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REVUE
DU
BAS-POITOU
VANNES. — [MP. LAFOLYE, 2, PLACE DES LICKS
REVUE
nu
BAS-POITOU
PARAISSANT TOUS LES TROIS MOIS
_„.~j-^i-?«
12m Sonnée. — lre Tjivraison.
&■+*&
FONTENAY-LE-COMTE
BUREAUX: RUE BENJAMIN-FILLON
C^Cj^V^^Çv^o
PARIS
E- LECHEVALIER
N, Qnai de» Gd«-Augustins.
I
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1899
NIORT
L. CLOUZOT
2 nie des Halle*.
THE GETTV CENTER
■
LES POETES DU BAS-POITOl
Ii'abbé FRANÇOIS GUSTEAU
-h3>£3Q5<S*"
A Monsieur Rknb Valletui
M<>n
sieur.
J'aurais voulu offrir un travail plus digne des lecteurs de ta
Revue du Bas-Poitou.
Si j'ai la téméraire hardiesse de livrer au public les notas
qui vont suivre, c'est que je compte d'abord sur l indulgence que
mérite la bonne intention, et qu'ensuite j'ai la certitude que tes
œuvres de l'ancien prieur de DoLv auront une éloquence qui me
fera pardonner de n'en pas avoir.
Est-ce une biographie très documentée, une édition complète des
œuvres du Chantre de Fontenaq que vous attendez de moi ? Je n'ai
la prétention de donner ni Tune ni Vautre. Je laisse à une plume
que j'estime plus expérimentée que fa mienne, le soin de combler
prochainement les lacunes de mon modeste travail.
Ce que je voudrais pour le moment, ce serait réveiller tout un
concert de vive sympathie pour la mémoire d'un poêle aimable,
gracieux et humoristique, d'un prêtre érudit et zélé, enfin d'un
compatriote ami des lettres poitevines et du sol natal.
Depuis longtemps déjà l'humble vendéen qui signera ces lignes
avait à cœur <le remettre en lumière ce défunt qui parle toujours :
6 LAHBÉ GUSTEAU
defunctus adhuc loquitur. Et, s'il était permis à cet admirateur
d'un beau talent disparu de formuler un vœu, il demanderait à
Uns les fils de celle Vendée qui ont le culte du .souvenir, de ne pas
laisser passer la date du 16 mars (899, sans offrir à l'abbé
Gusteau le témoignage de leur admiration et de leur amour.
Niort, le 13 janvier 18D'.>. en la fête de Saint-Hilaire.
N. Mouchard, .
prêtre.
w®œ
LABBÉ GUSTEAU
(1699-176J .
L
Je vis de souvenifs, de souvenirs anciens.
Hélas! mais 011^ les jours et partout, j'\ reviens
Bbizeux-Marie
e 16 mars 1899 ramène le 200* anniversaire de la nais-
sance de Fr. Gusteau, qui eut pour berceau Fon-
tenay,
Source des beaux esprits, précieuse fontaine,
Dont les eaux de cristal coulent depuis longtemps
Pour la sage Thémis comme pour Melpomùne.
Ce compatriote des Rapin et des Besly, des VTiète et des
Brisson eut pour père Fr. Gusteau et pour mère Marguerite
Royer. Il portait dans ses armes : De gueules, à 3 fasces ; /r
el 3e d'argent, la 2e d'or, avec cette jolie devise qu'il réalisa si
bien : Floris deguslo saporem1.
Enfant à l'intelligence précoce, nature sensible et droite, il
se sentit de bonne heure appelé à la vocation ecclésiastique.
C'est ainsi qu'il fut, le 30 novembre 1720, clerc tonsuré du
diocèse de la Rochelle et, comme
«
Dans les âmes bien nées
La valeur n'attend pas le nombre des années,
il se vit simple diacre, le 22 avril 1722, préposé à la cure de
Saint-Hilaire de Champagne, dans le marais de Luçon.
1 D'après d'Hozier, recueil officiel dressé en vertu dédit de 1696, ei
d'après B. Fillon, dans Poitou et Vendée.
8 l'abbé <;u>te\u
Huit ans plus tard, le 21 décembre 1730, il fut nommé prieur
de Doix. près de Maillezais. C'est dans ce bénéfice, à la colla-
tion de l'abbé de Nieul, et sous la juridiction de l'archiprètre
d'Ardin, qu'il va désormais, sans compter, répandre les lu-
mières de sa vive intelligence et mettre les dons de son riche
cœur au service de son église et de ses fidèles.
l'ravailleur infatigable, il se repose des labeurs d'un minis-
tère toujours consciencieusement rempli, en cultivant la muse
et en > 'appliquant aux lettres qu'il appelait poitevines.
(."est ainsi que nous retrouvons dans ses oeuvres variées,
dont la matière remplirait plusieurs volumes, dix-sept pièces
en patois. Ces dix-sept joyaux tirés de l'écrin que nous avons
entre les mains ont déjà vu plusieurs éditions. (La dernière
en date est celle de 1855-1861, chez M. H. Oudin).
Mais si ce choix judicieux suffit pour donner aux amateurs
de nos vieux dialectes une idée du parler d'antan ; si cette
poésie, tinement naïve, nous retrace fidèlement la simplicité
des moeurs dans la première moitié du XVIIIe siècle, ce re-
cueil ne nous révèle qu'un petit côté de notre intéressant
auteur
(■usteau fut et resta très populaire, parce qu'il sut parler
un langage familier. Le peuple l'aima, parce qu'il lui em-
prunta sa langue, son patois si simple, si naïf et parfois si
expressif. Toutefois s'il fut l'objet d'un vrai culte auprès du
iple, les érudits n'appréciaient pas moins son talent de
te dans une langue que les Corneille et les Racine avaient
illustrée.
■ îr nous, si nous voulons connaître notre héros, mieux
sir son àme, nous allons le visiter dans sa thébaïde de
Dois <J où son cœur, ému par les mystères de notre sainte
on — source de son inspiration la plus profonde,
chantera pour ses amis connus et inconnus des cantiques
cquels la musique moderne donne un air de renouveau et
un regain de popularité.
ftté du poète lyrique, nous verrons le dramaturge reli-
L'AHBÉ GUSTI-AU '•>
gieux, le chantre des illustrations de son pays qu'il a si ten-
drement aimé, le chansonnier plein d'humour et de grâces,
et nous constaterons plus d'une fois que si le sympathique
abbé savait faire arriver un compliment à son adresse, il
maniait très habilement les traits de la satire.
Néanmoins, en dépit de quelques boutades empreintes, non
de noire malice, mais de l'ironie la plusfine, nous retrouverons
toujours le bienfaisant prieur qui porte au cœur ce triple
amour : Celui de Dieu et de son église, celui de la petite et
de la grande patrie, enfin celui de ses fidèles et de ses amis.
I. — Le Poète Religieux. — Cantiques et Mystères.
Byron, dans ses mémoires, définit la poésie : Le sentiment
d'un ancien monde et celui d'un monde à venir, •> et le psycho-
logue Bourget, après le mélancolique poète d'Outre-Manche,
nous dit que « la beauté poétique pure réside dans la sug-
gestion plus encore que dans l'expression. » 11 faut, ajoute-t-il:
« Pour que le sortilège des beaux vers s'accomplisse, du rêve
et de l'au delà, de la pénombre morale et du mystérieux. »
Or, sans vouloir rechercher toute la pensée intime du poète
et du philosophe cité plus haut, je n'hésite pas à dire que ces
conditions, réclamées pour toute œuvre poétique, se trouvent
abondamment dans l'abbé G usteau, qui sut, à une imagina-
tion très vive, joindre l'observation la plus profonde, l'expres-
sion la plus naturelle et la plus suggestive.
De plus ce sentiment d'un mondeancienet celui d'un monde
nouveau, cette préoccupation de l'au-delà, de notre destinée
finale, ne le quittent pas un instant. Nourri de la Bible qu'il a
longuement méditée, il pleure sur la chute et le châtiment de
nos premiers parents, puis il chante avec eux l'espoir qu'ils
ont de rentrer en grâce auprès d un Dieu terrible dans sa jus-
tice, mais sur les lèvres duquel ils ont lu une parole de misé-
ricorde : la promesse d'un Rédempteur, gage d'espérance
pour Adam et sa postérité.
10 l'abbk gusteau
Gusteau, comme Pascal, semble prendre comme règle de
prudence et de charité de ne jamais parlera l'homme de ses
misères, sans lui rappeler ses titres de noblesse. C'est un poète
qui chante avec son cœur et qui trouve ainsi le secret d'être
toujours
Simple avec art.
Sublime sans orgueil, agréable sans fard.
(Boileau, Arl. poèl.)
Si bien que de lui, comme d'Homère, avec notre législateur
du Parnasse, on peut dire que
Son livre est d'agréments un fertile trésor,
car, soit qu'il chante ou le Noël naïvement gracieux, ou la
chanson spirituellement gauloise,
Partout il divertit et jamais il ne lasse.
1 i muse de notre ami s'étant surtout exercée à célébrer le
grand mystère de la Rédemption, je n'hésite pas à l'appeler
Le Chantre inspiré delà Vierge et du Messie.
Mais il est temps que je laisse la parole à ce favori des
muses dont l'humilité faisait mettre en tête de ses œuvres :
i
Vous trouverez dans cet ouvrage cy
Du passable, du bon et de mauvais aussy ;
C'est à ce prix qu'on vous le livre,
Lecteur, attendez-vous y bien,
C'est là le portrait de tout livre,
C'est .'uissi le portrait du mien.
I" .lion du Bellav s'était excusé avant lui de l'imperfection
rs, i peu près dans les mêmes termes :
si je n'a} plus la faveur de la muse,
I ' si mes vers se trouvent imparfaits,
Le lieu, le temps, l'aage où je les ai faits
El lues ennuis, leur serviront d'excuse.
l'abbé gustkau 11
L'un comme l'autre, l'Angevin et le Vendéen ne faisaient
que traduire Martial, tant il est vrai, ajoute notre aimable
auteur « qu'un voleur pille l'autre »
Comme prélude à ses 40noëls, Gusteau nous invite à sou-
pirer avec les patriarches, dans une paraphrase fidèle du
Rorate liturgique de l'Avent.
Ror&te cçeli de super et nubes pluantjustum.
Sensible à nos longues misères,
Ciel bénin, répandez vos eaux ;
Faites couler par vos canaux
Le juste promis à nos pères.
Venez, Seigneur, secourez-nous,
L'univers n'espère qu'en vous.
Puis, pour ranimer notre foi, il nous rappelle les promesses
et les prophéties qui nous prédisent le Messie :
Vous qui, comme moi, d'Israël
Attendez le règne éternel,
Au Dieu qui le présage,
Venez tous rendre hommage.
Dès lors pour préparer la naissance de Celui qui était si im-
patiemment attendu, il fallait
Ine mère
Au fail de Dieu le père.
C'est cette Vierge choisie par le Saint-Esprit que Gusteau
va chanter dans une suite de cantiques, puis nous verrons
Jean-Baptiste le Précurseur, invitant les hommes à se pré-
parer à célébrer la naissance que les anges vont bientôt
annoncer.
Enfin l'Emmanuel promis est né dans une pauvre étable, et
le Dieu des humbles et des petits veut que les bergers soient
les premiers témoins de ce mystère.
Aussitôt ces naïfs gardiens de brebis, ne consultant que la
générosité de leurs cœurs, sont attirés vers ce Jésus dont la
12 l'abbé gusteau
ndeur est cachée sous le voile de l'infirmité, ils se de-
mandent cl' qu'ils pourront bien lui offrir.
Que portronsjy pr'amusay le poupot ?
"S ,i\ bay chez nous in écharbot
Oui fait le moulinot.
Dame, jamais gne s'arrache
Dau pape-r voury l'attache:
Offrons l'y, Rigot :
— Ah ! Colas, ne séchons pas si sot :
Le grand Dieu pense trop
A ce qui perdit tôt,
Pre s'occupa)' quemin marmot
Din osea, din barbot.
Ouiau Dieu, mon cher Pérot,
Veut aver nos quieurs pre son lot.
Nous demande teil trop ?
M;ns les présents ne suffisent pas; il n'est pas de fête sans
compliment, il faut en dresser un, ce qui met à l'enver sla
de Pérot.
st Hobin qui, aidé de trois habiles confrères, est arrivé
à mettre sur pieds le fameux compliment que voici :
P.OBIN.
Y en ni prêtant bay fait un bea,
Pre le dressay j'étions tra,
Et j'avons be suay ;
Regardez si gne cadre pas,
Gne ma presque tué.
Mon bon Jésus, quand y ve voy,
Mon quieur est farfouillé de joy,
L'aise me fait chantay ;
<.>ui me donne à vous mille foy
Et qui veut ve zaimav.
faites moi savoy sans façon
< '• qu'il faut que je fassions
Pre plaire à vos bontés?
Ah! queu l'honneur que je séchons
I >c vos domestiqués .
i/abbé gusteau 13
Un compliment si bien tourné devait attirera leurs auteurs
des hommages bien sentis. Aussi tous les amis de Robin
font éclater leur enthousiasme dans ce couplet final où la
modestie la plus vraie va de pair avec l'étonnement le plus
naturel :
Ah ! jarti tay le plus savant
Et bay, Robin, marche devant
Et parle pre tretous ;
Qui craïoit que t'en savais tant ?
Tay bay pu tin que nous.
•
Jusque là les bergers seuls ont payé leur tribut au Dieu de
la Crèche, mais aussitôt Tn Ange condit in Pasturelle à
Bethléem.
Ce charmant Noël poitevin a été publié plusieurs fois, ce-
pendant il me semble que quelques couplets doivent trouver
leur place ici et figurer à côté du compliment de Robin.
NOËL, sur Vair :
Quand y partis delà Rochelle
Y en partis à mon grand regret
Lalirenne.
Arser venant de chez mon père, (bis )
La grande merveille qui vis,
Ma bregère,
La grande merveille qui vis.
O paraiguit ine lumière, (bis.)
Tout fain dret dessus nos patis,
Ma bregère,
Tout fain dret, etc.
O sembloit être nos fougères, (bis.)
Lavoure le feu s'étoitmis,
Ma bergère, etc.
Mon quieur tremblotoit de misère, (bis.)
Mais que gle fut bientôt remis, etc.
In ange me faisait la chère (bis.)
Et me dissit, y 1 entendit, etc.
14 I.'aHBR ITUSTAUE
Laisse Le y ta crainte, Paquière, {bis.)
Prens me ta penère et me suis. etc.
\ ['heure, sans tant de mystère, (bis )
Y le si vit. bay loin de foui, etc.
Gle me menitàla tanère, [bis.)
Vro lat ses beux le Grand Louis, etc.
Gle m'y faisit voir inc Mère, [bis.)
O que in poupon dau pu jolis, etc.
Misant, ù faut que te révère, (bis )
La mère, mais surtout le fils, etc.
Quia a petit Enfant est ton Père, (bis.)
Tout aussi vrai queme y tau dis. etc.
Quement si fisit, glest mon Père?(£?s.)
Cargleme surprenet aussi, etc.
Craignant qui me misse en colère, (bis )
En riant gle parlit ainsi, etc.
Daux hommes, Dieu n'est-il pas Père? (Lis.)
— Et voil monsieu, rèpondis-y, etc.
— Et si de trelous glest le Père, (bis.)
('.le detètre le ten aussi, etc.
L'enfant quo faut que te révère, (bis.)
Glest ton Bon-Dieu, sache quieuqui, etc.
L'uand y comprenis le Mistère, (bis.)
Y pris l'Enfant y l'adori, etc.
Y ly tiris de ma penère, (bis )
De lard tout frais un gros bouzi, etc.
• ) fut à Madame sa mère, (bis )
Que men offrande y présenti.
Ma b regère,
Que men offrande y présenti.
Vas le voy queme ma, m;i chère, (bis )
Taras le bounheur que j'oguis,
Ma bregère.
Taras Je bounheur que j'oguis.
L AUBE UUSTEAU
15
La série des Noëls continue . notre poète y chante encore
V Heureux Mystère, Jésus considéré comme lumière du monde, la
Circoncision, le Nom de Jésus donné au Messie, Y Adoration des
Rois, les Réflexions d'un valet à la suite des Mages, ['Inquiétude
et te dessein d'Hérode au sujet du Messie, la Fuite en Egypte, le
Massacre des Innocents; puis notre fin lettré qui, en dehors de
la Bible, cherchait souvent son inspiration dans les lettres
profanes, remet sous nos yeux V Accomplissement de la pro-
phétie de la Syhille de Cumes.
« C'est, » nous dit-il. « une traduction paraphrasée d'un
endroit de la IVe églogue de Virgile, où le poète attribue par
flatterie au fils de Pollion la prophétie de la Sybille, qui ne
peut être entendue que de Jésus-Christ.
/ Itirna Cumœi
Veiiitjam carminis
■rtas, etc.
Jam rwvaprogenies
(lœlo demiftitur allô.
Le siècle dont la Sybille
Prédit le temps dans ses vers,
Siècle en prodiges fertile,
Est ouvert pour l'univers ;
Un roi suprême,
Le fils de Dieu même,
Descendu des cieux,
Paroit en ces lieux.
L'âge d'or que vient d'ouvrir
Ce Dieu fait chair
Finira ce siècle de fer,
O Lucifer !
Déjà l'abondance,
Fruit de l'innocence,
Et les doux plaisirs
Comblent nos désirs ;
Les feux, les alarmes,
La fureur des armes,
Et les durs travaux
Cèdent au repos.
Sous ce roi Hoc duce.
Dont la foi
Nous donne l'indice,
Sous ce roi
Dont la foi
iG L'ABBÉ ÊSUSTEAU
Montre ses grandeurs, Si qua marient
Vont cesser tous les malheurs Sceleris vestigia nostrii
Que du premier homme attira la malice ; Irrita perpétua
lu par sa bonté. Suivent formidine
Ce qui reste d'iniquité, terras.
Sera par ses soins et son sang acquitté.
Comme œuvres de plus longue haleine et qui semblent une
préparation à La Nuitde Noël, pièce de théâtre en cinq actes,
représentée « avec succez » en 1742, par les petites écolières
de Doix, notre intéressant poète nous donne : Le Dialogue de
Lucas, Colin et Pierrot, deux pastorales en cantiques, l'une
ayant pour titre : Réjouissance des familles chrétiennes au sujet
de la naissance dix Sauveur, l'autre, sans titre, mais avec même
objet : enfin Y Empressement de la ville de Fontenay-le-Comte
jxtiir aller voir Jésus nouvellement né.
Dans ces pièces, comme dans les cantiques, nous retrouvons
même verve et même naturel chez l'auteur, mêmes cris de foi
ut d'amour chez ces âmes simples qui vont porter au Dieu
Sauveur les hommages de leurs cœurs fidèles et reconnais-
sants.
Toutefois, sous cet air de bonhommie qui caractérise les
héros avec lesquels nous avons renouvelé connaissance, il ne
faut pas croire que la naïveté — même la plus aimable — soit
leur unique apanage ; il faut encore leur accorder la prover-
biale finesse du paysan normand, que Lucas va revendiquer
pour son compte.
Lucas
Pour être utile au nouveau roi
Que pourrons-nous bien faire?
Colin
Choisissons chacun pour emploi
Le moindre ministère
Au bœuf si tu donnes du foin,
J'abreuverai lànesse.
Chez un grand Dieu le moindre soin
Mérite qu'on s'empresse.
l'abbk oustkau 17
Lucas
J'aperçois bien le Saint Enfant,
Mais l'étable est remplie,
Veux-je entrer, dans le même temps
On me presse et je plie.
Un moyen, dans l'occasion.
Me paroit efficace :
.Je vais faiie sortir l'ânon,
Et je prendrai sa place,
Colin
.le crains bien que si tu le fais
Quelqu'un ne te reprenne ;
Car l'animal échauffe exprès
Ce Dieu de son haleine.
Pour n'avoir de l'Enfant Jésus
Quelque juste reproche,
Fais mieux, Lucas, monte dessus,
Tu seras aussi proche.
Lucas
Je n'ose, mais je suis Normand,
Aussi laisse-moi faire ;
Je Tôterai subtilement
Va, j'en fais mon affaire.
Coi.in
Ah ! tu n'en viendras pas à bout ;
Car Dieu, quoique tu fasses,
Sait tout, entend tout et voit tout,
Cherche donc d'autres places.
PlEKROT.
J'en veux prendre une dans le cœur
De l'aimable Messie,
Il me fera cette faveur,
Je l'espère et l'en prie.
Ce cœur, immense en charité,
Ne rebute personne;
Bénin, rempli d'humilité
Aux petits il se donne.
TOME XII. — JANVIER, FÉVRIER, MARS.
l'abbe gustkau
L'enthousiasme vrai de ces populations sincèrement chré-
tiennes nous est un sur garant que le sympathique drama-
turge n'a pas eu de peine à faire interpréter, d'une façon très
satisfaisante, par les petites bergères de Doix, ses drames
religieux, présent fait à la jeunesse et à l'imprimeur ; à la
jeunesse pour la conduire à Bethléem à peu de frais, et à l'im-
primeur, avec l'espérance que le nombre des livres qu'il faudra
pour les personnes qui représenteront la pièce, luy procurera
un plus prompt débit. »
double souci part assurément d'un bon cœur, comme le
•itiment d'affection pour sa patrie qui lui dicte ce ravissant
NoêJ où il introduit, « sans dessein d'y régler les rangs, » les
différents corps religieux et civils que l'importante ville de
Fontenav comptait alors dans ses murs.
( »n voit, à cette occasion, défiler, au son des tambours et
des cloches, le lieutenant1 du roi, escorté de la noblesse,
Pour guide ayant sa sagesse
Et pour lumière sa foi ;
. ... Le Siège Royal,
En pompe et cérémonie,
A suivi son Sénéchal ;
s Conseillers, les Gens du Roi vont ensuite, précédant les
ocats
Oui, suivis d'une nuée
De Procureurs, de Greffiers,
Semblent former une armée
Que terminent les Huissiers ;
Monsieur le Maire qui
parlant
A ravi par son beau style
Le cœur du divin Enfant.
Kchevins. la Maréchaussée, le Prévôt, l'Election, la
M.iitrise.
Et les Traites à leur tour
Au Dieu vont faire leur cour.
i M li marquis do la Carte était alors lieutenant général commandant
pour le Roi en Poitou.
L'ABBÉ GU3TRAU 1!'
Les médecins et les pharmaciens que l'auteur plaisant.' en
passant, les receveurs, tabellions royaux, directeurs et commis
des contrôles suivent avec les marchands et les artisans.
Vient alors le clergé ayant à sa tête le vénérable Doyen,
les deux pasteurs de Saint-Jean et de Saint-Nicolas, les
vicaires, les aumôniers, puis les ordres religieux d'hommes et
de femmes : les Jacobins, les Cordeliers « qui chantent char-
mante musique, » les Capucins, les Jésuites ; les Dames de
Saint-François qui
Ont offert par leur Tourrière
Un coffret au Roi des Rois,
Qu'on a cru plein des ouvrages
Et des Mères et des Sœurs;
Mais dessous les emballages,
On n'a trouvé que leurs cœurs.
Les filles de Notre-Dame et celles de Y Union voulaient à leur
tour
En commun
Donner leurs cœurs à douzaine,
Mais elles n'en avaient qu'un !
Enfin les sœurs de la Chanté se retrouvaient, comme
toujours auprès de ceux qui souffrent.
Voici comment notre humoristique auteur termine cette
longue, mais très édifiante énumération de dévots personnages:
J'aurais vu quelque autre chose,
Mais tant de gens sont venus
Au trône où le Dieu repose,
Qu'on ne se connoissoit plus.
Alors Poirier, le libraire,
Et moi sommes retournés
Dans le dessein de vous faire
Le récit que vous tenez.
Comme on peut le constater par ces nombreuses citations
l'appel à la muse n'est pas resté sans écho pournotre spirituel
lyrique ; car, sauf dans quelques improvisations naturelle-
l'abbé gusteau
mi'iit moins parfaites, son inspiration se soutient aisémenj
qu' lu bout de ses œuvres les plus longues.
.)•• voudrais analyser sa pièce principale : La Nuit de Noël,
mais il faut se borner puisque
Le secret d'ennuyer est celui de tout dire.
jtefoisje ne puis m'empêcher d'affirmer que, si l'unité de
; n'est pas scrupuleusement observée, Ja mise en scène de
pastorale est heureuse ; l'action n'y languit point et
lins personnages y sont pris sur le vif.
is lecteurs de la Revue du Bas-Poitou me sauront gré de
ne pas risquer une anatyse qui pourra être reprise en son
temps par un prêtre distingué, digne fils du pays de Doix,
tout si. comme de nombreux amis l'espèrent, on veut bien
faire i ce touchant mystère les honneurs de la scène.
Je passe sous silence quelques autresNoëls, les derniers en
dates, des cantiques de circonstances sur le Baptême, l'Elé-
\ion, le Saint-Sacrement, la Passion, iâ Résurrection du Sauveur,
saint Hilaire, sainte Catherine, saint Alexis, sur la Danse, le
M triage, etc : je termine mes citations des œuvres spirituelles
r quelques couplets d'un Noël trivial qui servira de tran-
n aux œuvres profanes.
NOËL TRIVIAL
Pour les veilleuses
Sur l'air : A"y voulez-vons pas venir , etc,
\ccourez, tilles de Doix,
Venez voir le roi des rois [bis),
Annoncé par les prophètes
V'y voulez-vous pas veni.
"\ s voulez-vous pas veni
La Lison d'un bois
La fille à Perette
N'y voulez- vous pas veni
Voir le fils d'un Dieu béni
l'abbé gustbau 21
Kl vous, fillettes de Doix,
Venez, joignez- vous à nous, (l>i*j-
Prenez vos belles cornettes
N'y voulez-vous pas veni,
La Lison d'un bois,
La fille à Perette,
N'y voulez- vous pas veni
Voir le fils d'un Dieu béni.
Mais que donner au beau fils
Oui ravit les Saints Esprits (bis)
Dont la tendresse est parfaite.
Un saint Ange nous a dit
Qu'il n'a que du foin pour lit, (bis)
Qu'il manque d'une couchète
J'ai chez nous un oreiller,
Portons le dans un panier, (bis)
Car où veux-tu qu'on le mette ?
Quelque pauvre que je sois,
Je veux lui porter du bois fl>ts
Pour chauffer sa chemisette.
Et moi je porte du lait,
Je ne crois pas qu'il en ait, (bis)
Du moins si j'en crois Colleté.
Portons luy d'autres présents.
Surtout offrons luy l'encens (bis)
Que présentoit un prophète.
Ce Dieu demande des cœurs
Il en prise les ardeurs ; (bis .
Offrons luy des âmes nettes.
L'ABBÉ GU8TEAU
11. — Le Poète Profane.
Eglogues. — Odes. — Chansons et satires.
! .0 bon Prieur de Doix, qui fut un vrai prêtre selon le cœur
de ce Dieu qu'il a si amoureusement chanté, un ministre
zélé, toujours préoccupé du soin des âmes et du temple qui
lui étaient confiés, fut encore un père aimable et un ami
cieux .
Prmant pour règle de conduite l'adage ancien, mais en
taisant passer l'utile avant l'agréable : utile dulci, après avoir
distribué si largement le lait et le pain de la doctrine, il
- idr< sse à l'esprit qu'il berce soit de fantaisistes récits, soit de
yeuses chansons; il encense ou il critique suivant les cas;
il conseille ou il blâme ; mais, quoiqu'il fasse, il n'oublie jamais
ni ce qu'il est. ni ce qu'il doit à son prochain.
Notre ami prend d'ailleurs soin, dans son avertissement,
de s'expliquer sur ses petites pièces que d'aucuns, dit-il,
auraient pu qualifier de « folies >.
« Quoiqu'il en soit », ajoute-t-il, « je ne donne point ces
ouvrages, à ceux qui pourront les lire par hasard, pour des
productions exactes. Les connoisseurs verront pourtant qu'il
n a déplus travaillées que d'autres; j'en ay fait de sérieuses
de badines; qu'on ne me fasse point un crime de ces der-
nières, un arc ne peut point rester toujours bandé ; j'ay voulu
rire comme d'autres ; je ne crois avoir offensé persone, ni rien
qui fut contre la modestie de mon état, et j'avais besoin de
m> v cherché mon plaisirdans mon propre fond »•
Si l'on me dit. c'était bien la peine de faire relier de si
m ouvrages, j'avoueray tout ce qu'on voudra sur cet
article, ne trouvant pour me disculper, que l'ennuy de \oir
ma table garnie de papiers qui paroissaient un hors d'œuvre
tes; ne m'était-il pas permis d'employer vingt
ur devenir prop
l'abbk gusteau 23
J] eut fallu, répondra-t-on, les mettre au feu ; j'aurais peut-
être en effet agi plus prudemment, mais il en est des produc-
tionsde l'esprit comme des enfans qu'un père aime pour l'ordi-
naire, quelque laids qu'ils soient ; j'avais fait ces petites piè-
ces; j'y étais attaché.
Les plaisants vers que vous avez faits, s'écriera d'un ton
courroucé quelque poète pinsé. — Des vers à ma fantaisie, luy
répondray-je ; des vers dont on fait cent porté sur un seul
pied, Stans pede uno et qui n'inspirent pas la douleur de s'être
déchiré les ongles pour les limer. J'en voulais faire ; je les ay
voulu faire de même; je suis content; qu'avez-vous à dire,
je ne vous les feray pas lire par force.
Il faut pourtant que j'avertisse sérieusement tout le monde
d'une chose: comme j'y traite de matières spirituelles et que
f'ay donné des décisions, j'abandonne la forme à la critique
des honnêtes gens et les dogmes aux décisions de l'Église. »
Mis ainsi en règle avec son cœur et sa conscience, Gusteau
se livre tout entier aux inspirations de la muse, quoiqu'il pré-
tende mépriser Phœbus.
" D'où vient donc qu'une ardeur secrète
Me force à devenir poète1 '! »
Il est aisé de répondre que c'est tantôt l'amitié qui ne sait
rien refuser à ses amis, tantôt le zèle qui donne aux âmes les
plus timides les plus sublimes audaces.
La condescendance de notre auteur lui inspire donc VEglogue
de Damis et Palémon, dont il nous fournit lui-même la raison
et le résumé du sujet.
«Le sujet de cette pièce, écrit-il, est vray. MM. les mis-
sionnaires de Saint-Lazare faisant mission à Saint-Jean-de-
Fontenay,M. Raison, vicaire de Notre-Dame-de-Fontenay, alla
les voir et soupa avec eux. Comme il se rendait, M. Robert,
le pria d'aller passer la veillée avec luy, ce qu'il accepta : il
1 Ode à madame la duchesse de Beauvilliers.
l'Abbé gusteau
c'en fit p«>mt avertir mademoiselle Raison, sa mère, qui, étant
inquiète, s'en alla à Saint-Jean pour le chercher et trouva que
tout le monde était couché. Elle fait lever M. Marteau, curé
pour lors de cette paroisse, qui se joignit à elle pour chercher
son lils On va le demander chez les missionnaires qui, en-
tendant du bruit à leur porte, crurent que c'était la belle-mère
du sacristain qui était inquiète pour sa fille pour lors en couche,
qui demeurait au fond de la même maison. Cinq ou six per-
rmes avec des lanternes, cherchent M. Raison, et l'histoire
du chien insérée dans la pièce est vray aussi bien que le
dénouement.
Cette pièce a été composée à la sollicitation de M. Raison
luv-mème. sans quoy elle n'eut jamais été commencée; il en
a rit comme les autres ; on connoit à ces traits les bons
caractères, a
I- idèle imitateur de Virgile, dont il a traduit si heureuse-
ment la première églogue en patois poitevin, il met ici en
scène Damis et Palémon. —(Comme Ménalque et Damète,
Virgile, Eglogue III.)— se portant le défi de déchiffrer l'énigme
du pasteur Eglon qui promet pour enjeu
La houlette qui fut le prix de sa victoire,
Quand, courant sur l'avenne, il eut lui seul la gloire
De devancer d'un pas le subtil Lahordon
Ht de bourrer du point Bras-de-Fer Céladon.
maintenant telle est l'énigme
Quand vit-on la raison
Chercher le jugement avec une lanterne ?
I ette énigme est un vrai nœud, mais les bergers du Cygne
de Mantoue n'avaient pas le monopole du don divinatoire.
Palémon, simple berger vendéen, ne le cède en rien au héros
V rgile, aussi s'écrie-t-il. après avoir rêvé un instant :
. . . J'y suis, Damis. . . Je comprends le sujet ;
,l\ suis encore un coup... Eglon est un compère
i veut rire aux dép>ens d'une fine Comère ;
houlette est ,i mov :
l'abbé gusteau '£>
Fier de sa découverte, il consent à en instruire son com-
pagnon étonné, mais en exigeant de lui qu'il tire lui-même les
conclusions de ses prémisses. Pour lui faire deviner les gens
cachés sous cette spirituelle allégorie, — car la raison est la
plus sage bergère, de même que son filsest l'élite des bergers,
— il lui pose les questions suivantes auxquelles répond le
docile rival.
Paj.émon
Dis moy qui met au jour un docte jugement '?
Damis
Ha ! ha ! C'est la raison.
Palkmon
Tu vois donc maintenant
Que c'est du jugement que la raison est mère.
Damis
Ah ! voyez quel détour !
Je t'entends maintenant et vois tes personnages ;
La raison et son fils ont icy des visages.
Mais ce n'est pas assez
Il est avec ces faits d'autres entrelassés ;
La raison et son fils ont-ils une lanterne,
Son fils s'égara-t-il ?
Palémon fait alors le récit détaillé que nous connaissons
par l'analyse de l'auteur. Les personnages mis en scène sont
dépeints d'une façon fort plaisante et les situations sont très
dramatiques. Partout la note comique y est agrémentée du
plus pur sel gaulois.
Damis reconnaît que son ami mérite la houlette d'Eglon,
car tout « cadre à cette histoire » qui finit par un compliment
à l'honneur du jugement que chez l'abbé Raison,
On aperçoit briller dans son raisonnement
Dans ses employs communs, dans toute sa conduite.
Le grand souci qu'avait Gusteau pour la maison de Dieu
lui inspire une ode touchante à la duchesse de Beauvilliers.
l'abbé gusteau
S'il y plaide avec éloquence la cause des saints autels, si la
nécessite met en lui ce beau feu de la charité qui veut que sa
verve expose
Ses maux à la Dame de Doix.
il n'oublie pas de rendre hommage à la bienfaisante duchesse
et ;iu marquis de Creil1, dont les libéralités passées sont pour
lui un gage de nouvelles largesses, et pour eux de récompense
céleste. C'est pourquoi, après avoir énuméré, avec larmes, les
>ms
Qu'éprouve icy malgré ses charmes
L'aimable fille de Sion.
il s'écrie :
Mon espérance, bien instruite,
Me dit alors que dans la suite
Cet azile seroit vanté.
Et qu'en son sein, sous vos auspices,
Les redoutables sacrifices
S'offriraient avec majesté.
Grâce à votre main bienfaisante.
Un riche et superbe ornement
Aux yeux de notre foy présente
Des martyrs le tableau sanglant.
Mais lien n'anime l'espérance
Attachée à la récompense
Que Dieu nous promet dans les cieux
Le vert dont la couleur plus guaye
Doit nous en rappeler l'idée
\ us manque ou du moins est trop vieux.
On ne peut remercier ni demander plus adroitement. Son
5e n'a pas d'ornement vert. mais.
A ce mal il est un remède :
. connaît votre charité,
Duchesse, on scait que tout vous cedde
En fait de libéralité.
1 M. I<- marquis de Creil lui avait remis 100 fr. pour faire placer ses
lise
I.ABHÉ GUSTKAU 27
Il s'excuse à la fin dosa témérité qu'on ne saurait punir
sans atteindre du même coup son Eglise qui
N'est pas coupable
Pour que l'on doive l'en punir,
En refusant à sa misère
Des dons que notre commun père
Ne pourra manquer de bénir.
Maintenant, c'est « à Monseigneur le marquis de la Carte,
ieutenant général commandant pour le Roy en Poitou, qu'il
dédie l'ode suivante. C'estunesuppliquehabilepourobtenirque
Les sacrés vallons
Les cascades, les hypocrènes,
Ces belles et claires fontaines
Où burent les Anacréons,
Aussi bien que les sacrés monts
Oui protègent les Melpomènes,
ne soient point détachés du domaine public pour devenir la
dépendance de maîtres particuliers :
C'est ainsi, grand marquis, qu'on usurpe nos terres,
Car ces monts sont à nous, disent les gens d'affaires,
Et je comprends comme eux, sans être grand docteur.
Que les forêts et les montagnes
Ne se trouvent qu'en les campagnes
Et par conséquent la campagne a le droit
De les revendiquer malgré qui que ce soit.
Le tout considéré, Monseigneur, qu'il vous plaise
Ordonner qu'en la suite on nous rendra nos monts.
Nous pourrons alors à notre aise
Chanter sur les plus nobles tons.
Si je puis par vos soins obtenir cette grâce,
J'irray quelquefois au Parnasse
Vanter nos illustres mortels,
De mon cher Fontenay, réveiller les Naïades
L'onde qui jaillira sous, leurs vives gambades
Meservira. Phœbus. pour laver tes autels
•JS l'abbé gusteau
Si la clémence du puissant marquis fait droit à sa requête
l'auteur promet déchanter
Cette sagesse aimable
Faisant rendre justice au dernier misérable
Oui sr met à l'abri de la griffe exécrable
De la chicane et ses détours.
Il célébrera aussi
Cette illustre marquise
Du sexe l'ornement, méritant qu'on l'élise
Pour règle sur la quelle il faut que se conduise
Toute épouse qui veut rendre un époux heureux.
Il sera certainement exaucé car,
Cette faveur qui fait l'objet de sa supplique.
Serait l'unique
Que l'on aurait vu refuser
Quand le bien de l'Etat en rien ne périclite
Et que contre le ciel on n'en veut point user.
Nous avonsdéjà vu le Chantre de Fontenay témoigner son
affection pour sa patrie ; il va nous en donner une nouvelle
preuve dans l'ode historique qui met en lumière toutes les
illustrations du cher sol natal. Pour cela il fait un large
appela la muse pour ne pas rester au-dessous de la tâche
qu'il entreprend :
Monts célèbres de Tessalie,
Parnasse et Pinde, charmants lieux,
Séjour où la docte Thalie
Inspira les chantres des dieux ;
A vos fontaines poétiques
Je viens des accents pindariques
Puiser les ornements fleuris.
Dieu de Délos, aidez ma plume.
J'entreprends léloge posthume
Des grands hommes de mon pais.
L'A HUÉ (JUhTKAU 29
Kontenay, c'est de tes habiles
Dont je veux montrer le los ;
Je veux montrer aux autres villes
Qu'heureux est qui boit de tes eaux
Une brillante renommée
Depuis mains siècles t'a nommée
La lontaine des beaux esprits.
As-tu mérité ce beau titre ?
Equité, soyez en l'arbitre
Par les seuls faits que je décris.
Voici d'abord Brissot
Philosophe plein de lumières,
Brissot, d'Hippocrate disciple,
Grand médecin, fameux chimiste
Ainsi que savant botaniste
Jadis il eût eu des autels.
Mais
L'encens qui pour Brissot s'exhale
Doit fumer sur plus d'un autel .
et en particulier sur celui du grand Tyraqueau, lieutenant civil
de la cour de Fontenaj,
intègre, éloquent, il mérite
De paroi tre en un plus beau jour.
Frappé des feux de ses lumières,
Bordeaux veut qu'on les voye entières
Eclater dans son Parlement.
Mais Paris lui ravit ce sage,
Et son célèbre aréopage
Le destine à son ornement.
Brisson paraît, « ce zélé nourrisson des filles de mémoire,
ce phénix des savants dont la probité fut toujours guidée par
l'honneur :
Dirigé par cette sagesse
Qui forma les Grecs tant vantés,
Vous parcourez avec vitesse
Les rangs des hautes dignités.
L'ABBÈ GUST8AU
Procureur Général capable,
Conseiller d'Etat équitable,
Scavant, président à mortier,
Employé dans les ambassades,
Avançant toujours sans cascades
Vos pas sont un éloge entier.
Maintenant c'est Viette que le célèbre Euclide n'eut pas
désavoué pour élève. O Fontenay, tu peux être fière de tes
illustrations, car
Tu nous montres dans Viette
Un grand mathématicien.
Romain se flattoit qu'un pn blême
A toute l'Europe adressé
Aurait pu d'un (Edipe même
Rendre l'esprit embarrassé.
Viette le lit, le rédige,
11 l'éclaircit, il le corrige.
L'agresseur se voit confondu
Et du fond de la Franconie
Vient en France, du grand génie
Louer le scavoir étendu.
C'est encore lui qui déjoue les calculs des Espagnols joints
aux Ligueurs, en déchiffrant les iniques mystères cachés sous
cinq cents caractères connus d'eux seuls.
Fontenay fournit un voyant ;
Cet argus combine, interprète
Ces chiffres qu'enfin l'on comprend.
t>ans ce concert de louanges, Rapin a eu sa belle part :
Uterpe, Erato, Melpomène,
Prenez des palmes à la main,
Faites des lauriers d'Hipocrène
Une couronne pour Uapin.
Nous en formâtes un poète
Dont la plume en son temps parfaite
l'abbé oust h: au 'M
Donna des volumes entiers.
Parnasse, il scutsi bien tes routes
Qu'à tel qui crut les suivre toutes
Il décrit de nouveaux sentiers,
Besly n'est pas oublié non plus :
Venez ici prendre une place
Imbert, Cujas des derniers temps ;
Le barreau fut votre Parnasse,
Il vous doit mains écrits brillants,
Les nayades Fonténéennes
Pour vous de leurs claires fontaines
Emaillèrent le beau cristal ;
Vous y puisâtes des lumières
Que vous répandîtes entières
A l'honneur du climat natal.
Collardeau, qui mérita l'estime du docte Balzac, trouve
aussi sa place dans les éloges de ce fier compatriote de tant
de noms remarquables.
Je vous vois dans les nécrologies
Préconisé pour bel esprit,
Thémis se joint à Terpsicore
Pour demander qu'on vous honore ;
Jadis le Parnasse le fit.
Moriceau mérite également de fixer les regards delà Cour:
Venez, charmante Polymnie,
Le dépeindre dans tout son jour.
Louis parle... faisons silence,
11 dit que par reconnaissance
Il anoblit un magistrat,
Oui, scavant, prudent et fidèle,
Employa le feu de son zèle
Et pour l'Église et pour l'Etat.
Enfin pour clore cette liste où quelque poète placera un jour
notre cher Gusteau, ce dernier chante la gloire du R. P
Bouchet :
Bouchet, fidèle enfant d'Ignace,
C'est vous qui fixez mes regards,
Non sur la cime du Parnasse,
Ni parmi les horreurs de Mars.
o'2 l'abbé (iUstrau
Arme d'un signé salutaire,
Je vous vois, grand missionnaire,
Annoncer le Dieu de Sion.
Fontenay donne des apôtres,
Cet éloge vaut bien les autres
Pour immortaliser son nom.
La longue série des œuvres déjà parcourues nous est une
ïuve que le vénérable prieur s'occupait beaucoup des lettres
en général ; mais je trouve à la fin de l'ode historique aux
grands hommes de Fontenay une note qui atteste aussi l'in-
rêt qu'il portait à la bibliothèque poitevine en particulier.
« J'ai envoyé, écrit-il, à M. Dreux du Radier, avocat au
l'irlement de Paris, avec lequel j'ay des relations pour la
1 ibliothèque poitevine, quia commencé à paraître le 15 février
de cette année 1754, des mémoires, pour le Père Bouchet, qui
crit sur le physique des Indiens, et qui a donné des mé-
i.>ires hystoriques fort curieux. Cet avocat m'a répondu qu'il
en fera mention honorable dans le 6* tome de sa bibliotèque
et qu'il a déjà de luy entre les mains un alphabet Malabarois
que luy a communiqué M. Falconet, médecin du Roy, qui a
l'honneur de connaître cet excellent homme. »
■ I. -hors des odes dont il vient d'être parlé, le poète de
Doix a laissé de nombreuses petites pièces de circonstances,
lue compliments et jeux d'esprit ; mais nous ne croyons
s devoir nous arrêter à ces improvisations, alors que nous
is i t';iire connaissance avec le chansonnierplein d'humour
- itirique pétillant d'esprit.
Et d'abord il divise ses chansons en deux catégories : il en
esl d'utiles et d'outrés inutiles. Dans les unes, il donne des
ons soit sur la manière de connaître les chevaux ou
de les soigner, soit sur les semis et plantations à faire pen-
il les 12 mois de l'année ; dans les autres, il cultive tantôt
ironie la plus Bne, tantôt la plaisanterie la plus divertissante ;
|ues autres enfin sont inspirées par un sentiment pa-
que
l'abbé gustkau 33
11 commence par une Instruction pour son valet, sur l'air
La faridondaine, la faridondon.
Jacquet, prends soin de mon cheval,
C'est mon ami fidèle.
Pour bien soigner cet animal
Montre toy plein de zèle.
Je te ferai boire du bon,
La faridondaine, la faridondon,
Et ton gousset sera garni
Biribi,
A la façon de Barbari,
Mon ami.
Il faut, mon fils, chaque matin,
Nétoyer l'écurie ;
Etriller et peigner Bobin,
Pour luy c'est demi-vie,
Frotter ses jambes d'un bouchon,
La faridondaine, la faridondon,
L'épouster, l'éponger aussi
Biribi
C'est le conseil de Barbari
Mon ami.
Pendant 14 autres couplets, il continue sur ce ton les con-
seils les plus pratiques, sans oublier la façon de traiter les
hôtes.
Dans la Chanson à son jardinier, sur l'air : Du bon branle, il
indique les divers travaux qu'il aura à effectuer chaque mois,
sous le climat de Fontenay. Sans vouloir mettre sous les yeux
du lecteur cet intéressant « Travail des douze mois », je tiens
cependant à donner comme spécimen janvier et février.
Janvier
Je suis le jardinier François,
Et voicy ma science :
En janvier, mes labours je fais.
Vers le vingt je commence
A semer poreaux et ognons,
Lét ue, échalote et chicons,
TOM XII. — JANVIER, FÉVRIER, MARS. 3
:-i-i i.'abbe gusthau
Et pois en jeune lune,
Ce qui couvert de palissons
Quelquefois fait fortune.
routes ces connaissances pratiques révèlent en Gusteau un
tin observateur et, si je ne craignais d'abuser de l'hospitalité,
qui m'est cependant si largement ouverte à la Revue du Bas-
Poitou, la chanson sur les perfections des chevaux prouverait
que- le plus rusé maquignon normand n'aurait pu auprès de
Qotre ami dissimuler la moindre tare.
Mais voici une autre chanson sur un air que le lecteur ne
sait pas !
A LA LOUANGE DU VIN
Ami. dès le matin,
Je me lave de vin.
Quand je vais dans les forêts,
J'ay pour pistolets
De frontignan deux carelets.
Je fais la lescive
Non dans l'eau vive,
Mais dans du bourguignon
Pétillant et bon,
Ah ! qu'il m'épargne de savon I
Si mes yeux
Se trouvent ebassieux,
Je les lave avec du vin vieux.
Dans mes maladies
Point de médecin,
L'hôte de la pie.
Par son cau-de-vie et bonne rôtie,
Me rend mon premier teint ;
J'ay la bouteille
^"us mon chevet,
Quand mon fils sommeille,
A u lieu de lait
Je luv donne du vin clairet :
Ma maison a pour pavillons
1 1 m g ros ûacons.
l'abbé gustuau 35
Après avoir chanté le vin. on pourrait croire qu'il a dû dire
du mal de l'eau, au contraire :
CHANSON A LA LOUANGE DE L'EAU
\)c l'eau comme du vin
C'est l'âme du festin
De Turlupin.
De l'eau comme du vin
Fais moy raison, voisin,
Buvons de l'eau claire.
Ami, prends ton verre,
Vidons ce carafon,
Kenonçons au ilacon.
Crois-tu que le poisson
Sans l'eau serait si bon.
Si frais, si rond ?
Crois-tu que le poisson
Vit dans le bourguignon ?
Ah ! vive Hypocrène,
Sa claire fontaine
Engraissait Apollon
Et le rendait bouffon.
De la louange de l'eau, il n'est pas étonnant qu'il passe à
l'invective contre les ivrognes.
CHANSON CONTRE L'IVROGNERIE
Sur l'air : Ah! que la paresseuse automne.
Cher ami, je ne puis plus boire,
Hélas ! je touche à mon tombeau,
Le glouton de la tète noire
Met en saisie mon château.
Le cordonnier, la boulangère,
Le boucher, le marchand de draps,
Le rôtisseur et la fripière,
M'ont fait gueux à quatre carats.
C'est un homme perdu de dettes, déconsidéré, mais il ne
peut renoncer à ses funestes habitudes, il chante encore :
l'abbé gustkau
Ami, jouons de notre reste,
Allons boire et buvons du bon ;
Je crains plus la soif que la peste.
Ht l'eau me serait un poison.
P irfois notre chansonnier exerce sa verve tantôt contre le
Capucin.
Votre frère Pacifique,
Sanglé comme une bourique,
Va de boutique en boutique.
Sa besace sur son dos,
Dire : Notre monastère
N'a pas besoin de clystère,
Ni de boire de l'eau claire
Mais de remplir ses boyaux.
Amis, remplissez ce flacon.
Donnez-nous, monsieur du bon
Du bon, du bon, du bon, du bon.
i tntôt contre une servante dont il esquisse ironiquement
le portrait.
Connaissez-vous Margoton
Fille de Colas Botton ?
C'est une fille bien faite
Tourlourette
Tourlourette, ma tan tour lourette.
Elle est belle, à ce qu'on dit,
Ma grand'mère qui la vit
La prit pour une chouète.
H- îsaye de tous les tons, voici maintenant un couplet
d'un.' chanson « en stile des païsans de Paris ! C'est une imi-
-n. dit l'auteur, d'une qui est mauvaise, mais dont l'air
Babel m'a secu charmer,
Babeta ma tendresse ;
Ce qui la fait aimer.
C'est sa grande sagesse.
Elle a l'air si tin,
Si doux, si bénin
l'abbé gustkau 37
Que partout elle brille,
si vous entendiez ses discours
Où la pudeur régne toujours,
Nous diriez, fussiez vous un ours:
Babet que t'es gentille,
Babet que t'es gentille !
Je ne transcrirai pas la Chanson de la mariée, car elle est
dans toutes les mémoires, et il ne se passe pas une noce à la
campagne, dans tout notre Poitou, où l'on n'ait l'occasion de
l'entendre au repas du soir, pendant que les invités viennent
offrir leurs cadeaux.
Je citerai pour finir quelques couplets de chansons patrio-
iques afin de montrer que la muse de Gusteau savait se plier
à tous les genres.
CHANSON SUR LA PRISE DE PORT-MAHON
Sur l'air : En al tendant o faut fresay.
Le ras d'Angleterre et d'Irlande
Est capot et baisse le nay
En attendant o faut frizay.
On ne faut pas que gne s'attende
Sus Port Manon pie l'enrichay,
En attendant, etc.
Bichelieu suivi de sa bande
Depis pois a scu luy gripay
En attendant, etc.
Blaknay disait que l'on m'y pende
Si pas ain ose iquy gravav.
En attendant, etc.
FANFARONNADE SUR L'AFFAIRE DE ST-CASTE
Proche de St-Malo où le bataillon de Fontenay fit merveille.
S'étonne-t-on qu'à S. Malo,
L'Anglais couvert de honte.
Cherchant des lauriers à gogo,
En ait eu pour son compte
De Fontenay le bataillon
La faridondaine la faridondon
28 l'abbé GU-TKAl
Ty caressait de son fusi
Biribi
A la façon de Barbari
Enfants, disaient nos bons soudars,
<^uiés coquins sont daux heares ;
Souffrerons j'y laux étemdars
Regagner l'Angleterre,
I lâchons quiésmaraux,quiés fripons
La faridondaine, la faridondon
(lui dau bon Dieu sont favori
Biribi
A la façon de Barbari
Mais si le patriote savait couvrir de ridicule l'Anglais anti-
pathique, il excellait encore à manier l'arme redoutable de la
satire, témoin cette épitaphe qui n'est qu'une imitationmd'une
épigramme de Gombaud (1570-1666) :
De Colas mort de gourmandise
On veut que je plaigne le sort.
Hélas ! que veut-on que j'en dise?
C'est un de nos cochons de mort.
De même que Boileau critiquait ceux que leur astre en nais-
sant n'avait pas faits poètes, Gusteau envoie un jour cette
boutade à quelqu'un qui lui avait adressé de mauvais vers :
A M. LE CURÉ DE MON ROY EN AUNIS
Qu'a donc le beau fils de Latone ?
Oui le rend de mauvaise humeur?
Tous les jours son silence étonne
Ceux qui vont au Parnasse implorer sa faveur,
i beau présenter mainte et mainte requête
Pour obtenir le feu qui forma les Boileaux ;
Pithius a mis dans sa tête
I) ne plus nous donner que des poëtcrcaux.
Mais voici la pointe qu'il lance à ce prêtre extrêmement
l'abbé gustkau 39
Retire-toi Groslaid
Morte! aveugle et contrefait.
Objet que tout le monde hait ;
Ce n'est pas pour ton nez que jaillit hypocrène ;
Pour des gens plus polis coule cette fontaine.
Et, en matière de conclusion, il invite ce poëtereau à briser
la lyre qui rend des sons si peu harmonieux.
Puisqu'Apollon est si quinteux
Et que les doctes sœurs manquent de savoir vivre,
Méprisons leurs autels, rions de leurs travers,
Prions et confessons : ne faisons plus de vers.
Comme on a pu le constater jusqu'à présent, Gusteau fut
plutôt le poète du sentiment, de la raison et du bon sens, que
celui de l'imagination, bien que cette faculté ne soit pas ab-
sente chez notre aimable auteur. Tl en a fait preuve dans ses
nombreuses pièces, mais on ne le voit guère se complaire à
décrire la beauté du ciel natal, ni le pittoresque du paysage
fontenaisien.
Il est à regretter encore qu'il ne nous ait rien laissé en par-
ticulier sur le passage du bienheureux de Montfort à Mervent,
et qu'il ait négligé de recueillir également la plupart des airs
destinés à ses Noëls. Cette dernière recherche lui eût été
d'autant plus facile que le chantre de Vivonne, Lambert, beau-
père de Lulli, ne faisait que quitter la vie lorsque l'abbé
Gusteau y entrait à son tour.
III. — Le Moraliste.
Si Gusteau a puisé, dans la méditation de la Bible, le secret
de ses ravissants cantiques messianiques, qui constituent
comme la partie dogmatique de ses œuvres religieuses, il a
trouvé, dans une étude approfondie de la théologie morale,
l'art de conduire les âmes à Dieu par le chemin de la per-
fection.
Jaloux, non-seulement de ramener au divin bercail les
iO l'abbé gusteau
brebis confiées à sa garde, mais de sauver encore celles qui
pourraient entendre sa voix tout apostolique, il prêche à
toutes la vertu aimable, et flagelle le vice odieux ou le tra-
vers ridicule.
Il cherche à éclairer d'abord, pour arriver ensuite plus faci-
lement à convaincre, et, s'il rencontre la résistance opiniâtre
du parti pris ou de l'entêtement aveugle, il sent dans son cœur
brûlant du feu de la charité, cette sainte indignation qui avait
armé Xotre-Seigneur contre les profanateurs de son temple.
Son zèle d'apôtre se manifeste notamment : dans une épitre
dirigée contre la Franc-Maçonnerie ; dans une instruction
pour combattre ce reste de superstition qui pousse les âmes
naïvement crédules à consulter les devins : dans une série de
douze entretiens spirituels, où. avec la verve satirique que
nous lui connaissons, il fait un éloquent contraste de la vertu
et du vice sous toutes leurs formes, enfin dans une dernière
instruction où il apprend comment on peut sanctifier le jeu
de car:
Esprit pénétrant, chercheur infatigable, Gusteau se révèle
dans ces dernières œuvres psychologue expérimenté et, à ce
titre, guide très sûr pour diriger les consciences. Vivant à
une époque où les discussions théologiques étaient à l'ordre
du jour, il rompit bien des lances avec de terribles jouteurs,
comme en fait foi la lettre suivante au R. P. Parade, recteur
du collège de Fontenay, qui l'avait défié de répondre au P.
d Avrigni. au sujet du canon : Omnis utriusque sexus :
Mon Révérend Pèbe,
Ce n'est point pour triompher du P. d'Avrigni, que je res-
cte, que j'entreprends, comme vous le souhaitez, de ré-
I • ndre à deux articles de ses mémoires ; un scavant de ce vol
inspire moins d'émulation que de crainte, et c'est vouloir être
appelé vaincu que d'entreprendre de l'attaquer.
Mon but, dans l'examen que je fais de son raisonnement au
l'abbé gustkau 41
sujet de l'obligation où sont les paroissiens de se confessera
Pâques à leur propre prêtre, et d'assister à la messe de leur
paroisse, n'est que de chercher la vérité enveloppée dans des
ténèbres d'autant plus dangereuses, qu'elles donnent occasion
à ceux dont les lèvres sont dépositaires de la science de se
tromper ou de tromper les autres. »
Nous n'avons pas à prononcer qui des deux champions
remporta la victoire, mais ce que nous pouvons affirmer,
c'est que le docte Prieur savait étayer son argumentation
de preuves solides et nombreuses.
Dans son instruction : Au .sujet des Devins et de ceux </ui les
consultent, après avoir bien établi la question, à savoir que
« jamais le démon ne trouva mieux le moyen de perpétuer le
culte des idoles qu'en suscitant de prétendus devins, sen-
sibles en apparence au malheur de ceux qui les consultent,
gens plus gueux d'honneur que de fortune », il prouve par des
textes du Lévitique et des Actes des Apôtres combien est dé-
testable aux yeux de Dieu cette coupable pratique.
Il rappelle jusqu'aux lois romaines condamnant à mort ceux
qui consultent les devins et qui les aident dans leur enchante-
ment : « Qu'aucune personne ne consulte, dit la loi Xenw, ni
les devins ni les enchanteurs ; que si quelqu'un le fait, il sera
puni de mort. Les rois de France ont fait aussi des lois très
sévères contre ceux qui commettent ces crimes », et il cite
l'ordonnance de Charles VIII (1490), et le 26e article de celle
de Blois disant : « Que tous les devins et faiseurs de pronos-
tications, excédant les termes de l'astrologie permise, soient
punis extraordinairement et corporellement. »
Dans son épitre à Damis contre les Francs-Maçons, il met
aussi en œuvre toutes les ressources de sa puissance dialec-
tique pour retirer d'une secte condamnée par l'Eglise, une
àme exposée à périr. Il s'adresse d'abord à son intelligence
qu'il veut éclairer en lui montrant le ridicule de pratiques oc-
cultes, et le mépris coupable du nom de Dieu : il fait appel
également au sentiment patriotique en lui rappelant :
12 l'abbé gusteau
Ou'uo franc maçon n'est pas fidèle à son monarque,
S »li dément chrétien, parfait homme d'honneur.
Enfin il veut le prendre
Par un endroit sensible.
Les sentimens d'honneur, ce titre incompatible
V.vec ce qu'on appelle insensibilité
1 > :ii, ce titre flatteur
Perd chezles francs maçons son éclat enchanteur.
Puis il termine par ce dernier appel :
Tes enfants voudront-ils souffrir leur écusson
( >rné pour attributs d'un marteau, d'une équerre ?
Tes lauriers moissonnés dans les feux de la guerre
Leur font bien plus d'honneur ; ils ne sont pas fanés ;
N'en cache point l'éclat à des seigneurs bien nés.
Du moins si tu ne peux faire ce sacrifice,
Que tu dois par amour, que tu dois par justice
Aux soupirs vertueux de ta noble moitié.
Oui contre ton erreur arme sa piété,
1 obtiens des chevaliers de Tordre que tu vantes
Le droit de réveller vos pratiques naissantes.
Et tu verras grossir ton cahier de mon nom
Si I on peut être sage et vivre en franc maçon!
Notre éloquent Pasteur n'a donc rien négligé pour com-
battre une erreur à la fois si funeste à la morale, au trône et
i l'église, et pour ramener dans la voie du devoir celui qui
i était peut-être inconsciemment écarté.
l'our donner maintenant une idée de ses entretiens spiri-
tuels présentés sous une fine forme allégorique, je me bor-
nerai à en transcrire un au hasard. Par celui-ci le lecteur ju-
sémenl des autres.
LA SAGESSE ET DARGENGOURT
La Sagesse.
Tout le monde a le droit d approcher de mon throne et de rece-
vcnez ma fille, je vois avec peine que vous
rou_ . approcher de mo\
I.'aBBÉ GUSÏEA.U 43
Dargentcourt.
Madame, je ne vous dissimulera}' pas ; je suis si mal vêtue que
je n ose me produire en compagnie, et c'est pour cela que je suis
toujours dans les églises
La Sagesse.
Vous êtes donc dévote ou du moins vos expressions me I insi-
nuent
Dargentcourt.
Oui. Madame, je la suis, par la grâce de Dieu ; j ensevelis les
morts, et je me revêts, par dévotion, de leurs chemises.
La Sagesse.
Vous n êtes pas fort riche à ce qu il parait, ma tille
Dargentcourt.
Ou v faire ? Madame, c est la volonté de Dieu
La Sagesse.
C est peut-être aussi la volonté de l'homme. Dites moy. vous
portez-vous bien?
Dargentcourt.
Madame, je suis d'une assez bonne santé.
La Sagesse.
Et si vous vous portez bien, pourquoy ne travaillez-vous pas
pour gagner votre vie ?
Dargentcourt .
Madame, c'est que j'ay toujours vaqué aux églises. C'est moy qui
terme les livres, qui ajuste les autels qui balaye le pavé, qui range
les cierges, qui chasse les chiens de l'église et qui contrôle celuv-
ci et celuy-là.
La Sagesse.
Je ne scavais pas qu'il y eut des charges de contrôleur dans l'é-
glise. Que j'appréhende que vous ne soyez une contrôleuse à
charge '. Votre discours me le fait soupçonner.
-i-i l'abbé gusteau
Dargentcourt.
Ali : madame, je ne tais guère cette fonction depuis que j'ay reçu
des coups de bâton. Mon application actuelle n'est que de prendre
soin de la propreté des autels.
La Sagesse.
Oui sert a 1 autel doit vivre de l'autel.
Dargentcourt.
Aussi madame, en ay-je presque toujours vécu. Le charitable
pasteurde chez nous a souvent partagé sa bourse avec moy pour
me secourir.
La Sagesse.
Que ne vous mettiez-vous à servir ?
Dargentcourt.
Madame, j'ay bien voulu le faire, mais cet état est incompatible
avec mon salut.
La Sagesse.
\ votre compte le sort des domestiques serait bien à plaindre,
à moins que vous n'ayez été servante d'auberge ou de café, je ne
vois pas que votre état ait été périlleux.
Dargentcourt.
Madame, j'étais servante d'un fort honnête homme d'avocat.
La Sagesse.
Pourquoy n'avez-vous donc pas resté? Quand il eût péché dans
sa vocation il n'y avait pas de crainte que vous participassiez à
fraudes.
Dargentcourt.
Madame, ce n'était point aussi là mon grief ; mais il ne voulait
pas que je priasse Dieu soir et matin, du moins ne m'en donnoit-
il pas le temps.
La Sagesse.
C'est extraordinaire, car il ne faut pas beaucoup de tems pour ces
exercici
l'abbé gusteau 45
Dargentcourt.
Vraiment ! Vous avez bien raison, madame, car je ne luy de-
mandais chaque jour qu'une heure pour faire oraison ; mes prières
du matin et du soir à peine sont elles de trois quarts d'heure
chacune, un quart d'heure pour aller à la messe, une demi-heure
pour l'entendre ne sont pas une si grande affaire. L'oraison de
sainte Brigite. celle de trente jours, les sept psaumes, mon rosaire.
et sept Pater pour le petit habit, étaient avec les sept allégresses'
tout ce quej'aurais pu y joindre ; voilà une belle bagatelle pour
m'en faire un reproche
La Sagesse.
Ah ! ah ! c'est ainsi que vous l'entendez! Je ne suis pas étonné
du refus qu'on vous fait. Votre directeur scavoit-il bien le tems
que vous demandez pour vos dévotions de tant d'espèces ?
Dargentcourt.
S il le scavoit ! eh. sans doute que oui ; je ne luy avois pourtant
pas fait entendre si clairement. Pour ce qui est du sujet de ma
sortie, je luy dis un jour que mon maître ne voulait pas que je
priasse Dieu ; il me demanda s il s'oposait à ce que j assistasse aux
messes des dimanches ; je luy dis doucement que non. 11 crut que
i avais dit oui, il me dit de sortir, qu il feroit comme il pouroit
pour m aider, et moi bien aise.
La Sagesse.
Notre directeur n'a pas péché ; mais votre calomnie retombe sur
notre tète ; vous faites passer votre maître pour un impie, parce
qu il est prudent et qu il veut régler votre dévotion mal placée. Que
de réparations vous avez à luy faire s'il ne trouve pas de domes-
tique à cause de vous qui l'aurez peut-être diffamé dans le public ;
votre mal est la paresse, corrigez-vous de ce défaut et vous en
éviterez bien d'autres.
Sage sera celuy qui vous refusera des secours, et vous conver-
tira tout d un coup, si tout le monde limite. La nécessité vous
rendra laborieuse, le travail vous rendra fortunée, le masque de
la dévotion tombera, et tout ira bien, si vous voulez suivie mon
avis. Sortez d ici.
-,(.; i.'abbé gustkau
A l'école d'un maître aussi sagace et aussi éclairé que le fut
Gusteau, il était aisé de marcher dans le sentier de la vertu
dont il donnait lui-même l'exemple, et pour peu qu'on voulût
bien prêter une oreille attentive à ses sages leçons, il était en
effet très facile de sanctifier les actions les plus ordinaires de
la vie. C'était assurément le désir de cette âme d'apôtre de
t r dans le e<eur de toutes ses ouailles cette conviction pro-
nde que la piété est utile à tout. Nous en trouvons la preuve
dans sa « Méthode pour sanctifier le jeu de Cartes. »
Ce n'est pas qu'il approuve les jeux de hasard « toujours
défendus quand l'esprit n y a aucune part, ou, quoique mixtes,
quand ils sont joués par les personnes à qui les saints canons
défendent d'en faire usage, ou par celles qui, par leurs incli-
nations mauvaises, s'en font une occasion de s'emporter, de
perdre un temps nécessaire, de jurer, de se ruiner ou leurs
familles, enfin à se livrer à de semblables excez. »
Son dessein est ici « de donner un moyen de sanctifier les
cartes aux personnes qui jouent par complaisance ou par ré-
création et avec modération, regrettant en quelque sorte le
temps qu'elles y emploient, pensant, comme il arrive souvent,
qu'elles pourroient bien mieux l'employer ailleurs.
C'est à de telles personnes que par le principe qui dit que
d'un mauvais payeur on tire ce qu'on peut, on propose des
sujets de méditation dont quelques-uns pourront à la vérité
railler comme on le fait des meilleures choses, mais qui
ront utiles à ceux qui craignent Dieu. »
Cette méditation, qui lui est inspirée par une imagination
qui ne manque pas d'originalité, a pour objets les Rois, les
Darne1- et les Valets.
Le cœur représente la bonté, la générosité ; le pique la
vaillance ; le trèfle un printemps perpétuel ; le carreau enfin la
pierre ferme sur laquelle repose tout édifice solide.
Le vrai roi de nos cœurs est sans nul doute Notre-Seigneur ;
Dame de cœur la Très Sainte Vierge ; le valet, le vrai
serviteur de Dieu ; enfin le printemps perpétuel le ciel.
l'abbé GUSTBAU iT
« On ne propose, conclut notre moraliste, de sujets de médi-
tation quesurles figures. Commeelles reviennent souvent, elles
peuvent occuper ceux qui ont de la foy et de l'amour de Dieu,
autant de temps que le peut permettre l'application au jeu.
Pour ne pas prolonger une trop pâle étude qui a déjà depuis
longlemps dépassé la mesure, je ne donnerai point ici les notes
biographiques de Gusteau sur les illustrations de Fontenay.
Je les ferai parvenir quelque jour à la Revue du Bas-Poitou.
Et maintenant, ainsi qu'on a pu le constater par les nom-
breuses citations des œuvres de notre héros, on serait
aisément porté à croire qu'une tête, si bien meublée de scien-
ces religieuses et profanes, était faite pour la mitre.
Cependant, quoi qu'en aient pu craindre les paroissiens
qui lui étaient si étroitement attachés, nous n'avons trouvé
nulle part trace d'ambition chez le zélé prieur de Doix.
Ses qualités que tout le monde se plaisait à admirer, sa
piété et son zèle qui gagnaient la confiance de tous ceux qui
avaient le bonheur de l'approcher, ses relations avec les per-
sonnages influents de son entourage semblèrent bien l'avoir
désigné pour les'honneurs de la prélature ; mais cet homme
de Dieu n'avait au cœur qu'un désir : mourir au milieu de ceux
à qui il avait consacré ses talents et sa vie, s'éteindre au pied
de l'autel de sa chère église de Doix.
« Au jour commémoratif de la Passion du Sauveur, dit un
biographe1, le 22 mars (1761), cette fin bienheureuse a été la
sienne. Pendant qu'il accomplissait le plus auguste des de-
voirs de son ministère, il fut foudroyé par une attaque d'apo-
plexie. On l'entendit balbutier ces paroles : Heureux celui qui
meurt les armes à la main; et il alla où la palme immortelle
attend les justes. Ses obsèques furent un adieu plein de so-
lennité et de larmes. La foule émue déposa ses restes au ci-
metière de Doix. Le bien méritant prieur, dit sonépitaphe.
« Gustave Bardy, président de la Société des Antiquaires de 1 Ouest. 18(11.
■ N l'abbé gustkau
ivait gouverné 31 ans la paroisse, dont un de ses neveux, a
été curé après lui. »
Il doit exister deux manuscrits ou tout au moins deux co-
pies des œuvres de Gusteau, lesquelles se trouvent en la pos-
-sion de ses arrière petits-neveux1. Celle que nous avons
eue entre les mains , grâce à l'obligeante charité de feu
M Alexandrine Gripaux de Saint-Pompain, a fait retour aux
héritiers de cette généreuse personne. Nous regrettons de
D'avoir pas pris le temps de relever de jolis dessins à la
plume : culs de lampe, lettres ornées, qui prouvent que le
prieur de Doix était un véritable artiste en plus d'un genre.
11 a laissé comme souvenirs : un très beau bréviaire2, relié
en maroquin rouge, à son neveu et élève qui fut déporté en
Espagne pendant la Révolution, puis il a fait don de son calice
à l'église Notre-Dame de Fontenay.
Ce sont là deux trésors d'un très grand prix, qui rappellent
une mémoire qui fut et reste bien chère, mais nous pouvons
tous dire que nous n'avons pas été oubliés dans ce précieux
partage, puisque nous avons avec ses œuvres les fleurs de son
intelligence et les perles de son grand et noble cœur.
Puisse la méditation de ces fragments livrés à un public
d'élite, réveiller tout un concert de reconnaissance envers cet
illustre enfant de Fontenay, faire vibrer tous les cœurs poite-
vins à l'occasion de celui qui aima si passionnément Dieu, sa
patrie et ses frères.
\iort. Il janvier 1899, en la fête de saint Hilaire.
L'Abbé N. Mouchard,
professeur.
Le manuscrit original appartient à M. Baron, de Fontenay, qui pos-
ant un curieux portrait inédit, sur toile, de Gusteau, dont il
voulu nous permettre de reproduire ici la fidèle image en tète de
fviaire est maintenant chez M Hubert de Fontaines, à Sérigny,
Un n b lis curieusement sculptée, qui servait de tire-lir" an
bon prieur, fait partie de la ollection archéologique de M. de Roche-
brune, qui l'a achetée des habitants ce I * • n x
LE CLERGÉ DE LA VENDEE
PENDANT LA REVOLUTION
(Suite)1.
Lorsque la Révolution éclata, le couvent des Capucins de
Luçon n'avait que 3 pères et 1 frère : le P. Augustin
de Moncontour, gardien, âgé de 54 ans ; le P. Emmanuel
de Nantes, 50 ans ; le P. Gélestin de Rennes, 08 ans, et le
F. Charles deSaint-Malo. Le 13 janvier 1791 le traitement des
capucins fut fixé à 800 1. pour les pères et à 300 1. pour le
frère. Ils quittèrent Luçon quelque temps après
La première conséquence des décrets de l'assemblée natio-
nale pour les URsuLiNEsdoltrées de Luçon fut la visite qu'elles
reçurent le lftr juin 1799, et dont le procès-verbal suit :
« Aujourd'hui 17 juin 1790, à 4 heures de l'après-midi, nous
maire et officiers municipaux de la ville de Luçon, nous
sommes transportés dans le couvent maison religieuse des
dames Ursulines de cette ville pour, en exécution des décrets
de l'assemblée nationale acceptés et sanctionnés par le Roi,
y examiner les registres et comptes de régie, les arrêter et
former un résultat des revenus et des époques de leur
échéance, dresser un état de l'argent moyenne et de l'argen-
terie, en un mot de tout le mobilier le plus précieux de la
maison, recevoir les déclarations sur l'état actuel des dettes
actives et passives de laiite maison, dresser un état des re-
ligieuses et sœurs professes de ladite communauté, enfin re-
cevoir les déclarations de celles qui voudraient s'expliquer
1 Voir la 4e livraison 1898.
TOME XII. — JANVIER, FÉVRIER, MARS 4
50 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
sur leur intention de rester dans leur maison de leur ordre
ou d'en sortir, et vérifier le nombre des sujets que ladite mai-
son pourrait contenir.
Ie Nous avons convoqué toutes les dames religieuses et
-leurs converses lesquelles se sont présentées au nombre de
32 dans le chœur et de 5 converses.
2° Nous avons demandé que les registres tant en recette
qu'en dépense nous fussent représentés, lesquels après les
avoir calculés et vérifiés, ont été par nous arrêtés et signés ;
par cel arrêté il paraît que la recette excède la dépense de la
somme de cent cinquante livres 16 sous.
2° Il nous a paru aussi que la maison des dames ursulines
était au courant tant en recette qu'en dépense.
4° Nous avons ensuite demandé si la communauté avait
quelque somme d'argent en réserve, et il a été répondu qu'elle
n'en avait d'autre que celle énoncée au reliquat de la recette
ci-dessus.
5° Nous avons requis que l'argenterie appartenant à ladite
communauté fut représentée ; à l'instant il nous a été remis
entre les mains un ,état circonstancié et détaillé de tout le
mobilier quelconque de la maison. Cet état entre mains nous
avons vérifié successivement tous les articles mentionnés et
les avons trouvés conformes à la vérité ; en conséquence
après l'avoir fait signer par Madame la supérieure et dames
composant le conseil, nous l'avons signé nous-mêmes et
avons ordonné qu'il restera annexé au présent procès-verbal
pour servir de pièces justificatives.
6° Nous avons ensuite appeléchacune des dames religieuses
en particulier. Ont paru successivement :
Mesdames :
.Marianne ROUZEAU, dite de Sainte-Thérèse, supérieure,
laquelle nous a dit être âgée de 65 ans et avoir 45 ans de pro-
fession, laquelle nous a déclaré vouloir rester dans son ordre
et en particulier dans la maison de Luçon.
PENDANT LA RÉVOLUTION 51
Catherine-Elisabeth FICHON, dite de Sainte-Croix, soiis-
prieure, laquelle nous a déclaré être âgée de 67 ans, et 44 ans
de profession, et nous a aussi déclaré vouloir rester dans son
ordre et en particulier dans la maison de Luçon.
Louise NAULEAU, dite de sainte Madeleine, laquelle nous
a dit être âgée de 62 ans et avoir 42 ans de profession, et
nous a aussi déclaré. . . id.
Louise-Glaire RAMPILLON, dite de sainte Angèle, la-
quelle nous a dit être âgée de 60 ans et 39 ans de profession,
laquelle nous a aussi déclaré... id.
Anne-Marguerite RAUFRAIS, dite de sainte Geneviève,
âgée de 60 ans et 36 ans de profession, laquelle nous a aussi
déclaré. . . id.
Charlotte EVRARD, âgée de 50 ans et 25 ans de profes-
sion, laquelle nous a déclaré. . . id.
Marie-Madeleine CHARRIER, dite de saint Luc, âgée de
42 ans et 25 ans de profession, laquelle nous a déclaré. . . id.
Aimée-Julie-Pélicité PRÉVOST, dite de saint Mathieu,
âgée de 49 ans, 24 ans de profession , laquelle nous a dé-
claré. . . id.
Marie-Mathurine COLLINET, dite de saint Charles, âgée
de 44 ans et 20 ans de profession, laquelle nous a déclaré. . .
id.
Catherine-Modeste FRUCftARD, dite de saint Ambroise,
âgée de 40 ans et 19 ans de profession, laquelle nous a dé-
claré. . . id.
Louise GRELIER, dite de saint Henri, âgée de 47 ans et
19 ans de profession, laquelle nous a déclaré. . . id.
52 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
Marir-Jeanne-Elisabeth ROCHARD, dite de l'Assomption^
âgée de 40 ans, 18 ans de profession, laquelle nous a dé-
claré. . . id.
Marie-Jeanne GHIRON, dite de sainte Anne, âgée de 43
ans et 10 ans de profession, laquelle nous a déclaré. . . id.
Klisabeth-Louise GHAIGNEAU, dite de sainte Victoire-
âgée de 41 ans, 15 ans de profession, laquelle nous a dé-
claré. . . id.
Hélène-Madeleine-Augustine DUPONT , dite de saint
Etienne, âgée de 38 ans, 15 ans de profession, laquelle nous a
déclaré. . . id.
Marié-Suzanne GABORIT, dite de saint Bernard, âgée de
44 ans, 14 ans de profession, laquelle nous a déclaré. . . id.
Françoise-Catherine-Judith VINDRELY, dite de sainte
Aimée, âgée de 37 ans et 13 ans de profession, laquelle nous
a déclaré. . . id.
-Marie-Geneviève SAVARY, dite de saint Laurent, âgée de
32 ans, 12 ans de profession, laquelle nous a déclaré. .. id.
Aimée-Geneviève DEBJEN, dite de sainte Marie, âgée de
ms, 12 ans de profession, laquelle nous a déclaré. . . id.
Marie-Louise REGRENIL, dite de sainte Glaire, âgée de
34 ans, 12 ans de profession, laquelle nous a déclaré... id.
Rose-Modeste GENDRONNEAU,dite de saint Gabriel, âgée
ans, 10 ans de profession, laquelle nous a déclaré.... id
Marianne-Reine-Germaine de la FONTENELLE, dite de
nte-Ursule, âgée de 38 ans, 9 ans de profession, laquelle
nous a déclaré . . id.
Marie-Louise de la ROUSSELIÈRE, dite de Sainte-Véro-
nique, âgée de 40 ans, 7 ans de profession, laquelle nous a
déclaré. . . id.
PENDANT LA RÉVOLUTION 53
Marik-Michel-Stéphanie THOUMELET, dite de St-Louis,
âgée de 32 ans, 6 ans de profession, laquelle nous a dé-
claré. . . id.
Marik-Jeanne-Catherine GAMBIER, dite de Sainte-Eli-
sabeth, âgée de 30 ans, 6 ans de profession, laquelle nous a
déclaré. . . id.
Marie GAMBIER, dite de Saint-Jean, âgée de 34 ans, 5 ans
de profession, laquelle nous a déclaré. . . id.
Marie BOUQUIÉ, dite de Saint-Séraphin, âgée de 33 ans,
3 ans de profession, laquelle nous a déclaré. . . id.
Marie-Marguerite PATARIN, dite de Saint-Isidore, âgée
de 22 ans, 3àans de profession, laquelle nous a déclaré... id.
Thérèse-Félicité-Olive GOUPlLLEAU,dite de Saint-Augus-
tin, âgée de 25 ans, 2 ans de profession, laquelle nous a dé-
claré... id.
Madeleine-Laurent FROUIN, dite des Saints- Anges, âgée
de 30 ans, 1 an de profession, laquelle nous a déclaré. . . id.
Rose FROUIN, dite du Calvaire, âgée de 29 ans, i an de
profession, laquelle nous a déclaré. . . id.
SOEURS CONVERSES :
Jeanne-Marie GUILBAUD, dite de Sainte-Suzanne, âgée
de 06 ans, 30 ans de profession, laquelle nous a déclaré. . . id.
Marie-Anne-Jeanne GUILBAUD, dite de Saint-François,
âgéede 49 ans, 2 ans de profession, laquelle nous a déclaré... id.
Marie-Françoise BUTEL, dite de Ste-Pélagie, âgée de 49
ans, 20 ans de profession, laquelle nous a déclaré ... id.
Marie COLLARDEAU, dite de St-Félix, âgée de 36 ans,
9 ans de profession, laquelle nous a déclaré. . . id.
LE CLERGÉ DE LA YEN'OÉK
Marie FILAUDEAU, dite de Sainte-Rose, âgée de 31 ans,
0 ans de profession, môme déclaration et a déclaré ne savoir
signer.
7* Nous nous sommes transportés au lieu du dépôt des
titres et archives ; là il nous a été remis un état des titres
déposés, lequel par nous vérifié s'est trouvé exact et conforme
à la vérité ; l'avons en conséquence signé pour être joint au
présent procès-verbal pour servir de pièce justificative.
s* Par l'examen que nous avons fait de la maison, d'après
les dépositions de ces dames religieuses, il nous a paru que
cette maison pourrait contenir environ 45 à 40 tant dames de
chœur que de sœurs converses, environ 50 petites pension-
naires.!
9° L'enclôture, autant que nous avons pu en juger contient
environ 40 boisselées, tant en maison, église, cour, jardin et
prairie.
Lecture donnée à la communauté du présent procès-verbal,
toutes et chacune tant des dames de chœur que des sœurs
converses l'ont signé hors une qui a déclaré ne le savoir.
Ont signé lesdites religieuses précitées.
Fait, clos les jours et an que dessus.
Ont signé :
MM. GOLLINET, maire, abbé ROZAND, RÉVEILLAUD,
BAUDOUIN, curé de Luçon, PELLEVIÈRES, JOUANEAU,
NomiAUD, MARITEAU, procureur de la commune et
CLÉMENT, secrétaire greffier. »
[Arch. municip. de Luçon).
Lorsqu'on exigea des religieuses le serment civique, aucune
'Jes dames Ursulines ne le prêta, et quelques exaltés de la
ville demandèrent à la municipalité la suppression de leur
pensionnat. Les religieuses protestèrent, et adressèrent au
directoire du m i strict une pétition en ce sens.
l'CNDANT LA RKVOLUTION 55
« Du 23 septembre 1791. *
« Rapport fait d'une pétition des religieuses ursulines de
Luçon tendante à être conservées dans leurs fonctions rela-
tives à leur pensionnat, quoiqu'elles ont refusé du prêter le
serment civique prescrit par les lois, lorsque la municipalité
a voulu l'exiger.
« Vu la pétition ci-dessus, ensemble l'avis de la municipa-
lité de Luçon du l'r de ce mois.
« Le directoire du district de Fontenay considérant : 1° que
les religieuses ursulines de Luçon ne reçoivent aucune rétri-
bution de la Nation pour l'enseignement qu'elles donnent,
soit dans leur pensionnat, soit dans les classes qu'elles
tiennent pour les jeunes filles qui veulent s'y rendre :
2° Qu'il n'y a aucune loi qui les oblige impérieusement à
faire le serment dont sont tenus les fonctionnaires publics,
et que, quand on obligerait les religieuses ursulines deLuçon
à faire le serment civique pour pouvoir tenir leurs classes,
cela ne pourrait être un moyen de suppression de leur maison :
« Est d'avis qu'il y a lieu d'arrêter que quant à présent on
ne peut exiger le serment civique des religieuses ursulines
de Luçon. »
Cette décision rassura pour un temps seulement les reli-
gieuses, car ce bon mouvement fut de courte durée. Le 5 dé-
cembre suivant, le Directoire du département enjoignit à
toutes les religieuses indistinctement de prêter le serment
civique. Elles furent mandées à la municipalité, et chacune
répondit à son tour « qu'elle ne pouvait faire ce serment, a
persisté dans son refus, et signé. » La municipalité leur en-
joignit alors de cesser leurs classes le 15 février, et ne tint
aucun compte de la demande de sursis qu'elles lui adressèrent
pour ne fermer leur maison d'instruction que le 1er mai. Ce
ne fut qu'à la fin de cette même année que le couvent lui-
même fut licencié et les sœurs obligées de se disperser.
LE CLKRGÉ DE LA VENDEE
« Aujourd'hui 8 frimaire l'an 2' de la République française
une et indivisible.
« Le comité de surveillance générale (de Luçon) assemblé
au nombre de 7, a délibéré que, sur la motion qui a été pro-
duite par un membre de mettre les religieuses de cette ville
en état de réclusion ou de les envoyer à Fontenay pour être
mises dans la maison de réclusion de cette commune, après
que la matière a été discutée,
« Le Comité, considérant que les religieuses de cette ville
ont été appelées parle conseil général de la commune de
Luçon de prêter le serment civique de maintenir la liberté et
L'égalité, qu'elles se sont toutes refusées à la prestation de ce
serment,
« Considérant que les unes occupent des maisons de per-
sonnes soupçonnées d'avoir passé avec les rebelles, que les
autres sont logées dans les maisons des ci-devant chanoines,
que cette condescendance des uns et des autres pour leur
;ivoir fournis des logements amenant une identité d'opinions
sur la Révolution, que les premiers s'en sont déclarés les
ennemis par leurs rébellions, les autres par leur désobéis-
sance aux lois et leur émigration, qu'on peut induire avec
fondement qu'ils sont tous en relations et travaillant de con-
cert à la destruction d'une révolution qui fait le bonheur du
peuple,
Considérant que les maisons par elles occupées sont des
maisons nationales et qu'elles doivent être transformées en
cazernes d'après la loi, que par conséquent les appartements
qu'elles y occupent doivent être destinés par préférense aux
deffenseurs de la patrie,
Par tous ces motifs le Comité arrête que toutes les co-re-
ligieuses seront conduittes dans la maison de réclusion à
Fontenay, attendu que celle de notre commune n'est pas assez
tste pour les renfermer. Et pour que cet arrêté soit exécuté
de suite, le comité charge le citoyen Maigre aîné de faire
préparer les voilures pour ledit transport dans le plus prompt
PENDANT LA RKV0LUT10N 57
délais et l'authorise de signer des mandais d'arrêts lorsqu'il
aura des voitures à sa disposition.
Signé : ARBOURG, président, LA ROCHE, ROUHAUD,
DRUET, MAIGRE, PARANTEAU, REMY, membre secré-
taire. »
« Nous membres du Comité de surveillance générale de
cette ville, mandons au citoyen Millet, lieutenant de la gen-
darmerie nationale à la résidence de Luçon, d'arrêter et de
conduire les ex-religieuses qui habitent cette ville, qui sont
toutes en différentes maisons ci-après dénommées, an la mai-
sonde réclusion de Fontenay-le-Peuple,demainmatin8heures
précis. »
Pour ne citer, parmi les ex-religieuses, que les Ursulines
« ci-après dénommées •> :
< La Rouzeau, chez Jouanneau; Aimée Prévôt et Catherine
Gambier, chez la veuve Chabot: Rose Frouin, malade chez
Jourdain, chanoine ; Marie-Louise Regrenil , chez Lesnar-
dière, ex-chanoine ; Fichon et Goupilleau, chez la Baudouin,
sœur de l'ex-curé de Luçon ; Rampillon et les deux Guilbaud,
dont l'une malade, chez Buor, ex-chanoine ; Louise Grélier,
chez la fille Marmande ; Anne-Marguerite Raufray , chez
Belluard, ex-chanoine ; Marie Chiron et Thérèse Gaboriau,
chez la veuve Beaumont, ainsi que Marie Butel.
« Fait et décerné à Luçon, le 11 frimaire an 2m".
« Maigre.
« Rtf.MY, secrétaire. »
« Aux citoyens administrateurs du district de Fontenay-
le-Peuple,
t
Luçon, 4 ventùse l'an 2* de la République une et indivisible.
« Nous faisons rendre à Fontenay-le-Peuple et nous vous
adressons 4 ex-religieuses ursulines qui étaient restées, 3
~'s LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
malades et une inconnue. Vous voudrez bien les réunir à
leurs chères compagnes.
« Salut et fraternité,
b Maigre, maire.
Laroche, secrétaire. »
(Arch. départ. Vendée).
Vu rapport de l'an III ajoute quelques renseignements sur
les procédés et les prétextes de ces mesures soi-disant pa-
triotiques.
« Luçon, 8 frimaire l'an 3" de la République une et indivisible.
L'agent national provisoire de la commune de Luçon, aux
citoyens composant le Comité révolutionnaire de Fontenay-
le-Peuple.
« Frères et Amis.
Chargé dans le temps par la municipalité, de mettre la
loi à exécution en faisant sortir toutes les religieuses de leurs
maisons, ce ne fut qu'avec peine et l'aide de la gendarmerie
que je réussis à faire partir les Ursulines. Elles se réfugièrent,
toutes ilans les maisons des ex-prêtres et nobles d'où elles
communiquaient généralement ensemble et formaient de pe-
tits conciliabules. Malgré la défense de la municipalité elles
conservèrent toujours leur ancien costume et reconnurent
leurs anciennes supérieures pour leurs chefs.
Je me transporté plusieurs fois chez elles aux fins de cor-
er ces abus et leur faire exécuter la loi, mais toutes mes
marches furent inutiles ; elles persistèrent dans leurs prin-
cipes aristocratiques, ce qui détermina la municipalité à les
re rendre dans son saing pour prêter le serment prescrit
par la loi ; elles refusèrent de le faire, et cette nouvelle
preuve d'incivisme engagea la municipalité à les faire con-
duii -lieu du département.
" Depuis poque, nous ignorons quelle a été leur con-
PENDANT LA REVOLUTION 59'
duite. D'ailleurs, nous n'avons point de faits particuliers à im-
puter à celles désignées dans la liste que vous nousavez adres-
sée. Il n'est non plus parvenu à notre connaissance qu'elles
aient tenu quelque propos tendant à troubler l'ordre public.
« Salut et fraternité,
Drukt,
agent national. »
Les Ursulines qui avaient prévenu ces vexations en quittant
Luçon dès la fermeture du couvent, ne furent pas pour cela
à l'abri de la suspicion.
Mme Catherine-Modeste FRUGHARD s'était réfugiée dans
la paroisse du Bernard, au village de Fontaines, chez un fari-
nier nommé Boisson. Le deuxième jour de la 28 décade du 2f
mois de la 2" année de la République, le citoyen Pierre-Fran-
çois-Mourain, membre du Comité de surveillance établi aux
Sables par le représentant Fayau, se transporta, en vertu
d'une commission de ce Comité, au domicile de Boisson, sur
les 3 heures de l'après-midi pour apposer les scellés sur ses
meubles. Il perquisitionna partout, fouilla tous les mesutbles
à- l'usage de l'ancienne sœur saint Ambroise, et ne trouva,
comme il le relate au procès-verbal, que des livres de dévo-
tion. Cependant, dans une petite boîte renfermant des rubans,
il découvrit une seule pièce qu'il dit contre-révolutionnaire,
une lettre adressée à la citoyenne Fruchard le25 janvier 1791,
signée G. . . prêtre, laquelle lettre fut annexée au procès-ver-
bal. Mieux renseigné que le citoyen Mourain, nous pouvons
dire que cette lettre absolument inoffensive, et que nous pu-
blierons en son lieu, était d'un neveu de Mrae Fruchard, l'abbé
Guérineau, vicaire de Triaize. Elle fut d'ailleurs reconnue
beaucoup moins contre-révolutionnaire que ne le disait le
membre du Comité de surveillance, et Mme Fruchard ne fut
pas autrement inquiétée parla suite.
Mme Marie-Catherine GOLLINET était originaire des
Sables-d'Olonne où elle déclara se retirer et fixer sa résidence
60 LE CLERGÉ DE LA VENDEE
le 17 novembre 1792. Elle fit peut-être quelques concessions
de forme aux circonstances, car, le 2 janvier 1793, elle se fit
ilélivrer un certificat de résidence par la municipalité des
Sables pour toucher la pension accordée antérieurement aux
religieuses.
M1" Marie-Geneviève SAVARY était entrée aux Ursulines
à 20 ans, en 1780. En novembre 1801, l'administration l'auto-
risa à jouir de deux rentes viagères de 160 fr. et de 24 fr. qui
lui avaient été constituées sur ses biens lors de son entrée
au couvent.
Sur la liste des religieuses dressée par la municipalité de
Luçon lors de la visite domiciliaire du 1er juin 1790, ne figure
pas MmePOUGNET, que des documents administratifs posté-
rieurs qualifient cependant ex-religieuse ursuline de Luçon.
Elle était probablement absente lors de cette visite. Elle re-
vint à Saint-Hilaire-des-Loges, d'où elle était originaire, et
obtint le 25 septembre 1793 un quartier de sa pension sur un
double certificat de résidence et de civisme délivré par la mu-
nicipalité de sa commune.
Une réclamation semblable fut présentée par Mœe Rose-
Modeste GENDRONNEAU, née à Sainte-Radegonde des Ma-
rais le 18 janvier 1762 et entrée au couvent à 18 ans, le l«r
avril 1780. Lors de la dispersion des religieuses, elle alla ha-
biter Bournezeau, dont le maire, M. Esgonnière, réclama
pour elle en 1802 le paiement de sa pension, en certifiant
qu'elle était à peu près dans la misère.
Mm* Louise GRÉL1ER raconte elle-même ses malheurs dans
une lettre qu'elle écrivit en juillet 1802 au maire de Luçon,
M. Chauveau.
<• Près Maixent, à Piedfoulard, commune de Prailles (Deui-
SèTres), ce 18 thermidor an X* de la République.
« Respectable citoyen,
« J'ai l'honneur de m'adresser à vous pour vous prier de
vouloir bien avoir la bonté de m'obliger quoique je n'aie pas
l'avantage d'être connue de vous. J'ose me flatter que votre
PENDANT LA RÉVOLUTION 61
âme bienfaisante s'y portera avec autant de zèle que de géné-
rosité. Voici ce dont il s'agit. J'étais cy-devant religieuse des
ursulines de Luçon dans la Vendée ; après avoir fait mes
vœux j'ai resté 22 ans dans cette communauté ; quand nous en
sortîmes par ordre du gouvernement, nous fûmes toutes
pensionnées chacune suivant l'emploi qu'on avait dans la
communauté ; ma pension fut décrétée à la somme de 600 fr.
qui me furent exactement payés pendant quelques années.
Mais, comme je fus mise en arrestation, on cessa de me
payer. Aujourd'hui que je suis sans secours je me vois forcée
de réclamer ce que le gouvernement humain et charitable ne
refuse pas aux malheureux. On me demande à cet effet le
certificat du jour de ma profession. Gomme cet acte fut passé
par le citoyen Jouanneau notaire public à Luçon, j'ignore ce
qu'il est devenu. J'espère que vos bontés me le feront retrou-
ver. On m'a promis dans ce département qu'avec cette pièce
je pourrai en obtenir ma juste demande. De grâce, respec-
table citoyen, veuillez vous occuper de ce trait de bienfai-
sance duquel je conserverai une gratitude sans bornes.
« C'est dans cet espoir que j'ai l'honneur de me dire votre
concitoyenne,
Louise Grélier. »
M. Ghauveau s'empressa d'adresser à Mmc Grélier son acte
de profession. Celle-ci l'en remercia par une nouvelle lettre
dans laquelle elle avoue qu'elle ne vit que de quêtes, et ré-
clame une expédition de l'arrêté qui lui accordait une pension.
On s'adressa à M. Laval receveur à Fontenay, qui ne put four-
nir que l'arrêté collectif fixant à 13 880 1. la pension annuelle
de la communauté des Ursulines. Un secours fut accordé à
Mm' Grélier.
Mme Marie-Suzanne GABOBIT, originaire de Saint-Gilles-
sur-Vie, put de se retirer dans sa famille. Le 2 juillet 1793, la
municipalité de Saint-Gilles lui délivra un certificat de rési-
dence depuis huit mois; elle habitnif la maison du juge de
68 l-K CLERGÉ |)K LA VENDEE
paix, Hilaire Giron. Le 29 juillet elle se fît délivrer un passe-
port où son signalement est ainsi donné : taille 4 pieds 10
pouces, bouche grande, nez épaté, menton pointu, yeux roux,
sourcils et cheveux noirs grisonnants, visage rond gravé de
petite vérole, « laquelle a déclaré vouloir retournera Luçon. »
M ■•■ Aimée DEBIEN et Rose FROUIN furent du nombre
des Ursulines envoyées en prison à Fontenay le 4 ventôse an
11. Elles n'y restèrent que deux mois ; on les évacua sur Niort
avant l'attaque et la prise de Fontenay par les Vendéens en
mai 1793; elles avaient 33 et 32 ans. Mme Frouin était née à
Saint-Pierre des Echaubrognes en 1761, et n'avait que deux
ans de profession lorsque les Ursulines furent dispersées.
Marie Tilleu, novice, partageait leur sort. Elles étaient encore
en prison à Niort un an après, puisque, le 4 brumaire an III
elles adressèrent une réclamation au directoire du départe-
ment de la Vendée.
Aux citoyens administrateurs du département de la
Vendée.
« Citoyens,
« Rose LAROY, religieuse de la cy-devant communauté de
l'union chrétienne de Luçon,
Aimée DEBIEN et Rose FROUIN aussi religieuses Ursu-
lines du ci-devant couvent de Luçon, et Marie Tilleu, novice
au même ci-devant couvent,
« Ne nous reconnaissant coupable d'aucun crime envers
la patrie, pensant devoir profiter du bénéfice de la loi du 18
thermidor dernier comme n'étant pas dans le cas de la loy
du 17 septembre 1793 (v. s), pour parvenir à se procurer la
liberté que nous réclamons, nous nous sommes adressées au
citoyen maire de Luçon par l'ordre duquel nous avons été
; iuiles ,l Fontenay-le-Peuple, pour avoir les motifs de
notre arrestation. Le silence de cet officier public sur notre
demande prouve que notre état seul a été le motif de notre
PENDANT LA H ÉVOLUTION 63
arrestation. Depuis le commencement de ventôse dernier où
nous avons resté à Fontenay et de là à Ghef-Boutonne, et de-
puis peu ramenées à Niort dans la maison d'arrêt du citoyen
Bremon le jeune.
« Et comme il nous importe beaucoup de prouver notre
innocence au représentant du peuple qui doit venir inces-
samment dans cette commune, et que le maire de Luçon n'a
pu opérer notre arrestation ainsi que le comité révolution-
naire de la commune de Péault qui m'a fait arrêter moi,
Aimée Debien, sans donner leur procès-verbal au départe-
ment suivant la même loy du 17 septembre ci-dénommée,
« Nous vous demandons, citoyens, de nous envoyer nos
copies des procès-verbaux qui contiennent les motifs de
nos arrestations, la municipalité de Luçon et le comité révo
lutionnaire de Péault ne nous les ayant pas fait passer malgré
nos demandes. Nos demandes étant fondées sur l'art. 2 de la
loi du 10 thermidor, nous espérons de votre justice que vous
y adhérerez.
« A Nior, ce 4 brumaire,
« Vos concitoyennes,
Aimée DEBIEN, Rose LARUY, Rose FROUIN, Marie
TlLLEU. »
Cette lettre, conservée aux archives départementales de la
Vendée, est ainsi apostillée :
« Nous, maire et officiers municipaux de la commune de
Luçon, certifions que les dénommées ont été conduites à
Fontenay-le-Peuple pour s'être refusé opiniâtrement à la
prestation du serment exigé par la loi.
« Luçon, le 1" nivôse, l'an 3e de la Rép.
Maigre, maire. »
Et plus bas :
« L'administration de la Vendée déclare n'avoir dans ses
bureaux aucuns procès-verbaux relatifs à la réclusion des pé-
titionnaires et n'y avoir pris aucune part.
64 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
o A Fontenay-le-Peuple le 2 nivôse l'an 3e de la République
française une et indivisible.
La Douespe, pour le président.
Chessé, secrétaire. »
L'insuccès de cette requête encouragea les religieuses à
srire directement au représentant du peuple alors en mission
à Fontenay :
.< Niort, le 13 nivôse l'an 111 de la République française, une et indivisible.
Rose LAROY, Aimée DEBIEN, etc.
Au représentant du peuple à Fontenay.
« Citoyen représentant,
« Il y a un an que nous gémissons dans la maison de dé-
tention où nous avons été conduites successivement et sou-
vent avec les plus grands dangers de perdre la vie. Comme
In justice est à l'ordre du jour; nos maux doivent enfin avoir
un terme. Tu verras aussi qu'il est certifié par la commune de
Luron qu'il n'y a d'autre motif de notre arrestation que celui
d'.ivoir refusé de prêter le serment, et le département assure
n'y avoir pris aucune part. Nous espérons, citoyen repré-
sentant, que tu jugeras ce motif dans ta sagesse et que tu ne
le croiras pas suffisant pour prolonger notre dure captivité.
Nous te prions d'ordonner notre élargissement. Nous som-
mes convaincues que tu ne te refuseras pas à cet acte de
justice
« Aimée Debien, etc. »
Elles ne furent rendues à la liberté qu'après le coup d'Etat
de thermidor. Longtemps elles réclamèrent le paiement de
la pension qui leur avait été allouée ; le Consulat la leur rendit,
et leur- noms figurent alors sur l'état des pensionnaires
civils. Mm6 Debien mourut en 1812.
M • Louise -Claire RAMPILLON fut aussi incarcérée à
Fontenay. Son grand âge ne lui permit pas de supporter le
régime de la prison ; elle y mourut le 5 nivôse an IL
PENDANT LA RÉVOLUTION 65
Les deux sœurs, Catherine et Marie GAMB1ER faisaient
partie des « chères compagnes » déjà détenues à Fontenay,
auxquelles le bon goût du Comité de surveillance de Luçon
réunissait, en frimaire an II, « trois sœurs malades et une
inconnue. » Conduites à Niort avec les autres détenus de
Fontenay, en mai 1793, à l'approche de l'armée royaliste,
Mm«* Gambier ne tardèrent pas à réclamer l'intervention de
leur frère
« Mon cher Frère,
« Nous avons bien reçu votre lettre et nous sommes bien
reconnaissantes de la part que vous prenez à notre triste po-
sition. Nous vous aurions une grande obligation si vous pou-
viez nous en tirer. Vous nous demandez, mon cher frère, de
vous manderau juste lesraisonspour lesquelles nous sommes
détenues ici; nous l'ignorons, et quels sont nos dénoncia-
teurs, nous ne croyons pas en avoir, ou si nous en avons,
nous l'ignorons.
« Depuis que nous étions sorties de notre Communauté,
nous nous étions tenues bien sédentaires dans la maison où
vous nous avez vues. Nous ne sortions point et nous n'avions
aucune communication avec qui que ce soit. Nous n'avons
jamais parlé des affaires du temps ni entendu rien.
« Ah ! mon cher frère, si notre beau-frère et vous pouviez
nous réclamer et obtenir que nous fussions chez vous, vous
nous rendriez un grand service.
« Nous sommes avec toute l'affection et l'amitié la plus sin-
cère.
« Vos tendres sœurs,
« Catherine Gambier et Marie Gambier »
t L'an 2* de la République. »
Leur beau-frère, qui habitait Nieuil-sur-1'Autise, se rendit
à Niort pour faire une enquête préalable, et ne put que con-
firmer au frère, domicilie à Fontenay, rue du Puy-Lavaud, la
triste situation des détei ues.
TOME XII. — JANVIER, FEVRIER, MARS. 5
66 LE CLKRGÉ DE LA VENDÉE
« Mon Frère,
« Je fus hier à Niort pour voir nos sœurs ; je les ai trouvées
dans une malheureuse situation, où elles manquent de tout.
Elles me firent voir où elles couchaient ; il y avait une poignée
de paille, une berne et une couverture mise sur le plancher.
Voilà où elles couchant, dans une chambre sans cheminée;
on leur donne un morceau de pain sec avec de l'eau sans rien
autre chose. Gela me fit grande compassion; je leur portai
trois chemises, un fromage, des pommes qui leur firent grand
plaisir ; j'aurais voulu avoir autre chose. Mais je ne comptais
pas sur une si grande misère. Elles vous prient de tâcher de
pouvoir les retirer de cet esclavage. Je vous prie mon frère de
présenter ma pétition au représentant du peuple pour tâcher
de les faire sortir. Elles ne savent point le sujet qui les a fait
mettre où elles sont.
« Salut et fraternité. Votre mère vous embrasse ainsi que
moi.
« Elle nous dit qu'on voulait les transporter ailleurs, on
ne sait point où c'est. C'est pourquoi il faudrait se presser de
faire ses diligences ; il y a trois semaines qu'elles sont déte-
nues. Depuis ce temps-là il y en a trois de mortes de la souf-
france qu'elles ont fait. C'est pourquoi il faudrait être inhu-
main et sans religion si on ne se prêtait pas aies faire sortir.
« Ma femme ainsi que moi nous vous engageons à faire
votre possible de votre côté et nous ferons du nôtre.
« Niort, le 21 nivôse l'an 2" de la République française, uneet indivisible. »
« Gambier. »
M. Gambier suivit le conseil de son beau-frère et adressa
au représentant du peuple Ingrand, alors en mission à Fon-
tenay, cette requête :
« Expose le citoyen Charles-François-Jérôme Gambier,
propriétaire à Fontenay, qu'il a le désagrément de savoir que
Catherine i l Marie Gambier, deux de ses sœurs, ci-devant
PENDANT LA RÉVOLUTION G7
religieuses au couvent des Ursulines de Luçon, sont déte-
nues depuis plus de deux mois, manquent de leurs besoins
les plus urgents, qu'elles ont été transférées de maison de
réclusion en maison de réclusion, puisqu'elles ont d'abord
été conduites de Luçon en cette commune, de là conduites à
Niort et ensuite transférées en la commune de Celles où elles
sont encore et plus que jamais réduites à la dernière des
misères.
« Quelque soit l'humanité de l'exposant, quelque grande
que soit sa sensibilité fraternelle, s'il connaissait ses sœurs
coupables, s'il croyait même qu'elles le fussent, il serait bien
éloigné, citoyen représentant, de prendre leur défense. Les
lettres ci-jointes adressées tant par elles, que par son
beau-frère sont bien capables de justifier sa conduite et de
prouver la pureté de ses sentiments. ;
« Elles disent donc, ces lettres, que les victimes^ie con-
naissent ni leurs dénonciateurs ni les dénonciations faites
contre elles ; elles ne croient même pas qu'il en existe. Enfin
elles ignorent les motifs de leur détention. Ce n'est sans doute
qu'un préjugé contre elles qui a porté à les enfermer ; de
quoi d'ailleurs étaient coupables ces femmes qui sédentaires
chez elles, comme elles le disent bien, n'en sortaient jamais
et qui ne s'occupaient aucunement des affaires du temps ?
« A ces causes, requiert l'exposant, citoyen représentant,
ta sensibilité pour ses sœurs malheureuses et souffrantes,
que tu veuilles ordonner leur élargissement, si après une
suffisante information elles sont reconnues innocentes. T'ex-
pose en outre, citoyen représentant, le présent pétitionnaire
qu'il lui est dû pour raison de prix de ferme dans la commu-
nauté de Saint-Etienne des Loges, la quantité de six boisseaux
de froment dont il a eu très grand besoin pour son usage,
qu'il a été réclamer ce même blé et qu'on le lui a refusé,
fondé sur un arrêté pris par le département qui met en ré-
quisition tous les blés des différentes communes de ce dis-
trict, et comme l'exposant a un besoin indispensable du
68 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
susdit blé pour se procurer sa subsistance, il requiert que tu
veuilles ordonner à la commune de Saint-Etienne-des-Loges
ou aux autres autorités qui en doivent connaître, qu'il lui soit
fait délivrance du susdit blé.
L'exposant au surplus s'en rapporte à ta justice sur l'une
l'une et l'autre de ses pétitions et attend de toi ce qu'on doit
espérer d'un sage représentant.
« Fontenay-le-Peuple, ce 5 pluviôse an II. »
« Gambier. »
La réponse ne se fit pas attendre :
« Le représentant du peuple dans les départements de la
Vendée et des Deux-Sèvres renvoie au comité de surveil-
lance de la commune de Fontenay-le-Peuple pour savoir si
les réclamantes sont comprises dans la loi du 17 septembre
(v. s), ou si, n'étant pas comprises, il importe à la sûreté géné-
rale qu'elles soient plus longtemps détenues.
« Fontenay-le-Peuple, G pluviôse l'an 2me de la République française
»ne et indivisible. »
(Arch. dé p. Vendée).
Mesdames Gambier ne furent rendues à leur famille qu'à
la pacification de 1795.
Edgar Bourloton.
(A suivre).
Il GÉNÉRAL VENDEEN DE BONCHAMPS
laprès un dessin de la collection de M. 11. Bagi enieb Desormeai \
TROIS GRANDES JOURNEES
DE LA VENDÉE MILITAIRE
COMBATS DE LA CHATAIGNERAIE ET DE FONTENAY
(13, 16 et 25 mai 17931).
»Ofr«
L'armée catholique et royale séjourna dans la ville de
Thouars jusqu'au 9 mai, afin de se reposer de ses fa-
tigues et d'organiser ses nouvelles recrues. Le 7, les gé-
néraux tinrent un conseil de guerre pour délimiter d'une
manière précise leurs commandements respectifs. Lescure y
fut chargé de diriger la division de Bressuire, Gathelineau
celle du Pin-en-Mauges et de ses environs, Bonchamps
celle des bords de la Loire, d'Elbée celle de Beaupréau et de
Gholet, Stofflet celle de Maulévrier et de Vihiers, La Roche-
jaquelin celle de Ghâtillon et des Aubiers, et de Laugrenière
celle d'Argenton. Ils auraient voulu organiser également l'ad-
ministration civile et militaire ; mais, désireux de s'entendre
préalablement avec quelques-uns des chefs de la Basse-Ven-
dée, ils ajournèrent ce projet.
Le débat principal porta sur le plan de campagne à adopter*.
Les uns voulaient marcher sur Loudun, Mirebeau, Poitiers,
i M. l'abbé Deniau, curé de Saint-Macaire-en-Mauges, qui, sous la direction
de dom Chamard, le savant prieur de l'abbaye de Ligugé, prépare, sur docu-
ments inédits, une nouvelle édition de l'Histoire de la Vendée militaire de
son regretté oncle, M. l'abbé Deniau, curé du Voide, a bien voulu nous
accorder la primeur de ces pages, auxquelles nos lecteurs — nous n'en
doutons pas — feront, comme nous-même, le plus reconnaissant accueil.
N. D. L. R.
* Johannet {La Vendée à trois époques, t. i, p. 60), dit que Tonnelet. Ju
village de Tout-le-Monde, révéla dans ce conseil « des qualités dont les cir-
constances amenèrent le rapide développement. » Il ajoute que ce fut M.
de Donnissan qui mit les généraux d'accord.
70 TROIS GRANDES .JOURNÉKS
prétendant que ces villes leur étaient sympathiques et qu'il
leur serait facile d'y développer l'insurrection. Les autres re-
présentaient qu'il fallait se diriger sans retard sur Parthenay,
la Châtaigneraie, Fontenay, afin de donner la main àRoyrand,
qui guerroyait dans ce pays, ainsi qu'à tous les royalistes
du Bas-Poitou ; de la sorte ils réuniraient ensemble tous les
belligérants catholiques, et ils attaqueraient ensuite, avec de
plus grandes forces et plus de chances de succès, les points oc-
cupés par les patriotes. Ce fut ce dernier parti qui l'emporta,
car ils avaient écrit à Royrand pour lui demander son appui, et
ils venaient de recevoir une réponse de ce chef qui leur disait
de se porter sur la Châtaigneraie1. Toutefois, le 8, on dirigea un
fort détachement sur Loudun pour sonder cette ville. Ce déta-
chement y entra sans résistance ; mais les habitants ne firent
aucune démonstration en faveur de la cause royale, ce qui fit
voir qu'on s'était trompé sur leurs dispositions. On brûla l'ar-
bre de la liberté et les papiers du district, on pilla les caisses
puhliques, et ce fut tout l'avantage qu'on retira de cette ex-
cursion1. Un escadron de cavalerie républicaine, venu de Chi-
non pour combattre les Vendéens, eut la lâcheté de se cacher
au lieu de les attaquer ; lorsqu'il les vit partir, il s'élança au
galop pour sabrer leurs traînards. Il réussit à saisir un de
18 retardataires et se fit un titre de gloire d'avoir massacré
un infâme brigand.
bans l'impossibilité de défendre Thouars contre un retour
offensif des républicains, les chefs royalistes ne voulurent y
laisser aucune garnison, et pour mettre à l'abri de toute sur-
prise leurs blessés et les provisions qu'ils avaient capturées,
ils les dirigèrent sur Cholet, sous la garde d'une partie des
lit- de lionchamps'.
1 Collection de M. Dugât-Matifeux, juin 1793. La Vendre 'patriote, par
Chassin. 1. p. .%.'. — Ghauveau, danssa Vie de Boacharnps, p. 9fi, dit que
larëtte, apprenant le succès des Angevins et Poitevins, avait réclamé leur
• Hourniseaux, Précis historique sur les guerres de la Vendée, i, p. 386.
* I." 13. il y avait à Cholet des soldats de Bonchamps qui prirent la caisse
[Assignats "t papiers-monnaies, p. A.ug. Rouillé).
DE LA VENDÉE MILITAIRE 71
L'armée vendéenne se dirigea sur Parthenay, dont elle
s'empara. Elle y resta toute la journée du 11, pendant laquelle
elle tint un conseil de guerre pour arrêter le plan de l'attaqne
de la Châtaigneraie. D'Elbée et Gathelineau demandaient que
toute l'armée abordât cette ville par un seul point. Lescure au
contraire voulait qu'on y pénétrât par plusieurs endroits à la
fois afin d'épouvanter davantage l'ennemi. « Vous avez raison,
s'écria Stofflel, il faut lui donner une fameuse chasse, et le mor-
dre de tous côtés. Son expression pittoresque rangea tous les
généraux à son avis1, et l'on partit dans la matinée du 12 pour
la Châtaigneraie, après avoir fait un appel aux populations voi-
sines pour combler les vides de l'armée2. Sandoz, qui n'avait
pas cru prudent d'échanger avec elle un seul coup de fusil,
s'attribua follement l'honneur de l'avoir fait quitter Parthenay.
Il y rentra ce jour-là même ; et, le lendemain 13, il écrivait au
ministre de la guerre que sa bonne contenance avait empêché
les insurgés de se porter sur Saint-Maixent.
« Ma fermeté et ma surveillance, lui disait-il, qui sans
doute sont parvenues aux oreilles de l'ennemi, ont arrêté ses
progrès et lui ont fait abandonner Parthenay3. »
La ville de la Châtaigneraie, contre laquelle marchait l'ar-
mée vendéenne, est bâtie sur le penchant d'une petite colline
qui s'incline légèrement ;iu midi ; elle était alors occupée par
trois à quatre mille hommes4, que commandait Chalbos, vieux
soldat devenu subitement général. Il y était arrivé, la veille,
de Pontenay.
Les Vendéens, qui venaient l'attaquer, n'étaient plus qu'au
nombre de douze à quinze mille hommes5. Les autres, cédant
successivement au désir de revoir leurs familles pour les
1 Stofflet et la Vendée, par Edmond Stol'flet, p. 76. *
4 Le pays d? Pouzauges répondit à cet appel (papiers de Goupilleau cités
par M. delà Boutetière, p. 16, note/.
3 Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans, i, p. 219.
4 L'administration militaire dit qu'il en avait quatre mille ; M003 de la
Rochejaquelein, trois à quatre mille hommes, p. 153.
* Selon Bourniseaux, ils navaient que huit mille hommes, t. i, p. 388.
72 TROIS GRANDES JOURNÉES
rassurer sur leur sort, avaient quitté l'armée par groupes
détachés.
Divisés en trois colonnes, ils débouchent, le 13, vers 10 heu-
res du matin, en vue de la ville, sur laquelle ils lancent une
bordée de boulets. Les patriotes, surpris dans leurs loge-
ments, se réunissent à la hâte, se rangent en bataille et sou-
tiennent le feu avec une grande énergie. Cependant l'artillerie
de Marigny, habilement dirigée, leur fait subir des pertes
sérieuses1. Ghalbos ne veut pas reculer. A la tête du beau ré-
giment d'Armagnac il supporte, pendant une heure, sur la
droite, le principal effort des assaillants. Les paysans, accou-
tumés à vaincre depuis le commencement de leur expédition,
s'irritent de sa résistance ; ils serrent leurs rangs et se préci-
pitent furieux sur une de ses colonnes qui s'avance pour les
prendre en flanc. Donnissan conduit la charge5. La Rocheja-
quelein, d'Elbée, de Bonchamps, Gathelineau, Stofïîet et de
Lescure, sur d'autres points, se mettent à la tête de leurs
plus braves volontaires et s'exposent aux plus grands dan-
gers. Lescure fait marcher en avant les jeunes officiers nou-
vellement incorporés dans ses rangs, pour leur donner l'oc-
casion de révéler leur vaillance. Il place la Ville-Baugé avec
deux cents paysans dans un chemin creux et étroit pour fer-
mer le passage à une colonne républicaine. Baugé s'y main-
tient avec beaucoup de courage et de sang-froid, malgré le
feu supérieur de six cents républicains qui lui sont opposés.
Les chevaliers de Beauvollier, de Mondion et Dupérat y sont
blessés ; le chevalier de Marsanges et les cinq dragons qui, à
IJ;u ! henay, ont suscité tant de défiance de la part des paysans,
chargent à leur tour. L'un d'eux est tué ; les autres marchent
toujours et devancent de beaucoup les paysans; alors ceux-ci
se mettent à leur crier : « Dragons, c'est assez ; nous voyons
' V-moignage de Louis Brard. — Mme de la Rochejaquelein, p. Ib3.
5« Ce fut mon père, dit Mm' de la Rochejaquelein, (p. 153-154) qui con-
tribua le plus au gain de la bataille. S'étant aperçu qu'une colonne enne-
mi'- cherchait à nous tourner, il fit marcher sur elle et nous sauva. »
DE LA VENDÉE MILITAIRE 73
« que vous êtes de braves gens ; ne vous exposez pas tant1. »
Chalbos, refoulé dans l'intérieur de la ville, n'a plus la liberté
de ses mouvements. Ses troupes sont réduites à se retran-
cher dans les rues, derrière les portes et les fenêtres des
maisons ; mais de ces embuscades elles continuent à se dé-
fendre avec la plus grande fermeté ; ce sont pour elles comme
autant de nouvelles forteresses qui les protègent et d'où elles
font pleuvoir sur les assaillants le feu le plus meurtrier. Elles
arrêtent les progrès des Vendéens et vont peut-être rendre la
victoire indécise, lorsque les colonnes de Stofïlet et de la Ro-
chejaquelein, survenant du côté de Saint-Pierre-du- Chemin,
et celles de Lescure et de Marigny du côté de Mouilleron, les
prennent en flanc par les faubourgs et les obligent à se retirer
sur Pontenay, abandonnant aux mains des Royalistes une
partie de leur artillerie, plusieurs caissons et une grande
quantité de fusils. Les nombreux fuyards sont tellement frap-
pés d'épouvante que, sur plusieurs points, quelques cavaliers
suffisent pour leur faire rendre les armes2. Jean Martin, de
Saint-Lambert-du-Lattay, poursuivit avec sa compagnie les
Républicains, l'espace d'une lieue, et revint chargé de nom-
breux fusils qu'il avait pris3.
La bataille avait duré deux heures. — « La troupe des bri-
« yands que nous avons combattue aujourd'hui, écrivait de
« Fontenay, Chalbos, ne ressemble pas à celles que nous
« avions vues jusqu'ici. Ce sont d'autres hommes, une autre
« tactique, d'autres moyens.... Ils s'avançaient la baïonnette
« au bout du fusil. Leur cavalerie, au nombre de six à sept
• M1"* de la Rochejaquelein : « Effectivement, c'étaient des sujets distingués
« et ils lurent cause que les Vendéens virent depuis avec plaisir les déser-
« teurs ; mais il en vint bien peu. » p. 1 53.
1 Crétineau-Joly, la Vendée militaire, i, p. 113. « Je sais de lui (Catheli-
« neau) qu'il regardait cette journée comme une des plus belles de sa vie. »
(Eloge funèbre, par M. Cantiteau). Jean Gabory, du Pin, secrétaire de Cathe-
lineau, et plus tard de d'Elbée, fut blessé en cette circonstance, ramené au
Pin et employé à Gholet comme chef de bureau.
1 Mémoires mss. de l'abbé Conin. p. \91.
TROIS GRANDES JOURNÉES
« cents est très bien montée et a montré une grande au-
dace'. »
Dans la déroute, l'intrus du lieu est tué. Forestier, qui a
forcé une compagnie de grenadiers du régiment d'Armagnac
à capituler, court le plus grand danger. Un de ces grenadiers
refuse de rendre son fusil, et, dans sa fureur, il le menace de
sa baïonnette. Forestier l'évite adroitement, et, au lieu de lui
plonger son épée au travers du corps, il lui pardonne avec
générosité. Les autres grenadiers, indignés de la lâcheté de
leur camarade, se jettent sur lui et le transpercent de plus de
cinquante coups*.
Toutefois, un certain nombre de Vendéens, par une exas-
pération irréfléchie, se laissent entraîner, eux aussi, à des
faits regrettables. Quelques-uns s'introduisent dans plusieurs
maisons et les pillent ; d'autres pénètrent dans la ville, et,
apercevant dans la cour d'une auberge, la guillotine qui, la
veille, leur dit-on, a immolé un grand nombre de prêtres, de
nobles, de suspects de royalisme, et qui est encore teinte de
leur sang, ils sont tous transportés de fureur. Sur l'ordre de
M. de la Bouère, ils l'abattent avec empressement, se préci-
pitent sur les prisonniers pour venger leurs amis et en tuent
un certain nombre3. Leurs chefs, qui, à leur entrée dans la
Ville, nvaient défendu de toucher aux propriétés et aux per-
sonnes4, accourent pour arrêter le massacre. Ils n'y réus-
sirent qu'en congédiant immédiatement les prisonniers qui
survivent, après avoir exigé d'eux, comme ils l'ont fait plu-
1 Chassin, la Vendée patriote, t. i, p. 19:;.
' Crétineau, la Vendée militaire, i, p. 112. De Beauvais, p. 42.
> Mémoires de M"" de la Bouère. Théodore Muret dit que c'est à Parthenay
qu'ils trouvèrent ainsi la guillotine toute montée. M™" de la Bouère dit qu'on
<-n trouva une ■> La Châtaigneraie.
' La Vendée pair iota, i. p Slï. Le 13, Cathelineau, qui logeait chez M. De-
hargue, lui donna le bon suivant : A la Châtaigneraie, 13 mai 1793, bon pour
« une culotte, dix livres à M. Dehargue. Cathelineau, commandant. » Ca-
iin'-au avait eu sa culotte déchirée dans le combat, et en échange de celle
qu'il prenait à M. Dehargue, il lui laissait un bon de dix livres, c'est un té-
moignage 'le son honnêteté (Aug. Rouillé, loc. cit. p. 63).
DE LA VKNDÉB MILITAIKK 75
sieurs fois, le serment de ne plus reprendre les armes contre
le parti royaliste1.
Mais ces prisonniers avaient à peine perdu de vue la ville,
que de nouveaux groupes de paysans, encore sous l'impres-
sion de la fureur et de la vengeance, s'élancent sur leurs
pas, les atteignent et recommencent à les massacrer. La Ro-
chejaquelein apprend cette cruelle boucherie. Il court au
milieu de ces gens égarés : « Misérables ! leur crie ce ma-
gnanime jeune homme : Que faites-vous là? « Nous égorgeons,
« lui répondent-ils, ceux qui ont égorgé nos amis, leurs
« femmes et leurs enfants. » — « Mais si vous agissez comme
« ceux qui font mal, ouest la bonne cause? » Et là-dessus il
les force à lâcher leurs victimes et à regagner leurs loge-
ments. Trop aveuglés par la vengeance, les paysans ne peuvent
apprécier tant de grandeur d'âme et de générosité ; ils mur-
murent, se débandent et, fatigués aussi d'être depuis long-
temps sous les armes, ils reprennent le chemin de leurs pa-
roisses respectives*.
Par suite de cette défection et des autres qui eurent lieu
simultanément, soit pour emporter le butin, soit pour revoir
le pays, l'armée vendéenne se trouva, le lendemain 14 mai,
réduite à sept mille hommes environ3. Désormais elle était
hors d'état de songera aucune entreprise sérieuse. Elle avait
besoin de rentrer au centre du Bocage pour s'y reformer et
y retrouver son premier enthousiasme. C'était l'avis de Ga-
thelineau qui connaissait l'esprit de ses paysans ; c'était aussi
celui des gens sages et du plus grand nombre des généraux.
' La Vendée patriote, p. 34b, t. i. Ils remettaient à chaque prisonnier un
passeport ainsi conçu : « Lesquels ont promis sur leur foi (ou honneur) et
« avec serment de ne jamais reprendre les armes contre leur roi et la reli-
« gion catholique, apostolique et romaine de leurs pères. » Les passeports
qui étaient datés de la Châtaigneraie, portaient les signatures de d'Elbée,
Lescure, Desessarts, La Rochejaquelein, Stofflet, Marigny général de l'armée
catholique et de Beauvollier, chef de la cavalerie de l'armée catholique.
1 Témoignage de Louis Brard, qui ét^it présent. — Mémoires de M"° de La
Rochejaquelein, p. 154.
3 Mémoires de Mrae de la Rochejaquelein, p. 154.
70 TROIS GRANDES JOUKNÉES
Mais le bouillant Stofflet, que les victoires précédentes avaient
enflammé d'ardeur, s'écrie au conseil : « Qu'on me donne
cinq mille hommes, et je me fais fort avec eux d'enlever la
ville de Fontenay1. » Les autres généraux, ne voulant pas
qu'on révoque en doute leur dévouement et leur courage, se
laissent d'autant mieux entraîner par l'exaltation de Stofflet,
que. avant le conseil tenu à Thouars, ils avaient envoyé des
courriers à Royrand et à Baudry d'Asson2, pour les
encourager à marcher sur la Châtaigneraie. Ceux-ci arrivaient
même, en ce moment, pour unir leurs forces aux troupes de
l'Anjou3 et élevaient ainsi l'effectif de l'armée vendéenne à
dix mille hommes. Mais le chiffre de leurs forces était trop
faible encore pour s'emparer d'une ville aussi importante que
Fontenay, où l'on avait pratiqué des travaux de défense4, et
où se trouvaient réunis six à sept mille soldats commandés
par Chalbos, qui s'y était retiré après sa défaite de la Châtai-
gneraie. De plus, Fontenay, situé dans la plaine de Pissotte,
n'offrait, dans un >ayon assez étendu, aucun abri pour pro-
téger les tirailleurs5. Cette ville était visiblement imprenable
pour des paysans sans expérience de la guerre. Mais dans
l'aveuglement de leur victoire, ils se figurent qu'ils l'empor-
teront d'emblée. Pour se reposer de leurs fatigues, ils passent
toute la journée du 14 mai à la Châtaigneraie.
Le 15, d'Elbée, Cathelineau, de Bonchamps, de la Roche-
jaquelein, de Lescure, Stofflet, etc., ordonnèrent à tous les
officiers généraux, colonels et capitaines royalistes de ras-
1 Attestation de Louis Brard et de Jean Martin de Saint-Lambert-du-Lat-
tay, témoins auriculaires.
1 Mémoires de M. de Sapinaud, p. 13. La Vendée patriote, t. i, p. 352.
* Bourniseaux, Précis historique des guerres de la Vendée, t. i, p. 383.
* Itfpuis le 15 avril on avait relevé les murs, rétabli les barrières, les los-
sés du coté du midi et muré les issues. Le 2 mai, on commença à bâtir des
redoutes aux moulins Gaillardon et à la Ragoieserie. {Histoire de la ville
de Fontenay, par Benj . Fillon, p. 380).
1 Les administrateurs, d'après la réquisition de Beaufranchet d'Ayyat,
avaient tait faucber la prairie en avant de la ville. (La Vendée patriote, t. i,
p. 346).
DE LA VENDEE MILITAIRE 77
sembler, à trois heures de l'après-midi, leurs corps respectifs,
de faire l'appel, de visiter les armes et munitions et de dis-
tribuer des vivres pour deux jours. Cette inspection terminée,
ils devaient rendre compte au conseil où devait être décidé
l'ordre de la marche pour le lendemain1.
Bonchamps partit alors pour Saint-Florent avec sa division
pour garder les bords de la Loire. Quelques détachements
républicains y avaient déjà reparu. Le commandant Viot, qui
était sorti de Saint-Georges, avait repassé le fleuve au bas de
la Leu, s'était jeté sur le Port-Girault, puis sur l'île et la ville
de Chalonnes et en avait chassé les postes vendéens. Gauvil-
liers s'était porté à Rochefort-sur-Loire, à Saint-Aubin de
Luigné, aux Quarts-de-Chaume, et avait balayé tout ce qu'il
avait trouvé devant lui3. Depuis plus de quinze jours, les ad-
ministrations républicaines s'étaient réinstallées à Saint-Flo-
rent-le- Vieil. Il importait dès lors d'agir au plus vite et de
rejeter les patriotes de l'autre côté de la Loire. Bonchamps
demanda qu'on profitât de cette expédition pour faire passer
le fleuve à sa division. Mais, devant l'opinion contraire de la
majorité des généraux, Bonchamps s'inclina et alla défendre
seulement son territoire menacé3.
Le départ de Bonchamps inspira à un certain nombre de
paysans, désireux de revoir leurs foyers et ne se rendant
i Ghassin, La Vendée patriote, p. 346 : « Ceux qui sont sous le comman-
dement de M. Stotflet se réuniront à la Boursière, ceux qui sont sous celui de
M. de Marigny, au Châtenais ; ceux de M. Bonchamps au Pré-Bailly ; ceux de
M. de Lescure, dans le Pré-Moreau. M. de Beauvollier réunira l'artillerie dans
le pré du Château et la fera ranger sous la Halle. Fait en conseil, à La Châ-
taigneraie, le 15 mai 1793., l'an 1" du règne de Louis XVII. D'Elbée, de Bon-
champs, Desessarts Stofflet, Cathelineau, Lescure, Bernard de Marigny, de
Beauvollier, de la Jtochejaquelein. » Cette pièce prouve que Bonchamps
était à la Châtaigneraie, conformément aux attestations de M°" delà Roche-
jaquelein et de Mme de Bonchamps et contrairement à celles de Beauchamp
(t. i, p. 69), et de Beauvais, qui le font quitter à Thouars l'armée d'Anjou.
Comme le 13 mai, il est dit que Bonchamps prit à Cholet la caisse publque,
il faut en conclure qu'une partie de sa troupe avait quitté a Thouars.
* La Vendée en 1793, par Grille, t. i,p. 122.
3 Bonchamps et le passage de la Loire par l'armée vendéenne en 1703,
par M. Baguenier-Desormeaux, p. 23-24. — Vannes, librairie Lafolye.
78 TROIS GRANDES JOURNÉES
nullement compte des conséquences de leur retraite, la
pensée de quitter clandestinement l'armée. Les généraux, ne
possédant aucun moyen de répression contre des volontaires
aussi indépendants, ne pouvaient que gémir de leur conduite
inconsidérée*.
L'évêque d'Agrase rendit à Châtillon, puis à Mortagne, où
il reçut la visite de tous les prêtres des environs. Il eut même
l'audace d'ordonner un prêtre et deux diacres à Saint- Lau-
rent-sur.-Sèvres. La nullité et les funestes conséquences de
cette ordination auraient dû épouvanter sa conscience; mais
celui qui, comme Guillot de Folleville, s'engage volontaire-
ment dans une si pernicieuse voie, ne tarde pas à perdre
jusqu'au sens moral.
Ce fut dans la soirée du 15, après la revue, que les Ven-
déens quittèrent la Châtaigneraie. Ils allèrent coucher à
Vouvant où ils logèrent chez les habitants, soldant leurs
vivres avec des bons royaux payables à la fin de la guerre.
Malheureusement un trop grand nombre ne purent résister à
leur passion pour le vin et dévastèrent les caves qu'ils ren-
contrèrent. Mais, à part cet excès, la conduite de la plupart
d'entre eux fut irréprochable et même édifiante. Le soir,
réunis par groupe nombreux, ils récitèrent publiquement
le chapelet et la prière, dévotions auxquelles ils ne manquaient
jamais chaque jour.
Lu 16 mai, les Royalistes se remettent en marche; mais
avant le départ, l'abbé Barbotin avec quelques prêtres, revê-
1 « Le lendemain de la bataille gagnée ou perdue, il n'y avait plus per-
sonne ; lr-8 paysans s'en retournaient tous chez eux, il était impossible de les
retenir. • (M"'« de la rtochejaquelein, p. 144).
s II fit pendant la guerre une ordination d'un prêtre et de deux diacres a
Saint-Laurent-sur-Sèvr.:. «J'étais un des diacres > dit l'abbé Jaunet, curé de la
Gaubretiére (Eloge des Vendéens, p. 27). L'abbé Péan fut aussi ordonné par
lui; ayant appris plus tard la nullité de son ordination, il en mourut de
douleur. Ch. Loir-Mongaron, qui avait de forts doutes sur la valeur de ses
titres, refusa celui de vicaire-général que cet intrus lui offrit quand il vint à
Beaupréau.
UE LA VENDÉE MILITAIRE 79
tant leur soutane1 et les ornements sacerdotaux, célèbrent so-
lennellement la sainte messe, pour demander à Dieu la pro-
tection dans l'attaque qu'ils entreprennent contre Fontenay.
À midi, l'armée catholique et royale avait franchi la forêtde
Bagaenard si débouchait dans la plaine qui se déroule devant
Fontenay. Un nommé Ancelin vint en avertir Chalbos1. Ce
général avait fait creuser, de ce côté, des tranchées profondes
revêtues de parapets. Sandoz, retiré à Saint-Maixent, depuis
quelques jours, était accouru à son secours. Mais c'est en vain
qu'il avait requis les troupes stationnées dans les localités
principales du district, et qu'il voulait les opposer, disait-il, à
cette multitude d'hommes fanatiques qui venait l'attaquer3.
Secondé seulement par le général d'Ayat, il avait tenu conseil
dans la nuit du 14, à une heure du matin, pour savoir s'il de-
vait se défendre ou se replier sur Niort ou la Rochelle, l'at-
taque vendéenne lui paraissant extrêmement redoutable4. Il
fut décidé que, vu l'insuffisance des moyens de défense, l'ar-
mée se replierait sur Niort. En conséquence de cette décision,
le directoire du département ordonna d'y envoyer les caisses
et les papiers. Aussitôt que les voitures furent chargées et
prêtes à partir, le général ordonna de les faire filer sur Niort.
La tête du convoi était formée par les équipages des géné-
raux et du commissaire ordonnateur5. Déjà les prêtres consti-
tutionnels, les femmes et les enfants qui ne voulaient pas
rester à Fontenay avaient pris la même direction, lorsque
Sandoz, qui avait organisé l'armée de Saint-Maixent, arriva à
Fontenay, à la tête de quatre mille hommes. Dès lors, on ré-
1 Ils ne la portaient pas habituellement depuis la guerre.
* Histoire de la ville de Fontenay, par Benjamin Fillon, p. 382.
s « J'ai écrit par tous les courriers pour avoir des forces, mais c'a été en
« vain. » {Lettre de d'Ayat au ministre). Le 15 mai, les troupes en station
à Saint-He^mand, aux Moutiers sur-le-Lay, à Mareuil, à la Claye, à Saint-
Cyr, aux Ghamps-Saint-Père, à Luçon, aux Moutiers-les-Maufaits, à Avrillé,
à Talmont quittèrent leurs postes (La Vendée patriote, i, p. 34'.').
4 Chassin, l. c. i, 329, 331, 338.
s Rapport des administrateurs du département de la Vendée (La Vendée
patriote, t. i, p. 351).
80 TROIS GRANDE-: JOURNÉES
solut de se défendre jusqu'à la dernière extrémité1. On pour-
vut à tous les postes sur la ligne de Fontenay aux Sables, ce
qui répandit l'alarme dans cette partie du département.
Chalbos n'avait pour toute artillerie que deux pièces de
quatre et autant de deux. Dès qu'il aperçut les Vendéens, il
rangea son armée en bataille dans les fossés d'enceinte, à
Pjssoite. à Morienne, à Gaillardon-, à Mérité, donna le com-
mandement de la droite au capitaine Dufour, du 84e de ligne,
celui de la gauche à un officier tenant la place de d'Ayat parti
le matin pour Luçon, et celui du centre à l'adjudant général
s mdoz5. Il masse sa cavalerie sous les ordres de Nouvion,
son chef d'état-major, dans les rues de la ville, prêt à
charger où le besoin se ferait sentir. Personnellement il se
tient en observation pour diriger tous les mouvements*.
Pendant ce temps, l'armée catholique et royale traversait
la plaine5 et allait prendre son poste de combat, au chant des
litanies de la sainte Vierge. L'abbé Barbotin donna une abso-
lution générale à tous les combattants*. Les divisions de Les-
cure et de la Rochejaquelein, soutenues de plusieurs canons,
formaient l'aile gauche et étaient opposées à Dufour ; celles de
l'FClbée et de Cathelineau, conduisant M arie-Jcanne et plusieurs
autres pièces d'artillerie, composaient l'aile droite et mar-
chaient contre le remplaçant de d'Ayat; Royrand, Sapinaud
1 II moire de la ville de Fontenay, par Benjamin Fillon, p. 381.
» I.a redoute de Gaillardon,à laquelle on travaillait depuis une douzaine de
utit seule prête en ce moment(Louis d'Aspremont, v. VAvenir et Vln-
dicateur de Fontenay, mai 1898).
' Savary, t. i, p. 221. Benjamin Fillon, Histoire de la Hlle de Fontenay,
' . dit que Auguis et d'Ayat étaient partis le matin pour Luçon. Chalbos
us son rapport constate l'absence de ce dernier, sans nommer son rempla-
• tout le pays, des Sables jusqu'à Fontenay, la pénurie du blé se
faisant sentir, les autorités avaient nommé des commissaires chargés d'en
acheter f La Vendée patriote, i, p. 333-336).
* Savary, t. i, p 221.
• Tou« les chefs Vendéens, excepté Boncliamps, étaient présents. (Note de
M»* <ie la Bouëre .
1 Témoi le l'abbé Barbotin. « La Vendée historique, 2* année, n° 38,
24. Luçon, Bideaux, impr.
DE LA VENDÉE M1LITAIKE SI
et Baudry d'Asson étaient au centre et s'avançaient contre
Sandoz.
Les républicains, agréablement surpris du petit nombre
des assaillants, les laissent approcher, affectant même de ne
leur opposer d'abord qu'une faible résistance. Mais lorsqu'ils
les voient au milieu de la plaine, sans abris et à découvert,
ils sortent de leurs retranchements et les criblent de mitraille,
vis-à-vis les métairies des Granges, des Gour /ailles, et le che-
min de Pissotle. Le désordre aussitôt se met parmi les soldats
de Royrand. Les chasseurs de la Gironde, commandés par
Sandoz, achèvent, par une charge à la baïonnette, de les mettre
en fuite. Cependant les deux ailes des royalistes font des pro-
grès sensibles. La Rochejaquelein et Lescure, après avoir
repoussé Dufour, se disposent à marcher en avant, lorsque
Ghalbos, à la vue du danger qui le menace, fait déboucher,
sur le flanc droit des royalistes, deux escadrons du 13' chas-
seurs à cheval et les lance sur eux à fond de train. Les soldats
de d'Rlbée et de Cathelineau, surpris par cette attaque, se
déconcertent. D'Elbée s'élance à la tête de son état-major,pour
leur donner un nouveau courage ; mais il est blessé au bras
d'un coup de pistolet et tombe au pouvoir des républicains.
Quelques braves l'arrachent aussitôt de leurs mains et l'em-
portent hors du champ de bataille. En le voyant s'éloigner,
ses soldats, qui faiblissaient déjà, lâchèrent pied. Nouvion se
précipite sur eux à la tête de deux escadrons, tandis que
Chalbos les prend par derrière, charge leurs rangs, qui sont
déjà brisés, les met en déroute et en fait un grand car-
nage*. De la Marsonnière veut sauver l'artillerie vendé-
enne ; il est fait prisonnier par Chalbos avec plus de deux
cent quarante paysans. Dès lors ce n'est plus qu'un sauve-qui-
peut général au centre et à la droite, et la plaine offre le
spectacle du plus grand désordre. En vain Cathelineau s'a-
dresse à ses gars du Pin et de la Poitevinière, en vain Stof-
1 Savary, t. i, p. 221.
Tome xii. — janvier, février, mars. 6
82 TROIS GRANDES JOURNÉES
flet se jette au devant de ses volontaires de Maulévrier, en
vain ils crient l'un et l'autre que les ennemis sont en petit
nombre et qu'il suffit de montrer un peu de fermeté pour
ressaisir la victoire; ils ne sont point écoutés. Lescure et
la Rochejaquelein, maîtres des retranchements ennemis,
voyant s'enfuir leur centre et leur aile droite, maudissent le
sort qui leur arrache le triomphe. Pour n'être pas enveloppés,
ils se reportent en arrière, s'entourent d'un peloton de braves,
les excitent de la voix et de leur exemple et résistent ainsi
longtemps aux efforts des ennemis, qui se massent autour
d'eux. Ecrasés enfin par le nombre, ils se retirent non sans
avoir subi des pertes sensibles. Au môme moment, Dommaigné
arrive à leur secours avec sa cavalerie. « Camarades, crie-t-il
à ses gens, n'ayez pas peur. Feu, mais pas tous à la fois, et
retirons-nous par pelotons détachés. » A son ordre, cavaliers
et fantassins s'échelonnent et soutiennent la retraite1. Dom-
maigné, dans la lutte, a le genou contusionné par une balle.
Enfin les débris de l'armée atteignent la forêt de Baguenard ;
les fugitifs s'y mettent à couvert et de là regagnent en hâte
les fourrés du Bocage. Leurs pertes sont graves : six cents
hommes sont restés sur le champ de bataille-; tous leurs ca-
nons sont pris à l'exception de deux3. Marie-Jeanne, leur cé-
lèbre palladium et pour laquelle ils avaient tant de vénéra-
tion, est capturée ; toutes leurs munitions d'artillerie, leurs
provisions de viande, de pain et de farine avec trente ou qua-
1 Attestation de Louis Iîrard.
5 Crélmeau-Joly, t. i, p. 113. Théodore Muret accuse quatre cents; Louis
lir.'irl en compte mille; M. Boutillier de Saint-André deux mille, compris les
M. île la Boutetière dit qu'ils perdirent trente-deux canons. (Le
Chevalier de Sapinaud, p. 78).
•' l-t bataille s'était donnée avec tant de confusion, que nos canons se
trouvèrent engagés, les uns à la suite des autres, et sans être gardés par des
soldat* ni des officiers d'artillerie. La déroute l'ut si prompte que tout le
moi. lit la tête. Oa ne fit rien pour sauver les pièces, on les laissa en
■]>tfon de deux qui étaient à l'aile gauche avec MM. de la Ro-
chejaquelein et de Lescure. » M,ue de la Rochejaquelein, p. 154, note. —
M. Boutillier de Saint-André dit que les paysans de d'Klbée, de Lescure, de
la Rochejaquelein, et de Dommaigné firent des prodiges de valeur et opérèrent
une retraite admirée des Républicains eux-mêmes (Mémoires, p. 155.)
DE LA VENDÉE MILITAIRE 83
rante charretées d'effets et de bagages, tombent entre les
mains des ennemis1.
Un instant, ils avaient eu l'espoir de reprendre une partie
de leur artillerie. Au commencement de la bataille, quatre-
vingts paysans avaient été placés par Lescure à un poste pé-
rilleux, avec ordre de ne l'abandonner qu'à la dernière extré-
mité. Mais, obligés de se retirer en arrière, ils se trouvent en
face du détachement républicain chargé de garder Marie-
Jeanne et les autres armes prises dans le combat. Ils l'at-
taquent, le dispersent et saisissent Marie-Jeanne; ils l'em-
brassent en pleurant de joie et croient l'avoir sauvée des
mains de l'ennemi. Mais leur joie l'ut de courte durée, car la
cavalerie républicaine revient sur eux, les sabre tous et re-
prend Marie-Jeanne.
Les vaincus , qui n'avaient plus d'artillerie et plus de
poudre, ne pouvaient s'expliquer un pareil revers, le premier
qu'ils eussent subi. Toute la Vendée l'ut dans les larmes. Les
Patriotes, au contraire,firent éclater les transports de leur joie.
Leur victoire leur parut si complète, qu'ils crurent la guerre
presque terminée
Beaufanchet d'Ayat, qui était revenu à Fontenay au mo-
ment du combat, voulut profiter de la victoire. Le 19, on tint
un conseil de guerre pour savoir si l'on irait reprendre le
poste de la Châtaigneraie, ou si l'on resterait à Fontenay. Il
fut décidé qu'on irait à la Châtaigneraie. Le 20, Chalbos mar-
cha, à la tête de sept mille hommes d'infanterie, de deux cent
cinquante cavaliers et de neuf pièces de canon, sur la Châtai-
gneraie pour la réoccuper. N'y rencontrant aucune résistance
• Mm" (le la Rochejaquelein, p. 1 54. — La Vendée patriote, i, p. 347. — Mm<>de
Sapinaud, p. 'il. Louis BrarJ, dans cette journée faillit perdre la vie. Sur le
point d'être sabré par des cavaliers ennemis, il fut sauvé par las cavaliers de
Donimaigné qui le protégèrent de leurs corps. A la nuit tombante, ayant
gagné un petit bourg, sur la lisière du Bocage, il en sortit avec quelques
amis, et fit une marche forcée croyant se diriger vers ses foyers. A l'aube du
lendemain, il se croyait hors de tout danger, mais par une erreur fatale, il
se retrouva presque à son même point de départ. 11 se remit en route et,
grâce à sa célérité et à sa vigueur, il regagna sa demeure.
84 TROIS GRANDES JOURNÉES
il y entra sans tirer un coup de fusil '. D'Ayat s'empressa, le
23, d'instruire le ministre de cette expédition : « Le passage
« des Vendéens, lui disait-il, est comme celui de la lave, il
>< frappe de dévastation et de mort. » Il faisait allusion au
pillage des royalistes dans les maisons des Patriotes de la
Châtaigneraie.
Le 24, six représentants du peuple, réunis à Fontenay pour
y concerter leurs opérations ultérieures, furent informés
que, « la veille, un moment d'inquiétude s'était manifesté
dans l'armée de Chalbos, à la Châtaigneraie. Goupilleau (de
Fontenay), Goupilleau (de Montaigu) et Garnier(de Saintes)
s'y transportèrent dans la matinée avec le général d'Ayat.
Ils y trouvèrent le calme tellement rétabli qu'ils rentrèrent
le soir même à Fontenay. Cependant, un instant après leur
départ, vers six heures du soir, le général Chalbos fut infor-
mé que les rebelles formaient des rassemblements nombreux
à l'Absie, à Moncoutant, à Saint-Pierre-du-Chemin, à Mouil-
leron, qu'ils venaient d'envahir un village plus rapproché et
qu'ils se disposaient à faire un mouyement pour le cerner
dans la Châtaigneraie. Voyant qu'il ne pouvait y rester plus
longtemps, il crut prudent de se replier sur Fontenay. Le
soir, à dix heures, sur l'avis de son conseil de guerre, il re-
prenait la route de cette ville, où il arrivait le lendemain ma-
tin, à cinq heures, avec toute son armée après une marche
très pénible2. »
Pendant ce temps, les paysans, revenus de l'abattement où
ils étaient d'abord tombés, sentirent le besoin d'en tirer une
éclatante vengeance. C'est le premier sentiment qu'éprouvent
' lia n'y trouvèrent que 300 hommes (La Vendée patriote, t. i, p. 383-384.)
Le 19, Sandoz avait fait occuper Parthenay par ïOOO hommes de réquisition
sous les ordres de Bretonville (Sazary, t. i, p. 221).
' Lettre des représentants du peuple. Niort, 26 mai. — Recueil des Actes
du Comité de Salut public, par M. Aulard, iv, p. M34-335. — Guerres des
Vendéens et des Chouans, par Savary, i, p. 2iS. Chalbos fut promu au grade
de général de division en récompense de sa victoire du 16 mai. (Chassin, l.
c. I, 395).
DE LA VENDEE MILITAIRE 85
tous ceux qui ont été profondément humiliés, et ce fut sur-
tout celui qui surgît alors dans le cœur des Vendéens. D'un
caractère ardent et énergique, plus faciles peut-être que
d'autres à subir des impressions violentes, ils cédèrent natu-
rellement au désir de se venger. Les chefs ne manquèrent pas
de profiter de celte disposition des esprits. Ils firent publier
partout qu'il fallait sans délai se laver du déshonneur infligé,
à leurs armes. Cathelineau surtout était plein de confiance
dans l'avenir : « Ce n'est rien que notre malheur, il sera bien-
« tôt réparé, dit-il, à M. Gantiteau ; tout ce que nous avons
« perdu, n'est que prêté; je vous réponds que dans quinze
« jours nous serons maîtres de Fontenay et que nous repren-
« drons tout avec usure. J'ai vu, ajouta-t-il, la cause de notre
« défaite. Mon plan est formé pour une nouvelle attaque ; on
« le suivra et nous serons vainqueurs1. » Les prêtres secon-
dèrent ses efforts. Ils tonnèrent contre les excès que l'on
avait commis, et qui étaient indignes de soldats chrétiens2.
Ils leur firent faire des amendes honorables, les engagèrent à
se réconcilier avec Dieu, célébrèrent des messes expiatoires,
1 Mémoires de M. Cantiteau, p. 28. — La guerre de la Vendée, par Bau-
champ, t. i,p. 123. Mme de la Bouère dit dans ses notes qu'on « a vu les Ven-
« déens vaincus à Fontenay revenir sans le moindre découragement, disant
« qu'ils iraient bientôt reprendre leur revanche » et qu'au « premier signal
« ils retourneraieat au rassemblement pour reprendre Fontenay. » Marigny, à
la suite de la déroute, était tombé dans un véritable désespoir. De retour au
château de la Boulaye, il avait jeté brusquement ses pistolets sur une table
en s'écriant : « Je ne me bats plus. » L'abbé Joubert, curé de Boismé,
voulut le consoler, mais il ne put y réussir. Lescnre alors le prend par le
bras et l'amène dans un champ où bivouaquaient des paysans, récitant en
commun le chapelet. « Vois, lui dit-il, la confiance que gardent ces braves
« gens et ne désespère plus. » Marigny reprit courage et songea comme les
autres chefs à enflammer d'ardeur leurs soldats. (La Vendée à trois époques,
parAug. Johannet, t. i, p. 65,).
* < Ils (les généraux) invitèrent les prêtres à exhorter le peuple pour le ra -
« mener, et surtout à dire que c'était Dieu qui avait permis la déroute pour
« marquer son mécontentement de ce qu'on avait fait du dégât dans quelques
« maisons de la Châtaigneraie. » M. l'abbé Jagault prêcha à Mallièvre pour
la première fois de sa vie ; il le fit sans préparation, mais avec une éloquence
vive et entraînante. Bien des personnes le préférèrent au curé de Saint-
Laud. C'étaient les deux meilleurs prédicateurs de l'armée (Afme de la Roche*
jaquelein, p. 1!>6).
SO TROIS GRANDES JOURNÉE-; DE LA VENDÉR MILITAIKE
organisèréntdes processions, employèrent, en un mot, tout ce
que leur zèle put leur suggérer pour faire comprendre aux
paysans l'énormité de leurs crimes. Et c'étaient ces prêtres
que la Convention représentait comme des fauteurs de pillage
et des hommes de sang ! De leur côté, les chefs Vendéens an-
noncèrent à leurs volontaires que tout le pays entre Niort et
Fontenay était soulevé en leur faveur, que la Convention
avait peine à résister à ses ennemis et que Dumouriez mar-
chait sur Paris avec cent mille hommes1.
Cathelineau, dit Napoléon dans ses Mémoires, « qui avait
« reçu de la nature, la première qualité d'un homme de
<- guerre, l'inspiration de ne jamais laisser se reposer ni les
« vainqueurs, ni les vaincus-», indiqua Cholet aux soldats de
l'Anjou comme point de ralliement. Le 21 mai, tous devaient
s'y trouver. Les Poitevins avaient ordre de sefréunir les
uns à Châtillon, les autres à Pouzauges pour le 20 mai3.
Royrand, que l'on avait convoqué de nouveau, envoyait, le
23, 4000 hommes* de Chantonnay.
Trois à quatre jours avaient suffi à ces intrépides volon-
taires pour retremper leur courage, se retrouver prêts à de
nouveaux combats et reconstituer leur grande armée. Prendre
leur revanche était pour eux comme un point d'honneur*.
Abbé Deniau.
(A suivre).
1 Correspondance autographe des chefs vendéens [Histoire de Fontenay.
par Benj. r'illon, p. 384).
1 Mémoires pour servir à l'histoire de France sous Napoléon, écrits à
Sainte-Hélène, t. vi (Montholon).
1 Ceux qui devaient se réunir à Pouzauges et y apporter des vivres, en
avaient reçu l'ordre de Lescure et de La Rochvjaquelein (Papiers de Gou-
pilleau, cités par M. de la Boutetière, p. 7).
4 Souvenirs vendéens de M. Amélée de Béjarry, p. 7?. E. Grimaud, 1847.
* * C'est l'exacte vérité », affirme M. de la Bouère, p. 40.
m**}
L'ART EN VENDÉE
A PROPOS I) IN GROUPE
DE GASTON GUITTON
Divers journaux de notre région ont annoncé que le Con-
seil général de la Vendée, en sa dernière session, avait
décidé, sur la proposition de deux de ses membres, son
honorable président M. Le Gler et l'honorable sénateur M.
Halgan, qu'une réduction en bronze du groupe de Gaston
Gui l ton, La Justice protégeant V Innocence contre le Crime,
serait acquise et placée dans l'un des salons de la Préfecture.
Cette nouvelle, ainsi rédigée, appelle un commentaire.
Il n'y a pas de réduction du groupe de Guitton. — Il y a
deux groupes : l'un de petites dimensions, l'aulre de propor- ■
tions monumentales. — Ils ont été exécutés à plusieurs an-
nées d'intervalle, et ils diffèrent entre eux par certains détails
d'arrangement des draperies, de mouvement, et d'expression
qui ne permettent pas de les confondre et d'en faire une seule
et même création.
L'exécution du petit groupe a précédé celle du grand ; elle
en a été comme l'essai, la préparation.
Dans l'étude que j'ai donnée ici même1, sur le maître sta-
tuaire vendéen et son œuvre, j'ai raconté que Guitton avait
* Revue du Bas-Poitou, année 1892.
88 l'art EN VENDÉE
conçu cette belle composition avec la pensée d'offrir un sou-
venir à son frère M. Camille Guitton qui était j uge au tribunal
de La Roche. Il exécuta ce groupe dans des dimensions con-
formes à sa destination, it en fit un petit monument d'inté-
rieur, de salon. — Mais malgré ses mesures restreintes,
l'œuvre était empreinte d'un caractère si grave, d'un style si
sévère et si pur, elle présentait un aspect si monumental,
que des confrères de l'auteur et de ses amis compétents en
matière d'art, le décidèrent à reprendre sa composition et à
lui donner des proportions en rapport avec son importance,
et sa haute valeur.
J'ai dit les péripéties au milieu desquelles l'œuvre fut exé-
cutée : les deux figures de La Justice et de l'Innocence étaient
terminées et moulées en plâtre, celle du Crime allait être
achevée, au moment de l'investissement de Paris ; abandon-
née pendant le siège, sa terre gelée était écroulée quand
Guitton revint à son atelier. J'ai conté le découragement du
maître, puis la reprise de son travail quatre ans plus tard,
enfin, l'exposition de l'œuvre achevée, superbe, au Salon de
1875; et alors les espoirs, les promesses dont cette exposition
fût l'occasion ; finalement les cruelles déceptions qui sui-
virent.— Je ne reviendrai pas sur la genèse de ce groupe
qui est l'œuvre capitale de notre éminent compatriote, ni sur
toutes ces choses déjà dites; ce que j'ai voulu établir et ce
qu'il importait de fixer, c'est que le bronze dont le conseil
général a voté l'acquisition n'est pas la réduction du groupe
qui a figuré au Salon, et dans lequel Guitton avait mis toute
sa maîtrise, en vue des hautes récompenses qu'il était en
droit d'attendre après cette manifestation supérieure de son
talent.
Ce petit bronze mesure exactement soixante-quinze centi-
mètres de hauteur et soixante-deux de largeur. Le grand mo-
dèle présente des figures de neuf pieds, et n'étant pas comme
le premier destiné à être mêlé à la vie de famille, mais ap-
pelé, l'auteur l'espérait du moins, à décorer le péristyle
L'ART KN VENDÉE 89
d'un palais de Justice, les personnages qui le composent
sont moins rigoureusement vêtus. La tunique de VInnocence,
un peu chiffonnée sans doute, a glissé de ses épaules et va
retomber sur ses hanches ; la draperie du Crime a disparu,
il se montre sans voiles, probablement pour exprimer qu'il
ne peut y avoir rien de caché pour la justice. — Mais ces
grandes figures ne se distinguent pas des petites figurines
primitives seulement par des modifications ou des suppres-
sions de draperies, leur mouvement est sensiblementchangé.
Le Crime & le torse plus infléchi à droite; sa tête, dont le
visage est entièrement refait, est à la fois plus relevée et plus
inclinée sur l'épaule ; son bras armé d'un couteau est plus
écarté et élargit la ligne de la base du groupe. La Justice
présente également des modifications; au lieu d'être cou-
ronnée d'un diadème de forme antique, sa tête est surmontée
d'une étoile. Enfin et surtout, l'expression des visages est
infiniment plus précise et plus nettement affirmée dans les
grandes figures, dont les dimensions permettaient et exi-
geaient même un modelé plus cherché et plus caractéristique.
Toutes ces différences attestent un nouvel effort de l'au-
teur qui, en reprenant son œuvre, l'a étudiée à nouveau, en
a accentué le caractère et élargi le style.
Ces groupes ne sont donc pas la réduction ou le gran-
dissement l'un de l'autre, ils sont distincts, ils sont deux.
Et pour rendre hommage à la mémoire de Guitton, ce n'est
pas le petit bronze, mais le grand modèle en plâtre, qu'il eut
fallu acquérir. Ce modèle que le statuaire ne voulut pas ra-
mener à son atelier après sa déception du salon de 1875, fut
transporté par l'administration des Beaux-Arts, au dépôt des
marbres de l'Etat, et il y est resté exposé à toutes les intem-
péries. - Après la mort de Guitton, à la vente de son atelier,
ce grand plâtras détérioré fut acheté, à bon compte je crois,
par un mouleur qui Ta réparé et qui le céderait probablement
pour un prix relativement peu élevé. — Le département ou,
à son défaut, la ville de la Roche-sur-Yon, ne devraient-ils
»u
L A HT EN VENDEE
pas acquérir celte œuvre capitale et la sauver d'une destruc-
tion à peu près inévitable ? La place de ce beau groupe n'est-
elle pas marquée au musée de la ville, ou dans la salle des
pas-perdus du tribunal?
La Roche possède deux monuments élevés à son illustre
fils Paul Baudry. Tout en applaudissant àce double hommage
si légitimement rendu an grand maître, on s'attriste à la
pensée qu'elle n'a pas un buste, pas un médaillon, pas une
plaque au coin d'une rue, rappelant à ses concitoyens le nom
de Guitton.
A- Bonnin.
MUSE VENDEENNE
Les Rochers
Impression d'aprrs Kocheliiuird.
à ma Cousine Berthe G. de la T.
Or, depuis des milliers et des milliers d'années,
Ces blocs sont là, debout majestueusement.
Ils furent ; ils étaient avant l'avènement
De l'homme dont ils ont suivi les destinées.
Ils ont vu les printemps, toujours pareils, fleurir
Sous la brise amoureuse éparse en les ramures ;
Ils ont vu les étés brûler les moissons mûres,
Et les soleils lassés aux automnes mourir.
Ils ont vu les hivers mornes, et leurs desastres
Endeuiller la vallée où chantèrent les nids.
Contemporains muets des vieux âges finis,
Ils ont vu dans le ciel naître de jeunes astres.
Or, chaque fois qu'en le mystère du ciel gris
Le phare s'allumait de la dernière étoile,
L'Esquif humain appareillait, gonflait la voile,
Les matelots levaient les bras avec des cris.
Ils disaient : « L'Astre blond nous guidera. Xous sommes
« Les vaillants, les lutteurs altiers, les conquérants !
Et chaque fois, témoins de leurs efforts navrants,
Les Hochers'contemplaient la défaite des hommes.
La tempête, couvrant les clameurs des nochers.
Chaque fois qu'ils tentaient la Eortune inclémente,
Opposait son tumulte à leur rage démente -,
Et la Barque venait périr sur les Rochers.
92
LES ROCHERS
Or — car la volonté des pilotes est telle
Que l'orale jamais n'a pu courber leur front —
Viendra le jour où les Rochers graves verront
La victoire sourire à la Force mortelle.
Un vaisseau plus heureux évitera recueil,
Et le port s'ouvrira devant les mains tendues ;
Les hommes oublieront les batailles perdues;
Et les Rochers seront atteints dans leur orgueil.
Et l'homme vêtira la royauté, ravie
Aux choses, dans la joie ivre des soirs troublants ;
Et, malgré le fracas des lourds Rochers croulants.
Montera jusqu'au ciel plus proche, en rhytmes lents,
L'hosannn glorieux de la nouvelle Vie.
Francis Eon
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I
UNE PAGE D'HISTOIRE SABLA1SE
Réunion de la Chaume
A la Ville des Sables, au siècle dernier
Le 3 juin 1747, un arrêt du Conseil d'Etat avait permis,
sur la demande des habitants, l'établissement, aux
Sables, d'un octroi ou plutôt comme l'on disait alors
d'un Tarif.
Ces tarifs fonctionnaient à peu près comme nos octrois
modernes, avec cette différence, qu'au lieu d'être toujours
administrés par les municipalités, ils étaient très souvent
affermés par adjudication à un traitant, que l'on appelait
l'adjudicataire du Tarif. C'est ce qui eût lieu aux Sables, où
le premier adjudicataire fut un sieur Bruneteau.
Le produit du Tarif était destiné au payement des imposi-
tions de la ville et aucune personne ne devait être exempte
d'en payer les droits. Pour assurer la bonne perception de
ces droits la ville avait été entourée de clôtures qui la fermait
et la protégeait contre la fraude.
La Chaume par son voisinage immédiat et ses relations
quotidiennes avec les Sables fut la première à souffrir de ce
nouvel état de chose, et des difficultés ne tardèrent pas à
surgir entre les Chaumois et l'adjudicataire du Tarif.
94 UNE PAGE D'HISTOIRE SABLAISE
C'est ainsi que plusieurs habitants de la Chaume, parmi
lesquels on trouve les noms d'un sieur Guinement, d'un sieur
et dame de Coumont et celui du curé Dupuy se prétendirent,
en vertu de certains privilèges, exempts des droits sur le sel
(décembre 1751).
Pour apaiser les querelles qui menaçaient de s'envenimer,
les Sablais durent faire des concessions aux Chaumois et
baisser en leur laveur les droits sur certaines denrées.
Les relations entre les deux populations étaient en cet état,
et allaient tant bien que mal, lorsque les Chaulmois résolu-
rent de tirer profit, eux aussi, d'une institution qui jusque-là
ne leur avait porté que préjudice.
En conséquence, le 2 mars 1753, le maire des Sables, le sieur
Massé de la Rudelière, lieutenant de l'amirauté, donnait
lecture, en l'assemblée des échevins Sablais, d'une lettre du
comte de Blossac, intendant du Poitou, en date du 15 février
1753, dans laquelle il était dit que « les habitants de la paroisse
de Saint-Nicolas de la Chaume s'estant pourvu devant le
Conseil d'Etat, pour faire tarifer leur paroisse et la réunir au
Tarif de cette ville » « monseigneur l'intendant » ordonnait
« que le mémoire desdits habitants de la Chaume serait com-
muniqué au maire, échevins et habitants d'ycelle ville des
Sable,, pour délibérer et concerter avec les habitants de
laditte paroisse de la Chaume sur les moyens nécessaires pour
ladite réunion, et pour convenir des clostures, bornes et bar-
rières, ensemble des établissements et des bureaux convena-
bles pour l'exercice dudit Tarif. »
L'émoi fut grand parmi les habitants des Sables et devant
les charges qu'allait faire peser sur les finances Sablaises une
réunion onéreuse à bien des points de vue, tout ce qui restait
de haine et de rivalité jalouse entre les deux pays allait se
rallumer et diviser pour quelques années encore deux popu-
lations que des intérêts similaires auraient dû rapprocher.
1 Registre de la mairie des Sables.
UNE PAGE D'HISTOIRE SABLA1SE 95
Cette rivalité séculaire entre la Chaume et les Sables
demeurera une des caractéristiques dominantes de l'histoire
sablaise et chaumoise.
Il est facile de comprendre cette rivalité en approchant et
en comparant même sommairement les conditions d'origine
et d'existence des deux paroisses.
La Chaume avait vu, d'abord, d'un œil de mépris l'éclosion
de la bourgade nouvelle, sur (comme le dit un historien
chaumcis) « une pointe de sables, au bord du havre » où « il
n'y avait qu'une seule baraque où une mesquine femme
vendait du bran-de-vin aux gens de mer étrangers ». Puis il
lui avait fallu partager avec sa sœur cadette ce havre d'Olonne
« qui dans les siècles reculés lui appartenait entièrement » et
ensuite assister avec envie et colère au développement si
rapide du commerce sablais et à l'extension d'une prospérité
qui en moins de deux siècles avait relégué la Chaume au
second plan.
Enfin les guerres religieuses en faisant de la Chaume une
cité calviniste, tandis que les Sables étaient restés catholiques,
avaient encore fourni de nouveaux éléments de discorte en
introduisant le [fanatisme religieux dans cette rivalité d'inté-
rêts et de suprématie.
Aussi la Chaume avait-elle vis-à-vis des Sables l'orgueil-
leux dédain que nourrit toute cité plusieurs fois séculaire
pour les jeunes années d'une ville naissante. Elle se flattait
d'être aussi vieille que la terre qui la portait ; elle tirait va-
nité d'une existence qui avait commencé « avant même la
domination de Pietés » et elle était hère de ce passé dont
l'abbaye de Saint-Nicolas et le château d'Arundel étaient les
documents et les preuves irréfutables, comme deux pages
d'histoires écrite par la féodalité sur le sol chaumois.
A toute la gloire de ce passé, la ville des Sables n'avait à
opposer que les espérances d'un avenir tout plein des rêves
clos sous le vent d'aventures qui animait la hardiesse de ses
marins depuis les grandes découvertes maritimes ; et pous-
96 UNE PAGE D'HISTOIHE SABLAISE
sée sur la désolation de sa grève immense, comme une fleur
de dunes à la vie tenace, elle répondait à l'orgueil chaumois
par la fierté de son laborieux enfantement.
Le citoyen La Vallée (Joseph de la Vallée, marquis de Bois-
Robert, né à Dieppe,) capitaine au 146e régiment d'infanterie,
dans un voyage qu'il fit en l'an III en Vendée parla de cette
rivalité dont il retrouva sans doute des vestiges dans les
vieux habitants du pays. « Les Sables-d'Olonne, dit-il, eurent
jadis un château et quelques fortifications. Une jalousie, dou-
blement alimentée par la rivalité d'industrie et la différence
de religion qui régnait depuis longtemps entre les habitants
d'une petite ville nommée la Chaume, ardents calvinistes, et
ceux des Sables forcenés catholiques, portât les premiers à
démolir ce château et raser les fortifications ».*
Aussi les Sablais ne pardonnèrent jamais aux Chaumois
de ce qu'ils avaient été pour eux des ennemis, au lieu d'alliés
qu'ils auraient dû être.
C'est avec un esprit encore tout plein des souvenirs de cette
rivalité, qu'aux Sables, l'assemblée générale des habitants,
du 11 mars 1753 réunie selon les ordres de l'Intendant statuât
sur ce qu'on appelait « la prétention des habitants du bourg
de la Chaume ».
Il était difficile de s'élever franchement contre les désirs du
Conseil d'Etat et de l'Intendant, mais néanmoins on arrêta que
l'on ferait observer à ce dernier combien cette réunion allait
être onéreuse pour la ville, et que les Chaumois « devaient
être contents de la diminution qui leur avait été accordée »
sur les droits de tarifs ; qu'enfin, au cas « où le Conseil se dé-
terminerait à favoriser au préjudice de cette ville les habi-
tants de la Chaume, en ordonnant ladite réunion, ceux-ci
seraient tenus et obligés de faire clore leur bourg à leurs
frais et d'une façon capable d'empêcher la fraude, comme
aussi de faire construire à leurs frais des bureaux, et de
payer les frais de l'arrest qui ordonnera ladite réunion. »'
1 A. Odin, Recherches documentaires sur les -pèches maritimes françaises .
* Registre de la mairie des Sables.
UNE PAGE D'HISTOIRE SABLAISE &<
La Chaume riposta par une assignation et ce fut le greffier
de la maison de ville, Libaudière, qui défendit les intérêts sa-
blais devant le subdélégué aux. Sables de l'Intendant du
Poitou, le sieur Dupont.
Toutes les protestations furent vaines et le 7 août 1753 le
Conseil d'Etat rendait un arrêt réunissant le bourg de la
Chaume au tarif de la ville des Sables, mais à la condition
toutefois que ce seraient les Chaumois qui feraient les frais
d'installation de leur tarif et que les « enclostures » qu'ils
construiraient seraient efficaces pour protéger les intérêts de
la ville contre les fraudeurs.
Cette clause excita encore le mécontentement des Chaumois,
et 30 ans plus tard le compilateur Boulineau, celui-là même
qui bientôt devait être le 1er échevin chaumois, écrivait sur
ce fait : « La Chaume sous la protection de M. de Blossac,
Intendant du Poitou, fut réunie à la ville des Sables pour le
Tarif en vertu d'un arrêt du Conseil du 7 août. On la renfer-
ma d'un fossé, on y bâtit des bureaux, on y construisit une
porte de ville au dépens des habitants, chose inique et
illégale » .
Le 18 septembre suivant l'adjudication des Tarifs réunis de
la Chaume et de Sables eût lieu à Poitiers et ce fut un sieur
Vernier qui fut déclaré adjudicataire.
II
Les Chaumois, naturellement avaient cherché à esquiver
la clause onéreuse pour eux des « enclostures » et celles-ci
avaient été si mal faites que dès l'année suivante le sieur
Vernier, adjudicataire des Tarifs, faisait assigner le corps de
ville Sablais, par exploit de l'huissier Roulleau en date du 8
novembre 1754, pour comparaître devant le subdélégué de
l'Intendant, afin que son bail d'adjudicataire soit résilié el
qu'une indemnité lui soit accordée pour les pertes que lui
avait causées l'inefficacité des clôtures chaumoises, contre les
fraudeurs.
TOME XII. — JANVIER, FÉVRIER, MARS 7
08 UNE PAGE D'HISTOIRE SABLAI8E
La Municipalité Sablaise notifia simplement au Syndic de
la Chaume les prétentions du sieur Vernier et se crût ainsi
dégagée de toute obligation envers ce dernier.
Des tentatives d'arrangement amiable, qui durèrent près
d'un an. eurent lieu,mais n'aboutirent pas, car, le 30 septem-
bre 1755 le maire communiquait à ses collègues un nouvel
exploit de l'huissier Roulleau en date du 22 septembre, par
lequel le sieur Vernier renouvelait ses prétentions et assignait
la ville des Sables à comparaître dans les 24 heures devant le
subdélégué.
Cette fois il fallait se défendre et le procureur du roi de la
maison de ville, Gaudon, fut chargé de présenter les argu-
ments qui combattaient en faveur des intérêts sablais. Les
moyens de défense invoqués furent que : l'adjudicataire te-
nant « son bail de deux communautés ayant chacune leur fondé
de procuration »_, si les Chaumois n'avaient pas remplis leurs
engagements c'est à eux seuls qu'ils devaient « s'en prendre ».
Enfin l'adjudicataire ne pouvait pas non plus alléguer que les
Sables et la Chaume formassent une seule et même commu-
nauté, les Chaumois n'ayant pas satisfait aux conditions de
l'arrêt de réunion qui exigeait d'eux des « clostures conve-
nables », condition sine qua non, selon les Sablais pour que
l'arrêt pût être invoqué en faveur de leurs adversaires.
Cette argumentation montre quelle persistance acharnée,
les Sablais mettaient à ne pas regarder la réunion comme
un fait accompli et l'empressement qu'ils mirent à profiter de
cette porte de sortie qui s'entrebâillait à peine, pour essayer
de s'échapper de cette association imposée par l'Etat.
Pendant que durèrent les débats les pouvoirs du corps de
ville avaient pris fin, et après l'affaire si épineuse de la réu-
nion de la Chaume aux Sables, la ville eût à traverser une
sorte de crise électorale qui dura deux ans.
Cette crise se termina par une ordonnance du comte de
Blossac, du 10 mars 1757, qui nommait d'office les nouveaux
officiers municipaux des Sables.
UNE PAGE D'HISTOIRE SABLAISE 99
Dans celte liste figure pour la première fois un échevin pris
dans le sein de la population cliaumoise.
Ce premieréchevin chaumois fut le sieur Pierre Boulineau,
procureur du roi des traites, fils d'un capitaine au long cours,
François Boulineau. Il était né le 12 septembre 1727 et mou-
rut le 28 messidor an IX 19 juillet 1801).
Cette nomination qui, il n'en faut pas douter, était,dans l'es-
prit de l'Intendant, destinée à lier définitivement les deux
paroisses l'une à l'autre, et faite aussi dans un but d'apaise-
ment, fut mal accueillie par la population sablaise, qui vit
dans l'immixtion de ce Chaumois dans les affaires publiques,
une humiliation faite à sa suprématie et la sanction d'un fait
qu'elle se refusait à admettre comme accompli.
Aussi dans leur assemblée générale du 20 mars 1757, assem-
blée où le subdélégué Dupont avait donné lecture de Tordon-
nance du 10 mars, les habitants des Sables s'empressèrent-
ils de protester contre cette nomination, en suppliant « Mon-
seigneur l'Intendant de trouver bon, qu'elle (l'assemblée
Sablaise) proteste contre tout ce qui pourroit estre dit et pré-
tendu dans la suite par les dits habitants de la Chaume, en
cas, qu'ils voulussent se prévaloir de la nomination du sieur
Boulineau pour échevin, et sans que cette nomination puisse
leur servir de titre pour authoriser et confirmer la réunion
de leur paroisse à cette ville, veu qu'ils n'ont pas exécuté la
condition sous laquelle ladite réunion a esté ordonnée par le
conseil »!.
L'Intendant n'écouta rien et dans son ordonnance du 28 mars
1757, lue à l'assemblée des officiers municipaux du 15 avril
1757, il trancha le différend en dus termes qui n'admettaient
pas de réplique.
«Quant aux protestations portées, y disait-il, contre la réunion
de la communauté de la Chaume à celle des Sables-d'Olonne,
et les inductions qu'on pourrait tirer par la suite, de la nomi-
i
' Regiatie de la mairie des Sable».
100 UNE PAGE D'HISTOIRE SABLAISE
nalion du sieur Boulineau à la place d'échevin, cassons et
annulons, la dite délibération (du 20 mars 1757) en ce qu'elle
contient à ce sujet, comme tendant à entretenir la division
parmy les habitants des Sables et de la Chaume, et attentatoire
à 1 authorité de l'arrest du conseil du 7 août 1753, portant réu-
nion du bourg de la Chaume à la ville des Sables. En consé-
quence, ordonnons que ledit article de la ditte délibération
sera regardé comme non avenu et demeurera sans effet. Ce
faisant, déclarons dès à présent, nulles, toutes les protesta-
tions faites ou à faire contre la réunion de la Chaume à la ville
des Sables ordonnée par le dit arrest, deffendons de troubler
sous quelques motifs que ce soit le sieur Boulineau dans ses
fonctions d'échevin »'.
Il fallut s'incliner.
Boulineau ne pardonna jamais le mauvais accueil fait à sa
nomination d'échevin, et voici comment dans des compilations
fort curieuses, qu'il écrivit trente ans plus tard sur la Chaume,
il raconte cette épisode de sa vie.
M. le comte de Blossac par ordre de la Cour en 1759
l'auteur fait ici une erreur de date) nomma d'office un eche-
vin de la paroisse de Saint-Nicolas de la Chaume pour adjoint
au corps municipal de la ville des Sables, qui fut M. X"* ;
dans l'assertion et sûr préjugé que les habitants des Sables,
par leurs présomptions, leurs esprits aussi mouvants que
leurs dunes ou monticules de sable, et par leur vague, cupide,
égoïsme de dominer, posséder, envahir, toutes charges et
prérogatives, n'admettraient aucuns citoyens de la Chaume
aux offices municipaux de leur villette [V.) ; d'autant qu'en
l'enfance de leur moderne mairie, l'élection des officiers se
faisait à la pluralité des voix. Aussi la Chaume ne pouvant
avoir qu'une cinquantaine de citoyens en lice était hors
d'état de l'emporter sur plus de 5 à 600 individus qui com-
posaient le corps dus habitants de la paroisse de Notre-Dame
des Sables. »
1 Registres de la iname des Sables.
UNE PAGE D HISTOIRE SABLAISE
101
Gomme on sent bien dans ce mut de « vi Mette •> tout le
dédain chaumois pour la ville des Sables.
Boulineau, après son premieréchevinage.futaprès quelques
années renommé de nouveau, et on le retrouve siégeant en
l'assemblée municipale pendant toute la Révolution.
Telle est l'histoire de la réunion de la Chaume aux Sables,
au siècle dernier.
Hugues Laincolue.
SJBBBê^
LA VIEILLE CLOCHE
DE
L'ÉGLISE DE CHATEAUNEUF
( VENDRE)
Au commencement de décembre 1898. plusieurs journaux,
de La Roche-sur- Yon, de Nantes, de Paris, voire
' même de Montpellier, annoncèrent que , dans le but
de se procurer les fonds nécessaires à l'acquisition d'une nou-
velle sonnerie, « la fabrique de Châteauneuf mettait] en
« vente une curieuse cloche du quinzième siècle,quia survécu
*< à la Révolution et à ses vandales1 », — « une cloche contem-
- poraine de Charles V1I1 » ! , — qui avait été sauvegardée
en 1793 par l'énergique intervention d'un habitant.
Le Publicateur de la Vendée et YEspérance du Peuple appe-
lèrent spécialement « l'attention des amateurs d'antiquités et
« des archéologues sur cette relique du passé, dont la place
« serait dans un de nos musées Nous serions ravis
'< (disaient-ils) qu'il se trouvât chez nous quelque fervent
' pour lui l'aire un sort digne des souvenirs émouvants et
« glorieux dont elle est l'éloquente évocatrice* ».
Il est certain que la cloche de Châteauneuf, qui date du
1 Le Gaulois, n» du 1*r décembre 1898; V Autorité, n° du 3 ; la Nation,
n" du 4.
» Article intitulé : Une cloche du XV' siècle, dans le Publicateur de la
Vendée, reproduit par YEspérance du Peuple du 1 décembre.
LA VIEILLE CLOCHE DE L'ÉGLISE DE CHATKAUNEUP 103
dernier quart du XV' siècle et qui est curieuse pour l'épigra-
phie campanaire de cette époque, serait digne de l'hospita-
lité d'un musée ou d'une collection archéologique particulière.
Mais, comme on l'a justement fait observer, « n'est-il pas
« regrettable de voir nos églises de province, petites ou
« grandes, se dessaisir des trésors artistiques dont nos pères
« les avaient dotées» ? » Sans compter qu'au point de vue
du droit, cette vente n'irait peut-être pas sans quelque diffi-
culté La fabrique de Ghâteauneuf est-elle bien sûre
d'être propriétaire, et propriétaire exclusive de la cloche en
question et d'avoir toute liberté de l'aliéner ?. . . . Cette cloche
ne serait-elle pas plutôt la propriété de ce qu'on appelait
autrefois « la communauté des habitants » ??
La vieille cloche de Ghâteauneuf est restée absolument
ignorée jusqu'en 1889, époque où l'inscription en fut relevée
par un des collaborateurs de la Revue du Bas-Poitou, le fer-
vent « campanographe » vendéen M. l'abbé Teillet, alors
vicaire de Ghallans. — C'est d'après M. l'abbé Teillet, et en
lui rapportant naturellement tout l'honneur de la découverte,
que nous l'avons alors signalée dans les Additions de nos
Recherches pour servira l'histoire des Arts en Poitou*.
Dans le 4109 fascicule de 1897, de la Revue du Ras-Poitou,
M. l'abbé Teillet a publié l'inscription relevée par lui huit ans
auparavant3. — En rendant compte, dans la Revue de l'Art
chrétien, de cette nouvelle enquête à travers les clochers du
Ras-Poitou, nous avons exprimé notre sentiment sur l'intérêt
de la cloche de Ghâteauneuf, sans dissimuler toutefois notre
regret d'être en présence d'une inscription dont la lecture
n'était pas définitive*.
' Cf. ci-dessus, note 1 .
* Recherches..., p. 467.
s Revue du Bas-Poitou, tome X, p.
♦ Hevue de l'Art chrétien, 1898, p. 331.
104 LA. VIEILLE CLOCHE
L'intervention de notre savant ami M. René Vallette, en
qualité d'inspecteur de la Société française d'Archéologie
pour le département de la Vendée, et l'obligeant concours de
M. Fortin, instituteur à Cbâteauneuf, qui a bien voulu prendre
la peine de nous faire un estampage, ont complété notre
- documentation », et, l'estampage sous les yeux, nous
pouvons proposer quelques corrections à la copie qui a été
donnée en 1897 dans la Revue du Bas-Poitou.
M. l'abbé Teillet s'exprime ainsi :
« La cloche... est très ancienne, puisqu'elle date du XVe
« siècle, ce qui est aujourd'hui excessivement rare. Son
inscription, pourtant assez bien conservée, est quasi indé-
chiffrable.
« La voici reproduite aussi fidèlement que possible :
t ANDRIEU ACQUAIN & ANDRIEU QUIQUE ÀNO & JEHENNE DE
BERE & MICHE BONIHURE MELEVERT LAN MCCCCIIIFIIII
« Nous avons bien lu la date qui est celle-ci : l'an mil quatre
m cent quatre-vingt-quatre , mais nous avons été et nous
tt sommes encore très embarrassé pour interpréter le reste de
- l'inscription. Le texte en a été soumis n des hommes très
« compétents... Un savant de In capitale nous a répondu que
« ces mots devaient être des noms propres et c'est d'après
« cette indication que nous avons essayé de lire comme il
« suit, interprétation, il faut l'avouer humblement, qui est
« loin de nous satisfaire:
f Andrieu Acquain et Andrieu Quique (?) A no (?) et
Jehene (peut-être pour Jehanne) de Béré et Michel Bonihure
m'élevèrent
« Les lettres affectent la forme de vieilles gothiques et sont
« un peu rongées par le temps. En dessous de l'inscription, le
« nom de Chdteauneuf a été gravé au burin, à une époque re-
« lativement récente... » '
1 Revue r?u Bas-Poitou, loc. cit. : tirage à part, p. 21.
de l'église de chateaineui iot>
.Nous sommes d'accord avec le « savant de la capitale » et
avec M. l'abbé Teillet pour voir des noms propres dans l'ins-
cription de la cloche de Châteauneuf. Mais l'estampage que
nous devons à M. Fortin nous porle à lire ces noms propres
d'une façon un peu différente de celle que M. Teillet a propo-
sée. L'un des prénoms nous paraît également devoir être rec-
tifié, ainsi que la date.
Il y aurait lieu en outre de préciser la transcription de la
formule finale et de rétablir les signes de ponctuation, qui
ont été confondus avec l'abréviation figurative de la conjonc-
tion et.
Nous procéderons mot par mot, et, quand il y aura lieu,
lettre par lettre.
ANDRIEU. —La lecture du mot Andrieu (répété plus loin)
n'est pas douteuse. Inutile de rappeler que, dans la basse
latinité, l'on a dit Andreiis au lieu de Andréas et que Ayidreus
a donné en français Andrieu, comme Deus a donné Dieu.
comme Matheus a donné Mathieu, etc. — Andrieu, que nous
avons ici deux fois comme prénom , s'est conservé jusqu'à
nos jours comme nom de famille.
ACQUAIN. — Les lettres ACQUA sont à l'abri de toute con-
testation, mais nous ne pouvons accepter les deux lettres
finales IN. L'inscription porte nettement un R et un T. Il faut
donc lire AGQUART. Il existe encore aujourd'hui des familles
de ce nom.
ET. — Le signe qui suit le mot Acquart et qui se retrouve
avant Jehenne, etc., n'est pas la figuration de ET, mais tout
simplement un deux points (:), agrémenté d'un double filet
courbe, qui le fait ressembler à une espèce de S, très maigre
dans son ensemble, mais dont les deux extrémités sont au
contraire très massives. Les deux points, ainsi réunis et
décorés, sont fréquents dans l'épigraphie de cette époque,
dans l'épigraphie campanaire en particulier.
106 LA VIEILLE CLOCHE
Nous lisons donc pourcelte première partie de l'inscription
7 andrteu acquart : andrteu :
QUIQUE ANO. — Quiqiie est d'une lecture aussi certaine
que Andrieu, mais le A de ANO n'est pas un a. C'est un g. La
queue qui se replie sous la lettre, est très caractéristique... et
très visible. Le fondeur a écrit Quiquegno .
JEHENNE. — La cloche porte ^thêltl. L'une des nasales
du motestabréviée. Donc pas d'hésitation pour Jehenne, que
nous écririons aujourd'hui Jeanne.
DE BÉRÉ. — La copie que nous reproduisons donne six
lettres ; l'estampage en fournit sept. La première n'est pas un
D, mais un B. Donc : BE. — Viennent ensuite LI, et non B,
puis ERE, très nets. Donc : BELIERE, Bélière. On féminisait
couramment autrefois, on féminise encore aujourd'hui en
plus d'un pays le nom de famille du mari. (Exemple : Perrin,
la Perrine). — Il y a encore aujourd'hui des familles Bélier,
Bellier.
MICHE. — Nous lisons BLANCHE.
BONIHURE. — Nous lisons BOUCHIÈRE. Même fé-
minisation du nom de famille que dans Bélière: — Bouchier,
Bouchière.
MELEVERT, m'élevèrent. L'inscription porte meUuerêt
avec une abréviation de la nasale au-dessus du dernier E
et du T final, soit, en rétablissant la lettre abréviée, meleuere-
(n) t, qui doit se transcrire, non pas m'élevèrent, mais bien me
lovèrent, c'est-à-dire furent mes parrains et marraines.
La formule me leva, me levèrent, n'est pas absolument rare
dans les inscriptions campanaires de la fin de l'époque
gothique. Il est intéressant d'en avoir un exemple déplus, à
date certaine, du XVe siècle.
Il est intéressant également de pouvoir constater une fois
de plus cette coutume, qui régnait alors, des parrainages en
DE r/ÉGLISE DE CHATEAUNEUF 1U7
partie double, — « en partie carrée » serait peut-être plus
exact, mais les archéologues n'ont pas le droit d'être facétieux !
L'AN 1484. — La date de 1484, que nous avions adoptée
d'après la lecture de M. l'abbé Teillet, est inexacte. L'estam-
page nous donne très nettement, à la suite des deux x ,
1° l'abréviation ordinaire de ET, 2° la lettre tf, 3° deux i, — ce qui
nous reporte trois ans plus tard, en M(il) cccc un XK vn.
En résumé nous lisons :
f Andrieu Acqnart : Andrieu Quiquegno : Jehe(n) ne Belière :
Blanche Bonchière me levère(n)t Van 1487 .
le tout en minuscules gothiques, sauf le J initial de Jehenne
La seule autre lettre majuscule, que nous offre l'inscription
est le M de la date :
lan : ni tut un xx et vu
Comme beaucoup de cloches du moyen âge, la cloche de
Ghâteauneuf ne portait pas la mention de la localité à laquelle
elle appartenait. Cette lacune fut comblée, sous l'ancien régi-
me, par une addition gravée, en capitales romaines :
CHATEAV : NEVF : /////////////
Il est permis de se demander, au cas où la vente de cette
cloche « moyenâgeuse » serait possible, si les fabriciens
de Châteauneuf réussiront à « décrocher la timbale ^J'entends
« la forte somme » de leurs rêves. — A dire franchement les
choses, nous sommes convaincu que l'on s'est considérable-
ment exagéré, à Châteauneuf, la valeur vénale de la cloche en
question1.
Certes un conservateur de musée ou un collectionneur
n'hésiteraient pas à sortir leur portefeuille, s'il s'agissait d'un
1 Cette cloche mesure 0,72 centimètres de diamètre. On lui attribue un
poids de 250 kilog. environ.
iUS LA VIELLE CLOCHE
émail de choix, d'une pièce d'orfèvrerie traitée « de main
d'ouvrier»... mais une cloche !
Il y a des antiquités qui trouvent toujours acheteur. 11 en
est d'autres qui restent.... moins recherchées, même lorsque
l'opinion populaire locale leur suppose plus ou moins d'argent
dans le corps.
Nous ignorons et tous les habitants de Châteauneuf
ignorent comme nous, quoi qu'ils en puissent dire, si les
parrains et marraines de 1487 ont déversé leur argenterie
dans le fourneau, au moment de la coulée. Mais nous som-
mes fixé sur la valeur musicale de cette cloche.
Les cloches anciennes qui nous sont parvenues ont toutes
des qualités de facture, mais toutes ne réunissent pas les
diverses qualités constitutives d'une bonne cloche. Les unes
sont très harmonieuses : elles ont été bien tracées, coulées à
bonne température et l'alliage en est bien composé. D'autres
ont surtout pour elles leur solidité : elles sont exagérées dans
leurs proportions de cuivre et c'est cette exagération qui en
a assuré et en assurera longtemps encore la durée.
La vieille cloche de Châteauneuf possède un assez beau
son. Elle est susceptible d'entrer dans une sonnerie. Nos fon-
deurs d'aujourd'hui ne seront pas embarrassés de lui fournir
une ou deux sœurs parfaitement harmonisées avec elle. Le
timbre des jeunes sœurs ne sera évidemment pas identique
au timbre de l'aînée, mais il n'y a pas là un motif suffisant
pour écarter celle-ci. Tous les « raccords » impliquent une
différence de timbre.
La fabrique de Châteauneuf désire 2 ou 3 cloches. Elle en
possi^e déjà une. Dans le prix total de la sonnerie à consti-
tuer, la vieille cloche représente d'ores et déjà un fort ap-
point, puisque sa présence au clocher peut dispenser de
l'acquisition d'une neuve. Sans doute, la fabrique espère,
en la vendant à quelque musée, en tirer plus que la valeur
métallique, mais cette espérance est-elle réalisable ?
Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras.
DE L EGLISE DE CHATEàUNEUF
109
surtout quand ce « lu l'auras » reste plus que probléma-
tique, — surtout quand, pour essayer d'y parvenir, il faut
sacrifier sans vergogne un monument historique précieux
pour la localité, et par surcroît se risquer à mettre en vente...
ce dont on n'a peut-être pas le droit de disposer.
Qui sait, d'ailleurs, si ce peu patriotique projet, au lieu
de remplir la caisse de la fabrique, n'aura pas précisément
l'effet contraire et ne refroidira pas certaines bonnes volontés,
qui, sans cela, seraient venues grossir généreusement la liste
de souscription pour la nouvelle sonnerie ?
Mais ceci est l'affaire des gens de Ghâteauneuf... Notre
préoccupation, à nous, était autre. Il s'agissait d'un petit
problème épigraphique à résoudre. MM. René Vallette, Teillet
et Fortin ont fourni satisfaction à notre curiosité. Qu'ils reçoi-
vent tous trois nos meilleurs remercîments.
Montpellier, 26 décembre i 898.
Jos. Behthelé.
Écussuii-clerise de l'abbé François Gusteau.
D'après un dessin de lui-même
LE THEATRE DE FONTENAY
sous la Terreur.
Oncques on ne vit plus d'amères tristesses
meslées à tant de liesses et d'esbâts.
Au plus fort de la tourmente révolutionnaire, et alors que
des milliers de victimes allaient porter leur tête sur
l'échafaud, on vit dans les prisons de la capitale des
femmes, qui sans se faire illusion sur le sort qui leur était
réservé, n'en consacraient pas moins leurs instants à se parer
et s'embellir. « C'était, dit le comte Beugnot, un parterre
êmaillé de fleurs, ?7iais encadré dans du fer. »'
Pour être moins lugubre à Fonlenay, le tableau n'en était
pas moins saisissant. Lorsqu'une température printanière se
fit sentir, au mois d'avril 1794, la population du chef-lieu de la
Vendée avait eu à subir tous les fléaux de l'épouvantable
guerre civile, qui, depuis un an déjà, avait éclaté dans l'Ouest.
L'aspect de la ville était lamentable. Les troupes de la garni-
son, aussi bien que celles de passage, avaient encombré les
rues, les places, les cours et même les habitations de mon-
ceaux d'immondices, pour l'enlèvement desquelles les moyens
de transport faisaient complètement défaut. Ces détritus de
toute sorte ne pouvaient manquer d'engendrer dans son sein
des miasmes pestilentiels parmi sa population. D'un autre
1 l>auban, J^et Prisons de Paris sous la Révolution. Pion. Paris, 1870,
1 vol. in-8.
LE THEATRE DE F0NTKNAY SOUS LA TERREUR 111
côté les prisons étaient saturées de détenus et les hôpitaux
de malades et de blessés ; ce qui les transformait, eux aussi,
en foyers infectieux, à tel point que la mortalité affaiblit, en
dix mois, la population de 669 habitants. Mais, chose inouïe,
malgré une situation si alarmante, nos Fontenaisiens éprou-
vèrent, au milieu de la tempête, l'irrésistible besoin de faire
diversion à leurs maux, et de se livrer à quelques instants de
gaîté.
Un jour, c'était le 10 mai 1794, pendant que la Société Popu-
laire tenait séance, un de ses membres, prenant la parole,
proposa, pour donner plus de solennité à la célébration des
fêtes décadaires, d'organiser un bal patriotique, où les ci-
toyens et citoyennes pussent s'égayer et manifester leur satis-
faction du régime républicain et des bienfaits de la liberté.
Renchérissant aussitôt sur la motion du préopinant, un
autre membre exposa que, pour propager l'esprit révolution-
naire, on devrait jouer, à cette occasion, des pièces patrioti-
ques et républicaines, pour épurer les mœurs, développer
l'amour de la patrie et la haine de la tyrannie. Applaudissant
chaleureusement à cette double motion, l'assemblée décida
aussitôt qu'on nommerait un comité chargé de prendre les
noms des personnes désireuses de faire partie de la troupe.
Quant au choix du local à transformer en théâtre, les avis
étaient partagés. L'examen de la question fut confié à une
commission composée des citoyens :
Pigeau, Joseph, 24 ans, bijoutier ;
Périot, Pierre, 31 ans, conducteur des ponts et chaussées ;
Joubert, Pierre, l'aîné, administrateur du département;
Denfer, Julien, l'aîné, propriétaire ;
Poëydavant, Jean-Augustin, receveur du domaine national ;
Joly, François-Louis, huissier du département.
Quelques jours auparavant, le 23 avril, on avait pu prendre
un avant-goût de ce délassement à l'occasion d'une représen-
tation donnée par les officiers de la garnison et quelques
habitants au profit des soldats blessés.
112 LE THEATRE DE FONTENAY
Le placard, atïiché à la porte de la salle, étaitassez alléchant
et était ainsi conçu.
THÉÂTRE DE L'ÉGALITÉ
Avec la permission du citoyen commandant la place
de Fontenay-le-Peuple
Aujourd hui 4 floréal an 2 de la République une et indivisible.
LA TROUPE DES ARTISTES MILITAIRES
donnera une 2e représentation des
VERTUS D'UN SANS-CULOTTES
Pièce en* 5 Actes par le cit : PARMENTIER
DISTRIBUTION DES ROLES
Jean Jacques Lefranc, volontaire ... Le citoyen MASSOTJ
Le père Lefranc, laboureur JOURNÉE.
Le citoyen général Mounier MERVAUD.
Passepoil, sergent — COFFIN.
Coupe-jambe, chirurgien — VANDIER.
Un ci-devant - BOURLON.
Massacre, brigand de l'armée de Charette. — LEJAY.
Premier grenadier LÉTOILE.
Deuxième grenadier — MOREAU.
Tambour — FRANÇOIS.
L'Abbé Cagot, prêtre rélractaire. . . . JANVIER.
Julie La citoyenne VANDIER.
Une vieille ci-devant — TERMEAU .
Framboise — . MERVAVD
La mère Cocarde — COFFIN.
Cariilon — HÉ MON .
Sera suivie de
LA MARQUISE AMOUREUSE
Pièce en un acte par le cit. Mervaud.
DISTRIBUTION DES ROLES
La clé des coeurs Le citoyen COFFIN.
■Muscadin — MOURELON.
Un officieux — LÉTOILE.
La marquise de biaux appas .... La citoyenne MERVAVD.
Fine jambe — HÉMON.
SOI ^^ LA TEKKEUR
113
Il y aura musique militaire.
Le spectacle commencera à sept heures du soir.
Prix des places : 1 livre aux premières ; 10 sous aux
secondes.
Les enfants paieront demi-place.
La Recette sera au profit des blessés de V armée.
On jouait alors la comédie à l'établisement désigné sous le
nom de Blanchisserie, (rue Nationale 14), local laissant bien à
désirer pour l'aménagement d'un théâtre et trop peu spacieux
pour y recevoir les spectateurs. Aussi proposa-t-on d'y subs-
tituer les salles de la Société Populaire beaucoup plus propres
à cette destination. Cependant les actrices improvisées se mon-
trèrent assez hésitantes à venir étaler leurs charmes aux feux
de la rampe; on mit alors en avantles noms des citoyennes Va-
railhon, Raison, -Giraud, Poëyd'avant etLecomte. Après quel-
ques pourparlers engagés à cet effet, Perreau, qui présidait, ce
jour-là, la séance, engagea les dames Raison, >Tillier, Poëy-
d'avant, Giraud, Dubois, Lecomte, Gallet, Phelipeau, Latouche,
Bouron , Vinet la Nauliere, Arnaud, Pigeau, Goyaud de la
Châtaigneraie, veuve Thomas, Latouche mère, Boutin, Fleury,
Martineau, Godet de Saint-Hermine, Chambonneau, à vouloir
bien accepter des rôles dans les pièces patriotiques qu'on se
proposait de représenter.
Lorsqu'on en vint à la désignation des acteurs, les choix
su portèrent sur les citoyens, Guillet, Boutheron, Isidore Le-
mercier, Tronson, St-Céran. Turin, Poëyd'avant, Durand,
Victor Denier, Magué, Dillon, Noël, Martinet, Gauly, Verdon,
Fayau jeune, Bomard, Gallet, Pigeau, Godet, jeune, Tillier,
Barbedette, Bias Mercier.
On se met alors en quête d'un local. On s'agite avec ardeur,
on va, on vient, on cherche dans tous les coins et recoins de
la ville. Un mois s'écoule ainsi, et les recherches sont toujours
vaines. Enfin le comité chargé, de ce soin, vient informer
l'Assemblée, que la ci-devant église du collège serait propre à
TOME XII. — JANVIER, FÉVRIER, MARS 8
lii LE THEATHE DE FONTENAY
remplir le but désiré. De tous côtés arrivent des propo-
sitions de contribuer aux frais d'appropriation de l'édifice.
Mais on avait tellement hâte de prendre quelques instants de
plaisir et de distraction, que le président mit en demeure les
acteurs désignés à se présenter au Comité pour y recevoir les
rôles qui devaient leur être donnés. Malheureusement le
procès-verbal garde le silence sur la pièce mise à l'étude. Tout
ce que nous en savons, c'est que chacun d'eux fit diligence et
s'acquitta de sa mission avec le plus grand zèle. Aussi, le
S juin, jour de la célébration de la Fête de l'Etre Suprême,
deux pièces de comédie purent être offertes au public, par la
nouvelle troupe improvisée.
Entre temps, on vaquait sans désemparera l'aménagement
de la salle, pour laquelle, du reste, les souscriptions ne
s'étaient pas fait attendre. On eut bien, sansdoute, de sérieuses
difficultés à surmonter: les matériaux manquaient pour la
construction du parquet de la scène, et les décors brillaient
parleur absence. — « J'ai du dois, s'écrie avec enthousiasme,
le citoyen Fleury, et j'en fais hommage à la Société. » On
applaudit, avec frénésie, à la générosité du donateur, dont le
nom est inscrit au procès-verbal de la séance, Mais, hélas!
malgré l'activité déployée, il y avait tout à faire, et la main
d'œuvre faisait défaut. Aussi, les travaux n'avancôrent-ils
qu'avec une extrême lenteur, et des commissaires durent être
nommés pour les activer.
Sur ces entrefaites, le comité chargé d'élaborer un règlement
de police avait terminé sa tâche, et venait en donner lecture à
l'Assemblée.
Ce document était libellé comme suit :
S0L\S LA TERRKUn
115
RÈGLEMENT
Sur le choix des pièces et l'ordre à observer dans la salle
des Fêtes Décadaires de Fontenay-le-Peuple.
Article premier
Toutes les pièces, qui se joueront sur le théâtre de la Société,
seront examinées par le Comité des Fêtes Décadaires, qui y
fera tous les changements dont elles seront susceptibles, sous
le rapport de la politique et de la morale, et soumises ensuite
à la censure de la municipalité.
Art. l
Les rôles seront distribués parle Comité.
Art. 3.
Tout acteur qui aura accepté un rôle, et qui, après l'avoir
conservé pendant trois jours, refuserait de jouer sans motifs
légitimes, sera rayé du tableau d'inscription.
Art. 4.
Tout acteur qui se permettrait d'ajouter à son rôle quelques
expressions satyriques, ou indécentes, sera rayé du tableau
d'inscription.
Art. 5.
Tout acteur qui se permettrait, soit aux répétitions, soit aux
représentations, le moindre geste, le moindre propos suscep-
tible de blesser les mœurs et ladécence envers qui que ce soit
et particulièrement envers les citoyennes qui veulent bien se
prêter à ce genre d'amusement et d'instruction, sera rayé du
tableau, exclu des représentations et dénoncé à la Société4.
1 Des censeurs étaient désignés, à chaque représentation, pour le maintien
de la tranquillité de la salle.
Ht) LE THÉàTRE DE FONTENAY
Art. ().
On ouvrira la salle, les jours de représentation, à cinq heures
précises.
Art. 7
A cinq heures et demie, l'orchestre jouera des airs patrioti-
ques, et on commencera de suite.
Art. 8.
Les commissaires de la salle et les acteurs pourront seuls
rester sur le théâtre et dans le foyer.
Art. 9.
Les acteurs et actrices ne pourront introduire personne
dans les coulisses.
Art. 10.
La mère, dont la fille aura un rôle, ou le père, en cas
d'absence de la mère, pourront seuls être placés dans les
coulisses. On n'y souffrira aucun enfant, sous quelque pré-
texte que ce puisse être.
Art. 11.
L'orchestre ne sera occupé que par des musiciens, les ac-
trices qui joueront le jour même et les receveuses', lorsqu'elles
n'auront pu être placées ailleurs.
Art. 12.
Les répétitions se feront à huis clos. Personne ne pourra y
être admis, à l'exception des personnes comprises dans l'art. 10.
Art. 13.
Les répétitions ne commenceront qu'à sept heures du soir.
Art. 14.
La veille de chaque représentation, ia municipalité sera
prévenue et invitée à prendre, pour le maintien du bon ordre
' Les receveuses étaient chargées de recevoir les offrandes patriotiques des
citoyens et citoyennes qui assisteraient à la comédie. Elles étaient remplacées
k chaque représentation.
SCHS LA TERREl'U H~
et de la décence, à l'intérieur et à l'extérieur de la salle, toutes
les mesures qu'elle jutrera convenables.
Akt. 15.
On ne pourra, sous aucun prétexte, faire retenir des places.
Art. 16.
Les loges seront destinées pour les citoyennes, et ne pour-
ront être occupées par les citoyens, qu'autant qu'il y aurait des
places vacantes.
Art. 17.
Le présent règlement sera imprimé, distribué à chaque
acteur et affiché partout où besoin sera.
La lecture do cette pièce suggère diverses réflexions. On y
remarque que les art. 4, 5 et 14, veillent à ce que tout se passe
avec décence dans les représentations, et la faculté assez
étrange donnée aux actrices et aux receveuses de se mêler
aux musiciens par l'art. 11.
On se demande, en outre, pour quel motif l'art. 15 interdit
la faculté de retenir des places, et pourquoi le mari n'a le
droit de se joindre à sa femme ou le père à sa fille, dans les
loges, que lorsqu'il y a des places vacantes.
Qu'advint-il de ce théâtre hybride, c'est ce qu'on ignore.
L'absence de pièces sur la matière, jusqu'à l'année 1796, ne
permet point de renseigner à cet égard. Peut-être y a-t-il lieu
de croire que ces représentations se maintinrent jusqu'à la
suppression des Sociétés populaires le 23 août 1795. A
cette époque, celle-ci tenait ses séances dans la chapelle du
Couvent de l'Union-Chrétienne, et Poëyd'avant, son dernier
président, en ferma les portes le 17 septembre suivant.
Les choses eu restèrent là jusqu'au 29 mars 1796, époque à
laquelle une pétition fut présentée à la municipalité de la
118 LE THEATRE DE FONTENAY
ville par quelques militaires de la garnison et citoyens de la
commune, pour pouvoir jouer des pièces patriotiques.
Voici cette pièce :
A Fontenay-le-Peuple le 9 germinal an 4' de la République française.
Aux officiers municipaux de la commune de Fontenay.
Citoyens,
Quelques militaires de la garnison, réunis à des citoyens de
votre commune, doivent former une Société d'amateurs, afin
de contribuer à l'amusement de la ville, vous invitent à leur
accorder un emplacement situé près du Collège, pour y établir
une salle de spectacle, ce local ayant été précédemment des-
tiné pour ces objets. Ils ont tout lieu d'espérer de votre zèle
pour l'intérêt public, que vous ne vous y refuserez pas, et que
vous donnerez en même temps votre approbation à l'établis-
sement de cette Société.
Salut et fraternité, t Suivent les signatures. I
P.-S. — Nous observons que nous avons toute espèce de
succès, ayant dans le bataillon de La Dordogne une très bonne
musique, qui doit arriver sous quelques jours, ainsi que des
danseurs ; notre intention n'étant que de représenter des
pièces patriotiques et de donner des concerts ou des bals.
La municipalité accueillit favorablement la demande et l'ad-
ministration départementale, prenant en considération l'état
de dégradation de la chapelle du ci-devant collège, par suite
des aménagements qui y avaient été.faits précédemment pour
l'établissement d'un théâtre, arrêta qu'elle serait affermée
dans les fermes prescrites par la loi, sauf aux pétitionnaires
à s'en rendre adjudicataires et à y former l'établissement
proposé.
Le moment était donc on ne peut plus propice pour se livrer
.1 un peu de plaisir, car la capture de Charette allait enfin
permettre de pacifier la contrée, mais allait priver la ville des
SOUS LA TERREUR H'»
troupes qui y tenaient une garnison jusqu'à ce jour. Quelques
mois après, en effet, il n'y restait plus que quelques déta-
chements sans importance. Le départ de la garnison amena
celui des acteurs et musiciens qui formaient la troupe
théâtrale, et l'établissement dut fermer ses portes jusqu'au
jour où des troupes nomades vinrent reprendre le cours de
leurs représentations interrompues par les troubles.
Quoi qu'il en soit, au début de l'année 1797,1a ville ne possé-
dait point encore de salle, et le local y consacré n'avait point
été encore aménagé convenablement. Ce fut ce qui engagea
Caldelar, l'entrepreneur, à demanderla concession d'un terrain
inculte sur la rive gauche du Pont-Neuf pour y installer une
salle de spectacle, également propre aux concerts et fêtes
publiques. Il eût gain de cause et s'empressa de mettre son
plan à exécution. Mais dans son empressement, il avait oublié
que le local était presque au niveau de la rivière, et lors des
crues d'eau, les spectateurs étaient menacés de voir les eaux
faire invasion dans le parquet et le transformer en aquarium.
Cet état de choses persista jusqu'à l'avènement de l'Empire.
L'ancienne chapelle du collège des Jésuites fut transformée
en théâtre, et la salle de Caldelar devint un véritable balnea-
rium. Pauvres Fontenaisiens ! A quelle hygiène vous étiez
condamnés : la tête dans le feu, les pieds dans l'eau !...
A. Bitton.
s»;
CAMÉES VENDEENS
M. EDOUARD HERVfi
La mort de M. Edouard Hervé, directeur politique du Soleil
et membre de l'Académie française , a eu un douloureux
retentissement en Vendée.
L'éminent écrivain était, en effet, devenu vendéen ; et, dans
la grande patrie, il avait choisi la « terre des géants » pour se
créer une patrie d'élection, où il avait apporté, avec son beau
renom, l'éclat de son esprit, le charme de son honnêteté, la
droiture de sa conscience.
Il était l'un des nôtres, figurant parmi les meilleurs, et à ce
titre nous lui devons une page.
Tous ses biographes l'ont dit, M. Edouard Hervé était un
journaliste de la grande école, une école, qui a malheureu-
sement disparu. Il savait allier la fermeté des principes avec
la courtoisie de la polémique. Ses convictions étaient sincères
et profondes, parce qu'elles étaient raison'nées ; il les expo-
sait et les défendait avec énergie, sans les accompagner ja-
mais de ces violences qui déshonorent la presse et sont la
profanation de la liberté. Il avait une conception politique
très nette, très étudiée, très précise, qu'on pouvait discuter,
mais à laquelle on accordait toute estime, parée qu'elle s'é-
M. EDOUARD HBRVR 121
tayait d'une loyauté parfaite, c'est-à-dire d'une imlépendance
à. la l'ois modeste et flore, exempte de tapage et rayonnant
dans les hautes sphères. Son influence ne s'est pas exercée
dans le tumulte; mais elle n'en a. pas moins été très réelle, et
il n'a dépendu que de sa volonté môme de la rendre parfois
prépondérante. Mêlé au mouvement qui a déterminé les pro-
grès de l'opposition sous le deuxième Empire, il a dédaigné de
tirer un profit personnel de la chute du trône : il est demeuré-
dans sa dignité, étranger à. l'exploitation d'une victoire qu'il
regrettait tardivement et détestait peut-ôtre.ll aimait,en effet,
l'autorité dans l'exercice du pouvoir, et la République, qui
débridait l'anarchie des âmes avant de déchaîner l'anarchie
des esprits et des consciences, était loin de le satisfaire ;
aussi l'a-t-elle trouvé parmi ses adversaires, même au pre-
< mier rang de ceux qui l'ont le mieux et le plus énergiquement
combattue. Seulement, il n'a pas cessé de pratiquer, même
contre elle, la modération de la forme s'a joutant à la bravoure
du fond.
On peut dire de lui qu'il a été un modèle de journaliste in-
tègre et de polémiste courtois. Toutefois il a peu d'imitateurs,
et, sauf de très rares exemples, la presse suit un autre cou-
rant dans la courbe actuelle de son histoire.
C'est surtout comme journaliste de haut trottoir et d'ex-
ception que M. Edouard Hervé est entré sous la coupole-
L'Académie française, en le choisissant parmi tant d'autres
concurrents, a voulu rendre hommage à la presse politique,
dont il était l'un des représentants les plus considérables.
Avant lui notre corporation n'avait guère compté dans l'as-
semblée des Quarante que M. Sylvestre de Sacy. Beaucoup
d'illustres sans doute avaient figuré avec retentissement dans
les luttes quotidiennes de la presse; mais ils en étaient sortis
pour acquérir ailleurs de plus vastes titres politiques et litté-
raires. Ainsi M. Guizot, M. Thiers, M. Villemain, M. Cousin, et
12'J M. EDOUARD HERVÉ
plusieurs autres : mais nul avant M. de Sacy n'avait été élu au
titre de journaliste ; et encore est-il certain que l'éminent colla-
borateur du Journal des Débats avait, en dehors et au-delà
de ses articles périodiques, un bagage nombreux à présenter
à l'appui de sa candidature.
En tout cas, c'est une gloire véritable pour le journalisme
contemporain que l'entrée triomphante de M. Edouard Hervé
■dans la grande Compagnie, où il a tenu d'ailleurs dignement
sa place, prononçant trois superbes discours, à sa réception,
à la dislribution des prix de vertu, à l'entrée de M. de Costa
■ le- Heauregard, et où la plus générale estime n'a pas cessé de
lui faire cortège.
C'est un peu par hasard que M. Edouard Hervé est devenu
vendéen. Mais le hasard fait si bien les choses !
Des circonstances fortuitesayant amenésadigne mère à fixer
sa résidence à Montaigu, où elle trouvait une famille et des
amis, il venait, chaque année depuis 1880, passer quelques
jours sous son toit, dans ce pays souriant qui lui piutau point
de le séduire.
Fils de cette, mère bretonne et d'un père lorrain, il avait
tout ce qu'il fallait pour prendre en affection la terre de
Vendée, qu'il choisit définitivement, il y a cinq ans, comme
résidence de repos, après les agitations et les ravages de la
vie politique, si absorbante, si épuisante même. Il acheta la
maison, d'autres disent le château des Thôbaudiôres, dépen-
dant autrefois de la seigneurie de Saint-Fulgent. Quatre fer-
mes, dont l'une porte le nom de « la Roche au Roy », font partie
du domaine, qui comporte 160 hectares environ. Le logis est
-impie et de peu d'apparence ; mais son installation intérieure
dénote un grand eroût. L'hospitalité y a été bonne et cordiale,
exercée par M. et Mme Edouard Hervé. La politique, Dieu
merci, n'y trouvait point rie place. Le propriétaire recevait
d'une poignée de main affectueuse ses visiteurs, sans cher-
M. EDOUARD HERVi. 123
cher jamais à connaître leurs opinions royalistes, bonapar-
tistes ou républicaines. Lorsque son cabinet ou son salon
étaient vides, il en profitait, en hâte pour courir les champs.
examiner l'état des récoltes et planter des arbres, beaucoup
d'arbres, vivant librement à sa guise, sans nul embarras,
comme le gentleman farmer de la terre anglaise.
On eût voulu faire de lui faire un sénateur ou un député.
Il ne consentit pas même à accepter un modeste siège au con-
seil municipal de sa commune. Tant il avait besoin de s'af-
franchir de tout ce qui touchait aux fonctions publiques. Il
était las, souffrant, et l'on eût dit que. sentant la mort venir,
il se donnait du mouvement pour l'écarter ou la fuir.
La mort le saisit cependant, non pas en Vendée, mais à
Paris. Elle le terrassa, le trouvant prêt d'ailleurs pour le dur
passage. Dieu ne lui accorda pas ces jours de grâce que M. de
Ghâleaubriant, «assis au bord des tempêtes », appelait des
« jours de rigueur >- : mais il lui a permis de se connaître jus-
qu'en son agonie, et de finir la vie comme il l'avait menée, en
honnête homme, en chrétien convaincu, en citoyen vaillant
et fidèle au devoir.
En lui la France a perdu l'un de ses enfants les plus distin-
gués, et la Vendée l'un de ses fils d'adoption les plus dignes
de haute estime, de sincère sympathie, de profond respect.
Ernest Merson.
St-GoèM leCmisici ir> février.
A TRAVERS LES LIVRES
Notre distingué confrère M. A. Tollaire, publie chez l'éditeur
A. Fierret, 37, rue Etienne Marcel, Paris, en un volume in-
1S jésus, ['Ossature delà Trahison-
Ce livre (envoi franco au reçu de 3 fr. 50 en timbres ou mandat)
arrive bien à son heure. De tous les ouvrages publiés sur l'affaire
Dreyfus, c'est le seul qui nous donne véritablement la clef de cet
interminable complot comme aussi de la politique suivie depuis
plus de vingt ans par cette élite de sépulcres blanchis qualifiée si à
propos par M. H. Brisson d'Ossature de la Trahison.
Clair, supérieurement pensé, d'une documentation énorme quoique
d'un volume restreint, d'une concision qui évoque les écrits de Ta-
-, c'est un réquisitoire accablant contre ces singuliers hommes
d'Etat de V Ossature. Maîtres du Pouvoir, ils ne s'en sont servis que
pour faire leurs affaires personnelles, trahir nos intérêts et con-
duire la France à deux doigts de la ruine et du déshonneur.
La lecture de cet ouvrage s'impose dès lors à tous ceux que pas-
sionnent les affaires politiques et qui ont à cœur de régénérer le
paj
Champs de bataille de France, par M. Charles Malo. — Un
magnifique volume in-8° Jésus, illustré de 1^ planches hors texte en
couleurs, d'après Alfred Paris, et de «7 portraits, 30 gravures en
noir rt31 plans. Hr., 15 fr. ; rel., 20fr. (Hachette etCie, Paris).
Le livre de M. Ch. Malo n'est pas seulement un recueil de grands
récits militaires; c'est l'histoire des faits héroïques accomplis par
notre armée pour défendre le sol de la patrie.
Varié nomme les époques qui datent ses récits, ce livre est do-
miné par une idée qui en fait l'unité. Du moyen âge aux temps
modernes, et de l'ancien régime à la Révolution, l'armée française
A TRAVERS L1CS LIVRES 125
s'est modifiée dans son armement, son organisation et sa discipline.
Mais, d'un bout :ï l'autre de son histoire, son esprit est demeuré le
même. De Bouvines à Rocroy, de Rocroy à Valmy, de Valmy àSaint-
Privat, c'est la même vaillance, la même ardeur à accepter l'idée de
sacrifice, la même simplicité," le même entrain dans le péril et
jusque dans la pensée d'une mort assurée, mais utile à la pairie.
Pour mieux marquer cette unité, en même temps qu'il emprun-
tait ses récits de bataille aux historiens les plus qualifiés, à Jomini,
au duc d'Aumale, au général Ambert, etc , M. Ch. Malo, qui a fait
des études d'histoire militaire l'objet de sa vie, a relié entre eux
ces tableaux par des études personnelles qui les coordonnent et en
grandissent l'intérêt.
Ce bel ouvrage, d'une lecture émouvante, est illustré de magni-
fiques planches en couleur exécutées d'après les dessins d'Alfred
Paris, de gravures en noir, de portraits et de plans. C'est ainsi qu'il
frappera l'imagination, comme il touchera le cœur de tous les
jeunes Français, dont il sera demain le livre favori.
zzz.
CHRONIQUE
Le --i" Centenaire de l'abbé Gusteau. — Le 16 mars a été célébré
à Fontenay et à Doix, le 2e centenaire de l'abbé Gusteau, dont
les cantiques et chansons en patois sont encore si populaires
dans notre région.
11 était naturel, dit la Revue de l'Ouest, que l'idée vint d'honorer
la mémoire de l'un des précurseurs des études si fort en (aveur en
ce moment en Poitou, et le mérite de cette initiative revient à notre
distingué collaborateur, M. René Vallette, autant qu'à l'abbé Mou-
chard qui, détenteur, depuis de longues années, d'une copie des
œuvres manuscrites du prieur de Doix, était le mieux à même d'é-
crire sur Gusteau l'étude qui parait aujourd'hui dans la Revue du
liai-Poitou, et qu'applaudissait hier le public fontenaisien.
M. l'abbé Ménard, supérieur du collège Saint-Joseph, et compa-
triote de l'abbé Gusteau s'était chargé de l'organisation de la fête,
dont le sucés a, du reste, été complet.
Le matin, dans la chapelle du collège, une messe fut dite, pendant
laquelle des artistes et des amateurs, toujours dévoués, exécutèrent,
avec le talent auquel ils nous ont accoutumé, quelques morceaux de
musique religieuse. Ce furent, pour la partie vocale, Mme Cuirblanc,
M"' de F. .. M . de F . . . , M . l'abbé M . . . , et pour la partie instrumen-
ta Je M. Robert du Botneau, violoncelliste, et M. Grouanne, organiste.
Après la messe, les fidèles se rendirent dans les salons du Collège,
pour assister à une séance académique d'un caractère de gracieuse
intimité, ou l'élément féminin tenait une large part.
CHRONIQUE 127
Cette séance fut présidée par notre ami M. Gustave Boucher, le
distingué secrétaire de la Société ethnographique française, qui,
dans une délicate allocution, dégagea la portée philosophique et
sociale des iètes où sont pratiquées le culte des morts et l'amour
du terroir ; puis M. l'abbé Mouchard lut le curieux travail que nous
publions plus haut, et qu'accueillirent les applaudissements de l'as-
sistance; enfin, M. l'abbé Ménard termina cette matinée par une
causerie sur la bibliographie des œuvres du poète vendéen.
L'après-midi, un certain nombre de Fontenaisiens se rendirent en
pèlerinage à Doix, où Msr de Luçon avait autorisé un Salut. Toute
la population de cette paroisse avait répondu à l'appel des organi-
sateurs, et abandonnant tout travail, emplissait comme aux jours
de grandes fêtes, la vaste église.
Devant cet auditoire, M. l'abbé Ménard fit l'éloge de l'abbé Gusteau,
et expliqua à ces populations quels mobiles d'instruction et de
moralisation le poussèrent à écrire pour son troupeau les pasto-
rales, les cantiques, les chansons qui composent son œuvre. Et
comme commentaire à cet exposé, Mme Cuirblanc et MUe de F... chan-
tèrent quelques-unes des plus naïves productions du prieur.
Après le salut, tout le peuple se rendit en pèlerinage à la tombe
do Gusteau. Sur l'invitation de M. le curé on récita, genou en terre,
un De Profundis pour les prêtres et les paroissiens délunts. Et, sur
cette tombe toute fleurie, germa l'idée d'un monument à élever à
l'auteur de la Chanson de la mariée.
La Revue du Bas-Poitou, qui la première — n'en déplaiseà certains—
eut la pensée de célébrer la mémoire du prieur-poète, s'inscrit dès
à présent pour vingt francs.
— Le curieux portrait de Gusteau placé en tête de ce fascicule
est, comme le dit notre excellent collaborateur M. l'abbé Mouchard,
une fidèle reproduction du tableau que possède M.Edgar Baron,
exécutée d'après un obligeant cliché de M. le capitaine de Lagenest.
Nous tenons à remercier publiquement ici et M. Baron et M. de La-
genest.
Les restes de Turgot. — On vient de retrouver, sur de pré-
cieuses indications de M. de Ricaudy, les restes de Turgot, sous
les dalles de la chapelle de l'hôpital Laennec, à Paris. Le grand
ministre de la Monarchie n'y reposait pas seul, et au lieu d'un
seul Turgot, c'est quatre Turgot qu'on a découverts, dans le funé-
raire caveau. Un de ces Turgot, le père, qui fut prévôt des mar-
chands, va être transporté au Pere-Lachaise. L'autre Turgot, le
glorieux ministre, le contrôleur des finances, qui fut en mémo temps
128 CHRONIQUE
le chef de l'école dont est sortie toute notre économie politique,
aura les honneurs du Panthéon.
Cette nouvelle ne saurait nous trouver indifférent. Turgot occupe,
en eftet, une place considérable, non seulement dans l'histoire na-
tionale, mais aussi dans celle de notre région vendéenne. C'est à lui
notamment qu'on doit la création de la magnifique route de Limoges
à la mer qui traverse la ville de Fontenay, et à laquelle, notre cité
reconnaissante a attaché son nom.
Un monument a Catinat. — Notre confrère, M. Hypolyte Buffenoir,
vient d'adresser au président du Conseil municipal de Paris une
lettre pour lui soumettre l'idée d'une statue ou tout au moins d'un
buste du maréchal de Catinat, dans le nouveau square de la Sor-
bonne, qui sera précisément placé à l'endroit même où s'élevait l'hô-
tel du maréchal.
Cet hommage ne peut davantage nous laisser indifférent. Ni-
colas Catinat descendait, en effet, de notre illustre compatriote
André Tiraqueau, par Françoise Poile, sa mère, et il possédait du
chef de celle-ci, partie de la seigneurie de Chaix, près Fontenay, et à
Fontenay même, à l'extrémité de la rue qui porte son nom, la terre
de la Pommeraie, dont l'ancien pavillon, récemment démoli, portait
cette devise, bien digne du noble caractère de Catinat :
Quifaict ce qui est deu à Dieu et aux hommes n'a crainte du juge-
ment. — 1614.
•Artistes bas poitevins du moyen-age. — Le remarquable volume
consacré par M. le marquis de Surgères aux Artistes nantais du
Moyen-Aye à la Révolution (in-8° de 456 p., Paris, Charavay), fait
mention de plusieurs artistes originaires du Bas-Poitou ou ayant
travaillé en notre province.
>i,^nalons notamment : Jean Babin, verrier, dont la fille Jeanne
épousa, le 24 novembre 1593, Vincent de Sarode, gentilhomme, ver-
rier, du Poitou; — Jean Boffrand, sculpteur et architecte du XVIP
siècle, qui exécuta pour l'église de Montaigu des statues qui mal-
heureusement n'existent plus; — Denis Cantiteau, « maître masson
et architecte », natif de l'évéché de Lucon et demeurant à Nantes; —
Michel Colombe, sculpteur et ymaigier, auteur d'un bas-relief re-
présentant Louis XI ayant à ses côtés l'archange saint Michel à
cheval et repoussant l'attaque d'un sanglier, bas-relief placé dans
l'abbaye de Saint-Michel-en-1'Herm et détruite en 1569 par
les protestants ; — Charles Errard, peintre et architecte, né à 3res-
suire. parent sans doute de Jean Errarà, architecte et ingénieur de
CHRONIQUE 129
Henri IV, qui éleva en 1592 les fortifications de Fontenay-le-Comte ;
— Etienne Legay, architecte à Nantes, originaire de l'évêché de Lu-
çon (5 mai 1 ( > 1 ti ) ; — Pierre Picard, sculpteur et architecte, qui en
1711 exécuta les sculptures de l'autel sainte Anne, en l'église de
Noirmoutier ; — François Savary, * M> masson et architecte»,
originaire de l'évêché de Luçon, qui se portait caution, le 5 mai
1616, de Christophe Praudeau, adjudicataire des travaux de la façade
du chœur de la cathédrale de Nantes.
Le vase de St-Martin de Frugneau et le culte de St-Martin en
Vendée. — Mer X. Barbier de Montault, dans le 13e volume de ses
Œuvres complètes, qui vient de paraître (Poitiers-Biais et Roy, in-8°
de 576 p.), étudiant avec son érudition accoutumée le Culte de St-
Marlinetses manifestations hagiographiques, signale la confiance
que les pèlerins avaient anciennement dans la vertu de l'huile des
lampes qui brûlaient devant le tombeau du saint, et rappelle à ce
propos la découverte faite en 1865 à St-Martin-de-Fraigneau d'un
vase du V* siècle, qui portait au pourtour du col cette inscription :
f DIVI MARTINI ANT (istiti) S BALSAMV (m) OL (eum) f PRO BE-
NEDICTIONE.
Onze autres paroisses du Bas-Poitou reconnaissent encore pour
patron le saint abbé de Ligugé : St-Martin-ds-Brem, où une vieille
tradition raconte qu'il creusa un port ; S t- Martin- du- Bernard, où
l'abbé Baudry découvrit en 1860 le sceau de la court du Bernard au
XlVe siècle, quand le doyen de Talmont y tenait ses assises ; St-
Martin-Lars-en-Tiffauges ; — St-Martin d'Aspremont; St Martin de
Sallertaine -, St-Martin de la Meilleraye ; St-Martin du Gué-de-Vel-
luire; St-Martin-des-Noyers, St-Martin de Treize-Septiers ; St-Mar-
tin de Mouilleron-le-Captif, et St-Martin de la Pommeraye.
Le calice de St-Malo du Bois et le culte de saint Hubert. — Les
Archives du diocèse de Luçon, toujours si excellemment rédigées par
M. l'abbé H. Boutin, nous signalent dans leur n° du 28 janvier 1899,
l'existence en l'église de St-Màlo-du-Bois (Vendée), d'un calice du
XVIIIe siècle, donné naguère à l'abbé Grolleau par la famille de Ve-
zins, et qui servit durant toute la Révolution. Le pied est en argent
repoussé et la coupe en vermeil. Le pied est orné des instruments
de la Passion.
Ce même numéro renferme une lettre de M. l'abbé Jean Châ-
taigner, curé actuel de St-Mâlo-du-Bois, qui nous apprend que le
culte de saint Hubert est toujours en honneur dans sa paroisse.
« Le matin du 3 novembre, dès quatre heures au plus tard, les
TOME XII. — JANVIER, FÉVRIER, MARS. 9
130 CHRONIQUE
portes de l'église doivent être ouvertes pour un grand nombre
d'hommes qui viennent faire leur voyage... Et dans beaucoup de fa-
milles de la campagne, les membres qui n'ont pas le temps de venir
à l'église, lont apporter par leurs enfants des petites bougies en
nombre égal aux personnes restées au village...
Fouilles archéologiques a Noirmoutier. — M. A. Charier-Fillon
a ajouté une onzième et très précieuse contribution à l'histoire de
l'ile de Noirmoutier, sous ce modeste titre Noies sur quelques fouilles
(in-8° de 11 p. Niort, Clouzot, 1894).
Les fouilles dont il est question, ont été pratiquées à des époques
différentes, dans la propriété de la Seigneurie (constatations d'ordre
géologique), dans un champ voisin du tellement du Grand Morier,
(découverte de vases en terre et de vestiges d'ateliers céramiques
de la plus haute antiquité), et dans les fondations d'une absidiole
romane disparue de l'église paroissiale.
Cette dernière fouille révéla la présence dans le sous-sol d'une
gigantesque auge en pierre, pourvue d'un couvercle en grès sans
inscriptions, et qui renfermait, non pas un squelette, mais une ac-
cumulation d'ossements rangés symétriquement, avec, au milieu,
un vase contenant des charbons, comme cela se pratiquait dans les
sépultures de la première période chrétienne.
Les os furent précieusement remis en terre, le cercueil fut déposé
le long du mur du transept de l'absidiole disparue, et le vase à char-
bon fut porté à la cure, où devaient plus tard le rejoindre les objets
découverts dans les fouilles de la crypte.
Or, ajoute M. Charier-Fillon, si nous avons revu récemment le
cercueil, il n'en a malheureusement pas été de même des objets de
la crypte. Nous n'avons retrouvé aucun d'eux. Les débris de vases
caractéristiques du XVIe siècle; les fragments de rosaces du XIIIe,
les débris de carrelages incrustés, les moulages du XVIIe, enfin
tous les témoins des divers états de la crypte ont disparu.
M. le curé actuel de Noirmoutier, qui a le culte des choses du
passé, aura certainement à cœur de les retrouver.
Un nouveau document inédit sur St-Filbert. — Les archives
de Cunault (Maine-et-LoireJ, n'ont point dit leur dernier mot
pour le Poitou. Elles renferment encore, nous écrit M. le chevalier
d'Achon, une ordonnance de l'évêque de Poitiers, Isambert 1er, pres-
crivant aux religieux de St-Gildas-de-Rhuys de transporter chez
eux un de leurs frères (S. Goustan), mort à Beauvoir-sur- Mer, dans
l'hospice ou plutôt dans la maison des religieux de St-Filbert, leur
CMH0N1OUK
V.'A
défendant de s'établir dans cette résidence et dans l'église qu'ils ont
construite, sous peine d'excommunication, et décrétant que les re-
ligieux de St-Filbert resteront seuls en possession de Beauvoir, de
son castrum et seront libres de lever l'interdit qu'il prononce.
Petits Salons. — La Vendée à l'Exposition des ■■ Amis dus Arts »
de Nantes. — Peinture :
Brillaud (de Cugand) : 49. Portrait de Mlle M"\ — 50. Portrait du
lieutenant-colonel Ducors.
A. Lepère (de Paris) : 186. La Plage de Saint- Jean de Monts, un
dimanche.
Sergent (Lucien), de Paris: 309. Episode des guerres de Vendée.
1793.
Paul Tillier(duBoupèro) : 327. Nanette.— 'S2S. La Petite Meunière.
Aquarelles :
Bascber(de), château de Beaumarcbais( Vendée): 344. Etudedemai
— Parmi les œuvres envoyées à l'Exposition de la Société des
Amateurs, organisée chez Georges Petit, à Paris, par les soins de
MM. le comte de la Rochefoucauld, Fournier-Sarlovè/e, Amédée
Dufaure et le comte de Franqueville, citons plusieurs tableaux du
sympathique sénateur de la Vendée, M. Paul Le Roux. .
Echos d'ateliers. — Notre éminent collaborateur M. 0. de Roche-
brune vient d'achever la gravure d'une charmante petite planche
représentant la gentilhommière de Mursay (Deux-Sèvres), où fut
élevée Mm' de Maintenon.
— De M . deVerteuil, l'aimable et habile statuaire de Saint-Rémy de
Pissotte : un délicieux profil féminin et une statuette de Sablaise,
très joliment campée, le poing gauche appuyé sur la hanche et le
bras droit engagé dans un large panier.
Beaux-Arts. — Sur la demande de M. Gautret, député-maire des
Sables-d'Olonne. M. Roujon, directeur des Beaux-Arts, a promis une
œuvre nouvelle à la ville des Sables, pour remplacer la statue du
marin Daniel Fricaud, brisée au cours d'une des récentes tempêtes.
— Le Petit Phare annonce que M. Lepère, l'habile graveur pari-
sien, est en ce moment à Nantes, travaillant à l'illustration d'un
nouveau livre, — l'un des plus pittoresques qui aient été gravés sur
cette ville.
M. Lepère n'est point un inconnu pour les Vendéens qui pendant
la belle saison fréquentent la station balnéaire de Saint-Jean-de-
Monts. Il possède, en effet, dans ce coin de la Vendée, qu'il adore,
une charmante propriété, où il travaille devant l'immensité de l'O-
céan, dontses œuvres ontsouvent reproduit l'agitation tumultueuse.
132 CHRONIQUE
— Nous avons précédemment annoncé la venue de J. K. Huysmans
à Ligugé, et son intention de fonder une colonie d'artistes chrétiens
à l'ombre de la vieille abbaye bénédictine.
Si nous en croyons le Petit Bleu, du 20 janvier 1899, l'idée ne se-
rait pas tout à fait neuve.
« Il est en effet à Dresde, dit ce journal, un certain couvent de
Bénédictins où tout artiste trouve le plus aisément du monde le
vivre et le couvert, sans d'ailleurs avoir à promettre de suivre seu-
lement les offices.
« En ce couvent se rencontrent des peintres, des sculpteurs, des
graveurs, des ébénistes et des poètes. A l'abri du froid et de la faim,
ces artistes, exécutent des tableaux religieux ou des vitraux, il-
lustrent des niches, sculptent des autels ou composent des sonnets
ou des odes en l'honneur de la sainte Vierge.
'< De cette façon les Frères Bénédictins se forment un musée et
une bibliothèque d'art chrétien. »
Notes d'archéologie. — M.. Raoul de Rochebrune vient d'enrichir
sa collection d'un délicieux tableau de Rondel et de deux fort jolies
épées, dont l'une du XVIe siècle fut trouvée dans la Loire, et dont
l'autre, datée de 1613, et dans un merveilleux état de conservation,
porte sur la lame cette double inscription : Pugne pro patria. —
NEC TEMERE NEC TIMIDE.
— Parmi les dons récemment faits au musée d'archéologie de
Nantes, mentionnons : une très belle lettre du Cardinal de Riche-
lieu, cachetée à ses armes et datée de Montpellier, le l,r octobre 1682
(Don de M. Lotz-Brissonneau) et un cuivre gravé, Charette, par L.
Corucy (Don de M. le docteur Josso).
— Notre éminent ami, M. Anatole de Barthélemy,membre de l'Ins-
titut, a été nommé vice-président de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres.
Inauguration du monument Luneau a la Roche- sur-Y on. — Les
instituteurs de la Vendée ont organisé entre eux une souscription
pour ériger un monument en l'honneur de M. Luneau, ancien maire
de Bouin, ancien président du Conseil général pendant 15 ans, député
de la Vendée de 1831 à 1848, membre de la Constituante en 1848 et
I 349, qui a été un de leurs principaux bienfaiteurs. M. Luneau, en
effet, a légué avant de mourir, toute sa fortune aux instituteurs et
aux institutrices laïques du département de la Vendée. Les revenus
de ce legs sont, comme on le sait, distribués aux instituteurs chaque
année, depuis 1887, sur la proposition de leur chef, par somme de
100 francs.
CHRONIQUE 133
Le Comité d'exécution du monument Luneau a confié au distingué
professeur de dessin du Lycée, M. Fulconis, le soin de reproduire
les traits de ce bienfaiteur de l'enseignement. Le piédestal
destiné à recevoir la statue a été exécuté sur les plans et sous
l'habile direction de M. Loquet, architecte départemental.
Le monument est prêt. Il sera érigé dans la cour d'honneur de
l'Ecole Normale d'instituteurs.
Le Comité, dans sa dernière réunion, qui a eu lieu le 9 février
sous la présidence de M. Priouzeau, ancien instituteur à Bouin,
assisté de M. l'Inspecteur d'Académie, président d'honneur
du Comité, a définitivement fixé au 22 mai, c'est-à-dire au
lundi de la Pentecôte, la fête d'inauguration du monument Lu-
neau.
La solennité sera probablement présidée par M. le Ministre de
l'instruction publique,
Bénédiction de ci.oches. — Le 8 février, M'r Catteau, évêque de
Luçon, à béni en l'église de la Chaume, trois nouvelles cloches,
œuvre du fondeur bien connu, M Astier :
La plus grosse du poids de 7G0 kilos a pour parrain et marraine
l'abbé Brochard, curé de la paroisse, et M1"8 Guyétant. Elle s'appelle
Saint-Nicolas, nom du patron de la paroisse.
La seconde cloche, qui pèse 630 kilos, a pour parrain et marraine
M. Méchin, doyen de Palluau, et Mme Rousseau-Méchin ; elle a nom
Sainte-Anne, dont la dévotion est en grand honneur à la Chaume.
Enfin, la troisième, de 320 kilos, se nomme Marie-Florence.
M. Guyétant est son parrain et MUe Marie-Florence Barré, sa marraine.
— Le 7 mars, M,r Catteau, évêque de Luçon, a solennellement con-
sacré le maître-autel de la chapelle du couvent des Ursulines de
Luçon .
Cet autel, placé sous le vocable de l'Annonciation, sort des ateliers
de M. Renaud-Bizet, sculpteur à Luçon.
La restauration du culte de Saint-Lienne en Vendée. — Le 5
février dernier, de nouvelles fêtes ont eu lieu à la Roche-sur-Yon et
M. l'abbé Rousseau a prononcé un éloquent panégyrique du saint
devant une nombreuse assistance. — A quand le premier pèlerinage?
Sociétés Savantes. — Le 37e congrès des Sociétés Savantes s'est
ouvert, à Toulouse, en l'hôtel d'Assézat, le mardi, 4 avril à 2 heures
précises.
Les journées des mardi 4, mercredi 5, jeudi 6 et vendredi 7 avril
ont été consacrées aux travaux du congrès ; le samedi s avril, M. le
134 OHRONIQUB
ministre de l'instruction publique et des beaux-arts a présidé la
séance générale de clôture.
— La séance publique annuelle de la Société des Antiquaires de
C Ouest a eu lieu le 15 janvier 1899, à Poitiers, dans l'une des salles
de son hôtel, rue des Grandes Écoles.
Au programme : discours de M. de la Ménardière, président, Sou-
venirs de l'alliance entre la France et V Ecosse dans V histoire du
Poitou: rapport de M. Tornézy, secrétaire ; Une vieille histoire, par
M. Ernault, professeur à la Faculté des Lettres.
— Le bureau de la Société des Antiquaires de l'Ouest pour 1899
est ainsi composé : Président, M. Alfred Barbier ; vice-président,
M. Tornézy : secrétaire, M. (Jarre ; vice-secrétaire, M. Clément-, ques-
teur, le R. P. de la Croix -, trésorier, le général Segrétain ; biblio-
thécaire. M. Boissonnade.
— La Société académique de Nantes a célébré, le 15 janvier, son
centenaire, sous la présidence de M. Hanotaux, qui a prononcé à
cette occasion un très remarquable discours, sur l'utilité de la dé-
centralisation littéraire et artistique.
Après les discours, des prix ont été décernés aux auteurs des meil-
leurs travaux présentés dans l'année à la Société académique.
Prie mention honorable a été notamment donnée à notre distin-
guée compatriote Mlle Maria Thomazeau, de Bouin, pour son volume
<le poésies : Enfants et mères.
Conférences. — A la Roche-sur-Yon, le 5 janvier, conférence-lec-
ture de M. Lambert, professeur de rhétorique au Lycée, sur Ruy-
Blas, avec interprétation des plus importantes scènes de ce chef-
d'œavre de Victor Hugo, par MM. E, Pages, inspecteur d'Académie,
Cazac, proviseur du Lycée, Am. Pages, professeur de philosophie
Bourgoin, professeur de secondé; — le 11, conférence de M. Cul--
lière, directeur de l'Asile des Aliénés, sur le Sommeil et les Rfves; —
le 21, conférence de M. le docteur Maugard sur Les différents modes
d'allaitement; supériorité et nécessité sociale de l 'allaitement naturel;
— le 28, coniérence sur le Siam, par M. Mury, conseiller de préfec-
ture, ancien sous-commissaire de la marine.
A la Roche également, conférence de M. Ménage, avocat, sur la Com-
munication des dossiers, le 11 février; de M. Porchet, professeur au
Lycée, sur l'astronome François Arago,le 18 février; de M. Porgollon
chef de cabinet du Préfet, sur les Libertins au XVII* siècle, le 22
février-, de M. Hervé, instituteur, sur les Superstitions et Légendes
vendéennes, le 25 février; de M. Grimai, professeur au lycée, sur
Napoléon Ier , le l" ma/s ; de M. Leroy, professeur à l'Ecole nor-
GHRONIoUK
i : t r,
maie, sur les Conteurs français, le 4 mars; de M. Bourgouin, pro-
fesseur au Lvcée, sur le poète Eugène Manuel, le 11 mars ; de
M. Chaux, inspecteur primxire, sur Noirmoulier (géographie et his-
toire), le 15 mars.
A. Fontenay-le-Comte, le 4 décembre, au théâtre conférence de
M. Dupuy, professeur d'histoire au lycée de la Rochelle, sur la Bas-
tille dans la légende et dans l'histoire.
Le 5 mars, conférence de M. Feschotts, principal du collège, sur
Cyrano de Bergerac.
Aux Sables-d'Olonne, le 29 janvier, conférence de M Alliance Fran-
çaise sur l'expansion coloniale, par M. Charles Bos, député de Paris,
sous la présidence de M. Gautret, maire et député des Sables-d'O-
lonne .
A la Rochelle, le 21 janvier, conférence sur la Culture des Mers,
par notre distingué compatriote M. le docteur Pineau.
A Angers, le 10 février, conférence à l'Université catholique par
notre érudit collaborateur et ami M. l'abbé Bossard, sur la Vendée.
A l'Hébergement, le 29 janvier, conférence de M. Chaux, inspec-
teur primaire, sur la Vendée (La Roche, Montaigu, Tiffauges,
Pouzauges, Fontenay, Luçon et les Sables)
— A la conférence faite par M. Raoul de Fréchencourt sur le Théâtre
et la Chanson royalistes, lors de la fête du Drapeau de la Villette, le
distingué conférencier citant les pièces où sont conservées les tra-
ditions du vrai théâtre, en mentionne dix, en tête desquelles La Fin
d'un parti de notre excellent ami, A. Bonnin.
Nos compatriotes. — Dans l'une de ses dernières séances, l'Aca-
démie française a décerné le prix Alfred Née, de la valeur >'e
5000 francs à notre éminent compatriote, collaborateur et ami,
M. Edmond Biré, pour l'ensemble de ses précieux travaux de cri-
tique littéraire.
Nous lui renouvelons de grand cœur nos bien vives félicitations.
Nos compliments de même à son sympathique neveu M. A. Biré,
avocat à la Cour d'appel de Paris et membre du conseil général de
la Vendée, qui vient de prendre la direction du Journal des Conseils
de Fabrique, le plus ancien et le plus important organe de droit
ecclésiastique. (14, rue Soufflot, Paris, 10 fr. par an).
— Nous apprenons avec plaisir que notre compatriote, M. le
contre-amiral Richard, vient d'être appelé, par décret du Président
de la République, au commandement de l'escadre de l'Atlantique, en
remplacement du contre-amiral Esclandre, arrivé au terme de son
commandement.
136 CHROMQUR
M. Charles Vernhes, avocat à la Cour d'appel Ce Taris, fils de
notre distingué confrère du barreau de la Roche-sur-Yon, a soutenu
le 23 janvier 1S99, de la (açon la plus brillante, sa thèse de doctorat
devant la Faculté de droit de Paris.
M. Charles Vernhes avait pris pour sujet : « Du Sursis et de son
introduction dans la Législation criminelle française par la loi du
26 mars lS9i. (Loi Bérenger).
— Notre ami, M. le docteur Marty, médecin-major de lre classe à
l'hôpital militaire de Belfort, a reçu une médaille d'argent du minis-
tère de l'intérieur sur la proposition de l'Académie de médecine,
pour son travail « Etude clinique sur l'épidémie de fièvre typhoïde
à Belfort sur la garnison en octobre-novembre Î896. »
Toutes nos félicitations.
— M. le docteur Chupin, médecin-chef de l'Ecole de cavalerie de
Saumur, vient d'être promu médecin-principal.
— M. Roy, instituteur-adjoint à Saint-Martin-des-Noyers, a ob-
tenu un diplôme d'honneur à l'Exposition du travail de Paris, pour
sa Monographie communale et scolaire de Sainl-Martin-des-Koyers.
Pour la Patrie. — Le 22 janvier 1899, une imposante manifesta-
tion patriotique a eu lieu à Fontenay : les anciens combattants de
1870-71, accompagnés des conscrits de la classe 1898, ont fait leur
pèlerinage annuel au monument des Morts pour la Patrie et déposé
à ses pieds un drapeau et deux couronnes.
M. Henri de Rochebrune, ancien Volontaire de l'Ouest, vice-pré-
sident de l'Association, remplaçant M. Normand, président, que son
grand deuil avait empêché de prendre part à la manifestation, a
prononcé un remarquable discours, empreint du plus ardent patrio-
tisme, et que la foule a justement couvert d'applaudissements.
M. Bégué, président des conscrits, a de même salué en quelques
phrases éloquentes la mémoire des glorieux morts et juré d'imiter
leur noble exemple.
— La commune de Maillezais vient d'élever à l'aide d'une sous-
cription dont l'initiative est due au caporal Gelot, ancien combat-
tant lui-même et trésorier de l'Association, un monument aux braves
qui sont morts en défendant notre drapeau. La maquette, qui repré-
sente un tirailleur, est l'œuvre de M. Henri Sacré, sculpteur, de
Maillezais.
- M. Héron, conseiller général de Tours, et président de l'Asso-
ciation fraternelle des Mobiles d'Indre-et-Loire, a sollicité de la ville
de Luçon la concession d'un terrain au cimetière, pour y élever un
monument en souvenir de quatre-vingts de leurs camarades qui
CHRONIQUE 137
sont morts pendant le séjour de leur bataillon à Luçon et qui sont
inhumés au cimetière.
— On annonce l'érection prochaine sur la place Belle-Croix, de
Luçon, du monument des Combattants du Canton. Sur la face du
monument, dû, nous l'avons dit, à l'habile ciseau de M. Fulconis,
seront gravés les noms de tous les vaillants qui ont succombé pour
la Patrie.
Ajoutons, à ce propos, que les médailles décernées à MM. Balle-
reau etBoutin, lauréats du concours de ce monument, sont, au dire
de Y Echo de la Vendée, d'une très belle exécution.
L'Ecole de Pêche des Sables-d'Olonne. — Le 29 janvier a eu lieu
en l'hôtel-de-ville des Sables sous la présidence de M. Gautret, la
distribution des prix de l'école municipale des pêches maritimes,
dirigée avec une science et un dévouement méritoires par notre
collaborateur et ami, M. Amédée Odin.
Union fraternelle des Vendéens. — h" Union fraternelle des Ven-
déens de Paris vient de renouveler son bureau. Ont été nommés :
Président : M. Cornière, correcteur à l'imprimerie, nationale;
Vice-Présidents : M. Emmanuel Aimé; docteur Chevallereau,
médecin de la clinique nationale des Quinze-Vingts ; M. Letenneur,
sous-chef de bureau à la direction générale de l'enregistrement ;
Vincent, caissier.
Secrétaire : M. Roy, employé aux chemins de fer de l'Etat.
Nos compositeurs. — M. Arthur de la Voûte, dont la messe de
Noël a obtenu, à Fontenay, un si complet succès, a mis excellem-
ment en musique les Trois paroles du Christ, qui ont été chantées
le Vendredi-Suint à l'église Saint-Nicolas du Chardonnet de Paris,
dans un grand concert religieux organisé en faveur de l'œuvre
des Ecoles de M. l'abbé Brettes, curé de Montreuil-sous-Bois.
Mentionnons également de notre distingué ami : une charmante
romance, chantée à la soirée de M. Robert du Botneau par M. Mont-
barin, accompagné sur le violoncelle par le maître de céans.
— De M.Alfred Rousse: toute une gerbe décompositions nouvelles,
qui ont nom : Rêveuse, Dors enfant, Chant d'Exil et Pâquerettes
très joliment brodées sur des poésies de M. Ed. Guinand (Paris-
Pantaléon, éditeur, 35-39, rue des Petits-Champs).
M. Rousse travaille également à l'harmonisation d'un recueil de
chansons vendéennes, qui obtiendra, nous n'en doutons pas, un vif
succès à Paris comme en Vendée.
— \Tous recevons de M l'abbé Routin. tout à la fois. et avec un égal
138 CHRONIQUE
succès, poète, compositeur et historien : Le Sommeil de l'Enfant
Jésus, un joli Noël-berçeuse(in-8% de 4 p. Haton, Paris, prix 1 fr. 50).
Misique Religieuse. — Dans toutes les églises, on s'est efforcé de
célébrer avec éclat, la Noël dernière, cette fête si touchante, si popu-
laire, mais dans peu assurément, les offices ont pris, sans nuire au
côté religieux, un caractère artistique aussi élevé qu'à Notre-Dame-
de-Bon-Port des Sables-d'Olonne.
La Maîtrise des Sables, dont la réputation n'est plus à faire, a tenu,
dit le Journal des Sables, à marquer cejour d'une empreinte inef-
façable.
Sous la haute direction de M. Florus-Blanc, maître de cha-
pelle, 1" prix du Conservatoire de Paris, elle a exécuté à la grand-
messe de 10 heures, la messe de Fr. Witt, de la célèbre collection
d'Einsiedeln, œuvre d'une envolée supérieure , qui olïre de
grandes difficultés qu'elle a surmontées comme en se jouant. A citer
particulièrement : le Kyrie, le Gloria, (soli et chœurs), le Sanctus, le
Benedictus, VAgnus Dei, (à 4 voix).
Aux vêpres. YAve Verum, de L. Bottazo, le Tantum Ergo, de
Bentivaglio.
La messe de minuit n'avait pas été sacrifiée, et les assistants ont
notamment entendu avec émotion ies jeunes filles de l'école Sainte-
Marie-du-Port qui ont chanté avec un ensemble parfait.
— A Notre-Dame, de Fontenay, la messe de notre compatriote et
ami, M. A de la Voûte, a été exécutée magistralement et à la satis-
faction de tous les dilettanti.
Le Kyrie et le Gloria ont été enlevés avec une maestria sans
pareille; à l'offertoire, un Ave Maria et le Sanctus ont produit le
plus bel effet -, VAgnus a eu toutes les préférences des auditeur^.
Enfin le Noël!.... Combien gracieux, touchant. Quelle délicatesse,
mais aussi quelle perfection dans son exécution !
Nous renouvelons nos plus sincères félicitations à M. delà Voûte.
Conckrts. — Si nos mœurs ne s'adoucissent pas, ce n'est pas
faute d'harmonie. Nous avons eu, en effet, depuis le commencement
de l'hiver une série presqu'ininterrompue de concerts : Concert de
la Lyre, concert de la Chorale, et séance musicale de mélodies ins-
pirées, par notre compatriote, M. Gabriel Robuchon, dit Mèrovack,
dit L'Homme des Cathédrales .
Théâtre. — A la fête donnée au théâtre de la Roche-sur- Yon, le
14 janvier, par les élèves du lycée, au profit des orphelins de cet
établissement et des pauvres de la ville, on a beaucoup applaudi un
CHRONIQUE 13(.)
acte inédit en vers de M. Lambert, professeur de rhétorique, ayant
pour titre : La Conversion de Chapelle , et un morceau du jeune
compositeur Yonnais, M. Guyonnet, Conte de Noël.
Un non moins vif succès a été fait aux Enfants d'Edouard, de
Casimir Delavigne, adaptés par M. Gazac, proviseur du lycée, et
qu'accompagnait un délicieux épilogue, en vers de M. l'abbé Rous-
seau : La dernière nuit de Richard III, d'après Shaskespear.
Infatigable toujours, notre dévoué collaborateur travaille présen-
tement à la confection d'un drame en vers : Les derniers jours de
Gilles de Retz, sur des documents curieux, authentiques et inédits,
dont la Revue aura la primeur.
— Notre confrère et ami, M. Henri Glouzot, le fin lettré Niortais,
a fait le 19 février, au théâtre de Fontenay, une fort intéressante
conférence sur Les Vieilles Chansons du Poitou et de la Vendée, ac-
compagnées d'auditions très applaudies de MUe Clara Faurens et de
M. Wolff, deux excellents artistes du théâtre des Bouffes-Parisiens.
Le programme comportait également la représentation d'une spi-
rituelle Revue Poitevine, due à la collaboration de M. H. Clouzot et
de M. G. Bourdeau, — Tout Niort sur la brèche.
— M. le docteur Corneille, qui doit prochainement faire représen-
ter au château de Fontenay sa remarquable tragédie d'Erynna ,
travaille à une autre œuvre dramatique qui ne sera pas appelée à
un moindre succès, et qui aura pour titre, si nous sommes bien ren-
seignés, Clovis à la bataille de Vouillé.
— Notre compatriote M. Edrn. Paze a fait représenter avec succès
au Moulin-Rouge, une fantaisie-Revue en un acie, ayant pour titre :
De neuf à dix.
— A Paris, nous avons également à signaler un émouvant drame
en prose, le Sacrement de Judas, que M. Louis Tiercelin vient de
faire jouer sur la scène du Grand Guignol. C'est l'acte de dévoue-
ment d'un prêtre, devenu maître d'école pendant les guerres de
Vendée, qui reprend sa robe et s'expose aux balles républicaines, à
la place du comte de Kervern, son rival, qu'il avait voulu livrer
d'abord.
— Le 18 mars M. Alfred Rousse a fait entendre à Paris un certain
nombre de ses mélodies ainsi que quelques chansons vendéennes,
harmonisées par lui et qui ont été interprétées très heureusement
par Mlle Alice Bonheur.
— Au cours d'une brillante soirée donnée le 11 février à Fontenay
chez M. et Mme Doucet, deux comédies de salon, Après le bal et la
Souris ont été fort habilement jouées.
140 CHRONIQUE
Les rôles de la première étaient tenus par M. Desneux et par
Mme Guillemin. Les interprètes de la seconde étaient Mme de Lage-
nest et M. Fleuranceau.
Récompenses méritées. — Parmi les récentes nominations acadé-
miques, nous relevons avec plaisir celle de M. Fulconis, sculpteur,
professeur de dessin au lycée de la Roche-sur- Yon, promu officier
de l'instruction publique.
Nos collaborateurs. — Dans la promotion aux ordres coloniaux,
signée par M. Félix Faure, la veille même de sa mort, nous enregis-
trons avec le plus vif plaisir le nom de notre confrère et ami, M. Louis
de la Chanonie, rédacteur en chef de la Correspondance politique et
diplomatique de Paris.
Invité par M. René Millet à aller passer, aux frais du bey, dix
jours en Tunisie, le mois prochain, avec une délégation d'hommes
politiques et de presse, à l'occasion de l'inauguration du port de
Sousse et de la ligne de Sfax à Gafsa, M. de la Chanonie veut bien
réserver à la Revue ses impressions de voyage.
Nous l'en remercions très vivement d'avance, et lui souhaitons
une heureuse traversée,
Ajoutons qu'à l'occasion de la reprise prochaine des rapports di-
plomatiques entre la France et la Venezuela, le président de cet Etat
vient d'envoyer à notre ami de la Chanonie la cravate de comman-
deur avec plaque de l'ordre du » Libérateur ». Nous l'en félicitons
de nouveau bien cordialement.
— Notre ami, M. René Bazin, l'auteur du magistral roman la Terre
qui meurt, qui obtient en Vendée un si légitime succès, pose sa can-
didature à l'Académie Française, en même temps que MM. Descha-
nel et Henry Fouquier, pour la succession de M. Edouard Hervé,
mort récemment.
— Nous avons de meilleures nouvelles de la santé de notre émi-
nent collaborateur, M. Charles Farcinet, qui, après une assez longue
maladie, s'est enfin relevé et a pu même revoir les épreuves d'une
2« édition de son intéressante étude sur l'ancienne famille de Lusi-
gnan, qui lui avait été demandée l'année dernière par plusieurs
membres de la Société des Antiquaires de France, et qui est notam-
ment augmentée de nouveaux chapitres sur les rois de Chypre et de
Jérusalem.
— Notre ami, Auguste Barrau, de Challans, en nous adressant sur
la Terre qui meurt, de M. René Bazin, une jolie étude destinée au
prochain numéro de la Revue, nous prie d'annoncer que depuis jan-
CHRONIQUE
141
vier dernier il ne fait plus la Critique littéraire au Populaire, de
Nantes.
— Nous sommes heureux de saluer le retour en Vendée... et à la
Revue de notre savant collaborateur M. A. Bitton, dont nos lecteurs
ont déjà pu apprécier maintes fois la grande éruditon.
NÉCROLOGIE
M CHARLES THÉODORE CHANSON-MIGNET inspecteur d'a-
cadémie en retraite, décédé à la Roche-sur-Yon, le 29 dé-
cembre à l'âge de 84 ans.
Né à Fontenay-le-Comte, le 21 août 1814, M. Chanson débuta
comme régent de 4e au collège de Brest en 1839. Successivement
censeur aux collèges royaux de Laval et de Périgueux, principal des
collèges de Libourne et de Saumur, censeur aux lycées de Troyes et
d'Amiens, M. Chanson fut nommé inspecteur d'Académie à Tulle et
de là vint à la Roche où il fut de 1866 à 1879, le chef aimé et respecté
du personnel enseignant.
M. Chanson était chevalier de la Légion d'honneur et officier de l'Ins-
truction publique. Son fils, général d'artillerie distingué, vient d'être
nommé au commandement de l'artillerie du 14e corps, à Grenoble.
Le R. P. HILAIRE BAUDRY, dominicain du couvent de Nancy,
ancien vicaire de Chavagnes-en-Paillers, décédé le 28 décembre à
l'âge de 61 ans.
« C'est une étoile discrète qui disparaît de notre ciel vendéen, dit
à ce propos l'abbé Chatry, dans la Semaine catholique du 28 janvier
1899. Je suis sûr que son culte ardent de la grande famille domi-
nicaine dont il a chanté les plus belles gloires en des sonnets remar-
quables,qui rappellent par la facture la manière de José de Hérédia,
ne l'a jamais empêché d'aimer son Chantonnay qui fut son berceau,
et nos séminaires qui furent ses écoles. »
Il laisse deux légers volumes de poésies très graves — Lilia Rosse
et Paucameis dont la recherche du fond et de la forme place leur
auteur bien au-dessus de la moyenne de nos faiseurs de vers.
M. ARMAND LENOIR, ancien maire de Saint-Jean-de-Monts,
décédé le 27 décembre 1898,
M. Boux de Casson, conseiller général, a prononcé à ses obsèques
un discours ému. (V. YEtoile de la Vendée du 10 janvier 1899).
M l'abbé CLÉMENT GAUTIER, vicaire à Saint-Denis-La-Chevasse,
décédé le 8 janvier 1899, dans sa 30e année.
M. FRANfOIS-MARIE-JOSEPH-RICHER-PÏERRE DE SORBIER
DE POL'UNADORESSE, ancien sous-préfet, ancien directeur du Cour-
MICROLOGIE 143
rier delà Vienne, décédé en janvier à Givray, près Ligugé (Vienne),
dans sa 47e année.
Cette mort, si cruellement imprévue, met en deuil plusieurs fa-
milles amies de Vendée, et notamment les familles Gauly, Brisson,
Lemercier et Bonnin de Fraysseix, auxquelles nous offrons nos
plus vives condoléances.
M»° la comtesse DE FERRÉ DE PÉROUX, née E. DE SURINEAU,
décédée à Cannes, le 14 février 1899, à l'âge de 34 ans.
La comtesse DE FERRÉ DE PÉROUX, fille du marquis de Surineau
et de la défunte marquise, née de Mauvise de Villars, était très ré-
pandue dans les grands salons parisiens, où sa délicieuse voix et
son superbe talent de musicienne étaient fort appréciés.
Cette mort met en deuil les familles de Ferré de Péroux, de Suri-
neau, de Dalmas, de la Borderie, de Rodellec du Portzic, Decazes, de
Montardy, de Salvert, de Lange, d'Estrées, d'Illiers, des Jamonières,
de La Moricière, de Longueville, etc.
Ses obsèques ont eu lieu le 20 lévrier, dans l'église du Champ-
Saint-Père, en Vendée, en présence d'une nombreuse et sympa-
thique assistance.
M. GODIN, ancien instituteur, trésorier-adjoint de la Société de
Secours mutuels, décédé à Fontenay, le 26 février 1899.
Le R. P. J.-B. GILLOUARD, supérieur du noviciat des Eudistes à
Plancoët, ancien supérieur de l'Institution Richelieu, de Luçon, dé-
cédé à l'âge de 79 ans (février 1899).
M. ARTHUR DU CHÊNE, chevalier de la Légion d'honneur, an-
cien archiviste à la Roche-sur-Yon (de 1872 à 1874), décédé le 6 jan-
vier 1897 â Ghâteaugontier.
M. Arthur du Chêne laisse de nombreux travaux, parmi lesquels :
un feuilleton, Les Gars Vendéens, paru dans Y Union, en 1883, et
une étude encore inédite sur Les Origines de la Chouannerie dans le
pays de Segrê.
— M. THÉOPHILE CHEVALLEREAU, décédé le 15 mars à Fonte-
nay, à l'âge de 70 ans.
Nous adressons à son fils, notre distingué ami, M. le docteur
Chevallereau, l'expression nouvelle de nos douloureuses sympathies.
M. GUSTAVE HAMILTON, sous-intendant militaire à la Roche-
sur-Yon, décédé le 15 mars.
BIBLIOGRAPHIE
Un Régulus Vendéen. — M . l'abbé Charles Robert, de l'Ora-
toire de Rennes, vient de publier un ouvrage des plus re-
marquables et, nous pouvons dire, décisif sur l'expédition de
•Quiberon1.
C'est la première fois qu'un ouvrage sur l'expédition de Quiberon
présente impartialement les documents républicains et royalistes ;
c'est la première fois qu'on utilise, pour traiter cette question, les
archives françaises et anglaises. L'auteur a compulsé les riches dé-
pôts des archives des ministères de la guerre et de la marine, des
archives nationales, à Paris, des archives départementales du Mor-
bihan, etc. . . Il est allé à Londres dépouiller les papiers de Puisaye,
chef de l'expédition, déposés au British Muséum, et les archives na-
tionales anglaises du Record office.
De la publication de sa correspondance inédite, avec le ministère
anglais, le comte d'Artois (Charles X) sort vengé des calomnies dont
il a été jusqu'ici l'objet.
Au lecteur, simple curieux, ce livre offre un récit intéressant,
plein d'anecdotes ; l'érudit trouvera, en plus, dans les pièces justifi-
catives, très nombreuses et la plupart inédites, matière à asseoir,
d'une façon définitive, son opinion sur cet important épisode de la
Révolution .
Au point de vue vendéen, l'ouvrage de M. l'abbé Robert offre un
intérêt tout particulier, car il met en relief un trait fameux qui
avait été jusqu'à présent attribué à Gesril du Papeu et que la Ven-
dée peut revendiquer à son actif.
On sait qu'un émigré s'était jeté à la mer pour prévenir la frégate
anglaise The Lark (L'Alouette) de cesser son feu, qu'il était revenu
• La-mullb et Poisson, éditeurs, 14, rue de Baune, Paris. -- Expé-
dition des émigrés a Quiberon. Le comte d'Artois à l'île d'Yeu, d'après les
documents français et aoglais. — Responsabilité anglaise; responsabilité
royaliste; responsabilité républicaine, par Charles Robert, de l'Oratoire de
Kennes, préface de M. A. de la Borderie, de l'Institut. — Un volume in-8 de
400 pages, avec une vue et deux cartes. — Prix : 5 francs.
BIBLIOGRAPHIE 145
se rendre prisonnier, confiant dans la capitulation, et, qu'au mépris
de la parole donnée par Hoche, il fut fusillé.
Cet acte d'héroïsme doit être attribué à Guerry de Beauregard,
lieutenant de vaisseau, ainsi qu'il résulte des pièces suivantes :
Le 14 thermidor — 1er août, il comparât devant la première commission
d'Auray, présidée par Lalène de Laprade. Voici son interrogatoire, dont le
procès-verbal se trouve aux Archives départementales du Morbihan (L. 76'Z) :
« Gilbert Guéry, fils de Guéry et de Osmane Duchafaut, âgé de 30 ans,
« ex-noble, cy-devant chevalier de Malte depuis 1776... A lui demandé s'il
« était du rassemblement de Quiberon? A répondu oui, et a observé que
« c'est lui qui a été à bord d'une chaloupe et Va faite partir pour faire
« cesser le feu et a empêché beaucoup de personnes de s'embarquer et a signé.
« Gubrry. »
Son titre de chevalier de Malte fit ajourner son jugement ; car, d'après
une loi de 1790, les chevaliers de Malte étaient considérés comme étrangers.
Aussi, sous l'interrogatoire, a-t-on ajouté : € Ajourné le jugement. »
Puis, en marge : « Condamné à mort le 12 fructidor, 3e année républicaine. »
La partie de cet interrogatoire, qui nous intéresse, n'est pas très claire.
Le greffier improvisé, un soldat, a très mal rendu la déposition de Guerry.
Guerry de Beauregard avait-il pris une chaloupe pour aller faire cesser le
feu ? Ou bien était-il allé à bord d'une canonnière anglaise pour la faiie cesser
son feu? Nous pensons que c'est la dernière hypothèse qui est la vraie; car
il est constaté par divers témoignages que, à ce moment, il ne se trouvait
aucune chaloupe à la côte.
Guerry affirme donc que « c'est lui » qui a fait cesser le feu ; et il n'y a pas
de raison de mettre son témoignage en suspicion.
Voici d'ailleurs une attestation dont nous devons la communication à M. le
comte de Guerry de Beauregard,' petit-neveu du héros.
« Nous, soussignés, Charles Janvre de la Bouchetière, ancien officier de la
marine royale, actuellement capitaine de vaisseau en retraite, chevalier de
l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, et à l'époque du fait cy-devant cité
chef de la section de la légion des volontaires nobles de Béon, présent à
Quiberon lors delà désastreuse affaire du 21 juillet 1795;
« Et Louis-Armand-Auguste-Henri chevalier Dufay, chevalier de l'ordre
royal et militaire de Saint-Louis et de l'Ordre souverain de Saint-Jean de
Jérusalem, ancien officier au régiment de Çolonel-Général-Infanterie, et alors
sergent au régiment de Koyal-Emigrant-Artillerie, commandé par le comte
de Rotalier, aussi présent à Quiberon ;
« Attestons qu'au moment de la capitulation du fort, où étaient réunis
tous lts Corps émigrés acculés au boid de la mer, la frégate anglaise con-
tinuant son l'eu sur les colonnes républicaines, le général républicain ayant
exprimé que la capitulation ne pourrait tenir si cette frégate ne cessait son
feu, le chevalier Guerry de Beauregard (Gilbert- Alexis), lieutenant de vais-
TOME XII. — JANVIER, FEVRIER., MARS 10
1 if> BIBLIOGRAPHIE
s '.\u (et non tout autre), servant alors dans le régiment d'Hector, composé
de tous les anciens officiers de marine, s'ofirit pour aller à la nage prévenir
le cominan lant de la frégate (lord Warren) qu'on aviit capitulé et qu'il ne
devait plus tirer, le général républicain l'interpella et lui dit: « Mais revien-
« droz-vous ? — Je vous en donne ma parole, répondit M. de Guerry. — En
ce cas, allez! » répondit le général.
€ Alors M. de Guerry se jeta à la nagé, se rendit à bord de la frégate an-
glaise, fit connaître la capitulation, et l'amiral fit cesser le feu à l'instant ;
sa mission remplie, malgré ljs instmces des officiers anglais et de quelques
compagnons d'infortune qui s'étaient échappés, esclave de sa parole,
M. de Guerry se jeta à la mer, retourna se réunir aux ma'heureux prison-
niers, et sans que cette action si noble fût appréciée p^r le général républi-
cain, il fut confondu parmi les victimes et fusillé comme elles.
< Duquel fait les soussignés ont pleine et'entière connaissance.
« En foi de quoi, ils ont délivré le présent, à Niort, département des Deux-
Sèvres, le 2 décembre 1829.
{Signé) :
« Le chevalier du Fay,
« C. Janvre de la BouchetiÈre.
Cachet de la
I préfecture des j
\ Deux-Sèvres /
« Vu pour la légalisation de la signature de Messieurs le chevalier du Fay
et Janvre de la Bouchetière, par nous, préfet des Deux-Sèvres.
{Signé. : « Cts A. de Beaumont. t
Les Mémoires de Mercier du Rocher. — Une revue de Paris,
dirigée par un bibliothécaire à l'Arsenal, avait commencé, dans
sa livraison de janvier, la publication des Mémoires de Mercier
du Rocher relatifs à la guerre de Vendée. — A la protestation de
M. Ernest Brisson, petit-fils de Mercier du Rocher et possesseur de
ses Mémoires, le Directeur répondit que la copie des Mémoires étant
à la disposition du public, à la bibliothèque de Nantes, il se croyait
en droit d'en faire la reproduction. Mais sur une injonction judi-
ciaire, il a cessé la publication commencée' .
M. Brisson a fait, d'autre part, signification au bibliothécaire de
Nantes d'avoir à suspendre toute communication au public des Mé-
moires de son grand-père.
Nous apprenons, au mouient de mettre sous presse, que les Mémoires
et irs — c'est le titre de la Revue en cause, — ayant repris la publi-
tion, un instant interrompu», des Mémoires de Mercier du Hocher, M. Er-
t Lri.sson lui intente un procès. Nous ne manquerons pas de tenir nos
lecteurs au courant de ce différend, tout à la fois historique et judiciaire.
si intéressant à plus d'un titre.
U-H7
DETAILS DE LA PIECE
m ac cu-l.JlS.sb.ka.
Oit ftovht6rtwS?c
MArs-lt;. Jt-A-NlMiL reyell • .■
Mllil.IOCHAPIIIE 147
En prenant ces mesures d'interdiction, M. Brisson n'a point l'in-
tention de dérober à l'histoire les importants documents que peuvent
contenir les Mémoires de son aïeul. Il a prouvé le contraire par l'o-
bligeance avec laquelle il a mis ses papiers d'un si haut intérêt, à la
disposition des érudits,-?ntr'autres de M. le marquis d'Elbée et de
M. Chassin pour son ouvrage sur les Guerres de Vendée. —Mais
il entend que ces Mémoires ne soient encore utilisés que par ex-
traits et avec certaine mesure, ne voulant pas, par de délicats mo-
tifs de convenances, ou par égard pour d'anciennes et amicales re-
lations, que l'on y puisse emprunter des passages qui pourraient
atteindre des souvenirs qu'il respecte, ou blesser des personnes qui
sont en droit de compter sur son affection.
M. Brisson a voulu seulement maintenir son droit de propriété ;
et il se réserve de choisir lui-même le moment où il croira possible
de publier, dans leur ensemble, ces Mémoires si précieux pour l'étude
des événements qui se sont produits dans l Ouest, à la fin de l'autre
siècle. — A. B.
En attendant l'heure de cette intégrale publication, M. Ernest
Brisson a bien voulu nous promettre d'y puiser lui-même pour la
Revue du Bas-Poitou de précieux et inédits documents.
L'Œuvre de M. 0. de Rochebrune. — M. Clouzot, imprimeur-édi-
teur, vient d'achever l'impression des quatre premières feuilles du
Catalogue descriptif et raisonné de l'Œuvre gravé de M. 0. de Ro-
chebrune.
Ce catalogue comprendra environ 20 feuilles in-4° (format de Poi-
tou et Vendée) Il sera précédé d'un titre gravé et accompagné de deux
autres eaux- fortes ; une vue du Château de Terre-Neuve et le por-
trait de M. 0. de Rochebrune par Masson.
Un roman Vendéen. — Notre ami, M. René Bazin, vient d'ajouter à
la collection si justement appréciée de ses œuvres un nouveau et,
délicieux volume, la Terre qui meurt, roman d'actualité, et dont la
scène se passe au sein du marais occidental de la Vendée. Notre
excellent collaborateur Auguste Barrau en donnera dans le prochain
numéro de la Revue un fidèle compte-rendu, que nous espérons
pouvoir illustrer, à l'aide de quelques jolis dessins dus au crayon du
sympathique artiste Soullandais, Miloendeau.
Le dernier mot d'un Documentaire. —Noire excellent ami II. Ba-
guenier Desormeaux clôt dans le Mercure Poitevin, de février 1899
ses très sagaces réflexions sur les Légendaires et Documentaires par
cette conclusion à laquelle souscriront tous les esprits droits, tous
les historiens vraiment dignes de ce nom :
148 BIBLIOGRAPHIE
« I> histoire de la Vendée ne doit plus être un champ clos où l'on
échange des coups, où la passion domine. Ce champ est assez vaste
pour suffire à toutes les activités -, il ne doit plus s'y rencontrer que
des hommes impartiaux, soucieux de leurs idées, sans doute, mais
avant tout amoureux de la Vérité quelle qu'elle soit. Fût-elle défa-
vorable à nos sentiments les plus chers, nous devrions la proclamer
et nous incliner devant elle, car la Vérité est le but unique vers
lequel nous devons marcher; le reste n'est qu'accessoire. .Te ne
ferai pas au Légendaire l'injure de supposer qu'il puisse penser
différemment. . . »
Les d'Aubigné a Maillezais et a Maillé. — M. H. Gelin, poursui-
vant dans le Mercure Poitevin, sa curieuse étude critique sur
Françoise d'Aubigné. rappelle que son père Agrippa portait le titre
de gouverneur du château et de l'île de Maillezais, dont l'abbaye,
déjà à moitié démantelée, lui servait de résidence en quelque sorte
officielle.
« De 1610 à 1615, dit M. Gelin, il habite plus souvent Maillezais,
qu'il délaisse à son tour pour Maillé, bourgade perdue à une lieue et
demie plus avant dans l'inextricable réseau de fossés et de canaux
du marais poitevin, là même où l'imprimeur Jean Moussât, de Niort,
conduisit par eau ses presses et son matériel typographique, afin
d'imprimer les Tragiques, l'Histoire Universelle et le baron de Fa-
naste. Ces trois œuvres, et sans doute la Confession de Sancy, pu-
bliée seulement un siècle plus tard, avaient été conçues et écrites
ou parachevées dans les vingt-cinq années qui vont de 1590 à 1615.
C'est donc à Mursay et à Maillezais, à Mursay surtout,~semble-t-il,
sur les bords paisibles de la Sèvre, que furent composées celles des
œuvres d'Agrippa que l'on peut appeler l'épopée, )' Histoire de la sa-
tire des Guerres de religion...
Fi.eurs de deuil. — Les poésies de notre regrettée collaboratrice,
Mme Claire Normand viennent de paraître sous ce titre « Fleurs de
Deuil », — précédées d'une exquise Préface de notre collaborateur
A. Honnin, que nous serons heureux de reproduire ici prochainement.
Cette publication toute intime, confiée aux presses de notre con-
frère H. Cormeau, n'a été tirée qu'à 50 expmplaires, que M. H. Nor-
mand a bien voulu réserver aux plus fidèles amis de la défunte.
Pro domo. — M. Constant Roy, agrégé de l'Université, professeur
au lycée de Poitiers, signalant dans la Revue encyclopédique le mou-
vement régionaliste en Poitou, mentionne comme lui servant d'or-
ganes : Le Pays poitevin, de Ligugé et le Mercure poitevin, de Niort.
BIBLIOGRAPHIE 1 i'1
Certes, l'œuvre entreprise par ces deux récentes publications ne
pouvait être confiée à des mains plus sympathiques, ni plus lia-
biles. Mais la vérité ne saurait pour cela y perdre ses droits, et nous
nous étonnons que M. Roy, qui faisait, il y a peu, appel à notre
collaboration pour son prochain drame de Mêlusine, ait, à ce point,
oublié la campagne de décentralisation littéraire et artistique que la
Revuedu Bas-Poitou poursuit ici depuis douze années.
Le Cinquantenaire du Journal des Sables. — A l'occasion de son
cinquantenaire,le Journal des Sables trace ainsi son auto-biographie :
» Fondé en 18*8. par M. Lambrrt, beau-père de l'.iimab'e propriétaire
actuel M. Tardé, le Journal des Sables, parut dans un format minuscule,
grand tout au plus commeuno feuille de papier commercial.
Il se vendait 30 centimes alors, deux sous de plus que le Figaro de nos
jours ! !
En prenant de l'âge le Journal des Sables croissait en science, en sagesse
et. ... en taille, puisque en 1894, il se plaçait, comme format, au rang des
grands journaux locaux.
Organe purement local, et d'où toute politique était heureusement bannie,
le Journal des Sables ne s'en assurait pas moins le concours d'écrivains de
talent tels que : le Dr Petiteau, véritable puits de science, en môme temps
que figure bien sablaise ; Colins, écrivain au goût délicat et sûr, dont nos
concitoyens apprécient justemeut les œuvres ; Loïc Trémor, pseudonyme
d'une femme poète et chansonnier, à laquelle on doit la première poésie sur
Daniel Fricaud ; FrémondiÈre, journaliste de race, aussi productif que ta-
lentueux, et pour clore la série : Gaston d'Ornoy, qui pendant de longues
années, assura au journal une collaboration ausii sage qu'éclairée : chacun
se rappelle encore ses Lettres Parisiennes, toutes marquées au coin du bon
sens, et d'une tournure si originale... »
Nous souhaitons de tout cœur à notre confrère de célébrer de
même un jour et non moins brillamment ses noces d'or.
Autour de Fontenay. — M. L. Brochet continue à publier sous ce
titre dans Y Avenir-Indicateur , en citant peut-être insuffisam-
ment les sources de son érudition, d'intéressantes monographies
sur les localités voisines. Mentionnons plus particulièrement celles
de Saint-Hilaire-des-Loges, de VHermenaidt, de Saint-Martin de
Fraigneau, de Fontaines, de Sèrigné et de Sainte-Hermine parues
de décembre à mars.
Une nouvelle histoire de Richelieu. — M. Edouard Hervé, l'é-
minent académicien, fondateur du Soleil, qui était devenu vendéen,
par sa récente acquisition du domaine des Thibaudières, près
Saint-Fulgent. a succombé, dans la nuit du 4 au 5 janvier, en son
150 BIBLIOGRAPHIE
hôtel de la rue de Lisbonne à Paris, aux sentes de violents troubles
cardiaques.
M. Hervé, dont tous les journaux ont rappelé la brillante car-
rière littéraire, laisse deux ouvrages à peu près achevés, dont l'un,
dit-on. sur le Cardinal de Richelieu.
Pages de Chouannerie. — A L'aide de documents nouveaux, que
l'auteur s'est procurés, sur les lieux même du Jrame, M. G. Le Nôtre
vient d'achever l'histoire mal connue de la Conjuration bretonne et
de son chef le marquis de la Rouerie.
Ce curieux volume (in-8°, orné d'un portrait en héliogravure et
de deux planches hors texte, prix : 7 fr. 50), a paru chez Perrin et
Cie, éditeur, quai des Grands-Augustins, Paris.
— Signalons de même l'apparition récente d'une très importante
étude de M. Charles Robert, de l'Oratoire de Rennes, sur ['Expédi-
tion des émigrés à Quiberon et le comte d'Artois à l'Ile-d'Yeu (1795),
d'après des documents inédits des Archives de Paris et de Londres,
et dont il a déjà été parlé plus haut.
(En vente chez Lamulle et Poisson, 14, rue de Beaume, Paris),
— Sous ce titre : La Vendée catholique jugée par les Protestants,
la Vérité du 31 décembre 189S a publié un remarquable article signé
L. H., et où l'auteur — un des plus appréciés collaborateurs et amis
de la Revue — venge éloquemment la Vendée de 1793 des odieuses
accusations à l'aide desquelles on a essayé récemment encore de
flétrir son héroïsme du haut de la tribune française.
— Sous ce sobre titre : Scènes artistiques, une pieuse main a
réuni en une élégante plaquette (Niort, Clouzot), les jolies — mais
trop raies — poésies laissées par notre jeune et distingué collabo-
rateur et ami Alfred Rousse.
Nous avons relu avec un infini plaisir ces charmantes strophes,
échos attardés d'une délicate lyre trop tôt brisée, et dont nous
avions eu dans le temps la bonne fortune d'offrir — pour quelques-
unes, du moins — la primeur aux lecteurs de la Revue.
— De notre éminent compatriote, M. Edmond Biré : Un puge de
Louis XVI (Gazelle de France du 12 décembre 1898) ; Histoire d'un
dogme (n° du 9 janvier 1899) ; D'un vieux livre imprimé par Balzac
(n° du 16) ; L'Eglise d'Angers pendant la Révolution (n° du 30) ; —
L'abbé Morellet et sa correspondance (Univers et Monde, du 13 dé-
cembre) ; Science et Religion id. du 26-27) ; Jules II et la Renais-
sance (n° du 24 janvier 1899).
— Outre le très précieux volume des Artistes nantais du Moyen-
A'i^ <i (u Révolution, dont nous parlons plus haut, notre collabora-
biblioorapiiih; 151
teur et ami, M. le marquis de Surgères a fait paraître plusieurs
brochures qui méritent d'être signalées à l'attention des érudits :
Le G Rouge de la Gazette (31 décembre 1683), in-8° de 6 p. Paris,
Techener, 1808; — A propos de Chateaubriand. Notes bibliogra-
phiques sur son Pamphlet de la Monarchie selon la Charte (in-8° de
12 p. Paris, Techener, 1898: ; — Notes sur les anciens imprimeurs
nantais (XVIe à XVIIIe siècle), in-8° de 43 p. Paris, Techener, 1898; ;
— La Cathédrale de Nantes, documenh inédits (in-8° de 17 p Nantes,
1898).
— M. Jean Philippe, le délicat écrivain niortais, a fait paraitre
dans le Mercure Poitevin, et réuni en une élégante brochure (Niort,
bureaux du Mercure 1899), son joli drame breton Yvonne, repré-
senté pour la première fois au théâtre du Manège, de Niort, le 14
janvier 1897.
Ce coquet livret est accompagné de la charmante Chanson
d'Yvonne, sur un vieil air breton, paroles de M. Jean Philippe et
musique de M. Emile Paloumet.
— M. l'abbé H. Boutin, l'aimable et érudit rédacteur des Archives
du diocèse de Luçon, continuant la si intéressante publication
des Chroniques paroissiales a commencé celle de St-Malo-du-Bois.
— Sous le titre : Silhouettes parisiennes, Nos Docteurs, M. Raoul
d'Artois a consacré dans le National un article justement élogieux
à notre très distingué compatriote, M. le docteur Amand Ghevalle-
reau, médecin d9 l'hôpital des Quinze-Vingt
— M. Paul Frappier a communiqué à la Bévue des Traditions po-
pulaires (décembre 1898) par le canal de M. Léo Desaivre, un ma-
nuscrit attribué au marquis de la Bocière : trois légendes vendéennes
écrites dans un style d'un romantisme échevelé.
— Me1 Catteau, évèque de Luçon, a pris cette année pour sujet de
sa lettre pastorale de Carême La Confiance en Dieu.
— De notre jeune et distingué compatriote M. Camille Genty, une
jolie pièce de vers 1899, dans la Semaine catholique de Luçon du
31 décembre 1898 :
Sèche le sol fangeux pour le pied des colombes;
Fais un mon le moderne habitable aux grands cœirs;
Donne, compatissant, beaucoup de jours vainqueurs,
Plus d'êtres aux berceaux et moins de corps aux tombes I
— Notre collaborateur et ami Gustave Guitton publie dans le Mes-
sager de la Vendée, de la Roche-sur Yon, un curieux historique des
Mois de l'année.
152 BIBLIOGRAPHIE
— Extrait de la curieuse brochure Envois d'auteurs, que vient de
publier notre collaborateur et ami M. Paul Eudel : « Sur la première
page des Troglodytes de la Gartempe, on lit :
A M. Paul Eudel, à l'èrudit collectionneur, souvenir de sa visite
au château de la Court,
Octave de Rochebrune. »
— De M. René Vallette : Chronique de Vendée. — A propos de la
mort d'Edouard Hervé. — Sa maison des Champs de Saint-Ful-
gent. — Gloires locales. — Le sculpteur Bousseau. — Le poète de
Chevignè, et le peintre Amaury Duval. ( Vendéen de Paris, du 1er mars
1899).
— Sous ce titre : Le théâtre à Saumur au XVIIIe siècle, M. René
Vallette a également publié dans la Revue Poitevine et Saumuroise
(nu de lévrier 1899), une lettre de M. de Nouville, directeur des
spectacles de Versailles, Rouen, etc., à M. Cailleau, ingénieur des
Ponts-et-Chaussées, alors (1788) maire de Saumur, et aïeul maternel
de MM. de Béjarry de la Grignonniére.
— M. Chaux, inspecteur primaire, a fait paraître une intéres-
sante notice sur le département de la Vendée, accompagnée d'une
jolie carte en couleurs (Garnier frères, 6, rue des Saints-Pères,
Paris. Prix : 0 fr. 50).
Nouveaux périodiques. — Nos meilleurs souhaits de bienvenue
au nouveau journal littéraire et politique que nos amis MM. A. Biré
et Paul le Roux viennent de fonder à Luçon, sous ce titre : l'Indé-
pendant vendéen.
L'Indépendant parait chaque samedi et est imprimé par M. Bi-
deaux. Son premier n° porte la date du 7 janvier 1899.
— Nous souhaitons une égale bienvenue à VEcho de Saint-Filbert
de Noirmoutier, dont le premier numéro, paru avec la date du
1er janvier 1899, contient les débuts de Y Histoire religieuse de
Noirmoutier.
VEcho parait deux fois par mois. (Prix de l'abonnement : 2 fr. 50
par an : bureaux : à la cure de Noirmoutier).
Mentionnons à ce propos l'existence de deux autres publications
paroissiales vendéennes de création également récente :
La Croix de l'Ile -d'Yeu, qui parait aussi tous les quinze jours, et
le Pain bénit, de Tiftauges, qui parait toutes les semaines.
— Nous croyons être utile à ceux de nos lecteurs qui s'occupent
d'études sociales en signalant à leur attention la Revue le XXe siècle
qui aborde, avec l'année 1899 1a dixième année de son existence.
iParis, Poussielgue).
bibliographie: 153
Parmi les nombreux et distingués collaborateurs, nous sommes
heureux de retrouver notre ancien camarade d'école et ami, Henri
Savatler, de Poitiers, un écrivain d'avant garde, très versé dans les
importantes questions de sociologie chrétienne.
— Vient enfin de paraître le premier numéro des Etudes francis-
caines', revue mensuelle, publiée par des religieux de l'ordre des
Frères Mineurs Capucins, en tête desquels nous ne sommes passur-
pris de trouver l'aimable et savant P. Ladislas, l'ancien gardien du
couvent des Capucins de Fontenay. Ce dernier doit notamment y
publier un travail de haut intérêt, sur les Capucins et le massacre
des Guises.
Revue des Revues. — A lire dans la Revue historique de V Ouest,
de janvier 1899 : La Vénerie Royale de Robert de Salnove, fils d'un
sénéchal de la baronnie de Luçon au XVIIe siècle.
— Notre distingué compatriote, le R. P. Méchineau a publié dans
les Etudes de la Compagnie de Jésus (février 1879), un savant tra-
vail sur le Texte hébreux de l'Ecclésiastique et la Critique sacrée.
— Du Pays Poitevin, de décembre 1898 : Les Veneurs Poitevins,
Jacques du Fouilloux, etc.. par le comte de Chabot ; —Légendes et su-
perstitions : l'Ame en peine, par C Puichaud ; la Ronde du déserteur,
par A. Gaud.
Dans le numéro de janvier 1899 du même périodique, une étude de
M. Jean Maingueneau sur l'Abbaye Saint-Pierre de Maillezais, et une
notice de J.-K. Huysmans sur Gilles de Rais. Ces pages sont accom-
pagnées d'illustrations extraites des Paysages et Monuments du Poi-
tou de M. J. Robuchon.
— A signaler également dans le Mercure Poitevin, du 9 mars : un
article de notre ami H. Clouzot sur les Mémoires de Mercier du Ro-
cher, qui tiennent décidément le, record de l'actualité.
— A lire dans l'Ouest artistique et littéraire, du 15 janvier 1899 :
l' Explorateur vendéen Eugène Robuchon (récit de son ascension au
volcan « San Pedro », dans l'Amérique du Sud).
- De l'Estampe de notre ami Chincholle (n° du 12 mars 1899),
sous le titre Les éphèmèrides de la gravure :
<• 22 janvier 1883. — M. 0. de Rochebrune publie la Porte Saint-
Georges de Nancy, une planche d'autant plus intéressante qu'elle a
aidé à sauver cette porte que la municipalité voulait alors détruire.
— M. l'abbé F. Deniau a donné dans la Revue des Facultés catho-
liques de l'Ouest, N° de décembre 1898) un récit détaillé de làfameuse
1 Paris, II, rue d'Assas. 12 fr. par an.
TOME XII. —JANVIER, FÉVRIER, MARS. il
15i BIBLIOGRAPHIE
bataille de Torfou, 19 septembre 1793 (Ext. de V Histoire de la Vendêer
dont il prépare la 2e édition, avec le R. P. Dom Chamard. abbé de
Ligugé).
Dans le même fascicule, notre ami M. Baguenier Desormeaux
poursuit avec un zèle infatigable ses recherches sur la Vendée An-
gevine, en étudiant Les Suspects.
— De M. C. Leroux-Cesbron. dans la Nouvelle Revue rétrospective
N" de septembre 97) : Correspondance des représentants enmission
a l'armée de l'Ouest, 1794-95).
— Dans le Supplément littéraire de Noël de la Revue de L'Ouest,
un Episode des Guerres de Vendée, par C. Puichaud, et En Vouvent,
par René Yallette.
BouyuiNERiE Vendéenne. — Extrait de la Revue des Autographes,
de M. Eug. Charavay 34, rue du Faubourg Poissonnière), n° de jan-
vier 1899 :
Hèdouvilh (G.-M.-Th.-Jos., comte de), célèbre général en chef,
pacificateur de ia Vendée, né à Laon en 1755, mort en 1825. — L. a .
s. au capitaine Le Cat -, quartier général de Rennes, 5 prairial an
IV, 1/2 p. in-4, tête impr. 8 fr.
Belle lettre où il parle du général Hoche.
lievellière- Lèpeaux (L.-M. de la), célèbre conventionnel et Direc-
teur, surnommé le Pape des Thèophilanthropes, né à Montaigu
(Vendée) en 1753, mort en 1824. — L. a. s. au docteur Bastard ( e
célèbre botaniste); Paris, 5 avril 1818, 1 p. 1/2 in-8. Très jolie
lettre. 20 fr.
N° de mars :
Baudry (Paul), le célèbre peintre. — Pièce aut. sig., 1 p. in-18. 5 fr.
Revellière-Lèpeaur (L.-M. de la), constituant et conventionnel,
membre du Directoire, surnommé le Pape des Thèophilanthropes, né
à Montaigu (Vendée;, en 1753, mort en 1824. — L. a. s. à M. Johan-
neau, secrétaire perpétuel de l'Académie celtique, 6 juillet 1809;.
1 2 p. in-8. Jolie lettre. 10 fr.
— Du Catalogue (février-mars 1899) de la librairie ancienne Randon
(16, rue des Martyrs, Paris) :
Bertereau. La Restitution de Pluton, à Monseigneur l'éminentis-
sime Cardinal duc de Richelieu : des mines ou minières de France,
cachées et détenues jusques à présent au ventre de la terre, par le
moyen desquelles le* Finances de Sa Majesté seront beaucoup plus
grandes que celles de tous les Princes chrestiens. . . par Martine de
Bertereau, dame et barone de Beausoleil et d'Auffeinbach. Paris,
Hervé du Mesnil, 1640, in-8, de 8 ff. prél. et 175 pages, pi. veau f. tr.
dor. (Rel. anc). 25 fr.
BIBLIOGRAPHIE 155
— Du Bulletin d'Autographes (janvier 1899), de M. Npôl Charavay,
::, rue Furstenberg, Paris :
Belliard (Augustin, comte;, célèbre général des guerres de la
kt'publique et de l'Empire, né à Fontenay-le-Comte. — L. a. s. à .1.
l'ourier ; Kéné (Haute-Egypte*, 18 vendémiaire an VIII (9 octobre
1799), 1 p. in-4. lu (p.
Il lui annonce l'envoi de diverses choses contenues dans la Gazette
de Francfort, dont la lecture intéressera la Commission. • Je ne
sais rien du Caire. . . le général Desaix est à la poursuite de Murât
bey. »
— Nous recevons de M. Louis Marchesseau, ancien attaché au
Parquet du procureur général de Poitiers, nouvellement inscrit au
tableau de l'ordre des avocats près le tribunal de Fontenay, le texte
imprimé ^Poitiers, Biais et Roy, 1899, in-8° de 24 p.) de l'éloquent
discours qu'il prononça à la séance solennelle de l'ouverture de la
conférence des avocats stagiaires de Poitiers, le 14 janvier dernier,
sous ce titre Essai sur l'histoire des lois sompluaires.
— M. l'abbé F. Charpentier vient de publier « au profit d'un Car-
mel pauvre «, d'éloquentes et gracieuses pages sur La Carmélite, sa
mission apostolique, sociale et patriotique (abbaye de Lérins-Ber-
nard 1899, in-8° de 60 p.).
— De M. l'abbé F. Uzureau : L'Ancienne Université d'Angers, in-8°
de 22 p. Angers, Lachèse 1899 (Ext. de la Revue des Facultés catho-
liques de l'Ouest). Du même : ['Enquête scolaire de l'an IX, dans le
département de Maine-et-Loire et les arrondissements de Château-
gontier et de la Flèch? (in-8° de 21 p. Angers, Lachèse et C19. Ext. des
Mémoires de la Société Nationale d'agriculture.)
— Enfin, l'envolée ordinaire des Almanachs locaux, parmi lesquels
nous mentionnons particulièrement : L'Almanach général du dépar-
tement de la Vendée pour l'année i899, suivi d'un Guide historique
et archéologique de la Vendée, revu et augmenté — et le triple Alma-
nach de Mathieu de la Drôme, < indicateur du temps pour 1899,
dont le correspondant « observateur » en Vendée est M. Jean Bon-
net, de Lairoux.
— Notre vaillant confrère Le Courrier Littéraire de L'Ouest, 37,
Place des Capucins, Niort, vient de créer une Bibliothèque qui, n'é-
ditant que des œuvres absolument morales, est appelée au plus
grand succès.
Le premier volume de cette Bibliothèque vient de paraitre. Il
comprend Une bonne Action et Le Retour d'Yvon, deux actes en vers
de M. Paul Ensel, le sympathique Rédacteur en chef du Courrier,
156 BIBLIOGRAPHIE
Ces deux pièces ont obtenu sur les scènes niortaises un franc succès.
C'est tout dire. Elles sont précédées d'une intéressante préface de
M. .Iules Chopin et ornées de gravures.
Bravo à notre confrère pour son heureuse tentative de décen-
tralisation.
K. i>e Thiverçay.
P. -S. — Malgré l'augmentation cependant considérable du chillre
des pages de ce fascicule (156 au lieu de 96), nous sommes contraint
par l'abondance des matières de renvoyer au numéro suivant la
suite annoncée de l'Histoire du Drapeau de la Grande-Guerre et de
la Terre abandonnée . Nos collaborateurs et abonnés voudront bien
ne pas nous en vouloir. R. de Th.
Le Direcleur-Gèrant : H. YALLETTE.
Vannes. — Imprimerie I.AFOLVK, ?. place des Lices.
M'494
epitdu TftotTyuu 4' HaramÇurc
'ii h ))
t /
LEPEE XVIe SIECLE
DU
MARQUIS D'HARAMBURE
Mon cher Directeur,
Je vous ai déjà fait faire deux excursions hors des limites
du Bas-Poitou, la première à l'antique donjon de la Roche-
Pozay, la seconde aux si intéressants débris du temple
gallo-romain d'Yzeures. Aujourd'hui, si vous le voulez bien,
nous allons en suivant les vallées si pittoresques de la Creuse
nous arrêter au château d'Harambure où la famille de ce
nom conserve religieusement une magnifique épée donnée
à un ancêtre par le roi Henri IV.
« Dans les Archives historiques et généalogiques de la no-
blesse française publiées par Laine en 1828, on trouve aux
pages 4 et 6 des détails très intéressants sur Jean d'Haram-
bure qui fut dans son enfance le compagnon du Béarnais :
c'est ce même Jean d'Harambure qui, d'après des Mémoires
de famille, sauva la vie du roi sur la chaussée d'Aumale près
la ville de Rouen que voulait secourir le duc de Parme, et
c'est à cette occasion que le roi lui donna une épée à poignée
d'argent ciselée, et damasquinée d'or d'un très beau
travail. »*
i La maison d'Harambure, d'origine chevaleresque, était fixée dans la
basse Navarre. Un de leurs ancêtres combattit contre les Maures en 1227 le
jour de Saint-André et contribua par son courage à remporter une victoire
insigne sur ces guerriers infidèles. (Voyez Laine, page 2).
TOME XII. — AVRIL, MAI, JUIN. 12
158 l'épée xvr siècle
Cette arme, dont Laine ne dit que quelques mots, mérite une
description détaillée, car la dimension très réduite que le
format de votre Revue imposait à ma gravure ne permet guère
à l'œil d'en saisir tous les détails, si la plume ne venait en
aide au burin.
Ainsi que Laine l'indique dans sa courte notice, la poignée
de l'épée est en argent massif damasquiné d'or ; le pommeau
de 45 mill. de hauteur sur 95 mill. de largeur (voir I et H), est
formé de quatre tritons dont les queues de poisson, tantôt
ondées, tantôt recouvertes d'écaillés, s'enlacent à la base du
pommeau. Ces tritons très échevelés et à longues barbes
tiennent dans leurs mains des écussons entourés d'un car-
touche, des poissons, des conques, ou des plantes marines.
La fusée, de 70 mill. de longueur sur 24 mill. dans son plus
grand renflement, est également décorée de quatre tritons
aussi barbus et échevelés que ceux du pommeau ; ils
semblent soutenir ce pommeau de leur bras gauche élevé au-
dessus de leur tête, tandis que le droit s'appuie sur la hanche
du triton voisin. Leurs queues en s'enlaçant offrent à l'œil
des entrelacs du plus gracieux effet.
Les parties lisses entre ces figures sont garnies de menues
tiges à feuillettes lancéolées s'enroulant avec une finesse et
un goût exquis.
Les quillons, qui offrent une longueur totale de 145 mill.,
sont également composés de deux tritons dont les mains sont
liée» derrière le dos ; leurs queues enlacées avec art au
sommet du talon de la lame donnent à cette partie de la
poignée appelée l'écusson une forme trilobée. Toutes ces
ligures sont remarquablement modelées, d'une superbe allure
et du plus beau style, une brillante et épaisse dorure recouvre
les cheveux et la barbe, la ceinture, les queues des tritons
ainsi que les minuscules entrelacs des fonds. Les visages, les
bras, et les torses nus de ces figurines restent seuls d'argent
poli. La laine a pointe recoupée très uiguè u 81 cent, de Ion-
Bur sur 28 mill. du largeur au lalon, où se trouve recreusée
DU MARQUIS DHARAMBURE L59
une gorge d'évidement où se lit cette inscription poinçonnée
des deux côtés. .. hans. . . iiosen. . glo ri a. .. (gloire à hans
hosen). Les tranchants de la lame sont légèrement évidés et
très coupants. Le tiers de cette lame à partir de la poignée a
été trempé à bleu, puis fortement doré au feu après que
l'artiste fournisseur y a eu ciselé et gravé les délicates ara-
besques, légendes, noms de fabricants, lieux et date de la fa-
brication, qui donnent un si grand intérêt à cette lame. A
45 mill. du talon commence une délicieuse niellure de 65 mill.
de long, puis vient un espace lisse, où se lit cette légende
poinçonnée de chaque côté en travers de l'épée (voir A et F) :
soli UEO gloria. fides ei viviu\(gloire à Dieu seul, foi vive en
lui) ; puis vient une niellure de 72 mill. comprenant un écus-
son ovale où l'on voit sur la gauche deux croix pattées et sur
la droite un semis de fleurs de lis, le tout surmonté d'une
couronne royale. Dans l'orle de l'ovale, on lit cette devise
(voir en B et E de la planche) viritvs. fvneri. svpertes 16311.
(Le courage domine la mort). Au revers, mêmes armoiries et
ornementation, mais la précieuse légende nous livre le nom
de l'armurier et le lieu de fabrication Iannes. wvndes. M. fe-
git. Solg. {Jean Wundes m'a faite à Solinguen). Puis vient la
dernière niellure en forme de cul de lampe qui termine cette
si riche et si artistique damasquinure qu'on croirait emprun-
tée aux plus délicats fers à reliure des belles époques du
XVI8 siècle. Le reste de la lame, d'un acier très fin, très élas-
tique, a toujours dû rester blanchie telle qu'on la voit
aujourd'hui.
l-a date de 1631 poinçonnée sur la lame semblerait devoir
détruire la légende dont nous parlons plus haut; mais en
examinant la rondelle d'argent ciselé et doré ornée de dau-
phins qui sertissait l'entrée de l'ancien fourreau il est facile
1 Viritus pour virtus. Supertes pour superest — ces erreurs de poinçon-
nages sont fréquentes sur les lames d'épées des XVI* XVII* et XVIIIe siècles,
les ouvriers chargés d'estamper ces légendes étant ou peu lettrés ou médio-
rement attentionnés.
160 l'kPÉE XVIe SIÈCLE DU MARQUIS D'HARAMBURE
de constater que cette gaîne entourait une lame bien plus
étroite et probablement plus longue que celle qui existe main-
tenant. Il a fallu y souder un anneau beaucoup plus large,
afin de permettre à l'épée actuelle de s'introduire dans ce
nouveau fourreau. La tradition confirmée par Laine conserve
donc à notre avis toute sa force, seulement la lame anté-
rieure à la mort de Henri IV et contemporaine des hauts faits
d'armes de Jean de Harambure n'existe plus et a été rempla-
cée par celle que nous y voyons aujourd'hui1.
1 C'est à la gracieuse obligeance de Mm° la marquise d'Harambure que nous
devons d'avoir pu mettre sous les yeux des lecteurs de la. Revue du Bas-
Poitou cette belle arme dont les spécimens sont si rares de nos jours, sur-
tout en pièces authentiques. On voit eacore dans sa curieuse demeure parmi
nombre d'objets intéressants un portrait d'Henri IV entant peint dans le
sentiment de Porbus.
Terre-Neuve, 21 mars 1899.
0. DE ROCHEBRUNE.
POURQUOI
UNE STATUE DE RICHELIEU
A LUCON ?
Un mouvement national est organisé en ce moment pour
élever une statue à Bossuet. Les souscriptions affluent
de toutes parts, et le grand orateur sacré aura bientôt un
monument digne de son génie. Ainsi sera réparée une de ces
injustices dont la France moderne se montre trop souvent
coutumière. Nous ne pouvons qu'applaudir à la généreuse
pensée qui préside à cette glorification tardive ; mais nous
sera-t-il permis de faire remarquer, avec le Correspondant ,
qu'un autre grand homme attend aussi sa statue ? Alors
que tant de gloires locales sont perpétuées par le marbre
et le bronze sur nos places publiques, nos contemporains
semblant avoir complètement oublié que Richelieu fut le
plus grand ministre de l'ancienne France. La statue de
Girardon et le beau tableau de Philippe de Ghampaigne ne
sont point en effet de ces hommages nationaux auxquels
un Richelieu eût été en droit de prétendre.
L'heure ne serait-elle pas venue de réparer cet oubli qui est
presque de l'ingratitude ? Sans vouloir écraser le pré-
sent par la comparaison du passé, il est permis d'affir-
162 POURQUOI
mer que notre pays aurait grandement besoin d'un Richelieu
pourdirigersapolitiqueextérieure.ences temps difficiles où la
bonne volonté ne suffit plus à tenir lieu de génie. Aussi la gloire
du ministre de Louis XIII n'a-t-elle jamais été moins contestée
qu'aujourd'hui. Les historiens, plus préoccupés de l'actualité
qu'on ne le croit, ont remis cette grande figure en lumière
et nous savons mieux, à l'heure présente, grâce aux travaux
du vicomte d'Avenel, de M. Hanotaux, et de l'abbé L. Lacroix,
les raisons si multiples que nous avons de l'admirer et aussi,
hélas ! de la regretter.
L'homme est de ceux qui ne perdent pas à ces investiga-
tions de la critique historique. Qu'il ait ses parties faibles,
nul ne le nie. L'ambition et l'intérêt personnel furent trop
souvent le mobile de ses actes. Courtisan adroit et souple, il
manqua parfois de hardiesse, en dépit de la légende con-
traire ; il eut peut-être le « cœur timide » ainsi que le lui re-
proche La Rochefoucauld. En outre, il ne sut pas pardonner
et sa justice prit souvent les apparences fâcheuses d'une
vengeance personnelle. Mais, en dehors même de son génie,
ce qui fait sa gloire, ce qui doit le rendre sacré aux Français du
XIX' siècle, c'est qu'il ne perdit jamais de vue l'intérêt de la
France. Ce fut pour accroître la puissance du pays et l'autorité
royale, —condition indispensable de la grandeur française, —
qu'il prodigua les adulations et les supplices. Flatter son.
maître et punir les nobles, il ne pouvait accomplir son œuvre
autrement. Il lui importa peu de se diminuer, pourvu qu'il
grandît sa patrie. Les contemporains ne s'y sont pas trompés,
quelques-uns du moins, et la postérité n'a pu qu'applaudir à
ce jugement du poète Voiture :« Lorsque, dans deux cents
ans, eux qui viendront après nous liront l'histoire du car-
dinal de Richelieu, s'ils ont quelque goutte de sang français
UNE STATUE DE RICHELIEU A T.UÇON ? i63
dans les veines et quelque amour pour la gloire de leur pays,
pourront-ils lire ces choses sans s'affectionner à lui. »
L'ouvrage de M. Hanotaux,1 dont deux volumes seulement
ont paru, nous donnera, on peut le prévoir, quelques motifs
nouveaux de « nous affectionner » au grand cardinal. Non
que l'historien ait subi cette sorte de fascination, à laquelle
échappent rarement les esprits les plus clairvoyants, et qui
empoche de voir les défauts et les faiblesses des grands
hommes qu'on a longtemps pratiqués. Rarement, au contraire,
la vérité fut moins dissimulée. M. Hanotaux, historien pru-
dent et sagace, n'entend pas s'en laisser imposer par son
personnage et il serait plutôt enclin à lui montrer quelque
sévérité. Il a donc retracé sans passion, avec une impar-
tialité louable, la vie de Richelieu depuis les années de début
jusqu'à la fin du premier ministère, et déjà il apparaît que
le héros ne perd point à être ainsi traité sans ménagements.
Nous le savions d'ailleurs, car l'auteur nous avait donné par
avance ses conclusions dans la préface de son premier volume:
« J'ai trouvé en Richelieu, disait-il, un génie abordable,
accessible, d'une psychologie plutôt simple et facile à déchif-
frer. En m'approchant, j'ai vu s'évanouir le spectre vêtu de
rouge qui passe au cinquième acte de Marion Delorme,\e
sphinx impassible et muet qu'évoque la page, d'ailleurs
admirable, de Michelet. J'ai vu un homme d'Etat français, au
sens pratique et positif, au coup d'œil froid et sûr, à la main
rude. Je l'ai rattaché, sans effort, à la série de nos grands
politiques, aux Philippe le Bel, aux Charles V, aux Louis XI,
aux hommes de la Révolution. »
Ce dernier mot peut étonner ; tout au moins aurait-il fallu
l'expliquer. Les deux seuls vrais politiques de la Révolution
furent Mirabeau et Danton; et, en admettant qu'ils n'aient
point méconnu les vraies traditions françaises, ce que le bel
ouvrage de M. Sorel sur YEurope et la Révolution fran-
çaise tend à démontrer, le temps et l'occasion leur man-
« Histoire du Cardinal de Richelieu. Paris, Didot.
164 POURQUOI
quérent pour appliquer leurs idées, et on ne peut savoir s'ils
auraient eu vraiment cette netteté dans la conception, cette
suite dans les desseins, ce génie essentiellement pratique qui
distinguent à un si haut point Richelieu. J'aurais donc voulu,
pour ma part, une phrase explicative qui précisât bien exac-
tement la pensée de l'écrivain.
Si Richelieu se rattache à la série des grands politiques,
M. Hanotaux va nous dire pourquoi, et, par la môme occa-
sion, dans une étude phychologique très fouillée, montrer les
qualités personnelles de l'homme d'Etat dont il retrace la car-
rière :
« Ce qui distingue Richelieu, c'est la clarté, la logique, la
mesure dans l'énergie ; il faut ajouter une souplesse, une
agilité merveilleuses
« Le costume, en lui, inquiète un peu la curiosité de l'his-
toire anecdoctique. Qu'y-a-t-il sous cette robe ? — Il y a
d'abord un prêtre, un vrai prêtre, croyant, comme toutlemonde
l'était en ce temps-là. Mais il y a surtout un homme d'action..
Il a voulu le pouvoir ; il a voulu le garder jusqu'à sa mort ;
une fois ministre, ses ambitions se confondant avec le bien
de l'Etat, il s'est consacré à une grande œuvre : l'achèvement
de l'unité française par l'établissement définitif de l'autorité
absolue du roi et par la ruine de la maison d'Espagne. Cet
homme n'a vécu que pour cela; mais il n'a pas vécu assez
longtemps pour voir Rocroi, pour signer la paix de West-
phalie ou la paix des Pyrénées. »'
La souplesse, (vice trop habituel des gens de cour), et cette
ambition de Richelieu, que M. Hanotaux met si bien en lu-
mière, n'empêchent que le ministre n'ait accompli, tenté tout
au moins, une grande œuvre. Les nobles réduits à l'obéis-
sance; le parti protestant ruiné ; l'acquisition consommée ou
préparée de trois riches provinces, Alsace, Artois, Roussillon ;
la frontière consolidée et la prépondérance de la France
1 Hanotaux. Histoire du Cardinal de Richelieu fl" vol.) préface, p. VII.
UNE STATUE DE RICHELIEU A LUÇON ? 165
substituée à celle de l'Autriche : est-il beaucoup de nos
hommes d'Etat qui aient obtenu des résultats comparables à
ceux-là, et Philippe le Bel, Charles V, ou même Louis XI, ne
font-ils pas médiocre figure à côté de Richelieu? Spectacle
fortifiant d'ailleurs que ce labeur immense du cardinal
qui « apprend aux hommes à ne pas ramener leurs œuvres à
la mesure de leur courte vie, à se tenir aux lignes générales,
aux idées qui durent et sont maîtresses du temps ! »
On ne voit pas quelle classe de citoyens pourrait bien, dans
notre France moderne, protester contre l'érection d'une
statue à Richelieu. Ceux mômes qu'il combattit lui furent re-
devables, car dans cette lutte, il n'apporta d'ordinaire aucune
animosité personnelle — (si l'on songe en effet que sa rigueur
s'expliqua toujours parla violence et l'indignité des attaques
dirigées contre lui). Il forçales nobles à obéir ; mais il aimait
la noblesse, voulait l'enrichir, en faire le premier corps de
l'Etat. Les protestants vaincus, il leur laissa la liberté de con-
science, donnant ainsi un rare exemple de tolérance, et il ne
songea jamais à abuser de sa victoire. L'Université pourrait-
elle oublier la protection éclairée accordée aux lettres et aux
arts et l'attachement du ministre pour cette vieille Sorbonne
où son mausolée se dresse encore ?Le clergé sait combien son
administration fut profitable à l'Eglise, à la religion; il sait
aussi que Richelieu n'hésita pas à combattre les nouveautés qui
lui paraissaient dangereuses, même quand elles se produi-
saient sous le nom aimé d'un Saint-Gyran, compagnon de sa
jeunesse. Le code Michau, cet essai de codification générale
que Golbert reprendra plus tard, ne doit-il pas lui mériter la
reconnaissance du monde judiciaire, héritier des vertus, mais
non des prétentions politiques, du Parlement? Enfin, ses
efforts en faveur de l'armée, de la marine. bien que cette partie
de son œuvre soit moins connue, ne suffiraient-ils pas, en un
temps où ces forces vives de notre pays sont parfois attaquées,
à grouper, dans un même sentiment de reconnaissance
envers sa mémoire, tous les bons Français ?
166 POURQUOI
L'idée d'une souscription nationale pour élever une statue
à Richelieu serait donc sans doute bien accueillie par toute la
France : mais le moment pourrait paraître mal choisi.
Puisque le pays veut d'abord glorifier Bossuet, il serait
de mauvais goût et d'un exemple fâcheux de réclamer
en même temps en faveur du cardinal. On aurait l'air de
vouloir opposer autel contre autel et de méconnaître les titres
éminents du grand évêque qui illustra la chaire française et
l'Eglise par ses vertus non moins que par ses talents. Toute-
fois, en attendant le monument que la piété nationale ne peut
manquer d'élever à un de ses hommes d'Etat les plus illustres,
serait-il donc impossible de lui rendre, dès maintenant, un
hommage plus restreint ?
M. 1 abbé Lacroix a déjà soutenu cette idée dans une confé-
rence, dont les lecteurs de la « Revue du Bas-Poitou » n'ont pas
perdu le souvenir, et dans un livre qui, après avoir été une
thèse appréciéeen Sorbonne, vientd'être rééditée sous la forme
d'un coquet volume par l'éditeur Lecoffre.1 Rarement publica-
tion vint mieux à son heure et l'on s'explique facilement l'ac-
cueil qu'elle a reçu. Dans Richelieu à Luçon, l'oeuvre de
science est en effet doublée d'un acte de foi. M. Lacroix a l'ait
de Richelieu jeune sa chose. Au lieu d'embrasser, comme
M. Ilanotaux, toute la carrière du ministre de Louis XIII, il
a préféré étudier, avec une sympathie qui ne fait point tort
en lui à l'esprit critique, les débuts de Richelieu dans l'admi-
nistration épiscopale et dans la carrière politique. Il nous a
ainsi révélé l'existence d'un Richelieu que l'on soupçonnait
peu, prélat plein de zèle, qui s'est préparé à la vie publique
par l'exercice môme de ses fonctions épiscopales. Il nous a
montré l'homme d'Etat en germe dans l'évêque de Luçon,
démonstration substantielle qu'il serait vain de refaire après
lui. Nous savons ainsi par quels liens Richelieu tient au
Poitou, dont il fut le plus glorieux enfant, et comment, dans
1 Un TOI. in-12, pris : 3 ff. 50.
UNE STATUE DE RICHELIEU A LUÇON ? 167
ce pays où son souvenir devrait être partout, il s'initia à la
pratique des affaires et au maniement des hommes, prélu-
dant ainsi et se préparant, par an labeur opiniâtre, à de plus
hautes destinées.
Ne serait-ce donc pas, d'abord, dans ce Poitou aimé et par-
ticulièrement à Luçon que la statue de Richelieu devrait s'éle-
ver ? M. Lacroix le pense ; il l'a dit et je demande la permis-
sion de le redire après lui, en donnant quelques-unes des rai-
sons qu'il a fait valoir.
II
Richelieu appartient au Poitou par sa famille, p\r les qua-
lités de son esprit, et par son séjour à Luçon.
Un de ses biographes le fait naître au château de Richelieu.
Cette opinion s'est accréditée; mais elle ne repose sur aucun
fondement. Il est bien vrai que Mademoiselle de Montpensier
et La Fontaine visitèrent dans le château, restauré par les
soins du cardinal, une chambre, petite et modeste où, selon
une tradition déjà admise, il avait reçu le jour. Mais leur té-
moignage, d'ailleurs peu probant, ne peut résister à l'évi-
dence des faits. Nous possédons une copie très exacte de
l'acte de baptême de Richelieu. Il fut baptisé dans l'église de
Saint-Eustache de Paris et, s'il était né dans une autre ville,
l'acte eût évidemment fait mention de cette particularité.
Richelieu lui-même s'est d'ailleurs, à plusieurs reprises, dé-
claré Parisien de naissance, dans des termes qui ne laissent
place à aucune équivoque.
S'il a fait son entrée dans la vie à Paris, du moins appar-
lient-il au Poitou par sa famille. Sans descendre, même par
les femmes, des rois de France, comme il l,e prétendait vo-
lontiers, cette famille avait une origine fort ancienne, et on
trouve, à une époque reculée, les traces certaines de son pre-
mier établissement dans la paroisse de Néons, en Poitou, sur
les bords de la Creuse. L'histoire peut, dès lors, en être sui-
vie. Au XIV» siècle, le nom de du Plessis se retrouve souvent
168 POURQUOI
dans les archives du département de la Vienne. Il est démon-
tré qu'en 1420 le domaine de Richelieu devint la propriété de
Geoffroy du Plessis, par le mariage de ce seigneur avec
Perrine Glérambault à qui la terre appartenait, et que le père
du cardinal, François du Plessis, surnommé Tristan l'Her-
mite à cause de sa physionomie sombre, épousa Suzanne de
la Porte , d'une bonne famille de magistrats originaire de
Parthenay. Du côté maternel tout aussi bien que par ses
ancêtres paternels , Richelieu tient donc au Poitou. Peu
importe qu'il soit né à Paris ; il est poitevin par tradition de
famille.
On peut affirmer qu'il l'est aussi par son caractère ou plu-
tôt par le fond même de son tempérament. Une démonstration
de ce genre peut paraître difficile, du moins à l'historien qui
ne se contente pas de généralisations superficielles; elle n'est
pas impossible, car la province a bien son caractère propre.
Le Poitevin, sans que sa physionomie soit aussi tranchée
que celle du Breton ou de l'Auvergnat, se distingue fort bien
cependant, du moins au XVIe siècle, de ses compatriotes de
France. Non que le pays présente partout le même aspect.
Le Poitou du midi, terre de granits tristes, au ciel bas, aux
plaines mornes et poussiéreuses, n'a pas la richesse plantu-
reuse des campagnes vendéennes, prairies coupées de ca-
naux, qui font penser à la Hollande. Il ressemble moins en-
core aux pays voisins de la Loire, régions de climat doux et
tempéré, au ciel lumineux, où des jardins chargés de fruits
et des coteaux, qu'escalade la vigne, se découpent sur de clairs
horizons. C'est une contrée de transition où se mêlent la
montagne et la mer et qui, sans se dégager entièrement de la
nature calme et richement épanouie des terres du nord, an-
nonce déjà le Midi brillant et impétueux. L'habitant est, lui
aussi, un composé de traits divers, parfois contradictoires.
Triste et froid aux abords du Limousin ; grave, méditatif
« sérieux, maladif et lent comme ses marais » dans la plaine
maritime; gai, vif, beau parleur, ami de la flânerie intelligente
UNE STATUE DE RICHELIEU A LUÇON ? 169
etde la vie joyeuse dès qu'on approche du val de Loire, il réu-
nit en lui tous les contrastes. Mais les circonstances histo-
riques l'ont unifié peu à peu et un type poitevin s'est fixé, au
XVI" siècle, d'une physionomie plus tranchée. Façonnée par
les guerres incessantes, luttes civiles et religieuses, la no-
blesse du Poitou a senti se développer en elle l'esprit d'aven-
ture et la froide ténacité, source la plus certaine des vertus
militaires, pendant que le voisinage de la cour, amollissant
ces natures un peu rudes, les affinait, leur faisait mieux goû-
ter la fleur de politesse, de courtoisie, comme on commence à
dire, qui avait rendu célèbre l'entourage des Valois, et, sans
amoindrir leur courage, les tournait peu à peu vers les plai-
sirs plus délicats de l'esprit. Ils gardaient ainsi, au fond d'eux-
mêmes, l'âpreté un peu rude de leurs granits, mais ils deve-
naient accessibles aux belles manières, et, ce qui vaut mieux,
au culte des lettres et de l'art. Leur gravité se tempérait de
finessemalicieuse;ilssavaientvouloir; comme parle passé ils
continuaient à aimer la lutte ; mais ils s'instruisaient à vaincre
leur impétuosité native et à prendre l'habitude des idées gé-
nérales et des conceptions méthodiques. La bourgeoisie poi-
tevine acquérait en même temps de sérieuses qualités :
« l'aptitude aux affaires, la finesse », tout en conservant cette
heureuse clarté qu'elle devait sans doute à la lumière aimable
et à l'harmonie discrète de ses coteaux et de ses vergers.
Jamais homme ne réunit, mieux que Richelieu, les qualités
du pays d'origine. Volonté indomptable qui ne se laisse pas
détourner du but entrevu : amour de la lutte auquel se mêle
cette sorte de volupté artistique, connue de tous les grands
conducteurs de peuples : clarté souveraine de la conception,
égalée seulement par la suite dans les desseins et par la
rapidité de l'exécution ; patience jamais lassée ; bon sens
pratique qui se garde des impossibilités et des chimères ;
amabilité souriante, (car il fut à ses heures un charmeur),
n'est-ce pas là Richelieu tout entier? A bien regarder, on
retrouve en lui, tout à la fois, le paysan obstiné qui fera la
170 POURQUOI
guerre de Vendée, le gentilhomme dévoué à sa foi et à son
roi, dont La Rochejacquelein devait être, plus tard, le type
immortel, et aussi le bourgeois avisé, méthodique et prudent,
ami du « gai sçavoir » non moins que des spéculations heu-
reuses, duquel on a pu dire qu'il fut le véritable créateur de la
patrie française. Ces personnages si divers se fondent, chez
lui, en un ensemble harmonieux ; mais l'analyste peut encore
les reconnaître au passage à certaines lueurs fugitives; et
c'est sans crainte d'erreur qu'il attribue Richelieu au Poitou,
tellement cet homme d'Etat, si français cependant, a con-
servé intacte sa marque d'origine et cette saveur particulière
de terroir dont on ne se débarrasse jamais entièrement.
Il fit d'ailleurs un assez long séjour en Vendée et ce séjour
lui fut profitable. C'est à Luçon qu'il s'initia à la pratique des
affaires. Quand il fut nommé évoque, Richelieu était un jeune
homme de vingt-trois ans, qui pouvait sembler mal préparé
à ces délicates fonctions. Cavalier séduisant, destiné par ses
goûts et par son éducation à la carrière des armes, il avait
sans doute, comme plus tard Retz, « l'âme la moins ecclé-
siastique qui fût. » Un simple accident le jeta dans les bras
de l'Eglise. Son second frère, Alphonse, étant devenu char-
treux, il se fit homme d'église pour ne pas laisser échap-
per l'évêché de Luçon qui appartenait en quelque sorte à
sa famille et constituait le revenu le plus clair des duPlessis.
L'abandonner, c'était la ruine. Richelieu sacrifia sans hésiter
ses goûts. Il avait d'ailleurs une foi très vive et le sentiment
(](.* son devoir. C'est pourquoi, à la différence de Retz, qui
- pour un prêtre, aurait fait un mauvais mousquetaire », il
fut, par sa piété et par sa science théologique, l'édification de
son entourage. Cette transformation, si rapide et qui dut
avoir ses heures pénibles, montre bien ce qu'on pouvait
attendre du nouvel ôvêque. Il ne trompa point les espérances
de ses amis, et pourtant sa mission était particulièrement
rude. Le jeune pasteur d'âmes arrivait dans l'évêché « le plus
crotté de France », au milieu de circonstances difficiles.
UNE STATUE DE RICHELIEU A LUÇON ? 171
Par sa position intermédiaire entre la France du Nord et
celle du Midi, le Poitou devait être, de tout temps, le grand
chemin des invasions ; et, de fait, il est presque superflu de
le rappeler, Glovis et les Wisigoths s'y heurtèrent, Charles
Martel y arrêta l'invasion Arabe, Jean le Bon y fut vaincu
par les Anglais. Au XVIe siècle, les guerres de religion l'en-
sanglantèrent. Nulle part on ne se battit davantage que dans
la contrée qui sépare la Loire de la Charente et de la Garonne.
Aussi les ruines s'y étaient-elles accumulées. Le pays, déjà
très pauvre en quelques-unes de ses parties, offrait partout
limage delà désolation. En outre, les esprits restèrent trou-
blés, le voisinage de la principale ville protestante, la Rochelle,
étant peu propre à faire régner le calme. A force de rester
sur le qui-vive, la guerre parut un état normal aux popu-
lations, que le ferme gouvernement de Henri IV eut tou-
jours de la peine à contenir. Toute discipline s'était perdue,
même au sein du clergé, et le relâchement des mœurs ecclé-
siastiques, conséquence trop naturelle de vingt années de
luttes, faisait mal augurer de l'avenir de la province. Comment
en effet des prêtres ignorants, sinon corrompus, infidèles en
toutcas à leur mission de paix, auraient-ils pu moraliser ces
régions déjà fort entamées par la prédication protestante !
Ruines matérielles et détresse morale, tel était donc le
spectacle qui s'offrit aux yeux de Richelieu. La tâche était rude,
presque décourageante. Il fallait rétablir la discipline ecclé-
siastique,instruire le clergé, réconforter, par la prédication et
par une assistance matérielle de tous les instants, des popula-
tions profondément malheureuses; il fallait aussi, sans per-
sécuter les protestants, empêcher leurs empiétements et leur
propagande. Richelieu se montra égal et même supérieur à
la situation. Par un mélange rare de souplesse et de fermeté, il
aplanit toutes les difficultés. Le Chapitre de l'évêché était en
guerre ouverte avec madame de Richelieu la mère pour quel-
ques misérables questions d'argent. L'évêquefitles sacrifices
nécessaires pour ramener la paix ; mais il montra en même
172 POURQUOI
temps à l'égard des chanoines une énergie si sûre d'elle-même
qu'ils n'osèrent lui faire aucune opposition. L'objet du litige
était la cathédrale qu'il fallait faire réparer ; il se chargea du
tiers des dépenses et fit en même temps restaurer le palais
épiscopal. Or il avait à cela d'autant plus de mérite que sa for-
tune était médiocre. Je recommande à ce sujet le chapitre
curieux où M. Lacroix a raconté la vie intime de Richelieu à
Luçon. On y verra par quels prodiges d'économie le pauvre
évêque, désireux détenir son rang, arrivait à équilibrer son
budget. On y verra aussi quel esprit d'ordre il apportait dans le
gouvernement de sa maison, esprit d'ordre qu'il avait hérité
sans doute des La Porte, ses ancêtres maternels, de vieille
souche parlementaire, et qui fut peut-être sa qualité la plus
éminente quand il présida aux destinées de la France.
Richelieu ne pouvait compter sur son clergé qu'à la condition
de l'instruire. Ce fut le but de ses ordonnances synodales. Il y
donna des prescriptions minutieuses sur la conduite à tenir,
ne craignant pas de s'abaisser aux plus infimes détails ; il
supprimait en même temps les abus trop criants. Puis, com-
prenant que des conseils, fussent-ils pleins de sagesse, ne
suffiraient pas, il fonda un séminaire, le premier qui ait été
établi en France, et dont il confia la direction aux Oratoriens.
Il fit ensuite relever de nombreuses églises de campagne, et
des couvents s'ouvrirent par ses soins dans les villes les plus
importantes du diocèse. Pour peuplerces couvents, il fit appel
aux Capucins qui vinrent se fixer notamment à Luçon et
aux Sables-d'Olonne.
Des hôpitaux s'élevèrent aussi dans le diocèse, témoignant
de la charité de l'évêque; et, en même temps, il se consacra
avec une ardeur admirable à la prédication.
Cette partie de son œuvre nous échappe malheureusement.
Nous connaissons, et M. Lacroix y insiste, les nombreux
écrits théologiques composés par Richelieu pendant son épis-
copat ; nous savons qu'il s'essaya, non sans succès, au rôle
difficile de directeur de conscience. Mais, si nous sentons
UNE STATUE DE RICHELIEU A LUÇON ? 173
qu'il se dépensa sans compter pour raviver la foi parfois
chancelante de ses ouailles, les résultats de ce labeur que
nous soupçonnons énorme, n'ont été et ne pouvaient être con-
signés nulle part. Quelques lettres du prélat, où il fait une
allusion discrète auxdiffîcultés de sa tâche, voilà tout ce que
les archives nous révèlent. C'est assez cependant, avec ce
que nous savons par ailleurs et avec ce que nous pouvons
deviner, pour nous faire admirer le zèle évangélique et le
dévouement du jeune évoque.
Ce qui ne fut pas moins remarquable, c'est l'attitude qu'il
adopta à l'égard des protestants. Il s'opposa avec résolution
à leurs empiétements. C'est ainsi qu'il leur fit déplacer un
temple, bâti trop près de la cathédrale, et qu'il les empêcha
de se soustraire aux charges publiques.
Mais, dans cette partie de son œuvre, il n'apporta aucune de
ces préoccupations que sa situation particulière aurait ex-
pliquées, sinon justifiées. 11 se rappela qu'il était prêtre
uniquement pour faire respecter les droits de l'Église. Pour
le reste, il ne voulut voir dans les protestants que des frères
égarés et il se refusa à les traiter comme des révoltés. C'est
ce qui ressort nettement des instructions qu'il adressait à
Schomberg en 1616, lors de son premier ministère, instruc-
tions dans lesquelles on trouve cette phrase caractéristique :
« Autres sont les intérêts d'Etat qui lient les princes, et autres
les intérêts du salutde nos âmes, qui nousobligent pour nous-
mêmes à vivre et à mourir en l'Eglise à laquelle nous sommes
nés, ne nous astreignant an respect d 'autrui qu'à les y désirer
et ?ion pas à les y amener par la force et les contraindre. »' On
sait du reste que Richelieu conforma toujours sa conduite à ce
précepte. Vainqueur des protestants, il leur enleva leurs privi-
lèges, qui étaient incompatibles avec la sûreté de l'Etat,
mais il leur laissa la liberté de conscience, témoignant ainsi
d'une largeur d'esprit peu ordinaire en ce siècle d'intolérance
Le séjour de Richelieu à Luçon profita donc grandement
» Avenel, Lettres de Richelieu, t. 1er p. 225.
TOME XII. — AVRIL, MAI, JUIN 13
17 i POURQUOI
aux populations : « Quand il quitta Luçon pour entrer aux
affaires, il laissait son diocèse dans une situation vérita-
blement prospère ; la cathédrale et le palais épiscopal restau-
rés, beaucoup d'églises de campagne reconstruites, le sémi-
naire fondé, des maisons religieuses établies dans les plus
importantes villes, la dicipline et les fortes études remises
en honneur dans le clergé: toutes ces institutions, réalisées
en quelques années, témoignaient hautement qu'un homme
supérieur avait passé par là1. » Mais, d'un autre côté, l'ad-
ministration de son diocèse ne fut pas inutile à Richelieu. 11
s'y forma au maniement des hommes, et ce ne fut pas sans
doute une médiocre préparation aux luttes de son ministère
que d'avoir tenu tête à un Chapitre indiscipliné. L'évêque, qui
dut ménager les susceptibilités d'une noblesse ombrageuse,
contenir, sans le persécuter, le troupeau indocile des réformés,
mener de front des négociations délicates et parfois contra-
dictoires, se débattre au milieu d'intrigues et de compétitions,
gagner par sa générosité des populations ignorantes que son
éloquence n'aurait pas suffi à convaincre, était par là même
tout préparé à se mouvoir avec aisance dans le milieu, nou-
veau pour lui, de la cour et à ne pas se laisser dérouter par
les intrigues des » quatre pieds carrés » où se débattait, — au
gré de quels caprices ! — l'avenir de la France.
C'est à Luçon aussi que Richelieu vit de près le danger que
faisaient courir au pays les sourdes menées du parti protes-
tant ut l'esprit de révolte des grands. M. Lacroix consacre
à démontrer ce point quelques pages qui paraîtront sans
doute fort probantes et j'admets volontiers pour ma part sa
conclusion. « Envoyé comme évoque dans quelque petite
ville de Normandie ou du Limousin, il eût été un prélat actif,
intelligent, passionné pour les intérêts spirituels et temporels
de son diocèse Mais qu'eût-il appris en politique ? Rien
on presque rien. Il serait resté confiné dans son évêché, et
1 L. Lacroix, Richelieu et le Poitou, p. lî.
UNK STATUE DU RICHELIEU A LUÇON ? 175
peut-être la pensée ne lui serait-elle pas venue, au fond de sa
solitude, de jouer un rôle dans les affaires publiques. Tandis
qu'à Luçon il se trouvait placé dans un admirable poste
d'observation pour étudier les grands événements qui se dé-
roulaient sous ses yeux et faire ainsi son apprentissage poli-
tique. »
Le voisinage, si dangereux, de la Rochelle et cette circons-
tance particulière que le Poitou était devenu, sous la régence
de Marie de Médicis, un foyer d'opposition à l'autorité royale,
les luttes qu'il dut soutenir lui-môme pour préserver du pil-
lage ses biens et son diocèse, influèrent sans doute sur les
idées politiques de Richelieu :« II n'est pas surprenant que,
sous le coup des alarmes et des vexations qu'il subissait, il
ait nettement formulé dans son esprit la résolution de s'op-
poser un jour à ces brigandages qui se commettaient au
nom du bien public, et de faire rentrer dans l'ordre et l'obéis-
sance au Roi tous ces princes et ces grands qui mettaient
sans cesse en péril le repos et la sécurité de la France. Ainsi,
il n'y aura pas de témérité à affirmer que ces deux idées,
qui ont été le pivot de sa politique intérieure, l'abaissement
des grands et la ruine des protestants, c'est à Luçon, pendant
son épiscopat, qu'elles germèrentdans la pensée de Richelieu.)»1
C'est donc dans le Poitou que se fit l'éducation politique de
Richelieu. C'est aussi dans le Poitou, à Luçon, qu'il connut et
s'attacha quelques-uns de ceux qui furent plus tard ses colla-
borateurs les plus précieux. Il s'y ha notamment avec le
P.Joseph, moine austère et grand politique, qui fut si intime-
ment mêlé à la vie et aux desseins du cardinal que la posté-
rite ne sait pas toujours discerner quelle fut la part de chacun
d'eux dans l'œuvre commune. Il eut aussi occasion d'y ap-
précier Henri de Sourdis, frère du cardinal archevêque de
Bordeaux (le métropolitain de Luçon), excellent homme de
guerre qu'il plaça plus tard à la tête de la marine, et dont les
victoires sur les Espagnols sont restées célèbres. Enfin ce fut
I L. Lacroix, Richelieu, à Luçon, p. 210
iTt) POURQUOI UNE STATUE DE RICHELIEU A LUÇON ?
le Poitou qui envoya Richelieu aux Etats généraux et prépara
ainsi, avec la haute fortune de son glorieux fils d'adoption, la
grandeur de la France.
Richelieu tient donc au Poitou par mille liens, et cette pro-
vince s'honorerait grandement en élevant à l'évêque de
Luçon le monument que la France oublieuse a négligé de con-
sacrer au cardinal de Richelieu. Ce serait un bon exemple de
décentralisation ; ce serait aussi la réparation d'une injustice,
un véritable réconfort dans les angoisses de l'heure présente
où nous ne saurions trop exalter nos courages par le sou-
venir d'un passé illustre, et le pays entier ne pourrait
qu'applaudir à cette généreuse initiative.
G. Galvet.
Professeur cV histoire au Lycée Michèle t.
LE CLERGE DE LA VENDEE
PENDANT LA RÉVOLUTION
( Suite).*
-if^iWSHSM*'"*-
La fondation vers 1780 du couvent de PUnion chrétienne
de Luçon, appelé le Petit Saint-Cyr, a été racontée par
M«r Jean Brumault de Beauregard, ancien chanoine de
Luçon, mort évoque d'Orléans, et frère du fondateur ; cette
notice a été publiée par M. Bitton dans Y Annuaire de la
Société d'émulation de la Vendée, année 1888. C'était un éta-
blissement d'instruction pour les jeunes filles de la noblesse
et de la bourgeoisie du pays, même pour les filles peu for-
tunées, qui pouvaient y recevoir presque gratuitement une
éducation en rapport avec leur état. Au moment de la Révo-
lution, le pensionnat avait pour supérieure Mme Auneau, et
comptait au nombre des sœurs Mesdames Françoise de la Roy,
Jeanne Grelier, Suzanne Vinet, et deux dames de Tinguy.
Il y avait environ quatre-vingts élèves.
Après l'élection de l'évêque constitutionnel, la municipalité
de Luçon fit fermer à son instigation toutes les chapelles des
communautés pour empêcher les prêtres insermentés d'y
dire la messe. Cette mesure ne suffit pas aux rancunes du
nouvel élu. Le 19 novembre 1791, il demanda aux administra-
teurs du département de prendre la maison de l'Union chre
tienne pour en faire le séminaire, sous prétexte qu'il serait
1 Voir la 1" livraison 1899.
[78 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
plus rapproché de la cathédrale. A cette nouvelle les Sœurs
rédigèrent une pétition pour être conservées dans leur
maison, et la municipalité de Luçon, à qui l'administration
centrale renvoya l'affaire, opina pour le statu quo. Ce ne fut
qu'un court répit ; l'intolérance des exaltés se remit bientôt
en campagne, et les Sœurs reçurent l'ordre de licencier leurs
élèves pour le 15 février 1792. Elles demandèrent un sursis
jusqu'au lfr mai, on le leur refusa; elles s'avisèrent alors
d'un autre moyen. Un M. Dupuy, président du district de
Cognac, écrivit que « les Religieuses de l'Union chrétienne
de Luçon ont marqué à la dame Neigle de relever sa fille de
leur maison, d'après un arrêté de la municipalité de Luçon,
et que cette dame est fort embarrassée pour placer sa fille,
attendu qu'elle est obligée d'aller joindre son mari qui est en
Amérique ». Le direcloire du district de Fontenay délibéra
sur la communication, et » considérant que la municipalité
de Luçon parait avoir pris relativement aux pensionnaires
de l'Union chrétienne un arrêté dont la nature et l'importance
exigent qu'il soit approuvé par l'administration avant de
pouvoir être exécuté, que cela est d'autant plus nécessaire
qu'il peut se trouver dans ce couvent beaucoup de pension-
naires dans le même cas et peut être dans une position plus
embarrassante encore que la dame Neigle, vis-à-vis des-
quelles la stricte exécution de cet arrêté pourrait entraîner
des inconvénients; que d'ailleurs les religieuses de l'Union
chrétienne y ont formé une opposition sur laquelle il n'a pas
encore été statué, la municipalité de Luçon à qui cette oppo-
sition a été communiquée le 4 de ce mois n'y ayant pas encore
répondu,
« Est rl'avis qu'il y a lieu de surseoir à l'exécution de
l'arrêté dont il s'agit jusqu'à ce qu'il ait été approuvé par le
département. »
Les autorités de Luçon s'obstinèrent, et, à une époque où le
<■ modérantisme » était un crime, gagnèrent à leur cause le
département :
PENDANT LA RÉVOLUTION 179
€ Du 22 férrier 17».!.
« Vu la pétition présentée par les Filles de l'Union chré-
tiennede Luçon tendante à ce que le délai qui leur a été ac-
cordé par la municipalité de Luçon de cesser l'éducation
publique et de leur pensionnat le 15 de ce mois à défaut par
elles d'avoir prêté le serment prescrit par l'arrêté du direc-
toire du département le 5 décembre dernier, soit prorogé
jusqu'au 1er mai prochain,
« Vu aussi la délibération de la municipalité de Luçon du
26 janvier dernier,
« Le renvoi au directoire du département du 3 de ce mois,
« Le soit communiqué à la municipalité de Luçon en date
du 3 de ce mois,
« La réponse de ladite municipalité du 8 mai,
« Le renvoi du directoire du déparlement du 48,
« Le directoire, considérant que l'article 2 de l'arrêté du
Conseil général du département du 5 décembre porte qu'au
défaut de prestation de serment de la part de ceux qui par
état sont voués à l'instruction publique, ne pourraient tenir
aucun pensionnat d'instruction, et qu'il résulte de la pétition
des Dames de l'Union chrétienne de Luçon ainsi que de l'avis
de la municipalité qu'elles ont refusé de prêter le serment
exigé,
« Est d'avis d'arrêter qu'il n'y a pas lieu à délibérer. ».
(Arch. dép. Vendée).
Après la fermeture du pensionnat, l'autorité ne tarda pas
à fermer le couvent, lui-même ; les religieuses se retirèrent
dans des maisons particulières de Luçon, où le Comité de
surveillance les poursuivit de visites domicilaires sans résul-
tat, notamment le 16 avril 1793.
Mme Françoise de La Roy, originaire de Benêt, fut, avec
d'autres, envoyé en prison à Fontenay le 4 ventôse an II, puis
180 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
de là à Niort au moment de la prise de Fontenay par les
Vendéens en mai 1793 ; elle partagea la captivité de Mmes De-
bien et Rose Frouin des Ursulines de Luçon. La chute de
Robespierre leur rendit la liberté. M"8 de La Roy se retira à
la Copechagnière avec une pension de 400 l. et y mourut en
décembre 1809.
Il y eut dans le troupeau quelques défaillances, auxquelles
les malheurs du temps, et sans doute aussi des incidents dont
la trace est aujourd'hui effacée, vaudraient des circonstances
atténuantes.
Le 4 octobre 1793, Mmo Suzanne Vinet, née à la Comman-
derie de Launay en Sainte-Cécile, ex-religieuse de l'Union
chrétienne de Luçon, prêta dans cette ville le serment de li-
berté et d'égalité, et signa en 1798 l'attestation qui suit :
« Je soussignée Suzanne Vinet, demeurant à Luçon, cer-
tifie n'avoir jamais rétracté les serments exigés par la loi.
« A Luçon le 21 messidor an VI de la République française
une et indivisible.
« Suzanne Vinet ».
Le 2 nivôse an II, une autre religieuse de l'Union chré-
tienne, Jeanne Grelier , prêta le serment civique. Elle
ajouta que « retirée dans une chambre au-delà de la ville, elle
n'avait eu connaissance de la loi qui exigeait d'elle le serment
civique, mais qu'aussitôt qu'elle l'a su, elle s'est présentée,
et déclare qu'elle s'est conformée et se conformera toujours
aux lois de la République.
« Le procureur syndic entendu, l'assemblée reçoit le ser-
ment de ladite Jeanne Grelier ». Un autre document men-
tionne qu'elle a résidé à Luçon depuis le 9 mai 1792 jusqu'au
15 messidor an VI, c'est-à-dire à peu près jusqu'à sa mort, car
une pièce du 26 frimaire an IX déclare qu'elle est décédée
depuis longtemps.
(Arch. mun. Luçon).
PENDANT LA RÉVOLUTION l«Si
Lors de la fondation de l'Union chrétienne à Luçon, une
des premières novices entrées dans la communauté avait été
Mlle de Chevigné, d'une famille noble des environs. Elle s'y
trouvait encore à l'époque de la Révolution, et, à la suppres-
sion, M. de Chevigné, son frère, offrit à sa sœur une retraite
dans son château de la Grassière, avec autant de maîtresses
et d'élèves qu'il en pourrait recevoir. Vingt élèves et quelques
sœurs acceptèrent sa généreuse hospitalité. C'est de cette pe-
petite colonie dont parle M«r de Mercy dans une lettre à
M. Paillou du 8 octobre 1794.
Mindrisio, 8 octobre 1794.
« ... Ce qui est bien singulier et ce qui m'a fait grand
plaisir c'est une lettre que M"e de Villedieu du Poitou écrit à
son père qui est à la Haye. Vous savez que M"e*de Villedieu
étaient dans le pensionnat de l'Union chrétienne. Mlle de
Villedieu mande à son père : « M"" de Villedieu. Mms de Che-
vigné et le petit troupeau se portent bien et sont dans une
retraite sûre. »
« Je ne peux vous rendre ce que cette nouvelle m'a causé
de joie. Elle me rassure sur beaucoup de choses quoiqu'elle
ne contienne pas d'autres détails. »
Il y avait pourtant près d'un an que cette nouvelle n'était
plus exacte. Les défaites des Vendéens avaient eu leur contre-
coup à la Grassière,et la pieuse colonie, menacée de l'arrivée
des Bleus, n'avait cru pouvoir mieux faire que de passer la
Loire avec l'armée catholique, le 18 octobre 1793.
Après avoir suivi quelque temps l'armée, la déroute du
Mans dispersa les maîtresses et les élèves ; quelques-unes pé-
rirent dans le combat , d'autres s'échappèrent du Mans à
grand'peine. Celles qui ne purent fuir furent jetées dans les
prisons, où elles moururent. Les habitants en recueillirent
plusieurs qu'ils rendirent à leurs familles après la paci-
fication ; de ce nombre fut la nièce de MM. Brumault de
Beauregard qui resta deux mois cachée chez un marchand de
182 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
dentelles. Mme de Chevigné pu( gagner Ancenis, où elle
mourut.
Un seul document a été retrouvé sur les Soeurs de la
Sagksse de Luçon, qui, lors de la fermeture de leur couvent,
regagnèrent la maison-mère de Saint-Laurent-sur-Sèvre.
• Aujonrd'huy 7 mars 1792, les officiers municipaux de
Luçon, en conséquence du délibéré de ce jour, se sont trans-
portés en la maison des Sœurs de la Sagesse, située en cette
ville, pour leur faire connaître les dispositions de l'arrêté du
directoire du département de la Vendée, du 1er février der-
nier, et après que la lecture leur en a été faite par le secré-
taire greffier, nous leur avons demandé si elles entendaient
s'y conformer, en leur qualité de fonctionnaires publics, dans
leur département de l'instruction des jeunes enfants qui
viennent journellement dans leur maison tant pour s'y faire
instruire, soit de la morale chrétienne, soit à filer et à dévider
du coton. Les dames de la Sagesse au nombre de quatre,
nommées sœur Amédée, supérieure, sœur Reine, sœur Bar-
nabe et sœur Madeleine, ont déclaré unanimement que l'arrêté
dont on vient de donner lecture ne pouvait les concerner,
parce qu'elles ne sont pas fonctionnaires publiques ; à quoi
nous avons répondu que cette qualité était absolument insé-
parable des fonctions qui leur avaient été confiées.
« Qu'au surplus, quand elles ne seraient point fonctionnai-
res publiques, la commune qui les avait reçues avait attaché
la condition qu'elles seraient fidèles à la loi du royaume,
et que, se refusant aujourd'liuy à ce serment de fidélité,
elle ne pouvait plus accepter leurs services ; en conséquence
nous avons notifié aux dites sœurs en parlant à la sœur
Amédée que, conformément à l'arrêté du 1" février, elles
«Missent à évacuer dans huitaine la dite maison, leur décla-
rant qu'elles seront remplacéesdéfinitivement à cette époque.
o Et comme il est instant, allendu le refus des dites sœurs,
de commettre provisoirement des personnes qui puissent
PENDANT LA RÉVOLUTION 183
surveiller et inspecter les enfanls, y établir l'ordre nécessaire
et les faire marcher sur la ligne constitutionnelle dont les
Sœurs n'ont pu et ne peuvent que les écarter, nous avons
commis les personnes de Louise Maréchal, veuve Picard,
Marie Chauvin, veuve Oger, auxquelles nous avons fait
prêter le serment civique ordonné par la loi, lesquelles ayant
comparu se sont chargées de toutes les fonctions que la
commune avait assignées dans le principe aux dites Sœurs
de la Sagesse, et principalement de la surveillance des en-
fants, de leur enseignement, enfin de la régie de larii'o mai-
son, jusqu'à ce que nous y ayons autrement pourvu. Et, pour
dès cet instant mettre en possession de ladite maison, nous
avons assigné aux dites dames veuve Oger et veuve Picard la
chambre haute dite de l'infirmerie pour coucher, et les
avons conduites dans la cuisine, de laquelle nous les avons
mises en possession, et leur avons ordonné de traiter douce-
ment, humainement et amicalement les dites Sœurs de la
Sagesse, et à ces dernières d'avoir pour les personnes com-
mises les égards et la déférence qu'elles auraient pour
nous-mêmes.
« Comme il est d'une nécessité indispensable de mettre des
gardiens aux scellés que nous allons apposer, nous avons
choisi les nommés Beliveau père et fils auxquels nous avons
recommandé, pour la conservation et l'intégrité desdils
scellés, de venir coucher dans ladite maison, où nous leur
avons assigné la chambre Saint-Jean ; et, après lecture faite
dudit procès-verbal, il a été signé par ladite dame Picard et
les soussignés, la dame Oger ayant déclaré ne le savoir, et
lesdites Sœurs ne le vouloir. »
« Ont signé : JVjaigre, maire, Morand, Souhouille, Paren-
teau, P. Serre, Arloing, Boismoheau.
Pour copie conforme :
Hilariot, secrétaire. »
Arch. dép. Vendée}.
184 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
L'hôpital de Luçon était desservi par des Sœurs de Saint-
Vincent-de-Paul ; leur admirable dévouement et la mission
toute de charité qu'elles remplissaient avec tant d'abnégation
ne les sauvèrent pas de la persécution. L'évêque Rodrigue
ayant voulu leur imposer un aumônier assermenté, elles
adressèrent au directoire du district de Fontenay, le 28 juillet
1791, une pétition par laquelle elles demandaient, « qu'il
leur fût permis d'avoir des aumôniers à leur choix, de
choisir leurs confesseurs, d'être autorisées à appeler auprès
des mourants les ministres qu'ils demanderaient, d'avoir la
liberté d'instruire les enfants dans les principes religieux
qu'ils avaient reçus, de conserver l'ecclésiastique qui en était
chargé, et de conserver une clef du tabernacle de leur cha-
pelle »
On leur répondit par un refus.
Nouvelle pétition, le 14 septembre 1791, « tendante à être
conservées dans leurs fonctions malgré que la municipalité
leur ait notifié de sortir, à ce qu'il leur soit permis d'exercer
publiquement leur culte, de se servir de prêtres non confor-
mistes pour faire célébrer le service divin, et que l'institu-
teur des enfants qui est à l'hôpital soit congédié pour sa mau-
vaise conduite, et d'être autorisées à appeler des prêtres non
conformistes pour administrer les malades ».
« Vu la pétition ci-dessus et les procès-verbaux dressés par
la municipalité de Luçon les 8, 10, 12 et 17 de ce mois.
« Le directoire du district de Fontenay renvoie le tout à la
municipalité de Luçon pour faire rapporter les lettres pa-
tentes portant établissement de l'hôpital et le contrat qui a
dû être passé avec les Sœurs de la Charité lorsqu'elles ont
pris l'administration dudit hôpital, et donner son avis, pour
être ensuite par le directoire délibéré ce qu'il appartiendra ».
Toutes ces procédures aboutirent à l'expulsion des Filles
de Saint-Vincent-de-Paul de l'hôpital de Luçon, au nom de la
liberté, de l'égalité, et de la fraternité.
PENDANT LA RÉVOLUTION 185
LA ROCHE-SUR-YON
BIROTHEAU (Louis-Augustin) curé.
A la fin du siècle dernier, la Roche-sur- Yon n'avait pas la
population flottante, puisqu'elle n'est guère composée que de
fonctionnaires, qu'elle compte aujourd'hui ; c'était un simple
village, d'un peu moins de 500 habitants, qui avait eu na-
guère trois paroisses, Saint-Lienne, Saint-Michel et Saint-
Hilaire; cette dernière resta seule église paroissiale jusqu'en
1829. Elle était desservie depuis 1779 par M. Louis-Augustin
Birotheau, né à la Roche-sur-Yon le 25 août 1729, et aupara-
vant curé de Saint-Piorentdes-Bois. Le 13 octobre 1782, M. Bi-
rotheau avait assisté, en qualité de membre de l'élection des
Sables d'Olonne, à la réception dans cette ville du duc de
Luxembourg, comte des Olonnes, et, le lendemain, avait
chanté en sa présence la messe du Saint-Esprit avant la
première séance de l'élection {Chronique ms. de Saint-Nicolas
de la Chaume).
Après l'aliénation des biens du clergé, le curé de la Roche
reçut un traitement de 2200 fr. Il prêta le serment schisma-
tique et fut l'objet des faveurs de l'administration.
Il avait pris à ferme les domaines de la ci-devant cure, et,
le 4 septembre 1792, il obtint une réduction gracieuse de
30 francs sur son prix de ferme. C'était encore le bon temps
pour les prêtres assermentés.
A la suppression des fonctions ecclésiastiques, M. Biro-
theau ne resta pas à la Roche. Le 20 brumaire an III, le con-
seil général de la commune des Sables adressa aux admi-
nistrateurs du district la liste des prêtres ci-devant fonction-
naires publics existant en cette commune, qui s'étaient
présentés pour les déclarations à faire en vue d'obtenir une
pension conformément à la loi. Parmi les noms figure celui de
Louis-Augustin Birotheau, ci devant curé de la Roche-sur-Yon.
Il fut porté sur l'état des pensionnaires ecclésiastiques pour
LE CLHSRGÊ DE LA VENDÉE
la somme de iOOO francs, qui lui avait déjà attribuée par la
loi du 2* jour des sans-culottides an II, mais qu'il n'avait
pas touchée. Il est de tradition dans sa famille qu'il mourut en
Saintonge, on ne sait à quelle date.
SAINT-ANDRÉ D'ORNAY
BARITAUD (Louis;, curé.
En 1769, M. Louis Baritaud, curé de Saint-Paul en Pareds
depuis 1758, prit possession de la cure de Saint-André d'Or-
nay, en remplacement de M. Louis-Michel Voyneau, nommé
curé de Notre-Dame du Luc.
M. Baritaud ne prêta pas le serment civique; le dernier
acte qu'il signa sur le registre de sa paroisse est du 8 juillet
1792. Bien que son âge lui permît d'échapper àladéportation,
il s"embarqua le 10 septembre suivant aux Sables pour l'Es-
pagne sur sur le navire l'Heureux Hasard. Il mourut là-bas
peu après son arrivée.
ABBAYE DES FONTENELLES
Sur le territoire de Saint-André d'Ornay, dans l'ancienne
forêt de la Roche-sur-Yon, Guillaume de Mauléon, seigneur
de Talmont, fonda en 1210 l'abbaye bénédictine des Fonte-
ui:lles, qui fut ensuite desservie par des chanoines réguliers
de Saint-Augustin, ordre de la Ghancellade. Tombée depuis
plus d'un siècle en commande, l'abbaye avait pour abbé en
1790, M. le chanoine du Fresne, doyen du chapitre de Lucon,
et pour prieur M. Pierre de Mornac. Des quelques religieux,
qui y vivaient encore, nous ne connaissons que le nom du
P. Carie, cité dans un document administratif de 1790, et,
depuis, curé de laPommeraye.
Au début de la Révolution, M. de Mornac avait eu la pensée
PENDANT LA RÉVOLUTION 1 X?
généreuse de transformer l'abbaye des Fontenelles en hôpital,
et il adressa en ce sens aux états généraux une pétition, à
laquelle il ne fut pas donné suite.
Par suite du refus du serment constitutionnel, il prit do-
micile à Saint-André d'Ornay. Le 20 juin 17U2, il se présenta
devant le maire et les officiers municipaux de Saint- André
d'Ornay « décorés de leurs écharpes » dit le procès-verbal,
« lequel en vertu de l'article 1er de l'arrêté du directoire de la
Vendée en date du 8 juin, affiché le 17 à la sortie de la messe,
nous a déclaré être né à U^sel, chef-lieu de district, départe-
ment de laCorrèze, et a déclaré se conformor à l'article IV
dudit arrêté. »
L'article III et l'article IV portaient :
« Article m. — Tous les prêtres, qui ne sont pas nés dans
ce département et qui n'exercent pas dans le moment actuel
de fonctions publiques, seront tenus d'en sortir dans la hui-
taine qui suivra la publication dudit arrêté.
«Art. iv. — Les municipalités seront tenues de faire
rendre au chef-lieu de leur district par la force armée, ceux
des prêtres compris dans l'article précédent qui ne s'y seraient
pas conformés, et les frais de conduite seront payés par les
contrevenants. »
Pour quels motifs M. de Mornac s'en tint-il à cette décla-
ration, sans y obéir ? En tout cas, il ne quitta pas le départe-
ment,et, deuxmois plus tard, deux agents, flanqués d'un déta-
chement de gardes-nationaux, vinrent perquisitionner chez lui.
« Et cedit jour nous nous sommes transportés chez le
sieur Mornac, ci-devant bénédictin (sic)., demeurant en ce
bourg, où étant, nous aurions visité ses papiers. Vérification
faite il ne s'est trouvé que quelques lettres au nombre de 13,
qui prouvent une correspondance suspecte entre lui et
d'autres prêtres réfractaires, lesquelles lettres nous avons
saisies et déposées à la municipalité; et sur la plainte que
le sieur Mornac avait tiré sa dague ou poignard sur deux
188 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
citoyens, vu qu'une arme de cette espèce est dangereuse
pour le public, nous nous sommes emparés dudit poignard
pour être déposé dans la chambre commune ». (Arch.
municip. de Saint- André).
La saisie du poignard n'est pas douteuse, mais le prétexte
si laconiquement spécifié est fort discutable, à en croire un
autre rapport du commissaire près l'administration cantonale
de la Roche-sur- Yon en date du 30 vendémiaire an VI :
« Mornac, ex-moine des Pontenelles, homme extrêmement
âgé et infirme, habite les Ghoupeaux où il a dit la messe pen-
dant environ deux mois, et a cessé l'exercice de ses fonctions
sitôt la publication de la loi du 19 fructidor. Il n'a fait aucune
déclaration ni serment. Il vivait ignoré dans le fond d'une
campagne près des Fontenelles, commune d'André d'Ornay,
sans y exercer aucune fonction, quand il y a trois mois les
habitants des Ghoupeaux allèrent le trouver et l'emmenèrent
chez eux pour y dire la messe. Il ne m'est rien parvenu qui
fasse croire qu'il a été turbulent et qu'il a influencé l'opinion
publique. »
Dans ses Notes et croquis Vendéens, M. de Monbail raconte,
sans date, que M. de Mornac aurait été surpris aux Ponte-
nelles par les Républicains, qui lui auraient coupé le nez et
les oreilles et l'auraient brûlé dans l'incendie du couvent.
C'est une erreur. M. de Mornac vivait encore en 1798, cinq ans
après l'incendie des Fontenelles. La date de sa mort et son acte
de décès contredisent cette légende. Le registre de l'état civil
des Glouzeaux porte à la date du 12 pluviôse an VI : « Décès
de Pierre Mornac, ci-devant prieur des Fontenelles, âgé de
77 ans, étranger, chez le citoyen Marionneau aubergiste à
l'angle de la place. »
AUBIGNY
CHABOT 'Jacques), curé.
Né le 1*' avril 1747, M. Jacques Chabot avait 42 ans à la
Révolution. Il ne se soumit ni à l'obligation du serment ci-
PKNDANT LA RÉVOLUTION 189
vique, ni à la déportation, et resta dans le pays. Quand le
général vendéen Joly marcha sur les Sables, il demanda
quelques prêtres assermentés pour se joindre à son armée et
pour entendre les confessions à l'approche de Pâques.
M. Chabot fut de ceux qui préparèrent l'armée vendéenne à
la communion pascale qui eut lieu le Jeudi Saint 1793 sous les
halles de Saint-Gilles-sur-Vie. L'attaque du 29 mars contre
les Sables échoua, et M. Chabot fut signalé dans les rapports
des administrateurs comme présent à la suite des troupes.
(Registres du district des Subies).
Il s'éloigna peu de sa paroisse et se cacha principalement
à la Roussière. On montre encore, sur la route de la Roche,
l'endroit où, blotti dans un buisson d'épines, il surveillait
l'horizon et donnait au besoin l'alerte à ses paroissiens.
Après la déroute de Luçon, une femme du peuple, Marie
Grelaud, des Sables, fut accusée devant le Comité révolution-
naire de cette ville d'avoir porté au curé Chabot, du Tablier à
Aubigny, une lettre cachée dans la semelle de son soulier.
Elle reconnut le l'ait. Plusieurs voix demandèrent alors la
condamnation de l'aristocrate : « Je suis aristocrate pour la
messe, répondit-elle, mais pas pour autre chose. »
M. Chabot remplit courageusement son ministère partout
où on le réclama ; les registres paroissiaux du Tablier, de
Nesmy, de Poiroux en font loi ; en 1797, à Poiroux, il bénit
quarante mariages dans la même journée, et ne cessa jamais
de dire sa messe dans les granges ou dans les bois.
Pendant ce temps, le citoyen Payneau, commissaire près
l'administration cantonale du Tablier, rédigeait des rapports :
« /er Vendémiaiare an VI : L'obstination que le ci-devant
curé d'Aubigny, Chabot, met à ne pas satisfaire à la loi du
19 fructidor, ne fait qu'augmenter chez les habitants de cette
commune en particulier la répugnance qu'ils ont pour le
gouvernement républicain ».
a 2 Nivôse an VI : Chabot, ex-curé d'Aubigny, aussitôt la
promulgation de la loi du 19 fructidor, s'est caché et i'a tou-
TOME XII. — AVRIL, MAI, JUIN. 14
190 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
jours été depuis; je ne le crois pas hors de la commune
Depuis la loi du 19 fructidor, les deux prêtres Chabot et
O'Brien qui exerçaient dans ce canton ne paraissent plus.
Je ne doute pas que cela ne fasse bien des mécontents ; mais
avec de la surveillance il n'y a rien à craindre. »
— « Chabot était curé d'Aubigny avant la Révolution ; il a
toujours habité cette commune depuis la pacification de la
Vendée jusqu'au 18 fructidor ; et il n'a point prêté le serment
et s'est tenu caché depuis ce moment. Son influence ne peut
être que très pernicieuse.
— « Chabot depuis le 18 fructidor est caché dans la com-
mune de Nesmy ou dans les environs. »
Au rétablissement du culte, M. Chabot resta dans sa pa-
roisse, qu'il administra jusqu'à sa mort, en 1815.
Dans l'état du clergé adressé au préfet de la Vendée en
1805, M. Menanteau, sous-préfet des Sables, disait de lui :
« Demeura pendant la déportation dans l'intérieur de
la Vendée. A eu par sa position plutôt que par ses moyens
personnels une assez grande influence pendant la guerre sur
les habitants des communes voisines. 11 paraît, comme le
peuple, avoir eu moins d'amour pour le roi que de haine pour
la république. Se montre sincèrement soumis au gouverne-
ment ».
Kdgar Bourloton.
[A suivre).
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in DRAPEAU DE LA GRANDE GUERRE
L'HISTOIRE D'UN DRAPEAU VENDÉEN
L'Insurrection du mois d'Août 1792
AFFAIRES DE MONCOUTANT, CHATILLON, BRESSUIRE
(Suite et fin1.)
Pour pacifier le pays, « l'administration départementale
installa, à Bressuire,une Commission de huit membres
qui s'empressa, dès le 31 août, d'adresser une procla-
mation aux habitants des campagnes. Cette pièce, tout en
faisant appel à la concorde et en se répandant en protestations
hypocrites de respect pour la religion, cherchait à exciter les
paysans contre les chefs du mouvement comme étant les
seuls coupables du sang répandu ; elle leur annonçait néan-
moins que les prisonniers, hommes pourtant fort obscurs, en
général, allaient être jugés; enfin après avoir eu la maladresse
de dire, presque au lendemain de ces sanglants événements
qu'ils eussent pu porter plus loin la vengeance, les commissai-
res terminaient leur proclamation en exigeant la dénoncia-
tion des instigateurs de la révolte, comme conditions princi-
pales de l'oubli du passé. » (Ledain, Histoire de Bressuire.)
i Voir la 3' livraison 1898.
192 l'histoire d'un drapeau vendéen
Deux gardes nationaux, de Cholet, délégués par les divers
détachements de gardes nationales des Deux-Sèvres, se pré-
sentèrent à la barre de l'assemblée nationale le 30 août, pour
informer cette assemblée du soulèvement qui avait eu lieu.
Elle décréta, qu'une somme de 3.000 livres serait mise à la
disposition du ministre de l'Intérieur, pour être employée en
secours provisoires en faveur des veuves de ceux qui avaient
été tués en combattant les contre-révolutionnaires de Châtil-
lon, et de ceux qui avaient été blessés dans les mêmes cir-
constances.
Elle décréta en outre que l'Administration du district de
Ghâtillon, provisoirement transférée à Bressuire, serait défi-
nitivement fixée dans cette même ville, que le district de
Ghâtillon prendrait désormais le nom dedistrict de Bressuire..
Xavier Audouin et Loiseau Grandmaison, qui avaient été
désignés par la commune de Paris, par arrêté du 3 septembre
1792, pour engager les citoyens de la Vendée et des Deux-
Sèvres « à se réunira l'armée Parisienne et à employer tous
les moyens en leur pouvoir pour chasser l'ennemi », présen-
tèrent sur les événements d'août, le 30 septembre, un rapport
au Conseil exécutif provisoire qui, après avoir été lu au
Conseil général de la commune de Paris, fut publié sur la
demande et aux frais du département des Deux-Sèvres. On y
lit que l'attroupement contre-révolutionnaire s'élevait à dix
mille hommes... que Cholet, Parthenay, Airvault, Saint-Loup,
Saint-.Jouin, Boussay,Thouars. Niort, Saint-Maixent, Angers,
Nantes, La Rochelle, Rochefort, Saumur, Poitiers, Tours,
envoyèrent des secours pour le combattre ; que six cents
rebelles trouvèrent la mort aux portes de Bressuire ; qu'un
grand nombre de blessés furent traîner leur douleur dans les
bois, où chaque jour on trouvait leurs cadavres... ; que dix
citoyens seulement, avaient succombé en défendant leur pays,
que cinquante citoyens avaient été blessés.
Les morts étaient :
Godefring, brigadier de gendarmerie de Bressuire . Mon-
L HISTOIRE D UN DRAPEAU VENDÉEN 193
neau, gendarme d'Airvault ; Ghabauty, laissant une veuve et
sept enfants dont l'aîné n'était pas capable de pourvoir à sa
subsistance; Prévotal, garde national de Thouars ; Hublin,
garde national de Parthenay ; Vinzelle, garde national de
Saint-Loup ; Debœuf. garde national de Boismé, laissant
6 enfants ; Quenet, caporal de la garde nationale de Bres-
suire ; Baubeau, chirurgien, de le Pairatte; Barillet, de Bres-
suire.
« Enfin nous sommes arrivés à Bressuire, disent-ils ; nous
imaginions-trouver là que d'utiles sauvages difficiles àramener
aux principes. Eh bien ! cette ville, comme toutes les autres,
nous a présenté un grand nombre de patriotes bien prononcés,
d'autant plus estimables, qu'ils ont été assujettis à des
épreuves plus rigoureuses.
« Notre premier soin a été de disséminer dans les cam-
pagnes tous les missionnaires révolutionnaires de Niort,
Saint-Maixent, Parthenay, Thouars et Bressuire. vIls ont
tous bien mérité de la Patrie; ils ont conquis un territoire de
huitlieues; ils ont atterré 30,000 ennemis; tous ces cultivateurs
égarés sont venus nous entendre le dimanche à Bressuire. . .
On s'est rendu sur les deux places qui avaient servi de champ
de bataille et où six cents hommes ont péri ; nous avions
donné à l'une le nom de place de la Liberté et à l'autre celui
de place de l'Egalité. ... »
Le rapport mentionne différents traits de courage du jeune
Vinzelle, garde national de Saint-Loup ; du capitaine des
grenadiers de Thouars, Froger ; du citoyen Debœuf, garde
national de Boismé ; du citoyen Gendreau, porte-enseigne de
la garde nationale de Bressuire ; du citoyen Toustain ; de
David, sergent dés grenadiers de Bressuire...
Les citoyens de Pouzauges et le curé Dillon sont, d'après
les commissaires, dans les meilleurs principes. Il n'en est
pas de même de La Ghâtaigneraye. L'administration de ce
district est dans les meilleurs principes, mais la majorité des
administrés est fanatique et gangrenée au delà de toute
104 l'histoihe d'un drapeau vendéen
expression. A Fontenay, quelques administrateurs sont ex-
cellents, mais d'autres ont fait regretter aux commissaires
le pouvoir qu'ils avaient de les surveiller.... A la fin, Audouin
et Loiseau-Grandmaison indiquent les mesures à prendre
pour maintenir l'ordre dans le district de Ghâtillon : « Y
envoyer des citoyens éclairés et patriotes pour y répandre
l'esprit public, déjouer la suite des manœuvres des mal-
veillants et y détruire jusqu'au dernier germe du fanatisme.
Mais on aura beau faire, disent-ils, tant que le pays sera
dénué de routes, tous les moyens qu'on emploiera seront
infructueux ou du moins n'auront qu'un effet passager.
[Ce pays] est le plus malheureux.... il faut lui porter de
prompts secours, il faut faire pour lui plus que pour les autres,
lui accorder des fonds et ateliers de secours. Car le meilleur
moyen de lui faire oublier ses pertes est de bien persuader à
ses habitants que le nouveau régime n'est pas tel qu'on le
leur a dépeint; que fondé sur la liberté et l'égalité, il est
essentiellement bienfaisant; que tous les Français ne font
aujourd'hui qu'une grande famille...
« Les gardes nationales accourues àBressuire, dans l'exas-
pération du premier mouvement, menaçaient les prisonniers.
Les deux officiers degendarmerie qui commandaient en chef,
les braves Prié et Boisard, durent déployer toute leur énergie
pour les sauver et empêcher l'improvisation d'une cour
martiale. Prié mit ceux qui avaient été faits prisonniers
durant les trois attaques sous lasauvegarde des commissaires
du département des Deux-Sèvres pourvus d'une garde d'élite.
Quant à Boisard, il s'était hâté d'expédier ceux saisis à
Ghâtillon vers Gholet... L'Assemblée Nationale, consultée,
ordonna, par décret du 16 septembre, , de les transférer à
Niort'. »
Par une loi du 29 août, elle avait décidé que « les tribunaux
criminels des départements jugeraient, définitivement et en
i Chassin.
l'hiptoire d un drapeau vendéen 105
dernier ressort, tous ceux qui s'attrouperaient dans l'intention
d'occasionner des troubles et des désordres tendant à ren-
verser la liberté ou à s'opposer à l'exécution des lois, ainsi
que les prévenus du crimo d'embauchage. »
Une autre loi, du 30, « porte que les biens de tous ceux
qui seront convaincus d'avoir excité et fomenté des troubles,
ou pris part aux conspirations, seront confisqués au profit de
la nation, et que le produit en sera appliqué au soulagement
de ceux qui auront souffert de ces troubles ».
L'information, ouverte toutrle suite par les juges du tribunal
criminel des Deux-Sèvres, fut assez lentement conduite. L'un
des principaux accusés, Gabriel Baudry d'Asson1, ne put
être saisi ; avec son fils il se cacha dans un souterrain creusé
près de son manoir de Brachain et y vécut jusqu'à la fin du
mois de février de l'année suivante. Il n'en sortit que pour
commencer, l'un des premiers, la grande insurrection de
1703. Le seigneur de Puy-Louet, Louis Joseph de Calais, et
de Feu échappèrent de même aux poursuites, pour se
distinguer également parmi les officiers de l'armée catholique
royale du Centre. François de Richeteau, le seul pris des
chefs nobles de l'insurrection avait été fusillé, le 28 août, à
Thouars. Quanta Belouche, Adrien-Joseph, il s'était enfui à
Nantes, et sans le procès qui l'avait fait connaître à la Chà-
taigneraye*, il n'eut pas été retrouvé. Ce fut, en effet, un cito-
' Après la défaite de Bressuire Baudry d'Asson revint à Courlay, prit les
habits d'un boucher appelé Gaucher et fut se cachera Brachain. (Manus-
crits la Fontenelle, Niort).
1 Gougeard avait porté plainte, au tribunal de Bressuire, contre Delouche
et ses amis, comme coupables de résistance à la loi du 22 septembre 1790, rela-
tive aux impositions directes Le tribunal, par décision du 18 février 1791. dé-
créta de prise de corps Delouche et deux autrescitoyens. Il s'était dérobé. Le
29 avril, Delouche interjeta appel près du tribunal de la Chàtaigneraye, de
la procédure et du décret de prise de corps. Il fut déclaré le 10 août 1791,
ennemi de la Constitution, de la Nation et du Roi et privé de ses droits ac-
tifs de citoyen pendant un an, en compagnie de Girard, Texier et Viault.
Ces derniers accusés étaient en outre condamnés à des amendes. Tous en
appelèrent le 22 août, au tribunal de la Chàtaigneraye qui les déchargea des
peines prononcés contre eux.
196 l'histoire d'un drapeau vendéen
yen de celte petite ville, Granger, qui le reconnut et le fit
arrêter». (Chassin), le 46 septembre à Nantes, où il se tenait
caché depuis le 27 août.
Aussitôt l'insurrection terminée, le drapeau de l'insurrec-
tion qu'on ne pouvait plus retourner au château de Pugny,
qui avait été brûlé, fut déposé chez l'homme de confiance des
de Hanne, chefs du canton de Moncoutant, chez Perrochon, à
défaut de pouvoir le déposer chez ses maîtres. Séparé de sa
hampe et de ses franges d'or, le drapeau fut caché entre des
draps de lit. Quand la guerre de Vendée fut terminée, de
Hanne, Séverin, le reprit et en orna son salon. Quelque temps
avant sa mort, arrivée en 1839, Séverin, qui n'avait qu'une
fille mariée à monsieur de Maillé de la Tour-Landry, en re-
connaissance des services qu'avait rendus à sa famille son
vieux serviteur Perrochon, lui laissa une borderie et le
drapeau Vendéen, en lui recommandant de ne s'en séparer
jamais. Sa petite-fille, tombée dans la misère, me l'a cédé.
Pour couvrirles dépenses extraordinaires de l'insurrection,
le gouvernement adressa aux Deux-Sèvres 203,000 livres dont
3,000 furent distribuées aux veuves et aux blessés d'entre
les patriotes. Le document suivant fournit la répartition
qui en fut faite.
« Le 14 décembre 1792, l'an I de la République française, avec
l'assistance de dix-neuf administrateurs, le procureur générai
Syndic présent.. .
« Le tableau de répartition d'une somme de 2.550 livres,
faisant partie de celle de 3000 livres accordée provisoirement
par le ministre pour secourir les familles des morts et blessés
dans l'insurrection qui a eu lieu dans le ci-devant district de
Ghâtillon, au mois d'août dernier, [fut ainsi dressé].
MORTS
Jugé, gendarme de Gholet, marié depuis deux mois,
une part 75 1.
Fabien Ghabouly (sic pour Ghabauty), grenadier de
l'histoire d'un drapeau vendéen 197
Bressuire, laisse une femme et sept enfants en bas
âge et dans la misère — quatre parts 300 1.
Godefrin, brigadier à Bressuire, marié, sans enfants,
une part 751.
Prévotal, grenadier à Thouars, laisse une femme et
deux enfants en bas âge, dans la misère, deux
parts 1501.
Venant Quenet, garde national à Bressuire, laisse une
femme et six enfants, dont un sert dans le premier
bataillon du département d^s Deux-Sèvres, les au-
tres sont en bas âge et dans la misère. Quatre parts. 300 1.
Hublin, grenadier de Parthenay, laisse une femme
très pauvre et trois enfants en bas âge. Deux parts
et dpmie 187 1.
François-Augustin Debeuf, grenadier de Bressuire,
laisse une femme sans ressources et quatre enfants
en bas âge. Trois parts 2251.
Vuizelle(jzcpour Vinzelles), chirurgien de Saint-Loup,
garçon, mais il faisait vivre son père et sa mère,
infirmes, très âgés, et deux sœurs qui n'ont point
de métier. Deux parts 1501.
BLESSÉS
Mosset, volontaire de Gholet, garçon , a eu cinq
doigts emportés. Une part . 751.
Lavite, idem, a reçu une balle dans le corps. Une part. 75 I.
Dabin, cordonnier à Airvault, une femme et deux en-
fants, et est très pauvre. Trois parts 225 1.
Baudry, de Bressuire, marié sans enfants, a reçu une
balle dans le front. Demi-part . 371.10
Lavigne, de Bressuire, garçon, a reçu une balle dans
le visage. Demi-part 371.10
Voisin, de Faye-1'Abbesse, a reçu une balle qui lui a
traversé une cuisse. 11 a une femme et trois enfants
dans la misère. Trois parts 2251.
198 l'histoire d'un drapeau vendéen
Puyrodeau, grenadier de Thouars, garçon ; il a reçu
une balle qui, après avoir traversé le bras gauche,
lui a frappé la poitrine et est entrée assez avant.
Ses blessures sont très dangereuses. Deux parts. 1501.
Davand, de Bressuire, marié ; il a deux enfants.
Quoique blessé grièvement au-dessus du teton, ce
brave citoyen continua à se battre ; il arracha la
balle qu'il avait reçue, la mit dans son fusil et la
renvoya aux brigands. Deux parts 150 1.
Giraud, officier de la garde nationale de Bressuire,
marié ; il a un enfant, et a reçu une blessure à la
jambe. Demi-part 37. 10.
Ligonnière, de Thouars, une part 751.
Total, trente-quatre parts montant à. . . 2.5501.
Les 450 livres restantes pour former les 3000 livres
accordées par l'Assemblée Nationale, comme se-
cours provisoires, ont été distribuées, savoir :
Donné au citoyen Gouzaud, lors de l'insurrection,
pour en faire la distribution, trois cents livres. . 3001.
Au citoyen Dabin, pour un garde national, mort à
Bressuire 1501.
Total général 3.0001.
Outre ceux inscrits au présent tableau, il a été arrêté qu'il
serait fait la même mention honorable des citoyens Beaubeau,
chirurgien à la Pératte, qui a été assassiné par les brigands
en se rendant à Bressuire... et des citoyens Ballard, volon-
taire de Gholet; Gendreau, porte-drapeau de Bressuire ;
Guissard, aussi de Bressuire; Froger, commandant les gre-
nadiers de Thouars, et Bontemps, de Bressuire, qui ont été
plus ou moins grièvement blessés, auxquels le Conseil n'a
pas cru devoir faire part du modique secours provisoire ac-
cordé par l'assemblée législative pour les victimes infortunées
de cette insurrection, présumant que leur fortune leur per-
l'histoire d'un drapeau vendéen 199
mettait, par ce généreux sacrifice en leur faveur, d'ajouter
un nouveau prix à leur civisme et à la reconnaissance de leur
concitoyens.
Pour expédition, signé : Poupard, président, Morand, se-
crétaire général. »
(Archives départementales. Période révolutionnaire. L. R.
n° 185 )
Ainsi que nous l'avons vu, la Législative avait rendu, le 29,
une loi décrétant que le tribunal de Niort jugerait en dernier
ressort et sans recours au tribunal de Cassation les fauteurs
des troubles, l'Administration des Deux-Sèvres sollicita une
autre loi pour que le directeur du jury du tribunal de Niort
instruisît la procédure relative à ces mêmes troubles et rem-
plît môme les fonctions d'officier de police. Elle craignait que
les dix-huit prisonniers du château de Niort, parmi lesquels
se trouvaient plusieurs chefs de la conspiration, et dont
plusieurs appartenaient aux classes privilégiées, revinssent
devant le directeur du jury du district de Bressuire. Il s'en
serait peut-être suivi de nouveaux troubles et les coupables
auraient pu se soustraire au glaive de la loi.
« En attendant que la grande affaire s'instruisît, les prison-
niers, dont le nombre augmentait tous les jours, demeuraient
pêle-mêle entassés dans le donjon. Quoique vaste, il se trou-
vait trop étroit pour loger les détenus. L'air des chambres se
corrompit, ils tombèrent malades, atteints presque tous d'une
affreuse dysenterie que prolongeait une extrême malpropreté.
L'humanité du Conseil s'émut au récit de ces misères. Des
commissaires du département, du district et de la commune
tentèrent divers moyens pour neutraliser l'action incessante
de l'air vicié, et se. hâtèrent de faire préparer d'autres appar-
tements. Les plus malades furent transportés dans le couvent
des bénédictins où l'on établit 23 lits. Un marché fut passé
avec un boulanger, pour qu'il eut à fournir du pain de qua-
lité supérieur aux détenus, tout le temps de l'épidémie. » (J .
Richard, Histoire du département des Deux-Sèvres.)
200 l'histoire d'un drapeau vendéen
Le 29 septembre 1792, le Conseil municipal de Niort, de-
mande une loi sur les prisons dans les termes suivants : « Au
ministre de la Justice au sujet des prévenus dans l'insurrec-
tion de Châtillon.
Citoyen. — Les prisons de la ville de Niort qui regorgent
dans ce moment par la quantité des prévenus qui y sont dé-
tenus, nombre qui a sa cause dans l'insurrection qui a eu lieu
dans le district de Châtillon, joint au défaut de propreté, sont
dans ce moment cy infectées par la dysenterie ; ces motifs
joints aux autres raisons consignées dans la pétition dont
nous vous envoyons copie et que nous adressons par ce même i
courrier à la Convention Nationale nous ont déterminés à sol-
liciter d'elle une loi particulière à cette affaire et nous comp-
tons trop sur votre zèle pour n'être pas persuadés que vous
concourrez de tout votre pouvoir à seconder nos intentions.
(Nota) Même envoi aux députés des Deux-Sèvres. »
{Archives départ. R. 45. L.)
Cinquante-huit prévenus avaient été conduits dans les
prisons de Niort dès la journée du 24 août. Bien d'autres
vinrent les y rejoindre, puisque du 28 octobre 1792 au
23 janvier 1793, cent-quarante d'entre eux furent élargis. En
voici la liste qui m'a été fournie par Monsieur Henri Clouzot.
Elle a été copiée avec les erreurs qu'elle comporte, sans recti-
fication.
« Noms des individus élargis de la maison d'arrêt de Niort qui
ont obtenu des passe-ports pour se rendre dans leur commune, du
8 octobre 1702 au 23 janvier 1793. (Registre des passe-ports de la
commune de Niort. — Arch. municip).
Le 8 octobre 1792.
.lean-Baptiste Martin, de Parthenay, 36 ans.
Pierre Falaiseau, d'Amailloux, 43 ans.
Kené Géron, de Saint-Paul en Gâtine, 61 ans.
Jacques Clochard, de Montîgny, 73 ans.
Pierre Frouin, de la Chapelle, paroisse de la Châtaigneraye, 52 ans.
Jacques Frouin, de là Chapelle, paroisse de la Châtaigneraye,22 ans.
l'histoire d'un drapeau vendéen -01
Jacques Cornuault, de Saint-Marsault, 40 ans.
Pierre Pellotron (Bellotron), des Moutiers, 25 ans.
Julien Gobin, des Moutiers, 42 ans.
Pierre Gobin, des Moutiers, 25 ans.
André Venuaud, de Saint-Etienne, 20 ans.
Pierre Bossier, de Gerizay, 43 ans.
Jacques Thibaudeau, de Terves, 26 ans.
RenéThibaudeau, de Terves, 30 ans.
François Ayrault, fossoyeur de Moncoutant, 39 ans
Jean Veillon.
Louis Arnault.
Jacques Bellion.
Charles Denis.
Jacques Beluteau.
Pierre Rouet.
Jean Thalbot.
, François Guillon .
Pierre Moine.
Pierre Gournat.
Pierre Malicot.
Charles Roy.
Charles Martineau.
Le 19 octobre .
Augustin Pougnard, de Pugny, 24 ans.
Du 9 au 16 novembre,
François Moreau, d'Azay-sur-Thouet, 33 ans.
Marie-Jeanne-Victoire Saint-Généroux, veuve Richeteau. Le Chà-
telier-Menu, paroisse do Chenay, 38 ans.
Geneviève Gaufreteau, de Chambroutet, 21 ans.
René- André Day, de Terves, 34 ans.
Louis Hilaire Gaudrier, de Saint-Clémentin, 48 ans.
Jacques Renaud, de la Ronde, 41 ans.
Louis Pasquier, de Boupère, 26 ans.
François Sortain, de la Coudre, 36 ans.
Du 20 au 24 novembre.
François-Armand de Hanne, de Moncoutant, 70 ans.
Marc-Antoine- Marie-Prosper Mouton, de Pugny, 25 ans.
Jean Métay, de Pugny, 32 ans.
Pierre Savin, de Pugny, 24 ans.
202 l'histoire d'un drapeau vendéen
Mathurin Thourret, de Terves, 44 ans.
Jean Thibault, de la Forêt-sur-Sèvres, 23 ans.
René Michenot, de Moncoutant, 25 ans.
Jacques Aubuneau, de Cerizay, 27 ans.
Pierre Gaydon. de Clazay, 21 ans.
André Baumier, de Saint-Sauveur, 21 ans.
Jean Barrault, de Saint-Jouin, 27 ans.
Pierre Bazin, de Saint-André-sur-Sèvre, 30 ans.
Pierre Baudiy, de Saint-Aubin, 18 ans.
Martin Aileau, des Aubiers, 42 ans.
Joseph Jubelin, d'Argenton-Château, 26 ans.
Pierre Collin, de Moullins, 63 ans.
Pierre Courtois, d'Oiron, 21 ans.
Le Î9 novembre.
Jean Ferré, de Largeasse, 45 ans.
Jean Aubry, de Terves, 28 ans.
Pierre Fradin, de Châtillon, 52 ans.
Mathurin Gailleton, des Aubiers, 18 ans.
François Jouineau, des Aubiers, 21 ans.
René Vergniaud, de Largeasse, 41 ans.
Jean-Baptiste Gornuault, de Courlay, 26 ans.
Jean Baudouin, de Chanteloup, 32 ans.
Jean Favreau, de Saint-Marsault, 15 ans.
Tristand Richou, de Saint-Pierre de Chemillé, 32 ans.
Jean Bernard, de Saint-Clémentin, 36 ans.
Pierre Favreau, de Saint-Marsault, 27 ans.
Pierre Rabouan, de Ghambron, 45 ans.
Louis Marchand, la Petite Boissière, 51 ans.
Le 7 décembre.
Jean Coignaux, de la Petite Boissière, 22 ans.
Jacques Savarit, de Bretignolles, 15 ans.
Jacques Boissinot, de Ferrières, 27 ans.
Mathurin Caillaud, de Saint-Jouin, 33 ans.
Pierre Gharruyot, de Combrand, 38 ans.
François Millaut, de Montravers, 48 ans.
Jean Girard, du Pin, 55 ans.
Jean Boissineau,.du Pin, 50 ans.
Jacques Vincendeau, de Terves, 37 ans.
Urbain P&pain, de Puybonnet, 28 ans.
L'HISTOIRE D'UN DRAPEAU VENDEEN 203
Jacques Daniault, de Puybonnet, 39 ans.
René Soulard, de Rorthay, 40 ans.
Jean Chausseray, de Breuil-Bernard, 20 ans.
Pierre Decrian, de Clazay, 18 ans.
Jean-René Chessé, de Terves, 28 ans.
Michel Garnier, de la Forêt-sur-Sèvre, 27 ans.
François Neau, de Combrand, 29 ans.
Basile Belain, de Rorthay, 27 ans.
Nicolas Grolleau, de Cerizay, 38 ans.
Jacques Vie, de Combrand, 43 ans.
Jacques Mineur, de la Forêt-sur-Sèvre.
François Bodin, de Terves.
Pierre Charron, de Breuil-Bernard.
Jacques Bazin, de Moncoutant.
Pierre Mesnard, de Saint-Paul.
René-Gabriel Besson, de Saint-Christophe.
Jean Bertrand, de Terves.
Jacques Bertrand, de Terves.
Pierre Morin, de Saint-Clémentin.
Jean Bonnin, de Terves.
Jacques Mêleras, de Pugny.
Pierre Richard, de Breuil-Chaussée.
Pierre Lasalle, de Saint-Aubin.
Le 13 décembre.
François Bodet, de Clazay, 24 ans.
Joseph Joly, de la Forêt, 30 ans.
Pierre Ribard, de la Forêt, 33 ans.
Paul-François-Cipriain Davaud, libraire relieur, de Bressuire,
27 ans.
Pierre Berbier, de la Forêt, 35 ans.
Pierre Fourcheau, de Largeasse, 32 ans.
Mathurin Tricoire, de Breuil-Bernard, 66 ans.
François Gaufreteau, de Roiteuil(?) (probablement Rorthay), 52 ans.
Philippe Desprez, de Pugny, 33 ans.
Richard Martin, de Clazay, 65 ans.
François Bodin, de Bressuire, 24 ans.
Le 20 décembre.
Pierre Giraudeau, de Bressuire, 28 ans.
Louis Panneau, de Bressuire, 32 ans.
204 l'histoire d'un drapeau vendéen
Louis Giraudeau, de Eressuire, 18 ans.
Pierre Gorry, de Bressuire, 24 ans.
Pierre Guignard, de Bressuire, 42 ans.
Pierre Turpaud, de Bressuire, 39 ans.
Pierre Griffaud, marchand, de Breuil-Bernard, 33 ans.
Pierre Baudouin, domestique, de Pugny, 25 ans.
Pierre Métayer, domestique, de Moncoutant, 28 ans.
Pierre Rougé, métayer, de la Fretaudière1, 48 ans.
Pierre Gonord, bordier, de Terves, 42 ans
René Grimaud, sabotier, de Terves, 40 ans.
Marie Denis, de Glazay, 50 ans.
Jean Rousseau, maçon, de Montravers, 20 ans.
François Billier, laboureur, des Aubiers, 20 ans.
Jean Texier, secrétaire de la municipalité de Courlay, 25 ans.
François Paynot, métayer de Largeasse, 52 ans.
Pierre Reuillier, bordier, de Vernoux, 36 ans.
Louis Sabiron, tisserand, du Busseau, 27 ans.
Baptiste Richard, métayer, de la Forêt, 25 ans.
Le 18 janvier 1793.
Louis Tricouère, tisserand, de Moncoutant, 30 ans.
René Marot, marchand, de Saint-Jouin de Milly, 26 ans.
René Luton, jardinier à la Chapelle St Laurent, 32 ans.
Jacques Renaudeau, domestique, de Pugny, 22 ans.
Le 23 janvier.
Mathurin Glopaud, domestique, de St. Etienne, 26 ans.
Jean Gornuault, métayer de Saint-Aubin du Plain, 65 ans.
Jean Bodin, bordier, de Cerizay, 50 ans.
Pierre Baudouet2, laboureur, de Clazay, 17 ans.
La plus grande part des gens dont les noms figurent
ici furent renvoyés sans jugement. Quarante accusés furent
acquittés après leur comparution devant le tribunal. Ce sont :
19 novembre 1792 : Jean Baptiste Hérault, cuisinier à Vau-
doré, un dus chefs; — 20 novembre : François Armand de
Hanne, Armand de Hanne fils, Rose Gruget femme de Hanne,
Julie Rose Louise de Hanne; — 20 novembre 1792: Métais
1 Frelandière, en Moncoutant.
a Pierre Baudouin .
l'histoire d'un drapeau vendéen -05
Jean, Mouton Prosper Marc Antoine Marie, Savin Pierre ; —
21 novembre : Jacques Bonnin ; — 22 novembre : Martin
Helleau, garde-chasse ; 23 novembre : Joseph Jublin,
Pierre Comtois; (je n'ai pas trouvéson jugement mais il est
cité par M. A Proust comme ayant été jugé). — 18 décembre :
Mathurin Guillet, garde à la Baudière, commune de la Réor-
the ; 19 décembre: François Bodin ; — 20 décembre:
Pierre Jacques Benoit ; -21 décembre: Gabriel Godefroy,
notaire officier municipal des Aubiers ; — 22 décembre :
Jean Michel Guillon, ci-devant curé de Pugny; — 23 décem-
bre: Gharles-Gabriel-JacquesDury. Malgré son acquittement,
l'Administration des Deux-Sèvres pril un arrêté pour or-
donner qu'il sortirait dans les douze heures du département
et serait conduit par la gendarmerie hors des frontières de la
République ; — 25 décembre : Pierre Jeay, Jean Décréon ; —
15 janvier 1793 : Jean Texier; — lCjanvier: Painot François,
Sabiron Louis, Reullier Pierre; — 17 janvier: Baptiste Ri-
chard ; — 18 janvier : Louis Tricoire, René Marot ; — 19 jan-
vier : Jacques Renaudeau, Henri Luton ; — 20 janvier :
François Morin, Alexis Glaurit ; — 21 janvier : Jacques Blai-
seau, Glopeau Mathurin ; — 22 janvier: Jean Bodin et Jac-
ques Gornuault ; — 23 Janvier : René Reverdi; — 24 janvier :
Jacob Rabin ; — 25 janvier : Pierre Baudouin ; — 26 janvier :
JeanGhaboté.
Ces quarante noms ont été pris avec les dates sur les co-
pies des procès- verbaux, (Archives municipales) M. A. Proust
dans la Justice révolutionnaire à Niort, en avait déjà donné la
liste, mais sans dates.
Furent renvoyés sans accusation après avoir figuré sur les
copies des jugements : Augustin Pougnault, ce dernier le
20 novembre 1792; il avait reçu son passe-port, le 19 octobre
précédent; — Louis Hulé, curé de Largeasse, 22 décembre
1792; — Philippe Després, François Gaufîreteau, Charles
Martin, 15 janvier 1793; — Arnaud Jean, le 22 ; — François
Voyer, le 23; — Jacques Mineur, le 24; — Jean Rousseau,
TOME XII. — AVRIL, MAI, JUIN. 15
206 l'histoire d'un drapeau vendéen
Jacques Bazin. Jacques Vey, le 25; — Michel Garnier et Jean
René Chessé, le 20 ; — Pierre Pougneau, date incertaine.
Il y eut cinq condamnations à mort, celles de :
Delouche Adrien-Joseph, le 18 novembre 1792 ;
De Pierre Léger, le 25 décembre 1792 ;
De Chamarre Pierre, journalier, demeurant à Boisguillot,
commune de Terves, et de Bellotron Louis, domestique à
Moucoutaut, le 27 janvier 1793 ;
De Fournée René, chirurgien, demeurant à Voultegon, le
28 janvier 1793.
Delouche se pourvut en cassation, alléguant la non-rétroac-
tivité de la loi du 29 août. La Cour de Cassation accueillit ses
moyens et cassa son jugement de condamnation, le 9 février
1793. Depuis cette époque, l'ancien maire de Bressuire, alors
âgé de 40 ans, disparaît complètement de la scène du monde ;
rien n'a révélé les actes subséquents de sa vie ; l'on sait
simplement qu'il mourut à Nantes dans l'obscurité1. Le
jugement de Pierre Léger, de la Coudre, fut également cassé
pour le même motif.
La Cour repoussa les pourvois de Chamarre, Bellotron et
Fournée qui furent exécutés le 25 avril 1793, à l'aide de la
guillotine, à dix heures et demie du matin, à Niort.
Monsieur A. Proust, a publié les jugements de ces cinq
condamnés. (Voir la justice révolutionnaire, à Niort).
Les juges étaient : Orré et Briault, Jacques-Antoine Martin,
Sionneau, Chauvin, Sardin, Gaultreau, C. F. Deschamps.
Bouchet, Mounier.
Chauvin-llersant était l'accusateur public, et Vien le greffier.
Monsieur A. Proustdonne, dans Va. Justice révolutionnaire à
Niort, le nom fie trois détenus morts dans les prisons de Niort:
Cornuault Joachim, 44 ans, de Terves, le 14 novembre 1792 ;
MorineauLouis, âgé de 40 ans, de Saint-Christophe-de-
Beaulieu, le 22 novembre 1792, Loubeau Pierre, âgé de
> Ledain. Histoire >/e Bressuire.
L'HISTOIPE D'UN DIUPEAU VENDÉEN 207
27 ans, d'Aubigny, le 20 février 1793. Le premier faisait
sûrement partie de la conjuration d'août ; quant aux deux
autres, je déclare ignorer s'ils y participèrent.
G. PUIGHAUD.
Notes sur la famille de Hanne de la Saumorière
Ses armes : D'or, au chevron d'azur accompagné de trois mouche-
tures d'hermines de sable.
Dans l'église de Trayes, (Deux-Sèvres), j'ai lu sur une pierre tombale
d'une largeur deOm93 sur une longueur delm97, hauteur des lettres
romaines 0,10 à 0,1 1 cent :
GY GIST LE CO
RPS : DE DAMOI
SELLE : CLAUDE
DE LA COURT : ES
FOUSE : DE LOUIS
DEHANNE : ESCVl
ER : SEIGNEUR : DE
LA CHAVRUERE :
FEROLLE ET
RE 1661
P3
H
O
es
o
o
\ : ai vciasaa
Armand de Hanne de la Saumorière, chevalier de Saint Louis,
époux de dame Françoise Gourjault de la paroisse de Fenioux,
habitait Moncoutant en 1761.
31 mars 1761, mariage de François, (ils majeur de messire Armand
de Hanne seigneur de la Saumorière et de Françoise Gourjault, de
~08 l'histoire d'un drapeau vendéen
la paroisse de Fenioux, avec d11* Gruget, fille de défunts Jacques
Gruget, notaire royal, et Jeanne Rose Brossard. Ont signé au registre:
Gaconnière Geay, de Hanne de la Saumorière, Guérinière, de la Porte,
M* Darrot veuve de la Brosse, Gruget de Hanne, L'abbé Delauzon.
François Armand de Hanne et sa femme, impliqués dans les trou-
bles de Moncoutant, furent acquittés en novembre 1792, à Niort.
Jeanne Gruget et Julie de Hanne, sa fille, étaient encore détenues à
Niort, maison du Péré, le (?) pour avoir persévéré dans
leurs principes contre -révolutionnaires pendant la guerre de
Vendée et enfin s'être retirées à Niort pour y pervertir l'esprit
public.
Du mariage de François Armand et de Jeanne Gruget sont issus
cinq enfants :
1° 27 juillet 1763, baptême de François Armand. Parrain, messire
Louis Galixte Serin de la Cordinière. M. François Armand de Hanne
de la Saumorière, de Moncoutant, figure parmi les écoliers du
collège de Thouars qui ont remporté des prix, en l'année 1779.
Dans les exercices académiques qui suivirent la distribution des
récompenses, le 6 septembre, il remplit le rôle de Cléon, confident
du comte, dans Grégoire ou le Faux Duc de Bourgogne, comédie du
P. Ducerceau. Le spectacle du jour précédent se composait de Régulus,
tragédie de Dorât. Mais le jeune de Hanne n'avait sans doute de dispo-
sitions que pour les rôles comiques ; car il ne figure pas parmi les
acteurs*. »
L'afiaire de Pugny n'eut également aucun rôle tragique pour lui.
Le tribunal criminel de Niort prononça son acquittement le 20 no-
vembre 1792.
De Hanne, servait à l'armée de Condé, dans les chasseurs nobles,
Compagnie numéro 4. Il fut tué à l'affaire d'Aber-Kamlack le 13 août
1796. Il avait 33 ans.
2° 10 décembre 1764. Baptême et naissance de Rose Louise Julie.
Parrain, Louis Calixte Serin de la Cordinière, chevalier de Saint-
Louis; marraine, Jeanne-Julie Gruget. Acquittée après les troubles
de Moncoutant, était encore emprisonnée avec sa mère, à Niort,
maison du Péré, le
'■'." 2 juillet 1766. Baptême de Geneviève Honorée. Marraine, de-
moiselle Geneviève de Hanne ; parrain, Gourjault-Dumée, seigneur
de la Frémaudière, enseigne de vaisseau.
Geneviève Honorée ;i <lù mourir en bas âge.
' Programme imprimé. Poitiers. 17'i!>, in-4° Note fournie par M. Henri
Clouzot.
l'histoire d'un drapeau vendéen 209
4° 23 juillet 17f>8. baptême de François-Armand. Parrain, Charles,
François (iourgault-Dumée, seigneur de la Frémaudière et autres
lieux, lieutenant d'infanterie. La marraine a étéPerside de Lauzon.
C'est François-Armand qui fut entraîné au mois d'août 1792, par
les insurgés qui en firent un de leurs chefs. « Attaché ensuite à
l'armée de Charette. de Hanne vint pour faire une levée d'hommes
dans les environs de Moncoutant. Se trouvant dans une métairie,
près de là, appelé la (?). il fut pris par des républicains que l'on avait
instruits du lieu où il se trouvait. Conduit à Bressuire, il y tut
fusillé par ordre du général Auge, le 17 février 1794 De Hanne, aussi
religieux que bon royaliste, avait vu avec déplaisir la corruption des
mœurs gagner dans l'armée royaliste. » - (Note fournie à la Fonte-
nelle de Vaudoré par M. Séverin de Hanne — Manuscrits la Fon-
tenelle. Bibl. publ. de Niort.)
5° Le 10 février 1770, baptême de Marie-Jacques Séverin. Parrain,
maitre Jacques Richou-Lorrière, maître-chirurgien. Marraine,
demoiselle Perrine-Julie Richou.
Séverin a servi dans l'armée de Condé. 11 fut blessé le même jour
que son frère fut tué, à l'affaire d'Aber-Kamlack. Il dépendait de la
quatrième compagnie des chasseurs nobles.
Séverin s'est marié avec Claude-Renée de Longueval d'Arécourt.
De ce mariage est née Claire Désirée, en 1815, 17 janvier. Elle a
épousé un monsieur de Maillé, de la Tour-Landry. Ils eurent une
fille unique qui épousa un monsieur de Saint-Long.
Séverin, devenu maire de Moncoutant, est mort en 1839, commune
de la Ronde, où on le tr ouva noyé nceidente'kment ilsns !a Sèvre au
gué de la Motte
(Fin.) C. PU1CHAUD
LA TERRE ABANDONNÉE'
Nouvelle Vendéenne
Par Gustave GUITTON
(Stiite*)
V
Une noce vendéenne.
Le premier lundi de février se trouvait être le 4. La veille,
dès six heures, une vingtaine de jeunes gens du bourg
de Puymaufre, qui avaient été invités à la noce, com-
mencèrent à vider quelques bouteilles en l'honneur des futurs
époux, et à danser avec entrain. A dix heures pourtant, chacun
s'en alla dormir, en attendant la grande fête.
La claire nuit passa. Le froid, très vif en ce mois de février,
mit de la glace dans les caniveaux des routes et sur les mares.
L'angelus tinta au clocher de Puymaufre; c'était le matin.
Les paysans des environs, pour se lever, n'ont pas besoin de
cet appel des cloches ; mais les ouvriers du bourg, qui n'ont
point de bêtes à soigner, sont moins matinals ; aussi ont-ils
réglé l'heure de leur lever sur celle, toujours exacte, où le
sacristain de l'église vient tirer les cordes des cloches pour
annoncer la levée du jour.
1 Reproduction interdite aux journaux n'ayant pas traité avec la Société
des Gens de Lettres.
' Voir la livraison de septembre 1898.
LA TERRE ABANDONNÉE 211
Une demi-heure après, c'est-à-dire vers s;x heures et quarl ,
quatre noceurs étaient déjà réunis dans la salle de l'auberge
du Cheval-Blanc, où l'on donne à boire et à manger, et où on
loge à pied et à cheval. Ils commencèrent à tuerie ver, en
cassant une croule de pain sur laquelle ils étendirent quelque
vieux restant de pâté, et en buvant une ou deux bouteilles de
vin clairet.
Quelqu'un des quatre offrit de payer une tournée. Deux
demandèrent une tasse de café ; et les deux autres, sortes de
coqs de village, en gars délurés ayant subi la transformation
du régiment, éprouvèrent le besoin de prendre deux absinthes
pures.
Ils étaient tous les quatre bien pâles, ayant dansé la
veille, et demeurant fatigués d'avoir un peu trop bu. Malgré
tout, comme il était vraiment trop matin pour espérer avoir
du plaisir chez Tripaud, ils continuèrent à ingurgiter, les
buveurs d'absinthe, d'autres absinthes, et les buveurs de café
d'autres cafés, mélangés de rhum, de cognac et d'eau-de vie.
Bientôt, quelques noceurs de la veille vinrent se joindre à
la petite bande, tous un peu pâlis; et ils burent ensemble les
boissons les plus diverses et les plus frelatées.
Le maire avait été prévenu que le mariage serait à neuf
heures etdemie, etle curé pour dix heures. N'empêche que, dès
huit heures les invités commencèrent à arriver. Il devait y en
avoir cent cinquante, parents éloignés ou amis de la famille
du marié ou de la mariée. Il en venait des quatre points
cardinaux, c'est-à-dire des quatre routes aboutissant à la
place de la Mairie de Puymaufre. Les uns arrivaient à pied ;
d'autres dans des carrioles à deux roues traînées par des
chuvauxà tout faire, inélégants, mais bien râblés, rapides et
courageux. Hommes et femmes, tous avaient leurs habits de
fête ; les femmes avec leurs robes à nuances diverses et
souvent criardes, les hommes revêtus d'une blouse unifor-
mément bleue descendant à mi-jambes qu'ils déposeront
tous, tout à l'heure, en prenant place dans le cortège, car elle
212 LA TERRE ABANDONNÉE
leur sert de pardessus et cache le veston noir des grandes
cérémonies.
Ceux qui étaient à pied allaient directement à la maison
nuptiale; ceux qui étaient en voiture, dételaient dans les
auberges où ils étaient accoutumé de descendre les jours de
foire.
A neuf heures, il n'y avait pour ainsi dire point de retar-
dataires, sauf évidemment la mariée qui terminait sa toilette.
11 y avait là les Renaud, de Patosse ; les Gralepois, de
Montador ; les Merland, des Ghaumettes ; les Robin, du
Bottreau ; les Farideau, de Ghampclos ; et bien d'autres qui se
trouvaient réunis à l'occasion de ce mariage, tous, cousin et
cousine, oncle et tante, neveu et nièce, grand-oncle et grand'-
tante, arrière-cousin et arrière-nièce. Les arrivants se congra-
tulaient entre eux, se faisaient des compliments sur leur
santé, sur leur bonne mine, s'informaient de quelque mort ou
de quelque naissance qu'on leur avait apprise. Beaucoup
d'entre eux ne se connaissant pas, il se faisait alors des
présentations à la bonne franquette, où le protocole mondain
n*avait rien à voir.
— Dis donc, Justin, tu vois bien ce grand gars? C'est mon
fîeu. Ça a douze ans, mais c'est fort comme un chêne, et même
qu'il m'aide joliment pour le travail
— Il a bonne mine et bon teint, répondait Justin.
— Et puis cette petite courtaude qui est là-bas? C'est ma
tille. Elle a dix ans, et elle sait déjà battre le beurre et écrire
comme un ange.
— Eh bien alors, répondait Justin, si elle a douze ans, ta
petite, elle est de l'âge de Mélanie.
— Mélanie, c'est ta petite?
— Oui. Tu ne la connais pas ?
— Non. Montre-la pour voir...
Des petits cercles se forment devant la porte. Les uns sont
assis, les autres debout. Les hommes viennent de quitter leurs
blouses et chargent leurs femmes de les porter en lieu sûr,
LA TERRE ABANDONNÉE 213
soit chez Tripaud, le père de la mariée, soit chez des personnes
amies du bourg de Puymaufre. Certains assoiffés entrent chez
Tripaud prendre un coup de vin blanc; d'autres vont s'offrir
un verre de cognac au cabaret.
Mais voilà que sonnent neuf heures. A ce moment les
groupes se rapprochent, et demandent déjà après la mariée
qui n'a pas fini sa toilette. Deux ou trois amies d'enfance, dont
Céline, la fille d'honneur, sont allées l'aider à se vêtir, et lui
agrafer, sur son élégante coiffe blanche, le bouquet artificiel
de fleurs d'oranger, symbole de virginité. Enfin elle descend
l'escalier, Joséphine, très gracieuse dans sa robe claire, à
peine troublée, mais les joues rouges pourtant, de pudeur ou
de joie.
On la complimente ; et ce sont des embrassades sans fin. . .
Bonjour, cousin ; bonjour, cousine ; bonjour, Louis; bonjour,
Hortense. . .
Louis Poirier, le marié, est, lui, descendu un peu avant la
mariée. Il a serré les mains que tendaient les hommes et
embrassé les femmes sur les joues. Pour l'instant, il cause
des détails de la fête avec son garçon d'honneur. On le sent
préoccupé. Il donne des indications : il faudra placer le cousin
Pierret au bout de la table, et mettre la tante Sophie Gaillard
le plus près possible de la mariée. En tous cas, il faudra tou-
jours réserver une place pour monsieur le Maire, car il pour-
rait leur faire l'honneur de venir. ,
Le père Jean Poirier et la Rosalie sont dans un coin, cau-
sant avec leurs propres parents, et ceux qui bientôt seront
leurs alliés de famille. Ils ne sont pas d'une folle gaieté ; mais
ils ne laissent presque rien percer de leur mécontentement.
D'ailleurs ce qui est passé est passé, et ce qui est dit est dit,
n'est-ce pas ?
Enfin il va être la demie. On sait que monsieur le Maire est
toujours exact. Il ne faut donc pas se mettre en retard.
— Allons, crie Tripaud, c'est l'heure. Il faut partir, les
enfants.
214 LA TERRE ABANDONNÉE
Le garçon d'honneur donne les cavalières aux cavaliers,
selon les meilleures convenances pour chacun et chacune.
Le père Tripaud a pris la main de Joséphine, et forme avec
elle la tête du cortège. Les autres invités s'alignent. Louis
Poirier, selon l'usage, est derrière.
A pas processionnels, le cortège s'avance. Une rue, puis
une autre est ainsi parcourue. Toutes les femmes de Puy-
maufre, informées de l'événement, sont là, par groupes, sur
le pas des portes, donnant leur avis sur la toilette de la
mariée, les unes la trouvant bien, les autres la jugeant du
plus extrême mauvais goût. Les hommes de Puymaufre, que
ce spectacle intéresse moins que leurs épouses, sont, malgré
tout, en assez grand nombre sortis dans la rue. Ils lèvent
leurs casquettes pour saluer la mariée, trouvant Joséphine
Tripaud fort appétissante.
Enfin voici la place. La mairie, dont la porte est toute
grande ouverte, est au bout. Les invités entrent tous dans la
salle très vaste. Les mariés vont aux deux chaises qui leur
ont été réservées auprès de la table ; les invités se massent,
assis ou debout, au fond de la salle.
Le maire, M. Gharlet, est un brave homme de petit pro-
priétaire, qui pose avec flegme les questions ordinaires de
consentement, lit sans la moindre prétention à l'effet les
articles du Gode, unit avec simplicité les deux jeunes gens,
serre cordialement la main du marié, embrasse, selon l'u-
sage, la mariée sur les deux joues, le tout sans morgue et
sans la moindre suffisance.
Au peu d'attention que les invités ont prêté à cette céré-
monie, il est facile de voir qu'elle est, pour eux, de minime
importance. Mais au sortir de la mairie, les couples se font
plus recueillis. Pour chacun d'eux, sans qu'ils s'en rendent
compte peut-être, on sent que l'intérêt de la journée va se
concentrer là, dans l'église, à la cérémonie religieuse. Sérieux
donc comme il sied, ils entrent dans l'église, et prennent
place ; les mariés auprès de la Sainte Table, avec le garçon
LA TERRE ABANDONNÉE 215
d'honneur, sa cavalière et les témoins ; les autres invités
dans les bancs, le plus près possible du chœur.
Ils assistent à une messe que sont venues entendre un
assez grand nombre de femmes de Puymaufre, curieuses ou
dévotes. Le curé fait l'échange des anneaux, les unit selon le
rite catholique, leur adresse quelques paroles brèves et quel-
ques souhaits de bonheur; et après la visite à la sacristie
pour les signatures, Louis Poirier est bien vraiment le mari
de Joséphine Tripaud, et Joséphine Tripaud est bel et bien la
femme de Louis Poirier.
Le nouveau ménage prend la tête du cortège, en se don-
nant le bras d'abord, puisqu'il le faut ; mais, l'habitude repre-
nant le dessus, les bras glissent ; et ils en arrivent, à peine
au sortir de l'église, à se donner les doigts, selon la vieille
mode des amoureux de Vendée.
Jean Bertoux, le violoneux, célèbre à dix lieues à la ronde,
que la banalité de pareilles cérémonies n'émeut plus, a tran-
quillement attendu, assis sur une borne, la formation com-
plète du cortège. Il prend place alors, bien en tête; et les
premières notes de son crincrin donnent le signal du départ.
C'est 1' « en-avant-marche ! » des troupes à pied ; seulement,
ici, la marche est plus lente, et presque cérémoniale. L'air
que joue le violoneux est l'éternelle répétition de la même
phrase musicale, née évidemment autrefois, il y a très long-
temps, sous Farcliet d'un violoneux vendéen. La phrase est
d'ailleurs fort jolie, et comporte assez de gaieté pour la célé-
bration d'une fête de joie.
Et le cortège défile à nouveau, en prenant exprès le plus
long chemin, entre deux haies de gens curieux, gouailleurs
ou sympathiques ; et les couples s'éloignent, suivis des
cancans ou simplement des bavardages de toutes les com-
mères de Puymaufre-Saint-Jean.
Us arrivent enfin à la maison de la mariée. Alors les em-
brassades recommencent, plus nombreuses qu'avant le départ
pour la mairie. Gela dure bien une demi-heure.
216 LA TERRE ABANDONNÉE
Mais l'impatience du déjeuner se lit dans tous les yeux ; car
il est midi, et les estomacs commencent à crier famine.
Enfin le garçon d'honneur, qu'une cuisinière vient de pré-
venir, annonce qu'on va se mettre à table. Tout le monde s'y
précipite, dans un vague cortège qui ressemble plutôt à un
vague troupeau de moutons; et, passant par la porte de la
cour, on entre sous le hangar qui sert, pour la circonstance,
de salle à manger.
Le hangar a été balayé de fond en comble ; les vieilles
toiles d'araignée qui pendaient aux poutres ont été enlevées
au balai. Maintenant qu'il est préparée pour la fête, il est
devenu coquet, élégant. 11 n'est plus reconnaissable.
De longues tables ont été dressées, formées d'une dizaine
de tréteaux sur lesquels ont été ajustées et clouées des plan-
ches en bois blanc. Des draps de lit ont été mis en guise de
nappe, sur lesquels reposent les couverts Us y a là trois
cents assiettes, deux pour chaque invité, flanquées de la
cuillère et de la fourchette. Le couteau est absent, car tout
bon Vendéen doit toujours avoir son coutpau dans sa poche.
C'est d'ailleurs une orgie de draps de lit dans le hangar.
Gomme aux Fêtes-Dieu, sur le passage du dais, pour cacher
la chaux et les angles du mur, des draps ont été appendus
sur des ficelles que soutiennent des clous fichés au mur Ces
draps sont à hauteur d'homme ; et des épingles y retiennent
des touffes de feuillage. Si c'était la belle saison, il y aurait
là des fleurs champêfres ; mais c'est février, mois où les fleurs
sont mortes. Malgré tout, telle que la salle se présente, l'effet
n'en esl pas moins fort gracieux de ce feuillage égayant la
monotonie des murs.
Chacun ayant pris sa place avec bruit, le festin pantagrué-
lique commence. Le père Tripaud a fait tuer un veau pour
la circonstance ; et c'est du veau que l'on va manger, du veau
en vinaigrette, en ragoût, en rôtis ; du veau enfin sous toutes
ses formes.
La tête du veau a été placée, entourée de persil, en face des
LA TERRE ABANDONNÉE 217
nouveaux mariés. Trois ou quatre autres têtes de veaux, ache-
tées chez le boucher, figurent, également sur les autres
tables.
Quand chacun s'est assis, la soupe se sert ; et l'on n'entend
bientôt plus que le bruit des cuillères battant l'émail des as-
siettes,et dominant le bruit des voix pas encore très animées.
Après la soupe, la tête de veau en vinaigrette. Chacun se
fait sa sauce. Ceux qui n'auront pas de tête de veau se conten -
teront du ventre du veau appelé gras-double. Les plus gour-
mands prendront des deux.
Ensuite on sert le ragoût. Les voix s'animent; car chacun
commence déjà à être excité par le vin rouge qui coule à flots.
Il y a en effet cette remarque à faire que, dans ce pays de
Puymaufre où se récolte un vin blanc, lequel,, pour n'être pas
coté chez les restaurateurs, n'en est pas moins délicieux, c'est
un signe de richesse, de distinction, que d'oflrir à ses invités,
un jourde noce, du mauvais vin rouge venu de Béziers ou de
quelque autre Algérie.
Les voix s'animent de plus en plus ; et l'on entend déjà dans
les coins des refrains qui s'esquissent.
— Tu chanteras une chanson tout à l'heure, dis, Hortense,
toi qui chantes si bien ?
— Je veux bien, répond la jeune fille ; mais il faudra que
Firmin nous chante quelque chose.
Pirmin, qui est le garçon d'honneur, est revenu du régiment
en même temps que Louis Poirier. C'est un gars pour lequel
Hortense éprouve du sentiment.
Le gars Firmin ne se fait pas prier, et annonce que, tout à
l'heure, il va chanter une chanson nouvelle.
— Bravo ! Bravo ! crient les jeunes filles en tapant des mains.
Un ou deux autres plats se dévorent, pendant que des chan-
sons retentissent, de jeunes gens ou de jeunes filles, toutes ap-
plaudies avec le même entrain, bien que souvent la justesse de*
voix manque totalement. Ce sont de fades romances démodées
de café-concert ; et c'est à peine si une ou deux chansons en
"iiS LA TERRE ABANDONNEE
patois régional, des chansons de la Vieille Vendée, se font
entendre.
Cependant voici qu'on apporte les rôtis. Alors, de plus en
plus, les voix s'animent. Les vieux mangent et boivent avec
l'appétit le plus louable. Les jeunes gens, rassasiés à moitié,
ne mettent que peu d'entrain à la mastication, préférant ta-
quiner leurs voisines qui sont leurs cavalières.
Comme le dessert est proche, la partie la plus sérieuse du
concert commence. Voici en effet que trois amies d'enfance
de la mariée se lèvent de table, et vont se placer devant elle.
Elles entonnent alors « la chanson de la mariée » la seule, celle
qui se chante à présent dans toutes les noces de campagne,
remplaçant les vieilles cantilènes d'il y a moins de cent ans :
o Permettez qu'en ce jour,
0 jeune et tendre épouse,
S1 explique notre amour... »
Et ce sont des conseils sans fin qu'elles donnent à leur com-
pagne, et des souhaits interminables qu'elles lui adressent en
lui offrant un bouquet et un gâteau symboliques.
Quand les jeunes filles furent retournées à leur place, la
vieille Michut, de Pnymaufre, qui avait quatre-vingt-cinq ans,
et se trouvait être la grand'lante de la mariée, se leva detable,
et poussa elle aussi, de sa voix chevrotante mais claire encore,
une chanson très ancienne qu'elle devait tenir pour le moins
de sa grand'mère à elle, et qui était en patois. Les mots de
rossignulet sauvage alternaient agréablement avec ceux de
Madame l' épousée, volage papillon et flèche de l'Amour.
Lorsque la vieille mère Michut eut fini son dernier couplet,
ei qu'elle se fut assise, un grand, un immense tapage fut son
succès. Ce fut l'ovation qu'elle reçut, car elle chantait juste et
fort, et iivec goût.
Les verres s'entrechoquaient à présent ; et la gaieté était à
son comble quand on apporta le dernier plat de rôti.
C'est alors que se fit la danse du gâteau.
LA TERRE ABANDONNÉE 219
D'après une vieille coutume, les parrains et les marraines
du marié et de la mariée doivent otïrir un gâteau à leur filleul
et à leur filleule le jour de leur mariage.
Cette coutume est si bien enracinée, que les fils ou les filles
du parrain ou de la marraine décédés, considèrent comme
un devoir d'otîrir le gâteau au filleul ou à la filleule de leur
père ou mère en leur lieu et place.
Le gâteau, c'est une énorme couronne de farine délayée
avec des œufs battus, en pâte tressée. Son aspect est celui
d'une grande roue de charrette. C'est d'ailleurs générale-
ment une friandise qui satisferait les estomacs les plus déli-
cats et les palais les plus fins.
Le violoneux Jean Bertoux, assis dans un quelconque vague
bout de table, a fait signe à Pierre Chauvet, le parrain du
marié, un solide gaillard de cinquante ans ; et les deux hom-
mes se lèvent, ainsi que Blanchard le boulanger de Puymaufre
qui a fait le gâteau.
Pierre Chauvet se laisse mettre sur la tête l'énorme gâteau
qui repose sur un petit plancher circulaire. Il le tient bien en
équilibre avec ses deux mains. Précédé du violoneux, il s'a-
vance devant les convives. A son entrée les mains battenl, et
les assiettes et les verres font un bruit infernal. C'est un signe
de joie.
Le parrain, régulièrement, devrait danser la polka que joue
le violon ; mais avec ce poids sur la tête, ses pas sont lourds ;
et il ne peut que passer entre les tables dont il fait le tour, en
se levant de très peu gracieuse façon, sur l'une ou l'autre
jambe. Au passage du gâteau, des cris d'admiration l'ac-
cueillent.
— Qu'il est beau !
— Qu'il est bien doré, et bien cuit '
— Qu'il est gros !
— On voit bien que c'est Blanchard qui l'a fait.
Blanchard, qui suit le parrain, entend la réflexion et s'en
trouve très flatté.
LA TERRE ABANDONNEE
Enfin le tour des tables est fait. Le parrain Ghauvet a fini
sa corvée. Il se retire. On l'aide à remettre en place le gâteau
qui va se dépecer et se distribuer en morceaux tout à l'heure.
Il s'éponge le front et rentre parmi les convives.
Son absence n'a pas duré cinq minutes ; mais, quand il re-
vient, les chants ont recommencé avec d'autant plus d'entrain
que le vin et la joie ont plus échauffé les têtes.
Dans le bruit des voix et des chansons, Firmin, le garçon
il honneur se lève et va, avec sa cavalière Céline, quêter de
table en table, en ne s'adreâsant qu'aux jeunes garçons et aux
jeunes filles. Le résultat total de la collecte doit, comme c'est
l'usage, servir à acheter quelques cadeaux d'utilité pratique
pour le ménage. Quand la collecte est finie, les deux jeunes
gens vont se rasseoir.
La collecte a passé d'ailleurs presque inaperçue ; elle s'est
faite au milieu du tapage toujours croissant des chansons
dont toute la noce reprenait le refrain en chœur.
Après les biscuits et le café avec accompagnement d'eau-
de-vie, il y avait bien près de trois heures que les invités
étaient à tables.
En voici pourtant qui se lèvent, lassés de toute cette orgie
de chants entendus, de tapages subis, de victuailles absor-
bées. C'est très agréable, évidemment d'être à table, mais il
ne faut pas oublier ladanse non plus.
Les mariés se lèvent de table ; et ils sont suivis par la bande
tapageuse de tous les jeunes invités. Seuls les très vieux
restent encore à table.
On a installé, dans un coin de la cour, une barrique vide.
Jean Bertoux, le violoneux, y grimpe, et prélude par quelques
notes criardes en triples et quadruples croches, histoire de
se faire les coudes.
Il est deux heures et demie. La mariée ouvre le bal avec
son mari. C'est par une polka que l'on débute. Chacun prend
la taille de sa chacune, et l'on polke. Après la polka arrive la
ottish, danse distinguée qui succède à une autre danse
LA TERKL AHANUONNÉE 221
exotique. Mai. un sent que ces deux danses, sacrifiées au
goût du jour, n'enthousiasment pas les jambes des invités.
Enfin voilà le premier quadrille ;ivec ses diverses figures en-
trecoupées par les cris aigus de Jean Bertoux, le violoneux :
- Embrassez vos dames!.. Chaînes des dames 1.. Enavantles
quatre-z-autres ! »
A ce quadrille désormais vont succéder maints et maints
quadrilles : car c'est la danse locale favorite, celle où se dé-
ploie le plus l'énergie des gars pour enlever les filles au
commandement du violon. Et les jambes gigotent ; et les
tillesfont des révérences gracieuses aux garçons qui leur ré-
pondent par des effets de torse ou de jambes d'un goût quel-
quefois discutable. El ce sera ainsi, cette orgie de danses,
jusqu'au dîner.
Pendant ce temps-là, ceux des jeunes gens qui n'aiment pas
la danse, par goût ou timidité, jouent ensemble ou avec les
vieux, aux palets dans un coin de la cour. Les autres, dans le
caniveau sur le bord de la maison, jouent aux boules. Joueurs
de palets et joueurs de boules ont cet enjeu dangereux pour
chaque partie: le perdant doit boire un verre de vin. Malheur
donc à celui qui ne tient pas du Ciel le talent du discobole :
il sera ivre-mort avant le dîner. Il y a ceci à remarquer, en
effet, c'est que le paysan vendéen, si sobre d'ordinaire, les
jours de travail, devient le dimanche et dans les fêtes de chô-
mage, d'une rare intempérance.
Tout autour des danseurs un cercle s'est formé, comme
dans les salons du grand monde, le cercle des gens qui ne
dansent pas, de ceux qui font tapisserie. Ils regardent, cau-
sent, rient, attendent le dîner ; les hommes en fumant des
cigares d'un sou que tiennent inélégamment leurs doigts
gourds ; les femmes, qui sont de beaucoup, les plus nom-
breuses, papotent, effleurent le chapitre des toilettes si cher
à toutes les femmes, mais s'attardent surtout complaisam-
ment sur le prix des déni ées dans les marchés voisins, sur la
façon bizarre dont la vache à Louis a fait son veau, sur les
TOME XII. — AVRIL, MAI, JUIN. 16
222 LA TERRK ABANDONNEE
pluies trop fréquentes cette année, sur monsieur le curé de
Palenfleu qui s'en va dans une autre cure, et sur beaucoup
d'autres choses encore, de la vie courante et locale.
Entre le déjeuner et le dîner, la seule diversion qui fut faite
aux dames, fut celle de l'achat de cadeaux. Ce fut l'arrêt,
l'entracte pour les danseurs, mais pas pour Jean Bertoux, le
violoneux qui, comme toujours, prit la tête du petit cortège
formé par les seuls garçons et filles de la noce, pour aller
chez les commerçants de Puymaufre, chercher les cadeaux.
Les filles achetèrent une glace en bois doré; et les garçons
une petite pendule. Gomme il restait encore un peu d'argent,
ils purent faire emplette d'une lampe à huile, d'un tire-bou-
chon, et d'une cuillère à soupe. La note de grivoiserie ne
manqua pas non plus d'être donnée ; aussi, pour quinze sous,
purent-ils rapporter un magnifique vase nocturne avec filets
rouges et fleurs jaunes et bleues.
Chargés des cadeaux, ils s'en retournèrent danser, avec un
entrain toujours croissant. Au bout d'une heure, ils étaient en
nage.
Les cuisinières, pendant ce temps, avaient enlevé les assiet-
tes et les reliefs du déjeuner ; puis après avoir, tant bien que
mal, nettoyé la table, elles remirent les assiettes pour le soir.
Gela n'étonnera personne, lorsqu'on affirmera que le repas
le plus important des noces vendéennes est le déjeuner. Les
invités ont été gavés de victuailles durant plus de deux heures,
et se sont remplis l'estomac durant toute l'après-midi, des
boissons les plus disparates. Ils n'ont donc plus faim, et vont
pour la (orme vers ce dîner où d'ailleurs ne se servent, à
part quelques nouveaux plats, que les reliefs du déjeuner.
C'est le pot-au-feu, dont le bouillon est plus consommé que
le matin, qui se sert à nouveau ; le reste est de la viande
froide ou des ragoûts réchauffés
Les têtes sont enchaleurées ; aussi la gaieté est-elle à son
comble au dîner. Tout le monde, sous l'influence du petit vin
blanc clairet, a envie de rire, même le père Jean Poirier et la
LA TERRJJ ABANDONNÉE 228
Rosalie, qui ont dansé une petite figure dans le quadrille ; et
cela les a mis en train. Il y avait si longtemps qu'il ne leur
était pas arrivé de se démener de la sorte.
Durant tout le dîner, les chants éclatèrent, avec plus de
sonorité encore que le matin même ; mais, comme il se faisait
tard, certains parents, habitant au loin, s'excusèrent de ne
pas pouvoir rester plus longtemps, et se dirigèrent vers l'écu-
rie de l'auberge voisine où étaient leurs chevaux et leurs voi-
tures. Ils partirent ainsi une vingtaine, un peu dans toutes les
directions. Leurs femmes n'oublièrent par d'emporter un sou-
venir de ia noce, c'est-à-dire un morceau de gâteau pour leurs
très vieux parents ou leurs tout jeunes enfants, dont l'âge
extrême expliquait l'absence.
Bientôf tout le monde se trouva réuni à la danse ; et les
quadrilles reprirent, aux clartés pâles et vacillantes d'une
dizaine de lanternes accrochées aux murs, ou fichés sur des
piquets plantés là tout exprès pour faire office de réverbères.
Jean Bertoux, le violoneux, monté sur sa barrique, continua
à se secouer les bras sous prétexte de faire de la musique ; et
les jambes continuèrent à gigoter de la plus belle façon. Les
garçons mirent de plus en plus d'ardeurs à serrer la taille de
leurs cavalières, étales enlever bien haut, pour montrerqu'ils
étaient agiles et forts, et aussi parce que cela faisait plaisir
aux filles.
Mais il n'est pas de fête qui dure. Vers dix heures, la mariée,
sans dire bonjour ni bonsoir, s'esquiva, et le marié, sous un
vague prétexte, ne tarda pas à la suivre, subrepticement lui
aussi.
A cette heure, le cercle de ceux qui ne dansaient pas était
clairsemé ; il n'y avait pour ainsi dire plus de galerie.
Peu à peu les danseurs s'éparpillaient. Il ne restait plus
maintenant que les enragés, entr'autres le fils à Lucas, qui
dansait si bien, et la fille à Bonneau qui s'en ferait mourir de
la danse.
A onze heures la journée était finie. Danseuses et danseurs
•J24 LA TERRE ABANDONNÉE
allèrent se restaurer un peu dans la maison où ils prirent du
vin chaud en mangeant du gâteau.
Ils discutèrent en riant pour savoir s'il y avait lieu d'aller
offrir la soupe à l'oignon aux mariés ; mais comme aucune
cuisinière ne consentit à donner d'oignons, ils laissèrent de
côté ce projet. Ils se consolèrent en criaillant à tûe-tête quel-
que vague chœur campagnard où déjà se sentait ravinement
des voix ; ils poussèrent à merveille des ioup-ioup et des
pi-i-i-i ! Puis, comme les cuisinières, ayant complètement fini
leur ouvrage, menaçaient de les expulser avec l'aide du père
Tripaud. ils se décidèrent à partir en lançant de nouveau à
toute volée d'autres ioup-ioup, par les rues de Puymaufre
endormi.
Ils reconduisirent, en chantant ainsi, les jeunes filles chez
elles ; et chacun, vers minuit, se trouva dans un lit, ceux de
Puymaufre, chez eux ; ceux des environs chez des amis, ou à
l'auberge.
Dès neuf heures, le lendemain matin, il y avait bien une
dizaine de personnes à nouveau réunies chez Tripaud ; car au
pays de Vendée, plus que partout ailleurs, il ne saurait y avoir
de belle fête sans lendemain, et ce ne serait vraiment pas une
belle noce que celle qui ne durerait qu'un jour.
La Rosalie et Jean Poirier, ayant couché dans la maison de
Tripaud, se trouvèrent dès le matin, la Rosalie à aider les
femmes de ménage dans leur besogne, et Jean Poirier en train
de trinquer avec le cordonnier.
Quand les couples furent assez nombreux, en attendant le
déjeuner, les jeunes filles, inlassables, proposèrent de danser
encore. Galants, les garçons acceptèrent avec un enthousiasme
feint, et un soupçon de danse s'organisa , aux accords du
violon de Jean Bertoux, loué pour deux jours. Mais il n'y
avait plus le même enthousiasme que la veille ; les danseurs
étaient moins nomhreux, et la galerie n'existait pour ainsi
dire pas. Aussi, bientôt, comme les nouveaux arrivants n'é-
taient que des vieux, qui ne venaient que pour le déjeuner et
LA TERRE ABANDONNÉE 225
que la danse ne tentait pas ; comme en outre l'heure du
déjeuner était proche, le combat finit sur les dix heures, faute
de combattants, et bientôt il n'y eut plus de danse faute de
danseurs.
Gomme bien l'on pense*; lorsque Louis Poirier et Joséphine
parurent sur le seuil, ils eurent le plus grand succès; et les
acclamations qui les accueillirent ne furent même pas exemp-
tes de grivoiserie.
— Eh bien, Louis, as-tu passé une bonne nuit ?
— Eh bien, Joséphine, tu n'es pas trop fatiguée ?
Et bien d'autres questions où la double entente n'existait
même pas.
Le déjeuner, où se trouvaient réunies à peine cinquante
personnes, fut banal. Un potage gras, encore ; car il ne sau-
rait y avoir de repas sérieux sans soupe ; puis l'éternel veau
sous toutes ses façons de se laisser accommoder.
Des chants et encore des chants pour varier ; puis après le
dessert où se finit le gâteau de la veille, après le café, la noce
était bien vraiment finie.
Ce fut en vain que Firmin, le garçon d'honneur, tenta, pour
la forme, d'organiser un quadrille ; il ne réussit qu'à aligner
trois ou quatre couples qui, eux-mêmes, en eurent vite assez.
Chacun, sans se l'avouer, était rompu. Aussi prit-on le parti
le plus sage, celui de terminer la noce.
Les Saulaies n'étant qu'à une petite lieue de Puymaufre,
les jeunes gens décidèrent, toujours selon l'usage, d'aller
conduire les nouveaux mariés chez eux.
Louis Poirier se mit donc, avec sa jeune femme, en tête du
cortège qui se formait ; les couples s'appareillèrent ; et les
gars de bonne volonté se chargèrent des présents. L'un prit
la pendule, l'autre le globe de verre qui la recouvrait ; un
troisième se chargea de la glace qu'il promit de rendre saine
et sauve jusqu'au domicile des époux ; d'autres enfin empor-
tèrent les menus présents : un berceau, une layette, une pelle,
une pince, un balai. Celui qui tenait la cuillère à pot, et qui
226 LA TERRE ABANDONNÉE
était un garçon facétieux, la brandissait comme une masse
d*armes.
Et maintenant en route pour les Saulaies, violon en tête,
comme toujours, avec des chants assourdissants qui effarou-
chaient les canards et les oies, et faisaient se sauver les bes-
tiaux qui paissaient dans les prés sur les bords du chemin.
Après trois quarts d'heure de marche, on arriva aux Sau-
laies, où se trouvait un des deux valets, celui qui avait été à
la noce la veille, tandis que le second, plus mal partagé, n'y.
avait assisté qu'aujourd'hui. Dès qu'il vit venir la noce, il se
mit à sauter, et à jeter sa casquette en l'air en signe de joie.
On entra dans la maison, en riant et en chantant. Les
Poirier offrirent à boire de leur bon vin clairet qu'ils récol-
taient eux-mêmes. Il se trouva deux jeunes couples qui essa-
yèrent encore de danser dans un coin de la cour, et même
sans violon. Puis, au bout d'une demi-heure, quand les
cadeaux eurent été montés dans la chambre des mariés, on
fit aux Poirier des adieux définitifs.
Le père Tripaud embrassa sa fille ; et le cortège reprit la
direction de Puymaufre C'était la fin de la noce. Le mariage
était terminé ; chacun s'en retournait chez soi.
(A suivre.) Gustave GUITTON.
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JOURNAL D'UN SABLAIS
1803-1804
Le Fenestreau, février 1899.
En ces temps derniers où l'éventualité menaçante d'une
guerre entre la France et V Angleterre, a ému V opinion publi-
que, nous avons entendu discuter sur le rôle du port des Sables
en cas de conflagration. Nous ne prenons pas parti da?isla ques-
tion, fi'étant pas de ceux qui s'imaginent qu'il suffit d'habiter
au bord de la mer et de voir rentrer les barques de poisso?is
frais à notre usage, pour posséder l'autorité et la compétence
nécessaires dans d'aussi graves sujets. Nous ne nous sentons
pas le courage de faire manœuvrer, en paroles sur l'onde
amère, les cuirassés qu'un vaudevilliste dirige effectivement —
tout arrive en France, et, le plus curieux, c'est que M. Lockroy
ne serait pas plus mauvais ministre de la Marine qu'un autre,
ce dit- on ! —
Laissant de côté l'avenir, nous abandonnerons également le
préseyit pour ramasser, au point de vue maritime , quelques
miettes du passé.
Dans les papiers recueillis, Dieu sait avec quel soin, parle
regretté et savayit docteur Petiteau, nous trouvons un cahier
dont la moitié des pages fi 9 sur 38 J avait été coupée par un
inconnu et transformée sans doute en vulgaires cornets, mais,
tel qu'il est, il renferme qttelques notes intéressantes sur les dé-
buts de la guerre navale de i 803, aux environs des Sables, qui
font regretter les pages perdues.
C'est une espèce de journal écrit très rapidement, sans aucune
prétention, par un Sablais dont on ignore le nom, mais qu'il
serait peut-être possible de retrouver, grâce à une phrase du
22S JOURNAL D'UN SABLAIS
texte. La partie que /tous possédons part du 30 prairial, an XI,
et s'arrête dans les premiers jours de Ventôse, an XII.
Apres le titre qui contient deux ancres, à la sépia, enlacées,
et une notice sur la lune et ses phases, l'auteur du manuscrit
relate, jour par jour, presque heure par heure, les événements
ilniit notre port vendéen a été témoin.
Très clairement, on voit le rôle important joué par la petite
flotille du commandant de la station, René Guiné. Le port des
Sables servait de refuge aux nombreux bateaux de tous genres
qui naviguaient entre la Loire et la Charente. En présence d'un
ennemi très nombreux et entreprenant, il s'agissait de faire
passer le plus rapidement possible, d'un point à un autre, une.
quantité de bâtiments de commerce, de transports de troupes
et de munitions. La lecture attentive du Journal sablais mon-
tre combien cette tâche était difficile, et, avec quelle habileté,
elle a été remplie. En dehors des mouvements journaliers de
la flotille et des convois, nous remarquons aussi deux ou trois
incidents caractéristiques. Aiftsi, l'enlèvement, par les Anglais
le I 6 frimaire, en rade des Sables, d'une prise ennemie, et au
milieu de V ahurissement général, la belle défense de quelques
matelots et préposés sablais. Ailleurs, l'intervention heureuse
des canonnières de la défense en faveur de bateaux menacés
par des corsaires anglais. Plus loin, la destruction partielle
d'un convoi par la tempête, la dramatique entrée d'un sloop
dans le port. Enfin, à signaler l'intelligente initiative de ce ca-
pitaine d'un chasse-marée qui, serré de près par un corsaire, se
réfugia sous la batterie du Perray, et, voyant que celle-ci ne le
protégeait pas de son feu, — la garnison, ô étemelle légèreté
française, était occupée à « ribotter quelque part! » - débarqua
et pointant lui-même un canon, mil en fuit'' l'ennemi par un
boulet adroitement envoyé en plein bord .
Bien des considérations rassortent du journal que nous pu-
blions, il est inutile de les souligner . nos lecteurs les trouveront
eux-mêmes : laissons maintenant la parole à notre auteur.
G. IL G.
w m
JOURNAL DES EVENEMENTS
OCCASIONNÉS PAR
LES ANGLAIS SUR NOS COTES, ETC
Commencé le 30 fléorul, I /H année républicaine.
1 1 Année. — Flore ai.
Le 30. — Les Anglais ont commencé les hostilités par la
prise de deux bâtiments dans la baye d'Audierne.
Prairial.
Le 10. — Le citoyen Le Brun, aide de camp du 1er consul
est arrivé icy, à 10 heures du soir, venant de l'isle Dieu, Saint-
Gilles, elc ; il fut, ;iussitôtson arrivée, visiter le fort de Saint-
Nicolas et partit le lendemain, à i heures du matin pour la
Rochelle.
Le 16. — Une petite division anglaise s'est montrée pour
la première fois de cette guerre à la vue de notre port.
Le 17. — La division ci-dessus, composée d'un vaisseau,
une frégate et un brick a paru dans le S. 0. à 3 ou 4 lieues
au large.
Le 20. — Le chasse-marée de la république, le Lézard,
armé de 6 canons venant de Rochefort, est parti de ce port
pour Lorient. Le bateau plat, le ', venant de Rochefort,
chargé de canons et d'affûts, est entré icy ; il est destiné pour
Saint- Gilles.
1 Le nom manque sur le manuscrit. Du reste, le lecteur remarquera, dans
lr courant du journal, un certain nombre de vides analogues. — G. H. C.
230 JOURNAL DES ÉVÉNEMENTS
Le 20, au soir. — Deux bâtiments dont un trois-mâts et un
brick, ont paru devant la rade à 3 ou quatre lieues au large ;
Leur manœuvre et leur gréement les ont fait juger anglais.
Le 21. — Le brick dont on vient de parler, s'est montré
dans le S. 0. à 4 lieues au large.
Au soir. —Un bâtiment dont on a fait une frégate, s'est
montré dans le S. 0., courant au S. E. à 4 lieues au large.
Messidor
Le 3. — Le lougre de la république, l'Angélique, comman-
dé par le citoyen Guiné est entré dans le port.
Le 4. — Le corsaire de la Rochelle, le , est passé en
louvoyant devant notre rade.
Le 5. — A la pointe du jour le bateau plat, le , destiné
pour Saint-Gilles, est parti ainsy que plusieurs bâtiments qui
étaient en rade avec luy.
Idem au soir. — Un cutter anglais a paru devant notre port
donnant la chasse à un brick caboteur qui est venu mouiller
en rade, (c'est le premier corsaire que nous ayons vu de cette
guerre).
Le 6, au matin. — Le l'r convoi sorti de ce port, est parti pour
le Nord sous l'escorte de Y Angélique.
A midy. — Le convoi dont on vient de parler, est retourné
mouiller en rade.
Au soir. — Vers huit heures et demie, V Angélique est
appareillée pour aller reconnaître un cutter qui avait paru
tout le jour devant la rade.
Le 7, au matin. — Le convoi est toujours en rade. L' Angé-
lique sous voile et faisant à un sloop des signaux qu'il ne con-
naissait sûrement point, luy a tiré un coup de canon à boulet
qui l'a obligé de venir mouiller en rade.
Sur les 6' heures. — On a entendu plusieurs coups de canons
de gros calibre venant du côté des coureaux de l'isle de Ré.
Sur le midy. — Un lougre, présumé anglais, est passé devant
notre rade au nord.
OCCASIONNÉS PAR LES ANGLAIS SUR NOS CÔTES 231
Le 9. — \J Angélique est appareillée vers les 5 heures du
matin, elle a porté vers Saint-Gilles où elle a eu connaissance
des Anglais ; elle est retournée en rade et a donné au convoi
l'ordre de rentrer ; une partie seulement est rentrée,! dans le
port.
Sur le midy. — Quatre bâtiments dont deux frégates, se
sont montrés devant notre port.
Un grand bâtiment, portant un pavillon à la tête de son mât
d'artimon, est passé devant notre rade sur les huit heures du
soir ; il faisait porter pour les coureaux.
Vers les 9 heures. — Plusieurs chasse-marée venant du
Nord, ont mouillé en rade.
Le 10. — Sur les 6 heures du matin, Y Angélique est allée
reconnaître un grand bâtiment dansl'E. S. E courant à
terre et qu'on prenait pour une frégate ; lorsqu'il a été à
une certaine distance, Y Angélique a arboré sa couleur
qu'elle a assurée d'un coup de canon à boulet. Le bâti-
ment, n'y ayant fait aucune attention, est reviré de bord
quelque temps après, ce qui a donné lieu de le reconnaître
pour marchand, et pour le même qui parut hier sur le
soir.
Vers midy. — L'apparition de plusieurs trois-mâts a déter-
miné la rentrée entière du convoi, h' Angélique est restée
seule en rade. Sur les neuf heures, elle a levé l'ancre et s'est
rapprochée du port. Les bâtiments, dont on vient de parler, et
qu'on croît être des frégates anglaises, avaient disparu dans
le Sud.
Le 11, au matin. — Les canonnières Ylsle-Oieu, la Subtile
avec la goélette YAgile, arrivent avec quelques bâtiments
qu'ils escortent. A peine la Subtile a été mouillée qu'elle a
levé l'ancre avec Y Angélique pour courir sur YIsle-Dieu et
quelques bâtiments que l'on était obligé d'attendre.
Vers les 3 heures du soir. — Tout le convoi composé des
bâtiments qui étaient rentrés dans le port la veille et ceux
venant des coureaux, sont remis en rade.
232 JOURNAL DES ÉVÉNEMENTS
Dans la nuit du il au 12. — Le convoi est appareillé pour
Fromentine.
Le 12. — Au matin, une frégate paraît dans l'E. S. E., à
trois lieues au large.
A 4 heures du soir. — La frégate dont il vient d'être parlé a
fait venir à son bord une galiote (neutre) en luy tirant un
coup de canon.
Le soir vers 8 heures. —La même frégate fait porter sur le
S. 0.
Le 13. — Sur les 3 heures après midy, la goélette l'Agile,
venant de Saint-Gilles, l'isle Dieu, etc, est mouillée en rade.
Elle rapporte avoir laissé le convoi en rade de Saint-Gilles
où il était retenu par les vents contraires.
Sur les 6 heures. — Elle est appareillée pour les coureaux.
Le 16, au matin. — L'Agile avec un convoi de chasse-marée
est mouillée en rade. Un de ces derniers voulant s'échapper,
elle luy a tiré plusieurs coups de canon qui l'ont obligé de
reprendre le mouillage ; quatre chaloupes ont été à bord de
V Agile y prendre des troupes qu'elle avait à son bord ; il
paraît depuis le jour un brick neutre qui a donné quelques
inquiétudes avant qu'il fut connu. Un lougre paraît dans le
S. 0 courant sur unegaliote. La brise de N. 0. n'a pas permis
aux chaloupes de porter à l'isle Dieu, les troupes dont il vient
d'être parlé.
Sur les 5 heures. — La canonnière la Subtile, venant de
Kromentine, est mouillée en rade avec quelques bâtiments.
Dans la nuit du 16 au 17. — La Subtile est appareillée pour
les coureaux avec quelques bâtiments.
Le 17. — Le convoi est toujours en rade où il est retenu
par les vents du N. 0.
Le 18, sur les 6 heures. — L'Agile a donné le signal d'ap-
pareiller, et, tout le convoi est parti pour le N ; les chaloupes
chargées de troupes et un bateau plat venant de Saint-Gilles
chargé de munitions de guerre qu'il a pris icy, et dont on a
parlé dans le courant de ce journal, sont aussi partis, les pre-
miers pour l'isle Dieu et l'autre pour Saint-Gilles.
OCCASIONNÉS PAR LES ANGLAIS SUR NOS COTES 'Sd'.l
Le 19, 3 heures du matin. — Un pelit convoi, réuni dans notre
rade pendant la nuit, est appareillé pour le Nord sous l'es-
corte de Ylsle Dieu et de l'Angélique.
A 11 heures. — Le cutter l'Actif a.rmé de 4 canons, 2 pierriers
et 24 hommes d'équipage, venant de Rochefort est mouillé
en rade ; il y avaitalors une goélette louvoyant pour attraper
lescoureaux et que l'Actif fut reconnaître avant de mouiller ;
on présume que c'est un corsaire de la Rochelle.
Sur les 6 heures. — L'Actif est appareillé pour entrer dans
le port. La goélette Y Agile venant de l'isle Dieu, est mouillée
en rade.
Le 20, 6 heures du matin. — L'Agile est entrée dans le port.
A midy. — Un lougre, présumé anglais, paraît devant la
rade à 2 lieues 1/2 au large, courant la bordée du S. 0. ;
plusieurs bâtiments venant du Nord, continuent leur route
pour les coureaux.
Sur les 5 heures. - Le convoi parti hier matin est de re-
lâche dans notre rade.
Le 24, 6 heures. — L'Agile et l'Actif ont sortie la marée et
mouillé en rade. L'Agile est partie quelque temps après pour
les coureaux.
A une heure. — Un lougre anglais est passé devant la rade
à une portée et demie de canon, courant sur plusieurs
chasse-marée qui venaient des coureaux. L' Angélique et l 'Isle-
Dieu ont fait plusieurs signaux après lesquels ils ont levé
l'ancre pour courir sur quelques chasse-marée qui venaient
mouiller en rade.
A 2 heures 1/2. - Le lougre a levé chasse et fait porter
sur le S. 0.
A3 heures. — L'Angélique et la Subtile sont revenues mouil-
ler avec le convoi.
Dans la nuit du 21 au 22. — Le convoi est appareillé pour
sa destination.
Le 22, 7 heures du matin. — Un lougre s'est montré devant
le port courant sur le N. 0.
234 JOURNAL DES ÉVÉNEMENTS
Le 23, à 6 heures du matin. V Angélique et Vlsle-Dien,
convoyant un sloop et quelques chasse-marée sont de retour
de leur mission.
Le même jour, à la marée, Ylsle-Dieu et ['Angélique sont
entrées dans le port.
Le 24. — Dès le matin, un chasse-marée s'est montré dans
le S. E. très au large et ayant l'air de louvoyer pour attraper
la rade.
Vers les 7 heures du soir. — Le même chasse-marée s'est
tiré du S. S. 0. avec un lougre et donnait la chasse aux
chasse-marée qui faisaient porter pour les coureaux.
Le 25 au matin. — Le lougre et le chasse-marée de hier
étaient à vue ;.le premier dans le S. E. à deux lieues au large
et l'autre dans le S. 0. courant au Nord.
A 7 heures du soir. — Il a paru dans le sud un brick armé
qui a visité une galiote.
Le 26 — Le même brick de hier a paru dans le S. 0. cou-
rant au S. E L' Agile et la Subtile ayant des troupes à bord, sont
arrivées en rade ; des chaloupes destinées à prendre les trou-
pes pour les porter à l'isle Dieu se rendent à bord.
Sur les 2 heures du soir. — Une division anglaise de
frégates et corvettes s'est montrée au large dans le S. S. O.
Le 27, 6 heures du matin. — V Agile et les chaloupes char-
gées de troupes sont appareillées pour l'isle Dieu. Il ne
paraît aucun ennemi.
Sur les 2 heures après midy. — Une frégate s'est montrée
dans le sud très au large, et a disparu peu de temps après.
Sur les 8 heures. — Un petit convoi escorté par V Angélique
et Vlsle-Dieu, est parti de la rade pour Fromentine.
L" 28 au matin. — L'Agile et les quatre chaloupes venant
de l'isle Dieu, sont en rade. Elles ont des troupes qu'on leur a
données pour l'isle de Ré.
Au soir. — La Subtile qui était dans le port depuis quelques
jours a mis en rade, et est partie quelque temps après pour
les coureaux avec l'Agile et deux chasse-marée dont celuy
OCCASIONNÉS PAR UBS ANGLAIS SUK NOS CÔTKS 235
bâti icy par le sieur Guéri, constructeur , un lougre cou-
rant à terre paraissait dans le S. E.
Thermidor .
Le i,r - Un lougre s'est montré dans l'a près midy dans
le S. 0.
Le 2. — L'Agile et la Subtile, venant des coureaux son-
mouilléesen rade vers les 6 heures du matin ; elles sont rem-
plies de troupes, pour l'isle Dieu.
Vers les 10 heures. — La goélette, la Guadeloupe partie
avec les précédents, est mouillée en rade ; elle est aussi rem-
plie de troupes. Toutes les troupes des différents bâtiments
ont été réparties dans une douzaine de chaloupes qui doivent
les conduire à l'isle Dieu sous l'escorte des bâtiments de
guerre dont on vient de parler. (A)
Dans la nuit du 2 ou 3. — Ils sont tous partis pour leur
destination.
Le 3, 5 heures du soir. — L'Angélique, l'isle Dieu et Y Actif
escortant une quarantaine de bâtiments venant du N. sont
mouillés en rade. Une frégate anglaise a paru dans le S. S. 0.
très au large.
Le 4, 4 heures du matin. — Le convoi dont on vient déparier
est appareillé pour les coureaux. Les vents contraires l'ont
obligé de venir reprendre le mouillage. Sur le milieu du jour
une jolie goélette ayant appareillé de la rade, est rencontrée
par un corsaire, vers la Gâchère, lequel envoya son canot
qui l'amarina malgré que les préposés qui s'étaient embarqués
luy eussent tué un homme et mis un autre hors de combat.
Ce bâtiment était infailliblement perdu sy Y Agile revenant de
l'isle Dieu n'eut obligé les Anglais de l'abandonner.
Sur les 2 heures. — Le convoi est réappareillé avec la brise
du N. 0. Le même jour, plusieurs chaloupes de Saint-Gilles
ont été obligées de faire côte, chassées par le môme corsaire,
(A) Il n'y a q\i*V Agile, qui est allée escorter les chaloupes, les deux bâti-
ments ont fait voile pour l'isle de Ré.
236 JOURNAL DES ÉVÉNEMENTS
Le 5, 5 heures du matin. — Les bâtiments de guerre partis
hier pour les coureaux, sont en rade avec la Subtile et la
Guadeloupe ayant des troupes à bord (Toujours destinées
pour l'isle Dieu). \
A 11 heures. — L Agile, revenant de l'isle Dieu, est mouil-
lée en rade.
La Subtile et la Guadeloupe ayant déposé leurs troupes dans
les chaloupes destinées à les porter à l'isle Dieu, sont appa-
reillées pour les coureaux. Plusieurs chasse-marée, venant de
ce dernier endroit, sont mouillés en rade.
Sur les 8 heures. - Le cotre V Actif venant d'observation,
est remouillé en rade.
Le 6. — Plusieurs frégates se sont montrées dans le S.
très au large.
Le 7, 5 heures du matin. — Le convoi, V Agile et les cha-
loupes sont partis pour leur destination. Sur le soir, une
frégate s'est montrée dans le S. E.
Le 8, 5 heures du matin. — L'Agile et les chaloupes sont re-
tour de leurmission.
11 heures. — V Agile est partie pour les coureaux.
9 heures du soir. — L'isle Dieu et X Angélique arrivent en
rade.
Le 10. — Plusieurs bâtiments qu'un présume être neutres,
se sont montrés dans le S. L' Angélique et Ylsle-Dieu sont
entrées dans le port.
Le 12 au matin. - Ils ont remis en rade.
Le 14. — Ils ont appareillé pour aller au devant d'un con-
voi venant de l'isle de Ré, escorté par V Agile et \a. Subtile. Les
vents contraires ne leur ayant pas permis de continuer leur
route vers le N. ils ont tous mouillé en rade
Le 15. — A la marée du soir, ils ont entré dans le port.
Le 16. — Un bateau plat et une goélette de la République sont
entrés dans le port vers les 5 heures du matin. Ils ont à bord
les ustensiles nécessaires aux signaux.
Au soir. — Le convoi a mis en rade, la Subtile a fait por-
OCCASIONNÉS PAR LB8 ANGLAIS SUR NOS COTES 237
ter de suite pour les coun:aux ; ['Agile, vers les 6 heures, est
allée eu découverte du côté de Saint-Gilles.
Le 17, 5 heures du matin. - Le convoi est parti pour sa
destination. Le bâton de signaux a été placé vers dix heures,
à la maison de ville.
Le 21. — L'Agile et Y Angélique escortant un convoi venant
du N. sont mouillées en rade sur les 6 heures du matin.
La Subtile et la Guadeloupe venaient en même temps des
coureaux avec un autre convoi qui a aussi mouillé en rade.
Le 22. — L'Agile est appareillée de la rade avec un général
à bord qu'elle a conduite à l'Isle-Dieu. Sur le soir, il a paru
un lougre dans le S. à deux lieues au large.
Le 23. — Le même lougre de hier s'étant tenu toute la
nuit sur les côtes de la Tranche, quatre chasse-marée se ren-
dant dans les coureaux s'en sont aperçu trop tard pour l'éviter,
deux ont été amarinés. L'Angélique et YIsle-Dieu en ayant eu
connaissance ont appareillé et couru dessus, mais, malgré
leur bonne volonté, le calme et la marche supérieure de l'en-
nemi a rendu leur zèle inutile, et, les deux chasse-marée pris
auraient été emmenés sans un petit canot armé de 6 ou 7
hommes, du convoi, dont la présence a suffi pour obliger les
Anglais à abandonner leur proie.
Le 23. — Entre onze heures et minuit, le convoi est appa-
reillé pour Fromentine.
Le 25. — Un lougre venant du Nord est passé sur les
7 heures du soir à une portée de canon ; on assure que la nuit
suivante, il a enlevé en rade un chasse-marée breton qui était
mouillé avec 4 ou 5 autres.
Le 27. — La Subtile et un petit convoi sont mouillés en
rade 1h nuit précédente. L'Agile est arrivée du Nord et
mouillée en rade sur les 6 heures. Vers une heure après midy,
elle est appareillée avec la Subtile et quelques chasse-marée ;
Les vents contraires, ont obligé la Subtile à retourner au
mouillage. L'Agile n continué, et donné la chasse à un lnugr>'
corsaire qui avait trop d'avance sur elle pour qu'elle put
TOME XII. — AVRIL, MAI, JUIN. 17
238 JOURNAL DES ÉVÉNEMENTS
l'atteindre, mais ayant eu connaissance d'un chasse-marée
qui. par sa manœuvre luy paraissait suspect, elle fit porter
dessus et l'amarina. Il paraît que c'est celui que le corsaire
avait pris en rade, la nuit du 25 au 26, et qu'il avait armé de
quelques pierriers.
Le 28, 3 heures du soir. — La première péniche du 5a arron-
dissement a été lancée (aux Sables).
Le 29. — La Subtile et le petit convoi en rade avec elle,
sont entrés dans le port.
Le 30. — La Subtile est partie pour les coureaux.
Fructidor
Le 1" Un bateau-plat venant de Saint-Gilles est mouillé
en rade. Une frégate se tirant du large a donné la chasse à
quelques chasse-marée sur lesquels elle a tiré quelques coups
de canon. La môme frégate s'est montrée dans le Sud très
au large sur les 6 heures du soir courant sur l'est, ses huniers
sur le ton.
Le 3, 6 heures du matin. — 1Ï Angélique, Vlsle-Dieu et
V Actif sont mouillés en rade. Us viennent du Sud, probable-
ment d'y conduire un convoi qu'ils avaient pris à Fromentine.
Dans la nuit du 3 au 4. - Le canot de la douane nationale
et la grande voile d'une de nos chaloupes de pêche ont été
enlevés.
Le 4. — Entre onze heures et minuit le convoi est appa-
reillé pour Fromentine.
Le 5. — Une frégate courant à terre s'est montrée dans le
S. E.
Le 6. — L'Agile et la Guadeloupe sont mouillées en rade. Ils
viennent du S. escortant un convoi pour le nord. Sur les
3 heures la Guadeloupe est partie pour les coureaux avec un
couple de chasse-maré'
Sur les 6 heures. — La YIsle-Dieu et Y Angélique sont
mouillées en rade revenant de Fromentine.
OCCASIONNÉS PAR LES ANGLAIS SUR NOS COTES 239
Le 7. ~ Le convoi est parti pour Fromentine, à l'exception
de V Angélique qui est entrée hier dans le port. Sur les
9 heures V A .^gé ligue a. mis en rade et se propose de partir pour
Rochefort.
4 heures. — Elle est appareillée avec la brise de N. 0.
LeQausoir. L'Agile etquelques chasse-marée ont mouillé
en rade venant de Fromentine
Le 10. — La Vide- Dieu et la Guadeloupe escortant un con-
voi sont mouillées en rade à la pointe du jour. Ils viennent des
coureaux, (isle de Ré) où ils ont conduit un convoi de
Fromentine
Le 11. — h' Agile est arrivée du N. Elle est repartie peu de
temps après pour le S. avec \âVlsle-Dieu.
Le 15. — L'Angélique venant de Rochefort est mouillée en
rade sur les 8 heures. L'Agile, le cutter le Renaud, et lal7s/e-
Dieu venant des coureaux sout aussi mouillés en rade vers
midy ; ils ont quelques troupes à bord destinées pour l'isle
Dieu. L'Agile y porte le général Andréossi (général du Génie)
Le 16. — L'Agile et le cotre le Renaud sont partis pour
l'isle Dieu avec cinq chaloupes portant les troupes dont on
vient de parler. La Subtile et la Guadeloupe arrivées hier des
coureaux avec quelques caboteurs sont aussi reparties pour
leur station. Aujourd'hui ont commencé les signaux de côtes
à notre vigie de la Chaume. La deuxième péniche a été lancée.
A midy. Un brick portant pavillon danois louvoie pour
attraper la rade. Le fort de Tanchet luy a tiré un coup de
canon.
Le 17. — L'Agile et les chaloupes sont arrivées de leur
mission sur les 8 heures du soir; un homme (Berjonneau)
faisant partie de l'équipage de l'une des chaloupes s'est noyé
en revenant icy.
Dans la nuit du 17 au 18. - Le convoi qui était resté sur
rade est parti pour le Nord.
La 18. — L'Agile est entrée dans le port pour se faire
donner un suif.
240 JOURNAL DES ÉVÉNEMENTS
Un cotre et uim sraliote qu'on croit être ennemis, se sont
montrés d;ms te S.-O. à 3 lieues au large en même temps
qu'il paraissait devant Saint-Jean un petit convoi de gabares
de Nantes escorté par la canonnière, la Subtile.
Le 19, au matin. Un bâtiment qu'on croit être la galiote
de hier, s'aperçoit dans le S. 0. très au large.
V Angélique et la Ylsle-Dieu reviennent de Promentine, avec
un convoi destiné pour le S.
Au soir. — h' Agile a remis en rade.
Le 20, à la pointe du jour. — L'Agile et YA?igéliqne étaient
parties. L'Agile doit être allée à Pisle Dieu y reprendre les
généraux Andréossi, etc.
Sur les 4 heures du soir. — Le convoi dont on vient de
parler, est parti pour les coureaux ; il était escorté par la
Subtile et Ylsle-Dieu.
Le 21, 9 heures du matin —L'Angélique est mouillée en rade.
Le 22, à. la pointe du jour. — L'Agile et le cotre, le Renaud,
sont mouillés en rade, venant de l'isle Dieu ; sur les 6 heures
du matin ils ont appareillé pour les coureaux (isle de Ré).
Le 23. — L'Agile est de retour en rade, avec quelques cabo-
teurs.
Le 24. — Une frégate et un cotre anglais ont resté une par-
tie du jour, à la vue du port dans le S. E.
Le 25. — Le cotre de hier s'est montré sous le vent des
Barges.
Le convoi qui était en rade, est appareillé pour Fromentine,
sous l'escorte de la Subtile et Y Angélique.
Le 26, au matin. — La Subtile est mouillée en rade avec un
bateau plat et quelques caboteurs venant des coureaux.
Le 28. — La Subtile est partie pour les coureaux.
Idem. — L'Angélique et Y Agile sont arrivés de Promen-
tine.
Le 29. — L'Agile est partie pour les coureaux et Y Angélique
est entrée dans le port ; le temps est enfin à la pluie ; dès hier
il commença à pleuvoir, et, aujourd'hui, il pleut à verse.
OCCASIONNÉS PAR LES ANGLAIS SUR NOS CÔTES 241
Complémentaires .
Dans la nuit du l" au 2e complémentaire — L'Angélique et
quelques caboteurs ont sorti du port pour mettre en rade, et
d'où ils sont partis dans la matinée du 2° pour Fromentine.
Le 2. — L'Agite venant des coureaux et suivie d'un convoi,
escorté par la Subtile et la Guadeloupe, ont mouillé en rade
le matin. Au soir, Y Agile et les caboteurs ont entré dans
le port. La Subtile et la Guadeloupe ont aussi entré dans le port.
Le 3, au matin. — La Subtile et la Guadeloupe ont parti
pour les coureaux.
Le 5. — L' Angélique revenant de Fromentine, est arrivée
en rade. Le môme jour, Y Agile et quelques caboteurs qui
étaient dans le port, ont mis sur rade et parti de suite avec
Y Angélique pour Fromentine.
Vendémiaire.
Le 3 — Sur les 8 heures du soir, la Subtile et un brick
caboteur ont mouillé en rade venant des coureaux.
Le 4. — Au matin, Y Agile et Y Angélique escortant un petit
convoi ont passé devant la rade ; Y Agile ayant fait des
signaux à la Subtile qui était mouillée en rade, elle a ap-
pareillé et accompagné le convoi. Sur les 10 heures, les vents
contraires l'ont obligée de venir mouiller en rade à l'ex-
ception de Y Agile qui a toujours continué à tenir la mer.
Le 5 — L'Angélique et Ylsle-Dieu sont entrées cette nuit
dans le port. La Subtile et quelques caboteurs qu'il y avait en
rade, sont partis pour les coureaux.
Vers les deux heures, Y Agile venant des coureaux, est
mouillée en rade, d'où elle est entrée dans le port.
Le 6 au matin. — La Guadeloupe est arrivée des coureaux
avec un général à bord, lequel a passé à bord de la. Subtile
quil'a conduite Fromentine (ou Nantes).
Au soir. — La Ylsle-Dieu a mis sur rade.
{A suivre). G. Henri Colins.
MUSES VENDÉENNES
SUR LE GOLGOTHA
Le doux Nazaréen a gravi son Calvaire,
Dotait, le cœur brisé des clameurs qu'il entend.
Le gibet qui s'apprête, et que lui-même attend,
Le recevra brové comme le blé sur l'aire.
Avec ses vêtements tout souillés, les bourreaux
De sa chair palpitante arrachent des lambeaux..
Le Mage dut soudain voir pâlir une étoile,
Car Celui devant qui le séraphin se voile
Pour ces tigres devient un objet de mépris.
Lors Marie, ô douleur ! baise ces yeux flétris,
Et du front maternel détachant le long voile,
En ceint pieusement le corps nu de son Fils !
1/1 iomme-Dieu jusqu'au fiel doit vider son calice :
Il a livré ses bras, tendus brutalement,
Et le cruel marteau sur les clous du supplice
Ketombe sourdement.
Bientôt la croix se dresse en la fissure étroite,
Entre deux malfaiteurs ; suspendus à leur tour,
L'un blasphème à grands cris Jésus, celui de droite
L'implore avec amour.
Le Rédempteur a soif; mais rien n'émeut la foule.
Les morsures des fouets se rouvrent à la fois,
De son chef couronné d'épines le sang coule
.Jusqu'au bas de la croix...
Lentement il abaisse un regard vers la terre,
Cherchant l'adieu des siens qu'il n'a point oubliés ;
Mais de ceux qu'il aimait, pleurant avec sa Mère,
Un seul est à ses pieds.
SUR LE GOLGOTHA 243
La veille, au Sanhédrin Judas livrait son Maître ;
Jean même s'est enfui, par la peur retenu,
Et devant des valets, dans la cour du grand-prêtre,
Pierre l'a méconnu...
Pourtant — suprême vœu de l'auguste Victime, —
Celui qui sur le cœur de Jésus reposa
Est donné pour enfant à la Vierge sublime,
« Mater dolorosn . »
Voici l'heure d'angoisse, et dans la Ville sainte
Régnaient déjà le trouble et la confusion,
Quand les ombres des morts sèment, avec leur plainte,
La désolation.
Du temple dans la nuit a disparu le faîte :
La nature d'un Dieu vient attester la mort,
Tandis que les soldats, comme écrit le prophète,
Jettent sa robe au sort.
Près d'épuiser enfin les tortures humaines,
Repoussé par les Juifs comme un vil criminel,
Le Sauveur semble, alors, aux nations lointaines.
Murmurerfun appel.
Son sang remplacera les antiques symboles,
Car dans une accalmie étrange, où les éclairs
Luisent seuls, on entend ces divines paroles
Tomber du sein des airs :
« Tous ceux dont je subis la haine et la colère,
En proie à la fureur des esprits ténébreux,
Ne savent ce qu'ils font : pardonne-leur, ô Père !
Je vais mourir pour eux.
Il meurt. . . Et sa puissance en prodiges éclate :
Tout paraît s'abîmer et rentrer au chaos,
Et, frappé de terreur, l'envoyé de Pilate
« Ne lui rompt point les os. »
Venez le recueillir, âmes que rien n'effraye ;
Préparez à Jésus le suaire embaumé,
Car tout son corps blêmi ne forme qu'une plaie,
Et « tout est consommé. »
A. M ET AV.
LE BAS-POITOU A PORT-ROYAL
ANTOINE BAUDRY D'ASSON
Au nombre des austères habitants de Port-Royal-des-
Champs, dont le deux-centième anniversaire de la
mort de Racine vient d'évoquer le souvenir, se trouvait
un pieux ancêtre du vaillant député actuel de la Vendée,
Antoine Baudry d'Asson.
A Texemple de" son ami M. de Hillerin, il avait à trente ans
quitté le monde, et renonçant à la fortune, aux deux chapelles
et au prieuré dont il était bénéficier, il était entré à Port-
Royal, se contentant pour vivre d'une modique pension de
800 livres que les chanoines réguliers de Sainte-Geneviève
devaient lui servir en échange de l'abandon de ses bénéfices.
Les solitaires de Port-Royal consacraient — on ne l'ignore
pas — tous leurs loisirs à des travaux manuels. Baudry
d'Asson y cumulait l'état de menuisier et de cordonnier, et la
variété de ses aptitudes lui valut même d'être bientôt chargé
de tous les travaux agricoles de l'abbaye, dont il devint alors
comme l'intendant.
Ne trouvant cependant pas cette vie assez sévère, il songea
un instante entrer à Saint-Cyran, dont la règle était plus- ri-
goureuse.
Mais l'abbé l'en détourna, sachant combien sa présence était
utile à Port-Royal. Baudry d'Asson maniait, en effet, la plume
ANTOINE BAUDRY D'ASSON 245
avec une heureuse habileté', et ce n'était certes pas un talent
à dédaigner, à l'heure où il était si souvent nécessaire de la
prendre, pour répondre aux attaques dont Arnauld et ses amis
étaient l'objet.
C'était aussi le moment où Pascal composait ses Lettres pro-
vinciales. On sait qu'avant de les livrera l'impression il avait
coutume d'en donner communication à ses amis de Port-
Royal. Baudry d'Asson avait pour mission spéciale d'en sur-
veiller le tirage et de les répandre par paquets en Bretagne et
en Poitou. Il n'en fallut pas davantage pour le désigner aux
poursuites de la police. Pour s'y soustraire, on raconte qu'il
laissait ses habits religieux pour des habits civils, lorsqu'il
devaitaller au dehors, à Paris ou ailleurs, pour les besoins
de la communauté. L'heure vint de chercher uneretraite plus
sûre : il la trouva au faubourg Saint-Antoine près l'église de
Popincourt et il entraîna à sa suite deux de ses amis, de Pont-
château et Sainte-Marthe. Dans cette retraite, ils redou-
blèrent d'austérité ; mais la santé de Baudry d'Asson n'y put
résister. Quoique d'une constitution vigoureuse, il succomba
à la suite de toutes ces privations, le 30 décembre 1668 et fut
enterré à Sainte-Marguerite sa paroisse, tandis que son cœur
était porté à Port-Royal-des-Champs.
« Il avait un si grand amour des pauvres, lit-on dans son
« épitaphe. que pour eux et en raison de cet amour il souffrait
« lui-même la pauvreté. Il était si passionné pour la justice,
« que toutes les injustices dont les autres avaient à souffrir
« réfléchissaient sur le serviteur de Dieu et ajoutaient un
« nouveau mérite à sa patience. Devenu pauvre, de riche
« qu'il était, et dégagé des embarras du siècle, il épousa
« toutes les affaires des autres qui pouvaient s'allier avec sa
« piété, persuadé qu'il était plus avantageux de travailler
i Outre sa collaboration à la Concorde de l'Evangile d'Arnauld, et à la
Morale pratique des Jésuites de Pontchâteau et de Sainte-Marthe on lui doit
plusieurs opuscules personnels, et notamment des Lettres à V 'archevêque
de Paris, à la sœur Maltide, au Père Aunat et à la sœur Dorothée.
246 ANTOINE BAUDRY D'A6SON
« pour la cause de la vérité et pour les offices de la charité, en
« suivant la volonté d'autrui, que de vivre eu son particulier
« dans le repos en suivant la sienne propre ».
Quelque jugement qu'on porte sur les querelles et démêlés
où les hommes de Port-Royal risquèrent leur repos et leur
liberté, on ne peut se refuser d'admirer chez eux cette rareté
des caractères qui ne ployaient pas, cette fierté des cons-
ciences sachant résister aux changeantes tyrannies de l'opi-
nion.
A l'heure où tant de volontés chancellent et tant de convic-
tions capitulent, l'évocation de leur souvenir nous paraît
être une salutaire leçon.
René Vallette.
LES CENT JOURS DANS L'OUEST
LA ROCHKLLE & LA ROCHE-SUR-YON
(Suite)1
Nous étions alors à très peu de distance de Bourbon-
Vendée, qui d'abord simple village, s'était au moyen-
âge nommé Roche-sur-Yon.
Quand je fus descendu de voiture, je m'informai quelle était
la meilleure auberge. On me désigna celle du sieur Pivard.
Elle était située sur une place vaste, régulière, d'une forme
carrée et ornée alors de jeunes arbres produisant un agréable
effet. Le sieur Pivard qui par son importance, ses airs de
grandeur et par une certaine affectation de beau langage, à sa
haute stature près, me rappelait l'illustre Groiset de l'hôtel
des Ambassadeurs de la Rochelle, me fit l'honneur dp me
conduire à la chambre qu'il me destinait.
Indépendamment des voyageurs, le personnel de la table
d'hôte était composé d'une quinzaine de pensionnaires, les
uns officiers du régiment en garnison dans la ville, y compris
le chirurgien-major que je cite avec intention (plus tard on
saura pourquoi); les autres étaient des employés dans les
administrations. Au nombre de ceux-ci, j'en remarquai un
qui tenait le haut bout de la table. C'était un homme de 26 à
28 ans dont le front était développé, l'expression de physio-
nomie caustique et voltairienne. Il parlait avec facilité; ses
1 Voir le fascicule de décembre 1898.
248 LES CENT JOURS DANS L'OUEST
tours de phrases étaient choisies : mais les mots étaient jetés
de façon à les rendre intentionnellement ambigus et quel-
quefois même presque inintelligibles. Il me fut dès lors aisé
de comprendre que ce convive, dont j'ai oublié le nom, mais
que je désignerai sous celui de M. Armand, n'était rien au
fond qu'un sophiste spirituel comme il en existe tant partout
et surtout en France.
On causa, on babilla, on disserta. La politique joua dans
cette causerie le principal rôle. Le gouvernement de
Louis XVIII ne fut point épargné ; on critiqua, on blâma tout.
Les officiers entendaient cela sans rien dire, mais plus d'un
sourire qui se promenait sur leurs lèvres me fit penser qu'ils
ne désapprouvaient pas ces inconvenantes attaques. Le rouge
me montait au visage.
N'y pouvant plus tenir, je me permis d'énoncer avec une
visible émotion quelques réflexions générales qui mirent à
découvert mes principes politiques. Tous les yeux se fixèrent
alors sur moi. Il s'en échappait des étincelles d'une muette
colère. On cherchait évidemment à m'intimider, mais on n'y
réussit pas. Je pris la liberté de me féliciter bien haut du
retour en France de l'auguste famille qui en avait fait si long-
temps les gloires et le bonheur. Le Voltairien en chef du haut
delà table comprit alors que, pour faire cesser cette polé-
mique, il convenait de faire glisser la conversation sur un
terrain moins compromettant. C'est alors qu'il fit une grande
dépense d'érudition, de citations grecques et latines, de so-
phismes philosophiques, d'une foule de riens, mêlés de traits
malins dont quelques-uns semblaient vouloir venir à mon
adresse. Gomme ils n'avaient rien de direct ni d'offensant,
je compris qu'en les relevant, je ne mettrais point les rieurs
de mon côté et je me tus.
Le dîner terminé, je me rendis chez M. de Hauterive,
l'ami auquel j'étais recommandé. Il me reçut de la manière
la plus affable. C'était un homme d'une cinquantaine
d'années environ, dont la physionomie ouverte, la conver
LES CENT .JOURS DANS l/OUKST 249
sation et les manières annonçaient la boulé, la franchise et
la loyauté. Informé par des amis communs que mes senti-
ments et^mes principes politiques et religieux étaient con-
formes aux siens, nous causâmes à coeur ouvert et il
semblait que nous nous connaissions depuis longtemps.
Gomme j'étais intéressé â connaître le caractère du Direc-
teur dans les bureaux duquel j'allais entrer, je priai mon res-
pectable protecteur de m'en donner une idée préparatoire.
— « Rien déplus aisé, me répondit-il. M. le Forestier, ancien
officier aux gardes Françaises appartient à une famille très
honorable et très distinguée. Il est gendre du brave marquis
de Lauriston, maréchal de France, auquel Louis XVIII vient
d'accorder le portefeuille de la guerre. C'est sa femme qu'il
chérissait, mais dont il n'est malheureusemeni pas aimé qui,
pour l'éloigner l'a fait nommer directeur en gardant auprès
d'elle sa fille unique. C'est, m'a-t-il dit, une jeune personne de
14 ans, remarquable par les agréments de son physique et de
son esprit.
— « D'après ces détails, je suis disposé à croire, répondis-je
à M. de Hauterive, que ce directeur est sans doute un person-
nage à grandes et nobles manières et qui dès lors m'intimi-
dera.
— « Point du tout, c'est l'homme le plus rond, le plus
simple, le plus naïf qu'il y ait sur la terre de France. Il a du
bon sens, mais, avec beaucoup d'honneur, il n'a que cela et,
à mon avis, que de gens renommés par leur esprit ne le
valent point. Croyez-moi vous serez content de lui et je ne
doute point qu'il ne le soit de vous. »
Je m'inclinai et risquai d'autres questions en ce qui con-
cernait le personnel de l'administration. J'appris alors qu'il
consistait en quatre employés, dont les deux principaux
étaient M. Plée, chef, M. Ménard de Rochecave, sous-chef, et
les deux autres des commis.
« M. Plée, me dit M. de Hauterive, est un assez vilain
« homme, courant sur la soixantaine, égoïste, mauvaise
250 LES CENT JOURS DANS L'OUEST
« langue, et qui, pour lui rendre toute la justice qui lui est
« due, n'est aimé de personne. S'étant rendu compte de l'in-
« capacité du bon directeur et convaincu que celui-ci ne
<- pouvait se passer de lui, il le traite d'une manière tout au
« moins incivile. Quant à M. de Rochecave, c'est un jeune
« homme très distingué possédant, avec beaucoup d'esprit,
« toutes les qualités du cœur. Dans le peu de loisirs que
« lui laissent les occupations de sa place, il compose de
* jolis vers que plusieurs fois Y Almanach des Muses a in-
« sérés dans ses colonnes ».
Je remerciai M. de Hauterive des détails dans lesquels il
venait d'entrer et j'allais me retirer pour retourner à mon
auberge lorsque cet homme excellent eût l'obligeance de me
dire :
— Ah çà ! M. B... dites-moi franchement si, comme je le
pense, votre intention n'est pas de prendre un appartement et
une pension en ville ? — Je répondis affirmativement. — « Dans
ce cas je vous l'offre l'un et l'autre et je ne doute point que ma
femme qui ne doit revenir que demain de la campagne où
elle est allée passer quelques jours, n'approuve la proposition
que je vous fais. » — Je l'acceptai avec empressement et
et reconnaissance, mais quand je priai M. de Hauterive de
me dire ce que cela me coûterait par mois : — « Je ne compte
« jamais aussitôt avec mes amis, me répondit ce brave
« homme, en me serrant la main ; au surplus si vous l'exigez
« absolument, nous verrons cela plus tard. » Enchanté d'une
réception aussi amicale, je retournai à mon auberge. Le len-
demain matin, je me rendis à l'heure indiquée chez M. de
Hauterive duquel je reçus un accueil non moins flatteur que
celui de la veille, et nous nous acheminâmes bientôt vers la
Direction. A la porte du sanctuaire administratif, un garçon
de bureau nous annonce et nous entrons. J'étais un peu ému,
car on l'est toujours plus ou moins, quand on s'approche
pour la première fois d'un personnage dont l'on va dé-
pendre. M. Le Forestier était seul.
LES CENT JOURS DANS LOUEST ~5l
Ce qui me frappa d'abord, l'ut son émotion. Il était encore
plus ému et plus intimidé que moi. Je ne tardai pas à m'aper-
cevoir que le portrait que m'en avait l'ait M. deHauterive était
parfaitement exact. Point de mouvement de tête en arrière,
point de frottements étudiés delà main droite sur le front,
point d'obliguité de regards ; l'air franc, simple et bon. Je
conçus donc de lui une opinion d'autant plus favorable que
j'en reçus un accueil tout cordial, je dirai plus, tout paternel.
Lorsque M. de Hauterive avec la plus aimable obligeance
m'eut recommandé à M. Le Forestier, il se retira, et c'est
alors que mon digne directeur me dit avec émotion et une
remarquable candeur: « Monsieur B.., j'aime à vous donner ici
l'assurance que je suis enchanté de vous compter au nombre
des employés de mon administration, car le brave homme qui
vous a patronné m'a dit que les lettres qu'il avait reçues de La
Rochelle ne laissaient aucun doute sur l'excellence de vos
principes religieux et politiques; écoutez-moi, je ne suis pas
flatteur, je ne l'ai jamais été, mais vous me paraissez avoir
des droits à toute ma confiance et je vais vous prouver que
je vous l'accorde sans réserve. Puis il me tendit la main et
me dit en me désignant une table adossée à la sienne :
« Asseyez-vous là ; je vous nomme mon secrétaire particulier.
Et maintenant, ajouta-t-il après une pause, venez, que je vous
présente à mes employés. » Il se leva, je le suivis et nous en-
trâmes dans le bureau.
De tout le personnel que j'avais sous les yeux, ce fut M. de
Rochecave que j'étudiai avec le plus d'attention, je sentais au
cœur pour lui un mouvement sympathique ; il y avait dans ses
traits et dans toute sa personne quelque chose qui répondait
parfaitement à tout ce que M. de Hauterive m'en avait dit.
Après le moment de silence résultant de l'examen respectif
auquel nous nous étions livrés, nous causâmes. Je n'aurais
pas été prévenu que M. de Rochecave était un homme distin-
gué et de beaucoup d'esprit que, tout d'abord, je m'en serais
aperçu.
~5'~ LES CENT JOURS DANS I/OUEST
Je rentrai dans le cabinet de mon directeur, je travaillai
avec lui et lorsque à près de cinq heures je me retirai, un
nouveau serrement demain et une nouvelle prise de tabac
me prouvèrent qu'il n'avait pas été mécontent de mon début.
De retour chez M. de Hauterive, je fus par lui présenté à sa
femme qui m'accueillit à son tour avec cette politesse cor-
diale qui est une des qualités vendéennes. Mme de Hauterive
était une femme d'une trentaine d'années, d'une figure uu
peu grave, mais distinguée ; au premier coup d'œil je la ju-
geai bonne et ne me trompai point. Nous nous mîmes à table,
le dîner fut gai et je vis avec plaisir que la servante jeune et
assez jolie sablaise que ses maîtres traitaient avec bonté,
n'était point condamnée au mutisme humiliant qu'impose à
leurs domestiques l'orgueil de certains personnages. Quand
nous fûmes sortis de table, M. et Mmê de Hauterive me con-
duisirent à la jolie petite chambre que je devais occuper au
second étage.
M. de Hauterive m'avait conseillé d'aller faire une visite à
M. le comte de Beaumont, nommé par Louis XVIII, préfet de
la Vendée. J'objectai qu'un pauvre commis à 1200 fr. d'ap-
pointements, occupait sur l'échelle administrative un degré
tellement inférieur que probablement ce magistrat trouverait
ma démarche servile ou tout au moins indiscrète. Cependant
je me déterminai à la faire, lorsque j'eus reçu l'assurance que
mon directeur, très lié avec lui, lui avait parlé de moi avec
intérêt et n'avait point manqué de faire sonner bien haut l'ar-
deur et l'énergie de mes sentiments en faveur de la dynastie
légitime.
La première chose que je fis, le jour suivant, en arrivant
au bureau, lut de remercier de ce nouvel acte de bonté.
M. Le Forestier qui s'offrit de m'accompagner à la préfecture,
ce que je ne refusai point. Il fut décidé que nous ferions cette
visite le lendemain. Sous le patronage de mon directeur, je
fus reçu avec une extrême bienveillance par M. de Beaumont
qui était un homme d'une soixantaine d'années, et dont la
LES CENT .JOUKS DAN8 L'OUEST 253
conversation, la physionomie ouverte et les manières d'autant
plus distinguées, qu'elles n'empruntaient rien à la nouvelle
école, annonçaient tout à la l'ois l'homme bon et parfaitement
élevé. M. de Beaumont me questionna beaucoup sur l'esprit
public de la population rochelaise et fut très satisfait des ren-
seignements que je 'lui fournis à cet égard : « Fort bien,
« Monsieur, je suis charmé de compter à Bourbon un roya-
« liste aussi dévoué que vous », et, tendant alors la main à
mon Directeur, il lui dit : « Je vous remercie, mon cher Fo-
« restier, de m'avoir présenté Monsieur. » — Dirigeant en-
suite les yeux sur moi il ajouta en me tendant aussi la main :
« Et j'espère que cette visite qui m'est on ne peut plus
« agréable, ne sera point la dernière. »
Sensible à une réception aussi gracieuse, je m'inclinai
avec une visible émotion et nous nous retirâmes. En retour-
nant à la Direction je ne manquai pas d'adresser à M. le
Forestier tous mes remerciements pour l'obligeance qu'il
avait eue de m'introduire auprès de ce digne magistrat.
Quinze jours s'étaient écoulés depuis que j'étais entré chez
M. de Hauterive comme locataire et pensionnaire. La Sablaise
venait d'en sortir pour aller se marier. Mais, jusqu'à ce
qu'elle put être convenablement remplacée, ce qui n'est pas
toujours très facile, même dans la Vendée, où les domes-
tiques des deux sexes sont en général d'honnêtes serviteurs,
Mœ0 de Hauterive, aidée seulement d'une femme de journée
tout à fait étrangère aux principes de l'art culinaire, fut
obligée de tout faire. M'apercevant alors que ma position
comme pensionnaire pouvait être dans cette circonstance une
cause d'embarras pour cette honorable famille, je m'en ex-
pliquai franchement avec M. de Hauterive et, en le remer-
ciant, ainsi que sa digne épouse, du bonheur que j'avais
éprouvé auprès d'eux, de toutes leurs délicates attentions,
du charme de leur société, je leur tis connaître qu'en conti
nuant à être leur locataire, je prendrais ailleurs mes repas.
Ce même jour, je me rendis chez M. Pivard, et bien,
TOME XII. — AVRIL, MAI, JUIN. 18
254 LES GtSNT IKUHS DANS L'OUEST
qu'ainsi nue je l'ai dit, le personnel dos pensionnaires do sa
table d'hôte ne me convint pas sous le rapport des opinions
politiques, je consentis à en augmenter le nombre.
Un jour où je me rendais à l'hôtel pour y prendre mon
90* dîner, dont pas un seul des 89 précédents ne s'était passé
sans que d'assez vives discussions en politique, en philoso-
phie, en religion, etc., n'eussent eu lieu entre moi et mes
commensaux, je fus abordé sur la place par un jeune homme
de 24 à 25 ans, d'une figure agréable et très remarquable par
une expression tout à la l'ois spirituelle et énergique.' J'ai su
depuis que c'était un M. de Gentet, demeurante Fontenay-le-
Gomte, et généralement estimé de toute la Vendée royaliste,
i n raison de ses nobles sentiments et de la fermeté avec
laquelle il avait toujours manifesté son attachement aux prin-
cipes de la légitimité.
M. de Gentet, avec une grande distinction de manières, me
dit : « Mille pardons, Monsieur, si je prends la liberté de
réclamer de vous un petit service ; voici ce dont il s'agit :
venant à Bourbon-Vendée pour la première fois, j'ai négligé
en quittant Fontenay de m'informer du meilleur hôtel où je
pourrais descendre pour y rester jusqu'à demain seulement,
et, si vous êtes assez bon pour me renseigner à cet égard,
vous me rendrez un véritable service ». Je m'empressai de
répondre à son intention en lui désignant l'hôtel Pivart,
comme étant parfaitement tenu sous le rapport du confor-
table et je lui appris que depuis trois mois j'en étais pension-
naires. « C'est, Monsieur, me répondit-il, une raison détermi-
nant pour moi. » Je le remerciai de cette courtoisie et en
attendant que la cloche de l'hôtel nous avertît que le dîner
était servi, nous nous promenâmes sur la place. Je fus en-
chanté de sa conversation qui fut variée et spirituelle. Quand
elle tomba sur la politique, il ne me fut pas permis de douter
de la parfaite conformité qui régnait entre ses opinions et les
miennes. Il acquit aussi la môme preuve, en sorte qu'il me
dit : « Pensant aussi bien que vous pensez, je vous plains,
LUS CENT JOURS DANS L'OUEST 255
Monsieur, d'habiter cette ville. Sa mauvaise réputation poli-
tique, doit vous en rendre le séjour pénible.
« M. de Beaumont, auquel j'eus l'honneur d'être présenté,
m'apprit clans un voyage qu'il fit à Fontenay qu'ici le nombre;
des royalistes est extrêmement restreint. » — C'est vrai, lui
répondis-je. — Aussi reprit-il, je le répète, je vous plains. Mais
peut-être le personnel de votre table d'hôtes vous dédom-
mage-t-il ?
— « Non, monsieur, non, malheureusement ; sachez au
contraire que sauf quelques-uns qui ont le bon esprit de se
taire, les autres. ...»
Dans ce momentla cloche de l'auberge sonna le dîneret bien-
tôt M. de Gentet et moi nous nous mîmes à table l'un à côté de
l'autre.
Après le silence de rigueur qui règne au commencement dr
tous les dîners, la conversation ne roula que sur des lieux
communs, des choses insignifiantes, des appréciations sur le
plus ou moins de mérite des plats et du vin ; mais par degré
on arriva aux questions métaphysiques, dramatiques, litté-
raires, soulevées comme de coutume par le voltairien, dési-
gné plus haut sous le nom d'Armand, et bientôt la politique
fut elle-même remise sur le tapis. Les plus grandes absurdités
ne manquèrent point d'être de nouveau débitées par les mes-
sieurs du haut de la table, contre les prêtres, contre les Jé-
suites, contre ['absurdité des croyances catholiques. Dans
toutes ces ignobles attaques, on s'appuyait sur la philosophie
de Voltaire, de Rousseau, de Mably, de Diderot, de Babœuf et
de beaucoup d'autres encore. M. Armand était toujours celui
qui avait le plus souvent la parole. Tous ces points de doc-
trines révolutionnaires, pour la centième fois peut-être, je les
réfutai de mon mieux, avec une animation à laquelle applau-
dit M. de Gentet.
A son tour il s'exprima en termes énergiques et significa-
tifs. Mais là ne se bornèrent point les discussions. Lorsque
les domestiques eurent quitté la salle, après avoir servi le
256 LES C-2NT JOURS DANS L'OUEST
dessert, le haut de la salle en vint jusqu'à censurer presque
tous les actes du gouvernement royal, signala l'incapacité des
ministres, les tendances au rétablissement de la Féoda-
lité , les prétendues manœuvres des Ultras, mot récemment
créé pour désigner les royalistes. Il arriva môme que le
sieur Armand, oubliant que, comme employé, il était salarié
par les fonds de l'Etat, osa risquer plus d'un sarcasme inju-
rieux contre le comte de Provence et la famille Royale. N'y
pouvant plus tenir, M. de Gentet ne garda plus aucune me-
sure, et, saisissant, avec la plus impétueuse vivacité, une
assez large assiette, il déclara très positivement qu'il la
jetterait à la tête de celui des convives qui se permettrait de
nouvelles attaques de cette nature. Le sieur Armand pâlit et
se tut. Ses adhérents, la plupart commis dans les diverses
administrations de la ville, et profondément interdits, imi-
tèrent son silence...
Les officiers, pensionnaires de la table d'hôte, bien qu'ils
fussent antipathiques au nouvel ordre de choses, s'interpo-
sèrent pour le rétablissement de la concorde. Ils reconnurent
qu'à notre point de vue nous avions eu raison de tenir tête à
M. Armand, que celui-ci avait été beaucoup trop loin et, en
leur qualité de braves militaires Français, ils applaudirent à
l'énergie de M. de Gentet. Celui-ci retarda son départ d'un
jour, afin de rendre raison à M. Armand de son mouvement
de vivacité ; mais M. Armand ne vint rien lui demander ; et le
dîner du lendemain auquel n'assista point l'individu retenu
chez lui pour cause d'indisposition, s'écoula aussi tranquille-
ment que s'il ne s'était rien passé d'extraordinaire. Lorsque
M. de Gentet prit ses dispositions de départ pour retourner à
l'ontenay, nous nous promîmes bien de nous revoir et nous
nous serrâmes la main comme deux vieux amis auraient pu
If fiiire, tantade puissance en politique l'identité des opinions.
Ma vie à Bourbon-Vendée ne se passait pas fort gaîment,
car celte ville naissante n'était rien moins qu'une succursale
de l'ennui.
LES CENT JOURS DANS L'OUEST 257
Point d'artistes, point de spectacles : une société composée
seulement de fonctionnaires, dont quelques-uns avaientleurs
épouses et qui donnaient des petites soirées. A cause de
MM. Le Forestier et de Hauterive, j'avais l'honneur d'y être
admis et bien reçu. Mais de toutes ces soirées, les plus agréa-
bles, étaient celles de la Préfecture. Elles réunissaient tout à la
fois les notabilités locales et bon nombre de brave Vendéens et
Vendéennes des environs qui s'étaient plus ou moins signalés
par lamanifestation de leurs excellents principes. Je vis là plu-
. sieurs fois le comte deMaynard, M. des Abbayes Pundes vieux
capitaines de l'armée royale, le général de Suzannet qui com
mandait le département, puis M. le comte et Mne la comtesse
deChantreau dont un grand coup de sabre, qu'elle avait reçu en
combattant les Bleus, avait imprimé sur l'une de ses joues
une longue et honorable cicatrice.
(Juoi qu'il en soit, cette ville, peuplée en grande partie île
maçons, de tailleurs de pierres, de charpentiers, de couvreurs
etc, etc, occupés les uns à construire l'église, les autres à
achever la construction des casernes et d'un collège, avait un
singulier aspect.
Mon plus doux passe-temps était d'écrire à ma mère ou
d'en recevoir des lettres que je lisais et relisais toujours avec
une vive émotion.
Cependant une scène dans laquelle je figurai comme prin-
cipal acteur et que je vais raconter donna lieu à une péripétie
remarquable.
Deux semaines s'étaient écoulées depuis le départ de M. de
Gentet et grâce au souvenir assez désobligeant de l'histoire
de l'assiette, le bout de la table d'hôte de M. Pivart, et particu-
lièrement M. Armand, étaient devenus beaucoup moins ar-
dents dans la manifestation de leurs mauvaises doctrines,
quand, un certain jour, il arriva un anglais, touriste peut
être, et qui, pour y dîner, vint prendre place à la table d'hôte.
C'était un homme d'un âge mûr, d'une petite taille et dont la
faible complexion, le teint pâle et l'air mélancolique annon-
25cS LES CENT JOURS DANS L'OUEST
çaient qu'il pouvait être attaqué du spleen. Il parlait assez
bien lo français autant que je pus en juger par les laconiques
- - qu'il lit à quelques questions qui lui turent adres-
sées. Néanmoins, le haut de la table le regardait en rica-
canani et en se moquant de lui. Le médecin du régiment,
homme d'une grande taille, et d'un très petit esprit, se mit à
à lancer des attaques contre l'Angleterre. Le'pauvre étranger
u ff rai t d'autant plus de cette sortie virulente qu'il parais-
sait avoir la conscience de son excessive faiblesse. Cependant
il se crut autorisé à faire remarquer poliment au docteur qu'il
a \ ait tort de s'exprimer à l'égard de son pays dans des termes
aussi durs. Mais le ministre d'Hypocrate, ne voulut rien en-
tendre. Il insulta encore le pauvre homme directement. —
Cela me fit de la peine, si bien qu'en élevant la voix, je dis au
docteur avec animation : « Monsieur, votre conduite dans
cette circonstance est tout au moins inconvenante. — Incon-
venante, me répondit-il, quoi, vous osez ?... — Oui, Monsieur,
j'ose vous dire que vous avez tort d'insulter cet étranger ; pas
plus que vous je n'aime les Anglais; j'abhorre surtout leur
politique dont la première règle est de haïr la France et de
chercher à lui nuire par tous les moyens que condamne la
loyauté. Mais enfin la paix règne maintenant entre les nations
et chacune d'elles doit protection aux sujets de l'autre.
C'est le droit des gens ; c'est un devoir et quiconque s'en
tarte, commet un acte tout au moins répréhensible.
— Allons donc, s'écria le docteur, avec une brusquerie mar-
quée, si, comme moi, martyr des Anglais, vous eussiez été
pendant trois ans logé sur un de leurs pontons vous tiendriez
un autre langage. — Monsieur, répliquai-je, je suis de sang-
froid, tâchez de l'être aussi. Croyez moi, en ménageant vos
expressions, n'insultez point un étranger auquel l'hospitalité
française doit protection. L'irascible docteur, ne tenant
point compte de ce conseil, et, ne gardant aucune mesure, les
officiers de la lable se joignirent à moi pour l'engager à
ne pas aller plus loin. Malgré eux, il continua à lancer plu-
LKS GKNT JOUR* DANS L'OUEST 250
sieurs» grosses injures au pauvre citoyen d'Albion qui, pâle el
tout interdit, ne répondit rien. Ces! alors qu'un mouvement
de commisération me fit déclarer au docteur, à liante el très
intelligible voix, que je prendrais pour moi le premier mot
mal sonnant qu'il lui adresserait désormais. Le résultat de
cette vive altercation fut de ma part une provocation en duel
pour le lendemain. Il fut convenu qu'il aurait lieu à l'épée à
cinq heures du matin. Le côté comique de cette scène fut la
disparition du Thersite anglais qui, sans me remercier, trouva
très prudent, et peut-être, à son point de vue, très amusant,
de me laisser battre pour lui.
La nuit que je passai fut diversement agitée. C'était donc
pour la troisième l'ois que j'allais me battre et cette fois encore
je dormis mal, très mal même, n'en déplaise à certains fanfa-
rons, qui, à l'époque où les duels étaient malheureusement
très fréquents, disaient bien haut que leur sommeil n'était
jamais plus tranquille que la veille du jour où ils devaient
aller jouer leur vie dans les hasards d'une rencontre. Quoi qu'il
en soit, m'applaudissant d'avoir agi convenablement, je finis
par goûter quelques heures de repos.
Le jour commençait à paraître lorsque je me réveillai. Je
me levai à la hâte et, après une fervente prière, j'écrivis plu-
sieurs lettres, l'une à ma mère que, peut-être, je ne reverrais
plus, et l'autre à mon meilleur ami de la Rochelle ; puis, pre-
nant mon épée que je plaçai sous ma redingote, je me
rendis chez M. de Rochecave, qui devait me servir de témoin .
Je le trouvai levé et habillé. Nous partîmes, et l'horloge de la
vieille église sonnait cinq heures lorsque nous entrâmes à
l'hôtel où le docteur devait nous attendre. Parvenus à la porte
de sa chambre, nous frappons... point de réponse. Nous
frappons de nouveau et plus fort, même silence. Un grand
coup de pied que je donnai dans la porte fit enfin cesser ce
mutisme. — « Qui est là, dit-il? » — C'est moi, Monsieur,
ouvrez et dépêchons. — Je ne le puis. — Comment? — « Je
suis couché. » — « Couché? ignorez-vous que cinq heures
-00 LES CENT JOURS DANS L'OUEST
viennent de sonner? » — « Non, mais mon témoin n'est pas
encore arrivé : il m'a l'ait dire qu'il ne pourrait venir qu'à six
heures. — Rochecave s'apercevant que j'allais m'emporter,
me dit tout bas : « Point d'injures et répondezdui que nous
reviendrons à six heures. » — Eh bien, soit I Monsieur, nous
serons ici à six heures. «
Et de fait à l'heure dite, nous étions de nouveau sur le pa-
lier de la chambre du docteur. Il y régnait toujours un grand
silence, qui nous ht penser que le témoin n'était pas arrivé.
Nous passâmes quelques minutes dans l'attente. Ne voulant
pas la prolonger, d'un accent très significatif je renouvelai au
docteur l'injonction d'ouvrir sa porte et de ne point abuser
plus longtemps de notre patience.
« Vous désirez que je vous reçoive, Monsieur, me répondit
cet homme d'une voix altérée, mais je suis encore couché et
une douleur de goutte ne me permet point de me lever pour
avoir l'honneur de vous recevoir, ainsi que Monsieur votre
témoin quel qu'il soit. Au surplus, j'ai fait des réflexions —
hier, le vin m'avait un peu porté à la tête.... J'ai été loin,
trop loin. Je vous en exprime tous mes regrets et j'autorise
Monsieur votre témoin à prendre acte de ma déclaration....
J'ajoute même que, si, dans la vivacité de notre altercation,
il m'est échappé quelques paroles inconvenantes, je les
désavoue, et me les reproche bien sincèrement. » J'allais
répliquer,... mais Rochecave, pour en finir, s'empressa de
donner au docteur l'assurance que j'acceptais ses excuses et
que tout devait être oublié. Et ceci dit, nous nous retirâmes,
tous deux, enchantés de ce dénouement inattendu.
(A suivre).
Renée Monbrun.
EN TUNISIE
Notes de voyage d'un touriste vendéen.
->XK<:
La tournée ministérielle et parlementaire qui vient de
visiter la Tunisie1 constituait le dernier acte d'une sorte
de trilogie. Des instituteurs français, en nombre consi-
dérable — plus de cent — avaient été appelés à un examen
minutieux de la Régence au commencement du mois d'avril ;
ils furent considérés comme les meilleurs et les plus solides
agents de la colonisation future, aptes à démontrer, et cela
après un examen personnel, que si la Tunisie n'est pas un
Eldorado féerique, elle reste une terre féconde, prête à
nourrir largement les hommes de travail et d'économie qui
confient à son sol le germe de leur fortune; et, ajoutons-
le, disposés à persuader à plus d'un agriculteur aisé comp-
tant plusieurs fils, que les cadets ont, par la vie du colon
tunisien, un autre avenir à se faire que celui de gratte-papier
dans une sous-préfecture.
Après les instituteurs une autre caravane a parcouru la
Tunisie, celle des élèves de l'école d'agriculture de Grignon :
à ceux-là, destinés par leurs origines, leur vocation ou leurs
intérêts particuliers à la culture de la terre, il y avait nécessité
1 Du 22 avril au 2 mai.
262 EN TUNISIE
moins de démontrer des vérités spéculatives que d'exhiber
des résultats pratiques. Et c'est ce qui a été fait avec un plein
succès.
Enfin, à l'occasion des fêtes de Tunis, de Sousse et de Sfax,
le résident-généra! de France, M. René Millet, voulut faire
toucher du doigt aux administrateurs de la Métropole et aux
représentants du parlement et de l'opinion les progrès inces-
sants et considérables réalisés par le gouvernement du Pro-
tectorat; d'où cette troisième et dernière tournée — puisque
c'est le terme usuel — à laquelle le signataire de ces lignes a
eu l'honneur d'être convié et le grand plaisir de prendre part.
Des l'êtes de Tunis, il n'y a guère à retenir que le fait d'une
réparation solennelle accordée par la France à Jules Ferry,
dont le programme colonial, si passionnément discuté et
attaqué pendant sa possession du pouvoir, est aujourd'hui
victorieux. Sans vouloir toucher ici à des questions de poli-
tique intérieure restées irritantes, même après tant d'années,
il faut reconnaître, en toute loyauté, que les hommes qui, de
bonne foi d'ailleurs, combattaient la politique de notre exten-
sion coloniale, étaient dans l'erreur : Jules Ferry avait vu de
plus haut et de plus loin, les graves problèmes que pose
aujourd'hui le double partage de la Chine et de l'Afrique le
démontrent surabondamment et sans qu'il soit nécessaire
d'y insister
Bizerte était l'un des objectifs principaux du voyage, sur-
tout en raison des événements récents qui ont abouti au
règlement du litige franco-anglais. Faut-il le dire? Nous
n'avons pas trouvé là cette puissance d'activité défensive sur
laquelle nous comptions. La garnison est trop faible de moitié,
et, pour faire de Bizerte un Toulon africain destiné à devenir
le rival de Malte, de Gibraltar et de la Spezzia, ce n'est pas
vingt millions qu'il faut dépenser, en les échelonnant péni-
blement sur cinq exercices financiers, mais quatre-vingts ou
cent, sans hésitation et en faisant vite.
Quant au port de commerce, il est fort bien aménagé,
EN TUNISIE 283
grâce à la société concessionnaire des pêcheries du lac, et
donne toute satisfaction à la marine marchande. C'est à la
Métropole de faire maintenant son devoir et d'utiliser pour
la défense de l'Afrique française la plus merveilleuse rade
naturelle qui soit au monde.
L'inauguration du port de Sousse a clôturé la série des
travaux considérables accomplis par les sociétés des ports de
Tunis, Sfax et Sousse: on sait que les gouvernements beyli-
caux, après avoir possédé une puissante marine, des arse-
naux et des places d'approvisionnement, laissèrent détruire
par le temps tout leur outillage maritime, auquel, du reste'
l'abolition de la course avait porté un coup mortel. C'a été
l'une des grandes œuvres du protectorat que de relever l'in-
dustrie de la pêche qui compte parmi les sources de revenus
les plus importants de la Régence.
Toutefois, il reste une lacune importante à combler : le
décret de 1897, qui a réglé les points spécialement urgents
concernant la pêche, ne saurait indéfiniment tenir lieu d'une
législation devenue nécessaire, en raison du développement
des industries maritimes : sur toutes les côtes, on demande
une codification complète et appropriée aux nouveaux besoins.
Dans le Sud, nous avons admiré l'extension considérable
que prend la culture de l'olivier, notamment dans les environs
de Sfax, où en cinq années, cent trente-cinq mille hectares
ont été concédés, plantés ou mis en exploitation régulière.
Une autre source puissante de richesses se trouve dans
les phosphates de la région de Gafsa, dont le débit va, dès la
première année, atteindre, dit-on, plus de trois cent mille
tonnes : par un arrangement bon à imiter, la ligne de Sfax
à Gafsa, d'une longueur de 249 kilomètres, a été construite
entièrement aux frais de la compagnie concessionnaire des
phosphates, en outre des droits que celle-ci aura à verser au
trésor beylical en raison de ses exportations. Etablie par les
procédés des chemins de fer désertiques, la construction a
été ultra-rapide et a dépassé de beaucoup la vitesse si vantée
du transsibérien.
264 EN TUNISIE
Ce sont là les détails secs et précis d'un voyage d'affaires,
auxquels pourtant le pittoresque s'est mêlé à haute dose,
comme il convient sur cette terre illustre quedore le soleil d'O-
rient. Surtout Kairouan la ville sainte et farouche, et Sousse,
murée dans ses fortifications dentelées, produisent une im-
pression inoubliable, et tel paysage, que coupe la locomotive,
semble une page vivante et vieille de trois mille ans, arrachée
à la Bible : fantasias éclatantes, séances d'Aïoussas hor-
ribles, danses de griots venus des contrées mystérieuses de
l'Afrique, processions de congrégations arabes, musique et
grelots exotiques, rien n'a manqué à ce voyage pour nous
colorer quelques peu les quarante homélies officielles et
grises qu'il nous a fallu entendre et applaudir, souvent par
pure politesse ; tous les orateurs n'avaient malheureusement
pas les lettres et l'éloquence de M. René Millet, dont le dis-
cours sur Jules Ferry restera assurément parmi les pages les
plus belles et les plus pures de notre langue...
Terre splendide que cette terre tunisienne, dont on peut
dire, avec le vieux poète florentin « qu'aucune ne marie tant
de douceur avec tant de beauté », et dont les habitants trop
heureux ne connaissent pas les laideurs de la politique et les
bassesses triviales du régime parlementaire. Non point que
quelques colons grincheux ne se trouvent qui voudraient
doter la Régence de ces tristes cadeaux : mais, jusqu'ici du
moins, la France a respecté sa signature, apposée au bas du
Bardo, et il est à croire que, d'ici à longtemps, elle tiendra à
sauvegarder ce principe d'autorité supérieure quia permis à
ses résidents d'opérer de grandes œuvres, et qui, seul, en im-
pose aux peuples arabes, éternels aspirants à la révolte
contre le Roumi vainqueur.
L. DE LA GhANONIE.
LA TERRE QUI MEURT
de M. René BAZIN
Aux heures de songerie, alors que l'évocation du passé
me replonge dans mes primes années d'enfance, il est
des souvenirs qui me font revivre avec une intensité
bizarre les événements, parfois sans intérêt, qui les en-
gendrent. Je me retrouve l'écolier turbulent dont les équipées
tenaient en crainte perpétuelle la mère trop sensible, vaga-
bondant, par sentes et par chemins, à la recherche de coins
perdus où ma petite âme, déjà rêveuse, s'épanouissait en les
apaisances d'une nature calme et reposante.
J'avais ainsi, dans la campagne Ghallandaise, de délicieux
endroits d'aspects divers où je siestais de longues heures au
milieu de caquetages d'oiseaux, en plein chuchottis d'arbres
radoteurs que soulignait parfois le clapotis aigre de ruisselets
minuscules.
Lorsqu'un besoin d'activité me tourmentait j'allais à la
Rive où un vieil ami de mon père tenait toujours une niole à
ma disposition et, tout seul, je partais en excursion parles
canaux de notre Marais, à l'aventure, sans peur de chavirer
et c'est ainsi que, plusieurs fois, je me suis rendu à Saller-
taine où M. René Bazin vient de placer l'action de son beau
livre : La Terre qui meurt.
Ce petit bourg maraîchin et la campagne environnante
n'offrent de séduction qu'aux épris des horizons larges et des
vastes étendues. Rien de pittoresque en ce paysage plat et
266 LA TEKHE QUI MEURT
uniforme que ne mamelonné pas le moindre petit coteau ! En
hiver, l'eau couvre en grande partie les prairies. Par les
journées de grand gel et les tombées de neige le spectacle
offre une poésie toute particulière, mais viennent le printemps
et lesgaîtésdu soleil et toute cette terre, enlinceulée pen-
dant quelques mois, ressuscite fraîche, appétissante avec sa
toison verte qui ondule comme des vagulettes aux souffles
des brises qui s'en viennent de partout.
Et, lorsque les faulx ont mordu les foins mûrs, s'étale
une immense nappe fauve quadrillée d'argent par les filets
d'eau morte et animée par les galopades des poulains et les
lentes promenades des taures.
De père en fils les Lumineau habitaient la ferme de la Fro-
mentière appartenant à la vieille famille de ce nom dont le
dernier rejeton, M. Henri — ainsi que tout le monde l'appelait
— était parti à Paris, depuis quelques années, au grand dé-
sespoir de ses métayers qui avaient maintenant affaire à un
régisseur peu commode.
Veuf, depuis longtemps déjà, Toussaint Lumineau exploi-
tait la Fromentière avec l'aide de son fils François et de ses
deux filles Eléonore et Marie-Rose. L'aîné de ses garçons,
Mathurin, lui était à charge par suite d'un terrible accident
de voiture survenu, un soir qu'il retournait de Challans avec
sa fiancée, Félicité Gauvrit, la plus belle fille de Sallertaine; et
André, — Driot en patois — le jeune, allait bientôt revenir à
l;i ferme et permettrait de se passer des services du domes-
tique Jean Nesmy, un daniaon gagé jadis pour le remplacer.
Ce Jean Nesmy, excellent travailleur mais braconnier in-
corrigible, adorait Marie-Rose — Rousitte, et non Rousille —
dont il était profondément aimé, au grand déplaisir de Ma-
thurin qui ne pouvait pas le supporter et craignait qu'il ne
prît un jour la direction de la ferme. L'infirme avertit donc
son père et Jean Nesmy fut remercié. Lumineau, tout en re-
connaissant les grandes qualités de son valet, ne voulait à
aucun prix lui donner sa fille. Le mariage d'une Maraîchine
LA TERRK QUI MEURT '^<»7
et d'un Bocain ? Mésalliance impossible. Et la pauvre Rousitte
éplorée s'en fut conter ses peines aux tailleuses Michelonne,
deux vieilles filles du bourg qu'elle appelait ses tantes, dont
l'aînée, qui avait, elle aussi, sacrifié ses affections de jeunesse
aux exigences de ses parents, lui prodigua des tendresses
consolatrices et versa dans son âme torturée le baume des
espérances.
Toussaint Lumineau, tracassé de n'avoir pu payer à l'é-
chéance le loyer de sa ferme, allait bientôt subir de nou-
veaux ennuis. François etEléonore le quittèrent un beau jour
pour aller s'installer à la Roche-sur-Yon. M.Jules Meffray,
conseillerd'arrondissement et grand électeur deChallans, avait
obtenu pour le premier une place de chauffeur aux Chemins
de fer de l'Etat ; la seconde avait acheté un débit de vins et
liqueurs dans un faubourg, à la limite de la campagne. Heu-
reusement que son Driot serait de retour dans quelques se-
maines et, avec un domestique, la besogne se ferait comme
par le passé.
Ah ! ce fut grande fête à la BYomentière à l'arrivée d'André
que le fermier était allé chercher à la gare de Ghallans ! Le
père Lumineau ne se sentait pas de joie et lorsque son Driot
eût jeté bas sa livrée de soldat pour se vêtir en maraîchin, il
s'écria gaîment : — Oh ! mon Driot, te voilà tout à fait revenu !
Tu étais mon fils tout à l'heure, mais pas autant qu'à présenti
Hélas! ce bonheur fut de courte durée, car Driot eut bien-
tôt le désir d'aller s'établir en des contrées lointaines où les
terres novales produisent en abondance ce que notre terre de
France ne donne qu'à grand'peine. Et, une nuit, il s'enfuit
sans un mot d'adieu au père qui, affolé, se rendit à la Roche-
sur-Yon pour déterminer, sans succès, François et Eléonore
à revenir au logis paternel.
Alors Lumineau se souvint du bocain Jean Nesmy. Il vieil-
lissait, il était seul : François, Eléonore, André, partis ! et
l'inutile Mathurin venait d'être trouvé mort au fond d'une
yole. Le fermier se dit qu'il aurait là un gendre droit et non-
268 LA TERRE QUI MEURT
nête qui forait le bonheur de Marie-Rose et pourrait lui suc-
céder quelque jour. Adélaïde Michelonne fut chargée de l'aller
quérir à la ferme de Nouzillac, en la commune de la Flocel-
lière, où il travaillait depuis son départ de la Fromentière. Et
le roman finit par un mariage.
M. Bazin a écrit, en un style superbement imagé, une
œuvre saine et captivante qui le met au rang de nos bons ro-
manciers mais sans classification bien définie.
La Terre qui meurt n'est ni un livre d'observation vraie, ni
une étude de mœurs, elle contient simplement l'embryon
d'une thèse sociale et économique autour duquel gravite une
action qui, pleine d'intérêt dans toutes ses manifestations,
pourrait se passer dans n'importe quel département français.
Et d'abord la terre meurt-elle? ainsi que le proclame M. Ba-
zin. Ailleurs, peut-èlre. Mais dans notre coin de Vendée elle
est toujours pleine de tante et les soins qu'elle exige et les
affections dont elle est jalouse ne lui manquent point. Que
sont les quelques rares défections qu'elle enregistre à côté
des tendresses nouvelles qui lui sont prodiguées en des mi-
lieux où elle était jusqu'alors dédaignée! Les poussées des
campagnes vers les villes ont été constatées à maintes
époques, alors même que la lutte pour l'existence n'était
point aussi impérieuse qu'aujourd'hui. L'indifférence appor-
tée par les générations contemporaines aux besognes ances-
trales ne se borne point aux choses de la terre, elle s'étend à
tous les travaux manuels et ce n'est point dans cette courte
analyse qu'il nous est possible de suivre ses évolutions.
La Terre qui meurt renferme de magistrales descriptions et
des portraits habilement éclairés. A côté de photographies
très nettes, M. Bazin donne comme des réalités les fantaisies
de son imagination inventive.
Nous connaissons Lumineau qui, n'en déplaise à son bio-
graphe, n'a rien de commun avec la belle et fière figure qu'il
nous montre. Nous connaissons également M. le marquis
Henri, dont la fille Ambroisine est assurément très désirable.
LA TERRE QUI MEURT 269
Nous sommes l'ami intime de M. Jules Metîray, dont l'intel-
ligence et la science sont remarquables et la serviabilité peu
commune. Nous avons assisté à la vente du château de la
Fromentière. Nous sommes allô à la veillée de la Seulière.
Nous avons joué à l'aluette chez l'aubergiste Bonnet et trin-
qué chez Denois — en employant la formule : De tout mon
cœur je vous salue et non celle notée par M. Bazin — avec les
conscrits sallertaiûois, mais le type de Marie-Bose nous est
totalement inconnu.
Si M. Bazin s'était fait conduire à Challans parles Lumi-
neau il n'aurait pas écrit « que tout le monde se mettait aux
portes pour les voir passer » : on 'n'est nulle part badaud à
ce point. Les maraichines portent des bas de laine bleus
l'hiver et, en été, des bas de coton rayés deuil et ne se
couvrent jamais les épaules de mouchoirs de velours. Nous
pourrions continuer avec fruit la recherche de la petite bote,
à quoi bon ? Ces légères critiques n'enlèvent rien à la valeur
de l'œuvre dont quelques scènes sont particulièrement émou-
vantes, notamment le départ de Driôl, la veillée de la Seu-
lière, les rendez-vous de Nesmy et de Boussitte, et enfin, la
mort si poignante de Mathurin et le retour de son cadavre à
la Fromentière.
A. Barrau.
TOME XII. — AVRIL, MAI, JUIN. 19
JOURNAL
D'UN FONTENAISIEN
SOUS LA TERREUR
1794
(Suite)1.
26 mars. — La Municipalité reçoit une lettre du Comité de
Salut public portant qu'il ne suffit pas d'avoir fait disparaître
de dessus les édifices publics et particuliers « tous les signes
de royauté et de féodalité », qu'il faut en enlever jusques aux
moindres vestiges, et les remplacer « par les emblèmes de la
liberté ».
Un certificat de bonne conduite est refusé au 14" régiment
de chasseurs à cheval en garnison dans la ville.
La Société populaire dresse la liste de ses membres.
De nombreux insurgés Vendéens sont exécutés : Marie
Goyau, femme Guitton, 46 ans, de Ghavagnes ; André Motard,
69 ans. de Glussais (Deux-Sèvres) ; Jean Galland, 55 ans, jour
nalier, de Courlay (Deux-Sèvres) ; Jean Thomas, 50 ans, de
Saint-Marsaull(Deux-Sèvres) : Jean Drochon, 74 ans, de Saint-
Marsault (Deux-Sèvres) ; Angélique Goineau.31 ans, de Cha-
' Voir la livraison de septembre 1897.
JOURNAL D'UN KONTENA1SIEN SOUS LA TERREUR 271
vagnes-les-Redoux ; Jean Curateau, 38 ans, maçon, du Vieux-
Pouzauges ; Pierre Guillot, ïô ans, du Vieux-Pouzauges.
27 mars. — Le conseil de la commune instruit que Joseph
Bertin, de la commune de Montoumais, réfugié à Fontenay, a
été acquitté hier par la Commission militaire « déclare parta-
ger les sentiments que l'innocence reconnue d'un accusé doit
inspirer à tous les bons citoyens ».
Confirmation de l'arrêté de la municipalité ordonnant aux
réfugiés de quitter la commune sous vingt-quatre heures.
Deux membres du comité de surveillance, Guéry et Lam-
bert, sont envoyés à Celles, pour y dresser le tableau des déte-
nus et l'adresser au Comité de sûreté générale à Paris.
Pierre Charron, de Bourneau ; Augustin Maupetit, 58 ans,
de Foussais ; Félix Bouton, 62 ans, de Saint-Mars-la-Réorthe ;
Pierre Tarreau, 34ans,deSaint-Prouant, sont exécutés comme
ayant pris part à l'insurrection Vendéenne.
28 mars. — Turreau adresse à Hoche la liste des communes
de la Vendée, situées sur les deux rives du Lay, vouées, à une
complète destruction par son précédent arrêté.
De ce nombre sont: Chantonnay, Bournezeau, le Chaize-le-
Vicomte, Mareuil, Sainte-Hermine, etc.
Energique protestation de la Société populaire de Luçon,
contre cet ignoble projet d'extermination.
29 mars. — En raison de l'arrivée d'un corps de cavalerie,
les bœufs qui occupaient les écuries des casernes, sont par-
qués dans le petit pré appartenant à la commune, et où est
placé le corps de garde (barrière de Niort).
Le conseil de la commune, instruit par la voix publique
que le général de brigade Bard a été suspendu de ses fonc-
tions, exprime toute la confiance qu'il professe pour les prin-
cipes républicains de ce citoyen, et toute son admiration pour
le courage dont il a fait preuve dans maints combats.
Eu même temps le comité de surveillance exhorte le géné-
ral Turreau à ne pas livrer aux flammes Luçon et toute la
272 JOURNAL D'UN F0NTENA1S1EN
contrée environnante, et supplie le Comité de Salut Public de
préserver la Vendée des torches incendiaires de Turreau.
En présence de l'état inquiétant des approvisionnements
des boulangers, la municipalité décide de faire d'instantes
démarches auprès du District, pour que des secours suffisants
soient accordés à la ville.
Les habitants sont requis, sous peine d'être traités comme
suspects, d'apporter à la maison commune, les fusils, piques,
bidons, gamelles et autres ustensiles, laissés chez eux par les
soldats.
Ce même jour, le citoyen Marsault est nommé concierge de
la maison d'arrêt Chessebeuf.
30 mars. — L'arrêté de la ville relatif à Marsault est rap-
porté. Le citoyen Goirier, sergent des canonniers de la com-
mune, est désigné pour occuper sa place.
Célébration de la décade, comme d'habitude, par la lecture
des lois et par des discours patriotiques.
La Convention décrète que Jean-François Pichard sera tra-
duit devant le tribunal révolutionnaire de Paris.
31 mars. — Un certificat de civisme est délivré à la femme
Thérèse Chandon-Tournefeuille, qui fait les fonctions de
« timbreur de la commune ».
Le district fait savoir à la municipalité que quatre tonneaux
de baillarge seront mis, le lendemain, à sa disposition.
l*r avril. — Un secours de 2,268 livres 10 sous sont alloués
à la commune par le District.
2 avril. — Amiot et Chisson sont désignés pour faire dis-
paraître « les empreints des signes de royalisme et de féo-
dalité précédemment enlevés dans la commune ».
3 avril. — Le citoyen Augustin Belliard, fils, présente à la ■
municipalité un projet de remplacement des noms anciens
donnés aux places et rues de la commune. Ce projet, saut
quelques modifications, est adopté. Parmi les nouveaux noms
figuraient ceux qui suivent :
SOUS LA. TERREUR 273
Hue des Préjugés Vaincus, anciennement rue Notre-Dame.
Rue Helvétius, — rue du Pinier.
Rue des Vertus, — rue Pont-aux-Chèvres.
Rue de la Raison, — Grand'rue.
Rue Tricolore, — pet. rue du Départem.
Rue Jean-Jacques Rousseau, — rue Ste-Gatherine.
Rue du Bonnet Rouge, — r. h. du Puy S'-Martin.
Rue de la Révolution, — Grand'route.
Rue des Sans-Culottes. — r. Ste-Catherine-d.-Log.
Jeanne Biraud, femme Nauleau, de Cheffois ; Rose Arsi-
caud, 48 ans, de Cheffois ; Rose Acarie, femme Duchet, 59
ans, de Mouilleron-en-Pareds ; Placide Béreau du Vignaud, 64
ans, chef vendéen, de St-Germain-1'Aiguiller ; Jean Grolleau,
44 ans, de Thouarsais ; Jeanne d'Aux, 42 ans, religieuse du
couvent Notre-Dame, de Fontenay (condamnée à mort pour
avoir brodé aux Vendéens des Sacré-cœurs !) sont exécutés.
4 avril. — Le comité de surveillance dénonce à celui de
Rochefort la conduite du général Huche, un des plus odieux
lieutenants de Turreau.
5 avril. — Le Conseil général de la commune adresse des
félicitations à la Convention nationale pour ses récents dé-
crets sur l'abolition de l'esclavage des Noirs ; et il ajoute
que dans la commune de Fontenay « l'esprit public s'y élève
de plus en plus, que la superstition y est détruite, l'argen-
terie au creuset, les cloches, le fer, le plomb aux manufac-
tures guerrières, que la Raison y a un temple et que toutes
les vertus sont à l'ordre du jour ».
Les citoyennes de la commune ne pouvant à cause de leur
sexe prendre personnellement part à la défense de la patrie,
se sont cotisées pour armer et équiper « un cavalier jacobin,
qui a juré entre leurs mains de frayer à leurs enfants le che-
min de la gloire. »
Présentation à la municipalité par le commandant de la
garde-nationale du nouveau drapeau destiné à remplacer
celui perdu à l'affaire du 25 mai, sous les murs de la ville.
274 journal d'un fontenaisien
Tellier et Chapelain envoyés à Paris, annoncent à la Société
populaire de Fontenay qu'ils ont été favorablement accueillis
par le Comité de Salut public et que de plus opportunes
mesures vont être prises pour mettre fin à la désastreuse
guerre de la Vendée.
6 avril. — Le Conseil de la commune écrit au commandant
de place pour le prévenir que la maison de réclusion est
insuffisamment gardée, ce qui a permis à trois prisonniers
de s'échapper (Jacques Raimbaud, de Saint-Mars, près La
Châtaigneraie ; Pierre Châtaignier et Louis Baudry, des
environs de Saint-Cyr-des-Gâls.)
Perreau, l'ancien curé de Notre-Dame, est confirmé par
Lequinio, dans ses fonctions de directeur de l'hôpital-
général.
7 avril. — Un autel provisoire de la patrie est érigé sur la
place de la Révolution.
8 avril. — Le Département enjoint au district de hâter
l'habillement des citoyens de la lre réquisition.
Huche informe Leclerc, commandant de place à Fontenay ,
qu'il faut livrer aux flammes Port-La-Claie et Mareuil-sur-
Le-Lay.
Goy-Le Martinière, aide-de-camp de Huche, et auteur de
crimes sans nombre, est enfin arrêté et traduit devant la
Commission militaire de Fontenay.
Arrestation de Françoise-Marie d'Aux, et exécution, comme
insurgés, de Jean Billaud, 33 ans, de Saint-Cyr-des-Gâts ; de
Jean-René Baudry, 46 ans, de Puy-de-Serre ; de Hélène-
Louise David, 27 ans, de Chantonnay, et de Jean Gaboriau,
32 ans, de Vendrennes.
9 avril. — Le comité de surveillance de Luçon fait arrêter
le général Huche et confie le commandement de la troupe à
l'adjudant-général Cortez.
Serment civique prêté par Rose Chantreau, ex-religieuse
converse.
SOUS LA TERRFUR 275
10 avril. — Compte-rendu de la mission de Perreau et
Dupleix, délégués par laSociété Populaire auprès des Repré-
sentants du peuple à l'armée de l'ouest.
11 avril. — Goy-le-Martiniére, condamné à mort pour viols,
massacres et incendies, est exécuté.
12 avril. — L'agent national du district met en réquisition
toutes les cendres provenant des fours communaux et des
boulangeries, pour la fabrication des poudres.
Huche est conduit sous bonne escorte de Luçon à Rochefort.
13 avril. — Toutes les cordes servant aux sonneries des
cloches sont requises pour le service de la marine.
14 avril. — Arrêté de la municipalité conférant à l'hôpital-
général la propriété des dépouilles des guillotinés.
R. V.
LES VENDÉENS FUSILLÉS
A LA SUITE DK
L'EXPÉDITION DE QUIBERON
Amelin (Joseph , émigré, soldat, 20 ans, de Saint-Sym-
phorien (Vendée), condamné le 2? fructidor— 13 septembre
Vannes.
Bassetière (Louis-François-Henri Morisson de la) émigré,
des Sables d'Olonne ; condamné le 17 fructidor — 3 sep-
tembre, Vannes.
Concises (Charles-Auguste-Roland Grellier de), émigré,
chevalier de Saint-Louis, capitaine dans Hector, 49 ans, de
Chambretaud (Vendée) : condamné, le 15 thermidor — 2 août,
Vannes.
Gaignet (Jean-Baptiste-René), émigré, vicaire de Doix
Vendée), 31 ans, du Gué-de-Velluire (Vendée); condamné, le
9 thermidor — 27 juillet, Auray.
Gouraud (Jacques-Pierre;, émigré, prêtre, curé de Saint-
André, 56 ans, de Saint-Georges de Montaigu (Vendée. : con-
damné, le 9 thermidor. — 27 juillet, Auray.
Guerry (Louis-Benjamin de — de Beauregard), émigré,
officier de marine, 27 ans, de Dompierre-sur-Yon fVendée, ;
condamné, sous le prénom de Charles, le 12 fructidor —
29 août. A.urav.
LES VENDÉENS FUSILLÉS A LA SUITE DE QUIP.ERON 277
Gukhry (Gilbert-Alexis de — de Beauregard), émigré,
chevalier de Malte, officier de marine, 3i ans, de Dompierre-
sur-Yon (Vendée) ; condamné, le 12 fructidor — 29 août,
Auray.
Guignardière (Joseph-Armand Brethé de la) insurgé, 17
ans. de Sainte-Florence (Vendée); condamné (?) Liste Le-
moine, sous le nom de Berthe.
Jallays (Auguste de), émigré, 42 ans, de Saint-Philbert
(Vendée); condamné le 13 thermidor — 31 juillet, Vannes.
Jallays (Louis de . émigré, 35 ans, de Saint-Philbert (Ven-
dée) ; condamné le J3 thermidor — 3i juillet, Vannes.
Jallays (Victor de), émigré, frère des précédents, 2S ans,
de Fontenay-le-Comte Vendée), condamné le 13 thermidor —
31 juillet, Vannes.
Jousbert (Jacques de la Cour-Goronièrb), émigré, « bour-
geois », 33 ans, de la Chapelle-Hermier (Vendée) ; condamné le
13 thermidor — 31 juillet, Vannes.
Masson i René, chevalier dé), émigré, 49 ans, de Saint-Denis
(Vendée) ; condamné le 14 thermidor — 1er août, Vannes.
Maubert (Joseph-Alexandre Bouhier de , émigré, 51 ans,
de Noirmoutier (Vendée ; condamné le 15 thermidor —
2 août, Quiberon.
Mello (Gésaire Vas de — de la Metérte), émigré, 24 ans,
du Poiré (Vendée) ; condamné le 15 thermidor — 2 août, Qui-
beron.
Ponsay (Jérôme Gorrin, chevalier de), émigré, lieutenant
de vaisseau, 51 ans, de Saint-Mars-des-Prés (Vendée); con-
damné le 15 thermidor — 2 août, Quiberon.
Réghin (Jean-Louis), émigré, domestique, de Montaigu
(Vendée); condamné le 11 thermidor — 29 juillet, Quiberon.
Rieussec (François-Pierre de), vicaire-général de Luçon,
41 ans, de Lyon ; condamné le 9 thermidor, 27J juillet, Auray.
878 LES VENDÉENS FUSILLÉS A LA SUITE DE QUIRERON
RocHKFoucAULD (René-Claude de la — Bayers), émigré,
30 ans, d'Aspremont (Vendée), condamné le 13 thermidor — 31
juillet. Vannes.
Royrand (Charles-César de), émigré, officier de marine,
30 ans, de Montaigu (Vendée) ; condamné le 12 thermidor —
30 juillet, Quiberon.
Royrand (Charles-Augustin de — de la Roussière), émi-
gré, oncle du précédent, 03 ans, de Montaigu (Vendée); con-
damné le 15 thermidor — 2 août, Vannes.
Soulanges (Claude-René — Paris de), émigré, 59 ans,
chef d'escadre, chevalier de Saint-Louis, lieutenant-colonel
d'Hector ou Marine, de la Preuille en Saint-Hilaire (Vendée);
condamné le 13 thermidor — 31 juillet, Auray.
Charles Robert.
Ext. de Y Expédition des Emigré* à Quiberon).
MONUMENT DES COMBATTANTS DE LUCON
Inauguré h Ik Mai 1899
CHRONIQUE
A LA MÉMOIRE DES ENFANTS DU CANTON DE LUÇON. — Le 14 mai,
ont en lieu à Lucon les fêtes organisées à l'occasion de l'inau-
guration du monument élevé à la mémoire des Enfants du
canton morts pour la patrie en 1870-71.
Un grand nombre de visiteurs étaient venus de tous les points de
la Vendée et des départements voisins.
La ville était superbement décorée ; tous les édifices publics pa-
voises ; anx fenêtres de toutes les maisons flottaient des drapeaux.
A huit heures du matin, un service religieux était célébré à la
Cathédrale. M. l'abbé Charpentier, archiprêtre de Lucon, officiait.
L'amiral Alquier, enfant de la Vendée, assistait à la cérémonie.
A onze heures, la municipalité se rend à la gare pour recevoir
le colonel Maux, commandant le 137e de ligne, à Fontenay, et le
préfet de la Vendée. Le cortège officiel gagne la place Belle-Croix
pour procéder à l'inauguration du monument. Sur l'estrade pre-
nent place l'amiral Alquier, le colonel Maux, M. de Joly, préfet de
la Vendée, M. Deshayes, député et maire de Luçon, M. Biré, con-
seiller général, le Conseil municipal et M. de Béjarry, sénateur.
Le monument est dû au ciseau de M. Fulconis ; l'artiste a repré-
senté la France soutenant un soldat mort dont la main crispée tient
le drapeau national ; l'ensemble est d'un effet saisissant. M. Bar-
reaud, président des Vétérans de Luçon, remercie les invités -, l'ami-
ral baron Alquier parle ensuite et son discours est salué par les
cris de : « Vive la France I Vive l'armée ! Vive l'amiral ! »
M. Deshayes fait l'éloge de M. Fulconis. M. Biré supplie de se souve-
nir du mot de Jeanne d'Arc : « Boutons les ennemis hors de
280 CHRONIQUE
France ». Enfin un conscrit, M. Luquet, harangue la foule d'une
voix vibrante et est chaudement félicité par le colonel Maux.
L'amiral Alquier remet une médaille à M. Trichet, lieutenant des
sapeurs pompiers. On se rond à la salle du banquet, décorée avec
un goût parfait. Au Champagne, le préfet de la Vendée porte la
santé du président Loubet.
M. Deshayes, député, boit à l'armée française, à l'amiral Alquier,
l'un des plus illustres représentants de notre héroïque marine, et au
colonel Maux L'amiral Alquier boit aux Vendéens. D'autres toasts
sont portés par M Héron, délégué des Vétérans d'Indre-et-Loire,
et par M. Trichet, président de la 47e section des Vétérans. Après le
banquet, le cortège s'est rendu au cimetière.
C'est sous une pluie battante qu'a été accompli le pieux pèleri-
nage au monument élevé dans le cimetière aux mobiles d'Indre-et-
Loire, morts à Luoon pour la patrie en 1870-71.
M. Héron a prononcé devant ce monument une allocution toute
vibrante de patriotisme et a lu un télégramme de l'archevêque de
Tours, ancien aumônier militaire et fondateur de l'Association des
anciens combattants de Tours, qui exprime le regret de n'avoir pu
assister a la cérémonie.
Un autre discours a été prononcé par M. Rut, ancien combattant,
Les deux orateurs ont été chaleureusement applaudis.
Nous ne reproduirons pas ici le texte des différents discours pro-
noncés durant cette journée, et qu'ont déjà publiés tous nos con-
frères. Mais en revanche nous sommes heureux de pouvoir donner,
grâce à l'aimable communication que nous en a faite M. Napoléon
Jolly, le très sympathique adjoint de Luçon, la liste encore inédite
des jeunes héros dont le nom est gravé sur le monument inauguré.
AUX ENFANTS DU CANTON DE LUÇON
Morts pour la Patrie en 1870-1871.
Commune de Luçon.
Daviau, Victor, sergent-major. Dehaye, Jean.
Bideaux, Arthur. Labbé Périclès, sous-lieutenant.
Blanchet, Philippe. Lacour, Louis.
Fremauih-au, Louis. Laidet Armand.
Vn^naud, Kmile, lieutenant. Maury, Pierre.
Baillaohe, Jean-Baptiste. Saudé, Apollon.
lioileau, Louis. Patarin. Jean.
Chauvin. Paul.
CHRONIQUE ~&1
Commune de Saint-Michel en l'ilerm.
Flanchet, Ferdinand. Fillonneau, François.
Fabien, Joseph. Grasset, Charles.
Burgaud, Baptiste. Petit, Baptiste.
Guignet, Louis. Mounier, Louis.
Gojon,Jean. Michelon, Jean.
Boisselot, Charles. Boutet, Jean.
Trichereau, Constant. Neau, Jean.
Commune de VAiguillon-sur-Mer.
Gaucher, Félix. Valet, Laurent.
Ravard, Isidore.
Commune de Triaize.
Drié, Isidore. Guignet, Louis.
Mouneron, Auguste. Ouvrard, Germain.
Bouchonneau, Benjamin. Roland, Louis.
Commune de Grues.
Begaud, Louis. Tourais, André.
Marceau, Pierre. Fuseleau, Mathurin.
Commune de Saint-Denis du Payrè.
Mouchard, Pierre. Thibaudeau, Pierre.
Commune de Lairoux.
Boismoreau, Louis. Delumeau, Pierre.
Coussot, Louis. Morin, Jean.
Commune de Chasnais.
Ardouin, Baptiste. Grolier, Jean.
Bufiaud, François. Roturier, Alexandre.
Commune des Magnils Reignievs.
Drouet, Louis. Palardy, Jean.
Commune de Sainte-Gemme La Plaine,
Olivier, Louis. Couzinet, Clément.
Roy, Pierre.
2#2 CHRONIQUE
LA VENDEE AU SALON DE 1899.
Peinture.
Bidau Eugène), né à La Roche-sur-Yon : N° 189 — Fleurs.
Boislecomte (Edmond de); n° 219. — Cathelineau protège les pri-
sonniers bleus à Cholet .
Boutigny (Emile) : n° 275. — Henri de la Rochejacquelein au
combat de Cholet.
Brillaud (François), né à Cugand (Vendée) •. n°295 — le Bain ■.
n° 297. — Portrait de M. l'ingénieur Cuènot.
Carette (Georges-Emile)': n" 264. — Château de Barbe-bleue.
Delhumeau Gustave-Henri-Eugène), né aux Moutiers-les-Maux-
faits (Vendée) : n° 603. — Portrait de Mn* M. H. .
Leroux-Cesbron (Charles) : n° 1210. — Mare en Vendée.
Magde, née à La Châtaigneraie (Vendée) : n° 1288. — La Poule au
Pot.
Petit-Jean Edmond) : n° 1547. — Le Vieux Moulin, Sables d'Olonne.
Tillier (Paul, né au Boupère (Vendée) : n° 1900. — Madeleine;
N° 1901. — Baigneuses.
Troncy (Emile) : n° 1910. — Une fille des Sables d'Olonne ^Vendée).
Vautier (André) : n° 1943. — Le fortin, Ile de Noirmoutier
Vendée).
Vincent-Darasse (Louis-Paul) : n° 1960. — L' Herbaudière, Noir-
moulier : n° 1961. — Clignes verts, Noirmoutier.
Dessins.
Kidel (Léopold-Joseph) : n° 2926. — Pointe de Saint-Pierre, Ile de
Noirmoutier.
Vincent-Darasse (Louis-Paul) : n° 3109. — Pointe de la Tranche
(Ile d'Yeu), pastel : n° 3110. — Port de la Meule (Ile d'Yeu), pastel.
Sculpture.
Fulconis (Louis-Pierre-Victor), professeur de dessin au lycée de la
Roche-sur-Yon : n° 348:>. — Dans la fournaise, épisode de Vincendie
du Bazar de la Charité, groupe, plaire -, n° 3484. — Modale du mo-
nument commémoralif de la guerre de 1870-71, érigé à Luçon
Vendée), groupe, plâtre.
Gaucher 'Emile : n° 3504. — Portrait du général de Charette,
butte, plâtre.
ciiuu ni guis 2$:i
Architecture.
Boutiii (Emile-Faul-Isidore), né à Lu<;on (Vendée) : nu 4153, —
Grange du XIVe siècle aux Magnils-Règniers \ Vendée).
Mandin (Jules-Théophile , né a Fontenay-le-Comte (Vendée) :
n° 4283. — Eglise paroissiale de Trêmolac (Dordogne) ; nu 4284. —
Cloître du monastère du Puy-Saint- Front.
Gravure.
Alasonnière (Henri-Fabien : n° 4387. — Une gravure {eau- forte ,
Sainte Famille, d'après un dessin du Corrège.
Dangy (Anatole-Pierre-Marie), élève de M. 0. de Rochebrune :
nu 4503. - Une gravure (eau- forte originale), le château d'Ussè
(Indre-et-Loire) .
Notes d'Art. — M. de Verteuil, l'habile et aimable statuaire de
Saint-Rémy de Pissotte, vient d'exécuter coup sur coup deux œu-
vres d'une réelle valeur : Un médaillon du général de Charette, et
le buste de notre excellent ami A. Bonnin.
Pour n'être pas en reste avec lui, M. Bonnin a magistralement enlevé
en quatre séances, le portrait du maître-sculpteur. Ce portrait, d'une
précision de dessin parfaite, et d'une merveilleuse vérité d'expres-
sion, est certainement une des plus jolies toiles sorties de l'atelier de
notre ami. Nous devons encore citer de lui un autre portrait d'une
couleur et d'une vérité non moins saisissantes : Lolo, le portx-ait du
fidèle gardien de son atelier.
— M. 0. de Rochebrune, réminent aquafortiste Fontenaisien, vient
de se révéler aquarelliste non moins distingué, en reproduisant
excellemment le pinceau en main toute une série de vues des bords
de la Gartempe et plusieurs paysages et monuments de Vendée,
notamment : le château d'Aspremont, l'église de Mareuil, les ruines
de V abbaye deMaillezais, le clocher de 2V 'utre- Dame de Fontenay, etc.
M. de Rochebrune, reprenant le burin, s'occupe présentement de
graver sur cuivre l'image fidèle de la grande fontaine de Fontenay,
nouvellement restaurée sous sa direction.
— Au comptoir des objets d'art de la Kermesse de Niort, gra-
cieusement tenu par Mme Charlotte Cuirblanc, remarqué: une Des-
cente de Croix (école milanaise , reproduction au fusain d'un tableau
de (liovanni Bellini (1497-1516), par Gustave Godard, de Noirmoutier.
Archéologie. — MM. Lacouloumère et Brochet veulent bien nous
communiquer le texte du rapport rédigé par M. le Dr Dussault, de la
284 ciiRONiquii
Rochelle, sur les ossements trouvés par eux sous le dolmen de Xan-
ton, lors des fouilles que nous avons signalées dans un précédent
numéro :
Rapport du Docteur Dussault, de La Rochelle.
Si les ossements trouvés sous le dolmen île Xanton étaient fort nombreux,
i la n'ont pu. par contre, nous donner aucun renseignement au point de vue
de l'anthropométrie.
Us étaient enchevêtrés les uns sur les autres par couches superposées sans
aucune symétrie, au point qu'il nous a été impossible de suivre, je ne dirai
pas un squelette, mais même un seul os long, comme le fémur ou le tibia
dans son intégrité.
Ici un crâne entre un pied et une main, là un cubitus à côté ou dans le
prolongement d'un tibia.
Un moment j'ai pu suivre, en le disséquant pour ainsi dire dans la terre à
l'aide d'une lame de couteau, un radius dans toute sa longueur afin de le
mesurer.
L'os, tout en reposant à plat, sur toute sa longueur était fracturé en trois
endroits, les fragments exactement juxtaposés dans leur continuité.
J'ai pu ainsi le mesurer sans l'enlever et sa longueur était de 23 centi-
mètres, ce qui indiquerait chez l'individu une taille approximative d'un
mètre 70 à un mètre 75 environ.
D'après la situation de plusieurs crânes sur les dalles funèbres, on peut
croire que beaucoup de corps rayonnaient en étoile, les pieds vers le centre
du dolmen lui-même. Ossements d'enfants, d'adultes, de vieillards étaient
confondus.
Nous n'avons trouvé que des fragments de bassins ne pouvant nous per-
mettre d'établir les sexes. En général, les maxillaires inférieurs étaient déve-
loppés, les dents superbes et si beaucoup manquaient à certaines mâchoires,
très peu par contre étaient cariées.
Plusieurs tronçons de volumineux fémurs à la ligne âpre très accentuée",
semblaient avoir appartenu à des individus uu peu au-dessus delà moyenne
et vigoureusement musclés, d'après les empreintes d'insertions musculaires.
Nous avons également trouvé une assez grande quantité de bassins et de
membres inférieurs de lièvres ou de lapins admirablement conservés; à tel
point qu'ils sembleraient postérieurs aux ossements humains.
Ces animaux seraient-ils venus mourir depuis peu sous ce dolmen? Cepen-
dant, nous n'avons trouvé aucune trace de trous ou de clapiers.
Des cendres, que je conserve, recueillies précieusement, avec le plus grand
soin par M. Lacoulouinère au milieu de tous ces débris, sembleraient plutôt
indiquer que nous nous trouvons en présence de relief de repas funéraires.
L'impression dominante est que ce dolmen a été fouillé, peut-être plusieurs
fois, en tout cas sûrement à l'époque gallo-romaine, comme le prouvent les
débri> de poterie gauloise et romaine.
Les ossements, remis en grande partie sans ordre, ont été écrasés par un
affaissement de l'énorme table. Dr Dussault.
CHRONIQUE 285
Fontaine en argent, faite en 1665 par Guillaume Langlois, or-
fèvre PARISIEN POUR LES MAIRE ET ÉCHEVINS DE FONTENAY-LE-COMTE.
— Le document suivant, récemment publié par la Revue d'Archéo-
logie Poitevine, est extrait d'un minutier parisien. Il est relatif à la
fourniture que s'engage à faire pour les maire et échevins de la
ville de Fontenay-le-Comte, un orfèvre parisien, du nom de Guil*
laume Langlois. Il s'agit d'une fontaine d'argent, du poids de douze
marcs, qui devait jeter « l'eau par le milieu de la couronne ducalle
« qui est au faiste d'icelle, où sera un dauphin ». Ladite fontaine fut
fournie aux mandataires des officiers municipaux, le 28 mars 1665 :
elle était contenue dans un étui renfermé dans une boite doublée
de satin. F. Mazerolle.
7 février 1665.
Marché passé entre Guillaume Langlois, orfèvre de Paris et AndréGobin,
prêtre de l'église Saint-Louis, à Paris, au nom des maire et échevins de
Fontenay-le-Comte, en Poitou, pour une fontaine d'argent.
Fut présent Guillaume Langlois, marchand orfebvre à Paris, y demeurant
sur le pont aux Changes, en la maison où pend pour enseigne le Porteur
d'Eau, paroisse Sainct-Jacques-deda-Boucherie, lequel a fait marché, promis
et promet à M* André Gobin, prestre habitué en l'église Sainct-Louis, de
meurant ille Nostre-Dame, rue et paroisse dudit Sainct-Louis, au nom et
comme ayant charge, soy faisant et portant fort de Messieurs les maire et
eschevins de la ville de Fontenay-le-Comte, en Poictou, par lettres du sep-
tiesme janvier dernier, de luy fournir et livrer dans le temps de cinq sep-
maines prochaines, pour tout délay, en cette ville de Paris et en sa maison
en cette dite ville, une fontaine en argent du poids de douse marcs, suivant
et conformément au dessin qui a été faict, lequel les partyes ont présente-
ment parafhé ne varietur, et des notaires soubsignés, à leur réquisition,
demeurés es mains dudit Langlois, laquelle fontaine ledit Langlois promet
faire suivant ledit dessin et encor s'oblige qu'elle jettera l'eau par le milieu
de la couronne ducalle qui est au faiste d'icelle, où sera un dauphin.
Ce marché faict moyennant la somme de quarante-cinq livres chacun
marc, tant pour façons que prix d'argent et autres choses ; sur lequel prix le
dit Langlois reconnaist avoir receu dudit sieur Gobin, des deniers qui luy ont
esté envoyez par les dits sieurs maire et eschevins de ladite ville,la somme de
cent quarente-quatre livres, treize solz, donnant, quictant, etc. Et pour le
surplus, ledit sieur Gobin, audit nom, s'oblige de bailler et payer audit
Langlois, ou au porteur, dans le fournissement de ladite fontaine. Car
ainsy promettans, obligeans chacun en droict soy renonceans, etc.
Faict et passé à Paris, es estudes desdits notaires soubzsignez, l'an mil six
cent cinquante-cinq, le septiesme jour de février avant midy. Et ont signé.
(Signé; : Gobin, pr. de Saint-Louis.
PlLLART. LANGLOIS. FeRRKT.
TOMB XII- — AVRIL, MAI, JUIN. 20
28t) CHRONIQUE
La sbpulture de Cavoleau. — Nous Lisons sous ce titre dans le
compte-rendu de la session du 18 février 1899 du Conseil municipal
de Fontenay :
Un hasard de recherches a fait découvrir dans le cimetière de Fontenay,
la sépulture de Gavoleau, administrateur du département de la Vendée en
1792-179 3.
La ville de Fontenay doit tenir à honneur de conserver la mémoire de cet
homme de coe ir et d'intelligence qui, après avoir exercé de hautes fonctions
dans des moments de troubles, a donné le noble exemple d'une mort dans la
presque indigence, rue Sainte-Catherini, aujourd'hui rue Benjamin-Fillon,
le l,r août 1839.
Cavoleau, connu surtout pour sa Statistique du département de la Ven-
dée, ouvrage absolument remarquable, et modèle du genre, a été à la lois un
travailleur intellectuel, et dans des temps particulièrement difficiles, un
grand caractère.
Benjamin-Fillon, justement soucieux de nos gloires locales, a gravé pour
la postérité, dans le monument qu'il a élevé pour la nomenclature des rues
de Fontenay, le récit héroïque du noble courage civique avec lequel l'admi-
nistrateur républicain, donnant un exemple qui, malheura isement, n'a pas
été suivi depuis dans nos luit-s c viles, sauvait, au péril de sa vie, ses ad-
versaires, les prêtres insermentés et les royalistes prisonniers, des fureurs
des s^l lats volontaires exaspérés {Njm^nclalure dis rues de Fontenay, page
103, rue Gavoleau).
Votre Commission, d'accord avec la Municipalité, vous propose de décider
que la sépulture de Cavoleau sera conservée et restaurée aux trais de la
ville, alors chef-lieu, où il a exercé les (onctions d'administrateur du dépar-
tement et donné les nobles et grands exemples dont il importe à la vie morale
des générations de conserver éternellement le souvenir, et d'affecter à la
restauration et à l'entretien de cette sépulture, une somme de 200 fr.
Le conseil a voté la restauration et la somme de 200 fr.
Nous n'y trouvons aucunement à redire, ayant nous-même salué
comme il convenait, dans de précédentes éludes cet acte de méritoire
générosité. Mais il serait injuste de laisser dire que cet exemple n'a
pas été suivi durant nos guerres civiles. Ce que Cavoleau a fait pour
les Vendéens, à la suite de la défaite du Pont-Charron, M,,,e de Gri-
mouard de Saint-Laurent l'a l'ait elle-même pour les Républicains,
après la prise de Fontenay par l'armée royaliste, et nous regrettons
qu'il ne soit pus venu à l'idée du Nomenclateur de nos rues, si
justement soucieux de nos gloires locales de graver le nom de cette
héroïque femme à côté de celui de Cavoleau.
Les vertus civiques ne devraient pas, ce nous semble, avoir besoin
de cocardes pour se recommander à la postérité.
CHRONIQUE 287
Le monument Luneau a la Koche-sur-Yon. — Le monument élevé
dans la cour d'honneur de l'Ecole normale d'instituteurs de la
Roche-sur- Yon à M. Luneau, bienfaiteur des membres de l'ensei-
gnement primaire de la Vendée, a été inauguré le 22 mai.
M. de Joly, préfet de la Vendée, présidait la cérémonie.
Dans les fauteuils rangés autour du monument, œuvre de MM. Ful-
conis, statuaire, et Loquet, architecte du département.avaient pris place
MM. de Joly, préfet de la Vendée ; le général Roisselier ; Guillemé, maire
de la Roche-sur- Yon ; Pages inspecteur d'académie ; Merle, procureur
de la République : de Lespinny, député ; Godet, conseiller général -,
Priouzeau, président du comité Luneau; Fulconis; Duclos, sous-
préfet, et Guillemet, député de Kontenay ; Robert Leroy, secrétaire
général ; Pouyollion, chef de cabinet du préfet ; Cazac, proviseur du
Lycée ; Chaux, inspecteur primaire ; Genuer et Boisson, adjoints au
maire ; des officiers, des conseillers municipaux, des professeurs du
lycée et des écoles normales et un grand nombre de fonctionnaires.
Les fanfares des écoles primaires supérieures de Chantonnay et
de Mortagne-sur-Sèvre exécutent quelques morceaux.
Les élèves-maîtresses et les élèves-maîtres des Ecoles normales
d'institutrices et d'instituteurs de la Roche-sur-Yon chantent des
chœurs, puis MM. Priouzeau, Pages et de Joly prennent successive-
ment la parole.
A l'école de dressage a eu lieu un banquet de 400 couverts, parmi
lesquels beaucoup de dames, institutrices pour la plupart.
M. le préfet présidait, ayant en face de lui M. Priouzeau, prési-
dent du Comité du monument Luneau.
Les instituteurs des départements de la Vienne, de la Charente-
Inférieure et de la Loire-Inférieure avaient envoyé des délégués
qui assistent au banquet.
Au Champagne, MM. de Joly, Priouzeau, Guillemet, député, Guil-
lemé, maire de La Roche, Penureau, délégué des instituteurs de la
Charente-Inférieure, Pages, inspecteur d'Académie, et Naud, insti-
tuteur aux Sables, ont prononcé des discours.
MM. Métay et Brunet ont de même lu deux odes à la mémoire de
Luneau.
Sébastien-Désiré-Aman-Fidèle-Aimé-Constant Luneau, dont on vient
d'inaugurer le buste à la Roche-sur-Yon, était fils d'un ancien député
de la Loire-Inférieure à la Chambre des Cent-Jours. Né à Bouin, le
21 juin 1800, il était avocat aux Sables-d'Olonne, lorsque ce collège
288 chronique
l'élut député le 5 juillet 1831 . 11 s'assit à gauche, et fut réélu sans
interruption en 1834, en 1837, en 1839, en 1842, en 1846 et en 1848.
Son opposition, dit notre ami, M. Edgar Bourloton, dans ses Cent
ans de Législature, ne lût pas stérile; il fit voter une réduction im-
portante sur les gros traitements du clergé, faillit faire passer l'in-
terdiction du cumul pour les maréchaux de France, et se prononça
en faveur de toutes les propositions anti-dynastiques.
Nommé commissaire du Gouvernement provisoire en Vendée à
la Révolution de février 1848, déjà conseiller général et conseiller
municipal de Bouin, il lut élu, en avril 1848, représentant du peuple
pour la Vendée à l'Assemblée nationale et reprit sa place à gauche.
Non réélu aux élections de 1849, il se retira à Bouin, fut nommé pré-
sident de l'Association syndicale des Marais, et mourut le 20 mars
1880. Il avait publié en 1874 une notice historique sur l'île de Bouin.
Un hommage a Léon de la Sicotière. — On va prochainement
élever à Alençon un buste à réminent historien de la Chouannerie
et des Insurrections normandes, M. Léon de la Sicotière. Comme
l'a justement écrit dans un récent article du Mercure Poitevin,
notre excellent ami H. Baguenier Desormeaux, personne ne fut plus
digne d'un pareil hommage. La Revue du Bas-Poitou, qu'il honora
de sa précieuse collaboration et à laquelle il donna son dernier et
si intéressant article, Louis XVII en Vendée, a tenu à s'associer à
cet hommage, et tient à y convier également tous ses amis1.
La pastorale de l'abbé Gusteau. — A l'occasion des fêtes orga-
nisées à Niort en laveur de l'église Sainte-Étienne-du-Port, notre
collaborateur et ami* M. l'abbé Mouchard a eu l'heureuse pensée
d'y faire représenter la Nuit de Noël, œuvre de l'abbé Gusteau, dont
•nous célébrions, il y a peu, le 2e centenaire.
La fête a été réussie de tous points, et nous pouvons affirmer, dit
notre excellent confrère de la Revue de l'Ouest, que les plus difficiles
ont été satisfaits.
« L'église, avec sa riche ornementation et ses brillants étalages de
circonstance, dispensait de tout décor, si bien qu'un amateur, dont
la compétence est indiscutable en pareille matière, déclarait en
sortant qu'on venait de plaider éloquemment la cause du théâtre
en plein air.
« Seuls, en efïet, les ©ostumes apportaient une note de couleur
locale. Ils avaient été si délicatement choisis, qu'ils ont valu a leurs
• Adresser les souscriptions à M. Renaut de Broise, place d'Armes, à Alençon.
CHRONIQUE 289
propriétaires une ovation toute spontanée, compliment manifeste à
l'adresse du bon goût qui avait préside; à leur confection.
« C'est ainsi que l'entrée do la Sainte Vierge et de Saint Joseph
(M"9 Gaubert et M. Hély), l'arrivée des 3 archanges (Mme3 P. Diëy,
Ducret et Mousset), et le cortège des bergères et des bergers ont
été salués de bravos bien nourris.
« Mais là ne doivent pas se borner les éloges que nous avons à faire ;
pour être, juste, il nous faut louer la diction parfaite des artistes et
la tenue irréprochable de tous les rôles, mérite d'autant plus grand
que les répétitions ont été peu nombreuses. Néanmoins le succès a
été magnifique, grâce à la longue pratique des uns, à la bonne vo-
lonté de tous, non moins qu'a l'habile direction de MM. les abbés
Guérin et Mouchard.
« Les vieux noels que nous avons entendus, soit au cours de la
pièce, soit comme intermèdes, ajoutaient un charme tout particulier
à ce mystère qui n'avait pas eu les honneurs de la scène depuis
1742, époque à laquelle il avait été représenté avec succès par les
petites écolières de Doix ».
Nous applaudissons de tout cœur au succès de la représentation
organisée par M. l'abbé Mouchard, tout en regrettant qu'elle
n'ait pas eu lieu à Fontenay, berceau de l'auteur de la Pastorale,
— ce dont on ne saurait, du reste, faire reproche ni à M. Mouchard
ni à nous-même.
La cause des martyrs vendéens. — Msr Gatteau, évêque de Lu-
çon, vient, dit la Semaine catholique, de rappeler à ses prêtres le
désir qu'il leur avait exprimé déjà de les voir rechercher avec soin
« tous les titres de gloire de sa chère Eglise de Luçon. » Sa Grandeur
leur demande de vouloir bien lui adresser les renseignements qu'ils
auront pu recueillir sur les habitants de leur paroisse, qui ont subi
la mort en haine de la foi, durant la Révolution de la fin du siècle
dernier.
« L'accueil si favorable qui a été fait en Cour de Rome à la cause
des Carmélites de Compiègne, ajoute Monseigneur, Nous autorise à
croire que le même honneur pourrait être accordé un jour à nos
héroïques martyrs vendéens. »
Les pasteurs du désert en Bas-Poitou. — Voici d'après M. Th.
Mallard, pasteur à Pamproux (Bulletin Evangêlique du 1er avril),
les pasteurs du désert appartenant au Bas- Poitou ou l'ayant évan-
gélisé :
2P0 CHRONIQUE
Pierre Gamin, dit Lebrun ou Moinier, né à la Barre de Septvret
^Deux-Sèvres), desservit la province entière du Poitou de 1747 à
1782 et mourut à Pouzauges (Vendée), le 10 novembre 1782.
Pierre Pougnard, dit Dézerit, né à Gherveux (Deux-Sèvres), par-
tagea avec Gamin le service du Haut et Bas-Poitou, du 4 mars 1760
au 29 juin 1773.
Jean Tranchée, dit Fortunière, né à Bagnault, commune d'Exou-
dun (Deux-Sèvres), desservit le Haut et Bas-Poitou depuis 1765
jusqu'en 1775
Jacques-Pierre Gibaud, dit Quasei, né à Foussais (Vendée), le 13
avril 1739. Attaché d'abord à la personne de Gamin, il (ut successi-
vement pasteur itinérant à travers la province du Poitou, puis rési-
dant à Saint-Maixent et à Aiript. Durant la période révolutionnaire,
il fut administrateur du district de Saint-Maixent, délégué à l'état-
civil. En 1804, il devint pasteur de la Motbe et y demeura jusqu'à sa
mort, le 30 novembre 1826.
Pierre Mttayer, dit la Fontaine, né à Bagnault, commune d'Exou-
dun, desservit le Bas-Poitou, résidant à Saint-Martin-Lars en Sainte-
Hermine, de 1771 à 1797.
Louis David, né à Sainte-Hermine (Vendée) , desservit le Bas-
Poitou de 1781 à 1793.
Pierre-François Gibaud, dit Rivierre, né à l'Aigaillère de Foussais
(Vendée), le 4 décembre 1752, desservit l'église de Saint-Maixent de
1781 à 1816, celle de Révillé de 1816 à 1833, et revint à Saint-Maixent
jusqu'à sa mort, 15 novembre 1837.
Pour la Patrie. — Le 137* de ligne, en garnison à Fontenay-le-
Comte, a brillamment célébré le 1er juin dernier l'anniversaire de la
bataille de Bautzen, dont le glo/ieux nom est inscrit sur le drapeau
du régiment. A cette occasion, M. le colonel Maux a fait lire devant
le front des troupes un éloquent ordre du jour tout vibrant de pa-
triotisme.
Le matin, au cours de la messe solennelle célébrée en l'église
Notre-Dame pour les morts du régiment, M l'abbé Amossé a de
môme prononcé de patriotiques et impressionnantes paroles. La
fête qui a suivi, exclusivement militaire, a été réussie de tous points.
Le Patriote de la Vendée (n° du 1tr juin 189J) a publié à ce propos
une jolie poésie de sa collaboratrice Magali ayant pour titre : Hom-
mage au drapeau du 137e.
CHRONIQUE 291
La Fête des Vétérans aux Moustiers sur-le-Lay. — Une fête pa-
triotique a été célébrée le lundi de la Pentecôte, aux Moustiers-sur-
le-Lay, sous la présidence d'honneur de M. le marquis de Lespinay,
député et vice-président d'honneur de la section.
Le matin, à 9 heures, les vétérans et sociétaires de la 104° section
des armées de terre et de mer, accompagnés des conscrits des classes
1897-1898, arrivent au-devant de leurs camarades de Mareuil; ils se
rencontrent au village de l'Oucherie, se placent sur deux rangs, font
leur entrée aux Moustiers, et portent le drapeau chez le sympathique
président, M. le l)r Fortin, conseiller général, qui était venu les at-
tendre à l'entrée du bourg.
A 9 h. ]/>, les cloches sonnent, et vétérans, sociétaires, pupilles et
conscrits se dirigent vers l'église où une messe est dite à l'intention
de leurs camarades morts au champ d'honneur ou décédés depuis.
M. le Curé a fait placer les deux drapeaux dans le chœur. L'église
est comble et M. l'abbé Martineau, curé de l'Ile-d'Elle, ancien vo-
lontaire dans la légion de Bretagne, prononce le sermon.
Après l'office, visite au cimetière, à la tombe d'un camarade, et
discours par M Ferdinand Mandin, trésorier, et par M. le Président.
M l'abbé Martineau ajoute quelques paroles et invite l'assistance
à réciter un Pater et un Ave pour le défunt et pour ceux qui sont
tombés sur les champs de bataille -, puis l'on retourne chez M. le Pré-
sident, qui met son parc à la disposition de tous.
A midi une sonnerie de clairons annonce le banquet organisé chez
M Benjamin Chevallier.
A une heure, arrive M. le marquis de Lespinay. Il est reçu par
un tonnerre d applaudissements et de vivats.
Au dessert, M. le Président remet à M. de Lespinay, un diplôme
d'honneur et une magnifique médaille grand module Puis après,
des toasts très applaudis sont portés par MM. Fortin et de Lespinay.
A 3 heures, une sonnerie de clairons réunit tout le monde dans la
serre où un vin d'honneur et des gâteaux sont servis , un nouveau
toast est porté par M. le trésorier, et une promenade ('ans le bourg,
avec clairons et drapeau, termine cette patriotique journée.
Un paysan art;sje a Sa'nt-Etienne-du-Bois. — Le Publicateur
de la Vendée, du 2 juin 1899, consacre sous ce titre, et sous la signa-
ture Hippolule Vidi, un intéressant article à un paysan de Saint-
Etienne du-Bois (Vendée) nommé Augustin Lhériteau, du village de
la Glo>setière, qui avec son couteau et quelques outils primitifs
travaille, parait-il, merveilleusement le bois. L'œuvre de cet émule
du paysan scupteur Jacques Bousseau mériterait, dit l'auteur de
292 CHRONIQUE
l'article, de prendre place à, l'Exposition de 1900 dans la section de
l'art religieux.
Le nouveau billet e Banque. — C'est aux Vendéens qu'échoit
décidément le grand honneur de composer le modèle de nos nou-
veaux billets de Banque. Après Baudry, c'est le tour de Merson.
Les Merson sont, on le sait, originaires de Fontenay .
M. Luc-Olivier Merson vient de livrer au graveur le joli modèle du
nouveau billet de cent francs que lui avait demandé la Banque de
France.
En voici la description :
Le travail, figuré par un forgeron accoudé sur son marteau et son
enclume, voit arriver à lui avec sa corne d'abondance la For-
tune que précède le Génie de l'Honneur apportant une couronne de
chêne et une palme. Ces trois'ftgures, légèrement teintées, seront
repro iuites en couleurs par le graveur, et c'est M. Florian que l'on
a choisi pour ce travail délicat.
Le cadre est formé d'un jeu de fond débranches d'olivier, sur
lequel se détachent en blanc les mots Banque de France. Au centre
de la composition sont réservés un cartouche avec l'indication de la
valeur et un disque dans lequel M. Daniel Dupuy gravera en filigrane
une tète de Gaulois.
Les peupliers du pont d'Oulmes. — M Raoul Gandriau, commu-
nique à V Avenir Indicateur la lettre suivante que vient de lui
adresser notre compatriote et ami le docteur Chevallereau :
Mon cher ami.
En revenant dimanche de Niort à Fontenay, j'ai été navré de voir que la
route, de chaque côté du pont d'Oulmes. avait été, sur un parcours de plu-
sieurs centaines de mètres, dépouillée des magnifiques peupliers qui en fai-
saient, en ce poi'it surtout, une avenue superbe. Si, comme cela est probable,
les Ponts-etChaussées ont fait cet abattage uniquement Dour l'argent qu'a
pu rapporter la vente de ces arbres, c'est d'un vandalisme bien mesquin.
Que 1*8 Parisiens, barbares, abattent en quantité des arbres déjà trop rares,
ils ont au moins l'excuse de les remplacer par des choses laides, mais utiles.
Si nous, Vendéens, nous laissons, sans autre perspective que des piles de
gros sous, dépouiller no3 routes, qui sont une des plus belles choses de notre
département, c'est à désespérer de tout, et je t'envoie ma protestation indignée.
Bien affectueusement à toi,
Amand CHEVALLEREAU.
Paris, 2L avril 1899.
chronique: 293
Nous sommes absolument avec ['Avenir-Indicateur, de l'avis du
docteur Ghevallereau, et nous considérons qu'il est vraiment fâ-
cheux qu'on ait sacrifié cette belle avenue de peupliers du pont
d'Oulmes. Nous ne pouvons croire que ce soit la seule raison d'en-
caisser le montant de la vente de ces arbres, qui ait déterminé les
Ponts-et-chaussées à priver la route de Niort de son plus bel orne-
ment. L'administration répondra sans doute que si les arbres vivent
vieux ils ne sont pas éternels et qu'il arrive un moment où il faut
les sacrifier, mais elle pourrait au moins prendre des mesures pour
ne pas enlever tous les beaux arbres à la fois et pour conserver,
avec le pittoresque et la perspective; un peu de fraîcheur et d'om-
brage aux pédalistes qui parcourent nos routes nationales.
— Le 17 mai, l'Union fraternelle des Vendéens de Paris a offert à
ses membres une soirée privée dans les salons du Dîner français.
Tout ce que la colonie vendéenne compte de distingué et d'élégant
s'y était donné rendez-vous .
Au programme : Histoire d'un rayon de lune monologue par
Mlle Grolleau ; la Vendée, récitée par l'auteur M. A. Balquet ; la
Ballade de Maître en Brosse, par M11, Marguerite Lavigne, etc.
— La Société chorale de Fontenay a donné le dimanche 21 mai
un très brillant concert à La Châtaigneraie.
Conférences. — Notre très distingué compatriote, M. le capitaine
de vaisseau Bonnin de Fraysseix a fait le 12 mai dernier à la Ligue
maritime française, à Paris, devant un public d'élite, une remar-
quable conférence, sur « le Rôle de la marine, qui a obtenu le plus
vif succès. — Notre collaborateur et ami M. le docteur Viaud-Grand-
Marais a donné lecture, le 14 juin 1899, à la Société académique de
Nantes, d'une étude intitulée « Mes Voisins ».
Procès Littéraire. — Le procès intenté par M. Ernest Brisson à
M. Bonnefond, directeur de la Revue « Souvenirs et Mémoires », à
propos de la publication des Mémoires de Mercier du Rocher, est venu
le 7 juillet devant le tribunal de Fontenay. Après plaidoiries sur le
déclinatoire d'incompétence opposé par M. Bonnefond. le jugement
a été renvoyé à huitaine.
La médaille du « Campo dei Fiori ». — La médaille que découvrait
au Campo dei Fiori de Rome, M. Boyer d'Agen, en mars 1897, vient
d'être très artistiquement reproduite par MM. Falize, les habiles
joailliers orfèvres de la rue d'Antin. Nos lecteurs en trouveront en-
cartée dans ce fascicule une plus complète description.
Nos collaborateurs. — Notre excellent confrère M. L. de la
Chanonie, rédacteur en chef de la Correspondance politique et
294 CHRONIQUE
diplomatique de Paris, vient de recevoir du roi Alexandre de Serbie,
la cravate de commandeur de l'ordre de Saint-Sava.
De nouveau, nos meilleures félicitations.
— Le Conseil fédéral de V Association catholique de la jeunesse
française, vient d'élire pour président notre jeune et si distingué
ami. M. Henri Bazire, avocat à la cour d'appel de Paris.
Xos plus vives félicitations également.
— L'Académie française a décerné récemment uu prix de
500 francs à M. le Comte de Chabot, pour son bel ouvrage de la Chasse
à travers les âges. Nous l'en complimentons très sincèrement.
Notre confrère et ami, M. H. Clouzot nous a adressé d'in'éres-
santes pages sur les Représentations dramatiques dans les Col-
lèges Poitevins. Nous en commencerons la publication dans notre
prochain numéro.
Xos compatriotes. — Notre collaborateur et ami, M. le Dr Marcel
Baudouin, directeur de la Société anonyme de V Institut de Biblio-
graphie, qu'il a fondée au capital de 350,000 francs, vient d'acquérir,
pour le compte de cet établissement d'enseignement supérieur,
unique au momie par son organisation, Y Imprimerie Charles Mon-
noyer (du Mans), l'une des plus anciennes (puisqu'elle remonte au
début du XVIIe siècle) et des plus importantes des provinces de
l'Ouest. — Notre compatriote, qui est directeur désormais de la
Gazette médicale de Paris, le plus vieil organe médical du monde,
vient de créer une nouvelle Revue : Les Archives provinciales de
médecine, pendant des Archives provinciales de chirurgie, qu'il avait
fondées en 1872* M. le Dr M. Baudouin, va être sous peu chargé de
publier la Bibliographie des sciences médicales {Index Modicus), la
plus vaste de toutes les entreprises bibliographiques internationales.
Notre érudit compatriote, M. le Dr Marcel Baudouin, vient de pu-
blier, en collaboration avec M. le professeur Félix Terrier, membre
de l'Académie de médecine, professeur à la Faculté, officier de la
Légion d'honneur, un superbe volume, avec plus de cinq cents
figures, sur la Suture intestinale. — Dans cet ouvrage, tous les pro-
cédés opératoires connus, depuis ceux des anciens Hindous jusqu'aux
inventions les plus récentes de l'Amé-ique du Nord, sont décrits
avec une exactitude remarquable. Cet ouvrage, comme on l'a dit,
le chef-d'œuvre bibliographique de l'année; il a été édité par
l'Institut de Bibliographie.
— Un congrès international de pêches maritimes se tiendra à
Bayonne — Biarritz du 25 au 31 juillet prochain. Notre très distingué
CHRONTQUF. 295
collaborateur et ami, M. Araédée Olin, directeur du Laboratoire et
l'Ecole de pèches des S iblcs-d'Olonne y présidera la section dite de la
réglementation des poches maritimes .
— M. Georges Bouras, un vendéen, médecin -major de lre classe
d'infanterie de marine à Saigon (Cochincliine), actuellement en congé
en France, mais qui sera détaché, à l'expiration de sa permission,
à l'hôpital militaire de Lorient, vient d'être nommé chevalier de
l'ordre royal du Cambodge.
— Dans la liste des récompenses décernées à Biarritz par le jury
de l'exposition internationale industrielle et artistique, nous rele-
vons les noms suivants : M. Bouchereau, ébéniste à La Roche-sur-
Yon, membre du jury d'honneur, grand prix d'honneur; M. Fulco-
nis, professeur de dessin au lycée de La Roche-sur-Yon, médaille
d'or (section îles beaux-arts) ; M. F. Ollivier, imprimeur lithographe
à la Roche-sur-Yon. médaille d'or, avec félicitations du jury ; M. Si-
loret, peintre décorateur à La Roche-sur-Yon, médaille d'or, avec
félicitations.
Courrier musical. — Le sympathique compositeur fontenaisien,
M. Alfred Rousse, se propose de publier très prochainem nt chez
J. Poulalion — maison musicale — 35-37-39 rue des Petits Champs,
Paris, une série de Vieilles chansons vendéennes harmonisées par lui
et qui seront accompagnées d'illustrations de: A. Truchet, Besson,
Villon, Lempereur, Hannicote, 0. Galop, Colh, Guiraud de Scsevola,
Boutigny, Delpy, Rouillère, Forsblerg etc. Ces chansons seront
dédiées à M"1' Alice Bonheur, du théâtre des Bouffes parisiens, qui
en a interprété cet hiver plusieurs à Paris avec un éclatant succès.
M. Rousse prépare de même pour l'hiver prochain un certain
nombre de mélodies et de chansons modernes qui ne seront pas
moins goûtées du public épris de bonne musique.
Villégiature littéraire. — Notre distingué confrère. M. le docteur
Corneille, directeur du Mercure Poitevin en villégiature à Pierrebrune
à l'ombre des grands chênes de notre belle forêt de Vouventy a conçu
un nouveau roman, les Humbles, dont l'action se déroule à Melle, et
au château de Circé (Deux-Sèvres).
— Disons à ce propos que la représentation d'Erynna qui doit
avoir lieu dans le parc de M. Baron, à Fontenay, sera très vraisem-
blablement donnée la veille des courses de cette ville fin juillet.
CARNEr mondain. — Le 18 avril a été célébré dans l'église Notre-
Dame de Fontenay-le-Comte,en présense d'une nombreuse et brillante
296
CHRONIQUE
assistance.le mariage de M. le comte Christian deTarragon avec M11»
Yvonne Millochin, la charmante nièce de notre directeur M. René
Vallette.
Avant la bénédiction nuptiale, M. l'archiprêtre de Notre-Dame a
prononcé une remarquable allocution, dans laquelle il a éloquem-
ment évoqué les mérites et les gloires des deux familles, au cours
de la messe qui L'a suivie, Mm8 Cuirblanc, Téminente cantatrice
Niortaise, et notre distingué compatriote M. G..., accompagnés par
le sympathique organiste de Notre-Dame, ont rehaussé de leur si
apprécié talent l'éclat de la fête.
Les témoins du marié étaient : M. le comte Georges deTarragon,
son oncle, et M. Joseph de Tarragon, lieutenant au 3e cuirassiers,
son frère ; ceux delà mariée: M. René Vallette et M. le docteur
Godivier, conseiller général de la Mayenne, ses oncles.
Remarqué au cortège : Mmes et MUes Millochin. de la Vallière, Lu-
dovic Vallette, Paul Wagner, Trouëssart, de la Touche, Labbé, Go-
divier et Vezin-, M. le comte Ernest de Tarragon, père du marié;
MM, les capitaines de Tarragon et de la Badonnière , MM. les lieu-
tenants de Maniort et Costet -, MM. Louis de la Vallière, Reynal de
Basvre, de la Touche, Descormiers, Vezin, Labbé, etc.
— Le 14 juin, a été béni, en la cathédrale de Nantes, le mariage de
M'lc Anne 3erthault du Marais avec M. Boiiays de Coesbouc.
La quête a été faite par M. .Joseph du Boùays de Coesbouc et
M1Ie Yvonne Bacqua; par M. Jean Berthault du Marais et MI,e Yvonne
de la Bigne de Villeneuve -, par M. Joseph Bacqua et M1Ie Marguerite
HalganetparM. Emile du Boiiays et M"p Marie-Thérèse duCouessin.
La grande nef de la cathédrale était pleine d'une foule de parents et
d'amis, qui sont venus offrir leurs vœux de bonheur aux jeunes époux.
Dans l'assistance :
Général, MmcetMll,-Lannes,comtedeCharette, M. Halgan, sénateur
de la Vendée ; Mmc et MUes Halgan ; comtesse de Frelon, M. et Mme de
La Brosse, M. Mm9 et Mlle de Maisonneuve, marquis et marquise du
Sel des Monts, colonel, Mme et Mlle du Oor de Duprat, MM. Boux de
Casson, de Lorgeril, du Bouëtiez de Kerorguen, de Monti de Rezé,
M. et Mmc Nogues de Kerobert, de la Rochette, M. et Mmc Linyer,
MM. Thibeaud-Nicollière, de Sécillon. deCastel.
NÉCROLOGIE
M l'abbé JEAN BENJAMIN GU1LLEMENT, chanoine honoraire
de la Rochelle, sous-directeur de la division ecclésiastique,
.directeur spirituel des Novices de la maison des Ursulines,
décédé le 26 février 1899 à l'Institution Notre-Dame de Pons (Cha-
rente-Inférieure.
Né le 10 mars 1834, au Percot, près St-Jean-de-Mont, en Vendée,
dit la Revue de Saintonge et cVAunis, (N° de mai 1899, p. 158), sep-
tième fils d'une famille nombreuse de cultivateurs, il fut confié à un
oncle paternel mort dans la paroisse de Léoville, où il avait été
curé 28 ans, et fut attiré à la division ecclésiastique de Pons par
son frère aîné Louis Guillement, professeur dans la maison. (Voir
dans le Bulletin religieux de la Rochelle, l'éloge qu'en a fait M. l'abbé
Eyssautier).
M»6 MARIE-HENRIETTE-LOUISE BOSCAL DE RÉALS DE MOR-
NAC, veuve de M. EUGÈNE DE LABORDE-LASALLE, décédée à
Saintes, le 16 mars 1899, à l'âge de 72 ans.
Elle était née, le 20 septembre 1826, de François-Léon Boscal de
Réals, comte de Mornac, colonel, député de la Vendée, et de Zoé de
Barbeyrac de Saint-Maurice. Ses funérailles ont eu lieu le 19 mars
en l'église de Saint-Vivien. Le deuil était conduit par son frère, M. le
général de Mornac, M. de Goué, lientenant-colonel au 77e de ligne,
le R. P. Alexandre, capucin de la Maison de Fontenay, et M. le ba-
ron Buirette de Verrières, ses neveux.
M. le comte LOUIS-CH ARLES-ALFRED FROTTIER DE BAGNEUX,
ancien député, décédé à Paris, le 29 mars 1899, dans sa 83e année.
Nos plus respectueuses sympathies à notre ami M. le vicomte
Zénob de Bagneux, frère du regretté défunt, et à toute sa famille.
M. GUSTAVE-LOUIS-JEAN BARON-LATOUCHE, étudiant à la
Sorbonne, décédé à Maillezais, le 2 avril 1899, à l'âge de 17 ans.
M. CHARLES-ALPHONSE LEVERT, ancien préfet de l'Empire,
ancien député du Pas-de-Calais, décédé à Paris, le 5 avril 1899, à
l'âge de 73 ans.
298 NÉCROLOGIE
Nous renouvelons au sympathique sénateur Je la Vendée, M. Paul
Le Roux, son genilre, et à Mmc Le Roux l'expression de nos plus
vives condoléances.
MmB ARTHUR DE FONTAINES, née MARIE MIGNOT DES PLANS,
décédée à Fontenay-le-Comte à l*àge de 62 ans, le 13 avril 1899
Nous exprimons de nouveau à M. Arthur de Fontaines et à toute
sa famille nos bien cordiales sympathies.
M. DURET, inspecteur des forêts de l'État, aux Sables-d'Olonne.
décédé le 11 mai.
M. PIERRE DOMERC, secrétaire de la rédaction du Phare delà
Loire, décédé le 24 mai dans sa trente-et-unième année.
Mm0 veuve CAILLÉ, née MARTIN, décédée le 16 mai en son do-
maine de la Frenaudière de Saint-Sornin.
M. HENRI GIIAPPOT DE LA CHANONIE, notaire et conseiller
d'arrondissement à Saint-Jean de-Mont, décédé le 25 mai.
Ses obsèques ont eu lieu le £7 en présence d'une affluence consi-
dérable.
Sur sa tombe, M. de Baudry d'Asson, député de la Vendée, a célébré
éloqucinment l'inébranlable fidélité du délunt à ses croyances reli-
gieuses et politiques.
M'»c GR1MAUD, veuve de M. ADOLPHE GRIMAUD, décédée à
Luçon le 30 mai.
M. JEAN-BAPTISTE NOBIRON, maire de Saint-Martin-de-Brem,
décédé en mai 1899.
A ses obsèques, M. de la Bassetière, conseiller général du canton, a
prononcé un éloquent éloge du défunt (V. le Publicateur du 17 mai
1899).
M™ LOUIS ARCHEREAU, née MARIE CHAUMONT, décédée à
Fontenay, le 10 juin 1899, à l'âge de 21 ans.
Nous tenons à assurer de nouveau notre excellent ami Archereau
de la bien cordiale part que nous prenons au deuil si cruel qui vient
de le frapper.
M. l'abbé JOSEPH ROCHETEAU. curé de la Copechagnière décédé le
13 juin 1899 dans sa 61° année.
BIBLIOGRAPHIE
Nous avons annoncé dans notre précédent numéro l'apparition
du joli volume de vers de notre regrettée collaboratrice,
Mme Claire Normand — a Fleurs de Deuil ». Nous sommes
heureux de pouvoir mettre aujourd'hui sous les yeux de nos lec-
teurs l'exquise Préface, que notre excellent collaborateur et ami
A. Bonnin a écrite pour la circonstance.
PREFACE
« Comme, pieusement, on dépose une couronne sur une tombe,
j'écris avec émotion, sur la garde de ce livre, ces ligues attristées.
— Elles sont l'hommage de mon respectueux attachement au sou-
venir de l'auteur, de ma haute estime pour son œuvre. — Qu'elles
soient aussi le témoignage de ma cordiale sympathie pour celui qui
continue seul le chemin de la vie, accablé désormais sous un double
fardeau de deuils ineltaçables.
Je n'ai d'autre titre à présenter ce recuil de poésies, que d'avoir
été le confident de l'effort qui l'a créé. — Je savais l'inconsolable
douleur dont le gémissement passe en ces strophes éplorées, et,
mieux que personne, je puis dire avec quelle recherche constante de
la perfection, ces rimes ont été ciselées, aveu quel perpétuel souci
de faire œuvre d'artiste. — Peut-être certaines pièces, écrites dans
le goût du jour, s'écartent-elles des règles du sévère Boileau ; mais
elles sont peu nombreuses ; et puis, le moyen, pour une lemme, de
ne pas sacrifier à 1 1 mo le courante ? — On pourrait aussi remarquer
une préoccupation de l'emploi de mots rares, d'épithètes inusitées,
mais c'est là encore une concession à la mode ; et, à ce propos
l'Auteur me répondait fort spirituellement : « Vous ne mettez pas de
« rubans dans vos cheveux, ni de fleurs ? — Moi, j'en mets. — Lais-
« sez-moi donc pomponner mon styie de mots jolis ; c'est une co-
« quetterie toute naturelle. — Je suis femme et j'écris comme une
« femme. »
300 BIBLIOGRAPHIE
Et l'auteur n'avait pas tout à lait tort. C'est par là, en effet, que
son oeuvre est bien personnelle et qu'elle présente une réelle origi-
nalité. La pensée, comme la forme, tout est en accord parfait, har-
monieusement féminin. — Et c'est aussi pour cela que les intimes à
qui ce volume est destiné, retrouveront l'amie à jamais regrettée,
vivante en ces pages où elle a mis le meilleur de son cœur, le plus
subtil et le plus pur de son esprit.
Ce livre devrait porter, en épigraphe, ces vers d'Alfred de Musset :
« Les plus désespérés sont les chants les plus beaux
« Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots. »
Ces Fleurs de Deuil ne sont pas, en effet, de celles que les poètes
de vingt ans cueillent sur les marges des sentiers ensoleillés de la
jeunesse, elles ne sont pas les précoces et folles floraisons printaniè-
res qui s'effeuilleront au moindre souffle de bise ; elles sont les
fleurs persistantes, aux couleurs assombries, qui croissent sous nos
pas quand le sol a été arrosé de nos larmes ; elles sont la gerbe d'au-
tomne amassée pour fleurir le champ de repos. — Dans ces courts
poèmes, Renée Monbrun a noté le chant grave et douloureux que
disent les lèvres après avoir goûté aux fruits amers de la vie. Ces
vers sont le cri d'une âme blessée, hélas ! mortellement, la lamenta-
tion d'une mère douloureuse à qui le destin a ravi le fils qui allait
être un homme.
Toutes ces pages évoquent le cher absent. Toutes pleurent cette
misère inéluctable qu'est la mort. — Qu'elle parle de fleurs qui se
penchent, se flétrissent et meurent, de fleurs bleues aux regards
d'enfant, ou qu'elle raconte l'agonie de l'enfant aux yeux bleus de
fleur, tout son être frémit et se révolte contre « l'inévitable », toute
sa pensée anxieusement demande où sont allés cette âme délaissée
du corps et le parfum des fleurs mortes.
Cette angoisse du lendemain de la vie obsède son esprit ; elle a
comme la hantise de « l'au-delà ». — Dans quel monde, dans quelle
étoile, dans quel ciel peut être le cher disparu? — Elle veut savoir
ou sinon, le rejoindre.
Au mur infranchissable qui nous sépare de l'inaccessible ignoré
elle se heurte le front à le briser. — Demandant à la mort le secret
de l'Eternité que l'âme humaine implore depuis le commencement
des temps, elle reprend la cruelle méditation d'Hamlet sur notre
iin incertaine: « Hélas! pauvre Yorick... », elle veut percer ce
mystère qui confond notre raison dont la puissance bornée ne dé-
passe guère les limites de la portée de nos sens ; mystère inviolé
BIBLIOGRAPHIE 301
que la foi seule permet d'envisager avec une tranquille espérance.
— Elle use sa pensée sur le seuil de l'insondable inconnu, de même
que chaque jour elle use ses genoux sur la dalle funèbre qui garde
la chère dépouille. Et désespérant de déchiffrer l'énigme impénétra-
ble, à bout de force et de souffrance, elle clame vers le ciel ces
paroles irritées :
« Je me heurte le front à ces portes de fer
« Qui closent dans la nue un maître impitoyable
« Dont la divinité froidement implacable
« Jouit du Paradis à côté de l'Enfer ».
Et après avoir protesté contre la loi de mort, en des vers Aux
petits qui souffrent et gui meurent, elle demande le pourquoi du
malheur, le pourquoi de la souffrance :
« Quelles taches lavent les pleurs
« De cette poignante agonie ?
Enfin égarée, perdue dans l'obscurité du mystère, renonçant à dé-
couvrir le secret contre lequel elle a épuisé son effort, elle n'a plus
d'autre recours qu'en la mort elle-même. Hors de cette vie, elle
saura, elle retrouvera le fils arraché à sa tendresse, et elle lance
cette ardente invocation à la grande libératrice :
« Il partit... ot j'attends le suprême unisson,
« Le chant d'appel où, dans l'extatique frisson,
« De mon corps importun je jetterai les langes ».
Tout cela est poignant comme la douleur réellement éprouvée,
troublant comme toute évocation du grand mystère de notre être et
de notre destinée, navrant comme la vie. — Que ceux qui n'ont pas
souffert s'écartent de ce livre; qu'ils attendent pourl'ouvrir que leurs
pleurs aient coulé. Alors ils trouveront d'amères consolations dans
cette plainte si sincère qu'ils la croiront sortie de leur propre cœur,
dans ces larmes si vraies qu'ils les croiront jaillies de leurs yeux. »
A. BONNIN.
*
Un cours d'histoire de la Vendée. — Sous ce titre notre
éminent ami M. l'abbé Bossard, vient de faire paraître dans la
Revue des facultés catholiques de V Ouest le texte de la remarquable
conférence par laquelle il a inauguré au palais des Facultés Catho-
liques, le 10 février dernier, un cours d'histoire de la Vendée en
l'Université catholique de l'Ouest.
TOME XII. — AVRIL, MAI, JUIN. 21
302 BIBLIOGRAPHIE
Ces éloquentes pages, que nous regrettons de ne pouvoir repro-
duire ici, contiennent le plan que s'est tracé le nouveau professeur
d'histoire de la Révolution en Vendée.
Grâce à lui. comme le disait fort justement Mgr Pasquier, recteur,
des Facultés catholiques, les martyrs de la Vendée seront glorifiés
et le champ de nos paroisses, abreuvés du sang de nos pères, tres-
sailleront. Nos héros ont enfin trouvé un chantre digne deux et
nous ne voulons pas être les derniers à en féliciter l'Université
catholique et lui-môme
Les lieutenants de Charette. — Notre collaborateur, M. Joseph
Rousse, est en même temps qu'un élégant poète, un historien
précis, documenté et impartial. Le volume qu'il vient de publier,
sous ce titre Les lieutenants de Charette, chez M. Cier, libraire-
éditeur, à Nantes, en est un éloquent témoignage.
Les cinq chefs vendéens, Couétus, Savin, Louis Guérin, Bourdic et
Faugaret, dont M. Rousse a si nettement et si loyalement écrit la
vie, sont presque tous des hommes du peuple — ce qui est pour
contredire désagréablement ceux qui refusent à l'insurrection ven-
déenne son caractère profondément démocratique.
En esquissant leurs portraits, M. Rousse a mis en lumière les traits
souvent dénaturés de modestes vaillants trop fréquemment oubliés
par l'histoire.
La Revue du Bas-Poitou a eu la primeur des jolies pages consa-
crées à Faugaret, et ses lecteurs, qui n'en ont pas perdu le souvenir,
voudront certainement posséder la galerie complète des dignes
lieutenants de l'irréductible Charette.
— Le tome IV des Mémoires d' Outre-tombe, — que notre éminent ami
M. Edmond Biré, vient de faire paraître chez Garnier. — ne le cède
en rien aux précédents. Le lecteur y trouvera la fin du récit des Cent-
.Tours et ce récit est peut-être la partie la plus remarquable des
Mémoires. Il conduit l'Empereur de Waterloo à Saint-Hélène et ren-
ferme les plus belles pages qui aient jamais été écrites sur Napoléon.
L'ambassade de Chateaubriand à Berlin et son ambassade à Londres
sont également deux morceaux achevés. Le volume se termine au
moment où l'auteur va partir pour son ambassade^de Rome ; avant
de partir il retrace la vie de Mme Récamier, lui consacrant un livre
tout entier, qui est comme le pendant de ceux consacrés précédem-
ment à Napoléon et forme avec eux le plus curieux contraste. —
Les notes et les appendices do M. Edmond Biré complètent ce tome IV.
Nous signalerons comme particulièrement intéressants les ap-
BIBLIOGRAPHIE 303
pendices sur le Congrès de Vérone et la guerre d'Espagne et sur Cha-
teaubriand, Victor Hugo et Joseph de Maistre.
— M.D. Zolla a publié dans V Illustration, du 25 février 1899, un très
intéressant article accompagné de dessins sur les Polders de la Vendée
créés à Bouin par M. Le Cler, le très distingué président du Conseil
général de la Vendée.
On n'ignore pas que c'est à la création de ces polders que le pays
de Beauvoir et de Bouin doit la richesse actuelle de sa culture.
— La Revue Poitevine et Saumuroise, dans son n* d'avril 1899,
publie le Tableau des actionnaires de la Société formée en 1784 à
Saumur pour la construction des Halles et de la Salle de spectacle.
Nous y relevons par deux fois le nom de « François Dupuy, à
Fontenay-le-Comte. »
Ce même n° contient le début du Projet d'évasion de Louis XVI et
de la famille royale préparé par Poirier de Beauvais, le futur chef
vendéen.
— Notre excellent ami H. Baguenier Desormeaux a commencé
dans le Mercure Poitevin (n°3 d'avril et de mai 1899) une très docu-
mentée et partant très précieuse notice sur Bonchamps avant la
guerre de Vendée.
— Du Populaire, de Nantes :
La Bibliothèque publique de Nantes s'enrichit chaque jour de nouveaux
dons. Elle vient de recevoir un grand nombre de beaux volume», dont
quelques-uns sont rares, qui lui ont été donnés par M. Charles Farcinet, an-
cien chef du personnel administratif au Ministère de l'Intérieur, membre de
!a Société des antiquaires de France.
M. Farcinet, originaire de la Vendée, a passé ses jeunes années à Nantes,
où il fut un des premiers élèves de l'école primaire supérieure, fondée par
M. Arsène Leloup en 1834, et camarade de M. Emile Sarradin, aujourd'hui
maire de Nantes; de M. Eugène Orieux, agent-voyer en chef honoraire, et
d'autres notables de la ville, aujourd'hui disparus.
M. Farcinet, appelé plus tard à Paris, y compléta ses études, et fut admis
dans les bureaux du ministère de l'Intérieur, où il resta 35 ans, et parvint à
une position supérieure. Retraité en 1883, avec 11 croix d'officier de la Légion
d'honneur, M. Farcinet s'est souvenu de notre Bibliothèque, où il allait
souvent autrefois lire et travailler, et de la parfaite obligeance du conser-
vateur, qui lui donnait tous les renseignements dont il avait besoin, et il a
voulu lui laisser quelques souvenirs.
Au nombre des livres qu'il a donnés, nous avons remarqué : une édition
très rare d'Horace en latin, avec commentaires, imprimée en 1566, à Venise,
par les Aides ; — les archives curieuses de la ville de Nantes, par Verger,
304 BIBLIOGRAPHIE
avec des lithographies de l'époque (1840) représentant bien la physionomie de
la ville; — la correspondance d'Orient, de Michaud ; — les œuvres de Biot,
de l'Académie française; la philosophie du XIX8 siècle, de Guépin, etc., etc.
— Dans le Messager de la Vendée : La Vendée maritime, étude
d'hydrographie, par M. B. Girard (mai 1899).
— Notre confrère et ami H. Renaud continue dans la Vendéen
la série de ses intéressantes études historiques sur les Souvenirs et
paysages de la Vendée.
— Pour paraître prochainementchez Salières a Nantes : Tiffauges,
son histoire et ses sites, Barbe-Bleue et sonchâteait^dirM. L. Brochet.
— Vient de paraître à la librairie Ollendorf :
Le pimpant album de notre compatriote et ami Henri Boutet :
Autour d'Elles (le Lever, le Coucher), avec une importante préface
d'Armand Silvestre. Cet album nous raconte, en d'exquis dessins,
toute la femme, sa grâce, ses coquetteries et ses abandons.
Bouquinerie Vendéenne. — De l'Amateur Poitevin, de M. Bouli-
neau, libraire à Niort (N° de mai 1899) :
347. Salnove. La Vénerie royale, divisée en IV parties, qui con-
tiennent les chasses du Cerf, du Lièvre, du Chevreuil, du Sanglier,
du Loup et du Renard, avec le dénombrement des forêts et grands
buissons de France, où se doivent placer les logemens, questes et
relais pour y chasser. Paris. A. de Sommaville, 1665, front., 80 fr.
Bon exempl. dans une reliure en veau. La reliure est défectueuse, mais
l'intérieur est propre et très grand de marges.
468. Vendée (Guerres de la). Traits d'héroïsme. 1815. M. de Beau-
veau au combat de la Roche-Servière. Lith. par Charpentier et Pas-
quier, in-fol. en larg., 25 fr.
Belle épr. de toute fraîcheur et à toutes marges, très rare.
469. Vendée (Guerres de la). Traits d'héroïsme. 18 octobre 1793.
Grâce, grâce aux prisonniers. Boucha mps le veut. Bonchamps l'or-
donne. Mort de Bonchamps à la bataille de Chollet. Lith. par Char-
pentier et Pasquier, in-fol. en larg., 25 fr.
Belle épr. de toute fraîcheur, à toutes marges, très rare.
470. Vendée. Vues pittoresques et maritimes du département de la
Vendée, avec costumes les plus remarquables, dessinés d'après na-
ture et lith. par Gilbert, professeur de dessin aux Sables. Nantes»
Charpentier, 1844, album petit in-fol. oblong de 40 pi., 1/2 rel. 40 fr.
Album très rare, la reliure n'est pas en très bon état.
BIBLIOGRAPHIE 305
De la Revue des Autographes, de M.Charavay, 34, rue du Faubourg-
Poissonnière, n" de mai 1899) :
62 Chaffault de Besné (Louis-Charles, comte du), célèbre marin,
qui prit part à la guerre d'Amérique, né à Montaigu (Vendée) en
1708, mort dans les prisons de Nantes en 1794. — Pièce sig. ; 1776,
1 p. in-4° obi. 35 fr.
142 Lancelot (dom Claude), célèbre grammairien du XVIIe siècle,
qui fonda les Ecoles à Port-Royal, où il eut Racine pour élève, pré-
cepteur des jeunes princes de Conti, auteur du Jardin des racines
grecques, né en 1615, mort en 1695. — Let. aut. à Mlu de Vertus
(sœur cadette de MUe de Montbazon); Grenoble, 31 août (1688), 2 p,
1/2 in-8, cachets. Rare. 35 fr.
Très curieuse lettre. Il vient de Visiter Saint Claude, Annecy et la Grande-
Chartreuse; il se dirige sur Avignon et de là chez le saint Prélat (Nicola»
Pavillon, évêque d'Aleth). Il recommandera le petit prince (de la Roche-sur-
Yon) à Avignon, « au tombeau de Monsieur son Père (Armand de Bourbon,
prince de Conti). »
238 Sourdis (Henri d'Escoubleau de), évêque de Maillezais, puis
archevêque de Bordeaux, chef de l'armée navale sous Louis XIII,
aussi célèbre par son intrépidité que par sa querelle avec d'Epernon,
qu'il frappa d'excommunication. — Let. sig. à Lopez, chargé d'af-
faires en Hollande ; Paris, 13 janvier 1639, 1 p. in-4°, cachet, 15 fr.
Belle lettre. Sur l'invitation de Richelieu, il lui envoie une relation espa-
gnole sur la bataille navale de Gattari ; comme les Espagnols font les inso-
lents et se prétendent vainqueurs, Lopez la montrera au prince d'Orange.
— La Revue Marne, dans son numéro du 11 juin 1899, et sous la
signature de M. Henri Guerlin, consacre un article illustré à ÏEpo-
pèe de Mèrovak.
— De notre savant confrère, M. Léo Desaivre : Notes sur la Mêlusine
(Poitiers, Biais et Roy. 1899. In-8° de 33 p.)
— M. l'abbé Mouchard, à l'occasion de l'inauguration de l'église
Saint-Etienne du Port de Niort, et de la représentation donnée en
faveur de cette œuvre, a publié à l'Imprimerie Niortaise La Nuit
de Noël, pastorale en cinq actes de l'abbé François Gusteau, prieur de
Doix. (In-8° de 35 p. avec préface par M. Mouchard, et air de la
pastorale.
La, Joie de Vheure, tel est le titre d'un nouveau journal mensuel, ar-
tistique et littéraire, dont le 1er numéro a paru le 1er mail899', et qui
se qualifie l'organe de tous ceux qui préparent l'avènement de Vidée*.
Nous lui souhaitons volontiers la bienvenue.
4 La Roche-sur- Yon, 47 rue de Bordeaux — directeur : Raoul Gaubert.
300 BIBLIOGRAPHIE
— De [Intermédiaire-Nantais, du Phare de la Loire. (12 juin 1759) :
57. — Les femmes nantaises aux armées. — Sous l'impulsion irrésistible
des grands évènemsnts qui inarquèrent la période révolutionnaire et môme,
après elle, les campagnes du premier Empire, beaucoup de femmes, dissi-
mulant leur sexe sous des vêtements masculins, prirent du service aux ar-
mées. Pendant les guerres civiles d'abord, plus tard au cours des guerres où
la France était engagée contre l'Europe, plus d'une s'enrôla pour suivre
un mari, un frère, un amant, ou précisément parce que désormais, sans
famille, elle pensait que la carrière des armes était la seule qui convînt à leur
activité.
C'est ainsi que Julienne David, de Saint-Marc, près Nantes, fit ses premiè-
res armes en Vendée, en combattant pour la cause royaliste, et servit
ensuite, toujours en déguisant son sexe, à bord des corsaires de la Républi-
que et de l'Empire, sans reculer devant les terribles souflrances de la capti-
vité à bord des pontons anglais.
— Notre confrère et ami Gustave Boucher vient de nous adresser,
en même temps que le deuxième volume de la Tradition nationale
— la Tradition au Pays Basque — le programme du 3* congrès, que
la Société d'Ethnographie nationale doit tenir à Honfleur du 30 juil-
let au 10 septembre prochain.
— De M. l'abbé F. Uzureau, le savant chapelain du Champ des
martyrs d'Angers •. Antoine Fournier, fusillé au Champ des martyrs,
le 12 janvier 1794. (In-8° de 4 p. Germain Grassier, Angers. Ext. de
la Semaine religieuse d'Angers.
Avec Fournier furent fusillés une centaine d'autres malheureux
vendéens, parmi lesquels M. Uzureau cite Pierre Mari, journalier,
40 ans, de Saint-Fulgent.
— Quelques extraits de Y Intermédiaire des Chercheurs et Curieux
(du 30 mai 1899) :
Château de Vlle-d'Yeu. — 11 existe à l'Ile-d'Yeu (Vendée), un cbâteau en
ruines bien connu des touristes. Pourrait-on indiquer les titres des ouvra-
ges anciens, dans lesquels un plan a été publié, ou indiquer s'il existe des
documents inédits sur ce château. V. C.
Famille de la Rochefoucauld-Bayers. — Les la Rochefoucauld-Bayers
paraissent avoir eu jadis en Vendée, à la Barre-de- Monts, un rendez-vous
de chasse, appelé château de Beaumanoir, aujourd'hui rasé. Pourrait-on
ournir quelques renseignements sur ce château. X.
R. DE THIVERÇAY.
P. S. — Une pénible indisposition nous a contraint à notre grand
regret de laisser inachevée cette chronique cependant déjà longue.
Les lecteurs de la Revue voudront bien ne pas nous en tenir rigueur.
R. de Th.
Le Directeur-Gérant : R. VALLETTE.
Vannes. — - Imprimerie LAFOLYE, a, place des Lices.
ALEXANDRE BONNIN DE FRAYSSEIX
Par lui-même .
ALEXANDRE BONNIN DE^FRÂYSSEIX
i
Une mort, d'autant plus cruelle qu'inattendue,
et qui a également mis en deuil le monde
des Lettres et celui des Arts, vient de nous
ravir en même temps qu'un fidèle ami, l'un des
plus appréciés collaborateurs de cette Revue.
Alexandre-Maximilien-Joseph Bonnin de Frays-
seix a succombé, le 18 juillet dernier, à l'irréduc-
tible maladie contre laquelle il luttait depuis tant
d'années avec une héroïque énergie.
Fils d'un ancien préfet de la Vendée qui, ayant
renoncé à la vie politique à l'avènement du second
Empire, était devenu président de la Compagnie
des Chemins de fer de la Vendée, et frère
du capitaine de vaisseau marquis Bonnin de
Fraysseix, dont le fils, lieutenant d'infanterie de
marine, était récemment mis et par deux fois
à l'ordre de l'armée pour faits de guerre, notre
regretté ami appartenait à cette vieille mai-
son de Bonnin, présente à Fraysseix dès le
XIIe siècle et dont les sept branches ont donné
des chevaliers comme Joubert et Thibaut Bonnin
de Messignac, premiers écuyers du roi Jean,
morts à Poitiers et inhumés aux Gordeliers, des
généraux comme François Bonnin, marquis de
Chalucet, beau-frère du grand Condé, des évoques
comme Louis Armand Bonnin, qui sauva Toulon
BfeH
22
TOME XII.
JUILLET, AOUT, SEPTEMBRE.
30S ALEXANDRE BONNIN DE FRAYSSE1X
et la Provence, en dépit de l'abandon de Louis XIV, contre
les armées du duc de Savoie.
Fidèle à sa race, Alexandre Bonnin servit pendant la
guerre, comme engage volontaire, refusant un grade d'officier
par un sentiment de délicatesse qui fut rare à cette époque.
L'amiral Pothuau insista, mais ne put vaincre la résistance
de ce soldat improvisé, qui ne se croyait pas le droit de com-
mander aux autres sans avoir l'instruction militaire indispen-
sable. Possédant au plus haut degré le culte du devoir, il
estimait, du reste, que le grade n'ajoute rien à l'honneur de
servir sa patrie et qu'un gentilhomme est toujours en bonne
place dès qu'il combat pour elle à quelque rang que
ce soit.
Après avoir achevé ses études au Lycée Saint-Louis, à Paris,
Alexandre Bonnin entra comme attaché au Ministère des
Finances, où il se lia avec M. de Longraire d'une amitié
étroite qui ne finit qu'avec la vie de son compagnon déchaîne.
C'était en effet, de véritables galères pour Alexandre que l'as-
sujettissement au fastidieux travail de chiffres qui lui était
imposé. Les deux amis, éprisd'un tout autre idéal, trouvaient
heureusement le moyen de tromper les longues heures de
bureau. Et, tandis que M. de Longraire s'abandonnait à ses
romantiques méditations, Alexandre Bonnin, qui possédait
déjà avec un prodigieux talent d'observation, une étonnante
facilité de crayon, dessinait d'heureuses charges dont le per-
sonnel du bureau faisait naturellement les frais.
L'influence presque magnétique, qu'exerçait sur quiconque
l'approchaitle singulier mais si supérieur personnage qu'était
M. de Longraire, ne fut point sans influence sur l'esprit d'A-
lexandre Bonnin, qui, un beau jour, s'éprit lui-même d'en-
thousiasme pour le romantisme.
Victor Hugo était alors à l'apogée delà popularité. Quoique sa
tête perçât la nue et que ses pieds touchassent à peine la terre,
le grand homme n'était pas pour cela dégagé des intérêts
terrestres. 11 soignait sa publicité et prodiguait des lettres de
ALEXANDRE BONMN DE FHAYSSE1X 309
remercîments aux thuriféraires dont l'encens flattait son
orgueil et les réclames grossissaient ses droits d'auteur
Alexandre Bonnin. venait d'entrer, comme secrétaire de
M. le Vu Arthur de la Guéronnière.au journal la France. Avec
cette bonne foi, cette indépendance et cet enthousiasme qui
l'ont toujours caractérisé, il publia sur la nouvelle œuvre
de Victor Hugo un article dityrambique signé de son nom.
Publier dans le journal de Y Empire libéral un tel éloge de
l'auteur des Châtiments était un trait de courage, presque
d'audace.
Attentif à tout ce qui s'écrivait sur lui, Victor Hugo lut
l'article, et aussitôt, du haut du rocher qui lui servait de pié-
destal, lança à Alexandre Bonnin une lettre de remerciements
en prose hyperbolique.
Alexandre fut comblé de joie à la réception de cette
missive, mais son enthousiasme fut de courte durée, quand
il apprit peu après que le maître en avait écrit à la même
occasion quelques milliers d'autres de semblable facture.
Le goût d'Alexandre Bonnin pour la littérature romantique
ne fut, du reste, jamais exclusif. 11 avait le sens trop droit,
l'esprit trop délicat, pour ne pas sentir que le ridicule y cou-
doie le sublime. Il aimait avec une passion autrement sincère
le vrai et le naturel. Aussi fut-il un irréconciliable adversaire
du plus moderne décadentisme.
La grande musique ne le captivait pas. Mais, ce qu'il aimait
par dessus tout, c'était la peinture et la sculpture.
Passionné de Géricault et de Delacroix, il n'admirait pas
moins David et Ingres. L'apparition de l'École réaliste, avec
Y Olympia de Manet, ne provoqua pas chez lui la révolte que
souleva l'exposition de cette toile aux Champs-Elysées. Il y vit
comme une revanche de l'esprit d'originalité sur la platitude
des œuvres des représentants d'alors de l'esprit classique.
A ce moment, il faisait à la France le Salon, qu'il continua
ensuite à la Presse. Sa critique, faite avec compétence, indé-
pendance et sans parti pris, était très appréciée. Sa profonde
310 ALEXANDRE BONNIN DE FRAYSSEIX
connaissance du métier, son coupd'œil pénétrant, son goût sûr,
sa sincérité parfaite en faisaient un juge impartial et autorisé.
Même à la distance où nous sommes — un quart de siècle —
de l'époque à laquelle il écrivait, la lecture de ses Salons serait
attrayante par la chaleur et la précision du style, et instructive
par la sûreté des jugements que la postérité a confirmés. Il
avait réuni, peu de temps avant sa mort, en un volume du
format de ces journaux, les différents articles de critique d'art
publiés par lui dans la France et la Presse.
Entre tous les artistes — ses contemporains — et au-dessus
de tous, il admirait son illustre compatriote Paul Baudry. Il
tenaitde même en haute estime le talent du paysagiste Lansyer,
du sculpteur Guitton et du maître graveur 0. de Rochebrune,
et les lecteurs de cette Revue n'ont point perdu le souvenir
des exquises pages qu'il consacra à chacun d'eux.
Il avait naguère fondé avec Edouard Drumont, qui l'affec-
tionnait profondément, un journal d'art intitulé Paris- Artiste,
avec comme sous-titre « Chronique des Arts et de la Curiosité ;
mais cette publication, qu'il menait de front avec le secrétariat
de la rédaction de la France, n'eut qu'une existence éphémère.
Il collabora avec un égal talent à Y Art, à la Gazette des Beaux-
Arts, hVEstampe, et allait être nommé inspecteur des Beaux-
Arts, quand la guerre éclata.
Il subit avec courage les terribles épreuves du siège de
Paris, qui lui prirent sa santé pour toujours. Une congélation
«les deux jambes le mit à deux doigts de la mort. Il en guérit
mais un trouble profond de la circulation en fut le résultat, et
sa vie ne fut plus depuis qu'une longue série de luttes et de
souffrances contre un mal qui avait son siège au cœur et
qu'aucun traitement ne put enrayer.
Il n'en continua pas moins pendant quelques années encore
son labeur quotidien dans la presse. Mais un temps vint où
la maladie., plus forteencore que son énergie qui était grande,
l'obligea à interrompre tout travail.
C'est alors qu'il rentra dans Fontenay-le-Gomte, sa ville
ALEXANDRE BONNIN DK FRAYSSE1X 311
natale, la ville de sa famille maternelle, que les Brisson ha-
bitent depuis des siècles, et où Madame Pichard de la Blan-
chère, sa tante, sa seconde mère, l'entoura de la plus affec-
tueuse sollicitude.
Ce fut cette femme de cœur qui le fixa désormais parmi nous.
Il y vécut plus de vingt ans après elle, entouré de l'affection
des uns, de l'amitié des autres, et de l'estime de tous; et c'est
dans cette retraite féconde, égayée par l'incessant commerce
d'amis intimesetdévoués, qu'il produisit, malgré tant d'assauts
répétés que subissait sa santé, ses plus belles œuvres littérai-
res et artistiques.
Doué d'une intelligence supérieure, il s'essaya avec bonheur
dans tous les genres et cultiva avec un égal succès l'Art dra-
matique et les Muses. Il laisse notamment deux volumes
manuscrits de poésies, dont quelques-unes, très goûtées, ont
paru ici même, et plusieurs pièces de théâtre, dont deux ont
été publiées, et ont valu à leur auteur de mérités éloges : Un
Drame pendant la guerre, et la Fin d'un parti.
De son œuvre peinte, autrement considérable, et où l'on re-
trouve, parmi combien d'autres qualités, cette probité scrupu-
leuse qui était le fond du caractère éminemment honnête
d'Alexandre Bonnin, nous ne saurions essayer de donner ici
la nomenclature. Parmi les meilleurs et les plus importants
de ses tableaux, nous citerons cependant, du côté religieux :
Une apparition de Jésus-Christ, donné au couvent des Capucins
de Fontenay ; Une apparition de la Vierge, offerte à la chapelle
de l'Hospice de Fontenay, et une Prédication du P. de Monfort,
dont il modela également le médaillon. Du côté profane, il
faut mentionner plusieurs portraits, d'une réelle valeur, entre
autre celui de son frère, en grand uniforme, et ceux de MM.
0. de Rochebrune et de Verteuil, le dernier qui soit sorti
achevé de son pinceau ; plusieurs vues du Clocher de Notre-
Dame de Fontenay, dont l'une a été donnée en son nom à la ville
de Fontenav ; Une descente de Justice, offerte au Musée de la
Roche-sur- Yon ; La leçon du chien, Les Vendanges, Le fauteuil
312 ALEXANDRE BONNIN DE FRAYSSEIX
de Grand' mère ; et de nombreuses paysanneries empreintes
de charme et d'idéal, parmi lesquelles : Une Noce vendéenne,
Le Retour de la foire de Fontenay, Une Bergcrette, La Toilette
de la mariée, etc., qui feront gracieusement revivre dans les
âges futurs aux yeux de nos arrière neveux étonnés les pit-
toresques images d'un passé disparu.
Son œuvre artistique se complète d'une délicieuse série
d'aquarelles, de plusieurs jolis fusains et pastels, et de quel-
ques médaillons aussi, parmi lesquels celui qu'il exécuta de
lui-même en 1893, et dont nous avens placé une fidèle repro-
duction en tête de ces pages.
A l'éclat du style et à l'habileté du pinceau, Alexandre Bon-
nin joignait l'incomparable charme d'une conversation, où se
dépensaient à l'envi les trésors de son intelligence et de son
cœur. L'amitié fut, du reste, un des plus grands plaisirs de sa
vie, et nul ne la pratiqua avec plus de délicatesse et de grâce.
Il y avait en lui une force d'attraction singulière, qui tenait
sans doute à ce qu'il savait donner beaucoup de lui-même sans
rien demander en échange. Loyal comme un gentilhomme
des temps de la chevalerie, il exigeait, par exemple, dans les
relations la plus parfaite franchise et s'indignait d'un procédé
louche ou mesquin.
Impossible, au reste, de rapprocher sans éprouver cette
générosité d'esprit et de cœur qui lui avait conquis à Fonte-
nay comme à Paris d'universelles et si profondes sympathies.
Que ne s'est-il rencontré parmi ceux qui aimaient à l'écouter
et à l'entendre, quelqu'un pour nous conserver, sinon la
voix, du moins le sens exact, précieux de ces bonnes et lon-
gues causeries, où à travers les aériennes fumées des ciga-
rettes, il se plaisait à allier avec une égale droiture de juge-
ment la grave discussion des problèmes politiques ou sociaux,
aux plus calmes soucis de l'esthétique littéraire ?
Retenu par ses infirmités dans ce château de Fontenay,
témoin de son incessant labeur, au milieu de ce parc, dont
son pinceau aimait à reproduire la grandiose beauté, et qui
ALEXANDRE BONNIN DE FHAYSSKIX 'M'A
restera le cadre merveilleux où vivra sa mémoire, il s'y est
éteint subitement, comme si l'ange de la mort l'eût emporté
sans refermer ses ailes. Mais son âme était déjà au ciel par
la contemplation des choses qui sont éternelles, et l'enveloppe
humaine si grande et si élégante, à peine atteinte par la
souffrance et les années qui en avaient respecté la forme
vigoureuse, héritage des chevaliers de la famille, était prête
depuis longtemps aussi pour le suprême voyage1.
René Vallette.
SES OBSÈQUES
Les obsèques d'Alexandre Bonnin ont eu lieu le 21 juillet à l'église
Notre-Dame de Fontenay, au milieu d'une assistance émue, d'admi-
rateurs et d'amis.
Les cordons du poêle étaient tenus par MM. Dupré-Carré, président
du tribunal, Arthur de la Voûte, Edgar Baron et René Vallette.
En l'absence du capitaine de vaisseau Marquis Bonnin de Frays-
seix, frère du défunt, que la triste nouvelle ne put joindre à temps
au fond des glaciers de la Norwège, le deuil était conduit par
M. Albert Bonnin de Fraysseix, ancien magistrat, et M. Ernest Brisson,
juge au tribunal civil de Fontenay, ses cousins et plus affectionnés
amis.
Parmi les couronnes déposées sur le cercueil, on remarquait celles
offertes par V Union fraternelle des Anciens Combattants de i 870,
dont Alexandre Bonnin faisait partie, et par la Revue du Bas-Poitou
qui comptait en lui un fidèle et précieux collaborateur.
Au cimetière, M. René Vallette a prononcé sur la tombe ces paroles
émues où tout son cœur apparaît dans la profonde affection qu'il
portait à l'ami disparu :
Mesdames, Messieurs,
» Sous le coup de i 'émotion profonde qu'a jetée en mon âme la sou-
daineté de sa mort, je n'essaierai point de retracer ici les mérites
du lettré délicat, de l'artiste éminent, du vaillant patriote etdu croyant
fidèle que fut tout à la fois Alexandre Bonnin de Fraysseix.
1 Nous devons à MM. Etienne et Albert Bonnin de Fraysseix une particu-
lière gratitude pour les précieuses notes qu'ils ont bien voulu nous fournir
et qui nous ont permis de rendre un plus complet hommage à la mémoire
de celui dont nous déplorons si vivement la perte. N. D. L. R.
314 ALEXANDRIE BONNIN pE FRAYSSEIX
L'heure viendra où, la première douleur apaisée, il me sera plus
facile de rappeler, comme il convient, la perte sensible que cette dis-
parition prématurée va doublement causer au monde des Lettres et
des Arts. Mais ce que je ne saurais remettre à demain, c'est l'expres-
sion des regrets immenses qu'inspire à mon cœur d'ami la mort
de celui qui fut pour moi plus qu'un collaborateur, l'aîné véritable
de mon œuvre.
Alexandre Bonnin n'était pas seulement l'être si remarquablement
doué qu'on se plaisait à admirer dans les diverses manifestations de
son multiple et si affiné talent de lettré et d'artiste. C'était par-dessus
tout une nature éminemment supérieure, par le loyalisme du carac-
tère et par la haute courtoisie des relations autant que par l'affabi-
lité du cœur et la parfaite élévation de la pensée.
Tant de charmes en avaient fait un véritable conquérant d'âmes,
et on n'en saurait douter en voyant les larmes sincères que sa mort
si subite a mises aux yeux de tous ceux qui ont eu une part de son
intimité.
La tombe qui va se fermer sur lui ne nous le ravira pas, du moins
tout entier. Son œuvre puissamment variée nous reste, irrécusable
témoin d'une existence laborieusement remplie et, grâce à l'habileté
d'un ciseau ami, sa belle et riante image se dressera bientôt, nous
en avons le ferme espoir, dans le superbe encadrement de ce parc
qui eut les dernières confidences de sa pensée, pour redire au passant
épris de souvenirs émus tout ce qu'il y avait de suprêmement délicat,
de particulièrement inoubliable dans cette âme de poète et dans ce
cœur d'ami, dont les hommes garderont pieusement la mémoire et
dont Dieu a déjà couronné les actions. »
Par testament, Alexandre Bonnin a fait don de trois de ses
meilleurs tableaux aux villes de Fontenay et de la Roche-sur-Yon
et à sa fidèle et dévouée servante. 11 a de même légué une de
ses plus jolies aquarelles à chacun de ses plus intimes amis,
MM. Brisson, Vallette, de Cintré, de Vorys, Drumont, Chincholle,
d'Assailly, de la Voûte, Dupré-Carré, Baron, Aude et Mangou.
F .A GRANDE FONTAINE DE FONTENAY
Depuis su restauration.
LA RESTAURATION
DE LA
GRANDE FONTAINE
DE FONTENAY
RAPPORT DE M. O. DE ROCHEBRUNE
Au Conseil municipal de Fontenay-le-Comte .
Messieurs,
Dans sa séance du 16 mai 1898, le Conseil municipal de la
ville de Fontenay-le-Comte votait la restauration de la
Grande Fontaine. Cette décision prise à l'unanimité
des membres présents était l'expression d'une noble et tou-
chante pensée : celle d'honorer et d'assurer en mAme temps
la conservation d'un édifice, qui est pour ainsi dire le Livre
d'or de la cité ; car plusieurs de nos illustres ancêtres ont
leurs noms et leurs armoiries inscrits et ciselés sur cette
gracieuse construction élevée en 1542 par l'architecte Liénard
de la Réau. Dans la séance du 25 mai même année, le Conseil
a bien voulu me charger de la direction de ces travaux : ils
sont aujourd'hui à peu près terminés, et je viens de rendre
compte à l'assemblée municipale de la façon dont ils ont été
conduits afin de restituer au monument son intégrité première,
tout en conservant à la partie sculpturale, presqu'entièremen
disparue en 1793, le style et le caractère propre à chacune des
époques où ces sculptures avaient été exécutées.
Il existe à la bibliothèque de la ville de Poitiers dans les
310 l,A HKSTAURATION
nombreux manuscrits de dom Fonteneau un dessin au trait
indiquant avec assez de précision les blasons placés dans le
fronton, au-dessus du grand cintre anse de panier, à droite et
à gauche des armes de la ville, et dans les écussons des deux
arcatures plein cintre : ainsi que les diverses inscriptions
constatant les réparations antérieures.
M. B. Fillon avait pu me procurer un fac-similé de ce dessin,
d'après lequel j'avais gravé en février 1861, la petite planche
publiée dans Poitou et Vendée. C'est d'après cette gravure
qu'ont été rétablis, tous les cartouches et armoiries des prin-
cipaux maires qui se sont succédés depuis le XVIe siècle jus-
qu'à la fin du XVIIIe. Le fronton triangulaire est occupé en
entier par l'écusson de France accosté à droite et à gauche de
deux salamandres, emblèmes du roi François Ier qui avait
accordé à la ville comme armoiries la fontaine symbolique
cantonnée de deux licornes, et la glorieuse devise composée
par Rabelais — Fontanacum felicium ingeniorum fons et
scaturigo.— En dessous, dans la frise des triglyph.es, ce sont les
armes de Savary de Calais, a droite celles de Jean-François
du Temps, à gauche celles de Jolly de Saint Pic, puis en des-
sous de la grande arcade, dans les compartiments encadrés
par des colonnes ioniques cannelées, au centre le blason de la
ville sous la forme d'un élégant édicule à huit pans avec co-
lonnes corinthiennes aux angles, chaque face creusée d'une
niche ornée de statuettes, au-dessus frise, entablement et cou-
pole surmontée d'un lanterneau contenant une cloche, pour
symboliser sans doute le beffroi municipal. Ce joli monument
émerge d'un grand bassin octogonal rempli de l'eau de la
source que deux licornes purifient en y plongeant leurs cor-
nes en hélices. Ce charmant bas-relief est complété par un
fond de paysage où l'on distingue à gauche sur un coteau
élevé, un moulin à vent vers lequel s'achemine le meunier
suivi sans doute de la meunière portant sur l'épaule suspen-
dus à une courge deux sceaux qu'elle vient de remplir à la
fontaine. Nous ne sommes pas surpris que le sculpteur
DE LA GHANHE FONTAINE DB FONTENAY 317
du XVI8 siècle ait eu l'idée de reproduire une de ces singu-
lières constructions ; c'était un aspect caractéristique de l'ho-
rison fontenaisien. Je n'ai point oublié d'en avoir vu dans mon
enfance plus decinqunnte agiter leurs grands bras tout autour
de notre cité. Que devait-cedonc être il y a près de quatre siè-
cles? Le coteau de droite est surmonté d'unegentilh mimière à
deux façades en retour d'équerre avec tour dans l'angle, ce qui
ferait songer à l'hôtel de la Rochefoucault construit bien près
delà. Ce panneau central subsistait seul, mais si on l'avait
respecté lors de la destruction des emblèmes féodaux, il n'avait
pas trouvé grâce devant la rage destructive des enfants de la
rue : toute la fontaine et les deux licornes avaient été brisées
à coup de pierres ; il a fallu les rétablir d'après un moulage
relevé avec soin sur nature ; mais nous avons pu conserver
les parties anciennes du bas-relief où se trouvent le moulin à
vent, et le petit manoir avec les arbres qui l'ombragent.
Les écussons des Fouschier, Gallier, Châsteau et Gollin,
inscrits dans une riche couronne de fruits sertie de bande-
rolles, accompagnent à droite et à gauche les armes de la
ville: celui de Tiraqueau est sculpté dans l'écusson central
des deux archivoltes plein cintre. Dans le tympan de ces deux
cintres nous avons placé un motif qui entoure les ouvertures
formant prise d'air afin de donner plus d'harmonie à tout
l'ensemble décoratif.
Les inscriptions de droite et de gauche placées sous le
plafond ont été entourées de cartouches dans le style du
XVIe siècle.
La porte qui donne entrée sous la belle voûte en cul de four,
recouvrant les sources qui jaillissent du rocher, a été comme
jadis surmontée d'un cartouche Renaissance avec inscription
rappelant la date de cette dernière restauration : la porte telle-
même a été refaite dans la donnée du monument. En face de
cette porte on a encastré dans le mur une grande plaque en
pierre ornée d'un encadrement mouluré, où se trouvent men-
tionnées les réparations précédentes ; enfin les rondelles où
318 LA RESTAURATION
sont fixés les robinets ont été complètement refaites sur le
modèle des anciennes qui ne pouvaient se réparer, ainsi que
le vase avec fruits placé au sommet du fronton, et dont il ne
restait plus que le pied. Tout ce travail a été exécuté en pierre
choisie de Mérité et de la Gajonnière, matériaux similaires
à ceux employés par les premiers constructeurs et très résis-
tants à l'action de la gelée. Mais pour ceux qui connaissent
l'inégalité et la maigreur du grain de cette pierre et les che-
nards dont elle est parsemée, on ne saurait trop louer l'habi-
leté et la persévérance dont ont fait preuve les sculpteurs et
les tailleurs de pierre qui ont eu à prendre et à refaire com-
plètement les délicates moulures qui décorent frises, archi-
voltes, architraves, astragales et chapiteaux. La part du scul-
pteur a été à coup sûr la plus artistique et la plus laborieuse,
son travail tout entier est remarquable ; mais je signalerai
particulièrement à l'attention de nos collègues le tympan du
fronton occupé par l'écu de France et les deux salamandres
d'un modelé on ne peut plus réussi, le cartel où se trouve
l'inscription — Fontatiacum, — les cartouches à droite et à
gauche des armes de la ville, l'écusson de Tiraqueau, et sur-
tout le grand motif sur la porte fouillé de main de maître. Ma
tâche s'est donc trouvée bien simplifiée par l'habileté des
exécutants qui savaient si bien traduire les dessins grandeur
nature que je leur livrais.
Je signale tout particulièrement aux éloges de l'assem-
blée municipale les noms de MM. Abel Blanchard, sculp-
teur, Léon Henri, patron, Joseph Bouchereau etElie Soulisse,
ouvriers, Faucher, menuisier.
Je ne saurais non plus passer sous silence le précieux con-
cours et les indications utiles qui m'ont été fournies par mon-
sieur A. Gharier, maire, et l'intelligente surveillance de
M. Filuzeau, architecte de la ville.
Terre-Neuve, 27 mars 1899.
0. DE ROCHEBRUNB
DE LA GRANDE FONTAINE DE FONTENAY 319
P. S. — Comme complément nécessaire à cet intéressant
rapport, nous reproduisons fidèlement ci-après, pour les épi-
graphistes de l'avenir, les diverses inscriptions gravées sur
le précieux monument restauré.
Au Frontispice.
FONTANAC VM- FEL1CIVM- 1NGF:NI0RVM
FONS-ET-SCATVRIGO- 1542,
Sous la voûte.
A droite.
JEHAN - CH ASTEAV - M AYRE
1579
JOHANES-BESLYVS-REGIVS-ADVOCATVS
MAIOR-M-D-C-X-X.
ANNO-M-D-CC-XXXII.
CVRA-IOHANNIS-FRANCISCI-
HVJVS-VRBIS-MAJORIS-
ILLE-FONS-INSTAVRATVS
ANNO-DOMIN1-MILLESIMO
SEPTINGENTESIMO-TRICESIMO-
SEPTIMO-EX-MADATO-D-D.
MAJORIS-VRBIS-PERPETVI ■ HIS-BONIS
INSIGNIBVS-FVIT-DECORATVS-1LLE-FONS
mnwMWMmwn
HIC-SEDARE-SITIM-CIVES-
NE-SPERNITE-MANANT-
CORPORIS-INDE-SALUS-
INCENII-QVE-SALES-
M. SAVARY-PROCVREVR-DV-ROY
MAIRE- ANNEE-M.D.C.C.LIX.
320 LA KEST. DE LA GRANDE FONTAINE DE FONTENAY
A gauche.
NICOLAS -RAPIN, MAYRE
1570
J ACQVES DV - BOVLA Y - MAYRE
DE L'ANNEE - 1578
RESTAUREE SVIVANT
DELIBERATION MVNICIPALE
DV 16 MAI 1898
N. D. L. R.
LE CLERGE DE LA VENDEE
PENDANT LA REVOLUTION
(Suite1)
LE BOURG-SOUS-LA-ROCHE
BLANCHARD (Louis-Joseph; curé.
JAGUENEAU (P.) vicaire.
DOUSSIN DE VOYER, desservant pendant la Révolution.
M. Blanchard fut nommé curé du Bourg-sous-la-Roche en
1781, en remplacement de M. Malteste. 11 refusa de prêter le
serment constitutionnel, mais il n'abandonna pas sa paroisse.
Le mercredi de Pâques 1793, son vicaire et lui étaient encore
au Bourg, tête levée, comme l'écrivait ce jour-là la prieure
des Cerisiers à la prieure des Bénédictines des Sables, en an-
nonçant à la fin de sa lettre « qu'elle allait à la messe chantée
pour obtenir la paix ». — « Le bonhomme, ajoutait-elle, m'a
beaucoup demandé de vos nouvelles, il me disait une fois :
Faudrait qu'elle viendrait faire ses Pâques ici. »
M. Blanchard et M. Jagueneau continuèrent à desservir le
Bourg jusqu'à la fin du mois d'août 1793; le dernier acte de
leur main sur les registres paroissiaux est du 20 de ce mois,
« en vertu des pouvoirs extraordinaires accordés à tous les
1 Voir la 2ma livraison 1899.
322 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
prêtres fidèles par M. de Mercy, évêquc de Luçon, pendant
la persécution de l'Eglise de France. »
Lorsque Charette se fut emparé de Noirmoutier le 30 sep-
tembre 1793, il délivra, sur leur demande, à dix-huit ecclésias-
tiques, des£permis pour aller dans cette île se reposer des
fatigues de la guerre, et pour être moins exposés aux dangers
des combats. L'abbé Remaud énonce le fait dans ses Mémoires
inédits : « Le général et moi, nous gémissions du parti qu'a-
vaient pris un aussi grand nombre de prêtres ; nous étions
loin de regarder comme une retraite assurée une île que l'en-
nemi pouvait attaquer par mer et par terre avec des forces
redoutables; mais on ne pouvait pas raisonnablement refuser
à des ecclésiatiques âgés, la plupart infirmes, un lieu qu'ils
regardaient comme celui du repos.
« Nos pressentiments ne se sont que trop réalisés. L'île de
Noirmoutier fut reprise le lor janvier 1794 pour les troupes de
la République. Toute la garnison fut massacrée et on vit
périr sur la place publiquede Noirmoutier les dix-huit prêtres
de notre diocèse qui avaient été chercher un moment de tran-
quillité et qui ne trouvèrent que la mort. »
Sur la liste administrative des victimes envoyée à la
« Société populaire » des Sables, figure, sous leN°26, Louis-
Joseph Blanchard, curé du Bourg-sous-la-Roche. La copie est
de la main de Mercier du Rocher.
L'abbé Doussin de Voyer, qui desservait le Bourg en 1795,
mentionne son prédécesseur en ces termes, dans un acte de
mariage : « Le pasteur de cette paroisse a été martyrisé pour
la religion ». M. Blanchard n'en avait pas moins été inscrit
sur la liste des émigrés de la Vendée du 1er fructidor an II,
et ses biens, situés communes de Saint-Jean de la Chaise et
de la Ferrière, avaient été confisqués.
Sur la liste des victimes de la persécution religieuse en
Vendée que donne à la fin de ses Mémoires l'abbé Remaud,
ancien aumônier de Charette, figure le vicaire du Bourg-sous-
la-Roche : « M. Jagueneau, parent de M. Payraudeau, curé
PENDANT LA RÉVOLUTION 323
deSaligny, mas-sacré aussi pétulant la Révolution, et comme
lui natif des Brouzils. »
MM. Payraudcau et Jaguéneau s'étaient réfugiés avec les
femmes, les vieillards et les enfants dans la forêt de Grala,
pendant que les hommes valides combatlaient sous les ordres
de Charette. Bien que cette retraite passât pour très sûre, ils
furent surpris un jour par les Bleus et conduits auprès du
Poiré où on les massacra. Une tradition locale rapporte que
le massacre eut lieu sur la paroisse de Saligny, dans un bas-
fond où coule le ruisseau de la Mangeoire, au lieu dit le
Pont-Caillou.
Peu après le départ de M. Blanchard pour Noirmoutier,
la paroisse du Bourg-sous-la-Roche fut desservie, en môme
temps que plusieurs autres paroisses voisines, par M. Dous-
sin de Voyer, originaire de Saint-Georges-des-Coteaux (Cha-
rente-Inférieure), chanoine régulier de Saint-Augustin, con-
grégation de Sainte-Marie de la Chancelade, et prieur-curé
de Sainte-Marie en l'île de Ré. Dès le début de la guerre,
M. Doussin avait rejoint l'armée vendéenne, l'avait suivie
au delà de la Loire, et s'était distingué par son sang-froid et
son courage en plus d'une occasion. Dans ses Mémoires,
Mma de la Rochejaquelein parle de lui comme d'un « des
ecclésiastiques les plus zélés de l'armée, qui sauva une fois
la vie à un grand nombre de prisonniers, et qui arrêta le
massacre par de vives et éloquentes protestations qu'il
adressa aux Vendéens. Quelques années après, ayant été
traduit devant un tribunal républicain, il fut acquitté en sou-
venir de cette action. »
A Dol, les Vendéens, acculés à la mer par trois armées
républicaines, furent saisis d'une panique qui allait les perdre
tous. L'abbé Doussin monta sur un tertre, en élevant un
grand crucifix. « C'était un homme d'environ quarante ans,
écrit Mme de La Rochejaquelein; il avait une voix de stentor;
il fit un discours énergique aux soldats, parlant à la fois en
prêtre et en militaire, leur représenta qu'eux, leurs femmes,
TOME XII. — JUILLET, AOUT, SEPTEMBRE. 23
324 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
leurs enfants périrafent infailliblement, si l'on ne courait au
combat, au lieu qu'on pouvait espérer de les sauver en le réta-
blissant ; il leur cria : « Mes enfants, je marcherai à votre tête
avec la croix; que ceux qui veulent se battre se mettent à
genoux, je vais donner l'absolution aux braves ; s'ils tombent,
ils iront en paradis ; mais pour les poltrons qui abandonnent
leur Dieu, leur famille, point d'absolution ; ils mourront éga-
lement, ils iront en enfer. » Plus de 2000 hommes se mirent
"i genoux avec enthousiasme ; l'absolution fut donnée à haute
voix, les soldats se relevèrent en s'écriant : « Allons en
paradis! Vive le roi! » Ils partirent pleins d'ardeur, le prêtre
à leur tête, qui ne cessait de les exhorter.
Quelques heures après, ils revenaient victorieux, l'abbé
Doussin les précédant toujours, la croix à la main, et chantant
le Vexilla Régis.
Au retour de la fatale campagne d'outre-Loire, dont il fut
un des rares survivants, l'abbé Doussin accepta de desservir
la paroisse du Bourg-sous-La-Roche. Dès 1792, il avait reçu
directement de Mgr de Mercy des pouvoirs de vicaire général.
Arrêté en octobre 1794, il fut incarcéré à Fontenay, et le
25 novembre, se trouva au nombre des prêtres restés au
couvent des Pilles Notre-Dame, que le Conseil général du
département fit transférer dans les bâtiments de l'ancien
collège des Jésuites
Le registre de catholicité du Bourg-sous-La-Roche témoigne
qu'il était de retour dans cette paroisse quelques jours après.
Jl ne put toutefois se faire agréer comme vicaire général par le
clergé vendéen, dont l'abbé Remaud traduit fidèlement le sen-
timent lorsqu'il dit : « M. Doussin était un homme de beau-
coup de talent, mais passablement intrigant ».
Au Synode du Poiré-sur-Vie, l'année suivante, l'assemblée
protesta contre la prolongation des pouvoirs nominaux du
grand vicaire, et invoqua l'ordonnance toute récente de M,r de
Mercy portant que tous les pouvoirs extraordinaires, accordés
depuis les troubles, cessaient par le fait seul de l'arrivée de
PENDANT LA REVOLUTION 325
l'un de ses anciens vicaires généraux sur le sol du dio-
cèse.
Les deux anciens vicaires généraux, MM. Brumault de
Beauregard et Gharette de la Colinière, qui présidaient,
ayant demandé que M. Doussin eût voix consultative, on
n'osa pas refuser par considération pour eux, mais on déclara
qu'on n'acceptait plus son titre ni son autorité de vicaire
général. M. Doussin se résigna, « non sans mécontentement »,
dit l'abbé Remaud.
Cet incident valut au prieur de Sainte-Marie de l'île de Ré
le surnom de Jacques Synodus, et ce nom alla jusqu'à Ra-
vennes d'où M«r de Mercy écrivait le 25 juin 1795 à M. Pail-
lou : « J'ai reçu une lettre de Montaigu, datée du 10 avril, elle
est signée la citoienne Perodeau. Je ne connais pas cette ci-
toienne ; c'est une écriture de femme, et je soupçonne que
c'est celle de Mme Du Chaffaut ou de la prieure des Cerisiers.
Elle écrit pour demander s'il est vrai que le citoïen Synodus
a véritablement la plénitude de mes pouvoirs, comme il
s'en vante sans pouvoir le prouver; ce Jacques Synodus je ne
sais si vous vous le rappelez, était venu de La Rochelle chez
Mme de Marmande dans le temps que tous les prêtres étaient
détenus au chef-lieu du département; il m'écrivit pour me
demander mes pouvoirs, et M""3 de Marmande m'en disait
beaucoup de bien ; je les lui accordai donc. Il paraît qu'on
en est jaloux ; j'ai répondu que ce qu'il disait était vrai, mais
que mon intention n'était pas qu'il dominât personne et que
les pouvoirs qu'il avait ne révoquaient point ceux qui gé-
néralement avaient été donnés aux curés qui auraient la
liberté d'exercer ; qu'au reste il devait y avoir actuellement
sur les lieux un de mes anciens régisseurs généraux, je veux
parler de Brumault, qui est chargé de mes instructions et qui
réglera tout ; que mon intention est que tout le monde la
reconnaisse. Cette lettre ajoute que « quand le maître
aura décidé sur la question du citoïen Synodus tout restera
tranquille dans sa terre et chaque fermier la fera valoir équi-
3:26 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
tablement comme ils n'ont cessé de le faire jusqu'à ce jour. »
Lettre du 28 novembre suivant :« Vous avez vu dans la
lettre de Brumault que Jacques Synodus, c'est-à-dire M.
Doussin, a voulu m'avertir sur tout cela (la contestation de
ses pouvoirs par le synode), quoique l'article de mon
ordonnance soit clair ».
Lettre du 1G janvier 1706 : « Le Jacques Synodus dont il a
été question entre nous est bien celui qui était chez Mme de
Marmande, et l'abbé Brumault l'a retrouvé dans le pays.
Vous avez vu qu'il m'en parle comme d'un homme zélé mais
ardent et qui a trop présumé des pouvoirs que je lui avais
donnés, et qu'on a été très jaloux; mais j'ai mandé qu'il
n'existait plus de pouvoirs dans mon diocèse que ceux que
MM. Brumault et de la Golinière approuveraient ou dé-
livreraient ».
M. Doussin desservait encore le Bourg- sou s J^a- Roche en
août 1795 ; en décembre il fait une sépulture à la Limousinière,
puis paraît s'être fixé à Thorigny. Après le coup d'État de fruc-
tidor, il fut dénoncé comme rédigeant les actes de baptêmes,
mariages et sépultures de cette paroisse. Dans la chapelle du
logis de la Boule, détruit depuis, et où il demeurait, comme
dans l'église de Thorigny, il administrait les sacrements à tous
les fidèles des environs. C'est à Thorigny qu'il fut arrêté en
juillet 1797.
« Bournezeau, 27 messidor an V.
o Le Commissaire du Directoire exécutif près l'adminis-
tration municipale du canton de Bournezeau, au Commissaire
du Directoire exécutif près l'administration départementale
de la Vendée.
« Citoyen,
Vous êtes peut-être déjà instruit que les autorités civiles
du cardon de la Chaise viennent de faire arrêter et conduire
a Montaigu le prêlre Doussin qui exerçait à Thorigny.
J'ignore les griefs qui ont motivé cette arrestation ; je sais
PENDANT LA RÉVOLUTION 327
pourtant qu'il est accusé d'avoir crié : Vive le Roy ! à la vue
de deux enfants mâles qu'on lui présentait à baptiser. La dé-
déclaration en a été faite devant le juge de paix de ce canton
par une sage-femme de Bournezeau qui a indiqué plusieurs
autres témoins; leurs noms ainsi que celui de la sage-femme
sont transmis au directeur du jury de Montaigu ; il y a, m'a-
t-on dit, plusieurs autres chefs d'accusation.
« L'enlèvement inattendu d'un homme auquel on ajoute
tant d'importance ne saurait manquer de faire quelque sen-
sation dans le pays. Déjà il se manifeste des inquiétudes sur
le sort des autres prêtres, et la malveillance ne manquera pas
d'en profiter ; je suis pourtant tranquille sur les suites, et
quelle que puisse être la fermentation, je ne crois pas qu"elle
devienne alarmante pour la sûreté générale. Si cependant
cela arrivait nous sommes encore sans moyen de répression,
car la force armée a été de nouveau retirée de ce canton il y a
environ un mois et n'a point été remplacée ; mais il y en a,
je crois, à la Chaise et dans les autres cantons voisins. On
assure que quatre individus de la commune de Thorigny sont
allés à Montaigu réclamer la liberté de ce prêtre; je surveille
en ce moment tout ce qui se dit et tout ce qui se fait autour de
moi de relatif à cet événement, et je ne négligerai pas de vous
instruire de ce qui me paraîtra mériter quelque attention.
« Salut et fraternité.
J.-B. Loyau ».
De la Chaise l'administration écrivait aussi :
« 30 messidor an V.
« Je suis informé que l'arrestation du curé de la Boule cause
quelques murmures parmi les habitants de Thorigny, et on
dit qu'ils veulent absolument connaître le dénonciateur, sans
cependant en déclarer la raison. Malgré tout j'entrevois des
dangers à cette déclaration. Comme ces hommes s'assemblent
le dimanche à Thorigny, je serais d'avis que l'on y enverrait
une patrouille pour empêcher par sa présence les excès. »
328 LK CLERGÉ DE LA VENDÉE
Mgr de Mercy mandait de son côté, le 23 janvier 1798, à
M. Paillou : « Suivant la lettre du 16 novembre 1797 que j'ai
reçue de la prieure des Cerisiers, Jacques Synodus a été
arrêté, et il paraît qu'il le méritait. Elle ne paraît pas le regretter
beaucoup. »
Un mémoire pour fourniture de paille aux prisonniers, pré-
senté au département par le concierge de la maison d'arrêt
de Montaigu, le citoyen Poirié, du 1£T brumaire an VI, porte
au nombre des trois détenus qu'il a à garder : « Jacques-
Louis Doussin, prêtre, entré le 23 messidor, parti pour Fon-
tenay le 7 thermidor, ce qui fait 14 jours. »
Emprisonné à Fontenay, M. Doussin ressentit bientôt le
contre-coup de la révolution de fructidor qui réveilla subite-
ment la haine un peu assoupie contre les prêtres. Le 4 oc-
tobre 1797, il écrivit à la municipalité « pour se plaindre des
mauvais traitements dont il est l'objet de la part du geôlier
et du prix exorbitant qu'il exige pour les objets de première
nécessité. » (Req. de la municipalité de Fontenay.) Avant
qu'on se fût occupé de sa requête la loi de déportation le
frappait :
« Considérant que le nommé Jacques-Louis Doussin est un
réfractaire très dangereux et qu'il s'est constamment montré
l'ennemi du gouvernement, ce qui est prouvé par les mandats
d'arrêt que sa conduite lui a attirés.
<• Le Directoire, en vertu de l'art. 24 de la loi du 17 fruc-
tidor dernier,
•■ Arrête :
« Art. 1er. — Le nommé J.-L. Doussin sera déporté.
" Art. 2*. — Le ministre de la police est chargé, etc..
« Paris, le 8 frimaire an Vi. »
Conformément à cet arrêté, M. Doussin fut conduit à
Rochefort.
« Nous, administrateurs de la commune de Rochefort avons
PRNDANT LA RÉVOLUTION 3^9
reçu du citoyen Besson-Ganat, cavalier national de La Ro-
chelle, le citoyen J.-L. Doussin, prêtre, ex-curé, transféré en
cette commune par ordre de l'administration centrale de la
Vendée, comme étant dans le cas de la déportation.
« Rochefort, le 29 frimaire an VI. »
(Arch. dép. Vendée).
La perspective de la déportation à la Guyane n'avait rien
de séduisant ; aussi le brave prieur de l'île de Ré s'empressa-
t-iî de s'évader, par une nuit noire, en compagnie d'un gentil-
homme émigré, M. Rossy de Rorteau, âgé de 35 ans, de
Dompierre, près Belleville.
« Rochefort, 2G pluviAse an VI.
« Le commissaire du Directoire exécutif près l'administra-
tion municipale de Rochefort au citoyen commissaire du Di-
rectoire exécutif près l'administration centrale du départe
ment de la Vendée.
« Citoyen collègue,
« Je viens d'être informé que les nommés Rossy-Rorteau
et Doussin, le premier prévenu d'émigration, le deuxième
prêtre insoumis, condamnés à la déportation, évadés de la
maison de détention dans la nuit du 19 au 20 du mois dernier
(8au 9 janvier;, sont actuellement à l'hôpital de la commune
où vous résidez et qu'ils y sont cachés. Veuillez, je vous prie,
vous assurer de la vérité des faits qui m'ont été transmis et
me faire part du résultat de vos recherches.
« Salut et dévouement.
« Boichot. »
« Je joins ici le signalement :
« Doussin (Jacques-Louis), prêtre,, âgé de 44 ans, natif de la
commune de Saint-Georges des Coteaux (Charente-Infé-
rieure), taille de 5 pieds 2 pouces, cheveux, sourcils et barbe
330 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
noirs, nez long et gros, bouche moyenne, menton fourchu,
front ordinaire, visage élongé (sic). »
Le citoyen collègue fit de vaines recherches à l'hôpital de
Fontenay, et apostilla la lettre de la note suivante : « Il
résulte des vérifications faites que le citoyen commissaire de
Rochefort a été induit en erreur. »
M. Doussin s'était en effet réfugié àThorigny; il y signe un
acte de baptême le 26 mai 1798 et un autre le 5 octobre suivant.
II n'y fut plus inquiété, et, au moment du Concordat, il intrigua
avec son ardeur accoutumée contre la promesse de fidélité
réclamée par le gouvernement consulaire. Devenu l'un des
champions de la Petite Eglise, il mit tout en œuvre aux envi-
rons de Fontenay pour y propager le schisme et lui gagner
des adhérents. Un moment il espéra entraîner avec lui le
P. Baudouin, qui s'était montré au début l'adversaire irréduc-
tible de la promesse. Il alla le voir, mais il échoua dans sa
tentative, et « se retira, dit l'historien du P. Baudouin, le dé-
pit dans le cœur, et résolut de persister dans son erreur. »
Il fixa alors sa résidence à Fontenay, centre de la résistance
schismatique, puis il se retira plus tard au village de Chagno-
let, près de La Rochelle, où il mourut non réconcilié, le 16
mai 1843, âgé de 89 ans. Sa mémoire resta en vénération
parmi les adeptes de la Petite Eglise.
CHAILLÉ-LES-ORMEAUX
DAVID (Jean-Mathurin), curé.
Précédemment vicaire de Saint-Hilaire de Talmond, le curé
de Ghaillé-les-Ormeaux se montra peu favorable aux débuts
de la Révolution, et signa en 1790 le Mémoire que M. Cohade,
curé de la Chaise-Giraud, adressa à l'Assemblée constituante
contre l'aliénation des biens du clergé.
La destruction des archives du district de la Roche-sur- Yon
eu 1793a fait disparaître la preuve littérale du serment schis-
matique prêté en 1791 par M. David, mais il ne peut yavoirdoute
PENDANT LA RÉVOLUTION 331
sur son attitude dans cette circonstance. Le 15 novembre
1791, M. David célébra un mariage dans la cathédrale de Luçon
en vertu d'une délégation d'un des vicaires épiscopaux de
l'évêque Rodrigue ; le 28 octobre 1792, il prêta avec plusieurs
autres, devant les officiers municipaux du canton de Tablier, le
serment prescrit par la loi du 15 août précédent, serment assez
inoffensif d'ailleurs, puisqu'il n'obligeait « qu'à être fidèle à la
Nation, à maintenir de tout son pouvoir la liberté et l'égalité,
ou à mourir à son poste en les défendant, » serment toutefois
qui en supposait antérieurement de plus graves.
Dans sa séance du 18 juillet 1791, le Directoire du départe-
ment lui avait attribué un traitement de 25761 12s. 4d, le re-
venu foncier de sa cure ayant été estimé 23901. en réalité
19521. 12s. 3d, charges déduites ; il ne toucha pas longtemps ce
traitement ; lors de la fermeture des églises, il se retira à Her-
mine avec une pension de 800 1. en vertu de la loi du 2 frimaire
an II qui réglait les pensions des prêtres conformistes et
abdicataires. Il vivait encore à Sainte-Hermine en 1798. Le 24
messidor an VI, le secrétaire de la municipalité d'Hermine
transmettait à l'administration centrale les pièces remises par
plusieurs citoyens, dont Jean-Mathurin David, ex-curé de
Chaillé-les-Ormeaux,à savoir son extrait de naissance, l'extrait
du procès-verbal de sa prestation du serment de liberté et
d'égalité, sa déclaration qu'il n'a pas retracté ce serment, et
un certificat dévie.
LA CHAISE-LE-VICOMTE
GARN1ER (N.), curé de Saint-Jean ;
MOREAU (JacqubsJ) curé de Saint-Nicolas.
Nommé à la Chaise en 1778 comme procureur fiscal,
M. Péchard écrivait à M. Paillou après la Révolution : « En
arrivant à la Chaise, j'y trouvai M. Dougé, curé de Saint-
Jean et M. Moreau, curé de Saint-Nicolas, qui vivaient en
332 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
bonne intelligence avec les habitants. Après M. Dougé est
venu M. Garnier à Saint-Jean, qui jouissait du môme avan-
tage ». Douze ans plus tard, l'accord n'existait plus ; la séance
du directoire du département du 7 septembre 1790 en fait foi:
« Rapport fait des difficultés qui se sont élevées entre les
paroisses de Saint-Jean et de Saint-Nicolas de la Chaise-le-
Vicomte relativement à la réunion des municipalités au
chef-lieu de canton, au sujet de la confection du tableau des
indigents, attendu la concurrence des deux paroisses pour
ôtre chef-lieu de canton, parce que le chef-lieu est indiqué
d'une manière générique sous le nom de Chaise-le-Vicomte,
le directoire, considérant que des circonstances particu-
lières ne devraient pas s'opposer à ce qui est prescrit pour
le bien public, a délibéré, sans cependant rien entendre
préjuger sur les droits et les prétentions de l'une et de l'autre
des paroisses, que la paroisse de Saint-Nicolas de la Chaise-
le-Vicomte se réunira avec les autres paroisses formant le
canton en la paroisse de Saint-Jean de la Chaise-le-Vicomte,
où s'est tenue l'assemblée primaire à l'effet de remplir le
tableau dont il s'agit;
« Invite au surplus les deux municipalités à écarter toute
mésintelligence et à se rappeler les principes de paix, d'union
et d'honnêteté qui doivent sans cesse faire la base de leurs
procédés respectifs. » (Arch. dép. de la Vendée).
A M. Dougé, nommé curé de Girouard où nous Je retrouve-
rons, avait donc succédé, dans la cure de Saint-Jean, M. Gar-
nier, précédemmentcuré de Saint-Vincent-Sterlanges en 1776,
puis des Habittes en 1780. Caractère sans fermeté, M. Gar-
nier prêta sans hésiter le serment constitutionnel, et resta
comme curé dans sa paroisse. On ne l'y retrouve plus après
le 10 décembre 1792. Il se retira à la Rochelle dans une mai-
son en face de la Poissonnerie. [Arch. de la Fabrique de la
Chaise).
M. Jacques Moreau, curé de Saint-Nicolas, avait succédé à
M. Gilaizeau enterré le 19 août 1775 ; la première signature du
PENDANT LA RÉVOLUTION 333
nouveau curé sur les registres paroissiaux est du 15 décembre
1775.
En 1789, le curé de Saint-Nicolas fut au nombredes députés
du clergé du Poitou envoyés à Poitiers pour l'élection des
députés aux Etats-généraux ; il logeait, avec plusieurs de ses
confrères, chez M. Crémière, rue Saint-Didier.
Il refusa le serment, et resta dans le pays, ; le dernier acte
signé par lui est du 19 octobre 1795; il mourut quelques
semaines après, à la Limousinière L'acte de sépulture, rédigé
par M. de Beauregard, et inscrit sur le registre de la Limou-
sinière, renferme des mentions intéressantes :
« / 8 janvier 1796. — Je soussigné certifie que les marches
des armées n'ayant pas permis d'inscrire sur les registres de
la paroisse de Saint-Nicolas de la Chaise-le- Vicomte l'acte de
sépulture de feu Messire Jacques Moreau, curé de la susdite
paroisse, il est constaté, d'après les informations que j'ai faites
et particulièrement par les témoignages deMe J. B. Péchard,
président du conseil d'administration civde de la Chaise et
notaire, et de Me Pierre Raimbert, inspecteur civil et notaire de
la Limousinière, soussignés avec moi, que le corps de Messire
Jacques Moreau, curé de la susdite paroisse de Saint-Nicolas
de la Chaise-le-Vicomte, né en Bretagne, au diocèse de
ancien avocat au parlement de Rennes, veuf, avant sa pro-
motion aux saints Ordres, de feue Louise Clemenceau, est
décédé le 18 du mois de décembre 1795, et a été enseveli le 19
du même mois au cimetière de la paroisse de la Limousinière
par M. Doussin prieur-curé de la paroisse de Sainte-Marie de
l'île de Ré et desservant de celle du Bourg-sous-la-Roche, qui
n'a pu dresser l'acte de sépulture, en l'absence des registres.
« A la Grange-Hardy le 18 janvier 1796.
« BRUMAULT DE BEAUREGARD, vie. gén. du diocèse ».
Quelques pages des Mémoires de M. BrumauU de Beaure-
gard, qui desservit également cette paroisse en décembre
1795 et janvier 1796, donnent un tableau saisissant de la situa-
tion religieuse même après la Terreur.
334 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
» Quand j'arrivai à la maison de bois de M. Péchard dans
la forêt de la Chaise, on y pleurait ma mort; on y avait su
mon arrestation, et le bruit s'était répandu que j'avais été
fusillé ; ma présence ne changea rien aux dispositions déjà
faites; nous élions logés ainsi : dans la maison de planches,
Mme delà Corbinière occupait un des coins, j'étais vis-à-vis,
M. Péchard avait le troisième coin, et le quatrième 'était
rempli de froment. La cabane en chaumes était aussi divisée
en quatre cases occupées par Mlle de la Corbinière, l'abbé de
Grigny, le vieux serviteur François et la cuisine. C'était au
mois de décembre ; nous n'avions point de lumière, ni huile,
ni bougie, sinon pour dire la messe. Pendant le jour chacun
allait dans la forêt amasser des fagots de bois mort pour nous
éclairer; c'était à l'aide de semblables flambeaux que nous
pouvions réciter notre bréviaire.
« Les ruches avaient été détruites par les Bleus, et les
pauvres femmes nous apportaient de petits morceaux de cire
pour l'autel Deux œufs étaient pour nous un rare présent, et
nous vivions bien durement. Dans cet état, de Grigny et moi
nous confessions, assis dans la forêt sur des tronçons de
bois ; nous avions fait pour nos pénitentes des sentiers et des
cabinets de fougère. Non loin de cette habitation se trouvait
M"e de la Brossardière, qui avait aussi sa petite maison :
d'autres cabinets encore étaient assez près de nous. Les
paroisses se soumettaient peu à peu, les républicains res-
serraient progressivement leur cercle.
« L'hiver se passa ainsi jusqu'à Noël. La veille de cette fête
nous confessâmes les habitants des cabanes et nous con-
vînmes, l'abbé de Grigny et moi, de dire chacun une messe
de minuit. Vers les onze heures et demie je me disposai à le
faire, je revêtis un habit qu'il serait difficile de décrire et
que nous nommions une soutane ; j'avais des souliers de
femme en manière de pantoufles ; mais nous avions un calice,
un autel portatif et un ornement...
" Le dernier jour de décembre les Bleus firent irruption
PENDANT [.A RÉVOLUTION 335
au milieu des cabanes. . Notre retraite n'était plus tenablc,
nous nous décidâmes à nous retirer au château de la Grange-
Hardy, chez Mlle du la Brossardière ; elle reçut autant de
monde qu'il lui fut possible, et chacun se casa comme il put.
La grande salle nous servail à la l'ois d'église et de lieu de
réunion. Dès le lendemain nous fûmes visités par les pillards
de l'armée des Bleus qui enlevèrent des moutons, du linge,
et ravagèrent le jardin .. Nous étions en janvier 1796. . . On
n'était point sans crainte à la Grange-Hardy ; les Bleus par-
couraient tous les environs et venaient jusqu'au château.
« Je me mis cependant à faire des instructions; les bons
habitants venaient au catéchisme ; je fis établir un autel dans
la grande salle, j'y disais la messe et, le dimanche je taisais
le prône.
« Je continuai à célébrer mes messes, mais les officiers ré-
publicains n'y venaient plus. Les habitants révolutionnaires
de la Chaise, qui avaient quitté ce bourg quand la Vendée
avait pris les armes, y revinrent alors qu'ils virent que les
officiers de Gharette tournaient à mal. Ils retrouvèrent leurs
maisons qui dans cette partie-là n'avaient pas été incendiées.
Voulant attirer les habitants pour les intérêts de leur com-
merce, ils représentèrent au général commandant de la
Chaise qui était protestant, qu'il leur serait avantageux d'a-
voir le culte, et ils l'engagèrent à me faire venir dans ce bourg.
« Un vendredi, comme je dînais, un ordonnance vint me
signifier l'ordre de me rendre au quartier général. M. Péchard
voulut bien m'accompagner. Ce dernier demanda au soldat
bleu pourquoi on me demandait. — « Oh! dit-il, c'est que
nous avons le culte dimanche. »
« Avant de me rendre chez le général, qui se nommait
Dupuy, je fus visiter l'église. On en avait fait une boucherie
pour l'armée, et quand j'y entrai, quelques hommes étaient
occupés à niveler le sol qui avait été bouleversé, et dont les
pavés avaient été enlevés; mais les murs étaient teints de
sang et l'édifice exhalait une odeur révoltante. Je ne répondis
336 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
rien à quelques hommes qui se faisaient une victoire de me
voir contraint à venir parmi eux ; j'entrai chez le général.
« Je me trouvai en présence de quelques officiers, assis sur
des bancs ; un petit homme, vêtu de brun, se tenait dans un
coin du loyer; il n'y avait dans cet appartement qu'une chaise,
legénéral me l'offrit etme forçaàl'accepter.— Jemerendsà vos
ordres, lui dis-je ; que demandez-vous de moi ? — Le culte
réunit les hommes, dit Dupuy ; vous êtes d'un caractère pai-
sible, les habitants m'ont invité à faire célébrer votre culte
dimanche prochain, je vous le demande. — Mais il me faut
un logement, du pain ; qui me le donnera ? — Vous viendrez
seulement pour le culte. — Général, ladistanceest bien longue,
les chemins difficiles.
« Il ne répondit rien.— Les objectionsque je viens de vous faire
sont faciles à faire disparaître, continuai-je; mais j'y vois une
autre difficulté invincible. —Laquelle?— C'est l'état de l'église.
Toutes les religions ne se réunissent pour honorer Dieu et le
prier que dans des lieux toujours décents. La foi catholique
nous enseigne que le sacrifice de l'Eucharistie est l'offrande du
corps de Jésus-Christ ; jamais je ne pourrai célébrer la sainte
messe dans une boucherie toute sanglante. Général, vous êtes
de laConlession d'Augsbourg; je m'adresse à votre conscience;
voudriez-vous célébrer les cérémonies de votre culte dans une
boucherie dont les murs sont couverts de sang, et dont l'o-
deur est révoltante ? — Non, monsieur, me répondit-il sur-le-
champ ; je n'exige plus rien de vous, et vous pouvez con-
tinuer à célébrer votre culte dans la maison où vous êtes. —
Mais ne vous opposez-vous pas à ce que je visite les malades
et à ce que je remplisse mes fonctions dans les sépultures ? —
.Non, je vous promets sécurité et liberté; vous êtes sage et pru-
dent dans vos exhortations, vous pouvez rester sans crainte
sous mon commandement.
<( Je sortis et je pus aussitôt visiter un malade ; je le con-
fessai, je revins lui administrer les sacrements ; il mourut,
et deux jours après je lui donnai publiquement la sépulture
PENDANT LA RÉVOLUTION 337
en présence de quelques soldats bleus. Je parcourus depuis
ces contrées, et je ne fus plus inquiété.
« M. Péchard était resté après moi dans la chambre où le
général Dupuy m'avait reçu ; il put médire ce qui s'était passé
à ma sortie. A peine la porte était-elle fermée derrière moi,
que le personnage en habit brun, que j'avais aperçu près du
foyer, dit au commandant des Bleus : « Vous traitez avec bien
de l'indulgence ce prêtre fanatique qui vient de sortir ; il ne
vous a dit qu'un mot, et aussitôt vous vous êtes rendu. — Tout
ce que ce prêtre m'a dit était juste et raisonnable, répondit
Dupuy. Je ne vois pas pourquoi vous vous permettez de le
traiter de fanatique ; rien ne décèle en lui cette fâcheuse in-
culpation ; son extérieur est grave et poli. Mais puisque vous
aviez cette pensée, pourquoi ne l'avez-vous pas manifestée en
sa présence ? j'ai remarqué que vous avez affecté de tenir les
yeux baissés ; il m'a semblé qu'il vous imposait. » Cet homme
était un mauvais curé du diocèse ; il avait renié son caractère
et il était devenu commis aux boucheries.
« Le général Dupuy m'avait donc envoyé l'autorisation
écrite d'exercer mes fonctions partout où besoin serait ;
mais je fus averti qu'une femme qui demeurait aux Sables
et qui ne m'avait point pardonné les démarches que j'avais
faites pour la faire enfermer, m'avait dénoncé au général
Grouchy alors tout puissant dans la Vendée ; je demandai
un passe-port pour Beaufou et je m'y rendis. Nous étions
au mois de mars. »
Le dernier acte de M. de Beauregard sur les registres de
la Chaise est du 4 avril 1796, le premier du 18 janvier pré-
cédent. Dans les actes de mariage, il est dit que « les bans
des conjoints ont été publiés aux messes paroissiales célé-
brées à la Grange-Hardy. »
338 LE CLERGÉ DIS LA VENDÉE
CHATEAU-FROMAGE
BARBEDETTE (Jean), curé.
M. Barbedette était parent probablement de son célèbre
homonyme, le curé du Grand-Luce; mais il n'y eut pas entre
eux d'autre point de contact, car le curé de Château-Fromage
n'hésita pas à prêter le serment schismatique. Il n'en profita
pas longtemps. Le registre des séances du directoire du
département porte en effet à la date du 27 septembre 1791 :
« Rapport fait de la pétition du sieur Barbedette, curé du
Château-Fromage, contenant qu'il est hors d'état de remplir
ses fonctions attendu ses infirmités et portant démission de
sa dite cure.
« Vu ladite pétition en date du 17 août dernier, les certificats
des sieurs Merland, médecin, et Pertuzé, chirurgien, en date du
18 et 28 août qui constatent que réellement le sieur Barbedette
est hors d'état de faire ses fonctions par suite d'une fausse
attaque d'apoplexie, et qu'il est perclus de goutte; le vu de
la municipalité du 4 septembre dernier, l'avis du distrit de
la Roche- sur-Yon du 19 septembre.
« Le Directoire ouï le procureur général syndic, reçoit la
démission dudif sieur Barbedette de sa cure de Château-
Fromage pour cause d'infirmités;
« Arrête qu'il recevra une pension de 700 fr. par année à
compter du 1" octobre prochain ; renvoyé à l'évêque du
département pour nommer un desservant à ladite cure
jusqu'à ce que par les électeurs du distrit de la Roche-sur-
Yon il ait été pourvu d'un autre curé à ladite paroisse de
Château-Fromage, si toutefois ladite cure n'est pas dans le
cas de la suppression ».
M. Barbedette fut le dernier curé de Château-Fromage. Il
n'y fut pas remplacé. Il vécut encore quelques années; dans
un acte de mariage de cette paroisse en 1794, M. Doussin de
Voyer ajoute : « dont le pasteur a prêté le serment civique ».
PENDANT LA KÉVOLUTION 339
L'église incendiée pendant la guerre civile ne fut jamais re-
levée, et un arrêté du préfet de la Vendée, du 46 prairial
an XIII, ordonna l'aliénation « de la ci-devant maison curiale
de Château-Fromage avec son jardin et la petite église in-
cendiée y attenante.» La vente eut lieu le 18 fructidor suivant.
En septembre 1827, une ordonnance royale réunit administra-
tivement Château-Fromage à la commune du Bourg-sous-la-
Roche.
LES CLOUZEAUX
REMAUD (Jban-Baptiste), curé.
BONNIN (Jean-Fhançois), vicaire.
M. J.-B. Remaud, originaire de Chavagnes, succéda on
1785 à M. Voyneau comme curé des Clouzeaux. En 1791, il
consigna sur le registre paroissial ce qui suit au sujet du
serment constitutionnel :
« Aujourd'hui, 20 février 1791, en chaire, à notre messe
paroissiale, après avoir fait mon prône ordinaire, j'ai fait le
serment civique exigé du clergé de France par les laïques de
l'Assemblée nationale, mais dans une forme qui leur déplaît,
quoique juste et légitime :
« Je jure de veiller avec soin sur les fidèles dont la conduite
m'est ou me sera confiée par l'Eglise, d'être fidèle à la Nation,
à la loi et au Roi, de maintenir de tout mon pouvoir la Cons-
titution décrétée par V Assemblée nationale et acceptée par le
Roi, dans tout ce qui est de la compétence de l'Assemblée, sous
la réserve expresse des droits de la sainte Eglise catholique,
apostolique et romaine dans son régime spirituel. »>
« Remaud, curé des Clouzeaux. »
Cette formule ne satisfit pas en effet l'autorité civile, et
M. Remaud, considéré comme démissionnaire, régla ses
comptes avec la fabrique le 16 août 1791, en lui remettant
181. recueillies à l'église pour lesoblations depuis le 20 juillet.
et dont un reçu fut signé « au sieur Remaud, ci-devant c uré.
TOME XII. — JUILLET, AOUT, SEPTEMBRE 24
340 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
Il s'éloigna le moins qu'il put des Clouzeaux, disant la
messe chez les dames de la Blanchère en Sainte-Flaive. Ces
dames ayant été massacrées chez elles, il se cacha tour à tour
à Ambretières, à Hautot, à l'Auriolière, puis à Chaigne-Vert
et à la Paillardière près de Neuil-le-Dolent. Enfin, cédant aux
conseils de sa servante originaire comme lui de Çhavagnes-
en Paillers, il se réfugia dans sa paroisse natale.
Ceux de ses confrères qui traversaient Chavagnes pour se
rendre à un port d'embarquement, le pressaient de les suivre;
il refusa de quitter les deux abbés Remaud, ses neveux, curé
et vicaire à Chavagnes, ainsi que MM. Dolbec,curé de Sainte-
Cécile et Brillaud curé de Saint-Fulgent, qui s'étaient retirés
auprès d'eux. Lorsque les ressources communes furent épui-
sées ils eurent recours à la charité des âmes pieuses.
Un jour lu garde nationale des Herbiers survint à l'impro-
viste pour arrêter ces prêtres. Grâce à des déguisements, ils
réussirent à traverser les postes qui cernaient la maison, et
ils se cachèrent dans les bois où des amis subvinrent à leur
nourriture. Mais des chasseurs découvrirent leur gîte, et les
forcèrent à se disperser. Le curé des Clouzeaux et celui de
Chavagnes revinrent dans le bourg et y passèrent la fin de la
terrible année 1703. Au commencement de 1704, par crainte
des colonnes infernales, le curé des Clouzeaux gagna la pa-
roisse des Essarts.
Il venait de dire la messe dans un grenier du logis de la
Vrignonnière, quand on vint le prévenir de l'arrivée d'un
détachement de cavalerie républicaine. Il voulut s'assurer du
fuit, tomba au milieu du détachement, et fut égorgé surplace.
Les Bleus lui arrachèrent la langue et mirent son corps en
lambeaux.
Un demi-siècle après, en 1842, une cérémonie expiatoire eut
lieu aux Essarts. Le lieu précis où la victime avait été enterrée
était bien connu ; on exhuma les ossements de M. Remaud,
et on les déposaen terre sainte dans le cimetière de la paroisse.
M. .Jean François Bonnin, vicaire des Clouzeaux en 1787,
PENDANT LA RÉVOLUTION • 341
était né à Venansault le 9 juillet 1764. Il refusa comme son
curé de se soumettre au serment, et, le 10 septembre 1792,
s'embarqua aux Sables d'Olonne pour l'Espagne sur le
navire VRçureux Hasard, capitaine Vassivier ; il était inscrit
le quatrième sur 39 au rôle des passagers. Son séjour en
Espagne n'a pas laissé de traces dans les documents qui
nous restent de l'exil. Au retour, il fut nommé curé des Glou-
zeaux, et il administra cette paroisse jusqu'en d835, date
de sa mort.
SAINT-FLORENT DES BOIS
BIGOT (Louis), curé.
GOLL1BEAUX (Victor), vicaire, 1789-1790.
THIRÉ (André-Guillaumk-Françoisi, vicaire, 1790-1792.
Prieuré dépendant de la célèbre abbaye de saint Florent de
Saumur, saint Florent des Bois était desservi par un moine
bénédictin de ce monastère, Louis Bigot, né le 27 mai 1761 ;
il avait succédé en 1789 dans ce poste à M. Nivault. M. Bigot
rie prêta pas le serment, et, devançant le décret de dépor-
tation du 26 août 1792, se présenta devant la municipalité
des Sables d'Olonne dès le 23 juillet avec quelques-uns de
ses confrères des environs de Mareuit, pour déclarer qu'ils
voulaient s'embarquer pour l'Espagne sur le sloop la Pro-
vidoice, capitaine Tribert.
Le navire prit la mer deux jours après, mais les vents con-
traires l'obligèrent à rester au port. L'un des prêtres débarqués
se déroba ; la présence des autres provoqua quelques dé-
sordres en ville, et le conseil de la commune se disposait à les
envoyer à Fontenay sous bonne escorte, lorsque, à leurs
instantes prières le capitaine Tribert remit à la voile. (Reg
municip. des Sables).
Débarqué à Saint-Sébastien, M. Bigot fut dirigé sur Victoria
avec la plupart de ses compagnons ; il dut se'déplacer comme
eux, et s'attacha à M. Boitel, curé des Sables, embarqué clan-
342 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
destinement lui aussi sur le sloop la Providence, pendant
qu'on le cherchait activement en ville pour l'arrêter. M. Bigot
vit mourir pendant les années d'exil presque tous ses com-
pagnons de voyage.
Revenu d'Espagne au Concordat, il reprit la direction de sa
paroisse. Gomme il. était difficile de donner satisfaction aux
demandes adressées à l'évêché pour pourvoir à tous les postes
vacants du diocèse, M«r Paillou pria le curé de Saint-Florent
de faire venir de son pays, la Sarthe, de bons prêtres qui lui
seraient connus : « Un prêtre venant de la main de M. le curé
de Saint-Florent, ajoutait le prélat, ne peut être qu'un bon
prêtre. » {Arch. de la fabrique de la Chaise.)
La cure de Saint-Florent avait été vendue nationalement le
24 thermidor an IX, et le curé manquait d'un logement con-
venable. Pour ne pas mettre ses paroissiens en dépenses,
M. Bigot, après avoir refusé la cure de la Chaise, continua à
desser virSaint-Florent tout en résidant à Nesmy dont il cumu-
lait également la desservance. C'est à Nesmy qu'il mourut
le 26 décembre 1810, âgé de 49 ans et 8 mois.
Un rapport préfectoral de 1805 dit de lui : « Curé de la même
paroisse avant la Révolution; bon prêtre, estimé dans sa
commune et soumis au gouvernement. »
M. Victor Collibeaux, vicaire de Saint-Florent de 1789 à
1790, normand d'origine, se retira dans sa famille après
avoir refusé le serment. Le 10 mai 1803, il étaitdesservant de
Lessay, chef-lieu de canton du département do la Manche, et
il écrivait à son ami, M. Chessé, maire de Saint-Florent des
Bois, chez qui il avait habité pendant son vicariat, pour le
prier de lui délivrer un certificat constatant qu'il avait été
vicaire à Saint-Florent, et qu'il avait reçu en cette qualité un
traitement de 700 1.
Il eut pour successeur à Saint-Florent, M. Thiré, né lo
26 janvier 1758, et qui avait un frère vicaire àBournezeau.
Comme son curé, M. Thiré se refusa au serment et s'embar-
qua aux Sables-d'Olonne pour l'Espagne, le 11 septembre
PENDANT LA RÉVOLUTION 343
1792, sur le brick la Marie-Gabrielle, capitaine François Lam-
bert, en compagnie de son frère et de MM. Berthon vicaire de
Nesmy, Audureau, curé de Beaulieu sous la Roche, et de 35
autres prêtres.
Arrivé à destination, il se fixa quelque temps à Villaréal
dans le Guipuzcoa, puis, à l'approche de l'armée française,
chercha une résidence plus sûre, et eut la bonne fortune d'être
retenu à Astorga, auprès de M Paillou. — « Je félicite M.Thiré,
écrit Msr de Mercy le 3 février 1795, d'être auprès de vous, et
je rends mille actions de grâces à votre saint évoque qui a eu
la charité de l'accueillir. »
M. Thiré ne quitta plus M. Paillou qui, au retour, lui confia
les deux paroisses de Boulogne et de la Merlatiere, puis le
nomma curé-doyen de Ghantonnay. Il mourut à ce poste en
1834.
Edgar Bourloton.
(A suivre).
TROIS GRANDES JOURNEES
DE LA VENDÉE MILITAIRE
COMBATS DE LA CHATAIGNERAIE ET DE FONTENAY
(13, 16 et 25 mai 1793)
(Suite et Fin').
-s=—sœ)0-=£>-
DÈs le 17 niai, lendemain de la défaite, les Conseils pro-
visoires des paroisses avaient reçu ordre de rassembler
le plus possible d'hommes armés munis de munitions
de bouche*. Et, tout étant prêt, les divisions de Gathelineau, de
d'Elbée et de Stofflet partirent de Gholet pour Fontenay, le 22,
par Mortagne et les Herbiers. Les divisions de Lescure, de la
Rochejaquelein et de Sapinaud, quittèrent Ghâtillon et Pou-
zauges le même jour, ayant avec elles l'évêque d'Agra qui,
sur la demande des chefs poitevins, usa de son influence
épiscopale pour enflammer d'ardeur les paysans. A son entrée
1 Voir le fascicule de janvier 1899.
* A MM. les Officiers de la (sic) Comité à la Seguinière.
>>mme il nous arrive beaucoup de monde et que nous voulons en réunir
davantage, nous vous prions d'an rassembler tout le plus que vous pourré,
avec leurs armes, de nous les envoyé, et faire en même temps boulanger et
nous envoyé du pain tant de votre bourse que des métayers. Nous voulons
avoir la satisfaction de vaincre nos ennemis, cest ce que nous espérons de
vous ei saume sincèrement
M. M Vostre hum. et ob. serviteur,
Denis, B. Nicolis.
Le pain pour demain et les hommes prest sitôt qu'ils seront commandé.
Prendre note du nombre et des fuzils.
A Cholet, le 17 mai 1703, au Conseil provisoire »
(Cette pièce est au Musée municipal de Cholet et écrit de la main de Denis).
TROIS GRANDES JOURNÉES DE LA VENDÉE MILITAIRE 345
à Châtillbn, quinze jours auparavant, on avait sonné les
cloches à toute volée, et la foule s'était portée sur ses pas pour
recevoir sa bénédiction. Les paysans se montrèrent ivres de
joie de le retrouver et de penser qu'un évêque approuvait leur
cause; sa présence parmi eux les portait de plus en plus à
croire que leurs armes, bénies du ciel, seraient désormais in-
vincibles. L'évêque prétendu, pour en imposer encore davan-
tage à l'armée, revêtit ses habits pontificaux, prit pour croix
pastorale un cœur d'or1, et, entouré de quelques prêtres, il
harangua les paysans en ces termes : « Race antique et fidèles
« serviteurs de nos rois, pieux zélateurs du trône et de l'autel,
« enfants de la Vendée, combattez et triomphez; c'est Dieu
w qui vous l'ordonne5. » L'armée poitevine répondit avec
enthousiasme à son allocution, promit de combattre vaillam-
ment et tint parole.
De Bonchamps, qui depuis son départ de la Châtaigneraie
avait refoulé les Républicains sur la rive droite de la Loire, et
qui, ne sentant pas ses derrières assurés, avait presque tou-
jours tenu son quartier général à Cholet, ne put partir de cette
ville que le 23, un jour après les autres divisions, pour
donner à ses soldats le temps de le rejoindre3. En passant à
Mortagne, il accorda la liberté à dix-sept prisonniers faits au
Boigrolleau, sur la sollicitation d'Esnault, de Saumur, qui
s'était attaché au drapeau royaliste, et qui, en quittant ses an-
ciens camarades, voulut leur donner une marque d'amitié.
De Bonchamps se prêta d'autant plus volontiers à cet acte
de clémence, qu'il devait attirer par là, pensait-il, la protection
de Dieu sur son armée. Un officier municipal de Montreuil-
«
Ul voulait par cette décoration flatter la pratique des soldats qui portaient
un Sacré-Cœur attaché à leur côté.
* Mémoires de Mm* d e Bonchamps, p. 31.
3 Le 13 mai 1793, des soldats de Bonchamps, s'emparèrent à Cholet, de la
caisse publique, dont M. Herleau, receveur du district de Cholet, était le pos-
sesseur et qui contenait 88825 livres en assignats depuis 1000 liv. jusqu'à
10 sols et en sols de jloches ; le 22, Sapinaud et Bérard déchargaient
M. Herleau de la somme ci-dessus mentionnée {Assignats et papiers mon-
naie, par Aug. Rouillé).
346 TROIS GRANDKS JOURNÉES
refusa seul de profiter de la grâce qu'on lui accordait et préféra
rester prisonnier1. De Bonchamps alla coucher, le soir même
du 23, à Chàtillon, que l'armée poitevine avait quitté la veille;
il ne put la rejoindre que le 24, à Saint-Pierre-du-Chemin.
Le 25, après avoir traversé la Châtaigneraie sans rencontrer
aucun ennemi, toutes les différentes colonnes se trouvèrent
réunies à l'entrée de la plaine de Pissotte ; leur effectif s'éle-
vait à quarante mille hommes environ2; c'était à peu près la
grande armée au complot. Son enthousiasme était prodigieux,
sa piété était peut-être plus grande encore. Pendant toute la
route, les paysans n'avaient pas discontinué de réciter en
chœur le chapelet, de chanter las litanies de la sainte Vierge
et des cantiques ; le matin, toute l'armée avait assisté à la
messe, et, en ce moment, cent hommes commandés par Lhom-
médé escortaient au centre les trois aumôniers Stuard, Fessé
et Barbotin munis de vases sacrés3, tandis que le pieux Gathe-
lineau, tenant en main la belle croix à plaques d'argent4 qu'il
portait autrefois aux pèlerinages de Saint-Laurent-de-la-Plaine
et de Belle-Fontaine, précédait tous les rangs. « Quel specta-
cle, dit Eugène Veuillot, que celui de trente cinq mille hommes
marchant ainsi au combat, et ne redoutant rien, pas même
la mort, car tous se sont préparés à paraître devant Dieu5. »
A midi environ, ils firent leur entrée dans la plaine6.
1 Savary, t. I, p. '236.
'- Bourniseaux ne l'élève qu'à quinze mille, M. Thiers qu'à quinze à vingt
mille, Savary à trente mille (p. 22). M™' de la Rochejaquelin à près de qua-
rante mille.
' Louis des Aspremont. L'Avenir et l'Indicateur de la Vendée, journal
publié à Fontenay. année 1898.
4 Cette croix remarquable se trouve dans la chapelle du château de Chanzeaux-
* Les guerres de la Vendée et de la Bretagne, par Eug. Veuillot, p 98,
Paris, Sagnar et Bray, édit. 1853.
0 Lettre des représentants {Recueil des Actes du comité de salut public,
p. IV, p. 3j."j : « A midi et demi environ, on vint annoncer aux généraux que
les rebelles se montraient dans la même plaine où ils avaient été si complè-
tement battus le 16. A l'instant, on battit la générale et bientôt après l'ar-
mée se trouva en bataille, en présence d'un nombre immense de révoltés
rangés sur trois colonnes. Ceux-ci n'avaient point d'artillerie, mais ils
marchaient sur la nôtre avec la plus grande intrépidité ».
DE LA VENDÉE MILITAIRE 3 17
Ils entonnèrent le Vexilla régis. Les généraux, ayant demandé
un instant le silence, les haranguent une dernière fois, et leur
rappellent leurs promesses d'entrer à tout prix dans Fonte-
nay. Pour aiguillonner davantage encore leur courage, ils
promettent cent écus à celui qui s'emparera de Marie-Jeanne.
Us occupent en suite les mêmes positions que le 16, mais ils
arrivent avec des forces plus considérables et plus enthou-
siastes que la première fois. Fontenay était, du reste, moins
difficile à prendre qu'à la première attaque. Chalbos, arrivé,
le malin à cinq heures, de la Châtaigneraie, se trouvait à
la tête de cinq mille hommes d'infanterie et de mille cava-
liers, la plupart gendarmes, et de quatre cents gardes natio-
naux formant un effectif de six mille quatre cents soldats1.
Trente sept pièces d'artillerie, il est vrai, garnissaient les
murs du vieux château qui domine la plaine.
Les habitants, grisés par leur victoire du 16, comptaient sur
le succès le plus complet et étaient si sûrs, comme ils le di-
saient, de « frotter les Brigands » qu'ils ne prirent aucune
précaution pour se garantir d'un revers. La troupe de son
côté se livra au repos. Les conventionnels Auguis, Jard-Pan-
villiers et Lecointre-Puyravau avaient quitté Fontenay et s'é-
taient dirigés sur Niort2. Quand sur les onze heures on signala
l'approche des Vendéens, tout le monde fut surpris; ils n'étaient
pas attendus de sitôt. Des éclaireurs, envoyés pour s'assurer
de l'exactitude des faits, reviennent annoncer que l'armée
royaliste s'avance à marches forcées sur Fontenay. Aussitôt la
générale bat; Chalbos, qui était à dîner avec les généraux et
les autres Représentants, monte promptementà cheval étrange
son armée en bataille. Il appuie son centre, aux ordres de
Nouvion, sur la redoute des moulins de Morienne, sa gauche
qu'il dirige lui-même, sur la Croix-du-Champ, et sa droite, que
* Beauchamp lui donne 10000 hommes, Savary 5500 ; il avait envoyé, dit-il,
une partie de ses renforts à Boulard. B. Fillon (Joe. cit. p. 385) lui donne
le nombre des 8400 hommes.
' B. Fillon l. c. p. 385. Lettre des Représentants déjà citée, IbidlY. 385-386.
348 TROIS GRANDES JOURNEES
commande d'Ayat, sur Charzais. Il fait placer le gros de
l'artillerie dans la plaine et établit une batterie au clos de
liante-Roche sur la droite pour foudroyer l'armée vendéenne,
qu'il présume devoir se présenter par la Balingite1.
Il faisait chaud ; les Vendéens à moitié vêtus, à cause de
la chaleur, marchaient sur trois colonnes et avaient repris
leur chant du Vexilla régis. Bien que supérieurs en nombre,
ils n'avaient que cinq canons avec le Brutal et trois coups à
tirer par pièce. Ils se préparèrent néanmoins à ouvrir le feu
avec énergie.
Bonchamps est à l'extrême droite, au poste le plus périlleux,
exposé aux évolutions de la cavalerie ennemie. Mais, en habile
tacticien, il déploie sa division sur une ligne oblique jusqu'à,
la forêt de Baguenard, afin de n'être pas tourné, et de manière
à faire retour ou former potence avec le centre et la gauche
des Royalistes. Pour mieux surprendre l'ennemi, il fait coucher
à terre la plus grande partie de ses soldats. Lescure commande
l'aile gauche, couverte par la rivière de la Vendée ; Gathelineau,
Stofflet, Duhoux-d'Hauterive, qui remplace d'Elbée, blessé
à la première attaque, sont au cetitre, précédés de l'artillerie.
La Rochejaquelein, Dommaigné, de Sapinaud et de Beau-
repaire2 sont à l'arrière-garde avec la cavalerie. Arrivés à por-
tée de fusil des Républicains, tous tombent à genoux, les chefs
s'inclinent pour recevoir une dernière absolution de la part
des prêtres qui marchent derrière leurs rangs. L'absolution
reçue, ils se relèvent avec transport et les généraux leur crient
chacun de leur côté : « Mes enfants, nous n'avons pas de pou-
1 <\re, allons reprendre Marie-Jeanne à coups de bâton, comme
« au commencement; à qui courra le plus vite; on ne peut
« pas s'amuser ici à tirer3. » Les soldats de Bonchamps seuls
étaient mieux fournis de munitions. Il était une heure environ
' Sararv s. c. I. 228 ; L. des Aspremont. L'Avenir et l'Indicateur de la
Vendée année 1898.
' M. Chassin dit que ces deux derniers n'arrivèrent que le lendemain ainsi
que ttoyi ;tn<l, Béjarry et Cumorit [Venoi'e patriote^ t. 1. p 431).
• Mémoiies d<* M'"" de la Rochejaquelein p. i.!)-160.
DK LA VENDÉE MILITAI RK 349
de l'après-midi. En un instant, les canonniers ont épuisé leurs
gargousses ; ils en demandent h Mangny qui leur montre les
Bleus et leur crie : « Voici les caissons où nous en trouverons : »
et il s'élance à leur tête. Les autres chefs s'élancent également
en avant de leurs troupes. Gathelineau, pendant une demi-
heure, se trouve presque seul à cheval en face d'une batterie
ennemie et devient le point, de mire de ses coups, pendant
qu'il dirige et anime sa colonne1. Stofïlet se précipite avec une
audace incroyable au milieu des bataillons républicains, anime
du geste et de la voix ses intrépides Angevins. Il veut se
venger de sa défaite du 16. Les paysans, se voyant devancés
par leurs généraux, se piquent d'une noble émulation et s'at-
tachent à leurs pas. Ils oublient la chaleur qui les étouffe, ils
méprisent les balles qui sifflent à leurs oreilles et abordent à
la baïonnelte et à coups de piques les lignes républicaines*.
Un instant, les Poitevins hésitent à suivre Lescure, qui les
devance de trente pas : « En avant, mes amis, leur crie-t-il,
« n'ayez pas peur. » Une batterie de six pièces le crible de
mitraille, ses habits sont troués, son éperon est emporté, sa
botte droite est déchirée, mais il est sans blessure : « Vous le
« voyez, mes amis, dit-il en se retournant vers ses soldats, les
« Bleus ne savent pas tirer. » Dès lors les paysans n'hésitent
plus. « Laisserons-nous tuer notre général?') s'écrie Jean
Martin de Saint-Lambert3. « Je n'avons plus de poudre, ob-
« servent quelques-uns ; c'est égal, fonçons quand même pour
u ravoir Marie-Jeanne. » Et ils prennent leur course comme
leurs camarades, mais avec un tel entrain, que Lescure, pour
rester à leur tête, est obligé de mettre son cheval au trot.
Sur leur passage ils rencontrent une croix, et tombent à
genoux sous le feu des canons, dont les boulets passent au-
Eloge funèbre, par M. Cantiteau.
'■ Jean Charbonnier, de la Bertholoniière, du Voide, m'a ainsi raconté dans
son style imagé, cette charge brillante : « La chaleur était forte, nous avions
« quitté nos vestes, nos gilets et malgré les balles qui sifflaient à nos oreilles,
« nous courions comme des lièvres sur les bleus. »
3 Mémoires inédits de l'abbé Conin, p. 19b.
350 TROIS GRANDES JOURNÉES
dessus de leur tête. La Ville-Baugé veut les faire avancer:
« Laissez-les prier Dieu, lui dit tranquillement Lescure, ils
« ne s'en battront que mieux1. » En effet ils se relèvent, s'élan-
cent avec une nouvelle ardeur, enlèvent la batterie à coups
ilf baïonnette et de crosse, et tuent les canonniers sur leurs
pièces2
Pendant ce temps, on se bat corps à corps sur toute la ligne.
Ghalbos veut profiter de ce pêle-mêle pour tourner encore les
Vendéens avec ses chasseurs de la Gironde. Il les lance sur
eux au galop. Les soldats deBonchamps, qui épient le mou-
vement, se relèvent de terre et les fusillent à bout portant3.
« Si tu n'es pas Bonchamps, crient les Bleus aux Vendéens,
« tu vas être bien battu ! Tiens, voilà ses balles à Bonchamps »,
ripostent ceux-ci*. » Les chasseurs de la Gironde font un feu
terrible. Chaque volontaire de la compagnie franche de Tou-
louse et du 4e bataillon de l'Hérault combat vaillamment ;
quelques autres bataillons, ramenés en hâte par les Représen-
tants du peuple, luttent avec héroïsme5. Mais la fusillade des
soldats de Bonchamps est si meurtrière, que les cavaliers ré-
publicains se rejettent forcément en arrière. Chalbos s'en
aperçoit; il court, avec Goupilleau (deMontaigu;,au-devantdes
fuyards, le pistolet au poing, pour les ramener à la charge.
Dans ce but et pour essayer de repousser les rebelles, il
commande aux gendarmes qui forment sa. seconde ligne de
cavalerie de donner à leur tour. Cinq seulement obéissent à
son ordre ; les autres, effrayés par ceux qui viennent de lâcher
pied, s'enfuient bride abattue, renversent les fantassins qui
se trouvent sur leur passage et écrasent sous les pieds de leurs
1 Mémoires de M' de la Rochejaquelein, et l'abbé Conin, p. 195. Hist. de
la ville de Fontenay, par Benj. Fillon, p. 336.
' Mémoires de l'abbé Conin, p. 105.
5 Témoignage de Louis Brard.
* Mémoires inédits de l'abbé Martin, cités par Chauvau, Vie de Bonchamps,
p. 114.
1 Lettre des Représentants du peuple déjà citée.
DE LA VENDÉE MILITAIRE ""jl
chevaux plus de trente fie leurs braves camarades. En vain
les Représentants du peupleetlcs généraux font les plus grands
efforts pour rallier leurs soldats, l'infanterie, abandonnéepar les
cavaliers, ne peut résister à l'ardeur des soldats de Bonchamps
et s'enfuit en désordre. La déroute est complète et Ghalbos
lui-même est emporté par le flot des fuyards1.
Une partie des soldats de Bonchamps se met à leur
poursuite ; l'autre, formée de la division de Loroux, se préci-
pite sur les canons du château et s'en empare à l'aide de longs
bâtons qu'ils manient avec une adresse incroyable8. LaRoche-
jaquelein et Dommaigné s'élancent de leur côté, avec leurs
cavaliers, sur le centre des Républicains, l'abordent au cri de
\'ive le Roi! et le font reculer malgré la résistance désespérée
des débris des bataillons du Midi, qu'encouragent de leur
exemple les conventionnels Goupilleau et Garnier de Saintes.
Ce dernier, qui combat à pied, est sur le point d'être fait pri-
sonnier3; il doit son salut à un gendarme qui lui offre son
cheval. La Rochejaquelein, après avoir rejeté le centre des
Bleus dans la ville, se tourne vers leur aile gauche, qui tient
encore. Apercevant un officier du 13e chasseurs, il lance son
cheval sur lui. Le républicain, comprenant son mouvement,
accepte la lutte et se dirige au galop vers la Rochejaquelein ;
mais soudain son cheval s'abat. Henri lui crie aussitôt :
« Rendez-vous, je vous promets la vie sauve. » Pour toute
réponse l'officier l'ajuste cle ses deux pistolets d'arçon et le
manque. La Rochejaquelein, calme, regarde son ennemi avec
un sourire héroïque. « Je me suis satisfait, lui dit alors le Bleu,
satisfais-toi maintenant » : et il jette ses armes à terre avec
un geste de désespoir. « Eh bien ! reprend la Rochejaquelein,
1 Ibid. Benj. Fillon, dans son Hist. de la ville de Fontenay, p. 38G, dit que
les gendarmes s'enfuirent jusqu'à Aulmes, à trois lieues de Fontenay. Ces
gendarmes furent destitués par un décret du 29 mai {V. La Vend, patr., par
M. Chassin, 1 p. 404 )
1 Mémoires de Madame de la Bouëre, p. 48.
3 Lettre de Leterme-Saulnier, '17 mai 1793, citée par Grille, La Vendée, t. I,
p. 171.
352 TROIS GRANDES JOURNÉES
ma seule satisfaction est de te laisser vivre. » A ces mots, il
se précipite dans la mêlée, pour chercher de plus dignes
ennemis1. Après la bataille, le chapeau de la Rochejaquelein
était tellement percé do balles qu'il ne tenait plus sur sa tête2.
« Louis Gabriel Beaupuy. frère du général de ce nom, est
entouré vers la fin de l'action par quelques cavaliers de la
Rochejaquelein. Beaupuy combat en héros. Les paysans le
somment de mettre bas les armes. « Vaincre ou périr, s'écrie
le républicain, je ne me rends pas à des rebelles. » A ces
mots, il tombe couvert de glorieuses blessures. Le porte-
drapeau de la garde nationale, Fesque, ouvrier gantier, acculé
à la barrière de Niort, défend longtemps son précieux dépôt,
et tombe en criant : Vive la Nation !3 C'est ainsi qu'on mourait
dans les deux camps4. »
Cependant l'aile droite de Ghalbos est en pleine retraite. De
toutes parts les fuyards se retirent derrière les retran-
chements de la ville. Les Blancs ne leur laissent pas le temps
de s'y établir ; ils les escaladent ou les contournent. Jacques
David du Voide et plusieurs de ses camarades s'y introduisent
par les faubourgs, pêle-mêle avec les Bleus ; ils les fusillentà
bout portant, les chassent à coups de bâton et les suivent
jusque dans les rues. En même temps les cavaliers vendéens
pourchassent les bataillons républicains qui résistent encore
dans la plaine. Un de ces bataillons se voyant trop menacé,
met bas les armes et crie Vive le Roi! Lorsque les cavaliers
1 Crétineau-Joly, loc.cit.l. I, p. 145-146, Ie édition; Mémoires, de Beauvais
p. LO.
Témoignage d'an témoin ocuhiire cité par M. de Brem, Ilist. populaire
îles guerres de la Vendée, p. 59, Paris, librairie de la Société bibliographique
1881. H.^nri de la kochejaquelein, portait à sa tête, à son cou et à sa ceinture
des mouchoirs rouges de Cholet; plusieurs officiers vinrent le supplier de
quitter cet accoutrement, lui disant qu'ils avaient entendu les Bleus crier :
« Tirez sur les mouchoirs rouges. » Gomme il n'en voulut rien faire, les
chefs adoptèrent <:ette mode d'un cooimun accord. {Vie de H. de la Roche-
jaquelein, p. 16.) i'aris, Chamain édit. 1890.
3 Louis des Aspremont, L'Avenir et l'Indicateur de la Vendée ; année
1898.
* Crétineau-Joly, loc. cit. t. I, p. 14G. 5' édition.
DE LA VENURK MILITAIRE !<".:{
royalistes ne sont plus qu'à quinze pas de lui, il reprend ses
armes et fait feu sur eux. Pour se venger de cette perfidie, I
Vendéens l'exterminèrent jusqu'au dernier homme. La ville
est cernée par plusieurs colonnes vendéennes ; l'une arrive
par la Balinque pour barrer la route de Niort, une autre par
les Essorts : celle de Royrand. sous les ordres de Verteuil et
de Béjarry, apparaît sur les hauteurs de Terre-Neuve et vienl
par la route d'Auzay intercepfer le port du Gros-Noyer1. A
cette vue Ghalbos et les Représentants prennent la fuite en
rugissant de colère et de désespoir. Ils mettent bas leurs
|)iinaches et les autres marques distiuctives, afin de n'être pus
reconnus par les paysans et même par leurs propres soldats,
qui les accusent d'avoir paru trop tard à l'aclion*. Toute chance
de succès étant devenue désormais impossible, trois mille
deux cent cinquante Républicains mettent bas les armes3.
Lescure fut le premier Vendéen qui pénétra dans Fontenay :
Les soldats, craignant quelque piège, refusèrent de le suivre.
Il s'avance seul alors contre de nombreux ennemis et leur
l'ait déposer les armes. Bonchamps, alarmé du danger qu'il
court, arrive auprès de lui ; Forêt y vole aussi, et tous les trois,
le sabre à la main, s'élancent témérairement au milieu de plus
de quatre mille Bleus encore répandus dans les rues, et qui,
glacés d'effroi, se précipitent à genoux devant eux et leur de-
mandent grâce. Arrivés sur la place principale, ces trois chefs
prennent chacun leur rue et s'y engagent, afin de hâter la
reddition de la ville, en criant : « Rendez-vous, à bas les
« armes : vive le Roi 1 On ne vous fera pas de mal. » Bon-
champs rencontre, près de la mairie, un patriote qui, plein
de frayeur, se réfugie entre les jambes de son cheval : il se
dit père de sept enfants et lui demande la vie4. Bonchamps la
i De Beau vais, Mémoires, p. 43-51. Louis des Aspreuiont, L'Avenir et l'Indi-
cateur de la Vendée, année 189S.
'- Mémoires d'un Administrateur militaire anonyme, p. 45. Amédée de
Béjarry, Souvenirs Vendéens, p. 73.
3 Hist. de la ville de Fontenay, p. B. Fillon, p. 382.
* L'abbé Lemonnier, aumônier de Bonchamps a rapporté que ce patriote
était un officier.
354 TROIS GRANDES JOURNÉES
lui accorde avec la liberté : mais ce misérable, s'apercevant
que le général est seul, le laisse passer outre, se retourne et
lui tire un coup de fusil. Bonchamps tombe de cheval griè-
vement blessé ; la balle lui a traversé l'épaule et les chairs
qui avoisinent la poitrine. Les paysans, qui le suivaient à quel-
que distance, accourent pour le venger, et afin de ne pas man-
quer l'assassin, ils cernent la rue et massacrent soixante Bleus
qui s'y trouvent renfermés1. Lescure est plus heureux ; il court
aux prisons et délivre de la Marsonnière, des prêtres et deux
cent quarante Vendéens qui devaient être fusillés le lende-
main. Pierre Bibard, de la Tessoualle, couvert de vingt-six
blessures, recouvreaussi laliberté...Les Vendéens délivrèrent
encore l'amiral Destouches, natif de Luçon, célèbre marin
qui avait battu les Anglais, le 16 mars 1781 , au brillant combat
de Chesapeake, pendant la guerre d'Amérique, et que ses
compatriotes avaient jeté en prison comme aristocrate2.
En même temps, la foule des vainqueurs avait pénétré dans
la ville aux cris frénétiques de vive le Roi! Cathelineau, Stof-
flet, Marigny, Sapinaud, Lescure, Donnissan avaient parcouru
touteslesruespourfaire déposer les armesàceuxquirésistaient
encore. C'était la victoire la plus considérable qu'ils eussent
remportée jusqu'alors, et cependant la bataille n'avait duré
qu'une heure. Les Bleus avaient eu dix-huit cents hommes
tant tués que blessés. Trois mille prisonniers, cinq mille fusils,
vingt barils de poudre, une trentaine de canons, quinze cais-
1 Mémoires de madame de la Rochejaquelein, p. 161, « Bonchamps fut
blessé, comme il passait devant la porte du jardin de la cure actuelle, autre-
fois la mairie, par le concierge Staub, dit M. L. des Aspremont; il fut soi-
gné parle docteur Chapin. V Avenir et V Indicateur delà Vendée, année 1898.
' M. de Lescure, après avoir délivré de la Marsonnière, vola à une autre
prison où étaient les parents d'émigrés et les gens suspects, au nombre d •
plus de 2oO. Ils avaient vu de loin le combat et de crainte d'être immolés par
les Bleus, ils s'éiaient barricadés en dedans. M. de Lescure frappe à coups
mblés en criant : « Ouvrez, de par le Roi: » Aussitôt les portes s'ouvrent,
les cris de Vive le Roi ! retentissent dans la prison ; tous les captifs em-
brassent M. de Lescure sans le reconnaître, quoiqu'il lut parent ou ami d'un
nd nombre, il se nomme et les quitte pour poursuivre les fuyards (Mémoires
de M\ de la Rochejaquelein, p. 162).
DE LA VENDÉE MILITAIRE 355
sons, des bagages, un grand nombre de drapeaux parmi les-
quels celui du département, des provisions de bouche et la
correspondance des conventionnels tel était le butin des Ven-
déens. Les généraux Chalbos, Nouvion,d'Ayat, Beffroy et les
Représentants étaient en fuite. Les vainqueurs avaient perdu
peu de monde1 ; mais leur succès était à leurs yeux incomplet,
car Marie-Jeanne, le canon, objet spécial de leur affection,
n'était pas encore en leur pouvoir.
Un détachement d'infanterie républicaine et des gendarmes
à cheval l'entraînaient en toute hâte sur la route de Niort. On
leur avait promis 25000 francs, s'ils parvenaient à le sauver. Fo-
rêt, qui, après avoir quitté Bonchamps et Lescure,avait suivi la
grande rue,en poussant toujours devant lui les vaincus, appre-
nait, en sortant de la ville, qu'un peletonde Bleus l'emmenait
dans la direction de Niort. Loyseau, dit l'Enfer, Rochard et
Uelaunay de Ghanzeaux, Jacques Vandangeon d'Yzernay,
Jean Martin de Saint-Lambert5 et trente autres cavaliers,
parmi lesquels Biot, de Mouchamps, s'élancent sur la trace
des ennemis, sabrant à droite et à gauche tous ceux qu'ils
rencontrent. Jacques Vandangeon, la chemise retroussée jus-
qu'aux épaules, en sabre trente pour sa part ; aussi l'appela-t-on
depuis le Sabreur3. Pendant ce temps, Forêt s'était avancé si
loin, qu'il se trouve un instant égaré au milieu de cent gen.
darmes, qui le prennent pour un des leurs ; car il ne porte au.
cune cocarde et monte le cheval d'un gendarme qu'il a tué
dans un autre combat. Forêt, voyant leur méprise, fait sem-
1 M. Sapinaud, quelques jours après la bataille, n'accusait que huit cents
hommes tués et blessés et trois mille cinq cents prisonniers parmi les Républi-
cains; dix-sept morts etsoixante-cinq blessés chez les Vendéens. (Notes de M. de
la Boutetière, p. 85). — M"1" delà Rochejaquelein rapporte que les Vendéens
trouvèrent une caisse militaire remplie d'assignats dont ils ne firent aucun
cas, parce qu'ils n'étaient pas au nom du roi, mais on appliqua aux besoins
de l'armée neuf cent mille trancs en numéraire qu'une autre caisse renfer_
mait. (Mémoires) p. 163).
5 Mémoires inédits de l'abbé Conin,p. 195.
1 Attestation de son petit-neveu, l'abbé Vandangeon, aumônier du général
Cathelineau, dans la dernière guerre avec la Prusse.
TOME XII. — JUILLET, AOUT, SEPTEMBRE 25
356 TROIS GRANDES JOURNÉES
blant de se mettre à leur tête, revient avec eux pour sauver
Marie-Jeanne, que les Vendéens essayent déjà d'enlever, les
devance, et, le premier, atteint le canon au village des Granges1,
à une lieue de Fontenay. Aussitôt il crie Vive le Roi! se re-
tourne, tue deux gendarmes qui le suivent et passe du côté des
paysans, parmi lesquels il est à l'instant reconnu; tous en-
semble ils fondent sur l'ennemi. Une lutte à mort s'engage entre
les Bleus et les Blancs. Les Blancs s'emparent enfin du canon ;
mais les Bleus, aidés des gendarmes qui surviennent, le resai-
sissent. Bientôt les Blancs, rejoints à leur tour par quelques-uns
de leurs braves, parmi lesquels sont Picherit, Jacques Godillon
et cinq autres habitants de Chanzeaux, se jettent comme des
furieux sur ceux qui entraînent le canon vénéré et s'en empa-
rent de nouveau. Les Bleus le reprennent une seconde fois ;
il leur échappe de nouveau et dans cette lutte acharnée, ils le
prennent et le perdent jusqu'à six fois*. A la dernière charge,
Pierre Rochard, de Chanzeaux, d'une force et d'un courage ex-
traordinaires, se précipite sur Marie-Jeanne, lui fait, malgré ses
blessures, un rempart de son corps, et permet à Biot, à Forêt,
à Loyseau et à leurs camarades de s'en emparer définiti-
vement3. Ivres de joie de voir enfin ce canon entre leurs
1 Hist. de la ville de Fontenny, par Benj. Fillon, p. 382.
* Témoignage de Louis Brard. Beauvais dit qu'il fut pris trois fois. Les
historiens de la Vendée donnent presque tous l'honneur de cette prise à
Forêt. Sans lui enlever la part glorieuse qu'il y prit, il n'est pas juste de priver
•es camarades de l'appui qu'ils lui donnèrent. Ces prises et reprises ne sont
pas mentionnées non plus par les historiens, mais j'ai cru devoir m'en
rapporter au témoignage de Louis Brard, qui dans ce moment se trouvait sur
les lieux... M. de la Bouëre dit que la prise de Marie-Jeanne coûta la vie à
quinze Vendée. 8.
» Une paroisse vendéenne sous la terreur, p. 57... Ce fut Biot qui le pre-
mier mit la main sur la pièce. Voici une note qui en fait foi. Elle fut envoyée,
en pluviôse, par un membre du Comité révolutionnaire de Fontenay, au prési-
dent de la Commission militaire, nous la donnons avec son orthographe.
Note exacte.
Louise Boisseau, veuve Biot,
très criminelle
Elle na vécu que du pillage que linfâme comrnité de Mouchamps faisait
voiler par elle et par son fils.
Son fils est le premier ommandant des rebelles et le pluscourageux des
DE LA VENDRE MILITAIRE 357
mains, ils l'embrassent, le couvrent de feuillages et le ra-
mènent triomphalement à Fontenay. A rette vue, l'armée
royale pousse un long" cri de triomphe ; chacun veut le toucher
et l'embrasser; on dételle les chevaux qui le traînent, on
s'attache à l'avant-troin et on le promène ainsi le reste du jour
par toute la ville. Les femmes elles-mêmes participent à
l'allégresse générale, elles le couvrent de fleurs et l'ornent de
rubans. L'enivrement de la joie est tel que sa conquête égale,
surpasse peut-être même, aux yeux des paysans, le gain de la
bataille ; tant il est vrai que souvent la foule se passionne pour
un objet secondaire qu'on a préconisé devant elle1.
Les généraux vendéens tinrent conseil, le 26 au matin, chez
brigands. Cest lui qui à laffaire du '25 mai à Fontenay a le premié mis la
main sur le canon la Marie-Jeanne, pourquoi ses chefs lui ont donné une
récompense de trois cents livres.
11 reçut, laccolade de tous ses chefs et en arrivant deux jours après a
Mouchamps lin/âme prestre fit carilogner en réjouissance de Idrrivé du
brigand Biot.
Le Président de la Commission militaire,
Baussey.
(Papiers de Goupilleau. cités par M. de la Boutetière, p. 84.)
1 Voici comment M"1* de la Rochejaquelein raconte la prise de Marie-Jeanne :
« Forêt avait pris la rue qui menait au chemin de Niort, aussi se trouvait-il
« en tête. Le grand intérêt était de reprendre Marie-Jeanne, l'idole des
« soldats ; les Bleus qui le savaient, faisaient tous leurs efforts pour la sauver.
« On était déjà à plus d'une grande lieue, de la ville; Forêt s'était si fort
« avancé qu'il était au milieu de plus de cent gendarmes ; heureusement il
« avait le cheval, la selle et les armes d'un gendarme qu'il avait tué à un
« autre combat; de plus il n'était pas habillé en paysan, n'avait point de
« cocarde blanche et comme dans ce temps la plupart des troupes républi-
« caines étaient remplies de nouvelles recrues, sans uniformes, ils le prirent
« pour un des leurs; un d'eux lui frappant sur l'épaule lui dit : « Camarade
« il y a 2,000 francs de promis pour ceux qui sauveront Marie-Jeanne, elle est
« engagée, retournons pour l'empêcher d'être prise. » Efiectivement, tous les
« Bleus retournent. Forêt se met à faire le brave disant qu'il veut être le
« premier. 11 file doucement et se trouve à la tête des gendarmes, assez en
« avant, suivi seulement des deux plus hardis. Quand il est près de nos gens,
« il se retourne en criant : Vive le Hoi!... et tue les deux hommes qui le
« suivent; les Vendéens le reconnaissent, fondent sur l'ennemi et s'emparent
« de Marie-Jeanne qui était défendues par quelques fantassins. «(Mém.p. 162)
Bourniseaux, Précis historique sur les guerres de la Vendée, t. 1, p. 394
affirme que Forêt fut pris pour un bleu.
358 TROIS GRANDES JOURNÉES
Mme Grimouard de Saint-Laurent où plusieurs étaient venus
prendre logement, la veille, après leur victoire.
Ils délibérèrent pour savoir s'ils devaient poursuivre leur
marche jusqu'à Niort. Tout le pays, au-delà de Fontenay, s'at-
tendait à être envahi ; la ville même de Niort était dans les
plus vives alarmes. Les Représentants, les officiers et les sol-
dats républicains, qui s'y étaient enfuis après leur défaite,
avaient communiqué à toute la population Niortaise, comme
l'avaient fait àMarans et à Saint-Hermand les autres fugitifs,
l'effroi dont ils étaient eux-mêmes saisis. Sur la ligne des
Sables, tous les postes s'étaient repliés sur Marans. Douze
cents hommes de troupe à peine formaient la seule force que
les Républicains pouvaient opposer aux Royalistes1. Il ne
restait donc plus de barrière pour arrêter ces derniers dans
leur marche, et il leur suffisait de se présenter dans les loca-
lités voisines, à Niort même, pour en faire la conquête. Plu-
sieurs, parmi les chefs royalistes, voulaient qu'on allât atta-
quer les Sables ; mais « marcher sur les Sables n'avait pas le
sens commun, remarque dans ses mémoires M8, de la Roche-
jaquelein, puisque notre pays restait sans défense»2. Ce projet
fut rejeté et la majorité se déclara pour la marche sur Niort3,
bien que le pont de la Sème put être coupé .
Les gentilshommes qu'on avait fait sortir de prison dans
les différentes localités que l'on venait de parcourir, et qui
avaient été admis au conseil, s'opposèrent à cette décision, qui
avait réuni les suffrages des officiers angevins. Cathelineau
coupa court à leurs observations en leur disant avec une noble
fermeté : » Messieurs, en vous tirant de prison, en vous as-
« sociant à nous, notre intention n'a pas été de nous donner
« des maîtres. Si notre manière de faire la guerre ne vous
« convient pas, séparons-nous; telle est la proposition que je
« vous fais : l'armée angevine, qui vous a délivrés, retiendra
1 Lettre des Représentants, 28 mai, Moniteur XIV. 546.
1 P. 170.
* Bourniseaux Le. I. 398.
DE LA VENDÉE MILITAIRE 359
« tout ce qu'elle a apporté en venant; pour le surplus que
« nous avons pris ensemble sur l'ennemi, nous partagerons.
« Cela fait, moi et mes premiers camarades nous retournerons
« dans notre pays, et vous défendrez le vôtre, comme vous
« l'entendrez. » Ces paroles énergiques firent cesser toute
opposition.1 Plusieurs officiers s'accordèrent, dans la journée,
le malin plaisir d'écrire à Chalbos qu'ils iraient dîner à Niort,
le lendemain2.
Dans cette séance les généraux nommèrent Stofflet com-
mandant la place de Fontenay, et rédigèrent l'ordre suivant
qu'ils firent publier le soir môme : « Il est ordonné à tous les
habitants de la ville de Fontenay de déclarer armes et muni-
tions aux officiers que M. Stofflet nommera à cet effet. Ceux
qui n'auront pas fait cette déclaration de bonne foi, et qui
seront nantis d'armes et de munitions non déclarées, seront
punis d'une amende de une livre etmêmedepeines corporelles,
selon l'importance du dépôt qu'ils auront chez eux.
Fait en conseil, à Fontenay-le-Comte, le 26 mai 1793, l'an 1er
du règne de Sa Majesté Louis XVII.
Donnissan, Bernard de Marigny, Cathelineau, Stofflet, de
la Rochejaquelein, Desessarts, Levieil (de la Marsonnière)3. »
Pendant que les généraux vendéens étaient réunis dans le
salon de M1" Grimouard du St-Laurent,Stofïïetfixa ses regards
sur le portrait de Louis XVI. « C'était la première fois qu'il
contemplait l'image du monarque. A l'aspect de cette douce
et majestueuse figure, le rude guerrier sentit son cœur s'é-
mouvoir ; des larmes d'attendrissement mouillèrent ses yeux
et on l'entendit prononcer ces paroles d'une voix entrecoupée :
« Les scélérats ! ils ont tué le meilleur des rois ; c'est à nous
de le venger! » Lescure et Cathelineau, touchés de ce spec-
tacle, l'embrassèrent à plusieurs reprises et jurèrent de verser
leur sang jusqu'à la dernière goutte pour rendre le trône
l Cantiteau Mémoires p. 31.
- Lettre des Représentants ; Moniteur XVI. b45.
- Papiers de Mercier du Rocher, reg. I. pièce 253 ; Chassin l. cl. 441.
'600 TROIS GRANDES JOURNÉES
au fils de Louis XVI. Jamais serment ne fut mieux gardé1. »
Au moment où les paysans se rendaient dans les églises ou
chapelles de Fontenay pour satisfaire à leur obligation d'enten-
dre la messe, car le 26 était un dimanche, les généraux sorti-
rent du conseil pour aller, eux aussi, dans l'église Notre-Dame
assister au Saint-Sacrifice, célébré par l'abbé Barbotin, et
chanter un Te Deum en actions de grâces de lavictoire brillante
qu'ils venaient de remporter. Gathelineau, sa croix en mains,
marchait à leur tête : ils étaient suivis d'un nombre considé-
rable de leurs soldats qui traînaient Marie-Jeanne'1.
Le reste de la journée et le lendemain, les vainqueurs se
livrèrent à des jubilations continuelles. Ils firent un feu de
joie, au bas de la place, avec le bois de la guillotine, l'arbre
de la liberté, les papiers de l'Administration départementale
et du district, dansèrent à l'entour, remplacèrent le drapeau
tricolore par le drapeau blanc, remplirent la ville des cris de
vive la Religion ! vive le Roi ! et sonnèrent, pendant trois
heures, toutes les cloches. « Il est difficile, écrivait le même
jour, Dehargues à Moreau de la Châteigneraye, de peindre
toute la joie qu'éprouvent les Vendéens de la prise de Fon-
tenay; nous sortons de remercier Dieu de nos succès dans
Notre-Dame, qui n'avait pas vu depuis longtemps pareille fête.
Nos soldats sont dans le délire ; ils ne tiennent pas de joie1.
Les paysans s'emparèrent de deux caisses où ils trouvèrent
du numéraire et un grand nombre d'assignats ; ils brûlèrent
une partie de ces derniers et fabriquèrent des papillotes avec
les autres*. Émerveillés de leur nombre, les habitants deFon-
1 Ed. Stofflet, Stof/let et la Vendée, p. 84 ; Aug. Johannet, la Vendée à
trois époques p. 75.
» B. Fillon, Z. c. p. 388.
1 Archives, de Fontenay, XII, 151.
* B. Fillon, L c. p. 396. Beauchamp l. c. I, 181 ; Aug. Johannet (l. c. 1,69)
dit que les Vendéens s'en servirent cependant après que les généraux eurent
écrit par derrière : « Bon, au nom du Roi ». Un procès-verbal fait 15 jours
après et cité parB. Fillon, constate que les armoires d-? l'hôtel de ville furent
brisées et qu'on y prit 29 i0 livres environ dont Chassin donne le détail (la
Vendée patr. 1. 454; Journal d'un Fontenaisien publié par la Revue du
lias-Poitou.
DE LA VENDÉE MILITAIRE 361
tenay s'exclamaient : En Vlà tau d'aux Brigands ! (En voilà-t-il
des Brigands ! ) Les royalistes s'étaient répandus, la veille,
dans leurs maisons pour y trouver un logement, de la nour-
riture et surtout du vin dont beaucoup usèrent avec excès1.
Ils prirent chez leurs hôtes le linge, et tous les vêtements qul
leur étaient nécessaires, puis ils livrèrent au pillage et déva-
lisèrent complètement les boutiques des chapeliers, des épi-
ciers et des armuriers'.
Les nobles qui venaient de se joindre à l'armée et qui
en étaient encore peu connus, se mêlèrent aux paysans pour
se populariser.
La modération, dont usèrent les Vendéens envers leurs
ennemis, aurait dû inspirer à ceux-ci quelque reconnaissance,
mais aveuglés par les passions révolutionnaires, ils publièrent
que cette retenue n'était qu'une tactique affectée et hypocrite
pour mieux cacher leur profonde scélératesse. « Beaucoup de
Patriotes, écrivait Lequinio, m'ont assuré que lors de la
prise de la ville, les chefs des rebelles recommandaient partout
le bon ordre et employaient le simulacre hypocrite de la
sagesse et de la bonté pour se faire des partisans ; et sans
doute qu'aucun être pensant ne contestera l'efficacité d'une
pareille méthode, quelles que fussent alors la profonde scélé-
ratesse de sa combinaison et la perfidie de son but ».
Ceux qui ne les calomniaient pas, les représentaient comme
des fanatiques : « Nos ennemis, écrivait Ghalbos au ministre
' Les gens de la Gaubretière et des environs allèrent demander l'hospitalité
à la famille du Chàteigner qu'ils connaissaient Cette famille s'empr3ssa de
les recevoir et fit porter dans son salon de compagnie tous ses matelats sur
lesquels ils se reposèrent des fatigues de la journée, tandis qu'elle-même,
refusant de se coucher, se retira au premier étage. Un instant après, la maî-
tresse du logis entendant un sourd bourdonnement monter du rez-de-chaus-
sée, descendit pour savoir quel pourrait-être la cause de ce bruit. Quelle ne
ut pas sa surprise! Tous ses hommes étaient à genoux, récitant à demi-voix
le chapelet avant de s'endormir. Klle admira la foi et la ferveur de ces gens
à qui la fatigue du combat n'avait pas pu faire oublier leur prière du
soir, (dk Brbm. Hist. 'populaire des guerres de la Vendée, p. 281).
2 Procès-verbal des faits accomplis à Fontenay pendant l'occupation de
villepar les rebelles ; Chassin l. c. I. 451-454.
3t)^ TROIS GRANDES JOURNÉES
de la guerre, deux jours après la bataille, sont aveuglés par
le fanatisme ; ils en ont toute la rage1 ».
Au fond, ces dénis de justice ne faisaient que dissimuler la
profonde terreur que les succès inattendus des Blancs avaient
jetée parmi les Patriotes. On s'en convaincra facilement par
le rapport que l'ordonnateur de l'armée adressait au ministre,
le lendemain de la défaite, le 26 mai.
« La canonnade, lui disait-il, a duré environ une heure.
« L'ennemi, sans canons, s'est avancé sur trois colonnes. Le
« feu de la mousqueterie se soutenait ; mais la cavalerie ne
« donnant point, le désordre s'est mis parmi la troupe, en
« sorte que la déroute est devenue générale. Une partie de
« l'armée s'est retirée sur Niort, et l'autre sur Marans. On
« ignore le nombre des prisonniers et des morts. Plusieurs
« canons ont été abandonnés, même celui que l'ennemi avait
« tant regretté (Marie-Jeanne). Des magasins considérables
« de grains sont au pouvoir de l'ennemi qui est occupé à les
« faire enlever. Nous avons affaire à un ennemi qui brave
« tous les dangers. La caisse du payeur général du dépar-
« tement de la Vendée a été en partie pillée par nos troupes,
« dans son transport de Pontenay à Niort, pendant la retraite
« de l'armée. Les Représentants n'ont pas' eu le temps de
<- sauver leur correspondance. L'ennemi était dans la ville,
« quand ils s'en sont éloignés2 ».
De son côté, le chef d'état-major, Nouvion, dans la soirée
du 25, avait écrit au commandant de Luçon.
« Vous avez su notre déroute; elle est complète, la cavalerie
« est cause de notre perte; nous sommes retirés ici, je ne
« sais ce que nous y ferons. Faites part de notre position au
« général Boulard, à la Mothe-Achard3 ».
Le 27, dès le matin, les généraux vendéens s'empressaient
de tenir un nouveau conseil. Ils avaient appris, dans la nuit,
' Savary, I 229.
* Savary, t. 1, p. 230.
1 lbid. p. 229,
DE LA VENDÉE MILITAIRE 363
que des forces considérables venaient d'arriver à Niort.
Le 26, les généraux ré publicains,voyantqu'ils avaient trop peu
de forces pour défendre les dehors decette ville, avaient en effet
fait rentrer les postes avancés dans l'intérieur des murs, et les
représentants Jar-Panvilliers, Goupilleau (de Fontenay) et
Lecointé-Puyraveau avaient déclaré Niort en état de guerre1.
Quatre cents hussards de la légion des Alpes, et mille à douze
cents hommes d'infanterie, venant de Poitiers, y étaient déjà
arrivés2 ; les districts voisins et en particulier celui de Melley
dirigeaient des renforts considérables ; plus de 10,000 combat-
tants se disposaient à opposer une résistance sérieuse, à
l'armée royaliste3.
A cette nouvelle, les chefs vendéens comprirent qu'ils ne
pouvaient désormais mettre à exécution leur projet de marcher
sur Niort. Ils n'avaient encore aucune relation avec les
insurgés de la Basse-Vendée, et cet isolement, au milieu des
forces qui s'accumulaient rapidement autourd'eux, ne pouvait
* Lettre de ces Représentants, Moniteur XVI. 512 II était rentré 7 à 800
hommes seulement à Niort (Ibid )
a Lettre des Représentants, Moniteur XVI. 546.
3 Ibidem, 561.
*■ Joly écrivait d'Aizenay, le 28 mai, la lettre suivante, qui prouve qu'il
n'existait aucun rapport entre l'armée d'Anjou et celle de la Basse-Vendée.
a Monsieur, je ne comprends rien du tout à ce qui se passe. Si ça continue,
« on n'aura qu'à se tenir comme des loups en ses quartiers, sans se secourir
« les uns les autres en cas d'attaque. Le moment est pourtant venu ou
« jamais de s'entendre contre nos ennemis, qui vont, c'est sûr, foncer sur
« nous d'ici un mois, avec des forces supérieures, si on n'y prend garde. »
« La prise de Fontenay a procuré des munitions, canons, argent, équipe-
« ment. A qui ça-t-il profité de nos côtés ? Les commandants du haut pays
« ont fait cette pointe tout seuls, sans prévenir personne depuis Chantonnay
« jusqu'au Mans. On a été averti à l'hazard, le coup fait. Ces Messieurs de
« la Roche n'en savent pas plus que nous. J'ai envoyé du côté du Tablier et
« de Mareuil pour avoir des nouvelles. M. Ghauveau, qui arrive de la Chaize,
« dit qu'un homme des Chapelets, présent à la bataille de Fontenay, l'a
« assuré que l'armée marchait sur Niort ; mais je n'ose le croire. Elle n'a pas
« de mieux à faire, mais l'armée voudra-t-elle suivre jusqu'à cette ville, où l'on
« dit qu'il y a des forces conséquentes réunies. Avec de l'entente, on aurait
« frappé des coups ensemble sur les Sables, Luçon et les villes du bas pays.
« M. Charette marche dans son commandement aussi secrètement que
« l'armée des Angevins. On ne sait rien de ce qu'il entreprend et fait. Les
« Bleus assemblés en nombre nous traquerons les uns après les autres. Il n'y
« a que l'entente qui fera le salut» (Chassin, loc. cit. I. 429).
3tf4 TROIS GRANLES JOURNÉES
qae leur devenir bientôt funeste*. Puis voyant que les paysans,
suivant leur habitude, avaient déjà quitté les drapeaux en
grand nombre, pour regagner leurs foyers, en apprenant par
un courrier de Laugreniôre la prise de la Pougereuse, la défaite
d'un détachement vendéen1 et l'approche de forces imposantes
du côté de Saumur, les chefs royalistes se décidèrent non seu-
lement à ajourner l'attaque de Niort, mais à publier un ordre du
jour annonçant que l'armée quitterait Fontenay, le lendemain.
Mais, avant de se séparer ils dressèrent pour l'avenir un plan
général d'opérations. Le projet de passer en Bretagne pour y
chercher un renfort et assurer le succès de la cause royale
réunit la majorité des suffrages. Une fois cette décision prise,
il fut décidé qu'un nouveau rassemblement aurait lieu à Cho-
let, le ier juin, pour marcher de cette ville sur Saumur. Ce
plan fut étudié dans le secret avec plus d'attention que les
précédents.
Du moment où le conseil, s'inspirant surtout de la pensée
de Donnissan, avait décidé cette expédition de Bretagne, le
plan de Bonchamps, qui voulait faire passer la Loire à quel-
ques milliers d'hommes seulement, était abandonné, ou, pour
parler plus justement, il était dépassé. Or, pour une pareille
entreprise, il fallait une armée nombreuse, et dans l'impossi-
bilité de la transporter sur des barques, avec sa cavalerie et
on artillerie, il était nécessaire de se rendre maître d'une
pont pour passer au-delà du fleuve. Le Pont Rousseau à Nantes
était infranchissable : restaient les Ponts-de-Cé près Angers
et ceux de Saumur. Voilà pourquoi, après mûre délibération,
il fut décidé que l'on s'emparerait tout d'abord de cette dernière
ville, où, du reste, les efforts de l'ennemi paraissaient se con-
centrer2.
l Bourrmeaux l. c. I. 398.
» Bonchamps et le passage delà Loire, par M. Baeuenier Désormeaux,
|, 31. _ Mémoires de M. delà Rochejaquelein, p. 170. M. de Sapinaud écrivit de
Uiantonnay, le 29 mai. que les chefs royalistes décidèrent à Fontenay l'at-
taque de Saumur. '.M. de la Boctetière, Le Chevalier de Sapinaud, p. 85-86).
UE LA VENDÉE MILITAIRE 365
Quand ils eurent arrêté leur plan général d'opérations, les
généraux s'occupèrent du soin des trois mille prisonniers
qu'ils venaient de faire. Ils n'avaient ni prisons, ni forteresses
pour les loger, ni provisions à leur donner, ni troupes suffi-
santes pour les garder, dût-on même les interner au centre du
Bocage. Les égorger froidement était trop cruel et trop oppo-
sé aux sentiments d'humanité qui distinguaient l'immense
majorité de l'armée, bien que les agissements des Républi-
cains eussent autorisé ces barbares représailles. 11 fut décidé
qu'on en garderait un petit nombre1, et qu'on renverrait les
autres.
Ce fut alors que les généraux de la grande armée eurent la
première pensée d'établir un conseil supérieur pour gérer les
affaires administratives et judiciaires. Quelques notabilités
royalistes, animées d'un dévouement précipité, en préconi-
sèrent les avantages ; mais Donnissan et d'autres officiers s'y
opposèrent avec énergie, objectant que l'autorité suprême se
trouverait partagée et que ce dualisme serait à l'avenir un
sujet de division et amènerait des désastres. Malgré leur
opposition, la création d'un conseil supérieur fut décidée et
quelques-uns des principaux membres, qui furent alors dési-
gnés, allèrent siéger à Saint-Laurent-sur-Sèvre*.
Stofflet, qui avait été chargé, comme commandant de place,
de favoriser la sécurité des habitantsde Fontenay , apprenant que
beaucoup d'entre eux étaient pillés par les soldats de l'armée
vendéenne, qui prenaientles souliers, les bottes, les chemises,
les mouchoirs, les chapeaux, en un mot tous les vêtements
dont ils avaient besoin, fit afficher, de concert avec Marigny,
1 Ils en gardèrent 300.
* Procès verbal de la première réunion des habitants de Fontenay, Arch.
Nat, w. 279 pièce 34. « Peut-être, dit Beauchamp, (I. p. 272,) eut-il été plus
« sage de ne pas en établir... Une grande dictature pouvait seule sauver la
« Vendée. » Mais où trouver ce chef ?... Le titre de généralissime était
insuffisant ; il fallait comme le démontrera la suite de cette histoire, la
présence d'un prince du sang. — Ce conseil eut sous ses ordres, dit Roguet,
dans chaque commune, un comité secondaire formé d'un président et de
quatre assesseurs... (Essai théorique, p. 25.)
3(56 TROIS GRANDES JOURNEES
Duhoux d'Hauterive, Dehargues, Gathelineau, Uesessarts,
Lescure et La Rochejaquelein, à tous les carrefours et sur les
portes des maisons principales, la défense expresse de ne rien
prendre ou piller chez les habitants de la ville. «S'il parvient des
plaintes à cet égard, ajoutaient-ils, tous ceux qui demeureront
chez les personnes dont les déclarations seront justes et
fondées, seront responsables des dégâts, vols ou pillages qui
pourront être commis1 ».
Dans la môme journée, Donnissan, Duhoux d'Hauterive,
Lescure, Dehargues, Gathelineau, Dommaigné, Desessarts et
La Rochejaquelein faisaient publier, à son de tambour, par
toutes les rues, la proclamation suivante :
« Nous, commandant les armées catholiques et royales,
n'ayant pris les armes que pour soutenir la religion de nos
pères, et rendre à Louis XVII, notre auguste et légitime
souverain, l'éclat et la solidité de son trône et de sa couronne,
désirant rétablir partout la paix et l'harmonie des cœurs,
proclamons hautement que si, contre nos bonnes et loyales
intentions et au mépris de leurs serments, Messieurs les
Glubistes et tous autres perturbateurs du repos public venaient
à reprendre les armes contre la Religion catholique et contre
leur Roi, nous reviendrions les punir avec une grande sévérité,
La manière dont nous nous sommes comportés à leur égard
doit les convaincre que la paix et la concorde sont l'objet de
nos vœux, et que le bien général est l'unique but de nos
communs efforts ; déclarons en conséquence que nous prenons
sous notre protection spéciale toutes les honnêtes gens, amis
de l'ordre et du bien public, attachés à leur Religion et à leur
Roi, et môme autorisons au nom de Sa Majesté chrétienne
Louis XVII, messieurs les habitants de Font.enay à former un
Conseil provisoire, dont l'emploi spécial sera de maintenir
1 Papiers de Mercier du Rocher; Chassin, loc- cit.l 441. Le lendemain,
Dommaigné, colonel-général de cavalerie, publiait que le vol de deux chevaux,
au préjudice du nommé Piscroin, serait puni par les verges, jusqu'à la mort,
s'ils n'étaient pas rendus (lOid.).
DE LA VENDÉE MILITAIRE 367
l'ordre et la police dans la ville ; de faire désarmer toutes les
personnes suspectes parleur attachement connu aux principes
de la Révolution ; de faire arrêter tous les voyageurs qui ne
seraient pas munis de passe-ports signés des chefs des armées
catholiques; d'exercer une sorte d'administration provisoire
conforme aux principes religieux et politiques que nous pro-
fessons, et principalement de recueillir et conserver avec soin
tous monuments publics, chartes, contrats et tous autres
titres de propriété qui auront échappé aux suites malheureu-
sement trop communes d'une guerre opiniâtre entre des
concitoyens :
« Invitons et autorisons pareillement toutes les paroisses
des villes et villages du ci-devant département de la Vendée, à
se former des conseils provisoires à cet effet, composés de
membres connus pour ôtre fidèles à leur Roi et à la Religion
catholique; protestons enfin que si, malgré la justice de notre
cause, nos intentions étaient trompées et trahies par des
hommes maintenant soumis à leur Roi, nous cesserions alors
toute clémence pour des rebelles1 ».
Le 28, les généraux réunirent les prisonniers dans une
grande prairie2. Là, on leur fit promettre et jurer sur leur
honneur de ne jamais reprendre les armes contre le Roi et la
Religion catholique, apostolique et romaine3 ; puis, sur la
1 Archiv. Nat. W. 468 Chassin, loc. cit. I, 441-44-.?.
2 Rapport de Pervinquière ; Chassin, l. cl. 448.
3 Chaque prisonnier emportait le passeport suivant. « Nous, commandant
« les armées catholiques et royalistes, avons accordé le présent passeport a
« N... prisonnier, renvoyé de Fontenay-le-Comte pour se rendre à... Lequel
« a promis et juré sur son honneur de ne jamais reprendre les armes contre
« le Roi et la Religion catholique, apostolique, et romaine et qui a coupé ses
« cheveux pour marque de reconnaissance. Prêtez-lui aide et assistance au
< besoin.
« A Fontenay-le-Comte, le 28 mai, l'an premier du règne de Louis XVII,
(Benj. Fillon, Hist. de la ville deFontenay, p. 398.)
Dans la suite, on renvoya plus de 1*000 prisonniers, qui étaient gardés à
Mortagne, à Chemillé et à Cholet. Un ordre du conseil supérieur les fit tous
remettre en liberté. On leur donna des passeports pour rentrer dans leurs
familles. « Ces passeports délivrés au nom du Roi, par mon oncle Boutillier
« des Hommelles, commissaire délégué pour cette opération, portaient que
368 TROIS GRANDES JOURNÉES
proposition de Donnissan, on leur coupa les cheveux, afin
de les reconnaître s'ils oubliaient leur serment, et de leur
infliger alors la peine qu'ils mériteraient1. Ce moyen leur
parut une mesure plus efficace pour les empêcher de re-
prendre les armes, que le simple serment qu'on avait exigé
à Argenton et à Thouars ; car on s'était aperçu que les
patriotes graciés avaient été infidèles à leur parole. Cette pré-
caution, qui prouvait à la France la modération des Royalistes,
amusa beaucoup les soldats, car il était de mode alors de
porter les cheveux longs, tressés et poudrés, avec une queue
galonnée et flottant par derrière ; aussi quand les prisonniers
furent tondus, l'armée les accueillit par de grands éclats de
rire5. Avant de les congédier, Donnissan les harangua dans
l'espoir de les attacher à la cause royale et catholique ; mais
pour la plupart ils firent peu de cas de ses paroles5.
« la liberté ne leur avait été accordée que sur le serment par eux prêté de
« ne jamais servir la République et de ne jamais porter les armes contre le Roi.
« Ils devaient, s'ils étaient repris, être condamnés à mort comme traîtres et
« parjures... A peine rendus aux premiers postes républicains, les autorités
« révolutionnaires les forcèient démarcher encore . . Plusieurs reprirent du
« service de bon gré .. Mais le plus grand nombre fut forcé, sous peine de
* mort, a ce parjure, ayant en horreur une telle conduite... Si les hommes
« de l'antiquité montrent encore de l'horreur pour le parjure, que penser
« d'un Gouvernement, qui en fait une loi aux citoyens sous peine de mort »
(Boutillier de St André, Mémoires d'un père à ses enfants, p. 229. 230 )
1 Un rapport d'Auguis et de Goupilleau, du 30 mai, dit que la plupart des
prisonniers eurent les cheveux coupés (Ghassin, l. c I. 588.) Gavoleau, Beur-
rey, Cbâteauraux, et Pervinquière étaient allés trouver les généraux royalistes
et avaient imploré leur clémence en faveur des habitants et des prisonniers
qui étaient tombés en leur pouvoir : L. des Aspremont les deux sièges de
Fontenay v. le journal l'Avenir et l'Indicateur de la Vendée, année 1898.
* On ne connaissait pas encore en France l'usage de porter les cheveux à
la Titus. « Ce renvoi des prisonniers avait beaucoup d'avantages dans cet
« instant ; il y en avait de tous les points de la France, ils apprirent ainsi oonc
* partout, par leur tête chauve, que les Vendéens les avaient battus et pris,
« qu'au lieu d'être des Brigands destructeurs, ils faisaient grâce et formaient
« une insurrection royaliste » (Mémoires de M' de la Rochejaquelein,p. 164.)
'■■ Royrand emmena dans ses quartiers 1500 prisonniers. Plusieurs de ses
soldats voulaient les taer, mais Royrand s'opposa à cette barbarie ; il con-
sentit seulement à ce qu'on leur coupa les cheveux comme on l'avait fait à
Fontenay. Les paysan» s'improvisèrent alors perruquiers au milieu de mille
quolibets. Une vingtaine de prisonniers prirent rang dans l'armée Vendéenne ;
de ce nombre fut M. Legay, qui devint plus tard directaur du bureau de
tabac à Pouzauges.
DE LA VENDÉE MILITAIRE 360
Cathelineau et Stofïlet allèrent à l'hôpital visiter les blessés
que leur présenta la supérieure Ursule Puymayras ; tille
soigna les blessés royalistes et républicains de la façon la plus
admirable1.
On eut un instant dessein de garder comme otages, Beurrey,
Pervinquière et Cavoleau, membres de l'administration ré-
publicaine, et de les transférer à Saint-Laurent-sur-Sèvre ;
mais sur les instances de Mms Grimouard, qui logeait les gé-
néraux5, ils furent renvoyés comme les autres prisonniers.
Marigny écrivit, ce jour-là môme, aux habitants de Niort, dont
il étaitconnu, une lettre pour leur dire que les Vendéens fai-
saient grâce aux prisonniers, tandis que les Républicains
donnaient ordre de les massacrer5. On remit à quelques pri-
sonniers un exemplaire de 1' « Adresse aux Français » que
publièrent alors les généraux Vendéens*.
Le même jour, 28, conformément aux ordres de ces mômes
chefs, tous les habitants de Fontenay se réunirent vers
1 L. des Aspremont. L'Avenir et YIndicateur de la Vendée, année 1898.
1 M. Chariot les logeait aussi. (B. Fillon, Hist. de la ville de Fontenay,
p. 389). Madeleine et Suzanne Thebaud. filles de confiance de M"" Grimouard
du Vignault, ont attesté que cette dame empêcha les paysans «le massacrer
chez elle les quatre républicains qui s'y étaient réfugiés ; elle se jeta sur leurs
fusils en disant: « Tuez-moi plutôt que d'ôter la vie à cas jeunes gens ».
(Registre des dépositions du 15 juillet au 5 novembre. Archives de la Vendée.
Pour prix de sa générosité, Mm« Grimouard fut emprisonnée et mise sur une
liste de proscription, aussitôt après l'évacuation de Fontenaypar les Vendéens.
Beauchamp dit que ce fut de Beauvollier qui céda aux instances de cette
dame. (La Guerre, t. I. p. 180). M"1" de la Rochejaquelein, dans ses
notes, dit qu'elle croit que la grâce des prisonniers avait été décid ée d'à
vance, mais elle ajoute qu'il faut « tout de même lui être reconnaissante > —
« M. de S — s'était trouvé parmi les prisonniers; il s'était réclamé à la
« Rochejaquelein qui l'avait accueilli avec bonté, et l'avait engagé fortement
« à le suivre pour la défense delà monarchie.... Dans la maison où ils se
« trouvaient, les lits manquant, la Rochejaquelein avait partagé sa couche
avec lui». (Boutillier de Saint-André, l. c. p. 117).
1 Benj. Fillon. ifiist. de la ville de Fontenay, p. 398-39*)) ; L. des Aspre-
mont (l. c.) donne le texte entier de la lettre.
* Mémoires de Mc la Rochejaquelein, p. 16:. Elle ditquechaque prisonnieren
emporta plusieurs exemplaires, mais d'après une note que je crois vraie, cette
adresse n'ayant été tirée qu'à 150 exemplaires, il n'y eut que quelques pri-
sonniers à pouvoir l'emporter.
370 DE LA VENDÉE MILITAIRE
9 heures du soir dans l'église de l'hôpital Saint-Louis, pour
nommer un conseil provisoire qui devait être chargé de Tor-
dre et de la police dans la ville. Ils élurent pour en faire partie,
en présence de Lescure, de la Rochejaquelein et de Marigny :
Queneau père, Bréchard, D. Robert aîné, Grimouard du
Vignault, Carrière, Prieur, Pichard de la Caillère, Savary de
Calais, Franger et Testard. Queneau fut choisi comme pré-
sident et Bréchard, comme secrétaire1.
« Un membre de l'Assemblée, lit-on dans le procès-verbal,
prit ensuite la parole... et l'invita à adopter, pour le salut de la
ville, les mesures ordonnées par MM. les commandants
généraux. Il a retracé les événements du combat de samedi
dernier, où, dans une déroute générale, Tannée nationale a
perdu la majeure partie de ses pièces d'artillerie, ses caissons,
toutes ses armes, les munitions de guerre et de bouche, tous
les effets de campement et les caisses militaires et des admi-
nistrateurs.
« Il a dépeint les malheurs particuliers de la ville, qui a vu
succomber sous le fer du vainqueur, un grand nombre de ses
habitants, et tous les autres faits prisonniers.
« Il a représenté les administrations dispersées, nos éta-
blissements publics, civils et judiciaires dévastés, nos subsis-
tances, réu lies au chef-lieu par les administrations précé-
dentes, enlevées ou dilapidées ; enfin la désolation et l'effroi
du petit nombre des habitants qui ont survécu à ces désastres.
« Il a rappelé les procédés des commandants généraux des
1 B. Fillon, l. c. p. 400. Le 29, les nominations furent approuvées. (L. des
Aspremont, l. c ).
Queneau, père, juge de paix.
Bréchard, jeune homme de loi, arrêté comme suspect et libéré par le repré-
sentant Carru.
Franger, professeur du Collège, rédacteur du journal du Département.
Carrière, homm? de loi.
Grimouard du Vignault, chez lequel logeaient les généraux royalistes.
Picbard de la Caillère, ancien auditeur à la Cour des Comptes, procureur
de la Commune.
Robert ain*1. Membre de la Municipalité. (L. des Aspremont. /. c).
DE LA VENDKB MILITAIRE 371
armées victorieuses qui, après avoir rendu à leur liberté la
majeure partie des habitants faits prisonnniers, les ont tous
désarmés, et après les avoir réunis dans cet état, dans la
prairie de cette ville, ont exigé d'eux, au milieu de l'appareil
des armes et au sein d'un bataillon carré, le serment de ne
point porter les armes contre le Roi, ni contre la Religion
catholique1 ».
Au moment où les habitants de Fontenay tenaient cette
réunion, on leur lut une lettre signée de Desessarts, Duhoux
d'Haulerive, LaRochejaquelein, Lescure, Donnissan, Catheli-
neau, Beauvollier et Marigny, dans laquelle ces chefs leur en-
joignaient de nommer sans désemparer quelqu'un de confiance
pour se rendre à Saint-Laurent-sur-Sèvre afin d'y siéger en
qualité de membre du Conseil général central qui y était formé.
L'Assemblée autorisa aussitôt le Conseil provisoire à choisir
un de ses membres pour remplir ces fonctions-.
Le 28, comme on l'avait annoncé, l'armée vendéenne com-
mença vers midi à quitter Fontenay et à rentrer dans le
Bocage. Le 30, l'évacuation était complète.
Sur le point de quitter Fontenay, La Rochejaquelein, Dom-
maigné, Desessarts et Lescure écrivirent, le 29, au Conseil
provisoi re pour le prévenir de leur faire parvenir le plus de blé
possible à la Forest, par La Châtaigneraie ; de faire partir, le
lendemain matin, trois ouvriers imprimeurs avec tous leurs
instruments nécessaires pour former une imprimerie à Saint-
Laurent-sur-Sèvre, auprès du Conseil général central3 et de
réparer les dommages qui auraient été causés aux habitants
pauvres de Fontenay. Plusieurs chefs en firent les frais*.
Les Vendéens emmenèrent à leur suite les armes et les
vivres (ju'ils avaient pris à Fontenay ; ils en remplirent un
• Prorèt-nerbal de la première assemblée des habitants de Fontenay, Arch.
Nat W. 279, piè.'e 34 (L. des Aspremont l. c).
s Ibid.
3 Arch rl« Fontenay, VII. 211. Plusieurs historiens disent que des pri-
sonniers lurent dirigés sur la Forest.
4 Ch.s-.in. L c. I. 445.
T'iME XII. — JUILLET, AOUT, SEPTEMBRE. 26
372 TROIS GRANDES JOURNEES
long convoi de trois cents charrettes au moins, qui marchait
à l'arrière-garde de l'armée1.
Quand l'armée victorieuse revint à Mortagne, dit M. Bou-
« tillier de Saint-André, elle avait les canons en tête*. Les
« servants de Marie-Jeanne, étaient à cheval sur leur pièce, et
» l'avaient décorée de rubans de toutes les couleurs ; on portait
lu vin dans des bouteilles, on buvait largement, on en
<c faisait des libations sur le canon, dont l'aspect inspirait une
« ivresse générale, et qui était devenu presque l'objet d'un
« culte superstitieux. Au reste la rentrée de l'armée était une
<« fête continuelle, et sa marche un vrai triomphe ; nous étions
« tous dans la joie et l'espérance. Notre orgueil royaliste était
«. flatté d'un succès qui nous en présageait de plus glorieux
« encore. Que ne pouvions-nous pas faire, avec des hommes
« aussi braves, aussi dévoués, avec une armée de cent mille
« héros, pourvue abondamment d'armes et de munitions et
« commandée par des chefs dont la valeur et les talents
« militaires excitaient à la fois la confiance et l'admiration3 ».
Les soldats de Bonchamps surtout se prévalaient de leur
vi:toire. « Les Bonchamps, disaient-ils, n'étaient pas à Fon-
« tenay le 16 mai. Ils y étaient le 26. C'est aux Bonchamps
« qu'on doit la victoire* ».
Tous les blessés avaient précédé l'armée5. Bonchamps, porté
sur un brancard par ses plus fidèles soldats, fut conduit dans
la paroisse de la Gaubretière, au château de Landebaudière,
1 Les Royalistes trouvèrent de grandes richesses en ornements et en argen-
terie d'église (Heauchamp, La guerre de la Vendée, I. 180.
* « Tous les canons en état de servir, toutes les munitions de guerre, les
« b es et les farines qui étaient dans les magasins publics, même les matelas,
« draps d couveriur-s qui garnissaient les casernes et la maison de détention
« des prêtres, et les l'omis des administrations du département, de la muni-
« cipalité, ries receveurs et directeurs des droits d'enregistrement, du payeur
f général, du commissaire ordonnateur, du receveur des consignations et
« impôt foncier, ont été enlevés. » (Rapport de Biaille-Germon, maire de
Fontonay : Châtain, l. c. I. 452).
* Boutilli-r de Saint-André, l.c. p. 168-169 .
* Communication de M. de Quatrebardes.
* M. Amédée de Bejarry était du nombre des blessés.
IJK LA VENDEh; MILITAIRE
373
où il rencontra sa femme. Celle-ci, bien que convalescente à la
suite d'une fausse couche qu'elle avait faite en fuyant avec ses
petits-enfants, lui prodigua les soins les plus empressés et les
plus tendres. Il parvint en peu de temps à rétablir sa santé1.
Extrait de l'Histoire de la Guerre de la Vendée ,2e édition, encore,
inédite, commencée par M. l'abbé Deniau, ancien curé du Voide
revue, corrigée et complétée d'après des documents nouveaux et
inédits par M. l'abbé Deniau, curé de St-Macaire-en-Mauges (Maine-
et-Loire) sous la direction de Dom. Cbamard, bénédictin, prieur de
l'abbaye de Ligugé.
L
CATHELINEAU
A la tête de l'armée Vendéenne, se rendant
à Notre-Dame-de-rontenay. pour y remer-
cier Dieu de la victoire du 25 mai 1793.
(D'après un vitrail de l'église du Pin-en-Maageê] .
LES
REPRÉSENTATIONS DRAMATIQUES
DANS LES COLLÈGES POITEVINS
L'usage des représentations scéniques dans les collèges du
Poitou remonte à la renaissance même du théâtre en
France. Le Journal de Le Riche a soigneusement conservé
le souvenir des pièces jouées au XVIe siècle par « les enfants
des écoles » de Saint-Maixent1. Plus tard, les Jésuites conser-
vèrent dans leurs collèges une coutume qui plaisait à la fois
aux parents et aux élèves. A leur exemple, les autres ordres
enseignants du Poitou firent entrer la déclamation et la danse
dans leurs programmes d'éducation. Il fallut la fondation de
l'Université de France, en 1808, pour mettre fin à un usage qui
traversa, sans y sombrer, le torrent révolutionnaire.
Auparavant, deux fois par an, au carnaval et à l'époque
de la distribution des prix, les parents des élèves, les notables
de la ville et les principaux du clergé étaient conviés à des
divertissements scéniques. Ils recevaient un programme,
imprimé souvent avec grand luxe, donnant l'argument de la
pièce ou des exercices littéraires, avec les noms des jeunes
acteurs. Presque tous les cabinets d'amateurs poitevins pos-
sèdent quelque exemplaire de ces placards que l'amour-
propre des familles a jalousement conservés jusqu'à nous.
Alors que les nombreuses troupes de comédiens qui ont
' Le 22 juillet 1573 le principal, Bernard de Launay, fit représenter la tra-
gédie d'Hippolyte avec un prologue en vers de sa composition. Le 16 mai 1580
les écoliers jouèrent Jules César, et le 22 mai 1583, Cléandre.
LES REPRÉSENTATIONS DANS LES COLLÈGES 375
sillonné le Poitou au XVIIe et au XVIIIe siècle ne nous ont pas
laissé la moindre affiche ou le plus mince programme, alors
que le passage de Molière et de l'Illustre théâtre à Poitiers ne
nous est connu que par une ligne d'un journal manuscrit du
temps, nous n'ignorons aucune des pièces ou des ballets où
figurèrent les fils de M.Jourdain, de la comtesse d'Escarbagnas,
et de M. de Sottenville. La profonde habileté des Jésuites
leur avait fait devancer le cabotinisme moderne, et, pour flatter
l'amour-propre des parents et des élèves, ils avaient créé les
programmes avec la distribution des rôles, à une époque où les
affiches de l'Hôtel de Bourgogne ne portaient môme pas les
noms de La Thorillère, de Bellerose ou de Mondory.
C'est avec des documents de ce genre que je vais essayer
de passer en revue les représentations scéniques chez les
Jésuites de Poitiers, les Oratoriens de Niort, et quelques
autres collèges de la province, à Thouars, à Saint-Maixent, à
Parthenay. Je terminerai par un coup d'œil rapide sur les
écoles de la République et de l'Empire jusqu'à la fondation
de l'Université en 1808.
I
Au mois d'août 1687, le corps des marchands de la ville de
Poitiers fit élever sur la place du Vieux-Marché une statue en
pied de Louis XIV. Cet hommage au grand roi fut accompagné
de fêtes et de divertissements où les élèves des Jésuites oc-
cupèrent une place d'honneur. Dans l'après-midi du 26 toute
la noblesse de Poitiers, ayant à sa tête l'intendant Foucault,
les magistrats, les notables, les principaux du clergé, se ren-
dit dans la cour du collège où se dressait « un théâtre
orné de très belles décorations et chargé d'acteurs fort
proprement vêtus ».
On commença, à la louange du Roi Soleil, par des tableaux
énigmatiques que M. l'Intendant avait fait venir de Paris. Puis
on régala la compagnie d'une pastorale en cinq actes, mêlée
d'entrées de ballets :
.iTli LES REPRÉSENTATIONS DANS LES COLLÈGES
« On représenta Louis le Grand comme le plus grand des
roys. Pour le faire plus agréablement, et d'une manière qui
fut plus du génie et du tour de la poésie, on crut devoir repré-
senter le roy et les princes ses voisins sous l'idée et le nom
des dieux de l'antiquité, avec qui ils ont des rapports plus
singuliers. Le roy y parut sous le nom d'Apollon, que les
anciens confondaient avec le soleil, symbole de notre grand
monarque. Pluton, dieu des richesses, des enfers et des ma-
rais, figura les Hollandois et les peuples des Pays-Bas Jupi-
ter représenta l'empereur, à cause de l'aigle impériale, et
Neptune supposa pour les Génois, les Algériens et les autres
peuples maritimes.
« Le Destin, qui, dans l'idée des anciens, avoit un droit de
souveraineté sur tous les autres dieux qui estoient soumis à
ses arrêts, déclara d'abord qu'il vouloit se défaire de la su-
prême puissance en faveur d'Apollon et luy donner le premier
rang sur Pluton, sur Neptune, sur Mars, sur Jupiter mêm»j.
Il luy fit ensuite remporter sur eux à peu près les mêmes
victoires que le roy a remportées sur ses ennemis, de ma-
nière que les endroits les plus éclatans d'une si belle vie s'y
visent parfaitement et d'une manière très-naturelle, quoy
que sous des symboles étrangers. Après tous ces triomphes,
Apollon parut formant un arc-en-ciel et donna la paix que le
roy a accordée si généreusement à toute l'Europe. Tous la
reçeurent avec joye. On finit par luy décerner des arcs de
triomphe et des statues dans les places publiques. Cette action
estoit de cinq actes meslée de plusieurs entrées de ballet1. »
J'ignore quel est le jésuite, auteur de cette ingénieuse allé-
gorie, mais la relation imprimée de la fête a conservé le nom
de Pain, maître de musique de Saint-Hilaire, qui pourrait bien
avoir composé les airs du ballet, en même temps que la
cantate qu'on lui attribue.
4 Relation de ce qui s'est passé à l'érection de la statue du Roy dans la
ville de Poitiers, le vingt cinquiesme aoust 1687. — A Poitiers, chez Jean
Fleuriau et J. B. Braud, 32 pp. pt. in 4°.
LES REPKÉSKNTATIONS DANS LES COLLÈGKS 377
Le succès de cette représentation encouragea les Jésuites à
renouveler ce divertissement l'année suivante, au moment
de la distribution solennelle des prix. Cette fois, les Pères
choisirent mieux qu'une pièce de circonstance, si louangeuse
fût-elle pour le plus glorieux des rois. Les élèves représen-
tèrent une véritable tragédie en cinq actes, avec un ballet
héroïque.
Le sujet de Démétrius1 est emprunté à l'histoire ancienne ;
mais l'auteur en a pris à son aise avec Tite-Live, Justin,
Polybe, Diodore de Sicile et Plutarque. Philippe, roi de Ma-
cédonie, effrayé par un songe, veut se choisir un successeur.
Il hésite entre ses fils Persée et Démétrius, et le Sénat, con-
sulté, ne réussit pas à lever ses incertitudes. Cependant le
choix de Démétrius serait agréable aux Romains qui l'ont eu
longtemps comme otage. Leur ambassadeur, Quintius, veut
décider Philippe en sa faveur, mais le vieux roi s'indigne et
déclare à ses enfants que la couronne appartiendra à celui
qui le défera de Quintius et chassera les Romains. Démétrius
s'étantrévolté de cette proposition, c'est à Persée que le trône
va appartenir. Mais en vain Quintius cherche à profiter de cette
injustice pour décider Démétrius à la vengeance ; en vain de
perfides amis essayent de l'impliquer clans un complot contre
les jours de son père. Le jeune homme reste inébranlable, et,
tandis qu'au temple Persée reçoit la couronne, on apprend
que Démétrius, à la tête d'un groupe de cavaliers fidèles,
vient de trouver une mort glorieuse en châtiant la rébellion
des Romains. Philippe expire de douleur sur le corps de son
fils.
Cette tragédie était jouée par Isaac Rabaud, de Confolens;
Félix Augier, de Montmorillon ; Jean Rigoumier,de Poitiers;
Gaspard Charrier, de Poitiers; Joachim Mondot, de Bellac ;
' Les élèves de Louis le Grand avaient représenté en 16*:. une tragédie
latine de ce titre, avec un Démétrius,* tragédie en musique pour servir d'in-
termè.le à la pièce latine ». Cf. E. Boysse. Le théâtre des Jésuites, 1884,
in-t2. p. 188.
378 LES REPRÉSENTATIONS DANS LES COLLÈGE S
François Allard, de Poitou : François Dallouhé, de Poitiers;
Marc-Antoine Lousseaume, de Poitiers ; Jean Girard, de Poi-
tiers ; Gaspard Riguet, de Poitiers.
Inutile d'ajouter que le ballet fut somptueux et très goûté
par l'auditoire, où devaient se trouver cependant plusieurs
personnages excellant dans l'art de la danse1. L'argument
est ingénieux, quoique toujours à la louange de Louis XIV.
« Dans le prologue, Mars, la Paix, Thémis et la Religion se
disputent la gloire d'avoir le plus contribué à donner au roy
le glorieux surnom de grand.
« Première partie : Mars. — I. — Mars conduit quatre guer-
riers qui portent chacun un bouclier sur lequel est peinte une
devise sur les conquêtes de Louis le Grand. — II. — Vulcain
amène les forgerons qui ont forgé les bombes, carcassses,
mortiers et autres armes extraordinaires qui ont rendu le roy
formidable. — III. —Neptune avec quatre tritons vient rendre
témoignage des combats de mer. — IV. — Des peuples vain-
cus avouent qu'ils ont contribué malgré eux à la gloire de
Louis le Grand. — V. — La Fortune, la Victoire, la Gloire et
la Renommée qui sont à la solde de Louis, publient qu'il n'est
jamais plus grand que durant la guerre.
« Deuxième partie : La Paix. — I. — La Paix conduit les Grâ-
ces, qui ont trouvé le secret de faire triompher Louis le Grand
du cœur de ses sujets, comme Mars l'avait fait triompher
des étrangers. — II. — Apollon amène quatre sciences, la
Mathématique, la Poésie, l'Histoire et la Philosophie, qu'un
règne pacifique fait fleurir jusqu'à le disputer à l'antiquité. —
III. — Pallas conduit quatre arts qu'on a perfectionnés durant
la paix: la Peinture, la Sculpture, la Musique et les Exercices
« La réputation des Poitevins comme danseurs est fort ancienne et, sans
doute, antérieure au XIII* siècle où le Dit de l'Apostoile mentionne « Li
meillor sailléor en Poictou ». Au ballet des nations, donné à Chambord
en 1670, ce sont les Poitevins qui représentent la France. La célèbre Eléonore
d'Olbreuse, duchesse de Brunswick-Zell, dut une bonne part de ses succès
«à ses danses poitevines et champêtres apprises dès sa tendre jeunesse ».
(Cf. Léo Désaivre, La danse en Poitou, 1897.)
LES REPRÉSENTATIONS DANS LES COLLÈGES 379
militaires. — IV. — L'Opéra, la Danse, la Manufacture veulent
aussi trouver place, puisqu'ils contribuent à la gloire du roy.—
V.— Le Commerce, Thétis qui représente la jonction des
deux mers, des Rivières transportées et changées en jets d'eau
et cascades conduits par Neptune et Protée, couronnent les
merveilles d'un règne pacifique.
« Troisième partie : Thémis. — I. — La Justice revient du
ciel, précédée de quatre nymphes qui portent les marques de
sa dignité. — II. - La Discorde, la Chicane, la Fraude et
l'Usure, veulent se maintenir en possession, mais la Justice
les relègue aux Enfers.— III.— L'Union, la Droiture, la Bonne
Foi, et la Conscience viennent au secours de la Justice, et la
font triompher avec éclat sous lesauspices de Louisle Grand. —
IV. — Des nations viennent avouer, les unes que la Justice
du roy les a rétablies aux dépens de ses conquêtes, les autres
qu'elles ont senti la Justice quand elles n'ont pas voulu se
réduire à la raison. — V. — Des sujets du roy publient
qu'ils ne veulent pas d'autre juge qu'un roy qui sait se
condamner lui-même en sa propre cause.
« Quatrième partie : La Religion. — I. — La Religion conduit
des sacrificateurs pour rétablir le culte divin et rendre Louis
aussi grand dans le ciel qu'il l'est sur la terre. — II. — Quatre
vices se présentent : le Duel, le Blasphème, la Débauche et
l'Athéisme. La Religion les punit et les chasse honteusement.
III. — L'Hérésie paraît avec ses furies. Elle expire à la vue
du portrait du roy que lui présente la Religion. — IV. — La
Science, la Prudence, et la Libéralité s'offrent d'effacer les ves-
tiges de l'hérésie. — V. — Des nations étrangères avouent
qu'elles sont obligées à Louis le Grand, qui, malgré leur éloi-
gnement, les a éclairées des lumières de la vérité. »
Les acteurs qui prirent part à ce superbe ballet furent
François Devois, de Poitiers ; Jean Orré, de Poitiers ; Char-
les de Brouilhac, de Poitou ; Charles Fontettes, de Poitiers ;
Claude Lauvergnac, de Poitou ; Gaspard Riguet, de Poitiers ;
3SQ LES REPRÉSENTATIONS DANS LKS COLLÈGES
Jean Dupuy, de Niort1 ; Michel Fteily, de Dublin ; Nicolas
French, d'Hibernie (Irlande) ; Nicolas Reed, de Dublin ; Alex-
Math, de Chasaud, de Poitou ; François d'Ayron, de Poitou ;
Charles de Sevret, de Poitou ; François Deviges, d'Angou,
mois; Jacq.-Ign. -Franc. de Brilhac.de Poitiers; René de Sonay,
de Touraine ; Jean Mercier, de Poitiers ; Louis Roux, de
Poitiers ; Pierre Falloux, de Poitiers ; Jean de Vernon, de
Poitiers ; Benjamin de la Beausse, de Poitiers ; Jean Royer,
de Poitiers.
Le départ de l'intendant Foucault, qui eut lieu l'année sui-
vante, interrompit des fêtes dont il avait été l'inspirateur et
sans doute aussi le Mécène. Il faut arriver jusqu'en 1699
pour trouver au collège des Jésuites traces de représentation.
Cette année-là, les élèves jouèrent la tragédie de Léon, avec
prologue et intermèdes musicaux2.
Le sujet est emprunté à V Histoire du Schisme des Grecs, de
Maimbourg, qui le raconte d'après Zonare. L'empereur Basile,
le Macédonien, s'est laissé captiver par les adulations du
traître Théodore Santabarenus, qui arrive à lui persuader que
son fils Léon en veut à sa vie. II l'avertit, pour preuve d'accu-
sation, qu'on trouvera un poignard caché sous les habits
du jeune prince. Le traître est d'autant mieux à même de le
savoir que c'est lui-même qui a engagé Léon à s'armer pour
défendre les jours de son père, menacés par des conspirateurs.
On fouille le prince, et l'empereur, trompé par l'apparence,
ordonne de le mener au supplice.
La tragédie finit là. Mais la tradition ajoute que l'empereur
1 Jean Cochon du Puy, né à Niort le il avril 1674, correspondant de l'Aca-
démie des sciences, fondateur de la première école de médecine maritime à
Rochefort, mort en 1 7 . < 7 .
« Léon j tragédie ! dédiée | à Monseigneur Antoine Girard \ evesque de
Poitiers, , Par les écoliers du Collège 1 royal de la compagnie de Jésus. | Le
Prologue et les Intermèdes ont été mis en musique par M. J. B. Tralié,
maître de musique de l'église cathédrale de Poitiers. — A Poitiers, I De l'im-
primerie de la Veuve Je?.n-Baptiste Braud, Imprimeur de l'Université, rue
des CorJelier*. I M. DC. XCIX. In-'i'de 19 pp. (Bibl. de Poitiers. Recueil
Poitevin in-'»', n* il).
LKS REPRÉSENTATIONS DANS LKS COLLÈGES 381
fut arrêté dans sou dessein par un perroquet que l'on avait
habitué à répéter : Pauvre Léon ! Je regrette, pour ma part,
la suppression de ce personnage allé auquel plus d'un élève
aurait pu prêter sa voix.
Le spectacle s'ouvrait par un prologue à la louange de l'évê-
que Antoine Girard, qui devait présider la fête. Un écolier
chantait :
Quelle grandeur ! Quelle pompe en ces lieux !
Quelle magnificence !
Que de concerts mélodieux !
Quelle nouvelle ardeur brille dans tous les yeux !
Quel astre bienfaisant fait sentir sa présence !
Un autre répondait :
Peut-on le méconnaître, et ne sentez-vous pas,
Avec tout son éclat, avec tous ses appas,
L'ange par qui le ciel gouverne ces contrées ?
Sans doute « l'ange » fut prévenu à temps de l'ovation qu'on
lui ménageait, et, peu disposé à se voir brûler au visage un en-
cens d'aussi gros grain, il s'abstint d'assister à la cérémonie.
Grande déception dont un des invités, l'abbé Bardou, curé de
Montierneuf, se fit l'écho dans des vers adressés à l'auteur
de la tragédie, le père Mesplex :
Je regrette, il est vray, notre illustre prélat
Dont l'absence à ta scène, oste beaucoup d'éclat...
Et lorsque tu remplis si bien mon espérance
Le modeste prélat refuse sa présence.
Tu chantes, tu ravis, mais loin de mon héros
Il n'en va jusque à luy que le son des échos.
Ce léger nuage n'assombrit pas longtemps la scène. Le pu-
blic fut dans le ravissement, toujours au dire de l'abbé Bardou :
De quel don, cher Mesplex, pourrai-je couronner
Le spectacle pompeux que tu m'as sçeu donner?
Auray-je dignement payé ce bel ouvrage,
Si toutte mon estime y donne son suffrage?
382 LES REPRÉSENTATIONS DANS LES COLLÈGES
D'abord je croy me voir, de ton prologue épris,
Sur le char d'une fée enlever à Paris,
Et, pour mieux écouter l'harmonieux éloge,
Dans le Palais Royal occuper une loge.
Mais lorsque V intermède, en d'admirables chœurs,
Aux tragiques récits vient mesler tes douceurs,
Alors, plus loin encor je sens que tu me mènes:
Je croy voir, en nos jours, le théâtre d'Athènes,
Et, dans l'heureux attrait d'un mélange si beau,
Sophocle me paroist sortir de son tombeau.
Mais, sans aller si loin transporter mon estime,
J'ayme mieux publier que ta muse ranime
L'ombre du grand Corneille et celle de Lully. '
L'abbé Bardou était certainement des amis de l'auteur, car
je doute que les vers du père Mesplex aient jamais eu la fa-
cilité de ce compliment, fort bien tourné, comme toutes les
petites pièces de l'abbé Bardou qui figurent dans les recueils
du temps. Pourtant Boileau ne s'est guère montré tendre
pour notre poète poitevin :
Laissez mourir un fat dans son obscurité.
Un auteur ne peut il pourrir en sûreté?
Que vous ont fait Perrin, Bardou, Mauroy, Boursaut,
Colletet, Pelletier, Titreville, d'Hesnault? i
La musique des intermèdes et du prologue était de la com-
position de J. B. Trahé, maître de musique de la cathédrale.
Les acteurs qui parurent en scène furent Charles Louis d'Aube-
terre, de Saintonge ; Charles Chaubier, de Poitiers ; Pierre Ro-
bin, de Poitiers ; Richard Le Fèvre, de Saint-Maixent ; Alexis
Morineau, de Poitiers ; Pierre René Pidoux Duverger, de Châ-
tellerault ; Jean Vantelon.de Châtellerault ; Daniel Fromentin,
d'Angoulôme; Jean d'Armonville, de Poitiers ; Louis de la
Boulay, de Paris ; Dominique de Mesplez, de Pau ; Pierre
François Pachot, de la Rochelle.
1 Copie Manuscrite aux Archives de la Vienne.
' Cf. Dreux du Radier, V° Bardou.
LES REPRÉSENTATIONS DANS LES COLLÈGES 38.'i
L'année suivante,lorsquele ducd'Anjou serendit en Espagne
pour prendre possession d'une couronne si laborieusement
achetée, il passa à Poitiers, le 16 décembre 1700, et fut reçu
avec une magnificence sans pareille. Les Jésuites donnèrent
des fêtes dont la relation en latin est parvenue jusqu'à nous l.
Duché de Vanci, l'auteur dramatique qui accompagnait le
jeune roi, je ne sais à quel titre, et se fit l'historiographe du
voyage, assista à un panégyrique de Philippe V, en latin,
« dans la salle où l'on répète les tragédies ». Il la trouva
spacieuse et belle».
J'ai rencontré fort peu de programmes de représentations
dramatiques données au collège des Jésuites de Poitiers
pendant le cours du XVIIIe siècle. Je crois que, contrairement
à l'usage suivi à Paris et dans d'autres villes où les Pères
avaient des maisons d'éducation, on ne jouait de pièces à
Poitiers, que de loin en loin, et seulement quand des circons-
tances exceptionnelles y invitaient. Le plus souvent on se
contentait de plaidoyers ou d'exercices littéraires, en français
ou en latin.
Cependant le 26 août 1744 les élèves de rhétorique repré-
sentèrent une tragédie dont le sujet, essentiellement local,
dut singulièrement piquer la curiosité des Poitevins3. Malheu-
reusement, si l'on en croit un témoin oculaire dont le goût,
littéraire ne peut guère être mis en doute, la pièce était loin
de tenir les promesses de l'affiche.
* Festi plausus collegii Pictaviensis, societate Jesu, adve>iiente Pictavium
Philippo V, Hispanarum rege — Pictavii, vidua J. Bapt. Braud, 1700. in-4°.
Cf. PP. de Backer. Bibl. des écrivains de la S J. V° Poitiers.
* Lettres de Duché de Vanci, publiées par Colin. Paris. 1830. in-18 .
* Amalfroy \ frère de sainte Radeyonde. \ Tragédie, | qui sera représentée
au Collège Royal | de Poitiers de la Compagnie de Jésus. | Par les écoliers de
Rhétorique I du même collège. | A la solennelle distribution des Prix fon- I dés
par Messieurs de l'Hôtel de Ville de Poitiers. | Le mercredi 26 et samedi
29 août 1744 à une heure précise. — A Poitiers, ; chez Jean-Baptiste Braud,
Imprimeur de l'Université et du Collège, rue des Cordeliers. | Et Charles
Braud, Libraire, près les Jésuites. In 8° de 8 pp. — A la suite : V Hyménée \
ballet, | qui sera dansé au Collège Royal de Poitiers par les Écoliers du même ,
Collège, et qui servira d'Intermède à la Tragédie à? Amalfroy, 8 pp.
384 LES REPHÉSKNTATIONS DANS LES COLLÈGES
Dreux-du-Radier regretta son argent, et s'en plaignit sans
vergogne dans ses Récréations historiques :
■ Les Jésuites, lorsqu'ils jouaient des pièces de théâtre,
« faisaient payer le même prix que les comédiens. Il était
« réglé à 15 sols :
Un clerc pour quinze sols, sans craindre le nolà,
Peut bien impunément attaquer Attila,
« a dit Boilean.
« Dans leurs collèges de province, les Jésuites ont toujours
fait payer. J'ai payé à Poitiers, pour y voir une très mauvaise
pièce, intitulée Radegonde, et un ballet plus ridicule et plus
mauvais que la pièce' ».
Pour rendre à chacun ce qui lui appartient, je dois ajouter
que le ballet de Y H y menée était de l'invention de Girard,
maître de danse du collège, et la musique de Bourgeois, maître
de musique du même collège.
Les acteurs étaient Henri Filleau, de Poitiers; Louis d'Arsac
de Ternay, du Poitou; Dominique Dubrocq, de Bayonne;
J. Arnauld Dechesne, de Paris; Antoine la Noailhe, du
Limousin; René-Charles Bordier, de la Touraine; Charles
Chollet, de Poitiers; Etienne deRemigioux, du Poitou2.
En 1762, par suite de l'expulsion des Jésuites, le collège de
Sainte-Marthe passa à des professeurs du clergé séculier, et
le 2 septembre 1768, un arrêt du Parlement publi.t un nouveau
règlement. L'article 24 décida que la distribution des prix ne
pourrait être précédée que d'un exercice de rhétorique ou
d'humanités, sans qu'il puisse en aucun cas, conformément aux
statuts de l'Université de Paris, être représenté aucune
tragédie ou comédie.
• Récréations historiques, critiques, morales, et d'érudition avec l'histoire
des fous en titre d'office. P.iris, Robustel, 1767, 2 vol., p. 311 du tome I«r.
l Kiienne de Rémigioux, curé de Gliampdeniers (1727-1782), auteur d'un
Mémoire sur Champdeniers publié dans les Affiches du Poitou. On ignorait
jusqu'à présent Oit il avait fait ses études. (Cf. Desaivre. Histoire de Champ-
deniers, p. 284. )
LES REPRÉSENTATIONS DANS LES COLLÈGES 385
Cette défense fut-elle strictement observée ?
Il est permis d'en douter, car le 23 janvier 1778, les écoliers
exécutèrent en l'honneur du duc de Chartres, un dialogue
allégorique qui ne diffère pas sensiblement des divertisse-
ments dramatiques si sévèrement proscrits l
La copie manuscrite de ce plaidoyer <- dans lequel les étu-
diants du Collège royal de Sainte-Marthe s'entre-disputent
l'honneur de témoigner publiquement avecquellerespectueuse
ardeur il désiroient participer à l'inauguration du tableau de
S. A. S. Mgr le duc de Chartres » nous apprend que l'in-
vention en était due* à l'abbé Rousseau, régent de quatrième.
Mais elle nous laisse ignorer les noms des écoliers qui rem-
plirent les rôles de l'Orateur, du Poète, de l Historien et du
Grammairien, présentés à Apollon par Mercure, messager des
dieux.
Ce divertissement semble bien pâle auprès des ballets d'au-
trefois, mais il était encore trop profane pour le rigorisme de
l'Université. Le 23 juillet 1779, de nouvelles mesures furent
prises contre les représentations dramatiques que voulaient
faire, cette année-là, les écoliers. A la rentrée suivante, le rec-
teur,lors de la visite des classes, fit publier un décret défendant
aux écoliers « de représenter, en quelque lieu et de quelque
manière que ce puisse être, aucune pièce de théâtre » sous
peine de se voir retrancher autant de temps d'attestations
d'études qu'ils en perdraient à se préparer à la représentation3.
Cette fois, les amateurs de spectacle n'avaient qu'à se dé-
clarer vaincus, et nous ne trouvons plus à citer aucune repré-
sentation au collège de Sainte-Marthe. Pourtant, je ne voudrais
pas quitter cet établissement célèbre sans parler d'une amu-
sante anecdote rapportée par le malicieux recteur, Belin de la
Liborlière, dans ses Vieux Souvenirs de Poitiers avant 1789.
Elle rentre d'ailleurs dans le cadre de ces études consacrées
' Affiches du Poitou, 12 fév. 1778.
5 Bibliothèque de Poitiers, recueil Poitevin, in 4°, n° 30.
3 Mémoires des Antiquaires de l'Ouest, Ire série, tome XX VII, p. 321.
3SG LES REPRÉSENTATIONS DANS LES COLLÈGES
aux représentations scéniques et aux spectacles, môme
populaires.
« Depuis le départde la Compagnie de Jésus, le Puygarreau,
qui était leur pensionnat, servit quelquefois pour des combats
d'animaux et autres spectacles forains. Je tiens de témoins
oculaires qu'une troupe de sauteurs , qui faisait là ses
exercices, avait annoncé pour la clôture qu'un petit cheval,
qu'on eut bien soin de promener en ville au son du tambour,
descendrait sur une corde roide du haut du bâtiment. Grande
fut l'affluence curieuse ; plus grande fut l'attente impatiente,
en trouvant un câble attaché par un bout à la charpente, et
amarré par l'autre au sol : mais aussi, en revanche, très grand
fut le dépit de la mystification, lorsqu'on vit paraître à la
fenêtre du second étage le petit cheval attaché, par des sangles
qui lui passaient sous le ventre, à une poulie qu'un cordage
de conduite guida tout doucement jusqu'à ce que les pieds de
l'animal vinssent toucher la terre. Les uns se mirent à rire,
les autres voulurent se fâcher, mais en aidant un peu à la
lettre, et surtout dans une enceinte provenant de la Congré-
gation à laquelle avait appartenu Escobar, le tour était fait ».
[A suivre) Henri Clouzot.
mim
LES VIEILLES CHANSONS DE CHEZ NOUS
LA COMPLAINTE DU SIRE DE PÉROUX
ET DE SON CHÉ « L'ABRI »
La famille de Bouil ou du Bouille, qui illustra jadis la châ-
tellenie de Poiroux, tirait son nom d'un lieu nommé
Bullium dans la paroisse de Saint-Vincent-sur-Jard. Bul-
lion était un point important, puisque Saint-Vincent se nom-
mait au XIIe siècle, Sanctus Vincentius de Bullio. Il est à croire
que ce fut même le lieu primitivement habité : on y trouve,
en effet quantité de débris gallo-romains.
La famille de Bouil était l'une des plus riches et des plus
puissantes du Talmondais. Ses membres faisaient partie des
barons ou procères de la contrée et siégeaient à l'un des pre-
miers rangs des plaids tenus à Talmont par le comte de
Poitou ou par les princes du lieu.
Elle ne comptait que trois générations, quand elle donna le
jouràAimeri de Bouil qui devait, à lui seul, lui procurer
plus de gloire que tous ses autres rejetons ensemble. On sai
que ce fut Aimeri de Bouil, seigneur de Poiroux, qui fonda,
dans la paroisse de Poiroux, l'abbaye de N.-D. de Bois-Grollaml
vers 1109, abbaye qu'il dota généreusement avec son frère,
Pierre de Bouil. (Voir Cartul. du Bas- Poitou).
TOME XII. — JUILLET, AOUT, SEPTEMBRE. 27
-sv LA COMPLAINTE DU SIRE DE PÉROLX
Le pieux seigneur de Poiroux fit plus. S'il jeta une partie
de sa fortune dans les fondations de la maison de Dieu, il
itait dévoué lui-même personnellement auparavant en « se
parant de la fleur du Christ, » comme on disait alors, c'est-à-
dire en se croisant pour voler à la suite de Godefroy de Bouillon
à la conquête du tombeau du Sauveur. Son départ de Poiroux,
ses adieux à sa dame, ses prouesses en Terre-Sainte et enfin
son heureux retour ont inspiré jadis les bardes de notre Bas-
Poitou et leur ont fourni le thème d'une jolie complainte en
patois peu connue aujourd'bui.
Quand fut composée cette poésie au tour original ? Nous ne
saurions le dire. Nous pensons toutefois qu'elle doit être fort
ancienne.
La première fois que nous l'avons lue, nous lui avons trouvé
une saveur particulière et comme un goût de terroir bas-poi-
tevin qui nous ont charmé. Volontiers nous la comparerions
à l'un des Barzas-Breiz, ou chants populaires de la Bretagne
recueillis et publiés par le vicomte Hersart de la Villemarqué,
membre de l'Institut. Sans doute, le patois bas-poitevin n'est
pas une langue complète comme le breton ; mais il ne manque
pas d'originalité, de fraîcheur naïve et poétique et il est sou-
vent aussi plein d'énergie dans l'expression. On en jugera par
la complainte dont nous donnons le texte d'après M. Alfred
(jiraud qui l'a publiée, le premier, dans la Revue des Provinces
de l'Ouest, en 1854. Ce texte sera facilement compris par les
habitants du pays des Olomies et du Talmondais et même par
tout Vendéen d"origine. Nous mettrons d'ailleurs, à côté du
mot, la signification des expressions qui pourraient présenter
quelque difficulté.
Le jou qu'Emerit s'onnongit {s'en alla)
Et que pre la croex gle s'armit,
Au béa l'Abri, sin cbé [chien) fidèle,
Gle baillit la garde d'Adèle...
ET DE SUN CHK « L'ABHI » 'i&9
Gronds et petits, priez tretous
Pr' Emerit, sire de Péroux (Poiroux)
De lirou oux [bis)
Pr' Emerit, sire de Péroux !
« Dons tras ons, dit-il, revenrai,
(Dans trois ans, dit-il, je reviendrai).
« Et pus jamais te guitterai. »
Pis, tôt dret vers la Palestine
Gle s'onnongit pre la Gastine,
On (en) la Palestine rondu
■Ine foé qu'el s'était battu,
De sin chevaau saautit à terre
Et dormit à la soulaillère.
Daus infidèles venguirant (vinrent)
Qui sans pitié le prenirant,
Et dompis (depuis) covert de touaille (mauvais habits)
Gle s'acabaudit sur la paille...
Au roge Uri (Ulric) qu'on sa mésin...
Gl' avait trejou pre caimpagnin
Et gubernur (gouverneur) de sin doumaine
Gle fasit annincer sa peine.
Mais Uri, soudard de l'onfer,
Sans pus durer passe la mer,
Et, à Satan baillant sen âme,
Va de Péroux treuver la Dame.
•( Ma Dame pllurez votre sort !
« Emerit, le vaillant, est mort,
« Frappé sur la pllaine étrongère ;
« Y le menis au cimentère...»
— « Ah ! mécréant, ne me trimpez !
« Pre min malhur bé vrai disez?..
— « Si mens, de tio cop, dame Adèle,
M'arde (me brûle) vif la fllambe éternelle ! »
— « Ne vux pus boére ne monger,
■< On la tour y vas m'onfremer.. »
Et pllurant sa malavonture
Adèle disait à tote hure :
390 LA COMPLAINTE DU SIRE DE PÉROUX
Gronds et petits, priez tretous
Pr' Emerit, sire de Péroux
De lirou oux {bis)
Pr' Emerit, sire de Péroux
Tras jous, sans boére ne monger,
On la tour s'allit onfremer....
Et pllurant sa malavonture
On l'entendit dire à tote hure:
Gronds et petits, priez tretous
Pr' Emerit, sire de Péroux
De lirou oux (bis)
Pr' Emerit, sire de Péroux !
Tras jous durant, le ché L'Abri,
De sin chagrin tôt allori (peiné)
A la porte fasit la garde,
Mieux que soudard oque (avec) hallebarde.
Per ontrer Uri s'en vinguit ;
Mais contre li L'Abri ringit (grogna en montrant les dents.
Et d'in molet pris à goulaie
Monquit d'au cop fére brechaie (brèche)
In an après, L'Abri ringeait...
Mais, lors, Uri se prédarait, {se prélassait)
Ensorcelou de dame Adèle;
Gl' allait épouser l'infidèle...
Le jou daux noces, lespaysons,
Leurs femmes leurs jénes infons,
Et jusques au bin viux prêtre
Priant pre l'âme de leu maître.
La pentouine et son houlier
On l'église alliant intrer,
Quond L'Abri saautant à sa face,
Jetit Uri mort dans la gasse (boue).
Dessus lapllace, on tio moumont,
Emerit arrivit vivont ;
Car li tôt dret de Palestine
Gle s'on venait pre la Gastine.
ET DK SON CHÉ « L'ABRI »
391
« Holà ! dit eil, min béa L'Abri,
« Qu'étoque le fasant iqui?...
« Orde garse ! (juron) drigail de femme !
« Me créiez dinc mort, ma Dame? .. »
— 0 Le roge Uri nous a monti !..
« N'ai pus qu'à mouri démési. » (désormais)
Et pllurant sa malavonture
Adèle dicit à tote hure :
Gronds et petits, priez tretous
Pre la reclluse de Péroux !
De lirou oux(bis)
Pre la reclluse de Péroux !
H«e BOUTIN.
LES PEINTRES DU SIECLE'
Paul BAUDRY
J'ai raconté dans la Vie d'un artiste que ma Bénédiction des
Blés, très mal placée d'abord, n'avait pu être appréciée que
vers la seconde moitié de la durée du Salon, après le
remaniement... J'étais devant ma toile, qu'on venait de des-
cendre des hauteurs qui la dérobaient aux yeux du public, et
je la regardais, tout heureux de la voir enfin à la cimaise,
lorsqu'un jeune homme accourut vers moi et me sauta au cou
en me disant : « Que je t'embrasse pour- ton ciel ! ». C'était
Paul Baudry. On me pardonnera de rapporter ici ce compli-
ment qui fait surtout l'éloge du cœur généreux d'où il est
sorti. La joie que j'en ressentis fut doublée par celle de revoir
cet ami tant admiré.
Il arrivait de Rome, triomphant. Jamais plus beau rayon
de gloire n'éclaira un début. Edmond About, un autre favori
de cette heure, fraîchement revenu de Grèce, précédé par un
roman qui occupait tout Paris, avait dédié à notre jeune pein-
tre le premier volume de ses Salons où il le célébrait dans
> M. Jules Breton, qui est un poète du pinceau, un prosateur remarquable
*t un versificateur habile, pénétrant et ému, vient d'achever, dans la Revue
des Deux Mondes, une série d'exquis portraits a la plume consacrés aux
peintres du siècle. Nous détachons de la livraison de septembre dernier celui
fie notre illustre compatriote Paul Baudry, dont nos lecteurs seront certai-
nement heureux de retrouver ici l'éloquent éloge.
N. D. !.. R.
PAUL BAUIJHY 393
maintes pages. En tôte de l'épUre dédicatoire on lisait:
u Paoliccio mio ! » et cela attendrissait le public.
Il était en effet de petite taille, cet artiste charmant que la
foule, pour la première fois, contemplait avec cette douceur
particulière dont ses regards caressent les jeunes triompha-
teurs. Si vous voulez le connaître à fond, vous n'avez qu'à lire
sa correspondance si intéressante, qui a été publiée. Il y est
tout entier, avec sa vaillance infatigable, sa douceur, sa bien-
veillante ironie, son cœur dévoué. Il avait redouté beaucoup
cette exposition, et il était tout à l'étonnement et à la joie d'un
triomphe. Certes l'avenir devait paraître bien beau à ce jeune
homme dans l'ivresse d'un tel début. Il en jouissait avec un
tact parfait et en toute bonne camaraderie. Hélas ! la gloire ne
lui sera guère douce !
C'était une fête de nous revoir. Je fus surpris du changement
qui s'était fait en lui. Quoique toujours très brun, il m'apparut
comme éclairci; l'œil plus tendre ,1a chaleur plus souple, d'une
correction imprévue. Nous avions eu des rapports d'amitié
discrète et d'estime, huit ou neuf ans auparavant, à l'atelier
Drôlling. Nous ne les avions entretenus par aucune corres-
pondance pendantcettelongue période si différemment passée-
Mais nous nous étions suivis en pensée. La publicité lui avait
appris mes débuts ; quant à moi, j'en étais resté aux conjec-
tures, car il n'avait montré ses envois de Rome qu'à l'École
des Beaux-Arts tandis que j'étais à Courrières. En ce moment,
il les exposait en bloc. Baudry était autrefois un garçon
silencieux, aimant la solitude, s'isolant par une froide réserve,
môme au milieu de ses condisciples dont il était le point de
mire, car la plupart cherchaient à l'imiter. Il avait la tête
énergique, au hâle pâle, des dominateurs. Cependant l'empire
qu'il exerçait était absolument involontaire. Nous lui recon-
naissions une supériorité. Nous l'appelions « le petit grand
homme ». Il était arrivé du fond de sa Vendée, à demi sauvage
encore, résolu à parvenir, âpre au travail. Il apportait comme
la fauve ardeur de la faune de ses bois. Ce fils d'un sabotier
394 PAUL BAUDRY
avait d'ailleurs l'audace prudente et réfléchie de ceux qui
marchent dans les chemins non frayés. Nous nous serrions
autour de lui, nous autorisant de cette indépendance que nous
regardions comme une intransigeance pleine de promesses,
pour défendre notre personnalité contre la règle académique.
Nous l'aurions jugé indomptable, à voir avec quelle hardiesse
il brossait ses études à l'atelier.
Mais nous nous trompions! Baudry était modeste au fond,
maniable sous l'influence de son admiration pour les maîtres.
De là cette aménité bienveillante qui tempéra l'énergie de son
talent et de sa face de corbeau ; il ressemblait à cet oiseau.
Oui, si nous applaudîmes son exposition de 1857, séduits par
tant de charme titianesque etcorrègien, nous fûmes étonnés
de le trouver si souple à fondre une originalité que nous ne
pouvions nous empêcher de regretter, tout en partageant l'ad-
miration générale. Oh! que sa petite Léda était charmante!
Mais nous n'y reconnaissions plus notre épineux Baudry. Les
greffes avaient fleuri sur le sauvageon. Nous attendions
sinon mieux, du moins autre chose de l'élève qui en 1848,
dessinait si furieusement des scènes de Chouans sur la toile
dont il avait tapissé sa chambre, vraie grenier d'une maison
isolée au milieu de la place Saint-Germain-des-Prés et que le
boulevard a emportée, alors que sa fierté tranquille et son
silence méditatif nous imposaient une sorte de respect. Que
sont devenues ses figures d'après le modèle vivant, un peu
barbares, parfois bizarres de proportions mais aux articula-
tions si fermement élastiques, aux muscles souples, d'une
seule et généreuse coulée !...
On connaît son enfance. Tout le monde a remarqué son
tableau célèbre, La Fortune et V Enfant. Le petit Paul a vu aussi
la déesse lui tendre la main, non sur la margelle d'un puits,
mais sur les ais mal joints d'une estrade de ménétrier, car le
futur peintre des Muses faisait danser des paysans. Et cette
fois la fortune, qui avait oublié sa route, se présentait sous
les traits d'un aimable homme, M. Renaud, directeur des
l'AUL BAUDRY 395
contributions du département. Plusieurs lettres du peintre
témoignent à son égard d'une bien vive reconnaissance.
Ce fut dans les forêts rocheuses, parmi les houx épineux,
les chênes rabougris aux mille racines tortueuses, les ronces
et les fleurs sauvages, que le petit Baudry reçut ses premières
impressions de nature. Il y poursuivait les papillons qu'il
collectionnait, les yeux ravis de leurs couleurs, dont plus tard
il se servira pour les harmonies de ses décorations de l'Opéra.
Son Supplice d'une vestale porte encore des traces de l'influence
première : il y a là des figures enchevêtrées de broussailles
avec leurs ossatures rugueuses, sous des muscles noueux, où
çà et là une veine court comme une ronce, tandis qu'à côtés
s'épanouissent des jeunes filles et des enfants, avec l'âpre
élégance et la fraîcheur des églantines. Ce tableau se ressent
encore du lait sauvage sucé par le nourrisson. D'ailleurs et
heureusement, malgré l'influence italienne subie, il ne s'en
dégagera jamais complètement ; quelque chose d'âpre et de
bien français subsistera dans son goût transformé. Il aura
beau chercher les raffinements, il conservera toujours un peu
de foin dans ses sabots vendéens. Mais comme c'eût été plus
simple pour lui de ne jamais quitter son pays. Quelque grand
que soit Michel-Ange, pourquoi se mettre à copier, et avec
quel inoui courage! cette voûte de la chapelle Sixtine? Rien
de plus sublime que cette gigantesque épopée. Mais notre ami
y a pris une formule qui n'est pas du vrai Baudry. Nous aurions
préféré celle qu'il eût trouvée par lui-même.
La commande de l'immense décoration du foyer de l'Opéra,
que lui confia son ami Gh. Garnier a-t-elle été, comme beau-
coup l'ont affirmé, une bonne fortune pour notre peintre ? Il
a dû le croire lui-même dans l'enthousiasme de sa joie
créatrice, lorsqu'il conçut cette œuvre olympienne toute
rayonnante de lumière divine, toute cadencée de groupes
aux gestes surhumains. Avec quelle ardeur il en a jeté
les brillantes esquisses, tracé les harmonieux cartons ! Mais
que ne s'est-il arrêté là, et que n'a-t-il confié à d'habiles
396 PAUL B AU DRY
décorateurs ce que le reste de ce travail avait d'écrasant.
Songez que Baudry a tout peint, lui seul, au moyen de procé-
dés forcément sommaires, de formules nécessairement de
pure pratique ; lui, l'artiste d'abord énergique, puis délicat,
que nous avons vu passer de la robustesse d'un sauvage début
aux souplesses du voluptueux et tendre épicurisme où il ne
larda pas à se complaire. C'est ce peintre, fort et fragile à la
l'ois, que j'ai vu, sur ces échelles, s'épuiser à l'acharnement
d'an travail de praticien ! Je crois encore l'entendre me dire :
« Tu ne te figures pas ce que j'y dépense de force physique. »
Il eût pu ajouter : « et d'inutile inspiration. »
L'œil du maître, surveillant le travail d'un préparateur, eût
mieux conduit une exécution à peine appréciable d'ailleurs
dans les conditions où elle se présente. Par quelques retou-
ches, quelques glacis, quelques rehauts, il eût dirigé plus
sûrement les larges élans de son imagination toute au souve-
nir de sa chère chapelle Sixtine et il eût évité la fatigue d'une
vaillance inutile et hâtive qui ne lui a pas laissé le loisir ni le
repos indispensable à la pénétration complète de son rêve
génial et qui a fait dévier, parfois, en torsions maniérées,
l'allure trop improvisée de ses figures d'abord si magistrale-
ment conçues.
A ce tour de force merveilleux où s'est épuisé Paul Bau-
dry. combien de Vérités sortant du puits, combien de Perles et
de Vagues adorablement nacrées n'ont-elles pas été sacri-
fiées !...
Malheureusement il est mort trop tôt. La vieillesse lui eût
ramené les sensations de l'enfance, et, avec elles, sa puissante
personnalité. C'est ce retour au berceau qui a inspiré ses
chefs-d'œuvre les plus personnels au Poussin, longtemps
aussi trop influencé par l'Italie. Mais Baudry n'a pas eu cette
faveur du sort ! Si encore il avait pu exécuter cette Jeanne
d'Arc tant méditée, qu'il devait peindre au Panthéon et qui
allait lui reconquérir, tout entier, son beau pays de France !
Mais il passa les dernières années de sa vie à peindre ces
PAUL BAUDKY 397
immenses toiles décoratives du grand foyer de l'Opéra, qu'a-
lourdit la profusion des ors, qu'écrasent d'énormes moulures.
Il a dû bien souffrir d'une entreprise si démesurée qu'il fallait
pousser à bien, qui ne lui permit pas de se reprendre en toute
liberté de création, et qui l'épuisa, je viens de le dire, par le
dur travail et le déploiement de force physique qu'elle exigea.
De là peut-être cette mélancolie de fond qui ne le quittaitplus
que très rarement, et qui dégénéra en une profonde tristesse,
source probable du mal qui l'a emporté.
Non ! la gloire ne fut pas douce à ce vaillant artiste. Elle
lui restera fidèle cependant et plus d'une œuvre perpétuera la
renommée de sa mémoire. Bien que son instruction première
eût été fort négligée, Baudry, à force d'étude, s'était acquis
une solide érudition. Théophile Gautier m'a parlé du style de
ses lettres, avec beaucoup d'éloge. Il fut de plus un modèle de
piété filiale, d'amour fraternel et de tendresse pour ses amis :
tout cela justifie bien la dédicace attendrie d'Edmond About.
« Paoliccio mio 1 »
Jules Brkton.
LES CANONS HISTORIQUES DE LA VENDÉE MILITAIRE
LA MARIE-JEANNE ET LE MISSIONNAIRE
Sous ce titre Un canon historique aux armes du Cardinal
de Richelieu, Mgr X. Barbier de Montault a publié dans
la Revue d'Archéologie poitevine (N° d'août 1899) un
article sur la Marie-Jeanne des Vendéens, dont nous avions
précédemment donné l'image gravée par M. 0. de Rochebrune.
Cette gravure était, dans notre pensée, destinée à accompagner
l'article de M. l'abbé Deniau sur le premier combat de Fon-
tenay en 1793, — combat dont le récit figurait dans la même
livraison, et au cours duquel, l'illustre canon, fut — on s'en
souvient — arraché après une lutte acharnée aux Vendéens
par les troupes républicaines victorieuses.
Mgr Barbier, qui n'a sans doute pas lu l'article de M. Deniau,
s'étonne que nous n'ayons accompagné l'eau-forte du Maître
graveur fontenaisien d'« aucune explication », et voulant
apparemment y suppléer, il nous assure que la Marie-Jeanne
n'est point, comme on l'avait cru et imprimé jusqu'alors, au
Musée d'artillerie, à Paris ; mais qu'elle repose au fond de
l'étang du Plessis, près Chaudron (Maine-et-Loire) où les
Vendéens en déroute l'auraient jetée, pour la dérober aux
Bleus.
Notre savant confrère eut peut-être été sagement inspiré en
LA MARIE-JKANNB KT LE MISSIONNAIRE 399
imitant notre réserve, à l'endroit d'un objetdont l'histoire, peu
précise, a déjà soulevé tant et de si vives polémiques. Il ressort,
en effet, de la lettre que nous écrivait, il y a peu, M. le Marquis
de Villoutreys, propiétaire de l'étang du Plessis, que ce n'est
point la Marie-Jeanne, mais un autre canon symbolique des
Vendéens, le Missiomiaire, qui aurait été jeté dans ses eaux.
Voici du reste cette lettre :
Mojisieur,
J'ai le vif regret d'être dans V incapacité de satisfaire plei-
nement votre légitime curiosité à l'égard du Missionnaire. Voici
tout ce que je sais, qui se réduit à bien peu de chose :
Un vieux soldat de la Vendée, qui avait été attaché à la
personne de Lescure, raconta à mon grand-père, rentrant au
Plessis à son retour de l'Émigration, qu'après la bataille de
Cholet et pendant la déroute vers Saint-Florent de l'armée
Vendéenne, Bonchamps craignant de voir le Missionnaire
tomber aux mains des Républicains, donna l'ordre de le jeter
pendant la nuit, et sa?is ébruiter la nouvelle, de crainte d'ac-
croître le découragement des Vendéens, dans l'étang du Plessis,
qui est fort profondément encaissé entre deux collines.
Le même Vendéen avait encore raconté à mon grand-père,
qu'en il '94 les Bleus qui tenaient alors garnison au Plessis,
s'étaient certain jour amusés par manière de passe-temps à
hisser à force de bras au sommet d'une des collines qui domi-
nent l'étang un carrosse laissé dans les remises du château, lors
du départ pour l'Émigration ; puis, à un moment donné, coupant
le câble qui le retenait, s'étaient fort réjouis en le voyant
dégringoler le long de cette montagne russe improvisée et dispa-
raître sous l'eau da?is une culbute finale.
En i 873, j'ai mis l'étang à sec et j'ai retrouvé le carrosse aux
trois quarts enlisé dans la vase ; mais je n'ai pas trouvé {et ne
pouvais pas retrouver sans des travaux aussi considérables
que dispendieux) le Missionnaire qui par son poids s'est en-
foncé à une grande profondeur da?is le sol tourbeux et mare-
400 LA MARIE-JEANNE ET LE MISSIONNAIRE
cageux qui forme le fond de Vétang, où à quarante pieds on
ne rencontre pas le solide.
La seule chose donc qui demeure certaine, dans la double
allégation apportée à mon grand-père, c'est que la preuve de
l'exactitude de l'une, a été faite, ce qui donne du poids à la
probabilité de la véracité du témoin pour l'autre ; mais c'est
tout.
Veuillez agréer...
Le M" DE VlLLOUTREYS.
LE DONJON DE TIFF AUGES
D'après un <-li<-ln'- <\c 1/. Arsolier
CHEZ BARBE-BLEUE
LE CHÂTEAU M TIFFAUGES
Lorsqu'au IX" siècle, les Normands dévastèrent le Bas-
Poitou, Tiffauges possédait déjà un château-fort, isolé de
la bourgade par un ravin en partie comblé, il y a une
soixantaine d'années, lors de la construction de la route de
Tiffauges à Saint-Jean-de-Monts, lequel constitua avec la
Crume et la Sèvre, la première fortification.
Brûlé par les pillards du Nord, il ne se releva de ses rui-
nes que pendant les XIe et XIIe siècles, époque où le château et
ses dépendances acquirent une partie du développement
qu'ils possèdent encore aujourd'hui. On a môme la preuve
certaine qu'une partie de l'enceinte du XIIe siècle a été établie
sur les anciennes fondations romaines, au lieu môme où cam-
pèrent les légions d'Agrippa et d'Adrien. D'ailleurs, les tuiles
romaines trouvées, en 1885, dans les fouilles de la chapelle
ne laissent aucun doute à ce sujet1.
1 Sur le sommet le plus élevé de l'enceinte, se trouve La Motte dont nous
avons déjà parlé et au sujet de laquelle il existe plusieurs traditions inté-
ressantes à rapporter. Quelques savants désignent cette motte sous le nom de
Castellum des Romains qui, de ce point élevé, exploraient le pays et préve-
naient ainsi les attaques des Gaulois. Selon d'autres, son attribution serait
la même, mais alors à l'usage de nos ancêtres qui, du haut de cette éminence,
annonçaient à leurs voisins, en y allumant de grands feux, l'apparition des
102 LE OHATKAU DE TIFFAUGES
La grande période militaire de Tiffauges s'ouvre au XIe siè-
cle au moment où commencent les conflits interminables qui,
pendant de longues années, mettent aux prises le Poitou et
l'Anjou, pour prendre fin en 1628, après la prise de la Rochelle.
Pendant les luttes qui, trop souvent, ensanglantèrent ces
deux provinces, Foulques III, dit le Noir, se signala surtout
en faisant couvrir le territoire de son duché de châteaux et de
forteresses. Tiffauges, placé à la porte du domaine de ce tur-
bulent prince, appartenait aux vicomtes de Thouars qui,
tenant pour les comtes du Poitou, firent de l'ancienne capitale
des Teiphales un boulevard infranchissable et une place de
guerre de premier ordre.
Quatre phases bien distinctes, caractérisées par le genre
des constructions dont les ruines actuelles donnent une assez
juste idée, marquent cette longue période de cinq siècles et
demi. La première coïncide avec les guerres que se firent les
ducs d'Anjou et d'Aquitaine ; la seconde s'étend aux règnes
glorieux de Philippe-Auguste et de saint Louis ; la troisième
correspond à la guerre de Cent ans, et la quatrième aux guer-
res de religion1.
L'examen des restes des châteaux de Pouzauges et de Tif-
fauges et aussi l'histoire établissent, d'une façon indiscuta-
ble, que ces deux forteresses ont, depuis le X9 ou le XI" siècle,
appartenu, soit aux mêmes propriétaires, soit aux membres
Normands. D'autres encore, se basant sur ce fait que cette motte était en-
tourée de douves, y voient en même temps qu'un symbole vivant de la féoda-
lité, un point de défense pour les seigneurs. — Enfin, quelques archéologues,
observant que l'on trouve des mottes du môme genre dans toute l'Europe, lui
attribuent une origine plus ancienne, et en concluentque ce pourraient bien
être des tombeaux. On sait en effet que l'usage des tertres tumulaires se re-
trouve ch^z toutes les nations du monde et même chez les peuples de l'anti-
quité. D'après l'abbé Cochet « des plateaux de la Scythie aux bords de l'Océan,
depuis les Florides jnsqu'aux innombrables archipels de l'Océan, on ne trouve
que de8 tertres funéraires entourés de traditions mystérieuses et de la vénéra-
tion des peuples ». Comme les anciens avaient l'habitude d'ensevelir avec le
mort quantité d'objets qui lui avaient été chers, on comprend qu'en fouil-
lantcette motte on y trouvât peut-être des choses précieuses pour l'archéologie.
' Paysages et Monuments du Poitou.
LE CHATEAU DF. TIFFAUGES 106
d'une même famille, et que les plaii£ en ont été conçus et exé-
cutés sous la direction des mêmes architectes et des mêmes
ingénieurs militaires.
Là aussi se trouvait tout ce qui composait une société au
moyen-âge : chapelle, salle d'honneur, oratoire, corps de
garde, prisons, oubliettes. Le baron et la châtelaine, le chape-
lain et le fou, le héraut, les hommes d'armes et les varlets, le
bourreau, les chevaux et les chiens ; rien n'y manquait ; on y
pouvait naître, vivre et mourir.
Au XIe siècle, le château de Tiffauges comprenait : le don-
jon et le bâtiment du corps de garde où, plus tard, on établit
les herses, la chapelle et l'enceinte presque entière. Tous les
matériaux employés provenaient du coteau de la Pierrière,
situé au nord de la tour du même nom. La résistance à main
armée n'étant pas plus à craindre que les embuscades et les
surprises, l'architecte a tout disposé suivant la « configuration
du terrain, pour servir d'avant-poste dans une levée de bou-
cliers et de point d'appui dans une tentative imprévue. De là,
ces obstacles multipliés à dessein pour empêcher l'accès du
donjon, ces tours élevées, d'où le regard embrasse les collines
environnantes et fouille tous les plis du terrain ; ces échau-
guettes et ces meurtrières qui permettent de lancer des traits
dans toutes les directions ; ces poternes basses et déguisées
par où l'assiégé peut fondre subitement sur l'ennemi, ou
prendre la fuite quand l'enceinte est envahie1.
Si l'auteur du projet a pourvu aux moyens de défense, il
n'a pas oublié qu'il était nécessaire j d'assurer les besoins
matériels de la garnison, et ce en dehors de toute coopération
de la ville. Un moulin dont l'ancien emplacement est caracté-
risé par la place du bief et de l'arrière-bief, porte le nom de
moulinette et fournissait la farine au château. Le Portage,
abrité derrière la Pierrière, servait, à décharger, sur une
sorte de petite plage, les provisions amenées par la Sèvre,
i Balleyguier, Paysages et Monuments du Poitou.
TOM XII. — JUILLET, AOUT, SEPTEMBRE. 28
40 t LE CHATEAU DE TIFFAUGES
tandis que la petite douve creusée de façon à isoler le château
de la Pierrière pouvait abriter quelques barques.
Le Donjon. — Le donjon, qui, au témoignage de la Pope-
linière, serait resté inaccessible, alors même que tout le reste
du château eût été prisi, forme un vaste carré dont les murs
sont flanqués dans les angles et les milieux de puissants con-
treforts arrondis. Chaque étage se composait de deux
chambres séparées par un mur de refend percé d'une porte.
Le seigneur habitait l'étage principal dont les restes existent
toujours enfouis sous les décombres, et sa chambre réservée
devait être celle de l'ouest, qui lui permettait de surveiller
toutes les défenses et les services du donjon. La porte primi-
tive du donjon était suivant l'usage, à environ six mètres du
sol ; on en voit encore la trace, sur la face ouest, dans la partie
qui regarde le bâtiment de la herse.
Les abords étaient protégés par des douves profondes,
par l'escarpement du rocher et par le bâtiment où fut plus
tard installée la herse. Il est facile de se rendre compte des
limites primitives de ce bâtiment. Sur le mur ouest du donjon,
on voit parfaitement la trace de l'ancien toit et, du côté de la
Tour du Pertuis, on distingue encore les deux contreforts
qui formaient l'abord de ce corps de garde. Il reste de celui-ci
la belle cheminée du XIe siècle, encastrée dans le mur, à
gauche de la porte d'entrée, et un escalier obstrué par les
éboulements. Cet escalier a dû, dès l'origine, donner accès à
une poterne de secours, ainsi que l'indique le nom de Pertuis.
Aussi, lorsqu'au XIIIe siècle on ajouta une forte tour qui pût
servir de donjon annexe, cet escalier fut-il continué pour con-
duire à une salle basse qui a encore conservé le nom de
Pertuis. De cette poterne on pouvait, en traversant le fossé,
sortir du château sans éveiller l'attention, ou encore, conduire
une patrouille le long des murs d'enceinte. C'est par cette
entrée secrète, si l'on croit la tradition, que Gilles de Rays
i La vraie et entière histoire des troubles et choses mémorables, etc. 1573.
LE CHÂTEAU DE T1PPAUGE8 405
faisait introduire la plupart de ses victimes dans l'appartemen
où il les immolait. Plus tard, quand la Tour Carrée fut cons-
truite, on pratiqua dans le mur nord du donjon la porte
maintenant cachée sous le lierre et à demi comblée par le
mur de soutènement qui précède la grande fenêtre de l'est.
Au XIVe siècle, une troisième porte fut ouverte à l'angle sud-
est, pour communiquer avec la grande salle de réception, que
l'on bâtit alors entre le donjon, la douve et le mur d'en-
ceinte1. C'est dans cet appartement de luxe, dont le plafond
est formé de gros voussoirs en granit s'appuyant sur des
nervures soutenues elles-mêmes par des culs de lampe et à
l'abri de tout regard indiscret, que Gilles de Rays devait se
réunir avec ses complices pour boire le « claire » et « l'hysopé »,
c'est-à-dire ces liqueurs chaudes composées de vin, de miel et
d'aromate*, dont il déplore l'abus dans son procès, et qu'il
recommande aux mères de ne jamais donner à leurs enfants.
Rappelons encore deux autres souvenirs qui se rattachent
à ce fameux donjon. Gilles massacrait les petits enfants dans
cette chambre, dont la fenêtre, qui existe toujours, regarde
l'ouest; les corps des victimes étaient brûlés dans l'apparte-
ment voisin et les cendres jetées dans le vivier. Le «hall»
ou la « salle basse », dont il est souvent parlé dans le procès,
et qui servit à l'italien Prelati pour plusieurs de ses invoca-
tions, est la cour assez spacieuse située au-dessous de la
grande fenêtre, du côté de l'est. En écartant les longues
herbes qui croissent au pied du mur, on voit l'ouverture de
la petite chambre où le vieux sorcier se blottit, poussant de
grands soupirs et eignant d'avoir reçu du diable une terrible
correction3.
Dans cette même partie du donjon se voit une jolie fenêtre
de ce style moyen-âge si habile à marier l'élégance à la force.
la cheminée et lepavédecetapparteraent<le luxe existent encore en partie,
/oir M. Léon Gautier, La Chevalerie.
^ Balleyguier, Partages et Monuments du Poitou
400 LE CHATEAU DE TIFFAUGES
Elle donne sur la vallée de la Sèvre. Le coup d'œil fait rêver.
Tout est douceur au dehors. Qui sail ? N'est-ce point de cette
fenêtre que les pauvres prisonnières suivaient du regard les
hirondelles, ces joyeuses fugitives? N'est-ce point de cette
embrasure que sœur Anne, en pleurs, échevelée, répondait à
la malheureuse qui allait mourir : «Je ne vois que le soleil qui
poudroie, l'herbe qui verdoie I »
A côté du donjon, image de la force matérielle, dont elle est
séparée par le vivier, s'élève la chapelle, symbolo de foi et de
paix.
La chapelle. — La chapelle, dédiée à Saint-Vincent, et la cry-
pte sont, avec l'église Saint-Nicolas, de la fin du XIe ou du pre-
mier quart du XIIe siècle. La grande arcade ogivale qui sépare
l'abside et la nef de la chapelle haute sont de la même époque,
ainsi que le démontre l'escalier du clocher. Sous le cintre en
ogive garni de lierre, dont les mouvantes draperies tombent
sur des murs lézardés ou chancelants, on trouve une de ces
vues délicieuses que les peintres rencontrent rarement. S'il ne
reste que quelques débris delà chapelle haute, longue jadis
d'environ 28 mètres, sur une largeur variant entre 10 m. 50
et 7 m. 50, et si le dallage de la nef recouvert de terre est
transformé en jardin potager, la crypte romane formée de
trois travées est entièrement conservée. On y voit encore l'o-
rifice des puits funéraires et les restes de l'autel où Gilles de
Retz faisait offrir des sacrifices en l'honneur du diable pendant
qu'on chantait la messe des anges dans l'abside supérieure.
La Baille. — La Baille, vaste enceinte entourée d'une cein-
ture de remparts et composée de tours unies par de fortes
courtines aujourd'hui délabrées, paraît remonter, dans ses
parties essentielles, aux XIe et XII0 siècles, car les contreforts
de la cuisine, les corbeaux, les consoles des cheminées et les
détails d'ornementation appartiennent au XIVe siècle.
Les tours les mieux conservées, entre la porte Paleresse et
la tour Ronde, sont percées d'archères ou de meurtrières très
étroites. C'est dans les bâtiments de la Baille, aujourd'hui
LE CHATEAU DE TIFFAUGKS 407
disparus en partie, $t non dans l'enceinte du donjon, que lo-
geaint les hommes à la suite du seigneur, ainsi que les cha-
pelains et aussi les vassaux qui se retiraient dans l'intérieur
à l'approche de l'ennemi.
De la porte Bailleresse ou Paleresse, la vue dont on jouit
est féerique : l'œil plonge avec délices sous les arches des
ponts, au milieu des îlots couverts de fleurs, formés par la
Grume et la Sèvre sur des rochers épars et les collines ver-
doyantes qui, de tous les côtés, s'étagent gracieusement en
amphithéâtre.
La cuisine située au sud-est de la ferme actuelle, auprès
de la cave souterraine et non loin du puits de la Fée, existait
encore sous le nom de la Tour du Four, il y a environ 40 ans.
Ecuries. — Les restes des écuries, d'une longueur de 78 mè-
tres sur 8 mètres de largeur subsistent encore en face des
tours de l'Etang, de la Renardière et des Veaux.
Dès la fin du XIIe siècle, le château de Tiffauges, l'un des
plus importants de la contrée, était pourvu d'une double en-
ceinte et d'un système de défense habilement combinée ; ce
qui ne l'empêcha pas d'être pillé parles Anglais sous le règne
de Philippe-Auguste.
Lors des guerres que dut soutenir contre la Bretagne, Al-
phonse, comte de Poitiers, le château deTiffauges fut encore
fortifié, et c'est vraisemolablement entre 1247 et 1270, que
furent établis la porte de la barbacane, la herse, le pont-levis
les portes situées en avant et en arrière du corps de garde,
dont on voit encore les scellements ainsi que les annexes nord
du grand donjon-.
La Tour Carrée, fortement assise dans un fossé d'eau ver-
dâtre et dont la forme, si fière et si pure, rappelle les dispo-
sitions de la porte Garonne, à Cadillac, est parfaitement bien
adaptée à la défense du donjon, puisqu'elle obligeait, par ses
dispositions, ceux qui venaient au donjon, soit de l'extérieur,
soit de la ville, à traverser la douve à fond de cuve, avant d'y
arriver.
408 LE CHATEAU DE TIFFAUGES
« La partie conservée de la Tour Carrée, le long de laquelle
poussent des racines vigoureuses et des arbustes de prove-
nances diverses, se divise en quatre étages », la salle basse
servait de prison1 ; le rez-de-chaussée, de plain-pied avec le
point-levis, communiquait avec la galerie et la cour de donjon ;
le premier étage servait de poste pour les sentinelles, l'étage
supérieur desservait un hourd mixte. Les consoles du chemin
de ronde, les meurtrières pratiquées dans les murailles, les
rainures du pont-levis, les trous qui recevaient les bois du
hourd, tous les détails, en un mot, donnent à cette tour une
physionomie vraiment curieuse.
De la grande cour, un escalier extérieur conduisait au pre-
mier étage de la Tour Carrée et à un chemin de ronde exté-
rieur à cette tour, qui longeait le chemin du donjon ; delà, au
moyen d'un pont-levis, on atteignait la porte nord du donjon,
que défendait une herse, dont de longues fentes marquent
aujourd'hui la place.
Quand ce dernier pont-levis et celui de la douve étaient
levés, la tour se trouvait isolée de toute communication, mais
dominée par le donjon.
Un souvenir se rattache aux annexes du donjon. C'était
dans la galerie nord que se promenait Gilles de Retz, lorsqu'il
appela Blanchet et lui manda de porter secours au sorcier
qui criait miséricorde dans le « hall » ou la salle basse. Gilles
voulait que Prelati fût exorcisé et reçût les sacrements, s'il
était en danger de mort*.
Tour ronde. — La Tour ronde, qui domine la vallée de la
Sèvre entre la tour du Vidame et la porte Palleresse, est du
XIII* siècle. Elle est, de l'aveu des spécialistes, la construction
la plus remarquable du château, et M. Balleyguier, architecte
1 Les Chartres (pièce 4 du donjon) servaient de prison pour la ville avant
la Révolution. Le gardien Pierre Lucas en ouvrit les portes quand les bleus
pénétrèrent dans le château le 14 octobre 1793.
' Balleyguier, Brin et Herbert. — Une pierre de cette galerie porte une
inscription illisible ; elle semble provenir de constructions antérieures.
LK GHATKAU DE TIFKAUQKS 409
du gouvernement, estime qu'il est impossible de pousser plus
loin la perfection de l'art militaire. La plate-forme, autrefois
entourée de créneaux, a été complètement démantelée, et, dans
la suite des âges, surtout au XVI' siècle, on a modifié plusieurs
parties, notamment l'escalier de la plate-forme, la porte du
rez-de-chaussée et la salle du poste ; les meurtrières ont été
disposées pour le tir de l'arquebuse et de la couleuvrine ;
cependant le système de défense et les dispositions générales
sont les mêmes, et il est facile de se rendre compte du plan
primitif.
la pente rapide du coteau, la hardiesse des murailles s'éle-
vant à pic sur le rocher, les archères et les créneaux, rendaient
les abords de la tour très dangereux du côté de la Sèvre. Le
chemin de ronde construit au XVe ou au XVIe siècle, au bas
de la courtine sise du côté de la tour de Vidame, ne commu-
nique ni avec l'escalier de la plate forme ni avec le rez-de-
chaussée ; de plus, il est si étroit et la porte qui ouvre sur la
baille est si basse, que les ennemis ne pouvaient pénétrer par
là que très difficilement et en petit nombre à la fois.
L'escalier de la plate-forme pratiqué dans la muraille n'a
aucun rapport avec le rez-de-chaussée, de sorte qu'il fallait
prendre séparément les deux étages.
Signalons des particularités assez intéressantes : l'arc-dou-
bleau qui soutient la voûte se termine par une tête grossière-
ment sculptée , le ciceron dit toujours d'un ton sérieux que
c'est la tête de Barbe-Bleue. Il existe une salle basse destinée
jadis à la défense de la tour ; on y descendait par une ouver-
ture rectangulaire, semblable à l'orifice d'un puits ; l'imagina-
tion n'a pas manqué d'y voir une de ces terribles oubliettes
du moyen-âge. Enfin, les larges embrasures creusées dans les
murailles portent des traces de gonds ; des archéologues en
concluent qu'il y avait à cet endroit des cages de fer pour les
prisonniers. L'architecte qui a tracé le plan de cette belle tour
visait, à coup sûr, un autre but. Ces entailles doivent indiquer
des mortaises pour appuyer les affûts et atténuer les effets
du recul.
410 LE CHATEAU DE TIFFAUGES
L^rs de la guerre de Cent ans, la ville de Tiffauges était for-
tifiée, au témoignage de la Popelinière, et le château « eslevé
sur une haulte et large montagne du hault de laquelle ses
murailles » couvraient « tout le circuit, avec leurs fausses bra-
ves » qui allaient « en descendant sur le penchant de la mon-
tagne, flanquées de bonnes tours et bien percés, » était égale-
ment en parfait état de défense, de sorte qu'aucune fortification
nouvelle ne fut élevée à cette époque.
Au XVIe siècle, lorsque les guerres de religion firent de
notre pays un vaste champ de bataille, le château de Tiffauges
appartenait aux vidâmes de Chartres, ardents protestants,
alors que les habitants de Tiffauges demeuraient fidèles à leur
foi antique.
La situation était devenue délicate pour le châtelain de Tif-
fauges dont la forteresse, depuis l'invention du canon, ne
pouvait longtemps résistera un siège en règle : de la ville on
pouvait le foudroyer sans courir aucun danger. Aussi dès la
première moitié du XVI« siècle Louis de Vendôme se fit-il un
devoir de remanier complètement le système de défense de la
place.
Il retoucha certaines parties, spécialement le boulevard qui
devait protéger le château contre la ville et fit élever contre
une tour du XIe siècle qui existe encore et sembla insuffisante
la fameuse tour du Vidame qui défendait la chaussée et le
Portage au nord-ouest.
La Tour du Vidame. - - La Tour du Vidame, la mieux con-
nue de toutes celles qui font partie de l'enceinte du château,
s'élève, massive et féodale au milieu d'un site verdoyant1 ;
elle est aussi compliquée que sa voisine la Tour Ronde est
simple. « On y pénètre par la plate-forme, par la Baille et par
1 Pour la protéger des eaux pluviales qui suintaient à travers les voûtes et
les menaçaient d'une ruine plus ou jnoins prochaine, le propriétaire, M. de la
Brestesche l'a fait dernièrement recouvrir d'une toiture en ardoises. Si la pen-
sée qui a guidé le propriétaire est excellente, il faut néanmoins reconnaître
que cette couverture en appentis détonne un peu désagréablement dans Ie
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LE CHATEAU DE TIKFAUGES 411
le coteau. Elle se divise en plusieurs étages dont la forme et la
distribution varient suivant les caprices du rocher et les
besoins de la défense. A la base est un poste dont la mission
était de surveiller la chaussée. Les reins de la voûte sont
appuyés sur des nervures moulurées. De cette salle basse on
monte, par un escalier rapide situé dans l'épaisseur du mur
et protégé par une herse, à la salle qui est au niveau du che-
min de ronde, établi à la base de la courtine ; mais, entre les
deux salles, il existe une cave où l'on descend par une ouver-
ture carrée pareille à celle de la Tour Ronde. Ici encore on
n'est point en présence d'une oubliette, mais d'un magasin à
provisions. »
L'étage du chemin de ronde présente des détails intéres-
sants. La grande salle autrefois éclairée par une fenêtre rec-
tangulaire ouvrant sur la Baille ' ne reçoit plus le jour que par
la fenêtre du guetteur employé à la manœuvre de la herse
commandant l'escalier ; on peut néanmoins en admirer la
structure. Les voûtes formées par des arcs saillants, à nervu-
res, sont d'une grande élégance; la cheminée du fond n'est pas
moins remarquable. Les gardiens des guérites disposées
autour de cette salle pouvaient tirer sur l'ennemi du dehors
dans toutes les directions: au sud, par la fenêtre qui laisse
pénétrer le jour dans l'appartement ; à l'ouest et au nord, par
les deux meurtrières que desservent, à l'entrée du chemin de
ronde, les escaliers de droite et de gauche. Ce fameux chemin
de ronde ne passe point sous la Sèvre et ne correspond pas
au château de Beaumont comme plusieurs le pensent : il dé-
bouche dans la baille par l'étroite ouverture que l'on peut
remarquer avant l'escalier de la Tour Ronde.
De cet étage on monte au rez-de chaussée en suivant un
escalier à vis en passant devant la porte qui donne dans l'en-
ceinte fortifiée.. En cet endroit, le noyau de l'escalier à forme
polygonale, est creux à l'intérieur et peut servir de porte-
voix.
1 Cette fenêtre est obstruée par les terres du remblai.
112 LE CHATEAU DE TIFFAUQES
Le rez-de chaussée, un peu plus élevé que l'esplanade exté-
rieure, se compose d'une vaste salle carrée, la plus belle peut-
être de tout le château, et de deux petites salles de guette où
l'on a ménagé des meurtrières donnant l'une sur la Sèvre,
l'autre sur la Grume. La lumière pénètre avec abondance dans
la salle par une belle fenêtre à meneaux croisés ; la cheminée
et les voûtes sont d'un style très pur ; les écussons, dont la
trace est visible, n'ont jamais été gravés. Il y avait de chaque
côté de la fenêtre deux sièges en pierre. Un acte de vandalis-
me les a presque entièrement détruits.
L'escalier que l'on prend au pied de la tour conduit enfin au
hourd en pierre et sur la plate-forme. Cette dernière partie
dont la couverture est détruite1 a été disposée pour recevoir
des pierriers etdes couleuvrines. Du hourd, on communiquait
avec les remparts de l'est par une courtine bordée de cré-
neaux. Le hourd de la Tour de Vidame avec son bon banc de
pierre, ses mâchicoulis, ses meurtrières, son effet d'acousti-
que* achève de donner à cette tour un aspect moyenâgeux.
Assis sur la banquette de pierre, on se prend involontaire-
ment à rêver à ces malheureuses châtelaines dont Perrault
a bercé notre enfance. Ah! sans doute, ici, quelque jeune pa-
ge, frêle et blond damoiseau dut — l'imprudent! — se ris-
quer à ouvrir son cœur à la châtelaine sans se douter que sa
voix, le murmure de son baiser, suivant le corridor perfide et
arrivant à l'oreille du maître, étaient son arrêt de mort !
De ce belvédère élevé, on découvre un panorama moins
étendu que sur le donjon principal, mais on jouit d'un spec-
tacle peut-être plus attrayant. « Ce petit coin, envahi autre-
fois par la Grume et la Sèvre, a changé d'aspect, on y voit des
jardins, des prairies, des flaques d'eau. Le calme et le silence
* Restaurée aujourd'hui, mais dans un style bizarre — Balleyguier, Brin
et Hébert.
' Deux personnes qui se placent à chaque extrémité du chemin de ronde
et s'asseyent sur le banc, le dos appuyé contre le mur, peuvent se parler à
voix basse et s'entendre distinctement.
LE CHATEAU DE TIFFAUGES 413
de la solitude n'y sont interrompus que par la voix des visi-
teurs et des lavandières qui fréquentent le lavoir du pont de
la Moulinette1. »
Assis sur la plate-forme qui domine la Tour du Vidame, on
est volontairement saisi par la scène imposante des ruines et
la grandeur majestueuse du paysage, par l'étendue de la
perspective grandiose qui se déroule devant vous.
Au milieu des grandes herbes, à l'ombre des cerisiers sau-
vages poussés dans les décombres, on évoque malgré soi les
âges passés, les événements dont ces lieux furent le théâtre
pendant de longs siècles, et l'âme est saisie de tristesse. On
regrette presque cette superbe habitation comme, en avançant
dans la vie, on suit d'un morne regard les fraîches idées de
la jeunesse et les espérances dont on s'enivrait.4
Louis Brochet.
1 L'abbé Brin et Balleyguier. architecte.
1 Ces pages sont extraites de la uès intéressante notice que M. Louis
Brochet a consacrée à Barbe- Bleue et à Tiffauges, et dont nous saluons,
d'autre part, l'apparition. N. D. L. K.
AVANT-PROPOS
Parmi les nombreux et si intéressants manuscrits con-
servés à Paris, à la Bibliothèque Nationale, et faisant
partie de l'ancien Cabinet des Titres, nous avons trouvé
deux volumes de format petit in-4° contenant de pré-
cieuses notices sur les Chevaliers de l'Ordre du Saint-
Esprit, depuis la fondation du dit ordre jusqu'au com-
mencement du XVIIIe siècle. Ce travail, qui prend fin
vers l'année 1700, dut être composé presqu'à la même
époque, il ne porte malheureusement pas la mention
de son trop modeste auteur. Au-dessus de chaque notice,
figurent les armoiries du chevalier, elles sont en cou-
leur, mais le travail n'en est pas des plus finement exé-
cutés. Malgré de nombreuses et minutieuses recherches
nous n'avons pu réussir à découvrir quel en fut l'auteur.
Nous avons cependant cru qu'il pouvait être utile et
intéressant d'extraire de ce manuscrit, qui a tous les
caractères d'un ouvrage des plus sérieusement étudiés,
les notices concernant des membres des familles poite-
vines, comme nous l'avions fait dernièrement d'un tra-
vail inédit de Jean-Fançois-Louis d'Hozier sur les
Chevaliers de Saint-Michel.
Puissent ces notices intéresser les lecteurs de la Revue
<lu Bas-Poitou et servir aux chercheurs et aux travailleurs
qui s'occupent de l'histoire de notre Province.
LUS
CHEVALIERS DU SAINT-ESPRIT
DE LA PROVINCE DU POITOU
de 1578 a 1700
Notices extraites d'un manuscrit conservé h Paris, à la Bibliothèque
Nationale, et publiées avec des notes.
Par le Vicomte Paul de CHABOT
Première Création. — 31 décembre 1578
ESCARS' (Charles d'), évoque et duc de Langres, pair de
France, Commandeur des ordres du Roy, abbé de la Fontaine
de Bèze, de Gailbac et la Creste, fils de Jacques d'tscars de
Pérussc, chevalier seigneur d'Escars et d'Amie Jourdain de
l'Isle, dame deMerville, sa première femme ; son mérite et sa
naissance contribuèrent à son élévation, car en 1534 il fut
évêque de Poitiers2 et en 1571 il eut l'évêché de Langres où il
'£. N. Français : 32860, f» 13-14.
1 En 1562, l'évêché de Poitiers étant devenu vacant par la mort de Jean de
Fay qui mourut en 1578, Charles de Pérusse en reprit l'administration
jusqu'en 1582, époque où il s'en démit en faveur de Geoffroy de Saint-Belin.
Il avait assisté en 1588, aux États de Blois et fut remplacé au sacre de Henri IV,
auquel il n'avait pu assister, par l'Évêque de Digne. 11 fit la fonction de Pair
Ecclésiastique au sacre de Louis XIII. (B.-F., Dict. des Fam. du Poitou 1" éd.
T. II, p. 506.
416 LES CHKVALIERS DU SAINT-ESPRIT
fit son entrée en 1574. Il avait reçu l'année précédente à Metz
les ambassadeurs de Pologne qui venaient apporter au duc
d'Anjou la nouvelle de son élection à leur couronne, et il fit
admirer son éloquence dans une très belle harangue qu'il
prononça dans cette occasion. Le même duc d'Anjou étant
depuis Roy de France, sous le nom de Henry III, le fit com-
mandeur de son ordre royal du Saint-Esprit en 1578. Li'est
ainsi qu'il reconnut le mérite de ce prélat qui se trouva aux
États de Blois en 1577 et 1578. Il travailla beaucoup à policer
son diocèse et il mourut à l'abbaye de la Fontaine de Bèze
en 1614. La famille de Pérusse d'Escars est noble et ancienne,
elle a été ci-devant alliée à la maison royale de Bourbon, par
le mariage d'Isabelle de Bourbon, fille et héritière de Charles
de Bourbon, sieur de Tavincy, Buquoy et Combles et de
Catherine d'Alègre, avec François d'Escars, sieur de la
Vauguion, le 22 février 1516.
Il portait : de gueules, au pal de vair, qui est d'Escars, écartelé
de l'église de Langres qui est : d'azur, semé de fleurs de lis d'or
au sautoir de gueules.
DAILLON DU LUDE1 (René de), évesque de Luçon, puis
de Bayeux, abbé de Chatelliers, Chaux et la Boissière, com-
mandeur des ordres du Roy, fils de Jean de Daillon, comte du
Lude, baron d'Illiers, sénéchal d'Anjou, chevalier de Saint-
Michel et d'Anne de Batarnay, fille de François, baron du
Bouchage et de Françoise de Maillé. Il se fit estimer par son
mérite et son zèle pour la foy durant la guerre contre les
héritiques ce qui lui attira l'estime du roy Henri III qui l'honora
de son ordre du Saint-Esprit en 1578. Il était d'une famille
originaire d'Anjou qui a produit des hommes illustres et plu-
sieurs chevaliers des ordres du Roy.
Il portail : écartelé au ier et 4 : d'azur, à la croix engrèlée
d'argent, qui est de Daillon; au 2" : contrescartelé d'or et d'azur,
qui est de Batarnay; au 3e : de Laval-Loué, qui est : d'or, à la
1 B. N. Français, 32,860 p. 15 et 16.
DE LA PROVINCE DU POITOU 417
croix de gueules, chargée de cinq coquilles d'argent cantonnée
de 1 6 aliénons d'azur, mais le premier canton doit être d'azur,
semé de fleurs de lys d'or au lion de même, et sur le tout : d'or,
à six annelets de gueules qui est d'Illiers, posés 3, 2 et 1 .
GOUFFIER1 (François), dit le jeune, seigneur de Crêve-
cœur et de Bonnivet, lieutenant-général pour le roy en Picar-
die, chevalier de ses ordres, capitaine de cinquante hommes
d'armes des ordonnances de Sa Majesté, troisième fils de
Guillaume Gouffier, seigneur de Bonnivet, amiral de France,
gouverneur de Dauphiné et Guyenne et de Louise de Crèvecœur,
fille de François, seigneur de Crèvecœur et de Jeanne de Ru-
bempré, son épouse, signala son courage aux batailles de
Cérisolles', de Dreux et de Saint-Denis, aux sièges de Landre-
cies, de Metz, de Thionville, Calais et autres places d'impor-
tance, et en récompense, le Roi Henry III, l'honora d'une
place parmi les chevaliers de son ordre royal du Saint-Esprit
en 1578, et il mourut le 24 avril 1594. Il avait épousé1 Anne de
Carnazet, filie <X Antoine, sieur de Brasseux et de Marguerite
de Brillac, de laquelle il eut sept enfant. Le premier : Henry
Gouffier, sieur de Bonnivet qui a laissé postérité. Le second :
Thimoléon Gouffier, tige des sieurs de Thois. Le troisième :
Charles Gouf fier, abbé de Valois. Le quatrième: Charles-Maxi-
milien Gouffier, tige des seigneurs d'Espagny. Le cinquième :
Françoise, femme d'Adrie?i, sieur de Bouflers. Le sixième :
Claude, femme d'Antoine d'Hallunin, sieur d'Esglebert, et le
septit me : Anne, femme de Charles d Amer val, sieur de Lian-
court. Il était de la maison de Gouffier dont les seigneurs ont
porté le titre de duc de Rouannez qui ont paru avec éclat dans
la cour de France et reconnoissaient pour chef Emery Gouffier
qui vivoit en 1400.
1 B. N. Français, 32860 p. 3t et 32.
5 II fut lieutenant-général au Gouvernement de Picardie, vice-amiral de
cette province en 1577 et avait été élevé enfant d'honneur des Enfants de
France. (B.-F., Dict. des Fam. du Poitou,\>° éd. T. II, p. 165).
«Le 10 février 1544. (id).
418 LES CHEVALIERS DU SAINT-ESPRIT
Il portait : d'or, à trois jumelles de sable, qui est de Gouffier,
écartelé de Montmorency. Cîmier : un lion naissant d'argent,
supports : deux sauvages de carnatioïi.
ESCARS^Françoisd'J/Comte dudit lieu, conseiller d'Etat du
Roi, chevalier de ses ordres, capitaine de cinquante hommes
des ordonnances de Sa Majesté, fils aîné de Jacques de Pé-
russe, seigneur d'Escars, et d'Anne Jourdain de l'Isle, dame
de Mervillo, sa première femme. Il fut si bien dans l'esprit du
Roy Henry III, qu'il l'honora du collier de ses ordres2. Il épousa
en premières noces Claude de Beau / remont, fille de Claude t
seigneur de Senecy et de Sombernon et de Jeanne de Vienne
et en secondes Isabelle de Beauviltiers3. Il eut de la première :
J acques yComte d'Escars, mort sans lignée de ses trois femmes,
2e: Charles, Comte d'Escars, après son frère, mort sans posté-
rité d'Anne de Bussey et Gabrielle du Chastellet, ses femmes,
3e: Louise d'Escars, première femme de Jacques, Marquis de
Haute fort, 4° : Claude d'Escars, femme de Jean de Ferrières,
Marquis de Sauvebeuf, et du deuxième lit François eut : Su-
zanne d'Escars, femme de Charles de Cazillac, baron de Ces-
sac et mère de François, Marquis de Cessac. Des enfants dudit
François d'Escars, n'étant sorti aucune postérité masculine,
Gaspard, Comte d'Amanzé, fut obligé de prendre les noms et
armes d'Escars4, et François eut aussi pour frères : Charles,
1 B. N. Français. 32860 p. 33 et 34.
'■ Il fut gouverneur de Bordeaux en 1560, lieutenant-général et commandant
en Guienne et en Périgord en 1561. Il obtint en 1561 l'érection de sa terre
des Cars en Comté. Le Conseil de la Ligue lui ayant proposé les dignités de
Maréchal et d'Amiral de France et d'ériger sa terre des Cars en Duché-Pairie,
il refusa. Il fut donné en otage au duc de Bavière avec le marquis d'Alègre
pour garantir un emprunt fait par ce prince au roi de France et se fit rempla-
cer par son fils aîné Jacques. (B.-F., Dict. des Fam. du Poitou, 1" éd., T. Il,
p. 507 .
Ou de BauTÏlle, veuve du Maréchal de Montluc et fille de François, sgr.
de Bauville et de Claire de Laurens. Il assita aux Ktats-Généraux de Blois en
1576 et 1578, suivit toujours le parti du roi contre la Ligue et fut inhumé
dans l'église de la paroisse des Cars. (tc^.).
' Il existait encore d'autres branohes de la famille des Cars qui laissèrent
postérité masculine, cependant par la substitution que fit Charles, Comte des
Cars, par «on testament du '20 mars 1 620, les descendants ci'Isabeau, dame
DK LA PROVINCE DU POITOU 419
Evesque de Langres, commandeur des Ordres du Roy et
Jacques d'Escars duquel sont issus les seigneurs de Merville
et de Ségur : Ledit Jacques ayant épousé en secondes noces
Françoise de Longivy, dame de Givry il en zut Arme d'Escars,
cardinal de Givry, évesque de Lizieux et mort abbé de Saint-
BenignedePoictiers, Molenne, Barbery, en Champagne, le-
quel mourut à Vir, en Lorraine le 19 avril 1612.
11 portait : de gueules, au pal de vair qui est d'Escars, cimier :
un cerf naissant et supports : deux cerfs d'or.
ROCHEFOUCAULD (Charles de la1), seigneur de Bar-
bezieux, de Linières, de Meillan et Preuilly, gentilhomme
ordinaire de la Chambre du Roy, lieutenant-général au gou-
vernement de Champagne, de Brie , grand sénéchal de Guyenne,
fils d'Antoine de la Rochefoucauld, seigneur de Barbezieux,
chevalier de l'ordre de Saint-Michel, gentilhomme delà cham-
bre du Roy, lieutenant-général au gouvernement de Paris et*
Isle-de-France, seneschal de Guyenne, et général des galères
et d' Antoinette d'Amboise, fille de Guy, seigneur de Ra. ... et
de Catherine-Dauphine deV Espinace, dame de Comberonde, se
distingua entre les personnes de qualité de son temps, sous
les règnes de Henry II, et des trois roys, ses fils et le Roy
Henry III, pour récompenser ses services, le fit chevalier de
ses ordres en 1578. Il épousa Françoise Chabot, fille de Philippe,
sieur de Brion, Amiral de France, de laquelle il eut trois en-
fants. Le premier : Françoise de la Rochefoucauld, dame de
Barbezieux qui fut mariée à Claude d'Espinay, comte de Duretal.
Le deuxième : Antoinette de la Rochefoucauld, dame de Liniè-
res, femme d'Antoine de Rrichanteau, seigneur de Nangis, et
je troisième : Charlotte de la Rochefoucauld, femme de François
des Barres, seigneur de Neuvy-Brunegon. Il était de l'illustre
maison de la Rochefoucauld, si illustre par son ancienneté et
de Combles, mariée le 10 septembre 1595 à Jean, Seigneur d'Amanzé et des
Feuillées, furent obligés de joindre aux leurs le nom et les armes de Parusse
des Cars. (B.-F., Dict. des Fam. du Poitou, 1" éd. T. II, p. 515).
1 B. N. Français, 32,860, p. 37 et 38.
TOME XII. — JUILLET, AOUT, SEPTEMBRE 29
i20 LES CHEVALIERS DU SAINT-ESPRIT
par les grands hommes qu'elle a produit, depuis l'an 1026 que
le chef d'icelle vivoit, il en sera parlé plus amplement ci-après.
Il portait: bardé d'argent et d'azur de dix pièces, à trois
chcvnms de gueules brochant sur le tout, le premier écîmé, gui
est de la Rochefoucauld; écartelé : d'or, à un écusson d'azur, qui
est de Barbezieux et sur le tout : d'or, à deux vaches passantes
de gueules accolées, armées et clarinées d'azur, qui est de Béarn.
Cimier : une pucelle nue, tenant de ses mains, élevées sur sa
tète, une couronne comtale et pour supports : deux sauvages de
carnation.
ESCARS Jean d"), prince de Carency, comte de la Vau-
guion, chevalier des ordres du Roy, conseiller ordinaire en
son conseil d'Etat, lieutenant-général de ses armées, capitaine
de cent hommes d'armes et de cent chevau-légers de ses or-
donnances, mestre de camp d'un régiment, maréchal, sénéchal
et gouverneur de Bourbonnais et lieutenant-général, pour Sa
Majesté, commandant en chef en Guyenne, fils de François
d'Escars, seigneur de la Vauguion, chevalier d'honneur et pre-
mier écuyer de la reine Eléonore d'Autriche et de Gabrielle de
Bourbon, princesse de Carency, dame de Buquoy, Comblât et
Aubigny, fille unique de Charles deBourbon, prince de Carency
et de Catherine d'Alègre. Ce seigneur s'étant distingué sous
Charles IX, et ayant continué ses services sous Henry III,
il eut l'avantage de rentrer dans les bonnes grâces du monar-
que qui favorisa beaucoup ceux de sa famille et le fit chevalier
du Saint-Esprit, en 1578*. Il mourut le 21 décembre 1595, il
avait épousé : Anne de Clermont, fille 6.' Antoine, comte de
Tonnerre, de laquelle il eut trois enfants. Le premier : Diane
d'Escars, dame de la Vauguion, mariée en premières noces
avec Charles comte de Maures, en Bretagne et en deuxièmes
avec Louis Estur ou Stnard de Caussade, seigneur de Saint-
* B. N. Français : 32860, p. 39, 40.
1 Le Roi Henry III érigea en sa faveur la terre delà Vauguyon en comté
par lettres patentes du mois de juillet 1586. {B.-F., id. 515.)
DE LA PROVINCE DU POITOU 421
Maigrin, et le troisième : Isabeau d'Escars, dame de Combles
qui épousa en 1595, Jean, baron d'Amanzé duquel mariage vint
Gaspard, baron d'Amanzé , lieutenant-général, au gouver-
nement de Bourgogne, qui a été obligé de prendre les noms
et armes d'Escars parce qu'il n'y avoit plus de masles de cette
famille1.
11 portait : de gueules, au pal de vair, qui est d'Escars, écartelé
de Bourbon, à la bordure de gueules. Cimier : un cerf naissant
d' or, supports : deux cerfs d'or.
FIESQUE (Scipion de)2 ; comte de Lavagne, de Bressuire
et de Galistan, chevalier des ordres du Roy, et chevalier
d'honneur de la reine Elisabeth d'Autriche, quatrième fils de
Sinibald de Fiesque, comte de Calistan et de Lavagne et de
Marie de la Bouère. Il vint en France, à la faveur de Catherine
de Médicis, reine de France, qui le fit son chevalier d'honneur.
Il avait l'honneur de lui appartenir à cause d'Alphonsine
Strozzi, fille de Robert Strozzi et de Magdelaine de Médicis.
On considéra son mérite en France, où il rendit de bons ser-
vices et se trouva au siège de la Rochelle, en 1573, et le Roy
Henry III le fit chevalier de Tordre du Saint-Esprit en Xôl^.
De son mariage il eut plusieurs enfants et entre autres : Fran-
çois de Fiesque, comte de Lavagne et de Bressuire qui, d'Anne
le Veneur, laissa entre plusieurs enfants : Charles-Léon, comte
de Fiesque, qui épousa en 1643 Gillonne d'Harcourt, fille de
Jacques, Marquis de Bivron et de Léonore Chabot-Jarnac,
comtesse de Cosnac, de laquelle il a eu Jean-Louis, comte de
Fiesque et de Lavagne et autres enfants.
Il était de l'illustre famille de Fiesque qui est une des quatre
1 Erreur, il en existait plusieurs, voir la note à l'article de François d'Es-
cars, ci-dessus.
1 A*. B. Français. 32860, p. 45, 46.
3 II avait été créé chevalier de Saint-Michel le 31 niai 156:2. En 1570, il fut
fait chevalier d'honneur de la reine Catherine de Médicis, charge, qu'il exerça
encore à la cour des reines Elisabeth et Louise. Il mourut à Moulins en 1598,
âgé de 70 ans. {Bibl. Nat. Cab. des Titres 1040, p. 76.).
422 LE? CHEVALIERS DU SAINT-ESPRIT
principales ' d'Italie. On dit sur son origine que Roboulde,
prince de la maison de Bavière avec deux de ses frères étant
passés en Italie, environ l'an 1025 eurent soin de conserver le
fisc impérial d'où ils furent nommés de Fisco, puis Fiesque,
qu'un d'entre eux étant allé en Espagne il y pritlenomd't/rrea
qu'il laissa à sa postérité qui y subsiste encore, l'autre retourna
en Allemagne et Roboulde resta en Italie où il acheta le comté
de Lavagne et servit avec beaucoup de courage contre les
Pisans, ensuite ils l'élurent leur général et remporta une fa-
meuse bataille pour eux en 1068, en reconnaissance de quoy
ils lui accordèrent des privilèges considérables. Depuis ce
temps le comté de Lavagne a toujours appartenu à la maison
de Fiesque et elle a joui d'autres biens et de grandes riches-
ses en Italie, où ils ont été longtemps Viquaires de l'Empire,
etGuillaume de Bavière, comte de Hollande, Roy des Romains
leur donna pouvoir de battre monnoye. Cette maison a eu
deux papes, Sinibalde de Fiesque, sous le nom d'Innocent IV,
en 1243, et Ottobon de Fiesque, sous le nom d'Adrien V, en
1276. Elle a eu plusieurs cardinaux, plus de cent archevêques
ou évoques, a donné des femmes aux maisons de Savoye,
Montferrat, Visconti de Milan, où elle était dans sa splendeur
du temps du père de François deFiesque, après la mort duquel
Jean-Louis de Fiesque, son fils aîné, ayant voulu usurper la
domination souveraine à Gènes, ne réussit pas à sa conspira-
tion, car il fut noyé malheureusement en entrant dans une
galère, dans le temps qu'on mettoit ses ordres à exécution,
dans la nuit du 1er janvier 1547. Le mauvais succès de cette
conjuration abattit extrêmement cette maison si riche et si
puissante, car on les chassa de Gènes où étoient leurs grands
biens et l'aîné de cette maison vint en France et étoit ce
François Fiesque, où ses descendants demeurent encore. Les
cadets se retirèrent à Rome et par la suite ils sont retournés
à Gènes.
Il portait : bandé d'azur et d'argent de six pièces, qui est de
Fiesque.
DE LA PROVINCE DU POITOU 423
PONS (Antoine sire de1), comte de Marennes2, capitaine
des cent gentilshommes de la maison du roy, chevalier de ses
ordres et lieutenant général, pour Sa Majesté en Saintonge,
fils aîné de François 2me du nom sire de Pons, comte de Mont-
tort et Marennes et de Catherine de Ferrières. Il résista vigou-
reusement aux Huguenots durant quelque temps en Cam-
pagne, mais enfin, l'ayant serré de fort près, il fut obligé de
s'enfermer avec ses troupes en sa ville de Pons, où ils l'as-
siégèrent. Après avoir résisté très longtemps, sans avoir pu
être secouru, il se vit contraint de se rendre aux méchants
hérétiques en 1568 et ils le menèrent prisonnier, à la Rochelle,
où il resta quelque temps sans qu'il ait voulu suivre leur parti.
Après sa délivrance, il continua ses services sous les roys de
France, et Henri III le créa chevalier de ses ordres en 1578.
Il épousa en premières noces : Anne de Parthenay,f\\\e de Jean
V Archevêque sT de Parthenay et Souàise,en secondes : Marie de
Montchenu, dame de Guercheville et d'Antoinette, de Pom-
briant (sic). Delà première il eut : Anne de Pons, femme de
François Martel, seigneur de Lindebœuf, en Normandie. De
la seconde il eut quatre enfants. Le premier : Pontus de Pons,
tué à Rome sans alliance. Le second : Antoinette, dame de
Pons, épouse de Henry d'Albert, baron de Miossans. Le troi-
sième : Jeanne, abbesse de Saint-Sauveur d'Evreux. Le qua-
trième : Antoinette de Pons, marquise de Guercheville, épouse
de Henry de Silly, comte delà Rocheguion, damoiseau de
Gommercy puis de Charles du Plessis, seigneur de Liancourt.
il eut encore du premier lit : Jeanne, abbesse de Grisenon. Il
était de l'ancienne famille de Pons, qui tire son nom de la
ville de Pons sur la Seugne, en Saintonge, au diocèse de
Saintes, qui est une ancienne sirauté ou sirerie qui a passé
1 B. Nat. Français S-2, 860 p. 47, 48.
s Des Iles d'Alvert et d'Oléron, conseiller du roi en son conseil privé, fut
nommé chevalier de l'ordre de Saint-Michel, le 12 janvier 1562 (1563). Il se
trouva au siège de Naples en 1528 et se signala par ses conquêtes et ses vic-
toires de Saint-Sorlin et de Saint-Just. Il mourut en 1580. [Bibl. Nat. Cab.
des Titres 1040 p. 148).
424 LKS CHEVALIERS DU SAINT-ESPRIT
dans le dix-septième siècle à la maison d'Albert à faute par
cet Antoine, sire de Pons d'avoir laissé des hoirs m;isles. Cette
maison reconnoît pour chef Bertrand, sire de Pons, qui vivoit
en llt;0 et on dit qu'il épousa Elisabeth, fille d'un comtede
Thottlouze, ce qui marque que sa famille était déjà pour lors
en haute puissance, et de ce mariage vint en treizième degré
cet Antoine, sire de Pons, en ligne masculine. Il fut le dernier
de la branche aînée, mais elle subsiste encore en la deuxième
branche en la personne d'isaac Renaud de Pons, marquis de
la Case. Cette deuxième branche a été longtemps huguenote
et descend de Jacques de Pons, Ier du nom, sr de Miram bon, fils
puisné de François I, sire de Pons, qui vivoit en 1500, et le mar-
quis de la Case reconnoît Bertrand, sire de Pons, chef de cette
famille, pour son 15"e ayeul.
Il portoit : d'argent, à la fasce bandée d'or et de gueules dp
six pièces qui est de Pons.
CHOURSES (Jean de1) seigneur de Malicorne2, chevalier
des ordres du roy, et gouverneur de Poitou, fils de Félix de
Chourses, seigneur de Malicorne, au Maine et de Marguerite3
de Baif, eut l'avantage de participer aux faveurs du roi
Henry III, qui le fit chevalier de son ordre royal du Saint-
Esprit en 1578. II épousa en premières noces Renée, fille de
Pierre Auvé, seigneur de Genneton, et en secondes noces
Françoise, fille de Jean de Daillon, seigneur du Lude, des-
quelles il n'eut point d'enfants. Je ne sais autre chose de sa
famille4 qu'il portoit : d'argent, à cinq fasces d'azur.
1 Bibl. Xat. Français 32, 8ti0 p. 53, 54.
' Il était seigneur d'Aubigny et de Faye, capitaine de 50 hommes d'armes et
gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi et Gouverneur de Poitou. Il
fit son entrée à Poitiers le 8 septembre 1586. Le '1 août 1588, en l'église
Notre-Dame de Poitiers, il jura l'observance de l'édit pour l'extirpation des
hérésies et reçut plus tard le serment du maire, des capitaines des compa-
gnies de la ville et des trésoriers. (Beauchet-Filleau, Dict.des Fam. du Poitou,
*Zm« éd. T. II, p. 494.)
1 Mad'-leine, (id).
* II mourut le 30 octobre 1009 et fut enterré dans l'église de Malicorne. (id)
UK LA PROVINCE UU POITOU 425
VILLEQUIER1 (René de), dit le Jeune et le Gros, baron
de Clairvaux, d'Aubigny et d'Évry-le-Château, chevalier des
ordres du roy, premier gentilhomme de sa chambre, capitaine
de cinquante hommes d'armes, gouverneur de Paris et de
l'Isle de France, fils de Jean-Baptiste, sgr baron de Villequier,
et d'Anne fille d'Aimery de Rochechouart, baron de Mortemart
et de Jeanne de Rochechouart, sa cousine, fut un des favoris
du roi Henri III, qui lui témoigna en toutes occasions des
marques de sa bienveillance et de son amitié*. . . .
Il avait épousé Françoise, fille de Guillaume de la Marck,
seigneur de Méré, et de Françoise de Wignacourc, il en avait
eu une fille nommée Charlotte-Catherine de Villequier qui fut
mariée à François d'O, seigneur de Frasne, puis à Jacques
d'Aumont, seigneur de Chapes. Après cela le roy Henri III,
continua ses mômes faveurs à M. de Villequier, car il le fit
chevalier du Saint-Esprit en 1578 et lui fit épouser en secondes
noces Louise, fille de Jean de Savonnières, seigneur de la
Bretèche en Anjou et de Guionne d>> Beauvau, de laquelle il
eut un fils unique nommé Claude, baron de Villequier et de
Clairvaux, vicomte de la Guerche qui mourut sans alliance,
âgée de dix-neuf ans, au retour de son voyage d'Italie et en sa
personne périrent le nom et les armes de Villequier.
Il portait : de gueules, à la croix fleurdelisée d'or, cantonnée
de douze billettes de même qui est de Villequier, écartelé de
Rochechouart, qui est : fascé, onde, enté de gueules et d'argent
de six pièces, ou de gueules à trois fasces ondées, entées ou
vivrées d'argent, la brisée d'une belette de sable ; et sur le tout :
paie de six pièces d'or et de sable.
1 Bibl. Nat. français 32860 p. 57-58.
1 II fut Chambellan du Roi, conseiller en son conseil privé, capitaine de
100 hommes d'armes de ses ordonnances et d'une compagnie de ses gardes du
Corps, gouverneur de la personne de S. M., gouverneur du Bourbonnais,
chevalier de Saint-Michel, en 1566, assista au siège de Poitiers. Il mourut le
'27 septembre 1590. {Bibl. Nat. Cab. des TU. 1040, p. 392).
426 LES CHEVALIERS DU SAINT-ESPRIT
VILLEQUIER1 (Claude de), dit l'aîné, seigneur et baron
■ lu dit Villequier, vicomte de la Guierche, en Touraine,
capitaine de cinquante hommes d'armes, chevalier des ordres
du Roy, fils aîné de Jean-Baptiste, seigneur et baron de
Villequier et à' Anne de Rochechouart-Mortemart, fut l'un des
avoris du roy Henri III* aussi bien que René de Villequier,
son cadet. Il le fit chevalier de ses ordres en 1578. Il épousa
Renée, fille de Guillaume d'Apelvoisin, seigneur de la Roche et
d'Anastase de la Béraudière qui le rendit père de Georges,
baron de Villequier qui fut aussi chevalier des ordres du Roy
et mourut sans (sic) de son épouse Louise Le Jay, héritière de
Boisséguin; ce seigneur eut bonne part aux guerres de son
temps contre les Huguenots esquelles il se distingua et tint
toujours le party du Roy.
Il portoit : de gueules, à la croix feurdelisée d'or cantonnée
de douze billettes de même, qui est de Villequier.
1 Bibl. Nat. Français 32860 p. 61, 62.
* Il fut gentilhomme ordinaire de la -Chambre du Roi, l'un de ses cham-
bellans, conseiller en son conseil privé, son lieutenant-général au gouverne-
ment de la Marche, chevalier de Saint-Michel le 16 février 1508. et fut comblé
des bienfaits du roi Henri III. En 1592, il fut surpris dans sa terre de la
Guerche, qu'il défendit avec beaucoup de valeur, mais, n'ayant pu résister à la
supériorité de l'ennemi, il lut fait prisonnier, perdit tous les meubles précieux
dont son château était enrichi par les libéralités du Roi, et ne fut remis en
liberté que longtemps après, en payant une très grosse rançon II mourut très
âgé. {Bibl. Nat. Cab. des Titres, 1040 p. 454.
DE LA PROVINCE UU POITOU 427
Seconde création des Chevaliers de l'Ordre royal
du Saint-Esprit, faite en l'Eglise des Augustins
du grand Couvent, à Paris, par le Roy Henri III,
le 31 décembre 157(J.
Saint-Gelais (Louis de)1 dit de Lezignan, baron de la Mo-
the-Sainte-Héraye, seigneur de Lan sac, de Pressy-sur-Oise,
chevalier d'honneur de la Reine Catherine de Médicis, surin-
tendant de sa maison et chevalier des ordres du Roy, tWsd'A-
lexandre de Saint-Gelais, seigneur de Rernefortet de Cornefou,
chambellan du Roy Louis Xll2 et de Jacquette de Lansac,
parut avec réputation à la cour sous le règne de Henry II et
sous ceux de ses enfans, il se rendit recommandable par
l'ambassade de Rome et du Concile de Trente. La reine Cathe-
rine qui l'avait attaché lui et ses fils au Roy Henry III, les
jeta depuis dans le parti de la Ligue pour faire réussir les
desseins qu'elle avait et ils lui rendirent par là des services
fort considérables. Ils avoient bonne part aux secrets de cette
princesse qu'ils servirent toujours avec grand zèle. Le père
profita beaucoup auprès d'elle, il fut capitaine de cent gen-
tilshommes d'armes, chevalier de Saint-Michel sous Charles IX
et du Saint-Esprit sous Henry III, en 1579. Il mourut âgé de
soixante-seize ans, au mois d'octobre 1589, et fut enterré à
Précy. Il épousa en premières noces en 1545, Jeanne de la
Rocheandrie, eu Angoumois, fille de Philippe, baron du dit
lieu. Il se remaria, en 1565, à Gabrielle de Rochechonart, fille
de Fra?içois, baron de Mortemart , il eut quatre enfants. Pre-
' Bibl. Nat. Français 32860 p. 91-92.
* 11 fut encore Gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi et l'un de ses
chambellans, capitaine de 50 hommes d'armes de ses ordonnance, conseiller
en son conseil privé, etc. chevalier de Saint-Michel en 1560, pannetier du
Roi, se trouva en 1567 à la bataille de Saint-Denis, à celles de Moncontour
en 1569, s'empara de la ville et du Château de Lusignan et fut envoyé Lieu-
tenant de Roy à Bordeaux, Henri 111 le combla de biens et d'honneurs. (Bibl.
Xat. Cab. des Titres 1039. p. 613.)
128 LES CHEVALIERS DU SAINT-ESPRIT
mier lit : le premier : Guy de Saint-Gelais de Luzignan, sei-
gneur de Lansac, dont la postérité finit au troisième degré
masculin. Le second : Claude de Saint-Gelais, dame de Précy,
femme de Charles, Comte souverain de Lusse. Second lit : le
troisième : Charles, mort sans alliance, en 1586. Le quatrième :
François, prieur de Saint-Lô. Claude dame de Tajé, en Béarn
et un bâtard nommé Urbain, bâtard de Saint-Gelais, évesque
de Commenges.
La maison de Saint-Gelais tire son nom du bourg de Saint-
Gelais, patrimoine des seigneurs de Lusignan en Poitou,
aussi ceux de cette maison prétendent être sortis de celle de
Lusignan et en rapportent des preuves assez convainquantes.
Ce Louis de Saint-Gelais, lorsqu'il fut reçu chevalier du Saint-
Esprit, joignit le surnom de Lézignan au sien et prit acte de
sa prétention, il para aussi ses armes de la figure de la célèbre
Mélusine qu'il prit pour cimier. 11 n'étoit que cadet de cette
maison, car son père n'étoit que quatrième fils de Pierre de
<uint-Gelais qui vivait au XVm° siècle ; la branche aînée qui
subsiste encore prit en même temps le surnom de Lusignan
qu'elle joignit à celui de Saint-Gelais, pour ne point prescrire
son droit d'aînesse. De cette famille de Saint-Gelais sont sor-
tis de grands hommes comme Jacques, évêque d'Uzès ; Oc-
tavien, évêqued'Angoulême, mort en 1502 . . de Me lin de
Saint-Gelais, abbé de Reclus, mort en 1554. La maison de Lu-
signan, dont celle de Saint-Gelais se dit issue, était une des
plus nobles etanciennes du Royaume qui apossédé longtemps
le comté de la Marche et la sirerie de Lusignan en Poitou, a
donné des rois en Jérusalem et en Chypre, et a reconnu pour
chef Hugues Ier dit le Veneur, sire de Luzignan ou Lusignan,
en Poitou, qui vivoit environ l'an 920. La branche aînée du-
quel finit en Hugues XIII»* du nom, sire de Lusignan, comte
de la Marche, mort sans hoirs en 1203, et la branche des Rois
de Chypre se trouva éteinte en 1475, eu la personne de Jac-
quselll"" de Lusignan, roy de Chypre, après dix-huit degrez
de génération masculin depuis Hugues Iw, dit le Veneur, il n'y
DK LA PKOVINCK DU POITOU i29
a plus que la branchede Saint-Gelais qui subsista et reconnaît
pour chef Simon de Lusignan qui vivait en 1160, quatrième
fils de Hugues IIlme dit le Brun, sire de Lusignan.
Il portoit : d'azur, à la croix d'argent, qui est de Saint-Gelais
i'cartelé de C/u/pres-Lusigna//, qui est : burelé de dix pièces,
d'argent et d'azur au lion de gueules brochant sur le tout, cou-
ronné d'or ; pour cimier une cuve d'or, en laquelle se mire,
coëffe et baigne Mélusine, moitié femme, moitié serpent, qui
est le cimier de Lusignan ; supports : derix griffons d'or.
Troisième création, faite en l'église Saint-Sauveur de
Blois, le 31 décembre 1580, par le Roy Henri III.
ROCHECOUART (René de)1, baron de Mort^mart, de
Montpipeau, Tonnay-Charente, Vivonne et Lussac, chevalier
des ordres du Roy, capitaine d'une compagnie d'ordonnance,
fils de François de Rochechouart, baron de Mortemart et de
Renée Taveau, dame de Lussac, Verrières et du Bouchet-en-
Brain, fille unique et héritière de Léon Taveau seigneur de
Lussac et de Jeanne Frotier-Preuilly, a été illustre par sa
qualité, par sa naissance et par ses services2. Il suivit dès l'âge
de quinze ans son père, au siège de Perpignan où il conduisait
la noblesse du Poitou, et depuis, il fut toujours armé pour le
service de l'Etat et de la religion, aussi fut-il considéré comme
le seigneur de son temps qui s'étoit trouvé à plus de sièges et
de batailles et qui étoit le plus capable de grandes charges de
la guerre. 11 se trouva au siège d'Epernay et à la défense de
Metz en 1562, à Hesdin, où il fut pris les armes à la main, à
l'attaque de Vulpian où ils commandoit cent gentilshommes,
1 Bibl. Nat. Français: «2,860, p. 105, 106,
'- Il naquit le 27 décembre 1528. Sa femme Jeanne de îaaulx, fllle du maréchal
de Tavan nés, était d'une très grande piété et vivoit dans sa maison comme
une religieuse disant chaque jour les Matines et l'Otfice, elle mourut
le 26 octobre 1626, de la mort des saints et fut enterrée aux Cordeliers de
Poitiers. {Histoire de la Maison de Rochechouart, T. II, p. 59 à 71 . Paris, 185iO
•430 LES CHEVALIERS DU SAINT-ESPRIT
il emporta d'assaut la Basse-Ville; à la prise de Calais, à
celles de Bourges, de Poitiers, Blois, Rouen, Saint-Jean-d'An-
gély, Lusignan, etc, aux batailles de Saint-Denis, Jarnac et
M mcontour. il servait au siège de la Rochelle et de Brouage
et soutint longtemps les frais de la guerre contre les Huguenots,
outre sa compagnie d'ordonnance, une des plus choisies des
armées du Roy, et le mareschal de Tavannes fut si charmé
de sa valeur, l'ayant vu combattre en 1569, à la journée de
Moncontour, qu'il voulut faire alliance avec lui, et en effet
en J570, il lui donna sa fille, Jeanne de Saulx, en mariage. Le
roy Charles IX !e fit chevalier de Saint-Michel, et le roy
Heury III le fit chevalier du Saint-Esprit en 1580, et il mourut
âgé de 53 ans le 17 août 1587. Il eut neuf enfants. Le premier :
Gaspard, qui fut baron de Mortemart ; le second : René, sieur
de Montpipeau, qui laissa postérité ; le troisième : François,
mort à Rome en 1592; le quatrième : Aimé, sieur de Tonnay-
Charente, mort en 1651, a laissé postérité ; le cinquième : Jean,
marquis de Saint-Wicturnien ; le sixième : Ysabean, mariée en
1592, à Pierre de Laval, sieur de Lezay ; le septième : Aimeric,
épousa en 1594, Philippe Volvire, marquis de Ruffec ; le hui-
tième : Gabrielle, abbesse de Saint-Laurent, à Bourges ; le
neuvième : Eléonore de Rochechouart, mariée en 1618 k Guy de
Itieux, comte de Châteauneuf.
Il était de l'illustre maison de Rochechouart qui est à présent
ducale, une des plus ancienne du royaume puisqu'elle recon-
naît pour chef Aimery de Limoges surnommé Ostofrancus qui
vivoit en 1018, était cinquième fils de Giraud, premier vicomte
de Limoges qui vivoit en 975 et avoit eu pour père Fulcher
ou Fulger, auquel le roy Eudes, environ l'an 895 avoit donné
le vicomte de Limoges. Cet Aimery fut fait vicomte de Ro-
chechouart et de luy sont issus tous ceux du nom et armes de
Rochechouart qui a produit plusieurs branches telles qu'ont
été celles de Champdeniers, de Jars, Faudoas et Mortemart,
et depuis ce Fulcher, vicomte de Limoges jusques à Louis
de Rochechouart IIIe à présentduc de Mortemart, né en 1681,
on compte vingt-quatre degrés de génération masculine.
DE LA PROVINCE DU POITOU 431
La maison de Rochechouart : de gueules, à trois fastes on-
dées, entées d'argent, on mieux, fascé, onde, enté de six pièces
d'argent et de gueules. - La branche de Mortemart y ajoutait
pour brisure : une belette de sable sur la première fasce d'ar-
gent, mais ceux d'à présent les portent pleines avec plusieurs
alliances, comme il suri Hit ci-dessous.
Quatrième création faite par Roy Henry III"
en l'Eglise des Grands- Augustins, à Paris,
le 31 décembre 1581.
DAILLON (Guy de)1, comte du Lude et de Pontgibaut,
baron d'Illiers, du Ghesne-Doré et de Magné, chevalier des
ordres du Roy, gouverneur de Poitou et sénéchal d'Anjou', fils
de Jean de Bâillon IV" du nom, seigneur du Lude, Chambel-
lan des Roys Louis XII et François Ier, sénéchal d'Anjou, gou-
verneur de Fontarabie, et d'Anne de Batarnay, donna très
souvent des preuves de son courage, à la défense de Metz, à
la bataille de Renty, aux prises de Calais, Guines, Marans et
Brouage et au siège de Poitiers qu'il défendit contre les Hu-
guenots en 1569, pendant près de deux mois, et il fut chéri de
Henry III, qui le fit chevalier de ses ordres en 1581. Il mourut à
Briançon le 11 juillet 1595. Il avait épousé en 1559 : Jacqueline
de la Fayette, dame de Po?itgibaut,de laquelle il eut quatre en-
fants. Le premier : Anne de haillon, femme de Jean de Bueil,
comte de Sancerre, grand-échanson de France. Le second :
Diane, femme de Jean de Lévis, comte de Chaslus. Le troi-
' Bibl. Nat. Français : 32860 p. 115, 116.
2 11 fut aussi chambellan ordinaire du roi, conseiller en son conseil privé,
capitaine de cent hommes d'armes de ses ordonnances, chevalier de Saint-
Michel, le 12 janvier 1562 (1563). 11 avait été élevé enfant d'honneur du roi
Henri II. Il s'empara en 1569 des châteaux de Cherveux et de Magné. En 1609
il assiégea Niort et battit vigoureusement cette place dont il fut ensuite ob-
ligé de lever le siège, etc. (Bibl. Nat. Cab. des Titres 1040 p. 144).
432 LES CHEVALIERS DU SAINT-ESPRIT
sième : Antoinette, femme de Philibert de la Guiche, sgr. de
Ghaumont, grand-maître de l'artillerie. Le quatrième : Fran-
çois de Daillon, comte du Lude, marquis d'Illiers qui continua
la postérité. Il a été parlé cy-devant de la maison de
Daillon.
Il portoit : d'azur, à la croix engreslée d'argent, qui est de
Haillon. Cimier : un lion issant d'or; supports : deux lions,
aussy d'or.
Cinquième création, faite par le roy Henry III,
en l'Église des Grands-Augustins, à Paris,
le 31 décembre 1582.
VOL, VIRE1 'Philippe de) marquis de Ruffec, seigneur de
lint-Brice, chevalier des ordres du roy, gouverneur d'An-
goumois, second fils de René de Volvire, seigneur de Ruffec, et
de Catherine de Montauban, servit en différentes occasions en
Poitou et en Guyenne contre les Huguenots. Ses belles actions
lui firent donner le gouvernement dAngoumois et le roy
Henry III, pour comble de récompense, le fit chevalier de ses
ordres en 1582*. Il épousa Aune de Daillon, fille de Jean,
comLe du Lude, il en eut neuf enfants mâles. Le premier :
François, mort jeune. Le second ; Philippe, marquis de
liuffec, qui épousa Aimerie de Rochechouart-Mortemart, de
laquelle il laissa une fille et fut tué en duel par le sr de Chan-
lendray. Le troisième : Henri, comte du Bois-de-la-Roche, en
Bretagne, qui laissa postérité. Les quatrième, cinquième et
' Bibl. Xat. Français: 32860. p. !35 à l?6.
: Il fut capitaine d'une compagnie de 50 hommes d'armes des ordonnances.
se distingua à la défense de Poitiers contre les protestants en 1509, fut lieu-
tenant général de Saintonge et Angoumois. Il mourut au moment d'être
nommé maréchal de France. Les habitants d'Angoulème se trouvaient si heu-
reux sous son gouvernement, qu'après sa mort arrivée le 6 jauvier 1586. ayant
•té inhumé dans sa terre de Ruffec, ils le firent exhumer et enterrer en
grande pompe dans la cathédrale d'Angoulème. (B.-F., Dict. des Fam. du
Poitou, 1" éd. T. 11. p.S-21-822.
UK LA PROVINCE DU POITOU 433
sixième : lie né, Guy etiX...., morts jeunes. Le septième :
Jacques de Volvire, baron de Saint-Brice qui laissa postérité.
I! portoit: fascé d'or et de gueules de huit pièces qui est de
Volvire, écartelé de gueules, à neuf macles d'or et un lambel de
</nutre pièces d'argent qui est de Rohan-Guemené, et sur le
tout : paie de six pièces d'or et de gueules qui est d'Amboise.
[A suivre).
CHRONIQUE
■VOODOO1
Les Mémoires de Mercier du Rocher. — Nous avons annoncé
précédemment le procès intenté par M. Ernest Brisson et
M11, Célie Brisson, sa sœur, en revendication de la propriété
d'un ouvrage manuscrit écrit par M. Charles-André Mercier du
Rocher, leur grand-père, dont ils sont les seuls héritiers ou repré-
sentants,et contenant desMémoires historiques et personnels pouvant
servir à l'histoire des guerres de la Vendée, ainsi que des lettres,
notes, pièces et documents justificatifs émanant de personnages
politiques et autres.
Cette revendication était formée contre :
1° M. Paul Bonnefon, bibliothécaire de l'Arsenal, à Paris, directeur
d'un recueil mensuel intitulé « Souvenirs et Mémoires », qui a publié,
dans plusieurs numéros, une partie des Mémoires dont nous venons
de parler -, 2" M. Gougy, éditeur, et M. Lannier, imprimeur du
même recueil ; 3° M. Henry Cormeau, libraire à Fontenay, chez
lequel avait été saisi un des numéros incriminés.
L'affaire est venue à l'audience du tribunal civil de Fontenay, du
7 juillet dernier, où elle a été plaidée par Mc de Lacoste-Lareymondie,
avocat du barreau de Niort, pour les demandeurs, et Me Dufour d'As-
taffort, du barreau de Poitiers, pour les défendeurs. MM. Bonnefon,
Gougy et Lannier ont soulevé une exception d'incompétence tirée de
ce que habitant Paris ou Auxerre, ils ne pouvaient être distraits de
leurs juges naturels.
Les demandeurs ont répondu que la compétence du tribunal de
Fontenay résultait de la présence justifiée en la forme de M. Cormeau,
CHRONIQUE 435
au procès ; et que M. Cormeau étant justiciable du tribunal de
Fontenay, tous autres défendeurs pouvaient y être appelés en vertu
de l'art. 59, § 2, du Code de Procédure civile.
Le tribunal, par son jugement rendu le 21 juillet, a donné gain de
cause à M. et MUr Brisson, sur cette première discussion, et s'est
déclaré compétent.
Les défendeurs ont immédiatement fait appel.
Son « Journal ». — Notre ami, M. Ernest Brisson, petit-fils de
Mercier du Rocher et propriétaire des précieux manuscrits laissés
par lui, a bien voulu nous autoriser à publier les cahiers, encore
inédits, sur lequel le fougueux administrateur de la Vendée inscrivait
au jour le jour les tragiques événements dont il était témoin.
Nous commencerons cette intéressante publication dans notre
prochain numéro.
La Statue de Richelieu. — L'idée émise par notre très distingué
collaborateur M. Calvet, dans le précédent numéro de cette Revue,
d'élever à Luçon une statue au grand Cardinal, a reçu de la presse
française tout entière le plus encourageant accueil.
Nos compatriotes. — Nous sommes heureux d'apprendre que notre
éminent ami, M. le baron de Mesnard, vient d'hériter de la terre de
l'Isle-Bernard, près de Talmont, possédée par sa famille au commen-
cement du XVe siècle.
Un de ses ancêtres fut nommé, en 1421, par le Dauphin (depuis
Charles V1I1), gouverneur de Talmont, pendant la guerre contre les
Anglais.
M. le baron de Mesnard, fidèle aux traditions patriotiques de sa
famille, a adressé, en 1863 et en 1868, étant attaché au département
des affaires étrangères, aux ministres d'alors, des Mémoires en fa-
veur d'une alliance avec la Russie et en réfutation de l'idée de la
conquête des bords du Rhin ; puis a envoyé de Lisbonne, où il repré-
sentait la France comme chargé d'affaires en 1869, des informations
qui eussent empêché, si l'on avait su en profiter, la néfaste candi-
dature Hohenzollern.
Les journaux de Paris, ceux delà Lorraine et de Belfort, ont déclaré,
lors de la publication de ces Mémoires, que notre compatriote ven-
déen avait fait pour la diplomatie l'équivalent de ce que le colonel
Stoffel avait fait pour l'armée, et que si ses conseils avaient été
écoutés, la guerre désastreuse de 1870 eût pu être évitée et Metz et
Strasbourg conservées à la France.
Archéologie Vendéenne. — Notre ami Hubert de Fontaines en fai-
sant faire des terrassements à Sérigny, près Foussais, a découvert
TOMB XII. — JUILLET, AOUT, SEPTEMBRE 30
l3C CHRONIQUE
un jeton en bronze au nom de Messire F. de Villemonùée, chevalier
seigneur de Montaiguillon et de Yillenouxe. conseiller d'état ordi-
naire et intendant de la justice, police, finances, et marine en Poitou.
Ce jeton porte la date de 1637.
La Vendke qui s'en va. — On nous écrit des Essarts qu'on est en
train de démolir ce qui restait du Bois-Potuyau, l'ancienne demeure
du trop illustre Guillery.
La Sépulture de Cavoleau. — Nous avons dit dans notre précé-
dent fascicule que le Conseil Municipal de Fontenay avait voté une
somme de deux cents francs pour édifier dans le cimetière un monu-
ment à Cavoleau, administrateur de la Vendée en 1792-93.
L'exhumation des restes de Cavoleau a eu lieu le 28 juillet, en pré-
sence du commissaire de police et de l'agent-voyer de la ville.
On a retrouvé dans la sépulture le crâne de Cavoleau et quelques
ossements.
La Restauration de l'église Notre-Dame de Fontenay. — Nous
apprenons, au moment de mettre sous presse que le projet de res-
tauration de l'église Notre-Dame de Fontenay (monument histo-
rique) vient enfin d'être approuvé et que les travaux seront très
prochainement mis en adjudication.
Congrès Savants. — Le 38e congrès des Socités Savantes s'ouvrira
à Paris, le 5 juin 1900. Le texte des Mémoires devra être parvenu
avant le 30 mai prochain au Ministère de l'Instruction Publique.
Nous tenons le programme à la disposition de ceux de nos lecteurs
qui voudraient prendre part aux travaux de ce Congrès.
— L'Union Règionaliste Bretonne,^ tenu du 22 au 27 août à Vannes
un important congrès présidé par M. de Marcère, sénateur, président
de la Ligue nationale de décentralisation.
Notre ami R. de l'Estourbeiilon, le zélé délégué général de l'Union,
avait bien voulu nous y convier ; mais à notre grand regret nous
n'avons pu nous rendre à son aimable invitation.
Nous savons néanmoins que les multiples fêtes inscrites au pro-
gramme ont été réussies de tous points, et nous sommes heureux
d'en féliciter très vivement les organisateurs.
- Les 1 er et 2 août dernier, a eu lieu à la Roche-sur- Yon le premier
Congrès de la Jeunesse catholique de Vendée sous la présidence d'hon-
neur de Mgr Catteau et sous la présidence elïective de notre ami
M. Henri Bazire, avocat à la Cour d'appel de Paris, président de l'As-
sociation catholique de la Jeunesse Française.
CHRONIQUE 437
M. Bazire y a éloquemment expliqué ie triple but de l'Association :
étude, piété et action. A citer également les intéressantes communi-
cation de M. Camille Genty, de Fontenay, de M. l'abbé de Martrin, de
M. Claude de Monti etc. .
— Au concours musical de la Rochelle, les sociétés philharmoniques
de la Roche et de Luçon et la Société Chorale de Fontenay ont obtenu
de nombreux et brillants succès auxquels nous applaudissons de
tout cœur.
La Vendée au Congrès de Biarritz. — Au congrès international
des Pêches maritimes qui s'est tenu à Biarritz, en juillet dernier, notre
collaborateur M. Amédée Odin, président de section, a éloquemment
rappelé dans un toast final, les liens qui rattachent les pêcheurs sa-
blais aux populations bayonnaises et basques.
« Ce furent en effet, les Basques, a dit M. Odin, qui, les premiers,
pratiquèrent la pêche de la baleine dans le golfe de Gascogne; de
Bayonne, de Saint-Jean-de-Lutz, dont les municipalités nous fai-
saient, hier, si bon accueil, et de quelques autres ports voisins, ils
s'élançaient à sa recherche, la poursuivant d'abord sur les rivages
d'Aquitaine, de Saintonge et d'Aunis, plus tard, dans les mers sep-
tentrionales où ils devaient se retrouver avec les Normands.
« Attirés par la tranquillité des eaux baignant notre rivage, obli-
gés parfois, en fuyant la tempête, de longer la côte du Bas-Poitou,
ils trouvaient au pied des dunes et dans le port des donnes, un abri
toujours sûr
« Dès le XIe siècle, la maison de Mauléon faisait souche dans notre
province, et par une charte datée de 1073, l'un de ses membres, Sava-
ry, concédait de nombreux droits de pêche sur les côtes du Talmon-
dais.
« Quatre siècles après, les marins de Biscaye ont entre leurs mains
le commerc ) et la grande pêche dans le golfe de Gascogne, et de leur
attitude vigilante ou armée dépend alors la sécurité de nos côtes.
« Téméraires jusqu'à la mort, comme compagnons de l'Olonnais
Jean-David Naud, dans les mers des Antilles, les Basques se retrou-
vent encore parmi les hommes hardis qui, sous la conduite du Sablais
René de Burdigale, s'illustrent à la Floride.
- Toujours liés par affinité d'origine, Basques et Olonnais se livrent
plus tard au commerce des blés, et c'est avec de l'or et de l'argent au
coin d'Espagne que se règlent les transactions.
« C'est encore du fond de ce golfe de Gascogne vers lequel chemi-
nent, depuis Ouessant, tant d'épaves poussées par la grande onde du
Nord-Ouest, qu'en 1610 partaient, triste contraste, les Maures d'Es-
pagne.
438 CHRONIQUE
« A la faveur des ordonnances d'Henri le Béarnais, ils franchissent
les Pyrénées ; des navires sablais transportent beaucoup de ces infor-
tunés en Afrique, tandis que d'autres venus surtout de l'Aragon, de
la Castille-Vieille et de la Biscaye, abordent sur les côtes du Poitou.
Au nombre de 200, ils se fixent aux Sables-d'Olonne, retenus par la
douceur de son climat et par la beauté de son rivage.
la population, généreuse comme l'a toujours été la France pour
les proscrits de tous les pays et de tous les temps, se montra hospi-
talière envers les Maures, et cet accueil ne tarda pas à tourner à
l'avantage de la marine sablaise.
En échange des nouveaux foyers qui s'ouvrent bientôt pour les
proscrits, de la sympathie dont les entoure cette population qui a du
san^ basque dans les veines, de la curiosité attachante que provo-
quent les Maures, au récit fait dans un langage poétique et pittores-
que, des splendeurs de leur paradis de Grenade, ces derniers ensei-
gnent au Sablais — n'excellant alors que dans la pêche à la senne et
aux cordes — la manière de prendre la sardine, selon l'expression si
juste, à l'araignée, méthode usitée depuis lors. Aussi, l'an 1610 est-
il resté pour notre port une date mémorable, car elle rappelle qu'aux
Sables fut fondée ainsi sans doute la première de nos écoles profes-
sionnelles de pêche.
C'est côte à côte avec les Basques que Rochelais et Olonnais con"
courent activement aux expéditions pour la pêche de la morue -, et ce
sont les Basques qui détinrent pendant longtemps, dans le golfe de
iiasco<rne, le commerce et le transport par mer des matériaux spéciaux
extraits de ses forêts et entrant dans la construction et le carénage
de nos navires.
* De ces époques où les pêcheurs ne prenaient guère le temps de
publier leur histoire, et où il leur semblait préférable de décrire dans
des portulans le gisement des terres, des écueils et de reproduire, au
naïf, en des images grossières, les amers des routes au travers des
parages dangereux : monnaies aux caractères arabes ou aux armes
■ l'Espagne, ossements de cétacés découverts dans les sables avoisi-
nant le port ou exemplaires du Coran, habitations aux fenêtres étroites
aux cours intérieures, armoiries au croissant sculpté, locutions
imagées du patois local, tels sont les rares témoins, aux Sables-
d'Olonne, de ces siècles disparus : encore quelques années, et il n'en
restera nulle trace.
« Aussi, enfant de ce port sablais auquel se rattachent tant de sou-
-. <Tiirs communs avec vous, de travaux côte à côte de ses marins avec
les vôtres, de dangers affrontés ensemble, je lève mon verre et je bois:
CHRONIQUE 439
« Aux cités de Bayonne, de Mauléon et de Biarritz,
Aux pays de la Soûle et du Labour,
Aux femmes des pêcheurs d'origine basque, boulonnaises, porteloi-
ses, granvillaises et sablaises,
Aux colons basques qui personnifient si bien au loin la France
laborieuse et féconde,
Aux Basques des deux versants pyrénéens. »
Notes d'art. — Par testamment du 7 décembre 1868, M. Gustave
Renaud, ancien magistrat, a légué à laville de La Roche son portrait,
l'une des premières œuvres sérieuses de M. Milcendeau.
— Notre regretté collaborateur, M. Alexandre Bonnin, a de même
laissé par testament au musée de la Roche un de ses meilleurs
tableaux représentant une Descente de justice.
— Notre compatriote et ami, M. Henri Boutet, expose en ce mo-
ment dans le hall de la Société littéraire et artistique, 50 rue de la
Chaussée d'Antin, quelques-unes de ses œuvres (pastels, dessins
originaux et croquis). Cette exposition est un nouveau succès pour
réminent féministe qui a si gracieusement immortalisé la Parisienne,
— M. Dimanchin, sculpteur aux Sables, vient de terminer une
statue de N.-D. de Lourdes destinée à être érigée prochainement à
Croix-de-Vie sur le bord de la mer.
Dons d'Archives. — Un négociant de la Rochelle, M. Toussaint,
vient, au dire de la Revue deSaintonge et cCAunis{n° de septembre),
de donner aux Archives départementales de la Charente-Inférieure des
documents inédits sur la Révolution dans l'Ouest et la Vendée
Consécrations d'églises. — Le 23 août 1899, a eu lieu la consécra-
tion solennelle de la nouvelle église de Saint-Michel-en-l'Herm par
Mgr Catteau, évêque de Luçon, en présence d'une nombreuse et
brillante assistance parmi laquelle : MM. l'abbé Simon, vicaire gé-
néral, le chanoine Mercier, Paul Le Roux, sénateur de la Vendée et
bienfaiteur de Saint-Michel-en-l'Herm, Mmes Alfred et Paul Le Roux,
M. le marquis de la Grange, M. de Béjarry sénateur, M. Pierre Re-
verseau, le sympathique maire de Saint-Michel, etc..
Le nouvel édifice, dans le style du XIIIe siècle, est l'œuvre de notre
distingué ami M. Léon Ballereau, architecte à Luçon. Nous appre-
nons avec plaisir qu'on y a conservé le vieil autel abbatial qui
figurait dans la primitive église, — évocation artistique des pieux
Bénédictins qui fondèrent Saint-Michel.
— M. Ballereau construit présentement à la Garnache un impor-
tant édifice roman sur un plan très original.
440 CHRONIQUE
— L'église de Sainte-Flaive-des-Loups, que vient d'achever M. Li-
baudière, l'excellent architecte Yonnais, a été également consacrée
le lor octobre par Mgr. Catteau, évèque de Luçon.
M. Libaudière est chargé en ce moment de la construction de l'é-
glise de la Mothe-Achard.
— Le 6 juillet, Mgr Catteau a béni la première pierre de l'église
des Lues, dont la construction est confiée à M. Liberge, architecte à
Xa rites.
Pour la. Patrie. — Le 2 juillet, a eu lieu à Mouilleron-en-Pareds
la remise solennelle du drapeau à la 393e section des vétérans des
armées de Terre et de Mer de 1870. M. le Sous-Préfet de Fontenay,
qui présidait la cérémonie, et M. le capitaine Gobert, président de la
section, ont prononcé à cette occasion des allocutions toutes vibran-
tes de patriotisme.
— Le 24 septembre a également eu lieu, sous la présidence de M.
Duclos, sous-préfet de Fontenay, l'inauguration du monument élevé
à la mémoire des enfants de Maillezais, morts pour la patrie en 1870-71.
Plusieurs discours ont été prononcés par M. le sous-préfet, M. Guil-
lemet, député, M. Le commandant Guyonnet et M. Malécot.
Les vieux arbres célèbres.— A ajouter à la liste des arbres célèbres
mentionnés par le Gaulois du 14 mai dernier : Le chfne du Grand
Relai d' Henri IV, dans la forêt du Parc-Soui»ise, près Mouchamp ; les
ormes plantés par Sully à la Ghapelle-Themer; le chêne géant du châ-
teau de la Girarlie, près Serigné, etc. —
Courrier Musical. — Le 27 août à l'église X.-D. de Bon Port des
Sables-d'Olonne, plusieurs artistes de talent se sont lait entendre.
M,,,e G... a chanté à la grand'messe le célèbre Agnus Dei de Bizet.
Aux vêpres, M1,e C . A ... a délicieusement dit une Cantate à la Vierge.
L'orgue était tenu le matin par M. Florus-Blanc, le distingué maître
de chapelle des Sables, et le soir, par M. Joseph Rousse, fils de
M. Alfred Rousse, dont on connaît l'apprécié talent de compositeur.
M. Joseph Rousse, qui s'est donné tout entier à la musique religieuse,
s'est récemment vu confier les orgues de l'église Saint-Augustin à
Paris.
— En l'honneur des fêtes de l'Assomption, une grand'messe en
chant grégorien avec musique classique a été également célébrée le
15 août en L'Eglise X.-D. des Sables. La maitrise,que dirige avec tant
d'autorité et de talent M. Florus-Blanc,s'y est fait entendre une nou-
velle fois avec succès.
Le théâtre en Vendée. — M. le docteur Corneille, notre éminent
confrère du Mercure Poitevin, a fait jouer, le 24 juillet dans le
CHRONIQUE 441
merveilleux parc de M. Baron, à Fontenay-le-Comte sa tragédie
d'Erinna, dont les représentations données l'an dernier à la Mothe-
Saint-Héraye avaient eu un si grand retentissement.
Cette fête, toute de bienfaisance, a été couronnée d'un plein succès,
et a été, pour les interprêtes comme pour l'auteur, une occasion
nouvelle de chaleureuses et méritées ovations.
— M. Corneille a de même fait représenter, le deuxième dimanche
de septembre, à la Mothe-Saint-Héraye un drame en 3 actes et en
vers, ayant pour titre : Par la Clémence, et pour lequel M. L. Girau-
dias a écrit de nombreux morceaux de musique vocale.
Par la Clémence est une tragédie d'une composition puissante,
d'un style superbe qui met en scène Clovis au moment de la bataille de
Vouillé et montre avec une justesse historique parfaite le caractère
à la fois belliqueux et sage, violent et réfléchi du premier roi franc
adouci et rendu clément par un Ermite du pays, Maxence.A signaler
surtout le monologue où Clovis dévoile ses projets de la fondation
d'un grand État et le récit de la bataille de Vouillé, deux morceaux
d'une admirable envolée.
L'interprétation , confiée à des amateurs, a été très convenable. Notre
confrère M. Huot, l'habile collaborateur de M. Lelong dans l'organi-
sation des Veillées de Plaisance, a dirigé la mise en scène et joué
supérieurement un des principaux rôles. Ceux de femmes étaient
tenus par des jeunes filles du pays qui ont étonné les spectateurs
par leur grâce naïve et de réelles qualités dramatiques.
La partie musicale comprenant des chœurs, une chanson et un
psaume en faux-bourdon, ont produit, ces deux derniers morceaux
surtout, un très grand effet. L'auteur, M. Louis Giraudias, a su
trouver des motifs d'une heureuse simplicité, d'un archaïsme ingé-
nieux et plein de charme. L'exécution en a été parfaite.
Des décors habilement brossés et plantés dans le feuillage com-
plétaient admirablement le panorama charmant du Parc Mothais et
s'harmonisaient avec les arbres, la terre, la verdure au point de
donner l'illusion de la réalité elle-même.
Dans l'assistance que l'on peut estimer à 1500 personnes, nous
avons remarqué M. le général Coiffé, M. Aymé de la Chevrelière,
député des deux-Sèvres, M. le Sous-Préfet de Melle, M. A. Petit,
conseiller à la Cour des Comptes, MM. Félicien Pascal, J. de Biez,
Sainty, et de nombreux représentants de la Presse parisienne et
régionale. .
La municipalité Mothaise en s'associant à l'effort du Docteur Cor-
neille a fait preuve d'une intelligence et d'un goût artistiques qui
442 CHRONIQUE
lui font le plus grand honneur. Elle a réussi à créer à La Mothe-
Saint-Héraye un théâtre populaire en plein air auquel nous pouvons,
sans hésiter, prédire longue vie et nombreux succès.
Nos collaborateurs. — Notre jeune et sympathique collaborateur,
M. Francis Eon a passé avec succès ses examens de licence en droit.
M. Régis Brochet, auquel on doit déjà plusieurs pages d'histoire
vendéenne d'un réel intérêt, vient de passer de même très brillam-
ment son dernier examen de doctorat en droit.
Nous apprenons enfin que M. G. Lacouloumère vient d'être
attaché au Cabinet de M. Roujon, directeur des Beaux-Arts.
A tous, nos meilleurs compliments.
— Sur l'avis du Comité des travaux historiques et scientifiques, et
par décision ministérielle du 1er août dernier, M. René Vallette a été
nommé à nouveau Correspondant du ministère de l'Instruction pu-
blique en Vendée.
Conférences scientifiques. — Le 14, août M. Ch.Letort, conféren-
cier connu déjà pour ses travaux antérieurs sur les questions
d'agriculture et d'économie politique, a développé dans une conférence
faite à la Roche-sur-Yon ce que devait être le crédit agricole en
France.
— La séance générale de la Conférence d'études de l'Institution
Richelieu qui a eu lieu le 3 juillet à Luçon, a été présidée par notre
éminent ami M. René Bazin, qui a prononcé en cette circonstance
une allocution empreinte d'un incomparable charme littéraire et
d'une grande élévation de pensée.
Décorations. — En récompense de son dévouement aux intérêts
religieux, notre compatriote M. Léon Denéchaud, vient d'être par un
récent bref Pontifical nommé Chevalier de Saint Grégoire-le-Grand.
— M. Perchaud, inspecteur de l'enseignement primaire à Luçon,
vient aussi d'être nommé Officier d'académie.
CARNET MONDAIN
Fin juin a été célébré dans l'église de Saint-Mathurin (Vendéo),
le mariage de M. Théobald de Béjarry, fils aîné de feu le marquis
de Béjarry avec Mlle de la Roche-Saint-André.
Les témoins du marié étaient : M. le comte de Béjarry, sénateur, et
M. le vicomte de Tinguy ; ceux de la mariée, M. le vicomte de la Roc-
que La Tour et M. le comte de Chièvres.
— Le 12 juillet 1899 a été célébré à Fontenay le mariage de MlleMarie
GandriauavecM. Henri Aucher, ingénieur des Arts et Manufactures.
— Le 23 août, en l'église Notre-Dame de Fontenay a été célébré le
mariage de M. Belly, capitaine au 12e dragons, acheteur au dépôt de
remonte de Fontenay, chevalier de la Légion d'honneur, avec
Mme veuve Sorin, née Dodart.
— Le 23 août a été bénie en l'église Sainte-Radégonde de Poitiers
l'union de M. René Goguet, docteur en droit, avoué près le tribunal
de la Roche-sur- Yon avec Mlle Marie Jozeau, fille de M. Jozeau con-
seiller à la Cour de Poitiers.
— Le 6 septembre, a été célébré en l'église de la Châtaigneraie (Ven-
dée), toute resplendissante de lumières et de fleurs, le mariage de
M. le marquis Louis Aymer de la Chevalerie avec Mlle LIarie de
Pontlevoye.
Cette brillante union, qui rapproche deux des plus anciennes fa-
milles de la noblesse poitevine et vendéenne, a été bénie par M. l'abbé
Rafin, curé de Bazoges-en-Pareds, paroisse de la jeune épouse, qui
a prononcé à cette occasion une remarquable et touchante allocution.
Les témoins du marié étaient : M. le comte Henri Aymer de la Che-
valerie, conseiller général de la Vienne, et M. le marquis de Maupas;
ceux de la mariée : M. le baron de Lauzon et M. Arthur de la Voûte.
La gracieuse mariée était conduite à l'autel par M. Hugues de
Pontlevoye, son père. Suivaient : M. le marquis Louis Aymer de la
Chevalerie avec Mme la marquise de la Chevalerie, sa mère; M. Simon
de Pontlevoye et Mlle Aymer de la Chevalerie ; M. Jean de Chaudenay
et Mlle Marguerite Pichard du Page; M. le vicomte de Villeneuve et
MUe de Blanchecoudre ; M. de Beauregard et M11" Blampain de Saint-
•'l44 CARNET MONDAIN
Mars ; M. le comte Ayiner de la Chevalerie et Mme "Hugues de Pont-
levoye ; M. Bailly du Pont et Mme de Sartre ; M. le marquis de Maupas
et M ""de Pontlevoye; M le baron de Lauzon et Mme Bailly du Pont;
M. de la Voûte etMm> de BuordelaJousselinière-, M. du Hays et-Mme la
baronne de Lauzon; M. Léonce de Pontlevoye et Mme Pichard du
Page , M . de Buor de la Jousselinière et M"e la comtesse de Villeneuve ;
M. le commandant de Sartre et M>»e Léonce de Pontlevoye ; M. Pichard
du Page et M">« des Nouhes de la Cacaudière ; M. le vicomte d'Auti-
champet M°»e Quentin Pichard du Page; M. le comte de Villeneuve et
Mm' de Blanchecoudre ; M. le comte de Rouault et M»* la vicomtesse
'le Virel ; M. Frappier et Mme la comtesse de Rouault; M. des Nouhes
de Robineau et M»8 Gabriel de Beauregard; M. le comte Fruchard
et Mme la vicomtesse deTudert; M. de Beauregard et M"e Perreau de
Launay ; M. le vicomte de Rouault et Mme la baronne de Clock;
M. Perreau ,1e Launay et Mme de la Raillière ; M. le baron de Souville
et M»*1 de Rouault; M. Robert Perreau de Launay et MUe de Roque;
M. le baron de Clock et M"e Marie de Beauregard ; M. le lieutenant de
Heauregar.l et M1" de Tudert ; M. Quentin Pichard du Page et MUo de
laRoulière; M le baron André Bohineust et MUe Jeanne de Beau-
regard ; etc. .
Remarquéen outre dans l'assistance: marquis de Lespinay, député
de la Vendée, et la marquise de Lespinay-, M. Henry de Beauregard,
député des Deux-Sèvres, et Mme de Beauregard; M. et Mme Bry;
M. et Mm* Henri Taudière -, M. et Mme Roger Pommeray; MM. et M»"5
de Talode du Grail ; M., Mm9 et M"e Sabouraud d'Auzay; M. et M»e de
Tinguy; M. et M™8 René de Lespinay; MM. et Mmes Triou, du Bouay
de Couësbouc, Mmes Perreau-, M., Mme et MUe du Temps; M. etMme
Georges Bage de la Bruyère ; le chevalier de Béjarry-, MM. Hénault,
'h' la Kousselière, de la Règle, de Beauregard, Querqui, René
Vallette, etc..
A Tissue de la cérémonie, un lunch par petites tables, excellemment
servi dans le joli parc du château du Pont, réunissait les nombreux
amis des deux familles.
Au Champagne, M. le comte Aymer de la Ghevalerie,oncle du marié,
a porté en termes éloquents un toast à la santé des jeunes époux.
NÉCROLOGIE
M EUGÈNE HIPPOLYTE DE ROBILLARD DE BEAUREPAIRE,
membre de plusieurs Sociétés savantes, décédé à Caen, le
8 juin 1899 à l'âge de li ans. — Cette mort met en deuil la
famille de Lancesseur.
M. GIBAUD, maire de Monsireigne, Officier d'académie, décédé le
12 juin, au Boistifrais à l'âge de 58 ans.
A ses obsèques qui ont eu lieu le 14, plusieurs discours ont été
prononcés par M. le pasteur protestant de Pouzauges, M. le secré-
taire général de la Préfecture, et M. Guillemet, député delà Vendée.
M. l'abbé RENÉ GUILLÉ, curé-doyen de Mortagne-sur-Sèvre, décé-
dé le 24 juin f 899, à l'âge de 60 ans.
Mme HÉLÈNE DE RECHIGNE VOISIN DE GURON, veuve de M. ARIS-
TIDE DE REBOUL, décédée à Saint-Jean-d'Angély, le 24 juin 1899, à
l'âge de 91 ans.
M. le docteur ANGEARD, officier de l'Instruction publique, ancien
membre du conseil général de la Vendée, décédé le 26 juin.
M >»■» LOUISE DEBUREAU, en religion Mère MARIE-LOUISE DE LA
TRINITÉ, prieure du Carmel de Lucon, décédée le 27 juin 1899, à
l'âge de 56 ans, après 35 ans dévie religieuse.
M. BOURMAUD, chevalier de la Légion d'honneur, ancien conseiller
général du canton des Moustiers les Mauxfaits, décédé fin juin.
M. l'abbé CHARLES BENaTIER, ancien vicaire d'Aizenay, décédé
à la Chaume, le 1er juillet 1899, à l'âge de 27 ans.
M. JOSEPH-JULES-ERNEST VERMOT, conservateur des hypothèques
en retraite, ancien receveur de l'enregistrement à La Châtaigneraie
(Vendée) et aux Sables d'Olonne, décédé à Saintes, dans sa 80e année,
le 4 juillet 1899.
M. E. ROBERT, ancien conseiller d'arrondissement, ancien agent-
voyer des Sables d'Olonne, décédé aux Sables le 10 juillet 1899.
M. l'abbé XAVIER ARCELIN, curé de Puyravault, décédé le 10 juillet
1899, âgé de 54 ans.
M. le Comte RAYMOND DE LÉZARD1ÈRE, décédé le 14 juillet 1899,
au château de Badiole, à l'âge de 58 ans. Ses obsèques ont eu lieu le
18 juillet, en l'église du Bourg- sous-la-Roche, en présence d'une
446 nécrologie
nombreuse assistance. L'inhumation a eu lieu le même jour à
Poiroux.
M. de Lézardière était veuf de M"e Gabrielle de Mesnard, décédée il
y a quelques années.
Jouissant d'une fortune considérable, le regretté défunt était la
Providence des malheureux de sa région.
M. le docteur BERREZ, de l'Hermenault, décédé à Fontehay-le-
Comte, le 16 juillet 1899.
Le frère ALLYRE, professeur à l'Institution Sainte-Marie à la
Roclie-sur-Yon, décédé le 24 juillet 1899.
M. l'abbé THÉOBALD GOICHON, vicaire à Cugand, décédé acciden-
tellement le 1er août à l'âge de 26 ans.
Mme LÉON de VILLAINE, née CAROLINE CHAIGNEAU, décédée
à Vouvant, le 1er août 1899, à l'âge de 60 ans.
« MIue de Villaine, dit le Patriote de la Vendée, pratiquait la charité
à l'égal de la prière. Elle possédait au plus haut degré la délicatesse
de sentiments qui inspire les âmes généreuses et ennoblit les cœurs...»
M. GUSTAVE RENAUD, ancien président du Tribunal de Batna,
décédé à Saint-Gilles-sur-Vie, le 3 août dernier à l'âge de 80 ans.
Sous le pseudonyme de G. R. de la Maldemèe, M. G. Renaud avait
publié après sa mise à la retraite une série de Contes très gaulois.
En 1897, une deuxième édition de ces contes a été publiée à Paris,
par les soins de l'Institut de Bibliographie.
Notre collaborateur M. le docteur Marcel Baudouin a consacré,
dans le Libéral de la Vendée, du 27 août 1899, un élogieux article à
M Renaud et à son œuvre.
M— LÉANDRE BOBINET DE LANGLE, née LÉONTINE CHAPLET,
décédée, le 7 août 1899, au château de Brebaudet dans sa75me année.
Nos sincères condoléances à notre ami Gustave de Langle et à sa
famille.
Madame ONÉSIME CHAIGNEAU, née ELISE-AIMÉE MARTIN dé-
cédée à la Tourtelière de Montournais, le 15 août 1899, dans sa 65e
année.
Cette mort met en deuil les familles Chaigneau, Clemenceau de la
Loquerie, Aude, Landois. Vallette, Millochin, etc..
M. FRADIN, ancien maire de Sallertaine, décédé le 19 août à l'âge
de 39 ans.
C'était, dit le Publicateur de la Vendée, un intrépide et courageux
défenseur de l'Eglise et de la Royauté.
M"« EUPHRASIE DE MONTALEMBERT DE CERS.décédéeâ laRoche-
sur-Yon, le 23 août 1899, à l'âge de 87 ans.
NÉCROLOGIE 447
Mmt JOSEPH CHÉGU1LLAUMK, décédée à Soullans à l'âge de 23 ans,
en août dernier.
M. l'abbé HENRI-PIERRE GEAY, chanoine honoraire, supérieur
du Petit Séminaire des Sables d'Olonne, décédé le 2 septembre 1899
à l'âge de 60 ans.
M. l'abbé AUGUSTE GELOT, curé des Clouzeaux, décédé le 4 sep-
tembre à l'âge de 49 ans.
Mrae AULNEAU, née ESGONN1ÈRE DU TH1BEUF, décédée en sa
demeure du Chène-Bertin, le 3 septembre à l'âge de 77 ans.
«C'était, dit le Publicateur, (n° du 17 septembre), sous la signature
de Fr. de Saint-Mesmin (lisez M. l'abbé Chatryj, sous une frêle enve-
loppe, la femme forte et fidèle de la Sainte-Ecriture, qui ne se con-
tentait pas, comme la femme romaine, de rester à la maison et de
tisser la laine, mais ouvrait ses mains à V indigent et les abaissait
vers le pauvre..., une de ces femmes du foyer et du temple, qui
laissent après elles, un si pur renom et un rayonnement si sain » ...
et sur la tombe de laquelle on pourra inscrire « ces deux mots qui
emportent tout éloge et résument toute sa vie : C'était une âme
vertueuse...»
Mme Aulneau était la mère de M. Paul Aulneau, le très distingué
conseiller général du canton de la Châtaigneraie, auquel nous renou-
velons ici nos plus douloureuses sympathies.
M. l'abbé PIERRE JEROME GÉANT, curé-doyen de Saint-Hilaire-
des-Loges, décédé le 11 septembre 1899 à l'âge de 71 ans.
Mme HYACINTHE-EUGÉNIE, LUCILE PICHARD DE LA CAILLÈRE,
veuve de M. CHARLES ROBERT DU BOTNEAU, décédée à Fontenay-
le-Comte, le 13 septembre 1899, dans sa 91e année.
« A une énergie peu ordinaire, dit la Vendée (n°, du 15 septembre),
à une force de conviction inébranlable, elle avait su allier une déli-
catesse exquise, une urbanité qui charmaient tous ceux qui avaient
l'avantage de l'approcher et qui lui avaient conquis les sympathies
respectueuses de tous ses concitoyens... »
Nos condoléances les plus vives aux familles Robert du Botneau
et de Tinguy.
M. ERNOUL, ancien ministre de la justice du cabinet de Broglie,
ancien bâtonnier de l'Ordre des avocats de Poitiers, commandeur de
Saint-Grégoire-le-Grand, vient de succomber à Lussac-les-Eglises,
dans la Haute-Vienne, à l'âge de 70 ans.
Nous adressons à son gendre, notre sympathique ami, M. Gaston
Sabouraud, ancien député de la Vendée, l'expression de nos plus cor-
diales condoléances.
BIBLIOGRAPHIE
Notre éminent maître et ami, le R. P. de la Croix, vient de
faire paraître, chez Alphonse Picard, éditeur à Paris, (in 4° de
23 pages avec planches), le cornpte-rendu des Fouilles archéolo-
giques faites par lui à Vabbaye de Saint Maur de Glanfeuil (Maine-
et-Loire) et dont la Revue du Bas-Poitou a précédemment parlé.
Ce mémoire avait été d'abord lu à l'Académie des Inscriptions et
belles-lettres, dans la séance du 28 avril 1809, et avait valu à son
savant auteur de mérités éloges.
— L'histoire de l'armée de Condè de notre excellent confrère et ami
M. RenéBittard des Portes, secrétaire général adjoint de la Société des
Études historiques de Paris, vient d'être couronnée par l'Académie
française.
Nous adressons à son aimable et savant auteur nos bien vives
félicitations.
M. des Portes, que nous avons eu le grand plaisir de rencontrer
cet été en villégiature aux Sables d'Olonne, travaille présentement à
une étude militaire des campagnes de Charette en Vendée, qui, sous
l'autorité de sa plume, ne peut manquer d'offrir un très vif intérêt,
et dont nous espérons pouvoir offrir en primeur quelques pages aux
lecteurs de la Revue.
— Notre éminent collaborateur, M. Charles Farcinet, ancien chef
du personnel administratif au Ministère de l'intérieur, vient de réu-
nir en une élégante brochure (grand in 8" de 83 pages) sortie des
presses de M. Lafolye, imprimeur à Vannes, les multiples et savantes
notices publiées par lui dans cette Revue sur l'Ancienne famille de
Lusignan. Ces pages, d'un intérêt considérable pour l'histoire du
Moyen-Age en Poitou, contiennent notamment de précieux et inédits
documents sur Geoffroy la Grand' Dent.
— Sous ce double titre : La terre qui vit — La Vendée, M. l'abbé
Kugène Bossard, le savant professeur de l'Université catholique
d'Angers, a publié, dans le Correspondant, une très intéressante
étude, réunie depuis en brochure, par Soye, imprimeur, 18 rue des
Fossés Saint-Jacques, à Paris.
BIBLIOGRAPHIE ' '■•>
M. l'abbé Bossard, qui a passé une partie de l'été à L'île d'Yen, i u
a rapporté toute une moisson de précieux documents, dont il veut
bien promettre la meilleure part à la Revue du Bas-Poitou.
— Parmi les volumes nouveaux intéressant l'histoire de notre
région, citons : les Origines et les responsabilités de r Insurrection
Vendéenne, parle K. P. dom François Chamard, prieur de l'abbaye
de Saint-Martin de Ligugé. (Gr. in 8", Arthur Savaète, éditeur,
Pans, 70, rue des Saints-Pères) ; Le Château de Machecoul, drame
en trois actes, par Joseph Rousse, (Vannes, librairie Lafbiye
— Nous avons reçu de notre distingué collaborateur, M. l'abb'-
Teillet, curéd'Antigny, une élégante plaquette de 45 pages, sortie des
presses de M. Servant-Mahaud, imprimeur à la Roche-sur- Yon,
ayant pour titre : Saint-Martin des Noyers et Sainte-Agathe de la
Grève.
C'est le fruit de consciencieuses rechercha qni complète d'une
façon très intéressante la notice déjà consaeiée à cette localité par
MM. Aillery et Pontdevie.
— De notre éminent compatriote M. Edmond Biré : Lemarquis delà
Rouerie et la conjuration Bretonne (1790- 1793) ,d'après des documents
inédits par M. G. Lenôtre, {Gazette de France, du 1er mai 1899) ; —
Voyages de Frédéric Le Play {Univers du 31 mai).
— Dans le Mercure Poitevin, lire: la suite de la savante étude
de notre excellent ami H. Baguenier Desormeaux sur Bonchamps
avant la guerre de Vendée; la notice de notre distingué confrère
Henri Glouzot sur les Comédiens et auteurs dramatiques en Poitou
au XVIIIe sèicle, et la fin de la charmante Légende de Mélusine de
M. J. Philippe.
— Le Patriote de laVendêe{n° du 30 juillet 1899 et suivants) contient
d'intéressantes Miettes d'histoire île l'ami Fontenac ayant pour titre :
le Cabinet des Dames de Fontenay en 1814.
Du même : Les Garennes de Benêt au XIII' siècle (Patriote du
17 août) ; Le Temple de Saint- Hilaire sur L'Autise (nu du 7 septem-
bre) et Les précautions prises en Bas-Poitou contre la peste du Portugal
en 1757 (n° du 17 septembre).
— M. Mayeux, libraire aux Sables, vient de publier une nouvelle
édition du Guide aux Sables d'Olonne et aux environs de notre
excellent collaborateur et ami Henry Colins. Ce gentil volume, qui
témoigne une nouvelle fois de l'aimable érudition de l'auteur est
accompagné de nombreuses illustrations.
— Notre confrère et ami, M. Henri Clouzot a réuni à une petite
plaquette de 34 p., qui a pour titre Le théâtre à Fontenay-le-Comle
450 BIBLIOGRAPHIE
pendant la Révolution, le Consulat et V Empire, la suite d'intéres-
sants articles publiés par lui sous cette même rubrique dans VAvenir-
ndicateur (Fontenay, Claireaux, 1899.)
— De M. l'abbé F. Uzureau, le savant aumônier du Champ-des-
Martyrs d'Angers : Variétés Angevines et Vendéennes. — Madame
Turpault de Cholet, fusillée au Champ-des-Martyrs, le 16 avril 1794.
Angers, Germain etGrassin imprimeurs-éditeurs, in 8° de huit p.)
Nous publierons dans notre prochain numéro de nouvelles et
poignantes pages de M. Uzureau, sur deux autres victimes vendéennes
du Champ-des-Martyrs.
— A signaler une nouvelle et savante étude de notre confrère et
ami M. Léon Maître, archiviste de la Loire-Inférieure : Saint Filberh
sa vie, son Monastère,ses reliques et son Eglise de Grandlieu. (Nantes
Imprimerie Moderne.)
Deux chapitres intéressent plus particulièrement l'histoire du Bas-
Poitou : Le chapitre II : Mort de saint Filbert à Noirmoutier, et le
chapitre III : Translation des reliques à travers le pays d'Eerbauges.
— Le Patriote de la Vendée publie sous ce titre : A travers la
Vendée, noies d'histoire et d" Archéologie une suite de notices consa-
crées par M. René Vallette à Sainte- Hermine et aux autres com-
munes du canton, et extraites des Paysages et Monuments du Poitou
de M. J. Robuchon.
— Notre excellent confrère M. Emmanuel Aimé, directeur du
Vendéen de Paris, a publié dans le n° de juin 1899 de ce journal, à
l'occasion de la bénédiction de sa nouvelle église, une charmante
notice sur VOrbrie, où nous trouvons reproduite une fort jolie pièce
de vers de M. l'abbé Pavageau, ayant pour titre: Un fait d'Armes
inédit de Jeanne d'Arc.
— Sous ce titre Poètes Vendéens, première série, M. l'abbé Emile
Robin, à fait paraitre (chez Retaud, Paris.) un volume in88 de 300, p.
contenant une série d'études de critique littéraire consacrée à Crë-
tineau-Joly, à l'abbé E. Gonet, à André de Rivaudeau et à Adrien
Dtzamy .
— De notre ami H. Renaud, dans le Vendéen du 17 juin, sous le
pseudonyme accoutumé de Henri de la Maldemée : Paysages et sou-
venirs de Vendée fsuite). — Poiroux et les Lêzardières. — Le vi-
comte Charles de Lêzardière, d'après les notices de MM. Merlandet
Verger.
— A lire dans la Revue Poitevine et Saumuroise, de juillet 1899
une .Xote relative au chef Vendéen de Beauvollier (1799).
BIBLIOGRAPHIE 451
— Très alertes et très pimpantes les jolies Rimes Sablaises que
M. Marcel Béliard vient de réunir en une gentille plaquette (Biblio-
thèque de la Plage, Les Sables d'Olonue).
— Notre ami, M. Arnold Mascarel, ancien magistrat, qui publiait
naguère une très précieuse notice sur Edouard Hervé, l'éminent
fondateur du journal le Soleil, a fait paraître dans la Vendée (sep-
tembre 1899) une savante critique littéraire consacrée à l'Histoire du
second Empire de M . de la Gorce.
Du même, une biographie très complète de M . Ernoul ancien
ministre, parue en octobre dans la Vendée et le Publicateur.
— M. l'abbé Boutin continue dans ses très intéressantes Chroniques
paroissiales l'histoire mouvementée de Tiffauges et de ses seigneurs.
— A propos de Tiffauges, signalons également la jolie plaquette
que vient de lui consacrer M. Louis Brochet, sous ce titre : Tiffauges
et Barbe-Bleue (Nantes, Salière, 1894).
Cette brochure, dont nous reproduisons par ailleurs quelques-unes
des très intéressantes pages, est accompagnée d'illustrations nom-
breuses et d'un plan-guide de M. Arsollier, dont le talent n'a d'égal
que la parfaite obligeance.
— Nous recevons de M. Joseph Rousse, l'érudit conservateur de la
Bibliothèque publique de Nantes une intéressante brochure, sortie
des presses de notre ami Emile Grimaud, et ayant pour titre : Sou-
tenir de famille. — Note sur Jean Le Ray de Saint-Mesme, secrétaire
du Roi. (In-8° de 8 p.)
— De M. l'abbé Géant, curé-doyen de Saint-Hilaire-des-Loges,
récemment décédé, un petit volume d'apologétique populaire, intitulé
A mes paroissiens, et publié chez P. Gouraud, Fontenay-le-Comte.
(In-12 de 250 pages,)
Bouquinerie Vendéenne.
De la Revue des Autographes (34 rue du faubourg Poissonnière),
n° d'août 1899 :
34 — Bouhier de Beaumarchais (Vincent) , célèbre financier du règne
de Louis XIII, beau-père du maréchal de Vitry, persécuté par Marie
deMédicis, à cause du meurtre du maréchal d'Ancre auquel prit part
son gendre. — Pièce sig. avec une ligne aut. sur vélin ; 1611, 1 p.
in-4, obi. Déchirure à l'endroit de la signature : 6 fr.
Reçu pour le roi en sa qualité de trésorier de l'épargne, de la som-
me de 118.175 livres.
TOMK XII. — JUILLET, AOUT, SEPTMBRE 31
45? BIBLIOGRAPHIE
86 — Dubourg (le comte Fréd.), célèbre général, qui servit en Vendée
dans l'armée royale, puis sous Napoléon 1er; fait prisonnier en
Russie.
Il revint en France et suivit Louis XVIII àGand ; il s'empara en-
suite d'Arras, dont il ferma les portes aux troupes de Napoléon
comme aux Alliés ; né en 1778, mort en 1850. — Let. sig. avec 2 lig.
aut. au général comte Gérard ; Paris, 1er août 1830. 2 p. in-fol. 15 fr.
Importante lettre historique. Il remet aux mains de Lafayette le
commandement dont ses concitoyens l'avaient investi parce qu'il était
le premier au danger : « J'ai été à Gand, cela est vrai ; mais si j'avais
été à Fontainebleau quand. Napoléon y fut abandonné, je ne l'aurais
pas abandonné, moi !
Du même recueil, n° de Septembre :
3. — Andigné (L.-M.-A.-F., comte d'), général français, qui prit part
à la guerre d'Amérique, l'un des plus énergiques chefs vendéens, il
s'évada en 1802 du fort de .Joux avec M. de Suzannet ; né à Angers en
1765. — L. a. s. au comte de Lauriston ; Paris, 1823, 1 p. in-fol. 8 fr.
Il recommande M. de la Jonchère. Cette lettre est signée aussi par
MM. de Sesmaisons, Duplessis de Grènêdan, Le Besche de Champsa-
vin, le marquis de Vill^franche, etc.
Belliard (Aug. -Daniel, comte), brave général de la République et
de l'Empire, qui se distingua en Italie et en Egypte, né à Fontenay-
le-Comte (Vendée). — L. a. s. au général Garbé ; Munich, 14 fé-
vrier 1806, 1/2 p. in-4. Légère déchirure. 4 fr.
Brumauld de Beauregard (Jean), évêque d'Orléans, grand vicaire
de Luçon, il resta en Vendée durant la Révolution et fut déporté à
Cayenne, né à Poitiers en 1749, mort en 1841. — L. a. s. à la sœur
Rosalie : Orléans, 1" juin 1822, 1 p. pi. in-4. Très belle et intéres-
sante lettre.
Bussy d'Amboisb (Louis de Clermont de), célèbre par ses duels et
ses aventures amoureuses, capitaine d'Angers pour François, duc
d'Alençon, assassiné en 1577 par le comte de Montsoreau et dont la
tragique aventure a donné lieu au roman plein de verve d'Alexandre
Dumas, la Dame de Montsoreau. — Let. sig. à Catherine de MëdicU,
régente en l'absence de Henri III, non revenu de Pologne; Fontenay-
le-Comte, (Vendée) 23 sept. 1574), 1 p. in-fol. Très rare. 75 fr.
Belle lettre. Le capitaine Nonezan ayant été tué au siège de Fonte-
nay, il demande sa place de gentilhomme de la chambre du Roi pour
le capitaine Lavaldaix.
BIBLIOGRAPHIE 453
49 Callières de Lestang (P.-J.)i avocat au parlement, juge au
Tribunal du 17 août, député de la commune de Paris, en Vendée,
mort en 1795, — L. a. s. à Decroix ; Paris, 8 mars 1784, 2 p. in-8.
Rare. 8 fr.
Il lui annonce qu'il a recueilli de nombreux documents sur Vol-
taire et qu'il va les lui adresser.
86. — Dembarrère (Jean, comte), célèbre général, qui se distingua en
Vendée et en Italie, né à Tarbes. — L. a. s. au sénateur Lemercier,
à Saumur ; Paris, 20 août 1809, 2 p. 1/2 in-4. 10 fr.
87. — Desbureaux (Ch-Fr., baron), général français qui se distingua
en Vendée, né à Reims. — L. s. à M. Cuzieu-, Strasbourg, 29 oct. 181 S,
1 p. in-4. 3 fr.
122. — Grigny (Achille-Claude-Marie de), célèbre général de la Ré-
publique et de l'Empire, qui se distingua en Vendée, tué devant
Gaète en 1806. — 10 let. aut. sig. au citoyen Rousselin, Nantes et
La Rochelle, an Vil-an VIII, 32 p. in-4 et in-fol. vignettes, 30 fr.
Intéressante correspondance militaire. Il déplore la mort du géné-
ral Hoche et lui communique un songe où l'ombre de Hoche lui est
apparue. « Je voyais ce grand homme me sourire au milieu des dé-
combres fumants de la Vendée, inquiet des mouvements des efforts
que je voyais faire aux royalistes pour rallumer la guerre civile, je
lui confie mon anxiété, mes craintes -, mon héros voit les choses d'un
œil plus étendu que le mien, il me fait voir la vanité des efforts que
je redoute, il me rassure : si tu veux, me dit-il. bien servir la patrie,
ne restreins point tes idées autour de toi, que les idées d'un Français
soient grandes, vastes comme la République. Va mon ami, ne crains
point la résurrection de la guerre civile tant qu'on suivra le système
de modération duquel je vois avec plaisir que le gouvernement régé-
néré ne se départ point, de la douceur, de la fermeté, surveille
seulement et ces brigands épars se dissiperont. > Très curieux dé-
tails sur Bernadotte, comme ministre de la guerre, sur l'expédition
d'Irlande, sur la guerre de Vendée.
150. — La Rochejacquelein (Henri, marquis de), célèbre homme
d'Etat et orateur légitimiste. — 4 l. a. s. ; 9 p. in-8. Cachets. Let-
tres politiques, 10 fr.
260. — Vivonne (Charles II de), conseiller du roi, chevalier de ses
ordres, capitaine de 50 hommes d'armes, sénéchal de Saintonge, sei-
gneur de la Châtaigneraie, d'Ardelay. d'Oulmes. Il était fils de Char-
•i54 BIBLIOGRAPHIE
les l" de Vivonne et d'Isabeau Chabot d'Aspremont ; il épousa Renée
de Vivonne, veuve de Ponthus de Saint-Gelais. — P. s. ; Paris,
7 avril 1588; in 4. 8 fr.
Procuration pour poursuivre Charles Turpin, seigneur de Mont-
hoiron (Vienne, C. de Vouneuil) déjà saisi à la demande dudit Charles
de Vivonne.
Poitou. — Pièce sur vélin ; Noirmoutier, 28 avril 1458, in-8. 6 fr.
Quittance de Jean Salefgnac, lieutenant de Noirmoutier, pour
Louis 1er de la Trémoille, des sommes qu'il avait déboursées pour
achat a de deux grosses coullevrines... et leur molle à faire leur
plombées. »
R. de Thivercay.
Le Directeur-Gérant : R. VALLETTE.
Vannes. — Imprimerie LAFOLYR, 2, place des Lices.
LA RENAISSANCE EN BAS-POITOU
L'EGLISE DE FENIOUX
Sur la route de Parthenay, entre Coulonges les Royaux et
la forêt de Scondigny, une bien modeste église rurale
attire l'attention de l'artiste et de l'archéologue unique-
ment par un pied-droit ou jambage ayant dû soutenir jadis
un arc plein cintre ou anse de panier destiné, comme dans
l'église de Bourneau, à recouvrir un enfeu. Nous soupçon-
nons fort l'auteur ou les auteurs de la délicieuse chapelle fu-
néraire de Bourneau si bien restaurée par le ciseau du sculp-
teur Métivier et par les soins de Me Edmond Moller, d'avoir
également travaillé au Penioux. Gomment et pour qui un tel
bijou architectural, où le sculpteur a entassé les meilleures
délicatesses de son ciseau, peut-il se trouver enfoui dans un
coin si oublié de tous? C'est à l'historien qu'il appartient de
soulever le voile qui recouvre ce mystère ; pour nous, cher-
cheur plus modeste, nous nous contenterons de décrire les
ravissants entrelacs ciselés avec tant de finesse et un si sa-
vant modelé, que la pensée se reporte de suite au jubé de la
cathédrale de Limoges, le chef-d'œuvre du genre1.
Ainsi que nous l'avons dit en commençant, l'ensemble des
pilastres et colonnes qui se trouvent aujourd'hui engagés à
1 Ces sculptures ont paru d'un ordre tellement supérieur à l'administra-
tion des Beaux-Arts qu'on les a fait mouler pour les installer au Trocadéro
dans les salles consacrées h l'Histoire du travail, section de la Renaissance-
TOME XII. — OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRE 32
456 ÉGLISE DE FSNIOUX
l'extérieur du mur de la nef du l'église de Fenioux côté de
l'évangile, a dû servir de support à une arcade ouvrant sur
une chapelle funéraire dont il ne reste plus que ces débris
qui suffisent cependant pour donner une idée du monument
complet.
Le jambage est formé par trois pilastres avec chapiteaux
ioniques sur lesquels s'étalent les plus fines arabesques, ou
des rondelles superposées. Les bustes des Pères de l'Eglise,
grandeur nature, surmontent ces pilastres. Dans leur entre-
deux l'ornemaniste a sculpté des F fleuronnés avec bande-
rolles, au-dessous un Samson étouffant le lion, que l'on
retrouve aussi à Bourneau ; puis à la base des emblèmes
mortuaires tels que têtes de mort, tibias entrecroisés, le tout
relié par des arabesques et rubans plissés. Mais, ce qui mérite
le plus d'attirer l'attention, ce sont les deux colonnes avec
bagues moulurées au tiers de leur hauteur qui sont appli-
quées sur les pilastres les plus larges. Ces deux colonnes ont
dans toute leur longueur le fût recouvert de la plus délicieuse
ornementation qu'il soit possible de concevoir ; l'exécution
ne le cède en rien à la composition. Les superbes colonnes
qui encadrent à Solesmes la pâmoison de la Vierge ne sau-
raient lutter avec l'incomparable perfection de celles de l'en-
feu du Fenioux. C'est de 1520 à 1525 que ce beau travail a dû
être exécuté. Pourrait-on l'attribuer à Jacques Goiraud de
Montaigu qui dans une chapelle absidale de N.-D. de Fonte-
nay a laissé un rétable d'une donnée identique ? Je n'oserais
l'affirmer; il ne saurait non plus être l'œuvre des artistes
qui ont élevé le château de Coulonges de 1542 à 1568, ce n'est
ni le même faire, ni le même style.
Dans tous les cas, le peu qui reste de ce beau monument
funéraire fait le plus grand honneur à celui qui l'a composé
et exécuté.
Terre-Neuve, 1 2 janvier 1900.
0. DE ROGHEBRUNE.
LES ORIGINES
DE LA
GUERRE DE VENDEE
NOTES DE PSYCHOLOGIE HISTORIQUE
C'est à coup sûr un des problèmes les plus obscurs
de notre histoire nationale que ce soulèvement général
de toute une province, que cette insurrection de plusieurs
années si souvent victorieuse, mais toujours défensive, et dont
aucun historien n'a pu établir la genèse exacte.
Que n'a-t-on point écrit sur ce sujet ! Que d'articles, de
brochures, de volumes entiers même ont tenté de donner une
solution acceptable, sans y parvenir jamais. Il semble que
ces luttes soient aussi difficiles à expliquer qu'elles le furent
à faire cesser. C'est, je crois, que l'on tend à donner trop de
place aux textes sur le terrain historique : si la chronologie
qu'ils établissent est la base de l'histoire, ils sont le plus sou-
vent impuissants à marquer l'enchaînement vrai des évé-
nements.
Rarement écrits avec impartialité, souvent contradictoires
dans leurs développements, ils égarent le curieux, et l'histo-
rien doit les soumettre à une critique sévère. On oublie trop
qu'il est une philosophie de l'histoire, et que, si parfois la
suite des événements dépend de la volonté de quelques
hommes, le plus souvent elle découle naturellement des
circonstances physiques et psychologiques du moment.
458 LES ORIGINES DE LA GUEKRfc: DE VENDÉE
Je voudrais appliquer cette méthode à cette question de la
guerre de Vendée. Les textes ne nous disent rien de ses ori-
gines vraies, parce qu'ils ne se préoccupent pas de la période
antérieure aux premières étincelles de la conflagration, mais
ce silence même montre combien l'insurrection a découlé
naturellement de l'état d'esprit de la Vendée toute entière.
Il nous faut donc tout d'abord rechercher ce qu'étaient la
Vendée et le Vendéen aux premières années de la Révolution.
La Vendée, je me place il y a cent ans, se divisait en deux
parties fort distinctes : le Bocage et le Marais. Le Bocage,
très accidenté, très boisé, et coupé par d'étroits vallons, est
encore rendu plus impraticable par une coutume séculaire de
ses habitants. Chaque champ, et la plupart n'ont point une
étendue considérable, chaque champ est entouré d'une sorte
de parapet en terre et est séparé des champs voisins par un
fossé étroit et profond. Ces parapets qui n'ont pas moins
parfois de six pieds de hauteur, sur autant de largeur, sont
couverts d'abres étêtés, dont le pied se perd dans d'épais
buissons : ce qui borne extrêmement la vue et rend les com-
munications fort difficiles, en faisant du pays tout entier une
vaste suite de fortifications. Ce n'est point du reste dans un
but de défense contre leurs semblables , que de tout temps
les Vendéens ont élevé ces solides remparts. C'est plutôt par
une nécessité climatologique.
On en trouve la preuve dans ce fait qu'une autre contrée,
placée dans des conditions identiques, la pointe occidentale de
l'Angleterre, présente une frappante conformité d'usage.
Non moins inaccessible, bien que par d'autres moyens, est
le Marais. Ici, ce ne sont plus des haies vives qui vous arrê-
tent presque à chaque pas, mais de larges canaux bordés
d'aubiers ou de saules. Les paysans, du reste, ont pour se
transporter d'un point à un autre des nioles, sorte de pirogues
indispensables en une telle contrée.
A première vue, on comprend que la résistance ait été
facile en un tel pays. Il est plus difficile de déduire, de la topo-
LES ORIGINES DE LA GUERRE DE VENDÉE 459
graphie de la Vendée et du caractère du paysan vendéen,
deux choses intimement liées, les causes même de cette
grande guerre. C'est pourtant le but audacieux que je me
suis proposé en étudiant cette question.
Il est universellement admis aujourd'hui que le caractère
d'un peu pie dépend des degrés de latitude et de longitude sous
lesquels il est placé, et des communications plus ou moins
faciles avec ses voisins. Nulle part mieux qu'en Vendée, cette
vérité ne se trouve évidente. Sans cesse caressée par la forti-
fiante douceur du vent de mer, la Vendée a vu naître une po-
pulation énergique et résignée : séparé des provinces voisines
par la difficulté des routes, le Vendéen a gardé intacte son
originalité de caractère.
Tandis q je presque toutes les provinces étaient agitées par
le courant d'idées philosophiques qui devait amener la Révolu-
tion, tandis que du nord au midi de la France, bourgeois et
paysans — les premiers surtout — proclamaient l'iniquité des
privilèges, la Vendée restait impassible, offrant le curieux
spectacle d'un peuple primitif, si primitif même, qu'il ne
songe pas à changer sa manière de vivre, au sein d'une nation
travaillée par mille espérances de bonheur.
Certes, ces bruits de liberté, d'égalité, étaient venus jusqu'en
Vendée, mais l'intelligence du paysan vendéen, que n'avait
pas affiné le contact journalier des autres hommes, était inca-
pable de comprendre ces innovations hardies : pour lui la
tradition était la loi suprême de ses actes : le critérium absolu
du juste et du vrai. Il avait vu ses pères user de probité dans
leurs rapports avec leurs voisins: de là lui venait une honnê-
teté native et irréfléchie ; ses aïeux lui avaient fourni de nom-
breux exemples de piété ; il était religieux, superstitieux
même parce qu'il ne raisonnait point ses croyances. Enfin, il
avait toujours entendu parler du roi avec vénération et il ne
pouvait comprendre qu'une autre forme de gouvernement que
la Monarchie lui apportât plus de jouissances.
Du reste, la situation des paysans vendéens, il est bon de le
4'0 LES 0RIG1NKS DE LA GUERRK DHJ VENDÉE
dire, était peut-être, sous l'ancien régime, plus facile que celle
des autres travailleurs en France. Leur aisance était bien mo-
deste, souvent même elle confinait à la misère, mais ils ne
souffraient pas de l'insolence hautaine, qu'à tort ou à raison
on a reprochée aux ordres privilégiés : tout au contraire, le
paysan vendéen avait, de tout temps, été mêlé aux plaisirs de
ses seigneurs. S'asseyantà leur table et partageant avec eux
les joies et les dangers de la chasse, il ne voyait en eux que
des frères dignes d'une respectueuse déférence. Il se serait
volontiers dévoué pour eux, parce que jamais ils n'avaient
froissé son amour instinctif de la liberté.
Il ne faudrait pourtant pas croire, comme l'ont fait certains
historiens, que ce dévouement aux nobles a été la cause de la
guerre, en d'autres termes que le soulèvement a été provoqué
par les seigneurs. Il est bon de se rappeler l'aphorisme de
Sully, auquel la Vendée de 1793 a fourni une preuve éclatante :
« Les peuples ne se révoltent pas pour attaquer,' mais parce
qu'ils sont las de souffrir ».
Non, ce ne sont pas les vexations dont étaient accablés les
nobles, ce n'est point le spectacle de l'odieuse conduite des
sans-culotte à leur égard, qui pouvaient déchaîner en Vendée
une levée générale de boucliers. L'échec des projets de La
Rouerie et du prince de ïalmont, les brillants promoteurs de
la confédération poite vine, est parfaitement expliquable psycho-
logiquement. Le Vendéen, très sensé dans son égoïsme, ne
pouvait se résoudre à sacrifier le bonheur relatif dont il s'était
jusqu'alors contenté d'autant plus que sa timidité excessive le
portait à douter des autres et de lui-même. Aussi se fut-il bien
gardé de sortir de sa prudente neutralité, si les assemblées à
Paris n'avaient édité une suite de mesures de plus en plus
oppressives qui réveillèrent peu à peu l'énergie un peu inerte
des Vendéens et finalement provoquèrent le soulèvement
général.
C'était sans grand enthousiasme que les Vendéens avaient
vu s'ouvrir les Etats généraux. Et leurs cahiers, — surtout
LES ORIGINES DE LA GUKRRK DR VHNDRK 4(51
ceux des campagnes — ne demandaient guère que le statu
quo.
Aussi furent-ils fort mécontents, lorsque, dans les premiers
jours de décembre 1790, ils apprirent que la Constituante
avait décrété la constitution civile du clergé. Us n'y voyaient
qu'une rupture avec les anciens usages, qui révoltait leurs
consciences. Pour eux, leur véritable pasteur était le prêtre
non assermenté qu'ils connaissaient et vénéraient. Le prêtre
assermenté était un intrus, que l'on laissait seul dans l'église,
où la force publique l'avait installé, pour aller religieusement
assister au Saint Sacrifice dans la grange d'une métairie, dans
la solitude des genêts, parfois même en pleine mer! Souvent
même on répand de mauvais bruits sur V « intrus » : c'est
ainsi qu'à la Poitevinière, les habitants sont persuadés que
leur nouveau curé est une fille de mauvaise vie déguisée, et
tous s'écartent de lui avec horreur, épouvantés d'un tel
sacrilège.
Il est facile de comprendre que les paysans, ainsi froissés
dans leurs sentiments les plus élevés, aient nourri contre les
« patriotes » des sentiments de haine, cachés mais profonds.
Cette haine, l'Assemblée Législative puis et surtout la
Convention semblèrent prendre à tâche de l'exciter jusqu'à
provoquer une terrible explosion.
La tranquillité résignée avec laquelle prêtres et paysans
accueillirent cette constitution civile du clergé, qu'ils détes-
taient pourtant, leur fut imputée comme crime : au nom de la
liberté, les sans-culotte proclamèrent la culpabilité des Ven-
déens, non pas précisément pour avoir déserté les églises,
mais pour n'accepter dans leurs pratiques religieuses d'autre
ministère que celui des prêtres réfractaires. « 11 serait grand
temps, s'écrie Dumouriez dans une lettre du 2 septembre
1791, que l'Assemblée prononçât sur cette matière importante
et qu'il y eut une loi uniforme pour tout le royaume I »
Ce qu'eut étéjcette loi, nous ne le pouvons point savoir, l'As-
semblée Nationale probablement par négligence, car elle n'en
162 LES ORIGINES DE LA GUERRE DE VENDÉE
était point à reculer devant ane responsabilité morale, si
lourde fût-elle, préféra laisser au directoire de chaque dépar-
tement le soin de régler la condition des prêtres réfractaires
de leur ressort. C'est ainsi que, le 1er février 1792, le directoire
du Maine-et-Loire enjoignait à tous les prêtres non asser-
mentés de venir se fixer à Angers et d'y résider, sans s'en
éloigner de plus d'une demi-lieue, à peine d'emprisonnement.
Lps municipalités étaient tenues d'assurer l'exécution du
décret sous les mêmes peines, et quiconque cacherait un prêtre
réfractaire serait incarcéré.
Il semble que ce devait être le moment, où la persécution
définitive s'organisait, que les prêtres auraient dû choisir pour
soulever et enrégimenter les paysans ; car c'était une occasion
unique assurément et le moindre retard pouvait nuire à leurs
intérêts. Eh bien ! non ! si les prêtres non assermentés ne vin-
rent point à Angers ; il faut le reconnaître, si quelques-uns
même prêchèrent la guerre sainte, l'immense majorité du
clergé vendéen recommanda la résignation à ses ouailles in-
dignées. La plupart même, songeant aux tristes conséquences
d'une lutte des paysans sans armes contre les régiments dis-
ciplinés des républicains, émigrèrent bien plus pour éviter
tout conflit que pour sauver leur tête. Tous ceux qui restèrent
en Vendée, traqués et poursuivis sans merci par les bleus, en-
seignaient par leur exemple aux habitants du Bocage la
charité et le pardon des injures.
La preuve flagrante que les paysans ne songeaient aucune-
ment à réclamer le libre exercice de leurs droits, les armes à
la main, se trouve dans le rapport officiel à la Convention de
deux commissaires en Vendée : Gensonné et Gallois. Le gou-
vernement les y avait envoyés, inquiet de l'impassibilité etde
l'énergie des paysans etde ce mot de Dumouriez: « Si je vou-
ais faire la guerre civile en France, ce serait la Vendée que
je choisirais.
La grande question était évidemment alors celle des prêtres
réfractaires ; le rapport s'en occupe longuement et mentionne
exactement l'état des esprits.
LES ORIGINES DE LA GUERRE DE VENDÉE 463
« Toutes les municipalités, dit-il, énonçaient le môme vœu :
Celles dont les curés avaient été remplacés nous redeman-
daient le retour de ces prêtres ; celles dont les curés non-
assermentés étaient encore en fonction nous demandaient de
les conserver. « Nous ne souhaitons, disaient-elles unanime-
ment,d'autres grâces que d'avoir des prêtres en qui nous ayons
confiance ». — Certaines même offraient, pour obtenir cette
faveur, de payer le, double de leurs impositions ».
Et plus loin :
«Nous devons dire que ces mêmes hommes, qu'on nous
avait peints comme des furieux sourds à toute espèce de rai-
son, nous ont quitté l'âme remplie de paix et de bonheur
lorsque nous leur avons fait comprendre qu'il était dans les
principes de la Constitution nouvelle de respecter la liberté
des consciences. »
Mais, de ces promesses faites par ses délégués, la Conven-
tion n'avait cure. Les commissaires rentrèrent à Paris et les
paysans attendirent vainement la réalisation des promesses
dont on les avait leurrés.
Si j'ai parlé de la mission de Gallois et de Gensonné, que la
plupart des historiens mentionnent à peine, c'est que je lui
attribue une influence prépondérante sur le soulèvement.
Après le départ des Conventionnels, le bruit de leurs promes-
ses s'étant répandu, les Vendéens respiraient et attendaient
avec confiance le décret qui devait arrêter l'odieuse persécu-
tion des prêtres. Supposez qu'à ce moment la Convention ait
eu la sagesse d'abandonner aux paroisses le libre choix de
leurs pasteurs, de même qu'elle laissait les communes élire
leurs magistrats, il esttrès probable que les Vendéens auraient
accepté le nouveau gouvernement ; et, si malgré tout des
rebellions avaient éclaté devant l'enrôlement forcé et l'exil,
ces révoltes toutes individuelles n'auraient point entraîné un
soulèvement général et une guerre de plusieurs années.
Mais la Convention ne pouvait faire une loi pour chaque
province ; et, du reste, ses séances étaient alors remplies, par
464 LES ORIGINES DE LA GUERRE UK VENDÉE
une discussion autrement passionnante que les réclamations
et les droits d'une fraction du peuple : par le procès du roi.
Nous sommes, en effet, arrivés à la fin de l'année 1792 et
nous touchons à la crise. A partir de ce moment les événe-
ments se précipitent.
Les paysans supportaient de plus en plus difficilement les
outrages dont les bleus accablaient leurs prêtres, maintenant
qu'ils savaient ces vexations condamnées au nom des princi-
pes nouveaux. Chaque jour ils attendaient le décret libéra-
teur, mais chaque jour ne ramenait que les mêmes bandes de
patriotes pillards, et que les mêmes perquisitions odieuses.
Peu à peu ils comprirent qu'on les avait oubliés ou plutôt que
l'on s'était joué d'eux. Car ces hommes réfléchis ne pouvaient
imaginer qu'un représentant de l'autorité oubliât sa promesse
solennelle sur une si importante question, et, jugeant des
Conventionnels d'après eux-mêmes, ils considéraient leur
silence comme une déloyauté qui les révoltait.
C'est à ce moment que, pour la première fois, l'indignation
universelle se traduit sur quelques points par une résistance
à main armée. Ces faits, à la vérité, sont rares, et n'ont géné-
ralement ni suite, ni lien entre eux; ils sont cependant très
importants à noter, car ils montrent que la haine des Vendéens
pour la république est à son comble. Et pourtant, c'est à ce
moment,où l'exaspération grandissait chaque jour, que se ré-
pandit en Vendée la plus stupéfiante nouvelle. On savait que,
non contente de renverser un trône qui lui portait ombrage, la
Convention avait enfermé au Temple le roi et sa famille. On
savait que le malheureux monarque avait comparu à la barre
de la terrible assemblée. Le bruit de sa condamnation s'était
même répandu, mais les campagnes de Vendée n'y avaient
point ajouté foi. Nul, parmi ces hommes qui avaient toujours
entouré le roi de la plus profonde vénération, ne pouvait
croire à un pareil sacrilège. C'en était un pour eux que de dé-
créter la mort d'un prince qu'ils regardaient comme désigné
par Dieu lui-même pour gouverner la France.
LES OH1CINES \)K LA. fiUEKKK IJE VENDÉE 465
Aussi, lorsqu'à la fin de janvier 1793, le directoire du dépar-
tement fit afficher et annoncer par le crieur public la nouvelle
et les détails principaux de l'exécution, la Vendée entière fut
frappée de stupeur. Les paysans se demandaient avec crainte
quel châtiment divin atteindrait les régicides, et la vue d'un
bleu leur inspirait, non plus seulement de la haine, mais de
l'horreur. Pour eux, c'étaient toujours les soldats qui avaient
présenté les armes au moment où tombait le sacrilège cou-
peret, c'étaient toujours les tambours qui avaient battu aux
champs, pour couvrir les dernières paroles de la victime.
Songez quelles durent être les pensées des Vendéens, lors-
que le décret de la Convention du 24 février 1793 les mettait,
un mois plus tard, en demeure de revêtir l'uniforme détesté,
et de marcher autour de ce drapeau dont, les trois couleurs ne
leur rappelaient que l'écharpe dont s'autorisaient les plus ar-
dents persécuteurs des prêtres.
Aussitôt que le décret fut connu, les jeunes gens appelés
se réunirent et décidèrent de résister à cette nouvelle oppres-
sion.
Ils avaient pu supporter patiemment bien des vexations,
mais ils ne voulaient, à aucun prix, agir au profit de leurs en-
nemis; puisqu'il leur fallait sortir de leur inertie résignée,
mieux valait lutter contre les sans-culotte. « Nous aimons
mieux, disaient-ils, mourir en Vendée, que d'aller aux frontiè-
res défendre les assassins du roi et les voleurs des biens
nationaux. » Et c'est pourquoi, lorsque le 10 mars les jeunes
Vendéens furent appelés pour tirer « à la milice », selon l'ex-
pression, ils vinrent tous, décidés à repousser la violence par
la violence. A Saint- Florent, par exemple, ils trouvent
trois canons braqués sur le lieu où le tirage doit s'opérer;
déjà,impressionnés par ce déploiement de force, ils sont exas-
pérés par la harangue du président; ils le provoquent, on
répond en faisant mitrailler les mécontents. Ceux-ci aussitôt se
précipitent sur les pièces, chassent honteusement, soldats
et membres du comité, et, s'emparant des papiers et des
466 LES ORIGINES DE LA GUERRE DE VENDÉE
armes, ils en l'ont un immense feu de joie. Le soir, ils se sépa-
rèrent sans songer aux représailles que les bleus pourraient
exercer.
Heureusement un obscur colporteur en laine de Pin-en-Mau-
ges, Gathelineau, entrevit les terribles conséquences qu'en-
traînerait cette rébellion si elle n'était soutenue ; et, prêchant
la guerre, il réunit autour de lui les vainqueurs déjà rentrés
dans leurs foyers, pour les conduire à de nouveaux combats.
L'insurrection vendéenne avait enfin éclaté !
Ainsi, nous avons suivi pas à pas la marche des sentiments
vendéens depuis l'ouverture des Etats-Généraux, jusqu'à
l'insurrection. Nous avons vu la patience, la timidité, et, il
faut le dire, l'égoïsme des paysans. Nous pouvons désormais
nous poser cette question , résolue de tant de façons dif-
férentes : Qui a entrepris la guerre ? Certains auteurs ont
voulu y voir l'œuvre des prêtres ; d'autres, celle des nobles ;
d'autres, enfin, se tirant de la difficulté par une gasconnade, y
ont reconnu l'initiative des prêtres, des nobles et des paysans.
Un tel luxe d'imagination devient de l'inexactitude. Il est
certain que, dans le courant des années 1791 et 1792, des
prêtres avaient soulevé momentanément des paroisses entiè-
res, et que des nobles avaient tenu la campagne, avec des
groupes assez considérables de partisans. Mais ces faits
étaient isolés et vite réprimés. Il ne fallait rien moins que le
décret d'enrôlement forcé, couronnant une longue suite de
déboires, pour faire sortir le paysan vendéen de son impas-
sibilité égoïste et provoquer un soulèvement général.
Du reste la généralité des nobles envisageait la guerre
comme devant entraîner pour les Vendéens d'inévitables
malheurs. Les mémoires du temps relatent longuement cette
indécision des seigneurs. Presque tous, lorsque les paysans
viennent leur offrir un commandement, cherchent à les dis-
suader de persévérer dans leur résolution ; et, ce n'est qu'après
avoir en vain développé les arguments que leur inspire la
prudence, après avoir montré la folie de l'entreprise, qu'ils se
LES ORIGINES DE LA GUERRE DE VENDÉE 467
décident à se réunir aux insurgés. Même, ils se grossissaient
inconsciemment les dangers de cette guerre. La plupart
n'ayant servi qu'à l'armée de Gondé, une campagne demeu-
rait à leurs yeux une suite de marches, de contre-marches,
de manœuvres savantes et de batailles rangées.
Cette conception que les nobles se faisaient de la guerre
prouverait mieux, à défaut de documents plus certains, le peu
de part qu'ils eurent aux affaires de Saint-Florent. On ne peut
non plus raisonnablement incriminer le clergé dont la plus
grande partie avait émigré et dont les rares représentants
restés en Vendée demeurèrent, au témoignage môme des
républicains, des ministres de paix. Ainsi, nous en sommes
réduits à accepter cette dernière hypothèse. C'est aux paysans
que revient l'honneur d'avoir commencé la lutte.
Du reste, s'il ne suffisait pas, pour appuyer cette assertion,
de montrer en la fameuse journée du 10 mars 1793, cette
bande de paysans, qui luttent avec des bâtons contre des
républicains armés de fusils et de canons ; la manière même
dont ils faisaient la guerre est marquée au coin de leur initia-
tive.
Leurs troupes ne sont point de ces hordes militaires, qui,
vers la même époque, se précipitaient au-devant de l'ennemi
pour faire triompher une idée ; lesVendéens ne se battent que
pour être les maîtres chez eux. C'est une lutte toute indivi-
duelle de chacun contre la République. S'ils se réunissent
c'est pour être forts, s'ils choisissent des chefs, c'est parce
qu'ils sentent leur ignorance des choses de la guerre et qu'ils
ont une confiance respectueuse dans leurs nobles. Mais jamais
on ne les astreindra à une discipline même légère : les chefs
sont forcés de mcnter eux-mêmes la garde, pour protéger le
sommeil de leurs hommes, car les sentinelles s'endorment
sans s'inquiéter autrement.
Le paysan suit aveuglément son capitaine, mais il faut
que celui-ci lui communique ses plans, il se sent bien plus
fort, quand il sait ce qu'il fait,, et du reste il est toujours cir-
468 LES ORIGINES DE LA GUERRE DE VENDÉE
conspect.ll agit souvent de son propre mouvement ; mais, s'il
obéit à un commandement, il aime bien à voir son chef mar-
cher devant lui. La stratégie lui importe peu ; si important
que soit le poste qu'il occupe, il l'abandonne régulièrement,
même au milieu de l'action, pour soigner un camarade qu'une
balle républicaine a frappé près de lui, et chaque soir de ba-
taille, au lieu de poursuivre l'ennemi et de faire fructifier sa
victoire, il regagne en hâte sa chaumière. Ne lui faut-il pas
montrer aux siens qu'il n'est pas blessé, changer de linge et
jeter sur son champ le coup d'oeil du maître ?
C'est peut-être, d'ailleurs, à cette habitude que la guerre a
dû d'être si longue. Loin de son clocher le Vendéen se décou-
rage vite'; mais, en rentrant fréquemment au village, il y ap-
prenait les nouvelles exactions des bleus, et ce récit des
souffrances des siens enflammait son courage.
Tous ces détails concordent et montrent bien que le vra
promoteur de la guerre de Vendée, c'est le peuple des cam-
pagnes. En étudiant le développement progressif des senti-
ments et des idées, dans ces hommes simples et encore pri-
mitifs, on peut donc, il me semble, venir en aide à la faiblesse
des textes, et résoudre un problème historique, que des mo-
numents trop contradictoires faisaient bien nébuleux.
Maurice Prouteaux.
LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
PENDANT LA RÉVOLUTION
(Suite1)
FOUGERE
RODRIGUE (François Ambroise) curé.
Avec la presque unanimité des évoques de France, Monsei-
gneur Marie-Charles-Isidore de Mercy, évêque de Luçon
depuis le 17 novembre 1775, et l'un des députés du clergé de
la sénéchaussée du Poitou aux États généraux, avait refusé de
prêter serment àla constitution civile (séance du 4 janvier 1891).
En conséquence, le procureur-syndic général du départe-
ment convoqua, pour le 27 février suivant, dans l'église N. D.
de Fontenay, les 478 électeurs du second degré, afin de pro-
céder à l'élection de l'évêque de la Vendée. Il en vint 173, dont
2 prêtres seulement, les curés constitutionnels de Liez et de
Saint Michel en l'Herm. Le 28, Jean-Sylvain Servant, supé-
rieur de l'Oratoire de Saumur et vicaire-général de l'évêque
d'Angers, fut élu, au second tour, par 77 voix. Dans une lettre
du 4 mars adressée par Goupilleau deMontaigu, président de
l'assemblée électorale, à son cousin député à la Constituante, il
est dit « qu'au premier tour, Ballard, curé du Poiré et député,
avait balancé M. Servant ». Ce n'est pas ici le lieu de raconter
* Voir la 3"* livraison 1899.
iîO LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
comment, après avoir accepté « sous certaines réserves »,
Servant, frappé par la lettre que lui adressa Monseigneur de
Mercy. et cédant aux suggestions de sa propre conscience,
finit par refuser le poste qui lui était offert, il avisa de son
refus les administrateurs du département de la Vendée le 30
mars, et, sur de nouvelles instances, renouvela, le 10 avril,
sa renonciation irrévocable.
Les électeurs furent convoqués à nouveau pour le 1er mai.
On s'explique qu'ils y mirent cette fois moins d'empresse-
ment; 97 seulement répondirent à l'appel, et, le 2 mai, dès le
premier tour, 57 voix se portèrent sur François-Ambroise
Rodrigue, curé de Fougère, petite paroisse du district de la
Roche-sur-Yon. Goupilleau proclama le résultat du scrutin en
ces termes : « Citoyens, François-Ambroise Rodrigue, prê-
tre, curé de Fougère, a été élu évêque du département de la
Vendée ; rendons grâces à l'Éternel ! »
Le nouvel élu n'était Vendéen ni par sa naissance, ni par
sa famille ; il était né à Nantes, sur la paroisse de Saint-
Vincent, le 10 décembre 1730, du légitime mariage de Louis
Rodrigue, huissier au baillage, et de Glaire Gohorneau. Cadet
d'une famille nombreuse, et destiné de bonne heure à l'état
ecclésiastique, il fut un des sérieux, sinon un des brillants
élèves de l'Oratoire de Nantes, et, sa philosophie terminée, fut
envoyé à la maison sulpicienne d'Issy, près Paris, puis au
séminaire de Saint-Sulpice, où il se fit recevoir bachelier en
Sorbonne. La carrière calme et studieuse de l'enseignement le
tenta alors ; il professa pendant quinze ans les humanités et
la théologie dans des maisons de Saint-Sulpice, notamment
au séminaire d'Angers, dont la direction avait été remise à
Messieurs de Saint-Sulpice en vertu d'un traité passé le
19 avril 1695.
Soit fatigue physique ou lassitude intellectuelle, soit plutôt
pour améliorer sa situation matérielle, souci qui, de l'aveu de
ses amis mêmes, tint toujours la plus grande place dans ses
préoccupations, Rodrigue.se décida à quitter l'enseignement ;
PENDANT LA RÉVOLUTION 471
en 1769, il est mentionné sur les registres paroissiaux de
Bouin comme chapelain de PEpois.
L'Epois est aujourd'hui un hameau de moins de deux
cents habitants, de la commune et de la paroisse de Bouin. Les
ruines de la chapelle se voient encore à l'extrémité orientale
du village, à côté du cimetière et de l'ancien presbytère. Cette
chapelle était fort ancienne; de tout temps elle avait été des-
servie par un prêtre habitant le village, et l'était à la nomina-
tion de l'évêque de Nantes, Bouin faisant partie de cet évêché
avant la Révolution. Les relations que Rodrigue avait conser-
vées dans sa ville natale s'employèrent utilement à obtenir
pour lui, de Mgr Pierre-Charles Mauclerc de la Muzanchère,
ce poste modeste, où d'ailleurs il ne resta pas longtemps.
La famille Jacobsen, d'origine hollandaise, établie depuis
plusieurs années à Noirmoutier, avait desséché non loin delà
une étendue de lais de mer de 250 hectares ; les gens appelés
à mettre ces terrains en rapport s'étaient groupés au village
de la Crosnière ; M. Jacobsen y fit construire une église et,
en 1772, sollicita de l'évêque de Luçon, Mgr Gauthier d'Ancyse,
l'érection d'une paroisse, sous le nom de Notre-Dame du Pé.
L'évêque laissa au fondateur le droit de présenter le titulaire,
et M. Jacobsen présenta Rodrigue, qu'il connaissait. Les
registres de la Crosnière déposés à la mairie de Beauvoir con-
tiennent l'acte de bénédiction de l'église, de la cloche, et des
objets du culte par M. de Hercé, vicaire-général de Luçon, à
la date du 12 octobre 1772, ainsi que le procès-verbal de prise
de possession de la nouvelle cure :
« Ce même jour, onze octobre mil sept cent soixante-douze,
« nous, François-Ambroise Rodrigue, bachelier en théologie,
« né dans la paroisse de Saint-Vincent de la ville de Nantes
« le dixième jour de décembre mil sept cent trente, avons,
« à l'issue de la bénédiction de l'église, pris le premier pos-
« session de la nouvelle cure de la Crosnière, par le ministère
« de Me Mathurin Viaud, notaire à Beauvoir, et en présence
« de messire Jacquin de la Barre, curé de Saint-Gervais,etde
TOME XII. — OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRE 33
472 LB CLERGÉ DE LA VENDÉE
« M. Jacques-Guillaume-André Maublanc, négociant à Beau-
« voir »'.
C'est ainsi que Rodrigue entra dans le diocèse de Luçon^
La cure de Notre-Dame du Pé le garda d'ailleurs moins de
trois ans. En avril 1775, il fut nommé prieur-curé de Fougère,
poste moins secondaire et d'un revenu effectif de 1,000 livres.
Fougère avait été longtemps un prieuré régulier de l'abbaye
de Nieuil-sur-1'Autise ; mais, depuis la suppression de cette
abbaye par sa réunion au chapitre 'de la Rochelle, les droits
de patronage et de nomination étaient échus à l'évêque de
Luçon.
Au mois de mars 1789, le curé ;de Fougère fut l'un des
délégués du clergé du diocèse de Luçon à Poitiers, pour nom-
mer les députés de son ordre aux Etats Généraux. Son rôle
dans l'assemblée électorale fut modeste, et il dut surtout à
son âge et à son titre de bachelier en théologie d'être du
nombre des commissaires chargés de rédiger le cahier des
doléances du bas clergé5.
Quelles qu'aient été dès cette époque ses opinions, en
réalité plutôt esclaves des événements que complices des
nouveautés révolutionnaires, son attitude fut toujours ré-
servée, et s'il est vrai, comme l'a dit de lui Mercier du Rocher,
« qu'il était un parfait égoïste, n'ayant jamais connu que les
émoluments de sa place », il est permis de croire que la
conservation de son traitement et de ses fonctions demeura
toujours Yultima ratio de sa conduite.
Il prêta donc le serment à la constitution civile dès qu'il
eu fut requis (janvier 1791), et accepta de même un peu plus
tard la lourde, mais lucrative charge de l'épiscopat consti-
tutionnel.
Son élection, provoquée surtout par des considérations de
1 La Crosnière n'existe plus comme commune ni comme paroisse ; la
paroisse a été réunie à celle de Beauvoir, au Concordat.
* Pendant son séjour à Poitiers, il h\bita chez 1« sieur Favr^, rue de la
Chaîne.
PENDANT LA K#.V0HJTI0N i73
circonstance, fut une surprise pour beaucoup, à commencer
par lui-même. Le refus de Servant, avait produit en Vendée
un effet considérable : le clergé fidèle n'avait pas dissimulé
sa joie profonde ; l'administration et les « patriotes » n'avaient
caché ni leur désappointement, ni leur fureur. Il était impos-
sible de s'exposer à un second échec sans les plus graves
inconvénients : il s'agissait donc de trouver cette fois un asser-
menté assez connu pour réunir sur son nom une majorité de
suffrages, et, d'autre part, un candidat dont i'acception ne fût
pas douteuse « Il s'agit, écrivait Goupilleau à son cousin, d'en
nommer un de l'acceptation duquel on soit sûr». Les princi-
paux électeurs se concertèrent, et, en visant la liste des prê-
tres jureurs de la Vendée, leur préférence se porta naturelle-
ment sur Rodrigue, qui était l'un des plus âgés (il avaitôi ans),
gradué en Sorbonne, ancien délégué à l'assemblée électorale
de Poitiers, ex-commissaire à la rédaction du cahier des do-
léances; en outre, ceux qui le connaissaient le jugèrent inca-
pable de refuser le traitement de 12,000 livres offert par la
Nation. Voilà comment le nom de Rodrigue, à qui personne
n'avait songé lors de l'élection de Servant deux mois aupara-
vant, sortit vainqueur, dès le premier tour, au scrutin du
2 mai 1791.
A peine eut-il été proclamé par le président de l'assemblée
électorale, Goupilleau, que plusieurs électeurs « demandèrent
l'agrément de l'assemblée pour lui annoncer son élévation à
l'épiscopat, en assurant qu'ils seraient de retour le soir même,
à 9 heures, pour avertir de son acceptation ou de son refus ».
L'assemblée, qui ne pouvait oublier le refus de Servant, était
encore trop anxieuse du résultat pour ne pas accepter cette
offre avec empressement ; afin de parer à tout mécompte,
elle déclara « qu'elle ne se dissoudrait pas qu'elle n'ait eu
l'acceptation ou le refus de M. Rodrigue », et elle s'ajourna
au lendemain.
Les délégués étaient de retour à Fontenay, le soir même, à
10 heures. Rodrigue avait accepté sans hésiter, et leur avait
remis pour le président Goupilleau la lettre qui suit :
474 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
« 2 mai 1791 .
« Monsieur,
« Ce n'est saris doute qu'à mon civisme que je suis redevable
de la nomination que MM. les électeurs du département de la
Vendée viennent de faire. Mon civisme me fait accepter cette
place. J'en sens tout le fardeau ; mais je crois devoir tout sa-
crifier à des citoyens qui me donnent une si forte marque
d'estime et de confiance. C'est en m'y forçant d'y répondre que
je me propose de leur témoigner ma reconnaissance.
« Je compte, Monsieur, me rendre demain à Fontenay, et
vous y exposer de vive voix les sentiments du profond respect
avec lequel j'ai l'honneur d'être, etc.
« Rodrigue, curé de Fougère. »
Le lendemain matin, à 10 heures, Rodrigue arrivait à Fon-
tenay par la barrière de Nantes. Dans ses Mémoires, Mercier
du Rocher raconte l'entrée en quelques lignes ; nous laissons
la parole à ce témoin observateur et non suspect.
« Quand Rodrigue, curé de Fougeray, fit son entrée à
Fontenay comme évêque, les patriotes se rendirent à la
barrière de Nantes pour le recevoir. Moulins, président de la
Société ambulante, porta la parole et peignit les maux que le
fanatisme répandait sur la Vendée. Le nouveau prélat était
en bottes fortes ; il avait sa soutane retroussée, son bâton à la
main ; son domestique tenait une petite rosse très maigre sur
laquelle étaient attachées des bougettes. Pour toute réponse
au discours de l'orateur, Rodrigue secoua la tête, haussa les
épaules, et se remit en selle pour gagner une hôtellerie. Le
cortège l'y suivit : quant à moi, je ne le suivis pas ».
Une lettre du président de l'assemblée électorale, Goupil-
leau, adressée, le 5 mai, à son cousin Goupilleau, député à
l'Assemblée nationale, donne des détails complémentaires :
« Rodrigue arriva à l'église Notre-Dame au milieu des accla-
mations du peuple, au bruit du canon et au carillonnement
des cloches. Je lui adressai un discours dont je vous envoie
PENDANT LA RÉVOLUTION 475
copie. Il assista à la messe où étaient aussi tous les corps
administratifs et militaires qui y avaient été invités. Il signa
le procès-verbal avec tous les électeurs.
« Le procès-verbal signé, je me rendis à l'hôtel de la Coupe1
où j'avais été invité à dîner par « les amis de la Constitu-
tion. » M. Rodrigue y était, entre M. Moulins qui en est le
président et moi. La fraternité présidait à ce repas patrioti-
que, et après, nous nous rendîmes au club auquel M. Rodri-
gue se fit affilier, et où il occupa une place d'honneur auprès
du président. »
Si l'on veut bien se rappeler que le grand argument des
partisans de la constitution civile était de ramener le clergé
aux mœurs et aux vertus de la primitive Église, il faut conve-
nir que la pratique s'éloignait singulièrement de la théorie,
et que les banquets à l'auberge, suivis de l'affiliation au club,
n'avaient que des rapports fort éloignés avec les traditions
des temps apostoliques.
« Je crois pour le coup, continue Goupilleau, que nous ne
nous sommes pas trompés. M. Rodrigue parait ferme dans
ses principes. J'ai beaucoup causé avec lui, et vous serez le
premier qu'il verra et qu'il désire voir à Paris où il ira se
faire sacrer la semaine prochaine. Je dois même lui donner
une lettre qu'il m'a demandée pour vous. Ce sera donc à vous
de le garantir des pièges et des obsessions, quoique cependant
je crois qu'il n'y a rien à craindre ; mais la défiance est mère
de la sûreté. »
Cette correspondance prouve d'abord qu'il n'y avait point eu
entente préalable entre le nouvel élu et ses électeurs ; ceux-ci
l'avaient nommé un peu au petit bonheur, sur des présomp-
tions qui n'excluaient pourtant pas les mesures à prendre
pour éviter une seconde mésaventure. D'ailleurs Rodrigue ne
mettait en tout ceci pas plus de résistance que de zèle, il se
laissait faire et c'était tout. Au cours de cette journée, on ne
1 L'auberge de la Coupe d'or, la meilleure de Fontenay à cette époque,
était place du Marché aux Porches.
476 LE CLERGÉ DK LA VENDÉE
cite de lui d'autre expression de ses sentiments que le haus-
sement d'épaule équivoque par lequel il avait répondu au
discours de Moulins à la barrière de Nantes. Un évoque cons-
titutionnel avait déjà pris possession dans la contrée, celui
de la Loirp-Inférieure; Rodrigue s'adressa aussitôt à lui pour
son sacre; Minée ne crut pas devoir s'en charger, et Rodrigue
écrivit, le il mai 1791, à Goupilleau :
« Monsieur,
D'après la lecture bien réfléchie des décrets, M. l'Evoque de
Nantes a jugé ainsi que moi qu'il ne m'est possible de me
faire instituer et consacrer que par l'évêque métropolitain, et,
à son défaut,parleplus an cienévêque de notre arrondissement,
ou qu'avec l'agrément de l'un ou de l'autre. Ce n'est qu'avec
l'agrément de M. l'évêque de Quimper que celui de Nantes a
été institué et consacré à Paris par l'évêque de ce lieu. Comme
d'ailleurs il a paru à tous qu'on ne peut rassembler à Nantes
trois évêques dans la circonstance présente qu'après bien du
temps et, de l'embarras, je me suis décidé à partir incessam-
ment pour Paris, où je n'aurai point à éprouver un nouvel
embarras et où la permission de l'évêque de notre arrondisse-
ment (Bordeaux) arrivera en même temps que moi. »
Paris, ce 20 mai 1791. »
Rodrigue partit dès le lendemain pour Paris où il arriva
le 18, ainsi que le constate la réponse du député Goupilleau à
son parent à Fontenay.
« M. Rodrigue, notre nouvel évoque, est à Paris depuis deux
jours, mon cher cousin, et je suis le premier qu'il ait vu
aussitôt son arrivée. Vous ne m'aviez rien dit de trop dans
vos lettres, et je crois bien sincèrement que c'est là l'homme
qu'il nous faut dans les circonstances critiques où se trouve
le département. Nous attendons la réponse de l'évêque de
Bordeaux, métropolitain, pour faire sacrer notre vénérable
pasteur, et jusqu'à cette époque, nous le tiendrons en garde
PKNDANT LA «EVOLUTION 477
contre les perfides inspirations de nos récalcitrants. Il est
résolu k ne recevoir aucune visite de leur part, et je vous
avouerai que je compte assez sur la fermeté de ses principes
pour être persuadé que toutes les démarches seraient inutiles.
Cependant la précaution n'est pas de trop. »
Le premier « évêque de la Vendée » était, on le voit, tenu
de court. On trouvera peut-être que sa résolution « de ne
recevoir aucune visite de la part des récalcitrants » ne cadre
pas absolument avec « la fermeté fie ses principes » , et dénote
au contraire des convictions d'une solidité relative. Mais la
religion constitutionnelle de 91 savait se contenter à peu de
frais, et, si le sujet n'était pas au fond si grave, rien ne paraî-
trait plus grotesque que cet évêque gardé à vue par des francs-
maçons de peur qu'il ne s'évade de la geôle de l'épiscopat
constitutionnel.
Dès le lendemain de l'arrivée de Rodrigue à Paris, le mi-
nistre de l'intérieur, Valdec de Lessart, le même qui fut mas-
sacré à Versailles, avec les prisonniers d'Orléans, le 9 sep-
tembre 1792, écrivit à Goupilieau, à Fontenay :
« Paris, le 19 mai 1791.
« Le Roi, Monsieur, a reçu la lettre que vous lui avez écrite
avec le procès-verbal portant nomination de M. Rodrigue
curé de Fougère, à l'évêché du département de la Vendée,
d'après le refus de M. Servant. Sa Majesté ne doute pas que
le nouveau choix ne soit aussi avantageux pour la Religion
que pour la tranquillité publique. Elle m'a chargé de vous
assurer de sa bienveillance ainsi que l'assemblée électorale.
« Le Ministre de l'intérieur,
« Delessart. »
Tout le monde avait hâte d'en finir. La consécration de Ro-
drigue eut lieu à Notre-Dame de Paris, le dimanche 29 mai,
par le ministère de Gobel, évêque constitutionnel de Paris,
assisté de Saurine, évêque constitutionnel des Landes, et de
478 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
Grégoire, évêque constitutionnel de Loir-et-Cher, en présence
des députés de la Vendée. Une lettre du député Goupilleau à
son cousin relate cet événement :
« Paris, ce 31 mai 1791.
« J'assistai dimanche dernier, mon cher cousin, à la consé-
cration de M. Rodrigue, évêque du département delà Vendée.
Je crois comme vous que nous n'avons qu'à nous féliciter de
ce choix. De bonnes mœurs, des connaissances, du patrio-
tisme, voici les qualités qui doivent caractériser celui qui
occupe une place aussi importante. Voilà celles que j'ai cru
découvrir dans M. Rodrigue.
« Malgré les événements qui ont eu lieu dans notre dépar-
tement, malgré les ennemis du bien public qui lui sont sus-
i
cités, je ne doute point qu'avec l'aide des bons patriotes et
des corps administratifs, notre nouvel évêque ne parvienne à
remettre le calme dans les esprits, et à dissiper les fausses
alarmes que le fanatisme seul a fait naître et que l'ignorance
entretient. »
Quelques jours après, Rodrigue était de retour à Fougère.
Le 9 juin, il y faisait un baptême et signait :
« f Rodrigue.
« Curé de cette paroisse, évêque du département de ta
Vendée. »
Le lendemain 10, on élut à sa place, comme curé constitu-
tionnel de Fougère, Drouin, qui avait fait l'intérim, et qui
était aumônier du couvent fontevriste des Cerisiers.
Ce fut le 11 juin que l'évêque intrus se rendit dans sa ville
épiscopale. Le registre des délibérations de la municipalité
de Luçon porte à cette date :
<• A onze heures du matin s'est présenté en l'assemblée de
la municipalité, M. François-Ambroise Rodrigue, prieur de
Fougère, qui a mis sur le bureau trois procès-verbaux :
le premier contenant sa nomination à l'évêché du dépar-
PENDANT LA RÉVOLUTION 479
tement de la Vendée, par les électeurs du môme département,
en date du 1er mai 1791, signé : Ph. G. A. Goupilleau, prési-
dent de l'assemblée électorale ; le deuxième contenant la
confirmation canonique à lui accordée par Pacarreau, évêque
métropolitain du sud-ouest, en date du 20 mai 1791 ; le troi-
sième contenant sa consécration en date du dimanche 29 mai,
fête de Saint Maximin, à 10 heures du matin, par M. Jean-
Baptiste-Joseph Gobel, évêque métropolitain du département
de Paris, député à l'Assemblée nationale, en présence de
MM. Jean-Pierre Saurine, évêque du département des Landes,
aussi député à l'Assemblée nationale, demeurant ordinaire-
ment à Dax, mais pour lors à Paris, et Henri Grégoire, évê-
que du département de Loir-et-Cher, député à l'Assemblée
nationale, demeurant ordinairement à Blois.
« Et ledit Rodrigue, évêque de la Vendée, nous a requis de
nous transporter le lendemain, à 10 heures du matin, dans
l'église cathédrale de cette ville, pour recevoir son serment et
assister à son installation.
« L'assemblée délibère qu'elle se transportera le lendemain,
à 10 heures, à la cathédrale. »
La réception populaire fut moins discrète que celle de la
municipalité. Rodrigue, qui comptait à bon droit sur toute autre
chose que de l'enthousiasme, était arrivé incognito à Luçon,
et était descendu chez le docteur Parenteau. Dès que le bruit
s'en répandit, le peuple se porta à l'évêché, fit du tapage
et menaça de tout briser si Rodrigue s'y présentait. La foule
se rendit de là sous les fenêtres de M. Parenteau en profé-
rant des menaces. Le charivari menaçait de mal tourner,
quand la municipalité fit donner la garde nationale, qui par-
vintà dissiper l'attroupement.
La cérémonie de prise de possession à la cathédrale put se
faire le lendemain, grâce au concours de la garde nationale,
On peut en lire une relation dans le Journal d'un Fontenai-
sien pendant la Révolution, rédigé par M. Bitton d'après les
documents officiels :
480 LÉ CLERGÉ DE LA VENDÉE
« 12 juin. — Les délégués de la municipalité de Fontenay,
chargés d'assister à la cérémonie de l'installation de Rodrigue
arrivent à Luçon, à huit heures du matin. Ils se transportent
aussitôt à la maison Parenteau, et, ayant été présentés à
l'évoque, le maire Moreau lui adresse l'allocution suivante :
« Monsieur, c'est par mon organe que la municipalité de
Fontenay vous offre ses hommages respectueux. Soyez per-
suadé qu'il ne peut être de plus douce satisfaction pour son
cœur, que d'assister à l'auguste cérémonie d'installation de
Rodrigue à l'évêché du département. » Rodrigue les remercie
des sentiments que vient de lui exprimer la municipalité de
Fontenay par la bouche de son maire, et les reconduit jus-
qu'à la rue. — De retour à l'auberge, à neuf heures, les com-
missaires y reçoivent la visite des officiers municipaux de
Luçon, et sont invités à les accompagner à la cathédrale. Les
divers délégués des municipalités se réunissent à l'hôtel
de ville, et se rendent en corps chez le sieur Parenteau, pour
y prendre l'évêque. Le cortège, escorté par la garde nationale,
se met alors en marche, au milieu d'un concours considérable
de spectateurs, et se rend à la cathédrale. A la porte prin-
cipale, Rodrigue est complimenté par un officier de la garde
nationale des environs. Entré dans l'église et arrivé au chœur,
le prélat gravit les marches de l'autel, accompagné de ses
deux grands vicaires, lesquels prononcent successivement
à haute voix le serment civique. Rodrigue, ayant ensuite
été revêtu de ses ornements sacerdotaux, a célébré la
grand'messe, qui a été chantée avec le cérémonial usité. Il
est ensuite reconduit par le même cortège jusqu'à son
logement. »
On raconte que, pendant le trajet de la maison Parenteau à
l'église, Rodrigue reçut un billet contenant les paroles adres-
sées à Judas par le divin Maître au moment où celui-là allait
le livrer à ses bourreaux: Ad quid venistil Pourquoi êtes-
vous venu ? — Rodrigue poursuivit sa route, et reçut plus loin
un second billet qui portait ces mots : Juda, osculo Filium
FENDANT LA. RÉVOLUTION 481
hominis trahis ! Judas, vous trahissez le fils de l'homme par
un baiser.— Sollicitude inutile: Rodrigue devait aller jus-
qu'au bout.
Le 13 juin, il signa son premier acte sur le registre des bap-
têmes :f Fr. Amb. Rodrigue, évêqite du département de la
Vendée.
Son épiscopat ne fut ni long ni brillant: il l'exerça pour
ainsi dire en prélat honteux, sans avoir môme le triste cou-
rage de son apostasie. Mercier du Rocher écrit à ce propos :
« C'était bien le plus dur égoïste du monde que ce M. Ro-
drigue. Il n'a jamats connu que les émoluments de sa place qui
étaient de 12.000 livres. Pas un seul mandement, pas une seule
lettre pastorale, rien n'annonça aux curés du diocèse qu'il
était évêque. Il n'était presque connu que de celui qui lui
payait ses appointements. Il vivait toujours en pension à
Luçon pour n'inviter personne à diner ».
Son premier soin avait été de choisir un complice; il prit
pour « Vicaire épiscopal » Jacques-Maurice Gaudin, ex-orato-
rien, qui avait eu des ennuis pour avoir publié, en 1781, un
livre intitulé : Inconvénients du célibat des prêtres. Le second
vicaire épiscopal ne fut nommé que le 22 juillet ; il venait de
loin : c'était Balthazar Tissier, ex-religieux augustin, vicaire
de Saint-André des Arts de Paris.
Pendant ce temps, Mgr de Mercy, qui, dès les premiers
jours, avait lancé l'excommunication contre Rodrigue, était
décrété d'accusation avec M. de Beauregard, son grand-vicaire;
des poursuites étaient exercées également contre plusieurs
prêtres fidèles du diocèse pour attaques injurieuses contre
l'évêque intrus.
Voici, à titre de document, la formule de nomination des
curés constitutionnels :
« François-Ambroise Rodrigue, par la Providence divine
dans la communion du Saint-Siège apostolique, évêque du
département de la Vendée.
« A M curé en notre diocèse,
482 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
« Salut en Notre-Seigneur Jésus-Christ.
« MM. les électeurs du district de.... vous ayant nommé
dans leur séance du.... de ce mois à la cure de... vacante par le
défaut de prestation de serment de la part de M...
» Nous, instruit de votre bonne conduite et de votre capa-
cité, de l'avis de notre conseil, avons confirmé cette nomina-
tion, et vous instituons par ces présentes curé de ladite pa-
roisse de... pour en remplir toutes les fonctions, vous re-
commandant l'exacte observation des statuts de ce diocèse.
«Nous prions et requérons la municipalité de ce lieu de
vous recevoir en cette qualité et de vous y faire jouir de tous
les droits y attachés.
« Donné à Luçon en notre maison épiscopale, sous notre
seing, celui d'un de nos vicaires et du sceau de notre évêché.
« Ce.... du mois de 1792.
« f F. A. Rodrigue, év. du dépt. de la Vendée,
« N...., vie. épiscopal ».
Le mauvais vouloir de la population ne perdait aucune
occasion de se manifester à l'égard du prélat départemental.
Sans donner pleine créance aux lettres particulières de
l'époque qui nous sont passées sous les yeux, il faut cepen-
dant reconnaître que les cérémonies du culte constitutionnel,
avaient perdu tout prestige et toute dignité, et que l'évêque
qu'on appelait familièrement « la Vendée » tout court, n'avait
et ne faisait rien pour lutter efficacement contre la déconsi-
dération originelle de sa position.
Une seule fois il se fâcha, et encore peut-on croire que ce
fut son vicaire Gaudin, moins résigné que lui, qui l'y obligea ;
il s'agissait d'ailleurs de tracasser des prêtres et des reli-
gieuses non-conformistes, et l'on ne pouvait y manquer.
Le 6 juillet 1791, Rodrigue adressait à la municipalité de
Luçon une dénonciation par laquelle il paraît « qu'ayant été
visiter un malade à l'hôpital dans le jour d'hier et l'ayant
confessé, il a été surpris d'apprendre, en y retournant
PENDANT LA RÉVOLUTION 483
aujourd'hui pour le disposer à recevoir les sacrements, qu'il
avait été administré dans la matinée ; qu'ayant demandé aux
Sœurs qui se sont trouvées dans la salle s'il était vrai que le
malade avait reçu les sacrements, lesquelles ont répondu
qu'il les avait sans doute reçus dans le cours de sa vie. Gomme
il y aabus des sacrements, contraire aux décrets de l'Assem-
blée nationale qui défend à tout prêtre, qui n'est pas fonction-
naire public, de faire aucune fonction curiale, on conséquence
il requiert ledit sieur procureur de la commune que sur le
champ deux commissaires se transportent à l'hôpital pour
savoir par qui les sacrements ont été administrés. »
Deux commissaires furent en effet envoyés d'urgence à
l'hôpital, mais on ignore quelle suite eut cette singulière
enquête dont l'intérêt git plutôt dans le point de départ que
dans le dénouement.
Il arriva pis encore. Le 15 juin 1791, à peine installé,
Rodrigue avait révoqué le sacristain de la cathédrale, nommé
Martineau, sans raisons plausibles. Il estimait que ce n'était
pas pour les petites gens que la Révolution était faite, et qu'elle
se justifiait assez en faisant, des curés complaisants, des
fonctionnaires à douze mille livres. La révocation était
d'autant plus sensible que Martineau, déjà père de famille,
était sur le point de le devenir une fois de plus. Sa femme
accoucha en effet un mois après, et, pour des raisons très
compréhensibles de conscience et de circonstance, elle fut
dénoncée à la municipalité pour n'avoir pas présenté l'enfant
au baptême constitutionnel, et on ordonna contre elle des
poursuites.qui, faute de preuves suffisantes, n'aboutirent pas.
Les amis politiques s'efforcèrent du moins de dédommager
Rodrigue de ses déboires épiscopaux : le 9 septembre 1791,
il fut élu membre de l'assemblée départementale, avec
Mercier du Rocher, Gallot et autres ; mais il ne paraît pas
avoir gagné dans ce corps de bien vives sympathies. « Il était
mon collègue à l'administration du département, écrit Mercier
du Rocher. C'était bien le théologien le plus intolérant, le plus
484 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
dur qu'ait jamais vomi la défunte Sorbonne. » hit plus loin :
« Rodrigue, mon collègue au département de la Vendée, est
très lettré. Il connaît les auteurs gracieux, les poètes aima-
bles ; mais il n'a pas perdu dans cette bonne compagnie le
ton dur et ergoteur de son premier métier de professeur de
théologie, science pour laquelle il a aujourd'hui tant de
mépris. »
Le séminaire de Luçon avait conservé un petit nombre de
clercs patriotes, et Rodrigue put même procéder à quelques
ordinations. Le 18 novembre 1791, par animosité contre les
Sœurs de l'Union chrétienne qui ne reconnaissaient pas son
autorité, il adressa une pétition au directoire du département
tendant à ce que la maison de l'Union chrétienne fût prise
pour en faire le séminaire, comme étant plus à portée de la
cathédrale. Le directoire recevait en même temps une pétition
des Sœurs demandant à être conservées dans leur couvent.
Les deux pétitions furent renvoyées à la munici palité de Luçon
pour donner son avis. Les événements ne permirent pas de
vider cette affaire ; moins d'un an après, Rodrigue était dé-
possédé de son séminaire par décret de la Convention natio-
nale, à la demande même de la commune de Luçon. «Aujour-
d'hui, dit le rapport de Romme à la Convention, l'évêque de
la Vendée entend disposer seul, en faveur de son séminaire
épiscopal qui n'existe pas, de toutes les bourses fondées pour
ce collège, parce qu'il portait le nom de séminaire, etc.. »
Conformément aux conclusions du rapport, la Convention
décréta, le 13 novembre 1792, « que les revenus et fondations
attachés à ce collège, connu sous le nom impropre de sémi-
naire, seront appliqués aux seules études civiles, qui sont les
seules qu'on entende y suivre désormais. »
Après la journée du 10 août 1792 et l'emprisonnement du
roi et de sa famille au Temple, l'Assemblée législative exigea
un nouveau serment des fonctionnaires publics. Rodrigue se
présenta, le 21 septembre, devant la municipalité de Luçon,
pour se conformer à cette formalité, et jura « d'être fidèle à
PENDANT LA HKVOLUTION 485
la Nation, et de maintenir la liberté et l'égalité, ou de mourir
en la défendant. »
Au renouvellement du conseil général du département, en
novembre suivant, Rodrigue fut continué par les électeurs
dans ses fonctions administratives. Mais les temps devenaient
durs pour les prêtres jureurs et pour les évoques constitu-
tionnels. La Convention marchait à grands pas à la suppres-
sion radicale du culte et des « fonctionnaires ecclésiastiques ».
A partir de cette époque, Rodrigue s'effaça le plus possible.
Pendant toute une année, son nom ne paraît qu'une seule fois
dans les documents publics, pour couvrir, sous l'apparence
d'une surprise, son civisme effleuré. On n'a pas oublié en
effet le vicaire épiscopalGaudin, favorisé de la première nomi-
nation signée par Rodrigue lors de son élévation à l'épisco-
pat. Gaudin avait fait du chemin depuis : le 6 septembre 1791,
les électeurs de la Vendée l'avaient nommé député à l'As-
semblée législative. Là, il avait pris une attitude nettement
antireligieuse, et, chargé d'un rapport sur les congrégations,
avait conclu à leur suppression. Vis-à-vis du « pouvoir exé-
cutif » au contraire, il avait montré une réserve inquiétante,
dont on ne découvrit que plus tard le secret: le patriote Gau-
din se faisait payer par la Cour, et son nom était inscrit sur le
Livre rouge ! Cette révélation émut le tremblant Rodrigue, qui
se hâta d'écrire à la Convention (lettre du 12 décembre 1792)
pour exprimer sa douloureuse surprise, et demander confir-
mation de l'inscription de son vicaire épiscopal sur la liste
des stipendiés du tyran.
L'année 1793 fut pénible pour« la Vendée » ; de son autorité
et de ses fonctions, il ne lui restait plus guère que son traite-
ment de 12,000 livres. Nous savons que c'était encore beau-
coup pour lui, mais il n'était pas sans prévoir que les douze
mille livres elles-mêmes n'allaient pas durer longtemps. Le
10 novembre, en effet, la Convention supprima définitivement
le culte catholique et le remplaça par le culte de la Raison.
«Quand lamode parutde renoncerau charlatanisme sacerdotal,
i
486 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE
écrit Mercier du Rocher, Rodrigue abdiqua les honneurs de
la mitre avec le môme sang-froid qu'il les avait acceptés ; il en
regretta sincèrement les revenus, mais il ne le témoigna pas.»
C'est le 2 décembre 1793 que l'évêque déposa sur le bureau
de l'administration départementale sa lettre d'abdication :
« Aux citoyens composant le conseil général du départe-
ment de la Vendée.
« En remplissant la place d'évêque du département de la
Vendée, j'avais cru servir ma patrie. Gomme les circonstances
ne me permettent plus de le croire, je déclare que j'abdique
cette place et que je ne ferai désormais aucune fonction ecclé-
siastique ; je déclare aussi que, dès le mois d'avril dernier,
n'ayant plus besoin des papiers relatifs à mon état de prêtre et
d'évêque, et ne voulant pas les laisser aux brigands qui
menaçaient Luçon, je les brûlai.
« A Fontenay-le-Peuple, le douze frimaire de la seconde
année de la République française une et indivisible.
« Rodrigue. »
L'assemblée fit « mention civique » de cette lettre d'une
platitude déconcertante, et décida qu'elle serait imprimée à la
suite de celle du citoyen Dillon, ex-curé du Vieux-Pouzauges,
ex-constituant, qui, bien qu'homme intelligent d'ailleurs,
venait d'échanger son prénom de Dominique contre celui
d'Aristide !
Une pension de mille francs fut allouée au démissionnaire.
La carrière épiscopale n'avait pas réussi à l'ex-curé de
Fougère ; les nécessités de la vie lui rappelèrent son ancienne
profession, et il demanda modestement une place de profes-
seur à « l'Ecole centrale », qu'on venait d'établir à Luçon dans
les bâtiments de l'ex-séminaire ; cette place ne lui fut pas
accordée. Il dut attendre meilleure fortuna jusqu'en avril 1797,
époque à laquelle il fut élu juge au tribunal de Fontenay. Le
24 floréal an VI (14 mai 1798), il passa au tribunal de Mon-
taigu en qualité de juge-instructeur au civil et de directeur
du jury d'accusation au criminel, ce qui est à peu près la
PENDANT LA RÉVOLUTION 487
même chose sous deux noms différents. Il fut inquiété un ins-
tant au sujet de sa pension : lui qui avait prêté tant de ser-
ments, tous les serments demandés, on l'accusait de n'être
pas en règle arec le serment exigé des pensionnaires ecclé-
siastiques au lendemain du coup d'État de fructidor, et on ne
parlait de rien moins que de le rayer du tableau des pension-
naires. Sa réponse le montre indigné contre un soupçon qui
pouvait avoir de telles conséquences financières.
« A Montaigu, le 5 frimaire an VII de la République
française une et indivisible.
« Au président de l'administration centrale du départe-
ment delà Vendée.
« Citoyen,
« Je vous fais passer copie d'une lettre que je viens de rece-
voir de l'administration municipale de Fontenay-le-Peuple.
Si jamais j'ai eu lieu d'être surpris, c'est d'une pareille lettre.
Elle me fait entendre que votre administration exige que je
justifie que j'ai prêté le serment prescrit par la loi du 19 fruc-
tidor an V, à peine d'exclusion du tableau général.
« Gomment peut-elle l'exiger après tant de preuves si au-
thentiques que je lui ai administrées de ce fait ; notamment
parmi les pièces qu'elle a reçues de moi, en conséquence du
dernier arrêté du Directoire exécutif concernant les pension-
naires ecclésiastiques.
« J'aime à croire que la lettre de votre administration, que
m'a citée l'administration municipale de Fontenay, était circu-
laire et n'entend nullement comprendre ceux qui comme moi
ont suffisamment justifié l'objet en question. Quelle apparen-
ce qu'elle veuille multiplier les formalités sans nécessité?
« Je suis donc persuadé que, d'après les renseignements
que vous voudrez bien faire passer à ce sujet à ladite admi-
nistration,elle n'insistera plus surla demande qu'elle m'afaite.
« Salut et fraternité.
« Rodrigue, directeur du jury dans l'arrondisse-
ment de Montaigu. »
TOME XV — OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRE 34
488 LE CLERGÉ DE LA VENDÉE PENDANT LA REVOLUTION
Rodrigue resta à Montaigu jusqu'en 1811 ; l'âge l'obligea
alors à prendre sa retraite, il avait 81 ans. 11 habitait rue de
l'Eglise, au faubourg Saint-Jacques, une maison entourée d'un
petit jardin qu'il cultivait lui-même. Il revint mourir dans sa
ville natale, à Nantes, à l'âge de 83 ans et 9 jours, réconcilié
peut-être avec l'Eglise, comme permet de l'espérer l'acte ins-
crit sur les registres mortuaires de la paroisse Saint-Similien
de cette ville :
« Le 19 décembre 1813, nous avons donné la sépulture ec-
clésiastique au corps de M. François Rodrigue, rentier, âgé
de 83 ans, mort hier, à une heure du soir, rue Molac, n» 15. »
a Guilraud, vicaire. »
Nous ne connaissons aucun portrait de Rodrigue ; voici son
signalement, assez vague, donné sur un certificat de vio qui
ai fut délivré le 4 thermidor an VI, à l'âge de 68 ans :
« Nous, administrateurs municipaux de la commune de
Fontenay-le-Peuple, certifions de l'attestation de plusieurs ci-
oyens, tous domiciliés dans cette commune, que le citoyen
François-Ambroise Rodrigue, ex-évêque du département de
a Vendée, né le 10 décembre 1730, taille de 5 pieds 4 pouces,
cheveux et sourcils gris, yeux bleus, nez ordinaire, bouche
moyenne, menton rond, front découvert et visage plein, est
vivant pour s'être présenté aujourd'hui devant nous, qu'il a
résidé en France depuis le 9 mai 1792 et avant, qu'il n'a point
émigré et qu'il n'est point détenu pour cause de suspicion ou
de contre-révolution.
« Fait en administration municipale, ce 4 thermidor, an VI
« Goichon, président ; Garos, adr m1 ; Rodrigue. »
(A suivre.) Edgar Bourloton.
m%%
&
BEAUVOIR-SUR-MER
AU XIe SIÈCLE
D'APRÈS UN DÉCRET ÉPISCOPAL INÉDIT
D'ISAMBERT
Évéque de Poitiers
YKRS 1040
M. Charles d'Achon, ancien élève de l'École des Chartes, proprié-
taire des ruines romaines de Gennes (Maine-et-Loire), dont la vie est
consacrée à la conservation des documents qui peuvent intéresser
l'Histoire de France, veut bien nous offrir la primeur d'une décou-
verte qu'il vient de faire dans les archives de l'un de ses voisins.
M. de Terrebasse, découverte qui complète la série des Actes relatifs
au Poitou. M. d'Achon, en dépouillant le fonds de Cunauld avait déjà
trouvé les trois plus anciens titres du Cartulaire de l'abbaye de
Noirmoûtier publiés par Léon Maître ; il a donc su mettre la main sur
un véritable trésor. (Note de la rédaction).
Ordonnance de V évèque de Poitiers prescrivant aux religieux
de Saint-Gildas-de-Rhuys de transporter chez eux un de leurs
frères mort à Beauvoir-sur-Mer (Vendée) dans l'hospice des
religieux de Saint-Philbert, leur défendant de s'établir dans
cette résidence et dans V église qu'ils ont construite , et décrétant
que les religieux de Saint-Philbert resteront seuls en pos-
session de cette église et auront seuls le droit d'y célébrer les
offices.
L'ordonnance que nous publions plus loin émane de l'évo-
que de Poitiers, Isambert i"r ; elle éclaire d'une lumière
nouvelle les origines de la paroisse de Beauvoir-sur-Mer,
490 BEAUVOIR-SUR-MER
peint les mœurs monastiques du XIe siècle 'et ajoute des
détails pleins de précision à la vie du moine Goustan, religieux
de l'abbaye de Saint-Gildas de Rhuys, quia eu les honneurs de
la canonisation. Son nom est très connu en Bretagne, princi-
palement au Groisic où son culte est attesté par une chapelle
qui fut, dit-on, la première église de cette ville1.
Suivant Albert de Morlaix, les pèlerins se rendaient en
grand nombre dans ce sanctuaire à certains jours de l'année
comme à Vannes et à Auray. Goustan n'a pourtant pas trouvé
de biographe spécial. Le peu que nous savonsest inséré dans la
vie du saint abbé Félix, qui l'avait tiré des mains des pirates
et initié aux charmes de la méditation dans l'île d'Ossa ; ou
dans le supplément de la Vie de saint Gildas de Rhuys. Gous-
tan, pendant sa captivité, avait été témoin des mœurs des
pirates, il connaissait mieux que personne toutes les consé-
quences atroces des habitudes des barbares de son temps, il
était donc tout naturel qu'il déployât son zèle contre les écu-
meurs de mer. Ce n'est qu'une induction de notre part, mais
on remarquera qu'elle n'est pas sans fondements sérieux, car
il est à noter que les chapelles, dédiées à saint Goustan, au
Groisic et à Auray, sont érigées sur la côte maritime, monu-
ments qui nous semblent marquer les étapes de sa vie
apostolique.
Saint Goustan vivait au XIe siècle, c'est-à-dire à une époque
où les écrivains ne manquaient pas : sa vie a été assez acci-
dentée ; les prodiges, nous dit-on, n'ont pas manqué sur sa
route, ses funérailles ont eu du retentissement, et, pourtant
l'abbaye qui a recueilli ses restes ne nous a légué aucune
relation précise et circonstanciée d'une existence aussi bien
remplie.
Quand Albert Le Grand de Morlaix tenta, au commence-
ment du XVIIe siècle, de rafraîchir sa mémoire, il ne trouva
chez les religieux de Rhuys et du Groisic que des légendaires
t Vie des Saints de Bretagne. VA. Miorcec de Kerdanet.
AU XI9 SIÈCLE 491
emphatiques que le souci de l'exactitude n'avait jamais trou-
blés. Si nous en croyons A. de Morlaix, ces pieux recueils lui
attribuaient une quantité de faits merveilleux racontés avec
une grande naïveté, et le faisaient mourir en Tannée 608.
Cette date surprenante est répétée dans les deux éditions de
Albert Le Grand de 1636 et de 1656, avertissement nouveau
pour les lecteurs qui témoignent trop de confiance à cet ha-
giographe sans critique.
Dom Lobineau a été trompé en partie, lui aussi, par un texte
qui avait toutes les apparences d'un récit consciencieux, car il
porte le titre de Vie de saint Félix, abbé deRhais, et il est tiré
de la bibliothèque de l'abbaye de Fleury-sur-Loire. Bien que
solidement armé d'une forte érudition et très désireux de se
rapprocher de l'exactitude, autant que possible, le grand bé-
nédictin ne s'est pas aperçu qu'il lisait un auteur partial, peu
bienveillant pour ses confrères en religion, et qu'il y avait
lieu de se tenir en défiance. La Vie de l'abbé Félix, successi-
vement religieux de Fleury-sur-Loire et abbé réformateur de
Saint-Gildas de Rhuys, la seule relation qui nous ait conser-
vé des détails à peu près authentiques sur l'existence de
saint Goustan, n'est pas un morceau historique qu'on puisse
citer sans réserves, quand on voit les termes peu charitables
.que le rédacteur emploie à l'égard des religieux de Saint-Phi-
libert de Noirmoûtier. Dom Lobineau, dépourvu de moyens
de contrôle, s'est borné à atténuer les méchancetés de son
texte et n'a pas fait de réflexions.
Pour nous, les sources d'information se sont multipliées de-
puis que les bibliothèques s'ouvrent de tous côtés ; aux cher-
cheurs nous sommes en mesure de déterminer toute la valeur
du récit de la Vie de saint Félix en le rapprochant d'une ordon-
nance contemporaine d'un évoque de Poitiers que nous allons
publier. De ce rapprochement il ressortira clairement que le
rédacteur n'était ni Breton, ni Poitevin ni aussi ancien qu'on
a voulu le représenter. Bolland (1643), dom Mabillon (1668),
éditeurs du texte latin du moine anonyme de Rhuys, le jugent
492 BEAUVOIR-SUR-MER
à tort comme un auteur du XIe siècle, c'est-à-dire comme un
contemporain de saint Goustan. Après les inexactitudes que
nous relevons, il est à présumer que notre auteur est plus
jeupe de cent ans au moins, car il est douteux qu'il ait osé
dénaturer l'histoire du vivant même de son héros, quand des
témoins oculaires auraient pu le contredire. Ses erreurs sur
les établissements de Beauvoir démontreraient aussi qu'il
vivait loin du Poitou et qu'il a écrit tardivement sous l'inspi-
ration d'un personnage intéressé à blanchir la conduite des
religieux deRhuys.
On est assez embarrassé pour expliquer la présence et le
séjour de Goustan à Beauvoir et pour interpréter les expres-
sions dont se sert son biographe quand il relate que le saint
avait fait le voyage pour les intérêts de son monastère « pro
utilitate monasterii », car Saint-Gildas de Rhuys n'avait pas
de possessions sur la côte poitevinne. Depuis la donation
d'Ansoald de 676, le territoire de Beauvoir, nommé d'abord
4 mpeimum, appartenait tout entier et exclusivement aux reli-
gieux de Noirmoûtier. Il est vrai que depuis le VII* siècle, un
hôte nouveau était venu s'installer près d'eux ; un seigneur
féodal avait bâti un donjon, or ce nouveau venu ne paraît pas
étranger au voyage de notre saint qui, peut-être, avait été attiré
vers lui pour traiter des moyens de fonder un prieuré1.
Faire intervenir les moines de Saint-Pierre de Maillezais
ici* et les mettre en opposition avec ceux de Saint-Philibert,
c'est aller contre toutes les notions historiques les mieux éta-
blies et mettre en opposition la fille et la mère, Maillezais
passant pour une fondation de saint Filibert.
Beauvoir-sur-Mer, est à côté de l'île de Noirmoûtier, c'est la
première paroisse à traverser pour toucher le continent. On
ne voit pas pourquoi ce prieuré aurait été enlevé à l'abbaye
de Noirmoûtier pour être donné à'I'abbaye de Maillezais : le
* a Favore ejuedem castri principis ad multo precio conducti ecclesiam
edificare non timuerunt. » (Ordonnance d'Isambert, plus loin).
* Arrondissement de Fontenay-le-Comte (Vendée).
au xr siècle 493
Pouillé du diocèse ne fait mention que de deux prieurés des-
servis à Beauvoir, l'un qui est dédié à saint Filibert dont nous
connaissons l'antique origine, et celui de Saint-Pierre qui fut
placé dansla dépendance del'abbaye de Marmoûtier-lez-Tours
dans le courant du XIe siècle1. Quand Goustan descendit à
Beauvoir, dans la première moitié du XI* siècle, il n'y avait
qu'un seul établissement monastique, celui des religieux de
Noirmoûtier ou mieux de Tournus, puisque la communauté
principale était passée en Bourgogne*. Toute autre institution
rivale aurait été exclue comme fut combattue la tentative
d'usurpation des moines de Rhuys.
L'ordonnance épiscopale d'Isambert a une couleur de vérité
que ne possèdent pas les textes mis en regard. Quand Goustan
tomba malade, dit-elle, il fut transporté à l'aumônerie des
religieux, et lorsqu'il décéda après quelques jours de maladie
il fut transporté, au milieu des acclamations populaires dans
l'église de Saint-Philibert de Beauvoir, en attendant que les
religieux de Rhuys prissent des mesures pour l'inhumer chez
eux. Dès que la nouvelle de la mort de Goustan arriva à Rhuys,
l'abbé du monastère de Saint-Gildas complota quelque projet
d'installation en Poitou, car l'évêque fut obligé d'intervenir et
lui fît promettre que les restes du vénérable défunt seraient
transportés dans la presqu'île de Rhuys, loin des domaines de
saint Filibert. Il craignait sans doute que la faveur populaire,
très échauffée depuis quelque temps par le spectacle des
vertus de Goustan, ne prît feu pour le nouveau venu et
n'abandonnât le plus ancien sanctuaire.
Au lieu de suivre la marche convenue, et d'obéir aux pres-
criptions épiscopales, les religieux de Saint-Gildas de Rhuys
laissèrent le corps de leur frère à Beauvoir et eurent même
l'audace de s'établir sur l'héritage de saint Filibert, d'ensevelir
1 Les donations à Marmoûtier sont généralement de la fin du XI9 siècle
dans l'ouest.
' L'abbaye de la Blancbe est plus récente, elle n'a pas de rapports avec la
première fondation Ansoald.
494 BEAUVOIR-SUK-MER
leur confrère défunt et de bâtirjune église sur son tombeau.
Isambert qui se considérait comme le gardien des intentions
d'Ansoald, le fondateur de Noirmoûtier, se fâcha contre les
usurpateurs du bien d'autrui et protesta énergiquement en
lançant contre eux l'anathème et l'ordonnance comminatoire
que nous publions. C'est un ordre formel de quitter Beauvoir,
d'enlever le corps du défunt, de le transporter à Rhuys et
d'abandonner sans délai les constructions commencées aux
fils desaint Filibert.Défenseest faitede célébrer la messe dans
la nouvelle église sans l'autorisation de ces derniers qui sont
les seuls maîtres de ce territoire.
Voilà les faits tels qu'ils ressortent de l'ordonnance de
l'évoque Isambert, ils seront mis en parallèle ici avec le récit
dicté par les envahisseurs, intéressés à pallier leurs ma-
nœuvres, pour montrer par un nouvel exemple les services que
peuvent rendre les chartes isolées à la critique histo-
rique.
Dans notre document, la sainteté de Goustan est attestée par
les acclamations du peuple qui porte ses restes en triomphe,
mais la conduite de l'abbé de Rhuys, Vital, ne nous apparaît
plus aussi correcte que nous l'aurions souhaitée. Les révoltés
sont justement les amis de saint Goustan qui, pour payer les
religieux du prieuré de Beauvoir de leur généreuse hospitalité
ont tenté de les dépouiller d'une partie de leur légitime patri-
moine en élevant autel contre autel.
La volonté de l'évêque Isambert fut exécutée. Le corps de
saint Goustan fut chargé sans doute sur un bateau et trans-
porté par mer sur la côte de Rhuys d'où il était parti. On
l'inhuma dansjl'église de l'abbaye, dans le transept nord. C'est
là que le voyageur Dubuisson-Aubenay vit son tombeau quand
il traversa la Bretagne en 46361.
• Léon Maître et P. de Berthou, Itinéraire de Bretagne en 1636. pp. 168
et 169. Nantes. 1898, 1 roi. in-8». Voir aussi abbé Luco, Histoire de Saint-
Gildas de Rhuys, p. 165. La Semaine religieuse de Vannes, 1896, contient le
procès-verbal de vérification dea reliques du 36 août 1896.
AU XIe SIÈCLE 495
« La paroisse a pour patron saint Gulstan dont le sépulchre
« est dans l'abbaye »...
« Dans le bout boréal de la croisée, il y a un vieil sépulchre
« de pierre orné dans un !autel de bois qu'ils disent être de
« saint Gulstan, patron de la paroice. »
Le texte de l'ordonnance épiscopale nous inspire confiance
pour bien des motifs, bien qu'il ne soit pas revêtu de toutes
les formes diplomatiques; c'est une excellente copie en
écriture du XIe siècle rédigée sur un parchemin qui a bien
tous les caractères de la fabrication de cette époque1. Les reli-
gieux de Cunauld, qui avaient reçu l'ordonnance pour leur
instruction avec le chartrier de l'abbaye, l'ont considérée
comme un document précieux à garder et l'ont déposée dans
leurs archives2. Son original ne s'est retrouvé nulle part ni à
Tournus, ni à Poitiers dans le fonds de l'évêché, ni dans la
collection de dom Fonteneau qui a compulsé la plupart des
recueils poitevins ; il est probable qu'il a disparu avec le fonds
du prieuré de Beauvoir sur lequel on manque d'informa-
tions.
La date précise de l'acte épiscopal n'est pas facile à déter-
miner en raison de la succession immédiate de deux évoques
du nom d'Isambert qui ont occupé le siège de Poitiers de 1021
à 1087. Isambert Ier, pour lequel j'incline, fut évoque jusqu'en
1047; l'abbé Félix auquel on associe toujours le nom de
Goustan, son contemporain, est mort en 1038, or la condam-
nation est portée contre l'abbé Vital3, le successeur de Félix,
ce qui nous donne un intervalle de neuf années pour placer les
funérailles de Goustan sous cet épiscopat. Dans l'hypothèse,
très admissible, où nous serions en possession d'une ordon-
1 Ei» marge un archiviste a écrit ceci < non datée, fin du siècle 1000 sur le
rèp -e de Philippe l,r ». Au dos un autre a mis en écriture ancienne « de
uiver sis. »
* M. de Stapleton, propriétaire au prieuré du Cunauld en 1751. a fait relier
es archives en 39 volumes et a fait insérer cet acte au premier volume, p. 5.
* Voir le texte de la Vie de saint Goustan.
4^6 BEAUVOIR-SUR-MER
nance d'Isambert Ier, il faudrait donc limiter la rédaction de
l'acte entre les années 1038 et 1047.
Léon Maître.
TEXTE DE L'ORDONNANCE
Ifsembertus]
Dei gratia Pictavorum episcopus, catholicis quocumque terrarum
difïusis salutem in Christo sempiternam omnibus.
Quamquam ex decessu patrum nostrorum a nobis citissimo pauci-
tatem dierum nostrorum brevi esse finiendam, satis aperte collîga-
mus, tamen ne super hac re aliquam novitatem nobis inutiliter pre-
breamus, videlicetquodsine fine mundanis uti valeamus, propheta
universis quasi minando terribiliter clamât : « omnis caro fenum et
omnis gloria quasi flos feni exsiccatum est faenum et cecidit flos ».
Ergo, quia nulla caro velud fenum transitoria quod hic sine fine
vivat, sibi débet confidere, et ideo mundana quasi flore feni fere sub
momento casura, prorsus débet contempnere, placuit nobis ad
utilitatem futurorum ex nostris bonis actionibus posteris nostris per
litteras noticiam commendare ut vel nostro tali docti exemplo ad
idem faciendum studeant consurgere, vel quod nos juste fecimus,
vigore inflexibili intendant conservare.
Quidam igitur Sancti-Gildasii, ut aquibusdam dicebatur, religio-
sus monachus',quondam apud Bellum est Videre* hospitio susceptus,
et mox, urgente infirmitate, post paucos dies defunctus in eadem
villa, in monasterio beati Philiberti, populo triumphante, est collo-
catus. Ex quo si quidem loco nostra tali licentia Sancti-Gildasii mo-
nachi illum abstrahere debuerunt [ut] vel ad suum cenobium deporta-
rent, vel in loco ab omni calumnia Sancti-Philiberti monachorum
inmuni reponerent, et ibi, pro posse seu pro velle suo, ecclesiam
edificarent.
Illi vero praeceptis nostris non usquequaque obedire volentes,
ex eodem castro monachum suum educere non curaverunt, sed in
ipso castro in hereditate sancti Philiberti, suis monachis a veteribus
et a modernis rite concessa, et in ejus parrochia, favore ejusdem
1 II s'agit bien de saint Goustan, religieux de Saint-Gildas de Khuys. Le
doute n'est pas possible quand on a lu sa vie.
1 Bellum videre, lieauvoir-sur-Mer (Vendée), centre^féodal qui a succédé à
'Ampan, village situé à une lieue de l'église actuelle remplacé par un
moulin.
AU XIe SIÈCLK 497
castri principis ad hoc multo precio conducti, beati Philiberti mp-
nachis calumpniantibus, sepelire et ecclesiam ediflcare non timue-
runt.
Propter quod canonice censuimus a loco illo monachum defunctum
moveri et vel ad suum monasterium referri, vel in tali loco qualem
supra disseruimus1 deponi et illud totura edificium pro bac causa
suscitatum monachis Sancti Philiberti absque omni contradictione
dimitti. In qua ecclesia nisi beati Philiberti raonachos in perpetuum
omne divinum officium interdicimus celebrari, excepto si ipsi mona-
chj quibuslibet hoc interdictum voluerint relaxari.
Si autem impresenti vel in futuro quelibet persona nobilis vel
pauper,servus vel liber, hoc decretum canonice factum quacumque
causa frangere voluerit, inprimis iram Dei omnipotentis et omnium
sanctorum ejus intolerabiliter incurratet sine aliquo respectu sem-
piterne excommunicationi subiaceat2.
VITA SANCTI GULSTANI
Vir quoquevitae venerabilisetmemoria dignuseisdem temporibus
in hoc sacro coenobio refulsit Gulstanus. Hic etiam laicus erat sed
psalmos et orationes quas memoriter di dicerat, nocte dieque ante
Deum decantare non cessabat, pernox in vigiliis ita ut. etiam de-
crepita setate, vix eum vidisses tribus horis aestate aut hieme in
lecto jacere. Hic vero in adolescentia sua piraticis predonibus est
separatus per Felicem3 qui eo tempore Ossa insula4 eremeticam nec-
dum monachus ducebat vitam. Ipsam quoque, quam eo tempore ab
eo didicerat,semper dilexit usque ad flnem vitae suae ducere vitam ;
« L'autre frère lai que sa sainteté a rendu recommandable fut
saint Gulstan, qui après avoir appris de Félix dans l'île d'Ouessant,
à vivre saintement dans la solitude vint le rejoindre à Rhuys. Il
était toujours en prière et répétait nuit et jour avec une ardente
dévotion les psaumes, et les oraisons qu'il avait appris par cœur. Il
1 II y avait d'abord dixerimus et le scribe s'est repris pour le remplacer
par le mot ci-contre
* La pièce est un fort parchemin carré de 0,39 sur 0, 39 réglé d'une façon
apparente. Le bas de le pièce resté en Diane est de sept centimètres.
3 D'après les chroniques de Rhuys et de Quimperlé l'abbé Félix serait mort
vers 1038.
4 Cette traduction t es libre est de dom Lobineau, qui n'avait pas d'autre
source d'information. {Vies des Saints de Bretagne.)
498 BEAUVOIR-SUR-MER
parcus in cibis et in potu, in vigiliis et oratione assiduus. Hujus
itaque viri mérita Dominus declarare dignatus est, etiam invita sua-
Nam longe lateque laudes et praeconia ipsius in ore omnium naviga-
torum hujus regionis resonabant. Plurimas namque per eum Domi-
nus dignabatur operari virtutes et miracula, ita ut enarrare vel
dinumerare ea vix aliquis posset. Defunctus autem est V Kalend.
decembris apud Bellum videre castrum, ubi pro utilitate monasterii
sui venerat, in domo monachorum Sli Pétri Maliacensium. Sed ubi
voce praeconis fuit auditum quod B.Gulstanus de hâc vita migrasset,
(média enim nocte transierat) continuo de lectulis dissilientes viri
nobiles simul cum matronis et cunctis qui audiebant, certatim festi-
nabant ire cum cereis et lampadibus ut obsequium ferrent viro Dei,
ita ut vix posset ipsa domus continere multitudinem.
Videntes itaque monachi S. Philiberti multa ornamenta, pecuniam
quoque copiosam et cereorum diversam multitudinem circa corpus
viri Dei aggregari, persuaserunt omnibus qui convenerant ut ad
ecclesiam suam sanctum corpus déferrent sed resistentibus mona-
chis in quorum hospitio defunctus fuerat, famulis etiam contra
dicentibus, ne ab illa domo moveretur, donec illud possent ad suum
reducere monasterium, illi è contrario, concitatâ multitudine, rapi-
entes illum de domo illa cum omni apparatu suo et luminibus ad
ecclesiam suam deportaverunt, et immensam quse offerebatur per
triduum pecuniam colligentes, post tertium diem sepelierunt eum.
Igitur cum ad monasterium ejus haec nuntiata fuissent, Vitalis
abbas illuc perrexit et ut corpus monacbi sui sibi redderetur humi-
liter rogavit. Sed illi, non sancti viri dilectione, sed potiùs amore
était si occupé de Dieu qu'à peine donnait-il trois heures au repos
soit l'hiver, soit l'été, même dans un âge décrépit. Dieu fit par son
moyen beaucoup de miracles qui rendirent son nom célèbre ».
« Il mourut le 27 de novembre à Beauvoir en Poitou où il était allé
pour les affaires de son abbaye et ce fut dans cette maison de moines
de Saint-Pierre de Maillezais à minuit. »
« Aussitôt que l'on eût appris sa mort, tout le monde se leva,
nobles et gens du commun, hommes et femmes, et tous se rendirent
en foule à cette maison, à la lueur des cierges et des lampes pour
rendre leurs devoirs à ce saint vieillard. »
* Il n'est pas certain que Ossa soit l'Ile d'Ouesant que les anciens géo-
graphes appellent Uxantis. J'aimerais mieux proposer l'île, Yeu nommée
Oia dans les vieux textes.
AU XIe SIÈCLE 499
pecuniarum, quse quotidie ad ejus undique deferebantur sepul-
chrum, nullum reddiderunt responsum. Ille ad episcopum Picta-
vensem lsembardum abiit, clamorem ferens de injuria ablati sibi
corporis monachi sui. Episcopus, quia inobedientes praeceptis suis
ipsi monachi fuerant, praecepit eos] cum suo abbate ad synodum
suam venire, abbatem etiam Vitalem praecepit adesse. Cum ergo
venissent et in synodo utrique eorum causam dixissent, episcopus
praecepit abbatibus atque canonicis nobilibms qui aderant ut*...
« Les moines de Saint-Philibert, voyant autour de son corps une
grande quantité de cierges et d'offrandes, firent violence aux moines
de Maillezais et à la faveur de la multitude ils l'emportèrent dans
leur église où ils l'enterrèrent, après l'avoir laissé pendant trois jours
exposé à la vénération publique et ramassé beaucoup d'argent à cette
occasion. Vital, successeur de Félix, informé de toutes ces choses,
alla réclamer le corps de son religieux et, sur le refus que lui en
firent les moines de Saint-Philibert, il eut besoin d'avoir recours à
l'autorité, d'isambert évêque de Poitiers, déjà mécontent de ces reli-
gieux, en qui il avait trouvé peu d'obéissance. Ils les fit venir à son
synode où, en présence de l'abbé Vital, il ordonna de rendre aux reli-
gieux de Ruys le corps de Saint-Gulstan, ce qu'ils ne purent se dis-
penser de faire. »
1 Reliqua desunt. Ce fragment est emprunté à la Vie de saint Félix, abbé de
Rhuys, conservée à. l'abbaye de Fleury-sur-Loire d'où il était sorti. Il est publié
dans les Bollandistes Acta Sanctorum XXIXa die Januarii, tome II, pp. 958-967.
et par dom Mabillon à la suite de la vie de saint Gildas, Acta S- S. ord. S,
Benedicti, tome I, p. 151.
ESSAIS D'EPIGRAPHIE ^VENDEENNE
(SUITB1)
Inscription commétnorative de la réédification de la flèche
de Notre-Dame de Fontenay.
(1700).
A : D : M : VIIG (1700).
H\£C PYRAMIS RE^DIPÏGATA PVIT
ET PRIMVS LAPIS REPOSITVS A. D.
GAROLO MORIGEAV, EQVITL D.
DE CHEVSSE, IN GVRIA FONTENIAGENSI
SENEGALLO INTEGERRIMO. M. MARTII.
C'est en 1700, en effet, que Charles Moriceau de Gheusse,
alors sénéchal de Fontenay, posa la première pierre de la
flèche de Notre-Dame, qui fut reconstruite depuis la première
galerie, mais avec les mêmes matériaux.
Ce travail fut grossièrement fait. La flèche fut couronnée
d'une seule pierre de 0m66 de hauteur, ayant à sa pointe 0m33
de diamètre. Un certain Guinot la plaça. Sur l'assise immé-
diatement inférieure, on grava les noms des maçons :
1700.
P. GERBIER
JAN. GERBIER
PAVSEVRS.
1 Voir la livraison de décembre i898.
ESSAIS D'ÉPIGRAPHIE VMK^nÉENNE -"01
Inscription placée sur le mur d'une des servitudes de la maison
de M. Arthur de la Voûte. (Ancien clos Saint- Louis).
(1703).
OPVS L1TKRIS PVBLICIS H
VIVS ,EDIS SVMPTIBVS PERP
ETVO REFICIENDVM
AD PERPETVAM MEM
OR1AM EREGTI ERIGE
NTIS QVE FRANGISG1
DVGHESNE SGVTTIFERI
Le clos Saint-Louis était une ancienne dépendance de la
chapelle du château, où se voyaient naguère un oratoire et
une des plus belles demeures des alentours de la ville.
François Duchesne, d'une ancienne famille noble des envi-
rons de Fontenay, fut avocat au Parlement et commissaire
des vivres des armées du Roi. Il décéda en 1722 et fut inhumé
dans l'église Notre-Dame de Fontenay.
Inscription murale, écrite en lettres rouges, découverte sous
une boiserie, au-dessus d'une porte intérieure de la maison
de M. Arthur de la Voûte (ancien clos Saint-Louis).
(1704).
HOC .EDIFICIVM CONSTRVXIT
DOMINA DV MESNIL™ QUOVIVIS
EXGESS1T 1704 ILLVD QVE PERFECIT
ET ORNAVIT FRANGISvs A QVERGV.SGV
TIFER DNVS DV MESNIL AD PERPETVAM
MEMORIAM GHARISSIMOE SUOE CONJU
HIDIGTiE DOMINA MARLE DE
MOR1ENNE
502 ESSAIS DÉPIGRAPHIE VENDÉENNE
Cette inscription consacre le souvenir d'une chapelle inté-
rieure édifiée dans cette maison, en 1704, par François Duché s-
ne, écuyer, seigneur du Mesnil.à la mémoire de son épouse
Marie-Françoise de Morienne.
Inscription placée au-dessus de la sépulture des Brisson
dans l'église Notre-Dame.
(31 Août 1724)
Cy deuant reposent les corps de la très illustre famille
des Brisson, qui ont tous été distingués par leur zèle
pour l'Estat, dans les charges les plus honorables. L'his-
toire fait l'éloge des lumières et de l'intégrité de Barnabe
Brisson, premier président du parlement dans les trou-
bles de Paris, aussi bien que de sa sagesse et sa pru-
dence et surtout de sa fidélité, de l'attachement avec
lequel il soutint les intérêts de son prince et de sa
patrie. Les charges de sénéchal et de Président de cette
ville ont été très dignement remplies, et successivement
par les descendants de son frère. Françoys Brisson les
réunit en sa personne. Il avait épousé Louyse Genays,
d'où est sorti Barnabe Brisson, dernier du nom et
Marie Barnabe Brisson, morte en odeur de sainteté le
31 août 1724. Ils firent plusieurs donations à différen-
tes églises de cette ville, dont une fondation de trois
cents livres de rente perpétuelle dans cette paroisse,
avec le logement de deux prêtres obligés à desservir
l'église et à d'ire la messe alternativement et à perpé-
tuité, tous les lundi et mercredi, à dix heures et demie
du matin, pour le repos de leur âme et de celles de leurs
successeurs, suivant qu'il est porté dans l'acte du
ESSAIS d'ÉPIGRAPHIE VENDÉENNE 503
16 avril 1680, passé par Ballard et son confrère, notai-
res aud. Fontenay.
Messire Jacques Genays, écuyer, seigneur du Chail,1 lAu-
bonnière-des-champs' et autres lieux, conseiller-secrétaire du
Roy, maison, couronne de France et de ses finances, ancien
gendarme de sa garde ordinaire, a fait dresser ce monument
en mémoire de leur piété.
De Profundis.
(Papiers de la Fontenelle, â la Bibliothèque de Niort.)
Cette épitaphe qui se lisait naguère dans l'église de
Fontenay, et dont le texte nous a été conservé par Dom
Mazet, et la Fontenelle de Vaudoré, était gravée sur une
plaque de marbre noir de quatre pieds de haut sur trois
pieds huit pouces de large.
Elle relate les éminents services que Barnabe Brisson et sa
sœur Marie avaient rendus à leur ville natale.
La famille Brisson, originaire du Bas-Poitou, a en effet,
occupé pendant près de deux siècles les premières charges de
la magistrature ; elle a donné un premier Présidentau Parle-
ment de Paris, le savant Barnabe, qui obtint en 1655, et dans
les plus honorables circonstances, des lettres de noblesse;
un membre de l'Institut, Mathurin Brisson, qui fut l'ami et
l'émule de Réaumur, et un historien, Pierre Brisson, qui a
laissé d'intéressantes pages sur les guerres civiles du Poitou
au XVIe siècle.
1 Commune de Fontenay.
' Commune de Sainte-Pexine.
TOME XII. — OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRE 35
504
ESSAIS D EPIGHAPHIE VENDEENNE
Inscription gravée sur une pierre de la façade d'une maison
sise au carrefour de la Croix- Bonnette, près Fontenay.
(10 juin 1726).
AV.NOM.DV.PERE.ET.DV
FILS. ET. DV. S. ESPRIT
AMEN.IESVS _L
FAIT.
AVGE
PAR. MOI. P]
:r.le.dix.d^
[ERRE
/.MOI
DE
JVIN
1726
I R
1 R
(Recueillie et dessinée par A. Bitton).
ESSAIS d'ÉPIGHAI'HIK VENDEENNE
505
Inscription en l'honneur du maire Augustin Jolly de Saint Picq,
placée naguère sur un pilier à côté de la grande fontaine.
(1727)
LUDOVICO DECIMO QUINTO
Sub feliciffimis auspiciis habenas regni
MODERANTE
Dom Augustinus Jolly de Saint-Picq,
Régis a consiliis,
Ac in supremâ Fonteniacensi curiâ propraetor
Integerrimus
Annuentibus amicis, inhiante plèbe,
Exigente virtute, comprobante cœlo,
Urbi prsefectus,
Oppido decus et lymphis honorem
Restituebat,
Gui nunc et in perpetuum
Felicia, fausta, fortunataque sint
Omnia.
MDGGXXV1I.
(Communiqué par M. Arthur Parenteau de la Voûte.)
Augustin Jolly de Saint-Picq fut en effet, conseiller du Roi
juge, lieutenant particulier au siège royal de Fontenay'
maire, et entre temps père temporel des Gordeliers.
506 ESSAIS D'ÉPIGRAPHIE VENDÉENNE
Inscription placée sur Vun des piliers du chœur de l'église
Saint-Jean de Fontenay1.
(1728)
t
ICY. REPOSE. LE. CORPS
DE. M'e JEAN. SIMMONNAY
EG. S' DE. GIRASSAC. GHE
VALIER. DE LORDRE. MILI
TAIRE. S'-LOUIS. ANSIEN
CAPITAINE. AV REGIMENT
DINFENTRIE . DE . MONBO
ISS1ER. Et ANSIEN. OFFICIER
DE. GENDARME. DE LA. GARDE
ORDINAIRE.DV.ROY.AGE.DE
63 ANS . DECEDA . LE . 19 . FEV
RIER. 1728. PRIE. DIEV. POV
SON. AME
Inscriptions de la cloche provenant de V église de Saint-Médard-
des-Prés, actuellement à la Chapelle de l'hôpital de Fontenay.
(1739)
L'inscription du cerveau estainsi conçue :
f LAN 1739 IAY ETE FONDUE MESSIRE IEAN HABAINS
ETANT CURE DE St MEDAD LA MISSION Y ETANT BENIE
PAR Msre
f ABRAHAM HESNARD SUPARIEUR DE LA MAISON DE
LA MISSION DE FONTENAY LE COMTE MOMMEE MEDARD
PAR MESSIRE.
1 Au 2e pilier, du cité de l'épltre, on lit également : Jésus Maria, le corps
de Michel Porcher gist ici/. Passans priez Dieu pour le repos de son âme
et vous souvenez que vous êtes pécheurs et mortels comme lui !
JHS Ç? MRA.
ESSAIS D'ÉPJGRAPHIE VENDÉENNE 507
t ISAAG DE BESSAY CHEVALIER SEIGNEUR DE LA
VOUSTE ET DAME CATHERINE MARGUERITE BAUDRY
DASSON SON EPOUSE.
Sur la robe, d'un côté : un écusson, comprenant les deux
blasons suivant accolés : 1. de sable à la bande fuselée de
quatre pièces d'argent, qui est de Bessay ; 2. de... au chevron
de... qui est de... ; — de l'autre côté : un écusson deux fois
répété d'argent à un chien passant de sable et au chef de
gueules chargé d'une étoile d'argent accostée de deux roses de
même, qui est de Habains.
Au bas : — d'un côté, une Vierge tenant l'Enfant de la main
gauche et le sceptre delà main droite, et les mots :
FRANÇOIS OLIVIER FABRIQUEUR.
De l'autre côté, une croix ornée de rinceaux, et la signature
du fondeur.
I BAPTISTE RIGV /// MA FAIT.
Entre les deux : un personnage mitre et crosse.
L'inscription du cerveau se déroule entre deux larges ban-
deaux d'une élégante ornementation.
Le nom du fondeur doit se restituer Jean-Baptiste Rigueur.
Ce personnage qui fut plus tard « maître fondeur du roi, »
a travaillé en Anjou, en Touraine et en Poitou, de 1726 à 1753.
Il dut avoir un fils, portant le môme prénom que lui, que l'on
trouve en 1770 en Saintonge.
Jean-Baptiste Rigueur était originaire de Lorraine. Chacun
sait que la Lorraine était par excellence le pays des fondeurs
de cloche.1
I II existe également à l'hôpital de Fontenay : une cloche de communauté
portant cette inscription : SIT NOMEN DOMINI BENED1CTUM 1634 ; un
calice en argent sous le pied duquel on lit cette double inscription:
FAIT. DES. JOYAUX. DES. DAMES. DE. FONTENAY. DONNÉ. A.
LHOPITAL. GÉNÉRAL. DUDIT. LIEV. 1684.
RÉPARÉ PAR LES DAMES DE FONTENAY EN 1852 ;
Et enfin un alambic sur lequel est gravé au pointillé , dans un cartouche
surmontant une fleur de lys :
POUR
LHOPITALLE. GÊNÉ.
RALLE. DE. FONTE.
NAY. LE. CONTi'l
17 77
508 essais d'épigraphie vendéenne
Inscription gravée sur cuivre en mémoire des réparations
de l'église Notre-Dame.
(1745).
EN. 1568. cette, églize. fut. rvinée.
et. rebastie. en. 1600. aux. frais, de. la. fabriqve. et. des.habi-
tans. et. en. 1745. elle. a. esté, faitte. blanchir, et. l'hos
tel. remis, dans. sa. première, perfection, et. beaut
é. et. la. porte, du. costé. de. la. grand, rve. rétabl
ie. sous. le. soin. et. par. les. ordres, de. Mr. Me. Jacqves.
Renaud, seignevr. de. la. Forest. conseiller, dv. roy. iuje.
magistrat, civil, et. criminel, en. la. sénéchaussée, et.
siège, royal, de. cette, ville, margvillier. d'Honneur.
D'icelle. et. de. M". Jean. Daniel. Fillon. nore. royal, en.
icelle. fabriqvevr. le. tout. aux. dépens, de. la. fabriqve.
par. vne. qveste. faitte. en. la. paroisse, par. mes. dits.
sievrs. les. margvilliers. et. fabriqvevrs.
Grave par Rèmy Guiot, marchand orfèvre en icelle.
Au-dessus : les chiffres de J. Renaud et de J.-D. Fillon, et
un petit médaillon représentant une souche de laurier pous-
sant des rejetons, avec cette légende :
ET. ADHVG. SEPES. DVRAT. AVORVM.
Transparents qui décoraient la façade de la maison habitée
par Dumouriez\ le soir du jour où le bataillon delà Vendée
reçut son drapeau des mains des dames de Fontenay.
(10 décembre 1791).
LA NATION.
LA LOI, LE ROI.
AU BATAILLON DE LA VENDÉE
LA NATION RECONNAISSANTE
1 La maison qu'habitait Dumouriez en 1791, était placée entre la rue de la
Pie et l'ancien canal de Fontarabie (sans doute la maison occupée aujour-
'hui par notre ami M. Glais).
essais d'épigraphjk vkndéknne 509
COURONNEZ DE LAURIERS CE DRAPEAU,
GAGE PRÉCIEUX DE VOS MÈRES,
DE VOS SOEURS, DE VOS AMANTES.
LES HOMMES LIBRES SONT ESCLAVES
DE LA LOI.
TREMBLEZ, SATELLITES DES TYRANS,
DEVANT LES SOLDATS
DE LA LIBERTÉ.
Papiers de Mercier du Hocher).
Inscription de l'autel de la patrie dresse sur la place de la
Révolution, à Fontenay.
Le 7 Avril 1794.
LES RÉPUBLICAINS
DE
FONTENAY-LE-PEUPLE
JURENT DE MOURIR POUR LA DÉFENSE
DE LA PATRIE
DE LA LIBERTE
ET
DE L'ÉGALITÉ
L'AN II DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
UNE ET INDIVISIBLE
Cette inscription était surmontée du faisceau des licteurs
et du bonnet phrygien.
(A suivre). René Vallettk.
PETITS DRAMES VENDÉENS
LA HACHE DE RIPOCHE
(page a relire)
Sur les blés déjà mûrs, les arbres et les plantes,
Le soleil de juillet lance ses dards cuisants :
Plantes, feuilles, moissons s'affaissent, nonchalantes ;
Les oiseaux sont muets sous ces rayons pesants.
Seule, au creux d'un buisson quelque cigale crie ;
A l'ombre, aux bords desjprés s'endorment les troupeaux
Nul bruit dans le village ou dans la métairie :
La nuit ne couvre pas un plus profond repos.
Cependant à travers la campagne embrasée,
Le pied ferme, léger, sous cet air^écrasant,
Comme si c'était l'heure où perle la rosée,
Le long des chemins creux s'avance.un paysan.
•
Cet homme, qui parcourt ainsi tout le Bocage,
Sous ce chapeau si large et ces cheveux si longs,
Porte des traits où luit la pleine fleur de l'âge,
De nobles traits, hâlés au labeur des sillons.
Vide est la panetière et vide aussi la gourde,
Qui près de ce fusil pendent à son côté.
Malgré sa lassitude et cette chaleur lourde,
Il s'avance toujours d'un pas précipité.
LA HACHE DE RIPOCHE
Sur l'acier qu'il tient haut, la lumière flamboie;
Impassible, immobile, il regarde, il attend;
Sa face resplendit d'une sublime joie...
Et les Bleus stupt'taits, hésitent un instant.
Emile (iRIMAUD.
LA HACHE DE RIPOCHE 511
Ah ! cet élan, ce vol, à son toit le ramène !
Quelques instants encore, il touchera le seuil,
Le seuil qu'il a franchi depuis une semaine,
Y laissant à sa place et l'angoisse et le deuil.
Il songe — et de bonheur a tressailli son âme —
Aux chers êtres qu'il va tant serrer sur son cœur :
Le père à cheveux blancs, et les fils, et la femme,
Qui pleurent, le croyant mort et non pas vainqueur.
Lui, fier, il leur fait voir ses habits en désordre ;
La poudre qui noircit ses lèvres et ses mains...
Des cartouches ! combien n'en ont-ils pas dû mordre,
Pour battre et pour chasser tous ces républicains!
Le fusil se repose au clou comme naguère ;
Plus de sang : c'est le tour de l'agreste combat ;
Plus d'hommes à frapper, mais des épis sur l'aire,
Et les sons du fléau qui sans trêve s'abat.
Et l'amour en son âme éteint presque la haine. . .
A son regard perçant, tout à coup, devant lui,
Au sommet d'un vallon que couronne un vieux chêne,
Dans l'azur un point d'or sur une flèche a lui.
Salut, clocher natal ! et toi, salut, ô ferme,
Dont la rouge toiture est si plaisante à voir!
Il a bien mérité d'atteindre enfin le terme,
Celui qui vers vos murs marche depuis le soir !
Il résiste pourtant au désir qui l'entraîne :
Sous un bouquet de bois — coudrier, saule, ormeau —
Une onde intarissable, une étroite fontaine,
Coupe où se peint le ciel, jaillit pour le hameau.
Une antique statue est là, Vierge naïve
Pressant l'enfant Jésus contre son chaste sein,
Dans la paroi du roc d'où distille l'eau vive,
Groupe aimé qui rayonne au fond du clair bassin.
512 LA HAOHE DE RIPOCHE
Le soldat s'agenouille au bord frais de la source,
Posant chapeau, fusil sur l'herbe du chemin.
Celle qui protégea sa périlleuse course,
Il la salue..., et l'eau ruisselle de sa main.
0 délices ! vers elle il a penché sa bouche.. .
Mais des Bleus, à l'affût dans le bouquet de bois,
S'élancent, en poussant une clameur farouche,
Et dix étaux vivants l'étreignent à la fois.
II
Aux abords du village et près du cimetière,
Un arbre de la croix, planté dans le granit,
Montre ses bras sacrés à la paroisse entière ;
Connu des plus anciens, la mousse le jaunit.
C'est là, sous ce calvaire où pria son enfance,
Saint gibet qu'il honore à l'égal d'un autel,
Qu'ils mènent le captif, poings liés, sans défense :
Pour rendre un jugement quel lieu plus solennel !
Le captif vous atteste, éponge, clous et lance :
Défenseur de Dieu même, il n'a pas de remord.
La voix du chef s'élève au milieu du silence :
— « Pris le fusil en mains, tu mérites la mort. . .
Mais tu peux, ô brigand, te soustraire à nos armes :
Nous t'offrons un moyen, un seul !» — « Dites, lequel ? »
Et le condamné tend ses yeux remplis de larmes
Vers le champ qu'il sema, vers le toit paternel.
Sur un signe du chef, un des Bleus lui détache
Les mains que meurtrissait la cordeaux nœuds étroits.
— « Pour obtenir ta grâce, eh ! bien, prends cette hache,
Et d'un coup vigoureux abats-nous cette croix ! »
Le chrétien a saisi la hache redoutable ;
Son bras, comme un bâton, l'enlève et la brandit ;
Puis sur le piédestal — trahison lamentable ! —
S'élance, d'un seul bond, s'élance le maudit.
LA HACHE DE R1P0CHE 513
Le maudit !... écoutez sa grande voix qui vibre :
— « Que nul de vous n'insulte', à ce bois consacré,
Sinon, je retends mort sous ce fer d'homme libre...
Jusqu'au dernier soupir, croix, je te défendrai ! . . . >
Sur l'acier qu'il tient haut la lumière flamboie ;
Impassible, immobile, il regarde, il attend :
Sa face resplendit d'une sublime joie. . .
Et les Bleus, stupéfaits, hésitent un instant.
Mais la fureur du chef s'exhale en cris de rage :
— « Ce bandit vous effraie, ô femmes ! ô couards ! »
Et les exécuteurs, s'excitant au courage,
Assaillent, vingt contre un, la croix de toutes parts.
De toutes parts le fer l'attaque... il le repousse ;
Et, sabres et fusils, la hache brise tout ;
Mais son bras s'affaiblit, mais le tranchant s'émousse. . .
Il embrasse la croix, — sanglant, vaincu, debout !
— « Il en est temps encor : pour vivre, abats ce signe,
Bois pourri que dressa la superstition... »
Baïonnettes au cœur, le Vendéen s'indigne :
— -< Ce signe !. c'est celui de ma rédemption !
Jamais je n'abattrai ce bois que je révère !.. »
— a Eh bien, meurs, puisque rien ne peut te convertir. •
On le frappe, on le perce, on le cloue au calvaire...
— Jésus, ouvre le ciel et reçois ton martyr !
Emile Grimaud.
JOURNAL DES ÉVÉNEMENTS
OCCASIONNES PAR
LES ANGLAIS SUR NOS COTES, ETC
Commencé le 30 floréal, H* année républicaine.
Le 7. — Sur les huit heures du matin, la vigie a signalé
un lougre anglais qui bientôt s'est montré devant la
rade sur laquelle se dirigaient plusieurs chasse-marée
auxquels il voulait couper chemin, mais la Guadeloupe et la
Ylsle-Dieu étant appareillées, il a bientôt pris le large en provo-
quant nos bâtiments par deux coups de canon qu'il a tirés à
six portées ordinaires. (Il a tiré pour appeler à bord son canot
qu'il avait envoyé sur deux chasse-marée).
Le même jour, au soir, la Ylsle-Dieu et la Guadeloupe sont
parties pour les coureaux.
Le 8 au matin . — h' Angélique est partie pour l'isle Dieu où
elle conduit une chaloupe qui y porte vingt (ou 13) maçons
pour construire des casernes.
Au soir. — Les vents contraires ont obligé Y Angélique de
retourner en rade. La chaloupe qu'elle escortait est pro-
bablement relâchée à Saint-Gilles.
Le 10. — La chaloupe est de retour de l'isle Dieu où elle
a déposé les maçons qu'elle y portait ; sur le soir, un convoi
venant de Fromentine et escorté par la Subtile et Y Actif est
1 Voir la livraison d'avril, mai, juin 1899.
JOURNAL DES ÉVÉNEMENTS 515
passé devant la rade, se rendant dans les coureaux ; Y Actif
est entré dans le port; Y Agile qui en était sortie le matin,
est allée accompagner le convoi avec Y Angélique jusque vers
le travers de la Baleine, et sont revenues mouiller en rade.
La vigie de l'Aubraye a commencé à signaler.
Le 11 au matin. — L'Agile est partie pour l'isle Dieu ;
quelques chasse-marée destinés pour le bas, ont profité de
son escorte. Un lougre courant la bordée du S. E. s'est mon-
tré dans le 0. N. 0. très au large. La Subtile avec quelques
chasse-marée, est arrivée en rade vers midy. L'Angélique est
partie le soir pour Fromentine, avec le capitaine général
qu'elle y conduit.
Le 12 au soir. — L'Agile et Y Angélique sont de retour en
rade.
Le 13 au matin. — L' Agile est partie pour Rochefort. Sur
les 9 heures, un lougre anglais se tirant du S. E. et venant de
laisser un brick qu'il avait visité, donnait la chasse aux
chaloupes qui étaient toutes en peloton réfugiées sous le fort
de Tanchet. "L'Angélique, dont le capitaine n'était pas à bord,
se préparait à l'appareillage, mais l'arrivée du capitaine
changea ses dispositions ; il crut plus prudent de rester en
rade, et, s'y affourcha. Le fort de Tanchet tira d'abord un
coup de canon à poudre, probablement pour faire arborer la
couleur du lougre lequel était bientôt à la portée du canon, il
répondit aussitôt par deux coups de canon à boulets et mit
un très petit pavillon à son tapecu, accostant toujours un
peu, et, les forts se croyant à portée, ils luy tirèrent quelques
boulets qui ne furent pas à moitié chemin.
L'Angélique môme, oubliant que ses canons ne se ren-
draient pas au quart du chemin, luy tira aussi quelques coups
de canon ; le lougre arriva et courut au large, mais apercevant
venir des coureaux deux petits bâtiments, il revira de bord et
manœuvra pour leur couper chemin, alors le capitaine de
Y Angélique, qui était déjà redescendu à terre, se rendit de nou-
veau à bord, il appareilla et fut à la rencontre des deux bâti-
516 .10URNAL DES ÉVÉNEMENTS
ments qu'il sauva, en engageant un petit combat avec le
lougre, dans lequel il n'y a eu que des boulets échangés qui
n'ont fait aucun mal. L'Anglais voyant ne rien obtenir d'avan-
tageux, laissa arriver et se tint en panne le reste du jour.
Le 14. — A 5 heures 1/2 du matin, le lougre était sous
le fort courant la bordée de l'Est, mais il arriva bientôt tout
plat, ayant sans doute connaissance de la Subtile qui sortait
du port, avec quelques caboteurs que Y Angélique et elle, ont
escortés en Fromentine. A 9 heures, le lougre est dans le S. E.
en panne, à 2 lieues au large.
Sur les 2 heures. - On a découvert dans le S. E., à 4 lieues
au large, un chasse-marée-lougre courant la bordée de l'Est.
Le lougre de ce matin était dans le S. 0., une lieue au large.
J'étais alors a la vigie où est venu le capitaine de la Guade-
loupe qui était mouillée en rade avec la Ylsle-Dieu arrivée ce
matin des coureaux, avec un convoi destiné pour le N. Sur les
5 heures, ce dernier lougre fut accosté par un cutter qui se
tirait du S. 0. ; ils ont resté ensemble courant à terre sous
petite voile, jusqu'à la nuit. Sur les 8 heures sont mouillés en
rade quelques caboteurs venant des coureaux.
Le 15, 10 heures 1/2. - La Subtile et la L'Angélique sont ar-
rivées de l'isle-Dieu où elles ont été chercher des troupes
qu'elles ont réparties dans huit chaloupes qu'elles y avaient
emmenées. Ces troupes sont destinées pour l'isle de Ré.
Au soir. — La L'isle-Dieu et la Guadeloupe sont parties
pour les coureaux. Elles emmènent les chaloupes avec la
troupe.
Le 17 au matin. — L'Angélique et la Subtile sont parties
pour Fromentine avec le convoi qui était en rade.
Sur le soir. — On signala cutters ou lougres ennemis, et,
peu de temps après, on entendit un coup de canon de fort
calibre, qui nous parut venir du Nord.
Le 18, 8 heuresdu matin. — On signale ennemie, une espèce
de chaloupe des coureaux qui se tire du Sud, extrêmement au
large. On en fait la patache de la Rochelle qui fut prise, il y a
OCCASIONNÉS PAR LKS ANGLAIS SUR NOS CÔTES .">17
quelques jours par les Anglais Cependant elle n'a fait aucun
cas des chaloupes près desquelles le bâtiment a passé. Il
continue sa route au Nord et est passé à 1/2 portée de canon
du fort.
Le 20. — Les Anglais ont été signalés et sont restés tout le
jour à la vue de la vigie. L'Actif est arrivé de Rochefort.
Le 21. — Un cotre anglais s'est montré dans le S. -ouest et
a disparu dans cet air de vent sur les dix heures. A une heure
1/2 après midy, est arrivé icy à peu près 300 hommes de
troupe, faisant partie de la garnison de Sainte-Lucie. Ils ont
été débarqués par les Anglais à la Rochelle.
Le... — L'Agile, la Ylsle-Dien et la Guadeloupe sont arrivées
des coureaux avec un petit convoi. L'Actif avait mis en rade
la veille.
Le.... — La YIsle-Dieu et la Guadeloupe sont parties pour
les coureaux avec quelques caboteurs.
Le 29. — Les deux bâtiments de guerre ci-dessus sont
arrivés des coureaux avec quelques caboteurs ; ils ont mouillé
vers les huit heures du soir.
Le 30 sur les 8 heures du matin. — Le convoi qui était en
rade, fort de 60 et quelques caboteurs, escorté par Y Agile, la
Guadeloupe, la YIsle-Dieu et Y Actif, est appareillé de la rade
pour Fromentine.
Brumaire .
Le l'r — Un bateau plat venant de Rochefort, armé de
2 canons, est arrivé ce matin et entré dans le port. Des fusées
et différents ustensiles pour les canonniers garde-côtes sont
aussi arrivés ce matin dans une charrette.
Les Anglais sont continuellementà vue dans le N. O. et tou-
jours très au large, un cotre cependant était ce matin sous le
vent des Barges et très près de terre ; il aurait pris un chasse-
marée si il y eut mis un peu d'importance.
C'est aujourd'hui la deuxième fois que nos canonniers
I
518 JOURNAL DES ÉVÉNEMENTS
s'exercent à feu sur un pavillon que supporte une barrique
qu'on a mouillée à quelque distance de terre.
Le 2 au soir. — h' Angélique, la Subtile et la Guadeloupe
sont arrivées en rade avec un convoi considérable venant de
Fromentine.
Le 3 au matin. — L'Agile et Yhle-Dieu sont arrivées en rade
venant de l'Isle-Dieu.
La plus grande partie du convoi qui était sur rade, est
entrée dans le port ; les vents du S. E. les y ont déterminés.
Sur les 7 heures du soir. — Une quarantaine de chasse-
marée qui étaient restés en rade, sont partis pour les coureaux
avec la Guadeloupe.
Dans la nuit du 3 au 4. — Sont sortis du port la plus grande
partie des bâtiments qui y étaient entrés le soir.
Le 5 au matin. — L' Angélique est sortie du port où elle
était entrée la veille.
Le bateau plat qui était dans le port, est parti pour Fro-
mentine avec quelques bâtiments venus des coureaux. Il doit
rester en station à Fromentine.
A 8 heures du soir. — Le convoi en rade est parti pour les
coureaux sous l'escorte de Y Agile et Y Angélique, qui vont
dit-on, à Rochefort, pour de là servir de mouches à deux
gabares qui vont à Bayonne.
Le 6. — A la marée d'une heure, sont rentrées dans le port
les gabares du dernier convoi de Fromentine qui n'ont pu
suivre les petits bâtiments de ce môme convoi ; les vents
les ont obligés de rentrer ainsi que les deux canonnières.
Le 7. — Six bâtiments anglais ont été signalés ; on a cru
distinguer 2 vaisseaux, 2 frégates et deux corvettes, dont un
grand brick; leur présence a excité quelques craintes. A la
chute du jour, ils étaient dans le S. 0. courant la bordée du
large. Il faisait alors très peu de vent, ou plus tôt, il n'y en
avait point.
Le 8. — Les gabares dont on vient de parler, sont parties
pour Rochefort où elles vont porter du bois de construction.
OCCASIONNÉS PAH LES ANGLAIS SUR NOS COTKS 51Ô
Elles sont escortées par Yhle-Dicu; les Anglais sont toujours
signalés.
Le 9. — La division a été signalée très au large dans l'ouest.
Dans la nuit du 12 au 13. — Un convoi venant des coureaux
est mouillé en racle. Il a entré dans le port (à la marée ; il est
escorté par Vlsle-Dieu. Les vents du S. E. et l'apparition des
Anglais l'ont obligé d'entrer
Le 15. — Est arrivé ici trois jeunes officiers mariniers
destinés à commander des péniches qui arment dans notre
port.
Le 16. — Le bateau plat N° 7 venant de Rochefortet chargé
de canons et d'affûts est entré dans le port avec un chasse-
marée. 11 est destiné pour le Perray.
Le 20. Les vents S. 0. gros temps empêchant le bateau
plat de se rendre à sa destination, on a pris le parti de le
décharger et rendre par terre les différents effets dont il est
chargé. On a en conséquence requis une 12" de charrettes.
Le 28. — Un convoi considérable, escorté par la Sud/Me et
la Guadeloupe , est arrivé des coureaux. L'incertitude du temps
l'a fait entrer dans le port où il est réuni avec celuy arrivé
dans la nuit du 12 au 13 que les vents contraires ont empêché
de partir.
Frimaire.
Le 2. — Il est passé un convoi considérable venant
de Fromentine escorté par Y Actif . Celui-ci est entré dans le
port d'où est sorti quelques bâtiments qui ont fait route de
conserve avec le convoi qui se rend dans les coureaux.
Le 4. — U Actif est parti pour Rochefort y emmenant
une levée de matelots faite sur les différents bâtiments mar-
chands qui sont dans le port. Les vents N. 0. Beau temps.
Les Anglais se sont montrés dans le S. 0. très au large.
Le 9. — Il est entré dans le port une chaloupe de la Ro-
chelle chargée d'attirail de guerre, mortiers, affûts, etc. etc.
TOME XII. — OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRE 36
520 JOURNAL DES ÉVÉNEMENTS
destinés pour icy. Le même jour, il est passé devant la rade
une douzaine de bâtiments venant des coureaux ; ils ont été
escortés par un bateau plat sorti de ce port et, allant en sta-
tion à Fromentine. Plusieurs chasse-marée du convoi qui est
dans le port sont sortis et ont fait porter de suite pour Fro-
mentine.
Marie-Annette Barbeau, couturière, après avoir capté la
confiance des usuriers de ce païs-ci (qui luy ont prêté moyen-
nant un inlérôt tel qu'il absorbait le capital au bout de l'an)
est disparue emportant avec elle une somme de 20 à 25 mille
francs qu'elle avait obtenus surde faux billets que la cupidité
des prêteurs ne leur permit pas de reconnaître. Elle est dis-
parue le..., et, le neuf, sur les dix heures du soir, elle se rendit
chez le substitut ou magistrat de sûreté (M. Minanteau) aux
genoux duquel elle se jeta dans un désordre extrême, et, dit
qu'elle était une grande coupable, que Dieu l'avait aban-
donnée, et qu'elle méritait toutes les rigueurs des lois. Elle fut
de suite conduite en prison.
Le 10. — Depuis quelquetemps, on entendait dire que l'in-
térieur était agité, que les jeunes gens se refusaient à la cons-
cription, et déjà plusieurs familles s'étaient réfugiées icy ; on
n'était pas sans inquiétude, mais on ne pouvait se persuader
qu'il y eut autant de mal qu'on en débitait, mais aujourd'huy
150 insurgés se sont portés parfaitement bien armés dans la
commune d'Aizenav où ils ont tué deux citovens généralement
regrettés : les citoyens Gendreau, brigadier de gendarmerie,
et Gourdon qu'on ditavoir été tué sur sa maison.
Le 11. — Une division anglaise a été signalée. Depuis
quelques jours on a changé la série des signaux.
On vient d'amener en prison trois des insurgés qu'on dit
avoir été pris les armes à la main.
Le 16. — Hier, vers les 10 heures du soir, le convoi qui
était depuis plusieurs jours en rade, est parti avec les vents
de l'Est-Sud pour Fromentine.
Ce matin, à la pointe du jour, on a eu connaissance d'un Bâ-
OCCASIOMNÉS PAR LliS ANGLAIS SUrt. NOS CÔTKS 7)21
ti ment courant à terre, et dont on faisait une frégate. Mais
bientôt, il a été reconnu ôtre une prise anglaisequi est venue
mouiller eu rade ; de suite, le commissaire et autres se sont
rendus à bord ; le jugeant mouillé trop loin de terre, ils
l'ont fait approcher un peu ; dans le courant du jour, on s'est
occupé à l'alléger pour qu'il put enl rer dans le port le lende-
main à la marée ; en conséquence, des embarcations se sont
rendues a bord pourcetobjet.L i première chose dont on s'est
occupé, a été de débarquer l'artillerie, probablement comme
chose embarrassante, car il n'est pas à présumer qu'on ait
cru l'alléger beaucoup en le privant de sa batterie qui pou-
vait, au contraire, luy être très utile, sy on eut été aussi
surveillant qu'on eut dû l'être.
Ce bâtiment avait eu connaissance le matin, à la poinle du
jour, d'un cutter anglais qui le jugeant trop fort n'avait osé
l'attaquer, mais, il fut sans doute en prévenir la division qui
n'était pas loin, car bientôt après, on eut connaissance de
celle-cy dont un vaisseau qui vint plus près que les autres,
détacha des péniches sur les 4 heures du soir, lesquelles
eurent l'airdt courir sur des bâtiments qui venaient des cou-
reaux et vinrent sur les six heures du soir, attaquer la prise
qu'elles enlevèrent sans qu'on s'en fut presque douté à bord ;
il paraît que quatre ou cinq soldats qu'on avait misa bord
ont longtemps bataillé, mais ils ont dû céder à la force.
Le cotre Le Renaud armé de 16 canons mouillé ne terre de
la prise, et près d'elle, ne s'est aperçu de son enlèvement
qu'au moment où ils ont crié de bord : Nous sommes pris ;
alors il a tiré quelques coups de fusils et quelques coups de
canon auxquels les Anglais ont répondu par des coups de
fusils quiluy ont tué un homme et blessé deux autres. Il est
alors appareillé après avoir coupé son câble et s'est jeté à la
côte sur la plate-forme de la jetée. Les uns disent que c'est
pour courir sur la prise qu'il voulait appareiller et d'autres
assurent, qu'au contraire il cherchait à l'éviter.
Le fort a fait un feu un peu paresseux mais qu'on dit bien
522 JOURNAL DES ÉVÉNEMENTS S
dirigé. Je ne me permettrai aucune réflexion sur cet événe-
ment malheureux qui n'eût sûrement pas arrivé s'il y eut eu
d'une part, un peu plus de bravoure, et de l'autre, plus de
surveillance et moins de sécurité.
Le 17. — La même division anglaise a été signalée.
Le .—Le capitaine Borgnet, commandant une petite chaloupe
des Coureaux, est arrivé ayant à bord la plus grande partie du
monde qui était sur la prise, lorsqu'elle a été enlevée. Il paraît,
d'après le rapport qu'ils ont fait de leur enlèvement que
plusieurs des matelots faisant partie de l'équipage du navire,
se sont sauvés aussitôt que les Anglais se sontprésentés. Ce qui
ne donne pas uni; opinion avantageuse de leur bravoure. Sy
il y avait à bord quelques-uns qui dussent offrir de la résis-
tance, ils devaient, me semble, en montrer l'exemple. Il est
donc resté à bord cinq ou six militaires, trois préposés et un
couple de matelots des Sables qui ont résisté à des forces
considérables pendant plus d'un quart d'heure, et auxquelles
ils ont enfin été obligés de céder. — Il y a eu des morts et
des blessés de part et d'autre. Deux préposés ont été tués
(les frères Larimond) et trois militaires blessés dont deux
sérieusement, sont restés à l'hôpital de la Rochelle ; plu-
sieurs Anglais ont aussi été tués ou blessés. Nos concitoyens
et les militaires sont restés au pouvoir des Anglais pendant
au bout duquel temps, ils ont été renvoyés sur parole et
mis à bord d'un neutre qui les a déposés à l'isle de Ré où ils
ont fait à bord quelques jours de quarantaine et sont ensuite
embarqués sur la chaloupe du capitaine Borgnet qui les a
conduits icy.
Le . — Notre département est en ce moment occupé
par une armée de quinze mille hommes qui y est entrée
par trois points différents et sur trois colonnes de cinq mille
hommes chacune. Le général Gouvion, inspecteur général
de la gendarmerie de France, en est le général en chef, il est
entré dans nos murs le . . ., où il y a reçu la visite des fonc-
OCCASIONNÉS PAR LES ANGLAIS SUR NOS CÔTES 523
tionnaires publics et des réfugiés qui en font le récit le plus
avantageux et parti le lendemain pour Palluau où il va
établir son quartier général.
Nivôse
L,9 9. — Le cotre le Renaud est parti ce matin pour
Rochefort avec quatre péniches qui vont s'y armer.
Le 10. — A la pointe du jour, une frégate qu'on présume
être anglaise, s'est montrée devant la rade près de terre,
faisant route vers le pertuis Breton où elle a disparu.
Sur le soir, un vaisseau, qu'on croit de la même nation, est
aussi paru, faisant la même route.
(Il paraît que c'est la frégate française, la , revenant
de Saint-Domingue. Elle avait été chassée par le vaisseau
anglais qui parût le soir.)
Le 12. — Le convoi qui était depuis longtemps retenu à
Fromentine par le mauvais temps, est arrivé cette nuit, et
est entré à la pointe du jour dans le port. Il était escorté par
la canonnière la Subtile et la goélette la Guadeloupe. Mon frère
est parti le même jour pour Bordeaux où il va prendre le
commandement du bateau canonnier N° 306.
Le 13. — Le pavillon rouge arboré à nos vigies, annonce
les Anglais dans les coureaux.
Le 14. — Il y a, mouillées dans notre rade, au moins deux
cents voiles, composant deux convois dont un venu des cou-
reaux, et l'autre sorti de notre port et destiné pour le sud.
Au soir 6 heures. — Le convoi destiné pour le Sud est
appareillé pour sa destination.
Le 15. — Le convoi destiné pour le Nord est appareillé
pour sa destination vers midy ; les vents sont tombés au S. E.
petit frais, et ont amené une brume épaisse qui fait craindre
un changement de temps.
Le 16. — Les vents au N. E. Un lougre anglais venant de
visiter un Suédois destiné pour notre port, est passé près
524 JOURNAL. 1>ES ÉVÉNEMENTS
de la batterie, donnant la chasse à ios chaloupes qui ont
été obligées de se réfugier au Perray. A 2 heures 1/i du soir,
il court à terre, sans doute pour inquiéter un chasse-marée
qui vientdes coureuux.
Ce chasse-marée, poursuivi par le corsaire, fut obligé de
mouiller au Perray sous la batterie à laquelle il n'y avait per-
sonne. (Les canonniers étant sans doute à riootter quelque
part). Le capitaine et quelques hommes de l'équipage descen-
dirent à terre, entrèrent dans le fort, trouvèrent un canon de
chargé, et le dirigèrent sur le corsaire ; il paraît qu'il porta
à bord, car on vit des éclats de bois partir du bord et dans
le moment, le corsaire vira de bord, cap au large.
Le 2l. — Les vents de la partie S. S. E. Grand frais, la mer
grosse. Les Anglais, ainsi que les jours précédents, ont
été signalés dès ce matin ; ils ont disparu au moment où une
division de canonnières (3), bateaux plats ( jet péniches ( )
s'est montrée venant des coureaux Le gros temps l'a obligée
d'entrer dans le port.
Le 25. — Les vents et le temps toujours les mêmes. Les
Anglais n'ont pas paru depuis le 21. Aujourd'hui, sur les
il heures a paru un petit sloop venant du côté des coureaux.
Le défaut d'eau dans le port l'a obligé de mouiller et lorsqu'il
a jugé en avoir assez pour entrer, il a levé l'ancre et manœuvré
pour cet effet, mais une manœuvre mal exécutée, a été cause
qu'au lieu d'entrer dans le port, il s'est jeté en dehors de la
jetée, après avoir heurté celle-cy plusieurs fois, et cassé son
beaupré ; alors il s'est porté sur la jetée, une quantité prodi-
gieuse de monde dont le plus grand nombre était spectateurs ;
cependant les officiers, soldats et matelots delà fbtille, que
le plaisir de secourir des malheureux en danger y avait aussi
conduits, s'y sont comportés avec un zèle tel que bientôt le
bâtiment a été hors de danger ; à peine a-t-il été dans le havre
qu'un soldat occupé comme les autres à haler sur un grelin,
a été entraîné dans l'eau par celuy-cy ; ce malheureux
ne sachant aucunement nager, fut jeté par une vague sur le
OCCASIONNÉS PAR LUS ANGLAIS SUK NOS CÔTES 525
mémo grelin qu'il eut l'adresse de saisir, et avec lequel on le
hissa sur le quay ; pendant qu'il était ballotté par les vagues,
le capitaine du bâtiment s'était jeté dans son canot pour le
secourir, mais bientôt une vague terrible déployé sur l'em-
barcation et met cet homme dans la nécessité de s»; jeter à
la mer et de se sauver à la nage. Sa femme qui était dans le
bâtiment avec un enfant de 15 mois, apprend que son mari
était tombé à la mer, elle veut sortir de la chambre pour le
voir et au moment où elle est à moitié sortie, une vague mons-
trueuse déployé sur le bâtiment qui luy présentait le travers
et le pelote d'une manière effrayante Cette scène fut d'autant
plus touchante qu'on voyait sur le derrière, un jeune officier
de la flotille, tenant dans les bras, l'enfant dont on vient de
parler, et qui par un espèce de miracle n'a eu aucun mal.
On ne saurait trop faire l'éloge de ce jeune homme ; il a
déployé dans toute cette opération des talents joints à un zèle
et un dévouement j\\gne d'exemple.
Pluviôse.
Depuis le 21 nivôse les vents ont toujours été variables et
le plus souvent impétueux jusqu'au 5 pluviôse, alors ils
étaient de la partie du S. 0. petit frais, la mer assez belle,
quoique houleuse, ce qui détermina les capitaines et
Guiné, le premier inspecteur des convois et le 2* commandant
la station des Sables, d'appareiller de la rade de Loix, avec un
convoi de chasse-marée. Jusque par le travers de la Tranche
le temps fut toujours assez maniable, mais bientôt le vent
augmenta considérablement en amarinant de plus en plus,
et la mer devint extrêmement grosse ; malgré des signaux de
gagner le large, la plupart des bâtiments laissèrent toujours
arriver de manière que sur le point de donuer dans le port,
les vents ayant sauté tout-à-coup àS.-O S.-O ; grand frais, ils
se trouvèrent sous le vent du havre et obligés de faire côte.
Ce qui offrit le spectacle le plus affreux qu'il soit possible
526 JOUKNAL DKS ÉVÉNEMENTS
d'imaginer ; cependant, des 14 bâtiments échoués sur notre
plage, il ne s'est pas noyé un individu, mais il n'en est pas de
même de ceux échoués sous le vent de Tanchet qui se sont
perdus corps et biens ainsi que de ceux qu'on dit avoir été
mis à pic par le Noucq. La plus grande partie des bâtiments
échoués sur notre côte ont été mis en pièces peu de temps
après leur échouement. Une tartane! ou patache armée d'un
canon de 10 et chasse-marée dont appartenant à la flotille
sont encore susceptibles d'être relevés ; aussitôt que la mer a
P"rmis d'aller à bord des différents bâtiments échoués, on
v a envoyé du monde et la plupart ont été décharg-és. Malgré
les gardes multipliées établies pour maintenir l'ordre, il s'est
commis des dilapidations sur lesquelles il y a trop à dire pour
ne pas garder à cet égard le plus grand silence.
Le 6. — Les vents toujours de la partie du S. 0. mais moins
violents que hier et la mer plus belle il a paru un grand bâti-
ment venant du S. 0. et se dirigeant vers le port, une cha-
loupe était allée à bord et bientôt le bâtiment fut reconnu
pour une prise anglaise qui est entré dans le port ; elle est
de trois cent cinquante tonneaux, chargée de coton, sucre
et café venant de Démérary, capturée par le corsaire la
Bellone. A peine a-t-elle été dans le port qu'en vertu de lois
sanitaires, il a été interdit à tous ceux qui étaient à bord de
communiquer aucunement avec la terre, sous les peines
imposées par les mêmes lois, mais sur le soir, cette défense
fut violée en vertu d'ordre supérieur par des militaires qui
montèrent à bord et retournèrent à terre après avoir laissé à
bord une sentinelle.
Le 7. — les lois sanitaires ayant été violées comme on le
dit plus haut par la communication des militaires dont on
vient de parler, et une plus longue surveillance devenant par
conséquent inutile, la commission de santé s'est transportée
à bord à l'effet d'y constater l'état de l'équi page qu'elle a trou-
vé jouissant d'une bonne santé à l'exception d'un matelot
retenu dans son hamac par l'effet d'une chute sur la hanche.
OCCASIONNÉS j'AH LKS ANGLAIS SUR NOS CÔTES 527
en conséquence la consigne a été levée et la communication
avec la terre établie.
Le même jour au soir.— Le vent impétueux, de la partie du
S. 0. Un chasse-marée venant de l'isle Dieu a été jeté à la côte
n'ayant résisté à l'impétuosité des vagues qui l'ont jeté sous
le vent du havre.
Le — Les grands bâtiments du convoi dont on a parlé,
étant partis, la veille, des coureaux, sont arrivés ce matin
devant le port avec les vents de la partie du S. E. Bon frais.
Il a donné dans le havre avec une telle confusion qu'un d'eux
s'est perdu sur la jetée du port, et le plus grand nombre est
resté à l'entrée du havre où il s'est fait beaucoup d'avaries.
Le. . . — Un convoi escorté par \a.Subtile et \siV Isle-Dien est
passé devant notre port, allant dans les coureaux. La Ylsle-
Dieu a reçu l'ordre de mouiller en rade et d'entrer dans le
port pour servir d'escorte au convoi considérable que nous
avons dans notre port.
Le... — L'Agile est partie pour Rochefort.
Le 17. — La flotille est partie ainsi qu'une cinquantaine de
bâtiments sous l'escorte de VIsle-Dieu, de\'A?i</élique et delà
Guadeloupe.
Le même jour le cotre, le Renaud, est entré dans le port où
il a reçu un abordage par une canonnière de la flotille, com-
mandée par M. L !
Le 18. — Deux vaisseaux et une goélette anglaise ont passé
devant notre rade.
Le 19 — Un cotre anglais a été signalé.
Le 23. — Le cotre, le Renaud, est parti avec les dernières
péniches construites icy.
Le 24. — Le convoi qui était dans le port, a mis sur rade.
Le ... — Les Anglais depuis plusieurs jours paraissent
devant notre port.
Le nom est malheureusement à peu près illisible. Il pourrait se lire
« Lestrile » ? G. H. C.
528 JOURNAL DES ÉVÉNEMENTS
Le convoi qui était en rade est rentré dans le port,
L'Angélique, la Vlsle-Dieu et la Guadeloupe qui étaient
rentrées sur rade sont aussi rentrées dans le port.
Le 4. — Un cotre anglais a pris une petite chaloupe de la
Rochelle, il l'a armé de quelques hommes afin de tromper
les caboteurs. La Vlsle-Dieu est partie pour Rochefort.
Le.... — Une seconde portion de la flotille nationale est
entrée dans le port. Mon frère, commandant le bateau ca-
nonniern0 306, est du nombre.
Le. . . — La flotille est partie du port ; elle s'est rendue en
partie à Fromentine, quelques-uns se sont égarés et ne s'y
sont rendus que quelques jours après.
Le. . . — Un cotre anglais en station depuis quelques jours
devant notre rade, a pris deux de nos chaloupes en usant de
ruse ; il avait passé toute la nuit avec un neutre portant un
pavillon prussien ; à la pointe du jour, le neutre à bord duquel
il avait mis des Anglais, eut l'air de s'approcher de la rade
pour demander un pilote, deux de nos chaloupes s'empres-
sèrent d'y aller et donnèrent ainsi dans le piège tendu par les
Anglais qui ne connaissent aucun traité
Coïncidence étrange et à méditer ! La dernière ligne du
manuscrit tronqué, est la constatation de la mauvaise foi pro-
verbiale anglaise. Plaise à Dieu que nous n'ayons pas à l'expé-
rimenter de nouveau !
G. Henri Colins.
Pin.
LES CENT JOURS DANS L'OUEST
LA ItOCIÎBLLE & LA 1IOCHE-SDR-YON
(Suite et fin)1.
Nouvelle de la prochaine arrivée du duc d Angoulême
à Bourbon-Vendée. — Mon rêve d'ambition. — Le placet.
Etant allé passer quelques jours en dehors de Bourbon-
Vendée, j'y remarquai en rentrant un mouvement inac-
coutumé. On allait,, on venait, on s'abordait et tout sem-
blait annoncer la venue d'événements nouveaux et importants.
Je demandai ce que c'élait et j'appris qu'une estafette venaitde
se rendre à la Préfecture pour y annoncer l'arrivée du duc d'An-
goulême. Dans deux jours, il allait rendre visite aux braves
Vendéens et leur témoigner ses sentiments les plus affectueux,
tant de la part du roi que de tous les membres de sa famille.
Cette bonne nouvelle me fit éprouver un plaisir que ne par-
tagèrent ni la garnison, ni la garde nationale, ni le plus grand
nombre des habitants ; car, j'ai déjà eu occasion de le dire,
Bourbon-Vendée était une des villes de France où le gouver-
nement légitime avait le moins de partisans.
Nous parlâmes à table de la prochaine arrivée du ducd'An-
goulême ; mais de Rochecave; bien moins impressionnable
1 Voir le fascicule de juin 1899.
530 LES CENTS JOURS DANS L'OUEST
que moi et qui faisait de toutes les questions politiques des
théorèmes mathématiques, disait le plus froidement du
monde que le gouvernement des Bourbons était un problème
et que, pour le résoudre, il faudrait l'expérience de quelques
années. Puis il riait de mon enthousiasme pour le fils du
Comte d'Artois, tout en reconnaissant qu'il était honnête
homme, mais que rien n'annonçait encore qu'il fut un grand
prince. Tout en dissertant à perte de vue sur ce sujet et sur
beaucoup d'autres, nous entendîmes sonner dix heures et
chacun de nous, un peu fatigué, alla retrouver son lit.
Tout le monde a été à même de remarquer que mille et
mille rêveries, sans liaison et sans suite, précèdent l'instant
où l'on tombe dans ce doux et bienheureux état que l'on
nomme le sommeil. L'ouvrier pense alors aux travaux aux-
quels il s'est livré dans la journée et à ceux du lendemain,
l'enfant croit revoir ses joujoux, i'avare ses rouleaux, ses
sacs d'écus et ses billets de banque, la jeune bergère ses petits
agneaux, les jolis rubans dont elle vient d'orner son chapeau
de paille et surtout le bouquet de l'ami qui bientôt sera
son mari. Or, donc, j'étais couché et déjà comme il arrive
toujours, mes idées commençaient à se brouiller, je faisais en
amour, en parties de plaisir, en littérature, en succès de so-
ciété, des châteaux en Espagne de la plus bizarre espèce,
quand tout à coup une pensée ambitieuse s'éveillant dans ma
tète, je médis: le duc d'Angoulême arrive après demain;
faisons en sorte d'obtenir l'honneur de lui être présenté, et
alors je lui remettrai un placet où, en lui annonçant que mon
père avait eu le bonheur d'être un des gentilshommes de son
Auguste Mère, la comtesse d'Artois, je lui exprimerais le désir
d'exercer auprès de lui la même charge dont j'avais obtenu
la survivance.
J'ajouterai que j'étais encouragé à faire cette démarche parce
que j'avais appris que S.A. Royale s'occupait dans ce moment
à organiser le personnel de sa Maison. Ce plan arrêté, je ne
diffère pas de le mettre à exécution, je me lève à la hâte, rédige
LES CENT JOURS DANS L'OUEST 531
monplacet et cours ensuite chez Rochecave pour lui faire part
de mon beau projet. Le matin était venu, je croyais que mon
ami se moqueraitde moi, qu'il hausserait les épaules, mais non,
il m'approuva et me conseilla de ne pas perdre un instant pour
en assurer la réussite. Il me dit alors que je ferais bien de m'a-
dresser au général de Suzannet qui commandait le départe-
ment, pour le prier de solliciter du Prince l'autorisation de lui
être par lui présenté. Je suivis ce conseil de l'amitié. Le
général, que j'avais vu plusieurs fois aux soirées du Préfet
et qui savait que mon opinion répondait à la sienne, me
reçut presqu'amicalement. Il me donna l'assurance que
l'audience que je sollicitais me serait accordée, qu'au surplus,
après l'arrivée du prince, il ne manquerait pas de me faire
prévenir du jour et de l'heure où je pourrais lui remettre mon
placet. En sortant de l'hôtel dugénéral' je courus chez Roche-
cave et comme il était alors dix heures nous nous rendîmes
à la Direction, et j'allai reprendre ma place accoutumée au-
près de cet excellent M. Le Forestier.
Après une heure d'un travail peu attrayant, M. de Hauterive
vint nous donner des détails sur les grands préparatifs que
l'on faisait pour la réception du Prince. Une garde d'honneur
à cheval composée en grande partie de jeunes gens apparte-
nant aux principales familles de la Vendée, venait d'être orga-
nisée, et les employés de la Préfecture étaient restés toute la
nuit occupés à griffonner les lettres d'invitation pour le grand
repas et le bal qui devaient avoir lieu.
M. de Hauterive nous apprit aussi que les vieux débris des
vaillantes armées des Charette, des Lescure, des La
Rochejacqueleinet desCathelineau s'étaient dirigés vers Luçon
pour s'y trouver à l'arrivée du Prince. Il devait, dans 48 heu-
res faire ici, au milieu de ces braves, son entrée solennelle.
Nous remerciâmes M. de Hauterive des détails qu'il venait de
nous donner et, quand il se fut retiré, je me remis au travail
non sans penser quelquefois au placet que je devais présen-
ter au prince.
7)32 LES CENT JOURS DANS L'OUBST
Arrivée du Prince. — Détails divers. — L'audience publique. —
Remise de mon placet. — Le bal de la Préfecture.
Le lendemain, les préparatifs continuèrent, et le jour suivant,
à sept heures du matin, les cloches et le canon annoncèrent
que le Duc entrait dans la ville. Je me rendis sur ce point et
me joignis à la foule pour jouir de ce premier spcclacle. Le
Prince était descendu de sa voiture et venait de monter sur
un superbe étalon dont lui seul avait pu dompter la fougue et
l'ardeur, car tout le monde sait qu'il excellait dans l'équitation.
La garde d'honneur ouvrait la marche ; venait ensuite la
musique du régimentde cavalerie en garnison à Fontenay-le-
Gomte. exécutant aux cris mille fois répétés de: Vive le Roi,
rire le Duc a' Angoidême, vivent les Bourbons, vive la France !
la cantate que chantait toute la Vendée Royaliste. Car il sem-
blait qu'elle s'était donné là rendez-vous. Le Prince était en-
vironné de plusieurs généraux et de leurs aides de camp, de
plusieurs des anciens chefs vendéens. Ensuite, circonstance
remarquable, venaient après lui les nombreuses compagnies
de cavalerie, composées des vivants débris des armées royales.
Elles étaient classées par communes et au milieu d'elles flot-
taient soit le vieux drapeau, soit le guidon fleur-de-lysé mutilé
par les balles républicaines. Il y avait là plus de 12.000 Ven-
déens,dont le plus jeune devait avoir 48 à 50 ans. Gomme cette
cavalerie ne marchait pasen pelotons, elle mit plus d'une heure
à défiler. A sa tête figuraient les anciens officiers dont les cha-
peaux étaient ornés de plumets ou de panaches blancs. L'ac-
coutrement de ces héros de la fidélité, la plupart paysans,
était d'ailleurs fort drôle à voir. La bigarrure des costumes
produisait un effet comique : là le sabre de 1792, ici la longue
canardière de la même époque, suspendue par des ficelles,
agrémentée d'un assez grand nombre de brides de même
nature. Parmi ces braves, on en remarquait qui n'avaient
qu'un bras. Beaucoup portaient sur le visage les cicatrices de
LES CENT JOURS DANS L'OUKST 533
coups de feu ou de coups de sabre qu'ils reçurent en combat-
tant pour la cause de l'autel et du trône.
Quand on fut arrivé sur la place de l'hôtel de la Préfecture
qui, pour deux jours seulement, allait être transformé en
palais, le Prince, après avoir été harangué par le Maire et le
Préfet, entourés des principaux fonctionnaires de la ville,
exprima, par quelques paroles, le bonheur qu'il éprouvait de
respirer l'air pur de la noble contrée que tant de glorieux faits
d'armes avaient immortalisée. Aussitôt une explosion de
vivats accueillit la chaleureuse allocution du Duc qui en fut
ému jusqu'aux larmes.
Le soir, à l'heure où il devait recevoir les personnes admises
à l'honneur de lui être présentées, je me rendis chez le géné-
ral de Suzannet. 11 réalisa avec une bienveillance marquée la
promesse qu'il m'avait faite d'être mon introducteur. La salle
de réception à la Préfecture était remplie de personnes des
deux sexes de la plus haute distinction. Le Prince était debout,
environné de ses aides de camp et de plusieurs généraux. Le
comte de Mesnard, son premier gentilhomme d'honneur, était
à sa droite, et à sa gauche se trouvait son premier secrétaire
tenant entr'ouvert un grand sac, dans lequel tombaient comme
des gouttes de pluie, des placets, des pétitions, des réclama-
tions, de toute nature. Je jugeai à la rotondité de ce sac
qu'il devait contenir plusieurs milliers de demandes et je n'en
augurai rien de bien favorable pour la mienne. Supposant
que le poids de ce sac pouvait être déplus de 80 kilogrammes,
je plaignis les pauvres scribes qui allaient être chargés de
faire le dépouillement de cette masse, surtout si chaque
demande devait faire l'objet d'un rapport. Mais, hélas ! me
disais-je, comme ce serait au-dessus des forces humaines, il
n'est que trop probable que les trois quarts au moins de ces
placets seront mis à l'écart, même avant que d'être lus !
Dans ce moment, le général me prit la main et dit au Prince :
« Monseigneur, voici le jeune homme dont hier j'ai eu
l'honneur d'entretenir votre Altesse Royale. »
534 LES CENT JOURS DANS L'OUEST
— « Fort bien, général, j'ai présent à la mémoire ce que
vous m'avez dit des excellents sentiments de Monsieur, qui a
d'ailleurs de bien justes droits à ma bienveillance, puisqu'il
est fils d"un des anciens écuyers de ma digne mère, et qu'il
a obtenu la survivance de la charge attachée à ce titre ».
Le Prince daigna ensuite m'adresser quelques paroles bien-
veillantes, auxquelles je fus on ne peut plus sensible et dont
je le remerciai sans trop balbutier, ce qui m'étonna ; car, je
suis un bien chétif orateur. Pendant ce court entretien, je vis
mon placet prendre la route du gros sac et quand il y fut jeté,
je m'inclinai devant le Duc et me retirai, en osant concevoir
l'espérance d'un succès.
Le soir, j'assistai avec Rochecave au bal de la Préfecture.
La réunion était magnifique, toute la haute noblesse vendé-
enne était là. Le général Suzannet se plut à faire remarquer
à Rochecave et à moi des descendants de Gharette, de Lescure
de La Roche-Jacquelein, de Gathelineau, etc. C'est à cette noble
réunion que je vis plusieurs héroïnes, parmi lesquelles figu-
raient Madame la comtesse de Ghantreau et quatre autres
qui, comme elle, avaient reçu, en combattant pour la cause de
l'autel et du trône, des blessures dont leurs visages conser-
vaient les honorables cicatrices. Gomme j'étais toujours
extrêmement amateur du beau sexe, je tressaillais de plaisir
en voyant tant de jolies Vendéennes chez lesquelles les grâces
s'unissaient à la plus remarquable distinction. Le Prince
parut enchanté de cette fête, dont le vieux et respectable pré-
fet fit les honneurs en véritable homme de cour. A trois
heures du matin, M. le Forestier, Rochecave et moi sortîmes
de ce bal magnifique qui ne se termina qu'au jour. Nous en
emportâmes dans nos cœurs un ineffaçable souvenir.
Le lendemain de cet heureux jour, le bon Prince, escorté
jusqu'au point où commence le département de la Loire Infé-
rieure, par les vieux troupiers vendéens et par sa garde
d'honneur, partit pour Nantes. Mais, hélas ! un grand événe-
ment se préparait. Aux joies les plus pures comme les plus
LES CKNT J0Ufc8 DANS l'ouÊST & É)
vives, allaient bientôt succéder toutes les tristesses de l'âme.
Les préoccupations d'un régime fait de guerres sanglantes,
de réactions politiques, de levées extraordinaires en hommes
et en argent allaient peser de nouveau sur la France.
En effet, un mois à peine venait de s'écouler, lorsqu'on
apprit que le 1er mars 1815. Napoléon, sans doute favorisé
parles Anglais, venait de débarquer à Fréjus. J'ai déjà dit
que l'opinion napoléonienne était, celle qui dominait a liour-
bon-Vendée. Celle, dite bourbonnienue, n'y existait que dans
le rapport de 1 à 30 tout au plus. La garnison se composait
Hune compagnie de gendarmerie et du 81e régiment.
Le Roi ne pouvait guère compter sur ces gens-là, quelque
braves et honorables qu'ils pussent être, car, ayant fait vail-
lamment toutes les guerres de l'Empire, ce régiment comme
tant d'autres adorait Napoléon. Je laisse à penser ce que j'é-
prouvai d'angoisses, de chagrin lorsque quelques jours après
l'on proclama, avec pompe devant la garnison et les autorite.-.
que Louis XVIII et sa famille avaient quitté la France et que
l'Empereur s'était réinstallé aux Tuileries. Les cris de Vive
l'Empereur retentirent alors avec un fiévreux enthousiasme
et ils redoublèrent lorsque le Maire, le corps ceint de son
écharpe, eut lu le décret abolissant tous les insignes de la
Royauté et ordonnant le remplacement des drapeaux blancs
et de la cocarde blanche par les couleurs dites nationales.
Néanmoins le général de Suzannet et le Préfetse rendirent à
la caserne dans la cour de laquelle les soldats sans armes,
ayant à leur tête le colonel et l'état-major, étaient réunis. Ils
leurrappelèrent le serment qu'ils avaient prêté au Roi et cher-
chèrent à leur faire comprendre que c'était pour eux un de-
voir d'honneur de ne point en abandonner le drapeau. Ce fut
par le cri de : « Vive le roi», « Vivent les liourbons » qu'ils,
terminèrent cette chaleureuse allocution. Mais leur manifesta-
tion n'eut pas d'écho; le régimentrépondit par lesacclamations
de :« Vive l'Empereur » ; le peuple rassemblé autour de la ca-
serneMes répéta énergiquement. C'en était fait, le 20 mars
TOME XII. — OCTOBHE, NOVEMBRE, DÉCh-MBRE Si
536 LES CENT JOURS DANS L'OUEST
triomphait. Alors M. de Beaumont se rendit à la hâte à la
préfecture et s'empressa de confier à plusieurs estafettes
sur lesquelles il pouvait compter le soin d'inviter les anciens
chefs vendéens à se rendre sans retard à la préfecture pour
s'entendre avec lui sur les mesures à prendre dans d'aussi
graves conjonctures. On peut se faire une idée de la fermen-
tation qui régna dans toutes les classes de lapopulation. Néan-
moins quand le soir fut venu, j'osai entrer, avec ma cocarde
blanche au chapeau, dans le café de la place où étaient attablés
des officiers fraternisant avec quelques-uns des plus chauds
Bonapartistes de la ville. Ce trait d'imprudence et de folle
témérité fut apprécié à sa juste valeur, et, après être resté,
quelques minutes dans le café, je pus en sortir, sans que ma
séditieuse cocarde eut donné lieu à aucune esclandre, ni à au-
cune provocation.
Trois jours s'étaient écoulés depuis cet incident, je venais
de me lever lorsque l'on frappe à ma porte, et que je vois
entrer le digne M de Ilauterive, non moins affligé que moi
des grands événements qui venaient de surgir. Il m'annonce
qu'il avait appris que les chefs vendéens, répondant à l'appel
deM. de Beaumont, s'étaient empressés de se rendreauprès de
lui. Après une courte délibération, il avait été décidé qu'une
liste serait ouverte à l'instant même à la Préfecture pour la
formation d'un corps qui, sous le titre de Volontaires royaux
delà Vendée, attendrait pour agir les ordres du malheureux
Roi. Je remerciai M. de Hauterive, avec une émotion qu'il
partagea, de la nouvelle qu'il venait de m'apprendre. Quand
il fut sorti dema chambre, après un moment de réflexion, je
pris mon chapeau sur lequel était toujours la cocarde blanche
et je courus à la Préfecture. 11 était 7 heures.
Je me rendis de suite au secrétariat, je me fis inscrire sur
la liste dont M. de Hauterive venait de me parler. Je fus fier
d'y figurer en première ligne ; le brave M. de Gentet, qui ve-
nait d'arriver de Fontenay pour offrir ses services au Préfet
n'eût l'honneur d'y prendre place qu'en second. Après avoir
I.ES GBÎNT JOURS DANS L'OUEST 537
serré la main de cet homme énergique, je sortis de l'hôtel
pour revenir chez moi.
Mais à peine avais-jefait trente pas dans la rue que j'enten-
dis derrière moi prononcer mon nom. Je me retourne et, dans
ce moment, je vois une troupe d'individus, de gamins, qui
me lançaient des pierres. L'une d'elles venait déjà d'effleurer
mon bras droit; mais, grâce au sang-froid dont je fis preuve
en ce moment, au lieu de précipiter ma marche, je la ralentis.
Cette tactique déconcerta mes assaillants.
Ils dirigèrent sur un autre point leur ardeur belliqueuse.
Mais bientôt je courus un plus grand danger. Dans la même
rue communiquant de la route à la place, en passant devant
l'atelier d'un maître forgeron que je connaissais de vue, j'a-
perçois cet homme armé d'un fusil. Il le dirige sur moi. Je
m'arrête et lui jetant un regard de mépris, je m'écrie : « Que
me voulez-vous ? — Ce que je vous veux, chouan, me répondit-
il, en imprimant à son arme un mouvement qui trahissait son
émotion, ce que je veux?... te tuer, si à l'instant même tu ne
déchires pas ta cocarde en criant : Vive l'Empereur \ — Qui,
moi ? jamais je ne ferai cette lâcheté ; quant à vous, épargnez-
vous celle d'ôier la vie à un homme sans armes, qui ne vous a
jamais fait aucun mal, et dont le seul crime à vos yeux est
d'avoir une opinion différente de la vôtre. » Intimidé sans doute
par mon sang-froid et mon énergie, le forgeron n'osa pas
tirer et je pus sain et sauf regagner mon logement.
Il y avait tout au plus une heure que j'étais rentré, lorsque
M. de Hauterive eût la complaisance de m'avertir que, pendant
mon absence, deux gentilshommes vendéens s'étaient pré-
sentés pour me voir et qu'ils avaient promis de revenir dans
la matinée. Je lui demandai quels étaient ces messieurs. Il me
répondit qu'il ne les connaissait point, qu'il se rappelait
seulement les avoir vus à la Préfecture dans le cabinet du
Préfet, un jour qu'une affaire l'y avait conduit. Notre entretien
aurait duré plus longtemps si nous n'eussions entendu frapper
à ma porte. J'ouvris ; c'étaient précisément les deux inconnus.
538 LES CENT JOURS DANS L'OUEST
M. de Hauterive se retira à l'instant même. Les nouveaux
venus m'adressèrent d'abord de flatteuses félicitations sur
l'empressement que j'avais mis à répondre à l'appel du
Préfet. Ils me dirent ensuite qu'il venait d'être décidé par le
comité royaliste dont ils étaient membres que, comme
premier volontaire royal de la Vendée, et en raison de mon
opinion prononcée en faveur des Bourbons, j'étais appelé à
commander le noble corps destiné à défendre leurs droits.
Pénétré de reconnaissance pour une aussi haute distinction,
j'en remerciai beaucoup ces Messieurs, mais je leur dis que,
n'ayant jamais servi, il m'était impossible d'accepter le com-
mandement qui m'était offert. J'ajoutai que mon unique
ambition était de contribuer autant que je le pourrais à faire
triompher, comme simple volontaire, le principe auquel depuis
mon jeune âge j'étais inviolablement attaché. Ces messieurs
insistèrent; mais, voyant que je persévérais dans mon refus,
ils se retirèrent en me serrant la main et en me renouvelant
de la manière la plus affectueuse l'assurance de leur estime.
A peine furent-ils descendus que M. Le Forestier et Roche-
cave, auxquels M. de Hauterive avait fait le récit de tout ce
qui m'était arrivé, montèrent rapidement l'escalier. La pre-
mière chose qu'ils firent en entrant fut de se précipiter dans
mes bras, en gardant ce silence éloquent qui, bien mieux que
la parole, sait exprimer les sentiments du cœur; mais je mis
fin bientôt à cette scène muette pour témoigner à notre Direc-
teur combien j'étais sensible à la nouvelle marque d'intérêt
que je recevais de lui.
Rochecave, prenant alors la parole, tout en louant mon
énergie, blâma mon imprudence. Il la qualifia même de folle
témérité; puis, s'apercevant qu'il était encore orné de la
cocarde blanche, il saisit mon chapeau et s'empressa d'en
enlever la cocarde. Ce mouvement d'amitié mit un terme à ma
résistance. J'en remerciai Rochecave avec effusion et lui pro-
mis, ainsi qu'à M. Le Forestier, d'être plus circonspect à
l'avenir. Ces deux excellents hommes prirent alors congé de
LES CENT JOURS DANS L'OUEST 539
moi pour retourner à la Direction, après m'avoir recommandé
d'attendre la nuit pour sortir.
Je promis d'obéir à cette amicale injonction.
Mais cette réclusion me fut tellement pénible que bientôt je
m'en affranchis. A peine étais-je dehors, dans la même rue
où le matin j'avais été mis en joue, que je fus accosté par trois
Messieurs qui me dirent avec une vive animation : « Monsieur
Brisson, notre opinion politique diffère entièrementde la vôtre,
mais nous avons les excès en horreur et l'intérêt que vous
nous inspirez est tel que, d'après ce que nous avons appris,
nous vous engageons à vous éloigner tout de suite de la ville.
Adieu, et que le Ciel vous protège!» J'exprimai à ces Messieurs
ma reconnaissance^pressai leurs mains qu'ils me tendirent et,
revins à mon logement. Gomme j'habitais toujours chez M. de
Hauterive, je m'empressai de l'informer de l'incident. « Ah!
mon Dieu, s'écria-t-iL montez, montez à votre chambre pour
faire votre malle. Je vous l'enverrai à La Rochelle et elle y
arrivera presqu'aussitôt que vous »...
Après avoir fait mes adieux au digne homme, je m'empres-
sai de rentrer dans la chambre que j'allais quitter sans espoir
de retour. La première chose que je fis fut de charger à balle
mon fusil de chasse, bien décidé à m'en servir au besoin. Cela
fait, je pris la plume pour informer en quelques lignes Ro-
checave et M. le Forestier du parti que j'allais prendre et aussi
pour leur faire mes adieux, lorsqu'une rumeur se fait entendre.
Je me précipite vers la fenêtre, je l'ouvre et j'aperçois une
troupe d'une cinquantaine d'individus à la tête de laquelle
marchaient des hommes portant des torches allumées. Ils
furent bientôt arrivés devant la maison. Là ils s'arrêtèrent. Je
remarquai qu'ils n'étaient point armés, mais je ne tardai point
à m'apercevoir qu'ils avaient des pierres dans leurs poches.
Plusieurs" d'entre elles, lancées contre la maison, pénétrèrent
dans ma chambre par la fenêtre. Des bordées d'injures y
succédèrent. Mon premier mouvement fut de saisir mon
fusil et de menacer ces émeutiers de tirer s'ils ne s'éloi-
540 LES CENT JQURS DANS [, OUEST
gnaient à l'instant : mais je compris que la vue de cette arme
les exaspérerait et qu'il pourrait en résulter de grands
malheurs pour M. de Hauterive, sa famille et les personnes
logées chez lui. Une circonstance cependant me sembla de
nature à faire avorter leurs coupables desseins. Le premier
major du régiment avec sa femme et deux domestiques occu-
pait un étage de la maison dont la porte était gardée par un
factionnaire. Je vis cet officier supérieur se frayer un passage
dans cette foule à laquelle il adressa d'assez vives paroles.
Celle-ci suspendit un moment les vociférations, mais le bruit
recommença quand le major fut entré. En dépit de tout je me
hâtai de faire ma malle en longeant les murs intérieurs, pour
éviter d'être atteint par les projectiles qui continuaientà m'être
lancés avec un redoublement de fureur inexprimable. A un
moment ce fut tel que le factionnaire, se plaçant devant la
porte, croisa sa baïonnette et menaça d'en frapper ceux qui
oseraient s'approcher.
En même temps, le major et M. de Hauterive ouvrirent leurs
fenêtres, chacun étant armé d'un fusil à deux coups. J'en fis
autant de mon côté ; puis, l'officier supérieur mettant les
émeutiers en joue, les somma de se retirer à l'instant même.
Ilss'enfuirent dans toutes les directions en s'écriant: Bonsoir,
bonsoir, à demain, àdemain ! La rue étant redevenue calme,
je finis mes lettres.
Voyage nocturne de Botir bon-Vendée à la Rochelle.
Deux heures sonnèrent bientôt et, dans mon costume de
chasse, carnassière au dos et fusil sous le bras, j'ouvris la
porte et me mis en route pédestrement. La nuit était superbe,
tout le ciel scintillait. La lune brillait d'un mélancolique
éclat. En passant auprès des vieilles ruines du château de la
Roche-sur-Yon, je les vis étendre leurs longues ombres sur la
route. De tous cotés s'échappaient les cris des oiseaux de
nuit. Une profonde tristesse m'enveloppa, qu'augmentait en-
LES CENT JOURS DANS L'OUEST 541
core le frissonnement «lu feuillage des arbres. Dans mon cœur
se heurtaient les sentiments les plus sombres, les plus arrières
réflexions. En retraçant à ma pensée les périls auxquels j'a-
vais été exposé et dont j'aurais été la victime si Dieu ne fut
venu à mon secours, je frémissais à l'idée des malheurs qui
auraient pu en être la suite pour le major, M. de Hauterive et
leurs familles. J'élevai alors mes yeux vers le ciel et, en sol-
licitant de Dieu des jours meilleurs, je trouvai une grande
compensation à mes profonds ennuis, mon âme passait ainsi
d'une rêverie à une autre, lorsque j'entendis derrière moi un
bruit de chevaux en marche. Je m'arrêtai et, comme il com-
mençait à faire jour, je pus voir près de moi deux gendarmes
que précédait un officier de la même arme. Ma première pen-
sée à cette apparition fut que la nouvelle municipalité avait
fait donner à la gendarmerie l'ordre de me poursuivre et de
m'arrêter pour m'être montré en public avec la cocarde blan-
che, après la promulgation du Décret Impérial qui la proscri-
vait. J'avais donc la prison en perspective, ce qui me causa
quelque émotion. Mais, lorsque cette escouade m'eût atteint,
j'eus assez d'empire, sur moi-même, pour n'en rien manifes-
ter. L'officier, c'était un capitaine, ayant poussé son cheval
près de moi, me regarda d'abord attentivement sans pronon-
cer une seule parole, puis, bientôt, d'un air assez narquois, il
me dit : « Monsieur vient de Napoléonville sans doute ?
— Oui, capitaine.
— Et monsieur va ?
— A la chasse.
— Gomment, sans chien ?
Je ne répondis à cette question que par un soupir.
— Bien, reprit le capitaine, sur le même ton, je devine que
monsieur chassera avec les chiens du gentilhomme chez le-
quel il se rend et qui demeure sans doute ?..
— Au delà de Luçon où je m'arrêterai quelques instants.
— Et monsieur ignore sans doute ce qui s'est passé ce
matin à Napoléonville.
542 LES CCNT JOURS DANS [/-OUEST
— Complètement, capitaine.
— Eli bien ! Monsieur saura que ce matin au point du jour le
peuple, indigné de voir que le drapeau blanc flottait encore
sur l'hôtel de la Préfecture, s'était réuni sur la place où il
cherchait avec ardeur à briser les grilles qui l'empêchaient
de s'élancer dans la cour, quand le secrétaire général de la
Préfecture se présenta devantcette multitude pour lui appren-
dre que le Préfet, qu'elle demandait à grands cris, ne voulant
point reconnaître le gouvernement de Napoléon, tant il était
pénétré de la religion du serment, avait fait conduire sa voi-
ture vers la porte du jardin et qu'il était parti sans faire con-
naître le point sur lequel il se dirigeait. La foule voulut alors
envahir la cour, mais son chef, tenant à sa main un drapeau
tricolore, s'y opposa; puis, suivi de quelques individus seule-
ment, il se fit ouvrir le portail qu'il referma sur lui. Ceci fait
il monta précipitamment à l'esplanade du pavillon et subs-
titua au drapeau blanc le drapeau tricolore dont la vue fit
éclater mille cris do Vive V Empereur l Le peuple, enivré de ce
succès, se retira, en faisant retentir les airs du chant de « Veil-
lons au salut de l'Empire ». Il ajouta en finissant que le nou-
veau Préfet était attendu dans la journée. »
Un moment de silence succéda à ce récit, mais le capitaine
l'interrompit bientôt pu me disant : — Eh bien ! Que pense
Monsieur de tout cela? — Je lui répondis vivement: qu'il
était heureux que tout se fut passé d'une manière si paisible,
car, enfin, m'écriai-je, il aurait été dans les choses possibles
que les Vendéens du Bocage... A peine eus-je achevé ces mots
que cet officier fit un signe à ses gendarmes. Ils s'approchè-
rent de moi ; mais l'arrestation que je crus alors certaine
n'eût pas lieu. Le capitaine, après m'avoir salué avec un sou-
rire milin, piqua des deux en avantainsi que son escorte et
je les eus bientôt perdus de vue.
J'avouerai cependant queje n'étais point parfaitement tran-
quille. .J'avais encore deux lieues à faire avant d'arriver à
Luçonet je me trouvais déjà fatigué ; je m'armai néanmoins
LtCS O'NT JOURS DANS L'OUEST 5'iH
de courage et à neuf heures environ j'arrivais clans cette ville,
exténué de fatigue. Mon premier soin fut d'entrer dans une
auberge, et do me faire conduire dans une chambre, je m'y
laissai choir sur un grand diable de fauteuil, où, sous le poids
de la fatigue et de l'émotion, je tombai dans un complet éva-
nouissement.
Quand je rouvris les yeux, je vis que quelqu'un était entré
dans ma chambre, avait dénoué ma cravate, et, pour me
donner de l'air sans doute, entr'ouvert mon gilet de flanelle.
Nul doute alors qu'on n'eut aperçu deux petites médailles
en argent, l'une à l'effigie de la Vierge, l'autre à celle de
Louis XVIII, plus une décoration du Lys. Ces objets, que
m'avait donnés une demoiselle de laVendée non moins ardente
que moi dans son opinion, étaient suspendus sur ma poitrine.
Je ne doutai pointalors que la personne qui, par un mouvement
d'humanité, m'avait rendu le service dont je viens de parler,
n'eût, en voyant mes précieuses reliques, acquis la preuve
que j'étais tout dévoué à l'autel et au trône légitime. — Mais
quelle était cette personne ? Je ne le sus jamais. Quoi qu'il en
fut, je pensai que cet incident pourrait avoir pour moi quelque
suite fâcheuse ; aussi, après un assez bref déjeûner, et me sen-
tant de nouveau en possession d'une partie de mes forces, je
réglai avec l'aubergiste et sortis de l'hôtel.
Après avoir marché pendant une heure, je sentis mes jambes
me refuser de nouveau tout service; je voulus me raidir
mais cela me fut impossible ; alors je pris le parti de m'éten-
dre sur l'herbe h l'ombre d'un arbre, en désirant vivement
qu'il passât une des voitures publiques qui se rendent à
Marans. Gela eut bientôt lieu et, grâce à la place que je pris
dans ce véhicule, je fus enfin assez heureux pour rentrer sans
encombre à la Rochelle.
Renée MON BRUN.
S8$$&
DEUX VICTIMES VENDÉENNES
Marie et Renée GRILLARD, de Cholet
FUSILLÉES AU CH \MP-DES MARTYliS
PRÈS ANGERS
Le /er février 1794
C'est le 14 mars 1793 que Cholet fut pris par les Vendéens
qui restèrent maîtres de cette ville jusqu'au 17 octobre.
Dans son ouvrage, La Vendée Angevine, M. Port, membre
de l'Institut, archiviste de Maine-et-Loire, après avoir raconté
à sa façon les détails de cette importante victoire des Ven-
déens, termine son récit par la note suivante, que nous citons
très exactement :
« Les bonnes gens ont d'autres soucis. Les filles Grillard, de
« Cholet, s'en vont descendre la statue de la Vierge de (Belle-
« fontaine) de sa niche sur l'autel et lui faire des reproches,
« en lui disant : « Grande Vierge, pourquoi ne nous avez-
« vous pas encore délivrés des tyrans républicains? Proté-
« gez nos armes et rendez-nous victorieux de nos ennemis!
« Parlez ! nous sommes prçts à obéir. » (Comité révolution-
ce naire de Cholet)1. »
Cette assertion du savant archiviste est-elle vraie? Est-elle
véritablement appuyée sur les documents du Comité révo-
lutionnaire de Cholet, comme on l'indique ? C'est ce que
nous allons voir.
Le Comité de surveillance ou révolutionnaire de Cholet
1 La Vendée Angevine, tome II, page 13t.
Dl'.l X VIOTlV»Eï VI U i NES .j-iJ
ne fut formé que le <S rovembre 1793; il était alors composé
des citoyens Robin de Méricourt, Glémanceau, Minguet,
Josson, Lombardel et Demiaud cadet. Une des foifbtions du
Comité était de recevoir les dénonciations. Dès le il no-
vembre, on lui fit la dénonciation suivante, extraite du re-
gistre officiel du Comité1.
«Le citoyen A...,* commandant de bataillon, a dénoncé les
a filles Grillard, de Saint-Pierre de Cholet, pour avoir été à la
« tête des processions qui ont allumé le fanatisme dans le
« pays, et dans le temps de l'insurrection d'avoir excité les
« brigands contre les patriotes, et entre autres choses
« d'avoir descendu la statue de la Vierge de sa niche sur
« l'autel etde lui avoir faitdes reproches en lui disant: « Gran-
« de Vierge, pourquoi ne nous avez-vouspas encore délivrés
« des tyrans républicains ? Protégez nos armes et rendez-
« nous victorieux de nos ennemis. Parlez, et nous sommes
g prêts d'obéir. »
Etant données la qualité du dénonciateur et la gravité (?) de
l'accusation, le Comité révolutionnaire fit immédiatement
arrêter l'aînée des filles Grillard. Le 14 novembre, elle subis-
sait l'interrogatoire suivant, par les soins de Robin de Méri-
court, président du Comité. Nous/ le reproduisons d'après
l'original, conservé aux Archives de Maine-et-Loire3 :
« Le 24 brumaire de l'an II de la République une et in-
« divisible.
« A été traduite devant le commissaire du Comité révolu-
« tionnaire d'Angers* la fille Grillard, détenue dans les pri-
« sons de Cholet comme très suspecte :
1 Ce registre existe aux Archives départementales de Maine-et-Loire (L 1155)
s Le citoyen A... était le frère de l'intrus de la Tessouale,
1 Archives départementales, L 1162.
* Depuis le 8 novembre, jour de sa formation, jusqu'au 6 janvier suivant, le
Comité révolutionnaire de Cholet se qualifiait constamment de provisoire.
Son président Robin de Méricourt. ancien intrus de Trémentines, était
membre du Comité de surveillance d'Angers et avait été délégué par ledit
Comité à Cholet pour y appliquer les dois révolutionnaires. Les cinq autres
membres du Comité provisoire de Cholet prenaient le titre d'adjoints du
commissaire du Comité Révolutionnaire d'Angers.
546 deux victimes vknd6ennrs
« Interrogée de son nom, âge, profession et demeure. — A dit
« se nommer Marie Grillard.née et demeurant à Saint-Pierre
« de Gholê't, être âgée de 40 ans, être tapissière.
« Interrogée si elle sait le motif de sa détention. — A dit
« que non.
« A elle demandé si elle n'a pas été à la tête des processions
« et neuvaines qui ont allumé le fanatisme dans le pays. — A
« dit qu'elle y a été, mais qu'elle n'avait intention que de de-
« mander la paix et la réunion des esprits.
« A elle demandé si elle n'a pas excité les brigands contre
« les patriotes1. — Non.
« A elle demandé si elle n'a pas descendu une Vierge sur
« l'autel, en lui faisant des reproches et lui disant : « Grande
« Vierge, pourquoi ne nous âvez-vous encore pas délivrés des
« tyrans républicains ? » — A'nié tous ces faits.
« A elle demandé^si elle a porté la cocarde blanche et le
« Sacré-Cœur. — A dit qu'elle a porté le Sacré-Cœur.
« Lecture faite à ladite Grillard de ses réponses au présent
« interrogatoire, a dit qu'elles contiennent vérité, y a persisté
« et déclaré ne savoir signer*. »
Le commandant de bataillon avait accusé Marie Grillard
d'avoir assisté aux processions : celle-ci le reconnaît.
On l'avait accusée d'avoir excité les brigands contre les
patriotes : elle répond que c'est faux.
On l'avait dénoncée comme ayant descendu la statue de la
Vierge : elle nie ce fait.
Le commissaire ajoute un nouveau grief, en lui demandant
si elle a porté le scapulaire du Sacré-Cœur : elle avoue le fait.
Nous sommes, semble-t-il, en présence d'une inculpée qui
n'a pas peur de dire la vérité, malgré le danger. Elle a porté
le scapulaire du Sacré-Cœur, elle a assisté aux processions :
' Brigands, c'est-à-dire les Vendéens. — Patriotes, c'est-à-dire les soldats
de la Convention, les bleus comme disaient les Vendéens.
1 Contrairement à l'usage constamment suivi dans tous les autres interro-
gatoires, celui-ci ne porte pa3 la signature du membre du Comité révolution-
naire qui y a procédé.
DEUX VICTIMES VENDÉENNES 547
si elle avait descendu la statue de la Vierge et fait la prière
incriminée, il est à croire qu'elle ne ferait pas difficulté
d'avouer ce fait comme elle a reconnu les deux autres.
Le Comité révolutionnaire, par l'organe de son président,
Robin de Méricourt, jugea ainsi, puisqu'il la remit en liberté1
et ne fit môme pas comparaître Renée Grillard, sa sœur.
Que reste-t-il de la dénonciation du citoyen A..., relative à
la statue de la Vierge descendue sur l'autel et aux reproches
qui lui auraient été adressés ?
Rien, à notre humble avis.
M. Port a donc eu tort de faire sienne une assertion puisée
dans une accusation si peu fondée et contredite par des témoi-
gnages formels.
• »
Pendant les deux mois qui suivirent, les deux sœurs Grillard
ne furent pas inquiétées. Mais le 8 janvier 1794, un second
mandat d'arrêt fut lancé contre elles par le Comité révolution-
naire réorganisé1. Le 13 janvier, par les soins du citoyen
Sureau, adjudant-major de place, pour ce requis par le Comité
de surveillance, Marie et Renée Grillard furent arrêtées chez
elles et conduites à la prison de la ville, en même temps que
M"e Turpault,* Mme Réveillère,* et six autres personnes de
Cholet.
Le lendemain, 14 janvier, l'aînée des deux sœurs comparais-
sait de nouveau devant le Comité révolutionnaire :
i En marge de la pièce contenant l'Interrogatoire, on lit ce mot : élargie.
« Le nouveau comité entra en fonctions le G janvier 1794. 11 était composé
de Joseph Clémanceau, président, Rousseau, secrétaire, Macé, Cambon,
Routiau-Houdié, Auteract, Hérault, Duchaînay et Demiaud cadet. — Son
premier mandat d'arrêt, daté des 8 et 12 Janvier, comprenait 78 personnes
de Cholet et des environs.
Les deux sœurs Grillard demeuraient au Puits-de-1'Aire. (L. 1160).
» Madame Turpault, de Cholet, fusillée au Champ-des-Martyrs le
16 avril 1794, par l'abbé Uzureau (Angers, Grassin, 1899).
* Madame Réveillcre, de Cholet, fusillée au Champ-des-Martyrs le
i" février 1891, par l'abbé l'zureau (Vendée Historique, n»du 20 août 1899).
548 DEUX VICTIMES VENDÉENNES
« Le 2.» nivôse, l'an II de la République française une et ndi-
\ isible, et le premier de la mort du tyran.
« Joseph Glémanceau, président du Comité de surveillance
« et révolutionnaire établi à Gholet d'après la loi du 14 fri-
« maire, a t'ait amener devant lui la nommée Grillard, la-
« quelle a été interrogée ainsi qu'il suit :
« Quels sont vos nom, âge, profession et demeure? — Marie
« Grillard, 39 à 40 ans, marchande, de Gholet.
« Connaissez-vous les motifs de votre détention ? — Non.
« Quel pays avez- vous habité depuis le mois de mars*der-
« nier? — Je n'ai point sorti de Cholet.
« Quand les républicains* sont entrés à Gholet2, en êtes-vous
« portie? — Je me suis sauvée dans un champ et je suis ren-
« trée de suite.
« Avez-vous logé chez vous des brigands, de leurs chefs, ou
« des prêtres réfractaires3 ? — J'ai logé des brigands, comme
« les autres, jamais ni chefs ni prêtres
« Avez-vous, pendant le séjour des brigands à Gholet, eu
« des liaisons avec les brigands ou leurs chefs? — Non.
« Avez-vous commercé avec eux? — Non, je n'étais pas
« marchande alors.
« Avez-vous engagé les brigands à massacrer les patriotes ?
« — Non.
« Avez-vous engagé quelqu'un à prendre les armes contre
« la République? —Non.
« Alliez-vous, il y a un an, à la messe des prêtres qui
» avaient prêté le serment4? — No?i, jamais.
1 CV:st-à-dire depuis la prise de Cholet par les Vendéens, qui eut lieu le
14 mars.
1 Le 17 octobre, jour de la bataille de Cholet, ai funeste aux armées ca-
tholiques et royales.
3 L'expression « prêtre réfractaire » signifie prêtre qui a refusé de prêter
serment à la constitution civile du clergé, constitution condamnée et déclarée
schi8matique par le pape Pie VI. Pour les Vendéens, les « prêtres réfrac-
taires » étaient les « bons prêtres », nom que ces derniers conservèrent toute
leur vie.
* Gabriel de Crolle, installé curé constitutionnel de Notre-Dame, le 8 mai
1791 — L'intrus de Saint-Pierre be nommait Durand.
Deux victimes vendéennes 549
« Pourquoi n'y allie/vous pas ? N'aviez-vuus pas de con-
« fiance en eux? — Non, sûrement.
« Pendant que les prêtres réfractaires ont été ici avec les
« brigands, alliez-vous à leurs messes, autres services etpro-
« cessions? J'ai été aux messes et processions .
« Avez-vous engagé quelqu'un à vous y accompagner ?.
« — Non.
« Lecture à elle faite du présent et de ses réponses, elle a
« déclaré que le tout contient vérité, y a persisté < t déclaré ne
« savoir signer.
« J. GLÉMANGEAU, président du tribunal. »
Le môme jour, la plus jeune des deux sœurs subissait, de la
part dudit Clémanceau, l'interrogatoire suivant :
« Quels sontvos nom, âge, profession, demeure et le-lieude
« votre naissance? — Je me nomme Renée Grillard, j'ai
« 28 ans, je suis couturière, je demeure et je suis née àSaint-
« Pierre de Cholet.
« Connaissez-vous les motifs de votre détention? — Non.
« Où avez-vous demeuré depuis le mois de mars dernier?
« — J'ai toujours demeuré à Cholet.
« Quand les Républicains sont entrés à Cholet, où êtes-
« vous allée ? — J'ai été à trois lieues d'ici dans un bois.
« Pourquoi sortiez-vous de Cholet, lorsque les troupes delà
« république y arrivaient, puisque vous y aviez constamment
« demeuré pendant que les brigands en étaient les maîtres?
« — Parce que je craignais le feu.
« Combien de temps avez-vous été absente ? — Environ
« cinq à six jours.
« Avez-vous logé des brigands, de leurs chefs, ou des
« prêtres réfractaires? - Nous avons logé des soldats bri-
« gands, parce qu'on nous donnait l'ordre de le faire.
« Qui donnait ces ordres et qui donnait les billets de loge-
« ment? — Je n'en sais rien.
« Avez-vous engagé quelqu'un à prendre les armes contre
« la république ou à fusiller des patriotes ? — Non.
"ôO DEUX VICTIMES VENDÉENNES
« Alliez-vous autrefois à la messe des prêtres qui avaient
« prêté le serment ? — Non, jamais.
« Pourquoi n'y alliez-vous pas? — Parce que ce n'était pas
a mon opinion et que je n'avais pas confiance en eux.
« Pendant que les prêtres réfractaires ont été àCholet avec
»( les brigands, avez-vous été à leurs messes ou autres céré-
« monies , comme sermons, processions, etc.? — J'ai été
« à leurs messes, processions, serinons, etc.
« Avez-vous été à confesse à eux, et vous ont-ils donné
« des conseils ? — Oui, j'y ai été ; ils ne m'ont donné aucun
« conseil.
u Lecture à elle faite du présent interrogatoire et de ses ré-
« ponses, a dit que le tout contient vérité, y a persisté et dé-
« claré vouloir signer avec nous le présent.
« Renék GRILLARD.
« J. CLÉMANCEAU. président du tribunal1. »
Cette fois le Comité révolutionnaire de Cholet ne les remit
point en liberté; mais les condamna comme suspectes par la
sentence suivante :
« D'après les informations prises sur la conduite de Marie
« et Renée Grillard, il résulte qu'elles ont toujours assisté aux
« cérémonies des prêtres réfractaires, adressé leurs vœux
« pour faire revivre l'ancien régime, ce qui les rend vrai-
« ment suspectes,
« J. CLEMANGEAU, président du tribunal.
« ROUSSEAU, secrétaire*.»
Dès le lendemain de leur jugement et de leur condamna-
tion, les deux sœurs furent adressées à la Commission mili-
taire d'Angers par le Comité révolutionnaire de Cholet. Elles
faisaient partie du douzième envoi dudit Comité à la Commis-
sion, et ce convoi comprenait en tout 27 personnes. Deux
1 Ces deux interrogatoires, presque identiques, se trouvent aux Archives de
Maine-et-Loire 'h 7ô0 bis).
' Arch. dép. 750 bis.
DEUX VICTIMES VENDÉENNES ."51
d'entre elles furent guillotinées à Angers, sur la place du
Ralliement, le 20 janvier, François Glavereau, de Cholet. et
Geneviève Bouchet, de Beaupréau. Trois seulement auraient
été épargnées par la Commission militaire et les 22 autres
furent destinées à la fusillade.
Marie et Renée Grillard furent du nombre de ces saintes
victimes. Le lor février 1794, elles furent arrachées de leur
prison du Calvaire1 pour être attachées à la chaîne, qui
se dirigeait vers l'enclos de la Haye aux Bons-Hommes.
C'est en cet endroit, presque sauvage alors, mais devenu
si célèbre depuis, que les deux sœurs Grillard tombèrent
sous les balles de leurs persécuteurs, victimes de leur
attachement à la foi et aux ministres de Tautel Leurs
corps furent brutalement précipités dans une immense
fosse, mais leurs âmes s'envolèrent sur le coup jusque
dans le sein de Dieu, avec les âmes des vaillantes religieuses
de Saint- Vincent-de-Paul, sœur Marie-Anne et sœur Odile,
fusillées à leurs côtés.
Les délarations des deux Vendéennes avaient été claires,
nettes, faites de sang-froid. Elles s'étaient dites chrétiennes,
sans forfanterie mais aussi sans faiblesse. L'humble mar-
' Aux archives de la Cour d'Appel d'Angers se trouvent les interrogatoires
des prisons. = Les deux sœurs Grillard furent interrogées, le 24 janvier, par
Vacheron, membre de la Commission militaire. Voici le procès-verbal des
interrogatoires, rédigé par Vacheron lui-même :
Marie Grillard, âgée de 40 ans, née à Cholet, fille, profession de petite
marchande, arrêtée chez elle, il y a onze jours environ, par des gendarmes ;
ne sait pourquoi; suspecte de ne pas avoik. été a la messe des prêtres ser-
MBNTÉSQU'ELLE DÉTESTAIT. AU SURPLUS, DANS SES RÉPONSES, ON VOYAIT LE FANATISME
le plus prohoncé. — Aussi Vacheron ne contient plus sa rage ; il met à la
marge à la fois f et g, cVst- à-dire à fusiller et à guillotiner !
Renée Grillard, âgée de 28 ans, née à Cholet, profession de couturière,
demeurant ordinairement à Cholet ; arrêtée chez elle par des citoyens, il y
a onze jours ; ne sait pourquoi ; a cependant confesse n'avoir jamais voulu
ALLER A L'OFFICE DES PRETRES SERMBNTÉS, Qr'ELLE AVAIT CONTINUÉ SES ACTES
RELIGIEUX AVEC LES PRETRES INSERMENTES, ET DAMS UN DISCOURS TRÈS LONG ELLE
fit remarquer le fanatisme LE plus prononcé. — Vacheron témoigne encore
de sa rage en mettant / et g.
roux xn. — octorre, novembre, décembre 3S
552 DKUX VICTIMES VENDÉENNES
chande et la petite couturière avaient parlé comme des
héroïnes, en attendant qu'elles meurent de la mort dns ma^r-
tyres '.
P. UZURËAU
Aumônier du Champ-dés- Martyrs, près Angers.
1 Nous nous sommes tenu dans cette relation sur la plus grande réserve, et
nous avons évité tout commentaire. Nous n'avons fait, pour ainsi dire, qu'un
procès-verbal, un simple dépouillement d'archives, qui est d'autant plus élo-
quent que le3 faits, tous authentiques et incontestables, y parlent eux-mêmes
d'une voix qui porte plus haut et plus loin que celle de tout historien, quel-
que éloquent qu'il puisse être.
LA GÉOGRAPHIE GAULOISE DD BAS-POITOU
PRINCIPAUX POINTS ARCHfiOLOGlQUKS
Des Cantons de Saint-Hermine Ptde Vllermenault.
Il est peu de travailleurs, qui aient entrevu jusqu"ici les secours
que peut prêter à la Géographie Gauloise le cadastre combiné
avec les anciens aveux, les registres censiers et autres titres de
même nature. Les renseignements précieux y abondent pourtant
il suffit de savoir les extraire du fatras qui les entoure. Indépen-
damment des noms de rivière, de ruisseaux, de bourgs, villages et
maisons isolées, d'origine celtique, il est une foule de lieux-dits
qui ont conservé leurs antiques appellations et gardent le souvenir
de monuments détruits. Nous nous sommes livré à cette recherche
pour quelques communes de la Vendée, et nous avons été amplement
payé de nos peines, par les résultats obtenus.
(B. Fillon, Poitou et Vendée art. Fontenay, p. 7.)
I
CANTON DE SAINTE-HERMINE
COMMUNE DE SAINTE-HERMINE
Le Ghâtelard. — G. 1079 à 1084.
Les Garnes. — A. 103 à 113; 443 à 465; B. 181,182 ; D. H
à 38.
La Pierre. — A. 1200 - 1201.
La Grosse Pierre - D. 484 — 519 à 521.
554 LA GÉOGRAPHIE GAULOISE DU BAS-POITOU
COMMUNE DE LA CHAPELLE THÉMER
La Pierre Balante ou]Branlante. — C. 739.
La Pierre. — F. 613.
La Game des Bosses (bornes). — D. 290 à 292 — 537. E. 34,
35, 36.
La Courte Bosse. — A. 60.
Les Bosses. — D. 260 à 289.
La Mète (meta). — B. 673 à 703.
Champ des Dames. — G. 372.
COMMUNE DE SAINT-ÉTIENNE DE BRILLOUET
La Game. — A. 741 à 812 — 1089 à 1131 — 1205 à 1229.
La Folie. — G. 1350.
COMMUNE DE SAINT-AUBIN LA PLAINE
Le Chillou.-C. 1206 à 1265.
Bois des Dames. — D. 252 - 323 à 332.
COMMUNE DE LA CAILLÈRE
La Fraudière. — B. 204 à 206.
Le Chilou. — A. 235.
Petite Game. — A. 78.
Grande Game. — A. 80.
Les Garnes. — A 79 - 81 à 105 — 112 à 124 - 401.
La Folie. — B. 363, 364.
Les Miracles. — A. 170.
COMMUNE DU SIMON-LA- VINEUSE
Camp romain signalé par la'[carte manuscrite de B. Fillon
sur les confins des communes du Simon-la-Vineuse et de
la Réorthe, nonloin des bords du Lay et près de Vlngremière
[la Frontière] point bien caractéristique expliquant la présence
LA GÉOGRAPHIE GAULOISE DU BAS-POITOU 555
sur ce point d'un retranchement. Le Lay était évidemment
une limite.
La Game. — G. 4.
La Petite Game. — G. 771. 772.
La Pierre. — D. 599 à 609. 611 à 619. 625 à 628.
La Fosse aux Bretons. — G. 1277 à 1290.
Idem. A. 122. — B. 1.
Souvenirs des Invasions Normandes : L'assurie (Assuria).
ancienne colonie de mercenaires .étrangers à la solde des lé-
gions Romaines.
s
COMMUNE DE THIRÉ
La Pierre Folle. — G. 9 à 50 — 72 à 78.
Les Galeries. — D. 610 à 694.
Les Garnes. — G. 227 à 238.
COMMUNE DE SAINT-HILAIRE-DU-BOIS
La Pierre couverte du Plessis. — B. 459 à 469.
Les Cailloux. — B. 537.
La Cailloche. - B. 696.
Le Ghilou. — C. 836 à 839 — 1077.
LaGarne. — B. 777 à 783.
Champ de la mète. — B. 708. (Borne milliaire).
St. JUIRE-CHAMPGILLON
Le Petit champ de bataille. — B. 213.
Le champ de bataille. — B. 214-233 à 237. (3k 15* 60e).
Pré de bataille. — B. 310.
Champ de bataille. — B. 311.
Bataille. — B. 312 à 315.
Le Pré du gain de Bataille. — B. 211-212. [Serait-ce l'endroit
où l'on a fait le partage des dépouilles des vaincus ? Que de
choses dans ce cadastre !]
La Game. — F. 1646, 1647, 2299 à 2303,
556 LA GÉ0GRAPH1K GAULOISE DU BAS-POITOU
La Pierre blanche. — P. 351 à 353.
La Cachette. — B. 238 à 250. [Serait-ce un lieu de refuge?]
Les Vieilles Verreries. — A. 523. (Ll1 82").
La Foliette. — F. 99.
La Pierre. - B. 1194-1327.
La Grosse Pierre. — D. 299 à 304.
Les Garnes. — D. 114 à 141.
Petite Garne. — D.659.
Grande Game. — D. 660.
La Folie. — A. 519-520.
La Frèrie. — C. 31.
Champ de la Dame. — D. 981 à 1002.
La Forge. — B. 585 à 598.
COMMUNE DE LA RÉORTHE
Champ de la Bataille. - C. 927 à 931.
Les Pierres. - A. 1209-1211.
Pée pointue. — C. 269-270. (M en hirj.
LeChaillou. — D. 907, 908.
La Pierre. — C. 836, 837.
Champ de Bataille. — B. 23 à 29.
Pée de Bataille. — B. 38.
Les Batailles. — B. 43.
La Folie. — B. 922.
Petite Garnache. — A. 1391.
La Garnache. — A. 1398.
Les Garnes. — C. 137 à 171.
La Garne. — E. 372 à 377.
Les Garnes. — F. 30 à 96.
Le Bois des Vieilles Verreries. - A. 680-681-699.
Le Pâtis » » . - A. 714.
Bois de la Folie. — E. 594-595. — F. 291-292.
La Folie — F. 165-166-287-290.
LA GÉOGRAPHIE GAULOISE DU BAS-POITOU 557
COMMUNE DE SAINT-JEAN DE BEUGNÉ
La Pierre. — B. 278 à 329.
Id. — C 151 à 155.
Le Ghiron. — G. 74 à 97.
Les Forges. — D. 104. — 176-177, 235 à 288.
Champ de la Demoiselle. — B. 577 à 597. — G. 1068 à 1086.
Champ Doullans. — C. 53 à 73.
COMMUNE DE LA JAUDONNIÈRE
Champ Caillou. — A. 159.
La Pierre aiguë. — A. 1117.
Les Pierres aiguës. — A. 1118 à 1125.
Les Garnes. - A. 894 à 917.
id. A. 1037-1028-1143.
id . B. 1257 à 1259 — 1286-1296.
Il
CANTON DE L'HERMENAULT
COMMUNE DE MOUZEU1L
La Garnerie. — C. 563.
Guinefolle. — A. 318. — G. 218.
COMMUNE DE L'HERMENAULT
Le Chaillon. - A. 672 à 699.
La Galerie. — G. 872.
Les quatre Ghirons. — D. 561 à 596.
La Garne. — B. 504.
Les Terpeaux (du gaulois Torpari), élévation, terpe.
558 LA GÉOGRAPHIE GAULOISE DU BAS-POITOU
COMMUNE -DE SÉRIGNÉ
Chiron S,e Badégonde. — A. 263 à 269 - 309 à 322.
Chiron des Fougères. — L. 48 à 55.
La Roche-aux-Pées. — A. 986 à 999.
Cnaillon. — D. 180 à 191.
La Pierre-folle. — L. 624-625 ("existante).
COMMUNE DE St. VALÉRIEN
Le Garon. — D. 1140 à 1143 — 1158 — 1163 — 1183 - 1185 à
1198— 1213 à 1218.
Champ Malet (nomdin). — A. 419 à 435.
Champ de la Folie. — A. 618 à 620.
COMMUNE DE BOURNEAU
Château Gaillard. — A. 436.
La Bastille. — C. 30 à 32.
Le Châtelier. - C. 106 - 109 à 111 — 113 à 196.
Champ du Camp. — B. 178 — 179 7 h.|91 a.
La Chaussée. — C. 933 à 937.
Le Grand Chemin. — B. 720 à 723.
La Pierre. — A. 259 — 262 à 264.
Chemin de Pierre. - D. 417 à 422 — 661 à 687.
Le Bois de la Garne Ronde. — A. 70 — 71.
Champ de la Garne. — A. 73.
Pré du Ballet.— A. 328.
Belin (Belenus). — B. 215 à 218.
Champ de la Dame. — B. 413.
Champ de la Fée. — C. 1112 — 1114.
Champ de la Dispute. — B. 671.
LA GÉOGKAPHIE GAULOISK UU BAS-POITOU 559
COMMUNE DE St CYR-DES-GATS
La Grande bastille. — B. 488.
La Petite bastille. — B. 500.
Château-Gaillard. — B. 830 — Gi4 — 645 — 87'.).
Le Chiron. — C. 907.
La Galerie. — A. 160. — B. 133.
La Grosse Pierre. — C. 239.
La Pierre Percée. — C. 957.
La Bataille. — B. 617.
Les Forges. — C. 193 — 207 — 213 — 216 — 226.
COMMUNE DES St-LAURENT-LA-SALLE
La Pierre. — B. 414.
Chemin du camp. — B. 111.
Petites Garnes. — B. 586.
LesGarnes. — B. 587.
La Petite Garne. — D. 479.
Le Pré Fou (Folles;. — A. 10 — 748.
Chemin de la Folie. — B. 114.
Bois du Prêtre. — B. 936 à 940 - 961 à 967 — 969 à 970.
Champ du Prêtre. — B. 972.
COMMUNE DE MARSAIS
Pierre Fosse du Coudray. — A. 127 à 132.
La Galerie. —A. 671.
Pierre Fosse. — H. 95 à 104.
La Garne. — P. 475.
La Folie. — B. 228-229.
Vieille Fontaine. — H. 79.
L'Ouche aux Prêtres. — H. 287 à 293.
Champs des Balles. — H. 386 à 409.
Pré aux Prêtres. — H. 733.
Champ de la Folie. — 786-787.
500 LA GÉOGRAPHIE GAULOISE DU BAS-POITOU
St. MARTIN DES FONTAINES
La Game. - - A. 290 à 339.
Pré de la Dispute. — C. 252-811.
Pâtis aux Prêtres. — G. 515.
St. MARTIN SOUS MOUZEUIL.
La Garne. — B. 22-73.
La Polie. — 308.
COMMUNE DE NALLIERS
Le Châtelier, — R. 457 à 483. - - H. 590.
Le Chiron. — D. 1101 à 1141. — E. 802. — 184 à 228.
La Galerie. — 233.
Le Bois Sacré. — M. 582.
Bois des Balles. — Q. 1062 à 1082. — 1085.
Bois des Dames. — Q. 1181.
Janus. — D. 1058.
Le Marais aux Prêtres. - 778 à 789.
Château de la Demoiselle. — 285 à298
Vallée aux Gueux. — A. 590 à 600.
COMMUNE DE PETOSSE
Château Gaillard. — B. 164 à 168.
Les Garnes. —A. 277-278.
La Garne. — A. 315.
Les Chirons. - C. 1 à 8. -- 124 à 175.
COMMUNE DE POUILLÉ
La Gallerie. —H. 217.
Les Chirons. D.1696 à 993.
Le Genêt Follet. — E. 48 à 58 — 77a ^3'. — 236.
A. B.
LA TERRE ABANDONNÉE'
Nouvelle Vendéenne
Par Gustave GUITÏON
(Suite*)
VI
Hostilités.
La noce était bien faite à présent. Maintenant que les
derniers invités étaient partis, la vie de travail allait
recommencer. La maison, au lieu des cris de joie de
tout à l'heure, allait s'emplir de silence ; et chacun concourrait
au bien-être général en soignant les bêtes de somme, en
prenant souci du ménage et en s'attachant à la glèbe, féconde
pour ceux-là seuls qui ont soin d'elle, lacajolentet la caressent
avec les ongles des charrues aux socs profondément fouilleurs.
Oui, la noce était faite. Au travail, tous et toutes.
Le repas du soir, qui se prit en famille avec les seuls valets,
fut plutôt piètre, et réduit aux portions très congrues : une
soupe aux légumes et un plat de haricots. D'ailleurs personne
n'avait faim, et chacun se sentait fatigué, ayant surtout
besoin de sommeil.
1 Reproduction interdite aux journaux n'ayant pas traité avec la Société
des Gens de Lettres.
'Voiries livraisons de septembre 1898 et de juin 1899.
362 LA TERRE ABANDONNÉE
Les vieux et les jeunes Poirier causèrent ensemble, ainsi
que les valets, mais sans gaieté ; car toute celle qu'ils avaient
pu dépenser durant ces deux jours de noce, leur avait éteint
le cerveau.
Quand sonnèrent huit heures à la vielle pendule, ils allèrent
se coucher: les vieux Poirier dans le lit de la cuisine, les
nouveaux mariés dans la chambre haute occupée autrefois
par le fils.
Dès que l'aurore eut teinté de couleurs claires l'horizon du
ciel, le coq chanta; et à ce signal, à ce chant de cloches pour
paysans, insensiblement, sans s'être donné le mot, les vieux
Poirier et les jeunes, ainsi que Baptiste et Fernand les valets,
s'habillèrent, et se trouvèrent réunis au même instant, autour
de la grande table, pour y manger la soupe matinale.
— Ça ne vous a pas paru trop dur, hein, ma bru, de vous
lever si matin ? demanda la Rosalie.
— Mais non, maman, répondit Joséphine. Chez mon père,
je me levais toujours à peu près à cette heure-là.
- Dame, fit la Rosalie, heureusement que c'est comme ça;
parce que, voyez-vous, ici c'est notre habitude. Dès le petit
jour, on se lève.
— Je ferai comme vous, répondit Joséphine.
— Mais oui, fit Louis Poirier, vous verrez, la mère, que
Joséphine vous aidera bien.
Manquerait plus que ça ! fit la Rosalie ; parce qu'alors ce
ne serait pas la peine, vraiment, que des jeunes entrent dans
un ménage si les vieux ne doivent pas s'en trouver mieux.
- Je ferai tout ce que vous voudrez, moi, dit Joséphine
conciliante.
- Allons, c'est bon, c'est bon, reprit rudement la Rosalie.
Nous verrons bien.
— La soupe était finie ; il n'en restait presque plus dans la
inde soupière, tant la louche faisait bon office de plongeuse.
La Rosalie apporta des rillettes de porc et du fromage ; puis
chacun se découpa un chanteau dans le pain de ménage de
LA TEKRE ABANDONNÉE 563
douze livres, et mangea ayant étendu avec son couteau, qui du
fromage, qui des rillettes.
Quand tout le monde eut fini :
— Allons! faut aller aux bêtes maintenant, commanda le
père Jean Poirier ; depuis trois jours elles ont dû pâtir.
— Oh ! pas tant que ça, protestèrent les valets.
— Hop! fit Louis Poirier en se levant.
Ils se dirigèrent vers la remise et vers l'étable pour soigner
les bêtes, tandis que la Rosalie et Joséphine ramassaient le
couvert et nettoyaient la vaisselle à grands coups de bras.
Une heure après environ. Louis Poirier revint vers la mai-
son, avant que d'aller aux champs avec son père, sous pré-
texte de chercher sa serpe pour émonder des chiens têtards
dans le champ de la Piaule. La Rosalie était absente ; et Jo-
séphine, se femme, était justement seule. Galamment il lui
prit la taille, et lui mit un gros baiser au coin de la bouche
Joséphine se laissait faire, énamourée, quand la porte du
fond de la salle s'ouvrit. . . Et grondeuse et acariâtre, la voix de
la Rosalie s'éleva dans le silence.
— Dites-donc, vous n'avez donc eu assez de temps pour
vous embrasser, fit-elle.
— Mais je travaille, dit Louis tout penaud, je venais cher-
cher une serpe.
— La serpe n'est pas dans la maison ; tu sais aussi bien que
moi qu'elle est dans la grange. Tu n'as qu'à partir, et à re-
joindre ton père. C'est un couragent, lui, et qui ne boude pas
à la besogne.
— J'y vais, la mère ; j'y vais, répondit Louis. Mais pas tant
de paroles !
— Je parlerai ici tant que je voudrai, dit la vieille femme en
s'animant. Je suis ici chez moi, n'est-ce pas? Si nous avons cette
maison, c'est ton père et moi qui l'avons gagnée en travaillant,
en suant sang et eau ; et ce n'est pas toi, bien sûr, qui en as
gagné une pierre; et ce n'est pas toi non plus qui as gagné, par
tontravail, une motte de terre d'un des champs qu'on possède.
5ô4 LA TKRRE abandonner
Joséphine demeurait tout interdite du ce tapage et de cette
subite sortie de'sa belle-mère.
— Allons, allons, ne vins mettez pas en colère. 1 1 mère,
fit Louis Poirier conciliant Gela, ne sert à rien. Et puis, tenez,
je m'en vais, dit-il en fermant la porte. Le père m'attend.
Allons, tâchez de bien vous entendre tous les deux.
Louis Poirier partit. La Rosalie fut d'une humeur massa-
crante toute 'Ja matinée. Elle donnait à sa bru des ordres
brefs, laissant passer dans ses paroles une sourde rancœur
de ce mariage accompli malgré ses désirs, regrettant qu'il
fut fait; et laissant paraître des allusions vexantes à l'ancien
métier de Joséphine qui, forcément selon elle, devait faire une
mauvaise fermière.
Après le repas de midi, lequel se passa sans incidents,
quand les hommes fut répartis aux champs, les deux femmes
commencèrent à faire la vaisselle. Elles rangèrent les as-
siettes dans le buffet, placèrent les fourchettes et les cuillières
dans les tiroirs, et portèrent les lavures grasses dans
l'auge des cochons. Elles mirent sur le feu, pour les mêmes
cochons, une grande marmite pleine de pommes de terre, du
bois dans le foyer, et se décidèrent, sur l'invitation de la mère
Poirier à sa bru, h aller aux champs cueillir des choux pour la
soupe du soir.
— Vous ne connaissez point nos champs, dit la Rosalie ;
venez avec moi que je vous les montre, en allant cueillir des
choux.
— Je veux bien, maman, dit la jeune mariée.
— Manquerait plus que çaquevousne vouliez pas, bougonna
la vieille, qui décidément avait, depuis le matin, un bien mau-
vais caractère... Allons, hop ! nous allons fermer les portes,
continua-t-elle.
Puis s'apercevant que sa bru avait aux pieds des souliers
découverts.
Ah çà ! mais, continua-t-elle, vous êtes bien mal économe.
Vous ne comptez pas tout de même, n'est-ce pas, aller aux
champs avec des bottines ? Où sont-ils, vos sabots ?
LA TERRE ABAN'DONISÉK 565
Je n'ai pas de sabots, maman, répondit Joséphine ; je n'ai
que des talonnettes.
— Les voilà bien, les muscadines ! Il vous faudra des sabots
de bois comme à. moi, dit la Rosalie. Tenez, déchaussez- vous,
et prenez ma paire de vieux sabots qui sont là, dans le coin.
Ils sont assurément trop larges pour vons ; mais pour une
fois vous n'en mourrez pas. Ça n'est pas loin, où nous allons.
Joséphine souffrait beaucoup du ton agressif de sa mère ;
mais elle supportait toutes ces paroles sans se plaindre, dans
son inconsciente joie de nouvelle épousée.
— Qui sait, se disait-elle, la maman bougonne, sans doute
parce qu'elle croit que je ne puis pas lui être utile dans les
travaux de la ferme, et que mes mains, qui n'ont jamais tou-
ché qu'à de l'empois, sont trop blanches pour donner à man-
ger aux cochons. Mais quand elle verra que je ne suis pas si
maladroite qu'elle le croit, et que je suis remplie de bonne
volonté, elle changera de façons à mon égard. Et puis, je suis
la plus jeune ; donc, je dois céder.
Elle se disait tout cela, Joséphine Poirier, en se déchaussant
et en mettant les vieux sabots de bois, si vieux que, malgré
les clous, ils n'avaient plus de talons ; et que l'un d'eux, ayant
eu son dessus cassé, avait été raccommodé avec une mince
lame de fer-blanc cloué entourant tout le devant du sabot.
Elle se faisait toutes ces réflexions, quand la voix de la mère
Poirier s'éleva, grondeuse.
— Voyons, avez-vous bientôt fini, dit-elle. Ce sera bien la
nuit quand nous reviendrons, si vous n'êtes pas plus vive que
Ça-
Les femmes sortirent en barricadant la porte, et mar-
chèrent côte à côte vers les champs. Elles prirent le chemin
de l'Abreuve, qui était le plus court, parce qu'il se terminait
par un échalier.
Tout en marchant, la Rosalie faisait, à sa bru, la description
du pays traversé.
— Ça, c'est le champ à Michat... Voilà le verger de Lucas...
.*>06 LA TERRE ABANDONNEE
Ce chainp-là est à nous. Il est petit, mais il est bon... Ce pré
est à Boliveau, de la Tessandrie. Il est bon pour le foin les
années d'eau... Voilà un autre champ dont nous avons bien
envie ; il est à Pierret Josille, qui a besoin d'argent, à cause de
son fils qui est établi boulanger à Moreilles, et qui fait de
mauvaises affaires. Mais il en demande trop cher.
Elles arrivèrent enfin au champ du Miot, y cueillirent les
choux pour la soupe, et s'en revinrent par un autre chemin,
où la Rosalie détailla, dans une fastidieuse énumération, les
noms des champs traversés, et ceux de leurs propriétaires.
Joséphine essayait de profiter de ce que lui disait la Rosalie,
et s'efforçait de retenir ses indications ; mais évidemment elle
n'y mettait que peu d'entrain : on sentait que ces détails ne
l'intéressaient pas.
De retourà la maison, elles trempèrent la soupe ; et, lorsque
les hommes furent revenus de leur travail, on mangea.
Après le souper, pris aux lueurs falotes d'une bougie mal
éclairante, chacun s'en alla dormir.
— J'ai remarqué, dit Louis Poirier à sa femme quand ils
furent seuls, que la mère a eu une humeur massacrant durant
toute la journée. Qu'est-ce donc qu'elle a ?
• - Ah ! tu peux le dire, va, qu'elle a eu de la méchanceté,
durant tout le temps que j'ai été avec elle.
— Ça t'a tait de la peine ?
— Bien sûr. Mais pourquoi aussi est-elle méchante comme
ça '? Je ne lui ai pourtant rien fait. Au contraire, tout ce qu'elle
voulait, je le faisais.
— Enfin, cane durera sans doute pas, dit Louis. 11 faut
excuser les vieux. Ils sont bons, au fond ; seulement ils sont
trop grognons. Ça ne durera pas.
— Je l'espère bien, dit la jeune femme : parce que, sans
cela, ce serait à ne pas savoir comment contenter ta mère. Je
veux bien faire mon possible; mais je ne puis faire plus.
— Ça se passera, vois-tu, fit Louis Poirier, très ennuyé de
voir la tournure que prenaient les choses. Moi aussi je suis
LA TERRE ABANDONNÉE 56?
en train de me demander ce que la mère a, contre nous, pour
être toujours en colère comme ça. Seulement, tu comprends,
je l'excuse parce que c'est ma mère. Sans cela !... Allons, tiens,
finit-il, ne parlons plus de cela; et couchons-nous.
Ils s'endormirent dans le calme absolu de la nuit claire. Tous
bruits à présent s'étaient tus. Depuis longtemps les poules ne
gloussaient plus; les bestiaux étaient calmes, et le chien de
garde, Faraud, étendu tout de son long auprès du pailler,
somnolait silencieusement, en gendarme, et prêt à se metlre
sur la défensive à la moindre alerte.
Dès le quatrième jour après son installation à la ferme, la
première brouille grave éclata entre la bru et la belle-mère.
La Rosalie avait dit à Joséphine.
— Venez donc avec moi traire les vaches.
La jeune femme avait pris le pot de fer-blanc, spécial à cet
usage, et avait suivi la mère Poirier.
— Joséphine, ditla Rosalie, quand elles furent arrivées dans
l'étable, trayez donc vous-même les vaches, pour faire voir
comment vous vous y prenez.
— Dame, maman, répondit Joséphine, je veux bien essayer;
mais je n'ai jamais trait les vaches de ma vie.
— Pas possible, s'étonna violemment la Rosalie; vous n'avez
jamais trait une vache 1 Alors qu'est-ce que vous savez faire?
— Je vais toujours essayer, fit Joséphine conciliante ; il faut
bien que je m'apprenne.
Mal disposée, grincheuse, la mère Poirier, d'un coup de pied
violent, envoya promener l'escabelle de bois sur laquelle José-
phine allait s'asseoir pour s'essayer à traire.
— Ce n'est pas à votre âge que vous apprendrez ça, dit la
vieille. Vous n'êtes bonne à rien, voilà tout ; et j'ai eu grand
tort de laisser mon gars se marier avec une muscadine comme
vous.
Joséphine, vexée, commença à pleurer silencieusement de
ce que sa belle-mère la traitait ainsi.
Devant ces larmes, la vieille femme fut loin de désarmer.
TOME XII. — OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRE 39
5)8 LA TKRHK ABANDONNÉS
— Oui, dit-nlle, voilà à quoi vous êtes bonnes, vous autres
des villes. Vous avez de la sensibilité qui ne sert à rien ; mais
vous êtes toutes des fainéantes qui avez toujours peur de vous
salir les doigts à l'ouvrage.
— Enfin, fit Joséphine, vous avouerez bien que je n'aie
jamais pu apprendre à traire les vaches, puisque, chez mon
père, il n'y en avait pas !
Brutalement, la vieille Poirier répondit.
— C'est bien pour ça qu'on ne s'enlendra pas ; parce que
mon gars n'aurait pas dû épouser une muscadine qui n'a
jamais travaillé que dans la dentelle.
— Non, c'est vrai, la mère, répondit Joséphine ; c'est bien
vrai qu'on ne s'entendra pas.
El sur ces paroles elle partit, tout en larmes, et courut se
réfugier à la maison où, la tête dans les mains, les coudes sur
la table, elle se mit à pleurer d'abondantes larmes.
Peu d'instants après, la Rosalie rentra, ayant fini de traire
les vaches. D'abord elle ne prononça pas une parole ; puis à la
fin, devant le mutisaie systématique de sa bru, qui continuait
à garder la même position de corps ; à la fin, la mère Poirier
bougonna de méchantes paroles.
— C'est comme ça que l'ouvrage se fera !... Si les larmes
s'achetiiientau marché, elle n'en ferait pas tant !.. Fainéante !.
Enervée, Joséphine se leva.
— Vous savez, la mère que ça ne peut pas durer comme ça
ici ; et, quand Louis sera rentré, je lui raconterai tout.
— Ah ! ricana la Rosalie, vous voulez raconter tout à mon
gars. Allez-y donc tout de suite, tenez. Il est là-bas, au champ
des Trois Journaux ; vous lui direz ce que vous voudrez
— Dame ! il faudra bien, un jour ou l'autre, qu'il sache
comment vous me traitez. Moi j'en ai assez ; je me révolte à
lafi.i.
— Et moi aussi, j'en ai assez, s'encoléra la Rosalie. J'ai tou-
jours été la maîtresse chez moi, vous m'entendez bien î Tout
ce qu'on a, c'est mon homme et moi qui l'avons gagné, en
LA TERRE ABANDONNÉE 569
travaillant comme des nègres du matin au soir. Et je resterai
la maîtresse ici, la seule maîtresse !
— Je ne pense point du tout à être votre maîtresse, répliqua
Joséphine ; seulement je ne veux pas non plus être traitée
comme la dernière des servantes.
— Moi, je ferai ce que je voudrai chez moi, riposta la Ro-
salie ; et ce qui ne me plaira pas, je le dirai.
— Ah ! tenez, la mère, fît Joséphine impatientée, j'aime
mieux vous laisser toute seule ; parce que ça finirait par des
gros mots... Je m'en vais, fit-elle en prenant la porte; et je
reviendrai quand vous serez de meilleure humeur.
— C'est ça, ricana la vieille rageuse, allez faire un petit tour
de promenade I C'est bien ainsi que se fera l'ouvrage. Heureu-
sement que je suis là !
Puis, sur le pas de la porte :
— Bon voyage, cria-t-elle... Bon vent !.. Bonsoir !
Joséphine prit le premier chemin venu, passa un écha-
lier, puis un autre ; et ayant en sa poche un bas de laine
commencé, et des aiguilles à tricoter, assise sur un vieux tronc
d'arbre que la dernière tempête avait jeté à terre, elle tricota'
machinalement, sans se tromper dans ses points, par la force
de l'habitude, bien que ses pensées fussent évidemment loin
de l'ouvrage qu'elle accomplissait, car ses yeux, parfois, de-
venaient humides, car ses pieds tapotaient le sol nerveusement,
car des haussements d'épaule dénotaient son exaspération et
sa peine.
Elle resta là trois bonnes heures ; et peut-être même y serait-
elle demeurée davantage, si le chien Faraud, fervent de marau-
dages et de braconnages, en quête de quelque vague proie à
déchiqueter sous ses dents aiguës, en train peut-être, simple-
ment, de faire une promenade hygiénique, n'était venu, recon-
naissant sa nouvelle maîtresse, se frôler à ses jupes, et la
caresser des pattes et du museau.
— Faraud, mon bon chien i fit Joséphine en lui caressant
les côtes de la main.
570 LA TERRE ABANDONNÉE
Faraud remua la queue en signe d'allégresse. Joséphine,
s'apercevant que le soleil était bas dans le ciel, enroula son bas
autour de ses aiguilles, le mit dans sa poche, et résolut de
gagner la ferme des Saulaies.
Les hommes, ayant fini leur tâche, venaient justement
d'arriver quand elle entra à la maison. Jean et Louis Poirier
écoulaient la Rosalie qui leur racontait, à sa façon, l'incident
delà journée. Elle terminait par ces mots quand Joséphine
entra.
— Vois-tu, mon gars, tu aurais mieux fait de suivre nos
conseils ; ta femme est une fainéante qui ne sait rien faire et
ne veut rien faire.
Louis Poirier, dès qu'il vit sa femme, lui demanda à. brûle-
pourpoint.
— G'est-il vrai que tu n'as pas voulu aider la mère à traire
les vaches?
— Mais non ; seulement je ne savais pas le faire ; alors je
lui ai demandé à ce qu'elle m'apprenne, et elle n'a pas voulu.
— Elle ment comme une arracheuse de dents, cria la mère
Poirier.
— Voyons, dit Jean Poirier, qui ne prenait généralement
la parole que dans les occasions graves ; voyons, vous n'allez
pas recommencer à vous quereller à nouveau. Toi, la bour-
geoise, occupe-toi de ton dîner ; et toi, la petite, tu n'as qu'à
aider à ta mère. Louis et moi nous allons voir dans les étables
comment cela ce passe. Dans une demi-heure on se mettra à
table. Allons, oust ! et que ce soit fini.
— Fini pour recommencer, murmura Louis Poirier. Ce n'est
pas Dieu possible que maman s'entende avec ma femme. Tout
ça ne finira pas bien.
— Tais-toi, fit Jean Poirier. Personne ne te demande rien.
Viens avec moi.
Le père et le fils sortis, les deux femmes restèrent seules.
— Qu'est-ce que vous voulez que je fasse, demanda poliment
Joséphine.
LA TERRE ABANDONNÉE 571
— Plus rien à faire ne reste, fît la Rosalie ; puisque j'ai fait
l'ouvrage toute seule pondant que vous, vous étiez à vous
promener.
— Je vais mettre le couvert ?
— Oui, si ça ne vous fatigue pas trop.
Ce turent les seules paroles qui s'échangèrent entre la
Rosalie et Joséphine avant la rentrée des Poirier et des valets.
Le dîner fut silencieux.
Quand le dîner fut pris, selon son habitude contractée au
régiment, Louis Poirier alla prendre sur le manteau de la
cheminée sa pipe qu'il bourra, l'alluma et sortit à la porte, où
il s'assit sur une pierre en fumant. Sa pipe finie, il rentra. Le
père Poirier était déjà couché, et les femmes finissaient le
ménage.
— Je vais dormir, dit Louis Poirier, en prenant le loquet
de la porte.
— As-tu barricadé l'entrée de Pétable? demanda la mère.
— Oui.
— Et la claie de la cour?
— La cour est fermée.
Les deux femmes, peu après, ayant mis tous les objets en
place, se séparèrent.
— Au revoir, maman, dit Joséphine.
— Au revoir.
Cette journée était enfin finie. Elle avait trop duré. Comme
bien l'on pense, les deux jeunes mariés eurent des explications
dès qu'ils furent réunis. Joséphine raconta comment s'étaient
passées les choses; et Louis, qui sentait quelle avait raison,
ne put s'empêcher de l'approuver.
— Ça ne durera pas comme ça, fit-il ; ça n'est pas possible.
— Et puis, moi, tu sais, fit Joséphine, je n'en veux plus, de
cette vie-là, si elle doit durer. Toujours en guerre, toujours
des gros mots. Je n'ai jamais été habituée à être traitée ainsi
chez mon père.
— Il n'y a pas à dire, constata Louis, la mère a une dent
•r>7^ LA TERRE ABANDONNÉE
contre toi. Le père, lui, ne dit presque rien ; mais sûrement il
prend le parti de maman.
— Tu vois bien qu'on ne pourra pas s'entendre.
— Je le crains. Nous partirons si cela recommence.
— Mais qu'est-ce qu'on fera?
— Eh bien, je serai facteur. J'ai demandé une place, et je ne
dois pas tarder à l'obtenir.
— Tu ferais peut-être bien d'aller trouver, de nouveau,
M. Georget, et de le supplier de l'avoir : parce que, vois-tu,
moi, je ne vivrai jamais dans ces conditions.
La grosse voix du père Poirier s'éleva en ce moment de
l'étage inférieur.
— Hé 1 dites donc, vous ne pourriez pas causer un peu moins
fort ! Vous nous empêchez de dormir
Ils se turent, en constatant, à nouveau, de quelle acrimonie
ces paroles étaient pleines, et combien était grande l'animosité
qui régnait désormais entre eux quatre.
Les derniers jours de la semaine se passèrent, avec d'autres
petites scènes de moindre importance, entre la mère Poirier
et sa bru. Le dimanche matin, Louis Poirier, sous prétexte
de conduire sa femme à la messe de dix heures à Puymaufre-
Saint-Jean, fila droit chez le député Georget, aux Essores.
Il fut reçu, après la demi-heure d'attente ordinaire, par
M. Georget, dans le même petit salon pour solliciteurs peu
influents.
— Ah ! c'est vous, Poirier ! Bonjour.
— Bonjour, monsieur le député. Je venais pour savoir si
vous n'avez pas de nouvelles de ma place.
De votre place de facteur, oui... Eh bien, voilà; j'en ai et
je n'en ai pas. J'ai des promesses formelles que vous aurez
votre place.
— Ah ! monsieur le député, je vous remercie bien.
— Seulement, continua M. Georget, il faut attendre encore
un peu.
— Combien de temps? interrogea Louis Poirier désappointé.
LA TKRRK ABANDONNÉE 57c5
— Oh ! désormais ça ne saurait tarder, mon cher ami.
Seulement, vous comprenez bien qu'avec le nombre de de-
mandes qui existent, il est assez difficile d'arriver, comme ça,
du premier coup.
— Oui, monsieur le député ; mais voilà bien longlemps
que j'attends.
— Et les autres aussi attendent depuis longtemps, répli-
qua M. Georget impatienté. Croyez bien que si vous n'avez
pas votre place ce ne sera pas de ma faute. Je mets tous mes
soins à vous la faire obtenir, parce que je crois que vous
méritez qu'on s'occupe de vous, qui êtes un bon et ferme ré-
publicain.
— Vous êtes bien honnête, monsieur le député, remercia
Louis Poirier, très flatté. •
— Espérez donc, voilà ce que je puis vous dire. Gela vien-
dra sans doute plus tôt que vous ne pensez. Et sur ce, dit
M. Georget en tendant la main pour congédier son visiteur;
sur ce, bon espoir, et au revoir. Dès que j'aurai la nouvelle de
votre nomination, je vous écrirai.
Louis Poirier salua très bas, et passa la grille pour prendre
la direction de Puymaufre.
Il pleuvait. Sous le large parapluie de cotonnade bleue,
assez vaste pour abriter trois personnes, et lourd plus que de
raison, Louis Poirier marchait d'un pas allègre, malgré le
vent qui fouettait les plis de sa blouse. Il réfléchissait à ce
qu'il venait d'entendre. Certes, il n'y avait pas à dire, les
paroles de M. Georget étaient vagues, et les espoirs qu'il
donnait semblaient retenus à la réalité par des fils bien fra-
giles. Pourtant, il espérait, et prenait plaisir à rêver de sa
future place de facteur. Il se voyait déjà coiffé de la casquette
spéciale, et vêtu du paletot bleu à liseré rouge parcourant
les campagnes chargé de sa boîte aux lettres, et distribuant
les missives et les prospectus à leurs destinataires. Et de
cette fonction qu'il désirait tant accomplir, il se sentait tout
fier ; et il ne se disait pas que si jamais son rêve se réalisait,
574 LA TERRE ABANDONNEE
il éprouverait peut-être quelque ennui à marcher sous la pluie,
durant trente kilomètres peut-être, avec le temps, par
exemple, qu'il faisait aujourd'hui.
De réflexions en réflexions, au fil de son rêve, Louis Poirier
arriva enfin à Puymaufre, où il trouva sa femme chez son
père, ainsi qu'il en avait été convenu entre eux.
Très rond en affaires le père Tripaud aborda, tout de gô, la
question.
Qu'est-ce que sa fille venait de lui raconter? On lui faisait
des misères, là-bas ? Elle ne s'entendait pas avec sa belle-
mère, qui lui cherchait des raisons, sous prétexte qu'elle n'était
pas travailleuse ?
Le silence de Louis était affirmatif.
— Ainsi, c'est vrai ?
— Très vrai. Je ne sais pourquoi la mère a toujours eu mau-
vais caractère depuis le mariage.
— Qu'est-ce qu'elle a à reprocher à Joséphine?
— Mais, rien. Elle dit qu'elle ne peut pas traire ses vaches.
— Est-ce qu'elle ne savait pas, avant le mariage, que José-
phine était lingère, et que, par conséquent, ce n'était nullement
son métier de traire les vaches.
— Je le sais bien, répondit Louis. C'est ce que je lui ai dit ;
mais elle est têtue et ne veut rien entendre.
— Faudra pourtant que ma fille ne souffre pas chez vous,
dit d'une voix ferme le père Tripaud ; sans cela, vous savez,
moi je leur dirai leur fait, à vos parents.
— Ce ne sera pas la peine, dit Louis. Je pense que chez nous,
on ne pourra jamais s'entendre. Aussi je prends les devants ;
et je viens justement de demander à M. Georget le député, si
j'allais bientôt avoir ma place de facteur.
— Et qu'est-ce qu'il vous a répondu ?
— Que désormais ça ne tarderait pas.
— Bien vrai ?
— Bien vrai.
— Alors, dit le cordonnier, c'est peut-être ce que vous avez
LA TEHRK ABANDONNÉE 575
t
de mieux à faire, les enfants. Quittez les Saulaies quand vous
aurez votre place, si ça ne prend pas meilleure tournure.
Ils trinquèrent, le beau-père et le gendre, avec du vin clairet.
Les jeunes mariés étendirent un peu de fromage sur du pain
qu'ils mangèrent, afin de se donner des forces pour le retour ;
et comme sonnait le Magnificat des Vêpres, ils se dirigè-
rent vers la ferme des Saulaies.
En s'en retournant, les deux jeunes mariés se sentaient tout
énamourés sur la route blanche, à peine humide, par ce clair
soleil qu'il faisait à présent. Leur chagrin se dissipa quelque
peu aux pressions de main furtives, et à quelques gros baisers
qu'ils se prirent, comme autrefois, avant d'être mari et femme,
du temps qu'ils se faisaient la cour, lui entreprenant, elle se
laissant faire. Lorsque quelque homme ou quelque femme
apparaissaient sur le chemin, ou dans un champ, ils devenaient
plus sérieux, et cessaient de gaminer. Quand ils ouvrirent la
barrière de la cour de la ferme, ils étaient. tout joyeux ; ettoute
peine était passée.
Ils virent les deux vieux devant la maison, assis sur le banc
de pierre, comme c'était leur habitude le dimanche, dans
l'après-midi, quand il faisait du soleil. Et leur figure à tous
deux se rembrunit, à la vue de leurs parents.
D'autant plus que la mère Poirier les reçut par cette parole
sèche :
— On croyait que vous ne viendriez pas.
— Dame, fit Louis, nous sommes restés un peu à causer
avec le beau-père.
— Et pendant ce temps-là, j'étais tout seul à soigner les
bêtes, comme du temps que tu étais au régiment! Encore, en
ce temps-là, j'avais un valet de plus !
— Vous ne m'aviez pas dit de rentrer de bonne heure, répli-
qua Louis.
— Tu as donc besoin qu'on te rappelle tous les matins à ton
devoir, dit d'un ton sec le père Poirier.
La querelle était imminente, mais elle n'éclata pas. La jeune
576 LA TKKHK ABANUONNEK
femme alla dans sa chambre changer de hardes. Quant à Louis
Poirier, il s'assit philosophiquement auprès de sa mère, et ne
dit mot, se contentant, après un bon quart d'heure de silence,
de demander s'il restait quelque bête à panser, ou quelque
ouvrage à faire, pour qu'il s'en occupât.
— Non, répondit Jean Poirier ; il n'y a plus rien à faire. J'ai
travaillé, moi, pendant que tu n'étais pas là.
Puis, comme Louis ne répondait pas, un mutisme réciproque
s'établit, durant une demi-heure à peu près. Et, quand José-
phine, en robe simple, arriva se joindre à la famille, la con-
versation reprit, sur les banalités de la pluie et du beau temps,
les nouvelles du bourg, les giboulées à craindre, le prix élevé
du dernier cochon vendu par leurs voisins les Chamarre, et
toutes autres choses intéressant, plus ou moins directement
l'entreprise agricole.
La fin de l'après-midi ne fut marquée par aucune brouille
entre les deux femmes, non plus que le lendemain et le sur-
lendemain ; mais, le mercredi matin, comme il pleuvait, et que
Joséphine n'avait pas encore de sabots de bois à elle, ceux
qu'elle avait commandés au sabotier de Puymaufre n'étant
pas encore achevés, elle fit, en prenant les vieux sabots de sa
belle-mère, la réflexion que ces sabots lui trop étaient grands
et usés, puisqu'ils n'avaient plus de talons, malgré les gros
clous qui y avaient été à maintes et maintes reprises enfoncés.
— Il vous faudrait peut-être des bottines pour aller dans la
boue, fit la Rosalie d'une voix aigre.
— Mais non ; seulement les sabots que j'ai commandés ne
sont pas faits.
— Allons donc ! Avec ça qu'il n'y en avait pas de tout faits
chez le sabotier !
— J'en ai essayé ; ils ne m'allaient pas.
— C'est ça, dit la mère Poirier, de méchante humeur évi-
demment ce matin-la. C'est ça, sur mesure, comme les dames !
— Oh ! comme les dames ! reprit naïvement Joséphine. Les
dames ne portent point de sabots,
LA TKRKE ABANUUNNÉK 577
— Oui ; et c'est, pour ça que vous qui êtes une dame, n'est-
ce pas. vous n'en aviez pas pour entrer en ménage ?
— J'avais des talonnettes usées ; mais c'est encore plus
mauvais que les vieux souliers pour marcher dans la boue.
— Eh bien, après? dit la mère Poirier. Qu'est-ce que ça ferait
quand même vous vous saliriez les pieds dans la boue? Ce
n'est pas déshonorant d'avoir les pieds sales, quand c'est le
travail qui vous les a salis.
— Bien sûr !
— Seulement, continua la vieille Poirier qui ne désarmait
pas ; seulement voilà, toutes les filles du bourg- sont comme
vous ; elles sont toutes des coquettes, toutes des fainéantes
qui ne sont bonnes à rien, toutes des muscadines.
— Enfin, maman, fit Joséphine, vous êtes toujours à me
reprocher que je suis une muscadine ; mais je fais ce que je
peux ici. Si je ne fais pas mieux, c'est que je ne peux pas ; et
en tous cas, je ne suis ni une coquette, ni une fainéante.
— C'est vous qui le dites, nargua la mère Poirier.
— Ahl c'est trop fort, à la fin; c'est trop injuste, dit la jeune
femme. Comment! je fais ce que je peux chez vous, et vous
trouvez que je ne travaille pas assez! Je me tiens à quatre
pour ne pas vous répondre quand vous me dites des choses
désagréables, et vous semblez faire exprès de me lancer, à la
moindre occasionnes reproches les plus vexants.
— J'ai le droit, chez moi, de dire ce que je veux. Je suis
chez moi, vous entendez?
— Eh ! je le sais bien que vous êtes chez vous. Je serais trop
dure à comprendre si je ne le savais pas; vous le répétez
assez souvent !
— Et je dirai ce que je veux chez moi, continua la Rosalie,
agressive de plus en plus.
Joséphine, à ces paroles, se laissa emporter par la colère.
— Dites toujours, allez, cria-t-elle; mais bientôt vous direz
ça toute seule.
La vieille Poirier, qui tenait un balai, le laissa tomber, de la
stupéfaction qu'elle eut d'entendre pareille parole.
578 LA TERRE ABANDONNÉE
— Qu'est-ce que vous voulez dire ?
— Je dis, fit Joséphine, qu'avec la vie que vous me faites
mener ici, il faudra bien que je parte de chez vous, puisque
vous êtes chez vous ici.
— Vous voulez partir?... Avec mon gars?
— Bien sûr. Si vous croyez que Louis a la vie plus heureuse
que moi, vous vous trompez. 11 consentirait encore à ce que sa
femme soit la servante ici, et moi aussi d'ailleurs ; mais
jamais il ne voudra, pas plus que moi, que nous soyons
regardés chez vous comme des chiens.
— Vous êtes une propre à rien, s'enflamma la Rosalie, Et il
y a longtemps que j'ai prévu ce qui arrive. Je ne voulais pas
le mariage, moi; je n'en ai jamais voulu. C'est Poirier qui
s'est laissé attendrir, et qui m'a forcé à donner mon consen-
tement. Sans cela vous ne seriez pas ici à mettre le désordre
dans la maison.
— Je vois bien, moi, constata Joséphine, que vous ne
pouvez pas me souffrir, et qu'il faudra se séparer un jour ou
l'autre.
— Le plus tôt possible sera le mieux, reprit la vieille.
— C'est bien. Soyez sûre que vous n'attendrez pas long-
temps. Moi, d'abord, je n'en veux plus de cette vie-là !
A partir de ce moment, les deux femmes, sans se dire un
mot-, vaquèrent à leurs occupations, tantôt ensemble, tantôt
séparément.
Quand les hommes vinrent à la soupe de midi, il y eut une
scène assez violente. Jean Poirier soutenait sa femme; et
Louis Poirier prenait le parti de Joséphine.
— C'est bien, dit Louis, nous partirons, puisque nous ne
sommes pas ici chez nous.
— Qu'est-ce que tu feras, grand fainéant? dit la mère.
Prendras-tu une terre à ton compte?
— Non.
— Tu te gageras, alors?
— Non plus. Je sais bien ce que je ferai. Je serai facteur,
LA TERRE ABANDONNÉE .779
— Facteur ! Facteur ! cria le père Jean, que l'idée de voir un
jour son fils facteur exaspérait. Crois ça et bois de l'eau, mon
fieu 1 Tu seras facteur d'abord si tu as ta place; et ta place, tu
ne l'auras pas. Tu es en train de te faire berner de la plus
belle façon, par ton fameux député qui te protège.
— Je vous dis, moi, que j'aurai ma place.
— Si tu l'as, tu ne remettras plus les pieds chez nous en
uniforme, tu sais. Si tu méprises les paysans, les paysans te
dédaigneront.
— Oui, dit la Rosalie, notre gars a honte de notre métier ; il
a bien pris la femme qu'il lui fallait.
— Ah ! Assez, enfin ! dit Louis tout rouge de colère, en
frappant sur la table un grand coup de poing. Un mot de plus,
et Joséphine et moi nous partons d'ici, pour n'y plus remettre
les pieds, comme vous dites.
Ce coup de poing de Louis, calme et respectueux à l'accou-
tumée, arrêta net la discussion.
Aucune parole aimable ne fut plus échangée désormais,
non seulement toute la fin du jour, entre les deux camps
adverses, mais durant toute la semaine. S'il y avait un ordre
à donner pour de l'ouvrage à faire, il était dicté par un mot
sec, un geste bref.
L'harmonie était rompue totalement chez les Poirier; et il
n'y avait nulle chance pour qu'elle se rétablit. C'était la
contrainte éternelle, le mauvais accord passé à l'état définitif,
et la brouille complète imminente, que le moindre incident
allait faire éclater.
(A suivre)
Gustave GU1TTON.
*+*>
LA
SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE
EN BRETAGNE
(suite1)
VII
Arrivée à Brest — Quelques mots d'histoire.
Visites du port militaire et du Château.
A huit heures du matin, les membres de la Société sont
réunis à la gare de Morlaix. Quelques minutes après,
on s'embarque pour Brest, après avoir fait mentale-
ment nos adieux à la ville de Morlaix, délicieuse localité, de
laquelle nous garderons longtemps un agréable souvenir.
En sortant de la station, la voie ferrée décrit une grande
courbe vers le sud, puis on passe rapidement devant Pleyber-
Ghrist, remarquable par son clocher pourvu d'une jolie flèche
de la Renaissance. Le convoi, dévorant l'espace, nous donne
à peine le temps de reconnaître les églises de Saint-Thégonec,
Guimiliau et Lampaul, visitées l'avant-veille. Après Landivi-
siau, on suit la rive gauche de l'Elorn, (ou rivière de Lander-
neau), petit fleuve ayant un cours de 65 kilomètres, prenant
' Voir la lirraiion de septembre 1891.
KN BHETAGNK 581
sa source dans les montagnes d'Arrée, à l'aspect mélanco-
lique. Le paysage ne manque pas de poésie jusqu'à Lander-
neau. Je me propose de faire la description de cette localité,
si fameuse par le dicton populaire, lors de l'excursion inscrite
au programme.
Le chemin de fer suit la rive droite de l'Elorn, dont les eaux
grisâtres vont se perdre dans la rade de Brest. On passe à
côté des ruines du château de la Joyeuse-Garde, célèbre dans
les romans de chevalerie. Après la station de Kerhuon, on
aperçoit de nombreuses villas, appartenant aux opulents
Brestois, puis, après avoir traversé une profonde tranchée,
on entre en gare de Bresf.
Cette ville, surnommée par Jules Janin « la reine de l'O-
céan », est admirablement située à l'entrée d'une immense
rade fermée par un goulet étroit. De chaque côte de la passe,
il y a des amas de rochers et des blocs de granit défendant
naturellement l'entrée du port militaire. Une ceinture de rem-
parts, à l'aspect sinistre, entoure cette cité cosmopolite habitée
en majeure partie par de braves marins parcourant toutes les
mers du globe.
Le cardinal-ministre Richelieu est considéré comme le
fondateur du port militaire. Jusqu'en 1630, la ville avait peu
d'importance et ne possédait aucun ouvrage destiné au déve-
loppement d'un arsenal. Gomme édifice religieux, cette ville
n'avait que la chapelle de l'ancien château démolie en 1819.
Le faubourg de Recouvrance fut fondé en 1660. Il s'aDpelait
dans l'origine Bourg de Sainte-Catherine ; il y a encore dans
ce quartier des maisons datant de l'époque de Louis XIV.
A cette époque cette partie de la ville, séparée par la Penfeld,
était plus importante que Brest. Quelques années plus tard,
elle prit le nom de Recouvrance en souvenir de la dévotion
des fidèles pour le Recouvrement des absents à la mer. Le
maréchal Vauban, ayant fait construire une enceinte de forti-
fication, Recouvrance fut réunie à la ville de Brest en 1680,
Louis XIV éprouva de sérieuses difficultés pour établir l'ar-
582 LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DARCHÉOLOGIE
senal, les magasins et tout le matériel constituant le port de
guerre, parce que les Bretons, gens indépendants et soupçon-
neux, croyaient que la liberté de leur pays était menacée. Le
Parlement de Bretagne fait défense aux maîtres de forge de
fondre des canons et les seigneurs du Faou et de Crasnou ne
peuvent livrer leur bois à la maison royale, sous peine d'une
forte amende1. Mais le Roi-Soleil brise tous les obstacles et
oblige le Parlement à capituler. Les ingénieurs creusent la
Penfeld, (tête du camp), petit ruisseau de peu d'importance,
qui deviendra bientôt le port de guerre puis ils font sauter
des mamelons de granit, afin «le l'élargir. Dix vaisseaux de
ligne et six frégates se construisent dans cet arsenal devenu
un des plus importants de l'Europe, sous la direction de
maître Laurent Plubac, charpentier du roi.
Vers une heure de l'après-midi, l'assemblée des congressis-
tes est convoquée à la salle de la Bourse. M. de Marsy expose
le programme de la journée, et énumère les curiosités de
Brest qui seront appelées à être visitées aujourd'hui : le port
de guerre, le château, le musée et l'église Saint-Louis.
Le départ a lieu de la place du Champ de Bataille, vaste
rectangle encadré d'une double rangée d'arbres. A l'angle de
la rue d'Aiguillon se trouve le théâtre, incendié deux fois en
cent ans (1766-1866). De là, on gagne la rue de Siam, une des
voies les plus animées de la ville, appelée ainsi au souvenir
de l'ambassade envoyée par le roi de Siam à Louis XIV en
1684.
Une des plus grandes attractions de Brest est sans contredit
le grand pont, construit sur la Penfeld, destiné à réunir le
faubourg de Recouvrance à la ville. Ce pont tournant, unique
en son genre, établi d'après les plans de MM. Gadiat, archi-
tecte, et Oudry, ingénieur, mesure 117 mètres de longueur :
il a été inauguré en 1861. La dépense s'est élevée, paraît-il, à
trois millions de francs.
1 La Bretagne, par Jules Janin, p. 581.
EN BKUTAGNK 583
Je résume en quelques lignes la visite à l'arsenal. J'ai dit
plus haut que le port de guerre était établi sur le Penfeld.
Elisée Reclus compare cette rivière à une rue^de Venise avec
ses immenses magasins et ses ponts flottants. Devant le ma-
gasin général, on passe devant la Consulaire, énorme pièce de
canon (5 mètres de hauteur) fondue en 1548 par les Vénitiens.
Cette pièce d'artillerie fut prise en 1830, lors de la conquête
d'Alger, par l'amiral Duperré. En 1683, l'amiral Abraham
Duquesne, bombarda Alger, afin de punir les pirates de leurs
méfaits. Le dey Ibrahim envoya en qualité de parlementaire
le missionnaire Levacher, consul de France, près de l'amiral
commandant l'escadre pour obtenir la cessation des hostilités.
Les démarches du pauvre Levacher étant restées sans succès,
le terrible dey fit placer le représentant de la France à la
gueule de la Consulaire.
Une magnifique statue, placée sur une fontaine, fixe mon
attention. J'apprends que c'est le Triomphe d'Amphytrite, due
au ciseau de Coysevox, artiste Lyonnais, surnommé le Van
Dyck de la sculpture. Cette statue ornait autrefois la cascade
du château de Marly.
En visitant le musée de la marine, j'ai remarqué dans une
vitrine, un gigantesque couteau qui a servi à trancher la tête
de Gourdon-Warhouse , gentilhomme écossais , convaincu
d'espionnage. Le 24 décembre 1769, il fut condamné à mort
par un conseil de guerre présidé par M. de Clugny, intendant
de lamarine. En ce temps-là, on ne badinait ni avec les espions
ni avec les traîtres. Je note quelques bustes de marins célè-
bres, tels que du Coëtlogon, Chateauregnault, Comte de
Toulouse, Suffren et du Couédic1 placés dans le pourtour
de la salle. Le musée contient nombre de petites merveilles
que je ne puis énoncer ici et qui font l'admiration de nos
collègues.
Après la visite de l'arsenal, on se rend au château. Cette
i Celui-ci compte encore quelques représentants en Vendée.
TOME XII. — OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRE. 40
584 LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE
ancienne forteresse du moyen âge offre un aspect imposant
avec ses tours, ses remparts, ses bastions et ses courtines
élevées. Placé entre le port marchand et le port militaire, ce
lieu fortifié est bâti sur un rocher formant une sorte d'éperon
s'avançant dans la rade. Sa forme est celle d'un trapèze ayant
une superficie de près de deux hectares. Les angles sont mu-
nis de tours.
Le portail d'entrée, érigé en 1461, est formé par deux tours
semi-circulaires garnies de mâchicoulis. Actuellement cet an-
cien château-fort, ayant appartenu naguère aux puissants sei-
gneurs bretons, sert de caserne. Dans une petite cour, on
nous fait voir des murailles datant de l'époque des Romains
et sur lesquelles les architectes du moyen âge ont bâti des
constructions qui existent encore. Une des tours du château
porte le nom de César ; mais il paraît certain que l'illustre con-
quérant des Gaules n'a jamais poussé ses incursions jusqu'à
la pointe extrême de i'Armorique, puis ladite tour ne remonte
qu'à la fin du XIe siècle. L'histoire du château de Brest est
bien intéressante, mais, à mon grand regret, je ne puis la re-
produire dans ce modeste compte-rendu. Je me contenterai de
rappeler que cette place-forte a été disputée pendant deux siè-
cles entre les Bretons et les Français.
Les cinq tours sont ainsi dénommées : celle d'Agenor, de
Brest, de César, des Anglais et de la Madeleine, plus le donjon,
véritable citadelle, et qui isolé du corps de la place, était jadis
habité par les gouverneurs. La Salle des Gardes, l'ancienne
chapelle construite dans l'épaisseur des murs, la Chambre, ou
fut enfermé Charles de Blois, avant que ce prince infortuné
fut incarcéré à la Tour de-Londres, sont visitées avec intérêt;
au-dessous se trouvent une infinité de couloirs obscurs con-
duisant aux anciens cachots Un trou béant annonce les tradi-
tionnelles oubliettes. J'avais visité en 1872 ces sombres réduits
et je me suis tenu pour satisfait
Je regagne mon hôtel en passant par le cours Dajot, magni-
fique promenade plantée d'arbres séculaires formant un dôme
EN BRETAGNE 585
de verdure ravissant. Splendide vue sur la rade !!! A chaque
extrémité du cours se trouve une statue, l'une représentant
Neptune, l'autre l'Abondance, attribuées à Goysevox. Ces deux
œuvres d'art proviennent du jardin deMarly et ont été données
à la ville de Brest en 1801. Cette promenade a éié créée en 1709
par M. Dajot, officier de génie. Je comprends le légitime or-
gueil des Brestois pour ce délicieux séjour.
Vlll
Excursion à Morgat et à Camaret.
Visite des monuments druidiques du Toulinguet.
A six heures et demie, la réunion des savants a lieu au port
de Commerce. Un bateau à vapeur, frété par le Comité d'orga-
nisation, nous attend près de la grande jetée. Le temps,
quoique brumeux, n'inspire pasd'inquiétudepour la traversée.
D'après le dicton de nos braves matelots faisant partie de
l'équipage, le temps ri est pas à la malice. Un :oup de sifflet
strident déchire l'espace et nous quittons le port.
L'aspect de la rade est vraiment grandiose ! ! ! Plusieurs
navires sont à l'ancre à l'entrée du port de guerre. Nous
passons à côté du Borda, vaisseau-école destiné à l'instruction
des jeunes officiers de marine. Ce monstre marin, complè-
tement immobile semble sommeiller sur la surface unie des
ondes. En jetant un regard en arrière. Brest disparaît peu à
peu; les énormes tours du château paraissent des miniatures,
les arbres verdoyants du cours Dajot se perdaient dans
l'horizon grisâtre du lointain. Encore quelques centaines de
mètres... la puissante cité maritime se dérobe à nos regards! ! !
Avant d'entrer dans la passe, surnommée le Goulet de
Brest, on laisse à gauche la presqu'île de Roscanvel à l'extré-
mité de laquelle se trouve la pointe des Espagnols, nommée
586 LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE
ainsi au souvenir du glorieux fait d'armes accompli par le
maréchal d'Aumont, qui en 1594, délogea, un corps d'armée
composé en grande partie d'Espagnols secondés par les
troupes du duc de Mercœur. Le but de cette coalition entre
les soldats de Philippe II et des hommes d'armes du chef des
Ligueurs, était de brûler la ville de Brest. Les géographes
appellent la presqu'île de Roscanvel, le Gibraltar de la France,
tandis que le Goulet est surnommé les Dardanelles. A droite et
à gauche, il y a des forts destinés à la défense de la rade.
Les contours du promontoir de Quiléen consistent dans
d'immenses rochers formant une muraille brunâtre à l'aspect
sauvage. Plus loin, à la sortie du rocher, se trouvent des blocs
de roches sans cesse battus par les flots : flux et reflux est
indiqué par une marque blanche sans cesse découverte par le
mouvement des eaux. Je remarque un énorme roc, ayant une
forme aiguë, s'élevant à plus de dix mètres et ressemblant
de loin à un menhir. Un autre amas de roches donne l'aspect
d'un château-fort avec son pont-levis, ce qui rappelle l'image
de ces châteaux enchantés hantés par des sirènes dont les
trouvères du moyen-âge nous ont chanté les gracieux poèmes.
Quelques marsouins escortent joyeusement notre embar-
cation. La mer sans être très grosse secoue suffisamment
notre navire. Plusieurs passagers se trouvent indisposés, ce
qui donne lieu à des incidents plaisants. Je me souviens no-
tamment d'un certain archiviste d'un département du midi de
laFrance qui, rentré brusquement dans la chambre du pilote,
y commit involontairement quelques dégâts... Materia com-
plevit calceos ! ! ! Heureusement, après avoir contourné le cap
de la Chèvre, situé à l'extrémité de Grozon, l'océan devient
plus calme et nous entrons dans la baie de Douarnenez, pa-
raissant un immense lac, aux eaux lazulites et somnolentes.
Le bateau stoppe à quelques centaines de mètres de la
plage de Morgat. On gagne la rive à dos d'homme et on va
visiter les curieuses grottes de l'Autel et de Sainte-Marine.
La première me fait penser aux contes des Mille et Nuits,
EN BRETAGNE 587
parce que cette cavité, creusée par la mer, est profonde de
40 mètres et large de 15, elle parait être le refuge de quelque
bon génie veillant sur la plage de Morgat.
Au centre, se trouve un rocher en forme de table et que
les habitants, appellent l'Autel. La mer s'engouffre avec un
bruit assourdissant dans un obscur réduit situé à notre
gauche. L'autre grotte, s'appelle Sainte-Marine, en souvenir
de la patronne des pêcheurs. Un jour, l'océan étant démonté,
un canot allait périr, quand l'équipage se mit à implorer le
secours de Sainte-Marine. Tout à coup une brèche s'ouvrit
dans le rocher et le petit bateau fut sauvé.
La petite station balnéaire de Morgat possède un grand
Hôtel, dont nous avons pu apprécier l'excellent confort. La
plus franche gaieté n'a pas cessé de régner pendant tout le
repas. A deux heures nous nous embarquons de nouveau
pour retourner à Brest, en faisant escale à Camaret. Une
immense jetée protège le port. En suivant le quai menant au
village, on passe à côté d'une petite chapelle de style Renais-
sance, dédiée à Notre-Dame de Bon-Secours, bâtie en 1560.
On se dirige rapidement vers les- alignements mégalitiquesdu
Toulinguet, qui passent pour être les plus remarquables de
l'ancienne Armorique après ceux de Garnac. Sur un terrain
uni et aride, se trouvent des menhirs, au nombre de 41 sur une
longueur de 600 mètres. Il est regrettable que quelques-
unes de ces énormes pierres aient été arrachées du sol ; ce
qui soulève des murmures de protestation proférés par l'as-
semblée tout entière. Notre sympathique collègue, M. du Ghâ-
tellier, inspecteur de la Société pour le département du Finis-
tère, est chargé de dresser un rapport sur ces actes de
vandalisme et d'en informer M. le Préfet.
L'arrivée à Brest a lieu sans incident.
(A suivre.) Ed. du Trémond.
CORRESPONDANCE
UNE REPONSE A MM. CRETINEAU-JOLY
Angers, 24 norembre 1899.
Monsieur le Directeur,
Le 15juillet dernier, MM. Crétineau-Joly, fils "du grand historien»
de la Vendée militaire, écrivaient à Mgr Pasquier, Recteur de
l'Université catholique de l'Ouest, pour lui demander l'inser-
tion, dans la Revue des Facultés, d'une note conçue dans ces termes :
Cancale, le 1 f> juin.
<( Les deux pieux solitaires de ce lieu que M. Bossard ne nomme
pas, de peur de paraître faire un jeu de mots cruel (que cette allusion
est fine, délicate et spirituelle !) s'inscrivent en faux contre les
allégations du très savant conférencier.
« a.— Jamais, ils ne se sont permis de se demander,anxieusementou
pas — si M. Bossard était bien un bon prêtre. Ils n'en doutent nulle-
ment. Dans leur lettre, ils se sont tout simplement demandé com-
ment un prêtre pouvait donner la main à l'un de nos plus grands
ennemis, pour attaquer les premiers historiens de la Vendée.
" b. — Jamais ils n'ont écrit une lettre d'excuses, aussi sincères
que complètes, a M. Bossard
<■ En s'exprimant ainsi, M. l'abbé Bossard a sciemment induit ses
auditeurs en erreur, et il a fait, non de l'histoire, mais de la lé-
gende. »
MM. Grétineau-.Toly viennent de reproduire cette note dans la
Vendée historique, du 20 novembre dernier. Je vous assure que si elle
n'a pas été imprimée dans la Revue des Facultés catholiques de l'Ouest,
CORRESPONDANCE 589
ce n'est pas de ma faute. Je suppose — mais je ne fais que supposer —
que M. le directeur de la Revue s'est inspiré de la charité en ne
l'insérant pas, car il aurait dû la faire suivre des courtes réflexions
suivantes.
a. — Lettre <Ju28 mai 1897. — « Nous n'avons pris connaissance que
ces jours derniers de ce factum1. C'est un de nos amis qui a bien
voulu nous l'adresser dans notre solitude de Cancale... Voilà qui
vous explique notre silence. Maintenant que nous avons lu votre
Introduction, laissez-nous vous en dire ce que nous en pensons. Est-ce
l'œuvre d'un prêtre ? Il est allé à nos plus grands ennemis 1 — D'un
Vendéen ? Il divise sa Patrie ! — D'un homme vraiment convaincu ? On
SE LE DEMANDE. »
Je ne pouvais me douter, alors, qu'en s'exprimant de la sorte,
MM. Crétineau-Joly ne se posaient nullement, « anxieusement ou
pas », cette triple interrogation. Et quand. j'ai dit, dans ma conférence
du 10 février 1899 : « Ces pieux solitaires se demandaient anxieusement
— les braves gens I — si j'étais bien un bon prêtre, comme si l'admi-
ration pour Crétineau-Joly, leur père, était la première assise d'une
solide vertu sacerdotale ! » — j'exprimais ce que j'avais cru alors, de
bonne foi : à savoir que le « on se le demande », du 28 mai 1897, avait
été vraiment anxieux. Il ne l'était pas, paraît-il ; il n'était ni anxieux,
ni même pas anxieux : alors qu'était-il donc ?
b. — MM. Crétineau-Joly disent encore: « Jamais ils n'ont écrit
une lettre d'excuses, aussi sincères que complètes, à M. Bossard.
Ou s'exprimant de la sorte, M. l'abbé Bossard a sciemment induit
ses auditeurs en erreur. . . »
Aussi bien, Monsieur le Directeur, ne me suis-je jamais ex-
primé de la sorte. Ce que j'ai dit est tout autre : le voici textuelle-
ment: « Toutefois, je leur rends justice ; ils ont reconnu, depuis,
avoir été un peu loin, et je garde, à ce sujet, une lettre d'excuses,
aussi sincères que complètes, j'aime à le croire ». Ce qui est bien
différent de ce que me font dire, par un procédé plutôt fâcheux,
MM. Crétineau-Joly. A M. le lieutenant-colonel, d'Elbée qui m'avait
vu un peu ému de suppositions si gratuites, et qui leur en avait
dit sa surprise personnelle, ils écrivaient, le 22 juin 1897: «Avant
de rentrer dans notre solitude pour n'en plus sortir, quoiqu'il arrive,
nous voulons vous donner quelques explications au sujet de notre
lettre à M. l'abbé Bossard. Jamais nous n'avons voulu dire que
M. l'abbé Bossar i fût un mauvais prêtre. Jamais nous n'en avons
» La Vendée Angevine et ses chefs devant l'histoire.
590 CORRESPONDANCE
eu même la moindre pensée. A Dieu ne plaise ! Est-ce un prêtre?
avons-nous dit1. Cela signifiait: « Comment un prêtre peut-il donner la
main, dans une question historique semblable, à des Mécréants ? Car
ces Messieurs C. et P. (Chassin et Port), dont nous n'avons jamais lu
une ligne, nous sont représentés comme tels. » — D'où il suivrait
que, pour MM. Crétineau-Joly, faire alliance avec des mécréants de
l'espèce de MM. Port et Chassin — alliance où l'on se donne sur-
tout des coups — peut très bien s'allier avec la qualité de bon prê-
tre, puisque, malgré cette prétendue alliance, ils n'ont jamais eu
la moindre pensée de douter de ma vertu. Mais alors pourquoi
dire, à propos d'une étude où se serait signée cette alliance : « Est-
ce l'œuvre d'un prêtre ? » — Il faut reconnaître tout de même que
ces « explications » ne sont pas très claires.
Toujours est-il que M. d'Elbée m'a communiqué cette lettre, des-
tinée, dans sa pensée, à calmer mon émotion ; et, de vrai, n'aurait-
elle pas été écrite à cette intention? C'est la lettre que je garde, mais
dont je n'ai jamais dit qu'elle m'avait été écrite.
J'ai laissé de côté les « explications » données sur le Vendéen et
l'homme vraiment convaincu. Je reconnais que j'ai eu tort d'appeler les
« explications » ci-dessus» excuses » : va donc pour « explications ! »,
si c'est le mot qui convienne à ces « excuses ». Est-il bien clair, toute-
fois qu'elles ne m'étaient pas dues ? Mais, du moins, sommes-nous
fixés sur le degré d'autorité en matière de critique historique de
MM . Crétineau-Joly, qui me reprochent amèrement de donner la main,
moi prêtre, à des mécréants, dont ils n'ont jamais lu une ligne, et qui s'en
vantent ! Sur quoi s'appuyaient-ils donc pour être si sévères pour
moi? Ah ! c'est qu'on les leur avait représentés comme tels ; et, sans
doute aussi, on leur avait dit quej'allais, la main dans la main, de
pair à compagnon, avec ces mécréants. Voilà, dans toute sa beauté,
le procédé d'information cher à l'école historique à laquelle ces mes-
sieurs appartiennent. Je passe ; mais non pas sans signaler ce qu'il
y a d'injuste et de peu intelligent dans le parti-pris de rejeter, comme
mauvais et de nulle valeur, tout ce qui vient de la plume d'un mé-
créant : il a, comme pendant, le parti-pris d'accepter, pour bon et
précieux, tout ce qu'on trouve dans les œuvres d'un bien croyant. Eh
bien ! non : quoi que je fasse, je ne puis juger les choses d'après les
hommes, parce que c'est ainsi qu'on mérite, et justement, la mésestime
des honnêtes gens.
Quand je pense que toute cette querelle, qui va s'envenimant de
• exactement : est-ce l'œuvre d'un prêtre T
CORRESPONDANCE 591
plus en plus, a pour point de départ un jugement littéraire sur la
Vendée militaire de M. Crétineau-Joly, où seul, l'historien, qui relève de
la critique, je suppose, est apprécié avec liberté; quand je pense que,
sur ce jugement, ses fils ont pu m'écrire : « Quand vos livres auront
'mérité et obtenu semblable succès que les siens, vous aurez, peut-être,
le droit de juger comme vous faites » — hein? si l'on appliquait cette
condition sine qua non à tous ceux qui me critiquent aujourd'hui ? —
quand je pense qu'ils m'ont écrit encore : « Vous savez que Zoïle,
justement, s'est rendu ridicule en attaquant Homère!... » je me
demande si je rêve.
Mais je sais, Monsieur le Directeur, où tendent cette querelle et
d'autres encore. Elles font partie de cette guerre qu'on fait âmes
idées personnelles sur l'histoire de la Vendée, car il n'est pas per-
mis de penser autrement que les admirateurs de Crétineau-Joly.
Mais il ne me déplaît pas que ces contradictions se produisent.
Vaguement, ceux qui, suivant la méthode de MM. Crétineau-Joly
fils, ne lisent pas ce que j'ai pu écrire, mais se reposent uniquement
de ce soin sur autrui, sentiront peut-être, au bruit qui se fait, leur
quiétude en histoire un peu troublée, — si elle peut l'être ! Seule-
ment, de grâce, dans cette polémique, on devrait bien laisser ma
personne de côté et n'y pas mêler des indélicatesses et même des
vilenies. Car, c'est une remarque que je ne puis m'empêcher de faire,
elles concordent étrangement avec l'origine et le développement de
ces dissentiments. N'a-t-on pas été, naguère, jusqu'à dire, en Vendée,
que l'abbé Bossard avait jeté sa soutane par-dessus les moulins, et
qu'il était passé en Angleterre — pas seul ! Depuis, tout récem-
ment encore, j'aurais été rabroué — combien vertement ! — par
certain personnage haut placé, grevé de charges parce qu'il est chargé
d'œuvres, et à qui j'aurais eu l'outrecuidance de demander l'au-
mône, — au lieu de la lui faire ! Dernièrement enfin, cet été, sans
doute, pendant que je batifolais autour des rochers perfides de
l'Ile-d'Yeuz, j'aurais mal dirigé ma petite barque et je serais à la côte,
— au grand émoi, joie ou chagrin, mais joie plutôt, je pense, des quel-
ques moutons qui restent encore, en Poitou, du troupeau de Panurge
et qui se sont embarqués, — les imprudents ! — sous le capitaine
Drochon, sur l'orgueilleux Eldorado, nef dorée, mais vermoulue qui
les engloutira. . Mais qu'importe, après tout ? Je suis de bonne race
Vendéenne, Angevine et Poitevine, et j'en ai les qualités, — ou les dé-
fauts. Je suis très tenace et très indépendant. Nul ne sait bien ce
que j'ai résolu de faire ; mais soyez sûr que nul — que Dieu, s'il le
veut ! — ne m'empêchera de le réaliser. On verra alors de quel côté
592 CORRESPONDANCE
se trouvaient l'amour le plus éclairé de la Vendée et la plus sincère
conviction.
Il est très probable que ces « explications », auxquelles je joindrais
très volontiers mes « excuses » à MM. Crétineau-Joly, si je leur ai
fait quelque peine, — avec promesse de ne plus m'occuper d'eux, —
ne parviendront pas à tous ceux qui ont dégusté les leurs. Je les
devais pourtant, et je suis particulièrement heureux de les donner
dans la Revue du Bas-Poilou, où elles trouveront, j'espère, bon accueil
parmi ses lecteurs.
Recevez, Monsieur le Directeur, l'expression de mon sincère
dévouement.
Eug. Bossard.
Docteur ès-lettres,
Professeur à l'Université Catholique d'Angers,
A TRAVERS LES LIVRES
Mémoires d'Outre-Tombe, par le vicomte de Chateaubriand,
nouvelle édition, avec une Introduction, des Notes et
des Appendices, par Edmond Biré. Tome cinquième. —
Garnier frères, libraires-éditeurs, 6, rue des Saints-Pères.
Ce tome V renferme la fin de la troisième partie des Mémoires, con-
sacrée à la carrière politique de Chateaubriand, et le commencement
de la quatrième partie : les Dernières années. Il va de 1828 à 1833.
L'auteur y raconte son Ambassade de Rome (1828-1829), les journées
de Juillet 1830, son séjour en Suisse, son emprisonnement (1832) et
son procès en cour d'assises (1833). Toute la partie des Mémoires
contenue en ce volume a été écrite par Chateaubriand, non après
coup, mais au fur et à mesure que les événements se déroulaien
devant lui. Rien ne se peut donc lire de plus vivant, déplus éloquent
et de plus spirituel. Les Appendices joints au tomeV par Edmond Biré
sont au nombre de treize et ajoutent encore à l'intérêt et à la valeur
historique de ce volume, l'un des plus beaux des Mémoires d'Outre-
Tombe.
Un roman de Marcel Prévost déclare, dans une étude liminaire,» un
des livres de chevet des féministes », Une Nouvelle Douleur de
notre ami Jules Bois, que met en vente la Librairie Ollendorff. Après
L'Eve Nouvelle et La Femme inquiète, Jules Bois décrit, dans Une Nouvelle
Douleur, une jalousie en effet des plus neuves et des plus poignantes :
l'homme souffrant dans son orgueil, dans sa tendresse, parce que
celle qu'il aime lui échappe, non plus comme autrefois par la coquet-
terie ou la ruse, mais par une conscience plus haute, un amour
élargi, préférant à l'amant le travail et l'humanité. En somme, c'est
le duel contemporain entre le despotisme sensuel du mâle, et l'indé-
pendance de la femme moderne qui veut être « elle » et non une
594 A TRAVERS LES LIVRES
serve ou un reflet. Autour de ce drame plein de sanglots, de caresses,
de cris d'idéal, M. Jules Bois a fait défiler nos Èves Nouvelles, avec leurs
originalités et leur vaillance, observées cette fois exactement par un
psychologue qui fut leur témoin.
Saint-Pierre de Rome, par le R. P. Mortier, des Frères prêcheurs.
Un vol. in-4°, orné de 10 héliogravures, de 24 gravures hors texte
et de 121 sujets dans le texte. — Prix : broché, 15 fr. ; percaline
plaque spéciale, tranche dorée, 20 fr. — A. Marne et Fils, éditeurs
à Tours.
Le titre même de cet ouvrage est des plus alléchants. Saint-Pierre
de Rome ! Qui n'a rêvé d'aller contempler de ses yeux ce temple
réputé une des merveilles du monde, ou quel est celui qui, ayant eu
le grand bonheur d'en savourer toutes les splendeurs, n'en conserve
un impérissable souvenir.
A tous, croyants ou incroyants, pèlerins ou touristes, le livre que
nous présente le R. P. Mortier offre le plus vif et le plus sérieux
intérêt. Ce n'est point une simple monographie, mais une histoire
complète, universelle, du tombeau de saint Pierre.
Elle se divise en deux parties très nettes : l'histoire des monuments,
l'histoire du culte ; le tombeau de saint Pierre dans les arts, le tom-
beau de saint Pierre dans le cœur des chrétiens Et l'on ne saurait
dire où l'intérêt est le plus puissant, la science historique plus pro-
fonde, les aperçus plus neufs, les échappées plus lumineuses, tant
l'auteur semble se jouer avec aisance à travers les documents les
plus graves et les sujets les plus variés. Et cependant, on n'y est
point arrêté par cette poussière des archives qui, sous couvert d'é-
rudition, rend souvent les abords d'un livre comme celui-ci abrupts
et essoufflants, tant la souplesse toute française du style sait en
dissimuler les difficultés.
Ici, dans les premières lignes, on est de plein-pied. On lit sans
effort, tout à l'aise. Et quelle merveilleuse histoire ! Quel défilé glo-
rieux d'oeuvres d'art et d'hommes de génie !
Et à travers ces merveilles, combien souligneront avec plaisir les
thèses spéciales à l'auteur, comme celles sur l'oratoire d'Anaclet, le
lieu du crucifiement de saint Pierre, ses reliques, et tant d'autres
dont la nouveauté et le piquant soutiennent l'intérêt sans cesse
grandissant !
La seconde partie est la partie du cœur. Pape et pèlerins, empereurs
*tJk
SJteiml
-
A TRAVERS LES LIVRES 595
et saints, jusqu'aux grands coupables frappés par l'excommunication
dénient sous les yeux comme en une parade solennelle pour rendre
honneur aux cendres de saint Pierre.
Telle est, dans ses grandes lignes, l'œuvre du Père Mortier. Œuvre
d'érudit sans nul doute, mais plus encore œuvre d'apôtre, tant ces
grandes choses sont dites avec amour de la vérité et désir ardent de
ramener les catholiques au tombeau de saint Pierre, source et sau-
vegarde de la foi.
La superbe illustration dont la maison Marne a décoré ce livre en
fait une œuvre d'art. Ce n'est point de l'imagerie ; chaque gravure a
sa raison d'être tirée du texte lui-même pour le mettre plus en
lumière. En résumé, très beau et très bon livre de choix.
La Marine d'aujourd'hui, par Georges Gontesse, orné de 150 gravures.
Prix : relié percaline, tranche dorée, 8 fr. 50. — Alfred Marne et
Fils, éditeurs, à Tours.
Après ce qui vient de se passer, d'abord dans les mers sino-
japonaises, puis aux Philippines et à Cuba, est-il un lecteur éclairé
qui veuille se désintéresser des hommes et des choses de la Marine
d'aujourd'hui ?
C'est précisément ce titre que porte le nouvel ouvrage de Georges
Contesse, l'historiographe maritime considéré dès maintenant par
les techniques comme le légitime successeur de Jal et de Guérin.
La Marine d'aujourd'hui, beau volume de 400 pages, édité avec luxe,
est divisé en dix chapitres : ce sont autant de « fenêtres ouvertes »
sur les escadres cuirassées, les croiseurs rapides, les torpilleurs et
les sous-marins, sur les steamers gigantesques et les voiliers fin de
siècle », sur la pêche, sur le yachting. Plus de cent cinquante com-
positions, toutes dues au talent de spécialistes parmi lesquels se dis-
tingue un peintre ami de l'exactitude, Alexandre Brun, illustrent
l'ouvrage et en complètent la documentation .
La Marine d'aujourd'hui parfait un ensemble d'études dont la pre-
mière série parut il y a deux ans, chez les mêmes éditeurs, sous le
titre de Marine d'autrefois : C'est, en réalité, le tome deuxième d'une
œuvre unique, patiemment poursuivie et élégamment présentée.
Les livres de Georges Contesse, à la fois sérieux et humoristiques,
se trouvent dans toutes les bibliothèques d'éducation et de vulgari-
sation modernes. Ils sont d'ailleurs au nombre de ceux que le
Département de la Marine a constamment honorés de son approbation ;
596 A THAVEKS LES LIVRES
et, cette année même, l'auteur a eu la satisfaction grande de voir le
ministre de la marine décerner ses œuvres en prix.
La Marine d'autrefois était dédiée au vice-amiral Miot, le très bien-
veillant conservateur de ce Musée du Louvre où l'on peut s inspirer
des splendeurs navales du passé ; la Marine d'aujourd'hui est respec-
tueusement offerte au vice-amiral Fournier, le promoteur de cette
Flotte nécessaire et nouvelle que la jeune école préconise avec tous
ceux qui veulent voir victorieusement s'affirmer notre pavillon sur
la vùste mer.
La Vallée fumante, roman du Far- West, par LéoGlaretie, illustra-
tions de Zier. Un volume in-4°, 2e série. Prix : relié percaline, tr.
dorée, 7 francs. — A. Mame et Fils, éditeurs à Tours.
La région du Yellowstone National Park, à deux mille kilomètres
de New-York dans les montagnes rocheuses, avec ses innombrables
geysers et ses saisissants phénomènes volcaniques, est une récente
découverte en Amérique. On l'ignorait avant 1880. Aujourd'hui
c'est la villégiature préférée des Yankees. M. Léo Claretie a visité cette
région fantastique et y a placé l'action de son roman : La Vallée Ju-
manle, qui est à la fois attrayant et neuf par les descriptions merveil-
leuses d'un pays encore ignoré en Europe. Le récit se passe au
XVIIIe siècle, et met en curieux contraste la vie frivole du vieux
Paris avec les mœurs des sauvages de l'Amérique du Nord.
Par l'agrément de la forme et l'attrait de la fable, ce livre se re-
commande à la jeunesse qu'il instruira en l'amusant.
Le Secret du Vallon d'Enfer, par Pierre d'Alban, illustrations de
Zier. Un volume in-4°, lre série. Prix : relié percaline, tranche do-
rée, 8 fr. 50. — A. Mame et Fji.s, éditeurs à Tours.
Le Secret du Vallon dEnJer n'est pas un roman. L'héroïne y trouve
une situation finale en dehors du mariage.
Recueillie par des bûcherons, élevée par eux, ignorant la condition
de sa famille et sans grand souci de la connaître, elle ne doit d'être
conservée à la vie qu'au dévouement d'un écuyer plus fidèle qu'habile.
Toutes les phases de l'action principale gravitent autour du procès
La Truaumont, qui eut du retentissement sous Louis XIV, et de l'ins-
titution de la Chambre des poisons, fondée pour poursuivre une asso-
A TRAVERS LES LIVRKS TV.)?
dation d'empoisonneurs italiens. Tout n'est pas fiction dans cette
histoire.
La plupart des personnages ont vécu à cette époque autour de la
petite cour seigneuriale de Guéméné. L'auteur a apporté un certain
soin à les faire figurer dans le cadre de la narration avec la physio-
nomie que leur attribuent les anciens actes et la tradition locale.
Une ame d'enfant, par Jean de la Bretonnière. Un volume in-4°
carré. Prix : 5 fr. — A. Marne et fils, éditeurs à Tours.
Tristes ou gaies, brèves ou longues, toutes les nouvelles de ce
volume seront goûtées pour la souplesse de plume, l'élégance de
forme dont l'auteur de Zozo et des Contes à Mademoiselle a donné déjà
maintes preuves. Mais ce qui les distingue plus particulièrement
encore des productions de ce genre, c'est que la plupart d'entre elles
dénotent un souci de moralité pure, contiennent un exemple ou une
leçon capables,sans avoir l'air d'y toucber,de stimuler les volontés ou
de réchauffer les cœurs. Et c'est pour cela sans doute aussi qu'elles
offriront un charme de plus et comme un attrait d'oeuvre supérieure
à tous ceux qui liront Une âme d'enjant.
Mémoires du Sergent Bourgogne, (1812-1813),publiés d'après le manus
crit original, par Paul Cottin et Maurice Hénault. — Un volume
grand in-8° jôsus, illustré de 24 gravures en couleurs et en noir
d'après les dessins d' Alfred Paris. - Br. 15 fr., relié, 20 fr. (Ha-
chette et Cie, Paris).
Les histoires de la retraite de Russie ne sont pas rares : depuis les
mémoires des généraux jusqu'aux récits des historiens de profession-
que de pages émouvantes et dramatiques consacrées à ce terrible
épisode des guerres du Premier Empire !
Pourtant qui ne s'est las^é des relations de ces écrivains savants ou
de ces chefs de corps et de ces aides de camp de l'Empereur ? Qui n'a
souhaité, au contraire, d'entendre enfin raconter ces mêmes événe-
ments par un de ces obscurs soldats qui supportèrent sans gloire,
mais non sans héroïsme, leur terrible infortune ? Or, en voici un qui
sort de l'ombre, et qui a littéralement rapporté son histoire au jour
le jour, du mois du mars 1812 au mois de janvier 1813.
Que ces récits du sergent Bourgogne sont instructifs et touchants
598 A TRAVERS LES LIVRES
dans leur simplicité populaire ! A ce livre admirable, on ne peut en
comparer qu'un autre : c'est celui de l'immortel capitaine Coignet.
Encore Coignet raconte-t-il sa carrière tout entière et, par consé-
quent, passe-t-il plus brièvement sur les événements les plus impor-
tants, et précisément sur la retraite de Russie. Ici, au contraire, tout
l'effort du narrateur se concentre sur une année. Aussi ce sont, à
chaque page, les incidents les plus dramatiques : ici les soldats tom-
bés implorant la pité de ceux qui continuent leur route; là, la marche
hésitante de l'homme qui a perdu la trace de son régiment, et qui
erre, la nuit, sur le champ de bataille, buttant à chaque pas contre
les cadavres amoncelés. Et toujours, au cœur de ces braves, l'inlas-
sable dévouement à l'Empereur, l'inaltérable confiance dans les
destinées de la patrie.
Est-il besoin d'ailleurs de dire ce que les dessins d'un grand artiste
et ses gravures en couleur ajoutent de vie à ces récits d'un drama-
tique si intense? Illustré par Alfred Paris, le livre du sergent Bour-
gogne devient maintenant un classique de la littérature militaire.
*
l'Or du Pôle, par Danielle d'Arthez. — « Un volume illustré de
49 gravures d'après Alfred-Paris. — Broché, 4 fr. ; cartonné per-
caline à Bizeaux, tranches dorées, 6 fr. (Hachette et Cie, Paris).
L'Or du Pôle de Mme Daniel d'Arthez nous transporte au Klondy ke
dans ces régions effrayantes et tentatrices dont on parle tant aujour-
d'hui, et nous raconte la dramatique histoire de Bernard Dubuit,
que la mort de ses parents a fait chef de famille, en dépit de sa jeu-
nesse, et qui, avant d'être éclairé par l'expérience, montre dans
l'accomplissement de la tâche qu'il a entreprise, plus de bonne
volonté que de persévérance et de sagesse.
Inutile d'ajouter, d'ailleurs, que l'histoire se termine bien ; et, pour
les péripéties qui amènent ce dénouement, on ne sera plus embar-
rassé de deviner combien elles sont gracieuses et touchantes, pour,
peu que l'on connaisse le talent déjà éprouvé de l'auteur.
l'Équipage de la « Rosette », par Gonzague-Privats. — Un volume
in-8° jésus, illustré de 88 gravures d'après Alfred Paris.— Broché,
7 fr. ; cartonné en percaline, tranchés dorées, 10 fr. (Hachette et
Cte. Paris).
Sous la forme pittoresque du Roman d'aventure, M. Gonzague-
Privat, dans ['Équipage de la Rosette, retracé dans un style toujours
A TRAVERS LES UVHE9 599
vif et souvent dramatique, l'odyssée des braves et obscurs petits
corsaires qui, de 1793 jusqu'à la conclusion delà Paix d'Amiens, sil-
lonnent la Manche, et, par leur héroïsme, mirent parfois en péril la
fortune de l'Angleterre.
Les tableaux de la vie infernale des pontons, les évasions auda-
cieuses sont de véritables pages d'histoire, car les uns et les autres
empruntés au manuscrit du grand-père de l'auteur s'appuient sur
les documents de la plus scrupuleuse authenticité.
TOME XII. — OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRL. 4i
CHRONIQUE
Au Calvaire de Ripoche. — Le 10 mars 1794, des soldats détachés
de la Colonne infernale que commandait Cordelier, le digne
lieutenant du massacreur Turreau, avaient organisé tout
autour du Loroux, près Nantes, une de ces «chasses aux Brigands »
dans lesquelles excellaient les hordes révolutionnaires à la solde de
la Convention.
Le village du Bas-Briacé leur avait été particulièrement signalé
comme un repaire de chouans, qui avaient pour chef André Ripoche,
un modeste marinier, dont les événements avaient lait un habile et
dévoué capitaine de recrutement de l'armée de Charette.
Malgré les actives recherches auxquelles ils s'étaient livrés dans
le village, les Bleus désappointés allaient regagner leurs cantonne-
ments, lorsqu'un des chiens dressés comme disaient nos pères à
découvrir la chair chrétienne, qui les accompagnaient, s'arrête en
aboyant furieusement au pied d'un amas de fagots de ronces en-
tassés non loin de la croix.
Fous de joie, les Bleus poussent des hourrahs, et se mettent en
devoir de démolir l'amas de ronces.
André Ripoche, se voyant pris, ne leur en donne pas le temps ;
il sort de sa cachette et se livre à ses ennemis qui le garottent
brutalement.
— C'est bien toi, Ripoche, lui crie d'un ton menaçant l'officier qui
commande le détachement?
— Parfaitement !
— Pris les armes à la main, tu n'ignores pas le sort qui t'attend.
Tu seras comme les autres prisonniers, fusillé dans quelques ins-
?Q:
3
~3&
/
M. Edmond B1RE
Lauréat de l'Académie ^Française.
D'après un cliché dcj la Revue Mame.
CtiKOMQUE <'i01
tants... Je t'offre cependant un moyen de racheter ta vie. Consens à
abattre cette croix et je te rends à la liberté ! »
Ripoche semble bésister, réfléchit un moment, puis d'une voix
ferme: « Eb bien ! c'est entendu, dit-il, au milieu de la stupéfaction
générale, ôtez-moi ces liens et donnez-moi une hache.
A ces mots, les Vendéens prisonniers sont saisis d'effroi, mais leur
émotion est vite dissipée.
A peine a-t-on remis à André la hache, qu'il s'élance d'un seul bond
au pied de la croix-, mais, au lieu de la frapper, il s'adosse à l'insigne
sacré, puis brandissant hardiment son arme : « Malheur, s'écrie-t-il,
au premier qui avance !
Les Bleus, un instant déconcertés, poussent des cris de rage, et se
précipitent sur Ripoche.
Ce dernier en abat successivement plusieurs à terre. Mais à la fin,
épuisé par la lutte, percé de coups, il laisse échapper son arme, et dans
un suprême effort, tombe en entourant de ses deux bras la croix pour
la défense de laquelle il vient de faire si généreusement le sacrifice
de sa vie.
C'est cet héroïque souvenir qu'a voulu consacrer le digne curé du
Landreau, en élevant à la place même où se dressait naguère la
Croix défendue par Ripoche, un élégant Calvaire, solennellement béni,
le 19 novembre, par notre vénéré compatriote M. l'abbé de Suyrot.
Nous avons tenu à assister à cette pieuse et patriotique solennité,
qui avait réuni les catholiques populations des paroisses voisines du
Landreau, du Loroux, de la Chapelle-Heulin. Quelques Nantais et
Vendéens avaient également répondu à l'appel des organisateurs de
la fête, et, parmi ces derniers, notre confrère Henri Bourgeois, direc-
teur de la Vendée Historique
En regagnant la gare, nous avons salué au passage, noyé dans un
joli bouquet d'arbres, le château du Jaunet, où le vicomte Walsh
écrivit ses tant jolies Lettres Vendéennes, et nous nous sommes age-
nouillé aux pieds de la Madone de la Chapelle-Heulin, qui entendit
les premiers serments de Ripoche...
Tous nos compliments encore une fois à M. l'abbé Roussel, le
pieux curé du Landreau, pour le public hommage qu'il vient de
rendre au glorieux martyr Vendéen de 1794, et tous nos vœux pour
que d'abondantes souscriptions lui permettent de bientôt compléter
son œuvre réparatrice en plaçant au pied de la nouvelle, Croix, un
bas-relief en bronze, rappelant la mort glorieuse du héros chrétien.
Chbz les Vendéens de Paris. — Le 3 décembre dernier a eu lieu
dans les salons Corazza, au Palais Royal, le dîner annuel de l'Union
002 CHRONIQUE
fraternelle des Vendéens de Paris. Cent cinquante convives environ ont
pris part au joyeux festin au cours duquel on a fraternellement
rompu VEchaudi de la Réorthe, arrosé de généreux vin de Pissotte.
Répondant à la très gracieuse invitation de notre excellent con-
frère Emmanuel Aimé, directeur du Vendéen de Paris, nous avons eu
le grand plaisir de prendre part à cette agape, à l'issue de laquelle
des toasts très applaudis ont été prononcés par MM. Guinaudeau,
président d'honneur de V Union, remplaçant M. Cornière empoché par
un deuil récent ; de Béjarry et Le Roux, sénateurs ; Bourgeois, de
Lespinay et Guillemet, députés ; Le Cler, président du conseil géné-
ral, naron de Mesnard, l'abbé Bordron ; Biré, conseiller général ;
Pommeray, député de la Charente-Inférieure, Emmanuel Aimé et
René Vallette.
Le menu, excellent en tous points, avait été habilement dessiné par
notre compatriote et ami Henri Boutet.
Un hommage public a la mémoire dAlexandre Bonnin. — Extrait
du compte-rendu de la séance du conseil municipal de Fontenay, du
13 août dernier :
« M. le maire donne lecture au conseil d'une lettre par laquelle M. Albert
Bonnin fait connaître que suivant le désir exprimé par M. Alexandre Bonnin
de Fraysseix, son cousin, il fait don à la ville de Fontenay-le-Comte d'un
tableau peint par lui, représentant le clocher de Fontenay.
« Le conseil regrette la disparition de M. Alexandre Bonnin, dont le talent
et le caractère étaient unanimement appréciés. M. Bonnin, fils d'un sous-
préfet de Fontenay. plus tard préfet de la V«ndée, avait su s'entourer de
toutes les sympathies qui s'attachaient au souvenir de «on père, et en même
temps que de celles très nombreuses qui lui étaient personnelles.
€ Le Conseil adresse ses remerciements à M. Albert Bonnin, pour la dona-
tion du tableau qui fait l'objet de sa lettre du 9 août 1899, et décide que
ce tableau sera placé au musée municipal conformément au vœu du donateur.»
Nicolas Poussin au château de Mornay. M. l'abbé Terraud
curé de Landes, près Saint-Jean-d'Angély, a publié dans le Gaulois
illustré une intéressante étude sur Nicolas Poussin, dont voici le
début :
» La question bien des fois posée : quel fut le gentilhomme poitevin
dont l'amitié et le goût avaient offert un asile à Nicolas Poussin e
quel fut le château témoin de ses premiers travaux, n'a pas été
croyons-nous, résolue.
* Des circonstances particulières nous ayant permis de voir, au
château de Mornay, propriété actuelle de M. Louis Roy de Loulay
député de Saint-Jean d'Angély, une galerie qui mesure 34 mètres
60 en longueur et 5 mètres 40 en largeur, notre première impression
CHRONIQUE 603
futque nous foulions le sol même qu'avaitfoulé jadis Nicolas Poussin
et que le château de Mornay, appartenant à M. Louis Roy de Lou-
lay, était précisément celui qu'avait habité naguère le protecteur de
Nicolas Poussin.
» Ce château avait été construit en 1533. On y relève les armes
des de Ligour.
» Et quand, quelques années plus tard, aprèsq ue Nicolas Poussin,
humilié de se voir traité par la mère de son protecteur en simple
valet, aura péniblement regagné la capitale, abandonnant son œuvre
à quelque continuateur de hasard, et aura été chargé, en collabora-
tion avec Lemercier, de décorer la galerie du Louvre, ne craignant
pas d'apposer ses idées propres quant à la disposition et architecture
de la galerie, de rompre même avec ses collaborateurs plutôt que de
céder sur ce point, nous n'aurons plus lieu de nous en étonner, si
nous remarquons, qu'ici, au château de Mornay, se retrouve cette
disposition de galerie que Poussin rêvait pour le Louvre.
» Au reste, l'examen détaillé de ces tableaux et la critique que
nous allons en faire, bien que très sommaire, va fournir la matière
aux conclusions qui pourront intervenir.
» Nicolas Poussin, dont le génie naissant s'était formé à l'étude des
gravures qui reproduisaient les compositions de Raphaël, avait ra-
pidement mûri au commerce de ce grand maître. C'est à ce foyer
que s'alluma la flamme qui ne cessa plus de l'échauffer dans la suite.
Ce premier caractère des peintures de Nicolas Poussin se remarque
en maint endroit au château de Mornay. »
[Tout cela est fort bon, comme dit très justement notre excellent
collègue M. Louis Audiat, de la Revue de Sainlonge et Aunis, mais le
moindre grain de mil (texte, pièce, contrat ou lettre) ferait bien
mieux notre affaire. Nous avons dit naguère, dans la Revue Poite-
vine et Saintongeoise, les motifs qui nous faisaient supposer que
c'était en Poitou et chez M. de Régnon de Chaligny, que Nicolas
Poussin avait trouvé asile].
Mgr Baillés a la Société des Antiquaires de France. — M. Héron
de Villefosse, en présentant à la Société des Antiquaires de France
une lampe de bronze de l'époque chrétienne, découverte près de Bé-
névent en Italie, a rappelé la grande parenté qui existait entre cette
lampe et celle publiée en 1868 par le commandeur de Rossi et qui est
conservée au Vatican.
C'estMgr Baillés, évêque de Luçon, ajouta-t-il, qui eut le mérite
de remarquer le premier, le pain qui se trouve dans la bouche du
dauphinet qui donne une importance exceptionnelle à la décoration
604 } CHRONIQUE
de la lampe du Porto. Les observations du savant prélat fournirent
à J-B. le Rossi une occasion de revenir sur ce détail et d'affirmer à
nouveau que la forme de nacelle donnée à la lampe, symbolise l'E-
glise : et que le pain offert par le dauphin, antithèse au monstre
infernal qui détient en sa bouche la pomme du péché, représente le
Sauveur offrant à l'humanité le pain vivifiant de l'Eucharistie.
Les Cendres de l'Ilea.u-les-Va.ses à l'Association Bretonne. — Au
congrès de V Association Bretonne, qui s'est tenu en septembre dernier
à Guérande, notre confrère, M. Dortel, a lu (séance du 2 septembre)
un rapport sur une excursion faite au mois de juin dernier par plu-
sieurs membres de la Société Archéologique de Nantes aux fameux
gisements de Cendres-de l'Ileau-les-Vases, près Nalliers, dont la
Revue du Bas-Poitou s'est préoccupée à plusieurs reprises. M. Dortel
semble admettre avec notre savant collaborateur M. de Fleury,
que la présence de ces cendres doit s'expliquer par l'existence en ce
lieu de fabriques de potasse dont les Gaulois faisaient grand usage.
Un buste de Réaumur. — On vient d'ériger dans un square de la
Rochelle le buste en bronze du célèbre physicien et naturaliste Fer-
chault de Réaumur, né dans cette ville, et qui emprunta le nom
sous lequel il, est surtout connu dans le monde des Sciences, au
joli bourg Vendéen de Réaumur, dont il était le seigneur, et où il
allait chaque année passer ses vacances.
Autour d'une vieille statue - Une fête splendide a eu lieu le
10 septembre à Saint-Sulpice-le-Verdon, pour célébrer le centenaire
du retour à l'église paroissiale d'une statue de la Vierge, miraculeu-
sement préservée de l'incendie de l'église en 1794. et cachée durant
quelques années au village de la Caillaudrie. LeR.P. de Goué. enfant
de la paroisse, et gardien du Couvent des Capucins de Narbonne a
prononcé à cette occasion une remarquable allocution.
Notes d'art. — Le jury de l'exposition des Beaux-Arts de Poitiers
a décerné à Mlle Gaborit, fille du sympathique artiste Fontenaisien,
une médaille de bronze pour sa charmante exposition d'aquarelles.
parmi les jolies œuvres soumises au jury par notre jeune et dis-
tinguée compatriote, nous avons plus particulièrement remarqué un
coin des ruines du vieux château de Clisson, Vancienne salle des gardes.
qui, conçu dans une gamme très sobre et très juste de ton, donne
bien l'impression de ces pans de murs démantelés et couverts de tons
roux et verts de mousse, laissant suinter à travers leurs interstices
cette humidité qui donne au visiteur une sensation profonde de froi-
dure et de tristesse.
CHRONIQUE
L'autre toile, de dimension moindre, représente les, bords de la Seine
(effet du soir.) Au premier plan, un bateau-lavoir avec tous ses ac-
cessoires, amarré au quai et découpant sa silhouette colorée sur le
fond du ciel ; au second plan se trouve le pont de Suresne et <tens le
lointain Paris et ses monuments enveloppés dans une atmosphère
crépusculaire d'un joli gris violâtre.
Ces deux tableaux sont traités d'une façon large, avec dos hardiesses
rappelant la peinture à l'huile, et leur irréprochable facture pronos-
tique à Mlle Gaborit des succès autrement brillants dans un avenir
prochain.
Qu'elle veuille bien nous permettre de lui offrir, après tant d'autres
plus autorisées, nos félicitations les plus sincères.
— Admiré chez M 0. de Rochebrune un délicieux portrait minia-
ture de Mlle Alix du Fontenioux, merveilleusement exécuté par Mlle
Yvonne Retailleau, peintre amateur d'un réel talent.
— L'art du reste, n'est pas encore, Dieu merci ! dans le marasme. La
preuve : M. William Bouguereau, l'éminent peintre, membre de
l'Institut, vient d'acheter en Vendée, dans les marais de Champagne
deux magnifiques fermes payées comptant trois cent mille francs.
Restauration d'éolises. — Les travaux de restauration de l'église
Notre-Dame de Fontenay ont été adjugés à MM. Privas, de la Rochelle.
Ceux de la jolie façade Renaissancede l'église N.-D. des Sables, com-
mencés depuis quelques mois déjà sont conduits avec un louable
sentiment artistique par le généreux et dévoué archiprôtre, M. l'abbé
Robert du Botneau.
Bénédiction de cloches. — Deux nouvelles cloches viennent d'être
placées dans le clocher de l'église de Chaillé-les-Marais, dont la go-
thique silhouette, domine tout le marais environnant.
L'une d'elles ; un superbe fa de 680 kilogrammes, dit la Semaine
catholique du 21 octobre 1899, a reçu au baptême le nom de Marie-
Madeleine- Henriette de ses parrain et marraine, M. Henri Dreneau et
Mlle Marie Martineau. La seconde, un la de 330 kilogrammes, étalait
avec orgueil sur son bronze tout neuf le joli nom de Louise-Renêe que
lui donnaient son parrain Louis Riou et sa marraine Rence Mingaud.
Les deux sortent des ateliers de M. Bollée.
Cérémonies religieuses. — Le 21 octobre, on a inauguré à Luçon,
l'orgue de la Cathédrale , habilement restauré après 40 ans de
service par M. Debierre.
Les morceaux exécutés par M. Daeim, l'éminent organiste de
Saint-Ferdinand de Bordeaux, de même que ceux chantés par
606 CHRONIQUE
MM. Marcetteau, Joly et Lambert ont été infiniment goûtés par les
pieux assistants qui remplissaient la Cathédrale.
— Le 25 septembre, Mgr Gatteau, évêque de Luçon, a procédé à la
bénédiction de la première pierre de l'église de la Garnache, dont la
reconstruction a été confiée à notre ami M. Ballereau, l'habile archi-
tecte Luçonnais.
— Une nouvelle chapelle privée, dite de la Garennerie, a été bénite
à Noirmoutier, le 14 novembre dernier par, I»I. l'abbé Hervouët des
Forges.
— Le 13 novembre, on a inauguré à la cathédrale d'Angers, le mo-
nument élevé à la mémoire de Mgr Freppel, le grand évêque pa-
triote, dont la postérité gardera pieusement le souvenir.
Parmi les prélats présents à cette solennité, figurait Mgr Gatteau,
évêque de Luçon.
— La ville de Luçon a reçu le 21 novembre une auguste visite,
celle de Son Eminence le cardinal Labouré, archevêque de Rennes.
Solennité Patriotique. — Le 1er octobre dernier a eu lieu, à Pou-
zauges, la remise du drapeau de la 454* section des Vétérans des ar-
mées de terre et de mer, sous la présidence d'honneur de M. l'amiral
Alquier.
A 8 heures précises, une messe a été dite en souvenir des défunts
de la guerre de 1870. Tous les vétérans et les sociétaires, au nombre
de deux cents environ, y assistaient. Avant la bénédiction du drapeau,
le doyen de la paroisse, dans des termes patriotiques, a évoqué
le souvenir de la guerre et a rappelé aux combattants présents les
soulfrances endurées par eux pendant cette triste campagne.
A onze heures, tous les vétérans et sociétaires sont allés, musique
en tête, chercher la délégation composée de MM. l'amiral Alquier,
l'ex-lieutenant-colonelBertier, le commandant Lucas, du 93e de ligne,
délégué par le général commandant le 118 corps, qui s'était rendue
chez le premier adjoint. Le cortège se mit en marche et, sur la place
du Marché-aux-Herbes, l'amiral Alquier a remis officiellement le
drapeau à la 454e section.
Ensuite a eu lieu un banquet de 180 couverts environ. A la table
d'honneur avaient pris place : M. l'amiral Alquier, ayant à sa droite
M. le commandant Lucas, et à sa gauche M. le premier adjoint ; en
face, M. Barbanneau, maire, président de la section, ayant à sa droite
M. de Monti, conseiller d'arrondissement et M. le deuxième adjoint
à sa gauche ; puis une grande partie du Conseil municipal, les mem-
bres honoraires de la section et les membres du bureau.
CHRONIQUE 607
Les Noces d'or de M. le chanoine de Suyrot. — Les 3 et 4 décembre
dernier, on a solennellement célébré à Saint-Hilaire-de-Voust les1
noces d'or de M. l'abbé de Suyrot, qui fut curé de Saint-Hilaire, de
1849 à 1852. depuis curé de Chavagnes, doyen des Herbiers et cha-
noine honoraire. A cette occasion, notre collaborateur M. l'abbé
Teillet, curé d'Antigny, a rappelé dans une page d'histoire, qui se
trouvait être le meilleur des compliments, la gloire acquise par les
Duehaffault, les La Roche-Saint-André, les Suyrot, aux heures trop
longues de la tourmente révolutionnaire.
Nos compatriotes. — Parmi les officiers admis à l'Ecole supérieure
de la marine, nous remarquons M. le lieutenant de vaisseau Jean
Merveilleux du Vignaux, décoré il y a quelques années, presque au
début de sa carrière, à la suite d'actes d'héroïsme.
Cet officier, devant lequel s'ouvre un si brillant avenir, est le fils
de l'éminent ex-premier Président de la Cour de Poitiers, un des ca-
ractères dont s'honore le plus l'ancienne magistrature.
— Notre ami, M. le docteur Marcel Baudouin, un Vendéen de Paris,
vient d'obtenir de l'Académie des sciences le prix Mège, en même
temps que M. le professeur Félix Terrier, membre de l'Académie de
médecine et officier de la Légion d'honneur, pour leur étude sur la
Suture de l'intestin.
- M. Baudouin, a fait le 7 octobre, dans les salons du Diner Fran-
çais, à Paris, une très intéressante conférence, avec projections,
sur l'Amérique du Nord.
— Nous sommes heureux d'apprendre que notre sympathique
compatriote M. Régis Brochet a soutenu, à Poitiers, avec beaucoup
de succès sa thèse de docteur en droit.
M. Brochet avait pris pour sujet : De la représentation des minorités
dansles élections législatives. Il a obtenu la mention <■ bien ».
— Notre distingué confrère et ami Louis de la Chanonie, déjà secré-
taire-général de la Revue Diplomatique et collaborateur de l'Événement,
figure de même parmi les principaux rédacteurs de la Revue d'Europe,
où il a publié (n° d'octobre 1899) un article très apprécié sur La
Question Jugo-Slave.
— M. Maurice Guillemet, fils du député de la lre circonscription de
Fontenay, vient d'être attaché au Cabinet du Ministre des Finances.
— Notre excellent ami Henri de Villedieu, avocat à la Cour d'Appel de
Paris, a été nommé greffier à la Cour de Cassation et a prêté serment
devant la Chambre civile.
— M. Rémy de Simony, directeur du PuLUcateur de la Vendée, vient
d'être élu vice-président de la Prêts? Municipale Parisienne.
608 CHRONIQUE
— Notre vieil ami Auguste Logerie, sous-inspecteur de l'Enregis-
trement à Paris, est promu au grade d'Inspecteur et envoyé en cette
qualité à Foix (Ariège).
— M. l'abbé Bordron, le très distingué curé de Boussy-Saint-Antoine
(S.-et-O.) vient d'être nommé à l'unanimité directeur du Cercle
central d'études sociales.
— Mme Camille Rousseau, femme de notre sympathique compatriote,
a subi avec succès, devant la Faculté de Poitiers, l'examen du Certificat
d'études exi^é des aspirants au grade de pharmacien .
— M. l'abbé Charles Caille, vicaire à l'Ile d'Yeu, vient de prendre
son brevet d'instruction primaire dans le but d'ouvrir un cours de
sciences, en faveurjdes jeunes marins qui veulent devenir capitaines
au long-cours.
Un officier Vendéen'dans l'armée Boer. — M. le C1* de Villebois-
Mareuil, ancien colonel delà Légion Etrangère, vient d'accepter dans
l'armée des Boërs le grade supérieur qui lui était offert par le gou-
vernement du Transvaal.
Les dernières dépêches reçues de Pretoria annoncent que le
Volksfem, Journal Officiel du gouvernement du Transvaal, tient à recon-
naître que l'honneur de la victoire de Colenso revient à M. de Villebois-
Mareuil qui, comme chej d'état-major du généra l Joubert, a préparé
l'action et était sur le lieu du combat.
Toutes nos félicitations et nos meilleurs vœux l'accompagnent.
Conférences. — M. Brunswicg, avocat à Nantes, a fait le 19 no-
vembre une conférence publique à la salle de la Bibliothèque popu-
laire de Fontenay.J Sujet : Voyage au pays des Moulins à vent,en Belgique
et en Hollande.
Le 26 novembre dans la même salle, M. Dortel, avocat, à Nantes,
a fait une Conférence sur Duguesclin dans la Légende et dans V histoire.
M. Moussaud a fait le 10 décembre une intéressante conférence
sur plusieurs poètes précédemment entendus à la bibliothèque
populaire et notamment sur notre jeune et sympathique collabora-
teur M. Francis Eon, dont l'étude parlée sur Richepin et leChemi-
neau fut si goûtée du public Fontenaisien, et dont les œuvres
publiées ici même ont été justement appréciées .
^Récompenses méritées. — Parmi les titulaires des prix littéraires
récemment décernés par l'Académie française, nous sommes très
heureux de trouver deux de nosfcompatriotes et amis : M. Edmond
Biré (prix Née de 5000 fr. pour l'ensemble de ses remarquables
travaux) et M. le comte de Chabot (prix Montyon de 500 fr.) pour
sa Chasse à travers les âges)
CHRONIQUE '"'OU
— L'Académie des Inscriptions et Belles. Lettres vient de décerner
la 2n,# médaille (1000 fr.) des Antiquités de la France, à notre éminent
collaborateur, M. Léon Maître, archiviste de la Loire-Inférieure
pour sa « Géographie de la Loire-Inférieure ».
Toutes nos félicitations.
Les ocres de la. Vérie. — Dans ses recherches sur la Vendée, Ben-
jamin Fillon a touché à une foule de questions intéressant le pays
à différents titres. C'est ainsi que dans son livre : « Poitou et Ven-
dée » et dans ses «< Lettres à Anatole de Montaiglon » il fait connaî-
tre des documents établissant l'exploitation à la fin du siècle dernier
de gisements importants d'ocrés dans la propriété de la Vérie, près
Ghallans, au bord du marais.
Malgré la publication de ces documents, on avait si complètement
perdu les traces de ces gisements qu'on était arrivé à en contester
l'existence. De nombreux chercheurs avaient parcouru la propriété
sans aucun résultat.
L'été dernier, le Comité départemental de l'Exposition Universelle
de 1900 dans le but de développer en Vendée de nouvelles industries,
résolut de placer à l'Exposition les matières minérales qui pouvaient
prêter à ce développement. Les ocres de la Vérie répondaient parti-
culièrement à ce désir.
M. Charier-Fillon, maire de Fontenay, qui avait autrefois étudié
cette question fut prié de procéder à la recherche de ces ocres.
Nous apprenons aujourd'hui que, grâce au bienveillant accueil de
M. Boux de Casson, propriétaire de la Vérie, les recherches de
M. Charier ont été couronnées de succès et que les ocres perdues
peuvent désormais être étudiées sur place ; leurs gisements sont
bien déterminés, et, sauf, étude technique, tous prêts à exploita-
tion suivie elles figureront donc en bonne place à l'Exposition de
1900.
Malgré le succès de ses recherches, nous savons que M. Charier
n'en a pas obtenu complète satisfaction ; en effet, dans les do-
cuments publiés autrefois par B. Fillon, Mlle de Lézardière dit ex-
pressément que les ocres de la Vérie sont de deux sortes. Les ocres
jaunes et d'autres absolument noires.
Or, les ocres jaunes ont été seules retrouvées jusqu'ici, le temps
ayant fait défaut pour procéder aux recherches exigées par les
autres. Quelqu'exceptionnels que doivent être ces gisements d'ocrés
noires, on ne peut douter de leur existence, étant donnée la formelle
affirmation de Mlle de Lézardière. Quoi qu'il en soit, c'est une question
du plus grand intérêt Nous ne doutons pas que des études sérieuses
ÔiO CHRONIQUE
soient organisées pour la recherche de ces matières peroxydées et
qu'on parvienne à livrer à l'industrie ce nouvel élément d'activité.
L'ancien atelier monétaire de Noirmoutier.— M. Arsène Charier
qu'intéresse si vivement le passé de l'île de Noirmoutier, s'occupe
présentement de la reconstitution de son ancien château. Lors
des récentes fouilles qu'il y a faites, il a eu la bonne fortune de
retrouver quelques précieux vestiges de l'atelier monétaire qui
fonctionnait dans l'île, au XVIe siècle.
— La collection archéologique de M. 0. de Rochebrune vient de
s'enrichir d'un lot de haches celtiques en silex trouvées récemment
dans le Lay, près Mareuil.
Le legs Luneau. - - Les membres du comité Luneau ont remis,
ces jours-ci, des réductions de l'œuvre de M. Fulconis à M. le Préfet,
à M. l'Inspecteur d'Académie, au directeur et à la directrice des écoles
normales de la Roche-sur-Yon. Une réduction de la même œuvre a été
également laissée à M. le Préfet pour orner la salle du Conseil général-
Courrier Musical. — A l'occasion du mariage de M. William
Gousseau, l'habile organiste de Saint-Nicolas du Chardon net, notre
distingué compatriote et ami, M. Arthur de la Voûte a fait exécuter
dans cette église plusieurs œuvres inédites empreintes d'un
incomparable charme, et qui ont valu au sympathique compositeur
de nouveaux et mérités succès.
M. le curé de Saint-Michel-Le-Cloucq vient de fonder en son église
une petite maîtrise.
Là « Semaine catholique ». — La Semaine catholique vient de chan-
ger de direction. M. l'abbé Gustave Pavageau succède, dans cette
charge, comme dans celle d'aumônier de l'Institution Richelieu, à
M. l'abbé Robin, nommé supérieur au Petit-Séminaire des Sables.
Nul doute que sous l'impulsion du « Semeur vendéen », la Semaine
catholique se maintienne au niveau où l'avait placée M. le chanoine
Robin. Tous nos souhaits de bienvenue à notre nouveau confrère.
— Notre confrère et ami Espérandieu vient de prendre la direction
de la Revue épigraphique, dont le directeur fondateur vient de mourir.
Nos meilleurs compliments.
Une omission a réparer. — La jolie reproduction du médaillon
de notre regretté ami Alexandre Bonnin qui illustrait notre dernier
numéro a été faite d'après un habile et gracieux cliché mis à notre
disposition par M. Gaborit le sympathique artiste photographe
Fontenaisien.
CARNET MONDAIN
Le 28 octobre, a été célébré en l'église Notre-Dame de Fontenay le
mariage de M. Fleuranceau, lieutenant au 137' d'infanterie, avec
mademoiselle Marie Rousse, fille de M. Alfred Rousse, le sympathique
compositeur Fontenaisien.
L'église, luxueusement décorée, avait peine à contenir la brillante
assistance qui s'y était donné rendez-vous.
Au cours de la messe, plusieurs morceaux de musique sacrée ont
été très remarquablement exécutés.
— Le fils de l'honorable conseiller général de l'Ile d'Yeu, M. Pou-
lain, à également épousé à Gîvet Mademoiselle Marie-Louise Bidou,
d'une famille très considérée des Ardennes.
Les témoins du marié étaient le marquis de la Ferronnays et le comte
de Bouilheu ; ceux de la mariée, le comte Wherlé et le général Kirt-
chener, ses cousins.
— En l'église de Parigné (Ille-et-Vilaine), a été de même célébré le
mariage de M. le comte Léon de Bagneux avec mademoiselle de la
Villegontier.
Les témoins étaient pour le marié : M. le vicomte Z. de Bagneux et
le marquis d'Argentré ; pour la mariée : MM. le comte de Boisgelin
et le comte de la Belinaye.
Nos meilleurs vœux à tous.
mm
NÉCROLOGIE
M L'abbé EUGÈNE SACRÉ, curé de Saint-Hilaire-du-Bois, dé-
cédé le 25 septembre 1899, dans sa 71e année.
■ Né à Saint-Hilaire-des-Loges, le 26 avril 1829, M. Sacré
avait été vicaire à Cugand de 1856 à 1865. Il était curé de Saint-
Hilaire-du-Bois, depuis 1865.
M. HENRI MOREAU, maire des Herbiers, décédé le 26 septem-
bre 1899, à l'âge de 70 ans.
M. le docteur Moreau, universellement estimé de ses concitoyens,
avait fondé aux Herbiers un bôpital appelé à rendre les plus grands
services.
M. le docteur Bourgeois, député de la Vendée, a éloquement rap-
pelé sur sa tombe les éminentes vertus du regretté défunt.
M, l'abbé AUGUSTE-EMMANUEL GUIBERT, décédé le 8 octobre à
la Ghapelle-Palluau à l'âge de 72 ans. Né aux Brouzils le 21
avril 1826, M. Guibert avait successivement été vicaire à la Roche-
sur- Yon, curé au Langon, où il fît revivre le culte ancien de Saint-
Graoust, puis à la Chapelle-Palluau, où il vient de succomber.
A ses obsèques, célébrées le 10, sous la présidence de M. le doyen
de Palluau, M. le sénateur Halgan a fait en quelques phrases émues,
l'éloge du regretté défunt.
Nous prions M. le doyen de l'Hermenault d'agréer nos respec-
tueuses et très vives condoléances.
M*0 ARMAND DE BÉJARRY, née HONORINE-MARIE RAMPILLON
DE LA LARGÈRE, décédée le 28 octobre 1899, dans sa 65* année.
Sa mort met en deuil les familles de Béjarry, de Bernon, Ram-
pillon de la Largère.de Rochebrune, de Suyrot,des Nouhes.de Tinguy,
auxquelles nous adressons nos bien sincères condoléances.
M. RENÉ CORNIÈRE, flls du sympathique Président de l'Union des
Vendéens de Paris, décédé à l'âge de 17 ans.
Nous offrons â M. et Mms Cornière nos plus douloureux hom-
mages. .
NÉCKOLOUlK *>13
M'n9 HENRIETTE-CAROLINE DE SUYROr, baronne douairière de
Lauzon, décédée au château de Péré-en- Forêt, par Beauvoir (Deux-
Sèvres) à l'âge de 77 ans.
Oetjte mort met en deuil deux honorables familles implantées de
temps immémorial en Poitou et en Vendée, où elles donnent l'indéfecn
tible exemple des vertus chrétiennes.
Qu'elles reçoivent l'expression de nos bien respectueuses sym-
pathies.
M. ALEXANDRE TATTET, décédé à Paris, à l'âge de 76 ans.
M. Tattet était frère de Mme Alfred Le Roux et oncle de notre
dévoué et si sympathique sénateur, M. Paul Le Roux.
Nous prions M. et M,u' Paul Le Roux d'agréer nos biens vives
condoléances.
Des liens d'amitié unissaient la famille du regretté défunt à Alfred
de Musset.
M. le chanoine CHARLES RAINTEAU, décédé subitement â Luçon,
le 17 novembre à l'âge de 66 ans.
M. Rainteau, né à Luçon, le 17 décembre 1833, avait été sucessi-
vement professeur au séminaire des Sables, vicaire à la Garnache,
curé du Sableau, de Thiré, de Barbàtre, de Sainte-Cécile et doyen de
Sainte-Hermine.
M. le docteur CORMIER, décédé le 27 novembre à Saint-Denis-La-
Chevasse.
A ses obsèques, qui ont eu lieu le 30, MM. de Lavrignais et le docteur
Mignen ont retracé en termes émus la vie du regretté défunt.
'o ■
M™6 veuve FROGER, née TRIOUX, propriétaire â Mareuil, décédée
subitement le 2 décembre 1899.
Mme Froger a fait don à la commune de Mareuil de l'ancien châ-
teau restauré de cette localité, pour en faire un hôtel de ville.
Mœe CHARLES POIRIER-COUTANSAlSnée LÉONIE PÉRIER décédée
le 11 décembre à la Roche-sur- Yon, à l'âge de 51 ans.
M. GASTON SABOURAUD, ancien député de la.Vendée, décédé â
Nieul-sur-L'Autise, à l'âge de 53 ans, le 16 décembre 1899.
M. Sabouraud ne fut pas seulement un homme politique dis-
tingué ; mais encore un lettré et un bibliophile de mérite.
Nous prions Mm6s Sabouraud d'agréer nos plus respectueuses
condoléances.
614 NÉCROLOGIE
M. EUGÈNE BIDAU, peintre vendéen d'un grand mérite, décédé à
Paris, le 14 décembre 1899.
M. l'abbé GAUD1N, ancien curé de Rosnay, décédé au Bourg-sous-
la-Roche le 18 décembre.
M. EDOUARD LACUVE, directeur-imprimeur du journal Le Mellois,
auteur de nombreuses et spirituelles publications en patois poitevin,
décédé à Melle le 19 décembre 1899, dans sa 72e année.
M. NATHALY-MAR1E ROBERT, comte LEROY DE LA BRIÈRE,
ancien receveur des Finances, officier d'Académie, décédé le 22 décem-
bre 1899 à l'âge de 56 ans, à Paris.
M. JEAN COULAIS, président du Conseil d'arrondissement de Fon-
tenay-le-Comte, décédé au Langon le 30 décembre 1899, à l'âge
de 76 ans.
Enfin la Revue Poitevine et Saumuroise annonce la mort de M. ANTOINE
BART, ancien représentant du peuple à l'Assemblée Législative de
1849 et auteur d'un ouvrage dont nous avons parlé dans son
temps et ayant pour titre : Un général de l'An Deux.
BIBLIOGRAPHIE
A travers les Registres du Canton de Saint-Fulgent. — L'aimable
et savant archiviste de la Vendée, M. A. Barbaud, continue avec
succès son Inventaire des Registres d'État civil de la Vendée.
Le rapport qu'il a présenté cette année au Conseil général (août
1899) concerne le Canton de Saint-Fulgent et contient de nombreux
renseignements d'un intérêt considérable pour l'histoire des ancien-
nes familles du Bas-Poitou, —notamment pour les Baudry d Asson, de
Royrand, de Tinguy, de Gazeau, Coutouly, de Chevigné, Bertrand, des
Nouhes, de Goué, Sajot, Marchegay. Paillou, de Rorthays, Thiérioi, de Buor,
de la Fontenelle, Mauclerc, Durcot, Prévost, Guerry de Beauregard, d'Es-
coubleaux, Darrot, Duchaffaalt, de Suzannet, de Sapinaud, etc..
Mentionnons-y également quelques annotations précieuses pour
l'histoire de ce canton : la bénédiction de la petite cloche de Saint-Ful-
gent, le 9 décembre 1752 ; celle de la croix et du grand autel de cette
môme église, le 16 novembre 1764 ; la bénédiction de la grosse cloche
des Brouzils, pesant 960 livres, le 10 juillet 1707 ; la bénédiction de la
clochette la chapelle domestique de Boisreau, en la paroisse de Chau-
ché, le 4 octobre 1723 ; celle de la petite cloche de l'église, le 23 juillet
1762.; de la grosse cloche à laquelle on a donné le nom d'Emilie (26 a.otit
1776) ; et de deux autres, nommées Emilie et Pélagie, le 3 novembre
1786; la démolition de la chapelle Begoin, de cette même paroisse de
Chauché, en septembre 1792 ; la fonte et bénédiction de cloche do
Chavagne-en-Paillers, le 30 novembre 1715 ; la réception des reliques
obtenues à Rome pour cette même paroisse, par la médiation des amis
de Jacques Bousseau, sculpteur du Roi et de l'Académie des Arts de
Paris, le 22 mai 1719, etc. . .
— On accuse parfois la Revue de ne pas arriver à l'heure exacte. L'an-
nuaire de la Société d'Emulation de la Vendée pour 1898, qui nous est
remis fin octobre 1899, est une preuve que nous sommes en ce cas
en fort excellente compagnie. Ce retard ne diminue en rien, du
reste, le grand intérêt du nouveau volume, et nous y avons parti-
culièrement lu avec plaisir : la suite des Essais historiques sur le
Talmondais, de M. G. Loquet, l'étude de M. l'abbé Teillet sur Sainl-
Martin-des-Noyers et Sainte-Agathe delà Grève, la notice de M. Henri
TOME XII. — OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRE. 12
616 BIBLIOGRAPHIE
Renaud sur la Commune de Givrand, et la monographie consacrée à
l'Ecole Royale de Bourbon-Vendée (1814-1838), par M. Eugène Louis.
— Le numéro de décembre 1899 du Mercure Poitevin contient la
suite de l'intéressante notice de notre ami H. Baguenier Desormeaux
sur Bonchamps avant la Guerre de Vendée, et la fin de l'étude de notre
distingué collaborateur H. Clouzot sur les Comédiens et Auteurs drama-
tiques en Poitou au X'/IIP siècle. Les dernières pages sont consacrées
à l'abbé Gusteau, auteur d'une Pastorale représentée pour la pre-
mière fois à Doix en 1742, et remise à la scène, le 20 avril dernier à
Niort, par notre ami M. l'abbé Mouchard.
En appendice, M. Clouzot reproduit une lettre de Saucerotte de
Raucourt, directeur des Comédiens du roi de Pologne, adressée en
1758 de Fontenay-le-Comte au Procureur général du Roy, et que M.
René Vallette avait antérieurement publiée dans le Bulletin de la Société
littéraire et archéologique de la Vendée.
— Nos lecteurs trouveront encartée dans ce fascicule la repro-
duction photographique d'une pièce établissant, d'une façon incon-
testée, ce que nous avons déjà dit ici même au moment où paraissait
le volume de l'abbé Robert sur V Expédition de Quiberon, à savoir que
c'est notre compatriote le Chevalier Gilbert-Alexis Guerry de Beauregard,
lieutenant de vaisseau et non tout autre, qui renouvelant l'héroïque
action de Régulus, se jeta à la mer après la capitulation, pour aller
dire à la flotte anglaise de cesser le feu, et qui, du reste, n'en fut pas
moins odieusement fusillé par les troupes républicaines.
Ce précieux document, et quelques autres non moins incontes-
tables, figureront dans une brochure que prépare le descendant du
vaillant officier vendéen, notre excellent ami, M. le comte de Guerry
de Beauregard de la Boissière.
'o*
— Sous ce titre Le Canton de Chantonnay à travers l'histoire, M. Louis
Brochet vient de faire paraître un nouveau et fort joli volume
(Fontenay, Claireaux, 1899, in-4° de 170 p.) Ce volume contient une
série d'intéressantes notices historiques sur les différentes communes
de ce canton, pour la rédaction desquelles l'auteur a intelligemment
utilisé, en même temps que le fruit de ses personnelles recherches,
les travaux publiés sur cette contrée par MM. Paul Marchegay, du
Tressay, Aillery, Léon Aude, de Béjarry, Chassin, René Vallette, etc..
— Notre distingué compatriote, M. le Vte Paul de Chasteigner de
la Rochepozay a publié dans la Revue des Questions Héraldiques (et à
part — Vannes Lafolye, 1899, in-8° de 16 p.) une intéressante étude
sur l'Ambassade de Monsieur de la Rochepozay à Rome (1576-1581)
BIBLIOGHAPIIIK «>17
dans laquelle il rectifie avec raison une erreur de l'éditeur du Journal
de voyage de Montaigne, qui donnait à entendre que l'ambassadeur
de France à Rome était alors M. A'Elbine, alors qu'il fallait lire
d'Abain (Louis Chasteigner, seigneur d'.vbuin, de la Rochepozay et
autres lieux).
— Notre éminent compatriote M. Edmond Biré a fait paraître,
comme nous le disons plus haut, chez Garnier, à Paris, le58 volume
de sa nouvelle édition des Mémoires d'Outre-Tombe de Chateaubriand,
enrichie de précieuses notes.
Un chapitre y est consacré à la Descente de la duchesse de Berry en.
Provence et à son arrivée en Vendée.
— Du même : Papiers d'autrefois (Gazette de France, du 1 1 septembre) ;
— Autour de Mmv de Staël (n° du 2 octobre) ; — A os écrivains militaires
(Univers et Monde du 5 septembre) ; — L'Empire libéral (n° du 19) ; —
Romanciers et poètes {Gazette de France du 16 octobre) ; — L'Histoire de
Bretagne (n° 30); — La dernière des Condé {Univers et Monde du 4 oc-
tobre); — Journal et souvenirs sur l'Expédition d'Egypte (n°du 17); —
Quinze ans de haute police sous le Consulat et l'Empire (n° du 31) ; — Pour
ma paroisse (Vérité du 18 octobre) ; — Une Correspondance inédite de Paui
Féval (Correspondant du 25 octobre).
— M. Théodore Botrel, le charmant barde breton, vient de faire
paraître chez l'éditeur Ondet un nouveau recueil intitulé Les dan-
sons de la Fleur-de-Lys. Nous en extrayons ces jolis couplets :
LE MOUCHOIR ROUGE DE CHOLET.
J'avais acheté, pour ta fête,
Trois petits mouchoirs de Cholet,
Rouges comme la cerisette ;
Tous les trois, ma mie Annette,
Oh ! qu'ils étaient donc joliets
Les petits mouchoirs de Cholet...
Ils étaient là, dans ma poquette,
Dans mon vieux mouchoir blanc. . . si laid
Et chaque nuit, la Guerre faite,
Dans les bois, ma mie Annette,
En rêvant de toi, je rêvais,
Aux petits mouchoirs de Cholet !
Les a vus, Monsieur de Charette,
Les voulut ; je les lui donnai. . .
Il en mit un dessus sa tête
Le plus biau, ma mie Annette I
C'était le plus fier des plumets...
Le petit mouchoir de Cholet !
618 BIBLIOGRAPHIE
Fit de l'autre une cordelette
Pour pendre son sabre au poignet ;
Fit du troisième une bouclette
Sur son cœur, ma mie Annette.
... Et tout le jour les Bleus visaient
Le petit mouchoir de Cholet !
Ont visé le cœur de Gharette. . .
... Ont troué... celui qui t'aimait!
Et je vas mourir, ma pauvrette,
Pour mon Roy, ma mie Annette...
Et tu ne recevras jamais
Tes petits mouchoirs de Cholet !
Mais, qu'est-ce là, dans ma poquctte?
C'est mon vieux mouchoir blanc... si laid !
Je te le donne pour ta fête.
Plein de sang, ma mie Annette :
11 est si rouge qu'on dirait
Un mouchoir rouge de Cnolet !
— M. l'abbé F. Uzureau, l'érudit aumônier du Champ-des-Martyrs
d'Angers, poursuivant avec un grandissant intérêt ses études sur les
victimes vendéennes delà Révolution, a récemment publié une notice
curieuse (Laval, imprimerie Moderne, 1899, in-4° de 8 p.), sur Un au-
mônier des Chouans. — Jean Baudouin, vicaire à Avrillê [dans le diocèse
d'Angers].
Du même : Les Filles de la Sagesse devant le comité révolutionnaire de
Cholet, dans la Revue des Facultés Catholiques de l'Ouest.
— M. Joseph Rousse, l'érudit conservateur de la Bibliothèque
publique de Nantes , continuant la publication de ses curieuses
notices sur les chefs secondaires de l'insurrection vendéenne, a fait
paraître dans la Revue de Bretagne, de Vendée et d'Anjou (n° de novembre
1899) d'intéressantes pages sur Joseph-Marie de Flameng, de Saint-
Philbert-de-Grandlieu, lieutenant du marquis de la Roche-Saint-
André, qui contribua à la prise de Pornic, y lut fait prisonnier et
froidement assassiné par le commandant républicain Coueffé.
— Sans plus de souci du procès qui lui a été intenté par notre
compatriote M. Ernest Brisson, la revue des Souvenirs et Mémoires
poursuit la publication des Mémoires'pour servir à l'histoire des guerres
de la Vende* de Mercier du Rocher. Le fascicule d'octobre contient la
fin de ces Mémoires, dont le dernier catalogue de M. Clouzot nous
annonce d'autre part l'apparition en volume.
— Le Pays Poitevin, depuis de longs mois attendu, vient de faire pa-
raître son IIe numéro de mai-novembre 1899. Ce numéro, très in té-
BIBLIOGRAPHIE 619
ressant comme tous ses devanciers, contient le début d'une étude
de M, H. Gelin, sur Le Marais de la Sèure Niorlaise, avec illustrations
d'après des clichés de M. J. Robuchon.
— Nous avons reçu, par l'intermédiaire aimable de notre confrère
A Barrau, la très artistique publication que M. Grandjouan — un
dessinateur impressionniste du plus brillant avenir — vientde con-
sacrer sous le titre de Nantes- La-Grise aux quartiers les plus pittores-
ques do la grande cité bretonne.
M. Grandjouan a, paraît-il, le projet de promener de même son
évocateur crayon à travers les sites grandioses et les curieux monu-
ments de la Vendée. Il n'est que temps. Car, hélas! tout s'en va
chez nous. La cognée détruit les séculaires futaies, la mine fait sau-
ter les collines rocheuses.et l'amour immodéré du neuf aura bientôt
jeté bas la dernière de nos vieilles églises !
— Sous le titre: .4 travers La Vendée. — Saint-Hermine et son canton,
M. René Vallette vient de réunir en une élégante brochure de
80 pages (Fontenay-Gormeau 1899), les notices historiques et ar-
chéologiques, publiées par lui sur les différentes communes du can-
ton, dans les Paysages et Monuments du FJoitou d'abord, et plus récem-
ment dans le Patriote de la Vendée.
De M. René Vallette, également: Alexandre Bonnin de Fraysseix,
notice biographique, accompagnée d'un portrait (grand in-8° de
10 p. Lafolye Vannes 1899) ; — Le calvaire de Ripoche, sous la
signature Dom Val, dans l'Étoile de la Vendée; — Au pays des Echaudis,
chronique dédiée à M. Emmanuel Aimé, dans le Vendéen de Paris
(n°du 1er décembre 1899). — et Noël sous les balles — Récit de UInvasion,
dans la Revue de l'Ouest du 26 décembre.
— Le Patriote de la Vendée donne en feuilleton un fort joli roman
inédit de notre regrettée collaboratrice Mme Claire Normand,
ayant pour titre : A côté de l'Amour.
— M. E.J. Tardif a publié récemment,sur les Chartres Mérovingiennes
de l'abbaye de Noirmoutier, une étude, suivie de la Chronologie du
règne de Dagobert II. Dans ce travail de haute érudition, M Tardif
a réussi à préciser quelques dates jusqu'ici incertaines de l'histoire
des Mérovingiens
— De M.B. Triger, dans la 2e livraison de la Revue historique et archéo-
logique du Maine : La prise du Mans par les Chouans, 15 octobre 1799.
— Notre excellent et si laborieux ami, H. Baguenier Desormeaux,
continue dans la Revue des Facultés Catholiques de L'Ouest (n° d'octobre),
ses précieuses Xotes d'w<. curieux sur les Suspects en Anjou et en Vendée.
OCO BIBLIOGRAPHIE
—Dans la Semaine Catholique deLuçon du 2 décembre, sous ce titre :
La Paroisse de Saint-Manrice-des-Noues dans le Passé, et sous la
signature de notre collaborateur, M. l'abbé Teillet : quelques,
notes d'histoire locale sur cette paroisse, dont M. René Vallette a
précédemment donné lui-même une notice dans les Paysages et Monu-
ments du Poitou. .
— A signaler dans le Patriote de la Vendée ; (n° du 5 octobre 1899)
Vieilles choses et vieilles gens de Vendée : Lettre de Carnot ministre de V Inté-
rieur au maire Laval sur le projet qu'avait Testard de créer un journal à
Fontenay t de Jehan le Feudiste.
Du même (n° du 29 octobre) : Bussy oVAmboise à Fontenay.
De l'ami Fontmac (n° du 8 octobre). Les « Mal Convertis » de Doix,
miettes d'histoire.
Du même {Patriote du 22 octobre) : Les tapisseries du Palais de Justice
de Fontenay en 1788 ; (n° du 17 octobre), Le Milicien de la Pommeraie.
— Sous le titre Conseils aux gymnastes, notre compatriote et ami,
M. Georges Gandriau, le très dévoué président de la Société de
Gymnastique de Fontenay, vient de réunir en un charmant petit
volume coquettement édité par M. Glaireaux, imprimeur-libraire,
toute une série d'avis, de conseils et d'anecdotes à l'usage des Gym-
nastes.
— Notre ami Jos. Berthelé, le savant archiviste de l'Hérault, plus
ardent carillonneur que jamais, nous envoie de Montpellier deux
plaquettes : l'une sur la Cloche de l'Ancienne prison de la Fère (1653),
et l'autre consacrée à la critique bibliographique d'un nouveau
volume sur l'Epigraphie campanaire Ardennaise.
— M. Louis de Grandmaison, le savant archiviste d'Indre-et-Loire,
a publié dans la Bibliothèque de l'École des Chartes (année 1899, t. LX)
de Nouvelles Recherches sur l'origine et le lieu de naissance de Descartes. La
conclusion de ces intéressantes pages est que : si René Descartes
appartient bien à la Touraine par le lieu de sa naissance, il appartient
un peu aussi au Poitou par l'origine de sa famille, son père étant né
et s'étant marié à Ghatellerault.
— A lire dans la Revue Historique de l'Ouest < n° de septembre-octobre,
sous la signature de l'abbé Victor Grégoire : Le Grand choc des
Échaubrognes (17 mai 1815), auquel prit part comme chef de la
division vendéenne des Aubiers, M. Alexis des Nouhes.
— Notre infatigable ami. M. le docteur Marcel Baudouin, va prochai-
nement publier un volume sur Les Femmes médecins.
BIBLIOGRAPHIE 621
— M. Guy Collineau prépare, nous dit-on, une Histoire des Sables-
d'Olonne.
— Dom Fourier Bonnard, chanoine régulier de l'abbayp de N.-I». de
Rpauchène, près Cerizay, vient d'achever l'histoire de l'Abbaye de la
Sainte-Trinité de Mauléon (aujourd'hui Châtillon-sur-Sèvre).
— Pour paraître également: l'Annuaire de l'enseignement pour le dé-
partement de la Vendée, par M. J. Neymon, secrétaire de l'inspection
académique.
— Dans le n° de décembre du Saint-Pierre, bulletin paroissial de
Sainte-Croix-de-Vie, récemment fondé par M. l'abbé Jules Richard :
La Fondation de Sainte-Croix-sur-Vie, page d'histoire locale, d'après les
notes de M. l'abbé Pontdevie.
— Notre distingué confrère M. Tollaire a publié dans le Gotha Jran-
çais du 1er décembre dernier une savante étude sur la Loi Salique.
— De M. Henri Bourgeois : Biographies de laVendée militaire.— André
Ripoche (Luçon, Bideaux 1899, 36 p., prix 0 fr. 30).
— M. Troussier a publié dans l'Echo de Saint-Filbert de Noirmoutier,
une étude intéressante, bien que hâtive, sur les Prisons de Noirmoutier
sous la Terreur.
— De M. l'abbé E. Rafln, le distingué curé de Bazoges-en-Pareds,
Allocution adressée à M. le marquis Louis,Aymer de la Chevalerie et à made-
moiselle Marie de Ponlevoye, à l'occasion de leur mariage en l'église de la
Châtaigneraie, le G septembre 1899, (broch. in-8° de 12 p., Fontenay,
Gouraud. 1899).
— Dans la Révolution Jrançaise, de septembre 1899 : M.Edmond Rire
et les légendes révolutionnaires, par M. H. Cheguillaume.
— A lire dans le Vendéen de Paris de septembre-octobre 1899 : un
article signé 0. R. sur le Marais Poitevin.
— Dans le numéro de septembre de la Revue de la Jeunesse catholique
sous la signature Un Congressiste : Le Congrès de la Roche- sur-Yon.
— Nous recevons de notre ami Jules Bois, son nouveau et délicieux
volume La Nouvelle douleur, et applaudissons de tout cœur au légitime
succès qui en a accueilli l'apparition. Sous notre rubrique : A tra-
vers les livres, il en est rendu un compte plus détaillé. Nous y ren-
voyons le lecteur.
L'éminent auteur vient d'écrire une exquise préface pour l'Au-
delà de Jacques Le Lorrain et prépare un nouveau volume qui
paraîtra prochainement chez Ollendorff sous ce titre : L'Invisible.
622 BIBLIOGRAPHIE
— Nous souhaitons longue vie, et complète prospérité à la nouvelle
Rerue hebdomadaire, qui vient de paraître à Paris, (14, rue de
Beaune, 8 francs par anj, sous ce titre : La Renaissance politique et
Littéraire, et parmi les rédacteurs de laquelle nous comptons de
vaillants et excellents amis.
Bouquinerie Vendéenne :
De la Revue des Autographes (34, rue du Faubourg Poissonnière),
n° de novembre 18119 :
5. Alquier (Ch., baron), célèbre diplomate, député de la Charente-
Inférieure à la Constituante et de Seine-et-Oise à la Convention, né à
Talmond (Vendée) en#l752, mort en 1826. — L. a. s. ; Amsterdam
28 germinal an III, 1 p in-4. Belle lettre. 5 »
127. Hugo (Abel), littérateur distingué, frère de Victor Hugo, né
en 1798, mort en 1855.— L. a. s à M. Trébuchet, son oncle, à Nantes;
Paris 25 mai 1820, 2 p. 223 in-4 Légère déchirure enlevant un mot.
Raccommodée. 8 »
Très belle lettre ou il lui exprime le désir de visiter les antiquités
de la Bretagne et de la Vendée.
134. Kercado(L.-Alex.-M. Le Sénéchal, marquis de), brave lieute-
nant général du règne de Louis XV, né en 1712, mort 1763. — L. a. s-,
Les Sables-d'Olonne, 10 août 1761, 2 p. in-4. 15 »
Très intéressante lettre où il donne la liste des ouvrages ou mé-
moires sur l'art militaire, dont il est l'auteur. Curieux détails.
137. La Fare (Ch.-Aug marquis de), écrivain et poète célèbre
du XVIIIe siècle, auteur de Mémoires, né dans l'Ardèche en 1614,
mort en 1712, — Pièce sig.; Paris, 10 juin 1705, 1 p. in-4 obi., cachet
bien conservé, superbe pièce. Rare. 25 »
193. Richelieu (Nicole du Plessis), femme d'Urbain de Maillé, marquis
de Brézé, maréchal de France, sœur du Cardinal, morte en 1635. —
Let. aut sig. de son monogramme à sa belle sœur Mme de Richelieu,
(femme d'Henry du Plessis) ; 3 p. 1/2 in-4, cachets et soies. 20 »
Très belle lettre toute relative à son frère Henri du Plessis, et où
elle souhaite « que luy et M. de Luçon (Richelieu) soient maintenant
en bonne intelligence. »
— L'abondance des matières nous oblige à grand regret de remettre
au 1er fascicule de 1900 le commencement de la publication annoncée
du Journal inédit de Mercier du Rocher et les intéressantes pages que
nous adresse notre éminent collaborateur, M. l'abbé Bossard, sur
la Révolution à l'Ile d'Yeu.
s
BIBLIOGRAPHIE 823
— Dans le dernier N° de la Revue de Saintonge et d'Aunis, sous la
rubrique : Les Jamilles Rochelaises, une intéressant^' étude de généalo-
gie locale sur la famille Harouard, dont M. René Vallette, dans ses
Châteaux de Vendée /article St-Sornin), avait précédemment parlé.
Un de ces Harouard, Pierre, mort en 171), avait épousé Suzanne
Bernon, qui se remaria avec messire Gaspard Bernard de Marigny,
écuyer, seigneur de la Motte-Marigny, lieutenant de vaisseau, che-
valier de saint Louis. Elle en eut un fils qui fut le père du général
vendéen et une fille qui épousa M. de Régnon de Chaligny.
— Le N° du Gaulois du 22 octobre reproduit de la nouvelle série
de choses vues de Victor Hugo, une page fort curieuse : L'exécution
de Louis XVI. Nous y lisons notamment qu'après l'exécution l'abbé
Edgeworth « passa la rivière, prit la rue du Bac, puis la rue du
« Regard et parvint ainsi à gagner la maison de Madame de Lézardière
« près de la barrière du Maine ». Et plus loin : « Madame de Lézar-
« dière, atteinte d'une grave maladie depuis près d'un mois, ne
« peut supporter le coup de la mort de Louis XVI. Elle mourut dans
« la nuit du 21 janvier ».
Madame de Lézardière, née Marie-Jeanne-Charlotte Babaud de la
Ghaussade fut la mère de la célèbre Mademoiselle de Lézardière.
— Extrait des Comptes- rendus des séances de l'Académie des Inscriptions
et Belles- Lettres :
Séance du 13 octobre 1899. — M. de Barthélémy présente à l'Aca-
démie, au nom de l'auteur, M. Charles Farcinet, un volume intitulé :
L'ancienne jamille de Lusignan, les premiers sires de ce nom, les comtes de
la Marche, Geoffroy la Grand' Dent, les rois de Jérusalem et de Chypre.
(Vannes, 1899, in-8°.
« M. Charles Farcinet, auteur de l'ouvrage que j'ai l'honneur
« d'offrir à l'Académie, a rempli pendant longtemps les importantes
« fonctions de chef du personnel préfectoral au Ministère de l'Inté-
« rieur. L'heure de la retraite ayant sonné, il occupe ses loisirs à
« des recherches d'érudition, principalement sur l'histoire et la
« numismatique de la Vendée, son pays d'origine.
« Son dernier travail, celui que je présente aujourd'hui, est con-
« sacré à la maison de Lusignan, sur les origines assez obscures de
« laquelle il apporte quelques éclaircissements. On lui doit la recti-
« fication assez importante d'une erreur souvent répétée au sujet de
i
« Hugues IX de Lusignan, présenté par tous les auteurs comme
« fils de Hugues VIII, tandis qu'il était son petit-fils ; ce fait est
« indiscutable en présence du texte d'une charte de l'abbaye des
624 BIBLIOGRAPHIE
•< Châtelliers. Une autre rectification a pour but d'établir que, con-
« traireraent à une assertion des Layettes du Trésor des Chartes,
« Geoffroi, seigneur de Vouvant, ne doit pas être confondu avec son
« homonyme, seigneur de Jarnac, qui n'était pas né à la date
« indiquée.
« A propos des rois de Jérusalem et de Chypre de la maison de
« Lusignan, M. Farcinet établit que leur descendance se suit jus-
« qu'en 1489, mais qu'elle s'éteignit à la fin du XVe siècle. Il en
« conclut que les personnes qui se donnent aujourd'hui comme
« princes de Lusignan ne s'appuient que sur des prétentions sans
« fondements. »
— Nous lisons également sur le même sujet dans Le Moyen-Age,
revue d'histoire et de philologie, publiée à Paris, tome XII, p. 451
(septembre-octobre 1899) :
« La généalogie des Lusignan est pleine d'obscurités, divers per-
'< sonnages de cette famille ayant porté le même nom de père en
« fils. M. Charles Farcinet a réussi à débrouiller cette filiation dans
« un ouvrage qni en est à sa seconde édition (L'ancienne Jamille de
« Lusignan, Fontenay-le-Comte, 1899, in-8°). C'est ainsi qu'à l'aide
« d'actes du Cartulaire de l'abbaye des Châtelliers et d'une charte de
« l'Absie, il est établi que Hugues IX était non pas le fils,mais le petit-
« fils de Hugues VIII. M. Farcinet fait porter ses recherches particu-
« lièrement sur un Lusignan qui, sous le nom de Geoffroy la Grand'
« Dent, est devenu un héros de roman, un personnage légendaire,
« popularisé par l'image et la médaille. D'après lui, ce Geoffroy doit
« être identifié non pas avec Geoffroy Ier,mais avec son fils Geoffroy IL
« né vers ! 198 et mort en 1248. Il prit part aux luttes que soutint
« son cousin Hugues X, comte de la Marche, contre Henri III d'An-
« gleterre, et M. Farcinet a réuni un certain nombre de documents
« relatifs à ce Geoffroy, dont quelques-uns étaient inédits. » M. P.
— De M le docteur Atgier, archiviste bibliothécaire de l'Académie
des Sciences et Belles-Lettres d'Angers : Les sires de Maulêon, sei-
gneurs de l'Ile de Ré, d'après des documents inédits ou peu connus (1137-
1268. Angers, Lachèze 1898, in-8° 40 p.)
Mauléon était une seigneurie entre Thouars et Montaigu qui rele-
vait de la vicomte de Thouars et du comté du Poitou.
— A lire dans les Archives historiques du Poitou (tome XXVIII) la
première partie du Cartulaire des sires de Rays (1160-1449), tiré des
archives du duc de la Trémoille par M. René Blanchard. On y trouve
d'intéressants détails sur Gilles de Rais, dont on connaît la fin
tragique,
«26
H1BL10GHAWHIK
— A lire également dans la Revue £ Archéologie poitevine (N° de
décembre 1899): Les inventaires du château de Mouscil [Vendée) de 1697
à 1702 par Mgr X. Barbier de Montault.
R. de Thivbrçay.
Si décembre 1899.
La « J^.evue du ^as-Poitou »
OFFRE
à ses Collaborateurs et Abonnés
SES
meilleurs vœux de nouvel an.
REVUE DU BAS-POITOU
12e Année
TABLE DES MATIERES
TEXTE
I. — Les Poètes du Bas-Poitou. — L'abbé François Gus-
teau, par M. N. Mouchard , prêtre 5
II. — Les Grandes Journées de la Vendée militaire. — Les
Combats de la Châtaigneraie et de Fontenay (mai
1793), par M. l'abbé F. Deniau 49
III. — Le Clergé de la Vendée pendant la Révolution (suite),
par M. E. Bourloton ... 69
IV. — L'Art en Vendée. — A propos d'un groupe de Gaston
Guitton, par M. A. Bonnin 87
V. — Muses Vendéennes. —Les Rochers, par M. Francis Eon. 91
VI. — Une page d'histoire Sablaise. — La réunion de la
Chaume à la ville des Sables au siècle dernier, par
M. Hugues Laincolle '. 93
VII. — Notes d'Archéologie Vendéenne. — La vieille cloche
de l'église de Châteauneuf, par M. Jos. Berthelé. 102
VIII. — Le Théâtre à Fontenay sous la Terreur, par M. A.
Bitton 110
IX. — Camées Vendéens. — M. Edouard Hervé, par M. Er-
nest Merson 120
X. — A travers les Livres, par ZZZ 124
XI. — Chronique et Bibliographie, par R. de Thiverçay. ... 126
XII. — Les Armes historiques du Poitou. — L'èpée XVI"
siècle du marquis dTIarambure, par M. 0. de
Rochebrune. 157
XIII . — Pourquoi une statue de Richelieu à Luçon, par M. C
Calvet 161
XIV. — Le Clergé de la Vendée pendant la Révolution, par
M. E. Bourloton 177
XV. — L'Histoire d'un Drapeau de la Grande Guerre. —
L'Insurrection Vendéenne à Moncoutant.Bressuire
et Châtillon (suite et fin), par M. C. Puichaud. . . 191
628 TABLE DKS MATIÈRES
XVI. — La Terreabandonnée.— Nouvelle vendéenne(suite),
par M. G. Guitton 210
XVII. — Le Journal d'un Sablais (1803-1804),par M. H. Colins. 227
XVIII. — Muses Vendéennes. — Sur le Golgotha, par M. A.
Métay 242
XIX. — Le Bas-Poitou à Port-Royal. — Antoine Baudry
d'Asson chez les Jansénistes, par M . René Vallettk. 244
XX. — Les Cent Jours dans l'Ouest. — La Rochelle et la
Roche-sur-Yon (suite), par M™6 Renée Monbrun. . . 247
XXI. — En Tunisie. — Notes de voyage d'un touriste Vendéen,
par M- L. de la Chanonie 261
XXII. — La Vie littéraire. — La Terre qui meurt, de M. R.
Bazin, par M. A. Barrau 265
XXIII. — Journal d'un Fontenaisien sous la Terreur (suite),
par M. René Vallette 270
XXIV. — Les Vendéens à Quiberon, par M. Charles Robert,
de l'Oratoire 276
XXV. — Chronique et Bibliographie, par R. de Thiverçay... 279
XXVI. — Alexandre Bonnin de Fraysseix, par René Vallette. 307
XXVII. — La restauration de la Fontaine des Quatre-Tias de
Fontenay, par 0. de Rochebrune 315
XXVIII. — LeClergëde la Vendée pendant la Révolution (suite) ,
par E. Bourloton 321
XXIX. — Les Grandes Journées de la Vendée militaire. — Le
combat du 25 mai 1793 à Fontenay, par M. l'abbé
Deniau 344
XXX. — Les Représentations dramatiques dans les Collèges
Poitevins, par M. H. Clouzot 374
XXXI . — Les vieilles chansons de chez nous. — La Complainte
du sire de Péroux et de son chè « Y Abri «, par
M. l'abbé H. Boutin 387
XXXII. — Les peintres du siècle. — Paul Baudry, par M. Jules
Breton 392
XXXIII. — Les Canons historiques de la Vendée militaire, — La
Marie Jeanne et le Missionnaire. — Lettre du
M" de Villoutreys 398
XXXIV. — Chez Barbe-Bleue. — Le château de Tiffauges, par
M. L. Brochet 401
XXXV. — Les Chevaliers du Saint-Esprit de la province de
Poitou, par M. le Vte Paul de Chabot 414
XXXVI. — Chronique et Bibliographie, par M. R. de Thiverçay. 434
TABLE DES MAT1ÈKKS 629
XXXVII. — La Renaissance en Bas-Poitou. — l'église de Fe-
nioux (Deux-Sèvres) par M. 0. de Rochebrune. 455
XXXVIII. — Les Origines de la Guerre de Vendée. — Notes de psy-
chologie historique, par M. Maurice Prouteaux. . . 457
XXXIX. — Le Clergé de la Vendée pendant la Révolution (suite),
par M. Edgar Bourloton 469
XL. — Beauvoir-sur- Mer au XI0 siècle, d'après un décret
inédit d'Isambert, évoque de Poitiers vers 1040,
par M. Léon Maître '489
XLI. — Essai d'Epigraphie Vendéenne (suite), par M. René
Vallette 500
XLll. — Petits drames Vendéens. — La hache de Ripoche, par
M.EmileGrimaud 510
XLIII. — Le Journal d'un Sablais en 1803, (fin) par M. H-
Colins 514
XLIV. — Les Cent jours dans l'Ouest. — La Rochelle et La
Roche-sur-Yon (suite et fin), par Mme Renée
Monbrun 529
XLV. — Deux Victimes Vendéennes, par M. l'abbé F. Uzureau. 544
XL'VI. — La géographie gauloise du Bas-Poitou. — Princi-
paux points archéologiques des cantons de Ste-
Hermine et de L'Hermenault, par M. A. B 553
XLVII. — La Terre abandonnée, nouvelle Vendéenne, (suite),
par M. G. Guitton 561
XLVIII. — La Société française d'archéologie en Bretagne. --
Souvenirs d'un congressiste vendéen (suite), par
M. Ed. du Trémont 580
XLIX. — Correspondance. — Une réponse à MM. Crétineau-
Joly, par M l'abbé Eugène Bossard 588
L . — a travers les Livres, par ZZZ 593
LI. — Chronique, par R. de Thiverça y 600
LU. —Nécrologie 612
LUI. — Bibliographie 615
LIV. — Table des matières 627
GRAVURES
I. — Portrait inédit de l'abbé François Gusteau, d'après
un tableau du temps appartenant à M. E. Baron. 5
II. — Le général vendéen de Bonchamps, d'après un
crayon de la collection de M, H. Baguenier Desor-
meaux 69
630 TABLE DES MATIÈRES
III. — Marie-Jeanne, le canon des Vendéens, eau-forte de
M. 0. DE ROCHEBRUNE
IV. — Une Vue de la Chaume en 1811, d'après une goua-
che de l'époque 93
V. — Ecus son-devise de Gusteau, d'après un dessin de lui-
même 109
VI. — L'épèe XVIe siècle du Mi3 d'Harambure, eau-forte
de M. 0. de Rochebrune 157
VIL — Un Drapeau de la Grande Guerre 191
VIII. — Vue des Sables-d' Olonne à la fin du siècle dernier,
par Ozanne 217
IX. — Le Monument des Combattants de JLuçon, parM.Fui.-
conis
X. — Portrait de M. Alexandre Bonnin de Fraysseix, d'a-
près un médaillon exécuté par lui-même 307
XI. — La Grande Fontaine restaurée de Fontenay-le-C ointe,
d'après une récente eau-forte de M. O. de Roche-
brune 315
XII. — Gathelineau à la tête de l'armée Vendéenne, se ren-
dant au Te Deum de Notre-Dame, après la vic-
toire de Fonlenay, d'après un vitrail de l'église du
Pin-en-Mauges 373
XIII. — Le donjon de Tiffauges. d'après un cliché de M. Ar-
solier 401
XIV. — La tour du Vidame. — Idem 411
XV. — La Renaissance en Bas-Poitou. —L'Eglise de Fe-
nioux (Deux-Sèvres) eau-forte originale de M. 0.
de Rochebrune ' 455
XVI. — La hache de Ripoche, épisode de l'Insurrection ven-
déenne, d'après un dessin inédit de M- Busnel,
communiqué par M. E. Grimaud 511
XVII. — Vue intérieure de Saint-Pierre de Rome 594
XVIII. — Nos Compatriotes : — Portrait de M. Edmond Birè. 601
Le Directeur-Gérant : R. VALLETTE.
Vaiin.'.s. — Imprimerie LAFOI.YK. 2, place des Lices.
PERIOD.
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