerons 
tome  III  de  notre  ouvrage  La  préparation  de  la  Guerre  de  Vendée,  dont  le 
premier  volume  vient  de  paraître  chez  Paul  Dupont,  Paris. 

*  Notes  manuscrites. 


392  LE  SIÈGE  DES  sables-d'olonne  EN  1793 

les  royalistes  se   portaient  sur  la  Chaume,  par  Sauveterre  ; 
on   s'est  disposé  en  conséquence;   mais  c'était  une  fausse 

alerte. 

«  Sur  les  huit  heures  du  matin,  le  25,  «  un  capitaine  de  marine, 
arrivant  de  Nantes,  rapporte  que,  depuis  cette  ville,  tous  les 
bourgs  et  villages  sont  en  insurrection  et  ont  arboré  le  dra- 
peau blanc,  que  Nantes  est  bien  tranquille  et  fait  des  sorties 
continuelles.  » 

Le  Conseil  des  autorités  civiles  réunies  «  profite  du  pre- 
mier moment  tranquille  »  pour  informer  de  la  position  des 
Sables,  —  u  la  plus  triste  sans  doute  que  puissent  supporter 
des  républicains  qui  ont  juré  de  vaincre  ou  de  mourir,  puis- 
qu'ils ont  presque  douté  un  moment  de  leur  salut  »,  —  les 
commissaires  delà  Convention  qui  se  trouvaient  à  la  Rochelle, 
en  Vendée  ou  dans  les  départements  voisins. 

Les  administrateurs  font  à  ces  «  citoyens,  leurs  amis  », 
le  récit  de  l'attaque  repoussée  la  veille,  et  ajoutent  : 

«  Après  plusieurs  décharges  de  son  côté,  l'ennemi  battit  en 
retraite  à  l'entrée  de  la  nuit  et  se  dispersa  dans  les  villages 
qui  nous  entourent.  Le  commandant-général  a  fait  pendant 
la  nuit  de  fréquentes  patrouilles  hors  la  ville,  et  nos  braves 
frères  d'armes  ont  eu  l'intrépidité  d'aborder  un  de  ces  villages 
(jù  les  brigands  avaient  passé  la  nuit,  et  plusieurs  paresseux 
ont  été  très  facilement  enveloppés  et  amenés  aux  Sables. 
D'après  leurs  dépositions  et  le  rapport  de  nos  piquets, 
l'ennemi  ne  s'est  replié  que  pour  se  réunir  et  se  porter  sur 
le  bourg  de  la  Chaume.  Ce  poste  ne  peut  être  défendu  que 
par  un  grand  nombre  de  troupes,  tandis  que  la  prudence 
exige  que  les  postes  des  trois  portes  soient  maintenus  tels 
qu'ils  ont  été  formés  hier,  car  il  serait  possible  que  le  bruit 
(lue  répand  l'ennemi  d'attaquer  tel  quartier  ne  fût  qu'un 
leurre  pour  nous  attirer  dans  le  piège.  Dans  cette  perplexité 
cruelle,  nos  braves  frères  sont  presque  épuisés.  Leur  courage 
seul  les  soutient,mais  il  n'est  pas  croyable  qu'ils  puissent  tenir 
longtemps,  toujours  sur  pied  et  couchant  au  bivouac.  Nous 


Ld   SIÈGE   DES   SABLES-d'oLONNE  EN   1703  393 

venons  de  nouveau  réclamer  des  secours  que  votre  généreuse 
amitié  ne  nous  refuseracertainementpas.  Ces  secours  doivent 
être  de  toute  espèce,  soit  en  munitions  de  guerre,  si  vous 
en  avez,  soit  en  hommes  armés.  Faites  en  sorte,  chers 
concitoyens,  de  nous  expédier  surtoutledernier  renfort.  Avec 
vous,  nous  espérons  toutes  sortes  de  succès  ;  sans  vous, 
notre  position  est  désespérante,  car  nous  n'avons  encore  reçu 
aucune  forcearmée  de  la  Rochelle,  et  l'insouciance  du  général 
Verteuil  ne  nous  laisse  aucun  espoir  de  ce  côté.  De  grâce, 
frères  et  amis,  des  forces,  le  plus  promptement  possible  ! 
Nous  n'avons  plus  que  le  côté  de  la  mer  qui  soit  libre  !  » 

Aux  mêmes,  aux  autorités  militaires  et  civiles  de  la  Ro- 
chelle, de  Niort,  de  Nantes,  ainsi  qu'au  ministre  de  la  guerre, 
le  commissaire  du  département  de  la  Vendée  et  les  adminis- 
teurs  desdistricts  desSablesetde  Ghallans  transmettent  copie 
de  cette  adresse  fiévreuse  et  très  amère  du  26  mars  1793  : 

A  LA  CONVENTION  NATIONALE. 

c  Citoyens, 

«  En  sollicitant  les  secours  qui  nous  paraissaient  nécessaires, 
nous  vous  avons  à  différentes  fois  rendu  compte  de  notre  situation. 
Elle  devient  de  plus  en  plus  terrible,  et,  si  vous  ne  nous  envoyez 
pas  des  secours  prompts  et  importants,  il  est  clair  que  les  Sables, 
seul  point  de  trente  lieues  de  côtes  qui  appartienne  encore  à  la 
République,  seront  bientôt,  demain  peut-être,  au  pouvoir  des 
rebelles. 

«  Déjà  ils  sont  en  possession  de  Noirmoutier  et  de  l'Ile  d'Yeu'. 
Dans  ce  dernier  lieu,  ils  ont  dû  trouver  trente  et  quelques  canons 
qu'il  vont  tourner  contre  notre  ville.  De  ce  port  de  Tlle  d'Yeu  vont 
partir  des  bâtiments  armés  qui  tenteront  par  mer  les  efforts  que 
nos  ennemis  font  par  terre.  Déjà  nous  avons  soutenu  un  assaut 
contre  environ  quatre  mille  hommes  qui,  disent  quelques  prison- 
niers que  nous  avons  faits,  doivent  revenir  incessamment  avec  des 

'  La  nouvelle  de  la  prise  de  l'Ile  d'Yeu  sur  la  sommation  de  Guerry  de  la 
Fortinière  s'était  répandue  ;  on  sut  le  lendemain  quelle  était  fausse. 


394  LR   SIÈGE    DES    SABLES-D'oLONNE    EN    1793 

canons  et  de  nouvelles  forces,  chose  maintenant  très  facile  de  la 
part  des  ennemis,  puisqu'ils  possèdent  des  lieux  d'où  ils  en  peuvent 
tirer, 

«  Depuis  onze  jours  nous  avons  reçu  de  la  municipalité  de  l'île 
de  Ré  cinq  cents  hommes  qui  ne  se  proposaient  qu'un  séjour  de 
huit  jours  ici.  Nous  voyons  que  ces  braves  gens  de  l'Ile  de  Ré  ne 
resteront  pas  longtemps  à  notre  défense,  si  nous  ne  sommes  pas 
secourus,  parce  que,  sans  secours,  eus  et  nous  devons  tomber  en 
la  puissance  de  l'ennemi. 

«  De  ces  faits  il  résulte  que  nous  avons  besoin  de  force  armée  pour 
repousser  l'ennemi  loin  de  nos  murs  et  d'une  ou  deux  frégates  pour 
opposer  aux  forces  de  mer  que  nos  ennemis  vont  tirer  de  l'Ile  d'Yeu 
et  de  Npirmoutier.  Sans  secours,  nous  vous  le  répétons,  ne  comptez 
plus  sur  ce  pays  ! 

«  Nous  ne  vous  cacherons  pas,  citoyens, que,  depuis  que  nous  vous 
avertissons  de  la  progression  de  nos  dangers,  nous  sommes  étonnés 
de  nous  voir  abandonnés,  comme  si  la  plus  froide  indifférence  fût  le 
seul  sentiment  que  nous  pouvons  inspirer  !  Cela  fût-il  vrai  que  notre 
sort  malheureux  ne  vous  toucherait  point,  l'intérêt  général  de  la  Ré- 
publique devrait  au  moins  exciter  le  zèle  d'un  des  pères  du  peuple 
que  ses  collègues  envoient  pour  veiller  sur  le  salut  public  dans  ce 
pays.  Nous  espérons  que  vous  allez  faire  voler  à  notre  secours  et 
que  ce  secours  va  venir  par  mer  :  c'est  la  voie  la  plus  prompte  et 
la  plus  sûre. 

«  C'est  la  seule  réponse  utile  à  la  patrie  que  vous  puissiez  nous 
faire,  et  cette  réponse,  nous  vous  la  demandons  au  nom  de  nos 
femmes  éplorées,  au  nom  de  nos  enfants  qui  ont  le  couteau  sus- 
pendu sur  la  gorge,  au  nom  de  la  République  entière  qui  fera  dans 
l'abandon  de  notre  pays  une  perte  très  difficile  à  réparer. 

«  Et  si,  chose  incroyable  !  nos  réclamations  étaient  inutiles  ;  si, 
après  une  défense  vigoureuse,  la  République  perd  notre  pays,  ce 
n'est  pas  nous,  citoyens,  qui  serions  responsables  des  événements  ! 

«  Signé  :  Gai.let,  commissaire  du  département  de  la  Vendée  ;  — 
Mercereau ;  —  BouHiER,  viceprésidents  de C administration  du  district 
des  Sables  ;  —  Mourain,  vice-président  dit  district  de  Challans  ;  — 
Merlet,  p.  Jousson,  Bodet,  administrateurs  du  district  de  Challans  ; 
—  Bermond,  administrateur  des  Sables  ;  —  Merland,  procureur- 
syndic  du  district  de  Challans  ;  —  G.  Renout,  —  Gourdon  ;  —  Gana- 
chaud,  secrétaire  de  Challans'.  » 

La  correspondance  des  autorités  des  Sables  au  moment  du  siège  se 
trouve  aux  Archives  his'.oriques  de  la  guerre  (armée  des  cùtes.\en  copies  cer- 
tifiées authentiques  par  les  représentants  Niou  et  ïrullard. 


LE    SIÈGE    DES   SABLES-D'OLONNE   EN    1793  395 

Cette  adresse  à  la  Convention  et  les  lettres  d'envoi  qui 
l'accompagnaient  furent  portées  à  la  Rochelle  par  deux 
commissaires,  Benoît  et Jousson,  investis  des  pleins  pouvoirs 
du  conseil  des  autorités  civiles;  ils  s'embarquèrent  dans  la 
journée  du  26. 

Noirmoutier,  dont  le  chef-lieu  était  républicain  et  la  cuai- 
mune  de  Barbâtre  royaliste,  avait  été  attaqué  le  16  mars  par 
Guerry  de  la  Fortinière,  chef  des  rebelles  tirés  de  l'île  de 
Bouin,  de  Beauvoir,  de  Saint-Gervais  et  autres  bourgs  de 
la  côte  voisine.  La  garde  nationale,  composée  de  100  hommes, 
sous  le  commandement  de  Richer  père,  n'avait  pas  eu  le 
temps  d'empêcher  les  Barbâtrois  d'introduire  Tennemi  dans 
l'île.  La  patache  des  douanes,  qui  ne  comptait  que  14 
hommes  d'équipage,  n'avait  pas  pu  résister  ;  il  y  avait  été 
pris  8  pierriers,  14  fusils  et  5espingoles.  Le  17,  la  ville  s'était 
soumise  à  la  sommation  faite  au  nom  de  Louis  XVII  et  du 
régent  duroyaume*.  Tout  de  suite,  Guerry  de  la  Fortinière, 
sur  la  demande  de  Guerry  du  Claudy,  en  marche  pour  re- 
joindre Joly,  avait  expédié  de  l'artillerie,  des  munitions  et 
des  marins  de  Barbâtre,  afin  de  servir  à  faire  le  siège  des 
Sables,  considéré  par  les  divers  comités  royalistes  de  Chal- 
lans,  de  la  Roche-sur-Yon,  de  l'Oye,  de  Saint-Fulgent,  comme 
l'objectif  capital  du  premier  mouvement  insurrectionneP. 

Dans  la  matinée  du  26,  un  capitaine  de  chaloupe,  parti  pour 
Nantes,  entrait  seul  aux  Sables  et  déclarait  aii  Conseil  des 
autorités  civiles  que  «  son  équipage  avait  été  arrêté  par  les 
insurgés,  maîtres  de  Noirmoutier  ». 

Le  27,  «  sur  les  quatre  heures  de  l'après-midi,  se  sont  pré- 
sentés les  citoyens  Jean-Joseph  Gatineau  et  François  Turbé, 
députés  de  la  commune  de  l'Ile  d'Yeu,  qui  ont  déposé  sur  le 

'  Recherches  sur  l'Ile  de  Noirmoutier,  par  François  Piet,  Nantes  1863,2''  éd. 
p.  540-^)42. 

a  D'après  divers  billets  échangés  entre  les  chefs  parmi  les  70  pièces  saisies 
à  Vairé  et  à  la  Mothe-Achard  le  8  avril,  Archives  historiques  de  la  guerre 
(armée  de  la  réserve  et  armée  des  côtes). 


396  LE    SIKGE    DES    SABLES-D'OLONNE    EN    1703 

bureau  une  lettre  du  conseil  général  de  ladite  commune, 
accompagnée  de  la  copie  d'une  lettre,  datée  de  Noirmoutier 
le  23  du  mois  et  signée  Guerry,  chevalier  de  la  Fortinière, 
prenant  la  qualité  de  commandant  en  chef  de  ladite  île  au 
nom  de  Monsieur  Régent,  du  Royaume.  »  Cette  pièce  était  une 
sommation  aux  insulaires  «  de  se  rendre,  d'arborer  le  drapeau 
contre-révolutionnaire  et  de  lui  donner  en  otages  trois  des 
notables  habitants  pour  gages  de  leur  fidélité,  avec  acte 
authentique  signé  des  propres  habitants'  ». 

Les  autorités  constituées  des  districts  des  Sables  et  de 
Challans,  «  satisfaites  des  dispositions  où  sontles  habitants  de 
l'Ile  d'Yeu  de  résister  aux  agressions  des  rebelles, 

((  Arrêtent  de  requérir  le  yacht  VEnfant  d'aller  établir  sa 
croisière  dans  les  parages  de  l'Ile  d'Yeu,  afin  de  la  protéger 
contre  les  invasions  des  brigands  et  mettre  sous  sa  protection 
les  bâtiments  chargés  de  comestibles  qui  se  trouvent  en  re- 
lâche à  nie  d'Yeu. 

«  La  municipalité  de  Saint-Martin  de  Ré  et  le  général  Ver- 
teuil,  commandant  la  12"  division  militaire,  sont  prévenus 
de  l'impossibilité  de  rien  distraire  de  la  défense  des  Sables-.  » 

IJEnfant  était  embossé  dans  le  port  ;  son  artillerie  et  son 
équipage  débarqués  auraient  pu  être  très  utiles  à  la  défense 
des  Sables.  Le  conventionnel  Gaudin  n'avait  cependant  pas  hé- 
sité à  faire  requérir  son  envoi  à  l'Ile  d'Yeu,  et  ce  fut  en  effet 
sa  présence  qui  empêcha  les  royalistes,  maîtres  de  Noir- 
moutier, de  saisir  ce  point  maritime  important''. 

Ce  même  jour  27^ était  publiée  avec  une  certaine  solennité 
et  affichée  sur  les  murs  des  villes  la  délibération  suivante  du 
Conseil  général  des  autorités  civiles  : 

«  Il  a  été  fait  un  rapport  du  meurtre  commis,  dans  ia  journée  de 
dimanclie,  par  les  scélérats  qui  assiègent  cette  ville,  dans  la  personne 
du  citoyen  Châtagnior,  habitant  de  la  commune  d'Olonne,  qui,  livré 

«  La  sommation  faite  à  l'Ile  d'Yeu  a  été  donnée  dans  les  Pièces  contre- 
révolutionnaire  de  Benjamin  Fillon,  p.  10-11. 

*  Reg.  du  district  des  Sables,  délibérations  des  -6  et  27  mars. 
'  Compte-rendu  de  Gaudin. 


LE    SIÈGE    DES    SABLES-D'OLONNE    EN    1793  307 

traîtreusement  aux  mains  des  rebelles,  préféra  une  mort  glorieuse  à 
une  lâche  trahison  de  ses  devoirs  et  de  ses  sentiments. 

«  L'assemblée,  profondément  affligée  de  l'assassinat  du  citoyen 
Châtaigner,  pénétrée  de  reconnaissance  et  d'admiration  pour  la 
conduite  héroïque  de  ce  généreux  citoyen, 

«  Le  commisaaire-procureur-syndic  entendu, 

«  Arrête  qu'il  est  accordé  à  la  veuve  dudit  Châtaigner  un  secours 
provisoire  de  deux  cents  livres,  et  que  l'enfant  dont  elle  est  en- 
ceinte sera  placé  au  rang  de  ceux  nourris  et  entretenus  par  la 
Nation  ; 

«  Arrête,  en  outre,  qu'il  sera  écrit  à  la  Convention  nationale 
pour  l'instruire  de  l'horrible  assassinat  du  citoyen  Châtaigner  et  des 
détails  afin  qu'elle  prenne  en  grande  considération  la  position  mal- 
heureuse de  ladite  veuve'.  » 

Le  Comité  militaire  avait  reçu  de  la  commune,  le  25,  la  pro- 
position de  faire  enlever  les  boulets  et  les  bombes  qui  se 
trouvaient  dans  le  fort  Saint-Nicolas  de  la  Chaume.  Il  avait 
autorisé  les  réquisitions  nécessaires  pour  cette  opération. 
Le  lendemain,  à  l'unanimité,  il  approuve  la  demande  de  l'un 
de  ses  membres  de  faire  «  transporter  et  monter  sur  la  place 
de  la  Liberté  les  canons  du  fort  Saint-Nicolas,  attendu  qu'il 
esta  craindre  que  l'ennemi  ne  s'empare  de  ce  fort  naturelle- 
ment mal  défendu  et  auquel  on  ne  peut  fournir  qu'une  faible 
garnison.  »  Mais^  le  27  au  soir,  cette  décision  est  rapportée  ; 
le  Comité  arrête  «  qu'il  sera  placé  deux  pièces  de  18  dans  la 
redoute  de  Saint-Nicolas  pour  battre  la  campagne,  et  qu'il 
sera  posé  des  barres  à  l'entrée  de  ladite  redoute  ;  l'officier 
qui  commande  le  poste  de  la  Chaume  tiendra  jusqu'à  la  der- 
nière extrémité,  et,  s'il  est  forcé  de  se  replier,  il  fera  enclouer 
toute  l'artillerie  ;  il  sera  pratiqué  un  retranchement  dans  l'in- 
térieur de  Saint-Nicolas,  et  le  détachement  qui  garde  ce  poste 
sera  porté  à  210  hommes  avec  le  nombre  de  canonniers  né- 
cessaire pour  le  service  des  pièces.  » 

Dans  la  journée  du  26,  le  Comité  militaire  avait  envoyé  à 
Pierre-Levée  un  détachement  pour  s'emparer  de  plusieurs 

'  Reg.  des  délibérations  du  district  des  Sable»,  h  la  date. 

Tome  iv.  —  Octobre,  novembre,  décembre.  ?7 


398  LG  SIÈGE  DES  sables-d'olonne  EN   1793 

milliers  de  plomb  et  d'une  certaine  quantité  de  pains  pré-  ' 
parés  pour  l'ennemi  ;  puis  se  porter  sur  Olonne,  «  y  casser  les 
cloches  et  saisir  les  séditieux.  »  Le  27  au  matin,  Le  Comte 
commande  expressément  la  réoccupation  des  postes  avancés 
d'Olonne  et  de  Pierre-Levée  que  l'attaque  du  dimanche  précé- 
dent a  forcé  d'abandonner.  Il  arrête  qu'il  sera  expédié  «  des 
détachements  de  cavalerie  dans  ces  deux  endroits,  qu'ils  y 
feront  les  patrouilles  nécessaires  pour  observer  les  mouve- 
ments de  l'ennemi,  et  se  replieront  aussitôt  qu'ils  ne  seraient 
pas  en  force.  Ces  détachements  feront  tous  les  matins  le 
rapport  au  commandant  général  de  ce  qu'ils  auront  découvert 
pendant  la  nuit;  ils  seront  relevés  tous  les  vingt-quatre 
heures...  Le  secrétaire  du  Comité  est  pressé  de  chercher 
des  espions,  de  les  envoyer  dans  les  lieux  les  plus  commodes 
pour  reconnaître  l'ennemi,  sa  force  et  ses  dispositions.  » 

Ce  môme  jour,  il  est  donné  au  commandant  de  la  cavalerie 
a  ordre  de  faire  partir  des  détachements  escortés  de  voi- 
tures pour  conduire  en  ville  des  bois  et  fourrages,  dont  on  a 
de  pressants  besoins.  »  Le  soir,  il  est  «  recommandé  à  la 
commune  »  de  faire  enjoindre  à  tous  les  citoyens  qui  ont  des 
chevaux  de  les  mener  sur  la  place  de  la  Liberté  au  pre- 
mier coup  de  la  générale,  sous  peine  de  punitions  exem- 
plaires. »  Les  administrations  réunies  sont  invitées  «  à  re- 
quérir tous  les  citoyens  armés  de  fusils  doubles,  de  les  dé- 
poser, dans  le  jour,  au  Comité,  afin  d'armer  la  cavalerie.  » 
Pour  le  lendemain  matin  7  heures,  toute  la  cavalerie  est 
commandée  afin  d'aller  ramener  en  ville  tous  les  fourrages, 
bois  et  blés,  qui  se  trouvent  au  Penestrau,  commune  de  Châ- 
teau-d'Olonne.  Il  est  décidé  «  qu'en  cas  d'une  nouvelle  at- 
taque, il  sera  placé  des  avant-postes  sur  les  hauteurs  des 
moulins,  et  que  ces  moulins  seront  occupés  ;  il  sera  de 
môme  placé  quatre-vingts  hommes  dans  le  couvent  des  reli- 
gieuses. » 

Le  28  au  matin,  le  Comité  militaire  s'occupe  de  régler  les 
signaux  à  faire,  en  cas  de  danger,  par  l'aviso  la  Cousine,  ca- 


LE   SIÈGE    DES    SABLES-d'oLONNE    EN    1793  399 

pitaine  La  Brière.  Il  arrête  :  1°  que  le  pavillon  rouge,  au  mât 
de  misaine,  et  un  coup  de  canon  seront  les  signes  de  l'ennemi 
extérieur  en  force  ;  le  pavillon  sera  hissé  et  amené  autant  de 
fois  qu'il  paraîtra  de  voiles  ;  2°  le  pavillon  anglais,  au  mât  de 
misaine,  sera  le  signal  de  bâtiments  français  ;  3°  une  cornette 
au  mât  de  misaine,  avec  un  coup  de  canon,  sera  le  signal 
d'un  bâtiment  suspect  ;  4»  le  pavillon  hollandais  au  grand 
mât,  avec  un  coup  de  canon,  sera  le  signal  pour  le  commis- 
saire de  la  marine  afin  d'envoyer  des  forces  à  bord*.  » 

Le  premier  des  signaux  faits  par  la  Cousine  rendit  l'espé- 
rance aux  défenseurs  des  Sables,  au  moment  mônie  où  une 
vedette  signalait  l'occupation  d'Olonne  et  la  marche  d'un 
autre  détachement  de  rebelles  vers  le  Château.  Enfin  on 
voyait,  dans  le  demi-cercle  de  la  superbe  plage,  s'avancer  une 
corvette  républicaine  escortant  six  navires  qui  bientôt  dé- 
barquaient 20  tonneaux  de  froment^  300  barriques  de  vin, 
du  bois,  des  munitions'  et  quelques  soldats.  C'étaient,  avec 
des  volontaires  de  la  Rochelle,  des  grenadiers  de  la  Gironde, 
avant-garde  du  1"  bataillon,  que  devaient  incessamment 
suivre  le  2"  et  le  9*.  Ceux-ci  cependant,  transportés  dans  de 
mauvaises  chaloupes,  ne  purent  débarquer,  après  une  tra- 
versée très  longue  et  très  pénible,  que  par  compagnies,  le  29, 
le  30  et  le  31.  Encore  l'artillerie,  «  par  suite  de  l'impéritie 
ou  de  la  trahison  d'un  patron  de  barque,  »  alla-t-elle  s'égarer 
dans  les  parages  de  Noirmoutier,  au  risque  de  tomber  entre 
les  mains  des  insurgés.  Les  artilleurs,  «  tenant  les  marins 
suspects  au  bout  de  leurs  fusils  »,  la  firent  ramener  à  la  Ro- 
chelle, d'où  elle  ne  put  être  reconduite  aux  Sables  que  le 
5  avril\ 

L'undes  trois  représentants  du  peuple  chargés,  en  vertu  du 

'  Analyse  et  extraits  des  procès-Yerbaux  du  Comité  militaire  de  la  ville  des 
Sables. 

>  Notes  manuscrites  d'André  CoUinet,  à  la  date  du  28  mars. 

»  P.  8  à  40  de  V Expédition  en  Vendée  de  deux  bataillons  de  la  Gironde. 
par  Brives-Cazes,  d'après  Savary  et  les  arcliives    de  Bordeaux. 


l 


400  LE    SIÈGE    DES    SABLES-D'OLONNE    EN    1793 

décret  du  22  janvier  1793,  de  l'inspection  des  côtes  de  l'Océan 
de  Bayonnu  à  Lorient,  Mazade,  de  Lot-et-Garonne,  aussitôt 
l'insurrection  vendéenne  éclatée,  avait  couru,  dans  la  pa- 
triotique ville  de  Bordeaux,  requérir  le  plus  de  secours 
possibles.  Le  département  de  la  Gironde  lui  avait  accordé  la 
formation  immédiate  de  deux  bataillons  d'infanterie  pris 
dans  la  garde  nationale  du  chef-lieu  le  IG  mars,  et  qui;,  dès 
le  18,  pouvaient  être,  avec  deux  pièces  de  canon  et  quarante 
cavaliers,  dirigés  sur  Blaye,  où  s'achevait  leur  organisation. 
Le  23,  ils  étaient  à  Saintes,  aux  ordres  du  «  commandant  de 
la  force  armée  de  la  Gironde  »,  L.  Dumas,  qui  avait  augmenté 
la  cavalerie  de  200  gendarmes  et  de  64  gardes  nationaux 
de  Libourne.  Le  général  qui  venait  d'être  mis  à  la  tête  de 
l'armée  de  la  Vendée,  Beaufranchet  d'Ayat,  lui  réclama 
sa  cavalerie  pour  Niort^  la  cavalerie  niortaise  ayant  été 
envoyée  au  secours  des  patriotes  vendéens,  et  lui  com- 
manda d'aller  à  la  Rochelle  se  rattacher  à  la  subdivision 
du  chef  de  brigade  Boulard.  Le  collègue  de  Mazade, 
Niou,  assisté  du  troisième  membre  de  la  mission  des 
côtes,  TruUard,  constata  que  le  corps  d'armée  de  Boulard 
ne  pouvait  pas  se  mettre  en  marche  par  terre  assez  vite 
pour  arriver  à  temps  aux  Sables.  Malgré  les  réclamations  de 
Noon,  uvi  le  chef  d'état-major  de  l'armée  de  la  Vendée,  il 
requit  le  commandant  de  la  12"  division  militaire,  Verteuil, 
de  faire  embarquer  les  volontaires  de  Bordeaux  aussitôt  leur 
arrivée  à  la  Rochelle. 

«■  La  ville  des  Sables  »,  —  expliquaient  Trullard  et  Niou, 
dans  une  lettre  à  Boulard',  —  «  est  toujours  dans  le  danger 
le  plus  imminent.  Ce  danger  nous  a  paru  d'autant  plus  grand 
que  les  troupes  de  Ré,  qui  étaient  requises  de  s'y  rendre, 
ont  été  retenues  par  les  habitants  de  cette  île,  et  qu'une 
partie  des  troupes  qui  nous  sont  arrivées  refusaient  d'y  aller. 
Enfin  nous  avons  obtenu  que   les  premiers  bataillons   de 

'  DuîO  mars,  aux  Archives  historiques  delà  guerre  (armée des  côtes). 


LE    SIÈGE   DES    SABLES-D"0L0NNE    EN    1793  401 

Bordeaux  et  de  la  Rochelle  se  rendraient  dans  la  place  assié- 
gée. Cette  mesure  était  d'autant  plus  nécessaire  que  les  ha- 
bitants de  l'île  de  Ré,  qui  défendent  les  Sables,  voulaient 
absolument  retourner  dansleur  pays  depuis  qu'ils  ont  appris 
la  reddition  de  Noirmoutier  pris  par  les  rebelles.  Le  pre- 
mier bataillon  de  Bordeaux  ayant  nanilesté  les  plus  vives 
inquiétudes,  on  ne  parvint  à  le  calmer  qu'en  l'assurant  que 
le  second  le  suivrait  et  que  le  général  Dumas  irait  les  re- 
joindre. D'après  ces  considérations,  il  ne  nous  a  pas  paru 
possible  de  changer  les  mesures  prises  dans  cette  circons- 
tance, et  malgré  la  réquisition  du  chef  d'état-major  Nouvion', 
qui  ne  nous  est  parvenue  qu'à  minuit.  Il  nous  aurait  paru 
extrêmement  imprudent  de  manquer  de  parole  au  premier 
bataillon  de  Bordeaux.  C'est  pourquoi  le  second  va  aussi  se 
rendre  aux  Sables.  Dumas  et  Niou  le  suivront.  Des  forces 
aussi  imposantes  repousseront  sans  doute  les  brigands,  et, 
si  vous  venez,  comme  vous  nous  le  marquez,  près  de  cette 
ville,  avec  1600  hommes  d'infanterie  et  150  chevaux,,  il  ne 
vous  sera  pas  difficile  d'opérer  une  jonction  avec  l'armée 
bordelaise  dont  vous  disposerez  après  comme  vous  le  ju- 
gerez convenable...  Niou  et  Dumas  partent  ce  soir  à  deux 
heures  pour  les  Sables.  Trois  frégates  et  un  aviso  vont  venir 
dans  la  rade  des  Sables.  Peut-être  ne  trouverez-vous  pas 
hors  de  propos,  quand  vous  serez  sur  les  lieux,  de  tenter  lu 
reprise  de  Noirmoutier.  L'insolence  de  «  Monsieur  Guerry, 
«  chevalier  de  la  Fortinière  »,  mériterait  bien  d'être  châtiée. 
Au  surplus,  vous  prendrez  cette  observation  pour  ce  qu'elle 
vaut.  » 

XL 

Les  grenadiers  de  Bordeaux  et  les  volontaires  de  la  Ro- 
chelle, aussilôt  débarqués,  le  28  mars  au  soir,  prenaient  part 
à  une  sortie  coiuiuilc  jiisqu  à  Olonnc,  fine  les  rebelles  éva- 
cn:iii'nt. 

•  Niou  r^ippllo  à  tort  ^(^néiiil. 


402  LE    SIÈGE    DES    SABLES-d'oLONNE   EN    1793 

On  comptait  en  ce  moment  aux  Sables,  note  André 
Gollinet*  :  «  3.000  fantassins,  non  compris  350  homm.es  de 
troupe  de  ligne,  230  cavaliers,  360  marins,  et  1.500  hommes 
non  armés  ;  5.400  femmes,  enfants  et  vieillards  ;  en  tout  : 
10.816  personnes.  » 

Le  quartier  général  de  l'armée  catholique  royale,  dont  Joly 
s'était  institué  commandant  général,  était  établi  à  la  Mothe- 
Achard.  Ce  jour,  jeudi  sainte  «  sous  les  halles  du  bourg,  les 
prêtres  réfractaires  dirent  la  messe,  firent  communier 
bsaucoup  de  leurs  gens,  distribuèrent  des  chapelets  et  de 
petits  cordons  rouges  bénits.  Après  un  sermon  doux  et  pa- 
thétique —  du  curé  du  Luc^  —  ils  donnèrent  la  bénédic- 
tion et  l'absolution  générale  à  toute  l'armée,  qui,  après  avoir 
bien  bu  et  mangé  le  fruit  de  ses  rapines,  se  mit  en  marche 
vers  les  Sables.  Elle  partit  de  la  Mothe  à  trois  heures  du  soir, 
menant  avec  elle  16  pièces  d'artillerie,  17  chariots  ;  les  Roya- 
listes, armés  de  bâtons  ferrés,  de  faulx  tournées  à  l'envers 
et  de  fusils,  étaient  au  nombre  de  15  à  16.000. 

«  Une  autre  colonne,  à  peu  près  de  même  force  et  con- 
duite par  le  sieur  du  Chafîault,  partie  d'Avrillé,  devait  éga- 
lement se  porter  sur  la  ville  et  attaquer  la  porte  de  Sainte- 
Croix.  » 

Dans  la  soirée,  «  un  piquet  de  cavalerie  sablaise  aperçut, 
vers  la  Grassière,  l'armée  qui  s'avançait.  A  six  heures  et 
demie,  on  tira  le  canon  d'alarme,  la  générale  fut  battue;  tout 
le  monde  prit  les  armes.  A  sept  heures,  chacun  était  à  son 
poste  ;  la  corvette  se  rapprocha  de  la  plage  pour  être  en  posi- 
tion de  défendre  l'entrée  des  barrières.  A  neuf  heures,  les 
habitants  d'Olonne  rapportèrent  avoir  vu  à  Pierre-Levée  l'en- 
nemi. »  Celui-ci  y  mit  au  pillage  la  belle  propriété  du  riche 
financier  Pezot  et  but  les  seize  barriques  de  vin  qui  garnis- 
saient son  cellier'. 

'  Notes  manuscrites. 

*  Rapporte  l'érudit   sablais,  M.    le  docteur  Marcel  Petiteau,  dans  «  l'éphé- 
méride  sablaise  »  de  ï Etoile  de  la  Vend<^e  des  28-29  mars  1889. 


LE   SIÈGE    DES    SABLES-D'OLONNE   EN    1793  403 

«  La  pleine  mer  était  à  cinq  heures,  la  lune  en  son  plein,  le 
temps  beau.  La  nuit  fut  très  claire.  L'ennemi  s'avança  en 
silence  jusqu'à  la  tournée  |d'01onne  où  il  établit  ses  batteries  ; 
son  infanterie  se  logea  dans  les  chemins  creux  de  droite  et 
de  gauche.  » 

Le  29  mars,  vendredi  saint,  «  à  deux  heures  et  demie  du 
matin,  les  avant-postes  reconnaissent  les  positions.  A  la 
pointe  du  jour,  l'ennemi  tire  deux  coups  de  canon  à  mitraille 
et  à  boulet.  La  ville  riposte.  Le  feu  continue  de  part  et  d'autre. 
Notre  artillerie,  d'un  plus  fort  calibre,  mieux  servie,  porte  la 
terreur  parmi  l'ennemi. 

«  Dès  six  heures  du  matin,  quelques-uns  commencent  à 
prendre  la  fuite  pjir  Olonne  et  Pierre-Levée,  de  sorte  qu'à 
sept  heures  il  ne  reste  que  ceux  qui  avaient  trouvé  place 
dans  les  chemins  creux  et  derrière  les  retranchements. 

«  Alors  une  partie  de  notre  infanterie  fait  un  mouvement 
afin  d'attaquer  la  droite  do  l'ennemi  et  une  décharge.  Le 
commandant,  voyant  l'impossibilité  de  forcer  l'ennemi  à  se 
retirer  sans  exposer  son  monde,  rentre. 

«  Les  royalistes,  désespérés  de  l'abandon  d'une  partie  de 
leuis  troupes,  ayant  appris  que  la  colonne  d'Avrillé  n'arrivait 
pas,  se  décidèrent  à  tirer  à  boulets  rouges.  Plusieurs  maisons 
furent  atteintes  ;à  sept  heures  et  demie,  un  boulet  mit  le  feu 
chez  le  citoyen  Blay,  procureur.  La  plupart  des  boulets 
passaient  par  dessus  la  ville  et  allaient  tomber  en  mer. 

«  A  huit  heures  et  quart,  un  boulet  des  Sablais,  donnant 
dans  le  fourneau  aux  boulets  rouges,  communiqua  le  feu  aux 
poudres  qui  étaient  près  de  la  batterie,  et  occasionna  une 
explosion  qui  tua  et  blessa  tous  ceux  qui  servaient  la  bat- 
terie. Les  ennemis  se  retirèrent  de  leur  retranchement,  et, 
cherchant  à  se  sauver,  s'éparpillèrent  dans  les  champs.  La 
ville  alors  redoubla  son  feu,  et  il  en  fut  tué  beaucoup. 

«  Le  sieur  Rouillé  s'avança  à  cheval  vers  le  campement. 
Il  fut  entouré  par  un  peloton  royaliste.  Il  aurait  été  tué  si 
la  cavalerie,  qui  le  suivait  de  près,  n'était  venu  dissiper 
l'ennemi. 


404  LE    SIÈGE    DES    SABLES-D'OLONNE    EN    1703 

«  L'infanterie,  au  nombre  de  2,000  liommes  environ,  dé- 
bouclie  par  différents  points  de  la  ville  ;  elle  poursuit  les 
fuyards  jusqu'au-delà  de  Pierre-Levée  où  elle  s'arrête.  La 
cavalerie  continue  la  poursuite  jusqu'à  Pont-Chartaut. 

«  Lorsque  le  général  Joly  vit  le  feu  aux  poudres  et  deux 
hommes  enlevés  en  l'air^  puis  brûlés,  il  s'écria  :  «  Nous 
sommes  perdus  !  »  Ce  qui  mit  la  terreur.  Ils  s'enfuirent  tous, 
laissant  armes,  sabots^  etc.  Joly,  pour  donner  du  temps  aux 
siens,  descendit  de  cheval,  mit  le  feu  à  une  pièce  de  18  qui 
restait  chargée,  remonta  à  cheval  et  partit  au  galop.  Cela 
réussit  à  lui  sauver  nombre  d'hommes.  Le  feu  du  canon 
ralentit  la  marche  de  nos  troupes  ;  quand  Rouillé  arriva,  il 
ne  trouva  plus  personne. ... . 

«  L'attaque  a  duré  deux  heures  trois  quarts.  La  ville  a  tiré 
310  coups  de  canon;  lennemi,  environ  les  deux  tiers.  La 
journée  a  été  sanglante,  la  victoire  complète  ;  la  plaine  était 
couverte  de  sabots,  faulx,  fourches,  etc. 

a  Parmi  les  morts,  on  a  reconnu  plusieu's  ;  -Hres;  un  a 
été  tué  dans  la  cour  de  Pierre-Levée.  On  reconnu  aucun 

noble. 

«  Nous  n'avons  perdu  que  le  sieur  B^rthomé,  orfèvre,  par 
son  imprudence;  .deux  hommes  ont  été  légèrement  blessés. 
«  On  a  fait  environ    100  prisonniers,    dont  deux  tués  par 
les  gardes  nationaux  de  Bordeaux. 

«  Nos  vedettes  ont  été  fusillées  près  de  Talmont  par  l'a- 
vant-garde  ennemie;  cette  division  —  probablement  celle  de 
du  Chaffault,  venant  trop  tard  d'Avrillé,  —  s'est  arrêtée 
quand  elle  a  su  la  défaite  de  Joly. 

«  11  a  été  sabré  dans  les  rues  des  Sables  cinq  ou  six  bri- 
gands. Quatre  gendarmes  à  cheval  ont  promené  entre  deux 
chevaux  un  de  ces  malheureux,  tenu  par  une  corde  ;  il  avait 
deux  coups  de  sabre  sur  la  figure,  un  coup  de  feu  à  poudre  ; 
il  était  tête  nue,  couvert  de  sang  ;  on  lui  a  coupé  la  tête  dans 

la  Grand'Rue  ;  on  le  disait  chef  et  ci-devant  noble 

«  A  l'allaque  de  la  ville,  ce  sont  les  royalistes  qui  ont  lire 


«''^^  .Ici AS  aii.  :ii'. 

LE    SIÈGE    DES    SABLES-D'OLONNE    EN   1793  405 

les  deux  premiers  coups  de  canon.  Le  commandant,  lorsque 
l'infanterie  partit,  fit  proclamer  qu'aucun  citoyen  ne  devait 
sortir  delà  ville  sans  armes.  Un  ancien  charpentier,  sourd 
et  mendiant,  n'en  tint  pas  compte,  fut  pris  par  les  brigands 
et  tué. 

«  Les  habitants  d'Olonne  se  sont  très  bien  montrés;  il  n'en 
est  pas  de  môme  de  ceux  du  Château. 

«Tandis  que  les  gens. du  Château  indiquaient  aux  royalistes 
les  chemins  conduisant  à  la  Chaume,  de  ce  faubourg  formant 
le  côté  droit  du  port  des  Sables  et  du  côté  de  la  terre  sans 
défense  sortaient,  aussitôt  après  l'explosion,  300  gardes  na- 
tionaux d'Olonne  qui  fermaient  aux  fuyards  le  refuge  des 
marais  salants*.  » 

Au  récit  de  l'ancien  échevin  de  la  Chaume,  écrit  pendant 
les  événements  on  aussitôt  après,  on  peut  ajouter  quelques 
impressions  immédiatement  transmises  par  des  volontaires 
ayant  pris  part  à  la  bataille. 

L'un  des  grenadiers  girondins  racontait^  dans  une  lettre 
publiée  le  4  avril  par  le  Jotirnal  de  Bordeaux^,  l'attaque  de 
Joly,  «  l'éclatement  de  ses  poudres  sous  une  bombe  de  la 
ville  »,  sa  déroute  et  la  poursuite  des  rebelles  : 

a  L'armée  de  la  République  et  200  hommes  de  cavalerie 
furent  mis  à  leurs  trousses  ;  pendant  trois  heures  entières, 
on  fit  une  boucherie  terrible  de  ces  scélérats,  dont  on  a  tué 
300  et  blessé  un  plus  grand  nombre..  ..  Après  les  avoir 
poursuivis  à  plus  d'une  lieue  et  demie,  nous  sommes  rentrés 
triomphants  dans  la  ville  des  Sables.. .  Nous  n'avons  perdu 
que  deux  volontaires  :  l'un  a  été  atteint  d'un  boulet,  et  l'autre, 
n'ayant  pas  d'uniforme,  a  été  tué  par  ses  frères  d'armes  qui 
l'ont  pris  pour  un  de  ces  scélérats.  Nous  aurions  |)oiir- 
suivi  plus  loin  notre  victoire,  mais  il  y  avait  vingt-ijuatre 
heures  que  notre   armée   était   sous    les  armes   et  qu'elle 

'   Notes  luanusci  iti'S  (rAndr/'  Collinet 
»  Reproduite  pai-  l'rivL'S-Cazes,  1.  c.  p.  34. 


406  LE  SIÈGE  DES  sables-d'olonne  EX  1793 

n'avait  ni  bu  ni  mangé.  Ce  succès  nous  aurait  coûté  un  bien 
plus  grand  nombre  d'iiommes  sans  la  prudence  du  brave 
général  qui  commande  notre  armée,  et  si  les  ennemis  eusse  nt 
été  mieux  armés.  Ils  n'avaient  à  leur-  disposition  que  3C0  fu- 
sils, parmi  lesquels  il  y  en  avait  au  moins  un  cent  qui 
n'étaient  propres  qu'à  la  chasse  ;  le  reste  était  armé  de 
fourches,  de  piques  et  de  bâtons.  Dans  les  pièces  trouvées, 
on  a  remarqué  un  registre  où  étaient  inscrits  les  noms  de 
ces  malheureux,  auxquels  on  promettait  un  certain  nombre 
de  journaux  de  terre  avec  des  litres  de  valeur,  etc,  etc.  » 

Le  capitaine  de  la  cavalerie  de  Niort,  expédié  en  Vendée  au 
premier  appel',  Frappier,  écrivait  des  Sables,  aussitôt  après 
l'action,  au  directoire  du  département  des  Deux-Sèvres'  : 

« Nous  avons  eu  un   feu   roulant  de  six    heures.  Ils 

nous  ont  envoyé  des  boulets  rouges  qui  ont  mis  le  feu  à  deux 
maisons.  Nous  avons  fini  par  leur  démonter  leur  artillerie, 
avons  foncé  sur  eux,  et  les  six  mille  brigands  se  sont  enfuis. 
Nous  en  avons  tué  deux  cents  et  nous  sommes  emparés  de 
tous  leurs  canons.  Le  coup  décisif  est  porté.  Ils  sont  dans  le 
plus  grand  désordre  et  nous  n'avons  plus  rien  à  craindre 
ici.  Nous  y  avons  3,000  hommes .  » 

J.-M.  Gaudin  ne  s'empressa  pas  de  faire  lui-même  le  rap- 
port de  la  victorieuse  défense  des  Sables  dont  il  était  l'au- 
teur principal.  C'est  seulement  un  an  plus  tard,  et  pour  se 
défendre  contre  des  accusations  de  fédéralisme  et  même  de 
royalisme  proférées  par  Bourdon  (de  l'Oise],  qu'il  se  décida 
à  rappeler  ses  titres  à  la  reconnaissance  nationale.  Voici  son 
bref  récit  de  la  nuit  et  de  la  journée  du  29  mars''  : 

« J'écrivais  lettres  sur  lettres  à  mon   collègue  Niou, 

à  la  Rochelle,  pour  lui  faire   savoir  ma  situation,  et,  de   son 

*  Voir  plus  haut  dans  notre  premier  article. 

»  Lettre  affichée  en  placard  à  Niort  et  à  Fontenay  ;  A7-ch.  ?iist.  de  la  guerre, 
armée  des  Côtes. 

*  Compte  rendu  au  Comité  de  sûreté  générale  par  Gaudin,  député  de  la 
Vendée,  3  p.  in-8,  5  mars  nui,  collection  Bondonneau,  Arch.nat.  AD  XVI  79. 


LE    SIÈGE    DES    SABLES-D'OLONNE    EN    1793  i07 

côté,  il  faisait  tous  ses  efforts  pour  me  secourir  prompte- 
ment  ;  mais  il  n'arriva  à  temps  qu'une  compagnie  de  grena- 
diers de  Bordeaux  et  un  petit  détachiement  de  volon- 
taires rochelais.  La  garnison  des  Sables  se  montait  en  tout  à 
quatorze  ou  quinze  cents  hommes.  Nous  n'avions  pas  mille 
hommes  bien  armés;  les  brigands  parurent  sur  les  trois 
heures  du  soir  ;  ils  étaient  dix-huit  à  vingt  mille  hommes.  Ils 
s'emparèrent  d'abord  des  villages  environnant  la  ville  et 
vinrent,  dans  la  nuit,  établir  leurs  batteries  à  trois  cents 
toises  de  ses  murs,  à  l'embranchement  des  routes  de 
Nantes  et  de  Beauvais.  Leur  cavalerie  fit  replier  nos  avant- 
postes  qui  tirèrent  sur  elle  quelques  coups  de  fusil.  Cette 
manœuvre  était  pour  qu'on  ne  s'aperçût  pas  de  leurs  tra- 
vaux; mais  j'en  avais  déjà  eu  connaissance,  et,  après  avoir 
fait  tirer  à  grosse  mitraille  une  pièce  qui  enfilait  la  route,  afin 
de  la  nettoyer,  je  pus  les  reconnaître  et  disposai  mes  bat- 
teries en  conséquence.  Le  29,  à  quatre  heures  et  demie  du 
matin,  l'ennemi  ouvrit  son  feu.  On  s'aperçut  bientôt  qu'il 
tirait  à  boulets  rouges  et  tout  fut  disposé  pour  prévenir  l'in- 
cendie qui  n'eut  lieu  que  dans  une  seule  maison,  les  boulets 
étant  mal  chauffés  et  les  canonniers  des  brigands  fort  ma- 
ladroits. Il  n'en  était  pas  de  même  des  nôtres;  en  moins  de 
quatre  heures,  ils  démontèrent  les  pièces  des  ennemis, 
firent  sauter  leur  forge  et  mirent  le  feu  à  un  de  leurs  tnaga- 
sins  à  poudre,  ce  qui  leur  causa  une  grande  frayeur.  Nous 
en  profitâmes  ;  nous  sortîmes  sur  eux  et  leur  tuâmes  plus  de 
cinq  cents  hommes;  toutes  leurs  munitions,  leurs  vivres  et 
leur  artillerie  tombèrent  en  notre  pouvoir.  Ils  avaient  près 
de  vingt  bouches  à  feu,  dont  deux  pièces  de  18  livres  de 
balles.  Nous  n'avions  que  quelques  gendarmes  et  cavaliers 
volontaires  armés  de  pistolets  de  poche  et  de  briquets.  Les 
brigands  avaient  une  cavalerie  fort  leste;  elle  nous  donna 
un  spectacle  horrible  ;  nous  la  vîmes  poursuivre  et  sabrer 
des  malheureux  qui  se  sauvaient  et  ne  voulaient  pas  se  ba  tire; 
indigné  de  cette  action  atroce,  je  fis  diriger  vers  elle  quelques 


408  LE    SIÈGE   DES   SABLES-D'OLONNE    EN    1793 

coups  de  canon.  Si  nous  avions  eu  de  la  cavalerie,  nous  ex- 
terminions entièrement  les  armées  de  Charette,  Joly,  Savin, 
Saint-Pal ,  etc.;,  qui  s'étaient  réunies  pour  attaquer  les 
Sables. 

«  Le  soir  même  de  cette  heureuse  journée,  mon  collègue 
Niou  arriva  sur  une  frégate  avec  plusieurs  bâtiments  de 
guerre  et  de  transport  :  ils  étaient  chargés  de  troupes  et  de 
munitions.  Il  vit  les. cadavres  et. les  dépouilles  des  ennemis  ; 
il  fut  surpris  du  courage  que  nous  avions  montré  avec  si  peu 
de  moyens  de  défense.  Nous  avions  si  peu  de  canons  que  je 
fus  obligé  de  faire  servir  de  vieilles  pièces  en  fer  dont  deux 
se  félirent  pendant  le  combat  et  ne  blessèrent  heureusement 
personne.  Niou  vit  la  maison  commune  convertie  en  arsenal 
et  remplie  de  poudre  que  j'y  avais  fait  transporter  des  pou- 
drières situées  hors  de  la  ville.  La  municipalité,  dont  mon 
frère  étaijt  jnaire,  s'était  froidement  tenue  sur  ce  volcan, 
tandis  que  des  boulets  rouges  le  traversaient  en  tous  sens. 
Niou  ne  put  s'empêcher. de  s'écrier  :  «  Ah!  que  vous  êtes 
braves!  »  Boulard,  qui  arriva  peu  après  avec  le  reste  de  son 
armée,  rendit  le  même  hommage  à  la  belle  défense  que  nous 
avions  faite.. .  »  , 

Un  biographe,  qui  a  écrit  la  viç  du  conventionnel  Gaudin 

d'après   des  papiers   de  famille  qui  ne  se  retrouvent  plus', 

ajoute  aux  faits. rapportés  dans  ce  compte-rendu,  qu'il  ne 

connaissait  pas,  que  le  boulet  qui  mit  le  feu  aux  poudres  de 

Joly  partit  de  la  batterie  du  Thabor,  et  que  toute  la  population 

était  pendant  la  lutte  aux  remparts;  «les  femmes  elles-mêmes 

faisaient  bonne  contenance,  excitant  les  hommes  à  se  bien 

conduire.  » 

Cn.  L.  Ghassin. 
(A  suivre.') 

\  C.  Merland  :  Biographies  vendéennes ,  t.  n,  p.  3Ô1-412. 


QUELQUES  DOCUMENTS  INÉDITS 


SUR    LA    VENDÉE 


Extraits  des  papiers  de  la  famille  Symonnaidt  de  Girassac. 


Parmi    les    papiers   que    M.   Courteaud,  curé   d'Adilly 
(Deux-Sèvres),  a  récemment  offerts  à  la  Société  des 
Antiquaires  de  l'Ouest,   il  en  est  plusieurs    qui  inté- 
ressent la  Vendée.  Je  vais  en  donner  copie  : 

1.  —  1674. 

Il  est  ordonné  aux  gentilshommes   du  dernier  escadron  de  Niort, 
commandé  par  le  sieur  de  Ghantecourt,  de  se  rendre  à  S'-Benoist, 
le  premier  jour  de  juillet,  et  à  S'-Vincent  et  la  .leard  et  le  Bernard 
et  auxdits  abitans  de  les  resevoir  en  payant. 
Fait  au  Sables,  le  28  juin  1074. 

Le  duc  de  la  Vieuville* 
Par  mon  Seigneur 
Taconnet. 

2.  — 1674. 

Monsieur  Chantecour  m'ayant  chargé  de  vous  envoler  copie  de 
l'ordre  qu'il  a  receu  de  Monsieur  le  gouverneur,  et  vous  prier  de  sa 
part  de  vous  rendre  le  troisiesmo  du  mois  à  la  couchée  à  Fontenay, 


'  Pair  de  France,  chevalier  d'honneur  de  la  Reine,  gouverneur   et  lieute- 
nant-général pour  le  roi  du  Haut  et  Bai-Poitou,  Chàtelleraudaia  etLoudunaii. 


410  QUELQUES    DOCUMENTS   INÉDITS    SUR   LA   VENDÉE 

pour  de  là  aller  audict  lieux  ordonné,  il  vous  en  sera  obligé  et  moy 
en  mon  particulier  qui  suis,  Monsieur, 

Votre  très  humble  et  très  obéissant 

PORTEBOUTON. 

Le  premier  de  juillet  1674. 
A  Monsieur  Monsieur  de  petit  fief  Monsay,  à  Monsay. 

3.  _  1674. 

Nous  soubsigné,  commandant  l'un  des  escadrons  de  la  noblesse 
de  l'Eslection  de  Nyort  sur  les  costes  de  Poictou,  certifflons  que 
Jean  Simonneau,  escuyer,  sieur  du  Petit-Fief,  demeurant  à  Monzay, 
parroisse  de  Faye-sur-Ardin',  a  comparu  à  Luçon  à  la  reveue  qui 
fut  faite  des  dits  gentilshommes,  suivant  l'ordonnance  de  Monsei- 
gneur le  Duc  de  la  Vieuville,  gouverneur  de  cette  province  de  Poitou, 
et  qu'il  a  servi  dans  notre  escadron  depuis  le  second  juillet  jusqu'à 
ce  jourd'huy  qu'il  se  retire  chez  luy,  suivant  l'ordre  que  nous  en 
avons  reçeu. 

Fait  aux  Sables,  le  vingt  septiesme  jour  de  Juillet  mil  six  c<înt 

soixante  quatorze. 

Chantecour 

4.  —  1697. 

Ce  2  Juillet  1697. 
Monsieur, 

.  11  vient  dans  le  moment  que  je  vous  écris,  de  m'estre  rendu  un 
pacquetdeM.  le  Marquis  de  Vérac,  Lieutenant  Général  de  cette 
Province,  dans  lequel  j'ay  trouvé  un  Ordre  de  M^  le  Maréchal  de 
Tourville,  daté  de  la  Rochelle,  qui  porte  ordre  à  tous  les  Gentils- 
hommes nommés  pour  cette  année  au  Ban  de  se  rendre  le  dix  du 
présent  mois  aux  Sables  d'Olonnes,  en  état  de  servir  le  reste  de 
cette  campagne  et,  incontinent  vostre  arrivée,  de  vous  assembler 
pour  choisir  trois  Gentils-hommes  pour  estre  nommé  un  Com- 
mandant, trois  pour  la  place  de  Commissaire,  trois  pour  celle  de 
Trésorier  et  trois  pour  celle  de  ControUeur,  lesquels  vous  envoirés 
à  M^  le  Maréchal,  pour  estre  par  luy  choisis.  C'est  l'avis  que  vous 
donne. 

Monsieur, 

Vostre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 

PUNGNY 

lieutenant  particulier 
Affaires  du  Roy. 

A  Monsieur,  Monsieur  Simonnault,  S""  de  Jarassacq,  à  Niort. 

'  Jean  Symonnault,  écuyer,  seigneur  de  Monzay  et  de  Girassac,  paroisse 
de  Faye-sur-Ardin,  fils  de  Pierre,  conseiller  du  roi,  élu  de  l'élection  de  Niort, 
échevin  et  maire  de  cette  Yille. 


QUELQUES  DOCUMENTS   IiNÉDlTS    SUR    LA    VENDÉE  411 

5.  —  1697. 

Le  Marquis  de  Circé,  conseiller  du  Roy  et  son  grand  sénéchal  de 
Civray  et  S*-Maixant. 

Sertifions  à  tous  qu'il  appartiendra  que  Monsieur  de  Girarsac  s'est 
rendeu  aux  Sables,  suyrant  l'ordre  de  Monsieur  le  Maréchal  de 
Tourville,  lequel  estoit  nommé  pour  servire  aux  ban  cete  présente 
anné  et  luy  avons  acordé  le  présant  sertifiquat  pour  luy  valloir  et 
servir  se  que  de  raison. 

Falot  aux  Sables  le  quatorze  juillet  1697. 

ClRCÉ. 

Cachet  armorié  sur  cire  rouge. 

6.  —  1758. 

A  La  Rochelle,  ce  14  Juin  1758. 

La  Noblesse,  dans  tous  les  tems.  Monsieur,  a  témoigné  tant 
d'empressement  pour  se  signaler  contre  les  Ennemis  du  Roy  et  de 
l'Etat,  que  dans  les  circonstances  présentes,  où  les  Anglois  pa- 
roissent  avoir  le  dessein  d'attaquer  les  Côtes  du  Poitou,  de  Sain- 
tonge  et  du  Pays  d'Aunis,  Sa  Majesté  est  persuadée  que  la  Noblesse 
de  ces  provinces  se  portera  avec  le  môme  zèle  à  lui  rendre  ses 
services. 

Elle  m'a  ordonné  de  l'assembler  dans  les  lieux  que  je  lui  indi- 
queray,  qui  sont,  à  S'-Jean  d'Angely  pour  la  Noblesse  du  Haut- 
Poitou,  à  Fontenay  et  Luçon  en  aide  s'il  en  est  besoin,  pour  celle 
du  Bas-Poitou,  k  Saintes  pour  la  Noblesse  de  Saintonge  et  à  Marans 
pour  la  Noblesse  d'Aunis. 

C'est  pourquoi.  Monsieur,  en  conséquence  des  Ordres  du  Roy,  j'ay 
l'honneur  de  vous  écrire,  pour  vous  dire  que  Sa  Majesté  compte  sur 
votre  zèle  et  votre  fidélité  et  qu'aussi-tôt  la  présente  lettre  reçue, 
vous  vous  rendrez  avec  armes  et  cheval  au  lieu  indiqué  pour  l'as- 
semblée de  Messieurs  les  Gentils-hommes  de  chaque  Province,  où 
arrivés,  ils  choisiront  un  d'entr'eui  pour  les  commander,  sous  mes 
Ordres.  Je  le  prie,  lorsque  le  choix  do  Messieurs  de  la  Noblesse  de 
chaque  Province  sera  fait,  de  m'en  informer,  d'attendre  mes  Ordres 
et  de  se  tenir  prêt,  avec  Messieurs  les  Gentils-hommes  qu'il  com- 
mandera, à  se  porter  où  je  jugeray  qu'il  sera  nécessaire  pour  le  ser- 
vice du  Roy. 

Les  Maires   et  échevins  ^des  villes  indiquées  pour  s'assembler, 


412  QUELQUES    DOCUMENTS    INÉDITS   SUR   LA    VENDÉE 

auront  ordre  de  fournir  des  logemens  à  Messieurs  de  la  Noblesse,  à 
mesure  qu'ils  arriveront. 

Je  suis  très  parfaitement,  Monsieur,  votre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur. 

Le  maréchal  dh  Senectere 

7.  —  1775. 

Comme  Procureur  de  la  Fabrique  de  Damvix,  j'ai  reçeu  de 
Jacques  Prunier,  de  la  petitte  Bernegoue,  à  l'acquit  de  la  ditte  fa- 
brique, la  somme  de  quarante  une  livres  qui  me  restoit  à  payer  des 
frais  de  l'instance  où. j'ai  occupé  pour  laditte  Fabrique  contre  ledit 
Prunier  et  feu  M^  de  Girassacq,  son  maître,  qui  avait  pris  la  garentie. 

Fait  et  cause  en  la  châtellenie  de  Damvix.  dont  je  tient  quitte 
ledit  Prunier  sur  son  remboursement,  ainsy  qu'il  avisera. 

A  Maillezay,  ce  vingt  trois  mars  mil  sept  cent  soixante  quinze. 

Prezeau. 
X.  Barbier  DE  Mont  AULX. 


ETAT  POLITIQUE  ET  MILITAIRE 

DE  LA  BASSE-VENDÉE  ET  DU  POITOU 

DANS   LA  PREMIÈRE  PARTIE   DU    MOIS  D'AOUT   1793 

D'après   le    Rapport   des   Adjudants-Généraux 

GRAMMONT    et    HAZARD 


LE  mois  de  juillet  1793  avail  élé  néfaste  à  larrPxée  révo- 
lutionnaire, en  Vendée.  En  dehors  des  succès  de 
Westermann,  à  Ghâtillon  le  3,  et  de  Tuncq  à  Luçon 
le  30,  les  Républicains  n'avaient  eu  à  enregistrer  que  des 
déroutes  :1e  5  à  Ghâtillon,  le  ITàMontilliers,  le  18  à  Vihiers,  le 
26  aux  Ponts-de-Gé.  Biron'  qu'on  accusait  en  haut  lieu  d'être 
trop  mou,  mais  dont  le  plus  grand  tort  était  d'être  brouillé 
avec  Ronsin%  l'adjoint  au  ministre  de  la  guerre,  Biron,  dis-je, 

*  Armand-Louis  de  Gontaut,  duc  de  Lauzun,  né  le  13  avril  17i7,  célèbre 
avant  la  Révolution  par  ses  aventures  galantes,  avait  suivi  Lafayctte  en 
Amérique;  rentré  en  France,  il  prit  le  titre  de  duc  de  Biron  en  1788,  h  la 
mort  de  son  oncle.  Commandant  de  l'armée  du  Rhin  en  179?,  puis  de  l'ar- 
mée des  Alpes  en  1793.  Envoyé  en  Vendée  en  mai  1793,  destitué  le  12  juillet. 
Condamné  à  mort  par  le  tribunal  révolutionnaire  de  Paris  le  l«'i!invier  1794. 

a  Charles-Philippe  Ronsin,  né  à  Soissons,  poète  dramatique  obscur,  lié 
avec  Danton  et  Marat.  Nommé  d'abord,  grâce  à  eux,  commissaire-ordon- 
nateur ;i  l'armée  des  Pays-Bas,  puis  adjoint  au  ministre  de  la  guerre.  — 
Devenu  ensuite  général  de  l'armée  révolutionnaire.  Condamné  à  mort  et 
guillotiné  le  23  mars  1794,  pour  avoir  cherché  à  renverser  la  Convention. 

Tome  iv.  —  Octobre,  novembre,  décembre.  28 


414  ÉTAT   POLITIQUE    ET    MILITAIRE 

fatigué  de  se  voir  sans  cesse  dénoncé  à  la  tribune  de  la  Gon-  • 
vention,  avait  envoyé  sa  démission  plusieurs  fois  déjà;  elle  ne 
fut  pas  acceptée.  Mais  quelques  jours  après,  une  bombe  d'un 
autre  genre  éclate  sur  sa  tête.  Un  nommé  Rossignol',  la 
veille  septembriseur,  ce  jour-là  lieutenant-colonel  de  la 
35°  division  de  gendarmerie,  a  été  arrêté  àFontenay  pendant 
qu'il  prêchait  l'indiscipline  et  le  pillage  aux  soldats'.  On 
accuse  Biron  de  cette  arrestation  faite  par  Westermann; 
deux  jours  après  un  décret  le  rappelle.  Le  même  jour,  — 
12  juillet,  —  Rossignol  était  fait  général  de  brigade\ 

Aux  demandes  de  secours  en  hommes,  et  surtout  en  véri- 
tables officiers^  sachant  leur  métier,  la  Convention  et  le 
Conseil  exécutif  répondaient  par  l'envoi  d'un  nombre  incal- 
culable de  commissaires  et  d'agents   de  toutes  sortes  a  se 

'  Jean-Antoine  Rossignol,  né  à  Paris  en  1759,  était  garçon  offèrre  lors 
de  la  Révolution.  Il  se  fit  bientôt  remarquer  par  l'exaltation  de  ses  opinions, 
et  se  proclama  l'un  des  vainqueurs  de  la  Bastille,  quoiqu'il  n'eût,  dit-on, 
aucun  droit  à  y  prétendre.  Après  avoir  figuré  comme  chef  d'émeute  dans 
toutes  les  insurrections  de  cette  époque,  il  obtint,  par  la  protection  des 
meneurs  les  plus  avancés,  le  grade  de  lieutenant-colonel,  et  fut  employé  à 
la  3b6  division  de  gendarmerie,  formée  en  majeure  partie  des  Gardes  fran- 
çaises et  des  vainqueurs  de  la  Bastille  ;  il  futr  envoyé  en  Vendée  avec  elle, 
dès  le  début  de  l'insurrection.  Brave,  mais  sans  talent  aucun,  il  afficha  un 
un  cynisme  révoltant.  Nommé  général  de  brigade  le  12  juillet  1795,  général 
de  division  et  commandant  en  chef  de  l'armée  des  côtes  de  la  Rochelle,  le 
28  du  même  mois,  il  fut  presque  continuellement  battu  par  les  Vendéens. 
On  disait  de  lui  : 

Tant  que,  dans  la  Vendée,  le  Rossignol  chantera. 
L'armée  de  la  République  déroutera. 

{Mémoires  d'un  ancien  a^hninistraieur  militaire,  p.  109).  —  Attaqué  et 
dénoncé  à  maintes  reprises  par  les  représentants  Philippeaux,  Goupilleau  de 
Fontenay,  Merlin,  Cavaignac,  etc.,  il  fut  défendu  par  ses  amis  Carrier  et 
Collot  d'IIerbois.  Arrêté  après  le  9  thermidor,  il  fut  enlermé  au  fort  de  Ham, 
où  «es  amis  parvinrent  à  le  faire  oublier.  Compris  dans  l'amnistie  du  26  oc- 
tobre 1795,  il  prit  part  en  1796  h,  la  conspiration  de  Babœuf  et  de  Drouet. 
Traduit  devant  la  Cour  martiale  de  Vendôme,  il  fut  acquitté.  Au  18  fruc- 
tidor an  V,  il  se  décl  ra  pour  le  Directoire.  Proscrit  le  premier,  après  le 
18  brumaire,  par  Bonaparte,  puis  déporté  après  l'attentat  da  3  nivôse,  on 
croit  qu'il  mourut  en  1802  dans  une  des  îles  de  l'Archipel  indien. 

*  Le  comte  de  la  Boutetière:  Le  Chevalier  de  Sapinaud  et  les  Chefs  ven- 
déens du  Centre,  p.    116. 

*  Savary  :  Guerre  des  Vendéens  et  des  Chouans.  I,  p   .^7:^. 


DE   LA    BASSE-VENDÉE    ET   DU    POITOU  415 

regardant  comme  les  directeurs  de  l'armée,  blâmant,  censu- 
rant, exaltant  à  leur  gré  les  opérations  des  généraux'»,  et 
dont  le  seul  emploi  était  de  semer  la  division  et  la  défiance 
parmi  les  troupes.  Au  lieu  d'officiers  sérieux  et  capables,  on 
envoyait  dans  l'Ouest  un  ramas  d'histrions  et  de  sans-culotte 
dignes  des  héros  des  Cinq-Cents  Livres,  qui  les  escortaient, 
mais  incapables  de  commander  à  une  armée  sérieusement 
organisée.  «  C'est  ainsi,  écrivaient  Merlin  de  Douai  et 
«  Cavaignac,  dans  leur  rapport  du  20  juillet',  que  le  citoyen 
«  Ronsin  vient  d'être  fait  général  de  brigade  sans  passer 
«  par  aucun  des  grades  intermédiaires\  C'est  ainsi  que  le 
«  citoyen  Grammont"  vient,  de  comédien  qu'il  a  été  jusqu'à 
«  présent,  d'être  nommé  chef  de  bataillon  et  adjudant- 
«  général*.  » 

Le  Comité  de  Salut  public  et  la  Convention  ne  trouvèrent 
d'autre  remède  à  tous  ces  maux  que  de  décréter,  le  2G  juillet, 

*  Rapport  des  représentants  du  peuple  Merlin  de  Douai,  Gillet  et  Cavai- 
gnac, au  Comité  de  Salut  public.  —  Ancenis,  20  juillet  1793  .  —  Dépôt  de  la 
guerre,  armée  des  côtes  de  Brest,  section  5,  carton  12,  à  sa  date. 

'  Ibid. 

'  Ils  se  trompent,  il  avait  passé  par  tous  les  grades  en  quatre  jours.  «  Si 
«  l'on  devait  juger  le  mérite  militaire  par  un  avancement  rapide,  dit 
«  l'officier  patiùote  Savary  (I,  p.  539),  Ronsin  pourrait  être  placé  aux  premiers 
«  rangs.  Le  I*""  juillet  1793,  il  fut  nommé  pour  son  début  capitaine  au  18^ 
«  chasseurs  à  cheval,  le  2,  chef  d'escadron,  le  3,  chef  de  brigade,  le  4,  gé- 
«  néral  de  brigade.  »  11  faut  ajouter  pourtant  qu'il  attendit  3  gi'ands  mois, 
jusqu'au  1  octobre,  pour  devenir  général  de  division  ;  mais  on  le  fit  en  môme 
temps  chef  de  l'armée  révolutionnaire. 

*  Nourry,  dit  Roselly,  dit  Grammont,  né  en  175i  à  la  Rochelle,  débuta  au 
Théâtre-Français  le  5  février  1779  dans  le  rC>\e  de  Tancrède.  Sociétaire  en 
1786,  il  quiita  le  Théâtre-Français  en  1791,  pour  la  scène  dirigée  par  la 
Montausier.  Démagogue  farouche  en  1792,  adjudant-général  en  Vendée, 
puis  chef  d'état-major  de  l'armée  révolutionnaire  en  1793  ;  condamné  h  mort 
et  exécuté  le  11  avril  1794. 

5  Cette  appréciation  peu  flatteuse  était  général^  parmi  les  représentants. 
On  peut  s'en  convaincre  en  lisant  cet  extrait  d'une  lettre  de  Goupilleau, 
datée  du  13  juillet  1793:  «Il  n'est  pas  de  sous-lieutenant  qui  ne  veuille 
«  être  général,  les  généraux  en  sous-ordre  ne  cherchent  qu'à  supplanter  le 
«  général  en  chef,  dans  l'espoir  de  lui  succéder;  il  n'y  a  pas  jusqu'à  Ronsin 
«  quiy  aspire,  Ronsin  qui  ne  prend  pas  même  la  peine  de  voiler  son  ani- 
«  mosité  et  dont  l'entourage  révolto  ici  tout  le  monde.  »  —  (Papiers  Go U' 
pilleau,  cités  par  M.  de  la  Boutetiôre,  j).  11  H.) 


416  ÉTAT   POLITIQUE    ET   MILITAIRE 

qu'il  serait  procédé  à  l'épuration  de  l'état-major,  pour  y' 
substituer  aux  modérés  des  généraux  d'un  patriotisme  pro- 
noncé, lisez  :  sans-culotte*.  —  Le  ministre  de  la  guerre  avait, 
deux  jours  auparavant,  fait  Rossignol  commandant  en  chef 
de  l'armée  des  côtes  de  la  Rochelle,  avec  le  grade  de  général 
de  division.  Pour  compléter  son  décret,  la  Convention  ap- 
prouva, le  27,  cette  nomination  que  Ronsin  fit  mettre  le  31  à 
l'ordre  de  l'armée. 

Ce  même  jour,  Rossignol  remercia  Bouchotte'*  de  sa  nomi- 
nation, lui  disant  que  l'administration  n'était  pas  dans  sa 
partie,  qu'il  s'en  reposait  sur  les  lumières  et  l'activité  infa- 
tigable de  Ronsin  ;  aussi  demandait-il  ce  dernier  comme 
chef  d'état-major.  «  Je  pars,  ajoutait-il,  pour  Tours,  Chinon, 
Niort  et  les  Sables^  »  Mais  Bouchotte  se  montra  peu  em- 
pressé de  répondre.  Ronsin  d'ailleurs  déclina  cptte  charge*, 
aimant  mieux  conserver  sa  situation  d'adjoint  au  ministre, 
qui,  pour  obéir  aux  prescriptions  d'un  décret  récent,  allait 
lui  imposer  l'obligation  de  rentrer  à  Paris,  et  l'éloigner  ainsi 
des  régions  dangereuses  où  la  guerre  était  allumée. 

C'est  sans  doute  cet  abandon  de  Ronsin  qui  modifia  les 
projets  de  Rossignol  ;  il  ajourna  son  départ,  et  nomma,  pour 
le  remplacer  dans  sa  tournée  d'inspection,  une  série  de  com- 
missaires choisis,  comme  on  devait  s'y  attendre,  parmi  les 
jacobins  les  plus  purs,  mais  aussi  les  plus  incapables,  de  son 
entourage.  Sur  la  rive  droite  de  la  Loire,  ni  lui,  ni  l'adjoint 
ne  savaient  exactement  jusqu'où  s'étendait  son  comman- 
dement. Il  envoya  de  ce  côté  deux  commissaires,  sans 
mandat  régulier,  qui,  ngn  contents  de  visiter  les  postes  de 
Saint-Georges-sur-Loire  et  d'Ingrandes  dépendant  de  l'armée 


*  Jean-Baptiste-Xûël  Boochotte,  né  à  Metz  le  23  décembre  1754,  militaire 
à  16  ans,  capitaine  de  hussards  en  1792,  lieutenant-colonel,  gouverneur  de 
Cambraj,  puis  ministre  de  la  guerre  le  4  avril  1793. 

'  Dépit  de  la  Guerre:  Armée  des  Cotes  de  la  Rochelle  ;  section  5, carton  4. 

*  Henri  Wallon  :  Les  Représentants  du  Peuple  en  Mission  et  la  justice 
révolutionnaire  dans  les  départements  en  Van  II.  Tome  i,  p.  147. 


DE   LA    BASSE-VENDÉE   ET   DU   POITOU  417 

des  côtes  de  la  Rochelle,  se  rendirent  à  Varades  et  à  Ancenis, 
qui  étaient  dans  le  ressort  de  l'armée  des  côtes  de  Brest  et 
qu'occupaient  des  troupes  aux  ordres  de  Ganclaux'.  On  prit 
ces  commissaires  pour  des  espions,  et  ce  ne  fut  qu'à 
grand'peine  qu'ils  obtinrent  du  représentant  Cavaignac 
d'être  renvoyés  à  Saumur^ 

En  Basse- Vendée,  Rossignol  délégua  des  militaires,  mais 
quels  militaires!  les  adjudants-généraux  Grammont  et  Ha- 
zard,  dont  les  services  étaient  du  même  genre  que  les  siens. 
Grammont,  nous  l'avons  vu,  était  un  ancien  comédien  dont 

*  Jean-Baptiste-Camille  Canclaux,  né.  à  Paris  le  t  août  1740.  Volontaire 
dans  un  régiment  de  cavalerie  en  1750,  colonel  en  1772,  chevalier  de  Saint- 
Louis  en  1793,  maréchal  de  camp  en  1788,  général  en  chef  de  l'armée  des 
côtes  de  Brest  en  1793,  défenseur  de  Nantes  contre  les  Vendéens,  signataire 
du  premier  traité  de  paix  avec  Charette,  grand  officier  de  la  Légion 
d'honneur  le  14  juin  1804,  comte  d'Empire  et  sénateur  le  22  octobre  suivant, 
en  1814  nomiaé  pair  de  France  parle  roi,  mort  le  30  décembre  1819. 

^  Cavaignac  au  Comité  de  Salut  public,  Ancenis  4  août  1793.  (Dépôt  de 
la  Guerre.  Armée  des  Côtes  de  Brest,  section  5,  carton  12,  à  sa  date.)  Cette 
lettre  serait  tout  entière  à  citer,  qu'on  nous  permette  au  moins  d'en  rap- 
porter une  partie  !  «  ....  Cette  armée  (celle  des  côtes  de  la  Rochelle)  est 
«  mal  commandée.  Ses  chefs  en  général  sont  des  sots,  des  ivrognes  ou  des 
«  fripons.  Un  trait  que  j'ai  dû  recueillir  pour  vous  donner  uni  idée  de  leurs 
«  connaissances  militaires  et  de  la  régularité  qu'ils  mettent  dans  leurs  opô- 
«  rations,  le  voici  :  Avant-hier,  comme  je  retournais  d'ingrande  h  Ancenis, 
«  j'appris,  à.  Varades,  que  des  individus  se  disant  commissaires  du  général 
«  Rossignol  et  de  Ronsin  avaient  demandé  à.  connaître  l'état  de  ce  poste, 
«  et  que  de  là  ils  s'étaient  rendus  à  Ancenis.  Je  me  hâtai  de  m'y  rendre, 
«  bien  fondé  à  croire  que  ces  deux  individus  étaient  des  espions  de  l'autre 
«  rive,  puisque  Varades  est  l'avant-garde  de  l'armée  d'Ancenis,  qui  est  de 
n  l'armée  des  eûtes  de  Brest  et  non  de  celle  de  la  Rochelle,  ce  que  le  général 
«  Rossignol  et  Ronsin  surtout  ne  pouvaient  pas  ignorer.  Je  les  trouvai  prêts 
((  à  s'en  retourner.  Je  me  convainquis  par  l'interrogat  ('sic)  que  je  leur  fis 
«  subir,  qu'ils  étaient  réellement  les  envoyés  de  Ronsin  et  du  général  Ros- 
«  signol,  et  que  ceux-ci  ne  connaissaient  ni  la  carte,  ni  la  position  de  l'ar- 
«  mée  à  laquelle  ils  étaient  attachés  ;  qu'ils  avaient  cru  que  l'armée  d'.\n- 
«  cenis,  commandée  par  Canclaux,  général  en  chef  de  l'armée  des  côte»  de 
«  Brest,  dépendait  de  celle  des  eûtes  de  la  Rochelle.  Je  les  fis  repartir  de 
«  suite,  quoique  j'eusse  peut-être  dû  les  faire  arrêter,  attendu  qu'ils  n'avaient 
«  ni  grade  militaire,  ni  mission  légale,  et  que  leur  démarche  pouvait  oxciter 
«  des  soupçons  contre  eux.  Jugez  par  là,  citoyens  collègues,  si  l'on  doit  être 
«  surpris  qu'on  fasse  dans  cette  armée  de  la  mauvaise  besogne  ?  Kst-ce  donc 
«  par  commissaire  que  les  généraux  doivent  faire  la  visite  des  postes?  Ne 
«  doivent-ils  pas  y  aller  eux-m^m'^s,  ou  envoyer  des  adjudants  généraux  qui 
«  puissent  leur  rendre  des  comptes  exacts?,...  » 


418  ÉTAT   POLITIQUE    ET   MILITAIRE 

le  nom  véritable  était  Nourry.  Originaire  de  la  Rochelle,  il 
avait  débuté  au  Théâtre-Français  sous  le  nom  de  Roselly  ; 
après  quelques  mois,  on  le  siffla  tellement  qu'il  fut  obligé  de 
quitter  la  scène.  I!  ne  dut  qu'à  la  protection  de  Marie- Antoi- 
nette de  pouvoir  reparaître  en  public  quelque  temps  après. 
La  reconnaissance  ne  l'empêcha  pas,  plus  tard,  de  présider 
au  supplice  de  sa  bienfaitrice,  et  d'envoyer  son  fils'  tremper 
son  mouchoir  dans  le  sang  de  cette  malheureuse  reine.  Il 
avait  été  amené  en  Vendée  par  son  ami  Ronsin  ;  on  sait 
comment  ses  talents  y  étaient  appréciés  par  les  représentants 
du  peuple.  Son  collègue,  Hazard,  était  lui  aussi  un  militaire 
du  même  genre  :  ancien  religieux  génovéfain,  il  avait;,  dès  le 
commencement  de  la  Révolution^  donné  les  plus  grandes 
marques  de  son  ardeur  républicaine.  Le  20  novembre  1791, 
il  était  venu  à  la  barre  de  l'Assemblée  législative  faire  hom- 
mage d'un  catéchisme  patriotique  qu'il  avait  rédigé  «  d'après 
les  principes  consacrés  par  la  Constitution  ».  Un  peu  aupa- 
ravant, il  avait  fondé  à  Saint-Denis  une  institution  pour  l'é- 
ducation civique  et  patriotique  des  fils  d'aristocrates^  Venu 
en  Vendée  avec  les  bataillons  de  Paris,  il  s'était  dès  lors 
attaché  à  la  fortune  de  Rossignol.  Il  devint  plus  tard  chef  de 
l'état-major  général  de  l'armée  des  côtes  de  Brest. 

Les  deux  adjudants-généraux  partirent  le  premier  août, 
ils  visitèrent  Poitiers,  Saint-Maixent,  Niort,  la  Rochelle, 
Luçon  et  les  Sables-d'Olonne.  Leur  mission  n'était  pas 
seulement  militaire,  le  choix  de  leurs  personnes  l'indique 
assez  ;  ils  devaient  aussi  s'enquérir  de  la  situation  politique, 
de  l'esprit  des  populations  et  des  troupes,  en  un  mot  faire 
une  inquisition  en  règle .  Partout  oii  ils  passèrent,  ils  jouèrent 
aux  petit  s  proconsuls,  s'arrogeant  des  pouvoirs  qu'ils  n'avaient 
nullement,    s'imposant  aux  municipalités  et  aux  chefs  de 


'  Il  en  avait  fait  son  aide-de-camp.  A.  Nourry- G rammont,  né  à  Limoges, 
sous-lieutenant  dans  l'armée  révolutionnaire.  Condamné  à  mort  et  exécuté 
avec  son  père  le  11  avril  1794  ;  il  n'avait  que  19  ans. 

"  liéimpression  de  l'Ancien  Moniteur,  X,  p.  421. 


DE   LA   BASSE-VENDÉE   ET  DU   POITOU  419 

corps,  passant  des  revues,  se  faisant  donner  des  escortes. 
Nous  verrons,  d'après  î  eux-mêmes,  qu'ils  ne  furent  pas  re- 
çus partout  avec  un  grand  entiiousiasme.  On  leur  contesta 
même  les  droits  auxquels  ils  prétendaient  ;  nous  verrons 
aussi  comment  ils  se  vengèrent  en  dénonçant  tout  le  monde 
dans  leur  rapport. 

Le  cinq  août,  ils  étaient  à  la  Rochelle,  d'où  ils  envoyèrent 
à  Ronsin  et  à  Rossignol  un  premier  rapport  sommaire  que 
nous  n'avons  pas  pu  retrouver.  Mais  ils  ont  consigné  leurs 
observations  tout  au  long  dans  un  mémoire  rédigé  aussitôt 
leur  arrivée  à  Saumur,  le  quinze  août.  Ce  mémoire,  déposé 
aux  archives  du  Ministère  delà  Guerre', a  été  analysé  en  partie 
par  Savary'.  Nous  croyons  cependant  qu'il  est  assez  inté- 
ressant pour  être  publié  en  entier.  On  y  verra  que  les  villes 
de  la  Basse- Vendée  et  du  Poitou  restées  aux  mains  des 
patriotes  étaient  pour  la  plus  grande  partie  habitées  par  des 
modérés;  et  les  commissaires  les  soupçonneront  toutes 
d'être  entachées  de  fédéralisme. 

Voici  le  texte  môme  de  ce  rapport  : 

Arméb  des  Côtbs  Au  nom  de  la  République  française 

DELA  Rochelle  une  et  indivisible. 

A  Saumur,  le  14  août  1793,  Van  Je^  ' 
de  la  République. 

RAPPORT 

Des  adjudants-généraux  Hazard  et  Grammont  aux  généraux  Ros- 
signol, commandant  en  chef,  et  Ronsin,  adjoint  au  ministre  delà 
guerre,  sur  la   situation  politique  et  militaire  des  armées  des 

'  Dépôt  delà  Guerre.  Archives  historuiues  :  Armée  des  cotes  de  la  Ro- 
chelle, section  5,  carton  4,  à  sa    date. 

»  Guerre  des  Vendéens  et  des  Chouans  contre  la  République  française, 
II,  pages  18  à  22. 

^  Une  main  inconnue  a  écrit  au  crayon,  h,  la  suite  de  cette  date  :«  27  ther- 
midor  an  II.  »  En  fait,  nous  sommes  au  27  thermidor  an  I. 


420  ÉTAT   POLITIQUE    ET   MILITAIRE 

côtes  de  la  Rochelle,   depuis    Poitiers  iusqu'axtx  Sables-d'Olonne, 
inclusivement  : 

il 

Citoyens  Généraux, 

Le  compte  rapide  que  nous  vous  avons  rendu  en  date  de  la  Rochelle,  le  5 
de  ce  mois,  par  un  courrier  extraordinaire  chargé  de  toutes  les  pièces  rela- 
tives aux  états  de  situation,  tant  pour  le  disponible  des  hommes  que  pour 
celui  des  vivres  et  munitions,  depuis  Poitiers  jusqu'à  la  Rochelle  inclusive- 
ment, est  parfaitement  conforme  à  la  vérité  ;  cependant  nous  allons  revenir 
sur  toutes  ces  villes,  pour  vous  donner  communication  des  instructions  ulté- 
rieures que  nous  en  avons  tirées  au  retour  de  notre  voyage. 

POITIERS*. 

Cette  ville  a  besoin  de  la  plus  grande  surveillance.  L'esprit  public  est  nul, 
les  corps  administratifs  sont  gangrenés  d'aristocratie;  le  peu  de  bons  ré;?u- 
blicains  qui  s'y  rencontrent  sont  l'objet  de  la  persécution  des  autorités 
constituées  et  des  chefs  de  corps^  -,  le  commandant  temporaire  et  le  commis- 

•  La  plus  grande  partie  «les  renseignements  sur  Poitiers  contenus  dans 
les  notes  de  ce  modeste  travail  sont  dus  h  l'extrême  obligeance  de 
MM.  Lièvre,  bibliotliécaire  de  la  ville,  et  Prosper  Puisay,  directeur  du  très 
intéressant  Bulletin  municipal  de  la  ville  de  Poitiers.  Qu'ils  veuillent  bien 
tous  deux  recevoir  mes  remerciements.  H.  B.  D. 

■■'  Voici  les  noms  des  principaux  administrateurs  et  chefs  de  corps  de 
Poitiers  à  cette  époque:  Président  du  directoire  du  département  :  M.  Charles 
Montault-Desislks,  évêque  constitutionnel  de  la  Vienne  ;  Maire  :  M.  Motel, 
orfèvre  ;  Procureur  de  la  commune  :  Conneau  ;  Substitut  :  Clément  père  ; 
Officiers  municipaux  :  Hélion,  Clément,  Fradin,  Gervais,  Chauveau,  Des- 
seaux, Loindé,  Servant  et  Maury  ;  Président  du  Tribunal  criminel  : 
M.  Brault  ;  Président  du  Tribunal  du  district  :  M.  Arnault.  —  M.  Montault- 
Desisles  était  né  à  Loudun  le  30  avril  1755,  il  avait  fait  ses  études  clas- 
siques chez  les  Oratoriens  de  Saumur  et  son  droit  ;\  Poitiers,  oii  il  prit  sa 
licence  le  15  janvier  1776  Déjà  il  était  reçu  avocat  au  Parlement,  lorsque 
la  mort  d'une  jeune  fille  à  laquelle  il  était  fiancé  transforma  son  avenir,  dit 
M.  Port  (Dictionnaire  historique  de  Maine-et-Loire).  Il  entra  au  séminaire 
Saint-Sulpice,  puis  revint  à,  Poitiers  terminer  ses  études  tliéologiques. 
Consacré  le  19  avril  1783,  il  fut  nommé  de  suite  vicaire  à  Loudun.  Il  adhéra 
à  la  Constitution  civile  du  clergé.  Elu  en  juin  1790  membre  de  l'administra- 
tion du  district  de  Poitiers,  en  juillet  de  la  même  année,  membre  du  direc- 
toire du  département  de  la  Vienne,  il  fut  appelé  par  ses  concitoyens  à 
l'évôché  constitutionnel  de  Poitiers  le  4  septembre  suivant  et  fut  installé  le 
5  octobre,  sans  quitter  l'administration  du  département  dont  il  devint  pré- 
sident. Sa  modération   bien  sincère  le  désignait  aux   menaces  des  terroristes 


DE   LA   BASSE-VENDEE   ET  DU  POITOU  421 

saire-onlonnateur  de  c«tte  place*  sont  à  remplacer  le  plus  tôt  possible  pour 
le  bien  de  la  République  ;  le  premier  n'étant  point  à  la  hauteur  de  la  Révo- 
lution, et  le  deuxième  étant  trop  à  la  bassesse  de  l'aristocratie.  La  mesure 
urgente  à  prendre  en  ce  moment  serait  de  jetter  (sicj  promptement  dang 
cette  place  un  commandant  provisoire  sans-culottes  (sic)  et  la  déclan  r  en 
état  de  siège  ;  sans  quoi  Poitiers  ne  nous  sera  d'aucune  utilité  dans  notre 
dernière  entreprise  contre  la  Vendée  ;  il  serait  trop  impolitique  de  confier 
aux  autorités  constituées  dune  ville,  qui  m^iterait  sans  cesse  contre  nos  opé- 
rations militaires,  la  garde  des  prisonniers  que  nous  allons  faire  et  le  soin 
de  pourvoir  aux  besoins  de  nos  armées*. 


qui  dominaient  Poitiers.  Dénoncé  à  plusieurs  reprises,  notamment  dans  le 
rapport  que  nous  reproduisons,  il  fut  incarcéré  quelque  temps  après,  puis 
envoyé  h  Paris  pour  y  être  jugé  par  le  tribunal  révolutionnaire.  Il  eut  le 
bonheur  d'y  arriver  le  lendemain  du  9  thermidor.  Au  bout  de  quelques  mois 
il  recouvra  sa  liberté,  et  se  retira  dans  une  de  ses  propriétés,  à  Loudun.  Lors 
du  Concordat  pour  le  rétablissement  du  culte  catholique,  il  fut  un  des  pre- 
miers à  abjurer  ses  erreurs  constitutionelles.  Nommé  évéque  d'Angers  le 
14  avril  1802,  il  réorganisa  peu  à  peu  son  diocèse  et  y  rétablit  la  paix  reli- 
gieuse. 11  est  mort  saintement  dans  sa  ville  épiscopale,  le  29  juillet  1839. 
H.  B.  D. 

'  Je  n'ai  pu  découvrir  quel  était  le  commandant  temporaire  de  Poitiers 
au  commencement  d'août  1793.  Le  commissaire-ordonnateur  s'appelait- 
JuJARDY  ;il  n'existe  à  Poitiers  aucun  renseignement  sur  son  compte.  11  est  h 
croire  d'ailleurs  qu'il  ne  joua  dans  cette  ville  qu'un  rùle  très  efifacé,  obligé 
qu'il  était  sans  doute  de  suivre  les  armées.  11  était  supplée  àl'oiiiers  par  le 
commissaire  des  guerres,  Jean  Alexandre,  contre  lequel  porte  très  vraisem- 
blablement la  dénonciation  de  Grammont  et  d'Hazard.  C'est  une  figure  cu- 
rieuse à  étudier  que  celle  de  cet  Alexandre  ;  fils  naturel  de  Jean-Jacques 
Rousseau,  il  était  i\  la  fois  horloger,  mécanicien  et  doreur,  avant  la  Révolu- 
tion. Pendant  la  Terreur,  il  eut  à  Poitiers  une  très  grande  influence,  et 
sut  se  comporter  toujours  en  honnête  citoyen,  dit  son  b'Ograplie.  M.  P. 
Puisay.  Suspendu  de  ses  fonctions  après  des  dénonciations  qui  plus  tard 
furent  reconnues  calomnieuses,  il  reprit  son  ancien  métier.  En  180?,  il 
inventa,  le  premier,  un  système  de  communication  à  longue  distance  qui 
n'est  autre  chose  que  cette  admirable  découverte  qu'on  appela  plus  tard  la 
Télégraphie  électrique.  11  voulait  donner  son  invention  au  Premier  Consul  ; 
malheureusement  celui-ci  lui  refusa  une  audience  de  cinq  minutes,  et 
Alexandre,  justement  froissé,  garda  pour  lui  son  invention.  Il  est  mort  dans 
la  plus  affreuse  misère  à  Angoulême,  en  1831. 

'  C'est  là  une  calomnie  purement  gratuite  et  une  dénonciation  qui  coûta 
bien  cher  à  ceux  qui  en  furent  victimes.  MM.  Montault,  Motel,  Alexandre  et 
autres  avaient  pourtant  donné  assez  de  preuve»  de  leur  dévouement  à  la 
Révolution  pour   qu'on   les  épargnât.  II.  B.  D. 


422  ÉTAT   POLITIQUE    ET    MILITAIRE 


SAINT-MAIXENT'. 

Cette  place  est  importante  par  l'abondance  des  vivres  qu'elle  peut  procu- 
rer à  l'armée  dans  son  arrondissement  -,  mais  elle  a  besoin  d'un  commandant 
temporaire  qui  ne  soit  pas  de  la  légion  de  Westermann'  ;  elle  offrira  encore 
une  grande  ressource  pour  y  retirer  un  grand  nombre  de  prisonniers. 


NIORTa. 

Cette  ville   aie    plus  grand   besoin    de    l'état-major    général    des   sans- 

«  Cette  ville  partagea  dès  le  principe  l'esprit  révolutionnaire  le  plus 
avancé,  aussi  voyons-nous  les  commissaires  lui  être  plutôt  favorables.  Si 
Rossignol  n'avait  pas  été  arrêté  dans  ses  murs,  ils  seraient  sans  doute  bien 
plus  ardents.  Les  habitants  avaient  en  effet  accepté  d'enthousiasme  la  Cons- 
titution de  1793,  et  la  Convention  avait  applaudi  à  leurs  déclai'ations,  ap- 
portées h  la  tribune  le  20  juillet  par  Lecointe  —  Puyraveau. 

•  C'était  le  lieutenant-colonel  des  chasseurs  à,  cheval  de  l'ancienne 
légion  du  Nord,  devenue  la  légion  de  "Westermann,  ce  pourrait-être  San- 
doz.  Cet  officier  avait  sous  ses  ordres  environ  3,000  hommes,  pour  la 
plupart  pillards  et  indisciplinés.  Il  ne  faudrait  pas  d'ailleurs  croire  que 
c'est  là  la  raison  des  termes  du  rapport  qui  nous  occupe.  Rossignol 
(il  était  alors  adjudant-général),  à  son  passage  à  Saint-Maixent,  le  29  juin 
précédent,  avait  été  dénoncé  par  ce  commandant  de  place,  comme  ayant 
cherché  par  les  propos  les  plus  incendiaires  à  mettre  la  troupe  en  rébel- 
lion contre  ses  chefs,  et  s'était  glorifié  de  ces  agissements.  A\'estermann, 
instruit  de  ce  qui  s'était  passé,  «  considérant  que  le  citoyen  Rossignol  a  déjà 
prêché  la  même  insubordination  contre  le  général  Biron  à  Niort  ;  qu'il  est 
urgent  d'arrêter  les  projets  d'une  personne  aussi  dangereuse  à  la  tète  d'un 
corps,  qui  partout  ne  prêche  que  la  révolte,  »  avait  pris  un  arrêté  ordonnant 
l'arrestation  immédiate  du  chef  de  la  35<^  division  de  gendarmerie  et  sa  mise 
en  jugement  (Sarary,  I,  328).  On  comprend  dès  lors  l'animosité  de  Rossignol 
et  de  ses  amis  contre  Westermann  et  tout  particuliêrent  contre  l'officier 
commandant  la  place  de  Saint-Maixent. 

•  La  ville  de  Niort,  dit  M.  A.  Chevallier,  se  présentait,  dès  avant  1789, 
comme  la  principale  cité  du  Poitou,  sinon  par  l'importance  de  sa  population, 
du  moins  par  l'intelligente  activité  de  ses  habitants  et  la  prospérité 
chaque  jour  croissante  de  son  commerce.  Cette  prospérité,  Niort  la 
devait  sans  doute,  sous  l'ancien  régime,  h  son  heureuse  situation  sur  le 
penchant  de  deux  collines  séparées  par  une  vallée  fertile  qu'arrose  la  Sèvre, 
rivière  navigable  dans  presque  tout  son  parcours.  Sans  craindre  cependent 
d'être  démenti,  on  peut  affirmer  que  sa  fortune  n'a  pris  tout  son  essor 
que  depuis  les  guerres  de  la  Vendée,  époque  h  laquelle  la  présence  dans  ses 
murs  du  quartier  général  de  l'armée  républicaine  y  fit  affluer  des  capitaii-x 
considérables  (ffist.  des  villes  de  France  de  Guillebert,  tome  iv).  liin  récla- 


DE   LA   BASSE-VENDÉE   ET   DU   POITOU  423 

culottes,  et  de  la  commission  militaire*  ;  l'esprit  public  est  contre-révo- 
lutionnaire, et  les  autorités  constituées  sont  fédéralistes  et  bironistes».  La 
première  mesure  de  sagesse  est  de  mettre  cette  place  en  état  de  siège. 
Lorsque  Tarmôe  sortira  de  Niort,  si  l'on  n'use  point  de  cette  précaution,  elle 
pourra  se  regarder  comme  entre  deux  feux. 


LA  ROCHELLE'. 

Il  faut  avoir  yu  la  fédération  du  Dix  Aoiit  dans  cette  ville  pour  juger  la 
nécessité  oîi  est  la  République   de  porter   un  œil  attentif  sur    cette   place 

mant  pour  Niort  la  présence  de  l'état-major  général,  les  commissaires  ré- 
pondaient aux  désirs  et  je  dirai  mt'me  aux  besoins  de  la  population.  Il  est 
à  croire  qu'ils  se  firent  dans  leur  rapport,  du  moins  sur  ce  point,  l'écho  des 
demandes  qui  leur  furent  adressées.  On  devait  être  en  effet  très  chagrin 
du  départ  de  Biron  et  de  l'éloignement  du  nouveau  général  en  chef  resté 
jusque-là  Ji  Tours  et  à  Saumur.  Mais  on  désirait  sans  doute  la  présence  de 
Rossignol  dans  un  tout  autre  but  que  celui  indiqué  dans  ce  rappport. 

'  Sans  attendi'e  la  commission  militaire,  il  y  avait  en  fonctions  à  Niort, 
comme  partout,  un  tribunal  criminel  présidé  par  Brian,  et  dont  l'accusateur 
public  était  Leblois. 

^  Le  maire  de  Niort  était  à  cette  épociue  Jean- Jacques- Daniel  Gi:ii.hE\iEAV, 
doeteur  en  médecine  ;  il  avait  été  élu  en  décembre  179  J.  Le  procureur  de 
la  commune  était  son  neveu,  du  même  nom  et  médecin  comme  lui,  mort 
conservateur  de  la  Bibliothèque  de  la  ville.  Les  deux  Guillemeau  et  un 
membre  de  la  commune,  nommé  Rouget,  avaient,  le  15  mars  1793,  sauvé  la 
vie  à  environ  deux  cents  pi'êtres  réfractaires,  arrêtés  dans  les  départements  de 
la  Vendée,  de  Maine-et-Loire  et  des  Deux-Sèvres,  qu'on  avait  enfermés  dans 
le  donjon  du  château  de  Niort.  Une  compagnie  d«  Marseillais,  qui  passait 
pour  aller  dans  la  Vendée,  voulait  les  massacrer  avant  de  partir.  Grâce  à 
l'énergie  et  au  courage  des  trois  officiers  municipaux,  cette  boucherie  fut 
évitée.  Le  président  du  directoire  du  département  étdit  René-Jacquen  Moris- 
SET,  né  h  Niort  le  28  février  1765,  avocat,  membre  du  district  en  1790,  pré- 
décesseur immédiat  de  Guillemeau  à  la  mairi*  ,  élu  président  du  dépar- 
tement à  l'unanimité  en  1793.  Président  de  l'assemblée  départementale 
sous  l'Empire,  baron,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  conservateur  des 
eaux  et  forêts,  député  en  1813  et  1814,  181G  et  1817,  mort  en  1826  estimé  de 
tous.  Ses  collègues  du  directoire  élaiont  en  1793  :  Guiluaud,  de  Parthenay  ; 
Averti,  imprimeur  à  Niort  ;  Fribault,  de  Thouars  ;  Jard  aîné  ;  Froa  ; 
Sanzeau,  de  Parthenay  ;  Viollkt,  de  Chef-Boutonne  ;  Giliun,  ancien  ora- 
torien,  était  procureur  général  syndic. 

(Renseignements  fournis  par  Vérudit  M.  Chotard,  conservateur  de  la 
Bibliothèque  de  Niort.) 

^  Dans  cette  partie  du  rapport,  on  sent  les  basses  rancunes  de  Grammont 
contre  ses  compatriotes  qui  n'ont  pas  su  apprécier  ses  talents  ;  son  désir  de 
vengeance  apparaît    nettement  contre   tout    ce   qui    tient   un  rang  un  peu 


4?i  ÉTAT   POLITIQUE   ET   MILITAIRE 

exposée  à  nos  ennemis  ?n/('n"e?i;'5  et  extérieurs,  le  maire',  ami  intime  d» 
Biron,  à  la  tête  de  la  cérémonie,  faisant  crier  -.  Vive  la  République,  et  se 
refusant  à  ajouter  une  et  indivisible^,  nous  disant  très  sèchement  que  cette 
addition  était  sous-entendue  ;  le  général  Verteuil*,  homme  de  paille,  est  le 
jouet  des  nombreux  royalistes  do  cette  ville.  Le  commandant  de  la  garde 
nationale,  Touron*.    faisant  les   fonctions  d'adjudant-général   et  de   com- 

élevé  dans  sa  ville  natale.  Les  Rochelais  pourtant  avaient  embrassé  de  bon 
gré  les  principes  révolutionnaires.  Seules,  un  certain  nomljre  de  vieilles 
familles  avaient  montré  peu  de  sympathie  pour  ce  nouveau  régime  ;  mais  la 
masse  de  la  population  n'avait  pu  admettre  la  Terreur  ;  au  commencement 
de  mars,  80  personnes  au  moins  étaient  déjà  incarcérées  pour  leurs  opinions 
modérées.  La  guerre  de  la  Vendée  causa  de  grandes  craintes  dans  la  ville, 
qui  se  voyait  à  la  veille  d'être  attaquée  du  cAté  de  la  tei're  par  les  insurgés 
et  du  côté  de  la  mer  par  les  Anglais,  dont  la  flotte  bloquait  l'entrée  du 
port.  Les  habitants  formèrent  de  nombreux  bataillons  de  volontaires,  qui 
luttèrent  avec  ardeur  contre  les  adversaires  du  gouvernement  établi. 
Un  misérable  ouvrier  horloger,  nommé  Parent,  sans  ressources,  sans  tra- 
Tail,  arrivé  de  Paris  à  la  Rochelle  en  1790,  dominait  dans  le  Club  rochelais 
des  Amis  de  la  Constitution.  Il  devint,  dit  Dupont,  l'idole  des  plus  ignobles 
terroristes  et  l'efiFroi  des  citoyens  honnêtes.  Cet  homme  fut  l'âme  de  toutes 
les  mesures  de  violence  prises  ;\  la  Rochelle  et  l'organisateur  des  assassinats 
et  des  exécutions  qui  eurent  lieu  dans  cette  ville.  Il  ne  faisait  d'ailleurs  que 
suivre  les  instigations  de  Billaud-Varennes,  qui  ne  cessait  de  faire  retentir 
la  Convention  de  ses  déclamations  contre  l'incivisme  de  sa  ville  natale, 
poussant  l'infamie  la  plus  atroce  jusqu'à  désigner  son  propi'e  père  narmi 
les  ennemis  de  la  République  qu'il  importait  de  supprimer.  (Conf.  Dupont: 
Hist.  de  la  Rochelle.) 

*  C'était  Dély,  il  avait  été  élu  le  2  décembre  179Î.  Il  fit  preuve  d'une  grande 
fermeté  et,  malgré  ses  opinions  avancées,  d'une  grande  douceur  envers  les 
prisonniers.  Surrexcitée  par  la  nouvelle  de  la  défaite  subie  au  l'ont  de  Saint- 
Fulgent  par  la  garde  nationale  delà  Rochelle  (16  mars  179S),  la  population 
voulait  se  porter  aux  derniers  excès.  Dans  la  nuit  du  20  au  21  mars,  un  indi- 
vidu nommé  Lévèque  ayant  témoigné  son  contentement  du  succès  des  Ven- 
déens, allait  être  mis  en  pièces,  quand  Dély,  accompagné  des  officiers  muni- 
cipaux Delacoste  et  Admyrault,  se  précipite  au-devant  de  ses  concitoyens, 
lait  à  Lévêque  un  rempart  de  son  corps  et  le  sauve  par  son  courage,  ainsi 
que  les  prisonniers  royalistes  qu'on  voulait  écharper.  Malheureusement  il 
ne  put,  malgré  son  dévouement  et  l'énergie  du  commandant  Thouron,  sauver 
quelques  heures  plus  tard  la  vie  de  quatre  malheureux  prêtres  réfractaires, 
que  la  populace  du  port  finit  par  égorger  (Cf.  ibicl.  pp.  577  et  580). 

'  Pour  bien  se  rendre  compte  de  toute  la  perfidie  d'une  pareille  dénon- 
ciation, il  faut  se  souvenir  que  nous  sommes  au  15  août  1793,  c'est-à-dire  à 
quelques  semaines  seulement  de  l'écrasement  des  Fédéralistes  et  des  Giron- 
dins, alors  que  P.ordeaux  n'avait  pas  encore  ouvert  ses  portes  à  Tallien. 

^  Verteuil   était   lieutenant-général  avant   la   Révolution.    Lorsqu'éclata 

la  guerre  de  Vendée,  il  commandait  à   la   Rochelle  la  129  division  militaire. 

^  Thouron.  Il  était  commandant  de  la  garde  nationale  de   la  Rochelle  dès 

la  formation  de  ce  corps.  Au  début  de   l'insurrection  vendéenne,   il   forma 


DE    LA    BASSE-VENDÉE   ET    DU   POITOU  425 

mandant  temporaire  de  la  ville,  homme  très  suspect,  souffrant  que  les  gre- 
nadiers des  bataillons,  au  mépris  de  la  loi,  portent  encore  des  bonnets  à 
plaques  fleurs  délysées*-  et  des  fleurs  de  lys  sur  les  retroussis  de  l'habit. 
C'est  ce  môme  Touron  qui  souleva  ses  bataillons  et  vint  signifier  en  notre 
présence  au  général  Verteuil,  au  moment  où  nous  allions  passer  la  revue  de 
la  force  armée,  que  ses  bataillons  ne  reconnaissaient  que  lui  pour  général, 
et  nous  força  d'exhiber  nos  pouvoirs,  et  d'en  faire  lecture  au  milieu  de  la 
place.  C'est  ce  même  Touron  qui  engagea  les  chefs  de  bataillon  à  ne  point 
passer  notre  revue,  et  fut  cause  que  le  nommé  Donné  à  Dieu  [sic),  com- 
mandant du  5«  bataillon,  s'y  refusa  formellement  et  manqua,  comme  nous 
l'avons  déjà  dit,  de  causer  une  insurrection  générale;  nous  regardons 
Touron  plus  coupable  que  Donnéadieu,  qui  s'est  laissé  égarer. 


avec  sa  troupe  la  majeure  partie  de  l'armée  du  général  Marcé  sous  les 
ordres  duquel  il  servit  comme  chef  de  la  légion  du  centre,  avec  le  grade 
d'adjudant  général.  Il  assista  comme  tel  à  la  bataille  du  19  mars  1703  entre 
Chantonnay  et  Saint-Fulgent,  où  les  troupes  républicaines  furent  entière- 
ment battues.  Ce  fut  lui  qui,  par  son  courage,  parvint  avec  Boulard  et  Es- 
prit Baudry  à  sauver  l'artillerie  et  les  débris  de  l'armée.  II  fut  signalé  à  la 
Convention  pour  sa  bravoure  dans  cette  occasion.  {Réimp  de  l'Ane.  Mon. 
XV,  784).  11  ramena  à  la  Rochelle  sa  troupe  fort  éprouvée.  Hélas  !  un  cer- 
tain nombre  des  gardes  nationaux  de  la  ville  avaient  péri  dans  la  défaite.  La 
nouvelle  de  ce  désastre  amena  une  émeute,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  plus 
haut.  Thouron,  après  avoir  contribué  par  son  courage  à  sauver,  avec  le  maire 
Dély,  les  malheureux  enfermés  à  la  prison  des  Dames-Blanches,  ne  put 
malgré  ses  efforts  arracher  quatre  pauvres  prêtres  à  la  fureur  populaire. 
Dans  cette  circonstance  le  chef  de  la  garde  nationale  ne  voulut  pas,  pour 
défendre  les  prisonniers,  ordonner  à  sa  troupe  de  faire  feu  sur  la  populace  ; 
sans  doute  ce  fut  une  faute,  mais  peut-on  la  reprocher  bien  amèrement,  en 
pleine  guerre  civile,  à  un  homme  qui  venait  de  donner  tant  do  preuves  de 
son  courage  et  de  son  dévouement,  et  qui  d'ailleurs  suivit  on  tous  points  les 
instructions  du  maire?  Thouron,  non  content  d'avoir  payé  de  sa  personne 
contre  L^s  ennemis  de  l'idée  et  du  gouvernement  qu'il  servait,  avança  encore 
de  sa  bourse  dix-sept  mille  livres  pour  l'oru^anisation  et  réquii)ement  de  la 
garde  nationale,  prévoyant  bien  cependant  qu'on  ne  pourrait  le  rembourser. 
'  (Sic).  Quel  crime  abominable  !  Avait-on  donc  le  temps  et  les  moyens,  au 
milieu  d'une  guerre  de  lous  les  jours,  de  modifier  instantanément  les  uni- 
formes ?  Ce  n'étaient  pas  d'ailleurs  les  fleurs  de  lys  qui  pouvaient  enij)i"cher 
les  soldats  de  Thouron  de  se  battre  ;  les  meilleures  troupes  envoyées  en 
Vendée,  l'armée  de  Mayence  elle-mêmp,  avaient  encore  l'uniforme  royal.  Et 
pourtant  c'est  avec  des  niaiseries  de  cette  sorte  qu'on  faisait  alors  fusiller  ou 
guillotiner  ses  ennemis.  Les  commissaires  laissent  trop  voir  qu'ils  cherchent 
surtout  à  faire  punir  les  manques  d'égards  dont  le  chef  de  la  garde  natio- 
nale rochelaise  s'était  rendu  coupable  envers  eux-mêmes.  On  comprend  du 
l'esté  qu'un  militaire  comme  lui  n'eût  pas  eu  grande  considération  pour 
nos  deux  adjudants-généraux.. 


426  ÉTAT  POLITIQUE  ET  MILITAIRE 

Nous  vous  observons,  citoyens  généraux,  que  la  tour  de  la  Lanterne»  ren- 
ferme en  ce  moment  plus  de  mille  brigands  prisonniers  -,  il  est  instant  d« 
faire  passer  des  ordres  très  prompts,  pour  leur  translation  dans  l'intérieur, 
soit  à  Angoulôme,  soit  au  château  de  Jarnac  ;  ces  prisonniers  disent  haute- 
ment que  tant  que  Biron  aurait  commandé  l'armée  patriote,  l'armée  catho- 
lique était  assurée  de  ses  succès.  La  prison  de  la  ville  est  également  engor- 
gée de  personnes  de  différents  sexes,  tant  émigrés  qu'Anglais-,  ils  crient  im- 
punément ;  Vive  Louis  XVII!  Il  s'en  est  évadé  huit  le  jour  môme  de  la  fédéra- 
tion, et  l'on  n'a  fait  aucune  recherche  ni  poursuite  !!!''  Cette  indifférence 
nous  paraît  impardonnable,  avec  d'autant  plus  de  raison  que,  dans  la  nuit 
même  du  10  au  11,  des  placards  contre  la  République,  et  au  nom  de 
Louis  XVII,  ont  été  affichés  jusqu'à  la  porte  du  général  Verteuil  et  dans  tous 
les  coins  de  la  ville.  Le  décret  contre  les  assignats  royalistes  a  fait  lever  la 
tête  aux  aristocrates  marqués  ;  les  armateurs,  négociants  et  autres  riches  de 
la  ville  en  sont  gonflés  de  rage,  mais  ils  sentent  qu'il  faut  s'y  soumettre. 
Nous  ol)serverons  que  la  masse  entière  du  peuple  ne  participe  en  rien  à 
toutes  ces  infamies,  et  que  lui  seul  fait  éclater  une  joie  républicaine. 


LUÇON^ 

A  notre   arrivée  dans  les  environs  de  cette  ville,  nous   avons  trouvé    le 


*  L'entrée  du  port  de  la  Rochelle  était  défendue  par  les  trois  tours  de  la 
Guine,  de  Saint-Nicolas,  et  de  la  Lanterne,  cette  dernière  un  peu  sar  la 
gauche  en  venant  de  la  mer  ;  puis,  sur  un  plan  plus  éloigné,  se  trouvait  la 
tour  de  l'Horloge.  Une  grande  partie  des  malheureux  enlevés  ou  faits  pri- 
sonniers dans  la  Vendée  avaient  été  dirigés  sur  la  Rochelle.  Dès  le  mois  de 
juin  1793,  la  tour  de  la  Lanterne  en  était  encombrée  ;  on  dut  bientôt  leur 
affecter  aussi  les  tours  Saint-Nicolas  et  de  l'Horloge.  A  la  fin,  il  sévit,  parmi 
ces  prisonniers  accumulés  dans  des  espaces  trop  restreints,  une  maladie 
contagieuse  terrible,  qu'ils  communiquèrent  aux  juges  qui  les  envoyaient  à 
l'échafaud  1  Daas  la  seule  tour  de  la  Lanterne,  il  périt  environ  2&0  pri- 
sonniers, 60  furent  guillotinés.  Les  autres,  employés  à  divers  travaux  par 
la  municipalité,  survécurent  à  la  pacification  et  furent  renvoyés  dans  leur 
pays,  après  le  15  février  1796. 

«  L'état  des  prisonniers  vendéens  était  tel  qu'ils  excitaient  un  intérêt 
général  ;  à  la  Municipalité,  au  Club  de  Pai-ent  môme,  on  les  appelait  les 
pauvres  brigands.  Le  Conseil  de  la  commune  dut  s'occuper  d'améliorer  leur 
sort.  (Dupont  :  Histoire  de  la  Rochelle,  p.  583.) 

'Autrefois  Luçon  se  trouvait  au  fond  d'un  golfe  formé  par  l'Océan  ;  cette 
ville,  par  suite  du  retrait  de  la  mer,  est  ;\  présent  située  sur  le  bord  du 
Marais  qui  occupe  la  place  de  ce  même  golfe. 


DE   LA   BASSE-VENDEE   ET   DU    POITOU  427 

poste  des  Quatre-Ghemias»  fort  mal  gardé  ;  il  était  nuit,  et  aucune  sûreté 
n'était  prise.  Nous  en  fîmes  l'observation  au  commandant  du  poste  qui  ne 
sut  que  nous  répondre  ;  mais  un  gendarme  à  cheval  nous  dit  avec  une  arro- 
gance extrême  qu'il  préferait  rancien  régime  au  service  de  la  République. 
Nous  relevâmes  ce  propos  criminel,  en  le  prévenant  que  nous  allions  en 
faire  notre  rapport  au  général  de  brigade  Tuncq  .  A  peine  fûmes-nous  re- 
connu» à  ce  poste  important,  nous  dirigeâmes  nos  pas  vers  la  ville  dont 
nous  trouvâmes  le  post«  d'entrée  aussi  mal  gardé  que  le  premier,  une  pièce 
de  canon  absolument  abandonnée,  l'entrée  de  la  ville  engorgée  par  des  voi- 
tures. Lorsque  nous  demandâmes  l'officier  du  poste,  un  canonnier  vint  nous 
dire  fort  insolemment,  après  nous  avoir  fait  reconnaître,  que  nous  étions 
tGU»  égaux,  qu'il  savait  le  service,  et  qu'il  n'avait  pas  besoin  de  nos  obser- 
vations. De  suite,  nous  nous  rendîmes  auprès  du  général  de  brigade  Tuncq 
qui  était  déjà  prévenu  de  notre  arrivée,  nous  lui  fîmes  personnellement  le 
rapport  le  plus  succinct  sur  la  situation  des  postes  que  nous  venions  de 
passer.  Il  nous  répondit,  avec  la  morgue  d'un  vieux  général  de  l'ancien 
régime^  ,  qu'un  général  de  brigade  à  la  tête  d'une  armée  victorieuse''  n'avait 
pas  besoin  de  leçons.  Nous  ne  parlerons  pas  des  épithètes  personnelles, 
parce  que  nous  sommes  républicains. 
Le  lendemain,  avant  de  nous  mettre  en  marche  pour  nous  rendre  aux 


'  I^ste  situé  en  avant  et  à  une  demi-lieue  de  Luçon,  célèbre  dans  les 
guerres  de  la  Vendée.  Le  principal  grief  des  commissaires  est,  encore  lîi,  de 
n'avoir  pas  été  reçus  avec  assez  d'égards.  Le  commandant  du  poste,  ou  plutAt 
camp  des  Quatre-Chemins,était  le  chef  de  bataillon  Canikr,  sujet  anglais  qui 
servait  dans  l'armée  républicaine.  Il  ayait  la  confiance  absolue  de  ses  soldats, 
ce  qui  ne  l'empêcha  pas  d'être  dénoncé  à  maintes  reprises,  et  d'èti-e  forcé 
plus  tard  à  se  retirer. 

-  Tuncq  était  gendarme  de  la  connétablie  de  l'Isle  de  France  avant  la 
Révolution  ;  il  prit  les  armes  après  le  10  août  1792,  et  fut  fait  général.  Em- 
ployé dans  l'armée  de  la  Vendée  en  1793,  dénoncé  à  la  Convention,  il  fut 
suspendu  et  reçut  l'ordre  de  se  retirer  h  10  lieues  du  théâtre  de  la  guerre. 
C'était  le  13  août,  l'armée  vendéenne  menaçait  Luçon  de  toutes  parts  ;  les 
représentants  Goupilleau  et  Bourdon  de  l'Oise  ne  tinrent  aucun  compte  de 
cette  suspension,  ils  créèrent  même  Tuncq  général  de  division.  Le  lende- 
main, c'est-à-dire  quelques  jours  après  la  visite  des  commissaires,  il  rempor 
tait  une  brillante  victoire  à  Chantonnay.  Un  échec  subi  au  même  endroit, 
quelque  temps  après,  permit  à  Ronsin  d'utiliser  contre  lui  les  dénonciations 
de  Grammont  et  d'Hazard;il  fut  arrêté  et  conduit  à  Taris  ;  le  procès  et 
l'exécution  de  ses  ennemis  le  sauvèrent  de  la  guillotine.  Emidoyé  plus  tard 
en  Italie  (1798),  il  est  mort  d'une  chute  de  cheval  vers  la  fin  de  170'). 

î  Dénonciation  assez  mal  venue  :  Tuncq  était  fils  d'un  tisserand,  et  nous  ve- 
nons de  voir  qu'il  était  simple  gendarme    sous  Vancien  régime. 

*  Il  avait  remporté  déjà  une  grande  victoire  en  avant  de  Luçon  le  30  juillet. 


/.»; 


428  ETAT   POLITIQUE    ET    MILITAIRE 

Sables-d'Oloane,  noas  requîmes  le  citoyen  Percebois*,  commandant  tempo- 
raire de  la  ville,  de  nous  donner  une  escorte  de  cavalerie  pour  nous  accom- 
pagner jusqu'aux  tables  ;  nous  étions  en  voiture,  les  chasseurs  étaient  à 
cheval  et  se  préparaient  à  nous  escorter,  lorsque  Tuncq  arriva,  leur  défendit 
de  nous  suivre,  menaçant  le  commandant  temporaire  de  la  prison,  et  ajouta, 
devant  la  troupe,  que  nous  n'avions  aucun  droit  à  nous  faire  accomilagner. 
Nous  ne  faisons  aucune  réflexion  sur  cette  conduite,  qui  compromettait  notre 
mission,  puisque  nous  côtoyions  les  postes  avancés  des  Brigands. 

Nous  nous  sommes  donc  rendus  seuls  aux  Sables  et  auprès  du  général 
Boulard^,  à  Olonne  ;  l'accueil  de  ce  général,  la  fermeté,  la  connaissance  dans 
ses  devoirs,  voilà  ce  que  nous  avons  aperçu  dans  Boulard.  Forcés  de  repas- 
ser encore  par  Lucon  et  de  là  nous  porter  à  la  pointe  de  l'Aiguillon^,  comme 
nous  y  avait  invités  le  général  Boulard,  afin  de  prendre  connaissance  de 
cette  plage  qui  offre  depuis  longtemps  aux  émigrés  la  facilité  d'une  des- 
cente, nous  fîmes  à  la  municipalité  de  Lucon  une  réquisition  pour  avoir 
deux  chevaux,  mais  bientôt  Tuncq  s'opposa,  sous  de  vains  prétextes,  et  re- 
tarda notre  départ  jusqu'au  lendemain,  et  ce  ne  fut  qu'à  une  prière  particu- 
lière de  Grammont  que  nous  obtînmes  deux  chevaux  d'un  particulier  de 
l'endroit. 

Nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  l'activité  du  commandant  temporaire 
Percebois,  brave  et  ferme  dans  ses  devoirs.  Les  menaces  arbitraires  et  les 
mauvais  traitements  dont  nous  avons  été  témoins  n'altèrent  point  son  cou- 
rage répjblicain.  ^ 

Nous  vous  demandons,  citoyens  généraux,  l'élargissement  du  citoyen 
Philippe  Guesdon,  espion  de  la  République,  et  qui  a  bien  servi  son  pays  ; 
cet  homme  essentiel  à  notre  armée  a  encouru  l'animadversion  arbitraire  de 
Tuncq  parce  qu'il  a  reçu  de  nous  une  indemnité  de  cent  livres  avec  pro- 
messe de  se  rendre  à  Niori  sitôt  que  l'état-major  y  serait.  Les  pièces  ci- 
jointes^  vous  prouveront  son  innocence  et  l'injustice  de  sa  détention.  Nous 
vous  remettons  également  deux  pièces  authentiques  qui  attesteront  la  ma- 
nière arbitraire  dont  Tuncq  se  fait  délivrer  des  rations  pour  son  armée  et 
élude  sa  responsabilité. 

«  Percebois,  chef  de  bataillon,  s'était  distingué  à  la  bataille  du  30  et  avait 
mérité  les  éloges  de  son  général. 

»  Henri-François  Boulard,  né  à  Paris  vers  1746  ;  mort  à  la  Rochelle  vers 
l'an  III  (171)4).  Chevalier  de  Saint  Louis  et  major  du  régiment  de  la  Vieille- 
Marine  avant  la  Révolution  ;  colonel  du  60«  de  Ligne,  puis  général  de  brigade. 
11  se  distingua  par  ses  talents  et  sa  bravoure  dans  la  guerre  de  Vendée,  où 
il  commanda  malgré    lui. 

î  Canton  de  Luçon,  département  de  la  Vendée. 

•'  Malheureusement  les  pièces  annoncées  manquent  au  dépôt  de  la  guerre  ; 
il  eût  été  intéressant  de  savoir  ce  qu'était  cet  espion  dans  un  pays  où  les 
généraux  républicains  se  plaignirent  à  chaque  instant  de  n'en  point  trouver. 


DE  LA  BASSE-VENDÉE   ET   DU   POITOU  429 


SITUATION  MILITAIRE  DE  LUGON. 

Infanterie 5371  hommes 

Cavalerie 4I4       ^ 

Canonniers 203        » 

Total 5988  hommes 

treize  pièces  de  canons  de  quatre  avec  leurs  caissons,  et  une  pièce  de  huit, 
le  tout  abondamment  pourvu  de  gargousses  et  de  boîtes  à  mitrailles. 


SITUATION    MILITAIRE  DES   SABLES. 

l""»  colonne 3207  hommes 

2»  colonne  de  Baudry 1521        » 

1"  colonne 153       » 

2*  colonne 45       >. 

^  ^  1"  colonne 214        » 

Canonniers ] 

(  2«  colonne 35       » 

Total 5175  hommes 

Boulard  a  huit  pièces  de  quatre   et  Baudri'   trois  pièces  de  quatre  et   une  de 
huit,  le  tout  abondamment  pourvu. 


Infanterie  disponible.    . 

'2»  colonne  de  Baudry 1521 

Cavalerie 

2*  colonne 45 


OBSERVATIONS  SUR  LES  VIVRES. 

Ces  deux  armées  de  Luçon  et  des  Sables  peuvent  marcher  sur-le-champ; 
outre  leurs    magasins   particuliers,    le  moindre    succès  qui    nous   ouvrira 

'  Esprit  Baudry  était  chef  de  bataillon  au  4«  régiment  d'infanterie  de 
marine,  au  début  de  la  gaerre  de  Vendée.  11  fut  employé  en  cette  qualité  dans 
l'armée  du  général  Marcé.  A  la  déroute  du  Pont  de  Saint-Fulgent('19  mars  1793), 
il  contribua  puissamment,  avec  Thouron  et  Boulard,  à  sauver  l'artillerie  et 
les  débris  de  l'armée.  Depuis,  il  avait  constamment  commandé  la  2*  division 
de  l'armée  des  Sables.  Suspendu  peu  de  temps  après  le  rapport  deGrammont 
et  Hazard,  il  reçut  l'ordre  de  se  rendre  à,  Rochefort-sur-Mer  et  de  n'en  pas 
sortir.  Au  mois  de  juin  1794,  alors  qu'on  craignait  une  descente  îles  Anglais, 
le  représentant  Topsent  le  nomma  commandant  provisoire  de  cette  place;  au 
mois  de  juillet  suivant,  nous  le  retrouvons  revôtu  du  grade  de  chef  de  bri- 
gade, commandant  les  volontaires  nationaux  formés  avec  le  48  régiment 
d'infanterie  de  marine,  son  ancien  corps.  {Dépôt  de  la  Guerre.  Armi'-e  des 
cAtes  de  la  Rochelle.) 

Tome  iv.  —  Octobre,  novembre,  décembre.  29 


430  ÉTAT   POLITIQUE   ET   MILITAIRE 

l'entrée  chez  les  Brigands  nous  assure  des  fournitures  immenses.  Le  district 
seul  de  Fontenay  renferme  des  subsistances  capables  de  nourrir  l'armée 
pendant  deux  ans  ;  nous  le  tenons  des  administrateurs  eux-mêmes  de  ce 
district,  et  c'est  une  grande  erreur  de  supposer  prendre  les  Brigands  par  la 
faim. 

Parles  états  ci-joints,  vous  verrez,  citoyens  généraux,  que  l'armée  des 
Sables  a  son  dixième  au  moins  de  malades  ;  nous  vous  dénonçons  à  cet  elfet 
l'horrible  insouciance  des  autorités  constituées  des  Sables*,  qui  laissent  les 
hôpitaux  dans  un  état  de  pénurie  affreuse  ;  les  malades  manquent  des 
choses  les  plus  nécessaires  ;  au  moment  où  nous  y  étions,  il  n'y  avait  pas  un 
médicament  dans  la  pharmacie.  Le  nommé  Roi,  apothicaire  du  pays,  patriote 
comme  son  nom,  a  osé  refuser  les  secours  qu'il  pouvait  apporter  aux  malades, 
et  a  motivé  son  refus  de  la  manière  la  plus  indécente,  injuriant  la  nation  et 
avilissant  les  assignats  qu'on  lui  oflrait  pour  prix  de  sa  marchandise. 
Cependant  les  fièvres,  communes  en  ce  pays  pendant  les  mois  d'août  et  de 
septembre,  ne  seraient  rien  si  l'on  purgeait  dans  les  premiers  accès,  et 
deviendront  mortelles  pour  notre  armée  si  l'on  ne  se  hâte  d'envoyer  des 
remèdes. 

Vous  saurez  aussi  que  depuis  deux  mois  il  a  été  impossible  au  général 
Boulard  d'aller  en  avant  :  1°  faute  delnoyens  de  sûreté  de  subsistances 
qu'éludaient  les  autorités  constituées  des  Sables  et  d'Olonne'  ;  2»  relativement 
aux  ordresqu'il  reçut  du  général  Ghalboss  ,  en  date  de  Niort,  qui  lui  mandait 

*  L'Administration  municipale  des  Sables  se  composait  alors  du  maire 
Gatjdin,  de  Belange,  Bécherel,  Boulineau,  Gobert,  Achard,  officiers  muni- 
cipaux, et  Rouillé,  procureur  de  la  commune.  Les  Sablais  avaient,  dès  le 
commencement  de  la  Révolution,  donné  des  preuves  non  équivoques  de  leur 
ardeur  républicaine.  Au  début  du  soulèvement  vendéen,  sous  les  ordres  du 
conventionnel  Gaudin,  le  propre  frère  du  maii*«,  ils  avaient  lutté  victorieu- 
sement contre  les  paysans  de  Jolly  et  de  Savin.  Mais  Gaudin  était  brouillé 
avec  lesterrorist-'s,  depuis  qu'il  avait  proclamé  à  la  tribune  de  la  Convention 
l'incompétence  de  cette  assemblée  à  juger  Louis  XVI;  les  Montagnards  ne 
lui  pardonnèrent  jamais  cette  intervention. 

^  Le  maire  d'Olonne  était  alors  M.  Jannel. 

'  Fra?i70i5  CuALBos,  né  ;i  Cubières  (Lozère).  Il  était  militaire  avant  la  Ré- 
volution ;  l'émigration  d'un  grand  nombre  d'officiers  nobles  favorisason  avan- 
cement, mais  cet  avancement  si  rapide  exalta  considérablement  son  orp:ueil. 
Il  fut  envoyé  à  Fontenay  le  22  mars  17'J3,  comme  chef  de  brigade  ;  fait  géné- 
ral peu  de  jours  après,  il  prit  part  ;\  tous  les  combats  qui  eurent  lieu  dans 
cette  région  avec  des  alternatives  de  succès  et  de  défaites.  Mommé  général 
de  division  après  sa  victoire  du  16  mai  à  Fontenay,  il  était  à  la  bataille  de 
Cliolet  le  l.')  octobre.  La  modestie  do  Kléljer  fît  donner  ;i  Chalbos  le  comman- 
dement eu  chef  de  l'armée  républicaine  apivs  la  retraite  de  Rossignol.  Au 
mois  de  novembre  179^,  Chalbos  malade  obtint  de  se  retirer.  Il  est  mort 
commandant  de  place  à    Mayence  le  ?>  février  1803. 


DE  LA  BASSB-VENDÉE   ET  DU   POITOC  431 

de  se  tenir  prêt  à  marcher  pour  l'époque  du  20  juillet,  et  qui  révoqua  de  suite 
ce  même  ordre  sans  lui  en  motiver  lus  raisons.  Le  général  Boulard  nous  a 
donné  communication  de  sa  correspom lance;  ce  rapprochement  sera  facile 
à  faire  avec  les  événements  du  15  et  du  18  juillet*. 

Un  abus  à  détruire  promptement,  c'est  la  malversation  et  l'agiotage  qui 
s'exercent  impunément,  sous  l'autorisation  des  autorités  constituées  de» 
Sables.  Lorsqu'il  est  question  du  maximum  des  différentes  denrées  qui  y  sont 
sujettes,  la  loi  est  ponctuellement  observée  envers  le  peuple  ;  mais  lorsqu'un 
négociant  du  pays  se  trouve  pourvu  do  ces  mêmes  denrées,  le  maximum  est 
augmenté  d'un  tiers  ;  c'est  ce  qui  nous  a  été  attesté  pir  des   républicains. 

Ce  qui  surprendra,  c'est  que  les  bons  habitants  des  campagnes,  que  l'on 
voulait  séduire  par  la  hausse  du  maximum,  ont  laissé  taxer  d'un  tiers  en  sus 
et  ensuite,  de  leur  propre  volonté,  ont  rejeté  cette  augmentation  frau- 
duleuse  en  se  conformant  au  maximum  décrété. 

Nous  ne  cesserons,  citoyens  généraux,  de  vous  répéter  qu'il  est  instant  de 
déclarer  en  état  'le  siège  toutes  les  villes  pareilles  qui  avoisinent  ces  dépar- 
tements ennemis  de  la  patrie  et  infestés  d'un  aussi  abominable   brigandage. 

Nous  vous  observons  que,  depuis  une  lieue  de  Saint-Gilles' jusques  et 
près  la  rivière  de  Nantes,  les  Brigands  occupent  la  côte,  ce  qui  peut  lournir 
une  étendue  de  huit  lieues.  Le  drapeau  blanc  y  flotte  de  manière  que  ce 
signal  détestable  attire  les  scélérats  qui  veulent  se  coaliser  avec  les  Brigands. 

Il  existe  à  l'île  d'Aix,  près  la  Rochelle,  un  excellent  bataillon  de  la  Cha- 
rente-Inférieure, particulièrement  exercé  dans  les  meilleurs  principes,  et  qui 
brûle  du  désir  de  combattre  l'ennemi.  Il  sollicite  à  grands  cris  d'être  em- 
ployé-,  on  peut  d'autant  plus  facilement  le  satisfaire  qu'il  serait  important 
de  le  remplacer  par  un  bataillon  de  Lot-et-Garonne  campé  actuellement  sous 
les  murs  de  la  Rochelle,  qui  n'est  ni  discipliné,  ni  exercé;  des  commissaires 
envoyés  par  ce  département  nous  ont  fait  eux-mêmes  la  demande  de  cet 
échange   qui  vous  paraîtra  utile  pour  le  bien  de  l'armée. 

Yoilà,  citoyens  généraux,  le  rapport  exact  et  succinct  de  tous  les  rensei- 
gnements que  nous  avons  pris  dans  la  mission  que  vous  nous  avez  conliéc, 
l'espace  de  quatorze  jours. 

Les  adjudants-généraux, 
Hazard.  Gram.mont. 


•  Les  ordres  de  Chalbos  existent  encore  au  Dépôt  de  la  Guerre,  et  dans 
l'un  d'eux  '20  juillet  1793)  le  général  suspend  le  mouvement  on  avant  or- 
donné par  sa  lettre  précédente  (qui  porte  la  même  date),  en  expliquant  qu'il 
vient  d'apprendre  la  déroute  de  Vihiers(18  juillet)  etqu'il  convient  d'attendre. 

»  Saint-Gilles-sur-Vie,  chef-lieu  de  canton  du  département  de  la  Vendée 
dans  l'arrondissement  des  Sables-d'Olonne  ;  petit  port  assez  important  situé 


432  ÉTAT   POLITIQUE   ET   MILITAIRE 

Comme  nous  le  disions  au  début  de  cette  étude,  on  voit  que 
ce  rapport  est  bien  plus  une  œuvre  de  délation  et  de  ven- 
geance qu'un  exposé  sérieux  de  la  situation  militaire  du 
pays.  Il  n'en  pouvait  être  autrement;  les  commissaires  se 
sont  surtout  préoccupés  de  satisfaire  leurs  rancunes  person- 
nelles et  celles  de  leurs  amis,  en  dénonçant  les  uns  et  les 
autres,  et  particulièrement  Montault-Desilles  et  Tuncq,  qui 
ne  durent  qu'à  d'heureux  hasards  d'échapper  au  supplice  qui 
les  attendait. 

Grammont  ne  resta  pas  longtemps  en  Vendée  ;  en  récom- 
pense de  ses  services,  son  ami  Ronsin  l'emmena  avec  lui  à 
Paris.  L'adjoint  au  Ministre  de  la  guerre  en  fit  son  chef 
d'état-major  à  l'armée  révolutionnaire,  et  l'ex-comédien 
put  parader  tout  à  son  aise  dans  les  bureaux  de  la  rue  de 
Ghoiseul.  On  le  vit,  en  costume  militaire,  jouer  au  naturel 
les  rôles  tragiques*.  Mais  son  triomphe  fut  court  ;  un  décret 
du  16  nivôse  an  III  (5  janvier  1794)  ordonna  sa  mise  en  accusa- 
tion avec  son  fils,  Chaumette',  Beysser^  et  21  autres  personnes 
prévenues  d'avoir  trempé  dans  le  complot  d'Hébert,  Gloots 
et  Ronsin.  Poursuivi  devant  le  tribunal  révolutionnaire  de 
Paris,  le  21  germinal  suivant  (8  avril  1794),  il  fut  condamné  à 


à  l'embouchure  do  la  rivière  de  Vie,  dans  le  fond  de  la  baie  de  la  Gâchera. 
La  côte,  occupée  par  les  Vandéens  de  Charette,  n'était  guère  abordable  du 
côté  de  la  mer,  l'ile  de  Noirmoutiers  étant  à  ce  moment  occupée  par  les 
Républicains. 

*  Nouvelle  Biographie  universelle,  de  Rabbe  et  autres. 

2  Pierre-Gaspard,  dit  Anaxagoras  Chaumette,  né  à  Neversle24mars  17G3, 
clerc  de  procureur  avant  la  Révolution,  membre  puis  procureur  de  la 
commune  de  Paris,  l'un  des  chefs  du  parti  Hébertiste,  dans  la  ruine  duquel 
il  périt. 

'  Jean-Michel  Beysser,  né  h  Rlbauvillers,  en  Alsace,  chirurgien  dans  un 
régiment  des  Indes  Orientales,  puis  capitaine  au  service  de  la  Hollande. 
Rentré  en  France  au  commencement  de  la  Révolution,  il  était  colonel 
de  dragons  à  Lorient  en  1791  ;  fait  général  de  brigade  au  début  de 
l'insurrection  vendéenne,  il  fut  l'un  des  plus  braves  défenseurs  de  Nantes 
contre  l'armée  catholique,  en  juin  iVîi3.  Destitué  comme  fédéraliste,  puis 
replacé,  ses  ennemis  surent  le  faire  impliquer  dans  la  conspiration  d'Hébert 
et  de  Ronsin,  i\  laquelle  il  paraît  avoir  été  complètement  étranger.  Il 
passait  pour  être  un  des  plus  beaux  hommes  de  France. 


DE    LA    BASSE-VliNDÉb:    ET   DU    POITOU  433 

mort  après  quatre  jours  de  débats,  pour  avoir,  dit  le  juge- 
ment, «  de  complicité  avec  Ronsin,  Hébert,  Cloots  et  autres 
«  déjà  frappés  du  glaive  de  la  loi,  conspiré  contre  la  liberté 
a  et  la  sûreté  du  Peuple  français,  envoûtant  troubler  l'Etat 
«  par  une  guerre  civile,  dans  laquelle  des  conjurés  devaient 
«  dissoudre  la  Représentation  nationale,  assassiner  ses 
«  membres  et  les  patriotes,  détruire  le  gouvernement  répu- 
«  blicain,  s'emparer  de  la  Souveraineté  du  Peuple,  et  donner 
«  un  tyran  à  la  France'.  » 

Plus  heureux,  Hazard,  devint  chef  de  l'état-major  général 
de  l'armée  des  côtes  de  Brest,  lorsque  Rossignol  en  reçut  le 
commandement  ;  on  le  retrouve  à  Malo  en  février  1794.  Il 
sut  pourtant  abandonner  assez  à  temps  son  protecteur  pour 
n'être  pas  complètement  entraîné  dans  sa  disgrâce.  Empri- 
sonné d'abord  en  même  temps  que  Rossignol,  mais  vigou- 
reusement défendu  par  le  représentant  Savary,  il  réussit  à 
échapper  aux  conséquences  de  la  révolution  du  9  thermidor. 
«J'ai  vu  avec  peine  sur  la  liste  des  généraux,  s'écriait  en 
«  1795  le  représentant  Goupilleau,  un  nommé  Hazard  qui  il 
«  y  a  six  ans  était  génovefain,  il  y  a  deux  ans  maître  d'école, 
.«  et  qui  depuis  a  été  le  principal  agent  de  Rossignol,  qui  a  fait 
tt  avec  lui  les  guerres  de  la  Vendée  et  participé  aux  horreurs 
«  qui  ont  été  commises.  Ce  Hazard  a  même  été  en  prison  avec 
«  lui,  et  aujourd'hui  il  est  employé  dans  nos  armées  avec  un 
«  grade  supérieur'-  !  » 

Il  devint  général.  Assez  adroit  pour  se  faire  oublier,  il  passa 
inaperçu  au  milieu  des  bouleversements  qui  dès  lors  se  suc- 
cédèrent avec  rapidité. 

H.  Baguenier-Desormeaux. 


'  Réimpression  de  Vancien  Moniteur  :  XX,  191  et  203. 
Ibid  XXV,  370. 


SOUVENIRS  DE  JEUNESSE 


DEUX  VENDÉENS  AUX  JEUX  FLORAUX' 


-ONOOgOOO- 


. .  Mes  études  terminées  au  lycée  de  Bourbon-Vendée  et 
mon  diplôme  de  bachelier  ès-lettres  conquis  à  Poitiers  (1849), 
j'étais  rentré  près  de  mon  père,  à  Luçon.  Je  rimais  à  peu 
près  chaque  jour,  et  les  pièces  s'entassaient  au  fond  d'un 
tiroir  secret  à  ce  réservé. 

Sur  ces  entrefaites,  j'avais  été  mis  en  rapport  avec  le  curé 
d'un  village  des  environs  de  la  Bretonnière,  M.  l'abbé  Hip- 
poly  te  Lamontagne,  qui  avait,  lui  aussi,  la  passion  de  la  rime 
etqui  s'était  surtout  adonné  à  la  fable.  Nos  relations  devinrent 
bientôt  intimes.  Nous  nous  visitions  souvent  :  je  franchissais 
lestement  la  distance  qui  me  séparait  de  la  Bretonnière,  et  le 
bon  curé  venait,  de  temps  à  autre,  déjeuner  avec  nous.  Il 
était  aimable,  gai,  spirituel.  Mon  père  ne  Taimait  pas  moins 
que  moi. 

Un  matin,  en  déjeunant  à  la  maison,  M.  Lamontagne  nous 
parla  d'une  certaine  Académie  des  Jeux  Floraux,  de  Toulouse, 
qui  décernait  des  fleurs,  chaque  année,  aux  meilleures  pièces 

'  A  l'occasion  de  la  mort  récente  de  son  «  vieux  maître  et  bien  tendre  ami  » 
M.  l'abbé  Lamontagne,  notre  cher  poète  vendéen  Emile  Grimaud  a  eu 
l'aimable  pensée  de  détacher  pour  nous  cette  page  inédite  de  ses  Souvenirs 
de  Jeunesse. 


DEUX   VENDÉENS  AUX   JEUX    FLORAUX  435 

devers  qu'on  lui  envoyait.  J'en  isrnorais  absolument  l'oxis- 
tence.  Nous  résolûmes  de  nous  renseigner  à  ce  sujet  et  de 
concourir.  Mon  père  insinuant  que  M.  le  curé  seul  avait  des 
chances  de  succès  :  «  Eli  bien  I  lui  dis-je,  si  je  remporte  une 
fleur,  t'engages-tu  à  me  laisser  l'aller  chercher?  Me  paieras- 
tu  le  voyage  de  Toulouse?  »  —  «  Oh  1  bien  volontiers  !  et,  en 
prenant  cet  engagement,  je  ne  cours  pas  grand  risque,  »  flt-il 
en  riant.  —  «  Monsieur  le  curé,  répondis-je^  vous  êtes 
témoin  de  la  promesse  ;  je  la  rappellerai  en  temps  et  lieu.  » 

Et  nous  concourûmes.  M.  Lamontagne  avait  envoyé  une 
ode  :  Conquêtes  de  la  Religion  et  de  la  Science,  et  une  fable  : 
L Ecole  des  Amis  ;  moi,  une  hymne  à  la  Vierge  :  La  Chapelle 
de  Marie,  et  une  fable  :  L'Alouette  et  le  Moineau. 

Un  matin  du  mois  de  mars  (1853)  —  une  neige  épaisse 
couvrait  la  terre  —  le  facteur  sonne  à  notre  porte  et  remet 
un  large  pli  à  mon  adresse,  portant  cette  mention  :  «  Aca- 
démie des  Jeux  Floraux.  »  M.  le  vicomte  de  Panât,  secrétaire 
perpétuel,  m'annonçait  que  ma  fable  avait  remporté  le  prix. 

J'avais  gagné  mon  voyage  de  Toulouse  ! 

Je  pris,  comme  on  dit,  mes  jambes  à  mon  cou,  et,  malgré 
la  neige,  je  me  rendis  à  la  Bretonnière.  Il  me  tardait,  d'une 
part,  d'annoncer  ma  réussite  à  mon  compagnon  de  poésie  ; 
de  l'autre,  de  connaître  la  sienne  ;  car  je  ne  doutais  pas  qu'il 
ne  fût  couronné  lui  aussi. 

En  me  voyant  apparaître,  le  bon  curé,  stupéfait,  s'écria  : 
(j  Eh  !  mon  très  cher,  qui  donc  peut  vous  amener  par  un 
temps  pareil?.. .  »  —  Je  lui  montrai  la  bienheureuse  lettre 
de  M.  de  Panât.  Pour  lui,  il  n'en  avait  reçu  aucune;  ce  qui 
m'étonna  et  me  contraria  beaucoup.  J'étais  confus,  je  l'avoue, 
de  l'emporter,  avec  mes  vingt  ans,  sur  un  homme  de  près  de 
quarante,  et  d'un  talent  mûr  et  éprouvé. 

En  somme,  notre  tentative  n'avait  point  si  mal  réussi  :  le 
bon  abbé  avait  ses  deux  pièces  imprimées  au  recueil  des 
Jeux  Floraux;  l'une  des  miennes,  la  Chapelle  de  Marie,  parti- 


436  DEUX    VENDÉENS  AUX    JEUX   FLORAUX 

cipait  au  même  honneur,   et  l'autre  remportait  la  primevère 
d'argent. 

Tandis  que  je  nepersistais  pas  à  concourir,  M.  Lamontagne 
n'abandonnait  point  la  lutte,  et,  un  peu  plus  tard,  il  obtenait 
un  œillet  pour  sa  piquante  fable  :  Le  Loup  renvoyé  absous. 

Emile  Grimaud. 


LE  GÉNÉRAL  DE  GATHELINEiU 


-X*- 


JE  professe  à  l'égard  de  nos  gloires  vendéennes  une  trop  sincère 
admiration  pour  ne  pas  m'incliner  respectueusement  devant 
la  tombe  à  peine  fermée  qui  vient  de  recevoir  la  précieuse 
dépouille  du  général  de  Catlielineau,  et  rendre  un  dernier  hommage 
à  la  mémoire  de  celui  qui  ne  fut  pas  seulement  l'honneur  du  parti 
royaliste,  mais  de  la  France  entière. 

Petit-fils  de  héros,  héros  lui-même,  Henri  de  Cathelineau  avait  à 
peine  l'âge  de  porter  les  armes,  qu'il  combattait  déjà  vaillamment 
aux  côtés  de  son  père,  — ce  digne  fils  du  Sami  de  l'Anjou,  que  iix 
Restauration  avait  anobli  et  que  les  soldats  de  la  monarchie  de 
Juillet  tuèrent  dans  une  ferme  des  environs  de  Jallais. 

Henri  Cathelineau,  condamné  lui-même  à  mort  par  coutumace, 
réussit  à  se  réfugier  en  Suisse,  d'où  il  passa  au  Portugal  avec  le 
maréchal  de  Bourmont,  le  vainqueur  d'Alger  au  service  de  don 
Miguel.  En  rentrant  en  France,  il  épousa  M"«  de  Kermel,  d'une  an- 
cienjne  famille  bretonne,  et  eut  quinze  enfants  dont  dix  sont  en- 
core vivants  :  quatre  fils  et  six  filles. 

On  le  retrouve  en  1860  à  Rome,  cherchant  à  organiser  pour  la  dé- 
fense du  Saint-Siège  un  corps  de  croisés.  Mais  cette  idée  n'ayant 
pas  été  approuvée  par  Pie  IX,  Cathelineau  revint  en  France  et  vécut 
oublié  dans  sa  modeste  résidence  du  Pin-en-Mauges  jusqu'au  jour 
où  l'invasion  allemande  lui  remit  i'épéeà  la  main.  Après  nos  pre- 
mières défaites,  ce  soldat  de  race  courut  i\  Tours  et  obtint  l'autorisa- 
tion de  former  un  corps  franc  où  chefs  et  soldats  combattirent 
comme  s'ils  avaient  tous  été  dos  Cathelineau. 

Fait  successivement,   au   cours   de  cette  valeureuse  campagne 


438  LE  GÉNÉRAL  DE  CATHELINEAU 

cheralier  de  la  Légion  d'honneur,  officier  et  général  de  brigade, 
Henri  de  Cathelineau  licencia  sa  troupe  après  la  Commune  et  rentra 
dans  la  vie  civile,  gardant  jusqu'à  la  dernière  heure,  sans  tapage 
comme  sans  faiblesse,  sa  foi  en  la  branche  ainée  de  la  Maison  de 
France. 

Bien  qu'âgé  de  soixante  dix-huit  ans,  il  semblait,  par  sa  démarche 
vive  et  son  robuste  tempérament,  devoir  résister  à  tous  les  chocs. 
Il  a  suffi  d'un  vulgaire  accident,  arrivé  au  château  de  Squividan, 
près  Quimper,  chez  un  neveu  de  M"'*  de  Cathelineau,  pour  l'emporter 
en  quelques  jours. 

Son  éloge  peut  se  résumer  dans  ce  mot  du  maréchal  de  Canrobert  : 

«  Je  ne  sais  ce  que  pensent  de  Cathelineau  ses  amis,  mais  si  je 
savais  le  nombre  des  braves,  je  saurais  aussi  le  nombre  de  ses 
admirateurs.  » 

Les  funérailles  ont  eu  lieu,  le  26  novembre,  au  Pin-en-Mauge, 
le  berceau  des  Cathelineau,  au  milieu  d'un  immense  concours  de 
peuple,  de  noblesse  et  de  clergé.  A  sa  glorieuse  dépouille,  on  avait 
joint  dans  un  même  triomphe  le  corps  de  son  père  et  les  restes  du 
généralissime  de  1793,  que  les  petits-fils  des  Géants  de  la  Vendée 
militaire  s'étaient  fait  un  devoir  d'escorter  en  armes. 

Et  maintenant  les  trois  Cathelineau,  réunis  dans  une  seule  et  même 
gloire,  reposent  sous  les  modestes  dalles  de  l'église  paroissiale  du 
Pin-en-Mauges,  à  l'ombre  de  l'étendard  du  Sacré-Cœur  qu'ils 
avaient  pris  pour  blason,  et  du  drapeau  blanc  fleurdelysé  qu'ils  ont 
teint  si  souvent  de  leur  généreux  sang. 

R.V. 


CORRESPONDANCE 


UN  MOT   PERSONNEL 


SERAIT-IL  toujours  exact  qu'avec  trois  lignes  d'un  homme,  on 
peut  le  faire  pendre  ?  —  Au  cours  de  la  monographie  histo- 
rique et  archéologique  que  je  consacrais  récemment,  dans  les 
Paysages  et  monuments  du  Poitou^  au  canton  de  la  Châtai- 
gneraie, j'ai  dû,  à  l'article  fiazo^(î5-(3n-PrtrecZ.9,  rappeler,  pour  être 
complet,  le  tragique  événement  dont  le  château  de  Pulteau  avait 
été  le  témoin  en  1793.  Sachant,  du  reste,  combien  il  est  délicat  de 
toucher  à  ce  chapitre  de  notre  histoire  locale,  je  m'étais  borné  en 
note  à  cette  simple  mention  : 

«  O^est  dans  la  cour  du  château  de  Pulteau  qu'une  colonne  répu- 
«  blicaine^  se  rendant  en  1793  de  la  Châtaigneraie  à  la  Caillère, 
«  massacra  plusieurs  habitants  des  villages  environnants  qui  y 
«  étaient  venus  chercher  asile  et  protection.  « 

Et,  pour  bien  prouver  qu'il  n'y  avait  dans  l'évocation  de  ce  souve- 
nir historique  aucune  intention  malveillante,  j'ajoutais  : 

a  Le  même  château  évoque  le  souvenir  du  docteur  Loyau,  ancien 
député,  qui  y  fit  le  premier  essai  de  culture  d\i  topinambour,  du 
maïs-fourrage  et  du  trèfle  incarnat.  » 

Le  descendant  de  M .  Loyau  en  a  pensé  autrement  et,  oubliant  — 


440  CORRESPONDANCE 

naturellement  —  l'hommage  auquel  je  n'étais  point  tenu,  il  s'en 
prend  à  moi  de  ce  qu'à  tort  sans  doute  la  tradition  populaire,  dont 
je  n'ai  que  faire,  accuse  son  ancêtre  de  n'avoir  pas  empêché  le 
massacre  de  1793.  La  Revue  rîi^  ^«5-^ Poi^oif  n'ayant  pas  été  préci- 
sément créée  pour  venger  les  gloires  méconnues  des  anciens 
patriotes,  j'aurais  pu  me  contenter  d'opposer  un  sourire  à  une  ré- 
clamation dont  la  teneur  de  ma  note  démontre  suffisamment 
l'inanité.  Mais  j'ai  réfléchi  qu'en  ce  faisant,  j'exposerais  l'aimable 
directeur  des  Paysages-  et  monuments  du  Poitou  à  des  désagréments 
qu'il  ne  mérite  pas.  Je  vais  donc  combler  les  vœux  de  M.  Loyau  en 
rééditant  gracieusement  la  déclaration  que  son  ancêtre  faisait,  le 
28  août  1793,  aux  autorités  de  Fontenay. 

Qu'apprendra-t-elle  au  public  ?  Absolument  rien,  si  ce  n'est  un 
nouveau  crime  de  la  Révolution,  qu'un  plus   habile  ami  de  cette 

dernière  eût  pris  soin  de  cacher.    , 

René  Vallette. 

«  Je  déclare  qu'étant  depuis  quelques  jours  avec  ma  femme  et  une  de  mes 
nièces  à  ma  maison  de  Pulteau,  commune  de  Basoges,  district  de  la  Châ- 
taigneraie, j'ai  eu  connaissance,  le  8  pluviôse,  qu'une  colonne  de  l'armée  ré- 
publicaine était  arrivée  à  la  Châtaigneraie,  que  de  là  elle  devait  se  porter  à 
la  Caillère,  chef-lieu  de  canton,  à  trois  quarts  de  lieues  de  la  maison  de 
Pulteau.  Bien  persuadé  qu'un  patriote  n'avait  rien  à  craindre  de  l'armée, 
j'allai  le  lendemain,  jour  de  la  décade,  sur  les  neuf  heures  du  matin  ;  j'en- 
tends dans  le  village,  dont  ma  maison  fait  partie,  le  bruit  de  chevaux  ;  à  ce 
bruit,  je  sors  dans  ma  cour  et  je  m'avance  pour  aller  au-devant  de  l'armée. 
Le  le""  cavalier  qui  m'aperçoit  brûle  deux  amorces  sur  moi  ;  je  lui  dis  que  je 
suis  patriote  et  que  les  armes  républicaines  ne  doivent  être  tournéesque 
contre  les  ennemis  de  la  chose  publique;  je  vais  alors  parler  à  un  chef  qui 
n'était  pas  encore  dans  ma  cour;  le  cavalier  que  je  venais  de  quitter  aper- 
çoit dans  la  cour  ma  femme  et  ma  nièce  ;  il  va  sur  elles  le  pistolet  à  la 
main  et  leur  demande  le  portefeuille  ;  je  rentre  dans  la  cour  qui,  quoique 
grande,  se  trouve  remplie  par  la  cavalerie  et  plusieurs  volontaires  ;  je  fus 
consigné  dans  ma  maison  avec  ma  femme  et  ma  nièce  ;  un  officier  m'arracha 
m.a  montre  et  mon  'portefeuille,  et  le  pillage  le  plus  horrible  eut  lieu.  Ce 
que  les  brigands  n'avaient  pas  emporté,  les  patriotes  l'enlevèrent.  L'armée 
qui  avait  investi  le  village  et  qui  s'était  portée  dans  les  villages  voisins 
s'était  emparée  de  plusieurs  habitants.  Ces  habitants  furent  fusillés  sans 
forme  de  procès;  27  périrent  dans  ma  cowr.  Dans  ce  nombre,  des  hommes 
tranquilles  furent  sacrifiés.  Les  membres  de  la  Commission  municipale  cou- 
rurent les  plus  grands  dangers  ;  ils  furent  traités  de  brigands  et  pillés 
comm,e  tels. 

A  Fontenay,  le  28  août,  l'an  deuxième  de  la  République  française,  une  et 
indivisible.  Signé  :   Loyau. 

[Extrait  de  la  guerre  de  la  Vendée  et  des  Chouans,  ■par  Lequinio,  repré- 
sentant du  peuple,  député  par  le  département  du  Morbihan.  A  Paris,  i*"" 
Brumaire  an   III). 


CORRFPPONDANnE  441 


II. 

VICTIME  DU  TRIBUNAL  RÉVOLUTIONNAmE 


Il  a  été  plusieurs  fois  question,  au  cours  des  travaux  publiés 
dans  la  Revue,  du  rôle  considérable  joué  à  Fontenay,  au  début  de 
la  Révolution,  par  M.  Pichard  du  Page,  procureur-général-syndic. 
Son  arrière-petit-fils,  M.  Quentin  Pichard  du  Page,  nous  prie  de 
compléter  les  renseignements  donnés  précédemment  par  ces 
quelques  lignes  empruntées  au  Dictionnaire  des  Familles  du  Poitou 
de  M.  Beauchet-Filleau  : 

«  Pichard  du  Page,  dénoncé  une  première  fois  lors  de  la  prise 
d'armes  vendéenne,  fut  traduit  devant  un  Conseil  de  guerre  comme 
l'un  des  promoteurs  de  la  rébellion.  Mis  en  liberté,  il  vit  —  et  c'é- 
tait un  triste  présage  —  ses  juges  dénoncés  pour  avoir  prononcé 
son  acquittement.  Dénoncé  par  Carrier  et  Fayau,  il  fut  l'objet  d'un 
décret  spécial  de  la  Convention  nationale  qui  l'appelait  à  compa- 
raître devant  le  tribunal  révolutionnaire  de  Paris,  qui  le  condamna 
à  mort  le  28  avril  et  le  fit  exécuter  le  6  mai  1794.  » 


III. 

CHEZ  NOS  VOISINS 


EXCURSION  AU  PAYS  SAINTONGEAIS 


Monsieur  le   Directeur, 

Je  viens  vous  donner  le  compte  rendu  de  l'excursion  annuelle 
de  la  Commission  des  Arts. 

La  Société  avait  choisi  cette  année,  pour  but  de  ses  pérégrina- 
tions, l'arrondissement  de  Saintes.  La   date  de  l'excursion   était   le 


442  CORRESPONDANCE 

11  juin  :  quinze  membres  s'étaient  fait  inscrire,  parmi  lesquels  nous 
comptions  quatre    dames. 

Notre  sympatliique  président,  M.  Musset,  n'ayant  pu  se  joindre 
à  nous,  c'est  M.  Xambeu  qui  est  cliargé  de  conduire  la  caravane, 
secondé  à  merveille  par  M.  Poirault,  trésorier  de  la  Société.  Voici 
les  noms  des  autres  excursionnistes.  Nous  devons  placer  au  pre- 
mier rang,  M.  Fouau,  promoteur  de  l'excursion,  M.  l'abbé  Noguès, 
Aymard,  le  baron  Oudet,  sa  femme  et  ses  deux  filles,  M^^»  Poirault, 
Lacour,  juge  d'instruction  à  Saintes,  L.  Béraud,  avocat  à  la 
Rochelle,  Pédezer,  ingénieur  des  chemins  de  fer  de  l'État,  et... 
votre  serviteur. 

Vers  huit  heures,  nous  arrivons  à  la  station  de  Gemozac,  im- 
portant chef-lieu  de  canton  de  l'arrondissement  de  Saintes.  Le 
clocher  en  forme  d'éteignoir  attire  de  loin  les  regards.  Cet  édifice 
n'offre  rien  de  bien  intéressant,  sauf  la  coupole  rappelant  le  ro- 
mano-bizantin  et  quelques  chapiteaux  de  même  style.  Le  reste 
est  moderne.  Il  existe  près  de  Gemozac  un  monticule  entouré  de 
fossés.  D'après  la  tradition  il  faudrait  y  voir  les  restes  d'un  fort 
construit  à  l'époque  des  guerres  de  religion. 

En  1589,  le  maréchal  de  Matignon,  commandant  l'armée  catho- 
lique, se  rendit  maître  du  château.  Malheureusement,  il  n'y  a  plus 
de  traces  de  cette  motte  féodale,  appartenant  en  1641  à  Louis 
Bouchard  d'Aubeterre,  mort  en  1655. 

Cette  famille  d'Aubeterre  était  une  des  plus  illustres  de  Sain- 
tonge.  François  Bouchard,  vicomte  d'Aubeterre,  fut  maréchal  de 
France  sous  Louis  XIII. 

Nous  prenons  la  route  de  Mortagne-sur-Gironde,  petite  ville 
située  à  14  kilomètres  de  Gemozac.  Le  soleil  est  radieux  et  tout  fait 
présager  que  nous  aurons  une  journée  splendide  pour  exécuter 
notre  scientifique  promenade.  La  route  est  plantée  de  beaux  arbres  -, 
à  droite  et  à  gauche,  on  longe  des  prairies  entrecoupées  de  bois 
et  de  vignes  nouvellement  replantées. 

Après  avoir  dépassé  le  chemin  de  Madiou,  village  renfermant  les 
restes  d'une  abbaye  de  bénédictins,  on  traverse  la  Scudre,  une  des 
rivières  les  plus  importantes  du  département,  mais  c'est  ici  un 
ruisseau  insignifiant  parce  que  nous  sommes  très  rapprochés  de 
sa  source.  Un  peu  plus  loin,  nous  passons  au  milieu  de  landes  rap- 
pelant celles  des  environs  de  Bordeaux.  Enfin,  nous  découvrons  à 
l'horizon  le  clocher  de   Mortagne . 

Je  ne  parlerai  point  de  l'église  de  cette  localité   parce  qu'elle 


CORRESPONDANCE  443 

n'offre  aucun  intérêt  archéologique.  Je  me  contenterai  de  dire  que 
la  situation  de  Mortagne-sur-Gironde  est  ravissante,  gracieusement 
perchée  sur  un  coteau  dominant  la  rive  droite  du  deuve.  Possé- 
dant fort  peu  de  documents  concernant  l'histoire  de  cette  bour- 
gade ayant  obtenu  au  moyen  âge  le  titre  de  ville,  je  sais  seule- 
ment qu'il  existait  là  une  citée  importante  pendant  l'occupation 
romaine,  puisque  l'on  a  découvert  des  traces  de  thermes  remon- 
tant aux  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne.  Dans  les  environs 
on  voit  encore  les  vestiges  d'une  forteresse  jadis  importante.  Sous 
le  règne  de  Charles  VI,  en  1407,  les  barons  de  Saintonge,  soumis  à 
l'autorité  royale,  s'emparèrent  de  cette  citadelle  et  chassèrent  du 
pays  les  Anglo-Gascons. 

Nous  nous  rendons  à  l'Ermitage  de  Saint-Martial  consistant  en 
une  chapelle  et  plusieurs  chambres  creusées  dans  le  roc.  Le  pre- 
mier évéque  de  Limoges,  vivant  dans  le  premier  siècle  de  la  chré- 
tienté, était  venu,  d'après  la  légende,  s'établir  sur  les  bords  de  la 
Gironde  avec  un  certain  nombre  de  disciples.  Dans  la  chapelle,  la 
balustrade  du  choeur  est  monolithe,  quoique  percée  à  jour.  Deux 
statues  sont  placées  de  chaque  côté  de  l'autel  :  l'une  représente  le 
saint  patron  du  lieu  et  l'autre  saint  Antoine.  Par  un  escalier,  éga- 
lement creusé  dans  la  roche,  nous  arrivons  au  sommet  de  la  ialaise. 
Vue  splendide  sur  les  côtes  du  Médoc.  Près  de  notre  observatoire, 
se  trouve  un  moulin  à  vent  hors  de  service,  servant  d'ânier  aux 
navigateurs. 

Le  déjeuner  a  lieu  au  port  de  Mortagne  -,  puis  on  remonte  en 
voiture  pour  Saint-Seurin  d'Uzet.  Avant  d'arriver  à  cette  localité, 
nous  visitons  le  château  du  lieu  appartenant  à  M.  le  marquis  de 
Saint-Seurin.  Bien  que  le  propriétaire  soit  absent,  nous  sommes 
admis  à  visiter  cette  gentilhommière  consistant  seulement  en  un 
vaste  rez-de-chaussée.  Une  terrasse,  ornée  d'une  balustrade  imitant 
le  style  Louis  XVI,  entoure  le  terrain  occupé  par  la  maison.  La  mer, 
en  grondant  furieusement,  vient  battre  le  rocher  sur  lequel  a  été 
bâti  ce  petit  castel,  véritable  demeure  d'un  poète  :  Dulce  et  déco- 
rum est  in  donio  poeticâ  mori  !  !  ! 

Je  n'ai  point  à  parler  de  Saint-Seurin  d'Uzet,  modeste  commune 
de  500  habitants  dotée  d'un  port  moins  important  que  celui  de 
Mortagne.  La  route  serpente  à  travers  des  falaises  assez  élevées, 
puis  on  s'arrête  près  d'un  hameau  appelé  la  Brissonnerie  pour  aller 
visiter  le  Fà.  D'après  la  chronique,  il  existait  dans  cet  endroit  une 
ville  romaine,  probablement  l'ancienne  Tamnum,  mentionnée  par 
Peutinger.  On    a  découvert  des  restes  de  la  voie  romaine  venant  de 


444  CORRESPONDANCE 

Blaye  et  se  dirigeant  ensuite  sur  Saintes  en  passant  par  Saint- 
Romain  de  Benêt,  au  pied  duquel  se  trouvait  le  Portas  Santonum. 

Nous  arrivons  à  Talmont,  modeste  village  comptant  à  peine  250 
habitants.  Autrefois,  il  était  protégé  par  un  château  fort  ayant 
appartenu  au  XV«  siècle  à  la  famille  de  Montauzier.  Un  document  en 
date  du  4  février  1413  donne  la  description  du  blason  de  Jacques, 
seigneur  d'Hailly,  capitaine  du  château  de  Talmont  :  «  Ecu  à  la  bande 
«  fuselée,  penché,  timbré  d'un  heaume,  cime  d'une  hure,  supporté 
«  par  deux  lions,  au  champ  rétriculé.  »  En  1440,  Charles  VII  donne 
à  l'amiral  Prévent  de  Coêtivy  les  terres  de  la  vignerie  de  Talmont, 
après  les  avoir  enlevées  aux  Anglais.  Je  retrouve  une  ancienne  charte 
en  date  du  4  juillet  1472,  par  laquelle  le  roi  Charles  VIII  fait  abandon 
de  la  redevance  due  à  la  couronne  consistant  en  400  tonneaux  de 
blé  représentant  une  somme  de  200  livres  tournois  pour  réparer 
les  fortifications  de  la  dite  ville  «  devant  laquelle  peuvent  venir 
«  chaque  jour  aborder  les  Angloys,  nos  ennemis  et  autres  >.  En 
1574,  pendant  les  guerres  de  religion,  la  forteresse  se  rendit  aux 
soldats  de  La  Noue,  capitaine  protestant.  Reprise  peu  de  temps  après 
par  l'armée  catholique,  cette  place  fut  occupée  deux  ans  plus  tard 
par  Condé,  combattant  par  la  Réforme,  pour  retomber  de  nouveau 
le  mois  suivant  au  pouvoir  des  papistes.  Le  chevalier  de  Longchamp, 
abandonné  par  ses  gens,  fut  tué  sur  la  brèche.  Le  château  n'existe 
plus.  On  fait  voir  près  de  l'église  une  falaise  isolée  sur  laquelle  on 
distingue  un  amas  informe  de  pierres.  C'est  tout  ce  qui  reste  de 
l'ancienne  demeure  des  Montauzier*. 

L'église  mérite  une  mention  spéciale,  car,  d'après  les  archéologues, 
c'est  une  intéressante  basilique  du  Xl«  siècle.  Malheureusement  la 
mer  sape  sans  cesse  le  rocher  sur  lequel  elle  est  bâtie.  Nous  sommes 
dant  ^'admiration  devant  les  belles  sculptures  romanes  du  portail 
septentrional  divisé  en  trois  parties  ;  les  deux  côtés  latéraux  sont 
murés.  Les  pierres  ravagées  par  le  temps  ont  été  remplacées  par 
des  moellons  blancs  sans  aucune  ornementation.  Peste  soit  de  l'ar- 
chitecte qui  a  ainsi  gâté  cette  merveille  de  style  roman  !  !  !  La 
façade  occidentale  a  été  rebâtie  au  XV«  siècle.  L'abside  demi- 
arrondie  est  écrasée  par  une  sacristie  du  plus  mauvais  effet  et 
allant  se  relier  au  portail  nord.  Les  fenêtres,  aux  archivoltes  à  tête 


'  Je  crois  que  M.  Victor  Billaud,  dans  un  livre  intitulé  Royan  et  ses  envi- 
rons (18«8),  a  commis  une  erreur  en  disant  que  l'ancien  cliâteau  de  Talmont- 
sur-Gironde  avait  appartenu  à  la  famille  de  la  Trémoille.  Il  aura  confondu 
avec  Talmont  (Vendée). 


CORRESPONDANCE  445 

de  diamant,  peuvent  remonter  au  XII*  siècle.  Dans  l'intérieur,  on  y 
rencontre  le  même  style,  avec  deux  transepts  derrière  lesquels 
sont  accolées  deux  chapelles. 

Le  signal  du  départ  est  donné.  Nous  n'avons  que  le  temps  néces- 
saire pour  nous  rendre  à  la  station  de  Cozes.  Cependant  nous  arri- 
vons avant  le  départ  du  train  de  Saintes,  et  avant  de  nous  séparer 
nous  adressons  nos  remerciements  aux  organisateurs  de  l'eicursion 
pour  nous  avoir  procuré  les  délices  d'une  aussi  bonne  journée. 

Quant  à  moi.  M,  le  Directeur,  je  vous  dis  au  revoir  et  vous  prie 
d'agréer  l'assurance  de  mes  sentiments  dévoués. 

Ed.  du  Trémond. 


Tome  iv.  —  Octobre,  novembre,  décembre.  30 


CHRONIQUE 


Nous  nous  proposons  de  commencer  dans  la  première  li- 
vraison de  1892  la  publication  d'Études  historiques  et 
arcliéologiques  sur  tous  les  Châteaux  de  la  Yendée.  A  cet 
effet,  nous  prendrons  la  liberté  d'adresser  prochainement  aux  pro- 
priétaires.de  ces  châteaux  un  questionnaire  que  nous  leur  saurons 
gré  de  nous  retourner  le  plus  promptement  possible  après  avoir  eu 
l'aimable  soin  d'y  répondre  d'une  complète  façon. 

Notre  excellent  confrère  et  ami,  Jos.  Berthelé,  directeur  de  la 
Revue  poitevine  et  saintongeaise,  vient  de  quitter  les  Archives  des 
Deux-Sèvres  pour  celles  de  l'Hérault.  Nous  applaudirions  sans 
réserve  à  un  avancement  bien  justifié  par  les  mérites  de  celui  qui 
en  est  l'objet,  si  cet  avancement  n'éloignait  pas  en  même  temps  de 
nous  un  érudit  collaborateur  et  un  charmant  ami.  Toutefois,  ce 
n'est  point  un  adieu  que  nous  entendons  formuler  à  cette  place.  Le 
nouvel  hôte  de  Montpellier  a  trop  justement  conquis  par  ses  tra- 
vaux droit  de  cité  en  Poitou,  pour  qu'il  ne  s'y  laisse  pas  fréquem- 
ment ramener.  C'est  du  moins  le  vœu  que  nous  formons  de  tout 
cœur  et  que  forment  avec  nous  tous  ceux  qui  l'y  ont  connu  et  aimé. 

Le  précieux  musée  archéologique  de  M.  0.  de  Rochebrune  vient 
de  s'enrichir  de  deux  grands  panneaux  de  verdure  assez  intéressants  : 
l'un  de  3  mètres  sur  3,  l'autre  de  5  sur  3.  Le  dernier  surtout  a  diî 
être  mis  sur  le  métier  dans  les  Flandres.  C'est  un  sous-bois  dans 
le  style  des  gravures  de  Sadeler  et  de  Martin  Devos,  avec  arbres 
de  grand  style  et  premiers  plans  chargés  à  profusion  de  toutes  ces 


CHRONlQLE  -447 

plantes  aquatiques  et  sylvestres  que  les  peintres  dessinaient  avec 
une  allure  toute  magistrale  sur  leurs  cartons  et  que  les  ouvriers 
tisseurs  modelaient  avec  une  grande  entente  de  l'harmonie  dos  cou- 
leurs tout  en  rehaussant  savamment  les  reliefs  par  des  nuances 
de  soie  bouton  d'or  d'un  merveilleux  elTet.  «  Que  nous  sommes  loin 
aujourd'hui  de  ces  effets  décoratifs  si  plaisants  à  l'œil,  nous  disait  à 
ce  propos  l'heureux  possesseur  des  richesses  artistiques  du  château 
de  Terre-Neuve  !  Il  semble  que  tout  l'effort  de  nos  tisseurs  modernes 
dans  les  grandes  fabriques  de  l'Etat  doive  se  borner  à  reproduire 
en  trompe-l'œil  le  tableau  d'un  maître  quelconque.  Vieille  routine 
impardonnable,  quand  on  a  sous  les  yeux  les  chefs-d'œuvre  tissés 
aux  XVI»,  XVII*  et  XVIII"^  siècles.  »  M.  0.  de  Rochebrune  a  rapporté 
ces  deux  panneaux  d'un  récent  voyage  fait  par  lui  aux  environs 
de  Saint-Savin   (Vienne). 

Jetons,  avant  de  quitter  le  château  de  Terre-Neuve,  un  regard 
indiscret  dans  l'atelier  du  maître  :  nous  y  verrons  sur  le  chantier 
une  magnifique  planche  représentant  le  Château  du  Lude,  et  qui 
aura,  nous  en  sommes  certain,  à  sa  sortie  de  presse,  un  grand  re- 
tentissement dans  le  monde  des  arts. 

Notre  érudit  collaborateur,  M.  le  docteur  Marcel  Petiteau.  vient 
de  donner  une  nouvelle  preuve  du  culte  filial  qu'il  professe  pour 
les  gloires  de  sa  ville  natale,  en  élevant,  dans  le  jardin  attenant  à 
sa  demeure,  un  monument  chargé  de  rappeler  aux  générations  à 
venir  comment  l'héroïque  pécheur  Daniel  Fricaud  préserva  la  ville 
des  Sables  d'une  destruction  complète  durant  le  bombardement 
de  1696. 

C'était  pendant  la  dernière  période  de  la  guerre  contre  la  Ligue 
d'Augsbourg  ;  les  alliés  menaçaient  continuellement  nos  cotes,  à 
l'aide  d'une  flotte  d'environ  cent  quarante  voiles.  Le  10  juillet  1096, 
l'amiral  hollandais  Russel  se  présenta  devant  la  ville  des  Sables 
pour  la  bombarder. 

Il  avait  capturé  en  mer  un  pauvre  pêcheur  qu'il  contraignit  de 
lui  servir  de  pilote  et  auquel  il  demanda  des  indications  précises 
sur  l'étendue  de  la  ville  des  Sables  pour  la  bombarder  avec  succès. 

«  Vous  voyez,  —  dit  le  malin  Sablais,  —ces  maisons  sur  la  plage  ? 
Eh  bien  !  la  ville  est  aussi  largo  que  longue.  La  masse  des  iiabita- 
tions  est  derrière  cette  rangée.  » 

Les  canons  et  obusiers  anglo-bataves  furent  pointés  en  consé- 
quence et  lancèrent  deux  ou  trois  mille  bombes  qui  passaient  par- 
dessus les  maisons  et  tombaient   à   trois  cents  mètres    au-delà. 


448  CHRONIQUE 

Quelques-unes  atteignirent  le  quartier  de  la  Chaume  où  elles  dé- 
truisirent une  quarantaine  de  maisons ,  mais  la  plupart  vinrent 
allumer  dans  le  port  un  immense  incendie. 

L'amiral  Russel  se  félicitait  en  voyant  la  flamme  s'élever  vers  le 
ciel,  et  ne  doutait  point  que,  grâce  aux  indications  précises  de 
Daniel  Fricaud,  la  ville  ne  fût  bientôt  complètement  incendiée. 

Celui-ci,  qui  feignait  de  donner  à  contre-cœur  ces  précieux  ren- 
seignements, ne  laissait  pas  que  d'être  très  étonné  de  l'incendie  de 
maisons  dans  un  endroit  où  il  savait  n'en  pas  exister.  Il  en  eut  plus 
tard  l'explication.  Les  Sablais,  également  surpris  de  la  maladresse 
persistante  des  pointeurs  de  l'amiral  Russel,  avaient  accumulé  près 
du  port  des  quantités  de  paille  considérables.  Ils  y  mettaient  le  feu 
au  fur  et  à  mesure  que  les  bombes  venaient  s'éteindre  dans  l'eau, 
et  par  ce  stratagème  faisaient  croire  à  l'ennemi  que  pas  un  de  ses 
projectiles  n'était  perdu. 

Persuadé  qu'il  avait  brûlé  la  ville,  l'amiral  Russel  se  retira,  lais- 
sant en  manière  de  reconnaissance  la  liberté  à  Daniel  Fricaud.  Il 
est  certain  que  sans  la  ruse  de  ce  dernier,  si  bien  favorisée  par  la 
sagacité  de  ses  compatriotes,  la  ville  des  Sables,  qui  n'avait  pour 
se  défendre  que  quatre  vieilles  pièces  de  canon  hors  d'usage,  eût 
été  absolument  détruite. 

M.  le  docteur  Petiteau,  à  qui  nous  devons  ces  intéressants  détails, 
conserve  précieusement  l'une  des  bombes  envoyées  par  les  obu- 
siers  hollandais. 

La  maquette  du  monument  élevé  au  cimetière  du  Père-Lachaise 
à  la  mémoire  de  Paul  Baudry  vient  d'arriver  à  la  Roche-sur- Yon. 
Cette  maquette,  image  fidèle  du  monument,  représente  «  la  France 
en  deuil  pleurant  l'illustre  mort  et  le  génie  des  Arts  couronnant  en 
Paul  Baudry  une  des  plus  brillantes  incarnations  de  l'art  ».  Elle 
sera  placée  prochainement  dans  une  des  salles  du  Musée  de  la  ville. 

A  propos  de  l'érection  de  la  nouvelle  église  de  Saint-Laurent-sur- 
Sèvre,  nous  lisons  dans  la  Revue  de  V Ouest  an  17  novembre  1891, 
les  intéressantes  lignes  qui  suivent  : 

«.<  Les  pèlerins  venant  par  les  routes  de  Mortagne,  de  Cliolet  ou 
de  Châtillon,  sont  frappés  tout  d'abord  de  l'aspect  monumental  du 
nouveau  sanctuaire  digne  du  P.  Montfort.  M.  l'architecte  Fraboulet 
a  tiré  parti  des  précieuses  ressources  que  lui  offrait  le  style  roman 
du  XII«  siècle. 

«  Il  faut  attendre  l'achèvement  complet  du  monument  pour  en 
étudier  les  détails.  Mais  la  partie  que  l'on  achève  suffit  à  donner 
une  idée  de  l'impression  que  produira  l'ensemble. 


CHRONIQUE  -449 

«  L'abside  dont  les  fondements  sont  baignés  par  la  Sèvre  étonne 
par  ses  belles  proportions,  et  le  clocher,  arrivé  déjà  à  50  mètres, 
emprunte  un  cachet  surprenant  de  légèreté,  d'élégance,  aux  deux 
tourelles  octogonales  dont  il  est  flanqué.  Il  sera  surmonté  d'une 
lanterne  ajourée  supportant  un  élégant  campanile  qui  élèvera  la 
Croix  à  75  mètres. 

«  L'emploi  de  la  pierre  granitique  donne  à  l'édifice  un  aspect  impo- 
sant et  sévère. 

«  Dans  son  état  actuel,  l'église  de  Saint-Laurent  comprend  le 
transept,  le  chœur  et  le  sanctuaire,  indépendamment  de  la  vaste 
crypte  qui,  avec  ses  cinq  chapelles  et  ses  cinq  autels,  a  les  propor- 
tions d'une  église.  » 

Notre  excellent  confrère  et  ami,  Louis  Chappot  de  la  Chanonie, 
qui  publie  dans  ce  fascicule  une  si  intéressante  biographie  de 
M™«  de  Bulkeley,  prépare  un  curieux  travail  sur  le  Costume  clans 
les  armées  vendéennes.  L'aimable  auteur  a  bien  voulu  nous  pro- 
mettre la  primeur  de  quelques-uns  des  chapitres  de  cette  nouvelle 
étude  qui  ajoutera  certainement  au  juste  renom  dont  il  jouit  parmi 
les  lettrés  et  les  savants  de  notre  époque. 

A  la  séance  du  4  novembre  1891  de  la  Société  de  statistique  des 
Deux-Sèvres,  M.  le  docteur  Pineau  a  donné  communication  de  Vln- 
ventaire  et  partage  des  meubles  et  effets  de  défunte  Louise  Grollier, 
veuve  de  Jacques  Dorin,  seigneur  du  Poyron,  et  épouse  en  secondes 
noces  de  Julien  Doyneau,  seigneur  des  Doues  (26  octobre  —  4  no- 
vembre 1661). 

Le  Poyron  est  une  ancienne  habitation  seigneuriale  voisine  de 
Fontenay-le-Comte,  récemment  restaurée  avec  un  goût  très  délicat 
par  M.  deChantreau. 

Notre  distingué  collaborateur  et  ami,  M.  Louis  de  laRochebrochard, 
a  été,  dans  la  séance  du  4  novembre  dernier  de  la.  Société  de  statistique 
des  deux-Sèvres,  élu  secrétaire  en  remplacement  de  notre  regretté 
confrère  Jos.  Berthelé,  nommé  archiviste  de  l'Hérault. 

Tous  nos  compliments  au  nouvel  élu. 

M.  Gaston  Guillemet,  député  de  la  Vendée,  est  l'auteur  d'un  récent 
rapport  historique  très  complet  sur  la  censure  théâtrale. 

Parmi  les  projets  de  loi  d'intérêt  local  déposé  par  le  ministre  de 
l'intérieur,  nous  remarquons  celui  tendant  à  distraire  des  communes 
de  Champagné-los-Marais  et  de  Sainte-Radcgonde-des-Noyers  la  sec- 
tion de  Moreilles  pour  l'ériger  en  commune  distincte. 

Moreilles  était  naguère  le  siège  d'une  importante  abbaye. 


450  CHROXTQUR 

Un  de  nos  jeunes  compatriotes,  M.  Léon  David,  vient  d'obtenir  à 
Paris  un  éclatant  succès.  M.  David,  que  les  derniers  concours  du 
Conservatoire  avaient  mis  en  relief,  a  été  engagé  à  l'Opéra-Comique 
et  débutera  très  probablement  dans  une  prochaine  reprise  du 
Barbier  de  Séville. 

Dans  sa  séance  du  14  novembre,  le  conseil  municipal  de  la  Roche- 
sur-Yon  a  décidé  qu'un  monument  serait  érigé  au  cimetière  en 
souvenir  des  jeunes  gens  de  la  ville  qui  sont  morts  ou  disparus 
penâant  la  guerre  de  1870. 

Nous  applaudissons  de  grand  cœur  à  la  pieuse  et  patriotique 
pensée  qui  a  dicté  cette  décision  que  devraient  imiter  toutes  nos 
cités  vendéennes.  C'est,  en  effet,  comme  nous  avons  eu  l'occasion 
de  récrire  ailleurs,  un  devoir  sacré  de  rappeler  la  glorieuse  mémoire 
des  braves  qui  ont  succombé   dans  les  batailles  de  1870  et  de  1871. 

A  l'occasion  de  la  Sainte-Cécile,  la  Société  chorale  de  Fontenay- 
le-Comte  a  chanté,  le  22  novembre  dernier,  dans  la  chapelle  de 
rilospice  de  cette  ville,  un  salut  qui  prouve,  en  môme  temps  que  le 
mérite  grandissant  des  choristes,  le  talent  incontesté  de  leur  direc- 
teur. Nous  avons  plus  particulièrement  goûté  l'O  Salutaris  et  le 
Laiidate,  deux  nouvelles  et  remarquables  pages  musicales  de 
M.  Alfred  Rousse. 

A  une  aussi  bonne  école,  M.  Joseph  Rousse  —  le  flls  de  notre  dis- 
tingué concitoyen  —  ne  pouvait  manquer  de  devenir  lui-même 
un  virtuose.  La  presse  parisienne  a  été  en  juillet  dernier  absolu- 
ment unanime  à  célébrer  le  véritable  et  bien  légitime  succès  qu'il 
a  obtenu  dans  le  concert  de  fin  d'année  des  élèves  de  l'École 
d'orgue  de  M.  E.  Gigout,  en  exécutant  une  magistrale  fantaisie  de 
Saint-Saëns. 

Encouragé  par  les  intéressantes  découvertes  gallo-romaines  qu'il 
a  faites  naguère  à  Ghamporté.  près  Pouzauges,  M.  Eugène  des  Nouhes, 
de  la  Cacaudière,  vient  de  mettre  partiellement  à  jour,  à  V Abbaye 
Rambaud,  même  commune,  une  allée  souterraine  conduisant  à 
deux  chambres  qu'il  croit  funéraires  et  qui  selon  nous  auraient 
simplement  servi  de  refuge  aux  époques  troublées  de  notre  histoire. 
Nous  faisons  des  vœux  pour  que  de  nouvelles  fouilles  nous 
apportent  une  solution  décisive. 

Nous  saluons  avec  une  affectueuse  reconnaissance  la  nouvelle  col- 
laboration qu'inaugure  dans  ce  fascicule  la  charmante  poésie  inti- 
tulée ■  Autre  vie.  C'est,  du  reste,  bien  inutilement  que  l'auteur 


CHRONIQUE  451 

cherche  à  se  dissimuler  sous  le  pseudonyme  de  ZabuL  Les  lettrés 
de  notre  région  auront  aisément  reconnu  à  la  brillante  allure  des 
vers  la  plume  délicate  d'un  de  nos  plus  aimables  confrères  des  bords 
fleuris  de  la  Sèvre. 

La  Glorification  des  Arts  français,  par  Luc-Olivier  Merson,  une 
tapisserie  dans  le  genre  des  délicieuses  tapisseri^îs  de  Fontainebleau 
et  destinée  à  l'Ecole  des  Beaux-Arts,  est  en  ce  moment  sur  le 
métier,  aui  Gobelins. 

M™'  la  duchesse  d'Uzès  a  fait  représenter,  le  2G  novembre  der- 
nier, sur  le  tliéàtre  de  Bonnelle,  une  charmante  pièce  intitulée  :  Les 
Mains  blanches,  et  signée  du  nom  de  Lefebvre,  le  distingué  socié- 
taire de  la  Comédie-Française.  Si  nous  en  parlons  ici,  c'est  que 
l'auteur  de  cette  pièce  s'est  beaucoup  inspiré,  en  l'écrivant,  de 
l'histoire  de  nos  guerres  vendéennes. 

Le  R.  P.  Ingold  quitte  définitivement  la  Vendée.  Nous  en  éprou- 
vons un  vif  regret,  et  nous  osons  espérer  que  ses  nouvelles  fonctions 
n'empêcheront  pas  le  savant  oratorien  de  nous  accorder  parfois 
encore  son  appréciée  collaboration. 

Notre  excellent  ami,  M.  Claude  deMonti  de  Rezé,  vient  de  recevoir 
la  croix  de  chevalier  de  Saint-Grégoire-le-Grand.  Tous  ceux  qui 
comme  nous  ont  pu  apprécier  les  mérites  du  nouveau  chevalier, 
s'associeront  certainement  aux  cordiales  félicitations  que  nous  lui 
adressons. 

Nous  apprenons  au  moment  de  mettre  sous  presse  que  la  Société 
littéraire  et  artistique  de  VOicest,  dont  le  siège  est  à  Paris,  se  pro- 
pose de  tenir  son  congrès  annuel  de  1892  à  Fontenay-le-Comte.  Des 
fêtes,  dont  le  programme  n'est  pas  encore  arrêté,  sellaient  orga- 
nisées à  ce  propos,  de  concert  avec  la  municipalité,  et  un  buste 
serait  élevé  à  la  mémoire   de  notre  illustre    concitoyen  Nicolas 

Rapin. 
Nous  apporterons  avec  plaisir  à  la  réalisation  de  ce  projet  notre 

plus  dévoué  concours. 

Nous  avons  déjà  eu  maintes  fois  Toccasion  de  signaler  ici  le  talent 
de  sculpture  de  notre  distingué  collaborateur  et  ami,  M.  Jules  Ko- 
buchon,  directeur  des  Paysages  et  Monuments  du  Poitou.  Ce  talent 
vient  de  s'affirmer  une  fois  de  plus  dans  les  deux  récents  médail- 
lons de  MM.  Benjamin  Fillon  et  Octave  de  Rochebrune  qui  —  nous 
en  avons  le  ferme  espoir  —  recevront  au  Salon  prochain  l'accueil 
flatteur  qu'ils  méritent. 


•452  CHRONIQUE   —   NÉCROLOGIE 


NÉCROLOGIE 


L'affectueuse  collaboration  que  notre  ami  HENRI  DANIEL- 
LACOMBE  a  toujours  accordée  à  cette  Revue  nous  fait  un 
devoir  de  lui  offrir  publiquement  un  témoignage  de  bien 
douloureuse  sympathie  à  l'occasion  du  deuil  cruel  qui  l'a  récemment 
frappé.  Son  père,  M.  JOSEPH-FLAVIEN  DANIEL-LACOMBE,  notaire 
honoraire,  est,  en  effet,  décédé  presque  subitement,  en  octobre 
dernier,  dans  sa  charmante  retraite  de  la  Corbedomère,  si  bien  faite 
pour  goûter  VOtium  cum  digyiitale  du  poète. 

Aux  éminentes  qualités  dont  il  fit  preuve  comme  notaire,  M.  Daniel- 
Lacombe  joignait  le  charme  aujourd'hui  de  plus  en  plus  rare  d'un 
aimable  et  érudit  causeur. 

M.  l'abbé  PROSPER-ALEXANDRE  GUÉRITEAU,  chanoine  hono- 
raire du  diocèse  de  Luçon,  décédé  le  29  octobre  1891  à  la  Roche- 
sur-Yon . 

M.  l'abbé  JULES  RICHARD,  curé  de  Saint-Joseph  de  l'Oie,  décédé 
le  3  novembre  1891,  à  l'âge  de  52  ans. 

La  R.  Mère  SAINTE-EUPHRASIE,  de  la  Congrégation  des  Ursu- 
lines  de  Jésus,  dite  de  Chavagnes,  décédée  le  5  novembre  à  Cha- 
vagnes-en-Paillers,  à  l'âge  de  89  ans. 

M"""  CHABOT  DE  PÈCHEBRUN,  née  Louise  Perreau,  décédée  le 
11  novembre  1891,  à  Fontenay-le-Comte. 

M.  CALIXTE  DORION,  décédé  à  Saint-Paul-Mont-Penit,  le  12 
novembre  1891.  Lors  des  funérailles  célébrées  le  14,  M.  le  sénateur 
Halgan  a  prononcé  une  oraison  funèbre  reproduite  dans  le  Publi- 
cateurde  la  Vendée  du  18  novembre. 

M»«  HENRY  DE  PUIBERNEAU,  décédée  à  son  château  de  Buchi- 
gnon,  le  14  novembre,  à  l'âge  de  74  ans. 

M""  MARIE-THÉRKSE  DE  LINIERS,  fille  de  la  Charité,  supérieure 
de  l'hôpital   de  la  Paix,  décédée,  le  12  novembre,  à  Constantinople. 


CHBONinUE  —  NECROLOGIE  453 

M"'  la  comtesse  D'AUTICHAMP.  née  DE  SUZANNET,  morte  en  son 
château  d'Autroche  (21  novembre  1891).  Le  nom  des  familles  que 
cette  mort  met  en  deuil  évoque  le  glorieux  souvenir  de  deux  des 
héroïques  combattants  de  la  Vendée  militaire. 

M.  l'abbé  HIPPOLYTE  LAMONTAGNE.  décédé  à  Nalliers,  le  24  no- 
vembre 1891,  à  l'âge  de  80  ans. 

Esprit  cultivé  et  délicat,  M.  l'abbé  Lamontagne  a  composé  de 
nombreuses  pièces  de  vers,  dont  la  plupart  ont  été  publiées  dans  le 
journal  la  Vendée  sous  le  pseudonyme  de  Larivière. 

M.  l'abbé  AUGUSTE  MÉCHINEAU,  archiprêtre  de  Notre-Dame  de 
Fontenay,  décédé  le  30  novembre  1891,  dans  sa  soixante-dix-septième 
année. 

La  Vendée,  le  Publicateur,  V Avenir  Indicateur  lui  ont  consacré 
d'élogieux  articles  dans  leurs  numéros  du  2  décembre. 

M.  RAYMOND  CHABOT  DE  PÈCHEBRUN,  décédé  le  30  novembre 
1891,  à  Fontenay-le-Comte,  à  l'âge  de  82  ans. 

M.  l'abbé  PIERRE-JEAN  MIGNÉ,  curé  de  Saint-Michel-Mont- 
Malchus,  décédé  le  30  novembre  1891,  à  l'âge  de  64  ans. 

M.  l'abbé  LÉON-AUGUSTE  GUÉRINEAU,  curé  de  la  Flocellière. 
décédé  le  1""  décembre,  à  l'âge  de  50  ans. 


45'i  CHRONIQUE  —   BIBLIOGRAPHIE 


BIBLIOGRAPHIE 


LORSQUE  novembre  —  ce  mois  des  pieux  souvenirs  et  des  mélan- 
coliques chrysanthèmes  —  ramène  autour  de  nous  ces 
délicieux  paysages  d'automne  oii  toutes  les  teintes  s'étalent 
à  l'envi  sur  la  palette  de  la  nature,  depuis  l'émeraude  persistant  et 
vivace  des  pins  jusqu'à  l'ocre  bronzé  des  feuilles  de  chêne  qui 
s'envolent  en  bruissant,  il  fait  bon  parcourir,  un  livre  aimable  à  la 
main,  les  discrets  sentiers  de  nos  bois  embaumés  de  parfums  sau- 
vages et  bordés  de  roses  bruyères. 

Ce  livre,  un  jeune  poète  de  Bretagne  —  la  terre  bénie  des  vaillants 
de  la  plume  comme  des  preux  de  l'épée  —  vient  de  nous  l'ofîrir 
sous  le  modeste  titre  :  Par  la  Lande.  Lande  fleurie,  toute  pleine 
des  souvenirs  de  Chateaubriand  et  de  Lucile  et  dont  le  frissonne- 
ment des  arbres  évoque  encore,  les  soirs  de  tempête,  la  grande 
image  de  Lamennais'. 

Pour  n'être  écrite  qu'en  prose,  l'excursion  tout  à  la  fois  historique 
et  archéologique  à  laquelle  M.  René  Vallette  nous  convie  dans  les 
dernières  livraisons  des  Paysages  et  Monuments  du  Poitou  n'en  est 
pas  moins  intéressante.  Ces  livraisons,  accompagnées  de  nom- 
breuses illustrations  dues  au  talent  éprouvé  de  MM.  J.  Robuchon  et 
G.  Girault,  sont  plus  particulièrement  consacrées  à  l'histoire  des 
cantons  vendéens  de  la  Châtaigneraie  et  de  Saint-Eilaire-des-Loges. 

Nous  recevons  de  notre  distingué  confrère,  M.  A.  de  la  Bouralière, 
la  réimpression  de  la  savante  notice  sur  Saint-Hilaire  de  Poitiers 
qu'il  a  précédemment  publiée  dans  les  Paysages  et  Monuments  du 
Poitou.  Cette  réimpression,  qui  sort  des  presses  de  notre  compa- 
triote M.  A.  Baud,  imprimeur  à  Fontenay-le-Comte.  est  accom- 
pagnée d'une  lettre-appendice  de  M.  Alfred  Richard  (in-4'' de  38  pp 
avec  héliog.  hors  texte  et  fig.  dans  le  texte). 

Chaque  année,  la  chute  attristée  des  feuilles  coïncide  avec  la 
joyeuse  envolée  des  almanachs  nouveaux.  Citons  parmi  ceux  qui 
nous  arrivent  :  Le  grand  Almanach  vendéen  (imprimé  à  Fontenay, 
chez  Gouraud),  V Almanach  très  complet  de  la  Vendée  (imprimé  à  la 
Hoche-sur-Yon,  chez  Tremblay). 

Victor  Thomas  :  Par  la  Lande.  Rt^nnes,  Caillière,  1S9I,  t78  p.  in-12 


CHRONIQUE   —    BIBLIOGRAPHIE  455 

Extrait  du  compte  rendu  de  la  séance  du  15  octobre  1891  de  la 
Société  des  Antiquairea  de  l'Ouest  :  «  M.  le  Président  signale  deux 
communications  faites  en  mai  dernier  par  M.  René  Vallette  au 
congrès  des  Sociétés  savantes  à  la  Sorbonne.  » 

Les  Annales  (1889)  de  la  Société  des  Sciences  naturelles  de  la 
Charente-Inférieure  (la  Rochelle,  in-S**  32  p.,  typ.  E.  Martin  IHQô) 
contiennent  le  compte  rendu  de  l'excursion  géologique  et  botanique 
faite  par  la  Société  dans  la  forêt  de  Vouvant.  Ce  compte  rendu 
est  l'œuvre  du  docteur  Termonia. 

Le  dernier  fascicule  de  la.  Revue  des  Sciences  naturelles  de  l'Ouest 
dont  nous  donnons  plus  loin  le  sommaire  contient  de  notre 
savant  compatriote,  M.  A.  Odin,  la  fin  du  Catalogue  des  Crustacés 
podophthalmaires  recueillis  sur  les  côtes  de  la  Vendée. 

De  notre  éminent  collaborateur  M?'  X.  Barbier  de  Montault  : 
Inscriptions  relatives  à  Claude  Lorrain  à  Rome.  (Ext.  de  la  Lor- 
raine-Artiste du  5  juillet  1891.) 

De  M.  René  Vallette  :  Block-notes  vendéens.  —  Mouzeuil  et 
l'Assassinai  de  Guise  {La  Vendée  du  2  octobre  1891)'. 

—  Souvenirs  de  la  Grande  Guerre.  —  Le  Général  Jolly  et  la  Divi- 
sion vendéenne  des  Sables-d' Olonne  (Lettre  à  M.  Cli.  L.  Chassin  : 
Etoile  de  la   Vendée,  N°  du  15  novembre  1891). 

—  Instantané  Vendéen.  —  M.  Claude  de  Monti  de  Rezé  (Vendée 
du  29  novembre  1891). 

—  Les  Prieurs  et  Curés  de  Notre-Dame  de  Fontenay  {Vendée  du 
9  décembre  1891). 

'Qd.Xi^lQ.  Revue  poitevine  et  saintongeoise,  N°  du  15  octobre  1S91  : 
V Inventairp-  archéologique  de  V Abbaye  des  Châtelliers  (suite),  par 
Ms''  X.  Barbier  de  Montault. 

--  Deux  Jours  à  Carrépuits,  par  .Tos.  Berthelé  (Compte  rendu 
d'une  excursion  campanologique  dédié  k  son  ami  René  Vallette, 
directeur  de  la  Revue  du  Bas-Poitou. 

N"  du  15  novembre  1891  :  L'Imprimerie  à  Thouars,  par  A.  de  la 
Bouralière  ; 

—  L'Inventaire  des  Châtelliers  (suite)  ; 

—  Mention  de  la  thèse  {Du  Mundium)  présentée  par  Alfred 
Giraud  pour  obtenir  le  diplôme  d-nrchiviste  paléographe  (Extraits 
du  Livret  de  V  Ecole  des  Charles  reliait' à  notre  région). 


456  CHRONIQUE    —  BIBLIOGRAPHIE 

Sous  le  titre  «  Un  Ari^e  historique  »,  le  Publicateur  de  la  Vendée 
(N°  du  6  novembre  1891)  a  publié  un  intéressant  article  sur  les  des- 
cendants du  Saule  de  Sainte-Hélène  que  possède  le  chef-lieu  du 
département  de  la  Vendée. 

Notre  aimable  et  érudit  confrère,  Henri  Bourgeois,  avocat  à  la 
Roche-sur-Yon,  poursuit  dans  l'Etoile  de  la  Vendée,  des  Sables- 
d'Olonne,  La  Réhabilitation  des  Animaux  calomniés. 

De  notre  savant  collègue  le  D''  Marcel  Baudouin  :  Il  n'y  a  pas  une 
seule  Crèche  en  Vendée  (Libéral  de  la  Vendée  du  30  octobre  1891). 

—  L'Excès  des  Naissances  en  Vendée  en  180O  {Libéral  du  6  no- 
vembre 1891). 

—  Les  Crustacés  de  la  Vendée  {Libéral  du  15  novembre). 

—  A  propos  du  Sinistre  maritime  des  Sables.  —  Les  Canots  de 
sauvetage  {Libéral  du  20  novembre  1891). 

Dans  le  même  journal  (N»  du  23  octobre  1S91)  :  Recherches  his- 
toriques sur  la  Vendée  (de  M.  A.  Bitton)  ;  Lettre  de  convocation 
pour  servir  au  ban  du  Poitou  adressée  à  Paul  Sonnet  d'Auzon, 
écuyer,  seigneur  de  Puy-Greffier,  par  François  Derazes,  lieutenant 
général  en  la  sénéchaussée  du  Poitou  (15  juin  1G97). 

Le  Libéral  a  également  commencé,  dans  son  numéro  du  23  octobre 
1891,  la  publication  d'une  nouvelle  tirée  des  guerres  de  Bretagne  et 
de  Vendée,  Peau  de  Bique,  due  à  la  plume  de  M.  Maxime  Audouin, 
de  la  Société  des  gens  de  lettres,  et  dédiée  à  notre  collaborateur  et 
ami  M.  Eugène  Louis. 

Nous  devons  à  ce  dernier  une  très  comolète  notice  biographique 
sur  Gaston  Guitton,  le  distingué  sculpteur  vendéen. 

De  notre  compatriote  et  confrère  Edme  Paz,  du  Gil  Blas,  une  char- 
mante, mais  attristée  pièce  de  vers  :  Le  jour  des  MortSy  parue  dans 
le  Libéral  de  la  Vendée  du  4  novembre  1891 . 

Le  fascicule  n"  6  de  V Architecture  et  Sculpture  en  France,  de 
M.  L.  Noo  (Paris,  Dujardin,  17,  rue  Bonaparte),  vient  de  paraître. 
Il  contient  plusieurs  jolies  reproductions  de  monuments  de  notre 
région,  et  notamment  des  détails  sur  l'église  romane  d'Aulnay 
(Charente-Inférieure),  la  galerie  XVI*  siècle  de  l'hôtel  de  ville  de 
la  Rochelle,  et  le  puits  de  môme  époque  qui  se  trouve  dans  la 
cour  du  château  de  Nantes. 

La  magnifique  publication  des  Paysages  et  Monuments  du  Poitou 


CHRONIQUE    —    BIBLIOGRAPHIE  457 

se  poursuit  sans  que  le  haut  intérêt  artistique  et  littéraire  <lont  son 
directeur  a  su  l'empreindre  ait  fléchi  un  seul  instant.  Les  dernières 
livraisons  sont  consacrées  au  Loudunais  et  accompagnées  de  mer- 
veilleuses héliogravures.  Le  texte  est  dû  à  la  plume  érudite  de 
M.  Roger  Drouault. 

M.  René  Vallette  prépare  actuellement  pour  ce  même  ouvrage 
une  livraison  sur  Benêt. 

Parues  récemment  chez  Clouzot  :  Les  Veillées  vendéennes  de  x\I.  G. 
Boisson. 

En  préparation  :  Les  Fiefs  de  la  Vicomte  de  Thouars,  d'après  l'In- 
ventaire de  1753,  publiés  par  le  duc  de  la  Trémoille  et  Henri  Clouzot. 
Ivol.  in-4°. 

Les  dernières  Chroniques  de  Bas-Poitou  insérées  au  Publicateur 
de  la  Vendée  : 

—  Les  Commanderies  de  Champgillon  et  de  Féolette(2  octobre  18U1). 

—  Le  Château  de  Saint-Mesmin  en  1793  (9  octobre). 

—  Pèlerinages  vendéens  (29  octobre  1891). 

Les  Mémoires  du  Général  d'Autichamp  devant  le  Tribunal  (9  no- 
vembre 1891). 

Extrait  du  compte  rendu  du  Congrès  archéologique  de  France, 
tenu  à  Évreux  en  1890  : 

(Séance  du  2  juillet)  :  «  M.  René  Vallette  signale  les  récentes 
découvertes  faites  en  Vendée  par  MM.  de  Rochebrune  et  le  comte 
de  Fleury,  et  offre  les  articles  publiés  à  ce  sujet  dans  la  Revue  du 
Bas-Poitou.  Sont-ce  des  fabriques  de  poteries  ou  des  ateliers  pour  la 
préparation  de  la  soude  destinée  à  la  confection  du  sa.von  ?  L'opinion 
des  archéologues  n'est  pas  encore  fixée  sur  ce  point,  et  M.  Vallette 
demande  si  des  trouvailles  analogues  n'ont  pas  été  faites  en  Nor- 
mandie. » 

Notre  très  distingué  collaborateur,  M.  de  la  Marsonnière,  prési- 
dent de  Idij  Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest,  vient  de  donner  dans 
sa  Claudia  Varenilla^  une  nouvelle  preuve  du  charme  de  sa  plume 
et  de  l'érudition  de  son  esprit. 

Ce  «  récit  des  temps  gallo-romains  »  nous  donne  une  exacte  et 
charmante  peinture  de  la  vie  sociale  des  Gaules  sous  le  règne  de 
Marc-Aurèle.  L'auteur  a  emprunté  ses  personnages  à  l'histoire  du 

*  1  vol.  in-12  de  348  j).  Lecêne  et  Oudin,  Paris,  3  fr.  50.  En  vente  à  Fon- 
tenay,  chez  M™»  Jules  Robuchon. 


458  CHRONIQUE    —  BIBLIOGRAPHIE 

pays  Picton  et  il  s'est  inspiré  dans  sa  mise  en    scène  des  remar- 
quables ruines  découvertes  à,  Sanxay  par  le  K.  P.  de  la  Croix. 

Pourparaitreprochainement  chez  M.  L.-P.  Gouraud,  imprimeur- 
éditeur  à  Fontenay,  «  une  gerbe  poétique  formée  des  plus  jolies 
pièces  de  vers  de  feu  M.  l'abbé  Gonet,  ancien  curé-doyen  de  Saint- 
Gilles-sur-Vie.  »  Cette  opulente  gerbe,  nous  dit  M.  l'abbé  Goulpeau 
qui  prend  soin  de  sa  publication,  comprend  :  Une  vie  légendaire 
de  saint  Martin  de  Vertou  en  2,000  vers,  précédée  d'une  disser- 
tation due  à  la  plume  si  universellement  érudite  de  notre  colla- 
borateur, M.  l'abbé  H.  Boutin. 

Chez  M-^  veuve  Ivonnet,  imprimeur  à  la  Roche-sur- Yon  : 

La  Mort  d\in  Cœur,  poésie  de  M.  Georges  Duplessis  (petit  in-16 
sur  papier  anglais). 

Le  Résumé  de  V Historique  du  93^,  dont  il  a  été  tiré  trois  éditions  : 
l'une  à  100  exemplaires  sur  papier  de  Hollande  in-8°  carré-,  la 
seconde  à  300  sur  papier  anglais,  toutes  deux  épuisées  ;  enfin  la 
3*  édition  dite  édition  du  sotdat  sur  in-S"  couronne,  tirée  à  3,000  et 
touchant  à  sa  fin. 

La  Situation  hippique  en  Vendée,  par  M.  P.  Guilleret  (in-S*  carré). 

La  livraison  de  novembre  de  la  Revue  de  Bretagne  et  Yendée 
contient  un  article  de  M.  Dominique  :  Caillé  Figures  de  mon  Pays, 
Mes  trois  Parents,  qui  renferme  une  étude  familière  de  la  vie  et  des 
œuvres  de  Stéphane  Halgan,  le  délicat  poète  dont  l'héritage  politique 
a  été  si  dignement  recueilli  par  son  frère,  M.  Emmanuel  Halgan. 

Dans  le  Publicateur  de  la  Vendée  du  27  novembre  1891,  sous  la 
signature  A.  Rouillé  :  Le  Moulin  de  la  Garde,  intéressante  légende 
yonnaise. 

Le  tome  I*""  du  savant  ouvrage  que  notre  distingué  collaborateur, 
M.  Ch.  L.  Chassin,  va  consacrer  à  la  Préparation  de  la  Guerre  de 
Vendée,  sortira  de  presse  très  prochainement.  Cet  ouvrage  sera 
complet  en  trois  volumes,  qui  seront  suivis  de  la  Vendée  vatriote 
en  un  nombre  égal  de  tomes. 

A  signaler  également  la  récente  apparition  d'un  charmant  volume 
dû  à  la  plume  d'une  anonyme,  dont  tous  les  lettrés  ont  déjà  ap- 
précié la  délicate  érudition  :  Un  Canton  du  Bocage  vendéen.  Sou- 
venirs de  la  Grande  Guerre  (Chez  Lacuve-Melle,  in-l>'  de  308  p.) 

Gomme  nous  l'avions  précédemment  annoncé,  le  11^  volume  qui 
vient  de  paraître  de   l'important  ouvrage  de  M.Henri  Béraldi  sur 


CHRONIQUE   —  BIBLIOGRAPHIE 


459 


Les  Graveurs  du  XIX^  siècle  (Paris,  Conquet,-5,  rue  Drouot),  con- 
tient une  intéressante  monograpliie  de  notre  éminent  compatriote, 
M.  0,  de  Rochebrune,  ainsi  que  le  catalogue  complet  de  ses  œuvres 
jusqu'à  ce  jour. 

De  M.  Barbaud,  l'aimable  et  savant  archiviste  de  la  Vendée  :  son 
Rapport  sur  la  Situation  des  Archives  départementales  pendant  Vannée 
1890-1891.  (Nombreux  et  intéressants  relevés  des  Archives  commu- 
nales de  Dompierre,  Lairière  (ancienne  paroisse  aujourd'hui  réunie 
à  la  commune  de  la  Perrière),  de  Sainte-Cécile,  de  Saint-Florence  de 
voie,  de  Saint-Martin  des  Noyers,  à'Aizenay,  de  la  Genétouze,  des 
Lues  et  de  Saligny.) 

Notre  ami,  Henri  BoRirgeois  a  commencé  dans  VÉtoile  du  6  dé- 
cembre liSOl  une  étude  sur  les  Cathelineau  (1793-1891).  Cette 
étude,  très  savamment  écrite,  est  précédée  d'une  introduction  dont 
nous  partageons  absolument  l'esprit. 

R.    DE  TniVERfAY. 


J_,A     j^EYUE    DU    ^AS-POITOU 
OFFRE 

à    ses    Collaborateurs    et    Abonnés 

SES    MEILLEURS    SOUHAITS 

DE     JVOUVEL     ^NF 


Le  Directeur-Gérant  :  R.  VALLETTK. 


Vannes.  —  Imprimerie  LAFOLYK. 


RFVUE    DU    BAS-POITOU 


Quatrième  Année 


TABLE    DES    MATIÈRES 


Texte.  V 

I.  —  La  Vendée  qui  s'en  va.  —  Les  Gentilhommières  en 
Bas-Poitou  aux  XV%   XVI'=  et  XVII«  siècles,    par 

M.  0.  DE  ROCIIEBRUNE 5 

IL  --  Autour  du  Drapeau  blanc.  —  Biographies  inédites 
des  Vendéens  et  des  Chouans  {Suite),  par  M.   de 

LA   FONTENELLE  DE   VAUDORÉ 12 

m.  —  Un  disciple  de  Vitruve  en  Bas-Poitou.  — L'archi- 
tecte Julien  Mauclerc  (1513-1577),  par  M.  René 
Vallette 23 

IV.  —  Chez  les  Gallo-Romains  du  Pays  de  Maillezais,  par 

M.    L.  Brochet 2R 

V.  —  L'Hôte    de  Jeanne   d'Arc  à  Poitiers   :  maître  Jehan 

Rabatcau,  président  au  parlement  de   Paris,  par 

M.   Hlnri  Daniel-Làcombe 4« 

VI.  —  La  Vendée  à  travers  les  légendes  :  St-Martin  et  St- 

Nicoias-de-Brem,  par  M.  Henri  Colins r>7 

VIL  —  Chartes  concernant  la  fondation  de  Notre-Dame  la 
Blanche  à  Noirmoutier,  par  M.  le  docteur  Viaud 
Grand-Marais 7x 

VIII.  —  Le  journal  d'un  Fontenaisien  pendant  la  Révolution 

(Suite),  p-àv  M.  A.   BiTTON 1"" 

IX.  —  Choses  d'art,  par  M.  Renk   Vallette in 


462  TABLE    DES    MATIÈRES 

X.  —  Quel  était  le  capitaine  du  Chastel  de  la  Roche-sur- 

Yon  en   1369?  par  M.   Eugène  Louis...     .,.     ...     IIU 

XI.  —  Chronique,    par  M.    K.  de  TmvERrAY 123 

XII.  —  Le   peintre   Lansyer  et   son    œuvre.    —  Esquisse 

biographique,   par   M.  René  Vallette 

—  De     Paris    à   Menton,     notes      de    A'oyages,    par 

M.  Lansyer 137 

XIII.  —  Le  siège  des  Sables  d'Olonne  en  1793,  par  M.  Ch. 

L.  Chassin 1.53 

XIV.  —  A  travers   les    clochers  du  Bas-Poitou,   par  M.  L 

Teillet ...     178 

XV.  —  Ecrin    poétique:    Les   deux  croix,    poésie   par  M. 

Emile    Grimaud l'.)7 

XVI.  — Un  chapitre  de  ma    vie   archéologique,  par  M.  Ga- 
briel DE  Fontaines 198 

XVll.  —  Une  excursion   chez    les  Gallo-Homains  de  Saint- 
Denis  du  Payré,  par  M.    Louis  Brochet 20r> 

XVIII. — Notice    généalogique  sur   la  maison    de  la  Fonce- 

tenelle,   par  M.   le  V*  P.  de  Chabot ,..     213 

XIX.  —  La  maréchalerie   celtique  et  gallo-romaine  à  Fon- 

tenay-le-Comte,    par  M.   Le  Capitaine  D 228 

XX.  —  L'autopsie  de  Richelieu,   par   M   Roger  Drouault.    232 

XXI. —Chronique,  par  M.   R.    de  Thiverçay 23.5 

XXII.  -■  La  Vendée  qui  s'en  va.  —  Les  Moulières  et  le 
vieux  Chassenon.  —  Plaisirs  du  gentilhomme 
champêtre,  par  M.  0.  de  Rochebrune 247 

XXIII.  —  L'hôte    de  Jeanne    d'Arc  à    Poitiers   {Suite),    par 

M.  Henri  Daniel-Lacombe 259 

XXIV.  —  Palluauet  les  Clérembault,  par  M.  l'abbé  H.  Boutin.    275 

XXV.  —  Autour  du  drapeau  blanc—  Biographies  inédites  des 

Vendéens  et  des  Chouans  (Svite),  par  M.   de  la 
Fontenelle   de  Vaudoré 302 

XXVI.  —  Contribution  à  l'histoire  de  Fontenay-le-Comte,  par 

M.  Edgar  Bourloton 308 


TABLE    DES    MATIÈRES  463 

XXVII.  —  Chroniques    sablaises.    —    L'hôpital    Saint-Joseph 

(Suite),  par  M.  le  D""  Ma.rcei,  Petiteau 31  [> 

XXVIII.  —  Recherches  liistoriques  sur  la  Vendée.  —  Ce  que 
devint  l'église  N.-I).  de  Fontenay  pendant  la  Ré- 
volution, par  M.  A.  BiTTON 3-21 

XXIX.  —  Notes  bibliographiques,  par  M.  R.  de  Tuiverçay.  . .     331 

XXX.  —  Un  mensonge  de  Richelieu,  par  M.  l'abbé  Lacroix, 

docteur  ès-lettres 333 

XXXI.  —  Deux  médaillons  romains  de  Tibère  et  Drusus,  par 

M.    0.  DE  ROCHEBRUNE 344 

XXXII.  —  Une  amazone  vendéenne  :  M™"  de  Bulkeley,  par 

M.  C.  DE  LA  Chanonie 347 

XXXIII.  —  Poésie  :  Autre  vie  par  Zabui 309 

XXXIV.  —  Une  excursion  archéologique  à  Foussay,  par  René 

Vallette 37 1 

XXXV.  —  Le  Siège  des  Sables  en  1793  (Suite),  parCii.  L.Cmassin    3©1 

XXXVI.  —  Documentsinéditssur  la  Vendée,  par  Me' X.  Barbier 

DE    MONTAULT 409 

XXXVII.  —  Etat  politique  et  militaire  de  la  Basse- Vendée  et  du 

Poitou  en  1793,  par  M.  Baguenier-Desormeaux..    413 

XXXVIII.— Deux  Vendéens  aux  Jeux  Floraux,  par  M.  Emile 

Grimaud 434 

XXXIX.  —  Le   Général  Cathelineau,   par   R.   V...     , 437 

XXXX.  —  Correspondance,  par  E.  du  Trémond 43'.» 

XXXXI. —  Chronique,  par  M.  R.  DE  TniVERÇAY 440 


Gravures. 

I.  —  Le  château  de  Ste-Juire  (XV^  siècle),   eau-forte  de 

M.     0.    DE    ROCIIEBRUNE.       ...       l 

II.  -La  Grand'Rhée,  id.,par  M.  0.  deRociiebrune.     ...        9 
III.-  Portrait   de    rarchitecto   Julien    Mauclerc 24 

IV.  —  Objets  gallo-romains  trouvés  dans  le  canton  de  Mail- 

lezais  (2  planches;iithog.),  par  M.  L.  Brochet.     ...      3"4 


464  TABLE    DES    MATIÈRES 

V.  Fac-similé  de  la  signature  et  du  sceau  de  Jehan 
Rabateau,  l'hôte  de  Jeanne  d'Arc  à  Poitiers,  dessi- 
nés à  la  plume  par  G.  Girault ô7 

VI.  —  St-Nicolas  et  St-Martin-de-Brem,  croquis  à  la  plume 

de  G.    Girault.. 67 

Vil.  —  Sceau   et  contre-sceau    de   Jean    I*"",  vicomte    de 

Thouars,  par  le  même 95 

VIII.  —  Portrait  à  la  plume  de  Lansyer,  par  lui-même...     136 

IX.  —  Objets  gallo-romains  trouvés  âSaint-Denis-du-Payré 

(2  planches  lithographiques),  par  M.  L.  Brochet.     208 

X.  —  Fers  à  cheval  celtiques  et  gallo-romains,  dessin  à.  la 

plume  par  le  même 228 

XL  —  La  Grand'Court  des  Moulières  (XVII«  siècle),  eau- 
forte  de  M.  0.    DE   ROCHEBRUNE 246 

XII.  —  Le  vieux  Chassenon   (XVI I«  siècle) ,   eau-forte   du 

même 255 

XIII.  —  Le  Montoir  de  Jeanne  d'Arc,   conservé  au  musée  de 

Poitiers • -63 

XIV.  —  Médaillons  romains  de  Tibère  et  Drusus,  eau-forte 

par  M.  0.  DE  ROCHEBRUNE 345 

XV.  —  Le  portail  principal  de  l'église  de  Foussay,  dessin  à 

la  plume  de  G.  Girault 205 

XVI.  —  Restes  de  la  Loggia  de  la  maison  François  Laurent 

à  Foussay,  par  le  même 307 


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