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Full text of "Revue du Bas-Poitou"

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REVUE 


DU 


BAS-POITOU 


VANNES.   —  [MP.    LAFOLYE,   2,   PLACE    DES   LICKS 


REVUE 


nu 


BAS-POITOU 


PARAISSANT     TOUS     LES     TROIS     MOIS 


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12m    Sonnée.    —   lre  Tjivraison. 


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FONTENAY-LE-COMTE 

BUREAUX:      RUE      BENJAMIN-FILLON 
C^Cj^V^^Çv^o 


PARIS 
E-     LECHEVALIER 

N,  Qnai  de»  Gd«-Augustins. 


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1899 


NIORT 
L.    CLOUZOT 

2    nie  des  Halle*. 


THE  GETTV  CENTER 

■ 


LES  POETES  DU  BAS-POITOl 


Ii'abbé  FRANÇOIS  GUSTEAU 


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A  Monsieur  Rknb  Valletui 


M<>n 


sieur. 


J'aurais  voulu  offrir  un  travail  plus  digne  des  lecteurs  de  ta 
Revue  du  Bas-Poitou. 

Si  j'ai  la  téméraire  hardiesse  de  livrer  au  public  les  notas 
qui  vont  suivre,  c'est  que  je  compte  d'abord  sur  l  indulgence  que 
mérite  la  bonne  intention,  et  qu'ensuite  j'ai  la  certitude  que  tes 
œuvres  de  l'ancien  prieur  de  DoLv  auront  une  éloquence  qui  me 
fera  pardonner  de  n'en  pas  avoir. 

Est-ce  une  biographie  très  documentée,  une  édition  complète  des 
œuvres  du  Chantre  de  Fontenaq  que  vous  attendez  de  moi  ?  Je  n'ai 
la  prétention  de  donner  ni  Tune  ni  Vautre.  Je  laisse  à  une  plume 
que  j'estime  plus  expérimentée  que  fa  mienne,  le  soin  de  combler 
prochainement  les  lacunes  de  mon  modeste  travail. 

Ce  que  je  voudrais  pour  le  moment,  ce  serait  réveiller  tout  un 
concert  de  vive  sympathie  pour  la  mémoire  d'un  poêle  aimable, 
gracieux  et  humoristique,  d'un  prêtre  érudit  et  zélé,  enfin  d'un 
compatriote  ami  des  lettres  poitevines  et  du  sol  natal. 

Depuis  longtemps  déjà  l'humble  vendéen  qui  signera  ces  lignes 
avait  à  cœur  <le  remettre  en  lumière  ce  défunt  qui  parle  toujours  : 


6  LAHBÉ    GUSTEAU 

defunctus  adhuc  loquitur.  Et,  s'il  était  permis  à  cet  admirateur 
d'un  beau  talent  disparu  de  formuler  un  vœu,  il  demanderait  à 
Uns  les  fils  de  celle  Vendée  qui  ont  le  culte  du  .souvenir,  de  ne  pas 
laisser  passer  la  date  du  16  mars  (899,  sans  offrir  à  l'abbé 
Gusteau  le  témoignage  de  leur  admiration  et  de  leur  amour. 

Niort,  le  13  janvier  18D'.>.  en  la  fête  de  Saint-Hilaire. 

N.  Mouchard,  . 
prêtre. 


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LABBÉ  GUSTEAU 

(1699-176J  . 


L 


Je  vis  de  souvenifs,  de  souvenirs  anciens. 
Hélas!  mais    011^  les  jours  et  partout,  j'\  reviens 

Bbizeux-Marie 

e  16  mars  1899  ramène  le  200*  anniversaire  de  la  nais- 
sance de  Fr.  Gusteau,  qui  eut  pour  berceau  Fon- 
tenay, 

Source  des    beaux  esprits,   précieuse  fontaine, 
Dont  les  eaux  de  cristal  coulent  depuis  longtemps 
Pour  la  sage  Thémis  comme  pour  Melpomùne. 

Ce  compatriote  des  Rapin  et  des  Besly,  des  VTiète  et  des 
Brisson  eut  pour  père  Fr.  Gusteau  et  pour  mère  Marguerite 
Royer.  Il  portait  dans  ses  armes  :  De  gueules,  à  3  fasces ;  /r 
el  3e  d'argent,  la  2e  d'or,  avec  cette  jolie  devise  qu'il  réalisa  si 
bien  :   Floris  deguslo  saporem1. 

Enfant  à  l'intelligence  précoce,  nature  sensible  et  droite,  il 
se  sentit  de  bonne  heure  appelé  à  la  vocation  ecclésiastique. 
C'est  ainsi  qu'il  fut,  le   30   novembre  1720,  clerc   tonsuré  du 

diocèse  de  la  Rochelle  et,  comme 

« 

Dans  les  âmes  bien  nées 
La  valeur  n'attend  pas  le  nombre  des  années, 

il  se  vit   simple  diacre,  le  22  avril   1722,  préposé  à    la  cure   de 
Saint-Hilaire  de  Champagne,  dans  le  marais  de  Luçon. 

1  D'après  d'Hozier,  recueil  officiel  dressé  en  vertu  dédit  de  1696,  ei 
d'après  B.  Fillon,  dans  Poitou  et  Vendée. 


8  l'abbé  <;u>te\u 

Huit  ans  plus  tard,  le  21  décembre  1730,  il  fut  nommé  prieur 
de  Doix.  près  de  Maillezais.  C'est  dans  ce  bénéfice,  à  la  colla- 
tion de  l'abbé  de  Nieul,  et  sous  la  juridiction  de  l'archiprètre 
d'Ardin,  qu'il  va  désormais,  sans  compter,  répandre  les  lu- 
mières de  sa  vive  intelligence  et  mettre  les  dons  de  son  riche 
cœur  au  service  de  son  église  et  de  ses  fidèles. 

l'ravailleur  infatigable,  il  se  repose  des  labeurs  d'un  minis- 
tère toujours  consciencieusement  rempli,  en  cultivant  la  muse 
et  en  > 'appliquant  aux  lettres  qu'il  appelait  poitevines. 

(."est  ainsi  que  nous  retrouvons  dans  ses  oeuvres  variées, 
dont  la  matière  remplirait  plusieurs  volumes,  dix-sept  pièces 
en  patois.  Ces  dix-sept  joyaux  tirés  de  l'écrin  que  nous  avons 
entre  les  mains  ont  déjà  vu  plusieurs  éditions.  (La  dernière 
en  date  est  celle  de  1855-1861,  chez  M.  H.  Oudin). 

Mais  si  ce  choix  judicieux  suffit  pour  donner  aux  amateurs 
de  nos  vieux  dialectes  une  idée  du  parler  d'antan  ;  si  cette 
poésie,  tinement  naïve,  nous  retrace  fidèlement  la  simplicité 
des  moeurs  dans  la  première  moitié  du  XVIIIe  siècle,  ce  re- 
cueil ne  nous  révèle  qu'un  petit  côté  de  notre  intéressant 
auteur 

(■usteau  fut  et  resta  très  populaire,  parce  qu'il  sut  parler 
un  langage  familier.  Le  peuple  l'aima,  parce  qu'il  lui  em- 
prunta sa  langue,  son  patois  si  simple,  si  naïf  et  parfois  si 
expressif.  Toutefois  s'il  fut  l'objet  d'un  vrai  culte  auprès  du 
iple,  les  érudits  n'appréciaient  pas  moins  son  talent  de 
te  dans  une  langue  que  les  Corneille  et  les  Racine  avaient 
illustrée. 

■  îr  nous,  si   nous    voulons   connaître  notre    héros,  mieux 

sir  son  àme,  nous    allons    le    visiter  dans    sa    thébaïde  de 
Dois  <J  où  son  cœur,  ému  par  les  mystères  de  notre    sainte 

on  —  source  de  son    inspiration   la    plus  profonde, 
chantera    pour   ses   amis   connus  et    inconnus  des  cantiques 

cquels  la  musique  moderne  donne  un  air  de  renouveau  et 
un  regain  de  popularité. 

ftté  du    poète    lyrique,  nous  verrons   le  dramaturge  reli- 


L'AHBÉ    GUSTI-AU  '•> 

gieux,  le  chantre  des  illustrations  de  son  pays  qu'il  a  si  ten- 
drement aimé,  le  chansonnier  plein  d'humour  et  de  grâces, 
et  nous  constaterons  plus  d'une  fois  que  si  le  sympathique 
abbé  savait  faire  arriver  un  compliment  à  son  adresse,  il 
maniait  très  habilement  les  traits  de  la  satire. 

Néanmoins,  en  dépit  de  quelques  boutades  empreintes,  non 
de  noire  malice,  mais  de  l'ironie  la  plusfine,  nous  retrouverons 
toujours  le  bienfaisant  prieur  qui  porte  au  cœur  ce  triple 
amour  :  Celui  de  Dieu  et  de  son  église,  celui  de  la  petite  et 
de  la  grande  patrie,  enfin  celui  de  ses  fidèles  et  de  ses  amis. 

I.  —  Le  Poète  Religieux.  —  Cantiques    et  Mystères. 

Byron,  dans  ses  mémoires,  définit  la  poésie  :  Le  sentiment 
d'un  ancien  monde  et  celui  d'un  monde  à  venir,  •>  et  le  psycho- 
logue Bourget,  après  le  mélancolique  poète  d'Outre-Manche, 
nous  dit  que  «  la  beauté  poétique  pure  réside  dans  la  sug- 
gestion plus  encore  que  dans  l'expression.  »  11  faut,  ajoute-t-il: 
«  Pour  que  le  sortilège  des  beaux  vers  s'accomplisse,  du  rêve 
et  de  l'au  delà,  de  la  pénombre  morale  et  du  mystérieux.  » 

Or,  sans  vouloir  rechercher  toute  la  pensée  intime  du  poète 
et  du  philosophe  cité  plus  haut,  je  n'hésite  pas  à  dire  que  ces 
conditions,  réclamées  pour  toute  œuvre  poétique,  se  trouvent 
abondamment  dans  l'abbé  G  usteau,  qui  sut,  à  une  imagina- 
tion très  vive,  joindre  l'observation  la  plus  profonde,  l'expres- 
sion la  plus  naturelle  et  la  plus  suggestive. 

De  plus  ce  sentiment  d'un  mondeancienet  celui  d'un  monde 
nouveau,  cette  préoccupation  de  l'au-delà,  de  notre  destinée 
finale,  ne  le  quittent  pas  un  instant.  Nourri  de  la  Bible  qu'il  a 
longuement  méditée,  il  pleure  sur  la  chute  et  le  châtiment  de 
nos  premiers  parents,  puis  il  chante  avec  eux  l'espoir  qu'ils 
ont  de  rentrer  en  grâce  auprès  d  un  Dieu  terrible  dans  sa  jus- 
tice, mais  sur  les  lèvres  duquel  ils  ont  lu  une  parole  de  misé- 
ricorde :  la  promesse  d'un  Rédempteur,  gage  d'espérance 
pour  Adam  et  sa  postérité. 


10  l'abbk  gusteau 

Gusteau,  comme  Pascal,  semble  prendre  comme  règle  de 
prudence  et  de  charité  de  ne  jamais  parlera  l'homme  de  ses 
misères,  sans  lui  rappeler  ses  titres  de  noblesse.  C'est  un  poète 
qui  chante  avec  son  cœur  et  qui  trouve  ainsi    le   secret  d'être 

toujours 

Simple  avec  art. 
Sublime  sans  orgueil,  agréable  sans  fard. 

(Boileau,  Arl.  poèl.) 

Si  bien  que  de  lui,  comme  d'Homère,  avec  notre  législateur 
du  Parnasse,  on  peut  dire  que 

Son  livre  est  d'agréments  un  fertile  trésor, 

car,  soit  qu'il  chante  ou  le  Noël    naïvement   gracieux,  ou    la 
chanson  spirituellement  gauloise, 

Partout  il  divertit  et  jamais  il  ne  lasse. 

1  i  muse  de  notre  ami  s'étant  surtout  exercée  à  célébrer  le 
grand  mystère  de  la  Rédemption,  je  n'hésite  pas  à  l'appeler 
Le  Chantre  inspiré  delà  Vierge  et  du  Messie. 

Mais  il  est  temps  que  je  laisse  la  parole  à  ce  favori  des 
muses  dont  l'humilité  faisait  mettre  en  tête  de  ses  œuvres  : 

i 
Vous  trouverez  dans  cet  ouvrage  cy 

Du  passable,  du  bon  et  de  mauvais  aussy  ; 

C'est  à  ce  prix  qu'on  vous  le  livre, 

Lecteur,  attendez-vous  y  bien, 

C'est  là  le  portrait  de  tout  livre, 

C'est  .'uissi  le  portrait  du    mien. 

I"  .lion  du  Bellav  s'était  excusé  avant  lui  de  l'imperfection 
rs,    i  peu  près  dans  les  mêmes  termes  : 

si  je  n'a}  plus  la  faveur  de  la  muse, 
I  '  si  mes  vers  se  trouvent  imparfaits, 
Le  lieu,  le  temps,  l'aage  où  je  les  ai  faits 
El  lues  ennuis,  leur  serviront   d'excuse. 


l'abbé  gustkau  11 

L'un  comme  l'autre,  l'Angevin  et  le  Vendéen  ne  faisaient 
que  traduire  Martial,  tant  il  est  vrai,  ajoute  notre  aimable 
auteur  «  qu'un  voleur  pille  l'autre    » 

Comme  prélude  à  ses  40noëls,  Gusteau  nous  invite  à  sou- 
pirer avec  les  patriarches,  dans  une  paraphrase  fidèle  du 
Rorate  liturgique  de  l'Avent. 

Ror&te  cçeli  de  super  et  nubes  pluantjustum. 

Sensible  à  nos  longues  misères, 
Ciel  bénin,  répandez  vos  eaux  ; 
Faites  couler  par  vos  canaux 
Le  juste  promis  à  nos  pères. 
Venez,  Seigneur,   secourez-nous, 
L'univers  n'espère  qu'en  vous. 

Puis,  pour  ranimer  notre  foi,  il  nous  rappelle  les  promesses 
et  les  prophéties  qui  nous  prédisent  le  Messie  : 

Vous  qui,  comme  moi,  d'Israël 
Attendez  le  règne  éternel, 
Au  Dieu  qui  le  présage, 
Venez  tous  rendre  hommage. 

Dès  lors  pour  préparer  la  naissance  de  Celui  qui  était  si  im- 
patiemment attendu,  il  fallait 

Ine  mère 
Au  fail  de  Dieu  le  père. 

C'est  cette  Vierge  choisie  par  le  Saint-Esprit  que  Gusteau 
va  chanter  dans  une  suite  de  cantiques,  puis  nous  verrons 
Jean-Baptiste  le  Précurseur,  invitant  les  hommes  à  se  pré- 
parer à  célébrer  la  naissance  que  les  anges  vont  bientôt 
annoncer. 

Enfin  l'Emmanuel  promis  est  né  dans  une  pauvre  étable,  et 
le  Dieu  des  humbles  et  des  petits  veut  que  les  bergers  soient 
les  premiers  témoins  de  ce  mystère. 

Aussitôt  ces  naïfs  gardiens  de  brebis,  ne  consultant  que  la 
générosité  de  leurs  cœurs,  sont  attirés  vers  ce  Jésus  dont  la 


12  l'abbé  gusteau 

ndeur  est  cachée  sous    le  voile  de  l'infirmité,    ils  se    de- 
mandent cl'  qu'ils  pourront  bien  lui  offrir. 

Que  portronsjy  pr'amusay  le  poupot ? 
"S   ,i\  bay  chez  nous  in  écharbot 

Oui  fait  le  moulinot. 
Dame,  jamais  gne  s'arrache 
Dau  pape-r  voury  l'attache: 

Offrons  l'y,  Rigot  : 
—  Ah  !  Colas,  ne    séchons  pas  si  sot  : 

Le  grand  Dieu  pense  trop 

A  ce  qui  perdit  tôt, 
Pre  s'occupa)'  quemin  marmot 

Din  osea,  din  barbot. 


Ouiau  Dieu,  mon  cher  Pérot, 
Veut  aver  nos  quieurs  pre  son  lot. 
Nous  demande  teil  trop  ? 

M;ns  les  présents  ne  suffisent  pas;  il  n'est  pas  de  fête  sans 
compliment,  il  faut  en    dresser  un,  ce   qui   met  à   l'enver  sla 
de  Pérot. 

st  Hobin  qui,  aidé   de  trois    habiles  confrères,  est  arrivé 
à  mettre  sur  pieds  le  fameux  compliment  que  voici  : 

P.OBIN. 

Y  en  ni  prêtant  bay  fait  un  bea, 
Pre   le  dressay  j'étions  tra, 

Et  j'avons  be  suay  ; 
Regardez  si  gne  cadre  pas, 

Gne  ma  presque  tué. 

Mon  bon  Jésus,  quand  y  ve  voy, 
Mon  quieur  est  farfouillé  de  joy, 

L'aise  me  fait  chantay  ; 
<.>ui  me  donne  à  vous  mille  foy 

Et  qui  veut  ve  zaimav. 

faites  moi  savoy  sans  façon 
<  '•  qu'il  faut  que  je  fassions 

Pre  plaire  à  vos  bontés? 
Ah!  queu  l'honneur  que  je  séchons 

I  >c  vos  domestiqués . 


i/abbé  gusteau  13 

Un  compliment  si  bien  tourné  devait  attirera  leurs  auteurs 

des  hommages   bien    sentis.  Aussi  tous  les  amis  de   Robin 

font  éclater  leur   enthousiasme  dans  ce  couplet  final    où    la 

modestie  la  plus  vraie  va  de  pair   avec  l'étonnement  le  plus 

naturel  : 

Ah  !  jarti  tay  le  plus  savant 
Et  bay,  Robin,  marche  devant 

Et  parle  pre  tretous  ; 
Qui  craïoit  que  t'en    savais  tant  ? 

Tay  bay  pu  tin  que  nous. 

• 

Jusque  là  les  bergers  seuls  ont  payé  leur  tribut  au  Dieu  de 
la  Crèche,  mais  aussitôt  Tn  Ange  condit  in  Pasturelle  à 
Bethléem. 

Ce  charmant  Noël  poitevin  a  été  publié  plusieurs  fois,  ce- 
pendant il  me  semble  que  quelques  couplets  doivent  trouver 
leur  place  ici  et  figurer  à  côté  du  compliment  de  Robin. 

NOËL,  sur  Vair  : 

Quand  y  partis  delà  Rochelle 
Y  en  partis  à  mon  grand  regret 
Lalirenne. 

Arser  venant  de  chez  mon  père,  (bis  ) 
La  grande  merveille  qui  vis, 

Ma  bregère, 
La  grande  merveille  qui  vis. 

O  paraiguit  ine  lumière,  (bis.) 
Tout  fain  dret  dessus  nos  patis, 

Ma  bregère, 
Tout  fain  dret,  etc. 

O  sembloit  être  nos  fougères,  (bis.) 
Lavoure  le  feu  s'étoitmis, 
Ma  bergère,  etc. 

Mon  quieur  tremblotoit  de  misère,    (bis.) 
Mais  que  gle  fut  bientôt  remis,  etc. 

In  ange  me  faisait  la  chère  (bis.) 
Et  me  dissit,  y  1  entendit,  etc. 


14  I.'aHBR    ITUSTAUE 

Laisse  Le  y  ta  crainte,  Paquière,  {bis.) 
Prens  me  ta  penère  et  me  suis.  etc. 

\  ['heure,  sans  tant  de  mystère,  (bis  ) 
Y  le  si  vit.  bay  loin  de  foui,   etc. 

Gle  me  menitàla  tanère,  [bis.) 

Vro  lat  ses  beux  le  Grand  Louis,  etc. 

Gle  m'y  faisit  voir  inc  Mère,  [bis.) 
O  que  in  poupon  dau  pu  jolis,  etc. 

Misant,  ù  faut  que  te  révère,  (bis  ) 
La  mère,  mais  surtout  le  fils,  etc. 

Quia  a  petit  Enfant  est  ton  Père,  (bis.) 
Tout  aussi  vrai  queme  y  tau   dis.  etc. 

Quement  si  fisit,  glest   mon    Père?(£?s.) 
Cargleme  surprenet  aussi,  etc. 

Craignant  qui  me  misse  en  colère,  (bis  ) 
En  riant  gle  parlit  ainsi,  etc. 

Daux  hommes,  Dieu  n'est-il  pas  Père?  (Lis.) 

—  Et  voil  monsieu,  rèpondis-y,  etc. 

—  Et  si    de  trelous  glest  le  Père,  (bis.) 
('.le  detètre  le  ten  aussi,  etc. 

L'enfant  quo  faut  que  te  révère,  (bis.) 
Glest  ton  Bon-Dieu,  sache  quieuqui,  etc. 

L'uand  y  comprenis  le  Mistère,  (bis.) 

Y  pris  l'Enfant   y  l'adori,  etc. 

Y  ly  tiris  de  ma  penère,  (bis  ) 

De  lard  tout  frais  un    gros  bouzi,  etc. 

•  )  fut  à  Madame  sa  mère,  (bis  ) 
Que  men  offrande  y  présenti. 

Ma  b regère, 
Que  men  offrande  y  présenti. 

Vas  le  voy  queme  ma,  m;i  chère,  (bis  ) 
Taras  le  bounheur  que  j'oguis, 

Ma  bregère. 
Taras  Je  bounheur  que  j'oguis. 


L  AUBE    UUSTEAU 


15 


La  série  des  Noëls  continue  .  notre  poète  y  chante  encore 
V Heureux  Mystère,  Jésus  considéré  comme  lumière  du  monde,  la 
Circoncision,  le  Nom  de  Jésus  donné  au  Messie,  Y  Adoration  des 
Rois,  les  Réflexions  d'un  valet  à  la  suite  des  Mages,  ['Inquiétude 
et  te  dessein  d'Hérode  au  sujet  du  Messie,  la  Fuite  en  Egypte,  le 
Massacre  des  Innocents;  puis  notre  fin  lettré  qui,  en  dehors  de 
la  Bible,  cherchait  souvent  son  inspiration  dans  les  lettres 
profanes,  remet  sous  nos  yeux  V Accomplissement  de  la  pro- 
phétie de  la  Syhille  de  Cumes. 

«  C'est,  »  nous  dit-il.  «  une  traduction  paraphrasée  d'un 
endroit  de  la  IVe  églogue  de  Virgile,  où  le  poète  attribue  par 
flatterie  au  fils  de  Pollion  la  prophétie  de  la  Sybille,  qui  ne 
peut  être  entendue  que  de  Jésus-Christ. 


/  Itirna  Cumœi 
Veiiitjam  carminis 
■rtas,  etc. 

Jam  rwvaprogenies 
(lœlo  demiftitur  allô. 


Le  siècle  dont  la  Sybille 
Prédit  le  temps  dans  ses  vers, 
Siècle  en  prodiges  fertile, 
Est  ouvert  pour  l'univers  ; 

Un  roi  suprême, 
Le  fils  de  Dieu  même, 
Descendu  des  cieux, 
Paroit  en  ces  lieux. 

L'âge  d'or  que  vient  d'ouvrir 
Ce  Dieu  fait  chair 
Finira  ce  siècle  de  fer, 

O  Lucifer  ! 
Déjà  l'abondance, 
Fruit  de  l'innocence, 
Et  les  doux  plaisirs 
Comblent  nos  désirs  ; 
Les  feux,  les  alarmes, 
La  fureur  des  armes, 
Et  les  durs  travaux 
Cèdent  au  repos. 

Sous  ce  roi  Hoc  duce. 

Dont  la  foi 
Nous  donne  l'indice, 

Sous  ce  roi 

Dont  la  foi 


iG  L'ABBÉ    ÊSUSTEAU 

Montre  ses  grandeurs,  Si  qua  marient 

Vont  cesser  tous  les  malheurs  Sceleris  vestigia  nostrii 

Que  du  premier  homme  attira  la  malice  ;  Irrita  perpétua 

lu  par  sa  bonté.  Suivent  formidine 
Ce  qui  reste  d'iniquité,  terras. 

Sera  par  ses  soins  et  son  sang  acquitté. 

Comme  œuvres  de  plus  longue  haleine  et  qui  semblent  une 
préparation  à  La  Nuitde  Noël,  pièce  de  théâtre  en  cinq  actes, 
représentée  «  avec  succez  »  en  1742,  par  les  petites  écolières 
de  Doix,  notre  intéressant  poète  nous  donne  :  Le  Dialogue  de 
Lucas,  Colin  et  Pierrot,  deux  pastorales  en  cantiques,  l'une 
ayant  pour  titre  :  Réjouissance  des  familles  chrétiennes  au  sujet 
de  la  naissance  dix  Sauveur,  l'autre,  sans  titre,  mais  avec  même 
objet  :  enfin  Y  Empressement  de  la  ville  de  Fontenay-le-Comte 
jxtiir  aller  voir  Jésus  nouvellement  né. 

Dans  ces  pièces,  comme  dans  les  cantiques,  nous  retrouvons 
même  verve  et  même  naturel  chez  l'auteur,  mêmes  cris  de  foi 
ut  d'amour  chez  ces  âmes  simples  qui  vont  porter  au  Dieu 
Sauveur  les  hommages  de  leurs  cœurs  fidèles  et  reconnais- 
sants. 

Toutefois,  sous  cet  air  de  bonhommie  qui  caractérise  les 
héros  avec  lesquels  nous  avons  renouvelé  connaissance,  il  ne 
faut  pas  croire  que  la  naïveté  —  même  la  plus  aimable  — soit 
leur  unique  apanage  ;  il  faut  encore  leur  accorder  la  prover- 
biale finesse  du  paysan  normand,  que  Lucas  va  revendiquer 
pour  son  compte. 

Lucas 
Pour  être  utile  au  nouveau  roi 
Que  pourrons-nous  bien  faire? 

Colin 
Choisissons  chacun  pour  emploi 

Le  moindre  ministère 
Au  bœuf  si  tu  donnes  du  foin, 

J'abreuverai  lànesse. 
Chez  un  grand  Dieu  le  moindre  soin 

Mérite  qu'on  s'empresse. 


l'abbk  oustkau  17 


Lucas 


J'aperçois  bien  le  Saint  Enfant, 

Mais  l'étable  est  remplie, 
Veux-je  entrer,  dans  le  même  temps 

On  me  presse  et  je  plie. 
Un  moyen,  dans  l'occasion. 

Me  paroit  efficace  : 
.Je  vais  faiie  sortir  l'ânon, 

Et  je  prendrai  sa  place, 

Colin 

.le  crains  bien  que  si  tu  le  fais 

Quelqu'un  ne  te  reprenne  ; 
Car  l'animal  échauffe  exprès 

Ce  Dieu  de  son  haleine. 
Pour  n'avoir  de  l'Enfant  Jésus 

Quelque  juste  reproche, 
Fais  mieux,  Lucas,  monte  dessus, 

Tu  seras  aussi  proche. 

Lucas 

Je  n'ose,  mais  je  suis  Normand, 
Aussi  laisse-moi  faire  ; 

Je  Tôterai  subtilement 

Va,  j'en  fais  mon  affaire. 

Coi.in 

Ah  !  tu  n'en  viendras  pas  à  bout  ; 

Car  Dieu,  quoique  tu  fasses, 
Sait  tout,  entend  tout  et  voit  tout, 

Cherche  donc  d'autres  places. 

PlEKROT. 

J'en  veux  prendre  une  dans  le  cœur 

De  l'aimable  Messie, 
Il  me  fera  cette  faveur, 

Je  l'espère  et  l'en  prie. 
Ce  cœur,  immense  en  charité, 

Ne  rebute  personne; 
Bénin,  rempli  d'humilité 

Aux  petits  il  se  donne. 

TOME    XII.    —    JANVIER,    FÉVRIER,    MARS. 


l'abbe  gustkau 

L'enthousiasme  vrai  de  ces  populations  sincèrement  chré- 
tiennes nous  est  un  sur  garant  que  le  sympathique  drama- 
turge n'a  pas  eu  de  peine  à  faire  interpréter,  d'une  façon  très 
satisfaisante,  par  les  petites  bergères  de  Doix,  ses  drames 
religieux,  présent  fait  à  la  jeunesse  et  à  l'imprimeur  ;  à  la 
jeunesse  pour  la  conduire  à  Bethléem  à  peu  de  frais,  et  à  l'im- 
primeur, avec  l'espérance  que  le  nombre  des  livres  qu'il  faudra 
pour  les  personnes  qui  représenteront  la  pièce,  luy  procurera 
un  plus  prompt  débit.  » 

double  souci  part  assurément  d'un  bon  cœur,  comme   le 

•itiment  d'affection  pour  sa  patrie  qui  lui  dicte  ce  ravissant 
NoêJ  où  il  introduit,  «  sans  dessein  d'y  régler  les  rangs,  »  les 
différents  corps  religieux  et  civils  que  l'importante  ville  de 
Fontenav  comptait  alors  dans  ses  murs. 

(  »n  voit,  à  cette  occasion,  défiler,  au  son  des  tambours  et 
des  cloches,  le  lieutenant1  du  roi,  escorté  de  la  noblesse, 

Pour  guide  ayant  sa  sagesse 
Et  pour  lumière   sa  foi  ; 
.    ...  Le  Siège  Royal, 
En  pompe   et  cérémonie, 
A  suivi  son  Sénéchal  ; 

s  Conseillers,  les  Gens  du  Roi  vont  ensuite,  précédant  les 

ocats 

Oui,  suivis    d'une  nuée 

De  Procureurs,  de  Greffiers, 

Semblent  former  une  armée 

Que  terminent  les  Huissiers  ; 

Monsieur  le  Maire  qui 

parlant 

A  ravi  par  son  beau  style 

Le  cœur  du  divin  Enfant. 

Kchevins.  la    Maréchaussée,  le   Prévôt,    l'Election,    la 

M.iitrise. 

Et  les  Traites  à  leur  tour 

Au  Dieu  vont  faire  leur   cour. 

i  M    li    marquis  do  la  Carte  était  alors  lieutenant  général  commandant 
pour  le  Roi  en  Poitou. 


L'ABBÉ    GU3TRAU  1!' 

Les  médecins  et  les  pharmaciens  que  l'auteur  plaisant.'  en 
passant,  les  receveurs,  tabellions  royaux,  directeurs  et  commis 
des  contrôles  suivent  avec  les  marchands  et  les  artisans. 

Vient  alors  le  clergé  ayant  à  sa  tête  le  vénérable  Doyen, 
les  deux  pasteurs  de  Saint-Jean  et  de  Saint-Nicolas,  les 
vicaires,  les  aumôniers,  puis  les  ordres  religieux  d'hommes  et 
de  femmes  :  les  Jacobins,  les  Cordeliers  «  qui  chantent  char- 
mante musique,  »  les  Capucins,  les  Jésuites  ;  les  Dames  de 
Saint-François  qui 

Ont  offert  par  leur  Tourrière 
Un  coffret  au  Roi    des  Rois, 
Qu'on  a  cru  plein  des  ouvrages 
Et  des  Mères  et  des  Sœurs; 
Mais  dessous  les  emballages, 
On  n'a  trouvé  que  leurs  cœurs. 

Les  filles  de  Notre-Dame  et  celles  de  Y  Union  voulaient  à  leur 

tour 

En  commun 

Donner  leurs  cœurs  à  douzaine, 

Mais  elles  n'en  avaient  qu'un  ! 

Enfin  les  sœurs  de  la  Chanté  se  retrouvaient,  comme 
toujours  auprès  de  ceux  qui  souffrent. 

Voici  comment  notre  humoristique  auteur  termine  cette 
longue,  mais  très  édifiante  énumération  de  dévots  personnages: 

J'aurais  vu  quelque  autre  chose, 
Mais  tant  de  gens  sont  venus 
Au  trône  où  le  Dieu  repose, 
Qu'on  ne  se  connoissoit  plus. 
Alors  Poirier,  le  libraire, 
Et  moi  sommes  retournés 
Dans  le  dessein  de  vous  faire 
Le  récit  que  vous  tenez. 

Comme  on  peut  le  constater  par  ces  nombreuses  citations 
l'appel  à  la  muse  n'est  pas  resté  sans  écho  pournotre  spirituel 
lyrique  ;  car,    sauf  dans  quelques  improvisations    naturelle- 


l'abbé  gusteau 

mi'iit  moins  parfaites,   son   inspiration  se  soutient    aisémenj 
qu'  lu  bout  de  ses  œuvres  les  plus  longues. 
.)••  voudrais  analyser  sa  pièce  principale  :  La  Nuit  de  Noël, 
mais  il  faut  se  borner  puisque 

Le  secret  d'ennuyer  est  celui  de  tout  dire. 

jtefoisje  ne  puis  m'empêcher  d'affirmer  que,  si  l'unité  de 

;  n'est  pas  scrupuleusement  observée,  Ja  mise  en  scène  de 

pastorale  est  heureuse  ;    l'action  n'y   languit  point  et 

lins  personnages  y  sont  pris  sur  le  vif. 

is  lecteurs  de    la  Revue  du  Bas-Poitou  me  sauront  gré   de 

ne  pas  risquer  une  anatyse  qui  pourra    être    reprise  en    son 

temps  par  un  prêtre  distingué,  digne  fils    du  pays  de  Doix, 

tout  si.  comme  de  nombreux  amis  l'espèrent,  on  veut  bien 

faire    i  ce  touchant  mystère  les  honneurs  de  la  scène. 

Je  passe  sous  silence  quelques  autresNoëls,  les  derniers  en 

dates,  des  cantiques  de  circonstances  sur  le   Baptême,    l'Elé- 

\ion,  le  Saint-Sacrement,  la  Passion,  iâ  Résurrection  du Sauveur, 

saint  Hilaire,   sainte  Catherine,    saint   Alexis,    sur     la   Danse,  le 

M  triage,  etc  :  je  termine  mes  citations  des  œuvres  spirituelles 

r  quelques   couplets  d'un  Noël  trivial  qui  servira  de  tran- 

n  aux  œuvres  profanes. 

NOËL    TRIVIAL 

Pour  les  veilleuses 
Sur  l'air  :  A"y  voulez-vons  pas  venir ,  etc, 

\ccourez,  tilles  de  Doix, 
Venez  voir  le  roi  des  rois  [bis), 
Annoncé  par  les  prophètes 
V'y  voulez-vous  pas  veni. 

"\  s  voulez-vous  pas  veni 

La  Lison  d'un  bois 

La  fille  à  Perette 
N'y  voulez- vous  pas  veni 
Voir  le  fils  d'un  Dieu  béni 


l'abbé  gustbau  21 

Kl  vous,  fillettes  de  Doix, 
Venez,  joignez- vous  à  nous,  (l>i*j- 
Prenez  vos  belles  cornettes 
N'y  voulez-vous  pas  veni, 

La  Lison  d'un  bois, 

La  fille  à  Perette, 
N'y  voulez- vous  pas  veni 
Voir  le  fils  d'un  Dieu  béni. 

Mais  que  donner  au  beau  fils 
Oui  ravit  les  Saints  Esprits  (bis) 
Dont  la  tendresse  est  parfaite. 

Un  saint  Ange  nous  a  dit 

Qu'il  n'a  que  du  foin  pour  lit,  (bis) 

Qu'il  manque  d'une  couchète 

J'ai  chez  nous  un  oreiller, 
Portons  le  dans  un  panier,  (bis) 
Car  où  veux-tu  qu'on  le  mette  ? 

Quelque  pauvre  que  je  sois, 
Je  veux  lui  porter  du  bois  fl>ts 
Pour  chauffer  sa  chemisette. 

Et  moi  je  porte  du  lait, 

Je  ne  crois  pas  qu'il  en  ait,  (bis) 

Du  moins  si  j'en  crois  Colleté. 

Portons  luy  d'autres  présents. 
Surtout  offrons  luy  l'encens  (bis) 
Que  présentoit  un  prophète. 

Ce  Dieu  demande  des  cœurs 
Il  en  prise  les  ardeurs  ;  (bis  . 
Offrons  luy  des  âmes  nettes. 


L'ABBÉ    GU8TEAU 

11.  —  Le  Poète  Profane. 

Eglogues.  —  Odes.  —  Chansons   et  satires. 

!  .0  bon  Prieur  de  Doix,  qui  fut  un  vrai  prêtre  selon  le  cœur 

de  ce   Dieu   qu'il  a    si   amoureusement  chanté,   un    ministre 

zélé,  toujours  préoccupé  du  soin  des   âmes  et   du  temple  qui 

lui   étaient   confiés,    fut   encore  un   père  aimable  et   un    ami 

cieux . 

Prmant  pour  règle  de  conduite  l'adage  ancien,  mais  en 
taisant  passer  l'utile  avant  l'agréable  :  utile  dulci,  après  avoir 
distribué  si  largement  le  lait  et  le  pain  de  la  doctrine,  il 
-  idr<  sse  à  l'esprit  qu'il  berce  soit  de  fantaisistes  récits,  soit  de 

yeuses  chansons;  il  encense  ou  il  critique  suivant  les  cas; 
il  conseille  ou  il  blâme  ;  mais,  quoiqu'il  fasse,  il  n'oublie  jamais 
ni  ce  qu'il  est.  ni  ce  qu'il  doit  à   son  prochain. 

Notre  ami  prend  d'ailleurs  soin,  dans  son  avertissement, 
de  s'expliquer  sur  ses  petites  pièces  que  d'aucuns,  dit-il, 
auraient  pu  qualifier  de  «  folies   >. 

«  Quoiqu'il  en  soit  »,   ajoute-t-il,  «  je  ne  donne  point   ces 

ouvrages,  à  ceux  qui  pourront  les  lire  par  hasard,  pour  des 

productions  exactes.  Les  connoisseurs  verront  pourtant  qu'il 

n  a  déplus  travaillées  que  d'autres;  j'en  ay  fait  de  sérieuses 

de  badines;  qu'on  ne  me  fasse  point  un  crime  de  ces  der- 
nières, un  arc  ne  peut  point  rester  toujours  bandé  ;  j'ay  voulu 
rire  comme  d'autres  ;  je  ne  crois  avoir  offensé  persone,  ni  rien 
qui  fut  contre  la  modestie  de  mon  état,  et  j'avais  besoin  de 
m>  v  cherché  mon  plaisirdans  mon  propre  fond  »• 

Si  l'on  me  dit.  c'était  bien  la  peine  de  faire  relier  de  si 
m  ouvrages,  j'avoueray  tout  ce  qu'on  voudra  sur  cet 

article,  ne  trouvant  pour  me  disculper,  que  l'ennuy  de  \oir 
ma  table  garnie  de  papiers  qui  paroissaient  un  hors  d'œuvre 
tes;  ne  m'était-il  pas  permis  d'employer  vingt 
ur  devenir  prop 


l'abbk  gusteau  23 

J]  eut  fallu,  répondra-t-on,  les  mettre  au  feu  ;  j'aurais  peut- 
être  en  effet  agi  plus  prudemment,  mais  il  en  est  des  produc- 
tionsde  l'esprit  comme  des  enfans  qu'un  père  aime  pour  l'ordi- 
naire, quelque  laids  qu'ils  soient  ;  j'avais  fait  ces  petites  piè- 
ces; j'y  étais  attaché. 

Les  plaisants  vers  que  vous  avez  faits,  s'écriera  d'un  ton 
courroucé  quelque  poète  pinsé.  —  Des  vers  à  ma  fantaisie,  luy 
répondray-je  ;  des  vers  dont  on  fait  cent  porté  sur  un  seul 
pied,  Stans  pede  uno  et  qui  n'inspirent  pas  la  douleur  de  s'être 
déchiré  les  ongles  pour  les  limer.  J'en  voulais  faire  ;  je  les  ay 
voulu  faire  de  même;  je  suis  content;  qu'avez-vous  à  dire, 
je  ne  vous  les  feray  pas  lire  par  force. 

Il  faut  pourtant  que  j'avertisse  sérieusement  tout  le  monde 
d'une  chose:  comme  j'y  traite  de  matières  spirituelles  et  que 
f'ay  donné  des  décisions,  j'abandonne  la  forme  à  la  critique 
des  honnêtes  gens  et  les  dogmes  aux  décisions  de  l'Église.  » 

Mis  ainsi  en  règle  avec  son  cœur  et  sa  conscience,  Gusteau 
se  livre  tout  entier  aux  inspirations  de  la  muse,  quoiqu'il  pré- 
tende mépriser  Phœbus. 

"  D'où  vient  donc  qu'une  ardeur  secrète 
Me  force  à  devenir  poète1  '!  » 

Il  est  aisé  de  répondre  que  c'est  tantôt  l'amitié  qui  ne  sait 
rien  refuser  à  ses  amis,  tantôt  le  zèle  qui  donne  aux  âmes  les 
plus  timides  les  plus  sublimes  audaces. 

La  condescendance  de  notre  auteur  lui  inspire  donc  VEglogue 
de  Damis  et  Palémon,  dont  il  nous  fournit  lui-même  la  raison 
et  le  résumé  du  sujet. 

«Le  sujet  de  cette  pièce,  écrit-il,  est  vray.  MM.  les  mis- 
sionnaires de  Saint-Lazare  faisant  mission  à  Saint-Jean-de- 
Fontenay,M.  Raison,  vicaire  de  Notre-Dame-de-Fontenay,  alla 
les  voir  et  soupa  avec  eux.  Comme  il  se  rendait,  M.  Robert, 
le  pria  d'aller  passer  la  veillée   avec   luy,  ce  qu'il  accepta  :  il 

1  Ode  à  madame  la  duchesse  de  Beauvilliers. 


l'Abbé  gusteau 

c'en  fit  p«>mt  avertir  mademoiselle  Raison,  sa  mère,  qui,  étant 
inquiète,  s'en  alla  à  Saint-Jean  pour  le  chercher  et  trouva  que 
tout  le  monde  était  couché.  Elle  fait  lever  M.  Marteau,  curé 
pour  lors  de  cette  paroisse,  qui  se  joignit  à  elle  pour  chercher 
son  lils  On  va  le  demander  chez  les  missionnaires  qui,  en- 
tendant du  bruit  à  leur  porte,  crurent  que  c'était  la  belle-mère 
du  sacristain  qui  était  inquiète  pour  sa  fille  pour  lors  en  couche, 
qui  demeurait  au  fond  de  la  même  maison.  Cinq  ou   six  per- 

rmes  avec  des  lanternes,  cherchent  M.  Raison,  et  l'histoire 
du  chien  insérée  dans  la  pièce  est  vray  aussi  bien  que  le 
dénouement. 

Cette  pièce  a  été  composée  à  la  sollicitation  de  M.  Raison 
luv-mème.  sans  quoy  elle  n'eut  jamais  été  commencée;  il  en 
a  rit  comme  les  autres  ;  on  connoit  à  ces  traits  les  bons 
caractères,   a 

I- idèle  imitateur  de  Virgile,  dont  il  a  traduit  si  heureuse- 
ment la  première  églogue  en  patois  poitevin,  il  met  ici  en 
scène  Damis  et  Palémon.  —(Comme  Ménalque  et  Damète, 
Virgile,  Eglogue  III.)—  se  portant  le  défi  de  déchiffrer  l'énigme 
du  pasteur  Eglon  qui  promet  pour  enjeu 

La  houlette  qui  fut  le  prix  de  sa  victoire, 
Quand,  courant  sur  l'avenne,  il  eut  lui  seul  la  gloire 
De  devancer  d'un  pas  le  subtil  Lahordon 
Ht  de  bourrer  du  point  Bras-de-Fer  Céladon. 

maintenant  telle  est  l'énigme 

Quand  vit-on  la  raison 
Chercher  le  jugement  avec  une  lanterne  ? 

I  ette  énigme  est  un  vrai  nœud,  mais  les  bergers  du    Cygne 
de  Mantoue  n'avaient  pas  le   monopole  du  don  divinatoire. 
Palémon,  simple  berger  vendéen,  ne  le  cède  en  rien   au  héros 
V  rgile,  aussi  s'écrie-t-il.  après  avoir  rêvé  un  instant  : 

. . .  J'y  suis,  Damis. . .  Je  comprends  le  sujet  ; 
,l\  suis  encore  un  coup...  Eglon  est  un  compère 
i  veut  rire  aux  dép>ens  d'une  fine  Comère  ; 
houlette  est  ,i  mov  : 


l'abbé  gusteau  '£> 

Fier  de  sa  découverte,  il  consent  à  en  instruire  son  com- 
pagnon étonné,  mais  en  exigeant  de  lui  qu'il  tire  lui-même  les 
conclusions  de  ses  prémisses.  Pour  lui  faire  deviner  les  gens 
cachés  sous  cette  spirituelle  allégorie,  —  car  la  raison  est  la 
plus  sage  bergère,  de  même  que  son  filsest  l'élite  des  bergers, 
—  il    lui  pose   les  questions  suivantes  auxquelles  répond    le 

docile  rival. 

Paj.émon 

Dis  moy  qui  met  au  jour  un  docte  jugement  '? 

Damis 

Ha  !  ha  !  C'est  la  raison. 

Palkmon 

Tu  vois  donc  maintenant 
Que  c'est  du  jugement  que  la  raison  est  mère. 

Damis 

Ah  !  voyez  quel  détour  ! 
Je  t'entends  maintenant  et  vois  tes  personnages  ; 
La  raison  et  son  fils  ont  icy  des  visages. 

Mais  ce  n'est  pas  assez 
Il  est  avec  ces  faits  d'autres  entrelassés  ; 
La  raison  et  son  fils  ont-ils  une  lanterne, 

Son  fils  s'égara-t-il  ? 

Palémon  fait  alors  le  récit  détaillé  que  nous  connaissons 
par  l'analyse  de  l'auteur.  Les  personnages  mis  en  scène  sont 
dépeints  d'une  façon  fort  plaisante  et  les  situations  sont  très 
dramatiques.  Partout  la  note  comique  y  est  agrémentée  du 
plus  pur  sel  gaulois. 

Damis  reconnaît  que  son  ami  mérite  la  houlette  d'Eglon, 
car  tout  «  cadre  à  cette  histoire  »  qui  finit  par  un  compliment 
à  l'honneur  du  jugement  que  chez  l'abbé  Raison, 

On  aperçoit  briller  dans  son  raisonnement 

Dans  ses  employs  communs,  dans  toute  sa  conduite. 

Le  grand  souci  qu'avait  Gusteau  pour  la  maison  de  Dieu 
lui  inspire    une  ode  touchante  à  la  duchesse    de   Beauvilliers. 


l'abbé  gusteau 

S'il  y  plaide  avec  éloquence  la  cause  des  saints  autels,  si  la 
nécessite  met  en  lui  ce  beau  feu  de  la  charité  qui  veut  que  sa 
verve  expose 

Ses  maux  à   la  Dame   de  Doix. 

il  n'oublie  pas  de  rendre  hommage  à  la  bienfaisante  duchesse 

et  ;iu  marquis  de  Creil1,  dont  les  libéralités  passées  sont  pour 

lui  un  gage  de  nouvelles  largesses,  et  pour  eux  de  récompense 

céleste.  C'est  pourquoi,  après  avoir  énuméré,  avec  larmes,  les 

>ms 

Qu'éprouve  icy  malgré  ses  charmes 
L'aimable  fille  de  Sion. 

il  s'écrie  : 

Mon  espérance,    bien  instruite, 
Me  dit  alors  que  dans  la  suite 
Cet  azile  seroit  vanté. 
Et  qu'en  son  sein,  sous  vos  auspices, 
Les  redoutables  sacrifices 
S'offriraient  avec  majesté. 

Grâce  à  votre  main  bienfaisante. 

Un  riche  et  superbe  ornement 

Aux  yeux  de  notre  foy  présente 

Des  martyrs  le  tableau  sanglant. 

Mais  lien  n'anime  l'espérance 

Attachée  à  la  récompense 

Que  Dieu  nous  promet  dans  les  cieux 

Le  vert  dont  la  couleur  plus  guaye 

Doit  nous  en  rappeler  l'idée 

\    us  manque  ou  du  moins  est  trop  vieux. 

On  ne  peut  remercier  ni  demander  plus  adroitement.    Son 
5e  n'a  pas  d'ornement  vert.  mais. 

A  ce  mal  il  est  un  remède  : 

.  connaît  votre  charité, 
Duchesse,  on  scait  que   tout  vous  cedde 
En  fait  de  libéralité. 

1  M.  I<- marquis  de  Creil  lui  avait  remis  100    fr.  pour    faire   placer    ses 
lise 


I.ABHÉ     GUSTKAU  27 

Il  s'excuse  à  la  fin  dosa  témérité  qu'on  ne  saurait  punir 
sans  atteindre  du  même  coup  son  Eglise   qui 

N'est  pas  coupable 
Pour  que  l'on  doive  l'en  punir, 
En  refusant  à  sa  misère 
Des  dons  que  notre  commun  père 
Ne  pourra  manquer  de  bénir. 

Maintenant,  c'est  «  à  Monseigneur  le  marquis  de  la  Carte, 
ieutenant  général  commandant  pour  le  Roy  en  Poitou,  qu'il 
dédie  l'ode  suivante.  C'estunesuppliquehabilepourobtenirque 

Les  sacrés  vallons 
Les  cascades,  les  hypocrènes, 
Ces  belles  et  claires  fontaines 
Où  burent  les  Anacréons, 
Aussi  bien  que  les  sacrés  monts 
Oui  protègent  les  Melpomènes, 

ne  soient  point  détachés  du  domaine  public  pour  devenir     la 
dépendance  de  maîtres  particuliers  : 

C'est  ainsi,  grand  marquis,  qu'on  usurpe    nos  terres, 
Car  ces  monts  sont  à  nous,  disent  les  gens  d'affaires, 
Et  je  comprends  comme  eux,  sans  être  grand  docteur. 
Que  les  forêts  et  les  montagnes 
Ne  se  trouvent  qu'en  les  campagnes 
Et  par  conséquent  la  campagne  a  le  droit 
De  les  revendiquer  malgré  qui  que  ce  soit. 

Le  tout  considéré,  Monseigneur,  qu'il  vous  plaise 
Ordonner  qu'en  la  suite  on  nous  rendra  nos  monts. 

Nous  pourrons  alors  à  notre  aise 

Chanter  sur  les  plus  nobles  tons. 
Si  je  puis  par  vos  soins  obtenir  cette  grâce, 

J'irray  quelquefois  au  Parnasse 

Vanter  nos  illustres  mortels, 
De  mon  cher  Fontenay,  réveiller  les  Naïades 
L'onde  qui  jaillira  sous,  leurs  vives  gambades 
Meservira.  Phœbus.  pour  laver  tes  autels 


•JS  l'abbé  gusteau 

Si  la  clémence  du  puissant  marquis  fait  droit  à  sa  requête 
l'auteur  promet  déchanter 

Cette  sagesse  aimable 
Faisant  rendre  justice  au  dernier  misérable 
Oui  sr  met  à  l'abri  de  la  griffe  exécrable 

De  la  chicane  et  ses  détours. 

Il  célébrera  aussi 

Cette  illustre  marquise 
Du  sexe  l'ornement,  méritant  qu'on  l'élise 
Pour  règle  sur  la  quelle  il  faut  que  se  conduise 
Toute  épouse  qui  veut  rendre  un  époux   heureux. 

Il  sera  certainement  exaucé  car, 

Cette  faveur  qui  fait  l'objet  de  sa   supplique. 
Serait  l'unique 
Que  l'on  aurait  vu  refuser 
Quand  le  bien  de  l'Etat  en  rien  ne  périclite 
Et  que  contre  le  ciel  on  n'en  veut  point  user. 

Nous  avonsdéjà  vu  le  Chantre  de  Fontenay  témoigner  son 
affection  pour  sa  patrie  ;  il  va  nous  en  donner  une  nouvelle 
preuve  dans  l'ode  historique  qui  met  en  lumière  toutes  les 
illustrations  du  cher  sol  natal.  Pour  cela  il  fait  un  large 
appela  la  muse  pour  ne  pas  rester  au-dessous  de  la  tâche 
qu'il  entreprend  : 

Monts  célèbres  de  Tessalie, 

Parnasse  et  Pinde,  charmants  lieux, 

Séjour  où  la  docte  Thalie 

Inspira  les  chantres  des  dieux  ; 

A  vos  fontaines  poétiques 

Je  viens  des  accents  pindariques 

Puiser  les  ornements  fleuris. 

Dieu  de  Délos,  aidez  ma  plume. 

J'entreprends  léloge  posthume 

Des  grands  hommes  de  mon  pais. 


L'A  HUÉ    (JUhTKAU  29 


Kontenay,  c'est  de  tes  habiles 

Dont  je  veux  montrer  le  los  ; 

Je  veux  montrer  aux  autres  villes 

Qu'heureux  est  qui  boit  de  tes  eaux 

Une  brillante  renommée 

Depuis  mains  siècles  t'a  nommée 

La  lontaine  des  beaux  esprits. 

As-tu  mérité  ce  beau  titre  ? 

Equité,  soyez  en  l'arbitre 

Par  les  seuls  faits  que  je  décris. 

Voici  d'abord  Brissot 

Philosophe  plein  de  lumières, 
Brissot,  d'Hippocrate  disciple, 
Grand  médecin,  fameux  chimiste 
Ainsi  que  savant  botaniste 
Jadis  il  eût  eu  des  autels. 


Mais 


L'encens  qui  pour  Brissot  s'exhale 
Doit  fumer  sur  plus  d'un  autel . 


et  en  particulier  sur  celui  du  grand  Tyraqueau,  lieutenant  civil 
de  la  cour  de  Fontenaj, 

intègre,  éloquent,  il  mérite 

De  paroi tre  en  un  plus  beau  jour. 

Frappé  des  feux  de  ses  lumières, 

Bordeaux  veut  qu'on  les  voye  entières 

Eclater  dans  son  Parlement. 

Mais  Paris  lui  ravit  ce  sage, 

Et  son  célèbre  aréopage 

Le  destine  à  son  ornement. 

Brisson  paraît,  «  ce  zélé  nourrisson  des  filles  de  mémoire, 
ce  phénix  des  savants  dont  la  probité  fut  toujours  guidée  par 
l'honneur  : 

Dirigé  par  cette  sagesse 
Qui  forma  les  Grecs  tant  vantés, 
Vous  parcourez  avec  vitesse 
Les  rangs  des  hautes  dignités. 


L'ABBÈ    GUST8AU 

Procureur  Général  capable, 
Conseiller  d'Etat  équitable, 
Scavant,  président  à  mortier, 
Employé  dans  les  ambassades, 
Avançant  toujours  sans  cascades 
Vos  pas  sont  un  éloge  entier. 

Maintenant  c'est  Viette  que  le  célèbre  Euclide  n'eut  pas 
désavoué  pour  élève.  O  Fontenay,  tu  peux  être  fière  de  tes 
illustrations,  car 

Tu  nous  montres  dans  Viette 
Un  grand  mathématicien. 

Romain  se  flattoit  qu'un  pn  blême 
A  toute  l'Europe  adressé 
Aurait  pu  d'un  (Edipe  même 
Rendre  l'esprit  embarrassé. 
Viette  le  lit,  le  rédige, 
11  l'éclaircit,  il  le  corrige. 
L'agresseur  se  voit  confondu 
Et  du  fond  de  la  Franconie 
Vient  en  France,  du  grand  génie 
Louer  le  scavoir  étendu. 

C'est  encore  lui  qui  déjoue  les  calculs  des  Espagnols  joints 
aux  Ligueurs,  en  déchiffrant  les  iniques  mystères  cachés  sous 
cinq  cents  caractères  connus  d'eux  seuls. 

Fontenay  fournit  un  voyant  ; 

Cet  argus  combine,  interprète 

Ces  chiffres  qu'enfin  l'on  comprend. 


t>ans  ce  concert  de  louanges,  Rapin  a  eu  sa  belle  part  : 

Uterpe,  Erato,  Melpomène, 

Prenez  des  palmes  à  la  main, 

Faites  des  lauriers  d'Hipocrène 

Une  couronne  pour  Uapin. 

Nous  en  formâtes  un  poète 

Dont  la  plume  en  son  temps  parfaite 


l'abbé  oust  h:  au  'M 

Donna  des  volumes  entiers. 
Parnasse,  il  scutsi  bien  tes  routes 
Qu'à  tel  qui  crut  les  suivre  toutes 
Il  décrit  de  nouveaux  sentiers, 

Besly  n'est  pas  oublié  non  plus  : 

Venez  ici  prendre  une  place 
Imbert,  Cujas  des  derniers  temps  ; 
Le  barreau  fut  votre  Parnasse, 
Il  vous  doit  mains  écrits  brillants, 
Les  nayades  Fonténéennes 
Pour  vous  de  leurs  claires  fontaines 
Emaillèrent  le  beau  cristal  ; 
Vous  y  puisâtes  des  lumières 
Que  vous  répandîtes  entières 
A  l'honneur  du  climat  natal. 

Collardeau,  qui  mérita   l'estime  du   docte  Balzac,  trouve 

aussi  sa  place  dans  les  éloges  de  ce  fier  compatriote  de  tant 

de  noms  remarquables. 

Je  vous  vois  dans  les  nécrologies 
Préconisé  pour  bel  esprit, 
Thémis  se  joint  à  Terpsicore 
Pour  demander  qu'on  vous  honore  ; 
Jadis  le  Parnasse  le  fit. 

Moriceau  mérite  également  de  fixer  les  regards  delà  Cour: 

Venez,  charmante  Polymnie, 

Le  dépeindre  dans  tout  son  jour. 

Louis  parle...  faisons  silence, 

11  dit  que  par  reconnaissance 

Il  anoblit  un  magistrat, 

Oui,  scavant,  prudent  et  fidèle, 

Employa  le  feu  de  son  zèle 

Et  pour  l'Église  et  pour  l'Etat. 

Enfin  pour  clore  cette  liste  où  quelque  poète  placera  un  jour 

notre  cher  Gusteau,  ce  dernier  chante   la   gloire   du    R.    P 

Bouchet  : 

Bouchet,  fidèle  enfant  d'Ignace, 
C'est  vous  qui  fixez  mes  regards, 
Non  sur  la  cime  du  Parnasse, 
Ni  parmi  les  horreurs  de  Mars. 


o'2  l'abbé  (iUstrau 

Arme  d'un  signé  salutaire, 
Je  vous  vois,  grand  missionnaire, 
Annoncer  le  Dieu  de  Sion. 
Fontenay  donne  des  apôtres, 
Cet  éloge  vaut  bien  les  autres 
Pour  immortaliser  son  nom. 

La  longue  série  des  œuvres  déjà  parcourues  nous   est   une 

ïuve  que  le  vénérable  prieur  s'occupait  beaucoup  des  lettres 
en  général  ;  mais  je  trouve  à  la  fin  de  l'ode  historique  aux 
grands  hommes  de  Fontenay  une  note  qui  atteste  aussi  l'in- 

rêt qu'il  portait  à  la    bibliothèque  poitevine    en    particulier. 

«  J'ai  envoyé,  écrit-il,  à  M.  Dreux  du  Radier,  avocat  au 
l'irlement  de  Paris,  avec  lequel  j'ay  des  relations  pour  la 
1  ibliothèque  poitevine,  quia  commencé  à  paraître  le  15  février 
de  cette  année  1754,  des  mémoires,  pour  le  Père  Bouchet,  qui 

crit  sur  le  physique  des  Indiens,  et  qui    a   donné  des  mé- 

i.>ires  hystoriques  fort  curieux.  Cet  avocat  m'a  répondu  qu'il 

en  fera  mention  honorable  dans  le  6*  tome   de   sa   bibliotèque 

et  qu'il  a  déjà  de  luy  entre  les  mains  un  alphabet   Malabarois 

que  luy  a  communiqué  M.  Falconet,  médecin  du  Roy,   qui   a 

l'honneur  de  connaître  cet  excellent  homme.  » 

■  I. -hors  des  odes  dont  il  vient  d'être  parlé,    le   poète    de 

Doix  a  laissé  de  nombreuses  petites   pièces  de  circonstances, 

lue  compliments  et  jeux  d'esprit  ;  mais  nous  ne  croyons 

s  devoir  nous  arrêter  à  ces  improvisations,  alors  que  nous 

is  i  t';iire  connaissance  avec  le  chansonnierplein  d'humour 

-  itirique  pétillant  d'esprit. 

Et  d'abord  il  divise  ses  chansons  en  deux  catégories  :  il   en 

esl  d'utiles  et  d'outrés  inutiles.  Dans   les  unes,   il  donne  des 

ons  soit  sur  la  manière  de  connaître  les  chevaux   ou 

de  les  soigner,  soit  sur  les  semis  et  plantations   à  faire   pen- 

il  les  12  mois  de  l'année  ;  dans  les  autres,  il  cultive  tantôt 

ironie  la  plus  Bne,  tantôt  la  plaisanterie  la  plus  divertissante  ; 

|ues   autres  enfin  sont  inspirées  par  un  sentiment  pa- 

que 


l'abbé  gustkau  33 

11  commence  par  une  Instruction  pour  son  valet,   sur  l'air 
La  faridondaine,  la  faridondon. 

Jacquet,  prends  soin  de  mon  cheval, 

C'est  mon  ami  fidèle. 
Pour  bien  soigner  cet  animal 

Montre  toy  plein  de  zèle. 

Je  te  ferai  boire  du  bon, 
La  faridondaine,  la  faridondon, 

Et  ton  gousset  sera  garni 
Biribi, 

A  la  façon  de  Barbari, 
Mon  ami. 

Il  faut,  mon  fils,  chaque  matin, 

Nétoyer  l'écurie  ; 
Etriller  et  peigner  Bobin, 

Pour  luy  c'est  demi-vie, 
Frotter  ses  jambes  d'un  bouchon, 
La  faridondaine,  la  faridondon, 
L'épouster,  l'éponger  aussi 

Biribi 
C'est  le  conseil  de  Barbari 
Mon  ami. 

Pendant  14  autres  couplets,  il  continue  sur  ce  ton  les  con- 
seils les  plus  pratiques,  sans  oublier  la  façon  de  traiter  les 
hôtes. 

Dans  la  Chanson  à  son  jardinier,  sur  l'air  :  Du  bon  branle,  il 
indique  les  divers  travaux  qu'il  aura  à  effectuer  chaque  mois, 
sous  le  climat  de  Fontenay.  Sans  vouloir  mettre  sous  les  yeux 
du  lecteur  cet  intéressant  «  Travail  des  douze  mois  »,  je  tiens 
cependant  à  donner  comme  spécimen  janvier  et  février. 

Janvier 

Je  suis  le  jardinier  François, 

Et  voicy  ma  science  : 
En  janvier,  mes  labours  je  fais. 

Vers  le  vingt  je  commence 
A  semer  poreaux  et  ognons, 
Lét  ue,  échalote  et  chicons, 

TOM    XII.  —  JANVIER,  FÉVRIER,  MARS.  3 


:-i-i  i.'abbe  gusthau 

Et  pois  en  jeune  lune, 
Ce  qui  couvert  de  palissons 
Quelquefois  fait  fortune. 

routes  ces  connaissances  pratiques  révèlent  en  Gusteau  un 
tin  observateur  et,  si  je  ne  craignais  d'abuser  de  l'hospitalité, 
qui  m'est  cependant  si  largement  ouverte  à  la  Revue  du  Bas- 
Poitou,  la  chanson  sur  les  perfections  des  chevaux  prouverait 
que-  le  plus  rusé  maquignon  normand  n'aurait  pu  auprès  de 
Qotre  ami  dissimuler  la  moindre  tare. 

Mais  voici  une  autre  chanson  sur  un  air  que  le  lecteur  ne 
sait  pas  ! 

A  LA  LOUANGE  DU   VIN 

Ami.  dès  le  matin, 

Je  me  lave  de  vin. 
Quand  je  vais  dans  les  forêts, 

J'ay  pour  pistolets 
De  frontignan  deux  carelets. 

Je  fais  la  lescive 

Non  dans  l'eau  vive, 
Mais  dans  du  bourguignon 

Pétillant  et  bon, 
Ah  !  qu'il  m'épargne  de  savon  I 

Si  mes  yeux 
Se  trouvent  ebassieux, 
Je  les  lave  avec  du  vin  vieux. 
Dans  mes  maladies 
Point  de  médecin, 
L'hôte  de  la  pie. 
Par  son  cau-de-vie  et  bonne  rôtie, 
Me  rend  mon  premier  teint  ; 
J'ay  la  bouteille 
^"us  mon  chevet, 
Quand  mon  fils  sommeille, 

A  u   lieu  de  lait 
Je  luv  donne  du  vin  clairet  : 
Ma  maison  a  pour  pavillons 
1 1  m  g  ros  ûacons. 


l'abbé  gustuau  35 

Après  avoir  chanté  le  vin.  on   pourrait  croire  qu'il  a  dû  dire 
du  mal  de  l'eau,  au  contraire  : 

CHANSON  A  LA  LOUANGE  DE  L'EAU 

\)c  l'eau  comme  du  vin 
C'est  l'âme  du  festin 
De  Turlupin. 
De  l'eau  comme  du  vin 
Fais  moy  raison,  voisin, 
Buvons  de  l'eau  claire. 
Ami,  prends  ton  verre, 
Vidons  ce  carafon, 
Kenonçons  au  ilacon. 

Crois-tu  que  le  poisson 
Sans  l'eau  serait  si  bon. 
Si  frais,  si  rond  ? 
Crois-tu  que  le  poisson 
Vit  dans  le  bourguignon  ? 
Ah  !  vive  Hypocrène, 
Sa  claire  fontaine 
Engraissait  Apollon 
Et  le  rendait  bouffon. 

De  la  louange  de  l'eau,  il  n'est  pas  étonnant  qu'il  passe  à 
l'invective  contre  les  ivrognes. 

CHANSON   CONTRE  L'IVROGNERIE 

Sur  l'air  :  Ah!  que  la  paresseuse  automne. 

Cher  ami,  je  ne  puis  plus  boire, 
Hélas  !  je  touche  à  mon  tombeau, 
Le  glouton  de  la  tète  noire 
Met  en  saisie  mon  château. 
Le  cordonnier,  la  boulangère, 
Le  boucher,  le  marchand  de  draps, 
Le  rôtisseur  et  la  fripière, 
M'ont  fait  gueux  à  quatre  carats. 

C'est  un  homme  perdu  de  dettes,  déconsidéré,    mais  il  ne 
peut  renoncer  à  ses  funestes  habitudes,  il  chante  encore  : 


l'abbé  gustkau 

Ami,  jouons  de  notre  reste, 
Allons  boire  et  buvons  du  bon  ; 
Je  crains  plus  la  soif  que  la  peste. 
Ht  l'eau  me  serait  un  poison. 

P  irfois  notre  chansonnier  exerce  sa  verve  tantôt  contre  le 

Capucin. 

Votre  frère  Pacifique, 
Sanglé  comme  une  bourique, 
Va  de  boutique  en  boutique. 
Sa  besace  sur  son  dos, 
Dire  :  Notre  monastère 
N'a  pas  besoin  de  clystère, 
Ni  de  boire  de  l'eau  claire 
Mais  de  remplir  ses  boyaux. 
Amis,  remplissez  ce  flacon. 
Donnez-nous,  monsieur  du  bon 
Du  bon,  du  bon,  du  bon,  du  bon. 

i  tntôt  contre  une  servante  dont  il  esquisse  ironiquement 
le  portrait. 

Connaissez-vous  Margoton 
Fille  de  Colas  Botton  ? 
C'est  une  fille  bien  faite 

Tourlourette 
Tourlourette,  ma  tan  tour  lourette. 

Elle  est  belle,  à  ce  qu'on  dit, 
Ma  grand'mère  qui  la  vit 
La  prit  pour  une  chouète. 

H-         îsaye  de   tous  les  tons,  voici  maintenant  un  couplet 

d'un.'  chanson  «  en  stile  des  païsans  de  Paris  !  C'est  une  imi- 

-n.  dit  l'auteur,  d'une  qui  est  mauvaise,  mais  dont  l'air 

Babel  m'a  secu  charmer, 
Babeta  ma  tendresse  ; 
Ce  qui  la  fait  aimer. 
C'est  sa  grande  sagesse. 

Elle  a  l'air  si  tin, 

Si  doux,  si  bénin 


l'abbé  gustkau  37 

Que  partout  elle  brille, 
si  vous  entendiez  ses  discours 
Où  la    pudeur  régne  toujours, 
Nous  diriez,  fussiez  vous  un  ours: 

Babet  que  t'es  gentille, 

Babet  que  t'es  gentille  ! 

Je  ne  transcrirai  pas  la  Chanson  de  la  mariée,  car  elle  est 
dans  toutes  les  mémoires,  et  il  ne  se  passe  pas  une  noce  à  la 
campagne,  dans  tout  notre  Poitou,  où  l'on  n'ait  l'occasion  de 
l'entendre  au  repas  du  soir,  pendant  que  les  invités  viennent 
offrir  leurs  cadeaux. 

Je  citerai  pour  finir  quelques  couplets  de  chansons  patrio- 
iques  afin  de  montrer  que  la  muse  de  Gusteau  savait  se  plier 
à  tous  les  genres. 

CHANSON  SUR  LA  PRISE  DE  PORT-MAHON 

Sur  l'air  :  En  al  tendant  o  faut  fresay. 

Le  ras  d'Angleterre  et  d'Irlande 
Est  capot  et  baisse  le  nay 
En  attendant  o  faut  frizay. 

On  ne  faut  pas  que  gne  s'attende 
Sus  Port  Manon  pie  l'enrichay, 
En  attendant,  etc. 

Bichelieu  suivi  de  sa  bande 
Depis  pois  a  scu  luy  gripay 
En  attendant,  etc. 

Blaknay  disait  que  l'on  m'y  pende 
Si  pas  ain  ose  iquy  gravav. 
En  attendant,  etc. 

FANFARONNADE  SUR  L'AFFAIRE  DE  ST-CASTE 

Proche  de  St-Malo  où  le  bataillon  de  Fontenay  fit  merveille. 

S'étonne-t-on  qu'à  S.  Malo, 

L'Anglais  couvert  de  honte. 
Cherchant  des  lauriers  à  gogo, 

En  ait  eu  pour  son    compte 
De  Fontenay  le  bataillon 
La  faridondaine  la   faridondon 


28  l'abbé  GU-TKAl 

Ty  caressait  de  son  fusi 

Biribi 
A  la  façon  de  Barbari 

Enfants,  disaient  nos  bons  soudars, 
<^uiés  coquins  sont  daux  heares  ; 
Souffrerons  j'y  laux  étemdars 

Regagner  l'Angleterre, 
I  lâchons  quiésmaraux,quiés  fripons 
La  faridondaine,  la  faridondon 
(lui  dau  bon  Dieu  sont  favori 

Biribi 
A   la  façon  de  Barbari 

Mais  si  le  patriote  savait  couvrir  de  ridicule  l'Anglais  anti- 
pathique, il  excellait  encore  à  manier  l'arme  redoutable  de  la 
satire,  témoin  cette  épitaphe  qui  n'est  qu'une  imitationmd'une 
épigramme  de  Gombaud  (1570-1666)  : 

De  Colas  mort  de  gourmandise 
On  veut  que  je  plaigne  le  sort. 
Hélas  !  que  veut-on  que   j'en   dise? 
C'est  un  de  nos  cochons  de  mort. 

De  même  que  Boileau  critiquait  ceux  que  leur  astre  en  nais- 
sant n'avait  pas  faits  poètes,  Gusteau  envoie  un  jour  cette 
boutade  à  quelqu'un  qui  lui  avait  adressé  de  mauvais  vers  : 

A  M.   LE  CURÉ  DE  MON   ROY  EN  AUNIS 

Qu'a  donc    le  beau  fils  de  Latone  ? 

Oui  le  rend  de  mauvaise   humeur? 

Tous  les  jours  son  silence  étonne 
Ceux  qui  vont  au  Parnasse  implorer  sa  faveur, 
i  beau  présenter  mainte  et  mainte  requête 
Pour  obtenir  le  feu  qui  forma  les   Boileaux  ; 

Pithius  a  mis  dans  sa  tête 
I)     ne  plus  nous  donner  que  des  poëtcrcaux. 

Mais  voici    la    pointe   qu'il    lance  à   ce  prêtre  extrêmement 


l'abbé  gustkau  39 

Retire-toi  Groslaid 

Morte!  aveugle  et  contrefait. 

Objet  que  tout  le  monde  hait  ; 
Ce  n'est  pas  pour  ton  nez  que  jaillit   hypocrène  ; 
Pour  des  gens  plus  polis  coule  cette  fontaine. 

Et,  en  matière  de  conclusion,  il  invite  ce  poëtereau  à  briser 
la  lyre  qui  rend  des  sons  si  peu  harmonieux. 

Puisqu'Apollon  est  si  quinteux 
Et  que  les  doctes   sœurs  manquent  de  savoir  vivre, 
Méprisons  leurs  autels,  rions   de  leurs  travers, 
Prions  et  confessons  :  ne  faisons  plus  de  vers. 

Comme  on  a  pu  le  constater  jusqu'à  présent,  Gusteau  fut 
plutôt  le  poète  du  sentiment,  de  la  raison  et  du  bon  sens,  que 
celui  de  l'imagination,  bien  que  cette  faculté  ne  soit  pas  ab- 
sente chez  notre  aimable  auteur.  Tl  en  a  fait  preuve  dans  ses 
nombreuses  pièces,  mais  on  ne  le  voit  guère  se  complaire  à 
décrire  la  beauté  du  ciel  natal,  ni  le  pittoresque  du  paysage 
fontenaisien. 

Il  est  à  regretter  encore  qu'il  ne  nous  ait  rien  laissé  en  par- 
ticulier sur  le  passage  du  bienheureux  de  Montfort  à  Mervent, 
et  qu'il  ait  négligé  de  recueillir  également  la  plupart  des  airs 
destinés  à  ses  Noëls.  Cette  dernière  recherche  lui  eût  été 
d'autant  plus  facile  que  le  chantre  de  Vivonne,  Lambert,  beau- 
père  de  Lulli,  ne  faisait  que  quitter  la  vie  lorsque  l'abbé 
Gusteau  y  entrait  à  son  tour. 

III.  —  Le  Moraliste. 

Si  Gusteau  a  puisé,  dans  la  méditation  de  la  Bible,  le  secret 
de  ses  ravissants  cantiques  messianiques,  qui  constituent 
comme  la  partie  dogmatique  de  ses  œuvres  religieuses,  il  a 
trouvé,  dans  une  étude  approfondie  de  la  théologie  morale, 
l'art  de  conduire  les  âmes  à  Dieu  par  le  chemin  de  la  per- 
fection. 

Jaloux,   non-seulement   de   ramener   au  divin    bercail    les 


iO  l'abbé  gusteau 

brebis  confiées  à  sa  garde,  mais  de  sauver  encore  celles  qui 
pourraient  entendre  sa  voix  tout  apostolique,  il  prêche  à 
toutes  la  vertu  aimable,  et  flagelle  le  vice  odieux  ou  le  tra- 
vers ridicule. 

Il  cherche  à  éclairer  d'abord,  pour  arriver  ensuite  plus  faci- 
lement à  convaincre,  et,  s'il  rencontre  la  résistance  opiniâtre 
du  parti  pris  ou  de  l'entêtement  aveugle,  il  sent  dans  son  cœur 
brûlant  du  feu  de  la  charité,  cette  sainte  indignation  qui  avait 
armé  Xotre-Seigneur  contre  les  profanateurs  de  son  temple. 
Son  zèle  d'apôtre  se  manifeste  notamment  :  dans  une  épitre 
dirigée  contre  la  Franc-Maçonnerie  ;  dans  une  instruction 
pour  combattre  ce  reste  de  superstition  qui  pousse  les  âmes 
naïvement  crédules  à  consulter  les  devins  :  dans  une  série  de 
douze  entretiens  spirituels,  où.  avec  la  verve  satirique  que 
nous  lui  connaissons,  il  fait  un  éloquent  contraste  de  la  vertu 
et  du  vice  sous  toutes  leurs  formes,  enfin  dans  une  dernière 
instruction  où  il  apprend  comment  on  peut  sanctifier  le  jeu 
de  car: 

Esprit  pénétrant,  chercheur  infatigable,  Gusteau  se  révèle 
dans  ces  dernières  œuvres  psychologue  expérimenté  et,  à  ce 
titre,  guide  très  sûr  pour  diriger  les  consciences.  Vivant  à 
une  époque  où  les  discussions  théologiques  étaient  à  l'ordre 
du  jour,  il  rompit  bien  des  lances  avec  de  terribles  jouteurs, 
comme  en  fait  foi  la  lettre  suivante  au  R.  P.  Parade,  recteur 
du  collège  de  Fontenay,  qui  l'avait  défié  de  répondre  au  P. 
d  Avrigni.  au  sujet  du  canon  :  Omnis  utriusque sexus  : 

Mon  Révérend  Pèbe, 

Ce  n'est  point  pour  triompher  du  P.  d'Avrigni,  que  je  res- 

cte,    que  j'entreprends,   comme   vous   le  souhaitez,  de  ré- 

I  •  ndre  à  deux  articles  de  ses  mémoires  ;  un  scavant  de  ce  vol 

inspire  moins  d'émulation  que  de  crainte,  et  c'est  vouloir  être 

appelé  vaincu  que  d'entreprendre  de  l'attaquer. 

Mon  but,  dans  l'examen  que  je  fais  de  son  raisonnement  au 


l'abbé  gustkau  41 

sujet  de  l'obligation  où  sont  les  paroissiens  de  se  confessera 
Pâques  à  leur  propre  prêtre,  et  d'assister  à  la  messe  de  leur 
paroisse,  n'est  que  de  chercher  la  vérité  enveloppée  dans  des 
ténèbres  d'autant  plus  dangereuses,  qu'elles  donnent  occasion 
à  ceux  dont  les  lèvres  sont  dépositaires  de  la  science  de  se 
tromper  ou  de  tromper  les  autres.  » 

Nous  n'avons  pas  à  prononcer  qui  des  deux  champions 
remporta  la  victoire,  mais  ce  que  nous  pouvons  affirmer, 
c'est  que  le  docte  Prieur  savait  étayer  son  argumentation 
de  preuves  solides  et  nombreuses. 

Dans  son  instruction  :  Au  .sujet  des  Devins  et  de  ceux  </ui  les 
consultent,  après  avoir  bien  établi  la  question,  à  savoir  que 
«  jamais  le  démon  ne  trouva  mieux  le  moyen  de  perpétuer  le 
culte  des  idoles  qu'en  suscitant  de  prétendus  devins,  sen- 
sibles en  apparence  au  malheur  de  ceux  qui  les  consultent, 
gens  plus  gueux  d'honneur  que  de  fortune  »,  il  prouve  par  des 
textes  du  Lévitique  et  des  Actes  des  Apôtres  combien  est  dé- 
testable aux  yeux  de  Dieu  cette  coupable  pratique. 

Il  rappelle  jusqu'aux  lois  romaines  condamnant  à  mort  ceux 
qui  consultent  les  devins  et  qui  les  aident  dans  leur  enchante- 
ment :  «  Qu'aucune  personne  ne  consulte,  dit  la  loi  Xenw,  ni 
les  devins  ni  les  enchanteurs  ;  que  si  quelqu'un  le  fait,  il  sera 
puni  de  mort.  Les  rois  de  France  ont  fait  aussi  des  lois  très 
sévères  contre  ceux  qui  commettent  ces  crimes  »,  et  il  cite 
l'ordonnance  de  Charles  VIII  (1490),  et  le  26e  article  de  celle 
de  Blois  disant  :  «  Que  tous  les  devins  et  faiseurs  de  pronos- 
tications,  excédant  les  termes  de  l'astrologie  permise,  soient 
punis  extraordinairement  et  corporellement.  » 

Dans  son  épitre  à  Damis  contre  les  Francs-Maçons,  il  met 
aussi  en  œuvre  toutes  les  ressources  de  sa  puissance  dialec- 
tique pour  retirer  d'une  secte  condamnée  par  l'Eglise,  une 
àme  exposée  à  périr.  Il  s'adresse  d'abord  à  son  intelligence 
qu'il  veut  éclairer  en  lui  montrant  le  ridicule  de  pratiques  oc- 
cultes, et  le  mépris  coupable  du  nom  de  Dieu  :  il  fait  appel 
également  au  sentiment  patriotique  en  lui  rappelant  : 


12  l'abbé  gusteau 

Ou'uo  franc  maçon  n'est  pas  fidèle  à  son  monarque, 
S  »li  dément  chrétien,  parfait  homme  d'honneur. 

Enfin  il  veut  le  prendre 

Par  un  endroit  sensible. 
Les  sentimens  d'honneur,  ce   titre  incompatible 
V.vec  ce  qu'on  appelle  insensibilité 

1  > :ii,  ce  titre  flatteur 
Perd  chezles  francs  maçons  son  éclat  enchanteur. 

Puis  il  termine  par  ce  dernier  appel  : 

Tes  enfants  voudront-ils  souffrir  leur  écusson 

(  >rné  pour  attributs  d'un  marteau,  d'une  équerre  ? 

Tes  lauriers  moissonnés  dans  les  feux  de  la  guerre 

Leur  font    bien  plus  d'honneur  ;  ils    ne  sont  pas  fanés  ; 

N'en  cache  point  l'éclat  à  des  seigneurs  bien  nés. 

Du  moins  si  tu  ne  peux  faire  ce  sacrifice, 

Que  tu  dois  par  amour,  que  tu  dois  par  justice 

Aux  soupirs  vertueux  de  ta  noble  moitié. 

Oui  contre  ton  erreur  arme  sa  piété, 

1  obtiens  des  chevaliers  de  Tordre  que  tu  vantes 

Le  droit  de  réveller  vos  pratiques  naissantes. 

Et  tu   verras  grossir  ton  cahier  de  mon  nom 

Si  I  on  peut   être  sage  et  vivre  en  franc  maçon! 

Notre  éloquent  Pasteur  n'a   donc  rien   négligé  pour   com- 
battre une  erreur  à  la  fois  si  funeste  à  la   morale,  au  trône  et 
i  l'église,  et  pour  ramener  dans  la  voie  du  devoir  celui   qui 
i  était  peut-être  inconsciemment  écarté. 

l'our  donner  maintenant   une  idée  de  ses  entretiens  spiri- 
tuels présentés  sous  une   fine    forme  allégorique,  je  me  bor- 
nerai à  en  transcrire  un  au  hasard.  Par  celui-ci  le  lecteur  ju- 
sémenl  des  autres. 

LA  SAGESSE  ET  DARGENGOURT 

La  Sagesse. 

Tout  le  monde  a  le  droit  d  approcher  de  mon  throne  et  de  rece- 

vcnez     ma    fille,    je    vois    avec   peine   que   vous 
rou_  .  approcher  de  mo\ 


I.'aBBÉ  GUSÏEA.U  43 


Dargentcourt. 

Madame,  je  ne  vous  dissimulera}'  pas  ;  je  suis  si  mal  vêtue  que 
je  n  ose  me  produire  en  compagnie,  et  c'est  pour  cela  que  je  suis 
toujours  dans  les  églises 

La  Sagesse. 

Vous  êtes  donc  dévote  ou  du  moins  vos  expressions  me  I  insi- 
nuent 

Dargentcourt. 

Oui.  Madame,  je  la  suis,  par  la  grâce  de  Dieu  ;  j  ensevelis  les 
morts,  et  je  me  revêts,  par  dévotion,  de  leurs  chemises. 

La  Sagesse. 
Vous  n  êtes  pas  fort  riche  à  ce  qu  il  parait,  ma  tille 

Dargentcourt. 
Ou  v  faire  ?  Madame,    c  est  la  volonté  de  Dieu 

La  Sagesse. 

C  est  peut-être  aussi  la  volonté  de  l'homme.  Dites  moy.  vous 
portez-vous  bien? 

Dargentcourt. 

Madame,  je  suis  d'une  assez  bonne  santé. 

La  Sagesse. 

Et  si  vous  vous  portez  bien,  pourquoy  ne  travaillez-vous  pas 
pour  gagner  votre  vie  ? 

Dargentcourt  . 

Madame,  c'est  que  j'ay  toujours  vaqué  aux  églises.  C'est  moy  qui 
terme  les  livres,  qui  ajuste  les  autels  qui  balaye  le  pavé,  qui  range 
les  cierges,  qui  chasse  les  chiens  de  l'église  et  qui  contrôle  celuv- 
ci  et  celuy-là. 

La  Sagesse. 

Je  ne  scavais  pas  qu'il  y  eut  des  charges  de  contrôleur  dans  l'é- 
glise. Que  j'appréhende  que  vous  ne  soyez  une  contrôleuse  à 
charge  '.  Votre  discours  me  le  fait  soupçonner. 


-i-i  l'abbé  gusteau 


Dargentcourt. 

Ali  :  madame,  je  ne  tais  guère  cette  fonction  depuis  que  j'ay  reçu 
des  coups  de  bâton.  Mon  application  actuelle  n'est  que  de  prendre 
soin  de  la  propreté  des  autels. 

La  Sagesse. 
Oui  sert  a  1  autel  doit  vivre  de  l'autel. 

Dargentcourt. 

Aussi  madame,  en  ay-je  presque  toujours  vécu.  Le  charitable 
pasteurde  chez  nous  a  souvent  partagé  sa  bourse  avec  moy  pour 
me  secourir. 

La  Sagesse. 

Que  ne  vous  mettiez-vous  à  servir  ? 

Dargentcourt. 

Madame,  j'ay  bien  voulu  le  faire,  mais  cet  état  est  incompatible 
avec  mon  salut. 

La  Sagesse. 

\  votre  compte  le  sort  des  domestiques  serait  bien  à  plaindre, 
à  moins  que  vous  n'ayez  été  servante  d'auberge  ou  de  café,  je  ne 
vois  pas  que  votre  état  ait  été  périlleux. 

Dargentcourt. 
Madame,  j'étais  servante  d'un  fort  honnête   homme  d'avocat. 

La  Sagesse. 

Pourquoy  n'avez-vous  donc  pas  resté?  Quand  il  eût  péché  dans 
sa  vocation    il  n'y  avait  pas  de  crainte  que  vous  participassiez  à 
fraudes. 

Dargentcourt. 

Madame,  ce  n'était  point  aussi  là  mon  grief  ;  mais  il  ne  voulait 
pas  que  je  priasse  Dieu  soir  et  matin,  du  moins  ne  m'en  donnoit- 
il    pas  le  temps. 

La  Sagesse. 

C'est  extraordinaire,  car  il  ne  faut  pas  beaucoup  de tems  pour  ces 
exercici 


l'abbé  gusteau  45 


Dargentcourt. 

Vraiment  !  Vous  avez  bien  raison,  madame,  car  je  ne  luy  de- 
mandais chaque  jour  qu'une  heure  pour  faire  oraison  ;  mes  prières 
du  matin  et  du  soir  à  peine  sont  elles  de  trois  quarts  d'heure 
chacune,  un  quart  d'heure  pour  aller  à  la  messe,  une  demi-heure 
pour  l'entendre  ne  sont  pas  une  si  grande  affaire.  L'oraison  de 
sainte  Brigite.  celle  de  trente  jours,  les  sept  psaumes,  mon  rosaire. 
et  sept  Pater  pour  le  petit  habit,  étaient  avec  les  sept  allégresses' 
tout  ce  quej'aurais  pu  y  joindre  ;  voilà  une  belle  bagatelle  pour 
m'en  faire  un  reproche 

La  Sagesse. 

Ah  !  ah  !  c'est  ainsi  que  vous  l'entendez!  Je  ne  suis  pas  étonné 
du  refus  qu'on  vous  fait.  Votre  directeur  scavoit-il  bien  le  tems 
que  vous  demandez  pour  vos  dévotions  de  tant  d'espèces  ? 

Dargentcourt. 

S  il  le  scavoit  !  eh.  sans  doute  que  oui  ;  je  ne  luy  avois  pourtant 
pas  fait  entendre  si  clairement.  Pour  ce  qui  est  du  sujet  de  ma 
sortie,  je  luy  dis  un  jour  que  mon  maître  ne  voulait  pas  que  je 
priasse  Dieu  ;  il  me  demanda  s  il  s'oposait  à  ce  que  j  assistasse  aux 
messes  des  dimanches  ;  je  luy  dis  doucement  que  non.  11  crut  que 
i  avais  dit  oui,  il  me  dit  de  sortir,  qu  il  feroit  comme  il  pouroit 
pour  m  aider,  et  moi  bien  aise. 

La  Sagesse. 

Notre  directeur  n'a  pas  péché  ;  mais  votre  calomnie  retombe  sur 
notre  tète  ;  vous  faites  passer  votre  maître  pour  un  impie,  parce 
qu  il  est  prudent  et  qu  il  veut  régler  votre  dévotion  mal  placée.  Que 
de  réparations  vous  avez  à  luy  faire  s'il  ne  trouve  pas  de  domes- 
tique à  cause  de  vous  qui  l'aurez  peut-être  diffamé  dans  le  public  ; 
votre  mal  est  la  paresse,  corrigez-vous  de  ce  défaut  et  vous  en 
éviterez  bien  d'autres. 

Sage  sera  celuy  qui  vous  refusera  des  secours,  et  vous  conver- 
tira tout  d  un  coup,  si  tout  le  monde  limite.  La  nécessité  vous 
rendra  laborieuse,  le  travail  vous  rendra  fortunée,  le  masque  de 
la  dévotion  tombera,  et  tout  ira  bien,  si  vous  voulez  suivie  mon 
avis.  Sortez  d  ici. 


-,(.;  i.'abbé  gustkau 

A  l'école  d'un  maître  aussi  sagace  et  aussi  éclairé  que  le  fut 
Gusteau,  il  était  aisé  de  marcher  dans  le  sentier  de  la  vertu 
dont  il  donnait  lui-même  l'exemple,  et  pour  peu  qu'on  voulût 
bien  prêter  une  oreille  attentive  à  ses  sages  leçons,  il  était  en 
effet  très  facile  de  sanctifier  les  actions  les  plus  ordinaires  de 
la  vie.  C'était  assurément   le  désir  de  cette  âme   d'apôtre   de 

t   r  dans  le  e<eur  de  toutes  ses  ouailles  cette  conviction  pro- 

nde  que  la  piété  est  utile  à  tout.  Nous  en  trouvons  la  preuve 
dans  sa  «  Méthode  pour  sanctifier  le  jeu  de  Cartes.  » 

Ce  n'est  pas  qu'il  approuve  les  jeux  de  hasard  «  toujours 
défendus  quand  l'esprit n  y  a  aucune  part,  ou,  quoique  mixtes, 
quand  ils  sont  joués  par  les  personnes  à  qui  les  saints  canons 
défendent  d'en  faire  usage,  ou  par  celles  qui,  par  leurs  incli- 
nations mauvaises,  s'en  font  une  occasion  de  s'emporter,  de 
perdre  un  temps  nécessaire,  de  jurer,  de  se  ruiner  ou  leurs 
familles,  enfin  à  se  livrer  à  de  semblables  excez.  » 

Son  dessein  est  ici  «  de  donner  un  moyen  de  sanctifier  les 
cartes  aux  personnes  qui  jouent  par  complaisance  ou  par  ré- 
création et  avec  modération,  regrettant  en  quelque  sorte  le 
temps  qu'elles  y  emploient,  pensant,  comme  il  arrive  souvent, 
qu'elles  pourroient  bien  mieux  l'employer  ailleurs. 

C'est  à  de  telles  personnes  que  par  le  principe  qui  dit  que 

d'un  mauvais  payeur  on  tire    ce    qu'on  peut,  on  propose  des 

sujets  de  méditation   dont  quelques-uns  pourront  à  la  vérité 

railler  comme  on  le  fait  des  meilleures  choses,   mais  qui 

ront  utiles  à  ceux  qui  craignent  Dieu.  » 

Cette  méditation,  qui  lui  est  inspirée  par  une  imagination 
qui  ne  manque  pas  d'originalité,  a  pour  objets  les  Rois,  les 
Darne1-  et  les  Valets. 

Le  cœur  représente  la  bonté,  la  générosité  ;  le  pique  la 
vaillance  ;  le  trèfle  un  printemps  perpétuel  ;  le  carreau  enfin  la 
pierre  ferme  sur  laquelle  repose  tout  édifice  solide. 

Le  vrai  roi  de  nos  cœurs  est  sans  nul  doute  Notre-Seigneur  ; 

Dame  de  cœur  la  Très  Sainte  Vierge  ;  le   valet,  le  vrai 
serviteur  de  Dieu  ;  enfin  le  printemps  perpétuel  le  ciel. 


l'abbé   GUSTBAU  iT 

«  On  ne  propose,  conclut  notre  moraliste,  de  sujets  de  médi- 
tation quesurles  figures.  Commeelles  reviennent  souvent,  elles 
peuvent  occuper  ceux  qui  ont  de  la  foy  et  de  l'amour  de  Dieu, 
autant  de  temps  que  le  peut  permettre  l'application  au  jeu. 

Pour  ne  pas  prolonger  une  trop  pâle  étude  qui  a  déjà  depuis 
longlemps  dépassé  la  mesure,  je  ne  donnerai  point  ici  les  notes 
biographiques  de  Gusteau  sur  les  illustrations  de  Fontenay. 
Je  les  ferai  parvenir  quelque  jour  à  la  Revue  du  Bas-Poitou. 

Et  maintenant,  ainsi  qu'on  a  pu  le  constater  par  les  nom- 
breuses citations  des  œuvres  de  notre  héros,  on  serait 
aisément  porté  à  croire  qu'une  tête,  si  bien  meublée  de  scien- 
ces religieuses  et  profanes,  était  faite  pour  la  mitre. 

Cependant,  quoi  qu'en  aient  pu  craindre  les  paroissiens 
qui  lui  étaient  si  étroitement  attachés,  nous  n'avons  trouvé 
nulle  part  trace  d'ambition   chez  le  zélé  prieur  de  Doix. 

Ses  qualités  que  tout  le  monde  se  plaisait  à  admirer,  sa 
piété  et  son  zèle  qui  gagnaient  la  confiance  de  tous  ceux  qui 
avaient  le  bonheur  de  l'approcher,  ses  relations  avec  les  per- 
sonnages influents  de  son  entourage  semblèrent  bien  l'avoir 
désigné  pour  les'honneurs  de  la  prélature  ;  mais  cet  homme 
de  Dieu  n'avait  au  cœur  qu'un  désir  :  mourir  au  milieu  de  ceux 
à  qui  il  avait  consacré  ses  talents  et  sa  vie,  s'éteindre  au  pied 
de  l'autel  de  sa  chère  église  de  Doix. 

«  Au  jour  commémoratif  de  la  Passion  du  Sauveur,  dit  un 
biographe1,  le  22  mars  (1761),  cette  fin  bienheureuse  a  été  la 
sienne.  Pendant  qu'il  accomplissait  le  plus  auguste  des  de- 
voirs de  son  ministère,  il  fut  foudroyé  par  une  attaque  d'apo- 
plexie. On  l'entendit  balbutier  ces  paroles  :  Heureux  celui  qui 
meurt  les  armes  à  la  main;  et  il  alla  où  la  palme  immortelle 
attend  les  justes.  Ses  obsèques  furent  un  adieu  plein  de  so- 
lennité et  de  larmes.  La  foule  émue  déposa  ses  restes  au  ci- 
metière de  Doix.  Le  bien    méritant  prieur,  dit  sonépitaphe. 


«  Gustave  Bardy,  président  de  la  Société  des  Antiquaires  de  1  Ouest.  18(11. 


■  N  l'abbé  gustkau 

ivait  gouverné  31  ans  la  paroisse,  dont  un  de  ses  neveux,  a 
été  curé  après  lui.  » 

Il  doit  exister  deux  manuscrits  ou  tout  au  moins  deux  co- 
pies des  œuvres  de  Gusteau,  lesquelles  se  trouvent  en  la  pos- 

-sion  de  ses  arrière  petits-neveux1.  Celle  que  nous  avons 
eue  entre  les  mains  ,  grâce  à  l'obligeante  charité  de  feu 
M  Alexandrine  Gripaux  de  Saint-Pompain,  a  fait  retour  aux 
héritiers  de  cette  généreuse  personne.  Nous  regrettons  de 
D'avoir  pas  pris  le  temps  de  relever  de  jolis  dessins  à  la 
plume  :  culs  de  lampe,  lettres  ornées,  qui  prouvent  que  le 
prieur  de  Doix  était  un  véritable  artiste  en  plus  d'un  genre. 

11  a  laissé  comme  souvenirs  :  un  très  beau  bréviaire2,  relié 
en  maroquin  rouge,  à  son  neveu  et  élève  qui  fut  déporté  en 
Espagne  pendant  la  Révolution, puis  il  a  fait  don  de  son  calice 
à  l'église  Notre-Dame  de  Fontenay. 

Ce  sont  là  deux  trésors  d'un  très  grand  prix,  qui  rappellent 
une  mémoire  qui  fut  et  reste  bien  chère,  mais  nous  pouvons 
tous  dire  que  nous  n'avons  pas  été  oubliés  dans  ce  précieux 
partage,  puisque  nous  avons  avec  ses  œuvres  les  fleurs  de  son 
intelligence  et  les  perles  de  son  grand  et  noble  cœur. 

Puisse  la  méditation  de  ces  fragments  livrés  à  un  public 
d'élite,  réveiller  tout  un  concert  de  reconnaissance  envers  cet 
illustre  enfant  de  Fontenay,  faire  vibrer  tous  les  cœurs  poite- 
vins  à  l'occasion  de  celui  qui  aima  si  passionnément  Dieu,  sa 
patrie  et  ses  frères. 

\iort.  Il  janvier  1899,  en  la  fête  de  saint  Hilaire. 

L'Abbé  N.  Mouchard, 
professeur. 

Le  manuscrit  original  appartient  à  M.  Baron,  de  Fontenay,  qui  pos- 
ant un  curieux  portrait  inédit,  sur  toile,  de  Gusteau,  dont  il 
voulu  nous  permettre  de  reproduire  ici   la  fidèle  image  en  tète  de 

fviaire  est  maintenant  chez  M    Hubert  de  Fontaines,  à  Sérigny, 
Un  n  b  lis  curieusement  sculptée,  qui  servait  de  tire-lir"  an 

bon  prieur,  fait  partie  de  la  ollection  archéologique  de  M.  de  Roche- 
brune,  qui  l'a  achetée  des  habitants  ce  I * •  n x 


LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDEE 

PENDANT  LA  REVOLUTION 


(Suite)1. 


Lorsque  la  Révolution  éclata,  le  couvent  des  Capucins  de 
Luçon  n'avait  que  3  pères  et  1  frère  :  le  P.  Augustin 
de  Moncontour,  gardien,  âgé  de  54  ans  ;  le  P.  Emmanuel 
de  Nantes,  50  ans  ;  le  P.  Gélestin  de  Rennes,  08  ans,  et  le 
F.  Charles  deSaint-Malo.  Le  13  janvier  1791  le  traitement  des 
capucins  fut  fixé  à  800  1.  pour  les  pères  et  à  300  1.  pour  le 
frère.  Ils  quittèrent  Luçon  quelque  temps  après 

La  première  conséquence  des  décrets  de  l'assemblée  natio- 
nale pour  les  URsuLiNEsdoltrées  de  Luçon  fut  la  visite  qu'elles 
reçurent  le  lftr  juin  1799,  et  dont  le  procès-verbal  suit  : 

«  Aujourd'hui  17  juin  1790,  à  4  heures  de  l'après-midi,  nous 
maire  et  officiers  municipaux  de  la  ville  de  Luçon,  nous 
sommes  transportés  dans  le  couvent  maison  religieuse  des 
dames  Ursulines  de  cette  ville  pour,  en  exécution  des  décrets 
de  l'assemblée  nationale  acceptés  et  sanctionnés  par  le  Roi, 
y  examiner  les  registres  et  comptes  de  régie,  les  arrêter  et 
former  un  résultat  des  revenus  et  des  époques  de  leur 
échéance,  dresser  un  état  de  l'argent  moyenne  et  de  l'argen- 
terie, en  un  mot  de  tout  le  mobilier  le  plus  précieux  de  la 
maison,  recevoir  les  déclarations  sur  l'état  actuel  des  dettes 
actives  et  passives  de  laiite  maison,  dresser  un  état  des  re- 
ligieuses et  sœurs  professes  de  ladite  communauté,  enfin  re- 
cevoir les  déclarations  de  celles  qui  voudraient  s'expliquer 

1  Voir  la  4e  livraison  1898. 

TOME  XII.  —  JANVIER,  FÉVRIER,  MARS  4 


50  LE    CLERGÉ    DE    LA    VENDÉE 

sur  leur  intention  de  rester  dans  leur  maison  de  leur  ordre 
ou  d'en  sortir,  et  vérifier  le  nombre  des  sujets  que  ladite  mai- 
son pourrait  contenir. 

Ie  Nous  avons  convoqué  toutes  les  dames  religieuses  et 
-leurs  converses  lesquelles  se  sont  présentées  au  nombre  de 
32  dans  le  chœur  et  de  5  converses. 

2°  Nous  avons  demandé  que  les  registres  tant  en  recette 
qu'en  dépense  nous  fussent  représentés,  lesquels  après  les 
avoir  calculés  et  vérifiés,  ont  été  par  nous  arrêtés  et  signés  ; 
par  cel  arrêté  il  paraît  que  la  recette  excède  la  dépense  de  la 
somme  de  cent  cinquante  livres  16  sous. 

2°  Il  nous  a  paru  aussi  que  la  maison  des  dames  ursulines 
était  au  courant  tant  en  recette  qu'en  dépense. 

4°  Nous  avons  ensuite  demandé  si  la  communauté  avait 
quelque  somme  d'argent  en  réserve,  et  il  a  été  répondu  qu'elle 
n'en  avait  d'autre  que  celle  énoncée  au  reliquat  de  la  recette 
ci-dessus. 

5°  Nous  avons  requis  que  l'argenterie  appartenant  à  ladite 
communauté  fut  représentée  ;  à  l'instant  il  nous  a  été  remis 
entre  les  mains  un  ,état  circonstancié  et  détaillé  de  tout  le 
mobilier  quelconque  de  la  maison.  Cet  état  entre  mains  nous 
avons  vérifié  successivement  tous  les  articles  mentionnés  et 
les  avons  trouvés  conformes  à  la  vérité  ;  en  conséquence 
après  l'avoir  fait  signer  par  Madame  la  supérieure  et  dames 
composant  le  conseil,  nous  l'avons  signé  nous-mêmes  et 
avons  ordonné  qu'il  restera  annexé  au  présent  procès-verbal 
pour  servir  de  pièces  justificatives. 

6°  Nous  avons  ensuite  appeléchacune  des  dames  religieuses 
en  particulier.  Ont  paru  successivement  : 

Mesdames  : 

.Marianne  ROUZEAU,  dite  de  Sainte-Thérèse,  supérieure, 
laquelle  nous  a  dit  être  âgée  de  65  ans  et  avoir  45  ans  de  pro- 
fession, laquelle  nous  a  déclaré  vouloir  rester  dans  son  ordre 
et  en  particulier  dans  la  maison  de  Luçon. 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  51 

Catherine-Elisabeth  FICHON,  dite  de  Sainte-Croix,  soiis- 
prieure,  laquelle  nous  a  déclaré  être  âgée  de  67  ans,  et  44  ans 
de  profession,  et  nous  a  aussi  déclaré  vouloir  rester  dans  son 
ordre  et  en  particulier  dans  la  maison  de   Luçon. 

Louise  NAULEAU,  dite  de  sainte  Madeleine,  laquelle  nous 
a  dit  être  âgée  de  62  ans  et  avoir  42  ans  de  profession,  et 
nous  a  aussi  déclaré. . .  id. 

Louise-Glaire  RAMPILLON,  dite  de  sainte  Angèle,  la- 
quelle nous  a  dit  être  âgée  de  60  ans  et  39  ans  de  profession, 
laquelle  nous  a  aussi  déclaré...  id. 

Anne-Marguerite  RAUFRAIS,  dite  de  sainte  Geneviève, 
âgée  de  60  ans  et  36  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  aussi 
déclaré. . .  id. 

Charlotte  EVRARD,  âgée  de  50  ans  et  25  ans  de  profes- 
sion, laquelle  nous  a  déclaré. . .  id. 

Marie-Madeleine  CHARRIER,  dite  de  saint  Luc,  âgée  de 
42  ans  et  25  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré. . .  id. 

Aimée-Julie-Pélicité  PRÉVOST,  dite  de  saint  Mathieu, 
âgée  de  49  ans,  24  ans  de  profession  ,  laquelle  nous  a  dé- 
claré. . .  id. 

Marie-Mathurine  COLLINET,  dite  de  saint  Charles,  âgée 
de  44  ans  et  20  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré. . . 
id. 

Catherine-Modeste  FRUCftARD,  dite  de  saint  Ambroise, 
âgée  de  40  ans  et  19  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  dé- 
claré. . .  id. 

Louise  GRELIER,  dite  de  saint  Henri,  âgée  de  47  ans  et 
19  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré. . .  id. 


52  LE    CLERGÉ   DE    LA    VENDÉE 

Marir-Jeanne-Elisabeth  ROCHARD,  dite  de  l'Assomption^ 
âgée  de  40  ans,  18  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  dé- 
claré. . .  id. 

Marie-Jeanne  GHIRON,  dite  de  sainte  Anne,  âgée  de  43 
ans  et  10  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré. . .  id. 

Klisabeth-Louise  GHAIGNEAU,  dite  de  sainte  Victoire- 
âgée  de  41  ans,  15  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  dé- 
claré. . .  id. 

Hélène-Madeleine-Augustine  DUPONT ,  dite  de  saint 
Etienne,  âgée  de  38  ans,  15  ans  de  profession,  laquelle  nous  a 
déclaré. . .  id. 

Marié-Suzanne  GABORIT,  dite  de  saint  Bernard,  âgée  de 
44  ans,  14  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré. . .  id. 

Françoise-Catherine-Judith  VINDRELY,  dite  de  sainte 
Aimée,  âgée  de  37  ans  et  13  ans  de  profession,  laquelle  nous 
a  déclaré. . .  id. 

-Marie-Geneviève  SAVARY,  dite  de  saint  Laurent,  âgée  de 
32  ans,  12  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré. ..  id. 

Aimée-Geneviève  DEBJEN,  dite  de  sainte  Marie,  âgée  de 
ms,  12  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré. . .  id. 

Marie-Louise  REGRENIL,  dite  de  sainte  Glaire,  âgée  de 
34  ans,  12  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré...  id. 

Rose-Modeste  GENDRONNEAU,dite  de  saint  Gabriel,  âgée 
ans,  10  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré....  id 

Marianne-Reine-Germaine  de  la  FONTENELLE,  dite    de 
nte-Ursule,  âgée  de  38  ans,  9  ans  de  profession,  laquelle 
nous  a  déclaré  . .  id. 

Marie-Louise  de  la  ROUSSELIÈRE,  dite  de  Sainte-Véro- 
nique, âgée  de  40  ans,  7  ans  de  profession,  laquelle  nous  a 
déclaré. . .  id. 


PENDANT   LA    RÉVOLUTION  53 

Marik-Michel-Stéphanie  THOUMELET,  dite  de  St-Louis, 
âgée  de  32  ans,  6  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  dé- 
claré. . .  id. 

Marik-Jeanne-Catherine  GAMBIER,  dite  de  Sainte-Eli- 
sabeth, âgée  de  30  ans,  6  ans  de  profession,  laquelle  nous  a 
déclaré. . .  id. 

Marie  GAMBIER,  dite  de  Saint-Jean,  âgée  de  34  ans,  5  ans 
de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré. . .  id. 

Marie  BOUQUIÉ,  dite  de  Saint-Séraphin,  âgée  de  33  ans, 
3  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré. . .  id. 

Marie-Marguerite  PATARIN,  dite  de  Saint-Isidore,  âgée 
de  22  ans,  3àans  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré...  id. 

Thérèse-Félicité-Olive  GOUPlLLEAU,dite  de  Saint-Augus- 
tin, âgée  de  25  ans,  2  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  dé- 
claré... id. 

Madeleine-Laurent  FROUIN,  dite  des  Saints- Anges,  âgée 
de  30  ans,  1  an  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré. . .  id. 

Rose  FROUIN,  dite  du  Calvaire,  âgée  de  29  ans,  i  an  de 
profession,  laquelle  nous  a  déclaré. . .  id. 

SOEURS  CONVERSES  : 

Jeanne-Marie  GUILBAUD,  dite  de  Sainte-Suzanne,  âgée 
de  06  ans,  30  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré. . .  id. 

Marie-Anne-Jeanne  GUILBAUD,  dite  de  Saint-François, 
âgéede  49  ans,  2  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré...  id. 

Marie-Françoise  BUTEL,  dite  de  Ste-Pélagie,  âgée  de  49 
ans,  20  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré ...  id. 

Marie  COLLARDEAU,  dite  de  St-Félix,  âgée  de  36  ans, 
9  ans  de  profession,  laquelle  nous  a  déclaré. . .  id. 


LE    CLERGÉ    DE    LA    YEN'OÉK 

Marie  FILAUDEAU,  dite  de  Sainte-Rose,  âgée  de  31  ans, 
0  ans  de  profession,  môme  déclaration  et  a  déclaré  ne  savoir 
signer. 

7*  Nous  nous  sommes  transportés  au  lieu  du  dépôt  des 
titres  et  archives  ;  là  il  nous  a  été  remis  un  état  des  titres 
déposés,  lequel  par  nous  vérifié  s'est  trouvé  exact  et  conforme 
à  la  vérité  ;  l'avons  en  conséquence  signé  pour  être  joint  au 
présent  procès-verbal  pour  servir  de  pièce  justificative. 

s*  Par  l'examen  que  nous  avons  fait  de  la  maison,  d'après 
les  dépositions  de  ces  dames  religieuses,  il  nous  a  paru  que 
cette  maison  pourrait  contenir  environ  45  à  40  tant  dames  de 
chœur  que  de  sœurs  converses,  environ  50  petites  pension- 
naires.! 

9°  L'enclôture,  autant  que  nous  avons  pu  en  juger  contient 
environ  40  boisselées,  tant  en  maison,  église,  cour,  jardin  et 
prairie. 

Lecture  donnée  à  la  communauté  du  présent  procès-verbal, 
toutes  et  chacune  tant  des  dames  de  chœur  que  des  sœurs 
converses  l'ont  signé  hors  une  qui  a  déclaré  ne  le  savoir. 

Ont  signé  lesdites  religieuses  précitées. 

Fait,  clos  les  jours  et  an  que  dessus. 

Ont  signé  : 

MM.  GOLLINET,  maire,  abbé  ROZAND,  RÉVEILLAUD, 
BAUDOUIN,  curé  de  Luçon,  PELLEVIÈRES,  JOUANEAU, 
NomiAUD,  MARITEAU,  procureur  de  la  commune  et 
CLÉMENT,  secrétaire  greffier.  » 

[Arch.  municip.  de  Luçon). 

Lorsqu'on  exigea  des  religieuses  le  serment  civique, aucune 
'Jes  dames  Ursulines  ne  le  prêta,  et  quelques  exaltés  de  la 
ville  demandèrent  à  la  municipalité  la  suppression  de  leur 
pensionnat.  Les  religieuses  protestèrent,  et  adressèrent  au 
directoire  du  m i strict  une  pétition  en  ce  sens. 


l'CNDANT    LA    RKVOLUTION  55 


«  Du  23  septembre  1791.   * 


«  Rapport  fait  d'une  pétition  des  religieuses  ursulines  de 
Luçon  tendante  à  être  conservées  dans  leurs  fonctions  rela- 
tives à  leur  pensionnat,  quoiqu'elles  ont  refusé  du  prêter  le 
serment  civique  prescrit  par  les  lois,  lorsque  la  municipalité 
a  voulu  l'exiger. 

«  Vu  la  pétition  ci-dessus,  ensemble  l'avis  de  la  municipa- 
lité de  Luçon  du  l'r  de  ce  mois. 

«  Le  directoire  du  district  de  Fontenay  considérant  :  1°  que 
les  religieuses  ursulines  de  Luçon  ne  reçoivent  aucune  rétri- 
bution de  la  Nation  pour  l'enseignement  qu'elles  donnent, 
soit  dans  leur  pensionnat,  soit  dans  les  classes  qu'elles 
tiennent  pour  les  jeunes  filles  qui  veulent  s'y  rendre  : 

2°  Qu'il  n'y  a  aucune  loi  qui  les  oblige  impérieusement  à 
faire  le  serment  dont  sont  tenus  les  fonctionnaires  publics, 
et  que,  quand  on  obligerait  les  religieuses  ursulines  deLuçon 
à  faire  le  serment  civique  pour  pouvoir  tenir  leurs  classes, 
cela  ne  pourrait  être  un  moyen  de  suppression  de  leur  maison  : 
«  Est  d'avis  qu'il  y  a  lieu  d'arrêter  que  quant  à  présent  on 
ne  peut  exiger  le  serment  civique  des  religieuses  ursulines 
de  Luçon.  » 

Cette  décision  rassura  pour  un  temps  seulement  les  reli- 
gieuses, car  ce  bon  mouvement  fut  de  courte  durée.  Le  5  dé- 
cembre suivant,  le  Directoire  du  département  enjoignit  à 
toutes  les  religieuses  indistinctement  de  prêter  le  serment 
civique.  Elles  furent  mandées  à  la  municipalité,  et  chacune 
répondit  à  son  tour  «  qu'elle  ne  pouvait  faire  ce  serment,  a 
persisté  dans  son  refus,  et  signé.  »  La  municipalité  leur  en- 
joignit alors  de  cesser  leurs  classes  le  15  février,  et  ne  tint 
aucun  compte  de  la  demande  de  sursis  qu'elles  lui  adressèrent 
pour  ne  fermer  leur  maison  d'instruction  que  le  1er  mai.  Ce 
ne  fut  qu'à  la  fin  de  cette  même  année  que  le  couvent  lui- 
même  fut  licencié  et  les  sœurs  obligées  de  se  disperser. 


LE    CLKRGÉ    DE    LA    VENDEE 

«  Aujourd'hui  8  frimaire  l'an  2'  de  la  République  française 
une  et  indivisible. 

«  Le  comité  de  surveillance  générale  (de  Luçon)  assemblé 
au  nombre  de  7,  a  délibéré  que,  sur  la  motion  qui  a  été  pro- 
duite  par  un  membre  de  mettre  les  religieuses  de  cette  ville 
en  état  de  réclusion  ou  de  les  envoyer  à  Fontenay  pour  être 
mises  dans  la  maison  de  réclusion  de  cette  commune,  après 
que  la  matière  a  été  discutée, 

«  Le  Comité,  considérant  que  les  religieuses  de  cette  ville 
ont  été  appelées  parle  conseil  général  de  la  commune  de 
Luçon  de  prêter  le  serment  civique  de  maintenir  la  liberté  et 
L'égalité,  qu'elles  se  sont  toutes  refusées  à  la  prestation  de  ce 
serment, 

«  Considérant  que  les  unes  occupent  des  maisons  de  per- 
sonnes soupçonnées  d'avoir  passé  avec  les  rebelles,  que  les 
autres  sont  logées  dans  les  maisons  des  ci-devant  chanoines, 
que  cette  condescendance  des  uns  et  des  autres  pour  leur 
;ivoir  fournis  des  logements  amenant  une  identité  d'opinions 
sur  la  Révolution,  que  les  premiers  s'en  sont  déclarés  les 
ennemis  par  leurs  rébellions,  les  autres  par  leur  désobéis- 
sance aux  lois  et  leur  émigration,  qu'on  peut  induire  avec 
fondement  qu'ils  sont  tous  en  relations  et  travaillant  de  con- 
cert à  la  destruction  d'une  révolution  qui  fait  le  bonheur  du 
peuple, 

Considérant  que  les  maisons  par  elles  occupées  sont  des 
maisons  nationales  et  qu'elles  doivent  être  transformées  en 
cazernes  d'après  la  loi,  que  par  conséquent  les  appartements 
qu'elles  y  occupent  doivent  être  destinés  par  préférense  aux 
deffenseurs  de  la  patrie, 

Par  tous  ces  motifs  le  Comité  arrête  que  toutes  les  co-re- 
ligieuses  seront  conduittes  dans  la  maison  de  réclusion  à 
Fontenay,  attendu  que  celle  de  notre  commune  n'est  pas  assez 
tste  pour  les  renfermer.  Et  pour  que  cet  arrêté  soit  exécuté 
de  suite,  le  comité  charge  le  citoyen  Maigre  aîné  de  faire 
préparer  les  voilures  pour  ledit  transport  dans  le  plus  prompt 


PENDANT    LA    RKV0LUT10N  57 

délais  et  l'authorise  de  signer  des  mandais  d'arrêts  lorsqu'il 
aura  des  voitures  à   sa  disposition. 

Signé  :  ARBOURG,  président,  LA  ROCHE,  ROUHAUD, 
DRUET,  MAIGRE,  PARANTEAU,  REMY,  membre  secré- 
taire. » 

«  Nous  membres  du  Comité  de  surveillance  générale  de 
cette  ville,  mandons  au  citoyen  Millet,  lieutenant  de  la  gen- 
darmerie nationale  à  la  résidence  de  Luçon,  d'arrêter  et  de 
conduire  les  ex-religieuses  qui  habitent  cette  ville,  qui  sont 
toutes  en  différentes  maisons  ci-après  dénommées,  an  la  mai- 
sonde  réclusion  de  Fontenay-le-Peuple,demainmatin8heures 
précis.  » 

Pour  ne  citer,  parmi  les  ex-religieuses,  que  les  Ursulines 
«  ci-après  dénommées  •>  : 

<  La  Rouzeau,  chez  Jouanneau;  Aimée  Prévôt  et  Catherine 
Gambier,  chez  la  veuve  Chabot:  Rose  Frouin,  malade  chez 
Jourdain,  chanoine  ;  Marie-Louise  Regrenil  ,  chez  Lesnar- 
dière,  ex-chanoine  ;  Fichon  et  Goupilleau,  chez  la  Baudouin, 
sœur  de  l'ex-curé  de  Luçon  ;  Rampillon  et  les  deux  Guilbaud, 
dont  l'une  malade,  chez  Buor,  ex-chanoine  ;  Louise  Grélier, 
chez  la  fille  Marmande  ;  Anne-Marguerite  Raufray  ,  chez 
Belluard,  ex-chanoine  ;  Marie  Chiron  et  Thérèse  Gaboriau, 
chez  la  veuve  Beaumont,  ainsi  que  Marie  Butel. 

«  Fait  et  décerné  à  Luçon,  le  11  frimaire  an  2m". 

«  Maigre. 

«  Rtf.MY,  secrétaire.  » 

«  Aux   citoyens  administrateurs  du  district  de  Fontenay- 

le-Peuple, 

t 

Luçon,  4  ventùse  l'an  2*  de  la  République  une  et  indivisible. 

«  Nous  faisons  rendre  à  Fontenay-le-Peuple  et  nous  vous 
adressons  4  ex-religieuses   ursulines  qui  étaient  restées,  3 


~'s  LE    CLERGÉ    DE    LA    VENDÉE 

malades   et  une  inconnue.   Vous  voudrez  bien  les  réunir  à 
leurs  chères  compagnes. 

«  Salut  et  fraternité, 

b  Maigre,  maire. 

Laroche,  secrétaire.  » 

(Arch.  départ.  Vendée). 

Vu  rapport  de  l'an  III  ajoute  quelques  renseignements  sur 
les  procédés  et  les  prétextes  de  ces  mesures  soi-disant  pa- 
triotiques. 

«  Luçon,  8  frimaire  l'an  3"  de  la  République  une  et  indivisible. 

L'agent  national  provisoire  de  la  commune  de  Luçon,  aux 
citoyens  composant  le  Comité  révolutionnaire  de  Fontenay- 
le-Peuple. 

«  Frères  et  Amis. 

Chargé  dans  le  temps  par  la  municipalité,  de  mettre  la 
loi  à  exécution  en  faisant  sortir  toutes  les  religieuses  de  leurs 
maisons,  ce  ne  fut  qu'avec  peine  et  l'aide  de  la  gendarmerie 
que  je  réussis  à  faire  partir  les  Ursulines.  Elles  se  réfugièrent, 
toutes  ilans  les  maisons  des  ex-prêtres  et  nobles  d'où  elles 
communiquaient  généralement  ensemble  et  formaient  de  pe- 
tits conciliabules.  Malgré  la  défense  de  la  municipalité  elles 
conservèrent  toujours  leur  ancien  costume  et  reconnurent 
leurs  anciennes  supérieures  pour  leurs  chefs. 

Je  me  transporté  plusieurs  fois  chez  elles  aux  fins  de  cor- 

er  ces  abus  et   leur  faire  exécuter  la  loi,    mais  toutes  mes 

marches  furent  inutiles  ;  elles  persistèrent  dans  leurs  prin- 
cipes aristocratiques,  ce  qui  détermina  la  municipalité  à  les 

re  rendre  dans  son  saing  pour  prêter  le  serment  prescrit 
par  la  loi  ;  elles  refusèrent  de  le  faire,  et  cette  nouvelle 
preuve  d'incivisme  engagea  la  municipalité  à  les  faire  con- 
duii  -lieu  du  département. 

"  Depuis  poque,  nous  ignorons  quelle  a  été  leur  con- 


PENDANT    LA    REVOLUTION  59' 

duite.  D'ailleurs,  nous  n'avons  point  de  faits  particuliers  à  im- 
puter à  celles  désignées  dans  la  liste  que  vous  nousavez  adres- 
sée. Il  n'est  non  plus  parvenu  à  notre  connaissance  qu'elles 
aient  tenu  quelque  propos  tendant  à  troubler  l'ordre  public. 

«  Salut  et  fraternité, 

Drukt, 

agent  national.  » 

Les  Ursulines  qui  avaient  prévenu  ces  vexations  en  quittant 
Luçon  dès  la  fermeture  du  couvent,  ne  furent  pas  pour  cela 
à  l'abri  de  la  suspicion. 

Mme  Catherine-Modeste  FRUGHARD  s'était  réfugiée  dans 
la  paroisse  du  Bernard,  au  village  de  Fontaines,  chez  un  fari- 
nier  nommé  Boisson.  Le  deuxième  jour  de  la  28  décade  du  2f 
mois  de  la  2"  année  de  la  République,  le  citoyen  Pierre-Fran- 
çois-Mourain,  membre  du  Comité  de  surveillance  établi  aux 
Sables  par  le  représentant  Fayau,  se  transporta,  en  vertu 
d'une  commission  de  ce  Comité,  au  domicile  de  Boisson,  sur 
les  3  heures  de  l'après-midi  pour  apposer  les  scellés  sur  ses 
meubles.  Il  perquisitionna  partout,  fouilla  tous  les  mesutbles 
à- l'usage  de  l'ancienne  sœur  saint  Ambroise,  et  ne  trouva, 
comme  il  le  relate  au  procès-verbal,  que  des  livres  de  dévo- 
tion. Cependant,  dans  une  petite  boîte  renfermant  des  rubans, 
il  découvrit  une  seule  pièce  qu'il  dit  contre-révolutionnaire, 
une  lettre  adressée  à  la  citoyenne  Fruchard  le25  janvier  1791, 
signée  G.  .  .  prêtre,  laquelle  lettre  fut  annexée  au  procès-ver- 
bal. Mieux  renseigné  que  le  citoyen  Mourain,  nous  pouvons 
dire  que  cette  lettre  absolument  inoffensive,  et  que  nous  pu- 
blierons en  son  lieu,  était  d'un  neveu  de  Mrae  Fruchard,  l'abbé 
Guérineau,  vicaire  de  Triaize.  Elle  fut  d'ailleurs  reconnue 
beaucoup  moins  contre-révolutionnaire  que  ne  le  disait  le 
membre  du  Comité  de  surveillance,  et  Mme  Fruchard  ne  fut 
pas  autrement  inquiétée  parla  suite. 

Mme  Marie-Catherine  GOLLINET  était  originaire  des 
Sables-d'Olonne  où  elle  déclara  se  retirer  et  fixer  sa  résidence 


60  LE    CLERGÉ    DE    LA    VENDEE 

le  17  novembre  1792.  Elle  fit  peut-être  quelques  concessions 
de  forme  aux  circonstances,  car,  le  2  janvier  1793,  elle  se  fit 
ilélivrer  un  certificat  de  résidence  par  la  municipalité  des 
Sables  pour  toucher  la  pension  accordée  antérieurement  aux 
religieuses. 

M1"  Marie-Geneviève  SAVARY  était  entrée  aux  Ursulines 
à  20  ans,  en  1780.  En  novembre  1801,  l'administration  l'auto- 
risa à  jouir  de  deux  rentes  viagères  de  160  fr.  et  de  24  fr.  qui 
lui  avaient  été  constituées  sur  ses  biens  lors  de  son  entrée 
au  couvent. 

Sur  la  liste  des  religieuses  dressée  par  la  municipalité  de 
Luçon  lors  de  la  visite  domiciliaire  du  1er  juin  1790,  ne  figure 
pas  MmePOUGNET,  que  des  documents  administratifs  posté- 
rieurs qualifient  cependant  ex-religieuse  ursuline  de  Luçon. 
Elle  était  probablement  absente  lors  de  cette  visite.  Elle  re- 
vint à  Saint-Hilaire-des-Loges,  d'où  elle  était  originaire,  et 
obtint  le  25  septembre  1793  un  quartier  de  sa  pension  sur  un 
double  certificat  de  résidence  et  de  civisme  délivré  par  la  mu- 
nicipalité de  sa  commune. 

Une  réclamation  semblable  fut  présentée  par  Mœe  Rose- 
Modeste  GENDRONNEAU,  née  à  Sainte-Radegonde  des  Ma- 
rais le  18  janvier  1762  et  entrée  au  couvent  à  18  ans,  le  l«r 
avril  1780.  Lors  de  la  dispersion  des  religieuses,  elle  alla  ha- 
biter Bournezeau,  dont  le  maire,  M.  Esgonnière,  réclama 
pour  elle  en  1802  le  paiement  de  sa  pension,  en  certifiant 
qu'elle  était  à  peu  près  dans  la  misère. 

Mm*  Louise  GRÉL1ER  raconte  elle-même  ses  malheurs  dans 
une  lettre  qu'elle  écrivit  en  juillet  1802  au  maire  de  Luçon, 
M.  Chauveau. 

<•  Près  Maixent,  à   Piedfoulard,  commune  de  Prailles  (Deui- 
SèTres),  ce  18  thermidor  an  X*  de  la  République. 

«  Respectable  citoyen, 
«  J'ai   l'honneur  de  m'adresser  à  vous  pour  vous  prier  de 
vouloir  bien  avoir  la  bonté  de  m'obliger  quoique  je  n'aie  pas 
l'avantage  d'être  connue  de  vous.  J'ose  me  flatter  que  votre 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  61 

âme  bienfaisante  s'y  portera  avec  autant  de  zèle  que  de  géné- 
rosité. Voici  ce  dont  il  s'agit.  J'étais  cy-devant  religieuse  des 
ursulines  de  Luçon  dans  la  Vendée  ;  après  avoir  fait  mes 
vœux  j'ai  resté  22  ans  dans  cette  communauté  ;  quand  nous  en 
sortîmes  par  ordre  du  gouvernement,  nous  fûmes  toutes 
pensionnées  chacune  suivant  l'emploi  qu'on  avait  dans  la 
communauté  ;  ma  pension  fut  décrétée  à  la  somme  de  600  fr. 
qui  me  furent  exactement  payés  pendant  quelques  années. 
Mais,  comme  je  fus  mise  en  arrestation,  on  cessa  de  me 
payer.  Aujourd'hui  que  je  suis  sans  secours  je  me  vois  forcée 
de  réclamer  ce  que  le  gouvernement  humain  et  charitable  ne 
refuse  pas  aux  malheureux.  On  me  demande  à  cet  effet  le 
certificat  du  jour  de  ma  profession.  Gomme  cet  acte  fut  passé 
par  le  citoyen  Jouanneau  notaire  public  à  Luçon,  j'ignore  ce 
qu'il  est  devenu.  J'espère  que  vos  bontés  me  le  feront  retrou- 
ver. On  m'a  promis  dans  ce  département  qu'avec  cette  pièce 
je  pourrai  en  obtenir  ma  juste  demande.  De  grâce,  respec- 
table citoyen,  veuillez  vous  occuper  de  ce  trait  de  bienfai- 
sance duquel  je  conserverai  une  gratitude  sans  bornes. 

«  C'est  dans  cet  espoir  que  j'ai  l'honneur  de  me  dire  votre 

concitoyenne, 

Louise  Grélier.  » 

M.  Ghauveau  s'empressa  d'adresser  à  Mmc  Grélier  son  acte 
de  profession.  Celle-ci  l'en  remercia  par  une  nouvelle  lettre 
dans  laquelle  elle  avoue  qu'elle  ne  vit  que  de  quêtes,  et  ré- 
clame une  expédition  de  l'arrêté  qui  lui  accordait  une  pension. 
On  s'adressa  à  M.  Laval  receveur  à  Fontenay,  qui  ne  put  four- 
nir que  l'arrêté  collectif  fixant  à  13  880  1.  la  pension  annuelle 
de  la  communauté  des  Ursulines.  Un  secours  fut  accordé  à 
Mm'  Grélier. 

Mme  Marie-Suzanne  GABOBIT,  originaire  de  Saint-Gilles- 
sur-Vie,  put  de  se  retirer  dans  sa  famille.  Le  2  juillet  1793,  la 
municipalité  de  Saint-Gilles  lui  délivra  un  certificat  de  rési- 
dence depuis  huit  mois;   elle    habitnif  la  maison  du  juge  de 


68  l-K    CLERGÉ    |)K     LA    VENDEE 

paix,  Hilaire  Giron.  Le  29  juillet  elle  se  fît  délivrer  un  passe- 
port où  son  signalement  est  ainsi  donné  :  taille  4  pieds  10 
pouces,  bouche  grande,  nez  épaté,  menton  pointu,  yeux  roux, 
sourcils  et  cheveux  noirs  grisonnants,  visage  rond  gravé  de 
petite  vérole,  «  laquelle  a  déclaré  vouloir  retournera  Luçon.  » 

M ■•■  Aimée  DEBIEN  et  Rose  FROUIN  furent  du  nombre 
des  Ursulines  envoyées  en  prison  à  Fontenay  le  4  ventôse  an 
11.  Elles  n'y  restèrent  que  deux  mois  ;  on  les  évacua  sur  Niort 
avant  l'attaque  et  la  prise  de  Fontenay  par  les  Vendéens  en 
mai  1793;  elles  avaient  33  et  32  ans.  Mme  Frouin  était  née  à 
Saint-Pierre  des  Echaubrognes  en  1761,  et  n'avait  que  deux 
ans  de  profession  lorsque  les  Ursulines  furent  dispersées. 
Marie  Tilleu,  novice,  partageait  leur  sort.  Elles  étaient  encore 
en  prison  à  Niort  un  an  après,  puisque,  le  4  brumaire  an  III 
elles  adressèrent  une  réclamation  au  directoire  du  départe- 
ment de  la  Vendée. 

Aux  citoyens  administrateurs   du    département    de     la 
Vendée. 

«  Citoyens, 

«  Rose  LAROY,  religieuse  de  la  cy-devant  communauté  de 
l'union  chrétienne  de  Luçon, 

Aimée  DEBIEN  et  Rose  FROUIN  aussi  religieuses  Ursu- 
lines du  ci-devant  couvent  de  Luçon,  et  Marie  Tilleu,  novice 
au  même  ci-devant  couvent, 

«  Ne  nous  reconnaissant  coupable  d'aucun  crime  envers 
la  patrie,  pensant  devoir  profiter  du  bénéfice  de  la  loi  du  18 
thermidor  dernier  comme  n'étant  pas  dans  le  cas  de  la  loy 
du  17  septembre  1793  (v.  s),  pour  parvenir  à  se  procurer  la 
liberté  que  nous  réclamons,  nous  nous  sommes  adressées  au 
citoyen  maire  de  Luçon   par  l'ordre   duquel    nous  avons  été 

;  iuiles  ,l  Fontenay-le-Peuple,  pour  avoir  les  motifs  de 
notre  arrestation.  Le  silence  de  cet  officier  public  sur  notre 
demande  prouve  que  notre   état  seul  a  été  le  motif  de  notre 


PENDANT    LA    H  ÉVOLUTION  63 

arrestation.  Depuis  le  commencement  de  ventôse  dernier  où 
nous  avons  resté  à  Fontenay  et  de  là  à  Ghef-Boutonne,  et  de- 
puis peu  ramenées  à  Niort  dans  la  maison  d'arrêt  du  citoyen 
Bremon  le  jeune. 

«  Et  comme  il  nous  importe  beaucoup  de  prouver  notre 
innocence  au  représentant  du  peuple  qui  doit  venir  inces- 
samment dans  cette  commune,  et  que  le  maire  de  Luçon  n'a 
pu  opérer  notre  arrestation  ainsi  que  le  comité  révolution- 
naire de  la  commune  de  Péault  qui  m'a  fait  arrêter  moi, 
Aimée  Debien,  sans  donner  leur  procès-verbal  au  départe- 
ment suivant  la  même  loy  du  17  septembre  ci-dénommée, 

«  Nous  vous  demandons,  citoyens,  de  nous  envoyer  nos 
copies  des  procès-verbaux  qui  contiennent  les  motifs  de 
nos  arrestations,  la  municipalité  de  Luçon  et  le  comité  révo 
lutionnaire  de  Péault  ne  nous  les  ayant  pas  fait  passer  malgré 
nos  demandes.  Nos  demandes  étant  fondées  sur  l'art.  2  de  la 
loi  du  10  thermidor,  nous  espérons  de  votre  justice  que  vous 
y  adhérerez. 

«  A  Nior,  ce  4  brumaire, 

«  Vos  concitoyennes, 
Aimée  DEBIEN,  Rose  LARUY,  Rose  FROUIN,  Marie 

TlLLEU.     » 

Cette  lettre,  conservée  aux  archives  départementales  de  la 
Vendée,  est  ainsi  apostillée  : 

«  Nous,  maire  et  officiers  municipaux  de  la  commune  de 
Luçon,  certifions  que  les  dénommées  ont  été  conduites  à 
Fontenay-le-Peuple  pour  s'être  refusé  opiniâtrement  à  la 
prestation  du  serment  exigé  par  la  loi. 

«  Luçon,  le  1"  nivôse,  l'an   3e  de  la  Rép. 

Maigre,  maire.  » 

Et  plus  bas  : 

«  L'administration  de  la  Vendée  déclare  n'avoir  dans  ses 
bureaux  aucuns  procès-verbaux  relatifs  à  la  réclusion  des  pé- 
titionnaires et  n'y  avoir  pris  aucune  part. 


64  LE    CLERGÉ    DE    LA    VENDÉE 

o  A  Fontenay-le-Peuple  le  2  nivôse  l'an  3e  de  la  République 
française  une  et  indivisible. 

La  Douespe,  pour  le  président. 

Chessé,  secrétaire.  » 

L'insuccès  de  cette  requête  encouragea  les  religieuses  à 
srire  directement  au  représentant  du  peuple  alors  en  mission 
à  Fontenay  : 

.<  Niort,  le  13  nivôse  l'an  111  de  la  République  française,  une  et  indivisible. 

Rose  LAROY,  Aimée  DEBIEN,  etc. 
Au  représentant  du  peuple  à  Fontenay. 

«  Citoyen  représentant, 

«  Il  y  a  un  an  que  nous  gémissons  dans  la  maison  de  dé- 
tention où  nous  avons  été  conduites  successivement  et  sou- 
vent avec  les  plus  grands  dangers  de  perdre  la  vie.  Comme 
In  justice  est  à  l'ordre  du  jour;  nos  maux  doivent  enfin  avoir 
un  terme.  Tu  verras  aussi  qu'il  est  certifié  par  la  commune  de 
Luron  qu'il  n'y  a  d'autre  motif  de  notre  arrestation  que  celui 
d'.ivoir  refusé  de  prêter  le  serment,  et  le  département  assure 
n'y  avoir  pris  aucune  part.  Nous  espérons,  citoyen  repré- 
sentant, que  tu  jugeras  ce  motif  dans  ta  sagesse  et  que  tu  ne 
le  croiras  pas  suffisant  pour  prolonger  notre  dure  captivité. 
Nous  te  prions  d'ordonner  notre  élargissement.  Nous  som- 
mes convaincues  que  tu  ne  te  refuseras   pas  à  cet  acte  de 

justice 

«  Aimée  Debien,  etc.  » 

Elles  ne  furent  rendues  à  la  liberté  qu'après  le  coup  d'Etat 
de  thermidor.  Longtemps  elles  réclamèrent  le  paiement  de 
la  pension  qui  leur  avait  été  allouée  ;  le  Consulat  la  leur  rendit, 
et  leur-  noms  figurent  alors  sur  l'état  des  pensionnaires 
civils.  Mm6  Debien  mourut  en  1812. 

M  •  Louise -Claire  RAMPILLON  fut  aussi  incarcérée  à 
Fontenay.  Son  grand  âge  ne  lui  permit  pas  de  supporter  le 
régime  de  la  prison  ;  elle  y  mourut  le  5  nivôse  an  IL 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  65 

Les  deux  sœurs,  Catherine  et  Marie  GAMB1ER  faisaient 
partie  des  «  chères  compagnes  »  déjà  détenues  à  Fontenay, 
auxquelles  le  bon  goût  du  Comité  de  surveillance  de  Luçon 
réunissait,  en  frimaire  an  II,  «  trois  sœurs  malades  et  une 
inconnue.  »  Conduites  à  Niort  avec  les  autres  détenus  de 
Fontenay,  en  mai  1793,  à  l'approche  de  l'armée  royaliste, 
Mm«*  Gambier  ne  tardèrent  pas  à  réclamer  l'intervention  de 
leur  frère 

«  Mon  cher  Frère, 

«  Nous  avons  bien  reçu  votre  lettre  et  nous  sommes  bien 
reconnaissantes  de  la  part  que  vous  prenez  à  notre  triste  po- 
sition. Nous  vous  aurions  une  grande  obligation  si  vous  pou- 
viez nous  en  tirer.  Vous  nous  demandez,  mon  cher  frère,  de 
vous  manderau  juste  lesraisonspour lesquelles  nous  sommes 
détenues  ici;  nous  l'ignorons,  et  quels  sont  nos  dénoncia- 
teurs, nous  ne  croyons  pas  en  avoir,  ou  si  nous  en  avons, 
nous  l'ignorons. 

«  Depuis  que  nous  étions  sorties  de  notre  Communauté, 
nous  nous  étions  tenues  bien  sédentaires  dans  la  maison  où 
vous  nous  avez  vues.  Nous  ne  sortions  point  et  nous  n'avions 
aucune  communication  avec  qui  que  ce  soit.  Nous  n'avons 
jamais  parlé  des  affaires  du  temps  ni  entendu  rien. 

«  Ah  !  mon  cher  frère,  si  notre  beau-frère  et  vous  pouviez 
nous  réclamer  et  obtenir  que  nous  fussions  chez  vous,  vous 
nous  rendriez  un  grand  service. 

«  Nous  sommes  avec  toute  l'affection  et  l'amitié  la  plus  sin- 
cère. 

«  Vos  tendres  sœurs, 

«  Catherine  Gambier  et  Marie  Gambier    » 

t  L'an  2*  de  la  République.  » 

Leur  beau-frère,  qui  habitait  Nieuil-sur-1'Autise,  se  rendit 
à  Niort  pour  faire  une  enquête  préalable,  et  ne  put  que  con- 
firmer au  frère,  domicilie  à  Fontenay,  rue  du  Puy-Lavaud,  la 
triste  situation  des  détei  ues. 

TOME    XII.    —   JANVIER,    FEVRIER,    MARS.  5 


66  LE    CLKRGÉ    DE    LA    VENDÉE 


«  Mon  Frère, 


«  Je  fus  hier  à  Niort  pour  voir  nos  sœurs  ;  je  les  ai  trouvées 
dans  une  malheureuse  situation,  où  elles  manquent  de  tout. 
Elles  me  firent  voir  où  elles  couchaient  ;  il  y  avait  une  poignée 
de  paille,  une  berne  et  une  couverture  mise  sur  le  plancher. 
Voilà  où  elles  couchant,  dans  une  chambre  sans  cheminée; 
on  leur  donne  un  morceau  de  pain  sec  avec  de  l'eau  sans  rien 
autre  chose.  Gela  me  fit  grande  compassion;  je  leur  portai 
trois  chemises,  un  fromage,  des  pommes  qui  leur  firent  grand 
plaisir  ;  j'aurais  voulu  avoir  autre  chose.  Mais  je  ne  comptais 
pas  sur  une  si  grande  misère.  Elles  vous  prient  de  tâcher  de 
pouvoir  les  retirer  de  cet  esclavage.  Je  vous  prie  mon  frère  de 
présenter  ma  pétition  au  représentant  du  peuple  pour  tâcher 
de  les  faire  sortir.  Elles  ne  savent  point  le  sujet  qui  les  a  fait 
mettre  où  elles  sont. 

«  Salut  et  fraternité.  Votre  mère  vous  embrasse  ainsi  que 
moi. 

«  Elle  nous  dit  qu'on  voulait  les  transporter  ailleurs,  on 
ne  sait  point  où  c'est.  C'est  pourquoi  il  faudrait  se  presser  de 
faire  ses  diligences  ;  il  y  a  trois  semaines  qu'elles  sont  déte- 
nues. Depuis  ce  temps-là  il  y  en  a  trois  de  mortes  de  la  souf- 
france qu'elles  ont  fait.  C'est  pourquoi  il  faudrait  être  inhu- 
main et  sans  religion  si  on  ne  se  prêtait  pas  aies  faire  sortir. 

«  Ma  femme  ainsi  que  moi  nous  vous  engageons  à  faire 
votre  possible  de  votre  côté  et  nous  ferons  du  nôtre. 

«  Niort,  le  21  nivôse  l'an  2"  de  la  République  française,  uneet  indivisible.  » 

«  Gambier.   » 

M.  Gambier  suivit  le  conseil  de  son  beau-frère  et  adressa 
au  représentant  du  peuple  Ingrand,  alors  en  mission  à  Fon- 
tenay,  cette  requête  : 

«  Expose  le  citoyen  Charles-François-Jérôme  Gambier, 
propriétaire  à  Fontenay,  qu'il  a  le  désagrément  de  savoir  que 
Catherine  i  l  Marie  Gambier,  deux  de    ses  sœurs,  ci-devant 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  G7 

religieuses  au  couvent  des  Ursulines  de  Luçon,  sont  déte- 
nues depuis  plus  de  deux  mois,  manquent  de  leurs  besoins 
les  plus  urgents,  qu'elles  ont  été  transférées  de  maison  de 
réclusion  en  maison  de  réclusion,  puisqu'elles  ont  d'abord 
été  conduites  de  Luçon  en  cette  commune,  de  là  conduites  à 
Niort  et  ensuite  transférées  en  la  commune  de  Celles  où  elles 
sont  encore  et  plus  que  jamais  réduites  à  la  dernière  des 
misères. 

«  Quelque  soit  l'humanité  de  l'exposant,  quelque  grande 
que  soit  sa  sensibilité  fraternelle,  s'il  connaissait  ses  sœurs 
coupables,  s'il  croyait  même  qu'elles  le  fussent,  il  serait  bien 
éloigné,  citoyen  représentant,  de  prendre  leur  défense.  Les 
lettres  ci-jointes  adressées  tant  par  elles,  que  par  son 
beau-frère  sont  bien  capables  de  justifier  sa  conduite  et  de 
prouver  la  pureté  de  ses  sentiments.  ; 

«  Elles  disent  donc,  ces  lettres,  que  les  victimes^ie  con- 
naissent ni  leurs  dénonciateurs  ni  les  dénonciations  faites 
contre  elles  ;  elles  ne  croient  même  pas  qu'il  en  existe.  Enfin 
elles  ignorent  les  motifs  de  leur  détention.  Ce  n'est  sans  doute 
qu'un  préjugé  contre  elles  qui  a  porté  à  les  enfermer  ;  de 
quoi  d'ailleurs  étaient  coupables  ces  femmes  qui  sédentaires 
chez  elles,  comme  elles  le  disent  bien,  n'en  sortaient  jamais 
et  qui  ne  s'occupaient  aucunement  des  affaires  du  temps  ? 

«  A  ces  causes,  requiert  l'exposant,  citoyen  représentant, 
ta  sensibilité  pour  ses  sœurs  malheureuses  et  souffrantes, 
que  tu  veuilles  ordonner  leur  élargissement,  si  après  une 
suffisante  information  elles  sont  reconnues  innocentes.  T'ex- 
pose en  outre,  citoyen  représentant,  le  présent  pétitionnaire 
qu'il  lui  est  dû  pour  raison  de  prix  de  ferme  dans  la  commu- 
nauté de  Saint-Etienne  des  Loges,  la  quantité  de  six  boisseaux 
de  froment  dont  il  a  eu  très  grand  besoin  pour  son  usage, 
qu'il  a  été  réclamer  ce  même  blé  et  qu'on  le  lui  a  refusé, 
fondé  sur  un  arrêté  pris  par  le  département  qui  met  en  ré- 
quisition tous  les  blés  des  différentes  communes  de  ce  dis- 
trict, et  comme    l'exposant  a  un    besoin   indispensable  du 


68  LE    CLERGÉ    DE    LA    VENDÉE 

susdit  blé  pour  se  procurer  sa  subsistance,  il  requiert  que  tu 
veuilles  ordonner  à  la  commune  de  Saint-Etienne-des-Loges 
ou  aux  autres  autorités  qui  en  doivent  connaître,  qu'il  lui  soit 
fait  délivrance  du  susdit  blé. 

L'exposant  au  surplus  s'en  rapporte  à  ta  justice  sur  l'une 
l'une  et  l'autre  de  ses  pétitions  et  attend  de  toi  ce  qu'on  doit 
espérer  d'un  sage  représentant. 

«  Fontenay-le-Peuple,  ce  5  pluviôse  an  II.  » 

«  Gambier.  » 

La  réponse  ne  se  fit  pas  attendre  : 

«  Le  représentant  du  peuple  dans  les  départements  de  la 
Vendée  et  des  Deux-Sèvres  renvoie  au  comité  de  surveil- 
lance de  la  commune  de  Fontenay-le-Peuple  pour  savoir  si 
les  réclamantes  sont  comprises  dans  la  loi  du  17  septembre 
(v.  s),  ou  si,  n'étant  pas  comprises,  il  importe  à  la  sûreté  géné- 
rale qu'elles  soient  plus  longtemps  détenues. 

«  Fontenay-le-Peuple,  G  pluviôse  l'an  2me  de  la  République  française 
»ne  et  indivisible.  » 

(Arch.  dé  p.  Vendée). 

Mesdames  Gambier  ne  furent  rendues  à  leur  famille  qu'à 

la  pacification  de  1795. 

Edgar  Bourloton. 
(A  suivre). 


Il    GÉNÉRAL  VENDEEN  DE  BONCHAMPS 
laprès  un  dessin  de  la  collection  de  M.  11.  Bagi  enieb  Desormeai  \ 


TROIS  GRANDES  JOURNEES 

DE  LA  VENDÉE  MILITAIRE 

COMBATS  DE  LA  CHATAIGNERAIE  ET  DE  FONTENAY 

(13,  16  et  25  mai  17931). 

»Ofr« 

L'armée  catholique  et  royale  séjourna  dans  la  ville  de 
Thouars  jusqu'au  9  mai,  afin  de  se  reposer  de  ses  fa- 
tigues et  d'organiser  ses  nouvelles  recrues.  Le  7,  les  gé- 
néraux tinrent  un  conseil  de  guerre  pour  délimiter  d'une 
manière  précise  leurs  commandements  respectifs.  Lescure  y 
fut  chargé  de  diriger  la  division  de  Bressuire,  Gathelineau 
celle  du  Pin-en-Mauges  et  de  ses  environs,  Bonchamps 
celle  des  bords  de  la  Loire,  d'Elbée  celle  de  Beaupréau  et  de 
Gholet,  Stofflet  celle  de  Maulévrier  et  de  Vihiers,  La  Roche- 
jaquelin  celle  de  Ghâtillon  et  des  Aubiers,  et  de  Laugrenière 
celle  d'Argenton.  Ils  auraient  voulu  organiser  également  l'ad- 
ministration civile  et  militaire  ;  mais,  désireux  de  s'entendre 
préalablement  avec  quelques-uns  des  chefs  de  la  Basse-Ven- 
dée, ils  ajournèrent  ce  projet. 

Le  débat  principal  porta  sur  le  plan  de  campagne  à  adopter*. 
Les  uns  voulaient  marcher  sur  Loudun,  Mirebeau,   Poitiers, 

i  M.  l'abbé  Deniau,  curé  de  Saint-Macaire-en-Mauges,  qui,  sous  la  direction 
de  dom  Chamard,  le  savant  prieur  de  l'abbaye  de  Ligugé,  prépare,  sur  docu- 
ments inédits,  une  nouvelle  édition  de  l'Histoire  de  la  Vendée  militaire  de 
son  regretté  oncle,  M.  l'abbé  Deniau,  curé  du  Voide,  a  bien  voulu  nous 
accorder  la  primeur  de  ces  pages,  auxquelles  nos  lecteurs  —  nous  n'en 
doutons  pas  —   feront,  comme  nous-même,    le  plus    reconnaissant  accueil. 

N.  D.  L.  R. 

*  Johannet  {La  Vendée  à  trois  époques,  t.  i,  p.  60),  dit  que  Tonnelet.  Ju 
village  de  Tout-le-Monde,  révéla  dans  ce  conseil  «  des  qualités  dont  les  cir- 
constances amenèrent  le  rapide  développement.  »  Il  ajoute  que  ce  fut  M. 
de  Donnissan  qui  mit  les  généraux  d'accord. 


70  TROIS    GRANDES   .JOURNÉKS 

prétendant  que  ces  villes  leur  étaient  sympathiques  et  qu'il 
leur  serait  facile  d'y  développer  l'insurrection.  Les  autres  re- 
présentaient qu'il  fallait  se  diriger  sans  retard  sur  Parthenay, 
la  Châtaigneraie,  Fontenay,  afin  de  donner  la  main  àRoyrand, 
qui  guerroyait  dans  ce  pays,  ainsi  qu'à  tous  les  royalistes 
du  Bas-Poitou  ;  de  la  sorte  ils  réuniraient  ensemble  tous  les 
belligérants  catholiques,  et  ils  attaqueraient  ensuite,  avec  de 
plus  grandes  forces  et  plus  de  chances  de  succès,  les  points  oc- 
cupés par  les  patriotes.  Ce  fut  ce  dernier  parti  qui  l'emporta, 
car  ils  avaient  écrit  à  Royrand  pour  lui  demander  son  appui,  et 
ils  venaient  de  recevoir  une  réponse  de  ce  chef  qui  leur  disait 
de  se  porter  sur  la  Châtaigneraie1.  Toutefois,  le  8,  on  dirigea  un 
fort  détachement  sur  Loudun  pour  sonder  cette  ville.  Ce  déta- 
chement y  entra  sans  résistance  ;  mais  les  habitants  ne  firent 
aucune  démonstration  en  faveur  de  la  cause  royale,  ce  qui  fit 
voir  qu'on  s'était  trompé  sur  leurs  dispositions.  On  brûla  l'ar- 
bre de  la  liberté  et  les  papiers  du  district,  on  pilla  les  caisses 
puhliques,  et  ce  fut  tout  l'avantage  qu'on  retira  de  cette  ex- 
cursion1. Un  escadron  de  cavalerie  républicaine,  venu  de  Chi- 
non  pour  combattre  les  Vendéens,  eut  la  lâcheté  de  se  cacher 
au  lieu  de  les  attaquer  ;  lorsqu'il  les  vit  partir,  il  s'élança  au 
galop  pour  sabrer  leurs  traînards.  Il  réussit  à  saisir  un  de 

18  retardataires  et  se  fit  un  titre  de  gloire  d'avoir  massacré 
un  infâme  brigand. 

bans  l'impossibilité  de  défendre  Thouars  contre  un  retour 
offensif  des  républicains,  les  chefs  royalistes  ne  voulurent  y 
laisser  aucune  garnison,  et  pour  mettre  à  l'abri  de  toute  sur- 
prise leurs  blessés  et  les  provisions  qu'ils  avaient  capturées, 
ils  les  dirigèrent  sur  Cholet,  sous  la  garde  d'une  partie  des 
lit-   de  lionchamps'. 

1  Collection   de   M.    Dugât-Matifeux,  juin    1793.   La    Vendre  'patriote,   par 

Chassin.  1.  p.  .%.'.  —  Ghauveau,  danssa  Vie  de  Boacharnps,  p.  9fi,  dit  que 

larëtte,  apprenant  le  succès  des  Angevins  et  Poitevins,  avait  réclamé  leur 

•  Hourniseaux,  Précis  historique  sur  les  guerres  de  la  Vendée,  i,  p.  386. 

*  I."  13.    il  y  avait  à  Cholet  des  soldats  de  Bonchamps  qui  prirent  la  caisse 
[Assignats  "t  papiers-monnaies,  p.  A.ug.  Rouillé). 


DE    LA    VENDÉE    MILITAIRE  71 

L'armée  vendéenne  se  dirigea  sur  Parthenay,  dont  elle 
s'empara.  Elle  y  resta  toute  la  journée  du  11,  pendant  laquelle 
elle  tint  un  conseil  de  guerre  pour  arrêter  le  plan  de  l'attaqne 
de  la  Châtaigneraie.  D'Elbée  et  Gathelineau  demandaient  que 
toute  l'armée  abordât  cette  ville  par  un  seul  point.  Lescure  au 
contraire  voulait  qu'on  y  pénétrât  par  plusieurs  endroits  à  la 
fois  afin  d'épouvanter  davantage  l'ennemi.  «  Vous  avez  raison, 
s'écria  Stofflel,  il  faut  lui  donner  une  fameuse  chasse, et  le  mor- 
dre de  tous  côtés.  Son  expression  pittoresque  rangea  tous  les 
généraux  à  son  avis1,  et  l'on  partit  dans  la  matinée  du  12  pour 
la  Châtaigneraie, après  avoir  fait  un  appel  aux  populations  voi- 
sines pour  combler  les  vides  de  l'armée2.  Sandoz,  qui  n'avait 
pas  cru  prudent  d'échanger  avec  elle  un  seul  coup  de  fusil, 
s'attribua  follement  l'honneur  de  l'avoir  fait  quitter  Parthenay. 
Il  y  rentra  ce  jour-là  même  ;  et,  le  lendemain  13,  il  écrivait  au 
ministre  de  la  guerre  que  sa  bonne  contenance  avait  empêché 
les  insurgés  de  se  porter  sur  Saint-Maixent. 

«  Ma  fermeté  et  ma  surveillance,  lui  disait-il,  qui  sans 
doute  sont  parvenues  aux  oreilles  de  l'ennemi,  ont  arrêté  ses 
progrès  et  lui  ont  fait  abandonner  Parthenay3.  » 

La  ville  de  la  Châtaigneraie,  contre  laquelle  marchait  l'ar- 
mée vendéenne,  est  bâtie  sur  le  penchant  d'une  petite  colline 
qui  s'incline  légèrement  ;iu  midi  ;  elle  était  alors  occupée  par 
trois  à  quatre  mille  hommes4,  que  commandait  Chalbos,  vieux 
soldat  devenu  subitement  général.  Il  y  était  arrivé,  la  veille, 
de  Pontenay. 

Les  Vendéens,  qui  venaient  l'attaquer,  n'étaient  plus  qu'au 
nombre  de  douze  à  quinze  mille  hommes5.  Les  autres,  cédant 
successivement  au  désir   de   revoir  leurs  familles   pour  les 

1  Stofflet  et  la  Vendée,  par  Edmond  Stol'flet,  p.  76.    * 

4  Le  pays  d?  Pouzauges  répondit  à  cet  appel  (papiers  de  Goupilleau  cités 
par  M.  delà  Boutetière,  p.  16,  note/. 

3  Savary,  Guerres  des  Vendéens  et  des  Chouans,  i,  p.  219. 

4  L'administration  militaire  dit  qu'il  en  avait  quatre  mille  ;  M003  de  la 
Rochejaquelein,  trois  à  quatre  mille  hommes,  p.  153. 

*  Selon  Bourniseaux,  ils  navaient  que  huit  mille  hommes,  t.  i,  p.  388. 


72  TROIS    GRANDES   JOURNÉES 

rassurer  sur  leur  sort,  avaient  quitté  l'armée    par  groupes 
détachés. 

Divisés  en  trois  colonnes,  ils  débouchent,  le  13,  vers  10  heu- 
res du  matin,  en  vue  de  la  ville,  sur  laquelle  ils  lancent  une 
bordée  de  boulets.  Les  patriotes,  surpris  dans  leurs  loge- 
ments, se  réunissent  à  la  hâte,  se  rangent  en  bataille  et  sou- 
tiennent le  feu  avec  une  grande  énergie.  Cependant  l'artillerie 
de  Marigny,  habilement  dirigée,  leur  fait  subir  des  pertes 
sérieuses1.  Ghalbos  ne  veut  pas  reculer.  A  la  tête  du  beau  ré- 
giment d'Armagnac  il  supporte,  pendant  une  heure,  sur  la 
droite,  le  principal  effort  des  assaillants.  Les  paysans,  accou- 
tumés à  vaincre  depuis  le  commencement  de  leur  expédition, 
s'irritent  de  sa  résistance  ;  ils  serrent  leurs  rangs  et  se  préci- 
pitent furieux  sur  une  de  ses  colonnes  qui  s'avance  pour  les 
prendre  en  flanc.  Donnissan  conduit  la  charge5.  La  Rocheja- 
quelein,  d'Elbée,  de  Bonchamps,  Gathelineau,  Stofïîet  et  de 
Lescure,  sur  d'autres  points,  se  mettent  à  la  tête  de  leurs 
plus  braves  volontaires  et  s'exposent  aux  plus  grands  dan- 
gers. Lescure  fait  marcher  en  avant  les  jeunes  officiers  nou- 
vellement incorporés  dans  ses  rangs,  pour  leur  donner  l'oc- 
casion de  révéler  leur  vaillance.  Il  place  la  Ville-Baugé  avec 
deux  cents  paysans  dans  un  chemin  creux  et  étroit  pour  fer- 
mer le  passage  à  une  colonne  républicaine.  Baugé  s'y  main- 
tient avec  beaucoup  de  courage  et  de  sang-froid,  malgré  le 
feu  supérieur  de  six  cents  républicains  qui  lui  sont  opposés. 
Les  chevaliers  de  Beauvollier,  de  Mondion  et  Dupérat  y  sont 
blessés  ;  le  chevalier  de  Marsanges  et  les  cinq  dragons  qui,  à 
IJ;u  !  henay,  ont  suscité  tant  de  défiance  de  la  part  des  paysans, 
chargent  à  leur  tour.  L'un  d'eux  est  tué  ;  les  autres  marchent 
toujours  et  devancent  de  beaucoup  les  paysans;  alors  ceux-ci 
se  mettent  à  leur  crier  :  «  Dragons,  c'est  assez  ;  nous  voyons 


'  V-moignage  de  Louis  Brard.  —  Mme  de  la  Rochejaquelein,  p.  Ib3. 

5«  Ce  fut  mon  père,  dit  Mm'  de  la  Rochejaquelein,  (p.  153-154)  qui  con- 
tribua le  plus  au  gain  de  la  bataille.  S'étant  aperçu  qu'une  colonne  enne- 
mi'- cherchait  à  nous  tourner,  il  fit  marcher  sur  elle  et  nous  sauva.  » 


DE    LA    VENDÉE    MILITAIRE  73 

«  que  vous  êtes  de  braves  gens  ;  ne  vous  exposez  pas  tant1.  » 
Chalbos,  refoulé  dans  l'intérieur  de  la  ville,  n'a  plus  la  liberté 
de  ses  mouvements.  Ses  troupes  sont  réduites  à  se  retran- 
cher dans  les  rues,  derrière  les  portes  et  les  fenêtres  des 
maisons  ;  mais  de  ces  embuscades  elles  continuent  à  se  dé- 
fendre avec  la  plus  grande  fermeté  ;  ce  sont  pour  elles  comme 
autant  de  nouvelles  forteresses  qui  les  protègent  et  d'où  elles 
font  pleuvoir  sur  les  assaillants  le  feu  le  plus  meurtrier.  Elles 
arrêtent  les  progrès  des  Vendéens  et  vont  peut-être  rendre  la 
victoire  indécise,  lorsque  les  colonnes  de  Stofïlet  et  de  la  Ro- 
chejaquelein,  survenant  du  côté  de  Saint-Pierre-du-  Chemin, 
et  celles  de  Lescure  et  de  Marigny  du  côté  de  Mouilleron,  les 
prennent  en  flanc  par  les  faubourgs  et  les  obligent  à  se  retirer 
sur  Pontenay,  abandonnant  aux  mains  des  Royalistes  une 
partie  de  leur  artillerie,  plusieurs  caissons  et  une  grande 
quantité  de  fusils.  Les  nombreux  fuyards  sont  tellement  frap- 
pés d'épouvante  que,  sur  plusieurs  points,  quelques  cavaliers 
suffisent  pour  leur  faire  rendre  les  armes2.  Jean  Martin,  de 
Saint-Lambert-du-Lattay,  poursuivit  avec  sa  compagnie  les 
Républicains,  l'espace  d'une  lieue,  et  revint  chargé  de  nom- 
breux fusils  qu'il  avait  pris3. 

La  bataille  avait  duré  deux  heures.  —  «  La  troupe  des  bri- 
«  yands  que  nous  avons  combattue  aujourd'hui,  écrivait  de 
«  Fontenay,  Chalbos,  ne  ressemble  pas  à  celles  que  nous 
«  avions  vues  jusqu'ici.  Ce  sont  d'autres  hommes,  une  autre 
«  tactique,  d'autres  moyens....  Ils  s'avançaient  la  baïonnette 
«  au  bout  du  fusil.  Leur  cavalerie,  au  nombre  de  six  à  sept 


•  M1"*  de  la  Rochejaquelein  :  «  Effectivement,  c'étaient  des  sujets  distingués 
«  et  ils  lurent  cause  que  les  Vendéens  virent  depuis  avec  plaisir  les  déser- 
«  teurs  ;  mais  il  en  vint  bien  peu.  »  p.  1 53. 

1  Crétineau-Joly,  la  Vendée  militaire,  i,  p.  113.  «  Je  sais  de  lui  (Catheli- 
«  neau)  qu'il  regardait  cette  journée  comme  une  des  plus  belles  de  sa  vie.  » 
(Eloge  funèbre,  par  M.  Cantiteau).  Jean  Gabory,  du  Pin,  secrétaire  de  Cathe- 
lineau,  et  plus  tard  de  d'Elbée,  fut  blessé  en  cette  circonstance,  ramené  au 
Pin  et  employé  à  Gholet  comme  chef  de  bureau. 

1  Mémoires  mss.  de  l'abbé  Conin.  p.  \91. 


TROIS    GRANDES   JOURNÉES 

«  cents  est  très  bien  montée  et  a  montré   une  grande    au- 
dace'. » 

Dans  la  déroute,  l'intrus  du  lieu  est  tué.  Forestier,  qui  a 
forcé  une  compagnie  de  grenadiers  du  régiment  d'Armagnac 
à  capituler,  court  le  plus  grand  danger.  Un  de  ces  grenadiers 
refuse  de  rendre  son  fusil,  et,  dans  sa  fureur,  il  le  menace  de 
sa  baïonnette.  Forestier  l'évite  adroitement,  et,  au  lieu  de  lui 
plonger  son  épée  au  travers  du  corps,  il  lui  pardonne  avec 
générosité.  Les  autres  grenadiers,  indignés  de  la  lâcheté  de 
leur  camarade,  se  jettent  sur  lui  et  le  transpercent  de  plus  de 
cinquante  coups*. 

Toutefois,  un  certain  nombre  de  Vendéens,  par  une  exas- 
pération irréfléchie,  se  laissent  entraîner,  eux  aussi,  à  des 
faits  regrettables.  Quelques-uns  s'introduisent  dans  plusieurs 
maisons  et  les  pillent  ;  d'autres  pénètrent  dans  la  ville,  et, 
apercevant  dans  la  cour  d'une  auberge,  la  guillotine  qui,  la 
veille,  leur  dit-on,  a  immolé  un  grand  nombre  de  prêtres,  de 
nobles,  de  suspects  de  royalisme,  et  qui  est  encore  teinte  de 
leur  sang,  ils  sont  tous  transportés  de  fureur.  Sur  l'ordre  de 
M.  de  la  Bouère,  ils  l'abattent  avec  empressement,  se  préci- 
pitent sur  les  prisonniers  pour  venger  leurs  amis  et  en  tuent 
un  certain  nombre3.  Leurs  chefs,  qui,  à  leur  entrée  dans  la 
Ville,  nvaient  défendu  de  toucher  aux  propriétés  et  aux  per- 
sonnes4, accourent  pour  arrêter  le  massacre.  Ils  n'y  réus- 
sirent qu'en  congédiant  immédiatement  les  prisonniers  qui 
survivent,  après  avoir  exigé  d'eux,  comme  ils  l'ont  fait  plu- 

1  Chassin,  la  Vendée  patriote,  t.  i,  p.  19:;. 

'  Crétineau,  la  Vendée  militaire,  i,  p.  112.  De  Beauvais,  p.  42. 

>  Mémoires  de  M""  de  la  Bouère.  Théodore  Muret  dit  que  c'est  à  Parthenay 
qu'ils  trouvèrent  ainsi  la  guillotine  toute  montée.  M™"  de  la  Bouère  dit  qu'on 
<-n  trouva  une  ■>  La  Châtaigneraie. 

'  La  Vendée  pair  iota,  i.  p  Slï.  Le  13,  Cathelineau,  qui  logeait  chez  M.  De- 
hargue, lui  donna  le  bon  suivant  :  A  la  Châtaigneraie,  13  mai  1793,  bon  pour 
«  une  culotte,  dix  livres  à  M.  Dehargue.  Cathelineau,  commandant.  »  Ca- 
iin'-au  avait  eu  sa  culotte  déchirée  dans  le  combat,  et  en  échange  de  celle 
qu'il  prenait  à  M.  Dehargue,  il  lui  laissait  un  bon  de  dix  livres,  c'est  un  té- 
moignage  'le  son  honnêteté  (Aug.  Rouillé,  loc.  cit.    p.  63). 


DE    LA    VKNDÉB    MILITAIKK  75 

sieurs  fois,  le  serment  de  ne  plus  reprendre  les  armes  contre 
le  parti  royaliste1. 

Mais  ces  prisonniers  avaient  à  peine  perdu  de  vue  la  ville, 
que  de  nouveaux  groupes  de  paysans,  encore  sous  l'impres- 
sion de  la  fureur  et  de  la  vengeance,  s'élancent  sur  leurs 
pas,  les  atteignent  et  recommencent  à  les  massacrer.  La  Ro- 
chejaquelein  apprend  cette  cruelle  boucherie.  Il  court  au 
milieu  de  ces  gens  égarés  :  «  Misérables  !  leur  crie  ce  ma- 
gnanime jeune  homme  :  Que  faites-vous  là?  «  Nous  égorgeons, 
«  lui  répondent-ils,  ceux  qui  ont  égorgé  nos  amis,  leurs 
«  femmes  et  leurs  enfants.  »  —  «  Mais  si  vous  agissez  comme 
«  ceux  qui  font  mal,  ouest  la  bonne  cause?  »  Et  là-dessus  il 
les  force  à  lâcher  leurs  victimes  et  à  regagner  leurs  loge- 
ments. Trop  aveuglés  par  la  vengeance,  les  paysans  ne  peuvent 
apprécier  tant  de  grandeur  d'âme  et  de  générosité  ;  ils  mur- 
murent, se  débandent  et,  fatigués  aussi  d'être  depuis  long- 
temps sous  les  armes,  ils  reprennent  le  chemin  de  leurs  pa- 
roisses respectives*. 

Par  suite  de  cette  défection  et  des  autres  qui  eurent  lieu 
simultanément,  soit  pour  emporter  le  butin,  soit  pour  revoir 
le  pays,  l'armée  vendéenne  se  trouva,  le  lendemain  14  mai, 
réduite  à  sept  mille  hommes  environ3.  Désormais  elle  était 
hors  d'état  de  songera  aucune  entreprise  sérieuse.  Elle  avait 
besoin  de  rentrer  au  centre  du  Bocage  pour  s'y  reformer  et 
y  retrouver  son  premier  enthousiasme.  C'était  l'avis  de  Ga- 
thelineau  qui  connaissait  l'esprit  de  ses  paysans  ;  c'était  aussi 
celui  des  gens  sages  et  du  plus  grand  nombre  des  généraux. 

'  La  Vendée  patriote,  p.  34b,  t.  i.  Ils  remettaient  à  chaque  prisonnier  un 
passeport  ainsi  conçu  :  «  Lesquels  ont  promis  sur  leur  foi  (ou  honneur)  et 
«  avec  serment  de  ne  jamais  reprendre  les  armes  contre  leur  roi  et  la  reli- 
«  gion  catholique,  apostolique  et  romaine  de  leurs  pères.  »  Les  passeports 
qui  étaient  datés  de  la  Châtaigneraie,  portaient  les  signatures  de  d'Elbée, 
Lescure,  Desessarts,  La  Rochejaquelein,  Stofflet,  Marigny  général  de  l'armée 
catholique  et  de  Beauvollier,  chef  de  la  cavalerie   de  l'armée  catholique. 

1  Témoignage  de  Louis  Brard,  qui  ét^it  présent.  —  Mémoires  de  M"°  de  La 
Rochejaquelein,  p.  154. 

3  Mémoires  de  Mrae  de  la  Rochejaquelein,  p.  154. 


70  TROIS    GRANDES    JOUKNÉES 

Mais  le  bouillant  Stofflet,  que  les  victoires  précédentes  avaient 
enflammé  d'ardeur,  s'écrie  au  conseil  :  «  Qu'on  me  donne 
cinq  mille  hommes,  et  je  me  fais  fort  avec  eux  d'enlever  la 
ville  de  Fontenay1.  »  Les  autres  généraux,  ne  voulant  pas 
qu'on  révoque  en  doute  leur  dévouement  et  leur  courage,  se 
laissent  d'autant  mieux  entraîner  par  l'exaltation  de  Stofflet, 
que.  avant  le  conseil  tenu  à  Thouars,  ils  avaient  envoyé  des 
courriers  à  Royrand  et  à  Baudry  d'Asson2,  pour  les 
encourager  à  marcher  sur  la  Châtaigneraie.  Ceux-ci  arrivaient 
même,  en  ce  moment,  pour  unir  leurs  forces  aux  troupes  de 
l'Anjou3  et  élevaient  ainsi  l'effectif  de  l'armée  vendéenne  à 
dix  mille  hommes.  Mais  le  chiffre  de  leurs  forces  était  trop 
faible  encore  pour  s'emparer  d'une  ville  aussi  importante  que 
Fontenay,  où  l'on  avait  pratiqué  des  travaux  de  défense4,  et 
où  se  trouvaient  réunis  six  à  sept  mille  soldats  commandés 
par  Chalbos,  qui  s'y  était  retiré  après  sa  défaite  de  la  Châtai- 
gneraie. De  plus,  Fontenay,  situé  dans  la  plaine  de  Pissotte, 
n'offrait,  dans  un  >ayon  assez  étendu,  aucun  abri  pour  pro- 
téger les  tirailleurs5.  Cette  ville  était  visiblement  imprenable 
pour  des  paysans  sans  expérience  de  la  guerre.  Mais  dans 
l'aveuglement  de  leur  victoire,  ils  se  figurent  qu'ils  l'empor- 
teront d'emblée.  Pour  se  reposer  de  leurs  fatigues,  ils  passent 
toute  la  journée  du  14  mai  à  la  Châtaigneraie. 

Le  15,  d'Elbée,  Cathelineau,  de  Bonchamps,  de  la  Roche- 
jaquelein,  de  Lescure,  Stofflet,  etc.,  ordonnèrent  à  tous  les 
officiers  généraux,  colonels  et  capitaines  royalistes  de  ras- 


1  Attestation  de  Louis  Brard  et  de  Jean    Martin  de  Saint-Lambert-du-Lat- 
tay,  témoins  auriculaires. 
1  Mémoires  de  M.  de  Sapinaud,  p.  13.  La  Vendée  patriote,  t.  i,  p.  352. 

*  Bourniseaux,  Précis  historique  des  guerres  de  la  Vendée,  t.  i,  p.  383. 

*  Itfpuis  le  15  avril  on  avait  relevé  les  murs,  rétabli  les  barrières,  les  los- 
sés  du  coté  du  midi  et  muré  les  issues.  Le  2  mai,  on  commença  à  bâtir  des 
redoutes  aux  moulins  Gaillardon  et  à  la  Ragoieserie.  {Histoire  de  la  ville 
de  Fontenay,  par  Benj .  Fillon,  p.  380). 

1  Les  administrateurs,  d'après  la  réquisition  de  Beaufranchet  d'Ayyat, 
avaient  tait  faucber  la  prairie  en  avant  de  la  ville.  (La  Vendée  patriote,  t.  i, 
p.  346). 


DE    LA    VENDEE    MILITAIRE  77 

sembler,  à  trois  heures  de  l'après-midi, leurs  corps  respectifs, 
de  faire  l'appel,  de  visiter  les  armes  et  munitions  et  de  dis- 
tribuer des  vivres  pour  deux  jours.  Cette  inspection  terminée, 
ils  devaient  rendre  compte  au  conseil  où  devait  être  décidé 
l'ordre  de  la  marche  pour  le  lendemain1. 

Bonchamps  partit  alors  pour  Saint-Florent  avec  sa  division 
pour  garder  les  bords  de  la  Loire.  Quelques  détachements 
républicains  y  avaient  déjà  reparu.  Le  commandant  Viot,  qui 
était  sorti  de  Saint-Georges,  avait  repassé  le  fleuve  au  bas  de 
la  Leu,  s'était  jeté  sur  le  Port-Girault,  puis  sur  l'île  et  la  ville 
de  Chalonnes  et  en  avait  chassé  les  postes  vendéens.  Gauvil- 
liers  s'était  porté  à  Rochefort-sur-Loire,  à  Saint-Aubin  de 
Luigné,  aux  Quarts-de-Chaume,  et  avait  balayé  tout  ce  qu'il 
avait  trouvé  devant  lui3.  Depuis  plus  de  quinze  jours,  les  ad- 
ministrations républicaines  s'étaient  réinstallées  à  Saint-Flo- 
rent-le- Vieil.  Il  importait  dès  lors  d'agir  au  plus  vite  et  de 
rejeter  les  patriotes  de  l'autre  côté  de  la  Loire.  Bonchamps 
demanda  qu'on  profitât  de  cette  expédition  pour  faire  passer 
le  fleuve  à  sa  division.  Mais,  devant  l'opinion  contraire  de  la 
majorité  des  généraux,  Bonchamps  s'inclina  et  alla  défendre 
seulement  son  territoire  menacé3. 

Le  départ  de  Bonchamps  inspira  à  un  certain  nombre  de 
paysans,  désireux   de  revoir   leurs   foyers  et  ne  se  rendant 

i  Ghassin,  La  Vendée  patriote,  p.  346  :  «  Ceux  qui  sont  sous  le  comman- 
dement de  M.  Stotflet  se  réuniront  à  la  Boursière,  ceux  qui  sont  sous  celui  de 
M.  de  Marigny,  au  Châtenais  ;  ceux  de  M.  Bonchamps  au  Pré-Bailly  ;  ceux  de 
M.  de  Lescure,  dans  le  Pré-Moreau.  M.  de  Beauvollier  réunira  l'artillerie  dans 
le  pré  du  Château  et  la  fera  ranger  sous  la  Halle.  Fait  en  conseil,  à  La  Châ- 
taigneraie, le  15  mai  1793.,  l'an  1"  du  règne  de  Louis  XVII.  D'Elbée,  de  Bon- 
champs,  Desessarts  Stofflet,  Cathelineau,  Lescure,  Bernard  de  Marigny,  de 
Beauvollier,  de  la  Jtochejaquelein.  »  Cette  pièce  prouve  que  Bonchamps 
était  à  la  Châtaigneraie,  conformément  aux  attestations  de  M°"  delà  Roche- 
jaquelein  et  de  Mme  de  Bonchamps  et  contrairement  à  celles  de  Beauchamp 
(t.  i,  p.  69),  et  de  Beauvais,  qui  le  font  quitter  à  Thouars  l'armée  d'Anjou. 
Comme  le  13  mai,  il  est  dit  que  Bonchamps  prit  à  Cholet  la  caisse  publque, 
il  faut   en    conclure  qu'une  partie  de  sa  troupe  avait  quitté  a  Thouars. 

*  La  Vendée  en  1793,  par  Grille,  t.  i,p.  122. 

3  Bonchamps  et  le  passage  de  la  Loire  par  l'armée  vendéenne  en  1703, 
par  M.  Baguenier-Desormeaux,  p.  23-24.  —  Vannes,  librairie  Lafolye. 


78  TROIS    GRANDES   JOURNÉES 

nullement  compte  des  conséquences  de  leur  retraite,  la 
pensée  de  quitter  clandestinement  l'armée.  Les  généraux,  ne 
possédant  aucun  moyen  de  répression  contre  des  volontaires 
aussi  indépendants,  ne  pouvaient  que  gémir  de  leur  conduite 
inconsidérée*. 

L'évêque  d'Agrase  rendit  à  Châtillon,  puis  à  Mortagne,  où 
il  reçut  la  visite  de  tous  les  prêtres  des  environs.  Il  eut  même 
l'audace  d'ordonner  un  prêtre  et  deux  diacres  à  Saint- Lau- 
rent-sur.-Sèvres.  La  nullité  et  les  funestes  conséquences  de 
cette  ordination  auraient  dû  épouvanter  sa  conscience;  mais 
celui  qui,  comme  Guillot  de  Folleville,  s'engage  volontaire- 
ment dans  une  si  pernicieuse  voie,  ne  tarde  pas  à  perdre 
jusqu'au  sens  moral. 

Ce  fut  dans  la  soirée  du  15,  après  la  revue,  que  les  Ven- 
déens quittèrent  la  Châtaigneraie.  Ils  allèrent  coucher  à 
Vouvant  où  ils  logèrent  chez  les  habitants,  soldant  leurs 
vivres  avec  des  bons  royaux  payables  à  la  fin  de  la  guerre. 
Malheureusement  un  trop  grand  nombre  ne  purent  résister  à 
leur  passion  pour  le  vin  et  dévastèrent  les  caves  qu'ils  ren- 
contrèrent. Mais,  à  part  cet  excès,  la  conduite  de  la  plupart 
d'entre  eux  fut  irréprochable  et  même  édifiante.  Le  soir, 
réunis  par  groupe  nombreux,  ils  récitèrent  publiquement 
le  chapelet  et  la  prière,  dévotions  auxquelles  ils  ne  manquaient 
jamais  chaque  jour. 

Lu  16  mai,  les  Royalistes  se  remettent  en  marche;  mais 
avant  le  départ,  l'abbé  Barbotin  avec  quelques  prêtres,  revê- 


1  «  Le  lendemain  de  la  bataille  gagnée  ou  perdue,  il  n'y  avait  plus  per- 
sonne ;  lr-8  paysans  s'en  retournaient  tous  chez  eux,  il  était  impossible  de  les 
retenir.  •  (M"'«  de  la  rtochejaquelein,  p.  144). 

s  II  fit  pendant  la  guerre  une  ordination  d'un  prêtre  et  de  deux  diacres  a 
Saint-Laurent-sur-Sèvr.:. «J'étais  un  des  diacres  >  dit  l'abbé  Jaunet,  curé  de  la 
Gaubretiére  (Eloge  des  Vendéens,  p.  27).  L'abbé  Péan  fut  aussi  ordonné  par 
lui;  ayant  appris  plus  tard  la  nullité  de  son  ordination,  il  en  mourut  de 
douleur.  Ch.  Loir-Mongaron,  qui  avait  de  forts  doutes  sur  la  valeur  de  ses 
titres,  refusa  celui  de  vicaire-général  que  cet  intrus  lui  offrit  quand  il  vint  à 
Beaupréau. 


UE    LA    VENDÉE    MILITAIRE  79 

tant  leur  soutane1  et  les  ornements  sacerdotaux,  célèbrent  so- 
lennellement la  sainte  messe,  pour  demander  à  Dieu  la  pro- 
tection dans  l'attaque  qu'ils  entreprennent  contre  Fontenay. 
À  midi,  l'armée  catholique  et  royale  avait  franchi  la  forêtde 
Bagaenard  si  débouchait  dans  la  plaine  qui  se  déroule  devant 
Fontenay.  Un  nommé  Ancelin  vint  en  avertir  Chalbos1.  Ce 
général  avait  fait  creuser,  de  ce  côté,  des  tranchées  profondes 
revêtues  de  parapets.  Sandoz,  retiré  à  Saint-Maixent,  depuis 
quelques  jours,  était  accouru  à  son  secours.  Mais  c'est  en  vain 
qu'il  avait  requis  les  troupes  stationnées  dans  les  localités 
principales  du  district,  et  qu'il  voulait  les  opposer,  disait-il,  à 
cette  multitude  d'hommes  fanatiques  qui  venait  l'attaquer3. 
Secondé  seulement  par  le  général  d'Ayat,  il  avait  tenu  conseil 
dans  la  nuit  du  14,  à  une  heure  du  matin,  pour  savoir  s'il  de- 
vait se  défendre  ou  se  replier  sur  Niort  ou  la  Rochelle,  l'at- 
taque vendéenne  lui  paraissant  extrêmement  redoutable4.  Il 
fut  décidé  que,  vu  l'insuffisance  des  moyens  de  défense,  l'ar- 
mée se  replierait  sur  Niort.  En  conséquence  de  cette  décision, 
le  directoire  du  département  ordonna  d'y  envoyer  les  caisses 
et  les  papiers.  Aussitôt  que  les  voitures  furent  chargées  et 
prêtes  à  partir,  le  général  ordonna  de  les  faire  filer  sur  Niort. 
La  tête  du  convoi  était  formée  par  les  équipages  des  géné- 
raux et  du  commissaire  ordonnateur5.  Déjà  les  prêtres  consti- 
tutionnels, les  femmes  et  les  enfants  qui  ne  voulaient  pas 
rester  à  Fontenay  avaient  pris  la  même  direction,  lorsque 
Sandoz,  qui  avait  organisé  l'armée  de  Saint-Maixent,  arriva  à 
Fontenay,  à  la  tête  de  quatre  mille  hommes.  Dès  lors,  on  ré- 


1  Ils  ne  la  portaient  pas  habituellement  depuis  la  guerre. 

*  Histoire  de  la  ville  de  Fontenay,  par  Benjamin  Fillon,  p.  382. 

s  «  J'ai  écrit  par  tous  les  courriers  pour  avoir  des  forces,  mais  c'a  été  en 
«  vain.  »  {Lettre  de  d'Ayat  au  ministre).  Le  15  mai,  les  troupes  en  station 
à  Saint-He^mand,  aux  Moutiers  sur-le-Lay,  à  Mareuil,  à  la  Claye,  à  Saint- 
Cyr,  aux  Ghamps-Saint-Père,  à  Luçon,  aux  Moutiers-les-Maufaits,  à  Avrillé, 
à  Talmont  quittèrent  leurs  postes  (La  Vendée  patriote,  i,  p.  34'.'). 

4  Chassin,  l.  c.  i,  329,  331,  338. 

s  Rapport  des  administrateurs  du  département  de  la  Vendée  (La  Vendée 
patriote,  t.  i,   p.  351). 


80  TROIS    GRANDE-:    JOURNÉES 

solut  de  se  défendre  jusqu'à  la  dernière  extrémité1.  On  pour- 
vut à  tous  les  postes  sur  la  ligne  de  Fontenay  aux  Sables,  ce 
qui  répandit  l'alarme  dans  cette  partie  du  département. 
Chalbos  n'avait  pour  toute  artillerie  que  deux  pièces  de 
quatre  et  autant  de  deux.  Dès  qu'il  aperçut  les  Vendéens,  il 
rangea  son  armée  en  bataille  dans  les  fossés  d'enceinte,  à 
Pjssoite.  à  Morienne,  à  Gaillardon-,  à  Mérité,  donna  le  com- 
mandement de  la  droite  au  capitaine  Dufour,  du  84e  de  ligne, 
celui  de  la  gauche  à  un  officier  tenant  la  place  de  d'Ayat  parti 
le  matin  pour  Luçon,  et  celui  du  centre  à  l'adjudant  général 
s mdoz5.  Il  masse  sa  cavalerie  sous  les  ordres  de  Nouvion, 
son  chef  d'état-major,  dans  les  rues  de  la  ville,  prêt  à 
charger  où  le  besoin  se  ferait  sentir.  Personnellement  il  se 
tient  en  observation  pour  diriger  tous  les  mouvements*. 

Pendant  ce  temps,  l'armée  catholique  et  royale  traversait 
la  plaine5  et  allait  prendre  son  poste  de  combat,  au  chant  des 
litanies  de  la  sainte  Vierge.  L'abbé  Barbotin  donna  une  abso- 
lution générale  à  tous  les  combattants*.  Les  divisions  de  Les- 
cure  et  de  la  Rochejaquelein,  soutenues  de  plusieurs  canons, 
formaient  l'aile  gauche  et  étaient  opposées  à  Dufour  ;  celles  de 
l'FClbée  et  de  Cathelineau,  conduisant  M arie-Jcanne  et  plusieurs 
autres  pièces  d'artillerie,  composaient  l'aile  droite  et  mar- 
chaient contre  le  remplaçant  de  d'Ayat;  Royrand,  Sapinaud 

1  II  moire  de  la  ville  de  Fontenay,  par  Benjamin  Fillon,  p.  381. 
»  I.a  redoute  de  Gaillardon,à  laquelle  on  travaillait  depuis  une  douzaine  de 
utit  seule  prête  en  ce  moment(Louis  d'Aspremont,  v.  VAvenir  et  Vln- 
dicateur  de  Fontenay,  mai  1898). 

'  Savary,  t.  i,  p.  221.  Benjamin  Fillon,  Histoire  de  la  Hlle  de  Fontenay, 

' .  dit  que  Auguis  et  d'Ayat  étaient  partis  le  matin  pour  Luçon.  Chalbos 

us  son  rapport  constate  l'absence  de  ce  dernier,  sans  nommer  son  rempla- 

•  tout  le  pays,  des  Sables  jusqu'à  Fontenay,  la  pénurie  du  blé  se 

faisant  sentir,    les   autorités    avaient  nommé  des  commissaires  chargés  d'en 

acheter  f  La  Vendée  patriote,  i,  p.  333-336). 

*  Savary,  t.  i,  p  221. 

•  Tou«  les  chefs  Vendéens,   excepté  Boncliamps,  étaient  présents.  (Note  de 
M»*  <ie  la  Bouëre . 

1  Témoi  le  l'abbé  Barbotin.  «  La  Vendée  historique,  2*  année,  n°  38, 

24.  Luçon,  Bideaux,  impr. 


DE    LA    VENDÉE    M1LITAIKE  SI 

et  Baudry  d'Asson  étaient  au  centre   et  s'avançaient  contre 
Sandoz. 

Les  républicains,  agréablement  surpris  du  petit    nombre 
des  assaillants,  les  laissent  approcher,  affectant  même  de  ne 
leur  opposer  d'abord  qu'une  faible  résistance.  Mais  lorsqu'ils 
les  voient  au  milieu  de  la  plaine,  sans  abris  et  à  découvert, 
ils  sortent  de  leurs  retranchements  et  les  criblent  de  mitraille, 
vis-à-vis  les  métairies  des  Granges,  des  Gour /ailles,  et  le  che- 
min de  Pissotle.  Le  désordre  aussitôt  se  met  parmi  les  soldats 
de  Royrand.  Les  chasseurs  de  la  Gironde,  commandés   par 
Sandoz,  achèvent,  par  une  charge  à  la  baïonnette,  de  les  mettre 
en  fuite.  Cependant  les  deux  ailes  des  royalistes  font  des  pro- 
grès sensibles.  La  Rochejaquelein   et  Lescure,  après  avoir 
repoussé  Dufour,  se  disposent  à  marcher  en  avant,   lorsque 
Ghalbos,  à  la  vue  du  danger  qui  le  menace,  fait  déboucher, 
sur  le  flanc  droit  des  royalistes,  deux  escadrons  du  13'  chas- 
seurs à  cheval  et  les  lance  sur  eux  à  fond  de  train.  Les  soldats 
de  d'Rlbée  et  de  Cathelineau,  surpris  par   cette  attaque,   se 
déconcertent.  D'Elbée  s'élance  à  la  tête  de  son  état-major,pour 
leur  donner  un  nouveau  courage  ;  mais  il  est  blessé  au  bras 
d'un  coup  de  pistolet  et  tombe  au  pouvoir  des  républicains. 
Quelques  braves  l'arrachent  aussitôt  de  leurs  mains  et  l'em- 
portent hors  du  champ  de  bataille.  En  le  voyant  s'éloigner, 
ses  soldats,  qui  faiblissaient  déjà,  lâchèrent  pied.  Nouvion  se 
précipite  sur  eux  à   la  tête  de  deux  escadrons,  tandis   que 
Chalbos  les  prend  par  derrière,  charge  leurs  rangs,  qui  sont 
déjà  brisés,    les  met  en  déroute  et  en  fait  un   grand  car- 
nage*.  De   la   Marsonnière  veut    sauver   l'artillerie  vendé- 
enne ;  il  est  fait  prisonnier  par  Chalbos  avec  plus  de  deux 
cent  quarante  paysans.  Dès  lors  ce  n'est  plus  qu'un  sauve-qui- 
peut  général   au  centre  et  à  la  droite,  et  la  plaine  offre   le 
spectacle  du   plus  grand  désordre.  En  vain  Cathelineau  s'a- 
dresse à  ses  gars  du  Pin   et  de  la  Poitevinière,  en  vain  Stof- 

1  Savary,  t.  i,  p.  221. 

Tome   xii.   —   janvier,  février,  mars.  6 


82  TROIS    GRANDES    JOURNÉES 

flet  se  jette  au  devant  de  ses  volontaires  de  Maulévrier,  en 
vain  ils  crient  l'un  et  l'autre  que  les  ennemis  sont  en  petit 
nombre  et  qu'il  suffit  de  montrer  un  peu  de  fermeté  pour 
ressaisir  la  victoire;  ils  ne  sont  point  écoutés.  Lescure  et 
la  Rochejaquelein,  maîtres  des  retranchements  ennemis, 
voyant  s'enfuir  leur  centre  et  leur  aile  droite,  maudissent  le 
sort  qui  leur  arrache  le  triomphe.  Pour  n'être  pas  enveloppés, 
ils  se  reportent  en  arrière,  s'entourent  d'un  peloton  de  braves, 
les  excitent  de  la  voix  et  de  leur  exemple  et  résistent  ainsi 
longtemps  aux  efforts  des  ennemis,  qui  se  massent  autour 
d'eux.  Ecrasés  enfin  par  le  nombre,  ils  se  retirent  non  sans 
avoir  subi  des  pertes  sensibles.  Au  môme  moment, Dommaigné 
arrive  à  leur  secours  avec  sa  cavalerie.  «  Camarades,  crie-t-il 
à  ses  gens,  n'ayez  pas  peur.  Feu,  mais  pas  tous  à  la  fois,  et 
retirons-nous  par  pelotons  détachés.  »  A  son  ordre,  cavaliers 
et  fantassins  s'échelonnent  et  soutiennent  la  retraite1.  Dom- 
maigné, dans  la  lutte,  a  le  genou  contusionné  par  une  balle. 
Enfin  les  débris  de  l'armée  atteignent  la  forêt  de  Baguenard  ; 
les  fugitifs  s'y  mettent  à  couvert  et  de  là  regagnent  en  hâte 
les  fourrés  du  Bocage.  Leurs  pertes  sont  graves  :  six  cents 
hommes  sont  restés  sur  le  champ  de  bataille-;  tous  leurs  ca- 
nons sont  pris  à  l'exception  de  deux3.  Marie-Jeanne,  leur  cé- 
lèbre palladium  et  pour  laquelle  ils  avaient  tant  de  vénéra- 
tion, est  capturée  ;  toutes  leurs  munitions  d'artillerie,  leurs 
provisions  de  viande,  de  pain  et  de  farine  avec  trente  ou  qua- 

1  Attestation  de  Louis    Iîrard. 

5  Crélmeau-Joly,  t.  i,  p.  113.  Théodore  Muret  accuse  quatre  cents;  Louis 
lir.'irl  en  compte  mille;  M.  Boutillier  de  Saint-André  deux  mille,  compris  les 
M.  île  la  Boutetière   dit  qu'ils  perdirent  trente-deux  canons.  (Le 
Chevalier  de  Sapinaud,  p.  78). 

•'  l-t  bataille  s'était  donnée  avec  tant  de  confusion,  que  nos  canons  se 
trouvèrent  engagés,  les  uns  à  la  suite  des  autres,  et  sans  être  gardés  par  des 
soldat*  ni  des  officiers  d'artillerie.  La  déroute  l'ut  si  prompte  que  tout  le 
moi.  lit   la   tête.  Oa  ne  fit  rien  pour  sauver  les  pièces,  on  les  laissa  en 

■]>tfon  de  deux  qui  étaient  à  l'aile  gauche  avec  MM.  de  la  Ro- 
chejaquelein  et  de  Lescure.  »  M,ue  de  la  Rochejaquelein,  p.  154,  note. — 
M.  Boutillier  de  Saint-André  dit  que  les  paysans  de  d'Klbée,  de  Lescure,  de 
la  Rochejaquelein,  et  de  Dommaigné  firent  des  prodiges  de  valeur  et  opérèrent 
une  retraite  admirée  des  Républicains  eux-mêmes  (Mémoires,  p.  155.) 


DE    LA    VENDÉE    MILITAIRE  83 

rante  charretées  d'effets  et  de  bagages,  tombent  entre  les 
mains  des  ennemis1. 

Un  instant,  ils  avaient  eu  l'espoir  de  reprendre  une  partie 
de  leur  artillerie.  Au  commencement  de  la  bataille,  quatre- 
vingts  paysans  avaient  été  placés  par  Lescure  à  un  poste  pé- 
rilleux, avec  ordre  de  ne  l'abandonner  qu'à  la  dernière  extré- 
mité. Mais,  obligés  de  se  retirer  en  arrière,  ils  se  trouvent  en 
face  du  détachement  républicain  chargé  de  garder  Marie- 
Jeanne  et  les  autres  armes  prises  dans  le  combat.  Ils  l'at- 
taquent, le  dispersent  et  saisissent  Marie-Jeanne;  ils  l'em- 
brassent en  pleurant  de  joie  et  croient  l'avoir  sauvée  des 
mains  de  l'ennemi.  Mais  leur  joie  l'ut  de  courte  durée,  car  la 
cavalerie  républicaine  revient  sur  eux,  les  sabre  tous  et  re- 
prend Marie-Jeanne. 

Les  vaincus  ,  qui  n'avaient  plus  d'artillerie  et  plus  de 
poudre,  ne  pouvaient  s'expliquer  un  pareil  revers,  le  premier 
qu'ils  eussent  subi.  Toute  la  Vendée  l'ut  dans  les  larmes.  Les 
Patriotes, au  contraire,firent  éclater  les  transports  de  leur  joie. 
Leur  victoire  leur  parut  si  complète,  qu'ils  crurent  la  guerre 
presque  terminée 

Beaufanchet  d'Ayat,  qui  était  revenu  à  Fontenay  au  mo- 
ment du  combat,  voulut  profiter  de  la  victoire.  Le  19,  on  tint 
un  conseil  de  guerre  pour  savoir  si  l'on  irait  reprendre  le 
poste  de  la  Châtaigneraie,  ou  si  l'on  resterait  à  Fontenay.  Il 
fut  décidé  qu'on  irait  à  la  Châtaigneraie.  Le  20,  Chalbos  mar- 
cha, à  la  tête  de  sept  mille  hommes  d'infanterie,  de  deux  cent 
cinquante  cavaliers  et  de  neuf  pièces  de  canon,  sur  la  Châtai- 
gneraie pour  la  réoccuper.  N'y  rencontrant  aucune  résistance 

•  Mm"  (le  la  Rochejaquelein,  p.  1 54. —  La  Vendée  patriote,  i,  p.  347.  —  Mm<>de 
Sapinaud,  p.  'il.  Louis  BrarJ,  dans  cette  journée  faillit  perdre  la  vie.  Sur  le 
point  d'être  sabré  par  des  cavaliers  ennemis,  il  fut  sauvé  par  las  cavaliers  de 
Donimaigné  qui  le  protégèrent  de  leurs  corps.  A  la  nuit  tombante,  ayant 
gagné  un  petit  bourg,  sur  la  lisière  du  Bocage,  il  en  sortit  avec  quelques 
amis,  et  fit  une  marche  forcée  croyant  se  diriger  vers  ses  foyers.  A  l'aube  du 
lendemain,  il  se  croyait  hors  de  tout  danger,  mais  par  une  erreur  fatale,  il 
se  retrouva  presque  à  son  même  point  de  départ.  11  se  remit  en  route  et, 
grâce  à  sa  célérité  et  à  sa  vigueur,  il  regagna  sa  demeure. 


84  TROIS   GRANDES   JOURNÉES 

il  y  entra  sans  tirer  un  coup  de  fusil  '.  D'Ayat  s'empressa,  le 
23,  d'instruire  le  ministre  de  cette  expédition  :  «  Le  passage 
«  des  Vendéens,  lui  disait-il,  est  comme  celui  de  la  lave,  il 
><  frappe  de  dévastation  et  de  mort.  »  Il  faisait  allusion  au 
pillage  des  royalistes  dans  les  maisons  des  Patriotes  de  la 
Châtaigneraie. 

Le  24,  six  représentants  du  peuple,  réunis  à  Fontenay  pour 
y  concerter  leurs  opérations  ultérieures,  furent  informés 
que,  «  la  veille,  un  moment  d'inquiétude  s'était  manifesté 
dans  l'armée  de  Chalbos,  à  la  Châtaigneraie.  Goupilleau  (de 
Fontenay),  Goupilleau  (de  Montaigu)  et  Garnier(de  Saintes) 
s'y  transportèrent  dans  la  matinée  avec  le  général  d'Ayat. 
Ils  y  trouvèrent  le  calme  tellement  rétabli  qu'ils  rentrèrent 
le  soir  même  à  Fontenay.  Cependant,  un  instant  après  leur 
départ,  vers  six  heures  du  soir,  le  général  Chalbos  fut  infor- 
mé que  les  rebelles  formaient  des  rassemblements  nombreux 
à  l'Absie,  à  Moncoutant,  à  Saint-Pierre-du-Chemin,  à  Mouil- 
leron,  qu'ils  venaient  d'envahir  un  village  plus  rapproché  et 
qu'ils  se  disposaient  à  faire  un  mouyement  pour  le  cerner 
dans  la  Châtaigneraie.  Voyant  qu'il  ne  pouvait  y  rester  plus 
longtemps,  il  crut  prudent  de  se  replier  sur  Fontenay.  Le 
soir,  à  dix  heures,  sur  l'avis  de  son  conseil  de  guerre,  il  re- 
prenait la  route  de  cette  ville,  où  il  arrivait  le  lendemain  ma- 
tin, à  cinq  heures,  avec  toute  son  armée  après  une  marche 
très  pénible2.  » 

Pendant  ce  temps,  les  paysans,  revenus  de  l'abattement  où 
ils  étaient  d'abord  tombés,  sentirent  le  besoin  d'en  tirer  une 
éclatante  vengeance.  C'est  le  premier  sentiment  qu'éprouvent 


'  lia  n'y  trouvèrent  que  300  hommes  (La  Vendée  patriote,  t.  i,  p.  383-384.) 
Le  19,  Sandoz  avait  fait  occuper  Parthenay  par  ïOOO  hommes  de  réquisition 
sous  les  ordres  de  Bretonville  (Sazary,  t.  i,  p.  221). 

'  Lettre  des  représentants  du  peuple.  Niort,  26  mai.  —  Recueil  des  Actes 
du  Comité  de  Salut  public,  par  M.  Aulard,  iv,  p.  M34-335.  —  Guerres  des 
Vendéens  et  des  Chouans,  par  Savary,  i,  p.  2iS.  Chalbos  fut  promu  au  grade 
de  général  de  division  en  récompense  de  sa  victoire  du  16  mai.  (Chassin,  l. 
c.  I,  395). 


DE    LA    VENDEE    MILITAIRE  85 

tous  ceux  qui  ont  été  profondément  humiliés,  et  ce  fut  sur- 
tout celui  qui  surgît  alors  dans  le  cœur  des  Vendéens.  D'un 
caractère  ardent  et  énergique,  plus  faciles  peut-être  que 
d'autres  à  subir  des  impressions  violentes,  ils  cédèrent  natu- 
rellement au  désir  de  se  venger.  Les  chefs  ne  manquèrent  pas 
de  profiter  de  celte  disposition  des  esprits.  Ils  firent  publier 
partout  qu'il  fallait  sans  délai  se  laver  du  déshonneur  infligé, 
à  leurs  armes.  Cathelineau  surtout  était  plein  de  confiance 
dans  l'avenir  :  «  Ce  n'est  rien  que  notre  malheur,  il  sera  bien- 
«  tôt  réparé,  dit-il,  à  M.  Gantiteau  ;  tout  ce  que  nous  avons 
«  perdu,  n'est  que  prêté;  je  vous  réponds  que  dans  quinze 
«  jours  nous  serons  maîtres  de  Fontenay  et  que  nous  repren- 
«  drons  tout  avec  usure.  J'ai  vu,  ajouta-t-il,  la  cause  de  notre 
«  défaite.  Mon  plan  est  formé  pour  une  nouvelle  attaque  ;  on 
«  le  suivra  et  nous  serons  vainqueurs1.  »  Les  prêtres  secon- 
dèrent ses  efforts.  Ils  tonnèrent  contre  les  excès  que  l'on 
avait  commis,  et  qui  étaient  indignes  de  soldats  chrétiens2. 
Ils  leur  firent  faire  des  amendes  honorables,  les  engagèrent  à 
se  réconcilier  avec  Dieu,  célébrèrent  des  messes  expiatoires, 

1  Mémoires  de  M.  Cantiteau,  p.  28.  — La  guerre  de  la  Vendée,  par  Bau- 
champ,  t.  i,p.  123.  Mme  de  la  Bouère  dit  dans  ses  notes  qu'on  «  a  vu  les  Ven- 
«  déens  vaincus  à  Fontenay  revenir  sans  le  moindre  découragement,  disant 
«  qu'ils  iraient  bientôt  reprendre  leur  revanche  »  et  qu'au  «  premier  signal 
«  ils  retourneraieat  au  rassemblement  pour  reprendre  Fontenay.  »  Marigny,  à 
la  suite  de  la  déroute,  était  tombé  dans  un  véritable  désespoir.  De  retour  au 
château  de  la  Boulaye,  il  avait  jeté  brusquement  ses  pistolets  sur  une  table 
en  s'écriant  :  «  Je  ne  me  bats  plus.  »  L'abbé  Joubert,  curé  de  Boismé, 
voulut  le  consoler,  mais  il  ne  put  y  réussir.  Lescnre  alors  le  prend  par  le 
bras  et  l'amène  dans  un  champ  où  bivouaquaient  des  paysans,  récitant  en 
commun  le  chapelet.  «  Vois,  lui  dit-il,  la  confiance  que  gardent  ces  braves 
«  gens  et  ne  désespère  plus.  »  Marigny  reprit  courage  et  songea  comme  les 
autres  chefs  à  enflammer  d'ardeur  leurs  soldats.  (La  Vendée  à  trois  époques, 
parAug.  Johannet,  t.  i,  p.  65,). 

*  <  Ils  (les  généraux)  invitèrent  les  prêtres  à  exhorter  le  peuple  pour  le  ra - 
«  mener,  et  surtout  à  dire  que  c'était  Dieu  qui  avait  permis  la  déroute  pour 
«  marquer  son  mécontentement  de  ce  qu'on  avait  fait  du  dégât  dans  quelques 
«  maisons  de  la  Châtaigneraie.  »  M.  l'abbé  Jagault  prêcha  à  Mallièvre  pour 
la  première  fois  de  sa  vie  ;  il  le  fit  sans  préparation,  mais  avec  une  éloquence 
vive  et  entraînante.  Bien  des  personnes  le  préférèrent  au  curé  de  Saint- 
Laud.  C'étaient  les  deux  meilleurs  prédicateurs  de  l'armée  (Afme  de  la  Roche* 
jaquelein,  p.  1!>6). 


SO  TROIS    GRANDES    JOURNÉE-;    DE    LA    VENDÉR    MILITAIKE 

organisèréntdes  processions,  employèrent,  en  un  mot,  tout  ce 
que  leur  zèle  put  leur  suggérer  pour  faire  comprendre  aux 
paysans  l'énormité  de  leurs  crimes.  Et  c'étaient  ces  prêtres 
que  la  Convention  représentait  comme  des  fauteurs  de  pillage 
et  des  hommes  de  sang  !  De  leur  côté,  les  chefs  Vendéens  an- 
noncèrent à  leurs  volontaires  que  tout  le  pays  entre  Niort  et 
Fontenay  était  soulevé  en  leur  faveur,  que  la  Convention 
avait  peine  à  résister  à  ses  ennemis  et  que  Dumouriez  mar- 
chait sur  Paris  avec  cent  mille  hommes1. 

Cathelineau,  dit  Napoléon  dans  ses  Mémoires,  «  qui  avait 
«  reçu  de  la  nature,  la  première  qualité  d'un  homme  de 
<-  guerre,  l'inspiration  de  ne  jamais  laisser  se  reposer  ni  les 
«  vainqueurs,  ni  les  vaincus-»,  indiqua  Cholet  aux  soldats  de 
l'Anjou  comme  point  de  ralliement.  Le  21  mai,  tous  devaient 
s'y  trouver.  Les  Poitevins  avaient  ordre  de  sefréunir  les 
uns  à  Châtillon,  les  autres  à  Pouzauges  pour  le  20  mai3. 
Royrand,  que  l'on  avait  convoqué  de  nouveau,  envoyait,  le 
23,  4000  hommes*  de  Chantonnay. 

Trois  à  quatre  jours  avaient  suffi  à  ces  intrépides  volon- 
taires pour  retremper  leur  courage,  se  retrouver  prêts  à  de 
nouveaux  combats  et  reconstituer  leur  grande  armée. Prendre 
leur  revanche  était  pour  eux  comme  un  point  d'honneur*. 

Abbé  Deniau. 
(A  suivre). 

1  Correspondance  autographe  des  chefs  vendéens  [Histoire  de  Fontenay. 
par  Benj.  r'illon,  p.  384). 

1  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  France  sous  Napoléon,  écrits  à 
Sainte-Hélène,  t.  vi  (Montholon). 

1  Ceux  qui  devaient  se  réunir  à  Pouzauges  et  y  apporter  des  vivres,  en 
avaient  reçu  l'ordre  de  Lescure  et  de  La  Rochvjaquelein  (Papiers  de  Gou- 
pilleau,  cités  par  M.  de  la  Boutetière,  p.  7). 

4  Souvenirs  vendéens  de  M.  Amélée  de  Béjarry,  p.  7?.  E.  Grimaud,  1847. 

*  *  C'est  l'exacte  vérité  »,  affirme  M.  de  la  Bouère,  p.  40. 


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L'ART  EN  VENDÉE 


A    PROPOS    I)  IN    GROUPE 


DE    GASTON    GUITTON 


Divers  journaux  de  notre  région  ont  annoncé  que  le  Con- 
seil général  de  la  Vendée,  en  sa  dernière  session,  avait 
décidé,  sur  la  proposition  de  deux  de  ses  membres,  son 
honorable  président  M.  Le  Gler  et  l'honorable  sénateur  M. 
Halgan,  qu'une  réduction  en  bronze  du  groupe  de  Gaston 
Gui l ton,  La  Justice  protégeant  V Innocence  contre  le  Crime, 
serait  acquise  et  placée  dans  l'un  des  salons  de  la  Préfecture. 

Cette  nouvelle,  ainsi  rédigée,  appelle  un  commentaire. 

Il  n'y  a  pas  de  réduction  du  groupe  de  Guitton.  —  Il  y  a 
deux  groupes  :  l'un  de  petites  dimensions,  l'aulre  de  propor-  ■ 
tions  monumentales.  —  Ils  ont  été  exécutés  à  plusieurs  an- 
nées d'intervalle,  et  ils  diffèrent  entre  eux  par  certains  détails 
d'arrangement  des  draperies,  de  mouvement,  et  d'expression 
qui  ne  permettent  pas  de  les  confondre  et  d'en  faire  une  seule 
et  même  création. 

L'exécution  du  petit  groupe  a  précédé  celle  du  grand  ;  elle 
en  a  été  comme  l'essai,  la  préparation. 

Dans  l'étude  que  j'ai  donnée  ici  même1,    sur  le  maître  sta- 
tuaire vendéen   et  son  œuvre,  j'ai  raconté  que  Guitton  avait 


*   Revue  du  Bas-Poitou,   année  1892. 


88  l'art  EN   VENDÉE 

conçu  cette  belle  composition  avec  la  pensée  d'offrir  un  sou- 
venir à  son  frère  M.  Camille  Guitton  qui  était  j  uge  au  tribunal 
de  La  Roche.  Il  exécuta  ce  groupe  dans  des  dimensions  con- 
formes à  sa  destination,  it  en  fit  un  petit  monument  d'inté- 
rieur, de  salon.  —  Mais  malgré  ses  mesures  restreintes, 
l'œuvre  était  empreinte  d'un  caractère  si  grave,  d'un  style  si 
sévère  et  si  pur,  elle  présentait  un  aspect  si  monumental, 
que  des  confrères  de  l'auteur  et  de  ses  amis  compétents  en 
matière  d'art,  le  décidèrent  à  reprendre  sa  composition  et  à 
lui  donner  des  proportions  en  rapport  avec  son  importance, 
et  sa  haute  valeur. 

J'ai  dit  les  péripéties  au  milieu  desquelles  l'œuvre  fut  exé- 
cutée :  les  deux  figures  de  La  Justice  et  de  l'Innocence  étaient 
terminées  et  moulées  en  plâtre,  celle  du  Crime  allait  être 
achevée,  au  moment  de  l'investissement  de  Paris  ;  abandon- 
née pendant  le  siège,  sa  terre  gelée  était  écroulée  quand 
Guitton  revint  à  son  atelier.  J'ai  conté  le  découragement  du 
maître,  puis  la  reprise  de  son  travail  quatre  ans  plus  tard, 
enfin,  l'exposition  de  l'œuvre  achevée,  superbe,  au  Salon  de 
1875;  et  alors  les  espoirs,  les  promesses  dont  cette  exposition 
fût  l'occasion  ;  finalement  les  cruelles  déceptions  qui  sui- 
virent.—  Je  ne  reviendrai  pas  sur  la  genèse  de  ce  groupe 
qui  est  l'œuvre  capitale  de  notre  éminent  compatriote,  ni  sur 
toutes  ces  choses  déjà  dites;  ce  que  j'ai  voulu  établir  et  ce 
qu'il  importait  de  fixer,  c'est  que  le  bronze  dont  le  conseil 
général  a  voté  l'acquisition  n'est  pas  la  réduction  du  groupe 
qui  a  figuré  au  Salon,  et  dans  lequel  Guitton  avait  mis  toute 
sa  maîtrise,  en  vue  des  hautes  récompenses  qu'il  était  en 
droit  d'attendre  après  cette  manifestation  supérieure  de  son 
talent. 

Ce  petit  bronze  mesure  exactement  soixante-quinze  centi- 
mètres de  hauteur  et  soixante-deux  de  largeur.  Le  grand  mo- 
dèle présente  des  figures  de  neuf  pieds,  et  n'étant  pas  comme 
le  premier  destiné  à  être  mêlé  à  la  vie  de  famille,  mais  ap- 
pelé,  l'auteur   l'espérait   du    moins,   à  décorer  le  péristyle 


L'ART    KN    VENDÉE  89 

d'un  palais  de  Justice,  les  personnages  qui  le  composent 
sont  moins  rigoureusement  vêtus.  La  tunique  de  VInnocence, 
un  peu  chiffonnée  sans  doute,  a  glissé  de  ses  épaules  et  va 
retomber  sur  ses  hanches  ;  la  draperie  du  Crime  a  disparu, 
il  se  montre  sans  voiles,  probablement  pour  exprimer  qu'il 
ne  peut  y  avoir  rien  de  caché  pour  la  justice. —  Mais  ces 
grandes  figures  ne  se  distinguent  pas  des  petites  figurines 
primitives  seulement  par  des  modifications  ou  des  suppres- 
sions de  draperies,  leur  mouvement  est  sensiblementchangé. 
Le  Crime  &  le  torse  plus  infléchi  à  droite;  sa  tête,  dont  le 
visage  est  entièrement  refait,  est  à  la  fois  plus  relevée  et  plus 
inclinée  sur  l'épaule  ;  son  bras  armé  d'un  couteau  est  plus 
écarté  et  élargit  la  ligne  de  la  base  du  groupe.  La  Justice 
présente  également  des  modifications;  au  lieu  d'être  cou- 
ronnée d'un  diadème  de  forme  antique,  sa  tête  est  surmontée 
d'une  étoile.  Enfin  et  surtout,  l'expression  des  visages  est 
infiniment  plus  précise  et  plus  nettement  affirmée  dans  les 
grandes  figures,  dont  les  dimensions  permettaient  et  exi- 
geaient même  un  modelé  plus  cherché  et  plus  caractéristique. 

Toutes  ces  différences  attestent  un  nouvel  effort  de  l'au- 
teur qui,  en  reprenant  son  œuvre,  l'a  étudiée  à  nouveau,  en 
a  accentué  le  caractère  et  élargi  le  style. 

Ces  groupes  ne  sont  donc  pas  la  réduction  ou  le  gran- 
dissement  l'un  de  l'autre,  ils  sont  distincts,    ils  sont  deux. 

Et  pour  rendre  hommage  à  la  mémoire  de  Guitton,  ce  n'est 
pas  le  petit  bronze,  mais  le  grand  modèle  en  plâtre,  qu'il  eut 
fallu  acquérir.  Ce  modèle  que  le  statuaire  ne  voulut  pas  ra- 
mener à  son  atelier  après  sa  déception  du  salon  de  1875,  fut 
transporté  par  l'administration  des  Beaux-Arts,  au  dépôt  des 
marbres  de  l'Etat,  et  il  y  est  resté  exposé  à  toutes  les  intem- 
péries. -  Après  la  mort  de  Guitton,  à  la  vente  de  son  atelier, 
ce  grand  plâtras  détérioré  fut  acheté,  à  bon  compte  je  crois, 
par  un  mouleur  qui  Ta  réparé  et  qui  le  céderait  probablement 
pour  un  prix  relativement  peu  élevé.  —  Le  département  ou, 
à  son  défaut,  la  ville  de  la   Roche-sur-Yon,   ne  devraient-ils 


»u 


L  A  HT    EN     VENDEE 


pas  acquérir  celte  œuvre  capitale  et  la  sauver  d'une  destruc- 
tion à  peu  près  inévitable  ?  La  place  de  ce  beau  groupe  n'est- 
elle  pas  marquée  au  musée  de  la  ville,  ou  dans  la  salle  des 
pas-perdus  du  tribunal? 

La  Roche  possède  deux  monuments  élevés  à  son  illustre 
fils  Paul  Baudry.  Tout  en  applaudissant  àce  double  hommage 
si  légitimement  rendu  an  grand  maître,  on  s'attriste  à  la 
pensée  qu'elle  n'a  pas  un  buste,  pas  un  médaillon,  pas  une 
plaque  au  coin  d'une  rue,  rappelant  à  ses  concitoyens  le  nom 

de  Guitton. 

A-  Bonnin. 


MUSE  VENDEENNE 


Les   Rochers 


Impression  d'aprrs  Kocheliiuird. 

à   ma  Cousine  Berthe  G.   de  la  T. 

Or,  depuis  des  milliers  et  des  milliers  d'années, 
Ces  blocs  sont  là,  debout  majestueusement. 
Ils  furent  ;  ils  étaient  avant  l'avènement 
De  l'homme  dont  ils  ont  suivi  les  destinées. 

Ils  ont  vu  les  printemps,  toujours  pareils,  fleurir 
Sous  la  brise  amoureuse  éparse  en  les  ramures  ; 
Ils  ont  vu  les  étés  brûler  les  moissons  mûres, 
Et  les  soleils  lassés  aux  automnes  mourir. 

Ils  ont  vu  les  hivers  mornes,  et  leurs  desastres 
Endeuiller  la  vallée  où  chantèrent  les  nids. 
Contemporains  muets  des  vieux  âges  finis, 
Ils  ont  vu  dans  le  ciel  naître  de  jeunes  astres. 

Or,  chaque  fois  qu'en  le  mystère  du  ciel  gris 
Le  phare  s'allumait  de  la  dernière  étoile, 
L'Esquif  humain  appareillait,  gonflait  la  voile, 
Les  matelots  levaient  les  bras  avec  des  cris. 

Ils  disaient  :  «  L'Astre  blond  nous  guidera.  Xous  sommes 
«  Les  vaillants,  les  lutteurs  altiers,  les  conquérants  ! 
Et  chaque  fois,  témoins  de  leurs  efforts  navrants, 
Les  Hochers'contemplaient  la  défaite  des  hommes. 

La  tempête,  couvrant  les  clameurs  des  nochers. 
Chaque  fois  qu'ils  tentaient  la  Eortune  inclémente, 
Opposait  son  tumulte  à  leur  rage  démente  -, 
Et  la  Barque  venait  périr  sur  les  Rochers. 


92 


LES    ROCHERS 


Or  —  car  la  volonté  des  pilotes  est  telle 
Que  l'orale  jamais  n'a  pu  courber  leur  front  — 
Viendra  le  jour  où  les  Rochers  graves  verront 
La  victoire  sourire  à  la  Force  mortelle. 

Un  vaisseau  plus  heureux  évitera  recueil, 
Et  le  port  s'ouvrira  devant  les  mains  tendues  ; 
Les  hommes  oublieront  les  batailles  perdues; 
Et  les  Rochers  seront  atteints  dans  leur  orgueil. 

Et  l'homme  vêtira  la  royauté,  ravie 
Aux  choses,  dans  la  joie  ivre  des  soirs  troublants  ; 
Et,  malgré  le  fracas  des  lourds  Rochers  croulants. 
Montera  jusqu'au  ciel  plus  proche,  en  rhytmes  lents, 


L'hosannn  glorieux  de  la  nouvelle  Vie. 


Francis  Eon 


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UNE  PAGE  D'HISTOIRE  SABLA1SE 


Réunion  de  la  Chaume 
A     la    Ville    des    Sables,    au    siècle    dernier 


Le  3  juin  1747,  un  arrêt  du  Conseil  d'Etat  avait  permis, 
sur  la    demande    des    habitants,  l'établissement,  aux 
Sables,  d'un   octroi  ou  plutôt  comme  l'on  disait  alors 
d'un  Tarif. 

Ces  tarifs  fonctionnaient  à  peu  près  comme  nos  octrois 
modernes,  avec  cette  différence,  qu'au  lieu  d'être  toujours 
administrés  par  les  municipalités,  ils  étaient  très  souvent 
affermés  par  adjudication  à  un  traitant,  que  l'on  appelait 
l'adjudicataire  du  Tarif.  C'est  ce  qui  eût  lieu  aux  Sables,  où 
le  premier  adjudicataire  fut  un  sieur  Bruneteau. 

Le  produit  du  Tarif  était  destiné  au  payement  des  imposi- 
tions de  la  ville  et  aucune  personne  ne  devait  être  exempte 
d'en  payer  les  droits.  Pour  assurer  la  bonne  perception  de 
ces  droits  la  ville  avait  été  entourée  de  clôtures  qui  la  fermait 
et  la  protégeait  contre  la  fraude. 

La  Chaume  par  son  voisinage  immédiat  et  ses  relations 
quotidiennes  avec  les  Sables  fut  la  première  à  souffrir  de  ce 
nouvel  état  de  chose,  et  des  difficultés  ne  tardèrent  pas  à 
surgir  entre  les  Chaumois  et  l'adjudicataire  du  Tarif. 


94  UNE    PAGE  D'HISTOIRE    SABLAISE 

C'est  ainsi  que  plusieurs  habitants  de  la  Chaume,  parmi 
lesquels  on  trouve  les  noms  d'un  sieur  Guinement,  d'un  sieur 
et  dame  de  Coumont  et  celui  du  curé  Dupuy  se  prétendirent, 
en  vertu  de  certains  privilèges,  exempts  des  droits  sur  le  sel 
(décembre  1751). 

Pour  apaiser  les  querelles  qui  menaçaient  de  s'envenimer, 
les  Sablais  durent  faire  des  concessions  aux  Chaumois  et 
baisser  en  leur  laveur  les  droits  sur  certaines  denrées. 

Les  relations  entre  les  deux  populations  étaient  en  cet  état, 
et  allaient  tant  bien  que  mal,  lorsque  les  Chaulmois  résolu- 
rent de  tirer  profit,  eux  aussi,  d'une  institution  qui  jusque-là 
ne  leur  avait  porté  que  préjudice. 

En  conséquence, le  2  mars  1753,  le  maire  des  Sables, le  sieur 
Massé  de  la  Rudelière,  lieutenant  de  l'amirauté,  donnait 
lecture,  en  l'assemblée  des  échevins  Sablais,  d'une  lettre  du 
comte  de  Blossac,  intendant  du  Poitou,  en  date  du  15  février 
1753,  dans  laquelle  il  était  dit  que  «  les  habitants  de  la  paroisse 
de  Saint-Nicolas  de  la  Chaume  s'estant  pourvu  devant  le 
Conseil  d'Etat,  pour  faire  tarifer  leur  paroisse  et  la  réunir  au 
Tarif  de  cette  ville  »  «  monseigneur  l'intendant  »  ordonnait 
«  que  le  mémoire  desdits  habitants  de  la  Chaume  serait  com- 
muniqué au  maire,  échevins  et  habitants  d'ycelle  ville  des 
Sable,,  pour  délibérer  et  concerter  avec  les  habitants  de 
laditte  paroisse  de  la  Chaume  sur  les  moyens  nécessaires  pour 
ladite  réunion,  et  pour  convenir  des  clostures,  bornes  et  bar- 
rières, ensemble  des  établissements  et  des  bureaux  convena- 
bles pour  l'exercice  dudit  Tarif.  » 

L'émoi  fut  grand  parmi  les  habitants  des  Sables  et  devant 
les  charges  qu'allait  faire  peser  sur  les  finances  Sablaises  une 
réunion  onéreuse  à  bien  des  points  de  vue,  tout  ce  qui  restait 
de  haine  et  de  rivalité  jalouse  entre  les  deux  pays  allait  se 
rallumer  et  diviser  pour  quelques  années  encore  deux  popu- 
lations que  des  intérêts  similaires  auraient  dû  rapprocher. 

1  Registre  de  la  mairie  des  Sables. 


UNE    PAGE    D'HISTOIRE    SABLA1SE  95 

Cette  rivalité  séculaire  entre  la  Chaume  et  les  Sables 
demeurera  une  des  caractéristiques  dominantes  de  l'histoire 
sablaise  et  chaumoise. 

Il  est  facile  de  comprendre  cette  rivalité  en  approchant  et 
en  comparant  même  sommairement  les  conditions  d'origine 
et  d'existence  des  deux  paroisses. 

La  Chaume  avait  vu,  d'abord,  d'un  œil  de  mépris  l'éclosion 
de  la  bourgade  nouvelle,  sur  (comme  le  dit  un  historien 
chaumcis)  «  une  pointe  de  sables,  au  bord  du  havre  »  où  «  il 
n'y  avait  qu'une  seule  baraque  où  une  mesquine  femme 
vendait  du  bran-de-vin  aux  gens  de  mer  étrangers  ».  Puis  il 
lui  avait  fallu  partager  avec  sa  sœur  cadette  ce  havre  d'Olonne 
«  qui  dans  les  siècles  reculés  lui  appartenait  entièrement  »  et 
ensuite  assister  avec  envie  et  colère  au  développement  si 
rapide  du  commerce  sablais  et  à  l'extension  d'une  prospérité 
qui  en  moins  de  deux  siècles  avait  relégué  la  Chaume  au 
second  plan. 

Enfin  les  guerres  religieuses  en  faisant  de  la  Chaume  une 
cité  calviniste, tandis  que  les  Sables  étaient  restés  catholiques, 
avaient  encore  fourni  de  nouveaux  éléments  de  discorte  en 
introduisant  le  [fanatisme  religieux  dans  cette  rivalité  d'inté- 
rêts et  de  suprématie. 

Aussi  la  Chaume  avait-elle  vis-à-vis  des  Sables  l'orgueil- 
leux dédain  que  nourrit  toute  cité  plusieurs  fois  séculaire 
pour  les  jeunes  années  d'une  ville  naissante.  Elle  se  flattait 
d'être  aussi  vieille  que  la  terre  qui  la  portait  ;  elle  tirait  va- 
nité d'une  existence  qui  avait  commencé  «  avant  même  la 
domination  de  Pietés  »  et  elle  était  hère  de  ce  passé  dont 
l'abbaye  de  Saint-Nicolas  et  le  château  d'Arundel  étaient  les 
documents  et  les  preuves  irréfutables,  comme  deux  pages 
d'histoires  écrite  par  la  féodalité  sur  le  sol  chaumois. 

A  toute  la  gloire  de  ce  passé,  la  ville  des  Sables  n'avait  à 
opposer  que  les  espérances  d'un  avenir  tout  plein  des  rêves 
clos  sous  le  vent  d'aventures  qui  animait  la  hardiesse  de  ses 
marins  depuis  les  grandes  découvertes  maritimes  ;  et  pous- 


96  UNE    PAGE    D'HISTOIHE    SABLAISE 

sée  sur  la  désolation  de  sa  grève  immense,  comme  une  fleur 
de  dunes  à  la  vie  tenace,  elle  répondait  à  l'orgueil  chaumois 
par  la  fierté  de  son  laborieux  enfantement. 

Le  citoyen  La  Vallée  (Joseph  de  la  Vallée,  marquis  de  Bois- 
Robert,  né  à  Dieppe,)  capitaine  au  146e  régiment  d'infanterie, 
dans  un  voyage  qu'il  fit  en  l'an  III  en  Vendée  parla  de  cette 
rivalité  dont  il  retrouva  sans  doute  des  vestiges  dans  les 
vieux  habitants  du  pays.  «  Les  Sables-d'Olonne,  dit-il,  eurent 
jadis  un  château  et  quelques  fortifications.  Une  jalousie,  dou- 
blement alimentée  par  la  rivalité  d'industrie  et  la  différence 
de  religion  qui  régnait  depuis  longtemps  entre  les  habitants 
d'une  petite  ville  nommée  la  Chaume,  ardents  calvinistes,  et 
ceux  des  Sables  forcenés  catholiques,  portât  les  premiers  à 
démolir  ce  château  et  raser  les  fortifications  ».* 

Aussi  les  Sablais  ne  pardonnèrent  jamais  aux  Chaumois 
de  ce  qu'ils  avaient  été  pour  eux  des  ennemis,  au  lieu  d'alliés 
qu'ils  auraient  dû  être. 

C'est  avec  un  esprit  encore  tout  plein  des  souvenirs  de  cette 
rivalité,  qu'aux  Sables,  l'assemblée  générale  des  habitants, 
du  11  mars  1753  réunie  selon  les  ordres  de  l'Intendant  statuât 
sur  ce  qu'on  appelait  «  la  prétention  des  habitants  du  bourg 
de  la  Chaume  ». 

Il  était  difficile  de  s'élever  franchement  contre  les  désirs  du 
Conseil  d'Etat  et  de  l'Intendant,  mais  néanmoins  on  arrêta  que 
l'on  ferait  observer  à  ce  dernier  combien  cette  réunion  allait 
être  onéreuse  pour  la  ville,  et  que  les  Chaumois  «  devaient 
être  contents  de  la  diminution  qui  leur  avait  été  accordée  » 
sur  les  droits  de  tarifs  ;  qu'enfin,  au  cas  «  où  le  Conseil  se  dé- 
terminerait à  favoriser  au  préjudice  de  cette  ville  les  habi- 
tants de  la  Chaume,  en  ordonnant  ladite  réunion,  ceux-ci 
seraient  tenus  et  obligés  de  faire  clore  leur  bourg  à  leurs 
frais  et  d'une  façon  capable  d'empêcher  la  fraude,  comme 
aussi  de  faire  construire  à  leurs  frais  des  bureaux,  et  de 
payer  les  frais  de  l'arrest  qui  ordonnera  ladite  réunion.  »' 

1  A.  Odin,  Recherches  documentaires  sur  les -pèches  maritimes  françaises . 
*  Registre  de  la  mairie  des  Sables. 


UNE    PAGE  D'HISTOIRE    SABLAISE  &< 

La  Chaume  riposta  par  une  assignation  et  ce  fut  le  greffier 
de  la  maison  de  ville,  Libaudière,  qui  défendit  les  intérêts  sa- 
blais devant  le  subdélégué  aux.  Sables  de  l'Intendant  du 
Poitou,  le  sieur  Dupont. 

Toutes  les  protestations  furent  vaines  et  le  7  août  1753  le 
Conseil  d'Etat  rendait  un  arrêt  réunissant  le  bourg  de  la 
Chaume  au  tarif  de  la  ville  des  Sables,  mais  à  la  condition 
toutefois  que  ce  seraient  les  Chaumois  qui  feraient  les  frais 
d'installation  de  leur  tarif  et  que  les  «  enclostures  »  qu'ils 
construiraient  seraient  efficaces  pour  protéger  les  intérêts  de 
la  ville  contre  les  fraudeurs. 

Cette  clause  excita  encore  le  mécontentement  des  Chaumois, 
et  30  ans  plus  tard  le  compilateur  Boulineau,  celui-là  même 
qui  bientôt  devait  être  le  1er  échevin  chaumois,  écrivait  sur 
ce  fait  :  «  La  Chaume  sous  la  protection  de  M.  de  Blossac, 
Intendant  du  Poitou,  fut  réunie  à  la  ville  des  Sables  pour  le 
Tarif  en  vertu  d'un  arrêt  du  Conseil  du  7  août.  On  la  renfer- 
ma d'un  fossé,  on  y  bâtit  des  bureaux,  on  y  construisit  une 
porte  de  ville  au  dépens  des  habitants,  chose  inique  et 
illégale  » . 

Le  18  septembre  suivant  l'adjudication  des  Tarifs  réunis  de 
la  Chaume  et  de  Sables  eût  lieu  à  Poitiers  et  ce  fut  un  sieur 
Vernier  qui  fut  déclaré  adjudicataire. 

II 

Les  Chaumois,  naturellement  avaient  cherché  à  esquiver 
la  clause  onéreuse  pour  eux  des  «  enclostures  »  et  celles-ci 
avaient  été  si  mal  faites  que  dès  l'année  suivante  le  sieur 
Vernier,  adjudicataire  des  Tarifs,  faisait  assigner  le  corps  de 
ville  Sablais,  par  exploit  de  l'huissier  Roulleau  en  date  du  8 
novembre  1754,  pour  comparaître  devant  le  subdélégué  de 
l'Intendant,  afin  que  son  bail  d'adjudicataire  soit  résilié  el 
qu'une  indemnité  lui  soit  accordée  pour  les  pertes  que  lui 
avait  causées  l'inefficacité  des  clôtures  chaumoises,  contre  les 
fraudeurs. 

TOME    XII.  —    JANVIER,    FÉVRIER,    MARS  7 


08  UNE    PAGE    D'HISTOIRE    SABLAI8E 

La  Municipalité  Sablaise  notifia  simplement  au  Syndic  de 
la  Chaume  les  prétentions  du  sieur  Vernier  et  se  crût  ainsi 
dégagée  de  toute  obligation  envers  ce  dernier. 

Des  tentatives  d'arrangement  amiable,  qui  durèrent  près 
d'un  an.  eurent  lieu,mais  n'aboutirent  pas,  car,  le  30  septem- 
bre 1755  le  maire  communiquait  à  ses  collègues  un  nouvel 
exploit  de  l'huissier  Roulleau  en  date  du  22  septembre,  par 
lequel  le  sieur  Vernier  renouvelait  ses  prétentions  et  assignait 
la  ville  des  Sables  à  comparaître  dans  les  24  heures  devant  le 
subdélégué. 

Cette  fois  il  fallait  se  défendre  et  le  procureur  du  roi  de  la 
maison  de  ville,  Gaudon,  fut  chargé  de  présenter  les  argu- 
ments qui  combattaient  en  faveur  des  intérêts  sablais.  Les 
moyens  de  défense  invoqués  furent  que  :  l'adjudicataire  te- 
nant «  son  bail  de  deux  communautés  ayant  chacune  leur  fondé 
de  procuration  »_,  si  les  Chaumois  n'avaient  pas  remplis  leurs 
engagements  c'est  à  eux  seuls  qu'ils  devaient  «  s'en  prendre  ». 
Enfin  l'adjudicataire  ne  pouvait  pas  non  plus  alléguer  que  les 
Sables  et  la  Chaume  formassent  une  seule  et  même  commu- 
nauté, les  Chaumois  n'ayant  pas  satisfait  aux  conditions  de 
l'arrêt  de  réunion  qui  exigeait  d'eux  des  «  clostures  conve- 
nables »,  condition  sine  qua  non,  selon  les  Sablais  pour  que 
l'arrêt  pût  être  invoqué  en  faveur  de  leurs  adversaires. 

Cette  argumentation  montre  quelle  persistance  acharnée, 
les  Sablais  mettaient  à  ne  pas  regarder  la  réunion  comme 
un  fait  accompli  et  l'empressement  qu'ils  mirent  à  profiter  de 
cette  porte  de  sortie  qui  s'entrebâillait  à  peine,  pour  essayer 
de  s'échapper  de  cette  association  imposée  par  l'Etat. 

Pendant  que  durèrent  les  débats  les  pouvoirs  du  corps  de 
ville  avaient  pris  fin,  et  après  l'affaire  si  épineuse  de  la  réu- 
nion de  la  Chaume  aux  Sables,  la  ville  eût  à  traverser  une 
sorte  de  crise  électorale  qui  dura  deux  ans. 

Cette  crise  se  termina  par  une  ordonnance  du  comte  de 
Blossac,  du  10  mars  1757,  qui  nommait  d'office  les  nouveaux 
officiers  municipaux  des  Sables. 


UNE    PAGE    D'HISTOIRE    SABLAISE  99 

Dans  celte  liste  figure  pour  la  première  fois  un  échevin  pris 
dans  le  sein  de  la  population  cliaumoise. 

Ce  premieréchevin  chaumois  fut  le  sieur  Pierre  Boulineau, 
procureur  du  roi  des  traites,  fils  d'un  capitaine  au  long  cours, 
François  Boulineau.  Il  était  né  le  12  septembre  1727  et  mou- 
rut   le  28  messidor  an  IX    19  juillet  1801). 

Cette  nomination  qui,  il  n'en  faut  pas  douter,  était,dans  l'es- 
prit de  l'Intendant,  destinée  à  lier  définitivement  les  deux 
paroisses  l'une  à  l'autre,  et  faite  aussi  dans  un  but  d'apaise- 
ment, fut  mal  accueillie  par  la  population  sablaise,  qui  vit 
dans  l'immixtion  de  ce  Chaumois  dans  les  affaires  publiques, 
une  humiliation  faite  à  sa  suprématie  et  la  sanction  d'un  fait 
qu'elle  se  refusait  à  admettre  comme  accompli. 

Aussi  dans  leur  assemblée  générale  du  20  mars  1757,  assem- 
blée où  le  subdélégué  Dupont  avait  donné  lecture  de  Tordon- 
nance  du  10  mars,  les  habitants  des  Sables  s'empressèrent- 
ils  de  protester  contre  cette  nomination,  en  suppliant  «  Mon- 
seigneur l'Intendant  de  trouver  bon,  qu'elle  (l'assemblée 
Sablaise)  proteste  contre  tout  ce  qui  pourroit  estre  dit  et  pré- 
tendu dans  la  suite  par  les  dits  habitants  de  la  Chaume,  en 
cas,  qu'ils  voulussent  se  prévaloir  de  la  nomination  du  sieur 
Boulineau  pour  échevin,  et  sans  que  cette  nomination  puisse 
leur  servir  de  titre  pour  authoriser  et  confirmer  la  réunion 
de  leur  paroisse  à  cette  ville,  veu  qu'ils  n'ont  pas  exécuté  la 
condition  sous  laquelle  ladite  réunion  a  esté  ordonnée  par  le 
conseil  »!. 

L'Intendant  n'écouta  rien  et  dans  son  ordonnance  du  28  mars 
1757,  lue  à  l'assemblée  des  officiers  municipaux  du  15  avril 
1757,  il  trancha  le  différend  en  dus  termes  qui  n'admettaient 
pas  de  réplique. 

«Quant  aux  protestations  portées, y  disait-il, contre  la  réunion 
de  la  communauté  de  la  Chaume  à  celle  des  Sables-d'Olonne, 
et  les  inductions  qu'on  pourrait  tirer  par  la  suite,  de  la  nomi- 

i 
'   Regiatie  de  la  mairie  des  Sable». 


100  UNE    PAGE    D'HISTOIRE    SABLAISE 

nalion  du  sieur  Boulineau  à  la  place  d'échevin,  cassons  et 
annulons,  la  dite  délibération  (du  20  mars  1757)  en  ce  qu'elle 
contient  à  ce  sujet,  comme  tendant  à  entretenir  la  division 
parmy  les  habitants  des  Sables  et  de  la  Chaume, et  attentatoire 
à  1  authorité  de  l'arrest  du  conseil  du  7  août  1753,  portant  réu- 
nion du  bourg  de  la  Chaume  à  la  ville  des  Sables.  En  consé- 
quence, ordonnons  que  ledit  article  de  la  ditte  délibération 
sera  regardé  comme  non  avenu  et  demeurera  sans  effet.  Ce 
faisant,  déclarons  dès  à  présent,  nulles,  toutes  les  protesta- 
tions faites  ou  à  faire  contre  la  réunion  de  la  Chaume  à  la  ville 
des  Sables  ordonnée  par  le  dit  arrest,  deffendons  de  troubler 
sous  quelques  motifs  que  ce  soit  le  sieur  Boulineau  dans  ses 
fonctions  d'échevin  »'. 

Il  fallut  s'incliner. 

Boulineau  ne  pardonna  jamais  le  mauvais  accueil  fait  à  sa 
nomination  d'échevin,  et  voici  comment  dans  des  compilations 
fort  curieuses, qu'il  écrivit  trente  ans  plus  tard  sur  la  Chaume, 
il  raconte  cette  épisode  de  sa  vie. 

M.  le  comte  de  Blossac  par  ordre  de  la  Cour  en  1759 
l'auteur  fait  ici  une  erreur  de  date)  nomma  d'office  un  eche- 
vin  de  la  paroisse  de  Saint-Nicolas  de  la  Chaume  pour  adjoint 
au  corps  municipal  de  la  ville  des  Sables,  qui  fut  M.  X"*  ; 
dans  l'assertion  et  sûr  préjugé  que  les  habitants  des  Sables, 
par  leurs  présomptions,  leurs  esprits  aussi  mouvants  que 
leurs  dunes  ou  monticules  de  sable,  et  par  leur  vague,  cupide, 
égoïsme  de  dominer,  posséder,  envahir,  toutes  charges  et 
prérogatives,  n'admettraient  aucuns  citoyens  de  la  Chaume 
aux  offices  municipaux  de  leur  villette  [V.)  ;  d'autant  qu'en 
l'enfance  de  leur  moderne  mairie,  l'élection  des  officiers  se 
faisait  à  la  pluralité  des  voix.  Aussi  la  Chaume  ne  pouvant 
avoir  qu'une  cinquantaine  de  citoyens  en  lice  était  hors 
d'état  de  l'emporter  sur  plus  de  5  à  600  individus  qui  com- 
posaient le  corps  dus  habitants  de  la  paroisse  de  Notre-Dame 
des  Sables.    » 

1  Registres  de  la  iname  des  Sables. 


UNE    PAGE    D  HISTOIRE    SABLAISE 


101 


Gomme  on  sent  bien  dans  ce  mut  de  «  vi Mette  •>  tout  le 
dédain  chaumois  pour  la  ville  des  Sables. 

Boulineau, après  son  premieréchevinage.futaprès  quelques 
années  renommé  de  nouveau,  et  on  le  retrouve  siégeant  en 
l'assemblée  municipale  pendant  toute  la  Révolution. 

Telle  est  l'histoire  de  la  réunion  de  la  Chaume  aux  Sables, 
au  siècle  dernier. 

Hugues  Laincolue. 


SJBBBê^ 


LA    VIEILLE   CLOCHE 


DE 


L'ÉGLISE    DE    CHATEAUNEUF 


(  VENDRE) 


Au  commencement  de  décembre  1898. plusieurs  journaux, 
de  La  Roche-sur- Yon,  de  Nantes,  de  Paris,  voire 
'  même  de  Montpellier,  annoncèrent  que ,  dans  le  but 
de  se  procurer  les  fonds  nécessaires  à  l'acquisition  d'une  nou- 
velle sonnerie,  «  la  fabrique  de  Châteauneuf  mettait]  en 
«  vente  une  curieuse  cloche  du  quinzième  siècle,quia  survécu 
*<  à  la  Révolution  et  à  ses  vandales1  »,  —  «  une  cloche  contem- 
-  poraine  de  Charles  V1I1  »  ! ,  —  qui  avait  été  sauvegardée 
en  1793  par  l'énergique  intervention  d'un  habitant. 

Le  Publicateur  de  la  Vendée  et  YEspérance  du  Peuple  appe- 
lèrent spécialement  «  l'attention  des  amateurs  d'antiquités  et 
«  des  archéologues  sur  cette  relique  du  passé,  dont  la  place 

«  serait  dans  un  de    nos    musées Nous  serions  ravis 

'<  (disaient-ils)  qu'il  se  trouvât  chez    nous   quelque  fervent 
'  pour  lui   l'aire  un  sort  digne  des   souvenirs  émouvants  et 
«  glorieux  dont  elle  est  l'éloquente  évocatrice*  ». 
Il  est  certain  que   la  cloche  de  Châteauneuf,   qui  date  du 


1  Le  Gaulois,  n»  du  1*r  décembre  1898;  V Autorité,  n°  du  3  ;  la  Nation, 
n"  du  4. 

»  Article  intitulé  :  Une  cloche  du  XV'  siècle,  dans  le  Publicateur  de  la 
Vendée,  reproduit  par  YEspérance  du  Peuple  du  1  décembre. 


LA    VIEILLE    CLOCHE    DE    L'ÉGLISE    DE    CHATKAUNEUP       103 

dernier  quart  du  XV'  siècle  et  qui  est  curieuse  pour  l'épigra- 
phie  campanaire  de  cette  époque,  serait  digne  de  l'hospita- 
lité d'un  musée  ou  d'une  collection  archéologique  particulière. 
Mais,  comme  on  l'a  justement  fait  observer,  «  n'est-il  pas 
«  regrettable  de  voir  nos  églises  de  province,  petites  ou 
«  grandes,  se  dessaisir  des  trésors  artistiques  dont  nos  pères 
«  les  avaient  dotées»  ?  »  Sans  compter  qu'au  point  de  vue 
du  droit,  cette  vente  n'irait  peut-être  pas  sans  quelque  diffi- 
culté     La   fabrique  de   Ghâteauneuf  est-elle    bien   sûre 

d'être  propriétaire,  et  propriétaire  exclusive  de  la  cloche  en 
question  et  d'avoir  toute  liberté  de  l'aliéner  ?. . . .  Cette  cloche 
ne  serait-elle  pas  plutôt  la  propriété  de  ce  qu'on  appelait 
autrefois  «  la  communauté  des  habitants  »  ?? 


La  vieille  cloche  de  Ghâteauneuf  est  restée  absolument 
ignorée  jusqu'en  1889,  époque  où  l'inscription  en  fut  relevée 
par  un  des  collaborateurs  de  la  Revue  du  Bas-Poitou,  le  fer- 
vent «  campanographe  »  vendéen  M.  l'abbé  Teillet,  alors 
vicaire  de  Ghallans.  —  C'est  d'après  M.  l'abbé  Teillet,  et  en 
lui  rapportant  naturellement  tout  l'honneur  de  la  découverte, 
que  nous  l'avons  alors  signalée  dans  les  Additions  de  nos 
Recherches  pour  servira  l'histoire  des  Arts  en  Poitou*. 

Dans  le  4109  fascicule  de  1897,  de  la  Revue  du  Ras-Poitou, 
M.  l'abbé  Teillet  a  publié  l'inscription  relevée  par  lui  huit  ans 
auparavant3.  —  En  rendant  compte,  dans  la  Revue  de  l'Art 
chrétien,  de  cette  nouvelle  enquête  à  travers  les  clochers  du 
Ras-Poitou,  nous  avons  exprimé  notre  sentiment  sur  l'intérêt 
de  la  cloche  de  Ghâteauneuf,  sans  dissimuler  toutefois  notre 
regret  d'être  en  présence  d'une  inscription  dont  la  lecture 
n'était  pas  définitive*. 

'  Cf.  ci-dessus,  note  1 . 

*  Recherches...,  p.  467. 

s  Revue  du  Bas-Poitou,  tome  X,  p. 

♦  Hevue  de  l'Art  chrétien,  1898,  p.  331. 


104  LA.    VIEILLE    CLOCHE 

L'intervention  de  notre  savant  ami  M.  René  Vallette,  en 
qualité  d'inspecteur  de  la  Société  française  d'Archéologie 
pour  le  département  de  la  Vendée,  et  l'obligeant  concours  de 
M.  Fortin,  instituteur  à  Cbâteauneuf,  qui  a  bien  voulu  prendre 
la   peine   de   nous  faire   un  estampage,  ont  complété  notre 

-  documentation  »,  et,  l'estampage  sous  les  yeux,  nous 
pouvons  proposer  quelques  corrections  à  la  copie  qui  a  été 
donnée  en  1897  dans  la  Revue  du  Bas-Poitou. 

M.  l'abbé  Teillet  s'exprime  ainsi  : 

«  La  cloche...  est  très  ancienne,  puisqu'elle  date  du  XVe 
«  siècle,  ce  qui  est  aujourd'hui  excessivement  rare.  Son 
inscription,  pourtant  assez  bien  conservée,  est  quasi  indé- 
chiffrable. 

«  La  voici  reproduite  aussi  fidèlement  que  possible  : 

t  ANDRIEU  ACQUAIN  &  ANDRIEU  QUIQUE  ÀNO  &  JEHENNE  DE 
BERE  &  MICHE  BONIHURE  MELEVERT  LAN  MCCCCIIIFIIII 

«  Nous  avons  bien  lu  la  date  qui  est  celle-ci  :  l'an  mil  quatre 
m  cent  quatre-vingt-quatre ,  mais  nous  avons  été  et  nous 
tt  sommes  encore  très  embarrassé  pour  interpréter  le  reste  de 

-  l'inscription.  Le  texte  en  a  été  soumis  n  des  hommes  très 
«  compétents...  Un  savant  de  In  capitale  nous  a  répondu  que 
«  ces  mots  devaient  être  des  noms  propres  et  c'est  d'après 
«  cette  indication  que  nous  avons  essayé  de  lire  comme  il 
«  suit,  interprétation,  il  faut  l'avouer  humblement,  qui  est 
«  loin  de  nous  satisfaire: 

f  Andrieu  Acquain  et  Andrieu  Quique  (?)  A  no  (?)  et 
Jehene  (peut-être  pour  Jehanne)  de  Béré  et  Michel  Bonihure 
m'élevèrent 

«  Les  lettres  affectent  la  forme  de  vieilles  gothiques  et  sont 
«  un  peu  rongées  par  le  temps.  En  dessous  de  l'inscription, le 
«  nom  de  Chdteauneuf  a  été  gravé  au  burin,  à  une  époque  re- 
«  lativement  récente...  »  ' 

1  Revue  r?u  Bas-Poitou,  loc.  cit.  :  tirage  à  part,  p.  21. 


de  l'église  de  chateaineui  iot> 

.Nous  sommes  d'accord  avec  le  «  savant  de  la  capitale  »  et 
avec  M.  l'abbé  Teillet  pour  voir  des  noms  propres  dans  l'ins- 
cription de  la  cloche  de  Châteauneuf.  Mais  l'estampage  que 
nous  devons  à  M.  Fortin  nous  porle  à  lire  ces  noms  propres 
d'une  façon  un  peu  différente  de  celle  que  M.  Teillet  a  propo- 
sée. L'un  des  prénoms  nous  paraît  également  devoir  être  rec- 
tifié, ainsi  que  la  date. 

Il  y  aurait  lieu  en  outre  de  préciser  la  transcription  de  la 
formule  finale  et  de  rétablir  les  signes  de  ponctuation,  qui 
ont  été  confondus  avec  l'abréviation  figurative  de  la  conjonc- 
tion et. 

Nous  procéderons  mot  par  mot,  et,  quand  il  y  aura  lieu, 
lettre  par  lettre. 

ANDRIEU.  —La  lecture  du  mot  Andrieu  (répété  plus  loin) 
n'est  pas  douteuse.  Inutile  de  rappeler  que,  dans  la  basse 
latinité,  l'on  a  dit  Andreiis  au  lieu  de  Andréas  et  que  Ayidreus 
a  donné  en  français  Andrieu,  comme  Deus  a  donné  Dieu. 
comme  Matheus  a  donné  Mathieu,  etc.  —  Andrieu,  que  nous 
avons  ici  deux  fois  comme  prénom  ,  s'est  conservé  jusqu'à 
nos  jours  comme  nom  de  famille. 

ACQUAIN.  —  Les  lettres  ACQUA  sont  à  l'abri  de  toute  con- 
testation, mais  nous  ne  pouvons  accepter  les  deux  lettres 
finales  IN.  L'inscription  porte  nettement  un  R  et  un  T.  Il  faut 
donc  lire  AGQUART.  Il  existe  encore  aujourd'hui  des  familles 
de  ce  nom. 

ET.  —  Le  signe  qui  suit  le  mot  Acquart  et  qui  se  retrouve 
avant  Jehenne,  etc.,  n'est  pas  la  figuration  de  ET,  mais  tout 
simplement  un  deux  points  (:),  agrémenté  d'un  double  filet 
courbe,  qui  le  fait  ressembler  à  une  espèce  de  S,  très  maigre 
dans  son  ensemble,  mais  dont  les  deux  extrémités  sont  au 
contraire  très  massives.  Les  deux  points,  ainsi  réunis  et 
décorés,  sont  fréquents  dans  l'épigraphie  de  cette  époque, 
dans  l'épigraphie  campanaire  en  particulier. 


106  LA    VIEILLE    CLOCHE 

Nous  lisons  donc  pourcelte  première  partie  de  l'inscription 

7  andrteu  acquart    :    andrteu : 


QUIQUE  ANO.  —  Quiqiie  est  d'une  lecture  aussi  certaine 
que  Andrieu,  mais  le  A  de  ANO  n'est  pas  un  a.  C'est  un  g.  La 
queue  qui  se  replie  sous  la  lettre,  est  très  caractéristique...  et 
très  visible.  Le  fondeur  a  écrit  Quiquegno . 

JEHENNE.  —  La  cloche  porte  ^thêltl.  L'une  des  nasales 
du  motestabréviée.  Donc  pas  d'hésitation  pour  Jehenne,  que 
nous  écririons  aujourd'hui  Jeanne. 

DE  BÉRÉ.  —  La  copie  que  nous  reproduisons  donne  six 
lettres  ;  l'estampage  en  fournit  sept.  La  première  n'est  pas  un 
D,  mais  un  B.  Donc  :  BE.  —  Viennent  ensuite  LI,  et  non  B, 
puis  ERE,  très  nets.  Donc  :  BELIERE,  Bélière.  On  féminisait 
couramment  autrefois,  on  féminise  encore  aujourd'hui  en 
plus  d'un  pays  le  nom  de  famille  du  mari.  (Exemple  :  Perrin, 
la  Perrine).  —  Il  y  a  encore  aujourd'hui  des  familles  Bélier, 
Bellier. 

MICHE.  —  Nous  lisons  BLANCHE. 

BONIHURE.  —  Nous  lisons  BOUCHIÈRE.  Même  fé- 
minisation du  nom  de  famille  que  dans  Bélière:  —  Bouchier, 
Bouchière. 

MELEVERT,  m'élevèrent.  L'inscription  porte  meUuerêt 
avec  une  abréviation  de  la  nasale  au-dessus  du  dernier  E 
et  du  T  final,  soit,  en  rétablissant  la  lettre  abréviée,  meleuere- 
(n)  t,  qui  doit  se  transcrire,  non  pas  m'élevèrent,  mais  bien  me 
lovèrent,  c'est-à-dire  furent  mes  parrains  et  marraines. 

La  formule  me  leva,  me  levèrent,  n'est  pas  absolument  rare 
dans  les  inscriptions  campanaires  de  la  fin  de  l'époque 
gothique.  Il  est  intéressant  d'en  avoir  un  exemple  déplus,  à 
date  certaine,  du  XVe  siècle. 

Il  est  intéressant  également  de  pouvoir  constater  une  fois 
de  plus  cette  coutume,  qui  régnait  alors,  des  parrainages  en 


DE    r/ÉGLISE    DE    CHATEAUNEUF  1U7 

partie  double,  —  «  en  partie  carrée  »  serait  peut-être   plus 
exact,  mais  les  archéologues  n'ont  pas  le  droit  d'être  facétieux  ! 

L'AN  1484.  —  La  date  de  1484,  que  nous  avions  adoptée 
d'après  la  lecture  de  M.  l'abbé  Teillet,  est  inexacte.  L'estam- 
page nous  donne  très  nettement,  à  la  suite  des  deux  x  , 
1°  l'abréviation  ordinaire  de  ET, 2°  la  lettre  tf,  3°  deux  i,  —  ce  qui 
nous  reporte  trois  ans  plus  tard,  en  M(il)  cccc  un  XK  vn. 

En  résumé  nous  lisons  : 

f  Andrieu  Acqnart  :  Andrieu  Quiquegno  :  Jehe(n)  ne  Belière  : 
Blanche  Bonchière  me  levère(n)t  Van  1487 . 
le  tout  en  minuscules  gothiques,  sauf  le  J  initial  de  Jehenne 
La  seule  autre  lettre  majuscule,  que  nous  offre  l'inscription 
est  le  M  de  la  date  : 

lan  :  ni  tut  un  xx  et  vu 

Comme  beaucoup  de  cloches  du  moyen  âge,  la  cloche  de 
Ghâteauneuf  ne  portait  pas  la  mention  de  la  localité  à  laquelle 
elle  appartenait.  Cette  lacune  fut  comblée,  sous  l'ancien  régi- 
me, par  une  addition  gravée,  en  capitales  romaines  : 

CHATEAV  :  NEVF  :  ///////////// 


Il  est  permis  de  se  demander,  au  cas  où  la  vente  de  cette 
cloche  «  moyenâgeuse  »  serait  possible,  si  les  fabriciens 
de  Châteauneuf  réussiront  à  «  décrocher  la  timbale  ^J'entends 
«  la  forte  somme  »  de  leurs  rêves.  —  A  dire  franchement  les 
choses,  nous  sommes  convaincu  que  l'on  s'est  considérable- 
ment exagéré,  à  Châteauneuf,  la  valeur  vénale  de  la  cloche  en 
question1. 

Certes  un  conservateur  de  musée  ou  un  collectionneur 
n'hésiteraient  pas  à  sortir  leur  portefeuille,  s'il  s'agissait  d'un 

1  Cette  cloche  mesure  0,72  centimètres  de  diamètre.  On  lui  attribue  un 
poids  de  250  kilog.  environ. 


iUS  LA    VIELLE    CLOCHE 

émail  de  choix,  d'une  pièce  d'orfèvrerie  traitée  «  de  main 
d'ouvrier»...  mais  une  cloche  ! 

Il  y  a  des  antiquités  qui  trouvent  toujours  acheteur.  11  en 
est  d'autres  qui  restent....  moins  recherchées,  même  lorsque 
l'opinion  populaire  locale  leur  suppose  plus  ou  moins  d'argent 
dans  le  corps. 

Nous  ignorons  et  tous  les  habitants  de  Châteauneuf 
ignorent  comme  nous,  quoi  qu'ils  en  puissent  dire,  si  les 
parrains  et  marraines  de  1487  ont  déversé  leur  argenterie 
dans  le  fourneau,  au  moment  de  la  coulée.  Mais  nous  som- 
mes fixé  sur  la  valeur  musicale  de  cette  cloche. 

Les  cloches  anciennes  qui  nous  sont  parvenues  ont  toutes 
des  qualités  de  facture,  mais  toutes  ne  réunissent  pas  les 
diverses  qualités  constitutives  d'une  bonne  cloche.  Les  unes 
sont  très  harmonieuses  :  elles  ont  été  bien  tracées,  coulées  à 
bonne  température  et  l'alliage  en  est  bien  composé.  D'autres 
ont  surtout  pour  elles  leur  solidité  :  elles  sont  exagérées  dans 
leurs  proportions  de  cuivre  et  c'est  cette  exagération  qui  en 
a  assuré  et  en  assurera  longtemps  encore  la  durée. 

La  vieille  cloche  de  Châteauneuf  possède  un  assez  beau 
son.  Elle  est  susceptible  d'entrer  dans  une  sonnerie.  Nos  fon- 
deurs d'aujourd'hui  ne  seront  pas  embarrassés  de  lui  fournir 
une  ou  deux  sœurs  parfaitement  harmonisées  avec  elle.  Le 
timbre  des  jeunes  sœurs  ne  sera  évidemment  pas  identique 
au  timbre  de  l'aînée,  mais  il  n'y  a  pas  là  un  motif  suffisant 
pour  écarter  celle-ci.  Tous  les  «  raccords  »  impliquent  une 
différence  de  timbre. 

La  fabrique  de  Châteauneuf  désire  2  ou  3  cloches.  Elle  en 
possi^e  déjà  une.  Dans  le  prix  total  de  la  sonnerie  à  consti- 
tuer, la  vieille  cloche  représente  d'ores  et  déjà  un  fort  ap- 
point, puisque  sa  présence  au  clocher  peut  dispenser  de 
l'acquisition  d'une  neuve.  Sans  doute,  la  fabrique  espère, 
en  la  vendant  à  quelque  musée,  en  tirer  plus  que  la  valeur 
métallique,   mais  cette  espérance  est-elle  réalisable  ? 

Un   tiens  vaut  mieux  que  deux  tu  l'auras. 


DE    L  EGLISE    DE    CHATEàUNEUF 


109 


surtout  quand  ce  «  lu  l'auras  »  reste  plus  que  probléma- 
tique, —  surtout  quand,  pour  essayer  d'y  parvenir,  il  faut 
sacrifier  sans  vergogne  un  monument  historique  précieux 
pour  la  localité,  et  par  surcroît  se  risquer  à  mettre  en  vente... 
ce  dont  on  n'a  peut-être  pas  le  droit  de  disposer. 

Qui  sait,  d'ailleurs,  si  ce  peu  patriotique  projet,  au  lieu 
de  remplir  la  caisse  de  la  fabrique,  n'aura  pas  précisément 
l'effet  contraire  et  ne  refroidira  pas  certaines  bonnes  volontés, 
qui,  sans  cela,  seraient  venues  grossir  généreusement  la  liste 
de  souscription  pour  la  nouvelle  sonnerie  ? 

Mais  ceci  est  l'affaire  des  gens  de  Ghâteauneuf...  Notre 
préoccupation,  à  nous,  était  autre.  Il  s'agissait  d'un  petit 
problème  épigraphique  à  résoudre.  MM.  René  Vallette,  Teillet 
et  Fortin  ont  fourni  satisfaction  à  notre  curiosité.  Qu'ils  reçoi- 
vent tous  trois  nos  meilleurs  remercîments. 


Montpellier,  26  décembre  i  898. 


Jos.  Behthelé. 


Écussuii-clerise  de  l'abbé  François  Gusteau. 

D'après  un  dessin  de  lui-même 


LE  THEATRE  DE  FONTENAY 


sous   la  Terreur. 


Oncques  on  ne  vit  plus  d'amères  tristesses 
meslées  à  tant  de  liesses  et  d'esbâts. 

Au  plus  fort  de  la  tourmente  révolutionnaire,  et  alors  que 
des  milliers  de  victimes  allaient  porter  leur  tête  sur 
l'échafaud,  on  vit  dans  les  prisons  de  la  capitale  des 
femmes,  qui  sans  se  faire  illusion  sur  le  sort  qui  leur  était 
réservé,  n'en  consacraient  pas  moins  leurs  instants  à  se  parer 
et  s'embellir.  «  C'était,  dit  le  comte  Beugnot,  un  parterre 
êmaillé  de  fleurs,  ?7iais  encadré  dans  du  fer.  »' 

Pour  être  moins  lugubre  à  Fonlenay,  le  tableau  n'en  était 
pas  moins  saisissant.  Lorsqu'une  température  printanière  se 
fit  sentir,  au  mois  d'avril  1794,  la  population  du  chef-lieu  de  la 
Vendée  avait  eu  à  subir  tous  les  fléaux  de  l'épouvantable 
guerre  civile,  qui,  depuis  un  an  déjà,  avait  éclaté  dans  l'Ouest. 
L'aspect  de  la  ville  était  lamentable.  Les  troupes  de  la  garni- 
son, aussi  bien  que  celles  de  passage,  avaient  encombré  les 
rues,  les  places,  les  cours  et  même  les  habitations  de  mon- 
ceaux d'immondices, pour  l'enlèvement  desquelles  les  moyens 
de  transport  faisaient  complètement  défaut.  Ces  détritus  de 
toute  sorte  ne  pouvaient  manquer  d'engendrer  dans  son  sein 
des  miasmes  pestilentiels  parmi  sa  population.   D'un  autre 


1   l>auban,    J^et  Prisons  de  Paris  sous  la  Révolution.    Pion.    Paris,  1870, 
1  vol.  in-8. 


LE    THEATRE    DE    F0NTKNAY    SOUS    LA    TERREUR  111 

côté  les  prisons  étaient  saturées  de  détenus  et  les  hôpitaux 
de  malades  et  de  blessés  ;  ce  qui  les  transformait,  eux  aussi, 
en  foyers  infectieux,  à  tel  point  que  la  mortalité  affaiblit,  en 
dix  mois,  la  population  de  669  habitants.  Mais,  chose  inouïe, 
malgré  une  situation  si  alarmante,  nos  Fontenaisiens  éprou- 
vèrent, au  milieu  de  la  tempête,  l'irrésistible  besoin  de  faire 
diversion  à  leurs  maux,  et  de  se  livrer  à  quelques  instants  de 
gaîté. 

Un  jour,  c'était  le  10  mai  1794,  pendant  que  la  Société  Popu- 
laire tenait  séance,  un  de  ses  membres,  prenant  la  parole, 
proposa,  pour  donner  plus  de  solennité  à  la  célébration  des 
fêtes  décadaires,  d'organiser  un  bal  patriotique,  où  les  ci- 
toyens et  citoyennes  pussent  s'égayer  et  manifester  leur  satis- 
faction du  régime  républicain  et  des  bienfaits  de  la  liberté. 

Renchérissant  aussitôt  sur  la  motion  du  préopinant,  un 
autre  membre  exposa  que,  pour  propager  l'esprit  révolution- 
naire, on  devrait  jouer,  à  cette  occasion,  des  pièces  patrioti- 
ques et  républicaines,  pour  épurer  les  mœurs,  développer 
l'amour  de  la  patrie  et  la  haine  de  la  tyrannie.  Applaudissant 
chaleureusement  à  cette  double  motion,  l'assemblée  décida 
aussitôt  qu'on  nommerait  un  comité  chargé  de  prendre  les 
noms  des  personnes  désireuses  de  faire  partie  de  la  troupe. 

Quant  au  choix  du  local  à  transformer  en  théâtre,  les  avis 
étaient  partagés.  L'examen  de  la  question  fut  confié  à  une 
commission  composée  des  citoyens  : 

Pigeau,  Joseph,  24  ans,  bijoutier  ; 

Périot,  Pierre,  31  ans,  conducteur  des  ponts  et  chaussées  ; 

Joubert,  Pierre,  l'aîné,  administrateur  du  département; 

Denfer,  Julien,  l'aîné,  propriétaire  ; 

Poëydavant,  Jean-Augustin,  receveur  du  domaine  national  ; 

Joly,  François-Louis,  huissier  du  département. 

Quelques  jours  auparavant,  le  23  avril,  on  avait  pu  prendre 
un  avant-goût  de  ce  délassement  à  l'occasion  d'une  représen- 
tation donnée  par  les  officiers  de  la  garnison  et  quelques 
habitants  au  profit  des  soldats  blessés. 


112  LE  THEATRE  DE  FONTENAY 

Le  placard,  atïiché  à  la  porte  de  la  salle,  étaitassez  alléchant 
et  était  ainsi  conçu. 

THÉÂTRE  DE  L'ÉGALITÉ 

Avec  la  permission  du  citoyen  commandant  la  place 

de  Fontenay-le-Peuple 

Aujourd  hui  4  floréal  an  2  de  la  République  une  et  indivisible. 

LA   TROUPE    DES    ARTISTES    MILITAIRES 
donnera  une  2e  représentation  des 

VERTUS    D'UN     SANS-CULOTTES 
Pièce  en*  5  Actes  par  le  cit  :    PARMENTIER 

DISTRIBUTION  DES  ROLES 

Jean  Jacques  Lefranc,  volontaire  ...  Le  citoyen  MASSOTJ 

Le  père  Lefranc,  laboureur JOURNÉE. 

Le  citoyen  général  Mounier MERVAUD. 

Passepoil,  sergent —  COFFIN. 

Coupe-jambe,  chirurgien —  VANDIER. 

Un  ci-devant -  BOURLON. 

Massacre,  brigand  de  l'armée  de  Charette.  —  LEJAY. 

Premier  grenadier LÉTOILE. 

Deuxième  grenadier —  MOREAU. 

Tambour —  FRANÇOIS. 

L'Abbé  Cagot,  prêtre  rélractaire.     .     .      .  JANVIER. 

Julie La  citoyenne  VANDIER. 

Une  vieille  ci-devant —  TERMEAU  . 

Framboise —      .  MERVAVD 

La  mère  Cocarde —  COFFIN. 

Cariilon —  HÉ  MON . 

Sera  suivie  de 

LA   MARQUISE   AMOUREUSE 

Pièce  en  un  acte  par  le  cit.  Mervaud. 

DISTRIBUTION   DES  ROLES 

La  clé  des  coeurs Le  citoyen    COFFIN. 

■Muscadin —            MOURELON. 

Un  officieux —             LÉTOILE. 

La  marquise  de  biaux  appas    ....  La  citoyenne  MERVAVD. 

Fine  jambe —           HÉMON. 


SOI  ^^    LA    TEKKEUR 


113 


Il  y  aura  musique  militaire. 
Le  spectacle  commencera  à  sept  heures  du  soir. 
Prix   des    places  :    1    livre    aux    premières  ;    10  sous  aux 
secondes. 
Les  enfants  paieront  demi-place. 

La  Recette  sera  au  profit  des  blessés  de  V armée. 

On  jouait  alors  la  comédie  à  l'établisement  désigné  sous  le 
nom  de  Blanchisserie,  (rue  Nationale  14),  local  laissant  bien  à 
désirer  pour  l'aménagement  d'un  théâtre  et  trop  peu  spacieux 
pour  y  recevoir  les  spectateurs.  Aussi  proposa-t-on  d'y  subs- 
tituer les  salles  de  la  Société  Populaire  beaucoup  plus  propres 
à  cette  destination.  Cependant  les  actrices  improvisées  se  mon- 
trèrent assez  hésitantes  à  venir  étaler  leurs  charmes  aux  feux 
de  la  rampe;  on  mit  alors  en  avantles  noms  des  citoyennes  Va- 
railhon,  Raison, -Giraud,  Poëyd'avant  etLecomte.  Après  quel- 
ques pourparlers  engagés  à  cet  effet,  Perreau,  qui  présidait,  ce 
jour-là,  la  séance,  engagea  les  dames  Raison,  >Tillier,  Poëy- 
d'avant,  Giraud, Dubois,  Lecomte,  Gallet, Phelipeau,  Latouche, 
Bouron  ,  Vinet  la  Nauliere,  Arnaud,  Pigeau,  Goyaud  de  la 
Châtaigneraie,  veuve  Thomas, Latouche  mère,  Boutin,  Fleury, 
Martineau,  Godet  de  Saint-Hermine,  Chambonneau,  à  vouloir 
bien  accepter  des  rôles  dans  les  pièces  patriotiques  qu'on  se 
proposait  de  représenter. 

Lorsqu'on  en  vint  à  la  désignation  des  acteurs,  les  choix 
su  portèrent  sur  les  citoyens,  Guillet,  Boutheron,  Isidore  Le- 
mercier,  Tronson,  St-Céran.  Turin,  Poëyd'avant,  Durand, 
Victor  Denier,  Magué,  Dillon,  Noël,  Martinet,  Gauly,  Verdon, 
Fayau  jeune,  Bomard,  Gallet,  Pigeau,  Godet,  jeune,  Tillier, 
Barbedette,  Bias  Mercier. 

On  se  met  alors  en  quête  d'un  local.  On  s'agite  avec  ardeur, 
on  va,  on  vient,  on  cherche  dans  tous  les  coins  et  recoins  de 
la  ville.  Un  mois  s'écoule  ainsi,  et  les  recherches  sont  toujours 
vaines.  Enfin  le  comité  chargé,  de  ce  soin,  vient  informer 
l'Assemblée,  que  la  ci-devant  église  du  collège  serait  propre  à 

TOME    XII.    —    JANVIER,    FÉVRIER,    MARS  8 


lii  LE  THEATHE  DE  FONTENAY 

remplir  le  but  désiré.  De  tous  côtés  arrivent  des  propo- 
sitions de  contribuer  aux  frais  d'appropriation  de  l'édifice. 
Mais  on  avait  tellement  hâte  de  prendre  quelques  instants  de 
plaisir  et  de  distraction,  que  le  président  mit  en  demeure  les 
acteurs  désignés  à  se  présenter  au  Comité  pour  y  recevoir  les 
rôles  qui  devaient  leur  être  donnés.  Malheureusement  le 
procès-verbal  garde  le  silence  sur  la  pièce  mise  à  l'étude.  Tout 
ce  que  nous  en  savons,  c'est  que  chacun  d'eux  fit  diligence  et 
s'acquitta  de  sa  mission  avec  le  plus  grand  zèle.  Aussi,  le 
S  juin,  jour  de  la  célébration  de  la  Fête  de  l'Etre  Suprême, 
deux  pièces  de  comédie  purent  être  offertes  au  public,  par  la 
nouvelle  troupe  improvisée. 

Entre  temps,  on  vaquait  sans  désemparera  l'aménagement 
de  la  salle,  pour  laquelle,  du  reste,  les  souscriptions  ne 
s'étaient  pas  fait  attendre.  On  eut  bien,  sansdoute,  de  sérieuses 
difficultés  à  surmonter:  les  matériaux  manquaient  pour  la 
construction  du  parquet  de  la  scène,  et  les  décors  brillaient 
parleur  absence.  —  «  J'ai  du  dois,  s'écrie  avec  enthousiasme, 
le  citoyen  Fleury,  et  j'en  fais  hommage  à  la  Société.  »  On 
applaudit,  avec  frénésie,  à  la  générosité  du  donateur,  dont  le 
nom  est  inscrit  au  procès-verbal  de  la  séance,  Mais,  hélas! 
malgré  l'activité  déployée,  il  y  avait  tout  à  faire,  et  la  main 
d'œuvre  faisait  défaut.  Aussi,  les  travaux  n'avancôrent-ils 
qu'avec  une  extrême  lenteur,  et  des  commissaires  durent  être 
nommés  pour  les  activer. 

Sur  ces  entrefaites,  le  comité  chargé  d'élaborer  un  règlement 
de  police  avait  terminé  sa  tâche,  et  venait  en  donner  lecture  à 
l'Assemblée. 

Ce  document  était  libellé  comme  suit  : 


S0L\S   LA    TERRKUn 


115 


RÈGLEMENT 

Sur  le  choix  des  pièces  et  l'ordre  à  observer  dans  la  salle 
des  Fêtes  Décadaires  de  Fontenay-le-Peuple. 


Article  premier 

Toutes  les  pièces,  qui  se  joueront  sur  le  théâtre  de  la  Société, 
seront  examinées  par  le  Comité  des  Fêtes  Décadaires,  qui  y 
fera  tous  les  changements  dont  elles  seront  susceptibles,  sous 
le  rapport  de  la  politique  et  de  la  morale,  et  soumises  ensuite 
à  la  censure  de  la  municipalité. 

Art.  l 

Les  rôles  seront  distribués  parle  Comité. 

Art.   3. 
Tout  acteur  qui  aura  accepté  un  rôle,  et  qui,  après  l'avoir 
conservé  pendant  trois  jours,  refuserait  de  jouer  sans  motifs 
légitimes,  sera  rayé  du  tableau  d'inscription. 

Art.    4. 

Tout  acteur  qui  se  permettrait  d'ajouter  à  son  rôle  quelques 
expressions  satyriques,  ou  indécentes,  sera  rayé  du  tableau 
d'inscription. 

Art.    5. 

Tout  acteur  qui  se  permettrait,  soit  aux  répétitions,  soit  aux 
représentations,  le  moindre  geste,  le  moindre  propos  suscep- 
tible de  blesser  les  mœurs  et  ladécence  envers  qui  que  ce  soit 
et  particulièrement  envers  les  citoyennes  qui  veulent  bien  se 
prêter  à  ce  genre  d'amusement  et  d'instruction,  sera  rayé  du 
tableau,  exclu  des  représentations  et  dénoncé  à  la  Société4. 

1   Des  censeurs  étaient  désignés,  à  chaque  représentation,  pour  le  maintien 
de  la  tranquillité  de  la  salle. 


Ht)  LE    THÉàTRE   DE    FONTENAY 

Art.  (). 
On  ouvrira  la  salle,  les  jours  de  représentation,  à  cinq  heures 

précises. 

Art.  7 

A  cinq  heures  et  demie, l'orchestre  jouera  des  airs  patrioti- 
ques, et  on  commencera  de  suite. 

Art.  8. 

Les  commissaires  de  la  salle  et  les  acteurs  pourront  seuls 
rester  sur  le  théâtre  et  dans  le  foyer. 

Art.  9. 
Les   acteurs  et  actrices  ne   pourront  introduire  personne 
dans  les  coulisses. 

Art.  10. 

La  mère,  dont  la  fille  aura  un  rôle,  ou  le  père,  en  cas 
d'absence  de  la  mère,  pourront  seuls  être  placés  dans  les 
coulisses.  On  n'y  souffrira  aucun  enfant,  sous  quelque  pré- 
texte que  ce  puisse  être. 

Art.   11. 

L'orchestre  ne  sera  occupé  que  par  des  musiciens,  les  ac- 
trices qui  joueront  le  jour  même  et  les  receveuses', lorsqu'elles 
n'auront  pu  être  placées  ailleurs. 

Art.  12. 

Les  répétitions  se  feront  à  huis  clos.  Personne  ne  pourra  y 
être  admis,  à  l'exception  des  personnes  comprises  dans  l'art. 10. 

Art.  13. 
Les  répétitions  ne  commenceront  qu'à  sept  heures  du  soir. 

Art.  14. 
La  veille   de  chaque  représentation,  ia  municipalité  sera 
prévenue  et  invitée  à  prendre,  pour  le  maintien  du  bon  ordre 

'  Les  receveuses  étaient  chargées  de  recevoir  les  offrandes  patriotiques  des 
citoyens  et  citoyennes  qui  assisteraient  à  la  comédie.  Elles  étaient  remplacées 
k  chaque  représentation. 


SCHS    LA    TERREl'U  H~ 

et  de  la  décence,  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur  de  la  salle,  toutes 
les  mesures  qu'elle  jutrera  convenables. 

Akt.  15. 
On  ne  pourra,  sous  aucun  prétexte,  faire  retenir  des  places. 

Art.  16. 
Les  loges  seront  destinées  pour  les  citoyennes,  et  ne  pour- 
ront être  occupées  par  les  citoyens, qu'autant  qu'il  y  aurait  des 
places  vacantes. 

Art.  17. 

Le  présent   règlement   sera  imprimé,  distribué   à   chaque 
acteur  et  affiché  partout  où  besoin  sera. 


La  lecture  do  cette  pièce  suggère  diverses  réflexions.  On  y 
remarque  que  les  art.  4,  5  et  14,  veillent  à  ce  que  tout  se  passe 
avec  décence  dans  les  représentations,  et  la  faculté  assez 
étrange  donnée  aux  actrices  et  aux  receveuses  de  se  mêler 
aux  musiciens  par  l'art.  11. 

On  se  demande,  en  outre,  pour  quel  motif  l'art.  15  interdit 
la  faculté  de  retenir  des  places,  et  pourquoi  le  mari  n'a  le 
droit  de  se  joindre  à  sa  femme  ou  le  père  à  sa  fille,  dans  les 
loges,  que  lorsqu'il  y  a  des  places  vacantes. 

Qu'advint-il  de  ce  théâtre  hybride,  c'est  ce  qu'on  ignore. 
L'absence  de  pièces  sur  la  matière,  jusqu'à  l'année  1796,  ne 
permet  point  de  renseigner  à  cet  égard.  Peut-être  y  a-t-il  lieu 
de  croire  que  ces  représentations  se  maintinrent  jusqu'à  la 
suppression  des  Sociétés  populaires  le  23  août  1795.  A 
cette  époque,  celle-ci  tenait  ses  séances  dans  la  chapelle  du 
Couvent  de  l'Union-Chrétienne,  et  Poëyd'avant,  son  dernier 
président,  en  ferma  les  portes  le  17  septembre  suivant. 

Les  choses  eu  restèrent  là  jusqu'au  29  mars  1796,  époque  à 
laquelle  une   pétition   fut    présentée   à  la  municipalité  de  la 


118  LE  THEATRE  DE  FONTENAY 

ville  par  quelques  militaires  de  la  garnison  et  citoyens  de  la 
commune,  pour  pouvoir  jouer  des  pièces  patriotiques. 
Voici  cette  pièce  : 

A  Fontenay-le-Peuple  le  9  germinal  an  4'  de  la  République  française. 

Aux  officiers  municipaux  de  la  commune  de  Fontenay. 

Citoyens, 

Quelques  militaires  de  la  garnison,  réunis  à  des  citoyens  de 
votre  commune,  doivent  former  une  Société  d'amateurs,  afin 
de  contribuer  à  l'amusement  de  la  ville,  vous  invitent  à  leur 
accorder  un  emplacement  situé  près  du  Collège,  pour  y  établir 
une  salle  de  spectacle,  ce  local  ayant  été  précédemment  des- 
tiné pour  ces  objets.  Ils  ont  tout  lieu  d'espérer  de  votre  zèle 
pour  l'intérêt  public,  que  vous  ne  vous  y  refuserez  pas,  et  que 
vous  donnerez  en  même  temps  votre  approbation  à  l'établis- 
sement de  cette  Société. 

Salut  et  fraternité,  t Suivent  les  signatures. I 

P.-S.  —  Nous  observons  que  nous  avons  toute  espèce  de 
succès,  ayant  dans  le  bataillon  de  La  Dordogne  une  très  bonne 
musique,  qui  doit  arriver  sous  quelques  jours,  ainsi  que  des 
danseurs  ;  notre  intention  n'étant  que  de  représenter  des 
pièces  patriotiques  et  de  donner  des  concerts  ou  des  bals. 

La  municipalité  accueillit  favorablement  la  demande  et  l'ad- 
ministration départementale,  prenant  en  considération  l'état 
de  dégradation  de  la  chapelle  du  ci-devant  collège,  par  suite 
des  aménagements  qui  y  avaient  été.faits  précédemment  pour 
l'établissement  d'un  théâtre,  arrêta  qu'elle  serait  affermée 
dans  les  fermes  prescrites  par  la  loi,  sauf  aux  pétitionnaires 
à  s'en  rendre  adjudicataires  et  à  y  former  l'établissement 
proposé. 

Le  moment  était  donc  on  ne  peut  plus  propice  pour  se  livrer 
.1  un  peu  de  plaisir,  car  la  capture  de  Charette  allait  enfin 
permettre  de  pacifier  la  contrée,  mais  allait  priver  la  ville  des 


SOUS    LA    TERREUR  H'» 

troupes  qui  y  tenaient  une  garnison  jusqu'à  ce  jour.  Quelques 
mois  après,  en  effet,  il  n'y  restait  plus  que  quelques  déta- 
chements sans  importance.  Le  départ  de  la  garnison  amena 
celui  des  acteurs  et  musiciens  qui  formaient  la  troupe 
théâtrale,  et  l'établissement  dut  fermer  ses  portes  jusqu'au 
jour  où  des  troupes  nomades  vinrent  reprendre  le  cours  de 
leurs  représentations  interrompues  par  les  troubles. 

Quoi  qu'il  en  soit,  au  début  de  l'année  1797,1a  ville  ne  possé- 
dait point  encore  de  salle,  et  le  local  y  consacré  n'avait  point 
été  encore  aménagé  convenablement.  Ce  fut  ce  qui  engagea 
Caldelar,  l'entrepreneur,  à  demanderla  concession  d'un  terrain 
inculte  sur  la  rive  gauche  du  Pont-Neuf  pour  y  installer  une 
salle  de  spectacle,  également  propre  aux  concerts  et  fêtes 
publiques.  Il  eût  gain  de  cause  et  s'empressa  de  mettre  son 
plan  à  exécution.  Mais  dans  son  empressement,  il  avait  oublié 
que  le  local  était  presque  au  niveau  de  la  rivière,  et  lors  des 
crues  d'eau,  les  spectateurs  étaient  menacés  de  voir  les  eaux 
faire  invasion  dans  le  parquet  et  le  transformer  en  aquarium. 
Cet  état  de  choses  persista  jusqu'à  l'avènement  de  l'Empire. 
L'ancienne  chapelle  du  collège  des  Jésuites  fut  transformée 
en  théâtre,  et  la  salle  de  Caldelar  devint  un  véritable  balnea- 
rium.  Pauvres  Fontenaisiens  !  A  quelle  hygiène  vous  étiez 
condamnés  :  la  tête  dans  le  feu,  les  pieds  dans  l'eau  !... 

A.  Bitton. 


s»; 


CAMÉES     VENDEENS 


M.  EDOUARD  HERVfi 


La  mort  de  M.  Edouard  Hervé,  directeur  politique  du  Soleil 
et  membre  de  l'Académie  française  ,  a  eu  un  douloureux 
retentissement  en  Vendée. 

L'éminent  écrivain  était,  en  effet,  devenu  vendéen  ;  et,  dans 
la  grande  patrie,  il  avait  choisi  la  «  terre  des  géants  »  pour  se 
créer  une  patrie  d'élection,  où  il  avait  apporté,  avec  son  beau 
renom,  l'éclat  de  son  esprit,  le  charme  de  son  honnêteté,  la 
droiture  de  sa  conscience. 

Il  était  l'un  des  nôtres,  figurant  parmi  les  meilleurs,  et  à  ce 
titre  nous  lui  devons  une  page. 


Tous  ses  biographes  l'ont  dit,  M.  Edouard  Hervé  était  un 
journaliste  de  la  grande  école,  une  école,  qui  a  malheureu- 
sement disparu.  Il  savait  allier  la  fermeté  des  principes  avec 
la  courtoisie  de  la  polémique.  Ses  convictions  étaient  sincères 
et  profondes,  parce  qu'elles  étaient  raison'nées  ;  il  les  expo- 
sait et  les  défendait  avec  énergie,  sans  les  accompagner  ja- 
mais de  ces  violences  qui  déshonorent  la  presse  et  sont  la 
profanation  de  la  liberté.  Il  avait  une  conception  politique 
très  nette,  très  étudiée,  très  précise,  qu'on  pouvait  discuter, 
mais  à  laquelle  on  accordait  toute  estime,    parée  qu'elle  s'é- 


M.    EDOUARD    HBRVR  121 

tayait  d'une  loyauté  parfaite,  c'est-à-dire  d'une  imlépendance 
à.  la  l'ois  modeste  et  flore,  exempte  de  tapage  et  rayonnant 
dans  les  hautes  sphères.  Son  influence  ne  s'est  pas  exercée 
dans  le  tumulte;  mais  elle  n'en  a.  pas  moins  été  très  réelle,  et 
il  n'a  dépendu  que  de  sa  volonté  môme  de  la  rendre  parfois 
prépondérante.  Mêlé  au  mouvement  qui  a  déterminé  les  pro- 
grès de  l'opposition  sous  le  deuxième  Empire, il  a  dédaigné  de 
tirer  un  profit  personnel  de  la  chute  du  trône  :  il  est  demeuré- 
dans  sa  dignité,  étranger  à.  l'exploitation  d'une  victoire  qu'il 
regrettait  tardivement  et  détestait  peut-ôtre.ll  aimait,en  effet, 
l'autorité  dans  l'exercice  du  pouvoir,  et  la  République,  qui 
débridait  l'anarchie  des  âmes  avant  de  déchaîner  l'anarchie 
des  esprits  et  des  consciences,  était  loin  de  le  satisfaire  ; 
aussi  l'a-t-elle  trouvé  parmi  ses  adversaires,  même  au  pre- 
<  mier  rang  de  ceux  qui  l'ont  le  mieux  et  le  plus  énergiquement 
combattue.  Seulement,  il  n'a  pas  cessé  de  pratiquer,  même 
contre  elle,  la  modération  de  la  forme  s'a  joutant  à  la  bravoure 
du  fond. 

On  peut  dire  de  lui  qu'il  a  été  un  modèle  de  journaliste  in- 
tègre et  de  polémiste  courtois.  Toutefois  il  a  peu  d'imitateurs, 
et,  sauf  de  très  rares  exemples,  la  presse  suit  un  autre  cou- 
rant dans  la  courbe  actuelle  de  son  histoire. 


C'est  surtout  comme  journaliste  de  haut  trottoir  et  d'ex- 
ception que  M.  Edouard  Hervé  est  entré  sous  la  coupole- 
L'Académie  française,  en  le  choisissant  parmi  tant  d'autres 
concurrents,  a  voulu  rendre  hommage  à  la  presse  politique, 
dont  il  était  l'un  des  représentants  les  plus  considérables. 
Avant  lui  notre  corporation  n'avait  guère  compté  dans  l'as- 
semblée des  Quarante  que  M.  Sylvestre  de  Sacy.  Beaucoup 
d'illustres  sans  doute  avaient  figuré  avec  retentissement  dans 
les  luttes  quotidiennes  de  la  presse;  mais  ils  en  étaient  sortis 
pour  acquérir  ailleurs  de  plus  vastes  titres  politiques  et  litté- 
raires. Ainsi  M.  Guizot,  M.  Thiers,  M.  Villemain,  M.  Cousin,  et 


12'J  M.    EDOUARD    HERVÉ 

plusieurs  autres  :  mais  nul  avant  M.  de  Sacy  n'avait  été  élu  au 
titre  de  journaliste  ;  et  encore  est-il  certain  que  l'éminent  colla- 
borateur du  Journal  des  Débats  avait,  en  dehors  et  au-delà 
de  ses  articles  périodiques,  un  bagage  nombreux  à  présenter 
à  l'appui  de  sa  candidature. 

En  tout  cas,  c'est  une  gloire  véritable  pour  le  journalisme 
contemporain  que  l'entrée  triomphante  de  M.  Edouard  Hervé 
■dans  la  grande  Compagnie,  où  il  a  tenu  d'ailleurs  dignement 
sa  place,  prononçant  trois  superbes  discours,  à  sa  réception, 
à  la  dislribution  des  prix  de  vertu,  à  l'entrée  de  M.  de  Costa 
■  le-  Heauregard,  et  où  la  plus  générale  estime  n'a  pas  cessé  de 
lui  faire  cortège. 


C'est  un  peu  par  hasard  que  M.  Edouard  Hervé  est  devenu 
vendéen.  Mais  le  hasard  fait  si  bien  les  choses  ! 

Des  circonstances  fortuitesayant  amenésadigne  mère  à  fixer 
sa  résidence  à  Montaigu,  où  elle  trouvait  une  famille  et  des 
amis,  il  venait,  chaque  année  depuis  1880,  passer  quelques 
jours  sous  son  toit,  dans  ce  pays  souriant  qui  lui  piutau  point 
de  le  séduire. 

Fils  de  cette,  mère  bretonne  et  d'un  père  lorrain,  il  avait 
tout  ce  qu'il  fallait  pour  prendre  en  affection  la  terre  de 
Vendée,  qu'il  choisit  définitivement,  il  y  a  cinq  ans,  comme 
résidence  de  repos,  après  les  agitations  et  les  ravages  de  la 
vie  politique,  si  absorbante,  si  épuisante  même.  Il  acheta  la 
maison,  d'autres  disent  le  château  des  Thôbaudiôres,  dépen- 
dant autrefois  de  la  seigneurie  de  Saint-Fulgent.  Quatre  fer- 
mes, dont  l'une  porte  le  nom  de  «  la  Roche  au  Roy  »,  font  partie 
du  domaine,  qui  comporte  160  hectares  environ.  Le  logis  est 
-impie  et  de  peu  d'apparence  ;  mais  son  installation  intérieure 
dénote  un  grand  eroût.  L'hospitalité  y  a  été  bonne  et  cordiale, 
exercée  par  M.  et  Mme  Edouard  Hervé.  La  politique,  Dieu 
merci,  n'y  trouvait  point  rie  place.  Le  propriétaire  recevait 
d'une  poignée  de  main  affectueuse  ses   visiteurs,  sans  cher- 


M.    EDOUARD    HERVi.  123 

cher  jamais  à  connaître  leurs  opinions  royalistes,  bonapar- 
tistes ou  républicaines.  Lorsque  son  cabinet  ou  son  salon 
étaient  vides,  il  en  profitait,  en  hâte  pour  courir  les  champs. 
examiner  l'état  des  récoltes  et  planter  des  arbres,  beaucoup 
d'arbres,  vivant  librement  à  sa  guise,  sans  nul  embarras, 
comme  le  gentleman  farmer  de  la  terre  anglaise. 

On  eût  voulu  faire  de  lui  faire  un  sénateur  ou  un  député. 
Il  ne  consentit  pas  même  à  accepter  un  modeste  siège  au  con- 
seil municipal  de  sa  commune.  Tant  il  avait  besoin  de  s'af- 
franchir de  tout  ce  qui  touchait  aux  fonctions  publiques.  Il 
était  las,  souffrant,  et  l'on  eût  dit  que.  sentant  la  mort  venir, 
il  se  donnait  du  mouvement  pour  l'écarter  ou  la  fuir. 


La  mort  le  saisit  cependant,  non  pas  en  Vendée,  mais  à 
Paris.  Elle  le  terrassa,  le  trouvant  prêt  d'ailleurs  pour  le  dur 
passage.  Dieu  ne  lui  accorda  pas  ces  jours  de  grâce  que  M.  de 
Ghâleaubriant,  «assis  au  bord  des  tempêtes  »,  appelait  des 
«  jours  de  rigueur  >-  :  mais  il  lui  a  permis  de  se  connaître  jus- 
qu'en son  agonie,  et  de  finir  la  vie  comme  il  l'avait  menée,  en 
honnête  homme,  en  chrétien  convaincu,  en  citoyen  vaillant 
et  fidèle  au  devoir. 

En  lui  la  France  a  perdu  l'un  de  ses  enfants  les  plus  distin- 
gués, et  la  Vendée  l'un  de  ses  fils  d'adoption  les  plus  dignes 
de  haute  estime,  de  sincère  sympathie,  de  profond  respect. 

Ernest  Merson. 
St-GoèM    leCmisici  ir>  février. 


A  TRAVERS  LES  LIVRES 


Notre  distingué  confrère  M.  A.  Tollaire,  publie  chez  l'éditeur 
A.  Fierret,  37,  rue  Etienne  Marcel,  Paris,  en  un  volume  in- 
1S  jésus,  ['Ossature  delà  Trahison- 
Ce  livre  (envoi  franco  au  reçu  de  3  fr.  50  en  timbres  ou  mandat) 
arrive  bien  à  son  heure.  De  tous  les  ouvrages  publiés  sur  l'affaire 
Dreyfus,  c'est  le  seul  qui  nous  donne  véritablement  la  clef  de  cet 
interminable  complot  comme  aussi  de  la  politique  suivie  depuis 
plus  de  vingt  ans  par  cette  élite  de  sépulcres  blanchis  qualifiée  si  à 
propos  par  M.  H.  Brisson  d'Ossature  de  la  Trahison. 

Clair,  supérieurement  pensé,  d'une  documentation  énorme  quoique 
d'un  volume  restreint,  d'une  concision  qui  évoque  les  écrits  de  Ta- 
-,  c'est  un  réquisitoire  accablant  contre  ces  singuliers  hommes 
d'Etat  de  V Ossature.  Maîtres  du  Pouvoir,  ils  ne  s'en  sont  servis  que 
pour  faire  leurs  affaires  personnelles,  trahir  nos  intérêts  et  con- 
duire la  France  à  deux  doigts  de  la  ruine  et  du  déshonneur. 

La  lecture  de  cet  ouvrage  s'impose  dès  lors  à  tous  ceux  que  pas- 
sionnent les  affaires  politiques  et  qui  ont  à  cœur  de  régénérer  le 
paj 


Champs  de  bataille  de  France,  par  M.  Charles  Malo.  —  Un 
magnifique  volume  in-8° Jésus,  illustré  de  1^  planches  hors  texte  en 
couleurs,  d'après  Alfred  Paris,  et  de  «7  portraits,  30  gravures  en 
noir  rt31  plans.       Hr.,  15  fr.  ;  rel.,  20fr.  (Hachette  etCie,  Paris). 

Le  livre  de  M.  Ch.  Malo  n'est  pas  seulement  un  recueil  de  grands 
récits  militaires;  c'est  l'histoire  des  faits  héroïques  accomplis  par 
notre  armée  pour  défendre  le  sol  de  la  patrie. 

Varié  nomme  les  époques  qui  datent  ses  récits,  ce  livre  est  do- 
miné par  une  idée  qui  en  fait  l'unité.  Du  moyen  âge  aux  temps 
modernes,  et  de  l'ancien  régime  à   la  Révolution,  l'armée  française 


A    TRAVERS    L1CS    LIVRES  125 

s'est  modifiée  dans  son  armement,  son  organisation  et  sa  discipline. 
Mais,  d'un  bout  :ï  l'autre  de  son  histoire,  son  esprit  est  demeuré  le 
même.  De  Bouvines  à  Rocroy,  de  Rocroy  à  Valmy,  de  Valmy  àSaint- 
Privat,  c'est  la  même  vaillance,  la  même  ardeur  à  accepter  l'idée  de 
sacrifice,  la  même  simplicité,"  le  même  entrain  dans  le  péril  et 
jusque  dans  la  pensée  d'une  mort  assurée,  mais  utile  à  la  pairie. 

Pour  mieux  marquer  cette  unité,  en  même  temps  qu'il  emprun- 
tait ses  récits  de  bataille  aux  historiens  les  plus  qualifiés,  à  Jomini, 
au  duc  d'Aumale,  au  général  Ambert,  etc  ,  M.  Ch.  Malo,  qui  a  fait 
des  études  d'histoire  militaire  l'objet  de  sa  vie,  a  relié  entre  eux 
ces  tableaux  par  des  études  personnelles  qui  les  coordonnent  et  en 
grandissent  l'intérêt. 

Ce  bel  ouvrage,  d'une  lecture  émouvante,  est  illustré  de  magni- 
fiques planches  en  couleur  exécutées  d'après  les  dessins  d'Alfred 
Paris,  de  gravures  en  noir,  de  portraits  et  de  plans.  C'est  ainsi  qu'il 
frappera  l'imagination,  comme  il  touchera  le  cœur  de  tous  les 
jeunes  Français,  dont  il  sera  demain  le  livre  favori. 

zzz. 


CHRONIQUE 


Le  --i"  Centenaire  de  l'abbé  Gusteau.  —  Le  16  mars  a  été  célébré 
à  Fontenay  et  à  Doix,  le  2e  centenaire  de  l'abbé  Gusteau,  dont 
les  cantiques  et  chansons  en  patois  sont  encore  si  populaires 
dans  notre  région. 

11  était  naturel,  dit  la  Revue  de  l'Ouest,  que  l'idée  vint  d'honorer 
la  mémoire  de  l'un  des  précurseurs  des  études  si  fort  en  (aveur  en 
ce  moment  en  Poitou,  et  le  mérite  de  cette  initiative  revient  à  notre 
distingué  collaborateur,  M.  René  Vallette,  autant  qu'à  l'abbé  Mou- 
chard qui,  détenteur,  depuis  de  longues  années,  d'une  copie  des 
œuvres  manuscrites  du  prieur  de  Doix,  était  le  mieux  à  même  d'é- 
crire sur  Gusteau  l'étude  qui  parait  aujourd'hui  dans  la  Revue  du 
liai-Poitou,  et  qu'applaudissait  hier  le  public  fontenaisien. 

M.  l'abbé  Ménard,  supérieur  du  collège  Saint-Joseph,  et  compa- 
triote de  l'abbé  Gusteau  s'était  chargé  de  l'organisation  de  la  fête, 
dont  le  sucés  a,  du  reste,  été  complet. 

Le  matin,  dans  la  chapelle  du  collège,  une  messe  fut  dite,  pendant 
laquelle  des  artistes  et  des  amateurs,  toujours  dévoués,  exécutèrent, 
avec  le  talent  auquel  ils  nous  ont  accoutumé,  quelques  morceaux  de 
musique  religieuse.  Ce  furent,  pour  la  partie  vocale,  Mme  Cuirblanc, 
M"'  de  F.  ..  M .  de  F . . . ,  M .  l'abbé  M . . . ,  et  pour  la  partie  instrumen- 
ta Je  M.  Robert  du  Botneau,  violoncelliste,  et  M.  Grouanne,  organiste. 

Après  la  messe,  les  fidèles  se  rendirent  dans  les  salons  du  Collège, 
pour  assister  à  une  séance  académique  d'un  caractère  de  gracieuse 
intimité,  ou  l'élément  féminin  tenait  une  large  part. 


CHRONIQUE  127 

Cette  séance  fut  présidée  par  notre  ami  M.  Gustave  Boucher,  le 
distingué  secrétaire  de  la  Société  ethnographique  française,  qui, 
dans  une  délicate  allocution,  dégagea  la  portée  philosophique  et 
sociale  des  iètes  où  sont  pratiquées  le  culte  des  morts  et  l'amour 
du  terroir  ;  puis  M.  l'abbé  Mouchard  lut  le  curieux  travail  que  nous 
publions  plus  haut,  et  qu'accueillirent  les  applaudissements  de  l'as- 
sistance; enfin,  M.  l'abbé  Ménard  termina  cette  matinée  par  une 
causerie  sur  la  bibliographie  des  œuvres  du  poète  vendéen. 

L'après-midi,  un  certain  nombre  de  Fontenaisiens  se  rendirent  en 
pèlerinage  à  Doix,  où  Msr  de  Luçon  avait  autorisé  un  Salut.  Toute 
la  population  de  cette  paroisse  avait  répondu  à  l'appel  des  organi- 
sateurs, et  abandonnant  tout  travail,  emplissait  comme  aux  jours 
de  grandes  fêtes,  la  vaste  église. 

Devant  cet  auditoire,  M.  l'abbé  Ménard  fit  l'éloge  de  l'abbé  Gusteau, 
et  expliqua  à  ces  populations  quels  mobiles  d'instruction  et  de 
moralisation  le  poussèrent  à  écrire  pour  son  troupeau  les  pasto- 
rales, les  cantiques,  les  chansons  qui  composent  son  œuvre.  Et 
comme  commentaire  à  cet  exposé,  Mme  Cuirblanc  et  MUe  de  F...  chan- 
tèrent quelques-unes  des  plus  naïves  productions  du  prieur. 

Après  le  salut,  tout  le  peuple  se  rendit  en  pèlerinage  à  la  tombe 
do  Gusteau.  Sur  l'invitation  de  M.  le  curé  on  récita,  genou  en  terre, 
un  De  Profundis  pour  les  prêtres  et  les  paroissiens  délunts.  Et,  sur 
cette  tombe  toute  fleurie,  germa  l'idée  d'un  monument  à  élever  à 
l'auteur  de  la  Chanson  de   la  mariée. 

La  Revue  du  Bas-Poitou,  qui  la  première  —  n'en  déplaiseà  certains— 
eut  la  pensée  de  célébrer  la  mémoire  du  prieur-poète,  s'inscrit  dès 
à  présent  pour  vingt  francs. 

—  Le  curieux  portrait  de  Gusteau  placé  en  tête  de  ce  fascicule 
est,  comme  le  dit  notre  excellent  collaborateur  M.  l'abbé  Mouchard, 
une  fidèle  reproduction  du  tableau  que  possède  M.Edgar  Baron, 
exécutée  d'après  un  obligeant  cliché  de  M.  le  capitaine  de  Lagenest. 
Nous  tenons  à  remercier  publiquement  ici  et  M.  Baron  et  M.  de  La- 
genest. 

Les  restes  de  Turgot.  —  On  vient  de  retrouver,  sur  de  pré- 
cieuses indications  de  M.  de  Ricaudy,  les  restes  de  Turgot,  sous 
les  dalles  de  la  chapelle  de  l'hôpital  Laennec,  à  Paris.  Le  grand 
ministre  de  la  Monarchie  n'y  reposait  pas  seul,  et  au  lieu  d'un 
seul  Turgot,  c'est  quatre  Turgot  qu'on  a  découverts,  dans  le  funé- 
raire caveau.  Un  de  ces  Turgot,  le  père,  qui  fut  prévôt  des  mar- 
chands, va  être  transporté  au  Pere-Lachaise.  L'autre  Turgot,  le 
glorieux  ministre,  le  contrôleur  des  finances,  qui  fut  en  mémo  temps 


128  CHRONIQUE 

le  chef  de   l'école  dont  est  sortie  toute   notre  économie  politique, 
aura  les  honneurs  du  Panthéon. 

Cette  nouvelle  ne  saurait  nous  trouver  indifférent.  Turgot  occupe, 
en  eftet,  une  place  considérable,  non  seulement  dans  l'histoire  na- 
tionale, mais  aussi  dans  celle  de  notre  région  vendéenne.  C'est  à  lui 
notamment  qu'on  doit  la  création  de  la  magnifique  route  de  Limoges 
à  la  mer  qui  traverse  la  ville  de  Fontenay,  et  à  laquelle,  notre  cité 
reconnaissante  a  attaché  son  nom. 

Un  monument  a  Catinat.  —  Notre  confrère,  M.  Hypolyte  Buffenoir, 
vient  d'adresser  au  président  du  Conseil  municipal  de  Paris  une 
lettre  pour  lui  soumettre  l'idée  d'une  statue  ou  tout  au  moins  d'un 
buste  du  maréchal  de  Catinat,  dans  le  nouveau  square  de  la  Sor- 
bonne,  qui  sera  précisément  placé  à  l'endroit  même  où  s'élevait  l'hô- 
tel du  maréchal. 

Cet  hommage  ne  peut  davantage  nous  laisser  indifférent.  Ni- 
colas Catinat  descendait,  en  effet,  de  notre  illustre  compatriote 
André  Tiraqueau,  par  Françoise  Poile,  sa  mère,  et  il  possédait  du 
chef  de  celle-ci,  partie  de  la  seigneurie  de  Chaix,  près  Fontenay,  et  à 
Fontenay  même,  à  l'extrémité  de  la  rue  qui  porte  son  nom,  la  terre 
de  la  Pommeraie,  dont  l'ancien  pavillon,  récemment  démoli,  portait 
cette  devise,  bien  digne  du  noble  caractère  de  Catinat  : 

Quifaict  ce  qui  est  deu  à  Dieu  et  aux  hommes  n'a  crainte  du  juge- 
ment. —  1614. 

•Artistes  bas  poitevins  du  moyen-age.  —  Le  remarquable  volume 
consacré  par  M.  le  marquis  de  Surgères  aux  Artistes  nantais  du 
Moyen-Aye  à  la  Révolution  (in-8°  de  456  p.,  Paris,  Charavay),  fait 
mention  de  plusieurs  artistes  originaires  du  Bas-Poitou  ou  ayant 
travaillé  en  notre  province. 

>i,^nalons  notamment  :  Jean  Babin,  verrier,  dont  la  fille  Jeanne 
épousa,  le  24  novembre  1593,  Vincent  de  Sarode,  gentilhomme,  ver- 
rier, du  Poitou;  —  Jean  Boffrand,  sculpteur  et  architecte  du  XVIP 
siècle,  qui  exécuta  pour  l'église  de  Montaigu  des  statues  qui  mal- 
heureusement n'existent  plus;  —  Denis  Cantiteau,  «  maître  masson 
et  architecte  »,  natif  de  l'évéché  de  Lucon  et  demeurant  à  Nantes;  — 
Michel  Colombe,  sculpteur  et  ymaigier,  auteur  d'un  bas-relief  re- 
présentant Louis  XI  ayant  à  ses  côtés  l'archange  saint  Michel  à 
cheval  et  repoussant  l'attaque  d'un  sanglier,  bas-relief  placé  dans 
l'abbaye  de  Saint-Michel-en-1'Herm  et  détruite  en  1569  par 
les  protestants  ;  —  Charles  Errard,  peintre  et  architecte,  né  à  3res- 
suire.  parent  sans  doute  de  Jean  Errarà,  architecte  et  ingénieur  de 


CHRONIQUE  129 

Henri  IV,  qui  éleva  en  1592  les  fortifications  de  Fontenay-le-Comte  ; 
—  Etienne  Legay,  architecte  à  Nantes,  originaire  de  l'évêché  de  Lu- 
çon  (5  mai  1  ( >  1  ti )  ;  —  Pierre  Picard,  sculpteur  et  architecte,  qui  en 
1711  exécuta  les  sculptures  de  l'autel  sainte  Anne,  en  l'église  de 
Noirmoutier ;  — François  Savary,  *  M>  masson  et  architecte», 
originaire  de  l'évêché  de  Luçon,  qui  se  portait  caution,  le  5  mai 
1616,  de  Christophe  Praudeau,  adjudicataire  des  travaux  de  la  façade 
du  chœur  de  la  cathédrale  de  Nantes. 

Le  vase  de  St-Martin  de  Frugneau  et  le  culte  de  St-Martin  en 
Vendée.  —  Mer  X.  Barbier  de  Montault,  dans  le  13e  volume  de  ses 
Œuvres  complètes,  qui  vient  de  paraître  (Poitiers-Biais  et  Roy,  in-8° 
de  576  p.),  étudiant  avec  son  érudition  accoutumée  le  Culte  de  St- 
Marlinetses  manifestations  hagiographiques,  signale  la  confiance 
que  les  pèlerins  avaient  anciennement  dans  la  vertu  de  l'huile  des 
lampes  qui  brûlaient  devant  le  tombeau  du  saint,  et  rappelle  à  ce 
propos  la  découverte  faite  en  1865  à  St-Martin-de-Fraigneau  d'un 
vase  du  V*  siècle,  qui  portait  au  pourtour  du  col  cette  inscription  : 
f  DIVI  MARTINI  ANT  (istiti)  S  BALSAMV  (m)  OL  (eum)  f  PRO  BE- 
NEDICTIONE. 

Onze  autres  paroisses  du  Bas-Poitou  reconnaissent  encore  pour 
patron  le  saint  abbé  de  Ligugé  :  St-Martin-ds-Brem,  où  une  vieille 
tradition  raconte  qu'il  creusa  un  port  ;  S t- Martin- du- Bernard,  où 
l'abbé  Baudry  découvrit  en  1860  le  sceau  de  la  court  du  Bernard  au 
XlVe  siècle,  quand  le  doyen  de  Talmont  y  tenait  ses  assises  ;  St- 
Martin-Lars-en-Tiffauges ;  —  St-Martin  d'Aspremont;  St  Martin  de 
Sallertaine  -,  St-Martin  de  la  Meilleraye  ;  St-Martin  du  Gué-de-Vel- 
luire;  St-Martin-des-Noyers,  St-Martin  de  Treize-Septiers  ;  St-Mar- 
tin de  Mouilleron-le-Captif,  et  St-Martin  de  la  Pommeraye. 

Le  calice  de  St-Malo  du  Bois  et  le  culte  de  saint  Hubert.  —  Les 
Archives  du  diocèse  de  Luçon,  toujours  si  excellemment  rédigées  par 
M.  l'abbé  H.  Boutin,  nous  signalent  dans  leur  n°  du  28  janvier  1899, 
l'existence  en  l'église  de  St-Màlo-du-Bois  (Vendée),  d'un  calice  du 
XVIIIe  siècle,  donné  naguère  à  l'abbé  Grolleau  par  la  famille  de  Ve- 
zins,  et  qui  servit  durant  toute  la  Révolution.  Le  pied  est  en  argent 
repoussé  et  la  coupe  en  vermeil.  Le  pied  est  orné  des  instruments 
de  la  Passion. 

Ce  même  numéro  renferme  une  lettre  de  M.  l'abbé  Jean  Châ- 
taigner,  curé  actuel  de  St-Mâlo-du-Bois,  qui  nous  apprend  que  le 
culte  de  saint  Hubert  est  toujours  en  honneur  dans  sa  paroisse. 

«  Le  matin  du  3  novembre,  dès  quatre  heures  au  plus   tard,  les 

TOME    XII.    —    JANVIER,    FÉVRIER,    MARS.  9 


130  CHRONIQUE 

portes  de  l'église  doivent  être  ouvertes  pour  un  grand  nombre 
d'hommes  qui  viennent  faire  leur  voyage...  Et  dans  beaucoup  de  fa- 
milles de  la  campagne,  les  membres  qui  n'ont  pas  le  temps  de  venir 
à  l'église,  lont  apporter  par  leurs  enfants  des  petites  bougies  en 
nombre  égal  aux  personnes  restées  au  village... 

Fouilles  archéologiques  a  Noirmoutier.  —  M.  A.  Charier-Fillon 
a  ajouté  une  onzième  et  très  précieuse  contribution  à  l'histoire  de 
l'ile  de  Noirmoutier,  sous  ce  modeste  titre  Noies  sur  quelques  fouilles 
(in-8°  de  11  p.  Niort,  Clouzot,  1894). 

Les  fouilles  dont  il  est  question,  ont  été  pratiquées  à  des  époques 
différentes,  dans  la  propriété  de  la  Seigneurie  (constatations  d'ordre 
géologique),  dans  un  champ  voisin  du  tellement  du  Grand  Morier, 
(découverte  de  vases  en  terre  et  de  vestiges  d'ateliers  céramiques 
de  la  plus  haute  antiquité),  et  dans  les  fondations  d'une  absidiole 
romane  disparue  de  l'église  paroissiale. 

Cette  dernière  fouille  révéla  la  présence  dans  le  sous-sol  d'une 
gigantesque  auge  en  pierre,  pourvue  d'un  couvercle  en  grès  sans 
inscriptions,  et  qui  renfermait,  non  pas  un  squelette,  mais  une  ac- 
cumulation d'ossements  rangés  symétriquement,  avec,  au  milieu, 
un  vase  contenant  des  charbons,  comme  cela  se  pratiquait  dans  les 
sépultures  de  la  première  période  chrétienne. 

Les  os  furent  précieusement  remis  en  terre,  le  cercueil  fut  déposé 
le  long  du  mur  du  transept  de  l'absidiole  disparue,  et  le  vase  à  char- 
bon fut  porté  à  la  cure,  où  devaient  plus  tard  le  rejoindre  les  objets 
découverts  dans  les  fouilles  de  la  crypte. 

Or,  ajoute  M.  Charier-Fillon,  si  nous  avons  revu  récemment  le 
cercueil,  il  n'en  a  malheureusement  pas  été  de  même  des  objets  de 
la  crypte.  Nous  n'avons  retrouvé  aucun  d'eux.  Les  débris  de  vases 
caractéristiques  du  XVIe  siècle;  les  fragments  de  rosaces  du  XIIIe, 
les  débris  de  carrelages  incrustés,  les  moulages  du  XVIIe,  enfin 
tous  les  témoins  des  divers  états  de  la  crypte  ont  disparu. 

M.  le  curé  actuel  de  Noirmoutier,  qui  a  le  culte  des  choses  du 
passé,  aura  certainement  à  cœur  de  les  retrouver. 

Un  nouveau  document  inédit  sur  St-Filbert.  —  Les  archives 
de  Cunault  (Maine-et-LoireJ,  n'ont  point  dit  leur  dernier  mot 
pour  le  Poitou.  Elles  renferment  encore,  nous  écrit  M.  le  chevalier 
d'Achon,  une  ordonnance  de  l'évêque  de  Poitiers,  Isambert  1er,  pres- 
crivant aux  religieux  de  St-Gildas-de-Rhuys  de  transporter  chez 
eux  un  de  leurs  frères  (S.  Goustan),  mort  à  Beauvoir-sur- Mer,  dans 
l'hospice  ou  plutôt  dans  la  maison  des  religieux  de  St-Filbert,  leur 


CMH0N1OUK 


V.'A 


défendant  de  s'établir  dans  cette  résidence  et  dans  l'église  qu'ils  ont 
construite,  sous  peine  d'excommunication,  et  décrétant  que  les  re- 
ligieux de  St-Filbert  resteront  seuls  en  possession  de  Beauvoir,  de 
son  castrum  et  seront  libres  de  lever  l'interdit  qu'il  prononce. 

Petits  Salons.  —  La  Vendée  à  l'Exposition  des  ■■  Amis  dus  Arts  » 
de  Nantes.  —   Peinture  : 

Brillaud  (de  Cugand)  :  49.  Portrait  de  Mlle  M"\  —  50.  Portrait  du 
lieutenant-colonel  Ducors. 

A.  Lepère  (de  Paris)  :  186.  La  Plage  de  Saint- Jean  de  Monts,  un 
dimanche. 

Sergent  (Lucien),  de   Paris:    309.  Episode  des  guerres  de  Vendée. 

1793. 
Paul  Tillier(duBoupèro)  :  327.  Nanette.—  'S2S.  La  Petite  Meunière. 

Aquarelles  : 
Bascber(de),  château  de  Beaumarcbais( Vendée):  344.  Etudedemai 

—  Parmi  les  œuvres  envoyées  à  l'Exposition  de  la  Société  des 
Amateurs,  organisée  chez  Georges  Petit,  à  Paris,  par  les  soins  de 
MM.  le  comte  de  la  Rochefoucauld,  Fournier-Sarlovè/e,  Amédée 
Dufaure  et  le  comte  de  Franqueville,  citons  plusieurs  tableaux  du 
sympathique  sénateur  de  la  Vendée,  M.  Paul  Le  Roux.  . 

Echos  d'ateliers.  —  Notre  éminent  collaborateur  M.  0.  de  Roche- 
brune  vient  d'achever  la  gravure  d'une  charmante  petite  planche 
représentant  la  gentilhommière  de  Mursay  (Deux-Sèvres),  où  fut 
élevée  Mm'  de  Maintenon. 

—  De  M .  deVerteuil,  l'aimable  et  habile  statuaire  de  Saint-Rémy  de 
Pissotte  :  un  délicieux  profil  féminin  et  une  statuette  de  Sablaise, 
très  joliment  campée,  le  poing  gauche  appuyé  sur  la  hanche  et  le 
bras  droit  engagé  dans  un  large  panier. 

Beaux-Arts.  —  Sur  la  demande  de  M.  Gautret,  député-maire  des 
Sables-d'Olonne.  M.  Roujon,  directeur  des  Beaux-Arts,  a  promis  une 
œuvre  nouvelle  à  la  ville  des  Sables,  pour  remplacer  la  statue  du 
marin  Daniel  Fricaud,  brisée  au  cours  d'une  des  récentes  tempêtes. 

—  Le  Petit  Phare  annonce  que  M.  Lepère,  l'habile  graveur  pari- 
sien, est  en  ce  moment  à  Nantes,  travaillant  à  l'illustration  d'un 
nouveau  livre,  —  l'un  des  plus  pittoresques  qui  aient  été  gravés  sur 
cette  ville. 

M.  Lepère  n'est  point  un  inconnu  pour  les  Vendéens  qui  pendant 
la  belle  saison  fréquentent  la  station  balnéaire  de  Saint-Jean-de- 
Monts.  Il  possède,  en  effet,  dans  ce  coin  de  la  Vendée,  qu'il  adore, 
une  charmante  propriété,  où  il  travaille  devant  l'immensité  de  l'O- 
céan, dontses  œuvres  ontsouvent  reproduit  l'agitation  tumultueuse. 


132  CHRONIQUE 

—  Nous  avons  précédemment  annoncé  la  venue  de  J.  K.  Huysmans 
à  Ligugé,  et  son  intention  de  fonder  une  colonie  d'artistes  chrétiens 
à  l'ombre  de  la  vieille  abbaye  bénédictine. 

Si  nous  en  croyons  le  Petit  Bleu,  du  20  janvier  1899,  l'idée  ne  se- 
rait pas  tout  à  fait  neuve. 

«  Il  est  en  effet  à  Dresde,  dit  ce  journal,  un  certain  couvent  de 
Bénédictins  où  tout  artiste  trouve  le  plus  aisément  du  monde  le 
vivre  et  le  couvert,  sans  d'ailleurs  avoir  à  promettre  de  suivre  seu- 
lement les  offices. 

«  En  ce  couvent  se  rencontrent  des  peintres,  des  sculpteurs,  des 
graveurs,  des  ébénistes  et  des  poètes.  A  l'abri  du  froid  et  de  la  faim, 
ces  artistes,  exécutent  des  tableaux  religieux  ou  des  vitraux,  il- 
lustrent des  niches,  sculptent  des  autels  ou  composent  des  sonnets 
ou  des  odes  en  l'honneur  de  la  sainte  Vierge. 

'<  De  cette  façon  les  Frères  Bénédictins  se  forment  un  musée  et 
une  bibliothèque  d'art  chrétien.  » 

Notes  d'archéologie.  —  M..  Raoul  de  Rochebrune  vient  d'enrichir 
sa  collection  d'un  délicieux  tableau  de  Rondel  et  de  deux  fort  jolies 
épées,  dont  l'une  du  XVIe  siècle  fut  trouvée  dans  la  Loire,  et  dont 
l'autre,  datée  de  1613,  et  dans  un  merveilleux  état  de  conservation, 
porte  sur  la  lame  cette  double  inscription  :  Pugne  pro  patria.  — 

NEC  TEMERE  NEC  TIMIDE. 

—  Parmi  les  dons  récemment  faits  au  musée  d'archéologie  de 
Nantes,  mentionnons  :  une  très  belle  lettre  du  Cardinal  de  Riche- 
lieu, cachetée  à  ses  armes  et  datée  de  Montpellier,  le  l,r  octobre  1682 
(Don  de  M.  Lotz-Brissonneau)  et  un  cuivre  gravé,  Charette,  par  L. 
Corucy  (Don  de  M.  le  docteur  Josso). 

—  Notre  éminent  ami, M.  Anatole  de  Barthélemy,membre  de  l'Ins- 
titut, a  été  nommé  vice-président  de  l'Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-Lettres. 

Inauguration  du  monument  Luneau  a  la  Roche- sur-Y on.  —  Les 
instituteurs  de  la  Vendée  ont  organisé  entre  eux  une  souscription 
pour  ériger  un  monument  en  l'honneur  de  M.  Luneau,  ancien  maire 
de  Bouin,  ancien  président  du  Conseil  général  pendant  15  ans,  député 
de  la  Vendée  de  1831  à  1848,  membre  de  la  Constituante  en  1848  et 
I  349,  qui  a  été  un  de  leurs  principaux  bienfaiteurs.  M.  Luneau,  en 
effet,  a  légué  avant  de  mourir,  toute  sa  fortune  aux  instituteurs  et 
aux  institutrices  laïques  du  département  de  la  Vendée.  Les  revenus 
de  ce  legs  sont,  comme  on  le  sait,  distribués  aux  instituteurs  chaque 
année,  depuis  1887,  sur  la  proposition  de  leur  chef,  par  somme  de 
100  francs. 


CHRONIQUE  133 

Le  Comité  d'exécution  du  monument  Luneau  a  confié  au  distingué 
professeur  de  dessin  du  Lycée,  M.  Fulconis,  le  soin  de  reproduire 
les  traits  de  ce  bienfaiteur  de  l'enseignement.  Le  piédestal 
destiné  à  recevoir  la  statue  a  été  exécuté  sur  les  plans  et  sous 
l'habile  direction  de  M.  Loquet,   architecte   départemental. 

Le  monument  est  prêt.  Il  sera  érigé  dans  la  cour  d'honneur  de 
l'Ecole  Normale  d'instituteurs. 

Le  Comité,  dans  sa  dernière  réunion,  qui  a  eu  lieu  le  9  février 
sous  la  présidence  de  M.  Priouzeau,  ancien  instituteur  à  Bouin, 
assisté  de  M.  l'Inspecteur  d'Académie,  président  d'honneur 
du  Comité,  a  définitivement  fixé  au  22  mai,  c'est-à-dire  au 
lundi  de  la  Pentecôte,  la  fête  d'inauguration  du  monument  Lu- 
neau. 

La  solennité  sera  probablement  présidée  par  M.  le  Ministre  de 
l'instruction  publique, 

Bénédiction  de  ci.oches.  —  Le  8  février,  M'r  Catteau,  évêque  de 
Luçon,  à  béni  en  l'église  de  la  Chaume,  trois  nouvelles  cloches, 
œuvre  du  fondeur  bien  connu,  M    Astier  : 

La  plus  grosse  du  poids  de  7G0  kilos  a  pour  parrain  et  marraine 
l'abbé  Brochard,  curé  de  la  paroisse,  et  M1"8  Guyétant.  Elle  s'appelle 
Saint-Nicolas,  nom  du  patron  de  la  paroisse. 

La  seconde  cloche,  qui  pèse  630  kilos,  a  pour  parrain  et  marraine 
M.  Méchin,  doyen  de  Palluau,  et  Mme  Rousseau-Méchin  ;  elle  a  nom 
Sainte-Anne,  dont  la  dévotion  est  en  grand   honneur   à  la  Chaume. 

Enfin,  la  troisième,  de  320  kilos,  se  nomme  Marie-Florence. 
M.  Guyétant  est  son  parrain  et  MUe  Marie-Florence  Barré,  sa  marraine. 

—  Le  7  mars,  M,r  Catteau,  évêque  de  Luçon,  a  solennellement  con- 
sacré le  maître-autel  de  la  chapelle  du  couvent  des  Ursulines  de 
Luçon . 

Cet  autel,  placé  sous  le  vocable  de  l'Annonciation,  sort  des  ateliers 
de  M.  Renaud-Bizet,  sculpteur  à  Luçon. 

La  restauration  du  culte  de  Saint-Lienne  en  Vendée.  —  Le  5 
février  dernier,  de  nouvelles  fêtes  ont  eu  lieu  à  la  Roche-sur-Yon  et 
M.  l'abbé  Rousseau  a  prononcé  un  éloquent  panégyrique  du  saint 
devant  une  nombreuse  assistance.  —  A  quand  le  premier  pèlerinage? 

Sociétés  Savantes.  —  Le  37e  congrès  des  Sociétés  Savantes  s'est 
ouvert,  à  Toulouse,  en  l'hôtel  d'Assézat,  le  mardi,  4  avril  à  2  heures 
précises. 

Les  journées  des  mardi  4,  mercredi  5,  jeudi  6  et  vendredi  7  avril 
ont  été  consacrées  aux  travaux  du  congrès  ;  le  samedi  s  avril,  M.  le 


134  OHRONIQUB 

ministre  de  l'instruction   publique  et  des  beaux-arts   a  présidé  la 
séance  générale  de  clôture. 

—  La  séance  publique  annuelle  de  la  Société  des  Antiquaires  de 
C Ouest  a  eu  lieu  le  15  janvier  1899,  à  Poitiers,  dans  l'une  des  salles 
de  son  hôtel,  rue  des  Grandes  Écoles. 

Au  programme  :  discours  de  M.  de  la  Ménardière,  président,  Sou- 
venirs de  l'alliance  entre  la  France  et  V Ecosse  dans  V histoire  du 
Poitou:  rapport  de  M.  Tornézy,  secrétaire  ;  Une  vieille  histoire,  par 
M.    Ernault,  professeur  à   la   Faculté  des  Lettres. 

—  Le  bureau  de  la  Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest  pour  1899 
est  ainsi  composé  :  Président,  M.  Alfred  Barbier  ;  vice-président, 
M.  Tornézy  :  secrétaire,  M.  (Jarre  ;  vice-secrétaire,  M.  Clément-,  ques- 
teur, le  R.  P.  de  la  Croix  -,  trésorier,  le  général  Segrétain  ;  biblio- 
thécaire. M.  Boissonnade. 

—  La  Société  académique  de  Nantes  a  célébré,  le  15  janvier,  son 
centenaire,  sous  la  présidence  de  M.  Hanotaux,  qui  a  prononcé  à 
cette  occasion  un  très  remarquable  discours,  sur  l'utilité  de  la  dé- 
centralisation littéraire  et  artistique. 

Après  les  discours,  des  prix  ont  été  décernés  aux  auteurs  des  meil- 
leurs travaux  présentés  dans  l'année  à  la  Société  académique. 

Prie  mention  honorable  a  été  notamment  donnée  à  notre  distin- 
guée compatriote  Mlle  Maria  Thomazeau,  de  Bouin,  pour  son  volume 
<le  poésies  :  Enfants   et   mères. 

Conférences.  —  A  la  Roche-sur-Yon,  le  5  janvier,  conférence-lec- 
ture de  M.  Lambert,  professeur  de  rhétorique  au  Lycée,  sur  Ruy- 
Blas,  avec  interprétation  des  plus  importantes  scènes  de  ce  chef- 
d'œavre  de  Victor  Hugo,  par  MM.  E,  Pages,  inspecteur  d'Académie, 
Cazac,  proviseur  du  Lycée,  Am.  Pages,  professeur  de  philosophie 
Bourgoin,  professeur  de  secondé;  —  le  11,  conférence  de  M.  Cul-- 
lière,  directeur  de  l'Asile  des  Aliénés,  sur  le  Sommeil  et  les  Rfves;  — 
le  21,  conférence  de  M.  le  docteur  Maugard  sur  Les  différents  modes 
d'allaitement;  supériorité  et  nécessité  sociale  de  l 'allaitement  naturel; 
—  le 28,  coniérence  sur  le  Siam,  par  M.  Mury,  conseiller  de  préfec- 
ture, ancien  sous-commissaire  de  la  marine. 

A  la  Roche  également,  conférence  de  M.  Ménage,  avocat,  sur  la  Com- 
munication  des  dossiers,  le  11  février;  de  M.  Porchet,  professeur  au 
Lycée,  sur  l'astronome  François  Arago,le  18  février;  de  M.  Porgollon 
chef  de  cabinet  du  Préfet,  sur  les  Libertins  au  XVII*  siècle,  le  22 
février-,  de  M.  Hervé,  instituteur,  sur  les  Superstitions  et  Légendes 
vendéennes,  le  25  février;  de  M.  Grimai,  professeur  au  lycée,  sur 
Napoléon  Ier ,  le   l"  ma/s  ;  de  M.  Leroy,  professeur  à  l'Ecole  nor- 


GHRONIoUK 


i  :  t  r, 


maie,  sur  les  Conteurs  français,  le  4  mars;  de  M.  Bourgouin,  pro- 
fesseur au  Lvcée,  sur  le  poète  Eugène  Manuel,  le  11  mars  ;  de 
M.  Chaux,  inspecteur  primxire,  sur  Noirmoulier  (géographie  et  his- 
toire), le  15  mars. 

A.  Fontenay-le-Comte,  le  4  décembre,  au  théâtre  conférence  de 
M.  Dupuy,  professeur  d'histoire  au  lycée  de  la  Rochelle,  sur  la  Bas- 
tille dans  la  légende  et  dans  l'histoire. 

Le  5  mars,  conférence  de  M.  Feschotts,  principal  du  collège,  sur 
Cyrano  de  Bergerac. 

Aux  Sables-d'Olonne,  le  29  janvier,  conférence  de  M  Alliance  Fran- 
çaise sur  l'expansion  coloniale,  par  M.  Charles  Bos,  député  de  Paris, 
sous  la  présidence  de  M.  Gautret,  maire  et  député  des  Sables-d'O- 
lonne . 

A  la  Rochelle,  le  21  janvier,  conférence  sur  la  Culture  des  Mers, 
par  notre  distingué  compatriote  M.  le  docteur  Pineau. 

A  Angers,  le  10  février,  conférence  à  l'Université  catholique  par 
notre  érudit  collaborateur  et  ami  M.  l'abbé  Bossard,  sur  la  Vendée. 

A  l'Hébergement,  le  29  janvier,  conférence  de  M.  Chaux,  inspec- 
teur primaire,  sur  la  Vendée  (La  Roche,  Montaigu,  Tiffauges, 
Pouzauges,  Fontenay,  Luçon  et  les  Sables) 

—  A  la  conférence  faite  par  M.  Raoul  de  Fréchencourt  sur  le  Théâtre 
et  la  Chanson  royalistes,  lors  de  la  fête  du  Drapeau  de  la  Villette,  le 
distingué  conférencier  citant  les  pièces  où  sont  conservées  les  tra- 
ditions du  vrai  théâtre,  en  mentionne  dix,  en  tête  desquelles  La  Fin 
d'un  parti  de  notre  excellent  ami,  A.  Bonnin. 

Nos  compatriotes.  —  Dans  l'une  de  ses  dernières  séances,  l'Aca- 
démie française  a  décerné  le  prix  Alfred  Née,  de  la  valeur  >'e 
5000  francs  à  notre  éminent  compatriote,  collaborateur  et  ami, 
M.  Edmond  Biré,  pour  l'ensemble  de  ses  précieux  travaux  de  cri- 
tique littéraire. 

Nous  lui  renouvelons  de  grand  cœur  nos  bien  vives  félicitations. 

Nos  compliments  de  même  à  son  sympathique  neveu  M.  A.  Biré, 
avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris  et  membre  du  conseil  général  de 
la  Vendée,  qui  vient  de  prendre  la  direction  du  Journal  des  Conseils 
de  Fabrique,  le  plus  ancien  et  le  plus  important  organe  de  droit 
ecclésiastique.  (14,  rue  Soufflot,  Paris,  10  fr.  par  an). 

—  Nous  apprenons  avec  plaisir  que  notre  compatriote,  M.  le 
contre-amiral  Richard,  vient  d'être  appelé,  par  décret  du  Président 
de  la  République,  au  commandement  de  l'escadre  de  l'Atlantique,  en 
remplacement  du  contre-amiral  Esclandre,  arrivé  au  terme  de  son 
commandement. 


136  CHROMQUR 

M.  Charles  Vernhes,  avocat  à  la  Cour  d'appel  Ce  Taris,  fils  de 
notre  distingué  confrère  du  barreau  de  la  Roche-sur-Yon,  a  soutenu 
le  23  janvier  1S99,  de  la  (açon  la  plus  brillante,  sa  thèse  de  doctorat 
devant  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

M.  Charles  Vernhes  avait  pris  pour  sujet  :  «  Du  Sursis  et  de  son 
introduction  dans  la  Législation  criminelle  française  par  la  loi  du 
26  mars  lS9i.  (Loi  Bérenger). 

—  Notre  ami,  M.  le  docteur  Marty,  médecin-major  de  lre  classe  à 
l'hôpital  militaire  de  Belfort,  a  reçu  une  médaille  d'argent  du  minis- 
tère de  l'intérieur  sur  la  proposition  de  l'Académie  de  médecine, 
pour  son  travail  «  Etude  clinique  sur  l'épidémie  de  fièvre  typhoïde 
à  Belfort  sur  la  garnison  en  octobre-novembre  Î896.  » 

Toutes  nos  félicitations. 

—  M.  le  docteur  Chupin,  médecin-chef  de  l'Ecole  de  cavalerie  de 
Saumur,  vient  d'être  promu  médecin-principal. 

—  M.  Roy,  instituteur-adjoint  à  Saint-Martin-des-Noyers,  a  ob- 
tenu un  diplôme  d'honneur  à  l'Exposition  du  travail  de  Paris,  pour 
sa  Monographie  communale  et  scolaire  de  Sainl-Martin-des-Koyers. 

Pour  la  Patrie.  —  Le  22  janvier  1899,  une  imposante  manifesta- 
tion patriotique  a  eu  lieu  à  Fontenay  :  les  anciens  combattants  de 
1870-71,  accompagnés  des  conscrits  de  la  classe  1898,  ont  fait  leur 
pèlerinage  annuel  au  monument  des  Morts  pour  la  Patrie  et  déposé 
à  ses  pieds  un  drapeau  et  deux  couronnes. 

M.  Henri  de  Rochebrune,  ancien  Volontaire  de  l'Ouest,  vice-pré- 
sident de  l'Association,  remplaçant  M.  Normand,  président,  que  son 
grand  deuil  avait  empêché  de  prendre  part  à  la  manifestation,  a 
prononcé  un  remarquable  discours,  empreint  du  plus  ardent  patrio- 
tisme, et  que  la  foule  a  justement  couvert  d'applaudissements. 
M.  Bégué,  président  des  conscrits,  a  de  même  salué  en  quelques 
phrases  éloquentes  la  mémoire  des  glorieux  morts  et  juré  d'imiter 
leur  noble  exemple. 

—  La  commune  de  Maillezais  vient  d'élever  à  l'aide  d'une  sous- 
cription dont  l'initiative  est  due  au  caporal  Gelot,  ancien  combat- 
tant lui-même  et  trésorier  de  l'Association,  un  monument  aux  braves 
qui  sont  morts  en  défendant  notre  drapeau.  La  maquette,  qui  repré- 
sente un  tirailleur,  est  l'œuvre  de  M.  Henri  Sacré,  sculpteur,  de 
Maillezais. 

-  M.  Héron,  conseiller  général  de  Tours,  et  président  de  l'Asso- 
ciation fraternelle  des  Mobiles  d'Indre-et-Loire,  a  sollicité  de  la  ville 
de  Luçon  la  concession  d'un  terrain  au  cimetière,  pour  y  élever  un 
monument  en  souvenir  de  quatre-vingts   de  leurs  camarades  qui 


CHRONIQUE  137 

sont  morts  pendant  le  séjour  de  leur  bataillon  à  Luçon  et  qui  sont 
inhumés  au  cimetière. 

—  On  annonce  l'érection  prochaine  sur  la  place  Belle-Croix,  de 
Luçon,  du  monument  des  Combattants  du  Canton.  Sur  la  face  du 
monument,  dû,  nous  l'avons  dit,  à  l'habile  ciseau  de  M.  Fulconis, 
seront  gravés  les  noms  de  tous  les  vaillants  qui  ont  succombé  pour 
la  Patrie. 

Ajoutons,  à  ce  propos,  que  les  médailles  décernées  à  MM.  Balle- 
reau  etBoutin,  lauréats  du  concours  de  ce  monument,  sont,  au  dire 
de  Y  Echo  de  la  Vendée,  d'une  très  belle  exécution. 

L'Ecole  de  Pêche  des  Sables-d'Olonne.  —  Le  29  janvier  a  eu  lieu 
en  l'hôtel-de-ville  des  Sables  sous  la  présidence  de  M.  Gautret,  la 
distribution  des  prix  de  l'école  municipale  des  pêches  maritimes, 
dirigée  avec  une  science  et  un  dévouement  méritoires  par  notre 
collaborateur  et  ami,  M.  Amédée  Odin. 

Union  fraternelle  des  Vendéens.  —  h"  Union  fraternelle  des  Ven- 
déens de  Paris  vient  de  renouveler  son  bureau.  Ont  été  nommés  : 

Président  :  M.  Cornière,  correcteur  à  l'imprimerie,  nationale; 

Vice-Présidents  :  M.  Emmanuel  Aimé;  docteur  Chevallereau, 
médecin  de  la  clinique  nationale  des  Quinze-Vingts  ;  M.  Letenneur, 
sous-chef  de  bureau  à  la  direction  générale  de  l'enregistrement  ; 
Vincent,  caissier. 

Secrétaire  :  M.  Roy,  employé  aux  chemins  de  fer  de  l'Etat. 

Nos  compositeurs.  —  M.  Arthur  de  la  Voûte,  dont  la  messe  de 
Noël  a  obtenu,  à  Fontenay,  un  si  complet  succès,  a  mis  excellem- 
ment en  musique  les  Trois  paroles  du  Christ,  qui  ont  été  chantées 
le  Vendredi-Suint  à  l'église  Saint-Nicolas  du  Chardonnet  de  Paris, 
dans  un  grand  concert  religieux  organisé  en  faveur  de  l'œuvre 
des  Ecoles  de  M.  l'abbé  Brettes,  curé  de  Montreuil-sous-Bois. 

Mentionnons  également  de  notre  distingué  ami  :  une  charmante 
romance,  chantée  à  la  soirée  de  M.  Robert  du  Botneau  par  M.  Mont- 
barin,  accompagné  sur  le  violoncelle  par  le  maître  de  céans. 

—  De  M.Alfred  Rousse:  toute  une  gerbe  décompositions  nouvelles, 
qui  ont  nom  :  Rêveuse,  Dors  enfant,  Chant  d'Exil  et  Pâquerettes 
très  joliment  brodées  sur  des  poésies  de  M.  Ed.  Guinand  (Paris- 
Pantaléon,  éditeur,  35-39,  rue  des  Petits-Champs). 

M.  Rousse  travaille  également  à  l'harmonisation  d'un  recueil  de 
chansons  vendéennes,  qui  obtiendra,  nous  n'en  doutons  pas,  un  vif 
succès  à  Paris  comme  en  Vendée. 

—  \Tous  recevons  de  M  l'abbé  Routin.  tout  à  la  fois. et  avec  un  égal 


138  CHRONIQUE 

succès,  poète,   compositeur  et  historien  :   Le  Sommeil  de  l'Enfant 
Jésus,  un  joli  Noël-berçeuse(in-8%  de 4  p.  Haton,  Paris,  prix  1  fr.  50). 

Misique  Religieuse.  —  Dans  toutes  les  églises,  on  s'est  efforcé  de 
célébrer  avec  éclat,  la  Noël  dernière,  cette  fête  si  touchante,  si  popu- 
laire, mais  dans  peu  assurément,  les  offices  ont  pris,  sans  nuire  au 
côté  religieux,  un  caractère  artistique  aussi  élevé  qu'à  Notre-Dame- 
de-Bon-Port  des  Sables-d'Olonne. 

La  Maîtrise  des  Sables, dont  la  réputation  n'est  plus  à  faire,  a  tenu, 
dit  le  Journal  des  Sables,  à  marquer  cejour  d'une  empreinte  inef- 
façable. 

Sous  la  haute  direction  de  M.  Florus-Blanc,  maître  de  cha- 
pelle, 1"  prix  du  Conservatoire  de  Paris,  elle  a  exécuté  à  la  grand- 
messe  de  10  heures,  la  messe  de  Fr.  Witt,  de  la  célèbre  collection 
d'Einsiedeln,  œuvre  d'une  envolée  supérieure ,  qui  olïre  de 
grandes  difficultés  qu'elle  a  surmontées  comme  en  se  jouant.  A  citer 
particulièrement  :  le  Kyrie,  le  Gloria,  (soli  et  chœurs),  le  Sanctus,  le 
Benedictus,  VAgnus  Dei,  (à  4  voix). 

Aux  vêpres.  YAve  Verum,  de  L.  Bottazo,  le  Tantum  Ergo,  de 
Bentivaglio. 

La  messe  de  minuit  n'avait  pas  été  sacrifiée,  et  les  assistants  ont 
notamment  entendu  avec  émotion  ies  jeunes  filles  de  l'école  Sainte- 
Marie-du-Port  qui  ont  chanté  avec  un  ensemble  parfait. 

—  A  Notre-Dame,  de  Fontenay,  la  messe  de  notre  compatriote  et 
ami,  M.  A  de  la  Voûte,  a  été  exécutée  magistralement  et  à  la  satis- 
faction de  tous  les  dilettanti. 

Le  Kyrie  et  le  Gloria  ont  été  enlevés  avec  une  maestria  sans 
pareille;  à  l'offertoire,  un  Ave  Maria  et  le  Sanctus  ont  produit  le 
plus  bel  effet  -,  VAgnus  a  eu  toutes  les  préférences  des  auditeur^. 

Enfin  le  Noël!....  Combien  gracieux,  touchant.  Quelle  délicatesse, 
mais  aussi  quelle  perfection  dans  son  exécution  ! 

Nous  renouvelons  nos  plus  sincères  félicitations  à  M.  delà  Voûte. 

Conckrts.  —  Si  nos  mœurs  ne  s'adoucissent  pas,  ce  n'est  pas 
faute  d'harmonie.  Nous  avons  eu,  en  effet,  depuis  le  commencement 
de  l'hiver  une  série  presqu'ininterrompue  de  concerts  :  Concert  de 
la  Lyre,  concert  de  la  Chorale,  et  séance  musicale  de  mélodies  ins- 
pirées, par  notre  compatriote,  M.  Gabriel  Robuchon,  dit  Mèrovack, 
dit  L'Homme  des  Cathédrales . 

Théâtre.  —  A  la  fête  donnée  au  théâtre  de  la  Roche-sur- Yon,  le 
14  janvier,  par  les  élèves  du  lycée,  au  profit  des  orphelins  de  cet 
établissement  et  des  pauvres  de  la  ville,  on  a  beaucoup  applaudi  un 


CHRONIQUE  13(.) 

acte  inédit  en  vers  de  M.  Lambert,  professeur  de  rhétorique,  ayant 
pour  titre  :  La  Conversion  de  Chapelle ,  et  un  morceau  du  jeune 
compositeur  Yonnais,  M.  Guyonnet,  Conte  de  Noël. 

Un  non  moins  vif  succès  a  été  fait  aux  Enfants  d'Edouard,  de 
Casimir  Delavigne,  adaptés  par  M.  Gazac,  proviseur  du  lycée,  et 
qu'accompagnait  un  délicieux  épilogue,  en  vers  de  M.  l'abbé  Rous- 
seau :  La  dernière  nuit  de  Richard  III,  d'après  Shaskespear. 

Infatigable  toujours,  notre  dévoué  collaborateur  travaille  présen- 
tement à  la  confection  d'un  drame  en  vers  :  Les  derniers  jours  de 
Gilles  de  Retz,  sur  des  documents  curieux,  authentiques  et  inédits, 
dont  la  Revue  aura  la  primeur. 

—  Notre  confrère  et  ami,  M.  Henri  Glouzot,  le  fin  lettré  Niortais, 
a  fait  le  19  février,  au  théâtre  de  Fontenay,  une  fort  intéressante 
conférence  sur  Les  Vieilles  Chansons  du  Poitou  et  de  la  Vendée,  ac- 
compagnées d'auditions  très  applaudies  de  MUe  Clara  Faurens  et  de 
M.  Wolff,  deux  excellents  artistes  du  théâtre  des  Bouffes-Parisiens. 

Le  programme  comportait  également  la  représentation  d'une  spi- 
rituelle Revue  Poitevine,  due  à  la  collaboration  de  M.  H.  Clouzot  et 
de  M.  G.  Bourdeau,  —  Tout  Niort  sur  la  brèche. 

—  M.  le  docteur  Corneille,  qui  doit  prochainement  faire  représen- 
ter au  château  de  Fontenay  sa  remarquable  tragédie  d'Erynna  , 
travaille  à  une  autre  œuvre  dramatique  qui  ne  sera  pas  appelée  à 
un  moindre  succès,  et  qui  aura  pour  titre,  si  nous  sommes  bien  ren- 
seignés, Clovis  à  la  bataille  de  Vouillé. 

—  Notre  compatriote  M.  Edrn.  Paze  a  fait  représenter  avec  succès 
au  Moulin-Rouge,  une  fantaisie-Revue  en  un  acie,  ayant  pour  titre  : 
De  neuf  à  dix. 

—  A  Paris,  nous  avons  également  à  signaler  un  émouvant  drame 
en  prose,  le  Sacrement  de  Judas,  que  M.  Louis  Tiercelin  vient  de 
faire  jouer  sur  la  scène  du  Grand  Guignol.  C'est  l'acte  de  dévoue- 
ment d'un  prêtre,  devenu  maître  d'école  pendant  les  guerres  de 
Vendée,  qui  reprend  sa  robe  et  s'expose  aux  balles  républicaines,  à 
la  place  du  comte  de  Kervern,  son  rival,  qu'il  avait  voulu  livrer 
d'abord. 

—  Le  18  mars  M.  Alfred  Rousse  a  fait  entendre  à  Paris  un  certain 
nombre  de  ses  mélodies  ainsi  que  quelques  chansons  vendéennes, 
harmonisées  par  lui  et  qui  ont  été  interprétées  très  heureusement 
par  Mlle  Alice  Bonheur. 

—  Au  cours  d'une  brillante  soirée  donnée  le  11  février  à  Fontenay 
chez  M.  et  Mme  Doucet,  deux  comédies  de  salon,  Après  le  bal  et  la 
Souris  ont  été  fort  habilement  jouées. 


140  CHRONIQUE 

Les  rôles  de  la  première  étaient  tenus  par  M.  Desneux  et  par 
Mme  Guillemin.  Les  interprètes  de  la  seconde  étaient  Mme  de  Lage- 
nest  et  M.  Fleuranceau. 

Récompenses  méritées.  —  Parmi  les  récentes  nominations  acadé- 
miques, nous  relevons  avec  plaisir  celle  de  M.  Fulconis,  sculpteur, 
professeur  de  dessin  au  lycée  de  la  Roche-sur- Yon,  promu  officier 
de  l'instruction  publique. 

Nos  collaborateurs.  —  Dans  la  promotion  aux  ordres  coloniaux, 
signée  par  M.  Félix  Faure,  la  veille  même  de  sa  mort,  nous  enregis- 
trons avec  le  plus  vif  plaisir  le  nom  de  notre  confrère  et  ami, M.  Louis 
de  la  Chanonie,  rédacteur  en  chef  de  la  Correspondance  politique  et 
diplomatique  de  Paris. 

Invité  par  M.  René  Millet  à  aller  passer,  aux  frais  du  bey,  dix 
jours  en  Tunisie,  le  mois  prochain,  avec  une  délégation  d'hommes 
politiques  et  de  presse,  à  l'occasion  de  l'inauguration  du  port  de 
Sousse  et  de  la  ligne  de  Sfax  à  Gafsa,  M.  de  la  Chanonie  veut  bien 
réserver  à  la  Revue  ses  impressions  de  voyage. 

Nous  l'en  remercions  très  vivement  d'avance,  et  lui  souhaitons 
une  heureuse  traversée, 

Ajoutons  qu'à  l'occasion  de  la  reprise  prochaine  des  rapports  di- 
plomatiques entre  la  France  et  la  Venezuela,  le  président  de  cet  Etat 
vient  d'envoyer  à  notre  ami  de  la  Chanonie  la  cravate  de  comman- 
deur avec  plaque  de  l'ordre  du  »  Libérateur  ».  Nous  l'en  félicitons 
de  nouveau  bien  cordialement. 

—  Notre  ami,  M.  René  Bazin,  l'auteur  du  magistral  roman  la  Terre 
qui  meurt,  qui  obtient  en  Vendée  un  si  légitime  succès,  pose  sa  can- 
didature à  l'Académie  Française,  en  même  temps  que  MM.  Descha- 
nel  et  Henry  Fouquier,  pour  la  succession  de  M.  Edouard  Hervé, 
mort  récemment. 

—  Nous  avons  de  meilleures  nouvelles  de  la  santé  de  notre  émi- 
nent  collaborateur,  M.  Charles  Farcinet,  qui,  après  une  assez  longue 
maladie,  s'est  enfin  relevé  et  a  pu  même  revoir  les  épreuves  d'une 
2«  édition  de  son  intéressante  étude  sur  l'ancienne  famille  de  Lusi- 
gnan,  qui  lui  avait  été  demandée  l'année  dernière  par  plusieurs 
membres  de  la  Société  des  Antiquaires  de  France,  et  qui  est  notam- 
ment augmentée  de  nouveaux  chapitres  sur  les  rois  de  Chypre  et  de 
Jérusalem. 

—  Notre  ami,  Auguste  Barrau,  de  Challans,  en  nous  adressant  sur 
la  Terre  qui  meurt,  de  M.  René  Bazin,  une  jolie  étude  destinée  au 
prochain  numéro  de  la  Revue,  nous  prie  d'annoncer  que  depuis  jan- 


CHRONIQUE 


141 


vier  dernier  il  ne  fait  plus  la  Critique  littéraire  au  Populaire,  de 
Nantes. 

—  Nous  sommes  heureux  de  saluer  le  retour  en  Vendée...  et  à  la 
Revue  de  notre  savant  collaborateur  M.  A.  Bitton,  dont  nos  lecteurs 
ont  déjà  pu  apprécier  maintes  fois  la  grande  éruditon. 


NÉCROLOGIE 


M  CHARLES  THÉODORE  CHANSON-MIGNET  inspecteur  d'a- 
cadémie en  retraite,  décédé  à  la  Roche-sur-Yon,  le  29  dé- 
cembre à  l'âge  de  84  ans. 
Né  à  Fontenay-le-Comte,  le  21  août  1814,  M.  Chanson  débuta 
comme  régent  de  4e  au  collège  de  Brest  en  1839.  Successivement 
censeur  aux  collèges  royaux  de  Laval  et  de  Périgueux,  principal  des 
collèges  de  Libourne  et  de  Saumur,  censeur  aux  lycées  de  Troyes  et 
d'Amiens,  M.  Chanson  fut  nommé  inspecteur  d'Académie  à  Tulle  et 
de  là  vint  à  la  Roche  où  il  fut  de  1866  à  1879,  le  chef  aimé  et  respecté 
du  personnel  enseignant. 

M.  Chanson  était  chevalier  de  la  Légion  d'honneur  et  officier  de  l'Ins- 
truction publique.  Son  fils,  général  d'artillerie  distingué,  vient  d'être 
nommé  au  commandement  de  l'artillerie  du  14e  corps,  à  Grenoble. 

Le  R.  P.  HILAIRE  BAUDRY,  dominicain  du  couvent  de  Nancy, 
ancien  vicaire  de  Chavagnes-en-Paillers,  décédé  le  28  décembre  à 
l'âge  de  61  ans. 

«  C'est  une  étoile  discrète  qui  disparaît  de  notre  ciel  vendéen,  dit 
à  ce  propos  l'abbé  Chatry,  dans  la  Semaine  catholique  du  28  janvier 
1899.  Je  suis  sûr  que  son  culte  ardent  de  la  grande  famille  domi- 
nicaine dont  il  a  chanté  les  plus  belles  gloires  en  des  sonnets  remar- 
quables,qui  rappellent  par  la  facture  la  manière  de  José  de  Hérédia, 
ne  l'a  jamais  empêché  d'aimer  son  Chantonnay  qui  fut  son  berceau, 
et  nos  séminaires  qui  furent  ses  écoles.  » 

Il  laisse  deux  légers  volumes  de  poésies  très  graves  —  Lilia  Rosse 
et  Paucameis  dont  la  recherche  du  fond  et  de  la  forme  place  leur 
auteur  bien  au-dessus  de  la  moyenne  de  nos  faiseurs  de  vers. 

M.  ARMAND  LENOIR,  ancien  maire  de  Saint-Jean-de-Monts, 
décédé  le  27  décembre  1898, 

M.  Boux  de  Casson,  conseiller  général,  a  prononcé  à  ses  obsèques 
un  discours  ému.  (V.  YEtoile  de  la  Vendée  du  10  janvier  1899). 

M  l'abbé  CLÉMENT  GAUTIER,  vicaire  à  Saint-Denis-La-Chevasse, 
décédé  le  8  janvier  1899,  dans  sa  30e  année. 

M.  FRANfOIS-MARIE-JOSEPH-RICHER-PÏERRE  DE  SORBIER 
DE  POL'UNADORESSE,  ancien  sous-préfet,  ancien  directeur  du  Cour- 


MICROLOGIE  143 

rier  delà  Vienne,  décédé  en  janvier  à  Givray,  près  Ligugé  (Vienne), 
dans  sa  47e   année. 

Cette  mort,  si  cruellement  imprévue,  met  en  deuil  plusieurs  fa- 
milles amies  de  Vendée,  et  notamment  les  familles  Gauly,  Brisson, 
Lemercier  et  Bonnin  de  Fraysseix,  auxquelles  nous  offrons  nos 
plus  vives  condoléances. 

M»°  la  comtesse  DE  FERRÉ  DE  PÉROUX,  née  E.  DE  SURINEAU, 
décédée  à  Cannes,  le  14  février  1899,  à  l'âge  de  34  ans. 

La  comtesse  DE  FERRÉ  DE  PÉROUX,  fille  du  marquis  de  Surineau 
et  de  la  défunte  marquise,  née  de  Mauvise  de  Villars,  était  très  ré- 
pandue dans  les  grands  salons  parisiens,  où  sa  délicieuse  voix  et 
son  superbe  talent  de  musicienne  étaient  fort  appréciés. 

Cette  mort  met  en  deuil  les  familles  de  Ferré  de  Péroux,  de  Suri- 
neau, de  Dalmas,  de  la  Borderie,  de  Rodellec  du  Portzic,  Decazes,  de 
Montardy,  de  Salvert,  de  Lange,  d'Estrées,  d'Illiers,  des  Jamonières, 
de  La  Moricière,  de  Longueville,  etc. 

Ses  obsèques  ont  eu  lieu  le  20  lévrier,  dans  l'église  du  Champ- 
Saint-Père,  en  Vendée,  en  présence  d'une  nombreuse  et  sympa- 
thique assistance. 

M.  GODIN,  ancien  instituteur,  trésorier-adjoint  de  la  Société  de 
Secours  mutuels,  décédé  à  Fontenay,  le  26  février  1899. 

Le  R.  P.  J.-B.  GILLOUARD,  supérieur  du  noviciat  des  Eudistes  à 
Plancoët,  ancien  supérieur  de  l'Institution  Richelieu,  de  Luçon,  dé- 
cédé à  l'âge  de  79  ans  (février  1899). 

M.  ARTHUR  DU  CHÊNE,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  an- 
cien archiviste  à  la  Roche-sur-Yon  (de  1872  à  1874),  décédé  le  6  jan- 
vier 1897  â  Ghâteaugontier. 

M.  Arthur  du  Chêne  laisse  de  nombreux  travaux,  parmi  lesquels  : 
un  feuilleton,  Les  Gars  Vendéens,  paru  dans  Y  Union,  en  1883,  et 
une  étude  encore  inédite  sur  Les  Origines  de  la  Chouannerie  dans  le 
pays  de  Segrê. 

—  M.  THÉOPHILE  CHEVALLEREAU,  décédé  le  15  mars  à  Fonte- 
nay, à  l'âge  de  70  ans. 

Nous  adressons  à  son  fils,  notre  distingué  ami,  M.  le  docteur 
Chevallereau,  l'expression  nouvelle  de  nos  douloureuses  sympathies. 

M.  GUSTAVE  HAMILTON,  sous-intendant  militaire  à  la  Roche- 
sur-Yon,  décédé  le  15  mars. 


BIBLIOGRAPHIE 


Un  Régulus  Vendéen.  —  M .  l'abbé  Charles  Robert,  de  l'Ora- 
toire de  Rennes,  vient  de  publier  un  ouvrage  des  plus  re- 
marquables et,  nous  pouvons  dire,  décisif  sur  l'expédition  de 
•Quiberon1. 

C'est  la  première  fois  qu'un  ouvrage  sur  l'expédition  de  Quiberon 
présente  impartialement  les  documents  républicains  et  royalistes  ; 
c'est  la  première  fois  qu'on  utilise,  pour  traiter  cette  question,  les 
archives  françaises  et  anglaises.  L'auteur  a  compulsé  les  riches  dé- 
pôts des  archives  des  ministères  de  la  guerre  et  de  la  marine,  des 
archives  nationales,  à  Paris,  des  archives  départementales  du  Mor- 
bihan, etc. . .  Il  est  allé  à  Londres  dépouiller  les  papiers  de  Puisaye, 
chef  de  l'expédition,  déposés  au  British  Muséum,  et  les  archives  na- 
tionales anglaises  du  Record  office. 

De  la  publication  de  sa  correspondance  inédite,  avec  le  ministère 
anglais,  le  comte  d'Artois  (Charles  X)  sort  vengé  des  calomnies  dont 
il  a  été  jusqu'ici  l'objet. 

Au  lecteur,  simple  curieux,  ce  livre  offre  un  récit  intéressant, 
plein  d'anecdotes  ;  l'érudit  trouvera,  en  plus,  dans  les  pièces  justifi- 
catives, très  nombreuses  et  la  plupart  inédites,  matière  à  asseoir, 
d'une  façon  définitive,  son  opinion  sur  cet  important  épisode  de  la 
Révolution . 

Au  point  de  vue  vendéen,  l'ouvrage  de  M.  l'abbé  Robert  offre  un 
intérêt  tout  particulier,  car  il  met  en  relief  un  trait  fameux  qui 
avait  été  jusqu'à  présent  attribué  à  Gesril  du  Papeu  et  que  la  Ven- 
dée peut  revendiquer  à  son  actif. 

On  sait  qu'un  émigré  s'était  jeté  à  la  mer  pour  prévenir  la  frégate 
anglaise  The  Lark  (L'Alouette)  de  cesser  son  feu,  qu'il  était  revenu 

•  La-mullb  et  Poisson,  éditeurs,  14,  rue  de  Baune,  Paris.  --  Expé- 
dition des  émigrés  a  Quiberon.  Le  comte  d'Artois  à  l'île  d'Yeu,  d'après  les 
documents  français  et  aoglais.  —  Responsabilité  anglaise;  responsabilité 
royaliste;  responsabilité  républicaine,  par  Charles  Robert,  de  l'Oratoire  de 
Kennes,  préface  de  M.  A.  de  la  Borderie,  de  l'Institut.  —  Un  volume  in-8  de 
400  pages,  avec  une  vue  et  deux  cartes.  —  Prix  :  5  francs. 


BIBLIOGRAPHIE  145 

se  rendre  prisonnier,  confiant  dans  la  capitulation,  et,  qu'au  mépris 
de  la  parole  donnée  par  Hoche,  il  fut  fusillé. 

Cet  acte  d'héroïsme  doit  être  attribué  à  Guerry  de  Beauregard, 
lieutenant  de  vaisseau,  ainsi  qu'il  résulte  des  pièces  suivantes  : 

Le  14  thermidor  —  1er  août,  il  comparât  devant  la  première  commission 
d'Auray,  présidée  par  Lalène  de  Laprade.  Voici  son  interrogatoire,  dont  le 
procès-verbal  se  trouve  aux  Archives  départementales  du  Morbihan  (L.  76'Z)  : 

«  Gilbert  Guéry,  fils  de  Guéry  et  de  Osmane  Duchafaut,  âgé  de  30  ans, 
«  ex-noble,  cy-devant  chevalier  de  Malte  depuis  1776...  A  lui  demandé  s'il 
«  était  du  rassemblement  de  Quiberon?  A  répondu  oui,  et  a  observé  que 
«  c'est  lui  qui  a  été  à  bord  d'une  chaloupe  et  Va  faite  partir  pour  faire 
«  cesser  le  feu  et  a  empêché  beaucoup  de  personnes  de  s'embarquer  et  a  signé. 

«  Gubrry.  » 

Son  titre  de  chevalier  de  Malte  fit  ajourner  son  jugement  ;  car,  d'après 
une  loi  de  1790,  les  chevaliers  de  Malte  étaient  considérés  comme  étrangers. 

Aussi,  sous  l'interrogatoire,  a-t-on  ajouté  :  €  Ajourné  le  jugement.  » 

Puis,  en  marge  :  «  Condamné  à  mort  le  12  fructidor,  3e  année  républicaine.  » 

La  partie  de  cet  interrogatoire,  qui  nous  intéresse,  n'est  pas  très  claire. 
Le  greffier  improvisé,  un  soldat,  a  très  mal  rendu  la  déposition  de  Guerry. 

Guerry  de  Beauregard  avait-il  pris  une  chaloupe  pour  aller  faire  cesser  le 
feu  ?  Ou  bien  était-il  allé  à  bord  d'une  canonnière  anglaise  pour  la  faiie  cesser 
son  feu?  Nous  pensons  que  c'est  la  dernière  hypothèse  qui  est  la  vraie;  car 
il  est  constaté  par  divers  témoignages  que,  à  ce  moment,  il  ne  se  trouvait 
aucune  chaloupe  à  la  côte. 

Guerry  affirme  donc  que  «  c'est  lui  »  qui  a  fait  cesser  le  feu  ;  et  il  n'y  a  pas 
de  raison  de  mettre  son  témoignage  en  suspicion. 

Voici  d'ailleurs  une  attestation  dont  nous  devons  la  communication  à  M.  le 
comte  de  Guerry  de  Beauregard,' petit-neveu  du  héros. 

«  Nous,  soussignés,  Charles  Janvre  de  la  Bouchetière,  ancien  officier  de  la 
marine  royale,  actuellement  capitaine  de  vaisseau  en  retraite,  chevalier  de 
l'Ordre  royal  et  militaire  de  Saint-Louis,  et  à  l'époque  du  fait  cy-devant  cité 
chef  de  la  section  de  la  légion  des  volontaires  nobles  de  Béon,  présent  à 
Quiberon  lors  delà  désastreuse  affaire  du  21  juillet  1795; 

«  Et  Louis-Armand-Auguste-Henri  chevalier  Dufay,  chevalier  de  l'ordre 
royal  et  militaire  de  Saint-Louis  et  de  l'Ordre  souverain  de  Saint-Jean  de 
Jérusalem,  ancien  officier  au  régiment  de  Çolonel-Général-Infanterie,  et  alors 
sergent  au  régiment  de  Koyal-Emigrant-Artillerie,  commandé  par  le  comte 
de  Rotalier,  aussi  présent  à  Quiberon  ; 

«  Attestons  qu'au  moment  de  la  capitulation  du  fort,  où  étaient  réunis 
tous  lts  Corps  émigrés  acculés  au  boid  de  la  mer,  la  frégate  anglaise  con- 
tinuant son  l'eu  sur  les  colonnes  républicaines,  le  général  républicain  ayant 
exprimé  que  la  capitulation  ne  pourrait  tenir  si  cette  frégate  ne  cessait  son 
feu,  le  chevalier  Guerry  de  Beauregard  (Gilbert- Alexis),  lieutenant  de  vais- 
TOME    XII.    —    JANVIER,    FEVRIER.,    MARS  10 


1  if>  BIBLIOGRAPHIE 

s '.\u  (et  non  tout  autre),  servant  alors  dans  le  régiment  d'Hector,  composé 
de  tous  les  anciens  officiers  de  marine,  s'ofirit  pour  aller  à  la  nage  prévenir 
le  cominan  lant  de  la  frégate  (lord  Warren)  qu'on  aviit  capitulé  et  qu'il  ne 
devait  plus  tirer,  le  général  républicain  l'interpella  et  lui  dit:  «  Mais  revien- 
«  droz-vous  ?  —  Je  vous  en  donne  ma  parole,  répondit  M.  de  Guerry.  —  En 
ce  cas,  allez!  »  répondit  le  général. 

€  Alors  M.  de  Guerry  se  jeta  à  la  nagé,  se  rendit  à  bord  de  la  frégate  an- 
glaise, fit  connaître  la  capitulation,  et  l'amiral  fit  cesser  le  feu  à  l'instant  ; 
sa  mission  remplie,  malgré  ljs  instmces  des  officiers  anglais  et  de  quelques 
compagnons  d'infortune  qui  s'étaient  échappés,  esclave  de  sa  parole, 
M.  de  Guerry  se  jeta  à  la  mer,  retourna  se  réunir  aux  ma'heureux  prison- 
niers, et  sans  que  cette  action  si  noble  fût  appréciée  p^r  le  général  républi- 
cain, il  fut  confondu  parmi  les  victimes  et   fusillé  comme  elles. 

<  Duquel  fait  les  soussignés  ont  pleine  et'entière  connaissance. 

«  En  foi  de  quoi,  ils  ont  délivré  le  présent,  à  Niort,  département  des  Deux- 
Sèvres,  le   2  décembre  1829. 

{Signé)  : 

«  Le  chevalier  du    Fay, 

«  C.  Janvre  de  la   BouchetiÈre. 
Cachet  de  la 


I    préfecture    des      j 
\      Deux-Sèvres      / 


«  Vu  pour  la  légalisation  de  la  signature  de  Messieurs  le  chevalier  du  Fay 
et  Janvre  de  la  Bouchetière,  par  nous,  préfet  des  Deux-Sèvres. 

{Signé.  :  «  Cts  A.  de  Beaumont.  t 

Les  Mémoires  de  Mercier  du  Rocher.  —  Une  revue  de  Paris, 
dirigée  par  un  bibliothécaire  à  l'Arsenal,  avait  commencé,  dans 
sa  livraison  de  janvier,  la  publication  des  Mémoires  de  Mercier 
du  Rocher  relatifs  à  la  guerre  de  Vendée.  —  A  la  protestation  de 
M.  Ernest  Brisson,  petit-fils  de  Mercier  du  Rocher  et  possesseur  de 
ses  Mémoires,  le  Directeur  répondit  que  la  copie  des  Mémoires  étant 
à  la  disposition  du  public,  à  la  bibliothèque  de  Nantes,  il  se  croyait 
en  droit  d'en  faire  la  reproduction.  Mais  sur  une  injonction  judi- 
ciaire, il  a  cessé  la  publication  commencée' . 

M.  Brisson  a  fait,  d'autre  part,  signification  au  bibliothécaire  de 
Nantes  d'avoir  à  suspendre  toute  communication  au  public  des  Mé- 
moires de  son  grand-père. 

Nous   apprenons,  au  mouient  de  mettre  sous   presse,  que   les  Mémoires 

et  irs  —  c'est  le  titre  de  la  Revue  en  cause,  —  ayant  repris  la  publi- 

tion,  un  instant  interrompu»,  des  Mémoires  de  Mercier  du  Hocher,  M.   Er- 

t  Lri.sson  lui    intente    un  procès.  Nous   ne    manquerons  pas  de  tenir  nos 

lecteurs  au  courant  de  ce  différend,   tout  à  la  fois    historique   et  judiciaire. 

si  intéressant  à  plus  d'un  titre. 


U-H7 


DETAILS  DE  LA  PIECE 


m ac    cu-l.JlS.sb.ka. 


Oit  ftovht6rtwS?c 


MArs-lt;.  Jt-A-NlMiL      reyell  •    .■ 


Mllil.IOCHAPIIIE  147 

En  prenant  ces  mesures  d'interdiction,  M.  Brisson  n'a  point  l'in- 
tention de  dérober  à  l'histoire  les  importants  documents  que  peuvent 
contenir  les  Mémoires  de  son  aïeul.  Il  a  prouvé  le  contraire  par  l'o- 
bligeance avec  laquelle  il  a  mis  ses  papiers  d'un  si  haut  intérêt,  à  la 
disposition  des  érudits,-?ntr'autres  de  M.  le  marquis  d'Elbée  et  de 
M.  Chassin  pour  son  ouvrage  sur  les  Guerres  de  Vendée.  —Mais 
il  entend  que  ces  Mémoires  ne  soient  encore  utilisés  que  par  ex- 
traits et  avec  certaine  mesure,  ne  voulant  pas,  par  de  délicats  mo- 
tifs de  convenances,  ou  par  égard  pour  d'anciennes  et  amicales  re- 
lations, que  l'on  y  puisse  emprunter  des  passages  qui  pourraient 
atteindre  des  souvenirs  qu'il  respecte,  ou  blesser  des  personnes  qui 
sont  en  droit  de  compter  sur  son  affection. 

M.  Brisson  a  voulu  seulement  maintenir  son  droit  de  propriété  ; 
et  il  se  réserve  de  choisir  lui-même  le  moment  où  il  croira  possible 
de  publier,  dans  leur  ensemble,  ces  Mémoires  si  précieux  pour  l'étude 
des  événements  qui  se  sont  produits  dans  l  Ouest,  à  la  fin  de  l'autre 
siècle.  —  A.  B. 

En  attendant  l'heure  de  cette  intégrale  publication,  M.  Ernest 
Brisson  a  bien  voulu  nous  promettre  d'y  puiser  lui-même  pour  la 
Revue  du  Bas-Poitou  de  précieux  et  inédits  documents. 

L'Œuvre  de  M.  0.  de  Rochebrune.  —  M.  Clouzot,  imprimeur-édi- 
teur, vient  d'achever  l'impression  des  quatre  premières  feuilles  du 
Catalogue  descriptif  et  raisonné  de  l'Œuvre  gravé  de  M.  0.  de  Ro- 
chebrune. 

Ce  catalogue  comprendra  environ  20  feuilles  in-4°  (format  de  Poi- 
tou et  Vendée)  Il  sera  précédé  d'un  titre  gravé  et  accompagné  de  deux 
autres  eaux- fortes  ;  une  vue  du  Château  de  Terre-Neuve  et  le  por- 
trait de  M.  0.  de  Rochebrune  par  Masson. 

Un  roman  Vendéen.  —  Notre  ami,  M.  René  Bazin,  vient  d'ajouter  à 
la  collection  si  justement  appréciée  de  ses  œuvres  un  nouveau  et, 
délicieux  volume,  la  Terre  qui  meurt,  roman  d'actualité,  et  dont  la 
scène  se  passe  au  sein  du  marais  occidental  de  la  Vendée.  Notre 
excellent  collaborateur  Auguste  Barrau  en  donnera  dans  le  prochain 
numéro  de  la  Revue  un  fidèle  compte-rendu,  que  nous  espérons 
pouvoir  illustrer,  à  l'aide  de  quelques  jolis  dessins  dus  au  crayon  du 
sympathique  artiste  Soullandais,  Miloendeau. 

Le  dernier  mot  d'un  Documentaire.  —Noire  excellent  ami  II.  Ba- 
guenier  Desormeaux  clôt  dans  le  Mercure  Poitevin,  de  février  1899 
ses  très  sagaces  réflexions  sur  les  Légendaires  et  Documentaires  par 
cette  conclusion  à  laquelle  souscriront  tous  les  esprits  droits,  tous 
les  historiens  vraiment  dignes  de  ce  nom  : 


148  BIBLIOGRAPHIE 

«  I>  histoire  de  la  Vendée  ne  doit  plus  être  un  champ  clos  où  l'on 
échange  des  coups,  où  la  passion  domine.  Ce  champ  est  assez  vaste 
pour  suffire  à  toutes  les  activités  -,  il  ne  doit  plus  s'y  rencontrer  que 
des  hommes  impartiaux,  soucieux  de  leurs  idées,  sans  doute,  mais 
avant  tout  amoureux  de  la  Vérité  quelle  qu'elle  soit.  Fût-elle  défa- 
vorable à  nos  sentiments  les  plus  chers,  nous  devrions  la  proclamer 
et  nous  incliner  devant  elle,  car  la  Vérité  est  le  but  unique  vers 
lequel  nous  devons  marcher;  le  reste  n'est  qu'accessoire.  .Te  ne 
ferai  pas  au  Légendaire  l'injure  de  supposer  qu'il  puisse  penser 
différemment. . .  » 

Les  d'Aubigné  a  Maillezais  et  a  Maillé. —  M.  H.  Gelin,  poursui- 
vant dans  le  Mercure  Poitevin,  sa  curieuse  étude  critique  sur 
Françoise  d'Aubigné.  rappelle  que  son  père  Agrippa  portait  le  titre 
de  gouverneur  du  château  et  de  l'île  de  Maillezais,  dont  l'abbaye, 
déjà  à  moitié  démantelée,  lui  servait  de  résidence  en  quelque  sorte 
officielle. 

«  De  1610  à  1615,  dit  M.  Gelin,  il  habite  plus  souvent  Maillezais, 
qu'il  délaisse  à  son  tour  pour  Maillé,  bourgade  perdue  à  une  lieue  et 
demie  plus  avant  dans  l'inextricable  réseau  de  fossés  et  de  canaux 
du  marais  poitevin,  là  même  où  l'imprimeur  Jean  Moussât,  de  Niort, 
conduisit  par  eau  ses  presses  et  son  matériel  typographique,  afin 
d'imprimer  les  Tragiques,  l'Histoire  Universelle  et  le  baron  de  Fa- 
naste.  Ces  trois  œuvres,  et  sans  doute  la  Confession  de  Sancy,  pu- 
bliée seulement  un  siècle  plus  tard,  avaient  été  conçues  et  écrites 
ou  parachevées  dans  les  vingt-cinq  années  qui  vont  de  1590  à  1615. 
C'est  donc  à  Mursay  et  à  Maillezais,  à  Mursay  surtout,~semble-t-il, 
sur  les  bords  paisibles  de  la  Sèvre,  que  furent  composées  celles  des 
œuvres  d'Agrippa  que  l'on  peut  appeler  l'épopée,  )' Histoire  de  la  sa- 
tire des  Guerres  de  religion... 

Fi.eurs  de  deuil.  —  Les  poésies  de  notre  regrettée  collaboratrice, 
Mme  Claire  Normand  viennent  de  paraître  sous  ce  titre  «  Fleurs  de 
Deuil  »,  —  précédées  d'une  exquise  Préface  de  notre  collaborateur 
A.  Honnin,  que  nous  serons  heureux  de  reproduire  ici  prochainement. 

Cette  publication  toute  intime,  confiée  aux  presses  de  notre  con- 
frère H.  Cormeau,  n'a  été  tirée  qu'à  50  expmplaires,  que  M.  H.  Nor- 
mand a  bien  voulu  réserver  aux  plus  fidèles  amis  de  la  défunte. 

Pro  domo.  —  M.  Constant  Roy,  agrégé  de  l'Université,  professeur 
au  lycée  de  Poitiers,  signalant  dans  la  Revue  encyclopédique  le  mou- 
vement régionaliste  en  Poitou,  mentionne  comme  lui  servant  d'or- 
ganes :  Le  Pays  poitevin,  de  Ligugé  et  le  Mercure  poitevin,  de  Niort. 


BIBLIOGRAPHIE  1  i'1 

Certes,  l'œuvre  entreprise  par  ces  deux  récentes  publications  ne 
pouvait  être  confiée  à  des  mains  plus  sympathiques,  ni  plus  lia- 
biles.  Mais  la  vérité  ne  saurait  pour  cela  y  perdre  ses  droits,  et  nous 
nous  étonnons  que  M.  Roy,  qui  faisait,  il  y  a  peu,  appel  à  notre 
collaboration  pour  son  prochain  drame  de  Mêlusine,  ait,  à  ce  point, 
oublié  la  campagne  de  décentralisation  littéraire  et  artistique  que  la 
Revuedu  Bas-Poitou  poursuit  ici  depuis  douze  années. 

Le  Cinquantenaire  du  Journal  des  Sables.  —  A  l'occasion  de  son 
cinquantenaire,le  Journal  des  Sables  trace  ainsi  son  auto-biographie  : 

»  Fondé  en  18*8.  par  M.  Lambrrt,  beau-père  de  l'.iimab'e  propriétaire 
actuel  M.  Tardé,  le  Journal  des  Sables,  parut  dans  un  format  minuscule, 
grand  tout  au  plus  commeuno  feuille  de  papier    commercial. 

Il  se  vendait  30  centimes  alors,  deux  sous  de  plus  que  le  Figaro  de  nos 
jours  !  ! 

En  prenant  de  l'âge  le  Journal  des  Sables  croissait  en  science,  en  sagesse 
et.  ...  en  taille,  puisque  en  1894,  il  se  plaçait,  comme  format,  au  rang  des 
grands  journaux  locaux. 

Organe  purement  local,  et  d'où  toute  politique  était  heureusement  bannie, 
le  Journal  des  Sables  ne  s'en  assurait  pas  moins  le  concours  d'écrivains  de 
talent  tels  que  :  le  Dr  Petiteau,  véritable  puits  de  science,  en  môme  temps 
que  figure  bien  sablaise  ;  Colins,  écrivain  au  goût  délicat  et  sûr,  dont  nos 
concitoyens  apprécient  justemeut  les  œuvres  ;  Loïc  Trémor,  pseudonyme 
d'une  femme  poète  et  chansonnier,  à  laquelle  on  doit  la  première  poésie  sur 
Daniel  Fricaud  ;  FrémondiÈre,  journaliste  de  race,  aussi  productif  que  ta- 
lentueux, et  pour  clore  la  série  :  Gaston  d'Ornoy,  qui  pendant  de  longues 
années,  assura  au  journal  une  collaboration  ausii  sage  qu'éclairée  :  chacun 
se  rappelle  encore  ses  Lettres  Parisiennes,  toutes  marquées  au  coin  du  bon 
sens,  et  d'une  tournure  si  originale...  » 

Nous  souhaitons  de  tout  cœur  à  notre  confrère  de  célébrer  de 
même  un  jour  et  non  moins  brillamment  ses  noces  d'or. 

Autour  de  Fontenay.  —  M.  L.  Brochet  continue  à  publier  sous  ce 
titre  dans  Y  Avenir-Indicateur ,  en  citant  peut-être  insuffisam- 
ment les  sources  de  son  érudition,  d'intéressantes  monographies 
sur  les  localités  voisines.  Mentionnons  plus  particulièrement  celles 
de  Saint-Hilaire-des-Loges,  de  VHermenaidt,  de  Saint-Martin  de 
Fraigneau,  de  Fontaines,  de  Sèrigné  et  de  Sainte-Hermine  parues 
de  décembre  à  mars. 

Une  nouvelle  histoire  de  Richelieu.  —  M.  Edouard  Hervé,  l'é- 
minent  académicien,  fondateur  du  Soleil,  qui  était  devenu  vendéen, 
par  sa  récente  acquisition  du  domaine  des  Thibaudières,  près 
Saint-Fulgent.  a  succombé,  dans  la  nuit  du   4  au  5  janvier,  en  son 


150  BIBLIOGRAPHIE 

hôtel  de  la  rue  de  Lisbonne  à  Paris,  aux  sentes  de  violents  troubles 
cardiaques. 

M.  Hervé,  dont  tous  les  journaux  ont  rappelé  la  brillante  car- 
rière  littéraire,  laisse  deux  ouvrages  à  peu  près  achevés,  dont  l'un, 
dit-on.  sur  le  Cardinal  de  Richelieu. 

Pages  de  Chouannerie.  —  A  L'aide  de  documents  nouveaux,  que 
l'auteur  s'est  procurés,  sur  les  lieux  même  du  Jrame,  M.  G.  Le  Nôtre 
vient  d'achever  l'histoire  mal  connue  de  la  Conjuration  bretonne  et 
de  son  chef  le  marquis  de  la  Rouerie. 

Ce  curieux  volume  (in-8°,  orné  d'un  portrait  en  héliogravure  et 
de  deux  planches  hors  texte,  prix  :  7  fr.  50),  a  paru  chez  Perrin  et 
Cie,  éditeur,  quai  des  Grands-Augustins,  Paris. 

—  Signalons  de  même  l'apparition  récente  d'une  très  importante 
étude  de  M.  Charles  Robert,  de  l'Oratoire  de  Rennes,  sur  ['Expédi- 
tion des  émigrés  à  Quiberon  et  le  comte  d'Artois  à  l'Ile-d'Yeu  (1795), 
d'après  des  documents  inédits  des  Archives  de  Paris  et  de  Londres, 
et  dont  il  a  déjà  été  parlé  plus  haut. 

(En  vente  chez  Lamulle  et  Poisson,  14,  rue  de  Beaume,  Paris), 

—  Sous  ce  titre  :  La  Vendée  catholique  jugée  par  les  Protestants, 
la  Vérité  du  31  décembre  189S  a  publié  un  remarquable  article  signé 
L.  H.,  et  où  l'auteur —  un  des  plus  appréciés  collaborateurs  et  amis 
de  la  Revue  —  venge  éloquemment  la  Vendée  de  1793  des  odieuses 
accusations  à  l'aide  desquelles  on  a  essayé  récemment  encore  de 
flétrir  son  héroïsme  du  haut  de  la  tribune  française. 

—  Sous  ce  sobre  titre  :  Scènes  artistiques,  une  pieuse  main  a 
réuni  en  une  élégante  plaquette  (Niort,  Clouzot),  les  jolies  —  mais 
trop  raies  —  poésies  laissées  par  notre  jeune  et  distingué  collabo- 
rateur et  ami  Alfred  Rousse. 

Nous  avons  relu  avec  un  infini  plaisir  ces  charmantes  strophes, 
échos  attardés  d'une  délicate  lyre  trop  tôt  brisée,  et  dont  nous 
avions  eu  dans  le  temps  la  bonne  fortune  d'offrir  —  pour  quelques- 
unes,  du  moins  —  la  primeur  aux  lecteurs  de  la  Revue. 

—  De  notre  éminent  compatriote,  M.  Edmond  Biré  :  Un  puge  de 
Louis  XVI  (Gazelle  de  France  du  12  décembre  1898)  ;  Histoire  d'un 
dogme  (n°  du  9  janvier  1899)  ;  D'un  vieux  livre  imprimé  par  Balzac 
(n°  du  16)  ;  L'Eglise  d'Angers  pendant  la  Révolution  (n°  du  30)  ;  — 
L'abbé  Morellet  et  sa  correspondance  (Univers  et  Monde,  du  13  dé- 
cembre) ;  Science  et  Religion  id.  du  26-27)  ;  Jules  II  et  la  Renais- 
sance (n°  du  24  janvier  1899). 

—  Outre  le  très  précieux  volume  des   Artistes  nantais  du  Moyen- 
A'i^  <i  (u  Révolution,  dont  nous  parlons  plus  haut,  notre  collabora- 


biblioorapiiih;  151 

teur  et  ami,  M.  le  marquis  de  Surgères  a  fait  paraître  plusieurs 
brochures  qui  méritent  d'être  signalées  à  l'attention  des  érudits  : 
Le  G  Rouge  de  la  Gazette  (31  décembre  1683),  in-8°  de  6  p.  Paris, 
Techener,  1808;  —  A  propos  de  Chateaubriand.  Notes  bibliogra- 
phiques sur  son  Pamphlet  de  la  Monarchie  selon  la  Charte  (in-8°  de 
12  p.  Paris,  Techener,  1898:  ;  —  Notes  sur  les  anciens  imprimeurs 
nantais  (XVIe  à  XVIIIe  siècle),  in-8°  de  43  p.  Paris,  Techener,  1898;  ; 
—  La  Cathédrale  de  Nantes,  documenh  inédits  (in-8°  de  17  p  Nantes, 
1898). 

—  M.  Jean  Philippe,  le  délicat  écrivain  niortais,  a  fait  paraitre 
dans  le  Mercure  Poitevin,  et  réuni  en  une  élégante  brochure  (Niort, 
bureaux  du  Mercure  1899),  son  joli  drame  breton  Yvonne,  repré- 
senté pour  la  première  fois  au  théâtre  du  Manège,  de  Niort,  le  14 
janvier  1897. 

Ce  coquet  livret  est  accompagné  de  la  charmante  Chanson 
d'Yvonne,  sur  un  vieil  air  breton,  paroles  de  M.  Jean  Philippe  et 
musique  de  M.  Emile  Paloumet. 

—  M.  l'abbé  H.  Boutin,  l'aimable  et  érudit  rédacteur  des  Archives 
du  diocèse  de  Luçon,  continuant  la  si  intéressante  publication 
des  Chroniques  paroissiales  a  commencé  celle  de  St-Malo-du-Bois. 

—  Sous  le  titre  :  Silhouettes  parisiennes,  Nos  Docteurs,  M.  Raoul 
d'Artois  a  consacré  dans  le  National  un  article  justement  élogieux 
à  notre  très  distingué  compatriote,  M.  le  docteur  Amand  Ghevalle- 
reau,  médecin  d9  l'hôpital  des  Quinze-Vingt 

—  M.  Paul  Frappier  a  communiqué  à  la  Bévue  des  Traditions  po- 
pulaires (décembre  1898)  par  le  canal  de  M.  Léo  Desaivre,  un  ma- 
nuscrit attribué  au  marquis  de  la  Bocière  :  trois  légendes  vendéennes 
écrites  dans  un  style  d'un  romantisme  échevelé. 

—  Me1  Catteau,  évèque  de  Luçon,  a  pris  cette  année  pour  sujet  de 
sa  lettre  pastorale  de  Carême  La  Confiance  en  Dieu. 

—  De  notre  jeune  et  distingué  compatriote  M.  Camille  Genty,  une 
jolie  pièce  de  vers  1899,  dans  la  Semaine  catholique  de  Luçon  du 
31  décembre  1898  : 

Sèche  le  sol  fangeux  pour  le  pied  des  colombes; 
Fais  un  mon  le  moderne  habitable  aux  grands  cœirs; 
Donne,  compatissant,  beaucoup  de  jours  vainqueurs, 
Plus  d'êtres  aux  berceaux  et  moins  de  corps  aux  tombes  I 

—  Notre  collaborateur  et  ami  Gustave  Guitton  publie  dans  le  Mes- 
sager de  la  Vendée,  de  la  Roche-sur  Yon,  un  curieux  historique  des 
Mois  de  l'année. 


152  BIBLIOGRAPHIE 

—  Extrait  de  la  curieuse  brochure  Envois  d'auteurs,  que  vient  de 
publier  notre  collaborateur  et  ami  M.  Paul  Eudel  :  «  Sur  la  première 
page  des  Troglodytes  de  la  Gartempe,  on  lit  : 

A  M.  Paul  Eudel,  à  l'èrudit  collectionneur,  souvenir  de  sa  visite 

au  château  de  la  Court, 

Octave  de  Rochebrune.  » 

—  De  M.  René  Vallette  :  Chronique  de  Vendée.  —  A  propos  de  la 
mort  d'Edouard  Hervé.  —  Sa  maison  des  Champs  de  Saint-Ful- 
gent.  —  Gloires  locales.  —  Le  sculpteur  Bousseau.  —  Le  poète  de 
Chevignè,  et  le  peintre  Amaury  Duval.  (  Vendéen  de  Paris,  du  1er  mars 
1899). 

—  Sous  ce  titre  :  Le  théâtre  à  Saumur  au  XVIIIe  siècle,  M.  René 
Vallette  a  également  publié  dans  la  Revue  Poitevine  et  Saumuroise 
(nu  de  lévrier  1899),  une  lettre  de  M.  de  Nouville,  directeur  des 
spectacles  de  Versailles,  Rouen,  etc.,  à  M.  Cailleau,  ingénieur  des 
Ponts-et-Chaussées,  alors  (1788)  maire  de  Saumur,  et  aïeul  maternel 
de  MM.  de  Béjarry  de  la  Grignonniére. 

—  M.  Chaux,  inspecteur  primaire,  a  fait  paraître  une  intéres- 
sante notice  sur  le  département  de  la  Vendée,  accompagnée  d'une 
jolie  carte  en  couleurs  (Garnier  frères,  6,  rue  des  Saints-Pères, 
Paris.  Prix  :  0  fr.  50). 

Nouveaux  périodiques.  —  Nos  meilleurs  souhaits  de  bienvenue 
au  nouveau  journal  littéraire  et  politique  que  nos  amis  MM.  A.  Biré 
et  Paul  le  Roux  viennent  de  fonder  à  Luçon,  sous  ce  titre  :  l'Indé- 
pendant vendéen. 

L'Indépendant  parait  chaque  samedi  et  est  imprimé  par  M.  Bi- 
deaux.  Son  premier  n°  porte  la  date  du  7  janvier  1899. 

—  Nous  souhaitons  une  égale  bienvenue  à  VEcho  de  Saint-Filbert 
de  Noirmoutier,  dont  le  premier  numéro,  paru  avec  la  date  du 
1er  janvier  1899,  contient  les  débuts  de  Y  Histoire  religieuse  de 
Noirmoutier. 

VEcho  parait  deux  fois  par  mois.  (Prix  de  l'abonnement  :  2  fr.  50 
par  an  :  bureaux  :   à  la  cure  de  Noirmoutier). 

Mentionnons  à  ce  propos  l'existence  de  deux  autres  publications 
paroissiales  vendéennes  de  création  également  récente  : 

La  Croix  de  l'Ile -d'Yeu,  qui  parait  aussi  tous  les  quinze  jours,  et 
le  Pain  bénit,  de  Tiftauges,  qui  parait  toutes  les  semaines. 

—  Nous  croyons  être  utile  à  ceux  de  nos  lecteurs  qui  s'occupent 
d'études  sociales  en  signalant  à  leur  attention  la  Revue  le  XXe  siècle 
qui  aborde,  avec  l'année  1899  1a  dixième  année  de  son  existence. 
iParis,  Poussielgue). 


bibliographie:  153 

Parmi  les  nombreux  et  distingués  collaborateurs,  nous  sommes 
heureux  de  retrouver  notre  ancien  camarade  d'école  et  ami,  Henri 
Savatler,  de  Poitiers,  un  écrivain  d'avant  garde,  très  versé  dans  les 
importantes  questions  de  sociologie  chrétienne. 

—  Vient  enfin  de  paraître  le  premier  numéro  des  Etudes  francis- 
caines', revue  mensuelle,  publiée  par  des  religieux  de  l'ordre  des 
Frères  Mineurs  Capucins,  en  tête  desquels  nous  ne  sommes  passur- 
pris  de  trouver  l'aimable  et  savant  P.  Ladislas,  l'ancien  gardien  du 
couvent  des  Capucins  de  Fontenay.  Ce  dernier  doit  notamment  y 
publier  un  travail  de  haut  intérêt,  sur  les  Capucins  et  le  massacre 
des  Guises. 

Revue  des  Revues.  —  A  lire  dans  la  Revue  historique  de  V Ouest, 
de  janvier  1899  :  La  Vénerie  Royale  de  Robert  de  Salnove,  fils  d'un 
sénéchal  de  la  baronnie  de  Luçon  au  XVIIe  siècle. 

—  Notre  distingué  compatriote,  le  R.  P.  Méchineau  a  publié  dans 
les  Etudes  de  la  Compagnie  de  Jésus  (février  1879),  un  savant  tra- 
vail sur  le  Texte  hébreux  de  l'Ecclésiastique  et  la  Critique  sacrée. 

—  Du  Pays  Poitevin,  de  décembre  1898  :  Les  Veneurs  Poitevins, 
Jacques  du  Fouilloux,  etc..  par  le  comte  de  Chabot  ;  —Légendes  et  su- 
perstitions :  l'Ame  en  peine,  par  C  Puichaud  ;  la  Ronde  du  déserteur, 
par  A.  Gaud. 

Dans  le  numéro  de  janvier  1899  du  même  périodique,  une  étude  de 
M.  Jean  Maingueneau  sur  l'Abbaye  Saint-Pierre  de  Maillezais,  et  une 
notice  de  J.-K.  Huysmans  sur  Gilles  de  Rais.  Ces  pages  sont  accom- 
pagnées d'illustrations  extraites  des  Paysages  et  Monuments  du  Poi- 
tou de  M.  J.  Robuchon. 

—  A  signaler  également  dans  le  Mercure  Poitevin,  du  9  mars  :  un 
article  de  notre  ami  H.  Clouzot  sur  les  Mémoires  de  Mercier  du  Ro- 
cher, qui  tiennent  décidément  le,  record  de  l'actualité. 

—  A  lire  dans  l'Ouest  artistique  et  littéraire,  du  15  janvier  1899  : 
l' Explorateur  vendéen  Eugène  Robuchon  (récit  de  son  ascension  au 
volcan  «  San  Pedro  »,  dans  l'Amérique  du  Sud). 

-  De  l'Estampe  de  notre  ami  Chincholle  (n°  du  12  mars  1899), 
sous  le  titre  Les  éphèmèrides  de  la  gravure  : 

<•  22  janvier  1883.  —  M.  0.  de  Rochebrune  publie  la  Porte  Saint- 
Georges  de  Nancy,  une  planche  d'autant  plus  intéressante  qu'elle  a 
aidé  à  sauver  cette  porte  que  la  municipalité  voulait  alors  détruire. 

—  M.  l'abbé  F.  Deniau  a  donné  dans  la  Revue  des  Facultés  catho- 
liques de  l'Ouest,  N°  de  décembre  1898)  un  récit  détaillé  de  làfameuse 

1  Paris,  II,  rue  d'Assas.  12  fr.  par  an. 

TOME    XII.    —JANVIER,    FÉVRIER,    MARS.  il 


15i  BIBLIOGRAPHIE 

bataille  de  Torfou,  19  septembre  1793  (Ext.  de  V Histoire  de  la  Vendêer 
dont  il  prépare  la  2e  édition,  avec  le  R.  P.  Dom  Chamard.  abbé  de 
Ligugé). 

Dans  le  même  fascicule,  notre  ami  M.  Baguenier  Desormeaux 
poursuit  avec  un  zèle  infatigable  ses  recherches  sur  la  Vendée  An- 
gevine, en  étudiant  Les  Suspects. 

—  De  M.  C.  Leroux-Cesbron.  dans  la  Nouvelle  Revue  rétrospective 
N"  de  septembre  97)  :  Correspondance  des  représentants  enmission 

a  l'armée  de  l'Ouest,  1794-95). 

—  Dans  le  Supplément  littéraire  de  Noël  de  la  Revue  de  L'Ouest, 
un  Episode  des  Guerres  de  Vendée,  par  C.  Puichaud,  et  En  Vouvent, 
par  René  Yallette. 

BouyuiNERiE  Vendéenne.  —  Extrait  de  la  Revue  des  Autographes, 
de  M.  Eug.  Charavay  34,  rue  du  Faubourg  Poissonnière),  n°  de  jan- 
vier 1899  : 

Hèdouvilh  (G.-M.-Th.-Jos.,  comte  de),  célèbre  général  en  chef, 
pacificateur  de  ia  Vendée,  né  à  Laon  en  1755,  mort  en  1825.  —  L.  a . 
s.  au  capitaine  Le  Cat  -,  quartier  général  de  Rennes,  5  prairial  an 
IV,  1/2  p.  in-4,  tête  impr.  8  fr. 

Belle  lettre  où  il  parle  du  général  Hoche. 

lievellière- Lèpeaux  (L.-M.  de  la),  célèbre  conventionnel  et  Direc- 
teur, surnommé  le  Pape  des  Thèophilanthropes,  né  à  Montaigu 
(Vendée)  en  1753,  mort  en  1824.  —  L.  a.  s.  au  docteur  Bastard  (  e 
célèbre  botaniste);  Paris,  5  avril  1818,  1  p.  1/2  in-8.  Très  jolie 
lettre.  20  fr. 

N°  de  mars  : 

Baudry  (Paul),  le  célèbre  peintre.  —  Pièce  aut.  sig.,  1  p.  in-18.  5  fr. 

Revellière-Lèpeaur  (L.-M.    de  la),   constituant  et   conventionnel, 
membre  du  Directoire,  surnommé  le  Pape  des  Thèophilanthropes,  né 
à  Montaigu  (Vendée;,  en  1753,  mort  en  1824.  —  L.  a.  s.  à  M.  Johan- 
neau,  secrétaire  perpétuel   de  l'Académie   celtique,  6   juillet  1809;. 
1  2  p.  in-8.  Jolie  lettre.  10  fr. 

—  Du  Catalogue  (février-mars  1899)  de  la  librairie  ancienne  Randon 
(16,  rue  des  Martyrs,  Paris)  : 

Bertereau.  La  Restitution  de  Pluton,  à  Monseigneur  l'éminentis- 
sime  Cardinal  duc  de  Richelieu  :  des  mines  ou  minières  de  France, 
cachées  et  détenues  jusques  à  présent  au  ventre  de  la  terre,  par  le 
moyen  desquelles  le*  Finances  de  Sa  Majesté  seront  beaucoup  plus 
grandes  que  celles  de  tous  les  Princes  chrestiens. . .  par  Martine  de 
Bertereau,  dame  et  barone  de  Beausoleil  et  d'Auffeinbach.  Paris, 
Hervé  du  Mesnil,  1640,  in-8,  de  8  ff.  prél.  et  175  pages,  pi.  veau  f.  tr. 
dor.  (Rel.  anc).  25  fr. 


BIBLIOGRAPHIE  155 

—  Du  Bulletin  d'Autographes  (janvier  1899),  de  M.  Npôl  Charavay, 

::,  rue  Furstenberg,  Paris  : 

Belliard  (Augustin,  comte;,  célèbre  général  des  guerres  de  la 
kt'publique  et  de  l'Empire,  né  à  Fontenay-le-Comte.  —  L.  a.  s.  à  .1. 
l'ourier  ;  Kéné  (Haute-Egypte*,  18  vendémiaire  an  VIII  (9  octobre 
1799),  1  p.  in-4.  lu  (p. 

Il  lui  annonce  l'envoi  de  diverses  choses  contenues  dans  la  Gazette 
de  Francfort,  dont  la  lecture  intéressera  la  Commission.  •  Je  ne 
sais  rien  du  Caire. . .  le  général  Desaix  est  à  la  poursuite  de  Murât 
bey.  » 

—  Nous  recevons  de  M.  Louis  Marchesseau,  ancien  attaché  au 
Parquet  du  procureur  général  de  Poitiers,  nouvellement  inscrit  au 
tableau  de  l'ordre  des  avocats  près  le  tribunal  de  Fontenay,  le  texte 
imprimé  ^Poitiers,  Biais  et  Roy,  1899,  in-8°  de  24  p.)  de  l'éloquent 
discours  qu'il  prononça  à  la  séance  solennelle  de  l'ouverture  de  la 
conférence  des  avocats  stagiaires  de  Poitiers,  le  14  janvier  dernier, 
sous  ce  titre  Essai  sur  l'histoire  des  lois  sompluaires. 

—  M.  l'abbé  F.  Charpentier  vient  de  publier  «  au  profit  d'un  Car- 
mel  pauvre  «,  d'éloquentes  et  gracieuses  pages  sur  La  Carmélite,  sa 
mission  apostolique,  sociale  et  patriotique  (abbaye  de  Lérins-Ber- 
nard  1899,  in-8°  de  60  p.). 

—  De  M.  l'abbé  F.  Uzureau  :  L'Ancienne  Université  d'Angers,  in-8° 
de  22  p.  Angers,  Lachèse  1899  (Ext.  de  la  Revue  des  Facultés  catho- 
liques de  l'Ouest).  Du  même  :  ['Enquête  scolaire  de  l'an  IX,  dans  le 
département  de  Maine-et-Loire  et  les  arrondissements  de  Château- 
gontier  et  de  la  Flèch?  (in-8°  de  21  p.  Angers,  Lachèse  et  C19.  Ext.  des 
Mémoires  de  la  Société  Nationale  d'agriculture.) 

—  Enfin,  l'envolée  ordinaire  des  Almanachs  locaux,  parmi  lesquels 
nous  mentionnons  particulièrement  :  L'Almanach  général  du  dépar- 
tement de  la  Vendée  pour  l'année  i899,  suivi  d'un  Guide  historique 
et  archéologique  de  la  Vendée,  revu  et  augmenté —  et  le  triple  Alma- 
nach  de  Mathieu  de  la  Drôme,  <  indicateur  du  temps  pour  1899, 
dont  le  correspondant  «  observateur  »  en  Vendée  est  M.  Jean  Bon- 
net, de  Lairoux. 

—  Notre  vaillant  confrère  Le  Courrier  Littéraire  de  L'Ouest,  37, 
Place  des  Capucins,  Niort,  vient  de  créer  une  Bibliothèque  qui,  n'é- 
ditant que  des  œuvres  absolument  morales,  est  appelée  au  plus 
grand  succès. 

Le  premier  volume  de  cette  Bibliothèque  vient  de  paraitre.  Il 
comprend  Une  bonne  Action  et  Le  Retour  d'Yvon,  deux  actes  en  vers 
de  M.  Paul  Ensel,  le  sympathique  Rédacteur  en  chef  du  Courrier, 


156  BIBLIOGRAPHIE 

Ces  deux  pièces  ont  obtenu  sur  les  scènes  niortaises  un  franc  succès. 
C'est  tout  dire.  Elles  sont  précédées  d'une  intéressante  préface  de 
M.  .Iules  Chopin  et  ornées  de  gravures. 

Bravo  à  notre  confrère  pour  son  heureuse  tentative  de  décen- 
tralisation. 

K.  i>e  Thiverçay. 

P. -S.  —  Malgré  l'augmentation  cependant  considérable  du  chillre 
des  pages  de  ce  fascicule  (156  au  lieu  de  96),  nous  sommes  contraint 
par  l'abondance  des  matières  de  renvoyer  au  numéro  suivant  la 
suite  annoncée  de  l'Histoire  du  Drapeau  de  la  Grande-Guerre  et  de 
la  Terre  abandonnée .  Nos  collaborateurs  et  abonnés  voudront  bien 
ne  pas  nous  en  vouloir.  R.  de  Th. 


Le  Direcleur-Gèrant  :  H.  YALLETTE. 


Vannes.  —  Imprimerie  I.AFOLVK,  ?.  place  des  Lices. 


M'494 





epitdu  TftotTyuu   4'  HaramÇurc 


'ii  h  )) 


t  / 


LEPEE   XVIe   SIECLE 

DU 

MARQUIS    D'HARAMBURE 

Mon  cher  Directeur, 

Je  vous  ai  déjà  fait  faire  deux  excursions  hors  des  limites 
du  Bas-Poitou,  la  première  à  l'antique  donjon  de  la  Roche- 
Pozay,  la  seconde  aux  si  intéressants  débris  du  temple 
gallo-romain  d'Yzeures.  Aujourd'hui,  si  vous  le  voulez  bien, 
nous  allons  en  suivant  les  vallées  si  pittoresques  de  la  Creuse 
nous  arrêter  au  château  d'Harambure  où  la  famille  de  ce 
nom  conserve  religieusement  une  magnifique  épée  donnée 
à  un  ancêtre  par  le  roi  Henri  IV. 

«  Dans  les  Archives  historiques  et  généalogiques  de  la  no- 
blesse française  publiées  par  Laine  en  1828,  on  trouve  aux 
pages  4  et  6  des  détails  très  intéressants  sur  Jean  d'Haram- 
bure qui  fut  dans  son  enfance  le  compagnon  du  Béarnais  : 
c'est  ce  même  Jean  d'Harambure  qui,  d'après  des  Mémoires 
de  famille,  sauva  la  vie  du  roi  sur  la  chaussée  d'Aumale  près 
la  ville  de  Rouen  que  voulait  secourir  le  duc  de  Parme,  et 
c'est  à  cette  occasion  que  le  roi  lui  donna  une  épée  à  poignée 
d'argent  ciselée,  et  damasquinée  d'or  d'un  très  beau 
travail.  »* 

i  La  maison  d'Harambure,  d'origine  chevaleresque,  était  fixée  dans  la 
basse  Navarre.  Un  de  leurs  ancêtres  combattit  contre  les  Maures  en  1227  le 
jour  de  Saint-André  et  contribua  par  son  courage  à  remporter  une  victoire 
insigne  sur  ces  guerriers  infidèles.  (Voyez  Laine,  page  2). 

TOME  XII.  —  AVRIL,  MAI,  JUIN.  12 


158  l'épée  xvr  siècle 

Cette  arme,  dont  Laine  ne  dit  que  quelques  mots,  mérite  une 
description  détaillée,  car  la  dimension  très  réduite  que  le 
format  de  votre  Revue  imposait  à  ma  gravure  ne  permet  guère 
à  l'œil  d'en  saisir  tous  les  détails,  si  la  plume  ne  venait  en 
aide  au  burin. 

Ainsi  que  Laine  l'indique  dans  sa  courte  notice,  la  poignée 
de  l'épée  est  en  argent  massif  damasquiné  d'or  ;  le  pommeau 
de  45  mill.  de  hauteur  sur  95  mill.  de  largeur  (voir  I  et  H),  est 
formé  de  quatre  tritons  dont  les  queues  de  poisson,  tantôt 
ondées,  tantôt  recouvertes  d'écaillés,  s'enlacent  à  la  base  du 
pommeau.  Ces  tritons  très  échevelés  et  à  longues  barbes 
tiennent  dans  leurs  mains  des  écussons  entourés  d'un  car- 
touche, des  poissons,  des  conques,  ou  des  plantes  marines. 

La  fusée,  de  70  mill.  de  longueur  sur  24  mill.  dans  son  plus 
grand  renflement,  est  également  décorée  de  quatre  tritons 
aussi  barbus  et  échevelés  que  ceux  du  pommeau  ;  ils 
semblent  soutenir  ce  pommeau  de  leur  bras  gauche  élevé  au- 
dessus  de  leur  tête,  tandis  que  le  droit  s'appuie  sur  la  hanche 
du  triton  voisin.  Leurs  queues  en  s'enlaçant  offrent  à  l'œil 
des  entrelacs  du  plus  gracieux  effet. 

Les  parties  lisses  entre  ces  figures  sont  garnies  de  menues 
tiges  à  feuillettes  lancéolées  s'enroulant  avec  une  finesse  et 
un  goût  exquis. 

Les  quillons,  qui  offrent  une  longueur  totale  de  145  mill., 
sont  également  composés  de  deux  tritons  dont  les  mains  sont 
liée»  derrière  le  dos  ;  leurs  queues  enlacées  avec  art  au 
sommet  du  talon  de  la  lame  donnent  à  cette  partie  de  la 
poignée  appelée  l'écusson  une  forme  trilobée.  Toutes  ces 
ligures  sont  remarquablement  modelées, d'une  superbe  allure 
et  du  plus  beau  style,  une  brillante  et  épaisse  dorure  recouvre 
les  cheveux  et  la  barbe,  la  ceinture,  les  queues  des  tritons 
ainsi  que  les  minuscules  entrelacs  des  fonds.  Les  visages,  les 
bras,  et  les  torses  nus  de  ces  figurines  restent  seuls  d'argent 
poli.  La  laine  a  pointe  recoupée  très  uiguè  u  81   cent,  de  Ion- 

Bur  sur 28  mill.  du  largeur  au  lalon,  où  se  trouve  recreusée 


DU    MARQUIS    DHARAMBURE  L59 

une  gorge  d'évidement  où  se  lit  cette  inscription  poinçonnée 
des  deux  côtés. ..  hans.  . .  iiosen.  .  glo  ri  a.  ..  (gloire  à  hans 
hosen).  Les  tranchants  de  la  lame  sont  légèrement  évidés  et 
très  coupants.  Le  tiers  de  cette  lame  à  partir  de  la  poignée  a 
été  trempé  à  bleu,  puis  fortement  doré  au  feu  après  que 
l'artiste  fournisseur  y  a  eu  ciselé  et  gravé  les  délicates  ara- 
besques, légendes,  noms  de  fabricants,  lieux  et  date  de  la  fa- 
brication, qui  donnent  un  si  grand  intérêt  à  cette  lame.  A 
45  mill.  du  talon  commence  une  délicieuse  niellure  de  65  mill. 
de  long,  puis  vient  un  espace  lisse,  où  se  lit  cette  légende 
poinçonnée  de  chaque  côté  en  travers  de  l'épée  (voir  A  et  F)  : 
soli  UEO  gloria.  fides  ei  viviu\(gloire  à  Dieu  seul,  foi  vive  en 
lui)  ;  puis  vient  une  niellure  de  72  mill.  comprenant  un  écus- 
son  ovale  où  l'on  voit  sur  la  gauche  deux  croix  pattées  et  sur 
la  droite  un  semis  de  fleurs  de  lis,  le  tout  surmonté  d'une 
couronne  royale.  Dans  l'orle  de  l'ovale,  on  lit  cette  devise 
(voir  en  B  et  E  de  la  planche)  viritvs.  fvneri.  svpertes  16311. 
(Le  courage  domine  la  mort).  Au  revers,  mêmes  armoiries  et 
ornementation,  mais  la  précieuse  légende  nous  livre  le  nom 
de  l'armurier  et  le  lieu  de  fabrication  Iannes.  wvndes.  M.  fe- 
git.  Solg.  {Jean  Wundes  m'a  faite  à  Solinguen).  Puis  vient  la 
dernière  niellure  en  forme  de  cul  de  lampe  qui  termine  cette 
si  riche  et  si  artistique  damasquinure  qu'on  croirait  emprun- 
tée aux  plus  délicats  fers  à  reliure  des  belles  époques  du 
XVI8  siècle.  Le  reste  de  la  lame,  d'un  acier  très  fin,  très  élas- 
tique, a  toujours  dû  rester  blanchie  telle  qu'on  la  voit 
aujourd'hui. 

l-a  date  de  1631  poinçonnée  sur  la  lame  semblerait  devoir 
détruire  la  légende  dont  nous  parlons  plus  haut;  mais  en 
examinant  la  rondelle  d'argent  ciselé  et  doré  ornée  de  dau- 
phins qui  sertissait  l'entrée  de  l'ancien  fourreau  il  est  facile 


1   Viritus  pour  virtus.  Supertes  pour  superest  —  ces  erreurs  de  poinçon- 
nages sont  fréquentes  sur  les  lames  d'épées  des  XVI*  XVII*  et  XVIIIe  siècles, 
les  ouvriers  chargés  d'estamper  ces  légendes  étant  ou   peu  lettrés  ou  médio- 
rement  attentionnés. 


160  l'kPÉE    XVIe    SIÈCLE    DU    MARQUIS    D'HARAMBURE 

de  constater  que  cette  gaîne  entourait  une  lame  bien  plus 
étroite  et  probablement  plus  longue  que  celle  qui  existe  main- 
tenant. Il  a  fallu  y  souder  un  anneau  beaucoup  plus  large, 
afin  de  permettre  à  l'épée  actuelle  de  s'introduire  dans  ce 
nouveau  fourreau.  La  tradition  confirmée  par  Laine  conserve 
donc  à  notre  avis  toute  sa  force,  seulement  la  lame  anté- 
rieure à  la  mort  de  Henri  IV  et  contemporaine  des  hauts  faits 
d'armes  de  Jean  de  Harambure  n'existe  plus  et  a  été  rempla- 
cée par  celle  que  nous  y  voyons  aujourd'hui1. 

1  C'est  à  la  gracieuse  obligeance  de  Mm°  la  marquise  d'Harambure  que  nous 
devons  d'avoir  pu  mettre  sous  les  yeux  des  lecteurs  de  la.  Revue  du  Bas- 
Poitou  cette  belle  arme  dont  les  spécimens  sont  si  rares  de  nos  jours,  sur- 
tout en  pièces  authentiques.  On  voit  eacore  dans  sa  curieuse  demeure  parmi 
nombre  d'objets  intéressants  un  portrait  d'Henri  IV  entant  peint  dans  le 
sentiment  de  Porbus. 

Terre-Neuve,  21  mars  1899. 

0.    DE    ROCHEBRUNE. 


POURQUOI 

UNE  STATUE  DE   RICHELIEU 


A    LUCON ? 


Un  mouvement  national  est  organisé  en  ce  moment  pour 
élever  une  statue  à  Bossuet.  Les  souscriptions  affluent 
de  toutes  parts,  et  le  grand  orateur  sacré  aura  bientôt  un 
monument  digne  de  son  génie.  Ainsi  sera  réparée  une  de  ces 
injustices  dont  la  France  moderne  se  montre  trop  souvent 
coutumière.  Nous  ne  pouvons  qu'applaudir  à  la  généreuse 
pensée  qui  préside  à  cette  glorification  tardive  ;  mais  nous 
sera-t-il  permis  de  faire  remarquer,  avec  le  Correspondant , 
qu'un  autre  grand  homme  attend  aussi  sa  statue  ?  Alors 
que  tant  de  gloires  locales  sont  perpétuées  par  le  marbre 
et  le  bronze  sur  nos  places  publiques,  nos  contemporains 
semblant  avoir  complètement  oublié  que  Richelieu  fut  le 
plus  grand  ministre  de  l'ancienne  France.  La  statue  de 
Girardon  et  le  beau  tableau  de  Philippe  de  Ghampaigne  ne 
sont  point  en  effet  de  ces  hommages  nationaux  auxquels 
un   Richelieu    eût  été  en  droit  de  prétendre. 

L'heure  ne  serait-elle  pas  venue  de  réparer  cet  oubli  qui  est 
presque  de  l'ingratitude  ?  Sans  vouloir  écraser  le  pré- 
sent par    la  comparaison    du   passé,  il    est    permis    d'affir- 


162  POURQUOI 

mer  que  notre  pays  aurait  grandement  besoin  d'un  Richelieu 
pourdirigersapolitiqueextérieure.ences  temps  difficiles  où  la 
bonne  volonté  ne  suffit  plus  à  tenir  lieu  de  génie.  Aussi  la  gloire 
du  ministre  de  Louis  XIII  n'a-t-elle  jamais  été  moins  contestée 
qu'aujourd'hui.  Les  historiens,  plus  préoccupés  de  l'actualité 
qu'on  ne  le  croit,  ont  remis  cette  grande  figure  en  lumière 
et  nous  savons  mieux,  à  l'heure  présente,  grâce  aux  travaux 
du  vicomte  d'Avenel,  de  M.  Hanotaux,  et  de  l'abbé  L.  Lacroix, 
les  raisons  si  multiples  que  nous  avons  de  l'admirer  et  aussi, 
hélas  !  de  la  regretter. 


L'homme  est  de  ceux  qui  ne  perdent  pas  à  ces  investiga- 
tions de  la  critique  historique.  Qu'il  ait  ses  parties  faibles, 
nul  ne  le  nie.  L'ambition  et  l'intérêt  personnel  furent  trop 
souvent  le  mobile  de  ses  actes.  Courtisan  adroit  et  souple,  il 
manqua  parfois  de  hardiesse,  en  dépit  de  la  légende  con- 
traire ;  il  eut  peut-être  le  «  cœur  timide  »  ainsi  que  le  lui  re- 
proche La  Rochefoucauld.  En  outre,  il  ne  sut  pas  pardonner 
et  sa  justice  prit  souvent  les  apparences  fâcheuses  d'une 
vengeance  personnelle.  Mais,  en  dehors  même  de  son  génie, 
ce  qui  fait  sa  gloire, ce  qui  doit  le  rendre  sacré  aux  Français  du 
XIX'  siècle,  c'est  qu'il  ne  perdit  jamais  de  vue  l'intérêt  de  la 
France.  Ce  fut  pour  accroître  la  puissance  du  pays  et  l'autorité 
royale,  —condition  indispensable  de  la  grandeur  française,  — 
qu'il  prodigua  les  adulations  et  les  supplices.  Flatter  son. 
maître  et  punir  les  nobles,  il  ne  pouvait  accomplir  son  œuvre 
autrement.  Il  lui  importa  peu  de  se  diminuer,  pourvu  qu'il 
grandît  sa  patrie.  Les  contemporains  ne  s'y  sont  pas  trompés, 
quelques-uns  du  moins,  et  la  postérité  n'a  pu  qu'applaudir  à 
ce  jugement  du  poète  Voiture  :«  Lorsque,  dans  deux  cents 
ans,  eux  qui  viendront  après  nous  liront  l'histoire  du  car- 
dinal de  Richelieu,  s'ils  ont  quelque  goutte  de  sang  français 


UNE    STATUE    DE    RICHELIEU    A    T.UÇON  ?  i63 

dans  les  veines  et  quelque  amour  pour  la  gloire  de  leur  pays, 
pourront-ils  lire  ces  choses  sans  s'affectionner  à  lui.  » 

L'ouvrage  de  M.  Hanotaux,1  dont  deux  volumes  seulement 
ont  paru,  nous  donnera,  on  peut  le  prévoir,  quelques  motifs 
nouveaux  de  «  nous  affectionner  »  au  grand  cardinal.  Non 
que  l'historien  ait  subi  cette  sorte  de  fascination,  à  laquelle 
échappent  rarement  les  esprits  les  plus  clairvoyants,  et  qui 
empoche  de  voir  les  défauts  et  les  faiblesses  des  grands 
hommes  qu'on  a  longtemps  pratiqués.  Rarement,  au  contraire, 
la  vérité  fut  moins  dissimulée.  M.  Hanotaux,  historien  pru- 
dent et  sagace,  n'entend  pas  s'en  laisser  imposer  par  son 
personnage  et  il  serait  plutôt  enclin  à  lui  montrer  quelque 
sévérité.  Il  a  donc  retracé  sans  passion,  avec  une  impar- 
tialité louable,  la  vie  de  Richelieu  depuis  les  années  de  début 
jusqu'à  la  fin  du  premier  ministère,  et  déjà  il  apparaît  que 
le  héros  ne  perd  point  à  être  ainsi  traité  sans  ménagements. 
Nous  le  savions  d'ailleurs,  car  l'auteur  nous  avait  donné  par 
avance  ses  conclusions  dans  la  préface  de  son  premier  volume: 

«  J'ai  trouvé  en  Richelieu,  disait-il,  un  génie  abordable, 
accessible,  d'une  psychologie  plutôt  simple  et  facile  à  déchif- 
frer. En  m'approchant,  j'ai  vu  s'évanouir  le  spectre  vêtu  de 
rouge  qui  passe  au  cinquième  acte  de  Marion  Delorme,\e 
sphinx  impassible  et  muet  qu'évoque  la  page,  d'ailleurs 
admirable,  de  Michelet.  J'ai  vu  un  homme  d'Etat  français,  au 
sens  pratique  et  positif,  au  coup  d'œil  froid  et  sûr,  à  la  main 
rude.  Je  l'ai  rattaché,  sans  effort,  à  la  série  de  nos  grands 
politiques,  aux  Philippe  le  Bel,  aux  Charles  V,  aux  Louis  XI, 
aux  hommes  de  la  Révolution.  » 

Ce  dernier  mot  peut  étonner  ;  tout  au  moins  aurait-il  fallu 
l'expliquer.  Les  deux  seuls  vrais  politiques  de  la  Révolution 
furent  Mirabeau  et  Danton;  et,  en  admettant  qu'ils  n'aient 
point  méconnu  les  vraies  traditions  françaises,  ce  que  le  bel 
ouvrage  de  M.  Sorel  sur  YEurope  et  la  Révolution  fran- 
çaise tend   à  démontrer,   le  temps  et  l'occasion   leur  man- 

«  Histoire  du  Cardinal  de  Richelieu.  Paris,  Didot. 


164  POURQUOI 

quérent  pour  appliquer  leurs  idées,  et  on  ne  peut  savoir  s'ils 
auraient  eu  vraiment  cette  netteté  dans  la  conception,  cette 
suite  dans  les  desseins,  ce  génie  essentiellement  pratique  qui 
distinguent  à  un  si  haut  point  Richelieu.  J'aurais  donc  voulu, 
pour  ma  part,  une  phrase  explicative  qui  précisât  bien  exac- 
tement la  pensée  de  l'écrivain. 

Si  Richelieu  se  rattache  à  la  série  des  grands  politiques, 
M.  Hanotaux  va  nous  dire  pourquoi,  et,  par  la  môme  occa- 
sion, dans  une  étude  phychologique  très  fouillée,  montrer  les 
qualités  personnelles  de  l'homme  d'Etat  dont  il  retrace  la  car- 
rière : 

«  Ce  qui  distingue  Richelieu,  c'est  la  clarté,  la  logique,  la 
mesure  dans  l'énergie  ;  il  faut  ajouter  une  souplesse,  une 
agilité  merveilleuses 

«  Le  costume,  en  lui,  inquiète  un  peu  la  curiosité  de  l'his- 
toire anecdoctique.  Qu'y-a-t-il  sous  cette  robe  ?  —  Il  y  a 
d'abord  un  prêtre, un  vrai  prêtre,  croyant,  comme  toutlemonde 
l'était  en  ce  temps-là.  Mais  il  y  a  surtout  un  homme  d'action.. 
Il  a  voulu  le  pouvoir  ;  il  a  voulu  le  garder  jusqu'à  sa  mort  ; 
une  fois  ministre,  ses  ambitions  se  confondant  avec  le  bien 
de  l'Etat,  il  s'est  consacré  à  une  grande  œuvre  :  l'achèvement 
de  l'unité  française  par  l'établissement  définitif  de  l'autorité 
absolue  du  roi  et  par  la  ruine  de  la  maison  d'Espagne.  Cet 
homme  n'a  vécu  que  pour  cela;  mais  il  n'a  pas  vécu  assez 
longtemps  pour  voir  Rocroi,  pour  signer  la  paix  de  West- 
phalie  ou  la  paix  des  Pyrénées.  »' 

La  souplesse,  (vice  trop  habituel  des  gens  de  cour),  et  cette 
ambition  de  Richelieu,  que  M.  Hanotaux  met  si  bien  en  lu- 
mière, n'empêchent  que  le  ministre  n'ait  accompli,  tenté  tout 
au  moins,  une  grande  œuvre.  Les  nobles  réduits  à  l'obéis- 
sance; le  parti  protestant  ruiné  ;  l'acquisition  consommée  ou 
préparée  de  trois  riches  provinces,  Alsace,  Artois,  Roussillon  ; 
la  frontière    consolidée  et  la   prépondérance  de    la  France 

1   Hanotaux.  Histoire  du  Cardinal  de  Richelieu  fl"  vol.)  préface,  p.  VII. 


UNE   STATUE    DE    RICHELIEU    A    LUÇON    ?  165 

substituée  à  celle  de  l'Autriche  :  est-il  beaucoup  de  nos 
hommes  d'Etat  qui  aient  obtenu  des  résultats  comparables  à 
ceux-là,  et  Philippe  le  Bel,  Charles  V,  ou  même  Louis  XI,  ne 
font-ils  pas  médiocre  figure  à  côté  de  Richelieu?  Spectacle 
fortifiant  d'ailleurs  que  ce  labeur  immense  du  cardinal 
qui  «  apprend  aux  hommes  à  ne  pas  ramener  leurs  œuvres  à 
la  mesure  de  leur  courte  vie,  à  se  tenir  aux  lignes  générales, 
aux  idées  qui  durent  et  sont  maîtresses  du  temps  !  » 

On  ne  voit  pas  quelle  classe  de  citoyens  pourrait  bien,  dans 
notre  France  moderne,  protester  contre  l'érection  d'une 
statue  à  Richelieu.  Ceux  mômes  qu'il  combattit  lui  furent  re- 
devables, car  dans  cette  lutte,  il  n'apporta  d'ordinaire  aucune 
animosité  personnelle  — (si  l'on  songe  en  effet  que  sa  rigueur 
s'expliqua  toujours  parla  violence  et  l'indignité  des  attaques 
dirigées  contre  lui).  Il  forçales  nobles  à  obéir  ;  mais  il  aimait 
la  noblesse,  voulait  l'enrichir,  en  faire  le  premier  corps  de 
l'Etat.  Les  protestants  vaincus,  il  leur  laissa  la  liberté  de  con- 
science, donnant  ainsi  un  rare  exemple  de  tolérance,  et  il  ne 
songea  jamais  à  abuser  de  sa  victoire.  L'Université  pourrait- 
elle  oublier  la  protection  éclairée  accordée  aux  lettres  et  aux 
arts  et  l'attachement  du  ministre  pour  cette  vieille  Sorbonne 
où  son  mausolée  se  dresse  encore  ?Le  clergé  sait  combien  son 
administration  fut  profitable  à  l'Eglise,  à  la  religion;  il  sait 
aussi  que  Richelieu  n'hésita  pas  à  combattre  les  nouveautés  qui 
lui  paraissaient  dangereuses,  même  quand  elles  se  produi- 
saient sous  le  nom  aimé  d'un  Saint-Gyran,  compagnon  de  sa 
jeunesse.  Le  code  Michau,  cet  essai  de  codification  générale 
que  Golbert  reprendra  plus  tard,  ne  doit-il  pas  lui  mériter  la 
reconnaissance  du  monde  judiciaire,  héritier  des  vertus,  mais 
non  des  prétentions  politiques,  du  Parlement?  Enfin,  ses 
efforts  en  faveur  de  l'armée,  de  la  marine. bien  que  cette  partie 
de  son  œuvre  soit  moins  connue,  ne  suffiraient-ils  pas,  en  un 
temps  où  ces  forces  vives  de  notre  pays  sont  parfois  attaquées, 
à  grouper,  dans  un  même  sentiment  de  reconnaissance 
envers  sa  mémoire,  tous  les  bons  Français  ? 


166  POURQUOI 

L'idée  d'une  souscription  nationale  pour  élever  une  statue 
à  Richelieu  serait  donc  sans  doute  bien  accueillie  par  toute  la 
France  :  mais  le  moment  pourrait  paraître  mal  choisi. 
Puisque  le  pays  veut  d'abord  glorifier  Bossuet,  il  serait 
de  mauvais  goût  et  d'un  exemple  fâcheux  de  réclamer 
en  même  temps  en  faveur  du  cardinal.  On  aurait  l'air  de 
vouloir  opposer  autel  contre  autel  et  de  méconnaître  les  titres 
éminents  du  grand  évêque  qui  illustra  la  chaire  française  et 
l'Eglise  par  ses  vertus  non  moins  que  par  ses  talents.  Toute- 
fois, en  attendant  le  monument  que  la  piété  nationale  ne  peut 
manquer  d'élever  à  un  de  ses  hommes  d'Etat  les  plus  illustres, 
serait-il  donc  impossible  de  lui  rendre,  dès  maintenant,  un 
hommage  plus  restreint  ? 

M.  1  abbé  Lacroix  a  déjà  soutenu  cette  idée  dans  une  confé- 
rence, dont  les  lecteurs  de  la  «  Revue  du  Bas-Poitou  »  n'ont  pas 
perdu  le  souvenir,  et  dans  un  livre  qui,  après  avoir  été  une 

thèse  appréciéeen  Sorbonne,  vientd'être  rééditée  sous  la  forme 
d'un  coquet  volume  par  l'éditeur  Lecoffre.1  Rarement  publica- 
tion vint  mieux  à  son  heure  et  l'on  s'explique  facilement  l'ac- 
cueil qu'elle  a  reçu.  Dans  Richelieu  à  Luçon,  l'oeuvre  de 
science  est  en  effet  doublée  d'un  acte  de  foi.  M.  Lacroix  a  l'ait 
de  Richelieu  jeune  sa  chose.  Au  lieu  d'embrasser,  comme 
M.  Ilanotaux,  toute  la  carrière  du  ministre  de  Louis  XIII,  il 
a  préféré  étudier,  avec  une  sympathie  qui  ne  fait  point  tort 
en  lui  à  l'esprit  critique,  les  débuts  de  Richelieu  dans  l'admi- 
nistration épiscopale  et  dans  la  carrière  politique.  Il  nous  a 
ainsi  révélé  l'existence  d'un  Richelieu  que  l'on  soupçonnait 
peu,  prélat  plein  de  zèle,  qui  s'est  préparé  à  la  vie  publique 
par  l'exercice  môme  de  ses  fonctions  épiscopales.  Il  nous  a 
montré  l'homme  d'Etat  en  germe  dans  l'évêque  de  Luçon, 
démonstration  substantielle  qu'il  serait  vain  de  refaire  après 
lui.  Nous  savons  ainsi  par  quels  liens  Richelieu  tient  au 
Poitou,  dont  il  fut  le  plus  glorieux  enfant,  et  comment,  dans 

1  Un  TOI.  in-12,  pris  :  3  ff.  50. 


UNE    STATUE    DE    RICHELIEU    A    LUÇON    ?  167 

ce  pays  où  son  souvenir  devrait  être  partout,  il  s'initia  à  la 
pratique  des  affaires  et  au  maniement  des  hommes,  prélu- 
dant ainsi  et  se  préparant,  par  an  labeur  opiniâtre,  à  de  plus 
hautes  destinées. 

Ne  serait-ce  donc  pas,  d'abord,  dans  ce  Poitou  aimé  et  par- 
ticulièrement à  Luçon  que  la  statue  de  Richelieu  devrait  s'éle- 
ver ?  M.  Lacroix  le  pense  ;  il  l'a  dit  et  je  demande  la  permis- 
sion de  le  redire  après  lui,  en  donnant  quelques-unes  des  rai- 
sons qu'il  a  fait  valoir. 

II 

Richelieu  appartient  au  Poitou  par  sa  famille,  p\r  les  qua- 
lités de  son  esprit,  et  par  son  séjour  à  Luçon. 

Un  de  ses  biographes  le  fait  naître  au  château  de  Richelieu. 
Cette  opinion  s'est  accréditée;  mais  elle  ne  repose  sur  aucun 
fondement.  Il  est  bien  vrai  que  Mademoiselle  de  Montpensier 
et  La  Fontaine  visitèrent  dans  le  château,  restauré  par  les 
soins  du  cardinal,  une  chambre,  petite  et  modeste  où,  selon 
une  tradition  déjà  admise,  il  avait  reçu  le  jour.  Mais  leur  té- 
moignage, d'ailleurs  peu  probant,  ne  peut  résister  à  l'évi- 
dence des  faits.  Nous  possédons  une  copie  très  exacte  de 
l'acte  de  baptême  de  Richelieu.  Il  fut  baptisé  dans  l'église  de 
Saint-Eustache  de  Paris  et,  s'il  était  né  dans  une  autre  ville, 
l'acte  eût  évidemment  fait  mention  de  cette  particularité. 
Richelieu  lui-même  s'est  d'ailleurs,  à  plusieurs  reprises,  dé- 
claré Parisien  de  naissance,  dans  des  termes  qui  ne  laissent 
place  à  aucune  équivoque. 

S'il  a  fait  son  entrée  dans  la  vie  à  Paris,  du  moins  appar- 
lient-il  au  Poitou  par  sa  famille.  Sans  descendre,  même  par 
les  femmes,  des  rois  de  France,  comme  il  l,e  prétendait  vo- 
lontiers, cette  famille  avait  une  origine  fort  ancienne,  et  on 
trouve,  à  une  époque  reculée,  les  traces  certaines  de  son  pre- 
mier établissement  dans  la  paroisse  de  Néons,  en  Poitou,  sur 
les  bords  de  la  Creuse.  L'histoire  peut,  dès  lors,  en  être  sui- 
vie. Au  XIV»  siècle,  le  nom  de  du  Plessis  se  retrouve  souvent 


168  POURQUOI 

dans  les  archives  du  département  de  la  Vienne.  Il  est  démon- 
tré qu'en  1420  le  domaine  de  Richelieu  devint  la  propriété  de 
Geoffroy  du  Plessis,  par  le  mariage  de  ce  seigneur  avec 
Perrine  Glérambault  à  qui  la  terre  appartenait,  et  que  le  père 
du  cardinal,  François  du  Plessis,  surnommé  Tristan  l'Her- 
mite  à  cause  de  sa  physionomie  sombre,  épousa  Suzanne  de 
la  Porte ,  d'une  bonne  famille  de  magistrats  originaire  de 
Parthenay.  Du  côté  maternel  tout  aussi  bien  que  par  ses 
ancêtres  paternels ,  Richelieu  tient  donc  au  Poitou.  Peu 
importe  qu'il  soit  né  à  Paris  ;  il  est  poitevin  par  tradition  de 
famille. 

On  peut  affirmer  qu'il  l'est  aussi  par  son  caractère  ou  plu- 
tôt par  le  fond  même  de  son  tempérament.  Une  démonstration 
de  ce  genre  peut  paraître  difficile,  du  moins  à  l'historien  qui 
ne  se  contente  pas  de  généralisations  superficielles;  elle  n'est 
pas  impossible,  car  la  province  a  bien  son  caractère  propre. 
Le  Poitevin,  sans  que  sa  physionomie  soit  aussi  tranchée 
que  celle  du  Breton  ou  de  l'Auvergnat,  se  distingue  fort  bien 
cependant,  du  moins  au  XVIe  siècle,  de  ses  compatriotes  de 
France.  Non  que  le  pays  présente  partout  le  même  aspect. 
Le  Poitou  du  midi,  terre  de  granits  tristes,  au  ciel  bas,  aux 
plaines  mornes  et  poussiéreuses,  n'a  pas  la  richesse  plantu- 
reuse des  campagnes  vendéennes,  prairies  coupées  de  ca- 
naux, qui  font  penser  à  la  Hollande.  Il  ressemble  moins  en- 
core aux  pays  voisins  de  la  Loire,  régions  de  climat  doux  et 
tempéré,  au  ciel  lumineux,  où  des  jardins  chargés  de  fruits 
et  des  coteaux,  qu'escalade  la  vigne,  se  découpent  sur  de  clairs 
horizons.  C'est  une  contrée  de  transition  où  se  mêlent  la 
montagne  et  la  mer  et  qui,  sans  se  dégager  entièrement  de  la 
nature  calme  et  richement  épanouie  des  terres  du  nord,  an- 
nonce déjà  le  Midi  brillant  et  impétueux.  L'habitant  est,  lui 
aussi,  un  composé  de  traits  divers,  parfois  contradictoires. 
Triste  et  froid  aux  abords  du  Limousin  ;  grave,  méditatif 
«  sérieux,  maladif  et  lent  comme  ses  marais  »  dans  la  plaine 
maritime;  gai,  vif,  beau  parleur,  ami  de  la  flânerie  intelligente 


UNE    STATUE    DE    RICHELIEU    A    LUÇON    ?  169 

etde  la  vie  joyeuse  dès  qu'on  approche  du  val  de  Loire,  il  réu- 
nit en  lui  tous  les  contrastes.  Mais  les  circonstances  histo- 
riques l'ont  unifié  peu  à  peu  et  un  type  poitevin  s'est  fixé,  au 
XVI"  siècle,  d'une  physionomie  plus  tranchée.  Façonnée  par 
les  guerres  incessantes,  luttes  civiles  et  religieuses,  la  no- 
blesse du  Poitou  a  senti  se  développer  en  elle  l'esprit  d'aven- 
ture et  la  froide  ténacité,  source  la  plus  certaine  des   vertus 
militaires,  pendant  que  le  voisinage  de  la  cour,  amollissant 
ces  natures  un  peu  rudes,  les  affinait,  leur  faisait  mieux  goû- 
ter la  fleur  de  politesse,  de  courtoisie,  comme  on  commence  à 
dire,  qui  avait  rendu  célèbre  l'entourage  des  Valois,  et,  sans 
amoindrir  leur  courage,  les  tournait  peu  à  peu  vers  les  plai- 
sirs plus  délicats  de  l'esprit.  Ils  gardaient  ainsi, au  fond  d'eux- 
mêmes,  l'âpreté  un  peu  rude  de  leurs  granits,  mais  ils  deve- 
naient accessibles  aux  belles  manières,  et,  ce  qui  vaut  mieux, 
au  culte  des  lettres  et  de  l'art.  Leur  gravité  se  tempérait  de 
finessemalicieuse;ilssavaientvouloir;  comme  parle  passé  ils 
continuaient  à  aimer  la  lutte  ;  mais  ils  s'instruisaient  à  vaincre 
leur  impétuosité  native  et  à  prendre  l'habitude  des  idées  gé- 
nérales et  des  conceptions  méthodiques.  La  bourgeoisie  poi- 
tevine acquérait  en  même    temps   de    sérieuses    qualités   : 
«  l'aptitude  aux  affaires,  la  finesse  »,  tout  en  conservant  cette 
heureuse  clarté  qu'elle  devait  sans  doute  à  la  lumière  aimable 
et  à  l'harmonie  discrète  de  ses  coteaux  et  de  ses  vergers. 

Jamais  homme  ne  réunit,  mieux  que  Richelieu,  les  qualités 
du  pays  d'origine.  Volonté  indomptable  qui  ne  se  laisse  pas 
détourner  du  but  entrevu  :  amour  de  la  lutte  auquel  se  mêle 
cette  sorte  de  volupté  artistique,  connue  de  tous  les  grands 
conducteurs  de  peuples  :  clarté  souveraine  de  la  conception, 
égalée  seulement  par  la  suite  dans  les  desseins  et  par  la 
rapidité  de  l'exécution  ;  patience  jamais  lassée  ;  bon  sens 
pratique  qui  se  garde  des  impossibilités  et  des  chimères  ; 
amabilité  souriante,  (car  il  fut  à  ses  heures  un  charmeur), 
n'est-ce  pas  là  Richelieu  tout  entier?  A  bien  regarder,  on 
retrouve  en  lui,  tout  à  la  fois,  le  paysan   obstiné  qui  fera  la 


170  POURQUOI 

guerre  de  Vendée,  le  gentilhomme  dévoué  à  sa  foi  et  à  son 
roi,  dont  La  Rochejacquelein  devait  être,  plus  tard,  le  type 
immortel,  et  aussi  le  bourgeois  avisé,  méthodique  et  prudent, 
ami  du  «  gai  sçavoir  »  non  moins  que  des  spéculations  heu- 
reuses, duquel  on  a  pu  dire  qu'il  fut  le  véritable  créateur  de  la 
patrie  française.  Ces  personnages  si  divers  se  fondent,  chez 
lui,  en  un  ensemble  harmonieux  ;  mais  l'analyste  peut  encore 
les  reconnaître  au  passage  à  certaines  lueurs  fugitives;  et 
c'est  sans  crainte  d'erreur  qu'il  attribue  Richelieu  au  Poitou, 
tellement  cet  homme  d'Etat,  si  français  cependant,  a  con- 
servé intacte  sa  marque  d'origine  et  cette  saveur  particulière 
de  terroir  dont  on  ne  se  débarrasse  jamais  entièrement. 

Il  fit  d'ailleurs  un  assez  long  séjour  en  Vendée  et  ce  séjour 
lui  fut  profitable.  C'est  à  Luçon  qu'il  s'initia  à  la  pratique  des 
affaires.  Quand  il  fut  nommé  évoque,  Richelieu  était  un  jeune 
homme  de  vingt-trois  ans,  qui  pouvait  sembler  mal  préparé 
à  ces  délicates  fonctions.  Cavalier  séduisant,  destiné  par  ses 
goûts  et  par  son  éducation  à  la  carrière  des  armes,  il  avait 
sans  doute,  comme  plus  tard  Retz,  «  l'âme  la  moins  ecclé- 
siastique qui  fût.  »  Un  simple  accident  le  jeta  dans  les  bras 
de  l'Eglise.  Son  second  frère,  Alphonse,  étant  devenu  char- 
treux, il  se  fit  homme  d'église  pour  ne  pas  laisser  échap- 
per l'évêché  de  Luçon  qui  appartenait  en  quelque  sorte  à 
sa  famille  et  constituait  le  revenu  le  plus  clair  des  duPlessis. 
L'abandonner,  c'était  la  ruine.  Richelieu  sacrifia  sans  hésiter 
ses  goûts.  Il  avait  d'ailleurs  une  foi  très  vive  et  le  sentiment 
(](.*  son  devoir.  C'est  pourquoi,  à  la  différence  de  Retz,  qui 
-  pour  un  prêtre,  aurait  fait  un  mauvais  mousquetaire  »,  il 
fut,  par  sa  piété  et  par  sa  science  théologique,  l'édification  de 
son  entourage.  Cette  transformation,  si  rapide  et  qui  dut 
avoir  ses  heures  pénibles,  montre  bien  ce  qu'on  pouvait 
attendre  du  nouvel  ôvêque.  Il  ne  trompa  point  les  espérances 
de  ses  amis,  et  pourtant  sa  mission  était  particulièrement 
rude.  Le  jeune  pasteur  d'âmes  arrivait  dans  l'évêché  «  le  plus 
crotté  de  France  »,  au  milieu  de  circonstances  difficiles. 


UNE    STATUE    DE    RICHELIEU    A    LUÇON  ?  171 

Par  sa  position  intermédiaire  entre  la  France  du  Nord  et 
celle  du  Midi,  le  Poitou  devait  être,  de  tout  temps,  le   grand 
chemin  des  invasions  ;  et,  de  fait,  il  est  presque  superflu  de 
le  rappeler,  Glovis  et  les  Wisigoths  s'y  heurtèrent,  Charles 
Martel  y  arrêta   l'invasion  Arabe,  Jean  le  Bon  y  fut  vaincu 
par  les  Anglais.  Au  XVIe  siècle,  les  guerres  de  religion  l'en- 
sanglantèrent. Nulle  part  on  ne  se  battit  davantage  que  dans 
la  contrée  qui  sépare  la  Loire  de  la  Charente  et  de  la  Garonne. 
Aussi  les  ruines  s'y  étaient-elles  accumulées.  Le  pays,  déjà 
très  pauvre  en  quelques-unes  de  ses  parties,  offrait  partout 
limage  delà  désolation.  En  outre,  les  esprits  restèrent  trou- 
blés, le  voisinage  de  la  principale  ville  protestante,  la  Rochelle, 
étant  peu  propre  à  faire  régner  le  calme.  A  force  de  rester 
sur   le   qui-vive,  la   guerre  parut  un  état  normal  aux  popu- 
lations, que  le    ferme  gouvernement  de  Henri  IV  eut  tou- 
jours de  la  peine  à  contenir.  Toute  discipline  s'était  perdue, 
même  au  sein  du  clergé,  et  le  relâchement  des  mœurs  ecclé- 
siastiques,  conséquence  trop    naturelle   de  vingt  années  de 
luttes,  faisait  mal  augurer  de  l'avenir  de  la  province.  Comment 
en  effet  des  prêtres  ignorants,  sinon  corrompus,  infidèles  en 
toutcas  à  leur  mission  de  paix,  auraient-ils  pu  moraliser  ces 
régions  déjà  fort  entamées  par  la  prédication  protestante  ! 

Ruines  matérielles  et  détresse  morale,  tel  était  donc  le 
spectacle  qui  s'offrit  aux  yeux  de  Richelieu. La  tâche  était  rude, 
presque  décourageante.  Il  fallait  rétablir  la  discipline  ecclé- 
siastique,instruire  le  clergé,  réconforter,  par  la  prédication  et 
par  une  assistance  matérielle  de  tous  les  instants,  des  popula- 
tions profondément  malheureuses;  il  fallait  aussi,  sans  per- 
sécuter les  protestants,  empêcher  leurs  empiétements  et  leur 
propagande.  Richelieu  se  montra  égal  et  même  supérieur  à 
la  situation.  Par  un  mélange  rare  de  souplesse  et  de  fermeté,  il 
aplanit  toutes  les  difficultés.  Le  Chapitre  de  l'évêché  était  en 
guerre  ouverte  avec  madame  de  Richelieu  la  mère  pour  quel- 
ques misérables  questions  d'argent.  L'évêquefitles  sacrifices 
nécessaires  pour  ramener  la  paix  ;  mais  il  montra  en  même 


172  POURQUOI 

temps  à  l'égard  des  chanoines  une  énergie  si  sûre  d'elle-même 
qu'ils  n'osèrent  lui  faire  aucune  opposition.  L'objet  du  litige 
était  la  cathédrale  qu'il  fallait  faire  réparer  ;  il  se  chargea  du 
tiers  des  dépenses  et  fit  en  même  temps  restaurer  le  palais 
épiscopal.  Or  il  avait  à  cela  d'autant  plus  de  mérite  que  sa  for- 
tune était  médiocre.  Je  recommande  à  ce  sujet  le  chapitre 
curieux  où  M.  Lacroix  a  raconté  la  vie  intime  de  Richelieu  à 
Luçon.  On  y  verra  par  quels  prodiges  d'économie  le  pauvre 
évêque,  désireux  détenir  son  rang,  arrivait  à  équilibrer  son 
budget.  On  y  verra  aussi  quel  esprit  d'ordre  il  apportait  dans  le 
gouvernement  de  sa  maison,  esprit  d'ordre  qu'il  avait  hérité 
sans  doute  des  La  Porte,  ses  ancêtres  maternels,  de  vieille 
souche  parlementaire,  et  qui  fut  peut-être  sa  qualité  la  plus 
éminente  quand  il  présida  aux  destinées  de  la  France. 

Richelieu  ne  pouvait  compter  sur  son  clergé  qu'à  la  condition 
de  l'instruire.  Ce  fut  le  but  de  ses  ordonnances  synodales.  Il  y 
donna  des  prescriptions  minutieuses  sur  la  conduite  à  tenir, 
ne  craignant  pas  de  s'abaisser  aux  plus  infimes  détails  ;  il 
supprimait  en  même  temps  les  abus  trop  criants.  Puis,  com- 
prenant que  des  conseils,  fussent-ils  pleins  de  sagesse,  ne 
suffiraient  pas,  il  fonda  un  séminaire,  le  premier  qui  ait  été 
établi  en  France,  et  dont  il  confia  la  direction  aux  Oratoriens. 
Il  fit  ensuite  relever  de  nombreuses  églises  de  campagne,  et 
des  couvents  s'ouvrirent  par  ses  soins  dans  les  villes  les  plus 
importantes  du  diocèse.  Pour  peuplerces  couvents,  il  fit  appel 
aux  Capucins  qui  vinrent  se  fixer  notamment  à  Luçon  et 
aux    Sables-d'Olonne. 

Des  hôpitaux  s'élevèrent  aussi  dans  le  diocèse,  témoignant 
de  la  charité  de  l'évêque;  et,  en  même  temps,  il  se  consacra 
avec  une  ardeur  admirable  à  la  prédication. 

Cette  partie  de  son  œuvre  nous  échappe  malheureusement. 
Nous  connaissons,  et  M.  Lacroix  y  insiste,  les  nombreux 
écrits  théologiques  composés  par  Richelieu  pendant  son  épis- 
copat  ;  nous  savons  qu'il  s'essaya,  non  sans  succès,  au  rôle 
difficile  de  directeur  de  conscience.  Mais,  si  nous  sentons 


UNE    STATUE    DE    RICHELIEU    A    LUÇON    ?  173 

qu'il  se  dépensa  sans  compter  pour  raviver  la  foi  parfois 
chancelante  de  ses  ouailles,  les  résultats  de  ce  labeur  que 
nous  soupçonnons  énorme,  n'ont  été  et  ne  pouvaient  être  con- 
signés nulle  part.  Quelques  lettres  du  prélat,  où  il  fait  une 
allusion  discrète  auxdiffîcultés  de  sa  tâche,  voilà  tout  ce  que 
les  archives  nous  révèlent.  C'est  assez  cependant,  avec  ce 
que  nous  savons  par  ailleurs  et  avec  ce  que  nous  pouvons 
deviner,  pour  nous  faire  admirer  le  zèle  évangélique  et  le 
dévouement  du  jeune  évoque. 

Ce  qui  ne  fut  pas  moins  remarquable,  c'est  l'attitude  qu'il 
adopta  à  l'égard  des  protestants.  Il  s'opposa  avec  résolution 
à  leurs  empiétements.  C'est  ainsi  qu'il  leur  fit  déplacer  un 
temple,  bâti  trop  près  de  la  cathédrale,  et  qu'il  les  empêcha 
de  se  soustraire  aux  charges  publiques. 

Mais,  dans  cette  partie  de  son  œuvre,  il  n'apporta  aucune  de 
ces  préoccupations  que  sa  situation  particulière  aurait  ex- 
pliquées, sinon  justifiées.  11  se  rappela  qu'il  était  prêtre 
uniquement  pour  faire  respecter  les  droits  de  l'Église.  Pour 
le  reste,  il  ne  voulut  voir  dans  les  protestants  que  des  frères 
égarés  et  il  se  refusa  à  les  traiter  comme  des  révoltés.  C'est 
ce  qui  ressort  nettement  des  instructions  qu'il  adressait  à 
Schomberg  en  1616,  lors  de  son  premier  ministère,  instruc- 
tions dans  lesquelles  on  trouve  cette  phrase  caractéristique  : 
«  Autres  sont  les  intérêts  d'Etat  qui  lient  les  princes,  et  autres 
les  intérêts  du  salutde  nos  âmes,  qui  nousobligent  pour  nous- 
mêmes  à  vivre  et  à  mourir  en  l'Eglise  à  laquelle  nous  sommes 
nés,  ne  nous  astreignant  an  respect  d 'autrui  qu'à  les  y  désirer 
et  ?ion  pas  à  les  y  amener  par  la  force  et  les  contraindre.  »'  On 
sait  du  reste  que  Richelieu  conforma  toujours  sa  conduite  à  ce 
précepte. Vainqueur  des  protestants,  il  leur  enleva  leurs  privi- 
lèges, qui  étaient  incompatibles  avec  la  sûreté  de  l'Etat, 
mais  il  leur  laissa  la  liberté  de  conscience,  témoignant  ainsi 
d'une  largeur  d'esprit  peu  ordinaire  en  ce  siècle  d'intolérance 

Le  séjour  de  Richelieu  à  Luçon  profita  donc  grandement 

»  Avenel,  Lettres  de  Richelieu,  t.  1er  p.  225. 

TOME    XII.    —   AVRIL,    MAI,    JUIN  13 


17  i  POURQUOI 

aux  populations  :  «  Quand  il  quitta  Luçon  pour  entrer  aux 
affaires,  il  laissait  son  diocèse  dans  une  situation  vérita- 
blement prospère  ;  la  cathédrale  et  le  palais  épiscopal  restau- 
rés, beaucoup  d'églises  de  campagne  reconstruites,  le  sémi- 
naire fondé,  des  maisons  religieuses  établies  dans  les  plus 
importantes  villes,  la  dicipline  et  les  fortes  études  remises 
en  honneur  dans  le  clergé:  toutes  ces  institutions,  réalisées 
en  quelques  années,  témoignaient  hautement  qu'un  homme 
supérieur  avait  passé  par  là1.  »  Mais,  d'un  autre  côté,  l'ad- 
ministration de  son  diocèse  ne  fut  pas  inutile  à  Richelieu.  11 
s'y  forma  au  maniement  des  hommes,  et  ce  ne  fut  pas  sans 
doute  une  médiocre  préparation  aux  luttes  de  son  ministère 
que  d'avoir  tenu  tête  à  un  Chapitre  indiscipliné.  L'évêque,  qui 
dut  ménager  les  susceptibilités  d'une  noblesse  ombrageuse, 
contenir,  sans  le  persécuter,  le  troupeau  indocile  des  réformés, 
mener  de  front  des  négociations  délicates  et  parfois  contra- 
dictoires, se  débattre  au  milieu  d'intrigues  et  de  compétitions, 
gagner  par  sa  générosité  des  populations  ignorantes  que  son 
éloquence  n'aurait  pas  suffi  à  convaincre,  était  par  là  même 
tout  préparé  à  se  mouvoir  avec  aisance  dans  le  milieu,  nou- 
veau pour  lui,  de  la  cour  et  à  ne  pas  se  laisser  dérouter  par 
les  intrigues  des  »  quatre  pieds  carrés  »  où  se  débattait,  —  au 
gré  de  quels  caprices  !  —  l'avenir  de  la  France. 

C'est  à  Luçon  aussi  que  Richelieu  vit  de  près  le  danger  que 
faisaient  courir  au  pays  les  sourdes  menées  du  parti  protes- 
tant ut  l'esprit  de  révolte  des  grands.  M.  Lacroix  consacre 
à  démontrer  ce  point  quelques  pages  qui  paraîtront  sans 
doute  fort  probantes  et  j'admets  volontiers  pour  ma  part  sa 
conclusion.  «  Envoyé  comme  évoque  dans  quelque  petite 
ville  de  Normandie  ou  du  Limousin,  il  eût  été  un  prélat  actif, 
intelligent,  passionné  pour  les  intérêts  spirituels  et  temporels 

de  son  diocèse Mais  qu'eût-il  appris  en   politique  ?  Rien 

on  presque  rien.  Il   serait  resté  confiné  dans  son  évêché,  et 

1  L.  Lacroix,  Richelieu   et   le  Poitou,  p.  lî. 


UNK    STATUE    DU    RICHELIEU   A    LUÇON    ?  175 

peut-être  la  pensée  ne  lui  serait-elle  pas  venue,  au  fond  de  sa 
solitude,  de  jouer  un  rôle  dans  les  affaires  publiques.  Tandis 

qu'à  Luçon il  se  trouvait  placé  dans  un  admirable  poste 

d'observation  pour  étudier  les  grands  événements  qui  se  dé- 
roulaient sous  ses  yeux  et  faire  ainsi  son  apprentissage  poli- 
tique. » 

Le  voisinage,  si  dangereux,  de  la  Rochelle  et  cette  circons- 
tance  particulière  que  le  Poitou  était  devenu,  sous  la  régence 

de  Marie  de  Médicis,  un  foyer  d'opposition  à  l'autorité  royale, 
les  luttes  qu'il  dut  soutenir  lui-môme  pour  préserver  du   pil- 
lage ses  biens  et  son  diocèse,  influèrent  sans  doute  sur  les 
idées  politiques  de  Richelieu  :«  II  n'est  pas  surprenant  que, 
sous  le  coup  des  alarmes  et  des  vexations  qu'il  subissait,    il 
ait  nettement  formulé  dans  son  esprit  la  résolution  de  s'op- 
poser un   jour  à  ces    brigandages  qui   se  commettaient  au 
nom  du  bien  public,  et  de  faire  rentrer  dans  l'ordre  et  l'obéis- 
sance au  Roi  tous  ces  princes  et  ces  grands   qui  mettaient 
sans  cesse  en  péril  le  repos  et  la  sécurité  de  la  France.  Ainsi, 
il  n'y  aura    pas    de  témérité  à  affirmer  que  ces  deux  idées, 
qui  ont  été  le  pivot  de  sa  politique  intérieure,  l'abaissement 
des  grands  et  la  ruine  des  protestants,  c'est  à  Luçon,  pendant 
son  épiscopat, qu'elles  germèrentdans  la  pensée  de  Richelieu.)»1 
C'est  donc  dans  le  Poitou  que  se  fit  l'éducation  politique  de 
Richelieu.  C'est  aussi  dans  le  Poitou,  à  Luçon,  qu'il  connut  et 
s'attacha  quelques-uns  de  ceux  qui  furent  plus  tard  ses  colla- 
borateurs  les  plus   précieux.  Il   s'y  ha  notamment   avec   le 
P.Joseph,  moine  austère  et  grand  politique,  qui  fut  si  intime- 
ment mêlé  à  la  vie  et  aux  desseins  du  cardinal  que  la  posté- 
rite  ne  sait  pas  toujours  discerner  quelle  fut  la  part  de  chacun 
d'eux  dans  l'œuvre  commune.    Il  eut  aussi  occasion  d'y  ap- 
précier Henri  de  Sourdis,   frère  du  cardinal  archevêque  de 
Bordeaux  (le   métropolitain   de  Luçon),  excellent  homme   de 
guerre  qu'il  plaça  plus  tard  à  la  tête  de  la  marine,  et  dont  les 
victoires  sur  les  Espagnols  sont  restées  célèbres.  Enfin  ce  fut 

I  L.  Lacroix,  Richelieu,  à  Luçon,  p.  210 


iTt)  POURQUOI   UNE    STATUE   DE   RICHELIEU   A   LUÇON    ? 

le  Poitou  qui  envoya  Richelieu  aux  Etats  généraux  et  prépara 
ainsi,  avec  la  haute  fortune  de  son  glorieux  fils  d'adoption,  la 
grandeur  de  la  France. 

Richelieu  tient  donc  au  Poitou  par  mille  liens,  et  cette  pro- 
vince s'honorerait  grandement  en  élevant  à  l'évêque  de 
Luçon  le  monument  que  la  France  oublieuse  a  négligé  de  con- 
sacrer au  cardinal  de  Richelieu.  Ce  serait  un  bon  exemple  de 
décentralisation  ;  ce  serait  aussi  la  réparation  d'une  injustice, 
un  véritable  réconfort  dans  les  angoisses  de  l'heure  présente 
où  nous  ne  saurions  trop  exalter  nos  courages  par  le  sou- 
venir d'un  passé  illustre,  et  le  pays  entier  ne  pourrait 
qu'applaudir  à  cette  généreuse  initiative. 

G.  Galvet. 
Professeur  cV  histoire  au  Lycée  Michèle  t. 


LE  CLERGE  DE  LA  VENDEE 

PENDANT    LA  RÉVOLUTION 
( Suite).* 


-if^iWSHSM*'"*- 


La  fondation  vers  1780  du  couvent  de  PUnion  chrétienne 
de  Luçon,  appelé  le  Petit  Saint-Cyr,  a  été  racontée  par 
M«r  Jean  Brumault  de  Beauregard,  ancien  chanoine  de 
Luçon,  mort  évoque  d'Orléans,  et  frère  du  fondateur  ;  cette 
notice  a  été  publiée  par  M.  Bitton  dans  Y  Annuaire  de  la 
Société  d'émulation  de  la  Vendée,  année  1888.  C'était  un  éta- 
blissement d'instruction  pour  les  jeunes  filles  de  la  noblesse 
et  de  la  bourgeoisie  du  pays,  même  pour  les  filles  peu  for- 
tunées, qui  pouvaient  y  recevoir  presque  gratuitement  une 
éducation  en  rapport  avec  leur  état.  Au  moment  de  la  Révo- 
lution, le  pensionnat  avait  pour  supérieure  Mme  Auneau,  et 
comptait  au  nombre  des  sœurs  Mesdames  Françoise  de  la  Roy, 
Jeanne  Grelier,  Suzanne  Vinet,  et  deux  dames  de  Tinguy. 
Il  y  avait  environ  quatre-vingts  élèves. 

Après  l'élection  de  l'évêque  constitutionnel,  la  municipalité 
de  Luçon  fit  fermer  à  son  instigation  toutes  les  chapelles  des 
communautés  pour  empêcher  les  prêtres  insermentés  d'y 
dire  la  messe.  Cette  mesure  ne  suffit  pas  aux  rancunes  du 
nouvel  élu.  Le  19  novembre  1791,  il  demanda  aux  administra- 
teurs du  département  de  prendre  la  maison  de  l'Union  chre 
tienne  pour  en   faire  le  séminaire,  sous  prétexte  qu'il  serait 

1   Voir  la  1"  livraison  1899. 


[78  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

plus  rapproché  de  la  cathédrale.  A  cette  nouvelle  les  Sœurs 
rédigèrent  une  pétition    pour   être    conservées    dans    leur 
maison,  et  la  municipalité  de  Luçon,  à  qui  l'administration 
centrale  renvoya  l'affaire,  opina  pour  le  statu  quo.  Ce  ne  fut 
qu'un  court  répit  ;  l'intolérance  des  exaltés  se  remit  bientôt 
en  campagne,  et  les  Sœurs  reçurent  l'ordre  de  licencier  leurs 
élèves  pour  le  15  février  1792.   Elles  demandèrent  un  sursis 
jusqu'au  lfr  mai,  on  le   leur  refusa;  elles   s'avisèrent  alors 
d'un  autre  moyen.  Un   M.  Dupuy,    président  du  district   de 
Cognac,  écrivit  que  «  les  Religieuses  de  l'Union   chrétienne 
de  Luçon  ont  marqué  à  la  dame  Neigle  de  relever  sa  fille  de 
leur  maison,  d'après  un  arrêté  de  la  municipalité  de  Luçon, 
et  que  cette  dame  est  fort   embarrassée  pour  placer  sa  fille, 
attendu  qu'elle  est  obligée  d'aller  joindre  son  mari  qui  est  en 
Amérique  ».  Le  direcloire  du  district  de  Fontenay  délibéra 
sur  la  communication,  et  »  considérant  que  la  municipalité 
de  Luçon  parait  avoir  pris  relativement  aux  pensionnaires 
de  l'Union  chrétienne  un  arrêté  dont  la  nature  et  l'importance 
exigent   qu'il   soit   approuvé  par  l'administration   avant  de 
pouvoir  être  exécuté,  que  cela   est  d'autant  plus  nécessaire 
qu'il  peut  se  trouver  dans  ce  couvent  beaucoup  de  pension- 
naires dans  le  même  cas  et  peut  être  dans  une  position  plus 
embarrassante  encore   que  la  dame  Neigle,  vis-à-vis   des- 
quelles la  stricte  exécution  de  cet  arrêté  pourrait  entraîner 
des  inconvénients;  que  d'ailleurs  les   religieuses  de  l'Union 
chrétienne  y  ont  formé  une  opposition  sur  laquelle  il  n'a  pas 
encore  été  statué,  la  municipalité  de  Luçon  à  qui  cette  oppo- 
sition a  été  communiquée  le  4  de  ce  mois  n'y  ayant  pas  encore 
répondu, 

«  Est  rl'avis  qu'il  y  a  lieu  de  surseoir  à  l'exécution  de 
l'arrêté  dont  il  s'agit  jusqu'à  ce  qu'il  ait  été  approuvé  par  le 
département.  » 

Les  autorités  de  Luçon  s'obstinèrent,  et,  à  une  époque  où  le 
<■  modérantisme  »  était  un  crime,  gagnèrent  à  leur  cause  le 
département  : 


PENDANT   LA    RÉVOLUTION  179 

€   Du  22  férrier  17».!. 

«  Vu  la  pétition  présentée  par  les  Filles  de  l'Union  chré- 
tiennede  Luçon  tendante  à  ce  que  le  délai  qui  leur  a  été  ac- 
cordé par  la  municipalité  de  Luçon  de  cesser  l'éducation 
publique  et  de  leur  pensionnat  le  15  de  ce  mois  à  défaut  par 
elles  d'avoir  prêté  le  serment  prescrit  par  l'arrêté  du  direc- 
toire du  département  le  5  décembre  dernier,  soit  prorogé 
jusqu'au  1er  mai  prochain, 

«  Vu  aussi  la  délibération  de  la  municipalité  de  Luçon  du 
26  janvier  dernier, 

«  Le  renvoi  au  directoire  du  département  du  3  de  ce  mois, 
«  Le  soit  communiqué  à  la  municipalité  de  Luçon  en    date 
du  3  de  ce  mois, 
«  La  réponse  de  ladite  municipalité  du  8  mai, 
«  Le  renvoi  du  directoire  du  déparlement  du  48, 
«  Le  directoire,  considérant  que   l'article  2  de  l'arrêté  du 
Conseil  général  du  département   du  5  décembre  porte  qu'au 
défaut  de  prestation  de  serment  de  la  part  de  ceux  qui   par 
état  sont  voués  à  l'instruction  publique,  ne    pourraient  tenir 
aucun  pensionnat  d'instruction,  et  qu'il  résulte  de   la  pétition 
des  Dames  de  l'Union  chrétienne  de  Luçon  ainsi  que  de  l'avis 
de  la  municipalité  qu'elles  ont  refusé  de  prêter   le   serment 
exigé, 
«  Est  d'avis  d'arrêter  qu'il  n'y  a  pas  lieu  à  délibérer.  ». 

(Arch.  dép.  Vendée). 

Après  la  fermeture  du  pensionnat,  l'autorité  ne  tarda  pas 
à  fermer  le  couvent,  lui-même  ;  les  religieuses  se  retirèrent 
dans  des  maisons  particulières  de  Luçon,  où  le  Comité  de 
surveillance  les  poursuivit  de  visites  domicilaires  sans  résul- 
tat, notamment  le  16  avril  1793. 

Mme  Françoise  de  La  Roy,    originaire   de  Benêt,  fut,    avec 
d'autres,  envoyé  en  prison  à  Fontenay  le  4  ventôse  an  II,  puis 


180  LE    CLERGÉ    DE    LA    VENDÉE 

de  là  à  Niort  au  moment  de  la  prise  de  Fontenay  par  les 
Vendéens  en  mai  1793  ;  elle  partagea  la  captivité  de  Mmes  De- 
bien  et  Rose  Frouin  des  Ursulines  de  Luçon.  La  chute  de 
Robespierre  leur  rendit  la  liberté.  M"8  de  La  Roy  se  retira  à 
la  Copechagnière  avec  une  pension  de  400  l.  et  y  mourut  en 
décembre  1809. 

Il  y  eut  dans  le  troupeau  quelques  défaillances,  auxquelles 
les  malheurs  du  temps, et  sans  doute  aussi  des  incidents  dont 
la  trace  est  aujourd'hui  effacée, vaudraient  des  circonstances 
atténuantes. 

Le  4  octobre  1793,  Mmo  Suzanne  Vinet,  née  à  la  Comman- 
derie  de  Launay  en  Sainte-Cécile,  ex-religieuse  de  l'Union 
chrétienne  de  Luçon,  prêta  dans  cette  ville  le  serment  de  li- 
berté et  d'égalité,  et  signa  en  1798  l'attestation  qui  suit  : 

«  Je  soussignée  Suzanne  Vinet,  demeurant  à  Luçon,  cer- 
tifie n'avoir  jamais  rétracté  les  serments  exigés  par  la  loi. 

«  A  Luçon  le  21  messidor  an  VI  de  la  République  française 
une  et  indivisible. 

«  Suzanne  Vinet  ». 

Le  2  nivôse  an  II,  une  autre  religieuse  de  l'Union  chré- 
tienne,  Jeanne  Grelier ,  prêta  le  serment  civique.  Elle 
ajouta  que  «  retirée  dans  une  chambre  au-delà  de  la  ville,  elle 
n'avait  eu  connaissance  de  la  loi  qui  exigeait  d'elle  le  serment 
civique,  mais  qu'aussitôt  qu'elle  l'a  su,  elle  s'est  présentée, 
et  déclare  qu'elle  s'est  conformée  et  se  conformera  toujours 
aux  lois  de  la  République. 

«  Le  procureur  syndic  entendu,  l'assemblée  reçoit  le  ser- 
ment de  ladite  Jeanne  Grelier  ».  Un  autre  document  men- 
tionne qu'elle  a  résidé  à  Luçon  depuis  le  9  mai  1792  jusqu'au 
15  messidor  an  VI,  c'est-à-dire  à  peu  près  jusqu'à  sa  mort,  car 
une  pièce  du  26  frimaire  an  IX  déclare  qu'elle  est  décédée 
depuis  longtemps. 

(Arch.  mun.  Luçon). 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  l«Si 

Lors  de  la  fondation  de  l'Union  chrétienne  à  Luçon,  une 
des  premières  novices  entrées  dans  la  communauté  avait  été 
Mlle  de  Chevigné,  d'une  famille  noble  des  environs.  Elle  s'y 
trouvait  encore  à  l'époque  de  la  Révolution,  et,  à  la  suppres- 
sion, M.  de  Chevigné,  son  frère,  offrit  à  sa  sœur  une  retraite 
dans  son  château  de  la  Grassière,  avec  autant  de  maîtresses 
et  d'élèves  qu'il  en  pourrait  recevoir.  Vingt  élèves  et  quelques 
sœurs  acceptèrent  sa  généreuse  hospitalité.  C'est  de  cette  pe- 
petite  colonie  dont  parle  M«r  de  Mercy  dans  une  lettre  à 
M.  Paillou  du  8  octobre  1794. 

Mindrisio,  8  octobre  1794. 

«  ...  Ce  qui  est  bien  singulier  et  ce  qui  m'a  fait  grand 
plaisir  c'est  une  lettre  que  M"e  de  Villedieu  du  Poitou  écrit  à 
son  père  qui  est  à  la  Haye.  Vous  savez  que  M"e*de  Villedieu 
étaient  dans  le  pensionnat  de  l'Union  chrétienne.  Mlle  de 
Villedieu  mande  à  son  père  :  «  M""  de  Villedieu.  Mms  de  Che- 
vigné et  le  petit  troupeau  se  portent  bien  et  sont  dans  une 
retraite  sûre.  » 

«  Je  ne  peux  vous  rendre  ce  que  cette  nouvelle  m'a  causé 
de  joie.  Elle  me  rassure  sur  beaucoup  de  choses  quoiqu'elle 
ne  contienne  pas  d'autres  détails.  » 

Il  y  avait  pourtant  près  d'un  an  que  cette  nouvelle  n'était 
plus  exacte.  Les  défaites  des  Vendéens  avaient  eu  leur  contre- 
coup à  la  Grassière,et  la  pieuse  colonie,  menacée  de  l'arrivée 
des  Bleus,  n'avait  cru  pouvoir  mieux  faire  que  de  passer  la 
Loire  avec  l'armée  catholique,  le  18  octobre  1793. 

Après  avoir  suivi  quelque  temps  l'armée,  la  déroute  du 
Mans  dispersa  les  maîtresses  et  les  élèves  ;  quelques-unes  pé- 
rirent dans  le  combat  ,  d'autres  s'échappèrent  du  Mans  à 
grand'peine.  Celles  qui  ne  purent  fuir  furent  jetées  dans  les 
prisons,  où  elles  moururent.  Les  habitants  en  recueillirent 
plusieurs  qu'ils  rendirent  à  leurs  familles  après  la  paci- 
fication ;  de  ce  nombre  fut  la  nièce  de  MM.  Brumault  de 
Beauregard  qui  resta  deux  mois  cachée  chez  un  marchand  de 


182  LE    CLERGÉ    DE   LA    VENDÉE 

dentelles.   Mme  de    Chevigné   pu(    gagner   Ancenis,  où   elle 
mourut. 

Un  seul  document  a  été  retrouvé  sur  les  Soeurs  de  la 
Sagksse  de  Luçon,  qui,  lors  de  la  fermeture  de  leur  couvent, 
regagnèrent  la  maison-mère  de  Saint-Laurent-sur-Sèvre. 

•  Aujonrd'huy  7  mars  1792,  les  officiers  municipaux  de 
Luçon,  en  conséquence  du  délibéré  de  ce  jour,  se  sont  trans- 
portés en  la  maison  des  Sœurs  de  la  Sagesse,  située  en  cette 
ville,  pour  leur  faire  connaître  les  dispositions  de  l'arrêté  du 
directoire  du  département  de  la  Vendée,  du  1er  février  der- 
nier, et  après  que  la  lecture  leur  en  a  été  faite  par  le  secré- 
taire greffier,  nous  leur  avons  demandé  si  elles  entendaient 
s'y  conformer,  en  leur  qualité  de  fonctionnaires  publics,  dans 
leur  département  de  l'instruction  des  jeunes  enfants  qui 
viennent  journellement  dans  leur  maison  tant  pour  s'y  faire 
instruire,  soit  de  la  morale  chrétienne,  soit  à  filer  et  à  dévider 
du  coton.  Les  dames  de  la  Sagesse  au  nombre  de  quatre, 
nommées  sœur  Amédée,  supérieure,  sœur  Reine,  sœur  Bar- 
nabe et  sœur  Madeleine, ont  déclaré  unanimement  que  l'arrêté 
dont  on  vient  de  donner  lecture  ne  pouvait  les  concerner, 
parce  qu'elles  ne  sont  pas  fonctionnaires  publiques  ;  à  quoi 
nous  avons  répondu  que  cette  qualité  était  absolument  insé- 
parable des  fonctions  qui  leur  avaient  été  confiées. 

«  Qu'au  surplus,  quand  elles  ne  seraient  point  fonctionnai- 
res publiques,  la  commune  qui  les  avait  reçues  avait  attaché 
la  condition  qu'elles  seraient  fidèles  à  la  loi  du  royaume, 
et  que,  se  refusant  aujourd'liuy  à  ce  serment  de  fidélité, 
elle  ne  pouvait  plus  accepter  leurs  services  ;  en  conséquence 
nous  avons  notifié  aux  dites  sœurs  en  parlant  à  la  sœur 
Amédée  que,  conformément  à  l'arrêté  du  1"  février,  elles 
«Missent  à  évacuer  dans  huitaine  la  dite  maison,  leur  décla- 
rant qu'elles  seront  remplacéesdéfinitivement  à  cette  époque. 

o  Et  comme  il  est  instant,  allendu  le  refus  des  dites  sœurs, 
de  commettre   provisoirement  des   personnes  qui   puissent 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  183 

surveiller  et  inspecter  les  enfanls,  y  établir  l'ordre  nécessaire 
et  les  faire  marcher  sur  la  ligne  constitutionnelle  dont  les 
Sœurs  n'ont  pu  et  ne  peuvent  que  les  écarter,  nous  avons 
commis  les  personnes  de  Louise  Maréchal,  veuve  Picard, 
Marie  Chauvin,  veuve  Oger,  auxquelles  nous  avons  fait 
prêter  le  serment  civique  ordonné  par  la  loi,  lesquelles  ayant 
comparu  se  sont  chargées  de  toutes  les  fonctions  que  la 
commune  avait  assignées  dans  le  principe  aux  dites  Sœurs 
de  la  Sagesse,  et  principalement  de  la  surveillance  des  en- 
fants, de  leur  enseignement,  enfin  de  la  régie  de  larii'o  mai- 
son, jusqu'à  ce  que  nous  y  ayons  autrement  pourvu.  Et,  pour 
dès  cet  instant  mettre  en  possession  de  ladite  maison,  nous 
avons  assigné  aux  dites  dames  veuve  Oger  et  veuve  Picard  la 
chambre  haute  dite  de  l'infirmerie  pour  coucher,  et  les 
avons  conduites  dans  la  cuisine,  de  laquelle  nous  les  avons 
mises  en  possession,  et  leur  avons  ordonné  de  traiter  douce- 
ment, humainement  et  amicalement  les  dites  Sœurs  de  la 
Sagesse,  et  à  ces  dernières  d'avoir  pour  les  personnes  com- 
mises les  égards  et  la  déférence  qu'elles  auraient  pour 
nous-mêmes. 

«  Comme  il  est  d'une  nécessité  indispensable  de  mettre  des 
gardiens  aux  scellés  que  nous  allons  apposer,  nous  avons 
choisi  les  nommés  Beliveau  père  et  fils  auxquels  nous  avons 
recommandé,  pour  la  conservation  et  l'intégrité  desdils 
scellés,  de  venir  coucher  dans  ladite  maison,  où  nous  leur 
avons  assigné  la  chambre  Saint-Jean  ;  et,  après  lecture  faite 
dudit  procès-verbal,  il  a  été  signé  par  ladite  dame  Picard  et 
les  soussignés,  la  dame  Oger  ayant  déclaré  ne  le  savoir,  et 
lesdites  Sœurs  ne  le  vouloir.  » 

«  Ont  signé  :  JVjaigre,  maire,  Morand,  Souhouille,  Paren- 
teau,  P.  Serre,  Arloing,  Boismoheau. 

Pour  copie  conforme  : 

Hilariot,  secrétaire.  » 
Arch.  dép.  Vendée}. 


184  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

L'hôpital  de  Luçon  était  desservi  par  des  Sœurs  de  Saint- 
Vincent-de-Paul  ;  leur  admirable  dévouement  et  la  mission 
toute  de  charité  qu'elles  remplissaient  avec  tant  d'abnégation 
ne  les  sauvèrent  pas  de  la  persécution.  L'évêque  Rodrigue 
ayant  voulu  leur  imposer  un  aumônier  assermenté,  elles 
adressèrent  au  directoire  du  district  de  Fontenay,  le  28  juillet 
1791,  une  pétition  par  laquelle  elles  demandaient,  «  qu'il 
leur  fût  permis  d'avoir  des  aumôniers  à  leur  choix,  de 
choisir  leurs  confesseurs,  d'être  autorisées  à  appeler  auprès 
des  mourants  les  ministres  qu'ils  demanderaient,  d'avoir  la 
liberté  d'instruire  les  enfants  dans  les  principes  religieux 
qu'ils  avaient  reçus,  de  conserver  l'ecclésiastique  qui  en  était 
chargé,  et  de  conserver  une  clef  du  tabernacle  de  leur  cha- 
pelle   » 

On  leur  répondit  par  un  refus. 

Nouvelle  pétition,  le  14  septembre  1791,  «  tendante  à  être 
conservées  dans  leurs  fonctions  malgré  que  la  municipalité 
leur  ait  notifié  de  sortir,  à  ce  qu'il  leur  soit  permis  d'exercer 
publiquement  leur  culte,  de  se  servir  de  prêtres  non  confor- 
mistes pour  faire  célébrer  le  service  divin,  et  que  l'institu- 
teur des  enfants  qui  est  à  l'hôpital  soit  congédié  pour  sa  mau- 
vaise conduite,  et  d'être  autorisées  à  appeler  des  prêtres  non 
conformistes  pour  administrer  les  malades  ». 

«  Vu  la  pétition  ci-dessus  et  les  procès-verbaux  dressés  par 
la  municipalité  de  Luçon  les  8,  10,  12  et  17  de  ce  mois. 

«  Le  directoire  du  district  de  Fontenay  renvoie  le  tout  à  la 
municipalité  de  Luçon  pour  faire  rapporter  les  lettres  pa- 
tentes portant  établissement  de  l'hôpital  et  le  contrat  qui  a 
dû  être  passé  avec  les  Sœurs  de  la  Charité  lorsqu'elles  ont 
pris  l'administration  dudit  hôpital,  et  donner  son  avis,  pour 
être  ensuite  par  le  directoire  délibéré  ce  qu'il  appartiendra  ». 
Toutes  ces  procédures  aboutirent  à  l'expulsion  des  Filles 
de  Saint-Vincent-de-Paul  de  l'hôpital  de  Luçon,  au  nom  de  la 
liberté,  de  l'égalité,  et  de  la  fraternité. 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  185 

LA    ROCHE-SUR-YON 

BIROTHEAU  (Louis-Augustin)  curé. 

A  la  fin  du  siècle  dernier,  la  Roche-sur- Yon  n'avait  pas  la 
population  flottante,  puisqu'elle  n'est  guère  composée  que  de 
fonctionnaires,  qu'elle  compte  aujourd'hui  ;  c'était  un  simple 
village,  d'un  peu  moins  de  500  habitants,  qui  avait  eu  na- 
guère trois  paroisses,  Saint-Lienne,  Saint-Michel  et  Saint- 
Hilaire;  cette  dernière  resta  seule  église  paroissiale  jusqu'en 
1829.  Elle  était  desservie  depuis  1779  par  M.  Louis-Augustin 
Birotheau,  né  à  la  Roche-sur-Yon  le  25  août  1729,  et  aupara- 
vant curé  de  Saint-Piorentdes-Bois.  Le  13  octobre  1782,  M.  Bi- 
rotheau avait  assisté,  en  qualité  de  membre  de  l'élection  des 
Sables  d'Olonne,  à  la  réception  dans  cette  ville  du  duc  de 
Luxembourg,  comte  des  Olonnes,  et,  le  lendemain,  avait 
chanté  en  sa  présence  la  messe  du  Saint-Esprit  avant  la 
première  séance  de  l'élection  {Chronique  ms.  de  Saint-Nicolas 
de  la  Chaume). 

Après  l'aliénation  des  biens  du  clergé,  le  curé  de  la  Roche 
reçut  un  traitement  de  2200  fr.  Il  prêta  le  serment  schisma- 
tique  et  fut  l'objet  des  faveurs  de   l'administration. 

Il  avait  pris  à  ferme  les  domaines  de  la  ci-devant  cure,  et, 
le  4  septembre  1792,  il  obtint  une  réduction  gracieuse  de 
30  francs  sur  son  prix  de  ferme.  C'était  encore  le  bon  temps 
pour  les  prêtres  assermentés. 

A  la  suppression  des  fonctions  ecclésiastiques,  M.  Biro- 
theau ne  resta  pas  à  la  Roche.  Le  20  brumaire  an  III,  le  con- 
seil général  de  la  commune  des  Sables  adressa  aux  admi- 
nistrateurs du  district  la  liste  des  prêtres  ci-devant  fonction- 
naires publics  existant  en  cette  commune,  qui  s'étaient 
présentés  pour  les  déclarations  à  faire  en  vue  d'obtenir  une 
pension  conformément  à  la  loi.  Parmi  les  noms  figure  celui  de 
Louis-Augustin  Birotheau, ci  devant  curé  de  la  Roche-sur-Yon. 
Il  fut  porté  sur  l'état  des  pensionnaires   ecclésiastiques  pour 


LE    CLHSRGÊ    DE    LA    VENDÉE 

la  somme  de  iOOO  francs,  qui  lui  avait  déjà  attribuée  par  la 
loi  du  2*  jour  des  sans-culottides  an  II,  mais  qu'il  n'avait 
pas  touchée.  Il  est  de  tradition  dans  sa  famille  qu'il  mourut  en 
Saintonge,  on  ne  sait  à  quelle  date. 


SAINT-ANDRÉ    D'ORNAY 

BARITAUD  (Louis;,  curé. 

En  1769,  M.  Louis  Baritaud,  curé  de  Saint-Paul  en  Pareds 
depuis  1758,  prit  possession  de  la  cure  de  Saint-André  d'Or- 
nay,  en  remplacement  de  M.  Louis-Michel  Voyneau,  nommé 
curé  de  Notre-Dame  du  Luc. 

M.  Baritaud  ne  prêta  pas  le  serment  civique;  le  dernier 
acte  qu'il  signa  sur  le  registre  de  sa  paroisse  est  du  8  juillet 
1792.  Bien  que  son  âge  lui  permît  d'échapper  àladéportation, 
il  s"embarqua  le  10  septembre  suivant  aux  Sables  pour  l'Es- 
pagne sur  sur  le  navire  l'Heureux  Hasard.  Il  mourut  là-bas 
peu  après  son  arrivée. 

ABBAYE  DES  FONTENELLES 

Sur  le  territoire  de  Saint-André  d'Ornay,  dans  l'ancienne 
forêt  de  la  Roche-sur-Yon,  Guillaume  de  Mauléon,  seigneur 
de  Talmont,  fonda  en  1210  l'abbaye  bénédictine  des  Fonte- 
ui:lles,  qui  fut  ensuite  desservie  par  des  chanoines  réguliers 
de  Saint-Augustin,  ordre  de  la  Ghancellade.  Tombée  depuis 
plus  d'un  siècle  en  commande,  l'abbaye  avait  pour  abbé  en 
1790,  M.  le  chanoine  du  Fresne,  doyen  du  chapitre  de  Lucon, 
et  pour  prieur  M.  Pierre  de  Mornac.  Des  quelques  religieux, 
qui  y  vivaient  encore,  nous  ne  connaissons  que  le  nom  du 
P.  Carie,  cité  dans  un  document  administratif  de  1790,  et, 
depuis,  curé  de  laPommeraye. 

Au  début  de  la  Révolution,  M.  de  Mornac  avait  eu  la  pensée 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  1 X? 

généreuse  de  transformer  l'abbaye  des  Fontenelles  en  hôpital, 
et  il  adressa  en  ce  sens  aux  états  généraux  une  pétition,  à 
laquelle  il  ne  fut  pas  donné  suite. 

Par  suite  du  refus  du  serment  constitutionnel,  il  prit  do- 
micile à  Saint-André  d'Ornay.  Le  20  juin  17U2,  il  se  présenta 
devant  le  maire  et  les  officiers  municipaux  de  Saint- André 
d'Ornay  «  décorés  de  leurs  écharpes  »  dit  le  procès-verbal, 
«  lequel  en  vertu  de  l'article  1er  de  l'arrêté  du  directoire  de  la 
Vendée  en  date  du  8  juin,  affiché  le  17  à  la  sortie  de  la  messe, 
nous  a  déclaré  être  né  à  U^sel,  chef-lieu  de  district,  départe- 
ment de  laCorrèze,  et  a  déclaré  se  conformor  à  l'article  IV 
dudit  arrêté.  » 

L'article  III  et  l'article  IV  portaient  : 

«  Article  m.  —  Tous  les  prêtres,  qui  ne  sont  pas  nés  dans 
ce  département  et  qui  n'exercent  pas  dans  le  moment  actuel 
de  fonctions  publiques,  seront  tenus  d'en  sortir  dans  la  hui- 
taine qui  suivra  la  publication  dudit  arrêté. 

«Art.  iv.  —  Les  municipalités  seront  tenues  de  faire 
rendre  au  chef-lieu  de  leur  district  par  la  force  armée,  ceux 
des  prêtres  compris  dans  l'article  précédent  qui  ne  s'y  seraient 
pas  conformés,  et  les  frais  de  conduite  seront  payés  par  les 
contrevenants.  » 

Pour  quels  motifs  M.  de  Mornac  s'en  tint-il  à  cette  décla- 
ration, sans  y  obéir  ?  En  tout  cas,  il  ne  quitta  pas  le  départe- 
ment,et, deuxmois  plus  tard,  deux  agents,  flanqués  d'un  déta- 
chement de  gardes-nationaux,  vinrent  perquisitionner  chez  lui. 

«  Et  cedit  jour  nous  nous  sommes  transportés  chez  le 
sieur  Mornac,  ci-devant  bénédictin  (sic).,  demeurant  en  ce 
bourg,  où  étant,  nous  aurions  visité  ses  papiers.  Vérification 
faite  il  ne  s'est  trouvé  que  quelques  lettres  au  nombre  de  13, 
qui  prouvent  une  correspondance  suspecte  entre  lui  et 
d'autres  prêtres  réfractaires,  lesquelles  lettres  nous  avons 
saisies  et  déposées  à  la  municipalité;  et  sur  la  plainte  que 
le  sieur  Mornac  avait  tiré  sa  dague  ou   poignard  sur  deux 


188  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

citoyens,  vu  qu'une  arme  de  cette  espèce  est  dangereuse 
pour  le  public,  nous  nous  sommes  emparés  dudit  poignard 
pour  être  déposé  dans  la  chambre  commune  ».  (Arch. 
municip.  de  Saint- André). 

La  saisie  du  poignard  n'est  pas  douteuse,  mais  le  prétexte 
si  laconiquement  spécifié  est  fort  discutable,  à  en  croire  un 
autre  rapport  du  commissaire  près  l'administration  cantonale 
de  la  Roche-sur- Yon  en  date  du  30  vendémiaire  an  VI  : 

«  Mornac,  ex-moine  des  Pontenelles,  homme  extrêmement 
âgé  et  infirme,  habite  les  Ghoupeaux  où  il  a  dit  la  messe  pen- 
dant environ  deux  mois,  et  a  cessé  l'exercice  de  ses  fonctions 
sitôt  la  publication  de  la  loi  du  19  fructidor.  Il  n'a  fait  aucune 
déclaration  ni  serment.  Il  vivait  ignoré  dans  le  fond  d'une 
campagne  près  des  Fontenelles,  commune  d'André  d'Ornay, 
sans  y  exercer  aucune  fonction,  quand  il  y  a  trois  mois  les 
habitants  des  Ghoupeaux  allèrent  le  trouver  et  l'emmenèrent 
chez  eux  pour  y  dire  la  messe.  Il  ne  m'est  rien  parvenu  qui 
fasse  croire  qu'il  a  été  turbulent  et  qu'il  a  influencé  l'opinion 
publique.  » 

Dans  ses  Notes  et  croquis  Vendéens,  M.  de  Monbail  raconte, 
sans  date,  que  M.  de  Mornac  aurait  été  surpris  aux  Ponte- 
nelles par  les  Républicains,  qui  lui  auraient  coupé  le  nez  et 
les  oreilles  et  l'auraient  brûlé  dans  l'incendie  du  couvent. 
C'est  une  erreur.  M.  de  Mornac  vivait  encore  en  1798,  cinq  ans 
après  l'incendie  des  Fontenelles.  La  date  de  sa  mort  et  son  acte 
de  décès  contredisent  cette  légende.  Le  registre  de  l'état  civil 
des  Glouzeaux  porte  à  la  date  du  12  pluviôse  an  VI  :  «  Décès 
de  Pierre  Mornac,  ci-devant  prieur  des  Fontenelles,  âgé  de 
77  ans,  étranger,  chez  le  citoyen  Marionneau  aubergiste  à 
l'angle  de  la  place.  » 

AUBIGNY 

CHABOT  'Jacques),  curé. 

Né  le  1*'  avril  1747,  M.  Jacques  Chabot  avait  42  ans  à  la 
Révolution.  Il  ne  se  soumit  ni  à  l'obligation  du  serment  ci- 


PKNDANT    LA    RÉVOLUTION  189 

vique,  ni  à  la  déportation,  et  resta  dans  le  pays.  Quand  le 
général  vendéen  Joly  marcha  sur  les  Sables,  il  demanda 
quelques  prêtres  assermentés  pour  se  joindre  à  son  armée  et 
pour  entendre  les  confessions  à  l'approche  de  Pâques. 
M.  Chabot  fut  de  ceux  qui  préparèrent  l'armée  vendéenne  à 
la  communion  pascale  qui  eut  lieu  le  Jeudi  Saint  1793  sous  les 
halles  de  Saint-Gilles-sur-Vie.  L'attaque  du  29  mars  contre 
les  Sables  échoua,  et  M.  Chabot  fut  signalé  dans  les  rapports 
des  administrateurs  comme  présent  à  la  suite  des  troupes. 
(Registres  du  district  des  Subies). 

Il  s'éloigna  peu  de  sa  paroisse  et  se  cacha  principalement 
à  la  Roussière.  On  montre  encore,  sur  la  route  de  la  Roche, 
l'endroit  où,  blotti  dans  un  buisson  d'épines,  il  surveillait 
l'horizon  et  donnait  au  besoin  l'alerte  à  ses  paroissiens. 

Après  la  déroute  de  Luçon,  une  femme  du  peuple,  Marie 
Grelaud,  des  Sables,  fut  accusée  devant  le  Comité  révolution- 
naire de  cette  ville  d'avoir  porté  au  curé  Chabot,  du  Tablier  à 
Aubigny,  une  lettre  cachée  dans  la  semelle  de  son  soulier. 
Elle  reconnut  le  l'ait.  Plusieurs  voix  demandèrent  alors  la 
condamnation  de  l'aristocrate  :  «  Je  suis  aristocrate  pour  la 
messe,  répondit-elle,  mais  pas  pour  autre  chose.  » 

M.  Chabot  remplit  courageusement  son  ministère  partout 
où  on  le  réclama  ;  les  registres  paroissiaux  du  Tablier,  de 
Nesmy,  de  Poiroux  en  font  loi  ;  en  1797,  à  Poiroux,  il  bénit 
quarante  mariages  dans  la  même  journée,  et  ne  cessa  jamais 
de  dire  sa  messe  dans  les  granges  ou  dans  les  bois. 

Pendant  ce  temps,  le   citoyen    Payneau,  commissaire  près 

l'administration  cantonale  du  Tablier,  rédigeait  des  rapports  : 

«  /er  Vendémiaiare  an  VI  :  L'obstination  que  le   ci-devant 

curé  d'Aubigny,  Chabot,    met  à  ne   pas   satisfaire  à  la  loi  du 

19  fructidor,  ne  fait  qu'augmenter  chez  les  habitants  de  cette 

commune  en   particulier   la   répugnance  qu'ils   ont   pour   le 

gouvernement  républicain  ». 
a  2  Nivôse  an  VI  :  Chabot,  ex-curé  d'Aubigny,  aussitôt   la 

promulgation  de  la  loi  du  19  fructidor,   s'est  caché  et  i'a  tou- 

TOME    XII.    —    AVRIL,    MAI,    JUIN.  14 


190  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

jours  été  depuis;  je  ne  le  crois  pas  hors  de  la  commune 
Depuis  la  loi  du  19  fructidor,  les  deux  prêtres  Chabot  et 
O'Brien  qui  exerçaient  dans  ce  canton  ne  paraissent  plus. 
Je  ne  doute  pas  que  cela  ne  fasse  bien  des  mécontents  ;  mais 
avec  de  la  surveillance  il  n'y  a  rien  à  craindre.  » 

—  «  Chabot  était  curé  d'Aubigny  avant  la  Révolution  ;  il  a 
toujours  habité  cette  commune  depuis  la  pacification  de  la 
Vendée  jusqu'au  18  fructidor  ;  et  il  n'a  point  prêté  le  serment 
et  s'est  tenu  caché  depuis  ce  moment.  Son  influence  ne  peut 
être  que  très  pernicieuse. 

—  «  Chabot  depuis  le  18  fructidor  est  caché  dans  la  com- 
mune de  Nesmy  ou  dans  les  environs.  » 

Au  rétablissement  du  culte,  M.  Chabot  resta  dans  sa  pa- 
roisse, qu'il  administra  jusqu'à  sa  mort,  en  1815. 

Dans  l'état  du  clergé  adressé  au  préfet  de  la  Vendée  en 
1805,  M.  Menanteau,  sous-préfet  des  Sables,  disait  de  lui  : 
«  Demeura  pendant  la  déportation  dans  l'intérieur  de 
la  Vendée.  A  eu  par  sa  position  plutôt  que  par  ses  moyens 
personnels  une  assez  grande  influence  pendant  la  guerre  sur 
les  habitants  des  communes  voisines.  11  paraît,  comme  le 
peuple,  avoir  eu  moins  d'amour  pour  le  roi  que  de  haine  pour 
la  république.  Se  montre  sincèrement  soumis  au  gouverne- 
ment ». 

Kdgar  Bourloton. 

[A  suivre). 


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in    DRAPEAU  DE  LA  GRANDE  GUERRE 


L'HISTOIRE  D'UN  DRAPEAU  VENDÉEN 


L'Insurrection  du  mois  d'Août  1792 


AFFAIRES  DE  MONCOUTANT,  CHATILLON,  BRESSUIRE 

(Suite  et  fin1.) 


Pour  pacifier  le  pays,  «  l'administration  départementale 
installa, à  Bressuire,une  Commission  de  huit  membres 
qui  s'empressa,  dès  le  31  août,  d'adresser  une  procla- 
mation aux  habitants  des  campagnes.  Cette  pièce,  tout  en 
faisant  appel  à  la  concorde  et  en  se  répandant  en  protestations 
hypocrites  de  respect  pour  la  religion,  cherchait  à  exciter  les 
paysans  contre  les  chefs  du  mouvement  comme  étant  les 
seuls  coupables  du  sang  répandu  ;  elle  leur  annonçait  néan- 
moins que  les  prisonniers,  hommes  pourtant  fort  obscurs,  en 
général,  allaient  être  jugés;  enfin  après  avoir  eu  la  maladresse 
de  dire,  presque  au  lendemain  de  ces  sanglants  événements 
qu'ils  eussent  pu  porter  plus  loin  la  vengeance,  les  commissai- 
res terminaient  leur  proclamation  en  exigeant  la  dénoncia- 
tion des  instigateurs  de  la  révolte,  comme  conditions  princi- 
pales de  l'oubli  du  passé.  »  (Ledain,  Histoire  de  Bressuire.) 

i  Voir  la  3'  livraison  1898. 


192  l'histoire  d'un  drapeau  vendéen 

Deux  gardes  nationaux,  de  Cholet,  délégués  par  les  divers 
détachements  de  gardes  nationales  des  Deux-Sèvres,  se  pré- 
sentèrent à  la  barre  de  l'assemblée  nationale  le  30  août,  pour 
informer  cette  assemblée  du  soulèvement  qui  avait  eu  lieu. 
Elle  décréta,  qu'une  somme  de  3.000  livres  serait  mise  à  la 
disposition  du  ministre  de  l'Intérieur,  pour  être  employée  en 
secours  provisoires  en  faveur  des  veuves  de  ceux  qui  avaient 
été  tués  en  combattant  les  contre-révolutionnaires  de  Châtil- 
lon,  et  de  ceux  qui  avaient  été  blessés  dans  les  mêmes  cir- 
constances. 

Elle  décréta  en  outre  que  l'Administration  du  district  de 
Ghâtillon,  provisoirement  transférée  à  Bressuire,  serait  défi- 
nitivement fixée  dans  cette  même  ville,  que  le  district  de 
Ghâtillon  prendrait  désormais  le  nom  dedistrict  de  Bressuire.. 

Xavier  Audouin  et  Loiseau  Grandmaison,  qui  avaient  été 
désignés  par  la  commune  de  Paris,  par  arrêté  du  3  septembre 
1792,  pour  engager  les  citoyens  de  la  Vendée  et  des  Deux- 
Sèvres  «  à  se  réunira  l'armée  Parisienne  et  à  employer  tous 
les  moyens  en  leur  pouvoir  pour  chasser  l'ennemi  »,  présen- 
tèrent sur  les  événements  d'août,  le  30  septembre,  un  rapport 
au  Conseil  exécutif  provisoire  qui,  après  avoir  été  lu  au 
Conseil  général  de  la  commune  de  Paris,  fut  publié  sur  la 
demande  et  aux  frais  du  département  des  Deux-Sèvres.  On  y 
lit  que  l'attroupement  contre-révolutionnaire  s'élevait  à  dix 
mille  hommes...  que  Cholet,  Parthenay,  Airvault,  Saint-Loup, 
Saint-.Jouin,  Boussay,Thouars.  Niort,  Saint-Maixent,  Angers, 
Nantes,  La  Rochelle,  Rochefort,  Saumur,  Poitiers,  Tours, 
envoyèrent  des  secours  pour  le  combattre  ;  que  six  cents 
rebelles  trouvèrent  la  mort  aux  portes  de  Bressuire  ;  qu'un 
grand  nombre  de  blessés  furent  traîner  leur  douleur  dans  les 
bois,  où  chaque  jour  on  trouvait  leurs  cadavres...  ;  que  dix 
citoyens  seulement,  avaient  succombé  en  défendant  leur  pays, 
que  cinquante  citoyens  avaient  été  blessés. 

Les  morts  étaient  : 

Godefring,   brigadier  de  gendarmerie  de  Bressuire  .  Mon- 


L  HISTOIRE    D  UN    DRAPEAU   VENDÉEN  193 

neau,  gendarme  d'Airvault  ;  Ghabauty,  laissant  une  veuve  et 
sept  enfants  dont  l'aîné  n'était  pas  capable  de  pourvoir  à  sa 
subsistance;  Prévotal,  garde  national  de  Thouars  ;  Hublin, 
garde  national  de  Parthenay  ;  Vinzelle,  garde  national  de 
Saint-Loup  ;  Debœuf.  garde  national  de  Boismé,  laissant 
6  enfants  ;  Quenet,  caporal  de  la  garde  nationale  de  Bres- 
suire  ;  Baubeau,  chirurgien,  de  le  Pairatte;  Barillet,  de  Bres- 
suire. 

«  Enfin  nous  sommes  arrivés  à  Bressuire,  disent-ils  ;  nous 
imaginions-trouver  là  que  d'utiles  sauvages  difficiles  àramener 
aux  principes.  Eh  bien  !  cette  ville,  comme  toutes  les  autres, 
nous  a  présenté  un  grand  nombre  de  patriotes  bien  prononcés, 
d'autant  plus  estimables,  qu'ils  ont  été  assujettis  à  des 
épreuves  plus  rigoureuses. 

«  Notre  premier  soin  a  été  de  disséminer  dans  les  cam- 
pagnes tous  les  missionnaires  révolutionnaires  de  Niort, 
Saint-Maixent,  Parthenay,  Thouars  et  Bressuire.  vIls  ont 
tous  bien  mérité  de  la  Patrie;  ils  ont  conquis  un  territoire  de 
huitlieues;  ils  ont  atterré  30,000  ennemis;  tous  ces  cultivateurs 
égarés  sont  venus  nous  entendre  le  dimanche  à  Bressuire. . . 
On  s'est  rendu  sur  les  deux  places  qui  avaient  servi  de  champ 
de  bataille  et  où  six  cents  hommes  ont  péri  ;  nous  avions 
donné  à  l'une  le  nom  de  place  de  la  Liberté  et  à  l'autre  celui 
de  place  de  l'Egalité. ...  » 

Le  rapport  mentionne  différents  traits  de  courage  du  jeune 
Vinzelle,  garde  national  de  Saint-Loup  ;  du  capitaine  des 
grenadiers  de  Thouars,  Froger  ;  du  citoyen  Debœuf,  garde 
national  de  Boismé  ;  du  citoyen  Gendreau,  porte-enseigne  de 
la  garde  nationale  de  Bressuire  ;  du  citoyen  Toustain  ;  de 
David,  sergent  dés  grenadiers  de  Bressuire... 

Les  citoyens  de  Pouzauges  et  le  curé  Dillon  sont,  d'après 
les  commissaires,  dans  les  meilleurs  principes.  Il  n'en  est 
pas  de  même  de  La  Ghâtaigneraye.  L'administration  de  ce 
district  est  dans  les  meilleurs  principes,  mais  la  majorité  des 
administrés    est    fanatique  et  gangrenée    au   delà   de  toute 


104  l'histoihe  d'un  drapeau  vendéen 

expression.  A  Fontenay,  quelques  administrateurs  sont  ex- 
cellents, mais  d'autres  ont  fait  regretter  aux  commissaires 
le  pouvoir  qu'ils  avaient  de  les  surveiller....  A  la  fin,  Audouin 
et  Loiseau-Grandmaison  indiquent  les  mesures  à  prendre 
pour  maintenir  l'ordre  dans  le  district  de  Ghâtillon  :  «  Y 
envoyer  des  citoyens  éclairés  et  patriotes  pour  y  répandre 
l'esprit  public,  déjouer  la  suite  des  manœuvres  des  mal- 
veillants et  y  détruire  jusqu'au  dernier  germe  du  fanatisme. 
Mais  on  aura  beau  faire,  disent-ils,  tant  que  le  pays  sera 
dénué  de  routes,  tous  les  moyens  qu'on  emploiera  seront 
infructueux  ou  du  moins  n'auront  qu'un  effet  passager. 

[Ce  pays]  est  le  plus  malheureux....  il  faut  lui  porter  de 
prompts  secours,  il  faut  faire  pour  lui  plus  que  pour  les  autres, 
lui  accorder  des  fonds  et  ateliers  de  secours.  Car  le  meilleur 
moyen  de  lui  faire  oublier  ses  pertes  est  de  bien  persuader  à 
ses  habitants  que  le  nouveau  régime  n'est  pas  tel  qu'on  le 
leur  a  dépeint;  que  fondé  sur  la  liberté  et  l'égalité,  il  est 
essentiellement  bienfaisant;  que  tous  les  Français  ne  font 
aujourd'hui  qu'une  grande  famille... 

«  Les  gardes  nationales  accourues  àBressuire,  dans  l'exas- 
pération du  premier  mouvement,  menaçaient  les  prisonniers. 
Les  deux  officiers  degendarmerie  qui  commandaient  en  chef, 
les  braves  Prié  et  Boisard,  durent  déployer  toute  leur  énergie 
pour  les  sauver  et  empêcher  l'improvisation  d'une  cour 
martiale.  Prié  mit  ceux  qui  avaient  été  faits  prisonniers 
durant  les  trois  attaques  sous  lasauvegarde  des  commissaires 
du  département  des  Deux-Sèvres  pourvus  d'une  garde  d'élite. 
Quant  à  Boisard,  il  s'était  hâté  d'expédier  ceux  saisis  à 
Ghâtillon  vers  Gholet...  L'Assemblée  Nationale,  consultée, 
ordonna,  par  décret  du  16  septembre, ,  de  les  transférer  à 
Niort'.  » 

Par  une  loi  du  29  août,  elle  avait  décidé  que  «  les  tribunaux 
criminels  des  départements  jugeraient,  définitivement  et  en 

i    Chassin. 


l'hiptoire  d  un  drapeau  vendéen  105 

dernier  ressort,  tous  ceux  qui  s'attrouperaient  dans  l'intention 
d'occasionner  des  troubles  et  des  désordres  tendant  à  ren- 
verser la  liberté  ou  à  s'opposer  à  l'exécution  des  lois,  ainsi 
que  les  prévenus  du  crimo  d'embauchage.  » 

Une  autre  loi,  du  30,  «  porte  que  les  biens  de  tous  ceux 
qui  seront  convaincus  d'avoir  excité  et  fomenté  des  troubles, 
ou  pris  part  aux  conspirations,  seront  confisqués  au  profit  de 
la  nation,  et  que  le  produit  en  sera  appliqué  au  soulagement 
de  ceux  qui  auront  souffert  de  ces  troubles  ». 

L'information,  ouverte  toutrle  suite  par  les  juges  du  tribunal 
criminel  des  Deux-Sèvres,  fut  assez  lentement  conduite.  L'un 
des  principaux  accusés,  Gabriel  Baudry  d'Asson1,  ne  put 
être  saisi  ;  avec  son  fils  il  se  cacha  dans  un  souterrain  creusé 
près  de  son  manoir  de  Brachain  et  y  vécut  jusqu'à  la  fin  du 
mois  de  février  de  l'année  suivante.  Il  n'en  sortit  que  pour 
commencer,  l'un  des  premiers,  la  grande  insurrection  de 
1703.  Le  seigneur  de  Puy-Louet,  Louis  Joseph  de  Calais,  et 
de  Feu  échappèrent  de  même  aux  poursuites,  pour  se 
distinguer  également  parmi  les  officiers  de  l'armée  catholique 
royale  du  Centre.  François  de  Richeteau,  le  seul  pris  des 
chefs  nobles  de  l'insurrection  avait  été  fusillé,  le  28  août,  à 
Thouars.  Quanta  Belouche,  Adrien-Joseph,  il  s'était  enfui  à 
Nantes,  et  sans  le  procès  qui  l'avait  fait  connaître  à  la  Chà- 
taigneraye*, il  n'eut  pas  été  retrouvé.  Ce  fut,  en  effet,  un  cito- 


'  Après  la  défaite  de  Bressuire  Baudry  d'Asson  revint  à  Courlay,  prit  les 
habits  d'un  boucher  appelé  Gaucher  et  fut  se  cachera  Brachain.  (Manus- 
crits la  Fontenelle,  Niort). 

1  Gougeard  avait  porté  plainte,  au  tribunal  de  Bressuire,  contre  Delouche 
et  ses  amis,  comme  coupables  de  résistance  à  la  loi  du  22  septembre  1790,  rela- 
tive aux  impositions  directes  Le  tribunal,  par  décision  du  18  février  1791.  dé- 
créta de  prise  de  corps  Delouche  et  deux  autrescitoyens.  Il  s'était  dérobé.  Le 
29  avril,  Delouche  interjeta  appel  près  du  tribunal  de  la  Chàtaigneraye,  de 
la  procédure  et  du  décret  de  prise  de  corps.  Il  fut  déclaré  le  10  août  1791, 
ennemi  de  la  Constitution,  de  la  Nation  et  du  Roi  et  privé  de  ses  droits  ac- 
tifs de  citoyen  pendant  un  an,  en  compagnie  de  Girard,  Texier  et  Viault. 
Ces  derniers  accusés  étaient  en  outre  condamnés  à  des  amendes.    Tous   en 

appelèrent  le  22  août,  au  tribunal  de  la  Chàtaigneraye  qui   les  déchargea  des 

peines  prononcés  contre  eux. 


196  l'histoire  d'un  drapeau  vendéen 

yen  de  celte  petite  ville,  Granger,  qui  le  reconnut  et  le  fit 
arrêter».  (Chassin),  le  46  septembre  à  Nantes,  où  il  se  tenait 
caché  depuis  le  27  août. 

Aussitôt  l'insurrection  terminée,  le  drapeau  de  l'insurrec- 
tion qu'on  ne  pouvait  plus  retourner  au  château  de  Pugny, 
qui  avait  été  brûlé,  fut  déposé  chez  l'homme  de  confiance  des 
de  Hanne,  chefs  du  canton  de  Moncoutant,  chez  Perrochon,  à 
défaut  de  pouvoir  le  déposer  chez  ses  maîtres.  Séparé  de  sa 
hampe  et  de  ses  franges  d'or,  le  drapeau  fut  caché  entre  des 
draps  de  lit.  Quand  la  guerre  de  Vendée  fut  terminée,  de 
Hanne,  Séverin,  le  reprit  et  en  orna  son  salon.  Quelque  temps 
avant  sa  mort,  arrivée  en  1839,  Séverin,  qui  n'avait  qu'une 
fille  mariée  à  monsieur  de  Maillé  de  la  Tour-Landry,  en  re- 
connaissance des  services  qu'avait  rendus  à  sa  famille  son 
vieux  serviteur  Perrochon,  lui  laissa  une  borderie  et  le 
drapeau  Vendéen,  en  lui  recommandant  de  ne  s'en  séparer 
jamais.  Sa  petite-fille,  tombée  dans  la  misère,  me  l'a  cédé. 

Pour  couvrirles  dépenses  extraordinaires  de  l'insurrection, 
le  gouvernement  adressa  aux  Deux-Sèvres  203,000  livres  dont 
3,000  furent  distribuées  aux  veuves  et  aux  blessés  d'entre 
les  patriotes.  Le  document  suivant  fournit  la  répartition 
qui  en  fut  faite. 

«  Le  14  décembre  1792,  l'an  I  de  la  République  française,  avec 
l'assistance  de  dix-neuf  administrateurs,  le  procureur  générai 
Syndic  présent..  . 

«  Le  tableau  de  répartition  d'une  somme  de  2.550  livres, 
faisant  partie  de  celle  de  3000  livres  accordée  provisoirement 
par  le  ministre  pour  secourir  les  familles  des  morts  et  blessés 
dans  l'insurrection  qui  a  eu  lieu  dans  le  ci-devant  district  de 
Ghâtillon,  au  mois  d'août  dernier,  [fut  ainsi  dressé]. 

MORTS 

Jugé,  gendarme  de  Gholet,  marié  depuis  deux  mois, 

une  part 75 1. 

Fabien  Ghabouly   (sic  pour  Ghabauty),  grenadier   de 


l'histoire  d'un  drapeau  vendéen  197 

Bressuire,  laisse  une  femme  et  sept  enfants  en  bas 

âge  et  dans  la  misère  —  quatre  parts 300  1. 

Godefrin,  brigadier  à  Bressuire,  marié,  sans  enfants, 
une  part 751. 

Prévotal,  grenadier  à  Thouars,  laisse  une  femme  et 
deux  enfants  en  bas  âge,  dans  la  misère,  deux 
parts 1501. 

Venant  Quenet,  garde  national  à  Bressuire,  laisse  une 
femme  et  six  enfants,  dont  un  sert  dans  le  premier 
bataillon  du  département  d^s  Deux-Sèvres,  les  au- 
tres sont  en  bas  âge  et  dans  la  misère.  Quatre  parts.    300 1. 

Hublin,  grenadier  de  Parthenay,  laisse  une  femme 
très  pauvre  et  trois  enfants  en  bas  âge.  Deux  parts 
et  dpmie 187  1. 

François-Augustin  Debeuf,  grenadier  de  Bressuire, 
laisse  une  femme  sans  ressources  et  quatre  enfants 
en  bas  âge.  Trois  parts 2251. 

Vuizelle(jzcpour  Vinzelles), chirurgien  de  Saint-Loup, 
garçon,  mais  il  faisait  vivre  son  père  et  sa  mère, 
infirmes,  très  âgés,  et  deux  sœurs  qui  n'ont  point 
de  métier.  Deux  parts 1501. 

BLESSÉS 

Mosset,  volontaire  de  Gholet,  garçon  ,  a  eu  cinq 
doigts  emportés.  Une  part .       751. 

Lavite,  idem,  a  reçu  une  balle  dans  le  corps.  Une  part.       75  I. 

Dabin,  cordonnier  à  Airvault,  une  femme  et  deux  en- 
fants, et  est  très  pauvre.  Trois  parts 225  1. 

Baudry,  de  Bressuire,  marié  sans  enfants,  a  reçu  une 

balle  dans  le  front.  Demi-part .       371.10 

Lavigne,  de  Bressuire,  garçon, a  reçu  une  balle  dans 
le  visage.  Demi-part 371.10 

Voisin,  de  Faye-1'Abbesse,  a  reçu  une  balle  qui  lui  a 
traversé  une  cuisse.  11  a  une  femme  et  trois  enfants 
dans  la  misère.  Trois  parts 2251. 


198  l'histoire  d'un  drapeau  vendéen 

Puyrodeau,  grenadier  de  Thouars,  garçon  ;  il  a  reçu 
une  balle  qui,  après  avoir  traversé  le  bras  gauche, 
lui  a  frappé  la  poitrine  et  est  entrée  assez  avant. 
Ses  blessures  sont  très  dangereuses.  Deux  parts.     1501. 

Davand,  de  Bressuire,  marié  ;  il  a  deux  enfants. 
Quoique  blessé  grièvement  au-dessus  du  teton,  ce 
brave  citoyen  continua  à  se  battre  ;  il  arracha  la 
balle  qu'il  avait  reçue,  la  mit  dans  son  fusil  et  la 
renvoya  aux  brigands.  Deux  parts 150  1. 

Giraud,  officier  de  la  garde  nationale  de  Bressuire, 
marié  ;  il  a  un  enfant,  et  a  reçu  une  blessure  à  la 
jambe.  Demi-part 37.    10. 

Ligonnière,  de  Thouars,  une  part 751. 

Total,  trente-quatre  parts  montant  à.     .     .  2.5501. 

Les  450  livres  restantes  pour  former  les  3000  livres 
accordées  par  l'Assemblée  Nationale,  comme  se- 
cours provisoires,  ont  été  distribuées,  savoir  : 

Donné  au  citoyen  Gouzaud,  lors  de  l'insurrection, 
pour  en  faire  la  distribution,  trois  cents  livres.     .     3001. 

Au  citoyen  Dabin,  pour  un  garde  national,  mort  à 
Bressuire 1501. 

Total  général 3.0001. 

Outre  ceux  inscrits  au  présent  tableau,  il  a  été  arrêté  qu'il 
serait  fait  la  même  mention  honorable  des  citoyens  Beaubeau, 
chirurgien  à  la  Pératte,  qui  a  été  assassiné  par  les  brigands 
en  se  rendant  à  Bressuire...  et  des  citoyens  Ballard,  volon- 
taire de  Gholet;  Gendreau,  porte-drapeau  de  Bressuire  ; 
Guissard,  aussi  de  Bressuire;  Froger,  commandant  les  gre- 
nadiers de  Thouars,  et  Bontemps,  de  Bressuire,  qui  ont  été 
plus  ou  moins  grièvement  blessés,  auxquels  le  Conseil  n'a 
pas  cru  devoir  faire  part  du  modique  secours  provisoire  ac- 
cordé par  l'assemblée  législative  pour  les  victimes  infortunées 
de  cette  insurrection,  présumant  que  leur  fortune  leur  per- 


l'histoire  d'un  drapeau  vendéen  199 

mettait,  par  ce  généreux  sacrifice  en  leur  faveur,  d'ajouter 
un  nouveau  prix  à  leur  civisme  et  à  la  reconnaissance  de  leur 
concitoyens. 

Pour  expédition,  signé  :  Poupard,  président,  Morand,  se- 
crétaire général.  » 

(Archives  départementales.  Période  révolutionnaire.  L.  R. 
n°  185  ) 

Ainsi  que  nous  l'avons  vu,  la  Législative  avait  rendu,  le  29, 
une  loi  décrétant  que  le  tribunal  de  Niort  jugerait  en  dernier 
ressort  et  sans  recours  au  tribunal  de  Cassation  les  fauteurs 
des  troubles,  l'Administration  des  Deux-Sèvres  sollicita  une 
autre  loi  pour  que  le  directeur  du  jury  du  tribunal  de  Niort 
instruisît  la  procédure  relative  à  ces  mêmes  troubles  et  rem- 
plît môme  les  fonctions  d'officier  de  police.  Elle  craignait  que 
les  dix-huit  prisonniers  du  château  de  Niort,  parmi  lesquels 
se  trouvaient  plusieurs  chefs  de  la  conspiration,  et  dont 
plusieurs  appartenaient  aux  classes  privilégiées,  revinssent 
devant  le  directeur  du  jury  du  district  de  Bressuire.  Il  s'en 
serait  peut-être  suivi  de  nouveaux  troubles  et  les  coupables 
auraient  pu  se  soustraire  au  glaive  de  la  loi. 

«  En  attendant  que  la  grande  affaire  s'instruisît,  les  prison- 
niers, dont  le  nombre  augmentait  tous  les  jours,  demeuraient 
pêle-mêle  entassés  dans  le  donjon.  Quoique  vaste,  il  se  trou- 
vait trop  étroit  pour  loger  les  détenus.  L'air  des  chambres  se 
corrompit,  ils  tombèrent  malades,  atteints  presque  tous  d'une 
affreuse  dysenterie  que  prolongeait  une  extrême  malpropreté. 
L'humanité  du  Conseil  s'émut  au  récit  de  ces  misères.  Des 
commissaires  du  département,  du  district  et  de  la  commune 
tentèrent  divers  moyens  pour  neutraliser  l'action  incessante 
de  l'air  vicié,  et  se.  hâtèrent  de  faire  préparer  d'autres  appar- 
tements. Les  plus  malades  furent  transportés  dans  le  couvent 
des  bénédictins  où  l'on  établit  23  lits.  Un  marché  fut  passé 
avec  un  boulanger,  pour  qu'il  eut  à  fournir  du  pain  de  qua- 
lité supérieur  aux  détenus,  tout  le  temps  de  l'épidémie.  »  (J . 
Richard,  Histoire  du  département  des  Deux-Sèvres.) 


200  l'histoire  d'un  drapeau  vendéen 

Le  29  septembre  1792,  le  Conseil  municipal  de  Niort,  de- 
mande une  loi  sur  les  prisons  dans  les  termes  suivants  :  «  Au 
ministre  de  la  Justice  au  sujet  des  prévenus  dans  l'insurrec- 
tion de  Châtillon. 

Citoyen.  —  Les  prisons  de  la  ville  de  Niort  qui  regorgent 
dans  ce  moment  par  la  quantité  des  prévenus  qui  y  sont  dé- 
tenus, nombre  qui  a  sa  cause  dans  l'insurrection  qui  a  eu  lieu 
dans  le  district  de  Châtillon,  joint  au  défaut  de  propreté,  sont 
dans  ce  moment  cy  infectées  par  la  dysenterie  ;  ces  motifs 
joints  aux  autres  raisons  consignées  dans  la  pétition  dont 
nous  vous  envoyons  copie  et  que  nous  adressons  par  ce  même  i 
courrier  à  la  Convention  Nationale  nous  ont  déterminés  à  sol- 
liciter d'elle  une  loi  particulière  à  cette  affaire  et  nous  comp- 
tons trop  sur  votre  zèle  pour  n'être  pas  persuadés  que  vous 
concourrez  de  tout  votre  pouvoir  à  seconder  nos  intentions. 

(Nota)  Même  envoi  aux  députés  des  Deux-Sèvres.   » 

{Archives  départ.  R.  45.  L.) 

Cinquante-huit  prévenus  avaient  été  conduits  dans  les 
prisons  de  Niort  dès  la  journée  du  24  août.  Bien  d'autres 
vinrent  les  y  rejoindre,  puisque  du  28  octobre  1792  au 
23  janvier  1793,  cent-quarante  d'entre  eux  furent  élargis.  En 
voici  la  liste  qui  m'a  été  fournie  par  Monsieur  Henri  Clouzot. 
Elle  a  été  copiée  avec  les  erreurs  qu'elle  comporte,  sans  recti- 
fication. 

«  Noms  des  individus  élargis  de  la  maison  d'arrêt  de  Niort  qui 
ont  obtenu  des  passe-ports  pour  se  rendre  dans  leur  commune,  du 
8  octobre  1702  au  23  janvier  1793.  (Registre  des  passe-ports  de  la 
commune  de  Niort.  —  Arch.  municip). 

Le  8  octobre  1792. 

.lean-Baptiste  Martin,  de  Parthenay,  36  ans. 

Pierre  Falaiseau,  d'Amailloux,  43 ans. 

Kené  Géron,  de  Saint-Paul  en  Gâtine,  61  ans. 

Jacques  Clochard,  de  Montîgny,  73  ans. 

Pierre  Frouin,  de  la  Chapelle,  paroisse  de  la  Châtaigneraye,  52  ans. 

Jacques  Frouin,  de  là  Chapelle,  paroisse  de  la  Châtaigneraye,22  ans. 


l'histoire  d'un  drapeau  vendéen  -01 

Jacques  Cornuault,  de  Saint-Marsault,  40  ans. 
Pierre  Pellotron  (Bellotron),  des  Moutiers,  25  ans. 
Julien  Gobin,  des  Moutiers,  42  ans. 
Pierre  Gobin,  des  Moutiers,  25  ans. 
André  Venuaud,  de  Saint-Etienne,  20  ans. 
Pierre  Bossier,  de  Gerizay,  43  ans. 
Jacques  Thibaudeau,  de  Terves,  26  ans. 
RenéThibaudeau,  de  Terves,  30  ans. 
François  Ayrault,  fossoyeur  de  Moncoutant,  39  ans 
Jean  Veillon. 
Louis  Arnault. 
Jacques  Bellion. 
Charles  Denis. 
Jacques  Beluteau. 
Pierre  Rouet. 
Jean  Thalbot. 
,   François  Guillon . 
Pierre  Moine. 
Pierre  Gournat. 
Pierre  Malicot. 
Charles  Roy. 
Charles  Martineau. 

Le  19  octobre . 

Augustin  Pougnard,  de  Pugny,  24  ans. 

Du  9  au  16  novembre, 

François  Moreau,  d'Azay-sur-Thouet,  33  ans. 
Marie-Jeanne-Victoire  Saint-Généroux,  veuve  Richeteau.  Le  Chà- 
telier-Menu,  paroisse  do  Chenay,  38  ans. 
Geneviève  Gaufreteau,  de  Chambroutet,  21  ans. 
René- André  Day,  de  Terves,  34  ans. 
Louis  Hilaire  Gaudrier,  de  Saint-Clémentin,  48  ans. 
Jacques  Renaud,  de  la  Ronde,  41  ans. 
Louis  Pasquier,  de  Boupère,  26  ans. 
François  Sortain,  de  la  Coudre,  36  ans. 

Du  20  au  24  novembre. 

François-Armand  de  Hanne,  de  Moncoutant,  70  ans. 
Marc-Antoine- Marie-Prosper  Mouton,  de  Pugny,  25 ans. 
Jean  Métay,  de  Pugny,  32  ans. 
Pierre  Savin,  de  Pugny,  24  ans. 


202  l'histoire  d'un  drapeau  vendéen 

Mathurin  Thourret,  de  Terves,  44  ans. 

Jean  Thibault,  de  la  Forêt-sur-Sèvres,  23  ans. 

René  Michenot,  de  Moncoutant,  25  ans. 

Jacques  Aubuneau,  de  Cerizay,  27  ans. 

Pierre  Gaydon.  de  Clazay,  21  ans. 

André  Baumier,  de  Saint-Sauveur,  21  ans. 

Jean  Barrault,  de  Saint-Jouin,  27  ans. 

Pierre  Bazin,  de  Saint-André-sur-Sèvre,  30  ans. 

Pierre  Baudiy,  de  Saint-Aubin,  18  ans. 

Martin  Aileau,  des  Aubiers,  42  ans. 

Joseph  Jubelin,  d'Argenton-Château,  26  ans. 

Pierre  Collin,  de  Moullins,  63  ans. 

Pierre  Courtois,  d'Oiron,  21  ans. 

Le  Î9  novembre. 

Jean  Ferré,  de  Largeasse,  45  ans. 

Jean  Aubry,  de  Terves,  28  ans. 

Pierre  Fradin,  de  Châtillon,  52  ans. 

Mathurin  Gailleton,  des  Aubiers,  18  ans. 

François  Jouineau,  des  Aubiers,  21  ans. 

René  Vergniaud,  de  Largeasse,  41  ans. 

Jean-Baptiste  Gornuault,  de  Courlay,  26  ans. 

Jean  Baudouin,  de  Chanteloup,  32  ans. 

Jean  Favreau,  de  Saint-Marsault,  15  ans. 

Tristand  Richou,  de  Saint-Pierre  de  Chemillé,  32  ans. 

Jean  Bernard,  de  Saint-Clémentin,  36  ans. 

Pierre  Favreau,  de  Saint-Marsault,  27  ans. 

Pierre  Rabouan,  de  Ghambron,  45  ans. 

Louis  Marchand,  la  Petite  Boissière,  51  ans. 


Le  7  décembre. 


Jean  Coignaux,  de  la  Petite  Boissière,  22  ans. 
Jacques  Savarit,  de  Bretignolles,  15  ans. 
Jacques  Boissinot,  de  Ferrières,  27  ans. 
Mathurin  Caillaud,  de  Saint-Jouin,  33  ans. 
Pierre  Gharruyot,  de  Combrand,  38  ans. 
François  Millaut,  de  Montravers,  48  ans. 
Jean  Girard,  du  Pin,  55  ans. 
Jean  Boissineau,.du  Pin,  50  ans. 
Jacques  Vincendeau,  de  Terves,  37  ans. 
Urbain  P&pain,  de  Puybonnet,  28  ans. 


L'HISTOIRE    D'UN    DRAPEAU  VENDEEN  203 

Jacques  Daniault,  de  Puybonnet,  39  ans. 

René  Soulard,  de  Rorthay,  40  ans. 

Jean  Chausseray,  de  Breuil-Bernard,  20  ans. 

Pierre  Decrian,  de  Clazay,  18  ans. 

Jean-René  Chessé,  de  Terves,  28  ans. 

Michel  Garnier,  de  la  Forêt-sur-Sèvre,  27  ans. 

François  Neau,  de  Combrand,  29  ans. 

Basile  Belain,  de  Rorthay,  27  ans. 

Nicolas  Grolleau,  de  Cerizay,  38  ans. 

Jacques  Vie,  de  Combrand,  43  ans. 

Jacques  Mineur,  de  la  Forêt-sur-Sèvre. 

François  Bodin,  de  Terves. 

Pierre  Charron,  de  Breuil-Bernard. 

Jacques  Bazin,  de  Moncoutant. 

Pierre  Mesnard,  de  Saint-Paul. 

René-Gabriel  Besson,  de  Saint-Christophe. 

Jean  Bertrand,  de  Terves. 

Jacques  Bertrand,  de  Terves. 

Pierre  Morin,  de  Saint-Clémentin. 

Jean  Bonnin,  de  Terves. 

Jacques  Mêleras,  de  Pugny. 

Pierre  Richard,  de  Breuil-Chaussée. 

Pierre  Lasalle,  de  Saint-Aubin. 

Le  13  décembre. 

François  Bodet,  de  Clazay,  24  ans. 
Joseph  Joly,  de  la  Forêt,  30  ans. 
Pierre  Ribard,  de  la  Forêt,  33  ans. 

Paul-François-Cipriain   Davaud,   libraire  relieur,  de   Bressuire, 
27  ans. 
Pierre  Berbier,  de  la  Forêt,  35  ans. 
Pierre  Fourcheau,  de  Largeasse,  32  ans. 
Mathurin  Tricoire,  de  Breuil-Bernard,  66  ans. 
François  Gaufreteau,  de  Roiteuil(?)  (probablement  Rorthay),  52  ans. 
Philippe  Desprez,  de  Pugny,  33  ans. 
Richard  Martin,  de  Clazay,  65  ans. 
François  Bodin,  de  Bressuire,  24  ans. 


Le  20  décembre. 


Pierre  Giraudeau,  de  Bressuire,  28  ans. 
Louis  Panneau,  de  Bressuire,  32  ans. 


204  l'histoire  d'un  drapeau  vendéen 

Louis  Giraudeau,  de  Eressuire,  18  ans. 

Pierre  Gorry,  de  Bressuire,  24  ans. 

Pierre  Guignard,  de  Bressuire,  42  ans. 

Pierre  Turpaud,  de  Bressuire,  39  ans. 

Pierre  Griffaud,  marchand,  de  Breuil-Bernard,  33  ans. 

Pierre  Baudouin,  domestique,  de  Pugny,  25  ans. 

Pierre  Métayer,  domestique,  de  Moncoutant,  28  ans. 

Pierre  Rougé,  métayer,  de  la  Fretaudière1,  48  ans. 

Pierre  Gonord,  bordier,  de  Terves,  42  ans 

René  Grimaud,  sabotier,  de  Terves,  40  ans. 

Marie  Denis,  de  Glazay,  50  ans. 

Jean  Rousseau,  maçon,  de  Montravers,  20  ans. 

François  Billier,  laboureur,  des  Aubiers,  20  ans. 

Jean  Texier,  secrétaire  de  la  municipalité  de  Courlay,  25  ans. 

François  Paynot,  métayer  de  Largeasse,  52  ans. 

Pierre  Reuillier,  bordier,  de  Vernoux,  36  ans. 

Louis  Sabiron,  tisserand,  du  Busseau,  27  ans. 

Baptiste  Richard,  métayer,  de  la  Forêt,  25  ans. 

Le  18  janvier  1793. 

Louis  Tricouère,  tisserand,  de  Moncoutant,  30  ans. 
René  Marot,  marchand,  de  Saint-Jouin  de  Milly,  26  ans. 
René  Luton,  jardinier  à  la  Chapelle  St  Laurent,  32  ans. 
Jacques  Renaudeau,  domestique,  de  Pugny,  22 ans. 

Le  23  janvier. 

Mathurin  Glopaud,  domestique,  de  St.  Etienne,  26  ans. 
Jean  Gornuault,  métayer  de  Saint-Aubin  du  Plain,  65  ans. 
Jean  Bodin,  bordier,  de  Cerizay,  50  ans. 
Pierre  Baudouet2,  laboureur,  de  Clazay,  17  ans. 

La  plus  grande  part  des  gens  dont  les  noms  figurent 
ici  furent  renvoyés  sans  jugement.  Quarante  accusés  furent 
acquittés  après  leur  comparution  devant  le  tribunal.  Ce  sont  : 
19  novembre  1792  :  Jean  Baptiste  Hérault,  cuisinier  à  Vau- 
doré,  un  dus  chefs;  —  20  novembre  :  François  Armand  de 
Hanne,  Armand  de  Hanne  fils,  Rose  Gruget  femme  de  Hanne, 
Julie  Rose  Louise  de  Hanne;   —  20  novembre   1792:    Métais 

1  Frelandière,  en  Moncoutant. 
a  Pierre  Baudouin . 


l'histoire  d'un  drapeau  vendéen  -05 

Jean,  Mouton  Prosper  Marc  Antoine  Marie,  Savin  Pierre  ;  — 
21  novembre  :  Jacques  Bonnin  ;  —  22  novembre  :  Martin 
Helleau,  garde-chasse  ;  23  novembre  :  Joseph  Jublin, 
Pierre  Comtois;  (je  n'ai  pas  trouvéson  jugement  mais  il  est 
cité  par  M.  A  Proust  comme  ayant  été  jugé).  —  18  décembre  : 
Mathurin  Guillet,  garde  à  la  Baudière,  commune  de  la  Réor- 
the  ;  19  décembre:  François  Bodin  ;  —  20  décembre: 
Pierre  Jacques  Benoit  ;  -21  décembre:  Gabriel  Godefroy, 
notaire  officier  municipal  des  Aubiers  ;  —  22  décembre  : 
Jean  Michel  Guillon,  ci-devant  curé  de  Pugny;  —  23  décem- 
bre: Gharles-Gabriel-JacquesDury.  Malgré  son  acquittement, 
l'Administration  des  Deux-Sèvres  pril  un  arrêté  pour  or- 
donner qu'il  sortirait  dans  les  douze  heures  du  département 
et  serait  conduit  par  la  gendarmerie  hors  des  frontières  de  la 
République  ;  —  25  décembre  :  Pierre  Jeay,  Jean  Décréon  ;  — 
15  janvier  1793  :  Jean  Texier;  —  lCjanvier:  Painot  François, 
Sabiron Louis,  Reullier  Pierre;  —  17  janvier:  Baptiste  Ri- 
chard ;  —  18  janvier  :  Louis  Tricoire,  René  Marot  ;  —  19  jan- 
vier :  Jacques  Renaudeau,  Henri  Luton  ;  —  20  janvier  : 
François  Morin,  Alexis  Glaurit  ;  —  21  janvier  :  Jacques  Blai- 
seau,  Glopeau  Mathurin  ;  —  22  janvier:  Jean  Bodin  et  Jac- 
ques Gornuault  ;  —  23  Janvier  :  René  Reverdi;  —  24  janvier  : 
Jacob  Rabin  ;  —  25  janvier  :  Pierre  Baudouin  ;  —  26  janvier  : 
JeanGhaboté. 

Ces  quarante  noms  ont  été  pris  avec  les  dates  sur  les  co- 
pies des  procès- verbaux,  (Archives  municipales)  M.  A.  Proust 
dans  la  Justice  révolutionnaire  à  Niort,  en  avait  déjà  donné  la 
liste,  mais  sans  dates. 

Furent  renvoyés  sans  accusation  après  avoir  figuré  sur  les 
copies  des  jugements  :  Augustin  Pougnault,  ce  dernier  le 
20  novembre  1792;  il  avait  reçu  son  passe-port,  le  19  octobre 
précédent;  —  Louis  Hulé,  curé  de  Largeasse,  22  décembre 
1792;  —  Philippe  Després,  François  Gaufîreteau,  Charles 
Martin,  15  janvier  1793;  —  Arnaud  Jean,  le  22  ;  —  François 
Voyer,  le  23;  —  Jacques  Mineur,  le  24;  —  Jean  Rousseau, 

TOME    XII.   —   AVRIL,    MAI,    JUIN.  15 


206  l'histoire  d'un  drapeau  vendéen 

Jacques  Bazin.  Jacques  Vey,  le  25;  —  Michel  Garnier  et  Jean 
René  Chessé,  le  20  ;  —  Pierre  Pougneau,  date  incertaine. 

Il  y  eut  cinq  condamnations  à  mort,  celles  de  : 

Delouche  Adrien-Joseph,  le  18  novembre  1792  ; 

De  Pierre  Léger,  le  25  décembre  1792  ; 

De  Chamarre  Pierre,  journalier,  demeurant  à  Boisguillot, 
commune  de  Terves,  et  de  Bellotron  Louis,  domestique  à 
Moucoutaut,  le  27  janvier  1793  ; 

De  Fournée  René,  chirurgien,  demeurant  à  Voultegon,  le 
28  janvier  1793. 

Delouche  se  pourvut  en  cassation,  alléguant  la  non-rétroac- 
tivité de  la  loi  du  29  août.  La  Cour  de  Cassation  accueillit  ses 
moyens  et  cassa  son  jugement  de  condamnation,  le  9  février 
1793.  Depuis  cette  époque,  l'ancien  maire  de  Bressuire,  alors 
âgé  de  40  ans,  disparaît  complètement  de  la  scène  du  monde  ; 
rien  n'a  révélé  les  actes  subséquents  de  sa  vie  ;  l'on  sait 
simplement  qu'il  mourut  à  Nantes  dans  l'obscurité1.  Le 
jugement  de  Pierre  Léger,  de  la  Coudre,  fut  également  cassé 
pour  le  même  motif. 

La  Cour  repoussa  les  pourvois  de  Chamarre,  Bellotron  et 
Fournée  qui  furent  exécutés  le  25  avril  1793,  à  l'aide  de  la 
guillotine,  à  dix  heures  et  demie  du  matin,  à  Niort. 

Monsieur  A.  Proust,  a  publié  les  jugements  de  ces  cinq 
condamnés.  (Voir  la  justice  révolutionnaire,  à  Niort). 

Les  juges  étaient  :  Orré  et  Briault,  Jacques-Antoine  Martin, 
Sionneau,  Chauvin,  Sardin,  Gaultreau,  C.  F.  Deschamps. 
Bouchet,  Mounier. 

Chauvin-llersant  était  l'accusateur  public,  et  Vien  le  greffier. 

Monsieur  A.  Proustdonne,  dans  Va.  Justice  révolutionnaire  à 
Niort,  le  nom  fie  trois  détenus  morts  dans  les  prisons  de  Niort: 
Cornuault  Joachim,  44  ans,  de  Terves,  le  14  novembre  1792  ; 
MorineauLouis,  âgé  de  40  ans,  de  Saint-Christophe-de- 
Beaulieu,   le  22    novembre   1792,    Loubeau   Pierre,   âgé    de 

>  Ledain.  Histoire  >/e  Bressuire. 


L'HISTOIPE    D'UN    DIUPEAU    VENDÉEN  207 

27  ans,  d'Aubigny,  le  20  février  1793.  Le  premier  faisait 
sûrement  partie  de  la  conjuration  d'août  ;  quant  aux  deux 
autres,  je  déclare  ignorer  s'ils  y  participèrent. 

G.    PUIGHAUD. 

Notes  sur  la  famille  de  Hanne  de  la  Saumorière 


Ses  armes  :  D'or,  au  chevron  d'azur  accompagné  de  trois  mouche- 
tures d'hermines  de  sable. 

Dans  l'église  de  Trayes,  (Deux-Sèvres),  j'ai  lu  sur  une  pierre  tombale 
d'une  largeur  deOm93  sur  une  longueur  delm97,  hauteur  des  lettres 
romaines  0,10  à  0,1 1  cent  : 

GY     GIST     LE    CO 
RPS  :   DE    DAMOI 
SELLE  :  CLAUDE 
DE  LA  COURT  :  ES 
FOUSE  :  DE  LOUIS 
DEHANNE  :  ESCVl 
ER  :  SEIGNEUR  :  DE 
LA   CHAVRUERE    : 
FEROLLE  ET 

RE     1661 

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Armand  de  Hanne  de  la  Saumorière,  chevalier  de  Saint  Louis, 
époux  de  dame  Françoise  Gourjault  de  la  paroisse  de  Fenioux, 
habitait  Moncoutant  en  1761. 


31  mars  1761,  mariage  de  François,  (ils  majeur  de  messire  Armand 
de  Hanne  seigneur  de  la  Saumorière  et  de  Françoise   Gourjault,  de 


~08  l'histoire  d'un  drapeau  vendéen 

la  paroisse  de  Fenioux,  avec  d11*  Gruget,  fille  de  défunts  Jacques 
Gruget,  notaire  royal, et  Jeanne  Rose  Brossard.  Ont  signé  au  registre: 
Gaconnière  Geay,  de  Hanne  de  la  Saumorière,  Guérinière,  de  la  Porte, 
M*  Darrot  veuve  de  la  Brosse,  Gruget  de  Hanne,  L'abbé  Delauzon. 

François  Armand  de  Hanne  et  sa  femme,  impliqués  dans  les  trou- 
bles de  Moncoutant,  furent  acquittés  en  novembre  1792,  à  Niort. 
Jeanne  Gruget  et  Julie  de  Hanne,  sa  fille,  étaient  encore  détenues  à 
Niort,  maison  du  Péré,  le  (?)  pour  avoir  persévéré  dans 

leurs  principes  contre -révolutionnaires  pendant  la  guerre  de 
Vendée  et  enfin  s'être  retirées  à  Niort  pour  y  pervertir  l'esprit 
public. 

Du  mariage  de  François  Armand  et  de  Jeanne  Gruget  sont  issus 
cinq  enfants  : 

1°  27  juillet  1763,  baptême  de  François  Armand.  Parrain,  messire 
Louis  Galixte  Serin  de  la  Cordinière.  M.  François  Armand  de  Hanne 
de  la  Saumorière,  de  Moncoutant,  figure  parmi  les  écoliers  du 
collège  de  Thouars  qui  ont  remporté  des  prix,  en  l'année  1779. 

Dans  les  exercices  académiques  qui  suivirent  la  distribution  des 
récompenses,  le  6  septembre,  il  remplit  le  rôle  de  Cléon,  confident 
du  comte,  dans  Grégoire  ou  le  Faux  Duc  de  Bourgogne,  comédie  du 
P.  Ducerceau.  Le  spectacle  du  jour  précédent  se  composait  de  Régulus, 
tragédie  de  Dorât.  Mais  le  jeune  de  Hanne  n'avait  sans  doute  de  dispo- 
sitions que  pour  les  rôles  comiques  ;  car  il  ne  figure  pas  parmi  les 
acteurs*.  » 

L'afiaire  de  Pugny  n'eut  également  aucun  rôle  tragique  pour  lui. 
Le  tribunal  criminel  de  Niort  prononça  son  acquittement  le  20  no- 
vembre 1792. 

De  Hanne,  servait  à  l'armée  de  Condé,  dans  les  chasseurs  nobles, 
Compagnie  numéro  4.  Il  fut  tué  à  l'affaire  d'Aber-Kamlack  le  13  août 
1796.  Il  avait  33  ans. 

2°  10  décembre  1764.  Baptême  et  naissance  de  Rose  Louise  Julie. 
Parrain,  Louis  Calixte  Serin  de  la  Cordinière,  chevalier  de  Saint- 
Louis;  marraine,  Jeanne-Julie  Gruget.  Acquittée  après  les  troubles 
de   Moncoutant,  était  encore  emprisonnée  avec   sa  mère,  à  Niort, 

maison  du  Péré,  le 

'■'."  2  juillet  1766.   Baptême   de  Geneviève  Honorée.  Marraine,  de- 
moiselle Geneviève  de  Hanne  ;  parrain,  Gourjault-Dumée,  seigneur 
de  la  Frémaudière,  enseigne  de  vaisseau. 
Geneviève  Honorée  ;i  <lù  mourir  en  bas  âge. 

'  Programme  imprimé.    Poitiers.    17'i!>,  in-4°    Note   fournie  par  M.   Henri 
Clouzot. 


l'histoire  d'un  drapeau  vendéen  209 

4° 23  juillet  17f>8.  baptême  de  François-Armand.  Parrain,  Charles, 
François  (iourgault-Dumée,  seigneur  de  la  Frémaudière  et  autres 
lieux,  lieutenant  d'infanterie.  La  marraine  a  étéPerside  de  Lauzon. 

C'est  François-Armand  qui  fut  entraîné  au  mois  d'août  1792,  par 
les  insurgés  qui  en  firent  un  de  leurs  chefs.  «  Attaché  ensuite  à 
l'armée  de  Charette.  de  Hanne  vint  pour  faire  une  levée  d'hommes 
dans  les  environs  de  Moncoutant.  Se  trouvant  dans  une  métairie, 
près  de  là,  appelé  la  (?).  il  fut  pris  par  des  républicains  que  l'on  avait 
instruits  du  lieu  où  il  se  trouvait.  Conduit  à  Bressuire,  il  y  tut 
fusillé  par  ordre  du  général  Auge,  le  17  février  1794  De  Hanne,  aussi 
religieux  que  bon  royaliste,  avait  vu  avec  déplaisir  la  corruption  des 
mœurs  gagner  dans  l'armée  royaliste.  »  -  (Note  fournie  à  la  Fonte- 
nelle  de  Vaudoré  par  M.  Séverin  de  Hanne —  Manuscrits  la  Fon- 
tenelle.  Bibl.  publ.  de  Niort.) 

5°  Le  10  février  1770,  baptême  de  Marie-Jacques  Séverin.  Parrain, 
maitre  Jacques  Richou-Lorrière,  maître-chirurgien.  Marraine, 
demoiselle  Perrine-Julie  Richou. 

Séverin  a  servi  dans  l'armée  de  Condé.  11  fut  blessé  le  même  jour 
que  son  frère  fut  tué,  à  l'affaire  d'Aber-Kamlack.  Il  dépendait  de  la 
quatrième  compagnie  des  chasseurs  nobles. 

Séverin  s'est  marié  avec  Claude-Renée  de  Longueval  d'Arécourt. 
De  ce  mariage  est  née  Claire  Désirée,  en  1815,  17  janvier.  Elle  a 
épousé  un  monsieur  de  Maillé,  de  la  Tour-Landry.  Ils  eurent  une 
fille  unique  qui  épousa  un  monsieur  de  Saint-Long. 

Séverin,  devenu  maire  de  Moncoutant,  est  mort  en  1839,  commune 
de  la  Ronde,  où  on  le  tr  ouva  noyé  nceidente'kment  ilsns  !a  Sèvre  au 
gué  de  la  Motte 

(Fin.)  C.   PU1CHAUD 


LA  TERRE  ABANDONNÉE' 


Nouvelle   Vendéenne 
Par   Gustave    GUITTON 

(Stiite*) 


V 
Une  noce  vendéenne. 

Le  premier  lundi  de  février  se  trouvait  être  le  4.  La  veille, 
dès  six  heures,  une  vingtaine  de  jeunes  gens  du  bourg 
de  Puymaufre,  qui  avaient  été  invités  à  la  noce,  com- 
mencèrent à  vider  quelques  bouteilles  en  l'honneur  des  futurs 
époux,  et  à  danser  avec  entrain.  A  dix  heures  pourtant,  chacun 
s'en  alla  dormir,  en  attendant  la  grande  fête. 

La  claire  nuit  passa.  Le  froid,  très  vif  en  ce  mois  de  février, 
mit  de  la  glace  dans  les  caniveaux  des  routes  et  sur  les  mares. 
L'angelus  tinta  au  clocher  de  Puymaufre;  c'était  le  matin. 
Les  paysans  des  environs,  pour  se  lever,  n'ont  pas  besoin  de 
cet  appel  des  cloches  ;  mais  les  ouvriers  du  bourg,  qui  n'ont 
point  de  bêtes  à  soigner,  sont  moins  matinals  ;  aussi  ont-ils 
réglé  l'heure  de  leur  lever  sur  celle,  toujours  exacte,  où  le 
sacristain  de  l'église  vient  tirer  les  cordes  des  cloches  pour 
annoncer  la  levée  du  jour. 

1  Reproduction   interdite  aux  journaux  n'ayant   pas  traité  avec  la  Société 
des  Gens  de  Lettres. 

'  Voir  la  livraison  de  septembre  1898. 


LA    TERRE   ABANDONNÉE  211 

Une  demi-heure  après,  c'est-à-dire  vers  s;x  heures  et  quarl , 
quatre  noceurs  étaient  déjà  réunis  dans  la  salle  de  l'auberge 
du  Cheval-Blanc,  où  l'on  donne  à  boire  et  à  manger,  et  où  on 
loge  à  pied  et  à  cheval.  Ils  commencèrent  à  tuerie  ver,  en 
cassant  une  croule  de  pain  sur  laquelle  ils  étendirent  quelque 
vieux  restant  de  pâté,  et  en  buvant  une  ou  deux  bouteilles  de 
vin  clairet. 

Quelqu'un  des  quatre  offrit  de  payer  une  tournée.  Deux 
demandèrent  une  tasse  de  café  ;  et  les  deux  autres,  sortes  de 
coqs  de  village,  en  gars  délurés  ayant  subi  la  transformation 
du  régiment,  éprouvèrent  le  besoin  de  prendre  deux  absinthes 
pures. 

Ils  étaient  tous  les  quatre  bien  pâles,  ayant  dansé  la 
veille,  et  demeurant  fatigués  d'avoir  un  peu  trop  bu.  Malgré 
tout,  comme  il  était  vraiment  trop  matin  pour  espérer  avoir 
du  plaisir  chez  Tripaud,  ils  continuèrent  à  ingurgiter,  les 
buveurs  d'absinthe,  d'autres  absinthes,  et  les  buveurs  de  café 
d'autres  cafés,  mélangés  de  rhum,  de  cognac  et  d'eau-de  vie. 

Bientôt,  quelques  noceurs  de  la  veille  vinrent  se  joindre  à 
la  petite  bande,  tous  un  peu  pâlis;  et  ils  burent  ensemble  les 
boissons  les  plus  diverses  et  les  plus  frelatées. 

Le  maire  avait  été  prévenu  que  le  mariage  serait  à  neuf 
heures  etdemie,  etle  curé  pour  dix  heures.  N'empêche  que,  dès 
huit  heures  les  invités  commencèrent  à  arriver.  Il  devait  y  en 
avoir  cent  cinquante,  parents  éloignés  ou  amis  de  la  famille 
du  marié  ou  de  la  mariée.  Il  en  venait  des  quatre  points 
cardinaux,  c'est-à-dire  des  quatre  routes  aboutissant  à  la 
place  de  la  Mairie  de  Puymaufre.  Les  uns  arrivaient  à  pied  ; 
d'autres  dans  des  carrioles  à  deux  roues  traînées  par  des 
chuvauxà  tout  faire,  inélégants,  mais  bien  râblés,  rapides  et 
courageux.  Hommes  et  femmes,  tous  avaient  leurs  habits  de 
fête  ;  les  femmes  avec  leurs  robes  à  nuances  diverses  et 
souvent  criardes,  les  hommes  revêtus  d'une  blouse  unifor- 
mément bleue  descendant  à  mi-jambes  qu'ils  déposeront 
tous,  tout  à  l'heure,  en  prenant  place  dans  le  cortège,  car  elle 


212  LA    TERRE   ABANDONNÉE 

leur  sert  de  pardessus  et  cache  le  veston  noir  des  grandes 
cérémonies. 

Ceux  qui  étaient  à  pied  allaient  directement  à  la  maison 
nuptiale;  ceux  qui  étaient  en  voiture,  dételaient  dans  les 
auberges  où  ils  étaient  accoutumé  de  descendre  les  jours  de 
foire. 

A  neuf  heures,  il  n'y  avait  pour  ainsi  dire  point  de  retar- 
dataires, sauf  évidemment  la  mariée  qui  terminait  sa  toilette. 
11  y  avait  là  les  Renaud,  de  Patosse  ;  les  Gralepois,  de 
Montador  ;  les  Merland,  des  Ghaumettes  ;  les  Robin,  du 
Bottreau  ;  les  Farideau,  de  Ghampclos  ;  et  bien  d'autres  qui  se 
trouvaient  réunis  à  l'occasion  de  ce  mariage,  tous,  cousin  et 
cousine,  oncle  et  tante,  neveu  et  nièce,  grand-oncle  et  grand'- 
tante,  arrière-cousin  et  arrière-nièce.  Les  arrivants  se  congra- 
tulaient entre  eux,  se  faisaient  des  compliments  sur  leur 
santé,  sur  leur  bonne  mine,  s'informaient  de  quelque  mort  ou 
de  quelque  naissance  qu'on  leur  avait  apprise.  Beaucoup 
d'entre  eux  ne  se  connaissant  pas,  il  se  faisait  alors  des 
présentations  à  la  bonne  franquette,  où  le  protocole  mondain 
n*avait  rien  à  voir. 

—  Dis  donc,  Justin,  tu  vois  bien  ce  grand  gars?  C'est  mon 
fîeu.  Ça  a  douze  ans,  mais  c'est  fort  comme  un  chêne,  et  même 
qu'il  m'aide  joliment  pour  le  travail 

—  Il  a  bonne  mine  et  bon  teint,  répondait  Justin. 

—  Et  puis  cette  petite  courtaude  qui  est  là-bas?  C'est  ma 
tille.  Elle  a  dix  ans,  et  elle  sait  déjà  battre  le  beurre  et  écrire 
comme  un  ange. 

—  Eh  bien  alors,  répondait  Justin,  si  elle  a  douze  ans,  ta 
petite,  elle  est  de  l'âge  de  Mélanie. 

—  Mélanie,  c'est  ta  petite? 

—  Oui.  Tu  ne  la  connais  pas  ? 

—  Non.  Montre-la  pour  voir... 

Des  petits  cercles  se  forment  devant  la  porte.  Les  uns  sont 
assis,  les  autres  debout.  Les  hommes  viennent  de  quitter  leurs 
blouses  et  chargent  leurs  femmes  de  les  porter  en  lieu  sûr, 


LA    TERRE  ABANDONNÉE  213 

soit  chez  Tripaud,  le  père  de  la  mariée,  soit  chez  des  personnes 
amies  du  bourg  de  Puymaufre.  Certains  assoiffés  entrent  chez 
Tripaud  prendre  un  coup  de  vin  blanc;  d'autres  vont  s'offrir 
un  verre  de  cognac  au  cabaret. 

Mais  voilà  que  sonnent  neuf  heures.  A  ce  moment  les 
groupes  se  rapprochent,  et  demandent  déjà  après  la  mariée 
qui  n'a  pas  fini  sa  toilette.  Deux  ou  trois  amies  d'enfance,  dont 
Céline,  la  fille  d'honneur,  sont  allées  l'aider  à  se  vêtir,  et  lui 
agrafer,  sur  son  élégante  coiffe  blanche,  le  bouquet  artificiel 
de  fleurs  d'oranger,  symbole  de  virginité.  Enfin  elle  descend 
l'escalier,  Joséphine,  très  gracieuse  dans  sa  robe  claire,  à 
peine  troublée,  mais  les  joues  rouges  pourtant,  de  pudeur  ou 
de  joie. 

On  la  complimente  ;  et  ce  sont  des  embrassades  sans  fin. . . 
Bonjour,  cousin  ;  bonjour,  cousine  ;  bonjour,  Louis;  bonjour, 
Hortense. . . 

Louis  Poirier,  le  marié,  est,  lui,  descendu  un  peu  avant  la 
mariée.  Il  a  serré  les  mains  que  tendaient  les  hommes  et 
embrassé  les  femmes  sur  les  joues.  Pour  l'instant,  il  cause 
des  détails  de  la  fête  avec  son  garçon  d'honneur.  On  le  sent 
préoccupé.  Il  donne  des  indications  :  il  faudra  placer  le  cousin 
Pierret  au  bout  de  la  table,  et  mettre  la  tante  Sophie  Gaillard 
le  plus  près  possible  de  la  mariée.  En  tous  cas,  il  faudra  tou- 
jours réserver  une  place  pour  monsieur  le  Maire,  car  il  pour- 
rait leur  faire  l'honneur  de  venir.  , 

Le  père  Jean  Poirier  et  la  Rosalie  sont  dans  un  coin,  cau- 
sant avec  leurs  propres  parents,  et  ceux  qui  bientôt  seront 
leurs  alliés  de  famille.  Ils  ne  sont  pas  d'une  folle  gaieté  ;  mais 
ils  ne  laissent  presque  rien  percer  de  leur  mécontentement. 
D'ailleurs  ce  qui  est  passé  est  passé,  et  ce  qui  est  dit  est  dit, 
n'est-ce  pas  ? 

Enfin  il  va  être  la  demie.  On  sait  que  monsieur  le  Maire  est 
toujours  exact.  Il  ne  faut  donc  pas  se  mettre  en  retard. 

—  Allons,  crie  Tripaud,  c'est  l'heure.  Il  faut  partir,  les 
enfants. 


214  LA   TERRE   ABANDONNÉE 

Le  garçon  d'honneur  donne  les  cavalières  aux  cavaliers, 
selon  les  meilleures  convenances  pour  chacun  et  chacune. 

Le  père  Tripaud  a  pris  la  main  de  Joséphine,  et  forme  avec 
elle  la  tête  du  cortège.  Les  autres  invités  s'alignent.  Louis 
Poirier,  selon  l'usage,  est  derrière. 

A  pas  processionnels,  le  cortège  s'avance.  Une  rue,  puis 
une  autre  est  ainsi  parcourue.  Toutes  les  femmes  de  Puy- 
maufre,  informées  de  l'événement,  sont  là,  par  groupes,  sur 
le  pas  des  portes,  donnant  leur  avis  sur  la  toilette  de  la 
mariée,  les  unes  la  trouvant  bien,  les  autres  la  jugeant  du 
plus  extrême  mauvais  goût.  Les  hommes  de  Puymaufre,  que 
ce  spectacle  intéresse  moins  que  leurs  épouses,  sont,  malgré 
tout,  en  assez  grand  nombre  sortis  dans  la  rue.  Ils  lèvent 
leurs  casquettes  pour  saluer  la  mariée,  trouvant  Joséphine 
Tripaud  fort  appétissante. 

Enfin  voici  la  place.  La  mairie,  dont  la  porte  est  toute 
grande  ouverte,  est  au  bout.  Les  invités  entrent  tous  dans  la 
salle  très  vaste.  Les  mariés  vont  aux  deux  chaises  qui  leur 
ont  été  réservées  auprès  de  la  table  ;  les  invités  se  massent, 
assis  ou  debout,  au  fond  de  la  salle. 

Le  maire,  M.  Gharlet,  est  un  brave  homme  de  petit  pro- 
priétaire, qui  pose  avec  flegme  les  questions  ordinaires  de 
consentement,  lit  sans  la  moindre  prétention  à  l'effet  les 
articles  du  Gode,  unit  avec  simplicité  les  deux  jeunes  gens, 
serre  cordialement  la  main  du  marié,  embrasse,  selon  l'u- 
sage, la  mariée  sur  les  deux  joues,  le  tout  sans  morgue  et 
sans  la  moindre  suffisance. 

Au  peu  d'attention  que  les  invités  ont  prêté  à  cette  céré- 
monie, il  est  facile  de  voir  qu'elle  est,  pour  eux,  de  minime 
importance.  Mais  au  sortir  de  la  mairie,  les  couples  se  font 
plus  recueillis.  Pour  chacun  d'eux,  sans  qu'ils  s'en  rendent 
compte  peut-être,  on  sent  que  l'intérêt  de  la  journée  va  se 
concentrer  là,  dans  l'église,  à  la  cérémonie  religieuse.  Sérieux 
donc  comme  il  sied,  ils  entrent  dans  l'église,  et  prennent 
place  ;  les  mariés  auprès  de  la  Sainte  Table,  avec  le  garçon 


LA    TERRE   ABANDONNÉE  215 

d'honneur,  sa  cavalière  et  les  témoins  ;  les  autres  invités 
dans  les  bancs,  le  plus  près  possible  du  chœur. 

Ils  assistent  à  une  messe  que  sont  venues  entendre  un 
assez  grand  nombre  de  femmes  de  Puymaufre,  curieuses  ou 
dévotes.  Le  curé  fait  l'échange  des  anneaux,  les  unit  selon  le 
rite  catholique,  leur  adresse  quelques  paroles  brèves  et  quel- 
ques souhaits  de  bonheur;  et  après  la  visite  à  la  sacristie 
pour  les  signatures,  Louis  Poirier  est  bien  vraiment  le  mari 
de  Joséphine  Tripaud,  et  Joséphine  Tripaud  est  bel  et  bien  la 
femme  de  Louis  Poirier. 

Le  nouveau  ménage  prend  la  tête  du  cortège,  en  se  don- 
nant le  bras  d'abord,  puisqu'il  le  faut  ;  mais,  l'habitude  repre- 
nant le  dessus,  les  bras  glissent  ;  et  ils  en  arrivent,  à  peine 
au  sortir  de  l'église,  à  se  donner  les  doigts,  selon  la  vieille 
mode  des  amoureux  de  Vendée. 

Jean  Bertoux,  le  violoneux,  célèbre  à  dix  lieues  à  la  ronde, 
que  la  banalité  de  pareilles  cérémonies  n'émeut  plus,  a  tran- 
quillement attendu,  assis  sur  une  borne,  la  formation  com- 
plète du  cortège.  Il  prend  place  alors,  bien  en  tête;  et  les 
premières  notes  de  son  crincrin  donnent  le  signal  du  départ. 
C'est  1'  «  en-avant-marche  !  »  des  troupes  à  pied  ;  seulement, 
ici,  la  marche  est  plus  lente,  et  presque  cérémoniale.  L'air 
que  joue  le  violoneux  est  l'éternelle  répétition  de  la  même 
phrase  musicale,  née  évidemment  autrefois,  il  y  a  très  long- 
temps, sous  Farcliet  d'un  violoneux  vendéen.  La  phrase  est 
d'ailleurs  fort  jolie,  et  comporte  assez  de  gaieté  pour  la  célé- 
bration d'une  fête  de  joie. 

Et  le  cortège  défile  à  nouveau,  en  prenant  exprès  le  plus 
long  chemin,  entre  deux  haies  de  gens  curieux,  gouailleurs 
ou  sympathiques  ;  et  les  couples  s'éloignent,  suivis  des 
cancans  ou  simplement  des  bavardages  de  toutes  les  com- 
mères de  Puymaufre-Saint-Jean. 

Us  arrivent  enfin  à  la  maison  de  la  mariée.  Alors  les  em- 
brassades recommencent,  plus  nombreuses  qu'avant  le  départ 
pour  la  mairie.  Gela  dure  bien  une  demi-heure. 


216  LA    TERRE   ABANDONNÉE 

Mais  l'impatience  du  déjeuner  se  lit  dans  tous  les  yeux  ;  car 
il  est  midi,  et  les  estomacs  commencent  à  crier  famine. 

Enfin  le  garçon  d'honneur,  qu'une  cuisinière  vient  de  pré- 
venir, annonce  qu'on  va  se  mettre  à  table.  Tout  le  monde  s'y 
précipite,  dans  un  vague  cortège  qui  ressemble  plutôt  à  un 
vague  troupeau  de  moutons;  et,  passant  par  la  porte  de  la 
cour,  on  entre  sous  le  hangar  qui  sert,  pour  la  circonstance, 
de  salle  à  manger. 

Le  hangar  a  été  balayé  de  fond  en  comble  ;  les  vieilles 
toiles  d'araignée  qui  pendaient  aux  poutres  ont  été  enlevées 
au  balai.  Maintenant  qu'il  est  préparée  pour  la  fête,  il  est 
devenu  coquet,  élégant.  11  n'est  plus  reconnaissable. 

De  longues  tables  ont  été  dressées,  formées  d'une  dizaine 
de  tréteaux  sur  lesquels  ont  été  ajustées  et  clouées  des  plan- 
ches en  bois  blanc.  Des  draps  de  lit  ont  été  mis  en  guise  de 
nappe,  sur  lesquels  reposent  les  couverts  Us  y  a  là  trois 
cents  assiettes,  deux  pour  chaque  invité,  flanquées  de  la 
cuillère  et  de  la  fourchette.  Le  couteau  est  absent,  car  tout 
bon  Vendéen  doit  toujours  avoir  son  coutpau  dans  sa  poche. 

C'est  d'ailleurs  une  orgie  de  draps  de  lit  dans  le  hangar. 
Gomme  aux  Fêtes-Dieu,  sur  le  passage  du  dais,  pour  cacher 
la  chaux  et  les  angles  du  mur,  des  draps  ont  été  appendus 
sur  des  ficelles  que  soutiennent  des  clous  fichés  au  mur  Ces 
draps  sont  à  hauteur  d'homme  ;  et  des  épingles  y  retiennent 
des  touffes  de  feuillage.  Si  c'était  la  belle  saison,  il  y  aurait 
là  des  fleurs  champêfres  ;  mais  c'est  février,  mois  où  les  fleurs 
sont  mortes.  Malgré  tout,  telle  que  la  salle  se  présente,  l'effet 
n'en  esl  pas  moins  fort  gracieux  de  ce  feuillage  égayant  la 
monotonie  des  murs. 

Chacun  ayant  pris  sa  place  avec  bruit,  le  festin  pantagrué- 
lique commence.  Le  père  Tripaud  a  fait  tuer  un  veau  pour 
la  circonstance  ;  et  c'est  du  veau  que  l'on  va  manger,  du  veau 
en  vinaigrette,  en  ragoût,  en  rôtis  ;  du  veau  enfin  sous  toutes 
ses  formes. 

La  tête  du  veau  a  été  placée,  entourée  de  persil,  en  face  des 


LA    TERRE    ABANDONNÉE  217 

nouveaux  mariés.  Trois  ou  quatre  autres  têtes  de  veaux,  ache- 
tées chez  le  boucher,  figurent,  également  sur  les  autres 
tables. 

Quand  chacun  s'est  assis,  la  soupe  se  sert  ;  et  l'on  n'entend 
bientôt  plus  que  le  bruit  des  cuillères  battant  l'émail  des  as- 
siettes,et  dominant  le  bruit  des  voix  pas  encore  très  animées. 

Après  la  soupe,  la  tête  de  veau  en  vinaigrette.  Chacun  se 
fait  sa  sauce.  Ceux  qui  n'auront  pas  de  tête  de  veau  se  conten  - 
teront  du  ventre  du  veau  appelé  gras-double.  Les  plus  gour- 
mands prendront  des  deux. 

Ensuite  on  sert  le  ragoût.  Les  voix  s'animent;  car  chacun 
commence  déjà  à  être  excité  par  le  vin  rouge  qui  coule  à  flots. 
Il  y  a  en  effet  cette  remarque  à  faire  que,  dans  ce  pays  de 
Puymaufre  où  se  récolte  un  vin  blanc,  lequel,,  pour  n'être  pas 
coté  chez  les  restaurateurs,  n'en  est  pas  moins  délicieux,  c'est 
un  signe  de  richesse,  de  distinction,  que  d'oflrir  à  ses  invités, 
un  jourde  noce,  du  mauvais  vin  rouge  venu  de  Béziers  ou  de 
quelque  autre  Algérie. 

Les  voix  s'animent  de  plus  en  plus  ;  et  l'on  entend  déjà  dans 
les  coins  des  refrains  qui  s'esquissent. 

—  Tu  chanteras  une  chanson  tout  à  l'heure,  dis,  Hortense, 
toi  qui  chantes  si  bien  ? 

—  Je  veux  bien,  répond  la  jeune  fille  ;  mais  il  faudra  que 
Firmin  nous  chante  quelque  chose. 

Pirmin,  qui  est  le  garçon  d'honneur,  est  revenu  du  régiment 
en  même  temps  que  Louis  Poirier.  C'est  un  gars  pour  lequel 
Hortense  éprouve  du  sentiment. 

Le  gars  Firmin  ne  se  fait  pas  prier,  et  annonce  que,  tout  à 
l'heure,  il  va  chanter  une  chanson  nouvelle. 

—  Bravo  !  Bravo  !  crient  les  jeunes  filles  en  tapant  des  mains. 

Un  ou  deux  autres  plats  se  dévorent,  pendant  que  des  chan- 
sons retentissent,  de  jeunes  gens  ou  de  jeunes  filles,  toutes  ap- 
plaudies avec  le  même  entrain,  bien  que  souvent  la  justesse  de* 
voix  manque  totalement.  Ce  sont  de  fades  romances  démodées 
de  café-concert  ;  et  c'est  à  peine  si  une  ou  deux  chansons  en 


"iiS  LA    TERRE   ABANDONNEE 

patois  régional,  des  chansons  de  la  Vieille  Vendée,  se  font 
entendre. 

Cependant  voici  qu'on  apporte  les  rôtis.  Alors,  de  plus  en 
plus,  les  voix  s'animent.  Les  vieux  mangent  et  boivent  avec 
l'appétit  le  plus  louable.  Les  jeunes  gens,  rassasiés  à  moitié, 
ne  mettent  que  peu  d'entrain  à  la  mastication,  préférant  ta- 
quiner leurs  voisines  qui  sont  leurs  cavalières. 

Comme  le  dessert  est  proche,  la  partie  la  plus  sérieuse  du 
concert  commence.  Voici  en  effet  que  trois  amies  d'enfance 
de  la  mariée  se  lèvent  de  table,  et  vont  se  placer  devant  elle. 
Elles  entonnent  alors  «  la  chanson  de  la  mariée  »  la  seule,  celle 
qui  se  chante  à  présent  dans  toutes  les  noces  de  campagne, 
remplaçant  les  vieilles  cantilènes  d'il  y  a  moins  de  cent  ans  : 

o  Permettez  qu'en  ce  jour, 
0  jeune  et  tendre  épouse, 
S1  explique  notre  amour...  » 

Et  ce  sont  des  conseils  sans  fin  qu'elles  donnent  à  leur  com- 
pagne, et  des  souhaits  interminables  qu'elles  lui  adressent  en 
lui  offrant  un  bouquet  et  un  gâteau  symboliques. 

Quand  les  jeunes  filles  furent  retournées  à  leur  place,  la 
vieille  Michut,  de  Pnymaufre,  qui  avait  quatre-vingt-cinq  ans, 
et  se  trouvait  être  la  grand'lante  de  la  mariée,  se  leva  detable, 
et  poussa  elle  aussi,  de  sa  voix  chevrotante  mais  claire  encore, 
une  chanson  très  ancienne  qu'elle  devait  tenir  pour  le  moins 
de  sa  grand'mère  à  elle,  et  qui  était  en  patois.  Les  mots  de 
rossignulet  sauvage  alternaient  agréablement  avec  ceux  de 
Madame  l' épousée,  volage  papillon  et  flèche  de  l'Amour. 

Lorsque  la  vieille  mère  Michut  eut  fini  son  dernier  couplet, 
ei  qu'elle  se  fut  assise,  un  grand,  un  immense  tapage  fut  son 
succès.  Ce  fut  l'ovation  qu'elle  reçut,  car  elle  chantait  juste  et 
fort,  et  iivec  goût. 

Les  verres  s'entrechoquaient  à  présent  ;  et  la  gaieté  était  à 
son  comble  quand  on  apporta  le  dernier  plat  de  rôti. 

C'est  alors  que  se  fit  la  danse  du  gâteau. 


LA    TERRE    ABANDONNÉE  219 

D'après  une  vieille  coutume,  les  parrains  et  les  marraines 
du  marié  et  de  la  mariée  doivent  otïrir  un  gâteau  à  leur  filleul 
et  à  leur  filleule  le  jour  de  leur  mariage. 

Cette  coutume  est  si  bien  enracinée,  que  les  fils  ou  les  filles 
du  parrain  ou  de  la  marraine  décédés,  considèrent  comme 
un  devoir  d'otîrir  le  gâteau  au  filleul  ou  à  la  filleule  de  leur 
père  ou  mère  en  leur  lieu  et  place. 

Le  gâteau,  c'est  une  énorme  couronne  de  farine  délayée 
avec  des  œufs  battus,  en  pâte  tressée.  Son  aspect  est  celui 
d'une  grande  roue  de  charrette.  C'est  d'ailleurs  générale- 
ment une  friandise  qui  satisferait  les  estomacs  les  plus  déli- 
cats et  les  palais  les  plus  fins. 

Le  violoneux  Jean  Bertoux,  assis  dans  un  quelconque  vague 
bout  de  table,  a  fait  signe  à  Pierre  Chauvet,  le  parrain  du 
marié,  un  solide  gaillard  de  cinquante  ans  ;  et  les  deux  hom- 
mes se  lèvent,  ainsi  que  Blanchard  le  boulanger  de  Puymaufre 
qui  a  fait  le  gâteau. 

Pierre  Chauvet  se  laisse  mettre  sur  la  tête  l'énorme  gâteau 
qui  repose  sur  un  petit  plancher  circulaire.  Il  le  tient  bien  en 
équilibre  avec  ses  deux  mains.  Précédé  du  violoneux,  il  s'a- 
vance devant  les  convives.  A  son  entrée  les  mains  battenl,  et 
les  assiettes  et  les  verres  font  un  bruit  infernal.  C'est  un  signe 
de  joie. 

Le  parrain,  régulièrement,  devrait  danser  la  polka  que  joue 
le  violon  ;  mais  avec  ce  poids  sur  la  tête,  ses  pas  sont  lourds  ; 
et  il  ne  peut  que  passer  entre  les  tables  dont  il  fait  le  tour,  en 
se  levant  de  très  peu  gracieuse  façon,  sur  l'une  ou  l'autre 
jambe.  Au  passage  du  gâteau,  des  cris  d'admiration  l'ac- 
cueillent. 

—  Qu'il  est  beau  ! 

—  Qu'il  est  bien  doré,  et  bien  cuit  ' 

—  Qu'il  est  gros  ! 

—  On  voit  bien  que  c'est  Blanchard  qui  l'a  fait. 
Blanchard,  qui  suit  le  parrain,  entend  la  réflexion   et   s'en 

trouve  très  flatté. 


LA    TERRE    ABANDONNEE 

Enfin  le  tour  des  tables  est  fait.  Le  parrain  Ghauvet  a  fini 
sa  corvée.  Il  se  retire.  On  l'aide  à  remettre  en  place  le  gâteau 
qui  va  se  dépecer  et  se  distribuer  en  morceaux  tout  à  l'heure. 
Il  s'éponge  le  front  et  rentre  parmi  les  convives. 

Son  absence  n'a  pas  duré  cinq  minutes  ;  mais,  quand  il  re- 
vient, les  chants  ont  recommencé  avec  d'autant  plus  d'entrain 
que  le  vin  et  la  joie  ont  plus  échauffé  les  têtes. 

Dans  le  bruit  des  voix  et  des  chansons,  Firmin,  le  garçon 
il  honneur  se  lève  et  va,  avec  sa  cavalière  Céline,  quêter  de 
table  en  table,  en  ne  s'adreâsant  qu'aux  jeunes  garçons  et  aux 
jeunes  filles.  Le  résultat  total  de  la  collecte  doit,  comme  c'est 
l'usage,  servir  à  acheter  quelques  cadeaux  d'utilité  pratique 
pour  le  ménage.  Quand  la  collecte  est  finie,  les  deux  jeunes 
gens  vont  se  rasseoir. 

La  collecte  a  passé  d'ailleurs  presque  inaperçue  ;  elle  s'est 
faite  au  milieu  du  tapage  toujours  croissant  des  chansons 
dont  toute  la  noce  reprenait  le  refrain  en  chœur. 

Après  les  biscuits  et  le  café  avec  accompagnement  d'eau- 
de-vie,  il  y  avait  bien  près  de  trois  heures  que  les  invités 
étaient  à  tables. 

En  voici  pourtant  qui  se  lèvent,  lassés  de  toute  cette  orgie 
de  chants  entendus,  de  tapages  subis,  de  victuailles  absor- 
bées. C'est  très  agréable,  évidemment  d'être  à  table,  mais  il 
ne  faut  pas  oublier  ladanse  non  plus. 

Les  mariés  se  lèvent  de  table  ;  et  ils  sont  suivis  par  la  bande 
tapageuse  de  tous  les  jeunes  invités.  Seuls  les  très  vieux 
restent  encore  à  table. 

On  a  installé,  dans  un  coin  de  la  cour,  une  barrique  vide. 
Jean  Bertoux,  le  violoneux,  y  grimpe,  et  prélude  par  quelques 
notes  criardes  en  triples  et  quadruples  croches,  histoire  de 
se  faire  les  coudes. 

Il  est  deux  heures  et  demie.  La  mariée  ouvre  le  bal  avec 
son  mari.  C'est  par  une  polka  que  l'on  débute.  Chacun  prend 
la  taille  de  sa  chacune,  et  l'on  polke.  Après  la  polka   arrive  la 

ottish,   danse  distinguée  qui  succède  à  une   autre  danse 


LA    TERKL    AHANUONNÉE  221 

exotique.  Mai.  un  sent  que  ces  deux  danses,  sacrifiées  au 
goût  du  jour,  n'enthousiasment  pas  les  jambes  des  invités. 
Enfin  voilà  le  premier  quadrille  ;ivec  ses  diverses  figures  en- 
trecoupées par  les  cris  aigus  de  Jean  Bertoux,  le  violoneux  : 
-  Embrassez  vos  dames!..  Chaînes  des  dames  1..  Enavantles 
quatre-z-autres  !  » 

A  ce  quadrille  désormais  vont  succéder  maints  et  maints 
quadrilles  :  car  c'est  la  danse  locale  favorite,  celle  où  se  dé- 
ploie le  plus  l'énergie  des  gars  pour  enlever  les  filles  au 
commandement  du  violon.  Et  les  jambes  gigotent  ;  et  les 
tillesfont  des  révérences  gracieuses  aux  garçons  qui  leur  ré- 
pondent par  des  effets  de  torse  ou  de  jambes  d'un  goût  quel- 
quefois discutable.  El  ce  sera  ainsi,  cette  orgie  de  danses, 
jusqu'au  dîner. 

Pendant  ce  temps-là,  ceux  des  jeunes  gens  qui  n'aiment  pas 
la  danse,  par  goût  ou  timidité,  jouent  ensemble  ou  avec  les 
vieux,  aux  palets  dans  un  coin  de  la  cour.  Les  autres,  dans  le 
caniveau  sur  le  bord  de  la  maison,  jouent  aux  boules.  Joueurs 
de  palets  et  joueurs  de  boules  ont  cet  enjeu  dangereux  pour 
chaque  partie:  le  perdant  doit  boire  un  verre  de  vin.  Malheur 
donc  à  celui  qui  ne  tient  pas  du  Ciel  le  talent  du  discobole  : 
il  sera  ivre-mort  avant  le  dîner.  Il  y  a  ceci  à  remarquer,  en 
effet,  c'est  que  le  paysan  vendéen,  si  sobre  d'ordinaire,  les 
jours  de  travail,  devient  le  dimanche  et  dans  les  fêtes  de  chô- 
mage, d'une  rare  intempérance. 

Tout  autour  des  danseurs  un  cercle  s'est  formé,  comme 
dans  les  salons  du  grand  monde,  le  cercle  des  gens  qui  ne 
dansent  pas,  de  ceux  qui  font  tapisserie.  Ils  regardent,  cau- 
sent, rient,  attendent  le  dîner  ;  les  hommes  en  fumant  des 
cigares  d'un  sou  que  tiennent  inélégamment  leurs  doigts 
gourds  ;  les  femmes,  qui  sont  de  beaucoup,  les  plus  nom- 
breuses, papotent,  effleurent  le  chapitre  des  toilettes  si  cher 
à  toutes  les  femmes,  mais  s'attardent  surtout  complaisam- 
ment  sur  le  prix  des  déni  ées  dans  les  marchés  voisins,  sur  la 
façon  bizarre    dont  la  vache  à  Louis  a  fait  son  veau,  sur    les 

TOME  XII.  —  AVRIL,    MAI,    JUIN.  16 


222  LA    TERRK   ABANDONNEE 

pluies  trop  fréquentes  cette  année,  sur  monsieur  le  curé  de 
Palenfleu  qui  s'en  va  dans  une  autre  cure,  et  sur  beaucoup 
d'autres  choses  encore,  de  la  vie  courante  et  locale. 

Entre  le  déjeuner  et  le  dîner,  la  seule  diversion  qui  fut  faite 
aux  dames,  fut  celle  de  l'achat  de  cadeaux.  Ce  fut  l'arrêt, 
l'entracte  pour  les  danseurs,  mais  pas  pour  Jean  Bertoux,  le 
violoneux  qui,  comme  toujours,  prit  la  tête  du  petit  cortège 
formé  par  les  seuls  garçons  et  filles  de  la  noce,  pour  aller 
chez  les  commerçants  de  Puymaufre,  chercher  les  cadeaux. 

Les  filles  achetèrent  une  glace  en  bois  doré;  et  les  garçons 
une  petite  pendule.  Gomme  il  restait  encore  un  peu  d'argent, 
ils  purent  faire  emplette  d'une  lampe  à  huile,  d'un  tire-bou- 
chon, et  d'une  cuillère  à  soupe.  La  note  de  grivoiserie  ne 
manqua  pas  non  plus  d'être  donnée  ;  aussi,  pour  quinze  sous, 
purent-ils  rapporter  un  magnifique  vase  nocturne  avec  filets 
rouges  et  fleurs  jaunes  et  bleues. 

Chargés  des  cadeaux,  ils  s'en  retournèrent  danser,  avec  un 
entrain  toujours  croissant.  Au  bout  d'une  heure,  ils  étaient  en 
nage. 

Les  cuisinières,  pendant  ce  temps,  avaient  enlevé  les  assiet- 
tes et  les  reliefs  du  déjeuner  ;  puis  après  avoir,  tant  bien  que 
mal,  nettoyé  la  table,  elles  remirent  les  assiettes  pour  le  soir. 

Gela  n'étonnera  personne,  lorsqu'on  affirmera  que  le  repas 
le  plus  important  des  noces  vendéennes  est  le  déjeuner.  Les 
invités  ont  été  gavés  de  victuailles  durant  plus  de  deux  heures, 
et  se  sont  remplis  l'estomac  durant  toute  l'après-midi,  des 
boissons  les  plus  disparates.  Ils  n'ont  donc  plus  faim,  et  vont 
pour  la  (orme  vers  ce  dîner  où  d'ailleurs  ne  se  servent,  à 
part  quelques  nouveaux  plats,  que  les  reliefs  du  déjeuner. 

C'est  le  pot-au-feu,  dont  le  bouillon  est  plus  consommé  que 
le  matin,  qui  se  sert  à  nouveau  ;  le  reste  est  de  la  viande 
froide  ou  des  ragoûts  réchauffés 

Les  têtes  sont  enchaleurées  ;  aussi  la  gaieté  est-elle  à  son 
comble  au  dîner.  Tout  le  monde,  sous  l'influence  du  petit  vin 
blanc  clairet,  a  envie  de  rire,  même  le  père  Jean  Poirier  et  la 


LA    TERRJJ   ABANDONNÉE  228 

Rosalie,  qui  ont  dansé  une  petite  figure  dans  le  quadrille  ;  et 
cela  les  a  mis  en  train.  Il  y  avait  si  longtemps  qu'il  ne  leur 
était  pas  arrivé  de  se  démener  de  la  sorte. 

Durant  tout  le  dîner,  les  chants  éclatèrent,  avec  plus  de 
sonorité  encore  que  le  matin  même  ;  mais,  comme  il  se  faisait 
tard,  certains  parents,  habitant  au  loin,  s'excusèrent  de  ne 
pas  pouvoir  rester  plus  longtemps,  et  se  dirigèrent  vers  l'écu- 
rie de  l'auberge  voisine  où  étaient  leurs  chevaux  et  leurs  voi- 
tures. Ils  partirent  ainsi  une  vingtaine,  un  peu  dans  toutes  les 
directions.  Leurs  femmes  n'oublièrent  par  d'emporter  un  sou- 
venir de  ia  noce,  c'est-à-dire  un  morceau  de  gâteau  pour  leurs 
très  vieux  parents  ou  leurs  tout  jeunes  enfants,  dont  l'âge 
extrême  expliquait  l'absence. 

Bientôf  tout  le  monde  se  trouva  réuni  à  la  danse  ;  et  les 
quadrilles  reprirent,  aux  clartés  pâles  et  vacillantes  d'une 
dizaine  de  lanternes  accrochées  aux  murs,  ou  fichés  sur  des 
piquets  plantés  là  tout  exprès  pour  faire  office  de  réverbères. 

Jean  Bertoux,  le  violoneux,  monté  sur  sa  barrique,  continua 
à  se  secouer  les  bras  sous  prétexte  de  faire  de  la  musique  ;  et 
les  jambes  continuèrent  à  gigoter  de  la  plus  belle  façon.  Les 
garçons  mirent  de  plus  en  plus  d'ardeurs  à  serrer  la  taille  de 
leurs  cavalières,  étales  enlever  bien  haut,  pour  montrerqu'ils 
étaient  agiles  et  forts,  et  aussi  parce  que  cela  faisait  plaisir 
aux  filles. 

Mais  il  n'est  pas  de  fête  qui  dure.  Vers  dix  heures,  la  mariée, 
sans  dire  bonjour  ni  bonsoir,  s'esquiva,  et  le  marié,  sous  un 
vague  prétexte,  ne  tarda  pas  à  la  suivre,  subrepticement  lui 
aussi. 

A  cette  heure,  le  cercle  de  ceux  qui  ne  dansaient  pas  était 
clairsemé  ;  il  n'y  avait  pour  ainsi  dire  plus  de  galerie. 

Peu  à  peu  les  danseurs  s'éparpillaient.  Il  ne  restait  plus 
maintenant  que  les  enragés,  entr'autres  le  fils  à  Lucas,  qui 
dansait  si  bien,  et  la  fille  à  Bonneau  qui  s'en  ferait  mourir  de 
la  danse. 

A  onze  heures  la  journée  était  finie.  Danseuses  et  danseurs 


•J24  LA    TERRE    ABANDONNÉE 

allèrent  se  restaurer  un  peu  dans  la  maison  où  ils  prirent  du 
vin  chaud  en  mangeant  du  gâteau. 

Ils  discutèrent  en  riant  pour  savoir  s'il  y  avait  lieu  d'aller 
offrir  la  soupe  à  l'oignon  aux  mariés  ;  mais  comme  aucune 
cuisinière  ne  consentit  à  donner  d'oignons,  ils  laissèrent  de 
côté  ce  projet.  Ils  se  consolèrent  en  criaillant  à  tûe-tête  quel- 
que vague  chœur  campagnard  où  déjà  se  sentait  ravinement 
des  voix  ;  ils  poussèrent  à  merveille  des  ioup-ioup  et  des 
pi-i-i-i  !  Puis,  comme  les  cuisinières,  ayant  complètement  fini 
leur  ouvrage,  menaçaient  de  les  expulser  avec  l'aide  du  père 
Tripaud.  ils  se  décidèrent  à  partir  en  lançant  de  nouveau  à 
toute  volée  d'autres  ioup-ioup,  par  les  rues  de  Puymaufre 
endormi. 

Ils  reconduisirent,  en  chantant  ainsi,  les  jeunes  filles  chez 
elles  ;  et  chacun,  vers  minuit,  se  trouva  dans  un  lit,  ceux  de 
Puymaufre,  chez  eux  ;  ceux  des  environs  chez  des  amis,  ou  à 
l'auberge. 

Dès  neuf  heures,  le  lendemain  matin,  il  y  avait  bien  une 
dizaine  de  personnes  à  nouveau  réunies  chez  Tripaud  ;  car  au 
pays  de  Vendée,  plus  que  partout  ailleurs,  il  ne  saurait  y  avoir 
de  belle  fête  sans  lendemain,  et  ce  ne  serait  vraiment  pas  une 
belle  noce  que  celle  qui  ne  durerait  qu'un  jour. 

La  Rosalie  et  Jean  Poirier,  ayant  couché  dans  la  maison  de 
Tripaud,  se  trouvèrent  dès  le  matin,  la  Rosalie  à  aider  les 
femmes  de  ménage  dans  leur  besogne,  et  Jean  Poirier  en  train 
de  trinquer  avec  le  cordonnier. 

Quand  les  couples  furent  assez  nombreux,  en  attendant  le 
déjeuner,  les  jeunes  filles,  inlassables,  proposèrent  de  danser 
encore.  Galants,  les  garçons  acceptèrent  avec  un  enthousiasme 
feint,  et  un  soupçon  de  danse  s'organisa  ,  aux  accords  du 
violon  de  Jean  Bertoux,  loué  pour  deux  jours.  Mais  il  n'y 
avait  plus  le  même  enthousiasme  que  la  veille  ;  les  danseurs 
étaient  moins  nomhreux,  et  la  galerie  n'existait  pour  ainsi 
dire  pas.  Aussi,  bientôt,  comme  les  nouveaux  arrivants  n'é- 
taient que  des  vieux,  qui  ne  venaient  que  pour  le  déjeuner  et 


LA   TERRE   ABANDONNÉE  225 

que  la  danse  ne  tentait  pas  ;  comme  en  outre  l'heure  du 
déjeuner  était  proche,  le  combat  finit  sur  les  dix  heures,  faute 
de  combattants,  et  bientôt  il  n'y  eut  plus  de  danse  faute  de 
danseurs. 

Gomme  bien  l'on  pense*;  lorsque  Louis  Poirier  et  Joséphine 
parurent  sur  le  seuil,  ils  eurent  le  plus  grand  succès;  et  les 
acclamations  qui  les  accueillirent  ne  furent  même  pas  exemp- 
tes de  grivoiserie. 

—  Eh  bien,  Louis,  as-tu  passé  une  bonne  nuit  ? 

—  Eh  bien,  Joséphine,  tu  n'es  pas  trop  fatiguée  ? 

Et  bien  d'autres  questions  où  la  double  entente  n'existait 
même  pas. 

Le  déjeuner,  où  se  trouvaient  réunies  à  peine  cinquante 
personnes,  fut  banal.  Un  potage  gras,  encore  ;  car  il  ne  sau- 
rait y  avoir  de  repas  sérieux  sans  soupe  ;  puis  l'éternel  veau 
sous  toutes  ses  façons  de  se  laisser  accommoder. 

Des  chants  et  encore  des  chants  pour  varier  ;  puis  après  le 
dessert  où  se  finit  le  gâteau  de  la  veille,  après  le  café,  la  noce 
était  bien  vraiment  finie. 

Ce  fut  en  vain  que  Firmin,  le  garçon  d'honneur,  tenta,  pour 
la  forme,  d'organiser  un  quadrille  ;  il  ne  réussit  qu'à  aligner 
trois  ou  quatre  couples  qui,  eux-mêmes,  en  eurent  vite  assez. 
Chacun,  sans  se  l'avouer,  était  rompu.  Aussi  prit-on  le  parti 
le  plus  sage,  celui  de  terminer  la  noce. 

Les  Saulaies  n'étant  qu'à  une  petite  lieue  de  Puymaufre, 
les  jeunes  gens  décidèrent,  toujours  selon  l'usage,  d'aller 
conduire  les  nouveaux  mariés  chez  eux. 

Louis  Poirier  se  mit  donc,  avec  sa  jeune  femme,  en  tête  du 
cortège  qui  se  formait  ;  les  couples  s'appareillèrent  ;  et  les 
gars  de  bonne  volonté  se  chargèrent  des  présents.  L'un  prit 
la  pendule,  l'autre  le  globe  de  verre  qui  la  recouvrait  ;  un 
troisième  se  chargea  de  la  glace  qu'il  promit  de  rendre  saine 
et  sauve  jusqu'au  domicile  des  époux  ;  d'autres  enfin  empor- 
tèrent les  menus  présents  :  un  berceau,  une  layette,  une  pelle, 
une  pince,  un  balai.   Celui  qui  tenait  la  cuillère  à  pot,  et  qui 


226  LA   TERRE   ABANDONNÉE 

était  un  garçon  facétieux,  la  brandissait  comme  une   masse 
d*armes. 

Et  maintenant  en  route  pour  les  Saulaies,  violon  en  tête, 
comme  toujours,  avec  des  chants  assourdissants  qui  effarou- 
chaient les  canards  et  les  oies,  et  faisaient  se  sauver  les  bes- 
tiaux qui  paissaient  dans  les  prés  sur  les  bords  du  chemin. 

Après  trois  quarts  d'heure  de  marche,  on   arriva  aux  Sau- 
laies, où  se  trouvait  un  des  deux  valets,  celui  qui  avait  été  à 
la  noce  la  veille,  tandis  que  le  second,   plus  mal  partagé,  n'y. 
avait  assisté  qu'aujourd'hui.  Dès  qu'il  vit  venir  la  noce,  il  se 
mit  à  sauter,   et  à  jeter  sa  casquette  en  l'air  en  signe  de  joie. 

On  entra  dans  la  maison,  en  riant  et  en  chantant.  Les 
Poirier  offrirent  à  boire  de  leur  bon  vin  clairet  qu'ils  récol- 
taient eux-mêmes.  Il  se  trouva  deux  jeunes  couples  qui  essa- 
yèrent encore  de  danser  dans  un  coin  de  la  cour,  et  même 
sans  violon.  Puis,  au  bout  d'une  demi-heure,  quand  les 
cadeaux  eurent  été  montés  dans  la  chambre  des  mariés,  on 
fit  aux  Poirier  des  adieux  définitifs. 

Le  père  Tripaud  embrassa  sa  fille  ;  et  le  cortège  reprit  la 
direction  de  Puymaufre  C'était  la  fin  de  la  noce.  Le  mariage 
était  terminé  ;  chacun  s'en  retournait  chez  soi. 

(A  suivre.)  Gustave  GUITTON. 


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JOURNAL   D'UN   SABLAIS 

1803-1804 


Le  Fenestreau,   février  1899. 

En  ces  temps  derniers  où  l'éventualité  menaçante  d'une 
guerre  entre  la  France  et  V Angleterre,  a  ému  V opinion  publi- 
que, nous  avons  entendu  discuter  sur  le  rôle  du  port  des  Sables 
en  cas  de  conflagration.  Nous  ne  prenons  pas  parti  da?isla  ques- 
tion, fi'étant  pas  de  ceux  qui  s'imaginent  qu'il  suffit  d'habiter 
au  bord  de  la  mer  et  de  voir  rentrer  les  barques  de  poisso?is 
frais  à  notre  usage,  pour  posséder  l'autorité  et  la  compétence 
nécessaires  dans  d'aussi  graves  sujets.  Nous  ne  nous  sentons 
pas  le  courage  de  faire  manœuvrer,  en  paroles  sur  l'onde 
amère,  les  cuirassés  qu'un  vaudevilliste  dirige  effectivement  — 
tout  arrive  en  France,  et,  le  plus  curieux,  c'est  que  M.  Lockroy 
ne  serait  pas  plus  mauvais  ministre  de  la  Marine  qu'un  autre, 
ce  dit- on  !  — 

Laissant  de  côté  l'avenir,  nous  abandonnerons  également  le 
préseyit  pour  ramasser,  au  point  de  vue  maritime ,  quelques 
miettes  du  passé. 

Dans  les  papiers  recueillis,  Dieu  sait  avec  quel  soin,  parle 
regretté  et  savayit  docteur  Petiteau,  nous  trouvons  un  cahier 
dont  la  moitié  des  pages  fi  9  sur  38  J  avait  été  coupée  par  un 
inconnu  et  transformée  sans  doute  en  vulgaires  cornets,  mais, 
tel  qu'il  est,  il  renferme  qttelques  notes  intéressantes  sur  les  dé- 
buts de  la  guerre  navale  de  i  803,  aux  environs  des  Sables,  qui 
font  regretter  les  pages  perdues. 

C'est  une  espèce  de  journal  écrit  très  rapidement,  sans  aucune 
prétention,  par  un  Sablais  dont  on  ignore  le  nom,  mais  qu'il 
serait  peut-être  possible  de  retrouver,  grâce  à  une  phrase  du 


22S  JOURNAL    D'UN    SABLAIS 

texte.  La  partie  que  /tous  possédons  part  du  30 prairial,  an  XI, 
et  s'arrête  dans  les  premiers  jours  de   Ventôse,  an  XII. 

Apres  le  titre  qui  contient  deux  ancres,  à  la  sépia,  enlacées, 
et  une  notice  sur  la  lune  et  ses  phases,  l'auteur  du  manuscrit 
relate,  jour  par  jour,  presque  heure  par  heure,  les  événements 
ilniit  notre  port  vendéen  a  été  témoin. 

Très  clairement,  on  voit  le  rôle  important  joué  par  la  petite 
flotille  du  commandant  de  la  station,  René  Guiné.  Le  port  des 
Sables  servait  de  refuge  aux  nombreux  bateaux  de  tous  genres 
qui  naviguaient  entre  la  Loire  et  la  Charente.  En  présence  d'un 
ennemi  très  nombreux  et  entreprenant,  il  s'agissait  de  faire 
passer  le  plus  rapidement  possible,  d'un  point  à  un  autre,  une. 
quantité  de  bâtiments  de  commerce,  de  transports  de  troupes 
et  de  munitions.  La  lecture  attentive  du  Journal  sablais  mon- 
tre combien  cette  tâche  était  difficile,  et,  avec  quelle  habileté, 
elle  a  été  remplie.  En  dehors  des  mouvements  journaliers  de 
la  flotille  et  des  convois,  nous  remarquons  aussi  deux  ou  trois 
incidents  caractéristiques.  Aiftsi,  l'enlèvement,  par  les  Anglais 
le  I  6  frimaire,  en  rade  des  Sables,  d'une  prise  ennemie,  et  au 
milieu  de  V ahurissement  général,  la  belle  défense  de  quelques 
matelots  et  préposés  sablais.  Ailleurs,  l'intervention  heureuse 
des  canonnières  de  la  défense  en  faveur  de  bateaux  menacés 
par  des  corsaires  anglais.  Plus  loin,  la  destruction  partielle 
d'un  convoi  par  la  tempête,  la  dramatique  entrée  d'un  sloop 
dans  le  port.  Enfin,  à  signaler  l'intelligente  initiative  de  ce  ca- 
pitaine d'un  chasse-marée  qui,  serré  de  près  par  un  corsaire,  se 
réfugia  sous  la  batterie  du  Perray,  et,  voyant  que  celle-ci  ne  le 
protégeait  pas  de  son  feu,  —  la  garnison,  ô  étemelle  légèreté 
française,  était  occupée  à  «  ribotter  quelque  part!  »  -  débarqua 
et  pointant  lui-même  un  canon,  mil  en  fuit''  l'ennemi  par  un 
boulet  adroitement  envoyé  en  plein  bord . 

Bien  des  considérations  rassortent  du  journal  que  nous  pu- 
blions, il  est  inutile  de  les  souligner .  nos  lecteurs  les  trouveront 
eux-mêmes  :  laissons  maintenant  la  parole  à  notre  auteur. 

G.  IL  G. 


w  m 


JOURNAL  DES  EVENEMENTS 

OCCASIONNÉS     PAR 

LES  ANGLAIS  SUR  NOS  COTES,  ETC 

Commencé    le    30    fléorul,     I  /H    année    républicaine. 


1  1  Année.   —  Flore  ai. 

Le  30.  —  Les  Anglais  ont  commencé  les  hostilités  par  la 
prise  de  deux  bâtiments  dans  la  baye  d'Audierne. 

Prairial. 

Le  10.  —  Le  citoyen  Le  Brun,  aide  de  camp  du  1er  consul 
est  arrivé  icy,  à  10  heures  du  soir,  venant  de  l'isle  Dieu,  Saint- 
Gilles,  elc  ;  il  fut,  ;iussitôtson  arrivée,  visiter  le  fort  de  Saint- 
Nicolas  et  partit  le  lendemain,  à  i  heures  du  matin  pour  la 
Rochelle. 

Le  16.  —  Une  petite  division  anglaise  s'est  montrée  pour 
la  première  fois  de  cette  guerre  à  la  vue  de  notre  port. 

Le  17.  —  La  division  ci-dessus,  composée  d'un  vaisseau, 
une  frégate  et  un  brick  a  paru  dans  le  S.  0.  à  3  ou  4  lieues 
au  large. 

Le  20.  —  Le  chasse-marée  de  la  république,  le  Lézard, 
armé  de  6  canons  venant  de  Rochefort,  est  parti  de  ce  port 
pour  Lorient.  Le  bateau  plat,  le  ',  venant  de  Rochefort, 

chargé  de  canons  et  d'affûts,  est  entré  icy  ;  il  est  destiné  pour 
Saint- Gilles. 

1  Le  nom  manque  sur  le  manuscrit.  Du  reste,  le  lecteur  remarquera,  dans 
lr  courant  du  journal,  un  certain  nombre  de  vides  analogues.  — G.  H.  C. 


230  JOURNAL  DES  ÉVÉNEMENTS 

Le  20,  au  soir. —  Deux  bâtiments  dont  un  trois-mâts  et  un 
brick,  ont  paru  devant  la  rade  à  3  ou  quatre  lieues  au  large  ; 
Leur  manœuvre  et  leur  gréement  les  ont  fait  juger  anglais. 

Le  21.  —  Le  brick  dont  on  vient  de  parler,  s'est  montré 
dans  le  S.  0.  à  4  lieues  au  large. 

Au  soir.  —Un  bâtiment  dont  on  a  fait  une  frégate,  s'est 
montré  dans  le  S.  0.,  courant  au  S.  E.  à  4  lieues  au  large. 

Messidor 

Le  3.  —  Le  lougre  de  la  république,  l'Angélique,  comman- 
dé par  le  citoyen  Guiné  est  entré  dans  le  port. 

Le  4.  —  Le  corsaire  de  la  Rochelle,  le  ,  est  passé  en 

louvoyant  devant  notre  rade. 

Le  5.  —  A  la  pointe  du  jour  le  bateau  plat,  le  ,  destiné 

pour  Saint-Gilles,  est  parti  ainsy  que  plusieurs  bâtiments  qui 
étaient  en  rade  avec  luy. 

Idem  au  soir.  —  Un  cutter  anglais  a  paru  devant  notre  port 
donnant  la  chasse  à  un  brick  caboteur  qui  est  venu  mouiller 
en  rade,  (c'est  le  premier  corsaire  que  nous  ayons  vu  de  cette 
guerre). 

Le  6,  au  matin.  —  Le  l'r  convoi  sorti  de  ce  port, est  parti  pour 
le  Nord  sous  l'escorte  de  Y  Angélique. 

A  midy.  —  Le  convoi  dont  on  vient  de  parler,  est  retourné 
mouiller  en  rade. 

Au  soir.  —  Vers  huit  heures  et  demie,  V Angélique  est 
appareillée  pour  aller  reconnaître  un  cutter  qui  avait  paru 
tout  le  jour  devant  la  rade. 

Le  7,  au  matin.  —  Le  convoi  est  toujours  en  rade.  L' Angé- 
lique sous  voile  et  faisant  à  un  sloop  des  signaux  qu'il  ne  con- 
naissait sûrement  point,  luy  a  tiré  un  coup  de  canon  à  boulet 
qui  l'a  obligé  de  venir  mouiller  en  rade. 

Sur  les  6'  heures.  —  On  a  entendu  plusieurs  coups  de  canons 
de  gros  calibre  venant  du  côté  des  coureaux  de  l'isle  de  Ré. 

Sur  le  midy. —  Un  lougre,  présumé  anglais,  est  passé  devant 
notre  rade  au  nord. 


OCCASIONNÉS  PAR   LES    ANGLAIS    SUR   NOS   CÔTES  231 

Le  9.  —  \J  Angélique  est  appareillée  vers  les  5  heures  du 
matin,  elle  a  porté  vers  Saint-Gilles  où  elle  a  eu  connaissance 
des  Anglais  ;  elle  est  retournée  en  rade  et  a  donné  au  convoi 
l'ordre  de  rentrer  ;  une  partie  seulement  est  rentrée,!  dans  le 
port. 

Sur  le  midy.  —  Quatre  bâtiments  dont  deux  frégates,  se 
sont  montrés  devant  notre  port. 

Un  grand  bâtiment,  portant  un  pavillon  à  la  tête  de  son  mât 
d'artimon,  est  passé  devant  notre  rade  sur  les  huit  heures  du 
soir  ;  il  faisait  porter  pour  les  coureaux. 

Vers  les  9  heures.  —  Plusieurs  chasse-marée  venant  du 
Nord,  ont  mouillé  en  rade. 

Le  10.  —  Sur  les  6  heures  du  matin,  Y  Angélique  est  allée 
reconnaître  un  grand  bâtiment  dansl'E.  S.  E  courant  à 
terre  et  qu'on  prenait  pour  une  frégate  ;  lorsqu'il  a  été  à 
une  certaine  distance,  Y  Angélique  a  arboré  sa  couleur 
qu'elle  a  assurée  d'un  coup  de  canon  à  boulet.  Le  bâti- 
ment, n'y  ayant  fait  aucune  attention,  est  reviré  de  bord 
quelque  temps  après,  ce  qui  a  donné  lieu  de  le  reconnaître 
pour  marchand,  et  pour  le  même  qui  parut  hier  sur  le 
soir. 

Vers  midy.  —  L'apparition  de  plusieurs  trois-mâts  a  déter- 
miné la  rentrée  entière  du  convoi,  h' Angélique  est  restée 
seule  en  rade.  Sur  les  neuf  heures,  elle  a  levé  l'ancre  et  s'est 
rapprochée  du  port.  Les  bâtiments,  dont  on  vient  de  parler,  et 
qu'on  croît  être  des  frégates  anglaises,  avaient  disparu  dans 
le  Sud. 

Le  11,  au  matin.  —  Les  canonnières  Ylsle-Oieu,  la  Subtile 
avec  la  goélette  YAgile,  arrivent  avec  quelques  bâtiments 
qu'ils  escortent.  A  peine  la  Subtile  a  été  mouillée  qu'elle  a 
levé  l'ancre  avec  Y  Angélique  pour  courir  sur  YIsle-Dieu  et 
quelques  bâtiments  que  l'on  était  obligé  d'attendre. 

Vers  les  3  heures  du  soir.  —  Tout  le  convoi  composé  des 
bâtiments  qui  étaient  rentrés  dans  le  port  la  veille  et  ceux 
venant  des  coureaux,  sont  remis  en  rade. 


232  JOURNAL    DES   ÉVÉNEMENTS 

Dans  la  nuit  du  il  au  12. —  Le  convoi  est  appareillé  pour 
Fromentine. 

Le  12.  —  Au  matin,  une  frégate  paraît  dans  l'E.  S.  E.,  à 
trois  lieues  au  large. 

A  4  heures  du  soir.  —  La  frégate  dont  il  vient  d'être  parlé  a 
fait  venir  à  son  bord  une  galiote  (neutre)  en  luy  tirant  un 
coup  de  canon. 

Le  soir  vers  8  heures.  —La  même  frégate  fait  porter  sur  le 
S.  0. 

Le  13.  —  Sur  les  3  heures  après  midy,  la  goélette  l'Agile, 
venant  de  Saint-Gilles,  l'isle  Dieu,  etc,  est  mouillée  en  rade. 
Elle  rapporte  avoir  laissé  le  convoi  en  rade  de  Saint-Gilles 
où  il  était  retenu  par  les  vents  contraires. 

Sur  les  6  heures.  —  Elle  est  appareillée  pour  les  coureaux. 

Le  16,  au  matin.  —  L'Agile  avec  un  convoi  de  chasse-marée 
est  mouillée  en  rade.  Un  de  ces  derniers  voulant  s'échapper, 
elle  luy  a  tiré  plusieurs  coups  de  canon  qui  l'ont  obligé  de 
reprendre  le  mouillage  ;  quatre  chaloupes  ont  été  à  bord  de 
V Agile  y  prendre  des  troupes  qu'elle  avait  à  son  bord  ;  il 
paraît  depuis  le  jour  un  brick  neutre  qui  a  donné  quelques 
inquiétudes  avant  qu'il  fut  connu.  Un  lougre  paraît  dans  le 
S.  0  courant  sur  unegaliote.  La  brise  de  N.  0.  n'a  pas  permis 
aux  chaloupes  de  porter  à  l'isle  Dieu,  les  troupes  dont  il  vient 
d'être  parlé. 

Sur  les  5  heures.  —  La  canonnière  la  Subtile,  venant  de 
Kromentine,  est  mouillée  en  rade  avec  quelques   bâtiments. 

Dans  la  nuit  du  16  au  17.  —  La  Subtile  est  appareillée  pour 
les  coureaux  avec  quelques  bâtiments. 

Le  17.  —  Le  convoi  est  toujours  en  rade  où  il  est  retenu 
par  les  vents  du  N.  0. 

Le  18,  sur  les  6  heures.  —  L'Agile  a  donné  le  signal  d'ap- 
pareiller, et,  tout  le  convoi  est  parti  pour  le  N  ;  les  chaloupes 
chargées  de  troupes  et  un  bateau  plat  venant  de  Saint-Gilles 
chargé  de  munitions  de  guerre  qu'il  a  pris  icy,  et  dont  on  a 
parlé  dans  le  courant  de  ce  journal,  sont  aussi  partis,  les  pre- 
miers pour  l'isle  Dieu  et  l'autre  pour  Saint-Gilles. 


OCCASIONNÉS    PAR    LES    ANGLAIS    SUR    NOS    COTES  'Sd'.l 

Le  19, 3  heures  du  matin.  —  Un  pelit  convoi,  réuni  dans  notre 
rade  pendant  la  nuit,  est  appareillé  pour  le  Nord  sous  l'es- 
corte de  Ylsle  Dieu  et  de  l'Angélique. 

A  11  heures.  —  Le  cutter  l'Actif  a.rmé  de  4  canons,  2  pierriers 
et  24  hommes  d'équipage,  venant  de  Rochefort  est  mouillé 
en  rade  ;  il  y  avaitalors  une  goélette  louvoyant  pour  attraper 
lescoureaux  et  que  l'Actif  fut  reconnaître  avant  de  mouiller  ; 
on  présume  que  c'est  un  corsaire  de  la  Rochelle. 

Sur  les  6  heures.  —  L'Actif  est  appareillé  pour  entrer  dans 
le  port.  La  goélette  Y  Agile  venant  de  l'isle  Dieu,  est  mouillée 
en  rade. 

Le  20,  6  heures  du  matin.  —  L'Agile  est  entrée  dans  le  port. 

A  midy.  —  Un  lougre,  présumé  anglais,  paraît  devant  la 
rade  à  2  lieues  1/2  au  large,  courant  la  bordée  du  S.  0.  ; 
plusieurs  bâtiments  venant  du  Nord,  continuent  leur  route 
pour  les  coureaux. 

Sur  les  5  heures.  -  Le  convoi  parti  hier  matin  est  de  re- 
lâche dans  notre  rade. 

Le  24,  6  heures.  —  L'Agile  et  l'Actif  ont  sortie  la  marée  et 
mouillé  en  rade.  L'Agile  est  partie  quelque  temps  après  pour 
les  coureaux. 

A  une  heure.  —  Un  lougre  anglais  est  passé  devant  la  rade 
à  une  portée  et  demie  de  canon,  courant  sur  plusieurs 
chasse-marée  qui  venaient  des  coureaux.  L' Angélique  et  l 'Isle- 
Dieu  ont  fait  plusieurs  signaux  après  lesquels  ils  ont  levé 
l'ancre  pour  courir  sur  quelques  chasse-marée  qui  venaient 
mouiller  en  rade. 

A  2  heures  1/2.  -  Le  lougre  a  levé  chasse  et  fait  porter 
sur  le  S.  0. 

A3  heures.  —  L'Angélique  et  la  Subtile  sont  revenues  mouil- 
ler avec  le  convoi. 

Dans  la  nuit  du  21  au  22.  —  Le  convoi  est  appareillé  pour 
sa  destination. 

Le  22,  7  heures  du  matin.  —  Un  lougre  s'est  montré  devant 
le  port  courant  sur  le  N.  0. 


234  JOURNAL    DES   ÉVÉNEMENTS 

Le  23,  à  6  heures  du  matin.  V Angélique  et  Vlsle-Dien, 
convoyant  un  sloop  et  quelques  chasse-marée  sont  de  retour 
de  leur  mission. 

Le  même  jour,  à  la  marée,  Ylsle-Dieu  et  ['Angélique  sont 
entrées  dans  le  port. 

Le  24.  —  Dès  le  matin,  un  chasse-marée  s'est  montré  dans 
le  S.  E.  très  au  large  et  ayant  l'air  de  louvoyer  pour  attraper 
la  rade. 

Vers  les  7  heures  du  soir.  —  Le  même  chasse-marée  s'est 
tiré  du  S.  S.  0.  avec  un  lougre  et  donnait  la  chasse  aux 
chasse-marée  qui  faisaient  porter  pour  les  coureaux. 

Le  25  au  matin.  —  Le  lougre  et  le  chasse-marée  de  hier 
étaient  à  vue  ;.le  premier  dans  le  S.  E.  à  deux  lieues  au  large 
et  l'autre  dans  le  S.  0.  courant  au  Nord. 

A  7  heures  du  soir.  —  Il  a  paru  dans  le  sud  un  brick  armé 
qui  a  visité  une  galiote. 

Le  26  —  Le  même  brick  de  hier  a  paru  dans  le  S.  0.  cou- 
rant au  S.  E  L' Agile  et  la  Subtile  ayant  des  troupes  à  bord,  sont 
arrivées  en  rade  ;  des  chaloupes  destinées  à  prendre  les  trou- 
pes pour  les  porter  à  l'isle  Dieu  se  rendent  à  bord. 

Sur  les  2  heures  du  soir.  —  Une  division  anglaise  de 
frégates  et  corvettes  s'est  montrée  au  large  dans  le  S.  S.  O. 

Le  27,  6  heures  du  matin.  —  V Agile  et  les  chaloupes  char- 
gées de  troupes  sont  appareillées  pour  l'isle  Dieu.  Il  ne 
paraît  aucun  ennemi. 

Sur  les  2  heures  après  midy.  —  Une  frégate  s'est  montrée 
dans  le  sud  très  au  large,  et  a  disparu  peu  de  temps  après. 

Sur  les  8  heures.  —  Un  petit  convoi  escorté  par  V Angélique 
et  Vlsle-Dieu,  est  parti  de  la  rade  pour  Fromentine. 

L"  28  au  matin.  —  L'Agile  et  les  quatre  chaloupes  venant 
de  l'isle  Dieu,  sont  en  rade.  Elles  ont  des  troupes  qu'on  leur  a 
données  pour  l'isle  de  Ré. 

Au  soir.  —  La  Subtile  qui  était  dans  le  port  depuis  quelques 
jours  a  mis  en  rade,  et  est  partie  quelque  temps  après  pour 
les  coureaux  avec  l'Agile  et  deux  chasse-marée  dont  celuy 


OCCASIONNÉS    PAR    UBS    ANGLAIS    SUK    NOS    CÔTKS  235 

bâti  icy  par    le  sieur    Guéri,   constructeur  ,  un    lougre  cou- 
rant à  terre  paraissait  dans  le  S.  E. 

Thermidor . 

Le  i,r  -  Un   lougre   s'est  montré  dans  l'a  près   midy  dans 

le  S.  0. 

Le  2.  —  L'Agile  et  la  Subtile,  venant  des  coureaux  son- 
mouilléesen  rade  vers  les  6  heures  du  matin  ;  elles  sont  rem- 
plies de  troupes,  pour  l'isle  Dieu. 

Vers  les  10  heures.  —  La  goélette,  la  Guadeloupe  partie 
avec  les  précédents,  est  mouillée  en  rade  ;  elle  est  aussi  rem- 
plie de  troupes.  Toutes  les  troupes  des  différents  bâtiments 
ont  été  réparties  dans  une  douzaine  de  chaloupes  qui  doivent 
les  conduire  à  l'isle  Dieu  sous  l'escorte  des  bâtiments  de 
guerre  dont  on  vient  de  parler.  (A) 

Dans  la  nuit  du  2  ou  3.  —  Ils  sont  tous  partis  pour  leur 
destination. 

Le  3,  5  heures  du  soir.  —  L'Angélique,  l'isle  Dieu  et  Y  Actif 
escortant  une  quarantaine  de  bâtiments  venant  du  N.  sont 
mouillés  en  rade.  Une  frégate  anglaise  a  paru  dans  le  S.  S.  0. 
très  au  large. 

Le  4,  4  heures  du  matin.  —  Le  convoi  dont  on  vient  déparier 
est  appareillé  pour  les  coureaux.  Les  vents  contraires  l'ont 
obligé  de  venir  reprendre  le  mouillage.  Sur  le  milieu  du  jour 
une  jolie  goélette  ayant  appareillé  de  la  rade,  est  rencontrée 
par  un  corsaire,  vers  la  Gâchère,  lequel  envoya  son  canot 
qui  l'amarina  malgré  que  les  préposés  qui  s'étaient  embarqués 
luy  eussent  tué  un  homme  et  mis  un  autre  hors  de  combat. 
Ce  bâtiment  était  infailliblement  perdu  sy  Y  Agile  revenant  de 
l'isle  Dieu  n'eut  obligé  les  Anglais  de  l'abandonner. 

Sur  les  2  heures.  —  Le  convoi  est  réappareillé  avec  la  brise 
du  N.  0.  Le  même  jour,  plusieurs  chaloupes  de  Saint-Gilles 
ont  été  obligées  de  faire  côte,  chassées  par  le  môme  corsaire, 

(A)  Il  n'y  a  q\i*V  Agile,  qui  est  allée  escorter  les  chaloupes,  les  deux  bâti- 
ments ont  fait  voile  pour  l'isle  de  Ré. 


236  JOURNAL    DES    ÉVÉNEMENTS 

Le  5,  5  heures  du  matin.  —  Les  bâtiments  de  guerre  partis 
hier  pour  les  coureaux,  sont  en  rade  avec  la  Subtile  et  la 
Guadeloupe  ayant  des  troupes  à  bord  (Toujours  destinées 
pour  l'isle  Dieu).  \ 

A  11  heures.  —  L Agile,  revenant  de  l'isle  Dieu,  est  mouil- 
lée en  rade. 

La  Subtile  et  la  Guadeloupe  ayant  déposé  leurs  troupes  dans 
les  chaloupes  destinées  à  les  porter  à  l'isle  Dieu,  sont  appa- 
reillées pour  les  coureaux.  Plusieurs  chasse-marée,  venant  de 
ce  dernier  endroit,  sont  mouillés  en  rade. 

Sur  les  8  heures.  -  Le  cotre  V Actif  venant  d'observation, 
est  remouillé  en  rade. 

Le  6.  —  Plusieurs  frégates  se  sont  montrées  dans  le  S. 
très  au  large. 

Le  7,  5  heures  du  matin.  —  Le  convoi,  V Agile  et  les  cha- 
loupes sont  partis  pour  leur  destination.  Sur  le  soir,  une 
frégate  s'est  montrée  dans  le  S.  E. 

Le  8,  5  heures  du  matin.  —  L'Agile  et  les  chaloupes  sont  re- 
tour de  leurmission. 

11  heures.  —  V Agile  est  partie  pour  les  coureaux. 

9  heures  du  soir.  —  L'isle  Dieu  et  X Angélique  arrivent  en 
rade. 

Le  10.  —  Plusieurs  bâtiments  qu'un  présume  être  neutres, 
se  sont  montrés  dans  le  S.  L' Angélique  et  Ylsle-Dieu  sont 
entrées  dans  le  port. 

Le  12  au  matin.    -  Ils  ont  remis  en  rade. 

Le  14.  —  Ils  ont  appareillé  pour  aller  au  devant  d'un  con- 
voi venant  de  l'isle  de  Ré,  escorté  par  V Agile  et  \a. Subtile.  Les 
vents  contraires  ne  leur  ayant  pas  permis  de  continuer  leur 
route  vers  le  N.  ils  ont  tous  mouillé  en   rade 

Le  15.  —  A  la  marée  du  soir,  ils  ont  entré  dans  le  port. 

Le  16.  —  Un  bateau  plat  et  une  goélette  de  la  République  sont 
entrés  dans  le  port  vers  les  5  heures  du  matin.  Ils  ont  à  bord 
les  ustensiles  nécessaires  aux  signaux. 

Au  soir.  —  Le  convoi  a  mis  en  rade,  la  Subtile  a  fait  por- 


OCCASIONNÉS    PAR    LB8    ANGLAIS    SUR    NOS    COTES  237 

ter  de  suite  pour  les  coun:aux  ;  ['Agile,  vers  les  6  heures,  est 
allée  eu  découverte  du  côté  de  Saint-Gilles. 

Le  17,  5  heures  du  matin.  -  Le  convoi  est  parti  pour  sa 
destination.  Le  bâton  de  signaux  a  été  placé  vers  dix  heures, 
à  la  maison  de  ville. 

Le  21.  —  L'Agile  et  Y  Angélique  escortant  un  convoi  venant 
du  N.  sont  mouillées  en  rade  sur  les  6  heures  du  matin. 

La  Subtile  et  la  Guadeloupe  venaient  en  même  temps  des 
coureaux  avec  un  autre  convoi  qui  a  aussi  mouillé  en  rade. 

Le  22.  —  L'Agile  est  appareillée  de  la  rade  avec  un  général 
à  bord  qu'elle  a  conduite  à  l'Isle-Dieu.  Sur  le  soir,  il  a  paru 
un  lougre  dans  le  S.  à  deux  lieues  au  large. 

Le 23.  —  Le  même  lougre  de  hier  s'étant  tenu  toute  la 
nuit  sur  les  côtes  de  la  Tranche,  quatre  chasse-marée  se  ren- 
dant dans  les  coureaux  s'en  sont  aperçu  trop  tard  pour  l'éviter, 
deux  ont  été  amarinés.  L'Angélique  et  YIsle-Dieu  en  ayant  eu 
connaissance  ont  appareillé  et  couru  dessus,  mais,  malgré 
leur  bonne  volonté,  le  calme  et  la  marche  supérieure  de  l'en- 
nemi a  rendu  leur  zèle  inutile,  et,  les  deux  chasse-marée  pris 
auraient  été  emmenés  sans  un  petit  canot  armé  de  6  ou  7 
hommes,  du  convoi,  dont  la  présence  a  suffi  pour  obliger  les 
Anglais  à  abandonner  leur  proie. 

Le  23.  —  Entre  onze  heures  et  minuit,  le  convoi  est  appa- 
reillé pour  Fromentine. 

Le  25.  —  Un  lougre  venant  du  Nord  est  passé  sur  les 
7  heures  du  soir  à  une  portée  de  canon  ;  on  assure  que  la  nuit 
suivante,  il  a  enlevé  en  rade  un  chasse-marée  breton  qui  était 
mouillé  avec  4  ou  5  autres. 

Le  27.  —  La  Subtile  et  un  petit  convoi  sont  mouillés  en 
rade  1h  nuit  précédente.  L'Agile  est  arrivée  du  Nord  et 
mouillée  en  rade  sur  les  6  heures.  Vers  une  heure  après  midy, 
elle  est  appareillée  avec  la  Subtile  et  quelques  chasse-marée  ; 
Les  vents  contraires,  ont  obligé  la  Subtile  à  retourner  au 
mouillage.  L'Agile  n  continué,  et  donné  la  chasse  à  un  lnugr>' 
corsaire  qui  avait  trop  d'avance   sur  elle  pour  qu'elle    put 

TOME    XII.    —    AVRIL,    MAI,    JUIN.  17 


238  JOURNAL  DES  ÉVÉNEMENTS 

l'atteindre,  mais  ayant  eu  connaissance  d'un  chasse-marée 
qui.  par  sa  manœuvre  luy  paraissait  suspect,  elle  fit  porter 
dessus  et  l'amarina.  Il  paraît  que  c'est  celui  que  le  corsaire 
avait  pris  en  rade,  la  nuit  du  25  au  26,  et  qu'il  avait  armé  de 
quelques  pierriers. 

Le  28,  3  heures  du  soir.  —  La  première  péniche  du  5a  arron- 
dissement a  été  lancée  (aux  Sables). 

Le  29.  —  La  Subtile  et  le  petit  convoi  en  rade  avec  elle, 
sont  entrés  dans  le  port. 

Le  30.   —  La  Subtile  est  partie  pour  les  coureaux. 

Fructidor 

Le  1"  Un  bateau-plat  venant  de  Saint-Gilles  est  mouillé 
en  rade.  Une  frégate  se  tirant  du  large  a  donné  la  chasse  à 
quelques  chasse-marée  sur  lesquels  elle  a  tiré  quelques  coups 
de  canon.  La  môme  frégate  s'est  montrée  dans  le  Sud  très 
au  large  sur  les 6  heures  du  soir  courant  sur  l'est,  ses  huniers 
sur  le  ton. 

Le  3,  6  heures  du  matin.  —  1Ï Angélique,  Vlsle-Dieu  et 
V Actif  sont  mouillés  en  rade.  Us  viennent  du  Sud,  probable- 
ment d'y  conduire  un  convoi  qu'ils  avaient  pris  à  Fromentine. 

Dans  la  nuit  du  3  au  4.  -  Le  canot  de  la  douane  nationale 
et  la  grande  voile  d'une  de  nos  chaloupes  de  pêche  ont  été 
enlevés. 

Le  4.  —  Entre  onze  heures  et  minuit  le  convoi  est  appa- 
reillé pour  Fromentine. 

Le  5.  —  Une  frégate  courant  à  terre  s'est  montrée  dans  le 
S.  E. 

Le  6.  —  L'Agile  et  la  Guadeloupe  sont  mouillées  en  rade.  Ils 
viennent  du  S.  escortant  un  convoi  pour  le  nord.  Sur  les 
3  heures  la  Guadeloupe  est  partie  pour  les  coureaux  avec  un 
couple  de  chasse-maré' 

Sur  les  6  heures.  —  La  YIsle-Dieu  et  Y  Angélique  sont 
mouillées  en  rade  revenant  de  Fromentine. 


OCCASIONNÉS    PAR    LES    ANGLAIS    SUR    NOS    COTES  239 

Le  7.  ~  Le  convoi  est  parti  pour  Fromentine,  à  l'exception 
de  V  Angélique  qui    est   entrée   hier   dans    le    port.    Sur    les 
9  heures  V A  .^gé ligue  a.  mis  en  rade  et  se  propose  de  partir  pour 
Rochefort. 
4  heures.  —  Elle  est  appareillée  avec  la  brise  de  N.  0. 

LeQausoir.  L'Agile  etquelques  chasse-marée  ont  mouillé 
en  rade  venant  de  Fromentine 

Le  10.  —  La  Vide- Dieu  et  la  Guadeloupe  escortant  un  con- 
voi sont  mouillées  en  rade  à  la  pointe  du  jour.  Ils  viennent  des 
coureaux,  (isle  de  Ré)  où  ils  ont  conduit  un  convoi  de 
Fromentine 

Le  11.  —  h' Agile  est  arrivée  du  N.  Elle  est  repartie  peu  de 
temps  après  pour  le  S.  avec  \âVlsle-Dieu. 

Le  15.  —  L'Angélique  venant  de  Rochefort  est  mouillée  en 
rade  sur  les  8  heures.  L'Agile,  le  cutter  le  Renaud,  et  lal7s/e- 
Dieu  venant  des  coureaux  sout  aussi  mouillés  en  rade  vers 
midy  ;  ils  ont  quelques  troupes  à  bord  destinées  pour  l'isle 
Dieu.  L'Agile  y  porte  le  général  Andréossi  (général  du  Génie) 

Le  16.  —  L'Agile  et  le  cotre  le  Renaud  sont  partis  pour 
l'isle  Dieu  avec  cinq  chaloupes  portant  les  troupes  dont  on 
vient  de  parler.  La  Subtile  et  la  Guadeloupe  arrivées  hier  des 
coureaux  avec  quelques  caboteurs  sont  aussi  reparties  pour 
leur  station.  Aujourd'hui  ont  commencé  les  signaux  de  côtes 
à  notre  vigie  de  la  Chaume.  La  deuxième  péniche  a  été  lancée. 

A  midy.  Un  brick  portant  pavillon  danois  louvoie  pour 
attraper  la  rade.  Le  fort  de  Tanchet  luy  a  tiré  un  coup  de 
canon. 

Le  17. —  L'Agile  et  les  chaloupes  sont  arrivées  de  leur 
mission  sur  les  8  heures  du  soir;  un  homme  (Berjonneau) 
faisant  partie  de  l'équipage  de  l'une  des  chaloupes  s'est  noyé 
en  revenant  icy. 

Dans  la  nuit  du  17  au  18.  -  Le  convoi  qui  était  resté  sur 
rade  est  parti  pour  le  Nord. 

La  18.  —  L'Agile  est  entrée  dans  le  port  pour  se  faire 
donner  un  suif. 


240  JOURNAL  DES  ÉVÉNEMENTS 

Un  cotre  et  uim  sraliote  qu'on  croit  être  ennemis,  se  sont 
montrés  d;ms  te  S.-O.  à  3  lieues  au  large  en  même  temps 
qu'il  paraissait  devant  Saint-Jean  un  petit  convoi  de  gabares 
de  Nantes  escorté  par  la  canonnière,  la  Subtile. 

Le  19,  au  matin.  Un  bâtiment  qu'on  croit  être  la  galiote 
de  hier,  s'aperçoit  dans  le  S.  0.  très  au  large. 

V Angélique  et  la  Ylsle-Dieu  reviennent  de  Promentine,  avec 
un  convoi  destiné  pour  le  S. 

Au  soir.  —  h' Agile  a  remis  en  rade. 

Le  20,  à  la  pointe  du  jour.  —  L'Agile  et  YA?igéliqne  étaient 
parties.  L'Agile  doit  être  allée  à  Pisle  Dieu  y  reprendre  les 
généraux  Andréossi,  etc. 

Sur  les  4  heures  du  soir.  —  Le  convoi  dont  on  vient  de 
parler,  est  parti  pour  les  coureaux  ;  il  était  escorté  par  la 
Subtile  et  Ylsle-Dieu. 

Le  21, 9  heures  du  matin  —L'Angélique  est  mouillée  en  rade. 

Le  22,  à.  la  pointe  du  jour.  —  L'Agile  et  le  cotre,  le  Renaud, 
sont  mouillés  en  rade,  venant  de  l'isle  Dieu  ;  sur  les  6  heures 
du  matin  ils  ont  appareillé  pour  les  coureaux  (isle  de  Ré). 

Le  23.  —  L'Agile  est  de  retour  en  rade,  avec  quelques  cabo- 
teurs. 

Le  24.  —  Une  frégate  et  un  cotre  anglais  ont  resté  une  par- 
tie du  jour,  à  la  vue  du  port  dans  le  S.  E. 

Le  25.  —  Le  cotre  de  hier  s'est  montré  sous  le  vent  des 
Barges. 

Le  convoi  qui  était  en  rade,  est  appareillé  pour  Fromentine, 
sous  l'escorte  de  la  Subtile  et  Y  Angélique. 

Le  26,  au  matin.  —  La  Subtile  est  mouillée  en  rade  avec  un 
bateau  plat  et  quelques  caboteurs  venant  des  coureaux. 

Le  28.  —  La  Subtile  est  partie  pour  les  coureaux. 

Idem.  —  L'Angélique  et  Y  Agile  sont  arrivés  de  Promen- 
tine. 

Le  29.  —  L'Agile  est  partie  pour  les  coureaux  et  Y  Angélique 
est  entrée  dans  le  port  ;  le  temps  est  enfin  à  la  pluie  ;  dès  hier 
il  commença  à  pleuvoir,  et,  aujourd'hui,  il  pleut  à  verse. 


OCCASIONNÉS    PAR    LES    ANGLAIS    SUR    NOS    CÔTES  241 

Complémentaires . 

Dans  la  nuit  du  l"  au  2e  complémentaire  —  L'Angélique  et 
quelques  caboteurs  ont  sorti  du  port  pour  mettre  en  rade,  et 
d'où  ils  sont  partis  dans  la  matinée  du  2°  pour  Fromentine. 

Le  2.  —  L'Agite  venant  des  coureaux  et  suivie  d'un  convoi, 
escorté  par  la  Subtile  et  la  Guadeloupe,  ont  mouillé  en  rade 
le  matin.  Au  soir,  Y  Agile  et  les  caboteurs  ont  entré  dans 
le  port.  La  Subtile  et  la  Guadeloupe  ont  aussi  entré  dans  le  port. 

Le  3,  au  matin.  —  La  Subtile  et  la  Guadeloupe  ont  parti 
pour  les  coureaux. 

Le  5.  —  L' Angélique  revenant  de  Fromentine,  est  arrivée 
en  rade.  Le  môme  jour,  Y  Agile  et  quelques  caboteurs  qui 
étaient  dans  le  port,  ont  mis  sur  rade  et  parti  de  suite  avec 
Y  Angélique  pour  Fromentine. 

Vendémiaire. 

Le  3  —  Sur  les  8  heures  du  soir,  la  Subtile  et  un  brick 
caboteur  ont  mouillé  en  rade  venant  des  coureaux. 

Le  4.  —  Au  matin,  Y  Agile  et  Y  Angélique  escortant  un  petit 
convoi  ont  passé  devant  la  rade  ;  Y  Agile  ayant  fait  des 
signaux  à  la  Subtile  qui  était  mouillée  en  rade,  elle  a  ap- 
pareillé et  accompagné  le  convoi.  Sur  les  10  heures,  les  vents 
contraires  l'ont  obligée  de  venir  mouiller  en  rade  à  l'ex- 
ception de  Y  Agile  qui  a  toujours  continué  à  tenir  la  mer. 

Le  5  —  L'Angélique  et  Ylsle-Dieu  sont  entrées  cette  nuit 
dans  le  port.  La  Subtile  et  quelques  caboteurs  qu'il  y  avait  en 
rade,  sont  partis  pour  les  coureaux. 

Vers  les  deux  heures,  Y  Agile  venant  des  coureaux,  est 
mouillée  en  rade,  d'où  elle  est  entrée  dans  le  port. 

Le  6  au  matin.  —  La  Guadeloupe  est  arrivée  des  coureaux 
avec  un  général  à  bord,  lequel  a  passé  à  bord  de  la.  Subtile 
quil'a  conduite  Fromentine  (ou  Nantes). 

Au  soir.  —  La  Ylsle-Dieu  a  mis  sur  rade. 

{A  suivre).  G.  Henri  Colins. 


MUSES  VENDÉENNES 


SUR    LE    GOLGOTHA 


Le  doux  Nazaréen  a  gravi  son  Calvaire, 
Dotait,  le  cœur  brisé  des  clameurs  qu'il  entend. 
Le  gibet  qui  s'apprête,  et  que  lui-même  attend, 
Le  recevra  brové  comme  le  blé  sur  l'aire. 


Avec  ses  vêtements  tout  souillés,  les  bourreaux 
De  sa  chair  palpitante  arrachent  des  lambeaux.. 
Le  Mage  dut  soudain  voir  pâlir  une  étoile, 
Car  Celui  devant  qui  le  séraphin  se  voile 
Pour  ces  tigres  devient  un  objet  de  mépris. 
Lors  Marie,  ô  douleur  !  baise  ces  yeux  flétris, 
Et  du  front  maternel  détachant  le  long  voile, 
En  ceint  pieusement  le  corps  nu  de  son  Fils  ! 


1/1  iomme-Dieu  jusqu'au  fiel  doit  vider  son  calice  : 
Il  a  livré  ses  bras,  tendus  brutalement, 
Et  le  cruel  marteau  sur  les  clous  du  supplice 
Ketombe  sourdement. 

Bientôt  la  croix  se  dresse  en  la  fissure  étroite, 
Entre  deux  malfaiteurs  ;  suspendus  à  leur  tour, 
L'un  blasphème  à  grands  cris  Jésus,  celui  de  droite 
L'implore  avec  amour. 

Le  Rédempteur  a  soif;  mais  rien  n'émeut  la  foule. 
Les  morsures  des  fouets  se  rouvrent  à  la  fois, 
De  son  chef  couronné  d'épines  le  sang  coule 
.Jusqu'au  bas  de  la  croix... 

Lentement  il  abaisse  un  regard  vers  la  terre, 
Cherchant  l'adieu  des  siens  qu'il  n'a  point  oubliés  ; 
Mais  de  ceux  qu'il  aimait,  pleurant  avec  sa  Mère, 
Un  seul  est  à  ses  pieds. 


SUR   LE    GOLGOTHA  243 

La  veille,  au  Sanhédrin  Judas  livrait  son  Maître  ; 
Jean  même  s'est  enfui,  par  la  peur  retenu, 
Et  devant  des  valets,  dans  la  cour  du  grand-prêtre, 
Pierre  l'a  méconnu... 

Pourtant  —  suprême  vœu  de  l'auguste  Victime,  — 
Celui  qui  sur  le  cœur  de  Jésus  reposa 
Est  donné  pour  enfant  à  la  Vierge  sublime, 
«  Mater  dolorosn  .    » 

Voici  l'heure  d'angoisse,  et  dans  la  Ville  sainte 
Régnaient  déjà  le  trouble  et  la  confusion, 
Quand  les  ombres  des  morts  sèment,  avec  leur  plainte, 
La  désolation. 

Du  temple  dans  la  nuit  a  disparu  le  faîte  : 
La  nature  d'un  Dieu  vient  attester  la  mort, 
Tandis  que  les  soldats,  comme  écrit  le  prophète, 
Jettent  sa  robe  au  sort. 

Près  d'épuiser  enfin  les  tortures  humaines, 
Repoussé  par  les  Juifs  comme  un  vil  criminel, 
Le  Sauveur  semble,  alors,  aux  nations  lointaines. 
Murmurerfun  appel. 

Son  sang  remplacera  les  antiques  symboles, 
Car  dans  une  accalmie  étrange,  où  les  éclairs 
Luisent  seuls,  on  entend  ces  divines  paroles 
Tomber  du  sein  des  airs  : 

«  Tous  ceux  dont  je  subis  la  haine  et  la  colère, 
En  proie  à  la  fureur  des  esprits  ténébreux, 
Ne  savent  ce  qu'ils  font  :  pardonne-leur,  ô  Père  ! 
Je  vais  mourir  pour  eux. 

Il  meurt.  . .  Et  sa  puissance  en  prodiges  éclate  : 
Tout  paraît  s'abîmer  et  rentrer  au  chaos, 
Et,  frappé  de  terreur,  l'envoyé  de  Pilate 
«  Ne  lui  rompt  point  les  os.   » 

Venez  le  recueillir,  âmes  que  rien  n'effraye  ; 

Préparez  à  Jésus  le  suaire  embaumé, 

Car  tout  son  corps  blêmi  ne  forme  qu'une  plaie, 

Et  «  tout  est  consommé.  » 

A.   M  ET  AV. 


LE  BAS-POITOU  A   PORT-ROYAL 


ANTOINE    BAUDRY     D'ASSON 


Au  nombre  des  austères  habitants  de  Port-Royal-des- 
Champs,  dont  le  deux-centième  anniversaire  de  la 
mort  de  Racine  vient  d'évoquer  le  souvenir,  se  trouvait 
un  pieux  ancêtre  du  vaillant  député  actuel  de  la  Vendée, 
Antoine  Baudry  d'Asson. 

A  Texemple  de"  son  ami  M.  de  Hillerin,  il  avait  à  trente  ans 
quitté  le  monde,  et  renonçant  à  la  fortune,  aux  deux  chapelles 
et  au  prieuré  dont  il  était  bénéficier,  il  était  entré  à  Port- 
Royal,  se  contentant  pour  vivre  d'une  modique  pension  de 
800  livres  que  les  chanoines  réguliers  de  Sainte-Geneviève 
devaient  lui    servir  en  échange  de  l'abandon  de  ses  bénéfices. 

Les  solitaires  de  Port-Royal  consacraient  —  on  ne  l'ignore 
pas  —  tous  leurs  loisirs  à  des  travaux  manuels.  Baudry 
d'Asson  y  cumulait  l'état  de  menuisier  et  de  cordonnier,  et  la 
variété  de  ses  aptitudes  lui  valut  même  d'être  bientôt  chargé 
de  tous  les  travaux  agricoles  de  l'abbaye,  dont  il  devint  alors 
comme  l'intendant. 

Ne  trouvant  cependant  pas  cette  vie  assez  sévère,  il  songea 
un  instante  entrer  à  Saint-Cyran,  dont  la  règle  était  plus-  ri- 


goureuse. 


Mais  l'abbé  l'en  détourna,  sachant  combien  sa  présence  était 
utile  à  Port-Royal.  Baudry  d'Asson  maniait,  en  effet,  la  plume 


ANTOINE    BAUDRY    D'ASSON  245 

avec  une  heureuse  habileté',  et  ce  n'était  certes  pas  un  talent 
à  dédaigner,  à  l'heure  où  il  était  si  souvent  nécessaire  de  la 
prendre,  pour  répondre  aux  attaques  dont  Arnauld  et  ses  amis 
étaient  l'objet. 

C'était  aussi  le  moment  où  Pascal  composait  ses  Lettres  pro- 
vinciales. On  sait  qu'avant  de  les  livrera  l'impression  il  avait 
coutume  d'en  donner  communication    à   ses    amis   de    Port- 
Royal.  Baudry  d'Asson  avait  pour  mission  spéciale  d'en  sur- 
veiller le  tirage  et  de  les  répandre  par  paquets  en  Bretagne  et 
en  Poitou.  Il  n'en  fallut  pas  davantage  pour  le   désigner  aux 
poursuites  de  la  police.  Pour  s'y  soustraire,  on  raconte  qu'il 
laissait  ses  habits  religieux  pour  des  habits    civils,    lorsqu'il 
devaitaller  au  dehors,  à  Paris  ou   ailleurs,   pour  les  besoins 
de  la  communauté.  L'heure  vint  de  chercher  uneretraite  plus 
sûre  :  il  la  trouva  au  faubourg  Saint-Antoine  près  l'église  de 
Popincourt  et  il  entraîna  à  sa  suite  deux  de  ses  amis,  de  Pont- 
château   et  Sainte-Marthe.   Dans    cette  retraite,    ils   redou- 
blèrent d'austérité  ;  mais  la  santé  de  Baudry  d'Asson  n'y  put 
résister.  Quoique  d'une  constitution  vigoureuse,  il  succomba 
à  la  suite  de  toutes  ces  privations,  le  30  décembre  1668  et  fut 
enterré  à  Sainte-Marguerite  sa  paroisse,  tandis  que  son  cœur 
était  porté  à  Port-Royal-des-Champs. 

«  Il  avait  un  si  grand  amour  des  pauvres,  lit-on  dans  son 
«  épitaphe.  que  pour  eux  et  en  raison  de  cet  amour  il  souffrait 
«  lui-même  la  pauvreté.  Il  était  si  passionné  pour  la  justice, 
«  que  toutes  les  injustices  dont  les  autres  avaient  à  souffrir 
«  réfléchissaient  sur  le  serviteur  de  Dieu  et  ajoutaient  un 
«  nouveau  mérite  à  sa  patience.  Devenu  pauvre,  de  riche 
«  qu'il  était,  et  dégagé  des  embarras  du  siècle,  il  épousa 
«  toutes  les  affaires  des  autres  qui  pouvaient  s'allier  avec  sa 
«  piété,  persuadé  qu'il    était  plus  avantageux   de    travailler 


i  Outre  sa  collaboration  à  la  Concorde  de  l'Evangile  d'Arnauld,  et  à  la 
Morale  pratique  des  Jésuites  de  Pontchâteau  et  de  Sainte-Marthe  on  lui  doit 
plusieurs  opuscules  personnels,  et  notamment  des  Lettres  à  V 'archevêque 
de  Paris,  à  la  sœur  Maltide,  au  Père  Aunat  et  à  la  sœur  Dorothée. 


246  ANTOINE   BAUDRY    D'A6SON 

«  pour  la  cause  de  la  vérité  et  pour  les  offices  de  la  charité,  en 
«  suivant  la  volonté  d'autrui,  que  de  vivre  eu  son  particulier 
«  dans  le  repos  en  suivant  la  sienne  propre  ». 

Quelque  jugement  qu'on  porte  sur  les  querelles  et  démêlés 
où  les  hommes  de  Port-Royal  risquèrent  leur  repos  et  leur 
liberté,  on  ne  peut  se  refuser  d'admirer  chez  eux  cette  rareté 
des  caractères  qui  ne  ployaient  pas,  cette  fierté  des  cons- 
ciences sachant  résister  aux  changeantes  tyrannies  de  l'opi- 
nion. 

A  l'heure  où  tant  de  volontés  chancellent  et  tant  de  convic- 
tions capitulent,  l'évocation  de  leur  souvenir  nous  paraît 
être  une  salutaire  leçon. 

René  Vallette. 


LES  CENT  JOURS  DANS  L'OUEST 

LA  ROCHKLLE  &  LA  ROCHE-SUR-YON 

(Suite)1 


Nous  étions  alors  à  très  peu  de  distance  de  Bourbon- 
Vendée,  qui  d'abord  simple  village,  s'était  au  moyen- 
âge  nommé  Roche-sur-Yon. 

Quand  je  fus  descendu  de  voiture,  je  m'informai  quelle  était 
la  meilleure  auberge.  On  me  désigna  celle  du  sieur  Pivard. 
Elle  était  située  sur  une  place  vaste,  régulière,  d'une  forme 
carrée  et  ornée  alors  de  jeunes  arbres  produisant  un  agréable 
effet.  Le  sieur  Pivard  qui  par  son  importance,  ses  airs  de 
grandeur  et  par  une  certaine  affectation  de  beau  langage,  à  sa 
haute  stature  près,  me  rappelait  l'illustre  Groiset  de  l'hôtel 
des  Ambassadeurs  de  la  Rochelle,  me  fit  l'honneur  dp  me 
conduire  à  la  chambre  qu'il  me  destinait. 

Indépendamment  des  voyageurs,  le  personnel  de  la  table 
d'hôte  était  composé  d'une  quinzaine  de  pensionnaires,  les 
uns  officiers  du  régiment  en  garnison  dans  la  ville,  y  compris 
le  chirurgien-major  que  je  cite  avec  intention  (plus  tard  on 
saura  pourquoi);  les  autres  étaient  des  employés  dans  les 
administrations.  Au  nombre  de  ceux-ci,  j'en  remarquai  un 
qui  tenait  le  haut  bout  de  la  table.  C'était  un  homme  de  26  à 
28  ans  dont  le  front  était  développé,  l'expression  de  physio- 
nomie caustique  et  voltairienne.  Il  parlait  avec  facilité;   ses 

1  Voir  le  fascicule  de  décembre  1898. 


248  LES    CENT    JOURS    DANS    L'OUEST 

tours  de  phrases  étaient  choisies  :  mais  les  mots  étaient  jetés 
de  façon  à  les  rendre  intentionnellement  ambigus  et  quel- 
quefois même  presque  inintelligibles.  Il  me  fut  dès  lors  aisé 
de  comprendre  que  ce  convive,  dont  j'ai  oublié  le  nom,  mais 
que  je  désignerai  sous  celui  de  M.  Armand,  n'était  rien  au 
fond  qu'un  sophiste  spirituel  comme  il  en  existe  tant  partout 
et  surtout  en  France. 

On  causa,  on  babilla,  on  disserta.  La  politique  joua  dans 
cette  causerie  le  principal  rôle.  Le  gouvernement  de 
Louis  XVIII  ne  fut  point  épargné  ;  on  critiqua,  on  blâma  tout. 
Les  officiers  entendaient  cela  sans  rien  dire,  mais  plus  d'un 
sourire  qui  se  promenait  sur  leurs  lèvres  me  fit  penser  qu'ils 
ne  désapprouvaient  pas  ces  inconvenantes  attaques.  Le  rouge 
me  montait  au  visage. 

N'y  pouvant  plus  tenir,  je  me  permis  d'énoncer  avec  une 
visible  émotion  quelques  réflexions  générales  qui  mirent  à 
découvert  mes  principes  politiques.  Tous  les  yeux  se  fixèrent 
alors  sur  moi.  Il  s'en  échappait  des  étincelles  d'une  muette 
colère.  On  cherchait  évidemment  à  m'intimider,  mais  on  n'y 
réussit  pas.  Je  pris  la  liberté  de  me  féliciter  bien  haut  du 
retour  en  France  de  l'auguste  famille  qui  en  avait  fait  si  long- 
temps les  gloires  et  le  bonheur.  Le  Voltairien  en  chef  du  haut 
delà  table  comprit  alors  que,  pour  faire  cesser  cette  polé- 
mique, il  convenait  de  faire  glisser  la  conversation  sur  un 
terrain  moins  compromettant.  C'est  alors  qu'il  fit  une  grande 
dépense  d'érudition,  de  citations  grecques  et  latines,  de  so- 
phismes  philosophiques,  d'une  foule  de  riens,  mêlés  de  traits 
malins  dont  quelques-uns  semblaient  vouloir  venir  à  mon 
adresse.  Gomme  ils  n'avaient  rien  de  direct  ni  d'offensant, 
je  compris  qu'en  les  relevant,  je  ne  mettrais  point  les  rieurs 
de  mon  côté  et  je  me  tus. 

Le  dîner  terminé,  je  me  rendis  chez  M.  de  Hauterive, 
l'ami  auquel  j'étais  recommandé.  Il  me  reçut  de  la  manière 
la  plus  affable.  C'était  un  homme  d'une  cinquantaine 
d'années  environ,   dont  la  physionomie  ouverte,  la  conver 


LES    CENT   .JOURS    DANS    l/OUKST  249 

sation  et  les  manières  annonçaient  la  boulé,  la  franchise  et 
la  loyauté.  Informé  par  des  amis  communs  que  mes  senti- 
ments et^mes  principes  politiques  et  religieux  étaient  con- 
formes aux  siens,  nous  causâmes  à  coeur  ouvert  et  il 
semblait  que  nous  nous  connaissions  depuis  longtemps. 
Gomme  j'étais  intéressé  â  connaître  le  caractère  du  Direc- 
teur dans  les  bureaux  duquel  j'allais  entrer,  je  priai  mon  res- 
pectable protecteur  de  m'en  donner  une  idée  préparatoire. 
—  «  Rien  déplus  aisé,  me  répondit-il.  M.  le  Forestier,  ancien 
officier  aux  gardes  Françaises  appartient  à  une  famille  très 
honorable  et  très  distinguée.  Il  est  gendre  du  brave  marquis 
de  Lauriston,  maréchal  de  France,  auquel  Louis  XVIII  vient 
d'accorder  le  portefeuille  de  la  guerre.  C'est  sa  femme  qu'il 
chérissait,  mais  dont  il  n'est  malheureusemeni  pas  aimé  qui, 
pour  l'éloigner  l'a  fait  nommer  directeur  en  gardant  auprès 
d'elle  sa  fille  unique.  C'est,  m'a-t-il  dit,  une  jeune  personne  de 
14  ans,  remarquable  par  les  agréments  de  son  physique  et  de 
son  esprit. 

—  «  D'après  ces  détails,  je  suis  disposé  à  croire,  répondis-je 
à  M.  de  Hauterive,  que  ce  directeur  est  sans  doute  un  person- 
nage à  grandes  et  nobles  manières  et  qui  dès  lors  m'intimi- 
dera. 

—  «  Point  du  tout,  c'est  l'homme  le  plus  rond,  le  plus 
simple,  le  plus  naïf  qu'il  y  ait  sur  la  terre  de  France.  Il  a  du 
bon  sens,  mais,  avec  beaucoup  d'honneur,  il  n'a  que  cela  et, 
à  mon  avis,  que  de  gens  renommés  par  leur  esprit  ne  le 
valent  point.  Croyez-moi  vous  serez  content  de  lui  et  je  ne 
doute  point  qu'il  ne  le  soit  de  vous.  » 

Je  m'inclinai  et  risquai  d'autres  questions  en  ce  qui  con- 
cernait le  personnel  de  l'administration.  J'appris  alors  qu'il 
consistait  en  quatre  employés,  dont  les  deux  principaux 
étaient  M.  Plée,  chef,  M.  Ménard  de  Rochecave,  sous-chef,  et 
les  deux  autres  des  commis. 

«  M.  Plée,  me  dit  M.  de  Hauterive,  est  un  assez  vilain 
«  homme,   courant   sur    la  soixantaine,    égoïste,   mauvaise 


250  LES   CENT   JOURS    DANS    L'OUEST 

«  langue,  et  qui,  pour  lui  rendre  toute  la  justice  qui  lui  est 
«  due,  n'est  aimé  de  personne.  S'étant  rendu  compte  de  l'in- 
«  capacité  du  bon  directeur  et  convaincu  que  celui-ci  ne 
<-  pouvait  se  passer  de  lui,  il  le  traite  d'une  manière  tout  au 
«  moins  incivile.  Quant  à  M.  de  Rochecave,  c'est  un  jeune 
«  homme  très  distingué  possédant,  avec  beaucoup  d'esprit, 
«  toutes  les  qualités  du  cœur.  Dans  le  peu  de  loisirs  que 
«  lui  laissent  les  occupations  de  sa  place,  il  compose  de 
*  jolis  vers  que  plusieurs  fois  Y Almanach  des  Muses  a  in- 
«  sérés  dans  ses  colonnes  ». 

Je  remerciai  M.  de  Hauterive  des  détails  dans  lesquels  il 
venait  d'entrer  et  j'allais  me  retirer  pour  retourner  à  mon 
auberge  lorsque  cet  homme  excellent  eût  l'obligeance  de  me 
dire  : 

—  Ah  çà  !  M.  B...  dites-moi  franchement  si,  comme  je  le 
pense,  votre  intention  n'est  pas  de  prendre  un  appartement  et 
une  pension  en  ville  ?  —  Je  répondis  affirmativement.  —  «  Dans 
ce  cas  je  vous  l'offre  l'un  et  l'autre  et  je  ne  doute  point  que  ma 
femme  qui  ne  doit  revenir  que  demain  de  la  campagne  où 
elle  est  allée  passer  quelques  jours,  n'approuve  la  proposition 
que  je  vous  fais.  »  —  Je  l'acceptai  avec  empressement  et 
et  reconnaissance,  mais  quand  je  priai  M.  de  Hauterive  de 
me  dire  ce  que  cela  me  coûterait  par  mois  :  —  «  Je  ne  compte 
«  jamais  aussitôt  avec  mes  amis,  me  répondit  ce  brave 
«  homme,  en  me  serrant  la  main  ;  au  surplus  si  vous  l'exigez 
«  absolument,  nous  verrons  cela  plus  tard.  »  Enchanté  d'une 
réception  aussi  amicale,  je  retournai  à  mon  auberge.  Le  len- 
demain matin,  je  me  rendis  à  l'heure  indiquée  chez  M.  de 
Hauterive  duquel  je  reçus  un  accueil  non  moins  flatteur  que 
celui  de  la  veille,  et  nous  nous  acheminâmes  bientôt  vers  la 
Direction.  A  la  porte  du  sanctuaire  administratif,  un  garçon 
de  bureau  nous  annonce  et  nous  entrons.  J'étais  un  peu  ému, 
car  on  l'est  toujours  plus  ou  moins,  quand  on  s'approche 
pour  la  première  fois  d'un  personnage  dont  l'on  va  dé- 
pendre. M.  Le  Forestier  était  seul. 


LES    CENT   JOURS    DANS    LOUEST  ~5l 

Ce  qui  me  frappa  d'abord,  l'ut  son  émotion.  Il  était  encore 
plus  ému  et  plus  intimidé  que  moi.  Je  ne  tardai  pas  à  m'aper- 
cevoir  que  le  portrait  que  m'en  avait  l'ait  M.  deHauterive  était 
parfaitement  exact.  Point  de  mouvement  de  tête  en  arrière, 
point  de  frottements  étudiés  delà  main  droite  sur  le  front, 
point  d'obliguité  de  regards  ;  l'air  franc,  simple  et  bon.  Je 
conçus  donc  de  lui  une  opinion  d'autant  plus  favorable  que 
j'en  reçus  un  accueil  tout  cordial,  je  dirai  plus,  tout  paternel. 

Lorsque  M.  de  Hauterive  avec  la  plus  aimable  obligeance 
m'eut  recommandé  à  M.  Le  Forestier,  il  se  retira,  et  c'est 
alors  que  mon  digne  directeur  me  dit  avec  émotion  et  une 
remarquable  candeur:  «  Monsieur  B..,  j'aime  à  vous  donner  ici 
l'assurance  que  je  suis  enchanté  de  vous  compter  au  nombre 
des  employés  de  mon  administration,  car  le  brave  homme  qui 
vous  a  patronné  m'a  dit  que  les  lettres  qu'il  avait  reçues  de  La 
Rochelle  ne  laissaient  aucun  doute  sur  l'excellence  de  vos 
principes  religieux  et  politiques;  écoutez-moi,  je  ne  suis  pas 
flatteur,  je  ne  l'ai  jamais  été,  mais  vous  me  paraissez  avoir 
des  droits  à  toute  ma  confiance  et  je  vais  vous  prouver  que 
je  vous  l'accorde  sans  réserve.  Puis  il  me  tendit  la  main  et 
me  dit  en  me  désignant  une  table  adossée  à  la  sienne  : 
«  Asseyez-vous  là  ;  je  vous  nomme  mon  secrétaire  particulier. 
Et  maintenant,  ajouta-t-il  après  une  pause,  venez,  que  je  vous 
présente  à  mes  employés.  »  Il  se  leva,  je  le  suivis  et  nous  en- 
trâmes dans  le  bureau. 

De  tout  le  personnel  que  j'avais  sous  les  yeux,  ce  fut  M.  de 
Rochecave  que  j'étudiai  avec  le  plus  d'attention,  je  sentais  au 
cœur  pour  lui  un  mouvement  sympathique  ;  il  y  avait  dans  ses 
traits  et  dans  toute  sa  personne  quelque  chose  qui  répondait 
parfaitement  à  tout  ce  que  M.  de  Hauterive  m'en  avait  dit. 
Après  le  moment  de  silence  résultant  de  l'examen  respectif 
auquel  nous  nous  étions  livrés,  nous  causâmes.  Je  n'aurais 
pas  été  prévenu  que  M.  de  Rochecave  était  un  homme  distin- 
gué et  de  beaucoup  d'esprit  que,  tout  d'abord,  je  m'en  serais 
aperçu. 


~5'~  LES    CENT   JOURS    DANS    I/OUEST 

Je  rentrai  dans  le  cabinet  de  mon  directeur,  je  travaillai 
avec  lui  et  lorsque  à  près  de  cinq  heures  je  me  retirai,  un 
nouveau  serrement  demain  et  une  nouvelle  prise  de  tabac 
me  prouvèrent  qu'il  n'avait  pas  été  mécontent  de  mon  début. 
De  retour  chez  M.  de  Hauterive,  je  fus  par  lui  présenté  à  sa 
femme  qui  m'accueillit  à  son  tour  avec  cette  politesse  cor- 
diale qui  est  une  des  qualités  vendéennes.  Mme  de  Hauterive 
était  une  femme  d'une  trentaine  d'années,  d'une  figure  uu 
peu  grave,  mais  distinguée  ;  au  premier  coup  d'œil  je  la  ju- 
geai bonne  et  ne  me  trompai  point.  Nous  nous  mîmes  à  table, 
le  dîner  fut  gai  et  je  vis  avec  plaisir  que  la  servante  jeune  et 
assez  jolie  sablaise  que  ses  maîtres  traitaient  avec  bonté, 
n'était  point  condamnée  au  mutisme  humiliant  qu'impose  à 
leurs  domestiques  l'orgueil  de  certains  personnages.  Quand 
nous  fûmes  sortis  de  table,  M.  et  Mmê  de  Hauterive  me  con- 
duisirent à  la  jolie  petite  chambre  que  je  devais  occuper  au 
second  étage. 

M.  de  Hauterive  m'avait  conseillé  d'aller  faire  une  visite  à 
M.  le  comte  de  Beaumont,  nommé  par  Louis  XVIII,  préfet  de 
la  Vendée.  J'objectai  qu'un  pauvre  commis  à  1200  fr.  d'ap- 
pointements, occupait  sur  l'échelle  administrative  un  degré 
tellement  inférieur  que  probablement  ce  magistrat  trouverait 
ma  démarche  servile  ou  tout  au  moins  indiscrète.  Cependant 
je  me  déterminai  à  la  faire,  lorsque  j'eus  reçu  l'assurance  que 
mon  directeur,  très  lié  avec  lui,  lui  avait  parlé  de  moi  avec 
intérêt  et  n'avait  point  manqué  de  faire  sonner  bien  haut  l'ar- 
deur et  l'énergie  de  mes  sentiments  en  faveur  de  la  dynastie 
légitime. 

La  première  chose  que  je  fis,  le  jour  suivant,  en  arrivant 
au  bureau,  lut  de  remercier  de  ce  nouvel  acte  de  bonté. 
M.  Le  Forestier  qui  s'offrit  de  m'accompagner  à  la  préfecture, 
ce  que  je  ne  refusai  point.  Il  fut  décidé  que  nous  ferions  cette 
visite  le  lendemain.  Sous  le  patronage  de  mon  directeur,  je 
fus  reçu  avec  une  extrême  bienveillance  par  M.  de  Beaumont 
qui  était  un  homme  d'une  soixantaine  d'années,   et  dont  la 


LES   CENT   .JOUKS    DAN8    L'OUEST  253 

conversation,  la  physionomie  ouverte  et  les  manières  d'autant 
plus  distinguées,  qu'elles  n'empruntaient  rien  à  la  nouvelle 
école,  annonçaient  tout  à  la  l'ois  l'homme  bon  et  parfaitement 
élevé.  M.  de  Beaumont  me  questionna  beaucoup  sur  l'esprit 
public  de  la  population  rochelaise  et  fut  très  satisfait  des  ren- 
seignements que  je 'lui  fournis  à  cet  égard  :  «  Fort  bien, 
«  Monsieur,  je  suis  charmé  de  compter  à  Bourbon  un  roya- 
«  liste  aussi  dévoué  que  vous  »,  et,  tendant  alors  la  main  à 
mon  Directeur,  il  lui  dit  :  «  Je  vous  remercie,  mon  cher  Fo- 
«  restier,  de  m'avoir  présenté  Monsieur.  »  —  Dirigeant  en- 
suite les  yeux  sur  moi  il  ajouta  en  me  tendant  aussi  la  main  : 
«  Et  j'espère  que  cette  visite  qui  m'est  on  ne  peut  plus 
«  agréable,  ne  sera  point  la  dernière.  » 

Sensible  à  une  réception  aussi  gracieuse,  je  m'inclinai 
avec  une  visible  émotion  et  nous  nous  retirâmes.  En  retour- 
nant à  la  Direction  je  ne  manquai  pas  d'adresser  à  M.  le 
Forestier  tous  mes  remerciements  pour  l'obligeance  qu'il 
avait  eue  de  m'introduire  auprès  de  ce  digne  magistrat. 

Quinze  jours  s'étaient  écoulés  depuis  que  j'étais  entré  chez 
M.  de  Hauterive  comme  locataire  et  pensionnaire.  La  Sablaise 
venait  d'en  sortir  pour  aller  se  marier.  Mais,  jusqu'à  ce 
qu'elle  put  être  convenablement  remplacée,  ce  qui  n'est  pas 
toujours  très  facile,  même  dans  la  Vendée,  où  les  domes- 
tiques des  deux  sexes  sont  en  général  d'honnêtes  serviteurs, 
Mœ0  de  Hauterive,  aidée  seulement  d'une  femme  de  journée 
tout  à  fait  étrangère  aux  principes  de  l'art  culinaire,  fut 
obligée  de  tout  faire.  M'apercevant  alors  que  ma  position 
comme  pensionnaire  pouvait  être  dans  cette  circonstance  une 
cause  d'embarras  pour  cette  honorable  famille,  je  m'en  ex- 
pliquai franchement  avec  M.  de  Hauterive  et,  en  le  remer- 
ciant, ainsi  que  sa  digne  épouse,  du  bonheur  que  j'avais 
éprouvé  auprès  d'eux,  de  toutes  leurs  délicates  attentions, 
du  charme  de  leur  société,  je  leur  tis  connaître  qu'en  conti 
nuant  à  être  leur  locataire,  je  prendrais  ailleurs  mes  repas. 

Ce  même  jour,   je  me  rendis    chez  M.   Pivard,    et  bien, 

TOME    XII.    —    AVRIL,    MAI,    JUIN.  18 


254  LES    GtSNT     IKUHS    DANS    L'OUEST 

qu'ainsi  nue  je  l'ai  dit,  le  personnel  dos  pensionnaires  do  sa 
table  d'hôte  ne  me  convint  pas  sous  le  rapport  des  opinions 
politiques,  je  consentis  à  en  augmenter  le  nombre. 

Un  jour  où  je  me  rendais  à  l'hôtel  pour  y  prendre  mon 
90*  dîner,  dont  pas  un  seul  des  89  précédents  ne  s'était  passé 
sans  que  d'assez  vives  discussions  en  politique,  en  philoso- 
phie, en  religion,  etc.,  n'eussent  eu  lieu  entre  moi  et  mes 
commensaux,  je  fus  abordé  sur  la  place  par  un  jeune  homme 
de  24  à  25  ans,  d'une  figure  agréable  et  très  remarquable  par 
une  expression  tout  à  la  l'ois  spirituelle  et  énergique.'  J'ai  su 
depuis  que  c'était  un  M.  de  Gentet,  demeurante  Fontenay-le- 
Gomte,  et  généralement  estimé  de  toute  la  Vendée  royaliste, 
i  n  raison  de  ses  nobles  sentiments  et  de  la  fermeté  avec 
laquelle  il  avait  toujours  manifesté  son  attachement  aux  prin- 
cipes de  la  légitimité. 

M.  de  Gentet,  avec  une  grande  distinction  de  manières,  me 
dit  :  «  Mille  pardons,   Monsieur,  si  je  prends   la  liberté  de 
réclamer  de  vous  un  petit  service  ;  voici   ce   dont  il   s'agit  : 
venant  à  Bourbon-Vendée  pour  la  première  fois,  j'ai  négligé 
en  quittant  Fontenay  de  m'informer  du  meilleur  hôtel  où  je 
pourrais  descendre  pour  y  rester  jusqu'à  demain  seulement, 
et,  si  vous  êtes  assez  bon  pour  me  renseigner  à   cet  égard, 
vous  me  rendrez  un  véritable  service   ».  Je  m'empressai  de 
répondre  à  son  intention   en   lui    désignant  l'hôtel  Pivart, 
comme  étant  parfaitement  tenu   sous  le   rapport  du  confor- 
table  et  je  lui  appris  que  depuis  trois  mois  j'en  étais  pension- 
naires. «  C'est,  Monsieur,  me  répondit-il,  une  raison  détermi- 
nant pour  moi.  »  Je  le   remerciai   de  cette  courtoisie  et  en 
attendant  que  la  cloche  de  l'hôtel  nous  avertît  que   le  dîner 
était  servi,  nous  nous  promenâmes  sur  la  place.  Je  fus  en- 
chanté de  sa  conversation  qui  fut  variée  et  spirituelle.  Quand 
elle  tomba  sur  la  politique,  il  ne  me  fut  pas  permis  de  douter 
de  la  parfaite  conformité  qui  régnait  entre  ses  opinions  et  les 
miennes.  Il  acquit  aussi  la  môme  preuve,  en   sorte  qu'il  me 
dit  :  «   Pensant  aussi  bien  que  vous  pensez,  je  vous  plains, 


LUS    CENT    JOURS    DANS    L'OUEST  255 

Monsieur,  d'habiter  cette  ville.   Sa  mauvaise  réputation  poli- 
tique, doit  vous  en  rendre  le  séjour  pénible. 

«  M.  de  Beaumont,  auquel  j'eus  l'honneur  d'être  présenté, 
m'apprit  clans  un  voyage  qu'il  fit  à  Fontenay  qu'ici  le  nombre; 
des  royalistes  est  extrêmement  restreint.  »  —  C'est  vrai,  lui 
répondis-je.  — Aussi  reprit-il,  je  le  répète,  je  vous  plains.  Mais 
peut-être  le  personnel  de  votre  table  d'hôtes  vous  dédom- 
mage-t-il  ? 

—  «  Non,  monsieur,  non,  malheureusement  ;  sachez  au 
contraire  que  sauf  quelques-uns  qui  ont  le  bon  esprit  de  se 
taire,  les  autres. ...» 

Dans  ce  momentla  cloche  de  l'auberge  sonna  le  dîneret  bien- 
tôt M.  de  Gentet  et  moi  nous  nous  mîmes  à  table  l'un  à  côté  de 
l'autre. 

Après  le  silence  de  rigueur  qui  règne  au  commencement  dr 
tous  les  dîners,  la  conversation  ne  roula  que  sur  des  lieux 
communs,  des  choses  insignifiantes,  des  appréciations  sur  le 
plus  ou  moins  de  mérite  des  plats  et  du  vin  ;  mais  par  degré 
on  arriva  aux  questions  métaphysiques,  dramatiques,  litté- 
raires, soulevées  comme  de  coutume  par  le  voltairien,  dési- 
gné plus  haut  sous  le  nom  d'Armand,  et  bientôt  la  politique 
fut  elle-même  remise  sur  le  tapis.  Les  plus  grandes  absurdités 
ne  manquèrent  point  d'être  de  nouveau  débitées  par  les  mes- 
sieurs du  haut  de  la  table,  contre  les  prêtres,  contre  les  Jé- 
suites, contre  ['absurdité  des  croyances  catholiques.  Dans 
toutes  ces  ignobles  attaques,  on  s'appuyait  sur  la  philosophie 
de  Voltaire,  de  Rousseau,  de  Mably,  de  Diderot,  de  Babœuf  et 
de  beaucoup  d'autres  encore.  M.  Armand  était  toujours  celui 
qui  avait  le  plus  souvent  la  parole.  Tous  ces  points  de  doc- 
trines révolutionnaires,  pour  la  centième  fois  peut-être,  je  les 
réfutai  de  mon  mieux,  avec  une  animation  à  laquelle  applau- 
dit M.  de  Gentet. 

A  son  tour  il  s'exprima  en  termes  énergiques  et  significa- 
tifs. Mais  là  ne  se  bornèrent  point  les  discussions.  Lorsque 
les  domestiques  eurent  quitté  la  salle,  après  avoir  servi  le 


256  LES    C-2NT   JOURS    DANS    L'OUEST 

dessert,  le  haut  de  la  salle  en  vint  jusqu'à  censurer  presque 
tous  les  actes  du  gouvernement  royal,  signala  l'incapacité  des 
ministres,  les  tendances  au  rétablissement  de  la  Féoda- 
lité ,  les  prétendues  manœuvres  des  Ultras,  mot  récemment 
créé  pour  désigner  les  royalistes.  Il  arriva  môme  que  le 
sieur  Armand,  oubliant  que,  comme  employé,  il  était  salarié 
par  les  fonds  de  l'Etat,  osa  risquer  plus  d'un  sarcasme  inju- 
rieux contre  le  comte  de  Provence  et  la  famille  Royale.  N'y 
pouvant  plus  tenir,  M.  de  Gentet  ne  garda  plus  aucune  me- 
sure, et,  saisissant,  avec  la  plus  impétueuse  vivacité,  une 
assez  large  assiette,  il  déclara  très  positivement  qu'il  la 
jetterait  à  la  tête  de  celui  des  convives  qui  se  permettrait  de 
nouvelles  attaques  de  cette  nature.  Le  sieur  Armand  pâlit  et 
se  tut.  Ses  adhérents,  la  plupart  commis  dans  les  diverses 
administrations  de  la  ville,  et  profondément  interdits,  imi- 
tèrent son  silence... 

Les  officiers,  pensionnaires  de  la  table  d'hôte,  bien  qu'ils 
fussent  antipathiques  au  nouvel  ordre  de  choses,  s'interpo- 
sèrent pour  le  rétablissement  de  la  concorde.  Ils  reconnurent 
qu'à  notre  point  de  vue  nous  avions  eu  raison  de  tenir  tête  à 
M.  Armand,  que  celui-ci  avait  été  beaucoup  trop  loin  et,  en 
leur  qualité  de  braves  militaires  Français,  ils  applaudirent  à 
l'énergie  de  M.  de  Gentet.  Celui-ci  retarda  son  départ  d'un 
jour,  afin  de  rendre  raison  à  M.  Armand  de  son  mouvement 
de  vivacité  ;  mais  M.  Armand  ne  vint  rien  lui  demander  ;  et  le 
dîner  du  lendemain  auquel  n'assista  point  l'individu  retenu 
chez  lui  pour  cause  d'indisposition,  s'écoula  aussi  tranquille- 
ment que  s'il  ne  s'était  rien  passé  d'extraordinaire.  Lorsque 
M.  de  Gentet  prit  ses  dispositions  de  départ  pour  retourner  à 
l'ontenay,  nous  nous  promîmes  bien  de  nous  revoir  et  nous 
nous  serrâmes  la  main  comme  deux  vieux  amis  auraient  pu 
If  fiiire,  tantade  puissance  en  politique  l'identité  des  opinions. 

Ma  vie  à  Bourbon-Vendée  ne  se  passait  pas  fort  gaîment, 
car  celte  ville  naissante  n'était  rien  moins  qu'une  succursale 
de  l'ennui. 


LES   CENT   JOURS    DANS    L'OUEST  257 

Point  d'artistes,  point  de  spectacles  :  une  société  composée 
seulement  de  fonctionnaires,  dont  quelques-uns  avaientleurs 
épouses  et  qui  donnaient  des  petites  soirées.  A  cause  de 
MM.  Le  Forestier  et  de  Hauterive,  j'avais  l'honneur  d'y  être 
admis  et  bien  reçu.  Mais  de  toutes  ces  soirées,  les  plus  agréa- 
bles, étaient  celles  de  la  Préfecture.  Elles  réunissaient  tout  à  la 
fois  les  notabilités  locales  et  bon  nombre  de  brave  Vendéens  et 
Vendéennes  des  environs  qui  s'étaient  plus  ou  moins  signalés 
par  lamanifestation  de  leurs  excellents  principes.  Je  vis  là  plu- 
.  sieurs  fois  le  comte  deMaynard,  M.  des  Abbayes  Pundes  vieux 
capitaines  de  l'armée  royale,  le  général  de  Suzannet  qui  com 
mandait  le  département,  puis  M.  le  comte  et  Mne  la  comtesse 
deChantreau  dont  un  grand  coup  de  sabre, qu'elle  avait  reçu  en 
combattant  les  Bleus,  avait  imprimé  sur  l'une  de  ses  joues 
une  longue  et  honorable  cicatrice. 

(Juoi  qu'il  en  soit,  cette  ville,  peuplée  en  grande  partie  île 
maçons,  de  tailleurs  de  pierres,  de  charpentiers,  de  couvreurs 
etc,  etc,  occupés  les  uns  à  construire  l'église,  les  autres  à 
achever  la  construction  des  casernes  et  d'un  collège,  avait  un 
singulier  aspect. 

Mon  plus  doux  passe-temps  était  d'écrire  à  ma  mère  ou 
d'en  recevoir  des  lettres  que  je  lisais  et  relisais  toujours  avec 
une  vive  émotion. 

Cependant  une  scène  dans  laquelle  je  figurai  comme  prin- 
cipal acteur  et  que  je  vais  raconter  donna  lieu  à  une  péripétie 
remarquable. 

Deux  semaines  s'étaient  écoulées  depuis  le  départ  de  M.  de 
Gentet  et  grâce  au  souvenir  assez  désobligeant  de  l'histoire 
de  l'assiette,  le  bout  de  la  table  d'hôte  de  M.  Pivart,  et  particu- 
lièrement M.  Armand,  étaient  devenus  beaucoup  moins  ar- 
dents dans  la  manifestation  de  leurs  mauvaises  doctrines, 
quand,  un  certain  jour,  il  arriva  un  anglais,  touriste  peut 
être,  et  qui,  pour  y  dîner,  vint  prendre  place  à  la  table  d'hôte. 
C'était  un  homme  d'un  âge  mûr,  d'une  petite  taille  et  dont  la 
faible  complexion,  le  teint  pâle  et  l'air  mélancolique  annon- 


25cS  LES   CENT   JOURS    DANS    L'OUEST 

çaient  qu'il  pouvait  être  attaqué  du  spleen.  Il  parlait  assez 
bien  lo  français  autant  que  je  pus  en  juger  par  les  laconiques 
-  -  qu'il  lit  à  quelques  questions  qui  lui  turent  adres- 
sées. Néanmoins,  le  haut  de  la  table  le  regardait  en  rica- 
canani  et  en  se  moquant  de  lui.  Le  médecin  du  régiment, 
homme  d'une  grande  taille,  et  d'un  très  petit  esprit,  se  mit  à 
à  lancer  des  attaques  contre  l'Angleterre.  Le'pauvre  étranger 
u ff rai t  d'autant  plus  de  cette  sortie  virulente  qu'il  parais- 
sait avoir  la  conscience  de  son  excessive  faiblesse.  Cependant 
il  se  crut  autorisé  à  faire  remarquer  poliment  au  docteur  qu'il 
a  \  ait  tort  de  s'exprimer  à  l'égard  de  son  pays  dans  des  termes 
aussi  durs.  Mais  le  ministre  d'Hypocrate,  ne  voulut  rien  en- 
tendre. Il  insulta  encore  le  pauvre  homme  directement.  — 
Cela  me  fit  de  la  peine,  si  bien  qu'en  élevant  la  voix,  je  dis  au 
docteur  avec  animation  :  «  Monsieur,  votre  conduite  dans 
cette  circonstance  est  tout  au  moins  inconvenante.  —  Incon- 
venante, me  répondit-il,  quoi,  vous  osez  ?...  —  Oui,  Monsieur, 
j'ose  vous  dire  que  vous  avez  tort  d'insulter  cet  étranger  ;  pas 
plus  que  vous  je  n'aime  les  Anglais;  j'abhorre  surtout  leur 
politique  dont  la  première  règle  est  de  haïr  la  France  et  de 
chercher  à  lui  nuire  par  tous  les  moyens  que  condamne  la 
loyauté.  Mais  enfin  la  paix  règne  maintenant  entre  les  nations 
et  chacune  d'elles  doit  protection  aux  sujets  de  l'autre. 
C'est  le  droit  des  gens  ;  c'est  un  devoir  et  quiconque  s'en 
tarte,  commet  un  acte  tout  au  moins  répréhensible. 
—  Allons  donc,  s'écria  le  docteur,  avec  une  brusquerie  mar- 
quée, si,  comme  moi,  martyr  des  Anglais,  vous  eussiez  été 
pendant  trois  ans  logé  sur  un  de  leurs  pontons  vous  tiendriez 
un  autre  langage.  —  Monsieur,  répliquai-je,  je  suis  de  sang- 
froid,  tâchez  de  l'être  aussi.  Croyez  moi,  en  ménageant  vos 
expressions,  n'insultez  point  un  étranger  auquel  l'hospitalité 
française  doit  protection.  L'irascible  docteur,  ne  tenant 
point  compte  de  ce  conseil,  et,  ne  gardant  aucune  mesure,  les 
officiers  de  la  lable  se  joignirent  à  moi  pour  l'engager  à 
ne  pas  aller  plus  loin.   Malgré  eux,  il  continua  à  lancer  plu- 


LKS    GKNT    JOUR*    DANS    L'OUEST  250 

sieurs»  grosses  injures  au  pauvre  citoyen  d'Albion  qui,  pâle  el 
tout  interdit,  ne  répondit  rien.  Ces!  alors  qu'un  mouvement 
de  commisération  me  fit  déclarer  au  docteur,  à  liante  el  très 
intelligible  voix,  que  je  prendrais  pour  moi  le  premier  mot 
mal  sonnant  qu'il  lui  adresserait  désormais.  Le  résultat  de 
cette  vive  altercation  fut  de  ma  part  une  provocation  en  duel 
pour  le  lendemain.  Il  fut  convenu  qu'il  aurait  lieu  à  l'épée  à 
cinq  heures  du  matin.  Le  côté  comique  de  cette  scène  fut  la 
disparition  du  Thersite  anglais  qui,  sans  me  remercier,  trouva 
très  prudent,  et  peut-être,  à  son  point  de  vue,  très  amusant, 
de  me  laisser  battre  pour  lui. 

La  nuit  que  je  passai  fut  diversement  agitée.  C'était  donc 
pour  la  troisième  l'ois  que  j'allais  me  battre  et  cette  fois  encore 
je  dormis  mal,  très  mal  même,  n'en  déplaise  à  certains  fanfa- 
rons, qui,  à  l'époque  où  les  duels  étaient  malheureusement 
très  fréquents,  disaient  bien  haut  que  leur  sommeil  n'était 
jamais  plus  tranquille  que  la  veille  du  jour  où  ils  devaient 
aller  jouer  leur  vie  dans  les  hasards  d'une  rencontre.  Quoi  qu'il 
en  soit,  m'applaudissant  d'avoir  agi  convenablement,  je  finis 
par  goûter  quelques  heures  de  repos. 

Le  jour  commençait  à  paraître  lorsque  je  me  réveillai.  Je 
me  levai  à  la  hâte  et,  après  une  fervente  prière,  j'écrivis  plu- 
sieurs lettres,  l'une  à  ma  mère  que,  peut-être,  je  ne  reverrais 
plus,  et  l'autre  à  mon  meilleur  ami  de  la  Rochelle  ;  puis,  pre- 
nant mon  épée  que  je  plaçai  sous  ma  redingote,  je  me 
rendis  chez  M.  de  Rochecave,  qui  devait  me  servir  de  témoin  . 
Je  le  trouvai  levé  et  habillé.  Nous  partîmes,  et  l'horloge  de  la 
vieille  église  sonnait  cinq  heures  lorsque  nous  entrâmes  à 
l'hôtel  où  le  docteur  devait  nous  attendre.  Parvenus  à  la  porte 
de  sa  chambre,  nous  frappons...  point  de  réponse.  Nous 
frappons  de  nouveau  et  plus  fort,  même  silence.  Un  grand 
coup  de  pied  que  je  donnai  dans  la  porte  fit  enfin  cesser  ce 
mutisme.  —  «  Qui  est  là,  dit-il?  » —  C'est  moi,  Monsieur, 
ouvrez  et  dépêchons.  —  Je  ne  le  puis.  —  Comment?  —  «  Je 
suis  couché.  »  —   «   Couché?  ignorez-vous  que  cinq  heures 


-00  LES    CENT   JOURS    DANS    L'OUEST 

viennent  de  sonner?  »  — «  Non,  mais  mon  témoin  n'est  pas 
encore  arrivé  :  il  m'a  l'ait  dire  qu'il  ne  pourrait  venir  qu'à  six 
heures.  —  Rochecave  s'apercevant  que  j'allais  m'emporter, 
me  dit  tout  bas  :  «  Point  d'injures  et  répondezdui  que  nous 
reviendrons  à  six  heures.  »  —  Eh  bien,  soit I  Monsieur,  nous 
serons  ici  à  six  heures.   « 

Et  de  fait  à  l'heure  dite,  nous  étions  de  nouveau  sur  le  pa- 
lier de  la  chambre  du  docteur.  Il  y  régnait  toujours  un  grand 
silence,  qui  nous  ht  penser  que  le  témoin  n'était  pas  arrivé. 
Nous  passâmes  quelques  minutes  dans  l'attente.  Ne  voulant 
pas  la  prolonger,  d'un  accent  très  significatif  je  renouvelai  au 
docteur  l'injonction  d'ouvrir  sa  porte  et  de  ne  point  abuser 
plus  longtemps  de  notre  patience. 

«  Vous  désirez  que  je  vous  reçoive,  Monsieur,  me  répondit 
cet  homme  d'une  voix  altérée,  mais  je  suis  encore  couché  et 
une  douleur  de  goutte  ne  me  permet  point  de  me  lever  pour 
avoir  l'honneur  de  vous  recevoir,  ainsi  que  Monsieur  votre 
témoin  quel  qu'il  soit.  Au  surplus,  j'ai  fait  des  réflexions  — 
hier,  le  vin  m'avait  un  peu  porté  à  la  tête....  J'ai  été  loin, 
trop  loin.  Je  vous  en  exprime  tous  mes  regrets  et  j'autorise 
Monsieur  votre  témoin  à  prendre  acte  de  ma  déclaration.... 
J'ajoute  même  que,  si,  dans  la  vivacité  de  notre  altercation, 
il  m'est  échappé  quelques  paroles  inconvenantes,  je  les 
désavoue,  et  me  les  reproche  bien  sincèrement.  »  J'allais 
répliquer,...  mais  Rochecave,  pour  en  finir,  s'empressa  de 
donner  au  docteur  l'assurance  que  j'acceptais  ses  excuses  et 
que  tout  devait  être  oublié.  Et  ceci  dit,  nous  nous  retirâmes, 
tous  deux,  enchantés  de  ce  dénouement  inattendu. 
(A  suivre). 

Renée  Monbrun. 


EN    TUNISIE 


Notes  de  voyage  d'un  touriste  vendéen. 


->XK<: 


La  tournée  ministérielle  et  parlementaire  qui  vient  de 
visiter  la  Tunisie1  constituait  le  dernier  acte  d'une  sorte 
de  trilogie.  Des  instituteurs  français,  en  nombre  consi- 
dérable —  plus  de  cent  —  avaient  été  appelés  à  un  examen 
minutieux  de  la  Régence  au  commencement  du  mois  d'avril  ; 
ils  furent  considérés  comme  les  meilleurs  et  les  plus  solides 
agents  de  la  colonisation  future,  aptes  à  démontrer,  et  cela 
après  un  examen  personnel,  que  si  la  Tunisie  n'est  pas  un 
Eldorado  féerique,  elle  reste  une  terre  féconde,  prête  à 
nourrir  largement  les  hommes  de  travail  et  d'économie  qui 
confient  à  son  sol  le  germe  de  leur  fortune;  et,  ajoutons- 
le,  disposés  à  persuader  à  plus  d'un  agriculteur  aisé  comp- 
tant plusieurs  fils,  que  les  cadets  ont,  par  la  vie  du  colon 
tunisien,  un  autre  avenir  à  se  faire  que  celui  de  gratte-papier 
dans  une  sous-préfecture. 

Après  les  instituteurs  une  autre  caravane  a  parcouru  la 
Tunisie,  celle  des  élèves  de  l'école  d'agriculture  de  Grignon  : 
à  ceux-là,  destinés  par  leurs  origines,  leur  vocation  ou  leurs 
intérêts  particuliers  à  la  culture  de  la  terre,  il  y  avait  nécessité 


1  Du  22  avril  au  2  mai. 


262  EN   TUNISIE 

moins  de  démontrer  des  vérités  spéculatives  que  d'exhiber 
des  résultats  pratiques.  Et  c'est  ce  qui  a  été  fait  avec  un  plein 
succès. 

Enfin,  à  l'occasion  des  fêtes  de  Tunis,  de  Sousse  et  de  Sfax, 
le  résident-généra!  de  France,  M.  René  Millet,  voulut  faire 
toucher  du  doigt  aux  administrateurs  de  la  Métropole  et  aux 
représentants  du  parlement  et  de  l'opinion  les  progrès  inces- 
sants et  considérables  réalisés  par  le  gouvernement  du  Pro- 
tectorat; d'où  cette  troisième  et  dernière  tournée  —  puisque 
c'est  le  terme  usuel  —  à  laquelle  le  signataire  de  ces  lignes  a 
eu  l'honneur  d'être  convié  et  le  grand  plaisir  de  prendre  part. 

Des  l'êtes  de  Tunis,  il  n'y  a  guère  à  retenir  que  le  fait  d'une 
réparation  solennelle  accordée  par  la  France  à  Jules  Ferry, 
dont  le  programme  colonial,  si  passionnément  discuté  et 
attaqué  pendant  sa  possession  du  pouvoir,  est  aujourd'hui 
victorieux.  Sans  vouloir  toucher  ici  à  des  questions  de  poli- 
tique intérieure  restées  irritantes,  même  après  tant  d'années, 
il  faut  reconnaître,  en  toute  loyauté,  que  les  hommes  qui,  de 
bonne  foi  d'ailleurs,  combattaient  la  politique  de  notre  exten- 
sion coloniale,  étaient  dans  l'erreur  :  Jules  Ferry  avait  vu  de 
plus  haut  et  de  plus  loin,  les  graves  problèmes  que  pose 
aujourd'hui  le  double  partage  de  la  Chine  et  de  l'Afrique  le 
démontrent  surabondamment  et  sans  qu'il  soit  nécessaire 
d'y  insister 

Bizerte  était  l'un  des  objectifs  principaux  du  voyage,  sur- 
tout en  raison  des  événements  récents  qui  ont  abouti  au 
règlement  du  litige  franco-anglais.  Faut-il  le  dire?  Nous 
n'avons  pas  trouvé  là  cette  puissance  d'activité  défensive  sur 
laquelle  nous  comptions.  La  garnison  est  trop  faible  de  moitié, 
et,  pour  faire  de  Bizerte  un  Toulon  africain  destiné  à  devenir 
le  rival  de  Malte,  de  Gibraltar  et  de  la  Spezzia,  ce  n'est  pas 
vingt  millions  qu'il  faut  dépenser,  en  les  échelonnant  péni- 
blement sur  cinq  exercices  financiers,  mais  quatre-vingts  ou 
cent,  sans  hésitation  et  en  faisant  vite. 

Quant  au  port  de  commerce,  il   est  fort  bien    aménagé, 


EN    TUNISIE  283 

grâce  à  la  société  concessionnaire  des  pêcheries  du  lac,  et 
donne  toute  satisfaction  à  la  marine  marchande.  C'est  à  la 
Métropole  de  faire  maintenant  son  devoir  et  d'utiliser  pour 
la  défense  de  l'Afrique  française  la  plus  merveilleuse  rade 
naturelle  qui  soit  au  monde. 

L'inauguration  du  port  de  Sousse  a  clôturé  la  série  des 
travaux  considérables  accomplis  par  les  sociétés  des  ports  de 
Tunis,  Sfax  et  Sousse:  on  sait  que  les  gouvernements  beyli- 
caux,  après  avoir  possédé  une  puissante  marine,  des  arse- 
naux et  des  places  d'approvisionnement,  laissèrent  détruire 
par  le  temps  tout  leur  outillage  maritime,  auquel,  du  reste' 
l'abolition  de  la  course  avait  porté  un  coup  mortel.  C'a  été 
l'une  des  grandes  œuvres  du  protectorat  que  de  relever  l'in- 
dustrie de  la  pêche  qui  compte  parmi  les  sources  de  revenus 
les  plus  importants  de  la  Régence. 

Toutefois,  il  reste  une  lacune  importante  à  combler  :  le 
décret  de  1897,  qui  a  réglé  les  points  spécialement  urgents 
concernant  la  pêche,  ne  saurait  indéfiniment  tenir  lieu  d'une 
législation  devenue  nécessaire,  en  raison  du  développement 
des  industries  maritimes  :  sur  toutes  les  côtes,  on  demande 
une  codification  complète  et  appropriée  aux  nouveaux  besoins. 

Dans  le  Sud,  nous  avons  admiré  l'extension  considérable 
que  prend  la  culture  de  l'olivier, notamment  dans  les  environs 
de  Sfax,  où  en  cinq  années,  cent  trente-cinq  mille  hectares 
ont  été  concédés,  plantés  ou  mis  en  exploitation  régulière. 
Une  autre  source  puissante  de  richesses  se  trouve  dans 
les  phosphates  de  la  région  de  Gafsa,  dont  le  débit  va,  dès  la 
première  année,  atteindre,  dit-on,  plus  de  trois  cent  mille 
tonnes  :  par  un  arrangement  bon  à  imiter,  la  ligne  de  Sfax 
à  Gafsa,  d'une  longueur  de  249  kilomètres,  a  été  construite 
entièrement  aux  frais  de  la  compagnie  concessionnaire  des 
phosphates,  en  outre  des  droits  que  celle-ci  aura  à  verser  au 
trésor  beylical  en  raison  de  ses  exportations.  Etablie  par  les 
procédés  des  chemins  de  fer  désertiques,  la  construction  a 
été  ultra-rapide  et  a  dépassé  de  beaucoup  la  vitesse  si  vantée 
du  transsibérien. 


264  EN   TUNISIE 

Ce  sont  là  les  détails  secs  et  précis  d'un  voyage  d'affaires, 
auxquels  pourtant  le  pittoresque  s'est  mêlé  à  haute  dose, 
comme  il  convient  sur  cette  terre  illustre  quedore  le  soleil  d'O- 
rient. Surtout  Kairouan  la  ville  sainte  et  farouche, et  Sousse, 
murée  dans  ses  fortifications  dentelées,  produisent  une  im- 
pression inoubliable,  et  tel  paysage,  que  coupe  la  locomotive, 
semble  une  page  vivante  et  vieille  de  trois  mille  ans,  arrachée 
à  la  Bible  :  fantasias  éclatantes,  séances  d'Aïoussas  hor- 
ribles, danses  de  griots  venus  des  contrées  mystérieuses  de 
l'Afrique,  processions  de  congrégations  arabes,  musique  et 
grelots  exotiques,  rien  n'a  manqué  à  ce  voyage  pour  nous 
colorer  quelques  peu  les  quarante  homélies  officielles  et 
grises  qu'il  nous  a  fallu  entendre  et  applaudir,  souvent  par 
pure  politesse  ;  tous  les  orateurs  n'avaient  malheureusement 
pas  les  lettres  et  l'éloquence  de  M.  René  Millet,  dont  le  dis- 
cours sur  Jules  Ferry  restera  assurément  parmi  les  pages  les 
plus  belles  et  les  plus  pures  de  notre  langue... 

Terre  splendide  que  cette  terre  tunisienne,  dont  on  peut 
dire,  avec  le  vieux  poète  florentin  «  qu'aucune  ne  marie  tant 
de  douceur  avec  tant  de  beauté  »,  et  dont  les  habitants  trop 
heureux  ne  connaissent  pas  les  laideurs  de  la  politique  et  les 
bassesses  triviales  du  régime  parlementaire.  Non  point  que 
quelques  colons  grincheux  ne  se  trouvent  qui  voudraient 
doter  la  Régence  de  ces  tristes  cadeaux  :  mais,  jusqu'ici  du 
moins,  la  France  a  respecté  sa  signature,  apposée  au  bas  du 
Bardo,  et  il  est  à  croire  que,  d'ici  à  longtemps,  elle  tiendra  à 
sauvegarder  ce  principe  d'autorité  supérieure  quia  permis  à 
ses  résidents  d'opérer  de  grandes  œuvres,  et  qui,  seul,  en  im- 
pose aux  peuples  arabes,  éternels  aspirants  à  la  révolte 
contre  le  Roumi  vainqueur. 

L.    DE   LA    GhANONIE. 


LA  TERRE  QUI  MEURT 


de  M.  René  BAZIN 


Aux  heures  de  songerie,  alors  que  l'évocation  du  passé 
me  replonge  dans  mes  primes  années  d'enfance,  il  est 
des  souvenirs  qui  me  font  revivre  avec  une  intensité 
bizarre  les  événements,  parfois  sans  intérêt,  qui  les  en- 
gendrent. Je  me  retrouve  l'écolier  turbulent  dont  les  équipées 
tenaient  en  crainte  perpétuelle  la  mère  trop  sensible,  vaga- 
bondant, par  sentes  et  par  chemins,  à  la  recherche  de  coins 
perdus  où  ma  petite  âme,  déjà  rêveuse,  s'épanouissait  en  les 
apaisances  d'une  nature  calme  et  reposante. 

J'avais  ainsi,  dans  la  campagne  Ghallandaise,  de  délicieux 
endroits  d'aspects  divers  où  je  siestais  de  longues  heures  au 
milieu  de  caquetages  d'oiseaux,  en  plein  chuchottis  d'arbres 
radoteurs  que  soulignait  parfois  le  clapotis  aigre  de  ruisselets 
minuscules. 

Lorsqu'un  besoin  d'activité  me  tourmentait  j'allais  à  la 
Rive  où  un  vieil  ami  de  mon  père  tenait  toujours  une  niole  à 
ma  disposition  et,  tout  seul,  je  partais  en  excursion  parles 
canaux  de  notre  Marais,  à  l'aventure,  sans  peur  de  chavirer 
et  c'est  ainsi  que,  plusieurs  fois,  je  me  suis  rendu  à  Saller- 
taine  où  M.  René  Bazin  vient  de  placer  l'action  de  son  beau 
livre  :  La  Terre  qui  meurt. 

Ce  petit  bourg  maraîchin  et  la  campagne  environnante 
n'offrent  de  séduction  qu'aux  épris  des  horizons  larges  et  des 
vastes  étendues.  Rien  de  pittoresque  en  ce  paysage  plat  et 


266  LA    TEKHE    QUI    MEURT 

uniforme  que  ne  mamelonné  pas  le  moindre  petit  coteau  !  En 
hiver,  l'eau  couvre  en  grande  partie  les  prairies.  Par  les 
journées  de  grand  gel  et  les  tombées  de  neige  le  spectacle 
offre  une  poésie  toute  particulière,  mais  viennent  le  printemps 
et  lesgaîtésdu  soleil  et  toute  cette  terre,  enlinceulée  pen- 
dant quelques  mois,  ressuscite  fraîche,  appétissante  avec  sa 
toison  verte  qui  ondule  comme  des  vagulettes  aux  souffles 
des  brises  qui  s'en  viennent  de  partout. 

Et,  lorsque  les  faulx  ont  mordu  les  foins  mûrs,  s'étale 
une  immense  nappe  fauve  quadrillée  d'argent  par  les  filets 
d'eau  morte  et  animée  par  les  galopades  des  poulains  et  les 
lentes  promenades  des  taures. 

De  père  en  fils  les  Lumineau  habitaient  la  ferme  de  la  Fro- 
mentière  appartenant  à  la  vieille  famille  de  ce  nom  dont  le 
dernier  rejeton,  M.  Henri  —  ainsi  que  tout  le  monde  l'appelait 
—  était  parti  à  Paris,  depuis  quelques  années,  au  grand  dé- 
sespoir de  ses  métayers  qui  avaient  maintenant  affaire  à  un 
régisseur  peu  commode. 

Veuf,  depuis  longtemps  déjà,  Toussaint  Lumineau  exploi- 
tait la  Fromentière  avec  l'aide  de  son  fils  François  et  de  ses 
deux  filles  Eléonore  et  Marie-Rose.  L'aîné  de  ses  garçons, 
Mathurin,  lui  était  à  charge  par  suite  d'un  terrible  accident 
de  voiture  survenu,  un  soir  qu'il  retournait  de  Challans  avec 
sa  fiancée,  Félicité  Gauvrit,  la  plus  belle  fille  de  Sallertaine;  et 
André,  —  Driot  en  patois  —  le  jeune,  allait  bientôt  revenir  à 
l;i  ferme  et  permettrait  de  se  passer  des  services  du  domes- 
tique Jean  Nesmy,  un  daniaon  gagé  jadis  pour  le  remplacer. 

Ce  Jean  Nesmy,  excellent  travailleur  mais  braconnier  in- 
corrigible, adorait  Marie-Rose —  Rousitte,  et  non  Rousille  — 
dont  il  était  profondément  aimé,  au  grand  déplaisir  de  Ma- 
thurin qui  ne  pouvait  pas  le  supporter  et  craignait  qu'il  ne 
prît  un  jour  la  direction  de  la  ferme.  L'infirme  avertit  donc 
son  père  et  Jean  Nesmy  fut  remercié.  Lumineau,  tout  en  re- 
connaissant les  grandes  qualités  de  son  valet,  ne  voulait  à 
aucun  prix  lui  donner  sa  fille.  Le  mariage  d'une  Maraîchine 


LA    TERRK    QUI    MEURT  '^<»7 

et  d'un  Bocain  ?  Mésalliance  impossible.  Et  la  pauvre  Rousitte 
éplorée  s'en  fut  conter  ses  peines  aux  tailleuses  Michelonne, 
deux  vieilles  filles  du  bourg  qu'elle  appelait  ses  tantes,  dont 
l'aînée,  qui  avait,  elle  aussi,  sacrifié  ses  affections  de  jeunesse 
aux  exigences  de  ses  parents,  lui  prodigua  des  tendresses 
consolatrices  et  versa  dans  son  âme  torturée  le  baume  des 
espérances. 

Toussaint  Lumineau,  tracassé  de  n'avoir  pu  payer  à  l'é- 
chéance le  loyer  de  sa  ferme,  allait  bientôt  subir  de  nou- 
veaux ennuis.  François  etEléonore  le  quittèrent  un  beau  jour 
pour  aller  s'installer  à  la  Roche-sur-Yon.  M.Jules  Meffray, 
conseillerd'arrondissement  et  grand  électeur  deChallans,  avait 
obtenu  pour  le  premier  une  place  de  chauffeur  aux  Chemins 
de  fer  de  l'Etat  ;  la  seconde  avait  acheté  un  débit  de  vins  et 
liqueurs  dans  un  faubourg,  à  la  limite  de  la  campagne.  Heu- 
reusement que  son  Driot  serait  de  retour  dans  quelques  se- 
maines et,  avec  un  domestique,  la  besogne  se  ferait  comme 
par  le  passé. 

Ah  !  ce  fut  grande  fête  à  la  BYomentière  à  l'arrivée  d'André 
que  le  fermier  était  allé  chercher  à  la  gare  de  Ghallans  !  Le 
père  Lumineau  ne  se  sentait  pas  de  joie  et  lorsque  son  Driot 
eût  jeté  bas  sa  livrée  de  soldat  pour  se  vêtir  en  maraîchin,  il 
s'écria  gaîment  :  —  Oh  !  mon  Driot,  te  voilà  tout  à  fait  revenu  ! 
Tu  étais  mon  fils  tout  à  l'heure,  mais  pas  autant  qu'à  présenti 

Hélas!  ce  bonheur  fut  de  courte  durée,  car  Driot  eut  bien- 
tôt le  désir  d'aller  s'établir  en  des  contrées  lointaines  où  les 
terres  novales  produisent  en  abondance  ce  que  notre  terre  de 
France  ne  donne  qu'à  grand'peine.  Et,  une  nuit,  il  s'enfuit 
sans  un  mot  d'adieu  au  père  qui,  affolé,  se  rendit  à  la  Roche- 
sur-Yon  pour  déterminer,  sans  succès,  François  et  Eléonore 
à  revenir  au  logis  paternel. 

Alors  Lumineau  se  souvint  du  bocain  Jean  Nesmy.  Il  vieil- 
lissait, il  était  seul  :  François,  Eléonore,  André,  partis  !  et 
l'inutile  Mathurin  venait  d'être  trouvé  mort  au  fond  d'une 
yole.  Le  fermier  se  dit  qu'il  aurait  là  un  gendre  droit  et  non- 


268  LA    TERRE    QUI    MEURT 

nête  qui  forait  le  bonheur  de  Marie-Rose  et  pourrait  lui  suc- 
céder quelque  jour.  Adélaïde  Michelonne  fut  chargée  de  l'aller 
quérir  à  la  ferme  de  Nouzillac,  en  la  commune  de  la  Flocel- 
lière,  où  il  travaillait  depuis  son  départ  de  la  Fromentière.  Et 
le  roman  finit  par  un  mariage. 

M.  Bazin  a  écrit,  en  un  style  superbement  imagé,  une 
œuvre  saine  et  captivante  qui  le  met  au  rang  de  nos  bons  ro- 
manciers mais  sans  classification  bien  définie. 

La  Terre  qui  meurt  n'est  ni  un  livre  d'observation  vraie,  ni 
une  étude  de  mœurs,  elle  contient  simplement  l'embryon 
d'une  thèse  sociale  et  économique  autour  duquel  gravite  une 
action  qui,  pleine  d'intérêt  dans  toutes  ses  manifestations, 
pourrait  se  passer  dans  n'importe  quel  département  français. 

Et  d'abord  la  terre  meurt-elle?  ainsi  que  le  proclame  M.  Ba- 
zin. Ailleurs,  peut-èlre.  Mais  dans  notre  coin  de  Vendée  elle 
est  toujours  pleine  de  tante  et  les  soins  qu'elle  exige  et  les 
affections  dont  elle  est  jalouse  ne  lui  manquent  point.  Que 
sont  les  quelques  rares  défections  qu'elle  enregistre  à  côté 
des  tendresses  nouvelles  qui  lui  sont  prodiguées  en  des  mi- 
lieux où  elle  était  jusqu'alors  dédaignée!  Les  poussées  des 
campagnes  vers  les  villes  ont  été  constatées  à  maintes 
époques,  alors  même  que  la  lutte  pour  l'existence  n'était 
point  aussi  impérieuse  qu'aujourd'hui.  L'indifférence  appor- 
tée par  les  générations  contemporaines  aux  besognes  ances- 
trales  ne  se  borne  point  aux  choses  de  la  terre,  elle  s'étend  à 
tous  les  travaux  manuels  et  ce  n'est  point  dans  cette  courte 
analyse  qu'il  nous  est  possible  de  suivre  ses  évolutions. 

La  Terre  qui  meurt  renferme  de  magistrales  descriptions  et 
des  portraits  habilement  éclairés.  A  côté  de  photographies 
très  nettes,  M.  Bazin  donne  comme  des  réalités  les  fantaisies 
de  son  imagination  inventive. 

Nous  connaissons  Lumineau  qui,  n'en  déplaise  à  son  bio- 
graphe, n'a  rien  de  commun  avec  la  belle  et  fière  figure  qu'il 
nous  montre.  Nous  connaissons  également  M.  le  marquis 
Henri,  dont  la  fille  Ambroisine  est  assurément  très  désirable. 


LA    TERRE    QUI    MEURT  269 

Nous  sommes  l'ami  intime  de  M.  Jules  Metîray,  dont  l'intel- 
ligence et  la  science  sont  remarquables  et  la  serviabilité  peu 
commune.  Nous  avons  assisté  à  la  vente  du  château  de  la 
Fromentière.  Nous  sommes  allô  à  la  veillée  de  la  Seulière. 
Nous  avons  joué  à  l'aluette  chez  l'aubergiste  Bonnet  et  trin- 
qué chez  Denois  —  en  employant  la  formule  :  De  tout  mon 
cœur  je  vous  salue  et  non  celle  notée  par  M.  Bazin  —  avec  les 
conscrits  sallertaiûois,  mais  le  type  de  Marie-Bose  nous  est 
totalement  inconnu. 

Si  M.  Bazin  s'était  fait  conduire  à  Challans  parles  Lumi- 
neau  il  n'aurait  pas  écrit  «  que  tout  le  monde  se  mettait  aux 
portes  pour  les  voir  passer  »  :  on 'n'est  nulle  part  badaud  à 
ce  point.  Les  maraichines  portent  des  bas  de  laine  bleus 
l'hiver  et,  en  été,  des  bas  de  coton  rayés  deuil  et  ne  se 
couvrent  jamais  les  épaules  de  mouchoirs  de  velours.  Nous 
pourrions  continuer  avec  fruit  la  recherche  de  la  petite  bote, 
à  quoi  bon  ?  Ces  légères  critiques  n'enlèvent  rien  à  la  valeur 
de  l'œuvre  dont  quelques  scènes  sont  particulièrement  émou- 
vantes, notamment  le  départ  de  Driôl,  la  veillée  de  la  Seu- 
lière, les  rendez-vous  de  Nesmy  et  de  Boussitte,  et  enfin,  la 
mort  si  poignante  de  Mathurin  et  le  retour  de  son  cadavre  à 
la  Fromentière. 

A.  Barrau. 


TOME    XII.    —   AVRIL,    MAI,    JUIN.  19 


JOURNAL 


D'UN   FONTENAISIEN 

SOUS    LA    TERREUR 

1794 
(Suite)1. 


26  mars.  —  La  Municipalité  reçoit  une  lettre  du  Comité  de 
Salut  public  portant  qu'il  ne  suffit  pas  d'avoir  fait  disparaître 
de  dessus  les  édifices  publics  et  particuliers  «  tous  les  signes 
de  royauté  et  de  féodalité  »,  qu'il  faut  en  enlever  jusques  aux 
moindres  vestiges,  et  les  remplacer  «  par  les  emblèmes  de  la 
liberté  ». 

Un  certificat  de  bonne  conduite  est  refusé  au  14"  régiment 
de  chasseurs  à  cheval  en  garnison  dans  la  ville. 

La  Société  populaire  dresse  la  liste  de  ses  membres. 

De  nombreux  insurgés  Vendéens  sont  exécutés  :  Marie 
Goyau,  femme  Guitton,  46  ans,  de  Ghavagnes  ;  André  Motard, 
69  ans.  de  Glussais  (Deux-Sèvres)  ;  Jean  Galland,  55  ans,  jour 
nalier,  de  Courlay  (Deux-Sèvres)  ;  Jean  Thomas,  50  ans,  de 
Saint-Marsaull(Deux-Sèvres)  :  Jean  Drochon,  74  ans,  de  Saint- 
Marsault (Deux-Sèvres)  ;  Angélique  Goineau.31  ans,  de  Cha- 

'    Voir  la  livraison  de  septembre  1897. 


JOURNAL   D'UN    KONTENA1SIEN    SOUS    LA  TERREUR  271 

vagnes-les-Redoux  ;  Jean  Curateau,  38  ans,  maçon,  du  Vieux- 
Pouzauges  ;  Pierre  Guillot,  ïô  ans,  du  Vieux-Pouzauges. 

27  mars.  —  Le  conseil  de  la  commune  instruit  que  Joseph 
Bertin,  de  la  commune  de  Montoumais,  réfugié  à  Fontenay,  a 
été  acquitté  hier  par  la  Commission  militaire  «  déclare  parta- 
ger les  sentiments  que  l'innocence  reconnue  d'un  accusé  doit 
inspirer  à  tous  les  bons  citoyens  ». 

Confirmation  de  l'arrêté  de  la  municipalité  ordonnant  aux 
réfugiés  de  quitter  la  commune  sous  vingt-quatre  heures. 

Deux  membres  du  comité  de  surveillance,  Guéry  et  Lam- 
bert, sont  envoyés  à  Celles,  pour  y  dresser  le  tableau  des  déte- 
nus et  l'adresser  au  Comité  de  sûreté  générale  à  Paris. 

Pierre  Charron,  de  Bourneau  ;  Augustin  Maupetit,  58  ans, 
de  Foussais  ;  Félix  Bouton,  62  ans,  de  Saint-Mars-la-Réorthe  ; 
Pierre  Tarreau,  34ans,deSaint-Prouant,  sont  exécutés  comme 
ayant  pris  part  à  l'insurrection  Vendéenne. 

28  mars.  —  Turreau  adresse  à  Hoche  la  liste  des  communes 
de  la  Vendée,  situées  sur  les  deux  rives  du  Lay,  vouées,  à  une 
complète  destruction  par  son  précédent  arrêté. 

De  ce  nombre  sont:  Chantonnay,  Bournezeau,  le  Chaize-le- 
Vicomte,  Mareuil,  Sainte-Hermine,  etc. 

Energique  protestation  de  la  Société  populaire  de  Luçon, 
contre  cet  ignoble  projet  d'extermination. 

29  mars.  —  En  raison  de  l'arrivée  d'un  corps  de  cavalerie, 
les  bœufs  qui  occupaient  les  écuries  des  casernes,  sont  par- 
qués dans  le  petit  pré  appartenant  à  la  commune,  et  où  est 
placé  le  corps  de  garde  (barrière  de  Niort). 

Le  conseil  de  la  commune,  instruit  par  la  voix  publique 
que  le  général  de  brigade  Bard  a  été  suspendu  de  ses  fonc- 
tions, exprime  toute  la  confiance  qu'il  professe  pour  les  prin- 
cipes républicains  de  ce  citoyen,  et  toute  son  admiration  pour 
le  courage  dont  il  a  fait  preuve  dans  maints  combats. 

Eu  même  temps  le  comité  de  surveillance  exhorte  le  géné- 
ral Turreau  à  ne  pas  livrer  aux  flammes  Luçon  et  toute  la 


272  JOURNAL  D'UN   F0NTENA1S1EN 

contrée  environnante,  et  supplie  le  Comité  de  Salut  Public  de 
préserver  la  Vendée  des  torches  incendiaires  de  Turreau. 

En  présence  de  l'état  inquiétant  des  approvisionnements 
des  boulangers,  la  municipalité  décide  de  faire  d'instantes 
démarches  auprès  du  District,  pour  que  des  secours  suffisants 
soient  accordés  à  la  ville. 

Les  habitants  sont  requis,  sous  peine  d'être  traités  comme 
suspects,  d'apporter  à  la  maison  commune,  les  fusils,  piques, 
bidons,  gamelles  et  autres  ustensiles,  laissés  chez  eux  par  les 
soldats. 

Ce  même  jour,  le  citoyen  Marsault  est  nommé  concierge  de 
la  maison  d'arrêt  Chessebeuf. 

30  mars.  —  L'arrêté  de  la  ville  relatif  à  Marsault  est  rap- 
porté. Le  citoyen  Goirier,  sergent  des  canonniers  de  la  com- 
mune, est  désigné  pour  occuper  sa  place. 

Célébration  de  la  décade,  comme  d'habitude,  par  la  lecture 
des  lois  et  par  des  discours  patriotiques. 

La  Convention  décrète  que  Jean-François  Pichard  sera  tra- 
duit devant  le  tribunal  révolutionnaire  de  Paris. 

31  mars.  —  Un  certificat  de  civisme  est  délivré  à  la  femme 
Thérèse  Chandon-Tournefeuille,  qui  fait  les  fonctions  de 
«  timbreur  de  la  commune  ». 

Le  district  fait  savoir  à  la  municipalité  que  quatre  tonneaux 
de  baillarge  seront  mis,  le  lendemain,  à  sa  disposition. 

l*r  avril.  —  Un  secours  de  2,268  livres  10  sous  sont  alloués 
à  la  commune  par  le  District. 

2  avril.  —  Amiot  et  Chisson  sont  désignés  pour  faire  dis- 
paraître «  les  empreints  des  signes  de  royalisme  et  de  féo- 
dalité précédemment  enlevés  dans  la  commune  ». 

3  avril.  —  Le  citoyen  Augustin  Belliard,  fils,  présente  à  la  ■ 
municipalité  un   projet   de  remplacement  des  noms  anciens 
donnés  aux  places  et  rues  de  la  commune.  Ce  projet,  saut 
quelques  modifications,  est  adopté.  Parmi  les  nouveaux  noms 
figuraient  ceux  qui  suivent  : 


SOUS   LA.  TERREUR  273 

Hue  des  Préjugés  Vaincus,  anciennement  rue  Notre-Dame. 
Rue  Helvétius,  —  rue  du  Pinier. 

Rue  des  Vertus,  —      rue  Pont-aux-Chèvres. 

Rue  de  la  Raison,  —  Grand'rue. 

Rue  Tricolore,  —      pet.  rue  du  Départem. 

Rue  Jean-Jacques  Rousseau,         —  rue   Ste-Gatherine. 

Rue  du  Bonnet  Rouge,  —      r.  h.  du  Puy  S'-Martin. 

Rue  de  la  Révolution,  —  Grand'route. 

Rue  des  Sans-Culottes.  —     r.  Ste-Catherine-d.-Log. 

Jeanne  Biraud,  femme  Nauleau,  de  Cheffois  ;  Rose  Arsi- 
caud,  48  ans,  de  Cheffois  ;  Rose  Acarie,  femme  Duchet,  59 
ans,  de  Mouilleron-en-Pareds  ;  Placide  Béreau  du  Vignaud,  64 
ans,  chef  vendéen,  de  St-Germain-1'Aiguiller  ;  Jean  Grolleau, 
44  ans,  de  Thouarsais  ;  Jeanne  d'Aux,  42  ans,  religieuse  du 
couvent  Notre-Dame,  de  Fontenay  (condamnée  à  mort  pour 
avoir  brodé  aux  Vendéens  des  Sacré-cœurs  !)  sont  exécutés. 

4  avril.  —  Le  comité  de  surveillance  dénonce  à  celui  de 
Rochefort  la  conduite  du  général  Huche,  un  des  plus  odieux 
lieutenants  de  Turreau. 

5  avril.  —  Le  Conseil  général  de  la  commune  adresse  des 
félicitations  à  la  Convention  nationale  pour  ses  récents  dé- 
crets sur  l'abolition  de  l'esclavage  des  Noirs  ;  et  il  ajoute 
que  dans  la  commune  de  Fontenay  «  l'esprit  public  s'y  élève 
de  plus  en  plus,  que  la  superstition  y  est  détruite,  l'argen- 
terie au  creuset,  les  cloches,  le  fer,  le  plomb  aux  manufac- 
tures guerrières,  que  la  Raison  y  a  un  temple  et  que  toutes 
les  vertus  sont  à  l'ordre  du  jour  ». 

Les  citoyennes  de  la  commune  ne  pouvant  à  cause  de  leur 
sexe  prendre  personnellement  part  à  la  défense  de  la  patrie, 
se  sont  cotisées  pour  armer  et  équiper  «  un  cavalier  jacobin, 
qui  a  juré  entre  leurs  mains  de  frayer  à  leurs  enfants  le  che- 
min de  la  gloire.  » 

Présentation  à  la  municipalité  par  le  commandant  de  la 
garde-nationale  du  nouveau  drapeau  destiné  à  remplacer 
celui  perdu  à  l'affaire  du  25  mai,  sous  les  murs  de  la  ville. 


274  journal  d'un  fontenaisien 

Tellier  et  Chapelain  envoyés  à  Paris,  annoncent  à  la  Société 
populaire  de  Fontenay  qu'ils  ont  été  favorablement  accueillis 
par  le  Comité  de  Salut  public  et  que  de  plus  opportunes 
mesures  vont  être  prises  pour  mettre  fin  à  la  désastreuse 
guerre  de  la  Vendée. 

6  avril.  —  Le  Conseil  de  la  commune  écrit  au  commandant 
de  place  pour  le  prévenir  que  la  maison  de  réclusion  est 
insuffisamment  gardée,  ce  qui  a  permis  à  trois  prisonniers 
de  s'échapper  (Jacques  Raimbaud,  de  Saint-Mars,  près  La 
Châtaigneraie  ;  Pierre  Châtaignier  et  Louis  Baudry,  des 
environs  de  Saint-Cyr-des-Gâls.) 

Perreau,  l'ancien  curé  de  Notre-Dame,  est  confirmé  par 
Lequinio,  dans  ses  fonctions  de  directeur  de  l'hôpital- 
général. 

7  avril.  —  Un  autel  provisoire  de  la  patrie  est  érigé  sur  la 
place  de  la  Révolution. 

8  avril.  —  Le  Département  enjoint  au  district  de  hâter 
l'habillement  des  citoyens  de  la  lre  réquisition. 

Huche  informe  Leclerc,  commandant  de  place  à  Fontenay , 
qu'il  faut  livrer  aux  flammes  Port-La-Claie  et  Mareuil-sur- 
Le-Lay. 

Goy-Le  Martinière,  aide-de-camp  de  Huche,  et  auteur  de 
crimes  sans  nombre,  est  enfin  arrêté  et  traduit  devant  la 
Commission  militaire  de  Fontenay. 

Arrestation  de  Françoise-Marie  d'Aux,  et  exécution,  comme 
insurgés,  de  Jean  Billaud,  33  ans,  de  Saint-Cyr-des-Gâts  ;  de 
Jean-René  Baudry,  46  ans,  de  Puy-de-Serre  ;  de  Hélène- 
Louise  David,  27  ans,  de  Chantonnay,  et  de  Jean  Gaboriau, 
32  ans,  de  Vendrennes. 

9  avril.  —  Le  comité  de  surveillance  de  Luçon  fait  arrêter 
le  général  Huche  et  confie  le  commandement  de  la  troupe  à 
l'adjudant-général  Cortez. 

Serment  civique  prêté  par  Rose  Chantreau,  ex-religieuse 
converse. 


SOUS    LA    TERRFUR  275 

10  avril.  —  Compte-rendu  de  la  mission  de  Perreau  et 
Dupleix,  délégués  par  laSociété  Populaire  auprès  des  Repré- 
sentants du  peuple  à  l'armée  de  l'ouest. 

11  avril.  —  Goy-le-Martiniére,  condamné  à  mort  pour  viols, 
massacres  et  incendies,  est  exécuté. 

12  avril.  —  L'agent  national  du  district  met  en  réquisition 
toutes  les  cendres  provenant  des  fours  communaux  et  des 
boulangeries,  pour  la  fabrication  des  poudres. 

Huche  est  conduit  sous  bonne  escorte  de  Luçon  à  Rochefort. 

13  avril.  —  Toutes  les  cordes  servant  aux  sonneries  des 
cloches  sont  requises  pour  le  service  de  la  marine. 

14  avril.  —  Arrêté  de  la  municipalité  conférant  à  l'hôpital- 
général  la  propriété  des  dépouilles  des  guillotinés. 

R.   V. 


LES  VENDÉENS  FUSILLÉS 


A   LA  SUITE  DK 


L'EXPÉDITION     DE     QUIBERON 


Amelin  (Joseph  ,  émigré,  soldat,  20  ans,  de  Saint-Sym- 
phorien  (Vendée),  condamné  le  2?  fructidor—  13  septembre 
Vannes. 

Bassetière  (Louis-François-Henri  Morisson  de  la)  émigré, 
des  Sables  d'Olonne  ;  condamné  le  17  fructidor  —  3  sep- 
tembre, Vannes. 

Concises  (Charles-Auguste-Roland  Grellier  de),  émigré, 
chevalier  de  Saint-Louis,  capitaine  dans  Hector,  49  ans,  de 
Chambretaud  (Vendée)  :  condamné,  le  15  thermidor  —  2  août, 
Vannes. 

Gaignet  (Jean-Baptiste-René),    émigré,    vicaire    de    Doix 
Vendée),  31  ans,  du  Gué-de-Velluire  (Vendée);  condamné,  le 
9  thermidor  —  27  juillet,  Auray. 

Gouraud  (Jacques-Pierre;,  émigré,  prêtre,  curé  de  Saint- 
André,  56  ans,  de  Saint-Georges  de  Montaigu  (Vendée.  :  con- 
damné, le  9  thermidor.  —  27  juillet,  Auray. 

Guerry  (Louis-Benjamin  de  —  de  Beauregard),  émigré, 
officier  de  marine,  27  ans,  de  Dompierre-sur-Yon  fVendée,  ; 
condamné,  sous  le  prénom  de  Charles,  le  12  fructidor  — 
29  août.  A.urav. 


LES    VENDÉENS    FUSILLÉS    A    LA    SUITE    DE    QUIP.ERON         277 

Gukhry  (Gilbert-Alexis  de  —  de  Beauregard),  émigré, 
chevalier  de  Malte,  officier  de  marine,  3i  ans,  de  Dompierre- 
sur-Yon  (Vendée)  ;  condamné,  le  12  fructidor  —  29  août, 
Auray. 

Guignardière  (Joseph-Armand  Brethé  de  la)  insurgé,  17 
ans.  de  Sainte-Florence  (Vendée);  condamné  (?)  Liste  Le- 
moine,  sous  le  nom  de  Berthe. 

Jallays  (Auguste  de),  émigré,  42  ans,  de  Saint-Philbert 
(Vendée);   condamné  le  13  thermidor  —  31  juillet,  Vannes. 

Jallays  (Louis  de  .  émigré,  35  ans,  de  Saint-Philbert  (Ven- 
dée) ;  condamné  le  J3  thermidor  —  3i  juillet,  Vannes. 

Jallays  (Victor  de),  émigré,  frère  des  précédents,  2S  ans, 
de  Fontenay-le-Comte  Vendée),  condamné  le  13  thermidor  — 
31  juillet,  Vannes. 

Jousbert  (Jacques  de  la  Cour-Goronièrb),  émigré,  «  bour- 
geois »,  33  ans,  de  la  Chapelle-Hermier  (Vendée)  ;  condamné  le 
13  thermidor  —  31  juillet,  Vannes. 

Masson  i  René,  chevalier  dé),  émigré,  49  ans,  de  Saint-Denis 
(Vendée)  ;  condamné  le  14  thermidor  —  1er  août,  Vannes. 

Maubert  (Joseph-Alexandre  Bouhier  de  ,  émigré,  51  ans, 
de  Noirmoutier  (Vendée  ;  condamné  le  15  thermidor  — 
2  août,  Quiberon. 

Mello  (Gésaire  Vas  de —  de  la  Metérte),  émigré,  24  ans, 
du  Poiré  (Vendée)  ;  condamné  le  15  thermidor  —  2  août,  Qui- 
beron. 

Ponsay  (Jérôme  Gorrin,  chevalier  de),  émigré,  lieutenant 
de  vaisseau,  51  ans,  de  Saint-Mars-des-Prés  (Vendée);  con- 
damné le  15  thermidor  —  2  août,  Quiberon. 

Réghin  (Jean-Louis),  émigré,  domestique,  de  Montaigu 
(Vendée);  condamné  le  11  thermidor  —  29  juillet,  Quiberon. 

Rieussec  (François-Pierre  de),  vicaire-général  de  Luçon, 
41  ans,  de  Lyon  ;  condamné  le  9  thermidor,  27J  juillet,  Auray. 


878         LES    VENDÉENS    FUSILLÉS    A    LA    SUITE    DE    QUIRERON 

RocHKFoucAULD  (René-Claude  de  la  —  Bayers),  émigré, 
30 ans,  d'Aspremont  (Vendée),  condamné  le  13  thermidor  —  31 
juillet.  Vannes. 

Royrand  (Charles-César  de),  émigré,  officier  de  marine, 
30  ans,  de  Montaigu  (Vendée)  ;  condamné  le  12  thermidor  — 
30  juillet,  Quiberon. 

Royrand  (Charles-Augustin  de  —  de  la  Roussière),  émi- 
gré, oncle  du  précédent,  03  ans,  de  Montaigu  (Vendée);  con- 
damné le  15  thermidor  —  2  août,  Vannes. 

Soulanges  (Claude-René  —  Paris  de),  émigré,  59  ans, 
chef  d'escadre,  chevalier  de  Saint-Louis,  lieutenant-colonel 
d'Hector  ou  Marine,  de  la  Preuille  en  Saint-Hilaire  (Vendée); 
condamné  le  13  thermidor  —  31  juillet,  Auray. 

Charles  Robert. 
Ext.  de  Y  Expédition  des  Emigré*  à  Quiberon). 


MONUMENT  DES  COMBATTANTS  DE  LUCON 


Inauguré  h  Ik  Mai  1899 


CHRONIQUE 


A  LA  MÉMOIRE  DES  ENFANTS  DU  CANTON  DE  LUÇON.  —  Le  14  mai, 
ont  en  lieu  à  Lucon  les  fêtes  organisées  à  l'occasion  de  l'inau- 
guration du  monument  élevé  à  la  mémoire  des  Enfants  du 
canton  morts  pour  la  patrie  en  1870-71. 

Un  grand  nombre  de  visiteurs  étaient  venus  de  tous  les  points  de 
la  Vendée  et  des  départements  voisins. 

La  ville  était  superbement  décorée  ;  tous  les  édifices  publics  pa- 
voises ;  anx  fenêtres  de  toutes  les  maisons  flottaient  des  drapeaux. 

A  huit  heures  du  matin,  un  service  religieux  était  célébré  à  la 
Cathédrale.  M.  l'abbé  Charpentier,  archiprêtre  de  Lucon,  officiait. 
L'amiral  Alquier,  enfant  de  la  Vendée,  assistait  à  la  cérémonie. 

A  onze  heures,  la  municipalité  se  rend  à  la  gare  pour  recevoir 
le  colonel  Maux,  commandant  le  137e  de  ligne,  à  Fontenay,  et  le 
préfet  de  la  Vendée.  Le  cortège  officiel  gagne  la  place  Belle-Croix 
pour  procéder  à  l'inauguration  du  monument.  Sur  l'estrade  pre- 
nent  place  l'amiral  Alquier,  le  colonel  Maux,  M.  de  Joly,  préfet  de 
la  Vendée,  M.  Deshayes,  député  et  maire  de  Luçon,  M.  Biré,  con- 
seiller général,  le  Conseil  municipal  et  M.  de  Béjarry,  sénateur. 

Le  monument  est  dû  au  ciseau  de  M.  Fulconis  ;  l'artiste  a  repré- 
senté la  France  soutenant  un  soldat  mort  dont  la  main  crispée  tient 
le  drapeau  national  ;  l'ensemble  est  d'un  effet  saisissant.  M.  Bar- 
reaud,  président  des  Vétérans  de  Luçon,  remercie  les  invités  -,  l'ami- 
ral baron  Alquier  parle  ensuite  et  son  discours  est  salué  par  les 
cris  de  :  «  Vive  la  France  I  Vive  l'armée  !  Vive  l'amiral  !  » 
M.  Deshayes  fait  l'éloge  de  M.  Fulconis.  M.  Biré  supplie  de  se  souve- 
nir  du   mot   de   Jeanne   d'Arc   :    «   Boutons  les   ennemis  hors  de 


280  CHRONIQUE 

France  ».  Enfin  un  conscrit,   M.  Luquet,    harangue  la   foule  d'une 
voix  vibrante  et  est  chaudement  félicité  par  le  colonel  Maux. 

L'amiral  Alquier  remet  une  médaille  à  M.  Trichet,  lieutenant  des 
sapeurs  pompiers.  On  se  rond  à  la  salle  du  banquet,  décorée  avec 
un  goût  parfait.  Au  Champagne,  le  préfet  de  la  Vendée  porte  la 
santé  du  président  Loubet. 

M.  Deshayes,  député,  boit  à  l'armée  française,  à  l'amiral  Alquier, 
l'un  des  plus  illustres  représentants  de  notre  héroïque  marine,  et  au 
colonel  Maux  L'amiral  Alquier  boit  aux  Vendéens.  D'autres  toasts 
sont  portés  par  M  Héron,  délégué  des  Vétérans  d'Indre-et-Loire, 
et  par  M.  Trichet,  président  de  la  47e  section  des  Vétérans.  Après  le 
banquet,  le  cortège  s'est  rendu  au  cimetière. 

C'est  sous  une  pluie  battante  qu'a  été  accompli  le  pieux  pèleri- 
nage au  monument  élevé  dans  le  cimetière  aux  mobiles  d'Indre-et- 
Loire,  morts  à  Luoon  pour  la  patrie  en  1870-71. 

M.  Héron  a  prononcé  devant  ce  monument  une  allocution  toute 
vibrante  de  patriotisme  et  a  lu  un  télégramme  de  l'archevêque  de 
Tours,  ancien  aumônier  militaire  et  fondateur  de  l'Association  des 
anciens  combattants  de  Tours,  qui  exprime  le  regret  de  n'avoir  pu 
assister  a  la  cérémonie. 

Un  autre  discours  a  été  prononcé  par  M.  Rut,  ancien  combattant, 
Les  deux  orateurs  ont  été  chaleureusement  applaudis. 

Nous  ne  reproduirons  pas  ici  le  texte  des  différents  discours  pro- 
noncés durant  cette  journée,  et  qu'ont  déjà  publiés  tous  nos  con- 
frères. Mais  en  revanche  nous  sommes  heureux  de  pouvoir  donner, 
grâce  à  l'aimable  communication  que  nous  en  a  faite  M.  Napoléon 
Jolly,  le  très  sympathique  adjoint  de  Luçon,  la  liste  encore  inédite 
des  jeunes  héros  dont  le  nom  est  gravé  sur  le  monument  inauguré. 


AUX  ENFANTS  DU  CANTON  DE  LUÇON 
Morts  pour  la  Patrie  en  1870-1871. 


Commune  de  Luçon. 

Daviau,  Victor,  sergent-major.  Dehaye,  Jean. 

Bideaux,  Arthur.  Labbé  Périclès,  sous-lieutenant. 

Blanchet,  Philippe.  Lacour,  Louis. 

Fremauih-au,  Louis.  Laidet  Armand. 

Vn^naud,  Kmile,  lieutenant.  Maury,  Pierre. 

Baillaohe,  Jean-Baptiste.  Saudé,  Apollon. 

lioileau,  Louis.  Patarin.  Jean. 

Chauvin.   Paul. 


CHRONIQUE  ~&1 


Commune  de  Saint-Michel  en  l'ilerm. 

Flanchet,  Ferdinand.  Fillonneau,   François. 

Fabien,  Joseph.  Grasset,  Charles. 

Burgaud,  Baptiste.  Petit,  Baptiste. 

Guignet,  Louis.  Mounier,  Louis. 

Gojon,Jean.  Michelon,  Jean. 

Boisselot,  Charles.  Boutet,  Jean. 

Trichereau,  Constant.  Neau,  Jean. 

Commune  de  VAiguillon-sur-Mer. 

Gaucher,  Félix.  Valet,  Laurent. 

Ravard,  Isidore. 

Commune  de  Triaize. 

Drié,  Isidore.  Guignet,  Louis. 

Mouneron,  Auguste.  Ouvrard,  Germain. 

Bouchonneau,  Benjamin.  Roland,  Louis. 

Commune  de  Grues. 

Begaud,  Louis.  Tourais,  André. 

Marceau,  Pierre.  Fuseleau,  Mathurin. 

Commune  de  Saint-Denis  du  Payrè. 
Mouchard,  Pierre.  Thibaudeau,  Pierre. 

Commune  de  Lairoux. 

Boismoreau,  Louis.  Delumeau,  Pierre. 

Coussot,  Louis.  Morin,  Jean. 

Commune  de  Chasnais. 

Ardouin,  Baptiste.  Grolier,   Jean. 

Bufiaud,  François.  Roturier,  Alexandre. 

Commune  des  Magnils  Reignievs. 
Drouet,  Louis.  Palardy,  Jean. 

Commune  de  Sainte-Gemme  La  Plaine, 

Olivier,  Louis.  Couzinet,  Clément. 

Roy,  Pierre. 


2#2  CHRONIQUE 

LA  VENDEE    AU   SALON  DE  1899. 

Peinture. 

Bidau   Eugène),  né  à  La  Roche-sur-Yon  :  N°  189  —  Fleurs. 

Boislecomte  (Edmond  de);  n°  219.  —   Cathelineau  protège  les  pri- 
sonniers bleus  à  Cholet . 

Boutigny  (Emile)  :   n°  275.    —   Henri  de   la    Rochejacquelein  au 
combat  de  Cholet. 

Brillaud  (François),  né  à  Cugand  (Vendée)  •.    n°295  —  le  Bain  ■. 
n°  297.  —  Portrait  de  M.  l'ingénieur  Cuènot. 

Carette  (Georges-Emile)':  n"  264.  —  Château  de  Barbe-bleue. 

Delhumeau  Gustave-Henri-Eugène),  né  aux  Moutiers-les-Maux- 
faits  (Vendée)  :  n°  603.  —  Portrait  de  Mn*  M.  H. . 

Leroux-Cesbron  (Charles)  :  n°  1210.  —  Mare  en  Vendée. 

Magde,  née  à  La  Châtaigneraie  (Vendée)  :  n°  1288.  —  La  Poule  au 
Pot. 

Petit-Jean   Edmond)  :  n°  1547.  —  Le  Vieux  Moulin,  Sables  d'Olonne. 

Tillier  (Paul,  né  au  Boupère  (Vendée)  :  n°  1900.  —  Madeleine; 
N°  1901.  —  Baigneuses. 

Troncy  (Emile)  :  n°  1910.  —  Une  fille  des  Sables  d'Olonne  ^Vendée). 

Vautier  (André)  :  n°  1943.  —  Le  fortin,  Ile  de  Noirmoutier 
Vendée). 

Vincent-Darasse  (Louis-Paul)  :  n°  1960.  —  L' Herbaudière,  Noir- 
moulier  :  n°  1961.  —  Clignes  verts,  Noirmoutier. 

Dessins. 

Kidel  (Léopold-Joseph)  :  n°  2926.  —  Pointe  de  Saint-Pierre,  Ile  de 
Noirmoutier. 

Vincent-Darasse  (Louis-Paul)  :  n°  3109.  —  Pointe  de  la  Tranche 
(Ile  d'Yeu),  pastel  :  n°  3110.  —  Port  de  la  Meule  (Ile  d'Yeu),  pastel. 

Sculpture. 

Fulconis  (Louis-Pierre-Victor),  professeur  de  dessin  au  lycée  de  la 
Roche-sur-Yon  :  n°  348:>.  —  Dans  la  fournaise,  épisode  de  Vincendie 
du  Bazar  de  la  Charité,  groupe,  plaire  -,  n°  3484.  —  Modale  du  mo- 
nument commémoralif  de  la  guerre  de  1870-71,  érigé  à  Luçon 
Vendée),  groupe,  plâtre. 

Gaucher  'Emile  :  n°  3504.  —  Portrait  du  général  de  Charette, 
butte,  plâtre. 


ciiuu  ni  guis  2$:i 


Architecture. 


Boutiii  (Emile-Faul-Isidore),  né  à  Lu<;on  (Vendée)  :  nu  4153,  — 
Grange  du  XIVe  siècle  aux  Magnils-Règniers  \  Vendée). 

Mandin  (Jules-Théophile  ,  né  a  Fontenay-le-Comte  (Vendée)  : 
n°  4283.  —  Eglise  paroissiale  de  Trêmolac  (Dordogne)  ;  nu  4284.  — 
Cloître  du  monastère  du  Puy-Saint- Front. 

Gravure. 

Alasonnière  (Henri-Fabien  :  n°  4387.  —  Une  gravure  {eau- forte  , 
Sainte  Famille,  d'après  un  dessin  du  Corrège. 

Dangy  (Anatole-Pierre-Marie),  élève  de  M.  0.  de  Rochebrune  : 
nu  4503.  -  Une  gravure  (eau- forte  originale),  le  château  d'Ussè 
(Indre-et-Loire) . 

Notes  d'Art.  —  M.  de  Verteuil,  l'habile  et  aimable  statuaire  de 
Saint-Rémy  de  Pissotte,  vient  d'exécuter  coup  sur  coup  deux  œu- 
vres d'une  réelle  valeur  :  Un  médaillon  du  général  de  Charette,  et 
le  buste  de  notre  excellent  ami  A.  Bonnin. 

Pour  n'être  pas  en  reste  avec  lui,  M. Bonnin  a  magistralement  enlevé 
en  quatre  séances,  le  portrait  du  maître-sculpteur.  Ce  portrait,  d'une 
précision  de  dessin  parfaite,  et  d'une  merveilleuse  vérité  d'expres- 
sion, est  certainement  une  des  plus  jolies  toiles  sorties  de  l'atelier  de 
notre  ami.  Nous  devons  encore  citer  de  lui  un  autre  portrait  d'une 
couleur  et  d'une  vérité  non  moins  saisissantes  :  Lolo,  le  portx-ait  du 
fidèle  gardien  de  son  atelier. 

—  M.  0.  de  Rochebrune,  réminent  aquafortiste  Fontenaisien,  vient 
de  se  révéler  aquarelliste  non  moins  distingué,  en  reproduisant 
excellemment  le  pinceau  en  main  toute  une  série  de  vues  des  bords 
de  la  Gartempe  et  plusieurs  paysages  et  monuments  de  Vendée, 
notamment  :  le  château  d'Aspremont,  l'église  de  Mareuil,  les  ruines 
de  V abbaye  deMaillezais,  le  clocher  de  2V 'utre- Dame  de  Fontenay,  etc. 

M.  de  Rochebrune,  reprenant  le  burin,  s'occupe  présentement  de 
graver  sur  cuivre  l'image  fidèle  de  la  grande  fontaine  de  Fontenay, 
nouvellement  restaurée  sous  sa  direction. 

—  Au  comptoir  des  objets  d'art  de  la  Kermesse  de  Niort,  gra- 
cieusement tenu  par  Mme  Charlotte  Cuirblanc,  remarqué:  une  Des- 
cente de  Croix  (école  milanaise  ,  reproduction  au  fusain  d'un  tableau 
de  (liovanni  Bellini (1497-1516),  par  Gustave  Godard,  de  Noirmoutier. 

Archéologie.  —  MM.  Lacouloumère  et  Brochet  veulent  bien  nous 
communiquer  le  texte  du  rapport  rédigé  par  M.  le  Dr  Dussault,  de  la 


284  ciiRONiquii 

Rochelle,  sur  les  ossements  trouvés  par  eux  sous  le  dolmen  de  Xan- 
ton,  lors  des  fouilles  que  nous  avons  signalées  dans  un  précédent 
numéro  : 

Rapport  du  Docteur  Dussault,  de  La  Rochelle. 

Si  les  ossements  trouvés  sous  le  dolmen  île  Xanton  étaient  fort  nombreux, 
i la  n'ont  pu.  par  contre,  nous  donner  aucun  renseignement  au  point  de  vue 
de  l'anthropométrie. 

Us  étaient  enchevêtrés  les  uns  sur  les  autres  par  couches  superposées  sans 
aucune  symétrie,  au  point  qu'il  nous  a  été  impossible  de  suivre,  je  ne  dirai 
pas  un  squelette,  mais  même  un  seul  os  long,  comme  le  fémur  ou  le  tibia 
dans  son  intégrité. 

Ici  un  crâne  entre  un  pied  et  une  main,  là  un  cubitus  à  côté  ou  dans  le 
prolongement  d'un  tibia. 

Un  moment  j'ai  pu  suivre,  en  le  disséquant  pour  ainsi  dire  dans  la  terre  à 
l'aide  d'une  lame  de  couteau,  un  radius  dans  toute  sa  longueur  afin  de  le 
mesurer. 

L'os,  tout  en  reposant  à  plat,  sur  toute  sa  longueur  était  fracturé  en  trois 
endroits,  les  fragments  exactement  juxtaposés  dans  leur  continuité. 

J'ai  pu  ainsi  le  mesurer  sans  l'enlever  et  sa  longueur  était  de  23  centi- 
mètres, ce  qui  indiquerait  chez  l'individu  une  taille  approximative  d'un 
mètre  70  à  un  mètre  75  environ. 

D'après  la  situation  de  plusieurs  crânes  sur  les  dalles  funèbres,  on  peut 
croire  que  beaucoup  de  corps  rayonnaient  en  étoile,  les  pieds  vers  le  centre 
du  dolmen  lui-même.  Ossements  d'enfants,  d'adultes,  de  vieillards  étaient 
confondus. 

Nous  n'avons  trouvé  que  des  fragments  de  bassins  ne  pouvant  nous  per- 
mettre d'établir  les  sexes.  En  général,  les  maxillaires  inférieurs  étaient  déve- 
loppés, les  dents  superbes  et  si  beaucoup  manquaient  à  certaines  mâchoires, 
très  peu  par  contre  étaient  cariées. 

Plusieurs  tronçons  de  volumineux  fémurs  à  la  ligne  âpre  très  accentuée", 
semblaient  avoir  appartenu  à  des  individus  uu  peu  au-dessus  delà  moyenne 
et  vigoureusement  musclés,  d'après  les  empreintes  d'insertions  musculaires. 
Nous  avons  également  trouvé  une  assez  grande  quantité  de  bassins  et  de 
membres  inférieurs  de  lièvres  ou  de  lapins  admirablement  conservés;  à  tel 
point  qu'ils  sembleraient  postérieurs  aux  ossements  humains. 

Ces  animaux  seraient-ils  venus  mourir  depuis  peu  sous  ce  dolmen?  Cepen- 
dant, nous  n'avons  trouvé  aucune  trace  de  trous  ou  de  clapiers. 

Des  cendres,  que  je  conserve,  recueillies  précieusement,  avec  le  plus  grand 
soin  par  M.  Lacoulouinère  au  milieu  de  tous  ces  débris,  sembleraient  plutôt 
indiquer  que  nous  nous  trouvons  en  présence  de  relief  de  repas  funéraires. 
L'impression  dominante  est  que  ce  dolmen  a  été  fouillé,  peut-être  plusieurs 
fois,  en  tout  cas  sûrement  à  l'époque  gallo-romaine,  comme  le  prouvent  les 
débri>  de  poterie  gauloise   et  romaine. 

Les  ossements,  remis  en  grande  partie  sans  ordre,  ont  été  écrasés  par  un 
affaissement  de  l'énorme  table.  Dr  Dussault. 


CHRONIQUE  285 

Fontaine  en  argent,  faite  en  1665  par  Guillaume  Langlois,  or- 
fèvre  PARISIEN    POUR  LES   MAIRE    ET  ÉCHEVINS  DE  FONTENAY-LE-COMTE. 

—  Le  document  suivant,  récemment  publié  par  la  Revue  d'Archéo- 
logie Poitevine,  est  extrait  d'un  minutier  parisien.  Il  est  relatif  à  la 
fourniture  que  s'engage  à  faire  pour  les  maire  et  échevins  de  la 
ville  de  Fontenay-le-Comte,  un  orfèvre  parisien,  du  nom  de  Guil* 
laume  Langlois.  Il  s'agit  d'une  fontaine  d'argent,  du  poids  de  douze 
marcs,  qui  devait  jeter  «  l'eau  par  le  milieu  de  la  couronne  ducalle 
«  qui  est  au  faiste  d'icelle,  où  sera  un  dauphin  ».  Ladite  fontaine  fut 
fournie  aux  mandataires  des  officiers  municipaux,  le  28  mars  1665  : 
elle  était  contenue  dans  un  étui  renfermé  dans  une  boite  doublée 
de  satin.  F.  Mazerolle. 

7  février  1665. 
Marché  passé  entre  Guillaume  Langlois,  orfèvre  de  Paris  et  AndréGobin, 
prêtre  de  l'église  Saint-Louis,  à  Paris,  au  nom  des  maire  et  échevins  de 
Fontenay-le-Comte,  en  Poitou,  pour  une  fontaine  d'argent. 

Fut  présent  Guillaume  Langlois,  marchand  orfebvre  à  Paris,  y  demeurant 
sur  le  pont  aux  Changes,  en  la  maison  où  pend  pour  enseigne  le  Porteur 
d'Eau,  paroisse  Sainct-Jacques-deda-Boucherie,  lequel  a  fait  marché,  promis 
et  promet  à  M*  André  Gobin,  prestre  habitué  en  l'église  Sainct-Louis,  de 
meurant  ille  Nostre-Dame,  rue  et  paroisse  dudit  Sainct-Louis,  au  nom  et 
comme  ayant  charge,  soy  faisant  et  portant  fort  de  Messieurs  les  maire  et 
eschevins  de  la  ville  de  Fontenay-le-Comte,  en  Poictou,  par  lettres  du  sep- 
tiesme  janvier  dernier,  de  luy  fournir  et  livrer  dans  le  temps  de  cinq  sep- 
maines  prochaines,  pour  tout  délay,  en  cette  ville  de  Paris  et  en  sa  maison 
en  cette  dite  ville,  une  fontaine  en  argent  du  poids  de  douse  marcs,  suivant 
et  conformément  au  dessin  qui  a  été  faict,  lequel  les  partyes  ont  présente- 
ment parafhé  ne  varietur,  et  des  notaires  soubsignés,  à  leur  réquisition, 
demeurés  es  mains  dudit  Langlois,  laquelle  fontaine  ledit  Langlois  promet 
faire  suivant  ledit  dessin  et  encor  s'oblige  qu'elle  jettera  l'eau  par  le  milieu 
de  la  couronne  ducalle  qui  est  au  faiste  d'icelle,  où  sera  un  dauphin. 

Ce  marché  faict  moyennant  la  somme  de  quarante-cinq  livres  chacun 
marc,  tant  pour  façons  que  prix  d'argent  et  autres  choses  ;  sur  lequel  prix  le 
dit  Langlois  reconnaist  avoir  receu  dudit  sieur  Gobin,  des  deniers  qui  luy  ont 
esté  envoyez  par  les  dits  sieurs  maire  et  eschevins  de  ladite  ville,la  somme  de 
cent  quarente-quatre  livres,  treize  solz,  donnant,  quictant,  etc.  Et  pour  le 
surplus,  ledit  sieur  Gobin,  audit  nom,  s'oblige  de  bailler  et  payer  audit 
Langlois,  ou  au  porteur,  dans  le  fournissement  de  ladite  fontaine.  Car 
ainsy  promettans,  obligeans  chacun  en  droict  soy  renonceans,  etc. 

Faict  et  passé  à  Paris,  es  estudes  desdits  notaires  soubzsignez,  l'an  mil  six 
cent  cinquante-cinq,  le  septiesme  jour  de  février  avant  midy.  Et  ont  signé. 

(Signé;  :  Gobin,  pr.  de  Saint-Louis. 

PlLLART.       LANGLOIS.      FeRRKT. 

TOMB    XII-    —   AVRIL,    MAI,    JUIN.  20 


28t)  CHRONIQUE 

La  sbpulture  de  Cavoleau.  —  Nous  Lisons  sous  ce  titre  dans  le 
compte-rendu  de  la  session  du  18  février  1899  du  Conseil  municipal 
de  Fontenay  : 

Un  hasard  de  recherches  a  fait  découvrir  dans  le  cimetière  de  Fontenay, 
la  sépulture  de  Gavoleau,  administrateur  du  département  de  la  Vendée  en 
1792-179  3. 

La  ville  de  Fontenay  doit  tenir  à  honneur  de  conserver  la  mémoire  de  cet 
homme  de  coe  ir  et  d'intelligence  qui,  après  avoir  exercé  de  hautes  fonctions 
dans  des  moments  de  troubles,  a  donné  le  noble  exemple  d'une  mort  dans  la 
presque  indigence,  rue  Sainte-Catherini,  aujourd'hui  rue  Benjamin-Fillon, 
le  l,r  août  1839. 

Cavoleau,  connu  surtout  pour  sa  Statistique  du  département  de  la  Ven- 
dée, ouvrage  absolument  remarquable,  et  modèle  du  genre,  a  été  à  la  lois  un 
travailleur  intellectuel,  et  dans  des  temps  particulièrement  difficiles,  un 
grand  caractère. 

Benjamin-Fillon,  justement  soucieux  de  nos  gloires  locales,  a  gravé  pour 
la  postérité,  dans  le  monument  qu'il  a  élevé  pour  la  nomenclature  des  rues 
de  Fontenay,  le  récit  héroïque  du  noble  courage  civique  avec  lequel  l'admi- 
nistrateur républicain,  donnant  un  exemple  qui,  malheura  isement,  n'a  pas 
été  suivi  depuis  dans  nos  luit-s  c  viles,  sauvait,  au  péril  de  sa  vie,  ses  ad- 
versaires, les  prêtres  insermentés  et  les  royalistes  prisonniers,  des  fureurs 
des  s^l  lats  volontaires  exaspérés  {Njm^nclalure  dis  rues  de  Fontenay,  page 
103,  rue  Gavoleau). 

Votre  Commission,  d'accord  avec  la  Municipalité,  vous  propose  de  décider 
que  la  sépulture  de  Cavoleau  sera  conservée  et  restaurée  aux  trais  de  la 
ville,  alors  chef-lieu,  où  il  a  exercé  les  (onctions  d'administrateur  du  dépar- 
tement et  donné  les  nobles  et  grands  exemples  dont  il  importe  à  la  vie  morale 
des  générations  de  conserver  éternellement  le  souvenir,  et  d'affecter  à  la 
restauration  et  à  l'entretien  de  cette  sépulture,  une  somme  de    200  fr. 

Le  conseil  a  voté  la  restauration  et  la  somme  de  200  fr. 

Nous  n'y  trouvons  aucunement  à  redire,  ayant  nous-même  salué 
comme  il  convenait,  dans  de  précédentes  éludes  cet  acte  de  méritoire 
générosité.  Mais  il  serait  injuste  de  laisser  dire  que  cet  exemple  n'a 
pas  été  suivi  durant  nos  guerres  civiles.  Ce  que  Cavoleau  a  fait  pour 
les  Vendéens,  à  la  suite  de  la  défaite  du  Pont-Charron,  M,,,e  de  Gri- 
mouard  de  Saint-Laurent  l'a  l'ait  elle-même  pour  les  Républicains, 
après  la  prise  de  Fontenay  par  l'armée  royaliste,  et  nous  regrettons 
qu'il  ne  soit  pus  venu  à  l'idée  du  Nomenclateur  de  nos  rues,  si 
justement  soucieux  de  nos  gloires  locales  de  graver  le  nom  de  cette 
héroïque  femme  à  côté  de  celui  de  Cavoleau. 

Les  vertus  civiques  ne  devraient  pas,  ce  nous  semble,  avoir  besoin 
de  cocardes  pour  se  recommander  à  la  postérité. 


CHRONIQUE  287 

Le  monument  Luneau  a  la  Koche-sur-Yon.  —  Le  monument  élevé 
dans  la  cour  d'honneur  de  l'Ecole  normale  d'instituteurs  de  la 
Roche-sur- Yon  à  M.  Luneau,  bienfaiteur  des  membres  de  l'ensei- 
gnement primaire  de  la  Vendée,  a  été  inauguré  le  22  mai. 

M.  de  Joly,  préfet  de  la  Vendée,  présidait  la  cérémonie. 

Dans  les  fauteuils  rangés  autour  du  monument, œuvre  de  MM.  Ful- 
conis, statuaire, et  Loquet,  architecte  du  département.avaient  pris  place 
MM.  de  Joly, préfet  de  la  Vendée  ;  le  général  Roisselier  ;  Guillemé, maire 
de  la  Roche-sur- Yon  ;  Pages  inspecteur  d'académie  ;  Merle,  procureur 
de  la  République  :  de  Lespinny,  député  ;  Godet,  conseiller  général  -, 
Priouzeau,  président  du  comité  Luneau;  Fulconis;  Duclos,  sous- 
préfet,  et  Guillemet,  député  de  Kontenay  ;  Robert  Leroy,  secrétaire 
général  ;  Pouyollion,  chef  de  cabinet  du  préfet  ;  Cazac,  proviseur  du 
Lycée  ;  Chaux,  inspecteur  primaire  ;  Genuer  et  Boisson,  adjoints  au 
maire  ;  des  officiers,  des  conseillers  municipaux,  des  professeurs  du 
lycée  et  des  écoles  normales  et  un  grand  nombre  de  fonctionnaires. 

Les  fanfares  des  écoles  primaires  supérieures  de  Chantonnay  et 
de  Mortagne-sur-Sèvre  exécutent  quelques  morceaux. 

Les  élèves-maîtresses  et  les  élèves-maîtres  des  Ecoles  normales 
d'institutrices  et  d'instituteurs  de  la  Roche-sur-Yon  chantent  des 
chœurs,  puis  MM.  Priouzeau,  Pages  et  de  Joly  prennent  successive- 
ment la  parole. 

A  l'école  de  dressage  a  eu  lieu  un  banquet  de  400  couverts,  parmi 
lesquels  beaucoup  de  dames,   institutrices  pour  la  plupart. 

M.  le  préfet  présidait,  ayant  en  face  de  lui  M.  Priouzeau,  prési- 
dent du  Comité  du  monument  Luneau. 

Les  instituteurs  des  départements  de  la  Vienne,  de  la  Charente- 
Inférieure  et  de  la  Loire-Inférieure  avaient  envoyé  des  délégués 
qui  assistent  au  banquet. 

Au  Champagne,  MM.  de  Joly,  Priouzeau,  Guillemet,  député,  Guil- 
lemé, maire  de  La  Roche,  Penureau,  délégué  des  instituteurs  de  la 
Charente-Inférieure,  Pages,  inspecteur  d'Académie,  et  Naud,  insti- 
tuteur aux  Sables,  ont  prononcé  des  discours. 

MM.  Métay  et  Brunet  ont  de  même  lu  deux  odes  à  la  mémoire  de 
Luneau. 


Sébastien-Désiré-Aman-Fidèle-Aimé-Constant  Luneau,  dont  on  vient 
d'inaugurer  le  buste  à  la  Roche-sur-Yon,  était  fils  d'un  ancien  député 
de  la  Loire-Inférieure  à  la  Chambre  des  Cent-Jours.  Né  à  Bouin,  le 
21  juin  1800,  il  était  avocat  aux  Sables-d'Olonne,  lorsque  ce  collège 


288  chronique 

l'élut  député  le  5  juillet  1831 .  11  s'assit  à  gauche,  et  fut  réélu  sans 
interruption  en  1834,  en  1837,  en  1839,  en  1842,  en  1846  et  en  1848. 

Son  opposition,  dit  notre  ami,  M.  Edgar  Bourloton,  dans  ses  Cent 
ans  de  Législature,  ne  lût  pas  stérile;  il  fit  voter  une  réduction  im- 
portante sur  les  gros  traitements  du  clergé,  faillit  faire  passer  l'in- 
terdiction du  cumul  pour  les  maréchaux  de  France,  et  se  prononça 
en  faveur  de  toutes  les  propositions  anti-dynastiques. 

Nommé  commissaire  du  Gouvernement  provisoire  en  Vendée  à 
la  Révolution  de  février  1848,  déjà  conseiller  général  et  conseiller 
municipal  de  Bouin,  il  lut  élu,  en  avril  1848,  représentant  du  peuple 
pour  la  Vendée  à  l'Assemblée  nationale  et  reprit  sa  place  à  gauche. 
Non  réélu  aux  élections  de  1849,  il  se  retira  à  Bouin,  fut  nommé  pré- 
sident de  l'Association  syndicale  des  Marais,  et  mourut  le  20  mars 
1880.  Il  avait  publié  en  1874  une  notice  historique  sur  l'île  de  Bouin. 

Un  hommage  a  Léon  de  la  Sicotière.  —  On  va  prochainement 
élever  à  Alençon  un  buste  à  réminent  historien  de  la  Chouannerie 
et  des  Insurrections  normandes,  M.  Léon  de  la  Sicotière.  Comme 
l'a  justement  écrit  dans  un  récent  article  du  Mercure  Poitevin, 
notre  excellent  ami  H.  Baguenier  Desormeaux,  personne  ne  fut  plus 
digne  d'un  pareil  hommage.  La  Revue  du  Bas-Poitou,  qu'il  honora 
de  sa  précieuse  collaboration  et  à  laquelle  il  donna  son  dernier  et 
si  intéressant  article,  Louis  XVII  en  Vendée,  a  tenu  à  s'associer  à 
cet  hommage,  et  tient  à  y  convier  également  tous  ses  amis1. 

La  pastorale  de  l'abbé  Gusteau.  —  A  l'occasion  des  fêtes  orga- 
nisées à  Niort  en  laveur  de  l'église  Sainte-Étienne-du-Port,  notre 
collaborateur  et  ami*  M.  l'abbé  Mouchard  a  eu  l'heureuse  pensée 
d'y  faire  représenter  la  Nuit  de  Noël,  œuvre  de  l'abbé  Gusteau,  dont 
•nous  célébrions,  il  y  a  peu,  le  2e  centenaire. 

La  fête  a  été  réussie  de  tous  points,  et  nous  pouvons  affirmer,  dit 
notre  excellent  confrère  de  la  Revue  de  l'Ouest,  que  les  plus  difficiles 
ont  été  satisfaits. 

«  L'église,  avec  sa  riche  ornementation  et  ses  brillants  étalages  de 
circonstance,  dispensait  de  tout  décor,  si  bien  qu'un  amateur,  dont 
la  compétence  est  indiscutable  en  pareille  matière,  déclarait  en 
sortant  qu'on  venait  de  plaider  éloquemment  la  cause  du  théâtre 
en  plein  air. 

«  Seuls,  en  efïet,  les  ©ostumes  apportaient  une  note  de  couleur 
locale.  Ils  avaient  été  si  délicatement  choisis,  qu'ils  ont  valu  a  leurs 

•  Adresser  les  souscriptions  à  M.  Renaut  de  Broise,  place  d'Armes,  à  Alençon. 


CHRONIQUE  289 

propriétaires  une  ovation  toute  spontanée,  compliment  manifeste  à 
l'adresse  du  bon  goût  qui  avait  préside;  à  leur  confection. 

«  C'est  ainsi  que  l'entrée  do  la  Sainte  Vierge  et  de  Saint  Joseph 
(M"9  Gaubert  et  M.  Hély),  l'arrivée  des  3  archanges  (Mme3  P.  Diëy, 
Ducret  et  Mousset),  et  le  cortège  des  bergères  et  des  bergers  ont 
été  salués  de  bravos  bien  nourris. 

«  Mais  là  ne  doivent  pas  se  borner  les  éloges  que  nous  avons  à  faire  ; 
pour  être, juste,  il  nous  faut  louer  la  diction  parfaite  des  artistes  et 
la  tenue  irréprochable  de  tous  les  rôles,  mérite  d'autant  plus  grand 
que  les  répétitions  ont  été  peu  nombreuses.  Néanmoins  le  succès  a 
été  magnifique,  grâce  à  la  longue  pratique  des  uns,  à  la  bonne  vo- 
lonté de  tous,  non  moins  qu'a  l'habile  direction  de  MM.  les  abbés 
Guérin  et  Mouchard. 

«  Les  vieux  noels  que  nous  avons  entendus,  soit  au  cours  de  la 
pièce,  soit  comme  intermèdes,  ajoutaient  un  charme  tout  particulier 
à  ce  mystère  qui  n'avait  pas  eu  les  honneurs  de  la  scène  depuis 
1742,  époque  à  laquelle  il  avait  été  représenté  avec  succès  par  les 
petites  écolières  de  Doix  ». 

Nous  applaudissons  de  tout  cœur  au  succès  de  la  représentation 
organisée  par  M.  l'abbé  Mouchard,  tout  en  regrettant  qu'elle 
n'ait  pas  eu  lieu  à  Fontenay,  berceau  de  l'auteur  de  la  Pastorale, 
—  ce  dont  on  ne  saurait,  du  reste,  faire  reproche  ni  à  M.  Mouchard 
ni  à  nous-même. 

La  cause  des  martyrs  vendéens.  —  Msr  Gatteau,  évêque  de  Lu- 
çon,  vient,  dit  la  Semaine  catholique,  de  rappeler  à  ses  prêtres  le 
désir  qu'il  leur  avait  exprimé  déjà  de  les  voir  rechercher  avec  soin 
«  tous  les  titres  de  gloire  de  sa  chère  Eglise  de  Luçon.  »  Sa  Grandeur 
leur  demande  de  vouloir  bien  lui  adresser  les  renseignements  qu'ils 
auront  pu  recueillir  sur  les  habitants  de  leur  paroisse,  qui  ont  subi 
la  mort  en  haine  de  la  foi,  durant  la  Révolution  de  la  fin  du  siècle 
dernier. 

«  L'accueil  si  favorable  qui  a  été  fait  en  Cour  de  Rome  à  la  cause 
des  Carmélites  de  Compiègne,  ajoute  Monseigneur,  Nous  autorise  à 
croire  que  le  même  honneur  pourrait  être  accordé  un  jour  à  nos 
héroïques  martyrs  vendéens.  » 

Les  pasteurs  du  désert  en  Bas-Poitou.  —  Voici  d'après  M.  Th. 
Mallard,  pasteur  à  Pamproux  (Bulletin  Evangêlique  du  1er  avril), 
les  pasteurs  du  désert  appartenant  au  Bas- Poitou  ou  l'ayant  évan- 
gélisé   : 


2P0  CHRONIQUE 

Pierre  Gamin,  dit  Lebrun  ou  Moinier,  né  à  la  Barre  de  Septvret 
^Deux-Sèvres),  desservit  la  province  entière  du  Poitou  de  1747  à 
1782  et  mourut  à  Pouzauges  (Vendée),  le  10  novembre  1782. 

Pierre  Pougnard,  dit  Dézerit,  né  à  Gherveux  (Deux-Sèvres),  par- 
tagea avec  Gamin  le  service  du  Haut  et  Bas-Poitou,  du  4  mars  1760 
au  29  juin  1773. 

Jean  Tranchée,  dit  Fortunière,  né  à  Bagnault,  commune  d'Exou- 
dun  (Deux-Sèvres),  desservit  le  Haut  et  Bas-Poitou  depuis  1765 
jusqu'en  1775 

Jacques-Pierre  Gibaud,  dit  Quasei,  né  à  Foussais  (Vendée),  le  13 
avril  1739.  Attaché  d'abord  à  la  personne  de  Gamin,  il  (ut  successi- 
vement pasteur  itinérant  à  travers  la  province  du  Poitou,  puis  rési- 
dant à  Saint-Maixent  et  à  Aiript.  Durant  la  période  révolutionnaire, 
il  fut  administrateur  du  district  de  Saint-Maixent,  délégué  à  l'état- 
civil.  En  1804,  il  devint  pasteur  de  la  Motbe  et  y  demeura  jusqu'à  sa 
mort,  le  30  novembre  1826. 

Pierre  Mttayer,  dit  la  Fontaine,  né  à  Bagnault,  commune  d'Exou- 
dun,  desservit  le  Bas-Poitou,  résidant  à  Saint-Martin-Lars  en  Sainte- 
Hermine,  de  1771  à  1797. 

Louis  David,  né  à  Sainte-Hermine  (Vendée) ,  desservit  le  Bas- 
Poitou  de  1781  à  1793. 

Pierre-François  Gibaud,  dit  Rivierre,  né  à  l'Aigaillère  de  Foussais 
(Vendée),  le  4  décembre  1752,  desservit  l'église  de  Saint-Maixent  de 
1781  à  1816,  celle  de  Révillé  de  1816  à  1833,  et  revint  à  Saint-Maixent 
jusqu'à  sa  mort,  15  novembre  1837. 

Pour  la  Patrie.  —  Le  137*  de  ligne,  en  garnison  à  Fontenay-le- 
Comte,  a  brillamment  célébré  le  1er  juin  dernier  l'anniversaire  de  la 
bataille  de  Bautzen,  dont  le  glo/ieux  nom  est  inscrit  sur  le  drapeau 
du  régiment.  A  cette  occasion,  M.  le  colonel  Maux  a  fait  lire  devant 
le  front  des  troupes  un  éloquent  ordre  du  jour  tout  vibrant  de  pa- 
triotisme. 

Le  matin,  au  cours  de  la  messe  solennelle  célébrée  en  l'église 
Notre-Dame  pour  les  morts  du  régiment,  M  l'abbé  Amossé  a  de 
môme  prononcé  de  patriotiques  et  impressionnantes  paroles.  La 
fête  qui  a  suivi,  exclusivement  militaire,  a  été  réussie  de  tous  points. 

Le  Patriote  de  la  Vendée  (n°  du  1tr  juin  189J)  a  publié  à  ce  propos 
une  jolie  poésie  de  sa  collaboratrice  Magali  ayant  pour  titre  :  Hom- 
mage au  drapeau  du  137e. 


CHRONIQUE  291 

La  Fête  des  Vétérans  aux  Moustiers  sur-le-Lay.  —  Une  fête  pa- 
triotique a  été  célébrée  le  lundi  de  la  Pentecôte,  aux  Moustiers-sur- 
le-Lay,  sous  la  présidence  d'honneur  de  M.  le  marquis  de  Lespinay, 
député  et  vice-président  d'honneur  de  la  section. 

Le  matin,  à  9  heures,  les  vétérans  et  sociétaires  de  la  104°  section 
des  armées  de  terre  et  de  mer,  accompagnés  des  conscrits  des  classes 
1897-1898,  arrivent  au-devant  de  leurs  camarades  de  Mareuil;  ils  se 
rencontrent  au  village  de  l'Oucherie,  se  placent  sur  deux  rangs,  font 
leur  entrée  aux  Moustiers,  et  portent  le  drapeau  chez  le  sympathique 
président,  M.  le  l)r  Fortin,  conseiller  général,  qui  était  venu  les  at- 
tendre à  l'entrée  du  bourg. 

A  9  h.  ]/>,  les  cloches  sonnent,  et  vétérans,  sociétaires,  pupilles  et 
conscrits  se  dirigent  vers  l'église  où  une  messe  est  dite  à  l'intention 
de  leurs  camarades  morts  au  champ  d'honneur  ou  décédés  depuis. 
M.  le  Curé  a  fait  placer  les  deux  drapeaux  dans  le  chœur.  L'église 
est  comble  et  M.  l'abbé  Martineau,  curé  de  l'Ile-d'Elle,  ancien  vo- 
lontaire dans  la  légion  de  Bretagne,  prononce  le  sermon. 

Après  l'office,  visite  au  cimetière,  à  la  tombe  d'un  camarade,  et 
discours  par  M    Ferdinand  Mandin,  trésorier,  et  par  M.  le  Président. 

M  l'abbé  Martineau  ajoute  quelques  paroles  et  invite  l'assistance 
à  réciter  un  Pater  et  un  Ave  pour  le  défunt  et  pour  ceux  qui  sont 
tombés  sur  les  champs  de  bataille  -,  puis  l'on  retourne  chez  M.  le  Pré- 
sident, qui  met  son  parc  à  la  disposition  de  tous. 

A  midi  une  sonnerie  de  clairons  annonce  le  banquet  organisé  chez 
M   Benjamin  Chevallier. 

A  une  heure,  arrive  M.  le  marquis  de  Lespinay.  Il  est  reçu  par 
un  tonnerre  d  applaudissements  et  de  vivats. 

Au  dessert,  M.  le  Président  remet  à  M.  de  Lespinay,  un  diplôme 
d'honneur  et  une  magnifique  médaille  grand  module  Puis  après, 
des  toasts  très  applaudis  sont  portés  par  MM.  Fortin  et  de  Lespinay. 

A  3  heures,  une  sonnerie  de  clairons  réunit  tout  le  monde  dans  la 
serre  où  un  vin  d'honneur  et  des  gâteaux  sont  servis  ,  un  nouveau 
toast  est  porté  par  M.  le  trésorier,  et  une  promenade  ('ans  le  bourg, 
avec  clairons  et  drapeau,  termine  cette  patriotique  journée. 

Un  paysan  art;sje  a  Sa'nt-Etienne-du-Bois.  —  Le  Publicateur 
de  la  Vendée,  du  2  juin  1899,  consacre  sous  ce  titre,  et  sous  la  signa- 
ture Hippolule  Vidi,  un  intéressant  article  à  un  paysan  de  Saint- 
Etienne  du-Bois  (Vendée)  nommé  Augustin  Lhériteau,  du  village  de 
la  Glo>setière,  qui  avec  son  couteau  et  quelques  outils  primitifs 
travaille,  parait-il,  merveilleusement  le  bois.  L'œuvre  de  cet  émule 
du  paysan  scupteur  Jacques  Bousseau  mériterait,   dit  l'auteur  de 


292  CHRONIQUE 

l'article,  de  prendre    place  à,  l'Exposition  de   1900  dans   la  section  de 
l'art  religieux. 

Le  nouveau  billet  e  Banque.  —  C'est  aux  Vendéens  qu'échoit 
décidément  le  grand  honneur  de  composer  le  modèle  de  nos  nou- 
veaux billets   de  Banque.  Après   Baudry,  c'est  le  tour    de  Merson. 

Les  Merson  sont,  on  le  sait,  originaires  de  Fontenay  . 

M.  Luc-Olivier  Merson  vient  de  livrer  au  graveur  le  joli  modèle  du 
nouveau  billet  de  cent  francs  que  lui  avait  demandé  la  Banque  de 
France. 

En  voici  la  description  : 

Le  travail,  figuré  par  un  forgeron  accoudé  sur  son  marteau  et  son 
enclume,  voit  arriver  à  lui  avec  sa  corne  d'abondance  la  For- 
tune que  précède  le  Génie  de  l'Honneur  apportant  une  couronne  de 
chêne  et  une  palme.  Ces  trois'ftgures,  légèrement  teintées,  seront 
repro  iuites  en  couleurs  par  le  graveur,  et  c'est  M.  Florian  que  l'on 
a  choisi  pour  ce  travail  délicat. 

Le  cadre  est  formé  d'un  jeu  de  fond  débranches  d'olivier,  sur 
lequel  se  détachent  en  blanc  les  mots  Banque  de  France.  Au  centre 
de  la  composition  sont  réservés  un  cartouche  avec  l'indication  de  la 
valeur  et  un  disque  dans  lequel  M.  Daniel  Dupuy  gravera  en  filigrane 
une  tète  de  Gaulois. 

Les  peupliers  du  pont  d'Oulmes.  —  M  Raoul  Gandriau,  commu- 
nique à  V Avenir  Indicateur  la  lettre  suivante  que  vient  de  lui 
adresser  notre  compatriote  et  ami  le  docteur  Chevallereau  : 

Mon  cher  ami. 

En  revenant  dimanche  de  Niort  à  Fontenay,  j'ai  été  navré  de  voir  que  la 
route,  de  chaque  côté  du  pont  d'Oulmes.  avait  été,  sur  un  parcours  de  plu- 
sieurs centaines  de  mètres,  dépouillée  des  magnifiques  peupliers  qui  en  fai- 
saient, en  ce  poi'it  surtout,  une  avenue  superbe.  Si,  comme  cela  est  probable, 
les  Ponts-etChaussées  ont  fait  cet  abattage  uniquement  Dour  l'argent  qu'a 
pu  rapporter  la  vente  de  ces  arbres,  c'est  d'un  vandalisme  bien  mesquin. 
Que  1*8  Parisiens,  barbares,  abattent  en  quantité  des  arbres  déjà  trop  rares, 
ils  ont  au  moins  l'excuse  de  les  remplacer  par  des  choses  laides,  mais  utiles. 
Si  nous,  Vendéens,  nous  laissons,  sans  autre  perspective  que  des  piles  de 
gros  sous,  dépouiller  no3  routes,  qui  sont  une  des  plus  belles  choses  de  notre 
département,  c'est  à  désespérer  de  tout,  et  je  t'envoie  ma  protestation  indignée. 

Bien  affectueusement  à  toi, 

Amand  CHEVALLEREAU. 

Paris,  2L  avril  1899. 


chronique:  293 

Nous  sommes  absolument  avec  ['Avenir-Indicateur,  de  l'avis  du 
docteur  Ghevallereau,  et  nous  considérons  qu'il  est  vraiment  fâ- 
cheux qu'on  ait  sacrifié  cette  belle  avenue  de  peupliers  du  pont 
d'Oulmes.  Nous  ne  pouvons  croire  que  ce  soit  la  seule  raison  d'en- 
caisser le  montant  de  la  vente  de  ces  arbres,  qui  ait  déterminé  les 
Ponts-et-chaussées  à  priver  la  route  de  Niort  de  son  plus  bel  orne- 
ment. L'administration  répondra  sans  doute  que  si  les  arbres  vivent 
vieux  ils  ne  sont  pas  éternels  et  qu'il  arrive  un  moment  où  il  faut 
les  sacrifier,  mais  elle  pourrait  au  moins  prendre  des  mesures  pour 
ne  pas  enlever  tous  les  beaux  arbres  à  la  fois  et  pour  conserver, 
avec  le  pittoresque  et  la  perspective;  un  peu  de  fraîcheur  et  d'om- 
brage aux  pédalistes  qui  parcourent  nos  routes  nationales. 

—  Le  17  mai,  l'Union  fraternelle  des  Vendéens  de  Paris  a  offert  à 
ses  membres  une  soirée  privée  dans  les  salons  du  Dîner  français. 
Tout  ce  que  la  colonie  vendéenne  compte  de  distingué  et  d'élégant 
s'y  était  donné  rendez-vous . 

Au  programme  :  Histoire  d'un  rayon  de  lune  monologue  par 
Mlle  Grolleau  ;  la  Vendée,  récitée  par  l'auteur  M.  A.  Balquet  ;  la 
Ballade  de  Maître  en  Brosse,  par  M11,  Marguerite    Lavigne,  etc. 

—  La  Société  chorale  de  Fontenay  a  donné  le  dimanche  21  mai 
un  très  brillant  concert  à  La  Châtaigneraie. 

Conférences.  —  Notre  très  distingué  compatriote,  M.  le  capitaine 
de  vaisseau  Bonnin  de  Fraysseix  a  fait  le  12  mai  dernier  à  la  Ligue 
maritime  française,  à  Paris,  devant  un  public  d'élite,  une  remar- 
quable conférence,  sur  «  le  Rôle  de  la  marine,  qui  a  obtenu  le  plus 
vif  succès.  —  Notre  collaborateur  et  ami  M.  le  docteur  Viaud-Grand- 
Marais  a  donné  lecture,  le  14  juin  1899,  à  la  Société  académique  de 
Nantes,  d'une  étude  intitulée  «  Mes  Voisins  ». 

Procès  Littéraire.  —  Le  procès  intenté  par  M.  Ernest  Brisson  à 
M.  Bonnefond,  directeur  de  la  Revue  «  Souvenirs  et  Mémoires  »,  à 
propos  de  la  publication  des  Mémoires  de  Mercier  du  Rocher,  est  venu 
le  7  juillet  devant  le  tribunal  de  Fontenay.  Après  plaidoiries  sur  le 
déclinatoire  d'incompétence  opposé  par  M.  Bonnefond.  le  jugement 
a  été  renvoyé  à  huitaine. 

La  médaille  du  «  Campo  dei  Fiori  ».  —  La  médaille  que  découvrait 
au  Campo  dei  Fiori  de  Rome,  M.  Boyer  d'Agen,  en  mars  1897,  vient 
d'être  très  artistiquement  reproduite  par  MM.  Falize,  les  habiles 
joailliers  orfèvres  de  la  rue  d'Antin.  Nos  lecteurs  en  trouveront  en- 
cartée dans  ce  fascicule  une  plus  complète  description. 

Nos  collaborateurs.  —  Notre  excellent  confrère  M.  L.  de  la 
Chanonie,  rédacteur   en   chef  de    la    Correspondance   politique    et 


294  CHRONIQUE 

diplomatique  de  Paris,  vient  de  recevoir  du  roi  Alexandre  de  Serbie, 
la  cravate  de  commandeur  de  l'ordre  de  Saint-Sava. 
De  nouveau,  nos  meilleures  félicitations. 

—  Le  Conseil  fédéral  de  V Association  catholique  de  la  jeunesse 
française,  vient  d'élire  pour  président  notre  jeune  et  si  distingué 
ami.  M.  Henri  Bazire,  avocat  à  la  cour  d'appel  de  Paris. 

Xos  plus  vives  félicitations  également. 

—  L'Académie  française  a  décerné  récemment  uu  prix  de 
500  francs  à  M.  le  Comte  de  Chabot,  pour  son  bel  ouvrage  de  la  Chasse 
à  travers  les  âges.  Nous  l'en  complimentons  très  sincèrement. 

Notre  confrère  et  ami,  M.  H.  Clouzot  nous  a  adressé  d'in'éres- 
santes  pages  sur  les  Représentations  dramatiques  dans  les  Col- 
lèges Poitevins.  Nous  en  commencerons  la  publication  dans  notre 
prochain  numéro. 

Xos  compatriotes.  —  Notre  collaborateur  et  ami,  M.  le  Dr  Marcel 
Baudouin,  directeur  de  la  Société  anonyme  de  V Institut  de  Biblio- 
graphie, qu'il  a  fondée  au  capital  de  350,000  francs,  vient  d'acquérir, 
pour  le  compte  de  cet  établissement  d'enseignement  supérieur, 
unique  au  momie  par  son  organisation,  Y  Imprimerie  Charles  Mon- 
noyer  (du  Mans),  l'une  des  plus  anciennes  (puisqu'elle  remonte  au 
début  du  XVIIe  siècle)  et  des  plus  importantes  des  provinces  de 
l'Ouest.  —  Notre  compatriote,  qui  est  directeur  désormais  de  la 
Gazette  médicale  de  Paris,  le  plus  vieil  organe  médical  du  monde, 
vient  de  créer  une  nouvelle  Revue  :  Les  Archives  provinciales  de 
médecine,  pendant  des  Archives  provinciales  de  chirurgie,  qu'il  avait 
fondées  en  1872*  M.  le  Dr  M.  Baudouin,  va  être  sous  peu  chargé  de 
publier  la  Bibliographie  des  sciences  médicales  {Index  Modicus),  la 
plus  vaste  de  toutes  les  entreprises  bibliographiques  internationales. 

Notre  érudit  compatriote,  M.  le  Dr  Marcel  Baudouin,  vient  de  pu- 
blier, en  collaboration  avec  M.  le  professeur  Félix  Terrier,  membre 
de  l'Académie  de  médecine,  professeur  à  la  Faculté,  officier  de  la 
Légion  d'honneur,  un  superbe  volume,  avec  plus  de  cinq  cents 
figures,  sur  la  Suture  intestinale.  —  Dans  cet  ouvrage,  tous  les  pro- 
cédés opératoires  connus,  depuis  ceux  des  anciens  Hindous  jusqu'aux 
inventions  les  plus  récentes  de  l'Amé-ique  du  Nord,  sont  décrits 
avec  une  exactitude  remarquable.  Cet  ouvrage,  comme  on  l'a  dit, 
le  chef-d'œuvre  bibliographique  de  l'année;  il  a  été  édité  par 
l'Institut  de  Bibliographie. 

—  Un  congrès  international  de  pêches  maritimes  se  tiendra  à 
Bayonne  —  Biarritz  du  25  au  31  juillet  prochain.  Notre  très  distingué 


CHRONTQUF.  295 

collaborateur  et  ami,  M.  Araédée  Olin,  directeur  du  Laboratoire  et 
l'Ecole  de  pèches  des  S  iblcs-d'Olonne  y  présidera  la  section  dite  de  la 
réglementation  des  poches  maritimes . 

—  M.  Georges  Bouras,  un  vendéen,  médecin -major  de  lre  classe 
d'infanterie  de  marine  à  Saigon  (Cochincliine),  actuellement  en  congé 
en  France,  mais  qui  sera  détaché,  à  l'expiration  de  sa  permission, 
à  l'hôpital  militaire  de  Lorient,  vient  d'être  nommé  chevalier  de 
l'ordre  royal  du  Cambodge. 

—  Dans  la  liste  des  récompenses  décernées  à  Biarritz  par  le  jury 
de  l'exposition  internationale  industrielle  et  artistique,  nous  rele- 
vons les  noms  suivants  :  M.  Bouchereau,  ébéniste  à  La  Roche-sur- 
Yon,  membre  du  jury  d'honneur,  grand  prix  d'honneur;  M.  Fulco- 
nis,  professeur  de  dessin  au  lycée  de  La  Roche-sur-Yon,  médaille 
d'or  (section  îles  beaux-arts)  ;  M.  F.  Ollivier,  imprimeur  lithographe 
à  la  Roche-sur-Yon.  médaille  d'or,  avec  félicitations  du  jury  ;  M.  Si- 
loret,  peintre  décorateur  à  La  Roche-sur-Yon,  médaille  d'or,  avec 
félicitations. 

Courrier  musical.  —  Le  sympathique  compositeur  fontenaisien, 
M.  Alfred  Rousse,  se  propose  de  publier  très  prochainem  nt  chez 
J.  Poulalion  —  maison  musicale  —  35-37-39  rue  des  Petits  Champs, 
Paris,  une  série  de  Vieilles  chansons  vendéennes  harmonisées  par  lui 
et  qui  seront  accompagnées  d'illustrations  de:  A.  Truchet,  Besson, 
Villon,  Lempereur,  Hannicote,  0.  Galop,  Colh,  Guiraud  de  Scsevola, 
Boutigny,  Delpy,  Rouillère,  Forsblerg  etc.  Ces  chansons  seront 
dédiées  à  M"1'  Alice  Bonheur,  du  théâtre  des  Bouffes  parisiens,  qui 
en  a  interprété  cet  hiver  plusieurs  à  Paris  avec  un  éclatant  succès. 

M.  Rousse  prépare  de  même  pour  l'hiver  prochain  un  certain 
nombre  de  mélodies  et  de  chansons  modernes  qui  ne  seront  pas 
moins  goûtées  du  public  épris  de  bonne  musique. 

Villégiature  littéraire.  —  Notre  distingué  confrère.  M.  le  docteur 
Corneille,  directeur  du  Mercure  Poitevin  en  villégiature  à  Pierrebrune 
à  l'ombre  des  grands  chênes  de  notre  belle  forêt  de  Vouventy  a  conçu 
un  nouveau  roman,  les  Humbles,  dont  l'action  se  déroule  à  Melle,  et 
au  château  de  Circé  (Deux-Sèvres). 

—  Disons  à  ce  propos  que  la  représentation  d'Erynna  qui  doit 
avoir  lieu  dans  le  parc  de  M.  Baron,  à  Fontenay,  sera  très  vraisem- 
blablement donnée  la  veille  des  courses  de  cette  ville  fin  juillet. 

CARNEr  mondain.  —  Le  18  avril  a  été  célébré  dans  l'église  Notre- 
Dame  de  Fontenay-le-Comte,en  présense  d'une  nombreuse  et  brillante 


296 


CHRONIQUE 


assistance.le  mariage  de  M.  le  comte  Christian  deTarragon  avec  M11» 
Yvonne  Millochin,  la  charmante  nièce  de  notre  directeur  M.  René 
Vallette. 

Avant  la  bénédiction  nuptiale,  M.  l'archiprêtre  de  Notre-Dame  a 
prononcé  une  remarquable  allocution,  dans  laquelle  il  a  éloquem- 
ment  évoqué  les  mérites  et  les  gloires  des  deux  familles,  au  cours 
de  la  messe  qui  L'a  suivie,  Mm8  Cuirblanc,  Téminente  cantatrice 
Niortaise,  et  notre  distingué  compatriote  M.  G...,  accompagnés  par 
le  sympathique  organiste  de  Notre-Dame,  ont  rehaussé  de  leur  si 
apprécié  talent  l'éclat   de  la  fête. 

Les  témoins  du  marié  étaient  :  M.  le  comte  Georges  deTarragon, 
son  oncle,  et  M.  Joseph  de  Tarragon,  lieutenant  au  3e  cuirassiers, 
son  frère  ;  ceux  delà  mariée:  M.  René  Vallette  et  M.  le  docteur 
Godivier,  conseiller  général  de  la  Mayenne,  ses  oncles. 

Remarqué  au  cortège  :  Mmes  et  MUes  Millochin.  de  la  Vallière,  Lu- 
dovic Vallette,  Paul  Wagner,  Trouëssart,  de  la  Touche,  Labbé,  Go- 
divier et  Vezin-,  M.  le  comte  Ernest  de  Tarragon,  père  du  marié; 
MM,  les  capitaines  de  Tarragon  et  de  la  Badonnière  ,  MM.  les  lieu- 
tenants de  Maniort  et  Costet  -,  MM.  Louis  de  la  Vallière,  Reynal  de 
Basvre,  de  la  Touche,  Descormiers,  Vezin,  Labbé,  etc. 

—  Le  14  juin,  a  été  béni,  en  la  cathédrale  de  Nantes,  le  mariage  de 
M'lc  Anne  3erthault  du  Marais  avec  M.  Boiiays  de  Coesbouc. 

La  quête  a  été  faite  par  M.  .Joseph  du  Boùays  de  Coesbouc  et 
M1Ie  Yvonne  Bacqua;  par  M.  Jean  Berthault  du  Marais  et  MI,e  Yvonne 
de  la  Bigne  de  Villeneuve  -,  par  M.  Joseph  Bacqua  et  M1Ie  Marguerite 
HalganetparM.  Emile  du  Boiiays  et  M"p  Marie-Thérèse  duCouessin. 

La  grande  nef  de  la  cathédrale  était  pleine  d'une  foule  de  parents  et 
d'amis, qui  sont  venus  offrir  leurs  vœux  de  bonheur  aux  jeunes  époux. 

Dans  l'assistance  : 

Général,  MmcetMll,-Lannes,comtedeCharette,  M.  Halgan, sénateur 
de  la  Vendée  ;  Mmc  et  MUes  Halgan  ;  comtesse  de  Frelon,  M.  et  Mme  de 
La  Brosse,  M.  Mm9  et  Mlle  de  Maisonneuve,  marquis  et  marquise  du 
Sel  des  Monts,  colonel,  Mme  et  Mlle  du  Oor  de  Duprat,  MM.  Boux  de 
Casson,  de  Lorgeril,  du  Bouëtiez  de  Kerorguen,  de  Monti  de  Rezé, 
M.  et  Mmc  Nogues  de  Kerobert,  de  la  Rochette,  M.  et  Mmc  Linyer, 
MM.  Thibeaud-Nicollière,  de  Sécillon.  deCastel. 


NÉCROLOGIE 


M  l'abbé  JEAN  BENJAMIN  GU1LLEMENT,  chanoine  honoraire 
de  la  Rochelle,  sous-directeur  de  la  division  ecclésiastique, 
.directeur  spirituel  des  Novices  de  la  maison  des  Ursulines, 
décédé  le  26  février  1899  à  l'Institution  Notre-Dame  de  Pons  (Cha- 
rente-Inférieure. 

Né  le  10  mars  1834,  au  Percot,  près  St-Jean-de-Mont,  en  Vendée, 
dit  la  Revue  de  Saintonge  et  cVAunis,  (N°  de  mai  1899,  p.  158),  sep- 
tième fils  d'une  famille  nombreuse  de  cultivateurs,  il  fut  confié  à  un 
oncle  paternel  mort  dans  la  paroisse  de  Léoville,  où  il  avait  été 
curé  28  ans,  et  fut  attiré  à  la  division  ecclésiastique  de  Pons  par 
son  frère  aîné  Louis  Guillement,  professeur  dans  la  maison.  (Voir 
dans  le  Bulletin  religieux  de  la  Rochelle,  l'éloge  qu'en  a  fait  M.  l'abbé 
Eyssautier). 

M»6  MARIE-HENRIETTE-LOUISE  BOSCAL  DE  RÉALS  DE  MOR- 
NAC,  veuve  de  M.  EUGÈNE  DE  LABORDE-LASALLE,  décédée  à 
Saintes,  le  16  mars  1899,  à  l'âge  de  72  ans. 

Elle  était  née,  le  20  septembre  1826,  de  François-Léon  Boscal  de 
Réals,  comte  de  Mornac,  colonel,  député  de  la  Vendée,  et  de  Zoé  de 
Barbeyrac  de  Saint-Maurice.  Ses  funérailles  ont  eu  lieu  le  19  mars 
en  l'église  de  Saint-Vivien.  Le  deuil  était  conduit  par  son  frère,  M.  le 
général  de  Mornac,  M.  de  Goué,  lientenant-colonel  au  77e  de  ligne, 
le  R.  P.  Alexandre,  capucin  de  la  Maison  de  Fontenay,  et  M.  le  ba- 
ron Buirette  de  Verrières,  ses  neveux. 

M.  le  comte  LOUIS-CH ARLES-ALFRED  FROTTIER  DE  BAGNEUX, 
ancien  député,  décédé  à  Paris,  le  29  mars  1899,  dans  sa  83e  année. 

Nos  plus  respectueuses  sympathies  à  notre  ami  M.  le  vicomte 
Zénob  de  Bagneux,  frère  du  regretté  défunt,  et  à  toute  sa  famille. 

M.  GUSTAVE-LOUIS-JEAN  BARON-LATOUCHE,  étudiant  à  la 
Sorbonne,  décédé  à  Maillezais,  le  2  avril  1899,  à  l'âge  de  17  ans. 

M.  CHARLES-ALPHONSE  LEVERT,  ancien  préfet  de  l'Empire, 
ancien  député  du  Pas-de-Calais,  décédé  à  Paris,  le  5  avril  1899,  à 
l'âge  de  73  ans. 


298  NÉCROLOGIE 

Nous  renouvelons  au  sympathique  sénateur  Je  la  Vendée, M.  Paul 
Le  Roux,  son  genilre,  et  à  Mmc  Le  Roux  l'expression  de  nos  plus 
vives  condoléances. 

MmB  ARTHUR  DE  FONTAINES,  née  MARIE  MIGNOT  DES  PLANS, 
décédée  à  Fontenay-le-Comte  à  l*àge  de  62  ans,  le  13  avril  1899 

Nous  exprimons  de  nouveau  à  M.  Arthur  de  Fontaines  et  à  toute 
sa  famille  nos  bien  cordiales  sympathies. 

M.  DURET,  inspecteur  des  forêts  de  l'État,  aux  Sables-d'Olonne. 
décédé  le  11  mai. 

M.  PIERRE  DOMERC,  secrétaire  de  la  rédaction  du  Phare  delà 
Loire,  décédé  le  24  mai  dans  sa  trente-et-unième  année. 

Mm0  veuve  CAILLÉ,  née  MARTIN,  décédée  le  16  mai  en  son  do- 
maine de  la  Frenaudière  de  Saint-Sornin. 

M.  HENRI  GIIAPPOT  DE  LA  CHANONIE,  notaire  et  conseiller 
d'arrondissement  à  Saint-Jean  de-Mont,  décédé  le  25  mai. 

Ses  obsèques  ont  eu  lieu  le  £7  en  présence  d'une  affluence  consi- 
dérable. 

Sur  sa  tombe,  M.  de  Baudry  d'Asson,  député  de  la  Vendée,  a  célébré 
éloqucinment  l'inébranlable  fidélité  du  délunt  à  ses  croyances  reli- 
gieuses et  politiques. 

M'»c  GR1MAUD,  veuve  de  M.  ADOLPHE  GRIMAUD,  décédée  à 
Luçon  le  30  mai. 

M.  JEAN-BAPTISTE  NOBIRON,  maire  de  Saint-Martin-de-Brem, 
décédé  en  mai  1899. 

A  ses  obsèques,  M.  de  la  Bassetière,  conseiller  général  du  canton,  a 
prononcé  un  éloquent  éloge  du  défunt  (V.  le  Publicateur  du  17  mai 
1899). 

M™  LOUIS  ARCHEREAU,  née  MARIE  CHAUMONT,  décédée  à 
Fontenay,  le  10 juin  1899,  à  l'âge  de  21  ans. 

Nous  tenons  à  assurer  de  nouveau  notre  excellent  ami  Archereau 
de  la  bien  cordiale  part  que  nous  prenons  au  deuil  si  cruel  qui  vient 
de  le  frapper. 

M.  l'abbé  JOSEPH  ROCHETEAU.  curé  de  la  Copechagnière  décédé  le 
13  juin  1899  dans  sa  61°  année. 


BIBLIOGRAPHIE 


Nous  avons  annoncé  dans  notre  précédent  numéro  l'apparition 
du  joli  volume  de  vers  de  notre  regrettée  collaboratrice, 
Mme  Claire  Normand  —  a  Fleurs  de  Deuil  ».  Nous  sommes 
heureux  de  pouvoir  mettre  aujourd'hui  sous  les  yeux  de  nos  lec- 
teurs l'exquise  Préface,  que  notre  excellent  collaborateur  et  ami 
A.  Bonnin  a  écrite  pour  la  circonstance. 


PREFACE 

«  Comme,  pieusement,  on  dépose  une  couronne  sur  une  tombe, 
j'écris  avec  émotion,  sur  la  garde  de  ce  livre,  ces  ligues  attristées. 
—  Elles  sont  l'hommage  de  mon  respectueux  attachement  au  sou- 
venir de  l'auteur,  de  ma  haute  estime  pour  son  œuvre.  —  Qu'elles 
soient  aussi  le  témoignage  de  ma  cordiale  sympathie  pour  celui  qui 
continue  seul  le  chemin  de  la  vie,  accablé  désormais  sous  un  double 
fardeau  de  deuils  ineltaçables. 

Je  n'ai  d'autre  titre  à  présenter  ce  recuil  de  poésies,  que  d'avoir 
été  le  confident  de  l'effort  qui  l'a  créé.  —  Je  savais  l'inconsolable 
douleur  dont  le  gémissement  passe  en  ces  strophes  éplorées,  et, 
mieux  que  personne,  je  puis  dire  avec  quelle  recherche  constante  de 
la  perfection,  ces  rimes  ont  été  ciselées,  aveu  quel  perpétuel  souci 
de  faire  œuvre  d'artiste.  —  Peut-être  certaines  pièces,  écrites  dans 
le  goût  du  jour,  s'écartent-elles  des  règles  du  sévère  Boileau  ;  mais 
elles  sont  peu  nombreuses  ;  et  puis,  le  moyen,  pour  une  lemme,  de 
ne  pas  sacrifier  à  1 1  mo  le  courante  ?  —  On  pourrait  aussi  remarquer 
une  préoccupation  de  l'emploi  de  mots  rares,  d'épithètes  inusitées, 
mais  c'est  là  encore  une  concession  à  la  mode  ;  et,  à  ce  propos 
l'Auteur  me  répondait  fort  spirituellement  :  «  Vous  ne  mettez  pas  de 
«  rubans  dans  vos  cheveux,  ni  de  fleurs  ?  —  Moi,  j'en  mets.  —  Lais- 
«  sez-moi  donc  pomponner  mon  styie  de  mots  jolis  ;  c'est  une  co- 
«  quetterie  toute  naturelle.  —  Je  suis  femme  et  j'écris  comme  une 
«  femme.  » 


300  BIBLIOGRAPHIE 

Et  l'auteur  n'avait  pas  tout  à  lait  tort.  C'est  par  là,  en  effet,  que 
son  oeuvre  est  bien  personnelle  et  qu'elle  présente  une  réelle  origi- 
nalité. La  pensée,  comme  la  forme,  tout  est  en  accord  parfait,  har- 
monieusement féminin.  —  Et  c'est  aussi  pour  cela  que  les  intimes  à 
qui  ce  volume  est  destiné,  retrouveront  l'amie  à  jamais  regrettée, 
vivante  en  ces  pages  où  elle  a  mis  le  meilleur  de  son  cœur,  le  plus 
subtil  et  le  plus  pur  de  son  esprit. 

Ce  livre  devrait  porter,  en  épigraphe,  ces  vers  d'Alfred  de  Musset : 

«  Les  plus  désespérés  sont  les  chants  les  plus  beaux 
«  Et  j'en  sais  d'immortels  qui  sont  de  purs  sanglots.  » 

Ces  Fleurs  de  Deuil  ne  sont  pas,  en  effet,  de  celles  que  les  poètes 
de  vingt  ans  cueillent  sur  les  marges  des  sentiers  ensoleillés  de  la 
jeunesse,  elles  ne  sont  pas  les  précoces  et  folles  floraisons  printaniè- 
res  qui  s'effeuilleront  au  moindre  souffle  de  bise  ;  elles  sont  les 
fleurs  persistantes,  aux  couleurs  assombries,  qui  croissent  sous  nos 
pas  quand  le  sol  a  été  arrosé  de  nos  larmes  ;  elles  sont  la  gerbe  d'au- 
tomne amassée  pour  fleurir  le  champ  de  repos.  —  Dans  ces  courts 
poèmes,  Renée  Monbrun  a  noté  le  chant  grave  et  douloureux  que 
disent  les  lèvres  après  avoir  goûté  aux  fruits  amers  de  la  vie.  Ces 
vers  sont  le  cri  d'une  âme  blessée,  hélas  !  mortellement,  la  lamenta- 
tion d'une  mère  douloureuse  à  qui  le  destin  a  ravi  le  fils  qui  allait 
être  un  homme. 

Toutes  ces  pages  évoquent  le  cher  absent.  Toutes  pleurent  cette 
misère  inéluctable  qu'est  la  mort.  —  Qu'elle  parle  de  fleurs  qui  se 
penchent,  se  flétrissent  et  meurent,  de  fleurs  bleues  aux  regards 
d'enfant,  ou  qu'elle  raconte  l'agonie  de  l'enfant  aux  yeux  bleus  de 
fleur,  tout  son  être  frémit  et  se  révolte  contre  «  l'inévitable  »,  toute 
sa  pensée  anxieusement  demande  où  sont  allés  cette  âme  délaissée 
du  corps  et  le  parfum  des  fleurs  mortes. 

Cette  angoisse  du  lendemain  de  la  vie  obsède  son  esprit  ;  elle  a 
comme  la  hantise  de  «  l'au-delà  ».  —  Dans  quel  monde,  dans  quelle 
étoile,  dans  quel  ciel  peut  être  le  cher  disparu?  —  Elle  veut  savoir 
ou  sinon,  le  rejoindre. 

Au  mur  infranchissable  qui  nous  sépare  de  l'inaccessible  ignoré 
elle  se  heurte  le  front  à  le  briser.  —  Demandant  à  la  mort  le  secret 
de  l'Eternité  que  l'âme  humaine  implore  depuis  le  commencement 
des  temps,  elle  reprend  la  cruelle  méditation  d'Hamlet  sur  notre 
iin  incertaine:  «  Hélas!  pauvre  Yorick...  »,  elle  veut  percer  ce 
mystère  qui  confond  notre  raison  dont  la  puissance  bornée  ne  dé- 
passe guère  les  limites  de  la  portée  de  nos  sens  ;  mystère  inviolé 


BIBLIOGRAPHIE  301 

que  la  foi  seule  permet  d'envisager  avec  une  tranquille  espérance. 
—  Elle  use  sa  pensée  sur  le  seuil  de  l'insondable  inconnu,  de  même 
que  chaque  jour  elle  use  ses  genoux  sur  la  dalle  funèbre  qui  garde 
la  chère  dépouille.  Et  désespérant  de  déchiffrer  l'énigme  impénétra- 
ble, à  bout  de  force  et  de  souffrance,  elle  clame  vers  le  ciel  ces 
paroles  irritées  : 

«  Je  me  heurte  le  front  à  ces  portes  de  fer 
«  Qui  closent  dans  la  nue  un  maître  impitoyable 
«  Dont  la  divinité  froidement  implacable 
«  Jouit  du  Paradis  à  côté  de  l'Enfer  ». 

Et  après  avoir  protesté  contre  la  loi  de  mort,  en  des  vers  Aux 
petits  qui  souffrent  et  gui  meurent,  elle  demande  le  pourquoi  du 
malheur,  le  pourquoi  de  la  souffrance  : 

«  Quelles  taches  lavent  les  pleurs 
«  De  cette  poignante  agonie  ? 

Enfin  égarée,  perdue  dans  l'obscurité  du  mystère,  renonçant  à  dé- 
couvrir le  secret  contre  lequel  elle  a  épuisé  son  effort,  elle  n'a  plus 
d'autre  recours  qu'en  la  mort  elle-même.  Hors  de  cette  vie,  elle 
saura,  elle  retrouvera  le  fils  arraché  à  sa  tendresse,  et  elle  lance 
cette  ardente  invocation  à  la  grande  libératrice  : 

«  Il  partit...  ot  j'attends  le  suprême  unisson, 
«  Le  chant  d'appel  où,  dans  l'extatique  frisson, 
«  De  mon  corps  importun  je  jetterai  les  langes  ». 

Tout  cela  est  poignant  comme  la  douleur  réellement  éprouvée, 
troublant  comme  toute  évocation  du  grand  mystère  de  notre  être  et 
de  notre  destinée,  navrant  comme  la  vie.  —  Que  ceux  qui  n'ont  pas 
souffert  s'écartent  de  ce  livre;  qu'ils  attendent  pourl'ouvrir  que  leurs 
pleurs  aient  coulé.  Alors  ils  trouveront  d'amères  consolations  dans 
cette  plainte  si  sincère  qu'ils  la  croiront  sortie  de  leur  propre  cœur, 
dans  ces  larmes  si  vraies  qu'ils  les  croiront  jaillies  de  leurs  yeux.  » 

A.  BONNIN. 


* 


Un  cours  d'histoire  de  la  Vendée.  —  Sous  ce  titre  notre 
éminent  ami  M.  l'abbé  Bossard,  vient  de  faire  paraître  dans  la 
Revue  des  facultés  catholiques  de  V Ouest  le  texte  de  la  remarquable 
conférence  par  laquelle  il  a  inauguré  au  palais  des  Facultés  Catho- 
liques, le  10  février  dernier,  un  cours  d'histoire  de  la  Vendée  en 
l'Université  catholique  de  l'Ouest. 

TOME   XII.    —    AVRIL,    MAI,    JUIN.  21 


302  BIBLIOGRAPHIE 

Ces  éloquentes  pages,  que  nous  regrettons  de  ne  pouvoir  repro- 
duire ici,  contiennent  le  plan  que  s'est  tracé  le  nouveau  professeur 
d'histoire  de  la  Révolution  en  Vendée. 

Grâce  à  lui.  comme  le  disait  fort  justement  Mgr  Pasquier,  recteur, 
des  Facultés  catholiques,  les  martyrs  de  la  Vendée  seront  glorifiés 
et  le  champ  de  nos  paroisses,  abreuvés  du  sang  de  nos  pères,  tres- 
sailleront. Nos  héros  ont  enfin  trouvé  un  chantre  digne  deux  et 
nous  ne  voulons  pas  être  les  derniers  à  en  féliciter  l'Université 
catholique  et  lui-môme 

Les  lieutenants  de  Charette.  —  Notre  collaborateur,  M.  Joseph 
Rousse,  est  en  même  temps  qu'un  élégant  poète,  un  historien 
précis,  documenté  et  impartial.  Le  volume  qu'il  vient  de  publier, 
sous  ce  titre  Les  lieutenants  de  Charette,  chez  M.  Cier,  libraire- 
éditeur,  à  Nantes,  en  est  un  éloquent   témoignage. 

Les  cinq  chefs  vendéens,  Couétus,  Savin,  Louis  Guérin,  Bourdic  et 
Faugaret,  dont  M.  Rousse  a  si  nettement  et  si  loyalement  écrit  la 
vie,  sont  presque  tous  des  hommes  du  peuple  —  ce  qui  est  pour 
contredire  désagréablement  ceux  qui  refusent  à  l'insurrection  ven- 
déenne son  caractère  profondément  démocratique. 

En  esquissant  leurs  portraits,  M. Rousse  a  mis  en  lumière  les  traits 
souvent  dénaturés  de  modestes  vaillants  trop  fréquemment  oubliés 
par  l'histoire. 

La  Revue  du  Bas-Poitou  a  eu  la  primeur  des  jolies  pages  consa- 
crées à  Faugaret,  et  ses  lecteurs,  qui  n'en  ont  pas  perdu  le  souvenir, 
voudront  certainement  posséder  la  galerie  complète  des  dignes 
lieutenants  de  l'irréductible  Charette. 

—  Le  tome  IV  des  Mémoires  d' Outre-tombe,  —  que  notre  éminent  ami 
M.  Edmond  Biré,  vient  de  faire  paraître  chez  Garnier.  —  ne  le  cède 
en  rien  aux  précédents.  Le  lecteur  y  trouvera  la  fin  du  récit  des  Cent- 
.Tours  et  ce  récit  est  peut-être  la  partie  la  plus  remarquable  des 
Mémoires.  Il  conduit  l'Empereur  de  Waterloo  à  Saint-Hélène  et  ren- 
ferme les  plus  belles  pages  qui  aient  jamais  été  écrites  sur  Napoléon. 
L'ambassade  de  Chateaubriand  à  Berlin  et  son  ambassade  à  Londres 
sont  également  deux  morceaux  achevés.  Le  volume  se  termine  au 
moment  où  l'auteur  va  partir  pour  son  ambassade^de  Rome  ;  avant 
de  partir  il  retrace  la  vie  de  Mme  Récamier,  lui  consacrant  un  livre 
tout  entier,  qui  est  comme  le  pendant  de  ceux  consacrés  précédem- 
ment à  Napoléon  et  forme  avec  eux  le  plus  curieux  contraste.  — 
Les  notes  et  les  appendices  do  M.  Edmond  Biré  complètent  ce  tome  IV. 
Nous  signalerons    comme    particulièrement    intéressants   les  ap- 


BIBLIOGRAPHIE  303 

pendices  sur  le  Congrès  de  Vérone  et  la  guerre  d'Espagne  et  sur  Cha- 
teaubriand, Victor  Hugo  et  Joseph  de  Maistre. 

—  M.D.  Zolla  a  publié  dans  V Illustration,  du  25  février  1899,  un  très 
intéressant  article  accompagné  de  dessins  sur  les  Polders  de  la  Vendée 
créés  à  Bouin  par  M.  Le  Cler,  le  très  distingué  président  du  Conseil 
général  de  la  Vendée. 

On  n'ignore  pas  que  c'est  à  la  création  de  ces  polders  que  le  pays 
de  Beauvoir  et  de  Bouin  doit  la  richesse  actuelle  de  sa  culture. 

—  La  Revue  Poitevine  et  Saumuroise,  dans  son  n*  d'avril  1899, 
publie  le  Tableau  des  actionnaires  de  la  Société  formée  en  1784  à 
Saumur  pour  la  construction  des  Halles  et  de  la  Salle  de  spectacle. 

Nous  y  relevons  par  deux  fois  le  nom  de  «  François  Dupuy,  à 
Fontenay-le-Comte.  » 

Ce  même  n°  contient  le  début  du  Projet  d'évasion  de  Louis  XVI  et 
de  la  famille  royale  préparé  par  Poirier  de  Beauvais,  le  futur  chef 
vendéen. 

—  Notre  excellent  ami  H.  Baguenier  Desormeaux  a  commencé 
dans  le  Mercure  Poitevin  (n°3  d'avril  et  de  mai  1899)  une  très  docu- 
mentée et  partant  très  précieuse  notice  sur  Bonchamps  avant  la 
guerre  de  Vendée. 

—  Du  Populaire,  de  Nantes  : 

La  Bibliothèque  publique  de  Nantes  s'enrichit  chaque  jour  de  nouveaux 
dons.  Elle  vient  de  recevoir  un  grand  nombre  de  beaux  volume»,  dont 
quelques-uns  sont  rares,  qui  lui  ont  été  donnés  par  M.  Charles  Farcinet,  an- 
cien chef  du  personnel  administratif  au  Ministère  de  l'Intérieur,  membre  de 
!a  Société  des  antiquaires  de  France. 

M.  Farcinet,  originaire  de  la  Vendée,  a  passé  ses  jeunes  années  à  Nantes, 
où  il  fut  un  des  premiers  élèves  de  l'école  primaire  supérieure,  fondée  par 
M.  Arsène  Leloup  en  1834,  et  camarade  de  M.  Emile  Sarradin,  aujourd'hui 
maire  de  Nantes;  de  M.  Eugène  Orieux,  agent-voyer  en  chef  honoraire,  et 
d'autres  notables  de  la  ville,  aujourd'hui  disparus. 

M.  Farcinet,  appelé  plus  tard  à  Paris,  y  compléta  ses  études,  et  fut  admis 
dans  les  bureaux  du  ministère  de  l'Intérieur,  où  il  resta  35  ans,  et  parvint  à 
une  position  supérieure.  Retraité  en  1883,  avec  11  croix  d'officier  de  la  Légion 
d'honneur,  M.  Farcinet  s'est  souvenu  de  notre  Bibliothèque,  où  il  allait 
souvent  autrefois  lire  et  travailler,  et  de  la  parfaite  obligeance  du  conser- 
vateur, qui  lui  donnait  tous  les  renseignements  dont  il  avait  besoin,  et  il  a 
voulu  lui  laisser  quelques  souvenirs. 

Au  nombre  des  livres  qu'il  a  donnés,  nous  avons  remarqué  :  une  édition 
très  rare  d'Horace  en  latin,  avec  commentaires,  imprimée  en  1566,  à  Venise, 
par  les  Aides  ;  —  les  archives  curieuses    de  la  ville   de  Nantes,  par  Verger, 


304  BIBLIOGRAPHIE 

avec  des  lithographies  de  l'époque  (1840)  représentant  bien  la  physionomie  de 
la  ville;  —  la  correspondance  d'Orient,  de  Michaud  ;  —  les  œuvres  de  Biot, 
de  l'Académie   française;  la  philosophie  du  XIX8  siècle,  de  Guépin,  etc.,  etc. 

—  Dans  le  Messager  de  la  Vendée  :  La  Vendée  maritime,  étude 
d'hydrographie,  par  M.  B.  Girard  (mai  1899). 

—  Notre  confrère  et  ami  H.  Renaud  continue  dans  la  Vendéen 
la  série  de  ses  intéressantes  études  historiques  sur  les  Souvenirs  et 
paysages  de  la  Vendée. 

—  Pour  paraître  prochainementchez Salières  a  Nantes  :  Tiffauges, 
son  histoire  et  ses  sites,  Barbe-Bleue  et  sonchâteait^dirM.  L.  Brochet. 

—  Vient  de  paraître  à  la  librairie  Ollendorf  : 

Le  pimpant  album  de  notre  compatriote  et  ami  Henri  Boutet  : 
Autour  d'Elles  (le  Lever,  le  Coucher),  avec  une  importante  préface 
d'Armand  Silvestre.  Cet  album  nous  raconte,  en  d'exquis  dessins, 
toute  la  femme,  sa  grâce,  ses  coquetteries  et  ses  abandons. 

Bouquinerie  Vendéenne.  —  De  l'Amateur  Poitevin,  de  M.  Bouli- 
neau,  libraire  à  Niort  (N°  de  mai  1899)  : 

347.  Salnove.  La  Vénerie  royale,  divisée  en  IV  parties,  qui  con- 
tiennent les  chasses  du  Cerf,  du  Lièvre,  du  Chevreuil,  du  Sanglier, 
du  Loup  et  du  Renard,  avec  le  dénombrement  des  forêts  et  grands 
buissons  de  France,  où  se  doivent  placer  les  logemens,  questes  et 
relais  pour  y  chasser.  Paris.  A.  de  Sommaville,  1665,  front.,  80  fr. 

Bon  exempl.  dans  une  reliure  en  veau.  La  reliure  est  défectueuse,  mais 
l'intérieur  est  propre  et  très  grand  de  marges. 

468.  Vendée  (Guerres  de  la).  Traits  d'héroïsme.  1815.  M.  de  Beau- 
veau  au  combat  de  la  Roche-Servière.  Lith.  par  Charpentier  et  Pas- 
quier,  in-fol.  en  larg.,  25  fr. 

Belle  épr.  de  toute  fraîcheur  et  à  toutes  marges,  très  rare. 

469.  Vendée  (Guerres  de  la).  Traits  d'héroïsme.  18  octobre  1793. 
Grâce,  grâce  aux  prisonniers.  Boucha  mps  le  veut.  Bonchamps  l'or- 
donne. Mort  de  Bonchamps  à  la  bataille  de  Chollet.  Lith.  par  Char- 
pentier et  Pasquier,  in-fol.  en  larg.,  25  fr. 

Belle  épr.  de  toute  fraîcheur,  à  toutes  marges,  très  rare. 

470.  Vendée.  Vues  pittoresques  et  maritimes  du  département  de  la 
Vendée,  avec  costumes  les  plus  remarquables,  dessinés  d'après  na- 
ture et  lith.  par  Gilbert,  professeur  de  dessin  aux  Sables.  Nantes» 
Charpentier,  1844,  album  petit  in-fol.  oblong  de  40  pi.,  1/2  rel.  40  fr. 

Album  très  rare,  la  reliure  n'est  pas  en  très  bon  état. 


BIBLIOGRAPHIE  305 

De  la  Revue  des  Autographes,  de  M.Charavay,  34,  rue  du  Faubourg- 
Poissonnière,  n"  de  mai  1899)  : 

62  Chaffault  de  Besné  (Louis-Charles,  comte  du),  célèbre  marin, 
qui  prit  part  à  la  guerre  d'Amérique,  né  à  Montaigu  (Vendée)  en 
1708,  mort  dans  les  prisons  de  Nantes  en  1794.  —  Pièce  sig.  ;  1776, 
1  p.  in-4°  obi.  35  fr. 

142  Lancelot  (dom  Claude),  célèbre  grammairien  du  XVIIe  siècle, 
qui  fonda  les  Ecoles  à  Port-Royal,  où  il  eut  Racine  pour  élève,  pré- 
cepteur des  jeunes  princes  de  Conti,  auteur  du  Jardin  des  racines 
grecques,  né  en  1615,  mort  en  1695.  —  Let.  aut.  à  Mlu  de  Vertus 
(sœur  cadette  de  MUe  de  Montbazon);  Grenoble,  31  août  (1688),  2  p, 
1/2  in-8,  cachets.  Rare.  35  fr. 

Très  curieuse  lettre.  Il  vient  de  Visiter  Saint  Claude,  Annecy  et  la  Grande- 
Chartreuse;  il  se  dirige  sur  Avignon  et  de  là  chez  le  saint  Prélat  (Nicola» 
Pavillon,  évêque  d'Aleth).  Il  recommandera  le  petit  prince  (de  la  Roche-sur- 
Yon)  à  Avignon,  «  au  tombeau  de  Monsieur  son  Père  (Armand  de  Bourbon, 
prince  de  Conti).  » 

238  Sourdis  (Henri  d'Escoubleau  de),  évêque  de  Maillezais,  puis 
archevêque  de  Bordeaux,  chef  de  l'armée  navale  sous  Louis  XIII, 
aussi  célèbre  par  son  intrépidité  que  par  sa  querelle  avec  d'Epernon, 
qu'il  frappa  d'excommunication.  —  Let.  sig.  à  Lopez,  chargé  d'af- 
faires en  Hollande  ;  Paris,  13  janvier  1639,  1  p.  in-4°,  cachet,  15  fr. 

Belle  lettre.  Sur  l'invitation  de  Richelieu,  il  lui  envoie  une  relation  espa- 
gnole sur  la  bataille  navale  de  Gattari  ;  comme  les  Espagnols  font  les  inso- 
lents et  se  prétendent  vainqueurs,  Lopez  la  montrera  au  prince  d'Orange. 

—  La  Revue  Marne,  dans  son  numéro  du  11  juin  1899,  et  sous  la 
signature  de  M.  Henri  Guerlin,  consacre  un  article  illustré  à  ÏEpo- 
pèe  de  Mèrovak. 

—  De  notre  savant  confrère,  M.  Léo  Desaivre  :  Notes  sur  la  Mêlusine 
(Poitiers,  Biais  et  Roy.  1899.  In-8°  de  33  p.) 

—  M.  l'abbé  Mouchard,  à  l'occasion  de  l'inauguration  de  l'église 
Saint-Etienne  du  Port  de  Niort,  et  de  la  représentation  donnée  en 
faveur  de  cette  œuvre,  a  publié  à  l'Imprimerie  Niortaise  La  Nuit 
de  Noël,  pastorale  en  cinq  actes  de  l'abbé  François  Gusteau,  prieur  de 
Doix.  (In-8°  de  35  p.  avec  préface  par  M.  Mouchard,  et  air  de  la 
pastorale. 

La,  Joie  de  Vheure,  tel  est  le  titre  d'un  nouveau  journal  mensuel,  ar- 
tistique et  littéraire,  dont  le  1er  numéro  a  paru  le  1er  mail899',  et  qui 
se  qualifie  l'organe  de  tous  ceux  qui  préparent  l'avènement  de  Vidée*. 

Nous  lui  souhaitons  volontiers  la  bienvenue. 

4  La  Roche-sur- Yon,  47  rue  de  Bordeaux  —  directeur  :  Raoul  Gaubert. 


300  BIBLIOGRAPHIE 

—  De  [Intermédiaire-Nantais,  du  Phare  de  la  Loire.  (12  juin  1759)  : 
57.  —  Les  femmes  nantaises  aux  armées.  —  Sous  l'impulsion  irrésistible 

des  grands  évènemsnts  qui  inarquèrent  la  période  révolutionnaire  et  môme, 
après  elle,  les  campagnes  du  premier  Empire,  beaucoup  de  femmes,  dissi- 
mulant leur  sexe  sous  des  vêtements  masculins,  prirent  du  service  aux  ar- 
mées. Pendant  les  guerres  civiles  d'abord,  plus  tard  au  cours  des  guerres  où 
la  France  était  engagée  contre  l'Europe,  plus  d'une  s'enrôla  pour  suivre 
un  mari,  un  frère,  un  amant,  ou  précisément  parce  que  désormais,  sans 
famille,  elle  pensait  que  la  carrière  des  armes  était  la  seule  qui  convînt  à  leur 
activité. 

C'est  ainsi  que  Julienne  David,  de  Saint-Marc,  près  Nantes,  fit  ses  premiè- 
res armes  en  Vendée,  en  combattant  pour  la  cause  royaliste,  et  servit 
ensuite,  toujours  en  déguisant  son  sexe,  à  bord  des  corsaires  de  la  Républi- 
que et  de  l'Empire,  sans  reculer  devant  les  terribles  souflrances  de  la  capti- 
vité à  bord  des  pontons  anglais. 

—  Notre  confrère  et  ami  Gustave  Boucher  vient  de  nous  adresser, 
en  même  temps  que  le  deuxième  volume  de  la  Tradition  nationale 
—  la  Tradition  au  Pays  Basque —  le  programme  du  3*  congrès,  que 
la  Société  d'Ethnographie  nationale  doit  tenir  à  Honfleur  du  30  juil- 
let au  10  septembre  prochain. 

—  De  M.  l'abbé  F.  Uzureau,  le  savant  chapelain  du  Champ  des 
martyrs  d'Angers  •.  Antoine  Fournier,  fusillé  au  Champ  des  martyrs, 
le  12  janvier  1794.  (In-8°  de  4  p.  Germain  Grassier,  Angers.  Ext.  de 
la  Semaine  religieuse  d'Angers. 

Avec  Fournier  furent  fusillés  une  centaine  d'autres  malheureux 
vendéens,  parmi  lesquels  M.  Uzureau  cite  Pierre  Mari,  journalier, 
40  ans,  de  Saint-Fulgent. 

—  Quelques  extraits  de  Y  Intermédiaire  des  Chercheurs  et  Curieux 
(du  30  mai  1899)  : 

Château  de  Vlle-d'Yeu.  —  11  existe  à  l'Ile-d'Yeu  (Vendée),  un  cbâteau  en 
ruines  bien  connu  des  touristes.  Pourrait-on  indiquer  les  titres  des  ouvra- 
ges anciens,  dans  lesquels  un  plan  a  été  publié,  ou  indiquer  s'il  existe  des 
documents  inédits  sur  ce  château.  V.  C. 

Famille   de   la  Rochefoucauld-Bayers.   —   Les    la    Rochefoucauld-Bayers 
paraissent  avoir  eu  jadis  en    Vendée,  à  la  Barre-de- Monts,  un  rendez-vous 
de  chasse,    appelé    château    de  Beaumanoir,    aujourd'hui  rasé.  Pourrait-on 
ournir  quelques  renseignements  sur  ce  château.  X. 

R.  DE  THIVERÇAY. 

P.  S.  —  Une  pénible  indisposition  nous  a  contraint  à  notre  grand 
regret  de  laisser  inachevée  cette  chronique  cependant  déjà  longue. 
Les  lecteurs  de  la  Revue  voudront  bien  ne  pas  nous  en  tenir  rigueur. 

R.  de  Th. 

Le  Directeur-Gérant  :  R.  VALLETTE. 

Vannes.  — -  Imprimerie  LAFOLYE,  a,  place  des  Lices. 


ALEXANDRE  BONNIN  DE  FRAYSSEIX 

Par  lui-même  . 


ALEXANDRE  BONNIN  DE^FRÂYSSEIX 


i 


Une  mort,  d'autant  plus  cruelle  qu'inattendue, 
et  qui  a  également  mis  en  deuil  le  monde 
des  Lettres  et  celui  des  Arts,  vient  de  nous 
ravir  en  même  temps  qu'un  fidèle  ami,  l'un  des 
plus  appréciés  collaborateurs  de  cette  Revue. 
Alexandre-Maximilien-Joseph  Bonnin  de  Frays- 
seix  a  succombé,  le  18  juillet  dernier,  à  l'irréduc- 
tible maladie  contre  laquelle  il  luttait  depuis  tant 
d'années  avec  une  héroïque  énergie. 

Fils  d'un  ancien  préfet  de  la  Vendée  qui,  ayant 
renoncé  à  la  vie  politique  à  l'avènement  du  second 
Empire,  était  devenu  président  de  la  Compagnie 
des  Chemins  de  fer  de  la  Vendée,  et  frère 
du  capitaine  de  vaisseau  marquis  Bonnin  de 
Fraysseix,  dont  le  fils,  lieutenant  d'infanterie  de 
marine,  était  récemment  mis  et  par  deux  fois 
à  l'ordre  de  l'armée  pour  faits  de  guerre,  notre 
regretté  ami  appartenait  à  cette  vieille  mai- 
son de  Bonnin,  présente  à  Fraysseix  dès  le 
XIIe  siècle  et  dont  les  sept  branches  ont  donné 
des  chevaliers  comme  Joubert  et  Thibaut  Bonnin 
de  Messignac,  premiers  écuyers  du  roi  Jean, 
morts  à  Poitiers  et  inhumés  aux  Gordeliers,  des 
généraux  comme  François  Bonnin,  marquis  de 
Chalucet,  beau-frère  du  grand  Condé,  des  évoques 
comme  Louis  Armand  Bonnin,   qui  sauva  Toulon 


BfeH 

22 


TOME   XII. 


JUILLET,    AOUT,    SEPTEMBRE. 


30S  ALEXANDRE    BONNIN    DE   FRAYSSE1X 

et  la  Provence,  en  dépit  de  l'abandon  de  Louis  XIV,  contre 
les  armées  du  duc  de  Savoie. 

Fidèle  à  sa  race,  Alexandre  Bonnin  servit  pendant  la 
guerre,  comme  engage  volontaire,  refusant  un  grade  d'officier 
par  un  sentiment  de  délicatesse  qui  fut  rare  à  cette  époque. 
L'amiral  Pothuau  insista,  mais  ne  put  vaincre  la  résistance 
de  ce  soldat  improvisé,  qui  ne  se  croyait  pas  le  droit  de  com- 
mander aux  autres  sans  avoir  l'instruction  militaire  indispen- 
sable. Possédant  au  plus  haut  degré  le  culte  du  devoir,  il 
estimait,  du  reste,  que  le  grade  n'ajoute  rien  à  l'honneur  de 
servir  sa  patrie  et  qu'un  gentilhomme  est  toujours  en  bonne 
place  dès  qu'il  combat  pour  elle  à  quelque  rang  que 
ce  soit. 

Après  avoir  achevé  ses  études  au  Lycée  Saint-Louis,  à  Paris, 
Alexandre  Bonnin  entra  comme  attaché  au  Ministère  des 
Finances,  où  il  se  lia  avec  M.  de  Longraire  d'une  amitié 
étroite  qui  ne  finit  qu'avec  la  vie  de  son  compagnon  déchaîne. 
C'était  en  effet,  de  véritables  galères  pour  Alexandre  que  l'as- 
sujettissement au  fastidieux  travail  de  chiffres  qui  lui  était 
imposé.  Les  deux  amis,  éprisd'un  tout  autre  idéal,  trouvaient 
heureusement  le  moyen  de  tromper  les  longues  heures  de 
bureau.  Et,  tandis  que  M.  de  Longraire  s'abandonnait  à  ses 
romantiques  méditations,  Alexandre  Bonnin,  qui  possédait 
déjà  avec  un  prodigieux  talent  d'observation,  une  étonnante 
facilité  de  crayon,  dessinait  d'heureuses  charges  dont  le  per- 
sonnel du  bureau  faisait  naturellement  les  frais. 

L'influence  presque  magnétique,  qu'exerçait  sur  quiconque 
l'approchaitle  singulier  mais  si  supérieur  personnage  qu'était 
M.  de  Longraire,  ne  fut  point  sans  influence  sur  l'esprit  d'A- 
lexandre Bonnin,  qui,  un  beau  jour,  s'éprit  lui-même  d'en- 
thousiasme pour  le  romantisme. 

Victor  Hugo  était  alors  à  l'apogée  delà  popularité.  Quoique  sa 
tête  perçât  la  nue  et  que  ses  pieds  touchassent  à  peine  la  terre, 
le  grand  homme  n'était  pas  pour  cela  dégagé  des  intérêts 
terrestres.  11  soignait  sa  publicité  et  prodiguait  des  lettres  de 


ALEXANDRE    BONMN    DE   FHAYSSE1X  309 

remercîments  aux  thuriféraires  dont  l'encens  flattait  son 
orgueil  et  les  réclames  grossissaient  ses  droits  d'auteur 

Alexandre  Bonnin.  venait  d'entrer,  comme  secrétaire  de 
M.  le  Vu  Arthur  de  la  Guéronnière.au  journal  la  France.  Avec 
cette  bonne  foi,  cette  indépendance  et  cet  enthousiasme  qui 
l'ont  toujours  caractérisé,  il  publia  sur  la  nouvelle  œuvre 
de  Victor  Hugo  un  article  dityrambique  signé  de  son  nom. 
Publier  dans  le  journal  de  Y  Empire  libéral  un  tel  éloge  de 
l'auteur  des  Châtiments  était  un  trait  de  courage,  presque 
d'audace. 

Attentif  à  tout  ce  qui  s'écrivait  sur  lui,  Victor  Hugo  lut 
l'article,  et  aussitôt,  du  haut  du  rocher  qui  lui  servait  de  pié- 
destal, lança  à  Alexandre  Bonnin  une  lettre  de  remerciements 
en  prose  hyperbolique. 

Alexandre  fut  comblé  de  joie  à  la  réception  de  cette 
missive,  mais  son  enthousiasme  fut  de  courte  durée,  quand 
il  apprit  peu  après  que  le  maître  en  avait  écrit  à  la  même 
occasion  quelques  milliers  d'autres  de  semblable  facture. 

Le  goût  d'Alexandre  Bonnin  pour  la  littérature  romantique 
ne  fut,  du  reste,  jamais  exclusif.  11  avait  le  sens  trop  droit, 
l'esprit  trop  délicat,  pour  ne  pas  sentir  que  le  ridicule  y  cou- 
doie le  sublime.  Il  aimait  avec  une  passion  autrement  sincère 
le  vrai  et  le  naturel.  Aussi  fut-il  un  irréconciliable  adversaire 
du  plus  moderne  décadentisme. 

La  grande  musique  ne  le  captivait  pas.  Mais,  ce  qu'il  aimait 
par  dessus  tout,  c'était  la  peinture  et  la  sculpture. 

Passionné  de  Géricault  et  de  Delacroix,  il  n'admirait  pas 
moins  David  et  Ingres.  L'apparition  de  l'École  réaliste,  avec 
Y  Olympia  de  Manet,  ne  provoqua  pas  chez  lui  la  révolte  que 
souleva  l'exposition  de  cette  toile  aux  Champs-Elysées.  Il  y  vit 
comme  une  revanche  de  l'esprit  d'originalité  sur  la  platitude 
des  œuvres  des  représentants  d'alors  de  l'esprit  classique. 

A  ce  moment,  il  faisait  à  la  France  le  Salon,  qu'il  continua 
ensuite  à  la  Presse.  Sa  critique,  faite  avec  compétence,  indé- 
pendance et  sans  parti  pris,  était  très  appréciée.  Sa  profonde 


310  ALEXANDRE   BONNIN    DE   FRAYSSEIX 

connaissance  du  métier, son  coupd'œil  pénétrant,  son  goût  sûr, 
sa  sincérité  parfaite  en  faisaient  un  juge  impartial  et  autorisé. 
Même  à  la  distance  où  nous  sommes  —  un  quart  de  siècle  — 
de  l'époque  à  laquelle  il  écrivait,  la  lecture  de  ses  Salons  serait 
attrayante  par  la  chaleur  et  la  précision  du  style,  et  instructive 
par  la  sûreté  des  jugements  que  la  postérité  a  confirmés.  Il 
avait  réuni,  peu  de  temps  avant  sa  mort,  en  un  volume  du 
format  de  ces  journaux,  les  différents  articles  de  critique  d'art 
publiés  par  lui  dans  la  France  et  la  Presse. 

Entre  tous  les  artistes  —  ses  contemporains  —  et  au-dessus 
de  tous,  il  admirait  son  illustre  compatriote  Paul  Baudry.  Il 
tenaitde  même  en  haute  estime  le  talent  du  paysagiste  Lansyer, 
du  sculpteur  Guitton  et  du  maître  graveur  0.  de  Rochebrune, 
et  les  lecteurs  de  cette  Revue  n'ont  point  perdu  le  souvenir 
des  exquises  pages  qu'il  consacra  à  chacun  d'eux. 

Il  avait  naguère  fondé  avec  Edouard  Drumont,  qui  l'affec- 
tionnait profondément,  un  journal  d'art  intitulé  Paris- Artiste, 
avec  comme  sous-titre  «  Chronique  des  Arts  et  de  la  Curiosité  ; 
mais  cette  publication,  qu'il  menait  de  front  avec  le  secrétariat 
de  la  rédaction  de  la  France,  n'eut  qu'une  existence  éphémère. 
Il  collabora  avec  un  égal  talent  à  Y  Art,  à  la  Gazette  des  Beaux- 
Arts,  hVEstampe,  et  allait  être  nommé  inspecteur  des  Beaux- 
Arts,  quand  la  guerre  éclata. 

Il  subit  avec  courage  les  terribles  épreuves  du  siège  de 
Paris,  qui  lui  prirent  sa  santé  pour  toujours.  Une  congélation 
«les  deux  jambes  le  mit  à  deux  doigts  de  la  mort.  Il  en  guérit 
mais  un  trouble  profond  de  la  circulation  en  fut  le  résultat,  et 
sa  vie  ne  fut  plus  depuis  qu'une  longue  série  de  luttes  et  de 
souffrances  contre  un  mal  qui  avait  son  siège  au  cœur  et 
qu'aucun  traitement  ne  put  enrayer. 

Il  n'en  continua  pas  moins  pendant  quelques  années  encore 
son  labeur  quotidien  dans  la  presse.  Mais  un  temps  vint  où 
la  maladie.,  plus  forteencore  que  son  énergie  qui  était  grande, 
l'obligea  à  interrompre  tout  travail. 

C'est  alors  qu'il  rentra  dans  Fontenay-le-Gomte,   sa  ville 


ALEXANDRE    BONNIN    DK    FRAYSSE1X  311 

natale,  la  ville  de  sa  famille  maternelle,  que  les  Brisson  ha- 
bitent depuis  des  siècles,  et  où  Madame  Pichard  de  la  Blan- 
chère,  sa  tante,  sa  seconde  mère,  l'entoura  de  la  plus  affec- 
tueuse sollicitude. 

Ce  fut  cette  femme  de  cœur  qui  le  fixa  désormais  parmi  nous. 
Il  y  vécut  plus  de  vingt  ans  après  elle,  entouré  de  l'affection 
des  uns,  de  l'amitié  des  autres,  et  de  l'estime  de  tous;  et  c'est 
dans  cette  retraite  féconde,  égayée  par  l'incessant  commerce 
d'amis  intimesetdévoués,  qu'il  produisit, malgré  tant  d'assauts 
répétés  que  subissait  sa  santé,  ses  plus  belles  œuvres  littérai- 
res et  artistiques. 

Doué  d'une  intelligence  supérieure,  il  s'essaya  avec  bonheur 
dans  tous  les  genres  et  cultiva  avec  un  égal  succès  l'Art  dra- 
matique et  les  Muses.  Il  laisse  notamment  deux  volumes 
manuscrits  de  poésies,  dont  quelques-unes,  très  goûtées,  ont 
paru  ici  même,  et  plusieurs  pièces  de  théâtre,  dont  deux  ont 
été  publiées,  et  ont  valu  à  leur  auteur  de  mérités  éloges  :  Un 
Drame  pendant  la  guerre,  et  la  Fin  d'un  parti. 

De  son  œuvre  peinte,  autrement  considérable, et  où  l'on  re- 
trouve, parmi  combien  d'autres  qualités,  cette  probité  scrupu- 
leuse qui  était  le  fond  du  caractère  éminemment  honnête 
d'Alexandre  Bonnin,  nous  ne  saurions  essayer  de  donner  ici 
la  nomenclature.  Parmi  les  meilleurs  et  les  plus  importants 
de  ses  tableaux,  nous  citerons  cependant,  du  côté  religieux  : 
Une  apparition  de  Jésus-Christ,  donné  au  couvent  des  Capucins 
de  Fontenay  ;  Une  apparition  de  la  Vierge,  offerte  à  la  chapelle 
de  l'Hospice  de  Fontenay,  et  une  Prédication  du  P.  de  Monfort, 
dont  il  modela  également  le  médaillon.  Du  côté  profane,  il 
faut  mentionner  plusieurs  portraits,  d'une  réelle  valeur,  entre 
autre  celui  de  son  frère,  en  grand  uniforme,  et  ceux  de  MM. 
0.  de  Rochebrune  et  de  Verteuil,  le  dernier  qui  soit  sorti 
achevé  de  son  pinceau  ;  plusieurs  vues  du  Clocher  de  Notre- 
Dame  de  Fontenay,  dont  l'une  a  été  donnée  en  son  nom  à  la  ville 
de  Fontenav  ;  Une  descente  de  Justice,  offerte  au  Musée  de  la 
Roche-sur- Yon  ;  La  leçon  du  chien,  Les  Vendanges,  Le  fauteuil 


312  ALEXANDRE    BONNIN    DE    FRAYSSEIX 

de  Grand' mère  ;  et  de  nombreuses  paysanneries  empreintes 
de  charme  et  d'idéal,  parmi  lesquelles  :  Une  Noce  vendéenne, 
Le  Retour  de  la  foire  de  Fontenay,  Une  Bergcrette,  La  Toilette 
de  la  mariée,  etc.,  qui  feront  gracieusement  revivre  dans  les 
âges  futurs  aux  yeux  de  nos  arrière  neveux  étonnés  les  pit- 
toresques images  d'un  passé  disparu. 

Son  œuvre  artistique  se  complète  d'une  délicieuse  série 
d'aquarelles,  de  plusieurs  jolis  fusains  et  pastels,  et  de  quel- 
ques médaillons  aussi,  parmi  lesquels  celui  qu'il  exécuta  de 
lui-même  en  1893,  et  dont  nous  avens  placé  une  fidèle  repro- 
duction en  tête  de  ces  pages. 

A  l'éclat  du  style  et  à  l'habileté  du  pinceau,  Alexandre  Bon- 
nin  joignait  l'incomparable  charme  d'une  conversation,  où  se 
dépensaient  à  l'envi  les  trésors  de  son  intelligence  et  de  son 
cœur.  L'amitié  fut,  du  reste,  un  des  plus  grands  plaisirs  de  sa 
vie,  et  nul  ne  la  pratiqua  avec  plus  de  délicatesse  et  de  grâce. 
Il  y  avait  en  lui  une  force  d'attraction  singulière,  qui  tenait 
sans  doute  à  ce  qu'il  savait  donner  beaucoup  de  lui-même  sans 
rien  demander  en  échange.  Loyal  comme  un  gentilhomme 
des  temps  de  la  chevalerie,  il  exigeait,  par  exemple,  dans  les 
relations  la  plus  parfaite  franchise  et  s'indignait  d'un  procédé 
louche  ou  mesquin. 

Impossible,  au  reste,  de  rapprocher  sans  éprouver  cette 
générosité  d'esprit  et  de  cœur  qui  lui  avait  conquis  à  Fonte- 
nay comme  à  Paris  d'universelles  et  si  profondes  sympathies. 
Que  ne  s'est-il  rencontré  parmi  ceux  qui  aimaient  à  l'écouter 
et  à  l'entendre,  quelqu'un  pour  nous  conserver,  sinon  la 
voix,  du  moins  le  sens  exact,  précieux  de  ces  bonnes  et  lon- 
gues causeries,  où  à  travers  les  aériennes  fumées  des  ciga- 
rettes, il  se  plaisait  à  allier  avec  une  égale  droiture  de  juge- 
ment la  grave  discussion  des  problèmes  politiques  ou  sociaux, 
aux  plus  calmes  soucis  de  l'esthétique  littéraire  ? 

Retenu  par  ses  infirmités  dans  ce  château  de  Fontenay, 
témoin  de  son  incessant  labeur,  au  milieu  de  ce  parc,  dont 
son  pinceau  aimait  à  reproduire  la  grandiose  beauté,  et  qui 


ALEXANDRE    BONNIN    DE    FHAYSSKIX  'M'A 

restera  le  cadre  merveilleux  où  vivra  sa  mémoire,  il  s'y  est 
éteint  subitement,  comme  si  l'ange  de  la  mort  l'eût  emporté 
sans  refermer  ses  ailes.  Mais  son  âme  était  déjà  au  ciel  par 
la  contemplation  des  choses  qui  sont  éternelles,  et  l'enveloppe 
humaine  si  grande  et  si  élégante,  à  peine  atteinte  par  la 
souffrance  et  les  années  qui  en  avaient  respecté  la  forme 
vigoureuse,  héritage  des  chevaliers  de  la  famille,  était  prête 
depuis  longtemps  aussi  pour  le  suprême  voyage1. 

René  Vallette. 

SES    OBSÈQUES 

Les  obsèques  d'Alexandre  Bonnin  ont  eu  lieu  le  21  juillet  à  l'église 
Notre-Dame  de  Fontenay,  au  milieu  d'une  assistance  émue,  d'admi- 
rateurs et  d'amis. 

Les  cordons  du  poêle  étaient  tenus  par  MM.  Dupré-Carré,  président 
du  tribunal,  Arthur  de  la  Voûte,  Edgar  Baron  et  René  Vallette. 

En  l'absence  du  capitaine  de  vaisseau  Marquis  Bonnin  de  Frays- 
seix,  frère  du  défunt,  que  la  triste  nouvelle  ne  put  joindre  à  temps 
au  fond  des  glaciers  de  la  Norwège,  le  deuil  était  conduit  par 
M.  Albert  Bonnin  de  Fraysseix,  ancien  magistrat, et  M.  Ernest  Brisson, 
juge  au  tribunal  civil  de  Fontenay,  ses  cousins  et  plus  affectionnés 
amis. 

Parmi  les  couronnes  déposées  sur  le  cercueil,  on  remarquait  celles 
offertes  par  V Union  fraternelle  des  Anciens  Combattants  de  i 870, 
dont  Alexandre  Bonnin  faisait  partie,  et  par  la  Revue  du  Bas-Poitou 
qui  comptait  en  lui  un  fidèle  et  précieux  collaborateur. 

Au  cimetière,  M.  René  Vallette  a  prononcé  sur  la  tombe  ces  paroles 
émues  où  tout  son  cœur  apparaît  dans  la  profonde  affection  qu'il 
portait  à  l'ami  disparu  : 

Mesdames,  Messieurs, 

»  Sous  le  coup  de  i 'émotion  profonde  qu'a  jetée  en  mon  âme  la  sou- 
daineté de  sa  mort,  je  n'essaierai  point  de  retracer  ici  les  mérites 
du  lettré  délicat,  de  l'artiste  éminent,  du  vaillant  patriote  etdu  croyant 
fidèle  que  fut  tout  à  la  fois  Alexandre  Bonnin  de  Fraysseix. 

1  Nous  devons  à  MM.  Etienne  et  Albert  Bonnin  de  Fraysseix  une  particu- 
lière gratitude  pour  les  précieuses  notes  qu'ils  ont  bien  voulu  nous  fournir 
et  qui  nous  ont  permis  de  rendre  un  plus  complet  hommage  à  la  mémoire 
de  celui  dont  nous  déplorons  si  vivement  la  perte.  N.  D.  L.  R. 


314  ALEXANDRIE    BONNIN    pE    FRAYSSEIX 

L'heure  viendra  où,  la  première  douleur  apaisée,  il  me  sera  plus 
facile  de  rappeler,  comme  il  convient,  la  perte  sensible  que  cette  dis- 
parition prématurée  va  doublement  causer  au  monde  des  Lettres  et 
des  Arts.  Mais  ce  que  je  ne  saurais  remettre  à  demain,  c'est  l'expres- 
sion des  regrets  immenses  qu'inspire  à  mon  cœur  d'ami  la  mort 
de  celui  qui  fut  pour  moi  plus  qu'un  collaborateur,  l'aîné  véritable 
de  mon  œuvre. 

Alexandre  Bonnin  n'était  pas  seulement  l'être  si  remarquablement 
doué  qu'on  se  plaisait  à  admirer  dans  les  diverses  manifestations  de 
son  multiple  et  si  affiné  talent  de  lettré  et  d'artiste.  C'était  par-dessus 
tout  une  nature  éminemment  supérieure,  par  le  loyalisme  du  carac- 
tère et  par  la  haute  courtoisie  des  relations  autant  que  par  l'affabi- 
lité du  cœur  et  la  parfaite  élévation  de  la  pensée. 

Tant  de  charmes  en  avaient  fait  un  véritable  conquérant  d'âmes, 
et  on  n'en  saurait  douter  en  voyant  les  larmes  sincères  que  sa  mort 
si  subite  a  mises  aux  yeux  de  tous  ceux  qui  ont  eu  une  part  de  son 
intimité. 

La  tombe  qui  va  se  fermer  sur  lui  ne  nous  le  ravira  pas,  du  moins 
tout  entier.  Son  œuvre  puissamment  variée  nous  reste,  irrécusable 
témoin  d'une  existence  laborieusement  remplie  et,  grâce  à  l'habileté 
d'un  ciseau  ami,  sa  belle  et  riante  image  se  dressera  bientôt,  nous 
en  avons  le  ferme  espoir,  dans  le  superbe  encadrement  de  ce  parc 
qui  eut  les  dernières  confidences  de  sa  pensée,  pour  redire  au  passant 
épris  de  souvenirs  émus  tout  ce  qu'il  y  avait  de  suprêmement  délicat, 
de  particulièrement  inoubliable  dans  cette  âme  de  poète  et  dans  ce 
cœur  d'ami,  dont  les  hommes  garderont  pieusement  la  mémoire  et 
dont  Dieu  a  déjà  couronné  les  actions.  » 

Par  testament,  Alexandre  Bonnin  a  fait  don  de  trois  de  ses 
meilleurs  tableaux  aux  villes  de  Fontenay  et  de  la  Roche-sur-Yon 
et  à  sa  fidèle  et  dévouée  servante.  11  a  de  même  légué  une  de 
ses  plus  jolies  aquarelles  à  chacun  de  ses  plus  intimes  amis, 
MM.  Brisson,  Vallette,  de  Cintré,  de  Vorys,  Drumont,  Chincholle, 
d'Assailly,  de  la  Voûte,  Dupré-Carré,  Baron,  Aude  et  Mangou. 


F  .A  GRANDE  FONTAINE  DE  FONTENAY 
Depuis  su  restauration. 


LA   RESTAURATION 


DE    LA 


GRANDE    FONTAINE 

DE     FONTENAY 


RAPPORT  DE  M.  O.  DE  ROCHEBRUNE 
Au  Conseil  municipal  de    Fontenay-le-Comte . 

Messieurs, 

Dans  sa  séance  du  16  mai  1898,  le  Conseil  municipal  de  la 
ville  de  Fontenay-le-Comte  votait  la  restauration  de  la 
Grande  Fontaine.  Cette  décision  prise  à  l'unanimité 
des  membres  présents  était  l'expression  d'une  noble  et  tou- 
chante pensée  :  celle  d'honorer  et  d'assurer  en  mAme  temps 
la  conservation  d'un  édifice,  qui  est  pour  ainsi  dire  le  Livre 
d'or  de  la  cité  ;  car  plusieurs  de  nos  illustres  ancêtres  ont 
leurs  noms  et  leurs  armoiries  inscrits  et  ciselés  sur  cette 
gracieuse  construction  élevée  en  1542  par  l'architecte  Liénard 
de  la  Réau.  Dans  la  séance  du  25  mai  même  année,  le  Conseil 
a  bien  voulu  me  charger  de  la  direction  de  ces  travaux  :  ils 
sont  aujourd'hui  à  peu  près  terminés,  et  je  viens  de  rendre 
compte  à  l'assemblée  municipale  de  la  façon  dont  ils  ont  été 
conduits  afin  de  restituer  au  monument  son  intégrité  première, 
tout  en  conservant  à  la  partie  sculpturale,  presqu'entièremen 
disparue  en  1793,  le  style  et  le  caractère  propre  à  chacune  des 
époques  où  ces  sculptures  avaient  été  exécutées. 
Il  existe  à  la  bibliothèque  de  la  ville  de  Poitiers  dans  les 


310  l,A    HKSTAURATION 

nombreux  manuscrits  de  dom  Fonteneau  un  dessin  au  trait 
indiquant  avec  assez  de  précision  les  blasons  placés  dans  le 
fronton,  au-dessus  du  grand  cintre  anse  de  panier,  à  droite  et 
à  gauche  des  armes  de  la  ville,  et  dans  les  écussons  des  deux 
arcatures  plein  cintre  :  ainsi  que  les  diverses  inscriptions 
constatant  les  réparations  antérieures. 

M.  B.  Fillon  avait  pu  me  procurer  un  fac-similé  de  ce  dessin, 
d'après  lequel  j'avais  gravé  en  février  1861,  la  petite  planche 
publiée  dans  Poitou  et  Vendée.  C'est  d'après  cette  gravure 
qu'ont  été  rétablis,  tous  les  cartouches  et  armoiries  des  prin- 
cipaux maires  qui  se  sont  succédés  depuis  le  XVIe  siècle  jus- 
qu'à la  fin  du  XVIIIe.  Le  fronton  triangulaire  est  occupé  en 
entier  par  l'écusson  de  France  accosté  à  droite  et  à  gauche  de 
deux  salamandres,  emblèmes  du  roi  François  Ier  qui  avait 
accordé  à  la  ville  comme  armoiries  la  fontaine  symbolique 
cantonnée  de  deux  licornes,  et  la  glorieuse  devise  composée 
par  Rabelais  —  Fontanacum  felicium  ingeniorum  fons  et 
scaturigo.—  En  dessous, dans  la  frise  des  triglyph.es, ce  sont  les 
armes  de  Savary  de  Calais,  a  droite  celles  de  Jean-François 
du  Temps,  à  gauche  celles  de  Jolly  de  Saint  Pic,  puis  en  des- 
sous de  la  grande  arcade,  dans  les  compartiments  encadrés 
par  des  colonnes  ioniques  cannelées,  au  centre  le  blason  de  la 
ville  sous  la  forme  d'un  élégant  édicule  à  huit  pans  avec  co- 
lonnes corinthiennes  aux  angles,  chaque  face  creusée  d'une 
niche  ornée  de  statuettes,  au-dessus  frise,  entablement  et  cou- 
pole surmontée  d'un  lanterneau  contenant  une  cloche,  pour 
symboliser  sans  doute  le  beffroi  municipal.  Ce  joli  monument 
émerge  d'un  grand  bassin  octogonal  rempli  de  l'eau  de  la 
source  que  deux  licornes  purifient  en  y  plongeant  leurs  cor- 
nes en  hélices.  Ce  charmant  bas-relief  est  complété  par  un 
fond  de  paysage  où  l'on  distingue  à  gauche  sur  un  coteau 
élevé,  un  moulin  à  vent  vers  lequel  s'achemine  le  meunier 
suivi  sans  doute  de  la  meunière  portant  sur  l'épaule  suspen- 
dus à  une  courge  deux  sceaux  qu'elle  vient  de  remplir  à  la 
fontaine.  Nous  ne  sommes   pas  surpris   que    le    sculpteur 


DE   LA    GHANHE    FONTAINE    DB    FONTENAY  317 

du  XVI8  siècle  ait  eu  l'idée  de  reproduire  une  de  ces  singu- 
lières constructions  ;  c'était  un  aspect  caractéristique  de  l'ho- 
rison  fontenaisien.  Je  n'ai  point  oublié  d'en  avoir  vu  dans  mon 
enfance  plus  decinqunnte  agiter  leurs  grands  bras  tout  autour 
de  notre  cité.  Que  devait-cedonc  être  il  y  a  près  de  quatre  siè- 
cles? Le  coteau  de  droite  est  surmonté  d'unegentilh  mimière  à 
deux  façades  en  retour  d'équerre  avec  tour  dans  l'angle,  ce  qui 
ferait  songer  à  l'hôtel  de  la  Rochefoucault  construit  bien  près 
delà.  Ce  panneau  central  subsistait  seul,  mais  si  on  l'avait 
respecté  lors  de  la  destruction  des  emblèmes  féodaux, il  n'avait 
pas  trouvé  grâce  devant  la  rage  destructive  des  enfants  de  la 
rue  :  toute  la  fontaine  et  les  deux  licornes  avaient  été  brisées 
à  coup  de  pierres  ;  il  a  fallu  les  rétablir  d'après  un  moulage 
relevé  avec  soin  sur  nature  ;  mais  nous  avons  pu  conserver 
les  parties  anciennes  du  bas-relief  où  se  trouvent  le  moulin  à 
vent,  et  le  petit  manoir  avec  les  arbres  qui  l'ombragent. 

Les  écussons  des  Fouschier,  Gallier,  Châsteau  et  Gollin, 
inscrits  dans  une  riche  couronne  de  fruits  sertie  de  bande- 
rolles,  accompagnent  à  droite  et  à  gauche  les  armes  de  la 
ville:  celui  de  Tiraqueau  est  sculpté  dans  l'écusson  central 
des  deux  archivoltes  plein  cintre.  Dans  le  tympan  de  ces  deux 
cintres  nous  avons  placé  un  motif  qui  entoure  les  ouvertures 
formant  prise  d'air  afin  de  donner  plus  d'harmonie  à  tout 
l'ensemble  décoratif. 

Les  inscriptions  de  droite  et  de  gauche  placées  sous  le 
plafond  ont  été  entourées  de  cartouches  dans  le  style  du 
XVIe  siècle. 

La  porte  qui  donne  entrée  sous  la  belle  voûte  en  cul  de  four, 
recouvrant  les  sources  qui  jaillissent  du  rocher,  a  été  comme 
jadis  surmontée  d'un  cartouche  Renaissance  avec  inscription 
rappelant  la  date  de  cette  dernière  restauration  :  la  porte  telle- 
même  a  été  refaite  dans  la  donnée  du  monument.  En  face  de 
cette  porte  on  a  encastré  dans  le  mur  une  grande  plaque  en 
pierre  ornée  d'un  encadrement  mouluré,  où  se  trouvent  men- 
tionnées les  réparations  précédentes  ;  enfin  les  rondelles  où 


318  LA    RESTAURATION 

sont  fixés  les  robinets  ont  été  complètement  refaites  sur  le 
modèle  des  anciennes  qui  ne  pouvaient  se  réparer,  ainsi  que 
le  vase  avec  fruits  placé  au  sommet  du  fronton,  et  dont  il  ne 
restait  plus  que  le  pied.  Tout  ce  travail  a  été  exécuté  en  pierre 
choisie  de  Mérité  et  de  la  Gajonnière,  matériaux  similaires 
à  ceux  employés  par  les  premiers  constructeurs  et  très  résis- 
tants à  l'action  de  la  gelée.  Mais  pour  ceux  qui  connaissent 
l'inégalité  et  la  maigreur  du  grain  de  cette  pierre  et  les  che- 
nards  dont  elle  est  parsemée,  on  ne  saurait  trop  louer  l'habi- 
leté et  la  persévérance  dont  ont  fait  preuve  les  sculpteurs  et 
les  tailleurs  de  pierre  qui  ont  eu  à  prendre  et  à  refaire  com- 
plètement les  délicates  moulures  qui  décorent  frises,  archi- 
voltes, architraves,  astragales  et  chapiteaux.  La  part  du  scul- 
pteur a  été  à  coup  sûr  la  plus  artistique  et  la  plus  laborieuse, 
son  travail  tout  entier  est  remarquable  ;  mais  je  signalerai 
particulièrement  à  l'attention  de  nos  collègues  le  tympan  du 
fronton  occupé  par  l'écu  de  France  et  les  deux  salamandres 
d'un  modelé  on  ne  peut  plus  réussi,  le  cartel  où  se  trouve 
l'inscription  —  Fontatiacum,  —  les  cartouches  à  droite  et  à 
gauche  des  armes  de  la  ville,  l'écusson  de  Tiraqueau,  et  sur- 
tout le  grand  motif  sur  la  porte  fouillé  de  main  de  maître.  Ma 
tâche  s'est  donc  trouvée  bien  simplifiée  par  l'habileté  des 
exécutants  qui  savaient  si  bien  traduire  les  dessins  grandeur 
nature  que  je  leur  livrais. 

Je  signale  tout  particulièrement  aux  éloges  de  l'assem- 
blée municipale  les  noms  de  MM.  Abel  Blanchard,  sculp- 
teur, Léon  Henri,  patron,  Joseph  Bouchereau  etElie  Soulisse, 
ouvriers,  Faucher,  menuisier. 

Je  ne  saurais  non  plus  passer  sous  silence  le  précieux  con- 
cours et  les  indications  utiles  qui  m'ont  été  fournies  par  mon- 
sieur A.  Gharier,  maire,  et  l'intelligente  surveillance  de 
M.  Filuzeau,  architecte  de  la  ville. 

Terre-Neuve,  27  mars  1899. 

0.    DE    ROCHEBRUNB 


DE    LA    GRANDE    FONTAINE    DE    FONTENAY  319 

P.  S.  —  Comme  complément  nécessaire  à  cet  intéressant 
rapport,  nous  reproduisons  fidèlement  ci-après,  pour  les  épi- 
graphistes  de  l'avenir,  les  diverses  inscriptions  gravées  sur 
le  précieux  monument  restauré. 


Au  Frontispice. 


FONTANAC  VM- FEL1CIVM- 1NGF:NI0RVM 
FONS-ET-SCATVRIGO-  1542, 


Sous  la  voûte. 

A  droite. 


JEHAN  -  CH  ASTEAV  -  M  AYRE 

1579 

JOHANES-BESLYVS-REGIVS-ADVOCATVS 

MAIOR-M-D-C-X-X. 


ANNO-M-D-CC-XXXII. 

CVRA-IOHANNIS-FRANCISCI- 

HVJVS-VRBIS-MAJORIS- 

ILLE-FONS-INSTAVRATVS 


ANNO-DOMIN1-MILLESIMO 

SEPTINGENTESIMO-TRICESIMO- 

SEPTIMO-EX-MADATO-D-D. 

MAJORIS-VRBIS-PERPETVI  ■  HIS-BONIS 

INSIGNIBVS-FVIT-DECORATVS-1LLE-FONS 


mnwMWMmwn 


HIC-SEDARE-SITIM-CIVES- 

NE-SPERNITE-MANANT- 

CORPORIS-INDE-SALUS- 

INCENII-QVE-SALES- 

M.  SAVARY-PROCVREVR-DV-ROY 

MAIRE-  ANNEE-M.D.C.C.LIX. 


320  LA  KEST.   DE  LA  GRANDE  FONTAINE  DE  FONTENAY 

A  gauche. 


NICOLAS -RAPIN,   MAYRE 

1570 

J  ACQVES    DV  -  BOVLA Y  -  MAYRE 

DE  L'ANNEE  -  1578 


RESTAUREE  SVIVANT 

DELIBERATION   MVNICIPALE 

DV  16  MAI   1898 


N.  D.  L.  R. 


LE  CLERGE  DE  LA  VENDEE 

PENDANT   LA    REVOLUTION 
(Suite1) 


LE   BOURG-SOUS-LA-ROCHE 

BLANCHARD  (Louis-Joseph;  curé. 

JAGUENEAU  (P.)  vicaire. 

DOUSSIN  DE  VOYER,  desservant  pendant  la  Révolution. 

M.  Blanchard  fut  nommé  curé  du  Bourg-sous-la-Roche  en 
1781,  en  remplacement  de  M.  Malteste.  11  refusa  de  prêter  le 
serment  constitutionnel,  mais  il  n'abandonna  pas  sa  paroisse. 
Le  mercredi  de  Pâques  1793,  son  vicaire  et  lui  étaient  encore 
au  Bourg,  tête  levée,  comme  l'écrivait  ce  jour-là  la  prieure 
des  Cerisiers  à  la  prieure  des  Bénédictines  des  Sables,  en  an- 
nonçant à  la  fin  de  sa  lettre  «  qu'elle  allait  à  la  messe  chantée 
pour  obtenir  la  paix  ».  — «  Le  bonhomme,  ajoutait-elle,  m'a 
beaucoup  demandé  de  vos  nouvelles,  il  me  disait  une  fois  : 
Faudrait  qu'elle  viendrait  faire  ses  Pâques  ici.  » 

M.  Blanchard  et  M.  Jagueneau  continuèrent  à  desservir  le 
Bourg  jusqu'à  la  fin  du  mois  d'août  1793;  le  dernier  acte  de 
leur  main  sur  les  registres  paroissiaux  est  du  20  de  ce  mois, 
«  en  vertu  des  pouvoirs  extraordinaires  accordés  à   tous  les 

1  Voir  la  2ma  livraison  1899. 


322  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

prêtres  fidèles  par  M.  de  Mercy,  évêquc  de  Luçon,  pendant 
la  persécution  de  l'Eglise  de  France.  » 

Lorsque  Charette  se  fut  emparé  de  Noirmoutier  le  30  sep- 
tembre 1793,  il  délivra,  sur  leur  demande,  à  dix-huit  ecclésias- 
tiques, des£permis  pour  aller  dans  cette  île  se  reposer  des 
fatigues  de  la  guerre,  et  pour  être  moins  exposés  aux  dangers 
des  combats.  L'abbé  Remaud  énonce  le  fait  dans  ses  Mémoires 
inédits  :  «  Le  général  et  moi,  nous  gémissions  du  parti  qu'a- 
vaient pris  un  aussi  grand  nombre  de  prêtres  ;  nous  étions 
loin  de  regarder  comme  une  retraite  assurée  une  île  que  l'en- 
nemi pouvait  attaquer  par  mer  et  par  terre  avec  des  forces 
redoutables;  mais  on  ne  pouvait  pas  raisonnablement  refuser 
à  des  ecclésiatiques  âgés,  la  plupart  infirmes,  un  lieu  qu'ils 
regardaient  comme  celui  du  repos. 

«  Nos  pressentiments  ne  se  sont  que  trop  réalisés.  L'île  de 
Noirmoutier  fut  reprise  le  lor  janvier  1794  pour  les  troupes  de 
la  République.  Toute  la  garnison  fut  massacrée  et  on  vit 
périr  sur  la  place  publiquede  Noirmoutier  les  dix-huit  prêtres 
de  notre  diocèse  qui  avaient  été  chercher  un  moment  de  tran- 
quillité et  qui  ne  trouvèrent  que  la  mort.  » 

Sur  la  liste  administrative  des  victimes  envoyée  à  la 
«  Société  populaire  »  des  Sables,  figure,  sous  leN°26,  Louis- 
Joseph  Blanchard,  curé  du  Bourg-sous-la-Roche.  La  copie  est 
de  la  main  de  Mercier  du  Rocher. 

L'abbé  Doussin  de  Voyer,  qui  desservait  le  Bourg  en  1795, 
mentionne  son  prédécesseur  en  ces  termes,  dans  un  acte  de 
mariage  :  «  Le  pasteur  de  cette  paroisse  a  été  martyrisé  pour 
la  religion  ».  M.  Blanchard  n'en  avait  pas  moins  été  inscrit 
sur  la  liste  des  émigrés  de  la  Vendée  du  1er  fructidor  an  II, 
et  ses  biens,  situés  communes  de  Saint-Jean  de  la  Chaise  et 
de  la  Ferrière,  avaient  été  confisqués. 

Sur  la  liste  des  victimes  de  la  persécution  religieuse  en 
Vendée  que  donne  à  la  fin  de  ses  Mémoires  l'abbé  Remaud, 
ancien  aumônier  de  Charette,  figure  le  vicaire  du  Bourg-sous- 
la-Roche  :  «  M.  Jagueneau,  parent  de  M.  Payraudeau,  curé 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  323 

deSaligny,  mas-sacré  aussi  pétulant  la  Révolution,  et  comme 
lui  natif  des  Brouzils.  » 

MM.  Payraudcau  et  Jaguéneau  s'étaient  réfugiés  avec  les 
femmes,  les  vieillards  et  les  enfants  dans  la  forêt  de  Grala, 
pendant  que  les  hommes  valides  combatlaient  sous  les  ordres 
de  Charette.  Bien  que  cette  retraite  passât  pour  très  sûre,  ils 
furent  surpris  un  jour  par  les  Bleus  et  conduits  auprès  du 
Poiré  où  on  les  massacra.  Une  tradition  locale  rapporte  que 
le  massacre  eut  lieu  sur  la  paroisse  de  Saligny,  dans  un  bas- 
fond  où  coule  le  ruisseau  de  la  Mangeoire,  au  lieu  dit  le 
Pont-Caillou. 

Peu  après  le  départ  de  M.  Blanchard  pour  Noirmoutier, 
la  paroisse  du  Bourg-sous-la-Roche  fut  desservie,  en  môme 
temps  que  plusieurs  autres  paroisses  voisines,  par  M.  Dous- 
sin  de  Voyer,  originaire  de  Saint-Georges-des-Coteaux  (Cha- 
rente-Inférieure), chanoine  régulier  de  Saint-Augustin,  con- 
grégation de  Sainte-Marie  de  la  Chancelade,  et  prieur-curé 
de  Sainte-Marie  en  l'île  de  Ré.  Dès  le  début  de  la  guerre, 
M.  Doussin  avait  rejoint  l'armée  vendéenne,  l'avait  suivie 
au  delà  de  la  Loire,  et  s'était  distingué  par  son  sang-froid  et 
son  courage  en  plus  d'une  occasion.  Dans  ses  Mémoires, 
Mma  de  la  Rochejaquelein  parle  de  lui  comme  d'un  «  des 
ecclésiastiques  les  plus  zélés  de  l'armée,  qui  sauva  une  fois 
la  vie  à  un  grand  nombre  de  prisonniers,  et  qui  arrêta  le 
massacre  par  de  vives  et  éloquentes  protestations  qu'il 
adressa  aux  Vendéens.  Quelques  années  après,  ayant  été 
traduit  devant  un  tribunal  républicain,  il  fut  acquitté  en  sou- 
venir de  cette  action.  » 

A  Dol,  les  Vendéens,  acculés  à  la  mer  par  trois  armées 
républicaines,  furent  saisis  d'une  panique  qui  allait  les  perdre 
tous.  L'abbé  Doussin  monta  sur  un  tertre,  en  élevant  un 
grand  crucifix.  «  C'était  un  homme  d'environ  quarante  ans, 
écrit  Mme  de  La  Rochejaquelein;  il  avait  une  voix  de  stentor; 
il  fit  un  discours  énergique  aux  soldats,  parlant  à  la  fois  en 
prêtre  et  en  militaire,  leur  représenta  qu'eux,  leurs  femmes, 

TOME    XII.    —    JUILLET,    AOUT,    SEPTEMBRE.  23 


324  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

leurs  enfants  périrafent  infailliblement,  si  l'on  ne  courait  au 
combat,  au  lieu  qu'on  pouvait  espérer  de  les  sauver  en  le  réta- 
blissant ;  il  leur  cria  :  «  Mes  enfants,  je  marcherai  à  votre  tête 
avec  la  croix;  que  ceux  qui  veulent  se  battre  se  mettent  à 
genoux,  je  vais  donner  l'absolution  aux  braves  ;  s'ils  tombent, 
ils  iront  en  paradis  ;  mais  pour  les  poltrons  qui  abandonnent 
leur  Dieu,  leur  famille,  point  d'absolution  ;  ils  mourront  éga- 
lement, ils  iront  en  enfer.  »  Plus  de  2000  hommes  se  mirent 
"i  genoux  avec  enthousiasme  ;  l'absolution  fut  donnée  à  haute 
voix,  les  soldats  se  relevèrent  en  s'écriant  :  «  Allons  en 
paradis!  Vive  le  roi!  »  Ils  partirent  pleins  d'ardeur,  le  prêtre 
à  leur  tête,  qui  ne  cessait  de  les  exhorter. 

Quelques  heures  après,  ils  revenaient  victorieux,  l'abbé 
Doussin  les  précédant  toujours,  la  croix  à  la  main,  et  chantant 
le  Vexilla  Régis. 

Au  retour  de  la  fatale  campagne  d'outre-Loire,  dont  il  fut 
un  des  rares  survivants,  l'abbé  Doussin  accepta  de  desservir 
la  paroisse  du  Bourg-sous-La-Roche.  Dès  1792,  il  avait  reçu 
directement  de  Mgr  de  Mercy  des  pouvoirs  de  vicaire  général. 

Arrêté  en  octobre  1794,  il  fut  incarcéré  à  Fontenay,  et  le 
25  novembre,  se  trouva  au  nombre  des  prêtres  restés  au 
couvent  des  Pilles  Notre-Dame,  que  le  Conseil  général  du 
département  fit  transférer  dans  les  bâtiments  de  l'ancien 
collège  des  Jésuites 

Le  registre  de  catholicité  du  Bourg-sous-La-Roche  témoigne 
qu'il  était  de  retour  dans  cette  paroisse  quelques  jours  après. 
Jl  ne  put  toutefois  se  faire  agréer  comme  vicaire  général  par  le 
clergé  vendéen, dont  l'abbé  Remaud  traduit  fidèlement  le  sen- 
timent lorsqu'il  dit  :  «  M.  Doussin  était  un  homme  de  beau- 
coup de  talent,  mais  passablement  intrigant  ». 

Au  Synode  du  Poiré-sur-Vie,  l'année  suivante,  l'assemblée 
protesta  contre  la  prolongation  des  pouvoirs  nominaux  du 
grand  vicaire,  et  invoqua  l'ordonnance  toute  récente  de  M,r  de 
Mercy  portant  que  tous  les  pouvoirs  extraordinaires,  accordés 
depuis  les  troubles,  cessaient  par  le  fait  seul  de  l'arrivée  de 


PENDANT   LA    REVOLUTION  325 

l'un  de   ses   anciens  vicaires   généraux   sur   le   sol   du  dio- 
cèse. 

Les  deux  anciens  vicaires  généraux,  MM.  Brumault  de 
Beauregard  et  Gharette  de  la  Colinière,  qui  présidaient, 
ayant  demandé  que  M.  Doussin  eût  voix  consultative,  on 
n'osa  pas  refuser  par  considération  pour  eux, mais  on  déclara 
qu'on  n'acceptait  plus  son  titre  ni  son  autorité  de  vicaire 
général.  M.  Doussin  se  résigna,  «  non  sans  mécontentement  », 
dit  l'abbé  Remaud. 

Cet  incident  valut  au  prieur  de  Sainte-Marie  de  l'île  de  Ré 
le  surnom  de  Jacques  Synodus,  et  ce  nom  alla  jusqu'à  Ra- 
vennes  d'où  M«r  de  Mercy  écrivait  le  25  juin  1795  à  M.  Pail- 
lou  :  «  J'ai  reçu  une  lettre  de  Montaigu,  datée  du  10  avril,  elle 
est  signée  la  citoienne  Perodeau.  Je  ne  connais  pas  cette  ci- 
toienne ;  c'est  une  écriture  de  femme,  et  je  soupçonne  que 
c'est  celle  de  Mme  Du  Chaffaut  ou  de  la  prieure  des  Cerisiers. 
Elle  écrit  pour  demander  s'il  est  vrai  que  le  citoïen  Synodus 
a  véritablement  la  plénitude  de  mes  pouvoirs,  comme  il 
s'en  vante  sans  pouvoir  le  prouver;  ce  Jacques  Synodus  je  ne 
sais  si  vous  vous  le  rappelez,  était  venu  de  La  Rochelle  chez 
Mme  de  Marmande  dans  le  temps  que  tous  les  prêtres  étaient 
détenus  au  chef-lieu  du  département;  il  m'écrivit  pour  me 
demander  mes  pouvoirs,  et  M""3  de  Marmande  m'en  disait 
beaucoup  de  bien  ;  je  les  lui  accordai  donc.  Il  paraît  qu'on 
en  est  jaloux  ;  j'ai  répondu  que  ce  qu'il  disait  était  vrai,  mais 
que  mon  intention  n'était  pas  qu'il  dominât  personne  et  que 
les  pouvoirs  qu'il  avait  ne  révoquaient  point  ceux  qui  gé- 
néralement avaient  été  donnés  aux  curés  qui  auraient  la 
liberté  d'exercer  ;  qu'au  reste  il  devait  y  avoir  actuellement 
sur  les  lieux  un  de  mes  anciens  régisseurs  généraux,  je  veux 
parler  de  Brumault,  qui  est  chargé  de  mes  instructions  et  qui 
réglera  tout  ;  que  mon  intention  est  que  tout  le  monde  la 
reconnaisse.  Cette  lettre  ajoute  que  «  quand  le  maître 
aura  décidé  sur  la  question  du  citoïen  Synodus  tout  restera 
tranquille  dans  sa  terre  et  chaque  fermier  la  fera  valoir  équi- 


3:26  LE    CLERGÉ    DE   LA    VENDÉE 

tablement  comme  ils  n'ont  cessé  de  le  faire  jusqu'à  ce  jour.  » 
Lettre  du  28  novembre  suivant  :«  Vous  avez  vu  dans  la 
lettre  de  Brumault  que  Jacques  Synodus,  c'est-à-dire  M. 
Doussin,  a  voulu  m'avertir  sur  tout  cela  (la  contestation  de 
ses  pouvoirs  par  le  synode),  quoique  l'article  de  mon 
ordonnance  soit  clair  ». 

Lettre  du  1G  janvier  1706  :  «  Le  Jacques  Synodus  dont  il  a 
été  question  entre  nous  est  bien  celui  qui  était  chez  Mme  de 
Marmande,  et  l'abbé  Brumault  l'a  retrouvé  dans  le  pays. 
Vous  avez  vu  qu'il  m'en  parle  comme  d'un  homme  zélé  mais 
ardent  et  qui  a  trop  présumé  des  pouvoirs  que  je  lui  avais 
donnés,  et  qu'on  a  été  très  jaloux;  mais  j'ai  mandé  qu'il 
n'existait  plus  de  pouvoirs  dans  mon  diocèse  que  ceux  que 
MM.  Brumault  et  de  la  Golinière  approuveraient  ou  dé- 
livreraient ». 

M.  Doussin  desservait  encore  le  Bourg- sou  s  J^a- Roche  en 
août  1795  ;  en  décembre  il  fait  une  sépulture  à  la  Limousinière, 
puis  paraît  s'être  fixé  à  Thorigny.  Après  le  coup  d'État  de  fruc- 
tidor, il  fut  dénoncé  comme  rédigeant  les  actes  de  baptêmes, 
mariages  et  sépultures  de  cette  paroisse.  Dans  la  chapelle  du 
logis  de  la  Boule,  détruit  depuis,  et  où  il  demeurait,  comme 
dans  l'église  de  Thorigny,  il  administrait  les  sacrements  à  tous 
les  fidèles  des  environs.  C'est  à  Thorigny  qu'il  fut  arrêté  en 
juillet  1797. 

«  Bournezeau,  27  messidor  an  V. 

o  Le  Commissaire  du  Directoire  exécutif  près  l'adminis- 
tration municipale  du  canton  de  Bournezeau,  au  Commissaire 
du  Directoire  exécutif  près  l'administration  départementale 
de  la  Vendée. 

«  Citoyen, 

Vous  êtes  peut-être  déjà  instruit  que  les  autorités  civiles 
du  cardon  de  la  Chaise  viennent  de  faire  arrêter  et  conduire 
a  Montaigu  le  prêlre  Doussin  qui  exerçait  à  Thorigny. 
J'ignore  les  griefs  qui  ont  motivé  cette  arrestation  ;  je  sais 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  327 

pourtant  qu'il  est  accusé  d'avoir  crié  :  Vive  le  Roy  !  à  la  vue 
de  deux  enfants  mâles  qu'on  lui  présentait  à  baptiser.  La  dé- 
déclaration en  a  été  faite  devant  le  juge  de  paix  de  ce  canton 
par  une  sage-femme  de  Bournezeau  qui  a  indiqué  plusieurs 
autres  témoins;  leurs  noms  ainsi  que  celui  de  la  sage-femme 
sont  transmis  au  directeur  du  jury  de  Montaigu  ;  il  y  a,  m'a- 
t-on  dit,  plusieurs  autres  chefs  d'accusation. 

«  L'enlèvement  inattendu  d'un  homme  auquel  on  ajoute 
tant  d'importance  ne  saurait  manquer  de  faire  quelque  sen- 
sation dans  le  pays.  Déjà  il  se  manifeste  des  inquiétudes  sur 
le  sort  des  autres  prêtres,  et  la  malveillance  ne  manquera  pas 
d'en  profiter  ;  je  suis  pourtant  tranquille  sur  les  suites,  et 
quelle  que  puisse  être  la  fermentation,  je  ne  crois  pas  qu"elle 
devienne  alarmante  pour  la  sûreté  générale.  Si  cependant 
cela  arrivait  nous  sommes  encore  sans  moyen  de  répression, 
car  la  force  armée  a  été  de  nouveau  retirée  de  ce  canton  il  y  a 
environ  un  mois  et  n'a  point  été  remplacée  ;  mais  il  y  en  a, 
je  crois,  à  la  Chaise  et  dans  les  autres  cantons  voisins.  On 
assure  que  quatre  individus  de  la  commune  de  Thorigny  sont 
allés  à  Montaigu  réclamer  la  liberté  de  ce  prêtre;  je  surveille 
en  ce  moment  tout  ce  qui  se  dit  et  tout  ce  qui  se  fait  autour  de 
moi  de  relatif  à  cet  événement,  et  je  ne  négligerai  pas  de  vous 
instruire  de  ce  qui  me  paraîtra  mériter  quelque  attention. 

«  Salut  et  fraternité. 

J.-B.  Loyau  ». 

De  la  Chaise  l'administration  écrivait  aussi  : 

«  30  messidor  an  V. 

«  Je  suis  informé  que  l'arrestation  du  curé  de  la  Boule  cause 
quelques  murmures  parmi  les  habitants  de  Thorigny,  et  on 
dit  qu'ils  veulent  absolument  connaître  le  dénonciateur,  sans 
cependant  en  déclarer  la  raison.  Malgré  tout  j'entrevois  des 
dangers  à  cette  déclaration.  Comme  ces  hommes  s'assemblent 
le  dimanche  à  Thorigny,  je  serais  d'avis  que  l'on  y  enverrait 
une  patrouille  pour  empêcher  par  sa  présence  les  excès.  » 


328  LK  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

Mgr  de  Mercy  mandait  de  son  côté,  le  23  janvier  1798,  à 
M.  Paillou  :  «  Suivant  la  lettre  du  16  novembre  1797  que  j'ai 
reçue  de  la  prieure  des  Cerisiers,  Jacques  Synodus  a  été 
arrêté,  et  il  paraît  qu'il  le  méritait.  Elle  ne  paraît  pas  le  regretter 
beaucoup.  » 

Un  mémoire  pour  fourniture  de  paille  aux  prisonniers,  pré- 
senté au  département  par  le  concierge  de  la  maison  d'arrêt 
de  Montaigu,  le  citoyen  Poirié,  du  1£T  brumaire  an  VI,  porte 
au  nombre  des  trois  détenus  qu'il  a  à  garder  :  «  Jacques- 
Louis  Doussin,  prêtre,  entré  le  23  messidor,  parti  pour  Fon- 
tenay  le  7  thermidor,  ce  qui  fait  14  jours.  » 

Emprisonné  à  Fontenay,  M.  Doussin  ressentit  bientôt  le 
contre-coup  de  la  révolution  de  fructidor  qui  réveilla  subite- 
ment la  haine  un  peu  assoupie  contre  les  prêtres.  Le  4  oc- 
tobre 1797,  il  écrivit  à  la  municipalité  «  pour  se  plaindre  des 
mauvais  traitements  dont  il  est  l'objet  de  la  part  du  geôlier 
et  du  prix  exorbitant  qu'il  exige  pour  les  objets  de  première 
nécessité.  »  (Req.  de  la  municipalité  de  Fontenay.)  Avant 
qu'on  se  fût  occupé  de  sa  requête  la  loi  de  déportation  le 
frappait  : 

«  Considérant  que  le  nommé  Jacques-Louis  Doussin  est  un 
réfractaire  très  dangereux  et  qu'il  s'est  constamment  montré 
l'ennemi  du  gouvernement,  ce  qui  est  prouvé  par  les  mandats 
d'arrêt  que  sa  conduite  lui  a  attirés. 

<•  Le  Directoire,  en  vertu  de  l'art.  24  de  la  loi  du  17  fruc- 
tidor dernier, 

•■  Arrête  : 

«  Art.  1er.  —  Le  nommé  J.-L.  Doussin  sera  déporté. 
"  Art.  2*.  —  Le  ministre  de  la  police  est  chargé,  etc.. 

«  Paris,  le  8  frimaire  an  Vi.  » 

Conformément  à  cet  arrêté,  M.  Doussin  fut  conduit  à 
Rochefort. 

«  Nous,  administrateurs  de  la  commune  de  Rochefort  avons 


PRNDANT   LA    RÉVOLUTION  3^9 

reçu  du  citoyen  Besson-Ganat,  cavalier  national  de  La  Ro- 
chelle, le  citoyen  J.-L.  Doussin,  prêtre,  ex-curé,  transféré  en 
cette  commune  par  ordre  de  l'administration  centrale  de  la 
Vendée,  comme  étant  dans  le  cas  de  la  déportation. 

«  Rochefort,  le  29  frimaire  an  VI.  » 

(Arch.  dép.  Vendée). 

La  perspective  de  la  déportation  à  la  Guyane  n'avait  rien 
de  séduisant  ;  aussi  le  brave  prieur  de  l'île  de  Ré  s'empressa- 
t-iî  de  s'évader,  par  une  nuit  noire,  en  compagnie  d'un  gentil- 
homme émigré,  M.  Rossy  de  Rorteau,  âgé  de  35  ans,  de 
Dompierre,  près  Belleville. 

«  Rochefort,  2G  pluviAse  an  VI. 

«  Le  commissaire  du  Directoire  exécutif  près   l'administra- 
tion municipale  de  Rochefort  au  citoyen  commissaire  du  Di- 
rectoire exécutif  près  l'administration    centrale  du   départe 
ment  de  la  Vendée. 

«  Citoyen  collègue, 

«  Je  viens  d'être  informé  que  les   nommés  Rossy-Rorteau 

et  Doussin,  le    premier  prévenu  d'émigration,   le   deuxième 

prêtre  insoumis,  condamnés  à  la  déportation,   évadés   de  la 

maison  de  détention  dans  la  nuit  du  19  au  20  du  mois  dernier 

(8au  9  janvier;,  sont  actuellement  à  l'hôpital  de  la    commune 

où  vous  résidez  et  qu'ils  y  sont  cachés.  Veuillez,  je  vous  prie, 

vous  assurer  de  la  vérité  des  faits  qui  m'ont   été   transmis    et 

me  faire  part  du  résultat  de  vos  recherches. 

«  Salut  et  dévouement. 

«  Boichot.  » 

«  Je  joins  ici  le  signalement  : 

«  Doussin  (Jacques-Louis),  prêtre,,  âgé  de  44  ans,  natif  de  la 
commune  de  Saint-Georges  des  Coteaux  (Charente-Infé- 
rieure), taille  de  5  pieds  2  pouces,  cheveux,  sourcils  et  barbe 


330  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

noirs,    nez  long  et  gros,  bouche   moyenne,  menton   fourchu, 
front  ordinaire,  visage  élongé  (sic).  » 

Le  citoyen  collègue  fit  de  vaines  recherches  à  l'hôpital  de 
Fontenay,  et  apostilla  la  lettre  de  la  note  suivante  :  «  Il 
résulte  des  vérifications  faites  que  le  citoyen  commissaire  de 
Rochefort  a  été  induit  en  erreur.  » 

M.  Doussin  s'était  en  effet  réfugié  àThorigny;  il  y  signe  un 
acte  de  baptême  le  26  mai  1798  et  un  autre  le  5  octobre  suivant. 
II  n'y  fut  plus  inquiété,  et, au  moment  du  Concordat,  il  intrigua 
avec  son  ardeur  accoutumée  contre  la  promesse  de  fidélité 
réclamée  par  le  gouvernement  consulaire.  Devenu  l'un  des 
champions  de  la  Petite  Eglise,  il  mit  tout  en  œuvre  aux  envi- 
rons de  Fontenay  pour  y  propager  le  schisme  et  lui  gagner 
des  adhérents.  Un  moment  il  espéra  entraîner  avec  lui  le 
P.  Baudouin, qui  s'était  montré  au  début  l'adversaire  irréduc- 
tible de  la  promesse.  Il  alla  le  voir,  mais  il  échoua  dans  sa 
tentative,  et  «  se  retira,  dit  l'historien  du  P.  Baudouin,  le  dé- 
pit dans  le  cœur,  et  résolut  de  persister  dans  son  erreur.  » 

Il  fixa  alors  sa  résidence  à  Fontenay,  centre  de  la  résistance 
schismatique,  puis  il  se  retira  plus  tard  au  village  de  Chagno- 
let,  près  de  La  Rochelle,  où  il  mourut  non  réconcilié,  le  16 
mai  1843,  âgé  de  89  ans.  Sa  mémoire  resta  en  vénération 
parmi  les  adeptes  de  la  Petite  Eglise. 

CHAILLÉ-LES-ORMEAUX 

DAVID  (Jean-Mathurin),  curé. 

Précédemment  vicaire  de  Saint-Hilaire  de  Talmond,  le  curé 
de  Ghaillé-les-Ormeaux  se  montra  peu  favorable  aux  débuts 
de  la  Révolution,  et  signa  en  1790  le  Mémoire  que  M.  Cohade, 
curé  de  la  Chaise-Giraud,  adressa  à  l'Assemblée  constituante 
contre  l'aliénation  des  biens  du  clergé. 

La  destruction  des  archives  du  district  de  la  Roche-sur- Yon 
eu  1793a  fait  disparaître  la  preuve  littérale  du  serment  schis- 
matique prêté  en  1791  par  M.  David,  mais  il  ne  peut  yavoirdoute 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  331 

sur  son  attitude  dans  cette  circonstance.  Le  15  novembre 
1791,  M.  David  célébra  un  mariage  dans  la  cathédrale  de  Luçon 
en  vertu  d'une  délégation  d'un  des  vicaires  épiscopaux  de 
l'évêque  Rodrigue  ;  le  28  octobre  1792,  il  prêta  avec  plusieurs 
autres,  devant  les  officiers  municipaux  du  canton  de  Tablier,  le 
serment  prescrit  par  la  loi  du  15  août  précédent,  serment  assez 
inoffensif  d'ailleurs,  puisqu'il  n'obligeait  «  qu'à  être  fidèle  à  la 
Nation,  à  maintenir  de  tout  son  pouvoir  la  liberté  et  l'égalité, 
ou  à  mourir  à  son  poste  en  les  défendant,  »  serment  toutefois 
qui  en  supposait  antérieurement  de  plus  graves. 

Dans  sa  séance  du  18  juillet  1791,  le  Directoire  du  départe- 
ment lui  avait  attribué  un  traitement  de  25761  12s.  4d,  le  re- 
venu foncier  de  sa  cure  ayant  été  estimé  23901.  en  réalité 
19521. 12s.  3d,  charges  déduites  ;  il  ne  toucha  pas  longtemps  ce 
traitement  ;  lors  de  la  fermeture  des  églises,  il  se  retira  à  Her- 
mine avec  une  pension  de  800 1.  en  vertu  de  la  loi  du  2  frimaire 
an  II  qui  réglait  les  pensions  des  prêtres  conformistes  et 
abdicataires.  Il  vivait  encore  à  Sainte-Hermine  en  1798.  Le  24 
messidor  an  VI,  le  secrétaire  de  la  municipalité  d'Hermine 
transmettait  à  l'administration  centrale  les  pièces  remises  par 
plusieurs  citoyens,  dont  Jean-Mathurin  David,  ex-curé  de 
Chaillé-les-Ormeaux,à  savoir  son  extrait  de  naissance,  l'extrait 
du  procès-verbal  de  sa  prestation  du  serment  de  liberté  et 
d'égalité,  sa  déclaration  qu'il  n'a  pas  retracté  ce  serment,  et 
un  certificat  dévie. 

LA   CHAISE-LE-VICOMTE 

GARN1ER  (N.),  curé  de  Saint-Jean  ; 

MOREAU  (JacqubsJ)  curé  de  Saint-Nicolas. 

Nommé  à  la  Chaise  en  1778  comme  procureur  fiscal, 
M.  Péchard  écrivait  à  M.  Paillou  après  la  Révolution  :  «  En 
arrivant  à  la  Chaise,  j'y  trouvai  M.  Dougé,  curé  de  Saint- 
Jean  et  M.   Moreau,  curé  de  Saint-Nicolas,   qui  vivaient  en 


332  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

bonne  intelligence  avec  les  habitants.  Après  M.  Dougé  est 
venu  M.  Garnier  à  Saint-Jean,  qui  jouissait  du  môme  avan- 
tage ».  Douze  ans  plus  tard,  l'accord  n'existait  plus  ;  la  séance 
du  directoire  du  département  du  7  septembre  1790  en  fait  foi: 

«  Rapport  fait  des  difficultés  qui  se  sont  élevées  entre  les 
paroisses  de  Saint-Jean  et  de  Saint-Nicolas  de  la  Chaise-le- 
Vicomte  relativement  à  la  réunion  des  municipalités  au 
chef-lieu  de  canton,  au  sujet  de  la  confection  du  tableau  des 
indigents,  attendu  la  concurrence  des  deux  paroisses  pour 
ôtre  chef-lieu  de  canton,  parce  que  le  chef-lieu  est  indiqué 
d'une  manière  générique  sous  le  nom  de  Chaise-le-Vicomte, 
le  directoire,  considérant  que  des  circonstances  particu- 
lières ne  devraient  pas  s'opposer  à  ce  qui  est  prescrit  pour 
le  bien  public,  a  délibéré,  sans  cependant  rien  entendre 
préjuger  sur  les  droits  et  les  prétentions  de  l'une  et  de  l'autre 
des  paroisses,  que  la  paroisse  de  Saint-Nicolas  de  la  Chaise- 
le-Vicomte  se  réunira  avec  les  autres  paroisses  formant  le 
canton  en  la  paroisse  de  Saint-Jean  de  la  Chaise-le-Vicomte, 
où  s'est  tenue  l'assemblée  primaire  à  l'effet  de  remplir  le 
tableau  dont  il  s'agit; 

«  Invite  au  surplus  les  deux  municipalités  à  écarter  toute 
mésintelligence  et  à  se  rappeler  les  principes  de  paix,  d'union 
et  d'honnêteté  qui  doivent  sans  cesse  faire  la  base  de  leurs 
procédés  respectifs.  »  (Arch.  dép.  de  la  Vendée). 

A  M.  Dougé,  nommé  curé  de  Girouard  où  nous  Je  retrouve- 
rons, avait  donc  succédé,  dans  la  cure  de  Saint-Jean,  M.  Gar- 
nier, précédemmentcuré  de  Saint-Vincent-Sterlanges  en  1776, 
puis  des  Habittes  en  1780.  Caractère  sans  fermeté,  M.  Gar- 
nier  prêta  sans  hésiter  le  serment  constitutionnel,  et  resta 
comme  curé  dans  sa  paroisse.  On  ne  l'y  retrouve  plus  après 
le  10  décembre  1792.  Il  se  retira  à  la  Rochelle  dans  une  mai- 
son en  face  de  la  Poissonnerie.  [Arch.  de  la  Fabrique  de  la 
Chaise). 

M.  Jacques  Moreau,  curé  de  Saint-Nicolas,  avait  succédé  à 
M.  Gilaizeau  enterré  le  19  août  1775  ;  la  première  signature  du 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  333 

nouveau  curé  sur  les  registres  paroissiaux  est  du  15  décembre 
1775. 

En  1789,  le  curé  de  Saint-Nicolas  fut  au  nombredes  députés 
du  clergé  du  Poitou  envoyés  à  Poitiers  pour  l'élection  des 
députés  aux  Etats-généraux  ;  il  logeait,  avec  plusieurs  de  ses 
confrères,  chez  M.  Crémière,  rue  Saint-Didier. 

Il  refusa  le  serment,  et  resta  dans  le  pays,  ;  le  dernier  acte 
signé  par  lui  est  du  19  octobre  1795;  il  mourut  quelques 
semaines  après,  à  la Limousinière  L'acte  de  sépulture,  rédigé 
par  M.  de  Beauregard,  et  inscrit  sur  le  registre  de  la  Limou- 
sinière, renferme  des  mentions  intéressantes  : 

«  /  8  janvier  1796.  — Je  soussigné  certifie  que  les  marches 
des  armées  n'ayant  pas  permis  d'inscrire  sur  les  registres  de 
la  paroisse  de  Saint-Nicolas  de  la  Chaise-le- Vicomte  l'acte  de 
sépulture  de  feu  Messire  Jacques  Moreau,  curé  de  la  susdite 
paroisse,  il  est  constaté,  d'après  les  informations  que  j'ai  faites 
et  particulièrement  par  les  témoignages  deMe  J.  B.  Péchard, 
président  du  conseil  d'administration  civde  de  la  Chaise  et 
notaire,  et  de  Me  Pierre  Raimbert,  inspecteur  civil  et  notaire  de 
la  Limousinière,  soussignés  avec  moi,  que  le  corps  de  Messire 
Jacques  Moreau,  curé  de  la  susdite  paroisse  de  Saint-Nicolas 

de  la  Chaise-le-Vicomte,  né  en  Bretagne,  au  diocèse  de 

ancien  avocat  au  parlement  de  Rennes,  veuf,  avant  sa  pro- 
motion aux  saints  Ordres,  de  feue  Louise  Clemenceau,  est 
décédé  le  18  du  mois  de  décembre  1795,  et  a  été  enseveli  le  19 
du  même  mois  au  cimetière  de  la  paroisse  de  la  Limousinière 
par  M.  Doussin  prieur-curé  de  la  paroisse  de  Sainte-Marie  de 
l'île  de  Ré  et  desservant  de  celle  du  Bourg-sous-la-Roche,  qui 
n'a  pu  dresser  l'acte  de  sépulture,  en  l'absence  des  registres. 

«  A  la  Grange-Hardy  le  18  janvier  1796. 
«  BRUMAULT  DE  BEAUREGARD,  vie.  gén.  du  diocèse  ». 

Quelques  pages  des  Mémoires  de  M.  BrumauU  de  Beaure- 
gard, qui  desservit  également  cette  paroisse  en  décembre 
1795  et  janvier  1796,  donnent  un  tableau  saisissant  de  la  situa- 
tion religieuse  même  après  la  Terreur. 


334  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

»  Quand  j'arrivai  à  la  maison  de  bois  de  M.  Péchard  dans 
la  forêt  de  la  Chaise,  on  y  pleurait  ma  mort;  on  y  avait  su 
mon  arrestation,  et  le  bruit  s'était  répandu  que  j'avais  été 
fusillé  ;  ma  présence  ne  changea  rien  aux  dispositions  déjà 
faites;  nous  élions  logés  ainsi  :  dans  la  maison  de  planches, 
Mme  delà  Corbinière  occupait  un  des  coins,  j'étais  vis-à-vis, 
M.  Péchard  avait  le  troisième  coin,  et  le  quatrième 'était 
rempli  de  froment.  La  cabane  en  chaumes  était  aussi  divisée 
en  quatre  cases  occupées  par  Mlle  de  la  Corbinière,  l'abbé  de 
Grigny,  le  vieux  serviteur  François  et  la  cuisine.  C'était  au 
mois  de  décembre  ;  nous  n'avions  point  de  lumière,  ni  huile, 
ni  bougie,  sinon  pour  dire  la  messe.  Pendant  le  jour  chacun 
allait  dans  la  forêt  amasser  des  fagots  de  bois  mort  pour  nous 
éclairer;  c'était  à  l'aide  de  semblables  flambeaux  que  nous 
pouvions  réciter  notre  bréviaire. 

«  Les  ruches  avaient  été  détruites  par  les  Bleus,  et  les 
pauvres  femmes  nous  apportaient  de  petits  morceaux  de  cire 
pour  l'autel  Deux  œufs  étaient  pour  nous  un  rare  présent,  et 
nous  vivions  bien  durement.  Dans  cet  état,  de  Grigny  et  moi 
nous  confessions,  assis  dans  la  forêt  sur  des  tronçons  de 
bois  ;  nous  avions  fait  pour  nos  pénitentes  des  sentiers  et  des 
cabinets  de  fougère.  Non  loin  de  cette  habitation  se  trouvait 
M"e  de  la  Brossardière,  qui  avait  aussi  sa  petite  maison  : 
d'autres  cabinets  encore  étaient  assez  près  de  nous.  Les 
paroisses  se  soumettaient  peu  à  peu,  les  républicains  res- 
serraient progressivement  leur  cercle. 

«  L'hiver  se  passa  ainsi  jusqu'à  Noël.  La  veille  de  cette  fête 
nous  confessâmes  les  habitants  des  cabanes  et  nous  con- 
vînmes, l'abbé  de  Grigny  et  moi,  de  dire  chacun  une  messe 
de  minuit.  Vers  les  onze  heures  et  demie  je  me  disposai  à  le 
faire,  je  revêtis  un  habit  qu'il  serait  difficile  de  décrire  et 
que  nous  nommions  une  soutane  ;  j'avais  des  souliers  de 
femme  en  manière  de  pantoufles  ;  mais  nous  avions  un  calice, 
un  autel  portatif  et  un  ornement... 

"  Le  dernier  jour  de  décembre  les   Bleus  firent  irruption 


PENDANT    [.A    RÉVOLUTION  335 

au  milieu  des  cabanes. .  Notre  retraite  n'était  plus  tenablc, 
nous  nous  décidâmes  à  nous  retirer  au  château  de  la  Grange- 
Hardy,  chez  Mlle  du  la  Brossardière  ;  elle  reçut  autant  de 
monde  qu'il  lui  fut  possible,  et  chacun  se  casa  comme  il  put. 
La  grande  salle  nous  servail  à  la  l'ois  d'église  et  de  lieu  de 
réunion.  Dès  le  lendemain  nous  fûmes  visités  par  les  pillards 
de  l'armée  des  Bleus  qui  enlevèrent  des  moutons,  du  linge, 
et  ravagèrent  le  jardin  ..  Nous  étions  en  janvier  1796. . .  On 
n'était  point  sans  crainte  à  la  Grange-Hardy  ;  les  Bleus  par- 
couraient tous  les  environs  et  venaient  jusqu'au  château. 

«  Je  me  mis  cependant  à  faire  des  instructions;  les  bons 
habitants  venaient  au  catéchisme  ;  je  fis  établir  un  autel  dans 
la  grande  salle,  j'y  disais  la  messe  et,  le  dimanche  je  taisais 
le  prône. 

«  Je  continuai  à  célébrer  mes  messes,  mais  les  officiers  ré- 
publicains n'y  venaient  plus.  Les  habitants  révolutionnaires 
de  la  Chaise,  qui  avaient  quitté  ce  bourg  quand  la  Vendée 
avait  pris  les  armes,  y  revinrent  alors  qu'ils  virent  que  les 
officiers  de  Gharette  tournaient  à  mal.  Ils  retrouvèrent  leurs 
maisons  qui  dans  cette  partie-là  n'avaient  pas  été  incendiées. 
Voulant  attirer  les  habitants  pour  les  intérêts  de  leur  com- 
merce, ils  représentèrent  au  général  commandant  de  la 
Chaise  qui  était  protestant,  qu'il  leur  serait  avantageux  d'a- 
voir le  culte,  et  ils  l'engagèrent  à  me  faire  venir  dans  ce  bourg. 

«  Un  vendredi,  comme  je  dînais,  un  ordonnance  vint  me 
signifier  l'ordre  de  me  rendre  au  quartier  général.  M.  Péchard 
voulut  bien  m'accompagner.  Ce  dernier  demanda  au  soldat 
bleu  pourquoi  on  me  demandait.  — «  Oh!  dit-il,  c'est  que 
nous  avons  le  culte  dimanche.  » 

«  Avant  de  me  rendre  chez  le  général,  qui  se  nommait 
Dupuy,  je  fus  visiter  l'église.  On  en  avait  fait  une  boucherie 
pour  l'armée,  et  quand  j'y  entrai,  quelques  hommes  étaient 
occupés  à  niveler  le  sol  qui  avait  été  bouleversé,  et  dont  les 
pavés  avaient  été  enlevés;  mais  les  murs  étaient  teints  de 
sang  et  l'édifice  exhalait  une  odeur  révoltante.  Je  ne  répondis 


336  LE    CLERGÉ    DE    LA    VENDÉE 

rien  à  quelques  hommes  qui  se  faisaient  une  victoire  de  me 
voir  contraint  à  venir  parmi  eux  ;  j'entrai  chez  le  général. 

«  Je  me  trouvai  en  présence  de  quelques  officiers,  assis  sur 
des  bancs  ;  un  petit  homme,  vêtu  de  brun,  se  tenait  dans  un 
coin  du  loyer;  il  n'y  avait  dans  cet  appartement  qu'une  chaise, 
legénéral  me  l'offrit  etme  forçaàl'accepter.—  Jemerendsà  vos 
ordres,  lui  dis-je  ;  que  demandez-vous  de  moi  ?  —  Le  culte 
réunit  les  hommes,  dit  Dupuy  ;  vous  êtes  d'un  caractère  pai- 
sible, les  habitants  m'ont  invité  à  faire  célébrer  votre  culte 
dimanche  prochain,  je  vous  le  demande.  —  Mais  il  me  faut 
un  logement,  du  pain  ;  qui  me  le  donnera  ?  —  Vous  viendrez 
seulement  pour  le  culte. —  Général,  ladistanceest  bien  longue, 
les  chemins  difficiles. 

«  Il  ne  répondit  rien.— Les  objectionsque  je  viens  de  vous  faire 
sont  faciles  à  faire  disparaître,  continuai-je;  mais  j'y  vois  une 
autre  difficulté  invincible. —Laquelle?—  C'est  l'état  de  l'église. 
Toutes  les  religions  ne  se  réunissent  pour  honorer  Dieu  et  le 
prier  que  dans  des  lieux  toujours  décents.  La  foi  catholique 
nous  enseigne  que  le  sacrifice  de  l'Eucharistie  est  l'offrande  du 
corps  de  Jésus-Christ  ;  jamais  je  ne  pourrai  célébrer  la  sainte 
messe  dans  une  boucherie  toute  sanglante. Général,  vous  êtes 
de  laConlession  d'Augsbourg;  je  m'adresse  à  votre  conscience; 
voudriez-vous  célébrer  les  cérémonies  de  votre  culte  dans  une 
boucherie  dont  les  murs  sont  couverts  de  sang,  et  dont  l'o- 
deur est  révoltante  ?  —  Non,  monsieur,  me  répondit-il  sur-le- 
champ  ;  je  n'exige  plus  rien  de  vous,  et  vous  pouvez  con- 
tinuer à  célébrer  votre  culte  dans  la  maison  où  vous  êtes.  — 
Mais  ne  vous  opposez-vous  pas  à  ce  que  je  visite  les  malades 
et  à  ce  que  je  remplisse  mes  fonctions  dans  les  sépultures  ?  — 
.Non,  je  vous  promets  sécurité  et  liberté;  vous  êtes  sage  et  pru- 
dent dans  vos  exhortations,  vous  pouvez  rester  sans  crainte 
sous  mon  commandement. 

<(  Je  sortis  et  je  pus  aussitôt  visiter  un  malade  ;  je  le  con- 
fessai, je  revins  lui  administrer  les  sacrements  ;  il  mourut, 
et  deux  jours  après  je  lui  donnai  publiquement  la  sépulture 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  337 

en  présence  de  quelques  soldats  bleus.  Je  parcourus  depuis 
ces  contrées,  et  je  ne  fus  plus  inquiété. 

«  M.  Péchard  était  resté  après  moi  dans  la  chambre  où  le 
général  Dupuy  m'avait  reçu  ;  il  put  médire  ce  qui  s'était  passé 
à  ma  sortie.  A  peine  la  porte  était-elle  fermée  derrière  moi, 
que  le  personnage  en  habit  brun,  que  j'avais  aperçu  près  du 
foyer,  dit  au  commandant  des  Bleus  :  «  Vous  traitez  avec  bien 
de  l'indulgence  ce  prêtre  fanatique  qui  vient  de  sortir  ;  il  ne 
vous  a  dit  qu'un  mot,  et  aussitôt  vous  vous  êtes  rendu.  —  Tout 
ce  que  ce  prêtre  m'a  dit  était  juste  et  raisonnable,  répondit 
Dupuy.  Je  ne  vois  pas  pourquoi  vous  vous  permettez  de  le 
traiter  de  fanatique  ;  rien  ne  décèle  en  lui  cette  fâcheuse  in- 
culpation ;  son  extérieur  est  grave  et  poli.  Mais  puisque  vous 
aviez  cette  pensée,  pourquoi  ne  l'avez-vous  pas  manifestée  en 
sa  présence  ?  j'ai  remarqué  que  vous  avez  affecté  de  tenir  les 
yeux  baissés  ;  il  m'a  semblé  qu'il  vous  imposait.  »  Cet  homme 
était  un  mauvais  curé  du  diocèse  ;  il  avait  renié  son  caractère 
et  il  était  devenu  commis  aux  boucheries. 

«  Le  général  Dupuy  m'avait  donc  envoyé  l'autorisation 
écrite  d'exercer  mes  fonctions  partout  où  besoin  serait  ; 
mais  je  fus  averti  qu'une  femme  qui  demeurait  aux  Sables 
et  qui  ne  m'avait  point  pardonné  les  démarches  que  j'avais 
faites  pour  la  faire  enfermer,  m'avait  dénoncé  au  général 
Grouchy  alors  tout  puissant  dans  la  Vendée  ;  je  demandai 
un  passe-port  pour  Beaufou  et  je  m'y  rendis.  Nous  étions 
au  mois  de  mars.  » 

Le  dernier  acte  de  M.  de  Beauregard  sur  les  registres  de 
la  Chaise  est  du  4  avril  1796,  le  premier  du  18  janvier  pré- 
cédent. Dans  les  actes  de  mariage,  il  est  dit  que  «  les  bans 
des  conjoints  ont  été  publiés  aux  messes  paroissiales  célé- 
brées à  la  Grange-Hardy.   » 


338  LE    CLERGÉ    DIS    LA    VENDÉE 

CHATEAU-FROMAGE 

BARBEDETTE  (Jean),  curé. 

M.  Barbedette  était  parent  probablement  de  son  célèbre 
homonyme,  le  curé  du  Grand-Luce;  mais  il  n'y  eut  pas  entre 
eux  d'autre  point  de  contact,  car  le  curé  de  Château-Fromage 
n'hésita  pas  à  prêter  le  serment  schismatique.  Il  n'en  profita 
pas  longtemps.  Le  registre  des  séances  du  directoire  du 
département  porte  en  effet  à  la  date  du  27  septembre  1791  : 

«  Rapport  fait  de  la  pétition  du  sieur  Barbedette,  curé  du 
Château-Fromage,  contenant  qu'il  est  hors  d'état  de  remplir 
ses  fonctions  attendu  ses  infirmités  et  portant  démission  de 
sa  dite  cure. 

«  Vu  ladite  pétition  en  date  du  17  août  dernier,  les  certificats 
des  sieurs  Merland,  médecin,  et  Pertuzé, chirurgien,  en  date  du 
18  et  28  août  qui  constatent  que  réellement  le  sieur  Barbedette 
est  hors  d'état  de  faire  ses  fonctions  par  suite  d'une  fausse 
attaque  d'apoplexie,  et  qu'il  est  perclus  de  goutte;  le  vu  de 
la  municipalité  du  4  septembre  dernier,  l'avis  du  distrit  de 
la  Roche- sur-Yon  du  19  septembre. 

«  Le  Directoire  ouï  le  procureur  général  syndic,  reçoit  la 
démission  dudif  sieur  Barbedette  de  sa  cure  de  Château- 
Fromage  pour  cause  d'infirmités; 

«  Arrête  qu'il  recevra  une  pension  de  700  fr.  par  année  à 
compter  du  1"  octobre  prochain  ;  renvoyé  à  l'évêque  du 
département  pour  nommer  un  desservant  à  ladite  cure 
jusqu'à  ce  que  par  les  électeurs  du  distrit  de  la  Roche-sur- 
Yon  il  ait  été  pourvu  d'un  autre  curé  à  ladite  paroisse  de 
Château-Fromage,  si  toutefois  ladite  cure  n'est  pas  dans  le 
cas  de  la  suppression  ». 

M.  Barbedette  fut  le  dernier  curé  de  Château-Fromage.  Il 
n'y  fut  pas  remplacé.  Il  vécut  encore  quelques  années;  dans 
un  acte  de  mariage  de  cette  paroisse  en  1794,  M.  Doussin  de 
Voyer  ajoute  :  «  dont  le  pasteur  a  prêté  le  serment  civique  ». 


PENDANT   LA    KÉVOLUTION  339 

L'église  incendiée  pendant  la  guerre  civile  ne  fut  jamais  re- 
levée, et  un  arrêté  du  préfet  de  la  Vendée,  du  46  prairial 
an  XIII,  ordonna  l'aliénation  «  de  la  ci-devant  maison  curiale 
de  Château-Fromage  avec  son  jardin  et  la  petite  église  in- 
cendiée y  attenante.»  La  vente  eut  lieu  le  18  fructidor  suivant. 
En  septembre  1827,  une  ordonnance  royale  réunit  administra- 
tivement  Château-Fromage  à  la  commune  du  Bourg-sous-la- 
Roche. 

LES    CLOUZEAUX 

REMAUD  (Jban-Baptiste),  curé. 

BONNIN  (Jean-Fhançois),  vicaire. 

M.  J.-B.  Remaud,  originaire  de  Chavagnes,  succéda  on 
1785  à  M.  Voyneau  comme  curé  des  Clouzeaux.  En  1791,  il 
consigna  sur  le  registre  paroissial  ce  qui  suit  au  sujet  du 
serment  constitutionnel  : 

«  Aujourd'hui,  20  février  1791,  en  chaire,  à  notre  messe 
paroissiale,  après  avoir  fait  mon  prône  ordinaire,  j'ai  fait  le 
serment  civique  exigé  du  clergé  de  France  par  les  laïques  de 
l'Assemblée  nationale,  mais  dans  une  forme  qui  leur  déplaît, 
quoique  juste  et  légitime  : 

«  Je  jure  de  veiller  avec  soin  sur  les  fidèles  dont  la  conduite 
m'est  ou  me  sera  confiée  par  l'Eglise,  d'être  fidèle  à  la  Nation, 
à  la  loi  et  au  Roi,  de  maintenir  de  tout  mon  pouvoir  la  Cons- 
titution décrétée  par  V Assemblée  nationale  et  acceptée  par  le 
Roi,  dans  tout  ce  qui  est  de  la  compétence  de  l'Assemblée,  sous 
la  réserve  expresse  des  droits  de  la  sainte  Eglise  catholique, 
apostolique  et  romaine  dans  son  régime  spirituel.  »> 

«  Remaud,  curé  des  Clouzeaux.   » 

Cette  formule  ne  satisfit  pas  en  effet  l'autorité  civile,  et 
M.  Remaud,  considéré  comme  démissionnaire,  régla  ses 
comptes  avec  la  fabrique  le  16  août  1791,  en  lui  remettant 
181.  recueillies  à  l'église  pour  lesoblations  depuis  le  20  juillet. 
et  dont  un  reçu  fut  signé  «  au  sieur  Remaud,  ci-devant  c  uré. 

TOME    XII.    —    JUILLET,    AOUT,    SEPTEMBRE  24 


340  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

Il  s'éloigna  le  moins  qu'il  put  des  Clouzeaux,  disant  la 
messe  chez  les  dames  de  la  Blanchère  en  Sainte-Flaive.  Ces 
dames  ayant  été  massacrées  chez  elles,  il  se  cacha  tour  à  tour 
à  Ambretières,  à  Hautot,  à  l'Auriolière,  puis  à  Chaigne-Vert 
et  à  la  Paillardière  près  de  Neuil-le-Dolent.  Enfin,  cédant  aux 
conseils  de  sa  servante  originaire  comme  lui  de  Çhavagnes- 
en  Paillers,  il  se  réfugia  dans  sa  paroisse  natale. 

Ceux  de  ses  confrères  qui  traversaient  Chavagnes  pour  se 
rendre  à  un  port  d'embarquement,  le  pressaient  de  les  suivre; 
il  refusa  de  quitter  les  deux  abbés  Remaud,  ses  neveux,  curé 
et  vicaire  à  Chavagnes,  ainsi  que  MM.  Dolbec,curé  de  Sainte- 
Cécile  et  Brillaud  curé  de  Saint-Fulgent,  qui  s'étaient  retirés 
auprès  d'eux.  Lorsque  les  ressources  communes  furent  épui- 
sées ils  eurent  recours  à  la  charité  des  âmes  pieuses. 

Un  jour  lu  garde  nationale  des  Herbiers  survint  à  l'impro- 
viste  pour  arrêter  ces  prêtres.  Grâce  à  des  déguisements,  ils 
réussirent  à  traverser  les  postes  qui  cernaient  la  maison,  et 
ils  se  cachèrent  dans  les  bois  où  des  amis  subvinrent  à  leur 
nourriture.  Mais  des  chasseurs  découvrirent  leur  gîte,  et  les 
forcèrent  à  se  disperser.  Le  curé  des  Clouzeaux  et  celui  de 
Chavagnes  revinrent  dans  le  bourg  et  y  passèrent  la  fin  de  la 
terrible  année  1703.  Au  commencement  de  1704,  par  crainte 
des  colonnes  infernales,  le  curé  des  Clouzeaux  gagna  la  pa- 
roisse des  Essarts. 

Il  venait  de  dire  la  messe  dans  un  grenier  du  logis  de  la 
Vrignonnière,  quand  on  vint  le  prévenir  de  l'arrivée  d'un 
détachement  de  cavalerie  républicaine.  Il  voulut  s'assurer  du 
fuit,  tomba  au  milieu  du  détachement,  et  fut  égorgé  surplace. 
Les  Bleus  lui  arrachèrent  la  langue  et  mirent  son  corps  en 
lambeaux. 

Un  demi-siècle  après,  en  1842,  une  cérémonie  expiatoire  eut 
lieu  aux  Essarts.  Le  lieu  précis  où  la  victime  avait  été  enterrée 
était  bien  connu  ;  on  exhuma  les  ossements  de  M.  Remaud, 
et  on  les  déposaen  terre  sainte  dans  le  cimetière  de  la  paroisse. 

M.  .Jean   François  Bonnin,  vicaire  des  Clouzeaux  en  1787, 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  •  341 

était  né  à  Venansault  le  9  juillet  1764.  Il  refusa  comme  son 
curé  de  se  soumettre  au  serment,  et,  le  10  septembre  1792, 
s'embarqua  aux  Sables  d'Olonne  pour  l'Espagne  sur  le 
navire  VRçureux  Hasard,  capitaine  Vassivier  ;  il  était  inscrit 
le  quatrième  sur  39  au  rôle  des  passagers.  Son  séjour  en 
Espagne  n'a  pas  laissé  de  traces  dans  les  documents  qui 
nous  restent  de  l'exil.  Au  retour,  il  fut  nommé  curé  des  Glou- 
zeaux,  et  il  administra  cette  paroisse  jusqu'en  d835,  date 
de  sa  mort. 

SAINT-FLORENT  DES  BOIS 

BIGOT  (Louis),  curé. 

GOLL1BEAUX  (Victor),  vicaire,  1789-1790. 

THIRÉ  (André-Guillaumk-Françoisi,  vicaire,  1790-1792. 

Prieuré  dépendant  de  la  célèbre  abbaye  de  saint  Florent  de 
Saumur,  saint  Florent  des  Bois  était  desservi  par  un  moine 
bénédictin  de  ce  monastère,  Louis  Bigot,  né  le  27  mai  1761  ; 
il  avait  succédé  en  1789  dans  ce  poste  à  M.  Nivault.  M.  Bigot 
rie  prêta  pas  le  serment,  et,  devançant  le  décret  de  dépor- 
tation du  26  août  1792,  se  présenta  devant  la  municipalité 
des  Sables  d'Olonne  dès  le  23  juillet  avec  quelques-uns  de 
ses  confrères  des  environs  de  Mareuit,  pour  déclarer  qu'ils 
voulaient  s'embarquer  pour  l'Espagne  sur  le  sloop  la  Pro- 
vidoice,  capitaine  Tribert. 

Le  navire  prit  la  mer  deux  jours  après,  mais  les  vents  con- 
traires l'obligèrent  à  rester  au  port. L'un  des  prêtres  débarqués 
se  déroba  ;  la  présence  des  autres  provoqua  quelques  dé- 
sordres en  ville,  et  le  conseil  de  la  commune  se  disposait  à  les 
envoyer  à  Fontenay  sous  bonne  escorte,  lorsque,  à  leurs 
instantes  prières  le  capitaine  Tribert  remit  à  la  voile.  (Reg 
municip.  des  Sables). 

Débarqué  à  Saint-Sébastien,  M.  Bigot  fut  dirigé  sur  Victoria 
avec  la  plupart  de  ses  compagnons  ;  il  dut  se'déplacer  comme 
eux,  et  s'attacha  à  M.  Boitel,  curé  des  Sables,  embarqué  clan- 


342  LE    CLERGÉ   DE    LA   VENDÉE 

destinement  lui  aussi  sur  le  sloop  la  Providence,  pendant 
qu'on  le  cherchait  activement  en  ville  pour  l'arrêter.  M.  Bigot 
vit  mourir  pendant  les  années  d'exil  presque  tous  ses  com- 
pagnons de  voyage. 

Revenu  d'Espagne  au  Concordat,  il  reprit  la  direction  de  sa 
paroisse.  Gomme  il.  était  difficile  de  donner  satisfaction  aux 
demandes  adressées  à  l'évêché  pour  pourvoir  à  tous  les  postes 
vacants  du  diocèse,  M«r  Paillou  pria  le  curé  de  Saint-Florent 
de  faire  venir  de  son  pays,  la  Sarthe,  de  bons  prêtres  qui  lui 
seraient  connus  :  «  Un  prêtre  venant  de  la  main  de  M.  le  curé 
de  Saint-Florent,  ajoutait  le  prélat,  ne  peut  être  qu'un  bon 
prêtre.  »  {Arch.  de  la  fabrique  de  la  Chaise.) 

La  cure  de  Saint-Florent  avait  été  vendue  nationalement  le 
24  thermidor  an  IX,  et  le  curé  manquait  d'un  logement  con- 
venable. Pour  ne  pas  mettre  ses  paroissiens  en  dépenses, 
M.  Bigot,  après  avoir  refusé  la  cure  de  la  Chaise,  continua  à 
desser  virSaint-Florent  tout  en  résidant  à  Nesmy  dont  il  cumu- 
lait également  la  desservance.  C'est  à  Nesmy  qu'il  mourut 
le  26  décembre  1810,  âgé  de  49  ans  et  8  mois. 

Un  rapport  préfectoral  de  1805  dit  de  lui  :  «  Curé  de  la  même 
paroisse  avant  la  Révolution;  bon  prêtre,  estimé  dans  sa 
commune  et  soumis  au  gouvernement.  » 

M.  Victor  Collibeaux,  vicaire  de  Saint-Florent  de  1789  à 
1790,  normand  d'origine,  se  retira  dans  sa  famille  après 
avoir  refusé  le  serment.  Le  10  mai  1803,  il  étaitdesservant  de 
Lessay,  chef-lieu  de  canton  du  département  do  la  Manche,  et 
il  écrivait  à  son  ami,  M.  Chessé,  maire  de  Saint-Florent  des 
Bois,  chez  qui  il  avait  habité  pendant  son  vicariat,  pour  le 
prier  de  lui  délivrer  un  certificat  constatant  qu'il  avait  été 
vicaire  à  Saint-Florent,  et  qu'il  avait  reçu  en  cette  qualité  un 
traitement  de  700  1. 

Il  eut  pour  successeur  à  Saint-Florent,  M.  Thiré,  né  lo 
26  janvier  1758,  et  qui  avait  un  frère  vicaire  àBournezeau. 
Comme  son  curé,  M.  Thiré  se  refusa  au  serment  et  s'embar- 
qua aux   Sables-d'Olonne  pour  l'Espagne,  le  11   septembre 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  343 

1792,  sur  le  brick  la  Marie-Gabrielle,  capitaine  François  Lam- 
bert, en  compagnie  de  son  frère  et  de  MM.  Berthon  vicaire  de 
Nesmy,  Audureau,  curé  de  Beaulieu  sous  la  Roche,  et  de  35 
autres  prêtres. 

Arrivé  à  destination,  il  se  fixa  quelque  temps  à  Villaréal 
dans  le  Guipuzcoa,  puis,  à  l'approche  de  l'armée  française, 
chercha  une  résidence  plus  sûre,  et  eut  la  bonne  fortune  d'être 
retenu  à  Astorga,  auprès  de  M  Paillou. —  «  Je  félicite  M.Thiré, 
écrit  Msr  de  Mercy  le  3  février  1795,  d'être  auprès  de  vous,  et 
je  rends  mille  actions  de  grâces  à  votre  saint  évoque  qui  a  eu 
la  charité  de  l'accueillir.  » 

M.  Thiré  ne  quitta  plus  M.  Paillou  qui,  au  retour,  lui  confia 
les  deux  paroisses  de  Boulogne  et  de  la  Merlatiere,  puis  le 
nomma  curé-doyen  de  Ghantonnay.  Il  mourut  à  ce  poste  en 
1834. 

Edgar  Bourloton. 
(A  suivre). 


TROIS  GRANDES  JOURNEES 

DE  LA  VENDÉE  MILITAIRE 

COMBATS  DE  LA  CHATAIGNERAIE  ET  DE  FONTENAY 

(13,  16  et  25  mai  1793) 
(Suite  et  Fin'). 


-s=—sœ)0-=£>- 


DÈs  le  17  niai,  lendemain  de  la  défaite,  les  Conseils  pro- 
visoires des  paroisses  avaient  reçu  ordre  de  rassembler 
le  plus  possible  d'hommes  armés  munis  de  munitions 
de  bouche*.  Et,  tout  étant  prêt,  les  divisions  de  Gathelineau,  de 
d'Elbée  et  de  Stofflet  partirent  de  Gholet  pour  Fontenay,  le  22, 
par  Mortagne  et  les  Herbiers.  Les  divisions  de  Lescure,  de  la 
Rochejaquelein  et  de  Sapinaud,  quittèrent  Ghâtillon  et  Pou- 
zauges  le  même  jour,  ayant  avec  elles  l'évêque  d'Agra  qui, 
sur  la  demande  des  chefs  poitevins,  usa  de  son  influence 
épiscopale  pour  enflammer  d'ardeur  les  paysans.  A  son  entrée 

1  Voir  le  fascicule  de  janvier  1899. 

*  A  MM.  les  Officiers  de  la  (sic)  Comité  à  la  Seguinière. 

>>mme  il  nous  arrive  beaucoup  de  monde  et  que  nous  voulons  en  réunir 

davantage,  nous  vous  prions  d'an  rassembler  tout  le  plus  que  vous  pourré, 

avec  leurs  armes,  de  nous  les  envoyé,  et  faire  en  même  temps  boulanger  et 

nous  envoyé  du  pain  tant  de  votre  bourse  que  des  métayers.  Nous  voulons 

avoir  la  satisfaction  de  vaincre  nos  ennemis,  cest  ce  que  nous  espérons  de 

vous  ei  saume  sincèrement 

M.  M     Vostre  hum.  et  ob.  serviteur, 

Denis,  B.  Nicolis. 

Le  pain  pour  demain  et  les  hommes  prest  sitôt  qu'ils  seront  commandé. 
Prendre  note  du  nombre  et  des  fuzils. 
A  Cholet,  le  17  mai  1703,  au  Conseil  provisoire    » 
(Cette  pièce  est  au  Musée  municipal  de  Cholet  et  écrit  de  la  main  de  Denis). 


TROIS    GRANDES   JOURNÉES    DE    LA   VENDÉE    MILITAIRE         345 

à  Châtillbn,  quinze  jours  auparavant,  on  avait  sonné  les 
cloches  à  toute  volée,  et  la  foule  s'était  portée  sur  ses  pas  pour 
recevoir  sa  bénédiction.  Les  paysans  se  montrèrent  ivres  de 
joie  de  le  retrouver  et  de  penser  qu'un  évêque  approuvait  leur 
cause;  sa  présence  parmi  eux  les  portait  de  plus  en  plus  à 
croire  que  leurs  armes,  bénies  du  ciel,  seraient  désormais  in- 
vincibles. L'évêque  prétendu,  pour  en  imposer  encore  davan- 
tage à  l'armée,  revêtit  ses  habits  pontificaux,  prit  pour  croix 
pastorale  un  cœur  d'or1,  et,  entouré  de  quelques  prêtres,  il 
harangua  les  paysans  en  ces  termes  :  «  Race  antique  et  fidèles 
«  serviteurs  de  nos  rois,  pieux  zélateurs  du  trône  et  de  l'autel, 
«  enfants  de  la  Vendée,  combattez  et  triomphez;  c'est  Dieu 
w  qui  vous  l'ordonne5.  »  L'armée  poitevine  répondit  avec 
enthousiasme  à  son  allocution,  promit  de  combattre  vaillam- 
ment et  tint  parole. 

De  Bonchamps,  qui  depuis  son  départ  de  la  Châtaigneraie 
avait  refoulé  les  Républicains  sur  la  rive  droite  de  la  Loire,  et 
qui,  ne  sentant  pas  ses  derrières  assurés,  avait  presque  tou- 
jours tenu  son  quartier  général  à  Cholet,  ne  put  partir  de  cette 
ville  que  le  23,  un  jour  après  les  autres  divisions,  pour 
donner  à  ses  soldats  le  temps  de  le  rejoindre3.  En  passant  à 
Mortagne,  il  accorda  la  liberté  à  dix-sept  prisonniers  faits  au 
Boigrolleau,  sur  la  sollicitation  d'Esnault,  de  Saumur,  qui 
s'était  attaché  au  drapeau  royaliste,  et  qui,  en  quittant  ses  an- 
ciens camarades,  voulut  leur  donner  une  marque  d'amitié. 
De  Bonchamps  se  prêta  d'autant  plus  volontiers  à  cet  acte 
de  clémence,  qu'il  devait  attirer  par  là,  pensait-il,  la  protection 
de  Dieu  sur  son  armée.  Un  officier  municipal  de  Montreuil- 

« 

Ul  voulait  par  cette  décoration  flatter  la  pratique  des  soldats  qui  portaient 
un  Sacré-Cœur  attaché  à  leur  côté. 

*  Mémoires  de  Mm*  d  e  Bonchamps,  p.  31. 

3  Le  13  mai  1793,  des  soldats  de  Bonchamps,  s'emparèrent  à  Cholet,  de  la 
caisse  publique,  dont  M.  Herleau,  receveur  du  district  de  Cholet,  était  le  pos- 
sesseur et  qui  contenait  88825  livres  en  assignats  depuis  1000  liv.  jusqu'à 
10  sols  et  en  sols  de  jloches  ;  le  22,  Sapinaud  et  Bérard  déchargaient 
M.  Herleau  de  la  somme  ci-dessus  mentionnée  {Assignats  et  papiers  mon- 
naie, par  Aug.  Rouillé). 


346  TROIS    GRANDKS    JOURNÉES 

refusa  seul  de  profiter  de  la  grâce  qu'on  lui  accordait  et  préféra 
rester  prisonnier1.  De  Bonchamps  alla  coucher,  le  soir  même 
du  23,  à  Chàtillon,  que  l'armée  poitevine  avait  quitté  la  veille; 
il  ne  put  la  rejoindre  que  le  24,  à  Saint-Pierre-du-Chemin. 
Le  25,  après  avoir  traversé  la  Châtaigneraie  sans  rencontrer 
aucun  ennemi,  toutes  les  différentes  colonnes  se  trouvèrent 
réunies  à  l'entrée  de  la  plaine  de  Pissotte  ;  leur  effectif  s'éle- 
vait à  quarante  mille  hommes  environ2;  c'était  à  peu  près  la 
grande  armée  au  complot.  Son  enthousiasme  était  prodigieux, 
sa  piété  était  peut-être  plus  grande  encore.  Pendant  toute  la 
route,  les  paysans  n'avaient  pas  discontinué  de  réciter  en 
chœur  le  chapelet,  de  chanter  las  litanies  de  la  sainte  Vierge 
et  des  cantiques  ;  le  matin,  toute  l'armée  avait  assisté  à  la 
messe,  et,  en  ce  moment,  cent  hommes  commandés  par  Lhom- 
médé  escortaient  au  centre  les  trois  aumôniers  Stuard,  Fessé 
et  Barbotin  munis  de  vases  sacrés3,  tandis  que  le  pieux  Gathe- 
lineau,  tenant  en  main  la  belle  croix  à  plaques  d'argent4  qu'il 

portait  autrefois  aux  pèlerinages  de  Saint-Laurent-de-la-Plaine 
et  de  Belle-Fontaine,  précédait  tous  les  rangs.  «  Quel  specta- 
cle, dit  Eugène  Veuillot,  que  celui  de  trente  cinq  mille  hommes 
marchant  ainsi  au  combat,  et  ne  redoutant  rien,  pas  même 
la  mort,  car  tous  se  sont  préparés  à  paraître  devant  Dieu5.  » 
A   midi   environ,   ils   firent  leur    entrée    dans    la   plaine6. 

1  Savary,  t.  I,  p.  '236. 

'-  Bourniseaux  ne  l'élève  qu'à  quinze  mille,  M.  Thiers  qu'à  quinze  à  vingt 
mille,  Savary  à  trente  mille  (p.  22).  M™'  de  la  Rochejaquelin  à  près  de  qua- 
rante mille. 

'  Louis  des  Aspremont.  L'Avenir  et  l'Indicateur  de  la  Vendée,  journal 
publié  à  Fontenay.  année  1898. 

4  Cette  croix  remarquable  se  trouve  dans  la  chapelle  du  château  de  Chanzeaux- 

*  Les  guerres  de  la  Vendée  et  de  la  Bretagne,  par  Eug.  Veuillot,  p  98, 
Paris,  Sagnar  et  Bray,  édit.   1853. 

0  Lettre  des  représentants  {Recueil  des  Actes  du  comité  de  salut  public, 
p.  IV,  p.  3j."j  :  «  A  midi  et  demi  environ,  on  vint  annoncer  aux  généraux  que 
les  rebelles  se  montraient  dans  la  même  plaine  où  ils  avaient  été  si  complè- 
tement battus  le  16.  A  l'instant,  on  battit  la  générale  et  bientôt  après  l'ar- 
mée se  trouva  en  bataille,  en  présence  d'un  nombre  immense  de  révoltés 
rangés  sur  trois  colonnes.  Ceux-ci  n'avaient  point  d'artillerie,  mais  ils 
marchaient  sur  la  nôtre  avec  la  plus  grande  intrépidité  ». 


DE    LA    VENDÉE    MILITAIRE  3 17 

Ils  entonnèrent  le  Vexilla  régis.  Les  généraux,  ayant  demandé 
un  instant  le  silence,  les  haranguent  une  dernière  fois,  et  leur 
rappellent  leurs  promesses  d'entrer  à  tout  prix  dans  Fonte- 
nay.  Pour  aiguillonner  davantage  encore  leur  courage,  ils 
promettent  cent  écus  à  celui  qui  s'emparera  de  Marie-Jeanne. 
Us  occupent  en  suite  les  mêmes  positions  que  le  16,  mais  ils 
arrivent  avec  des  forces  plus  considérables  et  plus  enthou- 
siastes que  la  première  fois.  Fontenay  était,  du  reste,  moins 
difficile  à  prendre  qu'à  la  première  attaque.  Chalbos,  arrivé, 
le  malin  à  cinq  heures,  de  la  Châtaigneraie,  se  trouvait  à 
la  tête  de  cinq  mille  hommes  d'infanterie  et  de  mille  cava- 
liers, la  plupart  gendarmes,  et  de  quatre  cents  gardes  natio- 
naux formant  un  effectif  de  six  mille  quatre  cents  soldats1. 
Trente  sept  pièces  d'artillerie,  il  est  vrai,  garnissaient  les 
murs  du  vieux  château  qui  domine  la  plaine. 

Les  habitants,  grisés  par  leur  victoire  du  16,  comptaient  sur 
le  succès  le  plus  complet  et  étaient  si  sûrs,  comme  ils  le  di- 
saient, de  «  frotter  les  Brigands  »  qu'ils  ne  prirent  aucune 
précaution  pour  se  garantir  d'un  revers.  La  troupe  de  son 
côté  se  livra  au  repos.  Les  conventionnels  Auguis,  Jard-Pan- 
villiers  et  Lecointre-Puyravau  avaient  quitté  Fontenay  et  s'é- 
taient dirigés  sur  Niort2.  Quand  sur  les  onze  heures  on  signala 
l'approche  des  Vendéens, tout  le  monde  fut  surpris;  ils  n'étaient 
pas  attendus  de  sitôt.  Des  éclaireurs,  envoyés  pour  s'assurer 
de  l'exactitude  des  faits,  reviennent  annoncer  que  l'armée 
royaliste  s'avance  à  marches  forcées  sur  Fontenay.  Aussitôt  la 
générale  bat;  Chalbos,  qui  était  à  dîner  avec  les  généraux  et 
les  autres  Représentants, monte  promptementà  cheval  étrange 
son  armée  en  bataille.  Il  appuie  son  centre,  aux  ordres  de 
Nouvion,  sur  la  redoute  des  moulins  de  Morienne,  sa  gauche 
qu'il  dirige  lui-même,  sur  la  Croix-du-Champ,  et  sa  droite,  que 

*  Beauchamp  lui  donne  10000  hommes,  Savary  5500  ;  il  avait  envoyé,  dit-il, 
une  partie  de  ses  renforts  à  Boulard.  B.  Fillon  (Joe.  cit.  p.  385)  lui  donne 
le  nombre  des  8400  hommes. 

'  B.  Fillon  l.  c.  p.  385.  Lettre  des  Représentants  déjà  citée,  IbidlY.  385-386. 


348  TROIS    GRANDES    JOURNEES 

commande  d'Ayat,  sur  Charzais.  Il  fait  placer  le  gros  de 
l'artillerie  dans  la  plaine  et  établit  une  batterie  au  clos  de 
liante-Roche  sur  la  droite  pour  foudroyer  l'armée  vendéenne, 
qu'il  présume  devoir  se  présenter  par  la  Balingite1. 

Il  faisait  chaud  ;  les  Vendéens  à  moitié  vêtus,  à  cause  de 
la  chaleur,  marchaient  sur  trois  colonnes  et  avaient  repris 
leur  chant  du  Vexilla  régis.  Bien  que  supérieurs  en  nombre, 
ils  n'avaient  que  cinq  canons  avec  le  Brutal  et  trois  coups  à 
tirer  par  pièce.  Ils  se  préparèrent  néanmoins  à  ouvrir  le  feu 
avec  énergie. 

Bonchamps  est  à  l'extrême  droite,  au  poste  le  plus  périlleux, 
exposé  aux  évolutions  de  la  cavalerie  ennemie.  Mais,  en  habile 
tacticien,  il  déploie  sa  division  sur  une  ligne  oblique  jusqu'à, 
la  forêt  de  Baguenard,  afin  de  n'être  pas  tourné,  et  de  manière 
à  faire  retour  ou  former  potence  avec  le  centre  et  la  gauche 
des  Royalistes.  Pour  mieux  surprendre  l'ennemi,  il  fait  coucher 
à  terre  la  plus  grande  partie  de  ses  soldats.  Lescure  commande 
l'aile  gauche,  couverte  par  la  rivière  de  la  Vendée  ;  Gathelineau, 
Stofflet,  Duhoux-d'Hauterive,  qui  remplace  d'Elbée,  blessé 
à  la  première  attaque,  sont  au  cetitre,  précédés  de  l'artillerie. 
La  Rochejaquelein,  Dommaigné,  de  Sapinaud  et  de  Beau- 
repaire2  sont  à  l'arrière-garde  avec  la  cavalerie.  Arrivés  à  por- 
tée de  fusil  des  Républicains,  tous  tombent  à  genoux,  les  chefs 
s'inclinent  pour  recevoir  une  dernière  absolution  de  la  part 
des  prêtres  qui  marchent  derrière  leurs  rangs.  L'absolution 
reçue,  ils  se  relèvent  avec  transport  et  les  généraux  leur  crient 
chacun  de  leur  côté  :  «  Mes  enfants,  nous  n'avons  pas  de  pou- 
1  <\re,  allons  reprendre  Marie-Jeanne  à  coups  de  bâton,  comme 
«  au  commencement;  à  qui  courra  le  plus  vite;  on  ne  peut 
«  pas  s'amuser  ici  à  tirer3.  »  Les  soldats  de  Bonchamps  seuls 
étaient  mieux  fournis  de  munitions.  Il  était  une  heure  environ 

'  Sararv  s.  c.  I.  228  ;  L.  des  Aspremont.  L'Avenir  et  l'Indicateur  de  la 
Vendée    année  1898. 

'  M.  Chassin  dit  que  ces  deux  derniers  n'arrivèrent  que  le  lendemain  ainsi 
que  ttoyi  ;tn<l,  Béjarry  et  Cumorit  [Venoi'e  patriote^  t.   1.  p    431). 

•   Mémoiies  d<*   M'""  de  la  Rochejaquelein  p.  i.!)-160. 


DK    LA    VENDÉE    MILITAI  RK  349 

de  l'après-midi.  En  un  instant,  les  canonniers  ont  épuisé  leurs 
gargousses  ;  ils  en  demandent  h  Mangny  qui  leur  montre  les 
Bleus  et  leur  crie  :  «  Voici  les  caissons  où  nous  en  trouverons  :  » 
et  il  s'élance  à  leur  tête.  Les  autres  chefs  s'élancent  également 
en  avant  de  leurs  troupes.  Gathelineau,  pendant  une  demi- 
heure,  se  trouve  presque  seul  à  cheval  en  face  d'une  batterie 
ennemie  et  devient  le  point,  de  mire  de  ses  coups,  pendant 
qu'il  dirige  et  anime  sa  colonne1.  Stofïlet  se  précipite  avec  une 
audace  incroyable  au  milieu  des  bataillons  républicains,  anime 
du  geste  et  de  la  voix  ses  intrépides  Angevins.  Il  veut  se 
venger  de  sa  défaite  du  16.  Les  paysans,  se  voyant  devancés 
par  leurs  généraux,  se  piquent  d'une  noble  émulation  et  s'at- 
tachent à  leurs  pas.  Ils  oublient  la  chaleur  qui  les  étouffe,  ils 
méprisent  les  balles  qui  sifflent  à  leurs  oreilles  et  abordent  à 
la  baïonnelte  et  à  coups  de  piques  les  lignes  républicaines*. 
Un  instant,  les  Poitevins  hésitent  à  suivre  Lescure,  qui  les 
devance  de  trente  pas  :  «  En  avant,  mes  amis,  leur  crie-t-il, 
«  n'ayez  pas  peur.  »  Une  batterie  de  six  pièces  le  crible  de 
mitraille,  ses  habits  sont  troués,  son  éperon  est  emporté,  sa 
botte  droite  est  déchirée,  mais  il  est  sans  blessure  :  «  Vous  le 
«  voyez,  mes  amis,  dit-il  en  se  retournant  vers  ses  soldats,  les 
«  Bleus  ne  savent  pas  tirer.  »  Dès  lors  les  paysans  n'hésitent 
plus.  «  Laisserons-nous  tuer  notre  général?')  s'écrie  Jean 
Martin  de  Saint-Lambert3.  «  Je  n'avons  plus  de  poudre,  ob- 
«  servent  quelques-uns  ;  c'est  égal,  fonçons  quand  même  pour 
u  ravoir  Marie-Jeanne.  »  Et  ils  prennent  leur  course  comme 
leurs  camarades,  mais  avec  un  tel  entrain,  que  Lescure,  pour 
rester  à  leur  tête,  est  obligé  de  mettre  son  cheval  au  trot. 
Sur  leur  passage  ils  rencontrent  une  croix,  et  tombent  à 
genoux  sous  le  feu  des  canons,   dont  les  boulets  passent  au- 

Eloge  funèbre,  par  M.  Cantiteau. 

'■  Jean  Charbonnier,  de  la  Bertholoniière,  du  Voide,  m'a  ainsi  raconté  dans 
son  style  imagé,  cette  charge  brillante  :  «  La  chaleur  était  forte,  nous  avions 
«  quitté  nos  vestes,  nos  gilets  et  malgré  les  balles  qui  sifflaient  à  nos  oreilles, 
«  nous  courions  comme  des  lièvres  sur  les  bleus.   » 

3  Mémoires  inédits  de  l'abbé  Conin,  p.  19b. 


350  TROIS    GRANDES   JOURNÉES 

dessus  de  leur  tête.  La  Ville-Baugé  veut  les  faire  avancer: 
«  Laissez-les  prier  Dieu,  lui  dit  tranquillement  Lescure,  ils 
«  ne  s'en  battront  que  mieux1.  »  En  effet  ils  se  relèvent,  s'élan- 
cent avec  une  nouvelle  ardeur,  enlèvent  la  batterie  à  coups 
ilf  baïonnette  et  de  crosse,  et  tuent  les  canonniers  sur  leurs 
pièces2 

Pendant  ce  temps,  on  se  bat  corps  à  corps  sur  toute  la  ligne. 
Ghalbos  veut  profiter  de  ce  pêle-mêle  pour  tourner  encore  les 
Vendéens  avec  ses  chasseurs  de  la  Gironde.  Il  les  lance  sur 
eux  au  galop.  Les  soldats  deBonchamps,  qui  épient  le  mou- 
vement, se  relèvent  de  terre  et  les  fusillent  à  bout  portant3. 

«  Si  tu  n'es  pas  Bonchamps,  crient  les  Bleus  aux  Vendéens, 
«  tu  vas  être  bien  battu  !  Tiens,  voilà  ses  balles  à  Bonchamps  », 
ripostent  ceux-ci*.  »  Les  chasseurs  de  la  Gironde  font  un  feu 
terrible.  Chaque  volontaire  de  la  compagnie  franche  de  Tou- 
louse et  du  4e  bataillon  de  l'Hérault  combat  vaillamment  ; 
quelques  autres  bataillons,  ramenés  en  hâte  par  les  Représen- 
tants du  peuple,  luttent  avec  héroïsme5.  Mais  la  fusillade  des 
soldats  de  Bonchamps  est  si  meurtrière,  que  les  cavaliers  ré- 
publicains se  rejettent  forcément  en  arrière.  Chalbos  s'en 
aperçoit;  il  court,  avec  Goupilleau  (deMontaigu;,au-devantdes 
fuyards,  le  pistolet  au  poing,  pour  les  ramener  à  la  charge. 
Dans  ce  but  et  pour  essayer  de  repousser  les  rebelles,  il 
commande  aux  gendarmes  qui  forment  sa.  seconde  ligne  de 
cavalerie  de  donner  à  leur  tour.  Cinq  seulement  obéissent  à 
son  ordre  ;  les  autres,  effrayés  par  ceux  qui  viennent  de  lâcher 
pied,  s'enfuient  bride  abattue,  renversent  les  fantassins  qui 
se  trouvent  sur  leur  passage  et  écrasent  sous  les  pieds  de  leurs 


1  Mémoires  de  M'  de  la  Rochejaquelein,   et  l'abbé  Conin,  p.   195.  Hist.    de 
la  ville  de  Fontenay,  par  Benj.  Fillon,  p.  336. 

'  Mémoires  de  l'abbé  Conin,  p.  105. 

5  Témoignage  de  Louis  Brard. 

*  Mémoires  inédits  de  l'abbé  Martin, cités  par  Chauvau,  Vie  de  Bonchamps, 
p.  114. 

1  Lettre  des  Représentants  du  peuple  déjà  citée. 


DE   LA    VENDÉE    MILITAIRE  ""jl 

chevaux  plus  de  trente  fie  leurs  braves  camarades.  En  vain 
les  Représentants  du  peupleetlcs  généraux  font  les  plus  grands 
efforts  pour  rallier  leurs  soldats,  l'infanterie, abandonnéepar  les 
cavaliers,  ne  peut  résister  à  l'ardeur  des  soldats  de  Bonchamps 
et  s'enfuit  en  désordre.  La  déroute  est  complète  et  Ghalbos 
lui-même  est  emporté  par  le  flot  des  fuyards1. 

Une  partie  des  soldats  de  Bonchamps  se  met  à  leur 
poursuite  ;  l'autre,  formée  de  la  division  de  Loroux,  se  préci- 
pite sur  les  canons  du  château  et  s'en  empare  à  l'aide  de  longs 
bâtons  qu'ils  manient  avec  une  adresse  incroyable8.  LaRoche- 
jaquelein  et  Dommaigné  s'élancent  de  leur  côté,  avec  leurs 
cavaliers,  sur  le  centre  des  Républicains,  l'abordent  au  cri  de 
\'ive  le  Roi!  et  le  font  reculer  malgré  la  résistance  désespérée 
des  débris  des  bataillons  du  Midi,  qu'encouragent  de  leur 
exemple  les  conventionnels  Goupilleau  et  Garnier  de  Saintes. 
Ce  dernier,  qui  combat  à  pied,  est  sur  le  point  d'être  fait  pri- 
sonnier3; il  doit  son  salut  à  un  gendarme  qui  lui  offre  son 
cheval.  La  Rochejaquelein,  après  avoir  rejeté  le  centre  des 
Bleus  dans  la  ville,  se  tourne  vers  leur  aile  gauche,  qui  tient 
encore.  Apercevant  un  officier  du  13e  chasseurs,  il  lance  son 
cheval  sur  lui.  Le  républicain,  comprenant  son  mouvement, 
accepte  la  lutte  et  se  dirige  au  galop  vers  la  Rochejaquelein  ; 
mais  soudain  son  cheval  s'abat.  Henri  lui  crie  aussitôt  : 
«  Rendez-vous,  je  vous  promets  la  vie  sauve.  »  Pour  toute 
réponse  l'officier  l'ajuste  cle  ses  deux  pistolets  d'arçon  et  le 
manque.  La  Rochejaquelein,  calme,  regarde  son  ennemi  avec 
un  sourire  héroïque.  «  Je  me  suis  satisfait,  lui  dit  alors  le  Bleu, 
satisfais-toi  maintenant  »  :  et  il  jette  ses  armes  à  terre  avec 
un  geste  de  désespoir.  «  Eh  bien  !  reprend  la  Rochejaquelein, 

1  Ibid.  Benj.  Fillon,  dans  son  Hist.  de  la  ville  de  Fontenay,  p.  38G,  dit  que 
les  gendarmes  s'enfuirent  jusqu'à  Aulmes,  à  trois  lieues  de  Fontenay.  Ces 
gendarmes  furent  destitués  par  un  décret  du  29  mai  {V.  La  Vend,  patr.,  par 
M.  Chassin,  1  p.  404  ) 

1  Mémoires  de  Madame  de  la  Bouëre,  p.  48. 

3  Lettre  de  Leterme-Saulnier,  '17  mai  1793,  citée  par  Grille,  La  Vendée,  t.  I, 
p.  171. 


352  TROIS    GRANDES   JOURNÉES 

ma  seule  satisfaction  est  de  te  laisser  vivre.  »  A  ces  mots,  il 
se  précipite  dans  la  mêlée,  pour  chercher  de  plus  dignes 
ennemis1.  Après  la  bataille,  le  chapeau  de  la  Rochejaquelein 
était  tellement  percé  do  balles  qu'il  ne  tenait  plus  sur  sa  tête2. 

«  Louis  Gabriel  Beaupuy.  frère  du  général  de  ce  nom,  est 
entouré  vers  la  fin  de  l'action  par  quelques  cavaliers  de  la 
Rochejaquelein.  Beaupuy  combat  en  héros.  Les  paysans  le 
somment  de  mettre  bas  les  armes.  «  Vaincre  ou  périr,  s'écrie 
le  républicain,  je  ne  me  rends  pas  à  des  rebelles.  »  A  ces 
mots,  il  tombe  couvert  de  glorieuses  blessures.  Le  porte- 
drapeau  de  la  garde  nationale,  Fesque,  ouvrier  gantier,  acculé 
à  la  barrière  de  Niort,  défend  longtemps  son  précieux  dépôt, 
et  tombe  en  criant  :  Vive  la  Nation  !3  C'est  ainsi  qu'on  mourait 
dans  les  deux  camps4.  » 

Cependant  l'aile  droite  de  Ghalbos  est  en  pleine  retraite.  De 
toutes  parts  les  fuyards  se  retirent  derrière  les  retran- 
chements de  la  ville.  Les  Blancs  ne  leur  laissent  pas  le  temps 
de  s'y  établir  ;  ils  les  escaladent  ou  les  contournent.  Jacques 
David  du  Voide  et  plusieurs  de  ses  camarades  s'y  introduisent 
par  les  faubourgs,  pêle-mêle  avec  les  Bleus  ;  ils  les  fusillentà 
bout  portant,  les  chassent  à  coups  de  bâton  et  les  suivent 
jusque  dans  les  rues.  En  même  temps  les  cavaliers  vendéens 
pourchassent  les  bataillons  républicains  qui  résistent  encore 
dans  la  plaine.  Un  de  ces  bataillons  se  voyant  trop  menacé, 
met  bas  les  armes  et  crie  Vive  le  Roi!  Lorsque  les  cavaliers 

1  Crétineau-Joly,  loc.cit.l.  I,  p.  145-146,  Ie  édition;  Mémoires,  de  Beauvais 
p.  LO. 

Témoignage  d'an  témoin  ocuhiire  cité  par  M.  de  Brem,  Ilist.  populaire 
îles  guerres  de  la  Vendée,  p.  59,  Paris,  librairie  de  la  Société  bibliographique 
1881.  H.^nri  de  la  kochejaquelein,  portait  à  sa  tête,  à  son  cou  et  à  sa  ceinture 
des  mouchoirs  rouges  de  Cholet;  plusieurs  officiers  vinrent  le  supplier  de 
quitter  cet  accoutrement,  lui  disant  qu'ils  avaient  entendu  les  Bleus  crier  : 
«  Tirez  sur  les  mouchoirs  rouges.  »  Gomme  il  n'en  voulut  rien  faire,  les 
chefs  adoptèrent  <:ette  mode  d'un  cooimun  accord.  {Vie  de  H.  de  la  Roche- 
jaquelein, p.   16.)  i'aris,  Chamain  édit.  1890. 

3  Louis  des  Aspremont,  L'Avenir  et  l'Indicateur  de  la  Vendée  ;  année 
1898. 

*  Crétineau-Joly,  loc.  cit.  t.  I,  p.  14G.  5' édition. 


DE    LA    VENURK    MILITAIRE  !<".:{ 

royalistes  ne  sont  plus  qu'à  quinze  pas  de  lui,  il  reprend  ses 
armes  et  fait  feu  sur  eux.  Pour  se  venger  de  cette  perfidie,  I 
Vendéens  l'exterminèrent  jusqu'au  dernier  homme.  La  ville 
est  cernée  par  plusieurs  colonnes  vendéennes  ;  l'une  arrive 
par  la  Balinque  pour  barrer  la  route  de  Niort,  une  autre  par 
les  Essorts  :  celle  de  Royrand.  sous  les  ordres  de  Verteuil  et 
de  Béjarry,  apparaît  sur  les  hauteurs  de  Terre-Neuve  et  vienl 
par  la  route  d'Auzay  intercepfer  le  port  du  Gros-Noyer1.  A 
cette  vue  Ghalbos  et  les  Représentants  prennent  la  fuite  en 
rugissant  de  colère  et  de  désespoir.  Ils  mettent  bas  leurs 
|)iinaches  et  les  autres  marques  distiuctives,  afin  de  n'être  pus 
reconnus  par  les  paysans  et  même  par  leurs  propres  soldats, 
qui  les  accusent  d'avoir  paru  trop  tard  à  l'aclion*.  Toute  chance 
de  succès  étant  devenue  désormais  impossible,  trois  mille 
deux  cent  cinquante  Républicains  mettent  bas  les  armes3. 

Lescure  fut  le  premier  Vendéen  qui  pénétra  dans  Fontenay  : 
Les  soldats,  craignant  quelque  piège,  refusèrent  de  le  suivre. 
Il  s'avance  seul  alors  contre  de  nombreux  ennemis  et  leur 
l'ait  déposer  les  armes.  Bonchamps,  alarmé  du  danger  qu'il 
court,  arrive  auprès  de  lui  ;  Forêt  y  vole  aussi,  et  tous  les  trois, 
le  sabre  à  la  main,  s'élancent  témérairement  au  milieu  de  plus 
de  quatre  mille  Bleus  encore  répandus  dans  les  rues,  et  qui, 
glacés  d'effroi,  se  précipitent  à  genoux  devant  eux  et  leur  de- 
mandent grâce.  Arrivés  sur  la  place  principale,  ces  trois  chefs 
prennent  chacun  leur  rue  et  s'y  engagent,  afin  de  hâter  la 
reddition  de  la  ville,  en  criant  :  «  Rendez-vous,  à  bas  les 
«  armes  :  vive  le  Roi  1  On  ne  vous  fera  pas  de  mal.  »  Bon- 
champs  rencontre,  près  de  la  mairie,  un  patriote  qui,  plein 
de  frayeur,  se  réfugie  entre  les  jambes  de  son  cheval  :  il  se 
dit  père  de  sept  enfants  et  lui  demande  la  vie4.  Bonchamps  la 

i  De  Beau  vais,  Mémoires,  p.  43-51.  Louis  des  Aspreuiont,  L'Avenir  et  l'Indi- 
cateur de  la  Vendée,  année  189S. 

'-  Mémoires  d'un  Administrateur  militaire  anonyme,  p.  45.  Amédée  de 
Béjarry,  Souvenirs  Vendéens,  p.  73. 

3  Hist.  de  la  ville  de  Fontenay,  p.  B.  Fillon,  p.  382. 

*  L'abbé  Lemonnier,  aumônier  de  Bonchamps  a  rapporté  que  ce  patriote 
était  un  officier. 


354  TROIS    GRANDES   JOURNÉES 

lui  accorde  avec  la  liberté  :  mais  ce  misérable,  s'apercevant 
que  le  général  est  seul,  le  laisse  passer  outre,  se  retourne  et 
lui  tire  un  coup  de  fusil.  Bonchamps  tombe  de  cheval  griè- 
vement blessé  ;  la  balle  lui  a  traversé  l'épaule  et  les  chairs 
qui  avoisinent  la  poitrine.  Les  paysans,  qui  le  suivaient  à  quel- 
que distance,  accourent  pour  le  venger,  et  afin  de  ne  pas  man- 
quer l'assassin, ils  cernent  la  rue  et  massacrent  soixante  Bleus 
qui  s'y  trouvent  renfermés1.  Lescure  est  plus  heureux  ;  il  court 
aux  prisons  et  délivre  de  la  Marsonnière,  des  prêtres  et  deux 
cent  quarante  Vendéens  qui  devaient  être  fusillés  le  lende- 
main. Pierre  Bibard,  de  la  Tessoualle,  couvert  de  vingt-six 
blessures,  recouvreaussi  laliberté...Les  Vendéens  délivrèrent 
encore  l'amiral  Destouches,  natif  de  Luçon,  célèbre  marin 
qui  avait  battu  les  Anglais,  le  16  mars  1781 ,  au  brillant  combat 
de  Chesapeake,  pendant  la  guerre  d'Amérique,  et  que  ses 
compatriotes  avaient  jeté  en  prison  comme  aristocrate2. 

En  même  temps,  la  foule  des  vainqueurs  avait  pénétré  dans 
la  ville  aux  cris  frénétiques  de  vive  le  Roi!  Cathelineau,  Stof- 
flet,  Marigny,  Sapinaud,  Lescure,  Donnissan  avaient  parcouru 
touteslesruespourfaire  déposer  les  armesàceuxquirésistaient 
encore.  C'était  la  victoire  la  plus  considérable  qu'ils  eussent 
remportée  jusqu'alors,  et  cependant  la  bataille  n'avait  duré 
qu'une  heure.  Les  Bleus  avaient  eu  dix-huit  cents  hommes 
tant  tués  que  blessés.  Trois  mille  prisonniers,  cinq  mille  fusils, 
vingt  barils  de  poudre,  une  trentaine  de  canons,   quinze  cais- 

1  Mémoires  de  madame  de  la  Rochejaquelein,  p.  161,  «  Bonchamps  fut 
blessé,  comme  il  passait  devant  la  porte  du  jardin  de  la  cure  actuelle,  autre- 
fois la  mairie,  par  le  concierge  Staub,  dit  M.  L.  des  Aspremont;  il  fut  soi- 
gné parle  docteur  Chapin.  V Avenir  et  V Indicateur  delà  Vendée,  année  1898. 

'  M.  de  Lescure,  après  avoir  délivré  de  la  Marsonnière,  vola  à  une  autre 
prison  où  étaient  les  parents  d'émigrés  et  les  gens  suspects,  au  nombre  d  • 
plus  de  2oO.  Ils  avaient  vu  de  loin  le  combat  et  de  crainte  d'être  immolés  par 
les  Bleus,  ils  s'éiaient  barricadés  en  dedans.  M.  de  Lescure  frappe  à  coups 
mblés  en  criant  :  «  Ouvrez,  de  par  le  Roi:  »  Aussitôt  les  portes  s'ouvrent, 
les  cris  de  Vive  le  Roi  !  retentissent  dans  la  prison  ;  tous  les  captifs  em- 
brassent M.  de  Lescure  sans  le  reconnaître,  quoiqu'il  lut  parent  ou  ami  d'un 
nd  nombre,  il  se  nomme  et  les  quitte  pour  poursuivre  les  fuyards  (Mémoires 
de  M\  de  la  Rochejaquelein,  p.  162). 


DE   LA    VENDÉE   MILITAIRE  355 

sons,  des  bagages,  un  grand  nombre  de  drapeaux  parmi  les- 
quels celui  du  département,  des  provisions  de  bouche  et  la 
correspondance  des  conventionnels  tel  était  le  butin  des  Ven- 
déens. Les  généraux  Chalbos,  Nouvion,d'Ayat,  Beffroy  et  les 
Représentants  étaient  en  fuite.  Les  vainqueurs  avaient  perdu 
peu  de  monde1  ;  mais  leur  succès  était  à  leurs  yeux  incomplet, 
car  Marie-Jeanne,  le  canon,  objet  spécial  de  leur  affection, 
n'était  pas  encore  en  leur  pouvoir. 

Un  détachement  d'infanterie  républicaine  et  des  gendarmes 
à  cheval  l'entraînaient  en  toute  hâte  sur  la  route  de  Niort.  On 
leur  avait  promis  25000  francs,  s'ils  parvenaient  à  le  sauver.  Fo- 
rêt, qui, après  avoir  quitté  Bonchamps  et  Lescure,avait  suivi  la 
grande  rue,en  poussant  toujours  devant  lui  les  vaincus, appre- 
nait, en  sortant  de  la  ville,  qu'un  peletonde  Bleus  l'emmenait 
dans  la  direction  de  Niort.  Loyseau,  dit  l'Enfer,  Rochard  et 
Uelaunay  de  Ghanzeaux,  Jacques  Vandangeon  d'Yzernay, 
Jean  Martin  de  Saint-Lambert5  et  trente  autres  cavaliers, 
parmi  lesquels  Biot,  de  Mouchamps,  s'élancent  sur  la  trace 
des  ennemis,  sabrant  à  droite  et  à  gauche  tous  ceux  qu'ils 
rencontrent.  Jacques  Vandangeon,  la  chemise  retroussée  jus- 
qu'aux épaules,  en  sabre  trente  pour  sa  part  ;  aussi  l'appela-t-on 
depuis  le  Sabreur3.  Pendant  ce  temps,  Forêt  s'était  avancé  si 
loin,  qu'il  se  trouve  un  instant  égaré  au  milieu  de  cent  gen. 
darmes,  qui  le  prennent  pour  un  des  leurs  ;  car  il  ne  porte  au. 
cune  cocarde  et  monte  le  cheval  d'un  gendarme  qu'il  a  tué 
dans  un  autre  combat.  Forêt,  voyant  leur  méprise,  fait  sem- 

1  M.  Sapinaud,  quelques  jours  après  la  bataille,  n'accusait  que  huit  cents 
hommes  tués  et  blessés  et  trois  mille  cinq  cents  prisonniers  parmi  les  Républi- 
cains; dix-sept  morts  etsoixante-cinq  blessés  chez  les  Vendéens.  (Notes  de  M.  de 
la  Boutetière,  p.  85).  —  M"1"  delà  Rochejaquelein  rapporte  que  les  Vendéens 
trouvèrent  une  caisse  militaire  remplie  d'assignats  dont  ils  ne  firent  aucun 
cas,  parce  qu'ils  n'étaient  pas  au  nom  du  roi,  mais  on  appliqua  aux  besoins 
de  l'armée  neuf  cent  mille  trancs  en  numéraire  qu'une  autre  caisse  renfer_ 
mait.  (Mémoires)  p.  163). 

5  Mémoires  inédits  de  l'abbé  Conin,p.  195. 

1  Attestation  de  son  petit-neveu,  l'abbé  Vandangeon,  aumônier  du  général 
Cathelineau,  dans  la  dernière  guerre  avec  la  Prusse. 

TOME   XII.    —    JUILLET,    AOUT,    SEPTEMBRE  25 


356  TROIS    GRANDES   JOURNÉES 

blant  de  se  mettre  à  leur  tête,  revient  avec  eux  pour  sauver 
Marie-Jeanne,  que  les  Vendéens  essayent  déjà  d'enlever,  les 
devance,  et,  le  premier,  atteint  le  canon  au  village  des  Granges1, 
à  une  lieue  de  Fontenay.  Aussitôt  il  crie  Vive  le  Roi!  se  re- 
tourne, tue  deux  gendarmes  qui  le  suivent  et  passe  du  côté  des 
paysans,  parmi  lesquels  il  est  à  l'instant  reconnu;  tous  en- 
semble ils  fondent  sur  l'ennemi.  Une  lutte  à  mort  s'engage  entre 
les  Bleus  et  les  Blancs.  Les  Blancs  s'emparent  enfin  du  canon  ; 
mais  les  Bleus,  aidés  des  gendarmes  qui  surviennent,  le  resai- 
sissent. Bientôt  les  Blancs,  rejoints  à  leur  tour  par  quelques-uns 
de  leurs  braves,  parmi  lesquels  sont  Picherit,  Jacques  Godillon 
et  cinq  autres  habitants  de  Chanzeaux,  se  jettent  comme  des 
furieux  sur  ceux  qui  entraînent  le  canon  vénéré  et  s'en  empa- 
rent de  nouveau.  Les  Bleus  le  reprennent  une  seconde  fois  ; 
il  leur  échappe  de  nouveau  et  dans  cette  lutte  acharnée,  ils  le 
prennent  et  le  perdent  jusqu'à  six  fois*.  A  la  dernière  charge, 
Pierre  Rochard,  de  Chanzeaux,  d'une  force  et  d'un  courage  ex- 
traordinaires, se  précipite  sur  Marie-Jeanne,  lui  fait,  malgré  ses 
blessures,  un  rempart  de  son  corps,  et  permet  à  Biot,  à  Forêt, 
à  Loyseau  et  à  leurs  camarades  de  s'en  emparer  définiti- 
vement3.  Ivres   de  joie  de  voir  enfin  ce  canon  entre   leurs 

1  Hist.  de  la  ville  de  Fontenny,  par  Benj.  Fillon,   p.  382. 

*  Témoignage  de  Louis  Brard.  Beauvais  dit  qu'il  fut  pris  trois  fois.  Les 
historiens  de  la  Vendée  donnent  presque  tous  l'honneur  de  cette  prise  à 
Forêt.  Sans  lui  enlever  la  part  glorieuse  qu'il  y  prit,  il  n'est  pas  juste  de  priver 
•es  camarades  de  l'appui  qu'ils  lui  donnèrent.  Ces  prises  et  reprises  ne  sont 
pas  mentionnées  non  plus  par  les  historiens,  mais  j'ai  cru  devoir  m'en 
rapporter  au  témoignage  de  Louis  Brard,  qui  dans  ce  moment  se  trouvait  sur 
les  lieux...  M.  de  la  Bouëre  dit  que  la  prise  de  Marie-Jeanne  coûta  la  vie  à 
quinze  Vendée.  8. 

»  Une  paroisse  vendéenne  sous  la  terreur,  p.  57...  Ce  fut  Biot  qui  le  pre- 
mier mit  la  main  sur  la  pièce.  Voici  une  note  qui  en  fait  foi.  Elle  fut  envoyée, 
en  pluviôse,  par  un  membre  du  Comité  révolutionnaire  de  Fontenay,  au  prési- 
dent de  la  Commission  militaire,  nous  la  donnons  avec  son  orthographe. 

Note  exacte. 
Louise  Boisseau,  veuve  Biot, 
très  criminelle 

Elle  na  vécu  que  du  pillage  que  linfâme  comrnité  de  Mouchamps  faisait 
voiler  par  elle  et  par  son  fils. 

Son  fils   est  le  premier  ommandant  des  rebelles  et  le  pluscourageux    des 


DE    LA    VENDRE    MILITAIRE  357 

mains,  ils  l'embrassent,  le  couvrent  de  feuillages  et  le  ra- 
mènent triomphalement  à  Fontenay.  A  rette  vue,  l'armée 
royale  pousse  un  long"  cri  de  triomphe  ;  chacun  veut  le  toucher 
et  l'embrasser;  on  dételle  les  chevaux  qui  le  traînent,  on 
s'attache  à  l'avant-troin  et  on  le  promène  ainsi  le  reste  du  jour 
par  toute  la  ville.  Les  femmes  elles-mêmes  participent  à 
l'allégresse  générale,  elles  le  couvrent  de  fleurs  et  l'ornent  de 
rubans.  L'enivrement  de  la  joie  est  tel  que  sa  conquête  égale, 
surpasse  peut-être  même,  aux  yeux  des  paysans,  le  gain  de  la 
bataille  ;  tant  il  est  vrai  que  souvent  la  foule  se  passionne  pour 
un  objet  secondaire  qu'on  a  préconisé  devant  elle1. 
Les  généraux  vendéens  tinrent  conseil,  le  26  au  matin,  chez 


brigands.  Cest  lui  qui  à  laffaire  du  '25  mai  à  Fontenay  a  le  premié  mis  la 
main  sur  le  canon  la  Marie-Jeanne,  pourquoi  ses  chefs  lui  ont  donné  une 
récompense  de  trois  cents  livres. 

11  reçut,  laccolade  de  tous  ses  chefs  et  en  arrivant  deux  jours  après  a 
Mouchamps  lin/âme  prestre  fit  carilogner  en  réjouissance  de  Idrrivé  du 
brigand  Biot. 

Le  Président  de  la  Commission  militaire, 
Baussey. 
(Papiers de  Goupilleau.  cités  par  M.  de  la  Boutetière,  p.  84.) 

1  Voici  comment  M"1*  de  la  Rochejaquelein  raconte  la  prise  de  Marie-Jeanne  : 
«  Forêt  avait  pris  la  rue  qui  menait  au  chemin  de  Niort,  aussi  se  trouvait-il 
«  en  tête.  Le  grand  intérêt  était  de  reprendre  Marie-Jeanne,  l'idole  des 
«  soldats  ;  les  Bleus  qui  le  savaient,  faisaient  tous  leurs  efforts  pour  la  sauver. 
«  On  était  déjà  à  plus  d'une  grande  lieue,  de  la  ville;  Forêt  s'était  si  fort 
«  avancé  qu'il  était  au  milieu  de  plus  de  cent  gendarmes  ;  heureusement  il 
«  avait  le  cheval,  la  selle  et  les  armes  d'un  gendarme  qu'il  avait  tué  à  un 
«  autre  combat;  de  plus  il  n'était  pas  habillé  en  paysan,  n'avait  point  de 
«  cocarde  blanche  et  comme  dans  ce  temps  la  plupart  des  troupes  républi- 
«  caines  étaient  remplies  de  nouvelles  recrues,  sans  uniformes,  ils  le  prirent 
«  pour  un  des  leurs;  un  d'eux  lui  frappant  sur  l'épaule  lui  dit  :  «  Camarade 
«  il  y  a  2,000  francs  de  promis  pour  ceux  qui  sauveront  Marie-Jeanne,  elle  est 
«  engagée,  retournons  pour  l'empêcher  d'être  prise.  »  Efiectivement,  tous  les 
«  Bleus  retournent.  Forêt  se  met  à  faire  le  brave  disant  qu'il  veut  être  le 
«  premier.  11  file  doucement  et  se  trouve  à  la  tête  des  gendarmes,  assez  en 
«  avant,  suivi  seulement  des  deux  plus  hardis.  Quand  il  est  près  de  nos  gens, 
«  il  se  retourne  en  criant  :  Vive  le  Hoi!...  et  tue  les  deux  hommes  qui  le 
«  suivent;  les  Vendéens  le  reconnaissent,  fondent  sur  l'ennemi  et  s'emparent 
«  de  Marie-Jeanne  qui  était  défendues  par  quelques  fantassins.  «(Mém.p.  162) 
Bourniseaux,  Précis  historique  sur  les  guerres  de  la  Vendée,  t.  1,  p.  394 
affirme  que  Forêt  fut  pris  pour  un  bleu. 


358  TROIS    GRANDES   JOURNÉES 

Mme  Grimouard  de  Saint-Laurent  où  plusieurs  étaient  venus 
prendre  logement,  la  veille,  après  leur  victoire. 

Ils  délibérèrent  pour  savoir  s'ils  devaient  poursuivre  leur 
marche  jusqu'à  Niort.  Tout  le  pays,  au-delà  de  Fontenay,  s'at- 
tendait à  être  envahi  ;  la  ville  même  de  Niort  était  dans  les 
plus  vives  alarmes.  Les  Représentants,  les  officiers  et  les  sol- 
dats républicains,  qui  s'y  étaient  enfuis  après  leur  défaite, 
avaient  communiqué  à  toute  la  population  Niortaise,  comme 
l'avaient  fait  àMarans  et  à  Saint-Hermand  les  autres  fugitifs, 
l'effroi  dont  ils  étaient  eux-mêmes  saisis.  Sur  la  ligne  des 
Sables,  tous  les  postes  s'étaient  repliés  sur  Marans.  Douze 
cents  hommes  de  troupe  à  peine  formaient  la  seule  force  que 
les  Républicains  pouvaient  opposer  aux  Royalistes1.  Il  ne 
restait  donc  plus  de  barrière  pour  arrêter  ces  derniers  dans 
leur  marche,  et  il  leur  suffisait  de  se  présenter  dans  les  loca- 
lités voisines,  à  Niort  même,  pour  en  faire  la  conquête.  Plu- 
sieurs, parmi  les  chefs  royalistes,  voulaient  qu'on  allât  atta- 
quer les  Sables  ;  mais  «  marcher  sur  les  Sables  n'avait  pas  le 
sens  commun,  remarque  dans  ses  mémoires  M8,  de  la  Roche- 
jaquelein,  puisque  notre  pays  restait  sans  défense»2.  Ce  projet 
fut  rejeté  et  la  majorité  se  déclara  pour  la  marche  sur  Niort3, 
bien  que  le  pont  de  la  Sème  put  être  coupé . 

Les  gentilshommes  qu'on  avait  fait  sortir  de  prison  dans 
les  différentes  localités  que  l'on  venait  de  parcourir,  et  qui 
avaient  été  admis  au  conseil,  s'opposèrent  à  cette  décision,  qui 
avait  réuni  les  suffrages  des  officiers  angevins.  Cathelineau 
coupa  court  à  leurs  observations  en  leur  disant  avec  une  noble 
fermeté  :  »  Messieurs,  en  vous  tirant  de  prison,  en  vous  as- 
«  sociant  à  nous,  notre  intention  n'a  pas  été  de  nous  donner 
«  des  maîtres.  Si  notre  manière  de  faire  la  guerre  ne  vous 
«  convient  pas,  séparons-nous;  telle  est  la  proposition  que  je 
«  vous  fais  :  l'armée  angevine,  qui  vous  a  délivrés,  retiendra 

1  Lettre  des  Représentants,  28  mai,  Moniteur  XIV.  546. 

1  P. 170. 

*  Bourniseaux  Le.  I.  398. 


DE  LA    VENDÉE    MILITAIRE  359 

«  tout  ce  qu'elle  a  apporté  en  venant;  pour  le  surplus  que 
«  nous  avons  pris  ensemble  sur  l'ennemi,  nous  partagerons. 
«  Cela  fait,  moi  et  mes  premiers  camarades  nous  retournerons 
«  dans  notre  pays,  et  vous  défendrez  le  vôtre,  comme  vous 
«  l'entendrez.  »  Ces  paroles  énergiques  firent  cesser  toute 
opposition.1  Plusieurs  officiers  s'accordèrent,  dans  la  journée, 
le  malin  plaisir  d'écrire  à  Chalbos  qu'ils  iraient  dîner  à  Niort, 
le  lendemain2. 

Dans  cette  séance  les  généraux  nommèrent  Stofflet  com- 
mandant la  place  de  Fontenay,  et  rédigèrent  l'ordre  suivant 
qu'ils  firent  publier  le  soir  môme  :  «  Il  est  ordonné  à  tous  les 
habitants  de  la  ville  de  Fontenay  de  déclarer  armes  et  muni- 
tions aux  officiers  que  M.  Stofflet  nommera  à  cet  effet.  Ceux 
qui  n'auront  pas  fait  cette  déclaration  de  bonne  foi,  et  qui 
seront  nantis  d'armes  et  de  munitions  non  déclarées,  seront 
punis  d'une  amende  de  une  livre  etmêmedepeines  corporelles, 
selon  l'importance  du  dépôt  qu'ils  auront  chez  eux. 

Fait  en  conseil,  à  Fontenay-le-Comte,  le  26  mai  1793,  l'an  1er 
du  règne  de  Sa  Majesté  Louis  XVII. 

Donnissan,  Bernard  de  Marigny,  Cathelineau,  Stofflet,  de 
la  Rochejaquelein,  Desessarts,  Levieil  (de  la  Marsonnière)3.  » 

Pendant  que  les  généraux  vendéens  étaient  réunis  dans  le 
salon  de  M1"  Grimouard  du  St-Laurent,Stofïïetfixa  ses  regards 
sur  le  portrait  de  Louis  XVI.  «  C'était  la  première  fois  qu'il 
contemplait  l'image  du  monarque.  A  l'aspect  de  cette  douce 
et  majestueuse  figure,  le  rude  guerrier  sentit  son  cœur  s'é- 
mouvoir ;  des  larmes  d'attendrissement  mouillèrent  ses  yeux 
et  on  l'entendit  prononcer  ces  paroles  d'une  voix  entrecoupée  : 
«  Les  scélérats  !  ils  ont  tué  le  meilleur  des  rois  ;  c'est  à  nous 
de  le  venger!  »  Lescure  et  Cathelineau,  touchés  de  ce  spec- 
tacle, l'embrassèrent  à  plusieurs  reprises  et  jurèrent  de  verser 
leur  sang  jusqu'à  la  dernière  goutte  pour  rendre  le  trône 

l  Cantiteau  Mémoires  p.  31. 

-  Lettre  des  Représentants  ;  Moniteur  XVI.  b45. 

-  Papiers  de  Mercier  du  Rocher,  reg.  I.  pièce  253  ;  Chassin  l.  cl.  441. 


'600  TROIS    GRANDES    JOURNÉES 

au  fils  de  Louis  XVI.  Jamais  serment  ne  fut  mieux  gardé1.  » 
Au  moment  où  les  paysans  se  rendaient  dans  les  églises  ou 
chapelles  de  Fontenay  pour  satisfaire  à  leur  obligation  d'enten- 
dre la  messe,  car  le  26  était  un  dimanche,  les  généraux  sorti- 
rent du  conseil  pour  aller,  eux  aussi,  dans  l'église  Notre-Dame 
assister  au  Saint-Sacrifice,  célébré  par  l'abbé  Barbotin,  et 
chanter  un  Te  Deum  en  actions  de  grâces  de  lavictoire  brillante 
qu'ils  venaient  de  remporter.  Gathelineau,  sa  croix  en  mains, 
marchait  à  leur  tête  :  ils  étaient  suivis  d'un  nombre  considé- 
rable de  leurs  soldats  qui  traînaient  Marie-Jeanne'1. 

Le  reste  de  la  journée  et  le  lendemain,  les  vainqueurs  se 
livrèrent  à  des  jubilations  continuelles.  Ils  firent  un  feu  de 
joie,  au  bas  de  la  place,  avec  le  bois  de  la  guillotine,  l'arbre 
de  la  liberté,  les  papiers  de  l'Administration  départementale 
et  du  district,  dansèrent  à  l'entour,  remplacèrent  le  drapeau 
tricolore  par  le  drapeau  blanc,  remplirent  la  ville  des  cris  de 
vive  la  Religion  !  vive  le  Roi  !  et  sonnèrent,  pendant  trois 
heures,  toutes  les  cloches.  «  Il  est  difficile,  écrivait  le  même 
jour,  Dehargues  à  Moreau  de  la  Châteigneraye,  de  peindre 
toute  la  joie  qu'éprouvent  les  Vendéens  de  la  prise  de  Fon- 
tenay; nous  sortons  de  remercier  Dieu  de  nos  succès  dans 
Notre-Dame,  qui  n'avait  pas  vu  depuis  longtemps  pareille  fête. 
Nos  soldats  sont  dans  le  délire  ;  ils  ne  tiennent  pas  de  joie1. 

Les  paysans  s'emparèrent  de  deux  caisses  où  ils  trouvèrent 
du  numéraire  et  un  grand  nombre  d'assignats  ;  ils  brûlèrent 
une  partie  de  ces  derniers  et  fabriquèrent  des  papillotes  avec 
les  autres*.  Émerveillés  de  leur  nombre,  les  habitants  deFon- 

1  Ed.  Stofflet,  Stof/let  et  la  Vendée,  p.  84  ;  Aug.  Johannet,  la  Vendée  à 
trois  époques  p.  75. 

»  B.  Fillon, Z.  c.  p.  388. 

1  Archives,  de  Fontenay,  XII,  151. 

*  B.  Fillon,  L  c.  p.  396.  Beauchamp  l.  c.  I,  181  ;  Aug.  Johannet  (l.  c.  1,69) 
dit  que  les  Vendéens  s'en  servirent  cependant  après  que  les  généraux  eurent 
écrit  par  derrière  :  «  Bon,  au  nom  du  Roi  ».  Un  procès-verbal  fait  15  jours 
après  et  cité  parB.  Fillon,  constate  que  les  armoires  d-?  l'hôtel  de  ville  furent 
brisées  et  qu'on  y  prit  29  i0  livres  environ  dont  Chassin  donne  le  détail  (la 
Vendée  patr.  1.  454;  Journal  d'un  Fontenaisien  publié  par  la  Revue  du 
lias-Poitou. 


DE   LA    VENDÉE    MILITAIRE  361 

tenay  s'exclamaient  :  En  Vlà  tau  d'aux  Brigands  !  (En  voilà-t-il 
des  Brigands  !  )  Les  royalistes  s'étaient  répandus,  la  veille, 
dans  leurs  maisons  pour  y  trouver  un  logement,  de  la  nour- 
riture et  surtout  du  vin  dont  beaucoup  usèrent  avec  excès1. 
Ils  prirent  chez  leurs  hôtes  le  linge,  et  tous  les  vêtements  qul 
leur  étaient  nécessaires,  puis  ils  livrèrent  au  pillage  et  déva- 
lisèrent complètement  les  boutiques  des  chapeliers,  des  épi- 
ciers et  des  armuriers'. 

Les  nobles  qui  venaient  de  se  joindre  à  l'armée  et  qui 
en  étaient  encore  peu  connus,  se  mêlèrent  aux  paysans  pour 
se  populariser. 

La  modération,  dont  usèrent  les  Vendéens  envers  leurs 
ennemis,  aurait  dû  inspirer  à  ceux-ci  quelque  reconnaissance, 
mais  aveuglés  par  les  passions  révolutionnaires,  ils  publièrent 
que  cette  retenue  n'était  qu'une  tactique  affectée  et  hypocrite 
pour  mieux  cacher  leur  profonde  scélératesse.  «  Beaucoup  de 
Patriotes,  écrivait  Lequinio,  m'ont  assuré  que  lors  de  la 
prise  de  la  ville,  les  chefs  des  rebelles  recommandaient  partout 
le  bon  ordre  et  employaient  le  simulacre  hypocrite  de  la 
sagesse  et  de  la  bonté  pour  se  faire  des  partisans  ;  et  sans 
doute  qu'aucun  être  pensant  ne  contestera  l'efficacité  d'une 
pareille  méthode,  quelles  que  fussent  alors  la  profonde  scélé- 
ratesse de  sa  combinaison  et  la  perfidie  de  son  but  ». 

Ceux  qui  ne  les  calomniaient  pas,  les  représentaient  comme 
des  fanatiques  :  «  Nos  ennemis,  écrivait  Ghalbos  au  ministre 

'  Les  gens  de  la  Gaubretière  et  des  environs  allèrent  demander  l'hospitalité 
à  la  famille  du  Chàteigner  qu'ils  connaissaient  Cette  famille  s'empr3ssa  de 
les  recevoir  et  fit  porter  dans  son  salon  de  compagnie  tous  ses  matelats  sur 
lesquels  ils  se  reposèrent  des  fatigues  de  la  journée,  tandis  qu'elle-même, 
refusant  de  se  coucher,  se  retira  au  premier  étage.  Un  instant  après,  la  maî- 
tresse du  logis  entendant  un  sourd  bourdonnement  monter  du  rez-de-chaus- 
sée, descendit  pour  savoir  quel  pourrait-être  la  cause  de  ce  bruit.  Quelle  ne 
ut  pas  sa  surprise!  Tous  ses  hommes  étaient  à  genoux,  récitant  à  demi-voix 
le  chapelet  avant  de  s'endormir.  Klle  admira  la  foi  et  la  ferveur  de  ces  gens 
à  qui  la  fatigue  du  combat  n'avait  pas  pu  faire  oublier  leur  prière  du 
soir,  (dk  Brbm.  Hist.  'populaire  des  guerres  de  la  Vendée,  p.  281). 

2  Procès-verbal  des  faits  accomplis  à  Fontenay  pendant  l'occupation  de 
villepar  les  rebelles  ;  Chassin  l.  c.  I.  451-454. 


3t)^  TROIS    GRANDES    JOURNÉES 

de  la  guerre,  deux  jours  après  la  bataille,  sont  aveuglés  par 
le  fanatisme  ;  ils  en  ont  toute  la  rage1  ». 

Au  fond,  ces  dénis  de  justice  ne  faisaient  que  dissimuler  la 
profonde  terreur  que  les  succès  inattendus  des  Blancs  avaient 
jetée  parmi  les  Patriotes.  On  s'en  convaincra  facilement  par 
le  rapport  que  l'ordonnateur  de  l'armée  adressait  au  ministre, 
le  lendemain  de  la  défaite,  le  26  mai. 

«  La  canonnade,  lui  disait-il,  a  duré  environ  une  heure. 
«  L'ennemi,  sans  canons,  s'est  avancé  sur  trois  colonnes.  Le 
«  feu  de  la  mousqueterie  se  soutenait  ;  mais  la  cavalerie  ne 
«  donnant  point,  le  désordre  s'est  mis  parmi  la  troupe,  en 
«  sorte  que  la  déroute  est  devenue  générale.  Une  partie  de 
«  l'armée  s'est  retirée  sur  Niort,  et  l'autre  sur  Marans.  On 
«  ignore  le  nombre  des  prisonniers  et  des  morts.  Plusieurs 
«  canons  ont  été  abandonnés,  même  celui  que  l'ennemi  avait 
«  tant  regretté  (Marie-Jeanne).  Des  magasins  considérables 
«  de  grains  sont  au  pouvoir  de  l'ennemi  qui  est  occupé  à  les 
«  faire  enlever.  Nous  avons  affaire  à  un  ennemi  qui  brave 
«  tous  les  dangers.  La  caisse  du  payeur  général  du  dépar- 
«  tement  de  la  Vendée  a  été  en  partie  pillée  par  nos  troupes, 
«  dans  son  transport  de  Pontenay  à  Niort,  pendant  la  retraite 
«  de  l'armée.  Les  Représentants  n'ont  pas'  eu  le  temps  de 
<-  sauver  leur  correspondance.  L'ennemi  était  dans  la  ville, 
«  quand  ils  s'en  sont  éloignés2  ». 

De  son  côté,  le  chef  d'état-major,  Nouvion,  dans  la  soirée 
du  25,  avait  écrit  au  commandant  de  Luçon. 

«  Vous  avez  su  notre  déroute;  elle  est  complète,  la  cavalerie 
«  est  cause  de  notre  perte;  nous  sommes  retirés  ici,  je  ne 
«  sais  ce  que  nous  y  ferons.  Faites  part  de  notre  position  au 
«  général  Boulard,  à  la  Mothe-Achard3  ». 

Le  27,  dès  le  matin,  les  généraux  vendéens  s'empressaient 
de  tenir  un  nouveau  conseil.  Ils  avaient  appris,  dans  la  nuit, 

'  Savary,  I  229. 

*  Savary,  t.  1,  p.  230. 

1  lbid.   p.  229, 


DE   LA    VENDÉE    MILITAIRE  363 

que  des   forces  considérables   venaient    d'arriver   à    Niort. 

Le  26,  les  généraux  ré  publicains,voyantqu'ils  avaient  trop  peu 
de  forces  pour  défendre  les  dehors  decette  ville,  avaient  en  effet 
fait  rentrer  les  postes  avancés  dans  l'intérieur  des  murs,  et  les 
représentants  Jar-Panvilliers,  Goupilleau  (de  Fontenay)  et 
Lecointé-Puyraveau  avaient  déclaré  Niort  en  état  de  guerre1. 
Quatre  cents  hussards  de  la  légion  des  Alpes,  et  mille  à  douze 
cents  hommes  d'infanterie,  venant  de  Poitiers,  y  étaient  déjà 
arrivés2  ;  les  districts  voisins  et  en  particulier  celui  de  Melley 
dirigeaient  des  renforts  considérables  ;  plus  de  10,000  combat- 
tants se  disposaient  à  opposer  une  résistance  sérieuse,  à 
l'armée  royaliste3. 

A  cette  nouvelle,  les  chefs  vendéens  comprirent  qu'ils  ne 
pouvaient  désormais  mettre  à  exécution  leur  projet  de  marcher 
sur  Niort.  Ils  n'avaient  encore  aucune  relation  avec  les 
insurgés  de  la  Basse-Vendée,  et  cet  isolement,  au  milieu  des 
forces  qui  s'accumulaient  rapidement  autourd'eux,  ne  pouvait 

*  Lettre  de  ces  Représentants,  Moniteur  XVI.  512  II  était  rentré  7  à  800 
hommes  seulement  à  Niort  (Ibid  ) 

a  Lettre  des  Représentants,  Moniteur  XVI.  546. 

3  Ibidem,  561. 

*■  Joly  écrivait  d'Aizenay,  le  28  mai,  la  lettre  suivante,  qui  prouve  qu'il 
n'existait  aucun  rapport  entre  l'armée  d'Anjou  et  celle  de  la  Basse-Vendée. 

a  Monsieur,  je  ne  comprends  rien  du  tout  à  ce  qui  se  passe.  Si  ça  continue, 
«  on  n'aura  qu'à  se  tenir  comme  des  loups  en  ses  quartiers,  sans  se  secourir 
«  les  uns  les  autres  en  cas  d'attaque.  Le  moment  est  pourtant  venu  ou 
«  jamais  de  s'entendre  contre  nos  ennemis,  qui  vont,  c'est  sûr,  foncer  sur 
«  nous  d'ici  un  mois,  avec  des  forces  supérieures,  si  on  n'y  prend  garde.  » 

«  La  prise  de  Fontenay  a  procuré  des  munitions,  canons,  argent,  équipe- 
«  ment.  A  qui  ça-t-il  profité  de  nos  côtés  ?  Les  commandants  du  haut  pays 
«  ont  fait  cette  pointe  tout  seuls,  sans  prévenir  personne  depuis  Chantonnay 
«  jusqu'au  Mans.  On  a  été  averti  à  l'hazard,  le  coup  fait.  Ces  Messieurs  de 
«  la  Roche  n'en  savent  pas  plus  que  nous.  J'ai  envoyé  du  côté  du  Tablier  et 
«  de  Mareuil  pour  avoir  des  nouvelles.  M.  Ghauveau,  qui  arrive  de  la  Chaize, 
«  dit  qu'un  homme  des  Chapelets,  présent  à  la  bataille  de  Fontenay,  l'a 
«  assuré  que  l'armée  marchait  sur  Niort  ;  mais  je  n'ose  le  croire.  Elle  n'a  pas 
«  de  mieux  à  faire,  mais  l'armée  voudra-t-elle  suivre  jusqu'à  cette  ville,  où  l'on 
«  dit  qu'il  y  a  des  forces  conséquentes  réunies.  Avec  de  l'entente,  on  aurait 
«  frappé  des  coups  ensemble  sur  les  Sables,  Luçon  et  les  villes  du  bas  pays. 

«  M.  Charette  marche  dans  son  commandement  aussi  secrètement  que 
«  l'armée  des  Angevins.  On  ne  sait  rien  de  ce  qu'il  entreprend  et  fait.  Les 
«  Bleus  assemblés  en  nombre  nous  traquerons  les  uns  après  les  autres.  Il  n'y 
«  a  que  l'entente  qui  fera  le  salut»  (Chassin,  loc.  cit.  I.  429). 


3tf4  TROIS    GRANLES   JOURNÉES 

qae  leur  devenir  bientôt  funeste*.  Puis  voyant  que  les  paysans, 
suivant  leur  habitude,  avaient  déjà  quitté  les  drapeaux  en 
grand  nombre,  pour  regagner  leurs  foyers,  en  apprenant  par 
un  courrier  de  Laugreniôre  la  prise  de  la  Pougereuse,  la  défaite 
d'un  détachement  vendéen1  et  l'approche  de  forces  imposantes 
du  côté  de  Saumur,  les  chefs  royalistes  se  décidèrent  non  seu- 
lement à  ajourner  l'attaque  de  Niort,  mais  à  publier  un  ordre  du 
jour  annonçant  que  l'armée  quitterait  Fontenay,  le  lendemain. 

Mais,  avant  de  se  séparer  ils  dressèrent  pour  l'avenir  un  plan 
général  d'opérations.  Le  projet  de  passer  en  Bretagne  pour  y 
chercher  un  renfort  et  assurer  le  succès  de  la  cause  royale 
réunit  la  majorité  des  suffrages.  Une  fois  cette  décision  prise, 
il  fut  décidé  qu'un  nouveau  rassemblement  aurait  lieu  à  Cho- 
let,  le  ier  juin,  pour  marcher  de  cette  ville  sur  Saumur.  Ce 
plan  fut  étudié  dans  le  secret  avec  plus  d'attention  que  les 
précédents. 

Du  moment  où  le  conseil,  s'inspirant  surtout  de  la  pensée 
de  Donnissan,  avait  décidé  cette  expédition  de  Bretagne,  le 
plan  de  Bonchamps,  qui  voulait  faire  passer  la  Loire  à  quel- 
ques milliers  d'hommes  seulement,  était  abandonné,  ou,  pour 
parler  plus  justement,  il  était  dépassé.  Or,  pour  une  pareille 
entreprise,  il  fallait  une  armée  nombreuse,  et  dans  l'impossi- 
bilité de  la  transporter  sur  des  barques,  avec  sa  cavalerie  et 
on  artillerie,  il  était  nécessaire  de  se  rendre  maître  d'une 
pont  pour  passer  au-delà  du  fleuve.  Le  Pont  Rousseau  à  Nantes 
était  infranchissable  :  restaient  les  Ponts-de-Cé  près  Angers 
et  ceux  de  Saumur.  Voilà  pourquoi,  après  mûre  délibération, 
il  fut  décidé  que  l'on  s'emparerait  tout  d'abord  de  cette  dernière 
ville,  où,  du  reste,  les  efforts  de  l'ennemi  paraissaient  se  con- 
centrer2. 


l  Bourrmeaux  l.  c.  I.  398. 

»  Bonchamps  et  le  passage  delà  Loire,  par  M.  Baeuenier  Désormeaux, 
|,  31.  _  Mémoires  de  M.  delà Rochejaquelein,  p.  170.  M.  de  Sapinaud  écrivit  de 
Uiantonnay,  le  29  mai.  que  les  chefs  royalistes  décidèrent  à  Fontenay  l'at- 
taque de  Saumur.  '.M.  de  la  Boctetière,  Le  Chevalier  de  Sapinaud,  p.  85-86). 


UE    LA    VENDÉE   MILITAIRE  365 

Quand  ils  eurent  arrêté  leur  plan  général  d'opérations,  les 
généraux  s'occupèrent  du  soin  des  trois  mille  prisonniers 
qu'ils  venaient  de  faire.  Ils  n'avaient  ni  prisons,  ni  forteresses 
pour  les  loger,  ni  provisions  à  leur  donner,  ni  troupes  suffi- 
santes pour  les  garder,  dût-on  même  les  interner  au  centre  du 
Bocage.  Les  égorger  froidement  était  trop  cruel  et  trop  oppo- 
sé aux  sentiments  d'humanité  qui  distinguaient  l'immense 
majorité  de  l'armée,  bien  que  les  agissements  des  Républi- 
cains eussent  autorisé  ces  barbares  représailles.  11  fut  décidé 
qu'on  en  garderait  un  petit  nombre1,  et  qu'on  renverrait  les 
autres. 

Ce  fut  alors  que  les  généraux  de  la  grande  armée  eurent  la 
première  pensée  d'établir  un  conseil  supérieur  pour  gérer  les 
affaires  administratives  et  judiciaires.  Quelques  notabilités 
royalistes,  animées  d'un  dévouement  précipité,  en  préconi- 
sèrent les  avantages  ;  mais  Donnissan  et  d'autres  officiers  s'y 
opposèrent  avec  énergie,  objectant  que  l'autorité  suprême  se 
trouverait  partagée  et  que  ce  dualisme  serait  à  l'avenir  un 
sujet  de  division  et  amènerait  des  désastres.  Malgré  leur 
opposition,  la  création  d'un  conseil  supérieur  fut  décidée  et 
quelques-uns  des  principaux  membres,  qui  furent  alors  dési- 
gnés, allèrent  siéger  à  Saint-Laurent-sur-Sèvre*. 

Stofflet,  qui  avait  été  chargé,  comme  commandant  de  place, 
de  favoriser  la  sécurité  des  habitantsde  Fontenay ,  apprenant  que 
beaucoup  d'entre  eux  étaient  pillés  par  les  soldats  de  l'armée 
vendéenne,  qui  prenaientles  souliers,  les  bottes,  les  chemises, 
les  mouchoirs,  les  chapeaux,  en  un  mot  tous  les  vêtements 
dont  ils  avaient  besoin,  fit  afficher,  de  concert  avec  Marigny, 

1  Ils  en  gardèrent  300. 

*  Procès  verbal  de  la  première  réunion  des  habitants  de  Fontenay,  Arch. 
Nat,  w.  279  pièce  34.  «  Peut-être,  dit  Beauchamp,  (I.  p.  272,)  eut-il  été  plus 
«  sage  de  ne  pas  en  établir...  Une  grande  dictature  pouvait  seule  sauver  la 
«  Vendée.  »  Mais  où  trouver  ce  chef  ?...  Le  titre  de  généralissime  était 
insuffisant  ;  il  fallait  comme  le  démontrera  la  suite  de  cette  histoire,  la 
présence  d'un  prince  du  sang.  —  Ce  conseil  eut  sous  ses  ordres,  dit  Roguet, 
dans  chaque  commune,  un  comité  secondaire  formé  d'un  président  et  de 
quatre  assesseurs...  (Essai  théorique,  p.  25.) 


3(56  TROIS    GRANDES   JOURNEES 

Duhoux  d'Hauterive,  Dehargues,  Gathelineau,  Uesessarts, 
Lescure  et  La  Rochejaquelein,  à  tous  les  carrefours  et  sur  les 
portes  des  maisons  principales,  la  défense  expresse  de  ne  rien 
prendre  ou  piller  chez  les  habitants  de  la  ville. «S'il  parvient  des 
plaintes  à  cet  égard,  ajoutaient-ils, tous  ceux  qui  demeureront 
chez  les  personnes  dont  les  déclarations  seront  justes  et 
fondées,  seront  responsables  des  dégâts,  vols  ou  pillages  qui 
pourront  être  commis1  ». 

Dans  la  môme  journée,  Donnissan,  Duhoux  d'Hauterive, 
Lescure,  Dehargues,  Gathelineau,  Dommaigné,  Desessarts  et 
La  Rochejaquelein  faisaient  publier,  à  son  de  tambour,  par 
toutes  les  rues,  la  proclamation  suivante  : 

«  Nous,  commandant  les  armées  catholiques  et  royales, 
n'ayant  pris  les  armes  que  pour  soutenir  la  religion  de  nos 
pères,  et  rendre  à  Louis  XVII,  notre  auguste  et  légitime 
souverain,  l'éclat  et  la  solidité  de  son  trône  et  de  sa  couronne, 
désirant  rétablir  partout  la  paix  et  l'harmonie  des  cœurs, 
proclamons  hautement  que  si,  contre  nos  bonnes  et  loyales 
intentions  et  au  mépris  de  leurs  serments,  Messieurs  les 
Glubistes  et  tous  autres  perturbateurs  du  repos  public  venaient 
à  reprendre  les  armes  contre  la  Religion  catholique  et  contre 
leur  Roi,  nous  reviendrions  les  punir  avec  une  grande  sévérité, 
La  manière  dont  nous  nous  sommes  comportés  à  leur  égard 
doit  les  convaincre  que  la  paix  et  la  concorde  sont  l'objet  de 
nos  vœux,  et  que  le  bien  général  est  l'unique  but  de  nos 
communs  efforts  ;  déclarons  en  conséquence  que  nous  prenons 
sous  notre  protection  spéciale  toutes  les  honnêtes  gens,  amis 
de  l'ordre  et  du  bien  public,  attachés  à  leur  Religion  et  à  leur 
Roi,  et  môme  autorisons  au  nom  de  Sa  Majesté  chrétienne 
Louis  XVII,  messieurs  les  habitants  de  Font.enay  à  former  un 
Conseil  provisoire,  dont  l'emploi  spécial  sera  de  maintenir 


1  Papiers  de  Mercier  du  Rocher;  Chassin,  loc-  cit.l  441.  Le  lendemain, 
Dommaigné,  colonel-général  de  cavalerie,  publiait  que  le  vol  de  deux  chevaux, 
au  préjudice  du  nommé  Piscroin,  serait  puni  par  les  verges,  jusqu'à  la  mort, 
s'ils  n'étaient  pas  rendus  (lOid.). 


DE   LA   VENDÉE   MILITAIRE  367 

l'ordre  et  la  police  dans  la  ville  ;  de  faire  désarmer  toutes  les 
personnes  suspectes  parleur  attachement  connu  aux  principes 
de  la  Révolution  ;  de  faire  arrêter  tous  les  voyageurs  qui  ne 
seraient  pas  munis  de  passe-ports  signés  des  chefs  des  armées 
catholiques;  d'exercer  une  sorte  d'administration  provisoire 
conforme  aux  principes  religieux  et  politiques  que  nous  pro- 
fessons, et  principalement  de  recueillir  et  conserver  avec  soin 
tous  monuments  publics,  chartes,  contrats  et  tous  autres 
titres  de  propriété  qui  auront  échappé  aux  suites  malheureu- 
sement trop  communes  d'une  guerre  opiniâtre  entre  des 
concitoyens  : 

«  Invitons  et  autorisons  pareillement  toutes  les  paroisses 
des  villes  et  villages  du  ci-devant  département  de  la  Vendée,  à 
se  former  des  conseils  provisoires  à  cet  effet,  composés  de 
membres  connus  pour  ôtre  fidèles  à  leur  Roi  et  à  la  Religion 
catholique;  protestons  enfin  que  si,  malgré  la  justice  de  notre 
cause,  nos  intentions  étaient  trompées  et  trahies  par  des 
hommes  maintenant  soumis  à  leur  Roi,  nous  cesserions  alors 
toute  clémence  pour  des  rebelles1  ». 

Le  28,  les  généraux  réunirent  les  prisonniers  dans  une 
grande  prairie2.  Là,  on  leur  fit  promettre  et  jurer  sur  leur 
honneur  de  ne  jamais  reprendre  les  armes  contre  le  Roi  et  la 
Religion   catholique,  apostolique  et  romaine3  ;  puis,   sur  la 

1  Archiv.  Nat.  W.  468  Chassin,  loc.  cit.  I,  441-44-.?. 

2  Rapport  de  Pervinquière  ;  Chassin,  l.  cl.  448. 

3  Chaque  prisonnier  emportait  le  passeport  suivant.  «  Nous,  commandant 
«  les  armées  catholiques  et  royalistes,  avons  accordé  le  présent  passeport  a 
«  N...  prisonnier,  renvoyé  de  Fontenay-le-Comte  pour  se  rendre  à...  Lequel 
«  a  promis  et  juré  sur  son  honneur  de  ne  jamais  reprendre  les  armes  contre 
«  le  Roi  et  la  Religion  catholique,  apostolique,  et  romaine  et  qui  a  coupé  ses 
«  cheveux  pour  marque  de  reconnaissance.  Prêtez-lui  aide  et  assistance  au 
<  besoin. 

«  A  Fontenay-le-Comte,  le  28  mai,  l'an  premier  du  règne  de  Louis  XVII, 
(Benj.  Fillon,  Hist.  de  la  ville  deFontenay,  p.  398.) 

Dans  la  suite,  on  renvoya  plus  de  1*000  prisonniers,  qui  étaient  gardés  à 
Mortagne,  à  Chemillé  et  à  Cholet.  Un  ordre  du  conseil  supérieur  les  fit  tous 
remettre  en  liberté.  On  leur  donna  des  passeports  pour  rentrer  dans  leurs 
familles.  «  Ces  passeports  délivrés  au  nom  du  Roi,  par  mon  oncle  Boutillier 
«  des  Hommelles,  commissaire  délégué  pour  cette  opération,   portaient  que 


368  TROIS    GRANDES   JOURNÉES 

proposition  de  Donnissan,  on  leur  coupa  les  cheveux,  afin 
de  les  reconnaître  s'ils  oubliaient  leur  serment,  et  de  leur 
infliger  alors  la  peine  qu'ils  mériteraient1.  Ce  moyen  leur 
parut  une  mesure  plus  efficace  pour  les  empêcher  de  re- 
prendre les  armes,  que  le  simple  serment  qu'on  avait  exigé 
à  Argenton  et  à  Thouars  ;  car  on  s'était  aperçu  que  les 
patriotes  graciés  avaient  été  infidèles  à  leur  parole.  Cette  pré- 
caution, qui  prouvait  à  la  France  la  modération  des  Royalistes, 
amusa  beaucoup  les  soldats,  car  il  était  de  mode  alors  de 
porter  les  cheveux  longs,  tressés  et  poudrés,  avec  une  queue 
galonnée  et  flottant  par  derrière  ;  aussi  quand  les  prisonniers 
furent  tondus,  l'armée  les  accueillit  par  de  grands  éclats  de 
rire5.  Avant  de  les  congédier,  Donnissan  les  harangua  dans 
l'espoir  de  les  attacher  à  la  cause  royale  et  catholique  ;  mais 
pour  la  plupart  ils  firent  peu  de  cas  de  ses  paroles5. 

«  la  liberté  ne  leur  avait  été  accordée  que  sur  le  serment  par  eux  prêté  de 
«  ne  jamais  servir  la  République  et  de  ne  jamais  porter  les  armes  contre  le  Roi. 
«  Ils  devaient,  s'ils  étaient  repris,  être  condamnés  à  mort  comme  traîtres  et 
«  parjures...  A  peine  rendus  aux  premiers  postes  républicains,  les  autorités 
«  révolutionnaires  les  forcèient  démarcher  encore  . .  Plusieurs  reprirent  du 
«  service  de  bon  gré  ..   Mais  le  plus  grand  nombre  fut  forcé,  sous  peine  de 

*  mort,  a  ce  parjure,  ayant  en  horreur  une  telle  conduite...  Si  les  hommes 
«  de  l'antiquité  montrent  encore  de  l'horreur  pour  le  parjure,  que  penser 
«  d'un  Gouvernement,  qui  en  fait  une  loi  aux  citoyens  sous  peine  de  mort  » 
(Boutillier  de  St  André,  Mémoires  d'un  père  à  ses  enfants,  p.  229.  230  ) 

1  Un  rapport  d'Auguis  et  de  Goupilleau,  du  30  mai,  dit  que  la  plupart  des 
prisonniers  eurent  les  cheveux  coupés  (Ghassin,  l.  c  I.  588.)  Gavoleau,  Beur- 
rey,  Cbâteauraux,  et  Pervinquière  étaient  allés  trouver  les  généraux  royalistes 
et  avaient  imploré  leur  clémence  en  faveur  des  habitants  et  des  prisonniers 
qui  étaient  tombés  en  leur  pouvoir  :  L.  des  Aspremont  les  deux  sièges  de 
Fontenay  v.  le  journal  l'Avenir  et  l'Indicateur  de  la  Vendée,  année  1898. 

*  On  ne  connaissait  pas  encore  en  France  l'usage  de  porter  les  cheveux  à 
la  Titus.  «  Ce  renvoi  des  prisonniers  avait  beaucoup  d'avantages  dans  cet 
«  instant  ;  il  y  en  avait  de  tous  les  points  de  la  France,  ils  apprirent  ainsi  oonc 

*  partout,  par  leur  tête  chauve,  que  les  Vendéens  les  avaient  battus  et  pris, 
«  qu'au  lieu  d'être  des  Brigands  destructeurs,  ils  faisaient  grâce  et  formaient 
«  une  insurrection  royaliste  »  (Mémoires  de  M' de  la  Rochejaquelein,p.  164.) 

'■■  Royrand  emmena  dans  ses  quartiers  1500  prisonniers.  Plusieurs  de  ses 
soldats  voulaient  les  taer,  mais  Royrand  s'opposa  à  cette  barbarie  ;  il  con- 
sentit seulement  à  ce  qu'on  leur  coupa  les  cheveux  comme  on  l'avait  fait  à 
Fontenay.  Les  paysan»  s'improvisèrent  alors  perruquiers  au  milieu  de  mille 
quolibets.  Une  vingtaine  de  prisonniers  prirent  rang  dans  l'armée  Vendéenne  ; 
de  ce  nombre  fut  M.  Legay,  qui  devint  plus  tard  directaur  du  bureau  de 
tabac  à  Pouzauges. 


DE  LA    VENDÉE   MILITAIRE  360 

Cathelineau  et  Stofïlet  allèrent  à  l'hôpital  visiter  les  blessés 
que  leur  présenta  la  supérieure  Ursule  Puymayras  ;  tille 
soigna  les  blessés  royalistes  et  républicains  de  la  façon  la  plus 
admirable1. 

On  eut  un  instant  dessein  de  garder  comme  otages,  Beurrey, 
Pervinquière  et  Cavoleau,  membres  de  l'administration  ré- 
publicaine, et  de  les  transférer  à  Saint-Laurent-sur-Sèvre  ; 
mais  sur  les  instances  de  Mms  Grimouard,  qui  logeait  les  gé- 
néraux5, ils  furent  renvoyés  comme  les  autres  prisonniers. 
Marigny  écrivit,  ce  jour-là  môme, aux  habitants  de  Niort,  dont 
il  étaitconnu,  une  lettre  pour  leur  dire  que  les  Vendéens  fai- 
saient grâce  aux  prisonniers,  tandis  que  les  Républicains 
donnaient  ordre  de  les  massacrer5.  On  remit  à  quelques  pri- 
sonniers un  exemplaire  de  1' «  Adresse  aux  Français  »  que 
publièrent  alors  les  généraux  Vendéens*. 

Le  même  jour,  28,  conformément  aux  ordres  de  ces  mômes 
chefs,    tous  les   habitants   de   Fontenay    se  réunirent  vers 

1  L.  des  Aspremont.  L'Avenir  et  YIndicateur  de  la  Vendée,  année  1898. 

1  M.  Chariot  les  logeait  aussi.  (B.  Fillon,  Hist.  de  la  ville  de  Fontenay, 
p.  389).  Madeleine  et  Suzanne  Thebaud.  filles  de  confiance  de  M""  Grimouard 
du  Vignault,  ont  attesté  que  cette  dame  empêcha  les  paysans  «le  massacrer 
chez  elle  les  quatre  républicains  qui  s'y  étaient  réfugiés  ;  elle  se  jeta  sur  leurs 
fusils  en  disant:  «  Tuez-moi  plutôt  que  d'ôter  la  vie  à  cas  jeunes  gens  ». 
(Registre  des  dépositions  du  15  juillet  au  5  novembre.  Archives  de  la  Vendée. 
Pour  prix  de  sa  générosité,  Mm«  Grimouard  fut  emprisonnée  et  mise  sur  une 
liste  de  proscription,  aussitôt  après  l'évacuation  de  Fontenaypar  les  Vendéens. 
Beauchamp  dit  que  ce  fut  de  Beauvollier  qui  céda  aux  instances  de  cette 
dame.  (La  Guerre,  t.  I.  p.  180).  M"1"  de  la  Rochejaquelein,  dans  ses 
notes,  dit  qu'elle  croit  que  la  grâce  des  prisonniers  avait  été  décid  ée  d'à 
vance,  mais  elle  ajoute  qu'il  faut  «  tout  de  même  lui  être  reconnaissante  >  — 
«  M.  de  S —  s'était  trouvé  parmi  les  prisonniers;  il  s'était  réclamé  à  la 
«  Rochejaquelein  qui  l'avait  accueilli  avec  bonté,  et  l'avait  engagé  fortement 
«  à  le  suivre  pour  la  défense  delà  monarchie....  Dans  la  maison  où  ils  se 
«  trouvaient,  les  lits  manquant,  la  Rochejaquelein  avait  partagé  sa  couche 
avec  lui».  (Boutillier  de  Saint-André,  l.  c.  p.  117). 

1  Benj.  Fillon.  ifiist.  de  la  ville  de  Fontenay,  p.  398-39*))  ;  L.  des  Aspre- 
mont (l.  c.)  donne  le  texte  entier  de  la  lettre. 

*  Mémoires  de  Mc  la  Rochejaquelein,  p.  16:.  Elle  ditquechaque  prisonnieren 
emporta  plusieurs  exemplaires,  mais  d'après  une  note  que  je  crois  vraie,  cette 
adresse  n'ayant  été  tirée  qu'à  150  exemplaires,  il  n'y  eut  que  quelques  pri- 
sonniers à  pouvoir  l'emporter. 


370  DE   LA  VENDÉE    MILITAIRE 

9  heures  du  soir  dans  l'église  de  l'hôpital  Saint-Louis,  pour 
nommer  un  conseil  provisoire  qui  devait  être  chargé  de  Tor- 
dre et  de  la  police  dans  la  ville. Ils  élurent  pour  en  faire  partie, 
en  présence  de  Lescure,  de  la  Rochejaquelein  et  de  Marigny  : 
Queneau  père,  Bréchard,  D.  Robert  aîné,  Grimouard  du 
Vignault,  Carrière,  Prieur,  Pichard  de  la  Caillère,  Savary  de 
Calais,  Franger  et  Testard.  Queneau  fut  choisi  comme  pré- 
sident et  Bréchard,  comme  secrétaire1. 

«  Un  membre  de  l'Assemblée,  lit-on  dans  le  procès-verbal, 
prit  ensuite  la  parole...  et  l'invita  à  adopter,  pour  le  salut  de  la 
ville,  les  mesures  ordonnées  par  MM.  les  commandants 
généraux.  Il  a  retracé  les  événements  du  combat  de  samedi 
dernier,  où,  dans  une  déroute  générale,  Tannée  nationale  a 
perdu  la  majeure  partie  de  ses  pièces  d'artillerie,  ses  caissons, 
toutes  ses  armes,  les  munitions  de  guerre  et  de  bouche,  tous 
les  effets  de  campement  et  les  caisses  militaires  et  des  admi- 
nistrateurs. 

«  Il  a  dépeint  les  malheurs  particuliers  de  la  ville,  qui  a  vu 
succomber  sous  le  fer  du  vainqueur,  un  grand  nombre  de  ses 
habitants,  et  tous  les  autres  faits  prisonniers. 

«  Il  a  représenté  les  administrations  dispersées,  nos  éta- 
blissements publics,  civils  et  judiciaires  dévastés,  nos  subsis- 
tances, réu  lies  au  chef-lieu  par  les  administrations  précé- 
dentes, enlevées  ou  dilapidées  ;  enfin  la  désolation  et  l'effroi 
du  petit  nombre  des  habitants  qui  ont  survécu  à  ces  désastres. 

«  Il  a  rappelé  les  procédés  des  commandants  généraux  des 


1  B.  Fillon,  l.  c.  p.  400.  Le  29,  les  nominations  furent  approuvées.  (L.  des 
Aspremont,  l.  c  ). 

Queneau,  père,  juge  de  paix. 

Bréchard,  jeune  homme  de  loi,  arrêté  comme  suspect  et  libéré  par  le  repré- 
sentant Carru. 

Franger,  professeur  du  Collège,  rédacteur  du  journal  du  Département. 

Carrière,  homm?  de  loi. 

Grimouard  du  Vignault,  chez  lequel  logeaient  les  généraux  royalistes. 

Picbard  de  la  Caillère,  ancien  auditeur  à  la  Cour  des  Comptes,  procureur 
de  la  Commune. 

Robert  ain*1.  Membre  de  la  Municipalité.   (L.  des  Aspremont.  /.  c). 


DE    LA    VENDKB    MILITAIRE  371 

armées  victorieuses  qui,  après  avoir  rendu  à  leur  liberté  la 
majeure  partie  des  habitants  faits  prisonnniers,  les  ont  tous 
désarmés,  et  après  les  avoir  réunis  dans  cet  état,  dans  la 
prairie  de  cette  ville,  ont  exigé  d'eux,  au  milieu  de  l'appareil 
des  armes  et  au  sein  d'un  bataillon  carré,  le  serment  de  ne 
point  porter  les  armes  contre  le  Roi,  ni  contre  la  Religion 
catholique1  ». 

Au  moment  où  les  habitants  de  Fontenay  tenaient  cette 
réunion,  on  leur  lut  une  lettre  signée  de  Desessarts,  Duhoux 
d'Haulerive,  LaRochejaquelein,  Lescure,  Donnissan,  Catheli- 
neau,  Beauvollier  et  Marigny,  dans  laquelle  ces  chefs  leur  en- 
joignaient de  nommer  sans  désemparer  quelqu'un  de  confiance 
pour  se  rendre  à  Saint-Laurent-sur-Sèvre  afin  d'y  siéger  en 
qualité  de  membre  du  Conseil  général  central  qui  y  était  formé. 
L'Assemblée  autorisa  aussitôt  le  Conseil  provisoire  à  choisir 
un  de  ses  membres  pour  remplir  ces  fonctions-. 

Le  28,  comme  on  l'avait  annoncé,  l'armée  vendéenne  com- 
mença vers  midi  à  quitter  Fontenay  et  à  rentrer  dans  le 
Bocage.  Le  30,  l'évacuation  était  complète. 

Sur  le  point  de  quitter  Fontenay,  La  Rochejaquelein,  Dom- 
maigné,  Desessarts  et  Lescure  écrivirent,  le  29,  au  Conseil 
provisoi  re  pour  le  prévenir  de  leur  faire  parvenir  le  plus  de  blé 
possible  à  la  Forest,  par  La  Châtaigneraie  ;  de  faire  partir,  le 
lendemain  matin,  trois  ouvriers  imprimeurs  avec  tous  leurs 
instruments  nécessaires  pour  former  une  imprimerie  à  Saint- 
Laurent-sur-Sèvre,  auprès  du  Conseil  général  central3  et  de 
réparer  les  dommages  qui  auraient  été  causés  aux  habitants 
pauvres  de  Fontenay.  Plusieurs  chefs  en  firent  les  frais*. 

Les  Vendéens  emmenèrent  à  leur  suite  les  armes  et  les 
vivres  (ju'ils  avaient  pris  à  Fontenay  ;  ils  en  remplirent  un 

•  Prorèt-nerbal  de  la  première  assemblée  des  habitants  de  Fontenay,  Arch. 
Nat      W.  279,  piè.'e  34  (L.  des  Aspremont  l.  c). 
s  Ibid. 

3  Arch  rl«  Fontenay,  VII.  211.  Plusieurs  historiens  disent  que  des  pri- 
sonniers lurent  dirigés  sur  la  Forest. 

4  Ch.s-.in.  L  c.  I.  445. 

T'iME   XII.    —  JUILLET,    AOUT,    SEPTEMBRE.  26 


372  TROIS    GRANDES   JOURNEES 

long  convoi  de  trois  cents  charrettes  au  moins,  qui  marchait 
à  l'arrière-garde  de  l'armée1. 

Quand  l'armée  victorieuse  revint  à  Mortagne,  dit  M.  Bou- 
«  tillier  de  Saint-André,  elle  avait  les  canons  en  tête*.  Les 
«  servants  de  Marie-Jeanne,  étaient  à  cheval  sur  leur  pièce, et 
»  l'avaient  décorée  de  rubans  de  toutes  les  couleurs  ;  on  portait 

lu  vin  dans  des  bouteilles,  on  buvait  largement,  on  en 
<c  faisait  des  libations  sur  le  canon,  dont  l'aspect  inspirait  une 
«  ivresse  générale,  et  qui  était  devenu  presque  l'objet  d'un 
«  culte  superstitieux.  Au  reste  la  rentrée  de  l'armée  était  une 
<«  fête  continuelle,  et  sa  marche  un  vrai  triomphe  ;  nous  étions 
«  tous  dans  la  joie  et  l'espérance.  Notre  orgueil  royaliste  était 
«.  flatté  d'un  succès  qui  nous  en  présageait  de  plus  glorieux 
«  encore.  Que  ne  pouvions-nous  pas  faire,  avec  des  hommes 
«  aussi  braves,  aussi  dévoués,  avec  une  armée  de  cent  mille 
«  héros,  pourvue  abondamment  d'armes  et  de  munitions  et 
«  commandée  par  des  chefs  dont  la  valeur  et  les  talents 
«  militaires  excitaient  à  la  fois  la  confiance  et  l'admiration3  ». 

Les  soldats  de  Bonchamps  surtout  se  prévalaient  de  leur 
vi:toire.  «  Les  Bonchamps,  disaient-ils,  n'étaient  pas  à  Fon- 
«  tenay  le  16  mai.  Ils  y  étaient  le  26.  C'est  aux  Bonchamps 
«  qu'on  doit  la  victoire*  ». 

Tous  les  blessés  avaient  précédé  l'armée5.  Bonchamps,  porté 
sur  un  brancard  par  ses  plus  fidèles  soldats,  fut  conduit  dans 
la  paroisse  de  la  Gaubretière,  au  château  de  Landebaudière, 

1  Les  Royalistes  trouvèrent  de  grandes  richesses  en  ornements  et  en  argen- 
terie d'église  (Heauchamp,  La  guerre  de  la  Vendée,  I.  180. 

*  «  Tous  les  canons  en  état  de  servir,  toutes  les  munitions  de  guerre,  les 
«  b  es  et  les  farines  qui  étaient  dans  les  magasins  publics,  même  les  matelas, 
«  draps  d  couveriur-s  qui  garnissaient  les  casernes  et  la  maison  de  détention 
«  des  prêtres,  et  les  l'omis  des  administrations  du  département,  de  la  muni- 
«  cipalité,  ries  receveurs  et  directeurs  des  droits  d'enregistrement,  du  payeur 
f  général,  du  commissaire  ordonnateur,  du  receveur  des  consignations  et 
«  impôt  foncier,  ont  été  enlevés.  »  (Rapport  de  Biaille-Germon,  maire  de 
Fontonay  :  Châtain,  l.  c.  I.  452). 

*  Boutilli-r  de  Saint-André,  l.c.  p.  168-169 . 

*  Communication  de  M.  de  Quatrebardes. 

*  M.  Amédée  de  Bejarry  était  du  nombre  des  blessés. 


IJK    LA    VENDEh;    MILITAIRE 


373 


où  il  rencontra  sa  femme.  Celle-ci,  bien  que  convalescente  à  la 
suite  d'une  fausse  couche  qu'elle  avait  faite  en  fuyant  avec  ses 
petits-enfants,  lui  prodigua  les  soins  les  plus  empressés  et  les 
plus  tendres.  Il  parvint  en  peu  de  temps  à  rétablir  sa  santé1. 

Extrait  de  l'Histoire  de  la  Guerre  de  la  Vendée  ,2e  édition,  encore, 
inédite,  commencée  par  M.  l'abbé  Deniau,  ancien  curé  du  Voide 
revue,  corrigée  et  complétée  d'après  des  documents  nouveaux  et 
inédits  par  M.  l'abbé  Deniau,  curé  de  St-Macaire-en-Mauges  (Maine- 
et-Loire)  sous  la  direction  de  Dom.  Cbamard,  bénédictin,  prieur  de 
l'abbaye  de  Ligugé. 


L 


CATHELINEAU 

A  la  tête  de  l'armée  Vendéenne,  se  rendant 
à  Notre-Dame-de-rontenay.  pour  y  remer- 
cier Dieu  de  la  victoire  du  25  mai  1793. 

(D'après  un  vitrail  de  l'église  du  Pin-en-Maageê] . 


LES 


REPRÉSENTATIONS  DRAMATIQUES 

DANS  LES  COLLÈGES  POITEVINS 


L'usage  des  représentations  scéniques  dans  les  collèges  du 
Poitou  remonte  à  la  renaissance  même  du  théâtre  en 
France.  Le  Journal  de  Le  Riche  a  soigneusement  conservé 
le  souvenir  des  pièces  jouées  au  XVIe  siècle  par  «  les  enfants 
des  écoles  »  de  Saint-Maixent1.  Plus  tard,  les  Jésuites  conser- 
vèrent dans  leurs  collèges  une  coutume  qui  plaisait  à  la  fois 
aux  parents  et  aux  élèves.  A  leur  exemple,  les  autres  ordres 
enseignants  du  Poitou  firent  entrer  la  déclamation  et  la  danse 
dans  leurs  programmes  d'éducation.  Il  fallut  la  fondation  de 
l'Université  de  France,  en  1808,  pour  mettre  fin  à  un  usage  qui 
traversa,  sans  y  sombrer,  le  torrent  révolutionnaire. 

Auparavant,  deux  fois  par  an,  au  carnaval  et  à  l'époque 
de  la  distribution  des  prix,  les  parents  des  élèves,  les  notables 
de  la  ville  et  les  principaux  du  clergé  étaient  conviés  à  des 
divertissements  scéniques.  Ils  recevaient  un  programme, 
imprimé  souvent  avec  grand  luxe,  donnant  l'argument  de  la 
pièce  ou  des  exercices  littéraires,  avec  les  noms  des  jeunes 
acteurs.  Presque  tous  les  cabinets  d'amateurs  poitevins  pos- 
sèdent quelque  exemplaire  de  ces  placards  que  l'amour- 
propre  des  familles  a  jalousement  conservés  jusqu'à  nous. 
Alors  que  les    nombreuses  troupes    de  comédiens   qui   ont 

'  Le  22  juillet  1573  le  principal,  Bernard  de  Launay,  fit  représenter  la  tra- 
gédie d'Hippolyte  avec  un  prologue  en  vers  de  sa  composition.  Le  16  mai  1580 
les  écoliers  jouèrent  Jules  César,  et  le  22  mai  1583,  Cléandre. 


LES    REPRÉSENTATIONS    DANS   LES    COLLÈGES  375 

sillonné  le  Poitou  au  XVIIe  et  au  XVIIIe  siècle  ne  nous  ont  pas 
laissé  la  moindre  affiche  ou  le  plus  mince  programme,  alors 
que  le  passage  de  Molière  et  de  l'Illustre  théâtre  à  Poitiers  ne 
nous  est  connu  que  par  une  ligne  d'un  journal  manuscrit  du 
temps,  nous  n'ignorons  aucune  des  pièces  ou  des  ballets  où 
figurèrent  les  fils  de  M.Jourdain,  de  la  comtesse  d'Escarbagnas, 
et  de  M.  de  Sottenville.  La  profonde  habileté  des  Jésuites 
leur  avait  fait  devancer  le  cabotinisme  moderne,  et,  pour  flatter 
l'amour-propre  des  parents  et  des  élèves,  ils  avaient  créé  les 
programmes  avec  la  distribution  des  rôles,  à  une  époque  où  les 
affiches  de  l'Hôtel  de  Bourgogne  ne  portaient  môme  pas  les 
noms  de  La  Thorillère,  de  Bellerose  ou  de  Mondory. 

C'est  avec  des  documents  de  ce  genre  que  je  vais  essayer 
de  passer  en  revue  les  représentations  scéniques  chez  les 
Jésuites  de  Poitiers,  les  Oratoriens  de  Niort,  et  quelques 
autres  collèges  de  la  province,  à  Thouars,  à  Saint-Maixent,  à 
Parthenay.  Je  terminerai  par  un  coup  d'œil  rapide  sur  les 
écoles  de  la  République  et  de  l'Empire  jusqu'à  la  fondation 
de  l'Université  en  1808. 

I 

Au  mois  d'août  1687,  le  corps  des  marchands  de  la  ville  de 
Poitiers  fit  élever  sur  la  place  du  Vieux-Marché  une  statue  en 
pied  de  Louis  XIV.  Cet  hommage  au  grand  roi  fut  accompagné 
de  fêtes  et  de  divertissements  où  les  élèves  des  Jésuites  oc- 
cupèrent une  place  d'honneur.  Dans  l'après-midi  du  26  toute 
la  noblesse  de  Poitiers,  ayant  à  sa  tête  l'intendant  Foucault, 
les  magistrats,  les  notables,  les  principaux  du  clergé,  se  ren- 
dit dans  la  cour  du  collège  où  se  dressait  «  un  théâtre 
orné  de  très  belles  décorations  et  chargé  d'acteurs  fort 
proprement  vêtus  ». 

On  commença,  à  la  louange  du  Roi  Soleil,  par  des  tableaux 
énigmatiques  que  M.  l'Intendant  avait  fait  venir  de  Paris.  Puis 
on  régala  la  compagnie  d'une  pastorale  en  cinq  actes,  mêlée 
d'entrées  de  ballets  : 


.iTli  LES    REPRÉSENTATIONS    DANS   LES    COLLÈGES 

«  On  représenta  Louis  le  Grand  comme  le  plus  grand  des 
roys.  Pour  le  faire  plus  agréablement,  et  d'une  manière  qui 
fut  plus  du  génie  et  du  tour  de  la  poésie,  on  crut  devoir  repré- 
senter le  roy  et  les  princes  ses  voisins  sous  l'idée  et  le  nom 
des  dieux  de  l'antiquité,  avec  qui  ils  ont  des  rapports  plus 
singuliers.  Le  roy  y  parut  sous  le  nom  d'Apollon,  que  les 
anciens  confondaient  avec  le  soleil,  symbole  de  notre  grand 
monarque.  Pluton,  dieu  des  richesses,  des  enfers  et  des  ma- 
rais, figura  les  Hollandois  et  les  peuples  des  Pays-Bas  Jupi- 
ter représenta  l'empereur,  à  cause  de  l'aigle  impériale,  et 
Neptune  supposa  pour  les  Génois,  les  Algériens  et  les  autres 
peuples  maritimes. 

«  Le  Destin,  qui,  dans  l'idée  des  anciens,  avoit  un  droit  de 
souveraineté  sur  tous  les  autres  dieux  qui  estoient  soumis  à 
ses  arrêts,  déclara  d'abord  qu'il  vouloit  se  défaire  de  la  su- 
prême puissance  en  faveur  d'Apollon  et  luy  donner  le  premier 
rang  sur  Pluton,  sur  Neptune,  sur  Mars,  sur  Jupiter  mêm»j. 
Il  luy  fit  ensuite  remporter  sur  eux  à  peu  près  les  mêmes 
victoires  que  le  roy  a  remportées  sur  ses  ennemis,  de  ma- 
nière que  les  endroits  les  plus  éclatans  d'une  si  belle  vie  s'y 
visent  parfaitement  et  d'une  manière  très-naturelle,  quoy 
que  sous  des  symboles  étrangers.  Après  tous  ces  triomphes, 
Apollon  parut  formant  un  arc-en-ciel  et  donna  la  paix  que  le 
roy  a  accordée  si  généreusement  à  toute  l'Europe.  Tous  la 
reçeurent  avec  joye.  On  finit  par  luy  décerner  des  arcs  de 
triomphe  et  des  statues  dans  les  places  publiques.  Cette  action 
estoit  de  cinq  actes  meslée  de  plusieurs  entrées  de  ballet1.  » 

J'ignore  quel  est  le  jésuite,  auteur  de  cette  ingénieuse  allé- 
gorie, mais  la  relation  imprimée  de  la  fête  a  conservé  le  nom 
de  Pain,  maître  de  musique  de  Saint-Hilaire, qui  pourrait  bien 
avoir  composé  les  airs  du  ballet,  en  même  temps  que  la 
cantate  qu'on  lui  attribue. 

4  Relation  de  ce  qui  s'est  passé  à  l'érection  de  la  statue  du  Roy  dans  la 
ville  de  Poitiers,  le  vingt  cinquiesme  aoust  1687.  —  A  Poitiers,  chez  Jean 
Fleuriau  et  J.  B.  Braud,  32  pp.  pt.  in  4°. 


LES    REPKÉSKNTATIONS    DANS    LES    COLLÈGKS  377 

Le  succès  de  cette  représentation  encouragea  les  Jésuites  à 
renouveler  ce  divertissement  l'année  suivante,  au  moment 
de  la  distribution  solennelle  des  prix.  Cette  fois,  les  Pères 
choisirent  mieux  qu'une  pièce  de  circonstance,  si  louangeuse 
fût-elle  pour  le  plus  glorieux  des  rois.  Les  élèves  représen- 
tèrent une  véritable  tragédie  en  cinq  actes,  avec  un  ballet 
héroïque. 

Le  sujet  de  Démétrius1  est  emprunté  à  l'histoire  ancienne  ; 
mais  l'auteur  en  a  pris  à  son  aise  avec  Tite-Live,  Justin, 
Polybe,  Diodore  de  Sicile  et  Plutarque.  Philippe,  roi  de  Ma- 
cédonie,  effrayé  par  un  songe,  veut  se  choisir  un  successeur. 
Il  hésite  entre  ses  fils  Persée  et  Démétrius,  et  le  Sénat,  con- 
sulté, ne  réussit  pas  à  lever  ses  incertitudes.  Cependant  le 
choix  de  Démétrius  serait  agréable  aux  Romains  qui  l'ont  eu 
longtemps  comme  otage.  Leur  ambassadeur,  Quintius,  veut 
décider  Philippe  en  sa  faveur,  mais  le  vieux  roi  s'indigne  et 
déclare  à  ses  enfants  que  la  couronne  appartiendra  à  celui 
qui  le  défera  de  Quintius  et  chassera  les  Romains.  Démétrius 
s'étantrévolté  de  cette  proposition,  c'est  à  Persée  que  le  trône 
va  appartenir.  Mais  en  vain  Quintius  cherche  à  profiter  de  cette 
injustice  pour  décider  Démétrius  à  la  vengeance  ;  en  vain  de 
perfides  amis  essayent  de  l'impliquer  clans  un  complot  contre 
les  jours  de  son  père.  Le  jeune  homme  reste  inébranlable,  et, 
tandis  qu'au  temple  Persée  reçoit  la  couronne,  on  apprend 
que  Démétrius,  à  la  tête  d'un  groupe  de  cavaliers  fidèles, 
vient  de  trouver  une  mort  glorieuse  en  châtiant  la  rébellion 
des  Romains.  Philippe  expire  de  douleur  sur  le  corps  de  son 
fils. 

Cette  tragédie  était  jouée  par  Isaac  Rabaud,  de  Confolens; 
Félix  Augier,  de  Montmorillon  ;  Jean  Rigoumier,de  Poitiers; 
Gaspard  Charrier,  de  Poitiers;  Joachim  Mondot,  de  Bellac  ; 

'  Les  élèves  de  Louis  le  Grand  avaient  représenté  en  16*:.  une  tragédie 
latine  de  ce  titre,  avec  un  Démétrius,*  tragédie  en  musique  pour  servir  d'in- 
termè.le  à  la  pièce  latine  ».  Cf.  E.  Boysse.  Le  théâtre  des  Jésuites,  1884, 
in-t2.  p.  188. 


378       LES  REPRÉSENTATIONS  DANS  LES  COLLÈGE  S 

François  Allard,  de  Poitou  :  François  Dallouhé,  de  Poitiers; 
Marc-Antoine  Lousseaume,  de  Poitiers  ;  Jean  Girard,  de  Poi- 
tiers ;  Gaspard  Riguet,  de  Poitiers. 

Inutile  d'ajouter  que  le  ballet  fut  somptueux  et  très  goûté 
par  l'auditoire,  où  devaient  se  trouver  cependant  plusieurs 
personnages  excellant  dans  l'art  de  la  danse1.  L'argument 
est  ingénieux,  quoique  toujours  à  la  louange  de  Louis  XIV. 

«  Dans  le  prologue,  Mars,  la  Paix,  Thémis  et  la  Religion  se 
disputent  la  gloire  d'avoir  le  plus  contribué  à  donner  au  roy 
le  glorieux  surnom  de  grand. 

«  Première  partie  :  Mars.  —  I.  —  Mars  conduit  quatre  guer- 
riers qui  portent  chacun  un  bouclier  sur  lequel  est  peinte  une 
devise  sur  les  conquêtes  de  Louis  le  Grand.  —  II.  —  Vulcain 
amène  les  forgerons  qui  ont  forgé  les  bombes,  carcassses, 
mortiers  et  autres  armes  extraordinaires  qui  ont  rendu  le  roy 
formidable.  —  III.  —Neptune  avec  quatre  tritons  vient  rendre 
témoignage  des  combats  de  mer.  —  IV.  —  Des  peuples  vain- 
cus avouent  qu'ils  ont  contribué  malgré  eux  à  la  gloire  de 
Louis  le  Grand.  —  V.  —  La  Fortune,  la  Victoire,  la  Gloire  et 
la  Renommée  qui  sont  à  la  solde  de  Louis,  publient  qu'il  n'est 
jamais  plus  grand  que  durant  la  guerre. 

«  Deuxième  partie  :  La  Paix.  —  I.  —  La  Paix  conduit  les  Grâ- 
ces, qui  ont  trouvé  le  secret  de  faire  triompher  Louis  le  Grand 
du  cœur  de  ses  sujets,  comme  Mars  l'avait  fait  triompher 
des  étrangers.  —  II.  —  Apollon  amène  quatre  sciences,  la 
Mathématique,  la  Poésie,  l'Histoire  et  la  Philosophie,  qu'un 
règne  pacifique  fait  fleurir  jusqu'à  le  disputer  à  l'antiquité. — 
III.  —  Pallas  conduit  quatre  arts  qu'on  a  perfectionnés  durant 
la  paix:  la  Peinture,  la  Sculpture,  la  Musique  et  les  Exercices 


«  La  réputation  des  Poitevins  comme  danseurs  est  fort  ancienne  et,  sans 
doute,  antérieure  au  XIII*  siècle  où  le  Dit  de  l'Apostoile  mentionne  «  Li 
meillor  sailléor  en  Poictou  ».  Au  ballet  des  nations,  donné  à  Chambord 
en  1670,  ce  sont  les  Poitevins  qui  représentent  la  France.  La  célèbre  Eléonore 
d'Olbreuse,  duchesse  de  Brunswick-Zell,  dut  une  bonne  part  de  ses  succès 
«à  ses  danses  poitevines  et  champêtres  apprises  dès  sa  tendre  jeunesse  ». 
(Cf.  Léo  Désaivre,  La  danse  en  Poitou,  1897.) 


LES    REPRÉSENTATIONS    DANS    LES    COLLÈGES  379 

militaires.  —  IV.  —  L'Opéra,  la  Danse,  la  Manufacture  veulent 
aussi  trouver  place,  puisqu'ils  contribuent  à  la  gloire  du  roy.— 
V.—  Le  Commerce,  Thétis  qui  représente  la  jonction  des 
deux  mers,  des  Rivières  transportées  et  changées  en  jets  d'eau 
et  cascades  conduits  par  Neptune  et  Protée,  couronnent  les 
merveilles  d'un  règne  pacifique. 

«  Troisième  partie  :  Thémis.  —  I.  —  La  Justice  revient  du 
ciel,  précédée  de  quatre  nymphes  qui  portent  les  marques  de 
sa  dignité.  —  II.  -  La  Discorde,  la  Chicane,  la  Fraude  et 
l'Usure,  veulent  se  maintenir  en  possession,  mais  la  Justice 
les  relègue  aux  Enfers.—  III.—  L'Union,  la  Droiture,  la  Bonne 
Foi,  et  la  Conscience  viennent  au  secours  de  la  Justice,  et  la 
font  triompher  avec  éclat  sous  lesauspices  de  Louisle  Grand. — 
IV.  —  Des  nations  viennent  avouer,  les  unes  que  la  Justice 
du  roy  les  a  rétablies  aux  dépens  de  ses  conquêtes,  les  autres 
qu'elles  ont  senti  la  Justice  quand  elles  n'ont  pas  voulu  se 
réduire  à  la  raison.  —  V.  —  Des  sujets  du  roy  publient 
qu'ils  ne  veulent  pas  d'autre  juge  qu'un  roy  qui  sait  se 
condamner  lui-même  en  sa  propre   cause. 

«  Quatrième  partie  :  La  Religion. —  I. —  La  Religion  conduit 
des  sacrificateurs  pour  rétablir  le  culte  divin  et  rendre  Louis 
aussi  grand  dans  le  ciel  qu'il  l'est  sur  la  terre.  —  II.  —  Quatre 
vices  se  présentent  :  le  Duel,  le  Blasphème,  la  Débauche  et 
l'Athéisme.  La  Religion  les  punit  et  les  chasse  honteusement. 
III.  —  L'Hérésie  paraît  avec  ses  furies.  Elle  expire  à  la  vue 
du  portrait  du  roy  que  lui  présente  la  Religion.  —  IV.  —  La 
Science,  la  Prudence,  et  la  Libéralité  s'offrent  d'effacer  les  ves- 
tiges de  l'hérésie.  —  V.  —  Des  nations  étrangères  avouent 
qu'elles  sont  obligées  à  Louis  le  Grand,  qui,  malgré  leur  éloi- 
gnement,  les  a  éclairées  des  lumières  de  la  vérité.  » 

Les  acteurs  qui  prirent  part  à  ce  superbe  ballet  furent 
François  Devois,  de  Poitiers  ;  Jean  Orré,  de  Poitiers  ;  Char- 
les de  Brouilhac,  de  Poitou  ;  Charles  Fontettes,  de  Poitiers  ; 
Claude  Lauvergnac,  de  Poitou  ;  Gaspard  Riguet,  de  Poitiers  ; 


3SQ        LES  REPRÉSENTATIONS  DANS  LKS  COLLÈGES 

Jean  Dupuy,  de  Niort1  ;  Michel  Fteily,  de  Dublin  ;  Nicolas 
French,  d'Hibernie  (Irlande)  ;  Nicolas  Reed,  de  Dublin  ;  Alex- 
Math,  de  Chasaud,  de  Poitou  ;  François  d'Ayron,  de  Poitou  ; 
Charles  de  Sevret,  de  Poitou  ;  François  Deviges,  d'Angou, 
mois;  Jacq.-Ign. -Franc. de  Brilhac.de  Poitiers;  René  de  Sonay, 
de  Touraine  ;  Jean  Mercier,  de  Poitiers  ;  Louis  Roux,  de 
Poitiers  ;  Pierre  Falloux,  de  Poitiers  ;  Jean  de  Vernon,  de 
Poitiers  ;  Benjamin  de  la  Beausse,  de  Poitiers  ;  Jean  Royer, 
de  Poitiers. 

Le  départ  de  l'intendant  Foucault,  qui  eut  lieu  l'année  sui- 
vante, interrompit  des  fêtes  dont  il  avait  été  l'inspirateur  et 
sans  doute  aussi  le  Mécène.  Il  faut  arriver  jusqu'en  1699 
pour  trouver  au  collège  des  Jésuites  traces  de  représentation. 

Cette  année-là,  les  élèves  jouèrent  la  tragédie  de  Léon,  avec 
prologue  et  intermèdes  musicaux2. 

Le  sujet  est  emprunté  à  V Histoire  du  Schisme  des  Grecs,  de 
Maimbourg,  qui  le  raconte  d'après  Zonare.  L'empereur  Basile, 
le  Macédonien,  s'est  laissé  captiver  par  les  adulations  du 
traître  Théodore  Santabarenus,  qui  arrive  à  lui  persuader  que 
son  fils  Léon  en  veut  à  sa  vie.  II  l'avertit,  pour  preuve  d'accu- 
sation, qu'on  trouvera  un  poignard  caché  sous  les  habits 
du  jeune  prince.  Le  traître  est  d'autant  mieux  à  même  de  le 
savoir  que  c'est  lui-même  qui  a  engagé  Léon  à  s'armer  pour 
défendre  les  jours  de  son  père,  menacés  par  des  conspirateurs. 
On  fouille  le  prince,  et  l'empereur,  trompé  par  l'apparence, 
ordonne  de  le  mener  au  supplice. 

La  tragédie  finit  là.  Mais  la  tradition  ajoute  que  l'empereur 


1  Jean  Cochon  du  Puy,  né  à  Niort  le  il  avril  1674,  correspondant  de  l'Aca- 
démie des  sciences,  fondateur  de  la  première  école  de  médecine  maritime  à 
Rochefort,  mort  en  1 7 . < 7 . 

«  Léon  j  tragédie  !  dédiée  |  à  Monseigneur  Antoine  Girard  \  evesque  de 
Poitiers,  ,  Par  les  écoliers  du  Collège  1  royal  de  la  compagnie  de  Jésus.  |  Le 
Prologue  et  les  Intermèdes  ont  été  mis  en  musique  par  M.  J.  B.  Tralié, 
maître  de  musique  de  l'église  cathédrale  de  Poitiers.  —  A  Poitiers,  I  De  l'im- 
primerie de  la  Veuve  Je?.n-Baptiste  Braud,  Imprimeur  de  l'Université,  rue 
des  CorJelier*.  I  M.  DC.  XCIX.  In-'i'de  19  pp.  (Bibl.  de  Poitiers.  Recueil 
Poitevin  in-'»',   n*  il). 


LKS  REPRÉSENTATIONS  DANS  LKS  COLLÈGES        381 

fut  arrêté  dans  sou  dessein  par  un  perroquet  que  l'on  avait 
habitué  à  répéter  :  Pauvre  Léon  !  Je  regrette,  pour  ma  part, 
la  suppression  de  ce  personnage  allé  auquel  plus  d'un  élève 
aurait  pu  prêter  sa  voix. 

Le  spectacle  s'ouvrait  par  un  prologue  à  la  louange  de  l'évê- 
que  Antoine  Girard,  qui  devait  présider  la  fête.  Un  écolier 
chantait  : 

Quelle  grandeur  !  Quelle  pompe  en  ces  lieux  ! 
Quelle  magnificence  ! 
Que  de  concerts  mélodieux  ! 
Quelle  nouvelle  ardeur  brille  dans  tous  les  yeux  ! 
Quel  astre  bienfaisant  fait  sentir  sa  présence  ! 

Un  autre  répondait  : 

Peut-on  le  méconnaître,  et  ne  sentez-vous  pas, 
Avec  tout  son  éclat,  avec  tous  ses  appas, 
L'ange  par  qui  le  ciel  gouverne  ces  contrées  ? 

Sans  doute  «  l'ange  »  fut  prévenu  à  temps  de  l'ovation  qu'on 
lui  ménageait, et,  peu  disposé  à  se  voir  brûler  au  visage  un  en- 
cens d'aussi  gros  grain,  il  s'abstint  d'assister  à  la  cérémonie. 
Grande  déception  dont  un  des  invités,  l'abbé  Bardou,  curé  de 
Montierneuf,  se  fit  l'écho  dans  des  vers  adressés  à  l'auteur 
de  la  tragédie,  le  père  Mesplex  : 

Je  regrette,  il  est  vray,  notre  illustre  prélat 
Dont  l'absence  à  ta  scène,  oste  beaucoup  d'éclat... 
Et  lorsque  tu  remplis  si  bien  mon  espérance 
Le  modeste  prélat  refuse  sa  présence. 
Tu  chantes,  tu  ravis,  mais  loin  de  mon  héros 
Il  n'en  va  jusque  à  luy  que  le  son  des  échos. 

Ce  léger  nuage  n'assombrit  pas  longtemps  la  scène.  Le  pu- 
blic fut  dans  le  ravissement,  toujours  au  dire  de  l'abbé  Bardou  : 

De  quel  don,  cher  Mesplex,  pourrai-je  couronner 
Le  spectacle  pompeux  que  tu  m'as  sçeu  donner? 
Auray-je  dignement  payé  ce  bel  ouvrage, 
Si  toutte  mon  estime  y  donne  son  suffrage? 


382  LES    REPRÉSENTATIONS    DANS    LES    COLLÈGES 

D'abord  je  croy  me  voir,  de  ton  prologue  épris, 
Sur  le  char  d'une  fée  enlever  à  Paris, 
Et,  pour  mieux  écouter  l'harmonieux  éloge, 
Dans  le  Palais  Royal  occuper  une  loge. 
Mais  lorsque  V intermède,  en  d'admirables  chœurs, 
Aux  tragiques  récits  vient  mesler  tes  douceurs, 
Alors,  plus  loin  encor  je  sens  que  tu  me  mènes: 
Je  croy  voir,  en  nos  jours,  le  théâtre  d'Athènes, 
Et,  dans  l'heureux  attrait  d'un  mélange  si  beau, 
Sophocle  me  paroist  sortir  de  son  tombeau. 
Mais,  sans  aller  si  loin  transporter  mon  estime, 
J'ayme  mieux  publier  que  ta  muse  ranime 
L'ombre  du  grand  Corneille  et  celle  de  Lully. ' 

L'abbé  Bardou  était  certainement  des  amis  de  l'auteur,  car 
je  doute  que  les  vers  du  père  Mesplex  aient  jamais  eu  la  fa- 
cilité de  ce  compliment,  fort  bien  tourné,  comme  toutes  les 
petites  pièces  de  l'abbé  Bardou  qui  figurent  dans  les  recueils 
du  temps.  Pourtant  Boileau  ne  s'est  guère  montré  tendre 
pour  notre  poète  poitevin  : 

Laissez  mourir  un  fat  dans  son  obscurité. 

Un  auteur  ne  peut  il  pourrir  en  sûreté? 

Que  vous  ont  fait  Perrin,  Bardou,  Mauroy,  Boursaut, 

Colletet,  Pelletier,  Titreville,  d'Hesnault?  i 

La  musique  des  intermèdes  et  du  prologue  était  de  la  com- 
position de  J.  B.  Trahé,  maître  de  musique  de  la  cathédrale. 
Les  acteurs  qui  parurent  en  scène  furent  Charles  Louis  d'Aube- 
terre,  de  Saintonge  ;  Charles  Chaubier,  de  Poitiers  ;  Pierre  Ro- 
bin, de  Poitiers  ;  Richard  Le  Fèvre,  de  Saint-Maixent  ;  Alexis 
Morineau,  de  Poitiers  ;  Pierre  René  Pidoux  Duverger,  de  Châ- 
tellerault  ;  Jean  Vantelon.de  Châtellerault  ;  Daniel  Fromentin, 
d'Angoulôme;  Jean  d'Armonville,  de  Poitiers  ;  Louis  de  la 
Boulay,  de  Paris  ;  Dominique  de  Mesplez,  de  Pau  ;  Pierre 
François  Pachot,  de  la  Rochelle. 

1  Copie  Manuscrite  aux  Archives  de  la  Vienne. 
'  Cf.  Dreux  du  Radier,  V°  Bardou. 


LES    REPRÉSENTATIONS    DANS    LES    COLLÈGES  38.'i 

L'année  suivante,lorsquele  ducd'Anjou  serendit  en  Espagne 
pour  prendre  possession  d'une  couronne  si  laborieusement 
achetée,  il  passa  à  Poitiers,  le  16  décembre  1700,  et  fut  reçu 
avec  une  magnificence  sans  pareille.  Les  Jésuites  donnèrent 
des  fêtes  dont  la  relation  en  latin  est  parvenue  jusqu'à  nous  l. 

Duché  de  Vanci,  l'auteur  dramatique  qui  accompagnait  le 
jeune  roi,  je  ne  sais  à  quel  titre,  et  se  fit  l'historiographe  du 
voyage,  assista  à  un  panégyrique  de  Philippe  V,  en  latin, 
«  dans  la  salle  où  l'on  répète  les  tragédies  ».  Il  la  trouva 
spacieuse  et  belle». 

J'ai  rencontré  fort  peu  de  programmes  de  représentations 
dramatiques  données  au  collège  des  Jésuites  de  Poitiers 
pendant  le  cours  du  XVIIIe  siècle.  Je  crois  que,  contrairement 
à  l'usage  suivi  à  Paris  et  dans  d'autres  villes  où  les  Pères 
avaient  des  maisons  d'éducation,  on  ne  jouait  de  pièces  à 
Poitiers,  que  de  loin  en  loin,  et  seulement  quand  des  circons- 
tances exceptionnelles  y  invitaient.  Le  plus  souvent  on  se 
contentait  de  plaidoyers  ou  d'exercices  littéraires,  en  français 
ou  en  latin. 

Cependant  le  26  août  1744  les  élèves  de  rhétorique  repré- 
sentèrent une  tragédie  dont  le  sujet,  essentiellement  local, 
dut  singulièrement  piquer  la  curiosité  des  Poitevins3.  Malheu- 
reusement, si  l'on  en  croit  un  témoin  oculaire  dont  le  goût, 
littéraire  ne  peut  guère  être  mis  en  doute,  la  pièce  était  loin 
de  tenir  les  promesses  de  l'affiche. 

*  Festi  plausus  collegii  Pictaviensis,  societate  Jesu,  adve>iiente  Pictavium 
Philippo  V,  Hispanarum  rege  —  Pictavii,  vidua  J.  Bapt.  Braud,  1700.  in-4°. 
Cf.  PP.  de  Backer.  Bibl.  des  écrivains  de  la  S    J.  V°  Poitiers. 

*  Lettres  de  Duché  de  Vanci,  publiées  par  Colin.  Paris.  1830.  in-18  . 

*  Amalfroy  \  frère  de  sainte  Radeyonde.  \  Tragédie,  |  qui  sera  représentée 
au  Collège  Royal  |  de  Poitiers  de  la  Compagnie  de  Jésus.  |  Par  les  écoliers  de 
Rhétorique  I  du  même  collège.  |  A  la  solennelle  distribution  des  Prix  fon-  I  dés 
par  Messieurs  de  l'Hôtel  de  Ville  de  Poitiers.  |  Le  mercredi  26  et  samedi 
29  août  1744  à  une  heure  précise.  —  A  Poitiers,  ;  chez  Jean-Baptiste  Braud, 
Imprimeur  de  l'Université  et  du  Collège,  rue  des  Cordeliers.  |  Et  Charles 
Braud,  Libraire,  près  les  Jésuites.  In  8°  de  8  pp. —  A  la  suite  :  V  Hyménée  \ 
ballet,  |  qui  sera  dansé  au  Collège  Royal  de  Poitiers  par  les  Écoliers  du  même  , 
Collège,  et  qui  servira  d'Intermède  à  la  Tragédie  à? Amalfroy,  8  pp. 


384  LES    REPHÉSKNTATIONS    DANS    LES    COLLÈGES 

Dreux-du-Radier  regretta  son  argent,  et  s'en  plaignit  sans 
vergogne  dans  ses  Récréations  historiques  : 

■  Les  Jésuites,  lorsqu'ils  jouaient  des  pièces  de  théâtre, 
«  faisaient  payer  le  même  prix  que  les  comédiens.  Il  était 
«  réglé  à  15  sols  : 

Un  clerc  pour  quinze  sols,  sans  craindre  le  nolà, 
Peut  bien  impunément  attaquer  Attila, 

«  a  dit  Boilean. 

«  Dans  leurs  collèges  de  province,  les  Jésuites  ont  toujours 
fait  payer.  J'ai  payé  à  Poitiers,  pour  y  voir  une  très  mauvaise 
pièce,  intitulée  Radegonde,  et  un  ballet  plus  ridicule  et  plus 
mauvais  que  la  pièce'  ». 

Pour  rendre  à  chacun  ce  qui  lui  appartient,  je  dois  ajouter 
que  le  ballet  de  Y  H  y  menée  était  de  l'invention  de  Girard, 
maître  de  danse  du  collège,  et  la  musique  de  Bourgeois,  maître 
de  musique  du  même  collège. 

Les  acteurs  étaient  Henri  Filleau,  de  Poitiers;  Louis  d'Arsac 
de  Ternay,  du  Poitou;  Dominique  Dubrocq,  de  Bayonne; 
J.  Arnauld  Dechesne,  de  Paris;  Antoine  la  Noailhe,  du 
Limousin;  René-Charles  Bordier,  de  la  Touraine;  Charles 
Chollet,  de  Poitiers;  Etienne  deRemigioux,  du  Poitou2. 

En  1762,  par  suite  de  l'expulsion  des  Jésuites,  le  collège  de 
Sainte-Marthe  passa  à  des  professeurs  du  clergé  séculier,  et 
le  2  septembre  1768,  un  arrêt  du  Parlement  publi.t  un  nouveau 
règlement.  L'article  24  décida  que  la  distribution  des  prix  ne 
pourrait  être  précédée  que  d'un  exercice  de  rhétorique  ou 
d'humanités,  sans  qu'il  puisse  en  aucun  cas,  conformément  aux 
statuts  de  l'Université  de  Paris,  être  représenté  aucune 
tragédie  ou  comédie. 


•  Récréations  historiques,  critiques,  morales,  et  d'érudition  avec  l'histoire 
des  fous  en  titre  d'office.  P.iris,  Robustel,  1767,  2  vol.,  p.  311  du  tome  I«r. 

l  Kiienne  de  Rémigioux,  curé  de  Gliampdeniers  (1727-1782),  auteur  d'un 
Mémoire  sur  Champdeniers  publié  dans  les  Affiches  du  Poitou.  On  ignorait 
jusqu'à  présent  Oit  il  avait  fait  ses  études.  (Cf.  Desaivre.  Histoire  de  Champ- 
deniers,  p.  284. ) 


LES  REPRÉSENTATIONS  DANS  LES  COLLÈGES        385 

Cette  défense  fut-elle  strictement  observée  ? 
Il  est  permis  d'en  douter,  car  le  23  janvier  1778,  les  écoliers 
exécutèrent  en    l'honneur  du  duc  de  Chartres,  un  dialogue 
allégorique  qui  ne  diffère  pas  sensiblement  des  divertisse- 
ments dramatiques  si  sévèrement  proscrits  l 

La  copie  manuscrite  de  ce  plaidoyer  <-  dans  lequel  les  étu- 
diants du  Collège  royal  de  Sainte-Marthe  s'entre-disputent 
l'honneur  de  témoigner  publiquement  avecquellerespectueuse 
ardeur  il  désiroient  participer  à  l'inauguration  du  tableau  de 
S.  A.  S.  Mgr  le  duc  de  Chartres  »  nous  apprend  que  l'in- 
vention en  était  due*  à  l'abbé  Rousseau,  régent  de  quatrième. 
Mais  elle  nous  laisse  ignorer  les  noms  des  écoliers  qui  rem- 
plirent les  rôles  de  l'Orateur,  du  Poète,  de  l  Historien  et  du 
Grammairien,  présentés  à  Apollon  par  Mercure, messager  des 
dieux. 

Ce  divertissement  semble  bien  pâle  auprès  des  ballets  d'au- 
trefois, mais  il  était  encore  trop  profane  pour  le  rigorisme  de 
l'Université.  Le  23  juillet  1779,  de  nouvelles  mesures  furent 
prises  contre  les  représentations  dramatiques   que  voulaient 
faire,  cette  année-là,  les  écoliers.  A  la  rentrée  suivante,  le  rec- 
teur,lors  de  la  visite  des  classes, fit  publier  un  décret  défendant 
aux  écoliers  «  de  représenter,  en  quelque  lieu  et  de  quelque 
manière  que  ce  puisse  être,  aucune  pièce  de  théâtre  »  sous 
peine  de  se  voir  retrancher  autant  de   temps  d'attestations 
d'études  qu'ils  en  perdraient  à  se  préparer  à  la  représentation3. 
Cette  fois,  les  amateurs  de  spectacle  n'avaient  qu'à  se  dé- 
clarer vaincus,  et  nous  ne  trouvons  plus  à  citer  aucune  repré- 
sentation au  collège  de  Sainte-Marthe.  Pourtant,  je  ne  voudrais 
pas  quitter  cet  établissement  célèbre  sans  parler  d'une  amu- 
sante anecdote  rapportée  par  le  malicieux  recteur,  Belin  de  la 
Liborlière,  dans  ses  Vieux  Souvenirs  de  Poitiers  avant  1789. 
Elle  rentre  d'ailleurs  dans  le  cadre  de  ces  études  consacrées 

'  Affiches  du  Poitou,  12  fév.  1778. 

5  Bibliothèque  de  Poitiers,  recueil  Poitevin,  in  4°,  n°  30. 

3  Mémoires  des  Antiquaires  de  l'Ouest,  Ire  série,  tome  XX VII,  p.  321. 


3SG  LES    REPRÉSENTATIONS   DANS   LES    COLLÈGES 

aux    représentations   scéniques    et    aux    spectacles,    môme 
populaires. 

«  Depuis  le  départde  la  Compagnie  de  Jésus, le  Puygarreau, 
qui  était  leur  pensionnat,  servit  quelquefois  pour  des  combats 
d'animaux  et  autres  spectacles  forains.  Je  tiens  de  témoins 
oculaires  qu'une  troupe  de  sauteurs ,  qui  faisait  là  ses 
exercices,  avait  annoncé  pour  la  clôture  qu'un  petit  cheval, 
qu'on  eut  bien  soin  de  promener  en  ville  au  son  du  tambour, 
descendrait  sur  une  corde  roide  du  haut  du  bâtiment.  Grande 
fut  l'affluence  curieuse  ;  plus  grande  fut  l'attente  impatiente, 
en  trouvant  un  câble  attaché  par  un  bout  à  la  charpente,  et 
amarré  par  l'autre  au  sol  :  mais  aussi,  en  revanche,  très  grand 
fut  le  dépit  de  la  mystification,  lorsqu'on  vit  paraître  à  la 
fenêtre  du  second  étage  le  petit  cheval  attaché,  par  des  sangles 
qui  lui  passaient  sous  le  ventre,  à  une  poulie  qu'un  cordage 
de  conduite  guida  tout  doucement  jusqu'à  ce  que  les  pieds  de 
l'animal  vinssent  toucher  la  terre.  Les  uns  se  mirent  à  rire, 
les  autres  voulurent  se  fâcher,  mais  en  aidant  un  peu  à  la 
lettre,  et  surtout  dans  une  enceinte  provenant  de  la  Congré- 
gation à  laquelle  avait  appartenu  Escobar,  le  tour  était  fait  ». 

[A  suivre)  Henri  Clouzot. 


mim 


LES  VIEILLES  CHANSONS  DE  CHEZ  NOUS 


LA  COMPLAINTE  DU  SIRE  DE  PÉROUX 

ET  DE  SON  CHÉ  «  L'ABRI  » 


La  famille  de  Bouil  ou  du  Bouille,  qui  illustra  jadis  la  châ- 
tellenie  de  Poiroux,  tirait  son  nom  d'un  lieu  nommé 
Bullium  dans  la  paroisse  de  Saint-Vincent-sur-Jard.  Bul- 
lion  était  un  point  important,  puisque  Saint-Vincent  se  nom- 
mait au  XIIe  siècle,  Sanctus  Vincentius  de  Bullio.  Il  est  à  croire 
que  ce  fut  même  le  lieu  primitivement  habité  :  on  y  trouve, 
en  effet  quantité  de  débris  gallo-romains. 

La  famille  de  Bouil  était  l'une  des  plus  riches  et  des  plus 
puissantes  du  Talmondais.  Ses  membres  faisaient  partie  des 
barons  ou  procères  de  la  contrée  et  siégeaient  à  l'un  des  pre- 
miers rangs  des  plaids  tenus  à  Talmont  par  le  comte  de 
Poitou  ou  par  les  princes  du  lieu. 

Elle  ne  comptait  que  trois  générations,  quand  elle  donna  le 
jouràAimeri  de  Bouil  qui  devait,  à  lui  seul,  lui  procurer 
plus  de  gloire  que  tous  ses  autres  rejetons  ensemble.  On  sai 
que  ce  fut  Aimeri  de  Bouil,  seigneur  de  Poiroux,  qui  fonda, 
dans  la  paroisse  de  Poiroux,  l'abbaye  de  N.-D.  de  Bois-Grollaml 
vers  1109,  abbaye  qu'il  dota  généreusement  avec  son  frère, 
Pierre  de  Bouil.  (Voir  Cartul.  du  Bas- Poitou). 

TOME    XII.    —  JUILLET,    AOUT,    SEPTEMBRE.  27 


-sv  LA    COMPLAINTE    DU    SIRE    DE   PÉROLX 

Le  pieux  seigneur  de  Poiroux  fit  plus.  S'il  jeta  une  partie 
de  sa  fortune  dans  les  fondations  de  la  maison  de  Dieu,  il 
itait  dévoué  lui-même  personnellement  auparavant  en  «  se 
parant  de  la  fleur  du  Christ,  »  comme  on  disait  alors,  c'est-à- 
dire  en  se  croisant  pour  voler  à  la  suite  de  Godefroy  de  Bouillon 
à  la  conquête  du  tombeau  du  Sauveur.  Son  départ  de  Poiroux, 
ses  adieux  à  sa  dame,  ses  prouesses  en  Terre-Sainte  et  enfin 
son  heureux  retour  ont  inspiré  jadis  les  bardes  de  notre  Bas- 
Poitou  et  leur  ont  fourni  le  thème  d'une  jolie  complainte  en 
patois  peu  connue  aujourd'bui. 

Quand  fut  composée  cette  poésie  au  tour  original  ?  Nous  ne 
saurions  le  dire.  Nous  pensons  toutefois  qu'elle  doit  être  fort 
ancienne. 

La  première  fois  que  nous  l'avons  lue,  nous  lui  avons  trouvé 
une  saveur  particulière  et  comme  un  goût  de  terroir  bas-poi- 
tevin qui  nous  ont  charmé.  Volontiers  nous  la  comparerions 
à  l'un  des  Barzas-Breiz,  ou  chants  populaires  de  la  Bretagne 
recueillis  et  publiés  par  le  vicomte  Hersart  de  la  Villemarqué, 
membre  de  l'Institut.  Sans  doute,  le  patois  bas-poitevin  n'est 
pas  une  langue  complète  comme  le  breton  ;  mais  il  ne  manque 
pas  d'originalité,  de  fraîcheur  naïve  et  poétique  et  il  est  sou- 
vent aussi  plein  d'énergie  dans  l'expression.  On  en  jugera  par 
la  complainte  dont  nous  donnons  le  texte  d'après  M.  Alfred 
(jiraud  qui  l'a  publiée,  le  premier,  dans  la  Revue  des  Provinces 
de  l'Ouest,  en  1854.  Ce  texte  sera  facilement  compris  par  les 
habitants  du  pays  des  Olomies  et  du  Talmondais  et  même  par 
tout  Vendéen  d"origine.  Nous  mettrons  d'ailleurs,  à  côté  du 
mot,  la  signification  des  expressions  qui  pourraient  présenter 
quelque  difficulté. 


Le  jou  qu'Emerit  s'onnongit  {s'en  alla) 
Et  que  pre  la  croex  gle  s'armit, 
Au  béa  l'Abri,  sin  cbé  [chien)  fidèle, 
Gle  baillit  la  garde  d'Adèle... 


ET    DE    SUN    CHK    «    L'ABHI    »  'i&9 

Gronds  et  petits,  priez  tretous 

Pr'  Emerit,  sire  de  Péroux  (Poiroux) 

De  lirou oux  [bis) 

Pr'  Emerit,  sire  de  Péroux  ! 

«  Dons  tras  ons,  dit-il,  revenrai, 
(Dans  trois  ans,  dit-il,  je  reviendrai). 
«  Et  pus  jamais  te  guitterai.  » 
Pis,  tôt  dret  vers  la  Palestine 
Gle  s'onnongit  pre  la  Gastine, 

On  (en)  la  Palestine  rondu 
■Ine  foé  qu'el  s'était  battu, 
De  sin  chevaau   saautit  à  terre 
Et  dormit  à  la  soulaillère. 

Daus  infidèles  venguirant  (vinrent) 

Qui  sans  pitié  le  prenirant, 

Et  dompis  (depuis)  covert  de  touaille  (mauvais  habits) 

Gle  s'acabaudit  sur  la  paille... 

Au  roge  Uri  (Ulric)  qu'on  sa  mésin... 

Gl'  avait  trejou  pre  caimpagnin 

Et  gubernur  (gouverneur)  de  sin  doumaine 

Gle  fasit  annincer  sa  peine. 

Mais  Uri,  soudard  de  l'onfer, 
Sans  pus  durer  passe  la  mer, 
Et,  à  Satan  baillant  sen  âme, 
Va  de  Péroux  treuver  la  Dame. 

•(  Ma  Dame  pllurez  votre  sort  ! 
«  Emerit,  le  vaillant,  est  mort, 
«  Frappé  sur  la  pllaine  étrongère  ; 
«  Y  le  menis  au  cimentère...» 

—  «  Ah  !  mécréant,  ne  me  trimpez  ! 
«  Pre  min  malhur  bé  vrai  disez?.. 

—  «  Si  mens,  de  tio  cop,  dame  Adèle, 
M'arde  (me  brûle)  vif  la  fllambe  éternelle  !  » 

—  «  Ne  vux  pus  boére  ne  monger, 
■<  On  la  tour  y  vas  m'onfremer..  » 
Et  pllurant  sa  malavonture 
Adèle  disait  à  tote  hure  : 


390  LA    COMPLAINTE    DU    SIRE    DE   PÉROUX 

Gronds  et  petits,  priez  tretous 
Pr'  Emerit,   sire  de  Péroux 

De  lirou oux  {bis) 

Pr'  Emerit,  sire  de  Péroux 

Tras  jous,  sans  boére  ne  monger, 
On  la  tour  s'allit  onfremer.... 
Et  pllurant  sa  malavonture 
On  l'entendit  dire  à  tote  hure: 

Gronds  et  petits,  priez  tretous 
Pr' Emerit,  sire  de  Péroux 

De  lirou oux  (bis) 

Pr'  Emerit,  sire  de  Péroux  ! 

Tras  jous  durant,  le  ché  L'Abri, 

De  sin  chagrin  tôt  allori  (peiné) 

A  la  porte  fasit  la  garde, 

Mieux  que    soudard    oque    (avec)  hallebarde. 

Per  ontrer  Uri  s'en  vinguit  ; 

Mais  contre  li  L'Abri  ringit  (grogna  en  montrant  les  dents. 

Et  d'in  molet  pris  à  goulaie 

Monquit  d'au  cop  fére  brechaie  (brèche) 

In  an  après,  L'Abri  ringeait... 

Mais,  lors,  Uri  se  prédarait,  {se prélassait) 

Ensorcelou  de  dame  Adèle; 

Gl' allait  épouser  l'infidèle... 

Le  jou  daux  noces,  lespaysons, 
Leurs  femmes  leurs  jénes  infons, 
Et  jusques  au  bin  viux  prêtre 
Priant  pre  l'âme  de  leu  maître. 

La  pentouine  et  son  houlier 
On  l'église  alliant  intrer, 
Quond  L'Abri  saautant  à  sa  face, 
Jetit  Uri  mort  dans  la  gasse  (boue). 

Dessus  lapllace,  on  tio  moumont, 
Emerit  arrivit  vivont  ; 
Car  li  tôt  dret  de  Palestine 
Gle  s'on  venait  pre  la  Gastine. 


ET    DK    SON    CHÉ    «    L'ABRI    » 


391 


«  Holà  !  dit  eil,  min  béa  L'Abri, 

«  Qu'étoque  le  fasant  iqui?... 

«  Orde  garse  !  (juron)  drigail  de  femme  ! 

«  Me  créiez  dinc  mort,  ma  Dame?  ..  » 

—  0  Le  roge  Uri  nous  a  monti  !.. 

«  N'ai  pus  qu'à  mouri  démési.  »  (désormais) 

Et  pllurant  sa  malavonture 

Adèle  dicit  à  tote  hure  : 

Gronds  et  petits,  priez  tretous 
Pre  la  reclluse  de  Péroux  ! 

De  lirou oux(bis) 

Pre  la  reclluse  de  Péroux  ! 

H«e  BOUTIN. 


LES   PEINTRES  DU  SIECLE' 


Paul      BAUDRY 

J'ai  raconté  dans  la  Vie  d'un  artiste  que  ma  Bénédiction  des 
Blés,  très  mal  placée  d'abord,  n'avait  pu  être  appréciée  que 
vers  la  seconde  moitié  de  la  durée  du  Salon,  après  le 
remaniement...  J'étais  devant  ma  toile,  qu'on  venait  de  des- 
cendre des  hauteurs  qui  la  dérobaient  aux  yeux  du  public,  et 
je  la  regardais,  tout  heureux  de  la  voir  enfin  à  la  cimaise, 
lorsqu'un  jeune  homme  accourut  vers  moi  et  me  sauta  au  cou 
en  me  disant  :  «  Que  je  t'embrasse  pour-  ton  ciel  !  ».  C'était 
Paul  Baudry.  On  me  pardonnera  de  rapporter  ici  ce  compli- 
ment qui  fait  surtout  l'éloge  du  cœur  généreux  d'où  il  est 
sorti.  La  joie  que  j'en  ressentis  fut  doublée  par  celle  de  revoir 
cet  ami  tant  admiré. 

Il  arrivait  de  Rome,  triomphant.  Jamais  plus  beau  rayon 
de  gloire  n'éclaira  un  début.  Edmond  About,  un  autre  favori 
de  cette  heure,  fraîchement  revenu  de  Grèce,  précédé  par  un 
roman  qui  occupait  tout  Paris,  avait  dédié  à  notre  jeune  pein- 
tre le  premier  volume  de  ses  Salons  où  il  le  célébrait  dans 

>  M.  Jules  Breton,  qui  est  un  poète  du  pinceau,  un  prosateur  remarquable 
*t  un  versificateur  habile,  pénétrant  et  ému,  vient  d'achever,  dans  la  Revue 
des  Deux  Mondes,  une  série  d'exquis  portraits  a  la  plume  consacrés  aux 
peintres  du  siècle.  Nous  détachons  de  la  livraison  de  septembre  dernier  celui 
fie  notre  illustre  compatriote  Paul  Baudry,  dont  nos  lecteurs  seront  certai- 
nement heureux  de  retrouver  ici  l'éloquent  éloge. 

N.  D.  !..  R. 


PAUL    BAUIJHY  393 

maintes   pages.     En    tôte   de  l'épUre    dédicatoire   on   lisait: 
u  Paoliccio  mio  !  »  et  cela  attendrissait  le  public. 

Il  était  en  effet  de  petite  taille,  cet  artiste  charmant  que  la 
foule,  pour  la  première  fois,  contemplait  avec  cette  douceur 
particulière  dont  ses  regards  caressent  les  jeunes  triompha- 
teurs. Si  vous  voulez  le  connaître  à  fond,  vous  n'avez  qu'à  lire 
sa  correspondance  si  intéressante,  qui  a  été  publiée.  Il  y  est 
tout  entier,  avec  sa  vaillance  infatigable,  sa  douceur,  sa  bien- 
veillante ironie,  son  cœur  dévoué.  Il  avait  redouté  beaucoup 
cette  exposition,  et  il  était  tout  à  l'étonnement  et  à  la  joie  d'un 
triomphe.  Certes  l'avenir  devait  paraître  bien  beau  à  ce  jeune 
homme  dans  l'ivresse  d'un  tel  début.  Il  en  jouissait  avec  un 
tact  parfait  et  en  toute  bonne  camaraderie.  Hélas  !  la  gloire  ne 
lui  sera  guère  douce  ! 

C'était  une  fête  de  nous  revoir.  Je  fus  surpris  du  changement 
qui  s'était  fait  en  lui.  Quoique  toujours  très  brun,  il  m'apparut 
comme  éclairci;  l'œil  plus  tendre ,1a  chaleur  plus  souple,  d'une 
correction  imprévue.  Nous  avions  eu  des  rapports  d'amitié 
discrète  et  d'estime,  huit  ou  neuf  ans  auparavant,  à  l'atelier 
Drôlling.  Nous  ne  les  avions  entretenus  par  aucune  corres- 
pondance pendantcettelongue  période  si  différemment  passée- 
Mais  nous  nous  étions  suivis  en  pensée.  La  publicité  lui  avait 
appris  mes  débuts  ;  quant  à  moi,  j'en  étais  resté  aux  conjec- 
tures, car  il  n'avait  montré  ses  envois  de  Rome  qu'à  l'École 
des  Beaux-Arts  tandis  que  j'étais  à  Courrières.  En  ce  moment, 
il  les  exposait  en  bloc.  Baudry  était  autrefois  un  garçon 
silencieux,  aimant  la  solitude,  s'isolant  par  une  froide  réserve, 
môme  au  milieu  de  ses  condisciples  dont  il  était  le  point  de 
mire,  car  la  plupart  cherchaient  à  l'imiter.  Il  avait  la  tête 
énergique,  au  hâle  pâle,  des  dominateurs.  Cependant  l'empire 
qu'il  exerçait  était  absolument  involontaire.  Nous  lui  recon- 
naissions une  supériorité.  Nous  l'appelions  «  le  petit  grand 
homme  ».  Il  était  arrivé  du  fond  de  sa  Vendée,  à  demi  sauvage 
encore,  résolu  à  parvenir,  âpre  au  travail.  Il  apportait  comme 
la  fauve  ardeur  de  la  faune  de  ses  bois.  Ce  fils  d'un  sabotier 


394  PAUL    BAUDRY 

avait  d'ailleurs  l'audace  prudente  et  réfléchie  de  ceux  qui 
marchent  dans  les  chemins  non  frayés.  Nous  nous  serrions 
autour  de  lui,  nous  autorisant  de  cette  indépendance  que  nous 
regardions  comme  une  intransigeance  pleine  de  promesses, 
pour  défendre  notre  personnalité  contre  la  règle  académique. 
Nous  l'aurions  jugé  indomptable,  à  voir  avec  quelle  hardiesse 
il  brossait  ses  études  à  l'atelier. 

Mais  nous  nous  trompions!  Baudry  était  modeste  au  fond, 
maniable  sous  l'influence  de  son  admiration  pour  les  maîtres. 
De  là  cette  aménité  bienveillante  qui  tempéra  l'énergie  de  son 
talent  et  de  sa  face  de  corbeau  ;  il  ressemblait  à  cet  oiseau. 
Oui,  si  nous  applaudîmes  son  exposition  de  1857,  séduits  par 
tant  de  charme  titianesque  etcorrègien,  nous  fûmes  étonnés 
de  le  trouver  si  souple  à  fondre  une  originalité  que  nous  ne 
pouvions  nous  empêcher  de  regretter,  tout  en  partageant  l'ad- 
miration générale.  Oh!  que  sa  petite  Léda  était  charmante! 
Mais  nous  n'y  reconnaissions  plus  notre  épineux  Baudry.  Les 
greffes  avaient  fleuri   sur   le    sauvageon.    Nous   attendions 
sinon  mieux,  du  moins  autre  chose  de  l'élève  qui  en  1848, 
dessinait  si  furieusement  des  scènes  de  Chouans  sur  la  toile 
dont  il  avait  tapissé  sa  chambre,  vraie  grenier  d'une  maison 
isolée  au  milieu  de  la  place  Saint-Germain-des-Prés  et  que  le 
boulevard  a  emportée,  alors  que  sa  fierté  tranquille  et  son 
silence  méditatif  nous  imposaient  une  sorte  de  respect.  Que 
sont  devenues  ses  figures  d'après  le  modèle  vivant,  un  peu 
barbares,  parfois  bizarres  de  proportions  mais  aux  articula- 
tions si  fermement  élastiques,  aux  muscles  souples,  d'une 
seule  et  généreuse  coulée  !... 

On  connaît  son  enfance.  Tout  le  monde  a  remarqué  son 
tableau  célèbre,  La  Fortune  et  V Enfant.  Le  petit  Paul  a  vu  aussi 
la  déesse  lui  tendre  la  main,  non  sur  la  margelle  d'un  puits, 
mais  sur  les  ais  mal  joints  d'une  estrade  de  ménétrier,  car  le 
futur  peintre  des  Muses  faisait  danser  des  paysans.  Et  cette 
fois  la  fortune,  qui  avait  oublié  sa  route,  se  présentait  sous 
les  traits  d'un   aimable  homme,  M.  Renaud,  directeur  des 


l'AUL    BAUDRY  395 

contributions  du  département.  Plusieurs  lettres  du  peintre 
témoignent  à  son  égard  d'une  bien  vive  reconnaissance. 

Ce  fut  dans  les  forêts  rocheuses,  parmi  les  houx  épineux, 
les  chênes  rabougris  aux  mille  racines  tortueuses,  les  ronces 
et  les  fleurs  sauvages,  que  le  petit  Baudry  reçut  ses  premières 
impressions  de  nature.  Il  y  poursuivait  les  papillons  qu'il 
collectionnait,  les  yeux  ravis  de  leurs  couleurs,  dont  plus  tard 
il  se  servira  pour  les  harmonies  de  ses  décorations  de  l'Opéra. 
Son  Supplice  d'une  vestale  porte  encore  des  traces  de  l'influence 
première  :  il  y  a  là  des  figures  enchevêtrées  de  broussailles 
avec  leurs  ossatures  rugueuses,  sous  des  muscles  noueux,  où 
çà  et  là  une  veine  court  comme  une  ronce,  tandis  qu'à  côtés 
s'épanouissent  des  jeunes  filles  et  des  enfants,  avec  l'âpre 
élégance  et  la  fraîcheur  des  églantines.  Ce  tableau  se  ressent 
encore  du  lait  sauvage  sucé  par  le  nourrisson.  D'ailleurs  et 
heureusement,  malgré  l'influence  italienne  subie,  il  ne  s'en 
dégagera  jamais  complètement  ;  quelque  chose  d'âpre  et  de 
bien  français  subsistera  dans  son  goût  transformé.  Il  aura 
beau  chercher  les  raffinements,  il  conservera  toujours  un  peu 
de  foin  dans  ses  sabots  vendéens.  Mais  comme  c'eût  été  plus 
simple  pour  lui  de  ne  jamais  quitter  son  pays.  Quelque  grand 
que  soit  Michel-Ange,  pourquoi  se  mettre  à  copier,  et  avec 
quel  inoui  courage!  cette  voûte  de  la  chapelle  Sixtine?  Rien 
de  plus  sublime  que  cette  gigantesque  épopée.  Mais  notre  ami 
y  a  pris  une  formule  qui  n'est  pas  du  vrai  Baudry.  Nous  aurions 
préféré  celle  qu'il  eût  trouvée  par  lui-même. 

La  commande  de  l'immense  décoration  du  foyer  de  l'Opéra, 
que  lui  confia  son  ami  Gh.  Garnier  a-t-elle  été,  comme  beau- 
coup l'ont  affirmé,  une  bonne  fortune  pour  notre  peintre  ?  Il 
a  dû  le  croire  lui-même  dans  l'enthousiasme  de  sa  joie 
créatrice,  lorsqu'il  conçut  cette  œuvre  olympienne  toute 
rayonnante  de  lumière  divine,  toute  cadencée  de  groupes 
aux  gestes  surhumains.  Avec  quelle  ardeur  il  en  a  jeté 
les  brillantes  esquisses,  tracé  les  harmonieux  cartons  !  Mais 
que  ne  s'est-il  arrêté  là,   et  que   n'a-t-il    confié   à  d'habiles 


396  PAUL    B AU DRY 

décorateurs  ce  que  le  reste  de  ce  travail  avait  d'écrasant. 
Songez  que  Baudry  a  tout  peint,  lui  seul,  au  moyen  de  procé- 
dés forcément  sommaires,  de  formules  nécessairement  de 
pure  pratique  ;  lui,  l'artiste  d'abord  énergique,  puis  délicat, 
que  nous  avons  vu  passer  de  la  robustesse  d'un  sauvage  début 
aux  souplesses  du  voluptueux  et  tendre  épicurisme  où  il  ne 
larda  pas  à  se  complaire.  C'est  ce  peintre,  fort  et  fragile  à  la 
l'ois,  que  j'ai  vu,  sur  ces  échelles,  s'épuiser  à  l'acharnement 
d'an  travail  de  praticien  !  Je  crois  encore  l'entendre  me  dire  : 
«  Tu  ne  te  figures  pas  ce  que  j'y  dépense  de  force  physique.  » 
Il  eût  pu  ajouter  :  «  et  d'inutile  inspiration.  » 

L'œil  du  maître,  surveillant  le  travail  d'un  préparateur,  eût 
mieux  conduit  une  exécution  à  peine  appréciable  d'ailleurs 
dans  les  conditions  où  elle  se  présente.  Par  quelques  retou- 
ches, quelques  glacis,  quelques  rehauts,  il  eût  dirigé  plus 
sûrement  les  larges  élans  de  son  imagination  toute  au  souve- 
nir de  sa  chère  chapelle  Sixtine  et  il  eût  évité  la  fatigue  d'une 
vaillance  inutile  et  hâtive  qui  ne  lui  a  pas  laissé  le  loisir  ni  le 
repos  indispensable  à  la  pénétration  complète  de  son  rêve 
génial  et  qui  a  fait  dévier,  parfois,  en  torsions  maniérées, 
l'allure  trop  improvisée  de  ses  figures  d'abord  si  magistrale- 
ment conçues. 

A  ce  tour  de  force  merveilleux  où  s'est  épuisé  Paul  Bau- 
dry. combien  de  Vérités  sortant  du  puits,  combien  de  Perles  et 
de  Vagues  adorablement  nacrées  n'ont-elles  pas  été  sacri- 
fiées !... 

Malheureusement  il  est  mort  trop  tôt.  La  vieillesse  lui  eût 
ramené  les  sensations  de  l'enfance,  et,  avec  elles,  sa  puissante 
personnalité.  C'est  ce  retour  au  berceau  qui  a  inspiré  ses 
chefs-d'œuvre  les  plus  personnels  au  Poussin,  longtemps 
aussi  trop  influencé  par  l'Italie.  Mais  Baudry  n'a  pas  eu  cette 
faveur  du  sort  !  Si  encore  il  avait  pu  exécuter  cette  Jeanne 
d'Arc  tant  méditée,  qu'il  devait  peindre  au  Panthéon  et  qui 
allait  lui  reconquérir,  tout  entier,  son  beau  pays  de  France  ! 
Mais  il  passa  les  dernières  années  de   sa  vie  à   peindre  ces 


PAUL    BAUDKY  397 

immenses  toiles  décoratives  du  grand  foyer  de  l'Opéra,  qu'a- 
lourdit la  profusion  des  ors,  qu'écrasent  d'énormes  moulures. 
Il  a  dû  bien  souffrir  d'une  entreprise  si  démesurée  qu'il  fallait 
pousser  à  bien,  qui  ne  lui  permit  pas  de  se  reprendre  en  toute 
liberté  de  création,  et  qui  l'épuisa,  je  viens  de  le  dire,  par  le 
dur  travail  et  le  déploiement  de  force  physique  qu'elle  exigea. 
De  là  peut-être  cette  mélancolie  de  fond  qui  ne  le  quittaitplus 
que  très  rarement,  et  qui  dégénéra  en  une  profonde  tristesse, 
source  probable  du  mal  qui  l'a  emporté. 

Non  !  la  gloire  ne  fut  pas  douce  à  ce  vaillant  artiste.  Elle 
lui  restera  fidèle  cependant  et  plus  d'une  œuvre  perpétuera  la 
renommée  de  sa  mémoire.  Bien  que  son  instruction  première 
eût  été  fort  négligée,  Baudry,  à  force  d'étude,  s'était  acquis 
une  solide  érudition.  Théophile  Gautier  m'a  parlé  du  style  de 
ses  lettres,  avec  beaucoup  d'éloge.  Il  fut  de  plus  un  modèle  de 
piété  filiale,  d'amour  fraternel  et  de  tendresse  pour  ses  amis  : 
tout  cela  justifie  bien  la  dédicace  attendrie  d'Edmond  About. 

«  Paoliccio  mio  1  » 

Jules  Brkton. 


LES  CANONS  HISTORIQUES  DE  LA  VENDÉE  MILITAIRE 


LA  MARIE-JEANNE  ET  LE  MISSIONNAIRE 


Sous  ce  titre  Un  canon  historique  aux  armes  du  Cardinal 
de  Richelieu,  Mgr  X.  Barbier  de  Montault  a  publié  dans 
la  Revue  d'Archéologie  poitevine  (N°  d'août  1899)  un 
article  sur  la  Marie-Jeanne  des  Vendéens,  dont  nous  avions 
précédemment  donné  l'image  gravée  par  M.  0.  de  Rochebrune. 
Cette  gravure  était,  dans  notre  pensée,  destinée  à  accompagner 
l'article  de  M.  l'abbé  Deniau  sur  le  premier  combat  de  Fon- 
tenay  en  1793,  —  combat  dont  le  récit  figurait  dans  la  même 
livraison,  et  au  cours  duquel,  l'illustre  canon,  fut  —  on  s'en 
souvient  —  arraché  après  une  lutte  acharnée  aux  Vendéens 
par  les  troupes  républicaines  victorieuses. 

Mgr  Barbier,  qui  n'a  sans  doute  pas  lu  l'article  de  M.  Deniau, 
s'étonne  que  nous  n'ayons  accompagné  l'eau-forte  du  Maître 
graveur  fontenaisien  d'«  aucune  explication  »,  et  voulant 
apparemment  y  suppléer,  il  nous  assure  que  la  Marie-Jeanne 
n'est  point,  comme  on  l'avait  cru  et  imprimé  jusqu'alors,  au 
Musée  d'artillerie,  à  Paris  ;  mais  qu'elle  repose  au  fond  de 
l'étang  du  Plessis,  près  Chaudron  (Maine-et-Loire)  où  les 
Vendéens  en  déroute  l'auraient  jetée,  pour  la  dérober  aux 
Bleus. 

Notre  savant  confrère  eut  peut-être  été  sagement  inspiré  en 


LA    MARIE-JKANNB    KT    LE    MISSIONNAIRE  399 

imitant  notre  réserve,  à  l'endroit  d'un  objetdont  l'histoire,  peu 
précise,  a  déjà  soulevé  tant  et  de  si  vives  polémiques.  Il  ressort, 
en  effet,  de  la  lettre  que  nous  écrivait,  il  y  a  peu,  M.  le  Marquis 
de  Villoutreys,  propiétaire  de  l'étang  du  Plessis,  que  ce  n'est 
point  la  Marie-Jeanne,  mais  un  autre  canon  symbolique  des 
Vendéens,  le  Missiomiaire,  qui  aurait  été  jeté  dans  ses  eaux. 
Voici  du  reste  cette  lettre  : 

Mojisieur, 

J'ai  le  vif  regret  d'être  dans  V incapacité  de  satisfaire  plei- 
nement votre  légitime  curiosité  à  l'égard  du  Missionnaire.  Voici 
tout  ce  que  je  sais,  qui  se  réduit  à  bien  peu  de  chose  : 

Un  vieux  soldat  de  la  Vendée,  qui  avait  été  attaché  à  la 
personne  de  Lescure,  raconta  à  mon  grand-père,  rentrant  au 
Plessis  à  son  retour  de  l'Émigration,  qu'après  la  bataille  de 
Cholet  et  pendant  la  déroute  vers  Saint-Florent  de  l'armée 
Vendéenne,  Bonchamps  craignant  de  voir  le  Missionnaire 
tomber  aux  mains  des  Républicains,  donna  l'ordre  de  le  jeter 
pendant  la  nuit,  et  sa?is  ébruiter  la  nouvelle,  de  crainte  d'ac- 
croître le  découragement  des  Vendéens,  dans  l'étang  du  Plessis, 
qui  est  fort  profondément  encaissé  entre  deux  collines. 

Le  même  Vendéen  avait  encore  raconté  à  mon  grand-père, 
qu'en  il '94  les  Bleus  qui  tenaient  alors  garnison  au  Plessis, 
s'étaient  certain  jour  amusés  par  manière  de  passe-temps  à 
hisser  à  force  de  bras  au  sommet  d'une  des  collines  qui  domi- 
nent l'étang  un  carrosse  laissé  dans  les  remises  du  château,  lors 
du  départ  pour  l'Émigration  ;  puis,  à  un  moment  donné,  coupant 
le  câble  qui  le  retenait,  s'étaient  fort  réjouis  en  le  voyant 
dégringoler  le  long  de  cette  montagne  russe  improvisée  et  dispa- 
raître sous  l'eau  da?is  une  culbute  finale. 

En  i  873,  j'ai  mis  l'étang  à  sec  et  j'ai  retrouvé  le  carrosse  aux 
trois  quarts  enlisé  dans  la  vase  ;  mais  je  n'ai  pas  trouvé  {et  ne 
pouvais  pas  retrouver  sans  des  travaux  aussi  considérables 
que  dispendieux)  le  Missionnaire  qui  par  son  poids  s'est  en- 
foncé à  une  grande  profondeur  da?is  le  sol  tourbeux  et  mare- 


400  LA    MARIE-JEANNE    ET   LE    MISSIONNAIRE 

cageux  qui  forme  le  fond  de  Vétang,  où  à  quarante  pieds  on 
ne  rencontre  pas  le  solide. 

La  seule  chose  donc  qui  demeure  certaine,  dans  la  double 
allégation  apportée  à  mon  grand-père,  c'est  que  la  preuve  de 
l'exactitude  de  l'une,  a  été  faite,  ce  qui  donne  du  poids  à  la 
probabilité  de  la  véracité  du  témoin  pour  l'autre  ;  mais  c'est 
tout. 

Veuillez  agréer... 

Le    M"    DE    VlLLOUTREYS. 


LE    DONJON    DE    TIFF  AUGES 
D'après  un  <-li<-ln'-  <\c   1/.  Arsolier 


CHEZ  BARBE-BLEUE 


LE  CHÂTEAU  M  TIFFAUGES 


Lorsqu'au   IX"  siècle,   les  Normands  dévastèrent  le  Bas- 
Poitou,  Tiffauges  possédait  déjà  un  château-fort,  isolé  de 
la  bourgade  par  un  ravin  en  partie  comblé,  il  y  a  une 
soixantaine  d'années,  lors  de  la  construction  de  la  route  de 
Tiffauges   à  Saint-Jean-de-Monts,   lequel  constitua   avec    la 
Crume  et  la  Sèvre,  la  première  fortification. 

Brûlé  par  les  pillards  du  Nord,  il  ne  se  releva  de  ses  rui- 
nes que  pendant  les  XIe  et  XIIe  siècles,  époque  où  le  château  et 
ses  dépendances  acquirent  une  partie  du  développement 
qu'ils  possèdent  encore  aujourd'hui.  On  a  môme  la  preuve 
certaine  qu'une  partie  de  l'enceinte  du  XIIe  siècle  a  été  établie 
sur  les  anciennes  fondations  romaines,  au  lieu  môme  où  cam- 
pèrent les  légions  d'Agrippa  et  d'Adrien.  D'ailleurs,  les  tuiles 
romaines  trouvées,  en  1885,  dans  les  fouilles  de  la  chapelle 
ne  laissent  aucun  doute  à  ce  sujet1. 


1  Sur  le  sommet  le  plus  élevé  de  l'enceinte,  se  trouve  La  Motte  dont  nous 
avons  déjà  parlé  et  au  sujet  de  laquelle  il  existe  plusieurs  traditions  inté- 
ressantes à  rapporter.  Quelques  savants  désignent  cette  motte  sous  le  nom  de 
Castellum  des  Romains  qui,  de  ce  point  élevé,  exploraient  le  pays  et  préve- 
naient ainsi  les  attaques  des  Gaulois.  Selon  d'autres,  son  attribution  serait 
la  même,  mais  alors  à  l'usage  de  nos  ancêtres  qui,  du  haut  de  cette  éminence, 
annonçaient  à  leurs  voisins,  en  y  allumant  de  grands  feux,  l'apparition  des 


102  LE    OHATKAU    DE    TIFFAUGES 

La  grande  période  militaire  de  Tiffauges  s'ouvre  au  XIe  siè- 
cle au  moment  où  commencent  les  conflits  interminables  qui, 
pendant  de  longues  années,  mettent  aux  prises  le  Poitou  et 
l'Anjou,  pour  prendre  fin  en  1628,  après  la  prise  de  la  Rochelle. 
Pendant  les  luttes  qui,  trop  souvent,  ensanglantèrent  ces 
deux  provinces,  Foulques  III,  dit  le  Noir,  se  signala  surtout 
en  faisant  couvrir  le  territoire  de  son  duché  de  châteaux  et  de 
forteresses.  Tiffauges,  placé  à  la  porte  du  domaine  de  ce  tur- 
bulent prince,  appartenait  aux  vicomtes  de  Thouars  qui, 
tenant  pour  les  comtes  du  Poitou,  firent  de  l'ancienne  capitale 
des  Teiphales  un  boulevard  infranchissable  et  une  place  de 
guerre  de  premier  ordre. 

Quatre  phases  bien  distinctes,  caractérisées  par  le  genre 
des  constructions  dont  les  ruines  actuelles  donnent  une  assez 
juste  idée,  marquent  cette  longue  période  de  cinq  siècles  et 
demi.  La  première  coïncide  avec  les  guerres  que  se  firent  les 
ducs  d'Anjou  et  d'Aquitaine  ;  la  seconde  s'étend  aux  règnes 
glorieux  de  Philippe-Auguste  et  de  saint  Louis  ;  la  troisième 
correspond  à  la  guerre  de  Cent  ans,  et  la  quatrième  aux  guer- 
res de  religion1. 

L'examen  des  restes  des  châteaux  de  Pouzauges  et  de  Tif- 
fauges et  aussi  l'histoire  établissent,  d'une  façon  indiscuta- 
ble, que  ces  deux  forteresses  ont,  depuis  le  X9  ou  le  XI"  siècle, 
appartenu,  soit  aux  mêmes  propriétaires,  soit  aux  membres 

Normands.  D'autres  encore,  se  basant  sur  ce  fait  que  cette  motte  était  en- 
tourée de  douves,  y  voient  en  même  temps  qu'un  symbole  vivant  de  la  féoda- 
lité, un  point  de  défense  pour  les  seigneurs.  — Enfin,  quelques  archéologues, 
observant  que  l'on  trouve  des  mottes  du  môme  genre  dans  toute  l'Europe,  lui 
attribuent  une  origine  plus  ancienne,  et  en  concluentque  ce  pourraient  bien 
être  des  tombeaux.  On  sait  en  effet  que  l'usage  des  tertres  tumulaires  se  re- 
trouve ch^z  toutes  les  nations  du  monde  et  même  chez  les  peuples  de  l'anti- 
quité. D'après  l'abbé  Cochet  «  des  plateaux  de  la  Scythie  aux  bords  de  l'Océan, 
depuis  les  Florides  jnsqu'aux  innombrables  archipels  de  l'Océan,  on  ne  trouve 
que  de8  tertres  funéraires  entourés  de  traditions  mystérieuses  et  de  la  vénéra- 
tion des  peuples  ».  Comme  les  anciens  avaient  l'habitude  d'ensevelir  avec  le 
mort  quantité  d'objets  qui  lui  avaient  été  chers,  on  comprend  qu'en  fouil- 
lantcette  motte  on  y  trouvât  peut-être  des  choses  précieuses  pour  l'archéologie. 

'  Paysages  et  Monuments  du  Poitou. 


LE    CHATEAU    DF.    TIFFAUGES  106 

d'une  même  famille,  et  que  les  plaii£  en  ont  été  conçus  et  exé- 
cutés sous  la  direction  des  mêmes  architectes  et  des  mêmes 
ingénieurs  militaires. 

Là  aussi  se  trouvait  tout  ce  qui  composait  une  société  au 
moyen-âge  :  chapelle,  salle  d'honneur,  oratoire,  corps  de 
garde,  prisons,  oubliettes.  Le  baron  et  la  châtelaine,  le  chape- 
lain et  le  fou,  le  héraut,  les  hommes  d'armes  et  les  varlets,  le 
bourreau,  les  chevaux  et  les  chiens  ;  rien  n'y  manquait  ;  on  y 
pouvait  naître,  vivre  et  mourir. 

Au  XIe  siècle,  le  château  de  Tiffauges  comprenait  :  le  don- 
jon et  le  bâtiment  du  corps  de  garde  où,  plus  tard,  on  établit 
les  herses,  la  chapelle  et  l'enceinte  presque  entière.  Tous  les 
matériaux  employés  provenaient  du  coteau  de  la  Pierrière, 
situé  au  nord  de  la  tour  du  même  nom.  La  résistance  à  main 
armée  n'étant  pas  plus  à  craindre  que  les  embuscades  et  les 
surprises,  l'architecte  a  tout  disposé  suivant  la  «  configuration 
du  terrain,  pour  servir  d'avant-poste  dans  une  levée  de  bou- 
cliers et  de  point  d'appui  dans  une  tentative  imprévue.  De  là, 
ces  obstacles  multipliés  à  dessein  pour  empêcher  l'accès  du 
donjon,  ces  tours  élevées,  d'où  le  regard  embrasse  les  collines 
environnantes  et  fouille  tous  les  plis  du  terrain  ;  ces  échau- 
guettes  et  ces  meurtrières  qui  permettent  de  lancer  des  traits 
dans  toutes  les  directions  ;  ces  poternes  basses  et  déguisées 
par  où  l'assiégé  peut  fondre  subitement  sur  l'ennemi,  ou 
prendre  la  fuite  quand  l'enceinte  est  envahie1. 

Si  l'auteur  du  projet  a  pourvu  aux  moyens  de  défense,  il 
n'a  pas  oublié  qu'il  était  nécessaire  j  d'assurer  les  besoins 
matériels  de  la  garnison,  et  ce  en  dehors  de  toute  coopération 
de  la  ville.  Un  moulin  dont  l'ancien  emplacement  est  caracté- 
risé par  la  place  du  bief  et  de  l'arrière-bief,  porte  le  nom  de 
moulinette  et  fournissait  la  farine  au  château.  Le  Portage, 
abrité  derrière  la  Pierrière,  servait,  à  décharger,  sur  une 
sorte  de  petite  plage,  les  provisions  amenées  par  la  Sèvre, 

i  Balleyguier,  Paysages  et  Monuments  du  Poitou. 

TOM    XII.   —  JUILLET,    AOUT,    SEPTEMBRE.  28 


40  t  LE   CHATEAU    DE   TIFFAUGES 

tandis  que  la  petite  douve  creusée  de  façon  à  isoler  le  château 
de  la  Pierrière  pouvait  abriter  quelques  barques. 

Le  Donjon.  —  Le  donjon,  qui,  au  témoignage  de  la  Pope- 
linière,  serait  resté  inaccessible,  alors  même  que  tout  le  reste 
du  château  eût  été  prisi,  forme  un  vaste  carré  dont  les  murs 
sont  flanqués  dans  les  angles  et  les  milieux  de  puissants  con- 
treforts arrondis.  Chaque  étage  se  composait  de  deux 
chambres  séparées  par  un  mur  de  refend  percé  d'une  porte. 
Le  seigneur  habitait  l'étage  principal  dont  les  restes  existent 
toujours  enfouis  sous  les  décombres,  et  sa  chambre  réservée 
devait  être  celle  de  l'ouest,  qui  lui  permettait  de  surveiller 
toutes  les  défenses  et  les  services  du  donjon.  La  porte  primi- 
tive du  donjon  était  suivant  l'usage,  à  environ  six  mètres  du 
sol  ;  on  en  voit  encore  la  trace,  sur  la  face  ouest,  dans  la  partie 
qui  regarde  le  bâtiment  de  la  herse. 

Les  abords  étaient  protégés  par  des  douves  profondes, 
par  l'escarpement  du  rocher  et  par  le  bâtiment  où  fut  plus 
tard  installée  la  herse.  Il  est  facile  de  se  rendre  compte  des 
limites  primitives  de  ce  bâtiment.  Sur  le  mur  ouest  du  donjon, 
on  voit  parfaitement  la  trace  de  l'ancien  toit  et,  du  côté  de  la 
Tour  du  Pertuis,  on  distingue  encore  les  deux  contreforts 
qui  formaient  l'abord  de  ce  corps  de  garde.  Il  reste  de  celui-ci 
la  belle  cheminée  du  XIe  siècle,  encastrée  dans  le  mur,  à 
gauche  de  la  porte  d'entrée,  et  un  escalier  obstrué  par  les 
éboulements.  Cet  escalier  a  dû,  dès  l'origine,  donner  accès  à 
une  poterne  de  secours,  ainsi  que  l'indique  le  nom  de  Pertuis. 
Aussi,  lorsqu'au  XIIIe  siècle  on  ajouta  une  forte  tour  qui  pût 
servir  de  donjon  annexe,  cet  escalier  fut-il  continué  pour  con- 
duire à  une  salle  basse  qui  a  encore  conservé  le  nom  de 
Pertuis.  De  cette  poterne  on  pouvait,  en  traversant  le  fossé, 
sortir  du  château  sans  éveiller  l'attention,  ou  encore,  conduire 
une  patrouille  le  long  des  murs  d'enceinte.  C'est  par  cette 
entrée  secrète,  si  l'on  croit  la  tradition,  que  Gilles  de  Rays 

i  La  vraie  et  entière  histoire  des  troubles  et  choses  mémorables,  etc.  1573. 


LE   CHÂTEAU    DE   T1PPAUGE8  405 

faisait  introduire  la  plupart  de  ses  victimes  dans  l'appartemen 
où  il  les  immolait.  Plus  tard,  quand  la  Tour  Carrée  fut  cons- 
truite, on  pratiqua  dans  le  mur  nord  du  donjon  la  porte 
maintenant  cachée  sous  le  lierre  et  à  demi  comblée  par  le 
mur  de  soutènement  qui  précède  la  grande  fenêtre  de  l'est. 
Au  XIVe  siècle,  une  troisième  porte  fut  ouverte  à  l'angle  sud- 
est,  pour  communiquer  avec  la  grande  salle  de  réception,  que 
l'on  bâtit  alors  entre  le  donjon,  la  douve  et  le  mur  d'en- 
ceinte1. C'est  dans  cet  appartement  de  luxe,  dont  le  plafond 
est  formé  de  gros  voussoirs  en  granit  s'appuyant  sur  des 
nervures  soutenues  elles-mêmes  par  des  culs  de  lampe  et  à 
l'abri  de  tout  regard  indiscret,  que  Gilles  de  Rays  devait  se 
réunir  avec  ses  complices  pour  boire  le  «  claire  »  et  «  l'hysopé  », 
c'est-à-dire  ces  liqueurs  chaudes  composées  de  vin,  de  miel  et 
d'aromate*,  dont  il  déplore  l'abus  dans  son  procès,  et  qu'il 
recommande  aux  mères  de  ne  jamais  donner  à  leurs  enfants. 

Rappelons  encore  deux  autres  souvenirs  qui  se  rattachent 
à  ce  fameux  donjon.  Gilles  massacrait  les  petits  enfants  dans 
cette  chambre,  dont  la  fenêtre,  qui  existe  toujours,  regarde 
l'ouest;  les  corps  des  victimes  étaient  brûlés  dans  l'apparte- 
ment voisin  et  les  cendres  jetées  dans  le  vivier.  Le  «hall» 
ou  la  «  salle  basse  »,  dont  il  est  souvent  parlé  dans  le  procès, 
et  qui  servit  à  l'italien  Prelati  pour  plusieurs  de  ses  invoca- 
tions, est  la  cour  assez  spacieuse  située  au-dessous  de  la 
grande  fenêtre,  du  côté  de  l'est.  En  écartant  les  longues 
herbes  qui  croissent  au  pied  du  mur,  on  voit  l'ouverture  de 
la  petite  chambre  où  le  vieux  sorcier  se  blottit,  poussant  de 
grands  soupirs  et  eignant  d'avoir  reçu  du  diable  une  terrible 
correction3. 

Dans  cette  même  partie  du  donjon  se  voit  une  jolie  fenêtre 
de  ce  style  moyen-âge  si  habile  à  marier  l'élégance  à  la  force. 

la  cheminée  et  lepavédecetapparteraent<le  luxe  existent  encore  en  partie, 
/oir  M.  Léon  Gautier,  La  Chevalerie. 
^       Balleyguier,  Partages  et  Monuments  du  Poitou 


400  LE    CHATEAU    DE    TIFFAUGES 

Elle  donne  sur  la  vallée  de  la  Sèvre.  Le  coup  d'œil  fait  rêver. 
Tout  est  douceur  au  dehors.  Qui  sail  ?  N'est-ce  point  de  cette 
fenêtre  que  les  pauvres  prisonnières  suivaient  du  regard  les 
hirondelles,  ces  joyeuses  fugitives?  N'est-ce  point  de  cette 
embrasure  que  sœur  Anne,  en  pleurs,  échevelée,  répondait  à 
la  malheureuse  qui  allait  mourir  :  «Je  ne  vois  que  le  soleil  qui 
poudroie,  l'herbe  qui  verdoie  I  » 

A  côté  du  donjon,  image  de  la  force  matérielle,  dont  elle  est 
séparée  par  le  vivier,  s'élève  la  chapelle,  symbolo  de  foi  et  de 
paix. 

La  chapelle.  —  La  chapelle,  dédiée  à  Saint-Vincent,  et  la  cry- 
pte sont,  avec  l'église  Saint-Nicolas,  de  la  fin  du  XIe  ou  du  pre- 
mier quart  du  XIIe  siècle.  La  grande  arcade  ogivale  qui  sépare 
l'abside  et  la  nef  de  la  chapelle  haute  sont  de  la  même  époque, 
ainsi  que  le  démontre  l'escalier  du  clocher.  Sous  le  cintre  en 
ogive  garni  de  lierre,  dont  les  mouvantes  draperies  tombent 
sur  des  murs  lézardés  ou  chancelants,  on  trouve  une  de  ces 
vues  délicieuses  que  les  peintres  rencontrent  rarement.  S'il  ne 
reste  que  quelques  débris  delà  chapelle  haute,  longue  jadis 
d'environ  28  mètres,  sur  une  largeur  variant  entre  10  m.  50 
et  7  m.  50,  et  si  le  dallage  de  la  nef  recouvert  de  terre  est 
transformé  en  jardin  potager,  la  crypte  romane  formée  de 
trois  travées  est  entièrement  conservée.  On  y  voit  encore  l'o- 
rifice des  puits  funéraires  et  les  restes  de  l'autel  où  Gilles  de 
Retz  faisait  offrir  des  sacrifices  en  l'honneur  du  diable  pendant 
qu'on  chantait  la  messe  des  anges  dans  l'abside  supérieure. 

La  Baille.  —  La  Baille,  vaste  enceinte  entourée  d'une  cein- 
ture de  remparts  et  composée  de  tours  unies  par  de  fortes 
courtines  aujourd'hui  délabrées,  paraît  remonter,  dans  ses 
parties  essentielles,  aux  XIe  et  XII0  siècles,  car  les  contreforts 
de  la  cuisine,  les  corbeaux,  les  consoles  des  cheminées  et  les 
détails  d'ornementation  appartiennent  au  XIVe  siècle. 

Les  tours  les  mieux  conservées,  entre  la  porte  Paleresse  et 
la  tour  Ronde,  sont  percées  d'archères  ou  de  meurtrières  très 
étroites.   C'est  dans   les  bâtiments  de  la  Baille,  aujourd'hui 


LE    CHATEAU    DE    TIFFAUGKS  407 

disparus  en  partie,  $t  non  dans  l'enceinte  du  donjon,  que  lo- 
geaint  les  hommes  à  la  suite  du  seigneur,  ainsi  que  les  cha- 
pelains et  aussi  les  vassaux  qui  se  retiraient  dans  l'intérieur 
à  l'approche  de  l'ennemi. 

De  la  porte  Bailleresse  ou  Paleresse,  la  vue  dont  on  jouit 
est  féerique  :  l'œil  plonge  avec  délices  sous  les  arches  des 
ponts,  au  milieu  des  îlots  couverts  de  fleurs,  formés  par  la 
Grume  et  la  Sèvre  sur  des  rochers  épars  et  les  collines  ver- 
doyantes qui,  de  tous  les  côtés,  s'étagent  gracieusement  en 
amphithéâtre. 

La  cuisine  située  au  sud-est  de  la  ferme  actuelle,  auprès 
de  la  cave  souterraine  et  non  loin  du  puits  de  la  Fée,  existait 
encore  sous  le  nom  de  la  Tour  du  Four,  il  y  a  environ  40  ans. 

Ecuries.  —  Les  restes  des  écuries,  d'une  longueur  de  78  mè- 
tres sur  8  mètres  de  largeur  subsistent  encore  en  face  des 
tours  de  l'Etang,  de  la  Renardière  et  des  Veaux. 

Dès  la  fin  du  XIIe  siècle,  le  château  de  Tiffauges,  l'un  des 
plus  importants  de  la  contrée,  était  pourvu  d'une  double  en- 
ceinte et  d'un  système  de  défense  habilement  combinée  ;  ce 
qui  ne  l'empêcha  pas  d'être  pillé  parles  Anglais  sous  le  règne 
de  Philippe-Auguste. 

Lors  des  guerres  que  dut  soutenir  contre  la  Bretagne,  Al- 
phonse, comte  de  Poitiers,  le  château  deTiffauges  fut  encore 
fortifié,  et  c'est  vraisemolablement  entre  1247  et  1270,  que 
furent  établis  la  porte  de  la  barbacane,  la  herse,  le  pont-levis 
les  portes  situées  en  avant  et  en  arrière  du  corps  de  garde, 
dont  on  voit  encore  les  scellements  ainsi  que  les  annexes  nord 
du  grand  donjon-. 

La  Tour  Carrée,  fortement  assise  dans  un  fossé  d'eau  ver- 
dâtre  et  dont  la  forme,  si  fière  et  si  pure,  rappelle  les  dispo- 
sitions de  la  porte  Garonne,  à  Cadillac,  est  parfaitement  bien 
adaptée  à  la  défense  du  donjon,  puisqu'elle  obligeait,  par  ses 
dispositions,  ceux  qui  venaient  au  donjon,  soit  de  l'extérieur, 
soit  de  la  ville,  à  traverser  la  douve  à  fond  de  cuve,  avant  d'y 
arriver. 


408  LE    CHATEAU   DE    TIFFAUGES 

«  La  partie  conservée  de  la  Tour  Carrée,  le  long  de  laquelle 
poussent  des  racines  vigoureuses  et  des  arbustes  de  prove- 
nances diverses,  se  divise  en  quatre  étages  »,  la  salle  basse 
servait  de  prison1  ;  le  rez-de-chaussée,  de  plain-pied  avec  le 
point-levis,  communiquait  avec  la  galerie  et  la  cour  de  donjon  ; 
le  premier  étage  servait  de  poste  pour  les  sentinelles,  l'étage 
supérieur  desservait  un  hourd  mixte.  Les  consoles  du  chemin 
de  ronde,  les  meurtrières  pratiquées  dans  les  murailles,  les 
rainures  du  pont-levis,  les  trous  qui  recevaient  les  bois  du 
hourd,  tous  les  détails,  en  un  mot,  donnent  à  cette  tour  une 
physionomie  vraiment  curieuse. 

De  la  grande  cour,  un  escalier  extérieur  conduisait  au  pre- 
mier étage  de  la  Tour  Carrée  et  à  un  chemin  de  ronde  exté- 
rieur à  cette  tour,  qui  longeait  le  chemin  du  donjon  ;  delà,  au 
moyen  d'un  pont-levis,  on  atteignait  la  porte  nord  du  donjon, 
que  défendait  une  herse,  dont  de  longues  fentes  marquent 
aujourd'hui  la  place. 

Quand  ce  dernier  pont-levis  et  celui  de  la  douve  étaient 
levés,  la  tour  se  trouvait  isolée  de  toute  communication,  mais 
dominée  par  le  donjon. 

Un  souvenir  se  rattache  aux  annexes  du  donjon.  C'était 
dans  la  galerie  nord  que  se  promenait  Gilles  de  Retz,  lorsqu'il 
appela  Blanchet  et  lui  manda  de  porter  secours  au  sorcier 
qui  criait  miséricorde  dans  le  «  hall  »  ou  la  salle  basse.  Gilles 
voulait  que  Prelati  fût  exorcisé  et  reçût  les  sacrements,  s'il 
était  en  danger  de  mort*. 

Tour  ronde.  —  La  Tour  ronde,  qui  domine  la  vallée  de  la 
Sèvre  entre  la  tour  du  Vidame  et  la  porte  Palleresse,  est  du 
XIII*  siècle.  Elle  est,  de  l'aveu  des  spécialistes,  la  construction 
la  plus  remarquable  du  château,  et  M.  Balleyguier,  architecte 


1  Les  Chartres  (pièce  4  du  donjon)  servaient  de  prison  pour  la  ville  avant 
la  Révolution.  Le  gardien  Pierre  Lucas  en  ouvrit  les  portes  quand  les  bleus 
pénétrèrent  dans  le  château  le  14  octobre  1793. 

'  Balleyguier,  Brin  et  Herbert.  —  Une  pierre  de  cette  galerie  porte  une 
inscription  illisible  ;  elle  semble  provenir  de  constructions  antérieures. 


LK   GHATKAU    DE   TIFKAUQKS  409 

du  gouvernement,  estime  qu'il  est  impossible  de  pousser  plus 
loin  la  perfection  de  l'art  militaire.  La  plate-forme,  autrefois 
entourée  de  créneaux,  a  été  complètement  démantelée,  et,  dans 
la  suite  des  âges,  surtout  au  XVI' siècle,  on  a  modifié  plusieurs 
parties,  notamment  l'escalier  de  la  plate-forme,  la  porte  du 
rez-de-chaussée  et  la  salle  du  poste  ;  les  meurtrières  ont  été 
disposées  pour  le  tir  de  l'arquebuse  et  de  la  couleuvrine  ; 
cependant  le  système  de  défense  et  les  dispositions  générales 
sont  les  mêmes,  et  il  est  facile  de  se  rendre  compte  du  plan 
primitif. 

la  pente  rapide  du  coteau,  la  hardiesse  des  murailles  s'éle- 
vant  à  pic  sur  le  rocher,  les  archères  et  les  créneaux,  rendaient 
les  abords  de  la  tour  très  dangereux  du  côté  de  la  Sèvre.  Le 
chemin  de  ronde  construit  au  XVe  ou  au  XVIe  siècle,  au  bas 
de  la  courtine  sise  du  côté  de  la  tour  de  Vidame,  ne  commu- 
nique ni  avec  l'escalier  de  la  plate  forme  ni  avec  le  rez-de- 
chaussée  ;  de  plus,  il  est  si  étroit  et  la  porte  qui  ouvre  sur  la 
baille  est  si  basse,  que  les  ennemis  ne  pouvaient  pénétrer  par 
là  que  très  difficilement  et  en  petit  nombre  à  la  fois. 

L'escalier  de  la  plate-forme  pratiqué  dans  la  muraille  n'a 
aucun  rapport  avec  le  rez-de-chaussée,  de  sorte  qu'il  fallait 
prendre  séparément  les  deux  étages. 

Signalons  des  particularités  assez  intéressantes  :  l'arc-dou- 
bleau  qui  soutient  la  voûte  se  termine  par  une  tête  grossière- 
ment sculptée  ,  le  ciceron  dit  toujours  d'un  ton  sérieux  que 
c'est  la  tête  de  Barbe-Bleue.  Il  existe  une  salle  basse  destinée 
jadis  à  la  défense  de  la  tour  ;  on  y  descendait  par  une  ouver- 
ture rectangulaire,  semblable  à  l'orifice  d'un  puits  ;  l'imagina- 
tion n'a  pas  manqué  d'y  voir  une  de  ces  terribles  oubliettes 
du  moyen-âge.  Enfin,  les  larges  embrasures  creusées  dans  les 
murailles  portent  des  traces  de  gonds  ;  des  archéologues  en 
concluent  qu'il  y  avait  à  cet  endroit  des  cages  de  fer  pour  les 
prisonniers.  L'architecte  qui  a  tracé  le  plan  de  cette  belle  tour 
visait,  à  coup  sûr,  un  autre  but.  Ces  entailles  doivent  indiquer 
des  mortaises  pour  appuyer  les  affûts  et  atténuer  les  effets 
du  recul. 


410  LE    CHATEAU    DE   TIFFAUGES 

L^rs  de  la  guerre  de  Cent  ans,  la  ville  de  Tiffauges  était  for- 
tifiée, au  témoignage  de  la  Popelinière,  et  le  château  «  eslevé 
sur  une  haulte  et  large  montagne  du  hault  de  laquelle  ses 
murailles  »  couvraient  «  tout  le  circuit,  avec  leurs  fausses  bra- 
ves »  qui  allaient  «  en  descendant  sur  le  penchant  de  la  mon- 
tagne, flanquées  de  bonnes  tours  et  bien  percés,  »  était  égale- 
ment en  parfait  état  de  défense,  de  sorte  qu'aucune  fortification 
nouvelle  ne  fut  élevée  à  cette  époque. 

Au  XVIe  siècle,  lorsque  les  guerres  de  religion  firent  de 
notre  pays  un  vaste  champ  de  bataille,  le  château  de  Tiffauges 
appartenait  aux  vidâmes  de  Chartres,  ardents  protestants, 
alors  que  les  habitants  de  Tiffauges  demeuraient  fidèles  à  leur 
foi  antique. 

La  situation  était  devenue  délicate  pour  le  châtelain  de  Tif- 
fauges dont  la  forteresse,  depuis  l'invention  du  canon,  ne 
pouvait  longtemps  résistera  un  siège  en  règle  :  de  la  ville  on 
pouvait  le  foudroyer  sans  courir  aucun  danger.  Aussi  dès  la 
première  moitié  du  XVI«  siècle  Louis  de  Vendôme  se  fit-il  un 
devoir  de  remanier  complètement  le  système  de  défense  de  la 
place. 

Il  retoucha  certaines  parties,  spécialement  le  boulevard  qui 
devait  protéger  le  château  contre  la  ville  et  fit  élever  contre 
une  tour  du  XIe  siècle  qui  existe  encore  et  sembla  insuffisante 
la  fameuse  tour  du  Vidame  qui  défendait  la  chaussée  et  le 
Portage  au  nord-ouest. 

La  Tour  du  Vidame.  -  -  La  Tour  du  Vidame,  la  mieux  con- 
nue de  toutes  celles  qui  font  partie  de  l'enceinte  du  château, 
s'élève,  massive  et  féodale  au  milieu  d'un  site  verdoyant1  ; 
elle  est  aussi  compliquée  que  sa  voisine  la  Tour  Ronde  est 
simple.  «  On  y  pénètre  par  la  plate-forme,  par  la  Baille  et  par 

1  Pour  la  protéger  des  eaux  pluviales  qui  suintaient  à  travers  les  voûtes  et 
les  menaçaient  d'une  ruine  plus  ou  jnoins  prochaine,  le  propriétaire,  M.  de  la 
Brestesche  l'a  fait  dernièrement  recouvrir  d'une  toiture  en  ardoises.  Si  la  pen- 
sée qui  a  guidé  le  propriétaire  est  excellente,  il  faut  néanmoins  reconnaître 
que  cette  couverture  en  appentis  détonne  un  peu  désagréablement  dans  Ie 
pajsage. 


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LE    CHATEAU    DE    TIKFAUGES  411 

le  coteau.  Elle  se  divise  en  plusieurs  étages  dont  la  forme  et  la 
distribution  varient  suivant  les  caprices  du  rocher  et  les 
besoins  de  la  défense.  A  la  base  est  un  poste  dont  la  mission 
était  de  surveiller  la  chaussée.  Les  reins  de  la  voûte  sont 
appuyés  sur  des  nervures  moulurées.  De  cette  salle  basse  on 
monte,  par  un  escalier  rapide  situé  dans  l'épaisseur  du  mur 
et  protégé  par  une  herse,  à  la  salle  qui  est  au  niveau  du  che- 
min de  ronde,  établi  à  la  base  de  la  courtine  ;  mais,  entre  les 
deux  salles,  il  existe  une  cave  où  l'on  descend  par  une  ouver- 
ture carrée  pareille  à  celle  de  la  Tour  Ronde.  Ici  encore  on 
n'est  point  en  présence  d'une  oubliette,  mais  d'un  magasin  à 
provisions.  » 

L'étage  du  chemin  de  ronde  présente  des  détails  intéres- 
sants. La  grande  salle  autrefois  éclairée  par  une  fenêtre  rec- 
tangulaire ouvrant  sur  la  Baille  '  ne  reçoit  plus  le  jour  que  par 
la  fenêtre  du  guetteur  employé  à  la  manœuvre  de  la  herse 
commandant  l'escalier  ;  on  peut  néanmoins  en  admirer  la 
structure.  Les  voûtes  formées  par  des  arcs  saillants,  à  nervu- 
res, sont  d'une  grande  élégance;  la  cheminée  du  fond  n'est  pas 
moins  remarquable.  Les  gardiens  des  guérites  disposées 
autour  de  cette  salle  pouvaient  tirer  sur  l'ennemi  du  dehors 
dans  toutes  les  directions:  au  sud,  par  la  fenêtre  qui  laisse 
pénétrer  le  jour  dans  l'appartement  ;  à  l'ouest  et  au  nord,  par 
les  deux  meurtrières  que  desservent,  à  l'entrée  du  chemin  de 
ronde,  les  escaliers  de  droite  et  de  gauche.  Ce  fameux  chemin 
de  ronde  ne  passe  point  sous  la  Sèvre  et  ne  correspond  pas 
au  château  de  Beaumont  comme  plusieurs  le  pensent  :  il  dé- 
bouche dans  la  baille  par  l'étroite  ouverture  que  l'on  peut 
remarquer  avant  l'escalier  de  la  Tour  Ronde. 

De  cet  étage  on  monte  au  rez-de  chaussée  en  suivant  un 
escalier  à  vis  en  passant  devant  la  porte  qui  donne  dans  l'en- 
ceinte fortifiée..  En  cet  endroit,  le  noyau  de  l'escalier  à  forme 
polygonale,  est  creux  à  l'intérieur  et  peut  servir  de  porte- 
voix. 

1   Cette  fenêtre  est  obstruée  par  les  terres  du  remblai. 


112  LE   CHATEAU    DE    TIFFAUQES 

Le  rez-de  chaussée,  un  peu  plus  élevé  que  l'esplanade  exté- 
rieure, se  compose  d'une  vaste  salle  carrée,  la  plus  belle  peut- 
être  de  tout  le  château,  et  de  deux  petites  salles  de  guette  où 
l'on  a  ménagé  des  meurtrières  donnant  l'une  sur  la  Sèvre, 
l'autre  sur  la  Grume.  La  lumière  pénètre  avec  abondance  dans 
la  salle  par  une  belle  fenêtre  à  meneaux  croisés  ;  la  cheminée 
et  les  voûtes  sont  d'un  style  très  pur  ;  les  écussons,  dont  la 
trace  est  visible,  n'ont  jamais  été  gravés.  Il  y  avait  de  chaque 
côté  de  la  fenêtre  deux  sièges  en  pierre.  Un  acte  de  vandalis- 
me les  a  presque  entièrement  détruits. 

L'escalier  que  l'on  prend  au  pied  de  la  tour  conduit  enfin  au 
hourd  en  pierre  et  sur  la  plate-forme.  Cette  dernière  partie 
dont  la  couverture  est  détruite1  a  été  disposée  pour  recevoir 
des  pierriers  etdes  couleuvrines.  Du  hourd,  on  communiquait 
avec  les  remparts  de  l'est  par  une  courtine  bordée  de  cré- 
neaux. Le  hourd  de  la  Tour  de  Vidame  avec  son  bon  banc  de 
pierre,  ses  mâchicoulis,  ses  meurtrières,  son  effet  d'acousti- 
que* achève  de  donner  à  cette   tour  un  aspect  moyenâgeux. 

Assis  sur  la  banquette  de  pierre,  on  se  prend  involontaire- 
ment à  rêver  à  ces  malheureuses  châtelaines  dont  Perrault 
a  bercé  notre  enfance.  Ah!  sans  doute,  ici,  quelque  jeune  pa- 
ge, frêle  et  blond  damoiseau  dut  —  l'imprudent!  —  se  ris- 
quer à  ouvrir  son  cœur  à  la  châtelaine  sans  se  douter  que  sa 
voix,  le  murmure  de  son  baiser,  suivant  le  corridor  perfide  et 
arrivant  à  l'oreille  du  maître,  étaient  son  arrêt  de  mort  ! 

De  ce  belvédère  élevé,  on  découvre  un  panorama  moins 
étendu  que  sur  le  donjon  principal,  mais  on  jouit  d'un  spec- 
tacle peut-être  plus  attrayant.  «  Ce  petit  coin,  envahi  autre- 
fois par  la  Grume  et  la  Sèvre,  a  changé  d'aspect,  on  y  voit  des 
jardins,  des  prairies,  des  flaques  d'eau.  Le  calme  et  le  silence 


*  Restaurée  aujourd'hui,  mais  dans  un  style  bizarre  —  Balleyguier,  Brin 
et  Hébert. 

'  Deux  personnes  qui  se  placent  à  chaque  extrémité  du  chemin  de  ronde 
et  s'asseyent  sur  le  banc,  le  dos  appuyé  contre  le  mur,  peuvent  se  parler  à 
voix  basse  et  s'entendre  distinctement. 


LE   CHATEAU    DE   TIFFAUGES  413 

de  la  solitude  n'y  sont  interrompus  que  par  la  voix  des  visi- 
teurs et  des  lavandières  qui  fréquentent  le  lavoir  du  pont  de 
la  Moulinette1.  » 

Assis  sur  la  plate-forme  qui  domine  la  Tour  du  Vidame,  on 
est  volontairement  saisi  par  la  scène  imposante  des  ruines  et 
la  grandeur  majestueuse  du  paysage,  par  l'étendue  de  la 
perspective  grandiose  qui  se  déroule  devant  vous. 

Au  milieu  des  grandes  herbes,  à  l'ombre  des  cerisiers  sau- 
vages poussés  dans  les  décombres,  on  évoque  malgré  soi  les 
âges  passés,  les  événements  dont  ces  lieux  furent  le  théâtre 
pendant  de  longs  siècles,  et  l'âme  est  saisie  de  tristesse.  On 
regrette  presque  cette  superbe  habitation  comme,  en  avançant 
dans  la  vie,  on  suit  d'un  morne  regard  les  fraîches  idées  de 
la  jeunesse  et  les  espérances  dont  on  s'enivrait.4 

Louis  Brochet. 


1  L'abbé  Brin  et  Balleyguier.  architecte. 

1  Ces  pages  sont  extraites  de  la  uès  intéressante  notice  que  M.  Louis 
Brochet  a  consacrée  à  Barbe- Bleue  et  à  Tiffauges,  et  dont  nous  saluons, 
d'autre  part,  l'apparition.  N.   D.   L.  K. 


AVANT-PROPOS 


Parmi  les  nombreux  et  si  intéressants  manuscrits  con- 
servés à  Paris,  à  la  Bibliothèque  Nationale,  et  faisant 
partie  de  l'ancien  Cabinet  des  Titres,  nous  avons  trouvé 
deux  volumes  de  format  petit  in-4°  contenant  de  pré- 
cieuses notices  sur  les  Chevaliers  de  l'Ordre  du  Saint- 
Esprit,  depuis  la  fondation  du  dit  ordre  jusqu'au  com- 
mencement du  XVIIIe  siècle.  Ce  travail,  qui  prend  fin 
vers  l'année  1700,  dut  être  composé  presqu'à  la  même 
époque,  il  ne  porte  malheureusement  pas  la  mention 
de  son  trop  modeste  auteur.  Au-dessus  de  chaque  notice, 
figurent  les  armoiries  du  chevalier,  elles  sont  en  cou- 
leur, mais  le  travail  n'en  est  pas  des  plus  finement  exé- 
cutés. Malgré  de  nombreuses  et  minutieuses  recherches 
nous  n'avons  pu  réussir  à  découvrir  quel  en  fut  l'auteur. 

Nous  avons  cependant  cru  qu'il  pouvait  être  utile  et 
intéressant  d'extraire  de  ce  manuscrit,  qui  a  tous  les 
caractères  d'un  ouvrage  des  plus  sérieusement  étudiés, 
les  notices  concernant  des  membres  des  familles  poite- 
vines, comme  nous  l'avions  fait  dernièrement  d'un  tra- 
vail inédit  de  Jean-Fançois-Louis  d'Hozier  sur  les 
Chevaliers  de  Saint-Michel. 

Puissent  ces  notices  intéresser  les  lecteurs  de  la  Revue 
<lu  Bas-Poitou  et  servir  aux  chercheurs  et  aux  travailleurs 
qui  s'occupent  de  l'histoire  de  notre  Province. 


LUS 


CHEVALIERS    DU   SAINT-ESPRIT 

DE  LA  PROVINCE  DU  POITOU 
de  1578  a  1700 


Notices   extraites    d'un  manuscrit   conservé   h    Paris,    à    la    Bibliothèque 
Nationale,  et  publiées  avec  des  notes. 

Par  le  Vicomte  Paul  de  CHABOT 


Première  Création.  —  31   décembre  1578 

ESCARS'  (Charles  d'),  évoque  et  duc  de  Langres,  pair  de 
France,  Commandeur  des  ordres  du  Roy,  abbé  de  la  Fontaine 
de  Bèze,  de  Gailbac  et  la  Creste,  fils  de  Jacques  d'tscars  de 
Pérussc,  chevalier  seigneur  d'Escars  et  d'Amie  Jourdain  de 
l'Isle,  dame  deMerville,  sa  première  femme  ;  son  mérite  et  sa 
naissance  contribuèrent  à  son  élévation,  car  en  1534  il  fut 
évêque  de  Poitiers2  et  en  1571  il  eut  l'évêché  de  Langres  où  il 


'£.  N.  Français  :  32860,  f»  13-14. 

1  En  1562,  l'évêché  de  Poitiers  étant  devenu  vacant  par  la  mort  de  Jean  de 
Fay  qui  mourut  en  1578,  Charles  de  Pérusse  en  reprit  l'administration 
jusqu'en  1582,  époque  où  il  s'en  démit  en  faveur  de  Geoffroy  de  Saint-Belin. 
Il  avait  assisté  en  1588,  aux  États  de  Blois  et  fut  remplacé  au  sacre  de  Henri  IV, 
auquel  il  n'avait  pu  assister,  par  l'Évêque  de  Digne. 11  fit  la  fonction  de  Pair 
Ecclésiastique  au  sacre  de  Louis  XIII.  (B.-F.,  Dict.  des  Fam.  du  Poitou  1"  éd. 
T.  II,  p.  506. 


416  LES   CHKVALIERS   DU    SAINT-ESPRIT 

fit  son  entrée  en  1574.  Il  avait  reçu  l'année  précédente  à  Metz 
les  ambassadeurs  de  Pologne  qui  venaient  apporter  au  duc 
d'Anjou  la  nouvelle  de  son  élection  à  leur  couronne,  et  il  fit 
admirer  son  éloquence  dans  une  très  belle  harangue  qu'il 
prononça  dans  cette  occasion.  Le  même  duc  d'Anjou  étant 
depuis  Roy  de  France,  sous  le  nom  de  Henry  III,  le  fit  com- 
mandeur de  son  ordre  royal  du  Saint-Esprit  en  1578.  Li'est 
ainsi  qu'il  reconnut  le  mérite  de  ce  prélat  qui  se  trouva  aux 
États  de  Blois  en  1577  et  1578.  Il  travailla  beaucoup  à  policer 
son  diocèse  et  il  mourut  à  l'abbaye  de  la  Fontaine  de  Bèze 
en  1614.  La  famille  de  Pérusse  d'Escars  est  noble  et  ancienne, 
elle  a  été  ci-devant  alliée  à  la  maison  royale  de  Bourbon,  par 
le  mariage  d'Isabelle  de  Bourbon,  fille  et  héritière  de  Charles 
de  Bourbon,  sieur  de  Tavincy,  Buquoy  et  Combles  et  de 
Catherine  d'Alègre,  avec  François  d'Escars,  sieur  de  la 
Vauguion,  le  22  février  1516. 

Il  portait  :  de  gueules,  au  pal  de  vair,  qui  est  d'Escars,  écartelé 
de  l'église  de  Langres  qui  est  :  d'azur,  semé  de  fleurs  de  lis  d'or 
au  sautoir  de  gueules. 

DAILLON  DU  LUDE1  (René  de),  évesque  de  Luçon,  puis 
de  Bayeux,  abbé  de  Chatelliers,  Chaux  et  la  Boissière,  com- 
mandeur des  ordres  du  Roy,  fils  de  Jean  de  Daillon,  comte  du 
Lude,  baron  d'Illiers,  sénéchal  d'Anjou,  chevalier  de  Saint- 
Michel  et  d'Anne  de  Batarnay,  fille  de  François,  baron  du 
Bouchage  et  de  Françoise  de  Maillé.  Il  se  fit  estimer  par  son 
mérite  et  son  zèle  pour  la  foy  durant  la  guerre  contre  les 
héritiques  ce  qui  lui  attira  l'estime  du  roy  Henri  III  qui  l'honora 
de  son  ordre  du  Saint-Esprit  en  1578.  Il  était  d'une  famille 
originaire  d'Anjou  qui  a  produit  des  hommes  illustres  et  plu- 
sieurs chevaliers  des  ordres  du  Roy. 

Il  portail  :  écartelé  au  ier  et  4  :  d'azur,  à  la  croix  engrèlée 
d'argent,  qui  est  de  Daillon;  au  2"  :  contrescartelé  d'or  et  d'azur, 
qui  est  de  Batarnay;  au  3e  :  de  Laval-Loué,  qui  est  :  d'or,  à  la 

1  B.  N.  Français,  32,860  p.  15  et  16. 


DE    LA    PROVINCE    DU    POITOU  417 

croix  de  gueules,  chargée  de  cinq  coquilles  d'argent  cantonnée 
de  1 6  aliénons  d'azur,  mais  le  premier  canton  doit  être  d'azur, 
semé  de  fleurs  de  lys  d'or  au  lion  de  même,  et  sur  le  tout  :  d'or, 
à  six  annelets  de  gueules  qui  est  d'Illiers,  posés  3,  2  et  1 . 

GOUFFIER1  (François),  dit  le  jeune,  seigneur  de  Crêve- 
cœur  et  de  Bonnivet,  lieutenant-général  pour  le  roy  en  Picar- 
die, chevalier  de  ses  ordres,  capitaine  de  cinquante  hommes 
d'armes  des  ordonnances  de  Sa  Majesté,  troisième  fils  de 
Guillaume  Gouffier,  seigneur  de  Bonnivet,  amiral  de  France, 
gouverneur  de  Dauphiné  et  Guyenne  et  de  Louise  de  Crèvecœur, 
fille  de  François,  seigneur  de  Crèvecœur  et  de  Jeanne  de  Ru- 
bempré,  son  épouse,  signala  son  courage  aux  batailles  de 
Cérisolles',  de  Dreux  et  de  Saint-Denis,  aux  sièges  de  Landre- 
cies,  de  Metz,  de  Thionville,  Calais  et  autres  places  d'impor- 
tance, et  en  récompense,  le  Roi  Henry  III,  l'honora  d'une 
place  parmi  les  chevaliers  de  son  ordre  royal  du  Saint-Esprit 
en  1578,  et  il  mourut  le  24  avril  1594.  Il  avait  épousé1  Anne  de 
Carnazet,  filie  <X  Antoine,  sieur  de  Brasseux  et  de  Marguerite 
de  Brillac,  de  laquelle  il  eut  sept  enfant.  Le  premier  :  Henry 
Gouffier,  sieur  de  Bonnivet  qui  a  laissé  postérité.  Le  second  : 
Thimoléon  Gouffier,  tige  des  sieurs  de  Thois.  Le  troisième  : 
Charles  Gouf fier,  abbé  de  Valois.  Le  quatrième:  Charles-Maxi- 
milien  Gouffier,  tige  des  seigneurs  d'Espagny.  Le  cinquième  : 
Françoise,  femme  d'Adrie?i,  sieur  de  Bouflers.  Le  sixième  : 
Claude,  femme  d'Antoine  d'Hallunin,  sieur  d'Esglebert,  et  le 
septit  me  :  Anne,  femme  de  Charles  d  Amer  val,  sieur  de  Lian- 
court.  Il  était  de  la  maison  de  Gouffier  dont  les  seigneurs  ont 
porté  le  titre  de  duc  de  Rouannez  qui  ont  paru  avec  éclat  dans 
la  cour  de  France  et  reconnoissaient  pour  chef  Emery  Gouffier 
qui  vivoit  en  1400. 

1  B.  N.  Français,  32860  p.  3t  et  32. 

5  II  fut  lieutenant-général  au  Gouvernement  de  Picardie,  vice-amiral  de 
cette  province  en  1577  et  avait  été  élevé  enfant  d'honneur  des  Enfants  de 
France.  (B.-F.,  Dict.  des  Fam.  du  Poitou,\>°  éd.  T.  II,  p.  165). 

«Le  10  février  1544.  (id). 


418  LES   CHEVALIERS    DU    SAINT-ESPRIT 

Il  portait  :  d'or,  à  trois  jumelles  de  sable,  qui  est  de  Gouffier, 
écartelé  de  Montmorency.  Cîmier  :  un  lion  naissant  d'argent, 
supports  :  deux  sauvages  de  carnatioïi. 

ESCARS^Françoisd'J/Comte  dudit  lieu, conseiller  d'Etat  du 
Roi,  chevalier  de  ses  ordres,  capitaine  de  cinquante  hommes 
des  ordonnances  de  Sa  Majesté,  fils  aîné  de  Jacques  de  Pé- 
russe,  seigneur  d'Escars,  et  d'Anne  Jourdain  de  l'Isle,  dame 
de  Mervillo,  sa  première  femme.  Il  fut  si  bien  dans  l'esprit  du 
Roy  Henry  III, qu'il  l'honora  du  collier  de  ses  ordres2. Il  épousa 
en  premières  noces  Claude  de  Beau / remont,  fille  de  Claude t 
seigneur  de  Senecy  et  de  Sombernon  et  de  Jeanne  de  Vienne 
et  en  secondes  Isabelle  de  Beauviltiers3.  Il  eut  de  la  première  : 
J acques yComte  d'Escars,  mort  sans  lignée  de  ses  trois  femmes, 
2e:  Charles,  Comte  d'Escars,  après  son  frère,  mort  sans  posté- 
rité d'Anne  de  Bussey  et  Gabrielle  du  Chastellet,  ses  femmes, 
3e:  Louise  d'Escars,  première  femme  de  Jacques,  Marquis  de 
Haute  fort,  4°  :  Claude  d'Escars,  femme  de  Jean  de  Ferrières, 
Marquis  de  Sauvebeuf,  et  du  deuxième  lit  François  eut  :  Su- 
zanne d'Escars,  femme  de  Charles  de  Cazillac,  baron  de  Ces- 
sac  et  mère  de  François,  Marquis  de  Cessac.  Des  enfants  dudit 
François  d'Escars,  n'étant  sorti  aucune  postérité  masculine, 
Gaspard,  Comte  d'Amanzé,  fut  obligé  de  prendre  les  noms  et 
armes  d'Escars4,  et  François   eut  aussi  pour  frères  :  Charles, 

1  B.  N.  Français.  32860  p.  33  et  34. 

'■  Il  fut  gouverneur  de  Bordeaux  en  1560,  lieutenant-général  et  commandant 
en  Guienne  et  en  Périgord  en  1561.  Il  obtint  en  1561  l'érection  de  sa  terre 
des  Cars  en  Comté.  Le  Conseil  de  la  Ligue  lui  ayant  proposé  les  dignités  de 
Maréchal  et  d'Amiral  de  France  et  d'ériger  sa  terre  des  Cars  en  Duché-Pairie, 
il  refusa.  Il  fut  donné  en  otage  au  duc  de  Bavière  avec  le  marquis  d'Alègre 
pour  garantir  un  emprunt  fait  par  ce  prince  au  roi  de  France  et  se  fit  rempla- 
cer par  son  fils  aîné  Jacques.  (B.-F.,  Dict.  des  Fam.  du  Poitou,  1"  éd.,  T.  Il, 
p.  507  . 

Ou  de  BauTÏlle,  veuve  du  Maréchal  de  Montluc  et  fille  de  François,  sgr. 
de  Bauville  et  de  Claire  de  Laurens.  Il  assita  aux  Ktats-Généraux  de  Blois  en 
1576  et  1578,  suivit  toujours  le  parti  du  roi  contre  la  Ligue  et  fut  inhumé 
dans  l'église  de  la  paroisse  des  Cars.  (tc^.). 

'  Il  existait  encore  d'autres  branohes  de  la  famille  des  Cars  qui  laissèrent 
postérité  masculine,  cependant  par  la  substitution  que  fit  Charles,  Comte  des 
Cars,  par  «on  testament  du  '20    mars    1 620,  les  descendants  ci'Isabeau,  dame 


DK    LA    PROVINCE    DU    POITOU  419 

Evesque  de  Langres,  commandeur  des  Ordres  du  Roy  et 
Jacques  d'Escars  duquel  sont  issus  les  seigneurs  de  Merville 
et  de  Ségur  :  Ledit  Jacques  ayant  épousé  en  secondes  noces 
Françoise  de  Longivy,  dame  de  Givry  il  en  zut  Arme  d'Escars, 
cardinal  de  Givry,  évesque  de  Lizieux  et  mort  abbé  de  Saint- 
BenignedePoictiers,  Molenne,  Barbery,  en  Champagne,  le- 
quel mourut  à  Vir,  en  Lorraine  le  19  avril  1612. 

11  portait  :  de  gueules,  au  pal  de  vair  qui  est  d'Escars,  cimier  : 
un  cerf  naissant  et  supports  :  deux  cerfs  d'or. 

ROCHEFOUCAULD  (Charles  de  la1),  seigneur  de  Bar- 
bezieux, de  Linières,  de  Meillan  et  Preuilly,  gentilhomme 
ordinaire  de  la  Chambre  du  Roy,  lieutenant-général  au  gou- 
vernement de  Champagne,  de  Brie , grand  sénéchal  de  Guyenne, 
fils  d'Antoine  de  la  Rochefoucauld,  seigneur  de  Barbezieux, 
chevalier  de  l'ordre  de  Saint-Michel,  gentilhomme  delà  cham- 
bre du  Roy,  lieutenant-général  au  gouvernement  de  Paris  et* 
Isle-de-France,  seneschal  de  Guyenne,  et  général  des  galères 
et  d' Antoinette  d'Amboise,  fille  de  Guy,  seigneur  de  Ra. ...  et 
de  Catherine-Dauphine  deV  Espinace,  dame  de  Comberonde,  se 
distingua  entre  les  personnes  de  qualité  de  son  temps,  sous 
les  règnes  de  Henry  II,  et  des  trois  roys,  ses  fils  et  le  Roy 
Henry  III,  pour  récompenser  ses  services,  le  fit  chevalier  de 
ses  ordres  en  1578.  Il  épousa  Françoise  Chabot,  fille  de  Philippe, 
sieur  de  Brion,  Amiral  de  France,  de  laquelle  il  eut  trois  en- 
fants. Le  premier  :  Françoise  de  la  Rochefoucauld,  dame  de 
Barbezieux  qui  fut  mariée  à  Claude  d'Espinay,  comte  de  Duretal. 
Le  deuxième  :  Antoinette  de  la  Rochefoucauld,  dame  de  Liniè- 
res, femme  d'Antoine  de  Rrichanteau,  seigneur  de  Nangis,  et 
je  troisième  :  Charlotte  de  la  Rochefoucauld,  femme  de  François 
des  Barres,  seigneur  de  Neuvy-Brunegon.  Il  était  de  l'illustre 
maison  de  la  Rochefoucauld,  si  illustre  par  son  ancienneté  et 

de  Combles,   mariée  le  10  septembre  1595    à  Jean,   Seigneur  d'Amanzé  et  des 
Feuillées,  furent  obligés  de  joindre  aux  leurs  le  nom  et  les  armes  de  Parusse 
des  Cars.  (B.-F.,  Dict.  des  Fam.  du  Poitou,  1"  éd.  T.  II,  p.  515). 
1   B.  N.  Français,  32,860,  p.  37  et  38. 

TOME   XII.  —    JUILLET,    AOUT,    SEPTEMBRE  29 


i20  LES    CHEVALIERS    DU    SAINT-ESPRIT 

par  les  grands  hommes  qu'elle  a  produit,  depuis  l'an  1026  que 
le  chef  d'icelle  vivoit,  il  en  sera  parlé  plus  amplement  ci-après. 
Il  portait:  bardé  d'argent  et  d'azur  de  dix  pièces,  à  trois 
chcvnms  de  gueules  brochant  sur  le  tout,  le  premier  écîmé,  gui 
est  de  la  Rochefoucauld;  écartelé  :  d'or, à  un  écusson  d'azur,  qui 
est  de  Barbezieux  et  sur  le  tout  :  d'or,  à  deux  vaches  passantes 
de  gueules  accolées,  armées  et  clarinées  d'azur,  qui  est  de  Béarn. 
Cimier  :  une  pucelle  nue,  tenant  de  ses  mains,  élevées  sur  sa 
tète,  une  couronne  comtale  et  pour  supports  :  deux  sauvages  de 
carnation. 

ESCARS  Jean  d"),  prince  de  Carency,  comte  de  la  Vau- 
guion,  chevalier  des  ordres  du  Roy,  conseiller  ordinaire  en 
son  conseil  d'Etat,  lieutenant-général  de  ses  armées,  capitaine 
de  cent  hommes  d'armes  et  de  cent  chevau-légers  de  ses  or- 
donnances, mestre  de  camp  d'un  régiment,  maréchal,  sénéchal 
et  gouverneur  de  Bourbonnais  et  lieutenant-général,  pour  Sa 
Majesté,  commandant  en  chef  en  Guyenne,  fils  de  François 
d'Escars,  seigneur  de  la  Vauguion,  chevalier  d'honneur  et  pre- 
mier écuyer  de  la  reine  Eléonore d'Autriche  et  de  Gabrielle  de 
Bourbon,  princesse  de  Carency,  dame  de  Buquoy,  Comblât  et 
Aubigny,  fille  unique  de  Charles  deBourbon, prince  de  Carency 
et  de  Catherine  d'Alègre.  Ce  seigneur  s'étant  distingué  sous 
Charles  IX,  et  ayant  continué  ses  services  sous  Henry  III, 
il  eut  l'avantage  de  rentrer  dans  les  bonnes  grâces  du  monar- 
que qui  favorisa  beaucoup  ceux  de  sa  famille  et  le  fit  chevalier 
du  Saint-Esprit,  en  1578*.  Il  mourut  le  21  décembre  1595,  il 
avait  épousé  :  Anne  de  Clermont,  fille  6.' Antoine,  comte  de 
Tonnerre,  de  laquelle  il  eut  trois  enfants.  Le  premier  :  Diane 
d'Escars,  dame  de  la  Vauguion,  mariée  en  premières  noces 
avec  Charles  comte  de  Maures,  en  Bretagne  et  en  deuxièmes 
avec  Louis  Estur  ou  Stnard  de  Caussade,  seigneur  de  Saint- 

*  B.  N.  Français  :  32860,  p.  39,  40. 

1  Le  Roi  Henry  III   érigea  en  sa  faveur  la  terre  delà  Vauguyon  en   comté 
par  lettres  patentes  du  mois  de  juillet  1586.  {B.-F.,  id.  515.) 


DE    LA    PROVINCE    DU   POITOU  421 

Maigrin,  et  le  troisième  :  Isabeau  d'Escars,  dame  de  Combles 
qui  épousa  en  1595,  Jean,  baron  d'Amanzé  duquel  mariage  vint 
Gaspard,  baron  d'Amanzé ,  lieutenant-général,  au  gouver- 
nement de  Bourgogne,  qui  a  été  obligé  de  prendre  les  noms 
et  armes  d'Escars  parce  qu'il  n'y  avoit  plus  de  masles  de  cette 
famille1. 

11  portait  :  de  gueules,  au  pal  de  vair,  qui  est  d'Escars,  écartelé 
de  Bourbon,  à  la  bordure  de  gueules.  Cimier  :  un  cerf  naissant 
d' or,  supports  :  deux  cerfs  d'or. 

FIESQUE  (Scipion  de)2  ;  comte  de  Lavagne,  de  Bressuire 
et  de  Galistan,  chevalier  des  ordres    du    Roy,    et  chevalier 
d'honneur  de  la  reine  Elisabeth  d'Autriche,  quatrième  fils  de 
Sinibald  de  Fiesque,  comte  de  Calistan  et  de  Lavagne  et  de 
Marie  de  la  Bouère.  Il  vint  en  France,  à  la  faveur  de  Catherine 
de  Médicis,  reine  de  France,  qui  le  fit  son  chevalier  d'honneur. 
Il  avait    l'honneur  de  lui  appartenir  à  cause   d'Alphonsine 
Strozzi,  fille  de  Robert  Strozzi  et  de  Magdelaine  de  Médicis. 
On  considéra  son  mérite  en  France,  où  il  rendit  de  bons  ser- 
vices et  se  trouva  au  siège  de  la  Rochelle,  en  1573,  et  le  Roy 
Henry  III  le  fit  chevalier  de  Tordre  du  Saint-Esprit  en  Xôl^. 
De  son  mariage  il  eut  plusieurs  enfants  et  entre  autres  :  Fran- 
çois de  Fiesque,  comte  de  Lavagne  et  de  Bressuire  qui, d'Anne 
le  Veneur,  laissa  entre  plusieurs  enfants  :  Charles-Léon,  comte 
de  Fiesque,  qui  épousa  en  1643  Gillonne  d'Harcourt,   fille  de 
Jacques,   Marquis  de  Bivron  et    de  Léonore  Chabot-Jarnac, 
comtesse  de  Cosnac,  de  laquelle  il  a  eu  Jean-Louis,  comte  de 
Fiesque  et  de  Lavagne  et  autres  enfants. 

Il  était  de  l'illustre  famille  de  Fiesque  qui  est  une  des  quatre 


1  Erreur,  il  en  existait  plusieurs,  voir  la  note  à  l'article  de  François  d'Es- 
cars, ci-dessus. 

1  A*.  B.  Français.  32860,  p.  45,  46. 

3  II  avait  été  créé  chevalier  de  Saint-Michel  le  31  niai  156:2.  En  1570,  il  fut 
fait  chevalier  d'honneur  de  la  reine  Catherine  de  Médicis,  charge,  qu'il  exerça 
encore  à  la  cour  des  reines  Elisabeth  et  Louise.  Il  mourut  à  Moulins  en  1598, 
âgé  de  70  ans.  {Bibl.  Nat.  Cab.  des  Titres  1040,  p.  76.). 


422  LE?    CHEVALIERS   DU    SAINT-ESPRIT 

principales  '  d'Italie.  On  dit  sur  son   origine  que   Roboulde, 
prince  de  la  maison  de  Bavière  avec  deux  de  ses  frères  étant 
passés  en  Italie,  environ  l'an  1025  eurent  soin  de  conserver  le 
fisc  impérial  d'où  ils   furent  nommés  de  Fisco,  puis  Fiesque, 
qu'un  d'entre  eux  étant  allé  en  Espagne  il  y  pritlenomd't/rrea 
qu'il  laissa  à  sa  postérité  qui  y  subsiste  encore,  l'autre  retourna 
en  Allemagne  et  Roboulde  resta  en  Italie  où  il  acheta  le  comté 
de  Lavagne  et  servit  avec  beaucoup  de  courage  contre  les 
Pisans,  ensuite  ils  l'élurent  leur  général  et  remporta  une  fa- 
meuse bataille  pour  eux  en  1068,  en  reconnaissance  de  quoy 
ils  lui   accordèrent   des  privilèges   considérables.  Depuis  ce 
temps  le  comté  de  Lavagne  a  toujours  appartenu  à  la  maison 
de  Fiesque  et  elle  a  joui  d'autres  biens  et  de  grandes  riches- 
ses en  Italie,  où  ils  ont  été  longtemps  Viquaires  de  l'Empire, 
etGuillaume  de  Bavière,  comte  de  Hollande,  Roy  des  Romains 
leur  donna  pouvoir  de  battre  monnoye.  Cette  maison  a  eu 
deux  papes,  Sinibalde  de  Fiesque,  sous  le  nom  d'Innocent  IV, 
en  1243,  et  Ottobon  de  Fiesque,  sous   le  nom  d'Adrien  V,  en 
1276.  Elle  a  eu  plusieurs  cardinaux,  plus  de  cent  archevêques 
ou  évoques,  a  donné  des  femmes  aux  maisons  de   Savoye, 
Montferrat,  Visconti  de  Milan,  où  elle  était  dans  sa  splendeur 
du  temps  du  père  de  François  deFiesque,  après  la  mort  duquel 
Jean-Louis  de  Fiesque,  son  fils  aîné,  ayant  voulu  usurper  la 
domination  souveraine  à  Gènes,  ne  réussit  pas  à  sa  conspira- 
tion, car  il  fut  noyé  malheureusement  en  entrant  dans  une 
galère,  dans  le  temps  qu'on  mettoit  ses  ordres  à  exécution, 
dans  la  nuit  du  1er  janvier  1547.  Le  mauvais  succès  de  cette 
conjuration  abattit  extrêmement  cette  maison  si  riche  et  si 
puissante,  car  on  les  chassa  de  Gènes  où  étoient  leurs  grands 
biens  et  l'aîné  de  cette  maison   vint  en   France  et  étoit  ce 
François  Fiesque,  où  ses  descendants  demeurent  encore.  Les 
cadets  se  retirèrent  à  Rome  et  par  la  suite  ils  sont  retournés 
à  Gènes. 

Il  portait  :  bandé  d'azur  et  d'argent  de  six  pièces,  qui  est  de 
Fiesque. 


DE    LA    PROVINCE    DU    POITOU  423 

PONS  (Antoine  sire  de1),  comte  de  Marennes2,  capitaine 
des  cent  gentilshommes  de  la  maison  du  roy,  chevalier  de  ses 
ordres  et  lieutenant  général,  pour  Sa  Majesté  en  Saintonge, 
fils  aîné  de  François  2me  du  nom  sire  de  Pons,  comte  de  Mont- 
tort  et  Marennes  et  de  Catherine  de  Ferrières.  Il  résista  vigou- 
reusement aux  Huguenots  durant  quelque  temps  en  Cam- 
pagne, mais  enfin,  l'ayant  serré  de  fort  près,  il  fut  obligé  de 
s'enfermer  avec  ses  troupes  en  sa  ville  de  Pons,  où  ils  l'as- 
siégèrent. Après  avoir  résisté  très  longtemps,  sans  avoir  pu 
être  secouru,  il  se  vit  contraint  de  se  rendre  aux  méchants 
hérétiques  en  1568  et  ils  le  menèrent  prisonnier, à  la  Rochelle, 
où  il  resta  quelque  temps  sans  qu'il  ait  voulu  suivre  leur  parti. 
Après  sa  délivrance,  il  continua  ses  services  sous  les  roys  de 
France,  et  Henri  III  le  créa  chevalier  de  ses  ordres  en  1578. 
Il  épousa  en  premières  noces  :  Anne  de  Parthenay,f\\\e  de  Jean 
V Archevêque  sT  de  Parthenay  et  Souàise,en  secondes  :  Marie  de 
Montchenu,  dame  de  Guercheville  et  d'Antoinette,  de  Pom- 
briant  (sic).  Delà  première  il  eut  :  Anne  de  Pons,  femme  de 
François  Martel,  seigneur  de  Lindebœuf,  en  Normandie.  De 
la  seconde  il  eut  quatre  enfants.  Le  premier  :  Pontus  de  Pons, 
tué  à  Rome  sans  alliance.  Le  second  :  Antoinette,  dame  de 
Pons,  épouse  de  Henry  d'Albert,  baron  de  Miossans.  Le  troi- 
sième :  Jeanne,  abbesse  de  Saint-Sauveur  d'Evreux.  Le  qua- 
trième :  Antoinette  de  Pons,  marquise  de  Guercheville,  épouse 
de  Henry  de  Silly,  comte  delà  Rocheguion,  damoiseau  de 
Gommercy  puis  de  Charles  du  Plessis,  seigneur  de  Liancourt. 
il  eut  encore  du  premier  lit  :  Jeanne,  abbesse  de  Grisenon.  Il 
était  de  l'ancienne  famille  de  Pons,  qui  tire  son  nom  de  la 
ville  de  Pons  sur  la  Seugne,  en  Saintonge,  au  diocèse  de 
Saintes,  qui  est  une  ancienne  sirauté  ou  sirerie  qui  a  passé 

1  B.  Nat.  Français  S-2, 860  p.  47,  48. 

s  Des  Iles  d'Alvert  et  d'Oléron,  conseiller  du  roi  en  son  conseil  privé,  fut 
nommé  chevalier  de  l'ordre  de  Saint-Michel,  le  12  janvier  1562  (1563).  Il  se 
trouva  au  siège  de  Naples  en  1528  et  se  signala  par  ses  conquêtes  et  ses  vic- 
toires de  Saint-Sorlin  et  de  Saint-Just.  Il  mourut  en  1580.  [Bibl.  Nat.  Cab. 
des  Titres  1040  p.  148). 


424  LKS    CHEVALIERS    DU    SAINT-ESPRIT 

dans  le  dix-septième  siècle  à  la  maison  d'Albert  à  faute  par 
cet  Antoine,  sire  de  Pons  d'avoir  laissé  des  hoirs  m;isles.  Cette 
maison  reconnoît  pour  chef  Bertrand,  sire  de  Pons,  qui  vivoit 
en  llt;0  et  on  dit  qu'il  épousa  Elisabeth,  fille  d'un  comtede 
Thottlouze,  ce  qui  marque  que  sa  famille  était  déjà  pour  lors 
en  haute  puissance,  et  de  ce  mariage  vint  en  treizième  degré 
cet  Antoine,  sire  de  Pons,  en  ligne  masculine.  Il  fut  le  dernier 
de  la  branche  aînée,  mais  elle  subsiste  encore  en  la  deuxième 
branche  en  la  personne  d'isaac  Renaud  de  Pons,  marquis  de 
la  Case.  Cette  deuxième  branche  a  été  longtemps  huguenote 
et  descend  de  Jacques  de  Pons,  Ier  du  nom,  sr  de  Miram  bon, fils 
puisné  de  François  I,  sire  de  Pons,  qui  vivoit  en  1500, et  le  mar- 
quis de  la  Case  reconnoît  Bertrand,  sire  de  Pons,  chef  de  cette 
famille,  pour  son  15"e  ayeul. 

Il  portoit  :  d'argent,  à  la  fasce  bandée  d'or  et  de  gueules  dp 
six  pièces  qui  est  de  Pons. 

CHOURSES  (Jean  de1)  seigneur  de  Malicorne2,  chevalier 
des  ordres  du  roy,  et  gouverneur  de  Poitou,  fils  de  Félix  de 
Chourses,  seigneur  de  Malicorne,  au  Maine  et  de  Marguerite3 
de  Baif,  eut  l'avantage  de  participer  aux  faveurs  du  roi 
Henry  III,  qui  le  fit  chevalier  de  son  ordre  royal  du  Saint- 
Esprit  en  1578.  II  épousa  en  premières  noces  Renée,  fille  de 
Pierre  Auvé,  seigneur  de  Genneton,  et  en  secondes  noces 
Françoise,  fille  de  Jean  de  Daillon,  seigneur  du  Lude,  des- 
quelles il  n'eut  point  d'enfants.  Je  ne  sais  autre  chose  de  sa 
famille4  qu'il  portoit  :  d'argent,  à  cinq  fasces  d'azur. 

1  Bibl.  Xat.  Français  32,  8ti0  p.  53,  54. 

'  Il  était  seigneur  d'Aubigny  et  de  Faye,  capitaine  de  50  hommes  d'armes  et 
gentilhomme  ordinaire  de  la  Chambre  du  Roi  et  Gouverneur  de  Poitou.  Il 
fit  son  entrée  à  Poitiers  le  8  septembre  1586.  Le  '1  août  1588,  en  l'église 
Notre-Dame  de  Poitiers,  il  jura  l'observance  de  l'édit  pour  l'extirpation  des 
hérésies  et  reçut  plus  tard  le  serment  du  maire,  des  capitaines  des  compa- 
gnies de  la  ville  et  des  trésoriers. (Beauchet-Filleau,  Dict.des  Fam.  du  Poitou, 
*Zm«  éd.  T.  II,  p.  494.) 

1  Mad'-leine,  (id). 

*  II  mourut  le  30  octobre  1009  et  fut  enterré  dans  l'église  de  Malicorne.  (id) 


UK    LA    PROVINCE    UU    POITOU  425 

VILLEQUIER1  (René  de),  dit  le  Jeune  et  le  Gros,  baron 
de  Clairvaux,  d'Aubigny  et  d'Évry-le-Château,  chevalier  des 
ordres  du  roy,  premier  gentilhomme  de  sa  chambre,  capitaine 
de  cinquante  hommes  d'armes,  gouverneur  de  Paris  et  de 
l'Isle  de  France,  fils  de  Jean-Baptiste,  sgr  baron  de  Villequier, 
et  d'Anne  fille  d'Aimery  de  Rochechouart,  baron  de  Mortemart 
et  de  Jeanne  de  Rochechouart,  sa  cousine,  fut  un  des  favoris 
du  roi  Henri  III,  qui  lui  témoigna  en  toutes  occasions  des 
marques  de  sa  bienveillance  et  de  son  amitié*.     .     .  . 


Il  avait  épousé  Françoise,  fille  de  Guillaume  de  la  Marck, 
seigneur  de  Méré,  et  de  Françoise  de  Wignacourc,  il  en  avait 
eu  une  fille  nommée  Charlotte-Catherine  de  Villequier  qui  fut 
mariée  à  François  d'O,  seigneur  de  Frasne,  puis  à  Jacques 
d'Aumont,  seigneur  de  Chapes.  Après  cela  le  roy  Henri  III, 
continua  ses  mômes  faveurs  à  M.  de  Villequier,  car  il  le  fit 
chevalier  du  Saint-Esprit  en  1578  et  lui  fit  épouser  en  secondes 
noces  Louise,  fille  de  Jean  de  Savonnières,  seigneur  de  la 
Bretèche  en  Anjou  et  de  Guionne  d>>  Beauvau,  de  laquelle  il 
eut  un  fils  unique  nommé  Claude,  baron  de  Villequier  et  de 
Clairvaux,  vicomte  de  la  Guerche  qui  mourut  sans  alliance, 
âgée  de  dix-neuf  ans,  au  retour  de  son  voyage  d'Italie  et  en  sa 
personne  périrent  le  nom  et  les  armes  de  Villequier. 

Il  portait  :  de  gueules,  à  la  croix  fleurdelisée  d'or,  cantonnée 
de  douze  billettes  de  même  qui  est  de  Villequier,  écartelé  de 
Rochechouart,  qui  est  :  fascé,  onde,  enté  de  gueules  et  d'argent 
de  six  pièces,  ou  de  gueules  à  trois  fasces  ondées,  entées  ou 
vivrées  d'argent,  la  brisée  d'une  belette  de  sable  ;  et  sur  le  tout  : 
paie  de  six  pièces  d'or  et  de  sable. 

1  Bibl.  Nat.  français  32860  p.   57-58. 

1  II  fut  Chambellan  du  Roi,  conseiller  en  son  conseil  privé,  capitaine  de 
100  hommes  d'armes  de  ses  ordonnances  et  d'une  compagnie  de  ses  gardes  du 
Corps,  gouverneur  de  la  personne  de  S.  M.,  gouverneur  du  Bourbonnais, 
chevalier  de  Saint-Michel,  en  1566,  assista  au  siège  de  Poitiers.  Il  mourut  le 
'27  septembre  1590.  {Bibl.  Nat.  Cab.  des  TU.  1040,  p.  392). 


426  LES    CHEVALIERS    DU    SAINT-ESPRIT 

VILLEQUIER1  (Claude  de),  dit  l'aîné,  seigneur  et  baron 
■  lu  dit  Villequier,  vicomte  de  la  Guierche,  en  Touraine, 
capitaine  de  cinquante  hommes  d'armes,  chevalier  des  ordres 
du  Roy,  fils  aîné  de  Jean-Baptiste,  seigneur  et  baron  de 
Villequier  et  à' Anne  de  Rochechouart-Mortemart,  fut  l'un  des 
avoris  du  roy  Henri  III*  aussi  bien  que  René  de  Villequier, 
son  cadet.  Il  le  fit  chevalier  de  ses  ordres  en  1578.  Il  épousa 
Renée,  fille  de  Guillaume  d'Apelvoisin,  seigneur  de  la  Roche  et 
d'Anastase  de  la  Béraudière  qui  le  rendit  père  de  Georges, 
baron  de  Villequier  qui  fut  aussi  chevalier  des  ordres  du  Roy 
et  mourut  sans  (sic)  de  son  épouse  Louise  Le  Jay,  héritière  de 
Boisséguin;  ce  seigneur  eut  bonne  part  aux  guerres  de  son 
temps  contre  les  Huguenots  esquelles  il  se  distingua  et  tint 
toujours  le  party  du  Roy. 

Il  portoit  :  de  gueules,  à  la  croix  feurdelisée  d'or  cantonnée 
de  douze  billettes  de  même,  qui  est  de  Villequier. 


1  Bibl.  Nat.  Français  32860  p.  61,  62. 

*  Il  fut  gentilhomme  ordinaire  de  la  -Chambre  du  Roi,  l'un  de  ses  cham- 
bellans, conseiller  en  son  conseil  privé,  son  lieutenant-général  au  gouverne- 
ment de  la  Marche,  chevalier  de  Saint-Michel  le  16  février  1508.  et  fut  comblé 
des  bienfaits  du  roi  Henri  III.  En  1592,  il  fut  surpris  dans  sa  terre  de  la 
Guerche,  qu'il  défendit  avec  beaucoup  de  valeur,  mais, n'ayant  pu  résister  à  la 
supériorité  de  l'ennemi,  il  lut  fait  prisonnier,  perdit  tous  les  meubles  précieux 
dont  son  château  était  enrichi  par  les  libéralités  du  Roi,  et  ne  fut  remis  en 
liberté  que  longtemps  après,  en  payant  une  très  grosse  rançon  II  mourut  très 
âgé.  {Bibl.  Nat.  Cab.  des  Titres,  1040  p.  454. 


DE   LA    PROVINCE    UU    POITOU  427 

Seconde  création  des  Chevaliers  de  l'Ordre  royal 
du  Saint-Esprit,  faite  en  l'Eglise  des  Augustins 
du  grand  Couvent,  à  Paris,  par  le  Roy  Henri  III, 
le  31  décembre  157(J. 

Saint-Gelais  (Louis  de)1  dit  de  Lezignan,  baron  de  la  Mo- 
the-Sainte-Héraye,  seigneur  de  Lan  sac,  de  Pressy-sur-Oise, 
chevalier  d'honneur  de  la  Reine  Catherine  de  Médicis,  surin- 
tendant de  sa  maison  et  chevalier  des  ordres  du  Roy,  tWsd'A- 
lexandre  de  Saint-Gelais,  seigneur  de  Rernefortet  de  Cornefou, 
chambellan  du  Roy  Louis  Xll2  et  de  Jacquette  de  Lansac, 
parut  avec  réputation  à  la  cour  sous  le  règne  de  Henry  II  et 
sous  ceux  de  ses  enfans,  il  se  rendit  recommandable  par 
l'ambassade  de  Rome  et  du  Concile  de  Trente.  La  reine  Cathe- 
rine qui  l'avait  attaché  lui  et  ses  fils  au  Roy  Henry  III,  les 
jeta  depuis  dans  le  parti  de  la  Ligue  pour  faire  réussir  les 
desseins  qu'elle  avait  et  ils  lui  rendirent  par  là  des  services 
fort  considérables.  Ils  avoient  bonne  part  aux  secrets  de  cette 
princesse  qu'ils  servirent  toujours  avec  grand  zèle.  Le  père 
profita  beaucoup  auprès  d'elle,  il  fut  capitaine  de  cent  gen- 
tilshommes d'armes,  chevalier  de  Saint-Michel  sous  Charles  IX 
et  du  Saint-Esprit  sous  Henry  III,  en  1579.  Il  mourut  âgé  de 
soixante-seize  ans,  au  mois  d'octobre  1589,  et  fut  enterré  à 
Précy.  Il  épousa  en  premières  noces  en  1545,  Jeanne  de  la 
Rocheandrie,  eu  Angoumois,  fille  de  Philippe,  baron  du  dit 
lieu.  Il  se  remaria,  en  1565,  à  Gabrielle  de  Rochechonart,  fille 
de  Fra?içois,  baron  de  Mortemart ,  il  eut  quatre  enfants.  Pre- 


'  Bibl.  Nat.  Français  32860  p.  91-92. 

*  11  fut  encore  Gentilhomme  ordinaire  de  la  Chambre  du  Roi  et  l'un  de  ses 
chambellans,  capitaine  de  50  hommes  d'armes  de  ses  ordonnance,  conseiller 
en  son  conseil  privé,  etc.  chevalier  de  Saint-Michel  en  1560,  pannetier  du 
Roi,  se  trouva  en  1567  à  la  bataille  de  Saint-Denis,  à  celles  de  Moncontour 
en  1569,  s'empara  de  la  ville  et  du  Château  de  Lusignan  et  fut  envoyé  Lieu- 
tenant de  Roy  à  Bordeaux,  Henri  111  le  combla  de  biens  et  d'honneurs.  (Bibl. 
Xat.  Cab.  des  Titres  1039. p.  613.) 


128  LES    CHEVALIERS    DU    SAINT-ESPRIT 

mier  lit  :  le  premier  :  Guy  de  Saint-Gelais  de  Luzignan,  sei- 
gneur de  Lansac,  dont  la  postérité  finit  au  troisième  degré 
masculin.  Le  second  :  Claude  de  Saint-Gelais,  dame  de  Précy, 
femme  de  Charles,  Comte  souverain  de  Lusse.  Second  lit  :  le 
troisième  :  Charles,  mort  sans  alliance,  en  1586.  Le  quatrième : 
François,  prieur  de  Saint-Lô.  Claude  dame  de  Tajé,  en  Béarn 
et  un  bâtard  nommé  Urbain,  bâtard  de  Saint-Gelais,  évesque 
de  Commenges. 

La  maison  de  Saint-Gelais  tire  son  nom  du  bourg  de  Saint- 
Gelais,   patrimoine  des  seigneurs  de    Lusignan   en    Poitou, 
aussi  ceux  de  cette  maison  prétendent  être  sortis  de  celle  de 
Lusignan  et  en  rapportent  des  preuves  assez  convainquantes. 
Ce  Louis  de  Saint-Gelais,  lorsqu'il  fut  reçu  chevalier  du  Saint- 
Esprit,  joignit  le  surnom  de  Lézignan  au  sien  et  prit  acte  de 
sa  prétention,  il  para  aussi  ses  armes  de  la  figure  de  la  célèbre 
Mélusine  qu'il  prit  pour  cimier.  11  n'étoit  que  cadet  de  cette 
maison,  car  son  père  n'étoit  que  quatrième  fils   de  Pierre  de 
<uint-Gelais  qui  vivait  au  XVm°  siècle  ;  la   branche  aînée  qui 
subsiste  encore  prit  en  même  temps  le  surnom  de  Lusignan 
qu'elle  joignit  à  celui  de  Saint-Gelais,  pour  ne  point  prescrire 
son  droit  d'aînesse.  De  cette  famille  de  Saint-Gelais  sont  sor- 
tis de  grands  hommes  comme  Jacques,  évêque  d'Uzès  ;  Oc- 
tavien,  évêqued'Angoulême,  mort  en  1502    .     .     de  Me  lin  de 
Saint-Gelais,  abbé  de  Reclus,  mort  en  1554.  La  maison  de  Lu- 
signan, dont  celle  de  Saint-Gelais  se  dit  issue,  était  une  des 
plus  nobles  etanciennes  du  Royaume  qui  apossédé  longtemps 
le  comté  de  la  Marche  et  la  sirerie  de  Lusignan  en  Poitou,   a 
donné  des  rois  en  Jérusalem  et  en  Chypre,  et  a  reconnu  pour 
chef  Hugues  Ier  dit  le  Veneur,  sire  de  Luzignan  ou  Lusignan, 
en  Poitou,  qui  vivoit  environ  l'an  920.    La  branche  aînée  du- 
quel finit  en  Hugues  XIII»*  du  nom,  sire  de  Lusignan,  comte 
de  la  Marche,  mort  sans  hoirs  en  1203,  et  la  branche  des  Rois 
de  Chypre  se  trouva  éteinte  en  1475,  eu  la  personne  de  Jac- 
quselll""  de  Lusignan,  roy  de  Chypre,  après  dix-huit  degrez 
de  génération  masculin  depuis  Hugues  Iw,  dit  le  Veneur,  il  n'y 


DK    LA    PKOVINCK    DU    POITOU  i29 

a  plus  que  la  branchede  Saint-Gelais  qui  subsista  et  reconnaît 
pour  chef  Simon  de  Lusignan  qui  vivait  en  1160,  quatrième 
fils  de  Hugues  IIlme  dit  le  Brun,  sire  de  Lusignan. 

Il  portoit  :  d'azur,  à  la  croix  d'argent,  qui  est  de  Saint-Gelais 
i'cartelé  de  C/u/pres-Lusigna//,  qui  est  :  burelé  de  dix  pièces, 
d'argent  et  d'azur  au  lion  de  gueules  brochant  sur  le  tout,  cou- 
ronné d'or  ;  pour  cimier  une  cuve  d'or,  en  laquelle  se  mire, 
coëffe  et  baigne  Mélusine,  moitié  femme,  moitié  serpent,  qui 
est  le  cimier  de  Lusignan  ;  supports  :  derix  griffons  d'or. 


Troisième  création,  faite  en  l'église  Saint-Sauveur  de 
Blois,  le  31  décembre  1580,  par  le  Roy  Henri  III. 

ROCHECOUART  (René  de)1,  baron  de  Mort^mart,  de 
Montpipeau,  Tonnay-Charente,  Vivonne  et  Lussac,  chevalier 
des  ordres  du  Roy,  capitaine  d'une  compagnie  d'ordonnance, 
fils  de  François  de  Rochechouart,  baron  de  Mortemart  et  de 
Renée  Taveau,  dame  de  Lussac,  Verrières  et  du  Bouchet-en- 
Brain,  fille  unique  et  héritière  de  Léon  Taveau  seigneur  de 
Lussac  et  de  Jeanne  Frotier-Preuilly,  a  été  illustre  par  sa 
qualité,  par  sa  naissance  et  par  ses  services2.  Il  suivit  dès  l'âge 
de  quinze  ans  son  père,  au  siège  de  Perpignan  où  il  conduisait 
la  noblesse  du  Poitou,  et  depuis,  il  fut  toujours  armé  pour  le 
service  de  l'Etat  et  de  la  religion,  aussi  fut-il  considéré  comme 
le  seigneur  de  son  temps  qui  s'étoit  trouvé  à  plus  de  sièges  et 
de  batailles  et  qui  étoit  le  plus  capable  de  grandes  charges  de 
la  guerre.  11  se  trouva  au  siège  d'Epernay  et  à  la  défense  de 
Metz  en  1562,  à  Hesdin,  où  il  fut  pris  les  armes  à  la  main,  à 
l'attaque  de  Vulpian  où  ils  commandoit  cent  gentilshommes, 

1  Bibl.  Nat.  Français:  «2,860,  p.  105,  106, 

'-  Il  naquit  le  27  décembre  1528.  Sa  femme  Jeanne  de  îaaulx,  fllle  du  maréchal 
de  Tavan nés,  était  d'une  très  grande  piété  et  vivoit  dans  sa  maison  comme 
une  religieuse  disant  chaque  jour  les  Matines  et  l'Otfice,  elle  mourut 
le  26  octobre  1626,  de  la  mort  des  saints  et  fut  enterrée  aux  Cordeliers  de 
Poitiers.  {Histoire  de  la  Maison  de  Rochechouart, T.  II,  p.  59  à  71 .  Paris,  185iO 


•430  LES    CHEVALIERS    DU    SAINT-ESPRIT 

il  emporta  d'assaut  la  Basse-Ville;  à  la  prise  de  Calais,  à 
celles  de  Bourges,  de  Poitiers,  Blois,  Rouen,  Saint-Jean-d'An- 
gély,  Lusignan,  etc,  aux  batailles  de  Saint-Denis,  Jarnac  et 
M  mcontour.  il  servait  au  siège  de  la  Rochelle  et  de  Brouage 
et  soutint  longtemps  les  frais  de  la  guerre  contre  les  Huguenots, 
outre  sa  compagnie  d'ordonnance,  une  des  plus  choisies  des 
armées  du  Roy,  et  le  mareschal  de  Tavannes  fut  si  charmé 
de  sa  valeur,  l'ayant  vu  combattre  en  1569,  à  la  journée  de 
Moncontour,  qu'il  voulut  faire  alliance  avec  lui,  et  en  effet 
en  J570,  il  lui  donna  sa  fille,  Jeanne  de  Saulx,  en  mariage.  Le 
roy  Charles  IX  !e  fit  chevalier  de  Saint-Michel,  et  le  roy 
Heury  III  le  fit  chevalier  du  Saint-Esprit  en  1580,  et  il  mourut 
âgé  de  53  ans  le  17  août  1587.  Il  eut  neuf  enfants.  Le  premier  : 
Gaspard,  qui  fut  baron  de  Mortemart  ;  le  second  :  René,  sieur 
de  Montpipeau,  qui  laissa  postérité  ;  le  troisième  :  François, 
mort  à  Rome  en  1592;  le  quatrième  :  Aimé,  sieur  de  Tonnay- 
Charente,  mort  en  1651,  a  laissé  postérité  ;  le  cinquième  :  Jean, 
marquis  de  Saint-Wicturnien  ;  le  sixième  :  Ysabean,  mariée  en 
1592,  à  Pierre  de  Laval,  sieur  de  Lezay  ;  le  septième  :  Aimeric, 
épousa  en  1594,  Philippe  Volvire,  marquis  de  Ruffec  ;  le  hui- 
tième :  Gabrielle,  abbesse  de  Saint-Laurent,  à  Bourges  ;  le 
neuvième  :  Eléonore  de  Rochechouart,  mariée  en  1618  k  Guy  de 
Itieux,  comte  de  Châteauneuf. 

Il  était  de  l'illustre  maison  de  Rochechouart  qui  est  à  présent 
ducale,  une  des  plus  ancienne  du  royaume  puisqu'elle  recon- 
naît pour  chef  Aimery  de  Limoges  surnommé  Ostofrancus  qui 
vivoit  en  1018,  était  cinquième  fils  de  Giraud,  premier  vicomte 
de  Limoges  qui  vivoit  en  975  et  avoit  eu  pour  père  Fulcher 
ou  Fulger,  auquel  le  roy  Eudes,  environ  l'an  895  avoit  donné 
le  vicomte  de  Limoges.  Cet  Aimery  fut  fait  vicomte  de  Ro- 
chechouart et  de  luy  sont  issus  tous  ceux  du  nom  et  armes  de 
Rochechouart  qui  a  produit  plusieurs  branches  telles  qu'ont 
été  celles  de  Champdeniers,  de  Jars,  Faudoas  et  Mortemart, 
et  depuis  ce  Fulcher,  vicomte  de  Limoges  jusques  à  Louis 
de  Rochechouart  IIIe  à  présentduc  de  Mortemart,  né  en  1681, 
on  compte  vingt-quatre  degrés  de  génération  masculine. 


DE    LA    PROVINCE    DU    POITOU  431 

La  maison  de  Rochechouart  :  de  gueules,  à  trois  fastes  on- 
dées, entées  d'argent,  on  mieux,  fascé,  onde,  enté  de  six  pièces 
d'argent  et  de  gueules.  -  La  branche  de  Mortemart  y  ajoutait 
pour  brisure  :  une  belette  de  sable  sur  la  première  fasce  d'ar- 
gent, mais  ceux  d'à  présent  les  portent  pleines  avec  plusieurs 
alliances,  comme  il  suri  Hit  ci-dessous. 


Quatrième  création  faite  par  Roy  Henry  III" 
en  l'Eglise  des  Grands- Augustins,  à  Paris, 
le  31  décembre  1581. 

DAILLON  (Guy  de)1,  comte  du  Lude  et  de  Pontgibaut, 
baron  d'Illiers,  du  Ghesne-Doré  et  de  Magné,  chevalier  des 
ordres  du  Roy,  gouverneur  de  Poitou  et  sénéchal  d'Anjou', fils 
de  Jean  de  Bâillon  IV"  du  nom,  seigneur  du  Lude,  Chambel- 
lan des  Roys  Louis  XII  et  François  Ier, sénéchal  d'Anjou,  gou- 
verneur de  Fontarabie,  et  d'Anne  de  Batarnay,  donna  très 
souvent  des  preuves  de  son  courage,  à  la  défense  de  Metz,  à 
la  bataille  de  Renty,  aux  prises  de  Calais,  Guines,  Marans  et 
Brouage  et  au  siège  de  Poitiers  qu'il  défendit  contre  les  Hu- 
guenots en  1569,  pendant  près  de  deux  mois,  et  il  fut  chéri  de 
Henry  III,  qui  le  fit  chevalier  de  ses  ordres  en  1581.  Il  mourut  à 
Briançon  le  11  juillet  1595.  Il  avait  épousé  en  1559  :  Jacqueline 
de  la  Fayette,  dame  de  Po?itgibaut,de  laquelle  il  eut  quatre  en- 
fants. Le  premier  :  Anne  de  haillon,  femme  de  Jean  de  Bueil, 
comte  de  Sancerre,  grand-échanson  de  France.  Le  second  : 
Diane,  femme  de  Jean  de  Lévis,  comte  de  Chaslus.  Le  troi- 

'  Bibl.  Nat.  Français  :  32860  p.  115,  116. 

2  11  fut  aussi  chambellan  ordinaire  du  roi,  conseiller  en  son  conseil  privé, 
capitaine  de  cent  hommes  d'armes  de  ses  ordonnances,  chevalier  de  Saint- 
Michel,  le  12  janvier  1562  (1563).  11  avait  été  élevé  enfant  d'honneur  du  roi 
Henri  II.  Il  s'empara  en  1569  des  châteaux  de  Cherveux  et  de  Magné.  En  1609 
il  assiégea  Niort  et  battit  vigoureusement  cette  place  dont  il  fut  ensuite  ob- 
ligé de  lever  le  siège,  etc.  (Bibl.  Nat.  Cab.  des  Titres  1040  p.  144). 


432  LES    CHEVALIERS    DU    SAINT-ESPRIT 

sième  :  Antoinette,  femme  de  Philibert  de  la  Guiche,  sgr.  de 
Ghaumont,  grand-maître  de  l'artillerie.  Le  quatrième  :  Fran- 
çois de  Daillon,  comte  du  Lude,  marquis  d'Illiers  qui  continua 
la  postérité.  Il  a  été  parlé  cy-devant  de  la  maison  de 
Daillon. 

Il  portoit  :  d'azur,  à  la  croix  engreslée  d'argent,  qui  est  de 
Haillon.  Cimier  :  un  lion  issant  d'or;  supports  :  deux  lions, 
aussy  d'or. 


Cinquième  création,  faite  par  le  roy  Henry  III, 
en  l'Église  des  Grands-Augustins,  à  Paris, 
le  31  décembre  1582. 

VOL, VIRE1  'Philippe  de)  marquis  de  Ruffec,  seigneur  de 
lint-Brice,  chevalier  des  ordres  du  roy,  gouverneur  d'An- 
goumois,  second  fils  de  René  de  Volvire,  seigneur  de  Ruffec,  et 
de  Catherine  de  Montauban,  servit  en  différentes  occasions  en 
Poitou  et  en  Guyenne  contre  les  Huguenots.  Ses  belles  actions 
lui  firent  donner  le  gouvernement  dAngoumois  et  le  roy 
Henry  III,  pour  comble  de  récompense,  le  fit  chevalier  de  ses 
ordres  en  1582*.  Il  épousa  Aune  de  Daillon,  fille  de  Jean, 
comLe  du  Lude,  il  en  eut  neuf  enfants  mâles.  Le  premier  : 
François,  mort  jeune.  Le  second  ;  Philippe,  marquis  de 
liuffec,  qui  épousa  Aimerie  de  Rochechouart-Mortemart,  de 
laquelle  il  laissa  une  fille  et  fut  tué  en  duel  par  le  sr  de  Chan- 
lendray.  Le  troisième  :  Henri,  comte  du  Bois-de-la-Roche,  en 
Bretagne,  qui  laissa  postérité.   Les  quatrième,  cinquième  et 

'  Bibl.  Xat.  Français:  32860.  p.  !35  à  l?6. 

:  Il  fut  capitaine  d'une  compagnie  de  50  hommes  d'armes  des  ordonnances. 
se  distingua  à  la  défense  de  Poitiers  contre  les  protestants  en  1509,  fut  lieu- 
tenant général  de  Saintonge  et  Angoumois.  Il  mourut  au  moment  d'être 
nommé  maréchal  de  France.  Les  habitants  d'Angoulème  se  trouvaient  si  heu- 
reux sous  son  gouvernement,  qu'après  sa  mort  arrivée  le  6  jauvier  1586.  ayant 
•té  inhumé  dans  sa  terre  de  Ruffec,  ils  le  firent  exhumer  et  enterrer  en 
grande  pompe  dans  la  cathédrale  d'Angoulème.  (B.-F.,  Dict.  des  Fam.  du 
Poitou,  1"  éd.  T.  11.  p.S-21-822. 


UK    LA    PROVINCE   DU    POITOU  433 

sixième  :  lie  né,  Guy  etiX....,  morts  jeunes.  Le  septième  : 
Jacques  de  Volvire,  baron  de  Saint-Brice  qui  laissa  postérité. 
I!  portoit:  fascé  d'or  et  de  gueules  de  huit  pièces  qui  est  de 
Volvire,  écartelé  de  gueules,  à  neuf  macles  d'or  et  un  lambel  de 
</nutre  pièces  d'argent  qui  est  de  Rohan-Guemené,  et  sur  le 
tout  :  paie  de  six  pièces  d'or  et  de  gueules  qui  est  d'Amboise. 

[A  suivre). 


CHRONIQUE 


■VOODOO1 


Les  Mémoires  de  Mercier  du  Rocher.  —  Nous  avons  annoncé 
précédemment  le  procès  intenté  par  M.  Ernest  Brisson  et 
M11,  Célie  Brisson,  sa  sœur,  en  revendication  de  la  propriété 
d'un  ouvrage  manuscrit  écrit  par  M.  Charles-André  Mercier  du 
Rocher,  leur  grand-père,  dont  ils  sont  les  seuls  héritiers  ou  repré- 
sentants,et  contenant  desMémoires  historiques  et  personnels  pouvant 
servir  à  l'histoire  des  guerres  de  la  Vendée,  ainsi  que  des  lettres, 
notes,  pièces  et  documents  justificatifs  émanant  de  personnages 
politiques  et  autres. 

Cette  revendication  était  formée  contre  : 

1°  M.  Paul  Bonnefon,  bibliothécaire  de  l'Arsenal,  à  Paris, directeur 
d'un  recueil  mensuel  intitulé  «  Souvenirs  et  Mémoires  »,  qui  a  publié, 
dans  plusieurs  numéros,  une  partie  des  Mémoires  dont  nous  venons 
de  parler -,  2"  M.  Gougy,  éditeur,  et  M.  Lannier,  imprimeur  du 
même  recueil  ;  3°  M.  Henry  Cormeau,  libraire  à  Fontenay,  chez 
lequel  avait  été  saisi  un  des  numéros  incriminés. 

L'affaire  est  venue  à  l'audience  du  tribunal  civil  de  Fontenay,  du 
7  juillet  dernier,  où  elle  a  été  plaidée  par  Mc  de  Lacoste-Lareymondie, 
avocat  du  barreau  de  Niort,  pour  les  demandeurs,  et  Me  Dufour  d'As- 
taffort,  du  barreau  de  Poitiers,  pour  les  défendeurs.  MM.  Bonnefon, 
Gougy  et  Lannier  ont  soulevé  une  exception  d'incompétence  tirée  de 
ce  que  habitant  Paris  ou  Auxerre,  ils  ne  pouvaient  être  distraits  de 
leurs  juges  naturels. 

Les  demandeurs  ont  répondu  que  la  compétence  du  tribunal  de 
Fontenay  résultait  de  la  présence  justifiée  en  la  forme  de  M.  Cormeau, 


CHRONIQUE  435 

au  procès  ;  et  que  M.  Cormeau  étant  justiciable  du  tribunal  de 
Fontenay,  tous  autres  défendeurs  pouvaient  y  être  appelés  en  vertu 
de  l'art.  59,  §  2,  du  Code  de  Procédure  civile. 

Le  tribunal,  par  son  jugement  rendu  le  21  juillet,  a  donné  gain  de 
cause  à  M.  et  MUr  Brisson,  sur  cette  première  discussion,  et  s'est 
déclaré  compétent. 

Les  défendeurs  ont  immédiatement  fait  appel. 

Son  «  Journal  ».  —  Notre  ami,  M.  Ernest  Brisson,  petit-fils  de 
Mercier  du  Rocher  et  propriétaire  des  précieux  manuscrits  laissés 
par  lui,  a  bien  voulu  nous  autoriser  à  publier  les  cahiers,  encore 
inédits,  sur  lequel  le  fougueux  administrateur  de  la  Vendée  inscrivait 
au  jour  le  jour  les  tragiques  événements  dont  il  était  témoin. 

Nous  commencerons  cette  intéressante  publication  dans  notre 
prochain  numéro. 

La  Statue  de  Richelieu.  —  L'idée  émise  par  notre  très  distingué 
collaborateur  M.  Calvet,  dans  le  précédent  numéro  de  cette  Revue, 
d'élever  à  Luçon  une  statue  au  grand  Cardinal,  a  reçu  de  la  presse 
française  tout  entière  le  plus  encourageant  accueil. 

Nos  compatriotes.  —  Nous  sommes  heureux  d'apprendre  que  notre 
éminent  ami,  M.  le  baron  de  Mesnard,  vient  d'hériter  de  la  terre  de 
l'Isle-Bernard,  près  de  Talmont,  possédée  par  sa  famille  au  commen- 
cement du  XVe  siècle. 

Un  de  ses  ancêtres  fut  nommé,  en  1421,  par  le  Dauphin  (depuis 
Charles  V1I1),  gouverneur  de  Talmont,  pendant  la  guerre  contre  les 
Anglais. 

M.  le  baron  de  Mesnard,  fidèle  aux  traditions  patriotiques  de  sa 
famille,  a  adressé,  en  1863  et  en  1868,  étant  attaché  au  département 
des  affaires  étrangères,  aux  ministres  d'alors,  des  Mémoires  en  fa- 
veur d'une  alliance  avec  la  Russie  et  en  réfutation  de  l'idée  de  la 
conquête  des  bords  du  Rhin  ;  puis  a  envoyé  de  Lisbonne,  où  il  repré- 
sentait la  France  comme  chargé  d'affaires  en  1869,  des  informations 
qui  eussent  empêché,  si  l'on  avait  su  en  profiter,  la  néfaste  candi- 
dature Hohenzollern. 

Les  journaux  de  Paris,  ceux  delà  Lorraine  et  de  Belfort,  ont  déclaré, 
lors  de  la  publication  de  ces  Mémoires,  que  notre  compatriote  ven- 
déen avait  fait  pour  la  diplomatie  l'équivalent  de  ce  que  le  colonel 
Stoffel  avait  fait  pour  l'armée,  et  que  si  ses  conseils  avaient  été 
écoutés,  la  guerre  désastreuse  de  1870  eût  pu  être  évitée  et  Metz  et 
Strasbourg  conservées  à  la  France. 

Archéologie  Vendéenne.  —  Notre  ami  Hubert  de  Fontaines  en  fai- 
sant faire  des  terrassements  à  Sérigny,  près  Foussais,  a  découvert 

TOMB    XII.  —   JUILLET,    AOUT,    SEPTEMBRE  30 


l3C  CHRONIQUE 

un  jeton  en  bronze  au  nom  de  Messire  F.  de  Villemonùée,  chevalier 
seigneur  de  Montaiguillon  et  de  Yillenouxe.  conseiller  d'état  ordi- 
naire et  intendant  de  la  justice,  police,  finances, et  marine  en  Poitou. 
Ce  jeton  porte  la  date  de  1637. 

La  Vendke  qui  s'en  va.  —  On  nous  écrit  des  Essarts  qu'on  est  en 
train  de  démolir  ce  qui  restait  du  Bois-Potuyau,  l'ancienne  demeure 
du  trop  illustre  Guillery. 

La  Sépulture  de  Cavoleau.  —  Nous  avons  dit  dans  notre  précé- 
dent fascicule  que  le  Conseil  Municipal  de  Fontenay  avait  voté  une 
somme  de  deux  cents  francs  pour  édifier  dans  le  cimetière  un  monu- 
ment à  Cavoleau,  administrateur  de  la  Vendée  en  1792-93. 

L'exhumation  des  restes  de  Cavoleau  a  eu  lieu  le  28  juillet,  en  pré- 
sence du  commissaire  de  police  et  de  l'agent-voyer  de  la  ville. 

On  a  retrouvé  dans  la  sépulture  le  crâne  de  Cavoleau  et  quelques 
ossements. 

La  Restauration  de  l'église  Notre-Dame  de  Fontenay.  —  Nous 
apprenons,  au  moment  de  mettre  sous  presse  que  le  projet  de  res- 
tauration de  l'église  Notre-Dame  de  Fontenay  (monument  histo- 
rique) vient  enfin  d'être  approuvé  et  que  les  travaux  seront  très 
prochainement  mis  en  adjudication. 

Congrès  Savants.  —  Le  38e  congrès  des  Socités  Savantes  s'ouvrira 
à  Paris,  le  5  juin  1900.  Le  texte  des  Mémoires  devra  être  parvenu 
avant  le  30  mai  prochain  au  Ministère  de  l'Instruction  Publique. 
Nous  tenons  le  programme  à  la  disposition  de  ceux  de  nos  lecteurs 
qui  voudraient  prendre  part  aux  travaux  de  ce  Congrès. 

—  L'Union  Règionaliste  Bretonne,^  tenu  du  22  au  27  août  à  Vannes 
un  important  congrès  présidé  par  M.  de  Marcère,  sénateur,  président 
de  la  Ligue  nationale  de  décentralisation. 

Notre  ami  R.  de  l'Estourbeiilon,  le  zélé  délégué  général  de  l'Union, 
avait  bien  voulu  nous  y  convier  ;  mais  à  notre  grand  regret  nous 
n'avons  pu  nous  rendre  à  son  aimable  invitation. 

Nous  savons  néanmoins  que  les  multiples  fêtes  inscrites  au  pro- 
gramme ont  été  réussies  de  tous  points,  et  nous  sommes  heureux 
d'en  féliciter  très  vivement  les  organisateurs. 

-  Les  1 er  et  2  août  dernier,  a  eu  lieu  à  la  Roche-sur- Yon  le  premier 
Congrès  de  la  Jeunesse  catholique  de  Vendée  sous  la  présidence  d'hon- 
neur de  Mgr  Catteau  et  sous  la  présidence  elïective  de  notre  ami 
M.  Henri  Bazire,  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris,  président  de  l'As- 
sociation catholique  de  la  Jeunesse  Française. 


CHRONIQUE  437 

M.  Bazire  y  a  éloquemment  expliqué  ie  triple  but  de  l'Association  : 
étude,  piété  et  action.  A  citer  également  les  intéressantes  communi- 
cation de  M.  Camille  Genty,  de  Fontenay,  de  M.  l'abbé  de  Martrin,  de 
M.  Claude  de  Monti  etc.  . 

—  Au  concours  musical  de  la  Rochelle,  les  sociétés  philharmoniques 
de  la  Roche  et  de  Luçon  et  la  Société  Chorale  de  Fontenay  ont  obtenu 
de  nombreux  et  brillants  succès  auxquels  nous  applaudissons  de 
tout  cœur. 

La  Vendée  au  Congrès  de  Biarritz.  —  Au  congrès  international 
des  Pêches  maritimes  qui  s'est  tenu  à  Biarritz,  en  juillet  dernier,  notre 
collaborateur  M.  Amédée  Odin,  président  de  section,  a  éloquemment 
rappelé  dans  un  toast  final,  les  liens  qui  rattachent  les  pêcheurs  sa- 
blais aux  populations  bayonnaises  et  basques. 

«  Ce  furent  en  effet,  les  Basques,  a  dit  M.  Odin,  qui,  les  premiers, 
pratiquèrent  la  pêche  de  la  baleine  dans  le  golfe  de  Gascogne;  de 
Bayonne,  de  Saint-Jean-de-Lutz,  dont  les  municipalités  nous  fai- 
saient, hier,  si  bon  accueil,  et  de  quelques  autres  ports  voisins,  ils 
s'élançaient  à  sa  recherche,  la  poursuivant  d'abord  sur  les  rivages 
d'Aquitaine,  de  Saintonge  et  d'Aunis,  plus  tard,  dans  les  mers  sep- 
tentrionales où  ils  devaient  se  retrouver  avec  les  Normands. 

«  Attirés  par  la  tranquillité  des  eaux  baignant  notre  rivage,  obli- 
gés parfois,  en  fuyant  la  tempête,  de  longer  la  côte  du  Bas-Poitou, 
ils  trouvaient  au  pied  des  dunes  et  dans  le  port  des  donnes,  un  abri 
toujours  sûr 

«  Dès  le  XIe  siècle,  la  maison  de  Mauléon  faisait  souche  dans  notre 
province,  et  par  une  charte  datée  de  1073,  l'un  de  ses  membres,  Sava- 
ry,  concédait  de  nombreux  droits  de  pêche  sur  les  côtes  du  Talmon- 
dais. 

«  Quatre  siècles  après,  les  marins  de  Biscaye  ont  entre  leurs  mains 
le  commerc  )  et  la  grande  pêche  dans  le  golfe  de  Gascogne,  et  de  leur 
attitude  vigilante  ou  armée    dépend   alors  la  sécurité  de  nos  côtes. 

«  Téméraires  jusqu'à  la  mort,  comme  compagnons  de  l'Olonnais 
Jean-David  Naud,  dans  les  mers  des  Antilles,  les  Basques  se  retrou- 
vent encore  parmi  les  hommes  hardis  qui,  sous  la  conduite  du  Sablais 
René  de  Burdigale,  s'illustrent  à  la  Floride. 

-  Toujours  liés  par  affinité  d'origine,  Basques  et  Olonnais  se  livrent 
plus  tard  au  commerce  des  blés,  et  c'est  avec  de  l'or  et  de  l'argent  au 
coin  d'Espagne  que  se  règlent  les  transactions. 

«  C'est  encore  du  fond  de  ce  golfe  de  Gascogne  vers  lequel  chemi- 
nent, depuis  Ouessant,  tant  d'épaves  poussées  par  la  grande  onde  du 
Nord-Ouest,  qu'en  1610  partaient,  triste  contraste,  les  Maures  d'Es- 
pagne. 


438  CHRONIQUE 

«  A  la  faveur  des  ordonnances  d'Henri  le  Béarnais,  ils  franchissent 
les  Pyrénées  ;  des  navires  sablais  transportent  beaucoup  de  ces  infor- 
tunés en  Afrique,  tandis  que  d'autres  venus  surtout  de  l'Aragon,  de 
la  Castille-Vieille  et  de  la  Biscaye,  abordent  sur  les  côtes  du  Poitou. 
Au  nombre  de  200,  ils  se  fixent  aux  Sables-d'Olonne,  retenus  par  la 
douceur  de  son  climat  et  par  la  beauté  de  son  rivage. 

la  population,  généreuse  comme  l'a  toujours  été  la  France  pour 
les  proscrits  de  tous  les  pays  et  de  tous  les  temps,  se  montra  hospi- 
talière envers  les  Maures,  et  cet  accueil  ne  tarda  pas  à  tourner  à 
l'avantage  de  la  marine  sablaise. 

En  échange  des  nouveaux  foyers  qui  s'ouvrent  bientôt  pour  les 
proscrits,  de  la  sympathie  dont  les  entoure  cette  population  qui  a  du 
san^  basque  dans  les  veines,  de  la  curiosité  attachante  que  provo- 
quent les  Maures,  au  récit  fait  dans  un  langage  poétique  et  pittores- 
que, des  splendeurs  de  leur  paradis  de  Grenade,  ces  derniers  ensei- 
gnent au  Sablais  —  n'excellant  alors  que  dans  la  pêche  à  la  senne  et 
aux  cordes  —  la  manière  de  prendre  la  sardine,  selon  l'expression  si 
juste,  à  l'araignée,  méthode  usitée  depuis  lors.  Aussi,  l'an  1610  est- 
il  resté  pour  notre  port  une  date  mémorable,  car  elle  rappelle  qu'aux 
Sables  fut  fondée  ainsi  sans  doute  la  première  de  nos  écoles  profes- 
sionnelles de  pêche. 

C'est  côte  à  côte  avec  les  Basques  que  Rochelais  et  Olonnais  con" 
courent  activement  aux  expéditions  pour  la  pêche  de  la  morue  -,  et  ce 
sont  les  Basques  qui  détinrent  pendant  longtemps,  dans  le  golfe  de 
iiasco<rne,  le  commerce  et  le  transport  par  mer  des  matériaux  spéciaux 
extraits  de  ses  forêts  et  entrant  dans  la  construction  et  le  carénage 
de  nos  navires. 

*  De  ces  époques  où  les  pêcheurs  ne  prenaient  guère  le  temps  de 
publier  leur  histoire,  et  où  il  leur  semblait  préférable  de  décrire  dans 
des  portulans  le  gisement  des  terres,  des  écueils  et  de  reproduire,  au 
naïf,  en  des  images  grossières,  les  amers  des  routes  au  travers  des 
parages  dangereux  :  monnaies  aux  caractères  arabes  ou  aux  armes 
■  l'Espagne,  ossements  de  cétacés  découverts  dans  les  sables  avoisi- 
nant  le  port  ou  exemplaires  du  Coran, habitations  aux  fenêtres  étroites 
aux  cours  intérieures,  armoiries  au  croissant  sculpté,  locutions 
imagées  du  patois  local,  tels  sont  les  rares  témoins,  aux  Sables- 
d'Olonne,  de  ces  siècles  disparus  :  encore  quelques  années,  et  il  n'en 
restera  nulle  trace. 

«  Aussi,  enfant  de  ce  port  sablais  auquel  se  rattachent  tant  de  sou- 
-.  <Tiirs  communs  avec  vous,  de  travaux  côte  à  côte  de  ses  marins  avec 
les  vôtres,  de  dangers  affrontés  ensemble,  je  lève  mon  verre  et  je  bois: 


CHRONIQUE  439 

«  Aux  cités  de  Bayonne,  de  Mauléon  et  de  Biarritz, 

Aux  pays  de  la  Soûle  et  du  Labour, 

Aux  femmes  des  pêcheurs  d'origine  basque,  boulonnaises,  porteloi- 
ses,  granvillaises  et  sablaises, 

Aux  colons  basques  qui  personnifient  si  bien  au  loin  la  France 
laborieuse  et  féconde, 

Aux  Basques  des  deux  versants  pyrénéens.  » 

Notes  d'art.  —  Par  testamment  du  7  décembre  1868,  M.  Gustave 
Renaud,  ancien  magistrat,  a  légué  à  laville  de  La  Roche  son  portrait, 
l'une  des  premières  œuvres  sérieuses  de  M.  Milcendeau. 

—  Notre  regretté  collaborateur,  M.  Alexandre  Bonnin,  a  de  même 
laissé  par  testament  au  musée  de  la  Roche  un  de  ses  meilleurs 
tableaux  représentant  une  Descente  de  justice. 

—  Notre  compatriote  et  ami,  M.  Henri  Boutet,  expose  en  ce  mo- 
ment dans  le  hall  de  la  Société  littéraire  et  artistique,  50  rue  de  la 
Chaussée  d'Antin,  quelques-unes  de  ses  œuvres  (pastels,  dessins 
originaux  et  croquis).  Cette  exposition  est  un  nouveau  succès  pour 
réminent  féministe  qui  a  si  gracieusement  immortalisé  la  Parisienne, 

—  M.  Dimanchin,  sculpteur  aux  Sables,  vient  de  terminer  une 
statue  de  N.-D.  de  Lourdes  destinée  à  être  érigée  prochainement  à 
Croix-de-Vie  sur  le  bord  de  la  mer. 

Dons  d'Archives.  —  Un  négociant  de  la  Rochelle,  M.  Toussaint, 
vient,  au  dire  de  la  Revue  deSaintonge  et  cCAunis{n°  de  septembre), 
de  donner  aux  Archives  départementales  de  la  Charente-Inférieure  des 
documents  inédits  sur  la  Révolution  dans  l'Ouest  et  la  Vendée 

Consécrations  d'églises.  —  Le  23  août  1899,  a  eu  lieu  la  consécra- 
tion solennelle  de  la  nouvelle  église  de  Saint-Michel-en-l'Herm  par 
Mgr  Catteau,  évêque  de  Luçon,  en  présence  d'une  nombreuse  et 
brillante  assistance  parmi  laquelle  :  MM.  l'abbé  Simon,  vicaire  gé- 
néral, le  chanoine  Mercier,  Paul  Le  Roux,  sénateur  de  la  Vendée  et 
bienfaiteur  de  Saint-Michel-en-l'Herm,  Mmes  Alfred  et  Paul  Le  Roux, 
M.  le  marquis  de  la  Grange,  M.  de  Béjarry  sénateur,  M.  Pierre  Re- 
verseau,  le  sympathique  maire  de  Saint-Michel,  etc.. 

Le  nouvel  édifice,  dans  le  style  du  XIIIe  siècle,  est  l'œuvre  de  notre 
distingué  ami  M.  Léon  Ballereau,  architecte  à  Luçon.  Nous  appre- 
nons avec  plaisir  qu'on  y  a  conservé  le  vieil  autel  abbatial  qui 
figurait  dans  la  primitive  église,  —  évocation  artistique  des  pieux 
Bénédictins  qui  fondèrent  Saint-Michel. 

—  M.  Ballereau  construit  présentement  à  la  Garnache  un  impor- 
tant édifice  roman  sur  un  plan  très  original. 


440  CHRONIQUE 

—  L'église  de  Sainte-Flaive-des-Loups,  que  vient  d'achever  M.  Li- 
baudière,  l'excellent  architecte  Yonnais,  a  été  également  consacrée 
le  lor  octobre  par  Mgr.  Catteau,  évèque  de  Luçon. 

M.  Libaudière  est  chargé  en  ce  moment  de  la  construction  de  l'é- 
glise de  la  Mothe-Achard. 

—  Le  6  juillet,  Mgr  Catteau  a  béni  la  première  pierre  de  l'église 
des  Lues,  dont  la  construction  est  confiée  à  M.  Liberge,  architecte  à 
Xa  rites. 

Pour  la.  Patrie.  —  Le  2  juillet,  a  eu  lieu  à  Mouilleron-en-Pareds 
la  remise  solennelle  du  drapeau  à  la  393e  section  des  vétérans  des 
armées  de  Terre  et  de  Mer  de  1870.  M.  le  Sous-Préfet  de  Fontenay, 
qui  présidait  la  cérémonie,  et  M.  le  capitaine  Gobert,  président  de  la 
section, ont  prononcé  à  cette  occasion  des  allocutions  toutes  vibran- 
tes de  patriotisme. 

—  Le  24  septembre  a  également  eu  lieu,  sous  la  présidence  de  M. 
Duclos,  sous-préfet  de  Fontenay,  l'inauguration  du  monument  élevé 
à  la  mémoire  des  enfants  de  Maillezais,  morts  pour  la  patrie  en  1870-71. 
Plusieurs  discours  ont  été  prononcés  par  M.  le  sous-préfet,  M.  Guil- 
lemet, député,  M.  Le  commandant  Guyonnet  et  M.  Malécot. 

Les  vieux  arbres  célèbres.—  A  ajouter  à  la  liste  des  arbres  célèbres 
mentionnés  par  le  Gaulois  du  14  mai  dernier  :  Le  chfne  du  Grand 
Relai  d' Henri  IV,  dans  la  forêt  du  Parc-Soui»ise,  près  Mouchamp  ;  les 
ormes  plantés  par  Sully  à  la  Ghapelle-Themer;  le  chêne  géant  du  châ- 
teau de  la  Girarlie,  près  Serigné,  etc.  — 

Courrier  Musical.  —  Le  27  août  à  l'église  X.-D.  de  Bon  Port  des 
Sables-d'Olonne,  plusieurs  artistes  de  talent  se  sont  lait  entendre. 
M,,,e  G...  a  chanté  à  la  grand'messe  le  célèbre  Agnus  Dei  de  Bizet. 
Aux  vêpres,  M1,e  C .  A ...  a  délicieusement  dit  une  Cantate  à  la  Vierge. 
L'orgue  était  tenu  le  matin  par  M.  Florus-Blanc,  le  distingué  maître 
de  chapelle  des  Sables,  et  le  soir,  par  M.  Joseph  Rousse,  fils  de 
M.  Alfred  Rousse,  dont  on  connaît  l'apprécié  talent  de  compositeur. 
M.  Joseph  Rousse,  qui  s'est  donné  tout  entier  à  la  musique  religieuse, 
s'est  récemment  vu  confier  les  orgues  de  l'église  Saint-Augustin  à 
Paris. 

—  En  l'honneur  des  fêtes  de  l'Assomption,  une  grand'messe  en 
chant  grégorien  avec  musique  classique  a  été  également  célébrée  le 
15  août  en  L'Eglise  X.-D.  des  Sables.  La  maitrise,que  dirige  avec  tant 
d'autorité  et  de  talent  M.  Florus-Blanc,s'y  est  fait  entendre  une  nou- 
velle fois  avec  succès. 

Le  théâtre  en  Vendée.  —  M.  le  docteur  Corneille,  notre  éminent 
confrère  du  Mercure  Poitevin,    a  fait  jouer,  le  24  juillet  dans    le 


CHRONIQUE  441 

merveilleux  parc  de  M.  Baron,  à  Fontenay-le-Comte  sa  tragédie 
d'Erinna,  dont  les  représentations  données  l'an  dernier  à  la  Mothe- 
Saint-Héraye  avaient  eu  un  si  grand  retentissement. 

Cette  fête,  toute  de  bienfaisance,  a  été  couronnée  d'un  plein  succès, 
et  a  été,  pour  les  interprêtes  comme  pour  l'auteur,  une  occasion 
nouvelle  de  chaleureuses  et  méritées  ovations. 

—  M.  Corneille  a  de  même  fait  représenter, le  deuxième  dimanche 
de  septembre,  à  la  Mothe-Saint-Héraye  un  drame  en  3  actes  et  en 
vers,  ayant  pour  titre  :  Par  la  Clémence,  et  pour  lequel  M.  L.  Girau- 
dias  a  écrit  de  nombreux  morceaux  de  musique  vocale. 

Par  la  Clémence  est  une  tragédie  d'une  composition  puissante, 
d'un  style  superbe  qui  met  en  scène  Clovis  au  moment  de  la  bataille  de 
Vouillé  et  montre  avec  une  justesse  historique  parfaite  le  caractère 
à  la  fois  belliqueux  et  sage,  violent  et  réfléchi  du  premier  roi  franc 
adouci  et  rendu  clément  par  un  Ermite  du  pays,  Maxence.A  signaler 
surtout  le  monologue  où  Clovis  dévoile  ses  projets  de  la  fondation 
d'un  grand  État  et  le  récit  de  la  bataille  de  Vouillé,  deux  morceaux 
d'une  admirable  envolée. 

L'interprétation ,  confiée  à  des  amateurs,  a  été  très  convenable.  Notre 
confrère  M.  Huot,  l'habile  collaborateur  de  M.  Lelong  dans  l'organi- 
sation des  Veillées  de  Plaisance,  a  dirigé  la  mise  en  scène  et  joué 
supérieurement  un  des  principaux  rôles.  Ceux  de  femmes  étaient 
tenus  par  des  jeunes  filles  du  pays  qui  ont  étonné  les  spectateurs 
par  leur  grâce  naïve  et  de  réelles  qualités  dramatiques. 

La  partie  musicale  comprenant  des  chœurs,  une  chanson  et  un 
psaume  en  faux-bourdon,  ont  produit,  ces  deux  derniers  morceaux 
surtout,  un  très  grand  effet.  L'auteur,  M.  Louis  Giraudias,  a  su 
trouver  des  motifs  d'une  heureuse  simplicité,  d'un  archaïsme  ingé- 
nieux et  plein  de  charme.  L'exécution  en  a  été  parfaite. 

Des  décors  habilement  brossés  et  plantés  dans  le  feuillage  com- 
plétaient admirablement  le  panorama  charmant  du  Parc  Mothais  et 
s'harmonisaient  avec  les  arbres,  la  terre,  la  verdure  au  point  de 
donner  l'illusion  de  la  réalité  elle-même. 

Dans  l'assistance  que  l'on  peut  estimer  à  1500  personnes,  nous 
avons  remarqué  M.  le  général  Coiffé,  M.  Aymé  de  la  Chevrelière, 
député  des  deux-Sèvres,  M.  le  Sous-Préfet  de  Melle,  M.  A.  Petit, 
conseiller  à  la  Cour  des  Comptes,  MM.  Félicien  Pascal,  J.  de  Biez, 
Sainty,  et  de  nombreux  représentants  de  la  Presse  parisienne  et 
régionale.  . 

La  municipalité  Mothaise  en  s'associant  à  l'effort  du  Docteur  Cor- 
neille a  fait  preuve  d'une  intelligence  et  d'un  goût  artistiques  qui 


442  CHRONIQUE 

lui  font  le  plus  grand  honneur.  Elle  a  réussi  à  créer  à  La  Mothe- 
Saint-Héraye  un  théâtre  populaire  en  plein  air  auquel  nous  pouvons, 
sans  hésiter,  prédire  longue  vie  et  nombreux  succès. 

Nos  collaborateurs.  —  Notre  jeune  et  sympathique  collaborateur, 
M.  Francis  Eon  a  passé  avec  succès  ses  examens  de  licence  en  droit. 

M.  Régis  Brochet,  auquel  on  doit  déjà  plusieurs  pages  d'histoire 
vendéenne  d'un  réel  intérêt,  vient  de  passer  de  même  très  brillam- 
ment son  dernier  examen  de  doctorat  en  droit. 

Nous  apprenons  enfin  que  M.  G.  Lacouloumère  vient  d'être 
attaché  au  Cabinet  de  M.  Roujon,  directeur  des  Beaux-Arts. 

A  tous,  nos  meilleurs  compliments. 

—  Sur  l'avis  du  Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques,  et 
par  décision  ministérielle  du  1er  août  dernier,  M.  René  Vallette  a  été 
nommé  à  nouveau  Correspondant  du  ministère  de  l'Instruction  pu- 
blique en  Vendée. 

Conférences  scientifiques.  —  Le  14,  août  M.  Ch.Letort,  conféren- 
cier connu  déjà  pour  ses  travaux  antérieurs  sur  les  questions 
d'agriculture  et  d'économie  politique,  a  développé  dans  une  conférence 
faite  à  la  Roche-sur-Yon  ce  que  devait  être  le  crédit  agricole  en 
France. 

—  La  séance  générale  de  la  Conférence  d'études  de  l'Institution 
Richelieu  qui  a  eu  lieu  le  3  juillet  à  Luçon,  a  été  présidée  par  notre 
éminent  ami  M.  René  Bazin,  qui  a  prononcé  en  cette  circonstance 
une  allocution  empreinte  d'un  incomparable  charme  littéraire  et 
d'une  grande  élévation  de  pensée. 

Décorations.  —  En  récompense  de  son  dévouement  aux  intérêts 
religieux,  notre  compatriote  M.  Léon  Denéchaud, vient  d'être  par  un 
récent  bref  Pontifical  nommé  Chevalier  de  Saint  Grégoire-le-Grand. 

—  M.  Perchaud,  inspecteur  de  l'enseignement  primaire  à  Luçon, 
vient  aussi  d'être  nommé  Officier  d'académie. 


CARNET  MONDAIN 


Fin  juin  a  été  célébré  dans  l'église  de  Saint-Mathurin  (Vendéo), 
le  mariage  de  M.  Théobald  de  Béjarry,  fils  aîné  de  feu  le  marquis 
de  Béjarry  avec  Mlle  de  la  Roche-Saint-André. 
Les  témoins  du  marié  étaient  :  M.  le  comte  de  Béjarry,  sénateur,  et 
M.  le  vicomte  de  Tinguy  ;  ceux  de  la  mariée,  M.  le  vicomte  de  la  Roc- 
que  La  Tour  et  M.  le  comte  de  Chièvres. 

—  Le  12  juillet  1899  a  été  célébré  à  Fontenay  le  mariage  de  MlleMarie 
GandriauavecM.  Henri  Aucher,  ingénieur  des  Arts  et  Manufactures. 

—  Le  23  août,  en  l'église  Notre-Dame  de  Fontenay  a  été  célébré  le 
mariage  de  M.  Belly,  capitaine  au  12e  dragons,  acheteur  au  dépôt  de 
remonte  de  Fontenay,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  avec 
Mme  veuve  Sorin,  née  Dodart. 

—  Le  23  août  a  été  bénie  en  l'église  Sainte-Radégonde  de  Poitiers 
l'union  de  M.  René  Goguet,  docteur  en  droit,  avoué  près  le  tribunal 
de  la  Roche-sur- Yon  avec  Mlle  Marie  Jozeau,  fille  de  M.  Jozeau  con- 
seiller à  la  Cour  de  Poitiers. 

—  Le  6  septembre,  a  été  célébré  en  l'église  de  la  Châtaigneraie  (Ven- 
dée), toute  resplendissante  de  lumières  et  de  fleurs,  le  mariage  de 
M.  le  marquis  Louis  Aymer  de  la  Chevalerie  avec  Mlle  LIarie  de 
Pontlevoye. 

Cette  brillante  union,  qui  rapproche  deux  des  plus  anciennes  fa- 
milles de  la  noblesse  poitevine  et  vendéenne,  a  été  bénie  par  M.  l'abbé 
Rafin,  curé  de  Bazoges-en-Pareds,  paroisse  de  la  jeune  épouse,  qui 
a  prononcé  à  cette  occasion  une  remarquable  et  touchante  allocution. 

Les  témoins  du  marié  étaient  :  M.  le  comte  Henri  Aymer  de  la  Che- 
valerie, conseiller  général  de  la  Vienne,  et  M.  le  marquis  de  Maupas; 
ceux  de  la  mariée  :  M.  le  baron  de  Lauzon  et  M.  Arthur  de  la  Voûte. 

La  gracieuse  mariée  était  conduite  à  l'autel  par  M.  Hugues  de 
Pontlevoye,  son  père.  Suivaient  :  M.  le  marquis  Louis  Aymer  de  la 
Chevalerie  avec  Mme  la  marquise  de  la  Chevalerie,  sa  mère;  M.  Simon 
de  Pontlevoye  et  Mlle  Aymer  de  la  Chevalerie  ;  M.  Jean  de  Chaudenay 
et  Mlle  Marguerite  Pichard  du  Page;  M.  le  vicomte  de  Villeneuve  et 
MUe  de  Blanchecoudre  ;  M.  de  Beauregard  et  M11"  Blampain  de  Saint- 


•'l44  CARNET    MONDAIN 

Mars  ;  M.  le  comte  Ayiner  de  la  Chevalerie  et  Mme  "Hugues  de  Pont- 
levoye  ;  M.  Bailly  du  Pont  et  Mme  de  Sartre  ;  M.  le  marquis  de  Maupas 
et  M  ""de  Pontlevoye;  M  le  baron  de  Lauzon  et  Mme  Bailly  du  Pont; 
M.  de  la  Voûte  etMm>  de  BuordelaJousselinière-,  M.  du  Hays  et-Mme  la 
baronne  de  Lauzon;  M.  Léonce  de  Pontlevoye  et  Mme  Pichard  du 
Page ,  M .  de  Buor  de  la  Jousselinière  et  M"e  la  comtesse  de  Villeneuve  ; 
M.  le  commandant  de  Sartre  et  M>»e  Léonce  de  Pontlevoye  ;  M.  Pichard 
du  Page  et  M">«  des  Nouhes  de  la  Cacaudière  ;  M.  le  vicomte  d'Auti- 
champet  M°»e  Quentin  Pichard  du  Page;  M.  le  comte  de  Villeneuve  et 
Mm'  de  Blanchecoudre  ;  M.  le  comte  de  Rouault  et  M»*  la  vicomtesse 
'le  Virel  ;  M.  Frappier  et  Mme  la  comtesse  de  Rouault;  M.  des  Nouhes 
de  Robineau  et  M»8  Gabriel  de  Beauregard;  M.  le  comte  Fruchard 
et  Mme  la  vicomtesse  deTudert;  M.  de  Beauregard  et  M"e  Perreau  de 
Launay  ;  M.  le  vicomte  de  Rouault  et  Mme  la  baronne  de  Clock; 
M.  Perreau  ,1e  Launay  et  Mme  de  la  Raillière  ;  M.  le  baron  de  Souville 
et  M»*1  de  Rouault;  M.  Robert  Perreau  de  Launay  et  MUe  de  Roque; 
M.  le  baron  de  Clock  et  M"e  Marie  de  Beauregard  ;  M.  le  lieutenant  de 
Heauregar.l  et  M1"  de  Tudert  ;  M.  Quentin  Pichard  du  Page  et  MUo  de 
laRoulière;  M  le  baron  André  Bohineust  et  MUe  Jeanne  de  Beau- 
regard  ;  etc.  . 

Remarquéen  outre  dans  l'assistance:  marquis  de  Lespinay,  député 
de  la  Vendée,  et  la  marquise  de  Lespinay-,  M.  Henry  de  Beauregard, 
député  des  Deux-Sèvres,  et  Mme  de  Beauregard;  M.  et  Mme  Bry; 
M.  et  Mm*  Henri  Taudière  -,  M.  et  Mme  Roger  Pommeray;  MM.  et  M»"5 
de  Talode  du  Grail  ;  M.,  Mm9  et  M"e  Sabouraud  d'Auzay;  M.  et  M»e  de 
Tinguy;  M.  et  M™8  René  de  Lespinay;  MM.  et  Mmes  Triou,  du  Bouay 
de  Couësbouc,  Mmes  Perreau-,  M.,  Mme  et  MUe  du  Temps;  M.  etMme 
Georges  Bage  de  la  Bruyère  ;  le  chevalier  de  Béjarry-,  MM.  Hénault, 
'h'  la  Kousselière,  de  la  Règle,  de  Beauregard,  Querqui,  René 
Vallette,  etc.. 

A  Tissue  de  la  cérémonie,  un  lunch  par  petites  tables,  excellemment 
servi  dans  le  joli  parc  du  château  du  Pont,  réunissait  les  nombreux 
amis  des  deux  familles. 

Au  Champagne,  M.  le  comte  Aymer  de  la  Ghevalerie,oncle  du  marié, 
a  porté  en  termes  éloquents  un  toast  à  la  santé  des  jeunes  époux. 


NÉCROLOGIE 


M    EUGÈNE   HIPPOLYTE  DE    ROBILLARD  DE  BEAUREPAIRE, 
membre  de  plusieurs  Sociétés  savantes,  décédé  à  Caen,  le 
8  juin  1899  à  l'âge  de  li  ans.  —  Cette  mort  met  en  deuil  la 
famille  de  Lancesseur. 

M.  GIBAUD,  maire  de  Monsireigne,  Officier  d'académie,  décédé  le 
12  juin,  au  Boistifrais  à  l'âge  de  58  ans. 

A  ses  obsèques  qui  ont  eu  lieu  le  14,  plusieurs  discours  ont  été 
prononcés  par  M.  le  pasteur  protestant  de  Pouzauges,  M.  le  secré- 
taire général  de  la  Préfecture,  et  M.  Guillemet,  député  delà  Vendée. 

M.  l'abbé  RENÉ  GUILLÉ,  curé-doyen  de  Mortagne-sur-Sèvre,  décé- 
dé le  24  juin  f  899,  à  l'âge  de  60  ans. 

Mme  HÉLÈNE  DE  RECHIGNE  VOISIN  DE  GURON,  veuve  de  M.  ARIS- 
TIDE DE  REBOUL,  décédée  à  Saint-Jean-d'Angély,  le  24  juin  1899,  à 
l'âge  de  91  ans. 

M.  le  docteur  ANGEARD,  officier  de  l'Instruction  publique,  ancien 
membre  du  conseil  général  de  la  Vendée,  décédé  le  26  juin. 

M >»■»  LOUISE  DEBUREAU,  en  religion  Mère  MARIE-LOUISE  DE  LA 
TRINITÉ,  prieure  du  Carmel  de  Lucon,  décédée  le  27  juin  1899,  à 
l'âge  de  56  ans,  après  35  ans  dévie  religieuse. 

M.  BOURMAUD,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  ancien  conseiller 
général  du  canton  des  Moustiers  les  Mauxfaits,  décédé  fin  juin. 

M.  l'abbé  CHARLES  BENaTIER,  ancien  vicaire  d'Aizenay,  décédé 
à  la  Chaume,  le  1er  juillet  1899,  à  l'âge  de  27  ans. 

M.  JOSEPH-JULES-ERNEST  VERMOT,  conservateur  des  hypothèques 
en  retraite,  ancien  receveur  de  l'enregistrement  à  La  Châtaigneraie 
(Vendée)  et  aux  Sables  d'Olonne,  décédé  à  Saintes,  dans  sa  80e  année, 
le  4  juillet  1899. 

M.  E.  ROBERT,  ancien  conseiller  d'arrondissement,  ancien  agent- 
voyer  des  Sables  d'Olonne,  décédé  aux  Sables  le  10  juillet  1899. 

M.  l'abbé  XAVIER  ARCELIN,  curé  de  Puyravault,  décédé  le  10  juillet 
1899,  âgé  de  54  ans. 

M.  le  Comte  RAYMOND  DE  LÉZARD1ÈRE,  décédé  le  14  juillet  1899, 
au  château  de  Badiole,  à  l'âge  de  58  ans.  Ses  obsèques  ont  eu  lieu  le 
18  juillet,   en    l'église  du  Bourg- sous-la-Roche,  en  présence  d'une 


446  nécrologie 

nombreuse  assistance.  L'inhumation  a  eu  lieu  le  même  jour  à 
Poiroux. 

M.  de  Lézardière  était  veuf  de  M"e  Gabrielle  de  Mesnard,  décédée  il 
y  a  quelques  années. 

Jouissant  d'une  fortune  considérable,  le  regretté  défunt  était  la 
Providence  des  malheureux  de  sa  région. 

M.  le  docteur  BERREZ,  de  l'Hermenault,  décédé  à  Fontehay-le- 
Comte,  le  16  juillet  1899. 

Le  frère  ALLYRE,  professeur  à  l'Institution  Sainte-Marie  à  la 
Roclie-sur-Yon,  décédé  le  24  juillet  1899. 

M.  l'abbé  THÉOBALD  GOICHON,  vicaire  à  Cugand,  décédé  acciden- 
tellement le  1er  août  à  l'âge  de  26  ans. 

Mme  LÉON  de  VILLAINE,  née  CAROLINE  CHAIGNEAU,  décédée 
à  Vouvant,  le  1er  août  1899,  à  l'âge  de  60 ans. 

«  MIue  de  Villaine,  dit  le  Patriote  de  la  Vendée,  pratiquait  la  charité 
à  l'égal  de  la  prière.  Elle  possédait  au  plus  haut  degré  la  délicatesse 
de  sentiments  qui  inspire  les  âmes  généreuses  et  ennoblit  les  cœurs...» 

M.  GUSTAVE  RENAUD,  ancien  président  du  Tribunal  de  Batna, 
décédé  à  Saint-Gilles-sur-Vie,  le  3  août  dernier  à  l'âge  de  80  ans. 

Sous  le  pseudonyme  de  G.  R.  de  la  Maldemèe,  M.  G.  Renaud  avait 
publié  après  sa  mise  à  la  retraite  une  série  de  Contes  très  gaulois. 
En  1897,  une  deuxième  édition  de  ces  contes  a  été  publiée  à  Paris, 
par  les  soins  de  l'Institut  de  Bibliographie. 

Notre  collaborateur  M.  le  docteur  Marcel  Baudouin  a  consacré, 
dans  le  Libéral  de  la  Vendée,  du  27  août  1899,  un  élogieux  article  à 
M    Renaud  et  à  son  œuvre. 

M—  LÉANDRE  BOBINET  DE  LANGLE,  née  LÉONTINE  CHAPLET, 
décédée,  le  7  août  1899,  au  château  de  Brebaudet  dans  sa75me  année. 

Nos  sincères  condoléances  à  notre  ami  Gustave  de  Langle  et  à  sa 
famille. 

Madame  ONÉSIME  CHAIGNEAU,  née  ELISE-AIMÉE  MARTIN  dé- 
cédée à  la  Tourtelière  de  Montournais,  le  15  août  1899,  dans  sa  65e 
année. 

Cette  mort  met  en  deuil  les  familles  Chaigneau,  Clemenceau  de  la 
Loquerie,  Aude,  Landois.  Vallette,  Millochin,  etc.. 

M.  FRADIN,  ancien  maire  de  Sallertaine,  décédé  le  19  août  à  l'âge 
de  39  ans. 

C'était,  dit  le  Publicateur  de  la  Vendée,  un  intrépide  et  courageux 
défenseur  de  l'Eglise  et  de  la  Royauté. 

M"«  EUPHRASIE  DE  MONTALEMBERT  DE  CERS.décédéeâ  laRoche- 
sur-Yon,  le  23  août  1899,  à  l'âge  de  87  ans. 


NÉCROLOGIE  447 

Mmt  JOSEPH  CHÉGU1LLAUMK,  décédée  à  Soullans  à  l'âge  de  23  ans, 
en  août  dernier. 

M.  l'abbé  HENRI-PIERRE  GEAY,  chanoine  honoraire,  supérieur 
du  Petit  Séminaire  des  Sables  d'Olonne,  décédé  le  2  septembre  1899 
à  l'âge  de  60  ans. 

M.  l'abbé  AUGUSTE  GELOT,  curé  des  Clouzeaux,  décédé  le  4  sep- 
tembre à  l'âge  de  49  ans. 

Mrae  AULNEAU,  née  ESGONN1ÈRE  DU  TH1BEUF,  décédée  en  sa 
demeure  du  Chène-Bertin,  le  3  septembre  à  l'âge  de  77  ans. 

«C'était,  dit  le  Publicateur, (n°  du  17  septembre),  sous  la  signature 
de  Fr.  de  Saint-Mesmin  (lisez  M.  l'abbé  Chatryj,  sous  une  frêle  enve- 
loppe, la  femme  forte  et  fidèle  de  la  Sainte-Ecriture,  qui  ne  se  con- 
tentait pas,  comme  la  femme  romaine,  de  rester  à  la  maison  et  de 
tisser  la  laine,  mais  ouvrait  ses  mains  à  V indigent  et  les  abaissait 
vers  le  pauvre...,  une  de  ces  femmes  du  foyer  et  du  temple,  qui 
laissent  après  elles,  un  si  pur  renom  et  un  rayonnement  si  sain  »  ... 
et  sur  la  tombe  de  laquelle  on  pourra  inscrire  «  ces  deux  mots  qui 
emportent  tout  éloge  et  résument  toute  sa  vie  :  C'était  une  âme 
vertueuse...» 

Mme  Aulneau  était  la  mère  de  M.  Paul  Aulneau,  le  très  distingué 
conseiller  général  du  canton  de  la  Châtaigneraie,  auquel  nous  renou- 
velons ici  nos  plus  douloureuses  sympathies. 

M.  l'abbé  PIERRE  JEROME  GÉANT,  curé-doyen  de  Saint-Hilaire- 
des-Loges,  décédé  le  11  septembre  1899  à  l'âge  de  71  ans. 

Mme  HYACINTHE-EUGÉNIE,  LUCILE  PICHARD  DE  LA  CAILLÈRE, 
veuve  de  M.  CHARLES  ROBERT  DU  BOTNEAU,  décédée  à  Fontenay- 
le-Comte,  le  13  septembre  1899,  dans  sa  91e  année. 

«  A  une  énergie  peu  ordinaire,  dit  la  Vendée  (n°,  du  15  septembre), 
à  une  force  de  conviction  inébranlable,  elle  avait  su  allier  une  déli- 
catesse exquise,  une  urbanité  qui  charmaient  tous  ceux  qui  avaient 
l'avantage  de  l'approcher  et  qui  lui  avaient  conquis  les  sympathies 
respectueuses  de  tous  ses  concitoyens...  » 

Nos  condoléances  les  plus  vives  aux  familles  Robert  du  Botneau 
et  de  Tinguy. 

M.  ERNOUL,  ancien  ministre  de  la  justice  du  cabinet  de  Broglie, 
ancien  bâtonnier  de  l'Ordre  des  avocats  de  Poitiers,  commandeur  de 
Saint-Grégoire-le-Grand,  vient  de  succomber  à  Lussac-les-Eglises, 
dans  la  Haute-Vienne,  à  l'âge  de  70  ans. 

Nous  adressons  à  son  gendre,  notre  sympathique  ami,  M.  Gaston 
Sabouraud,  ancien  député  de  la  Vendée,  l'expression  de  nos  plus  cor- 
diales condoléances. 


BIBLIOGRAPHIE 


Notre  éminent  maître  et  ami,  le  R.  P.  de  la  Croix,  vient  de 
faire  paraître,  chez  Alphonse  Picard,  éditeur  à  Paris,  (in  4°  de 
23  pages  avec  planches),  le  cornpte-rendu  des  Fouilles  archéolo- 
giques faites  par  lui  à  Vabbaye  de  Saint  Maur  de  Glanfeuil  (Maine- 
et-Loire)  et  dont  la  Revue  du  Bas-Poitou  a  précédemment  parlé. 

Ce  mémoire  avait  été  d'abord  lu  à  l'Académie  des  Inscriptions  et 
belles-lettres,  dans  la  séance  du  28  avril  1809,  et  avait  valu  à  son 
savant  auteur  de  mérités  éloges. 

—  L'histoire  de  l'armée  de  Condè  de  notre  excellent  confrère  et  ami 
M.  RenéBittard  des  Portes,  secrétaire  général  adjoint  de  la  Société  des 
Études  historiques  de  Paris,  vient  d'être  couronnée  par  l'Académie 
française. 

Nous  adressons  à  son  aimable  et  savant  auteur  nos  bien  vives 
félicitations. 

M.  des  Portes,  que  nous  avons  eu  le  grand  plaisir  de  rencontrer 
cet  été  en  villégiature  aux  Sables  d'Olonne,  travaille  présentement  à 
une  étude  militaire  des  campagnes  de  Charette  en  Vendée,  qui,  sous 
l'autorité  de  sa  plume,  ne  peut  manquer  d'offrir  un  très  vif  intérêt, 
et  dont  nous  espérons  pouvoir  offrir  en  primeur  quelques  pages  aux 
lecteurs  de  la  Revue. 

—  Notre  éminent  collaborateur,  M.  Charles  Farcinet,  ancien  chef 
du  personnel  administratif  au  Ministère  de  l'intérieur,  vient  de  réu- 
nir en  une  élégante  brochure  (grand  in  8"  de  83  pages)  sortie  des 
presses  de  M.  Lafolye,  imprimeur  à  Vannes,  les  multiples  et  savantes 
notices  publiées  par  lui  dans  cette  Revue  sur  l'Ancienne  famille  de 
Lusignan.  Ces  pages,  d'un  intérêt  considérable  pour  l'histoire  du 
Moyen-Age  en  Poitou,  contiennent  notamment  de  précieux  et  inédits 
documents  sur  Geoffroy  la  Grand' Dent. 

—  Sous  ce  double  titre  :  La  terre  qui  vit  —  La  Vendée,  M.  l'abbé 
Kugène  Bossard,  le  savant  professeur  de  l'Université  catholique 
d'Angers,  a  publié,  dans  le  Correspondant,  une  très  intéressante 
étude,  réunie  depuis  en  brochure,  par  Soye,  imprimeur,  18  rue  des 
Fossés  Saint-Jacques,  à  Paris. 


BIBLIOGRAPHIE  '  '■•> 

M.  l'abbé  Bossard,  qui  a  passé  une  partie  de  l'été  à  L'île  d'Yen,  i  u 
a  rapporté  toute  une  moisson  de  précieux  documents,  dont  il  veut 
bien  promettre  la  meilleure  part  à  la  Revue  du  Bas-Poitou. 

—  Parmi  les  volumes  nouveaux  intéressant  l'histoire  de  notre 
région,  citons  :  les  Origines  et  les  responsabilités  de  r  Insurrection 
Vendéenne,  parle  K.  P.  dom  François  Chamard,  prieur  de  l'abbaye 
de  Saint-Martin  de  Ligugé.  (Gr.  in  8",  Arthur  Savaète,  éditeur, 
Pans,  70,  rue  des  Saints-Pères)  ;  Le  Château  de  Machecoul,  drame 
en  trois  actes,  par  Joseph  Rousse,  (Vannes,  librairie  Lafbiye 

—  Nous  avons  reçu  de  notre  distingué  collaborateur,  M.  l'abb'- 
Teillet,  curéd'Antigny,  une  élégante  plaquette  de  45  pages,  sortie  des 
presses  de  M.  Servant-Mahaud,  imprimeur  à  la  Roche-sur- Yon, 
ayant  pour  titre  :  Saint-Martin  des  Noyers  et  Sainte-Agathe  de  la 
Grève. 

C'est  le  fruit  de  consciencieuses  rechercha  qni  complète  d'une 
façon  très  intéressante  la  notice  déjà  consaeiée  à  cette  localité  par 
MM.  Aillery  et  Pontdevie. 

—  De  notre  éminent  compatriote  M.  Edmond  Biré  :  Lemarquis  delà 
Rouerie  et  la  conjuration  Bretonne  (1790- 1793) ,d'après  des  documents 
inédits  par  M.  G.  Lenôtre,  {Gazette  de  France,  du  1er  mai  1899)  ;  — 
Voyages  de  Frédéric  Le  Play  {Univers  du  31  mai). 

—  Dans  le  Mercure  Poitevin,  lire:  la  suite  de  la  savante  étude 
de  notre  excellent  ami  H.  Baguenier  Desormeaux  sur  Bonchamps 
avant  la  guerre  de  Vendée;  la  notice  de  notre  distingué  confrère 
Henri  Glouzot  sur  les  Comédiens  et  auteurs  dramatiques  en  Poitou 
au  XVIIIe  sèicle,  et  la  fin  de  la  charmante  Légende  de  Mélusine  de 
M.  J.  Philippe. 

—  Le  Patriote  de  laVendêe{n° du  30  juillet  1899  et  suivants)  contient 
d'intéressantes  Miettes  d'histoire  île  l'ami  Fontenac  ayant  pour  titre  : 
le  Cabinet  des  Dames  de  Fontenay  en  1814. 

Du  même  :  Les  Garennes  de  Benêt  au  XIII'  siècle  (Patriote  du 
17  août)  ;  Le  Temple  de  Saint- Hilaire  sur  L'Autise  (nu  du  7  septem- 
bre) et  Les  précautions  prises  en  Bas-Poitou  contre  la  peste  du  Portugal 
en  1757  (n°  du  17  septembre). 

—  M.  Mayeux,  libraire  aux  Sables,  vient  de  publier  une  nouvelle 
édition  du  Guide  aux  Sables  d'Olonne  et  aux  environs  de  notre 
excellent  collaborateur  et  ami  Henry  Colins.  Ce  gentil  volume,  qui 
témoigne  une  nouvelle  fois  de  l'aimable  érudition  de  l'auteur  est 
accompagné  de  nombreuses  illustrations. 

—  Notre  confrère  et  ami,  M.  Henri  Clouzot  a  réuni  à  une  petite 
plaquette  de  34  p.,  qui  a  pour  titre  Le  théâtre  à  Fontenay-le-Comle 


450  BIBLIOGRAPHIE 

pendant  la  Révolution,  le  Consulat   et   V Empire,  la  suite  d'intéres- 
sants articles  publiés  par  lui  sous  cette  même  rubrique  dans  VAvenir- 
ndicateur  (Fontenay,  Claireaux,  1899.) 

—  De  M.  l'abbé  F.  Uzureau,  le  savant  aumônier  du  Champ-des- 
Martyrs  d'Angers  :  Variétés  Angevines  et  Vendéennes.  —  Madame 
Turpault  de  Cholet,  fusillée  au  Champ-des-Martyrs,  le  16  avril  1794. 

Angers,  Germain  etGrassin  imprimeurs-éditeurs,  in  8°  de  huit  p.) 

Nous  publierons  dans  notre  prochain  numéro  de  nouvelles  et 
poignantes  pages  de  M. Uzureau,  sur  deux  autres  victimes  vendéennes 
du  Champ-des-Martyrs. 

—  A  signaler  une  nouvelle  et  savante  étude  de  notre  confrère  et 
ami  M.  Léon  Maître,  archiviste  de  la  Loire-Inférieure  :  Saint  Filberh 
sa  vie,  son  Monastère,ses  reliques  et  son  Eglise  de  Grandlieu.  (Nantes 
Imprimerie  Moderne.) 

Deux  chapitres  intéressent  plus  particulièrement  l'histoire  du  Bas- 
Poitou  :  Le  chapitre  II  :  Mort  de  saint  Filbert  à  Noirmoutier,  et  le 
chapitre  III  :  Translation  des  reliques  à  travers  le  pays  d'Eerbauges. 

—  Le  Patriote  de  la  Vendée  publie  sous  ce  titre  :  A  travers  la 
Vendée,  noies  d'histoire  et  d"  Archéologie  une  suite  de  notices  consa- 
crées par  M.  René  Vallette  à  Sainte- Hermine  et  aux  autres  com- 
munes du  canton,  et  extraites  des  Paysages  et  Monuments  du  Poitou 
de  M.  J.  Robuchon. 

—  Notre  excellent  confrère  M.  Emmanuel  Aimé,  directeur  du 
Vendéen  de  Paris,  a  publié  dans  le  n°  de  juin  1899  de  ce  journal,  à 
l'occasion  de  la  bénédiction  de  sa  nouvelle  église,  une  charmante 
notice  sur  VOrbrie,  où  nous  trouvons  reproduite  une  fort  jolie  pièce 
de  vers  de  M.  l'abbé  Pavageau,  ayant  pour  titre:  Un  fait  d'Armes 
inédit  de  Jeanne  d'Arc. 

—  Sous  ce  titre  Poètes  Vendéens,  première  série,  M.  l'abbé  Emile 
Robin,  à  fait  paraitre  (chez  Retaud,  Paris.)  un  volume  in88  de  300,  p. 
contenant  une  série  d'études  de  critique  littéraire  consacrée  à  Crë- 
tineau-Joly,  à  l'abbé  E.  Gonet,  à  André  de  Rivaudeau  et  à  Adrien 
Dtzamy . 

—  De  notre  ami  H.  Renaud,  dans  le  Vendéen  du  17  juin,  sous  le 
pseudonyme  accoutumé  de  Henri  de  la  Maldemée  :  Paysages  et  sou- 
venirs de  Vendée  fsuite).  —  Poiroux  et  les  Lêzardières.  —  Le  vi- 
comte Charles  de  Lêzardière,  d'après  les  notices  de  MM.  Merlandet 
Verger. 

—  A  lire  dans  la  Revue  Poitevine  et  Saumuroise,  de  juillet  1899 
une  .Xote  relative  au  chef  Vendéen  de  Beauvollier  (1799). 


BIBLIOGRAPHIE  451 

—  Très  alertes  et  très  pimpantes  les  jolies  Rimes  Sablaises  que 
M.  Marcel  Béliard  vient  de  réunir  en  une  gentille  plaquette  (Biblio- 
thèque de  la  Plage,  Les  Sables  d'Olonue). 

—  Notre  ami,  M.  Arnold  Mascarel,  ancien  magistrat,  qui  publiait 
naguère  une  très  précieuse  notice  sur  Edouard  Hervé,  l'éminent 
fondateur  du  journal  le  Soleil,  a  fait  paraître  dans  la  Vendée  (sep- 
tembre 1899)  une  savante  critique  littéraire  consacrée  à  l'Histoire  du 
second  Empire  de  M .  de  la  Gorce. 

Du  même,  une  biographie  très  complète  de  M .  Ernoul  ancien 
ministre,  parue  en  octobre  dans  la  Vendée  et  le  Publicateur. 

—  M.  l'abbé  Boutin  continue  dans  ses  très  intéressantes  Chroniques 
paroissiales  l'histoire  mouvementée  de  Tiffauges  et  de  ses  seigneurs. 

—  A  propos  de  Tiffauges,  signalons  également  la  jolie  plaquette 
que  vient  de  lui  consacrer  M.  Louis  Brochet,  sous  ce  titre  :  Tiffauges 
et  Barbe-Bleue  (Nantes,  Salière,  1894). 

Cette  brochure,  dont  nous  reproduisons  par  ailleurs  quelques-unes 
des  très  intéressantes  pages,  est  accompagnée  d'illustrations  nom- 
breuses et  d'un  plan-guide  de  M.  Arsollier,  dont  le  talent  n'a  d'égal 
que  la  parfaite  obligeance. 

—  Nous  recevons  de  M.  Joseph  Rousse,  l'érudit  conservateur  de  la 
Bibliothèque  publique  de  Nantes  une  intéressante  brochure,  sortie 
des  presses  de  notre  ami  Emile  Grimaud,  et  ayant  pour  titre  :  Sou- 
tenir de  famille.  —  Note  sur  Jean  Le  Ray  de  Saint-Mesme,  secrétaire 
du  Roi.  (In-8°  de  8  p.) 

—  De  M.  l'abbé  Géant,  curé-doyen  de  Saint-Hilaire-des-Loges, 
récemment  décédé,  un  petit  volume  d'apologétique  populaire,  intitulé 
A  mes  paroissiens,  et  publié  chez  P.  Gouraud,  Fontenay-le-Comte. 
(In-12  de  250  pages,) 

Bouquinerie  Vendéenne. 

De  la  Revue  des  Autographes  (34  rue  du  faubourg  Poissonnière), 
n°  d'août  1899  : 

34  —  Bouhier  de  Beaumarchais  (Vincent) ,  célèbre  financier  du  règne 
de  Louis  XIII,  beau-père  du  maréchal  de  Vitry,  persécuté  par  Marie 
deMédicis,  à  cause  du  meurtre  du  maréchal  d'Ancre  auquel  prit  part 
son  gendre.  —  Pièce  sig.  avec  une  ligne  aut.  sur  vélin  ;  1611,  1  p. 
in-4,  obi.  Déchirure  à  l'endroit  de  la  signature  :  6  fr. 

Reçu  pour  le  roi  en  sa  qualité  de  trésorier  de  l'épargne,  de  la  som- 
me de  118.175  livres. 

TOMK    XII.   —    JUILLET,    AOUT,    SEPTMBRE  31 


45?  BIBLIOGRAPHIE 

86  —  Dubourg  (le  comte  Fréd.),  célèbre  général,  qui  servit  en  Vendée 
dans  l'armée  royale,  puis  sous  Napoléon  1er;  fait  prisonnier  en 
Russie. 

Il  revint  en  France  et  suivit  Louis  XVIII  àGand  ;  il  s'empara  en- 
suite d'Arras,  dont  il  ferma  les  portes  aux  troupes  de  Napoléon 
comme  aux  Alliés  ;  né  en  1778,  mort  en  1850.  —  Let.  sig.  avec  2  lig. 
aut.  au  général  comte  Gérard  ;  Paris,  1er  août  1830.  2  p.  in-fol.  15  fr. 

Importante  lettre  historique.  Il  remet  aux  mains  de  Lafayette  le 
commandement  dont  ses  concitoyens  l'avaient  investi  parce  qu'il  était 
le  premier  au  danger  :  «  J'ai  été  à  Gand,  cela  est  vrai  ;  mais  si  j'avais 
été  à  Fontainebleau  quand.  Napoléon  y  fut  abandonné,  je  ne  l'aurais 
pas  abandonné,  moi  ! 

Du  même  recueil,  n°  de  Septembre  : 

3.  —  Andigné  (L.-M.-A.-F.,  comte  d'),  général  français,  qui  prit  part 
à  la  guerre  d'Amérique,  l'un  des  plus  énergiques  chefs  vendéens,  il 
s'évada  en  1802  du  fort  de  .Joux  avec  M.  de  Suzannet  ;  né  à  Angers  en 
1765.  —  L.  a.  s.  au  comte  de  Lauriston  ;  Paris,  1823,  1  p.  in-fol.  8  fr. 

Il  recommande  M.  de  la  Jonchère.  Cette  lettre  est  signée  aussi  par 
MM.  de  Sesmaisons,  Duplessis  de  Grènêdan,  Le  Besche  de  Champsa- 
vin,  le  marquis  de  Vill^franche,  etc. 

Belliard  (Aug. -Daniel,  comte),  brave  général  de  la  République  et 
de  l'Empire,  qui  se  distingua  en  Italie  et  en  Egypte,  né  à  Fontenay- 
le-Comte  (Vendée).  —  L.  a.  s.  au  général  Garbé  ;  Munich,  14  fé- 
vrier 1806,  1/2  p.  in-4.  Légère  déchirure.  4  fr. 

Brumauld  de  Beauregard  (Jean),  évêque  d'Orléans,  grand  vicaire 
de  Luçon,  il  resta  en  Vendée  durant  la  Révolution  et  fut  déporté  à 
Cayenne,  né  à  Poitiers  en  1749,  mort  en  1841.  —  L.  a.  s.  à  la  sœur 
Rosalie  :  Orléans,  1"  juin  1822,  1  p.  pi.  in-4.  Très  belle  et  intéres- 
sante lettre. 

Bussy  d'Amboisb  (Louis  de  Clermont  de),  célèbre  par  ses  duels  et 
ses  aventures  amoureuses,  capitaine  d'Angers  pour  François,  duc 
d'Alençon,  assassiné  en  1577  par  le  comte  de  Montsoreau  et  dont  la 
tragique  aventure  a  donné  lieu  au  roman  plein  de  verve  d'Alexandre 
Dumas,  la  Dame  de  Montsoreau.  —  Let.  sig.  à  Catherine  de  MëdicU, 
régente  en  l'absence  de  Henri  III,  non  revenu  de  Pologne;  Fontenay- 
le-Comte,  (Vendée)  23  sept.  1574),  1  p.  in-fol.  Très  rare.  75  fr. 

Belle  lettre.  Le  capitaine  Nonezan  ayant  été  tué  au  siège  de  Fonte- 
nay,  il  demande  sa  place  de  gentilhomme  de  la  chambre  du  Roi  pour 
le  capitaine  Lavaldaix. 


BIBLIOGRAPHIE  453 

49  Callières  de  Lestang  (P.-J.)i  avocat  au  parlement,  juge  au 
Tribunal  du  17  août,  député  de  la  commune  de  Paris,  en  Vendée, 
mort  en  1795,  —  L.  a.  s.  à  Decroix  ;  Paris,  8  mars  1784,  2  p.  in-8. 
Rare.  8  fr. 

Il  lui  annonce  qu'il  a  recueilli  de  nombreux  documents  sur  Vol- 
taire et  qu'il  va  les  lui  adresser. 

86.  —  Dembarrère  (Jean, comte),  célèbre  général, qui  se  distingua  en 
Vendée  et  en  Italie,  né  à  Tarbes.  —  L.  a.  s.  au  sénateur  Lemercier, 
à  Saumur  ;  Paris,  20  août  1809,  2  p.  1/2  in-4.  10  fr. 

87.  —  Desbureaux  (Ch-Fr., baron), général  français  qui  se  distingua 
en  Vendée,  né  à  Reims.  —  L.  s.  à  M.  Cuzieu-,  Strasbourg,  29  oct.  181  S, 
1  p.  in-4.  3  fr. 

122.  —  Grigny  (Achille-Claude-Marie  de),  célèbre  général  de  la  Ré- 
publique et  de  l'Empire,  qui  se  distingua  en  Vendée,  tué  devant 
Gaète  en  1806.  —  10  let.  aut.  sig.  au  citoyen  Rousselin,  Nantes  et 
La  Rochelle,  an  Vil-an  VIII,  32  p.  in-4  et  in-fol.  vignettes,  30  fr. 

Intéressante  correspondance  militaire.  Il  déplore  la  mort  du  géné- 
ral Hoche  et  lui  communique  un  songe  où  l'ombre  de  Hoche  lui  est 
apparue.  «  Je  voyais  ce  grand  homme  me  sourire  au  milieu  des  dé- 
combres fumants  de  la  Vendée,  inquiet  des  mouvements  des  efforts 
que  je  voyais  faire  aux  royalistes  pour  rallumer  la  guerre  civile,  je 
lui  confie  mon  anxiété,  mes  craintes  -,  mon  héros  voit  les  choses  d'un 
œil  plus  étendu  que  le  mien,  il  me  fait  voir  la  vanité  des  efforts  que 
je  redoute,  il  me  rassure  :  si  tu  veux,  me  dit-il.  bien  servir  la  patrie, 
ne  restreins  point  tes  idées  autour  de  toi,  que  les  idées  d'un  Français 
soient  grandes,  vastes  comme  la  République.  Va  mon  ami,  ne  crains 
point  la  résurrection  de  la  guerre  civile  tant  qu'on  suivra  le  système 
de  modération  duquel  je  vois  avec  plaisir  que  le  gouvernement  régé- 
néré ne  se  départ  point,  de  la  douceur,  de  la  fermeté,  surveille 
seulement  et  ces  brigands  épars  se  dissiperont.  >  Très  curieux  dé- 
tails sur  Bernadotte,  comme  ministre  de  la  guerre,  sur  l'expédition 
d'Irlande,  sur  la  guerre  de  Vendée. 

150.  —  La  Rochejacquelein  (Henri,  marquis  de),  célèbre  homme 
d'Etat  et  orateur  légitimiste.  —  4  l.  a.  s.  ;  9  p.  in-8.  Cachets.  Let- 
tres politiques,  10  fr. 

260.  —  Vivonne  (Charles  II  de),  conseiller  du  roi,  chevalier  de  ses 
ordres,  capitaine  de  50  hommes  d'armes,  sénéchal  de  Saintonge,  sei- 
gneur de  la  Châtaigneraie,  d'Ardelay.  d'Oulmes.  Il  était  fils  de  Char- 


•i54  BIBLIOGRAPHIE 

les  l"  de  Vivonne  et  d'Isabeau  Chabot  d'Aspremont  ;  il  épousa  Renée 
de  Vivonne,  veuve  de  Ponthus  de  Saint-Gelais.  —  P.  s.  ;  Paris, 
7  avril  1588;  in  4.  8  fr. 

Procuration  pour  poursuivre  Charles  Turpin,  seigneur  de  Mont- 
hoiron  (Vienne,  C.  de  Vouneuil)  déjà  saisi  à  la  demande  dudit  Charles 
de  Vivonne. 

Poitou.  —  Pièce  sur  vélin  ;  Noirmoutier,  28  avril  1458,  in-8.  6  fr. 

Quittance  de  Jean  Salefgnac,  lieutenant  de  Noirmoutier,  pour 
Louis  1er  de  la  Trémoille,  des  sommes  qu'il  avait  déboursées  pour 
achat  a  de  deux  grosses  coullevrines...  et  leur  molle  à  faire  leur 
plombées.  » 

R.  de  Thivercay. 


Le  Directeur-Gérant  :  R.  VALLETTE. 


Vannes.  —  Imprimerie  LAFOLYR,  2,  place  des  Lices. 


LA  RENAISSANCE  EN   BAS-POITOU 


L'EGLISE   DE   FENIOUX 


Sur  la  route  de  Parthenay,  entre  Coulonges  les  Royaux  et 
la  forêt  de  Scondigny,  une  bien  modeste  église  rurale 
attire  l'attention  de  l'artiste  et  de  l'archéologue  unique- 
ment par  un  pied-droit  ou  jambage  ayant  dû  soutenir  jadis 
un  arc  plein  cintre  ou  anse  de  panier  destiné,  comme  dans 
l'église  de  Bourneau,  à  recouvrir  un  enfeu.  Nous  soupçon- 
nons fort  l'auteur  ou  les  auteurs  de  la  délicieuse  chapelle  fu- 
néraire de  Bourneau  si  bien  restaurée  par  le  ciseau  du  sculp- 
teur Métivier  et  par  les  soins  de  Me  Edmond  Moller,  d'avoir 
également  travaillé  au  Penioux.  Gomment  et  pour  qui  un  tel 
bijou  architectural,  où  le  sculpteur  a  entassé  les  meilleures 
délicatesses  de  son  ciseau,  peut-il  se  trouver  enfoui  dans  un 
coin  si  oublié  de  tous?  C'est  à  l'historien  qu'il  appartient  de 
soulever  le  voile  qui  recouvre  ce  mystère  ;  pour  nous,  cher- 
cheur plus  modeste,  nous  nous  contenterons  de  décrire  les 
ravissants  entrelacs  ciselés  avec  tant  de  finesse  et  un  si  sa- 
vant modelé,  que  la  pensée  se  reporte  de  suite  au  jubé  de  la 
cathédrale  de  Limoges,  le  chef-d'œuvre  du  genre1. 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit  en  commençant,  l'ensemble  des 
pilastres  et  colonnes  qui  se  trouvent  aujourd'hui   engagés  à 

1  Ces  sculptures  ont  paru  d'un  ordre  tellement  supérieur  à  l'administra- 
tion des  Beaux-Arts  qu'on  les  a  fait  mouler  pour  les  installer  au  Trocadéro 
dans  les  salles  consacrées  h  l'Histoire  du  travail,  section  de  la  Renaissance- 

TOME  XII.  —  OCTOBRE,  NOVEMBRE,  DÉCEMBRE  32 


456  ÉGLISE   DE    FSNIOUX 

l'extérieur  du  mur  de  la  nef  du  l'église  de  Fenioux  côté  de 
l'évangile,  a  dû  servir  de  support  à  une  arcade  ouvrant  sur 
une  chapelle  funéraire  dont  il  ne  reste  plus  que  ces  débris 
qui  suffisent  cependant  pour  donner  une  idée  du  monument 
complet. 

Le  jambage  est  formé  par  trois  pilastres  avec  chapiteaux 
ioniques  sur  lesquels  s'étalent  les  plus  fines  arabesques,  ou 
des  rondelles  superposées.  Les  bustes  des  Pères  de  l'Eglise, 
grandeur  nature,  surmontent  ces  pilastres.  Dans  leur  entre- 
deux l'ornemaniste  a  sculpté  des  F  fleuronnés  avec  bande- 
rolles,  au-dessous  un  Samson  étouffant  le  lion,  que  l'on 
retrouve  aussi  à  Bourneau  ;  puis  à  la  base  des  emblèmes 
mortuaires  tels  que  têtes  de  mort,  tibias  entrecroisés,  le  tout 
relié  par  des  arabesques  et  rubans  plissés.  Mais,  ce  qui  mérite 
le  plus  d'attirer  l'attention,  ce  sont  les  deux  colonnes  avec 
bagues  moulurées  au  tiers  de  leur  hauteur  qui  sont  appli- 
quées sur  les  pilastres  les  plus  larges.  Ces  deux  colonnes  ont 
dans  toute  leur  longueur  le  fût  recouvert  de  la  plus  délicieuse 
ornementation  qu'il  soit  possible  de  concevoir  ;  l'exécution 
ne  le  cède  en  rien  à  la  composition.  Les  superbes  colonnes 
qui  encadrent  à  Solesmes  la  pâmoison  de  la  Vierge  ne  sau- 
raient lutter  avec  l'incomparable  perfection  de  celles  de  l'en- 
feu  du  Fenioux.  C'est  de  1520  à  1525  que  ce  beau  travail  a  dû 
être  exécuté.  Pourrait-on  l'attribuer  à  Jacques  Goiraud  de 
Montaigu  qui  dans  une  chapelle  absidale  de  N.-D.  de  Fonte- 
nay  a  laissé  un  rétable  d'une  donnée  identique  ?  Je  n'oserais 
l'affirmer;  il  ne  saurait  non  plus  être  l'œuvre  des  artistes 
qui  ont  élevé  le  château  de  Coulonges  de  1542  à  1568,  ce  n'est 
ni  le  même  faire,  ni  le  même  style. 

Dans  tous  les  cas,  le  peu  qui  reste  de  ce  beau  monument 
funéraire  fait  le  plus  grand  honneur  à  celui  qui  l'a  composé 
et  exécuté. 

Terre-Neuve,  1 2  janvier  1900. 

0.    DE  ROGHEBRUNE. 


LES    ORIGINES 


DE    LA 


GUERRE    DE    VENDEE 


NOTES  DE   PSYCHOLOGIE  HISTORIQUE 


C'est  à  coup  sûr  un  des  problèmes  les  plus  obscurs 
de  notre  histoire  nationale  que  ce  soulèvement  général 
de  toute  une  province,  que  cette  insurrection  de  plusieurs 
années  si  souvent  victorieuse,  mais  toujours  défensive,  et  dont 
aucun  historien  n'a  pu  établir  la  genèse  exacte. 

Que  n'a-t-on  point  écrit  sur  ce  sujet  !  Que  d'articles,  de 
brochures,  de  volumes  entiers  même  ont  tenté  de  donner  une 
solution  acceptable,  sans  y  parvenir  jamais.  Il  semble  que 
ces  luttes  soient  aussi  difficiles  à  expliquer  qu'elles  le  furent 
à  faire  cesser.  C'est,  je  crois,  que  l'on  tend  à  donner  trop  de 
place  aux  textes  sur  le  terrain  historique  :  si  la  chronologie 
qu'ils  établissent  est  la  base  de  l'histoire,  ils  sont  le  plus  sou- 
vent impuissants  à  marquer  l'enchaînement  vrai  des  évé- 
nements. 

Rarement  écrits  avec  impartialité,  souvent  contradictoires 
dans  leurs  développements,  ils  égarent  le  curieux,  et  l'histo- 
rien doit  les  soumettre  à  une  critique  sévère.  On  oublie  trop 
qu'il  est  une  philosophie  de  l'histoire,  et  que,  si  parfois  la 
suite  des  événements  dépend  de  la  volonté  de  quelques 
hommes,  le  plus  souvent  elle  découle  naturellement  des 
circonstances  physiques  et  psychologiques  du  moment. 


458  LES   ORIGINES   DE    LA    GUEKRfc:    DE   VENDÉE 

Je  voudrais  appliquer  cette  méthode  à  cette  question  de  la 
guerre  de  Vendée.  Les  textes  ne  nous  disent  rien  de  ses  ori- 
gines vraies,  parce  qu'ils  ne  se  préoccupent  pas  de  la  période 
antérieure  aux  premières  étincelles  de  la  conflagration,  mais 
ce  silence  même  montre  combien  l'insurrection  a  découlé 
naturellement  de  l'état  d'esprit  de  la  Vendée  toute  entière. 

Il  nous  faut  donc  tout  d'abord  rechercher  ce  qu'étaient  la 
Vendée  et  le  Vendéen  aux  premières  années  de  la  Révolution. 

La  Vendée,  je  me  place  il  y  a  cent  ans,  se  divisait  en  deux 
parties  fort  distinctes  :  le  Bocage  et  le  Marais.  Le  Bocage, 
très  accidenté,  très  boisé,  et  coupé  par  d'étroits  vallons,  est 
encore  rendu  plus  impraticable  par  une  coutume  séculaire  de 
ses  habitants.  Chaque  champ,  et  la  plupart  n'ont  point  une 
étendue  considérable,  chaque  champ  est  entouré  d'une  sorte 
de  parapet  en  terre  et  est  séparé  des  champs  voisins  par  un 
fossé  étroit  et  profond.  Ces  parapets  qui  n'ont  pas  moins 
parfois  de  six  pieds  de  hauteur,  sur  autant  de  largeur,  sont 
couverts  d'abres  étêtés,  dont  le  pied  se  perd  dans  d'épais 
buissons  :  ce  qui  borne  extrêmement  la  vue  et  rend  les  com- 
munications fort  difficiles,  en  faisant  du  pays  tout  entier  une 
vaste  suite  de  fortifications.  Ce  n'est  point  du  reste  dans  un 
but  de  défense  contre  leurs  semblables  ,  que  de  tout  temps 
les  Vendéens  ont  élevé  ces  solides  remparts.  C'est  plutôt  par 
une  nécessité  climatologique. 

On  en  trouve  la  preuve  dans  ce  fait  qu'une  autre  contrée, 
placée  dans  des  conditions  identiques,  la  pointe  occidentale  de 
l'Angleterre,  présente  une  frappante  conformité  d'usage. 

Non  moins  inaccessible,  bien  que  par  d'autres  moyens,  est 
le  Marais.  Ici,  ce  ne  sont  plus  des  haies  vives  qui  vous  arrê- 
tent presque  à  chaque  pas,  mais  de  larges  canaux  bordés 
d'aubiers  ou  de  saules.  Les  paysans,  du  reste,  ont  pour  se 
transporter  d'un  point  à  un  autre  des  nioles,  sorte  de  pirogues 
indispensables  en  une  telle  contrée. 

A  première  vue,  on  comprend  que  la  résistance  ait  été 
facile  en  un  tel  pays.  Il  est  plus  difficile  de  déduire, de  la  topo- 


LES  ORIGINES  DE  LA  GUERRE  DE  VENDÉE        459 

graphie  de  la  Vendée  et  du  caractère  du  paysan  vendéen, 
deux  choses  intimement  liées,  les  causes  même  de  cette 
grande  guerre.  C'est  pourtant  le  but  audacieux  que  je  me 
suis  proposé  en  étudiant  cette  question. 

Il  est  universellement  admis  aujourd'hui  que  le  caractère 
d'un  peu  pie  dépend  des  degrés  de  latitude  et  de  longitude  sous 
lesquels  il  est  placé,  et  des  communications  plus  ou  moins 
faciles  avec  ses  voisins.  Nulle  part  mieux  qu'en  Vendée,  cette 
vérité  ne  se  trouve  évidente.  Sans  cesse  caressée  par  la  forti- 
fiante douceur  du  vent  de  mer,  la  Vendée  a  vu  naître  une  po- 
pulation énergique  et  résignée  :  séparé  des  provinces  voisines 
par  la  difficulté  des  routes,  le  Vendéen  a  gardé  intacte  son 
originalité  de  caractère. 

Tandis  q  je  presque  toutes  les  provinces  étaient  agitées  par 
le  courant  d'idées  philosophiques  qui  devait  amener  la  Révolu- 
tion, tandis  que  du  nord  au  midi  de  la  France,  bourgeois  et 
paysans  —  les  premiers  surtout  —  proclamaient  l'iniquité  des 
privilèges,  la  Vendée  restait  impassible,  offrant  le  curieux 
spectacle  d'un  peuple  primitif,  si  primitif  même,  qu'il  ne 
songe  pas  à  changer  sa  manière  de  vivre,  au  sein  d'une  nation 
travaillée  par  mille  espérances  de  bonheur. 

Certes,  ces  bruits  de  liberté, d'égalité, étaient  venus  jusqu'en 
Vendée,  mais  l'intelligence  du  paysan  vendéen,  que  n'avait 
pas  affiné  le  contact  journalier  des  autres  hommes,  était  inca- 
pable de  comprendre  ces  innovations  hardies  :  pour  lui  la 
tradition  était  la  loi  suprême  de  ses  actes  :  le  critérium  absolu 
du  juste  et  du  vrai.  Il  avait  vu  ses  pères  user  de  probité  dans 
leurs  rapports  avec  leurs  voisins:  de  là  lui  venait  une  honnê- 
teté native  et  irréfléchie  ;  ses  aïeux  lui  avaient  fourni  de  nom- 
breux exemples  de  piété  ;  il  était  religieux,  superstitieux 
même  parce  qu'il  ne  raisonnait  point  ses  croyances.  Enfin,  il 
avait  toujours  entendu  parler  du  roi  avec  vénération  et  il  ne 
pouvait  comprendre  qu'une  autre  forme  de  gouvernement  que 
la  Monarchie  lui  apportât  plus  de  jouissances. 

Du  reste,  la  situation  des  paysans  vendéens,  il  est  bon  de  le 


4'0  LES    0RIG1NKS    DE    LA    GUERRK    DHJ    VENDÉE 

dire,  était  peut-être,  sous  l'ancien  régime,  plus  facile  que  celle 
des  autres  travailleurs  en  France.  Leur  aisance  était  bien  mo- 
deste, souvent  même  elle  confinait  à  la  misère,  mais  ils  ne 
souffraient  pas  de  l'insolence  hautaine,  qu'à  tort  ou  à  raison 
on  a  reprochée  aux  ordres  privilégiés  :  tout  au  contraire,  le 
paysan  vendéen  avait,  de  tout  temps,  été  mêlé  aux  plaisirs  de 
ses  seigneurs.  S'asseyantà  leur  table  et  partageant  avec  eux 
les  joies  et  les  dangers  de  la  chasse,  il  ne  voyait  en  eux  que 
des  frères  dignes  d'une  respectueuse  déférence.  Il  se  serait 
volontiers  dévoué  pour  eux,  parce  que  jamais  ils  n'avaient 
froissé  son  amour  instinctif  de  la  liberté. 

Il  ne  faudrait  pourtant  pas  croire,  comme  l'ont  fait  certains 
historiens,  que  ce  dévouement  aux  nobles  a  été  la  cause  de  la 
guerre,  en  d'autres  termes  que  le  soulèvement  a  été  provoqué 
par  les  seigneurs.  Il  est  bon  de  se  rappeler  l'aphorisme  de 
Sully,  auquel  la  Vendée  de  1793  a  fourni  une  preuve  éclatante  : 
«  Les  peuples  ne  se  révoltent  pas  pour  attaquer,'  mais  parce 
qu'ils  sont  las  de  souffrir  ». 

Non,  ce  ne  sont  pas  les  vexations  dont  étaient  accablés  les 
nobles,  ce  n'est  point  le  spectacle  de  l'odieuse  conduite  des 
sans-culotte  à  leur  égard,  qui  pouvaient  déchaîner  en  Vendée 
une  levée  générale  de  boucliers.  L'échec  des  projets  de  La 
Rouerie  et  du  prince  de  ïalmont,  les  brillants  promoteurs  de 
la  confédération  poite vine, est  parfaitement  expliquable  psycho- 
logiquement. Le  Vendéen,  très  sensé  dans  son  égoïsme,  ne 
pouvait  se  résoudre  à  sacrifier  le  bonheur  relatif  dont  il  s'était 
jusqu'alors  contenté  d'autant  plus  que  sa  timidité  excessive  le 
portait  à  douter  des  autres  et  de  lui-même.  Aussi  se  fut-il  bien 
gardé  de  sortir  de  sa  prudente  neutralité,  si  les  assemblées  à 
Paris  n'avaient  édité  une  suite  de  mesures  de  plus  en  plus 
oppressives  qui  réveillèrent  peu  à  peu  l'énergie  un  peu  inerte 
des  Vendéens  et  finalement  provoquèrent  le  soulèvement 
général. 

C'était  sans  grand  enthousiasme  que  les  Vendéens  avaient 
vu   s'ouvrir  les  Etats  généraux.  Et  leurs  cahiers,  —  surtout 


LES  ORIGINES  DE  LA  GUKRRK  DR  VHNDRK         4(51 

ceux  des  campagnes  —  ne  demandaient  guère  que  le  statu 
quo. 

Aussi  furent-ils  fort  mécontents,  lorsque,  dans  les  premiers 
jours  de  décembre  1790,  ils  apprirent  que  la  Constituante 
avait  décrété  la  constitution  civile  du  clergé.  Us  n'y  voyaient 
qu'une  rupture  avec  les  anciens  usages,  qui  révoltait  leurs 
consciences.  Pour  eux,  leur  véritable  pasteur  était  le  prêtre 
non  assermenté  qu'ils  connaissaient  et  vénéraient.  Le  prêtre 
assermenté  était  un  intrus,  que  l'on  laissait  seul  dans  l'église, 
où  la  force  publique  l'avait  installé,  pour  aller  religieusement 
assister  au  Saint  Sacrifice  dans  la  grange  d'une  métairie,  dans 
la  solitude  des  genêts,  parfois  même  en  pleine  mer!  Souvent 
même  on  répand  de  mauvais  bruits  sur  V  «  intrus  »  :  c'est 
ainsi  qu'à  la  Poitevinière,  les  habitants  sont  persuadés  que 
leur  nouveau  curé  est  une  fille  de  mauvaise  vie  déguisée,  et 
tous  s'écartent  de  lui  avec  horreur,  épouvantés  d'un  tel 
sacrilège. 

Il  est  facile  de  comprendre  que  les  paysans,  ainsi  froissés 
dans  leurs  sentiments  les  plus  élevés,  aient  nourri  contre  les 
«  patriotes  »  des  sentiments  de  haine,  cachés  mais  profonds. 

Cette  haine,  l'Assemblée  Législative  puis  et  surtout  la 
Convention  semblèrent  prendre  à  tâche  de  l'exciter  jusqu'à 
provoquer  une  terrible  explosion. 

La  tranquillité  résignée  avec  laquelle  prêtres  et  paysans 
accueillirent  cette  constitution  civile  du  clergé,  qu'ils  détes- 
taient pourtant,  leur  fut  imputée  comme  crime  :  au  nom  de  la 
liberté,  les  sans-culotte  proclamèrent  la  culpabilité  des  Ven- 
déens, non  pas  précisément  pour  avoir  déserté  les  églises, 
mais  pour  n'accepter  dans  leurs  pratiques  religieuses  d'autre 
ministère  que  celui  des  prêtres  réfractaires.  «  11  serait  grand 
temps,  s'écrie  Dumouriez  dans  une  lettre  du  2  septembre 
1791,  que  l'Assemblée  prononçât  sur  cette  matière  importante 
et  qu'il  y  eut  une  loi  uniforme  pour  tout  le  royaume  I  » 

Ce  qu'eut  étéjcette  loi,  nous  ne  le  pouvons  point  savoir,  l'As- 
semblée Nationale  probablement  par  négligence,  car  elle  n'en 


162  LES    ORIGINES    DE    LA    GUERRE    DE    VENDÉE 

était  point  à  reculer  devant  ane  responsabilité  morale,  si 
lourde  fût-elle,  préféra  laisser  au  directoire  de  chaque  dépar- 
tement le  soin  de  régler  la  condition  des  prêtres  réfractaires 
de  leur  ressort.  C'est  ainsi  que,  le  1er  février  1792,  le  directoire 
du  Maine-et-Loire  enjoignait  à  tous  les  prêtres  non  asser- 
mentés de  venir  se  fixer  à  Angers  et  d'y  résider,  sans  s'en 
éloigner  de  plus  d'une  demi-lieue,  à  peine  d'emprisonnement. 
Lps  municipalités  étaient  tenues  d'assurer  l'exécution  du 
décret  sous  les  mêmes  peines, et  quiconque  cacherait  un  prêtre 
réfractaire  serait  incarcéré. 

Il  semble  que  ce  devait  être  le  moment,  où  la  persécution 
définitive  s'organisait,  que  les  prêtres  auraient  dû  choisir  pour 
soulever  et  enrégimenter  les  paysans  ;  car  c'était  une  occasion 
unique  assurément  et  le  moindre  retard  pouvait  nuire  à  leurs 
intérêts.  Eh  bien  !  non  !  si  les  prêtres  non  assermentés  ne  vin- 
rent point  à  Angers  ;  il  faut  le  reconnaître,  si  quelques-uns 
même  prêchèrent  la  guerre  sainte,  l'immense  majorité  du 
clergé  vendéen  recommanda  la  résignation  à  ses  ouailles  in- 
dignées. La  plupart  même,  songeant  aux  tristes  conséquences 
d'une  lutte  des  paysans  sans  armes  contre  les  régiments  dis- 
ciplinés des  républicains,  émigrèrent  bien  plus  pour  éviter 
tout  conflit  que  pour  sauver  leur  tête.  Tous  ceux  qui  restèrent 
en  Vendée,  traqués  et  poursuivis  sans  merci  par  les  bleus,  en- 
seignaient par  leur  exemple  aux  habitants  du  Bocage  la 
charité  et  le  pardon  des  injures. 

La  preuve  flagrante  que  les  paysans  ne  songeaient  aucune- 
ment à  réclamer  le  libre  exercice  de  leurs  droits, les  armes  à 
la  main,  se  trouve  dans  le  rapport  officiel  à  la  Convention  de 
deux  commissaires  en  Vendée  :  Gensonné  et  Gallois.  Le  gou- 
vernement les  y  avait  envoyés,  inquiet  de  l'impassibilité  etde 
l'énergie  des  paysans  etde  ce  mot  de  Dumouriez:  «  Si  je  vou- 
ais faire  la  guerre  civile  en  France,  ce  serait  la  Vendée  que 
je  choisirais. 

La  grande  question  était  évidemment  alors  celle  des  prêtres 
réfractaires  ;  le  rapport  s'en  occupe  longuement  et  mentionne 
exactement  l'état  des  esprits. 


LES    ORIGINES    DE    LA    GUERRE    DE    VENDÉE  463 

«  Toutes  les  municipalités,  dit-il,  énonçaient  le  môme  vœu  : 
Celles  dont  les  curés  avaient  été  remplacés  nous  redeman- 
daient le  retour  de  ces  prêtres  ;  celles  dont  les  curés  non- 
assermentés  étaient  encore  en  fonction  nous  demandaient  de 
les  conserver.  «  Nous  ne  souhaitons,  disaient-elles  unanime- 
ment,d'autres  grâces  que  d'avoir  des  prêtres  en  qui  nous  ayons 
confiance  ».  —  Certaines  même  offraient,  pour  obtenir  cette 
faveur,  de  payer  le, double  de  leurs  impositions  ». 

Et  plus  loin  : 

«Nous  devons  dire  que  ces  mêmes  hommes,  qu'on  nous 
avait  peints  comme  des  furieux  sourds  à  toute  espèce  de  rai- 
son, nous  ont  quitté  l'âme  remplie  de  paix  et  de  bonheur 
lorsque  nous  leur  avons  fait  comprendre  qu'il  était  dans  les 
principes  de  la  Constitution  nouvelle  de  respecter  la  liberté 
des  consciences.  » 

Mais,  de  ces  promesses  faites  par  ses  délégués,  la  Conven- 
tion n'avait  cure.  Les  commissaires  rentrèrent  à  Paris  et  les 
paysans  attendirent  vainement  la  réalisation  des  promesses 
dont  on  les  avait  leurrés. 

Si  j'ai  parlé  de  la  mission  de  Gallois  et  de  Gensonné,  que  la 
plupart  des  historiens  mentionnent  à  peine,  c'est  que  je  lui 
attribue  une  influence  prépondérante  sur  le  soulèvement. 
Après  le  départ  des  Conventionnels,  le  bruit  de  leurs  promes- 
ses s'étant  répandu,  les  Vendéens  respiraient  et  attendaient 
avec  confiance  le  décret  qui  devait  arrêter  l'odieuse  persécu- 
tion des  prêtres.  Supposez  qu'à  ce  moment  la  Convention  ait 
eu  la  sagesse  d'abandonner  aux  paroisses  le  libre  choix  de 
leurs  pasteurs,  de  même  qu'elle  laissait  les  communes  élire 
leurs  magistrats, il  esttrès  probable  que  les  Vendéens  auraient 
accepté  le  nouveau  gouvernement  ;  et,  si  malgré  tout  des 
rebellions  avaient  éclaté  devant  l'enrôlement  forcé  et  l'exil, 
ces  révoltes  toutes  individuelles  n'auraient  point  entraîné  un 
soulèvement  général  et  une  guerre  de  plusieurs  années. 

Mais  la  Convention  ne  pouvait  faire  une  loi  pour  chaque 
province  ;  et,  du  reste,  ses  séances  étaient  alors  remplies,  par 


464  LES    ORIGINES    DE   LA    GUERRE    UK    VENDÉE 

une  discussion  autrement  passionnante  que  les  réclamations 
et  les  droits  d'une  fraction  du    peuple  :    par  le  procès  du  roi. 

Nous  sommes,  en  effet,  arrivés  à  la  fin  de  l'année  1792  et 
nous  touchons  à  la  crise.  A  partir  de  ce  moment  les  événe- 
ments se  précipitent. 

Les  paysans  supportaient  de  plus  en  plus  difficilement  les 
outrages  dont  les  bleus  accablaient  leurs  prêtres,  maintenant 
qu'ils  savaient  ces  vexations  condamnées  au  nom  des  princi- 
pes nouveaux.  Chaque  jour  ils  attendaient  le  décret  libéra- 
teur, mais  chaque  jour  ne  ramenait  que  les  mêmes  bandes  de 
patriotes  pillards,  et  que  les  mêmes  perquisitions  odieuses. 
Peu  à  peu  ils  comprirent  qu'on  les  avait  oubliés  ou  plutôt  que 
l'on  s'était  joué  d'eux.  Car  ces  hommes  réfléchis  ne  pouvaient 
imaginer  qu'un  représentant  de  l'autorité  oubliât  sa  promesse 
solennelle  sur  une  si  importante  question,  et,  jugeant  des 
Conventionnels  d'après  eux-mêmes,  ils  considéraient  leur 
silence  comme  une  déloyauté  qui  les  révoltait. 

C'est  à  ce  moment  que,  pour  la  première  fois,  l'indignation 
universelle  se  traduit  sur  quelques  points  par  une  résistance 
à  main  armée.  Ces  faits,  à  la  vérité,  sont  rares,  et  n'ont  géné- 
ralement ni  suite,  ni  lien  entre  eux;  ils  sont  cependant  très 
importants  à  noter,  car  ils  montrent  que  la  haine  des  Vendéens 
pour  la  république  est  à  son  comble.  Et  pourtant,  c'est  à  ce 
moment,où  l'exaspération  grandissait  chaque  jour,  que  se  ré- 
pandit en  Vendée  la  plus  stupéfiante  nouvelle.  On  savait  que, 
non  contente  de  renverser  un  trône  qui  lui  portait  ombrage,  la 
Convention  avait  enfermé  au  Temple  le  roi  et  sa  famille.  On 
savait  que  le  malheureux  monarque  avait  comparu  à  la  barre 
de  la  terrible  assemblée.  Le  bruit  de  sa  condamnation  s'était 
même  répandu,  mais  les  campagnes  de  Vendée  n'y  avaient 
point  ajouté  foi.  Nul,  parmi  ces  hommes  qui  avaient  toujours 
entouré  le  roi  de  la  plus  profonde  vénération,  ne  pouvait 
croire  à  un  pareil  sacrilège.  C'en  était  un  pour  eux  que  de  dé- 
créter la  mort  d'un  prince  qu'ils  regardaient  comme  désigné 
par  Dieu  lui-même  pour  gouverner  la  France. 


LES    OH1CINES    \)K    LA.    fiUEKKK    IJE    VENDÉE  465 

Aussi,  lorsqu'à  la  fin  de  janvier  1793,  le  directoire  du  dépar- 
tement fit  afficher  et  annoncer  par  le  crieur  public  la  nouvelle 
et  les  détails  principaux  de  l'exécution,  la  Vendée  entière  fut 
frappée  de  stupeur.  Les  paysans  se  demandaient  avec  crainte 
quel  châtiment  divin  atteindrait  les  régicides,  et  la  vue  d'un 
bleu  leur  inspirait,  non  plus  seulement  de  la  haine,  mais  de 
l'horreur.  Pour  eux,  c'étaient  toujours  les  soldats  qui  avaient 
présenté  les  armes  au  moment  où  tombait  le  sacrilège  cou- 
peret, c'étaient  toujours  les  tambours  qui  avaient  battu  aux 
champs,  pour  couvrir  les  dernières  paroles  de  la  victime. 

Songez  quelles  durent  être  les  pensées  des  Vendéens,  lors- 
que le  décret  de  la  Convention  du  24  février  1793  les  mettait, 
un  mois  plus  tard,  en  demeure  de  revêtir  l'uniforme  détesté, 
et  de  marcher  autour  de  ce  drapeau  dont,  les  trois  couleurs  ne 
leur  rappelaient  que  l'écharpe  dont  s'autorisaient  les  plus  ar- 
dents persécuteurs  des  prêtres. 

Aussitôt  que  le  décret  fut  connu,  les  jeunes  gens  appelés 
se  réunirent  et  décidèrent  de  résister  à  cette  nouvelle  oppres- 
sion. 

Ils  avaient  pu  supporter  patiemment  bien  des  vexations, 
mais  ils  ne  voulaient,  à  aucun  prix,  agir  au  profit  de  leurs  en- 
nemis; puisqu'il  leur  fallait  sortir  de  leur  inertie  résignée, 
mieux  valait  lutter  contre  les  sans-culotte.  «  Nous  aimons 
mieux,  disaient-ils,  mourir  en  Vendée,  que  d'aller  aux  frontiè- 
res défendre  les  assassins  du  roi  et  les  voleurs  des  biens 
nationaux.  »  Et  c'est  pourquoi,  lorsque  le  10  mars  les  jeunes 
Vendéens  furent  appelés  pour  tirer  «  à  la  milice  »,  selon  l'ex- 
pression, ils  vinrent  tous,  décidés  à  repousser  la  violence  par 
la  violence.  A  Saint- Florent,  par  exemple,  ils  trouvent 
trois  canons  braqués  sur  le  lieu  où  le  tirage  doit  s'opérer; 
déjà,impressionnés  par  ce  déploiement  de  force,  ils  sont  exas- 
pérés par  la  harangue  du  président;  ils  le  provoquent,  on 
répond  en  faisant  mitrailler  les  mécontents.  Ceux-ci  aussitôt  se 
précipitent  sur  les  pièces,  chassent  honteusement,  soldats 
et    membres  du  comité,  et,   s'emparant  des  papiers   et  des 


466  LES    ORIGINES    DE    LA    GUERRE   DE   VENDÉE 

armes,  ils  en  l'ont  un  immense  feu  de  joie.  Le  soir,  ils  se  sépa- 
rèrent sans  songer  aux  représailles  que  les  bleus  pourraient 
exercer. 

Heureusement  un  obscur  colporteur  en  laine  de  Pin-en-Mau- 
ges,  Gathelineau,  entrevit  les  terribles  conséquences  qu'en- 
traînerait cette  rébellion  si  elle  n'était  soutenue  ;  et,  prêchant 
la  guerre,  il  réunit  autour  de  lui  les  vainqueurs  déjà  rentrés 
dans  leurs  foyers,  pour  les  conduire  à  de  nouveaux  combats. 
L'insurrection  vendéenne  avait  enfin  éclaté  ! 

Ainsi,  nous  avons  suivi  pas  à  pas  la  marche  des  sentiments 
vendéens  depuis  l'ouverture  des  Etats-Généraux,  jusqu'à 
l'insurrection.  Nous  avons  vu  la  patience,  la  timidité,  et,  il 
faut  le  dire,  l'égoïsme  des  paysans.  Nous  pouvons  désormais 
nous  poser  cette  question  ,  résolue  de  tant  de  façons  dif- 
férentes :  Qui  a  entrepris  la  guerre  ?  Certains  auteurs  ont 
voulu  y  voir  l'œuvre  des  prêtres  ;  d'autres,  celle  des  nobles  ; 
d'autres, enfin, se  tirant  de  la  difficulté  par  une  gasconnade,  y 
ont  reconnu  l'initiative  des  prêtres,  des  nobles  et  des  paysans. 
Un  tel  luxe  d'imagination  devient  de  l'inexactitude.  Il  est 
certain  que,  dans  le  courant  des  années  1791  et  1792,  des 
prêtres  avaient  soulevé  momentanément  des  paroisses  entiè- 
res, et  que  des  nobles  avaient  tenu  la  campagne,  avec  des 
groupes  assez  considérables  de  partisans.  Mais  ces  faits 
étaient  isolés  et  vite  réprimés.  Il  ne  fallait  rien  moins  que  le 
décret  d'enrôlement  forcé,  couronnant  une  longue  suite  de 
déboires,  pour  faire  sortir  le  paysan  vendéen  de  son  impas- 
sibilité égoïste  et  provoquer  un  soulèvement  général. 

Du  reste  la  généralité  des  nobles  envisageait  la  guerre 
comme  devant  entraîner  pour  les  Vendéens  d'inévitables 
malheurs.  Les  mémoires  du  temps  relatent  longuement  cette 
indécision  des  seigneurs.  Presque  tous,  lorsque  les  paysans 
viennent  leur  offrir  un  commandement,  cherchent  à  les  dis- 
suader de  persévérer  dans  leur  résolution  ;  et,  ce  n'est  qu'après 
avoir  en  vain  développé  les  arguments  que  leur  inspire  la 
prudence,  après  avoir  montré  la  folie  de  l'entreprise, qu'ils  se 


LES    ORIGINES    DE   LA    GUERRE   DE    VENDÉE  467 

décident  à  se  réunir  aux  insurgés.  Même,  ils  se  grossissaient 
inconsciemment  les  dangers  de  cette  guerre.  La  plupart 
n'ayant  servi  qu'à  l'armée  de  Gondé,  une  campagne  demeu- 
rait à  leurs  yeux  une  suite  de  marches,  de  contre-marches, 
de  manœuvres  savantes  et  de  batailles  rangées. 

Cette  conception  que  les  nobles  se  faisaient  de  la  guerre 
prouverait  mieux,  à  défaut  de  documents  plus  certains, le  peu 
de  part  qu'ils  eurent  aux  affaires  de  Saint-Florent.  On  ne  peut 
non  plus  raisonnablement  incriminer  le  clergé  dont  la  plus 
grande  partie  avait  émigré  et  dont  les  rares  représentants 
restés  en  Vendée  demeurèrent,  au  témoignage  môme  des 
républicains,  des  ministres  de  paix.  Ainsi,  nous  en  sommes 
réduits  à  accepter  cette  dernière  hypothèse.  C'est  aux  paysans 
que  revient  l'honneur  d'avoir  commencé  la  lutte. 

Du  reste,  s'il  ne  suffisait  pas,  pour  appuyer  cette  assertion, 
de  montrer  en  la  fameuse  journée  du  10  mars  1793,  cette 
bande  de  paysans,  qui  luttent  avec  des  bâtons  contre  des 
républicains  armés  de  fusils  et  de  canons  ;  la  manière  même 
dont  ils  faisaient  la  guerre  est  marquée  au  coin  de  leur  initia- 
tive. 

Leurs  troupes  ne  sont  point  de  ces  hordes  militaires,  qui, 
vers  la  même  époque,  se  précipitaient  au-devant  de  l'ennemi 
pour  faire  triompher  une  idée  ;  lesVendéens  ne  se  battent  que 
pour  être  les  maîtres  chez  eux.  C'est  une  lutte  toute  indivi- 
duelle de  chacun  contre  la  République.  S'ils  se  réunissent 
c'est  pour  être  forts,  s'ils  choisissent  des  chefs,  c'est  parce 
qu'ils  sentent  leur  ignorance  des  choses  de  la  guerre  et  qu'ils 
ont  une  confiance  respectueuse  dans  leurs  nobles.  Mais  jamais 
on  ne  les  astreindra  à  une  discipline  même  légère  :  les  chefs 
sont  forcés  de  mcnter  eux-mêmes  la  garde,  pour  protéger  le 
sommeil  de  leurs  hommes,  car  les  sentinelles  s'endorment 
sans  s'inquiéter  autrement. 

Le  paysan  suit  aveuglément  son  capitaine,  mais  il  faut 
que  celui-ci  lui  communique  ses  plans,  il  se  sent  bien  plus 
fort,  quand  il  sait  ce  qu'il  fait,,  et  du  reste  il  est  toujours  cir- 


468  LES    ORIGINES    DE    LA    GUERRE    DE    VENDÉE 

conspect.ll  agit  souvent  de  son  propre  mouvement  ;  mais,  s'il 
obéit  à  un  commandement,  il  aime  bien  à  voir  son  chef  mar- 
cher devant  lui.  La  stratégie  lui  importe  peu  ;  si  important 
que  soit  le  poste  qu'il  occupe,  il  l'abandonne  régulièrement, 
même  au  milieu  de  l'action,  pour  soigner  un  camarade  qu'une 
balle  républicaine  a  frappé  près  de  lui,  et  chaque  soir  de  ba- 
taille, au  lieu  de  poursuivre  l'ennemi  et  de  faire  fructifier  sa 
victoire,  il  regagne  en  hâte  sa  chaumière.  Ne  lui  faut-il  pas 
montrer  aux  siens  qu'il  n'est  pas  blessé,  changer  de  linge  et 
jeter  sur  son  champ  le  coup  d'oeil  du  maître  ? 

C'est  peut-être,  d'ailleurs,  à  cette  habitude  que  la  guerre  a 
dû  d'être  si  longue.  Loin  de  son  clocher  le  Vendéen  se  décou- 
rage vite';  mais,  en  rentrant  fréquemment  au  village,  il  y  ap- 
prenait les  nouvelles  exactions  des  bleus,  et  ce  récit  des 
souffrances  des  siens  enflammait  son  courage. 

Tous  ces  détails  concordent  et  montrent  bien  que  le  vra 
promoteur  de  la  guerre  de  Vendée,  c'est  le  peuple  des  cam- 
pagnes. En  étudiant  le  développement  progressif  des  senti- 
ments et  des  idées,  dans  ces  hommes  simples  et  encore  pri- 
mitifs, on  peut  donc,  il  me  semble,  venir  en  aide  à  la  faiblesse 
des  textes,  et  résoudre  un  problème  historique,  que  des  mo- 
numents trop  contradictoires  faisaient  bien  nébuleux. 

Maurice  Prouteaux. 


LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

PENDANT   LA    RÉVOLUTION 
(Suite1) 


FOUGERE 

RODRIGUE  (François  Ambroise)  curé. 

Avec  la  presque  unanimité  des  évoques  de  France,  Monsei- 
gneur Marie-Charles-Isidore  de  Mercy,  évêque  de  Luçon 
depuis  le  17  novembre  1775,  et  l'un  des  députés  du  clergé  de 
la  sénéchaussée  du  Poitou  aux  États  généraux,  avait  refusé  de 
prêter  serment àla  constitution  civile  (séance  du  4  janvier  1891). 

En  conséquence,  le  procureur-syndic  général  du  départe- 
ment convoqua,  pour  le  27  février  suivant,  dans  l'église  N.  D. 
de  Fontenay,  les  478  électeurs  du  second  degré,  afin  de  pro- 
céder à  l'élection  de  l'évêque  de  la  Vendée.  Il  en  vint  173,  dont 
2  prêtres  seulement,  les  curés  constitutionnels  de  Liez  et  de 
Saint  Michel  en  l'Herm.  Le  28,  Jean-Sylvain  Servant,  supé- 
rieur de  l'Oratoire  de  Saumur  et  vicaire-général  de  l'évêque 
d'Angers,  fut  élu,  au  second  tour,  par  77  voix.  Dans  une  lettre 
du  4  mars  adressée  par  Goupilleau  deMontaigu,  président  de 
l'assemblée  électorale,  à  son  cousin  député  à  la  Constituante,  il 
est  dit  «  qu'au  premier  tour,  Ballard,  curé  du  Poiré  et  député, 
avait  balancé  M.  Servant  ».  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  raconter 

*   Voir  la  3"*  livraison  1899. 


iîO  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

comment,  après  avoir  accepté  «  sous  certaines  réserves  », 
Servant,  frappé  par  la  lettre  que  lui  adressa  Monseigneur  de 
Mercy.  et  cédant  aux  suggestions  de  sa  propre  conscience, 
finit  par  refuser  le  poste  qui  lui  était  offert,  il  avisa  de  son 
refus  les  administrateurs  du  département  de  la  Vendée  le  30 
mars,  et,  sur  de  nouvelles  instances,  renouvela,  le  10  avril, 
sa  renonciation  irrévocable. 

Les  électeurs  furent  convoqués  à  nouveau  pour  le  1er  mai. 
On  s'explique  qu'ils  y  mirent  cette  fois  moins  d'empresse- 
ment; 97  seulement  répondirent  à  l'appel,  et,  le  2  mai,  dès  le 
premier  tour,  57  voix  se  portèrent  sur  François-Ambroise 
Rodrigue,  curé  de  Fougère,  petite  paroisse  du  district  de  la 
Roche-sur-Yon.  Goupilleau  proclama  le  résultat  du  scrutin  en 
ces  termes  :  «  Citoyens,  François-Ambroise  Rodrigue,  prê- 
tre, curé  de  Fougère,  a  été  élu  évêque  du  département  de  la 
Vendée  ;  rendons  grâces  à  l'Éternel  !  » 

Le  nouvel  élu  n'était  Vendéen  ni  par  sa  naissance,  ni  par 
sa  famille  ;  il  était  né  à  Nantes,  sur  la  paroisse  de  Saint- 
Vincent,  le  10  décembre  1730,  du  légitime  mariage  de  Louis 
Rodrigue,  huissier  au  baillage,  et  de  Glaire  Gohorneau.  Cadet 
d'une  famille  nombreuse,  et  destiné  de  bonne  heure  à  l'état 
ecclésiastique,  il  fut  un  des  sérieux,  sinon  un  des  brillants 
élèves  de  l'Oratoire  de  Nantes,  et, sa  philosophie  terminée,  fut 
envoyé  à  la  maison  sulpicienne  d'Issy,  près  Paris,  puis  au 
séminaire  de  Saint-Sulpice,  où  il  se  fit  recevoir  bachelier  en 
Sorbonne.  La  carrière  calme  et  studieuse  de  l'enseignement  le 
tenta  alors  ;  il  professa  pendant  quinze  ans  les  humanités  et 
la  théologie  dans  des  maisons  de  Saint-Sulpice,  notamment 
au  séminaire  d'Angers,  dont  la  direction  avait  été  remise  à 
Messieurs  de  Saint-Sulpice  en  vertu  d'un  traité  passé  le 
19  avril  1695. 

Soit  fatigue  physique  ou  lassitude  intellectuelle,  soit  plutôt 
pour  améliorer  sa  situation  matérielle,  souci  qui,  de  l'aveu  de 
ses  amis  mêmes,  tint  toujours  la  plus  grande  place  dans  ses 
préoccupations,  Rodrigue.se  décida  à  quitter  l'enseignement  ; 


PENDANT   LA    RÉVOLUTION  471 

en  1769,  il  est  mentionné   sur   les  registres   paroissiaux  de 
Bouin  comme  chapelain  de  PEpois. 

L'Epois  est  aujourd'hui  un  hameau  de  moins  de  deux 
cents  habitants,  de  la  commune  et  de  la  paroisse  de  Bouin.  Les 
ruines  de  la  chapelle  se  voient  encore  à  l'extrémité  orientale 
du  village,  à  côté  du  cimetière  et  de  l'ancien  presbytère.  Cette 
chapelle  était  fort  ancienne;  de  tout  temps  elle  avait  été  des- 
servie par  un  prêtre  habitant  le  village,  et  l'était  à  la  nomina- 
tion de  l'évêque  de  Nantes,  Bouin  faisant  partie  de  cet  évêché 
avant  la  Révolution.  Les  relations  que  Rodrigue  avait  conser- 
vées dans  sa  ville  natale  s'employèrent  utilement  à  obtenir 
pour  lui,  de  Mgr  Pierre-Charles  Mauclerc  de  la  Muzanchère, 
ce  poste  modeste,  où  d'ailleurs  il  ne  resta  pas  longtemps. 

La  famille  Jacobsen,  d'origine  hollandaise,  établie  depuis 
plusieurs  années  à  Noirmoutier,  avait  desséché  non  loin  delà 
une  étendue  de  lais  de  mer  de  250  hectares  ;  les  gens  appelés 
à  mettre  ces  terrains  en  rapport  s'étaient  groupés  au  village 
de  la  Crosnière  ;  M.  Jacobsen  y  fit  construire  une  église  et, 
en  1772,  sollicita  de  l'évêque  de  Luçon,  Mgr  Gauthier  d'Ancyse, 
l'érection  d'une  paroisse,  sous  le  nom  de  Notre-Dame  du  Pé. 
L'évêque  laissa  au  fondateur  le  droit  de  présenter  le  titulaire, 
et  M.  Jacobsen  présenta  Rodrigue,  qu'il  connaissait.  Les 
registres  de  la  Crosnière  déposés  à  la  mairie  de  Beauvoir  con- 
tiennent l'acte  de  bénédiction  de  l'église,  de  la  cloche,  et  des 
objets  du  culte  par  M.  de  Hercé,  vicaire-général  de  Luçon,  à 
la  date  du  12  octobre  1772,  ainsi  que  le  procès-verbal  de  prise 
de  possession  de  la  nouvelle  cure  : 

«  Ce  même  jour,  onze  octobre  mil  sept  cent  soixante-douze, 
«  nous,  François-Ambroise  Rodrigue,  bachelier  en  théologie, 
«  né  dans  la  paroisse  de  Saint-Vincent  de  la  ville  de  Nantes 
«  le  dixième  jour  de  décembre  mil  sept  cent  trente,  avons, 
«  à  l'issue  de  la  bénédiction  de  l'église,  pris  le  premier  pos- 
«  session  de  la  nouvelle  cure  de  la  Crosnière,  par  le  ministère 
«  de  Me  Mathurin  Viaud,  notaire  à  Beauvoir,  et  en  présence 
«  de  messire  Jacquin  de  la  Barre,  curé  de  Saint-Gervais,etde 

TOME  XII.  —  OCTOBRE,  NOVEMBRE,  DÉCEMBRE         33 


472  LB  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 


«  M.  Jacques-Guillaume-André  Maublanc,  négociant  à  Beau- 


«  voir  »'. 


C'est  ainsi  que  Rodrigue  entra  dans  le  diocèse  de  Luçon^ 
La  cure  de  Notre-Dame  du  Pé  le  garda  d'ailleurs  moins  de 
trois  ans.  En  avril  1775,  il  fut  nommé  prieur-curé  de  Fougère, 
poste  moins  secondaire  et  d'un  revenu  effectif  de  1,000  livres. 
Fougère  avait  été  longtemps  un  prieuré  régulier  de  l'abbaye 
de  Nieuil-sur-1'Autise  ;  mais,  depuis  la  suppression  de  cette 
abbaye  par  sa  réunion  au  chapitre  'de  la  Rochelle,  les  droits 
de  patronage  et  de  nomination  étaient  échus  à  l'évêque  de 

Luçon. 

Au  mois  de  mars  1789,  le  curé  ;de  Fougère  fut  l'un  des 
délégués  du  clergé  du  diocèse  de  Luçon  à  Poitiers,  pour  nom- 
mer les  députés  de  son  ordre  aux  Etats  Généraux.  Son  rôle 
dans  l'assemblée  électorale  fut  modeste,  et  il  dut  surtout  à 
son  âge  et  à  son  titre  de  bachelier  en  théologie  d'être  du 
nombre  des  commissaires  chargés  de  rédiger  le  cahier  des 
doléances  du  bas  clergé5. 

Quelles  qu'aient  été  dès  cette  époque  ses  opinions,  en 
réalité  plutôt  esclaves  des  événements  que  complices  des 
nouveautés  révolutionnaires,  son  attitude  fut  toujours  ré- 
servée, et  s'il  est  vrai,  comme  l'a  dit  de  lui  Mercier  du  Rocher, 
«  qu'il  était  un  parfait  égoïste,  n'ayant  jamais  connu  que  les 
émoluments  de  sa  place  »,  il  est  permis  de  croire  que  la 
conservation  de  son  traitement  et  de  ses  fonctions  demeura 
toujours  Yultima  ratio  de  sa  conduite. 

Il  prêta  donc  le  serment  à  la  constitution  civile  dès  qu'il 
eu  fut  requis  (janvier  1791),  et  accepta  de  même  un  peu  plus 
tard  la  lourde,  mais  lucrative  charge  de  l'épiscopat  consti- 
tutionnel. 

Son  élection,  provoquée  surtout  par  des  considérations  de 

1  La   Crosnière    n'existe   plus    comme    commune    ni    comme  paroisse  ;  la 
paroisse  a  été  réunie  à  celle  de  Beauvoir,  au  Concordat. 
*  Pendant  son    séjour  à  Poitiers,  il  h\bita  chez  1«   sieur    Favr^,    rue  de  la 

Chaîne. 


PENDANT    LA    K#.V0HJTI0N  i73 

circonstance,  fut  une  surprise  pour  beaucoup,  à  commencer 
par  lui-même.  Le  refus  de  Servant,  avait  produit  en  Vendée 
un  effet  considérable  :  le  clergé  fidèle  n'avait  pas  dissimulé 
sa  joie  profonde  ;  l'administration  et  les  «  patriotes  »  n'avaient 
caché  ni  leur  désappointement,  ni  leur  fureur.  Il  était  impos- 
sible de  s'exposer  à  un  second  échec  sans  les  plus  graves 
inconvénients  :  il  s'agissait  donc  de  trouver  cette  fois  un  asser- 
menté assez  connu  pour  réunir  sur  son  nom  une  majorité  de 
suffrages,  et,  d'autre  part,  un  candidat  dont  i'acception  ne  fût 
pas  douteuse  «  Il  s'agit, écrivait  Goupilleau  à  son  cousin,  d'en 
nommer  un  de  l'acceptation  duquel  on  soit  sûr».  Les  princi- 
paux électeurs  se  concertèrent,  et,  en  visant  la  liste  des  prê- 
tres jureurs  de  la  Vendée,  leur  préférence  se  porta  naturelle- 
ment sur  Rodrigue,  qui  était  l'un  des  plus  âgés  (il  avaitôi  ans), 
gradué  en  Sorbonne,  ancien  délégué  à  l'assemblée  électorale 
de  Poitiers,  ex-commissaire  à  la  rédaction  du  cahier  des  do- 
léances; en  outre,  ceux  qui  le  connaissaient  le  jugèrent  inca- 
pable de  refuser  le  traitement  de  12,000  livres  offert  par  la 
Nation.  Voilà  comment  le  nom  de  Rodrigue,  à  qui  personne 
n'avait  songé  lors  de  l'élection  de  Servant  deux  mois  aupara- 
vant, sortit  vainqueur,  dès  le  premier  tour,  au  scrutin  du 
2  mai  1791. 

A  peine  eut-il  été  proclamé  par  le  président  de  l'assemblée 
électorale,  Goupilleau,  que  plusieurs  électeurs  «  demandèrent 
l'agrément  de  l'assemblée  pour  lui  annoncer  son  élévation  à 
l'épiscopat,  en  assurant  qu'ils  seraient  de  retour  le  soir  même, 
à  9  heures,  pour  avertir  de  son  acceptation  ou  de  son  refus  ». 
L'assemblée,  qui  ne  pouvait  oublier  le  refus  de  Servant,  était 
encore  trop  anxieuse  du  résultat  pour  ne  pas  accepter  cette 
offre  avec  empressement  ;  afin  de  parer  à  tout  mécompte, 
elle  déclara  «  qu'elle  ne  se  dissoudrait  pas  qu'elle  n'ait  eu 
l'acceptation  ou  le  refus  de  M.  Rodrigue  »,  et  elle  s'ajourna 
au  lendemain. 

Les  délégués  étaient  de  retour  à  Fontenay,  le  soir  même,  à 
10  heures.  Rodrigue  avait  accepté  sans  hésiter,  et  leur  avait 
remis  pour  le  président  Goupilleau  la  lettre  qui  suit  : 


474  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

«  2  mai  1791 . 
«  Monsieur, 

«  Ce  n'est  saris  doute  qu'à  mon  civisme  que  je  suis  redevable 
de  la  nomination  que  MM.  les  électeurs  du  département  de  la 
Vendée  viennent  de  faire.  Mon  civisme  me  fait  accepter  cette 
place.  J'en  sens  tout  le  fardeau  ;  mais  je  crois  devoir  tout  sa- 
crifier à  des  citoyens  qui  me  donnent  une  si  forte  marque 
d'estime  et  de  confiance.  C'est  en  m'y  forçant  d'y  répondre  que 
je  me  propose  de  leur  témoigner  ma  reconnaissance. 

«  Je  compte,  Monsieur,  me  rendre  demain  à  Fontenay,  et 
vous  y  exposer  de  vive  voix  les  sentiments  du  profond  respect 
avec  lequel  j'ai  l'honneur  d'être,  etc. 

«  Rodrigue,  curé  de  Fougère.  » 

Le  lendemain  matin,  à  10  heures,  Rodrigue  arrivait  à  Fon- 
tenay par  la  barrière  de  Nantes.  Dans  ses  Mémoires,  Mercier 
du  Rocher  raconte  l'entrée  en  quelques  lignes  ;  nous  laissons 
la  parole  à  ce  témoin  observateur  et  non  suspect. 

«  Quand  Rodrigue,  curé  de  Fougeray,  fit  son  entrée  à 
Fontenay  comme  évêque,  les  patriotes  se  rendirent  à  la 
barrière  de  Nantes  pour  le  recevoir.  Moulins,  président  de  la 
Société  ambulante,  porta  la  parole  et  peignit  les  maux  que  le 
fanatisme  répandait  sur  la  Vendée.  Le  nouveau  prélat  était 
en  bottes  fortes  ;  il  avait  sa  soutane  retroussée,  son  bâton  à  la 
main  ;  son  domestique  tenait  une  petite  rosse  très  maigre  sur 
laquelle  étaient  attachées  des  bougettes.  Pour  toute  réponse 
au  discours  de  l'orateur,  Rodrigue  secoua  la  tête,  haussa  les 
épaules,  et  se  remit  en  selle  pour  gagner  une  hôtellerie.  Le 
cortège  l'y  suivit  :  quant  à  moi,  je  ne  le  suivis  pas  ». 

Une  lettre  du  président  de  l'assemblée  électorale,  Goupil- 
leau,  adressée,  le  5  mai,  à  son  cousin  Goupilleau,  député  à 
l'Assemblée  nationale,  donne  des  détails  complémentaires  : 
«  Rodrigue  arriva  à  l'église  Notre-Dame  au  milieu  des  accla- 
mations du  peuple,  au  bruit  du  canon  et  au  carillonnement 
des  cloches.  Je  lui  adressai  un  discours  dont  je  vous  envoie 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  475 

copie.  Il  assista  à  la  messe  où  étaient  aussi  tous  les  corps 
administratifs  et  militaires  qui  y  avaient  été  invités.  Il  signa 
le  procès-verbal  avec  tous  les  électeurs. 

«  Le  procès-verbal  signé,  je  me  rendis  à  l'hôtel  de  la  Coupe1 
où  j'avais  été  invité  à  dîner  par  «  les  amis  de  la  Constitu- 
tion. »  M.  Rodrigue  y  était,  entre  M.  Moulins  qui  en  est  le 
président  et  moi.  La  fraternité  présidait  à  ce  repas  patrioti- 
que, et  après,  nous  nous  rendîmes  au  club  auquel  M.  Rodri- 
gue se  fit  affilier,  et  où  il  occupa  une  place  d'honneur  auprès 
du  président.   » 

Si  l'on  veut  bien  se  rappeler  que  le  grand  argument  des 
partisans  de  la  constitution  civile  était  de  ramener  le  clergé 
aux  mœurs  et  aux  vertus  de  la  primitive  Église,  il  faut  conve- 
nir que  la  pratique  s'éloignait  singulièrement  de  la  théorie, 
et  que  les  banquets  à  l'auberge,  suivis  de  l'affiliation  au  club, 
n'avaient  que  des  rapports  fort  éloignés  avec  les  traditions 
des  temps  apostoliques. 

«  Je  crois  pour  le  coup,  continue  Goupilleau,  que  nous  ne 
nous  sommes  pas  trompés.  M.  Rodrigue  parait  ferme  dans 
ses  principes.  J'ai  beaucoup  causé  avec  lui,  et  vous  serez  le 
premier  qu'il  verra  et  qu'il  désire  voir  à  Paris  où  il  ira  se 
faire  sacrer  la  semaine  prochaine.  Je  dois  même  lui  donner 
une  lettre  qu'il  m'a  demandée  pour  vous.  Ce  sera  donc  à  vous 
de  le  garantir  des  pièges  et  des  obsessions,  quoique  cependant 
je  crois  qu'il  n'y  a  rien  à  craindre  ;  mais  la  défiance  est  mère 
de  la  sûreté.  » 

Cette  correspondance  prouve  d'abord  qu'il  n'y  avait  point  eu 
entente  préalable  entre  le  nouvel  élu  et  ses  électeurs  ;  ceux-ci 
l'avaient  nommé  un  peu  au  petit  bonheur,  sur  des  présomp- 
tions qui  n'excluaient  pourtant  pas  les  mesures  à  prendre 
pour  éviter  une  seconde  mésaventure.  D'ailleurs  Rodrigue  ne 
mettait  en  tout  ceci  pas  plus  de  résistance  que  de  zèle,  il  se 
laissait  faire  et  c'était  tout.  Au  cours  de  cette  journée,  on  ne 

1  L'auberge  de  la  Coupe  d'or,  la  meilleure  de  Fontenay  à  cette  époque, 
était  place  du  Marché  aux  Porches. 


476  LE    CLERGÉ   DK    LA    VENDÉE 

cite  de  lui  d'autre  expression  de  ses  sentiments  que  le  haus- 
sement d'épaule  équivoque  par  lequel  il  avait  répondu  au 
discours  de  Moulins  à  la  barrière  de  Nantes.  Un  évoque  cons- 
titutionnel avait  déjà  pris  possession  dans  la  contrée,  celui 
de  la  Loirp-Inférieure;  Rodrigue  s'adressa  aussitôt  à  lui  pour 
son  sacre;  Minée  ne  crut  pas  devoir  s'en  charger,  et  Rodrigue 
écrivit,  le  il  mai  1791,  à  Goupilleau  : 

«  Monsieur, 

D'après  la  lecture  bien  réfléchie  des  décrets,  M.  l'Evoque  de 
Nantes  a  jugé  ainsi  que  moi  qu'il  ne  m'est  possible  de  me 
faire  instituer  et  consacrer  que  par  l'évêque  métropolitain,  et, 
à  son  défaut,parleplus  an cienévêque  de  notre  arrondissement, 
ou  qu'avec  l'agrément  de  l'un  ou  de  l'autre.  Ce  n'est  qu'avec 
l'agrément  de  M.  l'évêque  de  Quimper  que  celui  de  Nantes  a 
été  institué  et  consacré  à  Paris  par  l'évêque  de  ce  lieu.  Comme 
d'ailleurs  il  a  paru  à  tous  qu'on  ne  peut  rassembler  à  Nantes 
trois  évêques  dans  la  circonstance  présente  qu'après  bien  du 
temps  et,  de  l'embarras,  je  me  suis  décidé  à  partir  incessam- 
ment pour  Paris,  où  je  n'aurai  point  à  éprouver  un  nouvel 
embarras  et  où  la  permission  de  l'évêque  de  notre  arrondisse- 
ment (Bordeaux)  arrivera  en  même  temps  que  moi.  » 

Paris,  ce  20  mai  1791.  » 

Rodrigue  partit  dès  le  lendemain  pour  Paris  où  il  arriva 
le  18,  ainsi  que  le  constate  la  réponse  du  député  Goupilleau  à 
son  parent  à  Fontenay. 

«  M.  Rodrigue,  notre  nouvel  évoque,  est  à  Paris  depuis  deux 
jours,  mon  cher  cousin,  et  je  suis  le  premier  qu'il  ait  vu 
aussitôt  son  arrivée.  Vous  ne  m'aviez  rien  dit  de  trop  dans 
vos  lettres,  et  je  crois  bien  sincèrement  que  c'est  là  l'homme 
qu'il  nous  faut  dans  les  circonstances  critiques  où  se  trouve 
le  département.  Nous  attendons  la  réponse  de  l'évêque  de 
Bordeaux,  métropolitain,  pour  faire  sacrer  notre  vénérable 
pasteur,  et  jusqu'à  cette  époque,  nous  le  tiendrons  en  garde 


PKNDANT    LA    «EVOLUTION  477 

contre  les  perfides  inspirations  de  nos  récalcitrants.  Il  est 
résolu  k  ne  recevoir  aucune  visite  de  leur  part,  et  je  vous 
avouerai  que  je  compte  assez  sur  la  fermeté  de  ses  principes 
pour  être  persuadé  que  toutes  les  démarches  seraient  inutiles. 
Cependant  la  précaution  n'est  pas  de  trop.  » 

Le  premier  «  évêque  de  la  Vendée  »  était,  on  le  voit,  tenu 
de  court.  On  trouvera  peut-être  que  sa  résolution  «  de  ne 
recevoir  aucune  visite  de  la  part  des  récalcitrants  »  ne  cadre 
pas  absolument  avec  «  la  fermeté  fie  ses  principes  » ,  et  dénote 
au  contraire  des  convictions  d'une  solidité  relative.  Mais  la 
religion  constitutionnelle  de  91  savait  se  contenter  à  peu  de 
frais,  et,  si  le  sujet  n'était  pas  au  fond  si  grave,  rien  ne  paraî- 
trait plus  grotesque  que  cet  évêque  gardé  à  vue  par  des  francs- 
maçons  de  peur  qu'il  ne  s'évade  de  la  geôle  de  l'épiscopat 
constitutionnel. 

Dès  le  lendemain  de  l'arrivée  de  Rodrigue  à  Paris,  le  mi- 
nistre de  l'intérieur,  Valdec  de  Lessart,  le  même  qui  fut  mas- 
sacré à  Versailles,  avec  les  prisonniers  d'Orléans,  le  9  sep- 
tembre 1792,  écrivit  à  Goupilieau,  à  Fontenay  : 

«  Paris,  le  19  mai  1791. 

«  Le  Roi,  Monsieur,  a  reçu  la  lettre  que  vous  lui  avez  écrite 
avec  le  procès-verbal  portant  nomination  de  M.  Rodrigue 
curé  de  Fougère,  à  l'évêché  du  département  de  la  Vendée, 
d'après  le  refus  de  M.  Servant.  Sa  Majesté  ne  doute  pas  que 
le  nouveau  choix  ne  soit  aussi  avantageux  pour  la  Religion 
que  pour  la  tranquillité  publique.  Elle  m'a  chargé  de  vous 
assurer  de  sa  bienveillance  ainsi  que  l'assemblée  électorale. 

«  Le  Ministre  de  l'intérieur, 
«  Delessart.  » 

Tout  le  monde  avait  hâte  d'en  finir.  La  consécration  de  Ro- 
drigue eut  lieu  à  Notre-Dame  de  Paris,  le  dimanche  29  mai, 
par  le  ministère  de  Gobel,  évêque  constitutionnel  de  Paris, 
assisté  de  Saurine,  évêque  constitutionnel  des  Landes,  et  de 


478  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

Grégoire,  évêque  constitutionnel  de  Loir-et-Cher,  en  présence 
des  députés  de  la  Vendée.  Une  lettre  du  député  Goupilleau  à 
son  cousin  relate  cet  événement  : 

«  Paris,  ce  31  mai  1791. 

«  J'assistai  dimanche  dernier,  mon  cher  cousin,  à  la  consé- 
cration de  M.  Rodrigue,  évêque  du  département  delà  Vendée. 
Je  crois  comme  vous  que  nous  n'avons  qu'à  nous  féliciter  de 
ce  choix.  De  bonnes  mœurs,  des  connaissances,  du  patrio- 
tisme, voici  les  qualités  qui  doivent  caractériser  celui  qui 
occupe  une  place  aussi  importante.  Voilà  celles  que  j'ai  cru 
découvrir  dans  M.  Rodrigue. 

«  Malgré  les  événements  qui  ont  eu  lieu  dans  notre  dépar- 
tement, malgré  les  ennemis  du  bien  public  qui  lui  sont  sus- 

i 

cités,  je  ne  doute  point  qu'avec  l'aide  des  bons  patriotes  et 
des  corps  administratifs,  notre  nouvel  évêque  ne  parvienne  à 
remettre  le  calme  dans  les  esprits,  et  à  dissiper  les  fausses 
alarmes  que  le  fanatisme  seul  a  fait  naître  et  que  l'ignorance 
entretient.  » 

Quelques  jours  après,  Rodrigue  était  de  retour  à  Fougère. 
Le  9  juin,  il  y  faisait  un  baptême  et  signait  : 

«  f  Rodrigue. 

«  Curé  de  cette  paroisse,  évêque  du  département  de  ta 
Vendée.  » 

Le  lendemain  10,  on  élut  à  sa  place,  comme  curé  constitu- 
tionnel de  Fougère,  Drouin,  qui  avait  fait  l'intérim,  et  qui 
était  aumônier  du  couvent  fontevriste  des  Cerisiers. 

Ce  fut  le  11  juin  que  l'évêque  intrus  se  rendit  dans  sa  ville 
épiscopale.  Le  registre  des  délibérations  de  la  municipalité 
de  Luçon  porte  à  cette  date  : 

<•  A  onze  heures  du  matin  s'est  présenté  en  l'assemblée  de 
la  municipalité,  M.  François-Ambroise  Rodrigue,  prieur  de 
Fougère,  qui  a  mis  sur  le  bureau  trois  procès-verbaux  : 
le  premier  contenant   sa  nomination  à    l'évêché    du  dépar- 


PENDANT   LA    RÉVOLUTION  479 

tement  de  la  Vendée,  par  les  électeurs  du  môme  département, 
en  date  du  1er  mai  1791,  signé  :  Ph.  G.  A.  Goupilleau,  prési- 
dent de  l'assemblée  électorale  ;  le  deuxième  contenant  la 
confirmation  canonique  à  lui  accordée  par  Pacarreau,  évêque 
métropolitain  du  sud-ouest,  en  date  du  20  mai  1791  ;  le  troi- 
sième contenant  sa  consécration  en  date  du  dimanche  29  mai, 
fête  de  Saint  Maximin,  à  10  heures  du  matin,  par  M.  Jean- 
Baptiste-Joseph  Gobel,  évêque  métropolitain  du  département 
de  Paris,  député  à  l'Assemblée  nationale,  en  présence  de 
MM.  Jean-Pierre  Saurine,  évêque  du  département  des  Landes, 
aussi  député  à  l'Assemblée  nationale,  demeurant  ordinaire- 
ment à  Dax,  mais  pour  lors  à  Paris,  et  Henri  Grégoire,  évê- 
que du  département  de  Loir-et-Cher,  député  à  l'Assemblée 
nationale,  demeurant  ordinairement  à  Blois. 

«  Et  ledit  Rodrigue,  évêque  de  la  Vendée,  nous  a  requis  de 
nous  transporter  le  lendemain,  à  10  heures  du  matin,  dans 
l'église  cathédrale  de  cette  ville,  pour  recevoir  son  serment  et 
assister  à  son  installation. 

«  L'assemblée  délibère  qu'elle  se  transportera  le  lendemain, 
à  10  heures,  à  la  cathédrale.  » 

La  réception  populaire  fut  moins  discrète  que  celle  de  la 
municipalité.  Rodrigue,  qui  comptait  à  bon  droit  sur  toute  autre 
chose  que  de  l'enthousiasme,  était  arrivé  incognito  à  Luçon, 
et  était  descendu  chez  le  docteur  Parenteau.  Dès  que  le  bruit 
s'en  répandit,  le  peuple  se  porta  à  l'évêché,  fit  du  tapage 
et  menaça  de  tout  briser  si  Rodrigue  s'y  présentait.  La  foule 
se  rendit  de  là  sous  les  fenêtres  de  M.  Parenteau  en  profé- 
rant des  menaces.  Le  charivari  menaçait  de  mal  tourner, 
quand  la  municipalité  fit  donner  la  garde  nationale,  qui  par- 
vintà  dissiper  l'attroupement. 

La  cérémonie  de  prise  de  possession  à  la  cathédrale  put  se 
faire  le  lendemain,  grâce  au  concours  de  la  garde  nationale, 
On  peut  en  lire  une  relation  dans  le  Journal  d'un  Fontenai- 
sien  pendant  la  Révolution,  rédigé  par  M.  Bitton  d'après  les 
documents  officiels  : 


480  LÉ    CLERGÉ    DE    LA    VENDÉE 

«  12  juin.  —  Les  délégués  de  la  municipalité  de  Fontenay, 
chargés  d'assister  à  la  cérémonie  de  l'installation  de  Rodrigue 
arrivent  à  Luçon,  à  huit  heures  du  matin.  Ils  se  transportent 
aussitôt  à  la  maison  Parenteau,  et,  ayant  été  présentés  à 
l'évoque,  le  maire  Moreau  lui  adresse  l'allocution  suivante  : 
«  Monsieur,  c'est  par  mon  organe  que  la  municipalité  de 
Fontenay  vous  offre  ses  hommages  respectueux.  Soyez  per- 
suadé qu'il  ne  peut  être  de  plus  douce  satisfaction  pour  son 
cœur,  que  d'assister  à  l'auguste  cérémonie  d'installation  de 
Rodrigue  à  l'évêché  du  département.  »  Rodrigue  les  remercie 
des  sentiments  que  vient  de  lui  exprimer  la  municipalité  de 
Fontenay  par  la  bouche  de  son  maire,  et  les  reconduit  jus- 
qu'à la  rue.  —  De  retour  à  l'auberge,  à  neuf  heures,  les  com- 
missaires y  reçoivent  la  visite  des  officiers  municipaux  de 
Luçon,  et  sont  invités  à  les  accompagner  à  la  cathédrale.  Les 
divers  délégués  des  municipalités  se  réunissent  à  l'hôtel 
de  ville,  et  se  rendent  en  corps  chez  le  sieur  Parenteau,  pour 
y  prendre  l'évêque.  Le  cortège,  escorté  par  la  garde  nationale, 
se  met  alors  en  marche,  au  milieu  d'un  concours  considérable 
de  spectateurs,  et  se  rend  à  la  cathédrale.  A  la  porte  prin- 
cipale, Rodrigue  est  complimenté  par  un  officier  de  la  garde 
nationale  des  environs.  Entré  dans  l'église  et  arrivé  au  chœur, 
le  prélat  gravit  les  marches  de  l'autel,  accompagné  de  ses 
deux  grands  vicaires,  lesquels  prononcent  successivement 
à  haute  voix  le  serment  civique.  Rodrigue,  ayant  ensuite 
été  revêtu  de  ses  ornements  sacerdotaux,  a  célébré  la 
grand'messe,  qui  a  été  chantée  avec  le  cérémonial  usité.  Il 
est  ensuite  reconduit  par  le  même  cortège  jusqu'à  son 
logement.  » 

On  raconte  que,  pendant  le  trajet  de  la  maison  Parenteau  à 
l'église,  Rodrigue  reçut  un  billet  contenant  les  paroles  adres- 
sées à  Judas  par  le  divin  Maître  au  moment  où  celui-là  allait 
le  livrer  à  ses  bourreaux:  Ad  quid  venistil  Pourquoi  êtes- 
vous  venu  ?  —  Rodrigue  poursuivit  sa  route,  et  reçut  plus  loin 
un  second  billet  qui   portait  ces  mots  :  Juda,   osculo  Filium 


FENDANT    LA.    RÉVOLUTION  481 

hominis  trahis  !  Judas,  vous  trahissez  le  fils  de  l'homme  par 
un  baiser.—  Sollicitude  inutile:  Rodrigue  devait  aller  jus- 
qu'au bout. 

Le  13  juin,  il  signa  son  premier  acte  sur  le  registre  des  bap- 
têmes :f  Fr.  Amb.  Rodrigue,  évêqite  du  département  de  la 
Vendée. 

Son  épiscopat  ne  fut  ni  long  ni  brillant:  il  l'exerça  pour 
ainsi  dire  en  prélat  honteux,  sans  avoir  môme  le  triste  cou- 
rage de  son  apostasie.  Mercier  du  Rocher  écrit  à  ce  propos  : 
«  C'était  bien  le  plus  dur  égoïste  du  monde  que  ce  M.  Ro- 
drigue. Il  n'a  jamats  connu  que  les  émoluments  de  sa  place  qui 
étaient  de  12.000  livres.  Pas  un  seul  mandement,  pas  une  seule 
lettre  pastorale,  rien  n'annonça  aux  curés  du  diocèse  qu'il 
était  évêque.  Il  n'était  presque  connu  que  de  celui  qui  lui 
payait  ses  appointements.  Il  vivait  toujours  en  pension  à 
Luçon  pour  n'inviter  personne  à  diner  ». 

Son  premier  soin  avait  été  de  choisir  un  complice;  il  prit 
pour  «  Vicaire  épiscopal  »  Jacques-Maurice  Gaudin,  ex-orato- 
rien,  qui  avait  eu  des  ennuis  pour  avoir  publié,  en  1781,  un 
livre  intitulé  :  Inconvénients  du  célibat  des  prêtres.  Le  second 
vicaire  épiscopal  ne  fut  nommé  que  le  22  juillet  ;  il  venait  de 
loin  :  c'était  Balthazar  Tissier,  ex-religieux  augustin,  vicaire 
de  Saint-André  des  Arts  de  Paris. 

Pendant  ce  temps,  Mgr  de  Mercy,  qui,  dès  les  premiers 
jours,  avait  lancé  l'excommunication  contre  Rodrigue,  était 
décrété  d'accusation  avec  M.  de  Beauregard,  son  grand-vicaire; 
des  poursuites  étaient  exercées  également  contre  plusieurs 
prêtres  fidèles  du  diocèse  pour  attaques  injurieuses  contre 
l'évêque  intrus. 

Voici,  à  titre  de  document,  la  formule  de  nomination  des 
curés  constitutionnels  : 

«  François-Ambroise  Rodrigue,  par  la  Providence  divine 
dans  la  communion  du  Saint-Siège  apostolique,  évêque  du 
département  de  la  Vendée. 

«  A  M curé  en  notre  diocèse, 


482  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

«  Salut  en  Notre-Seigneur  Jésus-Christ. 

«  MM.  les  électeurs  du  district  de....  vous  ayant  nommé 
dans  leur  séance  du....  de  ce  mois  à  la  cure  de...  vacante  par  le 
défaut  de  prestation  de  serment  de  la  part  de  M... 

»  Nous,  instruit  de  votre  bonne  conduite  et  de  votre  capa- 
cité, de  l'avis  de  notre  conseil,  avons  confirmé  cette  nomina- 
tion, et  vous  instituons  par  ces  présentes  curé  de  ladite  pa- 
roisse de...  pour  en  remplir  toutes  les  fonctions,  vous  re- 
commandant l'exacte  observation  des  statuts  de  ce  diocèse. 

«Nous  prions  et  requérons  la  municipalité  de  ce  lieu  de 
vous  recevoir  en  cette  qualité  et  de  vous  y  faire  jouir  de  tous 
les  droits  y  attachés. 

«  Donné  à  Luçon  en  notre  maison  épiscopale,  sous  notre 
seing,  celui  d'un  de  nos  vicaires  et  du  sceau  de  notre  évêché. 
«  Ce....  du  mois  de 1792. 

«  f  F.  A.  Rodrigue,  év.  du  dépt.  de  la  Vendée, 
«  N....,  vie.  épiscopal  ». 

Le  mauvais  vouloir  de  la  population  ne  perdait  aucune 
occasion  de  se  manifester  à  l'égard  du  prélat  départemental. 
Sans  donner  pleine  créance  aux  lettres  particulières  de 
l'époque  qui  nous  sont  passées  sous  les  yeux,  il  faut  cepen- 
dant reconnaître  que  les  cérémonies  du  culte  constitutionnel, 
avaient  perdu  tout  prestige  et  toute  dignité,  et  que  l'évêque 
qu'on  appelait  familièrement  «  la  Vendée  »  tout  court,  n'avait 
et  ne  faisait  rien  pour  lutter  efficacement  contre  la  déconsi- 
dération originelle  de  sa  position. 

Une  seule  fois  il  se  fâcha,  et  encore  peut-on  croire  que  ce 
fut  son  vicaire  Gaudin,  moins  résigné  que  lui,  qui  l'y  obligea  ; 
il  s'agissait  d'ailleurs  de  tracasser  des  prêtres  et  des  reli- 
gieuses non-conformistes,  et  l'on  ne  pouvait  y  manquer. 

Le  6  juillet  1791,  Rodrigue  adressait  à  la  municipalité  de 
Luçon  une  dénonciation  par  laquelle  il  paraît  «  qu'ayant  été 
visiter  un  malade  à  l'hôpital  dans  le  jour  d'hier  et  l'ayant 
confessé,     il   a   été   surpris    d'apprendre,    en   y   retournant 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  483 

aujourd'hui  pour  le  disposer  à  recevoir  les  sacrements,  qu'il 
avait  été  administré  dans  la  matinée  ;  qu'ayant  demandé  aux 
Sœurs  qui  se  sont  trouvées  dans  la  salle  s'il  était  vrai  que  le 
malade  avait  reçu  les  sacrements,  lesquelles  ont  répondu 
qu'il  les  avait  sans  doute  reçus  dans  le  cours  de  sa  vie.  Gomme 
il  y  aabus  des  sacrements,  contraire  aux  décrets  de  l'Assem- 
blée nationale  qui  défend  à  tout  prêtre,  qui  n'est  pas  fonction- 
naire public,  de  faire  aucune  fonction  curiale,  on  conséquence 
il  requiert  ledit  sieur  procureur  de  la  commune  que  sur  le 
champ  deux  commissaires  se  transportent  à  l'hôpital  pour 
savoir  par  qui  les  sacrements  ont  été  administrés.  » 

Deux  commissaires  furent  en  effet  envoyés  d'urgence  à 
l'hôpital,  mais  on  ignore  quelle  suite  eut  cette  singulière 
enquête  dont  l'intérêt  git  plutôt  dans  le  point  de  départ  que 
dans  le  dénouement. 

Il   arriva  pis   encore.   Le  15  juin   1791,   à   peine   installé, 

Rodrigue  avait  révoqué  le  sacristain  de  la  cathédrale,  nommé 

Martineau,  sans  raisons  plausibles.  Il  estimait  que  ce  n'était 

pas  pour  les  petites  gens  que  la  Révolution  était  faite, et  qu'elle 

se  justifiait  assez  en  faisant,  des  curés   complaisants,    des 

fonctionnaires   à  douze     mille    livres.   La    révocation   était 

d'autant  plus  sensible  que   Martineau,  déjà  père  de  famille, 

était  sur  le  point  de  le  devenir  une  fois  de  plus.  Sa  femme 

accoucha  en  effet  un  mois  après,  et,   pour  des   raisons   très 

compréhensibles  de  conscience  et  de  circonstance,   elle  fut 

dénoncée  à  la  municipalité  pour  n'avoir  pas  présenté  l'enfant 

au  baptême  constitutionnel,   et  on  ordonna  contre  elle  des 

poursuites.qui,  faute  de  preuves  suffisantes,  n'aboutirent  pas. 

Les  amis  politiques  s'efforcèrent  du  moins  de  dédommager 

Rodrigue  de  ses  déboires  épiscopaux  :  le  9  septembre  1791, 

il   fut  élu    membre     de    l'assemblée   départementale,   avec 

Mercier  du  Rocher,  Gallot  et  autres  ;  mais  il  ne  paraît  pas 

avoir  gagné  dans  ce  corps  de  bien  vives  sympathies.  «  Il  était 

mon  collègue  à  l'administration  du  département,  écrit  Mercier 

du  Rocher.  C'était  bien  le  théologien  le  plus  intolérant,  le  plus 


484  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

dur  qu'ait  jamais  vomi  la  défunte  Sorbonne.  »  hit  plus  loin  : 
«  Rodrigue,  mon  collègue  au  département  de  la  Vendée,  est 
très  lettré.  Il  connaît  les  auteurs  gracieux,  les  poètes  aima- 
bles ;  mais  il  n'a  pas  perdu  dans  cette  bonne  compagnie  le 
ton  dur  et  ergoteur  de  son  premier  métier  de  professeur  de 
théologie,  science  pour  laquelle  il  a  aujourd'hui  tant  de 
mépris.  » 

Le  séminaire  de  Luçon  avait  conservé  un  petit  nombre  de 
clercs  patriotes,  et  Rodrigue  put  même  procéder  à  quelques 
ordinations.  Le  18  novembre  1791,  par  animosité  contre  les 
Sœurs  de  l'Union  chrétienne  qui  ne  reconnaissaient  pas  son 
autorité,  il  adressa  une  pétition  au  directoire  du  département 
tendant  à  ce  que  la  maison  de  l'Union  chrétienne  fût  prise 
pour  en  faire  le  séminaire,  comme  étant  plus  à  portée  de  la 
cathédrale.  Le  directoire  recevait  en  même  temps  une  pétition 
des  Sœurs  demandant  à  être  conservées  dans  leur  couvent. 
Les  deux  pétitions  furent  renvoyées  à  la  munici  palité  de  Luçon 
pour  donner  son  avis.  Les  événements  ne  permirent  pas  de 
vider  cette  affaire  ;  moins  d'un  an  après,  Rodrigue  était  dé- 
possédé de  son  séminaire  par  décret  de  la  Convention  natio- 
nale, à  la  demande  même  de  la  commune  de  Luçon.  «Aujour- 
d'hui, dit  le  rapport  de  Romme  à  la  Convention,  l'évêque  de 
la  Vendée  entend  disposer  seul,  en  faveur  de  son  séminaire 
épiscopal  qui  n'existe  pas,  de  toutes  les  bourses  fondées  pour 
ce  collège,  parce  qu'il  portait  le  nom  de  séminaire,  etc..  » 
Conformément  aux  conclusions  du  rapport,  la  Convention 
décréta,  le  13  novembre  1792,  «  que  les  revenus  et  fondations 
attachés  à  ce  collège,  connu  sous  le  nom  impropre  de  sémi- 
naire, seront  appliqués  aux  seules  études  civiles,  qui  sont  les 
seules  qu'on  entende  y  suivre  désormais.  » 

Après  la  journée  du  10  août  1792  et  l'emprisonnement  du 
roi  et  de  sa  famille  au  Temple,  l'Assemblée  législative  exigea 
un  nouveau  serment  des  fonctionnaires  publics.  Rodrigue  se 
présenta,  le  21  septembre,  devant  la  municipalité  de  Luçon, 
pour  se  conformer  à  cette  formalité,  et  jura  «  d'être  fidèle  à 


PENDANT    LA    HKVOLUTION  485 

la  Nation,  et  de  maintenir  la  liberté  et  l'égalité,  ou  de  mourir 
en  la  défendant.  » 

Au  renouvellement  du  conseil  général  du  département,  en 
novembre  suivant,  Rodrigue  fut  continué  par  les  électeurs 
dans  ses  fonctions  administratives.  Mais  les  temps  devenaient 
durs  pour  les  prêtres  jureurs  et  pour  les  évoques  constitu- 
tionnels. La  Convention  marchait  à  grands  pas  à  la  suppres- 
sion radicale  du  culte  et  des  «  fonctionnaires  ecclésiastiques  ». 
A  partir  de  cette  époque,  Rodrigue  s'effaça  le  plus  possible. 
Pendant  toute  une  année,  son  nom  ne  paraît  qu'une  seule  fois 
dans  les  documents  publics,  pour  couvrir,  sous  l'apparence 
d'une  surprise,  son  civisme  effleuré.  On  n'a  pas  oublié  en 
effet  le  vicaire  épiscopalGaudin,  favorisé  de  la  première  nomi- 
nation signée  par  Rodrigue  lors  de  son  élévation  à  l'épisco- 
pat.  Gaudin  avait  fait  du  chemin  depuis  :  le  6  septembre  1791, 
les  électeurs  de  la  Vendée  l'avaient  nommé  député  à  l'As- 
semblée législative.  Là,  il  avait  pris  une  attitude  nettement 
antireligieuse,  et,  chargé  d'un  rapport  sur  les  congrégations, 
avait  conclu  à  leur  suppression.  Vis-à-vis  du  «  pouvoir  exé- 
cutif »  au  contraire,  il  avait  montré  une  réserve  inquiétante, 
dont  on  ne  découvrit  que  plus  tard  le  secret:  le  patriote  Gau- 
din se  faisait  payer  par  la  Cour,  et  son  nom  était  inscrit  sur  le 
Livre  rouge  !  Cette  révélation  émut  le  tremblant  Rodrigue,  qui 
se  hâta  d'écrire  à  la  Convention  (lettre  du  12  décembre  1792) 
pour  exprimer  sa  douloureuse  surprise,  et  demander  confir- 
mation de  l'inscription  de  son  vicaire  épiscopal  sur  la  liste 
des  stipendiés  du  tyran. 

L'année  1793  fut  pénible  pour«  la  Vendée  »  ;  de  son  autorité 
et  de  ses  fonctions,  il  ne  lui  restait  plus  guère  que  son  traite- 
ment de  12,000  livres.  Nous  savons  que  c'était  encore  beau- 
coup pour  lui,  mais  il  n'était  pas  sans  prévoir  que  les  douze 
mille  livres  elles-mêmes  n'allaient  pas  durer  longtemps.  Le 
10  novembre,  en  effet,  la  Convention  supprima  définitivement 
le  culte  catholique  et  le  remplaça  par  le  culte  de  la  Raison. 
«Quand  lamode  parutde  renoncerau  charlatanisme  sacerdotal, 


i 
486  LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE 

écrit  Mercier  du  Rocher,  Rodrigue  abdiqua  les  honneurs  de 
la  mitre  avec  le  môme  sang-froid  qu'il  les  avait  acceptés  ;  il  en 
regretta  sincèrement  les  revenus,  mais  il  ne  le  témoigna  pas.» 

C'est  le  2  décembre  1793  que  l'évêque  déposa  sur  le  bureau 
de  l'administration   départementale   sa   lettre  d'abdication  : 

«  Aux  citoyens  composant  le  conseil  général  du  départe- 
ment de  la  Vendée. 

«  En  remplissant  la  place  d'évêque  du  département  de  la 
Vendée,  j'avais  cru  servir  ma  patrie.  Gomme  les  circonstances 
ne  me  permettent  plus  de  le  croire,  je  déclare  que  j'abdique 
cette  place  et  que  je  ne  ferai  désormais  aucune  fonction  ecclé- 
siastique ;  je  déclare  aussi  que,  dès  le  mois  d'avril  dernier, 
n'ayant  plus  besoin  des  papiers  relatifs  à  mon  état  de  prêtre  et 
d'évêque,  et  ne  voulant  pas  les  laisser  aux  brigands  qui 
menaçaient  Luçon,  je  les  brûlai. 

«  A  Fontenay-le-Peuple,  le  douze  frimaire  de  la  seconde 
année  de  la  République  française  une  et  indivisible. 

«  Rodrigue.  » 

L'assemblée  fit  «  mention  civique  »  de  cette  lettre  d'une 
platitude  déconcertante,  et  décida  qu'elle  serait  imprimée  à  la 
suite  de  celle  du  citoyen  Dillon,  ex-curé  du  Vieux-Pouzauges, 
ex-constituant,  qui,  bien  qu'homme  intelligent  d'ailleurs, 
venait  d'échanger  son  prénom  de  Dominique  contre  celui 
d'Aristide  ! 

Une  pension  de  mille  francs  fut  allouée  au  démissionnaire. 

La  carrière  épiscopale  n'avait  pas  réussi  à  l'ex-curé  de 
Fougère  ;  les  nécessités  de  la  vie  lui  rappelèrent  son  ancienne 
profession,  et  il  demanda  modestement  une  place  de  profes- 
seur à  «  l'Ecole  centrale  »,  qu'on  venait  d'établir  à  Luçon  dans 
les  bâtiments  de  l'ex-séminaire  ;  cette  place  ne  lui  fut  pas 
accordée.  Il  dut  attendre  meilleure  fortuna  jusqu'en  avril  1797, 
époque  à  laquelle  il  fut  élu  juge  au  tribunal  de  Fontenay.  Le 
24  floréal  an  VI  (14  mai  1798),  il  passa  au  tribunal  de  Mon- 
taigu  en  qualité  de  juge-instructeur  au  civil  et  de  directeur 
du  jury  d'accusation   au   criminel,  ce  qui  est  à  peu   près  la 


PENDANT    LA    RÉVOLUTION  487 

même  chose  sous  deux  noms  différents.  Il  fut  inquiété  un  ins- 
tant au  sujet  de  sa  pension  :  lui  qui  avait  prêté  tant  de  ser- 
ments, tous  les  serments  demandés,  on  l'accusait  de  n'être 
pas  en  règle  arec  le  serment  exigé  des  pensionnaires  ecclé- 
siastiques au  lendemain  du  coup  d'État  de  fructidor,  et  on  ne 
parlait  de  rien  moins  que  de  le  rayer  du  tableau  des  pension- 
naires. Sa  réponse  le  montre  indigné  contre  un  soupçon  qui 
pouvait  avoir  de  telles  conséquences  financières. 

«  A   Montaigu,   le  5  frimaire  an  VII  de  la  République 
française  une  et  indivisible. 

«  Au  président  de  l'administration   centrale  du  départe- 
ment delà  Vendée. 
«  Citoyen, 

«  Je  vous  fais  passer  copie  d'une  lettre  que  je  viens  de  rece- 
voir de  l'administration  municipale  de  Fontenay-le-Peuple. 
Si  jamais  j'ai  eu  lieu  d'être  surpris,  c'est  d'une  pareille  lettre. 
Elle  me  fait  entendre  que  votre  administration  exige  que  je 
justifie  que  j'ai  prêté  le  serment  prescrit  par  la  loi  du  19  fruc- 
tidor an  V,  à  peine  d'exclusion  du  tableau  général. 

«  Gomment  peut-elle  l'exiger  après  tant  de  preuves  si  au- 
thentiques que  je  lui  ai  administrées  de  ce  fait  ;  notamment 
parmi  les  pièces  qu'elle  a  reçues  de  moi,  en  conséquence  du 
dernier  arrêté  du  Directoire  exécutif  concernant  les  pension- 
naires ecclésiastiques. 

«  J'aime  à  croire  que  la  lettre  de  votre  administration,  que 
m'a  citée  l'administration  municipale  de  Fontenay,  était  circu- 
laire et  n'entend  nullement  comprendre  ceux  qui  comme  moi 
ont  suffisamment  justifié  l'objet  en  question.  Quelle  apparen- 
ce qu'elle  veuille  multiplier  les  formalités  sans  nécessité? 

«  Je  suis  donc  persuadé  que,  d'après  les  renseignements 
que  vous  voudrez  bien  faire  passer  à  ce  sujet  à  ladite  admi- 
nistration,elle  n'insistera  plus  surla  demande  qu'elle  m'afaite. 

«  Salut  et  fraternité. 

«  Rodrigue,  directeur  du  jury  dans  l'arrondisse- 
ment de  Montaigu.  » 

TOME  XV   —  OCTOBRE,  NOVEMBRE,  DÉCEMBRE         34 


488   LE  CLERGÉ  DE  LA  VENDÉE  PENDANT  LA  REVOLUTION 

Rodrigue  resta  à  Montaigu  jusqu'en  1811  ;  l'âge  l'obligea 
alors  à  prendre  sa  retraite,  il  avait  81  ans.  11  habitait  rue  de 
l'Eglise,  au  faubourg  Saint-Jacques,  une  maison  entourée  d'un 
petit  jardin  qu'il  cultivait  lui-même.  Il  revint  mourir  dans  sa 
ville  natale,  à  Nantes,  à  l'âge  de  83  ans  et  9  jours,  réconcilié 
peut-être  avec  l'Eglise,  comme  permet  de  l'espérer  l'acte  ins- 
crit sur  les  registres  mortuaires  de  la  paroisse  Saint-Similien 
de  cette  ville  : 

«  Le  19  décembre  1813,  nous  avons  donné  la  sépulture  ec- 
clésiastique au  corps  de  M.  François  Rodrigue,  rentier,  âgé 
de  83  ans,  mort  hier,  à  une  heure  du  soir,  rue  Molac,  n»  15.  » 

a  Guilraud,  vicaire.  » 

Nous  ne  connaissons  aucun  portrait  de  Rodrigue  ;  voici  son 
signalement,  assez  vague,  donné  sur  un  certificat  de  vio  qui 

ai  fut  délivré  le  4  thermidor  an  VI,  à  l'âge  de  68  ans  : 

«  Nous,  administrateurs  municipaux  de  la  commune  de 
Fontenay-le-Peuple,  certifions  de  l'attestation  de  plusieurs  ci- 

oyens,  tous  domiciliés  dans  cette  commune,  que  le  citoyen 
François-Ambroise  Rodrigue,  ex-évêque  du  département  de 

a  Vendée,  né  le  10  décembre  1730,  taille  de  5  pieds  4  pouces, 
cheveux  et  sourcils  gris,  yeux  bleus,  nez  ordinaire,  bouche 
moyenne,  menton  rond,  front  découvert  et  visage  plein,  est 
vivant  pour  s'être  présenté  aujourd'hui  devant  nous,  qu'il  a 
résidé  en  France  depuis  le  9  mai  1792  et  avant,  qu'il  n'a  point 
émigré  et  qu'il  n'est  point  détenu  pour  cause  de  suspicion  ou 
de  contre-révolution. 
«  Fait  en  administration  municipale,  ce  4  thermidor,  an  VI 

«  Goichon,  président  ;  Garos,  adr  m1  ;  Rodrigue.  » 
(A  suivre.)  Edgar  Bourloton. 


m%% 


& 


BEAUVOIR-SUR-MER 

AU    XIe    SIÈCLE 

D'APRÈS    UN    DÉCRET    ÉPISCOPAL    INÉDIT 
D'ISAMBERT 

Évéque  de  Poitiers 
YKRS  1040 


M.  Charles  d'Achon,  ancien  élève  de  l'École  des  Chartes,  proprié- 
taire des  ruines  romaines  de  Gennes  (Maine-et-Loire),  dont  la  vie  est 
consacrée  à  la  conservation  des  documents  qui  peuvent  intéresser 
l'Histoire  de  France,  veut  bien  nous  offrir  la  primeur  d'une  décou- 
verte qu'il  vient  de  faire  dans  les  archives  de  l'un  de  ses  voisins. 
M.  de  Terrebasse,  découverte  qui  complète  la  série  des  Actes  relatifs 
au  Poitou.  M.  d'Achon, en  dépouillant  le  fonds  de  Cunauld  avait  déjà 
trouvé  les  trois  plus  anciens  titres  du  Cartulaire  de  l'abbaye  de 
Noirmoûtier  publiés  par  Léon  Maître  ;  il  a  donc  su  mettre  la  main  sur 
un  véritable  trésor.   (Note  de  la  rédaction). 

Ordonnance  de  V  évèque  de  Poitiers  prescrivant  aux  religieux 
de  Saint-Gildas-de-Rhuys  de  transporter  chez  eux  un  de  leurs 
frères  mort  à  Beauvoir-sur-Mer  (Vendée)  dans  l'hospice  des 
religieux  de  Saint-Philbert,  leur  défendant  de  s'établir  dans 
cette  résidence  et  dans  V église  qu'ils  ont  construite , et  décrétant 
que  les  religieux  de  Saint-Philbert  resteront  seuls  en  pos- 
session de  cette  église  et  auront  seuls  le  droit  d'y  célébrer  les 
offices. 

L'ordonnance  que  nous  publions  plus  loin  émane  de  l'évo- 
que de  Poitiers,  Isambert  i"r  ;  elle  éclaire  d'une  lumière 
nouvelle  les  origines  de  la  paroisse   de  Beauvoir-sur-Mer, 


490  BEAUVOIR-SUR-MER 

peint  les  mœurs  monastiques  du  XIe  siècle 'et  ajoute  des 
détails  pleins  de  précision  à  la  vie  du  moine  Goustan,  religieux 
de  l'abbaye  de  Saint-Gildas  de  Rhuys,  quia  eu  les  honneurs  de 
la  canonisation.  Son  nom  est  très  connu  en  Bretagne,  princi- 
palement au  Groisic  où  son  culte  est  attesté  par  une  chapelle 
qui  fut,  dit-on,  la  première  église  de  cette  ville1. 

Suivant  Albert  de  Morlaix,  les  pèlerins  se  rendaient  en 
grand  nombre  dans  ce  sanctuaire  à  certains  jours  de  l'année 
comme  à  Vannes  et  à  Auray.  Goustan  n'a  pourtant  pas  trouvé 
de  biographe  spécial.  Le  peu  que  nous  savonsest  inséré  dans  la 
vie  du  saint  abbé  Félix,  qui  l'avait  tiré  des  mains  des  pirates 
et  initié  aux  charmes  de  la  méditation  dans  l'île  d'Ossa  ;  ou 
dans  le  supplément  de  la  Vie  de  saint  Gildas  de  Rhuys.  Gous- 
tan, pendant  sa  captivité,  avait  été  témoin  des  mœurs  des 
pirates,  il  connaissait  mieux  que  personne  toutes  les  consé- 
quences atroces  des  habitudes  des  barbares  de  son  temps,  il 
était  donc  tout  naturel  qu'il  déployât  son  zèle  contre  les  écu- 
meurs  de  mer.  Ce  n'est  qu'une  induction  de  notre  part,  mais 
on  remarquera  qu'elle  n'est  pas  sans  fondements  sérieux,  car 
il  est  à  noter  que  les  chapelles,  dédiées  à  saint  Goustan,  au 
Groisic  et  à  Auray,  sont  érigées  sur  la  côte  maritime,  monu- 
ments qui  nous  semblent  marquer  les  étapes  de  sa  vie 
apostolique. 

Saint  Goustan  vivait  au  XIe  siècle,  c'est-à-dire  à  une  époque 
où  les  écrivains  ne  manquaient  pas  :  sa  vie  a  été  assez  acci- 
dentée ;  les  prodiges,  nous  dit-on,  n'ont  pas  manqué  sur  sa 
route,  ses  funérailles  ont  eu  du  retentissement,  et,  pourtant 
l'abbaye  qui  a  recueilli  ses  restes  ne  nous  a  légué  aucune 
relation  précise  et  circonstanciée  d'une  existence  aussi  bien 
remplie. 

Quand  Albert  Le  Grand  de  Morlaix  tenta,  au  commence- 
ment du  XVIIe  siècle,  de  rafraîchir  sa  mémoire,  il  ne  trouva 
chez  les  religieux  de  Rhuys  et  du  Groisic  que  des  légendaires 

t    Vie  des  Saints  de  Bretagne.  VA.  Miorcec  de  Kerdanet. 


AU    XI9    SIÈCLE  491 

emphatiques  que  le  souci  de  l'exactitude  n'avait  jamais  trou- 
blés. Si  nous  en  croyons  A.  de  Morlaix,  ces  pieux  recueils  lui 
attribuaient  une  quantité  de  faits  merveilleux  racontés  avec 
une  grande  naïveté,  et  le  faisaient  mourir  en  Tannée  608. 
Cette  date  surprenante  est  répétée  dans  les  deux  éditions  de 
Albert  Le  Grand  de  1636  et  de  1656,  avertissement  nouveau 
pour  les  lecteurs  qui  témoignent  trop  de  confiance  à  cet  ha- 
giographe  sans  critique. 

Dom  Lobineau  a  été  trompé  en  partie,  lui  aussi,  par  un  texte 
qui  avait  toutes  les  apparences  d'un  récit  consciencieux,  car  il 
porte  le  titre  de  Vie  de  saint  Félix,  abbé  deRhais,  et  il  est  tiré 
de  la  bibliothèque  de  l'abbaye  de  Fleury-sur-Loire.  Bien  que 
solidement  armé  d'une  forte  érudition  et  très  désireux  de  se 
rapprocher  de  l'exactitude,  autant  que  possible,  le  grand  bé- 
nédictin ne  s'est  pas  aperçu  qu'il  lisait  un  auteur  partial,  peu 
bienveillant  pour  ses  confrères  en  religion,  et  qu'il  y  avait 
lieu  de  se  tenir  en  défiance.  La  Vie  de  l'abbé  Félix,  successi- 
vement religieux  de  Fleury-sur-Loire  et  abbé  réformateur  de 
Saint-Gildas  de  Rhuys,  la  seule  relation  qui  nous  ait  conser- 
vé des  détails  à  peu  près  authentiques  sur  l'existence  de 
saint  Goustan,  n'est  pas  un  morceau  historique  qu'on  puisse 
citer  sans  réserves,  quand  on  voit  les  termes  peu  charitables 
.que  le  rédacteur  emploie  à  l'égard  des  religieux  de  Saint-Phi- 
libert de  Noirmoûtier.  Dom  Lobineau,  dépourvu  de  moyens 
de  contrôle,  s'est  borné  à  atténuer  les  méchancetés  de  son 
texte  et  n'a  pas  fait  de  réflexions. 

Pour  nous, les  sources  d'information  se  sont  multipliées  de- 
puis que  les  bibliothèques  s'ouvrent  de  tous  côtés  ;  aux  cher- 
cheurs nous  sommes  en  mesure  de  déterminer  toute  la  valeur 
du  récit  de  la  Vie  de  saint  Félix  en  le  rapprochant  d'une  ordon- 
nance contemporaine  d'un  évoque  de  Poitiers  que  nous  allons 
publier.  De  ce  rapprochement  il  ressortira  clairement  que  le 
rédacteur  n'était  ni  Breton,  ni  Poitevin  ni  aussi  ancien  qu'on 
a  voulu  le  représenter.  Bolland  (1643),  dom  Mabillon  (1668), 
éditeurs  du  texte  latin  du  moine  anonyme  de  Rhuys,  le  jugent 


492  BEAUVOIR-SUR-MER 

à  tort  comme  un  auteur  du  XIe  siècle,  c'est-à-dire  comme  un 
contemporain  de  saint  Goustan.  Après  les  inexactitudes  que 
nous  relevons,  il  est  à  présumer  que  notre  auteur  est  plus 
jeupe  de  cent  ans  au  moins,  car  il  est  douteux  qu'il  ait  osé 
dénaturer  l'histoire  du  vivant  même  de  son  héros,  quand  des 
témoins  oculaires  auraient  pu  le  contredire.  Ses  erreurs  sur 
les  établissements  de  Beauvoir  démontreraient  aussi  qu'il 
vivait  loin  du  Poitou  et  qu'il  a  écrit  tardivement  sous  l'inspi- 
ration d'un  personnage  intéressé  à  blanchir  la  conduite  des 
religieux  deRhuys. 

On  est  assez  embarrassé  pour  expliquer  la  présence  et  le 
séjour  de  Goustan  à  Beauvoir  et  pour  interpréter  les  expres- 
sions dont  se  sert  son  biographe  quand  il  relate  que  le  saint 
avait  fait  le  voyage  pour  les  intérêts  de  son  monastère  «  pro 
utilitate  monasterii  »,  car  Saint-Gildas  de  Rhuys  n'avait  pas 
de  possessions  sur  la  côte  poitevinne.  Depuis  la  donation 
d'Ansoald  de  676,  le  territoire  de  Beauvoir,  nommé  d'abord 
4 mpeimum, appartenait  tout  entier  et  exclusivement  aux  reli- 
gieux de  Noirmoûtier.  Il  est  vrai  que  depuis  le  VII*  siècle,  un 
hôte  nouveau  était  venu  s'installer  près  d'eux  ;  un  seigneur 
féodal  avait  bâti  un  donjon,  or  ce  nouveau  venu  ne  paraît  pas 
étranger  au  voyage  de  notre  saint  qui, peut-être, avait  été  attiré 
vers  lui  pour  traiter  des  moyens  de  fonder  un  prieuré1. 

Faire  intervenir  les  moines  de  Saint-Pierre  de  Maillezais 
ici*  et  les  mettre  en  opposition  avec  ceux  de  Saint-Philibert, 
c'est  aller  contre  toutes  les  notions  historiques  les  mieux  éta- 
blies et  mettre  en  opposition  la  fille  et  la  mère,  Maillezais 
passant  pour  une  fondation  de  saint  Filibert. 

Beauvoir-sur-Mer,  est  à  côté  de  l'île  de  Noirmoûtier,  c'est  la 
première  paroisse  à  traverser  pour  toucher  le  continent.  On 
ne  voit  pas  pourquoi  ce  prieuré  aurait  été  enlevé  à  l'abbaye 
de  Noirmoûtier  pour  être  donné  à'I'abbaye  de  Maillezais  :  le 

*  a  Favore   ejuedem   castri  principis  ad  multo  precio   conducti  ecclesiam 
edificare  non  timuerunt.   »  (Ordonnance  d'Isambert,  plus  loin). 

*  Arrondissement  de  Fontenay-le-Comte  (Vendée). 


au  xr  siècle  493 

Pouillé  du  diocèse  ne  fait  mention  que  de  deux  prieurés  des- 
servis à  Beauvoir,  l'un  qui  est  dédié  à  saint  Filibert  dont  nous 
connaissons  l'antique  origine,  et  celui  de  Saint-Pierre  qui  fut 
placé  dansla  dépendance  del'abbaye  de  Marmoûtier-lez-Tours 
dans  le  courant  du  XIe  siècle1.  Quand  Goustan  descendit  à 
Beauvoir,  dans  la  première  moitié  du  XI*  siècle,  il  n'y  avait 
qu'un  seul  établissement  monastique,  celui  des  religieux  de 
Noirmoûtier  ou  mieux  de  Tournus,  puisque  la  communauté 
principale  était  passée  en  Bourgogne*.  Toute  autre  institution 
rivale  aurait  été  exclue  comme  fut  combattue  la  tentative 
d'usurpation  des  moines  de  Rhuys. 

L'ordonnance  épiscopale  d'Isambert  a  une  couleur  de  vérité 
que  ne  possèdent  pas  les  textes  mis  en  regard.  Quand  Goustan 
tomba  malade,  dit-elle,  il  fut  transporté  à  l'aumônerie  des 
religieux,  et  lorsqu'il  décéda  après  quelques  jours  de  maladie 
il  fut  transporté,  au  milieu  des  acclamations  populaires  dans 
l'église  de  Saint-Philibert  de  Beauvoir,  en  attendant  que  les 
religieux  de  Rhuys  prissent  des  mesures  pour  l'inhumer  chez 
eux.  Dès  que  la  nouvelle  de  la  mort  de  Goustan  arriva  à  Rhuys, 
l'abbé  du  monastère  de  Saint-Gildas  complota  quelque  projet 
d'installation  en  Poitou,  car  l'évêque  fut  obligé  d'intervenir  et 
lui  fît  promettre  que  les  restes  du  vénérable  défunt  seraient 
transportés  dans  la  presqu'île  de  Rhuys,  loin  des  domaines  de 
saint  Filibert.  Il  craignait  sans  doute  que  la  faveur  populaire, 
très  échauffée  depuis  quelque  temps  par  le  spectacle  des 
vertus  de  Goustan,  ne  prît  feu  pour  le  nouveau  venu  et 
n'abandonnât  le  plus  ancien  sanctuaire. 

Au  lieu  de  suivre  la  marche  convenue,  et  d'obéir  aux  pres- 
criptions épiscopales,  les  religieux  de  Saint-Gildas  de  Rhuys 
laissèrent  le  corps  de  leur  frère  à  Beauvoir  et  eurent  même 
l'audace  de  s'établir  sur  l'héritage  de  saint  Filibert,  d'ensevelir 


1  Les  donations  à  Marmoûtier  sont  généralement  de  la  fin  du  XI9  siècle 
dans  l'ouest. 

'  L'abbaye  de  la  Blancbe  est  plus  récente,  elle  n'a  pas  de  rapports  avec  la 
première  fondation  Ansoald. 


494  BEAUVOIR-SUK-MER 

leur  confrère  défunt  et  de  bâtirjune  église  sur  son  tombeau. 
Isambert  qui  se  considérait  comme  le  gardien  des  intentions 
d'Ansoald,  le  fondateur  de  Noirmoûtier,  se  fâcha  contre  les 
usurpateurs  du  bien  d'autrui  et  protesta  énergiquement  en 
lançant  contre  eux  l'anathème  et  l'ordonnance  comminatoire 
que  nous  publions.  C'est  un  ordre  formel  de  quitter  Beauvoir, 
d'enlever  le  corps  du  défunt,  de  le  transporter  à  Rhuys  et 
d'abandonner  sans  délai  les  constructions  commencées  aux 
fils  desaint  Filibert.Défenseest  faitede  célébrer  la  messe  dans 
la  nouvelle  église  sans  l'autorisation  de  ces  derniers  qui  sont 
les  seuls  maîtres  de  ce  territoire. 

Voilà  les  faits  tels  qu'ils  ressortent  de  l'ordonnance  de 
l'évoque  Isambert,  ils  seront  mis  en  parallèle  ici  avec  le  récit 
dicté  par  les  envahisseurs,  intéressés  à  pallier  leurs  ma- 
nœuvres, pour  montrer  par  un  nouvel  exemple  les  services  que 
peuvent  rendre  les  chartes  isolées  à  la  critique  histo- 
rique. 

Dans  notre  document,  la  sainteté  de  Goustan  est  attestée  par 
les  acclamations  du  peuple  qui  porte  ses  restes  en  triomphe, 
mais  la  conduite  de  l'abbé  de  Rhuys,  Vital,  ne  nous  apparaît 
plus  aussi  correcte  que  nous  l'aurions  souhaitée.  Les  révoltés 
sont  justement  les  amis  de  saint  Goustan  qui,  pour  payer  les 
religieux  du  prieuré  de  Beauvoir  de  leur  généreuse  hospitalité 
ont  tenté  de  les  dépouiller  d'une  partie  de  leur  légitime  patri- 
moine en  élevant  autel  contre  autel. 

La  volonté  de  l'évêque  Isambert  fut  exécutée.  Le  corps  de 
saint  Goustan  fut  chargé  sans  doute  sur  un  bateau  et  trans- 
porté par  mer  sur  la  côte  de  Rhuys  d'où  il  était  parti.  On 
l'inhuma  dansjl'église  de  l'abbaye,  dans  le  transept  nord.  C'est 
là  que  le  voyageur  Dubuisson-Aubenay  vit  son  tombeau  quand 
il  traversa  la  Bretagne  en  46361. 

•  Léon  Maître  et  P.  de  Berthou,  Itinéraire  de  Bretagne  en  1636.  pp.  168 
et  169.  Nantes. 1898,  1  roi.  in-8».  Voir  aussi  abbé  Luco,  Histoire  de  Saint- 
Gildas  de  Rhuys,  p.  165.  La  Semaine  religieuse  de  Vannes,  1896,  contient  le 
procès-verbal    de   vérification    dea  reliques  du  36  août  1896. 


AU   XIe   SIÈCLE  495 

«  La  paroisse  a  pour  patron  saint  Gulstan  dont  le  sépulchre 
«  est  dans  l'abbaye  »... 

«  Dans  le  bout  boréal  de  la  croisée,  il  y  a  un  vieil  sépulchre 
«  de  pierre  orné  dans  un  !autel  de  bois  qu'ils  disent  être  de 
«  saint  Gulstan,  patron  de  la  paroice.  » 

Le  texte  de  l'ordonnance  épiscopale  nous  inspire  confiance 
pour  bien  des  motifs,  bien  qu'il  ne  soit  pas  revêtu  de  toutes 
les  formes  diplomatiques;  c'est  une  excellente  copie  en 
écriture  du  XIe  siècle  rédigée  sur  un  parchemin  qui  a  bien 
tous  les  caractères  de  la  fabrication  de  cette  époque1.  Les  reli- 
gieux de  Cunauld,  qui  avaient  reçu  l'ordonnance  pour  leur 
instruction  avec  le  chartrier  de  l'abbaye,  l'ont  considérée 
comme  un  document  précieux  à  garder  et  l'ont  déposée  dans 
leurs  archives2.  Son  original  ne  s'est  retrouvé  nulle  part  ni  à 
Tournus,  ni  à  Poitiers  dans  le  fonds  de  l'évêché,  ni  dans  la 
collection  de  dom  Fonteneau  qui  a  compulsé  la  plupart  des 
recueils  poitevins  ;  il  est  probable  qu'il  a  disparu  avec  le  fonds 
du  prieuré  de  Beauvoir  sur  lequel  on  manque  d'informa- 
tions. 

La  date  précise  de  l'acte  épiscopal  n'est  pas  facile  à  déter- 
miner en  raison  de  la  succession  immédiate  de  deux  évoques 
du  nom  d'Isambert  qui  ont  occupé  le  siège  de  Poitiers  de  1021 
à  1087.  Isambert  Ier,  pour  lequel  j'incline,  fut  évoque  jusqu'en 
1047;  l'abbé  Félix  auquel  on  associe  toujours  le  nom  de 
Goustan,  son  contemporain,  est  mort  en  1038,  or  la  condam- 
nation est  portée  contre  l'abbé  Vital3,  le  successeur  de  Félix, 
ce  qui  nous  donne  un  intervalle  de  neuf  années  pour  placer  les 
funérailles  de  Goustan  sous  cet  épiscopat.  Dans  l'hypothèse, 
très  admissible,  où  nous  serions  en  possession  d'une  ordon- 


1  Ei»  marge  un  archiviste  a  écrit  ceci  <  non  datée,  fin  du  siècle  1000  sur  le 
rèp  -e  de  Philippe  l,r  ».  Au  dos  un  autre  a  mis  en  écriture  ancienne  «  de 
uiver sis.  » 

*  M.  de  Stapleton, propriétaire  au  prieuré  du  Cunauld  en  1751.  a  fait  relier 
es  archives  en  39  volumes  et  a  fait  insérer  cet  acte  au  premier  volume,  p.  5. 

*  Voir  le  texte  de  la  Vie  de  saint  Goustan. 


4^6  BEAUVOIR-SUR-MER 

nance  d'Isambert  Ier,  il  faudrait  donc  limiter  la  rédaction  de 
l'acte  entre  les  années  1038  et  1047. 

Léon  Maître. 
TEXTE    DE    L'ORDONNANCE 

Ifsembertus] 

Dei  gratia  Pictavorum  episcopus,  catholicis  quocumque  terrarum 
difïusis  salutem  in  Christo  sempiternam  omnibus. 

Quamquam  ex  decessu  patrum  nostrorum  a  nobis  citissimo  pauci- 
tatem  dierum  nostrorum  brevi  esse  finiendam,  satis  aperte  collîga- 
mus,  tamen  ne  super  hac  re  aliquam  novitatem  nobis  inutiliter  pre- 
breamus,  videlicetquodsine  fine  mundanis  uti  valeamus,  propheta 
universis  quasi  minando  terribiliter  clamât  :  «  omnis  caro  fenum  et 
omnis  gloria  quasi  flos  feni  exsiccatum  est  faenum  et  cecidit  flos  ». 

Ergo,  quia  nulla  caro  velud  fenum  transitoria  quod  hic  sine  fine 
vivat,  sibi  débet  confidere,  et  ideo  mundana  quasi  flore  feni  fere  sub 
momento  casura,  prorsus  débet  contempnere,  placuit  nobis  ad 
utilitatem  futurorum  ex  nostris  bonis  actionibus  posteris  nostris  per 
litteras  noticiam  commendare  ut  vel  nostro  tali  docti  exemplo  ad 
idem  faciendum  studeant  consurgere,  vel  quod  nos  juste  fecimus, 
vigore  inflexibili  intendant  conservare. 

Quidam  igitur  Sancti-Gildasii,  ut  aquibusdam  dicebatur,  religio- 
sus  monachus',quondam  apud  Bellum  est  Videre*  hospitio  susceptus, 
et  mox,  urgente  infirmitate,  post  paucos  dies  defunctus  in  eadem 
villa,  in  monasterio  beati  Philiberti,  populo  triumphante,  est  collo- 
catus.  Ex  quo  si  quidem  loco  nostra  tali  licentia  Sancti-Gildasii  mo- 
nachi  illum  abstrahere  debuerunt  [ut]  vel  ad  suum  cenobium  deporta- 
rent,  vel  in  loco  ab  omni  calumnia  Sancti-Philiberti  monachorum 
inmuni  reponerent,  et  ibi,  pro  posse  seu  pro  velle  suo,  ecclesiam 
edificarent. 

Illi  vero  praeceptis  nostris  non  usquequaque  obedire  volentes, 
ex  eodem  castro  monachum  suum  educere  non  curaverunt,  sed  in 
ipso  castro  in  hereditate  sancti  Philiberti,  suis  monachis  a  veteribus 
et  a  modernis  rite  concessa,  et  in  ejus  parrochia,  favore  ejusdem 

1  II  s'agit  bien  de  saint  Goustan,  religieux  de  Saint-Gildas  de  Khuys.  Le 
doute  n'est  pas  possible  quand  on  a  lu  sa  vie. 

1  Bellum  videre,  lieauvoir-sur-Mer  (Vendée),  centre^féodal  qui  a  succédé  à 
'Ampan,  village  situé  à  une  lieue  de  l'église  actuelle  remplacé  par  un 
moulin. 


AU    XIe    SIÈCLK  497 

castri  principis  ad  hoc  multo  precio  conducti,  beati  Philiberti  mp- 
nachis  calumpniantibus,  sepelire  et  ecclesiam  ediflcare  non  timue- 
runt. 

Propter  quod  canonice  censuimus  a  loco  illo  monachum  defunctum 
moveri  et  vel  ad  suum  monasterium  referri,  vel  in  tali  loco  qualem 
supra  disseruimus1  deponi  et  illud  totura  edificium  pro  bac  causa 
suscitatum  monachis  Sancti  Philiberti  absque  omni  contradictione 
dimitti.  In  qua  ecclesia  nisi  beati  Philiberti  raonachos  in  perpetuum 
omne  divinum  officium  interdicimus  celebrari,  excepto  si  ipsi  mona- 
chj  quibuslibet  hoc  interdictum  voluerint  relaxari. 

Si  autem  impresenti  vel  in  futuro  quelibet  persona  nobilis  vel 
pauper,servus  vel  liber,  hoc  decretum  canonice  factum  quacumque 
causa  frangere  voluerit,  inprimis  iram  Dei  omnipotentis  et  omnium 
sanctorum  ejus  intolerabiliter  incurratet  sine  aliquo  respectu  sem- 
piterne  excommunicationi  subiaceat2. 


VITA   SANCTI    GULSTANI 

Vir  quoquevitae  venerabilisetmemoria  dignuseisdem  temporibus 
in  hoc  sacro  coenobio  refulsit  Gulstanus.  Hic  etiam  laicus  erat  sed 
psalmos  et  orationes  quas  memoriter  di  dicerat,  nocte  dieque  ante 
Deum  decantare  non  cessabat,  pernox  in  vigiliis  ita  ut.  etiam  de- 
crepita  setate,  vix  eum  vidisses  tribus  horis  aestate  aut  hieme  in 
lecto  jacere.  Hic  vero  in  adolescentia  sua  piraticis  predonibus  est 
separatus  per  Felicem3  qui  eo  tempore  Ossa  insula4  eremeticam  nec- 
dum  monachus  ducebat  vitam.  Ipsam  quoque,  quam  eo  tempore  ab 
eo  didicerat,semper  dilexit  usque  ad  flnem  vitae  suae  ducere  vitam  ; 

«  L'autre  frère  lai  que  sa  sainteté  a  rendu  recommandable  fut 
saint  Gulstan,  qui  après  avoir  appris  de  Félix  dans  l'île  d'Ouessant, 
à  vivre  saintement  dans  la  solitude  vint  le  rejoindre  à  Rhuys.  Il 
était  toujours  en  prière  et  répétait  nuit  et  jour  avec  une  ardente 
dévotion  les  psaumes,  et  les  oraisons  qu'il  avait  appris  par  cœur.  Il 

1  II  y  avait  d'abord  dixerimus  et  le  scribe  s'est  repris  pour  le  remplacer 
par  le  mot  ci-contre 

*  La  pièce  est  un  fort  parchemin  carré  de  0,39  sur  0,  39  réglé  d'une  façon 
apparente.  Le  bas  de  le  pièce  resté  en  Diane  est  de  sept  centimètres. 

3  D'après  les  chroniques  de  Rhuys  et  de  Quimperlé  l'abbé  Félix  serait  mort 
vers  1038. 

4  Cette  traduction  t  es  libre  est  de  dom  Lobineau,  qui  n'avait  pas  d'autre 
source  d'information.  {Vies  des  Saints  de  Bretagne.) 


498  BEAUVOIR-SUR-MER 

parcus  in  cibis  et  in  potu,  in  vigiliis  et  oratione  assiduus.  Hujus 
itaque  viri  mérita  Dominus  declarare  dignatus  est, etiam  invita  sua- 
Nam  longe  lateque  laudes  et  praeconia  ipsius  in  ore  omnium  naviga- 
torum  hujus  regionis  resonabant.  Plurimas  namque  per  eum  Domi- 
nus dignabatur  operari  virtutes  et  miracula,  ita  ut  enarrare  vel 
dinumerare  ea  vix  aliquis  posset.  Defunctus  autem  est  V  Kalend. 
decembris  apud  Bellum  videre  castrum,  ubi  pro  utilitate  monasterii 
sui  venerat,  in  domo  monachorum  Sli  Pétri  Maliacensium.  Sed  ubi 
voce  praeconis  fuit  auditum  quod  B.Gulstanus  de  hâc  vita  migrasset, 
(média  enim  nocte  transierat)  continuo  de  lectulis  dissilientes  viri 
nobiles  simul  cum  matronis  et  cunctis  qui  audiebant,  certatim  festi- 
nabant  ire  cum  cereis  et  lampadibus  ut  obsequium  ferrent  viro  Dei, 
ita  ut  vix  posset  ipsa  domus  continere  multitudinem. 

Videntes  itaque  monachi  S.  Philiberti  multa  ornamenta,  pecuniam 
quoque  copiosam  et  cereorum  diversam  multitudinem  circa  corpus 
viri  Dei  aggregari,  persuaserunt  omnibus  qui  convenerant  ut  ad 
ecclesiam  suam  sanctum  corpus  déferrent  sed  resistentibus  mona- 
chis  in  quorum  hospitio  defunctus  fuerat,  famulis  etiam  contra 
dicentibus,  ne  ab  illa  domo  moveretur,  donec  illud  possent  ad  suum 
reducere  monasterium,  illi  è  contrario,  concitatâ  multitudine,  rapi- 
entes  illum  de  domo  illa  cum  omni  apparatu  suo  et  luminibus  ad 
ecclesiam  suam  deportaverunt,  et  immensam  quse  offerebatur  per 
triduum  pecuniam  colligentes,  post  tertium  diem  sepelierunt  eum. 
Igitur  cum  ad  monasterium  ejus  haec  nuntiata  fuissent,  Vitalis 
abbas  illuc  perrexit  et  ut  corpus  monacbi  sui  sibi  redderetur  humi- 
liter  rogavit.  Sed  illi,  non  sancti  viri  dilectione,  sed  potiùs  amore 

était  si  occupé  de  Dieu  qu'à  peine  donnait-il  trois  heures  au  repos 
soit  l'hiver,  soit  l'été,  même  dans  un  âge  décrépit.  Dieu  fit  par  son 
moyen  beaucoup  de  miracles  qui  rendirent  son  nom  célèbre  ». 

«  Il  mourut  le  27  de  novembre  à  Beauvoir  en  Poitou  où  il  était  allé 
pour  les  affaires  de  son  abbaye  et  ce  fut  dans  cette  maison  de  moines 
de  Saint-Pierre  de  Maillezais  à  minuit.  » 

«  Aussitôt  que  l'on  eût  appris  sa  mort,  tout  le  monde  se  leva, 
nobles  et  gens  du  commun,  hommes  et  femmes,  et  tous  se  rendirent 
en  foule  à  cette  maison,  à  la  lueur  des  cierges  et  des  lampes  pour 
rendre  leurs  devoirs  à  ce  saint  vieillard.  » 


*  Il  n'est  pas  certain  que  Ossa  soit  l'Ile  d'Ouesant  que  les  anciens  géo- 
graphes appellent  Uxantis.  J'aimerais  mieux  proposer  l'île,  Yeu  nommée 
Oia  dans  les  vieux  textes. 


AU    XIe   SIÈCLE  499 

pecuniarum,  quse  quotidie  ad  ejus  undique  deferebantur  sepul- 
chrum,  nullum  reddiderunt  responsum.  Ille  ad  episcopum  Picta- 
vensem  lsembardum  abiit,  clamorem  ferens  de  injuria  ablati  sibi 
corporis  monachi  sui.  Episcopus,  quia  inobedientes  praeceptis  suis 
ipsi  monachi  fuerant,  praecepit  eos]  cum  suo  abbate  ad  synodum 
suam  venire,  abbatem  etiam  Vitalem  praecepit  adesse.  Cum  ergo 
venissent  et  in  synodo  utrique  eorum  causam  dixissent,  episcopus 
praecepit  abbatibus  atque  canonicis  nobilibms  qui  aderant  ut*... 

«  Les  moines  de  Saint-Philibert,  voyant  autour  de  son  corps  une 
grande  quantité  de  cierges  et  d'offrandes,  firent  violence  aux  moines 
de  Maillezais  et  à  la  faveur  de  la  multitude  ils  l'emportèrent  dans 
leur  église  où  ils  l'enterrèrent,  après  l'avoir  laissé  pendant  trois  jours 
exposé  à  la  vénération  publique  et  ramassé  beaucoup  d'argent  à  cette 
occasion.  Vital,  successeur  de  Félix,  informé  de  toutes  ces  choses, 
alla  réclamer  le  corps  de  son  religieux  et,  sur  le  refus  que  lui  en 
firent  les  moines  de  Saint-Philibert,  il  eut  besoin  d'avoir  recours  à 
l'autorité,  d'isambert  évêque  de  Poitiers,  déjà  mécontent  de  ces  reli- 
gieux, en  qui  il  avait  trouvé  peu  d'obéissance.  Ils  les  fit  venir  à  son 
synode  où, en  présence  de  l'abbé  Vital,  il  ordonna  de  rendre  aux  reli- 
gieux de  Ruys  le  corps  de  Saint-Gulstan,  ce  qu'ils  ne  purent  se  dis- 
penser de  faire.  » 

1  Reliqua  desunt.  Ce  fragment  est  emprunté  à  la  Vie  de  saint  Félix,  abbé  de 
Rhuys,  conservée  à.  l'abbaye  de  Fleury-sur-Loire  d'où  il  était  sorti.  Il  est  publié 
dans  les  Bollandistes  Acta  Sanctorum  XXIXa  die  Januarii,  tome  II, pp.  958-967. 
et  par  dom  Mabillon  à  la  suite  de  la  vie  de  saint  Gildas,  Acta  S-  S.  ord.  S, 
Benedicti,  tome  I,  p.  151. 


ESSAIS  D'EPIGRAPHIE  ^VENDEENNE 

(SUITB1) 


Inscription  commétnorative  de  la  réédification  de  la  flèche 
de  Notre-Dame  de  Fontenay. 

(1700). 


A  :  D  :  M  :  VIIG  (1700). 

H\£C  PYRAMIS  RE^DIPÏGATA  PVIT 

ET  PRIMVS  LAPIS  REPOSITVS  A.  D. 

GAROLO  MORIGEAV,  EQVITL  D. 

DE  CHEVSSE,  IN  GVRIA  FONTENIAGENSI 

SENEGALLO  INTEGERRIMO.   M.   MARTII. 

C'est  en  1700,  en  effet,  que  Charles  Moriceau  de  Gheusse, 
alors  sénéchal  de  Fontenay,  posa  la  première  pierre  de  la 
flèche  de  Notre-Dame,  qui  fut  reconstruite  depuis  la  première 
galerie,  mais  avec  les  mêmes  matériaux. 

Ce  travail  fut  grossièrement  fait.  La  flèche  fut  couronnée 
d'une  seule  pierre  de  0m66  de  hauteur,  ayant  à  sa  pointe  0m33 
de  diamètre.  Un  certain  Guinot  la  plaça.  Sur  l'assise  immé- 
diatement inférieure,  on  grava  les  noms  des  maçons  : 

1700. 

P.  GERBIER 

JAN.   GERBIER 

PAVSEVRS. 

1  Voir  la  livraison  de  décembre  i898. 


ESSAIS    D'ÉPIGRAPHIE    VMK^nÉENNE  -"01 

Inscription  placée  sur  le  mur  d'une  des  servitudes  de  la  maison 
de  M.  Arthur  de  la  Voûte.  (Ancien  clos  Saint- Louis). 

(1703). 


OPVS  L1TKRIS  PVBLICIS  H 

VIVS  ,EDIS  SVMPTIBVS  PERP 

ETVO  REFICIENDVM 

AD  PERPETVAM  MEM 

OR1AM  EREGTI  ERIGE 

NTIS  QVE  FRANGISG1 

DVGHESNE  SGVTTIFERI 


Le  clos  Saint-Louis  était  une  ancienne  dépendance  de  la 
chapelle  du  château,  où  se  voyaient  naguère  un  oratoire  et 
une  des  plus  belles  demeures  des  alentours  de  la  ville. 

François  Duchesne,  d'une  ancienne  famille  noble  des  envi- 
rons de  Fontenay,  fut  avocat  au  Parlement  et  commissaire 
des  vivres  des  armées  du  Roi.  Il  décéda  en  1722  et  fut  inhumé 
dans  l'église  Notre-Dame  de  Fontenay. 


Inscription  murale,  écrite  en  lettres  rouges,  découverte  sous 
une  boiserie,  au-dessus  d'une  porte  intérieure  de  la  maison 
de  M.  Arthur  de  la  Voûte  (ancien  clos  Saint-Louis). 

(1704). 


HOC  .EDIFICIVM  CONSTRVXIT 

DOMINA  DV  MESNIL™  QUOVIVIS 

EXGESS1T  1704  ILLVD  QVE  PERFECIT 

ET  ORNAVIT  FRANGISvs  A  QVERGV.SGV 

TIFER  DNVS  DV  MESNIL  AD  PERPETVAM 

MEMORIAM  GHARISSIMOE  SUOE  CONJU 

HIDIGTiE  DOMINA  MARLE  DE 

MOR1ENNE 


502  ESSAIS    DÉPIGRAPHIE    VENDÉENNE 

Cette  inscription  consacre  le  souvenir  d'une  chapelle  inté- 
rieure édifiée  dans  cette  maison, en  1704, par  François  Duché  s- 
ne,  écuyer,  seigneur  du  Mesnil.à  la  mémoire  de  son  épouse 
Marie-Françoise  de  Morienne. 


Inscription  placée  au-dessus  de  la  sépulture  des  Brisson 
dans  l'église  Notre-Dame. 

(31  Août  1724) 


Cy  deuant  reposent  les  corps  de  la  très  illustre  famille 
des  Brisson,  qui  ont  tous  été  distingués  par  leur  zèle 
pour  l'Estat,  dans  les  charges  les  plus  honorables.  L'his- 
toire fait  l'éloge  des  lumières  et  de  l'intégrité  de  Barnabe 
Brisson,  premier  président  du  parlement  dans  les  trou- 
bles de  Paris,  aussi  bien  que  de  sa  sagesse  et  sa  pru- 
dence et  surtout  de  sa  fidélité,  de  l'attachement  avec 
lequel  il  soutint  les  intérêts  de  son  prince  et  de  sa 
patrie.  Les  charges  de  sénéchal  et  de  Président  de  cette 
ville  ont  été  très  dignement  remplies,  et  successivement 
par  les  descendants  de  son  frère.  Françoys  Brisson  les 
réunit  en  sa  personne.  Il  avait  épousé  Louyse  Genays, 
d'où  est  sorti  Barnabe  Brisson,  dernier  du  nom  et 
Marie  Barnabe  Brisson,  morte  en  odeur  de  sainteté  le 
31  août  1724.  Ils  firent  plusieurs  donations  à  différen- 
tes églises  de  cette  ville,  dont  une  fondation  de  trois 
cents  livres  de  rente  perpétuelle  dans  cette  paroisse, 
avec  le  logement  de  deux  prêtres  obligés  à  desservir 
l'église  et  à  d'ire  la  messe  alternativement  et  à  perpé- 
tuité, tous  les  lundi  et  mercredi,  à  dix  heures  et  demie 
du  matin,  pour  le  repos  de  leur  âme  et  de  celles  de  leurs 
successeurs,   suivant    qu'il    est   porté   dans   l'acte    du 


ESSAIS    d'ÉPIGRAPHIE    VENDÉENNE  503 

16  avril  1680,  passé  par  Ballard  et  son  confrère,  notai- 
res aud.  Fontenay. 

Messire  Jacques  Genays,  écuyer,  seigneur  du  Chail,1  lAu- 
bonnière-des-champs'  et  autres  lieux,  conseiller-secrétaire  du 
Roy,  maison,  couronne  de  France  et  de  ses  finances,  ancien 
gendarme  de  sa  garde  ordinaire,  a  fait  dresser  ce  monument 
en  mémoire  de  leur  piété. 

De  Profundis. 
(Papiers  de  la  Fontenelle,  â  la  Bibliothèque  de  Niort.) 

Cette  épitaphe  qui  se  lisait  naguère  dans  l'église  de 
Fontenay,  et  dont  le  texte  nous  a  été  conservé  par  Dom 
Mazet,  et  la  Fontenelle  de  Vaudoré,  était  gravée  sur  une 
plaque  de  marbre  noir  de  quatre  pieds  de  haut  sur  trois 
pieds  huit  pouces  de  large. 

Elle  relate  les  éminents  services  que  Barnabe  Brisson  et  sa 
sœur  Marie  avaient  rendus  à  leur  ville  natale. 

La  famille  Brisson,  originaire  du  Bas-Poitou,  a  en  effet, 
occupé  pendant  près  de  deux  siècles  les  premières  charges  de 
la  magistrature  ;  elle  a  donné  un  premier  Présidentau  Parle- 
ment de  Paris,  le  savant  Barnabe,  qui  obtint  en  1655,  et  dans 
les  plus  honorables  circonstances,  des  lettres  de  noblesse; 
un  membre  de  l'Institut,  Mathurin  Brisson,  qui  fut  l'ami  et 
l'émule  de  Réaumur,  et  un  historien,  Pierre  Brisson,  qui  a 
laissé  d'intéressantes  pages  sur  les  guerres  civiles  du  Poitou 
au  XVIe  siècle. 


1  Commune  de  Fontenay. 

'  Commune  de  Sainte-Pexine. 

TOME  XII.  —  OCTOBRE,  NOVEMBRE,  DÉCEMBRE        35 


504 


ESSAIS    D  EPIGHAPHIE    VENDEENNE 


Inscription  gravée  sur  une  pierre  de  la  façade  d'une  maison 
sise  au  carrefour  de  la  Croix- Bonnette,  près  Fontenay. 

(10  juin  1726). 


AV.NOM.DV.PERE.ET.DV 
FILS.  ET.  DV.  S.  ESPRIT 

AMEN.IESVS            _L 

FAIT. 
AVGE 

PAR.  MOI.  P] 

:r.le.dix.d^ 

[ERRE 
/.MOI 

DE 

JVIN 

1726 

I  R 

1  R 

(Recueillie  et  dessinée  par  A.  Bitton). 


ESSAIS    d'ÉPIGHAI'HIK    VENDEENNE 


505 


Inscription  en  l'honneur  du  maire  Augustin  Jolly  de  Saint  Picq, 
placée  naguère  sur  un  pilier  à  côté  de  la  grande  fontaine. 

(1727) 


LUDOVICO  DECIMO  QUINTO 

Sub  feliciffimis  auspiciis  habenas  regni 

MODERANTE 

Dom  Augustinus  Jolly  de  Saint-Picq, 

Régis  a  consiliis, 

Ac  in  supremâ  Fonteniacensi  curiâ  propraetor 

Integerrimus 

Annuentibus  amicis,  inhiante  plèbe, 

Exigente  virtute,  comprobante  cœlo, 

Urbi  prsefectus, 

Oppido  decus  et  lymphis  honorem 

Restituebat, 

Gui  nunc  et  in  perpetuum 

Felicia,  fausta,  fortunataque  sint 

Omnia. 


MDGGXXV1I. 


(Communiqué  par  M.  Arthur  Parenteau  de  la  Voûte.) 

Augustin  Jolly  de  Saint-Picq  fut  en  effet,  conseiller  du  Roi 
juge,    lieutenant    particulier   au    siège    royal    de    Fontenay' 
maire,  et  entre  temps  père  temporel  des  Gordeliers. 


506  ESSAIS    D'ÉPIGRAPHIE  VENDÉENNE 

Inscription  placée  sur  Vun  des  piliers  du  chœur   de  l'église 

Saint-Jean  de  Fontenay1. 

(1728) 


t 


ICY.  REPOSE.  LE.  CORPS 
DE.  M'e  JEAN.  SIMMONNAY 

EG.  S'  DE.  GIRASSAC.  GHE 
VALIER.  DE  LORDRE.  MILI 

TAIRE.  S'-LOUIS.  ANSIEN 

CAPITAINE.  AV  REGIMENT 

DINFENTRIE .  DE .  MONBO 

ISS1ER.  Et  ANSIEN.  OFFICIER 

DE.  GENDARME.  DE  LA.  GARDE 

ORDINAIRE.DV.ROY.AGE.DE 

63  ANS .  DECEDA .  LE .  19 .  FEV 

RIER.   1728.   PRIE.   DIEV.  POV 

SON.  AME 


Inscriptions  de  la  cloche  provenant  de  V église  de  Saint-Médard- 
des-Prés,  actuellement  à  la  Chapelle  de  l'hôpital  de  Fontenay. 

(1739) 


L'inscription  du  cerveau  estainsi  conçue  : 

f  LAN  1739  IAY  ETE  FONDUE  MESSIRE  IEAN  HABAINS 
ETANT  CURE  DE  St  MEDAD  LA  MISSION  Y  ETANT  BENIE 
PAR  Msre 

f  ABRAHAM  HESNARD  SUPARIEUR  DE  LA  MAISON  DE 
LA  MISSION  DE  FONTENAY  LE  COMTE  MOMMEE  MEDARD 
PAR  MESSIRE. 

1  Au  2e  pilier,  du  cité  de  l'épltre,  on  lit  également  :  Jésus  Maria,  le  corps 
de  Michel  Porcher  gist  ici/.  Passans  priez  Dieu  pour  le  repos  de  son  âme 
et  vous  souvenez  que  vous  êtes  pécheurs  et  mortels  comme  lui  ! 

JHS  Ç?  MRA. 


ESSAIS    D'ÉPJGRAPHIE    VENDÉENNE  507 

t  ISAAG  DE  BESSAY  CHEVALIER  SEIGNEUR  DE  LA 
VOUSTE  ET  DAME  CATHERINE  MARGUERITE  BAUDRY 
DASSON  SON    EPOUSE. 

Sur  la  robe,  d'un  côté  :  un  écusson,  comprenant  les  deux 
blasons  suivant  accolés  :  1.  de  sable  à  la  bande  fuselée  de 
quatre  pièces  d'argent,  qui  est  de  Bessay  ;  2.  de...  au  chevron 
de...  qui  est  de...  ;  —  de  l'autre  côté  :  un  écusson  deux  fois 
répété  d'argent  à  un  chien  passant  de  sable  et  au  chef  de 
gueules  chargé  d'une  étoile  d'argent  accostée  de  deux  roses  de 
même,  qui  est  de  Habains. 

Au  bas  :  —  d'un  côté,  une  Vierge  tenant  l'Enfant  de  la  main 
gauche  et  le  sceptre  delà  main  droite,  et  les  mots  : 

FRANÇOIS  OLIVIER  FABRIQUEUR. 
De  l'autre  côté,  une  croix  ornée  de  rinceaux,  et  la  signature 
du  fondeur. 

I  BAPTISTE  RIGV  ///  MA  FAIT. 

Entre  les  deux  :  un  personnage  mitre  et  crosse. 

L'inscription  du  cerveau  se  déroule  entre  deux  larges  ban- 
deaux d'une  élégante  ornementation. 

Le  nom  du  fondeur  doit  se  restituer  Jean-Baptiste  Rigueur. 

Ce  personnage  qui  fut  plus  tard  «  maître  fondeur  du  roi,  » 
a  travaillé  en  Anjou,  en  Touraine  et  en  Poitou,  de  1726  à  1753. 
Il  dut  avoir  un  fils,  portant  le  môme  prénom  que  lui,  que  l'on 
trouve  en  1770  en  Saintonge. 

Jean-Baptiste  Rigueur  était  originaire  de  Lorraine.  Chacun 
sait  que  la  Lorraine  était  par  excellence  le  pays  des  fondeurs 
de  cloche.1 

I  II  existe  également  à  l'hôpital  de  Fontenay  :  une  cloche  de  communauté 
portant  cette  inscription  :  SIT  NOMEN  DOMINI  BENED1CTUM  1634  ;  un 
calice  en  argent  sous  le  pied  duquel  on  lit  cette  double  inscription: 

FAIT.  DES.  JOYAUX.  DES.  DAMES.  DE.  FONTENAY.  DONNÉ.  A. 

LHOPITAL.  GÉNÉRAL.  DUDIT.  LIEV.  1684. 

RÉPARÉ  PAR  LES  DAMES  DE  FONTENAY  EN   1852  ; 

Et  enfin  un  alambic  sur  lequel  est  gravé  au  pointillé  ,  dans  un  cartouche 
surmontant  une  fleur  de  lys  : 

POUR 

LHOPITALLE.  GÊNÉ. 

RALLE.  DE.  FONTE. 

NAY.  LE.  CONTi'l 

17     77 


508  essais  d'épigraphie  vendéenne 

Inscription  gravée  sur  cuivre  en  mémoire  des  réparations 
de  l'église  Notre-Dame. 

(1745). 


EN.  1568.  cette,  églize.  fut.  rvinée. 

et.  rebastie.  en.  1600.  aux.  frais,  de.  la.  fabriqve.  et.  des.habi- 

tans.  et.  en.  1745.  elle.  a.  esté,  faitte.  blanchir,  et.  l'hos 

tel.  remis,  dans.  sa.  première,  perfection,  et.  beaut 

é.  et.  la.  porte,  du.  costé.  de.  la.  grand,  rve.  rétabl 

ie.  sous.  le.  soin.  et.  par.  les.  ordres,  de.  Mr.  Me.  Jacqves. 

Renaud,  seignevr.   de.  la.  Forest.  conseiller,  dv.  roy.   iuje. 

magistrat,  civil,  et.  criminel,  en.  la.  sénéchaussée,  et. 

siège,  royal,  de.  cette,  ville,  margvillier.  d'Honneur. 

D'icelle.  et.  de.  M".  Jean.  Daniel.  Fillon.  nore.  royal,  en. 

icelle.  fabriqvevr.  le.  tout.  aux.  dépens,  de.  la.  fabriqve. 

par.  vne.  qveste.  faitte.  en.  la.  paroisse,  par.  mes.  dits. 

sievrs.  les.  margvilliers.  et.  fabriqvevrs. 

Grave  par  Rèmy  Guiot,  marchand  orfèvre  en  icelle. 

Au-dessus  :  les  chiffres  de  J.  Renaud  et  de  J.-D.  Fillon,  et 
un  petit  médaillon  représentant  une  souche  de  laurier  pous- 
sant des  rejetons,  avec  cette  légende  : 

ET.  ADHVG.  SEPES.  DVRAT.  AVORVM. 


Transparents  qui  décoraient  la  façade  de  la  maison  habitée 
par  Dumouriez\  le  soir  du  jour  où  le  bataillon  delà  Vendée 
reçut  son  drapeau  des  mains  des  dames  de  Fontenay. 

(10  décembre  1791). 


LA  NATION. 
LA  LOI,  LE  ROI. 


AU    BATAILLON    DE    LA    VENDÉE 
LA  NATION  RECONNAISSANTE 

1  La  maison  qu'habitait  Dumouriez  en  1791,  était  placée  entre  la  rue  de  la 
Pie  et   l'ancien  canal  de  Fontarabie   (sans  doute  la  maison  occupée  aujour- 
'hui  par  notre  ami  M.  Glais). 


essais  d'épigraphjk  vkndéknne  509 

COURONNEZ  DE  LAURIERS  CE  DRAPEAU, 

GAGE  PRÉCIEUX  DE  VOS  MÈRES, 

DE  VOS  SOEURS,  DE  VOS  AMANTES. 


LES  HOMMES  LIBRES  SONT  ESCLAVES 
DE  LA  LOI. 


TREMBLEZ,  SATELLITES  DES  TYRANS, 

DEVANT  LES  SOLDATS 

DE  LA  LIBERTÉ. 


Papiers  de  Mercier  du  Hocher). 


Inscription  de  l'autel  de  la  patrie  dresse  sur  la  place  de  la 

Révolution,  à  Fontenay. 

Le  7  Avril  1794. 


LES  RÉPUBLICAINS 

DE 

FONTENAY-LE-PEUPLE 

JURENT  DE  MOURIR  POUR  LA  DÉFENSE 

DE  LA  PATRIE 

DE  LA   LIBERTE 

ET 

DE  L'ÉGALITÉ 


L'AN  II  DE  LA  RÉPUBLIQUE  FRANÇAISE 
UNE  ET  INDIVISIBLE 


Cette  inscription  était  surmontée  du  faisceau  des  licteurs 
et  du  bonnet  phrygien. 

(A  suivre).  René  Vallettk. 


PETITS    DRAMES   VENDÉENS 


LA    HACHE    DE    RIPOCHE 

(page  a  relire) 


Sur  les  blés  déjà  mûrs,  les  arbres  et  les  plantes, 
Le  soleil  de  juillet  lance  ses  dards  cuisants  : 
Plantes,  feuilles,  moissons  s'affaissent,  nonchalantes  ; 
Les  oiseaux  sont  muets  sous  ces  rayons  pesants. 

Seule,  au  creux  d'un  buisson  quelque  cigale  crie  ; 
A  l'ombre,  aux  bords  desjprés  s'endorment  les  troupeaux 
Nul  bruit  dans  le  village  ou  dans  la  métairie  : 
La  nuit  ne  couvre  pas  un  plus  profond  repos. 

Cependant  à  travers  la  campagne  embrasée, 
Le  pied  ferme,  léger,  sous  cet  air^écrasant, 
Comme  si  c'était  l'heure  où  perle  la  rosée, 
Le  long  des  chemins  creux  s'avance.un  paysan. 

• 

Cet  homme,  qui  parcourt  ainsi  tout  le  Bocage, 

Sous  ce  chapeau  si  large  et  ces  cheveux  si  longs, 

Porte  des  traits  où  luit  la  pleine  fleur  de  l'âge, 

De  nobles  traits,  hâlés  au  labeur  des  sillons. 

Vide  est  la  panetière  et  vide  aussi  la  gourde, 
Qui  près  de  ce  fusil  pendent  à  son  côté. 
Malgré  sa  lassitude  et  cette  chaleur  lourde, 
Il  s'avance  toujours  d'un  pas  précipité. 


LA  HACHE  DE  RIPOCHE 


Sur  l'acier  qu'il  tient  haut,  la  lumière  flamboie; 
Impassible,  immobile,  il  regarde,  il  attend; 
Sa  face  resplendit  d'une  sublime  joie... 
Et  les  Bleus  stupt'taits,  hésitent  un  instant. 


Emile  (iRIMAUD. 


LA    HACHE    DE    RIPOCHE  511 

Ah  !  cet  élan,  ce  vol,  à  son  toit  le  ramène  ! 
Quelques  instants  encore,  il  touchera  le  seuil, 
Le  seuil  qu'il  a  franchi  depuis  une  semaine, 
Y  laissant  à  sa  place  et  l'angoisse  et  le  deuil. 

Il  songe  —  et  de  bonheur  a  tressailli  son  âme  — 
Aux  chers  êtres  qu'il  va  tant  serrer  sur  son  cœur  : 
Le  père  à  cheveux  blancs,  et  les  fils,  et  la  femme, 
Qui  pleurent,  le  croyant  mort  et  non  pas  vainqueur. 

Lui,  fier,  il  leur  fait  voir  ses  habits  en  désordre  ; 
La  poudre  qui  noircit  ses  lèvres  et  ses  mains... 
Des  cartouches  !  combien  n'en  ont-ils  pas  dû  mordre, 
Pour  battre  et  pour  chasser  tous  ces  républicains! 

Le  fusil  se  repose  au  clou  comme  naguère  ; 
Plus  de  sang  :  c'est  le  tour  de  l'agreste  combat  ; 
Plus  d'hommes  à  frapper,  mais  des  épis  sur  l'aire, 
Et  les  sons  du  fléau  qui  sans  trêve  s'abat. 

Et  l'amour  en  son  âme  éteint  presque  la  haine. . . 
A  son  regard  perçant,  tout  à  coup,  devant  lui, 
Au  sommet  d'un  vallon  que  couronne  un  vieux  chêne, 
Dans  l'azur  un  point  d'or  sur  une  flèche  a  lui. 

Salut,  clocher  natal  !  et  toi,  salut,  ô  ferme, 
Dont  la  rouge  toiture  est  si  plaisante  à  voir! 
Il  a  bien  mérité  d'atteindre  enfin  le  terme, 
Celui  qui  vers  vos  murs  marche  depuis  le  soir  ! 

Il  résiste  pourtant  au  désir  qui  l'entraîne  : 

Sous  un  bouquet  de  bois  —  coudrier,  saule,  ormeau  — 

Une  onde  intarissable,  une  étroite  fontaine, 

Coupe  où  se  peint  le  ciel,  jaillit  pour  le  hameau. 

Une  antique  statue  est  là,  Vierge  naïve 
Pressant  l'enfant  Jésus  contre  son  chaste  sein, 
Dans  la  paroi  du  roc  d'où  distille  l'eau  vive, 
Groupe  aimé  qui  rayonne  au  fond  du  clair  bassin. 


512  LA    HAOHE    DE    RIPOCHE 

Le  soldat  s'agenouille  au  bord  frais  de  la  source, 
Posant  chapeau,  fusil  sur  l'herbe  du  chemin. 
Celle  qui  protégea  sa  périlleuse  course, 
Il  la  salue...,  et  l'eau  ruisselle  de  sa  main. 

0  délices  !  vers  elle  il  a  penché  sa  bouche.. . 
Mais  des  Bleus,  à  l'affût  dans  le  bouquet  de  bois, 
S'élancent,  en  poussant  une  clameur  farouche, 
Et  dix  étaux  vivants  l'étreignent  à  la  fois. 


II 


Aux  abords  du  village  et  près  du  cimetière, 
Un  arbre  de  la  croix,  planté  dans  le  granit, 
Montre  ses  bras  sacrés  à  la  paroisse  entière  ; 
Connu  des  plus  anciens,  la  mousse  le  jaunit. 

C'est  là,  sous  ce  calvaire  où  pria  son  enfance, 
Saint  gibet  qu'il  honore  à  l'égal  d'un  autel, 
Qu'ils  mènent  le  captif,  poings  liés,  sans  défense  : 
Pour  rendre  un  jugement  quel  lieu  plus  solennel  ! 

Le  captif  vous  atteste,  éponge,  clous  et  lance  : 
Défenseur  de  Dieu  même,  il  n'a  pas  de  remord. 
La  voix  du  chef  s'élève  au  milieu  du  silence  : 

—  «  Pris  le  fusil  en  mains,  tu  mérites  la  mort. . . 

Mais  tu  peux,  ô  brigand,  te  soustraire  à  nos  armes  : 
Nous  t'offrons  un  moyen,  un  seul  !»  —  «  Dites,  lequel  ?  » 
Et  le  condamné  tend  ses  yeux  remplis  de  larmes 
Vers  le  champ  qu'il  sema,  vers  le  toit  paternel. 

Sur  un  signe  du  chef,  un  des  Bleus  lui  détache 

Les  mains  que  meurtrissait  la  cordeaux  nœuds  étroits. 

—  «  Pour  obtenir  ta  grâce,  eh  !  bien,  prends  cette  hache, 
Et  d'un  coup  vigoureux  abats-nous  cette  croix  !  » 

Le  chrétien  a  saisi  la  hache  redoutable  ; 
Son  bras,  comme  un  bâton,  l'enlève  et  la  brandit  ; 
Puis  sur  le  piédestal  —  trahison  lamentable  !  — 
S'élance,  d'un  seul  bond,  s'élance  le  maudit. 


LA    HACHE    DE    R1P0CHE  513 

Le  maudit  !...  écoutez  sa  grande  voix  qui  vibre  : 

—  «  Que  nul  de  vous  n'insulte',  à  ce  bois  consacré, 
Sinon,  je  retends  mort  sous  ce  fer  d'homme  libre... 
Jusqu'au  dernier  soupir,  croix,  je  te  défendrai  ! . . .  > 

Sur  l'acier  qu'il  tient  haut  la  lumière  flamboie  ; 
Impassible,  immobile,  il  regarde,  il  attend  : 
Sa  face  resplendit  d'une  sublime  joie. . . 
Et  les  Bleus,  stupéfaits,  hésitent  un  instant. 

Mais  la  fureur  du  chef  s'exhale  en  cris  de  rage  : 

—  «  Ce  bandit  vous  effraie,  ô  femmes  !  ô  couards  !  » 
Et  les  exécuteurs,  s'excitant  au  courage, 
Assaillent,  vingt  contre  un,  la  croix  de  toutes  parts. 

De  toutes  parts  le  fer  l'attaque...  il  le  repousse  ; 
Et,  sabres  et  fusils,  la  hache  brise  tout  ; 
Mais  son  bras  s'affaiblit,  mais  le  tranchant  s'émousse. . . 
Il  embrasse  la  croix,  —  sanglant,  vaincu,  debout  ! 

—  «  Il  en  est  temps  encor  :  pour  vivre,  abats  ce  signe, 
Bois  pourri  que  dressa  la  superstition...  » 
Baïonnettes  au  cœur,  le  Vendéen  s'indigne  : 

—  -<  Ce  signe  !. c'est  celui  de  ma  rédemption  ! 

Jamais  je  n'abattrai  ce  bois  que  je  révère  !..  » 

—  a  Eh  bien,  meurs,  puisque  rien  ne  peut  te  convertir.  • 
On  le  frappe,  on  le  perce,  on  le  cloue  au  calvaire... 

—  Jésus,  ouvre  le  ciel  et  reçois  ton  martyr  ! 

Emile  Grimaud. 


JOURNAL  DES  ÉVÉNEMENTS 


OCCASIONNES    PAR 


LES     ANGLAIS     SUR    NOS    COTES,    ETC 
Commencé    le    30   floréal,    H*   année   républicaine. 


Le  7.  —  Sur  les  huit  heures  du  matin,  la  vigie  a  signalé 
un  lougre  anglais  qui  bientôt  s'est  montré  devant  la 
rade  sur  laquelle  se  dirigaient  plusieurs  chasse-marée 
auxquels  il  voulait  couper  chemin,  mais  la  Guadeloupe  et  la 
Ylsle-Dieu  étant  appareillées,  il  a  bientôt  pris  le  large  en  provo- 
quant nos  bâtiments  par  deux  coups  de  canon  qu'il  a  tirés  à 
six  portées  ordinaires.  (Il  a  tiré  pour  appeler  à  bord  son  canot 
qu'il  avait  envoyé  sur  deux  chasse-marée). 

Le  même  jour,  au  soir,  la  Ylsle-Dieu  et  la  Guadeloupe  sont 
parties  pour  les  coureaux. 

Le  8  au  matin .  —  h' Angélique  est  partie  pour  l'isle  Dieu  où 
elle  conduit  une  chaloupe  qui  y  porte  vingt  (ou  13)  maçons 
pour  construire  des  casernes. 

Au  soir.  —  Les  vents  contraires  ont  obligé  Y  Angélique  de 
retourner  en  rade.  La  chaloupe  qu'elle  escortait  est  pro- 
bablement relâchée  à  Saint-Gilles. 

Le  10.  —  La  chaloupe  est  de  retour  de  l'isle  Dieu  où  elle 
a  déposé  les  maçons  qu'elle  y  portait  ;  sur  le  soir,  un  convoi 
venant  de  Fromentine  et  escorté  par  la  Subtile  et  Y  Actif  est 

1  Voir  la  livraison  d'avril,  mai,  juin  1899. 


JOURNAL  DES  ÉVÉNEMENTS  515 

passé  devant  la  rade,  se  rendant  dans  les  coureaux  ;  Y  Actif 
est  entré  dans  le  port;  Y  Agile  qui  en  était  sortie  le  matin, 
est  allée  accompagner  le  convoi  avec  Y  Angélique  jusque  vers 
le  travers  de  la  Baleine,  et  sont  revenues  mouiller  en  rade. 
La  vigie  de  l'Aubraye  a  commencé  à  signaler. 

Le  11  au  matin.  —  L'Agile  est  partie  pour  l'isle  Dieu  ; 
quelques  chasse-marée  destinés  pour  le  bas,  ont  profité  de 
son  escorte.  Un  lougre  courant  la  bordée  du  S.  E.  s'est  mon- 
tré dans  le  0.  N.  0.  très  au  large.  La  Subtile  avec  quelques 
chasse-marée,  est  arrivée  en  rade  vers  midy.  L'Angélique  est 
partie  le  soir  pour  Fromentine,  avec  le  capitaine  général 
qu'elle  y  conduit. 

Le  12  au  soir.  — L'Agile  et  Y  Angélique  sont  de  retour  en 
rade. 

Le  13  au  matin.  —  L' Agile  est  partie  pour  Rochefort.  Sur 
les  9  heures,  un  lougre  anglais  se  tirant  du  S.  E.  et  venant  de 
laisser  un  brick  qu'il  avait  visité,  donnait  la  chasse  aux 
chaloupes  qui  étaient  toutes  en  peloton  réfugiées  sous  le  fort 
de  Tanchet.  "L'Angélique,  dont  le  capitaine  n'était  pas  à  bord, 
se  préparait  à  l'appareillage,  mais  l'arrivée  du  capitaine 
changea  ses  dispositions  ;  il  crut  plus  prudent  de  rester  en 
rade,  et,  s'y  affourcha.  Le  fort  de  Tanchet  tira  d'abord  un 
coup  de  canon  à  poudre,  probablement  pour  faire  arborer  la 
couleur  du  lougre  lequel  était  bientôt  à  la  portée  du  canon,  il 
répondit  aussitôt  par  deux  coups  de  canon  à  boulets  et  mit 
un  très  petit  pavillon  à  son  tapecu,  accostant  toujours  un 
peu,  et,  les  forts  se  croyant  à  portée,  ils  luy  tirèrent  quelques 
boulets  qui  ne  furent  pas  à  moitié  chemin. 

L'Angélique  môme,  oubliant  que  ses  canons  ne  se  ren- 
draient pas  au  quart  du  chemin,  luy  tira  aussi  quelques  coups 
de  canon  ;  le  lougre  arriva  et  courut  au  large,  mais  apercevant 
venir  des  coureaux  deux  petits  bâtiments,  il  revira  de  bord  et 
manœuvra  pour  leur  couper  chemin,  alors  le  capitaine  de 
Y  Angélique,  qui  était  déjà  redescendu  à  terre,  se  rendit  de  nou- 
veau à  bord,  il  appareilla  et  fut  à  la  rencontre  des  deux  bâti- 


516  .10URNAL    DES    ÉVÉNEMENTS 

ments  qu'il  sauva,  en  engageant  un  petit  combat  avec  le 
lougre,  dans  lequel  il  n'y  a  eu  que  des  boulets  échangés  qui 
n'ont  fait  aucun  mal.  L'Anglais  voyant  ne  rien  obtenir  d'avan- 
tageux, laissa  arriver  et  se  tint  en  panne  le  reste  du  jour. 

Le  14.  —  A  5  heures  1/2  du  matin,  le  lougre  était  sous 
le  fort  courant  la  bordée  de  l'Est,  mais  il  arriva  bientôt  tout 
plat,  ayant  sans  doute  connaissance  de  la  Subtile  qui  sortait 
du  port,  avec  quelques  caboteurs  que  Y  Angélique  et  elle,  ont 
escortés  en  Fromentine.  A  9  heures,  le  lougre  est  dans  le  S.  E. 
en  panne,  à  2  lieues  au  large. 

Sur  les  2  heures.  -  On  a  découvert  dans  le  S.  E.,  à 4  lieues 
au  large,  un  chasse-marée-lougre  courant  la  bordée  de  l'Est. 
Le  lougre  de  ce  matin  était  dans  le  S.  0.,  une  lieue  au  large. 
J'étais  alors  a  la  vigie  où  est  venu  le  capitaine  de  la  Guade- 
loupe qui  était  mouillée  en  rade  avec  la  Ylsle-Dieu  arrivée  ce 
matin  des  coureaux,  avec  un  convoi  destiné  pour  le  N.  Sur  les 
5  heures,  ce  dernier  lougre  fut  accosté  par  un  cutter  qui  se 
tirait  du  S.  0.  ;  ils  ont  resté  ensemble  courant  à  terre  sous 
petite  voile,  jusqu'à  la  nuit.  Sur  les  8  heures  sont  mouillés  en 
rade  quelques  caboteurs  venant  des  coureaux. 

Le  15,  10  heures  1/2.  -  La  Subtile  et  la  L'Angélique  sont  ar- 
rivées de  l'isle-Dieu  où  elles  ont  été  chercher  des  troupes 
qu'elles  ont  réparties  dans  huit  chaloupes  qu'elles  y  avaient 
emmenées.  Ces  troupes  sont  destinées  pour  l'isle  de  Ré. 

Au  soir.  —  La  L'isle-Dieu  et  la  Guadeloupe  sont  parties 
pour  les  coureaux.  Elles  emmènent  les  chaloupes  avec  la 
troupe. 

Le  17  au  matin.  —  L'Angélique  et  la  Subtile  sont  parties 
pour  Fromentine  avec  le  convoi  qui  était  en  rade. 

Sur  le  soir.  —  On  signala  cutters  ou  lougres  ennemis,  et, 
peu  de  temps  après,  on  entendit  un  coup  de  canon  de  fort 
calibre,  qui  nous  parut  venir  du  Nord. 

Le  18,  8  heuresdu  matin.  —  On  signale  ennemie,  une  espèce 
de  chaloupe  des  coureaux  qui  se  tire  du  Sud,  extrêmement  au 
large.  On  en  fait  la  patache  de  la  Rochelle  qui  fut  prise,  il  y  a 


OCCASIONNÉS    PAR    LKS    ANGLAIS    SUR    NOS    CÔTES  .">17 

quelques  jours  par  les  Anglais  Cependant  elle  n'a  fait  aucun 
cas  des  chaloupes  près  desquelles  le  bâtiment  a  passé.  Il 
continue  sa  route  au  Nord  et  est  passé  à  1/2  portée  de  canon 
du  fort. 

Le  20.  —  Les  Anglais  ont  été  signalés  et  sont  restés  tout  le 
jour  à  la  vue  de  la  vigie.  L'Actif  est  arrivé  de  Rochefort. 

Le  21.  —  Un  cotre  anglais  s'est  montré  dans  le  S. -ouest  et 
a  disparu  dans  cet  air  de  vent  sur  les  dix  heures.  A  une  heure 
1/2  après  midy,  est  arrivé  icy  à  peu  près  300  hommes  de 
troupe,  faisant  partie  de  la  garnison  de  Sainte-Lucie.  Ils  ont 
été  débarqués  par  les  Anglais  à  la  Rochelle. 

Le...  —  L'Agile,  la  Ylsle-Dien  et  la  Guadeloupe  sont  arrivées 
des  coureaux  avec  un  petit  convoi.  L'Actif  avait  mis  en  rade 
la  veille. 

Le....  —  La  YIsle-Dieu  et  la  Guadeloupe  sont  parties  pour 
les  coureaux  avec  quelques  caboteurs. 

Le  29.  —  Les  deux  bâtiments  de  guerre  ci-dessus  sont 
arrivés  des  coureaux  avec  quelques  caboteurs  ;  ils  ont  mouillé 
vers  les  huit  heures  du  soir. 

Le  30  sur  les  8  heures  du  matin.  —  Le  convoi  qui  était  en 
rade,  fort  de  60  et  quelques  caboteurs,  escorté  par  Y  Agile,  la 
Guadeloupe,  la  YIsle-Dieu  et  Y  Actif,  est  appareillé  de  la  rade 
pour  Fromentine. 

Brumaire . 

Le  l'r  —  Un  bateau  plat  venant  de  Rochefort,  armé  de 
2  canons,  est  arrivé  ce  matin  et  entré  dans  le  port. Des  fusées 
et  différents  ustensiles  pour  les  canonniers  garde-côtes  sont 
aussi  arrivés  ce  matin  dans  une  charrette. 

Les  Anglais  sont  continuellementà  vue  dans  le  N.  O.  et  tou- 
jours très  au  large,  un  cotre  cependant  était  ce  matin  sous  le 
vent  des  Barges  et  très  près  de  terre  ;  il  aurait  pris  un  chasse- 
marée  si  il  y  eut  mis  un  peu  d'importance. 

C'est  aujourd'hui   la  deuxième    fois    que  nos  canonniers 


I 

518  JOURNAL  DES  ÉVÉNEMENTS 

s'exercent  à  feu  sur  un  pavillon  que  supporte  une  barrique 
qu'on  a  mouillée  à  quelque  distance  de  terre. 

Le  2  au  soir.  —  h' Angélique,  la  Subtile  et  la  Guadeloupe 
sont  arrivées  en  rade  avec  un  convoi  considérable  venant  de 
Fromentine. 

Le  3  au  matin.  —  L'Agile  et  Yhle-Dieu  sont  arrivées  en  rade 
venant  de  l'Isle-Dieu. 

La  plus  grande  partie  du  convoi  qui  était  sur  rade,  est 
entrée  dans  le  port  ;  les  vents  du  S.  E.  les  y  ont  déterminés. 

Sur  les  7  heures  du  soir.  —  Une  quarantaine  de  chasse- 
marée  qui  étaient  restés  en  rade,  sont  partis  pour  les  coureaux 
avec  la  Guadeloupe. 

Dans  la  nuit  du  3  au  4.  —  Sont  sortis  du  port  la  plus  grande 
partie  des  bâtiments  qui  y  étaient  entrés  le  soir. 

Le  5  au  matin.  —  L' Angélique  est  sortie  du  port  où  elle 
était  entrée  la  veille. 

Le  bateau  plat  qui  était  dans  le  port,  est  parti  pour  Fro- 
mentine  avec  quelques  bâtiments  venus  des  coureaux.  Il  doit 
rester  en  station  à  Fromentine. 

A  8  heures  du  soir.  —  Le  convoi  en  rade  est  parti  pour  les 
coureaux  sous  l'escorte  de  Y  Agile  et  Y  Angélique,  qui  vont 
dit-on,  à  Rochefort,  pour  de  là  servir  de  mouches  à  deux 
gabares  qui  vont  à  Bayonne. 

Le  6.  —  A  la  marée  d'une  heure,  sont  rentrées  dans  le  port 
les  gabares  du  dernier  convoi  de  Fromentine  qui  n'ont  pu 
suivre  les  petits  bâtiments  de  ce  môme  convoi  ;  les  vents 
les  ont  obligés  de  rentrer  ainsi  que  les  deux  canonnières. 

Le  7.  —  Six  bâtiments  anglais  ont  été  signalés  ;  on  a  cru 
distinguer  2  vaisseaux,  2  frégates  et  deux  corvettes,  dont  un 
grand  brick;  leur  présence  a  excité  quelques  craintes.  A  la 
chute  du  jour,  ils  étaient  dans  le  S.  0.  courant  la  bordée  du 
large.  Il  faisait  alors  très  peu  de  vent,  ou  plus  tôt,  il  n'y  en 
avait  point. 

Le  8.  —  Les  gabares  dont  on  vient  de  parler,  sont  parties 
pour  Rochefort  où  elles  vont  porter  du  bois  de  construction. 


OCCASIONNÉS    PAH    LES    ANGLAIS    SUR    NOS    COTKS  51Ô 

Elles  sont  escortées  par  Yhle-Dicu;  les  Anglais  sont  toujours 
signalés. 

Le  9.  —  La  division  a  été  signalée  très  au  large  dans  l'ouest. 

Dans  la  nuit  du  12  au  13.  —  Un  convoi  venant  des  coureaux 
est  mouillé  en  racle.  Il  a  entré  dans  le  port  (à  la  marée  ;  il  est 
escorté  par  Vlsle-Dieu.  Les  vents  du  S.  E.  et  l'apparition  des 
Anglais  l'ont  obligé  d'entrer 

Le  15.  —  Est  arrivé  ici  trois  jeunes  officiers  mariniers 
destinés  à  commander  des  péniches  qui  arment  dans  notre 
port. 

Le  16.  —  Le  bateau  plat  N°  7  venant  de  Rochefortet  chargé 
de  canons  et  d'affûts  est  entré  dans  le  port  avec  un  chasse- 
marée.  11  est  destiné  pour  le  Perray. 

Le  20.  Les  vents  S.  0.  gros  temps  empêchant  le  bateau 
plat  de  se  rendre  à  sa  destination,  on  a  pris  le  parti  de  le 
décharger  et  rendre  par  terre  les  différents  effets  dont  il  est 
chargé.  On  a  en  conséquence  requis  une  12"  de  charrettes. 

Le  28.  —  Un  convoi  considérable,  escorté  par  la  Sud/Me  et 
la  Guadeloupe , est  arrivé  des  coureaux. L'incertitude  du  temps 
l'a  fait  entrer  dans  le  port  où  il  est  réuni  avec  celuy  arrivé 
dans  la  nuit  du  12  au  13  que  les  vents  contraires  ont  empêché 
de  partir. 

Frimaire. 

Le  2.  —  Il  est  passé  un  convoi  considérable  venant 
de  Fromentine  escorté  par  Y  Actif .  Celui-ci  est  entré  dans  le 
port  d'où  est  sorti  quelques  bâtiments  qui  ont  fait  route  de 
conserve  avec  le  convoi  qui  se  rend  dans  les  coureaux. 

Le  4.  —  U  Actif  est  parti  pour  Rochefort  y  emmenant 
une  levée  de  matelots  faite  sur  les  différents  bâtiments  mar- 
chands qui  sont  dans  le  port.  Les  vents  N.  0.  Beau  temps. 
Les  Anglais  se  sont  montrés  dans  le  S.  0.  très  au  large. 

Le  9.  —  Il  est  entré  dans  le  port  une  chaloupe  de  la  Ro- 
chelle chargée  d'attirail  de  guerre,  mortiers,  affûts,  etc.  etc. 

TOME   XII.    —    OCTOBRE,    NOVEMBRE,    DÉCEMBRE  36 


520  JOURNAL  DES  ÉVÉNEMENTS 

destinés  pour  icy.  Le  même  jour,  il  est  passé  devant  la  rade 
une  douzaine  de  bâtiments  venant  des  coureaux  ;  ils  ont  été 
escortés  par  un  bateau  plat  sorti  de  ce  port  et,  allant  en  sta- 
tion à  Fromentine.  Plusieurs  chasse-marée  du  convoi  qui  est 
dans  le  port  sont  sortis  et  ont  fait  porter  de  suite  pour  Fro- 
mentine. 

Marie-Annette  Barbeau,  couturière,  après  avoir  capté  la 
confiance  des  usuriers  de  ce  païs-ci  (qui  luy  ont  prêté  moyen- 
nant un  inlérôt  tel  qu'il  absorbait  le  capital  au  bout  de  l'an) 
est  disparue  emportant  avec  elle  une  somme  de  20  à  25  mille 
francs  qu'elle  avait  obtenus  surde  faux  billets  que  la  cupidité 
des  prêteurs  ne  leur  permit  pas  de  reconnaître.  Elle  est  dis- 
parue le...,  et,  le  neuf,  sur  les  dix  heures  du  soir, elle  se  rendit 
chez  le  substitut  ou  magistrat  de  sûreté  (M.  Minanteau)  aux 
genoux  duquel  elle  se  jeta  dans  un  désordre  extrême,  et,  dit 
qu'elle  était  une  grande  coupable,  que  Dieu  l'avait  aban- 
donnée, et  qu'elle  méritait  toutes  les  rigueurs  des  lois.  Elle  fut 
de  suite  conduite  en  prison. 

Le  10.  —  Depuis  quelquetemps,  on  entendait  dire  que  l'in- 
térieur était  agité,  que  les  jeunes  gens  se  refusaient  à  la  cons- 
cription, et  déjà  plusieurs  familles  s'étaient  réfugiées  icy  ;  on 
n'était  pas  sans  inquiétude,  mais  on  ne  pouvait  se  persuader 
qu'il  y  eut  autant  de  mal  qu'on  en  débitait,  mais  aujourd'huy 
150  insurgés  se  sont  portés  parfaitement  bien  armés  dans  la 
commune  d'Aizenav  où  ils  ont  tué  deux  citovens  généralement 
regrettés  :  les  citoyens  Gendreau,  brigadier  de  gendarmerie, 
et  Gourdon  qu'on  ditavoir  été  tué  sur  sa  maison. 

Le  11.  —  Une  division  anglaise  a  été  signalée.  Depuis 
quelques  jours  on  a  changé  la  série  des  signaux. 

On  vient  d'amener  en  prison  trois  des  insurgés  qu'on  dit 
avoir  été  pris  les  armes  à  la  main. 

Le  16.  —  Hier,  vers  les  10  heures  du  soir,  le  convoi  qui 
était  depuis  plusieurs  jours  en  rade,  est  parti  avec  les  vents 
de  l'Est-Sud  pour  Fromentine. 

Ce  matin,  à  la  pointe  du  jour,  on  a  eu  connaissance  d'un  Bâ- 


OCCASIOMNÉS    PAR    LliS    ANGLAIS    SUrt.    NOS    CÔTKS  7)21 

ti ment  courant  à  terre,  et  dont  on  faisait  une  frégate.  Mais 
bientôt,  il  a  été  reconnu  ôtre  une  prise  anglaisequi  est  venue 
mouiller  eu  rade  ;  de  suite,  le  commissaire  et  autres  se  sont 
rendus  à  bord  ;  le  jugeant  mouillé  trop  loin  de  terre,  ils 
l'ont  fait  approcher  un  peu  ;  dans  le  courant  du  jour,  on  s'est 
occupé  à  l'alléger  pour  qu'il  put  enl rer  dans  le  port  le  lende- 
main à  la  marée  ;  en  conséquence,  des  embarcations  se  sont 
rendues  a  bord  pourcetobjet.L  i  première  chose  dont  on  s'est 
occupé,  a  été  de  débarquer  l'artillerie,  probablement  comme 
chose  embarrassante,  car  il  n'est  pas  à  présumer  qu'on  ait 
cru  l'alléger  beaucoup  en  le  privant  de  sa  batterie  qui  pou- 
vait, au  contraire,  luy  être  très  utile,  sy  on  eut  été  aussi 
surveillant  qu'on  eut  dû  l'être. 

Ce  bâtiment  avait  eu  connaissance  le  matin,  à  la  poinle  du 
jour,  d'un  cutter  anglais  qui  le  jugeant  trop  fort  n'avait  osé 
l'attaquer,  mais,  il  fut  sans  doute  en  prévenir  la  division  qui 
n'était  pas  loin,  car  bientôt  après,  on  eut  connaissance  de 
celle-cy  dont  un  vaisseau  qui  vint  plus  près  que  les  autres, 
détacha  des  péniches  sur  les  4  heures  du  soir,  lesquelles 
eurent  l'airdt  courir  sur  des  bâtiments  qui  venaient  des  cou- 
reaux  et  vinrent  sur  les  six  heures  du  soir,  attaquer  la  prise 
qu'elles  enlevèrent  sans  qu'on  s'en  fut  presque  douté  à  bord  ; 
il  paraît  que  quatre  ou  cinq  soldats  qu'on  avait  misa  bord 
ont  longtemps  bataillé,  mais  ils  ont  dû  céder  à  la  force. 

Le  cotre  Le  Renaud  armé  de  16  canons  mouillé  ne  terre  de 
la  prise,  et  près  d'elle,  ne  s'est  aperçu  de  son  enlèvement 
qu'au  moment  où  ils  ont  crié  de  bord  :  Nous  sommes  pris  ; 
alors  il  a  tiré  quelques  coups  de  fusils  et  quelques  coups  de 
canon  auxquels  les  Anglais  ont  répondu  par  des  coups  de 
fusils  quiluy  ont  tué  un  homme  et  blessé  deux  autres.  Il  est 
alors  appareillé  après  avoir  coupé  son  câble  et  s'est  jeté  à  la 
côte  sur  la  plate-forme  de  la  jetée.  Les  uns  disent  que  c'est 
pour  courir  sur  la  prise  qu'il  voulait  appareiller  et  d'autres 
assurent,   qu'au  contraire  il  cherchait  à  l'éviter. 

Le  fort  a  fait  un  feu  un  peu  paresseux  mais  qu'on  dit  bien 


522  JOURNAL  DES  ÉVÉNEMENTS  S 

dirigé.  Je  ne  me  permettrai  aucune  réflexion  sur  cet  événe- 
ment malheureux  qui  n'eût  sûrement  pas  arrivé  s'il  y  eut  eu 
d'une  part,  un  peu  plus  de  bravoure,  et  de  l'autre,  plus  de 
surveillance  et  moins  de  sécurité. 

Le  17.  —  La  même  division  anglaise  a  été  signalée. 

Le  .—Le  capitaine  Borgnet, commandant  une  petite  chaloupe 
des  Coureaux,  est  arrivé  ayant  à  bord  la  plus  grande  partie  du 
monde  qui  était  sur  la  prise, lorsqu'elle  a  été  enlevée. Il  paraît, 
d'après  le  rapport  qu'ils  ont  fait  de  leur  enlèvement  que 
plusieurs  des  matelots  faisant  partie  de  l'équipage  du  navire, 
se  sont  sauvés  aussitôt  que  les  Anglais  se  sontprésentés.  Ce  qui 
ne  donne  pas  uni;  opinion  avantageuse  de  leur  bravoure.  Sy 
il  y  avait  à  bord  quelques-uns  qui  dussent  offrir  de  la  résis- 
tance, ils  devaient,  me  semble,  en  montrer  l'exemple.  Il  est 
donc  resté  à  bord  cinq  ou  six  militaires,  trois  préposés  et  un 
couple  de  matelots  des  Sables  qui  ont  résisté  à  des  forces 
considérables  pendant  plus  d'un  quart  d'heure,  et  auxquelles 
ils  ont  enfin  été  obligés  de  céder.  —  Il  y  a  eu  des  morts  et 
des  blessés  de  part  et  d'autre.  Deux  préposés  ont  été  tués 
(les  frères  Larimond)  et  trois  militaires  blessés  dont  deux 
sérieusement,  sont  restés  à  l'hôpital  de  la  Rochelle  ;  plu- 
sieurs Anglais  ont  aussi  été  tués  ou  blessés.  Nos  concitoyens 
et  les  militaires  sont  restés  au  pouvoir  des  Anglais  pendant 

au  bout  duquel  temps,  ils  ont  été  renvoyés  sur  parole  et 

mis  à  bord  d'un  neutre  qui  les  a  déposés  à  l'isle  de  Ré  où  ils 
ont  fait  à  bord  quelques  jours  de  quarantaine  et  sont  ensuite 
embarqués  sur  la  chaloupe  du  capitaine  Borgnet  qui  les  a 
conduits  icy. 

Le  .  —  Notre  département  est  en  ce  moment  occupé 
par  une  armée  de  quinze  mille  hommes  qui  y  est  entrée 
par  trois  points  différents  et  sur  trois  colonnes  de  cinq  mille 
hommes  chacune.  Le  général  Gouvion,  inspecteur  général 
de  la  gendarmerie  de  France,  en  est  le  général  en  chef,  il  est 
entré  dans  nos  murs  le  . . .,  où  il  y  a  reçu  la  visite  des  fonc- 


OCCASIONNÉS    PAR   LES    ANGLAIS    SUR    NOS    CÔTES  523 

tionnaires  publics  et  des  réfugiés  qui  en  font  le  récit  le  plus 
avantageux  et  parti  le  lendemain  pour  Palluau  où  il  va 
établir  son  quartier  général. 

Nivôse 

L,9  9.  —  Le  cotre  le  Renaud  est  parti  ce  matin  pour 
Rochefort  avec  quatre  péniches  qui  vont  s'y  armer. 

Le  10.  —  A  la  pointe  du  jour,  une  frégate  qu'on  présume 
être  anglaise,  s'est  montrée  devant  la  rade  près  de  terre, 
faisant  route  vers  le  pertuis  Breton  où  elle  a  disparu. 

Sur  le  soir,  un  vaisseau,  qu'on  croit  de  la  même  nation,  est 
aussi  paru,  faisant  la  même  route. 

(Il  paraît  que  c'est  la  frégate  française,  la  ,  revenant 

de  Saint-Domingue.  Elle  avait  été  chassée  par  le  vaisseau 
anglais  qui  parût  le  soir.) 

Le  12.  —  Le  convoi  qui  était  depuis  longtemps  retenu  à 
Fromentine  par  le  mauvais  temps,  est  arrivé  cette  nuit,  et 
est  entré  à  la  pointe  du  jour  dans  le  port.  Il  était  escorté  par 
la  canonnière  la  Subtile  et  la  goélette  la  Guadeloupe.  Mon  frère 
est  parti  le  même  jour  pour  Bordeaux  où  il  va  prendre  le 
commandement   du  bateau  canonnier  N°  306. 

Le  13.  —  Le  pavillon  rouge  arboré  à  nos  vigies,  annonce 
les  Anglais  dans  les  coureaux. 

Le  14.  —  Il  y  a,  mouillées  dans  notre  rade,  au  moins  deux 
cents  voiles,  composant  deux  convois  dont  un  venu  des  cou- 
reaux, et  l'autre  sorti  de  notre  port  et  destiné  pour  le  sud. 

Au  soir  6  heures.  —  Le  convoi  destiné  pour  le  Sud  est 
appareillé  pour  sa  destination. 

Le  15.  —  Le  convoi  destiné  pour  le  Nord  est  appareillé 
pour  sa  destination  vers  midy  ;  les  vents  sont  tombés  au  S.  E. 
petit  frais,  et  ont  amené  une  brume  épaisse  qui  fait  craindre 
un  changement  de  temps. 

Le  16.  —  Les  vents  au  N.  E.  Un  lougre  anglais  venant  de 
visiter  un  Suédois  destiné  pour  notre  port,   est    passé  près 


524  JOURNAL.    1>ES    ÉVÉNEMENTS 

de  la  batterie,  donnant  la  chasse  à  ios  chaloupes  qui  ont 
été  obligées  de  se  réfugier  au  Perray.  A  2  heures  1/i  du  soir, 
il  court  à  terre,  sans  doute  pour  inquiéter  un  chasse-marée 
qui  vientdes  coureuux. 

Ce  chasse-marée,  poursuivi  par  le  corsaire,  fut  obligé  de 
mouiller  au  Perray  sous  la  batterie  à  laquelle  il  n'y  avait  per- 
sonne. (Les  canonniers  étant  sans  doute  à  riootter  quelque 
part).  Le  capitaine  et  quelques  hommes  de  l'équipage  descen- 
dirent à  terre,  entrèrent  dans  le  fort,  trouvèrent  un  canon  de 
chargé,  et  le  dirigèrent  sur  le  corsaire  ;  il  paraît  qu'il  porta 
à  bord,  car  on  vit  des  éclats  de  bois  partir  du  bord  et  dans 
le  moment,  le  corsaire  vira  de  bord,  cap  au  large. 

Le  2l.  —  Les  vents  de  la  partie  S.  S.  E.  Grand  frais,  la  mer 
grosse.  Les  Anglais,  ainsi  que  les  jours  précédents,  ont 
été  signalés  dès  ce  matin  ;  ils  ont  disparu  au  moment  où  une 
division  de  canonnières  (3),  bateaux  plats  (  jet  péniches  (  ) 
s'est  montrée  venant  des  coureaux  Le  gros  temps  l'a  obligée 
d'entrer  dans   le  port. 

Le  25.  —  Les  vents  et  le  temps  toujours  les  mêmes.  Les 
Anglais  n'ont  pas  paru  depuis  le  21.  Aujourd'hui,  sur  les 
il  heures  a  paru  un  petit  sloop  venant  du  côté  des  coureaux. 
Le  défaut  d'eau  dans  le  port  l'a  obligé  de  mouiller  et  lorsqu'il 
a  jugé  en  avoir  assez  pour  entrer,  il  a  levé  l'ancre  et  manœuvré 
pour  cet  effet,  mais  une  manœuvre  mal  exécutée,  a  été  cause 
qu'au  lieu  d'entrer  dans  le  port,  il  s'est  jeté  en  dehors  de  la 
jetée,  après  avoir  heurté  celle-cy  plusieurs  fois,  et  cassé  son 
beaupré  ;  alors  il  s'est  porté  sur  la  jetée,  une  quantité  prodi- 
gieuse de  monde  dont  le  plus  grand  nombre  était  spectateurs  ; 
cependant  les  officiers,  soldats  et  matelots  delà  fbtille,  que 
le  plaisir  de  secourir  des  malheureux  en  danger  y  avait  aussi 
conduits,  s'y  sont  comportés  avec  un  zèle  tel  que  bientôt  le 
bâtiment  a  été  hors  de  danger  ;  à  peine  a-t-il  été  dans  le  havre 
qu'un  soldat  occupé  comme  les  autres  à  haler  sur  un  grelin, 
a  été  entraîné  dans  l'eau  par  celuy-cy  ;  ce  malheureux 
ne  sachant  aucunement  nager,  fut  jeté  par  une  vague  sur  le 


OCCASIONNÉS    PAR    LUS    ANGLAIS    SUK    NOS    CÔTES  525 

mémo  grelin  qu'il  eut  l'adresse  de  saisir,  et  avec  lequel  on  le 
hissa  sur  le  quay  ;  pendant  qu'il  était  ballotté  par  les  vagues, 
le  capitaine  du  bâtiment  s'était  jeté  dans  son  canot  pour  le 
secourir,  mais  bientôt  une  vague  terrible  déployé  sur  l'em- 
barcation et  met  cet  homme  dans  la  nécessité  de  s»;  jeter  à 
la  mer  et  de  se  sauver  à  la  nage.  Sa  femme  qui  était  dans  le 
bâtiment  avec  un  enfant  de  15  mois,  apprend  que  son  mari 
était  tombé  à  la  mer,  elle  veut  sortir  de  la  chambre  pour  le 
voir  et  au  moment  où  elle  est  à  moitié  sortie,  une  vague  mons- 
trueuse déployé  sur  le  bâtiment  qui  luy  présentait  le  travers 
et  le  pelote  d'une  manière  effrayante  Cette  scène  fut  d'autant 
plus  touchante  qu'on  voyait  sur  le  derrière,  un  jeune  officier 
de  la  flotille,  tenant  dans  les  bras,  l'enfant  dont  on  vient  de 
parler,  et  qui  par  un  espèce  de  miracle  n'a  eu  aucun  mal. 

On  ne  saurait  trop  faire  l'éloge  de  ce  jeune  homme  ;  il  a 
déployé  dans  toute  cette  opération  des  talents  joints  à  un  zèle 
et  un  dévouement  j\\gne  d'exemple. 

Pluviôse. 

Depuis  le  21  nivôse  les  vents  ont  toujours  été  variables  et 
le  plus  souvent  impétueux  jusqu'au  5  pluviôse,  alors  ils 
étaient  de  la  partie  du  S.  0.  petit  frais,  la  mer  assez  belle, 
quoique  houleuse,  ce  qui  détermina  les  capitaines  et 

Guiné,  le  premier  inspecteur  des  convois  et  le  2*  commandant 
la  station  des  Sables,  d'appareiller  de  la  rade  de  Loix,  avec  un 
convoi  de  chasse-marée.  Jusque  par  le  travers  de  la  Tranche 
le  temps  fut  toujours  assez  maniable,  mais  bientôt  le  vent 
augmenta  considérablement  en  amarinant  de  plus  en  plus, 
et  la  mer  devint  extrêmement  grosse  ;  malgré  des  signaux  de 
gagner  le  large,  la  plupart  des  bâtiments  laissèrent  toujours 
arriver  de  manière  que  sur  le  point  de  donuer  dans  le  port, 
les  vents  ayant  sauté  tout-à-coup  àS.-O  S.-O  ;  grand  frais,  ils 
se  trouvèrent  sous  le  vent  du  havre  et  obligés  de  faire  côte. 
Ce  qui  offrit  le    spectacle  le  plus   affreux  qu'il  soit  possible 


526  JOUKNAL  DKS  ÉVÉNEMENTS 

d'imaginer  ;  cependant,  des  14  bâtiments  échoués  sur  notre 
plage,  il  ne  s'est  pas  noyé  un  individu,  mais  il  n'en  est  pas  de 
même  de  ceux  échoués  sous  le  vent  de  Tanchet  qui  se  sont 
perdus  corps  et  biens  ainsi  que  de  ceux  qu'on  dit  avoir  été 
mis  à  pic  par  le  Noucq.  La  plus  grande  partie  des  bâtiments 
échoués  sur  notre  côte  ont  été  mis  en  pièces  peu  de  temps 
après  leur  échouement.  Une  tartane!  ou  patache  armée  d'un 
canon  de  10  et  chasse-marée  dont  appartenant  à  la  flotille 
sont  encore  susceptibles  d'être  relevés  ;  aussitôt  que  la  mer  a 
P"rmis  d'aller  à  bord  des  différents  bâtiments  échoués,  on 
v  a  envoyé  du  monde  et  la  plupart  ont  été  décharg-és.  Malgré 
les  gardes  multipliées  établies  pour  maintenir  l'ordre,  il  s'est 
commis  des  dilapidations  sur  lesquelles  il  y  a  trop  à  dire  pour 
ne  pas  garder  à  cet  égard  le  plus  grand  silence. 

Le  6.  — Les  vents  toujours  de  la  partie  du  S.  0.  mais  moins 
violents  que  hier  et  la  mer  plus  belle  il  a  paru  un  grand  bâti- 
ment venant  du  S.  0.  et  se  dirigeant  vers  le  port,  une  cha- 
loupe était  allée  à  bord  et  bientôt  le  bâtiment  fut  reconnu 
pour  une  prise  anglaise  qui  est  entré  dans  le  port  ;  elle  est 
de  trois  cent  cinquante  tonneaux,  chargée  de  coton,  sucre 
et  café  venant  de  Démérary,  capturée  par  le  corsaire  la 
Bellone.  A  peine  a-t-elle  été  dans  le  port  qu'en  vertu  de  lois 
sanitaires,  il  a  été  interdit  à  tous  ceux  qui  étaient  à  bord  de 
communiquer  aucunement  avec  la  terre,  sous  les  peines 
imposées  par  les  mêmes  lois,  mais  sur  le  soir,  cette  défense 
fut  violée  en  vertu  d'ordre  supérieur  par  des  militaires  qui 
montèrent  à  bord  et  retournèrent  à  terre  après  avoir  laissé  à 
bord  une  sentinelle. 

Le  7.  —  les  lois  sanitaires  ayant  été  violées  comme  on  le 
dit  plus  haut  par  la  communication  des  militaires  dont  on 
vient  de  parler,  et  une  plus  longue  surveillance  devenant  par 
conséquent  inutile,  la  commission  de  santé  s'est  transportée 
à  bord  à  l'effet  d'y  constater  l'état  de  l'équi  page  qu'elle  a  trou- 
vé jouissant  d'une  bonne  santé  à  l'exception  d'un  matelot 
retenu  dans  son  hamac  par  l'effet  d'une  chute  sur  la  hanche. 


OCCASIONNÉS    j'AH    LKS    ANGLAIS    SUR    NOS    CÔTES  527 

en  conséquence  la  consigne  a  été   levée  et  la  communication 
avec  la  terre  établie. 

Le  même  jour  au  soir.—  Le  vent  impétueux,  de  la  partie  du 
S.  0.  Un  chasse-marée  venant  de  l'isle  Dieu  a  été  jeté  à  la  côte 
n'ayant  résisté  à  l'impétuosité  des  vagues  qui  l'ont  jeté  sous 
le  vent  du  havre. 

Le —  Les  grands  bâtiments  du  convoi  dont  on  a  parlé, 

étant  partis,  la  veille,  des  coureaux,  sont  arrivés  ce  matin 
devant  le  port  avec  les  vents  de  la  partie  du  S.  E.  Bon  frais. 
Il  a  donné  dans  le  havre  avec  une  telle  confusion  qu'un  d'eux 
s'est  perdu  sur  la  jetée  du  port,  et  le  plus  grand  nombre  est 
resté  à  l'entrée  du  havre  où  il  s'est  fait  beaucoup  d'avaries. 

Le. .  .  — Un  convoi  escorté  par  \a.Subtile  et  \siV Isle-Dien  est 
passé  devant  notre  port,  allant  dans  les  coureaux.  La  Ylsle- 
Dieu  a  reçu  l'ordre  de  mouiller  en  rade  et  d'entrer  dans  le 
port  pour  servir  d'escorte  au  convoi  considérable  que  nous 
avons  dans  notre  port. 

Le...  —  L'Agile  est  partie  pour  Rochefort. 

Le  17.  —  La  flotille  est  partie  ainsi  qu'une  cinquantaine  de 
bâtiments  sous  l'escorte  de  VIsle-Dieu,  de\'A?i</élique  et  delà 
Guadeloupe. 

Le  même  jour  le  cotre,  le  Renaud,  est  entré  dans  le  port  où 
il  a  reçu  un  abordage  par  une  canonnière  de  la  flotille,  com- 
mandée par  M.  L ! 

Le  18.  —  Deux  vaisseaux  et  une  goélette  anglaise  ont  passé 
devant  notre  rade. 

Le  19 —  Un  cotre  anglais  a  été  signalé. 

Le  23.  —  Le  cotre,  le  Renaud,  est  parti  avec  les  dernières 
péniches  construites  icy. 

Le  24.  —  Le  convoi  qui  était  dans  le  port,  a  mis  sur  rade. 

Le  ...  —  Les  Anglais  depuis  plusieurs  jours  paraissent 
devant  notre  port. 


Le  nom  est  malheureusement  à  peu  près  illisible.  Il  pourrait  se  lire 
«  Lestrile  »  ?  G.  H.  C. 


528  JOURNAL  DES  ÉVÉNEMENTS 

Le  convoi  qui  était  en  rade  est  rentré  dans  le  port, 

L'Angélique,  la  Vlsle-Dieu  et  la  Guadeloupe  qui  étaient 
rentrées  sur  rade  sont  aussi  rentrées  dans  le  port. 

Le  4. —  Un  cotre  anglais  a  pris  une  petite  chaloupe  de  la 
Rochelle,  il  l'a  armé  de  quelques  hommes  afin  de  tromper 
les  caboteurs.  La  Vlsle-Dieu  est  partie  pour  Rochefort. 

Le....  —  Une  seconde  portion  de  la  flotille  nationale  est 
entrée  dans  le  port.  Mon  frère,  commandant  le  bateau  ca- 
nonniern0  306,  est  du  nombre. 

Le. . .  —  La  flotille  est  partie  du  port  ;  elle  s'est  rendue  en 
partie  à  Fromentine,  quelques-uns  se  sont  égarés  et  ne  s'y 
sont  rendus  que  quelques  jours  après. 

Le. . .  —  Un  cotre  anglais  en  station  depuis  quelques  jours 
devant  notre  rade,  a  pris  deux  de  nos  chaloupes  en  usant  de 
ruse  ;  il  avait  passé  toute  la  nuit  avec  un  neutre  portant  un 
pavillon  prussien  ;  à  la  pointe  du  jour,  le  neutre  à  bord  duquel 
il  avait  mis  des  Anglais,  eut  l'air  de  s'approcher  de  la  rade 
pour  demander  un  pilote,  deux  de  nos  chaloupes  s'empres- 
sèrent d'y  aller  et  donnèrent  ainsi  dans  le  piège  tendu  par  les 
Anglais  qui  ne  connaissent  aucun  traité 


Coïncidence  étrange  et  à  méditer  !  La  dernière  ligne  du 
manuscrit  tronqué,  est  la  constatation  de  la  mauvaise  foi  pro- 
verbiale anglaise.  Plaise  à  Dieu  que  nous  n'ayons  pas  à  l'expé- 
rimenter de  nouveau  ! 


G.  Henri  Colins. 


Pin. 


LES  CENT  JOURS  DANS  L'OUEST 

LA  ItOCIÎBLLE  &  LA  1IOCHE-SDR-YON 

(Suite  et  fin)1. 


Nouvelle  de  la  prochaine  arrivée  du  duc  d  Angoulême 
à  Bourbon-Vendée.  —  Mon  rêve  d'ambition.  —  Le  placet. 


Etant  allé  passer  quelques  jours  en  dehors  de  Bourbon- 
Vendée,  j'y  remarquai  en  rentrant  un  mouvement  inac- 
coutumé. On  allait,,  on  venait,  on  s'abordait  et  tout  sem- 
blait annoncer  la  venue  d'événements  nouveaux  et  importants. 
Je  demandai  ce  que  c'élait  et  j'appris  qu'une  estafette  venaitde 
se  rendre  à  la  Préfecture  pour  y  annoncer  l'arrivée  du  duc  d'An- 
goulême.  Dans  deux  jours,  il  allait  rendre  visite  aux  braves 
Vendéens  et  leur  témoigner  ses  sentiments  les  plus  affectueux, 
tant  de  la  part  du  roi  que  de  tous  les  membres  de  sa  famille. 
Cette  bonne  nouvelle  me  fit  éprouver  un  plaisir  que  ne  par- 
tagèrent ni  la  garnison,  ni  la  garde  nationale,  ni  le  plus  grand 
nombre  des  habitants  ;  car,  j'ai  déjà  eu  occasion  de  le  dire, 
Bourbon-Vendée  était  une  des  villes  de  France  où  le  gouver- 
nement légitime  avait  le  moins  de  partisans. 

Nous  parlâmes  à  table  de  la  prochaine  arrivée  du  ducd'An- 
goulême  ;  mais  de  Rochecave;  bien  moins  impressionnable 

1  Voir  le  fascicule  de  juin  1899. 


530  LES    CENTS    JOURS    DANS    L'OUEST 

que  moi  et  qui  faisait  de  toutes  les  questions  politiques  des 
théorèmes  mathématiques,  disait  le  plus  froidement  du 
monde  que  le  gouvernement  des  Bourbons  était  un  problème 
et  que,  pour  le  résoudre,  il  faudrait  l'expérience  de  quelques 
années.  Puis  il  riait  de  mon  enthousiasme  pour  le  fils  du 
Comte  d'Artois,  tout  en  reconnaissant  qu'il  était  honnête 
homme,  mais  que  rien  n'annonçait  encore  qu'il  fut  un  grand 
prince.  Tout  en  dissertant  à  perte  de  vue  sur  ce  sujet  et  sur 
beaucoup  d'autres,  nous  entendîmes  sonner  dix  heures  et 
chacun  de  nous,  un  peu  fatigué,  alla  retrouver  son  lit. 

Tout  le  monde  a  été  à  même  de  remarquer  que  mille  et 
mille  rêveries,  sans  liaison  et  sans  suite,  précèdent  l'instant 
où  l'on  tombe  dans  ce  doux  et  bienheureux  état  que  l'on 
nomme  le  sommeil.  L'ouvrier  pense  alors  aux  travaux  aux- 
quels il  s'est  livré  dans  la  journée  et  à  ceux  du  lendemain, 
l'enfant  croit  revoir  ses  joujoux,  i'avare  ses  rouleaux,  ses 
sacs  d'écus  et  ses  billets  de  banque,  la  jeune  bergère  ses  petits 
agneaux,  les  jolis  rubans  dont  elle  vient  d'orner  son  chapeau 
de  paille  et  surtout  le  bouquet  de  l'ami  qui  bientôt  sera 
son  mari.  Or,  donc,  j'étais  couché  et  déjà  comme  il  arrive 
toujours,  mes  idées  commençaient  à  se  brouiller,  je  faisais  en 
amour,  en  parties  de  plaisir,  en  littérature,  en  succès  de  so- 
ciété, des  châteaux  en  Espagne  de  la  plus  bizarre  espèce, 
quand  tout  à  coup  une  pensée  ambitieuse  s'éveillant  dans  ma 
tète,  je  médis:  le  duc  d'Angoulême  arrive  après  demain; 
faisons  en  sorte  d'obtenir  l'honneur  de  lui  être  présenté,  et 
alors  je  lui  remettrai  un  placet  où,  en  lui  annonçant  que  mon 
père  avait  eu  le  bonheur  d'être  un  des  gentilshommes  de  son 
Auguste  Mère,  la  comtesse  d'Artois,  je  lui  exprimerais  le  désir 
d'exercer  auprès  de  lui  la  même  charge  dont  j'avais  obtenu 
la  survivance. 

J'ajouterai  que  j'étais  encouragé  à  faire  cette  démarche  parce 
que  j'avais  appris  que  S.A.  Royale  s'occupait  dans  ce  moment 
à  organiser  le  personnel  de  sa  Maison.  Ce  plan  arrêté,  je  ne 
diffère  pas  de  le  mettre  à  exécution,  je  me  lève  à  la  hâte,  rédige 


LES    CENT   JOURS    DANS    L'OUEST  531 

monplacet  et  cours  ensuite  chez  Rochecave  pour  lui  faire  part 
de  mon  beau  projet.  Le  matin  était  venu,  je  croyais  que  mon 
ami  se  moqueraitde  moi, qu'il  hausserait  les  épaules, mais  non, 
il  m'approuva  et  me  conseilla  de  ne  pas  perdre  un  instant  pour 
en  assurer  la  réussite. Il  me  dit  alors  que  je  ferais  bien  de  m'a- 
dresser  au  général  de  Suzannet  qui  commandait  le  départe- 
ment, pour  le  prier  de  solliciter  du  Prince  l'autorisation  de  lui 
être  par  lui  présenté.  Je  suivis  ce  conseil  de  l'amitié.  Le 
général,  que  j'avais  vu  plusieurs  fois  aux  soirées  du  Préfet 
et  qui  savait  que  mon  opinion  répondait  à  la  sienne,  me 
reçut  presqu'amicalement.  Il  me  donna  l'assurance  que 
l'audience  que  je  sollicitais  me  serait  accordée,  qu'au  surplus, 
après  l'arrivée  du  prince,  il  ne  manquerait  pas  de  me  faire 
prévenir  du  jour  et  de  l'heure  où  je  pourrais  lui  remettre  mon 
placet.  En  sortant  de  l'hôtel  dugénéral'  je  courus  chez  Roche- 
cave  et  comme  il  était  alors  dix  heures  nous  nous  rendîmes 
à  la  Direction,  et  j'allai  reprendre  ma  place  accoutumée  au- 
près de  cet  excellent  M.  Le  Forestier. 

Après  une  heure  d'un  travail  peu  attrayant,  M.  de  Hauterive 
vint  nous  donner  des  détails  sur  les  grands  préparatifs  que 
l'on  faisait  pour  la  réception  du  Prince.  Une  garde  d'honneur 
à  cheval  composée  en  grande  partie  de  jeunes  gens  apparte- 
nant aux  principales  familles  de  la  Vendée,  venait  d'être  orga- 
nisée, et  les  employés  de  la  Préfecture  étaient  restés  toute  la 
nuit  occupés  à  griffonner  les  lettres  d'invitation  pour  le  grand 
repas  et  le  bal  qui  devaient  avoir  lieu. 

M.  de  Hauterive  nous  apprit  aussi  que  les  vieux  débris  des 
vaillantes  armées  des  Charette,  des  Lescure,  des  La 
Rochejacqueleinet  desCathelineau  s'étaient  dirigés  vers Luçon 
pour  s'y  trouver  à  l'arrivée  du  Prince.  Il  devait,  dans  48  heu- 
res faire  ici,  au  milieu  de  ces  braves,  son  entrée  solennelle. 
Nous  remerciâmes  M.  de  Hauterive  des  détails  qu'il  venait  de 
nous  donner  et,  quand  il  se  fut  retiré,  je  me  remis  au  travail 
non  sans  penser  quelquefois  au  placet  que  je  devais  présen- 
ter au  prince. 


7)32  LES    CENT   JOURS    DANS    L'OUBST 

Arrivée  du  Prince.  —  Détails  divers.  —  L'audience  publique.  — 
Remise  de  mon  placet.  —  Le  bal  de  la  Préfecture. 

Le  lendemain, les  préparatifs  continuèrent, et  le  jour  suivant, 
à  sept  heures  du  matin,  les  cloches  et  le  canon  annoncèrent 
que  le  Duc  entrait  dans  la  ville.  Je  me  rendis  sur  ce  point  et 
me  joignis  à  la  foule  pour  jouir  de  ce  premier  spcclacle.  Le 
Prince  était  descendu  de  sa  voiture  et  venait  de  monter  sur 
un  superbe  étalon  dont  lui  seul  avait  pu  dompter  la  fougue  et 
l'ardeur,  car  tout  le  monde  sait  qu'il  excellait  dans  l'équitation. 
La  garde  d'honneur  ouvrait  la  marche  ;  venait  ensuite  la 
musique  du  régimentde  cavalerie  en  garnison  à  Fontenay-le- 
Gomte.  exécutant  aux  cris  mille  fois  répétés  de:  Vive  le  Roi, 
rire  le  Duc  a' Angoidême,  vivent  les  Bourbons,  vive  la  France  ! 
la  cantate  que  chantait  toute  la  Vendée  Royaliste.  Car  il  sem- 
blait qu'elle  s'était  donné  là  rendez-vous.  Le  Prince  était  en- 
vironné de  plusieurs  généraux  et  de  leurs  aides  de  camp,  de 
plusieurs  des  anciens  chefs  vendéens.  Ensuite,  circonstance 
remarquable,  venaient  après  lui  les  nombreuses  compagnies 
de  cavalerie, composées  des  vivants  débris  des  armées  royales. 
Elles  étaient  classées  par  communes  et  au  milieu  d'elles  flot- 
taient soit  le  vieux  drapeau,  soit  le  guidon  fleur-de-lysé  mutilé 
par  les  balles  républicaines.  Il  y  avait  là  plus  de  12.000  Ven- 
déens,dont  le  plus  jeune  devait  avoir  48  à  50  ans.  Gomme  cette 
cavalerie  ne  marchait  pasen  pelotons, elle  mit  plus  d'une  heure 
à  défiler.  A  sa  tête  figuraient  les  anciens  officiers  dont  les  cha- 
peaux étaient  ornés  de  plumets  ou  de  panaches  blancs.  L'ac- 
coutrement de  ces  héros  de  la  fidélité,  la  plupart  paysans, 
était  d'ailleurs  fort  drôle  à  voir.  La  bigarrure  des  costumes 
produisait  un  effet  comique  :  là  le  sabre  de  1792,  ici  la  longue 
canardière  de  la  même  époque,  suspendue  par  des  ficelles, 
agrémentée  d'un  assez  grand  nombre  de  brides  de  même 
nature.  Parmi  ces  braves,  on  en  remarquait  qui  n'avaient 
qu'un  bras.  Beaucoup  portaient  sur  le  visage  les  cicatrices  de 


LES    CENT   JOURS    DANS    L'OUKST  533 

coups  de  feu  ou  de  coups  de  sabre  qu'ils  reçurent  en  combat- 
tant pour  la  cause  de  l'autel  et  du  trône. 

Quand  on  fut  arrivé  sur  la  place  de  l'hôtel  de  la  Préfecture 
qui,  pour  deux  jours  seulement,  allait  être  transformé  en 
palais,  le  Prince,  après  avoir  été  harangué  par  le  Maire  et  le 
Préfet,  entourés  des  principaux  fonctionnaires  de  la  ville, 
exprima,  par  quelques  paroles,  le  bonheur  qu'il  éprouvait  de 
respirer  l'air  pur  de  la  noble  contrée  que  tant  de  glorieux  faits 
d'armes  avaient  immortalisée.  Aussitôt  une  explosion  de 
vivats  accueillit  la  chaleureuse  allocution  du  Duc  qui  en  fut 
ému  jusqu'aux  larmes. 

Le  soir,  à  l'heure  où  il  devait  recevoir  les  personnes  admises 
à  l'honneur  de  lui  être  présentées,  je  me  rendis  chez  le  géné- 
ral de  Suzannet.  11  réalisa  avec  une  bienveillance  marquée  la 
promesse  qu'il  m'avait  faite  d'être  mon  introducteur.  La  salle 
de  réception  à  la  Préfecture  était  remplie  de  personnes  des 
deux  sexes  de  la  plus  haute  distinction.  Le  Prince  était  debout, 
environné  de  ses  aides  de  camp  et  de  plusieurs  généraux.  Le 
comte  de  Mesnard,  son  premier  gentilhomme  d'honneur,  était 
à  sa  droite,  et  à  sa  gauche  se  trouvait  son  premier  secrétaire 
tenant  entr'ouvert  un  grand  sac,  dans  lequel  tombaient  comme 
des  gouttes  de  pluie,  des  placets,  des  pétitions,  des  réclama- 
tions, de  toute  nature.  Je  jugeai  à  la  rotondité  de  ce  sac 
qu'il  devait  contenir  plusieurs  milliers  de  demandes  et  je  n'en 
augurai  rien  de  bien  favorable  pour  la  mienne.  Supposant 
que  le  poids  de  ce  sac  pouvait  être  déplus  de  80 kilogrammes, 
je  plaignis  les  pauvres  scribes  qui  allaient  être  chargés  de 
faire  le  dépouillement  de  cette  masse,  surtout  si  chaque 
demande  devait  faire  l'objet  d'un  rapport.  Mais,  hélas  !  me 
disais-je,  comme  ce  serait  au-dessus  des  forces  humaines,  il 
n'est  que  trop  probable  que  les  trois  quarts  au  moins  de  ces 
placets  seront  mis  à  l'écart,  même  avant  que  d'être  lus  ! 
Dans  ce  moment,  le  général  me  prit  la  main  et  dit  au  Prince  : 
«  Monseigneur,  voici  le  jeune  homme  dont  hier  j'ai  eu 
l'honneur  d'entretenir  votre  Altesse  Royale.  » 


534  LES    CENT   JOURS    DANS    L'OUEST 

—  «  Fort  bien,  général,  j'ai  présent  à  la  mémoire  ce  que 
vous  m'avez  dit  des  excellents  sentiments  de  Monsieur,  qui  a 
d'ailleurs  de  bien  justes  droits  à  ma  bienveillance,  puisqu'il 
est  fils  d"un  des  anciens  écuyers  de  ma  digne  mère,  et  qu'il 
a  obtenu  la  survivance  de  la  charge  attachée  à  ce  titre  ». 

Le  Prince  daigna  ensuite  m'adresser  quelques  paroles  bien- 
veillantes, auxquelles  je  fus  on  ne  peut  plus  sensible  et  dont 
je  le  remerciai  sans  trop  balbutier,  ce  qui  m'étonna  ;  car,  je 
suis  un  bien  chétif  orateur.  Pendant  ce  court  entretien,  je  vis 
mon  placet  prendre  la  route  du  gros  sac  et  quand  il  y  fut  jeté, 
je  m'inclinai  devant  le  Duc  et  me  retirai,  en  osant  concevoir 
l'espérance  d'un  succès. 

Le  soir,  j'assistai  avec  Rochecave  au  bal  de  la  Préfecture. 
La  réunion  était  magnifique,  toute  la  haute  noblesse  vendé- 
enne était  là.  Le  général  Suzannet  se  plut  à  faire  remarquer 
à  Rochecave  et  à  moi  des  descendants  de  Gharette,  de  Lescure 
de  La  Roche-Jacquelein,  de  Gathelineau,  etc.  C'est  à  cette  noble 
réunion  que  je  vis  plusieurs  héroïnes,  parmi  lesquelles  figu- 
raient Madame  la  comtesse  de  Ghantreau  et  quatre  autres 
qui,  comme  elle,  avaient  reçu,  en  combattant  pour  la  cause  de 
l'autel  et  du  trône,  des  blessures  dont  leurs  visages  conser- 
vaient les  honorables  cicatrices.  Gomme  j'étais  toujours 
extrêmement  amateur  du  beau  sexe,  je  tressaillais  de  plaisir 
en  voyant  tant  de  jolies  Vendéennes  chez  lesquelles  les  grâces 
s'unissaient  à  la  plus  remarquable  distinction.  Le  Prince 
parut  enchanté  de  cette  fête,  dont  le  vieux  et  respectable  pré- 
fet fit  les  honneurs  en  véritable  homme  de  cour.  A  trois 
heures  du  matin,  M.  le  Forestier,  Rochecave  et  moi  sortîmes 
de  ce  bal  magnifique  qui  ne  se  termina  qu'au  jour.  Nous  en 
emportâmes  dans  nos  cœurs  un  ineffaçable  souvenir. 

Le  lendemain  de  cet  heureux  jour,  le  bon  Prince,  escorté 
jusqu'au  point  où  commence  le  département  de  la  Loire  Infé- 
rieure, par  les  vieux  troupiers  vendéens  et  par  sa  garde 
d'honneur,  partit  pour  Nantes.  Mais,  hélas  !  un  grand  événe- 
ment se  préparait.  Aux  joies  les  plus  pures  comme  les  plus 


LES    CKNT    J0Ufc8    DANS   l'ouÊST  &  É) 

vives,  allaient  bientôt  succéder  toutes  les  tristesses  de  l'âme. 
Les  préoccupations  d'un  régime  fait  de  guerres  sanglantes, 
de  réactions  politiques,  de  levées  extraordinaires  en  hommes 
et  en  argent  allaient  peser  de  nouveau  sur  la  France. 

En  effet,  un  mois  à  peine  venait  de  s'écouler,  lorsqu'on 
apprit  que  le  1er  mars  1815.  Napoléon,  sans  doute  favorisé 
parles  Anglais,  venait  de  débarquer  à  Fréjus.  J'ai  déjà  dit 
que  l'opinion  napoléonienne  était,  celle  qui  dominait  a  liour- 
bon-Vendée.  Celle,  dite  bourbonnienue,  n'y  existait  que  dans 
le  rapport  de  1  à  30  tout  au  plus.  La  garnison  se  composait 
Hune  compagnie  de  gendarmerie  et  du  81e  régiment. 

Le  Roi  ne  pouvait  guère  compter  sur  ces  gens-là,  quelque 
braves  et  honorables  qu'ils  pussent  être,  car,  ayant  fait  vail- 
lamment toutes  les  guerres  de  l'Empire,  ce  régiment  comme 
tant  d'autres  adorait  Napoléon.  Je  laisse  à  penser  ce  que  j'é- 
prouvai d'angoisses,  de  chagrin  lorsque  quelques  jours  après 
l'on  proclama, avec  pompe  devant  la  garnison  et  les  autorite.-. 
que  Louis  XVIII  et  sa  famille  avaient  quitté  la  France  et  que 
l'Empereur  s'était  réinstallé  aux  Tuileries.  Les  cris  de  Vive 
l'Empereur  retentirent  alors  avec  un  fiévreux  enthousiasme 
et  ils  redoublèrent  lorsque  le  Maire,  le  corps  ceint  de  son 
écharpe,  eut  lu  le  décret  abolissant  tous  les  insignes  de  la 
Royauté  et  ordonnant  le  remplacement  des  drapeaux  blancs 
et  de  la  cocarde  blanche  par  les  couleurs  dites  nationales. 

Néanmoins  le  général  de  Suzannet  et  le  Préfetse  rendirent  à 
la  caserne  dans  la  cour  de  laquelle  les  soldats  sans  armes, 
ayant  à  leur  tête  le  colonel  et  l'état-major,  étaient  réunis.  Ils 
leurrappelèrent  le  serment  qu'ils  avaient  prêté  au  Roi  et  cher- 
chèrent à  leur  faire  comprendre  que  c'était  pour  eux  un  de- 
voir d'honneur  de  ne  point  en  abandonner  le  drapeau.  Ce  fut 
par  le  cri  de  :  «  Vive  le  roi»,  «  Vivent  les  liourbons  »  qu'ils, 
terminèrent  cette  chaleureuse  allocution.  Mais  leur  manifesta- 
tion n'eut  pas  d'écho;  le  régimentrépondit  par  lesacclamations 
de  :«  Vive  l'Empereur  »  ;  le  peuple  rassemblé  autour  de  la  ca- 
serneMes  répéta  énergiquement.  C'en  était  fait,   le  20   mars 

TOME    XII.    —    OCTOBHE,    NOVEMBRE,    DÉCh-MBRE  Si 


536  LES    CENT   JOURS    DANS    L'OUEST 

triomphait.  Alors  M.  de  Beaumont  se  rendit  à  la  hâte  à  la 
préfecture  et  s'empressa  de  confier  à  plusieurs  estafettes 
sur  lesquelles  il  pouvait  compter  le  soin  d'inviter  les  anciens 
chefs  vendéens  à  se  rendre  sans  retard  à  la  préfecture  pour 
s'entendre  avec  lui  sur  les  mesures  à  prendre  dans  d'aussi 
graves  conjonctures.  On  peut  se  faire  une  idée  de  la  fermen- 
tation qui  régna  dans  toutes  les  classes  de  lapopulation.  Néan- 
moins quand  le  soir  fut  venu,  j'osai  entrer,  avec  ma  cocarde 
blanche  au  chapeau,  dans  le  café  de  la  place  où  étaient  attablés 
des  officiers  fraternisant  avec  quelques-uns  des  plus  chauds 
Bonapartistes  de  la  ville.  Ce  trait  d'imprudence  et  de  folle 
témérité  fut  apprécié  à  sa  juste  valeur,  et,  après  être  resté, 
quelques  minutes  dans  le  café,  je  pus  en  sortir,  sans  que  ma 
séditieuse  cocarde  eut  donné  lieu  à  aucune  esclandre,  ni  à  au- 
cune provocation. 

Trois  jours  s'étaient  écoulés  depuis  cet  incident,  je  venais 
de  me  lever  lorsque  l'on  frappe  à  ma  porte,  et  que  je  vois 
entrer  le  digne  M  de  Ilauterive,  non  moins  affligé  que  moi 
des  grands  événements  qui  venaient  de  surgir.  Il  m'annonce 
qu'il  avait  appris  que  les  chefs  vendéens,  répondant  à  l'appel 
deM.  de  Beaumont, s'étaient  empressés  de  se  rendreauprès  de 
lui.  Après  une  courte  délibération,  il  avait  été  décidé  qu'une 
liste  serait  ouverte  à  l'instant  même  à  la  Préfecture  pour  la 
formation  d'un  corps  qui,  sous  le  titre  de  Volontaires  royaux 
delà  Vendée,  attendrait  pour  agir  les  ordres  du  malheureux 
Roi.  Je  remerciai  M.  de  Hauterive,  avec  une  émotion  qu'il 
partagea,  de  la  nouvelle  qu'il  venait  de  m'apprendre.  Quand 
il  fut  sorti  dema  chambre,  après  un  moment  de  réflexion,  je 
pris  mon  chapeau  sur  lequel  était  toujours  la  cocarde  blanche 
et  je  courus  à  la  Préfecture.  11  était  7  heures. 

Je  me  rendis  de  suite  au  secrétariat,  je  me  fis  inscrire  sur 
la  liste  dont  M.  de  Hauterive  venait  de  me  parler.  Je  fus  fier 
d'y  figurer  en  première  ligne  ;  le  brave  M.  de  Gentet,  qui  ve- 
nait d'arriver  de  Fontenay  pour  offrir  ses  services  au  Préfet 
n'eût  l'honneur  d'y  prendre  place  qu'en   second.  Après  avoir 


I.ES    GBÎNT    JOURS    DANS    L'OUEST  537 

serré  la  main  de  cet  homme  énergique,  je  sortis  de  l'hôtel 
pour  revenir  chez  moi. 

Mais  à  peine  avais-jefait  trente  pas  dans  la  rue  que  j'enten- 
dis derrière  moi  prononcer  mon  nom.  Je  me  retourne  et,  dans 
ce  moment,  je  vois  une  troupe  d'individus,  de  gamins,  qui 
me  lançaient  des  pierres.  L'une  d'elles  venait  déjà  d'effleurer 
mon  bras  droit;  mais,  grâce  au  sang-froid  dont  je  fis  preuve 
en  ce  moment,  au  lieu  de  précipiter  ma  marche,  je  la  ralentis. 
Cette  tactique  déconcerta  mes  assaillants. 

Ils  dirigèrent  sur  un  autre  point  leur  ardeur  belliqueuse. 
Mais  bientôt  je  courus  un  plus  grand  danger.  Dans  la  même 
rue  communiquant  de  la  route  à  la  place,  en  passant  devant 
l'atelier  d'un  maître  forgeron  que  je  connaissais  de  vue,  j'a- 
perçois cet  homme  armé  d'un  fusil.  Il  le  dirige  sur  moi.  Je 
m'arrête  et  lui  jetant  un  regard  de  mépris,  je  m'écrie  :  «  Que 
me  voulez-vous  ?  —  Ce  que  je  vous  veux,  chouan,  me  répondit- 
il,  en  imprimant  à  son  arme  un  mouvement  qui  trahissait  son 
émotion,  ce  que  je  veux?...  te  tuer,  si  à  l'instant  même  tu  ne 
déchires  pas  ta  cocarde  en  criant  :  Vive  l'Empereur  \  —  Qui, 
moi  ?  jamais  je  ne  ferai  cette  lâcheté  ;  quant  à  vous,  épargnez- 
vous  celle  d'ôier  la  vie  à  un  homme  sans  armes,  qui  ne  vous  a 
jamais  fait  aucun  mal,  et  dont  le  seul  crime  à  vos  yeux  est 
d'avoir  une  opinion  différente  de  la  vôtre.  »  Intimidé  sans  doute 
par  mon  sang-froid  et  mon  énergie,  le  forgeron  n'osa  pas 
tirer  et  je  pus  sain  et  sauf  regagner  mon  logement. 

Il  y  avait  tout  au  plus  une  heure  que  j'étais  rentré,  lorsque 
M.  de  Hauterive  eût  la  complaisance  de  m'avertir  que,  pendant 
mon  absence,  deux  gentilshommes  vendéens  s'étaient  pré- 
sentés pour  me  voir  et  qu'ils  avaient  promis  de  revenir  dans 
la  matinée.  Je  lui  demandai  quels  étaient  ces  messieurs.  Il  me 
répondit  qu'il  ne  les  connaissait  point,  qu'il  se  rappelait 
seulement  les  avoir  vus  à  la  Préfecture  dans  le  cabinet  du 
Préfet,  un  jour  qu'une  affaire  l'y  avait  conduit.  Notre  entretien 
aurait  duré  plus  longtemps  si  nous  n'eussions  entendu  frapper 
à  ma  porte.  J'ouvris  ;  c'étaient  précisément  les  deux  inconnus. 


538  LES    CENT   JOURS    DANS    L'OUEST 

M.  de  Hauterive  se  retira  à  l'instant  même.  Les  nouveaux 
venus  m'adressèrent  d'abord  de  flatteuses  félicitations  sur 
l'empressement  que  j'avais  mis  à  répondre  à  l'appel  du 
Préfet.  Ils  me  dirent  ensuite  qu'il  venait  d'être  décidé  par  le 
comité  royaliste  dont  ils  étaient  membres  que,  comme 
premier  volontaire  royal  de  la  Vendée,  et  en  raison  de  mon 
opinion  prononcée  en  faveur  des  Bourbons,  j'étais  appelé  à 
commander  le  noble  corps  destiné  à  défendre  leurs  droits. 
Pénétré  de  reconnaissance  pour  une  aussi  haute  distinction, 
j'en  remerciai  beaucoup  ces  Messieurs,  mais  je  leur  dis  que, 
n'ayant  jamais  servi,  il  m'était  impossible  d'accepter  le  com- 
mandement qui  m'était  offert.  J'ajoutai  que  mon  unique 
ambition  était  de  contribuer  autant  que  je  le  pourrais  à  faire 
triompher,  comme  simple  volontaire,  le  principe  auquel  depuis 
mon  jeune  âge  j'étais  inviolablement  attaché.  Ces  messieurs 
insistèrent;  mais,  voyant  que  je  persévérais  dans  mon  refus, 
ils  se  retirèrent  en  me  serrant  la  main  et  en  me  renouvelant 
de  la  manière  la  plus  affectueuse  l'assurance  de  leur  estime. 

A  peine  furent-ils  descendus  que  M.  Le  Forestier  et  Roche- 
cave,  auxquels  M.  de  Hauterive  avait  fait  le  récit  de  tout  ce 
qui  m'était  arrivé,  montèrent  rapidement  l'escalier.  La  pre- 
mière chose  qu'ils  firent  en  entrant  fut  de  se  précipiter  dans 
mes  bras,  en  gardant  ce  silence  éloquent  qui,  bien  mieux  que 
la  parole,  sait  exprimer  les  sentiments  du  cœur;  mais  je  mis 
fin  bientôt  à  cette  scène  muette  pour  témoigner  à  notre  Direc- 
teur combien  j'étais  sensible  à  la  nouvelle  marque  d'intérêt 
que  je  recevais  de  lui. 

Rochecave,  prenant  alors  la  parole,  tout  en  louant  mon 
énergie,  blâma  mon  imprudence.  Il  la  qualifia  même  de  folle 
témérité;  puis,  s'apercevant  qu'il  était  encore  orné  de  la 
cocarde  blanche,  il  saisit  mon  chapeau  et  s'empressa  d'en 
enlever  la  cocarde.  Ce  mouvement  d'amitié  mit  un  terme  à  ma 
résistance.  J'en  remerciai  Rochecave  avec  effusion  et  lui  pro- 
mis, ainsi  qu'à  M.  Le  Forestier,  d'être  plus  circonspect  à 
l'avenir.  Ces  deux  excellents  hommes  prirent  alors  congé  de 


LES    CENT    JOURS    DANS    L'OUEST  539 

moi  pour  retourner  à  la  Direction,  après  m'avoir  recommandé 
d'attendre  la  nuit  pour  sortir. 

Je  promis  d'obéir  à  cette  amicale  injonction. 

Mais  cette  réclusion  me  fut  tellement  pénible  que  bientôt  je 
m'en  affranchis.  A  peine  étais-je  dehors,  dans  la  même  rue 
où  le  matin  j'avais  été  mis  en  joue,  que  je  fus  accosté  par  trois 
Messieurs  qui  me  dirent  avec  une  vive  animation  :  «  Monsieur 
Brisson,  notre  opinion  politique  diffère  entièrementde  la  vôtre, 
mais  nous  avons  les  excès  en  horreur  et  l'intérêt  que  vous 
nous  inspirez  est  tel  que,  d'après  ce  que  nous  avons  appris, 
nous  vous  engageons  à  vous  éloigner  tout  de  suite  de  la  ville. 
Adieu,  et  que  le  Ciel  vous  protège!»  J'exprimai  à  ces  Messieurs 
ma  reconnaissance^pressai  leurs  mains  qu'ils  me  tendirent  et, 
revins  à  mon  logement.  Gomme  j'habitais  toujours  chez  M.  de 
Hauterive,  je  m'empressai  de  l'informer  de  l'incident.  «  Ah! 
mon  Dieu,  s'écria-t-iL  montez,  montez  à  votre  chambre  pour 
faire  votre  malle.  Je  vous  l'enverrai  à  La  Rochelle  et  elle  y 
arrivera  presqu'aussitôt  que  vous  »... 

Après  avoir  fait  mes  adieux  au  digne  homme,  je  m'empres- 
sai de  rentrer  dans  la  chambre  que  j'allais  quitter  sans  espoir 
de  retour.  La  première  chose  que  je  fis  fut  de  charger  à  balle 
mon  fusil  de  chasse,  bien  décidé  à  m'en  servir  au  besoin.  Cela 
fait,  je  pris  la  plume  pour  informer  en  quelques  lignes  Ro- 
checave  et  M.  le  Forestier  du  parti  que  j'allais  prendre  et  aussi 
pour  leur  faire  mes  adieux,  lorsqu'une  rumeur  se  fait  entendre. 
Je  me  précipite  vers  la  fenêtre,  je  l'ouvre  et  j'aperçois  une 
troupe  d'une  cinquantaine  d'individus  à  la  tête  de  laquelle 
marchaient  des  hommes  portant  des  torches  allumées.  Ils 
furent  bientôt  arrivés  devant  la  maison.  Là  ils  s'arrêtèrent.  Je 
remarquai  qu'ils  n'étaient  point  armés,  mais  je  ne  tardai  point 
à  m'apercevoir  qu'ils  avaient  des  pierres  dans  leurs  poches. 
Plusieurs"  d'entre  elles,  lancées  contre  la  maison,  pénétrèrent 
dans  ma  chambre  par  la  fenêtre.  Des  bordées  d'injures  y 
succédèrent.  Mon  premier  mouvement  fut  de  saisir  mon 
fusil  et  de   menacer  ces  émeutiers  de  tirer   s'ils  ne  s'éloi- 


540  LES    CENT    JQURS    DANS    [,  OUEST 

gnaient  à  l'instant  :  mais  je  compris  que  la  vue  de  cette  arme 
les  exaspérerait  et  qu'il  pourrait  en  résulter  de  grands 
malheurs  pour  M.  de  Hauterive,  sa  famille  et  les  personnes 
logées  chez  lui.  Une  circonstance  cependant  me  sembla  de 
nature  à  faire  avorter  leurs  coupables  desseins.  Le  premier 
major  du  régiment  avec  sa  femme  et  deux  domestiques  occu- 
pait un  étage  de  la  maison  dont  la  porte  était  gardée  par  un 
factionnaire.  Je  vis  cet  officier  supérieur  se  frayer  un  passage 
dans  cette  foule  à  laquelle  il  adressa  d'assez  vives  paroles. 
Celle-ci  suspendit  un  moment  les  vociférations,  mais  le  bruit 
recommença  quand  le  major  fut  entré.  En  dépit  de  tout  je  me 
hâtai  de  faire  ma  malle  en  longeant  les  murs  intérieurs,  pour 
éviter  d'être  atteint  par  les  projectiles  qui  continuaientà  m'être 
lancés  avec  un  redoublement  de  fureur  inexprimable.  A  un 
moment  ce  fut  tel  que  le  factionnaire,  se  plaçant  devant  la 
porte,  croisa  sa  baïonnette  et  menaça  d'en  frapper  ceux  qui 
oseraient  s'approcher. 

En  même  temps,  le  major  et  M.  de  Hauterive  ouvrirent  leurs 
fenêtres,  chacun  étant  armé  d'un  fusil  à  deux  coups.  J'en  fis 
autant  de  mon  côté  ;  puis,  l'officier  supérieur  mettant  les 
émeutiers  en  joue,  les  somma  de  se  retirer  à  l'instant  même. 
Ilss'enfuirent  dans  toutes  les  directions  en  s'écriant:  Bonsoir, 
bonsoir,  à  demain,  àdemain  !  La  rue  étant  redevenue  calme, 
je  finis  mes  lettres. 

Voyage  nocturne  de  Botir bon-Vendée  à  la  Rochelle. 

Deux  heures  sonnèrent  bientôt  et,  dans  mon  costume  de 
chasse,  carnassière  au  dos  et  fusil  sous  le  bras,  j'ouvris  la 
porte  et  me  mis  en  route  pédestrement.  La  nuit  était  superbe, 
tout  le  ciel  scintillait.  La  lune  brillait  d'un  mélancolique 
éclat.  En  passant  auprès  des  vieilles  ruines  du  château  de  la 
Roche-sur-Yon,  je  les  vis  étendre  leurs  longues  ombres  sur  la 
route.  De  tous  cotés  s'échappaient  les  cris  des  oiseaux  de 
nuit.  Une  profonde  tristesse  m'enveloppa,  qu'augmentait  en- 


LES    CENT   JOURS    DANS    L'OUEST  541 

core  le  frissonnement  «lu  feuillage  des  arbres.  Dans  mon  cœur 
se  heurtaient  les  sentiments  les  plus  sombres,  les  plus  arrières 
réflexions.  En  retraçant  à  ma  pensée  les  périls  auxquels  j'a- 
vais été  exposé  et  dont  j'aurais  été  la  victime  si  Dieu  ne  fut 
venu  à  mon  secours,  je  frémissais  à  l'idée  des  malheurs  qui 
auraient  pu  en  être  la  suite  pour  le  major,  M.  de  Hauterive  et 
leurs  familles.  J'élevai  alors  mes  yeux  vers  le  ciel  et,  en  sol- 
licitant de  Dieu  des  jours  meilleurs,  je  trouvai  une  grande 
compensation  à  mes  profonds  ennuis,  mon  âme  passait  ainsi 
d'une  rêverie  à  une  autre,  lorsque  j'entendis  derrière  moi  un 
bruit  de  chevaux  en  marche.  Je  m'arrêtai  et,  comme  il  com- 
mençait à  faire  jour,  je  pus  voir  près  de  moi  deux  gendarmes 
que  précédait  un  officier  de  la  même  arme.  Ma  première  pen- 
sée à  cette  apparition  fut  que  la  nouvelle  municipalité  avait 
fait  donner  à  la  gendarmerie  l'ordre  de  me  poursuivre  et  de 
m'arrêter  pour  m'être  montré  en  public  avec  la  cocarde  blan- 
che, après  la  promulgation  du  Décret  Impérial  qui  la  proscri- 
vait. J'avais  donc  la  prison  en  perspective,  ce  qui  me  causa 
quelque  émotion.  Mais,  lorsque  cette  escouade  m'eût  atteint, 
j'eus  assez  d'empire,  sur  moi-même,  pour  n'en  rien  manifes- 
ter. L'officier,  c'était  un  capitaine,  ayant  poussé  son  cheval 
près  de  moi,  me  regarda  d'abord  attentivement  sans  pronon- 
cer une  seule  parole,  puis,  bientôt,  d'un  air  assez  narquois,  il 
me  dit  :  «  Monsieur  vient  de  Napoléonville  sans  doute  ? 

—  Oui,  capitaine. 

—  Et  monsieur  va  ? 

—  A  la  chasse. 

—  Gomment,  sans  chien  ? 

Je  ne  répondis  à  cette  question  que  par  un  soupir. 

—  Bien,  reprit  le  capitaine,  sur  le  même  ton,  je  devine  que 
monsieur  chassera  avec  les  chiens  du  gentilhomme  chez  le- 
quel il  se  rend  et  qui  demeure  sans  doute  ?.. 

—  Au  delà  de  Luçon  où  je  m'arrêterai  quelques  instants. 

—  Et  monsieur  ignore  sans  doute  ce  qui  s'est  passé  ce 
matin  à  Napoléonville. 


542  LES    CCNT   JOURS    DANS    [/-OUEST 

—  Complètement,  capitaine. 

—  Eli  bien  !  Monsieur  saura  que  ce  matin  au  point  du  jour  le 
peuple,  indigné  de  voir  que  le  drapeau  blanc  flottait  encore 
sur  l'hôtel  de  la  Préfecture,  s'était  réuni  sur  la  place  où  il 
cherchait  avec  ardeur  à  briser  les  grilles  qui  l'empêchaient 
de  s'élancer  dans  la  cour,  quand  le  secrétaire  général  de  la 
Préfecture  se  présenta  devantcette  multitude  pour  lui  appren- 
dre que  le  Préfet,  qu'elle  demandait  à  grands  cris,  ne  voulant 
point  reconnaître  le  gouvernement  de  Napoléon,  tant  il  était 
pénétré  de  la  religion  du  serment,  avait  fait  conduire  sa  voi- 
ture vers  la  porte  du  jardin  et  qu'il  était  parti  sans  faire  con- 
naître le  point  sur  lequel  il  se  dirigeait.  La  foule  voulut  alors 
envahir  la  cour,  mais  son  chef,  tenant  à  sa  main  un  drapeau 
tricolore,  s'y  opposa;  puis,  suivi  de  quelques  individus  seule- 
ment, il  se  fit  ouvrir  le  portail  qu'il  referma  sur  lui.  Ceci  fait 
il  monta  précipitamment  à  l'esplanade  du  pavillon  et  subs- 
titua au  drapeau  blanc  le  drapeau  tricolore  dont  la  vue  fit 
éclater  mille  cris  do  Vive  V Empereur l  Le  peuple,  enivré  de  ce 
succès,  se  retira,  en  faisant  retentir  les  airs  du  chant  de  «  Veil- 
lons au  salut  de  l'Empire  ».  Il  ajouta  en  finissant  que  le  nou- 
veau Préfet  était  attendu  dans  la  journée.  » 

Un  moment  de  silence  succéda  à  ce  récit,  mais  le  capitaine 
l'interrompit  bientôt  pu  me  disant  :  —  Eh  bien  !  Que  pense 
Monsieur  de  tout  cela?  —  Je  lui  répondis  vivement:  qu'il 
était  heureux  que  tout  se  fut  passé  d'une  manière  si  paisible, 
car,  enfin,  m'écriai-je,  il  aurait  été  dans  les  choses  possibles 
que  les  Vendéens  du  Bocage...  A  peine  eus-je  achevé  ces  mots 
que  cet  officier  fit  un  signe  à  ses  gendarmes.  Ils  s'approchè- 
rent de  moi  ;  mais  l'arrestation  que  je  crus  alors  certaine 
n'eût  pas  lieu.  Le  capitaine,  après  m'avoir  salué  avec  un  sou- 
rire milin,  piqua  des  deux  en  avantainsi  que  son  escorte  et 
je  les  eus  bientôt  perdus  de  vue. 

J'avouerai  cependant  queje  n'étais  point  parfaitement  tran- 
quille. .J'avais  encore  deux  lieues  à  faire  avant  d'arriver  à 
Luçonet  je  me  trouvais  déjà  fatigué  ;  je   m'armai  néanmoins 


LtCS    O'NT    JOURS    DANS    L'OUEST  5'iH 

de  courage  et  à  neuf  heures  environ  j'arrivais  clans  cette  ville, 
exténué  de  fatigue.  Mon  premier  soin  fut  d'entrer  dans  une 
auberge,  et  do  me  faire  conduire  dans  une  chambre,  je  m'y 
laissai  choir  sur  un  grand  diable  de  fauteuil,  où,  sous  le  poids 
de  la  fatigue  et  de  l'émotion,  je  tombai  dans  un  complet  éva- 
nouissement. 

Quand  je  rouvris  les  yeux,  je  vis  que  quelqu'un  était  entré 
dans  ma  chambre,  avait  dénoué  ma  cravate,  et,  pour  me 
donner  de  l'air  sans  doute,  entr'ouvert  mon  gilet  de  flanelle. 
Nul  doute  alors  qu'on  n'eut  aperçu  deux  petites  médailles 
en  argent,  l'une  à  l'effigie  de  la  Vierge,  l'autre  à  celle  de 
Louis  XVIII,  plus  une  décoration  du  Lys.  Ces  objets,  que 
m'avait  donnés  une  demoiselle  de  laVendée  non  moins  ardente 
que  moi  dans  son  opinion,  étaient  suspendus  sur  ma  poitrine. 
Je  ne  doutai  pointalors  que  la  personne  qui,  par  un  mouvement 
d'humanité,  m'avait  rendu  le  service  dont  je  viens  de  parler, 
n'eût,  en  voyant  mes  précieuses  reliques,  acquis  la  preuve 
que  j'étais  tout  dévoué  à  l'autel  et  au  trône  légitime.  —  Mais 
quelle  était  cette  personne  ?  Je  ne  le  sus  jamais.  Quoi  qu'il  en 
fut,  je  pensai  que  cet  incident  pourrait  avoir  pour  moi  quelque 
suite  fâcheuse  ;  aussi,  après  un  assez  bref  déjeûner,  et  me  sen- 
tant de  nouveau  en  possession  d'une  partie  de  mes  forces,  je 
réglai  avec  l'aubergiste  et  sortis  de  l'hôtel. 

Après  avoir  marché  pendant  une  heure,  je  sentis  mes  jambes 

me  refuser  de   nouveau   tout  service;  je  voulus  me  raidir 

mais  cela  me  fut  impossible  ;  alors  je  pris  le  parti  de  m'éten- 

dre  sur  l'herbe  h  l'ombre  d'un  arbre,  en  désirant  vivement 

qu'il    passât   une  des  voitures  publiques  qui   se  rendent  à 

Marans.  Gela  eut  bientôt  lieu  et,  grâce  à  la  place  que  je  pris 

dans  ce  véhicule,  je  fus  enfin  assez  heureux  pour  rentrer  sans 

encombre  à  la  Rochelle. 

Renée  MON  BRUN. 


S8$$& 


DEUX  VICTIMES  VENDÉENNES 

Marie  et  Renée  GRILLARD,  de  Cholet 

FUSILLÉES  AU  CH  \MP-DES  MARTYliS 

PRÈS  ANGERS 

Le     /er    février    1794 


C'est  le  14  mars  1793  que  Cholet  fut  pris  par  les  Vendéens 
qui  restèrent  maîtres  de  cette  ville  jusqu'au  17  octobre. 

Dans  son  ouvrage,  La  Vendée  Angevine,  M.  Port,  membre 
de  l'Institut,  archiviste  de  Maine-et-Loire,  après  avoir  raconté 
à  sa  façon  les  détails  de  cette  importante  victoire  des  Ven- 
déens, termine  son  récit  par  la  note  suivante,  que  nous  citons 
très  exactement  : 

«  Les  bonnes  gens  ont  d'autres  soucis.  Les  filles  Grillard,  de 
«  Cholet,  s'en  vont  descendre  la  statue  de  la  Vierge  de  (Belle- 
«  fontaine)  de  sa  niche  sur  l'autel  et  lui  faire  des  reproches, 
«  en  lui  disant  :  «  Grande  Vierge,  pourquoi  ne  nous  avez- 
«  vous  pas  encore  délivrés  des  tyrans  républicains?  Proté- 
«  gez  nos  armes  et  rendez-nous  victorieux  de  nos  ennemis! 
«  Parlez  !  nous  sommes  prçts  à  obéir.  »  (Comité  révolution- 
ce  naire  de  Cholet)1.  » 

Cette  assertion  du  savant  archiviste  est-elle  vraie?  Est-elle 
véritablement  appuyée  sur  les  documents  du  Comité  révo- 
lutionnaire  de   Cholet,  comme  on   l'indique  ?    C'est  ce  que 
nous  allons  voir. 
Le  Comité  de  surveillance   ou   révolutionnaire  de  Cholet 

1    La  Vendée  Angevine,  tome  II,  page  13t. 


Dl'.l  X     VIOTlV»Eï     VI      U     i      NES  .j-iJ 

ne  fut  formé  que  le  <S  rovembre  1793;  il  était  alors  composé 
des  citoyens  Robin  de  Méricourt,  Glémanceau,  Minguet, 
Josson,  Lombardel  et  Demiaud  cadet.  Une  des  foifbtions  du 
Comité  était  de  recevoir  les  dénonciations.  Dès  le  il  no- 
vembre, on  lui  fit  la  dénonciation  suivante,  extraite  du  re- 
gistre officiel  du  Comité1. 

«Le  citoyen  A...,*  commandant  de  bataillon,  a  dénoncé  les 
a  filles  Grillard,  de  Saint-Pierre  de  Cholet,  pour  avoir  été  à  la 
«  tête  des  processions  qui  ont  allumé  le  fanatisme  dans  le 
«  pays,  et  dans  le  temps  de  l'insurrection  d'avoir  excité  les 
«  brigands  contre  les  patriotes,  et  entre  autres  choses 
«  d'avoir  descendu  la  statue  de  la  Vierge  de  sa  niche  sur 
«  l'autel  etde  lui  avoir  faitdes  reproches  en  lui  disant:  «  Gran- 
«  de  Vierge,  pourquoi  ne  nous  avez-vouspas  encore  délivrés 
«  des  tyrans  républicains  ?  Protégez  nos  armes  et  rendez- 
«  nous  victorieux  de  nos  ennemis.  Parlez,  et  nous  sommes 
g  prêts  d'obéir.  » 

Etant  données  la  qualité  du  dénonciateur  et  la  gravité  (?)  de 
l'accusation,  le  Comité  révolutionnaire  fit  immédiatement 
arrêter  l'aînée  des  filles  Grillard.  Le  14  novembre,  elle  subis- 
sait l'interrogatoire  suivant,  par  les  soins  de  Robin  de  Méri- 
court, président  du  Comité.  Nous/  le  reproduisons  d'après 
l'original,  conservé  aux  Archives  de  Maine-et-Loire3  : 

«  Le  24  brumaire  de  l'an  II  de  la  République  une  et  in- 
«  divisible. 

«  A  été  traduite  devant  le  commissaire  du  Comité  révolu- 
«  tionnaire  d'Angers*  la  fille  Grillard,  détenue  dans  les  pri- 
«  sons  de  Cholet  comme  très  suspecte  : 

1  Ce  registre  existe  aux  Archives  départementales  de  Maine-et-Loire  (L  1155) 

s  Le  citoyen  A...  était  le  frère  de  l'intrus  de  la  Tessouale, 

1  Archives  départementales,  L  1162. 

*  Depuis  le  8  novembre,  jour  de  sa  formation,  jusqu'au  6  janvier  suivant,  le 
Comité  révolutionnaire  de  Cholet  se  qualifiait  constamment  de  provisoire. 
Son  président  Robin  de  Méricourt.  ancien  intrus  de  Trémentines,  était 
membre  du  Comité  de  surveillance  d'Angers  et  avait  été  délégué  par  ledit 
Comité  à  Cholet  pour  y  appliquer  les  dois  révolutionnaires.  Les  cinq  autres 
membres  du  Comité  provisoire  de  Cholet  prenaient  le  titre  d'adjoints  du 
commissaire  du  Comité  Révolutionnaire  d'Angers. 


546  deux  victimes  vknd6ennrs 

«  Interrogée  de  son  nom,  âge,  profession  et  demeure.  —  A  dit 
«  se  nommer  Marie  Grillard.née  et  demeurant  à  Saint-Pierre 
«  de  Gholê't,  être  âgée  de  40  ans,  être  tapissière. 

«  Interrogée  si  elle  sait  le  motif  de  sa  détention.  —  A  dit 
«  que  non. 

«  A  elle  demandé  si  elle  n'a  pas  été  à  la  tête  des  processions 
«  et  neuvaines  qui  ont  allumé  le  fanatisme  dans  le  pays.  —  A 
«  dit  qu'elle  y  a  été,  mais  qu'elle  n'avait  intention  que  de  de- 
«  mander  la  paix  et  la  réunion  des  esprits. 

«  A  elle  demandé  si  elle  n'a  pas  excité  les  brigands  contre 
«  les  patriotes1.  —  Non. 

«  A  elle  demandé  si  elle  n'a  pas  descendu  une  Vierge  sur 
«  l'autel,  en  lui  faisant  des  reproches  et  lui  disant  :  «  Grande 
«  Vierge,  pourquoi  ne  nous  âvez-vous  encore  pas  délivrés  des 
«  tyrans  républicains  ?  »  —  A'nié  tous  ces  faits. 

«  A  elle  demandé^si  elle  a  porté  la  cocarde  blanche  et  le 
«  Sacré-Cœur.  —  A  dit  qu'elle  a  porté  le  Sacré-Cœur. 

«  Lecture  faite  à  ladite  Grillard  de  ses  réponses  au  présent 
«  interrogatoire,  a  dit  qu'elles  contiennent  vérité,  y  a  persisté 
«  et  déclaré  ne  savoir  signer*.  » 

Le  commandant  de  bataillon  avait  accusé  Marie  Grillard 
d'avoir  assisté  aux  processions  :  celle-ci  le  reconnaît. 

On  l'avait  accusée  d'avoir  excité  les  brigands  contre  les 
patriotes  :  elle  répond  que  c'est  faux. 

On  l'avait  dénoncée  comme  ayant  descendu  la  statue  de  la 
Vierge  :  elle  nie  ce  fait. 

Le  commissaire  ajoute  un  nouveau  grief,  en  lui  demandant 
si  elle  a  porté  le  scapulaire  du  Sacré-Cœur  :  elle  avoue  le  fait. 

Nous  sommes,  semble-t-il,  en  présence  d'une  inculpée  qui 
n'a  pas  peur  de  dire  la  vérité,  malgré  le  danger.  Elle  a  porté 
le  scapulaire  du  Sacré-Cœur,  elle  a  assisté  aux  processions  : 

'  Brigands,  c'est-à-dire  les  Vendéens.  —  Patriotes,  c'est-à-dire  les  soldats 
de  la  Convention,  les  bleus  comme  disaient  les  Vendéens. 

1  Contrairement  à  l'usage  constamment  suivi  dans  tous  les  autres  interro- 
gatoires, celui-ci  ne  porte  pa3  la  signature  du  membre  du  Comité  révolution- 
naire qui  y  a  procédé. 


DEUX    VICTIMES    VENDÉENNES  547 

si  elle  avait  descendu  la  statue  de  la  Vierge  et  fait  la  prière 
incriminée,  il  est  à  croire  qu'elle  ne  ferait  pas  difficulté 
d'avouer  ce  fait  comme  elle  a  reconnu  les  deux  autres. 

Le  Comité  révolutionnaire,  par  l'organe  de  son  président, 
Robin  de  Méricourt,  jugea  ainsi,  puisqu'il  la  remit  en  liberté1 
et  ne  fit  môme  pas  comparaître  Renée  Grillard,  sa  sœur. 

Que  reste-t-il  de  la  dénonciation  du  citoyen  A...,  relative  à 
la  statue  de  la  Vierge  descendue  sur  l'autel  et  aux  reproches 
qui  lui  auraient  été  adressés  ? 

Rien,  à  notre  humble  avis. 

M.  Port  a  donc  eu  tort  de  faire  sienne  une  assertion  puisée 
dans  une  accusation  si  peu  fondée  et  contredite  par  des  témoi- 
gnages formels. 


•  » 


Pendant  les  deux  mois  qui  suivirent,  les  deux  sœurs  Grillard 
ne  furent  pas  inquiétées.  Mais  le  8  janvier  1794,  un  second 
mandat  d'arrêt  fut  lancé  contre  elles  par  le  Comité  révolution- 
naire réorganisé1.  Le  13  janvier,  par  les  soins  du  citoyen 
Sureau,  adjudant-major  de  place,  pour  ce  requis  par  le  Comité 
de  surveillance,  Marie  et  Renée  Grillard  furent  arrêtées  chez 
elles  et  conduites  à  la  prison  de  la  ville,  en  même  temps  que 
M"e  Turpault,*  Mme  Réveillère,*  et  six  autres  personnes  de 
Cholet. 

Le  lendemain,  14  janvier,  l'aînée  des  deux  sœurs  comparais- 
sait de  nouveau  devant  le  Comité  révolutionnaire  : 

i  En  marge  de  la  pièce  contenant  l'Interrogatoire,  on  lit  ce  mot  :  élargie. 

«  Le  nouveau  comité  entra  en  fonctions  le  G  janvier  1794.  11  était  composé 
de  Joseph  Clémanceau,  président,  Rousseau,  secrétaire,  Macé,  Cambon, 
Routiau-Houdié,  Auteract,  Hérault,  Duchaînay  et  Demiaud  cadet.  —  Son 
premier  mandat  d'arrêt,  daté  des  8  et   12   Janvier,  comprenait  78    personnes 

de  Cholet  et  des  environs. 

Les  deux  sœurs  Grillard  demeuraient  au  Puits-de-1'Aire.  (L.  1160). 

»  Madame  Turpault,  de  Cholet,  fusillée  au  Champ-des-Martyrs  le 
16  avril  1794,  par  l'abbé  Uzureau  (Angers,  Grassin,  1899). 

*  Madame  Réveillcre,  de  Cholet,  fusillée  au  Champ-des-Martyrs  le 
i"  février  1891,  par  l'abbé  l'zureau  (Vendée  Historique,  n»du  20  août  1899). 


548  DEUX    VICTIMES  VENDÉENNES 

«  Le  2.»  nivôse,  l'an  II  de  la  République  française  une  et  ndi- 

\  isible,  et  le  premier  de  la  mort  du  tyran. 

«  Joseph  Glémanceau,  président  du  Comité  de  surveillance 
«  et  révolutionnaire  établi  à  Gholet  d'après  la  loi  du  14  fri- 
«  maire,  a  t'ait  amener  devant  lui  la  nommée  Grillard,  la- 
«  quelle  a  été  interrogée  ainsi  qu'il  suit  : 

«  Quels  sont  vos  nom,  âge,  profession  et  demeure?  —  Marie 
«  Grillard,  39  à  40  ans,  marchande,  de  Gholet. 

«  Connaissez-vous  les  motifs  de  votre  détention  ?  —  Non. 

«  Quel  pays  avez- vous  habité  depuis  le  mois  de  mars*der- 
«  nier?  —  Je  n'ai  point  sorti  de  Cholet. 

«  Quand  les  républicains*  sont  entrés  à  Gholet2,  en  êtes-vous 
«  portie?  —  Je  me  suis  sauvée  dans  un  champ  et  je  suis  ren- 
«  trée  de  suite. 

«  Avez-vous  logé  chez  vous  des  brigands,  de  leurs  chefs,  ou 
«  des  prêtres  réfractaires3  ?  —  J'ai  logé  des  brigands,  comme 
«  les  autres,  jamais  ni  chefs  ni  prêtres 

«  Avez-vous,  pendant  le  séjour  des  brigands  à  Gholet,  eu 
«  des  liaisons  avec  les  brigands  ou  leurs  chefs?  —  Non. 

«  Avez-vous  commercé  avec  eux?  —  Non,  je  n'étais  pas 
«  marchande  alors. 

«  Avez-vous  engagé  les  brigands  à  massacrer  les  patriotes  ? 
«  —  Non. 

«  Avez-vous  engagé  quelqu'un  à  prendre  les  armes  contre 
«  la  République?  —Non. 

«  Alliez-vous,  il  y  a  un  an,  à  la  messe  des  prêtres  qui 
»  avaient  prêté  le  serment4?  —  No?i,  jamais. 

1  CV:st-à-dire  depuis  la  prise  de  Cholet  par  les  Vendéens,  qui  eut  lieu  le 
14  mars. 

1  Le  17  octobre,  jour  de  la  bataille  de  Cholet,  ai  funeste  aux  armées  ca- 
tholiques et  royales. 

3  L'expression  «  prêtre  réfractaire  »  signifie  prêtre  qui  a  refusé  de  prêter 
serment  à  la  constitution  civile  du  clergé,  constitution  condamnée  et  déclarée 
schi8matique  par  le  pape  Pie  VI.  Pour  les  Vendéens,  les  «  prêtres  réfrac- 
taires »  étaient  les  «  bons  prêtres  »,  nom  que  ces  derniers  conservèrent  toute 
leur  vie. 

*  Gabriel  de  Crolle,  installé  curé  constitutionnel  de  Notre-Dame,  le  8  mai 
1791  —  L'intrus  de  Saint-Pierre  be  nommait  Durand. 


Deux  victimes  vendéennes  549 

«  Pourquoi  n'y  allie/vous  pas  ?  N'aviez-vuus  pas  de  con- 
«  fiance  en  eux?  —  Non,  sûrement. 

«  Pendant  que  les  prêtres  réfractaires  ont  été  ici  avec  les 
«  brigands,  alliez-vous  à  leurs  messes,  autres  services  etpro- 
«  cessions?       J'ai  été  aux  messes  et  processions . 

«  Avez-vous  engagé  quelqu'un  à  vous  y  accompagner  ?. 
«  — Non. 

«  Lecture  à  elle  faite  du  présent  et  de  ses  réponses,  elle  a 
«  déclaré  que  le  tout  contient  vérité,  y  a  persisté  <  t  déclaré  ne 
«  savoir  signer. 

«  J.  GLÉMANGEAU,  président  du  tribunal.  » 

Le  môme  jour,  la  plus  jeune  des  deux  sœurs  subissait,  de  la 
part  dudit  Clémanceau,  l'interrogatoire  suivant  : 

«  Quels  sontvos  nom,  âge,  profession, demeure  et  le-lieude 
«  votre  naissance?  —  Je  me  nomme  Renée  Grillard,  j'ai 
«  28  ans,  je  suis  couturière,  je  demeure  et  je  suis  née  àSaint- 
«  Pierre  de  Cholet. 

«  Connaissez-vous  les  motifs  de  votre  détention?  —  Non. 

«  Où  avez-vous  demeuré  depuis  le  mois  de  mars  dernier? 
«  —  J'ai  toujours  demeuré  à  Cholet. 

«  Quand  les  Républicains  sont  entrés  à  Cholet,  où  êtes- 
«  vous  allée  ?  —  J'ai  été  à  trois  lieues  d'ici  dans  un  bois. 

«  Pourquoi  sortiez-vous  de  Cholet,  lorsque  les  troupes  delà 
«  république  y  arrivaient,  puisque  vous  y  aviez  constamment 
«  demeuré  pendant  que  les  brigands  en  étaient  les  maîtres? 
«  —  Parce  que  je  craignais  le  feu. 

«  Combien  de  temps  avez-vous  été  absente  ?  —  Environ 
«  cinq  à  six  jours. 

«  Avez-vous  logé  des  brigands,  de  leurs  chefs,  ou  des 
«  prêtres  réfractaires?  -  Nous  avons  logé  des  soldats  bri- 
«  gands,  parce  qu'on  nous  donnait  l'ordre  de  le  faire. 

«  Qui  donnait  ces  ordres  et  qui  donnait  les  billets  de  loge- 
«  ment?  —  Je  n'en  sais  rien. 

«  Avez-vous  engagé  quelqu'un  à  prendre  les  armes  contre 
«  la  république  ou  à  fusiller  des  patriotes  ?  —  Non. 


"ôO  DEUX    VICTIMES    VENDÉENNES 

«  Alliez-vous  autrefois  à  la  messe  des  prêtres  qui  avaient 
«  prêté  le  serment  ?  —  Non,  jamais. 

«  Pourquoi  n'y  alliez-vous  pas? — Parce  que  ce  n'était  pas 
a  mon  opinion  et  que  je  n'avais  pas  confiance  en  eux. 

«  Pendant  que  les  prêtres  réfractaires  ont  été  àCholet  avec 
»(  les  brigands,  avez-vous  été  à  leurs  messes  ou  autres  céré- 
«  monies  ,  comme  sermons,  processions,  etc.?  —  J'ai  été 
«  à  leurs  messes,  processions,  serinons,  etc. 

«  Avez-vous  été  à  confesse  à  eux,  et  vous  ont-ils  donné 
«  des  conseils  ?  —  Oui,  j'y  ai  été  ;  ils  ne  m'ont  donné  aucun 
«  conseil. 

u  Lecture  à  elle  faite  du  présent  interrogatoire  et  de  ses  ré- 
«  ponses,  a  dit  que  le  tout  contient  vérité,  y  a  persisté  et  dé- 
«  claré  vouloir  signer  avec  nous  le  présent. 

«  Renék  GRILLARD. 
«  J.   CLÉMANCEAU.  président  du  tribunal1.  » 

Cette  fois  le  Comité  révolutionnaire  de  Cholet  ne  les  remit 
point  en  liberté;  mais  les  condamna  comme  suspectes  par  la 
sentence  suivante  : 

«  D'après  les  informations  prises  sur  la  conduite  de  Marie 
«  et  Renée  Grillard,  il  résulte  qu'elles  ont  toujours  assisté  aux 
«  cérémonies  des  prêtres  réfractaires,  adressé  leurs  vœux 
«  pour  faire  revivre  l'ancien  régime,  ce  qui  les  rend  vrai- 
«  ment  suspectes, 

«  J.  CLEMANGEAU,  président  du  tribunal. 
«  ROUSSEAU,  secrétaire*.» 

Dès  le  lendemain  de  leur  jugement  et  de  leur  condamna- 
tion, les  deux  sœurs  furent  adressées  à  la  Commission  mili- 
taire d'Angers  par  le  Comité  révolutionnaire  de  Cholet.  Elles 
faisaient  partie  du  douzième  envoi  dudit  Comité  à  la  Commis- 
sion, et  ce  convoi   comprenait  en  tout  27  personnes.  Deux 

1  Ces  deux  interrogatoires,  presque  identiques,  se  trouvent  aux  Archives  de 
Maine-et-Loire  'h  7ô0  bis). 
'  Arch.  dép.  750  bis. 


DEUX    VICTIMES    VENDÉENNES  ."51 

d'entre  elles  furent  guillotinées  à  Angers,  sur  la  place  du 
Ralliement,  le  20  janvier,  François  Glavereau,  de  Cholet.  et 
Geneviève  Bouchet,  de  Beaupréau.  Trois  seulement  auraient 
été  épargnées  par  la  Commission  militaire  et  les  22  autres 
furent  destinées  à  la  fusillade. 

Marie  et  Renée  Grillard  furent  du  nombre  de  ces  saintes 
victimes.  Le  lor  février  1794,  elles  furent  arrachées  de  leur 
prison  du  Calvaire1  pour  être  attachées  à  la  chaîne,  qui 
se  dirigeait  vers  l'enclos  de  la  Haye  aux  Bons-Hommes. 
C'est  en  cet  endroit,  presque  sauvage  alors,  mais  devenu 
si  célèbre  depuis,  que  les  deux  sœurs  Grillard  tombèrent 
sous  les  balles  de  leurs  persécuteurs,  victimes  de  leur 
attachement  à  la  foi  et  aux  ministres  de  Tautel  Leurs 
corps  furent  brutalement  précipités  dans  une  immense 
fosse,  mais  leurs  âmes  s'envolèrent  sur  le  coup  jusque 
dans  le  sein  de  Dieu,  avec  les  âmes  des  vaillantes  religieuses 
de  Saint- Vincent-de-Paul,  sœur  Marie-Anne  et  sœur  Odile, 
fusillées  à  leurs  côtés. 

Les  délarations  des  deux  Vendéennes  avaient  été  claires, 
nettes,  faites  de  sang-froid.  Elles  s'étaient  dites  chrétiennes, 
sans  forfanterie  mais  aussi  sans  faiblesse.    L'humble  mar- 


'  Aux  archives  de  la  Cour  d'Appel  d'Angers  se  trouvent  les  interrogatoires 
des  prisons.  =  Les  deux  sœurs  Grillard  furent  interrogées,  le  24  janvier,  par 
Vacheron,  membre  de  la  Commission  militaire.  Voici  le  procès-verbal  des 
interrogatoires,  rédigé  par  Vacheron  lui-même  : 

Marie  Grillard,  âgée  de  40  ans,  née  à  Cholet,  fille,  profession  de  petite 
marchande,  arrêtée  chez  elle,  il  y  a  onze  jours  environ,  par  des  gendarmes  ; 
ne  sait  pourquoi;  suspecte  de  ne  pas  avoik.  été  a  la  messe  des  prêtres  ser- 

MBNTÉSQU'ELLE  DÉTESTAIT.  AU  SURPLUS,  DANS  SES  RÉPONSES,  ON  VOYAIT  LE  FANATISME 

le  plus  prohoncé.    —  Aussi  Vacheron  ne  contient  plus  sa  rage  ;  il  met  à  la 
marge  à  la  fois  f  et  g,  cVst- à-dire  à  fusiller    et  à  guillotiner  ! 

Renée  Grillard,  âgée  de  28  ans,  née  à  Cholet,  profession  de  couturière, 
demeurant  ordinairement  à  Cholet  ;  arrêtée  chez  elle  par  des  citoyens,  il  y 
a  onze  jours  ;  ne  sait  pourquoi  ;  a  cependant  confesse  n'avoir  jamais  voulu 

ALLER     A  L'OFFICE   DES    PRETRES     SERMBNTÉS,    Qr'ELLE  AVAIT   CONTINUÉ     SES  ACTES 
RELIGIEUX   AVEC  LES    PRETRES  INSERMENTES,    ET  DAMS  UN   DISCOURS  TRÈS  LONG  ELLE 

fit  remarquer  le  fanatisme  LE  plus  prononcé.  —  Vacheron  témoigne  encore 
de  sa  rage  en  mettant  /  et  g. 

roux  xn.   —  octorre,   novembre,  décembre  3S 


552  DKUX   VICTIMES    VENDÉENNES 

chande    et    la   petite  couturière  avaient    parlé  comme  des 

héroïnes,  en  attendant  qu'elles  meurent  de  la  mort  dns  ma^r- 

tyres  '. 

P.  UZURËAU 

Aumônier  du  Champ-dés- Martyrs,  près  Angers. 

1  Nous  nous  sommes  tenu  dans  cette  relation  sur  la  plus  grande  réserve,  et 
nous  avons  évité  tout  commentaire.  Nous  n'avons  fait,  pour  ainsi  dire,  qu'un 
procès-verbal,  un  simple  dépouillement  d'archives,  qui  est  d'autant  plus  élo- 
quent que  le3  faits,  tous  authentiques  et  incontestables,  y  parlent  eux-mêmes 
d'une  voix  qui  porte  plus  haut  et  plus  loin  que  celle  de  tout  historien,  quel- 
que éloquent  qu'il  puisse  être. 


LA  GÉOGRAPHIE  GAULOISE  DD  BAS-POITOU 


PRINCIPAUX  POINTS  ARCHfiOLOGlQUKS 


Des  Cantons  de  Saint-Hermine  Ptde  Vllermenault. 


Il  est  peu  de  travailleurs,  qui  aient  entrevu  jusqu"ici  les  secours 
que  peut  prêter  à  la  Géographie  Gauloise  le  cadastre  combiné 
avec  les  anciens  aveux,  les  registres  censiers  et  autres  titres  de 
même  nature.  Les  renseignements  précieux  y  abondent  pourtant 
il  suffit  de  savoir  les  extraire  du  fatras  qui  les  entoure.  Indépen- 
damment des  noms  de  rivière,  de  ruisseaux,  de  bourgs,  villages  et 
maisons  isolées,  d'origine  celtique,  il  est  une  foule  de  lieux-dits 
qui  ont  conservé  leurs  antiques  appellations  et  gardent  le  souvenir 
de  monuments  détruits.  Nous  nous  sommes  livré  à  cette  recherche 
pour  quelques  communes  de  la  Vendée,  et  nous  avons  été  amplement 
payé  de  nos  peines,  par  les  résultats  obtenus. 

(B.   Fillon,  Poitou  et  Vendée  art.  Fontenay,  p.  7.) 


I 

CANTON    DE    SAINTE-HERMINE 

COMMUNE  DE  SAINTE-HERMINE 

Le  Ghâtelard.  —  G.  1079  à  1084. 

Les  Garnes.  —  A.  103  à  113;  443  à  465;  B.  181,182  ;  D.  H 
à  38. 

La  Pierre.  —  A.  1200  -  1201. 

La  Grosse  Pierre   -  D.  484  —  519  à  521. 


554  LA    GÉOGRAPHIE  GAULOISE   DU    BAS-POITOU 

COMMUNE  DE  LA  CHAPELLE  THÉMER 

La  Pierre  Balante  ou]Branlante.  —  C.  739. 
La  Pierre.  —  F.  613. 

La  Game  des  Bosses  (bornes).  —  D.  290  à 292  —  537.  E.  34, 
35,  36. 
La  Courte  Bosse.  —  A.  60. 
Les  Bosses.  —  D.  260  à  289. 
La  Mète  (meta).  —  B.  673  à  703. 
Champ  des  Dames.  —  G.  372. 

COMMUNE  DE  SAINT-ÉTIENNE  DE  BRILLOUET 

La  Game.  —  A.  741  à  812  — 1089  à  1131  —  1205  à  1229. 
La  Folie.  —  G.  1350. 

COMMUNE  DE  SAINT-AUBIN  LA  PLAINE 

Le  Chillou.-C.  1206  à  1265. 

Bois  des  Dames.  —  D.  252  -  323  à  332. 

COMMUNE  DE  LA  CAILLÈRE 

La  Fraudière.  —  B.  204  à  206. 

Le  Chilou.  —  A.  235. 

Petite  Game.  —  A.  78. 

Grande  Game.  —  A.  80. 

Les  Garnes.  —  A  79  -  81  à  105  —  112  à  124  -  401. 

La  Folie.  —  B.  363,  364. 

Les  Miracles.  —  A.  170. 

COMMUNE  DU  SIMON-LA- VINEUSE 

Camp  romain  signalé  par  la'[carte  manuscrite  de  B.  Fillon 
sur  les  confins  des  communes  du  Simon-la-Vineuse  et  de 
la  Réorthe,  nonloin  des  bords  du  Lay  et  près  de  Vlngremière 
[la  Frontière]  point  bien  caractéristique  expliquant  la  présence 


LA    GÉOGRAPHIE    GAULOISE    DU    BAS-POITOU  555 

sur  ce  point  d'un  retranchement.  Le   Lay  était  évidemment 
une  limite. 

La  Game.  —  G.  4. 

La  Petite  Game.  —  G.  771.  772. 

La  Pierre.  —  D.  599  à  609.  611  à  619.  625  à  628. 

La  Fosse  aux  Bretons.  —  G.  1277  à  1290. 
Idem.  A.  122.  —  B.  1. 

Souvenirs  des  Invasions  Normandes  :  L'assurie  (Assuria). 
ancienne  colonie  de  mercenaires  .étrangers  à  la  solde  des  lé- 
gions Romaines. 


s 


COMMUNE  DE  THIRÉ 

La  Pierre  Folle.  —  G.  9  à  50  —  72  à  78. 
Les  Galeries.  —  D.  610  à  694. 
Les  Garnes.  —  G.  227  à  238. 

COMMUNE  DE  SAINT-HILAIRE-DU-BOIS 

La  Pierre  couverte  du  Plessis.  —  B.  459  à  469. 

Les  Cailloux.  —  B.  537. 

La  Cailloche.  -  B.  696. 

Le  Ghilou.  —  C.  836  à  839  —  1077. 

LaGarne.  —  B.  777  à  783. 

Champ  de  la  mète.  —  B.  708.  (Borne  milliaire). 

St.  JUIRE-CHAMPGILLON 

Le  Petit  champ  de  bataille.  —  B.  213. 

Le  champ  de  bataille.  —  B.  214-233  à  237.  (3k  15*  60e). 

Pré  de  bataille.  —  B.  310. 

Champ  de  bataille.  — B.  311. 

Bataille.  —  B.  312  à  315. 

Le  Pré  du  gain  de  Bataille.  —  B.  211-212.  [Serait-ce  l'endroit 
où  l'on  a  fait  le  partage  des  dépouilles  des  vaincus  ?  Que  de 
choses  dans  ce  cadastre  !] 

La  Game.  —  F.  1646,  1647,  2299  à  2303, 


556  LA    GÉ0GRAPH1K    GAULOISE    DU  BAS-POITOU 

La  Pierre  blanche.  —  P.  351  à  353. 

La  Cachette.  —  B.  238  à  250.  [Serait-ce  un  lieu  de  refuge?] 

Les  Vieilles  Verreries.  —  A.  523.  (Ll1  82"). 

La  Foliette.  —  F.  99. 

La  Pierre.  -  B.  1194-1327. 

La  Grosse  Pierre.  —  D.  299  à  304. 

Les  Garnes.  —  D.  114  à  141. 

Petite  Garne.  —  D.659. 

Grande  Game.  —  D.  660. 

La  Folie.  —  A.  519-520. 

La  Frèrie.  —  C.  31. 

Champ  de  la  Dame.  —  D.  981  à  1002. 

La  Forge.  —  B.  585  à  598. 

COMMUNE  DE  LA  RÉORTHE 

Champ  de  la  Bataille.  -  C.  927  à  931. 

Les  Pierres.  -  A.  1209-1211. 

Pée  pointue.  —  C.  269-270.  (M en hirj. 

LeChaillou.  —  D.  907,  908. 

La  Pierre.  —  C.  836,  837. 

Champ  de  Bataille.  —  B.  23  à  29. 

Pée  de  Bataille.  —  B.  38. 

Les  Batailles.  —  B.  43. 

La  Folie.  —  B.  922. 

Petite  Garnache.  —  A.  1391. 

La  Garnache.  —  A.  1398. 

Les  Garnes.  —  C.  137  à  171. 

La  Garne.  —  E.  372  à  377. 

Les  Garnes.  —  F.  30  à  96. 

Le  Bois  des  Vieilles  Verreries.  -  A.  680-681-699. 

Le  Pâtis  »  »         .  -  A.  714. 

Bois  de  la  Folie.  —  E.  594-595.  —  F.  291-292. 

La  Folie  —  F.  165-166-287-290. 


LA    GÉOGRAPHIE    GAULOISE    DU    BAS-POITOU  557 

COMMUNE  DE  SAINT-JEAN  DE  BEUGNÉ 

La  Pierre.  —  B.  278  à  329. 
Id.        —  C  151  à  155. 
Le  Ghiron.  —  G.  74  à  97. 
Les  Forges.  —  D.  104.  —  176-177,  235  à  288. 
Champ  de  la  Demoiselle.  —  B.  577  à  597.  —  G.  1068  à  1086. 
Champ  Doullans.  —  C.  53  à  73. 

COMMUNE  DE  LA  JAUDONNIÈRE 

Champ  Caillou.  —  A.  159. 

La  Pierre  aiguë.  —  A.  1117. 

Les  Pierres  aiguës.  —  A.  1118  à  1125. 

Les  Garnes.  -  A.  894  à  917. 

id.  A.  1037-1028-1143. 

id .  B.  1257  à  1259  —  1286-1296. 


Il 
CANTON   DE   L'HERMENAULT 


COMMUNE  DE  MOUZEU1L 

La  Garnerie.  —  C.  563. 
Guinefolle.  —  A.  318.  —  G.  218. 

COMMUNE  DE  L'HERMENAULT 

Le  Chaillon.  -  A.  672  à  699. 

La  Galerie.  —  G.  872. 

Les  quatre  Ghirons.  —  D.  561  à  596. 

La  Garne.  —  B.  504. 

Les  Terpeaux  (du  gaulois  Torpari),  élévation,  terpe. 


558  LA    GÉOGRAPHIE    GAULOISE    DU    BAS-POITOU 


COMMUNE -DE  SÉRIGNÉ 

Chiron  S,e  Badégonde.  —  A.  263  à  269  -  309  à  322. 

Chiron  des  Fougères.  —  L.  48  à  55. 

La  Roche-aux-Pées.  —  A.  986  à  999. 

Cnaillon.  — D.  180  à  191. 

La  Pierre-folle.  —  L.  624-625  ("existante). 

COMMUNE  DE  St.  VALÉRIEN 

Le  Garon.  —  D.  1140  à  1143  —  1158  —  1163  —  1183  -  1185  à 
1198—  1213  à  1218. 
Champ  Malet  (nomdin).  —  A.  419  à  435. 
Champ  de  la  Folie.  —  A.  618  à  620. 

COMMUNE  DE  BOURNEAU 

Château  Gaillard.  —  A.  436. 

La  Bastille.  —  C.  30  à  32. 

Le  Châtelier.  -  C.  106  -  109  à  111  —  113  à  196. 

Champ  du  Camp.  —  B.  178  —  179  7  h.|91  a. 

La  Chaussée.  —  C.  933  à  937. 

Le  Grand  Chemin.  —  B.  720  à  723. 

La  Pierre.  —  A.  259  —  262  à  264. 

Chemin  de  Pierre.  -  D.  417  à  422  —  661  à  687. 

Le  Bois  de  la  Garne  Ronde.  —  A.  70  —  71. 

Champ  de  la  Garne.  —  A.  73. 

Pré  du  Ballet.—  A.  328. 

Belin  (Belenus).  —  B.  215  à  218. 

Champ  de  la  Dame.  —  B.  413. 

Champ  de  la  Fée.  —  C.  1112  —  1114. 

Champ  de  la  Dispute.  —  B.  671. 


LA    GÉOGKAPHIE    GAULOISK    UU    BAS-POITOU  559 


COMMUNE  DE  St  CYR-DES-GATS 

La  Grande  bastille.  —  B.  488. 

La  Petite  bastille.  —  B.  500. 

Château-Gaillard.  —  B.  830  —  Gi4  —  645  —  87'.). 

Le  Chiron.  —  C.  907. 

La  Galerie.  —  A.  160.  —  B.  133. 

La  Grosse  Pierre.  —  C.  239. 

La  Pierre  Percée.  —  C.  957. 

La  Bataille.  —  B.  617. 

Les  Forges.  —  C.  193  —  207  —  213  —  216  —  226. 

COMMUNE  DES  St-LAURENT-LA-SALLE 

La  Pierre.  —  B.  414. 

Chemin  du  camp.  —  B.  111. 

Petites  Garnes.  —  B.  586. 

LesGarnes.  —  B.  587. 

La  Petite  Garne.  —  D.  479. 

Le  Pré  Fou  (Folles;.  —  A.  10  —  748. 

Chemin  de  la  Folie. —  B.  114. 

Bois  du  Prêtre.  —  B.  936  à  940  -  961  à  967  —  969  à  970. 

Champ  du  Prêtre.  —  B.  972. 

COMMUNE  DE  MARSAIS 

Pierre  Fosse  du  Coudray.  —  A.  127  à  132. 

La  Galerie.  —A.  671. 

Pierre  Fosse.  —  H.  95  à  104. 

La  Garne.  —  P.  475. 

La  Folie.  —  B.  228-229. 

Vieille  Fontaine.  —  H.  79. 

L'Ouche  aux  Prêtres.  —  H.  287  à  293. 

Champs  des  Balles.  —  H.  386  à  409. 

Pré  aux  Prêtres.  —  H.  733. 

Champ  de  la  Folie.  —  786-787. 


500  LA    GÉOGRAPHIE    GAULOISE    DU    BAS-POITOU 


St.  MARTIN  DES  FONTAINES 


La  Game.  -  -  A.  290  à  339. 

Pré  de  la  Dispute.  —  C.  252-811. 

Pâtis  aux  Prêtres.  —  G.  515. 


St.  MARTIN  SOUS  MOUZEUIL. 

La  Garne.  —  B.  22-73. 
La  Polie.  —  308. 

COMMUNE   DE  NALLIERS 

Le  Châtelier,  —  R.  457  à  483.  -  -  H.  590. 

Le  Chiron.  —  D.  1101  à  1141.  —  E.  802.  —  184  à  228. 

La  Galerie.  —  233. 

Le  Bois  Sacré.  —  M.  582. 

Bois  des  Balles.  —  Q.  1062  à  1082.  —  1085. 

Bois  des  Dames.  —  Q.  1181. 

Janus.  —  D.  1058. 

Le  Marais  aux  Prêtres.  -  778  à  789. 

Château  de  la  Demoiselle.  —  285  à298 

Vallée  aux  Gueux.  —  A.  590  à  600. 

COMMUNE  DE  PETOSSE 

Château  Gaillard.  —  B.  164  à  168. 

Les  Garnes.  —A.  277-278. 

La  Garne.  —  A.  315. 

Les  Chirons.  -  C.  1  à  8.  -- 124  à  175. 

COMMUNE    DE   POUILLÉ 

La  Gallerie.  —H.  217. 

Les  Chirons.  D.1696  à  993. 

Le  Genêt  Follet.  —  E.  48  à  58  —  77a  ^3'.  —  236. 

A.  B. 


LA   TERRE  ABANDONNÉE' 

Nouvelle  Vendéenne 

Par     Gustave     GUITÏON 
(Suite*) 


VI 
Hostilités. 

La  noce  était  bien  faite  à  présent.  Maintenant  que  les 
derniers  invités  étaient  partis,  la  vie  de  travail  allait 
recommencer.  La  maison,  au  lieu  des  cris  de  joie  de 
tout  à  l'heure,  allait  s'emplir  de  silence  ;  et  chacun  concourrait 
au  bien-être  général  en  soignant  les  bêtes  de  somme,  en 
prenant  souci  du  ménage  et  en  s'attachant  à  la  glèbe,  féconde 
pour  ceux-là  seuls  qui  ont  soin  d'elle,  lacajolentet  la  caressent 
avec  les  ongles  des  charrues  aux  socs  profondément  fouilleurs. 
Oui,  la  noce  était  faite.  Au  travail,  tous  et  toutes. 

Le  repas  du  soir,  qui  se  prit  en  famille  avec  les  seuls  valets, 
fut  plutôt  piètre,  et  réduit  aux  portions  très  congrues  :  une 
soupe  aux  légumes  et  un  plat  de  haricots.  D'ailleurs  personne 
n'avait  faim,  et  chacun  se  sentait  fatigué,  ayant  surtout 
besoin  de  sommeil. 

1  Reproduction   interdite  aux  journaux  n'ayant  pas  traité   avec   la  Société 
des  Gens  de  Lettres. 
'Voiries  livraisons  de  septembre  1898  et  de  juin   1899. 


362  LA    TERRE   ABANDONNÉE 

Les  vieux  et  les  jeunes  Poirier  causèrent  ensemble,  ainsi 
que  les  valets,  mais  sans  gaieté  ;  car  toute  celle  qu'ils  avaient 
pu  dépenser  durant  ces  deux  jours  de  noce,  leur  avait  éteint 
le  cerveau. 

Quand  sonnèrent  huit  heures  à  la  vielle  pendule,  ils  allèrent 
se  coucher:  les  vieux  Poirier  dans  le  lit  de  la  cuisine,  les 
nouveaux  mariés  dans  la  chambre  haute  occupée  autrefois 
par  le  fils. 

Dès  que  l'aurore  eut  teinté  de  couleurs  claires  l'horizon  du 
ciel,  le  coq  chanta;  et  à  ce  signal,  à  ce  chant  de  cloches  pour 
paysans,  insensiblement,  sans  s'être  donné  le  mot,  les  vieux 
Poirier  et  les  jeunes,  ainsi  que  Baptiste  et  Fernand  les  valets, 
s'habillèrent,  et  se  trouvèrent  réunis  au  même  instant,  autour 
de  la  grande  table,  pour  y  manger  la  soupe  matinale. 

—  Ça  ne  vous  a  pas  paru  trop  dur,  hein,  ma  bru,  de  vous 
lever  si  matin  ?  demanda  la  Rosalie. 

—  Mais  non,  maman,  répondit  Joséphine.  Chez  mon  père, 
je  me  levais  toujours  à  peu  près  à  cette  heure-là. 

-  Dame,  fit  la  Rosalie,  heureusement  que  c'est  comme  ça; 
parce  que,  voyez-vous,  ici  c'est  notre  habitude.  Dès  le  petit 
jour,  on  se  lève. 

—  Je  ferai  comme  vous,  répondit  Joséphine. 

—  Mais  oui,  fit  Louis  Poirier,  vous  verrez,  la  mère,  que 
Joséphine  vous  aidera  bien. 

Manquerait  plus  que  ça  !  fit  la  Rosalie  ;  parce  qu'alors  ce 
ne  serait  pas  la  peine,  vraiment,  que  des  jeunes  entrent  dans 
un  ménage  si  les  vieux  ne  doivent  pas  s'en  trouver  mieux. 

-  Je  ferai  tout  ce  que  vous  voudrez,  moi,  dit  Joséphine 
conciliante. 

-  Allons,  c'est  bon,  c'est  bon,  reprit  rudement  la  Rosalie. 
Nous  verrons  bien. 

—  La  soupe  était  finie  ;  il  n'en  restait  presque  plus  dans  la 
inde  soupière,  tant  la  louche  faisait  bon  office  de  plongeuse. 

La  Rosalie  apporta  des  rillettes  de  porc  et  du  fromage  ;  puis 
chacun  se  découpa  un  chanteau  dans  le  pain  de  ménage  de 


LA    TEKRE    ABANDONNÉE  563 

douze  livres,  et  mangea  ayant  étendu  avec  son  couteau,  qui  du 
fromage,  qui  des  rillettes. 
Quand  tout  le  monde  eut  fini  : 

—  Allons!  faut  aller  aux  bêtes  maintenant,  commanda  le 
père  Jean  Poirier  ;  depuis  trois  jours  elles  ont  dû  pâtir. 

—  Oh  !  pas  tant  que  ça,  protestèrent  les  valets. 

—  Hop!  fit  Louis  Poirier  en  se  levant. 

Ils  se  dirigèrent  vers  la  remise  et  vers  l'étable  pour  soigner 
les  bêtes,  tandis  que  la  Rosalie  et  Joséphine  ramassaient  le 
couvert  et  nettoyaient  la  vaisselle  à  grands  coups  de  bras. 

Une  heure  après  environ.  Louis  Poirier  revint  vers  la  mai- 
son, avant  que  d'aller  aux  champs  avec  son  père,  sous  pré- 
texte de  chercher  sa  serpe  pour  émonder  des  chiens  têtards 
dans  le  champ  de  la  Piaule.  La  Rosalie  était  absente  ;  et  Jo- 
séphine, se  femme,  était  justement  seule.  Galamment  il  lui 
prit  la  taille,  et  lui  mit  un  gros  baiser  au  coin  de  la  bouche 
Joséphine  se  laissait  faire,  énamourée,  quand  la  porte  du 
fond  de  la  salle  s'ouvrit. . .  Et  grondeuse  et  acariâtre,  la  voix  de 
la  Rosalie  s'éleva  dans  le  silence. 

—  Dites-donc,  vous  n'avez  donc  eu  assez  de  temps  pour 
vous  embrasser,  fit-elle. 

—  Mais  je  travaille,  dit  Louis  tout  penaud,  je  venais  cher- 
cher une  serpe. 

—  La  serpe  n'est  pas  dans  la  maison  ;  tu  sais  aussi  bien  que 
moi  qu'elle  est  dans  la  grange.  Tu  n'as  qu'à  partir,  et  à  re- 
joindre ton  père.  C'est  un  couragent,  lui,  et  qui  ne  boude  pas 
à  la  besogne. 

—  J'y  vais,  la  mère  ;  j'y  vais,  répondit  Louis.  Mais  pas  tant 

de  paroles  ! 

—  Je  parlerai  ici  tant  que  je  voudrai,  dit  la  vieille  femme  en 
s'animant.  Je  suis  ici  chez  moi,  n'est-ce  pas?  Si  nous  avons  cette 
maison,  c'est  ton  père  et  moi  qui  l'avons  gagnée  en  travaillant, 
en  suant  sang  et  eau  ;  et  ce  n'est  pas  toi,  bien  sûr,  qui  en  as 
gagné  une  pierre;  et  ce  n'est  pas  toi  non  plus  qui  as  gagné,  par 
tontravail,  une  motte  de  terre  d'un  des  champs  qu'on  possède. 


5ô4  LA  TKRRE  abandonner 

Joséphine  demeurait  tout  interdite  du  ce  tapage  et  de  cette 
subite  sortie  de'sa  belle-mère. 

—  Allons,  allons,  ne  vins  mettez    pas   en  colère.  1 1  mère, 
fit  Louis  Poirier  conciliant   Gela,  ne  sert  à  rien.  Et  puis,  tenez, 
je  m'en  vais,  dit-il   en    fermant   la  porte.  Le  père  m'attend. 
Allons,  tâchez  de  bien  vous  entendre    tous  les  deux. 

Louis  Poirier  partit.  La  Rosalie  fut  d'une  humeur  massa- 
crante toute  'Ja  matinée.  Elle  donnait  à  sa  bru  des  ordres 
brefs,  laissant  passer  dans  ses  paroles  une  sourde  rancœur 
de  ce  mariage  accompli  malgré  ses  désirs,  regrettant  qu'il 
fut  fait;  et  laissant  paraître  des  allusions  vexantes  à  l'ancien 
métier  de  Joséphine  qui,  forcément  selon  elle,  devait  faire  une 
mauvaise  fermière. 

Après  le  repas  de  midi,  lequel  se  passa  sans  incidents, 
quand  les  hommes  fut  répartis  aux  champs,  les  deux  femmes 
commencèrent  à  faire  la  vaisselle.  Elles  rangèrent  les  as- 
siettes dans  le  buffet,  placèrent  les  fourchettes  et  les  cuillières 
dans  les  tiroirs,  et  portèrent  les  lavures  grasses  dans 
l'auge  des  cochons.  Elles  mirent  sur  le  feu,  pour  les  mêmes 
cochons,  une  grande  marmite  pleine  de  pommes  de  terre,  du 
bois  dans  le  foyer,  et  se  décidèrent,  sur  l'invitation  de  la  mère 
Poirier  à  sa  bru,  h  aller  aux  champs  cueillir  des  choux  pour  la 
soupe  du  soir. 

—  Vous  ne  connaissez  point  nos  champs,  dit  la  Rosalie  ; 
venez  avec  moi  que  je  vous  les  montre,  en  allant  cueillir  des 
choux. 

—  Je  veux  bien,  maman,  dit  la  jeune  mariée. 

—  Manquerait  plus  que  çaquevousne  vouliez  pas,  bougonna 
la  vieille,  qui  décidément  avait,  depuis  le  matin,  un  bien  mau- 
vais caractère...  Allons,  hop  !  nous  allons  fermer  les  portes, 
continua-t-elle. 

Puis  s'apercevant  que  sa  bru  avait  aux  pieds  des  souliers 
découverts. 

Ah  çà  !  mais,  continua-t-elle,  vous  êtes  bien  mal  économe. 
Vous  ne  comptez  pas  tout  de  même,  n'est-ce  pas,  aller  aux 
champs  avec  des  bottines  ?  Où  sont-ils,  vos  sabots  ? 


LA    TERRE    ABAN'DONISÉK  565 

Je  n'ai  pas  de  sabots,  maman,  répondit  Joséphine  ;  je  n'ai 
que  des  talonnettes. 

—  Les  voilà  bien,  les  muscadines  !  Il  vous  faudra  des  sabots 
de  bois  comme  à.  moi,  dit  la  Rosalie.  Tenez,  déchaussez- vous, 
et  prenez  ma  paire  de  vieux  sabots  qui  sont  là,  dans  le  coin. 
Ils  sont  assurément  trop  larges  pour  vons  ;  mais  pour  une 
fois  vous  n'en  mourrez  pas.  Ça  n'est  pas  loin,  où  nous  allons. 

Joséphine  souffrait  beaucoup  du  ton  agressif  de  sa  mère  ; 
mais  elle  supportait  toutes  ces  paroles  sans  se  plaindre,  dans 
son  inconsciente  joie  de  nouvelle  épousée. 

—  Qui  sait,  se  disait-elle,  la  maman  bougonne,  sans  doute 
parce  qu'elle  croit  que  je  ne  puis  pas  lui  être  utile  dans  les 
travaux  de  la  ferme,  et  que  mes  mains,  qui  n'ont  jamais  tou- 
ché qu'à  de  l'empois,  sont  trop  blanches  pour  donner  à  man- 
ger aux  cochons.  Mais  quand  elle  verra  que  je  ne  suis  pas  si 
maladroite  qu'elle  le  croit,  et  que  je  suis  remplie  de  bonne 
volonté,  elle  changera  de  façons  à  mon  égard.  Et  puis,  je  suis 
la  plus  jeune  ;  donc,  je  dois  céder. 

Elle  se  disait  tout  cela,  Joséphine  Poirier,  en  se  déchaussant 
et  en  mettant  les  vieux  sabots  de  bois,  si  vieux  que,  malgré 
les  clous,  ils  n'avaient  plus  de  talons  ;  et  que  l'un  d'eux,  ayant 
eu  son  dessus  cassé,  avait  été  raccommodé  avec  une  mince 
lame  de  fer-blanc  cloué  entourant  tout  le  devant  du  sabot. 
Elle  se  faisait  toutes  ces  réflexions,  quand  la  voix  de  la  mère 
Poirier  s'éleva,  grondeuse. 

—  Voyons,  avez-vous  bientôt  fini,  dit-elle.  Ce  sera  bien  la 
nuit  quand  nous  reviendrons,  si  vous  n'êtes  pas  plus  vive  que 

Ça- 

Les  femmes  sortirent  en  barricadant  la  porte,  et  mar- 
chèrent côte  à  côte  vers  les  champs.  Elles  prirent  le  chemin 
de  l'Abreuve,  qui  était  le  plus  court,  parce  qu'il  se  terminait 
par  un  échalier. 

Tout  en  marchant,  la  Rosalie  faisait,  à  sa  bru,  la  description 
du  pays  traversé. 

—  Ça,  c'est  le  champ  à  Michat...  Voilà  le  verger  de  Lucas... 


.*>06  LA    TERRE    ABANDONNEE 

Ce  chainp-là  est  à  nous.  Il  est  petit,  mais  il  est  bon...  Ce  pré 
est  à  Boliveau,  de  la  Tessandrie.  Il  est  bon  pour  le  foin  les 
années  d'eau...  Voilà  un  autre  champ  dont  nous  avons  bien 
envie  ;  il  est  à  Pierret  Josille,  qui  a  besoin  d'argent,  à  cause  de 
son  fils  qui  est  établi  boulanger  à  Moreilles,  et  qui  fait  de 
mauvaises  affaires.  Mais  il  en  demande  trop  cher. 

Elles  arrivèrent  enfin  au  champ  du  Miot,  y  cueillirent  les 
choux  pour  la  soupe,  et  s'en  revinrent  par  un  autre  chemin, 
où  la  Rosalie  détailla,  dans  une  fastidieuse  énumération,  les 
noms  des  champs  traversés,  et  ceux  de  leurs  propriétaires. 
Joséphine  essayait  de  profiter  de  ce  que  lui  disait  la  Rosalie, 
et  s'efforçait  de  retenir  ses  indications  ;  mais  évidemment  elle 
n'y  mettait  que  peu  d'entrain  :  on  sentait  que  ces  détails  ne 
l'intéressaient  pas. 

De  retourà  la  maison,  elles  trempèrent  la  soupe  ;  et,  lorsque 
les  hommes  furent  revenus  de  leur  travail,  on  mangea. 

Après  le  souper,  pris  aux  lueurs  falotes  d'une  bougie  mal 
éclairante,  chacun  s'en  alla  dormir. 

—  J'ai  remarqué,  dit  Louis  Poirier  à  sa  femme  quand  ils 
furent  seuls, que  la  mère  a  eu  une  humeur  massacrant  durant 
toute  la  journée.  Qu'est-ce  donc  qu'elle  a  ? 

•  -  Ah  !  tu  peux  le  dire,  va,  qu'elle  a  eu  de  la  méchanceté, 
durant  tout  le  temps  que  j'ai  été  avec  elle. 

—  Ça  t'a  tait  de  la  peine  ? 

—  Bien  sûr.  Mais  pourquoi  aussi  est-elle  méchante  comme 
ça  '?  Je  ne  lui  ai  pourtant  rien  fait.  Au  contraire,  tout  ce  qu'elle 
voulait,  je  le  faisais. 

—  Enfin,  cane  durera  sans  doute  pas,  dit  Louis.  11  faut 
excuser  les  vieux.  Ils  sont  bons,  au  fond  ;  seulement  ils  sont 
trop  grognons.  Ça  ne  durera  pas. 

—  Je  l'espère  bien,  dit  la  jeune  femme  :  parce  que,  sans 
cela,  ce  serait  à  ne  pas  savoir  comment  contenter  ta  mère.  Je 
veux  bien  faire  mon  possible;  mais  je  ne  puis  faire  plus. 

—  Ça  se  passera,  vois-tu,  fit  Louis  Poirier,  très  ennuyé  de 
voir  la  tournure  que  prenaient  les  choses.  Moi  aussi  je  suis 


LA    TERRE    ABANDONNÉE  56? 

en  train  de  me  demander  ce  que  la  mère  a,  contre  nous,  pour 
être  toujours  en  colère  comme  ça.  Seulement,  tu  comprends, 
je  l'excuse  parce  que  c'est  ma  mère.  Sans  cela  !...  Allons,  tiens, 
finit-il,  ne  parlons  plus  de  cela;  et  couchons-nous. 

Ils  s'endormirent  dans  le  calme  absolu  de  la  nuit  claire.  Tous 
bruits  à  présent  s'étaient  tus.  Depuis  longtemps  les  poules  ne 
gloussaient  plus;  les  bestiaux  étaient  calmes,  et  le  chien  de 
garde,  Faraud,  étendu  tout  de  son  long  auprès  du  pailler, 
somnolait  silencieusement,  en  gendarme,  et  prêt  à  se  metlre 
sur  la  défensive  à  la  moindre  alerte. 

Dès  le  quatrième  jour  après  son  installation  à  la  ferme,  la 
première  brouille  grave  éclata  entre  la  bru  et  la  belle-mère. 

La  Rosalie  avait  dit  à  Joséphine. 

—  Venez  donc  avec  moi  traire  les  vaches. 

La  jeune  femme  avait  pris  le  pot  de  fer-blanc,  spécial  à  cet 
usage,  et  avait  suivi  la  mère  Poirier. 

—  Joséphine,  ditla  Rosalie,  quand  elles  furent  arrivées  dans 
l'étable,  trayez  donc  vous-même  les  vaches,  pour  faire  voir 
comment  vous  vous  y  prenez. 

—  Dame,  maman,  répondit  Joséphine,  je  veux  bien  essayer; 
mais  je  n'ai  jamais  trait  les  vaches  de  ma  vie. 

—  Pas  possible,  s'étonna  violemment  la  Rosalie;  vous  n'avez 
jamais  trait  une  vache  1  Alors  qu'est-ce  que  vous  savez  faire? 

—  Je  vais  toujours  essayer,  fit  Joséphine  conciliante  ;  il  faut 
bien  que  je  m'apprenne. 

Mal  disposée,  grincheuse,  la  mère  Poirier,  d'un  coup  de  pied 
violent,  envoya  promener  l'escabelle  de  bois  sur  laquelle  José- 
phine allait  s'asseoir  pour  s'essayer  à  traire. 

—  Ce  n'est  pas  à  votre  âge  que  vous  apprendrez  ça,  dit  la 
vieille.  Vous  n'êtes  bonne  à  rien,  voilà  tout  ;  et  j'ai  eu  grand 
tort  de  laisser  mon  gars  se  marier  avec  une  muscadine  comme 
vous. 

Joséphine,  vexée,  commença  à  pleurer  silencieusement  de 
ce  que  sa  belle-mère  la  traitait  ainsi. 
Devant  ces  larmes,  la  vieille  femme  fut  loin  de  désarmer. 

TOME  XII.  —  OCTOBRE,  NOVEMBRE,  DÉCEMBRE  39 


5)8  LA    TKRHK    ABANDONNÉS 

—  Oui,  dit-nlle,  voilà  à  quoi  vous  êtes  bonnes,  vous  autres 
des  villes.  Vous  avez  de  la  sensibilité  qui  ne  sert  à  rien  ;  mais 
vous  êtes  toutes  des  fainéantes  qui  avez  toujours  peur  de  vous 
salir  les  doigts  à  l'ouvrage. 

—  Enfin,  fit  Joséphine,  vous  avouerez  bien  que  je  n'aie 
jamais  pu  apprendre  à  traire  les  vaches,  puisque,  chez  mon 
père,  il  n'y  en  avait  pas  ! 

Brutalement,  la  vieille  Poirier  répondit. 

—  C'est  bien  pour  ça  qu'on  ne  s'enlendra  pas  ;  parce  que 
mon  gars  n'aurait  pas  dû  épouser  une  muscadine  qui  n'a 
jamais  travaillé  que  dans  la  dentelle. 

—  Non,  c'est  vrai,  la  mère,  répondit  Joséphine  ;  c'est  bien 
vrai  qu'on  ne  s'entendra  pas. 

El  sur  ces  paroles  elle  partit,  tout  en  larmes,  et  courut  se 
réfugier  à  la  maison  où,  la  tête  dans  les  mains,  les  coudes  sur 
la  table,  elle  se  mit  à  pleurer  d'abondantes  larmes. 

Peu  d'instants  après,  la  Rosalie  rentra,  ayant  fini  de  traire 
les  vaches.  D'abord  elle  ne  prononça  pas  une  parole  ;  puis  à  la 
fin, devant  le  mutisaie  systématique  de  sa  bru,  qui  continuait 
à  garder  la  même  position  de  corps  ;  à  la  fin,  la  mère  Poirier 
bougonna  de  méchantes  paroles. 

—  C'est  comme  ça  que  l'ouvrage  se  fera  !...  Si  les  larmes 
s'achetiiientau  marché,  elle  n'en  ferait  pas  tant  !..  Fainéante  !. 

Enervée,  Joséphine  se  leva. 

—  Vous  savez,  la  mère  que  ça  ne  peut  pas  durer  comme  ça 
ici  ;  et,  quand  Louis  sera  rentré,  je  lui  raconterai  tout. 

—  Ah  !  ricana  la  Rosalie,  vous  voulez  raconter  tout  à  mon 
gars.  Allez-y  donc  tout  de  suite,  tenez.  Il  est  là-bas,  au  champ 
des  Trois  Journaux  ;  vous  lui  direz  ce  que  vous  voudrez 

—  Dame  !  il  faudra  bien,  un  jour  ou  l'autre,  qu'il  sache 
comment  vous  me  traitez.  Moi  j'en  ai  assez  ;  je  me  révolte  à 
lafi.i. 

—  Et  moi  aussi,  j'en  ai  assez,  s'encoléra  la  Rosalie.  J'ai  tou- 
jours été  la  maîtresse  chez  moi,  vous  m'entendez  bien  î  Tout 
ce  qu'on   a,   c'est  mon   homme  et  moi  qui  l'avons  gagné,  en 


LA    TERRE    ABANDONNÉE  569 

travaillant  comme  des  nègres  du  matin  au  soir.  Et  je  resterai 
la  maîtresse  ici,  la  seule  maîtresse  ! 

—  Je  ne  pense  point  du  tout  à  être  votre  maîtresse,  répliqua 
Joséphine  ;  seulement  je  ne  veux  pas  non  plus  être  traitée 
comme  la  dernière  des  servantes. 

—  Moi,  je  ferai  ce  que  je  voudrai  chez  moi,  riposta  la  Ro- 
salie ;  et  ce  qui  ne  me  plaira  pas,  je  le  dirai. 

—  Ah  !  tenez,  la  mère,  fît  Joséphine  impatientée,  j'aime 
mieux  vous  laisser  toute  seule  ;  parce  que  ça  finirait  par  des 
gros  mots...  Je  m'en  vais,  fit-elle  en  prenant  la  porte;  et  je 
reviendrai  quand  vous  serez  de  meilleure  humeur. 

—  C'est  ça,  ricana  la  vieille  rageuse,  allez  faire  un  petit  tour 
de  promenade  I  C'est  bien  ainsi  que  se  fera  l'ouvrage.  Heureu- 
sement que  je  suis  là  ! 

Puis,  sur  le  pas  de  la  porte  : 

—  Bon  voyage,  cria-t-elle...  Bon  vent  !..  Bonsoir  ! 
Joséphine  prit  le  premier  chemin  venu,  passa   un   écha- 

lier,  puis  un  autre  ;  et  ayant  en  sa  poche  un  bas  de  laine 
commencé,  et  des  aiguilles  à  tricoter,  assise  sur  un  vieux  tronc 
d'arbre  que  la  dernière  tempête  avait  jeté  à  terre,  elle  tricota' 
machinalement,  sans  se  tromper  dans  ses  points,  par  la  force 
de  l'habitude,  bien  que  ses  pensées  fussent  évidemment  loin 
de  l'ouvrage  qu'elle  accomplissait,  car  ses  yeux,  parfois,  de- 
venaient humides,  car  ses  pieds  tapotaient  le  sol  nerveusement, 
car  des  haussements  d'épaule  dénotaient  son  exaspération  et 
sa  peine. 

Elle  resta  là  trois  bonnes  heures  ;  et  peut-être  même  y  serait- 
elle  demeurée  davantage,  si  le  chien  Faraud,  fervent  de  marau- 
dages et  de  braconnages,  en  quête  de  quelque  vague  proie  à 
déchiqueter  sous  ses  dents  aiguës,  en  train  peut-être,  simple- 
ment, de  faire  une  promenade  hygiénique,  n'était  venu,  recon- 
naissant sa  nouvelle  maîtresse,  se  frôler  à  ses  jupes,  et  la 
caresser  des  pattes  et  du  museau. 

—  Faraud,  mon  bon  chien  i  fit  Joséphine  en  lui  caressant 
les  côtes  de  la  main. 


570  LA    TERRE    ABANDONNÉE 

Faraud  remua  la  queue  en  signe  d'allégresse.  Joséphine, 
s'apercevant  que  le  soleil  était  bas  dans  le  ciel,  enroula  son  bas 
autour  de  ses  aiguilles,  le  mit  dans  sa  poche,  et  résolut  de 
gagner  la  ferme  des  Saulaies. 

Les  hommes,  ayant  fini  leur  tâche,  venaient  justement 
d'arriver  quand  elle  entra  à  la  maison.  Jean  et  Louis  Poirier 
écoulaient  la  Rosalie  qui  leur  racontait,  à  sa  façon,  l'incident 
delà  journée.  Elle  terminait  par  ces  mots  quand  Joséphine 
entra. 

—  Vois-tu,  mon  gars,  tu  aurais  mieux  fait  de  suivre  nos 
conseils  ;  ta  femme  est  une  fainéante  qui  ne  sait  rien  faire  et 
ne  veut  rien  faire. 

Louis  Poirier,  dès  qu'il  vit  sa  femme,  lui  demanda  à.  brûle- 
pourpoint. 

—  G'est-il  vrai  que  tu  n'as  pas  voulu  aider  la  mère  à  traire 
les  vaches? 

—  Mais  non  ;  seulement  je  ne  savais  pas  le  faire  ;  alors  je 
lui  ai  demandé  à  ce  qu'elle  m'apprenne,  et  elle  n'a  pas  voulu. 

—  Elle  ment  comme  une  arracheuse  de  dents,  cria  la  mère 
Poirier. 

—  Voyons,  dit  Jean  Poirier,  qui  ne  prenait  généralement 
la  parole  que  dans  les  occasions  graves  ;  voyons,  vous  n'allez 
pas  recommencer  à  vous  quereller  à  nouveau.  Toi,  la  bour- 
geoise, occupe-toi  de  ton  dîner  ;  et  toi,  la  petite,  tu  n'as  qu'à 
aider  à  ta  mère.  Louis  et  moi  nous  allons  voir  dans  les  étables 
comment  cela  ce  passe.  Dans  une  demi-heure  on  se  mettra  à 
table.  Allons,  oust  !  et  que  ce  soit  fini. 

—  Fini  pour  recommencer,  murmura  Louis  Poirier.  Ce  n'est 
pas  Dieu  possible  que  maman  s'entende  avec  ma  femme.  Tout 
ça  ne  finira  pas  bien. 

—  Tais-toi,  fit  Jean  Poirier.  Personne  ne  te  demande  rien. 
Viens  avec  moi. 

Le  père  et  le  fils  sortis,  les  deux  femmes  restèrent  seules. 

—  Qu'est-ce  que  vous  voulez  que  je  fasse,  demanda  poliment 
Joséphine. 


LA    TERRE    ABANDONNÉE  571 

—  Plus  rien  à  faire  ne  reste,  fît  la  Rosalie  ;  puisque  j'ai  fait 
l'ouvrage  toute  seule  pondant  que  vous,  vous  étiez  à  vous 
promener. 

—  Je  vais  mettre  le  couvert  ? 

—  Oui,  si  ça  ne  vous  fatigue  pas  trop. 

Ce  turent  les  seules  paroles  qui  s'échangèrent  entre  la 
Rosalie  et  Joséphine  avant  la  rentrée  des  Poirier  et  des  valets. 

Le  dîner  fut  silencieux. 

Quand  le  dîner  fut  pris,  selon  son  habitude  contractée  au 
régiment,  Louis  Poirier  alla  prendre  sur  le  manteau  de  la 
cheminée  sa  pipe  qu'il  bourra,  l'alluma  et  sortit  à  la  porte,  où 
il  s'assit  sur  une  pierre  en  fumant.  Sa  pipe  finie,  il  rentra.  Le 
père  Poirier  était  déjà  couché,  et  les  femmes  finissaient  le 
ménage. 

—  Je  vais  dormir,  dit  Louis  Poirier,  en  prenant  le  loquet 
de  la  porte. 

—  As-tu  barricadé  l'entrée  de  Pétable?  demanda  la  mère. 

—  Oui. 

—  Et  la  claie  de  la  cour? 

—  La  cour  est  fermée. 

Les  deux  femmes,  peu  après,  ayant  mis  tous  les  objets  en 
place,  se  séparèrent. 

—  Au  revoir,  maman,  dit  Joséphine. 

—  Au  revoir. 

Cette  journée  était  enfin  finie.  Elle  avait  trop  duré.  Comme 
bien  l'on  pense,  les  deux  jeunes  mariés  eurent  des  explications 
dès  qu'ils  furent  réunis.  Joséphine  raconta  comment  s'étaient 
passées  les  choses;  et  Louis,  qui  sentait  quelle  avait  raison, 
ne  put  s'empêcher  de  l'approuver. 

—  Ça  ne  durera  pas  comme  ça,  fit-il  ;  ça  n'est  pas  possible. 

—  Et  puis,  moi,  tu  sais,  fit  Joséphine,  je  n'en  veux  plus,  de 
cette  vie-là,  si  elle  doit  durer.  Toujours  en  guerre,  toujours 
des  gros  mots.  Je  n'ai  jamais  été  habituée  à  être  traitée  ainsi 
chez  mon  père. 

—  Il  n'y  a  pas  à  dire,  constata  Louis,   la  mère  a  une  dent 


•r>7^  LA    TERRE    ABANDONNÉE 

contre  toi.  Le  père,  lui,  ne  dit  presque  rien  ;  mais  sûrement  il 
prend  le  parti  de  maman. 

—  Tu  vois  bien  qu'on  ne  pourra  pas  s'entendre. 

—  Je  le  crains.  Nous  partirons  si  cela  recommence. 

—  Mais  qu'est-ce  qu'on  fera? 

—  Eh  bien,  je  serai  facteur.  J'ai  demandé  une  place,  et  je  ne 
dois  pas  tarder  à  l'obtenir. 

—  Tu  ferais  peut-être  bien  d'aller  trouver,  de  nouveau, 
M.  Georget,  et  de  le  supplier  de  l'avoir  :  parce  que,  vois-tu, 
moi,  je  ne  vivrai  jamais  dans  ces  conditions. 

La  grosse  voix  du  père  Poirier  s'éleva  en  ce  moment  de 
l'étage  inférieur. 

—  Hé  1  dites  donc,  vous  ne  pourriez  pas  causer  un  peu  moins 
fort  !  Vous  nous  empêchez  de  dormir 

Ils  se  turent,  en  constatant,  à  nouveau,  de  quelle  acrimonie 
ces  paroles  étaient  pleines,  et  combien  était  grande  l'animosité 
qui  régnait  désormais  entre  eux  quatre. 

Les  derniers  jours  de  la  semaine  se  passèrent,  avec  d'autres 
petites  scènes  de  moindre  importance,  entre  la  mère  Poirier 
et  sa  bru.  Le  dimanche  matin,  Louis  Poirier,  sous  prétexte 
de  conduire  sa  femme  à  la  messe  de  dix  heures  à  Puymaufre- 
Saint-Jean,  fila  droit  chez  le  député  Georget,  aux  Essores. 

Il  fut  reçu,  après  la  demi-heure  d'attente  ordinaire,  par 
M.  Georget,  dans  le  même  petit  salon  pour  solliciteurs  peu 
influents. 

—  Ah  !  c'est  vous,  Poirier  !  Bonjour. 

—  Bonjour,  monsieur  le  député.  Je  venais  pour  savoir  si 
vous  n'avez  pas  de  nouvelles  de  ma  place. 

De  votre  place  de  facteur,  oui...  Eh  bien,  voilà;  j'en  ai  et 
je  n'en  ai  pas.  J'ai  des  promesses  formelles  que  vous  aurez 
votre  place. 

—  Ah  !  monsieur  le  député,  je  vous  remercie  bien. 

—  Seulement,  continua  M.  Georget,  il  faut  attendre  encore 
un  peu. 

—  Combien  de  temps?  interrogea  Louis  Poirier  désappointé. 


LA    TKRRK    ABANDONNÉE  57c5 

—  Oh  !  désormais  ça  ne  saurait  tarder,  mon  cher  ami. 
Seulement,  vous  comprenez  bien  qu'avec  le  nombre  de  de- 
mandes qui  existent,  il  est  assez  difficile  d'arriver,  comme  ça, 
du  premier  coup. 

—  Oui,  monsieur  le  député  ;  mais  voilà  bien  longlemps 
que  j'attends. 

—  Et  les  autres  aussi  attendent  depuis  longtemps,  répli- 
qua M.  Georget  impatienté.  Croyez  bien  que  si  vous  n'avez 
pas  votre  place  ce  ne  sera  pas  de  ma  faute.  Je  mets  tous  mes 
soins  à  vous  la  faire  obtenir,  parce  que  je  crois  que  vous 
méritez  qu'on  s'occupe  de  vous,  qui  êtes  un  bon  et  ferme  ré- 
publicain. 

—  Vous  êtes  bien  honnête,  monsieur  le  député,  remercia 
Louis  Poirier,  très  flatté.  • 

—  Espérez  donc,  voilà  ce  que  je  puis  vous  dire.  Gela  vien- 
dra sans  doute  plus  tôt  que  vous  ne  pensez.  Et  sur  ce,  dit 
M.  Georget  en  tendant  la  main  pour  congédier  son  visiteur; 
sur  ce,  bon  espoir,  et  au  revoir.  Dès  que  j'aurai  la  nouvelle  de 
votre  nomination,  je  vous  écrirai. 

Louis  Poirier  salua  très  bas,  et  passa  la  grille  pour  prendre 
la  direction  de  Puymaufre. 

Il  pleuvait.  Sous  le  large  parapluie   de  cotonnade  bleue, 
assez  vaste  pour  abriter  trois  personnes,  et  lourd  plus  que  de 
raison,   Louis   Poirier  marchait  d'un  pas  allègre,  malgré  le 
vent  qui  fouettait  les  plis  de  sa  blouse.  Il  réfléchissait  à  ce 
qu'il  venait  d'entendre.  Certes,   il  n'y  avait  pas  à  dire,  les 
paroles  de  M.    Georget  étaient  vagues,   et  les  espoirs  qu'il 
donnait  semblaient  retenus  à  la  réalité  par  des  fils  bien  fra- 
giles.  Pourtant,  il  espérait,  et  prenait  plaisir  à  rêver  de  sa 
future  place  de  facteur.  Il  se  voyait  déjà  coiffé  de  la  casquette 
spéciale,  et  vêtu  du  paletot  bleu  à  liseré  rouge  parcourant 
les  campagnes  chargé  de  sa  boîte  aux  lettres,  et  distribuant 
les  missives   et  les  prospectus  à  leurs  destinataires.  Et  de 
cette  fonction  qu'il  désirait  tant  accomplir,  il  se  sentait  tout 
fier  ;  et  il  ne  se  disait  pas  que  si  jamais  son  rêve  se  réalisait, 


574  LA    TERRE    ABANDONNEE 

il  éprouverait  peut-être  quelque  ennui  à  marcher  sous  la  pluie, 
durant  trente  kilomètres  peut-être,  avec  le  temps,  par 
exemple,  qu'il  faisait  aujourd'hui. 

De  réflexions  en  réflexions,  au  fil  de  son  rêve,  Louis  Poirier 
arriva  enfin  à  Puymaufre,  où  il  trouva  sa  femme  chez  son 
père,  ainsi  qu'il  en  avait  été  convenu  entre  eux. 

Très  rond  en  affaires  le  père  Tripaud  aborda,  tout  de  gô,  la 
question. 

Qu'est-ce  que  sa  fille  venait  de  lui  raconter?  On  lui  faisait 
des  misères,  là-bas  ?  Elle  ne  s'entendait  pas  avec  sa  belle- 
mère, qui  lui  cherchait  des  raisons, sous  prétexte  qu'elle  n'était 
pas  travailleuse  ? 

Le  silence  de  Louis  était  affirmatif. 

—  Ainsi,  c'est  vrai  ? 

—  Très  vrai.  Je  ne  sais  pourquoi  la  mère  a  toujours  eu  mau- 
vais caractère  depuis  le  mariage. 

—  Qu'est-ce  qu'elle  a  à  reprocher  à  Joséphine? 

—  Mais,  rien.  Elle  dit  qu'elle  ne  peut  pas  traire  ses  vaches. 

—  Est-ce  qu'elle  ne  savait  pas,  avant  le  mariage,  que  José- 
phine était  lingère,  et  que,  par  conséquent,  ce  n'était  nullement 
son  métier  de  traire  les  vaches. 

—  Je  le  sais  bien,  répondit  Louis.  C'est  ce  que  je  lui  ai  dit  ; 
mais  elle  est  têtue  et  ne  veut  rien  entendre. 

—  Faudra  pourtant  que  ma  fille  ne  souffre  pas  chez  vous, 
dit  d'une  voix  ferme  le  père  Tripaud  ;  sans  cela,  vous  savez, 
moi  je  leur  dirai  leur  fait,  à  vos  parents. 

—  Ce  ne  sera  pas  la  peine,  dit  Louis.  Je  pense  que  chez  nous, 
on  ne  pourra  jamais  s'entendre.  Aussi  je  prends  les  devants  ; 
et  je  viens  justement  de  demander  à  M.  Georget  le  député,  si 
j'allais  bientôt  avoir  ma  place  de  facteur. 

—  Et  qu'est-ce  qu'il  vous  a  répondu  ? 

—  Que  désormais  ça  ne  tarderait  pas. 

—  Bien  vrai  ? 

—  Bien  vrai. 

—  Alors,  dit  le  cordonnier,  c'est  peut-être  ce  que  vous  avez 


LA    TEHRK    ABANDONNÉE  575 

t 

de  mieux  à  faire,  les  enfants.  Quittez  les  Saulaies  quand  vous 
aurez  votre  place,  si  ça  ne  prend  pas  meilleure  tournure. 

Ils  trinquèrent,  le  beau-père  et  le  gendre,  avec  du  vin  clairet. 
Les  jeunes  mariés  étendirent  un  peu  de  fromage  sur  du  pain 
qu'ils  mangèrent,  afin  de  se  donner  des  forces  pour  le  retour  ; 
et  comme  sonnait  le  Magnificat  des  Vêpres,  ils  se  dirigè- 
rent vers  la  ferme  des  Saulaies. 

En  s'en  retournant,  les  deux  jeunes  mariés  se  sentaient  tout 
énamourés  sur  la  route  blanche,  à  peine  humide,  par  ce  clair 
soleil  qu'il  faisait  à  présent.  Leur  chagrin  se  dissipa  quelque 
peu  aux  pressions  de  main  furtives,  et  à  quelques  gros  baisers 
qu'ils  se  prirent,  comme  autrefois,  avant  d'être  mari  et  femme, 
du  temps  qu'ils  se  faisaient  la  cour,  lui  entreprenant,  elle  se 
laissant  faire.  Lorsque  quelque  homme  ou  quelque  femme 
apparaissaient  sur  le  chemin,  ou  dans  un  champ,  ils  devenaient 
plus  sérieux,  et  cessaient  de  gaminer.  Quand  ils  ouvrirent  la 
barrière  de  la  cour  de  la  ferme,  ils  étaient. tout  joyeux  ;  ettoute 
peine  était  passée. 

Ils  virent  les  deux  vieux  devant  la  maison,  assis  sur  le  banc 
de  pierre,  comme  c'était  leur  habitude  le  dimanche,  dans 
l'après-midi,  quand  il  faisait  du  soleil.  Et  leur  figure  à  tous 
deux  se  rembrunit,  à  la  vue  de  leurs  parents. 

D'autant  plus  que  la  mère  Poirier  les  reçut  par  cette  parole 
sèche  : 

—  On  croyait  que  vous  ne  viendriez  pas. 

—  Dame,  fit  Louis,  nous  sommes  restés  un  peu  à  causer 
avec  le  beau-père. 

—  Et  pendant  ce  temps-là,  j'étais  tout  seul  à  soigner  les 
bêtes,  comme  du  temps  que  tu  étais  au  régiment!  Encore,  en 
ce  temps-là,  j'avais  un  valet  de  plus  ! 

—  Vous  ne  m'aviez  pas  dit  de  rentrer  de  bonne  heure,  répli- 
qua Louis. 

—  Tu  as  donc  besoin  qu'on  te  rappelle  tous  les  matins  à  ton 
devoir,  dit  d'un  ton  sec  le  père  Poirier. 

La  querelle  était  imminente,  mais  elle  n'éclata  pas.  La  jeune 


576  LA    TKKHK    ABANUONNEK 

femme  alla  dans  sa  chambre  changer  de  hardes.  Quant  à  Louis 
Poirier,  il  s'assit  philosophiquement  auprès  de  sa  mère,  et  ne 
dit  mot,  se  contentant,  après  un  bon  quart  d'heure  de  silence, 
de  demander  s'il  restait  quelque  bête  à  panser,  ou  quelque 
ouvrage  à  faire,  pour  qu'il  s'en  occupât. 

—  Non,  répondit  Jean  Poirier  ;  il  n'y  a  plus  rien  à  faire.  J'ai 
travaillé,  moi,  pendant  que  tu  n'étais  pas  là. 

Puis,  comme  Louis  ne  répondait  pas,  un  mutisme  réciproque 
s'établit,  durant  une  demi-heure  à  peu  près.  Et,  quand  José- 
phine, en  robe  simple,  arriva  se  joindre  à  la  famille,  la  con- 
versation reprit,  sur  les  banalités  de  la  pluie  et  du  beau  temps, 
les  nouvelles  du  bourg,  les  giboulées  à  craindre,  le  prix  élevé 
du  dernier  cochon  vendu  par  leurs  voisins  les  Chamarre,  et 
toutes  autres  choses  intéressant,  plus  ou  moins  directement 
l'entreprise  agricole. 

La  fin  de  l'après-midi  ne  fut  marquée  par  aucune  brouille 
entre  les  deux  femmes,  non  plus  que  le  lendemain  et  le  sur- 
lendemain ;  mais,  le  mercredi  matin,  comme  il  pleuvait,  et  que 
Joséphine  n'avait  pas  encore  de  sabots  de  bois  à  elle,  ceux 
qu'elle  avait  commandés  au  sabotier  de  Puymaufre  n'étant 
pas  encore  achevés,  elle  fit,  en  prenant  les  vieux  sabots  de  sa 
belle-mère,  la  réflexion  que  ces  sabots  lui  trop  étaient  grands 
et  usés,  puisqu'ils  n'avaient  plus  de  talons,  malgré  les  gros 
clous  qui  y  avaient  été  à  maintes  et  maintes  reprises  enfoncés. 

—  Il  vous  faudrait  peut-être  des  bottines  pour  aller  dans  la 
boue,  fit  la  Rosalie  d'une  voix  aigre. 

—  Mais  non  ;  seulement  les  sabots  que  j'ai  commandés  ne 
sont  pas  faits. 

—  Allons  donc  !  Avec  ça  qu'il  n'y  en  avait  pas  de  tout  faits 
chez  le  sabotier  ! 

—  J'en  ai  essayé  ;  ils  ne  m'allaient  pas. 

—  C'est  ça,  dit  la  mère  Poirier,  de  méchante  humeur  évi- 
demment ce  matin-la.  C'est  ça,  sur  mesure,  comme  les  dames  ! 

—  Oh  !  comme  les  dames  !  reprit  naïvement  Joséphine.  Les 
dames  ne  portent  point  de  sabots, 


LA    TKRKE    ABANUUNNÉK  577 

—  Oui  ;  et  c'est,  pour  ça  que  vous  qui  êtes  une  dame,  n'est- 
ce  pas.  vous  n'en  aviez  pas  pour  entrer  en  ménage  ? 

—  J'avais  des  talonnettes  usées  ;  mais  c'est  encore  plus 
mauvais  que  les  vieux  souliers  pour  marcher  dans  la  boue. 

—  Eh  bien,  après?  dit  la  mère  Poirier.  Qu'est-ce  que  ça  ferait 
quand  même  vous  vous  saliriez  les  pieds  dans  la  boue?  Ce 
n'est  pas  déshonorant  d'avoir  les  pieds  sales,  quand  c'est  le 
travail  qui  vous  les  a  salis. 

—  Bien  sûr  ! 

—  Seulement,  continua  la  vieille  Poirier  qui  ne  désarmait 
pas  ;  seulement  voilà,  toutes  les  filles  du  bourg-  sont  comme 
vous  ;  elles  sont  toutes  des  coquettes,  toutes  des  fainéantes 
qui  ne  sont  bonnes  à  rien,  toutes  des  muscadines. 

—  Enfin,  maman,  fit  Joséphine,  vous  êtes  toujours  à  me 
reprocher  que  je  suis  une  muscadine  ;  mais  je  fais  ce  que  je 
peux  ici.  Si  je  ne  fais  pas  mieux,  c'est  que  je  ne  peux  pas  ;  et 
en  tous  cas,  je  ne  suis  ni  une  coquette,  ni  une  fainéante. 

—  C'est  vous  qui  le  dites,  nargua  la  mère  Poirier. 

—  Ahl  c'est  trop  fort, à  la  fin;  c'est  trop  injuste, dit  la  jeune 
femme.  Comment!  je  fais  ce  que  je  peux  chez  vous,  et  vous 
trouvez  que  je  ne  travaille  pas  assez!  Je  me  tiens  à  quatre 
pour  ne  pas  vous  répondre  quand  vous  me  dites  des  choses 
désagréables,  et  vous  semblez  faire  exprès  de  me  lancer,  à  la 
moindre  occasionnes  reproches  les  plus  vexants. 

—  J'ai  le  droit,  chez  moi,  de  dire  ce  que  je  veux.  Je  suis 
chez  moi,  vous  entendez? 

—  Eh  !  je  le  sais  bien  que  vous  êtes  chez  vous.  Je  serais  trop 
dure  à  comprendre  si  je  ne  le  savais  pas;  vous  le  répétez 
assez  souvent  ! 

—  Et  je  dirai  ce  que  je  veux  chez  moi,  continua  la  Rosalie, 
agressive  de  plus  en  plus. 

Joséphine,  à  ces  paroles,  se  laissa  emporter  par  la  colère. 

—  Dites  toujours,  allez,  cria-t-elle;  mais  bientôt  vous  direz 
ça  toute  seule. 

La  vieille  Poirier,  qui  tenait  un  balai,  le  laissa  tomber,  de  la 
stupéfaction  qu'elle  eut  d'entendre  pareille  parole. 


578  LA    TERRE    ABANDONNÉE 

—  Qu'est-ce  que  vous  voulez  dire  ? 

—  Je  dis,  fit  Joséphine,  qu'avec  la  vie  que  vous  me  faites 
mener  ici,  il  faudra  bien  que  je  parte  de  chez  vous,  puisque 
vous  êtes  chez  vous  ici. 

—  Vous  voulez  partir?...  Avec  mon  gars? 

—  Bien  sûr.  Si  vous  croyez  que  Louis  a  la  vie  plus  heureuse 
que  moi,  vous  vous  trompez.  11  consentirait  encore  à  ce  que  sa 
femme  soit  la  servante  ici,  et  moi  aussi  d'ailleurs  ;  mais 
jamais  il  ne  voudra,  pas  plus  que  moi,  que  nous  soyons 
regardés  chez  vous  comme  des  chiens. 

—  Vous  êtes  une  propre  à  rien,  s'enflamma  la  Rosalie,  Et  il 
y  a  longtemps  que  j'ai  prévu  ce  qui  arrive.  Je  ne  voulais  pas 
le  mariage,  moi;  je  n'en  ai  jamais  voulu.  C'est  Poirier  qui 
s'est  laissé  attendrir,  et  qui  m'a  forcé  à  donner  mon  consen- 
tement. Sans  cela  vous  ne  seriez  pas  ici  à  mettre  le  désordre 
dans  la  maison. 

—  Je  vois  bien,  moi,  constata  Joséphine,  que  vous  ne 
pouvez  pas  me  souffrir,  et  qu'il  faudra  se  séparer  un  jour  ou 
l'autre. 

—  Le  plus  tôt  possible  sera  le  mieux,  reprit  la  vieille. 

—  C'est  bien.  Soyez  sûre  que  vous  n'attendrez  pas  long- 
temps. Moi,  d'abord,  je  n'en  veux  plus  de  cette  vie-là  ! 

A  partir  de  ce  moment,  les  deux  femmes,  sans  se  dire  un 
mot-,  vaquèrent  à  leurs  occupations,  tantôt  ensemble,  tantôt 
séparément. 

Quand  les  hommes  vinrent  à  la  soupe  de  midi,  il  y  eut  une 
scène  assez  violente.  Jean  Poirier  soutenait  sa  femme;  et 
Louis  Poirier  prenait  le  parti  de  Joséphine. 

—  C'est  bien,  dit  Louis,  nous  partirons,  puisque  nous  ne 
sommes  pas  ici  chez  nous. 

—  Qu'est-ce  que  tu  feras,  grand  fainéant?  dit  la  mère. 
Prendras-tu  une  terre  à  ton  compte? 

—  Non. 

—  Tu  te  gageras,  alors? 

—  Non  plus.  Je  sais  bien  ce  que  je  ferai.  Je  serai  facteur, 


LA    TERRE    ABANDONNÉE  .779 

—  Facteur  !  Facteur  !  cria  le  père  Jean,  que  l'idée  de  voir  un 
jour  son  fils  facteur  exaspérait.  Crois  ça  et  bois  de  l'eau,  mon 
fieu  1  Tu  seras  facteur  d'abord  si  tu  as  ta  place;  et  ta  place,  tu 
ne  l'auras  pas.  Tu  es  en  train  de  te  faire  berner  de  la  plus 
belle  façon,  par  ton  fameux  député  qui  te  protège. 

—  Je  vous  dis,  moi,  que  j'aurai  ma  place. 

—  Si  tu  l'as,  tu  ne  remettras  plus  les  pieds  chez  nous  en 
uniforme,  tu  sais.  Si  tu  méprises  les  paysans,  les  paysans  te 
dédaigneront. 

—  Oui,  dit  la  Rosalie,  notre  gars  a  honte  de  notre  métier  ;  il 
a  bien  pris  la  femme  qu'il  lui  fallait. 

—  Ah  !  Assez,  enfin  !  dit  Louis  tout  rouge  de  colère,  en 
frappant  sur  la  table  un  grand  coup  de  poing.  Un  mot  de  plus, 
et  Joséphine  et  moi  nous  partons  d'ici,  pour  n'y  plus  remettre 
les  pieds,  comme  vous  dites. 

Ce  coup  de  poing  de  Louis,  calme  et  respectueux  à  l'accou- 
tumée, arrêta  net  la  discussion. 

Aucune  parole  aimable  ne  fut  plus  échangée  désormais, 
non  seulement  toute  la  fin  du  jour,  entre  les  deux  camps 
adverses,  mais  durant  toute  la  semaine.  S'il  y  avait  un  ordre 
à  donner  pour  de  l'ouvrage  à  faire,  il  était  dicté  par  un  mot 
sec,  un  geste  bref. 

L'harmonie  était  rompue  totalement  chez  les  Poirier;  et  il 
n'y  avait  nulle  chance  pour  qu'elle  se  rétablit.  C'était  la 
contrainte  éternelle,  le  mauvais  accord  passé  à  l'état  définitif, 
et  la  brouille  complète  imminente,  que  le  moindre  incident 
allait  faire  éclater. 

(A  suivre) 

Gustave  GU1TTON. 


*+*> 


LA 

SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  D'ARCHÉOLOGIE 

EN    BRETAGNE 

(suite1) 


VII 

Arrivée  à  Brest  —  Quelques  mots  d'histoire. 
Visites  du  port  militaire  et  du  Château. 


A  huit  heures  du  matin,  les  membres  de  la  Société  sont 
réunis  à  la  gare  de  Morlaix.  Quelques  minutes  après, 
on  s'embarque  pour  Brest,  après  avoir  fait  mentale- 
ment nos  adieux  à  la  ville  de  Morlaix,  délicieuse  localité,  de 
laquelle  nous  garderons  longtemps  un  agréable  souvenir. 

En  sortant  de  la  station,  la  voie  ferrée  décrit  une  grande 
courbe  vers  le  sud,  puis  on  passe  rapidement  devant  Pleyber- 
Ghrist,  remarquable  par  son  clocher  pourvu  d'une  jolie  flèche 
de  la  Renaissance.  Le  convoi,  dévorant  l'espace,  nous  donne 
à  peine  le  temps  de  reconnaître  les  églises  de  Saint-Thégonec, 
Guimiliau  et  Lampaul,  visitées  l'avant-veille.  Après  Landivi- 
siau,  on  suit  la  rive  gauche  de  l'Elorn,  (ou  rivière  de  Lander- 
neau),  petit  fleuve  ayant  un  cours  de  65  kilomètres,  prenant 

'    Voir  la  lirraiion  de  septembre  1891. 


KN    BHETAGNK  581 

sa  source  dans  les  montagnes  d'Arrée,  à  l'aspect  mélanco- 
lique. Le  paysage  ne  manque  pas  de  poésie  jusqu'à  Lander- 
neau.  Je  me  propose  de  faire  la  description  de  cette  localité, 
si  fameuse  par  le  dicton  populaire,  lors  de  l'excursion  inscrite 
au  programme. 

Le  chemin  de  fer  suit  la  rive  droite  de  l'Elorn,  dont  les  eaux 
grisâtres  vont  se  perdre  dans  la  rade  de  Brest.  On  passe  à 
côté  des  ruines  du  château  de  la  Joyeuse-Garde,  célèbre  dans 
les  romans  de  chevalerie.  Après  la  station  de  Kerhuon,  on 
aperçoit  de  nombreuses  villas,  appartenant  aux  opulents 
Brestois,  puis,  après  avoir  traversé  une  profonde  tranchée, 
on  entre  en  gare  de  Bresf. 

Cette  ville,  surnommée  par  Jules  Janin  «  la  reine  de  l'O- 
céan »,  est  admirablement  située  à  l'entrée  d'une  immense 
rade  fermée  par  un  goulet  étroit.  De  chaque  côte  de  la  passe, 
il  y  a  des  amas  de  rochers  et  des  blocs  de  granit  défendant 
naturellement  l'entrée  du  port  militaire.  Une  ceinture  de  rem- 
parts, à  l'aspect  sinistre,  entoure  cette  cité  cosmopolite  habitée 
en  majeure  partie  par  de  braves  marins  parcourant  toutes  les 
mers  du  globe. 

Le  cardinal-ministre  Richelieu  est  considéré  comme  le 
fondateur  du  port  militaire.  Jusqu'en  1630,  la  ville  avait  peu 
d'importance  et  ne  possédait  aucun  ouvrage  destiné  au  déve- 
loppement d'un  arsenal.  Gomme  édifice  religieux,  cette  ville 
n'avait  que  la  chapelle  de  l'ancien  château  démolie  en  1819. 
Le  faubourg  de  Recouvrance  fut  fondé  en  1660.  Il  s'aDpelait 
dans  l'origine  Bourg  de  Sainte-Catherine  ;  il  y  a  encore  dans 
ce  quartier  des  maisons  datant  de  l'époque  de  Louis  XIV. 
A  cette  époque  cette  partie  de  la  ville,  séparée  par  la  Penfeld, 
était  plus  importante  que  Brest.  Quelques  années  plus  tard, 
elle  prit  le  nom  de  Recouvrance  en  souvenir  de  la  dévotion 
des  fidèles  pour  le  Recouvrement  des  absents  à  la  mer.  Le 
maréchal  Vauban,  ayant  fait  construire  une  enceinte  de  forti- 
fication, Recouvrance  fut  réunie  à  la  ville  de  Brest  en  1680, 
Louis  XIV  éprouva  de  sérieuses   difficultés  pour  établir  l'ar- 


582  LA    SOCIÉTÉ    FRANÇAISE    DARCHÉOLOGIE 

senal,  les  magasins  et  tout  le  matériel  constituant  le  port  de 
guerre,  parce  que  les  Bretons,  gens  indépendants  et  soupçon- 
neux, croyaient  que  la  liberté  de  leur  pays  était  menacée.  Le 
Parlement  de  Bretagne  fait  défense  aux  maîtres  de  forge  de 
fondre  des  canons  et  les  seigneurs  du  Faou  et  de  Crasnou  ne 
peuvent  livrer  leur  bois  à  la  maison  royale,  sous  peine  d'une 
forte  amende1.  Mais  le  Roi-Soleil  brise  tous  les  obstacles  et 
oblige  le  Parlement  à  capituler.  Les  ingénieurs  creusent  la 
Penfeld,  (tête  du  camp),  petit  ruisseau  de  peu  d'importance, 
qui  deviendra  bientôt  le  port  de  guerre  puis  ils  font  sauter 
des  mamelons  de  granit,  afin  «le  l'élargir.  Dix  vaisseaux  de 
ligne  et  six  frégates  se  construisent  dans  cet  arsenal  devenu 
un  des  plus  importants  de  l'Europe,  sous  la  direction  de 
maître  Laurent  Plubac,  charpentier  du  roi. 

Vers  une  heure  de  l'après-midi,  l'assemblée  des  congressis- 
tes est  convoquée  à  la  salle  de  la  Bourse.  M.  de  Marsy  expose 
le  programme  de  la  journée,  et  énumère  les  curiosités  de 
Brest  qui  seront  appelées  à  être  visitées  aujourd'hui  :  le  port 
de  guerre,  le  château,  le  musée  et  l'église  Saint-Louis. 

Le  départ  a  lieu  de  la  place  du  Champ  de  Bataille,  vaste 
rectangle  encadré  d'une  double  rangée  d'arbres.  A  l'angle  de 
la  rue  d'Aiguillon  se  trouve  le  théâtre,  incendié  deux  fois  en 
cent  ans  (1766-1866).  De  là,  on  gagne  la  rue  de  Siam,  une  des 
voies  les  plus  animées  de  la  ville,  appelée  ainsi  au  souvenir 
de  l'ambassade  envoyée  par  le  roi  de  Siam  à  Louis  XIV  en 
1684. 

Une  des  plus  grandes  attractions  de  Brest  est  sans  contredit 
le  grand  pont,  construit  sur  la  Penfeld,  destiné  à  réunir  le 
faubourg  de  Recouvrance  à  la  ville.  Ce  pont  tournant,  unique 
en  son  genre,  établi  d'après  les  plans  de  MM.  Gadiat,  archi- 
tecte, et  Oudry,  ingénieur,  mesure  117  mètres  de  longueur  : 
il  a  été  inauguré  en  1861.  La  dépense  s'est  élevée,  paraît-il,  à 
trois  millions  de  francs. 

1  La  Bretagne,  par  Jules  Janin,  p.   581. 


EN    BKUTAGNK  583 

Je  résume  en  quelques  lignes  la  visite  à  l'arsenal.  J'ai  dit 
plus  haut  que  le  port  de  guerre  était  établi  sur  le  Penfeld. 
Elisée  Reclus  compare  cette  rivière  à  une  rue^de  Venise  avec 
ses  immenses  magasins  et  ses  ponts  flottants.  Devant  le  ma- 
gasin général,  on  passe  devant  la  Consulaire,  énorme  pièce  de 
canon  (5  mètres  de  hauteur)  fondue  en  1548  par  les  Vénitiens. 
Cette  pièce  d'artillerie  fut  prise  en  1830,  lors  de  la  conquête 
d'Alger,  par  l'amiral  Duperré.  En  1683,  l'amiral  Abraham 
Duquesne,  bombarda  Alger,  afin  de  punir  les  pirates  de  leurs 
méfaits.  Le  dey  Ibrahim  envoya  en  qualité  de  parlementaire 
le  missionnaire  Levacher,  consul  de  France,  près  de  l'amiral 
commandant  l'escadre  pour  obtenir  la  cessation  des  hostilités. 
Les  démarches  du  pauvre  Levacher  étant  restées  sans  succès, 
le  terrible  dey  fit  placer  le  représentant  de  la  France  à  la 
gueule  de  la  Consulaire. 

Une  magnifique  statue,  placée  sur  une  fontaine,  fixe  mon 
attention.  J'apprends  que  c'est  le  Triomphe  d'Amphytrite,  due 
au  ciseau  de  Coysevox,  artiste  Lyonnais,  surnommé  le  Van 
Dyck  de  la  sculpture.  Cette  statue  ornait  autrefois  la  cascade 
du  château  de  Marly. 

En  visitant  le  musée  de  la  marine,  j'ai  remarqué  dans  une 
vitrine,  un  gigantesque  couteau  qui  a  servi  à  trancher  la  tête 
de  Gourdon-Warhouse ,  gentilhomme  écossais  ,  convaincu 
d'espionnage.  Le  24  décembre  1769,  il  fut  condamné  à  mort 
par  un  conseil  de  guerre  présidé  par  M.  de  Clugny,  intendant 
de  lamarine.  En  ce  temps-là,  on  ne  badinait  ni  avec  les  espions 
ni  avec  les  traîtres.  Je  note  quelques  bustes  de  marins  célè- 
bres, tels  que  du  Coëtlogon,  Chateauregnault,  Comte  de 
Toulouse,  Suffren  et  du  Couédic1  placés  dans  le  pourtour 
de  la  salle.  Le  musée  contient  nombre  de  petites  merveilles 
que  je  ne  puis  énoncer  ici  et  qui  font  l'admiration  de  nos 
collègues. 

Après  la  visite  de  l'arsenal,  on  se  rend  au  château.  Cette 

i  Celui-ci  compte  encore  quelques  représentants  en  Vendée. 

TOME    XII.    —   OCTOBRE,    NOVEMBRE,    DÉCEMBRE.  40 


584  LA    SOCIÉTÉ    FRANÇAISE    D'ARCHÉOLOGIE 

ancienne  forteresse  du  moyen  âge  offre  un  aspect  imposant 
avec  ses  tours,  ses  remparts,  ses  bastions  et  ses  courtines 
élevées.  Placé  entre  le  port  marchand  et  le  port  militaire,  ce 
lieu  fortifié  est  bâti  sur  un  rocher  formant  une  sorte  d'éperon 
s'avançant  dans  la  rade.  Sa  forme  est  celle  d'un  trapèze  ayant 
une  superficie  de  près  de  deux  hectares.  Les  angles  sont  mu- 
nis de  tours. 

Le  portail  d'entrée,  érigé  en  1461,  est  formé  par  deux  tours 
semi-circulaires  garnies  de  mâchicoulis.  Actuellement  cet  an- 
cien château-fort,  ayant  appartenu  naguère  aux  puissants  sei- 
gneurs bretons,  sert  de  caserne.  Dans  une  petite  cour,  on 
nous  fait  voir  des  murailles  datant  de  l'époque  des  Romains 
et  sur  lesquelles  les  architectes  du  moyen  âge  ont  bâti  des 
constructions  qui  existent  encore.  Une  des  tours  du  château 
porte  le  nom  de  César  ;  mais  il  paraît  certain  que  l'illustre  con- 
quérant des  Gaules  n'a  jamais  poussé  ses  incursions  jusqu'à 
la  pointe  extrême  de  i'Armorique,  puis  ladite  tour  ne  remonte 
qu'à  la  fin  du  XIe  siècle.  L'histoire  du  château  de  Brest  est 
bien  intéressante,  mais,  à  mon  grand  regret,  je  ne  puis  la  re- 
produire dans  ce  modeste  compte-rendu.  Je  me  contenterai  de 
rappeler  que  cette  place-forte  a  été  disputée  pendant  deux  siè- 
cles entre  les  Bretons  et  les  Français. 

Les  cinq  tours  sont  ainsi  dénommées  :  celle  d'Agenor,  de 
Brest,  de  César,  des  Anglais  et  de  la  Madeleine,  plus  le  donjon, 
véritable  citadelle,  et  qui  isolé  du  corps  de  la  place,  était  jadis 
habité  par  les  gouverneurs.  La  Salle  des  Gardes,  l'ancienne 
chapelle  construite  dans  l'épaisseur  des  murs,  la  Chambre,  ou 
fut  enfermé  Charles  de  Blois,  avant  que  ce  prince  infortuné 
fut  incarcéré  à  la  Tour  de-Londres,  sont  visitées  avec  intérêt; 
au-dessous  se  trouvent  une  infinité  de  couloirs  obscurs  con- 
duisant aux  anciens  cachots  Un  trou  béant  annonce  les  tradi- 
tionnelles oubliettes.  J'avais  visité  en  1872  ces  sombres  réduits 
et  je  me  suis  tenu  pour  satisfait 

Je  regagne  mon  hôtel  en  passant  par  le  cours  Dajot,  magni- 
fique promenade  plantée  d'arbres  séculaires  formant  un  dôme 


EN    BRETAGNE  585 

de  verdure  ravissant.  Splendide  vue  sur  la  rade  !!!  A  chaque 
extrémité  du  cours  se  trouve  une  statue,  l'une  représentant 
Neptune,  l'autre  l'Abondance,  attribuées  à  Goysevox.  Ces  deux 
œuvres  d'art  proviennent  du  jardin  deMarly  et  ont  été  données 
à  la  ville  de  Brest  en  1801.  Cette  promenade  a  éié  créée  en  1709 
par  M.  Dajot,  officier  de  génie.  Je  comprends  le  légitime  or- 
gueil des  Brestois  pour  ce  délicieux  séjour. 


Vlll 


Excursion  à  Morgat  et  à  Camaret. 
Visite  des  monuments  druidiques   du  Toulinguet. 


A  six  heures  et  demie,  la  réunion  des  savants  a  lieu  au  port 
de  Commerce.  Un  bateau  à  vapeur,  frété  par  le  Comité  d'orga- 
nisation, nous  attend  près  de  la  grande  jetée.  Le  temps, 
quoique  brumeux,  n'inspire  pasd'inquiétudepour  la  traversée. 
D'après  le  dicton  de  nos  braves  matelots  faisant  partie  de 
l'équipage,  le  temps  ri  est  pas  à  la  malice.  Un  :oup  de  sifflet 
strident  déchire  l'espace  et  nous  quittons  le  port. 

L'aspect  de  la  rade  est  vraiment  grandiose  !  !  !  Plusieurs 
navires  sont  à  l'ancre  à  l'entrée  du  port  de  guerre.  Nous 
passons  à  côté  du  Borda,  vaisseau-école  destiné  à  l'instruction 
des  jeunes  officiers  de  marine.  Ce  monstre  marin,  complè- 
tement immobile  semble  sommeiller  sur  la  surface  unie  des 
ondes.  En  jetant  un  regard  en  arrière.  Brest  disparaît  peu  à 
peu;  les  énormes  tours  du  château  paraissent  des  miniatures, 
les  arbres  verdoyants  du  cours  Dajot  se  perdaient  dans 
l'horizon  grisâtre  du  lointain.  Encore  quelques  centaines  de 
mètres...  la  puissante  cité  maritime  se  dérobe  à  nos  regards!  !  ! 

Avant  d'entrer  dans  la  passe,  surnommée  le  Goulet  de 
Brest,  on  laisse  à  gauche  la  presqu'île  de  Roscanvel  à  l'extré- 
mité de  laquelle  se  trouve  la  pointe  des  Espagnols,  nommée 


586  LA    SOCIÉTÉ   FRANÇAISE    D'ARCHÉOLOGIE 

ainsi  au  souvenir  du  glorieux  fait  d'armes  accompli  par  le 
maréchal  d'Aumont,  qui  en  1594,  délogea,  un  corps  d'armée 
composé  en  grande  partie  d'Espagnols  secondés  par  les 
troupes  du  duc  de  Mercœur.  Le  but  de  cette  coalition  entre 
les  soldats  de  Philippe  II  et  des  hommes  d'armes  du  chef  des 
Ligueurs,  était  de  brûler  la  ville  de  Brest.  Les  géographes 
appellent  la  presqu'île  de  Roscanvel,  le  Gibraltar  de  la  France, 
tandis  que  le  Goulet  est  surnommé  les  Dardanelles.  A  droite  et 
à  gauche,  il  y  a  des  forts  destinés  à  la  défense  de  la  rade. 

Les  contours  du  promontoir  de  Quiléen  consistent  dans 
d'immenses  rochers  formant  une  muraille  brunâtre  à  l'aspect 
sauvage.  Plus  loin,  à  la  sortie  du  rocher,  se  trouvent  des  blocs 
de  roches  sans  cesse  battus  par  les  flots  :  flux  et  reflux  est 
indiqué  par  une  marque  blanche  sans  cesse  découverte  par  le 
mouvement  des  eaux.  Je  remarque  un  énorme  roc,  ayant  une 
forme  aiguë,  s'élevant  à  plus  de  dix  mètres  et  ressemblant 
de  loin  à  un  menhir.  Un  autre  amas  de  roches  donne  l'aspect 
d'un  château-fort  avec  son  pont-levis,  ce  qui  rappelle  l'image 
de  ces  châteaux  enchantés  hantés  par  des  sirènes  dont  les 
trouvères  du  moyen-âge  nous  ont  chanté  les  gracieux  poèmes. 

Quelques  marsouins  escortent  joyeusement  notre  embar- 
cation. La  mer  sans  être  très  grosse  secoue  suffisamment 
notre  navire.  Plusieurs  passagers  se  trouvent  indisposés,  ce 
qui  donne  lieu  à  des  incidents  plaisants.  Je  me  souviens  no- 
tamment d'un  certain  archiviste  d'un  département  du  midi  de 
laFrance  qui,  rentré  brusquement  dans  la  chambre  du  pilote, 
y  commit  involontairement  quelques  dégâts...  Materia  com- 
plevit  calceos  !  !  !  Heureusement,  après  avoir  contourné  le  cap 
de  la  Chèvre,  situé  à  l'extrémité  de  Grozon,  l'océan  devient 
plus  calme  et  nous  entrons  dans  la  baie  de  Douarnenez,  pa- 
raissant un  immense  lac,  aux  eaux  lazulites  et  somnolentes. 

Le  bateau  stoppe  à  quelques  centaines  de  mètres  de  la 
plage  de  Morgat.  On  gagne  la  rive  à  dos  d'homme  et  on  va 
visiter  les  curieuses  grottes  de  l'Autel  et  de  Sainte-Marine. 

La  première  me  fait  penser  aux  contes  des  Mille  et  Nuits, 


EN    BRETAGNE  587 

parce  que  cette  cavité,  creusée  par  la  mer,  est  profonde  de 
40  mètres  et  large  de  15,  elle  parait  être  le  refuge  de  quelque 
bon  génie  veillant  sur  la  plage  de  Morgat. 

Au  centre,  se  trouve  un  rocher  en  forme  de  table  et  que 
les  habitants,  appellent  l'Autel.  La  mer  s'engouffre  avec  un 
bruit  assourdissant  dans  un  obscur  réduit  situé  à  notre 
gauche.  L'autre  grotte,  s'appelle  Sainte-Marine,  en  souvenir 
de  la  patronne  des  pêcheurs.  Un  jour,  l'océan  étant  démonté, 
un  canot  allait  périr,  quand  l'équipage  se  mit  à  implorer  le 
secours  de  Sainte-Marine.  Tout  à  coup  une  brèche  s'ouvrit 
dans  le  rocher  et  le  petit  bateau  fut  sauvé. 

La  petite  station  balnéaire  de  Morgat  possède  un  grand 
Hôtel,  dont  nous  avons  pu  apprécier  l'excellent  confort.  La 
plus  franche  gaieté  n'a  pas  cessé  de  régner  pendant  tout  le 
repas.  A  deux  heures  nous  nous  embarquons  de  nouveau 
pour  retourner  à  Brest,  en  faisant  escale  à  Camaret.  Une 
immense  jetée  protège  le  port.  En  suivant  le  quai  menant  au 
village,  on  passe  à  côté  d'une  petite  chapelle  de  style  Renais- 
sance, dédiée  à  Notre-Dame  de  Bon-Secours,  bâtie  en  1560. 
On  se  dirige  rapidement  vers  les-  alignements  mégalitiquesdu 
Toulinguet,  qui  passent  pour  être  les  plus  remarquables  de 
l'ancienne  Armorique  après  ceux  de  Garnac.  Sur  un  terrain 
uni  et  aride,  se  trouvent  des  menhirs,  au  nombre  de  41  sur  une 
longueur  de  600  mètres.  Il  est  regrettable  que  quelques- 
unes  de  ces  énormes  pierres  aient  été  arrachées  du  sol  ;  ce 
qui  soulève  des  murmures  de  protestation  proférés  par  l'as- 
semblée tout  entière.  Notre  sympathique  collègue, M.  du  Ghâ- 
tellier,  inspecteur  de  la  Société  pour  le  département  du  Finis- 
tère, est  chargé  de  dresser  un  rapport  sur  ces  actes  de 
vandalisme  et  d'en  informer  M.  le  Préfet. 

L'arrivée  à  Brest  a  lieu  sans  incident. 

(A  suivre.)  Ed.  du  Trémond. 


CORRESPONDANCE 


UNE    REPONSE   A    MM.    CRETINEAU-JOLY 

Angers,  24  norembre  1899. 

Monsieur  le  Directeur, 

Le  15juillet  dernier,  MM.  Crétineau-Joly,  fils  "du grand  historien» 
de  la  Vendée  militaire,  écrivaient  à  Mgr  Pasquier,  Recteur  de 
l'Université  catholique  de  l'Ouest,  pour  lui  demander  l'inser- 
tion, dans  la  Revue  des  Facultés,  d'une  note  conçue  dans  ces  termes  : 

Cancale,  le  1  f>  juin. 

<(  Les  deux  pieux  solitaires  de  ce  lieu  que  M.  Bossard  ne  nomme 
pas,  de  peur  de  paraître  faire  un  jeu  de  mots  cruel  (que  cette  allusion 
est  fine,  délicate  et  spirituelle  !)  s'inscrivent  en  faux  contre  les 
allégations  du  très  savant  conférencier. 

«  a.— Jamais, ils  ne  se  sont  permis  de  se  demander,anxieusementou 
pas  —  si  M.  Bossard  était  bien  un  bon  prêtre.  Ils  n'en  doutent  nulle- 
ment. Dans  leur  lettre,  ils  se  sont  tout  simplement  demandé  com- 
ment un  prêtre  pouvait  donner  la  main  à  l'un  de  nos  plus  grands 
ennemis,  pour  attaquer  les  premiers  historiens  de  la  Vendée. 

"  b.  —  Jamais  ils  n'ont  écrit  une  lettre  d'excuses,  aussi  sincères 
que  complètes,  a  M.  Bossard 

<■  En  s'exprimant  ainsi,  M.  l'abbé  Bossard  a  sciemment  induit  ses 
auditeurs  en  erreur,  et  il  a  fait,  non  de  l'histoire,  mais  de  la  lé- 
gende. » 

MM.  Grétineau-.Toly  viennent  de  reproduire  cette  note  dans  la 
Vendée  historique,  du  20  novembre  dernier.  Je  vous  assure  que  si  elle 
n'a  pas  été  imprimée  dans  la  Revue  des  Facultés  catholiques  de  l'Ouest, 


CORRESPONDANCE  589 

ce  n'est  pas  de  ma  faute.  Je  suppose  —  mais  je  ne  fais  que  supposer  — 
que  M.  le  directeur  de  la  Revue  s'est  inspiré  de  la  charité  en  ne 
l'insérant  pas,  car  il  aurait  dû  la  faire  suivre  des  courtes  réflexions 
suivantes. 

a.  —  Lettre  <Ju28  mai  1897.  —  «  Nous  n'avons  pris  connaissance  que 
ces  jours  derniers  de  ce  factum1.  C'est  un  de  nos  amis  qui  a  bien 
voulu  nous  l'adresser  dans  notre  solitude  de  Cancale...  Voilà  qui 
vous  explique  notre  silence.  Maintenant  que  nous  avons  lu  votre 
Introduction,  laissez-nous  vous  en  dire  ce  que  nous  en  pensons.  Est-ce 
l'œuvre  d'un  prêtre  ?  Il  est  allé  à  nos  plus  grands  ennemis  1  —  D'un 
Vendéen  ?  Il  divise  sa  Patrie  !  —  D'un  homme  vraiment  convaincu  ?  On 

SE  LE  DEMANDE.  » 

Je  ne  pouvais  me  douter,  alors,  qu'en  s'exprimant  de  la  sorte, 
MM.  Crétineau-Joly  ne  se  posaient  nullement,  «  anxieusement  ou 
pas  »,  cette  triple  interrogation.  Et  quand. j'ai  dit,  dans  ma  conférence 
du  10  février  1899  :  «  Ces  pieux  solitaires  se  demandaient  anxieusement 
—  les  braves  gens  I  —  si  j'étais  bien  un  bon  prêtre,  comme  si  l'admi- 
ration pour  Crétineau-Joly,  leur  père,  était  la  première  assise  d'une 
solide  vertu  sacerdotale  !  »  —  j'exprimais  ce  que  j'avais  cru  alors,  de 
bonne  foi  :  à  savoir  que  le  «  on  se  le  demande  »,  du  28  mai  1897,  avait 
été  vraiment  anxieux.  Il  ne  l'était  pas,  paraît-il  ;  il  n'était  ni  anxieux, 
ni  même  pas  anxieux  :  alors  qu'était-il  donc  ? 

b.  —  MM.  Crétineau-Joly  disent  encore:  «  Jamais  ils  n'ont  écrit 
une  lettre  d'excuses,  aussi  sincères  que  complètes,  à  M.  Bossard. 
Ou  s'exprimant  de  la  sorte,  M.  l'abbé  Bossard  a  sciemment  induit 
ses  auditeurs  en  erreur. . .  » 

Aussi  bien,  Monsieur  le  Directeur,  ne  me  suis-je  jamais  ex- 
primé de  la  sorte.  Ce  que  j'ai  dit  est  tout  autre  :  le  voici  textuelle- 
ment: «  Toutefois,  je  leur  rends  justice  ;  ils  ont  reconnu,  depuis, 
avoir  été  un  peu  loin,  et  je  garde,  à  ce  sujet,  une  lettre  d'excuses, 
aussi  sincères  que  complètes,  j'aime  à  le  croire  ».  Ce  qui  est  bien 
différent  de  ce  que  me  font  dire,  par  un  procédé  plutôt  fâcheux, 
MM.  Crétineau-Joly.  A  M.  le  lieutenant-colonel,  d'Elbée  qui  m'avait 
vu  un  peu  ému  de  suppositions  si  gratuites,  et  qui  leur  en  avait 
dit  sa  surprise  personnelle,  ils  écrivaient,  le  22  juin  1897:  «Avant 
de  rentrer  dans  notre  solitude  pour  n'en  plus  sortir,  quoiqu'il  arrive, 
nous  voulons  vous  donner  quelques  explications  au  sujet  de  notre 
lettre  à  M.  l'abbé  Bossard.  Jamais  nous  n'avons  voulu  dire  que 
M.  l'abbé  Bossar i fût  un  mauvais  prêtre.  Jamais  nous  n'en  avons 


»  La  Vendée  Angevine  et  ses  chefs  devant  l'histoire. 


590  CORRESPONDANCE 

eu  même  la  moindre  pensée.  A  Dieu  ne  plaise  !  Est-ce  un  prêtre? 
avons-nous  dit1.  Cela  signifiait:  «  Comment  un  prêtre  peut-il  donner  la 
main,  dans  une  question  historique  semblable,  à  des  Mécréants  ?  Car 
ces  Messieurs  C.  et  P.  (Chassin  et  Port),  dont  nous  n'avons  jamais  lu 
une  ligne,  nous  sont  représentés  comme  tels.  »  —  D'où  il  suivrait 
que,  pour  MM.  Crétineau-Joly,  faire  alliance  avec  des  mécréants  de 
l'espèce  de  MM.  Port  et  Chassin  —  alliance  où  l'on  se  donne  sur- 
tout des  coups  —  peut  très  bien  s'allier  avec  la  qualité  de  bon  prê- 
tre, puisque,  malgré  cette  prétendue  alliance,  ils  n'ont  jamais  eu 
la  moindre  pensée  de  douter  de  ma  vertu.  Mais  alors  pourquoi 
dire,  à  propos  d'une  étude  où  se  serait  signée  cette  alliance  :  «  Est- 
ce  l'œuvre  d'un  prêtre  ?  »  —  Il  faut  reconnaître  tout  de  même  que 
ces  «  explications  »  ne  sont  pas  très  claires. 

Toujours  est-il  que  M.  d'Elbée  m'a  communiqué  cette  lettre,  des- 
tinée, dans  sa  pensée,  à  calmer  mon  émotion  ;  et,  de  vrai,  n'aurait- 
elle  pas  été  écrite  à  cette  intention?  C'est  la  lettre  que  je  garde,  mais 
dont  je  n'ai  jamais  dit  qu'elle  m'avait  été  écrite. 

J'ai  laissé  de  côté  les  «  explications  »  données  sur  le  Vendéen  et 
l'homme  vraiment  convaincu.  Je  reconnais  que  j'ai  eu  tort  d'appeler  les 
«  explications  »  ci-dessus»  excuses  »  :  va  donc  pour  «  explications  !  », 
si  c'est  le  mot  qui  convienne  à  ces  «  excuses  ».  Est-il  bien  clair,  toute- 
fois qu'elles  ne  m'étaient  pas  dues  ?  Mais,  du  moins,  sommes-nous 
fixés  sur  le  degré  d'autorité  en  matière  de  critique  historique  de 
MM .  Crétineau-Joly,  qui  me  reprochent  amèrement  de  donner  la  main, 
moi  prêtre,  à  des  mécréants,  dont  ils  n'ont  jamais  lu  une  ligne,  et  qui  s'en 
vantent  !  Sur  quoi  s'appuyaient-ils  donc  pour  être  si  sévères  pour 
moi?  Ah  !  c'est  qu'on  les  leur  avait  représentés  comme  tels  ;  et,  sans 
doute  aussi,  on  leur  avait  dit  quej'allais,  la  main  dans  la  main,  de 
pair  à  compagnon,  avec  ces  mécréants.  Voilà,  dans  toute  sa  beauté, 
le  procédé  d'information  cher  à  l'école  historique  à  laquelle  ces  mes- 
sieurs appartiennent.  Je  passe  ;  mais  non  pas  sans  signaler  ce  qu'il 
y  a  d'injuste  et  de  peu  intelligent  dans  le  parti-pris  de  rejeter,  comme 
mauvais  et  de  nulle  valeur,  tout  ce  qui  vient  de  la  plume  d'un  mé- 
créant :  il  a,  comme  pendant,  le  parti-pris  d'accepter,  pour  bon  et 
précieux,  tout  ce  qu'on  trouve  dans  les  œuvres  d'un  bien  croyant.  Eh 
bien  !  non  :  quoi  que  je  fasse,  je  ne  puis  juger  les  choses  d'après  les 
hommes,  parce  que  c'est  ainsi  qu'on  mérite,  et  justement,  la  mésestime 
des  honnêtes  gens. 

Quand  je  pense  que  toute  cette  querelle,  qui  va  s'envenimant  de 

•  exactement  :  est-ce  l'œuvre  d'un  prêtre  T 


CORRESPONDANCE  591 

plus  en  plus,  a  pour  point  de  départ  un  jugement  littéraire  sur  la 
Vendée  militaire  de  M.  Crétineau-Joly,  où  seul,  l'historien,  qui  relève  de 
la  critique,  je  suppose,  est  apprécié  avec  liberté;  quand  je  pense  que, 
sur  ce  jugement,  ses  fils  ont  pu  m'écrire  :  «  Quand  vos  livres  auront 
'mérité  et  obtenu  semblable  succès  que  les  siens,  vous  aurez,  peut-être, 
le  droit  de  juger  comme  vous  faites  »  —  hein? si  l'on  appliquait  cette 
condition  sine  qua  non  à  tous  ceux  qui  me  critiquent  aujourd'hui  ?  — 
quand  je  pense  qu'ils  m'ont  écrit  encore  :  «  Vous  savez  que  Zoïle, 
justement,  s'est  rendu  ridicule  en  attaquant  Homère!...  »  je  me 
demande  si  je  rêve. 

Mais  je  sais,  Monsieur  le  Directeur,  où  tendent  cette  querelle  et 
d'autres  encore.  Elles  font  partie  de  cette  guerre  qu'on  fait  âmes 
idées  personnelles  sur  l'histoire  de  la  Vendée,  car  il  n'est  pas  per- 
mis de  penser  autrement  que  les  admirateurs  de  Crétineau-Joly. 
Mais  il  ne  me  déplaît  pas  que  ces  contradictions  se  produisent. 
Vaguement,  ceux  qui,  suivant  la  méthode  de  MM.  Crétineau-Joly 
fils,  ne  lisent  pas  ce  que  j'ai  pu  écrire,  mais  se  reposent  uniquement 
de  ce  soin  sur  autrui,  sentiront  peut-être,  au  bruit  qui  se  fait,  leur 
quiétude  en  histoire  un  peu  troublée,  —  si  elle  peut  l'être  !  Seule- 
ment, de  grâce,  dans  cette  polémique,  on  devrait  bien  laisser  ma 
personne  de  côté  et  n'y  pas  mêler  des  indélicatesses  et  même  des 
vilenies.  Car,  c'est  une  remarque  que  je  ne  puis  m'empêcher  de  faire, 
elles  concordent  étrangement  avec  l'origine  et  le  développement  de 
ces  dissentiments.  N'a-t-on  pas  été,  naguère,  jusqu'à  dire,  en  Vendée, 
que  l'abbé  Bossard  avait  jeté  sa  soutane  par-dessus  les  moulins,  et 
qu'il  était  passé  en  Angleterre  —  pas  seul  !  Depuis,  tout  récem- 
ment encore,  j'aurais  été  rabroué  —  combien  vertement  !  —  par 
certain  personnage  haut  placé,  grevé  de  charges  parce  qu'il  est  chargé 
d'œuvres,  et  à  qui  j'aurais  eu  l'outrecuidance  de  demander  l'au- 
mône, —  au  lieu  de  la  lui  faire  !  Dernièrement  enfin,  cet  été,  sans 
doute,  pendant  que  je  batifolais  autour  des  rochers  perfides  de 
l'Ile-d'Yeuz,  j'aurais  mal  dirigé  ma  petite  barque  et  je  serais  à  la  côte, 
— au  grand  émoi,  joie  ou  chagrin,  mais  joie  plutôt,  je  pense,  des  quel- 
ques moutons  qui  restent  encore,  en  Poitou,  du  troupeau  de  Panurge 
et  qui  se  sont  embarqués,  —  les  imprudents  !  —  sous  le  capitaine 
Drochon,  sur  l'orgueilleux  Eldorado,  nef  dorée,  mais  vermoulue  qui 
les  engloutira.  .  Mais  qu'importe,  après  tout  ?  Je  suis  de  bonne  race 
Vendéenne,  Angevine  et  Poitevine,  et  j'en  ai  les  qualités,  —  ou  les  dé- 
fauts. Je  suis  très  tenace  et  très  indépendant.  Nul  ne  sait  bien  ce 
que  j'ai  résolu  de  faire  ;  mais  soyez  sûr  que  nul  —  que  Dieu,  s'il  le 
veut  !  —  ne  m'empêchera  de  le  réaliser.  On  verra  alors  de  quel  côté 


592  CORRESPONDANCE 

se  trouvaient  l'amour  le  plus  éclairé  de  la  Vendée  et  la  plus  sincère 
conviction. 

Il  est  très  probable  que  ces  «  explications  »,  auxquelles  je  joindrais 
très  volontiers  mes  «  excuses  »  à  MM.  Crétineau-Joly,  si  je  leur  ai 
fait  quelque  peine,  —  avec  promesse  de  ne  plus  m'occuper  d'eux,  — 
ne  parviendront  pas  à  tous  ceux  qui  ont  dégusté  les  leurs.  Je  les 
devais  pourtant,  et  je  suis  particulièrement  heureux  de  les  donner 
dans  la  Revue  du  Bas-Poilou,  où  elles  trouveront,  j'espère,  bon  accueil 
parmi  ses  lecteurs. 

Recevez,    Monsieur    le    Directeur,    l'expression  de  mon  sincère 

dévouement. 

Eug.  Bossard. 
Docteur  ès-lettres, 
Professeur  à  l'Université  Catholique  d'Angers, 


A  TRAVERS  LES  LIVRES 


Mémoires  d'Outre-Tombe,    par  le   vicomte  de   Chateaubriand, 
nouvelle   édition,  avec    une    Introduction,    des   Notes    et 
des  Appendices,   par   Edmond    Biré.  Tome   cinquième.  — 
Garnier  frères,  libraires-éditeurs,  6,  rue  des  Saints-Pères. 

Ce  tome  V  renferme  la  fin  de  la  troisième  partie  des  Mémoires,  con- 
sacrée à  la  carrière  politique  de  Chateaubriand,  et  le  commencement 
de  la  quatrième  partie  :  les  Dernières  années.  Il  va  de  1828  à  1833. 
L'auteur  y  raconte  son  Ambassade  de  Rome  (1828-1829),  les  journées 
de  Juillet  1830,  son  séjour  en  Suisse,  son  emprisonnement  (1832)  et 
son  procès  en  cour  d'assises  (1833).  Toute  la  partie  des  Mémoires 
contenue  en  ce  volume  a  été  écrite  par  Chateaubriand,  non  après 
coup,  mais  au  fur  et  à  mesure  que  les  événements  se  déroulaien 
devant  lui.  Rien  ne  se  peut  donc  lire  de  plus  vivant,  déplus  éloquent 
et  de  plus  spirituel.  Les  Appendices  joints  au  tomeV  par  Edmond  Biré 
sont  au  nombre  de  treize  et  ajoutent  encore  à  l'intérêt  et  à  la  valeur 
historique  de  ce  volume,  l'un  des  plus  beaux  des  Mémoires  d'Outre- 
Tombe. 


Un  roman  de  Marcel  Prévost  déclare, dans  une  étude  liminaire,»  un 
des  livres  de  chevet  des  féministes  »,  Une  Nouvelle  Douleur  de 
notre  ami  Jules  Bois,  que  met  en  vente  la  Librairie  Ollendorff.  Après 
L'Eve  Nouvelle  et  La  Femme  inquiète,  Jules  Bois  décrit,  dans  Une  Nouvelle 
Douleur,  une  jalousie  en  effet  des  plus  neuves  et  des  plus  poignantes  : 
l'homme  souffrant  dans  son  orgueil,  dans  sa  tendresse,  parce  que 
celle  qu'il  aime  lui  échappe,  non  plus  comme  autrefois  par  la  coquet- 
terie ou  la  ruse,  mais  par  une  conscience  plus  haute,  un  amour 
élargi,  préférant  à  l'amant  le  travail  et  l'humanité.  En  somme,  c'est 
le  duel  contemporain  entre  le  despotisme  sensuel  du  mâle,  et  l'indé- 
pendance de  la  femme  moderne  qui  veut  être  «  elle  »  et  non  une 


594  A    TRAVERS    LES    LIVRES 

serve  ou  un  reflet.  Autour  de  ce  drame  plein  de  sanglots,  de  caresses, 
de  cris  d'idéal,  M.  Jules  Bois  a  fait  défiler  nos  Èves  Nouvelles,  avec  leurs 
originalités  et  leur  vaillance,  observées  cette  fois  exactement  par  un 
psychologue  qui  fut  leur  témoin. 


Saint-Pierre  de  Rome,  par  le  R.  P.  Mortier,  des  Frères  prêcheurs. 
Un  vol.  in-4°,  orné  de  10  héliogravures,  de  24  gravures  hors  texte 
et  de  121  sujets  dans  le  texte.  —  Prix  :  broché,  15  fr.  ;  percaline 
plaque  spéciale,  tranche  dorée,  20  fr.  —  A.  Marne  et  Fils,  éditeurs 
à  Tours. 

Le  titre  même  de  cet  ouvrage  est  des  plus  alléchants.  Saint-Pierre 
de  Rome  !  Qui  n'a  rêvé  d'aller  contempler  de  ses  yeux  ce  temple 
réputé  une  des  merveilles  du  monde,  ou  quel  est  celui  qui,  ayant  eu 
le  grand  bonheur  d'en  savourer  toutes  les  splendeurs,  n'en  conserve 
un  impérissable  souvenir. 

A  tous,  croyants  ou  incroyants,  pèlerins  ou  touristes,  le  livre  que 
nous  présente  le  R.  P.  Mortier  offre  le  plus  vif  et  le  plus  sérieux 
intérêt.  Ce  n'est  point  une  simple  monographie,  mais  une  histoire 
complète,  universelle,  du  tombeau  de  saint  Pierre. 

Elle  se  divise  en  deux  parties  très  nettes  :  l'histoire  des  monuments, 
l'histoire  du  culte  ;  le  tombeau  de  saint  Pierre  dans  les  arts,  le  tom- 
beau de  saint  Pierre  dans  le  cœur  des  chrétiens  Et  l'on  ne  saurait 
dire  où  l'intérêt  est  le  plus  puissant,  la  science  historique  plus  pro- 
fonde, les  aperçus  plus  neufs,  les  échappées  plus  lumineuses,  tant 
l'auteur  semble  se  jouer  avec  aisance  à  travers  les  documents  les 
plus  graves  et  les  sujets  les  plus  variés.  Et  cependant,  on  n'y  est 
point  arrêté  par  cette  poussière  des  archives  qui,  sous  couvert  d'é- 
rudition, rend  souvent  les  abords  d'un  livre  comme  celui-ci  abrupts 
et  essoufflants,  tant  la  souplesse  toute  française  du  style  sait  en 
dissimuler  les  difficultés. 

Ici,  dans  les  premières  lignes,  on  est  de  plein-pied.  On  lit  sans 
effort,  tout  à  l'aise.  Et  quelle  merveilleuse  histoire  !  Quel  défilé  glo- 
rieux d'oeuvres  d'art  et  d'hommes  de  génie  ! 

Et  à  travers  ces  merveilles,  combien  souligneront  avec  plaisir  les 
thèses  spéciales  à  l'auteur,  comme  celles  sur  l'oratoire  d'Anaclet,  le 
lieu  du  crucifiement  de  saint  Pierre,  ses  reliques,  et  tant  d'autres 
dont  la  nouveauté  et  le  piquant  soutiennent  l'intérêt  sans  cesse 
grandissant  ! 

La  seconde  partie  est  la  partie  du  cœur.  Pape  et  pèlerins,  empereurs 


*tJk 


SJteiml 


- 


A    TRAVERS    LES   LIVRES  595 

et  saints,  jusqu'aux  grands  coupables  frappés  par  l'excommunication 
dénient  sous  les  yeux  comme  en  une  parade  solennelle  pour  rendre 
honneur  aux  cendres  de  saint  Pierre. 

Telle  est,  dans  ses  grandes  lignes,  l'œuvre  du  Père  Mortier.  Œuvre 
d'érudit  sans  nul  doute,  mais  plus  encore  œuvre  d'apôtre,  tant  ces 
grandes  choses  sont  dites  avec  amour  de  la  vérité  et  désir  ardent  de 
ramener  les  catholiques  au  tombeau  de  saint  Pierre,  source  et  sau- 
vegarde de  la  foi. 

La  superbe  illustration  dont  la  maison  Marne  a  décoré  ce  livre  en 
fait  une  œuvre  d'art.  Ce  n'est  point  de  l'imagerie  ;  chaque  gravure  a 
sa  raison  d'être  tirée  du  texte  lui-même  pour  le  mettre  plus  en 
lumière.  En  résumé,  très  beau  et  très  bon  livre  de  choix. 


La  Marine  d'aujourd'hui,  par  Georges  Gontesse,  orné  de  150  gravures. 
Prix  :  relié  percaline,  tranche  dorée,  8  fr.  50.  —  Alfred  Marne  et 
Fils,  éditeurs,  à  Tours. 

Après  ce  qui  vient  de  se  passer,  d'abord  dans  les  mers  sino- 
japonaises,  puis  aux  Philippines  et  à  Cuba,  est-il  un  lecteur  éclairé 
qui  veuille  se  désintéresser  des  hommes  et  des  choses  de  la  Marine 
d'aujourd'hui  ? 

C'est  précisément  ce  titre  que  porte  le  nouvel  ouvrage  de  Georges 
Contesse,  l'historiographe  maritime  considéré  dès  maintenant  par 
les  techniques  comme  le  légitime  successeur  de  Jal  et  de  Guérin. 

La  Marine  d'aujourd'hui,  beau  volume  de  400  pages,  édité  avec  luxe, 
est  divisé  en  dix  chapitres  :  ce  sont  autant  de  «  fenêtres  ouvertes  » 
sur  les  escadres  cuirassées,  les  croiseurs  rapides,  les  torpilleurs  et 
les  sous-marins,  sur  les  steamers  gigantesques  et  les  voiliers  fin  de 
siècle  »,  sur  la  pêche,  sur  le  yachting.  Plus  de  cent  cinquante  com- 
positions, toutes  dues  au  talent  de  spécialistes  parmi  lesquels  se  dis- 
tingue un  peintre  ami  de  l'exactitude,  Alexandre  Brun,  illustrent 
l'ouvrage  et  en  complètent  la  documentation . 

La  Marine  d'aujourd'hui  parfait  un  ensemble  d'études  dont  la  pre- 
mière série  parut  il  y  a  deux  ans,  chez  les  mêmes  éditeurs,  sous  le 
titre  de  Marine  d'autrefois  :  C'est,  en  réalité,  le  tome  deuxième  d'une 
œuvre  unique,  patiemment  poursuivie  et  élégamment  présentée. 

Les  livres  de  Georges  Contesse,  à  la  fois  sérieux  et  humoristiques, 
se  trouvent  dans  toutes  les  bibliothèques  d'éducation  et  de  vulgari- 
sation modernes.  Ils  sont  d'ailleurs  au  nombre  de  ceux  que  le 
Département  de  la  Marine  a  constamment  honorés  de  son  approbation  ; 


596  A    THAVEKS    LES    LIVRES 

et,  cette  année  même,  l'auteur  a  eu  la  satisfaction  grande  de  voir  le 
ministre  de  la  marine  décerner  ses  œuvres  en  prix. 

La  Marine  d'autrefois  était  dédiée  au  vice-amiral  Miot,  le  très  bien- 
veillant conservateur  de  ce  Musée  du  Louvre  où  l'on  peut  s  inspirer 
des  splendeurs  navales  du  passé  ;  la  Marine  d'aujourd'hui  est  respec- 
tueusement offerte  au  vice-amiral  Fournier,  le  promoteur  de  cette 
Flotte  nécessaire  et  nouvelle  que  la  jeune  école  préconise  avec  tous 
ceux  qui  veulent  voir  victorieusement  s'affirmer  notre  pavillon  sur 
la  vùste  mer. 


La  Vallée  fumante,  roman  du  Far- West,  par  LéoGlaretie,  illustra- 
tions de  Zier.  Un  volume  in-4°,  2e  série.  Prix  :  relié  percaline,  tr. 
dorée,  7  francs.  —  A.  Mame  et  Fils,  éditeurs  à  Tours. 

La  région  du  Yellowstone  National  Park,  à  deux  mille  kilomètres 
de  New-York  dans  les  montagnes  rocheuses,  avec  ses  innombrables 
geysers  et  ses  saisissants  phénomènes  volcaniques,  est  une  récente 
découverte  en  Amérique.  On  l'ignorait  avant  1880.  Aujourd'hui 
c'est  la  villégiature  préférée  des  Yankees.  M.  Léo  Claretie  a  visité  cette 
région  fantastique  et  y  a  placé  l'action  de  son  roman  :  La  Vallée  Ju- 
manle,  qui  est  à  la  fois  attrayant  et  neuf  par  les  descriptions  merveil- 
leuses d'un  pays  encore  ignoré  en  Europe.  Le  récit  se  passe  au 
XVIIIe  siècle,  et  met  en  curieux  contraste  la  vie  frivole  du  vieux 
Paris  avec  les  mœurs  des  sauvages  de  l'Amérique  du  Nord. 

Par  l'agrément  de  la  forme  et  l'attrait  de  la  fable,  ce  livre  se  re- 
commande à  la  jeunesse  qu'il  instruira  en  l'amusant. 


Le  Secret  du  Vallon  d'Enfer,  par  Pierre  d'Alban,  illustrations  de 
Zier.  Un  volume  in-4°,  lre  série.  Prix  :  relié  percaline,  tranche  do- 
rée, 8  fr.  50.  —  A.  Mame  et  Fji.s,  éditeurs  à  Tours. 

Le  Secret  du  Vallon  dEnJer  n'est  pas  un  roman.  L'héroïne  y  trouve 
une  situation  finale  en  dehors  du  mariage. 

Recueillie  par  des  bûcherons,  élevée  par  eux,  ignorant  la  condition 
de  sa  famille  et  sans  grand  souci  de  la  connaître,  elle  ne  doit  d'être 
conservée  à  la  vie  qu'au  dévouement  d'un  écuyer  plus  fidèle  qu'habile. 

Toutes  les  phases  de  l'action  principale  gravitent  autour  du  procès 
La  Truaumont,  qui  eut  du  retentissement  sous  Louis  XIV,  et  de  l'ins- 
titution de  la  Chambre  des  poisons,  fondée  pour  poursuivre  une  asso- 


A    TRAVERS    LES    LIVRKS  TV.)? 

dation  d'empoisonneurs  italiens.  Tout  n'est  pas  fiction  dans  cette 
histoire. 

La  plupart  des  personnages  ont  vécu  à  cette  époque  autour  de  la 
petite  cour  seigneuriale  de  Guéméné.  L'auteur  a  apporté  un  certain 
soin  à  les  faire  figurer  dans  le  cadre  de  la  narration  avec  la  physio- 
nomie que  leur  attribuent  les  anciens  actes  et  la  tradition  locale. 


Une  ame  d'enfant,  par  Jean  de  la  Bretonnière.   Un  volume  in-4° 
carré.  Prix  :  5  fr.  —  A.  Marne  et  fils,  éditeurs  à  Tours. 

Tristes  ou  gaies,  brèves  ou  longues,  toutes  les  nouvelles  de  ce 
volume  seront  goûtées  pour  la  souplesse  de  plume,  l'élégance  de 
forme  dont  l'auteur  de  Zozo  et  des  Contes  à  Mademoiselle  a  donné  déjà 
maintes  preuves.  Mais  ce  qui  les  distingue  plus  particulièrement 
encore  des  productions  de  ce  genre,  c'est  que  la  plupart  d'entre  elles 
dénotent  un  souci  de  moralité  pure,  contiennent  un  exemple  ou  une 
leçon  capables,sans  avoir  l'air  d'y  toucber,de  stimuler  les  volontés  ou 
de  réchauffer  les  cœurs.  Et  c'est  pour  cela  sans  doute  aussi  qu'elles 
offriront  un  charme  de  plus  et  comme  un  attrait  d'oeuvre  supérieure 
à  tous  ceux  qui  liront  Une  âme  d'enjant. 


Mémoires  du  Sergent  Bourgogne,  (1812-1813),publiés  d'après  le  manus 
crit  original,  par  Paul  Cottin  et  Maurice  Hénault.  —  Un  volume 
grand  in-8°  jôsus,  illustré  de  24  gravures  en  couleurs  et  en  noir 
d'après  les  dessins  d' Alfred  Paris.  -  Br.  15  fr.,  relié,  20  fr.  (Ha- 
chette et  Cie,  Paris). 

Les  histoires  de  la  retraite  de  Russie  ne  sont  pas  rares  :  depuis  les 
mémoires  des  généraux  jusqu'aux  récits  des  historiens  de  profession- 
que  de  pages  émouvantes  et  dramatiques  consacrées  à  ce  terrible 
épisode  des  guerres  du  Premier  Empire  ! 

Pourtant  qui  ne  s'est  las^é  des  relations  de  ces  écrivains  savants  ou 
de  ces  chefs  de  corps  et  de  ces  aides  de  camp  de  l'Empereur  ?  Qui  n'a 
souhaité,  au  contraire,  d'entendre  enfin  raconter  ces  mêmes  événe- 
ments par  un  de  ces  obscurs  soldats  qui  supportèrent  sans  gloire, 
mais  non  sans  héroïsme,  leur  terrible  infortune  ?  Or,  en  voici  un  qui 
sort  de  l'ombre,  et  qui  a  littéralement  rapporté  son  histoire  au  jour 
le  jour,  du  mois  du  mars  1812  au  mois  de  janvier  1813. 

Que  ces  récits  du  sergent  Bourgogne  sont  instructifs  et  touchants 


598  A    TRAVERS    LES    LIVRES 

dans  leur  simplicité  populaire  !  A  ce  livre  admirable,  on  ne  peut  en 
comparer  qu'un  autre  :  c'est  celui  de  l'immortel  capitaine  Coignet. 
Encore  Coignet  raconte-t-il  sa  carrière  tout  entière  et,  par  consé- 
quent, passe-t-il  plus  brièvement  sur  les  événements  les  plus  impor- 
tants, et  précisément  sur  la  retraite  de  Russie.  Ici,  au  contraire,  tout 
l'effort  du  narrateur  se  concentre  sur  une  année.  Aussi  ce  sont,  à 
chaque  page,  les  incidents  les  plus  dramatiques  :  ici  les  soldats  tom- 
bés implorant  la  pité  de  ceux  qui  continuent  leur  route;  là,  la  marche 
hésitante  de  l'homme  qui  a  perdu  la  trace  de  son  régiment,  et  qui 
erre,  la  nuit,  sur  le  champ  de  bataille,  buttant  à  chaque  pas  contre 
les  cadavres  amoncelés.  Et  toujours,  au  cœur  de  ces  braves,  l'inlas- 
sable dévouement  à  l'Empereur,  l'inaltérable  confiance  dans  les 
destinées  de  la  patrie. 

Est-il  besoin  d'ailleurs  de  dire  ce  que  les  dessins  d'un  grand  artiste 
et  ses  gravures  en  couleur  ajoutent  de  vie  à  ces  récits  d'un  drama- 
tique si  intense?  Illustré  par  Alfred  Paris,  le  livre  du  sergent  Bour- 
gogne devient  maintenant  un  classique  de  la  littérature  militaire. 

* 

l'Or  du  Pôle,  par  Danielle  d'Arthez.  — «  Un  volume  illustré  de 
49  gravures  d'après  Alfred-Paris.  —  Broché,  4  fr.  ;  cartonné  per- 
caline à  Bizeaux,  tranches  dorées,  6  fr.  (Hachette  et  Cie,  Paris). 

L'Or  du  Pôle  de  Mme  Daniel  d'Arthez  nous  transporte  au  Klondy  ke 
dans  ces  régions  effrayantes  et  tentatrices  dont  on  parle  tant  aujour- 
d'hui, et  nous  raconte  la  dramatique  histoire  de  Bernard  Dubuit, 
que  la  mort  de  ses  parents  a  fait  chef  de  famille,  en  dépit  de  sa  jeu- 
nesse, et  qui,  avant  d'être  éclairé  par  l'expérience,  montre  dans 
l'accomplissement  de  la  tâche  qu'il  a  entreprise,  plus  de  bonne 
volonté  que  de  persévérance  et  de  sagesse. 

Inutile  d'ajouter,  d'ailleurs,  que  l'histoire  se  termine  bien  ;  et,  pour 
les  péripéties  qui  amènent  ce  dénouement,  on  ne  sera  plus  embar- 
rassé de  deviner  combien  elles  sont  gracieuses  et  touchantes,  pour, 
peu  que  l'on  connaisse  le  talent  déjà  éprouvé  de  l'auteur. 


l'Équipage  de  la  «  Rosette  »,  par  Gonzague-Privats.  —  Un  volume 
in-8°  jésus,  illustré  de  88  gravures  d'après  Alfred  Paris.—  Broché, 
7  fr. ;  cartonné  en  percaline,  tranchés  dorées,  10  fr.  (Hachette  et 
Cte.  Paris). 

Sous  la  forme  pittoresque  du  Roman  d'aventure,  M.    Gonzague- 
Privat,  dans  ['Équipage  de  la  Rosette,  retracé  dans  un  style  toujours 


A    TRAVERS    LES    UVHE9  599 

vif  et  souvent  dramatique,  l'odyssée  des  braves  et  obscurs  petits 
corsaires  qui,  de  1793  jusqu'à  la  conclusion  delà  Paix  d'Amiens,  sil- 
lonnent la  Manche,  et,  par  leur  héroïsme,  mirent  parfois  en  péril  la 
fortune  de  l'Angleterre. 

Les  tableaux  de  la  vie  infernale  des  pontons,  les  évasions  auda- 
cieuses sont  de  véritables  pages  d'histoire,  car  les  uns  et  les  autres 
empruntés  au  manuscrit  du  grand-père  de  l'auteur  s'appuient  sur 
les  documents  de  la  plus  scrupuleuse  authenticité. 


TOME   XII.    —    OCTOBRE,  NOVEMBRE,  DÉCEMBRL.  4i 


CHRONIQUE 


Au  Calvaire  de  Ripoche.  —  Le  10  mars  1794,  des  soldats  détachés 
de  la  Colonne  infernale  que  commandait  Cordelier,  le  digne 
lieutenant  du  massacreur  Turreau,  avaient  organisé  tout 
autour  du  Loroux,  près  Nantes,  une  de  ces  «chasses  aux  Brigands  » 
dans  lesquelles  excellaient  les  hordes  révolutionnaires  à  la  solde  de 
la  Convention. 

Le  village  du  Bas-Briacé  leur  avait  été  particulièrement  signalé 
comme  un  repaire  de  chouans,  qui  avaient  pour  chef  André  Ripoche, 
un  modeste  marinier,  dont  les  événements  avaient  lait  un  habile  et 
dévoué  capitaine  de  recrutement  de  l'armée  de  Charette. 

Malgré  les  actives  recherches  auxquelles  ils  s'étaient  livrés  dans 
le  village,  les  Bleus  désappointés  allaient  regagner  leurs  cantonne- 
ments, lorsqu'un  des  chiens  dressés  comme  disaient  nos  pères  à 
découvrir  la  chair  chrétienne,  qui  les  accompagnaient,  s'arrête  en 
aboyant  furieusement  au  pied  d'un  amas  de  fagots  de  ronces  en- 
tassés non  loin  de  la  croix. 

Fous  de  joie,  les  Bleus  poussent  des  hourrahs,  et  se  mettent  en 
devoir  de  démolir  l'amas  de  ronces. 

André  Ripoche,  se  voyant  pris,  ne  leur  en  donne  pas  le  temps  ; 
il  sort  de  sa  cachette  et  se  livre  à  ses  ennemis  qui  le  garottent 
brutalement. 

—  C'est  bien  toi,  Ripoche,  lui  crie  d'un  ton  menaçant  l'officier  qui 
commande  le  détachement? 

—  Parfaitement  ! 

—  Pris  les  armes  à  la  main,  tu  n'ignores  pas  le  sort  qui  t'attend. 
Tu   seras  comme  les  autres  prisonniers,  fusillé  dans  quelques  ins- 


?Q: 


3 


~3& 


/ 


M.  Edmond  B1RE 
Lauréat  de  l'Académie  ^Française. 

D'après    un    cliché    dcj  la    Revue    Mame. 


CtiKOMQUE  <'i01 

tants...  Je  t'offre  cependant  un  moyen  de  racheter  ta  vie.  Consens  à 
abattre  cette  croix  et  je  te  rends  à  la  liberté  !  » 

Ripoche  semble  bésister,  réfléchit  un  moment,  puis  d'une  voix 
ferme:  «  Eb  bien  !  c'est  entendu,  dit-il,  au  milieu  de  la  stupéfaction 
générale,  ôtez-moi  ces  liens  et  donnez-moi  une  hache. 

A  ces  mots,  les  Vendéens  prisonniers  sont  saisis  d'effroi,  mais  leur 
émotion  est  vite  dissipée. 

A  peine  a-t-on  remis  à  André  la  hache,  qu'il  s'élance  d'un  seul  bond 
au  pied  de  la  croix-,  mais,  au  lieu  de  la  frapper,  il  s'adosse  à  l'insigne 
sacré,  puis  brandissant  hardiment  son  arme  :  «  Malheur,  s'écrie-t-il, 
au  premier  qui  avance  ! 

Les  Bleus,  un  instant  déconcertés,  poussent  des  cris  de  rage,  et  se 
précipitent  sur  Ripoche. 

Ce  dernier  en  abat  successivement  plusieurs  à  terre.  Mais  à  la  fin, 
épuisé  par  la  lutte,  percé  de  coups,  il  laisse  échapper  son  arme,  et  dans 
un  suprême  effort,  tombe  en  entourant  de  ses  deux  bras  la  croix  pour 
la  défense  de  laquelle  il  vient  de  faire  si  généreusement  le  sacrifice 
de  sa  vie. 

C'est  cet  héroïque  souvenir  qu'a  voulu  consacrer  le  digne  curé  du 
Landreau,  en  élevant  à  la  place  même  où  se  dressait  naguère  la 
Croix  défendue  par  Ripoche, un  élégant  Calvaire,  solennellement  béni, 
le  19  novembre,  par  notre  vénéré  compatriote  M.  l'abbé  de  Suyrot. 

Nous  avons  tenu  à  assister  à  cette  pieuse  et  patriotique  solennité, 
qui  avait  réuni  les  catholiques  populations  des  paroisses  voisines  du 
Landreau,  du  Loroux,  de  la  Chapelle-Heulin.  Quelques  Nantais  et 
Vendéens  avaient  également  répondu  à  l'appel  des  organisateurs  de 
la  fête,  et,  parmi  ces  derniers,  notre  confrère  Henri  Bourgeois,  direc- 
teur de  la  Vendée  Historique 

En  regagnant  la  gare,  nous  avons  salué  au  passage,  noyé  dans  un 
joli  bouquet  d'arbres,  le  château  du  Jaunet,  où  le  vicomte  Walsh 
écrivit  ses  tant  jolies  Lettres  Vendéennes,  et  nous  nous  sommes  age- 
nouillé aux  pieds  de  la  Madone  de  la  Chapelle-Heulin,  qui  entendit 
les  premiers  serments  de  Ripoche... 

Tous  nos  compliments  encore  une  fois  à  M.  l'abbé  Roussel,  le 
pieux  curé  du  Landreau,  pour  le  public  hommage  qu'il  vient  de 
rendre  au  glorieux  martyr  Vendéen  de  1794,  et  tous  nos  vœux  pour 
que  d'abondantes  souscriptions  lui  permettent  de  bientôt  compléter 
son  œuvre  réparatrice  en  plaçant  au  pied  de  la  nouvelle,  Croix,  un 
bas-relief  en  bronze,  rappelant  la  mort  glorieuse  du  héros  chrétien. 

Chbz  les  Vendéens  de  Paris.  —  Le  3  décembre  dernier  a  eu  lieu 
dans  les  salons  Corazza,  au  Palais  Royal,  le  dîner  annuel  de  l'Union 


002  CHRONIQUE 

fraternelle  des  Vendéens  de  Paris.  Cent  cinquante  convives  environ  ont 
pris  part  au  joyeux  festin  au  cours  duquel  on  a  fraternellement 
rompu  VEchaudi  de  la  Réorthe,  arrosé  de  généreux  vin  de  Pissotte. 

Répondant  à  la  très  gracieuse  invitation  de  notre  excellent  con- 
frère Emmanuel  Aimé,  directeur  du  Vendéen  de  Paris,  nous  avons  eu 
le  grand  plaisir  de  prendre  part  à  cette  agape,  à  l'issue  de  laquelle 
des  toasts  très  applaudis  ont  été  prononcés  par  MM.  Guinaudeau, 
président  d'honneur  de  V Union, remplaçant  M.  Cornière  empoché  par 
un  deuil  récent  ;  de  Béjarry  et  Le  Roux,  sénateurs  ;  Bourgeois,  de 
Lespinay  et  Guillemet,  députés  ;  Le  Cler,  président  du  conseil  géné- 
ral, naron  de  Mesnard,  l'abbé  Bordron  ;  Biré,  conseiller  général  ; 
Pommeray,  député  de  la  Charente-Inférieure,  Emmanuel  Aimé  et 
René  Vallette. 

Le  menu,  excellent  en  tous  points,  avait  été  habilement  dessiné  par 
notre  compatriote  et  ami  Henri  Boutet. 

Un  hommage  public  a  la  mémoire  dAlexandre  Bonnin.  —  Extrait 
du  compte-rendu  de  la  séance  du  conseil  municipal  de  Fontenay,  du 
13  août  dernier  : 

«  M.  le  maire  donne  lecture  au  conseil  d'une  lettre  par  laquelle  M.  Albert 
Bonnin  fait  connaître  que  suivant  le  désir  exprimé  par  M.  Alexandre  Bonnin 
de  Fraysseix,  son  cousin,  il  fait  don  à  la  ville  de  Fontenay-le-Comte  d'un 
tableau  peint  par  lui,  représentant  le  clocher  de  Fontenay. 

«  Le  conseil  regrette  la  disparition  de  M.  Alexandre  Bonnin,  dont  le  talent 
et  le  caractère  étaient  unanimement  appréciés.  M.  Bonnin,  fils  d'un  sous- 
préfet  de  Fontenay.  plus  tard  préfet  de  la  V«ndée,  avait  su  s'entourer  de 
toutes  les  sympathies  qui  s'attachaient  au  souvenir  de  «on  père,  et  en  même 
temps  que  de  celles  très  nombreuses  qui  lui  étaient  personnelles. 

€  Le  Conseil  adresse  ses  remerciements  à  M.  Albert  Bonnin,  pour  la  dona- 
tion du  tableau  qui  fait  l'objet  de  sa  lettre  du  9  août  1899,  et  décide  que 
ce  tableau  sera  placé  au  musée  municipal  conformément  au  vœu  du  donateur.» 

Nicolas  Poussin  au  château  de  Mornay.  M.   l'abbé  Terraud 

curé  de  Landes,  près  Saint-Jean-d'Angély,  a  publié  dans  le  Gaulois 
illustré  une  intéressante  étude  sur  Nicolas  Poussin,  dont  voici  le 
début  : 

»  La  question  bien  des  fois  posée  :  quel  fut  le  gentilhomme  poitevin 
dont  l'amitié  et  le  goût  avaient  offert  un  asile  à  Nicolas  Poussin  e 
quel  fut  le  château  témoin  de  ses   premiers  travaux,  n'a  pas  été 
croyons-nous,  résolue. 

*  Des  circonstances  particulières  nous  ayant  permis  de  voir,  au 
château  de  Mornay,  propriété  actuelle  de  M.  Louis  Roy  de  Loulay 
député  de  Saint-Jean  d'Angély,  une  galerie  qui  mesure  34  mètres 
60  en  longueur  et  5  mètres  40  en  largeur,  notre  première  impression 


CHRONIQUE  603 

futque  nous  foulions  le  sol  même  qu'avaitfoulé  jadis  Nicolas  Poussin 
et  que  le  château  de  Mornay,  appartenant  à  M.  Louis  Roy  de  Lou- 
lay,  était  précisément  celui  qu'avait  habité  naguère  le  protecteur  de 
Nicolas  Poussin. 

»  Ce  château  avait  été  construit  en  1533.  On  y  relève  les  armes 
des  de  Ligour. 

»  Et  quand,  quelques  années  plus  tard,  aprèsq  ue  Nicolas  Poussin, 
humilié  de  se  voir  traité  par  la  mère  de  son  protecteur  en  simple 
valet,  aura  péniblement  regagné  la  capitale,  abandonnant  son  œuvre 
à  quelque  continuateur  de  hasard,  et  aura  été  chargé,  en  collabora- 
tion avec  Lemercier,  de  décorer  la  galerie  du  Louvre,  ne  craignant 
pas  d'apposer  ses  idées  propres  quant  à  la  disposition  et  architecture 
de  la  galerie,  de  rompre  même  avec  ses  collaborateurs  plutôt  que  de 
céder  sur  ce  point,  nous  n'aurons  plus  lieu  de  nous  en  étonner,  si 
nous  remarquons,  qu'ici,  au  château  de  Mornay,  se  retrouve  cette 
disposition  de  galerie  que  Poussin  rêvait  pour  le  Louvre. 

»  Au  reste,  l'examen  détaillé  de  ces  tableaux  et  la  critique  que 
nous  allons  en  faire,  bien  que  très  sommaire,  va  fournir  la  matière 
aux  conclusions  qui  pourront  intervenir. 

»  Nicolas  Poussin,  dont  le  génie  naissant  s'était  formé  à  l'étude  des 
gravures  qui  reproduisaient  les  compositions  de  Raphaël,  avait  ra- 
pidement mûri  au  commerce  de  ce  grand  maître.  C'est  à  ce  foyer 
que  s'alluma  la  flamme  qui  ne  cessa  plus  de  l'échauffer  dans  la  suite. 
Ce  premier  caractère  des  peintures  de  Nicolas  Poussin  se  remarque 
en  maint  endroit  au  château  de  Mornay.  » 

[Tout  cela  est  fort  bon,  comme  dit  très  justement  notre  excellent 
collègue  M.  Louis  Audiat,  de  la  Revue  de  Sainlonge  et  Aunis,  mais  le 
moindre  grain  de  mil  (texte,  pièce,  contrat  ou  lettre)  ferait  bien 
mieux  notre  affaire.  Nous  avons  dit  naguère,  dans  la  Revue  Poite- 
vine et  Saintongeoise,  les  motifs  qui  nous  faisaient  supposer  que 
c'était  en  Poitou  et  chez  M.  de  Régnon  de  Chaligny,  que  Nicolas 
Poussin  avait  trouvé  asile]. 

Mgr  Baillés  a  la  Société  des  Antiquaires  de  France.  —  M.  Héron 
de  Villefosse,  en  présentant  à  la  Société  des  Antiquaires  de  France 
une  lampe  de  bronze  de  l'époque  chrétienne,  découverte  près  de  Bé- 
névent  en  Italie,  a  rappelé  la  grande  parenté  qui  existait  entre  cette 
lampe  et  celle  publiée  en  1868  par  le  commandeur  de  Rossi  et  qui  est 
conservée  au  Vatican. 

C'estMgr  Baillés,  évêque  de  Luçon,  ajouta-t-il,  qui  eut  le  mérite 
de  remarquer  le  premier,  le  pain  qui  se  trouve  dans  la  bouche  du 
dauphinet  qui  donne  une  importance  exceptionnelle  à  la  décoration 


604  }  CHRONIQUE 

de  la  lampe  du  Porto.  Les  observations  du  savant  prélat  fournirent 
à  J-B.  le  Rossi  une  occasion  de  revenir  sur  ce  détail  et  d'affirmer  à 
nouveau  que  la  forme  de  nacelle  donnée  à  la  lampe,  symbolise  l'E- 
glise :  et  que  le  pain  offert  par  le  dauphin,  antithèse  au  monstre 
infernal  qui  détient  en  sa  bouche  la  pomme  du  péché,  représente  le 
Sauveur  offrant  à  l'humanité  le  pain  vivifiant  de  l'Eucharistie. 

Les  Cendres  de  l'Ilea.u-les-Va.ses  à  l'Association  Bretonne.  —  Au 
congrès  de  V Association  Bretonne,  qui  s'est  tenu  en  septembre  dernier 
à  Guérande,  notre  confrère,  M.  Dortel,  a  lu  (séance  du  2  septembre) 
un  rapport  sur  une  excursion  faite  au  mois  de  juin  dernier  par  plu- 
sieurs membres  de  la  Société  Archéologique  de  Nantes  aux  fameux 
gisements  de  Cendres-de  l'Ileau-les-Vases,  près  Nalliers,  dont  la 
Revue  du  Bas-Poitou  s'est  préoccupée  à  plusieurs  reprises.  M.  Dortel 
semble  admettre  avec  notre  savant  collaborateur  M.  de  Fleury, 
que  la  présence  de  ces  cendres  doit  s'expliquer  par  l'existence  en  ce 
lieu  de  fabriques  de  potasse  dont  les  Gaulois  faisaient  grand  usage. 

Un  buste  de  Réaumur.  —  On  vient  d'ériger  dans  un  square  de  la 
Rochelle  le  buste  en  bronze  du  célèbre  physicien  et  naturaliste  Fer- 
chault  de  Réaumur,  né  dans  cette  ville,  et  qui  emprunta  le  nom 
sous  lequel  il,  est  surtout  connu  dans  le  monde  des  Sciences,  au 
joli  bourg  Vendéen  de  Réaumur,  dont  il  était  le  seigneur,  et  où  il 
allait  chaque  année  passer  ses  vacances. 

Autour  d'une  vieille  statue  -  Une  fête  splendide  a  eu  lieu  le 
10  septembre  à  Saint-Sulpice-le-Verdon,  pour  célébrer  le  centenaire 
du  retour  à  l'église  paroissiale  d'une  statue  de  la  Vierge,  miraculeu- 
sement préservée  de  l'incendie  de  l'église  en  1794.  et  cachée  durant 
quelques  années  au  village  de  la  Caillaudrie.  LeR.P.  de  Goué.  enfant 
de  la  paroisse,  et  gardien  du  Couvent  des  Capucins  de  Narbonne  a 
prononcé  à  cette  occasion  une  remarquable  allocution. 

Notes  d'art.  —  Le  jury  de  l'exposition  des  Beaux-Arts  de  Poitiers 
a  décerné  à  Mlle  Gaborit,  fille  du  sympathique  artiste  Fontenaisien, 
une  médaille  de  bronze  pour  sa  charmante  exposition  d'aquarelles. 

parmi  les  jolies  œuvres  soumises  au  jury  par  notre  jeune  et  dis- 
tinguée compatriote,  nous  avons  plus  particulièrement  remarqué  un 
coin  des  ruines  du  vieux  château  de  Clisson,  Vancienne  salle  des  gardes. 
qui,  conçu  dans  une  gamme  très  sobre  et  très  juste  de  ton,  donne 
bien  l'impression  de  ces  pans  de  murs  démantelés  et  couverts  de  tons 
roux  et  verts  de  mousse,  laissant  suinter  à  travers  leurs  interstices 
cette  humidité  qui  donne  au  visiteur  une  sensation  profonde  de  froi- 
dure et  de  tristesse. 


CHRONIQUE 

L'autre  toile,  de  dimension  moindre,  représente  les, bords  de  la  Seine 
(effet  du  soir.)  Au  premier  plan,  un  bateau-lavoir  avec  tous  ses  ac- 
cessoires, amarré  au  quai  et  découpant  sa  silhouette  colorée  sur  le 
fond  du  ciel  ;  au  second  plan  se  trouve  le  pont  de  Suresne  et  <tens  le 
lointain  Paris  et  ses  monuments  enveloppés  dans  une  atmosphère 
crépusculaire  d'un  joli  gris  violâtre. 

Ces  deux  tableaux  sont  traités  d'une  façon  large,  avec  dos  hardiesses 
rappelant  la  peinture  à  l'huile,  et  leur  irréprochable  facture  pronos- 
tique à  Mlle  Gaborit  des  succès  autrement  brillants  dans  un  avenir 
prochain. 

Qu'elle  veuille  bien  nous  permettre  de  lui  offrir,  après  tant  d'autres 
plus  autorisées,  nos  félicitations  les  plus  sincères. 

—  Admiré  chez  M  0.  de  Rochebrune  un  délicieux  portrait  minia- 
ture de  Mlle  Alix  du  Fontenioux,  merveilleusement  exécuté  par  Mlle 
Yvonne  Retailleau,  peintre  amateur  d'un  réel  talent. 

—  L'art  du  reste,  n'est  pas  encore,  Dieu  merci  !  dans  le  marasme.  La 
preuve  :  M.  William  Bouguereau,  l'éminent  peintre,  membre  de 
l'Institut,  vient  d'acheter  en  Vendée,  dans  les  marais  de  Champagne 
deux  magnifiques  fermes  payées  comptant  trois  cent  mille  francs. 

Restauration  d'éolises.  —  Les  travaux  de  restauration  de  l'église 
Notre-Dame  de  Fontenay  ont  été  adjugés  à  MM.  Privas,  de  la  Rochelle. 

Ceux  de  la  jolie  façade  Renaissancede  l'église N.-D.  des  Sables,  com- 
mencés depuis  quelques  mois  déjà  sont  conduits  avec  un  louable 
sentiment  artistique  par  le  généreux  et  dévoué  archiprôtre,  M.  l'abbé 
Robert  du  Botneau. 

Bénédiction  de  cloches.  —  Deux  nouvelles  cloches  viennent  d'être 
placées  dans  le  clocher  de  l'église  de  Chaillé-les-Marais,  dont  la  go- 
thique silhouette,  domine  tout  le  marais  environnant. 

L'une  d'elles  ;  un  superbe  fa  de  680  kilogrammes,  dit  la  Semaine 
catholique  du  21  octobre  1899,  a  reçu  au  baptême  le  nom  de  Marie- 
Madeleine- Henriette  de  ses  parrain  et  marraine,  M.  Henri  Dreneau  et 
Mlle  Marie  Martineau.  La  seconde,  un  la  de  330  kilogrammes,  étalait 
avec  orgueil  sur  son  bronze  tout  neuf  le  joli  nom  de  Louise-Renêe  que 
lui  donnaient  son  parrain  Louis  Riou  et  sa  marraine  Rence  Mingaud. 

Les  deux  sortent  des  ateliers  de  M.  Bollée. 

Cérémonies  religieuses.  —  Le  21  octobre,  on  a  inauguré  à  Luçon, 
l'orgue  de  la  Cathédrale  ,  habilement  restauré  après  40  ans  de 
service  par  M.  Debierre. 

Les  morceaux  exécutés  par  M.  Daeim,  l'éminent  organiste  de 
Saint-Ferdinand     de    Bordeaux,   de    même   que  ceux  chantés  par 


606  CHRONIQUE 

MM.  Marcetteau,  Joly  et  Lambert  ont  été  infiniment  goûtés  par  les 
pieux   assistants  qui  remplissaient  la  Cathédrale. 

—  Le  25  septembre,  Mgr  Gatteau,  évêque  de  Luçon,  a  procédé  à  la 
bénédiction  de  la  première  pierre  de  l'église  de  la  Garnache,  dont  la 
reconstruction  a  été  confiée  à  notre  ami  M.  Ballereau,  l'habile  archi- 
tecte Luçonnais. 

—  Une  nouvelle  chapelle  privée,  dite  de  la  Garennerie,  a  été  bénite 
à  Noirmoutier,  le  14  novembre  dernier  par,  I»I.  l'abbé  Hervouët  des 
Forges. 

—  Le  13  novembre,  on  a  inauguré  à  la  cathédrale  d'Angers,  le  mo- 
nument élevé  à  la  mémoire  de  Mgr  Freppel,  le  grand  évêque  pa- 
triote, dont  la  postérité  gardera  pieusement  le  souvenir. 

Parmi  les  prélats  présents  à  cette  solennité,  figurait  Mgr  Gatteau, 
évêque  de  Luçon. 

—  La  ville  de  Luçon  a  reçu  le  21  novembre  une  auguste  visite, 
celle  de  Son  Eminence  le  cardinal  Labouré,  archevêque  de  Rennes. 

Solennité  Patriotique.  —  Le  1er  octobre  dernier  a  eu  lieu,  à  Pou- 
zauges,  la  remise  du  drapeau  de  la  454*  section  des  Vétérans  des  ar- 
mées de  terre  et  de  mer,  sous  la  présidence  d'honneur  de  M.  l'amiral 
Alquier. 

A  8  heures  précises,  une  messe  a  été  dite  en  souvenir  des  défunts 
de  la  guerre  de  1870.  Tous  les  vétérans  et  les  sociétaires,  au  nombre 
de  deux  cents  environ,  y  assistaient.  Avant  la  bénédiction  du  drapeau, 
le  doyen  de  la  paroisse,  dans  des  termes  patriotiques,  a  évoqué 
le  souvenir  de  la  guerre  et  a  rappelé  aux  combattants  présents  les 
soulfrances  endurées  par  eux  pendant  cette  triste  campagne. 

A  onze  heures,  tous  les  vétérans  et  sociétaires  sont  allés,  musique 
en  tête,  chercher  la  délégation  composée  de  MM.  l'amiral  Alquier, 
l'ex-lieutenant-colonelBertier,  le  commandant  Lucas,  du  93e  de  ligne, 
délégué  par  le  général  commandant  le  118  corps,  qui  s'était  rendue 
chez  le  premier  adjoint.  Le  cortège  se  mit  en  marche  et,  sur  la  place 
du  Marché-aux-Herbes,  l'amiral  Alquier  a  remis  officiellement  le 
drapeau  à  la  454e  section. 

Ensuite  a  eu  lieu  un  banquet  de  180  couverts  environ.  A  la  table 
d'honneur  avaient  pris  place  :  M.  l'amiral  Alquier,  ayant  à  sa  droite 
M.  le  commandant  Lucas,  et  à  sa  gauche  M.  le  premier  adjoint  ;  en 
face,  M.  Barbanneau,  maire,  président  de  la  section,  ayant  à  sa  droite 
M.  de  Monti,  conseiller  d'arrondissement  et  M.  le  deuxième  adjoint 
à  sa  gauche  ;  puis  une  grande  partie  du  Conseil  municipal,  les  mem- 
bres honoraires  de  la  section  et  les  membres  du  bureau. 


CHRONIQUE  607 

Les  Noces  d'or  de  M.  le  chanoine  de  Suyrot.  —  Les  3  et  4  décembre 
dernier,  on  a  solennellement  célébré  à  Saint-Hilaire-de-Voust  les1 
noces  d'or  de  M.  l'abbé  de  Suyrot,  qui  fut  curé  de  Saint-Hilaire,  de 
1849  à  1852.  depuis  curé  de  Chavagnes,  doyen  des  Herbiers  et  cha- 
noine honoraire.  A  cette  occasion,  notre  collaborateur  M.  l'abbé 
Teillet,  curé  d'Antigny,  a  rappelé  dans  une  page  d'histoire,  qui  se 
trouvait  être  le  meilleur  des  compliments,  la  gloire  acquise  par  les 
Duehaffault,  les  La  Roche-Saint-André,  les  Suyrot,  aux  heures  trop 
longues  de  la  tourmente  révolutionnaire. 

Nos  compatriotes.  —  Parmi  les  officiers  admis  à  l'Ecole  supérieure 
de  la  marine,  nous  remarquons  M.  le  lieutenant  de  vaisseau  Jean 
Merveilleux  du  Vignaux,  décoré  il  y  a  quelques  années,  presque  au 
début  de  sa  carrière,  à  la  suite  d'actes  d'héroïsme. 

Cet  officier,  devant  lequel  s'ouvre  un  si  brillant  avenir,  est  le  fils 
de  l'éminent  ex-premier  Président  de  la  Cour  de  Poitiers,  un  des  ca- 
ractères dont  s'honore  le  plus  l'ancienne  magistrature. 

—  Notre  ami,  M.  le  docteur  Marcel  Baudouin,  un  Vendéen  de  Paris, 
vient  d'obtenir  de  l'Académie  des  sciences  le  prix  Mège,  en  même 
temps  que  M.  le  professeur  Félix  Terrier,  membre  de  l'Académie  de 
médecine  et  officier  de  la  Légion  d'honneur,  pour  leur  étude  sur  la 
Suture  de  l'intestin. 

-  M.  Baudouin,  a  fait  le  7  octobre,  dans  les  salons  du  Diner  Fran- 
çais, à  Paris,  une  très  intéressante  conférence,  avec  projections, 
sur  l'Amérique  du  Nord. 

—  Nous  sommes  heureux  d'apprendre  que  notre  sympathique 
compatriote  M.  Régis  Brochet  a  soutenu,  à  Poitiers,  avec  beaucoup 
de  succès  sa  thèse  de  docteur  en  droit. 

M.  Brochet  avait  pris  pour  sujet  :  De  la  représentation  des  minorités 
dansles  élections  législatives.  Il  a  obtenu  la  mention  <■  bien  ». 

—  Notre  distingué  confrère  et  ami  Louis  de  la  Chanonie,  déjà  secré- 
taire-général de  la  Revue  Diplomatique  et  collaborateur  de  l'Événement, 
figure  de  même  parmi  les  principaux  rédacteurs  de  la  Revue  d'Europe, 
où  il  a  publié  (n°  d'octobre  1899)  un  article  très  apprécié  sur  La 
Question  Jugo-Slave. 

—  M.  Maurice  Guillemet,  fils  du  député  de  la  lre  circonscription  de 
Fontenay,  vient  d'être  attaché  au  Cabinet  du  Ministre  des  Finances. 

—  Notre  excellent  ami  Henri  de  Villedieu,  avocat  à  la  Cour  d'Appel  de 
Paris,  a  été  nommé  greffier  à  la  Cour  de  Cassation  et  a  prêté  serment 
devant  la  Chambre  civile. 

—  M.  Rémy  de  Simony,  directeur  du  PuLUcateur  de  la  Vendée,  vient 
d'être  élu  vice-président  de  la  Prêts?  Municipale  Parisienne. 


608  CHRONIQUE 

—  Notre  vieil  ami  Auguste  Logerie,  sous-inspecteur  de  l'Enregis- 
trement à  Paris,  est  promu  au  grade  d'Inspecteur  et  envoyé  en  cette 
qualité  à  Foix  (Ariège). 

—  M.  l'abbé  Bordron,  le  très  distingué  curé  de  Boussy-Saint-Antoine 
(S.-et-O.)  vient  d'être  nommé  à  l'unanimité  directeur  du  Cercle 
central  d'études  sociales. 

—  Mme  Camille  Rousseau,  femme  de  notre  sympathique  compatriote, 
a  subi  avec  succès, devant  la  Faculté  de  Poitiers,  l'examen  du  Certificat 
d'études  exi^é  des  aspirants  au  grade  de  pharmacien . 

—  M.  l'abbé  Charles  Caille,  vicaire  à  l'Ile  d'Yeu,  vient  de  prendre 
son  brevet  d'instruction  primaire  dans  le  but  d'ouvrir  un  cours  de 
sciences,  en  faveurjdes  jeunes  marins  qui  veulent  devenir  capitaines 
au  long-cours. 

Un  officier  Vendéen'dans  l'armée  Boer.  —  M.  le  C1*  de  Villebois- 
Mareuil,  ancien  colonel  delà  Légion  Etrangère,  vient  d'accepter  dans 
l'armée  des  Boërs  le  grade  supérieur  qui  lui  était  offert  par  le  gou- 
vernement du  Transvaal. 

Les  dernières  dépêches  reçues  de  Pretoria  annoncent  que  le 
Volksfem,  Journal  Officiel  du  gouvernement  du  Transvaal,  tient  à  recon- 
naître que  l'honneur  de  la  victoire  de  Colenso  revient  à  M.  de  Villebois- 
Mareuil  qui,  comme  chej  d'état-major  du  généra l  Joubert,  a  préparé 
l'action  et  était  sur  le  lieu  du  combat. 

Toutes  nos  félicitations  et  nos  meilleurs  vœux  l'accompagnent. 

Conférences.  —  M.  Brunswicg,  avocat  à  Nantes,  a  fait  le  19  no- 
vembre une  conférence  publique  à  la  salle  de  la  Bibliothèque  popu- 
laire de  Fontenay.J  Sujet  :  Voyage  au  pays  des  Moulins  à  vent,en  Belgique 
et  en  Hollande. 

Le  26  novembre  dans  la  même  salle,  M.  Dortel,  avocat,  à  Nantes, 
a  fait  une  Conférence  sur  Duguesclin  dans  la  Légende  et  dans  V histoire. 

M.  Moussaud  a  fait  le  10  décembre  une  intéressante  conférence 
sur  plusieurs  poètes  précédemment  entendus  à  la  bibliothèque 
populaire  et  notamment  sur  notre  jeune  et  sympathique  collabora- 
teur M.  Francis  Eon,  dont  l'étude  parlée  sur  Richepin  et  leChemi- 
neau  fut  si  goûtée  du  public  Fontenaisien,  et  dont  les  œuvres 
publiées  ici  même  ont  été  justement  appréciées  . 

^Récompenses  méritées.  —  Parmi  les  titulaires  des  prix  littéraires 
récemment  décernés  par  l'Académie  française,  nous  sommes  très 
heureux  de  trouver  deux  de  nosfcompatriotes  et  amis  :  M.  Edmond 
Biré  (prix  Née  de  5000  fr.  pour  l'ensemble  de  ses  remarquables 
travaux)  et  M.  le  comte  de  Chabot  (prix  Montyon  de  500  fr.)  pour 
sa  Chasse  à  travers  les  âges) 


CHRONIQUE  '"'OU 

—  L'Académie  des  Inscriptions  et  Belles.  Lettres  vient  de  décerner 
la  2n,#  médaille  (1000  fr.)  des  Antiquités  de  la  France,  à  notre  éminent 
collaborateur,  M.  Léon  Maître,  archiviste  de  la  Loire-Inférieure 
pour  sa  «  Géographie  de  la  Loire-Inférieure  ». 

Toutes  nos  félicitations. 

Les  ocres  de  la.  Vérie.  —  Dans  ses  recherches  sur  la  Vendée,  Ben- 
jamin Fillon  a  touché  à  une  foule  de  questions  intéressant  le  pays 
à  différents  titres.  C'est  ainsi  que  dans  son  livre  :  «  Poitou  et  Ven- 
dée »  et  dans  ses  «<  Lettres  à  Anatole  de  Montaiglon  »  il  fait  connaî- 
tre des  documents  établissant  l'exploitation  à  la  fin  du  siècle  dernier 
de  gisements  importants  d'ocrés  dans  la  propriété  de  la  Vérie,  près 
Ghallans,  au  bord  du  marais. 

Malgré  la  publication  de  ces  documents,  on  avait  si  complètement 
perdu  les  traces  de  ces  gisements  qu'on  était  arrivé  à  en  contester 
l'existence.  De  nombreux  chercheurs  avaient  parcouru  la  propriété 
sans  aucun  résultat. 

L'été  dernier,  le  Comité  départemental  de  l'Exposition  Universelle 
de  1900  dans  le  but  de  développer  en  Vendée  de  nouvelles  industries, 
résolut  de  placer  à  l'Exposition  les  matières  minérales  qui  pouvaient 
prêter  à  ce  développement.  Les  ocres  de  la  Vérie  répondaient  parti- 
culièrement à  ce  désir. 

M.  Charier-Fillon,  maire  de  Fontenay,  qui  avait  autrefois  étudié 
cette  question  fut  prié  de  procéder  à  la  recherche  de  ces  ocres. 
Nous  apprenons  aujourd'hui  que,  grâce  au  bienveillant  accueil  de 
M.  Boux  de  Casson,  propriétaire  de  la  Vérie,  les  recherches  de 
M.  Charier  ont  été  couronnées  de  succès  et  que  les  ocres  perdues 
peuvent  désormais  être  étudiées  sur  place  ;  leurs  gisements  sont 
bien  déterminés,  et,  sauf,  étude  technique,  tous  prêts  à  exploita- 
tion suivie  elles  figureront  donc  en  bonne  place  à  l'Exposition  de 
1900. 

Malgré  le  succès  de  ses  recherches,  nous  savons  que  M.  Charier 
n'en  a  pas  obtenu  complète  satisfaction  ;  en  effet,  dans  les  do- 
cuments publiés  autrefois  par  B.  Fillon,  Mlle  de  Lézardière  dit  ex- 
pressément que  les  ocres  de  la  Vérie  sont  de  deux  sortes.  Les  ocres 
jaunes  et  d'autres  absolument  noires. 

Or,  les  ocres  jaunes  ont  été  seules  retrouvées  jusqu'ici,  le  temps 
ayant  fait  défaut  pour  procéder  aux  recherches  exigées  par  les 
autres.  Quelqu'exceptionnels  que  doivent  être  ces  gisements  d'ocrés 
noires,  on  ne  peut  douter  de  leur  existence,  étant  donnée  la  formelle 
affirmation  de  Mlle  de  Lézardière.  Quoi  qu'il  en  soit, c'est  une  question 
du  plus  grand  intérêt  Nous  ne  doutons  pas  que  des  études  sérieuses 


ÔiO  CHRONIQUE 

soient  organisées  pour  la  recherche  de  ces   matières  peroxydées  et 
qu'on  parvienne  à  livrer  à  l'industrie  ce  nouvel  élément  d'activité. 

L'ancien  atelier  monétaire  de  Noirmoutier.—  M.  Arsène  Charier 
qu'intéresse  si  vivement  le  passé  de  l'île  de  Noirmoutier,  s'occupe 
présentement  de  la  reconstitution  de  son  ancien  château.  Lors 
des  récentes  fouilles  qu'il  y  a  faites,  il  a  eu  la  bonne  fortune  de 
retrouver  quelques  précieux  vestiges  de  l'atelier  monétaire  qui 
fonctionnait  dans  l'île,  au  XVIe  siècle. 

—  La  collection  archéologique  de  M.  0.  de  Rochebrune  vient  de 
s'enrichir  d'un  lot  de  haches  celtiques  en  silex  trouvées  récemment 
dans  le  Lay,  près  Mareuil. 

Le  legs  Luneau.  -  -  Les  membres  du  comité  Luneau  ont  remis, 
ces  jours-ci,  des  réductions  de  l'œuvre  de  M.  Fulconis  à  M.  le  Préfet, 
à  M.  l'Inspecteur  d'Académie,  au  directeur  et  à  la  directrice  des  écoles 
normales  de  la  Roche-sur-Yon.  Une  réduction  de  la  même  œuvre  a  été 
également  laissée  à  M.  le  Préfet  pour  orner  la  salle  du  Conseil  général- 

Courrier  Musical.  —  A  l'occasion  du  mariage  de  M.  William 
Gousseau,  l'habile  organiste  de  Saint-Nicolas  du  Chardon  net,  notre 
distingué  compatriote  et  ami,  M.  Arthur  de  la  Voûte  a  fait  exécuter 
dans  cette  église  plusieurs  œuvres  inédites  empreintes  d'un 
incomparable  charme,  et  qui  ont  valu  au  sympathique  compositeur 
de  nouveaux  et  mérités  succès. 

M.  le  curé  de  Saint-Michel-Le-Cloucq  vient  de  fonder  en  son  église 
une  petite  maîtrise. 

Là  «  Semaine  catholique  ».  —  La  Semaine  catholique  vient  de  chan- 
ger de  direction.  M.  l'abbé  Gustave  Pavageau  succède,  dans  cette 
charge,  comme  dans  celle  d'aumônier  de  l'Institution  Richelieu,  à 
M.    l'abbé   Robin,  nommé  supérieur  au  Petit-Séminaire  des  Sables. 

Nul  doute  que  sous  l'impulsion  du  «  Semeur  vendéen  »,  la  Semaine 
catholique  se  maintienne  au  niveau  où  l'avait  placée  M.  le  chanoine 
Robin.  Tous  nos  souhaits  de    bienvenue  à  notre  nouveau  confrère. 

—  Notre  confrère  et  ami  Espérandieu  vient  de  prendre  la  direction 
de  la  Revue  épigraphique,  dont  le  directeur  fondateur  vient  de  mourir. 

Nos  meilleurs  compliments. 

Une  omission  a  réparer.  —  La  jolie  reproduction  du  médaillon 
de  notre  regretté  ami  Alexandre  Bonnin  qui  illustrait  notre  dernier 
numéro  a  été  faite  d'après  un  habile  et  gracieux  cliché  mis  à  notre 
disposition  par  M.  Gaborit  le  sympathique  artiste  photographe 
Fontenaisien. 


CARNET    MONDAIN 


Le  28  octobre,  a  été  célébré  en  l'église  Notre-Dame  de  Fontenay  le 
mariage  de  M.  Fleuranceau,  lieutenant  au  137'  d'infanterie,  avec 
mademoiselle  Marie  Rousse,  fille  de  M.  Alfred  Rousse,  le  sympathique 
compositeur  Fontenaisien. 

L'église,  luxueusement  décorée,  avait  peine  à  contenir  la  brillante 
assistance  qui  s'y  était  donné  rendez-vous. 

Au  cours  de  la  messe,  plusieurs  morceaux  de  musique  sacrée  ont 
été  très  remarquablement  exécutés. 

—  Le  fils  de  l'honorable  conseiller  général  de  l'Ile  d'Yeu,  M.  Pou- 
lain, à  également  épousé  à  Gîvet  Mademoiselle  Marie-Louise  Bidou, 
d'une  famille  très  considérée  des  Ardennes. 

Les  témoins  du  marié  étaient  le  marquis  de  la  Ferronnays  et  le  comte 
de  Bouilheu  ;  ceux  de  la  mariée,  le  comte  Wherlé  et  le  général  Kirt- 
chener,  ses  cousins. 

—  En  l'église  de  Parigné  (Ille-et-Vilaine),  a  été  de  même  célébré  le 
mariage  de  M.  le  comte  Léon  de  Bagneux  avec  mademoiselle  de  la 
Villegontier. 

Les  témoins  étaient  pour  le  marié  :  M.  le  vicomte  Z.  de  Bagneux  et 
le  marquis  d'Argentré  ;  pour  la  mariée  :  MM.  le  comte  de  Boisgelin 
et  le  comte  de  la  Belinaye. 

Nos  meilleurs  vœux  à  tous. 


mm 


NÉCROLOGIE 


M   L'abbé  EUGÈNE  SACRÉ,  curé  de   Saint-Hilaire-du-Bois,  dé- 
cédé le  25  septembre  1899,  dans  sa  71e  année. 
■    Né  à  Saint-Hilaire-des-Loges,  le  26  avril  1829,   M.  Sacré 
avait  été  vicaire  à  Cugand  de   1856   à  1865.  Il   était  curé  de  Saint- 
Hilaire-du-Bois,  depuis  1865. 

M.  HENRI  MOREAU,  maire  des  Herbiers,  décédé  le  26  septem- 
bre 1899,  à  l'âge  de  70  ans. 

M.  le  docteur  Moreau,  universellement  estimé  de  ses  concitoyens, 
avait  fondé  aux  Herbiers  un  bôpital  appelé  à  rendre  les  plus  grands 
services. 

M.  le  docteur  Bourgeois,  député  de  la  Vendée,  a  éloquement  rap- 
pelé sur  sa  tombe  les  éminentes  vertus  du  regretté  défunt. 

M,  l'abbé  AUGUSTE-EMMANUEL  GUIBERT,  décédé  le  8  octobre  à 
la  Ghapelle-Palluau  à  l'âge  de  72  ans.  Né  aux  Brouzils  le  21 
avril  1826,  M.  Guibert  avait  successivement  été  vicaire  à  la  Roche- 
sur- Yon,  curé  au  Langon,  où  il  fît  revivre  le  culte  ancien  de  Saint- 
Graoust,  puis  à  la  Chapelle-Palluau,  où  il  vient  de  succomber. 

A  ses  obsèques,  célébrées  le  10,  sous  la  présidence  de  M.  le  doyen 
de  Palluau,  M.  le  sénateur  Halgan  a  fait  en  quelques  phrases  émues, 
l'éloge  du  regretté  défunt. 

Nous  prions  M.  le  doyen  de  l'Hermenault  d'agréer  nos  respec- 
tueuses et  très  vives  condoléances. 

M*0  ARMAND  DE  BÉJARRY,  née  HONORINE-MARIE  RAMPILLON 
DE  LA  LARGÈRE,  décédée  le  28  octobre  1899,  dans  sa  65*  année. 

Sa  mort  met  en  deuil  les  familles  de  Béjarry,  de  Bernon,  Ram- 
pillon  de  la  Largère.de  Rochebrune,  de  Suyrot,des  Nouhes.de  Tinguy, 
auxquelles  nous  adressons  nos  bien  sincères  condoléances. 

M.  RENÉ  CORNIÈRE,  flls  du  sympathique  Président  de  l'Union  des 
Vendéens  de  Paris,  décédé  à  l'âge  de  17  ans. 

Nous  offrons  â  M.  et  Mms  Cornière  nos  plus  douloureux  hom- 
mages. . 


NÉCKOLOUlK  *>13 

M'n9  HENRIETTE-CAROLINE  DE  SUYROr,  baronne  douairière  de 
Lauzon,  décédée  au  château  de  Péré-en- Forêt,  par  Beauvoir  (Deux- 
Sèvres)  à  l'âge  de  77  ans. 

Oetjte  mort  met  en  deuil  deux  honorables  familles  implantées  de 
temps  immémorial  en  Poitou  et  en  Vendée,  où  elles  donnent  l'indéfecn 
tible  exemple  des  vertus  chrétiennes. 

Qu'elles  reçoivent  l'expression  de  nos  bien  respectueuses  sym- 
pathies. 

M.  ALEXANDRE  TATTET,  décédé  à  Paris,  à  l'âge  de  76  ans. 

M.  Tattet  était  frère  de  Mme  Alfred  Le  Roux  et  oncle  de  notre 
dévoué  et  si  sympathique  sénateur,  M.  Paul  Le  Roux. 

Nous  prions  M.  et  M,u'  Paul  Le  Roux  d'agréer  nos  biens  vives 
condoléances. 

Des  liens  d'amitié  unissaient  la  famille  du  regretté  défunt  à  Alfred 
de  Musset. 

M.  le  chanoine  CHARLES  RAINTEAU,  décédé  subitement  â  Luçon, 
le  17  novembre  à  l'âge  de  66  ans. 

M.  Rainteau,  né  à  Luçon,  le  17  décembre  1833,  avait  été  sucessi- 
vement  professeur  au  séminaire  des  Sables,  vicaire  à  la  Garnache, 
curé  du  Sableau,  de  Thiré,  de  Barbàtre,  de  Sainte-Cécile  et  doyen  de 
Sainte-Hermine. 

M.  le  docteur  CORMIER,  décédé  le  27  novembre  à  Saint-Denis-La- 
Chevasse. 

A  ses  obsèques,  qui  ont  eu  lieu  le  30,  MM.  de  Lavrignais  et  le  docteur 
Mignen  ont  retracé  en  termes  émus  la  vie  du  regretté  défunt. 


'o  ■ 


M™6  veuve  FROGER,  née  TRIOUX,  propriétaire  â  Mareuil,  décédée 
subitement  le  2  décembre  1899. 

Mme  Froger  a  fait  don  à  la  commune  de  Mareuil  de  l'ancien  châ- 
teau restauré  de  cette  localité,  pour  en  faire  un  hôtel  de  ville. 

Mœe  CHARLES  POIRIER-COUTANSAlSnée  LÉONIE  PÉRIER  décédée 
le  11  décembre  à  la  Roche-sur- Yon,  à  l'âge  de  51  ans. 

M.  GASTON  SABOURAUD,  ancien  député  de  la.Vendée,  décédé  â 
Nieul-sur-L'Autise,  à  l'âge  de  53  ans,  le  16  décembre  1899. 

M.  Sabouraud  ne  fut  pas  seulement  un  homme  politique  dis- 
tingué ;  mais  encore  un  lettré  et  un  bibliophile  de  mérite. 

Nous  prions  Mm6s  Sabouraud  d'agréer  nos  plus  respectueuses 
condoléances. 


614  NÉCROLOGIE 

M.  EUGÈNE  BIDAU,  peintre  vendéen  d'un  grand  mérite,  décédé  à 
Paris,  le  14  décembre  1899. 

M.  l'abbé  GAUD1N,  ancien  curé  de  Rosnay,  décédé  au  Bourg-sous- 
la-Roche  le  18  décembre. 

M.  EDOUARD  LACUVE,  directeur-imprimeur  du  journal  Le  Mellois, 
auteur  de  nombreuses  et  spirituelles  publications  en  patois  poitevin, 
décédé  à  Melle  le  19  décembre  1899,  dans  sa  72e  année. 

M.  NATHALY-MAR1E  ROBERT,  comte  LEROY  DE  LA  BRIÈRE, 
ancien  receveur  des  Finances,  officier  d'Académie,  décédé  le  22  décem- 
bre 1899  à  l'âge  de  56  ans,  à  Paris. 

M.  JEAN  COULAIS,  président  du  Conseil  d'arrondissement  de  Fon- 
tenay-le-Comte,  décédé  au  Langon  le  30  décembre  1899,  à  l'âge 
de  76  ans. 

Enfin  la  Revue  Poitevine  et  Saumuroise  annonce  la  mort  de  M.  ANTOINE 
BART,  ancien  représentant  du  peuple  à  l'Assemblée  Législative  de 
1849  et  auteur  d'un  ouvrage  dont  nous  avons  parlé  dans  son 
temps  et  ayant  pour  titre  :  Un  général  de  l'An  Deux. 


BIBLIOGRAPHIE 


A  travers  les  Registres  du  Canton  de  Saint-Fulgent.  —  L'aimable 
et  savant  archiviste  de  la  Vendée,  M.  A.  Barbaud,  continue  avec 
succès  son  Inventaire  des  Registres  d'État  civil  de  la  Vendée. 

Le  rapport  qu'il  a  présenté  cette  année  au  Conseil  général  (août 
1899)  concerne  le  Canton  de  Saint-Fulgent  et  contient  de  nombreux 
renseignements  d'un  intérêt  considérable  pour  l'histoire  des  ancien- 
nes familles  du  Bas-Poitou,  —notamment  pour  les  Baudry  d  Asson,  de 
Royrand,  de  Tinguy,  de  Gazeau,  Coutouly,  de  Chevigné,  Bertrand,  des 
Nouhes,  de  Goué,  Sajot,  Marchegay.  Paillou,  de  Rorthays,  Thiérioi,  de  Buor, 
de  la  Fontenelle,  Mauclerc,  Durcot,  Prévost,  Guerry  de  Beauregard,  d'Es- 
coubleaux,  Darrot,  Duchaffaalt,  de  Suzannet,  de  Sapinaud,  etc.. 

Mentionnons-y  également  quelques  annotations  précieuses  pour 
l'histoire  de  ce  canton  :  la  bénédiction  de  la  petite  cloche  de  Saint-Ful- 
gent, le  9  décembre  1752  ;  celle  de  la  croix  et  du  grand  autel  de  cette 
môme  église,  le  16  novembre  1764  ;  la  bénédiction  de  la  grosse  cloche 
des  Brouzils,  pesant  960  livres,  le  10  juillet  1707  ;  la  bénédiction  de  la 
clochette  la  chapelle  domestique  de  Boisreau,  en  la  paroisse  de  Chau- 
ché,  le  4  octobre  1723  ;  celle  de  la  petite  cloche  de  l'église,  le  23  juillet 
1762.;  de  la  grosse  cloche  à  laquelle  on  a  donné  le  nom  d'Emilie  (26  a.otit 
1776)  ;  et  de  deux  autres,  nommées  Emilie  et  Pélagie,  le  3  novembre 
1786;  la  démolition  de  la  chapelle  Begoin,  de  cette  même  paroisse  de 
Chauché,  en  septembre  1792  ;  la  fonte  et  bénédiction  de  cloche  do 
Chavagne-en-Paillers,  le  30  novembre  1715  ;  la  réception  des  reliques 
obtenues  à  Rome  pour  cette  même  paroisse,  par  la  médiation  des  amis 
de  Jacques  Bousseau,  sculpteur  du  Roi  et  de  l'Académie  des  Arts  de 
Paris,  le  22  mai  1719,  etc. . . 

—  On  accuse  parfois  la  Revue  de  ne  pas  arriver  à  l'heure  exacte.  L'an- 
nuaire de  la  Société  d'Emulation  de  la  Vendée  pour  1898,  qui  nous  est 
remis  fin  octobre  1899,  est  une  preuve  que  nous  sommes  en  ce  cas 
en  fort  excellente  compagnie.  Ce  retard  ne  diminue  en  rien,  du 
reste,  le  grand  intérêt  du  nouveau  volume,  et  nous  y  avons  parti- 
culièrement lu  avec  plaisir  :  la  suite  des  Essais  historiques  sur  le 
Talmondais,  de  M.  G.  Loquet,  l'étude  de  M.  l'abbé  Teillet  sur  Sainl- 
Martin-des-Noyers  et  Sainte-Agathe  delà  Grève,  la  notice  de  M.  Henri 
TOME    XII.    —   OCTOBRE,    NOVEMBRE,    DÉCEMBRE.  12 


616  BIBLIOGRAPHIE 

Renaud  sur  la  Commune  de  Givrand,  et  la  monographie  consacrée  à 
l'Ecole  Royale  de  Bourbon-Vendée  (1814-1838),  par  M.  Eugène  Louis. 

—  Le  numéro  de  décembre  1899  du  Mercure  Poitevin  contient  la 
suite  de  l'intéressante  notice  de  notre  ami  H.  Baguenier  Desormeaux 
sur  Bonchamps  avant  la  Guerre  de  Vendée,  et  la  fin  de  l'étude  de  notre 
distingué  collaborateur  H.  Clouzot  sur  les  Comédiens  et  Auteurs  drama- 
tiques en  Poitou  au  X'/IIP  siècle.  Les  dernières  pages  sont  consacrées 
à  l'abbé  Gusteau,  auteur  d'une  Pastorale  représentée  pour  la  pre- 
mière fois  à  Doix  en  1742,  et  remise  à  la  scène,  le  20  avril  dernier  à 
Niort,  par  notre  ami  M.  l'abbé  Mouchard. 

En  appendice,  M.  Clouzot  reproduit  une  lettre  de  Saucerotte  de 
Raucourt,  directeur  des  Comédiens  du  roi  de  Pologne,  adressée  en 
1758  de  Fontenay-le-Comte  au  Procureur  général  du  Roy,  et  que  M. 
René  Vallette  avait  antérieurement  publiée  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
littéraire  et  archéologique  de  la  Vendée. 

—  Nos  lecteurs  trouveront  encartée  dans  ce  fascicule  la  repro- 
duction photographique  d'une  pièce  établissant,  d'une  façon  incon- 
testée, ce  que  nous  avons  déjà  dit  ici  même  au  moment  où  paraissait 
le  volume  de  l'abbé  Robert  sur  V Expédition  de  Quiberon,  à  savoir  que 
c'est  notre  compatriote  le  Chevalier  Gilbert-Alexis  Guerry  de  Beauregard, 
lieutenant  de  vaisseau  et  non  tout  autre,  qui  renouvelant  l'héroïque 
action  de  Régulus,  se  jeta  à  la  mer  après  la  capitulation,  pour  aller 
dire  à  la  flotte  anglaise  de  cesser  le  feu,  et  qui,  du  reste,  n'en  fut  pas 
moins  odieusement  fusillé  par  les  troupes  républicaines. 

Ce  précieux  document,  et  quelques  autres  non  moins  incontes- 
tables, figureront  dans  une  brochure  que  prépare  le  descendant  du 
vaillant  officier  vendéen,  notre  excellent  ami,  M.  le  comte  de  Guerry 
de  Beauregard  de  la  Boissière. 


'o* 


—  Sous  ce  titre  Le  Canton  de  Chantonnay  à  travers  l'histoire,  M.  Louis 
Brochet  vient  de  faire  paraître  un  nouveau  et  fort  joli  volume 
(Fontenay,  Claireaux,  1899,  in-4°  de  170  p.)  Ce  volume  contient  une 
série  d'intéressantes  notices  historiques  sur  les  différentes  communes 
de  ce  canton,  pour  la  rédaction  desquelles  l'auteur  a  intelligemment 
utilisé,  en  même  temps  que  le  fruit  de  ses  personnelles  recherches, 
les  travaux  publiés  sur  cette  contrée  par  MM.  Paul  Marchegay,  du 
Tressay,  Aillery,  Léon  Aude,  de  Béjarry,  Chassin,  René  Vallette,  etc.. 

—  Notre  distingué  compatriote,  M.  le  Vte  Paul  de  Chasteigner  de 
la  Rochepozay  a  publié  dans  la  Revue  des  Questions  Héraldiques  (et  à 
part  —  Vannes  Lafolye,  1899,  in-8°  de  16  p.)  une  intéressante  étude 
sur  l'Ambassade  de  Monsieur  de   la  Rochepozay  à  Rome  (1576-1581) 


BIBLIOGHAPIIIK  «>17 

dans  laquelle  il  rectifie  avec  raison  une  erreur  de  l'éditeur  du  Journal 
de  voyage  de  Montaigne,  qui  donnait  à  entendre  que  l'ambassadeur 
de  France  à  Rome  était  alors  M.  A'Elbine,  alors  qu'il  fallait  lire 
d'Abain  (Louis  Chasteigner,  seigneur  d'.vbuin,  de  la  Rochepozay  et 
autres  lieux). 

—  Notre  éminent  compatriote  M.  Edmond  Biré  a  fait  paraître, 
comme  nous  le  disons  plus  haut,  chez  Garnier,  à  Paris,  le58  volume 
de  sa  nouvelle  édition  des  Mémoires  d'Outre-Tombe  de  Chateaubriand, 
enrichie  de  précieuses  notes. 

Un  chapitre  y  est  consacré  à  la  Descente  de  la  duchesse  de  Berry  en. 
Provence  et  à  son  arrivée  en  Vendée. 

—  Du  même  :  Papiers  d'autrefois  (Gazette  de  France,  du  1 1  septembre)  ; 
—  Autour  de  Mmv  de  Staël  (n°  du  2  octobre)  ;  —  A  os  écrivains  militaires 
(Univers  et  Monde  du  5  septembre)  ;  —  L'Empire  libéral  (n°  du  19)  ;  — 
Romanciers  et  poètes  {Gazette  de  France  du  16  octobre)  ;  —  L'Histoire  de 
Bretagne  (n°  30);  — La  dernière  des  Condé  {Univers  et  Monde  du  4  oc- 
tobre); —  Journal  et  souvenirs  sur  l'Expédition  d'Egypte  (n°du  17);  — 
Quinze  ans  de  haute  police  sous  le  Consulat  et  l'Empire  (n°  du  31)  ;  —  Pour 
ma  paroisse  (Vérité  du  18  octobre)  ; —  Une  Correspondance  inédite  de  Paui 
Féval  (Correspondant  du  25  octobre). 

—  M.  Théodore  Botrel,  le  charmant  barde  breton,  vient  de  faire 
paraître  chez  l'éditeur  Ondet  un  nouveau  recueil  intitulé  Les  dan- 
sons de  la  Fleur-de-Lys.  Nous  en  extrayons  ces  jolis  couplets  : 

LE  MOUCHOIR  ROUGE  DE  CHOLET. 

J'avais  acheté,  pour  ta  fête, 
Trois  petits  mouchoirs  de  Cholet, 
Rouges  comme  la  cerisette  ; 
Tous  les  trois,  ma  mie  Annette, 
Oh  !  qu'ils  étaient  donc  joliets 
Les  petits  mouchoirs  de  Cholet... 

Ils  étaient  là,  dans  ma  poquette, 

Dans  mon  vieux  mouchoir  blanc. . .  si  laid 

Et  chaque  nuit,  la  Guerre  faite, 

Dans  les  bois,  ma  mie  Annette, 

En  rêvant  de  toi,  je  rêvais, 

Aux  petits  mouchoirs  de  Cholet  ! 

Les  a  vus,  Monsieur  de  Charette, 
Les  voulut  ;  je  les  lui  donnai. . . 
Il  en  mit  un  dessus  sa  tête 
Le  plus  biau,  ma  mie  Annette  I 
C'était  le  plus  fier  des  plumets... 
Le  petit  mouchoir  de  Cholet  ! 


618  BIBLIOGRAPHIE 

Fit  de  l'autre  une  cordelette 

Pour  pendre  son  sabre  au  poignet  ; 

Fit  du  troisième  une  bouclette 

Sur  son  cœur,  ma  mie  Annette. 

...  Et  tout  le  jour  les  Bleus  visaient 

Le  petit  mouchoir  de  Cholet  ! 

Ont  visé  le  cœur  de  Gharette. .  . 
...   Ont  troué...  celui  qui  t'aimait! 
Et  je  vas  mourir,  ma  pauvrette, 
Pour  mon  Roy,  ma  mie  Annette... 
Et  tu  ne  recevras  jamais 
Tes  petits  mouchoirs  de  Cholet  ! 

Mais,  qu'est-ce  là,  dans  ma  poquctte? 

C'est  mon  vieux  mouchoir  blanc...  si  laid  ! 

Je  te  le  donne  pour  ta  fête. 

Plein  de  sang,  ma  mie  Annette  : 

11  est  si  rouge  qu'on  dirait 

Un  mouchoir  rouge  de  Cnolet  ! 

—  M.  l'abbé  F.  Uzureau,  l'érudit  aumônier  du  Champ-des-Martyrs 
d'Angers,  poursuivant  avec  un  grandissant  intérêt  ses  études  sur  les 
victimes  vendéennes  delà  Révolution,  a  récemment  publié  une  notice 
curieuse  (Laval,  imprimerie  Moderne,  1899,  in-4°  de  8  p.),  sur  Un  au- 
mônier des  Chouans.  —  Jean  Baudouin,  vicaire  à  Avrillê  [dans  le  diocèse 
d'Angers]. 

Du  même  :  Les  Filles  de  la  Sagesse  devant  le  comité  révolutionnaire  de 
Cholet,  dans  la  Revue  des  Facultés  Catholiques  de  l'Ouest. 

—  M.  Joseph  Rousse,  l'érudit  conservateur  de  la  Bibliothèque 
publique  de  Nantes  ,  continuant  la  publication  de  ses  curieuses 
notices  sur  les  chefs  secondaires  de  l'insurrection  vendéenne,  a  fait 
paraître  dans  la  Revue  de  Bretagne,  de  Vendée  et  d'Anjou  (n°  de  novembre 
1899)  d'intéressantes  pages  sur  Joseph-Marie  de  Flameng,  de  Saint- 
Philbert-de-Grandlieu,  lieutenant  du  marquis  de  la  Roche-Saint- 
André,  qui  contribua  à  la  prise  de  Pornic,  y  lut  fait  prisonnier  et 
froidement  assassiné  par  le  commandant  républicain  Coueffé. 

—  Sans  plus  de  souci  du  procès  qui  lui  a  été  intenté  par  notre 
compatriote  M.  Ernest  Brisson,  la  revue  des  Souvenirs  et  Mémoires 
poursuit  la  publication  des  Mémoires'pour  servir  à  l'histoire  des  guerres 
de  la  Vende*  de  Mercier  du  Rocher.  Le  fascicule  d'octobre  contient  la 
fin  de  ces  Mémoires,  dont  le  dernier  catalogue  de  M.  Clouzot  nous 
annonce  d'autre  part  l'apparition  en  volume. 

—  Le  Pays  Poitevin,  depuis  de  longs  mois  attendu,  vient  de  faire  pa- 
raître son  IIe  numéro  de  mai-novembre  1899.  Ce  numéro,  très  in  té- 


BIBLIOGRAPHIE  619 

ressant  comme  tous  ses  devanciers,  contient  le  début  d'une  étude 
de  M,  H.  Gelin,  sur  Le  Marais  de  la  Sèure  Niorlaise,  avec  illustrations 
d'après  des  clichés  de  M.  J.  Robuchon. 

—  Nous  avons  reçu,  par  l'intermédiaire  aimable  de  notre  confrère 
A  Barrau,  la  très  artistique  publication  que  M.  Grandjouan  —  un 
dessinateur  impressionniste  du  plus  brillant  avenir  —  vientde  con- 
sacrer sous  le  titre  de  Nantes- La-Grise  aux  quartiers  les  plus  pittores- 
ques do  la  grande  cité  bretonne. 

M.  Grandjouan  a,  paraît-il,  le  projet  de  promener  de  même  son 
évocateur  crayon  à  travers  les  sites  grandioses  et  les  curieux  monu- 
ments de  la  Vendée.  Il  n'est  que  temps.  Car,  hélas!  tout  s'en  va 
chez  nous.  La  cognée  détruit  les  séculaires  futaies,  la  mine  fait  sau- 
ter les  collines  rocheuses.et  l'amour  immodéré  du  neuf  aura  bientôt 
jeté  bas  la  dernière  de  nos  vieilles  églises  ! 

—  Sous  le  titre:  .4  travers  La  Vendée.  —  Saint-Hermine  et  son  canton, 
M.  René  Vallette  vient  de  réunir  en  une  élégante  brochure  de 
80  pages  (Fontenay-Gormeau  1899),  les  notices  historiques  et  ar- 
chéologiques, publiées  par  lui  sur  les  différentes  communes  du  can- 
ton, dans  les  Paysages  et  Monuments  du  FJoitou  d'abord,  et  plus  récem- 
ment dans  le  Patriote  de  la  Vendée. 

De  M.  René  Vallette,  également:  Alexandre  Bonnin  de  Fraysseix, 
notice  biographique,  accompagnée  d'un  portrait  (grand  in-8°  de 
10  p.  Lafolye  Vannes  1899)  ;  —  Le  calvaire  de  Ripoche,  sous  la 
signature  Dom  Val,  dans  l'Étoile  de  la  Vendée;  —  Au  pays  des  Echaudis, 
chronique  dédiée  à  M.  Emmanuel  Aimé,  dans  le  Vendéen  de  Paris 
(n°du  1er  décembre  1899). —  et  Noël  sous  les  balles  —  Récit  de  UInvasion, 
dans  la  Revue  de  l'Ouest  du  26  décembre. 

—  Le  Patriote  de  la  Vendée  donne  en  feuilleton  un  fort  joli  roman 
inédit  de  notre  regrettée  collaboratrice  Mme  Claire  Normand, 
ayant  pour  titre  :  A  côté  de  l'Amour. 

—  M.  E.J.  Tardif  a  publié  récemment,sur  les  Chartres  Mérovingiennes 
de  l'abbaye  de  Noirmoutier,  une  étude,  suivie  de  la  Chronologie  du 
règne  de  Dagobert  II.  Dans  ce  travail  de  haute  érudition,  M  Tardif 
a  réussi  à  préciser  quelques  dates  jusqu'ici  incertaines  de  l'histoire 
des  Mérovingiens 

—  De  M.B.  Triger,  dans  la  2e  livraison  de  la  Revue  historique  et  archéo- 
logique du  Maine  :    La  prise  du  Mans  par  les  Chouans,  15  octobre  1799. 

—  Notre  excellent  et  si  laborieux  ami,  H.  Baguenier  Desormeaux, 
continue  dans  la  Revue  des  Facultés  Catholiques  de  L'Ouest  (n°  d'octobre), 
ses  précieuses  Xotes  d'w<.  curieux  sur  les  Suspects  en  Anjou  et  en  Vendée. 


OCO  BIBLIOGRAPHIE 

—Dans  la  Semaine  Catholique  deLuçon  du  2  décembre, sous  ce  titre  : 
La  Paroisse  de  Saint-Manrice-des-Noues  dans  le  Passé,  et  sous  la 
signature  de  notre  collaborateur,  M.  l'abbé  Teillet  :  quelques, 
notes  d'histoire  locale  sur  cette  paroisse,  dont  M.  René  Vallette  a 
précédemment  donné  lui-même  une  notice  dans  les  Paysages  et  Monu- 
ments du  Poitou.  . 

—  A  signaler  dans  le  Patriote  de  la  Vendée  ;  (n°  du  5  octobre  1899) 
Vieilles  choses  et  vieilles  gens  de  Vendée  :  Lettre  de  Carnot  ministre  de  V Inté- 
rieur au  maire  Laval  sur  le  projet  qu'avait  Testard  de  créer  un  journal  à 
Fontenay  t  de  Jehan  le  Feudiste. 

Du  même  (n°  du  29  octobre)  :  Bussy  oVAmboise  à  Fontenay. 

De  l'ami  Fontmac  (n°  du  8  octobre).  Les  «  Mal  Convertis  »  de  Doix, 
miettes  d'histoire. 

Du  même  {Patriote  du  22  octobre)  :  Les  tapisseries  du  Palais  de  Justice 
de  Fontenay  en  1788  ;  (n°  du  17  octobre),  Le  Milicien  de  la  Pommeraie. 

—  Sous  le  titre  Conseils  aux  gymnastes,  notre  compatriote  et  ami, 
M.  Georges  Gandriau,  le  très  dévoué  président  de  la  Société  de 
Gymnastique  de  Fontenay,  vient  de  réunir  en  un  charmant  petit 
volume  coquettement  édité  par  M.  Glaireaux,  imprimeur-libraire, 
toute  une  série  d'avis,  de  conseils  et  d'anecdotes  à  l'usage  des  Gym- 
nastes. 

—  Notre  ami  Jos.  Berthelé,  le  savant  archiviste  de  l'Hérault,  plus 
ardent  carillonneur  que  jamais,  nous  envoie  de  Montpellier  deux 
plaquettes  :  l'une  sur  la  Cloche  de  l'Ancienne  prison  de  la  Fère  (1653), 
et  l'autre  consacrée  à  la  critique  bibliographique  d'un  nouveau 
volume  sur  l'Epigraphie  campanaire  Ardennaise. 

—  M.  Louis  de  Grandmaison,  le  savant  archiviste  d'Indre-et-Loire, 
a  publié  dans  la  Bibliothèque  de  l'École  des  Chartes  (année  1899,  t.  LX) 
de  Nouvelles  Recherches  sur  l'origine  et  le  lieu  de  naissance  de  Descartes.  La 
conclusion  de  ces  intéressantes  pages  est  que  :  si  René  Descartes 
appartient  bien  à  la  Touraine  par  le  lieu  de  sa  naissance,  il  appartient 
un  peu  aussi  au  Poitou  par  l'origine  de  sa  famille,  son  père  étant  né 
et  s'étant  marié  à  Ghatellerault. 

—  A  lire  dans  la  Revue  Historique  de  l'Ouest  <  n°  de  septembre-octobre, 
sous  la  signature  de  l'abbé  Victor  Grégoire  :  Le  Grand  choc  des 
Échaubrognes  (17  mai  1815),  auquel  prit  part  comme  chef  de  la 
division  vendéenne  des  Aubiers,  M.  Alexis  des  Nouhes. 

—  Notre  infatigable  ami. M.  le  docteur  Marcel  Baudouin,  va  prochai- 
nement publier  un  volume  sur  Les  Femmes  médecins. 


BIBLIOGRAPHIE  621 

—  M.  Guy  Collineau  prépare,  nous  dit-on,  une  Histoire  des  Sables- 
d'Olonne. 

—  Dom  Fourier  Bonnard,  chanoine  régulier  de  l'abbayp  de  N.-I».  de 
Rpauchène,  près  Cerizay,  vient  d'achever  l'histoire  de  l'Abbaye  de  la 
Sainte-Trinité  de  Mauléon  (aujourd'hui  Châtillon-sur-Sèvre). 

—  Pour  paraître  également:  l'Annuaire  de  l'enseignement  pour  le  dé- 
partement de  la  Vendée,  par  M.  J.  Neymon,  secrétaire  de  l'inspection 
académique. 

—  Dans  le  n°  de  décembre  du  Saint-Pierre,  bulletin  paroissial  de 
Sainte-Croix-de-Vie,  récemment  fondé  par  M.  l'abbé  Jules  Richard  : 
La  Fondation  de  Sainte-Croix-sur-Vie,  page  d'histoire  locale,  d'après  les 
notes  de  M.  l'abbé  Pontdevie. 

—  Notre  distingué  confrère  M.  Tollaire  a  publié  dans  le  Gotha Jran- 
çais  du  1er  décembre  dernier  une  savante  étude  sur  la  Loi  Salique. 

—  De  M.  Henri  Bourgeois  :  Biographies  de  laVendée  militaire.—  André 
Ripoche  (Luçon,  Bideaux  1899,  36  p.,  prix  0  fr.  30). 

—  M.  Troussier  a  publié  dans  l'Echo  de  Saint-Filbert  de  Noirmoutier, 
une  étude  intéressante,  bien  que  hâtive,  sur  les  Prisons  de  Noirmoutier 
sous  la  Terreur. 

—  De  M.  l'abbé  E.  Rafln,  le  distingué  curé  de  Bazoges-en-Pareds, 
Allocution  adressée  à  M.  le  marquis  Louis,Aymer  de  la  Chevalerie  et  à  made- 
moiselle Marie  de  Ponlevoye,  à  l'occasion  de  leur  mariage  en  l'église  de  la 
Châtaigneraie,  le  G  septembre  1899,  (broch.  in-8°  de  12  p.,  Fontenay, 
Gouraud.  1899). 

—  Dans  la  Révolution  Jrançaise,  de  septembre  1899  :  M.Edmond  Rire 
et  les  légendes  révolutionnaires,  par  M.  H.  Cheguillaume. 

—  A  lire  dans  le  Vendéen  de  Paris  de  septembre-octobre  1899  :  un 
article  signé  0.  R.  sur  le  Marais  Poitevin. 

—  Dans  le  numéro  de  septembre  de  la  Revue  de  la  Jeunesse  catholique 
sous  la  signature  Un  Congressiste  :  Le  Congrès  de  la  Roche- sur-Yon. 

—  Nous  recevons  de  notre  ami  Jules  Bois,  son  nouveau  et  délicieux 
volume  La  Nouvelle  douleur,  et  applaudissons  de  tout  cœur  au  légitime 
succès  qui  en  a  accueilli  l'apparition.  Sous  notre  rubrique  :  A  tra- 
vers les  livres,  il  en  est  rendu  un  compte  plus  détaillé.  Nous  y  ren- 
voyons le  lecteur. 

L'éminent  auteur  vient  d'écrire  une  exquise  préface  pour  l'Au- 
delà  de  Jacques  Le  Lorrain  et  prépare  un  nouveau  volume  qui 
paraîtra  prochainement  chez  Ollendorff  sous  ce  titre  :  L'Invisible. 


622  BIBLIOGRAPHIE 

—  Nous  souhaitons  longue  vie,  et  complète  prospérité  à  la  nouvelle 
Rerue  hebdomadaire,  qui  vient  de  paraître  à  Paris,  (14,  rue  de 
Beaune,  8  francs  par  anj,  sous  ce  titre  :  La  Renaissance  politique  et 
Littéraire,  et  parmi  les  rédacteurs  de  laquelle  nous  comptons  de 
vaillants  et  excellents  amis. 

Bouquinerie  Vendéenne  : 

De  la  Revue  des  Autographes  (34,  rue  du  Faubourg  Poissonnière), 
n°  de  novembre  18119  : 

5.  Alquier  (Ch.,  baron),  célèbre  diplomate,  député  de  la  Charente- 
Inférieure  à  la  Constituante  et  de  Seine-et-Oise  à  la  Convention,  né  à 
Talmond  (Vendée)  en#l752,  mort  en  1826.  —  L.  a.  s.  ;  Amsterdam 
28  germinal  an  III,  1  p   in-4.  Belle  lettre.  5    » 

127.  Hugo  (Abel),  littérateur  distingué,  frère  de  Victor  Hugo,  né 
en  1798,  mort  en  1855.—  L.  a.  s  à  M.  Trébuchet,  son  oncle,  à  Nantes; 
Paris  25  mai  1820,  2  p.  223  in-4  Légère  déchirure  enlevant  un  mot. 
Raccommodée.  8    » 

Très  belle  lettre  ou  il  lui  exprime  le  désir  de  visiter  les  antiquités 
de  la  Bretagne  et  de  la  Vendée. 

134.  Kercado(L.-Alex.-M.  Le  Sénéchal,  marquis  de),  brave  lieute- 
nant général  du  règne  de  Louis  XV,  né  en  1712,  mort  1763.  —  L.  a.  s-, 
Les  Sables-d'Olonne,  10  août  1761,  2  p.  in-4.  15    » 

Très  intéressante  lettre  où  il  donne  la  liste  des  ouvrages  ou  mé- 
moires sur  l'art  militaire,  dont  il  est  l'auteur.  Curieux  détails. 

137.  La  Fare  (Ch.-Aug  marquis  de),  écrivain  et  poète  célèbre 
du  XVIIIe  siècle,  auteur  de  Mémoires,  né  dans  l'Ardèche  en  1614, 
mort  en  1712,  —  Pièce  sig.;  Paris,  10  juin  1705,  1  p.  in-4  obi.,  cachet 
bien  conservé,  superbe  pièce.  Rare.  25    » 

193.  Richelieu  (Nicole  du Plessis),  femme  d'Urbain  de  Maillé,  marquis 
de  Brézé,  maréchal  de  France,  sœur  du  Cardinal,  morte  en  1635.  — 
Let.  aut  sig.  de  son  monogramme  à  sa  belle  sœur  Mme  de  Richelieu, 
(femme  d'Henry  du  Plessis)  ;  3  p.  1/2  in-4,  cachets  et  soies.         20  » 

Très  belle  lettre  toute  relative  à  son  frère  Henri  du  Plessis,  et  où 
elle  souhaite  «  que  luy  et  M.  de  Luçon  (Richelieu)  soient  maintenant 
en  bonne  intelligence.  » 

—  L'abondance  des  matières  nous  oblige  à  grand  regret  de  remettre 
au  1er  fascicule  de  1900  le  commencement  de  la  publication  annoncée 
du  Journal  inédit  de  Mercier  du  Rocher  et  les  intéressantes  pages  que 
nous  adresse  notre  éminent  collaborateur,  M.  l'abbé  Bossard,  sur 
la  Révolution  à  l'Ile  d'Yeu. 


s 


BIBLIOGRAPHIE  823 

—  Dans  le  dernier  N°  de  la  Revue  de  Saintonge  et  d'Aunis,  sous  la 
rubrique  :  Les  Jamilles  Rochelaises, une  intéressant^'  étude  de  généalo- 
gie locale  sur  la  famille  Harouard,  dont  M.  René  Vallette,  dans  ses 
Châteaux  de  Vendée  /article  St-Sornin),  avait  précédemment  parlé. 

Un  de  ces  Harouard,  Pierre,  mort  en  171),  avait  épousé  Suzanne 
Bernon,  qui  se  remaria  avec  messire  Gaspard  Bernard  de  Marigny, 
écuyer,  seigneur  de  la  Motte-Marigny,  lieutenant  de  vaisseau,  che- 
valier de  saint  Louis.  Elle  en  eut  un  fils  qui  fut  le  père  du  général 
vendéen  et  une  fille  qui  épousa  M.  de  Régnon  de  Chaligny. 

—  Le  N°  du  Gaulois  du  22  octobre  reproduit  de  la  nouvelle  série 
de  choses  vues  de  Victor  Hugo,  une  page  fort  curieuse  :  L'exécution 
de  Louis  XVI.  Nous  y  lisons  notamment  qu'après  l'exécution  l'abbé 
Edgeworth  «  passa  la  rivière,  prit  la  rue  du  Bac,  puis  la  rue  du 
«  Regard  et  parvint  ainsi  à  gagner  la  maison  de  Madame  de  Lézardière 
«  près  de  la  barrière  du  Maine  ».  Et  plus  loin  :  «  Madame  de  Lézar- 
«  dière,  atteinte  d'une  grave  maladie  depuis  près  d'un  mois,  ne 
«  peut  supporter  le  coup  de  la  mort  de  Louis  XVI.  Elle  mourut  dans 
«  la  nuit  du  21  janvier  ». 

Madame  de  Lézardière,  née  Marie-Jeanne-Charlotte  Babaud  de  la 
Ghaussade  fut  la  mère  de  la  célèbre  Mademoiselle  de  Lézardière. 

—  Extrait  des  Comptes- rendus  des  séances  de  l'Académie  des  Inscriptions 
et  Belles- Lettres  : 

Séance  du  13  octobre  1899.  —  M.  de  Barthélémy  présente  à  l'Aca- 
démie, au  nom  de  l'auteur,  M.  Charles  Farcinet,  un  volume  intitulé  : 
L'ancienne  jamille  de  Lusignan,  les  premiers  sires  de  ce  nom,  les  comtes  de 
la  Marche,  Geoffroy  la  Grand'  Dent,  les  rois  de  Jérusalem  et  de  Chypre. 
(Vannes,  1899,  in-8°. 

«  M.  Charles  Farcinet,  auteur  de  l'ouvrage  que  j'ai  l'honneur 
«  d'offrir  à  l'Académie,  a  rempli  pendant  longtemps  les  importantes 
«  fonctions  de  chef  du  personnel  préfectoral  au  Ministère  de  l'Inté- 
«  rieur.  L'heure  de  la  retraite  ayant  sonné,  il  occupe  ses  loisirs  à 
«  des  recherches  d'érudition,  principalement  sur  l'histoire  et  la 
«  numismatique  de  la  Vendée,  son  pays  d'origine. 

«  Son  dernier  travail,  celui  que  je  présente  aujourd'hui,  est  con- 
«  sacré  à  la  maison  de  Lusignan,  sur  les  origines  assez  obscures  de 
«  laquelle  il  apporte  quelques  éclaircissements.  On  lui  doit  la  recti- 

«  fication  assez  importante  d'une  erreur  souvent  répétée  au  sujet  de 

i 

«  Hugues  IX  de  Lusignan,  présenté  par  tous  les  auteurs  comme 
«  fils  de  Hugues  VIII,  tandis  qu'il  était  son  petit-fils  ;  ce  fait  est 
«  indiscutable  en  présence  du  texte  d'une  charte  de  l'abbaye  des 


624  BIBLIOGRAPHIE 

•<  Châtelliers.  Une  autre  rectification  a  pour  but  d'établir  que,  con- 
«  traireraent  à  une  assertion  des  Layettes  du  Trésor  des  Chartes, 
«  Geoffroi,  seigneur  de  Vouvant,  ne  doit  pas  être  confondu  avec  son 
«  homonyme,  seigneur  de  Jarnac,  qui  n'était  pas  né  à  la  date 
«  indiquée. 

«  A  propos  des  rois  de  Jérusalem  et  de  Chypre  de  la  maison  de 
«  Lusignan,  M.  Farcinet  établit  que  leur  descendance  se  suit  jus- 
«  qu'en  1489,  mais  qu'elle  s'éteignit  à  la  fin  du  XVe  siècle.  Il  en 
«  conclut  que  les  personnes  qui  se  donnent  aujourd'hui  comme 
«  princes  de  Lusignan  ne  s'appuient  que  sur  des  prétentions  sans 
«  fondements.  » 

—  Nous  lisons  également  sur  le  même  sujet  dans  Le  Moyen-Age, 
revue  d'histoire  et  de  philologie,  publiée  à  Paris,  tome  XII,  p.  451 
(septembre-octobre  1899)  : 

«  La  généalogie  des  Lusignan  est  pleine  d'obscurités,  divers  per- 
'<  sonnages  de  cette  famille  ayant  porté  le  même  nom  de  père  en 
«  fils.  M.  Charles  Farcinet  a  réussi  à  débrouiller  cette  filiation  dans 
«  un  ouvrage  qni  en  est  à  sa  seconde  édition  (L'ancienne  Jamille  de 
«  Lusignan,  Fontenay-le-Comte,  1899,  in-8°).  C'est  ainsi  qu'à  l'aide 
«  d'actes  du  Cartulaire  de  l'abbaye  des  Châtelliers  et  d'une  charte  de 
«  l'Absie,  il  est  établi  que  Hugues  IX  était  non  pas  le  fils,mais  le  petit- 
«  fils  de  Hugues  VIII.  M.  Farcinet  fait  porter  ses  recherches  particu- 
«  lièrement  sur  un  Lusignan  qui,  sous  le  nom  de  Geoffroy  la  Grand' 
«  Dent,  est  devenu  un  héros  de  roman,  un  personnage  légendaire, 
«  popularisé  par  l'image  et  la  médaille.  D'après  lui,  ce  Geoffroy  doit 
«  être  identifié  non  pas  avec  Geoffroy  Ier,mais  avec  son  fils  Geoffroy  IL 
«  né  vers  !  198  et  mort  en  1248.  Il  prit  part  aux  luttes  que  soutint 
«  son  cousin  Hugues  X,  comte  de  la  Marche,  contre  Henri  III  d'An- 
«  gleterre,  et  M.  Farcinet  a  réuni  un  certain  nombre  de  documents 
«  relatifs  à  ce  Geoffroy,  dont  quelques-uns  étaient  inédits.  »      M.  P. 

—  De  M  le  docteur  Atgier,  archiviste  bibliothécaire  de  l'Académie 
des  Sciences  et  Belles-Lettres  d'Angers  :  Les  sires  de  Maulêon,  sei- 
gneurs de  l'Ile  de  Ré,  d'après  des  documents  inédits  ou  peu  connus  (1137- 
1268.  Angers,  Lachèze  1898,  in-8°  40  p.) 

Mauléon  était  une  seigneurie  entre  Thouars  et  Montaigu  qui  rele- 
vait de  la  vicomte  de  Thouars  et  du  comté  du  Poitou. 

—  A  lire  dans  les  Archives  historiques  du  Poitou  (tome  XXVIII)  la 
première  partie  du  Cartulaire  des  sires  de  Rays  (1160-1449),  tiré  des 
archives  du  duc  de  la  Trémoille  par  M.  René  Blanchard.  On  y  trouve 
d'intéressants  détails  sur  Gilles  de  Rais,  dont  on  connaît  la  fin 
tragique, 


«26 


H1BL10GHAWHIK 


—  A  lire  également  dans  la  Revue  £  Archéologie  poitevine  (N°  de 

décembre  1899):  Les  inventaires  du  château  de  Mouscil  [Vendée)  de  1697 

à  1702  par  Mgr  X.  Barbier  de  Montault. 

R.  de  Thivbrçay. 


Si  décembre  1899. 


La    «    J^.evue    du    ^as-Poitou   » 

OFFRE 

à  ses  Collaborateurs  et  Abonnés 


SES 


meilleurs  vœux  de  nouvel  an. 


REVUE    DU     BAS-POITOU 


12e   Année 


TABLE  DES  MATIERES 


TEXTE 

I.  —  Les  Poètes  du  Bas-Poitou.  —  L'abbé  François  Gus- 

teau,  par  M.   N.  Mouchard  ,  prêtre 5 

II.  —  Les  Grandes  Journées  de  la  Vendée  militaire.  —  Les 

Combats  de  la  Châtaigneraie  et  de  Fontenay  (mai 
1793),  par  M.  l'abbé  F.  Deniau 49 

III.  —  Le  Clergé  de  la  Vendée  pendant  la  Révolution  (suite), 

par  M.  E.  Bourloton ...       69 

IV.  —  L'Art  en  Vendée.  —  A  propos  d'un  groupe  de  Gaston 

Guitton,    par    M.    A.   Bonnin 87 

V.  —  Muses  Vendéennes.  —Les  Rochers, par  M. Francis Eon.      91 
VI.  —  Une  page  d'histoire  Sablaise.  —  La  réunion  de  la 
Chaume  à  la  ville  des  Sables  au  siècle  dernier,  par 
M.    Hugues    Laincolle '. 93 

VII.  —  Notes  d'Archéologie  Vendéenne.  —  La  vieille  cloche 

de  l'église  de  Châteauneuf,  par  M.  Jos.  Berthelé.     102 

VIII.  —  Le  Théâtre  à  Fontenay  sous  la  Terreur,  par  M.  A. 

Bitton 110 

IX.  —  Camées  Vendéens. —  M.  Edouard  Hervé,  par  M.  Er- 

nest Merson 120 

X.  — A  travers  les  Livres,  par  ZZZ 124 

XI.  —  Chronique  et  Bibliographie,  par  R.  de  Thiverçay.     ...     126 

XII.  —  Les  Armes  historiques  du  Poitou.  —  L'èpée  XVI" 

siècle  du   marquis   dTIarambure,   par  M.   0.    de 
Rochebrune.      157 

XIII .  —  Pourquoi  une  statue  de  Richelieu  à  Luçon,  par  M.  C 

Calvet 161 

XIV.  —  Le  Clergé  de  la  Vendée  pendant  la  Révolution,  par 

M.   E.  Bourloton 177 

XV.  —  L'Histoire  d'un  Drapeau  de  la  Grande  Guerre.  — 
L'Insurrection  Vendéenne  à  Moncoutant.Bressuire 
et  Châtillon  (suite  et  fin),  par  M.  C.  Puichaud.  . .       191 


628  TABLE   DKS   MATIÈRES 

XVI.  —  La  Terreabandonnée.—  Nouvelle  vendéenne(suite), 

par  M.  G.   Guitton 210 

XVII.  —  Le  Journal  d'un  Sablais  (1803-1804),par  M.  H.  Colins.      227 

XVIII.  —  Muses  Vendéennes.  —  Sur  le  Golgotha,  par  M.  A. 

Métay 242 

XIX.  —  Le  Bas-Poitou  à  Port-Royal.   —  Antoine   Baudry 

d'Asson  chez  les  Jansénistes,  par  M .  René  Vallettk.     244 

XX.  —  Les  Cent  Jours  dans  l'Ouest.  —  La  Rochelle  et  la 

Roche-sur-Yon  (suite), par  M™6  Renée  Monbrun.  . .     247 

XXI.  —  En  Tunisie. — Notes  de  voyage  d'un  touriste  Vendéen, 

par  M-   L.  de  la  Chanonie 261 

XXII.  —  La  Vie  littéraire.   —  La  Terre  qui  meurt,  de  M.  R. 

Bazin,  par  M.  A.  Barrau 265 

XXIII.  —  Journal  d'un  Fontenaisien  sous  la  Terreur  (suite), 

par  M.  René  Vallette 270 

XXIV.  —  Les  Vendéens  à  Quiberon,  par  M.  Charles  Robert, 

de  l'Oratoire 276 

XXV.  —  Chronique  et  Bibliographie,  par  R.  de  Thiverçay...    279 
XXVI.  —  Alexandre  Bonnin  de  Fraysseix,  par  René  Vallette.    307 

XXVII.  —  La  restauration  de  la  Fontaine  des  Quatre-Tias  de 

Fontenay,  par  0.  de  Rochebrune 315 

XXVIII.  —  LeClergëde  la  Vendée  pendant  la  Révolution  (suite) , 

par  E.   Bourloton 321 

XXIX.  —  Les  Grandes  Journées  de  la  Vendée  militaire.  —  Le 

combat  du  25  mai  1793  à  Fontenay,  par  M.  l'abbé 
Deniau 344 

XXX.  —  Les  Représentations  dramatiques  dans  les  Collèges 

Poitevins,   par   M.   H.  Clouzot 374 

XXXI .  —  Les  vieilles  chansons  de  chez  nous.  —  La  Complainte 

du  sire  de  Péroux  et  de  son  chè  «   Y  Abri  «,  par 

M.  l'abbé  H.  Boutin 387 

XXXII.  —  Les  peintres  du  siècle.  —  Paul  Baudry,  par  M.  Jules 

Breton 392 

XXXIII.  —  Les  Canons  historiques  de  la  Vendée  militaire,  —  La 

Marie  Jeanne    et  le  Missionnaire.  —  Lettre  du 

M"  de  Villoutreys 398 

XXXIV.  —  Chez  Barbe-Bleue.  —  Le  château  de  Tiffauges,  par 

M.    L.  Brochet 401 

XXXV.  —  Les  Chevaliers  du  Saint-Esprit  de  la  province  de 

Poitou,   par  M.    le  Vte  Paul    de   Chabot 414 

XXXVI.  —  Chronique  et  Bibliographie, par  M.  R.  de  Thiverçay.     434 


TABLE  DES   MAT1ÈKKS  629 

XXXVII.  —  La  Renaissance  en  Bas-Poitou.   —  l'église  de  Fe- 

nioux  (Deux-Sèvres)    par  M.  0.  de  Rochebrune.     455 

XXXVIII. —  Les  Origines  de  la  Guerre  de  Vendée.  — Notes  de  psy- 
chologie historique,  par  M.  Maurice  Prouteaux.  . .     457 

XXXIX.  —  Le  Clergé  de  la  Vendée  pendant  la  Révolution  (suite), 

par  M.  Edgar  Bourloton 469 

XL.  —  Beauvoir-sur- Mer  au  XI0  siècle,  d'après  un  décret 
inédit  d'Isambert,  évoque  de  Poitiers  vers  1040, 
par  M.  Léon  Maître '489 

XLI.  —  Essai  d'Epigraphie  Vendéenne  (suite),  par  M.  René 

Vallette 500 

XLll.  —  Petits  drames  Vendéens.  —  La  hache  de  Ripoche,  par 

M.EmileGrimaud 510 

XLIII.  —  Le  Journal  d'un  Sablais  en  1803,  (fin)   par  M.  H- 

Colins 514 

XLIV.  —  Les  Cent  jours  dans  l'Ouest.  —  La  Rochelle  et  La 
Roche-sur-Yon  (suite  et  fin),  par  Mme  Renée 
Monbrun 529 

XLV.  —  Deux  Victimes  Vendéennes,  par  M.  l'abbé  F.  Uzureau.    544 

XL'VI.  —  La  géographie  gauloise  du  Bas-Poitou.  —  Princi- 
paux points  archéologiques  des  cantons  de  Ste- 
Hermine  et  de  L'Hermenault,  par  M.  A.  B 553 

XLVII.  —  La  Terre  abandonnée,  nouvelle  Vendéenne,  (suite), 

par  M.    G.  Guitton 561 

XLVIII.  —  La  Société  française  d'archéologie  en  Bretagne.  -- 
Souvenirs  d'un  congressiste  vendéen  (suite),  par 
M.  Ed.    du  Trémont 580 

XLIX.  —  Correspondance.  —  Une  réponse  à  MM.  Crétineau- 

Joly,  par  M   l'abbé  Eugène  Bossard 588 

L .  —  a  travers  les  Livres,  par  ZZZ 593 

LI.  —  Chronique,  par  R.  de  Thiverça y 600 

LU.   —Nécrologie 612 

LUI.  —  Bibliographie 615 

LIV.  —  Table  des  matières 627 

GRAVURES 

I.  —  Portrait  inédit  de  l'abbé  François  Gusteau,  d'après 

un  tableau  du  temps  appartenant  à  M.  E.  Baron.        5 
II.  —  Le   général  vendéen    de  Bonchamps,   d'après  un 
crayon  de  la  collection  de  M,  H.  Baguenier  Desor- 
meaux       69 


630  TABLE    DES    MATIÈRES 

III.  —  Marie-Jeanne,  le  canon  des  Vendéens,  eau-forte  de 

M.    0.  DE  ROCHEBRUNE 

IV.  —  Une  Vue  de  la  Chaume  en  1811,  d'après  une  goua- 

che de  l'époque 93 

V.  —  Ecus son-devise  de  Gusteau,  d'après  un  dessin  de  lui- 
même 109 

VI.  —  L'épèe  XVIe  siècle  du  Mi3  d'Harambure,  eau-forte 

de  M.  0.  de  Rochebrune 157 

VIL  —  Un  Drapeau  de  la  Grande  Guerre 191 

VIII.   —  Vue  des  Sables-d' Olonne  à  la  fin  du  siècle  dernier, 

par  Ozanne 217 

IX.  —  Le  Monument  des  Combattants  de  JLuçon,  parM.Fui.- 
conis 

X.  —  Portrait  de  M.  Alexandre  Bonnin  de  Fraysseix,  d'a- 
près un  médaillon  exécuté  par  lui-même 307 

XI.  —  La  Grande  Fontaine  restaurée  de  Fontenay-le-C  ointe, 
d'après  une  récente  eau-forte  de  M.  O.  de  Roche- 
brune 315 

XII.  —  Gathelineau  à  la  tête  de  l'armée  Vendéenne,  se  ren- 
dant au  Te  Deum  de  Notre-Dame,  après  la  vic- 
toire de  Fonlenay,  d'après  un  vitrail  de  l'église  du 
Pin-en-Mauges 373 

XIII.  —  Le  donjon  de  Tiffauges.  d'après  un  cliché  de  M.  Ar- 

solier 401 

XIV.  —  La  tour  du  Vidame.  —  Idem 411 

XV.  —  La  Renaissance   en  Bas-Poitou.  —L'Eglise  de  Fe- 

nioux  (Deux-Sèvres)  eau-forte  originale  de  M.  0. 

de  Rochebrune ' 455 

XVI.  —  La  hache  de  Ripoche,  épisode  de  l'Insurrection  ven- 
déenne, d'après  un  dessin  inédit  de  M-  Busnel, 
communiqué  par  M.  E.  Grimaud 511 

XVII.  —  Vue  intérieure  de  Saint-Pierre  de  Rome 594 

XVIII.  —  Nos  Compatriotes  :  —  Portrait  de  M.  Edmond  Birè.    601 


Le  Directeur-Gérant  :  R.  VALLETTE. 

Vaiin.'.s.  —  Imprimerie  LAFOI.YK.  2,  place  des  Lices. 


PERIOD. 

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611 

P731 

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